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Full text of "La Grande encyclopédie : inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts"

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LA 


GRANDE  ENCYCLOPÉDIE 


TOURS  —  IMPRIMERIE  DE  E.  ARRAULT  ET  C^^ 


LISTE  DE  MM.   LES  COLLABORATEURS 


DE 


LA  GRANDE   ENCYCLOPEDIE 


S,  B,  —  Cette  liste  sera  reproduite  avec  les  modifications  nécessaires  en  tête  de  chaque  volume,  et  une  liste  générale 

sera  publiée  à  fa  fin  de  l'ouvrage. 


COMITÉ  DE  DIRECTION 


MM.  BERTHELOT,  sénateur,  membre  de  l'Institut. 

Hartwig  DERENBOURG,  protesseur  à  l'École  spéciale 

des  langues  orientales  vivantes. 
A.  GIRY,  professeur  à  l'Ecole  des  chartes. 
GLASSON,  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la  Faculté 

de  droit  de  Paris. 
D'  h.  HAHN,  bibliothécaire  en  chef  de  la  Faculté  de 

médecine  de  Paris. 
G. -A.  LAISANT,  docteur  es  sciences  mathématiques, 

ancien  élève  de  l'Ecole  polytechnique. 


MM.  H.  LAURENT,  docteur  es  sciences  mathématiques,  exa- 
minateur à  l'Ecole  polytechnique. 

E.  LE VASSEUR,  membre  de  l'Institut,  professeur  au 
Collège  de  France  et  au  Conservatoire  des  arts  et 
métiers. 

H.  MARION,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris. 

E.  MUNTZ ,    membre   de  l'Institut ,    conservateur    de 

l'École  nationale  des  beaux-arts. 
A.  WALTZ,profes'-à  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux, 


Adam,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Dijon. 

Aguii-lon,  ingénieur  en  chef  des  mines,  professeur  à  l'Ecole 
nationale  supérieure  des  mines. 

Alglave  (Emile),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Ambrésin  (Samuel),  docteur  en  médecine. 

André  (Louis),  procureur  de  la  République  à  Chartres. 

Armelin  (Gaston),  homme  de  lettres. 

Arnavon  (Honoré-L.),  homme  de  lettres. 

Arnodin  (F.),  ingénieur  des  arts  et  manufactures. 

AsSE  (E.),  de  la  Bibliothèque  de  l'Arsenal. 

AuLARD  (F.-A.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Paris. 

Babelon  (E.) ,  conservateur  du  département  des  médailles 
et  antiques  de  la  Bibliothèque  nationale. 

Bapst  (Germain),  membre  de  la  Société  nationale  des  Anti- 
quaires de  France. 

Barré  (L.),  astronome  adjoint  à  l'Observatoire  de  Paris. 

Barrés  (Maurice),  homme  de  lettres. 

Barroux  (Marins),  archiviste  adjoint  aux  Archives  de  la 
Seine. 

Baudrillart  (André),  ancien  membre  de  l'Ecole  française 
de  Rome,  agrégé  de  l'Université. 

Bayet,  recteur  de  l'Académie  de  Lille,  correspondant  de 
l'Institut. 

Bazille,  docteur  en  droit,  avocat  au  Conseil  d'Etat. 

Beaudouin  (Mondry),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Toulouse. 

Beaulieu,  agrégé  d'histoire. 

Beauregard,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Beau  vois  (E.). 

Bechmann  (G.),  ingénieur  en  chef,  professeur  à  l'Ecole  des 
ponts  et  chaussées,  directeur  des  travaux  de  salubrité 
de  la  ville  de  Paris. 

Bellet  (Daniel),  membre  de  la  Société  de  géographie  de 
Paris. 

BÉMONT  (Charles),  maître  de  conférences  à  l'Ecole  des  Hautes- 
Etudes. 

BENET  (A.),  archiviste  du  département  du  Calvados. 

Bengesgo  (M^»*  Marie),  élève  de  l'Ecole  du  Louvre. 

Bérard,  directeur  de  la  poudrerie  de  Saint-Médard-en-Jalles. 

Berger  (Philippe),  membre  de  l'Institut,  professeur  au  Col- 
lège de  France. 

Berlet  (A.),  procureur  de  la  République  à  Mauriac. 

Bernard  (Emile),  publiciste. 

Bernard  (F.),  professeur   d'économie  politique. 

Bernard  (Maurice),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 


Bertaux  (Emile),  agrégé  des  lettres,  membre  de  l'Ecole 
française  de  Rome. 

Berthelé  (Joseph),  archiviste  du  déparlement  de  l'Hérault. 

Berthelot  (André),  agrégé  d'histoire  et  de  géographie 
maître  de  conférences  à  l'Ecole  des  Hautes-Etudes. 

Berthelot  (Daniel),  assistant  au  Muséum  d'histoire  natu- 
relle, professeur  d'histoire  des  sciences  physiques  à 
l'Hôtel  de  Ville  de  Paris. 

Berthelot  (Philippe),  licencié  es  lettres  et  en  droit. 

Berthelot  (René),  agrégé  de  philosophie. 

Bertrand  (Alexandre),  membre  de  l'Institut,  directeur  du- 
musée  de  Saint -Germain. 

Bertrand  (Al.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon. 

Besson  (Emmanuel),  chef  à  la  direction  générale  de  l'Enre- 
gistrement. 

Blanchard  (  Raphaël  ) ,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de 
médecine  de  Paris. 

Blanchet  (Adrien),  bibliothécaire  au  département  des  mé- 
dailles et  antiques  de  la  Bibliothèque  nationale. 

Bloch  (G.),  maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale  supé- 
rieure. 

Blogh  (Raoul),  docteur  en  droit,  juge  suppléant  au  Tribunal 
de  la  Seine. 

Blondel,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Nancy. 

Blondel  (D'  R.),  docteur  es  sciences. 

Boehler,  docteur  en  médecine. 

BoiRAG,  agrégé  de  philosophie,  prof  esseur  au  lycée  Condorcet. 

BONHOURE  (Adrien),  préfet  des  Pyrénées-Orientales. 

Bordes  (Charles),  critique  musical. 

BoRNAREL  (F.),  agrégé  de  l'Université. 

Bossert  (A.),  inspecteur  général  de  l'Instruction  publique. 

Bouché -Leclercq  (A.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres 
de  Paris. 

BouGENOT  (S.),  archiviste-paléographe. 

BouRGOiN  (Ed.),  membre  de  l'Académie  de  médecine,  pro- 
fesseur à  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie. 

Bourne ville,  médecin  des  hôpitaux. 

BouRNON  (F.),  archiviste-paléographe. 

BouTROux  (Emile),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Paris. 

Bovet  (Marie-Anne  de),  publiciste, 

BoYER  (G.),  préparateur  de  botanique  et  de  sylviculture  à 
l'Ecole  d'agriculture  de  Montpellier. 

Braquehais  (Léon),  sous-bibliothécaire  de  la  ville  du  Havre. 

Brenet  (Michel). 

Bricon,  homme  de  lettres. 


LISTE  DE  MM.  LES  COLLABORATEURS 


Brochard  (Victor),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 

Paris. 
Brunetière  (Ferdinand),  membre  de  l'Académie  française. 
Brutails,  archiviste  du  département  de  la  Gironde. 
BucHî^F.R,  professeur  de  litlérature   étrangère  à  la  Faculté 

des  lettres  de  Caen. 
Cabanes  (D»'  Aug.),  publiciste. 
Gagnât,  professeur  au  Collège  de  France. 
Caix  de  Saint-Aymour  (vicomte  Amédée  de),  publiciste. 
Camescasse  (J.),  docteur  en  médecine. 
Capus  (Guillaume),  docteur  ès  sciences. 
Carré  de  Malberg,  docteur  en  droit. 
Cart  (Théophile),  prolesseur  au  lycée  Henri  IV  et  à  l'Ecole 

libre  des  sciences  politiques. 
Cart  (William),  agrégé  de  l'Université,  professeur  au  lycée 

Voltaire. 
Castan  (À.),  correspondant  de  l'Institut,  conservateur  de  la 

Bibliothèque  de  la  ville  de  Besançon. 
CASTAN  (Louis),  directeur  du  service  de  la  Garantie,  à  Paris. 
Cat  (E.),  prolesseur  à  l'Ecole  des  lettres  d'Alger. 
Caiiwès  (Paul),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 
Ghabry  (L.),  docteur  en  médecine  et  ès  sciences. 
Challamel,    conservateur    honoraire    de    la    Bibliothèque 

Sainte-Geneviève. 
Champeaux.  (de),  bibliothécaire  de  l'Union  centrale  des  arts 

décoratifs. 
Chancel  (Jules),  docteur  en  droit. 
Charavay  (Etienne),  archiviste-paléographe. 
Charlot  (Marcel),  sous-chef   de  bureau    au   Ministère    de 

l'instruction  publique. 
Charnay  (Maurice),  publiciste. 
Cha vannes  (Ed.),  professeur  au  Collège  de  France. 
Chavegrin,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 
Chervin  (D'^),  membre  du  Conseil  supérieur  de  statistique, 

directeur  de  l'Institution  des  bègues  de  Paris. 
Chesney,  procureur  de  la  République  à  Avallon. 
Cheuvreux  (Casimir),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 
Ghofardet,  licencié  en  droit. 
Claparède  (A.  de),  docteur  en  droit,  ancien  secrétaire  du 

Département  politique  (affaires  étrangères)  de  la  Confé- 
dération suisse. 
Clermont,  docteur  en  médecine. 

Colin  (Maurice),  professeur  agrégé  des  Facultés  de  droit. 
CoLLiGNON  (M.),  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la  Faculté 

des  lettres  de  Paris. 
CoLLiNEAu,  docteur  en  médecine. 

Colmet  d'Aage  (Henri),  conseiller  maître  à  la  Cour  des  comptes. 
Compayré,  recteur  de  l'Académie  de  Poitiers. 
CoRDiER  (H.),  professeur  à  l'Ecole  des  langues  orientales. 
C08NEAU  (E.),  prolesseur  au  lycée  Henri  IV. 
CouDERC  (Camille),  sous-bibliothécaire  au  département  des 

manuscrits  à  la  Bibliothèque  nationale. 
CoUDREAu  (Henri),  explorateur  de  la  Guyane. 
Coupa RD. 

CouRTEAULT  (Henri),  archiviste  aux  Archives  nationales. 
CousTAN  (  A.),  docteur  en  médecine. 
CoviLLE  (A.-H.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon. 
Cramaussel,  professeur  de  philosophie  au  Ivcée  de  Gap. 
Crozals  (J.  de),  prof,  à  la  Faculté  des  lettres  de  Grenoble. 
Dastre   (A.),  professeur   de  physiologie   à  la  Faculté  des 

sciences  de  Paris  ; 
Dauriac  (Lionel),   professeur  à  la   Faculté  des  lettres  de 

Montpellier. 
Debidour  (A.),  inspecteur  général  de  l'Instruction  publique. 
Debierre  (D'  Ch.),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Lille. 
Declareuil  (J.),  docteur  en  droit,  chargé  de  cours  à  l'école 

de  droit  d'Alger. 
BÉGLiN  (H.),  docteur  en  droit,  avocat  à  la  cour  d'appel  de  Nancy 
I>ELAVAUD    (Ch.),   inspecteur  du  service    de    santé   de   la 

manne,  en  retraite. 
Delavaud  (L.),  secrétaire  d'ambassade. 
Deniker,  docteur  ès  sciences  naturelles,  bibliothécaire  du 

Muséum. 
Oerenbourg  (Joseph),  membre  de  l'Institut. 
Desdouits,  ingénieur  en  chef  aux  chemins  de  fer  de  l'Etat 
DESPRÉS  (Armand),  chirurgien  de  l'hôpital  de  la  Charité 

professeur  agrégé  de  la  Faculté  de  médecine.  ' 

B1DIERJEAN  (Lyonnel),  avocat. 
DiEHL,  ancien  membre  de  l'Ecole  d'Athènes,  professeur  à 

la  Faculté  des  lettres  de  Nancy. 
DoLLFus  (G.),  attaché  à  la  Carte  géologique  de  France. 
DoLLFus  (Lucien). 

DoNON  (Charles),  docteur  en  médecine. 
Dramard,  conseiller  à  la  cour  de  Limoges. 
Drapeyron  (Ludovic),  docteur  ès  lettres,  directeur  de  la 

Revue  de  Géographie. 
Droogmans  (H.),  ancien  chancelier  du  Consulat  général  helse 

aux  Etats-Unis.  ^ 

Drouin  (E.),  avocat,  membre  du  conseil  de  la  Soc.  asiatique 
BUBOis,  secrétaire  adjoint  du  Comité  de  législation  étrangère 

près  le  ministère  de  la  justice. 
DucRocQ,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 
BUFouR,  chargé  du  cours  de  littérature  grecque  à  la  Faculté 

des  lettres  de  Lille. 
DUFOURMANTELLE  (Maurlcc),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris 
DcFouRMANTELLE  (Charlcs),  ancicn  archiviste  de  la  Corse. 
Duhamel  (Louis),  archiviste  du  département  de  Vaucluse. 


Dumoulin  (Maurice),  professeur  au  Ivcée  de  Roanne. 

DupKOix  (Paul),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  l'Uni- 
versité de  Genève. 

Durand  (Maxime),  consul  suppléant  de  France  à  New  York. 

Durand  (  G.  ) ,  archiviste   du  département  de  la  Somme. 

Durand-Gréville,  publiciste. 

DuREAu(D^A.),biblioth.  en  chef  de  l'Académie  de  médecine. 

DuRiER  (Ch.),  vice-président  du  Club  alpin  français,  ancien 
chef  de  division  au  Ministère  de  la  justice. 

Dybowski,  professeur  à  l'Institut  agronomique. 

Engerand,  publiciste. 

Enlaut,  ancien  membre  de  l'Ecole  française  de  Rome,  sous- 
bibliothécaire  de  l'Ecole  des  Beau\-Arts. 

Ernst  (Alfred),  de  la  Bibliothèque  Sainte-Geneviève. 

EsciiBAECHER  (Emile),  ancien  chef  de  bureau  au  Ministère  des 
postes  et  télégraphes. 

EspiNAS  (Alfred),  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Paris. 

Faliès  (Gustave),  publiciste. 

Farges  (Louis),  chef  du  bureau  historique  au  Ministère  des 
affaires  étrangères. 

Faucher  (L.),ingen.  en  chef  des  poudres  et  salpêtres  à  Lille. 

Feer  (Léon),  bibliothécaire  au  département  des  manuscrits 
de  la  Bibliothèque  nationale. 

Flamant  (A.),  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées. 

Flourac,  archiviste  du  département  des  Basses-Pvrénées. 

Foncin  (Pierre),  inspect  général  de  l'Enseignem.  secondaire. 

FoNSEGRivE,  professeur  de  philosophie  au  lycée  Buffon. 

FoRESTiF.R,  rédacteur  a  la  Préfecture  de  la  Seine. 

FouRNiER  (Henri),  docteur  en  médecine. 

FouRNiER  (Marcel),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Caen. 

FouRNiER  DE  Flâix,  publicistc. 

France  (H.),  professeur  à  l'Académie  rovale  militaire  de 
Woolwich. 

François  (G.),  chef  comptable  de  banque. 

Fredericq  (Paul),  professeur  à  l'Université  de  Gand. 

FuNCK-liRENTANO  (Frantz),  sous-bibliothécaire  à  la  Biblio- 
thèque de  l'Arsenal. 

Gaignière  (Henri),  substitut  du  procureur  de  la  République 
à  Châlons-sur-Marne. 

Galbrun,  secrétaire  de  l'Ecole  du  Louvre. 

Gardeil,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Nancy. 

Garnier  (E.),  membre  du  Comité  des  Sociétés  des  Beaux-Arts. 

Garnier  (L.),  rédacteur  en  chef  de  la  Presse  vétérinaire. 

Gasté  (Armand),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Caen. 

Gausseron,  professeur  au  lycée  Janson-de-Saillv. 

Gauthiez  (Pierre),  agrégé  de  l'Université. 

Gautier  (Jules),  professeur  au  Ivcée  Michelet. 

Gavet  (G.),  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Nancy. 

GÉRARD  (Aug.),  ministre  plénipotentiaire  en  Chine. 

Gerspach,  administrateur  honoraire  de  la  manufacture  des 
Gobelins. 

GiARD  (A.),  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  de  Paris. 

GiDEL,  proviseur  du  lycée  Condorcet. 

GiQUEAux  (P.),  professeur  au  lycée  de  Nice. 

GrRARD  (Charles),  chef  du  Laboratoire  municipal  de  Paris. 

Girard  (Paul),  maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale 
supérieure. 

Girard  (P. -F.),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

GiRODON  (F.),  docteur  en  droit. 

Giron,  attaché  à  la  Direction  générale  des  Postes  et  Télé- 
graphes. 

Gley(E.),  prof,  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 

Gobat(D'),  conseiller  d'Etat,  directeur  de  l'Education  du 
canton  de  Berne. 

GoGUEL  (P.),  profes.de  filature  à  l'Institut  industriel  du  Nord. 

GoNSE,  membre  du  Conseil  supérieur  des  Beaux-Arts,  ancien 
directeur  de  la  Gazette  des  Beaux-Arts, 

GoRCEix  (H.),  directeur  de  l'Ecole  des  mines  de  Ouro  Prelo 
(Brésil). 

GouRDAULT,  homme  de  lettres. 

GouRDON  DE  Genouillac,  du  Comité  de  la  Société  des  gens 
de  lettres. 

GouRMONT  (Rémy  de),  publiciste. 

Grand  (E.-D.),  archiviste-paléographe. 

Grandjean  (Charles),  secrétaire-rédacteur  au  Sénat. 

Grandmougin  (Charles),  homme  de  lettres. 

GuiGUE  (Georges),  archiviste  du  département  du  Rhône. 

GuiRAUD  (Paul),  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris. 

Guy  (Arthur),  élève  diplômé  de  l'Ecole  des  langues  orientales 
vivantes. 

Hahn  (J.),  médecin-major  de  1'^^  classe. 

Hauser  (H.),  docteur  ès  lettres,  maître  de  conférences  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Clermont. 

Heckel,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  de  Marseille. 

Heim  (D'-  Fr.),  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de 
Pans. 

Henneguy  (Félix) ,  publiciste. 

Herr  (Lucien),  bibliothécaire  de  l'Ecole  normale  supérieure. 

Herrmann  (DO,  professeurà  la  Faculté  de  médecine  de  Lille. 

HiLD  (J.-A.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Poitiers. 

HoMOLLE,  membre  de  l'Institut,  directeur  de  l'Ecole  fran- 
çaise d'Athènes. 

HouDAS,  prolesseur  à  l'Ecole  des  langues  orientales. 

Houssaye  (Arsène),  homme  de  lettres. 

Hubert  (Eugène),  professeur  à  l'Université  de  Liège. 

Humbert  (G.),  ingénieur  des  ponts  et  chaussées. 


LISTE  DE  MM.  LES  COLLABORATEURS 


Jacquemaire  (Numa),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 

Jeanroy,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Toulouse. 

JoANNis,  docteur  es  sciences,  chargé  de  cours  à  la  Faculté 
des  sciences  de  Paris. 

JoBBÉ-DuvAL  (E.),  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

JoBiiN,  sous-bibliotliccaire  au  Muséum  d'histoire  naturelle. 

JoRGA  (N.),  professeur  à  Bucarest. 

JouANNE  (G.),  ingénieur  des  arts  et  manufactures. 

JouBiN  (L.),  docteur  es  sciences,  maître  de  conférences  à  la 
Faculté  des  sciences  de  Rennes. 

JuLLiAN  (Camille),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres   de 
Bordeaux. 

KÉRAVAL  (P.  ),  médecin  des  asiles  de  la  Seine. 

Kerlero  du  Grano,  officier  de  marine  en  retraite. 

Knab  (L.),  ingénieur  civil  des  arts  et  manufactures. 

Kohler  (Gh.),  bibliothécaire  à  la  bibliothèque  Sainte-Gene- 
viève. 

KoRZENiowsKi  (J.),  délégué  de  TAcadémie  des  sciences  de 
Gracovie. 

Kruger  {F.-H.),  professeur  à  l'Institut  des  missions  évangé- 
liques  de  Paris. 

KuHFF  (G.),  docteur  en  médecine. 

KuNCKEL  d'HERCULAis,assistant  au  Muséum  d'histoire  naturelle. 

KuciNSR[,  homme  de  lettres. 

KuHNE,  publiciste. 

KuNSïLER,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  de  Bordeaux. 

Lacour  (P.),  attaché  à  la  direction  des  Beaux-Arts. 

Lacour-Gayet  (Georges),  docteur  es  lettres,  professeur  d'his- 
toire au  lycée  Saint-Louis. 

Lacroix,  docteur  es  sciences,  professeur  de  minéralogie  au 
Muséum  d'histoire  naturelle. 

Lagrésille  (Georges),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 

Lahilxonne  (Jacques),  professeur  au  lycée  de  Grenoble. 

Lâîné,  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Lambert  (Mayer),  profeisseur  au  séminaire  israélite  de  Paris. 

Lambling  (D»"),  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine 
de  Lille. 

Langlois  (D""  P.),  préparateur  au  laboratoire  de  physiologie 
de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 

Langlois  (Ch.-V.M.),  chargé  de  coursa  la  Faculté  des  lettres 
de  Paris. 

Lanson  (G.),  professeur  de  rhétorique  au  lycée  Michelet. 

Lapie  (Paul),  professeur  de  philosophie  au  lycée  de  Tunis. 

Larbalétrier  [A..),   professeur  à   l'Ecole  d'agriculture   du 
Pas-de-Calais. 

Larivière  (Ch.  de),  receveur  particulier  à  Gien. 

Laur  (F.),  ingénieur  des  mines. 

LAzzARi  (Silvio),  compositeur  de  musique. 

Lavalley  (Gaston),  bibliothécaire  de  la  ville  de  Caen. 

Lavoix  (Henri),  administrateur  de  la  bibliothèque  Sainte- 
Geneviève. 

Lechalas  (M.-C.),  inspecteur  général  des  ponts  et  chaussées. 

Lechalas  (G.),  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées. 

Lecornu  (L.),  ingénieur  en  chef  des  mines,  docteur  es  sciences. 

LÉCRiVAiN  (Ch.),  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Toulouse. 

Lefèvre  (Charles),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Lefèvre  (Edouard),  ancien  président  de  la  Société  entomo- 
logique  de  France. 

Lefort  (Paul),  inspecteur  des  Beaux- Arts. 

Lefranc  (Abel),  secrétaire  du  Collège  de  France. 

Léger  (L.),  professeur  au  Collège  de  France. 

Legrand  (Emile),  professeur  à  l'Ecole  des  langues  orientales. 

Le  Goffig  (Charles),  agrégé  de  l'Université. 

Lehr  (E.),  professeur  honorairef'de  droit  à  Lausanne. 

Lehugeur  (Paul),  professeur  au  lycée  Charlemagne. 

Lemoine  (D'-  Georges),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine 
de  Lille. 

Lemonnier,  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres,  pro- 
fesseur à  l'Ecole  des  Beaux-Arts. 

Lemosof  (Paul),  attaché  à  la  Société  de  géographie. 

LEON  (Xavier),  agrégé  de  philosophie. 

Leprieur  (Paul),  attaché  à  la  conservation  du  musée  du 
Luxembourg. 

Leriche,  drogman-chancelier  à  Mogador. 

Leroux  (Alf.),  archiviste  du  département  de  la  Haute- Vienne. 

Le  Sueur  (l.),  docteur  en  droit,  attaché  au  ministère  de  la 
Justice. 

Levasseur,  juge  suppléant  à  Provins. 

Léveillé,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

LÉvi    (Israël),    professeur  d'histoire    juive    au   séminaire 
israélite  de  Paris. 

LÉvi  (Sylvain),  professeur  au  Collège  de  France. 

Lex  (L.),  archiviste  du  département  de  Saône-et-Loire. 
Leymarie  (C),  bibliothécaire  de  la  ville  de  Limoges. 

LnuiLLiER  (fj.),  avocat,  membre  de  la  Société  archéologique 

de  Touraine. 
LiARD,  directeur  de  l'enseignement  supérieur  au  Ministère 

de  l'instruction  publique. 
LiÉTARD,  docteur  en  médecine. 
Loret  (Victor),  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  lettres 

de  Lyon. 
Lot  (Ferdinand),  bibliothécaire  a  la  bibliothèque  de  TUni- 

versilè  de  Paris. 
Lucas  (Charles),  architecte. 
LucipiA  (Louis),  membre  du  Conseil  municipal  de  Paris. 


Lyon  (Georges),  maître  de  conférences  à  l'Ecole   normale 
supérieure. 

Lyon-Caen    (Ch.),   membre    de   l'Institut,   professeur    à    ïa 
Faculté  de  droit  de  Paris. 

Mabille  (J.),  attaché  au  laboratoire  de  malacologie  du  Mu- 
séum d'histoire  naturelle. 

Maindron  (Maurice),  critique  d'art. 

Mantz  (Paul),  directeur  général  honoraire  des  Beaux-Arts. 

Marais  (Paul),  sous-bibliothécaire  à  la  bibliothèque  Mazarine. 

Marcel  (Gabriel),  bibliothécaire  de  la  section  de  géographie 
à  la  Bibliothèque  nationale. 

Marcuand,  juge  suppléant  à  Meaux. 

Marchand  (Louis),  inspecteur  d'Académie  à  Avignon. 

Mariéton  (Paul),  ô'irecteur  de  \Si  Revue  fèlibréenne. 

Marin  (Paul),  ancien  élève  de  l'Ecole  polytechnique. 

Marleï  (Léon),  attaché  à  la  bibliothèque  du  Sénat. 

Marmonier,  docteur  en  droit. 

Marquet  de  Yasselot  (Jeyn-J  ),  élève  de  l'Ecole  du  Louvre. 

Marre  (Aristide),  chargé  de   cours  à  l'École   des  langues 
orientales. 

Martel  (E.),  avocat. 

Martha   (Jules),  maître  de  conférences  à  l'École  normale 
supérieure. 

Martha  (D»-),  secrétaire  de  la  Société  de  médecine  publique 
et  d'hygiène  professionnelle. 

Martin  (â.-J.),  ancien  préparateur  au  laboratoire  de  phy- 
siologie de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 

Martin  (Henry),  bibliothécaire  à  la  bibliothèque  de  l'Arsenal. 

Martinièue  (H. -p.  de  La). 

Martinet  (A.),  commissaire  du  gouvernement  près  le  conseil 
de  préfecture  de  la  Seine 

Maspero,   membre   de   l'Institut,   professeur  au  Collège  de 
France. 

Massebieau  (A.),  professeur  d'histoire  au  lycée  de  Rennes. 

Massigli  (Ch.),  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Matignon  (G.),   maître  de  conférences    à   la  Faculté   des 
sciences  de  Lille. 

Maury  (P.),  docteur  es  sciences. 

May  (G.),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Nancy. 

Mazade,  préparateur  du  laboratoire  des  recherches  médicales. 

MAZEROLLE(Fernand),  bibliothécaire-archiviste  de  laMonnaie 

Mazon  (A.),  homme  de  lettres. 

Mazzoni,  professeur  de  littérature  italienne  à  l'Institut  des 
Etudes  supérieures  de  Florence. 

Meillet  (A.),  maître  de  conférences  à  l'Ecole  des  Hautes- 
Etudes. 

Melani  (Alfredo),  professeur  à  l'Ecole  supérieure  d'art  appli- 
qué à  l'industrie  de  Milan. 

Melin  (G.),  docteur  en  droit,  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Nancy. 

Mély  (F.  de),  correspondant  du  Comité  des  Sociétés   des 
Beaux-Arts  des  départements. 

Menant  (J.),  membre  de  l'Institut. 

MÉNARD  (Louis),  docteur  en  médecine. 

Meynersd'Estrey  (comte),  docteur  en  médecine. 

MicHAUD  (D'-  E.},  professeur  à  l'Université  de  Berne. 

MicHAUT  (G.),  chimiste  de  la  station  agronomique  de  l'Yonne. 

Michel  (André),  professeur  à  l'Ecole  spéciale  d'architecture, 
conservateur  adjoint  au  Musée  du  Louvre. 

M[CHEL  (Emile),  membre  de  l'Institut. 

Michel  (Léon),  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Moireau  (Aug.),  agrégé  des  lettres. 

MoLiNiER(A.),  professeur  à  l'Ecole  des  chartes. 

MoLiNiER(Ch.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Toulouse. 

MoLiNiER    (E.),    conservateur  au  Musée  du  Louvre. 

Monceaux  (P.),  docteur  es  lettres,  professeur  de  rhétorique 
au  lycée  Henri  IV. 

MoNCELON,  ancien  délégué  de  la  Nouvelle-Calédonie  au  Con- 
seil supérieur  des  Colonies. 

MoNiEz  (D"^),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Lille. 

MoNiN  (H.),  docteur  es  lettres,  professeur  au  collège  Rollin, 
professeur  d'Histoire  à  l'Hôtel  de  Ville  de  Paris. 

MoNMiTONNET,  prolèsscur  à  Saint-Pétersbourg. 

MoNOD  (Gabriel),  maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale 
supérieure,  directeur  de  la  Revue  histo7Hque. 

MoRER,  médecin-major  de  f®  classe. 

MoRTET  (Ch.),  conservateur  à  la  bibliothèque  Sainte  Gene- 
viève. 

Mortet  (Victor),  bibliothécaire  à  la  Sorbonne. 

MoRTiLLET  (G.  de),  ancien  conservateur  adjoint  du  musée  de 
Saint- Germain. 

Moutard,  examinateur  à  l'École  polytechnique. 

Muret,  professeur  à  l'Université  de  Genève. 

Nachbaur  (Paul),  avocat  à  la  cour  d'appel  de  Nancy. 

Nénot,  architecte  de  la  Sorbonne. 

NoLHAC  (Pierre  de),  conservateur  du  musée  de  Versailles. 

Normand  (Charles),  directeur  de  la  revue  VAmi  des  monu" 
ments  et  des  arts. 

Oltramare,  astronome  à  l'Observatoire  de  Paris. 

Omont  (H.),  conservateur  au  département  des  manuscrits 
de  la  Bibliothèque  nationale. 

Oppert  (Jules),  membre  de  l'Institut,  professeur  au  Collège 

de  France. 
Ottavi  (P.),  chargé  du  vice-consulat  de  France  à  Mascate. 
OuRÉM  (Alméida  Arèas ,  vicomte  d') ,  membre  de  l'Institut 
hist.  et  géogr.  du  Brésil,  ancien  ministre  plénipoten- 
tiaire du  Brésil  à  Londres. 


LISTE  DE  MM.  LES  COLLABORATEURS 


Ol'stalet(E.),  assistant  au  Muséum  d'histoire  naturelle. 

Paisa:st,  attaché  d'ambassade. 

Palustre  (Léon),  directeur  honoraire  de  la  Société  française 
d'archéologie. 

PARENT,  publiciste,  ,       ,  ^  , 

Paris,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux. 

Passy  (Paul),  maître  de  conférences  à  l'Ecole  des  Hautes- 
Etudes,  président  de  l'Association  phonétique  des  pro- 
fesseurs d'anglais. 

Paturet,  substitut  du  procureur  de  la  République,  à  Toulon. 

Paulian,  secrétaire-rédacteur  à  la  Chambre  des  députés. 

Pawlowski  (Gustave),  bibliographe. 

PÉAN  (D'),  ancien  chirurgien  des  hôpitaux. 

PÉLissiER  (L.-G.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Montpellier. 

Pelletan  (Camille),  député  des  Bouches-du-Rhone. 

Peraté,  ancien  membre  de  l'École  française  de  Rome,  atta- 
ché à  la  conservation  du  musée  de  Versailles. 

PÉREZ  (Bernard),  publiciste. 

Petit  (E.),  professeur  au  lycée  Janson-de-Sailly. 

Petit  (P.),  membre  de  la  Société  botanique  de  France. 

Petit  (D'L.-H.),  bibliothécaire  à  la  Faculté  de  médecine 
de  Paris. 

Petit-Dutaillis  (Ch.),  professeur  agrégé  d'histoire  au  lycée 
de  Troves. 

Peytoureau  (D'^  a.),  préparateur  à  la  Faculté  des  sciences  de 
Bordeaux. 

Pfender  (Charles). 

PiAGET  (A.),  docteur  es  lettres. 

Picavet,  docteur  es  lettres,  proiesseur  au  collège  Rollin, 
maître  de  conférences  à  l'Ecole  des  Hautes-Etudes. 

Picot  (Emile),  professeur  à  l'Ecole  des  langues  orientales. 

PiÉCHAUD  (Adolphe;,  docteur  en  médecine,  médecin  du 
Sénat,  inspecteur  des  écoles  de  Paris. 

Pierre  (Constant),  commis  principal  au  secrétariat  du  Con- 
servatoire national  de  musique. 

Pierret  (Paul),  conservateur  du  musée  égyptien  du  Louvre. 

Pignot  (A.),  préparateur  à  la  Faculté  de  médecine. 

PiLLET  (Jules),  professeur  au  Conservatoire  des  Arts  et 
Métiers,  à  l'Ecole  des  beaux-arts  et  à  l'Ecole  des  ponts 

Pinard  (Ad.),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 

PiKEL-MAisoNNEuvE,  docteur  en  médecine. 

Planiol,  professeur  adjoint  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 

Platon  (G.),  bibliothécaire  de  la  Faculté  de  droit  de  Bor- 
deaux. 

Pligque  (D--). 

PoiNCARÉ  (Kavmond),  député. 

PouGiN  (Arthur),  publiciste. 

Pouzet  (Ph.),  agrégé  d'histoire. 

Prado  (Eduardo  da  Silva),  avocat  et  homme  de  lettres. 

Preux  (J.),  ancien  secrétaire  du  Comité  de  législation  étran- 
gère. 

Prou  (M.),  bibliothécaire  au  Cabinet  des  médailles  a  la 
Bibliothèque  nationale. 

Prudhoîvimf,  archiviste  du  département  de  Tlsère. 

PsicHARi  (Jean), directeur  ad  joint  à  l'Ecole  des  Hautes-Etudes. 

PUAUX  (Franck),  publiciste. 

Quellien  (N.),  publiciste. 

QuESNEL,  professeur  à  l'Ecole  des  Hautes-Etudes  commer- 
ciales 

QuESNERiE  (Gustave  de  La),  professeur  au  lycée  Saint-Louis. 

Radet,  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Bordeaux. 

Ravaisse  (P.),  chargé  de  cours  à  l'Ecole  des  langues  orien- 

Ravaisson-Mollien  (Charles) ,  conservateur  adjoint  au  Musée 

du  Louvre. 
Regelsperger,  docteur  en  droit. 

REGiSAUD  (P.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon. 
Renard  (Georges),  protesseur  à  la   Faculté  des   lettres  de 

Renault  (Louis),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 
Rekoult  (René),  avocat  à  la  Cour  d'appel,  ancien  chef   de 

cabinet  du  président  de  la  Chambre  des  députés. 
Reure,  professeur  à  l'Ecole  des  Hautes-Etudes  à  Lyon. 
RÉviLLOUT  (E.),  conservateur  adjoint  au  Musée  du  Louvre. 
Ribot  (Th.),  professeur  au  Collège  de  France,  directeur  de 

la  Revue  philosophique. 
RicHET  (Charles),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de 

Paris. 
Riegel  (Alfred),  ingénieur  des  manufactures  de  l'Etat. 
Rio-Brakco  (J.-M.  da  Silva-Paranhos,  baron  de),  membre  de 

l'institut  historique  et  géographique  du  Brésil,  ancien 

député. 
RiTTi  (D*  An  t.).  médecin  de  la  maison  nationale  de  Charenton. 
RocHEBRUNE  (D''de),  assjstant  au  Muséum  d'histoire  naturelle. 
Rolland,  médecin  des  asiles  de  Lalorce  (Dordogne). 


Rossignol,  agrégé  d'histoire,  professeur  à  l'Ecole  polytech» 

nique  de  Zurich. 
RouiRE  (D'),  membre  de  la  mission  scientifique  de  Tunisie, 
Roussel  (Félix),  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 
RoussELET  (Albin). 

Ruelle  (C.-E.),  conservateur  à  la  bibliothèque  Sainte-Gene- 
viève. 
RussEL  (W.),  docteur  es  sciences  naturelles. 
Ruyssen  (Th.),  professeur  agrégé  de  philosophie. 
Sagnet  (Léon),  attaché  au  Ministère  des  travaux  publics. 
Sagnier  (Henry),  rédacteur  en  chef  du  Journal  de  l'agri- 
culture, 
Saint-Marc,  prof .  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Toulouse. 
Salone,  professeur  agrégé  d'histoire  et  de  géographie  au 

lycée  Condorcet. 
Samuel  (René),  sous-bibliothécaire  du  Sénat. 
Santi  (D"^  L.  de),  médecin-major  de  2®  classe. 
Sarrau,  membre  de  l'Institut,  ingénieur  en  chef  des  poudre? 

et  salpêtres. 
Saury  (D*^),  médecin  de  l'asile  de  Suresnes. 
Sauvage  (B^),  directeur  de  la  station  aquicole  de  Boulogne-suî  - 

Mer. 
Saverot  (Victor),  docteur  en  droit. 
Sayous,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Besançon, 

membre  correspondant  de  l'Académie  hongroise. 
Schefer  (G.),  bibliothécaire  à  la  bibliothèque  de  l'Arsenal. 
ScHMiT  (L.),  conducteur  des  ponts  et  chaussées. 
Sergent  (Ed.),  commandant  de  l'armée  territoriale. 
Simon  (Eugène),  ancien  président  des  Sociétés  entomologique 

et  zoologique  de  France. 
SouDAY  (Paul),  rédacteur  au  journal  le  Temps. 
SouQUET  (Paul), professeur  de  philosophie  au  lycée  Henri  IV. 
Stein  (H.),  archiviste  aux  Archives  nationales. 
Straus,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 
Strauss,  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 
Stroseblin,  professeur  à  l'Université  de  Genève. 
Stryienski  (Casimir),  professeur  agrégé  au  lycée  Montaigne. 
SwARTE  (Victor  de),  trésorier-payeur  général   de  Seine-ei- 

Marne. 
Tannery  (P.),  ingénieur  des  manufactures  de  l'État. 
Tarde  (G.). 
Tausserat-Radel    (Alexandre),   sous-chef  du  bureau  iusto- 

rique  au  Ministère  des  affaires  étrangères . 
Thénard,  professeur  honoraire  de  l'Université. 
Théry  (Edmond),  directeur  de  YEconomîste  euro2^éen, 
TniÉBAULD-SissoN,  publîciste. 
Thiers  (Adolphe),  publiciste 

Tholin  (G.),  archiviste  du  département  du  Lot-et-Garonne. 
Thomas  (Antoine),  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettre& 

de  Paris. 
Thomas  (D'  L.),  bibliothécaire  à  la  Faculté  de  médecine  de 

Paris. 
TiERSOT  (Julien),  sous-bibliothécaire  au  Conservatoire   de 

musique 
TouRNEUx  (  Maurice  \publiciste. 
Trawinski,  secrétaire  des  musées  nationaux. 
Trouessart,  docteur  en  médecine. 
Vachon  (Marins),  critique  d'art. 
Valabrègue  (Antony),  critique  d'art. 
Varigny  (H. de),  docteur  en  médecine,  docteur  es  sciences 

naturelles. 
Vast  (Henri),  professeur  d'histoire  et  de  géographie  au  lycée 

Condorcet,  examinateur  d'admission  à  l'école  Saint-Cyr. 
Vayssière  (A.),  archiviste  du  département  de  l'Allier. 
VÉLAiN  (Charles),  professeur  de  géographie  physique  à  la 

Faculté  des  sciences  de  Paris. 
Vendryès,  membre  de  la  Société  botanique  de  France. 
Venukoff  (Michel),  ancien  secrétaire  général  de  la  Société 

de  géographie  de  Ruasie. 
Vergniol  (C),  professeur  agrégé    d'histoire  au    lycée  de 

Bourges. 
Verneau  (D'),  assistant  au  Muséum  d'histoire  naturelle. 
Vernes  (Maurice),  directeur  adjoint  à  l'École  des  Hautes- 
Etudes  (section  des  sciences  religieuses). 
Viala  (Pierre),  professeur  de  viticulture  à  l'Institut  national 

agronomique  de  Paris. 
ViLLEDEUiL  (Ch.  de),  astronome. 

ViNsoN  (Julien),  professeur  à  l'Ecole  des  langues  orientales, 
VoGEL,  publiciste. 

VoLKOv  (Th.),  membre  de  la  Société  impériale  russe  de  géo- 
graphie. 
Vollet  (  E.-H.  ) ,  docteur  en  droit. 
Welschinger  (Henri),  vice-président  de  la  Société  des  Etudes 

historiques. 
WiLL  (Louis) .  .  ,  .       , 

Yriarte  (Charles),  inspecteur  gênerai  des  Beaux-Arts. 
Zaborowski,    publiciste,   ancien  secrétaire  de   la   Société 

d'anihropolofeie  de  Parib. 


LA   GRANDE  ENCYCLOPÉDIE 


J 


JANIÇON  (François-Michel),  publiciste  français,  né  à 
Paris  le  24  déc.  1674,  mort  à  La  Haye  en  août  1730.  Fils 
de  François  Janiçon,  sieur  de  Marsin,  avocat  au  conseil  et 
huguenot  de  marque,  il  faisait  ses  études  à  Maastricht  au 
moment  de  la  révocation  de  Fédit  de  Nantes.  Il  resta  donc 
en  Hollande,  collabora  à  la  Gazette  cV Amsterdam,  prit  la 
direction  de  la  Gazette  de  Hotterdam  et  celle  d'un  jour- 
nal français  fondé  parles  magistrats  d'Utrecht.Il  fut  aussi 
agent  du  landgrave  de  Hesse  auprès  des  Etats-Généraux. 
Il  a  laissé,  outre  des  traductions  :  Etat  présent  de  la 
république  des  Provirices-Unies  (La  Haye,  1729-1730, 
2  vol.  in-'12),  ouvrage  qui  a  eu  beaucoup  de  succès  et  qui 
abonde  en  renseignements  puisés  aux  meilleures  sources. 

JANlCULE(Mont)  (V.  Rome). 

JANIN  (Jules-Gabriel),  littérateur  français,  né  à  Saint- 
Etienne  (Loire)  le  16  févr.  1804,  mort  à  Passy  le  20  juin 
1874.  Fils  d'un  avoué,  il  vint  terminer  à  Paris,  au  collège 
Louis-le- Grand,  les  études  qu'il  avait  brillamment  com- 
mencées dans  sa  ville  natale,  et,  lorsqu'elles  furent  ache- 
vées, il  vécut  fort  modestement  de  répétitions  à  2  fr.  le 
cachet  jusqu'au  jour  où  il  débuta  dans  la  petite  presse 
libérale.  Il  abandonna  bientôt  le  Figaro  pour  la  Quoti- 
dienne qu'il  ne  tarda  pas  à  quitter  lorsqu'elle  devint 
l'organe  de  M.  de  Polignac.  Présenté  aux  frères  Bertin,  il 
fit  d'abord  partie  de  la  rédaction  politique  du  Journal  des 
Débats;  mais,  chargé  un  jour  de  suppléer  Duviquet,  suc- 
cesseur de  Geotfroy,  comme  critique  dramatique,  il  apporta 
dans  cette  tâche  nouvelle  tant  de  verve  et  de  fantaisie 
qu'elle  lui  fut  désormais  exclusivement  confiée.  Durant 
quarante  et  un  ans,  Janin  ne  cessa  point  un  seul  lundi 
d'entretenir  son  public,  non  seulement  des  pièces  nouvelles 
et  de  leurs  interprètes,  mais  encore  de  réminiscences  ou 
d'affaires  personnelles,  dont  quelques-unes  sont  demeurées 
célèbres  par  les  polémiques  ou  les  procès  dont  elles  furent 
l'origine.  C'est  ainsi  qu'à  l'occasion  du  Mariage  du  cri- 
tique (16  oct.  1841),  il  initia  le  pubhc,  alors  peu  habitué 
à  ces  sortes  de  confidences,  aux  joies  que  lui  promettait 
son  union  avec  W^^  lluet,  fille  d'un  magistrat,  et  s'attira 
de  la  part  d'Hipp.  Rolle,  et  sous  le  même  titre,  une  verte 
riposte;  ou  bien  encore, à  propos  d'une  reprise  du  Tibère 
de  Marie-Joseph  Chénier  (déc.  1843),  Félix  Pyat  répondit 
dans  la  Réforme  aux  critiques  des  Débats  en  mêlant  à  ses 
arguments  de  telles  personnalités  que  Janin  le  fit  con- 
damner pour  diffamation  à  six  mois  de  prison.  Il  eut  encore 
d'autres  démêlés  oîi  le  papier  timbré  joua  son  rôle  avec 
Alex.  Dumas  (à  propos  de  M^'^  de  Belle-lsle),  avec  Th.  de 
Banville,  avec  le  Figaro  de  Villemessant. 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —    XXI. 


Si  ponctuel  qu'il  fût  à  remplir  sa  tâche  hebdomadaire  et 
sans  parler  d'une  collaboration  assidue  à  V Artiste  et  à  la 
llevue  de  Paris  (où  il  rompit  des  lances  contre  D.  Nisard 
et  contre  Balzac,  à  propos  de  la  littérature  «  facile  »  et 
à'Un  Grand  Homme  de  province  à  Paris)^  Janin  s'était 
révélé  comme  romancier  par  :  l'Ane  mort  et  la  Femme 
guillotinée  (1829,  2  vol.  in-12)  ;  la  Coîifession  (1830, 
2  vol.  in-i2)  ;  Barnave  (1831,  4  vol.  in-12)  ;  Contes 
fantastiques  et  Contes  littéraires  (1332,  4  vol.  in-12); 
Contes  nouveaux  (1833,  4  vol.  in-12)  ;  le  Chemin  de 
traverse  (1836,  2  vol.  in-8)  ;  Un  Cœiir  pour  deux 
amours  {iKdl,,  in-8).  VAne  mort  est  demeuré  fameux 
par  la  bizarrerie  de  son  titre  et  de  son  contenu  ;  la  publi- 
cation de  Barnave^  dont  Aug.  Barbier,  Féhx  Pyat,  Théo- 
dore Burette,  Edgar  Quinet,  avaient  fourni  leur  quote- 
part,  fût  un  événement  plus  politique  encore  que  httéraire, 
car  la  préface,  rédigée  par  Etienne  Béquet,  attaquait  avec 
véhémence  Philippe-Egalité,  et  provoqua  une  réplique  inti- 
tulée ta  Branche  royale  d'Orléans  ou  le  Barnave  de 
M.  J.  Janin  réfuté  par  l'histoire  (iS3\,  in-8).  A  partir 
de  ce  moment,  Janin,  dont  jusque-là  «  l'opposition  avait 
été  la  vie  »,  témoigna  en  toute  occasion  le  zèle  le  plus 
bruyant  en  l'honneur  de  la  branche  cadette  et  garda, 
disons-le  à  sa  louange,  la  même  attitude  après  l'exil  et  la 
mort  de  Louis-Philippe.  A  considérer  non  le  résultat  défi- 
nitif, mais  l'effort,  on  ne  saurait  contester  que  Janin  n'ait 
été  l'un  des  plus  infatigables  polygraphes  de  son  temps, 
même  en  tenant  compte  de  quelques  plagiats  plus  ou  moins 
déguisés  et  de  la  complaisance  avec  laquelle  il  prêtait  son 
nom  à  des  éditeurs  embarrassés  ou  peu  scrupuleux.  Une 
énumération  détaillée  ne  saurait  en  être  tentée  ici,  et  il 
suthra,  pour  donner  une  idée  de  cette  activité  quelque  peu 
stérile,  de  rappeler  les  principales  excursions  du  «  prince 
de  la  critique  »  dans  les  directions  les  plus  diverses.  Il  faut 
citer  en  première  ligne  :  Deburau.  histoire  du  théâtre 
à  quatre  sous  pour  faire  suite  à  l'histoire  du  Théâtre- 
Français  (1832,  in-8  ;  2^  éd.,  2  vol.  in-12),  pimpante 
fantaisie;  Histoire  de  la  littérature  dramatique  en 
France  (1853-58,  6  vol.  in-18),  choix  pratiqué  par  Fau- 
teur dans  ses  feuilletons  remaniés  et  modifiés  ;  Rachel  et 
la  Tragédie  (1859,  in-8  et  in-4,  pi.)  ;  Béranger  et  son 
temps  (1865,  2  vol.  in-18)  ;  puis  de  nouveaux  romans  : 
la  Religieuse  deToulouse  (1850, 2  vol.  in-8)  ;  les  Gaités 
champêtres  (1851,  2  vol.  in-8)  ;  la  Fin  d'un  monde  et 
du  neveu  de  Rameau  (1861,  in-18)  ;  Contes  du  chalet 
(1859,  in-18);  Contes  non  estampillés  (1862,  in-18)  ; 
les  Oiseaux  bleus  (1864,  in-18);  le  Talisman  (1866' 

1 


JANfN  —  JANISSAIRE 


2  — 


in-18);  les  Amours  du  chevalier  àe  Fosseuse  (d867, 
in-18)-;  Circé  (1867,  in-18)  ;  Vînterné  (1869,  in-18)  ; 
Petits  Romans  d'hier  et  d'aujourd'hui  (1869,  in- 
18),  etc.  On  retrouve  un  écho  des  événements  contempo- 
rains dans  divers  écrits  de  circonstance  :  Fontainebleau^ 
Versailles,  Paris  (1837,  in-18),  relation  des  fêtes  du 
mariage  du  duc  d'Orléans  ;  le  Prince  royal  (1842,  in-18)  ; 
le  Roi  est  mort  (1850,  in-8);  la  Muette^  le  Château  et 
les  désastres  (1871,  in-18),  etc.  Enfin  Janin  a  écrit  ou 
signé  le  texte  de  plusieurs  publications  illustrées,  telles 
que  :  Un  Hiver  a  Paris  (184^,  in-8)  ;  la  Normandie  his- 
torique^ pittoresque  et  monumentale  (1842,  in-8),  et 
son  pendant,  la  Éretagne  historique,  pittoresque  et  mo- 
numentale (1844,  in-8);  les  Petits  Bonheurs  de  la  vie 
(1856,  in-8)  :  les  Symphonies  de  l'hiver  (1858,  in-8)  ; 
la  Révolution  française  (1862-65,  2  vol.  in-4),  etc. 

Janin  avait,  pour  se  constituer  des  titres  sérieux  au 
fauteuil  académique,  traduit  ou  plutôt  paraphrasé  à  sa 
manière  Horace  (1860,  in-12),  et  réuni,  sous  le  titre  de 
la  Poésie  et  r éloquence  à  Rome  (1863,  in-8),  diverses 
études  sur  les  classiques  latins,  mais  il  échoua,  en  1865, 
contre  Prévost-Paradol  et  s'en  consola  en  publiant  son 
spirituel  Discours  de  réception  à  la  porte  de  l'Académie 
française.  Elu  cinq  ans  plus  tard  en  remplacement  de 
Sainte-Beuve,  il  eut  lui-même  John  Lemoinne  pour  succes- 
seur. Sa  bibliothèque,  très  vantée  de  son  vivant  et  qu'il 
dut  tour  à  tour  léguer  à  sa  ville  natale,  à  l'Institut  et  à 
l'Arsenal,  a  été  dispersée  en  1877  après  la  mort  de  sa 
veuve  et  causa  quelque  déception  aux  amateurs.  Sous  le 
titre  d'OEuvres  choisies  (1875-78, 12  vol.  in-18),  A.  de 
La  Fizelière  avait  rassemblé  quelques-uns  des  écrits  cités 
plus  haut,  ainsi  qu'une  partie  de  la  correspondance  d'un 
écrivain  qui  ne  méritait  peut-être  ni  les  louanges  excessives 
que  lui  ont  prodiguées  ses  contemporains  ni  l'injurieux 
oubli  dont  il  a  payé  cette  célébrité  éphémère.     M.  Tx. 

BiBL.  :  A.  PiKDAGNEL,  JuIgs  Jctnin,  1884,  in-18,  S-^  éd., 
augm.  d'une  bibliographie.  —  Sainte-Beuve,  Causeries 
du  lundi,  t.  II  et  V.  —  G.  Planche,  Portraits  littéraires. 
—  Albéric  Second,  le  Tiroir  aux  souvenirs,  1885,  in-12. 

JANIN  A  (en  turc  lanina).  Nom  d'un  vilayet  turc  et  de 
sa  capitale  en  Albanie  (Epire).  Borné  au  N.  par  les  vilayets 
de  Scutari  et  de  Monastir,  à  l'E.  par  celui  de  Selfidjé, 
au  S.-E.  par  les  provinces  grecques  de  Trikala  et  d'Arta, 
au  S.  et  à  l'O.  par  la  mer  Ionienne,  le  vilayet  de  Janina 
comprend  six  sandjaqs  :  Bérat,  Korétsa,  Tépélen,  Molista, 
Janina  et  Prévésa.  C'est  une  contrée  couverte  des  ramifica- 
tions du  Pinde.  La  côte  tout  entière  du  sandjaq  de  Janina 
est  masquée  par  l'île  de  Corfou .  Elle  est  bordée  de  dunes 
broussailleuses  et  d'étangs  dont  le  voisinage  est  absolu- 
ment nuisible  en  été  pour  les  villages.  Il  n'y  a  pas  de  port. 
Très  à  l'E.,  dans  l'intérieur,  au  pied  des  monts  Mitchikéli 
qui  forcent  TArta  à  couler  vers  le  S.,  et  du  côté  opposé 
à  cette  rivière,  s'étend  le  lac  de  Janina,  long  d'environ 
20  kil.  et  large  de  4  kil.,  dans  une  partie  de  son  étendue 
seulement.  Cette  nappe  d'eau  peu  profonde  (jamais  plus 
de  10m.),  alimentée  par  plusieurs  ruisseaux,  se  divise  en 
deux  bassins  que  réunit  un  canal  marécageux  et  semé  d'îles, 
et  n'a  pas  d'écoulement  visible.  Mais  on  lui  suppose  des 
issues  souterraines.  Le  bassin  N.  (Laptchista)  déverse 
ses  eaux  dans  un  gouffre  énorme,  et  donnerait  naissance 
au  Kalamas.  Le  bassin  du  S.  laisse  couler  ses  eaux,  à 
l'étiage,  dans  un  autre  gouffre  par  un  canal  étroit,  et  for- 
merait plus  au  S.  le  Louros,  Quand  le  niveau  est  moins  bas, 
quatre  trous  ouverts  dans  les  rochers  reçoivent  l'eau  et  la 
conduisent  à  l'issue  souterraine  d'où  naît  le  Louros.  La  ri- 
vière cachée  se  révèle  par  de  petits  lacs  semés  à  la  surface 
du  sol.  —  Sur  la  rive  0.  du  lac,  en  face  d'une  petite  île, 
est  bâtie  la  ville  de  Janina,  par  39^47''  lat.  N.  et  18°41^ 
long.  E.,  sur  un  contrefort  du  Mitchikéli  avançant  en  pres- 
qu'île au  milieu  des  eaux.  Janinti  est  entourée  d'une  mu- 
raille flanquée  de  châteaux  forts.  Les  maisons  spacieuses 
et  bien  bâties,  à  un  seul  étage,  sont  distribuées  en  rues 
étroites  et  mal  pavées,  sauf  doux  artères  principales.  On  y 
remarque  le  konak  du  pacha,  la  mosquée  d'Arslân-Aghâ 


qui  date  de  1712.  Il  reste  6  églises  sur  16  qui  existaient 
avant  1720.  La  ville  compte  environ  16,000  hab.,  aux 
deux  tiers  chrétiens.  Il  y  a  une  forte  proportion  de  juifs 
(plus  de  3,000).  Janina  est  presque  entièrement  grecque. 
Elle  abonde  en  souvenirs  historiques.  Elle  s'élève  au  milieu 
d'une  contrée  couverte  de  ruines  de  cités  pélasgiques  ;  à 
quelque  distance  se  trouvent  au  bord  du  lac  même  les  restes 
de  Hella  et  à  18  kil.  au  S.-O.  les  ruines  de  Dodone.  En 
51,  après  l'invasion  des  Goths,  la  ville  déjà  construite 
prend  le  nom  de  Joannina,  sous  le  patronage  de  saint 
Jean.  En  1181,  Boémond,  bâtard  de  Robert  Guiscard,  l'en- 
lève ;  en  1431,  les  Turcs  l'occupent,  vingt-deux  ans  avant 
la  prise  de  Constantinople.  Enfin,  cette  ville  est  célèbre 
grâce  au  fameux  Ali-Pacha  de  Tépélen  qui  y  avait  établi 
un  lycée,  une  bibliothèque  et  des  écoles.  Janina  contenait 
alors  40,000  hab.  Arthur  Guy. 

JANIN  ET  (Jean-François),  graveur  français,  né  à  Paris 
en  1732,  mort  en  1814.  Il  appliqua  un  procédé  spécial  de 
gravure  en  couleurs  (V.  Gravure)  ;  parmi  ses  œuvres,  on 
cite  des  Vues  de  Paris,  les  portraits  de  Henri  /F  et  de 
Sully  d'après  Fr,  Pourbus,  les  Comédiens  d'après  Wat- 
teau,  etc. 

JANISLAW  (Kotwicz),  prélat  polonais  du  xiv^  siècle.  Il 
mourut  en  1340.11  fut  archevêque  de  Gniezno.  Il  couronna 
le  roi  Wladyslaw  Lokietek,  présida  le  synode  d'Uniejow  et 
contribua  à  introduire  l'Inquisition  en  Pologne. 

JANISSAIRE.  Les  janissaires  formaient  en  Turquie 
une  milice  analogue  à  celle  des  prétoriens  de  Rome  ou  des 
strélitz  moscovites.  Véritable  armée  permanente  dont  la 
création  précéda  de  cent  quinze  ans  le  premier  essai  de  ce 
genre  qui  fut  fait  dans  les  Etats  européens,  elle  dura  cinq 
siècles,  de  1334  à  1826.  Son  histoire  est  intimement  liée 
à  celle  de  la  Turquie  ;  après  avoir  été  la  terreur  de  l'en- 
nemi du  dehors  et  avoir  conduit  l'empire  ottoman  à  l'apogée 
de  sa  puissance,  ce  corps  d'élite,  devenu  une  non-valeur 
militaire  et  la  pierre  d'achoppement  de  toutes  les  réformes, 
finit  par  être  la  terreur  des  sultans  eux-mêmes  et  une  per- 
pétuelle menace  de  ruine  pour  le  pays. 

Au  début  de  la  monarchie  ottomane,  sous  le  règne  de 
son  glorieux  fondateur  Osman  Khân  (1281-1326),  l'armée 
turque  consistait  en  une  horde  d'irréguliers,  pasteurs  à 
l'ordinaire,  guerriers  quand  sonnait  l'appel  aux  armes.  Ces 
soldats  volontaires  ne  savaient  que  combattre  à  cheval  ; 
l'infanterie  n'existait  pas.  Ils  n'en  étaient  pas  moins  redou- 
tables, grâce  à  leur  intrépidité  et  à  leur  admirable  disci- 
pline. La  seule  troupe  permanente  était  la  garde  particu- 
lière du  sultan  (qapougouli).  Déjà  maître  d'un  territoire 
vaste  et  peuplé,  puis  rendu  ambitieux  par  le  succès,  Or- 
khân  (1326-60)  songea  à  organiser  ses  forces  militaires 
sur  un  pied  nouveau.  Il  enrôla  par  voie  de  sélection  des 
mercenaires  turcs  qu'il  prit  à  sa  solde  et  dont  il  forma 
un  corps  de  fantassins  {yaya  ou  piyadè) .  Mais  bientôt  les 
prétentions  insolentes  et  l'insubordination  de  cette  solda- 
tesque le  forcèrent  à  modifier  cette  tentative  d'organisation 
militaire.  C'est  pourquoi  il  résolut,  de  concert' avec  son 
vizir  Ala  ed-Dîn  et  le  qazi-asker  Djândéréli,  de  créer  une 
nouvelle  milice  qui,  ne  se  recrutant  pas  parmi  le  peuple, 
lui  fût  étrangère,  ne  pût  exciter  de  séditions,  fût  enfin 
entièrement  dévouée  au  sultan,  dont  elle  tiendrait  tout.  La 
loi  du  devchirmé  (recrutement)  fut  édictée  ;  elle  concluait 
à  Tenrôlement,  au  fur  et  à  mesure  que  la  nécessité  se  pré- 
senterait et  une  fois  par  an,  d'un  millier  de  jeunes  gens 
chrétiens  parmi  ceux  qui  avaient  accepté  la  sujétion  otto- 
mane. Ces  recrues,  cantonnées  dans  Brousse,  furent  éle- 
vées dans  la  religion  de  l'Islam  et  reçurent  une  rapide  ins- 
truction militaire  ;  chaque  homme  fut  habillé  d'un  vêtement 
d'uniforme  en  drap  grossier  et  eut  pour  paye  une  aspre 
(aqtchè)  (0  fr.  08)  par  jour  ;  comme  ration,  deux  pains, 
100  drachmes  (320  gr.)  de  riz,  200  de  viande  et  30  de 
beurre.  Le  suhan  étant  considéré  comme  le  père  nourricier 
de  cette  milice,  les  grades  des  officiers  et  des  sous-officiers 
empruntèrent  leur  dénomination  aux  principaux  emplois  de 
la  cuisine  :  le  commandant  fut  appelé  tchorbadji-hachi 


—  3 


JANISSAIRE 


(premier  distributeur  de  soupe,  cantinier),  après  lui  ve- 
naient V achtchi-bachi  (premier  maître -queux)  et  lesaqqa- 
èac/iz  (premier  distributeur  d'eau). En  raison  de  ces  bizar- 
reries, la  marmite  du  régiment  (qazdn)  en  fut  comme  le 
drapeau,  le  centre  de  ralliement,  et  Tinsigne  de  parade  fut 
une  cuiller  de  bois  fixée  au  bonnet  de  feutre  blanc.  Sur  la 
prière  d'Orkhân,  Finstitution  fut  solennellement  consacrée 
par  le  fondateur  de  Tordre  des  derviches  Bektachi,  Cheikh 
Hâdji-Bektach,  qui  bénit  la  troupe  en  imposant  les  mains 
sur  la  tête  de  l'un  des  hommes  et  en  disant  :  «  Cette  mi- 
lice aura  nom  yéni-tchérl  (nouvelle  milice)  ;  que  la  face 
de  ces  guerriers  soit  toujours  blanche,  leurs  bras  redou- 
tables, leur  sabre  tranchant,  leurs  flèches  mortelles,  et 
qu'eux-mêmes  soient  toujours  victorieux  !  »  En  mémoire 
de  cette  cérémonie,  le  bonnet  du  soldat  fut  agrémenté  par 
derrière  d'un  morceau  d'étoffe  représentant  la  manche  pen- 
dante du  derviche.  Hâdji-Bektach  devint  naturellement  le 
patron  spirituel  de  cette  troupe  d'élite  qui  devait  se  rendre 
si  célèbre  par  sa  bravoure,  ses  crimes  et  enfin  sa  lâcheté. 
Tel  est  l'historique  de  la  création  des  yéni-tchéri,  mot 
dont  nous  avons  fait  janissaires.  Les  commencements 
furent  modestes  ;  le  corps  ne  se  composa  que  de  mille 
hommes;  mais,  chaque  année,  on  enleva  un  millier  d'en- 
fants chrétiens  pour  l'augmenter.  Ce  chiffre  alla  toujours 
croissant  et  finit  par  atteindre  des  proportions  formidables  : 
Il  n'y  eut  pas  d'autre  mode  de  recrutement  jusqu'à  Moham- 
med IV  (1648-87).  «  C'est  le  plus  épouvantable  tribut  de 
chair  humaine,  dit  Th.  Lavallée,  qui  ait  été  levé  par  une 
religion  victorieuse  sur  une  religion  vaincue...  Par  cet 
étrange  mode  de  recrutement,  les  Ottomans  trouvèrent  à 
la  fois  le  moyen  d'enlever  aux  populations  chrétiennes  leur 
partie  la  plus  virile  et  de  doubler  leurs  troupes  sans  mettre 
les  armes  aux  mains  des  vaincus.  »  (HisL  de  la  Turquie.) 
Mourâd  I®"*  (1360-89),  qui  dut  aux  janissaires  d'être 
vainqueur  des  Serbes  à  Kossova,  dota  l'armée  créée  par 
son  père  d'un  code  militaire  spécial  et  en  perfectionna  l'or- 
ganisation. Après  lui  Mohammed  II  (1451-71),  le  conqué- 
rant de  Constantinople,  et  celui  de  l'Egypte,  Sélim  P^ 
(1512-20),  complétèrent  dans  une  large  mesure  les  lois 
qui  régissaient  ce  corps  et  y  introduisirent  les  réformes 
devenues  nécessaires  avec  le  temps  et  le  progrès.  Or  voici 
de  quelle  façon  était  constituée  l'armée  permanente  des 
janissaires,  à  l'époque  de  sa  plus  grande  gloire,  c.~à~d. 
au  xvi«  siècle,  sous  Suleïmân  le  Magnifique.  Le  corps  en- 
tier, désigné  sous  le  nom  de  odjâq^  comprenait  deux  caté- 
gories :  les  stagiaires  et  l'armée  active.  Ces  deux  catégories 
étaient  divisées  en  régiments  (orta),  chaque  orta  résidant 
en  un  local  déterminé  {oda,  chambrée,  caserne). 

Les  stagiaires  n'étaient  autres  que  les  enfants  chrétiens 
faits  esclaves  au  cours  des  guerres  et  les  jeunes  gens  re- 
crutés en  vertu  de  la  loi  du  devchirmé  parmi  les  sujets 
ottomans  non  musulmans;  c'étaient  des  Albanais,  des  Bos- 
niaques, des  Bulgares,  des  Grecs,  des  Serbes  ou  des 
Arméniens  de  Roumélie.  On  les  appelait  adjémi-oghldn^ 
c.-à-d.  «  enfants  (de  troupe)  étrangers  ».  Avant  d'entrer 
au  service  actif,  ces  novices,  ces  aspirants  janissaires 
avaient  à  faire  un  stage  de  sept  années.  En  conséquence, 
ils  étaient  envoyés,  dès  leur  inscription  aux  rôles,  les  uns 
dans  les  palais  impériaux,  les  autres  aux  casernes- écoles 
de  Constantinople,  ceux-ci  au  service  des  gouverneurs  de 
province,  ceux-là  dans  les  fermes,  jardins  et  vergers  du 
sultan.  Choisis  parmi  les  plus  robustes,  sinon  les  plus  in- 
telligents, ils  recevaient  d'officiers  instructeurs,  de  maîtres 
es  arts  et  métiers  rétribués  par  l'Etat,  une  éducation  aussi 
complète  que  possible  en  vue  de  leur  uture  carrière.  Outre 
la  langue  turque  elle  catéchisme  musulman,  on  leur  ensei- 
gnait le  maniement  des  armes,  les  exercices  de  force  et 
d'adresse,  les  différents  arts  manuels  et  industriels,  l'agri- 
culture, etc.  On  rompait  leur  esprit  à  la  plus  sévère  disci- 
pline et  leurs  corps  aux  plus  pénibles  travaux.  Ils  étaient 
employés  comme  ouvriers  dans  les  différents  arsenaux,  ate- 
liers et  manufactures  de  l'Etat.  Sous  le  nom  de  hostandji 
(jardiniers),  ils  avaient  la  garde,  la  police  et  l'entretien 


des  jardins  du  Sérail,  de  Scutari,  des  rives  du  Bosphore, 
de  Gallipoli  et  d'Andrinople  ;  sous  celui  àHlch-oghlân 
(V.  Icoglan),  ils  étaient  pages  de  Sa  lîautesse.  Six  cents 
d'entre  eux  étaient  employés  aux  travaux  de  menuiserie  et 
de  calfatage  à  bord  des  galères  de  l'Etat,  tandis  que  d'autres 
ramaient  sur  les  caïques  du  sultan.  C'est  enfin  parmi  eux 
que  se  recrutaient  les  marmitons  (djévelek)  et  les  bû- 
cherons (baltadji)  de  la  maison  impériale.  Après  un  long 
et  dur  apprentissage,  les  adjémi-oghlân,  s'ils  étaient  dignes 
d'entrer  dans  le  rang,  étaient  admis  à  combler  les  vides 
laissés  par  les  janissaires  morts  ou  retraités.  Ils  étaient 
alors  répartis  dans  les  différentes  armes  du  corps  suivant 
leurs  aptitudes.  Djévad  Bey  relate  ce  fait  curieux  qu'à  leur 
arrivée  à  Constantinople,  les  stagiaires  nouvellement  pro- 
mus avaient  pour  tradition  de  se  rendre  à  leurs  quartiers 
respectifs  en  marchant  à  la  queue  leu-leu  et  en  se  tenant 
les  uns  les  autres  par  le  pan  du  vêtement.  Ils  défilaient  en- 
suite devant  l'oda-bachi  qui,  comme  symbole  de  soumis- 
sion, appliquait  à  chacun  d'eux  un  soufflet  et  lui  tirait  les 
oreilles.  A  quoi  l'on  répondait  par  le  niyâz  ou  salut  mili- 
taire qui  consistait  à  croiser  les  bras  sur  la  poitrine  en 
inclinant  profondément  la  tète  ;  puis  on  recevait  son  brevet 
(sofa-tezkéré  )  aux  emblèmes  de  l'orta.  Voilà  coïtv- 
ment  on  devenait  janissaire  avant  l'an  1591,  car  à  partir 
de  cette  date  le  corps  des  adjémi-oghlân  perdit  complète- 
tement  de  son  prestige,  l'habitude  ayant  été  prise  de  rece- 
voir dans  l'odjâq  une  foule  de  gens  sans  aveu.  Le  corps 
entier  était  divisé  en  30  boulouk  (troupe)  et  29  djémaat 
(compagnie),  autrement  dit  59  ortas,  comptant  chacune 
trois  officiers  ;  le  tchorbadji  bachi  (colonel),  le  meïdân- 
kiahya  (capitaine)  et  le  qàpoudji  {==  huissier),  sorte  de 
référendaire  du  corps  près  l'agha  commandant  en  chef  la 
milice  des  janissaires.  L'odjaq  était  sous  les  ordres  immé- 
diats de  Vistamboul-aghaci  et  du  bostandji-bachi,  offi- 
ciers supérieurs  relevant  eux-mêmes  de  l'agha.  Enfin  les 
adjémi-oghlân  touchaient  une  solde  et  des  rations  régle- 
mentaires ;  ils  avaient  des  costumes  spéciaux  et  une  caisse 
de  secours.  D'après  l'historien  Aïni  Ali  Efendi,  l'effectif  des 
adjémi-oghlân,  y  compris  les  officiers,  maîtres  et  instruc- 
teurs, était  en  1609  de  9,406  hommes  recevant  par  tri- 
mestre une  paye  de  2,206,820  aspres;  effectif  réduit  un 
siècle  plus  tard  au  chiffre  de  6,781  hommes  à  raison  de 
376,164  aspres  par  trimestre. 

De  1 65  qu'il  était  sous  Mourâd  P^,  le  nombre  des  ortas 
de  la  milice  active  fut  porté  un  peu  plus  tard  à  196,  chiffre 
qui  ne  fut  dès  lors  jamais  dépassé.  Ces  196  régiments  furent 
divisés  en  trois  classes  :  djémaat  comprenant  101  ortas; 
boulouk,  61  ortas;  segbân  (wnlg.  seïmen,  piqueurs), 
34  ortas.  L'effectif  de  chaque  orta  varia  à  toute  époque, 
suivant  l'arme  et  suivant  les  circonstances;  il  fut  de  100, 
de  400,  de  500  hommes  et  même,  sous  Abd-ul-Hamid  P'' 
et  Sélim  III,  de  2,000  et  3,000  hommes.  Conséquem- 
ment,  l'effectif  total  de  l'odjaq  s'accrut  d'année  en  année 
dans  une  proportion  égale,  ainsi  que  l'indique  le  tableau 
suivant  : 


ANNÉES 

RÈGNES 

EFFECTIF 

1523 

Suleimân 

1.200 

1574 

Mourâd  III. 

13.600 

1580 

id. 

27.000 

1593 

id. 

48.688 

1595 

Mohammed  III 

45.000 

1609 

Ahmed  1°''. 

37.627 

1623 

Mourâd  IV. 

44.858 

1631 

id. 

46.113 

1G78 

Mohammed  IV. 

54.896 

1698 

Moustafa  IL 

33.389 

1727 

Ahmed  m. 

81.000 

1805 

Sélim  III. 

110.000 

1824 

Mahmoud  II. 

140.000 

Il  n'existait  pas  seulement  de  différence,  entre  chaque 
orta  de  la  milice  active,  pour  l'effectif  réglementaire,  ma's 


JANISSAIRE  -- 

encore  pour  la  tenue,  le  service,  les  emblèmes,  les  privi- 
lèges, etc.  Les  unes  tiraient  leur  nom  de  l'arme  à  laquelle 
elles  appartenaient,  les  autres  du  service  spécialCqui  leur 
incombait  ;  la  plupart  étaient  désignées  d'après  leur  classe 
et  leur  numéro  d'ordre.  Ainsi  il  y  avait  46  ortas  dites  de 
chameliers  (chuturbân  ou  déuedji)  ;  4  dites  des  privilé- 
giés {khasséki)  ;  4  d'archers  appelés  solaq  (gauchers), 
gardes  du  corps  du  sultan  ;  2  de  fusiliers  (tufenghi)  ; 
2  de  chasseurs  (segbân-avdji),  sans  compter  les  3  ortas 
des  tournadji^  des  zaghardji  et  des  samsoundji^  qui 
étaient  censément  préposés  aux  meutes  et  oiseaux  de  chasse 
du  sultan  ;  les  instructeurs  (taalim-khanédji),  les  canon- 
niers  (zembourekdji),  les  bombardiers  (khoumbaradji)^ 
les  artificiers  (baroudji),  les  conducteurs  du  train  et  des 
équipages  (top-arabadji)  composaient  l'effectif  d'un  nombre 
équivalent  d'ortas.  Il  va  sans  dire  que  l'artillerie  était 
montée,  et,  bien  que  le  corps  des  janissaires  fût  un  corps 
d'infanterie,  il  n'en  comptait  pas  moins  quelques  régi- 
ments de  cavalerie,  sans  doute  de  lanciers,  tels  que  les 
64«  et  65^  djémaat.  On  formait  aussi,  au  moyen  de  soldats 
tirés  des  trois  classes  mentionnées  plus  haut,  une  orta 
forte  de  900  hommes  qui,  sous  le  nom  de  qouroudji^ 
étaient  spécialement  chargés  du  service  des  eaux  et  forêts. 
Bon  nombre  d'ortas  étaient  communément  désignées  d'après 
le  titre  des  officiers  supérieurs  qui  en  étaient  comme  les 
chefs  honoraires.  Enfin,  le  1^^  boulouk  avait  le  privilège 
d'inscrire  à  son  rôle  le  nom  du  sultan  qui  touchait  en  per- 
sonne la  solde  du  simple  néfer,  mais  était  tenu,  en  re- 
vanche, sous  peine  de  clameurs  séditieuses,  en  sa  double 
qualité  de  père  nourricier  et  de  frère  d'armes,  de  payer  le 
don  de  joyeux  avènement  et  autres  gratifications  onéreuses 
du  nom  de  bakhchich. 

La  solde,  sous  le  règne  de  Suleïmân,  fut  portée  de  3  à 
7  aspres  pour  les  soldats  nouveaux,  de  8  à  20  pour  les 
vétérans,  et  pour  les  invalides  de  30  à  100  aspres  par  jour. 
L'aspre,  monnaie  d'argent,  valait  alors  40  paras  d'aujour- 
d'hui, soit  0  fr.  23,  A  la  fin  du  xvi®  siècle,  sous  Moham- 
med III,  le  maximum  de  la  solde  était  de  43  aspres  et  le 
minimum  de  7  ;  mais  déjà  l'argent  avait  subi  de  si  fortes 
dépréciations  que  le  taux  de  l'aspre  avait  baissé  de  plus 
de  moitié.  Une  retenue  était  faite  sur  le  montant  de  la 
solde  ou  plutôt  du  traitement,  puisque  la  paye  était  faite 
par  trimestre.  Les  sommes  ainsi  retenues  étaient  appelées 
tas-paraci  (sou  de  la  gamelle)  et  versées  dans  la  caisse 
du  régiment  ;  elles  servaient  de  fonds  de  réserve  pour  l'amé- 
lioration de  l'ordinaire,  la  décoration  des  casernes,  Fha- 
billement  de  gala  des  hommes,  pour  le  soulagement  des 
camarades  infirmes  ou  nécessiteux  et  la  rançon  des  prison- 
niers de  guerre.  On  versait  aussi  dans  cette  caisse,  d'après 
Marsigh,  non  seulement  le  montant  des  biens  propres  des 
janissaires  décédés,  mais  encore  le  produit  des  intérêts  du 
capital  à  raison  de  40  et  12  %.  Les  rations  (tain)  que 
recevait  chaque  soldat  étaient  tellement  abondantes  qu'elles 
laissaient  de  beaux  profits  au  vékil-khardj  (chef  de  l'in- 
tendance). L'uniforme  était  composé,  en  général,  d'un 
bonnet  de  feutre  {uskiuf)  et  du  turban  (adar),  dont  la 
forme  variait  d'une  or(a  à  l'autre  ;  d'une  tunique  de  drap 
(dolama);  d'un  large  pantalon  bouffant  {ichalvar);  de 
chaussures  appelées  yéméni  et  d'un  ceinturon  de  cuir  pla- 
qué de  métal.  Les  jours  de  parade,  on  arborait  le  bonnet 
broché  d'or  orné,  en  guise  de  pompon,  de  la  cuiller  de 
bois.  La  volumineuse  coiffure  et  le  reste  du  costume  des 
sous-officiers  et  officiers  était  varié  à  l'infini  et  d'autant 
plus  riche  que  le  grade  était  plus  élevé.  En  somme,  les 
janissaires  étaient  parfaitement  entretenus,  mais  toujours 
prêts  à  se  révolter  quand  on  ne  pourvoyait  pas  d'une  ma- 
nière suffisante  à  leurs  besoins.  En  temps  de  pai^,  ce 
qui  était  rare,  ils  remplissaient,  munis  d'un  long  bâton, 
les  fonctions  de  sergents  de  ville,  dont  ils  abusaient 
d'ailleurs  outre  mesure;  ils  étaient  commandés  par  un  chef 
de  police  appelé  salma-tchoqadar .  A  la  guerre,  ils  por- 
taient l'arquebuse  à  serpentin  ;  un  petit  sabre  {yataghân)^ 
un  coutelas  (khandjar)  et  un  pistolet  passés  dans  la  cein- 


4  — 


ture  ;  un  fourniment  contenant  poudre  et  plomb  et  la 
mèche  roulée  autour  du  bras  droit.  L'arc  (kémâïi)  fut  leur 
arme  jusqu'en  1570,  et  le  mousquet  (tufeng),  tromblon  ou 
canardière,  à  partir  du  xiv«  siècle.  Les  janissaires  formaient 
ordinairement  la  réserve  de  l'armée  turque  et  furent  pen- 
dant longtemps  célèbres  à  cause  de  l'aveugle  intrépidité 
avec  laquelle  ils  se  ruaient  sur  l'ennemi  ;  mais,  comme  ils 
étaient  et,  par  tradition,  restèrent  jusqu'à  la  fin  étrangers 
à  toute  espèce  de  tactique,  ce  qu'il  y  avait  d'impétueux  et 
de  sauvage  dans  le  premier  choc  ne  pouvait  être  dangereux 
que  pour  un  adversaire  aussi  peu  avancé  qu'eux-mêmes 
dans  l'art  de  faire  la  guerre.  C'était  pour  eux  une  tache 
que  de  laisser  prendre  par  l'ennemi  la  marmite  de  Porta  ; 
mais  renverser  le  qazân  ou  le  briser  était  le  signal  des 
séditions.  C'est  autour  de  ce  révolutionnaire  ustensile  de 
ménage,  qui  renfermait  le  destin  des  sultans  et  des  chefs 
du  corps,  que  les  officiers  janissaires  se  réunissaient  en 
conseil. 

On  a  vu  dans  quelles  proportions  s'accrut,  de  règne  en 
règne,  l'effectif  des  janissaires.  Sous  Orkhân,  cette  milice, 
encore  peu  importante,  avait  la  capitale  de  l'empire  pour 
unique  résidence.  A  partir  du  xvji^  siècle,  Constantinople 
abrita  dans  ses  casernes  plus  de  la  moitié  de  l'effectif.  Le 
reste  était  disséminé  dans  toute  l'étendue  du  territoire 
ottoman.  Des  régiments  entiers  ou  de  simples  détachements 
tenaient  garnison,  suivant  le  besoin  des  circonstances, 
dans  les  capitales  de  province,  dans  les  forteresses  des 
marches  frontières  ou  sur  d'autres  points  stratégiques  d'Eu- 
rope et  d'Asie  ;  l'Egypte  et  la  Barbarie  étaient  générale- 
ment exceptées.  Le  tableau  comparatif  ci-dessous,  indiquant 
les  lieux  de  garnison  les  plus  considérables  et  le  chiffre 
d'hommes  affeclés  à  la  garde  de  ces  places,  à  trois  époques 
différentes,  donnera  quelque  idée  d'une  répartition  en 
grande  partie  subordonnée  aux  événements  politiques. 


LIEUX 

DE     GARNISON 

E  F  F  E  G  T  I  !• 

en  1678 

(Mohammed  IV) 

EFFECTIF 

en  1723 
(Ahmed  III) 

EFFECTIF 

en  1750 
(Mahmoud  l«r) 

Bagdad 

3.800 
1.200 

470 
669 
)) 

159 

260 

4.585 

26.000 

» 

227 
626 

3.600 

117 

» 
1.849 

» 

611 

2.981 

341 

» 
1.575 
58 
1.241 

» 

208 

40.000 
810 
436 

» 
71 

)) 
)) 

937 

1.100 

582 

762 

2.284 

99 

4.914 
219 

5.039 

4.134 
961 

1.512 

810 
1.553 
50.000 
482 
722 
668 
259 
» 
» 

667 
1.551 
1.258 
1.379 
5.410 
119 

oasra...    . 

Belgrade 

Bender 

Bosna-Sérai 

Braïla 

Bude 

Caffa . . . 

Candie 

Constantinople 

Corinthe 

Damas 

Erziroum 

Jérusalem 

Kaminiecz  

Konyeii 

Mételin 

OtchaJvOv 

SaIoni(]ue 

Van 

Widdin 

Yéni-Kalé 

Le  commandement  suprême  de  Fodjaq  des  janissaires 
était  entre  les  mains  deVagha^  nommé  par  le  sultan,  sou- 
vent choisi  parmi  les  vizirs,  mais  plus  souvent  encore  im- 
posé par  le  choix  des  janissaires  eux-mêmes.  Investi  dans 
l'ordre  militaire  des  fonctions  les  plus  importantes,  géné- 
ralissime de  toutes  les  forces  de  l'empire,  sorte  de  ministre 
de  la  guerre,  l'agha  était  un  des  plus  hauts  dignitaires  de 
l'Etat.  En  campagne,  il  était  précédé  d'un  étendard  blanc 
surmonté  de  queues  de  cheval  (tough).  Comme  janissaire, 
il  touchait  une  solde  fixe  de  500  aspres  par  jour.  Le  pou- 
voir exercé  par  l'agha  sur  ses  subordonnés  était  presque 
illimité  ;  la  crainte  des  révoltes  l'empêchait  seule  d'en  pous- 
ser trop  loin  l'abus.  Il  avait  en  effet  droit  de  vie  et  de  mort 
et  était  la  source  de  toutes  les  grâces.  Toutefois,  il  n'y 


—  5  — 


JANISSAIRE 


avait  pas  de  poste  plus  périlleux  que  le  sien  ;  sa  tête  était 
l'enjeu  de  chaque  sédition.  Sous  ses  ordres  immédiats 
étaient  suivant  Fimportance  du  grade:  i®  le  segbân~ha- 
chi,  lieutenant  de  Fagha  avec  le  titre  de  qaïm-maqdm, 
commandant  les  84  ortas  de  segbân  ;  —  2^  le  goiil-kia- 
hya^  lieutenant  en  second  de  Fagha,  chef  d'état-major  de 
l'odjaq,  commandant  les  61  boulouk  ;  —  3^  le  mouzhir- 
agha,  officier  chargé  des  affaires  extraordinaires  de  Fodjaq 
qu'il  représentait  près  le  grand  vizir  ;  chef  du  25®  bou- 
louk ;  —  4^  le  kiahya-yéri,  lieutenant  du  qoul-kiahya, 
chargé  des  affaires  ordinaires  de  Fodjaq  qu'il  représentait 
près  l'agha,  chef  du  33®  boulouk  ;  —  5°  le  zaghardji- 
bachi,  chef  de  la  64®  djémaat  (commise  à  la  garde  des 
limiers  du  sultan);  —  6®  le  samsoimdji-bacfû,  chef  de 
la  7®  (dogues)  ;  7"*  le  tournadji-backi,  chef  de  la  63« 
(oiseaux  de  chasse).  Les  services  confiés  à  ces  trois  officiers 
supérieurs  furent  naturellement  supprimés  lorsque  les  sul- 
tans eurent  perdu  le  goût  de  la  chasse  ;  mais  le  grade  sub- 
sista et  les  titulaires,  toujours  membres  du  conseil  de  Fagha, 
conservèrent  leur  commandement  respectif  à  la  tête  de  leur 
régiment  transformé  en  régiment  d'infanterie  légère  ou  de 
chasseurs  ;  —  8^-ii®,  leskhasséki,  au  nombre  de  quatre, 
membres  du  conseil,  chefs  des  14®,  49^  66^  et  67®  djé- 
maat, ordinairement  délégués  par  l'agha  dans  le  comman- 
dement des  expéditions  peu  importantes;  —  12°  le  bach- 
tchaoûch,  chef  du  5®  boulouk,  chargé  de  présenter  les 
requêtes  au  conseil  de  Fagha,  de  présider  à  la  réception 
des  recrues  et  de  faire  exécuter  par  deux  tchaoï^œli  assis- 
tants les  peines  disciplinaires  encourues  par  les  hommes  de 
Fodjaq;  —  13®  le  kiâtib on  éfendi^  chef  du  18®  segbân, 
secrétaire  général  chargé  de  la  tenue  du  registre  des  rôles 
(kiutuk),  ayantsous  ses  ordres  les  chefs  comptables  du  corps 
des  stagiaires  et  de  la  milice  active,  ainsi  que  les  kiâtib 
particuliers  de  chaque  orta;  —  14®  Vimdm-agha^  aumô- 
nier en  chef  de  Fodjaq,  ayant  sous  sa  direction  les  196 
orta-imâm  du  corps,  chef  honoraire  de  la  28®  djémaat. 

Ces  quatorze  officiers  généraux  constituaient  Fétat-major 
de  Fodjaq  des  janissaires.  Les  officiers  de  Forta  étaient  les 
suivants  :  1®  le  tchorbadji^  grade  analogue  à  celui  de  co- 
lonel ;  —  ^^Vosta-bachi,  lieutenant-colonel  ;  —  3**Foda- 
bachi,  major, logéàla  caserne  ;  —  4® le  ?nozim(i;i,  capitaine, 
en  nombre  variable  ;  —  5°  le  baraïqdar,  porte-drapeau  ; 
drapeau  mi-partie  rouge  et  jaune,  orné  de  Femblème  dis- 
tinctif  de  chaque  régiment:  clef  ou  vaisseau,  ancre  ou  masse 
d'armes,  etc.,  que  l'on  reproduisait  sur  les  portes  du  quar- 
tier et  des  corps  de  garde,  sur  les  objets  ou,  tatoués,  sur  les 
membres  des  soldats  ;  —  6®  le  bach-eski  (vétéran)  ou  qara- 
goidlouqtchi,  commandant  de  corps  de  garde  (qaraqoul) y 
lieutenant;  —  7®  le  tchaoïwh,  sorte  de  sergent,  en  nombre 
indéterminé;  — S'^Vôn-bachi  (dizainier),  caporal; —  9®  le 
vékil-khardj,  officier  d'intendance  ;  —  10®  Vachtchi- 
bachiy  cuisinier  en  chef  et  geôlier  de  Forta,  la  cuisine 
étant  aussi  la  prison  ;  des  soldats  lui  servaient  d'aides  (ya- 
maq)  et  des  stagiaires  de  marmitons;  —  11®  le  saqqa-ba- 
chi^  officier  préposé  au  ravitaillement  de  l'eau  ;  —  1 2®  le  mu- 
tévelli,  administrateur  des  biens  de  mmnmortQ  (vouqoïif); 
—  13®  le  beït-îil-maldji,  trésorier;  —  14<*  le  mehtei'- 
bachiy  chef  de  la  fanfare  qui  se  composait  de  soixante- 
quatre  musiciens  et  chanteurs  :  timbaliers,  cors,  trom- 
pettes, flûtes,  hautbois,  cymbaliers,  chargés  de  donner  des 
aubades  aux  officiers  généraux  du  corps,  aux  dignitaires 
de  Fempire;  —  15®  Yorta-imdm^  aumônier. 

Telle  était  l'organisation  de  la  nouvelle  milice  sous  le 
règne  de  Suleimân-Khân  qui  brilla  au  dedans  d'un  éclat 
incomparable  et  fut  signalé  au  dehors  par  de  vastes  con- 
quêtes. Cette  organisation  se  trouvait  réglée  dans  les  moin- 
dres détails  par  la  «  loi  fondamentale  du  corps  »  ou  qa- 
7îoûn,  dont  les  dispositions  faisaient  l'objet  de  nombreux 
articles  commentés  et  rangés  sous  quatorze  titres  différents. 
En  voici  Fénumération  :  I.  Les  janissaires  doivent  aux  chefs 
exerçant  le  pouvoir,  aux  officiers  exerçant  le  commande- 
ment, une  soumission  et  une  obéissance  absolues.  —  II.  Il 
doit  régner  entre  tous  les  janissaires  une  union  et  un 


accord  parfaits  ;  leurs  casernements  et  lieux  de  campement 
seront  même  toujours  groupés  ensemble  et  à  part.  — 
ni.  Les  janissaires  s'abstiendront  de  toute  ctiose  qui  ne 
saurait  convenir  aux  braves,  comme  la  recherche  du  luxe 
dans  le  costume  et  les  armes,  etc.  —  IV.  En  ce  qui  concerne 
les  devoirs  que  la  religion  impose,  ils  ne  s'écarteront  ja- 
mais des  préceptes  du  vénérable  Cheikh  Hâdji-Bektach.  — 
V.  Ne  seront  admis  dans  Fodjaq  que  les  hommes  levés  en 
vertu  de  la  loi  du  devchirmé,  c.-à-d.  qui  auront  fait 
leurs  classes  dans  le  corps  des  adjémi-oghlân.  —  VI.  Les 
punitions  emportant  la  peine  de  mort  seront,  par  pri- 
vilège, appliquées  d'une  manière  spéciale.  (Rayé  préala- 
blement du  rôle  comme  indigne,  le  janissaire  condamné 
à  mort  par  le  conseil  de  Fagha  était  décapité  de  nuit 
et  à  huis  clos,  le  cadavre  était  jeté  à  la  mer,  un  coup 
de  canon  annonçait  que  la  sentence  était  exécutée).  — 
VIL  Les  janissaires  ne  pourront  être  admonestés  ni  punis 
que  par  leurs  officiers.  (Les  peines  correctionnelles  étaient 
la  bastonnade,  de  40  à  80  coups,  administrée  devant 
Foda-bachi  soit  à  la  caserne,  soit  en  place  publique,  l'em- 
prisonnement et  la  mise  aux  fers  dans  le  local  de  Fach- 
tchi-bachi.)  —  VIIÏ.  Les  promotions  en  grade  auront 
rigoureusement  lieu  par  ordre  d'ancienneté.  —  IX.  Les 
janissaires  invalides  seront  mis  à  la  retraite  et  recevront 
une  pension  proportionnelle.  —  X.  Les  janissaires  ne 
laisseront  pas  croître  leur  barbe.  —  XL  Ils  ne  pourront 
se  marier  avant  d'avoir  quitté  le  service  actif.  (Les  fils 
de  janissaires  furent  admis  au  xvi®  siècle  à  faire  par- 
tie des  stagiaires.  Les  enfants  en  bas  âge  laissés  par  les 
hommes  décédés  étaient  élevés  aux  frais  de  l'Etat  en  qua- 
lité de /bw(iow/a-/iownm,  jusqu'à  ce  qu'ils  entrassent  dans 
le  corps.)  —  XIl.  Les  janissaires  coucheront  à  la  caserne 
et  ne  s'en  éloigneront  pas  sans  autorisation.  —  XIII.  Ils 
ne  devront  exercer  aucun  métier.  —  XIV.  Ils  feront  à 
époques  fixes  (c'était  de  juin  à  novembre)  les  exercices  et 
manœuvres  nécessaires  à  leur  instruction  militaire. 

Le  règlement  organique  du  corps  des  janissaires,  œuvre 
de  Mourâd  I®^,  fut  augmenté  au  fur  et  à  mesure  par  ses 
successeurs  d'un  grand  nombre  d'articles  additionnels. 
Mais,  si  sages  qu'en  fussent  les  bases,  il  devint  au  bout  de 
deux  siècles  à  peu  près  lettre  morte,  tant  à  cause  de  Faffec- 
tion  dont  les  sultans  entouraient  les  janissaires,  que  des  pri- 
vilèges réclamés  et  obtenus  par  ceux-ci,  de  leur  exigences, 
de  leur  morgue  et  de  leur  indiscipline.  C'est  sous  Suleïmân 
que  la  puissance  de  cette  armée  modèle  atteignit  son  apo- 
gée, mais  pour  commencer  presque  du  même  coup  à  entrer 
dans  une  voie  de  décadence.  Ce  prince,  en  effet,  enleva 
aux  janissaires,  et  ce  fut  une  grande  faute  politique,  le 
privilège  qu'ils  avaient  de  n'entrer  en  campagne  que  quand 
le  sultan  commandait  Farmée  en  personne.  En  outre,  il  aug- 
menta leur  solde,  il  confia  au  plus  grand  nombre  la  garde 
de  Constantinople  qui  devint  leur  quartier  général  et  bien- 
tôt le  foyer  de  leurs  intrigues  ;  il  en  fit  la  garde  d'hon- 
neur des  ambassadeurs  et  des  consuls  étrangers  sous  le 
nom  de  cavas  (V.  ce  mot).  Leur  nombre  devint  bientôt 
insuffisant  pour  tous  les  services  qu'on  exigeait  d'eux  et 
l'on  dut  appeler  des  recrues  dans  leurs  rangs  non  plus  seu- 
lement par  l'enlèvement  des  enfants  chrétiens,  mais  par  de 
nombreux  privilèges  qui  attirèrent  dans  ce  corps  des  aven- 
turiers de  toute  origine.  On  leur  permit  de  se  marier,  on 
donna  le  brevet  de  janissaire  à  leurs  fils,  à  leurs  parents  ; 
on  leur  fit  grâce  du  régime  de  la  caserne;  on  leur  laissa 
exercer  des  métiers;  on  les  rendit  sédentaires  dans  les 
garnisons  qu'ils  occupaient  et  où,  citoyens,  pères  de  fa- 
mille, marchands,  industriels,  ils  n'eurent  plus  ni  disci- 
pline ni  vertus  guerrières.  Après  Suleïmân,  les  troubles 
intérieurs,  les  revers  éprouvés  au  dehors,  le  manque  de 
soldats,  la  dégradation  des  princes,  la  corruption  des 
grands,  Famollissement  du  peuple,  Faffaiblissement  de 
l'esprit  militaire  forcèrent  les  sultans,  qui  délaissaient 
la  tente  pour  le  sérail,  à  recevoir  dans  Fodjaq  le  rebut 
de  toutes  les  classes  de  la  société  et  de  toutes  les  na- 
tions :  ils  n'y  entra  plus  de  chrétiens,  mais  des  vagabonds 


JANISSAIRE  -  6 

et  des  brigands.  Les  nègres  seuls  continuèrent  à  en  être 
exclus.  C'est  qu'en  effet  le  titre  de  janissaire  était  devenu 
une  protection  suffisante  non  seulement  contre  les  exac- 
tions des  autorités  locales,  mais  contre  les  poursuites  judi- 
ciaires. Alors  ce  corps  qui  avait  été  une  armée  d'élite, 
brave,  disciplinée,  exercée,  fanatique,   toujours  mobile, 
campée,  en  marche,  guerroyante,  qui  avait  décidé  du  sort 
de  maintes  batailles,  devint  une  sorte  de  garde  nationale 
forte  de  ses  prérogatives,  pleine  d'insolence,  insoumise, 
irréligieuse,  avide,  inerte  enfin  et  lâche  devant  l'ennemi. 
L'histoire  des  janissaires,sauf  quelques  brillants  fait  d'armes, 
n'est  qu'une  suite  de  révoltes,  d'assassinats  de  vizirs,  d'aghas 
et  autres  dignitaires,  d'actes  de  brigandage,  d'affreuses 
atrocités  de  toutes  sortes,  à  tel  point  qu'ils  avaient  fini 
par  être  bien  plus  redoutables  aux  sultans  et  à  la  popula- 
tion paisible  que  l'ennemi  extérieur  ;  ils  avaient  fini,  en 
vrais  prétoriens,  par  s'arroger  le  droit  de  détrôner  leurs 
maîtres  et  de  les  faire  périr.  Ce  fut  le  sort  de  Bayézid  II 
(1512),  de  Mourâd  III   (1595),  d'Osman  II    (1622), 
d'Ibrahim  P^  (1648),  de  Moustafa  II  (1774),  de  SélimllI 
et  de  Moustafa  IV  (1808).  Aussi  y  eut-il  peu  de  sultans 
qui  ne  désirèrent  se  débarrasser  d'une  soldatesque  aussi 
effrénée,  constituant  une  menace  journalière  pour  la  sécu- 
rité de  l'empire,  un  Etat  dans  l'Etat.  Mais  les  tentatives 
faites  à  différentes  reprises  soit  en  vue  d'une  réforme,  soit 
en  vue    d'une 
dissolution,  ou 
n'avaient  point 
eu  les  résultats 
attendus,  ou 
avaient  complè- 
tement échoué 
et  provoqué, au 
contraire ,     d  e 
sanglantes  ré- 
volutions .    L  e 
sultan   Mah- 
moud II  (1808- 
39)  fut  le  pre- 
mier qui  réussit 
à  ex  terminer  les 
janissaires. 

Imbu  des 
idées  réforma- 
trices de  son 
cousin  Sé- 
lim  III,  Mah- 
moud avait  compris  qu'il  ne  pourrait  jamais  réorgani- 
ser l'armée  turque  tant  que  les  janissaires  ne  seraient 
pas  brisés.  Aussi  bien  l'opinion  publique,  lasse  de  leurs 
excès,  s'était  tournée  contre  eux,  les  oulémas  eux-mêmes 
les  abandonnaient,  irrités  de  leurs  railleries,  et  l'armée  les 
méprisait  pour  leur  lâcheté.  En  1826,  il  résolut  d'agir. 
Ayant  convoqué  chez  le  mufti  une  assemblée  générale  de 
tous  les  hauts  fonctionnaires  de  l'empire  et  des  principaux 
officiers  des  janissaires,  il  leur  fit  lire  et  approuver  un 
projet  d'ordonnance  qui  concluait  à  la  création  d'un  nou- 
veau corps  (nizâm-i-djédid)  instruit  à  l'européenne  et  com- 
posé de  soldats  tirés  de  l'odjaq  à  raison  de  150  hommes 
pour  chacune  des  51  ortas  de  Constantinople«  Les  membres 
de  cette  assemblée  s'engagèrent  par  écrit  à  employer  toutes 
leurs  forces  pour  faire  triompher  les  projets  du  sultan. 
L'acte  fut  lu  ensuite  aux  officiers  et  sous-officiers  des  ja- 
nissaires, qui  parurent  approuver.  Le  12  juin  commen- 
cèrent sur  la  place  Et-Meidani  les  leçons  d'exercice  pour 
les  officiers.  Cependant  ceux-là  même  qui  avaient  été  les 
premiers  à  applaudir  à  ces  réformes  conspiraient  en  se- 
cret pour  les  faire  avorter.  Une  proclamation  comminatoire 
du  grand  vizir  hâta  l'explosion  du  complot.  Dans  la  nuit 
du  16,  les  officiers  subalternes  et  les  soldats  janissaires 
renversent  leurs  marmites  et  se  réunissent  sur  l'At-Meï- 
dani;  au  point  du  jour,  ils  s'ébranlent  en  réclamant  à 
grands  cris  la  tête  des  principaux  fonctionnaires  de  l'em- 


Groupe  de  janissaires. 


pire.  Mahmoud,  qui  avait  prévu  ce  mouvement  séditieux  et 
avait  su  gagner  de  longue  main  les  officiers  les  plus  in- 
fluents, fait  alors  déployer  l'étendard  sacré  du  prophète 
{sandjaq-i-chérif}  que  le  mufti  plante  sur  la  mosquée 
d'Ahmed.  A  cette  vue,  les  masses  populaires  viennent  avec 
le  plus  vif  enthousiasme  se  mettre  aux  ordres  du  padichâh. 
Les  rebelles  sont  rapidement  refoulés  et  cernés  dans  la 
place  par  Ibrahim-Agha  à  la  tête  des  canonniers  et  des 
bostandjis  demeurés  fidèles  au  sultan,  fanatisés  par  les  pré- 
dications des  oulémas  et  la  vue  de  l'oriflamme  sainte.  Après 
des  sommations  inutiles,  le  feu  est  ordonné;  l'artillerie 
tonne  de  toutes  parts  :  les  janissaires  sont  impitoyable- 
ment massacrés  à  coups  de  boulets.  On  met  le  feu  aux  ca- 
sernes qui  bordent  la  place  et  dans  lesquelles  courent  se 
réfugier  ceux  qui  échappent  à  la  mitraille  ;  on  en  brûle 
plus  de  8,000.  Le  reste  fut  égorgé  partiellement  dans  les 
rues  de  la  capitale.  Un  hatti-chérif  à  la  date  du  17  juin 
déclara  le  corps  des  janissaires  à  jamais  dissous,  abolit 
l'ordre  des  derviches  Bektachi,  adversaires  déclarés  de  toute 
innovation,  et  frappa  même  d'anathème  le  nom  de  janis- 
saire.   Des  commissions  militaires  furent   établies  pour 
juger  et  faire  passer  par  les  armes  ceux  qui  avaient  pu 
échapper  à  la  boucherie  du  i6;  toutes  les  tentatives  ulté- 
rieures faites  en  province  par  les  janissaires  pour  relever 
la  tête  furent  immédiatement  étouffées  dans  le  sang.  On  éva- 
lua à  15,000  le 
nombre  d'indi- 
vidus égorgés 
dans  ces  exé- 
cutions et  à 
20,000    ceux 
qui  furent  ban- 
nis   les    jours 
suivants. 

De    l'ancien 
corps   des  ja- 
nissaires il  ne 
reste  plus  au- 
jourd'hui qu'un 
vague  souvenir 
évoqué    par 
quelques  -  uns 
des  cent  vingt 
mannequins    à 
têtes  et  à  mains 
de  bois  sculpté, 
revêtus  des  an- 
ciens   costumes  turcs    si  éblouissants   de  couleur  et  si 
variés  de  forme,  qui  constituent  le  musée  des  Elbicè-i- 
atiqa^  ce  vestiaire  rétrospectif  du  vieil  empire  ottoman, 
situé  au  fond  de  la  place  At-Meïdani,  à  Conslantinoplc. 
La  vignette  qui  accompagne  cet  article  représente,  d'après 
ce  pandémonium  décrit  il  y  a  quarante  ans  par  Th.  tm- 
tier  (Constantinople,  p.  311),   un  janissaire  de   fac- 
tion à  la  porte  d'un  corps  de  garde,  jouant  d'une  petite 
guitare  à  trois  cordes  appelée  souta  (1)  ;   près  de  lui  est 
le  balai  dont  chaque  passant  était  obligé  de  se  servir  pour 
approprier  la  rue,  à  moins  qu'il  ne  préférât  se  laisser  ou 
rançonner   ou  rosser  ;  (2)  un   orta-kiâtib   ou  officier 
payeur;  (3)  un  orta-tchaoïich ;  (4)  un  bach-qaraqoul- 
louqtchi^  armé  d'une  gigantesque  cuiller  à  pot  qui  jouis- 
sait du  privilège  de  certains  autels  anciens  :  tout* con- 
damné à  mort  qui  parvenait  à  la  toucher  était  gracié  de 
droit  ;  (5  et  6)  janissaires  de  corvée  portant  le  qazân  ; 
(7)  saqqa  chargé  de  l'outre  à  eau.         Paul  Ravaisse. 

BiBL.  :  RicAOT,  Etat  présent  de  l'empire  ottoman^  trrde 
l'anglais  par  Briot;  Paris,  1670.  —  Petis  de  La  Croix, 
Canon  de  Suleyman,  tr.  du  turc;  Paris,  1725.  —  Comte  de 
Marsigli,  Etat  militaire  de  VEmpii^e  ottoman,  ses  pro- 
grès et  sa  décadence  ;  Amsterdam  et  La  Haye,  1732,  in-foL, 
avec  44  pi.  —  Juchereau  de  Saint-Denys  ,  Révolutions 
de  Constantinople ;  Paris,  1814,2  vol.  —  Mouradjea  d'Ohs- 
SON,  Tableau  général  de  l'empire  ottoman;  Paris,  1787-90, 
2  vol.  in-fol.,  avec  1.S7  pi.  —  Von  Hammer-Purgstall, 
Staatsverwaltung  des  osmanischen  Reichs  ;  Vienne,  1813, 


2  vol.  —  EssAD  Efendi,  Histoire  de  la  destruction  des 
janissaires,  tr.  du  turc  parCAussiN  de  Perceval;  Paris, 
1833.  —  Brindési,  Musée  des  anciens  costumes  musul- 
mans, 22  planches  coloriées;  Paris,  1855.  —  Djévad  Bey, 
Etat  militaire  ottoman  depuis  la  fondation  de  l'Empire 
jusqu'à  nos  jours  (en  turc),  tr.  en  français  par  G.  Ma- 
cRiDÈs  ;  Paris,  1882,  t.  1,  avec  atlas. 

JANISSAIRE  (Le).  On  appelle  ainsi  l'auteur  de  mé- 
moires fort  curieux  écrits  en  polonais  vers  la  fin  du  xv^  ou 
le  commencement  du  xvi®  siècle.  Ces  mémoires,  découverts 
à  Berdytchev,  furent  publiés  pour  la  première  fois  à  Var- 
sovie par  Galezowski  en  1828.  Ils  ont  été  depuis  plusieurs 
fois  réimprimés  (Sanok,  4868,  3®  éd.).  L'auteur  n'était 
pas  Polonais  de  naissance  ;  c'était  un  Serbe,  Michel  Kons- 
tantinovitch  (né  à  Ostrovitsa,  en  pays  serbe),  qui  avait  été 
quelque  temps  janissaire  et  s'était  ensuite  établi  en  Pologne. 
Il  fournit  des  renseignements  fort  intéressants  sur  la 
Russie  et  la  Pologne.  Ses  mémoires  sont  le  premier  docu- 
ment historique  sérieux  en  langue  polonaise.  Ils  ont  été 
traduits  en  tchèque,  en  serbe  et  en  latin.  L.  L. 

BiBL.  :  Zeissberg,  Polnische  Geschichtsschreibung 
des  Mittelalters  (419-421). 

J  AN  KO  VI  es  DE  Zeszenicze  (Antoine-Stanislas-Nicolas- 
Pierre  FouRNiER,  baron)  homme  politique  français,  né  à 
Lunéville  le  7  juil.  1 763,  mort  à  Versailles  le  6  juin  1847. 
Préfet  de  la  Meurthe  en  1814,  il  fut  élu  député  de  ce  dép. 
le  n  août  1815,  et  réélu  en  1820,  1824  et  1827.  Il 
avait  été  un  des  membres  les  plus  ardents  de  la  Chambre 
introuvable,  puis  il  en  vint  à  se  créer  une  situation  indé- 
pendante et  déplut  fort  au  gouvernement  en  présentant 
en  1824  sa  fameuse  proposition  obligeant  à  la  réélection 
tout  député  acceptant  une  place  du  pouvoir.  Rejetée  avec 
indignation,  cette  mesure  finit  plus  tard  par  prévaloir. 

JANKOWSKI  (Placide) ,  écrivain  polonais,  né  dans  le 
gouvernement  de  Grodno  en  1810,  mort  à  Jérovitse  en 
1872.  Son  père  était  prêtre  uniate;  il  suivit  la  même 
carrière  tout  en  se  livrant  à  la  littérature.  Il  s'efforça 
comme  nouvelliste  d'imiter  les  humoristes  anglais  et  prit 
même  le  pseudonyme  de  Joh7i  ofDycalp  (Dycalp  est  l'ana- 
gramme de  Placyd).Ses  principales  œuvres  sont:  Lettres 
cT avant  les  fiançailles  et  avant  le  spleen (S^'ûn^L,  1841)  ; 
la  Bourgade  (id.,  1841);  le  Dernier  Revenant  (id., 
1842);  Souvenir  d\m  Elfe  (id.,  1843);  Récits  (id.^ 
1843);  Nouveaux  Récits  (Leipzig,  1847  ;  Bruxelles,  1862); 
le  Docteur  Panteusz  (Wilna,  1845;  Bruxelles,  1862)  ; 
Anecdotes  (Wilna,  1847)  ;  les  Bons  Mots  du  Staroste 
de  Kaniow  (Varsovie,  1873).  Lors  de  ses  débuts,  il  avait 
collaboré  avec  Kraszevvski.  On  lui  doit  en  outre  un  certain 
nombre  de  traductions. 

JAN  MAY  EN.  Ile  de  l'océan  Glacial  arctique ,  entre 
l'Islande  et  le  Spitzberg,  à  550  kil.  de  la  première  île,  à 
l'extrémité  du  plateau  sous-marin  qui  leur  sert  de  base 
commune  ;  elle  est  située  entre  70^-9^  et  71^9^  lat.  N., 
1045^  et  11  «24^  long.  0.  Elle  a  413  kil.  q.,  55  kil. 
de  long  du  S.-O.  au  N.-E.;  elle  se  divise  en  deux  mas- 
sifs montagneux  réunis  par  une  langue  de  terre  basse 
de  3  kil.  de  large;  le  massif  septentrional  renferme  le 
Beerenberg,  volcan  éteint  de  2,904  m.  d'alt,  d'où  descen- 
dent plusieurs  glaciers  ;  le  massif  méridional  est  un  plateau 
de  300  m.  d'alt.  bordé  de  falaises  escarpées;  ses  plus  hauts 
sommets  ont  500  m.  ;  sur  l'isthme  sont  le  Vogelberg 
(150  m.)  et  la  presqu'île  faussement  appelée  île  aux  (Eufs, 
volcan  encore  actif.  L'île  entière  est  de  formation  volca- 
nique et  récente,  contemporaine  des  dernières  laves  islan- 
daises. On  y  remarque  à  l'E.  les  baies  du  Bois  flotté  et  de 
Jamieson,  séparées  par  l'île  aux  OEufs;  à  l'O.  la  baie  du 
Nord  ou  Anglaise  et  la  baie  Marie  Muss,  séparées  par  le 
cap  de  la  Tour  de  Brielle  ;  au  N.  les  deux  baies  de  la 
Croix,  au  S.  les  baies  du  Sud  et  de  Guinée;  ces  enfonce- 
ments n'offrent  aucun  abri  aux  navires.  L'île  n'est  abor- 
dable que  par  le  temps  calme,  et  souvent  cachée  dans  le 
brouillard.  Elle  appartient  nominalement  au  Danemark, 
mais  est  inhabitée  ;  seuls  quelques  pêcheurs  de  phoques 
norvégiens  et  écossais  la  fréquentent.  Elle  renferme  des 
renards  polaires,  des  oiseaux  de  mer. 


—  JAINISSAIBE  ~  JANNEQUIN 

Elle  fut  aperçue  en  1607  par  H.  Hudson,  découverte  en 
1611  par  le  Hollandais  Jan  Mayen;  des  colons  hollandais 
qui  voulurent  s'y  installer  en  1630  y  périrent.  En  1882-83, 
les  Autrichiens  y  établirent  une  station  météorologique  sur 
l'isthme,  au  bord  de  la  baie  Marie  Muss.  A.-M.  B. 

BiBL.  :  Die  œsterreichlsche  Polarstation  Jan  Mayen; 
Vienne,  1886,  3  vol. 

JAN  MOT  (Louis),  peintre  lyonnais,  né  en  1815,  mort 
le  l^^juin  1892.  Elève  de  l'école  Saint-Pierre  à  Lyon,  il 
la  quitta  pour  l'atelier  d'Ingres  dont  l'esthétique  devait  do- 
miner sa  carrière.  Il  y  retrouva  son  ami  et  compatriote  Hip- 
polyte  Flandrin,  son  rival  dans  l'art  religieux  contempo- 
rain pour  la  suavité  de  l'expression.  Deux  des  premières 
œuvres  de  Janmot,  un  Christ  au  tombeau  et  la  Résur- 
rection du  fils  de  la  veuve  de  Naïm  (1840),  furent  très 
remarquées  à  Paris.  Mais  il  ne  tardait  pas  à  s'affirmer  avec 
une  composition  magistrale,  la  Cène,  à  Lyon,  où  sont  des 
morceaux  du  plus  grand  style,  et  un  tableau,  Fleur  des 
champs  (auj.  au  musée  de  Lyon)  (1845).  Vers  le  milieu 
de  sa  vie,  L.  Janmot  exposa  aux  Salons,  avec  maints  sujets 
religieux,  des  portraits  fort  estimés.  Parmi  ses  nombreuses 
fresques  (à  Lyon,  à  Bordeaux,  à  Saint-Germain-en-Laye , 
à  Toulon,  etc.),  il  faut  mentionner  le  chœur  de  Saint- 
Polycarpe  à  Lyon,  de  sa  maturité,  et  une  chapelle  à  Saint- 
Etienne-du-Mont,  de  sa  dernière  manière.  Il  subissait 
depuis  quelque  temps  l'influence  de  Delacroix,  celle  aussi 
du  paysagiste  dauphinois  Ravier.  Une  importante  suite  de 
trente-quatre  compositions  symboliques,  le  Poème  de 
l'dme,  que  Janmot  mettait  au  premier  rang  de  son  œuvre, 
occupa  plus  de  dix  années  de  sa  meilleure  époque.  Il  la 
divulgua  même  en  un  album  photographique  accompagné 
de  poésies  correspondantes  (Saint-Etienne,  1881,  in-4). 
Très  inégale,  cette  série  d'épisodes  mystiques  lui  a  néan- 
moins inspiré  quelques-unes  de  ses  œuvres  parfaites,  des 
dessins  d'un  style  souple  et  serré,  enfermant  les  plus 
chastes  inspirations  de  notre  art  religieux.  Profondément 
pénétré,  comme  Flandrin,  du  mysticisme  lyonnais,  s'il  a 
moins  constamment  que  celui-ci  la  discipline,  il  a  plus  que 
lui  l'imagination.  Leurs  œuvres  s'associent  pour  témoigner 
d'un  même  idéal.  Janmot  avait  publié  en  1887  un  ouvrage 
important.  Opinion  d'un  artiste  sur  l'art,  pour  exposer 
sa  doctrine.  Paul  Mariéton. 

JAN  NÉE  (Alexandre),  roi  et  grand  prêtre  juif  (V. 
Alexandre,  t.  II,  p.  98). 

J  A  N  N  EQ  Ul  N  (Clément) ,  compositeur  français  du  xvi*^  siè- 
cle. On  ne  sait  rien  de  sa  biographie.  Dans  la  dédicace 
d'un  de  ses  ouvrages,  imprimé  en  1559,  il  se  dit  «  en  povre 
vieillesse  vivant  ».  Quelques  auteurs  l'ont  désigné  sans 
preuves  comme  élève  de  Josquin  Deprés.  Les  plus  anciennes 
de  ses  compositions  connues  sont  deux  chansons  à  quatre 
voix  imprimées  en  1529  dans  deux  recueils  d'Attaingnant  ; 
l'une  de  ces  deux  compositions  est  la  chanson  des  Cris  de 
Paris,  où  se  révèle  pour  la  première  fois  le  génie  descrip- 
tif de  Jannequin  et  sa  verve  comique.  Peu  d'années  après 
parut  chez  Attaingnant  le  recueil  :  Chansons  de  maistre 
Clément  Jannequin  nouvellement  et  correctement  im- 
prinieez.  La  Bibliothèque  nationale  en  possède  un  exem- 
plaire complet.  On  y  trouve  cinq  morceaux  :  «  Reveillez- 
vous,  cueurs  endormis  »  (chanson  dite  le  Chant  des 
oiseaux)  ;  «  Escoutez  tous,  gentilz  gallois  »  {la  Guerre, 
appelée  aussi  la  Bataille  ou  la  Défaite  des  Suisses  à  la 
bataille  de  Marignan)  ;  «  Gentilz  Veneurs  »  {la  Chasse)  :; 
«  Or  sus,  vous  dormez  trop  »  {le  Chant  de  l'alouette), 
et  «  Las  povre  cueur  ».  Le  succès  de  ces  morceaux  d'une 
originalité  saisissante  s'affirma  par  de  nombreuses  éditions  : 
Tilman  Susato  imprima  la  Bataille,  la  Chasse  et  le  Chant 
des  oiseaux  dans  son  Dixiesme  Livre  des  chayisons  (An- 
vers, 1545).  Nicolas  Duchemin,  à  Paris,  en  1551,  pu- 
bUa  de  Jannequin,  dans  son  Cinquiesme Livre  durecueil, 
le  Chant  des  oiseaux,  le  Chant  du  rossignol,  le  Chant 
de  V alouette,  la  Guerre  (ou  la  Bataille),  la  Prise  et  la 
Rédiiction  de  Boulogne,  la  Meunière  de  Vernon.  En 
1555,  Duchemin  réimprima  les  mêmes  pièces  en  deux  livres 


JANNEQUIN  —  JANSÉNISME  — 

sous  le  titre  à' Inventions  musicales  de  maistre  Clément 
Janneqain.  Elles  reparurent  en  J559  chez  Le  Roy  et 
Ballard,  dans  le  Verger  de  musique  où  figurent,  en  outre, 
quatre  nouveaux  morceaux  du  même  genre  :  «  Or  sus, 
branles  la  teste  »  ou  la  Bataille  de  Metz  ;  le  Caquet  des 
femmes^  la  Jalousie  et  la  Bataille  de  Benty.  De  toutes 
ces  chansons,  la  plus  estimée  semble  avoir  été  celle  de  la 
Guerre,  on  la  Bataille  de  Marignan,  sur  laquelle  Janne- 
quin  lui-même  écrivit  une  messe  insérée  en  1530  dans  le 
Liber  decem  missarum  de  J.  Moderne.  Tous  les  luthistes 
du  XVI®  siècle  s'escrimèrent  à  la  jouer  sur  leur  instrument. 
Verdelot  y  ajouta  une  cinquième  voix  facultative.  En  notre 
siècle,  cette  célèbre  chanson  a  retrouvé,  d'abord  dans  les 
exercices  de  l'école  de  Choron,  puis  de  nos  jours  dans  les 
concerts  de  l'école  Niedermeyer,  de  la  Société  Bourgault- 
Ducoudray  et  des  chanteurs  de  Saint-Gervais,  une  partie 
de  la  vogue  dont  elle  avait  joui  à  la  cour  de  François  I^''. 
Si  les  morceaux  descriptifs  de  Jannequin  montrent  le  côté 
le  plus  personnel,  le  plus  nouveau,  le  plus  intéressant  de 
son  talent  et  de  son  esprit  tout  français,  ils  ne  représen- 
tent qu'une  petite  part  de  son  œuvre,  qui  comprend  un 
très  grand  nombre  d'autres  chansons  à  plusieurs  voix.  On 
cite  de  lui  un  recueil  de  Sacrœ  Cantiones  seu  motectœ 
quatuor  vocum  (Paris,  1533).  Avec  sa  messe  sur  la  Ba- 
taille, il  a  écrit  une  mesi^e  super  l'aveugle  Dieu,  imprimée 
en  1554  dans  le  recueil  de  Duchemin,  Missœ  duodecim. 
Vers  la  fin  de  sa  vie,  Jannequin  parut  abandonner  les  sujets 
mondains  et  souvent  plus  que  profanes  qu'il  avait  affec- 
tionnés. Il  fit  paraître  en  1558  chez  Le  Roy  et  Ballard  un 
livre  de  Proverbes  de  Salomon  mis  en  cantiques  et 
rymes  françoises  selon  la  vérité  hébraïque,  nouvelle- 
ment composés  en  musique  à  quatre  parties.  Puis,  en 
1559,  Octante  deux  Psaumes  de  David,  traduits  en 
rhytkme  finançais  par  CL  Marot  et  autres,  avec  plu- 
sieurs cantiques  nouvellement  composés  en  musique  à 
quatre  ])arties.  Ces  deux  ouvrages  ont  fait  supposer  que 
Jannequin  avait  embrassé  le  protestantisme.     M.  Brenet. 

JANNET  (Claudio),  économiste  français,  né  à  Paris  le 
22  mars  1844.  Avocat  à  Aix,  docteur  en  droit,  il  devint 
professeur  d'économie  politique  à  l'université  catholique  de 
Paris.  Il  appartient  à  l'école  de  Le  Play.  Citons  parmi  ses 
œuvres  :  Etude  sur  la  loi  Voconia  (Paris,  1867,  in-8)  ; 
De  VEtat  présent  et  de  V avenir  des  associations  coopé- 
ratives (1867,  in-8)  ;  F  Internationale  et  la  question 
sociale  (1871,  in-8)  ;  les  Résultats  du  partage  forcé  des 
successions  en  Provence  (1871,  in-8)  ;  les  Institutions 
sociales  elle  droit  civil  à  Sparte  (1874,  in-8);  les 
Etats-Unis  contemporains  {\'èl^,m'i^\  4^  éd.,  1888, 
2  vol.  in-8);  les  Sociétés  secrètes  (1876,  in-32)  ;  le 
Crédit  populaire  et  les  Banques  e7i  Italie  (\  885,  in-8)  ; 
les  Précurseurs  de  la  franc-maçonnerie  (1 887,  gr.  in-8)  ; 
les  Faits  économiques  et  le  mouvement  social  en  Italie 
(1889,  in-8);  le  Socialisme  d'Etat  et  la  réforme  so- 
ciale (1889,  in-8)  ;  le  Capital,  la  spéculation  et  la 
finance  au  xix"^  siècle  (1892,  in-8). 

JANNEYRIAS.  Com.  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Vienne, 
cant.  de  Meyzieux;  546  hab. 

JANOCKI  (Jean-Daniel),  bibliographe  polonais,  né  à 
Birnbaum  (Posnanie)  en  1729,  mort  à  Bomst  le  29  sept. 
1786.  Fils  d'un  Allemand  du  nom  de  Janisch,  il  se 
convertit  au  catholicisme,  devint  bibliothécaire  d'André 
Zaluski  et  publia  sous  le  titre  de  Janociana  (Varsovie, 
1776-79,  2  vol.  ;  suppl.  par  Linde,  1819)  un  vaste  re- 
cueil renfermant  de  nombreuses  notices  sur  les  anciens 
écrivains  polonais. 

JANOV.  Nom  de  deux  villes  de  la  Pologne  russe:  l'^gouv. 
de  Lublin,  sur  la  Bjela,  7,000  hab.  ;  2»  gouv.  de  Sjedlec, 
sur  le  Boug,  3,000  hab.,  haras  impérial. 

JANOV  (Mathias  de),  théologien  tchèque  du  xiv«  siècle, 
mort  en  1394.  Il  fut  l'élève  de  Milic  de  Kromèriz,  l'un  des 
précurseurs  de  Jean  Hus.  Après  avoir  étudié  la  théologie 
à  Prague,  il  passa  à  l'université  de  Paris.  Aussi  est-il 
souvent  désigné  sous  le  nom  de  magister  parisiensis. 


De  1381  à  1394  il  fut  chanoine  à  la  cathédrale  de  Prague. 
Il  écrivit  un  certain  nombre  d'ouvrages  de  théologie  qui 
frayèrent  la  voie  aux  doctrines  de  Hus. 

BiBL.  :  V.  Jean  Hus. 

JÂNOWSKI  (Jean-Népomucène),  publiciste  polonais,  né 
à  Konopisky  en  1803,  mort  en  France.  Il  était  bi- 
bliothécaire de  la  Société  des  amis  des  sciences  lorsque 
éclata  la  révolution  de  1836,  Il  rédigea  pendant  la  révo- 
lution la  Gazette  polonaise,^  émigra  ensuite  en  France  et 
appartint  au  parti  démocratique.  Outre  de  nombreux  ar- 
ticles et  des  brochures  polonaises,  il  a  écrit  en  fran- 
çais :  Considérations  sur  la  nationalité  française  au 
wm^ siècle;  les  Derniers  Moments  de  la  Révolution  de 
Pologne  en  i83i. 

JANS.  Com.  du  dép.  de  la  Loire-Inférieure,  arr.  de 
Châteaubriant,  cant.  de  Derval;  1,741  hab. 

JANS  (Jean),  tapissier  du  xvu^  siècle,  né  à  Audenarde 
(Belgique).  Cet  artiste  quitta  son  pays  avec  plusieurs 
de  ses  concitoyens  pour  venir  s'établir  à  Paris.  Il  y  était 
depuis  plusieurs  années  et  s'était  fait  connaître  par  son 
habileté  textile,  quand  il  fut  nommé  maître  tapissier  du 
roi  (1654).  Il  dirigea  plus  tard,  aux  Gobelins,  l'atelier  de 
haute  hsse  le  plus  renommé,  et  il  y  employait  soixante-sept 
ouvriers,  sans  compter  les  apprentis,  qui  tous  travaillaient 
sous  ses  ordres.  Lorsque  la  maison  des  Gobelins  fut  trans- 
formée en  manufacture  royale,  les  ouvrages  de  Jans  étaient 
payés  à  un  prix  supérieur  aux  sommes  allouées  aux  ateliers 
de  ses  travaux,  et  il  a  inscrit  son  nom  sur  les  plus  belles 
tentures  commandées  par  le  roi,  notamment  sur  celles 
qui  représentent  l'histoire  du  monarque.  Jans  fut  remplacé 
en  1691  par  son  fils  qui  conserva  la  direction  d'un  atelier 
de  haute  lisse  aux  Gobelins,  jusqu'en  1731.  On  lui  doit 
l'exécution  des  belles  portières  des  Dieux,  d'après  Audran; 
mais,  bien  qu'il  ait  conservé  fidèlement  les  traditions  artis- 
tiques de  son  père,  il  n'en  dut  pas  moins  céder  aux  exi- 
gences des  peintres  dont  les  cartons  tendaient  à  s'éloigner 
des  vigoureuses  compositions  décoratives  de  Lebrun. 

BiBL.  :  E,  MuNTz,  la.  Tapisserie.  —  J.-J.  Guiffrey,  His- 
toire de  la  Tapisserie, 

JANSA  (Léopold),  violoniste  et  compositeur,  né  à  Wil- 
denschwert  (Bohême)  en  1797,  mort  à  Vienne  le  25  janv. 
1875.  Fixé  à  Vienne  en  1825,  il  fut  nommé  violoniste  de 
la  chapelle  impériale  et  directeur  de  musique  à  l'université. 
Ses  séances  de  quatuors  étaient  assidûment  fréquentées  et 
vantées  pour  la  perfection  de  l'exécution.  En  1849,  Jansa 
ayant  donné  à  Londres  un  concert  au  bénéfice  des  exilés 
hongrois,  le  séjour  de  Vienne  lui  fut  interdit.  Il  demeura 
en  Angleterre  jusqu'à  1868,  époque  à  laquelle  une  amnis- 
tie lui  permit  de  retourner  en  Autriche.  Jansa  a  publié 
quatre  concertos  pour  violon  et  orchestre,  huit  quatuors,  de 
nombreuses  fantaisies  et  sonates,  et  plusieurs  recueils  de 
duos  pour  deux  violons. 

JANSAC.  Com.  du  dép.  delà  Drôme,  arr.  de  Die,  cant. 
de  Luc-en-Diois  ;  107  hab. 

JANSÉNISiVIE.  Les  théologiens  orthodoxes  définissent  le 
jansénisme  :  un  système  hérétique  sur  la  grâce,  le  libre 
arbitre,  la  prédestination,  le  mérite  des  œuvres  et  le  bien- 
fait de  la  rédemption.  Nous  en  avons  indiqué  l'origine  aux 
mots  Bâius,  Du  Vergier  de  Hauranne  (Jean),  Jânson 
(Jacques),  Lessius,  Molina.  —  Dans  le  célèbre  livre  que 
ses  éditeurs  testamentaires  intitulèrent  Augustinus  Cor- 
nelii  Jansenii,  episcopi,  seu  doctrina  sancti  Augustini 
de  humanœ  naturœ  sanitate,  œgritudine,  medicina, 
adversus  Peligianos  et  Massilienses,  tribus  tomis  com- 
prehensa  (Louvain,  1640,  in-foL;  Paris,  1641;  Rouen, 
1652),  Jansenius  avait  entrepris  d'exposer  la  doctrine  de 
saint  Augustin.  Or,  comme  nous  l'avons  dit  à  propos  de 
Baius  et  de  Gotteschalk,  il  y  a  beaucoup  de  choses,  des 
choses  différentes  et  même  contraires,  dans  saint  Augustin, 
qui  a  rédigé  lui-même  de  nombreuses  rétractations  de  ses 
propres  opinions,  et  dont  l'autorité  a  été  alléguée  tour  à 
tour  par  les  catholiques  et  parles  hérétiques.  Quand  il  com- 
bat les  manichéens,  qui  estimaient  essentiellement  mau- 


—  9  — 


JANSENISME 


vaise  la  nature  de  l'homme,  il  laisse  à  la  liberté  et  aux 
iacultés  humaines  une  part  qui  peut  être  accommodée  à  la 
doctrine  traditionnelle  du  catholicisme.  Mais,  quand  il  com- 
bat les  pélagiens,  qui  lui  opposaient  les  qualités  naturelles 
et  la  liberté  de  l'homme,  et  généralement  toutes  les  fois 
qu'il  expose  ingénument  son  propre  sentiment,  tout  en  gar- 
dant le  nom  de  hberté,  il  réduit  l'homme  à  une  impuis- 
sance telle,  qu'elle  rend  vains  tous  les  efforts  de  sa  volonté, 
et  qu'elle  l'asservit  à  une  grâce  nécessaire,  d'autant  plus 
voisine  de  la  fatalité,  que  dans  le  système  qu'il  développa 
en  la  lutte  contre  les  pélagiens,  la  prescience  divine  équivaut 
à  la  prédestination.  En  effet,  par  suite  du  péché  d'Adam, 
l'humanité  est  devenue  une  masse  corrompue  (massa  per- 
ditionis)^  absolument  incapable  par  elle-même,  non  seule- 
ment de  faire,  mais  de  vouloir  le  bien,  par  des  motifs 
agréables  à  Dieu.  Dans  cet  état,  tout  ce  qu'elle  veut  est  un 
péché.  Tous  les  hommes  sont  hbres,  mais  seulement  de 
pécher,  et  dans  la  manière  de  pécher  :  aucun  d'eux  ne  peut 
être  sauvé,  sinon  par  le  bénéfice  d'une  disposition  spéciale, 
gratuite  et  irrésistible  {insuper abiliter  et  indeclinabi- 
liter),  que  nul  désir  ou  nul  acte  de  sa  part  n'a  la  vertu 
de  mériter  ou  de  provoquer,  mais  qui,  après  avoir  pré- 
venu la  volonté  des  élus^  les  soutient  dans  leurs  résolu- 
tions et  les  aide  à  agir,  pour  achever  en  eux  l'œuvre  de 
l'élection.  Ne  pas  comprendre  un  homme  dans  ce  décret 
d'élection,  c'est  le  mettre  hors  de  la  grâce  qui,  seule,  peut 
sauver  ;  c'est  le  laisser  incurablement  réduit  à  un  état  per- 
manent du  péché,  et  implicitement  le  prédestiner  à  la  dam- 
nation. En  fait,  l'Eglise  catholique  n'a  jamais  admis  cette 
doctrine,  parce  qu'elle  atténue  désastreusement  la  valeur 
des  œuvres,  et  que  cette  valeur  constitue  le  plus  riche  tré- 
sor de  l'Eglise.  Quand  l'augustinisme  lui  est  présenté  en  la 
personne  de  saint  Augustin,  elle  s'incline;  mais,  quand  il 
est  représenté  par  des  docteurs  moins  inviolables,  elle  les 
condamne  sévèrement. 

Jansenius  avait  lu  dix  fois  tous  les  ouvrages  de  saint 
Augustin  et  trente  fois  ses  écrits  contre  les  pélagiens; 
d'ailleurs  son  ouvrage  était  dirigé  contre  le  pélagianismeet 
le  semi-pélagianisme.  Il  semble  inutile  de  dire  dans  quels 
écrits  de  saint  Augustin  il  avait  cherché  la  doctrine  de  ce 
Père  de  l'Eglise,  et  ce  qu'il  y  avait  trouvé.  Son  gros  livre, 
qui  résume  vingt-deux  années  de  travail,  est  divisé,  comme 
le  titre  l'indique,  en  trois  parties  :  I.  Historiqne  de  l'hé- 
résie de  Pelage  et  de  ses  continuateurs  ;  IL  Exposé  de  la 
doctrine  de  saint  Augustin  sur  la  nature  de  Phomme,  dans 
son  état  de  pureté  primitive,  puis  dans  son  état  de  dégra- 
dation depuis  la  chute  d'Adam  ;  III.  Sentiments  du  même 
docteur  sur  la  grâce  et  sur  la  prédestination  des  anges  et 
des  hommes.  Dès  son  apparition,  les  jésuites  l'attaquèrent 
bruyamment,  les  partisans  de  Jansenius  le  défendirent  de 
même.  Un  décret  de  l'Inquisition  (22  mars  1641)  prescri- 
vit vainement  le  silence  aux  uns  et  aux  autres .  Par  bulle 
du  6  mars  1642,  Urbain  VIIÏ  condamna  VAugustinus^ 
comme  ayant  été  publié  sans  l'autorisation  du  saint-siège 
et  comme  renouvelant  des  propositions  de  Baius  condam- 
damnées  par  Pie  V  et  Grégoire  XllI.  Mais  ce  fut  seulement 
le  2  janv.  1644  que  cette  bulle  fut  portée  à  la  faculté  de 
théologie  de  Paris,  avec  une  lettre  de  cachet  du  roi,  enjoi- 
gnant de  la  recevoir,  selon  l'intention  du  pape.  La  faculté 
fit  défense  à  tous  les  bacheliers  de  soutenir  ou  d'approuver 
les  propositions  condamnées;  mais  elle  différa  l'enroËfis- 
trement  de  la  bulle,  parce  qu'elle  visait  des  décrets  de  l'In- 
quisition, dont  l'autorité  n'était  pas  reconnue  par  l'Eglise 
gallicane.  Quelques  jours  auparavant,  Isaac  Habert,  alors 
théologal  de  l'Eglise  de  Paris,  depuis  évêque  de  Vabres, 
avait  commencé  à  attaquer  VAugmti7ius  dans  des  sermons 
prêches  à  Notre-Dame.  Plusieurs  historiens  prétendent  qu'en 
agissant  ainsi,  Habert  obéissait  aux  ordres  de  Richelieu  ; 
mais  Richelieu  était  mort  depuis  un  an.  Antoine  Arnauld 
répondit  par  une  Apologie  de  M.  Jansenius  ;  Habert  ré- 
pliqua par  une  Défense  de  la  foi^  à  laquelle  Arnauld  op- 
posa une  seconde  Apologie^  puis  une  troisième,  ayant  pour 
litre  Apologie  pour  les  saints  Pères.  Habert  ne  répondit 


plus,  mais  il  composa  un  ouvrage  dans  lequel  il  établissait, 
d'une  manière  très  pertinente,  que  la  doctrine  des  Pères 
grecs  est  unanimement  contraire  au  système  de  VAugus- 
tinus. 

Le  l^^juil.  1649,  Nicolas  Cornet,  docteur  delà  maison 
de  Navarre,  syndic  de  la  faculté  de  théologie,  présenta  à 
l'assemblée  six  propositions  dont  les  cinq  premières  résu- 
maient ce  que  lui  et  des  docteurs  vénérables  prétendaient 
avoir  trouvé  de  plus  contraire  à  la  foi  dans  le  livre  de 
Jansenius.  Un  autre  docteur,  Sainte-Beuve,  proposa  d'y 
ajouter  une  septième.  Les  deux  dernières  propositions  con- 
cernaient le  sacrement  de  Pénitence  ;  il  n'en  fut  plus  ques- 
tion dans  la  suite.  Malgré  Popposition  de  Louis  de  Saint- 
Amour,  une  commission  fut  nommée  pour  examiner  les  pro- 
positions incriminées.  Soixante  docteurs  appelèrent  comme 
d'abus  contre  cette  décision,  et  obtinrent  du  parlement 
(5  oct.)  un  arrêt  défendant  d'agiter  cette  matière  jus- 
qu'à ce  que  la  cour  en  eût  autrement  ordonné.  Les  commis- 
saires furent  intimidés  par  cette  procédure.  Après  avoir 
désavoué  devant  le  parlement  la  censure  qu'ils  avaient 
préparée,  ils  conclurent,  et  la  faculté  résolut  qu'on  ne  pas- 
serait point  outre  à  l'examen  des  propositions,  parce  qu'il 
y  avait  été  pourvu  par  les  ordonnances  ecclésiastiques  et 
qu'il  suffisait  au  syndic  de  les  exécuter.  Mais  Passemblée 
du  clergé  (mai  1650)  adoptaune  lettre  qui  avait  été  rédigée 
par  Habert  et  qui  fut  signée  par  quatre-vingt-cinq  évêques 
auxquels  trois  autres  s'adjoignirent  dans  la  suite.  Afin  de 
mettre  fin  aux  divisions  et  aux  querelles  qui  troublaient 
PEglise,  les  évêques  sollicitaient  un  jugement  souverain  du 
pape  sur  les  cinq  premières  propositions  dénoncées  par  Cor- 
net. Ils  rappelaient  que  Jansenius,  proche  delà  mort,  avait 
soumis  son  ouvrage  au  jugement  du  saint-siège.  En  effet, 
le  6  mai  1638,  une  demi-heure  avant  de  mourir,  il  avait 
dicté  un  testament,  par  lequel  il  léguait  le  manuscrit  de 
VAugustinus  à  Réginald,  son  chapelain,  le  chargeant  de 
le  publier  conjointement  avec  deux  autres  amis.  Ce  testa- 
ment finissait  ainsi  :  «  Je  sens  que  des  changements  se- 
raient difficiles.  Cependant,  si  le  saint-siège  exige  quelques 
changements,  je  suis  un  fils  obéissant  et  soumis  à  PEglise, 
dans  laquelle  j'ai  vécu  jusqu'à  mon  lit  de  mort.  »  Il  avait 
même  eu  la  pensée  de  dédier  son  livre  au  pape  ;  sa  lettre, 
supprimée  par  Calenus  et  Fromond,  fut  publiée  plus  tard 
par  Condé,  entre  les  mains  duquel  elle  était  tombée.  Dans 
son  Augustinus  (Prœmium,  c.  xxix  ;  Epilogus,  édition 
de  Rotterdam,  t.  III,  p.  445),  il  avait  écrit  :  «  Je  veux 
vivre  et  mourir  dans  la  communion  du  successeur  du  prince 
des  Apôtres,  ce  vicaire  de  Jésus-Christ,  ce  chef  des  pas- 
teurs, ce  pontife  de  l'Eglise  universelle.  J'adopte  tout  ce 
qu'il  prescrit  ;  je  rejette,  je  condamne,  j'anathématise  tout 
ce  qu'il  rejette,  condamne  et  anathématise.  Je  ne  me  flatte 
point  d'avoir  bien  saisi  partout  le  sens  de  saint  Augustin.  Je 
suis  un  homme,  sujet  à  Perreur  comme  les  autres  hommes, 
et  j'abandonne  mon  ouvrage  au  jugement  du  saint-siège  et 
de  l'Eglise  romaine,  ma  mère.  Dès  ce  moment,  j'accepte, 
je  rétracte,  je  condamne  et  anathématise  tout  ce  qu'elle 
décidera  /juc  je  dois  accepter,  rétracter,  condamner  ou  ana- 
thématiser.  » 

Dès  le  12  août  1651,  une  congrégation  spéciale,  com- 
posée de  cinq  cardinaux  et  de  treize  consulteurs,  fut  ins- 
tituée à  Rome,  pour  connaître  des  cinq  propositions  soumises 
au  jugement  du  saint-siège.  Elle  procéda  d'abord  avec  len- 
teur, attendant  Parrivée  des  députés  de  France.  Ceux  des 
jansénistes  arrivèrent  les  premiers.  Le  lOjuil.,  ilsremirent 
au  pape  une  lettre  signée  de  onze  évêques  :  L.-//.  de  Gon- 
drin^  archevêque  de  Sens;  B,  d'Elbène,  évêque  d'Agen; 
Gilbert  de  Choiseul.  évêque  de  Comminges  ;  Le  Baron, 
évêque  de  Valence  et  de  Die  ;  A.  d'Elbène,  évêque  d'Or- 
léans; Bernard  y  évêque  de  Saint-Papoul  ;  /.-//.  de  Sa- 
lette,  évêque  de  Lescar  ;  Félix ,  évêque  de  Châlons  ; 
François,  évêque  d'Amiens;  Henry,  évêque  d'Angers, 
Nicolas,  évêque  de  Beauvais.  Ils  priaient  le  pape  de  dé- 
cliner Pinstance  de  leurs  quatre-vingt-huit  collègues  ;  pour 
trois  raisons  principales  :   1<*  parce  que  les  propositions 


JANSENISME 


10  - 


dénoncées  ayant  été  faites  à  plaisir  et  composées  de  termes 
ambigus  et  équivoques,  pour  rendre  odieuses  certaines  per- 
sonnes et  exciter  des  troubles,  la  décision  dont  elles  seraient 
l'objet,  n'atteignant  pas  la  réalité  des  faits,  ne  mettrait 
point  fin  aux  disputes  ;  2^  parce  que  les  questions  de  la 
grâce  et  de  la  prédestination  divine  sont  pleines  de  diffi- 
cultés, et  qu'elles  ne  s'agitent  d'ordinaire  qu'avec  de  vio- 
lentes contestations;  3<*  parce  que,  suivant  l'ordre  légitime 
des  jugements  de  l'Eglise  universelle,  joint  à  la  coutume 
observée  dans  l'Eglise  gallicane,  les  causes  concernant  la 
foi  ne  devaient  être  portées  à  Rome  qu'après  avoir  été 
examinées  et  jugées  en  France  par  un  concile  d'évêques. 
Dans  tous  les  cas,  ils  demandaient  qu'on  opérât  comme 
dans  l'ancienne  congrégation  De  auxiliis^  en  entendant 
contradictoirement  les  parties.  Malgré  cette  intervention, 
la  congrégation  poursuivit  son  œuvre,  admettant  les  dépu- 
tés des  parties  à  présenter  leurs  moyens  et  arguments, 
mais  séparément  et  sans  débat  contradictoire.  L'instruction 
dura  deux  ans  et  quelques  mois.  Le  9  juin  4653,  après 
quarante-cinq  séances,  dont  les  dix  dernières  avaient  été 
présidées  par  Innocent  X  en  personne,  fut  publiée  la  bulle 
Cum  occasione  (datée  du  31  mai),  qui  condamnait  les 
cinq  propositions  suivantes,  formulées  dans  les  termes 
mêmes  que  Cornet  avait  présentés  à  la  faculté  de  Paris  : 
I.  Quelques  commandements  de  Dieu  sont  impossibles 
à  des  hommes  justes  qui  veulent  les  accomplir,  et  qui 
font  à  cet  effet  des  efforts  suivant  les  forces  qu'ils  ont 
alors:  la  grâce  qui  les  leur  rendrait  possibles  leur 
manque.  Cette  proposition,  littéralement  extraite  du  livre 
de  Jansenius,  était  déclarée  téméraire,  impie,  blasphéma- 
toire, frappée  d'anathème.  IL  Dans  Vétat  de  la  nature 
corrompue,  on  ne  résiste  jamais  à  la  grâce  intérieure. 
Cette  proposition  n'est  pas  mot  pour  mot  dans  VAugus- 
tinus,  mais  la  doctrine  qu'elle  exprime  y  est  en  vingt  en- 
droits. Condamnée  comme  hérétique.  III.  Pour  mériter  et 
démériter,  dans  Vétat  de  la  nature  corrompue,  on  n'a 
pas  besoin  d'une  volonté  exempte  de  la  nécessité  d'agir  ; 
il  suffit  d'avoir  une  liberté  exempte  de  contrainte. 
Condamnée  comme  hérétique.  Jansenius  avait  écrit  :  «  Une 
œuvre  est  méritoire  ou  déméritoire  lorsqu'on  la  fait  sans 
contrainte,  quoiqu'on  ne  la  fasse  pas  sans  nécessité.  » 
IV.  Les  semi-pélagiens  admettaient  la  nécessité  d'une 
grâce  intérieure  et  prévenante  pour  chaque  action  en 
particulier  ;  et  ils  étaient  hérétiques  en  ce  qu'ils  pré- 
tendaient que  cette  grâce  était  de  telle  nature,  que  la 
volo7ité  de  l'homme  avait  le  pouvoir  d'y  résister  ou  d'y 
obéir.  La  première  partie  de  cette  proposition  fut  condam- 
née comme  fausse,  la  seconde  comme  hérétique.  V.  C'est  une 
erreur  des  semi-pélagiens  de  dire  que  Jésus-Christ  est 
mort  ou  qu'il  a  répandu  son  sang  pour  tous  les  hommes 
sans  exception.  La  bulle  déclare  cette  proposition  fausse, 
téméraire,  scandaleuse  ;  et,  si  on  l'entend  en  ce  sens  que 
Jésus-Christ  soit  mort  pour  le  salut  seulement  des  prédes- 
tinés, elle  la  condamne  comme  impie,  blasphématoire,  in- 
jurieuse, dérogeant  à  la  bonté  divine,  et  hérétique.  Janse- 
nius avait  écrit  que  les  Pères,  bien  loin  de  penser  que 
Jésus-Christ  soit  mort  pour  le  salut  de  tous  les  hommes, 
ont  regardé  cette  opinion  comme  une  erreur  contraire  à  la 
foi  caholique  ;  que  le  sentiment  de  saint  Augustin  est  que 
JésustChrist  n'est  mort  que  pour  les  prédestinés,  et  qu'il 
n'a  pas  plus  prié  pour  le  salut  des  réprouvés  que  pour  le 
salut  des  démons  {De  gratia  Christi,  1.  III,  en). 

En  France,  le  nonce  remit  au  roi  une  copie  de  la  bulle, 
avec  un  bref  du  pape.  Le  11  juil.,  Mazarin  réunit  chez  lui 
trente  évêques  qui  se  trouvaient  à  Paris.  Il  s'en  trouvait 
toujours  un  bon  nombre,  en  ces  temps  où  l'on  pratiquait 
fort  peu  la  résidence.  Leur  sentiment  fut  unanime  pour  la 
réception  et  l'observation  de  la  bulle  ;  ils  écrivirent  au  pape 
pour  le  remercier.  Quatre  jours  après,  ils  adressèrent  à  tous 
les  archevêques  et  évêques  une  lettre  qui  leur  fut  envoyée 
avec  des  lettres  patentes  du  roi  autorisant  la  publication  de 
la  bulle.  Ce  qui  en  faisait  une  loi  du  royaume.  Elle  fut  reçue 
partout  sans  résistance.  Dans  ses  assemblées  du  mois  d'août 


et  du  mois  de  septembre,  la  faculté  de  Paris  en  vota  l'en- 
registrement à  l'unanimité;  elle  députa  vingt  docteurs  pour 
remercier  le  roi  de  l'avoir  obtenue,  et  lui  répondre  des  sen- 
timents de  toute  la  compagnie.  —  Les  jansénistes  eux- 
mêmes  acceptèrent  extérieurement  la  constitution  d'Inno- 
centX  ;  mais,  pour  en  éluder  les  conséquences,  ils  se  hvrèrent 
à  des  simulations  et  dissimulations,  évasions  et  distinctions 
qui  auraient  fort  joliment  animé  la  verve  de  Pascal,  si  elles 
avaient  été  commises  par  des  jésuites.  Le  Journal  de  Saint- 
Amour  (1662,  in-fol.)  et  leur  correspondance  intime  at- 
testent l'irritation  et  le  mépris  que  la  bulle  excitait  chez 
eux.  Cependant  ils  protestaient  qu'ils  se  soumettaient  sin- 
cèrement à  la  décision  du  pape  ;  qu'ils  tenaient  comme  lui 
les  cinq  propositions  pour  de  véritables  hérésies,  et  qu'ils 
les  condamnaient  dans  le  mauvais  sens  qu'il  y  avait  con- 
damné. Mais,  afin  de  ne  pas  renier  VAugustinus,  ils  sou- 
tinrent que  les  propositions  censurées  ne  se  trouvaient  point 
dans  ce  livre  ;  et,  d'ailleurs,  qu'elles  n'étaient  pas  condam- 
nées dans  le  sens  de  Jansenius,  mais  dans  un  sens  faux 
qu'on  avait  mal  à  propos  attribué  à  ses  paroles  ;  que  sur 
ce  fait  le  pape  avait  pu  se  tromper.  C'est  ce  qu'on  a  ap- 
pelé la  distinction  des  sens,  la  question  de  fait  et  la 
question  de  droit.  Ces  distinctions  ruinaient  toute  la  dis- 
cipline de  l'Eglise  catholique.  En  effet,  il  est  étrange  de 
reconnaître  à  une  autorité  la  faculté  de  définir  souveraine- 
ment une  doctrine,  et  de  lui  contester  le  discernement  né- 
cessaire pour  constater  que  cette  doctrine  est  contredite  par 
tel  ou  tel  livre,  tel  ou  tel  discours,  tel  ou  tel  acte.  En  ma- 
tière d'hérésie,  la  question  de  droit  ou  de  dogme  est  tou- 
jours inséparablement  liée  à  une  question  de  fait.  En  matière 
de  livres,  ce  serait  inutilement  que  l'Eglise  les  condamne- 
rait et  en  interdirait  la  lecture,  si  la  distinction  janséniste 
était  admise  ;  les  fidèles  pourraient  s'obstiner  à  les  lire,  sous 
le  prétexte  que  les  erreurs  que  l'Eglise  a  cru  y  découvrir 
n'y  sont  pas,  et  que  l'auteur  a  été  mal  entendu.  En  toute 
matière,  les  ordonnances  seraient  vaines,  s'il  était  permis 
à  ceux  qui  doivent  y  obéir  de  ne  les  accepter  que  dans  un 
sens  différent  de  celui  que  les  mots  présentent  naturelle- 
ment à  l'esprit.  Les  jansénistes  étaient  forcés  de  convenir 
avec  leurs  adversaires  que  le  sens  dans  lequel  les  cinq 
propositions  sont  condamnées  est  bien  le  sens  propre,  na- 
turel et  littéral  qu'elles  ont  suivant  la  signification  ordi- 
naire des  termes  qui  les  composent.  Eux-mêmes,  avant  la 
condamnation,  les  soutenaient  en  ce  sens-là,  qu'ils  préten- 
daient orthodoxe,  l'attribuant  à  Jansenius.  C'est  en  ce  sens 
qu'elles  furent  défendues  dans  les  congrégations  romaines 
par  les  quatre  consulteurs  qui  avaient  pris  parti  pour  elles  ; 
et  c'est  en  ce  sens  aussi  que  des  hommes  d'une  intelligence 
et  d'une  sincérité  incontestables,  comme  le  savant  orato- 
rien  Thomassin,  confessaient,  après  avoir  abandonné  le 
jansénisme,  qu'ils  avaient  entendu  et  compris  la  doctrine 
de  VAugustinus. 

Le  9  mars  1654,  une  assemblée  des  évêques  présents  à 
Paris,  réunie  au  Louvre,  nomma  des  commissaires  afin  de 
considérer  les  diverses  interprétations  et  autres  éva- 
sions inventées  pour  rendre  inutile  la  constitution. 
Cette  commission  se  composait  de  quatre  archevêques  : 
B.  Bouteillier,  de  Tours;  G.  d'Aubusson,  ^'Embrun; 
P.  de  Marca,  de  Toulouse  ;  F.  de  Harlay,  de  Rouen,  et 
des  évêques  d'Autun,  de  Montauban,  de  Rennes  et  de 
Chartres.  Elle  examina  attentivement  les  textes  de  Janse- 
nius se  rapportant  à  chacune  des  cinq  propositions,  et  elle 
prit  connaissance  des  mémoires  présentés  par  les  jansénistes. 
Le  24',  dans  une  séance  présidée  par  le  cardinal  Mazarin, 
elle  présenta  son  rapport,  déclarant  que  les  cinq  proposi- 
tions censurées  sont  comprises,  sans  aucune  supposition, 
dans  le  livre  de  Jansenius,  et  que  loin  d'altérer  ou  d'ag- 
graver la  doctrine  qui  y  est  contenue,  elles  n'en  expri- 
ment pas  suffisamment  le  venin.  Ce  rapport  rappelait  que 
les  condamnations  se  font  suivant  la  signification  propre  des 
paroles  et  suivant  le  sens  de  l'auteur  qui  a  enseigné  une 
doctrine  incriminée,  et  non  pas  en  un  double  sens,  dont 
l'un  pourrait  être  catholique  et  l'autre  hérétique.  En  con- 


—  11  — 


JANSENISME 


séquence,  il  concluait  que  les  cinq  propositions  étaient  con- 
damnées dans  leur  sens  propre,  qui  était  le  sens  de  Janse- 
nius.  Ces  conclusions  furent  adoptées  dans  une  séance  tenue 
le  28,  en  laquelle  l'assemblée,  statuant,  par  voie  de  juge- 
ment, sur  les  pièces  produites  de  part  et  d'autre,  décida 
que  la  constitution  d'Innocent  X  avait  condamné  les  cinq 
propositions  comme  étant  de  Jansenius  et  dans  le  sens  de 
Jansenius.  Par  bref  du  29  sept.,  le  pape  félicita  l'assem- 
blée de  sa  décision,  et  déclara  formellement  qiiHl  avait 
condamné  la  doctrine  de  Cornélius  Jansenius  contenue 
dans  son  livre  intitulé  Augustinus.  L'année  suivante 
(20  mai  1655),  les  évêques,  convoqués  à  Paris  pour  l'as- 
semblée générale  du  clergé  de  France,  résolurent  d'adres- 
ser à  tous  les  évêques  du  royaume  une  lettre  commune  les 
conviant  à  faire  signer  la  bulle  et  le  bref  par  tous  les  cha- 
pitres, par  tous  les  recteurs  des  universités  et  par  toutes 
les  communautés,  tant  séculières  que  régulières,  exemptes 
et  non  exemptes  ;  par  les  curés  et  par  ceux  qui  étaient  ou 
seraient  pourvus  de  bénéfices  dans  leurs  diocèses,  et  géné- 
ralement par  toutes  les  personnes  qui  étaient  sous  leur 
charge,  de  quelque  qualité  et  condition  qu'elles  fussent. 

Le  confesseur  du  duc  de  Liancourt,  de  la  paroisse  de 
Saint-Sulpice,  lui  refusant  l'absolution  à  moins  qu'il  ne  don- 
nât des  marques  d'une  soumission  parfaite  à  la  bulle,  et 
qu'il  ne  rompît  ses  liaisons  avec  les  jansénistes,  Arnauld 
publia  sur  ce  cas  une  lettre  adressée  à  une  personne  de 
condition  (24  févr.  1655).  Il  la  fit  suivre  d'une  seconde 
{Lettre  de  M.  Arnauld^  docteur  de  Sorbonne,  à  un  duc 
et  pair  de  France^  pour  servir  de  réponse  à  plusieurs 
écrits  publiés  contre  sa  première  lettre^  sur  ce  qui  est 
arrivé  à  un  seigneur  de  la  cour  dans  une  paroisse  de 
Paris).  Cette  lettre,  datée  de  Port-Royal-des-Champs 
(10  juil.  1655),  fut  déférée  à  l'examen  de  la  faculté  de 
théologie  par  Denis  Guyard,  alors  syndic,  comme  contenant 
deux  propositions  passibles  de  censure  :  I.  Les  cinq  pro- 
positions n'ont  été  soutenues  par  personne  ;  elles  ont 
été  forgées  par  les  partisans  des  sentiments  contraires 
a  saint  Augustin.  En  les  attribuant  à  Jansenius^  on 
impose  des  hérésies  à  un  évêque  catholique  qui  a  été 
très  éloigné  de  les  enseigner.  Ayant  lu  avec  soin  le 
livre  de  Jansenius  et  n'y  ayant  point  trouvé  ces  p7V- 
positions,  M.  Arnauld  et  ses  amis  ne  peuvent  déclarer 
en  conscience  qu'elles  y  sont.  —  II.  La  grâce,  sans  la- 
quelle on  ne  peut  rien,  a  manqué  a  un  juste,  en  la 
personne  de  saint  Pierre,  dans  une  occasion  oii  Von  ne 
peut  pas  dire  qu'il  n'ait  pas  péché.  Cette  dernière  pro- 
position renouvelait  et  aggravait,  en  la  précisant,  la  pre- 
mière des  cinq  propositions  condamnées  par  la  bulle.  Les 
débats  de  cette  affaire,  dans  laquelle  Arnauld  et  ses  amis 
épuisèrent  toutes  les  subtilités  de  la  théologie  et  de  la  pro- 
cédure, et  usèrent  de  tous  les  moyens  imaginables  d'obs- 
truction, durèrent  du  4  nov.  1655  au  29  janv.  1656,  et 
occupèrent  environ  quarante  séances  de  la  faculté.  Le 
14  janv.,  la  première  proposition  fut  censurée  par  130  doc- 
teurs, comme  téméraire,  scandaleuse,  injurieuse  au 
pape  et  aux  évêques,  et  donnant  lieu  de  renouveler  la 
doctrine  de  Jansenius  précédemment  condamnée. 
76  docteurs  avaient  émis  des  avis  plus  ou  moins  favorables 
à  Arnauld.  Le  29  janv.,  la  deuxième  proposition  fut  décla- 
rée, par  127  docteurs,  impie,  téméraire,  blasphématoire., 
frappée  d'anathème  et  hérétique.  Avant  la  fin  de  cette 
dernière  séance,  les  amis  d'Arnauld  s'étaient  retirés,  de 
sorte  qu'il  n'y  eut  point  d'avis  contraire.  Un  arrêté  du  même 
jour  enjoignit  à  Arnauld  de  se  soumettre  à  la  censure  en 
la  souscrivant  dans  la  quinzaine,  sous  peine  d'être  retran- 
ché du  corps  de  la  faculté  et  rayé  du  catalogue  de  ses  doc- 
teurs. On  prescrivit  cette  signature  à  tous  les  docteurs  et 
officiers  de  la  faculté;  ceux  qui  la  refusèrent  furent  exclus. 
Depuis  ce  temps  jusqu'à  la  Révolution,  la  faculté  exigea 
cette  souscription  et  celle  du  formulaire  du  pape,  dont  il 
est  parlé  plus  bas,  de  tous  ceux  qui  se  présentaient  pour  les 
examens  du  baccalauréat.  Au  commencement  de  l'instance, 
Arnauld,  après  avoir  vainement  réclamé  l'intervention  du 


parlement,  avait  prétexté,  pour  se  soustraire  à  l'examen  de 
la  faculté,  un  appel  au  pape,  contrairement  à  Popinion  pré- 
cédemment émise  par  les  jansénistes,  à  propos  des  cinq  pro- 
positions, que  les  causes  de  ce  genre  ne  devaient  êlre  por- 
tées à  Rome  qu'après  avoir  été  jugées  en  France.  Après  sa 
condamnation,  il  se  garda  bien  de  donner  suite  à  son  appel. 
—  Ce  fut  à  l'occasion  de  cette  affaire  que  Pascal  commença 
la  publication  de  ses  Lettres  à  un  provincial.  Elle  est 
présentée  dans  les  trois  premières  et  les  quatre  dernières, 
avec  beaucoup  d'esprit  et  peu  d'exactitude.  Les  autres  lettres 
ont  trait  aux  jésuites.  En  les  écrivant,  il  semble  que  Pas- 
cal avait  pour  but  d'assurer  aux  jansénistes  l'appui  des  en- 
nemis des  jésuites  ;  elles  eurent  pour  résultat  de  procurer 
momentanément  aux  jésuites  la  bienveillance  ou  au  moins 
l'indulgence  des  adversaires,  alors  très  nombreux  et  très 
puissants,  du  jansénisme. 

Le  1<^^  et  le  2  sept.  1656,  l'assemblée  générale  du  clergé, 
composée  de  40  évêques  et  de  17  députés  du  second  ordre, 
trancha  la  question  de  fait,  en  déclarant  que,  avec  la  même 
autorité  que  pour  les  matières  de  foi,  l  Eglise  juge  des 
questions  de  fait  qui  sont  hiséparables  de  ces  matières 
ou  des  mœurs  générales  de  l'Église,  Elle  adopta  un  for- 
mulaire pour  l'acceptation  de  la  bulle  d'Innocent  X,  et 
l'adressa  à  tous  les  évêques  du  royaume,  les  invitant  à  s'en 
servir,  afin  de  rendre  l'exécution  de  la  bulle  uniforme  dans 
tous  les  diocèses  ;  puis  elle  décida  que  les  évêques  qui  né- 
gligeraient de  faire  souscrire  la  bulle  et  le  bref  d'Innocent  X 
ne  seraient  plus  reçus  dans  les  assemblées  générales,  pro- 
vinciales ou  particulières  du  clergé.  Alexandre  YII  succé- 
dait à  Innocent  X  depuis  le  7  avr.  1655.  Informé  de  ce  qui 
se  passait  en  France,  il  fit  une  constitution  reproduisant  et 
confirmant  celle  d'Innocent  X  ;  il  y  appelait  «  perturba- 
teurs du  repos  public,  enfants  d'iniquité,  ceux  qui  avaient 
l'audace  de  soutenir  que  les  propositions  censurées  ne  se 
trouvent  point  dans  le  livre  de  Jansenius,  mais  qu'elles  ont 
été  forgées  à. plaisir  ou  qu'elles  n'ont  point  été  condamnées 
dans  le  sens  de  l'auteur  »  (16  oct.  1656).  Cette  constitution 
fut  reçue  le  17  mars  1657  par  l'assemblée  générale,  à  la- 
quelle les  prélats  présents  à  Paris  et  qui  n'en  faisaient  point 
partie  avaient  été  invités  à  s'adjoindre.  Le  formulaire  qui 
devait  être  signé  dans  tous  les  diocèses  fut  définitivement 
arrêté  en  ces  termes  :  Je  me  soumets  sincèrement  à  la 
constitution  du  pape  Innocent  X,  du  SI  mai  i653, 
selon  le  véritable  sens  qui  a  été  déterminé  par  la  cons- 
titutio7i  de  notre  saint  père  Alexandre  Vil  du  i6  oct. 
i656.  Je  reconnais  que  je  suis  obligé,  en  conscience, 
d'obéir  à  ces  constitutions  ;  et  je  condamne,  de  cœur  et 
de  bouche,  la  doctrine  des  cinq  propositions  de  Corné- 
lius Jansenius,  contenues  dans  son  livre  intitulé  Au- 
GusTiNus,  que  ces  deux  papes  et  les  évêques  ont  con- 
damnées :  laquelle  doctrhie  n'est  celle  de  saint  Augus- 
tin, que  Jansenius  a  mal  expliquée,  contre  le  vrai  sens 
de  ce  saint  docteur. 

Ces  mesures  n'eurent  guère  d'autre  résultat  que  de  sus- 
citer des  écrits  exprimant  les  protestations  des  jansénistes 
sur  la  question  de  fait.  Les  plus  importants  furent  deux  ou- 
vrages d'Arnauld  :  Cas  proposé  par  un  docteur  touchant 
la  constitution  d'Alexandre  VU  et  le  formulaire  du 
clergé;  —  Réflexions  sur  l'avis  de  Mgr  d'Aleth  (cet 
évêque  estimait  alors  qu'on  pouvait  et  qu'on  devait  signer 
le  formulaire).  Deux  œuvres  latines  sous  le  pseudonyme  de 
Paul  Irénée  et  de  Guillaume  Wendbrock  :  la  première  (Dis- 
qîiisitiones  Pauli  Irenœi)  justifiant  Jansenius  en  niant  le 
fait  ;  la  seconde,  attribuée  à  Nicole,  contenant  une  traduc- 
tion des  Lettres  de  Pascal,  avec  notes  et  mémoires.  Le 
13  déc.  1660,  le  roi  fit  appeler  au  Louvre  les  prélats  pré- 
sidents^ de  l'assemblée  générale  du  clergé,  alors  réunie  à 
Paris  ;  il  leur  dit  qu'il  désirait  qu'ils  s'appliquassent  à  cher- 
cher les  moyens  les  plus  propres  et  les  plus  prompts 
pour  extirper  la  secte  du  jansénisme.  Il  emploierait  son 
autorité  pour  les  faire  exécuter  :  résolu  d'user  de  sévérité 
pour  réprimer  ceux  qui  n'avaient  point  pu  se  gagner  par 
la  douceur.  Pour  obéir  à  ces  ordres,  l'assemblée  décida 


JANSENISME 


12 


qu'on  exigerait  sans  retard  la  signature  du  formulaire.  Ceux 
qui  la  refuseraient  seraient  considérés  comme  hérétiques  et 
poursuivis  selon  les  voies  prescrites  par  le  droit  canon. 
Ceux  qui  avaient  écrit  contre  la  teneur  des  constitutions 
devraient  faire,  en  outre,  une  rétractation  formelle  de  ce 
qu'ils  avaient  enseigné.  Le  formulaire  fut  autorisé  par  un 
arrêt  du  conseil  du  13  avr.  1661  ;  et  une  lettre  du  roi  fut 
adressée  à  tous  les  archevêques  et  évêques  du  royaume,  pour 
les  inviter  à  le  faire  signer.  Quelques  évêques  écrivirent 
au  roi  pour  le  prier  de  trouver  bon  qu'ils  n'exécutassent 
point  ses  ordres  ;  d'autres,  parmi  lesquels  l'évêque  d'Aleth, 
envoyèrent  à  l'assemblée  même  des  récusations  analogues, 
en  réponse  à  sa  lettre-circulaire,  qui  les  avait  invités  à 
signer  et  à  faire  signer. 

L'exécution  des  mesures  prescrites  par  le  roi  et  par  l'as- 
semblée du  clergé  commença  par  le  diocèse  de  Paris,  alors 
administré  par  les  vicaires  généraux  du  cardinal  de  Retz. 
Dès  le  8  juin,  ils  rendirent,  pour  réclamer  la  souscription 
du  formulaire,  une  ordonnance  qui  fit  grand  bruit.  Elle  dis- 
tinguait entre  le  fait  et  le  droit,  demandant  croyance  pour 
la  décision  de  foi  et  respect  pour  la  solution  de  fait.  Les 
curés  de  Paris  s'empressèrent  de  signer  et  de  faire  signer 
leurs  ecclésiastiques;  et  dans  une  assemblée  du  29  juin,  ils 
tirent  dresser  par  notaire  une  déclaration  attestant  que 
l'ordonnance  des  vicaires  généraux  les  avait  fort  édifiés, 
eux  et  les  prêtres  de  leurs  paroisses.  Trois  jours  aupara- 
vant, l'assemblée  générale  du  clergé  avait  porté  plainte  au 
roi  contre  ce  mandement.  Il  fut  condamné  par  arrêt  du  conseil 
(9  juil.),  ordonnant  qu'Userait  sursis  à  la  signature  du  for- 
mulaire, jusqu'à  ce  qu'il  fût  réformé.  Les  vicaires  géné- 
raux furent  sévèrement  blâmés  par  un  bref  d'Alexandre  VII 
(1  ^^  août  1661).  Après  de  longues  négociations  avec  le  nonce, 
beaucoup  de  contestations  et  de  résistances,  ils  publièrent  une 
nouvelle  ordonnance,  conforme  au  projet  qui  avait  été  envoyé 
de  Rome  et  exigeant  obéissance  et  sowmmf on  d'esprit  sur 
tous  les  points.  —  Répondant  à  l'évêque  de  Châlons-sur- 
Marne,  qui  lui  avait  demandé  son  avis,  l'évêque  d'Aleth 
déclara  que  son  sentiment  était  que  les  évêques  ne  devaient 
ni  signer  ni  faire  signer  le  formulaire,  en  exécution  du  dé- 
cret et  de  la  déclaration  de  l'assemblée  du  clergé.  En  effet, 
les  évêques,  députés  à  cette  assemblée,  n'avaient  nullement, 
selon  lui,  l'autorité  d'un  concile  général,  leur  permettant 
d'obliger  par  décret  et  ordonnance  leurs  confrères  présents 
et  absents,  et  de  les  déclarer,  en  cas  de  refus,  privés  de 
l'entrée  et  de  voix  délibérative  et  passivedans  toute  sorte 
d'assemblées  ecclésiastiques.  D'autre  part,  nier  la  solution 
d'une  question  de  fait  peut  être  un  acte  de  témérité,  d'igno- 
rance ou  de  présomption  ;  ce  n'est  point  un  acte  d'hérésie. 
Enfin,  ordonner  à  des  confrères  même  absents,  qui  ont  la 
même  autorité  qu'eux  pour  juger  de  pareilles  matières,  de 
souscrire  que  des  propositions  sont  hérétiques  en  un  sens, 
avant  de  leur  expliquer  ce  sens,  constitue  une  espèce  d'in- 
jure ou  une  marque  de  peu  d'estime  ;  c'est  lestraiter  comme 
s'ils  étaient  incapables  de  la  science  ou  du  discernement 
nécessaires  pour  juger  ces  matières.  C'est  les  confondre 
dans  le  troupeau  des  simples  fidèles.  Les  évêques  d'Angers, 
de  Beauvais  et  de  Sens  écrivirent  pareillement  pour  pro- 
tester ;  et  messieurs  de  Port-Royal  prirent  soin  de  faire 
imprimer  leurs  lettres. 

Les  raisons  présentées  par  l'évêque  d'Aleth  n'avaient 
guère  de  force  qu'à  l'égard  des  évêques.  Pour  le  reste  du 
clergé,  les  théologiens  jansénistes  étaient  divisés  en  trois 
partis.  Les  premiers  prétendaient  qu'on  ne  devait  point 
faire  de  difificullé  de  signer  le  formulaire,  sans  explication 
ni  restriction  quelconque,  quoiqu'on  ne  crût  pas  que  Jan- 
senius  eût  enseigné  les  hérésies  qui  lui  étaient  attribuées. 
Suivant  eux,  la  signature  ne  tombait  que  sur  le  droit,  pour 
ce  qui  était  de  la  créance  intérieure.  Elle  n'emportait,  à 
l'égard  du  fait,  qu'un  témoignage  de  déférence  et  de  res- 
pect, qui  n'engageait  qu'à  ne  pas  contredire  pubhquement 
le  pape  et  les  évêques,  et  non  à  croire  intérieurement  que 
ce  qu'ils  avaient  décidé  sur  ce  point  était  conforme  à  la 
vérité.  Les  seconds  déclaraient  que  lorsqu'on  n'était  point 


persuadé  que  les  cinq  propositions  sont  de  Jansenius,  on 
ne  pouvait  signer  le  formulaire  simplement  et  sans  quelque 
explication  ou  restriction  verbale,  soit  en  réservant  expres- 
sément la  question  de  fait,  soit  au  moins  en  indiquant  qu'on 
ne  rendait  témoignage  que  de  k  pureté  de  sa  propre  foi. 
Autrement,  la  signature  renfermerait  une  restriction  men- 
tale, toujours  criminelle  dans  les  professions  de  foi,  et  de 
plus  un  faux  serment  et  une  calomnie  contre  le  prochain. 
C'est  en  ce  sens  que  fut  conçue  la  déclaration  rédigée  pour 
les  religieuses  de  Port-Royal  e(  qu'on  trouvera  plus  loin. 
Pascal  la  jugeait  équivoque,  ambiguë,  par  conséquent  cou- 
pable. Les  troisièmes  estimaient  qu'en  condamnant  le  sens 
de  Jansenius,  les  constitutions  avaient  condamné  la  doc- 
trine de  la  grâce  efficace  par  elle-même.  Cette  doc- 
trine étant  une  vérité  de  foi,  qu'il  n'est  point  permis 
d'abandonner,  les  papes  qui  l'avaient  condamnée  s'étaient 
trompés  non  sur  le  fait,  mais  sur  le  droit  ;  d'ailleurs  eux- 
mêmes  déclaraient  le  fait  inséparable  du  droit  en  cette  ma- 
tière. En  conséquence,  on  ne  devait  signer  qu'en  protestant 
expressément  de  ne  point  vouloir  condamner  le  sens  de  Jan- 
senius. 

Pendant  l'année  1663,  il  fui  sursis  à  la  signature  du 
formulaire,  à  cause  des  négociadons  entreprises  par  Gil- 
bert de  Choiseul,  évêque  de  Comminges,  et  le  P.  Perrier, 
professeur  de  théologie  au  collège  des  jésuites  à  Toulouse,  et 
poursuivies  sur  l'ordre  du  roi,  pour  obtenir  la  soumission 
des  jansénistes,  par  voie  d'accommodement.  Les  conférences 
n'aboutirent  qu'à  des  récriminations  réciproques  et  à  un 
bref  d'Alexandre  VII  (29  juil.  1 663),  invitantles  archevêques 
et  évêques  de  France  à  mettre  la  dernière  main  à  leur  œuvre 
et  à  faire  tous  leurs  efforts  pour  engager  tout  le  monde  à 
se  soumettre,  de  la  manière  due,  aux  constitutions,  et  à 
rejeter  et  condamner  sincèrement  les  cinq  propositions. 
Ils  devraient  pour  cela  employer  les  moyens  qui  leur  sem- 
bleraient les  plus  propres  e't  les  plus  efficaces.  Le  pape 
louait  la  piété  du  roi  et  déclarait  qu'il  ne  doutait  pas  qu'il 
emploierait,  s'il  était  besoin,  son  autorité  pour  vaincre 
l'opiniâtreté  des  rebelles.  Ce  bref*  fut  reçu  le  2  oct.  par  une 
assemblée  des  évêques  présents  a  Paris,  avec  prière  au  roi 
de  faire  procéder,  dans  les  deux  mois  au  plus  tard,  à  la 
souscription  du  formulaire  et  à  Texécution  des  délibérations 
des  précédentes  assemblées.  Des  lettres  patentes  furent 
expédiées  en  conséquence.  Le  29  avr.  1664,  le  roi  alla  en 
personne  faire  enregistrer  au  parlement  une  déclaration 
portant  que  le  formulaire  serait  signé  par  tous  les  ecclé- 
siastiques, séculiers  ou  réguliers,  nonobstant  toutes  appel- 
lations simples  ou  comme  d'abus;  (\m  les  bénéfices  de 
ceux  qui  auraient  manqué  de  le  signer  dans  le  mois  de- 
meureraient vacants  et  impétrables  de  plein  droit  ;  que 
personne  ne  pourrait  à  l'avenir  être  pourvu  de  bénéfice,  ni 
admis  aux  degrés  dans  les  universités  ou  aux  charges, 
principautés  et  régences  en  dépendant,  ni  faire  profession 
dans  aucun  monastère  ou  en  exercer  les  charges  et  offices, 
sans  avoir  auparavant  souscrit  )e  formulaire.  ~  Le  9  juin 
suivant,  pour  écarter  certains  scrupules  et  répondre  aux 
allégations  des  jansénistes,  Pét-efixe,  alors  archevêque  de 
Pans,  publia  un  mandement  déclarant  qu'à  moins  d'être 
malicieux  ou  ignorant,  on  ne  pouvait  prendre  sujet  des 
constitutions  des  papes  et  du  formulaire,  pour  dire  qu'ils 
exigeaient  une  soumission  de  foi  divine,  à  l'égard  du  fait  ; 
ils  réclamaient  seulement  à  cet  égard  une  foi  humaine  et 
ecclésiastique,  obligeant  à  soumettre  sincèrement  son  ju- 
gement à  celui  des  supérieurs  ecclésiastiques.  Comme  les 
jansénistes  prétendaient  que  le  pupe  n'avait  jamais  fait  men- 
tion expresse  du  formulaire  et  qu'il  le  désapprouvait,  non 
seulement  par  son  silence,  mais  par  son  exemple,  puisqu'il 
n'en  faisait  pas  lui-même  pour  Rome,  on  décida  dans  le 
conseil  du  roi  de  demandera  Alexandre  VII un  formulaire, 
avec  commandement  aux  évêques  de  le  publier  et  de  le  faire 
signer.  Par  bulle  du  15  févr.  l665,  le  pape  envoya,  pour 
être  souscrit  dans  les  trois  mois,  le  formulaire  suivant  :  Je 
soussigné,  me  soumets  à  la  constitution  apostolique 
d'Innocent  X  du  3i^  jour  de  mai  1653  et  à  celle 


13  — 


JANSÉNISME 


d'Alexandre  VU,  son  siuresseur,  du  iO  oct.  i656;  je 
rejette  et  condamne  sincèrement  les  cinq  propositions 
extraites  du  livre  de  Cornélius  Jansenius^  intitulé 
AuGusrmus,  dans  le  propre  sens  du  même  auteur,  comme 
le  siège  apostolique  les  a  condamnées  par  les  mêmes 
constitutions ,  Je  jure  ainsi.  Dieu  me  soit  en  aide  et 
les  saints  Evangiles.  Cette  bulle  fut  enregistrée,  le  29  avr., 
en  vertu  d'une  déclaration,  que  le  roi  avait  portée  lui- 
même  au  parlement,  ordonnnant  aux  archevêques  etévêques, 
sous  peine  de  saisie  de  leur  revenu  temporel,  de  signer  et 
faire  signer  le  formulaire,  mns  user  d'aucune  distinc- 
tion, interprétation  ou  'restriction. 

Tous  les  évêques,  à  IVxception  de  quatre,  obéirent  et 
firent  obéir  leur  clergé  ;  lu  plupart  très  sincèrement,  car 
eux-mêmes  avaient  sollicité  les  mesures  adoptées  par  le 
saint-siège  et  par  le  roi  ;  mais  plusieurs  avaient  toléré  les 
interprétations,  restrictions  et  évasions  prohibées  par  la 
déclaration  du  roi.  Les  quatre  évêques  qui  restaient  franche- 
ment rebelles  étaient  :  Pavillon,  évêque  d'Aleth  ;  Buzan- 
val,  de  Beauvais  ;  Hefii'i  Àrnauld,  d'Angers  ;  Caulet,  de 
Pamiers,  L'évêque  de  Noyon  s'était  d'abord  joint  à  eux  ;  mais 
il  se  soumit  peu  après.  Dans  son  mandement  du  1^^  juin. 
Pavillon  dit  :  «  Que  la  soumission  qu'on  rend  aux  décisions 
de  l'Eglise  se  renferme  dans  les  vérités  révélées,  et  que 
c'est  à  celles-là  seulement  qu'elle  assujettit  entièrement  la 
raison.  Les  autres  vérités  n'étant  point  absolument  néces- 
saires, Dieu  n'a  point  laissé  d'autorité  infaillible  pour  les 
connaître.  Quand  l'Eglise  lUge  si  des  propositions  ou  des 
sens  hérétiques  sont  contenus  dans  un  livre,  et  si  un  au- 
teur a  eu  tel  ou  tel  sens,  elle  n'agit  que  par  une  lumière 
humaine  ;  en  quoi  tous  les  théologiens  conviennent  qu'elle 
peut  être  surprise.  Partant,  sa  seule  autorité  ne  peut  cap- 
tiver notre  entendement,  quoiqu'il  soit  vrai  de  dire  qu'il 
n'est  point  permis  de  s'élever  témérairement  contre  ses  juge- 
ments, vers  lesquels  on  doit  témoigner  son  respect,  en  res- 
tant dans  le  silence.  »  Les  trois  autres  écrivirent  dans  le 
même  sens.  Les  mandements  de  ces  quatre  évêques  furent 
cassés  par  un  arrêt  du  conseil  d'Etat  (20  juil.  4665), 
comme  contraires  à  la  déclaration  du  roi  et  aux  intentions 
du  pape.  A  Romo^  ils  furent  mis  à  V index.  —  A  la  suite 
des  premiers  mandements  des  vicaires  généraux  du  cardi- 
nal de  Retz,  les  religieuses  de  Port-Royal  avaient  signé  le 
formulaire,  avec  une  tête  et  une  queue,  comme  on  disait 
alors,  c.-à-d.  avec  des  explications  destinées  à  dégager  leur 
conscience,  sur  la  question  de  fait  ;  néanmoins,  avec  des 
angoisses  telles  que  la  sœur  sainte  Euphémie  (Jacqueline 
Pascal)  en  mourut,  et  que  la  mère  Agnès  en  fît  une  grave 
maladie.  Quand  on  leur  demanda  de  nouveau  leur  signa- 
ture, en  exécution  du  mandement  rédigé  de  concert  avec 
le  nonce,  elles  l'accompagnèrent  de  la  déclaration  suivante  : 
«  Considérant  que  dans  fignorance  où  nous  sommes  de 
toutes  les  choses  qui  sont  au-dessus  de  notre  profession  et 
de  notre  sexe,  tout  ce  que  nous  pouvons  faire  est  de  rendre 
témoignage  à  la  pureté  de  notre  foi,  déclarons  très  volon- 
tiers par  notre  signature,  qu'étant  soumise  avec  un  très 
profond  respect  à  N.  S.  P.  le  pape  et  n'ayant  rien  de  si 
précieux  que  la  foi,  nous  embrassons  sincèrement  et  de 
cœur  tout  ce  que  Sa  Sainteté  (Alexandre  VU)  et  le  pape 
Innocent  X  en  ont  décidé,  et  rejetons  toutes  les  erreurs  qu'ils 
ont  jugées  y  être  contraires.  »  Quand  on  exigea  d'elles  une 
souscription  pure  et  simple,  elles  la  refusèrent  et  elles  per- 
sistèrent dans  leur  refus,  malgré  les  subterfuges  proposés 
par  des  personnages  réputés  vénérables,  malgré  les  dé- 
marches personnelles  de  l'archevêque  de  Paris,  malgré 
Tenlèvement  de  seize  religieuses,  malgré  la  relégation  de 
Port-Royal  de  Paris  à  Port-Royal-des-Champs,  malgré  la 
suspense  ipso  facto,  malgré  l'interdit  des  sacrements,  mal- 
gré les  pressions  de  la  supérieure  qui  leur  fut  imposée, 
malgré  une  longue  lettre  à  elles  adressée  par  Bossuet  :  elles 
étaient  persuadées  que  Dieu  faisait  alors  des  miracles  chez 
elles,  pour  les  encourager  à  la  persévérance;  et  Nicole  les 
fortifiait  par  ses  Lettres  sur  Vhérésie  imaginaire.  Onze 
seulement  succombèrent,  qui  se  livèrent  ensuite  à  des  va- 


riations délirantes,  tantôt  rétractant  leur  signature,  tantôt 
la  renouvelant  pour  la  rétracter  encore  (V.  Port-Royal). 
En  présence  de  l'obstination  des  quatre  évêques,  le  roi 
pria  le  pape  de  déléguer  douze  prélats  de  France,  pour  con- 
naître de  leur  contumace.  Le  pape  fit  difliculté  sur  le 
nombre  douze,  afin  de  ne  point  autoriser  la  prétention  des 
évêques  français,  de  ne  point  être  jugés  par  moins  de  douze 
évêques  ;  il  ne  consentit  à  en  commettre  que  neuf.  On  avait 
négocié  longtemps  sur  le  nombre,  puissur  le  choix  desjuges. 
Quand  ces  négociations  furent  terminées,  Alexandre  VU 
mourut  et  fut  remplacé  par  Clément  IX  (10  juin  1667). 
Dès  le  mois  de  juillet,  Clément  confirma  la  commission  ins- 
tituée par  son  prédécesseur.  Le  nonce  qui  le  représentait 
à  Pans,  Bergellini,  archevêque  de  Thèbes,  obtint  du  roi 
quelques  mesures  pour  punir  ou  plutôt  intimider  les  quatre 
évêques;  mais  il  écrivait  à  Rome  qu'il  serait  fort  difficile 
d'en  venir  à  l'exécution,  parce  que  leur  parti  était  devenu 
puissant.  Ils  avaient,  disait-il,  gagné  la  faveur  des  mi- 
nistres d'Etat  et  la  protection  de  quelques  princesses  du 
sang  ;  attiré  à  leurs  sentiments  une  grande  partie  des  doc- 
teurs de  la  Sorbonne,  des  membres  des  parlements  et  même 
des  réguliers.  —  En  eifet,  quelques  princesses  s'étaient 
émues  des  persécutions  infligées  aux  saintes  filles  de  Port- 
Royal  ;  et  l'Eglise  gallicane  s'était  alarmée,  se  sentant  me- 
nacée tout  entière  par  la  procédure  qui  soumettait  des 
eveques  de  France  au  jugement  immédiat  des  commissaires 
du  pape.  Dix-neuf  évêques,  secrètement  encouragés  par 
vingt  autres,  prirent  hautement  la  défense  de  leurs  col- 
lègues poursuivis.  Le  l'^^  déc.  1667,  L.-H.  de  Gondrin, 
archevêque  de  Sens,  et  les  évêques  de  Châlons-sur- 
Marne  de  Boulogne,  de  Neaux,  à'Angoulême,  de  La 
hochelle,  àeComminges,àeCo?îsera?is,àe  Saint-Pons, 
de  Lodève,  de  Vence,  de  Mirepoix,  d'Agen,  de  Saintes, 
de  Rennes,  de  Soissons,  d'Amiens,  de  Tulle  et  de 
Troyes,  écrivirent  au  pape,  pour  le  prier  d'inaugurer  son 
pontiticat  en  rendant  la  paix  à  l'Eglise.  Après  avoir  loué 
l'eminente  vertu  des  quatre  évêques,  qui  sont  un  des  orne- 
ments de  leur  ordre,  ils  justifient  leurs  mandements  ;  et 
comme  eux  ils  déclarent  que  ce  serait  un  dogme  nou- 
veau et  inouï,  que  de  prétendre  que  les  décrets  par  les- 
quels l'Eglise  décide  des  faits  qui  arrivent  de  jour  en  jour 
sont  certains  et  infaillibles,  et  qu'on  doit  foi  à  ces  décisions 
de  fait,  comme  aux  dogmes  révélés  de  Dieu,  dans  l'Ecri- 
ture ou  dans  la  Tradition.  Il  suffit  que  les  fidèles  rendent 
aux  décrets  de  ce  genre  le  respect  dû  à  tous  les  actes  de 
1  Eglise.  Ils  ajoutent  :  «  Ainsi,  T.  S.  P.,  si  c'était  un  crime 
d  être  dans  ce  sentiment,  ce  ne  serait  pas  leur  erreur  par- 
ticulière, mais  ce  serait  celle  de  nous  tous,  ou  plutôt  celle 
de  toute  l'Eglise.  C'est  pourquoi  il  y  a  eu  plusieurs  évêques 
et  des  plus  célèbres  d'entre  nous,  qui  ont  fait  la  même 
chose  qu'eux,  ou  par  des  mandements  publics,  quoique  non 
imprimés  ;  ou,  ce  qui  n'a  pas  moins  de  poids,  dans  des 
proces-verbaux  qui  demeurent  dans  leurs  greff'es,  et  dans 
lesquels  ils  ont  expliqué  tout  au  long  cette  doctrine.  D'autres 
se  sont  rendus  faciles  aux  ecclésiastiques  qui  ont  voulu 
faire  quelque  addition  à  leur  signature,  pourvu  qu'elle  ne 
contînt  rien  que  d'orthodoxe.  »  Les  dix-neuf  adressèrent 
au  roi  une  lettre  conçue  avec  une  égale  fermeté,  portant 
témoignage  d'estime  aux  quatre  évêques  et  insistant  sur 
1  irrégularité  de  la  procédure  instituée  contre  eux  par  le 
bref  du  pape.  Cela  déplut  fort  au  roi.  Sur  le  réquisitoire 
du  procureur  générai,  le  parlement  rendit  un  arrêt  ordon- 
nant qu  il  serait  informé  des  cabales  et  assemblées  illicites 
tendant  à  troubler  la  paix  de  l'Eglise  et  à  affaiblir  l'auto- 
rité des  déclarations  et  bulles  enregistrées  touchant  la  doc- 
trine de  Jansenius  (19  mars  1668).  L'évêque  de  Châlons 
comme  le  plus  ancien  des  signataires,  répondit  au  procureur 
général  que  le  «  bref  de  Rome  contenait  des  clauses  extra- 
ordmaires  pour  faire  le  procès  à  quatre  évoques,  non  seu- 
lement contre  les  lois  canoniques,  mais  au  préjudice  môme 
de  équité  naturelle».  Lui  et  ses  collègues  se  seraient  crus 
indignes  du  caractère  qu'ils  tenaient  de  Jésus-Christ  s'ils 
ne  se  lussent  opposés  à  l'exécution  de  ce  bref  (24  mai)    De 


JANSENISME 


—  U  — 


leur  côté,  les  quatre  avaient  invité  tous  les  évoques  de 
France  à  prendre  leur  défense,  dans  une  cause  qui  était 
commune  à  tous  :  «  Puisque,  écrivaient -ils,  il  ne  s'agit  pas 
seulement  de  notre  opposition  particulière,  mais  du  ren- 
versement des  saints  canons,  du  violement  des  premiers 
principes  de  l'équité  naturelle  et  du  dernier  avilissement  de 
notre  dignité»  C^Savr.lGBB).  Un  arrêt  du  conseil  d'Etat, 
rendu  le  4  juil.,  le  roi  présent,  ordonna  la  suppression  de 
leur  lettre-circulaire  et  fit  défense  à  tous  archevêques  et 
évêques  d'y  avoir  égard. 

Ainsi,  au-dessus  des  cinq  propositions,  du  sens  de  Jan- 
senius,  du  point  de  droit  et  du  point  de  fait,  émergeait 
une  question  de  juridiction,  intéressant  au  plus  haut  degré 
les  franchises  et  les  usages  de  l'Eglise  gallicane,  et  la  di- 
gnité du  corps  épiscopal.  Le  nonce,  qui  était  informé  de 
l'émotion  que  cette  question  excitait  chez  le  clergé,  dans 
les  universités  et  dans  les  parlements,  estimait  que  la  con- 
tinuation des  poursuites  provoquerait  des  conflits,  que  le 
roi  pourrait,  sans  doute,  réprimer  par  la  force,  s'il  le  vou- 
lait ;  mais  qui  exposeraient  à  des  atteintes  fâcheuses  l'au- 
torité spirituelle  du  saint-siège.  Il  accueillit,  avec  empres- 
sement, les  démarches  qui  furent  faites  auprès  de  lui,  par 
l'archevêque  de  Sens  et  par  Félix  III  Vialart  de  Herse, 
évêque  de  Châlons-sur-Marne.  Ces  évêques  s'étaient  arrêtés 
à  l'expédient  suivant  :  les  quatre  évêques  ne  révoqueraient 
pas  leurs  mandements  et  ne  rétracteraient  point  ce  qu'ils 
avaient  avancé  ;  mais  ils  ordonneraient  une  nouvelle  signa- 
ture du  formulaire,  non  par  d'autres  mandements  publics, 
mais  par  des  procès-verbaux  qui  demeureraient  dans  leurs 
greffes.  Par  ces  procès- verbaux,  ils  déclareraient  à  leurs 
ecclésiastiques,  qu'au  regard  du  fait,  l'Eglise  n'obligeait 
qu'à  une  soumission  de  respect  et  de  silence  ;  et  ils  leur 
feraient  signer  le  formulaire  au  pied  de  cette  déclaration. 
Ensuite,  ils  écriraient  au  pape  une  lettre  pleine  de  respect, 
pour  lui  rendre  compte  de  cette  signature.  Les  quatre 
évêques  acquiescèrent  à  ces  conditions;  mais  ils  y  ajoutè- 
rent qu'on  leur  laisserait  la  liberté  de  dresser  leurs  pro- 
cès-verbaux et  leur  lettre  au  pape  comme  ils  le  jugeraient 
à  propos,  et  qu'on  ne  pourrait  les  obliger  à  y  mettre  au- 
cun terme  obscur,  ambigu  ou  équivoque.  —  Hugues  de 
Lionne,  alors  secrétaire  d'Etat  à  V étranger^  et  que  Saint- 
Simon  appelle  le  plus  grand  ministre  du  règne,  recom- 
manda très  vivement  cette  transaction  au  nonce,  qui  témoi- 
gna l'approuver,  et  en  référa  au  pape.  On  ajouta  aux 
stipulations  précédentes  que  les  quatre  évêques  ne  subi- 
raient point  de  peines  canoniques  pour  leur  résistance  pas- 
sée. Jusqu'alors,  le  roi  était  censé  ignorer  ce  qui  se  faisait. 
Mais  Colbert  et  Le  Tellier  s'étant  joints  à  M.  de  Lionne, 
pour  approuver,  celui-ci  montra  au  roi,  qui  l'agréa,  le 
projet  de  la  lettre  que  les  quatre  évêques  devaient  adresser 
à  Rome.  On  dit  que  le  roi  mit  pour  condition  expresse  à 
son  assentiment  que  l'on  contenterait  le  pape.  Pour  ré- 
ponse, le  nonce  reçut  de  Clément  IX  l'ordre  de  no  plus 
parler  de  rétractation  des  mandements,  mais  d'employer 
tous  ses  efforts  à  obtenir  l'autre  point,  c.~à-d.  une  sous- 
cription sincère.  Il  semble  bien  résulter  de  ces  termes  que 
le  pape  entendait  que  la  sincérité  de  la  souscription  pou- 
vait s'accommoder  avec  le  maintien  des  mandements.  On  a 
écrit  que,  outre  la  signature  que  les  quatre  évêques  devaient 
donner  dans  leurs  synodes,  publiquement,  avec  distinction 
du  droit  et  du  fait,  on  leur  en  demanda  une  autre,  pure 
et  simple,  qui  serait  envoyée  à  Rome,  mais  qui  ne  serait 
vue  que  du  pape  seul.  Tout  prouve  que  cette  proposition, 
si  vraiment  elle  a  été  faite,  fut  repoussée. 

A  part  une  courte  addition  insérée  par  l'évêque  d'Aleth 
pour  son  diocèse,  les  procès-verbaux  des  déclarations  faites 
par  les  quatre  évêques,  en  requérant  la  souscription  de 
leur  clergé,  sont  identiques.  En  voici  les  dispositions  prin- 
cipales :  «  I.  Par  cette  signature,  vous  devez  vous  obliger 
à  condamner  sincèrement,  pleinement,  et  sous  aucune  ré- 
serve ni  exception,  tous  les  sens  que  l'Eglise  et  le  pape 
ont  condamnés  et  condamnent  dans  les  cinq  propositions  : 
en  sorte  que  vous  professiez  que  vous  n'avez  de  doctrine 


sur  ce  sujet  que  celle  de  l'Eglise  catholique,  apostolique 
et  romaine.  »  C'est  vraisemblablement  cette  première  dé- 
claration qui  a  permis  aux  évêques  médiateurs  de  donner 
au  nonce,  et  à  celui-ci  de  transmettre  à  Rome  les  renseigne- 
ments en  conséquence  desquels  Clément  IX  énonça  dans 
le  bref  mentionné  ci-après,  que  la  souscription  avait  été 
faite  purement  et  simplement.  «  II.  Nous  vous  déclarons 
en  second  lieu,  que  ce  serait  faire  injure  à  l'Eglise  que  de 
comprendre  entre  les  sens  condamnés  dans  ces  propositions 
la  doctrine  de  saint  Augustin  et  de  saint  Thomas  touchant 
la  grâce  efficace  par  elle-même,  nécessaire  à  toutes  les 
actions  de  la  piété  chrétienne,  et  la  prédestination  gratuite 
des  élus,  à  laquelle  toute  l'Eglise  convient  que  les  papes 
n'ont  donné  aucune  atteinte,  'comme  ils  l'ont  souvent  dé- 
claré eux-mêmes.  »  L'importance  capitale,  prépondérante, 
absorbante,  attribuée  à  cette  doctrine,  constitue  le  carac- 
tère spécifique  du  jansénisme.  «  ÏII.  Nous  vous  déclarons 
en  troisième  lieu,  qu'à  l'égard  du  fait  contenu  dans  le 
dernier  formulaire,  vous  êtes  seulement  obligés  par  cette 
signature  à  une  soumission  de  respect  et  de  discipline, 
qui  consiste  à  ne  point  vous  élever  contre  la  décision  qui 
en  a  été  faite,  et  à  demeurer  daîis  le  silence,  pour  con- 
server l'ordre  qui  doit  régler  en  cette  matière  la  conduite 
des  inférieurs  à  l'égard  des  supérieurs  ecclésiastiques.  » 
L'évêque  d'Aleth  ajouta  :  «  Parce  que  l'Eglise  n'étant 
point  infaillible  en  ces  sortes  de  faits,  qui  regardent  les 
sentiments  des  auteurs  ou  de  leurs  livres,  elle  ne  prétend 
pas  obliger,  par  la  seule  autorité  de  sa  décision,  ses  en- 
fants à  les  croire.  » 

Ces  procès-verbaux  et  le  formulaire  d'Alexandre  VU 
furent  signés  dans  le  diocèse  de  Beau  vais,  le  14  sept. 
1668;  dans  celui  d'Angers,  le  15;  à  Aleth  et  à  Pamiers, 
le  18.  La  lettre  de  soumission  des  quatre  évêques  fut  ins- 
crite à  Rome,  dans  le  registre  de  la  secrétairerie,  le  26. 
Le  même  courrier  avait  apporté  une  lettre  de  Louis  XIV, 
exprimant  la  satisfaction  qu'il  ressentait  de  cet  accommode- 
ment. Deux  jours  après,  le  pape  fit  expédier  un  bref 
adressé  au  roi.  H  y  annonce  qu'il  a  appris  avec  joie  que 
les  quatre  évêques  se  sont  soumis  à  la  souscription  pure 
et  simple  du  formulaire,  et  qu'il  partage  la  satisfaction 
que  le  roi  s'était  empressé  de  lui  exprimer.  Antoine  Ar- 
nauld  se  fit  présenter  au  nonce,  par  les  évêques  de  Châ- 
lons  et  de  Sens,  et  il  attesta  avoir  signé  le  formulaire  cons- 
ciencieusement. Il  fut  aussi  présenté  au  roi  par  Pompone, 
son  neveu;  et  il  tourna  ce  compliment  :  «  Sire,  je  regarde 
comme  le  plus  grand  bonheur  qui  me  soit  jamais  arrivé, 
l'honneur  que  Sa  Majesté  me  fait  de  me  souffrir  devant 
elle.  »  Le  23  oct.,  le  roi,  étant  en  son  conseil  d'Etat, 
ordonna  que  les  bulles  et  constitutions  d'Innocent  X  et 
d'Alexandre  VU  continueraient  d'être  inviolablement  obser- 
vées et  exécutées  dans  toute  l'étendue  du  royaume;  mais 
que  les  contraventions  et  inexécutions  faites  à  ces  bulles 
et  à  la  déclaration  du  mois  d'avr.  1655  resteraient  comme 
non  avenues,  sans  que  les  poursuites  pussent  être  renou- 
velées sous  quelque  prétexte  que  ce  fût.  Il  fit,  en  outre, 
défense  à  tous  ses  sujets  de  s'attaquer,  sous  couleur  de  ce 
qui  s'était  passé,  usant  des  termes  hérétiques,  jansé- 
nistes^ semi-pélagiens  ou  autres  noms  de  parti;  et 
même  d'écrire  ou  publier  des  Hbelles  sur  les  matières  con- 
testées. Le  27,  il  écrivit  aux  quatre  évêques  une  lettre  bien- 
veillante. Cependant  le  pape  faisait  toujours  attendre  sa 
réponse  à  leur  lettre  de  soumission.  Ils  avaient  bien  remis 
au  nonce  des  certificats  attestant  sommairement  la  signa- 
ture du  formulaire  ;  mais  leurs  adversaires  les  avaient  dé- 
noncés comme  ayant  usé  de  duplicité.  Clément  IX  chargea 
le  nonce  de  faire  discrètement  une  enquête.  Lorsqu'il  eut 
acquis  l'assurance  que  les  restrictions  énoncées  dans  les 
procès- verbaux  portaient,  non  sur  le  sens  de  la  décision 
de  droit,  mais  seulement  sur  le  caractère  de  la  décision  de 
fait,  et  môme  qu'une  soumission  de  discipline  et  de  res- 
pect avait  été  promise  à  cette  décision,  il  adressa  aux 
quatre  évoques  un  bref  pour  leur  donner  une  marque  de 
sa  bienveillance  paternelle  (  1 9  janv.  1669).  Les  religieuses 


de  Port-Royal  ayant  pareillement  signé  le  formulaire,  l'ar- 
chevêque de  Paris  leva  les  censures  prononcées  contre  elles 
(févr.). 

On  donne  communément  le  nom  de  paix  de  Clément  IX 
à  cet  accommodement.  Les  jansénistes  affectèrent  de  triom- 
pher ;  ils  l'appelèrent  paix  de  r Eglise.  Pour  en  perpétuer 
le  souvenir,  ils  firent  frapper  une  médaille  contenant  d'un 
côté  la  figure  et  le  nom  du  roi;  de  l'autre,  sur  un  autel 
un  livre  ouvert,  sur  ce  livre  les  clefs  de  saint  Pierre  avec 
le  sceptre  et  la  main  de  justice  du  roi  passés  en  sautoir; 
au-dessus,  un  Saint-Esprit  rayonnant  avec  ces  mots  :  Gratia. 
ET  PAX  A  Deo  ;  sur  le  devant  de  l'autel  :  Ob  restitutam 
EccLESLE  CONCORDIAM.  Sur  la  plainte  du  nonce,  le  roi  fit 
rompre  le  coin  de  cette  médaille.  —  La  suite  de  l'histoire 
du  jansénisme  se  trouve  aux  mots  :  Port-Royâl,  Quesné- 
LiSME,  Utrecht  (Eglise  d'),  Paris  (le  diacre  François  de). 

E.-H.  VOLLET. 

BiBL.  :  A.  Arnauld,  Considérations  sitr  l'entreprise  de 
M.  Nicolas  Cornet^  1649.  —  Bourzeis,  Propositiones  de 
Gratta  in  Sorbonnœ  facultatem  propediem  examinandœ^ 
1649.  —  Ecrit  à  trois  colonnes  ou  distinction  des  sens,  1653. 
—  RospiGLiosi,  Relation  de  ce  qui  s'est  passé  dans  Vaf- 
faire  du  jansénisme.  —  Gerberon,  Histoire  générale  du 
jansénisme,  1703,  3  vol,  in42.  —  H.  Dumas,  Histoire  des 
cinq  propositions  de  Jansenius;  Liège,  lb99,  2  vol.  in-12; 
Défense  de  l'histoire  des  cinq  jpropositions^  1701,  8  vol. 
in-i2.  —  QuESNEL,  la  Paix  de  Clément  JX,  1701.  —  Colo- 
NiA,  Bibliothèque  janséniste^  1735,  in-8.  —  Patouillet, 
Dictionnaire  des  livres  jansénistes  ;  Anvers,  1752,8  vol. 
iri-12.  —  Sainte-Beuve,  Port-Royal;  Paris,  1867,  0  vol. 
in~8. 

JANSENIUS  (Cornélius),  septième  évêque  d'Ypres,  né  à 
Aquoi,  près  de  Leerdam  (Hollande  méridionale),  en  1585, 
mort  à  Ypres  en  -1638.  Il  suivit  les  cours  de  philosophie 
et  de  théologie  à  Louvain,  sous  la  direction  de  Jacques  Jan- 
son  d'Amsterdam,  qui  avait  été  formé  lui-môme  à  l'école 
de  Baius  (V.  ce  nom).  Jansenius  paraît  avoir  subi  dès  ce 
moment  l'influence  du  baïanisme.  Il  se  lia,  semble-t-il,  à 
Louvain,  avec  Du  Vergier  de  Hauranne,  célèbre  plus  tard 
sous  le  nom  d'abbé  de  Saint-Cyran.  Les  deux  condisciples 
se  retrouvèrent  à  Paris  aux  leçons  de  la  Sorbonne  et  y  com- 
mencèrent ensemble  l'étude  approfondie  des  doctrines  de 
saint  Augustin  sur  la  grâce  et  la  prédestination.  Jansenius 
suivit  son  ami  à  son  castelde  Campiprat,  près  de  Bayonne; 
ils  y  poursuivirent  ensemble  leurs  travaux  durant  plusieurs 
années,  et  le  jeune  théologien  belge  devint  principal  du  col- 
lège de  Sainte-Pulchérie  à  Louvain  ;  il  prit  cette  même 
année  le  grade  de  docteur  en  théologie  ;  quelques  mois  plus 
tard,  il  fut  nommé  professeur  à  la  ïaculté  de  théologie,  et, 
en  4635,  il  revêtit  l'hermine  rectorale.  Il  avait  été  envoyé 
en  1624  auprès  du  roi  d' [Espagne  pour  protester  contre 
la  fondation  du  collège  des  jésuites  à  Louvain,  contraire 
aux  privilèges  de  l'université.  Il  n'avait  encore  écrit  que 
des  opuscules  théologiques  quand,  en  1635,  il  publia  un 
livre  qui  fit  grand  bruit  :  Mars  Gallicus  seu  de  justitia 
armorum  et  fœderum  régis  Galliœ;  c'était  une  attaque 
véhémente  contre  la  politique  du  cardinal  de  Richelieu  et 
ses  alliances  avec  les  luthériens  d'Allemagne.  Le  reten- 
tissement en  fut  considérable,  et,  d'après  le  P.  Rapin(dans 
son  Histoire  du  Janséinsme),  Philippe  IV  en  aurait 
été  si  satisfait  qu'il  éleva  l'auteur  à  la  dignité  d'èvéque 
d'Ypres.  La  vérité  est  que  l'archevêque  de  Malines,J.  Boonen, 
métropolitain  des  Pays-Bas,  présenta  Jansenius  comme 
candidat  au  siège  vacant,  et  obtint  l'adhésion  du  conseil 
d'Etat.  Le  nouvel  évêque  dirigea  son  diocèse  pendant  dix- 
huit  mois  à  peine  et  mourut  de  la  peste  le  6  mai  1638. 
Il  fut  enterré  dans  sa  cathédrale,  la  nuit  qui  suivit  son 
décès,  sans  cérémonie,  conformément  aux  ordonnances  du 
magistrat.  Jansenius  avait  consaci'é  les  vingt-deux  der- 
nières années  de  sa  vie  à  la  composition  de  son  Augusti- 
niis^  œuvre  capitale,  destinée,  sans  que  l'auteur  s'en 
doutât,  à  troubler  l'Eglise  et  à  remuer  le  monde  (V.  Jan- 
sénisme). 

VAuyustinus,  tentative  de  résurrection  du  baïanisme 
et  attaque  directe  contre  la  doctrine  des  scolastiques  et 
des  jésuites  sur  la  grâce  et  la  prédestination,  parut  en 


15  —  JANSENISME  —  JANSON 

1640.  Dès  4642,  le  pape  Urbain  VIII  en  défendit  la 
lecture  parce  qu'il  avait  été  publié  sans  l'autorisation  de 
Rome  et  renouvelait  des  propositions  déjà  condamnées  par 
le  saint-siège.  En  1655,  sur  l'ordre  formel  du  pape  et  du 
roi  d'Espagne,  on  enleva  l'épitaphe  élogieuse  qui  ornait  la 
tombe  de  l'hérésiarque  ;  les  chanoines  yprois  résistèrent 
et  firent  rétablir  l'inscription  en  1671,  mais  le  gouverne- 
ment la  fit  de  nouveau  disparaître,  et  aujourd'hui,  au  mi- 
lieu des  mausolées  splendides  qui  remplissent  le  chœur  de 
la  cathédrale,  une  simple  pierre  sans  inscription,  ne  por- 
tant qu'une  croix  et  dans  chaque  angle  un  chiffre  1-6-3-8 
recouvre  la  sépulture  du  célèbre  prélat.        E.  Hubert. 

BiBL.  :  A.  Van  den  Peereboom,  Cornélius  Jansenius^ 
Bruges,  1882,  in-8.  —  A.  Le  Roy,  Biographie  de  Jansenius., 
dans  lâBiographie  nationale  de  Belgique. —  Callewaert 
Jansenius,  évêque  d'Ypres,  ses  derniers  moments^  sa  sou- 
mission au  saint-siège  ;  Louvain,  1893,  in-8. 

J  AN  SENS  Elinga  (François),  théologien  et  canoniste, 
né  à  Bruges,  mort  en  1715.  Il  appartenait  à  l'ordre  des  do- 
minicains, professa  la  théologie  à  Louvain,  devint  pre- 
mier régent  des  études  à  Anvers  et  fut  élu  trois  fois  pro- 
vincial de  la  Basse-Germanie.  (Eu vres principales  :  Suprema 
Romani  pontificis  auctoritas^  ejusque  extra  coneilium 
générale  defmieniis  infaliibiïitate  (Bruges,  1689)  ; 
Summa  totius  doctrinœ  de  Romani  pontificis  aucto- 
rilate  et  infaliibiïitate  (Bruges,  1690)  ;  Forma  et  Esse 
Ecclesiœ  Christi^  quœ  diimtaxat  est  apud  romano-ca- 
tholicos  (1702)  ;  Dissertationes  XXV î  theologicœ  se- 
lectœ  de  principalioribus  quœstionibus  hoc  tempore 
in  scolis  disputatis  (1707). 

J  AN  SON  5  Jwnsonniiis  (Jacques),  né  à  Amsterdam  en 
1547,  mort  en  1625.  Professeur  en  théologie  à  l'univer- 
sité de  Louvain  et  successeur  de  Baius,  comme  doyen  de 
l'église  collégiale  de  Saint-Pierre,  il  représente  le  trait 
d'union  entre  le  baïanisme  et  le  jansénisme.  Il  était  de 
ceux  qui  prétendaient  que  les  propositions  de  Baius,  con- 
damnées par  le  pape,  reproduisaient,  prises  en  un  certam 
sens,  la  doctrine  de  saint  Augustin.  L'université  le  chargea 
de  la  leçon  publique  de  théologie  qu'elle  avait  spécialement 
instituée  pour  réfuter  Lessius.  Il  le  combattit  avec  ardeur, 
en  s' appliquant  à  opposer  à  sa  doctrine  l'autorité  de  saint 
Augustin.  ÇiOmxûQ  Lessius  (V.  ce  nom)  admettait  une  grâce 
accordée  à  tous  les  hommes  pour  se  sauver,  et  même  un 
secours  moral  pour  les  infidèles,  afin  d'accomplir  la  loi 
naturelle,  il  devait  se  rencontrer  parmi  les  disciples  de 
Janson  quelqu'un  qui  souhaitât  découvrir,  dans  les  écrits 
de  saint  Augustin,  que  Dieu  ne  veut  pas  sauver  tous  les 
hommes  et  qu'il  commande  des  choses  impossibles.  Ce  dis- 
ciple fut  Cornélius  Jansenius,  qui  lut  dix  fois  tous  les  ou- 
vrages de  saint  Augustin  et  trente  fois  tous  ses  écrits 
contre  les  pélagiens,  et  naturellement  y  trouva  ce  qu'il  y 
cherchait.  —  OEuvres:  Instructio  Catholicœ  Ecclesiœ; 

—  Enarratio  Passionis;—  In  Sacrum  Missœ  canonem; 

—  des  commentaires  sur  le  Cantique  des  cantiques.,  sur 
Job  et  sur  V Evangile  de  saint  Jean;  des  Oraisons  fu- 
nèbres, E'.-H.  V. 

JANSON  (Marquis  de)  (V.  Forbin). 

JANSON  (Paul),  avocat  et  homme  politique  belge,  né  à 
llerstal  en  1810.  Inscrit  au  barreau  de  Bruxelles  en  1862, 
il  attira  de  bonne  heure  l'attention  par  une  éloquence  fou- 
gueuse jointe  à  un  sens  juridique  remarquable,  et  il  défendit 
les  idées  républicaines  et  socialistes  dans  des  réunions  tenues 
par  les  associations  ouvrières,  notamment  à  Liège  et  dans 
le  Borinage.  En  1877,  il  brigua  un  siège  à  la  Chambre  des 
représentants  et  fut  élu  à  Bruxelles  contre  le  comte  E,  Go- 
blet  d'Aluiella  (V.  ce  nom),  après  avoir  déclaré  au  meeting 
tenu  par  l'Association  libérale  «  qu'aussi  longtemps  que  la 
Belgique  serait  gouvernée  par  un  roi  honnête  homme,  il 
ne  songerait  pas  à  faire  de  la  propagande  républicaine. 
Quant  aux  progrès  sociaux,  il  fallait  les  résoudre  dans  un 
esprit  de  paix  et  de  conciliation,  par  la  persuasion  et  la 
liberté.  »  Il  prit  une  part  active  aux  débats  parlementaires 
et  prononça  notamment  plusieurs  discours  très  remarqués 
sur  le  péril  clérical.  Lorsque  les  élections  de  1878  eurent 


JANSON  --  JANSSEN 


—  16  — 


rendu  le  pouvoir  au  parti  libéral,  Janson  appuya  d'abord 
loyalement  le  cabinet  Frère-Orban  (V.  ce  nom),  mais, 
trouvant  insuffisante  l'extension  du  droit  de  suffrage  accor- 
dée par  le  gouvernement,  il  forma,  avec  quelques  députés 
de  l'extrême  gauche,  un  groupe  radical  qui  battit  le  minis- 
tère en  brèche,  et  finit  par  désorganiser  le  parti  libéral  au 
bénéfice  des  catholiques.  Battu  aux  élections  de  1884, 
Janson  rentra  à  la  Chambre  en  1889,  grâce  à  une  alliance 
avec  les  libéraux  modérés.  Il  déposa  une  proposition  de  revi- 
sion des  articles  47,  53  et  56  de  la  constitution  relatifs  à 
l'organisation  électorale.  Cette  proposition  ayant  été  prise 
en  considération,  il  défendit  chaleureusement  le  suffrage 
universel,  tandis  que  le  gouvernement  se  ralliait  au  sys- 
tème dit  de  l'habitation.  Après  de  longs  débats,  qui,  à 
certains  moments,  tombaient  dans  l'incohérence  la  plus 
complète,  tous  les  projets  furent  successivement  rejetés.  Le 
pays  était  agité  ;  le  parti  socialiste  soulevait  les  masses 
populaires  ;  des  émeutes  éclatèrent  sur  divers  points  du 
pays  et  furent  réprimées  d'une  manière  sanglante  par  la 
garde  civique  et  par  l'armée.  Alors  Janson  et  l'extrême 
gauche  se  rallièrent  au  système  formulé  par  A.  Nyssens, 
membre  de  la  droite,  et  la  Chambre  décréta  le  suffrage 
universel  tempéré  par  le  vote  plural.  Ce  système  a  fonc- 
tionné pour  la  première  fois  au  mois  d'oct.  1894.  Janson 
échoua  à  Bruxelles  avec  toute  la  liste  libérale. 

JANSON  (Kristoffer),  littérateur  norvégien,  né  à  Bergen 
le  5  mai  1841.  Etudiant  en  théologie,  il  prit  part  au  mou- 
vement en  faveur  de  la  langue  nationale,  dit  Maalstrœvere^ 
dirigea  une  école  primaire  supérieure,  publia  en  patois 
campagnard  une  série  de  récits  sur  la  vie  des  paysans  : 
Fi^aa  Bygdom  (1865);  Hang  ag  ho,  Marit  Skjelte 
(1868j;  lorgrim  (1872);  Den  Bergtekne  (1876);  des 
poésies  lyriques,  Norske  Dikt  (1867)  ;  une  tragédie  histo- 
rique, Jon  Arason  (1867)  ;  un  poème  épique,  Sigmund 
Bresteson  (1872)  ;  un  roman  historique  (du  xvi^  siècle), 
Fraa  Dansketidi  (1875);  un  conte,  Aufstanfyre  sol  og 
verstanfyre  Maane  (1879)  ;  un  drame  moderne  en  langue 
littéraire.  En  Kuindesjabue  (1879).  En  1876,  le  gouver- 
nement lui  alloua  une  pension  de  1,600  couronnes;  en 
1882,  il  émigra  en  Amérique  comme  pasteur  d'une  com- 
munauté d'unitariens  ;  il  y  a  publié  plusieurs  écrits  théolo- 
giques et  un  beau  poème,  Prœriens  Saga  (1885). 

JANSSEN  (Pierre-Jules-César),  astronome  et  physicien 
français,  né  à  Paris  le  22  févr.  1824.  Il  étudia  d'abord  la 
peinture,  puis  les  mathématiques  et  la  physique,  passa  en 
1852  et  en  1855  les  licences  correspondant  à  ces  deux 
sciences,  fit  dans  l'intervalle  quelques  suppléances  au  lycée 
Charlemagne  et,  en  1857,  fut  envoyé  par  le  ministre  de 
l'instruction  publique  au  Pérou,  en  compagnie  des  frères 
Grandidier  (V.  ce  nom),  pour  y  effectuer  diverses  obser- 
vations relatives  à  la  détermination  de  Téquateur  magné- 
tique; mais  une  grave  dysenterie  l'obligea  de  regagner 
presque  aussitôt  l'Europe  (1858).  En  1860,  il  se  fit  rece- 
voir docteur  es  sciences  physiques  avec  une  thèse  très  re- 
marquée :  Sur  l'Absorption  de  la  chaleur  rayonnante 
obscure  dans  les  milieux  de  l'œil  ;  il  y  démontrait  ia 
propriété  qu'ont  les  milieux  oculaires  d'absorber  la  chaleur 
rayonnante  obscure  et  de  ne  laisser  parvenir  à  la  rétine  que 
les  rayons  lumineux  qui  doivent  déterminer  la  vision.  De 
1865  à  1871,  il  fut  professeur  de  physique  générale  à 
l'Ecole  spéciale  d'architecture.  En  1873,  il  se  vit  nommer, 
à  quelques  mois  d'intervalle,  membre  de  l'Académie  des 
sciences  de  Paris  (section  d'astronomie)  et  membre  du  Bu- 
reau des  longitudes.  En  1875,  la  Société  royale  de  Londres 
se  l'associa  à  son  tour.  En  1876,  il  établit  rue  Labat,  à 
Montmartre,  aux  frais  du  gouvernement,  un  observatoire 
d'astronomie  physique.  Il  a  encore  (1894)  la  direction  de 
cet  établissement,  qui  a  été  transféré  dès  1877  sur  les 
ruines  du  château  de  Meudon  et  qui  a  pris  un  développe- 
ment considérable.  Il  s'y  est  plus  spécialement  occupé  de 
photographie  astronomique,  contribuant  par  ses  beaux  cli- 
chés du  soleil  à  la  connaissance  de  la  constitution  physique 
de  la  photosphère.  Il  a  été  chargé,  entre  temps,  d'un  nombre 


considérable  de  missions  scientifiques  :  en  Italie  et  dans  les 
Alpes,  pour  l'étude  des  raies  telluriques  du  spectre  solaire 
(1861-62  et  1864)  ;  à  Trani  (Italie),  pour  l'observation 
d'une  éclipse  de  soleil  (1867)  ;  à  l'île  de  Santorin,  pour 
l'étude  du  volcan  alors  en  éruption  (1867)  ;  aux  Açores, 
avec  Ch.  Sainte-Claire  Deville,  pour  des  observations  ma- 
gnétiques et  la  reconnaissance  topographique  de  ces  îles 
(1867)  ;  à  Guntoor  (Inde  anglaise),   pour  l'observation 
d'une  seconde  échpse  de  soleil  (1868);  à  Oran,  durant  le 
siège  de  Paris,  d'où  il  sortit  en  ballon,  pour  l'observation 
d'une  troisième  éclipse  (1870-71);  à  Shoolor,   dans  les 
Nil  Gherrys  (Inde  anglaise),  pour  une  quatrième  éclipse 
(1871)  ;  à  Nagasaki  (Japon),  pour  l'observation  du  passage 
de  Vénus  (1874)  ;  à  Oran,  pour  le  second  passage  de  Vé- 
nus (1882);  aux  îles  Carolines,  pour  l'observation  d'une 
nouvelle  éclipse  de  soleil.  Chacun  de  ces  voyages  a  été 
marqué  par  quelque  nouvelle  conquête  de  la  science.  C'est 
ainsi  qu'à  Guntoor,  en  1868,  l'illustre  pliysicien  a  reconnu 
la  nature  des  protubérances  solaires  et  a  en  même  temps 
indiqué  une  méthode  pour  l'étude  de  ces  phénomènes  en 
dehors  des  éclipses  :  double  découverte  qui  lui  a  fait  dé- 
cer'uer  par  l'Académie  des  sciences  le  prix  Lalande,  excep- 
tionnellement quintuplé  en  sa  faveur.  En  1870,  lors  de  sa 
traversée  en  ballon  des  lignes  prussiennes,  il  a  inventé  un 
nouvel  instrument,  le  compas  aéronautique,  qui  permet  de 
fixer  à  chaque  instant  sur  la  carte  la  position  de  l'aérostat. 
En  1871,  à  Shoolor,  il  a  constaté  la  présence  autour  du 
soleil  d'une  nouvelle  et  dernière  enveloppe  gazeuse,  qu'il  a 
dénommée  l'atmosphère  coronale.  Au  cours  de  la  même 
mission,  il  a  déterminé  la  position  de  l'équateur  magné- 
tique au  S.  del'Indoet  il  a  réuni  pour  notre  Muséum  d'his- 
toire naturelle  une  riche  collection  d'animaux.  Il  avait  été 
conduit  à  supposer,  dès  ses  premiers  travaux,  que  les  raies 
de  l'oxygène  observées  dans  le  spectre  du  soleil,  surtout 
lorsque  cet  astre  est  à  l'horizon,  ont  une  origine  exclusive- 
ment terrestre,  qu'elles  sont  produites  par  l'interposition 
de  notre  atmosphère  et  que  les  enveloppes  gazeuses  de  la 
photosphère  solaire  sont  complètement  dépourvues  d'oxy- 
gène ;  cette  hypothèse  s'est  trouvée  confirmée  par  une  série 
d'observations  qu'il  a  faites  dans  ces  dernières  années  :  aux 
Grands-Mulets,  à  mi-côte  du  mont  Blanc,  en  1888  (il  était 
alors  président  du  Club  alpin)  ;  à  la  tour  Eiffel,  en  1889  ; 
au  sommet  du  mont  Blanc,  en  août  1890.  Cette  dernière 
ascension,  effectuée  entièrement  en  traîneau,  lui  a  fourni, 
en  outre,  l'occasion  d'observations  physiologiques  des  plus 
intéressantes  et  a  eu  encore  un  autre  résultat  important  : 
l'édification,  d'après  ses  indications,  d'un  observatoire  mé- 
téorologique sur  la  cime  même  du  géant  des  Alpes.  C'est  le 
plus  élevé  du  globe  (4,810  m.).  Commencé  en  1891,  avec 
le  concours  pécuniaire  de  M.  Bischoffsheim,  il  était  ter- 
miné dès  l'automne  de  1893.  Un  autre  (celui-ci  astrono- 
mique), dû  également  à  l'initiative  de  M.  Janssen,  est  en 
voie  de  construction  300  m.  plus  bas,  au  grand  Rocher- 
Rouge. 

^  Les  écrits  de  M.  Janssen  comprennent,  outre  la  thèse  déjà 
signalée,  une  centaine  de  mémoires,  notes  ou  rapports  in- 
sérés pour  la  plupart  dans  les  Comptes  rendus  de  r Aca- 
démie des  sciences  de  Paris,  dans  les  Archives  des 
missions  scientifiques,  dans  les  Annales  de  chimie  et 
de  physique  :  Mémoire  sur  le  spectre  de  la  vapeur 
d'eau  (1866)  ;  Etudes  sur  une  éruption  volcanique  à 
Sanlorin  (1867)  ;  Sur  rObservalion  de  f éclipse  an- 
nulaire à  Trani  (1867)  ;  Rapport  sur  l'éclipsé  totale 
observée  à  Guntoor  (1 868)  ;  Mémoire  sur  les  raies 
telluriques  du  spectre  solaire  (1871);  Sur  la  Pho- 
lométrie  photographique  (1881);  Note  sur  V observa- 
tion dupassage  de  la  planète  Vénus  sur  le  soleil  (1883)  ; 
Rapport  sur  la  mission  en  Océanie  pour  V observation 
de  réclipse  totale  du  6  maiiSSS  (1883);  Sur  la 
Constitution  des  taches  solaires  (1886)  ;  Sur  le  Pho- 
nographe d' Edison  (1889)  ;  Compte  rendu  d\me  as- 
cension scientifique  au  7nont  Blanc,  relation  détaillée  et 
très  intéressante  de  son  ascension  du  18  août  1890  (1 890)  ; 


Note  sur  radicule  placé  au  sommet  du  mont  Bla^ic 
(1892),  etc.  Il  a  donné  à  part  :  Rapport  sur  l'éclipsé  du 
12  déc.  1812  observée  à  Shoolor  (Paris,  4878,  in~8)  ; 
les  Méthodes  en  astronomie  physique  (Paris,  4882, 
in-8)  ;  l'Age  des  étoiles  (Paris,  4887,  in-8)  ;  la  Photo- 
graphie céleste  (Paris,  4888,  in-8)  ;  le  Spectre  de  f  oxy- 
gène et  V atmosphère  terrestre  (Paris,  4  889,  in-8),  etc. 

Léon  Sagnet. 
BiBL.  :  Notice  sur  les  travaux  de  M.  J.  Janssen  ;  Paris, 
1872,  in-4.  —  Revue  encyclopédique^  1891,  p.  276,  et  1893, 
pp.  978-988.  —  Liste  de  ses  mémoires  dan3  le  Catalogue  of 
scientific  papers  de  la  Société  royale  de  Londres,  t.  VIII 
et  X. 

JANSSEN  (Johannes),  historien  allemand,  né  à  Xanten 
le  10  avr.  1829.  Prêtre  catholique,  il  devint  professeur 
dans  un  gymnase  de  Francfort-sur-le-Main.  Bien  qu'ami 
de  Bœhmer  dont  il  a  publié  la  correspondance  et  les  petits 
ouvrages  (Fribourg,  4  868,  3  vol.),  il  fut  le  champion  du 
parti  ultramontain.  Ses  ouvrages  inspirés  de  cet  esprit 
sont  :  Frankreichs  Rheingelûste  (Francfort,  1861; 
2^ éd.,  1883)  ;  Schiller  als  Historiker  [Yrihourg,  1863; 
2^  éd.,  1879);  Zur  Genesis  der  ersten  Teilung  Polens 
(1865)  ;  Gustav-Adolphin  Deutschland  (1865)  ;  Frank- 
furts  Reichskorrespondenx,  von  1S16  bis  1519  (Fri- 
bourg, 1863-66,  2  vol.)  ;  Zeitund  Lebensbilder  (1875  ; 
3«  éd.,  1879]r:  Fr.-L.  Graf  %u  Stolberg  (1876-77, 
2  vol.;  nouv.  éd.,  1  vol.  1882),  et  surtout  sa  grande  his- 
toire des  Allemands  depuis  la  fin  du  moyen  âge  (Gesch.  des 
deutschen  Volkes  seit  dem  Ausgang  des  Mittelalters 
(Fribourg,  1877-86,  5  vol.,  14^  éd.);  il  s'efforce  d'y  dé- 
montrer que  l'état  de  l'Allemagne  était  florissant  au  début 
du  xvi«  siècle  et  que  la  Réformation  a  anéanti  cette  pros- 
périté ;  il  attaque  les  réformateurs  avec  une  violence  qui  le 
fit  accuser  de  dénaturer  les  documents  et  l'engagea  dans 
une  série  de  polémiques  ;  il  publia  en  4882  et  1883  deux 
livres  contre  ces  critiques. 

JANSSEN  (Peter-Johann),  peintre  allemand,  né  à  Dus- 
seldorf  le  12  déc.  1844.  Fils  du  graveur  F.-W-Thood. 
Janssen,  il  entra,  en  1860,  à  l'Académie  de  sa  ville  natale, 
011  il  eut  pour  maître  Ed.  Bendemann,  et  où  il  devait  être 
à  son  tour  professeur  en  1877.  Après  avoir  visité  Munich, 
Dresde  et  la  Hollande,  il  débuta,  en  1868,  par  un  Pierre 
reniant  le  Christ  qui  attira  sur  lui  l'attention,  et  il  se 
vit,  en  1869,  chargé  de  décorer  la  salle  de  l'hôtel  de  ville 
de  Crefeld  d'épisodes  tirées  de  l'histoire  à'Hermann  le  Ché- 
rusgue.  Ces  fresques,  pleines  de  mouvement  et  de  verve, 
furent  suivies,  en  1872,  d'une  ample  peinture  à  la  cire, 
Fondation  de  Riga,  pour  la  Bourse  de  Brème  ;  de  douze 
autres  fresques,  relatives  à  la  Légende  de  Prométhée, 
pour  les  salles  de  Cornélius  à  la  Galerie  nationale  de  Ber- 
lin ;  d'un  Cycle  historique,  pour  la  salle  des  Fêtes  de 
l'hôtel  de  ville  d'Erfurt  (1880-82)  ;  d'un  tableau  représen- 
tant la  Bataille  de  Fehrbellin,  pour  la  salle  des  Maré- 
chaux à  l'arsenal  de  Berlin.  Ajoutons  à  cela  V Enfance  de 
Bacchus  ;  la  Prière  des  Suisses  avant  le  combat  de 
Sempach  (1874),  et,  entre  autres  portraits,  celui  du  feld- 
maréchal  Herwarth  de  Bittenfeld  (musée  de  Berlin). 

JANSSENS  ( Victor- llonorius),  peintre  belge,  né  à 
Bruxelles  en  1664,  mort  à  Bruxelles  en  1739.  Fils  d'un 
tailleur,  il  alla  étudier  la  peinture  à  Home,  avec  une  pension 
du  duc  de  Hoîstein,  et  s'inspira  de  l'Albane.  De  retour  dans 
sa  patrie,  il  ne  s'en  absenta  plus  guère  que  pour  un  voyage 
à  Londres.  On  trouve  de  ses  tableaux  dans  les  musées  de 
Bruxelles  et  de  Copenhague.  Les  uns  sont  tirés  de  l'anti- 
quité, comme  le  Sacrifice  d'Enée,  Didon  faisant  bâtir 
Carthage,  d'autres  sont  religieux  comme  le  Saint  Charles 
Borromée,  d'autres  enfin  rentrent  dans  le  genre  fantaisiste 
comme  la  Bataille  grotesque  entre  sept  femmes,    G.  A. 

JANSSENS  (Jean-Guillaume),  général  hollandais,  né  à 
Nimègue  en  1762,  mort  à  La  Haye  en  1838.  Officier  dès 
l'àgc  de  quinze  ans,  il  fut  blessé  en  1793  au  siège  de 
Menin  et  dut  se  retirer  du  service.  Plus  tard,  il  devint 
commissaire  des  troupes  françaises  à  la  solde  de  la  Répu- 
blique batave,  secrétaire  général  du  dép.  de  la  guerre,  et, 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.   —   XXL 


—  17  -  JANSSEN  -  JANUS 

en  1802,  il  fut  nommé  lieutenant  général  gouverneur  de 
la  colonie  du  Cap  de  Bonne-Espérance,  Il  s'y  défendit  avec 
courage  et  habileté  contre  les  troupes  anglaises  et  obtint 
une  capitulation  honorable.  Rentré  en'^Hollande,  tt  fut 
appelé  par  le  roi  Louis  à  la  direction  générale  des  services 
militaires  et  au  conseil  d'Etat.  Napoléon,  après  l'annexion, 
l'envoya  aux  Indes  pour  remplacer  Daendels  (V.  ce  nom) 
comme  gouverneur  général.  Mal  secondé  par  les  troupes  in- 
digènes, Janssens  fut  battu  par  lord  Minto  et  emmené  captif 
en  Angleterre.  Mis  en  liberté  en  1812,  il  demanda  à  rendre 
compte  de  sa  gestion  devant  un  conseil  de  guerre.  Napoléon 
s'y  refusa  et  lui  conféra  le  titre  de  baron.  En  1814,  Jans- 
sens passa  au  service  du  roi  Guillaume  et  réorganisa  l'ar- 
mée néerlandaise.  Il  venait  d'être  appelé  depuis  quelques 
mois  au  rang  de  secrétaire  d'Etat,  quand  il  demanda  sa 
retraite  en  1815.  E.  H. 

BiBL.  :  Van  Kampen,  Histoire  des  Hollandais  aux  co- 
lonies {en  holland.);  Haarlem,  1831-33,  4  vol.  in-8.  — 
BosscHA,  les  Héros  néerlandais  {id.)\  Leeuwarden,  1886, 
3  vol.  in-4. 

JANSSENS  (Jean-Hérard),  historien  belge,  né  à  Mae- 
seyck  en  1783,  mort  à  Engis  en  1853.  Il  étudia  la  théologie 
à  Rome  et  professa  l'herméneutique  sacrée  d'abord  au  col- 
lège de  Fribourg,  puis  au  séminaire  de  Liège.  L'indépen- 
dance d'esprit  qu'il  manifesta  dans  son  enseignement  lui 
attira  des  diflîcultés  avec  ses  supérieurs  ;  on  lui  reprocha 
des  tendances  fébroniennes  et  il  dut  quitter  sa  chaire  pour 
occuper  la  modeste  cure  d'Engis.  Guillaume  P^  (V.  ce 
nom), l'appela  au  collège  philosophique  de  Louvain.  Cetéta- 
bhssement  ayant  été  supprimé  après  la  révolution  de  1830, 
Janssens  vécut  dans  la  retraite  et  consacra  ses  loisirs  à  la 
rédaction  d'une  Histoire  des  Pays-Bas  (Liège,  1840, 
3  vol.  in-8).  C'est  un  ouvrage  important.  L'auteur  connaît 
bien  les  sources  et  expose  avec  beaucoup  de  talent,  notam- 
ment la  révolution  du  xvi^  siècle,  celle  de  1790  et  la  pé- 
riode de  1815  à  1830.  C'est  un  partisan  décidé  des  réformes 
de  Joseph  11  et  de  Guillaume  P^  ;  il  apprécie  avec  une  har- 
diesse rare  chez  un  prêtre  catholique  les  hommes  et  les 
événements.  Bien  que  Janssens  n'ait  pas  connu  les  docu- 
ments découverts  dans  les  archives  de  Simancas  et  de 
Vienne,  son  livre  peut  encore  être  utilement  consulté  au- 
jourd'hui. E.  IL 

BiBL.  :  Daris,  Histoire  du  diocèse  et  de  la  principauté 
de  Liège  (172^-1852)  ;  Liège,  1873,  4   vol.  in-8. 

JANSSENS  Van  Nuyssen  (Abraham) , peintre  flamand, 
né  à  Anvers  en  1569,  mort  en  1631.  Elève  de  Jean 
Snellinck,  bon  coloriste,  il  prétendit,  dit-on,  égaler  Rubens, 
quoiqu'il  s'inspirât  surtout  de  l'école  italienne.  Cette  pré- 
tention a-t-elle  stimulé  son  talent,  comme  on  l'a  cru? 
Toujours  est-il  que  ses  toiles  se  recommandent  autant  par 
la  couleur  que  par  la  correction  du  dessin.  La  plupart  sont 
demeurées  en  Hollande  et  en  Belgique.  On  cite,  entre  autres, 
r Adoration  des  Mages,  la  Vierge  soutenant  le  corps  de 
son  fils  ;  la  Foi  et  l'Espérance  soutenant  la  Vieillesse. 

JANSZOON  (Laurens),  dit  Coster  (V.  ce  nom  et  Impri- 
merie). 

JANTE  (Technol.)  (V.  Charronnâge). 

JANUS.  I.  Mythologie.  —  Un  des  dieux  les  plus  anciens 
et  les  plus  caractéristiques  de  la  rehgion  romaine,  un  de 
ceux  qui  eurent  le  plus  à  souffrir  de  l'invasion  des  idées 
grecques  et  que  l'on  trouve  d'autant  plus  honoré  qu'on 
remonte  davantage  dans  l'histoire  de  Rome.  L*étymologie  la 
plus  plausible  de  son  nom  est  celle  qui  en  fait  le  masculin 
d'une  divinité  non  moins  romaine  que  lui,  Diana,  et  qui  les 
rattache  tous  les  deux  à  dies,  c.-à-d.  à  l'idée  de  jour  et  de 
lumière.  On  rapportait  l'institution  de  son  culte  au  roi  Numa; 
dans  l'ancien  rituel,  il  était  invoqué  avant  Jupiter  lui-même  ; 
le  roi  en  personne  lui  offrait  des  sacrifices  dans  la  Regia.  Il 
fut  sans  aucun  doute,  pour  les  Latins  primitifs,  le  dieu  du 
ciel  lumineux,  ce  qui  lui  valut  de  devenir  le  dieu  des  ori- 
gines et  du  commencement  de  toutes  choses.  Comme  tel  il 
ouvre  le  ciel  à  la  lumière  ;  c'est  lui  encore  qui  le  ferme,  ce 
qui  lui  confère  sa  qualité  de  portier  céleste  :  Patulcius  et 

2 


JANUS  —  JANVIER 


—  18  — 


Clusius.  On  appelait  janua  le  passage  à  double  façade  qui 
est  devenu  l'arc  de  triomphe,  ce  qui  fit  imaginer  le  Janus  à 
deux  fronts,  le  Janus  double,  que  Fart  naïf  représenta 


Tête  double  et  barbue  de  Tas  libral  romain. 

par  une  tête  double  et  barbue,  particulièrement  sur  les  plus 
anciennes  monnaies  de  la  République.  Un  arc  de  ce  genre, 
sans  doute  avec  la  vieille  statue  du  dieu,  se  trouvait  à  l'ex- 
trémité N.-E.  du  forum  romain  ;  le  passage  n'en  était  fermé 
qu'aux  temps  où  une  paix  absolue  régnait  dans  toute  l'éten- 
due de  l'empire  romain,  c.-à-d.  dans  le  temps  où  aucun 
citoyen  ne  se  trouvait  hors  de  sa  ville.  Le  nom  et  le  culte 
de  Janus  se  retrouvent  encore  à  Rome  avec  le  Janicule, 
colline  que  le  roi  Ancus  Martius  avait  fortifiée  pour  pro- 
téger la  navigation  sur  le  Tibre  et  le  débarcadère  situé  en 
face.  C'est  dans  ce  fait  qu'il  faut  chercher  l'explication  de 
la  proue  de  navire  qui  figure  parfois  sur  les  monnaies  en 
même  temps  que  la  tête  double  du  dieu  ;  il  fut  le  génie 
protecteur  de  la  navigation  commerciale  à  ses  origines. 

Dans  la  vie  privée  de  chaque  Romain,  il  est  le  dieu  gar- 
dien des  portes  et,  d'une  façon  plus  générale,  des  ouver- 
tures par  lesquelles  la  lumière  pénètre  dans  les  maisons, 
comme  Vesta  est  la  déesse  du  feu  qui  brûle  sur  le  foyer, 
comme  les  Pénates  senties  pourvoyeurs  du  garde-manger. 
On  le  représentait  avec  les  insignes  propres  du  portier,  c.-à-d. 
avec  une  clef  dans  la  main  gauche  et  dans  la  droite  un  bâ- 
ton. Sa  compagne  était  Cardea^  la  déesse  qui  personnifie 
les  gonds  (cardines)  des  portes.  Ovide,  dans  les  Fastes^ 
définit  en  ces  termes  le  ministère  du  dieu  dans  le  gouver- 
nement du  monde  :  «  Tout  ce  que  tu  vois,  le  ciel,  la  mer, 
les  nuages,  les  terres,  ma  main  le  ferme  et  l'ouvre  tour 
à  tour.  11  possède  tout  seul  la  garde  de  l'immense  univers  ; 
le  pouvoir  de  faire  rouler  les  gonds  m'appartient  sans  par- 
tage. »  C'est  par  une  conclusion  toute  naturelle  que  les 
Romains  mettaient  Janus  au  début  de  l'année  en  lui  consa- 
crant le  mois  qui  porte  son  nom  ;  que  dans  chaque  mois  ils 
le  préposaient  aux  calendes  et  pour  chaque  jour  à  la  lu- 
mière naissante  du  matin  ;  ils  en  faisaient  aussi  le  dieu  de 
la  génération  et  de  la  naissance,  celui  qui  ouvre,  aux  deux 
périodes  capitales,  les  portes  de  la  vie.  De  même  en  l'unis- 
sant à  Juturna  (V.  ce  nom)  et  en  faisant  naître  de  cette 
union  le  dieu  Fontus,  on  lui  faisait  honneur  du  jaiUisse- 
ment  premier,  au  sein  delà  terre,  des  eaux  vives  et  potables  : 
fontes. 

Outre  le  type  du  Janus  barbu  à  deux  têtes  qui  figure 
sur  les  monnaies  de  la  République  et  particulièrement  sur 
l'ancien  as  libral,  nous  avons  Janus  en  pied  sur  des  mon- 
naies impériales.  Le  spécimen  le  plus  intéressant  nous  est 
offert  par  une  monnaie  de  Commode  où  le  dieu  est  debout, 
barbu  sur  l'une  des  faces,  imberbe  sur  l'autre,  tenant  d'une 
main  un  bâton  et  appuyant  l'autre  sur  un  arc  ou  passage 
d'où  s'échappent  les  quatre  Saisons,  tandis  qu'un  enfant 
avec  la  corne  d'abondance,  placé  en  face,  représente  l'an- 
née nouvelle.  Le  Janus  prétendu,  œuvre  de  Scopas  ou  de 
Praxitèle,  que  l'empereur  Auguste  fit  apporter  à  Rome, 
était  un  Hermès  double  qui  pour  cette  raison  fut  confondu 
avec  le  dieu  romain.  On  trouve  d'ailleurs  d'auires  dieux 
encore,  notamment  Jupiter,  représentés  avec  une  face 
double  (V,  Hermès).  J.-A.  Hild. 

H.  Astronomie.  —  Nom  ancien  de  la  constellation  du 
Rouvier.  Comme  Janus  présidait  à  l'ouverture  de  Tannée, 
c'était  l'âme  du  monde,  l'esprit  moteur  du  ciel,  et  le  Rou- 
vier est  une  constellation  qui  se  lève  à  minuit  au  solstice 


d'hiver.  Le  Bouvier  porte  comme  Janus  le  bâton  ou  le  scep- 
tre et  la  faux  des  moissons.  L.  B. 

JANUS  CoRNARius  (V.  Hagenbut). 

JANUS  Pannonius,  poète  latin  d'origine  slave,  né  vers 
143*^,  mort  en  1472.  11  s'appelait  de  son  vrai  nom  Jean 
Cesinge,  H  étudia  en  Italie,  puis  prit  du  service  dans  l'ar- 
mée hongroise.  Il  se  consacra  ensuite  à  la  théologie  et  de- 
vint évêque  de  Pecs  (Funfkircken).  En  1465,  il  fut  chargé 
d'une  mission  près  du  pape  Paul  II  et  accompagna  Mathias 
Corvin  dans  ses  expéditions.  Ses  poésies  latines  ne  furent 
publiées  qu'après  sa  mort  et  ont  eu  un  grand  nombre 
d'éditions.  Citons  seulement  celle  de  Paré  dans  les  Deliciœ 
Poetarum  Ihmgaricorum  (Francfort,  1619;  Heidelberg, 
1727)  ;  celle  de  Conradi  (Bade,  1754)  et  de  Samuel  Te- 
leki  (Utrecht,  1784).  L.  L. 

JANUSZ,  princes  de  Mazovie  (V.  ce  mot). 

JANVIER  (Astron.).  Premier  mois  du  calendrier  ro- 
main. Les  Romains  dédiaient  ce  mois  à  Janus  et  célé- 
braient le  septième  jour  de  ce  mois  les  J annales  (V.  Ca- 
lendrier et  Fête). 

JANVIER  (Saint),  en  italien  San  Gennaro,  treizième 
évèque  de  Bénévent,  mort  en  304  ou  305.  Fête  le  19  sept. 
Il  mourut  martyr,  sous  Dioclétien,  à  Puteoli  (auj.  Puzzuoh, 
en  franc.  Pouzzoles).  Dans  la  cathédrale  qui  porte  son 
nom,  à  Naples,  on  conserve  sa  tête  et  deux  ampoules  de 
son  sang,  qu'une  veuve  aurait  recueilh  lors  de  la  décolla- 
tion du  saint,  pour  le  remettre  ensuite  à  l'évoque  Sévère 
de  Naples.  Deux  fois  par  an,  le  l®"*  mai  et  le  19  sept.,  et 
de  plus,  en  des  occasions  extraordinaires,  on  rapproche  le 
sang  du  crâne,  et  le  sang,  qui  est  coagulé,  redevient 
liquide.  S'il  ne  se  liquéfie  pas,  c'est  que  le  saint  est  mé- 
content, et  une  calamité  menace  Naples.  Le  clergé  s'est 
parfois  servi  de  ce  moyen  pour  irriter  les  passions  poli- 
tiques de  la  populace  napolitaine,  très  attachée  à  son  San 
Gennariello,  et  toujours  dans  une  attente  fiévreuse  du 
miracle.  La  cérémonie  du  sang  de  saint  Janvier  est  men- 
tionnée par  des  documents  depuis  le  milieu  du  xv^  siècle  ; 
elle  peut  dater  d'un  siècle  auparavant,  mais  non  du  x^  siècle, 
comme  le  voudraient  certains  historiens.  F. -H.  K. 

I^IBL.  :  Acta  sanctorum  (Bolland.)  :  Anvers,  1757:  Sept., 
t.  VI,  pp.  761-891. 

JANVIER  (Antide),  horloger  français,  né  à  Saint-Claude 
(Jura)  le  1«'  juil.  1751,  mort  à  Paris  le  23  sept.  1835. 
ïl  s'étabht  d'abord  à  Besançon,  puis  à  Verdun,  fut  nommé 
en  1784  horloger-mécanicien  du  roi,  avec  logement  au 
Louvre,  et  fit  créer,  vers  la  fin  de  la  Révolution,  une  école 
d'horlogerie,  qu'il  dirigea  quelque  temps.  Il  mourut  à  l'hô- 
pital. Il  était  membre  des  académies  de  Besançon  et  de 
Rouen.  Instruit,  habile  et  ingénieux,  il  a  produit  de  véri- 
tables chefs-d'œuvre  de  mécanique,  entre  autres  plusieurs 
sphères  astronomiques  mouvantes,  un  planétaire  avec 
les  inégalités,  les  excentricités,  la  rétrogradation  équi- 
noxiale,  etc.,  une  petite  horloge  à  équation  et  à  remontoir, 
une  autre  à  secondes  et  à  poids,  une  pendule  planétaire, 
d'autres  indiquant  les  heures  des  marées  de  quatre-vingts 
ports,  l'heure  des  chefs-lieux  de  tous  les  départements, etc. 
Il  a  publié  de  nombreux  ouvrages  :  Manuel  chronomé- 
trique  (Paris,  1810,  in-12;  3®"édit.,  1821)  ;  Essai  sur 
les  horloges  'publiques  (Paris,  18H,  in-8)  ;  Des  liévolu- 
lions  des  corps  célestes  par  le  mécanisme  des  rouages 
(Paris,  1812,  in-4)  ;  Recueil  de  machines  (Paris,  1827, 
in-4  ;  2^  éd.,  1828);  Manuel  de  lliorloger,  en  collab. 
avec  Lenormand  (coll.  Roret,   1831  ;  nouv.  éd.,  1850). 

BiBL.  :  Notice  sur  A,  Janvier;  Paris,  1835,  in-4.  —  C.-F. 
MiRAULT,  id.  ;  Paris,  1840,  in-8.  —  L.-J.  Gabriel  de  Che- 
NiER,  Antide  Janvier  ;  Poiigny,  1862,  in-8. 

JANVIER  (Louis-Joseph),  écrivain  haïtien,  né  à  Port- 
au-Prince  (Haïti)  le  7  mai  1855,  fils  de  Joseph  Janvier, 
commerçant  et  administrateur  haïtien.  Après  de  bonnes 
études  à  l'Ecole  wesleyenne,  au  lycée  National  et  à  l'Ecole 
de  médecine  de  Port-au-Prince,  où  il  était  chargé  des  ré- 
pétitions de  botanique,  il  fut  envoyé  par  son  gouvernement 
suivre  les  cours  de  l'Université  de  Paris,  se  fit  recevoir 
docteur  en  médecine  en  1881  et  sa  thèse  fut  couronnée  par 


19 


JANVIER  -  JAPHET 


la  Faculté.  Après  avoir  suivi  les  cours  de  FEcole  des  sciences 
politiques  dont  il  obtint  les  quatre  diplômes,  il  fit  des 
conféretices  à  Paris,  à  Genève,  à  Lausanne,  à  Neuchâtel, 
à  Bruxelles,  à  Anvers  sur  des  questions  politi({ues,  litté- 
raires, commerciales,  scientifiques,  relatives  à  la  république 
d'iïaiîi.  Le  D^  Janvier,  pendant  son  séjour  à  Paris,  de  '1875 
à  4889,  collabora  à  un  grand  nombre  de  journaux  des 
nuances  les  plus  diverses.  En  sept.  1 889,  son  gouvernement 
l'envoya  à  Londres  en  qualité  de  premier  secrétaire  de  léga- 
tion, et  il  fut  député  en  4894  aux  conférences  des  églises 
vieilles-catholiques  qui  se  tinrent  à  Lucerno.  Nommé  en 
nov.  1892  cbargé  d'affaires  d'Iïaiti  à  Londres  à  titre  inté- 
rimaire, et  en  oct.  4893  à  titre  définitif,  il  occupe  actuel- 
lement ce  poste  (4894).  L'œuvre  du  l)''  Janvier  est  déjà 
considérable.  Outre  sa  collaboration  dans  la  presse,  il  a 
publié  à  Paris  divers  voUimes  qui  dénotent  Péiendue  et 
la  variété  de  ses  connaissances  :  la  Phtisie  pulinojiaire, 
thèse  couronnée  par  la  Faculté  de  médecine  (4884);  les 
Détracteurs  de  la  race  noire  et  la  république  d  Haïti 
(4882)  ;  Promenades  au  quartier  latin  (4882);  la  Ré- 
publique d'Haïti  et  ses  visiteurs  (1882);  r Egalité  des 
Places  4884)  ;  le  Vieux  Piquet  (4884)  ;  l'Evolution  lit- 
téraire en  Haïti  (1884);  les  liniinationaux  (4884); 
Haïti  aux  Haïtiens  (4884):  les  A  jf air  es  d'Haïti  (188't'); 
les  Constitutions  d'Haïti  (488());  Une  Qiercheuse,  roman 
de  mœurs  parisiennes  (4888).  Le  D^'  Janvier  lutte  énergi- 
quement  par  la  plume  et  la  parole  contre  l'invasion  de 
l'élément  yankoe  qui,  à  son  avis,  menace  d'étouffer  non 
seulement  la  jeune  race  africano-laiine,  mais  toutes  les 
races  latines  du  Nouveau  Monde.  Hector  France. 

JANVIER  DE  La  Motte  (Eugène),  homme  politique 
français,  né  à  Angers  le  27  mars  4823,  mort  à  Paris  le 
2()  févr.  4884.  Fils  d'Elie  Janvier  (4798-4869),  créé 
comte  par  îe  pape  en  4851,  qui  fut  député  au  Corps  légis- 
latif de  4852  à48G9,  il  débuta  dans  l'administration  comme 
sous-préfet  de  Saint-Etienne  en  4850.  l^réfet  de  La  Lozère 
(4853),  puis  de  l'Eure  ('185()),  il  déploya  en  ces  divers 
postes  un  faste  extravagant  qui  le  rendit  extrêmement  popu- 
laire, mais  endetta  fort  les  départements.  Mis  on  dis[)oni- 
bilité  à  la  suite  de  voies  de  fait  contre  un  conseiller  général, 
M.  Janvier  de  La  Motte  menaça  le  gouvernement  de  poser 
sa  candidature  dans  l'Eure  et  se  ut  ainsi  nommer  préfet 
du  Gard (4869),  puis  du  Morbihan.  Remis  en  disponibilité 
en  4870,  il  devint  un  des  membres  les  plus  remuants  du 
comité  plébiscitaire  de  Paris.  Puis  il  se  réfugia  en  Suisse 
d'où  M.  Tliiers  le  fit  extrader  connue  concussionnaire. 
Traduit  devant  la  cour  d'assises  do  la  Seiae-ïnferieure  en 
1872,  il  futacquilté  grâce  à  l'intervention  du  ministre  des 
finances  Pouyer-Quertier  auquel  les  théories  qu'il  émit  en 
cette  occasion  relativement  aux  virements  de  fonds  liront 
perdre  son  portefeuille.  Finalement,  l'ancien  préfet  fut 
condamné  par  la  cour  des  comptes  (1873)  à  la  restitution 
à  l'Etat  d'une  somme  de  440,832  fr.  Le  20  févr.  4870, 
il  était  élu  député  par  l'arr.  do  Bernuy.  Meiubre  du  parti 
de  l'Appel  au  peuple,  il  vota  avec  ladroite  et  soutint  le  gou- 
vernement du  Seize-Mai.  Réélu  le  14  oct.  1877  et  le 
21  août  4881,  il  combattit  la  pohtique  opportuniste  et 
continua  de  mériter  dans  l'Assemblée  la  réputation  d'extra- 
vagance qui  l'avait  rendu  célèbre  comme  administrateur. 
Son  fils  Louis-Eugène  (1849-4894),  député  bonapartiste 
de  Segré  (4876),  se  rallia  à  la  Répubhque  en  4879  et  ne 
fut  pas  réélu.  On  le  nomma  receveur-percepteur  à  Paris. 

JÂNVILLE.  Gom.  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de  Caen, 
cant.  de  Troarn  ;  222  hab. 

JANVILLE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  d'Eure-et-Loir,  arr. 
de  Chartres,  sur  le  plateau  de  la  Beauce  ;  4 ,263  hab.  Car- 
rosserie ;  fabriques  do  billards,  de  cribles,  de  bûclies,  de 
sabots  ;  distilleries,  moulins,  tuilerie,  vannerie.  Mentionné 
dans  les  documents  depuis  le  commencement  du  xu^  siècle, 
Janville  a  conservé  des  restes  de  ses  anciennes  fortifica- 
tions. 

JANVILLE.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  et  cant.  de 
Compiègne  ;  229  hab. 


JANVILLIERS.  Gom.  du  dép.  de  la  Marne,  arr. 
d'Epernay,  cant.  de  Montmirail  ;  1 80  hab. 

JANVRY.  Gom.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  de  Reims, 
cant.  de  Ville-en-Tardenois  ;  439  hab. 

JANVRY.  Com.  du  dép.  de  Seine -et-Oise,  arr.  de  Ram- 
bouillet, cant.  de  Limours  ;  396  hab. 

JANZÉ.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  d'Ille-et- Vilaine,  arr. 
de  Rennes  ;  4,760  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  de  l'Ouest, 
ligne  de  Rennes  à  Châteaubriant.  Station  d'étalons.  Brique- 
terie, clouterie,  corderies,  tanneries,  fabrique  de  sabots, 
commerce  de  volailles.  Eglise  en  partie  romane.  Menhir  de 
la  Pierre  des  fées  ;  vestiges  d'un  camp  romain  à  la  butte  du 
Chatellier. 

JANZÉ  (Charles-Alfred,  baron  de),  omme  politique 
français,  né  à  Paris  le  45  août  4822,  mort  à  Paris  le 
26  avr.  4892.  Agronome  connu,  il  fut  élu  député  des 
Côtes-du-Nord  au  Corps  législatit  le  4^'' juin  1863,  avec 
l'appui  du  gouvernement.  Il  se  fit  bientôt  dans  l'Assemblée 
une  réputation  d'orateur  d'affaires  et  prononça,  notamment 
contre  les  grandes  compagnies  de  chemins  de  fer,  des  dis- 
cours qui  firent  sensation.  I^ur  avoir  conçu  trop  tôt  l'idée 
de  l'Empire  libéral,  il  fut  vivement  combattu  par  l'admi- 
nistration aux  élections  de  4869  et  perdit  son  siège.  En- 
voyé à  l'Assemblée  nationale  par  les  Côtes-du-Nord  le  2  juil. 
4871 ,  il  siégea  au  centre  gauche  et  combattit  le  cabinet  de 
Broglie.  Après  plusieurs  échecs,  il  ne  fut  réélu  député 
qu'en  4  878,  puis  le  29  janv.  4882.  Il  appuya  générale- 
ment la  politique  opportuniste  et  continua  ses  attaques 
contre  les  compagnies  de  chemins  de  fer.  Il  fit  adopter  en 
4882  une  réforme  fort  utile  concernant  les  rapports  des 
compagnies  avec  leurs  agents  commissionnés.  On  a  de  lui: 
Accidents  de  chemins  de  fer  (Paris,  4865,  in-8)  en 
collaboration  avec  G.  Bisson;  Amendement  Lesurques, 
Notice  historique  (1864,  in~8)  ;  la  Constitution  de 
i852  (4867,  in-8);  les  Finances  et  le  Monopole  du 
tabac  (4869,  in-8)  ;  la  Transformation  de  Paris  (4869, 
in-32);  les  Huguenots  (4885,  in-8);  le  Monopole  Ha- 
chette (1887,  in-8). 

JAPART  (Jean),  compositeur  du  xv^  siècle.  On  connaît  de 
lui  quatorze  chansons  françaises  et  italiennes  à  quatre  voix, 
imprimées  dans  les  trois  livres  du  célèbre  recueil  publié 
par  Petrucci  en  4 504 -4 503,  plus  deux  autres  morceaux 
semblables  contenus  dans  un  manuscrit  de  la  bibliothèque 
Casanatensis  à  Rome.  Ces  compositions  montrent  en  Japart 
un  des  plus  ingénieux  musiciens  de  Fécole  franco-néer- 
landaise. Contrepointiste  raffiné,  il  se  plaisait  aux  combi- 
naisons de  deux  ou  trois  thèmes  simultanés,  et  aux  artifices 
canoniques.  M.  Br. 

JAPEL  (Georges),  écrivain  slovène,  né  en  Garniole  en 
4  7  44,  mort  en  4  807. 11  collabora  à  l'édition  Slovène  de  la  Rible 
qui  parut  de  4784  à  1804;  il  fut  l'un  des  premiers  à  rêver 
l'union  linguistique  des  peuples  slaves  et  peut  être  considéré 
comme  un  des  précesseurs  de  V illyrisme  (V.  ce  mol).  L.  L. 

JAPET  (Astron.).  Nom  du  huitième  satellite  de  Sa- 
lurne  (V.  ce  mot). 

JAPH  ET.  Le  troisième  des  fils  de  Noé,  second  auteur  du 
genre  humain  après  la  destruction  de  la  génération  con- 
temporaine par  la  catastrophe  du  déluge,  porte  lemême  nom 
qu'un  personnage  de  la  mythologie  grecque,  Japet  ou  Ja- 
pétos.  Cette  assimilation  s'impose  quand  on  voit  rattacher 
à  Japhet  les  populations  grecques  désignées  sous  le  nom  de 
Javan  (Ioniens).  Sont-ce  les  Grecs  qui  ont  emprunté  ce 
personnage  à  la  Genèse?  Cela  est  peu  probable.  A  mesure 
que  l'on  rajeunit  la  Bible  et  tout  particulièrement  les  pre- 
mières pages  de  la  Genèse^  la  solution  inverse  prend  un 
caractère,  tous  les  jours  plus  marqué,  de  vraisemblance.  Les 
écrivains  juifs  vivant  au  temps  de  la  Restauration  (période 
post-exilienne)  auraient  donc  emprunté  à  la  Grèce  le  per- 
sonnage de  Japhet,  qui  leur  sert  à  désigner  l'ensemble  des 
peuples  suldssant  Finfluence  de  la  civilisation  hellénique. 
Noé,  au  moment  où  il  vient  de  maudire  ('hanaan,  annonce 
à  Japhet  le  plus  brillant  avenir  et  exprime  le  désir  de  le 
voir  se  partager  Chanaan,  c.-à-d.  laPhénicie,  avec  les  des- 


JAPHET  —  JAPON 


—  20  — 


cendants  de  Sem,  qui  sont  les  Juifs.  Il  est  difficile  de  com- 
prendre le  rôle  attribué  ici  à  Japhet,  si  Ton  ne  suppose  pas 
que  les  conquêtes  d'Alexandre  sont  déjà  un  fait  accompli 
pour  l'époque  où  l'écrivain  de  la  Genèse  (IX  et  X)  tenait  la 
plume.  M.  Vernes. 

JAPON  (Bois  du)  (Techn.).  Bois  tinctorial  provenant 
non  seulement  du  Japon,  mais  aussi  des  Indes,  du  Siam, 
de  la  Chine,  des  Antilles  et  du  Brésil  ;  il  se  présente  sous 
forme  de  bûches  dépouillées  de  leur  aubier,  ou  encore  en 
branches  présentant  un  canal  médullaire  très  apparent, 
quelquefois  rempli  d'une  moelle  rouge  jaunâtre  et  souvent 
vide  ;  il  est  dur,  pesant,  compact  et  peut  prendre  un  beau 
poli.  Le  bois  du  Japon  est  d'un  rouge  plus  pâle  que  les 
autres  bois  rouges  dont  il  est  une  des  variétés  ;  il  provient 
du  Cœsalpinia  sappan;  on  l'appelle  aussi  bois  de  sappan 
ou  de  sapan.  On  en  distingue  deux  sortes  principales  :  le 
bois  de  Siam,  d'un  rouge  vif,  en  bûches  de  la  grosseur 
d'un  bras  ordinaire,  sans  aubier,  et  le  bois  de  Bimas  en 
bâtons  de  î2  à  3  et  jusqu'à  4  centim.  de  diamètre,  jaune  à 
l'intérieur  et  rouge  rosé  aux  parties  qui  ont  subi  l'action 
de  l'air;  traité  par  l'eau,  ce  bois  donne  une  liqueur  colorée 
en  rose  ;  il  cède  tout  son  colorant  à  l'eau  bouillante  ;  on 
le  trouve  dans  le  commerce  en  bûches,  en  copeaux,  en 
poudre,  sous  forme  d'extrait  sec  et  d'extrait  à  30  et  20*^. 
La  matière  colorante  qu'il  contient  est  la  brésiline  qui, 
sous  l'influence  des  oxydants,  se  convertit  en  brésiléine  ; 
on  en  fait,  au  moyen  d'amidon,  de  craie,  d'alun, etc.,  des 
laques  colorées  qui  servent  pour  la  peinture  à  la  colle  et 
pour  la  peinture  à  l'huile.  On  l'essaye  par  teinture.     L.  K. 

JAPON.  Géographie  physique.  —  Situation  et 
SUPERFICIE.  —  Grand  empire  et  archipel  de  l'Asie  orien- 
tale. On  désigne  ce  pays  sous  le  nom  de  Dai  Nippon 
(Grand-Japon)  qui  est  la  transcription  chinoise  de  Ta  Je- 
peun,  Je-peun  Koiio,  empire  du  Soleil-Levant,  comparé 
au  Tchoung  Kouo,  empire  du  Milieu,  la  Chine.  Zipangn 
de  Marco  Polo  n'est  qu'une  transcription  phonétique  de 
Je-peun  Kouo,  Nippon  (ou  Ni-hon)  est  la  désignation 
officielle  depuis  670  ap.  J.-C.  Le  Japon  est  encore  désigné 
sous  le  nom  de  Finomoto,  équivalent  de  Nippon,  et  en 
poésie  sous  celui  de  Yaniato^  porte  des  montagnes  ;  mais 
de  même  que  le  nom  de  Nippon  est  généralement  restreint 
à  la  plus  grande  des  îles  de  l'archipel,  Hondo,  de  même 
Yamato  est  plutôt  réservé  à  l'une  des  provinces  de  cette 
même  île  (dans  la  circonscription  de  Kinai)  où  se  trouvent  la 
ville  de  Nara  et  les  célèbres  sanctuaires  Shinto.  Je  citerai 
encore  les  noms  de  O-mi-kvni,  et  à  cause  de  sa  longueur, 
Toyo-ashi-wara-no-chi-aki-no-naga-i-ho-aki-no-mizu- 
ho-no-kuni,  La  superficie  totale  de  l'empire,  d'après  la 
statistique  officielle,  est  de  38'i,446  kil.  q.,  dont  226,579 
pour  Nippon  et  dépendances,  48,210  pour  Sikokou,  etc., 
43,615  pour  Kiou-siou,  etc.,  94,012  pour  Yesso,  etc.  On  a 
donné  d'autres  chiffres  :  Metchnikov  dit  401,306  kil.  q.. 
Reclus  372,818,62  kil.  q.,  V Atlas  des  missions  catho- 
liques 382,447  kil.  q. 

Limites.  —  L'archipel  japonais  forme  une  longue  ligne 
se  dirigeant  d'une  façon  générale  du  N.-E.  au  S.-O.,  de- 
puis le  Kamtchatka  jusqu'à  l'île  Formose.  Dans  ses  limites 
officielles,  l'empire  japonais  est  compris  à  l'E.  depuis  l'ex- 
trémité E.  de  l'île  Shimoushu,  province  de  Tchi-shima, 
long.  E.  154M2';  à  l'O.  de  l'extrémité  0.  de  l'île 
Yonakouni-shima,  dans  l'archipel  Riou-kiou,  ou  Liou- 
tchou,  long.E.  1200  25';  au  S., depuis leS.  de  l'île Hater- 
mu-shima,dans  l'archipel  Riou-kiou,  lat.  N.  24^06^;  auN., 
depuis  le  N.  de  l'île  Araïto-shima,  province  de  Tchi-shima, 
lat.  N.  50^  56^  Par  son  extrémité  septentrionale  au  N.  des 
Kouriles,  le  Japon  est  séparé  du  cap  Lopatka,  au  S.  du 
Kamtchatka,  par  le  grand  détroit  des  Kouriles  ;  par  l'île  de 
Yesso,  il  se  rapproche  de  Fîle  de  Sakhahn,  russe  depuis 
1875,  dont  il  est  séparé  par  le  détroit  de  La  Pérouse; 
Kiou-siou  est  séparé  de  la  presqu'île  coréenne  par  le  dé- 
troit de  Corée,  enfin  les  îles  Riou-kiou,  en  se  rapprochant 
de  Formose,  forment  en  quelque  sorte  la  mer  orientale, 
Toung-hai  des  Chinois.  Le  Grand  Océan,  dont  les  dépen- 


dances baignent  la  côte  occidentale  de  l'archipel  japonais, 
en  forme  la  limite  orientale,  vaste  nappe  d'eau  qui  s'étend 
jusqu'aux  côtes  de  l'Amérique  septentrionale. 

Côtes  et  îles.  —  Les  côtes  de  l'empire  japonais  offrent 
un  développement  total  de  27,600  kil.  dont  10,600 
pour  Nippon  et  les  îles  adjacentes;  2,500  pour  Siko- 
kou, etc.,  9,500  pour  Kiou-siou,  etc.,  5,000  pour 
Yesso,  etc.  On  compte  520  îles  adjacentes  dont  189  dépen- 
dent de  Nippon,  74  de  Sikokou,  213  de  Kiou-siou  et  44 
de  Yesso.  En  réahté,  ce  ne  sont  pas  seulement  520  îles  qu'il 
faudrait  compter,  mais  plus  de  3,800  rochers  et  îlots.  La 
côte  N.-E.  d'Asie,  le  Kamtchatka,  les  Kouriles,  le  N.  de 
Yesso,  et  l'île  de  Sakhalin  forment  la  mer  d'Okhotsk  ;  si 
l'on  passe  par  le  détroit  de  La  Pérouse  entre  Sakhalin  et 
Yesso,  on  pénètre  dans  la  mer  du  Japon,  formée  à  l'E.  par 
la  majeure  partie  des  îles  de  l'empire  japonais,  à  l'O.  par 
la  Russie  d'Asie  et  la  Corée;  enfin,  si  l'on  passe  entre  la 
Corée  et  l'île  de  Kiou-siou  par  le  détroit  de  la  Corée,  large 
de  160  milles  environ  et  que  franchissent  en  quatorze  ou 
seize  heures  les  vapeurs  de  Nagasaki  à  Fou-san,  on  arrive 
dans  la  mer  orientale  qui  baigne  les  côtes  de  Chine  et  qui 
est  fermée  à  l'Orient  par  les  îles  Riou-kiou  et  Kiou-siou. 
La  côte  méridionale  et  orientale  est  tiédie  par  le  Kouro- 
shivo,  courant  chaud,  tandis  que  VOya-shivo^  courant 
froid,  baigne  les  Kouriles  et  Yesso  (Y.  Asie  et  Courant). 

Les  principales  îles  de  l'archipel  japonais  sont  l'ensemble 
des  Kouriles  ou  Tchi-shima  (mille  îles),  qui  s'étendent  du 
Kamtchatka  à  Yesso,  dont  elles  sont  séparées  par  le  Yesso- 
se-to^  détroit  de  Yesso.  La  grande  île  de  Y'esso  est  séparée, 
comme  nous  l'avons  déjà  dit,  de  Sakhalin  par  le  détroit  de 
La  Pérouse.  Au  large,  on  trouve  à  FO.  des  îles  telles  que 
flebun-shiri,  Rii-shiri,  Tsore-shiri^  Yage-shiri^  Oku- 
shiri^  0-shima  ( Vulcain)  .Yesso  est  séparé  de  la  plus  grande 
île,  Hondo  ou  Nippon,  par  le  Tsugaru-seto;  au  large,  à 
l'O.,  on  trouve  les  îles  Tobi-shima,  Atuo-shima,  la  grande 
Sado-skima^  Oki-shima;  à  l'E.,  les  Sitsi-to  (les  sept 
îles).  Hondo  a  comme  une  espèce  d'enclave,  Sikokou 
(quatre  provinces),  dont  elle  est  séparée  par  le  Mi-skima- 
nada,  le  Bingo-nada,  le  Harima-nada.  C'est  entre  Hondo 
et  Sikokou  que  se  trouve  également  la  grande  île  Awadjij 
qui  sépare  VHarima-nada  de  Vldzumi-nada,  au  fond  du- 
quel se  trouvent  Hiogo  et  Osaka.  Sikokou  est  séparé  de 
Kiou-siou  (neuf  provinces)  par  le  Bongo-nada.  Kiou-siou 
même  est  séparé  de  Hondo  par  le  détroit  étroit  et  célèbre  : 
le  Simonoseki-seto  ;  la  mer  entre  Hondo  et  Kiou-siou 
porte  les  noms  de  Suo-nada  et  lyo-nada.  Les  bâtiments 
qui,  venant  de  la  côte  de  Chine,  après  avoir  fait  relâche  à 
Nagasaki  dans  Kiou-siou,  s'engagent  pour  se  rendre  à 
Yokohama  dans  cette  mer  intérieure,  formée  entre  Kiou- 
siou,  Hondo  et  Sikokou,  ont  un  des  plus  beaux  spectacles 
de  la  nature.  Entre  Kiou-siou  et  la  Corée,  se  trouvent  les 
grandes  îles  ïki-shima  et  Tsou-shima.  On  désigne  sous  le 
nom  de  canal  de  Krusenstern  la  partie  située  entre  Kiou- 
siou  et  Tsou-shima,  et  canal  de  Broughton  l'autre  partie 
comprise  entre  Tsou-shima  et  la  presqu'île  coréenne.  Citons 
encore  à  FO.  de  Kiou-siou  Goto-shima  et  Kosiki-shima, 
Le  S.  même  de  Kiou-siou,  Sata-no-misaki  ou  cap  Tchi- 
katchov,  est  séparé  de  Tanega-shima  par  le  détroit  de 
Van  Diémen,  et  Tanega-shima  est  relié  par  Yakou-shima 
et  l'archipel  de  Linschoten  au  grand  groupe  des  Riou-kiou. 
Les  îles  Bonin  ou  Ogasawara-shima  s'étendent  au  S.-E. 
de  Kiou-siou  en  trois  groupes  principaux  :  Parry,  Beechey 
et  Coffin. 

Sur  ces  côtes,  la  mer  forme  de  nombreux  golfes  :  je  ne 
citerai  que  Walfisch  Bay  au  N.  de  Yesso  ;  la  baie  du  Vol- 
can, au  S.  de  cette  même  île;  Aomori  Van^  et  Nobeji 
Van  au  N.  de  Hondo  ;  la  baie  de  Yokohama,  le  Sourouga 
Van,  le  Oaivari  Va7i  au  S.  de  cette  même  île,  ainsi  qu'à 
FO.  le  Wakasa  Van,  Au  S.  de  Kiou-siou,  la  côte  0.  forme 
une  foule  de  golfes,  et  au  S.  File  deKago-shima  se  trouve 
dans  un  renfoncement  assez  profond  pour  être  appelé  mer 
deKago-shima,  Kago-shima-nada.  Les  c\€,]ones(taïfouns), 
fréquentes  à  la  fin  de  l'été  et  en  automne,  créent  à  la  navi- 


(^?aiiàe  Encyclopédie— ToTïie  XXI. 


JAPON 

Corée 


E .  de  Gpj^enwicli         126j 


128 


E.dePapisl22 


44^ 


130 


132 


124. 


126 


A^    - Aùa-hiy 

AK. Akihou 

^^"' AzoojTtor'ù- 

ï*^  !•      Jfïtkuiy 

^•KA I^uhuufTizrrva^ 

C'A  --    &uribay      ' 

H.Ô-.  -.    Sïoffo 

H^ ffù'o^Tttma.- 

IB.         JiciT^aÂZy 

X.K..  --  IcihiÂztzoa. 

I.W.       Zn?^K& 

Kâu -  .  SoffOxoeu 

K.G-. ISsegoj-Tùma, 

KM JSjÉmarrvoio 

K.O. JSTottrTtù' 

KN. ^ario^azoa. 


Abjpévations  T-elalives  aux  Ken 
tJAPON 

MI.  jfri^e 

T.G-.I   .  J^oupcJù/ 

r.G-.O.  .    .Tc%7«^iyï 


128 


Oita. 

Oka^arrun. 

AvUxx/'ux/ 

-  Scùldo 

.  T<M/corwu 


WIA .  Wakayam  a. 

Y.C.  Yec/drui^ 

"ï  M .  Yajnt  cujui^iy 

Y.MK    .  .Ycu,-L^^.yz 

Yeiîso  I 

S.P  fyappono  Xcfu  , 

H.D.      .  .BciÂodate,Ke,L.  \ 

Corée  \- 

H.A.T.       .Spxeriff-.J!n'ro  L 

H. H  .T.        IToan^-JJaiy-To  I 

H.K.T.         Bitm^Mezicf-To  \ 
KO.  T.         Sânç-Ouen-To  "ikA 

K  S. T.    .  .  Jf^/L^.JWw-r«  !     ■"* 

T.L..T.    ..  .Tckien.~Zo.To  , 
T.T.T.  .      T<Aiouj^-2tkien^-To \-j2 


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Schîippenbuch 
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(S)  N'ille        cie,  loo.oooa  ôoo  ooo  h  Yama.Y.  Aîonlcxfffte 

®  Ville  (ù' 'jô.ooo  à  foo  c 

Li/7iiù-  <r/':fn.i Li/njtx' de  ffpj 


o.oooa  ôoo  ooo  h  Yama.Y. 

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h  Také  T  Daké  D. 

Shima  S.  Jima 
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32 


Les- paru  onocj'tA^  ou  amimxn'v^  pij-cuiffi'f  c-f.  eiuK^pèxinsorit  ùuJJijuAi^  paj-  itJi/"  cmn'e.  .    '% 
T.a  bxuuuniplûm   c>ii  va/'ac/èjH'^  latin.s   dc^-  nonKf  japontiz.f  est  confor-rtiA^  à    l'tt-rn*fo  th'.y 
r/npon^niW  m/inLP     ( Conji-onn.eiv  fi^ifflazj-cur  ,  FoyeiZes   iUilienn^^ç.  ' 


30 


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146 


14-8" 


ÂU/to^ayd  dei 


H.  LAMIRAULr  et  (7!^  Editear-s 


—  21  — 


JAPON 


gation  de  grands  périls.  Elle  est  paralysée,  surtout  en 
hiver,  sur  la  côte  inhospitalière  de  la  mer  du  Japon,  par 
le  vent  du  nord. 

Relief  du  sol.  —  La  direction  générale  de  l'archipel 
japonais,  du  N.-E.  au  S.-O.,  donne  également  les  grandes 
lignes  de  son  système  montagneux  qui  suit  les  Kouriles, 
puis  l'archipel  japonais,  et  enfin  par  les  Riou-kiou,  For- 
mose  et  les  îles  Philippines,  termine  cette  longue  chaîne 
d'îles  qui  forme  la  limite  extrême  de  l'Asie  vers  l'Orient. 
Une  autre  ligne  montagneuse,  venant  du  S.  des  îles  Bonin, 
traverse  une  partie  de  lïondo,  obliquement  à  l'autre 
chaîne,  qu'elle  croise  à  Yesso,  et  forme  enfin  la  grande  ar- 
rête de  Sakhalin  ;  le  point  d'intersection  de  ces  deux  axes 
montagneux  serait,  selon  la  théorie  de  L.  Metchnikov, 
aux  abords  du  Tsugaru-seto,  qui  sépare  llondo  de  Yesso. 
Presque  tous  les  pics  de  ces  chaînes  sont  des  volcans,  soit 
éteints,  soit  encore  en  activité.  La  montagne  est  tellement 
l'expression  même  de  la  nature  du  pays,  que  le  mot  qui 
l'indique,  yama^  est  devenu  pour  le  Japonais  presque  l'équi- 
valent du  mot  paysage.  Le  point  culminant  (3,769  m.)  est  le 
célèbre  volcan  Fousi-yama  (V.  ce  mot),  dans  la  région  la 
plus  large  de  Hondo;  non  loin  est  l'On-take  (3,004  m.). 
Entre  les  provinces  de  Shinano  et  de  Hida  s'élèvent  les 
montagnes  Neigeuses,  d'aspect  très  sauvage  ;  c'est  un  mas- 
sif granitique  et  porphyrique,  qui  dépasse  3,000  m.  (Ya- 
riga-take,  3,139  m.);  les  cols  sont  de  1,800  à  2,000  m. 
et  obstrués  par  la  neige  une  grande  partie  de  l'année.  On 
trouve  dans  le  centre  de  l'île  beaucoup  de  cimes  de  plus  de 
2,500  m.  ;  nous  citerons  le  ïlaku-san,  le  Tate-yama 
(2,896  m.),  le  Norikura,  l'Asama-yama  (2,591  m.),  le 
Kimpu-zan,  le  Komaga-take  (2,923  m.),  le  Shirane-san,  le 
Nantai-san  (2,541  m.),  etc.  Dans  le  N.  de  Hondo  s'élèvent 
les  trois  grands  volcans  de  Chôkai-san,  Ganju-san,  ïwaki- 
san.  Au  centre  de  Yesso,  le  Tokachi-dake  atteint  2,500  m. 
Le  relief  est  beaucoup  moins  accentué  à  l'O.  du  lac  Biwa; 
aucun  sommet  n'atteint  2,000  m.  ;  on  peut  citer  l'Omine- 
san  (1,880  m.)  dans  la  presqu'île  de  Yamato  et  le  Daisen 
(1,640  m.).  Dansl'ile  de  Kiou-siou,  les  volcans  Asô-yama 
et  Kirishi-yama  ont  à  peu  près  1,600  m.,  ainsi  que  les 
crêtes  schisteuses  de  l'île  de  Sikokou. 

Géologie.  —  La  géologie  du  Japon  n'est  pas  encore  bien 
connue  ;  les  études  méthodiques  ne  remontent  qu'à  une 
vingtaine  d'années.  Il  renferme  une  grande  variété  de  ter- 
rains sédimentaires  et  éruptifs,  profondément  bouleversés. 
Le  gneiss  ne  paraît  qu'en  peu  d'endroits  ;  les  schistes  cris- 
tallins sont  très  développés  ;  ils  forment  le  noyau  et  les 
montagnes  de  Sikokou.  Les  schistes  paléozoïques,  les 
grauwackes,  les  quartzites,  les  calcaires  primitifs  forment 
le  centre  de  Hondo.  Au-dessus  se  sont  déposés  des  sédi- 
ments triasiques,  jurassiques  et  crétacés.  On  n'a  pas  encore 
signalé  de  terrains  éocènes.  Les  dépôts  miocènes  et  plio- 
cènes  sont  développés  le  long  des  rivages,  mélangés  à  des 
grès,  à  des  schistes  argileux,  à  des  tufs  volcaniques,  etc. 
Les  gr'anites  se  sont  épanchés  abondamment  à  travers  les 
schistes  cristallins  et  paléozoïques,  altérés  par  le  métamor- 
phisme. Au  S.-O.  et  au  centre  de  Hondo  sont  de  vastes 
massifs  granitiques  ;  ils  atteignent  3,000  m.  au  Komaga- 
take  et  forment  la  masse  principale  d'une  grande  partie  des 
montagnes.  Les  éruptions  ultérieures,  porphyriques  et  sur- 
tout trachytiques  et  doléritiques,  les  ont  partiellement  re- 
couverts. —  Le  Japon  fait  partie  de  la  ceinture  volcanique 
qui  borde  le  Grand  Océan.  11  compte  des  centaines  de  vol- 
cans éteints  et  une  vingtaine  en  activité  ;  les  principaux  de 
ceux-ci  sont  :  l'Aso-yama,  près  de  Koumamoto  (Kiou-siou)  ; 
l'Asama-yama  au  N.-O.  deTokio;  le  Shirane-yama  dans 
les  monts  de  Nikko,  au  N.  de  Tokio. 

Après  avoir  brièvement  marqué  les  principaux  carac- 
tères du  sol  japonais,  nous  nous  contenterons  mainte- 
nant d'indiquer  quelques-uns  des  produits  qu'il  renferme. 
Sa  nature  volcanique  est  la  cause  d'un  nombre  considé- 
rable de  sources  thermales  (généralement  sulfureuses) 
et  minérales  dont  les  vertus  curatives  sont  fort  bien 
connues  des  Japonais   qui  les  utilisent;  toutefois,    sauf 


dans  le  Tokai-do,  leur  composition  chimique  n'a  pas  été 
suffisamment  établie  suivant  les  méthodes  rigoureuses 
de  la^science  européenne.  La  première  mine  d'argent  fut 
découverte  en  674  à  Tsu-shima  pendant  la  période"  Hakuho 
de  Temmu-Tennô.  On  en  trouve  en  quantité  considé- 
rable et  on  coînpte  huit  régions  argentifères  comprenant 
346  mines.  —  L'or  était  connu  soîis  Mommu-Tennô  en 
701.  Dans  un  même  nombre  de  régions,  on  l'exploite  dans 
89  mines,  dont  les  plus  importantes  sont  celles  de  Sado- 
shima.  —  Le  aiivre  est  d'excellente  qualité,  facile- 
ment exploitable,  et  incontestablement  une  des  sources 
de  la  richesse  du  Japon  ;  dans  l'ancien  temps,  les  Hollan- 
dais en  faisaient  un  grand  commerce  à  Deshima  ;  les  mines 
les  plus  prospères  sont  celles  d'Ani  (Akita).  —  Le  fer,  en 
quantité  immense,  est  le  plus  souvent  de  qualité  inférieure, 

—  La  production  du  plomb  ne  suffit  pas  encore  à  la  con- 
sommation'; quant  au  soufre,  il  se  rencontre  partout.  Le 
%incGt  le  mercure  font  défaut.  On  dit  que  les  Coréens  ap- 
prirent aux  Japonais  l'usage  des  métaux  lorsque  leur  pays 
futenvahiàrépoquederim'pératriceZin-gô(200ap.J.-C.). 

—  La  houille  est  une  des  grandes  richesses  du  Japon  ;  on 
l'exploite  surtout  à  Yesso  et  à  Kiou-siou.  Quoique  moins 
vaste  que  le  bassin  de  Yesso,  grâce  à  sa  position  et  à  sa 
grande  quantité  de  fer,  Kiou-siou  fournit  les  quatre  cin- 
quièmes de  la  production  totale  du  charbon.  Pendant  long- 
temps, ayant  qu'il  ne  fût  question  des  charbons  de  Formose 
ou  de  Chine,  les  mines  de  Kagoshima  furent  exploitées,  eî 
je  crois  que  ce  furent  les  premiers  charbons  indigènes  em- 
ployés sur  les  vaisseaux  étrangers.  Le  charbon  de  Nagasaki 
est  aujourd'hui  le  meilleur  charbon  du  pays.  Hondo  a  été 
insutïisamment  étudié;  le  bassin  houiller  du  N.  de  Tokio 
est,  jusqu'à  présent,  le  plus  grand  connu  de  l'île  :  il  est  de 
1 ,820  kil.  q.,  mais  donne  de  mauvais  produits.  —  Le  Japon 
manque  de  rockes  de  construction,  ses  calcaires  sont  trop 
friables,  le  granit  est  trop  dur  à  travailler  :  c'est  à  cause 
de  cette  absence  de  matériaux  convenables  que  les  Japonais 
préfèrent  construire  leurs  maisons  en  bois. 

Régime  des  eaux.  —  La  configuration  même  de  l'em- 
pire japonais,  baigné  d'eau  de  tous  côtés,  la  direction  do 
ses  arêtes  montagneuses,  suffisent  à  faire  comprendre  qu'il 
ne  peut  y  avoir  dans  les  îles  des  rivières  d'étendue  consi- 
dérable. Aussi  aucun  fleuve  n'atteint-il  une  longueur  de 
400  kil.  Presque  tous  ont  une  pente  rapide  dans  la  partie 
supérieure  et  un  lit  ensablé  dans  la  partie  inférieure  dé  leur 
cours.  Le  plus  grand  fleuve  de  Hondo  est  le  Kiso-gawa,  long 
de  368  kil.,  qui  sort  des  montagnes  du  Shinano,  et  prenant 
une  direction  méridionale  à  travers  la  province  de  Mino^ 
se  jette  dans  le  golfe  d'Owari,  séparant  la  province  du  même 
nom  de  celle  d'ïsé.  Citons  encore  dans  la  même  île  VOfio- 
y-gawa,  entre  ïoutomi  et  Suruga,  le  Ten-riu  (dragon 
céleste),  entre  le  lac  Suva  et  la  mer  (Toutomi-nada) ,  à 
l'une  des  embouchures  duquel  se  trouve  Hamamatsu,  C'est 
du  lac  Suva  que  sort  aussi  le  Tsi-kuma-gaiva  (fleuve  du 
sang  de  l'Ours)  ou  Sinano-gawa  qui,  après  un  parcours 
de  250  kil.,  se  jette  dans  le  delta  de  la  rivière  deNiigata, 
où  est  construite  la  ville  du  môme  nom.  Citons  encore  le 
Kita-gami-gawa  qui,  long  de  300  kil.,  se  jette  après  un 
cours  N.-S.,  dans  le  golfe  de  Sendaï  (Rikuzen).  —  Dans 
l'île  de  Sikokou,  nous  ne  marquerons  que  le  Yosino-gawa 
et  le  Naka-gaïua  qui  ont  plus  de  100  kil.,  et  se  jettent 
dans  le  détroit  de  Linschoten,  entre  Sikokou  et  Hondo;  e£ 
dans  l'île  de  Kiou-siou,  le  Tokusi-gawa.  —  Enfin,  si  nous 
remontons  au  N.,  nous  marquerons  dans  Yesso,  le  Tecivo- 
gawa,  Vîsi-kari-gawa  avec  son  grand  affluent  VOuyé- 
gawa,  enfin  le  Kousino-gawa  qui  ont  tous  plus  de  300  kil, 

L'étude  des  lacs  qui  forme  aujourd'hui  une  des  branches 
les  plus  importantes  de  la  géographie  physique  offrirait  uo 
vaste  et  nouveau  champ  de  recherches.  Le  plus  célèbre  de 
ces  lacs  est  celui  de  Biiva,  ainsi  nommé  d'après  sa  forme 
[Inwa,  luth  à  quatre  cordes),  long  du  N.  au  S.  de  85  kil., 
large  de  l'O.  à  l'E.  de  25  kil.,  a  290  kil.  de  tour;  il  est: 
situé  dans  la  province  Omi  (To-san-do)  ;  entouré  de  collines 
qui,  dans  le  S.-O.  deviennent  des  montagnes  que  couronne 


JAPON  —  : 

le  célèbre  monastère  bouddhique  de  Hi-ye-san.  il  est  extrê- 
mement poissonneux.  Nous  avons  déjà  parié  du  lac  Suva; 
nous  citerons  encore  le  lac  Asino-umi,  au  sommet  du  mont 
Hakoné,  prov.deSagami,  qui  est  plus  grand  ;  le  Tsiii-son- 
%i,  au  sommet  du  Nantaï-san  (Nikko)  ;  le  Inmva-siro  et  le 
Ziu-san-kata  dans  le  N.  Henri  Gordier. 

Climat.  —  Les  climats,  au  Japon,  sont  très  variés  à 
cause  de  la  situation  de  ce  pays.  S'étendantdu  ^^^  au  54° 
de  lat.  N.,  et  s'étageant  du  niveau  de  la  mer  à  plus  de 
3,000  m.  d'altitude,  l'empire  japonais  est  soumis  à  des 
températures  différentes  selon  les  localités.  Le  climat  est 
plus  doux  que  celui  du  continent  asiatique,  à  cause  du 
Kouro-shivo,  grand  courant  équatorial,  qui  longe  les  côtes 
sur  une  fort  grande  étendue,  entre  le  13°  au  N.  et  le  d6° 
au  S.,  mais  il  est  moins  chaud  que  celui  des  pays  de  la 
Méditerranée  situés  sous  la  même  latitude,  et  surtout  beau- 
coup plus  extrême.  11  gèle  et  neige  en  hiver  à  Kiou-siou, 
sous  la  latitude  du  delta  du  Nil.  A  Tokio  (35°40Mat.  N.), 
la  température  moyenne  de  l'année  est  seulement  de  -|-i3o; 
le  thermomètre  descend  à  —  40°;  il  monte  en  juillet  à 
-+-  35^;  on  a  compté  jusqu'à  60  nuits  de  gelée;  en  hiver, 
de  novembre  à  mars,  la  température  moyenne  est  de 
-4-  5°, 5.  Le  climat  est  soumis  au  régime  des  moussons;  en 
été  souffle  le  vent  du  S.,  humide  et  chaud;  en  hiver  le 
vent  glacé  du  N.-O.  et  du  N.  Il  pleut  beaucoup,  surtout 
durant  l'été  ;  en  hiver  le  temps  est  plus  sec  et  le  ciel  serein. 
La  chute  d'eau  annuelle  est  de  4 ,430  millim. ,  dans  Hondo,  et 
pendant  l'été,  les  orages  représentent  4/40®  de  la  moyenne 
annuelle.  D'après  de  récentes  statistiques,  l'humidité  de  l'air 
est  de  : 


Saison  froide. 
74°,  Japon. 
82°,  S.  de  l'Europe. 


Saison  chaude, 
84°9,  Japon, 
70^    S.  de  l'Europe. 


C'est  en  4660  que  le  thermomètre  fut  introduit  au  Ja- 
pon, mais  les  premières  observations  ne  datent  que  du 
4^^'  juin  4875,  où  elles  furent  relevées  par  l'ingénieur  an- 
glais Henry-B.  Joyner.  La  loi  du  3  août  4887  constitua 
un  service  météorologique.  Les  principales  stations  sont  au 
nombre  de  huit  :  Wakayama,  Hiroshima,  Osaka,  Tokio, 
Nagano,  Hakodaté,  Sapporo,  Némouro. 

Il  y  a  d'autres  stations  secondaires  au  nombre  de  267  : 
25  de  deuxième  ordre  et  242  de  troisième  ordre. 

Le  bureau  central  météorologique  comprend  quatre  ser- 
vices :  4°  service  de  climatologie;  2°  service  d'avertisse- 
ment; 3°  service  des  tremblements  de  terre;  4°  service 
d'administration.  Par  les  soins  de  l'administration,  il  est 
publié  un  bulletin  renfermant  toutes  les  observations. 

Flore  et  Faune.  —  On  trouve  dans  l'art.  Asie  (t.  iV, 
pp.  442  et  445)  des  mdications  générales  sur  la  flore  et  la 
faune  de  Farchipel  japonais .  Nous  nous  bornerons  à  y  ajouter 
quelques  détails.  —  La  flore  du  Japon  est  extraordinairement 
riche  et  variée.  Elle  présente  de  grandes  ressemblances 
avec  celle  de  la  zone  forestière  du  bassin  de  l'Atlantique 
(Europe  et  Amérique  du  Nord)  et  avec  celle  de  l'I^urope 
tertiaire.  Elle  a  aussi  beaucoup  des  plantes  de  la  région  des 
moussons  (Asie  orientale),  bambous,  camphrier,  (^f^m^/Zm 
japonica^  diverses  Laurinées  et  Terstromiacées.  Les  chênes 
verts,  les  conifères,  les  hêtres,  les  ormes,  les  aunes,  les 
mai^nolias  sont  très  répandus.  La  flore  des  montagnes  su- 
périeures est  celle  des  régions  arctiques.  On  connaît  les 
emprunts  faits  par  nos  jardiniers  au  Japon  :  caméha,  ma- 
gnolia, allante,  chrysanthèmes,  néflier  du  Japon  {Eriobo- 
trya  japo7iica,  etc.).  —  La  faune  japonaise  comporte 
50  espèces  de  mammifères,  360  oiseaux,  30  reptiles  et 
batraciens,  etc.  Les  plus  caractéristiques  ne  dépassent  pas 
l'île  de  Hondo.  Citons  le  sarou,  singe  japonais  (Inuus  spe- 
ciosus),  le  couma,  l'ours  noir  (Ursus  japonicus),  les  fai- 
sans versicolor  et  Sœmmeringi.  On  remarque  encore  le 
renard  commun,  le  Nycterentes  viverrinus,  le  Mêles  Ana- 
kuma,  le  sanglier,  le  cerf  sika^  l'antilope  ciHspa  ;  le  rat 
pullule  et  loge  sous  les  toits  à  défaut  de  caves  ;  la  souris 
est  rare.  Il  n'y  a  qu'un  seul  serpent  venimeux.  Dans  les 


ruisseaux  de  la  province  d'Iga,  près  de  Kioto,  vit  la  sala- 
mandre géante  {Cryptobranchiis  japoniciis). 

Anthropologie  et  Ethnographie.  —  A  part  les 
Aï)ios  (V.  ce  mot)  et  les  indigènes  des  îles  Liou-kiou,  les 
habitants  de  l'empire  mikadonal  ne  forment  qu'un  seul 
peuple,  ou  mieux  une  seule  nation.  D'ailleurs  même  dans 
l'île  de  Yesso  et  dans  l'archipel  des  Kouriles,  l'habitat  des 
Aïnos  est  de  plus  en  plus  envahi  par  les  colons  japonais. 
Quant  aux  îles  Riou-kiou,  les  Japonais  y  forment  presque 
la  majorité  de  la  population.  Notons  en  passant  que  les 
indigènes  de  ces  îles  diffèrent  peu  des  Japonais  ;  on  les  dit 
être^plus  velus  que  ceux-ci,  avoir  le  nez  plus  proéminent 
et  la  peau  plus  foncée. 

Les  Japonais  offrent,  comme  la  plupart  des  peuples,  cer- 
taines variétés  dans  leur  contiguration  physique  ;  on  peut 
réduire  ces  variétés,  avec  la  plupart  des  auteurs  modernes 
(Dœnitz,  Molmike,  Siebold,  Mage,  Metchnikov,  Balz,  etc.), 
à  deux  types  principaux.  Le  premier,  que  l'on  peut  qua- 
lifier de  fin  et  qui  se  rencontre  surtout  parmi  les  classes 
supérieures  de  la  société,  est  caractérisé  ainsi  qu'il  suit  : 
taille  élancée,  corps  assez  grêle,  crâne  dolichocéphale,  face 
allongée,  yeux  très  obhques,  nez  fin  convexe,  bouche  pe- 
tite. Le  second  type,  que  l'on  peut  désigner  sous  le  nom 
de  grossier,  est  commun  à  la  masse  du  peuple.  Voici  sa 
caractéristique  :  corps  trapu,  crâne  arrondi,  face  élargie, 
pommettes  saillantes,  yeux  modérément  obliques,  nez  aplati, 
bouche  largement  fendue  (Balz).  L'un  et  l'autre  de  ces  types 
appartiennent  à  la  race  mongole  ;  le  premier  est  presque 
identique  à  celui  que  l'on  rencontre  parmi  les  nobles  Coréens 
et  dans  le  N.  de  la  Chine,  tandis  que  le  second  se  rapproche 
du  type  commun  aux  Chinois  méridionaux  et  aux  peuples 
indo-chinois  :  Annamites,  Laotiens,  etc.  ;  il  offre  aussi 
quelques  traits  malais.  L'influence  du  type  aïno  sur  le  peuple 
japonais  a  été  très  médiocre;  elle  ne  se  manifeste  que 
dans  le  N.  de  l'île  Nippon.  Et  cependant  il  est  certain  que, 
dans  les  temps  protohistoriques,  les  Aïnos  occupaient  non 
seulement  le  N.,  mais  encore  le  centre  de  la  Grande  lie, 
s'étendant  au  S.  peut-être  jusqu'au  35®  degré  de  lat.  N.  Il 
est  même  probable  que  les  «  amas  coquilliers»  ou  «  kjœk- 
kenmœddings  »  et  les  ruines  des  remparts  que  l'on  a  trouvés 
sur  plusieurs  points  du  Japon  (aux  environs  de  Tokio,  à 
Omori,  etc.),  sont  l'œuvre  des  Aïnos,  car  on  en  trouve  de 
tout  à  fait  analogues  sur  la  côte  0.  de  Yesso,  près  d'Hako- 
daté,  et  dans  d'autres  régions  qu'ont  habitées  dans  les 
temps  historiques  ou  qu'habitent  encore  actuellement  les 
Aïnos. 

En  confrontant  les  données  de  l'histoire  avec  celles  de 
l'anthropologie,  on  peut  supposer  que  les  individus  du  type 
fin  sont  les  descendants  des  tribus  venues  par  la  Corée  et 
les  îles  Tsou-shima  et  Iki-shima,  dans  le  S.-O.  de  Nippon, 
à  une  époque  incertaine,  mais  très  reculée.  Quant  aux  gens 
du  type  grossier^  ils  peuvent  bien  descendre  des  envahis- 
seurs qui  occupaient,  vers  le  vu®  siècle  av.  J,-C.  (d'après 
une  chronologie  douteuse),  la  côte  ouest  de  l'île  de  Kiou- 
siou,  et  se  répandaient  de  là  dans  l'île  de  Nippon.  Venus 
soit  de  la  Corée,  soit  de  la  Chine  méridionale,  ces  guerriers 
envahirent  les  royaumes  fondés  par  les  premiers  immi- 
grants et  se  sont  répandus  dans  le  S.  et  le  centre  du 
Nippon,  en  y  fondant  le  royaume  de  Yamato.  Vers  le 
n*^  siècle,  ils  englobèrent  dans  cet  Etat  les  Kmaço  ou 
Koîimaosi,  les  indigènes  de  l'île  Kiou-siou,  dont  l'origine 
est  inconnue.  A  des  époques  plus  reculées,  les  deux  élé- 
ments, fusionnés  en  un  seul,  formèrent  le  peuple  japonais 
qui  n'a  cessé  de  refouler  les  aborigènes  du  Nippon,  les 
Aïnos  ou  Yebis  vers  le  N.  Déjà,  au  vn°  siècle  de  J.-C, 
ceux-ci  n'occupaient  que  la  partie  tout  à  fait  septentrio- 
nale de  l'île  (jusqu'au  38^^  parallèle  à  peu  près)  ;  au 
IX®  siècle,  ils  reculèrent  au  delà  du  détroit  de  Tsougarou, 
dans  l'île  de  Yesso,  d'où  ils  venaient  trafiquer  avec  les  Japo- 
nais dans  le  N.  du  Nippon  encore  au  xvi*^  siècle. 

D'une  façon  générale,  les  Japonais  sont  petits  de  taille 
(taille  moyenne  des  hommes,  4 "^59,  celle  des  femmes, 
i'^47),  assez  robustes  et  bien  proportionnés.    La  couleur 


23  - 


JAPON 


de  la  peau  varie  depuis  le  jaune  pâle,  presque  blanc,  jus- 
qu'au jaune  brunâtre,  couleur  de  feuille  morte.  Fait  re- 
marquable, les  Japonais  ne  présentent  pas  de  rougeur  aux 
joues,  malgré  leur  teint  souvent  moins  foncé  que  celui  des 
Européens.  Par  contre,  ils  ont  presque  tous  une  accumu- 
lation du  pigment  sur  la  ligne  médiane  du  ventre,  et  tous 
les  nouveau-nés  offrent  une  tache  caractéristique  bleuâtre 
dans  la  région  sacro-lombaire  qui  disparaît  souvent  au 
bout  d'un  certain  nombre  d'années  (Bâlz).  Les  cheveux  sont 
en  général  raides,  lisses  et  noirs.  Le  système  pileux  est  peu 
développé,  sauf  les  cas  où  on  peut  présumer  les  mélanges 
avec  les  Aïnos.  Le  crâne  est  mésocéphale  (indice  cépb. 
moyen:  78,2  sur  le  vivant,  79  sur  le  crâne),  avec  la  ten- 
dance vers  la  dolichocéphalie  dans  le  type  fin,  vers  la  bra- 
chycéphalie  dans  le  type  grossier;  il  est  assez  haut  (indice 
de  hauteur-longueur,  79,8),  volumineux  et  offre  surtout 
deux  particularités  :  le  maxillaire  supérieur  est  très  large, 
très  bas,  dépourvu  de  fosse  canine  et  sa  portion  envi- 
ronnant l'ouverture  nasale  est  moins  fortement  dirigée 
en  avant  que  chez  les  Européens;  l'os  malaire  est  très 
fréquemment  divisé  en  deux  parties  par  une  suture 
transversale  plus  ou  moins  complète;  tandis  que  dans 
les  crânes  des  autres  races,  on  ne  rencontre  cette  suture 
que  2,  3  ou  5  fois  sur  100,  on  la  trouve  dans  les 
crânes  japonais  20  fois  sur  100  (Bàlz).  Aussi  a-t-on  appelé 
la  portion  supérieure  du  malaire  de  ces  crânes  os  japoiii- 
cum  (flilgendorf). 

Les  traits  saillants  du  caractère  japonais  sont  la  politesse 
et  l'aptitude  à  dissimuler  les  émotions  ;  il  ne  faut  pas  en 
conclure  que  le  fond  de  leur  nature  soit  mauvais  ;  au  con- 
traire, ils  sont  très  honnêtes,  laborieux,  gais,  enjoués, 
bienveillants  et  très  courageux  (Mohnike,  Metchnikov).  La 
civilisation  européenne,  introduite  au  Japon  depuis  un 
quart  de  siècle,  a  beaucoup  modifié  les  mœurs  et  les  usages 
du  pays,  mais  les  traits  essentiels  du  caractère  national 
restent  inaltérés.  Tel,  par  exemple,  l'esprit  chevale- 
resque des  classes  dirigeantes  méprisant  tout  ce  qui  touche 
au  négoce  ou  à  l'industrie  ;  cet  esprit  explique  l'ardeur 
avec  laquelle  les  Japonais  instruits  se  lancent  dans  les 
luttes  des  partis  politiques,  comme  on  l'a  pu  constater 
maintes  fois,  depuis  que  ce  peuple  se  trouve  en  possession 
du  régime  parlementaire.  J.  Deniker. 

Religions.  —  Au  point  de  vue  religieux,  les  Japonais 
se  répartissent  en  deux  croyances  :  l'une  dite  nationale, 
le  shinto  ou  culte  des  Kamis  (divinités  indigènes  de  na- 
ture et  d'origine  diverses)  ;  l'autre,  d'importation  étran- 
gère, le  bouddhisme.  Après  s'être  disputé  avec  achar- 
nement la  suprématie,  après  des  luttes  séculaires  où  la 
victoire  oscilla  de  l'un  à  l'autre  des  adversaires,  après  des 
persécutions  réciproques  allant  jusqu'à  la  prise  d'assaut, 
l'incendie,  le  pillage  des  temples  et  des  monastères  et  au 
massacre  des  prêtres  et  des  fidèles,  dégénérant  parfois  en 
de  petites  guerres  civiles  où  le  sang  coulait  à  flots,  les 
deux  ennemies  vivent  maintenant  dans  une  paix  apparente 
à  l'abri  d'un  compromis  de  tolérance  imposé  par  les  pro- 
grès du  scepticisme  et  de  l'indifférence  religieuse  plutôt 
que  librement  et  sincèrement  consenti.  Car  les  vieilles 
haines,  les  jalousies,  les  ambitions  ardentes,  les  querelles 
de  jadis  ne  sont  pas  éteintes  entre  les  deux  clergés  ;  seu- 
lement, au  lieu  d'armes  meurtrières,  elles  se  règlent  aujour- 
d'hui avec  des  mémoires  apologétiques  et  des  controverses 
plus  ou  moins  courtoises.  Dans  cette  lutte  pour  l'existence 
et  le  pouvoir,  l'avantage  est  jusqu'à  présent  au  bouddhisme, 
qui  compte  au  nombre  de  ses  ouailles  plus  des  deux  tiers 
de  la  population,  et,  selon  toutes  probabilités,  il  lui  restera 
en  raison  de  sa  supériorité  dogmatique  et  philosophique  (si 
quelque  nouveau  facteur  n'entre  pas  en  ligne),  malgré 
l'appui  que  le  gouvernement  prête  au  shinto,  dont  il  tend 
à  faire  une  religion  d'Etat. 

Le  Shinto.  —  Le  nom  de  shinto,  employé  pour  dési- 
gner la  religion  nationale  du  Japon,  est  relativement  mo- 
derne. Emprunté  à  la  langue  chinoise,  il  ne  paraît  avoir 
été  adopté  qu'après  l'introduction  et  rétablissement  du 


bouddhisme  (vi^  siècle.)  comme  terme  de  distinction  entre 
la  nouvelle  croyance  et  l'ancienne  qui,  sans  doute,  était 
demeurée  innomée  tant  qu'elle  n'avait  pas  de  rivale. 

Les  auteurs  japonais  sont  unanimes  à  affirmer  la  haute 
antiquité  et  l'originalité  absolue  de  leur  rehgion  nationale. 
Elle  remonte,  prétendent-ils,  au  temps  même  de  la  créa- 
tion du  monde  et,  instituée  par  les  dieux,  s'est  conservée 
jusqu'à  nos  jours  sans  changements  et  pure  de  tout  em- 
prunt à  l'étranger.  Ces  prétentions,  est-il  besoin  de  le 
dire,  ne  tiennent  pas  devant  l'examen  critique  des  faits 
et  des  maigres  documents  que  nous  fournit  la  littérature 
religieuse  du  shinto. 

En  dehors  des  nombreux  commentaires  qui  en  ont  été 
faits  à  des  époques  rapprochées  de  nous,  ces  documents 
se  résument  à  trois  livres  :  le  Ko-zi-ki,  le  Nihon-shô-ki 
et  le  Shiou-i,  dont  le  plus  ancien,  le  Ko-zi-ki^  ne  remonte 
pas  plus  haut  que  le  viii®  siècle  de  notre  ère,  c.-à-d.  à 
un.e  époque  où  les  idées  et  la  Uttérature  chinoises  avaient 
pénétré  et  s'étaient  répandues  au  Japon,  ce  qui  suffirait 
déjà  à  nous  inspirer  une  légitime  suspicion  à  l'égard  de 
leur  originalité.  Ce  ne  sont,  ni  les  uns,  ni  les  autres,  des 
livres  religieux  à  proprement  parler,  car  ils  ne  renferment 
ni  exposés  de  dogmes,  ni  prières,  ni  prescriptions  rituelles 
ou  morales  ;  ce  sont  de  simples  recueils  de  légendes,  de 
traditions  populaires  historico-mythologiques  choisies  parmi 
les  plus  accréditées,  ainsi  que  le  reconnaît  lui-même,  dans 
sa  préface,  Oho-no-Yasoumarô,  l'auteur  du  Ko-zi-ki,  A  côté 
d'un  fonds  de  croyances  enfantines,  naïvement  extravagantes 
et  souvent  obscènes,  qui  sont  indubitablement  indigènes 
et  fort  anciennes,  nous  y  trouvons  les  traces  évidentes 
d'idées  mythologiques  chinoises  (ce  qui  n'a  rien  d'étonnant 
étant  donnée  la  grande  influence  que  la  Chine  a  exercée 
sur  le  développement  de  la  civilisation  japonaise),  d'inter- 
polations et  de  remaniements  relativement  récents,  destinés, 
à  ce  qu'il  semble,  à  corriger  ce  que  la  donnée  primitive 
avait  de  trop  matériel. 

La  mythologie  du  shinto  est  très  simple.  A  part  les 
cinq  grands  dieux  —  qui  paraissent  avoir  été  inventés 
après  coup  —  toutes  ses  divinités,  les  Kmnis,  sont  des 
personnifications  des  forces  de  la  nature  ou  de  ses  éléments, 
des  génies  locaux,  des  ancêtres,  ou  bien  des  héros  divinisés. 
Aucune  préoccupation  philosophique,  aucune  conception 
rationnelle  ne  paraissent  avoir  présidé  à  leur  invention.  Ils 
naissent  sans  trop  qu'on  sache  comment,  de  quoi,  ni  pour- 
quoi; et  la  plupart,  une  fois  nés,  ne  jouent  plus  aucun 
rôle  dans  la  fable.  Ils  ne  sont  même  pas  créateurs.  Sa 
cosmogonie,  tout  aussi  primitive,  est  du  moins  originale 
avec  sa  légende  des  Huit  lies  engendrées  par  le  dieu  Izana-gi 
et  enfantées  par  la  déesse  ïzana-mi. 

«  Lorsque  le  chaos  commençait  à  se  condenser  »,  dit 
le  Ko-zi~ki,  «  mais  que  ni  la  force,  ni  la  forme  ne  s'étaient 
encore  manifestées,  et  que  rien  n'existait  qui  fût  nommé, 
rien  qui  fût  fait,  qui  pouvait  connaître  sa  nature  ?  Cepen- 
dant le  ciel  et  la  terre  d'abord  se  séparèrent  et  les  trois 
dieux  procédèrent  au  commencement  de  la  création  ; 
VEssence  active  et  VEssejice  passive  se  développèrent 
alors  et  les  deux  Esprits  devinrent  les  ancêtres  de  toutes 
choses.  »  Les  trois  dieux  sont  :  Amé-no-mi-naka-noushi- 
nO'kami^  «  le  dieu  maître  du  centre  auguste  du  ciel  », 
Taka-mi-mousou~bi-nO'kami^  «  le  grand  et  auguste 
dieu  merveilleux  producteur  »,  et  Kami-mousou-bi-no- 
kami,  «  le  dieu  merveilleux  producteur  »,  nés  par  une 
sorte  de  génération  spontanée.  Quant  aux  deux  Essences, 
il  est  facile  de  reconnaître  en  elles  les  principes  Yang  et 
Yin  de  la  cosmologie  chinoise. 

A  ce  moment,  la  terre  flotte  dans  le  chaos  «  comme  une 
tache  d'huile  »  ;  elle  se  condense,  devient  visqueuse  et 
«  semblable  en  quelque  sorte  à  une  méduse  »  ;  de  cette 
viscosité  jaillit  «  une  chose  qui  devint  un  scion  rouge  » 
et  de  ce  scion  naissent  (ou  poussent)  deux  nouveaux  dieux  : 
Ou-mashi-ashi-Kabi-hikô-dji-nO'kami,  «  l'aimable  Prince 
aîné  du  Scion  rouge  »,  et  Amé-no-tokô-tatchi-no-kami, 
«  le  dieu  résidant  éternellement  dans  le  ciel  ». 


JAPON 


—  !24 


Ces  cinq  divinités  constituent  le  groupe  des  grands  dieux 
célestes,  invisibles,  isolés. 

Ensuite  apparaissent  les  Sept  Générations  divines, 
composées  de  deux  divinités  isolées  et  de  cinq  couples  divins 
mâles  et  femelles,  peut-être  créés  par  la  triade  primitive 
ou  par  les  deux  Producteurs,  peut-être  formés  spontané- 
ment par  l'action  des  deux  Essences;  ce  sont  :  1°  Kouni- 
no-tokô-tatchi-no-kamiy  «  dieu  résidant  éternellement 
sur  la  terre  »  ;  2*^  Toyô-koumo-nou-no-kami,  «  dieu 
maître  de  toute  abondance  »  ;  3°  Ou-hidji-ni-no-kami, 
«  dieu  du  limon  de  la  terre»,  et  Sou-hidji-ni-7io-kami, 
«  déesse  du  limon  de  la  terre  »  ;  4°  Tsounou-gouhi-no- 
kami,  <  dieu  de  tout  germe  »,  et  Ikou-gouhi-no-kami^ 
«  déesse  de  toute  vie  »  ;  d^  Oko-to-no-dji-no-kami, 
«  dieu  aîné  du  Grand  Espace  »,  et  Oho-to-no-bé-no- 
kami^  «  déesse  du  Grand  Espace  »  ;  6^  Omo-darou-no- 
kami^  «  dieu  à  Textérieur  parfait  »,  et  Aya-Kashikô-né- 
no-kami^  «  déesse  vénérable  »;  1°  Izana-gi-no-kami, 
«  le  dieu  qui  engage  »,  et  Izana-mi-no-kami^  «  la  déesse 
qui  engage  ».  Ces  deux  derniers  paraissent  avoir  eu  un 
corps  matériel,  d'une  nature  se  rapprochant  de  celle  du 
corps  humain,  et  sont  les  agents  actifs  de  la  création  du 
monde  terrestre. 

Jusqu'ici  la  terre  n'existe  toujours  que  sous  une  appa- 
rerce  visqueuse,  informe.  Les  dieux  engagent  Izana-gi  et 
Izana-mi  à  la  rendre  solide  et,  à  cet  effet,  donnent  à 
Izana-gi  la  lance  céleste  de  pierre  précieuse  appelée  Nou- 
Kobo.  Ces  deux  dieux  se  placent  alors  sur  le  pont  ou 
l'escalier  Ama-no-ouki-kashi,  qui  relie  le  ciel  à  l'abîme,  et 
agitent  avec  la  lance  divine  le  limon  des  eaux  ;  quand  ils 
la  retirent,  la  vase  restée  au  bout  de  la  lance  dégoutte, 
s'empile  et  forme  l'île  d'Onogoro.  Curieux  de  visiter  leur 
nouveau  domaine,  ils  descendent  dans  l'île  et,  la  trouvant 
agréable  à  habiter,  ils  y  commencent  l'œuvre  de  l'enfante- 
ment du  monde.  Leur  premier-né  est  le  dieu  Hirougo^ 
être  difforme  et  chétif  qu'ils  abandonnent  aux  flots  de 
l'Océan  sur  une  barque  de  roseaux  ;  puis  ils  donnent  nais- 
sance à  l'île  d'Aha,  «  Ecume  ». 

Etonnés  et  chagrins  de  la  faiblesse  et  de  la  laideur  de 
cette  progéniture,  ils  remontent  au  ciel  demander  con- 
seil aux  grands  dieux.  Ceux-ci  déclarent  que  la  mauvaise 
constitution  de  ces  enfants  provient  de  la  grave  inconve- 
nance commise  par  Izana-mi  en  faisant  la  première  des 
avances  à  son  époux.  Les  deux  démiurges  redescendent 
donc  dans  leur  île  et,  cette  fois,  agissant  selon  les  règles  de 
la  bienséance,  donnent  naissance  d'abord  aux  huit  îles 
d'Ahadji,  de  Foutana,  de  Mitsougô,  de  Tsoukoushi,  d'iki, 
de  Tsou,  de  Sadô  et  de  Yamato,  qui  constituent  le  Japon 
proprement  dit,  puis  aux  six  îles  secondaires  de  Kozhima, 
d'Adzouki,  d'Ohoshima,  de  Himé,  de  Tchika  et  de  Fouta- 
gô.  Après  avoir  enfanté  ces  îles,  ils  engendrent  les  dix  di- 
vinités qui  président  à  l'atmosphère,  à  la  terre,  aux  eaux 
et  à  l'automne  :  Oho-koto-oshi-wo-no-kami^  Iha-tsout- 
chi-biko-no-kami,  Iha-dzou-bimé-no-kami ,  Oho-to- 
bi-waké-no-kami  ^  Amé-no-fouki-wo-no-kami,  Oho- 
ya-biko-no-kami ,  Kaza-gétsou-waké-no-oshi-wo-no- 
kami ,  Oho-wata-tsou-mi-no-kami ,  Minato-no-kami 
et  Haya-aki-dzou-hikô-no-kami  ;  ensuite  naissent  les 
dieux  du  Vent,  des  Arbres,  des  Montagnes,  la  déesse  des 
Marais,  le  dieu  du  Bateau  de  camphre  céleste,  la  déesse  de 
la  Grande  Nourriture  et  enfin  le  dieu  du  Feu,  Hi-no-haya- 
yagi-wo-no-kami,  dont  la  naissance  coûte  la  vie  à  Iza- 
na-mi. 

Désolé  de  la  perte  de  sa  compagne,  Izana-gi  verse  d'abon- 
dantes larmes,  et  de  ces  larmes  naît  Naki-saka-mé-7io~ 
kami,  «  déesse  des  cris  et  des  pleurs  »  ;  puis  il  enterre  la 
morte  au  sommet  du  mont  Hiba,  et,  fou  de  douleur,  d'un 
revers  de  son  terrible  sabre,  Amé-no-wo-ha-bari,  tranche 
la  tête  du  dieu  du  Feu,  cause  involontaire  de  la  mort  de 
sa  mère.  Du  sang  de  ce  dieu  naquirent  huit  divinités,  et 
huit  autres  de  ses  divers  membres.  Après  cette  exécution, 
l'inconsolable  Izana-gi  entreprend  d'arracher  leur  proie  aux 
enfers  et  descend  au  «  lieu  de  putréfaction  »  ;  mais  Izana-mi 


a  «  mangé  la  nourriture  de  l'enfer  »  et  ne  peut  lui  être 
rendue.  Au  moins  veut-il  la  voir  une  dernière  fois  ;  mais  il 
n'aperçoit  plus  qu'un  cadavre  en  décomposition,  pâture  de 
vers  repoussants,  et  s'enfuit  plein  d'horreur  poursuivi  jusque 
sur  la  terre  par 
Izana-mi  et  les 
puissances  de 
l'enfer,  à  qui  il 
n'échappe  qu'en 
fermant  avec  un 
énorme  rocher  le 
passage  qui  con- 
duit au  sombre 
séjour.  Délivré  de 
leur  poursuite,  le 
dieu  s'empresse 
de  se  plonger  dans 
un  ruisseau  afin 
de  se  purifier,  et 
alors  de  chaque 
vêtement  dont  il 
se  dépouille,  de 
chaque  partie  de 
son  corps  que 
touche  l'eau  pu- 
rifiante, naît  une 
divinité  ;  de  son 
œil  gauche  sort 
la  déesse  Ama- 
térasou-oho-mi- 
kami  à  laquelle 
il  donne  l'empire 
du  soleil;  de  son  i 
œil  droit,  le  dieu 
Tsouki  -  yomi  - 
no- kami  dont  il 
fait  le  régent  de 
la  lune;  de  son 
nez,  le  dieu  Ta/ce'- 
haya-Sousa-no~ 
wo-no-mikoto 
—  plus  généra- 
lement appelé 
Sousa-no  —  qui  reçoit  en  partage  l'empire  de  l'Océan. 
A  partir  de  ce  moment,  il  n'est  plus  question  d'Izana-gi  ; 
quant  à  Izana-mi,  elle  devient  la  grande  déesse  de  l'enfer, 
sous  le  nom  &^Yomo-tsou-oho-kami, 

L'espace  nous  manque  pour  analyser,  ainsi  qu'il  con- 
viendrait, les  légendes  des  démêlés  du  turbulent  Sousa-no 
avec  sa  sœur  Ama-térasou,  et  de  son  exil  sur  la  terre,  — 
du  meurtre  de  la  déesse  de  la  Grande-Nourriture,  Oho- 
gé-tsou-himé,  du  cadavre  de  laquelle  naissent  les  animaux 
domestiques  et  les  céréales,  —  de  la  victoire  de  Sousa-no 
sur  le  dragon  à  huit  queues,  et  résumer  les  hauts  faits 
de  la  longue  série  de  dieux  terrestres  qui  se  succèdent  sur 
le  sol  du  Japon,  depuis  l'établissement  de  Sousa-no  à  Sou- 
ga,  dans  la  province  d'Idzoumo,  jusqu'à  l'avènement  de 
l'empereur  Zim-mou,  le  premier  dieu  humain,  fondateur 
de  la  dynastie  impériale  du  Japon.  Du  reste,  ces  traditions 
mythologiques,  qui  appartiennent  plutôt  au  cycle  héroïque, 
ne  nous  apprendraient  pas  grand'chose  au  point  de  vue  re- 
ligieux ;  elles  ont  surtout  pour  objet  d'établir  la  filiation 
divine  des  daïris  ou  mikados. 

Il  est  bien  difiicile  de  se  faire,  d'après  ces  documents, 
une  idée  nette  de  ce  qu'était  anciennement  la  religion  des 
Japonais.  Le  rôle  effacé  des  grands  dieux,  l'oubli  dans  le- 
quel on  les  laisse  aussitôt  après  avoir  constaté  leur  exis- 
tence autorisent  à  supposer  qu'ils  ne  faisaient  pas  partie 
du  panthéon  primitif  et  ne  sont  qu'une  imitation  de  la 
Irinité  chinoise  San-thsing,  tandis  que  l'importance  don- 
née à  la  déesse  du  soleil,  Ama-térasou,  semble  indiquer 
qu'elle  a  été  —  comme  elle  l'est  encore  du  reste  dans  la 
croyance  populaire  —  la  grande  divinité  principale.  Mais 


Ama-térasoLi-oho-kami    {d'après 
dessin  japonais). 


il  ne  faudrait  pas  conclure  de  ce  fait  à  l'existence  d'un 
monothéisme  primitif  ;  nous  sommes  ici  en  présence  d'un 
polythéisme,  ou,  si  l'on  veut,  d'un  polydémonisme  parfai- 
tement caractérisé. 

Un  fait,  d'autant  plus  curieux  à  constater  qu'il  est  très 
rare,  c'est  l'absence  complète  de  toute  idée  de  morale  et 
de  tout  culte;  en  fait  de  rites,  nous  ne  trouvons  dans  les 
cent  quatre-vingt  sections  du  Ko-zi-ki  que  celui  de  la  pu- 
rification par  l'eau.  La  notion  de  l'existence  et  de  l'im- 
mortalité de  l'âme  paraît  absolument  inconnue  aux  anciens 
Japonais,  de  même  que  l'idée  d'une  autre  vie  et  de  ré- 
compenses et  de  châtiments  futurs.  Le  ciel,  Takama-no^ 
hara^  est  une  contrée  toute  semblable  à  la  terre,  avec  des 
montagnes,  des  rivières,  des  champs,  des  forêts,  des  pa- 
lais, résidences  des  dieux;  il  est  situé  à  une  portée  de 
flèche  au-dessus  du  monde  terrestre  et  on  y  accède  par 
un  escalier.  Les  hommes  y  ont-iis  accès  après  leur  mort? 
C'est  très  douteux.  Cependant  la  tradition  populaire  y  fait 
monter  Izana-gi  après  la  mort  d'Izana-mi;  mais  il  ne  faut 
pas  oublier  que  ce  personnage  a  plus  d'un  dieu  que  d'un 
homme.  L'enfer,  Yomo  ou  Yomo-tsou-kouni,  est  sim- 
plement la  contrée  des  morts,  un  pays  ténébreux  conçu  à 
l'image  du  monde  de  la  terre,  sans  qu'il  s'y  rattache  une 
idée  quelconque  de  châtiment  ou  de  supplice  ;  il  est  situé 
au-dessous  de  la  terre  et  communique  avec  le  monde  des 
vivants  par  un  passage  étroit. 

Un  état  religieux  aussi  primitif  ne  pouvait  évidemment 
pas  durer  bien  longtemps  ;  aussi,  dès  le  vi*^  siècle  avant  notre 
ère,  si  nous  en  croyons  les  historiens  japonais,  il  se  trans- 
forme et  un  véritable  culte  s'établit.  Les  dieux  étant  con- 
sidérés comme  les  ancêtres  de  la  dynastie  impériale  et  de 
la  nation  japonaise,  ce  culte  prit  naturellement  la  forme 
ancestrale  et  ce  fut  l'empereur  lui-même  qui  eut  la  charge 
d'offrir  les  sacrifices  à  ses  divins  ancêtres  en  son  nom  per- 
sonnel et  pour  tout  son  peuple.  Quant  aux  particuliers, 
chacun  honorait  ses  ancêtres  à  domicile  d'une  façon  à  peu 
près  identique  au  culte  ancestral  chinois.  Les  prêtres,  dont 
la  charge  est  de  bonne  heure  devenue  héréditaire,  ne  rem- 
plissaient que  des  fonctions  subahernes  ;  ils  entretenaient 
les  temples  et  participaient  aux  cérémonies  solennelles  en 
chantant  des  hymnes  avec  accompagnement  de  musique  et 
en  exécutant  les  danses  sacrées.  Les  temples,  construits  en 
bois  brut  sans  autre  ornementation  que  des  rameaux  verts 
et  des  bandelettes  de  papier  blanc,  consistaient  en  un  sanc- 
tuaire ne  renfermant  qu'un  miroir  de  métal,  un  sabre  et 
un  gohei  (bâton  de  bois  blanc  décoré  de  papier  blanc  dé- 
coupé en  losanges)  posés  sur  une  table  de  bois  naturel,  et 
souvent  fermé  par  un  voile  blanc,  ainsi  que  l'est  encore 
aujourd'hui  le  sanctuaire  célèbre  d'Ama-térasou  à  Isé.  U 
était  interdit  de  faire  des  images  des  dieux.  S'il  n'est  pas 
certain  qu'on  ait  jamais  sacrifié  des  victimes  humaines  de- 
vant les  autels,  par  contre  les  sacrifices  humains  étaient 
pratiqués  à  l'occasion  des  funérailles,  et  l'usage  d'enterrer 
vivants  avec  les  morts  illustres  non  seulement  leurs  servi- 
teurs, mais  encore  un  certain  nombre  de  leurs  amis,  se 
conserva  d'une  façon  réguUère  jusqu'au  i*^**  siècle  de  notre 
ère.  Il  fut  aboli,  dit-on,  par  l'empereur  Souinin-Tennô  en 
l'an  2  av.  J.-C.  ;  mais  il  paraît  certain  qu'il  persista  acci- 
dentellement jusqu'en  646,  c.-à-d.  presque  jusqu'à  l'époque 
(742)  où  l'auteur  du  Ko-zi-ki  compilait  ce  recueil  à  la 
demande  de  l'impératrice  Gem-miyô,  veuve  de  l'empereur 
Temmu. 

Les  progrès  de  la  civilisation,  l'influence  de  plus  en  plus 
grande  de  la  littérature  et  de  la  philosophie  chinoises,  peut- 
être  aussi  la  concurrence  redoutable  du  bouddhisme,  ame- 
nèrent peu  à  peu  dans  le  shinto  de  nouvelles  modifications 
tendant  à  le  rapprocher  du  niveau  des  autres  religions  voi- 
sines. Si  le  respect  de  l'antiquité  et  des  choses  sacrées  ne 
permit  pas  de  toucher  au  texte  même  des  anciennes  tra- 
ditions, de  nombreux  commentateurs  s'efforcèrent  de  les 
expliquer  de  façon  à  en  faire  disparaître  ou  à  atténuer  ce 
qui  pouvait  paraître  trop  extravagant  ou  trop  grossier  à 
l'esprit  moderne,  et  à  présenter  le  polythéisme  du  shinto 


25  —  JAPON 

sous  l'aspect  d'une  sorte  de  monothéisme,  en  sacrifiant  les 
dieux  secondaires,  réduits  à  l'état  de  simples  esprits  ou  de 
personnifications  des  vertus  et  des  énergies  du  dieu  su- 
prême. D'après  cette  nouvelle  école,  Amé-no-mi-naka- 
noushi-no-kami,  Esprit  ou  Essence  dépourvu  de  forme  ma- 
térielle, est  le  dieu  unique,  incréé,  éternel,  invisible  et 
créateur  ;  conception  qui  le  rapproche  beaucoup  du  Shang- 
ti  des  Chinois.  Taka-mi-mousou-bi-no-kami  et  Kami-mou- 
sou-bi-no-kami  ne  sont  pas  des  dieux  distincts,  mais  repré- 
sentent les  deux  facultés  ou  pouvoirs  essentiels  du  dieu 
unique  :  le  premier  donne  la  forme  matérielle  aux  êtres  et 
aux  choses,  le  second  anime  la  matière.  (Cette  conception, 
cela  va  sans  dire,  est  celle  des  lettrés  et  des  philosophes  ; 
le  peuple  demeure  fidèle  à  ses  anciennes  croyances  et  son 
culte  se  porte  presque  exclusivement  sur  la  déesse  solaire 
Ama-térasou.)  L'âme  humaine,  œuvre  de  Kami-mousou-bi , 
est  immortelle  et  possède  deux  principes,  ou  facultés,  in- 
destructibles :  Fo2iyou-mi-tama^  principe  du  bien,  et 
Ara~mi-tama,  principe  du  mal;  la  vertu  consiste  dans  la 
prédominance  du  bon  principe.  L'âme  est  faite  de  la  même 
essence  que  le  dieu  suprême  ;  elle  peut  s'en  rapprocher  in- 
définiment par  ses  mérites  et,  après  la  mort,  aller  se  re- 
poser à  ses  côtés  dans  le  Takama-no-hara,  ou  monde  des 
dieux.  L'âme  coupable  descend  dans  l'enfer,  Néno-kouni 
Soko-no-kouni,  pour  y  subir  des  supplices  incessants. 
L'idée  de  la  transmigration  n'est  pas  admise. 

Au  point  de  vue  de  la  morale,  les  shintoïstes  modernes 
ont  tout  simplement  adopté  celle  de  Confucius  ;  ils  ne  pou- 
vaient faire  un  meilleur  choix. 

Actuellement  le  culte  est  à  peu  près  dépourvu  de  céré- 
monial extérieur;  comme  aux  premiers  temps,  le  sacrifice 
consiste  en  une  simple  offrande  de  viandes,  de  poisson,  de 
volailles,  de  fruits,  de  riz  cuit  et  d'eau  pure,  après  laquelle 
les  prêtres  exécutent  leurs  chants  et  leurs  danses  confor- 
mément à  l'ancien  rituel.  L'introduction  de  la  morale  dans 
la  religion  a  étendu  les  charges  de  ces  derniers  ;  en  dehors 
des  sacrifices,  d'ailleurs  peu  fréquents,  ils  enseignent  les 
préceptes  religieux  et  moraux  et  prononcent  des  sermons, 
entrecoupés  de  chants  sacrés,  qui  ne  sont  pas  sans  quelque 
rapport  avec  les  prêches  protestants. 

Enfin,  le  culte  domestique  a  également  été  simplifié  ;  les 
offrandes  déposées  devant  les  tablettes  ancestrales,  qui 
étaient  autrefois  de  véritables  repas  de  plusieurs  plats,  ne 
se  composent  plus  aujourd'hui  que  de  riz  cuit  à  l'eau  et 
sans  sel,  d'eau  pure  et  de  bâtonnets  d'encens. 

Le  Bouddhisme.  —  Il  existe  trois  versions  relatives  à 
l'introduction  du  bouddhisme  au  Japon.  L'une  en  attribue 
l'honneur  à  une  mission  coréenne  venue  au  Nippon  à  la 
suite  de  la  conquête  de  la  Corée  par  la  célèbre  impératrice 
Zin-gô-Kogô,  au  iv«  siècle  de  notre  ère;  une  autre  le  fait 
arriver  en  552  dans  les  bagages  d'une  ambassade  chinoise  ; 
la  troisième,  enfin,  donne  le  mérite  de  son  importation  ^u 
prêtre  Oô-shin  envoyé,  à  cette  même  date,  par  le  roi  de 
Corée,  avec  sept  autres  religieux  coréens,  pour  apporter  à 
l'empereur  une  image  du  Bouddha  en  cuivre  doré  et  tous 
les  livres  bouddhiques  qui  étaient  traduits  en  chinois  à 
cette  époque.  La  première  de  ces  traditions,  qu'aucune 
preuve  n'accompagne,  doit  être  écartée  en  raison  du  ca- 
ractère trop  légendaire  de  la  conquête  problématique  de  la 
Corée  par  Zin-gô.  Quant  aux  deux  autres,  faute  de  docu- 
ments suffisants,  il  est  impossible  de  se  prononcer  entre 
elles,  et  nous  ne  retenons  qu'un  seul  point  de  leur  récit, 
sur  lequel  presque  tous  les  historiographes  du  bouddhisme 
japonais  sont  d'accord,  la  date  de  552.  Un  autre  point 
semble  également  acquis,  c'est  que  l'image  sacrée,  apportée 
par  l'ambassade  chinoise  ou  coréenne,  tut  déposée  dans  la 
maison  que  le  courtisan  ïna-mé  possédait  à  Moukawara 
(Yamato),  qui,  transformée  par  ses  soins  pieux,  devint 
le  premier  temple  bouddhiste  du  Japon. 

Ce  ne  fut  pas  sans  peine  que  le  bouddhisme  parvint  à 
s'implanter,  ayant  à  lutter  non  seulement  contre  une  reli- 
gion d'Etat  et  la  superstition  populaire,  mais  encore  contre 
la  politique  d'un  gouvernement  dont  le  souverain  était 


JAPON  —  26 

considéré  comme  le  descendant  direct  des  dieux  du  pays 
et  quelque  peu  dieu  lui-même.  Après  avoir  végété  pendant 
plus  de  300  ans,  il  commença  à  se  développer,  après 
l'éclosion  de  ses  premières  sectes,  vers  le  ix^  siècle,  pour 
atteindre  son  apogée  du  xni<^  au  xvi^,  grâce  à  la  protection 
qu'il  trouva  auprès  du  gouvernement  des  shogouns. 

Quand  Yori-tomo  fonda,  au  xi^  siècle,  cette  institution 
du  shôgounat  si  curieusement  semblable  à  la  mairie  du  pa- 
lais de  notre  dynastie  mérovingienne,  il  jugea  de  bonne 
guerre  de  s'appuyer  sur  le  bouddhisme  pour  faire  opposi- 
tion au  mikado,  chef  du  shinto,  et  cette  politique  habile, 
suivie  par  ses  successeurs,  fut  très  probablement  le  point 
de  départ  de  la  fortune  du  bouddhisme  au  Japon,  de  même 
que,  quelques  centaines  d'années  auparavant,  la  protection 
d'Açoka  lui  avait  donné  la  suprématie  dans  l'Inde.  Les 
bouddhistes  reconnaissants  embrassèrent  résolument  le  parti 
des  shogouns  ;  on  vit  le^s  monastères  se  changer  en  forte- 
resses, les  moines  troquer  la  chape  contre  la  cuirasse,  et 
maintes  fois  un  empereur  ayant  cessé  de  plaire  à  son  puis- 
sant vassal  alla,  la  tête  rasée,  méditer  à  l'ombre  d'un  cloître 
sur  la  fragihté  de  la  grandeur  humaine.  Plus  tard,  au  temps 
du  grand  Taï~kô  et  de  Yéyas,  tous  les  daimyôs  furent  con- 
traints de  s'affilier  à  l'une  des  sectes  bouddhiques. 

Le  bouddhisme  japonais  appartient  au  système  Mahâ- 
yâna  ou  bouddhisme  du  Nord,  et  aux  écoles  dites  mâdhya- 
mika  ou  madhyama-yâna,  yogâcârya  etkâlâcakra  (V.  Boud- 
dhisme), bien  que  deux 
de  ses  sectes  les  plus 
anciennes  passent  pour 
professer  la  doctrine 
Ilina-yâna  ou  du  boud- 
dhisme du  Sud,  asser- 
tion douteuse  jusqu'à 
plus  ample  informé. 
Comme  celui  du  Né- 
paul,  du  Tibet  et  de 
quelques  sectes  chi- 
noises, son  culte 
s'adresse,  outre  Çâkya- 
mouni  (Shaka),  aux 
cinq  Dhyâni-Bouddhas, 
Daï'Niichi  «  Mahâ- 
Vairocana  »,  Ashikou 
«  Akshobya  »,  Hô-sliiô 
«  Ratna  Sambhava», 
Amida  «  Amitâbha  », 
Fokou  -  djô  -djôu 
«  Amogha-Siddha  »,  et 
aux  mille  Bouddhas  des 
trois  mondes  (passé- 
présent  -  futur  ) ,  qu'il 
désigne  par  les  noms 
génériques  de  Nio-raï 
«  Tathâgata  »  et  Bout- 
sou  «  Bouddha  ».  Les 
cinq  Dhyâni-Bouddhas 
jouissent  d'une  importance  toute  particulière  en  tant 
qu'essences  et  origines  de  tous  les  autres  Bouddhas, — bien 
que  les  quatre  derniers  ne  soient  que  des  intelligences  ou 
qualités  de  Daï-Nitchi,  le  Bouddha  suprême,  existant  par 
lui-même,  éternel,  —  et  parmi  eux  celui  dont  le  culte  est 
le  plus  répandu  est  Amida^  personnification  de  la  Cha- 
rité, régent  de  la  Terre  pure  (paradis)  de  Soukhâvatî,  ins- 
pirateur et  en  quelque  sorte  père  spirituel  de  Shaka-mouni. 
Au  contraire,  Daï-Nitchi  est,  en  général,  assez  négligé, 
sauf  dans  les  sectes  de  Tén-dai  et  de  Shin-gon  qui  le  recon- 
naissent pour  leur  divinité  suprême.  Shaka-mouni^  quoique 
reconnu  comme  le  fondateur  du  bouddhisme  actuel,  n'oc- 
cupe qu'un  rang  secondaire  (excepté  dans  la  secte  de  Ni- 
tchirén  ou  Hokké-shou)ce  qui  tient  à  sa  situation  d'émanation 
d'Amida.  Au-dessous  des  Bouddhas,  nous  trouvons  comme 
objets  d'un  culte  secondaire  les  Bossatsou  ou  Bodhisattvas, 
parmi  lesquels  se  distinguent  au  premier  rang  Mon-djou, 


Daï-Nitchi-nio-raï  (Bouddha   su- 
prême, bois  du  xviii«  siècle). 


Rakan  {terre  cuite  du  ix°  siècle). 


«  Manjuçri  »,  Foughéîi,  «  Samantabhadra  »,  et  surtout 
Kouan-on^  «  Àvalokitê-çvara  »,  personnification  de  l'énergie 
charitable  d'Amida,  qui  forme  une  sorte  de  triade  avec  ce 
Bouddha  et  Shaka- 
mouni.  Dans  la  classe 
des  Bodhisattvas  figu- 
rent les  Seize  Ra- 
kans,  «  Mahâ-Sthavî- 
râs  »,  et  les  principaux 
fondateurs  d'écoles  et 
de  sectes.  En  plus  des 
Bouddhas  et  des  Bo- 
dhisattvas, les  cieux 
bouddhiques  sont  peu- 
plés  d'innombrables 
divinités  de  puissance 
et  de  rangs  variés,  les 
Mio-ô,  «  Mahâ-dé- 
vas  »,  pour  la  plu- 
part d'origine  çivaï- 
que,  les  Tén,  «  Dé- 
vas  »,  ou  dieux 
célestes,  les  Djin  ou 
Sfiin,  «  Esprits  », 
les  500  RakanSy 
«  Arhats  »,  les  Tén- 
gou^  génies  des  mon- 
tagnes et  des  forêts. 
Enfin  les  mondes  in- 
férieurs sont  habités 
par  des  légions  de 
démons,  tels  que  les 
Ashoura,  «  Asuras  », 
les   Yakha,  «   Yak- 

shas  »,  etc.,  d'origine  indienne  et  japonaise.  Un  certain 
nombre  de  Kamis  ont  été  admis  au  nombre  des  divinités 
bouddhistes. 

Sous  le  rapport  des  dogmes  et  des  doctrines,  il  ne  s'écarte 
guère  des  traditions  du  Mahâyâna  indien  que  sur  quelques 
points  de  minime  importance  et  de  pure  interprétation,  et 
sur  la  date  du  Nirvana  de  Çâkya-mouni,  qu'il  place  en  l'an 
4000  avant  notre  ère.  Cependant  il  est  intéressant  de  signa- 
ler sa  conception  du  Nirvana,  Né-han,  beaucoup  plus  pré- 
cise et  plus  affirmative  que  celles  des  autres  écoles  boud- 
dhiques ;  pour  lui,  le  Nirvana  n'est  ni  un  lieu  (paradis), 
ni  le  néant  ou  l'anéantissement;  mais  une  union  intime,  une 
sorte  de  fusion  du  moi  de  l'être  avec  le  Bouddha,  la  réali- 
sation parfaite  du  principe  «  le  Bouddha,  les  Etres  et  la 
Matière  ne  font  qu'un  »,  qui  fait  de  l'être  un  véritable  Boud- 
dha parfait  et  qui  s'obtient  par  «  l'acquisition  de  l'Esprit 
de  Bodaï  (Bodhi)  »  et  la  destruction  des  passions,  état  au- 
quel le  saint  peut  parvenir  sans  quitter  la  vie  terrestre  et, 
même,  que  le  prêtre  atteint  temporairement,  selon  la  doc- 
trine des  sectes  Tén-daï  et  Shin-gon,  pendant  qu'il  officie 
dans  certaines  cérémonies.  Cet  état  devient  définitif  après 
la  mort  du  saint  et  le  délivre  à  tout  jamais  des  chaînes  de 
la  transmigration. 

Toutes  les  sectes  japonaises  reconnaissent  et  professent 
deux  degrés  d'enseignement  appropriés  à  l'inteBigence  et  à 
l'état  d'âme  des  disciples  :  Kén-kiô  ou  doctrine  exotérique, 
pour  le  commun  des  fidèles  et  les  novices,  et  Mi-kiô^  ou 
doctrine  ésotérique.  Cette  dernière,  qui,  seule,  mène  à  l'ac- 
quisition de  l'Esprit  de  Bodhi,  ne  peut  être  enseignée  qu'aux 
initiés  d'une  capacité  et  d'une  ferveur  éprouvées. 

Au  Japon  même  on  n'est  pas  d'accord  sur  le  nombre  des 
sectes,  par  la  raison  qu'elles  sont  divisées  et  subdivisées  à 
l'infini  en  sous-sectes  plus  ou  moins  importantes  dont  cer- 
taines ont  pris  le  rang  de  sectes,  et  aussi  parce  que  quel- 
ques-unes ont  disparu  ou  se  sont  fondues  avec  d'autres 
de  doctrines  similaires.  En  les  étudiant  d'un  peu  près  on 
pourrait  peut-être  les  ramener  à  cinq  ou  six  types  origi- 
naux. En  général,  on  en  compte  huit,  douze  ou  quinze.  C'est 
cette  dernière  classification,  adoptée  par  la  secte  Shin- 


—  27  — 


JAPON 


gon,  que  nous  croyons  devoir  suivre  en  raison  de  la  répu- 
tation de  savoir  des  prêtres  de  Shin-gon.  De  ces  quinze 
sectes,  neuf  sont  dites  anciennes  parce  qu'elles  ont  été  fon- 
dées du  vil®  au  ix^  siècle,  et  six  modernes,  établies  entre  le 
xii«  et  le  xvi*^  siècle. 

Sectes  anciennes,  La  première  secte  japonaise  fut  ins- 
tituée en  625  par  un  prêtre  coréen,  nommé  E-kouan,  qui 
s'était  fixé  au  temple  de  Gouangôdji,  à  Aska  (Yamato).  Elle 
reçut  le  nom  de  San-ron.  Sa  doctrine  repose  sur  la  néga- 
tion des  phénomènes  extérieurs  et  intérieurs  et  fait  con- 
sister la  vérité  en  un  terme  moyen  qui  n'est  ni  l'être,  ni 
le  néant.  En  même  temps  E-kouan  professait  la  doctrine 
de  la  non-réalité  du  moi  et  des  éléments  des  cinq  agré- 
gats, qui  fut  adoptée  par  la  secte  Djô-djitsou.  Actuellement 
ces  deux  sectes  n'ont  plus  ni  disciples,  ni  représentants. 
En  653,  la  secte  Hossô  fut  fondée,  dans  ce  même  temple 
de  Gouangôdji,  par  Dô-shô,  élève  du  prêtre  chinois  Géndjô- 
Sanzô.  La  base  de  sa  doctrine  est  qu'il  n'y  a  rien  de  réel 
que  la  pensée,  tout  le  reste  est  illusion.  Dô-shô  enseignait 
aussi  le  dogme  des  Quatre  Vérités  Excellentes  et  des  Huit 
Bons  Chemins,  qui  devint  le  credo  de  la  secte  Kou-sha.  Les 
livres  de  ces  deux  sectes  sont  étudiés  par  toutes  les  autres 
écoles  ;  mais  le  Kou-sha  a  disparu  et  la  secte  Hossô  n'a  plus 
que  48  temples,  desservis  par  14  prêtres  seulement. 

En  699,  le  prêtre  En-no  Shô-kakou  fonda  la  secte  Shou- 
ghén,  aujourd'hui  absorbée  dans  les  sectes  Shin-gon  et 
Tén-daï. 

La  secte  Kégon  fut  instituée  en  843  par  Ryôbén,  dis- 
ciple de  Oô-yéi  et  de  Dji-koun  ;  elle  s'est  fondue  dans  les 
autres  sectes  et  ne  possède  plus  en  propre  que  22  temples 
avec  10  prêtres  seulement. 

En  754,  le  prêtre  chinois  Gan-djin  fonda  la  secte  Hi- 
tsoii^  basée  sur  l'étude  du  Vinaya,  ou  Règles  de  discipline  ; 
ses  doctrines  sont  adoptées  par  toutes  les  autres  sectes, 
mais  maintenant  elle  n'a  plus  d'existence  propre. 

En  805,  le  grand  prêtre  Saitchô,  ou  Déngyô-daï-shi, 
construisit  le  temple  d'En-ryakou-dji  et  institua  la  secte  Tén- 
daï,  dont  l'enseignement,  empreint  de  mysticisme,  est  basé 
sur  le  principe  de  «  l'unité  de  nature  du  Bouddha,  des  Etres 
et  des  Choses  »,  et  sur  la  doctrine  ésotérique  du  Saddharma- 
pundarîka-sûtra  ou  Lotus  de  la  Bonne  Loi.  Elle  appartient 
à  l'école  Yogâcârya.  Très  importante  et  très  prospère,  elle 
possède  actuellement  4,800  temples  et  2,800  prêtres. 

La  secte  Shin-gon^  «  Vraie  Parole  »,  fondée  en  806  par 
le  prêtre  Koukaï,  plus  connu  sous  le  nom  de  Koô-boô-daï- 


Koù-boô-daï-slii  (bois  du  xvii''  siècle). 

shi,  repose  également  sur  le  principe  de  l'unité  du  Bouddha, 
des  Etres  et  des  Choses  ;  mais  elle  y  a  ajouté,  comme  moyen 
de  parvenir  à  l'état  de  Bouddha,  la  récitation  des  formules 
mystiques,  Tantras  et  Dhâranîs,  et  l'usage  des  Mûdras, 


signes  cabalistiques  faits  avec  les  doigts  constituant  une  for- 
mule magique  et  une  prière  muettes.  Elle  représente  au 
Japon  l'école  de  mysticisme  ou  kâlàcakra.  Son  enseigne- 
ment est  presque  entièrement  ésotérique.  Elle  possède 
43,600  temples  desservis  par  7,060  prêtres. 

Sectes  modernes.  Pendant  à  peu  près  trois  cents  ans 
aucuiiie  nouvelle  secte  ne  se  constitua;  mais,  en  1148,  le 
prêtre  Ryô-nin  fonda  dans  le  temple  de  Raikôdji,  à  Ohara 
(Yama-shirô),  la  secte  Youzou-nemboutsou  basée  sur 
«  l'échange  de  la  vertu  personnelle  avec  celle  d'autrui,  au 
moyen  de  la  récitation  du  nom  d'Amida  ou  Charité  éter- 
nelle». Sans  être  prospère,  elle  compte  à  l'heure  actuelle 
357  temples  avec  plus  de  200  prêtres. 

En  4175,  la  secte  Djô-dô,  «  Terre  pure  »,  fut  fondée 
par  lïô-nen,  d'après  les  principes  du  prêtre  chinois  Zén-dô. 
Sa  doctrine  repose  sur  «  l'acquisition  de  la  Bodhi  par  la 
contemplation  du  Bouddha  »,  considérée  comme  le  moyen 
de  parvenir  à  la  Terre  pure  de  Soukhâvati,  étape  de  repos 
bienheureux  sur  le  chemin  de  Nirvana.  Avec  ses  deux 
ordres  ou  sous-sectes,  de  Séizan  et  de  Tchinzei,  elle 
compte  8,300  temples  et  5,500  prêtres. 

La  secte  Zén,  basée  sur  la  méditation  abstraite,  Dhyâna, 
se  compose  de  trois  ordres  ou  sous-sectes,  établis  :  le  pre- 
mier, IHnza'v^  par  le  prêtre  Yéisaï  en  4201  ;  le  second, 
Sôtô,  en  4245,  parDô-guén;  le  troisième,  Wôbakou,  par 
Douguén  en  4663.  Ses  temples,  au  nombre  de  20,780,  sont 
desservis  par  15,600  prêtres.  L'ordre  de  Sôtô  est  le  plus 
florissant  des  trois  ordres  de  Zén. 

La  secte  japonaise  la  plus  importante  par  le  nombre  de 
ses  adhérents,  attirés  par  la  simplicité  et  la  facilité  de  ses 
doctrines,  le  Shln-shouon  «  Vraie  Secte»,  date  de  1224 
et  a  pour  fondateur  Shin-ran,  disciple  de  Hô-nen.  Elle 


Sliin-ran  (bois  du  xvi»  siècle). 

enseigne  que  l'esprit  de  Bodhi  s'acquiert  exclusivement  par 
la  grâce  de  la  Vérité  éternelle  qui  a  pris  l'engagement  de 
délivrer  toutes  les  créatures,  et  qu'il  suffit,  pour  provoquer 
l'action  efficace  de  cette  grâce,  d'invoquer  le  nom  sacré 
d'Amida,  qui  est  réellement  la  Vrrité  éternelle.  Contraire- 
ment à  la  règle  bouddhique  u;;iverselle,  qui  prescrit  le 
célibat  des  religieux  et  l'abstinence  de  toute  chair,  ceux  de 
cette  secte  sont  autorisés  à  se  marier  et  à  se  nourrir  de 
vianc(e  et  de  poisson.  Elle  possède  40  grands  temples  et 
49,100  temples  secondaires  relevant  des  premiers,  avec 
48,700  prêtres  pour  les  desservir.  Grâce  à  l'autorisation 
du  mariage  des  prêtres,  la  prêtrise  est  très  fréquemment 
héréditaire  dans  cette  secte. 

Dans  le  courant  du  x^^  siècle,  vers  l'an  949,  un  prince 
de  la  famille  impériale,  fils  de  l'empereur  Téi-gô,  se  voua 
à  la  vie  religieuse  sous  le  nom  de  Kouya-Djô-nin  et,  à 


JAPON  —  28  — 

rimitation  de  Çâkya-mouni,  se  mit  à  parcourir  le  pays  en 
prêchant  la  doctrine  de  la  conquête  de  la  Terre  pure  au 
moyen  de  Fillumination  produite  parla  Bodhi,  s'acquérant 
par  la  prière,  les  actions  de  grâce  et  les  invocations  à  la 
Vérité  éternelle  personnifiée  par  Amida,  c.-à-d.  à  peu  de 
chose  près  celle  de  la  secte  Djô-dô  ;  mais  cette  tentative  pré- 
maturée n'eut  point  de  succès.  Le  prêtre  Ippen,  se  disant 
inspiré  par  l'esprit  de  Kouya-Djô-nin,  la  reprit  en  1275  et 
donna  à  la  secte  qu'il  fonda  le  nom  de  Dji-shou,  Très  peu 
suivi,  à  cause  sans  doute  de  sa  trop  grande  similitude 
avec  Djô-dô,  le  Dji-shou  a  peu  de  fidèles  et  possède  seule- 
ment 330  temples  avec  200  prêtres. 

La  secte  Nitchi-ren  fut  fondée  en  1261  par  le  prêtre 
Nitchi-ren,   disciple  de  Tén-daï  dont  elle  est  considérée 


Nitchi-ren  (bois  du  xvip  siècle). 

comme  une  sous-secte.  On  lui  donne  aussi  le  nom  de  Hokké- 
shou.  Sa  doctrine  repose  sur  l'autorité  du  Saddharma- 
pundarîka-sûtra,  ou  Lotus  de  la  Bonne  Loi  (en  japonais, 
Miô-hô-rén-ghé-kiô),  et  sur  l'efficacité  exclusive  de  la 
méditation  pour  parvenir  à  la  connaissance  du  Bouddha  et 
à  l'acquisition  de  la  Bodhi.  Elle  proclame  l'unité  de  tous 
les  Bouddhas  passés  avec  Çâkya-mouni,  Bouddha  du  temps 
présent.  Comme  adjuvant  à  la  contemplation,  elle  recom- 
mande la  répétition  incessante  du  titre  de  son  sùtra  fonda- 
mental précédé  de  la  formule  d'adoration  iVa-mow.  Sur  les 
autels  de  cette  secte  la  formule  Na-mou-miô-hâ-rên- 
ghé-kiô,  «  adoration  au  Lotus  de  la  Bonne  Loi  »,  inscrite 
sur  une  tahlette,  est  placée  entre  deux  Bouddhas,  Shaka- 
mouni  et  Ta-hô  ;  cet  ensemble  appelé  Sam-bô^  «  Tri-ratna, 
trois  Trésors  »,  représente  la  trinité  bouddhique  :  «  Boud- 
dha, Dharma,  Sangha  »,  le  Bouddha,  la  Loi  et  l'Eglise.  Le 
Nitchi-ren-shou  possède  3,060  temples  et  2,500  prêtres. 
Si  nous  faisons  le  compte  des  temples  possédés  actuel- 
lement par  les  10  survivantes  des  15  sectes  primitives,  nous 
arrivons  au  total  de  70,617  temples  desservis  par  52,584 
prêtres.  Ces  chiffres,  s'ils  sont  sincères,  donnent  une  haute 
idée  de  la  prospérité  et  de  la  puissance  du  bouddhisme  au 
Japon  ;  mais  ils  accusent  en  même  temps  une  disproportion 
considérable  entre  le  nombre  des  temples  et  celui  des  des- 
servants, d'autant  plus  étonnante  au  premier  abord  qu'elle 
est  inverse  de  ce  qu'on  pourrait  raisonnablement  attendre. 
Cette  disproportion  tient  à  ce  que  les  petits  temples  ou 
chapelles,  très  nombreux  dans  les  villes  et  les  campagnes, 
n'ont  pas  de  desservants  attitrés  et  pas  de  cérémonies  jour- 
nalières ;  le  service  y  est  fait,  quand  les  circonstances  le 
réclament,  par  des  prêtres  fournis  par  les  temples  princi- 
paux. Le  nom  de  monastères  conviendrait  mieux  que 
celui  de  temples  à  ces  derniers  qui  comportent,  outre  le 


sanctuaire,  une  bibliothèque,  des  salles  de  réunion  et  des 
maisons  pour  le  logement  des  prêtres,  groupées  autour  de 
l'habitation  du  suf>érieur.  Sauf  ceux  de  la  secte  Shin-shou, 
qui  se  fixent  volontiers  dans  les  villages,  il  est  très  rare  que 
les  religieux  bouddhistes  résident  en  dehors  des  temples. 

Les  religions  étrangères  sont  faiblement  représentées  au 
Japon.  Le  judaïsme  et  le  mahométisme  n'ont  aucun  adhé- 
rent parmi  les  Japonais  ;  quant  au  christianisme  catholique 
et  protestant,  malgré  les  efforts  de  ses  missionnaires,  il 
n'a  fait  jusqu'à  présent  qu'un  nombre  insignifiant  de  con- 
versions. Le  Japonais  tient  à  son  individualité  ;  s'il  recon- 
naît la  supériorité  des  Européens  au  point  de  vue  scienti-- 
fique  et  industriel  et  cherche  à  les  égaler,  il  la  nie  en  ce  qui 
concerne  la  religion  et,  malgré  le  scepticisme  que  lui  a 
inculqué  le  confucianisme,  se  refuse  énergiquement  à  re- 
nier ses  traditions  nationales.  L.  de  Milloué. 

Mœurs  et  coutumes.  — Les  Japonais  sont  vifs,  gais 
et  braves,  ayant  au  plus  haut  degré  le  sentiment  de  la 
patrie.  Un  de  leurs  traits  les  plus  caractéristiques  est  la 
propreté  ;  et,  dans  l'ancien  temps,  ils  étaient  plongés  cons- 
tamment dans  les  rivières  ou  dans  les  piscines,  comme  des 
canards,  hommes  et  femmes  mêlés.  Il  y  a  environ  huit 
cents  bains  à  Tokio.  La  femme  japonaise  est  d'un  naturel 
aimable,  de  petite  taille,  mais  gracieuse  ;  elle  doit  obéis- 
sance à  son  père,  jeune  fille;  à  son  mari,  épouse  ;  à  son 
fils  aîné,  veuve.  Quoiqu'elle  ne  soit  pas  maltraitée,  la  femme 
tend  maintenant,  sous  l'influence  des  idées  occidentales,  à 
transformer  sa  situation  sociale  et  à  augmenter  son  indé- 
pendance; sans  aucun  doute,  Fadoption  des  modes  euro- 
péennes contribuera  beaucoup  à  sa  transformation.  —  Les 
Japonais  perlent  plusieurs  noms  :  le  nanori  ou  jitsumyo^ 
vrai  nom  ;  le  zokumyo  ou  tsusho,  nom  commun  qui  corres- 
pond à  notre  prénom;  le  uji  ou  myoji^  surnom,  souvent 
tiré  du  lieu  de  la  résidence;  le  azana,  sobriquet;  le  go, 
nom  de  guerre  des  artistes  ;  les  vieux  noms  aristocratiques 
comme  Tokugawa,  Minamoto,  sont  des  kabane  o\isei;  les 
noms  posthumes  des  empereurs  comme  Jimmu-Tenno,  par 
exemple,  sont  des  okuri-na  ;  }[iOiir  les  prêtres  bouddhistes, 
le  nom  posthume  est  homyo  ou  kaimyo;  les  noms  de 
femmes,  yobi-na^  sont  généralement  tirés  d'un  objet  gra- 
cieux, d'une  fleur  par  exemple,  m  faisant  précéder  ce  nom 
d'O,  «  honorable  »,  ainsi  0-kiku,  chrysanthème.  —  Les  céré- 
monies  de  mariage  ressemblent  smgulièrement  à  celles  de  la 
Chine  ;  quand  un  jeune  homme  est  d'âge  à  se  marier,  la 
famille  s'adresse  à  un  entremetteur  (nakodo),  souvent  un 
ami  de  la  maison,  qui,  lorsqu'il  a  trouvé  un  parti,  menasse 
une  entrevue  (mi-ai)  ;  si  les  partis  se  conviennent,  un 
échange  de  présents  (yuino)  a  lieu.  Après  le  choix  d'un  jour 
heureux  pour  le  mariage,  la  fiancée  se  rend  chez  le  fiancé, 
en  blanc,  couleur  de  deuil,  pour  bien  marquer  qu'elle  est 
morte  pour  sa  famille.  Les  principales  cérémonies  du  ma- 
riage consistent  dans  le  san-san  ku-do  (trois  l'ois.,  neuf 
fois),  parce  que  les  fiancés  boivent  trois  fois,  de  'hacun 
des  trois  vins  qui  leur  sont  offerts.  Quelques  jours  après 
la  cérémonie,  les  nouveaux  mariés  font  une  visite  {sato- 
gaeri)  aux  parents  de  la  fiancée.  Le  divorce  est  relative- 
ment rare  au  Japon,  et  les  causes  n'en  sont  pas  toujours 
très  claires,  je  crois  qu'elles  doivent  ressembler  à  celles 
qui  existent  en  Chine.  Le  deuil  consiste  principalement 
dans  le  port  de  vêtements  de  deuil  et  d'abstention  de 
viande  animale  ;  sa  durée  varie  suivant  le  degré  de  parenté 
et  pour  le  port  des  vêtements  et  pour  l'abstention  de  nour- 
riture. Pour  le  père  et  la  mère,  le  port  des  vêtements  de 
deuil  est  de  treize  mois  et  pour  l'abstention  de  viande  ani- 
male, cinquante  jours;  pour  un  rils  aîné,  vêtements,  quatre- 
vingt-dix  jours,  et  nourriture,  vingt  jours  ;  les  visites  pério- 
diques que  le  Japonais  doit  faire  aux  tombes  de  ses  morts 
se  nomment  haka-mairi.  — Je  ne  puis  mieux  décrire  le  cos- 
tume japonais  que  dans  les  propres  termes  de  M.  Cham- 
berlain :  «  D'abord  une  ceinture  (shita-obi)  de  mousseline 
blanchie  ;  ensuite  une  chemise  (juban)  de  soie  ou  de  coton, 
à  laquelle  on  ajoute  en  hiver  une  jaquette  {dogi)  en  même 
étoffe;  puis  vient  la  robe  extérieure  (,'cimono),  ou,  en 


hiver,  deux  robes  doublées  (shitagi  et  uwagi),  retenues 
par  une  étroite  ceinture  (obi).  Dans  les  cérémonies,  on 
porte  en  outre  une  sorte  de  large  pantalon,  nous  devrions 
plutôt  dire  deux  basques,  appelées  hakama^  et  un  habit 
empesé  {haori).  Le  hakama  et  le  haorisont  invariablement 
de  soie,  et  le  haori  est  orné  en  trois  endroits  avec  les  armoiries 
ou  mon  de  son  propriétaire.  La  tète  est  presque  toujours 
nue  ;  elle  est  quelquefois  couverte  d'un  large  chapeau  de  paille, 
tandis  qu'aux  pieds  il  y  a  une  sorte  de  chaussettes,  appelées 
ta/n,  qui  atteint  seulement  jusqu'à  la  cheville,  et  qui  a  un 
compartiment  séparé  pour-  le  gros  orteil.  Il  y  a  deux  es- 
pèces de  sandales  en  paille,  les  zori  qui  sont  libres,  et 
employés  pour  les  légers  travaux,  et  le  waraji^  qui  sont 
attachés  étroitement  autour  des  pieds  et  employés  pour  les 
grandes  marches  seulement.  Les  gens  à  leur  aise  portent 
seulement  le  tabi  à  l'intérieur  et  une  paire  de  socques  en 
bois,  appelés  geta,  au  dehors.  Le  costume  national  d'un 
gentleman  japonais  est  complété  par  un  éventail,  un  parasol, 
et,  dans  sa  ceinture,  par  une  pipe  et  une  blague  à  tabac. 
Les  négociants  portent  aussi  à  leur  ceinture,  ce  qui  est 
appelé  yatate,  sorte  d'encrier  portatif  avec  une  plume 
dedans.  Une  espèce  bon  marché  de  kimono  ou  robe,  est 
le  yukata,  robe  de  chambre  en  coton,  destinée  à  l'origine 
pour  aller  au  bain,  mais  qui  est  souvent  maintenant  portée 
le  soir  comme  déshabillé.  ?»  Les  Japonais  aiment  le  jeu  et  la 
danse  ;  les  danses  ancienntîs  et  classiques  sont  dénommées 
sous  le  nom  de  mai,  le^  danses  modernes  et  populaires 
sous  celui  à^odori;  le  kagura  est  une  danse  religieuse, 
danse  avec  des  robes  de  damas  et  avec  des  masques  sur  la 
figure;  hbon-odori  est  une  danse  d'été,  d'origine  boud- 
dhiste ;  le  bugaku  était  jadis  dansé  à  la  cour,  et  avait  un 
caractère  symbolique  ;  le  no  était  moins  une  danse  (ji'nn 
opéra  :  c'était  la  seule  permise  à  la  cour  de  Tokugawa.  La 
place  nous  manque  pour  entrer  dans  le  détail  d'autres  choses 
intéressantes,  concernant  le  Japon,  telles  que  les  lutteurs, 
mais  je  ne  puis  ne  pas  mentionner  cette  façon  spéciale  de  se 
donner  la  mort,  appelée  hara-kirU  qui  consiste  à  s'ouvrir 
le  ventre  avec  un  sabre.  Dans  les  derniers  temps,  la  victime 
se  contentait  d'un  simulacre  en  se  faisant  une  simple  en- 
taille, pendant  qu'un  ami  le  décapitait  en  môme  temps. 

Démographie.  —  D'après  la  statistique  officielle,  la 
population  se  montait  au  31  janv.  4  89 1  à  40,353,461  hab. , 
et  le  l^»*  janv.  1892  on  l'évaluait  à  40,718,677,  dont 
20,563,416  du  sexe  masculin  et  20,155,261  du  sexe  fé- 
minin. La  prépondérance  du  sexe  masculin  est  assez  mar- 
quée :  on  sait  qu'en  Europe  et  particulièrement  en  France, 
on  observe  le  phénomène  inverse. 

La  population  se  répartissait  comme  suit  entre  les  di- 
verses régions 


29  —  JAPON 

Ces  chiffres  ne  comprennent  pas  les  mort-nés.  La  der- 
nière période  quinquennale,  du  31  déc.  1 886  au  3 1  déc.l  891 , 
a  donné  un  accroissement  de  population  de  2,211,500, 
dépassant  sensiblement  celui  qui  ressortirait  de  Texcédent 
des  naissances.  Comme  il  ne  s'explique  pas  par  une  immi- 
gration, il  s'ensuit  que  probablement  le  premier  recense- 
ment ou  les  déclarations  de  naissances  ne  sont  pas  tout  à 
fait  complets. 

Au  1^"^  janv.  1892,  la  population  se  répartissait  comme 
suit  entre  les  castes  :  kwazokoii  (nobles),  3,844;  sizo-* 
koii  (anciens  samouraï  ou  guerriers),  2,009,  396;  hei- 
min  (simples  particuliers),  38,705,437. 

A  cette  date,  on  comptait  9,550  étrançfers  au  Japon  : 
5,344  Chinois;  1,708  Anglais;  967  Américains  ;  523  Al- 
lemands; 378  Français,  etc.  Au  31  déc.  1885,  cette  po- 
pulation n'était  que  de  6,803.  Par  contre,  le  nombre  des 
Japonais  résidant  à  l'étranger  aurait  passé  de  11,580  à 
32,146  ;  ils  sont  surtout  établis  en  Corée,  en  Chine,  puis 
aux  Etats-Unis. 

Voici  la  liste  des  villes  avant  plus  de  50,000  hab.  au 
l^'-janv.  1892  : 


Hab.  par 

Nippon    central    (  îles 

Kil.  q. 

Habitants 

kil.  q. 

Bonin  comprises).. . 

94.793 

15.776.841 

166 

Nippon  septentrional. . 

78.225 

6.190.028 

79 

—     occidental .... 

53.561 

9.279.740 

173 

Sikokou 

18.210 

2.887.397 

159 

Kiou-siou  (îles    Riou- 

kiou  comprises) .... 

43.615 

6.270.863 

144 

Yesso     (  îles    Kouriles 

comprises) 

94.012 

314.108 

3 

Total 

382.416 

40.718.677 

106 

Dans  le  vieux  Japon,  abstraction  faite  des  îles  du  Nord, 
la  densité  atteint  140  hab.  par  kil.  carré,  le  double  de 
celle  de  la  France. 

Le  mouvement  de  la  population  est  accusé  par  les  chiffres 
suivants  : 

Eïcedentdes 
Naissances        Décès       Mariages     naissances  snr 


1887... 
1888... 
1889... 
1890... 
1891... 


1.078.548 
1.186.857 
1.219.783 
1.151.034 

1.086.775 


753.456 
752.834 
808.680 

823.718 
853.139 


334.149 
330.246 
340.445 
325.141 
325.651 


les  décès 

325.092 
434.023 
411.103 
327.316 
233.636 


Tokio 

.  1.161.800 

Nagasaki 

60.581 

Osaka 

.       483.600 

Tokoushima . . . 

59.969 

Kioto 

.       297.527 

Toyama 

59.090 

Nagoya 

179.174 

Hakodaté 

57.942 

Kobé 

142.965 

Koumamoto . . . 

56.618 

Yokohama  . . 

.       132,627 

Kagoshima. . . . 

56.157 

Kanazawa. . , 

93.531 

Wakayama. . . . 

55.668 

Hiroshima  . . 

90.J54 

Foukouoka . . . . 

54.885 

Sendaï 

64.476 

Géographie  politique.  —  Gouvernement.  —  Au 
Japon,  la  monarchie  est  héréditaire  et  constitutionnelle, 
représentée  par  un  empereur  qu'on  désigne  sous  le  nom  de 
Tennô,  qui  correspond  au  Tien-houang  des  Chinois,  c.-à-d. 
empereur  céleste.  On  le  désigne  également  par  les  appella- 
tions de  Tenshi,  équivalent  du  chinois  Tien-tseu,  fils  du 
Ciel,  ou  encore  Shujô,  l'Etre  suprême  ;  le  terme  de  Mikado 
qui  est  employé  au  Japon  dans  le  sens  poétique  est  celui 
par  lequel  l'empereur  est  le  plus  connu  à  l'étranger.  L'ori- 
gine de  l'expression  n'est  pas  exactement  connue  ;  en  gé- 
néral, on  suppose  que  Kado,  qui  veut  dire  porte^  corres- 
pond au  mot  chinois  men,  et  que  mi  veut  dire  auguste, 
ce  qui  nous  donne,  comme  lofait  remarquerM.  Chamberlain, 
un  équivalent  de  la  Sublime  Porte  des  Turcs.  De  même 
qu'en  Chine,  les  périodes  impériales  (nie n-fiao)  sont  rei^ré- 
sentées  par  des  nen-go;  ainsi,  l'empereur  actuel,  Mutsu- 
hito,  né  à  Yedo  le  3  nov.  1852,  a  le  nen-go  de  mei-dji, 
en  chinois  ming-tche.  L'impératrice  actuelle  porte  le  nom 
de  Haru-ko  (impératrice  printemps)  ;  née  le  28  mai  i  850, 
elle  est  la  fille  du  noble  Tadaka,  de  l'illustre  maison  Fu- 
jiwara  llchidjo,  de  la  cour  de  Kioto.  L'impératrice  mère, 
Asako,  née  à  Yedo  le  23  janv.  1834,  vit  encore.  Quelques 
impératrices  se  sont  rendues  illustres  dans  l'histoire  de 
l'empire,  mais  la  constitution  du  11  févr.  1889  ayant  in- 
troduit la  loi  salique  au  Japon,  le  rôle  de  ces  dernières  est 
singulièrement  diminué. 

Divisions  politiques.  —  La  première  répartition  du  Japon 
en  provinces  fut  faite  par  Seimu-Tenno  en  l'an  131  ap. 
J.-C.  La  di vison,  aujourd'hui  encore  populaire  au  Japon, 
en  régions  ou  routes  (do)  remonte  à  la  veuve  de  Chuai- 
Tennô,  l'impératrice  Zin-gô-kogô.  On  comptait  avant  les  mo- 
difications administratives  actuelles,  neuf  régions  :  I.  Kinai 
ou  Go-kinai,  qai  comprenait  cinq  provinces  (Yamashiro, 
Yamato,  Kawachi,  Idzumi  ou  Senshiû,  Settsu)  ;  située  dans 
File  de  iïondo,  c'était,  en  réalité,  le  domaine  impérial  ;  ses 
villes  principales  étaient  Kioto,  Osaka,  Hiogo,  Kobe,  etc. 
IL  Tokai-do  (route  de  la  mer  Orientale),  Hondo,  15  pro- 
vinces (Iga,  Ise  ou  Seishiil,  Shima,  Owari  ou  Bishiù,  Mi- 
kawa  ou  Sanshiii,  Tôtùmi  ou  Enshiù,  Suruga  ou  Sunshiù, 
Kai  ou  Kôshiù,  Idzu,  Sagami  ou  Sôshiû,  Musashi  on  Bu- 
shiù,  Awa  ou  Bôshiû,  Kadzusa,  Shimôsa,  Hitashi);  villes 
principales  :  Tokio,  Yokohama,  Nagoya,  etc.  Itl.  Toseii-do 


JAPON 


-  30 


(région  des  montagnes  orientales)  ou  Nakasan-do  (région 
des  montagnes  centrales),  Hondo,  43  provinces  (Omi  ou 
Gôshiù,  Mino,  iïida,  Shinano  ou  Sinshiû,  Kodzuke  ou 
lôsliiû,  Shitnotzuke  ou  Yashiû,  Iwaki,  hvasiiiro,  Piikuzen, 
Rikuchiù,  Mutsu;  cinq  provinces  auxquelles  on  applique 
le  nom  d'Oshiû,  les  deux  suivantes,  Uzen  et  Ugo,  recevant 
celui  de  Devva)  ;  villes  principales  :  Hikoné,  Otsou,  Sen- 
daï,  etc.  IV.  Eokourokou-do  (région  continentale  du  Nord), 
Hondo,  7  provinces  (Wakasa  ou  Iakushiû,  Echizen,  Kaga 
ou  Kashiû,  Noto,  Etchiû,  Echigo,  Sado  [île])  ;  villes  prin- 
cipales :  Fou-koui,  Kanazawa,  Niigata,  etc.  V.  San-yin~ 
do  (région  des  montagnes  yin,  principe  femelle,  par  con- 
séquent, de  l'ombre) ,  Hondo,  8  provinces  (Tamda,  Tango, 
Tadjima,  Inaba  ou  [nshiû,  lîôki,  Idzumo  ou  Unshiù,  Iwami 
ou  Sekisliiû,  Oki  [lie]);  villes  principales  :  Tottori,  Mat- 
souyé,  etc.  VI.  San'yô-do{rëgmides,  montagnes  yô,  prin- 
cipe mâle,  par  conséquent  du  soleil  et  de  la  lumière),  Hondo, 
8  provinces  (iïarima  ou  Bansliiù,  Mimasaka  ou  Sakushiù, 
Bizen,  Bitchiù,  Bingo,  Aki  ou  Geibhiù,  Suwô,  Nagato  ou 
Chôshiù);  villes  principales  :  tlimedzi,  Okayama,  Hiro- 
shima, etc.  VIL  Nankai-do  (région  de  la  mer  du  Sud), 
Hondo  et  Sikokou,  6  provinces  (Kii  ou  Kishiù,  Awaiji  [île]  ; 
les  quatre  suivantes  forment  l'île  de  Sikokou,  Awa  ou 
Ashiû,  Sanuki,  lyo,  Tosa  ou  Toshiû);  villes  principales  : 
Vakayama,  Tokou-shima,  etc.  \i[[.  Sai-kai-do  (région  de 
la  mer  de  l'Ouest),  Kiou-siou,  11  provinces  (Chikuzen, 
Chikugo,  Buzen,  Bungo,  Hizen,  Higo,  Hiuga,  Osumi,  Sat- 
suma  ou  Sashiû,  îki  [île],  Tsousliima  [île]);  villes  princi- 
pales :  Nagasaki,  Kago-shima,  etc.  IX.  Hokkai-do  (région 
de  la  mer  du  Nord),  Yesso,  considérée  connne  colonie  jus- 
qu'en 1868,  divisée  alors  en  10  provinces  auxquelles 
s'ajouta  celle  des  îles  Kouriles,  soit  11  provinces  (Osliima, 
Shlribeshi,  Iburi,  Ishikari,  Hitaka,  Tokachi,  Teshiwo, 
Kushiro,  Nemuro,  Kitami  et  Ghiijma  [îles  Kouriles]);  villes 
principales  :  Hakodaté  et  Sapporo.  Ces  neuf  régions  for- 
maient ainsi  un  total  de  84  provinces  et  de  717  districts 
ou  kokori^  auxquels  il  faut  ajouter  les  îles  Riou-kiou(Liou- 
kiou  ou  Lou-tchou)  et  Ogasawara-shima  (Bonin).  En  1872, 
ces  anciennes  divisions  furent  abolies,  et  le  pays  divisé  en 
trois  fou:  Tokio,  Saikio  (Kioto),  Osaka,  et  72  ken  ou  dé- 
partements, non  compris  la  colonie  de  Yesso  et  le  royaume 
vassal  (han)  des  îles  Riou-kiou.  Ce  dernier  fut  médiatisé 
et  le  nombre  des  autres  ken  réduit  à  35,  soit  un  total  de 
36  ;  il  fut  porté  ensuite  à  43.  En  voici  la  liste  :  Kanazawa, 
Hiogo,  Nagasaki,  Niigata,  Saitama,  Chiba,  Ibaraki,  Gumma, 
Tochigi,  Sakai,  Mie,  Aichi,  Shizuoka,  Yamanashi,  Shiga, 
Gifu,  Nagano,  Miyagi,  Fukushima,  Iwate,  Aomori,  Yama- 
gata,  Akita,  Ishikawa,  Tottori,  Shiinane,  Okayama,  Hiro- 
shima, Yamaguchi,  Wakayama,  Eliime,  Kochi,  Eukuoka, 
Saga,  Oita,  Koumamoto,  Kago-shima  et  Okinawa  ;  ce  dernier 
ken  a  été  formé  des  îles  Riou-kiou. 

Les  trois  fou  ou  préfectures  des  districts  da  résidence 
sont  administrés  par  des  gouverneurs,  et  les  ken,  préfec- 
tures des  districts  ruraux,  dont  on  a  récemment  porté  le 
nombre  à  43  (avec  Nara,  Fou-koui,  Toyama,  Tokoushima, 
Myasaki),  ont  à  leur  tête  des  chhi,  dont  dépendent  les 
fonctionnaires  des  sous-divisions  kou^  mairies,  et  goun, 
sous-préfectures,  au  nombre  de  plus  de  8U0.  On  peut  rat- 
tacher soit  à  l'administration  provinciale,  soit  pylïus  direc- 
tement au  cabinet  des  ministres,  l'administration  particu- 
lière de  Yesso,  et  des  îles  Kouriles,  dont  le  bureau  est  désigné 
sous  le  nom  de  Hokkaido-cho  (3  ken  :  Nemuro,  Sapporo, 
Hakodaté). 

La  capitale  du  Japon  est  depuis  1868  Tokio  ou  Tokei  (en 
chinois  Tong-king)  qui  veut  dire  cour  de  l'Est,  et  n'est  qu'une 
désignation,  comme  dans  l'empire  du  Milieu,  de  Pe-king, 
cour  du  Nord.  Tokio  n'est  autre  que  Ycdo  (porte  de  l'es- 
tuaire), l'ancienne  capitale  des  shogouns  depuis  1590.  L'an- 
cienne capitale  des  mikados  a  été,  de  794  à  1868,  Kioto, 
Kioto,  que  l'on  désigne  aussi  par  le  nom  do  Sai-kio,  cour 
de  l'Ouest,  qui  correspond  au  chinois  Si~king .  Nous  avons 
de  même,  enCochinchine,  Tong-king,  cour  de  l'Est,  qui  est 
Hanoï  et  Si-king,  cour  de  l'Ouest,  qui  est  Hué.  Parmi  les 


anciennes  capitales  du  Japon,  je  ne  citerai  que  Nara,  dans 
la  province  de  Yamato,  au  vin^  siècle,  et  Kamakura,  près 
de  Yokohama,  résidence  des  shogouns  au  xii®  siècle,  dé- 
truite en  1455  et  1526.  Henri  Cordier. 

Budget.  —  L'année  financière  va  du  i^"^  juillet  au 
30  juin.  Pour  simplifier,  nous  comptons  le  yen"=:  5  fr. 

Recettes.  Dépenses. 

1887-88. , . .  430.294.445  fr.  397.265.180  fr. 
1888-89. . . .  434.418.455  —  407.520.120  — 
1889-90....  461.695.020  —  398.568.355  — 
1890-91....  429.353.165  —  410.627.015  -- 
1 891 -92 ....  417. 801 . 345  --  4 1 7 . 801 . 345  ™ 
1 892-93 ....       430 . 340 . 400  -      430 . 340 . 400  -- 

Voici  le  détail  des  recettes  et  dépenses  pour  le  budi^et  do 
1892-93  :  1^  Piécettes  :  Impôts,  332,115,985  fr.  (savoir  : 
douanes,  22,395.480  fr.  ;  impôt  foncier,  193,856,695  fr.; 
impôts  sur  les  revenus,  5,292,205  fr,;  impôt  sur  les 
liqueurs  fermentées,  77,943,285  fr.;  sur  le  tabac, 
9,224,305  fr.  ;  timbre,  taxes  diverses,  23,404,015  fr.)  ; 
pj'oduit  net  des  travaux  publics  et  revenu  des  do- 
maines, 46,313,545  fr.  ;  recettes  judiciaires  et  licences, 
8,831,970 fr.;  recettes  diverses,  10,457,825  fr.;  recettes 
extraordinaires,  32,621,075  fr.  —  2«  Dépenses  :  Service 
de  la  dette,  106,854,350  fr.  ;  liste  civile,  apana<?es  et 
temples,  16,034,055  fr.;  pensions  diverses,  6,307,445  fr.; 
conseil  d'Etat  et  Sénat,  7,209,265  fr.;  affaires  étran- 
gères, 3,705,485  fr.  ;  intérieur,  31,127,360  fr.;  finances, 
15,208,000  fr.  ;  guerre,  64,766,825  fr.  ;  marine, 
28,562,355  fr.  ;  instruction  publique,  4,777,915  fr.  ; 
4,154,170  fr.;  communications.  24,602,840  fr.;  justice, 
18,462,685  fr.  ;  office  de  Hokkaido,  8,245,865  fr.;  dé- 
penses diverses,  50,177,665  fr.  ;  dépenses  extraordinaires, 
85,144,120  fr. 

La  dette  publique  atteignait  au  31  mars  1892  les 
chiffres  suivants  : 

Dette  intérieure 1 .  424 .  787 .  695  fr. 

— -   extérieure 72 .  443 .120  — 

Total 1.497.230.815  fr. 

Mais  il  faut  en  retrancher  un  actif  de  23,058,575  fr. 
et  observer  qu'on  comprend  dans  le  montant  de  la 
dette  intéri^eure  238,511,920  fr.  de  papier-monnaie  et 
32,918,175  fr.  ne  portant  pas  intérêt.  D'autre  part,  la 
guerre  engagée  contre  la  Chine  en  1894  accroîtra  proba- 
blement beaucoup  le  capital  de  la  dette. 

Armée. ^—  L'organisation  du  système  militaire  actuel 
date  de  l'année  1866.  Auparavant  l'armée  japonaise  ne 
se  composait  que  de  samouraï,  aujourd'hui  com[)lète- 
ment  disparus  ou  à  peu  près,  k  cause  des  missions  étran- 
gères, françaises  ou  allemandes  qui  ont  créé  des  troupes 
homogènes  et  disciplinées,  sur  le  modèle  de  celles  de 
leurs  pays.  C'est  à  Yokohama  que  s'établirent  les  en- 
voyés du  gouvernement  français,  sous  la  direction  du  ca- 
pitaine d'état-major,  M.  Chanoine.  Ils  avaient  commencé 
à  réorganiser  ces  bandes  ép^rses,  quand  éclata  la  révolu- 
tion de  1868  qui  les  empêcha  de  continuer  leur  œuvre. 
Cependant,  quelques  années  plus  tard,  et  malgré  nos  dé- 
sastres, une  deuxième  mission  fut  envoyée  avec  le  colonel 
d'état-major  M.  Marguerie,  qui,  de  1872  à  1880,  établit 
l'organisation  de  l'armée  sur  des  bases  fondamentales.  Par 
les  lois  de  recrutement  de  1875,  1879,  et  puis  par  celles 
du  28  déc.  1883  et  21  janv.  1893,  le  système  militaire 
fonctionne  de  la  façon  suivante.  Le  service  est  obHgatoire 
et  personnel  ;  il  y  a  très  peu  d'exemptions  (soutiens  de 
famille,  prêtres,  étudiants,  professeurs,  etc.).  H  comprend 
trois  ans  dans  l'active,  quatre  dans  la  première  réserve, 
cinq  dans  la  deuxième,  huit  dans  la  territoriale.  On  pro- 
cède au  moyen  du  tirage  au  sort.  Les  premiers  numéros 
parient  dans  l'armée  active  :  les  autres  forment  le  dépôt  : 
enfin  les  plus  élevés  constituent  ce  qu'on  appelle  l'armée 
nationale,  armée  réunie  par  l'cinporcur  en  cas  d'invasion  et 
oii  sont  appelés  les  individus  de  dix-sept  à  quarante  ans. 


Il  est  cependant  possible  de  se  faire  exonérer  du  service 
en  versant  270  yen  pour  Tactive  et  135  pour  la  réserve. 
Le  volontariat  existe.  C'est  au  mois  d'avril  que  les  recrues 
arrivent  au  régiment  après  avoir  passe  devant  un  conseil 
de  revision.  Le  minimum  de  la  taille  a  été  fixé  à  1^50 
pour  l'infanterie,  l'^59  pour  la  cavalerie  et  le  génie,  i^Qi 
pour  l'artillerie.  La  solde  de  chaque  soldat  est  de  iocent. 
Après  quarante-cinq  ans,  dont  vingt-cinq  de  services,  il  y  a 
une  retraite  de  210  fr.  La  tenue  se  compose  d'une  tunique 
à  deux  boutons  et  d'un  pantalon  en  drap  bleu.  L'arme  se 
reconnaît  par  la  bande  du  pantalon  :  rouge  pour  l'infante- 
rie et  la  gendarmerie,  verte  pour  la  cavalerie,  jaune  pour 
l'artillerie,  blanche  pour  le  génie  et  bleue  pour  l'intendance, 
le  train,  le  service  de  santé.  La  casquette  ressemble  à  celle 
des  soldats  russes.  L'organisation  militaire  est  ainsi  cons- 
tituée :  un  ministère  formant  cinq  divisions,  un  état-major 
général  distinct  du  ministère  et  comprenant  :  i  général  de 
division,  1  général  de  brigade,  1  colonel,  3  lieutenants, 
6  sous-lieutenants  (en  tout  39  otticiers  d'état-major,  y 
compris  les  attachés  à  l'étranger)  ;  une  inspection  générale 
permanente,  dirigée  par  un  général  de  division  ayant  sous 
ses  ordres  24  officiers.  Le  Japon  est  partagé  en  six  divi- 
sions territoriales  correspondant  à  une  division  d'infanterie 
(l'île  de  Yesso  en  forme  une  septième)  ;  en  trois  directions 
d'artillerie  (Tokio,  Osaka,  Simonoseki),  en  trois  divisions 
de  génie  dans  les  mêmes  villes.  En  outre  il  existe  un  ré- 
giment delà  garde  dont  le  siège  est  à  Tokio,  et  des  bureaux 
de  recrutement. 

Les  officiers  japonais  peuvent  être  classés  en  quatre 
catégories  :  i^  anciens  samouraïs  ;  2^  anciens  élèves  des 
écoles;  3°  anciens  sous-officiers  ;  4^  anciens  fonctionnaires 
civils. 

Les  écoles  militaires  sont  en  effet  fort  nombreuses  : 
i^  V Ecole  de  guerre,  dirigée  par  un  colonel  et  recevant 
60  élèves  âgés  de  moins  de  trente  ans  et  ayant  déjà  servi 
deux  ans  dans  l'infanterie  ou  la  cavalerie  ou  un  an  dans 
les  armes  spéciales.  Les  cours  durent  deux  ans;  2^  V Ecole 
d'application  d'artillerie  et  du  génie;  3°  V Ecole  spé- 
ciale militaire^  sous  la  direction  d'un  colonel,  admet 
464  élèves,  âgés  de  moins  de  vingt-quatre  ans,  et  les  garde 
pendant  trois  ou  quatre  ans  selon  l'arme;  4*^  V Ecole  pré- 
paratoire militaire;  5«  les  Ecoles  d'infanterie  et  de 
cavalerie;  6°  V Ecole  de  tir  de  V artillerie;  7°  V Ecole 
d'administration  militaire  (42  élèves)  ;  8^  V Ecole  de 
77iédecine  (23  médecins  stagiaires  et  49  élèves-médecins)  ; 
9°  ï Ecole  des  sous-officiers  (1,096  élèves  admis  par 
concours,  étant  célibataires  et  ayant  dix-huit  ans  au  mini- 
mum et  vingt-cinq  ans  au  maximum).  En  outre  il  existe 
des  écoles  de  maréchalerie,  de  musique,  etc.,  etc.  L'ar- 
mée active  comprend  28  régiments  d'infanterie,  dont  4  de 
la  garde  à  2  bataillons  (1,633  hommes,  dont  48  officiers, 
125  sous-officiers,  4  médecins,  2  officiers  d'administration 
1,440  soldats  et  11  chevaux).  Le  régiment  de  ligne  ren- 
ferme 1,721  hommes. 

Il  y  a  7  divisions  de  cavalerie  à  3  escadrons,  dont  un 
de  la  garde  et  6  de  la  ligne.  L'artillerie  de  campagne 
compte  un  régiment  de  la  garde  et  6  de  la  ligne,  et  l'artil- 
lerie de  forteresse,  4  régiments  à  3  divisions.  Le  génie  est 
composé  de  7  bataillons  dont  un  de  la  garde,  et  le  train  de 
7  bataillons  y  compris  un  pour  la  garde.  En  plus,  il  a  été 
formé,  par  les  missions  étrangères,  deux  corps  de  musique, 
une  milice  insulaire  de  Tsoushima  et  la  colonie  militaire 
du  Hokkaïdo.  Pour  assurer  le  bon  ordre  de  tous  ces  ser- 
vices, on  a  créé  6  légions  de  gendarmerie.  Les  troupes  sont 
armées  du  fusil  Mourata,  calibre  do  11  millim.,  qui  est  du 
genre  du  Gras,  du  Beaumont  et  du  Mauser.  C'est  une  très 
bonnearmequivientdela  manufacturede  Tokio.  La  cavalerie 
est  munie  de  la  carabine  du  même  système,  avec  une  car- 
touche spéciale  renfermant  moins  de  poudre.  Cette  poudre, 
assez  médiocre,  sort  des  établissements  Itabashi  (Tokio)  et 
d'iwabana  (Takazaki).  L'artillerie  a  adopté  les  pièces  de 
campagne  du  système  Krupp,  avec  un  cahbrede  80  millim. 
Il  faut,  en  effet,  que  les  batteries  soient  facilement  trans- 


31  —  JAPON 

portables  à  travers  le  sol  montagneux  du  Japon.  En  1892, 
l'armée  active  en  temps  de  paix  comprenait  :  2,766  officiers 
et  57,036  hommes.  Certaines  modifications  ont  eu  lieu  ; 
avec  les  services  auxiliaires,  le  total  étaitde  71,129  hommes 
et  7,979  chevaux. 

Marine.  —  La  formation  de  la  marine  date  à  peu  près 
de  la  même  époque  que  l'organisation  de  l'armée.  Avant 
la  révolution  de  1868,  il  n'existait  que  quelques  navires 
en  bois  appartenant  à  de  puissants  seigneurs,  et  de  nom- 
breuses barques,  servaat  aux  marins  japonais,  soit  pour.  ^ 
pêche,  soit  pour  le  pillage.  Ce  sont  encore  des  officiera 
étrangers,  français,  anglais  ou  allemands,  qui  constituèrent 
une  tlotte  devenue  aujourd'hui  si  importante  que  les  Japo- 
nais se  considèrent  comme  les  Anglais  de  l'extrême  Orient. 
Le  Japon  se  divise  en  deux  amirautés  dépendant  du  minis- 
tère de  Tokio:  1°  Amirauté  de  l'Est,  dont  le  siège  est  à 
Yokohama,  qui  comprend  le  Hokkaïdo  et  la  partie  N.-E. 
de  l'empire  sur  la  mer  du  Japon  jusqu'à  la  pointe  de  Noto, 
et  sur  l'océan  Pacifique,  jusqu'à  la  pointe  de  Ooshima; 
2**  Amirauté  de  rOuest^  dont  le  siège  est  à  Miwora,  dans 
la  mer  intérieure.  Le  recrutement  des  marins  s'opère  ainsi  : 
par  engagements  volontaires  de  sept  ou  neuf  ans  ;  par 
choix  fait  parmi  les  hommes  qui  doivent  alors  servir  quatre 
ans.  Les  rengagements  sont  autorisés  sans  limite  d'âge. 
L'effectif  comprend  :  865  sous-officiers,  3,300  marins, 
450  domestiques,  40  employés  civils.  Il  y  a,  en  outre,  une 
compagnie  d'artillerie  de  marine  (100  hommes,  4  officiers), 
un  bataillon  d'infanterie  de  marine  (300  hommes).  Le  re- 
crutement des  officiers  est  réglé  sur  la  loi  française  de 
1834.  La  plupart  sortent  de  l'académie  de  Kulé  ou  des 
écoles  navales  étrangères;  les  autres  sont  d'anciens  pre- 
miers maîtres  ou  viennent  de  l'Ecole  des  capitaines  au  long 
cours,  établie  sur  un  navire  dans  le  fleuve  Sumida,  à 
Tokio.  Les  ingénieurs  sortent  de  l'Université  de  Tokio, 
et  les  médecins,  de  l'Ecole  de  médecine  navale.  Il  existe 
dans  la  baie  de  Yedo  l'arsenal  de  Yokoska,  qui  a  été 
fondé  par  des  ingénieurs  français  en  1867,  et  la  pou- 
drerie de  Mita-Mura.  Le  service  à  bord  s'exécute  d'après 
des  règlements  français.  L'uniforme  est  celui  de  la  marine 
anglaise.  La  flotte  comprend  :  31  navires,  26  torpilleurs, 

5  transports;  mais,  sur  ces  31  navires,  la  plupart  sont  en 
bois.  H  n'y  a  pas  de  transports.  Récemment  le  gouverne- 
ment japonais  a  soumis  un  plan  de  constructions  navales 
représentant  une  dépense  de  235,000,000  de  tr.  Ce  plan 
renferme  :  2  cuirassés  de  9,500  tonnes,  3  croiseurs  cui- 
rassés de  6,0'JO  tonnes,  1  croiseur  protégé  de  4,500  tonnes, 

6  croiseurs  de  1,300  à  3,000  tonnes,  7  avisos-torpilleurs 
de  500  tonnes. 

Instructioin.  —  On  a  peu  de  renseignements  sur  l'his- 
toire de  l'éducation  dans  l'antiquité,  mais  depuis  l'époque 
d'Ojin-Tennô  (270  ap.  J.-C),  les  empereurs  se  sont  beau- 
coup occupés  de  l'instruction  de  leur  peuple.  SousTemmu- 
Tennô  (673-686),  l'Université  fut  établie  à  Kioto  et  des 
écoles  furent  créées  dans  diverses  parties  de  l'empire.  Les 
écoles,  très  florissantes  au  viii®  siècle,  périchtèrent  plus 
tard,  et  pendant  les  périodes  lio-ge7i  (1156)  et  hei-ji 
(1159)  l'éducation  tomba  entre  les  mains  des  soldats. 
C'étaient  les  prêtres  bouddhistes  qui  étaient  plus  particu- 
lièrement chargés  de  l'éducation.  L'avènement  au  pouvoir 
de  la  maison  de Toku-gawa,  au  commencement  du  xvii^  siècle, 
en  même  temps  qu'elle  donnait  une  impulsion  aux  études 
nouvelles,  en  changea  complètement  la  nature;  les  grands 
ouvrages  de  Confucius  furent  étudiés  avec  soin  et  appris 
avec  Te  même  zèle  qu'en  CJiino  même.  Toutefois,  la  révo- 
lution de  1868  modifia  l'ancien  système.  On  désigne  sous 
le  nom  de  mombu-sho  le  département  de  l'éducation  et 
de  mombu-kiijo  le  ministre  de  l'éducation.  Après  avoir 
fait  l'essai  de  plusieurs  collèges,  on  créa  enfin  une  Uni- 
versité impériale  a  Tokio  {ToJdo-daigaku)  ;  elle  comprend 
six  facultés  :  droit,  lettres,  sciences,  art  de  l'ingénieur, 
médecine  et  agriculture,  et  elle  renferme  à  peu  près  neuf 
cents  étudiants.  On  compte  en  outre  deux  écoles  normales 
supérieures  pour  les  garçons  et  les  filles,  une  école  supé- 


JAPON 


32 


rieure  du  commerce,  une  école  technique,  une  école  des 
nobles  (Gakushiu-in)  des  académies  navale  et  militaire, 
une  académie  de  musique,  une  école  des  beaux-arts,  une 
école  d'aveugles  et  de  sourds-muets,  cinq  écoles  moyennes 
supérieures  et,  de  plus,  un  grand  nombre  de  collèges  par- 
ticuliers. 

Suivant  la  Gazette  officielle,  à  la  fin  de  4892,  le 
nombre  total  des  périodiques  et  des  journaux  était  de 
972  :  228  étaient  consacrés  aux  nouvelles,  H  à  la  juris- 
prudence et  à  l'économie  politique,  69  à  la  religion,  251  à 
l'éducation  et  aux  romans,  40  à  la  médecine,  i61  au  com- 
merce, à  l'agriculture  et  à  l'industrie,  et  26  aux  rensei- 
gnements officiels.  En  1892,  244,203,066  journaux  ou 
revues  ont  été  imprimés,  c.-à-d.  163  par  jour  et  par  10,000 
hab.  ;  460  nouveaux  journaux  ont  paru,  et  434  ont  arrêté 
leur  publication,  tandis  que  87  ont  été  interdits  par  l'au- 
torité. On  compte  à  Tokio  203  revues  et  journaux  ;  à 
Osaka,  57  ;  à  Kioto,  46  ;  à  Kanazawa,  11  ;  à  Hiogo,  36; 
à  Iwata,  2  seulement.  On  peut  rapprocher  de  ce  chiffre  de 
1892  celui  de  1891,  766  périodiques,  et  celui  de  1890, 
716.  Citons  parmi  les  revues  et  les  journaux  étrangers: 
la  Revue  française  du  Japon,  la  Japan  Gazette,  le 
Japan  Directory,  le  Japan  Herald,  le  Japan  Mail,  le 
Hiogo  News.  Une  Asiatic  Society  of  Japan,  qui  publie 
des  Transactions  fort  intéressantes,  a  été  créée  en  oct. 
1872  ;  de  même  en  1873  a  été  fondée  une  Deutsche  Ge- 
sellscJiaft  fur  Natur  und  Volkerkmide  Ostasiens  qui 
imprime  à  Tokio  de  remarquables  Mittheilungen. 

Géographie  économique.  —  Agriculture.  —  Le 
Japon  est  un  pays  essentiellement  agricole,  d'autant  que 
jusqu'à  la  révolution  de  1868,  le  commerce  et  la  plupart 
des  industries  étaient  méprisés.  Le  sol  est  partagé  entre  les 
paysans,  pour  lesquels  l'impôt  en  argent  payé  à  l'Etat  rem- 
place l'ancien  impôt  en  nature  payé  aux  daïmyos.  La 
grande  propriété  n'existe  pas  ;  la  noblesse  n'a  guère  de 
biens  fonciers.  Les  champs,  travaillés  à  la  bêche,  soigneu- 
sement fumés  et  débarrassés  des  mauvaises  herbes,  sont 
soumis  à  un  régime  de  rotation  des  cultures.  Les  rende- 
ments sont  considérables  ;  les  bonnes  terres  donnent  une 
récolte  en  mai  ou  juin  (blé,  orge,  pois,  fèves),  une  autre 
à  la  fin  de  l'automne  (riz).  La  surface  cultivée  est  très 
faible  :  moins  de  15  *^/o  de  l'ensemble  du  Japon,  moins  de 
12  ares  par  tête  d'habitant.  Les  principales  cultures  sont  : 
les  cinq  fruits  (Go-koku),riz,  blé,  gerste,  hirse,  haricots, 
puis  des  oignons,  une  rave,  le  tare  (Colocasia  antiquo- 
rum), la  patate  [Baiatas  edulis)  ;  nos  arbres  fruitiers 
dégénèrent  au  Japon,  qui  ne  peut  citer  que  son  kaki  (Dios- 
pyros)  et  ses  mandarines,  La  culture  du  thé  a  une  grande 
extension  dans  les  coUines  ;  celles  du  tabac,  du  coton,  du 
chanvre,  du  Polygonum  tinctorium,  du  ginseng,  sont 
considérables.  Le  mûrier  à  papier  (Broussonetia  papyri- 
fera)  et  le  mûrier  des  vers  à  soie  viennent  à  l'état  sau- 
vage. La  production  de  la  soie  est  concentrée  dans  le  centre 
de  Hondo,  surtout  dans  les  prov.  de  Kodzuke,  puis  dans 
celles  de  Shinano  et  Koshiu.  L'arbre  à  laque  (Rhus  ver- 
nicifera)  prospère  au  centre  et  au  N.  de  l'île.  L'élevage 
est  peu  développé.  Les  chevaux  sont  petits,  mais  endurants; 
le  bœuf  n'est  employé  que  comme  bête  de  somme  ;  le  porc 
peu  répandu;  la  volaille  (poules,  canards,  pigeons)  abonde. 
Citons  encore  les  abeilles,  le  chat  à  courte  queue,  le  chien  de 
race  naine.  Il  n'y  a  ni  ânes,  ni  moutons,  ni  chèvres,  ni  oies. 

Industrie.  —  Des  industries  japonaises,  nous  connais- 
sons surtout  celles  de  l'art  décoratif,  dont  les  produits 
sont  très  appréciés  en  Europe:  laques,  émaux  cloisonnés, 
bronzes,  porcelaines  et  autresproduits  céramiques,  ivoires, 
bois  sculptés,  estampes,  etc.  Le  goût  et  l'adresse  des  Japo- 
nais sont  universellement  admirés  (V.  ci-dessous  le  §  Beaux- 
arts).  Les  laques  se  font  à  Nagasaki  et  dans  les  grandes  ! 
cités  de  Nippon  ;  de  même  les  incrustations;  pour  les  ' 
bronzes,  Kioto,  Tokio  et  Kanazawa  sont  au  premier  rang; 
pour  les  émaux  cloisonnés,  Kioto,  Nagoya  et  Tokio  ;  pour 
le  travail  des  métaux,  Kioto.  La  porcelaine  et  les  grès  se 
font  à  Arita  (prov.  Hizen),  Satsuma  (S.  deKiou-siou), 


Kioto,  Seto  (prov.  Owari)  et  Kanazawa.  Les  plus  belles 
soieries  et  brocarts  viennent  de  Kioto. 

Les  industries  européennes  implantées  dans  l'archipel 
ont  fait,  depuis  quelques  années,  d'énormes  progrès.  Dans 
un  rapport  très  intéressant,  publié  par  le  consul  anglais 
Hugh  Fraser,  nous  trouvons  qu'en  1892  il  n'y  avait  pas 
moins  de  38  filatures  de  coton,  dont  9  à  Osaka  seule- 
ment, avec  385,990  broches,  représentant  un  capital  de 
plus  de  50  millions  de  fr.  ;  en  1880,  il  n'y  avait  qu'une 
seule  filature,  celle  de  Kagoshima.  En  1890,  la  produc- 
tion a  été  de  42,527,042  livres  angl.,  représentant  une 
consommation  de  coton  brut  de  49,331,368  Kv.  angl. 
—  Il  n'y  a  en  ce  moment  que  2  ateliers  de  tissage  sur 
le  modèle  européen,  l'un,  pour  le  coton,  à  Osaka,  l'autre, 
pour  la  laine,  à  Senjiu,  faubourg  de  Tokio,  qui  appartient 
au  ministère  de  la  guerre.  —  En  dehors  des  chantiers  de 
construction  navale  appartenant  au  gouvernement,  il  y  en 
a  3  autres  considérables  à  Tokio,  Hiogo  et  Nagasaki.  Ces 
chantiers  construisent  les  vapeurs  à  hélice  et  à  aube,  les 
navires  à  voiles,  les  chalands,  les  dragues,  etc.—  En  dehors 
de  la  manufacture  de  papier  du  gouvernement  à  Oji,  fau- 
bourg de  Tokio,  il  y  a  seulement  6  moulins  à  papier  au 
Japon  :  2  à  Tokio,  5<?Mz,  établi  en  1876,  et  Yiikosha, 
étabh  en  1874;  2  à  Osaka,  Shimogo,  établi  en  1876,  et 
1  autre  appartenant  à  M.  Abe,  récemment  terminé;  1  à 
Kioto,  Umedzu,  établi  en  1875,  et  1  à  Kokura,  province 
de  Buzen,  Senjin,  établi  en  1891.  Ces  papiers,  fabriqués 
soit  avec  des  chiffons,  soit  avec  de  la  paille  de  riz,  ou  avec 
l'écorce  de  l'Abies  firma,  sont  destinés  à  la  consommation 
intérieure.  —  Les  premières  fabriques  d'allumettes  furent 
installées  au  Japon  en  1876  ;  elles  sont  au  nombre  de  près 
de  70,  dont  60  environ  dans  les  villes  de  Tokio,  Osaka  et 
Hiogo.  Il  y  a  17  fabriques  de  savon  à  Osaka  et  1  à  Hiogo; 
en  1890,  la  valeur  des  produits  d'Osaka  était  de  15,000 
liv.  st.,  dont  la  moitié  a  été  exportée  en  Chine;  la  même 
année,  sur  77,160  boîtes  fabriquées  à  Hiogo,  14,249  boîtes 
furent  employées  seulement  dans  le  pays;  le  reste  fut  en- 
voyé en  Chine;  la  plus  grande  manufacture  de  savon  est 
celle  de  Yokohama,  établie  en  1888.  —  La  fabrication  du 
verre  est  une  des  plus  anciennes  industries  du  Japon; 
Osaka,  Nagasaki  sont  des  centres,  mais  la  plus  grande 
manufacture  est  celle  de  Tokio. 

Voies  de  communication.  —  Le  Japon  n'a  pas  un  sys- 
tème de  navigation  fluviale  aussi  considérable  que  celui 
de  la  Chine;  mais,  en  revanche,  il  a  un  grand  nombre  de 
routes  dont  quelques-unes  fort  anciennes  et  célèbres,  telles 
que  le  To-kai-do,  route  qui  conduisait  de  Kioto  à  Yedo, 
sur  laquelle  était  établi  un  service  de  53  relais  de  porteurs 
{tsugi).  Les  moyens  de  transport  sont  d'ailleurs  nom- 
breux :  le  total  de  véhicules  de  toute  sorte,  qui  s'élevait 
dans  l'année  1876-77  à  257,200,  a  atteint,  en  1884-85, 
642,775.  Ces  chiffres  ne  comprennent  pas  seulement  les 
voitures  de  maître,  les  chariots  traînés  par  les  chevaux, 
les  chariots  traînés  par  les  bœufs,  mais  aussi  les  jinriki- 
cha  ou  pousse-pousse,  qui  figurent  dans  cette  dernière 
année  pour  169,908.  Le  mot  àejinrikichayeiû  dire  litté- 
ralement «  homme-force-voiture  ».  Ces  véhicules  sont,  au 
reste,  d'origine  relativement  récente  ;  Ils  ont  été  inventés 
vers  1870,  et  de  là,  ils  ont  été  transportés  naturellement 
en  Chine.  D'ailleurs,  le  Japon  a  un  moyen  de  transport 
autrement  important  qui  n'existe  qu'à  l'état  presque  rudi- 
mentaire  en  Chine  :  c'est  le  chemin  de  fer. 

La  première  ligne  de  chemin  de  fer  construite  au  Japon 
a  été  celle  de  Tokio  à  Yokohama,  commencée  en  avr.  1870 
et  terminée  en  1872.  La  distance  est  courte  d'ailleurs  : 
28  kil.  1/2.  C'est  la  ligne  qui  a  coûté  le  plus  cher.  En  dehors 
de  cette  ligne,  l'Etat  exploite  celles  do  Kôbé  à  Otsu,  Tsu- 
ruga  à  Ogaki,  Takasaki  à  Yokogawa,  Takétoyo  à  Atsuta, 
et  Témya  à  Horonaï.  Les  compagnies  particulières  n'ont 
commencé  leurs  travaux  qu'en  1888.  Au  31  mars  1893, 
le  réseau  total  des  chemins  de  fer  au  Japon  était  de 
2,974  kil.,  dont  898  sur  les  lignes  de  l'Etat  ;  les  pro- 
jets en  vue  pour  une  trentaine  d'années  augmenteraient 


33  - 


JAPON 


jusqu'à  7,400  kil.  les  lignes  de  chemin  de  fer.  Ces  lignes 
sont  extrêmement  prospères,  et  on  en  peut  juger  par  les 
intérêts  que  les  principales  payaient  à  leurs  actionnaires  à 
la  fin  de  juin  1893  :  Nippon,  10  %  ;  Ryomo,  8  °/o  ; 
Kobu^  iO'^lo  ;  Kwansaiy  ^^^/o;  Sanyo,  4,5  °/o;  Kiou- 
siou,  4,7*^/0;  Tanko,  7,5  0/0. 

Lorsque  lye-yasu  devint  shogoun,  il  établit  un  système  de 
postes  un  peu  primitif,  laissé  plutôt  à  Tinitiative  privée 
d'agences  appelées  hikyaku-ya;  mais  en  1871,  suivant 
en  cela  les  conseils  américains,  une  sorte  de  service  à 
Teuropéenne  fut  créé  par  rétablissement  d'un  service  pos- 
tal gouvernemental  sur  le  To-kai-do,  entre  Tokio,  Kioto 
et  Osaka.  Comme  en  Chine,  dans  les  ports  ouverts  au 
commerce  étranger,  les  grandes  puissances  occidentales 
eurent  leur  bureau  de  poste  spécial  jusqu'à  ce  que  le  Japon 
fiît  entré,  le  l^*"  avr.  1879,  dans  l'Union  postale  univer- 
selle. Au  31  déc.  1885,  on  comptait  4,137  bureaux  de 
poste  japonais  ;  les  voies  postales  étaient  :  territoriales, 
47,366  kil.:  fluviales,  405  kil.;  maritimes,  23,545  kil. 
La  première  ligne  télégraphique  fut  une  ligne  d'essai,  ou- 
verte en  1869  pour  l'administration  ;  en  1870,  des  lignes 
furent  établies  entre  Tokio  et  Yokohama  d'une  part,  et 
Osaka  et  Kobé  d'une  autre.  En  1893,  la  longueur  des 
lignes  était  de  13,576  kil.  ;  celle  des  fils,  36,598  kil.  ;  le 
nombre  de  bureaux  était  de  309  contre  280  en  1885-86. 

Marine  marchande.  —  En  1892,  la  marine  marchande 
comprenait  18,70  navires  ou  jonques  de  construction  ja- 
ponaise, et  1,442  de  construction  européenne  dont  607 
vapeurs,  jaugeant  95,588  tonneaux,  et  835  voiliers  jau- 
geant 50,137  tonneaux.  On  compte  en  outre  environ 
490,000  bateaux  de  pêche  et  150,000  pour  la  culture  des 
rizières. 

Commerce.  —  Voici  quel  était,  en  1891,  l'état  du  com- 
merce général  d'après  les  pays  (en  milliers  de  yen)  : 

PAYS  IMPORTATIONS   EXPORTATIONS 

Grande-Bretagne 19.996  5.633 

France .' 2.834  15.120 

Allemagne 5.127  1.457 

Suisse 550  259 

Belgique 689  69 

Italie 112  755 

Russie 885  316 

Corée 4.033  1.466 

Chine 8.798  5.826 

Hong-kong 5.090  12.579 

Indes 5.643  989 

Australie 229  757 

Amérique  du  Nord 6.861  31.138 

Autres  pays 2.081  1.551 

Pour  les  navires »  1 .612 


Totaux 62.927 


79.527 


Voici,  pour  la  même  année,  les  principaux  articles  des 
importations  et  des  exportations  (en  milliers  de  yen)  : 

Importations 

Coton 8.199 

Sucre 7.811 

Céréales 6 .  442 

Filés  de  coton. . .  5.673 

Pétrole 4.536 

Cotonnades 3.428 

Drogues,  etc 3 .  352 

Lainages 3.160 


Fer 2.899 

Machines  et  instru- 
ments       2.447 

Voitures  et  navires    1 .  536 
Articles  en  fer. , 

Peaux  

Vêtements 

Armes 


1.214 

942 
843 
793 


Soie 31.882 

Thé 7.033 

Riz 6.214 

Cuivre 4.937 

Houille 4.831 

Soieries 4.782 

Poissons   et  co- 
quilles   2.299 


Exportations 


Camphre 1.629 

Poterie 1.425 

Articles   en  bois 

et  ouvrages  de 

paille 1.286 

Herbes  marines. .  1 .  234 

Drogues,  etc.. .  877 


grande  encyclopédie.  —  XXL 


D'après  le  dernier  «  livre  bleu  »  publié  en  août  1 894, 
il  y  a  au  Japon  1,006  compagnies  par  actions  représentant 
un  capital  de  101, 762, 349  dollars;  131  banques  nationales 
avec  un  capital  de  48,416,000  dol.  et  diverses  compagnies 
de  chemins  de  fer  avec  73,124,000  dol.  de  cap.  ;  14  nou- 
velles compagnies  sur  la  vie  ont  été  créées  en  1893,  mais 
on  a  remarqué  que,  sur  trois  personnes,  une  seule  continue 
à  payer  sa  police  d'assurance.  Il  y  a  11  compagnies  d'élec- 
tricité au  capital  nominal  de  2,477, 250  doL,  dont  1,674,713 
dol.  versés. 

Monnaies,  poids,  mesures.  —  Les  monnaies  japonaises 
sont  représentées  par  le  yen:=z^  fr.,  et  le  sert  =:  5  cent.; 
le  yen  d'argent  pèse  26sr,9564  au  titre  de  900  millièmes; 
le  yen  d'or  pèse  1^%6667  au  titre  de  900  millièmes  (ls%5 
d'or  fin).  Théoriquement  1  yen  r=  100  sen;  1  sen  z=z 
10  rin;  1  rin  =10  mô;i  md  =  10  shu  ;  1  shu  = 
10  kotsu;  en  pratique  ofiTicielle,  on  ignore  les  monnaies 
au-dessous  du  rin;  la  monnaie  impériale  a  été  installée  à 
Osaka  par  des  Anglais  qui  ont  été  depuis  lors  remplacés  par 
des  Japonais.  Les  monnaies  d'argent  sont  des  pièces  de  1  yen 
et  ses  subdivisions  ;  il  y  a  également  des  pièces  de  nickel 
de  5  sen,  et  pour  les  sommes  plus  petites  des  pièces  de 
cuivre  ;  le  papier-monnaie  qui  est  au  pair  de  la  monnaie  d'ar- 
gent est  fabriqué  dans  la  capitale  de  Tokio  à  l'établisse- 
ment appelé  Insatsu-kyoku.  —  Les  mesures  de  longueur 
sont  le  ni=:3,9273  kilom.,  le  nmarm=l,85i8  kil.,  le 
tchô=zi,0%d  hectom. ;  le  ken=  i,S\S^2  m. ;  le  chakou 
=  3,0303  décim.,  c.-à-d.  le  ri  =:  36  tchô  ;  1  tchô=z 
60  ken  ;  1  ken  =  6  chakou  ou  siak  ou  pied  japonais  ; 
1  chakou  m  iO  soun  ou  pouces  ;  1  soun  =  10  boun  (frac- 
tions) ou  100  rin  (cheveux).  —  Les  mesures  de  surface  sont 
le  ri  carré  =  15 ,4235  kil.  q.  ;  le  tchô  carré  zr  99,1736 
ares;  le  tan-=z  9,9174  ares;  le  ^5owèo  zn  3,3058  m.  q. 
—  Lesmesuresdecapacitésontle  /coÂoz^zi:  180,3907  litres; 
le  to  =:  18,0391  litres  ;  le  chô  z=  1 ,8039  litres  ;  le  gô  =: 
0,  1804  litres.  —  Les  mesures  de  poids  sont  le  kwan=: 
3,7565  kilogr.;le  kin  =  6,0104  hectogr. ,  le  momm^  =1 
3,7565  gr. 

Histoire.  —  Histoire  intérieure.  —  Les  origines  de 
l'histoire  du  Japon  et  les  légendes  qui  y  sont  relatives  ont 
été  exposées  dans  les  §§  Ethnographie  et  Religions,  Le 
premier  mikado,  le  premier  empereur  homme,  du  Japon, 
aurait  été  Kami-yamato-no-Iware-hiko  (667  av.  J.-C),  ori- 
ginaire du  S.  de  Kiou-siou  ;  après  des  victoires  rempor- 
tées sur  ses  voisins  rivaux  et  sur  les  Aïnos,  il  conquiert 
l'île  de  Nippon,  jusque  vers  le  30<*  lat.,  devient  en  660, 
empereur  sous  le  titre  de  Zim-mou-Tennô,  et  il  choisit 
pour  capitale  Yamato  (Kashiwabara).  Il  mourut  en  585, 
à  l'âge  de  cent  trente-sept  ans,  et  fut  remplacé  par  son  troi- 
sième fils,  Kami-nuna-gava-mimi-no-mikoto,  avec  le  titre  de 
Suisei'Tennô.  Le  héros  le  plus  célèbre  de  l'époque  an- 
cienne du  Japon  est  Yamato-Daké,  fils  du  12?  mikado, 
l'empereur  Keiko  (71-130),  qui  conquiert  l'E.  du  Japon, 
la  plaine  de  Yedo  (Kuwanto),  et,  tantôt  déguisé  en  femme, 
tantôt  traversant  les  flammes,  accomplit  des  merveilles  de 
valeur. 

Les  premières  relations  de  la  Corée  avec  le  Japon  re- 
montent à  l'an  33  avant  notre  ère,  époque  à  laquelle  une 
ambassade  coréenne  arriva  au  Japon  sous  le  règne  de  Mi- 
mdikïArï-ihïkO'-ni-ymo-mikoto  (Sujin-Tennô).  C'est  l'année 
avant  l'ère  chrétienne  que  les  sacrifices  humains  ou  même 
d'animaux  sur  les  tombes  des  empereurs  sont  abolis.  Une 
ambassade  japonaise  fut  envoyée  en  Chine  en  57  après 
notre  ère  sous  les  règnes  de  Iku-me-iri-hiko-isati-no-mikoto 
(Suinin-Tennô)  et  de  Kouang-wu-ti,  des  Han  orientaux. 
Rappelons  qu'en  200,  la  veuve  de  Chuai-Tennô  (le  15®  mi- 
kado) fit  la  guerre  à  la  Corée  divisée  en  trois  royaumes, 
Kao-li,  Pet-si  et  Sm-h{Kudara,  Koma  et  Shiraki),  dont 
les  princes  se  soumirent  l'année  suivante.  De  la  Corée 
furent  envoyés  au  Japon  des  brodeuses  (285  ap.  J.-C.)  et 
les  livres  sacrés  chinois  {Rongo  et  Senjimon).  C'était  alors 
le  règne  de  Hondano-miko  (Oji7i-Tenno),sons  lequel  égale- 
ment (306  ap.  J.-C.)  des  ouvriers  chinois  apportèrent  le  tis- 

3 


JAPON 


—  34  — 


sage  au  Japon.  Les  relations  delà  Corée  avec  le  Japon  étaient 
d'ailleurs  extrêmement  suivies ,  mais  sans  parler  des 
guerres  qui  eurent  lieu  entre  ces  pays  depuis  le  iii^  siècle 
de  notre  ère,  nous  rappellerons  qu'en  55^2,  le  bouddhisme 
fut  importé  de  Corée.  Nous  arrivons  alors  à  une  période 
de  l'histoire  japonaise  beaucoup  plus  sûre.  Les  japonistes 
actuels,  M.  Aston  entre  autres,  considèrent  Tannée  461 
de  notre  ère  comme  la  première  date  digne  de  foi  de  la 
chronologie  japonaise.  Sous  Oho-hasuse-no-mikoto  (Yu- 
riaku-Tennô) ,  fut  introduit  le  mûrier  au  Japon. 

C'est  en  645  de  notre  ère,  1305  de  l'ère  japonaise,  que 
l'habitude  chinoise  de  compter  par  période  nien-hao,  en 
japonais  nen-go,  fut  établie  par  Ame-yorodu-toho-yino- 
mikoto  (Kotoku-Tennô).  Le  premier  nen-go  est  donc  de 
645  et  porte  le  nom  de  Dai-kwa  ou  Tai-kwa,  en  chinois 
Ta-hoa,  C'est  pendant  cette  première  période  que  furent, 
d'une  part,  réorganisée  l'administration  provinciale  (646 
ap.  J.-C.)  et  d'autre  part,  dans  la  capitale,  établis  les 
huit  ministères  au-dessus  desquels  se  trouvait  un  conseil 
supérieur,  composé  d'un  (id^jo-tiaz-jm  (premier  ministre), 
d'un  u-dai-jin  (ministre  de  gauche)  et  d'un  sa-dai~jin 
(ministre  de  droite)  (649  ap.  J.-C).  Notons  en  663  ap.  J.'-G. 
la  défaite  des  Japonais  par  les  Coréens  et  les  Chinois 
réunis  ;  le  règne  important  de  Ïemmu-Tcnnô  (673-686 
ap,  J.-C),  marqué  par  des  règlements -concernant  les  vê- 
tements ;  l'établissement  de  barrières,  appelées  seki-slio, 
pour  contrôler  les  voyageurs  aux  frontières  des  provinces  ; 
la  division  des  Japonais  en  huit  familles,  etc.  Celui  de 
Kammu  Tennô  (le  50^  mikado)  (782-807),  fondateur  de 
Kioto,  promoteur  de  progrès  agricoles;  en  799,  le  coton- 
nier; en  815,  la  culture  du  thé  sont  introduits  au  Japon. 
L'introduction  du  cérémonial  chinois  écarta  les  mikados  du 
commandement  militaire  et  fit  passer  le  gouvernement  aux 
mains  de  leurs  lieutenants.  Il  s'ensuivit  une  anarchie  de 
plusieurs  siècles,  durant  laquelle  se  constitua  un  régime 
comparable  à  la  féodalité  européenne,  avec  une  noblesse  de 
cour  et  une  classe  militaire.  La  famille  de  Fujiwara,  appar- 
tenant à  la  noblesse  de  cour,  eut  une  influence  prépondé- 
rante du  vii^  au  XII®  siècle.  L'ascendant  passa  alors  à  deux 
familles  militaires,  les  Taira  et  les  Minamoto.  En  888, 
Mo^atsune,  premier  ministre  (Daïjo-daïjin)  de  la  maison  de 
Fujiwara,  reçut  à  titre  héréditaire  la  dignité  de  kambaku 
(administrateur  en  chef).  Les  mikados  étaient  complètement 
tombés  sous  la  tutelle  des  Fujiwara,  ne  prenant  d'épouses 
et  ne  mariant  leurs  filles  et  sœurs  que  dans  cette  famille. 
—  Les  Taira  se  rattachèrent  à  un  petit-fds  de  Kammu- 
Tennô.  Leur  splendeur  fut  courte.  Les  Minamoto  passent 
pour  des  descendants  du  52®  mikado,  Saga-Tennô.  Ils  ont 
donné  au  Japon  de  brillants  généraux.  Les  familles  Ashikaga 
et  Tokugawa  ne  sont  que  des  branches  des  Minamoto.  Un 
de  leurs  premiers  héros  fut  Yoriyoshi,  qui,  au  milieu  du 
XI®  siècle,  soumit  les  peuplades  Emishi  du  N.  de  l'île  de 
Hondo.  Son  fils  Yoshiiye  éclipsa  ses  exploits;  les  légendes 
le  célèbrent  sous  le  nom  de  HachimanTaro.  Au  xii®  siècle, 
les  intrigues  de  palais  cèdent  la  place  aux  guerres  civiles. 
L'usage  s'était  établi  de  faire  abdiquer  les  mikados  et  de 
les  cloîtrer  lorsqu'ils  atteignaient  vingt  ans,  de  manière 
que  le  souverain  nominal  fût  mineur.  Le  75®  mikado, 
Shutoku-Tennô,  avait  ainsi  régné  de  trois  à  vingt  ans  et 
s'était  retiré  dans  un  monastère.  Mais  à  la  mort  imprévue 
de  son  jeune  beau-frère,  Konoyé-Tennô,  qui  lui  avait  suc- 
cédé, il  voulut  assurer  le  trône  à  son  fils.  Ce  fut  l'occasion 
d'une  guerre  acharnée  ;  tandis  que  le  chef  de  la  maison  de 
Minamoto,  Tametomo,  l'appuyait,  le  Kambaku  et  les  Taïra 
lui  opposèrent  un  fils  de  son  prédécesseur,  Toba-Tennô  ; 
le  chef  des  Taïra,  Kiyomori,  fit  prévaloir  ce  dernier,  qui 
régna  sous  le  nom  de  Go-Shirakawa-Tennô  (1156).  Le  frère 
de  Tametomo  exilé,  Yoshilomo,  reprit  la  lutte,  mais  fut 
battu  devant  Kioto  et  tué  (1159).  Ses  fils,  Yoritomo  et 
Yoshitsune,  se  soulevèrent  à  leur  tour  (1180).  La  lutte  fut 
terrible.  Le  souvenir  des  hauts  faits  de  Yoshitsune  et  de 
von  serviteur  le  géant  Benke  est  encore  populaire.  Il  pré- 
salut  dans  le  Sud,  tandis  que  Yoritomo  triomphait  dans  la 


région  de  la  capitale.  Définitivement  vainqueur  en  1185, 
Yoritomo  fut  nommé  l'année  suivante  sotsui-hoshi  et, 
en  1192,  sei-i-tai-shôgoun.  Ce  mot  de  shogoun  veut  dire 
généralissime,  et  il  paraît  avoir  été  employé  pour  la  pre- 
mière fois  par  un  certain  Watamaro,  dans  une  guerre 
contre  les  Aïnos  en  813  sous  l'empereur  Kami-no-sin-wau 
{Saga-Tennô),  Le  titre  de  taï-koun  donné  également  au 
shogoun,  est  d'origine  chinoise  et  n'était  pas  usité  chez  les 
Japonais.  La  victoire  de  Yori-tomo  lui  permit  d'exercer  au 
Japon  un  pouvoir  semblable  à  celui  des  chua  en  Annam, 
c.-à-d.  celui  d'un  maire  du  palais  auprès  d'un  roi  fainéant. 
Tandis  que  le  mikado,  roi  spirituel,  ou  roi  civil  (appelé 
par  les  Chinois  wen-wang)  règne  et  ne  gouverne  pas, 
le  shogoun  (wou-wang)  est  le  chef  guerrier.  Cet  état  de 
choses  a  duré  jusqu'à  la  révolution  de  1868.  Yori-tomo 
ayant  fondé  une  nouvelle  capitale,  Kama-kura,  sa  dynastie 
est  connue  (1192)  sous  le  nom  de  shogouns  de  Kama-kura 
ou  de  Minamoto.  Yori-tomo  mourut  en  1199  et  le  second 
shogoun  fut  son  fils  Yori-iye  (1 199-1202)  ;  il  fut  lui-même 
remplacé  par  son  frère  Sane-tomo  (1208-1219),  Voici  la 
liste  de  ces  shogouns  : 

Dynastie  Mnamoto:  Yori-tomo  (1186-1201);  Yori-iye 
(1202)  ;  Sane-tomo  (1203-1219).  —  Dynastie  Fujiwara: 
Yori-tsune  (1220-1243)  ;  Yori-tsugu  (1244-1251).  — 
Dynastie  Jimmu-ten-wo  :  Mune-taka  (1252-1265); 
Kore-yasu  (1266-1289);  Ilisa-akira  (1289-1307);  Morî- 
kuni  (1308-1333);  Mori-yosi  (1333-1335)  ;  Nari-yoshi 
(1334-1338).  —  Dynastie  Ashikaga  :  Taka-udji(1334- 
1357)  ;  Yoshi-mori  1  (1358-1367)  ;  Yoshi-mitsu  I  (1368- 
1393)  ;  Yoshi-motsi  (1394-1422)  ;  Yoshi-katsu  I  (1423- 
1425)  ;  Yoshi-motsi  (réétabli  en  1425-1428)  ;  Yoshi-nobu 
(1428-1440);  Yoshi-katsu  II  (1441-1443);  Yoshi-nari 
(1449-1471)  ;  Yoshi-nao  (1473-1489)  ;  Yoshi-mura 
(1490-1493)  ;  Yoshi-mitsu  II  (1494-1507)  ;  Yoshi-mura 
(réétabh,  1508-1521)  ;  Yoshi-naru  (1521-1545);  Yoshi- 
fusa  (1546-1565);  Matu-naga  (usurpateur,  1565-1568); 
Yoshi-sùsa  (1568)  ;  Yoshi-aki  (1568-1573).  —  Dynastie 
Taïrano:  Taïra-nobu-naga  (1574-1582);  Aketi-mitu- 
hide  (usurpateur,  1582);  San-bau-si  (1582-1586).— 
Dynastie  Toyo-tomi:  Hide-yoshi  ou  Taï-ko-sama  (1586- 
1590);  Hide-tugu  (1591-1595);  Hide-yori  (1600-1615). 
—  Dynastie  Toku-gawa  :  Mina-moto-no-iye-yasù-kô 
(1603-1605);  Hide-tada-kô  (1605-1622)  ;  lye-mitu-ko 
(1623-1649);  lye-tuna-kô  (1650-1680);  Tuna-yosi-kô 
(1681-1709);  lye-nobu-kô  (1709-1712);  lye-tugu-kô 
(1713-1715)  ;  Yoshi-mune-kô  (1716-1745);  lye-sige-kô 
(1745-1762);  lye-haru-kô  (1762-1786);  lye-nari-kô 
(1787-1837);  lye-yohi-kô  (1838-1853)  ;  lye-sada-kô 
(1853-1858);  lye-motsi-kô  (1858-1866);  Yoshi-hisa-kô 
(1866-1867). 

Dans  leur  première  période,  presque  aussitôt  après  leur 
avènement,  les  shogouns  subirent  le  sort  des  mikados  et 
furent  réduits  à  une  autorité  nominale  ;  le  pouvoir  réel  fut 
exercé  par  des  shukkens  ou  régents  appartenant  à  la 
famille  de  Hojo,  descendant  du  beau-père  de  Yori-iye.  Des 
enfants  détenaient  à  Kioto  et  à  Kamakura  le  titre  de  mikado 
et  de  shogoun.  Cette  situation  dura  de  1199  à  1334;  le 
plus  célèbre  des  douze  régents  est  Hojo  Tokimune  qui  re- 
poussa l'invasion  des  Mongols  (1281).  La  puissance  des 
Hojo  fut  détruite  à  Kamakura  par  le  héros  Nitta  Yoshisada, 
de  la  famille  de  Minamoto,  et  à  Kioto  par  Ashikaga  Taka- 
udji,  lequel  restaura  le  pouvoir  effectif  des  shogouns. 

En  1331 ,  Taka.-haru  (Go-Daïgo),  cherchant  à  secouer  le 
joug  de  la  famille  de  Hôjô,  avait  été  battu  et  remplacé  sur 
le  trône  par  Kogon-Tennô.  Néanmoins»,  Daïgo  ayant  été 
réinstallé  en  1334,  les  successeurs  de  Kogon  continuèrent 
de  régner  à  Miako  {Kioto),  en  sorte  qu'il  y  eut  deux  dynas- 
ties de  mikados  :  dynastie  du  Nord  et  dynastie  du  Sud. 
D'ailleurs,  la  dynastie  de  Kogon,  composée  de  six  princes, 
dont  le  dernier,  Moto-hito  {Go-Komatsu) ,  par  suite  de  l'abdi- 
cation de  l'empereur  du  Sud,  devint,  en  1392,  seul  mikado, 
régnajusqu'à  1412.  La  division  du  Japon  en  deux  empires 
n'a  donc  duré  que  soixante  ans,  de  1332  à  1392. 


-  35  - 


JAPON 


C'est  au  XVI®  siècle  que  recommencèrent  les  grandes 
luttes,  favorisées  par  la  faiblesse  des  shogouns  d'Ashikaga. 
Membre  de  la  famille  Ota  (maison  de  Taïra),  petits  dai- 
mios  d'Owari,  Nobu-naga  commença  à  lutter  contre  les 
shogouns,  peu  de  temps  après  Tarrivée  des  Portugais  au 
Japon.  Son  courage,  qui  lui  avait  valu  de  grandes  acqui- 
sitions de  territoire,  lui  suscita  de  nombreuses  jalou- 
sies ;  il  n'en  eut  pas  moins  assez  d'influence  pour  faire 
nommer  en  4  568  Yoshi-aki  comme  shogoun  ;  ce  devait  être 
le  dernier  de  la  maison  Ashikaga.  Après  avoir  détruit,  en 
457*'», le  monastère  de  Hiyeizan,  Nobu-naga  déposait  Yoshi- 
aki,  se  substituait  à  lui,  restaurait  l'autorité  du  mikado, 
favorisait  le  christianisme,  combattait  vigoureusement  les 
bonzes  qui  s'étaient  déclarés  contre  lui,  les  soumettait, 
mais,  trahi  ensuite,  il  se  suicidait  (kara-kiri)  à  l'âge  de 
quarante-neuf  ans,  en  4582.  L'œuvre  de  Nobu-naga  fut 
continuée  par  son  élève  et  lieutenant  Hide-yoshi,  fils  d'un 
paysan,  qui  réussit  à  pacifier  le  Japon,  troublé  à  la  mort 
du  grand  chef.  Vainqueur  des  ennemis  qui  avaient  causé 
la  mort  de  Nobu-naga,  Hide-yoshi  fit  la  guerre  à  la  Corée, 
et  persécuta  les  chrétiens  qui  avaient  été  jadis  protégés 
par  son  prédécesseur.  Hide-yoshi ,  qui  était  un  des 
hommes  les  plus  remarquables  du  Japon,  est  également 
connu  sous  son  nom  de  dynastie,  de  famille,  Toyo-torai, 
ou  par  son  titre  de  Tai-ko  (Tai-ko-sama).  Tai-ko-sama 
mourut  le  15  sept.  4598  ;  sa  succession  fut  disputée  entre 
son  fi^ls  et  Toku-g2L\\ei-Iye-îjasù.  seigneur  de  Mikawa,  qui 
gouvernait  le  Kuwanto  et  résidait  à  Yedo.  La  querelle  fut 
résolue  par  la  sanglante  bataille  de  Sekighara  (1600),  la 
plus  meurtrière  et  la  plus  décisive  des  annales  japonaises, 
lye-yasù,  s'étant  emparé  du  pouvoir,  continua  l'œuvre  de 
ses  deux  devanciers  et  prit,  en  4603,  le  titre  de  shogoun. 
Quoique,  deux  ans  plus  tard,  il  ait  abdiqué  en  faveur  de 
son  fils,  il  conserva  ce  titre  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en 
4646.  Le  shôgounat  devait  durer  dans  cette  famille  de 
lye-yasû,  ou  deToku-gawa,qui  n'était  elle-même  qu'une 
branche  des  Minamoto,  jusqu'à  la  Révolution  de  4868, 
époque  à  laquelle  cette  fonction  fut  abolie;  l'empereur 
Mutsu-hito  étant  monté  sur  le  trône  en  4867,  le  dernier 
titulaire,  le  quinzième  shogoun  de  la  maison  de  Toku-gawa, 
fut  Yoshi-hisa-ko,  fils  du  prince  de  Mito,  Nari-akira,  qui 
avait  été  adopté  par  le  prince  de  Hitotsubashi. 

On  désigne  généralement  sous  le  nom  de  période  féodale 
les  siècles  pendant  lesquels  le  Japon  fut  administré  par 
es  shogouns.  On  donnait  le  nom  de  ckï?ni(?  (grand  nom), 
titre  qui  était  déjà  connu  sous  Yori-tomo,  aux  chefs  prin- 
cipaux militaires  de  l'empire  dont  lye-yasù  assura  la  stabi- 
lité aux  dépens  de  leur  puissance  réelle  en  les  déclarant 
tous  ses  vassaux.  lye-yasù  divisa  les  daimios  en  fudaï,  qui 
appartenaient  à  la  famille  de  Toku-gawa  ou  tout  au  moins 
à  leurs  vassaux  et  en  tozama^  daimios  n'appartenant  pas 
à  la  famille  du  shogoun,  qui  ne  reconnurent  son  autorité 
qu'en  4600.  Ceux-ci  furent  les  principaux  fauteurs  de  la 
révolution  de  4868,  avec  les  kuge,  la  vieille  noblesse  ja- 
ponaise, mécontente  de  l'aristocratie  militaire  des  fudaï. 
Ces  kuge,  presque  tous  de  sang  impérial,  appartenaient 
aux  neuf  familles  :  Fujiwara,  Sugawara^  Taira^  Mina- 
motOj  Kiowara,  Abe,  Onakadomi,  Urahe  et  Tamba, 
Comme  le  vrai  souverain,  le  mikado,  ces  kuge  vivaient 
dans  la  plus  grande  oisiveté,  et  la  plupart  d'entre  eux 
dans  la  plus  profonde  misère.  —  Les  soldats  formaient 
une  classe  à  part,  les  buke;  mais,  depuis  Yori-tomo,  on  les 
appelait  plus  souvent  samurai  ou  gardes.  Ils  avaient  les 
classes  inférieures  {hei-min)^^  dont  ils  étaient  la  terreur, 
en  quelque  sorte  à  leur  merci.  Vivant  chez  leur  daimio, 
un  peu  à  la  façon  de  nos  hommes  d'armes  du  moyen  âge, 
ils  avaient  le  droit  de  porter  deux  épées,  se  mariaient 
entre  eux,  et  leur  fils  aîné  recevait  une  pension  de  leur 
chef.  Beaucoup  de  ces  pensions  furent  rachetées  par  le 
gouvernement  impérial  à  partir  de  déc.  4873;  elles  le 
furent  toutes  à  partir  d'août  4876.  En  4878,  le  mot  de 
samurai  fut  changé  en  celui  de  shi%okii,  qui  a  le  même 
sens.  On  désignait  sous  le  nom  de  rônin,  vagabonds,  les 


samurai  qui  avaient  cessé  d'être  attachés  à  la  personne 
d'un  daimio,  soit  librement,  soit  par  renvoi,  soit  enfin 
par  le  fait  de  la  condamnation  de  leur  chef;  le  rônin, 
n'ayant  pas  de  paye,  comme  le  samurai,  vivait  souvent  de 
rapine,  mais  aussi  se  montrait  fort  dévoué  à  celui  qui 
l'employait,  ainsi  qu'en  témoigne  l'histoire  célèbre  des 
Quarante-sept  RdninSj  qui  furent  tous  condamnés  au 
hara-kiri  pour  avoir  (avr.  4704)  vengé  la  mort  de  leur 
patron,  Asano,  seigneur  de  Ako. 

L'arrivée  des  étrangers  au  xvi^  siècle,   la  politique  des 
shogouns  à  leur  égard,  aussi  bien,  sinon  plus,  que  le  sys- 
tème féodal  protégé  par  ces  derniers,  amenèrent  la  révolu- 
tion de  4868.  Nous  continuerons  donc  l'histoire  du  Japon 
dans  le  chapitre  suivant,  relatif  aux  relations  étrangères. 
Relations  étrangères.  --  Temps  anciens  et  moyen 
âge.  Les  anciens  ne  connaissaient  pas  le  Japon  ;  les  mar- 
chands arabes,  au  contraire,  l'ont  connu  et  l'on  pourra 
consulter  à  ce  sujet  le  mémoire  de  M.  deGoeje  :  Arabische 
Berichten  over  Japan  (Amsterdam,  4883).  Doit-on  dési- 
gner les  îles  de  Sila  comme  Yule,  par  le  Japon,  ou  comme 
de  Goeje,  par  la  Corée?  Aboulféda  écrit:  «  Sîla  ou  Sîlâest 
située  au  plus  haut  de  la  Chine,  à  l'E.  Ceux  qui  voyagent 
sur  mer  ne  s'y  rendent  pas  souvent.  C'est  une  des  îles  delà 
mer  Orientale  qui  font  pendant,  par  leur  situation,  aux  îles 
Eternelles  et  Fortunées  de  la  mer  Occidentale  ;  seulement 
celles-ci  sont  cultivées  et  remplies  de  tous  les  biens,  contrai- 
rement à  celles-là.  »  —  Dans  l'histoire  des  Mongols,  Youen, 
Youen-chi,  le  Japon,  Je-peun,  est  décrit  dans  le  chap.  ccviii 
de  la  quatrième  section.  C'est  le  pays  Je-peim  Kouo,  trans- 
crit phonétiquement  et  décrit  par  Marco  Polo  sous  le  nom 
de  Zipangu  :  «  Sypangu  est  une  isle  en  Levant  qui  est  en 
la  haulte  mer,  loings  de  la  terre  ferme  mille  cinq  cens 
milles;  et  est  moult  grandisme  isle.  Les  gens  sont  blans 
et  de  belle  manière.  Hz  sont  idolastres,  et  se  tiennent  par 
eux  ;  et  si  vous  dy  qu'il  ont  tant  d'or  que  c'est  sans  fin  ; 
car  ilz  le  treuvent  en  leurs  isles.  Hz  sont  pou  de  marchans 
qui  là  voisent,  pour  ce  que  c'est  si  loings  de  la  terre  ferme. 
Si  que  pour  ceste  raison  leur  habonde  î'or  oultre  mesure.  » 
Rachid-eddin  emploie  également  ce  mot  modifié  de  Zipangu. 
Le  mot  de  Nippon  se  trouve  déjà  au  x^  siècle  de  notre  ère 
sous  la  forme  Al-Ndftm,  dans  le  Ikfiwdn-dlSdfd.  En 
réalité,  le  Japon,  qui  a  été  connu  des  Occidentaux  par  la 
relation  de  Marco  Polo,  avait  été  oublié  par  eux  et  l'on 
peut  considérer  le  Portugal  comme  l'ayant  découvert  à 
nouveau. 

Portugal  Dans  une  lettre  adressée  en  4505  par  le 
ro]  de  Portugal,  Emmanuel,  au  roi  de  Castille,  il  est  parlé 
d'un  navire  du  roi  de  Calicut,  qui  fut  saisi  par  les  Portu- 
gais et  à  bord  duquel  on  trouva  trois  instruments  astrono- 
miques en  argent  qu'il  avait  été  chercher  dans  l'île  Sapo- 
nin  (Japon).  —  Le  Japon  se  retrouve  sous  son  ancienne 
forme  de  Zipangu,  ou  ses  variantes,  dans  le  globe  de  Mar- 
tin Behaim  (4492)  et  dans  la  relation  de  voyage  de  Ma- 
gellan, par  Pigafetta  (4524).  Mais  on  peut  dire  que  le 
Japon  n'a  été  connu  que  par  le  voyage  de  Fernâo  Mendez 
Pinto  (4545).  Les  Portugais  avaient  débarqué  à  Ta-ne-^a 
shima  en  4542  ;  dès  l'année  suivante,  le  daimio  de  Bungo 
envoyait  une  ambassade  en  Portugal.  L'arrivée  de  saint 
François-Xavier  à  Kago-shima  le  45  août  4549  allait  don- 
ner une  grande  extension  au  christianisme  dans  le  Japon. 
Nobu-naga  protégea  les  chrétiens  au  détriment  des  bonzes. 
Une  ambassade  envoyée  par  les  daimios  de  Bungo,  d'Arima 
et  d'Omura,  qui  quitta  le  Japon  en  4582,  l'année  de  la 
mort  de  Nobunaga,  arriva  en  4585  à  Rome,  où  elle  fut 
reçue  par  le  pape  Grégoire  XIIL  L'ère  de  Hide-yoshi 
(Taiko-sama)  amena  une  forte  réaction  contre  les  chrétiens  ; 
en  4587,  un  arrêté  d'expulsion  fut  pris  contre  eux,  et  ils 
ne  tardèrent  pas  à  être  persécutés  (4596).  En  4597  furent 
crucifiés  à  Nagasaki  9  missionnaires  et  47  catholiques 
indigènes.  lye-Yasù  s'était  d'abord  appuvé  sur  les  catho- 
liques, mais,  prévenu  par  les  Hollandais  et  les  Anglais 
contre  eux,  il  leur  devint  hostile.  Son  fils  et  son  petit-fils 
les  exterminèrent. 


JAPON 


86  — 


Hollaiidais  et  Anglais,  Une  expédition  partie  en 
i  607  sous  les  ordres  de  l'amiral  général  Pieter  Willemsz 
Verhœven  qui  avait  pour  mission  spéciale  d'enlever  aux 
Portugais  les  îles  Moluques,  arriva  à  Bantam  enfévr.  d609, 
après  avoir  envoyé  au  Japon  deux  navires,  le  Leeuw  et  le 
Brack.  Les  Hollandais  construisirent  en  4609  une  facto- 
rerie à  Firando  (Hirado),  île  du  Saï-kai-do,  dépendant  de 
Kiou-siou,  à  la  pointe  de  la  province  Hizen,  non  loin  de 
l'île  Ikki,  et  y  installèrent  comme  agent  Jacques  Speckx. 
Ce  voyage  a  été  raconté  par  Reynier  Diecksz.  Le  port  de 
Firando  était  sûr,  mais  l'accès  en  était  difficile.  Les  Hol- 
landais eurent  de  telles  difficultés  dans  leur  établissement 
qu'ils  songèrent  même  en  4617  à  l'abandonner,  mais  ils  le 
maintinrent  néanmoins.  Ils  avaient  d'ailleurs  rendu  de 
grands  services  aux  Japonais  en  leur  apprenant  à  fondre 
des  pièces  d'artillerie.  En  1624,  Speckx  fut  remplacé 
comme  résident  par  Cornelis  van  Nyenrode.  Le  9  nov. 
4640,  les  Japonais  donnèrent  l'ordre  aux  Hollandais  de  dé- 
molir tous  leurs  magasms  nouveaux,  ainsi  que  les  établis- 
sements qui  porteraient  des  emblèmes  chrétiens.  François 
Caron  céda  à  cette  injonction,  mais  le  44  mai  4644,  les 
Japonais  forcèrent  les  Hollandais  d'abandonner  Firando 
pour  s'installer  dans  la  petite  île  de  Deshima,  sous  la  sur- 
veillance de  Tautorité  de  Nagasaki.  Cet  ordre,  qui  était  en 
quelque  sorte  l'expulsion  des  étrangers  du  Japon,  fut  exé- 
cuté, et,  le  24  mai  4644,  les  Hollandais  quittaient  Fi- 
rando.  La  factorerie  de  T^irando  n'avait  pas  été  pour  les 
Hollandais  une  possession  incontestée.  Le  capitaine  anglais, 
Saris,  commandant  le  «  huitième  voyage  »  de  VOld  Com- 
pany, parti  en  4644,  établit  en  4643  une  agence  à  Firando 
dont  R.  Wickham  fut  le  premier  agent.  C'est  dans  une 
lettre  de  Wickham,  du  27  juin  4645,  adressée  à  M.  Eaton, 
à  Miaco,  et  conservée  dans  les  archives  de  la  Compagnie,  que 
se  trouve  la  mention  la  plus  ancienne  du  thé  (chaw).  En 
4646,  le  privilège  accordé  aux  Anglais  de  faire  le  com- 
merce au  Japon  fut  modifié  et  limité  au  seul  port  de  Fi- 
rando. Les  Hollandais,  jaloux  de  leurs  rivaux,  et  infiniment 
supérieurs  en  nombre,  les  attaquèrent  en  4648  et  les  au- 
raient certainement  massacrés  sans  la  médiation  des  Japo- 
nais. Malgré  cet  incident,  l'année  suivante,  Anglais  et 
Hollandais,  reconnaissant  la  nécessité  d'une  entente,  réu- 
nirent leurs  deux  factoreries  en  une  seule.  L'arrangement 
dura  peu,  car,  dès  4624, les  Hollandais  continuèrent  seuls 
leurs  opérations.  —  Firando  a  toujours  été  noté  pour  l'hos- 
tilité de  ses  princes  contre  le  christianisme.  Quoique  les 
chrétiens  fussent  très  nombreux  dès  4606,  le  Père  Augus- 
tin Hernando  de  Saint-Joseph  fit  en  4646  de  vains  efforts 
pour  établir  une  mission  et  construire  une  éghse  à  Firando, 
et  l'année  4624  fut  marquée  par  une  grande  persécution. 
—  On  peut  dire  que  depuis  que  les  Hollandais  furent  relé- 
gués à  Deshima  jusqu'à  l'arrivée  du  commodore  américain 
Perry,  en  4833,  la  situation  des  étrangers  au  Japon  ne 
changea  guère.  Vainement  en  4807  les  Russes  essayèrent- 
ils  de  débarquer  à  Yesso,  vainement  les  bateaux  français 
ou  anglais  tentèrent-ils,  soit  aux  îles  Lieou-kieou,  soit 
dans  l'archipel  japonais  proprement  dit,  d'établir  des  rela- 
tions. Nous  devons  nos  connaissances  sur  l'empire  du 
Soleil-Levant  à  quelques  rares  voyageurs  :  Engelbert 
Kempfer,  qui  séjourna  au  Japon  de  4690  à  4692,  dont 
l'Histoire,  quoiqu'il  fût  Westphalien,  parut  en  anglais  en 
4727  ;  le  Suédois  Charles-Pierre  Thunberg,  élève  de  Linné, 
envoyé  au  Japon  en  4772;  Philippe  Franz,  baron  de  Sie- 
hold,  qui  a  publié  le  grand  ouvrage  Nippon,  Archiv  %ur 
Beschreibung  von  Japan  (Leyde,  4832-4854). 

Le  commodore  Perry,  Les  grands  intérêts  commer- 
ciaux des  Etats-Unis  dans  l'Extrême-Orient  décidèrent  le 
président  Fillimore  à  envoyer  au  Japon  une  escadre  suffi- 
sante pour  obtenir  la  signature  d'un  traité.  Le  commodore 
Matthew  Calbraith  Perry,  mis  à  la  tête  de  l'escadre,  arri- 
vait en  juil.  4853  à  Uraga,  à  l'entrée  delà  baie  de  Yedo, 
porteur  de  ses  instructions.  Il  visitait  après  les  îles  Lieou- 
kieou  et  la  Chine,  et  l'année  suivante,  malgré  l'hos- 
tilité du  prince  de  Mito  et  les  ennemis  des  shogouns  de  la 


maison  de  Toku-gawa,  le  bakufu,  c.-à-d.  le  gouverne- 
ment shogounal,  consentit  à  signer  un  traité  à  Kanazawa, 
le  34  mars  4854.  Ce  traité  signé  pour  les  Etats-Unis  par 
le  commodore  M.  C.  Perry,  l'était  pour  le  Japon  par 
Hayashi,  Dai-gaku-no-kami,  Ido,  prince  de  Tsoushima, 
Iza-wa,  prince  de  Mimasaka,  et  Udono,  membre  du  minis- 
tère des  finances,  et  comprend  douze  articles,  dont  le  plus 
important  est  le  dixième  qui  ouvrait  aux  Américains  les 
ports  de  Shimoda  dans  la  province  d'Idzu,  et  d'Hakodaté, 
dans  l'île  de  Yesso.  Ratifié  par  le  président  des  Etats-Unis 
en  4854,  les  ratifications  de  ce  traité  furent  échangées  à 
Shimoda  le  24  févr.  4855.  Ces  dates  sont  le  point  de  dé- 
part d'une  ère  nouvelle  :  le  14  oct.  de  la  même  année, 
l'amiral  anglais,  sir  James  Stirling,  signait  à  Nagasaki 
un  traité  qui  ouvrait  les  ports  de  Nagasaki  (Hizen)  et 
d'Hakodaté  (Matsmai);  venaient  ensuite  le  vice-amiral 
russe  Euphimius  Poutiatine  (traité  de  Shimoda,  7  févr. 
4855),  le  chevalier  hollandais  Jan  Hendrik  Donker  Cur- 
tius  (traité  de  Nagasaki,  30  janv.  4836).  Un  nouveau 
traité  fut  signé  à  Yedo,  le  29  juil.  4858,  par  le  consul 
général  américain  Townsend  Harris  qui  permettait  d'éta- 
blir un  agent  diplomatique  à  Yedo,  et  qui  amena  la  signa- 
ture d'un  nouveau  traité  avec  la  Hollande  le  48  août  4858, 
avec  la  Russie  le  7  août,  avec  la  Grande-Bretagne  le 
26  août,  et  enfin,  avec  la  France,  le  9  oct.  4858.  La 
France,  représentée  par  le  baron  Gros,  obtenait  l'ouver- 
ture pour  le  commerce  français  de  Hakodaté,  Kanazawa  et 
Nagasaki,  à  partir  du  43  août  4859,  de  Ni-i-gata,  à  par- 
tir du  4^'*  janv.  4860,  et  d'Hiogo,  à  partir  du  4*^^  janv. 

4863.  A  partir  du  4®^  janv.  4862,  les  sujets  français 
étaient  autorisés  à  résider  dans  la  ville  de  Yedo,  et  à  dater 
du  4^"^  janv.  4863,  dans  la  ville  d'Osaka,  mais  seulement 
pour  y  faire  le  commerce.  Cependant,  l'agitation  contre 
les  étrangers  augmentait;  le  5  juil.  4864,  la  légation  d'An- 
gleterre était  attaquée;  l'année  suivante,  un  Anglais, 
M.  Richardson,  était  assassiné  près  de  Yokohama  le  44  sept. 
4862  par  les  gens  du  daimio  de  Satsuma.  Enfin,  le  5  sept. 

4864,  les  flottes  combinées  anglaises,  françaises,  hollan- 
daises et  américaines,  détruisent  les  forts  de  Shimonoseki. 
En  4867,  Mutsu-hito  devient  mikado;  immédiatement 
la  révolution  éclate,  et  la  première  année  du  nouveau  règne 
(4  868),  qui  prend  le  nom  de  mei-dji,  le  shôgounat  est  aboli  ; 
les  partisans  des  anciens  shogouns  de  la  maison  de  Toku- 
gawa  sont  battus,  les  traités  avec  les  puissances  étran- 
gères sont  ratifiés,  les  ports  de  Kobe,  Osaka,  puis  (4869) 
Ni-i-gata  et  Yedo  sont  ouverts  aux  étranger?  la  capitale 
du  mikado  est  transportée  de  Kioto  à  Yedo,  ^i'  prend  le 
nom  de  Tokio. 

Epoque  contemporaine.  —  En  peu  de  temps,  on  voit 
se  transformer  non  seulement  le  gouvernement,  mais  les 
mœurs  du  pays.  Dès  4874,  les  fiefs  {han)  des  daimios 
sont  pris  par  le  gouvernement  central  ;  par  suite,  le  régime 
féodal  est  aboli,  et  les  classes  inférieures  (eta),  parias 
chargés  des  métiers  vils,  et  heïmin,  population  d'indus- 
triels, d'agriculteurs  et  de  commerçants,  trouvent  l'égalité 
dans  la  société.  En  même  temps,  le  bouddhisme  cessait 
j  d'être  religion  officielle  ;  on  établissait  des  postes  et  des 
télégraphes;  à  Osaka,  une  monnaie  d'Etat  était  installée 
pour  fabriquer  des  monnaies  sur  le  modèle  européen  ; 
enfin  on  commençait  la  rédaction  d'un  nouveau  code  pénal  ; 
l'année  suivante  (4872)  le  Japon  construisait,  avant  la 
Chine,  le  premier  chemin  de  fer  de  l'Extrême-Orient  : 
de  Tokio  à  Yokohama  ;  l'adoption  du  calendrier  grégorien, 
des  lois  sur  la  conscription  et  contre  la  nudité  dans  les 
villes,  marquèrent  de  plus  en  plus  le  désir  d'entrer  dans 
une  voie  absolument  neuve  ;  en  4873,  nous  voyons  le  mou- 
vement s'accentuer  encore  par  l'introduction  de  la  vaccine 
et  de  la  photographie,  et  l'adoption  des  uniformes  officiels 
européens.  Mais  toutes  ces  réformes  devaient  fatalement 
aboutir  à  une  réaction,  dont  la  première  (4874)  est  la  ré- 
bellion de  Saga,  district  de  la  province  de  Hizen,  dan 
Kiou-siou,  qui  fut  rapidement  écrasée  par  le  général  Nodzu 
cette  même  année,  des  pêcheurs  des  îles  Riou-kiou,  ayan 


—  37  — 


JAPON 


fait  naufrage  sur  la  côte  de  Formose,  furent  massacrés; 
les  Chinois  ayant  refusé  de  donner  satisfaction  au  Japon 
pour  l'attaque  dont  cet  équipage  avait  été  l'objet  de  la 
part  des  sauvages  de  l'île,  une  expédition  sous  les 
ordres  du  général  Saigo-Tsugumitsu  débarqua  sur  la  côte 
sud-est  :  la  guerre  était  inévitable  entre  les  deux  empires 
de  rExtrême-Orient,  si  les  puissances  occidentales,  et  l'An- 
gleterre en  particulier,  n'avaient  servi  de  médiatrices. 
Un  traité  donnant  pleine  satisfaction  au  Japon  fut  signé 
le  34  oct.  4874;  Tannée  4875  fut  moins  heureuse  au  point 
de  vue  extérieur,  car  le  Japon  cédait  à  la  Russie  toute  l'île 
de  Sakhalin,  dont  elle  occupait  jusqu'alors  le  S.,  en  échange 
de  l'archipel  stérile  des  Kouriles.  Un  édit  promulgué  en 

4876,  qui  devait  avoir  force  de  loi  à  partir  du  4^^^  janv. 

4877,  défendit  dorénavant  aux  anciens  samurai  de  porter 
les  deux  épées.  Cet  édit  et  la  politique  extérieure  du  gou- 
vernement amenèrent  une  nouvelle  grande  rébellion,  cette 
fois,  du  clan  de  Satsuma,  dirigée  par  le  frère  même  du 
général  Saigo-Tsugumichi,  Saigo-Takamori,  qui  se  mit  à  la 
tête  d'une  force  de  44,000  hommes  au  milieu  de  févr. 
4877.  Battue  le  49  août,  la  révolution  fut  complètement 
anéantie  le  24  sept.  4877,  et  Saigo  se  suicida  l'année  sui- 
vante. Cette  mort,  l'écrasement  des  rebelles,  le  triomphe 
des  nouvelles  idées  furent  la  cause,  le  44  mai  4878,  de 
l'assassinat  à  Tokio,  par  des  gens  de  Kaga,  du  célèbre  mi- 
nistre de  l'intérieur  Okubo-toshimitsu. 

Nous  rappellerons  gue  les  années  suivantes  furent  mar- 
quées par  la  promulgation  des  codes  pénal  et  criminel  (4  884  ), 
l'établissement  de  différents  rouages  administratifs  et  judi- 
ciaires, la  fondation  d'une  nouvelle  constitution  (4889), 
toutes  choses  dont  nous  parlons  au  reste  ailleurs.  Signa- 
lons toutefois  les  visites  au  Japon  de  l'ancien  président 
des  Etats-Unis,  Grant  (4879),  et  celle  du  tsarévitch, 
actuellement  l'empereur  Nicolas  11,  qui  faillit  être  assassiné 
à  coups  de  sabre  à  Otsu,  sur  les  bords  du  lacBiwa  (1891). 

Guerre  de  Corée.  —  Nous  avons  déjà,  au  cours  de 
cet  article,  fait  mention  des  difficultés  qui  ont  existé  pen- 
dant des  siècles  entre  la  Corée  et  le  Japon.  Dès  l'année 
4872,  les  Coréens  avaient  refusé  de  faire  droit  aux  de- 
mandes que  les  Japonais  faisaient  remonter  à  l'impératrice 
Zingo  (V.  Corée);  aussi,  après  le  règlement  des  affaires 
de  Formose  avec  la  Chine,  une  flotte,  sous  les  ordres  du 
général  Kuroda,  avec  une  nouvelle  ambassade,  fut-elle 
envoyée  à  Fou-san,  où  elle  arriva  le  45  janv.  4876.  Le 
mois  suivant,  le  26  févr.  4876,  un  traité  fut  signé  à 
Kang-hoa,  en  chinois  et  en  japonais,  par  Kuroda-Kiyotaka 
et  Inouye-Kaoru  pour  le  Japon,  et  Sin-Hôn  et  In-Jâ-syng 
pour  la  Corée.  Par  ce  traité  extrêmement  important, 
était  affirmée  l'indépendance  de  la  Corée  ;  l'ouverture 
de  ports  au  commerce  était  accordée.  Les  Japonais  obte- 
naient donc  du  premier  coup  ce  que  tour  à  tour  la  France 
et  les  Etats-Unis  avaient  exigé  en  vain.  Des  arrangements 
et  des  règlements  en  4877,  en  4882,  en  4883  complé- 
taient ou  modifiaient  le  traité  de  4876.  Entre  temps,  la 
Chine  ou  au  moins  ses  employés  prenaient  la  direction  des 
douanes  dans  les  trois  ports  ouverts  au  commerce  :  Jen- 
tchuan,  Yuen-san  et  Fou-san.  Il  était  évident  que  la  Chine, 
se  considérant  comme  suzeraine  de  la  Corée,  ne  se  laisse- 
rait pas  supplanter  dans  ses  droits  par  sa  jeune  rivale; 
depuis  4882,  une  double  garnison  chinoise  et  japonaise, 
casernée  à  Séoul  ;  amenait  beaucoup  de  désordres  par  suite 
de  leurs  jalousies.  Le  4  déc.  4884,  des  troubles  sérieux 
éclataient  à  Séoul  ;  sept  des  ministres  furent  assassinés  ;  le 
lendemain,  la  lutte  se  déclarait  entre  la  garnison  chinoise 
et  la  garnison  japonaise.  La  légation  japonaise  était  brûlée, 
un  grand  nombre  de  Japonais  étaient  massacrés  et  les  sur- 
vivants forcés  de  fuir  vers  la  côte.  Les  auteurs  de  cette 
révolution  étaient  :  Palk-keum-moun-youi,  Kim-ok-kyoum, 
Saye-koum-pou,  Hong-yeng-syetri.  Ils  paraissent  avoir  agi 
pour  le  compte  des  Japonais,  mais  le  résultat  fat  con- 
traire à  leurs  espérances,  .puisque  ce  furent  les  Chinois, 
qui,  aidés  du  peuple,  eurent  le  dessus.  Il  faudrait  connaître 
peu  les  Japonais  pour  supposer  qu'ils  accepteraient  longtemps 


cette  situation,  Kim-ok-kyoum,  réfugié  au  Japon,  était  induit 
par  un  de  ses  compatriotes,  Hong-tjyong-ou  à  se  rendre 
avec  lui  à  Chang-haï  ;  il  fut  assassiné  dans  cette  ville,  à 
coups  de  revolver,  par  son  compatriote,  qui  déclara  avoir 
agi  par  ordre  du  roi  de  Corée  (28  mars  1894).  Le  corps 
de  Kim-ok-kyoum,  transporté  en  Corée,  y  fut  coupé  en 
huit  morceaux,  répartis  entre  les  huit  provinces  du  royaume. 
La  guerre  à  laquelle  le  Japon  se  préparait  depuis  longtemps 
ne  pouvait  tarder  à  éclater. 

Avant  même  la  déclaration  officielle  de  la  guerre,  les 
hostilités  commencèrent.  Le  20  juil.  le  navire  anglais  Kow- 
shing,  capitaine  Galsworthy,  partait  de  Takou,  pour  trans- 
porter des  troupes  à  Asan,  en  Corée.  Il  fut  coulé  près  des 
îles  Shup-sinto  et,  sur  4,500  hommes,  40  seulement, y  com- 
pris le  capitaine  Galsworthy  et  le  capitaine  allemand  von 
llannecken,  furent  sauvés.  Les  premières  luttes  importantes 
eurent  heu  sur  terre  :  une  première  attaque,  les  27  et 
28  juil.,  des  Japonais  sur  les  troupes  chinoises  fortifiées  à 
Asan,  ne  paraît  pas  avoir  eu  de  résultats  importants,  car 
les  Japonais,  sous  la  direction  du  général  comte  Yamagata, 
s'engagèrent  résolument  sur  la  grande  route  qui  conduit 
de  Séoul  à  Péking  par  la  Mandchourie.  Ils  prenaient  con- 
tact le  45  sept,  à  Ping-yang  :  les  généraux  chinois  Yeh  et 
VVei,  ayant  jugé  la  retraite  nécessaire,  laissèrent  seul  le 
général  Tso  ;  le  46,  les  Japonais  emportaient  la  position  et 
les  Chinois,  en  débandade,  se  repliaient  vers  Yi-tcheou  (Wi- 
ju)  sur  le  Yalou,  fleuve  frontière  entre  la  Corée  et  la 
Mandchourie.  Deux  jours  plus  tard,  le  47  sept.,  l'amiral 
chinois  Ting,  chargé  d'accompagner  des  troupes  à  desti- 
nation de  Wi-ju,  était  attaqué  à  l'entrée  du  Yalou  parla 
flotte  japonaise,  qui  remportait  une  grande  victoire.  Les 
débris  de  la  flotte  chinoise  gagnèrent  péniblement  Port- 
Arthur.  Cependant,  les  Japonais  s'emparaient  de  Wi-ju  le 
8  oct.,  puis,  remontant  la  rive  gauche  du  Yalou,  leur  gé- 
néral Nodzu  franchissait  (24  oct.)  ce  fleuve,  et  il  arrivait 
après  quelques  combats  à  Foung-houang-tcheng,  point  d'in- 
tersection des  trois  routes  de  Moukden,  de  Niou-tchouang 
et  de  Port-Arthur.  D'autre  part,  le  comte  Oyama  quittait 
Hiroshima  le  26  sept,  et  débarquait  à  Ta^-lien-ouan,  au- 
dessus  de  Port-Arthur.  Un  troisième  corps  japonais,  sui- 
vant la  côte  depuis  Wi-ju,  était  venu  renforcer  ses  troupes 
par  terre.  On  peut  prévoir  toutes  les  éventualités  mili- 
taires ;  rien  que  la  paix  —  que  la  Chine  demande  déjà 
—  pourra  empêcher,  après  la  prise  de  Port-Arthur,  la 
marche  des  Japonais  sur  Chan-hai-kouan,  au  pied  de  la 
Grande  Muraille,  et  de  là  sur  Tien-tsin  et  Péking.  Quant 
aux  troupes,  sous  le  commandement  du  maréchal  Yama- 
gata et  du  général  Nodzu,  elles  ont  dû  déjà  quitter  Foung- 
houang-tcheng,  et  avoir  pris  en  grande  partie  la  route 
de  Moukden,  capitale  de  la  Mandchourie,  berceau  de  la 
famille  actuellement  régnante  à  Péking,  par  conséquent 
ville  sainte  (Cheng-king).  Les  quelques  difficultés  que  les 
Japonais  laissent  derrière  eux  dans  le  Sud  de  la  Corée,  oii 
le  «  parti  national  »,  les  Tong-hak,  lutte  contre  eux,  ne  sont 
rien  à  comparer  avec  les  terribles  embarras  des  Chinois. 

Langue.  — La  vraie  langue  japonaise,  c.-à-d.  leyamatOj 
est  une  langue  agglutinative,  polysyllabique  ;  elle  ne  res- 
semble en  rien  au  chinois,  mais  se  rapproche  du  coréen, 
des  langues  tartares  mandchoue  et  mongole.  D'une  façon 
générale,  le  qualificatif  précède  le  substantif  ;  ainsi  l'ad- 
jectif ou  le  génitif  précède  le  nom  ;  l'adverbe,  le  verbe,  etc. 
Le  nombre,  comme  en  chinois,  ne  se  rapporte  pas  directe- 
ment à  l'objet;  un  mot  spécial  intervient  pour  établir  leurs 
rapports.  Ainsi  on  ne  dit  pas  :  dix  chevaux,  mais  dix 
têtes  de  chevaux,  etc.  Le  yamato  n'a  pas  de  vraies  con- 
jugaisons, les  formes  verbales  étant  impersonnelles.  «  Le 
verbe  s'y  produit,  dit  Metchnikov,  sous  une  forme  rudi- 
mentaire  et  se  confond  souvent  avec  les  autres  parties  du 
discours  :  narou  (devenir),  sourou  (être),  arou  (avoir  ou 
être),  que  l'on  serait  porté  à  considérer  comme  des  verbes 
par  excellence,  ne  sont  que  des  radicaux  amphibologiques 
dont  la  signification  varie  suivant  leur  rôle  dans  la  phrase. 
Ils  se  suffixent  à  d'autres  radicaux  et  les  transforment  en 


JAPON 


38  - 


verbes  ou  à  peu  près.  Les  temps  peuvent  être  indiqués  par 
des  changements  de  terminaisons.  Le  pluriel  qui  n  est  que 
rarement  énoncé  pour  les  substantifs  par  la  répétition  du 
mot  ou  par  le  suffixe  d'un  radical  signifiant  classe,  caté- 
gorie ou  pluralité,  ne  l'est  jamais  pour  les  verbes.  L'ac- 
tif se  change  en  passif,  l'affirmatif  en  négatif,  et,  de  plus, 
l'on  obtient  le  désidératif,  le  causatif,  le  concessif,  etc.,  en 
intercalant  ou  en  suffixant  des  radicaux  uniformes  et  qui 
peuvent  se  suffixer  à  même  titre  aux  autres  parties  du  dis- 
cours. —  Il  existe  en  japonais  des  pronoms  pour  la  pre- 
mière (i;â^,  <2,  onvare)  et  pour  la  deuxième  (nanzi,  imaci) 
personne,  mais  l'on  ne  s'en  sert  jamais  dans  la  langue  parlée. 
Ils  y  sont  remplacés  par  des  locutions  honorifiques,  géné- 
ralement imitées  du  chinois.  Les  pronoms  possessifs,  qui 
jouent  un  rôle  très  important  dans  les  langues  turco-tar- 
tares,  font  défaut  au  yamato.  »  Autres  traits  :  absence  de 
diphtongues,  la  consonne  /  manque  et  est  remplacée  par  r; 
les  sons  y,  ch^  tchet  dj  du  Sud  se  prononcent  dans  le  Nord 
z^  s^  ts  et  dz.  —  Les  relations  des  Japonais  avec  les  Chi- 
nois ont  amené  l'introduction  dans  la  langue  d'un  grand 
nombre  de  mots  chinois,  formant  un  idiome  corrompu 
sinico-japonais  appelé  vakan. 

On  place  généralement  vers  l'an  400  de  notre  ère  l'in- 
troduction du  système  idéographique  de  l'écriture  de  Chine 
au  Japon  ;  en  plus  de  ces  caractères  chinois,  on  inventa, 
d'après  les  caractères  chinois  les  plus  employés,  un  système 
d'écriture  appelé  kana,  dont  il  existe  deux  variétés,  le 
kata-kana,  inventé,  dit-on,  parKibi-no-mabi,  mort  en  776, 
et  le  fiira-gana,  inventé  par  le  saint  bouddhiste,  Koô- 
boô-daïshi  en  835.  Le  kata-kana  est  ainsi  nommé  (écri- 
ture de  côté)  parce  qu'il  est  placé  à  côté  de  caractères 
chinois  ;  le  hiragana  est  une  cursive  qui  sert  à  la  corres- 
pondance, pour  les  romans  populaires,  etc. 

L'étude  de  la  langue  japonaise  par  les  Européens  est 
d'origine  relativement  récente  :  une  des  premières  chaires 
créées,  sinon  la  première  chaire  de  la  langue  japonaise,  est 
celle  du  D"^  J.-J.  Hoffmann  à  Leyde;  depuis  sa  mort,  elle 
est  occupée  par  M.  L.  Serrurier  ;  la  première  chaire  de  japo- 
nais créée  à  Paris  a  été  celle  de  l'Ecole  des  langues  orien- 
tales (juin  1868)  que  son  premier  titulaire,  M.  Léon  de 
Piosny,  occupe  encore  ;  M.  Rudolf  Lange  occupe  la  chaire 
de  japonais  dans  le  séminaire,  nouvellement  installé,  des 
langues  orientales  de  Berlin.  Dans  les  autres  villes,  comme 
Florence,  avec  MM.  Antelmo  Severini  et  Carlo  Puini,  le 
japonais  n'est  qu'une  des  branches  d'un  enseignement  plus 
général,  quelquefois  un  auxiliaire  du  chinois  ;  mais  incon- 
testablement les  grands  progrès  de  la  langue  japonaise  sont 
dus  aux  savants  européens  établis  au  Japon,  tels  que  le 
missionnaire  américain  J.-C.  Hepburn,  et  les  Anglais  Ernest 
M.  Satow,  W.-G.  Aston,  Basil  Hall  Chamberlain.  Dans  les 
temps  plus  anciens,  on  ne  se  servait  guère  que  des  ou- 
vrages des  PP.  Collado  et  Rodrigues  ;  ce  dernier  nous  re- 
met sous  la  plume  le  nom  de  M.  Léon  Pages  quia  édité  la 
grammaire  de  ce  missionnaire  ;  enfin,  comme  travailleur 
indépendant  contemporain  ^  M.  François  Turrettini,  de 
Genève,  éditeur  de  VAtsume-gusa  et  du  Ban-zai-sau. 

Littérature.  —  M.  Ernest  Satow,  qui  suit  en  cela  les 
bibliographes  indigènes,  divise  la  littérature  japonaise  en 
seize  classes  :  I.  Grandes  histoires  :  outre  le  Kozi-ki  et  le 
Mhoîi'Shô-ki  dont  nous  avons  parlé  au  chapitre  Religions ^ 
citons  le  Dai-Nihonshi^  du  xvii®  siècle.  —  IL  Divers  ou- 
vrages historiques  :  Mitsu  Kagami,  Gempei  Seisuiki, 
Heike  Monogatari,  qui  a  été  traduit  par  Turrettini, 
Taiheiki^  Mhon  Gioaishi,  dont  les  cinq  premiers  livres 
ont  été  traduits  par  M.  Satow.  —  III.  Droit  :  Hyô  no  Gige 
et  Engi-shikL  —  IV.  Biographie.  —  V.  Poésie.  Les  Ja- 
ponais aiment  à  chanter  les  choses  gracieuses,  les  ileurs, 
les  oiseaux,  les  choses  de  la  nature  ;  presque  toute  la  poésie 
japonaise  est  lyrique,  sauf  les  drames  classiques.  Nous  ne 
citerons  parmi  les  recueils  de  poésie  que  le  Man-yo-sliu 
(collection  d'une  myriade  de  feuilles)  et  le  Kokinshû 
(chants  anciens  et  modernes).  —  VI.  Les  romans  clas- 
siques :  le  .plus  connu  peut-être  est  Je  Taketori  Monoga- 


tari,  l'histoire  du  coupeur  de  bambou,  qui  a  été  traduit 
dans  plusieurs  langues  européennes,  le  Genji  Monogatari 
(1004  ap.  J.-C),  remarquable  par  son  style.  —  VIL 
Mélanges  :  Makura  no  Sôshi  et  Tsurezure-Gusa.  — 
VllL  Journaux  personnels  :  Hôjoki,  Murasaki,  Shikibu 
Niki.  —  IX.  Voyages  :  Tosa  Niki.  —  X.  Théâtre.  On 
désigne  sous  le  nom  de  Nô  le  théâtre  des  hautes  classes 
et  sous  celui  de  Shibai  ou  Kabuki  le  théâtre  des  classes 
inférieures  ;  quant  aux  pièces,  on  les  divise  en  deux 
classes  :  pièces  historiques,  jidai-mono;  comédies  de 
mœurs,  sewa-mono.  Le  théâtre  du  Japon  remonte  à  la 
plus  haute  antiquité;  on  y  trouve  son  origine  dans  les 
danses  religieuses;  au  v®  siècle,  ces  danses  améliorées, 
jointes  à  une  action  théâtrale,  formèrent  les  premiers  nô; 
c'est  encore  au  théâtre  qu'on  peut  encore  le  mieux  étudier 
les  mœurs  et  les  coutumes  de  l'ancien  Japon,  qui  tendent 
si  vite  à  disparaître.  Le  plus  célèbre  auteur  dramatique  du 
Japon  est  Chikamatsu  Monzaemon  qui  a  écrit  un  drame 
sur  la  conquête  de  Formose  sur  les  Hollandais  par  Koxinga 
et  mis  au  théâtre  l'histoire  des  quarante-sept  rônins;  cette 
dernière  histoire  a  été  également  l'objet  d'une  pièce  par  un 
dramaturge  non  moins  connu  :  Takeda  Izumo.  Les  théâtres 
de  Yedo  étaient  réputés  les  meilleurs  depuis  que  Tokugawa 
lyeyas  avait  invité  Saruvaka-Kan-Saburo,  célèbre  acteur 
de  Suruga,  à  venir  jouer  dans  sa  capitale.  Le  plus  célèbre 
acteur  actuel  est  Ichikawa  Danjurô,  de  Tokio.  —  XL  Dic- 
tionnaires et  ouvrages  de  philologie  :  Wakun  no  Sliiori, 
Gagen  Shûran,  principaux  dictionnaires  classiques  ;  Gen- 
kai,  dictionnaire  récent^  plus  complet  que  les  précédents  ; 
la  meilleure  grammaire  est  Kotoba  no  Chikamichi,  par 
Minamoto-no-Shigetane.  —  Xll.  Topographie  :  on  désigne 
sous  le  nom  de  Meishô  Zue  les  guides  dans  les  différentes 
parties  de  l'empire;  il  y  a,  comme  en  Chine,  des  ouvrages 
topographiques  qui  ont  perdu  leur  valeur  pratique,  mais 
ont  conservé  un  grand  intérêt  historique.  —  Xlll.  Litté- 
rature shintoïste  :  Kojiki  Den,  Koshi  Den  sont  les  prin- 
cipaux ouvrages.  —  XIV.  Littérature  bouddhiste  :  les  deux 
meilleurs  livres  de  cette  section  sont  des  recueils  de  morale 
Jitsit-Go  Kyô  et  dôji  Kyô.  —  XV.  Romans  modernes  : 
le  plus  célèbre  romancier  moderne  du  Japon  est  Bakin 
(1767-1848)  dont  le  roman  le  plus  populaire  est  Hakken- 
den,  conte  des  huit  chiens.  Citons  encore  le  Hiza-Kurige 
et,  parmi  les  romans  historiques,  le /-ro-/ia  Bimko  et  le  Yiiki 
no  Akebono,  qui  donnent  la  vie  des  quarante-sept  rônins. 
—  XVI.  Mélanges  :  ouvrages  sur  les  sciences,  les  arts,  les 
antiquités,  le  confucianisme,  etc.  —  A  ces  seize  divisions  de 
M.  Satow,  M.  Chamberlain  ajoute  une  dix-septième  qui 
comprend  la  littérature  européenne  du  Japon,  c.-à-d.  les 
ouvrages  écrits  par  les  Japonais  sous  l'influence  étrangère, 
Beaux- Arts.  —  L'art  japonais  dérive  de  l'art  chinois, 
probablement  par  l'intermédiaire  de  la  Corée,  mais  l'origi- 
nalité, l'imagination,  ladéhcatesse  de  ses  artistes  ont  donné 
aux  productions  de  l'empire  du  Soleil  Levant  un  cachet  tout 
à  fait  particulier  qui  leur  a  valu  l'admiration,  non  seule- 
ment des  indigènes,  mais  encore  celle  des  Occidentaux.  Il 
n'est  personne  en  Europe  aujourd'hui  qui  ne  sache  ce  qu'est 
un  kakémono  (chose  suspendue),  c.-à-d.  un  dessin,  une 
aquarelle,  un  autographe,  destiné  à  être  pendu  au  mur 
comme  un  tableau;  ou  un  surimono  (chose  imprimée), 
carte  sur  laquelle  les  poètes  inscrivaient  leurs  vers,  les 
artistes  faisaient  imprimer  leurs  dessins,  et  qui  circulait  au 
nouvel  an  entre  les  parents  et  les  amis.  On  peut  diviser  en 
huit  périodes  l'histoire  de  la  peinture  au  Japon  :  L  Ecole 
bouddhique  :  l'école  la  plus  ancienne  qui  fut  introduite  au 
vio  siècle  par  des  pèlerins,  dont  le  plus  célèbre  représen- 
tant est  considéré  comme  le  créateur  de  l'art  de  peindre, 
est  Kose  Kanoaka,  qui  vivait  au  ix^  siècle  et  dont  on  ne 
connaît  qu'une  demi-douzaine  d'œuvres  authentiques.  — 
IL  Ecole  de  Tosa:  ainsi  nommée  de  Tsunetaka,  peintre 
fameux,  sous -gouverneur  de  la  province  de  Tosa,  au 
xiii«  siècle,  dont  la  réputation  était  si  grande  que  le 
nom  de  Tosa  fut  substitué  à  celui  de  Yamato,  ^ae  portait 
l'Ecole,  dont  la  plus  nm'imne  branche,  celle  do  fiasuga^ 


avait  été  fondée  vers  Tan  1000  par  Motomitsu,  de  la  famille 
de  Fujiwara,  élève  de  Kose  ;  cette   école  peut-être  consi- 


39  -  JAPON 

dérée,  comme  celle  deKioto,  nationale  par  excellence  ;  outre 
la  branche  de  Kasuga,  ainsi  nommée  d'un  temple  près  de 


Le  Fousi-yama,  montagne  sacrée  du  Japon  (dessin  de  Hokousaï). 


Nara,  on  notait  également  la  branche  de  Takuma,  d'après 
son  fondateur  Takuma  Taraenji  (vers  4038),  et  la  branche 


Dessin  d'Outamaro. 

de  Sumiyoshi^  fondée  par  Keiou  (vers  4200),  dans  l'école 
de  Tosa,  dont  la  décadence  commence  au  xv«  siècle.  — 


III.  Ecole  chinoise  dont  l'artiste  le  plus  célèbre  fut  Ses- 
A'/ifw  (4420-4506);  après  avoir  étudié  en  Chine  (4460),  il 
vint  se  fixer  en  4469  dans  le  temple  à'Unkoju-ji;  on  peut 
dire  qu'il  est  le  précurseur  de  l'école  de  Kano,  dont  le  fon- 
dateur fat  un  de  ses  élèves.-— -  IV.  Ecole  de  Kano,  fondée 
au  xv^  siècle  par  Kano  Masanobu  (4453-90),  élève  de 
Sesshiu  ;  d'abord  soumise  à  l'influence  chinoise,  grâce  aux 
rapports  [entre  les  shogouns  Ashikaga  et  les  Ming,  cette 
école  s'en  affranchit  avec  Tanyu  ou  Morinobu  (1604-75) 
et  Naonobu  (4607-54).  •—  V.  Ecole  de  Korin:  Korin 
(Ogata)  (4640-4746),  élève  de  Sumiyoshi  Hirozumi, 
avec  ses  élèves  Kenzan  (1663-4744),  et  Hoitsu  (1764- 
4828),  furent  de  grands  travailleurs,  surtout  pour  les 
laqueurs  et  les  ciseleurs.  —  VI.  Ecole  de  Shijo:  ainsi  nom- 
mée d'après  le  quartier  de  Kioto  oti  Okio  Maruyama  (1732- 
85)  avait  installé  son  atelier;  là,  étudiant  d'après  nature, 
il  était  en  quelque  sorte  le  fondateur  d'une  école  natura- 
liste. —  VIL  Ecole  de  Toba,  fondée  par  Toba  no  Sôjô, 
ou  Gakuyu  au  xii^  siècle,  est  celle  de  la  caricature  qui 
atteint  son  apogée  au  xvii^  siècle,  avec  Hanabusa  Itcho 
(4652-4724)  et  Ippo.  —  VIII.  Ecole  Ukiyo-ye,  Cette  école 
célèbre,  populaire,  réaliste,  a  été  créée  au  commencement 
du  xvii®  siècle  par  Iwasa  Matahei  ;  j'emprunte,  avec  quel- 
ques changements,  au  catalogue  de  la  vente  de  Taigny,  la 
classification  suivante  des  ateliers  des  artistes  de  cette 
école  :  Première  période  (xvii^  siècle  et  première  moitié 
du  xviii®  siècle).  Gravure  en  noir.  Gravure  en  couleurs 
à  deux  ou  trois  tons:  Moronobu^  mort  vers  4745;  les 
Tori-i,  Kyonobu,  Kyomasu,  Kyotada,  Kyomitsu,  Kyohiro, 
Kyotsuné  ;  les  Ôkumura,  Massanobu,  Toshinobu  ;  les 
Niskîinura^  Shighénaga,  Shighenobu  ;  les  JSishikawa^ 
Sukenobu,  Sukenori,  Tsukioka  Massanobu,  Tatshibana  Mo- 
rikuni;  les  Hishikawa^  Toyonobu,  mort  en  1789,  Toyo- 
masa  ;  les  Hanabusa,  Itcho,  Ippo.  —  Deuxième  période 
(seconde  moitié  du  xvin®  siècle)  :  Haronobu^  élève  de  Shi- 
ghénaga, florissait  entre  1764  et  4779,  remarquable  par 
sa  grâce  ;  les  derniers  Tori-i,  Kyonaga,  Kyominé  ;  Ippi- 
tsusai  Buntscho,  florissait  entre  4760  et  1780  ;  Koriusai, 
contemporain  du  précédent,  un  peu  de  maniérisme  ;  les  pre- 
miers Ustagaïua,  Toyoharu,  Toyohiro  ;  les  Katoukawa, 


Garde  de  sabre,  dite  «  à  la  lune  ». 

nités  et  particulièrement  de  Bouddha  ;  la  plus  célèbre  de 
ces  statues  est  le  colossal  Grand  Bouddha  {Daibutsu)  de 
Kamakura  qui  date  du  xm*^  siècle.  Mais  c'est  dans  la  cise- 
lure plutôt  que  dans  la  grande  sculpture  qu'excellent  les 
Japonais  ;  tout  le  monde  admire  ces  breloques  qui  servent 
à  rattacher  à  la  ceinture  la  blague  à  tabac,  inséparable  du 
Japonais,  ces  netsuke  en  bois,  en  corne,  en  os,  en  métal, 
en  laque,  en  ivoire;  les  fermetures  des  blagues  à  tabac 
{kanémonos)^  les  petites  plaques  en  métal  ciselé,  les  poi- 
gnées de  sabre  [menuki)^  les  gardes  de  sabre^  les  petits 
couteaux  qui  accompagnent  le  grand  sabre  (A:(?c?;^î*A;a),  etc., 
les  masques  si  bizarres  qui  arrivèrent  à  la  perfection  au 
commencement  du  xvii"^  siècle  avec  Z)^m^'  Jioman.  La  sculp- 
ture sur  bois  est  représentée  par  deux  magnifiques  spéci- 
mens à  Nara  et  au  temple  de  Nikko  ;  le  plus  célèbre  sculp- 
teur sur  bois  fut  Hidari  Jingorô,  né  en  i  594. 

La  fabrication  de  la  porcelaine  est  introduite  de  Chine 
vers  4520  par  Gorodayu  Shonsui;  un  grand  centre  de  la 
production  est  la  province  de  Hizen  ;  Tapogée  de  sa  fabri- 


JAPON  —  40 

Shunsho,  le  fondateur,  seconde  moitié  du  xviii^  siècle, 
Shunyei,  Shunko,  etc.,  Yeishi,  Yeisho,  Yeishin,  Shuontscho  ; 
lesiff-to,  Shighémasa  (d739-i819),  Massanobu,  Kiku- 
gawa  Yeizan  ;  Sharaku  (Toshiu-sai),  fin  du  xvin^  siècle, 
le  meilleur  p^nntre  de  portraits  du  Japon;  Tchoki;  Outa- 
maro  (1754-97),  peintre  de  femmes;  E.  de  Concourt  lui 
a  consacré  un  livre;  ses  élèves,  Shikimaro,  Hidémaro, 
Shiko.—  Troisième  période  (xix^  siècle)  :  les  Utagawa, 
Toyokuni  (1769-48:25),  peintre  d'acteurs  et  de  scènes  de 
théâtre;  Kunisada  (1785-1864),  élève  du  précédent;  Ku- 
niyoshi (1796-1861),  peintre  historique;  Kunitora  {Ichiyo- 
sai);  on  désigne,  sous  le  nom  d'écoled'OsflA;^,  les  élèves 
des  Utagawa,  peintres  d'acteurs  et  des  scènes  de  théâtre, 
tels  que  Kunimitsu,  Kunimassa,  Kuniyasu,  Kuniakira,  Ho- 
kukei,Hokushiu,  Riukosaï;  Hiroshighé  Motonaga(ildl- 
1858),  le  plus  grand  paysagiste  du  Japon,  et  l'école  paysa- 
giste de  Meïshos;  Hokoiisaï  (1760-1849),  débuta  sous  le 
nom  de  Shunrô,  dans  l'atelier  de  Shunsho,  a  cultivé  tous 
les  genres  et  illustré  tous  les  sujets,  le  plus  grand,  le  plus 
fécond,  le  plus  varié  des  artistes  japonais  ;  notons  parmi 
ses  élèves  son  gendre  YanagawaShighénobu  (1787-1842), 
Hokkei,  son  meilleur  élève,  Gakutei,  Shinsaï,  Keisaï  Yei- 
zen,  Hokube,  Hokujiu,  Riusai,  Rintei,  etc.  ;  les  peintres 
de  Surimonos,  qui  comprenaient  presque  tous  ces  derniers 
noms;  enfin  les  humoristes  et  caricaturistes  contempo- 
rains, Kiàsai,  élève  de  Kano,  né  en  1832;  beaucoup  de 
ses  dessins  sont  reproduits  sur  les  lanternes  {uchiwa)  ;  on 
l'a  surnommé  shôjô,  le  grand  buveur  ;  Keisaï,  etc. 

La  sculpture  est,  comme  la  peinture,  d'origine  bouddhi- 
que. Elle  se  montre  sous  forme  de  vastes  objets  de  bronze, 
brûle-parfums,  gongs,  etc.,  et  surtout  de  statues  de  divi- 


Bonze  chantant  (terre  cuite  du 
xiP  siècle). 


cation  est  entre  1750  et  1830  (V.  Porcelaine).  Le  vieux 
Satsuma  a  atteint  son  maximum  de  perfection  dans  la  pre- 
mière moitié  de  ce  siècle.—  C'est  également  aux  Chinois  que 
les  Japonais  doivent  leur  première  bonne  poterie  ;  quoiqu'ils 
en  fassent  remonter  la  fa- 
brication à  une  époque 
antérieure  à  660  av. 
J.-C,  ce  n'est  qu'en 
1230,  que  la  première 
bonne  poterie  vernissée 
japonaise  fut  faite  à  Seto 
par  Tôshiro,  qui  avait 
étudié  en  Chine. 

La  fabrication  des  la- 
ques est  plus  encore  une 
branche  de  l'art  qu'une 
industrie  au  Japon,  elle 
est  faite  avec  le  suc  de 
l'arbre  appelé  Rhiis  ver- 
nicifera  qui  s'échappe 
lorsqu'on  lui  fait  des  in- 
cisions. On  applique  la 
laque  sur  du  métal,  mais 
surtout  sur  du  bois  ;  les 
meilleurs  bois  sont  le 
hinoki  (Chamœcyparis 
obtusa)  et  le  kiri  {Pau- 
lownia imperialis)  ; 
pour  des  objets  com- 
muns,   on  emploie    les 

bois  du  suji  {Cryptomeria  japonica)  et  du  keyaki  (Pla- 
nera japonica).  L'application  de  la  laque  est  extrêmement 
délicate  et  longue  ;  après  plusieurs  couches  de  laque  ordi- 
naire, on  peut  faire  des  applications  avec  des  laques 
d'or  (hirama- 
kiye  et  taka 
makiye).  L'art 
de  la  laque  est 
indigène  (V.  La- 
que). 

Nous  avons 
déjà  dit  que  l'ab- 
sence de  roches 
de  construction 
avait  eu  une  in- 
fluence directe 
sur  la  construc- 
tion des  mai- 
sons ;  il  est  très 
certain  que  les 
tremblements  de 
terre  si  terribles 
et  si  nombreux 
dans  l'archipel 
japonais  sontune 
autre  cause.  Les 
maisons  japo- 
naises sont  de 
légères  char- 
pentes posées 
sur  terre  sans 
caves,  couvertes 
de  chaume  ou  de 
tuiles  ;  de  murs, 
il  n'y  en  a  pas  à 
vrai  dire,  la 
maison  est  fermée  par  des  portes  de  bois  (amado)^  glis- 
sant sur  des  rainures  pendant  l'été  ;  en  hiver,  ces  portes 
en  bois  sont  remplacées  par  d'autres  portes  en  papier  semi- 
transparentes  appelées  5/10 /z;  les  chambres  sont  fermées 
par  d'autres  portes  en  papier  et  leur  dimension  peut  être 
agrandie,  leur  nombre  diminué  ou  augmenté,  suivant  qu'on 
laisse  en  place  ou  qu'on  enlève  ces  portes. 


[Aigle  et  sin; 


41  - 


JAPON 


La  musique  est  d'origine  chinoise  et  bouddhique;  sui- 
vant le  docteur  Mùller,  Féchelle  musicale  se  compose  de  cinq 
notes  de  la  gamme  harmonique  mineure;  M.  Piggott  pense 
que  la  gamme  japonaise  est  notre  gamme  mineure  pure  et 
simple.  «  L'instrument  le  plus  parfait  des  Japonais,  dit 
Metchnikov,  est  le  koto,  espèce  de  zitter,  dont  on  tire  à 
Taide  d'un  crochet  des  sons  assez  mélodieux  ;  mais  l'on 


Les  Grues  (laque  du  xvhq  siècle). 

a  rarement  l'occasion  de  l'entendre  ;  anciennement  l'on  ne 
jouait  du  koto  qu'à  la  cour  des  empereurs.  Le  biwa^  man- 
doline à  quatre  cordes,  est  l'instrument  des  aveugles  ;  il 
sert  d'accompagnement  aux  improvisations  et  surtout  au 
récit  de  Heiké  Mono-gatari.  Les  hommes  jouent  aussi 
parfois  de  la  flûte  (fouyé)  et  du  tambour  {taiko  et  tsud- 
zumi).  Le  sami-sen  (guitare  à  trois  cordes)  est  l'instru- 
ment de  prédilection  des  deux  sexes.  Il  est  accordé  en 
trois  tons  :  hon-tsio  (ton  naturel),  ni-agari  (seconde 
majeure)  et  sansagavi  (tierce  mineure).  Lorsque  plusieurs 
sami  sert  sont  joués  à  la  fois,  l'on  donne  à  celui  qui  sert 
pour  la  mélodie  un  accord  particulier,  nommé  taka-né. 
Il  existe  une  grande  variété  de  sami-sen  et  de  riu-ghei, 
styles  ou  méthodes  de  musique.  Le  style  le  plus  usité  au- 
jourd'hui est  le  zioruri  qui  sert  d'accompagnement  aux 
chansons  erotiques.  Naga~uta  est  le  style  d'accompagne- 
ment pour  les  déclamations  ;  ghi-dai-yu-bu-ci  est  le  style 
martial  :  hayari-uta  est  la  musique  des  danses.  » 

Henri  Cordier. 
Législation.  —  Ancien  t)roit.  —  Les  lois  les  plus 
anciennes  dont  on  ait  gardé  le  souvenir  datent  d'une 
époque  relativement  récente.  Pendant  longtemps,  en  effet, 
le  Japon  a  été  gouverné  suivant  le  régime  patriarcal, 
sans  loi  écrite.  Ce  n'est  qu'en  604  ap.  J.-C.  que  le  prince 
impérial  Shotoku  fit  la  compilation  des  Dix-sept  Lois  fort- 
damenlales,  œuvre  bientôt  suivie  de  la  Codification  des 
lois  et  ordonnances  et  de  la  Compilation  des  règle- 
ments et  règles  supplémentaires.  En  4232,  fut  promul- 
guée la  Constitution  de  Hojo,  qui  subit  ultérieurement 
des  modifications  et  additions  nombreuses,  dont  la  plus 
authentique  porte  le  nom  de  Nouvelle  Co7istitufion  sup- 
plémentaire. En  1746,  Yoshi-mitsu,  surnommé  le  Législa- 
teur de  Tokugawa,  fit  réunir  en  un  recueil  unique  tous  les 
décrets  et  ordonnances  des  shogouns;  les  Documents  légis- 
latifs contiennent  le  droit  civil.  En  1742  parurent  les 
Cent  Articles  de  Tokugawa,  reidermant  les  Jois  crimi- 


nelles. Ces  lois  ne  furent  distribuées  que  parmi  les  minis- 
tres et  les  juges,  la  nmxime  du  gouvernement  de  Toku- 
gawa  étant  que  «  le  peufde  ne  doit  pas  connaître  la  loi, 
mais  seulement  obéir  ». 

Droit  public  et  administratif.  —  En  1867,  lorsque  le 
mikado  (souverain  légitime  qui  siégeait  à  Kioto)  eut  recon- 
quis l'exercice  effectif  de  son  autorité  contre  le  shogoun  ou 
taïcoun  (dictateur  militaire  et  souverain  de  fait  qui  siégeait 
à  Yedo),  l'histoire  du  Japon  entra  dans  une  phase  nouvelle. 
La  dénomination  de  l'ère  qui  allait  s'ouvrir  (mei-dji, 
gouverner  clairement)  étuil  à  elle  seule  une  promesse  et 
un  programme.  Dans  la  formule  du  serment  prêté  en  1867, 
lors  de  son  avènement,  par  l'empereur  actuel,  Mutsuhito, 
ce  souverain  prenait  l'engagement  «  de  gouverner  d'accord 
avec  l'opinion  publique  et  'la  délibération  populaire  ».  En 
1868,  une  sorte  de  Parlement,  composé  de  276  membres 
de  la  noblesse  feudataire  fut  convoqué  à  Yedo,  mais  cette 
assemblée,  imbue  des  anciens  préjugés,  hostile  aux  ré- 
formes projetées,  dut  être  dissoute!  Pour  vaincre  cette 
opposition  et  trouver  un  appui  dans  les  classes  populaires, 
le  nouveau  gouvernement  s'attaqua  au  régime  féodal  et 
militaire  (hoken-seiji),  dont  l'impopularité  était  d'ailleurs 
devenue  extrême.  Les  fian  ou  provinces  des  daimios  furent 
abolis,  leurs  noms  mêmes  changés,  et  Ton  organisa  des 
divisions  territoriales  nouvelles,  les  fou  (villes)  au  nombre 
de  trois,  les  ken  (préfectures)  au  nombre  de  quarante- 
trois,  à  la  tête  desquelles  furent  placés  des  gouverneurs 
dévoués  au  nouveau  pouvoir  (1871).  Un  Sénat  fut  créé  en 
1872,  mais  il  se  composait  exclusivement  de  fonction- 
naires et  n'avait  (ju'un  rôle  purement  consultatif.  En  1875, 
l'empereur  prit  l'initiative  de  convoquer  à  Tokio  les  fonc- 
tionnaires des  provinces  «  pour  s'enquérir  des  sentiments 
du  peuple  et  consulter  l'intérêt  public  ».  Le  rescrit  impé- 
rial annonçait  la  mise  à  l'étude  d'une  «  forme  constitution- 
nelle à  donner  au  gouvernement  ».  Une  insurrectien  san- 
glante, réprimée  en  1877,  l'etarda  la  convocation  de  cette 
assemblée  jusqu'en  1878.  Sa  première  œuvre  fut  l'élabo- 
ration, sous  la  présidence  du  comte  Ito,  de  lois  relatives  à 
la  création  d'assemblées  municipales  et  provinciales  issues 
de  l'élection.  Ces  corps  représentatifs  devaient  servir  de 
base  à  l'édifice  ultérieur  de  la  constitution.  Ces  lois,  con- 
nues sous  le  nom  des  trois  grandes  lois,  furent  mises 
en  vigueur  en  1879  et  re visées  sur  quelques  points  en 
1880.  Les  assemblées  qu'elh^s  organisent  sont  chargées  de 
fixer  le  montant  des  impositions" locales,  sous  le  contrôle 
des  gouverneurs  et  du  ministre  de  l'intérieur.  Sont  éligibles 
tous  les  citoyens  mâles  âgés  de  vingt-cinq  ans  résidant 
dans  la  circoiiscription  depuis  trois  années  consécutives  au 
moins  et  payant  comme  impôt  foncier  annuel  plus  de  10  yen 
(le  yen  vaut  nominalement  5  fr.  15  environ  :  sa  valeur 
réelle  n'est  plus  guère  aujourd'hui  que  de  4  fr.  30).  Sont 
électeurs  tous  les  citoyens  mâles  âgés  de  vingt  ans  rési- 
dant dans  le  district  et  payant  plus  de  5  yen.  Chaque  année 
ou  tous  les  deux  ans  au  moins,  les  gouverneurs  sont  con- 
voqués au  ministère  de  l'intérieur  pour  discuter  les  ques- 
tions se  rattachant  à  l'administration  locale.  Chaque  cir- 
conscription est  partagée  en  villes  (kou)  et  en  cantons 
(gun)  administrés  par  un  fonctionnaire  (cho)  qui  gère  les 
affaires  locales. 

Un  édit  impérial  du  17  avr.  1888,  entré  en  vigueur  le 
l^^avr.  1889,  a  poussé  jdus  loin  le  principe  de  la  décen- 
tralisation, en  organisant  un  nouveau  système  d'adminis- 
tration locale  dans  les  shi  (municipalités),  cho  (villes)  et 
5072  (villages).  Cette  réforme  est  destinée  à  recevoir  une 
application  graduelle,  suivant  les  circonstances  et  les 
besoins  des  localités. 

Par  un  édit  en  date  du  12  oct.  1881,  l'empereur  avait 
promis  pour  Tannée  1890  l'institution  d'un  nouveau  Par- 
lement. En  attendant  que  cette  création,  qui  était  présentée 
comme  le  couronnement  de  l'œuvre  entreprise,  à  savoir 
«  l'établissement  graduel  d'une  forme  constitutionnelle  de 
gouvernement  »,  pût  être  rculisée,  une  première  étape  fut 
franchie  par  tout  un  ensemble  de  réformes  administratives 


JAPON 


-  4-2 


et  politiques,  dont  la  dernière  porte  la  date  du  22  nov. 
1885.  Les  postes  de  premier  ministre,  de  ministre  de 
gauche  et  de  ministre  de  droite,  dont  la  création  remon- 
tait à  plus  d*un  millier  d'années  et  qui  étaient  toujours 
occupés  par  des  nobles  de  la  cour,  furent  alors  supprimés. 
En  même  temps,  le  cabinet  ou  conseil  des  ministres  est 
constitué  sur  des  bases  entièrement  nouvelles.  Il  com- 
prend un  président  à  portefeuille  et  neuf  autres  ministres 
(affaires  étrangères,  intérieur,  finances,  guerre,  marine, 
justice,  instruction,  agriculture  et  commerce,  communica- 
tions). Les  membres  du  conseil  ne  s'intitulent  plus  sanguis, 
ils  sont  devenus  daï-dzin  (grands  ministres).  Chacun  d'eux 
dirige  sous  sa  responsabilité  les  affaires  de  son  départe- 
ment, mais  les  questions  d'intérêt  général  doivent  être  dé- 
libérées en  conseil.  Le  président  du  conseil  remplit  en 
outre  les  fonctions  dévolues  auparavant  au  premier  grand 
ministre,  c.-à-d.  à  l'ancien  daï-dzio  daï-dzin.  C'est  lui 
qui  présente  à  l'approbation  du  mikado  les  projets  de  noti- 
fication et  qui  les  signe,  lorsqu'ils  sont  approuvés  par  Sa 
Majesté.  L'empereur  assiste  aux  délibérations  du  conseil. 

Quelques  modifications  ont  été  introduites  dans'  les  attri- 
butions respectives  des  ministres.  Ainsi  le  ministère  des 
travaux  publics  est  supprimé  et  remplacé  par  le  ministère 
des  communications,  de  qui  relèvent  les  télégraphes,  les 
phares  et  la  navigation  commerciale.  Les  mines  et  les  ma- 
nufactures de  l'Etat  passent  au  ministère  de  l'agriculture  et 
du  commerce.  L'école  des  ingénieurs  est  rattachée  au  mi- 
nistère de  l'instruction  publique.  Quant  aux  chemins  de  fer, 
ils  restent  provisoirement  sous  la  surveillance  du  cabinet. 
Le  comte  Ito  fut  nommé  président  du  conseil  et  ministre 
de  la  maison  de  l'empereur. 

A  côté  de  ce  conseil  des  ministres  et  pour  créer  des  si- 
tuations aux  hauts  personnages  dépossédés  par  l'etFet  de 
cette  réforme,  on  a  institué  un  conseil  du  palais,  dont  les 
attributions  ne  s'étendent  qu'aux  choses  mêmes  du  palais  et 
n'ont  absolument  rien  de  politique.  Dans  ce  conseil  entrè- 
rent :  comme  président  et  gardien  des  sceaux,  le  prince 
Sandjo,  ancien  premier  grand  ministre,  et  comme  conseil- 
lers :  l'ancien  ministre  de  la  marine,  l'ancien  président  du 
conseil  d'Etat,  l'ancien  ministre  des  travaux  publics,  l'an- 
cien président  du  Sénat,  etc.  Le  prince  Arisougava,  pre- 
mier prince  du  sang,  était,  en  compensation  de  la  perte  de 
son  poste  de  grand  ministre  de  gauche,  nommé  grand  chef 
de  l'état-major  général.  Le  conseil  d'Etat  fut  supprimé  et 
remplacé  par  un  conseil  de  jurisprudence,  dépendant  du 
cabinet  et  comprenant  trois  sections  :  administration,  légis- 
lation, justice.  Enfin  le  Sénat  fut  conservé  et  ouvrit  même 
ses  rangs  à  quelques-uns  des  membres  du  conseil  d'Etat 
supprimé.  Le  comte  Oki,  privé  du  portefeuille  de  l'instruc- 
tion publique,  obtint  ainsi  la  présidence  du  Sénat. 

La  promesse  faite  parle  mikado,  le  12  oct.  1881, reçut 
son  exécution  à  la  date  fixée.  La  nouvelle  constitution  de 
l'empire  japonais  a  été  solennellement  promulguée  le  d  1  févr. 
1889  (onzième  jour  du  deuxième  mois  de  la  vingt-deuxième 
année  de  l'ère  de  mei-dji).  Le  comte  Ito,  président  du 
conseil  privé,  a  pris  à  la  rédaction  de  cette  charte,  comme 
d'ailleurs  à  toutes  les  autres  réformes  antérieurement  exé- 
cutées, une  part  prépondérante.  Cette  constitution  com- 
prend 76  articles.  Le  chap.  I  traite  des  pouvoirs  de 
l'empereur  ;  le  chap.  II,  des  droits  et  devoirs  des  sujets; 
le  chap.  III,  de  la  Diète  impériale;  le  chap.  IV,  des  mi- 
nistres d'Etat  et  du  conseil  privé  ;  le  chap.  V,  de  la  jus- 
tice; le  chap.  VI,  des  finances;  le  chap.  VII,  de  quelques 
règles  supplémentaires. 

Chapitre  I.  —  L'empereur  exerce  le  pouvoir  législatif 
avec  l'assentiment  de  la  Diète.  Deux  ordonnances,  l'une 
de  1881  et  l'autre  de  1886,  ont  réglé  les  formes  de  la 
promulgation  des  lois.  Le  souverain  a  le  droit  de  disso- 
lution. Il  déclare  la  guerre,  fait  la  paix  et  conclut  les 
traités.  Il  promulgue  l'état  de  siège,  lorsque  les  circons- 
tances l'exigent.  Il  a  le  droit  d'amnistie,  de  grâce,  de  com- 
mutation dejpeine  et  de  réhabilitation. 

Chap.  IL  —  Les  sujets  japonais  peuvent  être,  tous  sans 


distinction,  nommés  aux  divers  emplois.  Ils  sont  égaux 
devant  la  loi.  Le  droit  de  propriété,  la  liberté  de  conscience 
et  de  culte,  la  fiberté  de  parole,  de  réunion  et  d'associa- 
tion, le  secret  des  correspondances  privées  sont  protégés. 
La  loi  du  28  nov.  1872,  complétée  par  celle  du  21  janv. 
1888,  astreint  tous  les  Japonais  au  service  miUtaire. 

Chap.  III.  —  La  Diète  est  composée  de  deux  Chambres  : 
la  Chambre  des  pairs,  composée  des  membres  de  la  famille 
impériale,  des  ordres  de  noblesse  et  des  personnes  dési- 
gnées par  l'empereur;  la  Chambre  des  représentants,  com- 
posée de  membres  élus  par  le  peuple.  En  même  temps  que 
la  constitution,  ont  été  promulguées  :  une  ordonnance  im- 
périale sur  la  Chambre  des  pairs,  une  loi  sur  les  Chambres, 
une  loi  sur  l'élection  des  membres  de  la  Chambre  des  re- 
présentants. L'ordonnance  concernant  la  Chambre  des 
pairs  comprend  13  articles.  Les  membres  de  la  famille  im- 
périale âgés  de  plus  de  vingt  ans,  les  princes  et  marquis 
âgés  de  plus  de  vingt-cinq,  sont  membres  de  droit.  Les 
comtes,  vicomtes  et  barons,  élisent  leurs  représentants,  qui 
doivent  être  âgés  d'au  moins  vingt-cinq  ans,  et  dont  le 
nombre  ne  doit  pas  dépasser  le  cinquième  des  membres  de 
leur  ordre  respectif  :  leur  mandat  dure  sept  ans.  Les  pairs 
choisis  par  l'empereur  en  raison  de  leurs  services  ou  de 
leur  science,  sont  nommés  à  vie  :  ils  doivent  avoir  au 
moins  trente  ans.  Dans  chaque  ville  (fou)  et  dans  chaque 
préfecture  (ken),  les  quinze  plus  imposés,  âgés  de  plus  de 
trente  ans,  élisent  un  représentant  :  si  l'empereur  con- 
firme l'élection,  le  pair  ainsi  désigné  siège  pendant  sept 
ans.  La  loi  électorale  pour  l'élection  des  membres  de  la 
Chambre  des  représentants  compte  111  articles  et  contient 
en  appendice  un  tableau  des  circonscriptions.  La  ville  de 
Tokio  élit  12  députés,  la  ville  de  Kioto  7,  la  ville  d'Osaka 
10  ;  les  42  cantons  élisent  ensemble  271  députés  :  au  total, 
300  représentants,  soit  environ  un  représentant  pour 
128,000  habitants.  Le  mandat  des  représentants  est  de 
quatre  ans.  Pour  être  électeur,  il  faut  avoir  vingt-cinq  ans, 
être  domicilié  depuis  un  an  au  jour  de  la  confection  des 
listes  dans  la  ville  ou  préfecture,  y  résider,  payer  depuis 
un  an  au  moins  des  impôts  directs  d'au  moins  1 5  yen  ou 
depuis  trois  ans  au  moins  un  chiffre  égal  d'impôt  sur  le 
revenu.  Tout  électeur  est  éligible  après  l'âge  de  trente  ans. 
Le  vote  a  lieu  par  bulletins  sur  lesquels  l'électeur  écrit  ou 
fait  écrire  :  1  °  le  nom  du  candidat  pour  lequel  il  vote  ; 
2^  son  propre  nom  et  sa  résidence.  Les  incapacités  élec- 
torales et  les  incompatibilités  ne  diffèrent  point  de  ce 
qu'elles  sont  chez  les  autres  nations.  Les  fous,  les  ban- 
queroutiers, les  individus  privés  de  leurs  droits  civiques, 
ceux  qui  sont  détenus  à  l'occasion  d'une  poursuite  crimi- 
nelle, les  soldats  et  marins  en  activité  de  service  ne  peu- 
vent ni  voter  ni  être  élus.  Il  y  a  incompatibilité  absolue 
entre  le  mandat  de  député  et  celui  de  membre  de  la  Chambre 
des  pairs  ;  de  même  avec  les  fonctions  de  ministre  de  la 
maison  impériale,  d'oflicier  de  police,  de  justice  ou  de 
finance  et  de  prêtre.  Les  fonctionnaires  départementaux, 
dans  le  ressort  de  leur  circonscription  et,  quand  ils  se  sont 
occupés  d'une  élection,  les  fonctionnaires  municipaux  sont 
inéligibles.  La  loi  sur  les  Chambres  comprend  99  articles. 
Elle  règle  tout  ce  qui  concerne  les  convocations,  la  prési- 
dence, le  secrétariat ,  les  indemnités,  les  comités,  séances, 
questions,  adresses,  les  rapports  des  deux  Chambres,  les 
pétitions,  la  discipline,  etc. 

Chap.  IV.  —  Les  attributions  des  ministres  d'Etat  res- 
tent telles  qu'elles  avaient  été  établies  par  la  réforme  de 
1885.  Ils  donnent  leur  avis  à  l'empereur  et  sont  respon- 
sables devant  lui.  Ils  contresignent  les  lois,  ordonnances 
et  rescrits  impériaux  :  la  forme  de  ce  contreseing  a  été 
déterminée  en  1886.  Le  conseil  privé  est  appelé  à  déli- 
bérer sur  les  matières  publiques  importantes,  dont  l'exa- 
men lui  est  confié  par  l'empereur. 

Chap.  V.  —  Les  magistrats  qui  rendent  la  justice  sont 
inamovibles,  sauf  lorsqu'ils  sont  frappés  par  une  sentence 
criminelle  ou  une  punition  disciplinaire.  Des  justices  de 
paix  {kou-saïbansho)^  au  nombre  de  299,  ont  été  établies 


-  43  - 


JAPON 


dans  les  villes  et  villages.  Il  y  a  48  tribunaux  de  première 
insiânœ  (tchihô-saïbansho),  qui  jouissent  au  civil  d'une 
compétence  illimitée  et.  au  criminel,  jugent  eux-mêmes 
certaines  affaires  de  peu  d'importance  et  instruisent  les 
autres.  Des  cours  d'appel  {kôso-in)^  au  nombre  de  7, 
jugent  les  appels  portés  contre  les  sentences  rendues  par 
les  tribunaux  de  première  instance.  Tous  les  trimestres, 
on  constitue  près  des  cours  d'appel  et  parfois  près  des  tri- 
bunaux de  première  instance,  des  cours  criminelles  com- 
posées d'un  président  et  de  quatre  juges,  pour  juger  les 
crimes  importants.  Les  affaires  criminelles,  d'après  les 
statistiques,  se  décomposaient  ainsi  : 


Crimes  sérieux 

Infractions  légères. . . . 

Total 


1887  1891 

4.397  3.591 

79,723      154.087 


84.120      157.678 


Une  cour  de  cassation  (daïshin-in)  a  été  crééje  en 
1875  à  Tokio;  elle  juge  les  pourvois  tant  civils  que  cri- 
minels. Une  loi  sur  l'organisation  judiciaire,  complément 
du  nouveau  code  de  procédure  civile,  a  été  promulguée  le 
2  févr.  1890;  on  en  trouvera  plus  loin  l'analyse.  La  cons- 
titution prévoyait  la  fondation  d'une  cour  des  litiges  admi- 
nistratifs, qui  n'a  pas  pu  encore  être  organisée. 

Chap.  VI.  —  Ce  chapitre,  ainsi  que  nous  l'avons  dit, 
traite  des  finances.  En  même  temps  que  la  constitution,  a 
été  promulguée  une  loi  sur  les  finances  en  33  articles, 
réglant  principalement  les  questions  budgétaires. 

Chap.  VII.  —  Ce  chapitre  détermine  le  mode  de  revision 
de  la  constitution  et  du  statut  de  la  famille  impériale. 

Le  11  févr.  1889,  c.-à-d.  le  jour  même  où  il  octroyait 
à  son  peuple  une  constitution,  le  mikado,  par  une  déclara- 
tion qui  n'a  été  ni  contresignée  par  les  ministres  ni  pu- 
bliée dans  le  journal  officiel,  mais  qui  a  cependant  toute 
la  valeur  d'une  loi  fondamentale  de  l'empire,  réglait  l'ordre 
de  succession  au  trône  et  arrêtait  l'oi'ganisation  de  la  fa- 
mille impériale.  L'art.  74  de  la  constitution  soustrait 
d'ailleurs  aux  délibérations  de  la  Diète  toutes  les  mo- 
difications au  statut  de  la  famille  impériale.  Ce  document, 
intéressant  à  plus  d'un  titre,  établit  tout  d'abord  que  la 
dignité  impériale  est  héréditaire  par  droit  de  primogéni- 
ture  et  de  mâle  en  mâle,  et  détermine  l'ordre  dans  lequel 
les  princes  issus  de  l'épouse  légitime  et  ceux  nés  de  me- 
kake  (concubines)  pourront  être  appelés  au  trône.  Mais  ces 
prévisions,  quelque  minutieuses  qu'elles  soient,  se  trouvent 
presque  annulées  en  fait  par  la  disposition  de  l'art.  9,  où 
il  est  dit  qu'au  cas  où  le  prince  ayant  par  sa  naissance 
droit  au  trône  ne  serait  pas  sain  de  corps  et  d'esprit  ou 
encore  si  quelque  raison  d'importance  majeure  l'exigeait, 
l'ordre  de  succession  pourrait,  sur  l'avis  du  conseil  de 
famille  et  du  conseil  privé,  subir  des  modifications.  De 
même,  toutes  les  prescriptions  relatives  au  choix  du  régent 
n'ont,  pour  ainsi  dire,  qu'une  valeur  documentaire,  puisque 
Fart,  25  laisse  au  conseil  privé  et  au  conseil  de  famille  la 
faculté  de  n'en  tenir  aucun  compte.  Or,  les  membres  du 
conseil  de  famille  n'ayant  aucune  influence  poHtîque,  alors 
que  le  conseil  privé  est  composé  d'anciens  ministres  ou 
hauts  fonctionnaires,  c'est  bien  ce  conseil  privé  qui  décide 
en  définitive  à  quel  prince  doit  appartenir  le  pouvoir  su- 
prême, de  même  que  c'est  à  lui  encore  qu'il  faut  attribuer, 
du  moins  en  grande  partie,  toutes  les  mesures  que  le  mi- 
kado semble  prendre  de  sa  propre  autorité.  Il  est  en  outre 
à  remarquer  que  l'hérédité  dans  la  descendance  adoptive, 
qui  était  d'un  usage  constant  dans  le  passé,  est  virtuelle- 
ment abolie  par  la  déclaration  du  11  févr.  Ce  fait  est  d'au- 
tant plus  grave  qu'il  implique  la  suppression  complète  du 
droit  d'adoption,  c.-à-d.  d'un  droit  passé  à  ce  point  dans 
les  mœurs  japonaises  qu'on  peut  le  considérer  aujourd'hui 
encore  commet  constituant  la  base  même  de  la  famille. 

Droit  privé.  —  Quelque  intérêt  que  présente  cette  ré- 
volution accomplie  par  le  gouvernement  japonais  dans  l'or- 
ganisation administrative  et  politique  du  pays,  la  réforme 


du  droit  privé,  poursuivie  simultanément,  a  pour  nous  un 
intérêt  encore  plus  direct. 

Parmi  les  hommes  qui  ont  eu  la  plus  grande  part  dans 
cette  œuvre  législative,  il  faut  signaler  au  premier  rang 
M.  Boissonade,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris, 
actuellement  conseiller  légiste  du  gouvernement  japonais, 
qui,  chargé  d'abord  par  le  ministre  du  Japon  à  Paris  de 
faire  des  conférences  de  droit  constitutionnel  et  droit  com- 
mercial à  sept  délégués  du  ministère  de  la  justice  venus  à 
Paris  pour  étudier  la  législation  française,  fut  ensuite 
appelé  au  Japon,  où  une  œuvre  importante  de  codification 
allait  être  entreprise  sous  sa  direction. 

Code  pénal.  De  toutes  les  parties  de  la  législation,  la 
loi  pénale  est  assurément  celle  qui  a  le  plus  immédiate- 
ment pour  objet  la  conservation  de  l'ordre  social,  puisqu'elle 
tend  à  défendre  contre  toute  atteinte  venant  de  l'intérieur 
«  l'organisation  politique  de  l'Etat,  le  fonctionnement  ré- 
gulier des  autorités,  la  vie  des  particuliers,  leur  honneur, 
leurs  biens  et,  généralement  tous  les  droits  publics  et 
privés  »  (Boissonade,  Projet  revisé  de  code  pénal  pour 
l'empire  du  Japon,  p.  2;  Tokio,  1886). 

Aussitôt  après  la  Restauration,  en  4868,  le  nouveau 
gouvernement  avait  publié  une  circulaire  officielle,  par 
laquelle  il  ordonnait  que  provisoirement,  jusqu'à  ce  qu'une 
loi  définitive  fût  mise  en  vigueur,*  la  loi  pénale  de  Toku- 
gawa  continuerait  à  être  appliquée.  Pour  mettre  cette  loi 
en  harmonie  avec  les  principes  de  la  Restauration,  le  gou- 
vernement élabora  une  première  loi  pénale  temporaire. 
Préoccupé  de  rendre  la  législation  pénale  uniforme  pour 
toutes  les  parties  de Fempire,  en  même  temps  que  pour  toutes 
les  classes  de  la  population,  il  promulgua,  la  3®  année  de 
mei-dji  (janvier  1871),  un  nouveau  code  pénal  en  six  livres, 
qui  puisait  une  partie  de  ses  éléments  dans  la  loi  nouvelle 
de  Taiko  et  les  lois  féodales  de  Hojo,  Ashikaga  et  Toku- 
gawa  et  faisait  de  notables  emprunts  au  code  chinois,  dont 
il  adoucissait  la  rigueur.  Le  nouveau  code  était  applicable 
à  tout  Fempire,  mais  ne  supprimait  pas  toutes  les  diffé- 
rences existant  entre  les  diverses  classes  de  sujets.  Ce  code 
fut  bientôt  suivi  (5^  année  de  mei-dji,  mai  4873)  d'une  loi 
réformée,  en  trois  livres,  adoucissant  encore  les  peines, 
mais  prévoyant  et  punissant  des  infractions  qui,  n'ayant 
pas  été  spécialement  visées  par  le  précé^îent  code,  n'étaient 
réprimées  par  les  tribunaux  que  par  voie  d'analogie  et  d'in- 
terprétation de  la  loi,  ce  qui  n'allait  pas  sans  un  peu 
d'arbitraire.  Le  gouvernement  ne  crut  pas  encore  devoir 
s'arrêter  là.  Désireux  d'acquérir  sur  tous  les  habitants  du 
territoire  japonais  la  plénitude  de  juridiction  et  de  retirer 
aux  étrangers  le  privilège  d'extraterritorialité,  qui  les  main- 
tient sous  la  juridiction  de  leurs  consuls  et  sous  la  législa- 
tion pénale  de  leur  pays,  le  gouvernement  devait  tout 
d'abord  s'appliquer  à  mettre  sa  législation  pénale  en  har- 
monie avec  l'esprit  général  des  lois  étrangères  les  plus 
estimées.  Dès  4874,  M.  Boissonade  fut  chargé  de  rédiger 
un  projet  de  code  pénal  et  un  projet  de  code  de  procédure 
criminelle.  Une  commission  fut  instituée  au  ministère  de 
la  justice,  sous  la  présidence  même  du  ministre  Oghi 
Takato,  et  composée  du  général  Yamada,  alors  vice-ministre 
de  la  justice,  de  MM.  Tsourouda,  Namoura  et  Sakaia. 
secrétaires  au  même  ministère,  et  de  M.  Boissonade,  chargé 
de  rédiger  Favant-projet  et  d'établir  le  texte  français  du 
projet  adopté.  Le  travail,  commencé  en  sept.  1875,  fut  ter- 
miné en  juil.  1877  et  transmis  au  gouvernement,  qui  le 
soumit  à  une  commission  nouvelle,  où  entrèrent  des  secré- 
taires du  conseil  dû  gouvernement,  des  membres  du  Sénat 
et  des  membres  de  la  commission  formée  au  ministère  de 
la  justice,  chargés  de  soutenir  le  projet.  M.  Boissonade 
n'en  faisait  pas  partie.  Le  premier  projet,  inspiré  surtout 
par  les  dispositions  du  code  pénal  français  et,  à  un  degré 
moindre,  par  celles  des  codes  belge,  allemand,  du  projet 
italien,  etc.,  s'attachait  à  adoucir  encore  les  peines  et  à 
les  proportionner  plus  exactement  à  la  gravité  des  infrac- 
tions. Il  comprenait  quatre  livres.  Le  premier,  consacré  aux 
dispositions  générales.,  expose  les  principes  généraux,  le^. 


JAPON  —  44  ~ 

règles  communes  à  la  punition  des  diverses  infractions  ; 
le  livre  II  traite  des  crimes  et  délits  contre  la  chose  pu- 
blique, c.-à-d.  contre  l'Etat  et  la  société;  le  livre  III  traite 
des  crimes  et  délits  contre  les  particuliers,  soit  contre  les 
personnes,  soit  contre  les  propriétés  ;  le  dernier  livre  est 
consacré  aux  contraventions.  La  commission  mixte,  dont 
nous  avons  indiqué  la  composition,  fit  subir  à  ce  projet  de 
nombreuses  retouches  et  aussi  de  fâcheuses  mutilations. 
Le  texte,  après  ce  travail  de  remaniement,  fut  approuvé 
par  le  gouvernement  et  promulgué  au  mois  de  juil.  1880; 
il  a  force  de  loi  depuis  le  1^''  janv.  4882.  Bientôt  néan- 
moins on  reconnut  que  les  modifications  et  suppressions 
apportées  au  projet  du  ministère  de  la  justice  par  la  nou- 
velle commission  n'avaient  pas  toujours  été  heureuses,  et 
le  gouvernement  lui-même  songea  à  entreprendre  une  nou- 
velle revision.  Avant  la  promulgation  du  texte  officiel  du 
code  de  4882,  M.  Boissonade  avait  commencé  à  publier  un 
commentaire  de  son  projet  primitif  et  l'avait  poussé  jusqu'à 
l'art.  373.  Quand  la  promulgation  du  nouveau  texte  fut 
faite,  M.  Boissonade  crut  devoir  suspendre  un  travail 
«  dont  on  n'avait  pas  tenu  compte  et  qui,  ne  pouvant  plus 
s'appliquer  au  nouveau  texte,  aurait  paru  en  être  la  cri- 
tique, sans  avoir  désormais  d'utilité  au  moins  présente  ». 
Cependant,  sur  l'invitation  même  du  ministre  de  la  jus- 
tice, M.  Boissonade,  dès  Tannée  4882,  dut  reprendre  ce 
commentaire  resté  inachevé,  et  il  le  publia  en  4886  sous 
le  titre  de  Projet  revisé  de  code  pénal  pour  V empire  du 
Japon  :  ce  projet  peut  être  considéré  comme  nouveau,  en 
ce  sens  que  non  seulement  il  reprend  dans  l'ancien  projet 
presque  tout  ce  qui  en  avait  été  retranché  par  la  commis- 
sion mixte  de  4877,  mais  encore  qu'il  contient  un  grand 
nombre  de  dispositions  entièrement  nouvelles,  étrangères 
même  au  projet  primitif. 

Code  de  procédure  criminelle.  Le  projet  du  code  pénal 
était  terminé  depuis  un  an  déjà,  lorsque  le  projet  de  code 
de  procédure  criminelle  fut  entrepris.  Antérieurement, 
pendant  son  court  passage  au  ministère  de  la  justice, 
M.  Ito  avait  déjà  apporté  un  changement  radical  dans  les 
pouvoirs  et  les  fonctions  du  ministère  public  et  dans  tout 
le  système  des  poursuites  criminelles.  Deux  lois  importantes 
avaient  été  alors  promulguées  :  celle  de  4873,  sur  les  prin- 
cipes de  la  procédure  pénale,  et  celle  de  4874,  sur  les 
règles  de  la  police  judiciaire.  La  préparation  du  code  de 
procédure  criminelle,  commencée  au  ministère  de  la  justice 
en  juil.  4877  (7®  mois  de  la  40^  année  de  mei-dji)  était 
terminée  à  la  fin  de  l'année  4878.  Ce  fut  l'œuvre  d'une 
commission  instituée  au  ministère  de  la  justice  sous  la 
présidence  d'honneur  du  ministre,  M.  Oghi  Takato,  et 
composée  de  M.  Kichira,  procureur  général  à  la  cour  de 
cassation,  président,  de  six  secrétaires  du  ministère  de  la 
justice,  et  de  M.  Boissonade.  Le  projet,  imprimé  en  fran- 
çais et  en  japonais,  fut  alors  présenté  (sept.  \  879)  par  le 
ministre  de  la  justice,  en  même  temps  que  le  premier  pro- 
jet du  code  pénal  dont  nous  avons  parlé,  au  conseil  su- 
prême du  gouvernement  et  bientôt  transmis  par  celui-ci  au 
Sénat.  Les  deux  projets  furent  soumis  à  une  même  com- 
mission, composée,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  de  secré- 
taires généraux  du  conseil  du  gouvernement,  de  membres 
du  Sénat  et  des  membres  de  la  commission  primitive  ins- 
tituée au  ministère  de  la  justice,  à  l'exception  de  M.  Bois- 
sonade. Le  projet  du  code  de  procédure  criminelle  eut  à 
subir  les  mêmes  mutilations  que  le  projet  du  code  pénal. 
Le  nouveau  texte  fut  approuvé  par  le  gouvernement  et 
promulgué  le  7®  mois  de  la  43^  année  de  mei-dji  (juil.  4880)  : 
il  a  force  de  loi  depuis  le  4^"^  janv.  4882.  Le  chap.  I 
pose  les  principes  généraux;  le  chap,  II  traite  des  tribu- 
naux :  le  chap.  III,  de  l'arrestation,  de  la  procédure  et  de 
l'instruction  préliminaire  concernant  les  infractions;  le 
chap.  IV,  des  poursuites  ;  le  chap.  V,  des  recours  ;  le  cliap.  VI, 
de  la  revision  ;  le  chap.  VII,  des  attributions  spéciales  de 
la  cour  suprême.  Sur  l'invitation  même  du  ministre, 
M.  Boissonade  entreprit  de  publier  le  projet  primitif  et  le 
commentaire  qu'il  avait  rédigé  à  l'origine  pour  lui  servir 


d'exposé  de  motifs.  Cette  publication  parut  en  4882,  sous 
le  titre  de  Projet  de  code  de  procédure  criminelle  pour 
r empire  du  Japon,  accompagné  d'un  commentaire. 
Ce  projet  est  divisé  en  cinq  livres,  traitant  :  le  premier,  de 
l'organisation  et  de  la  compétence  des  tribunaux  de  repres- 
sion ;  le  deuxième,  de  l'instruction  préparatoire  ;  le  troisième, 
des  juridictions  de  jugement  ;  le  quatrième,  des  attribu- 
tions de  la  cour  de  cassation  ;  le  cinquième,  de  l'exécution 
des  jugements. 

Code  civil.  Aussitôt  après  la  restauration  de  4867,  le 
gouvernement  avait  remis  provisoirement  en  vigueur  les 
vieilles  lois  de  Tokugawa.  En  4870,  il  créa  \q  Bureau 
d'enquête  sur  les  lois  et  les  institutions,  avec  mission  de 
simplifier  et  d'harmoniser  les  lois  devenues  incertaines  et 
contradictoires.  A  la  tête  de  ce  bureau  fut  placé  M.  Yto, 
nommé  un  peu  plus  tard,  en  4872,  ministre  de  la  justice. 
Cet  homme  d'Etat  se  rendit  compte  que  le  seul  moyen 
d'amener  les  gouvernements  étrangers  à  renoncer  à  l'ex- 
traterritorialité  de  leur  nationaux  et  au  régime  des  capi- 
tulations, source  de  nombreuses  difficultés  et  aussi,  on 
peut  l'avouer,  de  fréquentes  injustices,  était  d'élaborer  un 
code  civil  qui  pût  être  applicable  aux  étrangers  aussi  bien 
qu'aux  Japonais.  L'œuvre  de  codification  entamée  par 
M.  Yto  ne  fut  pas  interrompue  par  son  départ  du  minis- 
tère en  4873  :  son  successeur,  M.  Oghi  Takato,  se  consacra 
tout  entier  à  cette  grande  tâche.  Au  mois  de  mars  1879 
(42^^  année  de  mei-dji),  le  ministre  chargea  M.  Boissonade 
de  rédiger  un  projet  de  code  civil,  en  lui  laissant  liberté 
complète  tant  pour  le  fond  que  pour  le  plan  et  la  méthode 
de  son  travail.  Les  diverses  parties  du  projet  devaient  être, 
au  fur  et  à  mesure  de  leur  rédaction,  discutées  d'abord  au 
sein  d'une  commission  préparatoire  composée  des  premiers 
présidents  des  cours  et  tribunaux  siégeant  à  Tokio  et 
d'officiers  du  ministère  de  la  justice;  après  quoi,  le  projet, 
avec  les  corrections  qui  auraient  pu  y  être  apportées, 
devait  être  soumis  à  une  commission  supérieure,  composée 
de  membres  du  bureau  de  législation  générale  (tiô-sei- 
kioku),  de  membres  du  conseil  d'Etat  (san-ji-in),  de 
membres  du  Sénat  (gen-ro-in).  Les  principaux  membres 
de  la  commission  préparatoire  devaient  entrer  dans  la  nou- 
velle pour  soutenir  le  projet.  Enfin  le  texte  du  nouveau 
code,  définitivement  arrêté  par  la  commission  supérieure, 
devait  être  soumis  dans  son  ensemble  au  cabinet  (daï-jo- 
kivan,  naï-kakou),  présenté  par  ce  dernier  au  Sénat,  et 
revêtu  ensuite  de  la  sanction  impériale. 

A  l'origine  de  son  travail,  M.  Boissonade  se  contentait 
de  soutenir  verbalement  devant  la  commission  les  articles 
de  son  projet.  Bientôt  on  décida  qu'un  commentaire  écrit 
accompagnerait  le  texte  des  articles  et  serait  traduit  en 
japonais,  imprimé  et  distribué  à  la  commission.  Les  t.  I 
et  II  du  projet  furent  ainsi  imprimés  en  4880  pour  l'usage 
exclusif  de  cette  dernière.  Ce  commentaire,  d'abord  très 
réduit,  prit  peu  à  peu,  surtout  à  partir  du  t.  III,  plus  d'ex- 
tension. Il  fallut  donc  reprendre  la  matière  contenue  dans 
les  deux  premiers  tomes  pour  en  faire  un  exposé  des  mo- 
tifs complet  ;  la  seconde  édition  de  ces  deux  volumes  a  été 
publiée  en  4882  etI883,  les  t. IV  et  V parurent  en  4889. 

Le  projet,  tel  qu'il  subsistait  après  les  diverses  modifi- 
cations subies  dans  les  commissions,  reçut,  au  commence- 
ment de  l'année  4890,  l'approbation  du  cabinet,  du  Sénat 
et  du  conseil  privé  de  l'empereur  (su-mitsu-in)  ;  il  a 
enfin  été  sanctionné  et  promulgué  par  l'empereur  au  mois 
d'avr.  4890  (23«  année  de  mei-ji).  Il  devait  commencer 
à  s'appliquer  à  partir  du  4«''  janv.  4893.  Ce  code  ce- 
pendant, pas  plus  que  le  code  de  commerce,  dont  nous 
parlerons  tout  à  l'heure,  n'est  encore  actuellement  en 
vigueur;  par  suite  de  circonstances  sur  lesquelles  nous 
reviendrons,  son  apphcation  se  trouve  aujourd'hui  indéfi- 
niment ajournée.  Une  traduction  française  du  texte  officiel, 
accompagnée  d'un  exposé  des  motifs,  a  été  (commencée  :  un 
premier  Volume  parut  en  4894 ,  qui  contient  les  livres  rela- 
tifs aux  biens,  à  l'acquisition  des  biens,  aux  garanties  des 
créances  et  aux  preuves.  Peu  après  que  le  texte  officiel  fut 


45  — 


JAPON 


promulgué,  M.  Boissonade  fut  autorisé  à  réimprimer  son 
projet  personnel,  texte  et  commentaire,  avec  les  modifica- 
tions et  additions  qu'il  jugeait  utiles.  Cette  nouvelle  édition, 
qui  comporte  quatre  volumes,  a  été  publiée  en  4890. 
L'œuvre  de  M.  Boissonade  n'embrasse  que  les  livres  II 
(biens,  droits  réels  et  droits  personnels),  III  (manières 
d'acquérir  les  biens),  IV  (sûretés  ou  garanties  des  créances) 
et  V  (preuves).  Le  livre  1,  consacré  aux  personnes,  a  été 
réservé.  Pour  légiférer  sur  la  constitution  de  la  famille  et 
le  droit  de  succession,  on  a  pensé  qu'une  profonde  connais- 
sance des  mœurs  et  des  coutumes  séculaires  du  Japon 
était  nécessaire  :  la  rédaction  de  cette  partie  du  code  a 
été  confiée  exclusivement  h  des  légistes  japonais,  auxquels  on 
donna  mission  de  recueillir  préalablement  les  coutumes  des 
principales  provinces  de  l'empire.  Une  traduction  officielle 
anglaise  du  livre  des  personnes  a  paru  à  Tokio  en  4892. 

Code  de  procédure  civile.  Dans  les  premiers  temps  qui 
suivirent  la  Restauration,  la  procédure  civile  fut  laissée 
telle  qu'elle  avait  été  organisée  sous  le  régime  des  lois  de 
Tokugawa.  En  4870,  le  gouvernement  fit  un  Règlement 
de  procédure^  qu'on  modifia  ultérieurement  pour  le  rendre 
applicable  à  tout  l'empire.  Le  Règlement  de  l'action  lé- 
gale et  le  Formulaire  de  la  procédure  furent  promulgués 
en  4872  et  en  4873.  En  4884,  le  gouvernement  institua 
un  comité  chargé  d'élaborer  un  projet  de  code.  Ce  projet, 
à  la  rédaction  duquel  un  légiste  anglais,  M.  Montagne  Kirk- 
wood,  prit  une  part  notable,  fut  terminé  en  4887.  Approuvé 
par  le  gouvernement  et  par  le  Sénat,  le  code  de  procédure 
civile  a  été  promulgué  en  4890  et  est  en  vigueur  depuis 
le  d®^  janv.  4891.  Il  comprend  huit  chapitres  :  chap.  I, 
principes  généraux;  chap.  II,  procédure  en  première  ins- 
tance ;  chap.  III,  recours  ;  chap.  IV,  renouvellement  de  la 
procédure  ;  chap.  V,  requêtes  sur  pièces  et  sur  lettres  de 
change  et  promesses;  chap.  VI,  exécutions;  chap.  VII, 
procédure  de  l'assignation  publique  ;  chap.  VIII,  procé- 
dure de  l'arbitrage. 

Ce  code  a  été  complété,  le  2  févr.  4890,  par  une  loi 
organique  des  cours  et  tribunaux,  entrée  en  vigueur  dès 
l'année  même  de  sa  promulgation.  Elle  comprend  près  de 
150  articles  et  est  divisée  en  quatre  chapitres  :  chap.  I, 
tribunaux  et  cours  de  justice  (saïbansho)  et  ministère 
public  (kenji-kioku)  ;  chap.  II,  membres  des  cours  de 
justices  et  officiers  du  ministère  public;  chap.  III,  exercice 
des  fonctions  judiciaires  ;  chap.  IV,  devoirs  administratifs 
des  tribunaux  et  pouvoirs  de  revision  des  sentences  judi- 
ciaires. 

Code  de  commerce.  L'ancienne  loi  japonaise  ne  faisait 
pas  de  distinction  entre  les  lois  civiles  et  les  lois  commer- 
ciales. C'est  en  4881  que  le  gouvernement  jugea  néces- 
saire de  compléter  le  projet  de  code  civil  par  un  projet  de 
code  de  commerce.  Il  institua  une  commission  composée  de 
fonctionnaires  particulièrement  au  courant  des  questions 
commerciales  et  chargea  un  jurisconsulte  allemand,  con- 
seiller du  gouvernement  japonais,  le  D^  Hermann  Rœsler, 
de  rédiger  un  projet  (Entwurf  eines  Handelsgesetzbuches 
fur  Japan^  mit  Commentar,  3  vol.;  Tokio,  4884).  Le 
gouvernement  confia  ensuite  l'examen  de  ce  projet  à  une 
commission  spéciale,  qui  termina  son  œuvre  en  1887.  Le 
nouveau  code  ne  comportait  qu'un  seul  livre,  divisé  en 
trois  chapitres:  chap.  I,  du  commerce  en  général  ;  chap. II, 
du  commerce  maritime;  chap.  III,  de  la  failUte. 

Approuvé  par  le  Sénat,  le  code  de  commerce  fut,  comme 
le  code  civil,  promulgué  le  27  mars  4890,  c.-à-d.  à  une 
époque  où  le  régime  constitionnel ,  établi  en  principe, 
n'existait  pas  encore  en  fait.  Une  traduction  officielle  en 
anglais  fut  publiée  à  Tokio  en  4892.  Le  nouveau  code  de 
commerce  devait  être  obligatoire  à  partir  du  4*^"^  janv.  1894, 
alors  que  le  code  civil  ne  devait  recevoir  son  application 
qu'à  partir  du  4^^  janv.  1893.  Mais,  dès  sa  première  ses- 
sion, la  Diète  vota  l'ajournement  du  code  de  commerce  au 
l^^janv.  4893,  invoquant  comme  prétexte  l'utilité  qu'il 
y  avait  à  fixer  une  date  uniforme  pour  l'apolication  des 
deux  codes.  Puis,  dans  la  session  de  mai-juin  4892,  les  deux 


Chambres  votèrent  un  nouvel  ajournement  au  4«^  janv. 
4897.  Les  ministres  protestèrent  et  conseillèrent  d'abord 
à  l'empereur  de  ne  pas  sanctionner  ce  vote.  Ils  finirent 
cependant  par  céder,  et  la  loi  fut  promulguée  le  22  nov. 
4892,  peu  de  jours  avant  l'ouverture  de  la  session.  En 
voici  la  traduction  :  «  La  mise  en  vigueur  des  codes,  des 
parties  de  codes,  des  dispositions  et  des  règlements  ci- 
dessous  désignés  est  ajournée  jusqu'au  3 1^  jour  du  42®  mois 
de  la  29«  année  de  mei-dji  (34  déc.  4896),  afin  de  per- 
mettre d'y  apporter  les  corrections  nécessaires  :  Les 
livres  suivants  du  code  civil  :  le  livre  des  biens,  le 
livre  des  moyens  d'acquérir  les  biens  (moins  le  chapitre 
des  successions),  le  livre  des  sûretés  ou  garanties  des 
créances  ou  droits  personnels,  et  le  livre  des  preuves  et 
de  la  prescription,  promulgués  par  la  loi  n**  28,  le  3® 
mois  de  la  23®  année  'de  mei-dji  (mars  4890)  ;  le 
code  de  commerce,  promulgué  par  la  loi  n'^  59,  le 
8®  mois  de  la  même  année  (août  4890)  ;  les  dispositions 
préliminaires  relatives  aux  lois,  promulguées  par  la  loi 
n°97,  le  40®  mois  de  la  même  année  (oct.  4890)  et  les 
livres  suivants  du  code  civil  :  le  livre  des  moyens  d'ac- 
quérir les  biens  (chapitre  des  successions),  et  le  livre  de- 
personnes,  promulgués  parla  loi  n^98,  le  40®  mois  de  la 
même  année  (oct.  4890).  Toutefois,  lorsque  les  correc- 
tions de  telle  ou  telle  partie  auront  été  terminées,  celle-ci 
pourra  être  mise  en  vigueur,  même  durant  la  période  pré- 
vue par  la  présente  loi.  »  Par  application  de  cette  dernière 
disposition,  d'après  laquelle  certaines  parties  des  nouveaux 
codes  pouvaient  être  rendues  exécutoires  avant  le  34  déc. 
1896,  si  elles  parvenaient  à  être  amendées  avant  cette 
date,  la  Diète,  dans  les  derniers  jours  de  la  session  de 
4892-93,  consentit  à  voter  la  mise  en  vigueur,  à  partir  du 
4®^  juil.  1893,  des  hvres  duéode  de  commerce  relatifs  aux 
associations  et  sociétés  commerciales,  aux  efiéts  de  com- 
merce et  aux  faillites.  Le  25  mars  4893,  la  Gazette  offi- 
cielle du  gouvernement  japonais  a  publié  une  ordonnance 
impériale  faisant  connaître  la  composition  et  le  mode  de 
fonctionnement  de  la  commission  chargée  d'examiner  le 
code  civil,  le  code  de  commerce,  ainsi  que  les  lois  annexes, 
dont  la  mise  en  vigueur  a  été  ajournée. 

La  Gazette  officielle  du  44  avr.  4893  donne  la  com- 
position des  membres  de  cette  commission.  C'est  le  comte 
Ito,  président  du  conseil  des  ministres,  qui  en  est  nommé 
président.  Les  noms  des  membres  délibérant  furent  publiés 
dans  la  Gazette  officielle  du  24  avril.  Ils  furent  choisis 
équitablement  parmi  les  partisans  et  les  adversaires  des 
nouveaux  codes.  Ces  derniers  paraissent  cependant  devoir 
être  en  majorité.  Ils  se  recrutent  principalement  parmi  les 
légistes  soumis  à  l'influence  anglaise,  hostiles  à  l'idée  de  co- 
dification, et  parmi  cette  catégorie  de  patriotes  intransi- 
geants qui,  à  la  Diète,  ont  voté  contre  les  codes,  sous 
prétexte  qu'ils  étaient  en  contradiction  avec  les  anciennes 
coutumes,  les  usages  et  les  lois  de  leurs  ancêtres.  M.  Bois- 
sonade n'a  cessé  de  protester  contre  cette  allégation  (V.  no- 
tamment sa  brochure  sur  les  Nouveaux  Codes  japonais, 
Tokio,  4892).  Un  juge  impartial  autant  qu'autorisé, 
M.  Wigmore,  professeur  américain,  dià^moUvé  {Materials 
for  study  of  private  law  ~-  New  Codes  and  Old  Cus- 
toms)  que  le  nouveau  code  ne  faisait  en  réalité  que  déve- 
lopper des  principes  admis  au  Japon  depuis  les  temps  les 
plus  anciens,  et  qu'en  outre  la  législation  française,  dont 
il  s'inspire,  se  rapproche  beaucoup  plus  des  vieilles  cou- 
tumes japonaises  que  la  loi  anglaise- 

Droit  international.  C'est  dans  la  période  qui  va  de 
1855  à  1860  que  le  shogoun  se  décida  à  conclure  avec  les 
puissances  étrangères  des  traités  de  commerce  et  d'amitié. 
Ces  traités  qui,  exploités  contre  lui,  furent  une  des  causes 
de  son  renversement,  furent  cependant,  après  la  Restaura- 
tion, confirmés  par  le  mikado.  Voici  la  date  des  princi- 
paux d'entre  eux  :  avec  la  France,  traité  du  9  oct.  4858, 
complété  par  la  convention  du  25  juin  1866  (consulter 
également  :  édit  de  juin  1778,  lois  du  28  mai  1836,  du 
8  juil.  4852,  du  49  mars  1862,  du  28  avr.  4869,  décret 


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du  45  nov.  1887);  —  avec  l'Autriche-Hongrie,  18  oct. 
1869  ;  —  avec  la  Belgique,  d^'^août  1866  ;  — r  avec  le  Dane- 
mark, 12  janv.  1867;  —  avec  l'Allemagne  (Prusse), 
24  janv.  1861  ;  —  avec  la  Grande-Bretagne,  14  oct.  1854, 
26  août  1858,  etc.  ;  —  avec  l'Italie,  25  août  1866;  — 
avec  les  Pays-Bas,  30  janv.  1856  ;  —  avec  le  Portugal, 
3  août  1860  ;  —  avec  la  Russie,  7  févr.  1855,  19  août 
1858;  —  avec  l'Espagne,  1 2  nov.  1868; — avec  la  Suède  et 
la  Norvège,  11  nov.  1868;  — avec  la  Suisse,  6  févr.  1864; 
—  avec  les  Etats-Unis  d'Amérique,  31  mars  1854,  29  juil. 
1858,  etc. 

D'après  ces  traités,  les  étrangers  ont  en  général  le  droit 
d'immigrer  et  de  s'établir  'au  Japon,  mais  seulement  dans 
certaines  localités  et  .leur  banlieue  (Tokio  ou  Yedo,  Hako- 
daté,  Kanazawa,  Nagasaki,  Niigata,  Osaka,  Yokohama, 
Kobe  ou  Hiogo,  Shimoda).  Ils  y  jouissent  des  droits  civils 
et  commerciauxen  général.  En  ce  qui  concerne  la  juridic- 
tion, il  faut  distinguer  :  1°  au  criminel,  l'étranger  n  a  pour 
juge  que  l'autorité  consulaire  de  son  pays,  et  celle-ci  juge 
d'après  sa  loi  nationale  ;  2°  au  civil,  l'étranger  a  pour 
juge  l'autorité  consulaire  dans  toutes  les  contestations  qu'il 
a  avec  ses  propres  nationaux  ;  3^  l'étranger  est  soumis  à 
la  règle  :  Actor  sequitur  forum  rei,  dans  toute  contes- 
tation avec  d'autres  étrangers  ou  avec  des  Japonais. 

Le  Japon  poursuit  la  revision  de  ces  traités.  De  son 
côté,  l'Institut  de  droit  international  avait,  dès  1874,  mis 
cette  question  à  l'étude,  et  en  1879,  sir  Travers  Twiss  avait 
rédigé  à  ce  sujet  un  rapport  qui  fut  justement  remarqué. 
En  1887  eurent  lieu  à  Yokohama  des  conférences  entre  les 
représentants  de  toutes  les  puissances  ayant  des  traités  avec 
le  Japon  et  les  délégués  du  gouvernement  iaponais.  Voici 
quelles  seraient,  d'après  le  Journal  du  droit  interna- 
tional (1887,  pp.  252,  693  etsuiv.)  les  bases  de  l'accord 
projeté  :  l'intérieur  du  Japon  sera  ouvert  au  commerce 
étranger  dans  une  période  de  deux  ans  après  la  signature 
des  traités  ;  à  l'intérieur,  les  étrangers  seront  soumis  à  la 
juridiction  japonaise  ;  les  concessions  de  Yokohama  et 
autres  ports  ouverts  seront  placés  sous  la  même  juridiction 
trois  ans  après  la  signature  du  traité,  à  condition  tou- 
tefois que  le  Japon  ait  constitué  à  cette  époque  des  tribu- 
naux dans  tous  les  centres  où  sont  établis  les  étrangers. 

Cet  accord  a  déjà  reçu  un  commencement  de  réalisation. 
En  1888,  le  Mexique  conclut  avec  le  Japon  un  traité  par 
lequel  il  renonçait,  en  ce  qui  le  concernait,  au  bénéfice  de 
l'extraterritorialité,  moyennant  le  droit,  accordé  à  ses  na- 
tionaux, de  s'établir  et  de  commercer  à  l'intérieur.  Par 
suite  d'une  convention  tout  récemment  conclue  (1894) 
entre  le  Japon  et  le  gouvernement  provisoire  d'ilawai,  les 
clauses  de  l'ancien  traité,  signé  en  1871,  deviennent  abro- 
gées. Les  sujets  hawaïens  pourront,  à  l'avenir,  en  se  con- 
formant aux  lois  et  règlements  en  vigueur,  ou  qui  pourraient 
être  établis  par  la  suite,  circuler  librement  dans  tout  le 
pays,  y  résider,  louer  des  maisons  ou  des  magasins  et  se 
livrer  à  leur  profession.  En  revanche,  le  gouvernement 
d'Hawaï  a  renoncé  formellement  à  son  droit  de  juridiction 
sur  ses  nationaux  résidant  au  Japon.  Enfin  l'Angleterre 
vient  de  signer,  à  la  date  du  15  août  1894,  un  nouveau 
traité  avec  le  Japon.  Le  traité  porte  sur  deux  points  prin- 
cipaux. D'une  part,  les  Anglais  acquièrent  le  droit  de  s'éta- 
blir et  de  commercer  Ubrement  à  Fintérieur  du  pays; 
mais,  en  revanche,  les  Japonais  Recouvrent  la  liberté  (qui 
leur  était  refusée  par  les  anciens  traités)  d'adopter  telle 
politique  douanière  qu'il  leur  plaît.  Les  négociateurs  an- 
glais ont  accepté  une  légère  augmentation  de  tarifs.  Pour 
prévenir  de  nouvelles  augmentations  dans  un  terme  trop 
rapproché,  ils  auraient  désiré  que  le  nouveau  traité  fût 
conclu  pour  une  période  de  vingt  ans.  Finalement  on  est 
tombé  d'accord  pour  lui  assigner  une  durée  de  douze  ans. 
Sur  le  second  point,  celui  de  l'extraterritorialité,  les  né- 
gociateurs anglais  se  sont  montrés  prudents.  Ils  ont  voulu 
attendre  que  la  justice  indigène  ait  achevé  de  faire  ses 
preuves  et  que  les  nouveaux  codes  aient  été  promulgués. 
Un  délai  de  cinq  années  a  été  déterminé,  après  lequel  le 


;  nouveau  traité  doit  entrer  en  vigueur  :  les  sujets  britan- 
niques établis  au  Japon  deviendront  alors  justiciables  des 
1  tribunaux  japonais.  En  outre,  les  dispositions  du  traité  qui 
'  concernent  le  tarif  douanier  ne  pourront  être  appliquées 
que  lorsque  des  conventions  analogues  auront  été  signées 
entre  le  Japon  et  toutes  les  autres  puissances  :  autrement 
le  commerce  anglais  se  trouverait  placé  dans  un  état  d'in- 
fériorité. En  résumé,  ce  traité  n'a  pas  l'importance  immé- 
diate qu'on  avait  été  tenté  de  lui  attribuer  tout  d'abord.  Il 
ne  diffère  que  sur  un  point  des  traités  qui  avaient  été 
signés  en  1889  avec  les  Etats-Unis,  la  Russie  et  l'Alle- 
magne et  qui  n'avaient  pu  être  ratifiés  par  suite  de  l'oppo- 
sition populaire  :  l'adjonction  de  juges  européens  aux  mem- 
bres des  hautes  cours  de  justice  japonaises.  L'Angleterre 
a  cru  pouvoir  renoncer  à  cette  garantie,  qui  avait  paru 
injurieuse  aux  Japonais. 

La  question  de  la  revision  des  traités  reste  donc,  en 
définitive,  posée  dans  les  mêmes  termes  qu'il  y  a  vingt  ans, 
lorsqu'en  1872  l'ambassade  du  prince  Ivvakura  fut  chargée 
d'aller  aux  Etats-Unis  pressentir  sur  ce  point  les  disposi- 
tions du  cabinet  de  Washington  :  elle  reste  indissoluble- 
ment hée  à  la  question  de  codification.  Le  Japon  a  fait 
beaucoup,  nous  l'avons  vu,  pour  opérer  la  réforme  de  ses 
institutions  et  de  sa  législation  :  il  lui  reste  à  achever 
l'œuvre  entreprise  en  promulguant,  dans  leur  intégralité, 
le  code  civil  et  le  code  de  commerce.  Le  gouvernement  ja- 
ponais poursuit,  dit-on,  des  négociations  parallèles  avec 
les  autres  nations,  notamment  avec  la  France,  l'Allemagne 
et  la  Russie.  Ces  nations  n'ont  aucun  motif  de  précipiter 
leur  adhésion,  puisqu'on  vertu  de  la  clause  de  la  nation  la 
plus  favorisée,  toutes  les  autres  puissances,  lorsqu'elles 
jugeront  le  moment  favorable,  pourront,  à  l'avenir,  en 
acceptant  la  juridiction  japonaise  pour  leurs  nationaux,  ré- 
clamer les  mêmes  avantages  que  ceux  qui  ont  été  concédés 
à  l'Angleterre.  Si  elles  croient  devoir  s'engager  dès  main- 
tenant, elles  ne  pourront  signer,  comme  l'Angleterre  elle- 
même,  qu'un  traité  conditionnel,  subordonné,  quant  à  sa 
mise  en  vigueur,  à  l'achèvement  de  la  réforme  législative 
et  judiciaire  au  Japon.  Joseph  Dubois. 

BiBL.  :  Pages,  Bibliographie  japonaise;  Paris,  1859, 
in-4.  —  H.  CoRDiER  (en  préparation),  Bibliotheca  Ja- 
ponica,  pour  faire  suite  à  la  Bibliotheca  Sinica.  —  Léon 
Metchnikoff,  l'Empire  japon^tis  ;  Paris,  1882,  in-4.  — 
B.-H.  ChAxMoerlain,  Things  Japanese;  Yokohama,  1891, 
in-8.  —  G.  Appert,  Ancien  Japon;  Tokio,  1888,  in-12(avec 
ces  trois  ouvrages  on  aura  une  connaissance  fort  exacte 
et  fort  suffisante  du  sujet).  —  E.  Karmpfer,  History  of 
Japan;  Londres,  1727-1728,  2  vol.  in-fol.  —  C.-P.  Thun- 
BERG,  Resa;  Upsal,  1789-93,  4  voL  in-8;  ail.,  Berlin,  1792, 
in-8  ;  franc.,  Paris,  1796,  2  vol.  in-4.  —  P. -F.  von  Siebold, 
Archiv^  1832  et  suiv.,  9  vol.  in-fol.  —  D'une  façon  générale, 
consulter  les  livres  de  Satow,  d'AsTON  et  de  Chamber- 
lain.—  Les  ouvrages  les  plus  importants  sont:  E.  de  Vil- 
laret,  Dai  Nippon  ;  Paris,  s.  d.,in-8.  —  Rein,  Japan,  et 
The  Industries  of  Japan,  très  important  (latrad.  anglaise 
préférable  à  roriginal  allemand).  —  W.-E.  Griffis,  The 
Mikado's  Empire.  —  Richard  Hildreth,  Japan  as  it  was 
and  is.  —  Rutherford  Alcock,  The  Capital  of  the  Tycoon, 
2  vol.  in-8.  —  F.  Régamey,  le  Japon  pratique;  Paris,  in-12. 

—  J.-R.  Black,  Young  Japan.  —  Bousquet,  le  Japon  de 
nos  jours;  Paris,  2  vol.  in-8.  —A.  Humbert,  le  Japon  et 
les  Japonais  ;  Paris,  in-4.  —  W.  Bramsen,  Chronologi- 
cal  Tables.  —  Adams,  History  of  Japan  ;  Londres,  2  vol. 
in-8.  —  D.  Murray,  Japan;  Londres,  1894,  in-8.  —  H.  Nor- 
man, The  Real  Japan,  1892,  in-8.  —  Léon  de  Rosny,  le 
Livre  canonique  de  l'antiquité  japonaise  ;  Paris ,  in-8. 
-—  A.-B.  MiTFORD,  Taies   of  Old  Japan;   Londres,  in-8. 

—  Audsley  et  Bowes,  Keramic  Art  of  Japan,  etc., 
Londres,  in4.  —  Anderson,  Pictorial  Art  of  Japan.  — 
Gonse,  Art  japonais;  Paris,  2  vol.  gr.  in-4  et  in-8.  — 
A.- W.  Franks,  Japanese  Pottery  ;  Londres,  in-8.  —  P.  Gran- 
didier,  Porcelaine  ;  Paris,  1894,  in-4.  —  Geerts,  Pro- 
duits de  la  nature  japonaise;  Yokohama,  2  vol.  in-8.  — 
J.-C.  Hepburn,  Dictionary  ;  Yokohama,  gr.  in-8.  —  Hoff- 
mann, Japanese  Grammar;  Leyde,  1877,  in-8.  —  W.-G. 
Aston,  Grammar  ;  Londres,  1877,  in-8.  —  Résumé  statis- 
tique de  l'Empire  du  Japon  (publication  japonaise  offi- 
cielle). —  Rapports  consulaires  français  et  anglais.  — 
Transactions  of  the  Asiatic  Society  of  Japan.  —  Mitth, 
Deutsche  Ges.  f,  Natur  u.  Vœlkerkunde  Ostasiens. 

Religion.  —  A.  von  Knobloch,  Die  Begrsebniss-ge- 
brœuche  der  Shintoisten  ;  Mittheilungen  der  Deut.  Gesell. 
fur  Natur  und  Vœlkerkunde  Ostasiens,  1874,  vol.  I,  p.  39. 

—  Emile  Burnouf,  la  Mythologie  des  Japonais,  d'après 


47  - 


JAPON  -  JARD 


le  «  Kohou-si-ryakou  »,  ou  Abrégé  des  historiens  du  Japon  ; 
Paris,  1875,  in-8.  —  P.  Kempermann,  Ueber  die  Kn" 
milehre  ;  Mittheilungen  der  Deut,  Gesell.  fur  Natuv  und 
Vœlherkunde  Ostasiens,  1874,  vol.  ï,  p.  30.  —  G.  Bous- 
quet, la  Religion  au  Japon^  dans  Revue  des  Deux  Mondes, 
1876,  2«trim.,  p.  297.  — Du  môme,  le  Japon  de  nos  jours  ; 
Paris,  1877,  2  vol.  in-8.  —  A.  Severini,  Notizie  di  astro- 
logia  Giapponcse  ;  Genève,  in-4.  —  Léon  Metchnikofp, 
Extraits  du  «  Ko-zi-ki  »,  ou  Cosmogonie  japonaise  ;  Ge- 
nève, in-8. —  Emile  Guimet,  Promenades  japonaises  ;  Paris, 
1879-80,  2  vol.  in-4.  —  J.-J.  Rein,  Japan  nach  Reisen  und 
Studien;  Leipzig,  1881,  vol.  I.  —  E.  Satow,  Ancient  Ja- 
panese  rituals,  dans  Transactions  of  the  As.  Soc.  of  Ja- 
pan, 1881,  vol.  IX,  p.  183.  —  Basil  Hall  Chamberlain, 
Translation  ofthe  Ko-zi-ki,  dans  Transactions  of  the  As. 
Soc.ofJapan^  vol.  X,  suppl.  —  Léon  deHosny,  la  Grande 
Déesse  solaire  Ama-térasou-oho-Kami.,  et  les  origines  du 
sintauisme  ;  dans  Revue  de  Vhist.  des  rel.,  1884,  t.  IX, 
p.  202.  —  L.  Bastide,  l'Histoire  des  dynasties  divines  du 
Japon.,  dans  Muséon.,  1886,  vol.  V,  p.  260.  —  G.-H.  Schills, 
Kô-hô'Wô-raï  ^  la  Voie  de  la  piété  filiale,  dans  Muséon., 
1886,  vol.  V,  pp.  143,  317.  —  M.-A.  Tomm,  le  Shintôisme, 
sa  mythologie  et  sa  morale.,  dans  Annales  du  musée 
Guimet,  t.  X,  p.  307.  —  Perceival  Lowell,  Esoteric  iShin- 
iô,  dans  Transactions  ofthe  As.  Soc.  of  Japan,  vol.  XXI, 
pp.  106,  152,  204.  —  Romyn  Hitchcock,  Shinto.,  or  the 
Mythology  of  the  Japanese,  dans  Annual  Report  ofthe 
U.  S.  National  Muséum  for  the  year  1891 ,  p.  489.  — 
Ymaïzoumi,  Questions  et  Répoiises.  Conférence  entre  les 
prêtres  de  la  secte  Sinsiou  et  la  mission  scientifique  fran- 
çaise, dans  Annales  du  musée  Guimet.,  t.  I.  —  Bunyu 
Nanjio,  a  Catalogue  of  the  chinese  translations  of  the 
Buddhist  Tripitaka^  the  Sacred  Canon  of  the  Buddhisfs 
in  China  and  Japan;  OxCord,  1883,  in-4.  —  Du  môme, 
A  Short  History  of  the  Tvoelve  Japanese  Buddhist  Sects  ; 
Tokio,  ^1887.  — 'F,-Max  Mûller,  Pragnâ-pâramitâ-hri~ 
daya  sûtra,  edited  and  translated  from  the  ancient  Japa- 
nese palm-leaves  ;  Oxford,  1884,  in-4.  —  P.  Regnaud  et 
Y.  Ymaïzoumi,  0-mi~to-King^  ouSukhavâti-vyûha-sûtra^ 
dans  Annales  du  musée  Guimet.,  t.  11.  —  James  Troup, 
On  the  Tenets  ofShinshiuor  True  Sect  of  Buddhism.,  dans 
Transactions  of  the  As.  Soc.  of  Japan.,  1886,  vol.  XIV, 
p.  1.  —  James  Summers,  Buddhism  and  the  traditions 
concerning  its  introduction  into  Japan,  dans  Transac- 
tions ofthe  As.  Soc.  of  Japan,  1886,  vol.  XIV,  p.  73.  — 
Ryauon  Fusishima,  le  Bouddhisme  japonais  Doctrines 
et  histoire  des  douze  grandes  sectes  bouddhistes  du  Ja- 
pon; Paris,  1889,  in-8.  —  Sir  Monier  Williams,  Bud- 
dhism; Londres,  1890,  in-8.  —Alfred  Millioud,  Esquisse 
des  huit  sectes  bouddhistes  du  Japon,  dans  Revue  de 
Vhist.  des  rel.,  1892,  vol.  XXV,  p.  218  et  vol.  XXVI,  p.  201. 

JAPY  (Frédéric-Benoît),  général  français,  né  à  Badevel 
(Doubs)  le23févr.  18^26.  Il  entra  à  Saint-Cyr  en  1844  et 
en  sortit  en  1846  comme  sous-lieutenanf  d'infanterie. 
Promu  lieutenant  en  1850,  capitaine  en  1855,  il  était  co- 
lonel depuis  1869  lorsque  éclata  la  guerre  entre  la  France 
et  la  Prusse.  Il  fut  promu  général  de  brigade  en  1874, 
général  de  division  en  1881  et  reçut  en  1886  le  comman- 
dement du  15®  corps  d'armée.  Il  fut  admis  au  cadre  de 
réserve  en  1891  et  fut  alors  élu  sénateur  par  le  dép.  du 
Doubs.  Le  général  Japy  s'y  est  occupé  activement  des  ques- 
tions d'organisation  militaire.  Paul  Marin. 

JAQUELOT  (Isaac),  pasteur  protestant,  né  à  Wassy  le 
16  déc.  1647,  mort  à  Berlin  le  20  oct.  1708.  La  révo- 
cation de  Fédit  de  Nantes  l'exila  ;  il  fut  pasteur  français 
à  La  Haye  en  1686  et  à  partir  de  1702  à  Berlin.  Parmi 
ses  écrits,  sa  Dissertation  sur  l'existence  de  Dieu  (La 
Haye,  1647,  in-4;  Paris,  1744,  3  vol.  in-12)  fut  em- 
ployée même  parles  catholiques  ;  là,  comme  dans  ses  œuvres 
polémiques  (liste  complète  dans  Haag,  la  France  protest,, 
Paris,  1856,  t.  VI,  pp.  37  etsuiv.),  il  lutte  contre  le  cal- 
vinisme intransigeant  de  ^rieu  et  contre  le  scepticisme  de 
Bayle.  Son  Traité  de  la  vérité.,,  des  livres  du  F.  et  du 
N,  Testament  (Botterdam,  1715,  in-12;3^éd.,  Amster- 
dam, 1752,  in-12)  passe  pour  un  chef-d'œuvre;  mais,  pour 
ses  contemporains,  Jaquelot  était  surtout  un  orateur;  ses 
Sermons  ont  été  réunis  en  2  vol.  (Amsterdam,  1710, 
in-12;  Genève,  1721  ;  1724  et  1774,  2  vol.  in-12). 

JAQUEMART  (Techn.).  Statue  mécanique  en  fer,  en 
fonte  ou  en  plomb,  que  l'on  plaçait  au  moyen  ûge  sur  les 
tours  munies  d'une  horloge  publique  et  à  proximité  de  la 
cloche  de  cette  horloge.  Cette  statue  représentait  en  général 
un  homme  armé  tenant  un  niarteau.  Quand  l'heure  devait 
sonner,  les  bras  de  la  statue  se  soulevaient  et  le  marteau 
allait  frapper  sur  la  cloche.  Dans  plusieurs  de  nos  villes 


Jaquemart  do  Notre- 
Dame  de  Dijon. 


du  Nord,  le  beffroi  a  conservé  son  jaquemart.  Celui  de  Fhôtel 
de  ville  de  Compiègne  est  encore  surmonté  de  trois  jaque- 
marts qui  jouissent  dans  la 
contrée  d'une  grande  popula- 
rité. Un  des  jaquemarts  les 
plus  anciens  est  celui  qui  ac- 
compagne l'horloge  de  l'église 
Notre-Dame  de  Dijon.  A  côté 
de  lui  se  trouvent  sa  femme 
et  ses  enfants,  qui  prennent 
part  aux  sonneries.  L.  K. 
JAQUET  (V.  Costume, 
t.  XII,  p.  1160). 

JAQUETTE.  I.  Costume 
(V.  Costume,  t.  XH,  p.  1160). 
H.  Artillerie. — On  nomme 
ainsi,  dans  certaines  bouches 
à  feu  en  acier,  un  tube  de 
même  métal  entourant  la  par- 
tie postérieure  du  canon  et 
destiné  à  renforcer  celle-ci. 
La  jaquette  porte  quelquefois 
les  tourillons  de  la  pièce. 
Dans  ce  cas,  l'organe  de 
fermeture  de  la  culasse  peut 
être  logé  dans  la  partie  pos- 
térieure de  la  jaquette  dé- 
bordant le  canon  à  l'arriére  : 
il  prend  ainsi  appui  direc- 
tement sur  la  jaquette  pen- 
dant le  tir;  il  peut  également 
être  logé  dans  le  canon  lui-même,  ce  dernier  prenant  appui 
sur  un  épaulement  postérieur  de  la  jaquette.  Quel  que  soit 
le  système  de  construction  de  la  bouche  à  feu,  la  jaquette 
concourt,  dans  ce  cas,  à  supporter  les  efforts  longitudi- 
naux du  tir.  La  jaquette  peut  aussi  être  dépourvue  de  tou- 
rillons. Dans  ce  cas,  elle  sert  uniquement  à  renforcer  le 
tonnerre  dans  le  sens  transversal;  on  peut  d'ailleurs,  par 
un  agrafage  convenable  de  la  jaquette  placée  à  chaud  sur 
le  canon,  faire  concourir  la  jaquette  à  renforcer  en  même 
temps  le  canon  dans  le  sens  longitudinal.  Les  canons 
réglementaires  en  France  ne  portent'  pas  de  jaquette. 

JARA  (La).  Région  d'Espagne,  qui  s'étend  de  la  rive 
gauche  du  Tage  aux  monts  de  Tolède  et  est  couverte  de 
broussailles  oti  dominent  le  ciste  (jara,  en  espagnol),  les 
bruyères,  le  sparte  et  les  lentisques  ;  elle  est  presque  dé- 
serte, ne  renferuie  que  20,000  hab,  sur  une  grande  sur- 
face et  n'est  propre  qu'au  pâturage  des  moutons.  E.  Cat. 
JARACZEWSKA  (Elisabeth,  née  Krâsinska),  femme  de 
lettres  polonaise,  née  en  1792,  morte  à  Cracovie  en  1832. 
On  lui  doit  un  certain  nombre  de  romans  remarquables 
par  la  fidélité  avec  laquelle  ils  retracent  les  types  et  les 
mœurs  de  l'époque  :  Sopfiie  et  Emilie  (Varsovie,  1827  ; 
2^^  éd.,  1862)  ;  le  Soir  de  VAvent  (Varsovie,  1828, 
réimpr.  en  1862)  ;  Première  Jeunesse  (Varsovie,  1829)  ; 
Nouvelles  morales  (1828).  Ses  œuvres  ont  été  réunies  en 
4  vol.  (Breslau,  1845).  Cette  édition  est  précédée  d'une 
biographie  de  l'auteur  par  Victorine  Ossohnska. 
JARAMA.  Affluent  du  Tage  (y,  ce  mot). 
JARANDILLA.  Ville  d'Espagne,  ch.-l.  de  district  de  la 
prov.  de  Cacérès  (Estrémadure),  dans  la  vallée  du  Jaranda 
(affluent  du  Tietar),  fertile  en  fruits  et  en  pâturages,  que 
l'on  appelle  la  Vera  de  Plasencia;  2,000  hab.  Palais 
des  comtes  d'Oropesa,  couvent  fondé  par  eux  en  1582. 
A  10  kil.  à  rO.  se  trouve  le  monastère  de  Yuste,  fameux 
par  la  retraite  de  Charles-(juint  en  1557. 

JARGIEU.  Corn,  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Vienne, 
cant.  de  Bcaurepaire;  672  hab. 

JARD  (Constr.),  Les  jards  sont  des  galets  ou  grosgra- 
viers  que  l'on  tire  du  lit  des  fleuves  et  des  rivières  et  que 
l'on  emploie  dans  les  empierrements  de  chaussées  et  dans 
la  confection  des  bétons. 


JARD  -  JARDIN 


-  48  — 


JARD  (La).  Com.  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure, 
arr.  et  cant.  de  Saintes;  348  liab. 

JARD.  Com.  du  dép.  de  la  Vendée,  arr.  des  Sables- 
d'Olonne,  cant.  de  Talmont;  1,204  hab. 

JARD-Panvillier  (Louis-Alexandre),  homme  politique 
français,  né  à  Aigonnay  (Deux-Sèvres)  le  7  nov.  4757, 
mort  à  Paris  le  14  avr.  1822.  Médecin  à  Niort,  maire  de 
cette  ville  en  1790,  puis  procureur  général  syndic  du  dé- 
partement, il  fut  député  à  la  Législative  et  à  la  Conven- 
tion. Il  vota,  dans  le  procès  do  Louis  XVI,  pour  la  déten- 
tion, le  bannissement  à  la  paix  et  le  sursis.  Envoyé  le 
10  mai  1793  à  l'armée  de  La  Rochelle,  il  n'y  resta  qu'un 
mois  et  fut  rappelé  comme  modéré.  Très  effacé  à  la  Con- 
vention, il  se  fit,  au  conseil  des  Cinq-Cents,  le  défenseur 
des  émigrés  et  des  prêtres  réfractaires,  et  combattit  en 
juil.  1799  la  motion  de  déclarer  la  patrie  en  danger.  Il 
se  montra  favorable  au  coup  d'Etat  du  18  brumaire,  et 
fut,  le  29,  délégué  par  les  consuls  provisoires  dans  la 
9®  division  militaire,  pour  y  rallier  les  esprits.  Nommé 
membre  du  Tribunat,  il  en  fut  successivement  le  secrétaire, 
le  questeur  et  le  président.  C'est  Jard-Panvillier  qui  fut 
le  rapporteur  de  la  proposition  (iurée  (mai  1804)  tendant 
à  décerner  à  Bonaparte  le  titre  d'empereur.  Il  en  fut  ré- 
compensé par  le  titre  de  chevalier  en  1808  et  par  celui  de 
baron  en  1813.  A  la  suppression  du  Tribunat  en  1808,  il 
devint  président  à  la  cour  des  comptes.  Il  fut  l'un  des  pre- 
miers à  adhérer  en  1814  à  la  déchéance  de  l'empereur,  le 
servit  de  nouveau  pendant  les  Cent-Jours  et  se  rallia 
néanmoins  à  la  seconde  Restaurai  ion.  Il  entra  à  la  Chambre 
des  députés  et  y  siégea  jusqu'à  sa  mort.        A.  Kuscinski. 

JARDIN.  I.  Archéologie.  —  Jardins  suspendus 
(V.  Babylone,  t.  IV,  p.  1047,  et  Architecture  des  jar- 
dins). 

II.  Architecture  (V.  Architixture  des  jardins). 

III.  Horticulture.  —  Presque  partout,  le  jardin  est 
destiné  à  produire  à  la  fois  des  léy,umes,  des  plantes  d'or- 
nement et  des  arbres  fruitiers.  Il  est  clos  d'un  mur  sur 
lequel  on  palisse  les  arbres  fruitiers  et  au-devant  de  ce  mur 
régnent  une  plate-bande  et  une  aPée.  Au  milieu  du  jardin, 
un  ou  plusieurs  carrés  séparés  par  des  allées  et  divisés  en 
planches  reçoivent  les  légumes  et,  sur  leur  pourtour,  des 
arbres  fruitiers  conduits  en  cordon,  en  candélabre,  en  que- 
nouille, etc.  Tout  autour  des  allées,  en  bordure,  des  fleurs, 
du  persil,  du  cerfeuil,  de  l'oseille,  etc.  Cette  disposition  du 
jardin  plaît  au  plus  grand  nombre.  Elle  semble  à  ceux  qui  en 
jouissent  réaliser  la  meilleure  utilisation  du  terrain.  Pour- 
tant, ce  mélange  des  cultures  est  défavorable  à  leur  succès 
et  nuit  à  l'effet  ornemental.  Aussi  on  cultivera  séparément 
les  diverses  catégories  de  plantes  du  jardin,  lorsque  son 
étendue  le  permettra,  en  réservant  à  chacune  d'elles  l'espace 
proportionné  à  l'importance  qu'on  lui  accorde.  Une  clôture, 
haie  ou  mur  de  préférence,  un  sol  perméable  et  profond, 
le  voisinage  de  l'habitation  et  de  l'eau,  sont  les  conditions 
essentielles  à  réaliser  ou  à  rechercher  pour  l'établissement 
du  jardin.  Les  jardins  spécialement  destinés  à  la  produc- 
tion des  fruits  ou  jardins  fruitiers  sont  divisés  en  carrés 
par  une  allée  de  ceinture  à  1  m.  50  des  murs  et  des  allées 
tracées  intérieurement  à  angle  droit.  L'intervalle  à  laisser 
entre  les  arbres  varie  avec  leur  nature,  les  formes  qu'on 
leur  fait  prendre,  la  fertiHté  du  sol.  On  cultive  les  arbres 
en  espalier  contre  les  murs.  Dans  les  carrés,  on  les  plante 
en  lignes  et  on  les  conduit  en  contre-espalier,  en  gobelet,  en 
pyramide,  etc.  Les  jardins  consacrés  aux  plantes  d'orne- 
ment ou  jardins  d'agrément  sont  disposés  selon  leur  éten- 
due, le  relief  du  terrain,  le  paysage  environnant,  la  pré- 
sence d'un  cours  d'eau,  etc.,  en  jardin  français  ou  en  jardin 
paysager.  Des  allées  droites,  bordées  de  plates-bandes  de 
fleurs  entourant  des  gazons  plaîis  ou  des  bassins,  des  ave- 
nues, des  bosquets,  caractérisent  le  jardin  français,  dont 
le  parc  de  Versailles  est  en  grand  la  splendide  expression. 
Dans  les  jardins  paysagers  appelés  aussi  jardins  anglais, 
très  à  la  mode  de  nos  jours,  les  allées  sinueuses,  les  con- 
tours gracieux,  les  gazons  vallonnés  semés  de  corbeilles  de 


fleurs,  de  bosquets,  de  grandes  plantes  d'ornement  isolées 
ou  groupées,  remplacent  le  tracé  raide  mais  souvent  ma- 
jestueux du  jardin  français.  Citons  enfin  les  jardins  créés 
en  vue  de  l'étude  des  plantes  :  les  jardins  botaniques  et  les 
jardins  dendrologiques.  Dans  les  premiers,  les  espèces, 
groupées  en  genres  et  en  familles,  sont  disposées  sur  les 
côtés  de  plates-bandes  parallèles.  Cette  disposition  exprime 
incomplètement  les  affinités  que  ces  plantes  ont  entre 
elles.  Mais  les  arrangements  moins  imparfaits  auxquels 
on  a  pensé  ou  que  l'on  a  appliqués  pour  représenter  sur 
le  terrain  les  atîinités  des  plantes,  sont,  en  même  temps, 
moins  simples  et  moins  commodes  en  pratique.  L'avan- 
tage scientifique  de  grouper  les  plantes  d'après  leurs  affi- 
nités naturelles  n'exclut,  pour  les  jardins  dendrologiques, 
spécialement  réservés  aux  végétaux  ligneux,  ni  l'harmonie, 
ni  le  pittoresque  de  la  disposition.  Tandis  qu'on  établit  le 
jardin  botanique  sur  un  terrain  plat  de  préférence,  le 
jardin  dendrologique  peut  être  avantageusement  installé  sur 
une  surface  mamelonnée .  On  y  trace  des  allées  sinueuses 
dont  les  bords  sont  plantés  des  buissons  les  plus  bas  et, 
derrière  eux,  s'étagent  les  arbustes  et  les  arbres  élevés. 

G.  Boyer. 

Jardin  DES  Plantes  (V.  Muséum  d'histoire  naturelle). 

IV.  Pédagogie.  —  Jardin  d'enfants  (en  allemand,  Kin- 
dergarten),  —  Nom  donné  par  Frœbel  à  ses  écoles  de  petits 
enfants,  «  soit  parce  qu'il  entrait  dans  ses  vues  d'annexer 
toujours  un  jardin  à  l'école,  soit  qu'il  considérât  l'enfant 
comme  une  plante  frêle  et  délicate,  ayant  besoin  d'une  cul- 
ture persévérante  et  attentive  ».  Le  but  étant  de  tirer  parti 
des  dispositions  naturelles  de  l'enfant,  —  besoin  d'activité, 
amour  du  jeu,  curiosité,  esprit  d'imitation,  —  pour  régler 
son  développement  physique,  intellectuel  et  moral,  on  l'at- 
teint par  quatre  groupes  d'exercices  :  {""jeux  gymnastiques 
accompagnés  de  chants  (histoires  mimées  en  même  temps 
que  chantées,  représentation  d'actes  de  la  vie  champêtre, 
ou  de  certains  métiers)  ;  i^  culture  des  jardinets  ;  l'en- 
fant y  acquiert  des  notions  sommaires  sur  les  plantes, 
apprend  à  les  aimer,  exerce  ses  forces  ;  3^  gymnastique 
de  r œil  et  de  la  main  ;  4^  causeries,  poésies  et  chants. 
Le  troisième  groupe  est  le  plus  intéressant.  Frœbel,  par 
une  gradation  savante,  veut  à  la  fois  apprendre  à  l'enfant 
l'usage  de  ses  doigts,  le  rendre  adroit,  lui  donner  des  con- 
naissances précises  sur  les  nombres,  les  lignes,  les  vo- 
lumes, etc.  C'est  dans  l'usage  du  matériel  affecté  à  ce  groupe 
qu'apparaissent  ces  règles  minutieuses  souvent  reprochées 
à  Frœbel,  ces  petits  travaux,  trop  ingénieux  ou  trop  jolis, 
remarqués  à  toutes  les  expositions  et  qui  dénotent  une 
intervention  étrangère  ou  une  habileté  trop  précoce.  Le 
matériel  comporte  des  solides  en  bois,  divisés  en  six  séries; 
des  surfaces  en  bois  ou  en  papier  ;  des  bâtonnets,  bandes 
de  papier,  petits  pois,  anneaux,  pour  l'étude  des  lignes  ; 
du  papier  quadrillé,  des  perles,  des  boutons,  des  poinçons, 
pour  l'étude  du  dessin  ;  de  l'argile,  pour  l'étude  du  mode- 
lage. La  pratique  de  cette  méthode  exige  de  la  part  des 
maîtresses  une  patience  sans  bornes  ;  de  leur  habileté  à  se 
faire  aimer  par  les  enfants  dépend  le  succès,  surtout  le 
progrès  moral,  but  principal  de  Frœbel.  Le  premier  jardin 
d'enfants  fut  fondé  par  lui  à  Blankenburg  en  \  836,  et  ainsi 
dénommé  à  partir  de  1840  ;  outre  les  petits  enfants,  il  y 
recevait  les  personnes  qui  voulaient  se  former  à  la  pro- 
fession de  jardinières.  En  4850,  grâce  àpfla  générosité 
du  duc  de  Saxe-Meiningen,  il  put  ouvrir  un  jardin  modèle 
à  Marienthal.  Après  sa  mort,  sa  femme  continua  son  œuvre, 
à  Marienthal,  puis  à  Keilhau,  à  Dresde,  à  Hambourg.  Le 
véritable  apôtre  de  la  méthode  fut  W^  de  Marenholz,  qui, 
à  partir  de  1853,  parcourut  l'Europe  pour  gagner  l'opinion 
publique  à  sa  cause.  En  Angleterre,  en  "Autriche,  en 
Belgique,  en  Italie,  en  Russie,  en  Espagne,  en  Portugal, 
aux  Etats-Unis,  les  principes  de  Frœbel  ont  été  adoptés 
soit  complètement,  soit  avec  des  modifications.  En  France, 
où  les  salles  d'asile,  dès  1833,  employaient  déjà  des  mé- 
thodes analogues,  celle  de  Frœbel  fut  propagée  en  1835, 
et  surtout  à  partir  de  1871,  après  la  fondation  de  la 


49  — 


JARDIN  —  JARGEAU 


Société  Frœbel.  Mais  nos  écoles  maternelles  ont  leur  ca- 
ractère original  (V.  Frcebel,  Ecoles  maternelles).  J.  G. 

V.  Marine.  —  On  appelle  jardins  les  surfaces  qui  ser- 
vent à  raccorder  d'une  façon  continue  les  tambours  (V.  ce 
mot)  des  roues  dans  les  navires  à  aubes,  à  la  muraille  du 
bâtiment.  Leur  but  est  d'éviter  sur  les  tambours  des  roues 
les  coups  de  mer  directs  qui,  s'engouffrant  dans  une  surface 
rectangulaire  en  dièdre  droit,  arracheraient  tout.  Par  ex- 
tension, on  nomme  aussi  jardins,  dans  les  cuirassés  d'es- 
cadre, les  surfaces,  en  dehors  des  bastingages,  qui  relient 
sans  ressaut  brusque  les  demi-tourelles  de  certaines  pièces 
de  canon  du  pont  à  la  muraille. 

BiBL.  ;  PÉDAGOGIE.—  Frœbel,  Muttev  und  Kose-Lieder. 
Ein  Familienbuch^  1843.  —  F.  Buisson,  Dictionnaire  de 
pédagogie.  —  Octavie  Masson,  VEcole  Frœbel,  j  histoire 
d'un  jardin  d'enfants  ;  Bruxelles,  1880.  —  Cours  normal 
donné  à  l'Ecole  primaire  supérieure  d'Ixelles,  d'après  la 
méthode  de  F.  Frœbel  ;  Bruxelles,  1860. 

JARDIN  (Le).  Corn,  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr.  de 
Tulle,  cant.  d'Egletons;  307  hab. 

JARDIN.  Com.  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  et  cant.  (S.) 
de  Vienne;  536  hab. 

JARDIN  (Suzanne  Habert,  dame  du)  (V.  Habert). 

JARDIN  (Nicolas-Henri),  architecte  français,  né  à  Saint- 
Germain-des-Noyers  le  22  mars  1720,  mort  en  1802. 
Ayant  obtenu  le  grand  prix  d'architecture  en  1741  sur  un 
projet  de  chœur  pour  une  église  cathédrale.  Jardin  voyagea 
en  Italie  de  1744  à  1748  et  entra,  à  son  retour  en  France, 
dans  le  service  des  bâtiments  royaux.  Il  fut  appelé  en  1754 
à  Copenhague  par  le  roi  de  Danemark  Frédéric  V  avec  le 
titre  de  professeur  d'architecture  à  l'Académie  royale  et 
d'intendant  des  bâtiments  royaux,  et  fit  élever,  dans  cette 
ville,  le  palais  de  Moltke  et  l'église  royale  commémorative 
de  la  dynastie  d'Oldenbourg,  vaste  rotonde  de  marbre  blanc 
avec  ornements  en  bronze  doré  dont  la  construction,  long- 
temps interrompue,  a  été  reprise  de  nos  jours;  la  salle  des 
chevaliers  au  château  de  Christianbourg,  et  à  Jœgensdorf, 
le  château  de  Bernsdorf  et  le  palais  d'Araelitgade.  Revenu 
en  France  en  1771,  Jardin  entra  à  l'Académie  d'architec- 
ture et  fut  nommé  architecte  du  roi  et  chevalier  de  Saint- 
Michel.  Entre  autres  travaux,  il  construisit  en  France  l'hô- 
pital de  Lagny  et  donna,  en  collaboration  avec  Antoine,  les 
dessins  de  la  nouvelle  façade  de  l'Hôtel  de  ville  de  Cambrai 
dont  les  travaux  furent  conduits  par  Richard.  On  doit  à 
cet  architecte  les  Plans^  Coupes  et  Elévations  de  l'église 
royale  de  Frédéric  V,  à  Copenhague  (Varïs,  1765,  in-fol.). 
—  Louis-Honoré  Jardin,  frère  du  précédent,  né  en  1730 
et  mort  à  Copenhague  en  1759,  fut,  lui  aussi,  appelé  en 
Danemark  comme  professeur  d'architecture  et  aida  son  frère 
dans  ses  premiers  ouvrages.  Charles  Lucas. 

JARDINAGE  (Sylvie).  Mode  de  traitement  des  forêts 
apphqué  surtout  aux  résineux,  consistant  à  enlever  çà  et 
là,  sur  toute  l'étendue  de  la  forêt,  un  certain  nombre  des 
plus  beaux  arbres  réclamés  par  la  consommation  et  en  outre 
les  arbres  dépérissants.  Ce  nombre  variait  suivant  la 
durée  de  la  révolution.  On  a  reproché  au  jardinage  de 
rendre  l'abatage  difficile,  la  vidange  dangereuse  pour  les 
arbres  restés  debout,  la  surveillance  très  imparfaite  ;  de 
donner  des  produits  en  matière  inférieurs  en  qualité  et  en 
quantité,  pour  une  même  révolution,  à  ceux  fournis  par 
la  méthode  dite  naturelle,  etc.  Le  jardinage  a  cependant 
laissé  de  belles  forêts.  Du  reste  on  surveille  mieux  l'ex- 
ploitation, on  la  rend  plus  facile  et  plus  économique,  en 
établissant  des  divisions  dans  la  forêt,  en  introduisant 
dans  la  méthode  les  coupes  d'éclaircie  et  de  nettoiement. 
Avec  le  jardinage,  le  sol,  toujours  couvert,  reste  frais, 
meuble,  et  le  réensemencement  naturel  s'y  fait  facilement 
sur  les  petits  vides  que  laissent  les  coupes  ;  tous  les  arbres 
se  soutiennent  ;  il  y  a  peu  de  chablis  ;  le  régime  des  eaux 
est  assuré.  G.  Boyer. 

JARDINE  (David),  compilateur  et  historien  anglais,  né 

en  1794,  mort  le  13  sept.  1860.  xivocat,  puis  recorder 

de  Bath,  enfin  magistrat  de  police  au  tribunal  de  Bow 

Street,  à  Londres,  il  a  composé  l'index  de  la  Collection 

grande  encyclopédie.  —  XXI. 


of  State  trials  de  Howells.  Son  livre  le  plus  connu  est 
intitulé  A  Narrative  of  the  Gunpowder  plot  (Londres, 
1857,  in-8). 

JARDINES.  Nom  donné  par  les  navigateurs  espagnols 
à  des  archipels  d'îlots  et  de  cayes  qui  sont  parsemés  au- 
tour de  l'île  de  Cuba  (Amérique,  possessions  espagnoles). 
On  distingue  les  Jardines  del  Hey,  qui  s'étendent  le  long 
de  la  côte  N.-E.  de  l'ile,  sur  une  longueur  de  près  de 
450  kil.  (entre  le  Puerto  de  Nuevitas  à  FË.  et  le  cap  Hi- 
cacos,  à  l'O.)  ;  les  Jardines  de  la  Reyna,  le  long  de  la 
côte  S.  de  l'Ile,  entre  le  cap  Cruz  et  le  port  de  Trinidad  ; 
les  Jardines  y  Jardinillos  le  long  de  la  côte  S.  Ces  noms 
rappellent  l'aspect  verdoyant  de  ces  îles  coralliques,  qui 
sont  de  vrais  jardins  emplis  d'oiseaux.  Quelques-unes, 
dans  lesqueHes  il  jaillit  de  l'eau  douce,  sont  habitées;  la 
plus  importante  est  celle  de  Pinos^  dans  le  groupe  des  Jar- 
dines y  Jardinillos.  E.  Cat. 

JARDINIÈRE  (Ameubl.).  Ce  meuble  ne  commença  à 
être  en  usage  que  vers  le  commencement  de  notre  siècle. 
Auparavant,  les  vases  et  les  caisses  de  fleurs  étaient  placés 
sur  des  tables  ordinaires  ou  sur  des  piédestaux.  Les  pre- 
miers modèles  de  jardinières  ont  été  dessinés  par  Percier, 
dans  le  goût  pseudo-antique  du  premier  Empire.  De  nos 
jours,  le  goût  des  fleurs,  comme  décoration  d'appartement, 
a  pris  une  grande  extension  et  on  a  multiplié  le  nombre 
et  la  forme  des  jardinières  qui  les  supportent.  Il  en  existe 
qui  sont  des  tables  dont  la  partie  supérieure  est  évidée 
pour  contenir  les  plantes  ;  d'autres  sont  des  vases  à  pied 
unique  ou  formant  trépied.  Le  bois,  le  laque,  la  marque- 
terie, le  métal  et  la  faïence  y  sont  employés  concur- 
remment ou  mélangés  pour  la  décoration  de  leurs  motifs. 

JARDON  (Henri- Antoine),  général  belge,  né  à  Verviers 
en  1768,  tué  à  Negrellos  en  1809.  Issu  d'une  famille  très 
pauvre,  il  ne  reçut  que  les  éléments  de  l'instruction  pri- 
maire, et,  quand  éclata  la  révolution  liégeoise  de  1789,  il 
s'engagea  dans  l'armée  des  patriotes.  Après  la  victoire  des 
Autrichiens,  il  passa  dans  l'armée  française  avec  le  grade 
de  lieutenant.  Sa  brillante  conduite  à  Wattignies  lui  valut 
d'être  promu  général  de  brigade.  H  refusa  ce  grade  en 
faisant  observer  que  son  instruction  était  insuffisante.  Mais 
le  comité  de  Salut  public  lui  enjoignit  de  le  garder.  Jardon 
contribua  à  la  prise  de  Courtrai,  prit  une  part  considérable 
à  la  campagne  de  Hollande  sous  les  ordres  de  Pichegru,  et 
eut  l'audace  d'entrer  presque  seul  dans  Kampen  qui  se 
rendit  sans  coup  férir;  quelques  jours  plus  tard,  il  réussit 
dans  une  expédition  aussi  audacieuse  contre  Hasselt.  Lorsque 
la  paix  de  Bâle  eut  mis  fin  aux  hostilités,  Jardon  fut  chargé 
de  réprimer  la  révolte  qui  avait  éclaté  en  Belgique  quand 
le  Directoire  avait  voulu  faire  exécuter  la  loi  sur  la 
conscription.  H  battit  les  rebelles  à  Diest  et  à  Hasselt  et 
rétablit  l'ordre,  non  sans  recourir  à  de  cruelles  exécutions 
militaires.  Il  passa  ensuite  à  l'armée  du  Danube,  puis  à 
celle  du  Rhin  et  commanda  ensuite  le  dép.  des  Deux-Nèthes 
jusqu'en  1808.  A  cette  époque,  il  fut  envoyé  en  Espagne, 
contribua  à  la  victoire  d'Elvina,  à  celle  de  Lanhozo,  en 
Portugal,  et  fut  tué  à  la  tête  de  sa  brigade,  en  attaquant  le 
pont  de  Negrellos  défendu  par  les  troupes  anglaises.  E.  H. 
BiBL.  :  A.  Orts,  la  Guerre  des  Paysans;  Bruxelles, 
1863,  in-8,  —  ïhil-Lorain,  Histoire  du  général  belge 
Henri  Jardon  ;  Verviers,  1881,  in-8. 

JARDRES.  Com.  du  dép.  de  la  Vienne,  arr.  de  Poitiers, 
cant.  de  Saint-Julien-Lars;  581  hab. 

JARGAN  (Mont)  (V.Gargan). 

JARGEAU. Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Loiret,  arr.  d'Or- 
léans, sur  la  rive  gauche  de  la  Loire;  2,522  hab.  Fabrique 
de  chaux,  plâtre;  corderies,  corroiries,  tanneries,  vanne- 
ries, taillanderies,  distillerie  ;  fabrique  de  meubles,  de  fleurs 
artificielles  ;  pépinières.  Ancien  oppidum  gaulois  du  nom  de 
Gergoyia,  Jargeau  fut  au  moyen  âge  le  chef-lieu  d'une  sei- 
gneurie possédée  par  les  évêques  d'Orléans.  Prise  par  les 
Anglais  en  1427,  elle  leur  fut  enlevée  le  22  mai  1419  à 
la  suite  d'une  brillante  victoire  de  Jeanne  d'Arc.  Eglise 
(mon.  hist.)  en  partie  romane  avec  refaçons  postérieures 


JARGEAU  -  JAROCHOWSKI 


—  so- 


dés xni^,  XVI®  et  XVII®  siècles.  Pont  suspendu  sur  la  Loire 
reliant  Jargeau  à  Saint-Denis-de-l'Hôtel,  stat.  du  ch.  de 
J'er  d'Orléans. 

JARGON  (V.  Argot). 

JARJAYES.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Alpes,  arr.  de 
Gap,  cant.  de  Tallard;  M6  hab. 

JARJAYES  (François-Augustin  Régnier  de),  gênerai 
français,  né  dans  les  Hautes-Alpes  en  1745,  mort  à  Pans 
en  1822.  Aide  de  camp  du  général  Bourcet,  son  oncle, 
de  1770  à  1775,  il  passa  ensuite  dans  Fétat-major.  En 
1791,  il  obtint  le  grade  de  maréchal  de  camp  et  les 
fonctions  de  directeur  adjoint  au  dépôt  de  la  guerre.  Etant 
maréchal  de  camp,  Jarjayes  se  maria  avec  une  des  femmes 
de  chambre  de  la  reine,  ce  qui  le  mit  dans  son  intimité  et 
lui  fournit  l'occasion  d'être  chargé  de  missions  de  confiance, 
n  fut  envoyé  à  Turin  par  Marie-Antoinette,  après  le  voyage 
de  Varennes,  dans  le  but  d'empêcher  le  prince  de  Condé 
de  faire  l'acte  de  belligérant  qu'il  se  proposait  de  consommer 
en  pénétrant  en  France  par  Lyon.  U  réussit  dans  sa  mis- 
sion et  fut  ensuite  l'intermédiaire  des  relations  établies  entre 
la  reine  Marie-Antoinette  et  les  trois  représentants  Barnave, 
Lameth,  Duport.  Après  la  mort  du  roi,  Jarjayes  resta  à  Pans, 
s'efforça  de  délivrer  la  reine  et  ses  enfants,  se  mit  en  relations 
avecLepître  et  Toulan,  qui  étaient  chargés  de  la  garde  des 
prisonniers  du  Temple,  pénétra  dans  la  prison  de  la  reine  sous 
des  vêtements  de  Savoyard,  et  arrêta  avec  la  reme  un  plan 
d'évasion  qui  échoua  à  cause  de  l'irrésolution  de  Lepître. 
A  la  fin  de  mars  1793,  la  reine  lui  remit  le  cachet 
et  l'anneau  de  Louis  XYI,  avec  ordre  de  les  porter  au 
comte  de  Provence.  Jarjayes  devint  ensuite  aide  de  camp 
du  roi  de  Sardaigne,  rentra  en  France  sous  le  Consulat 
et  reçut  en  1815  le  grade  de  lieutenant  général.  P.  Marin. 

BiBL  :  Mémoire  de  M.  le  baron  de  Goguelat,  lieutenant 
général  sur  les  événements  relatifs  au  voyage  de 
Louis  XVI  à  Varennes,  suivi  d'un  Précis  des  tentatives 
qui  ont  été  faites  pour  arracher  la  Reine  à  la  captivité  du 
Temple;  Paris,  1823,  in-8.  -  Paul  Gaulot  Un  Complot 
sous  la  Terreur  (Marie- Antoinette,  Toulan,  Jarydijes)  ; 
Paris,  1889,  in-8. 

JARMÉNIL.  Corn,  du  dép.  des  Vosges,  arr.  et  cant.  de 
Remiremont,  en  partie  dans  la  vallée  de  la  Moselle,  en 
partie  dans  celle  de  la  Yologne,  à  14  kil.  S.-E.  d'Epmal; 
600  hab.  Filature  et  tissage  de  coton;  feculeries  ;  mou- 
lins ;  carrière.  Le  village  de  Jarménil,  jusqu'en  1655,  por- 
tait le  nom  de  Chaméry,  A  proximité,  antiquités  romaines. 

JARNAG.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Charente,  arr. 
de  Coenac  sur  la  rive  droite  de  la  Charente;  4,880  hab. 
Stat.  de  la  ligne  de  chem.  de  fer  de  Nantes  à  Angoulême. 
Jarnac  a  été  une  baronnie  qui  a  appartenu  à  la  famille  des 
Taillefer,  puis,  en  1 217,  à  celle  des  Lusignan,  plus  tard  aux 
Craon  et  aux  Chabot  ;  ces  derniers  prirent  le  titre  de 
comtes.  L'un  d'eux,  René  Chabot,  y  fit  construire  un  châ- 
teau aujourd'hui  détruit.  C'est  près  de  Jarnac,  dans  la 
plaine  comprise  entre  Bassac,  la  Charente  et  Triac  que  se 
livra  le  12  mars  1569,  une  bataille  entre  catholiques  et 
protestants,  dans  laquelle  le  prince  de  Condé  trouva  la 
mort  •  une  pyramide  commémorative  en  marque  l  empla- 
cement. L'égUse  de  Jarnac  possède  une  crypte  romano~go- 
thique.  Une  promenade  occupe  l'emplacement  de  l  ancien 
château.  Commerce  de  vins  et  d'eaux-de-vie. 

JARNAC-Châmpagne.  Corn,  du  dép.  de  la  Charente-in- 
férieure, arr.  de  Jonzac,  cant.  d'Archiac;  906  hab.      _ 

JARNAG  (Guy  Chabot,  baron  de),  capitaine  français. 
On  le  trouve,  dès  4  539,  pourvu  d'une  compagnie  des  ordon- 
nances du  roi.  Le  28  févr.  suiv.,  il  épousa  Louise  de 
Pisseleu,  sœur  de  la  toute-puissante  duchesse  d  Ltampes. 
Ce  mariage,  qui  semblait  le  destiner  à  une  haute  tortune, 
lui  valut  au  contraire  une  demi-disgrâce  sous  le  règne  sui- 
vant à  la  suite  d'une  rencontre  célèbre  où  il  tut  comme 
le  prête-nom  de  sa  belle-sœur  contre  La  Châtaigneraye, 
prête-nom  du  roi  et  surtout  de  sa  maîtresse  Diane  de  Poi-- 
tiers  (V.  La  Châtaigneraye).  Dans  la  suite  du  règne,  il 
est  mentionné  sans  nul  éclat  avec  son  même  grade  de 
simple  capitaine.  H  fut  en  1557  l'un  des  héroïques  défen- 


seurs de  Saint-Quentin.  L'avènement  de  Charles  ÏX  lui  valut 
des  compensations  à  cette  longue  obscurité.  11  fut  fait  pre- 
mier gentilhomme  de  la  chambre  de  ce  prince  et  gouverneur 
de  La  Rochelle.  Il  vivait  encore  en  1572.  L.  M. 

BiBL.  P.  Anselme,  Histoire  généalogique  des  grands 
officiers  de  la  couronne,  t.  IV,  p.  5o7. 

JARNAC  (Philippe  de  Rohân-Châbot,  comte  de),  né  le 
2  juin  1815,  mort  le  22  mars  1875.  Fils  du  général  aide 
de  camp  du  roi  Louis-Philippe,  il  entra,  en  1834,  au  minis- 
tère des  affaires  étrangères,  accompagna  en  Allemagne  le 
duc  de  Broglie,  chargé  d'aller  négocier  le  mariage  du  duc 
d'Orléans,  puis  fut  envoyé  à  Londres  comme  second  secré- 
taire. En  1840,  il  remplit  les  fonctions  de  commissaire  du 
roi  sur  la  Belle-Poule^  qui  allait  chercher  à  Sainte-Hélène 
les  cendres  de  Napoléon,  et  fut  nommé,  à  son  retour,  agent 
et  consul  général  à  Alexandrie.  Le  28  févr.  1848,  il  donna 
sa  démission  et  resta  dans  la  vie  privée  jusqu'en  1874,  date 
à  laquelle  le  duc  de  Decazes  lui  confia  l'ambassade  de 
Londres  ;  il  mourut  peu  après.  Ecrivain  de  talent,  M.  de 
Jarnac  a  publié  une  série  d'études  sur  les  élections  an- 
glaises de  1874,  sur  la  déclaration  des  droits  de  1689,  sur 
lord  Byron,  sur  M"^®  Elliot,  etc.  ;  il  a  écrit  une  petite  pièce, 
Rien  qu'un  œillet,  et  fait  paraître  un  roman  :  le  Dernier 
d'Egmont, 

JARNA6ES  et  mieux  JARNAGE.  Ch.-l.  de  cant.  du 
dép.  de  la  Creuse,  arr.  de  Boussac  ;  835  hab.  Jarnage 
possédait  un  prieuré  dépendant  de  l'abbaye  de  Cluse,  au 
diocèse  de  Turin,  au  moins  dès  le  xiii®  siècle.  La  ville  fut 
fortifiée  au  xv^  siècle,  peut-être  même  plus  tôt  ;  les  comtes 
de  la  Marche  y  établirent  une  châtelienie,  démembrée  de 
celle  d'Ahun. 

JARNE  (La).  Corn,  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure, 
arr.  de  La  Rochelle,  cant.  de  La  Jarrie;  523  hab.  Eglise 
du  xii®  siècle. 

JARNIOUX.  Corn,  du  dép.  du  Rhône,  arr.  de  Ville- 
franche-sur-Saône,  cant.  du  Bois-d'Oingt  ;  604  hab. 

JARNOSSE.  Com.  du  dép.  de  la  Loire,  arr.  de  Roanne, 
cant.  de  Charlieu;  1,323  hab.  Fabriques  de  soierie  et  de 
colonne. 

JARNOWICK  (Giovanni  Giornovicchi,  dit),  violoniste 
italien,  né  à  Paîerme  en  1745,  mort  à  Saint-Pétersbourg 
le  21  nov.  1804.  Elève  de  LoUi,  il  débuta  à  Paris  au  Con- 
cert spirituel  en  1770,  avec  un  succès  brillant  qui  se  pro- 
longea pendant  près  de  dix  ans.  Depuis  1779,  Jarnowick 
voyagea  presque  continuellement,  et  se  fit  entendre  dans 
presque  toutes  les  grandes  villes  d'Europe,  mêlant  à  ses 
succès  de  virtuose  des  aventures  et  des  querelles  qui  l'obli- 
geaient sans  cesse  à  changer  brusquement  de  résidence. 
Son  talent  ne  put  rivaliser  à  Londres  avec  celui  de  Viotti, 
ni  à  Saint-Pétersbourg  avec  celui  de  Rode.  Vers  la  fin  de 
sa  vie,  il  tirait  autant  de  vanité  et  de  profits  de  son  adrese 
au  jeu  de  billard  que  de  son  habileté  de  violoniste.  Il  a 
publié  quinze  concertos,  trois  quatuors,  des  sonates  et  des 
symphonies  qui  ne  lui  ont  pas  survécu. 

JARNY  {Garniacum,  936).  Com.  du  dép.  de  Meurthe- 
et-Moselle,  arr.  de  Briey,  cant.  de  Conflans,  sur  FYron, 
à  2  kil.  au  S.-E.  de  Conflans  ;  702  hab.  Sucrerie  ;  mou- 
lins ;  tuileries.  Eglise  gothique  remarquable,  autrefois 
fortifiée.  Jarny  fut  fondé  en  1200  par  Hugues  II,  comte 
de  Vaudémont. 

JARO.  Village  de  l'île  de  Panay  (Océame,  archipel  des 
Philippines  espagnoles),  prov.  d'Iloilo,  centre  d'une  com. 
étendue  peuplée  de  14,000  hab.,  la  plupart  de  race  visaya. 
Siège  d'un  évêché  relevant  de  l'archevêché  de  Manille. 

JAROCHOWSKI  (Kazimir),  historien  polonais,  né  à  So- 
kolniki  Maie,  dans  le  grand-duché  de  Poznan,  le  12  sept. 
1829,  mort  le  24  mars  1888.  Après  avoir  étudié  le  droit 
à  Berlin  il  entra  dans  la  magistrature.  On  lui  doit  d'im- 
portantes publications  historiques  :  le  Portefeuille  de 
Gabriel  Junosza  Podoski  (Poznan,  1856-61,  6  vol.); 
Histoire  du  règne  d'Auguste  II  jusqu'à  V  invasion  de 
Charles  XII  (id.,  1856)  ;  Récits  historiques  {id,^  1860)  ; 
Pierre  Z^''  et  Je  tsarévitch  Alexis  (Cracovie,   1862)  ; 


-  51  - 


oAROCiïOWSKI  —  JARRET 


Récits  et  études  historiques  (Poznan,  1863,  2  vol.)  ; 
la  Grande-Pologne  de  i655  à  J657  {id,,  1864)  ;  His- 
toire du  règne  d'Auguste  H  de  il 02  à  il 04  (id,, 
1874);  Récits  et  études  (Varsovie,  1877,  3  voL).  Il  a 
collaboré  à  un  grand  nombre  de  recueils  ;  au  moment  de 
sa  mort  il  venait  d'être  nommé  député  à  la  Diète  de  Prusse. 
M.  Kraushaar  lui  a  consacré  une  étude  dans  le  premier 
volume  de  ses  Mélanges  historiques  (Drobiazgi  histo- 
ryczne;  Saint-Pétersbourg,  1891).  L.  L. 

JAROWIER  (en  allem.  Jaromierz),  Ville  de  Bohême, 
cercle  de  Kralovedvor  (Kœniginhof),  sur  la  ligne  Por- 
dubice-Reichenberg  ;  7,000  hab.  On  y  remarque  l'église  de 
Saint-Nicolas  qui  renferme  le  tombeau  du  prince  Dmitri 
Sanguszko,  assassiné  dans  cette  ville  en  15S4.  Jaromer 
remonte  au  xiv®  siècle.  Elle  fut  prise  par  les  hussites  en 
1421  et  devint  un  des  principaux  centres  de  la  secte  des 
utraquistes.  C'est  aux  environs  de  Jaromer,  à  Herzmanitz, 
que  naquit  Wallenstein, 

JAROMIR,  prince  de  Bohême,  fils  de  Boleslav  II.  Il  fut 
appelé  à  régner  en  1803,  fut  chassé  de  Prague  par  Boleslav 
le  Vaillant,  roi  de  Pologne  ;  il  y  rentra  l'année  sui- 
vante. En  1012,  il  fut  détrôné  par  son  frère  Oldrich  et 
périt  assassiné  en  1038.  —  Un  autre  Jaromir,  fils  de  Brze- 
tislav  P'^,  devint  évêque  de  Prague  en  1068.  Il  mourut 
en  1089. 

JÂROSLAW(en  allem.  Jaroslau).  Ville  de  Galicie  (em- 
pire d'Autriche),  chef-lieu  de  capitainerie  de  cercle,  située 
sur  le  San  et  le  chemin  de  fer  Karl  Ludwig  ;  plus  de 
12,000  hab.  (dont  un  tiers  d'Israéhtes).  Commerce  de  bois 
et  de  céréales. 

JAROSLAW  BoGORYJA,  prélat  polonais,  né  dans  les  der- 
nières années  du  xm®  siècle,  mort  en  1376.  Vers  1320  il 
fut  recteur  de  l'université  de  Bologne.  Il  devint  ensuite  ar- 
chevêque de  Gniezno. 

JAROSSE  (Agric).  La  jarosse  ou  petite  gesse  {La- 
thyrus  cicera)  est  une  plante  légumineuse  haute  de  50  à 
70  centim.,  à  fleurs  solitaires  d'un  rouge  brique,  donnant 
des  gousses  oblongues  et  comprimées,  renfermant  des 
graines  anguleuses  d'un  gris  cendré.  C'est  une  plante  four- 
ragère très  rustique,  qui  résiste  aux  froids  rigoureux  et  aux 
grandes  sécheresses.  On  la  sème  généralement  en  sep- 
tembre, parfois  seule,  plus  souvent  avec  du  seigle  ou  une 
avoine  d'hiver  pour  ramer  ses  tiges,  qui  sont  grimpantes. 
On  répand  de  230  à  300  litres  de  graines  par  hectare.  On 
fauche  vers  le  mois  de  juin  ;  le  fourrage  vert  ainsi  obtenu 
convient  à  tous  les  animaux  ;  le  foin  est  également  de  bonne 
qualité,  mais  les  graines  constituent  un  aliment  dangereux 
ayant  des  propriétés  toxiques  manifestes  non  seulement 
sur  le  bétail,  mais  sur  l'homme.  M.  G.  lleuzé  rapporte  à 
ce  sujet  qu'en  1840  le  tribunal  correctionnel  de  Niort  a 
condamné  le  fermier  Lucas,  en  vertu  des  art.  317  et  319 
du  C.  pén.,  à  faire  une  pension  viagère  à  quatre  de  ses 
domestiques  qu'il  avait  rendus  complètement  paralytiques 
en  les  nourrissant  avec  du  pain  fabriqué  avec  ^le  la  farine 
de  froment  à  laquelle  il  avait  ajouté  de  la  farine  de  jarosse. 
Jarosse  d'Auvergne  (V.  Lentille), 
JAROSZEWICZ  (Joseph),  historien  polonais,  né  en  Li- 
thuanie  en  1793,  mort  à  Bielsk  en  1860.  Il  fut  professeur 
au  lycée  de  Krzemieniec  (Kremenets)  et  à  l'université  de 
Wilna.  Outre  un  certain  nombre  de  mémoires  sur  des 
questions  historiques,  il  a  laissé  un  travail  considérable  : 
Tableau  de  la  Lithuanie  au  point  de  vue  de  la  culture 
intellectuelle  et  de  la  civilisation  (V^ilna,  1844-45, 
3voL),  L.  L. 

JAROUSSEAU  (Jean),  pasteur  protestant,  né  à  Mainxe 
(Angoumois)  en  1729,mortàChenaumoine,lel8juinl819. 
Sa  vie  simple,  son  ministère  agité  et  caractéristique  pour 
l'état  d'une  partie  de  la  société  française  durant  la  seconde 
moitié  du  xviu^  siècle  ont  été  décrits  par  son  petit-fils  Eug. 
Pelletan,  dans  le  Pasteur  du  désert  (Paris,  1855,in-12; 
2«éd.,  1877). 
JARRAS  (Hugues-Louis),  général  français,  né  à  Nîmes 


le27mars  1811,  mort  en  1890.  Admis  à  l'Ecole  de  Saint- 
Cyr  en  1829,  sous-lieutenant-élève  à  l'Ecole  d'état-major 
en  1832,  lieutenant  en  1834,  capitaine  en  1838,  chef  d'es- 
cadrons en  1847,  il  fit  presque  toute  cette  partie  de  sa 
carrière  à  l'armée  d'Afrique.  Cavaignae,  qui  l'y  avait 
connu,  l'appela  auprès  de  lui  en  1848  comme  premier  aide 
de  camp.  Jarras  lui  rendit  de  grands  services  durant  les 
journées  de  Juin.  Lieutenant-colonel  en  1852,  colonel  en 
1854,  il  pritpart^  à  l'expédition  de  Crimée,  puis  en  1859 
à  la  campagne  d'Italie,  au  cours  de  laquelle  il  fut  fait 
général  de  brigade.  Le  31  juil.  1867,  il  devenait  divi- 
sionnaire et  quelques  semaines  après  il  recevait  du  maréchal 
Niel  la  direction  du  Dépôt  de  la  guerre,  avec  la  mission  de 
préparer  un  plan  de  concentration  de  l'armée  en  vue  d'un 
conflit  possible  avec  l'Allemagne.  Il  occupait  encore  ce  poste 
en  1870  lorsque  la  guerre  éclata.  Le  peu  qu'on  avait  fait 
dans  l'intervalle,  pour  assurer  le  transport  des  troupes  sur 
la  frontière,  était  dû  en  grande  partie  à  son  initiative. 
Malheureusement  la  plupart  de  ses  avis  n'avaient  pas  été 
suivis.  Dès  le  début  des  hostilités  on  l'appela  au  grand 
état-major,  pour  y  remplir  avec  le  général  Lebrun  et  sous 
les  ordres  de  Lebœuf  les  fonctions  d'aide-major  général  de 
l'armée.  Il  exerça  ces  fonctions  jusqu'au  12  août,  jour  oii 
Napoléon  III  céda  le  commandement  en  chef  à  Bazaine.  Ce 
même  jour  l'état-major  fut  réorganisé,  et  Jarras,  prenant  la 
place  de  Lebœuf  et  de  Lebrun,  en  devint  le  chef  unique. 
N'ayant  aucune  confiance  dans  Bazaine  et  regardant  un  dé- 
sastre comme  inévitable,  il  n'avait  accepté  cette  situation 
que  contraint  et  forcé.  Six  jours  après  ses  pronostics  étaient 
vérifiés  ;  les  troupes  françaises  se  voyaient  rejetées  et 
bloquées  sous  les  murs  de  Metz.  Alors  commença  pour 
lui  une  rude  épreuve.  Il  s'était  brouillé  tout  de  suite  avec 
Bazaine  qu'il  n'aimait  pas  et  qui  le  lui  rendait.  Pendant  le 
siège,  celui-ci  le  tint  systématiquement  à  l'écart,  le  combla 
de  mauvais  procédés.  Jarras  assista  ainsi,  les  bras  croisés, 
aux  intrigues  politico-militaires  qui  aboutirent  à  la  capitu- 
lation du  27  oct.  Par  une  ironie  du  sort  ce  fut  lui  qui 
dut  négocier  et  signer  cet  acte.  Ce  qu'il  avait  vu  durant  ces 
tristes  jours  lui  inspira  un  ressentiment  profond  contre 
Bazaine.  Aussi,  dès  que  la  paix  fut  faite,  se  montra-t-il  l'un 
des  plus  ardents  parmi  les  accusateurs  du  maréchal.  Cité 
en  témoignage  devant  le  conseil  de  guerre  de  Trianon,  il 
fit  contre  son  ancien  chef  des  dépositions  enflammées,  dont 
l'une  provoqua  en  pleine  audience  une  pénible  alterca- 
tion entre  l'accusé  et  lui  (déc.  1873).  En  mars  1876,.  il 
quitta  le  service  actif.  —  Pendant  sa  captivité  en  Alle- 
magne, il  aval*,  rédigé  sur  les  opérations  de  l'armée  de  Metz 
un  travail  où  il  relatait  les  faits  dont  il  avait  été  témoin. 
Le  ministre  de  la  guerre  lui  ayant  refusé  l'autorisation  de 
publier  ce  travail,  il  chargea  sa  femme  de  le  faire  paraître 
après  sa  mort.  L'ouvrage  a  été  imprimé  en  1892  sous  le 
titre  :  Souvenirs  du  général  Jarras^  chef  d' état-major 
de  r armée  du  Rhin  (Paris,  in-8).  C'est  un  document  de 
premier  ordre  pour  l'histoire  de  la  guerre  de  1870  et  le 
livre  d'un  honnête  homme.  Ch.  Grandjean. 

JARRE  (Techn.).  Gros  vase  en  terre  vernissée  à  deux 
anses  (V.  Poterie).  —  On  donne  aussi  le  nom  de  jarres  à 
des  poils  raides  qui  sont  écartés  lors  de  la  fabrication  du 
feutre  (V.  ce  mot). 

JARRET.  I.  Anatomie.  —  C'est  la  partie  du  membre 
pelvien  qui  est  située  derrière  l'articulation  du  genou,  et  oïl 
s'opère  la  flexion  de  la  jambe  sur  la  cuisse  (V.  Poplité). 
Chez  les  quadrupèdes,  le  jarret  correspond  aux  articulations 
radio-carpiennes  et  tibio-tarsiennes,  à  celles  du  carpe  et 
du  tarse.  C'est  l'analogue  des  articulations  du  poignet  et 
du  cou-de-pied  chez  l'homme.  On  peut  y  ajouter  encore  les 
os  métacarpiens  et  métatarsiens  (V.  Canon). 

IL  Art  culinaire.  —  Le  jarret  de  bœuf,  mais  préfé-* 
rablement  le  jarret  de  veau,  est  employé  dans  la  confection 
du  bouillon,  avec  carotte,  sel,  etc. 

m.  Ameublement. —  Motif  d'ébénisterie  qui  rappelle  le 
jarret  d'un  animal.  On  a  fait  à  l'époque  de  la  Restauration 
des  sièges  et  des  tables  à  jarret. 


JARRET  —  JARRY 


—  52  — 


JARRET.  Coni.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr. 
d'Argelès,  cant.  de  Lourdes;  242  hab. 

JARRETIÈRE.  I.  Costume.  —  Ruban  ou  lien  qui  sert 
à  attacher  les  bas  au-dessus  ou  au-dessous  du  genou. 
Comme  les  bas  (abréviation  de  bas-de-chausses),  les'^jarre- 
tières  parurent  vers  le  milieu  du  xvi^  siècle.  D'abord  fort 
simples,  elles  ne  tardèrent  pas  à  être  très  ornées  ;  on  pos- 
sède encore  des  jarretières  anciennes  assez  nombreuses, 
réunies  en  collections  par  quelques  curieux.  Sous  Louis  XIV, 
la  jarretière  consistait  en  un  galon  d'or  que  retenait  une 
boucle  de  prix  ;  au  xviii^  siècle,  les  hommes  les  employaient 
couramment.  Ph.  B. 

Ordre  de  la.  Jarretière.  —  Fondé  en  Angleterre  le 
d9  janv.  1350,  par  le  roi  Edouard  III,  à  la  suite  d'un  in- 
cident qui  se  produisit  dans  un  bal  où  se  trouvait  la  com- 
tesse de  Sahs- 

laissa  tomber  la 
jarretière  de  sa 
jambe  gauche. 
Edouard  se 
baissa  rapide- 
ment pour  la 
ramasser  et  la 
rendre  à  la  com- 
tesse. Cette  ac- 
tion toute  natu- 
relle donna  lieu 
à  des  plaisante- 
ries qui  furent 
désagréables  à 
la  comtesse  et 
l'obligèrent  à 
quitter  le  bal; 
ce  que  voyant, 
le  roi  impa- 
tienté s'écria 

tout  haut  :  «lïoni  soit  qui  mal  y  pense  »,  et  il  ajouta  qu'il 
donnerait  un  tel  éclat  à  ce  ruban  bleu  que  ceux  des  cour- 
tisans qui  s'étaient  permis  de  plaisanter  à  son  sujet  s'es- 
timeraient trop  heureux  de  l'obtenir.  Ce  fut  donc  pour 
tenir  cette  parole  que  Edouard  fonda  l'ordre  de  la  Jarre- 
tière. Bien  que  cette  légende  soit  accréditée  comme  vé- 
rité, quelques  historiens  ont  prétendu  qu'il  fallait  attri- 
buer la  création  de  l'ordre  à  la  commémoration  de  la  ba- 
taille de  Crécy,  le  roi  s'étant  servi  pendant  le  combat  du 
mot  déraillement:  garter  (jarretière),  mais  rien  n'appuie 
cette  version.  L'ordre  est  destiné  à  la  haute  noblesse  bri- 
tannique et  aux  souverains  étrangers.  La  grande  maîtrise 
appartient  à  la  couronne  d'Angleterre.  Les  statuts  ont  été 
modifiés  et  réformés  par  Henri  VIII,  le  23  avr.  1522. 
Tous  les  membres  sont  chevaliers.  L'ordre,  qui  est  consi- 
déré comme  le  plus  illustre  de  l'Europe,  se  compose,  non 
compris  les  princes  descendants  de  Georges  P^  et  les  étran- 
gers, du  souverain  régnant,  du  prince  de  Galles  et  de  vingt- 
cinq  gentilshommes.  Dix -huit  chevaliers  militaires  de 
vVindsor  sont  attachés  à  l'ordre  qui  a  de  nombreux  digni- 
taires. Jarretière  de  velours  bleu  foncé,  ruban  bleu. 

H.   GOURDON  DE  GeNOUILLAC. 

IL  Artillerie.  —  Cordage  de  16  niillim.  de  diamètre, 
servant,  dans  l'embarquement  en  chemin  de  fer  du  matériel 
d'artillerie,  à  assujettir  entre  elles  certaines  parties  du 
matériel,  notamment  les  timons  et  les  roues,  pour  les  em- 
pêcher de  se  déplacer  sur  le  truc. 

III.  Marine.  —  Tresses  plates  cousues  sur  l'arrière 
des  voiles,  le  long  de  la  ralingue  d'envergure,  terminées 
par  une  boucle  en  fer  d'un  côté,  de  l'autre  par  un  bout  de 
ligne.  Quand  la  voile  est  serrée  sur  la  vergue,  elle  est  en- 
tourée par  les  jarretières.  Le  bout  de  ligne  qui  se  trouve 
sur  l'avant  de  la  voile  vient  passer  par-dessus  la  filière 
dans  la  boucle;  on  l'amarre  ensuite  sur  lui-même  et  la 
voile  est  alors  soutenue  et  fixée  tout  le  long  de  la  vergue. 


Insigne  de  Tordre  de  la  Jarretière. 


JARRIC  (Pierre  du),  écrivain  français,  né  à  Toulouse 
en  1567,  mort  à  Saintes  en  1616.  Jésuite,  professeur  de 
théologie  morale  à  Bordeaux,  on  cite  son  Histoire  des 
choses  mémorables  advenues  tant  es  Indes  orientales 
qu'antres  pays  de  la  découverte  des  Portugais  (Bor- 
deaux, 1608-14,  3  vol.  in-4),  écrite  d'après  les  relations 
des  missionnaires. 

JARRIE  (La).  Ch.-L  de  cant.  du  dép.  de  la  Charente- 
Inférieure,  arr.  de  La  Rochelle;  968  hab.  Stat.  du  chem. 
de  fer  de  l'Etat,  ligne  de  Niort  à  La  Rochelle.  Important 
commerce  de  beurre,  distillerie  de  betteraves,  carrosserie, 
corderie,  moulins.  Eglise  (mon.  hist.)  en  grande  partie  ro- 
mane avec  des  remaniements  du  xvi«  siècle.  Le  portail 
principal,  accosté  de  deux  grandes  colonnes  à  chapiteaux 
historiés,  est  particulièrement  curieux. 

JARRIE.  Com.  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Grenoble, 
cant.  de  Vizille  ;  991  hab. 

JARRIE-AuDomN  (La).  Com.  du  dép.  de  la  Charente- 
Inférieure,  arr.  de  Saint-Jean-d'Angély,  cant.  de  Loulay  ; 
510  hab. 

JARRIER.  Com.  du  dép.  de  la  Savoie,  arr.  et  cant.  de 
Saint-Jean-de-Maurienne  ;  937  hab. 

JARRIGE  (Pierre  de),  magistrat,  chroniqueur  français, 
né  à  Saint-Yrieix  le  1^^  mars  1539,  mort  à  Saint  Yrieix 
le  25  mars  1574.  H  fut  juge-viguier  de  sa  ville  et  a  laissé 
des  mémoires  intéressants  commençant  avec  l'année  1558. 
—  Son  fils,  Pardoux  de  Jarrige,  né  à  Saint-Yrieix  le 
26  janv.  1561,  mort  à  Saint-Yrieix  en  1630,  succéda  à 
son  père  dans  la  charge  de  viguier  et  continua  ses  Mé- 
moires  jusqu'à  l'année  1591,  date  oii  Saint-Yrieix  sup- 
porta un  long  siège;  des  fragments  en  ont  été  publiés 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  archéologique  et  histo- 
rique de  Limoges  (année  1858). 

JARRIGE  (Pierre) ,  publicistefrançais,  né  à  Tulle  en  1 605, 
mort  à  Tulle  le  26  sept.  1670.  D'abord  jésuite,  il  se  con- 
vertit au  protestantisme  et  passa  en  Hollande.  Condamné 
à  œort  par  contumace  (17  juin  1648),  il  se  mit  à  publier 
des  pamphlets  très  violents  contre  la  Société  de  Jésus, 
entre  autres  les  jésuites  mis  sur  Uéchafaud  (Leyde, 
'1649,in-12).  Ce  livre,  dans  lequel  les  jésuites  sont  accusés 
des  crimes  les  plus  odieux,  fit  un  bruit  considérable.  Cepen- 
dant Jarrige,  qui  n'était  au  fond  qu'un  ambitieux  incapable, 
mécontent  de  no  recevoir  des  Etats-Généraux  qu'une  pen- 
sion de  400  livres,  rentra  en  France  en  1650  après  avoir 
écrit  une  amende  honorable  des  plus  plates  :  Rétractation 
du  P,  Pierre  Jarrige  (Anvers,  1650,  in-12). 

JARRY  (Nicolas);  le  plus  célèbre  des  calligraphes  fran- 
çais du  xvii«  siècle.  On  ne  connaît  ni  la  date  de  sa  nais- 
sance, ni  celle  de  sa  mort.  On  n'a  d'ailleurs  que  très  peu 
de  renseignements  sur  sa  vie.  H  était  marié  à  Françoise 
Lescuillon,  dont  W  eut  un  fils,  en  1637.  H  est  qualifié,  dans 
l'acte  de  baptên;e  de  ce  fils,  de  noteur  de  la  musique  du 
roi.  La  dernière  date  qu'on  trouve  sur  ses  œuvres  est  celle 
de  1665.  H  reçut  néanmoins,  en  \m^,  du  trésor  du 
roi,  une  certaine  somme  «  pour  des  escriptures  et  filets 
d'or  mis  sur  des  feuilles  de  vélin  ».  C'est  la  mention  la 
plus  récente  qu'on  ait  relevée  sur  lui.  Son  écriture  est 
d'une  beauté  remarquable.  On  ne  cite  pas  de  calligraphe 
qui  puisse  lui  être  préféré.  Les  manuscrits  écrits  par  lui 
sont  cependant  d'inégale  valeur.  Ils  n'en  atteignent  pas 
moins  tous  dans  les  ventes  des  prix  élevés.  On  ne  doit  pas 
lui  attribuer  sans  examen  tous  ceux  qui  portent  son  nom. 
D'habiles  faussaires  ont,  en  effet,  signé  pour  lui  des  pro- 
ductions calligraphiques  anonymes,  dont  il  n'est  certaine- 
ment pas  l'auteur.  Ch.  Brunet  lui  a  exceptionnellement 
consacré  un  long  article,  dans  son  Manuel  du  libraire 
(1862,  t.  m,  col.  511-515)  et  Supplément  (1878,  1. 1, 
col.  692-693).  La  bibliographie  qu'il  a  dressée  de  ses 
œuvres  est  à  peu  près  complète.  Elle  ne  comprend  pas 
moins  de  46  numéros.  Nous  nous  contenterons  de  signaler 
ici  les  volumes  qui  sont  maintenant  conservés  à  la  Biblio- 
thèque nationale  et  ceux  qui  présentent  un  intérêt  de  pro- 
venance :  Prœparatio    ad  missam  (1633,   petit  in-8), 


53  - 


JARRY  —  JAS 


exécuté  pour  Dominique  Séguier,  évêque  de  Meaux  ;  Missale 
(1639,  in-foL) ,  relié  aux  armes  du  cardinal  de  Richelieu, 
acheté  2,320  fr.  par  M.  de  Ruble,  enfévr.  1894,  à  la  vente 
du  comte  de  Lignerolles  ;  laGuir  lande  de  Julie,  exécutée 
pouriW^®  de  Rambouillet  (lCil,in-fol.),  aujourd'hui  chez 
M"^^  la  duchesse  d'Uzès  (Jarry  tit  deux  autres  copies  de 
la  Guirlande,  mais  aucune  d'elle  ne  présente  le  même  in- 
térêt que  celle  de  l'exemplaire  précédent  qui  est  l'exemplaire 
même  offert  à  Julie  d'Angennes)  ;  Preces  hiblicœ  (1641, 
in-4),  exécuté  pour  H.-L.  Habert  de  Monmort,  relié  par 
Le  Gascon,  aujourd'hui  à  Chantilly;  Livre  de  prières 
(1649-51,  in-32),  exécuté,  semble-t-il,  pour  M^^^  de  Mont- 
pensier,  relié  par  Le  Gascon,  vendu  9,800  fr.  à  la  vente 
La  Roche-Lacarelle,  en  1888,  et  7,620  fr.  à  une  vente 
faite  par  la  librairie  Paul,  etc.,  en  1891  ;  Office  de  la 
Vierge  (1651,  petit  in-8),  exécuté  pour  Andrée  de 
Vivonne,  femme  de  François  V  de  La  Rochefoucauld,  l'au- 
teur des  Maximes,  appartient  au  comte  Aimery  de  La 
Rochefoucauld;  Adonis,  poème  de  La  Fontaine,  dédié  à 
Fouquet  (1658,  gr.  in-4),  appartient  à  M.  Dutuit;  Office 
de  la  Vierge  (1664,  in-12),  écrit  pour  Louis  Fouquet, 
fils  du  surintendant,  et  pour  Madeleine  de  Lévis  ;  Officium 
beatœ  Mariœ  Virginis  (1648,in-16),  exécuté  pour  CL  de 
Rebé,  archevêque  de  Narbonne,  aujourd'hui  à  la  biblio- 
thèque de  Resançon;  le  Psaultier  de  Jésus,  fait  à  Paris, 
en  1641,  parle  commandement  de  M"^®  de  Lorraine  (in-8), 
aujourd'hui  ms.  français  14851;  la  Prigione  di  Fillindo 
il  costante  (1643,  in-foL),  aujourd'hui  ms,  italien  578; 
les  Sept  Offices  de  la  semaine  (1663,  in-32),  aujour- 
d'hui ms.  latin  10570;  Prœparatio  ad  missam-  (s.  d., 
in-32),  exécuté  pour  Michel  Le  Masle,  chantre  de  l'église 
de  Paris,  aujourd'hui  ms.  latin  16315.       C.  Couderc. 

JARS.  I.  Zootechnie  (V.  Oie). 

IL  Rlâson.  —  Mâle  de  Foie  ;  il  est  toujours  représenté 
passant. 

JARS.  Com.  du  dép.  du  Cher,  arr.  de  Sancerre,  cant. 
deVailly;  1,682  hab. 

JARS  (François  de  Rochechouart,  chevalier  de),  mort 
le  10  avr.  1670.  Grand  favori  à  la  cour  d'Anne  d'Autriche, 
il  fut  exilé  en  Angleterre  après  la  journée  des  Dupes.  Re- 
venu en  France  en  1631,  il  participa  à  l'intrigue  nouée 
entre  M"^^  de  Chevreuse,  le  garde  des  sceaux  Châteauneuf 
et  Henriette  de  France  pour  attirer  la  reine  mère  à  Londres 
et  ruiner  le  crédit  du  cardinal  de  Richelieu  sur  le  roi.  Ar- 
rêté (1632),  A\  fut  d'abord  enfermé  à  la  Rastille,  puis 
transféré  à  Troyes  oti  il  fut  condamné  à  mort.  Le  cardinal 
lui  envoya  sa  grâce  au  pied  de  Féchafaud.  Le  chevalier 
de  Jars  remis  en  liberté  passa  en  Italie.  Il  en  revint  à  la 
mort  de  Louis  XllI,  servit  d'intermédiaire,  au  début  de  la 
Fronde,  entre  Mazarin  et  Châteauneuf,  et  mourut  dans 
Fobscurité.  R.  S, 

JARS  (Gabriel)  VAîné,  ingénieur  des  mines  et  métal- 
lurgiste français,  né  à  Lyon  le  17  déc.  1 729,  mort  à  Ecully 
(Rhône)le  2oct.  1808.  Son  père  était  directeur  des  mines 
de  Saint-Rel  et  de  Chessy.  Il  Faida  dans  son  exploitation, 
accompagna  son  frère,  avec  lequel  on  le  confond  souvent 
(V.  le  suivant)  dans  son  voyage  de  1766,  fut  l'un  des  quatre 
inspecteurs  généraux  des  mines  créés  en  1790  et  passa  assez 
obscurément  les  dernières  années  de  sa  vie  à  Lyon  et  à 
Saint-Rel.  C'est  lui  qui  a  édité  le  grand  ouvrage  de  son 
frère  cadet  :  Voyages  métallurgiques,  etc. 

BiBL.:  PoTiQUET,rJnsfiiut  de  France  ;  Paris,  1871, in-8. 

JARS  (Gabriel)  le  Jeune,  ingénieur  des  mines  et  métal- 
lurgiste français,  frère  du  précédent,  né  à  Lyonle26janv. 
1732,  mort  à  Clermont-Ferrand  le  20  août  1769.  Elève 
de  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées,  il  fut  choisi  avec  Guil- 
lot-Duhamel  (V.  ce  nom)  par  Trudaine  pour  former  le 
premier  noyau  de  notre  corps  des  mines,  visita  d'abord  les 
exploitations  et  établissements  métallurgiques  de  diverses 
provinces  françaises,  puis  consacra  trois  années  (1757-59) 
à  explorer  et  à  étudier,  avec  Guillot-Duhamel,  ceux  de  la 
Saxe,  de  FAutriche,  de  la  Rohême,  de  la  Hongrie,  du 
Tirol,  de  la  Carinthie  et  de  la  Styrie.  En  1765,  il  alla  en 


Angleterre  ;  en  1766,  avec  son  frère  aîné  (V,  le  précé- 
dent), en  Hollande,  dans  le  Hartz,  en  Norvège  et  en  Suède. 
Il  fut  frappé  d'un  coup  de  soleil,  en  1769,  au  cours  d'une 
excursion  minéralogique  dans  les  environs  de  Langeac. 
Cette  mort  prématurée  ne  lui  permit  pas  de  rendre  à' Fart 
des  mines  et  à  la  métallurgie  tous  les  services  que  l'on  eût 
été  en  droit  d'attendre  de  l'auteur  des  Voyages  métallur- 
giques, remarquable  relation  éditée  par  son  frère  aîné 
(Lyon,  1774-81,  3  vol.  in-4).  On  a  encore  de  lui  :  VAri 
de  fabriquer  la  tuile  et  la  brique  en  Hollande  (Paris, 
1767,  in-foL),  et  quatre  mémoires  insérés  dans  les  recueils 
de  l'Académie  des  sciences  de  Paris,  dont  il  avait  été  nommé 
correspondant  en  1761  et  membre  en  1768.        L.  S. 

BiBL.  :  L.  Aguillon,  l'Ecole  des  Mines  de  Paris,  dans  les 
Annales  des  Mines,  année  1889,  8«  sér.,  t.  XV,  pp.  442  et  452. 

JARS  de  GomiNAY  (Marie)  (V.  Gournay). 

JARSY.  Com.  du  dép.  de  la  Savoie,  arr.  de  Chambéry, 
cant.  du  Châtelard;  810  hab. 

JARVES  (James-Jackson),  écrivain  américain,  né  à  Bos- 
ton en  1818.  Nommé  consul  à  Honolulu,  il  y  fonda  le 
premier  journal,  The  Polynesian  (1840)  et  fut  nommé  par 
le  gouvernement  des  Sandwich  directeur  de  la  presse.  Plus 
tard,  le  roi  le  chargea  de  négocier  des  traités  avec  sa  pa- 
trie, la  France  et 'l'Angleterre.  On  a  de  lui,  outre  des 
ouvrages  sur  les  îles  Sandwich  :  Parisian  Sights  and 
French  Principles  (1852),  livre  qui  fut  interdit  en  France 
par  le  gouvernement  d'alors  ;  îtalian  Sights  and  Papal 
Principles  (1855),  Confessions  of  an  Inspirer  (1857) 
et  plusieurs  oeuvres  de  critique  d'art,  se  rapportant  le  plus 
souvent  à  l'Italie  où  il  fixa  de  bonne  heure  sa  résidence. 

JARVILLE  {Jarvilla,  1519).  Com.  du  dép.  de  Meurthe- 
et-Moselle,  arr.  et  cant.  (0.)  de  Nancy,  sur  la  Meurthe 
et  le  chem.  de  fer  de  Paris  à  Strasbourg;  2,577  hab. 
Forges  ;  hauts  fourneaux  ;  ateliers  de  constructions  en  fer; 
fabriques  d'outils,  de  potasse  et  de  chaux  ;  construction  de 
bateaux  ;  arboriculture.  Sur  le  territoire  de  la  commune, 
les  Petites-Malgranges  {la  Neuve-Mallegrange ,  1574), 
château  aujourd'hui  converti  en  maison  de  santé,  et  la 
Grande-Malgrange  {la  Valgrange,  1401),  dès  le  xvi^  siè- 
cle maison  de  plaisance  des  ducs  de  Lorraine,  qui  y  avaient 
un  haras  dans  le  siècle  suivant  ;  au  xviii^  siècle,  le  roi 
Stanislas  y  construisit  un  château  aujourd'hui  transformé 
en  pensionnat  et  collège  Hbre. 

JARVIS  (Charles),  peintre  (V.  Jervas). 

JARZÉ.  Com.  du  dép.  de  Maine-et-Loire,  arr.  de  Baugé, 
com.  de  Seiches;  1,745  hab.  Commerce  de  bestiaux  ;  hui- 
lerie^ Dolmen  de  La  Roche-Thibaut.  Château  construit  en 
1475  par  Jean  Bourré,  familier  de  Louis  XI,  incendié  en 
1794  et  restauré  depuis.  Eglise  de  la  Renaissance.  Chapelle 
de  Montplacé  (xvii^  siècle),'  lieu  de  pèlerinage. 

JAS  (Mar.).  Le  jas  est  la  pièce  ordinairement  en  bois 
pour  les  grosses  ancres,  en  fer  pour  les  petites,  placée  à 
la  culasse  de  l'ancre,  sous  la  cigale,  perpendiculairement 
au    plan  des 

pattes.  Sa  Cot^ve  su/,.' /t-A' X 

longueur  doit  ^ 

être  égale  à 
celle  de  la 
verge.  Il  a 
pour  but  de 
guider  l'ancre 
et  de  forcer 
les  pattes,  au 
moment  d  u 
mouillage,  à 
se  poser  nor- 
malement au 
sol ,  ce  qui 
leur  permet 
d'y  pénétrer. 
Le    jas    se 

compose  de  deux  parties  en  bois  réunies  par  des  cercles  en 
fer.  La  culasse  de  l'ancre  porte  des  tenons  sur  lesquels  se  fixe 


Jas  en  bois. 


JAS  -«  JASMIN 


U  — 


îe  jas,  et  qui  l'empêchent  de  se  déplacer.  Au-dessous  d^e 
2,000  kilogr.,  les  jas  sont  en  fer.  C'est  alors  une  barre 
ronde  passant  au-dessous  de  la  cigale  dans  un  autre  trou 
perce  dans  la  verge.  Le  jas  est  maintenu  en  place  par  un 
épaulernent  de  métal  d'un  côté,  de  l'autre  par  une  clavette. 
L'extrémité  de  ce  côté  est  recourbée,  ce  qui  permet,  une  fois 
Isl  clavette  enlevée,  d'appliquer  le  jas  le  long  de  la  verge  ; 
Tancre  tient  par  suite  bien  moins  d'espace  et  peut  se  pla* 
cer  où  l'on  veut.  Jaler  consiste  à  redresser  le  jas  perpen- 
diculairement à  la  verge,  et  à  mettre  la  clavette  en  place. 
JAS.  Corn,  du  dép.  de  la  Loire,  arr.  de  Montbris^n) 
cant.  de  Feurs  ;  404  hab. 

JASEUR  (Ornith.).  Les  Jaseurs  {Ampdis  L.  ;  Bomby- 
civora  Temminck  ;  Bomby cilla  Vieillot)  sont  classés  mainte- 
nant dans  une  petite  famille  {Ampélidés  [V.  ce  mot]),  T|ue 
l'on  range  à  côté  de  la  famille  des  Hirundinidés  (V.  Hiron- 
delle) et  dans  laquelle  M.  Sharpe  fait  entrer  également 
quatre  genres  de  Passereaux  américains  (Dulus,  Phaino- 
ptila^  Phainopepla  et  Ptilogonys).  Par  leurs  formes 
ramassées,  les  Jaseurs  ressemblent  un  peu  à  certaines 
Hirondelles,  telles  que  l'Hirondelle  de  rochers  et  l'Hiron- 
delle de  fenêtres,  mais  ils  ont  le  bec  conformé  d'une  toute 
autre  façon,  les  mandibules  étant  beaucoup  moins  aplaties 
et  moins  larges,  et  celle  du  haut  présentant  une  forte  dent 
à  l'extrémité,  tandis  que  son  antagoniste  est  retroussée  et 
un  peu  échancrée  à  l'extrémité.  Les  narines  s'ouvrent  en 
avant  du  front  sur  deux  parties  arrondies.  Les  pattes  sont 
plus  hautes  et  plus  robustes  que  chez  les  Hirondelles  ;  les 

ailes  sont  larges  et  poin- 
tues ;  la  queue  est  courte 
et  coupée  carrément;  le 
plumage ,  toujours  bien 
fourni,  offre  des  teintes 
douces  et  agréables  à  l'œil  : 
du  gris  plus  ou  moins  lavé 
de  roux  vineux,  du  brun 
marron ,  du  noir  et  du 
blanc.  Cette  livrée  est  re- 
haussée d'abord  par  une 
bordure  d'un  jaune  clair 
ou  d'un  rouge  vif,  occu- 
pant l'extrémité  des  pennes 
caudales,  ensuite  par  des 
taches  blanches  ou  rouges 
situées  à  l'extrémité  des 
pennes  secondaires  et  de 
quelques-unes  des  rémi- 
ges; enfin,  au  moins  dans 
certaines  espèces,  par  des  ornements  fort  singuliers  qui  sont 
particuhers  au  genre  Ampelis,  et  qui  consistent  en  de 
petits  prolongements  cornés  de  Taxe  des  pennes  secon- 
daires, prolongements  colorés  en  rouge  vermillon  et  sem- 
blables à  des  gouttes  de  cire  à  cacheter.  Une  longue  huppe 
de  plumes  soyeuses  et  érectiles  achève  de  donner  aux  Ja- 
seurs une  physionomie  tout  à  fait  caractérisée. 

Les  Jaseurs  fréquentent  surtout  les  grandes  forêts  de 
pins  et  de  bouleaux  où  ils  se  nourrissent  pendant  l'été  de 
menus  insectes,  en  automne  et  en  hiver  de  baies  sauvages 
et  de  graines.  La  disette  les  force,  de  temps  en  temps,  à 
entreprendre,  en  petites  bandes,  de  lointains  voyages. 
C'est  ainsi  qu'on  voit  apparaître,  à  des  époques  irrégu- 
lières, dans  notre  pays,  les  Jaseurs  de  Bohême  (Ampelis 
garrula  L.),  dont  la  véritable  patrie  se  trouve  dans  les 
les  régions  boréales  des  deux  mondes.  Parfois  même  on  a 
signalé  en  Angleterre  l'arrivée  de  quelques  Jaseurs  des 
cèdres  (Ampelis  cedrorum  V.)  qui  habitent  d'ordinaire  le 
N.  de  l'Amérique  et  descendent  en  hiver  jusque  dans 
l'Amérique  centrale  et  aux  Antilles.  Une  troisième  espèce 
de  Jaseurs,  V Ampelis  japonica  Sieb.,  vit  en  Sibérie, 
dans  le  N.  de  la  Chine,  ainsi  qu'au  Japon,  où  se  trouve 
aussi  une  quatrième  espèce,  récemment  décrite,  V Ampelis 
Maësi  Oust.  E.  Oustalet. 

BiBL.  :  Degland  et   Gerbe,   Ornithologie  européenne, 


Jaseur  de  Bohême. 


ï%é,  i  i,  p.  577,  2«  éd.  —  David  Oustalet,  Oiseaux 
de  la  Chine,  1877,  p.  130.—  Dresser,  A  History  of  the  Birds 
of  Europe,  1813,  t.  III,  p.  429  et  pi.  155.  —  R.-B.  Sharpe, 
Cat.  D.  Brit.  Mus,,  1885,  t.  X,  p.  212.  -  Brehm,  Vie  deê 
animaux,  ôdit.  franc.,  Oiseaux^  par  Z,  Gerbe,  1. 1,  p.  620. 

JASIÊNSKI  (Jakob),  général  polonais,  né  à  Wihia, 
mort  à  Praga  en  HPI.  11  fut  officier  d'artillerie  et  se 
distingua,  en  lt92,  à  Zieience  et  à  Dubonka.  En  it94-,  il 
commandait  une  division.  Il  fiit  tué  en  défendant  Pragà 
contre  les  Russes.  C'était  uïl  poète  distingué  ;  la  plupart  de 
ses  poésies  n^ont  paru  qu'après  sa  mort.  Elles  ont  été  ré=^ 
fumées  par  K.-W.  Wojcicki  (Cracovie,  4869). 

JASIONE  (Jasione  L,)(Ëoto).  Genre  de  Lampanulacées, 
comprenant  d^s  herbes  vivaces,  bisannuelles  ou  annuelles,  à 
fe'Jîiiles  alternes  ou  en  rosette,  à  fleurs  pentamères,  presque 
régulières,  nombreuses,  rapprochées  en  capitules  ou  en 
ombelles  ;  la  corolle  est  à  tube  court  et  à  divisioiis  pt'o^ 
fondes  ;  les  étamines  ont  des  anthères  solîdées  à  là  basé 
ou  sont  Hfores  ;  te  fruit  est  valvicide.  Tous  les  Jasione  sont 
européens  ou  de  la  région  méditerranéenne.  Le  /.  mon- 
tana  L.,  à  fleurs  bleues,  est  commun  sur  les  pelouses  arideSj 
sablonneuses  ;  il  a  été  préconisé  comme  astriiigent  et  vul^ 
néraire,  sous  les  noms  û'Eerb'e  à  fnidi  et  de  Fausse  Scâ- 
bieuse:  D^'  L.  Hn. 

JâSMIN.  î.  Botanique, — {Jasminum  T.).  Genre  de 
Dicotylédones  qui  a  donné  son  nom  à  la  famille  des  Jasmi- 
nacées,  que  Bâillon  rapporte,  comme  tribu  sous,  le  nbp  m 
Jasminées,  aux  Oléacées.  Les  fleurs  soht  tétramères,  irré- 
gulières, le  calice  d^nt'é  bu  divisé,  la  corolle  hypocratéri- 
morphie^  avec  normalement  deux  étamines  insérées  sur  le 
tube.  Le  gynécée  supère  a  un  ovaire  à  deux  loges,  avec 
généralement  deux  ovules.  Le  fruit  est  charnu ,  souvent 
didyme,  et  les  graines  ont  un  embryon  charnu,  exalbuminé, 
à  radicule  infère.  Les  espèces,  au  nombre  de  80  à  100,  ^oht 
des  arbustes  à  feuilles  opposées  ou  alternes,  à  fleurs  dispo- 
sées en  cymes.  On  les  trouve  dans  toutes  les  parties  du 
monde  ;  il  en  existe  une  dans  le  midi  de  l'Europe  et  plu- 
sieurs ont  été  introduites  en  Amérique.  —  Les  fleurs 
répandent  une  odeur  suave  ;  elles  servent  à  préparer  une 
essence  très  volatile,  l'essence  de  Jasmin,  que  l'on  fixe  h 
l'aide  deThuile  de  Ben  et  qui  est  d'un  grand  usage  en  par^ 
fumerie.  On  emploie  surtout  dans  ce  but  les  fleurs  du 
/.  Sambac  Vahl  ou  Jasmin  d'Arabie,  du  /.  gra7idifloru7i% 
L.  ou  Jasmin  d'Espagne  et  du  J,  officinale  L.  ou  Jasmiq 
blanc.  Celles  de  cette  dernière  espèce  ont  servi  comme  émolr: 
lientes,  résolutives  et  emménagogues;  les  graines  sont  véné^ 
neuses.  Les  feuilles  du  /.  floribundum\.  B.  ou  Jîabbh 
Tsalmo  des  Abyssins  et  celles  des/,  abyssinicum  HochsL 
sont  employées  comme  anthelminthiques. 

Jasmin  d'Amérique  (V.  Gaïac).  —  J.  bâtard  (V.  Lyciet), 
—  J.  DE  Virginie  ou  J. Trompette (V.Tecoma).—  J.  du  Cap 
(V.  Gardénia).  —  J.  jaune,  J.  de  la  Caroline  ou  J.  sau^ 

VAGE  (V.    GeLSEMIUM).   —  J.     DE  PeRSE    (V.  SyRINGA).  -^ 

J.  vénéneux.  C'est  V Acocanthera  venenata  Don  [Ces^ 
trum  venenatum  Thunb.),  Solanacée  dont  les  fruits, 
très  vénéneux,  sont  employés  par  les  Hottentots  pour  em- 
poisonner les  animaux  féroces.  —  J.  de  Virginie  (V.  Bi- 
gnonia).  D*  L.  Hn. 

IL  Horticulture.  —  Le  jasmin  blanc  (Jasminum 
officinale  L.)  est  l'espèce  la  plus  répandue  dans  les  jardins. 
On  le  cultive  et  on  le  palisse  contre  les  murs  au  midi.  Il 
repousse  du  pied  lorsque  le  froid  tue  ses  tiges,  mais  dans 
le  Nord  il  est  bon  de  couvrir  le  pied  d'une  couche  de  li- 
tière durant  l'hiver.  Multiplication  facile  de  boutures  et 
de  marcottes.  Le  jasmin  blanc  sert  souvent  de  porte-greffe 
pour  les  autres  espèces  à  fleurs  blanches  :  /.  Sambac  Ait., 
moins  rustique  que  le  précédent  et  ne  venant  en  plein  air 
que  dans  le  S.,  J.  multi florum  Axidr,,  /.  azoricum  L., 
joli  buisson  à  feuillage  dense,  d'une  belle  verdure  et  à 
fleurs  parfumées,  et  J.  grandiflorum  L.  à  demi  rustiques^ 
sous  le  climat  de  Paris.  Deux  espèces  de  jasmins  à  fleurs 
jaunes  :  J.  fruticans  L.  et  J.  nudiftorum  L.  (J.  d'hiver), 
réussissent  partout  en  plein  air.  Le  J.  revolutum^  Sims- 
(J.  triomphant),  très  beau  buisson  à  fleurs  en  lars^a cymes,,, 


-  55 


JASMIN 


est  aussi  très  résistant.  Le  J.  odoratissimum  L.  réclame 
un  abri  pendant  l'hiver.  Les  jasmins  à  port  dressé  se  cul- 
tivent généralement  en  buissons  isolés  d'un  bel  effet  ou 
en  haies  ornementales.  Ils  supportent  bien  la  taille.  On 
greffe  souvent  sur  le  /.  fruticans  les  espèces  à  Heurs 
jaunes.  Les  jasmins  demandent  une  exposition  chaude.  Ils 
ne  sont  pas  exigeants  sur  la  qualité  du  sol.  On  les  multi- 
plie de  greffes,  de  boutures  et  de  marcottes.     G.  Boyer. 

JASMIN  (Jacques  BoÉ,  dit),  poète  agenais,  le  plus  cé- 
lèbre précurseur  des  Félibres,  né  le  6  mars  d  798,  mort  le 
4  oct.  d864.  Fils  d'un  pauvre  tailleur  bossu  et  d'une  mère 
boiteuse,  il  vint  au  monde  dans  le  bruit  d'un  charivari  de  car- 
naval dont  son  père  avait  fait  les  couplets.  L'enfance  du  poète 
ne  soupçonnait  pas  la  misère  des  siens  :  son  grand-père  allait 
mendier  dans  les  métairies  et  la  maison  manquait  souvent 
de  pain.  Jasmin  a  chanté  avec  infiniment  de  naturel  et 
d'émotion  les  Souve^iirs  de  ses  joies  et  tristesses  premières. 
Cette  libre  enfance,  qu'il  a  faite  ainsi  légendaire,  ne  sau- 
rait être  négligée  :  elle  a  décidé  de  sa  vocation.  Le  tou- 
chant épisode  de  la  mort  de  l'aïeul  avait  «  plombé  sa  pen- 
sée »  pour  la  vie.  L'enfant  songeur  entra  vers  douze  ans 
à  l'école,  chez  un  «  régent  »  de  sa  famille,  puis  au  sémi- 
naire d'Agen.  Sa  facilité  et  son  goût  de  l'étude  l'y  distin- 
guaient, quand  une  peccadille  le  fit  renvoyer  à  ses  parents. 
Occupé  quelque  temps,  à  d'humbles  besognes,  Jasmin  fut 
enfin  mis  en  apprentissage  chez  un  coiffeur  qui  avait 
été  soldat  de  Bonaparte.  Là  son  goût  des  contes  et  de  la 
causerie  fut  à  l'aise.  Il  y  trouva  du  temps  pour  la  lecture. 
Mais  de  quels  livres  !  Florian  et  Ducray-Duminil  lui  révé- 
lèrent son  imagination.  A  dix-huit  ans,  rêvant  toujours  et 
rimant  en  français,  il  devenait  perruquier  lui-même,  et 
bientôt  se  mariait.  Son  esprit  et  ses  goûts  littéraires  acha- 
landaient,  «  argentaient  »  sa  boutique.  Parmi  les  vers  pa- 
tois qu'il  composait  pour  le  carnaval,  comme  son  père,  il 
lui  advint  un  jour  de  trouver  une  romance  qui  devint  popu- 
laire, la  Fidelitat  ageneso  (Me cal  mouri!)  (4822),  et  son 
penchant,  sans  plus  de  réticences,  se  déclara  tout  entier 
pour  la  muse  indigène. 

Son  premier  ouvrage  important,  Lou  Chalibary^  poème 
héroïco-burlesque  (Agen,  1825),  fut  très  bien  accueilli.  C'est 
un  de  ces  petits  chefs-d'œuvre  patois,  spirituels,  mordants, 
qui  doivent  aux  tours  piquants  de  l'idiome  leur  plus  sûre 
originalité.  Jasmin  ne  devait  pas  mentir  à  ses  promesses. 
Après  quelques  chansons  politiques  dans  le  faux  goût  d'alors, 
il  se  révéla  tout  à  fait  dans  une  ode  magistrale,  Lou  Très  de 
May  (1830).  La  Société  littéraire  d'Agen  avait  mis  au  con- 
cours un  dithyrambe  (français)  à  Henri  IV,  pour  l'inau- 
guration de  sa  statue  à  Nérac.  Le  poète  languedocien  fut 
couronné  avec  le  lauréat  français,  l'Académie  agenaise 
reconnaissant  ainsi  les  droits  de  la  langue  vulgaire.  C'était 
sans  exemple,  depuis  deux  cents  ans.  Déjà  célèbre,  Jasmin 
osa  chercher  son  inspiration  dans  ses  souvenirs.  Pour  être 
descendu  en  lui-même,  il  y  rencontra  son  génie.  Son  poème, 
Mous  Soubenis,  où  la  tristesse  résignée  alterne  avec  la 
gaieté  saine,  exaltait  la  sainte  pauvreté  et  la  bonté  du 
peuple.  Le  nom  de  Jasmin  symbolisa  dès  lors  pour  son  Midi 
la  poésie  sincère  et  la  muse  attendrie  des  humbles. 

11  commençait  d'aller  de  ville  en  ville,  récitant  ses  com- 
positions. Une  ode  lue  devant  la  statue  du  maréchal  Lannes 
(1834)  acheva  de  le  consacrer  dans  sa  région.  Alors  il 
réunit  ses  premières  œuvres  sous  ce  titre,  Las  Papillotos 
(1835).  nie  conserva  pour  ses  trois  recueils  suivants  (1842, 
1851, 1863).  La  popularité  de  Jasmin  dans  le  Midi  s'atta- 
chait déjà  autant  au  diseur  qu'au  poète.  Son  génie  cependant 
grandissait.  La  récitation  à  13ordeaux,  d'un  nouvel  ouvrage, 
CAbuglo  de  Castel  Cullié  (1836),  retentit  jusqu'à  Paris 
et  lui  valut  tousles  hommages  de  la  critique.  Après  Nodier, 
Sainte-Beuve  salua  le  «  troubadour  »  d'Agen  comme  un 
grand  poète.  La  marque  de  son  génie  se  retrouve,  avec 
moins  de  sobriété  peut-être  dans  l'émotion,  mais  plus  de 
variété  de  ton  comme  de  style,  dans  un  grand  poème  auquel 
il  travailla  sept  ans  et  qui  mit  le  sceau  à  sa  gloire.  Françou- 
neto,  poème  en  quatre  pauses  (lu  à  Bordeaux,  1840;  pu- 


blié en  1842),  est  l'épopée  touchante  et  dramatique  de 
l'amour  contrarié,  parmi  les  superstitions  et  les  préjugés 
du  village.  Puis  vint  cette  admirable  et  courte  idylle  de 
proportions  plus  harmonieuses,  de  perfection  plus  consom- 
mée, Maliro  rinnoucento  (1847),  qui  fut  unanimement 
saluée  comme  un  chef-d'œuvre.  Devant  un  tel  idéal  de  la 
poésie,  il  est  regrettable  que  Jasmin  n'ait  pas  produit 
davantage.  Parmi  les  pièces  de  circonstance  où  le  reléguait 
sa  vie  désormais  dispersée,  il  produisit  encore  deux  courts 
poèmes  dignes  de  leurs  aînés,  Lous  dus  Frays  Dessous  (les 
Deux  Jumeaux,  1846)  et  la  Semmano  d'un  fil  (1849). 
Les  trois  dernières  œuvres  notables  de  Jasmin  furent  un 
médiocre  poème  français,  Hélène,  une  éloquente  épître, 
Lou  Poeto  del  puple  à  Moussu  Renan  et  Mous  Noiibels 
Soubenis  (1863),  secondes  remembrances  de  sa  jeunesse, 
inférieures  aux  premières,  mais  où  éclate  encore  sa  verve 
attristée  ou  riante. 

Depuis  1840,  la  vie  littéraire  du  poète  se  dispersait  par 
tous  les  chemins  du  Midi.  Pour  répandre  ses  poésies,  la 
langue  vulgaire  étant  si  peu  écrite,  il  avait  résolu  de  bonne 
heure  de  les  réciter  lui-même  en  laissant  le  profit  à  des 
œuvres  de  bienfaisance.  Il  récoltait  les  hommages  du  plus 
reconnaissant  enthousiasme,  et  il  les  chantait  ingénument, 
en  amoureux  delà  gloire  et  de  la  poésie.  Le  «  Rameau  d'or 
de  Toulouse  »  (1840),  «  la  Coupe  d'or  d'Auch  »  (1842), 
«  la  Bague  d'Albi  »  (1852),  ainsi  que  les  présents  du  roi 
Louis-Philippe  et  de  la  duchesse  d'Orléans,  n'étaient  ce- 
pendant rien  auprès  des  ovations  spontanées  de  populations 
entières,  comme  il  en  rencontra  plus  d'une  fois,  au  cours 
de  sa  campagne  pour  la  reconstruction  de  l'église  de  Vergt, 
par  exemple  (1840-44),  qui  passionna  tout  le  Périgord. 
On  estime  à  plus  de  douze  mille  les  séances  que  donna  Jas- 
min pendant  trente  ans,  et  à  plus  de  1,500,000  fr.  les 
sommes  ainsi  recueillies  pour  les  pauvres.  Tant  de  gloire 
et  de  charité  devaient  faire  estimer  haut  et  loin  le  poète. 
Son  premier  voyage  à  Paris  fut  sa  consécration  littéraire 
(1840).  Il  reçut  la  croix  de  la  Légion  d'honneur  et  une 
pension  qui,  avec  ses  livres,  lui  permit  de  renoncer  à  son 
état  de  coiffeur,  qu'il  reprenait  modestement  au  lendemain 
de  ses  tournées  triomobaîes.  Enfin,  l'Académie  française 
attribua  un  prix  extraordinaire  de  5,000  fr.  «  au  poète 
moral  et  populaire  »  (1851).  Mais  la  plus  souhaitée  et  la 
plus  douce  de  ses  couronnes  fut  celle  que  sa  ville  natale 
lui  décerna  solennellement  en  1856. 

A  tous  les  heureux  dons  de  Jasmin,  l'amour  passionné 
du  sol  patrial  et  de  la  poésie,  le  vif  instinct  populaire,  le 
goût  du  naturel,  la  simplicité  dans  l'expression,  il  manqua 
une  qualité  primordiale  chez  un  grand  écrivain.  Sa  langue 
s'est  ressentie  toujours  de  son  défaut  de  culture.  S'il  Fa 
constamment  épurée,  à  force  de  recherches  dans  le  voca- 
bulaire du  peuple,  il  n'a  pu  suppléer  au  sens  philologique 
que  seule  une  éducation  classique  peut  donner.  Sa  muse 
resta  «  la  muse  des  prairies,  des  guérets,  des  bergers  ». 
Le  rôle  de  Jasmin  fut-il  bien,  cependant,  celui  que  le  patrio- 
tisme méridional  pouvait  attendre  de  son  génie  ?  Pendant 
quarante  ans,  le  saint  Vincent  de  Paul  de  la  Lyre  fit  vibrer 
de  l'Océan  au  Rhône  et  de  la  Loire  aux  Pyrénées,  le 
sentiment  confus  d'une  communauté  de  langage  entre  les 
populations  du  Midi.  Mais  l'action  d'un  précurseur  d'une 
renaissance  nationale,  du  réveil  d'une  race  dans  sa  suprême 
expression,  son  idiome,  était  au-dessus  de  ses  forces  et  de 
son  idéal.  II  entrevit,  à  ses  débuts,  cette  noble  tâche  de 
représentant  d'un  peuple  et  de  défenseur  d'un  passé  qui 
n'abdique  jamais. 

Cette  fière  ardeur  du  poète  devait  se  tempérer  aux  sou- 
rires de  Paris.  Un  réveil  des  énergies  provinciales  semblait 
alors  s'annoncer  de  toutes  parts.  L'année  de  Françouneto 
(1840)  voyait  surgir  les  premiers  livres  de  Gelu,  de  Béné- 
dit  à  Marseille  et  de  Peyrottes  en  Languedoc.  Jasmin  pou- 
vait mettre  sa  jeune  gloire  à  la  tête  du  mouvement  nouveau. 
Le  succès  de  ses  récitations  poétiques  dispersa  son  prosély- 
tisme, l'orientant,  il  est  vrai,  \ners  la  charité.  Son  rôle  de 
précurseur  était  fini.  Toujours  il  se  sentait  l'orgueil  d'avoir 


JASMIN  —  JATIVA  —  56 

maintenu  le  parler  des  aïeux.  Mais  satisfait  d'avoir  ressus- 
cité pour  un  temps  «  l'honneur  de  la  langue  aimée  »,  d'ail- 
leurs insoucieux  de  lui  rendre  entière  dignité  en  remontant 
à  ses  traditions,  il  n'admettait  pas  de  disciples  à  son  œuvre, 
ni  de  successeurs  à  sa  gloire.  II  s'était  abstenu  de  parti- 
ciper aux  deux  premiers  congrès  des  poètes  provençaux 
(Arles,  4852  ;  Aix,  1853),  d'où  devait  sortir  le  Félibrige. 
Il  entrait  dans  la  vieillesse  comblé  de  lauriers  personnels, 
mais  indifférent  au  mouvement  dont  son  œuvre  et  sa  re- 
nommée avaient  favorisé  l'éclosion.  A  ce  titre,  l'Aquitaine 
peut  revendiquer  pour  le  plus  génial  précurseur  d'une  Re- 
naissance affirmée  désormais,  ce  Jasmin  dont  la  poésie  es^ 
à  celle  des  troubadours  et  des  chanteurs  patois  du  dernier 
siècle  ce  qu'est  à  l'aubépine  ou  à  l'églantine  sauvage  la 
rose  épanouie.  —  La  ville  d'Agen  a  élevé  une  statue  à 
Jasmin,  le  12  mai  1870.  Mistral  l'a  saluée  d'un  magnifique 
sirvente.  Une  commémoration  du  poète  a  été  célébrée 
depuis  par  les  Félibres  et  les  Cigaliers,  dans  sa  ville  natale 
(1891).  Paul  Mariéton. 

JASNEY  (Gesniacus,  Gisneyum).  Com.  du  dép.  de  la 
Haute-Saône,  cant.  de  Vauvillers,  arr.  de  Lure,  sur  le  ruis- 
seau du  Breuil  ;  458  hab.  Moulin,  tannerie.  Découvertes 
de  monnaies  romaines.  Restes  de  châteaux  anciens.  Eglise 
du  xvm^  siècle  (tabernacle  richement  sculpté).  Prieuré  de 
l'ordre  de  Saint-Benoît  supprimé  à  la  Révolution.  Seigneu- 
rie qui,  après  avoir  donné  son  nom  à  une  ancienne  maison 
de  chevalerie  franc-comtoise,  fut  divisée  et  appartint  suc- 
cessivement aux  de  Saint-Mauris,  de  Mathay,  de  Jacquehn 
et  de  Mongenet.  L-x. 

JASON  (V.  Argonautes). 

JASON  DE  Phères,  célèbre  tyran  grec  du  iv^  siècle  av. 
J.-C,  précurseur  de  Philippe  de  Macédoine.  Fils  de  Lyco- 
phron,  tyran  de  Phères  (Thessalie),  allié  des  Spartiates,  il 
continua  la  poHtique  de  son  père,  tendant  à  s'emparer  de 
la  Thessalie  entière  et  à  l'unifier  en  un  Etat  puissant.  En 
378,  il  aide  Néogène  à  s'emparer  de  la  tyrannie  à  Histiée 
(Eubée).  En  375,  Jason  était  maître  de  presque  toute  la 
Thessalie  ;  les  Dolopes  et  le  roi  d'Epire,  Alcétas,  étaient  ses 
vassaux.  La  soumission  de  Polydamas,  de  Pharsale,  le  fit 
reconnaître  comme  chef  (Taydç)  de  la  Thessalie.  Il  forma 
une  armée  régulière  de  20,000  hoplites  et  6,000  cavaliers, 
avec  l'intention  formelle  d'imposer  sa  suzeraineté  aux  Grecs 
et  de  les  conduire  à  la  conquête  de  l'empire  perse.  Il  sut 
régler  ses  finances  de  manière  à  entretenir  cette  armée  et 
une  marine  sans  grever  ses  sujets.  Il  s'allia  aux  Thébains 
contre  Sparte,  profita  de  leur  victoire  de  Leuctres  pour 
vaincre  les  Phocéens,  démanteler  Hyampolis  et  Héraclée.  Il 
s'allia  aussi  à  Amyntas  de  Macédoine.  Il  préparait  une  im- 
mense fête  à  Delphes  lorsqu'il  fut  assassiné  (370).  Les  hon- 
neurs rendus  à  ses  meurtriers  par  les  cités  grecques  té- 
moignent de  la  crainte  qu'inspirait  Jason.       A. -M.  B. 

JASPE.  Variété  de  quartz  qui  est  d'un  usage  courant 
dans  l'art  décoratif.  C'est  un  anhydride  cryptocristallin  qui 
se  trouve  sous  forme  sphérique.  Il  est  ordinairement  jaune, 
rouge  ou  brun,  soit  mat,  soit  luisant,  opaque.  On  distingue 
plusieurs  variétés;  les  principales  sont  :  le  jaspe  égyptien, 
jaune  d'ocre,  brun  ou  rouge,  qu'on  trouve  dans  le  désert 
ou  dans  les  alluvions  du  Nil,  près  du  Caire,  dans  un  con- 
glomérat tertiaire;  le  jaspe  rouge  qu'on  trouve  à  Mulheim 
en  Brisgau  ;  le  jaspe  commun,  rouge  brun,  jaune  ou  noir, 
(ju'on  trouve  dans  des  minerais  de  fer  ;  le  jaspe  gris,  vert, 
jaune,  rouge,  brun,  qu'on  trouve  en  Sibérie  (Okhotsk, 
lekaterinenbourg),  dans  le  Tirol,  le  Harz,  en  Sicile,  en 
Corse,  etc.  Très  apprécié  des  Romains,  le  jaspe  sert  à  faire 
des  mosaïques,  des  marqueteries,  des  vases,  des  coffrets, 
des  cachets,  etc. 

JASPÉ  (Filât.).  Nom  donné  à  des  fils  retors  formés  par 
la  réunion  de  deux  fils  de  couleurs  différentes. 

JASSANS-RioTTiER.  Com.  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  et 
cant.  de  Trévoux  ;  417  hab. 

JASSEINES.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  d'Arcis-sur- 
Aube,  cant.  de  Chavanges  ;  375  hab. 


JASSERON.  Com.  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Bourg, 
cant.  do  Ceyzériat;  660  hab.  Ruines  d'un  château  féodal. 

BiBL.  :  RiBAUD,  Notice  sur  le  château  de  Jasseron,  dans 
1  Annuaire  de  l'Ain  pour  1885. 

JASSES.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  d'Or- 
thez,  cant.  de  Navarrenx  ;  327  hab. 

JASSY  (V.  Iassy). 

J  A  SI  R  E  S  (  Ardèche) .  Ro  cher  supportant  un  large  plateau 
qui  domine  la  rivière  d'Ardèche,  en  face  de  la  ville  d'Au- 
benas.  Son  nom  lui  vient  d'un  castnim  qu'y  avaient  établi 
les  Romains  à'Alba  Helviorum  pour  surveiller  les  défilés 
des  Céyennes.  Outre  la  trace  partout  reconnaissable  du  mur 
circulaire,  d'environ  4  kil.  de  longueur,  qui  marquait 
l'emplacement  du  camp  retranché,  on  y  voit,  à  peu  de 
distance,  les  débris  d'un  fort,  muni  de  quatre  tours 
(environ  200  m.  de  long  sur  100  de  large)  qui  formait  le 
principal  ouvrage  avancé  d'Alba  à  FO.  On  a  trouvé  dans 
cette  région  beaucoup  d'ossements,  de  médailles,  de  mon- 
naies et  de  débris  d'armes.  A.  Mazon. 

BiBL.:  Voyage  le  long  de  la  rivière  d'Ardèche;  Privas, 
18bo. 

JASTROW.  Ville  de  Prusse,  district  de  Marienwerder  ; 
5,000  hab.  ;  foire  aux  chevaux  (à  la  Saint-Michel).  La 
ville  reçut  une  charte  urbaine  en  1603. 

JASTRZEBSKI  ou  JASTRZEIVIBSKI  (Louis-Corvin) , 
paléographe  polonais,  né  en  Galicie  en  1805.  Il  acheva 
ses  études  à  Paris  à  l'Ecole  des  chartes.  En  1839,  il  fut 
chargé  d'une  mission  par  M.  de  Salvandy  à  l'effet  d'étu- 
dier le  célèbre  manuscrit  slave  de  Reims,  connu  sous  le 
nom  de  Texte  du  Sacre  (V.  ce  mot).  Il  en  déchiffra  le 
premier  la  partie  glagolitique  et  publia  dans  le  Journal 
général  de  Vînstruction  publique  un  rapport  qui  fit 
grand  bruit  dans  les  pays  slaves.  Il  le  réimprima  à  Rome 
en  1 845 .  On  lui  doit  encore  un  Mémoire  sur  r  histoire 
du  couvent  des  Visitandines  de  Varsovie.  Il  se  tua  à 
Rome  dans  un  accès  de  folie.  L.  L. 

JASZ  (en  latin  lazyges).  Nom  d'une  population  hon- 
groise, qui  a  prêté  à  certains  malentendus,  et  qui  a  formé 
plusieurs  expressions  géographiques.  Cette  désignation 
s'appliquait,  dans  les  diplômes  des  anciens  rois  de  Hongrie, 
à  une  population  à' archers  magyars,  jouissant,  moyen- 
nant un  service  militaire  spécial,  de  privilèges  spéciaux, 
et  établie,  à  côté  des  colonies  cumanes,  entre  le  Danube  et 
la  Theiss.  Leur  nom  devint,  dans  le  latin  officiel,  tantôt 
Philistœi,  à  cause  de  la  traduction  allemande  {Pfeil,  flèche  ; 
Pfeilschîltzer,  archers),  tantôt  et  plus  souvent  lazyges, 
en  copiant  a  peu  près  le  mot  hongrois.  Aussi  les  érudits 
fantaisistes  leur  ont-ils  trouvé  des  ancêtres  dans  Hérodote. 
Leur  district,  comprenant  68,000  hab.,  a  été  réuni  en 
un  seul  comitat  avec  le  district  de  la  Grande-Cumanie  et 
celui  de  Szôlnok  lors  de  la  réorganisation  de  1876.  Deux 
villes  de  cette  région  conservent  le  nom  de  cette  peu- 
plade :  Jâsz-Berény  qui  a  24,000  hab.,  Jâsz-Apathi 
10,000  hab.,  la  plupart  magyars,  catholiques  et  agricul- 
teurs. E.  S. 

JÂSZAY  (Paul),  historien  hongrois,  né  à  Szântô  en 
1809,  mort  en  1852.  Secrétaire  de  la  chancellerie  hon- 
groise, il  fit  des  recherches  dans  les  archives  et  entreprit 
un  grand  ouvrage  dont  le  premier  volume  seulement  a  été 
achevé  :  la  Nation  hongroise  après  le  désastre  de 
Mohdcs  (Pest,  1846).  Il  publia  aussi  quelques  monogra- 
phies sur  le  xvii^  siècle.  Après  sa  mort,  François  Toldy  a 
édité  un  autre  ouvrage  de  Jàszay  :  la  Nation  hongroise 
depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'à  la  Bulle 
d  Or  (Pest,  1855).  Le  tout  est  en  langue  magyare. 

JATAMANSl  (Bot.)  (V.  Sumbol). 

JATIVA.  Ville  d'Espagne,  ch.-l.  de  district  de  la  prov. 
de  Valence,  au  pied  du  mont  Bernisa  et  dominant  une 
vaste  plaine  qui  s'étend  vers  le  N.  et  que  l'on  appelle  la 
huerta  de  Valence  ;  15,000  hab.  environ.  La  ville,  entourée 
d'une  magnifique  verdure,  a  gardé  de  vieilles  murailles  de 
l'époque  moresque,  une  assez  belle  église,  de  nombreux 


-.  57  — 


JATIVA  -  JAUBERT 


couvents,  des  rues  en  général  escarpées,  tortueuses  et 
étroites.  Elle  a  une  assez  grande  animation;  station  du 
chemin  de  fer  de  Madrid  à  Valence,  elle  a  une  bourse  pour 
la  soie  {Lonja  de  seda),  des  moulins  à  riz,  des  papeteries, 
des  filatures  de  lin  dont  les  produits  sont  estimés.  Dans 
l'antiquité,  la  ville  de  Satabis  était  en  cet  emplacement  : 
elle  fut  appelée  Jativa  par  les  Arabes  qui  y  introduisirent, 
dit-on,  la  fabrication  du  papier.  Conquise  par  D.  JaimeP*^ 
d'Aragon  en  42^24,  elle  prit  partit  en  1705  contre  Phi- 
lippe V  ;  conquise  par  lui,  elle  reçut  le  nom  de  San  Felipe, 
mais  dans  l'usage  il  n'a  pas  prévalu  et  est  même  tout  à 
fait  oublié.  E.  Cat. 

JATROPHA(Ja^rop/iaL.)  (Bot.).  Genre  de  plantes  de  la 
famille  des  Euphorbiacées,  qui  a  donné  son  nom  au  groupe 
des  Jatrophées  (Bâillon). Les  fleurs  sontunisexuées,  penta- 
mères  ;  chez  les  Jatropha  proprement  dits ,  il  y  a  cinq 
pétales  libres  et  tordus,  dix  étamines  bisériées,  monadelphes, 
cinq  glandes  alternant  avec  les  pétales.  Dans  les  fleurs 
femelles,  le  gynécée  est  supère,  à  ovaire  triloculaire  por- 
tant un  style  à  trois  branches  bifides.  Le  fruit  est  une 
capsule  tricoque  et  les  graines  sont  celles  des  Euphorbes, 
arillées  et  albuminées  (Bâillon).  Dans  la  section  Cnidos- 
colus  les  pétales  disparaissent  dans  les  fleurs  des  deux 
sexes  dont  le  calice  devient  souvent  pétaloïde.  Dans  la  sec- 
tion Curcas(l ,  ce  mot),  les  fleurs  sont  gamopétales.  La 
gamopétalie  n'est  qu'apparente  chez  le  J.  Heudelotii,  de 
l'Afrique  tropicale.  Le  J.  Manihot  est  devenu  le  type  d'un 
genre  spécial  (V  MAmnoT).  — Le  genre  ainsi  déUmité  ren- 
ferme environ  70  espèces  originaires  des  régions  chaudes. 
Elles  sont  frutescentes  ou  en  partie  herbacées,  avec  des 
feuilles  alternes  ;  les  fleurs,  rarement  dioïques,  forment 
des  grappes  de  cymes.  La  plupart  des  espèces  sont  laiteuses; 
leurs  graines  sont  riches  en  huile  purgative.     D''  L.  Hn. 

JATTE  (ArchéoL).  Sorte  de  grande  écuellede  bois  dans 
laquelle  on  pouvait  manger  et  boire.  L'orfèvrerie  se  plut 
bientôt  à  embeUir  cet  ustensile  primitif,  et  les  jattes  d'ar- 
gent firent  bientôt  partie  des  buffets  d'apparat  que  les 
princes  du  moyen  âge  et  de  la  Renaissance  aimaient  à  étaler 
dans  les  salles  de  banquet.  On  en  tailla  également  dans  des 
matières  dures  et  on  les  garnit  de  montures  d'orfèvrerie 
ornées  de  perles  et  de  pierreries.  La  jatte  se  tranforma  en 
cuvette  pour  recevoir  le  pot  à  l'eau.  Les  manufactures  de 
porcelaine  établies  en  Saxe  et  à  Sèvres,  de  même  que  les 
faïenceries  de  Rouen  et  de  Moustiers  ont  exécuté  une 
grande  quantité  de  jattes,  dont  le  travail  et  la  forme  sont 
remarquables,  et  soutiennent  la  comparaison  avec  les  spé- 
cimens de  l'Extrême-Orient.  Les  jattes  sont  employées  de 
nos  jours,  dansl'intérieur  des  ménages,  principalement  pour 
la  conservation  du  lait. 

JATXOU.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  de 
Rayonne,  cant.  d'Ustarits;  339  hab. 

JAU-DfGNAc-ET-LoïRAC.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde, 
arr.  de  Lesparre,  cant.  de  Saint-Vivien  ;  i  ,826  hab.  Vins 
de  Médoc  estimés.  Cette  commune  est  formée  de  trois  vil- 
lages, éloignés  l'un  de  l'autre  de  2  kil.  et  formant  un 
triangle  au  centre  duquel  se  trouve  l'église.  Au  lieu  dit 
Richard^  sur  la  rive  gauche  de  la  Gironde,  existe  un  petit 
port  d'embarquement. 

JAUBERDAT  (Vitic.)  (V.  Cottis). 

JAUBERT  (Aimeri  de)  (V.  Rarraut  [Comte  de]). 

JAUBERT  (François,  comte),  homme  politique  français, 
né  à  Condom  le  3  oct.  1758,  mort  à  Paris  le  17  mars 
1822.  Avocat  et  professeur  de  droit  à  Bordeaux,  il  devint 
membre  de  la  municipalité  de  cette  ville  en  1790  et  fit 
partie  en  1793  de  la  commission  fédérahste  organisée 
pour  résister  à  la  Convention.  Mis  hors  la  loi  par  décret 
du  6  août  1793,  il  fut  sauvé  par  le  9  thermidor  et  reprit 
sa  place  au  barreau.  Le  9  germinal  an  X,  il  était  nommé 
membre  du  Tribunat,  devenait  en  1804  président  de  cette 
assemblée,  et  entrait  au  conseil  d'Etat  en  1806.  11  prit 
une  part  considérable  à  la  rédaction  du  code  civil,  du  code 
de  procédure  civile  et  du  code  de  commerce.  Gouverneur 
de  la  Banque  de  France  en  1807,  créé  comte  de  l'Empire 


en  1808,  il  perdit  la  faveur  de  Napoléon  en  s*associant  à 
l'opposition  des  régents  de  la  Banque.  Nommé  conseiller  à 
la  cour  de  cassation  le  15  févr.  1815  en  remplacement  de 
Sieyès,  il  fut  pendant  les  Cent-Jours  directeur  général  des 
contributions  indirectes.  Aussi  la  seconde  Restauration  lui 
enleva-l-elle  son  siège  de  conseiller  à  la  cour  de  cassation 
qu'il  ne  reprit  que  le  23  déc.  1818,  grâce  à  l'influence  du 
comte  d'Artois,  et  qu'il  garda  jusqu'à  sa  mort. 

JAUBERT  (Guillaume-Auguste),  évêque  et  homme  po- 
litique français,  né  à  Condom  le  9  janv.  1762,  mort  le 
2  mars  1825,  frère  du  précédent.  Curé  de  Notre-Dame  de 
Bordeaux  (1801),  il  fut  nommé  en  1809  évêque  de  Saint- 
Flour  et  créé  baron  de  l'Empire.  Il  était  imbu  de  principes 
gallicans  qui  déplaisaient  fort  au  pape,  et  celui-ci  profita  de 
ses  dissentiments  avec  Napoléon  pour  refuser  l'institution 
canonique.  Mgr  Jaubert  finit  par  l'obtenir  en  1811  et  as- 
sista au  concile  national,  mais  il  ne  put  jamais  se  faire 
sacrer,  ce  qui  l'obligea  à  démissionner  en  1819.  Il  fut 
désigné  en  1813  par  le  Sénat  comme  député  du  Cantal  au 
Corps  législatif  et  y  siégea  jusqu'à  1815. 

JAUBERT  (Le chevalier  Amédée),  orientaliste  français, 
né  à  Aix  (Provence)  le  3  juinl779,mort  le28janv.  1847. 
D'abord  compositeur  à  l'imprimerie  Didot,  pour  faire  vivre 
sa  famille  ruinée  et  proscrite  paria  Révolution,  il  entra  à 
l'Ecole  des  langues  orientales  où  il  se  distingua  si  vite  qu'il 
obtint  à  l'âge  de  dix-neuf  ans  de  faire  partie  en  qualité 
d'interprète  de  l'expédition  d'Egypte.  Il  fut  nommé  pendant 
la  campagne  interprète  en  chef  du  corps  d'occupation  et 
gagna  la  confiance  de  Bonaparte.  Revenu  avec  lui  en  France, 
il  fut  nommé  secrétaire  interprète  du  gouvernement  et  pro- 
fesseur à  l'Ecole  des  langues  orientales  (1800-1801).  Il 
fut  chargé  de  mission  dans  les  Etats  barbaresques  (1 802) 
et  à  Constantinople  pour  notifier  l'avènement  de  l'empereur 
(1804).  Napoléon  lui  confia  en  1805  la  tâche  de  se  rendre 
à  Téhéran  auprès  du  chah  de  Perse  pour  étudier  les  moyens 
d'action  de  ce  pays  contre  l'Angleterre  et  la  Russie.  Jau- 
bert  s'acquitta  de  sa  mission  avec  succès,  mais  eut  pour 
l'accomplir  à  courir  de  grands  dangers.  H  fut  notamment 
retenu  longtemps  prisonnier  dans  un  souterrain  par  l'ordre 
du  pacha  de  Bayazid.  Il  ne  rentra  en  France  que  dans  l'été 
de  1807.  En  1815,  il  accepta  à  la  veille  de  la  chute  de 
Napoléon  d'aller  le  représenter  comme  chargé  d'affaires  à 
Constantinople,  ce  qui  lui  assura  la  disgrâce  du  régime 
suivant.  Depuis  il  se  consacra  à  l'étude  des  langues  orien- 
tales et  fit  en  1818  un  nouveau  voyage  en  Asie  pour  ra- 
mener en  France  des  chèvres  du  Tibet.  Il  entra  à  l'Institut  en 
1830  et  à  la  Chambre  des  pairs  en  1841.  Il  était  professeur 
au  Collège  de  France  et  directeur  de  l'Ecole  des  langues 
orientales.  Parmi  ses  œuvres,  on  peut  citer  :  Voyage  en 
Arménie  et  en  Perse  (Paris,  1821);  Eléments  de  la 
grammaire  turque  (Paris,  1823-34).  On  a  aussi  de 
Jaubert  de  nombreux  articles  dans  le  Journal  asiatique 
et  la  Revue  encyclopédique. 

J  A  U  B  E  RT  (  Hippoly  te-François,  comte) ,  homme  politique 
français,  né  à  Paris  le  8  oct.  1798,  mort  à  Montpellier 
le  5  déc.  1874.  Neveu  de  Jean-François-Jérôme  Jaubert, 
procureur  impérial  et  représentant  de  Céret  à  la  Chambre 
des  r.ent-Jours,  qui  lui  laissa  une  fortune  considérable,  il 
s'établit  comme  maître  de  forges  dans  le  Cher  où  il  conquit 
une  situation  prépondérante.  Elu  député  de  Saint-Amand 
sans  interruption  de  1831  à  1842,  il  ne  tarda  pas  à  se 
faire  connaître  comme  un  brillant  orateur  d'affaires  et  de- 
vint ministre  des  travaux  pubhcs  dans  le  cabinet  du  l^*"  mars 
1840.  Il  se  retira  avec  ses  collègues  le  28  oct.  1840  et 
fut  créé  pair  de  France  le  27  nov.  1844.  A  la  révolution 
de  1848  il  se  retira  tout  à  fait  de  la  politique.  Adminis- 
trateur des  usines  de  Fourchambault,  il  fut  élu  député  du 
Cher  à  l'Assemblée  nationale  le  8  févr.  1871  et  siégea  au 
centre  droit.  On  a  de  lui  :  Vocabulaire  du  Berry  et  des 
provinces  voisines  (Paris,  1838,  in-8)  dont  la  troisième 
édition  a  été  publiée  sous  le  titre  de  Glossaire  du  centre 
de  la  France  (1856-58,  2  vol.  in-8);  lllustrationes 
plantarum  orientalium,  encoUab.  avec  Ed.Spach  (1842- 


JAUBERT  --  JAUGEAGE 


-  58 


1857,  5  vol.  in-4);  Etude  sur  le  traité  de  commerce 
avec  l'Aîiçleterre  (4869,  in-lS).  Le  comte  Jaubert  avait 
été  élu  membre  libre  de  l'Académie  des  sciences  en  i  8o8 
et  il  démissionna  en  4872  parce  qu'un  projet  de  réorga- 
nisiition  de  l'Institut  qu'il  avait  rédigé  fut  repoussé. 

JAUCOURT.  Corn,  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  et  cant.  de 
Bar-sur-Aube  ;  224  hab.  Cette  localité,  située  sur  la  rive 
gauche  de  l'Aube,  au  pied  d'une  côte  fort  escarpée,  au  con- 
fluent du  Landion,  fut  jadis  le  siège  d'une  importante  ba- 
ronnie  et  possédait  un  vaste  château  fort,  construit  au 
XIV®  siècle,  qui  fut  démantelé  en  4632  par  ordre  de 
Louis  XIIL  II  en  subsiste  encore  de  belles  ruines,  ainsi 
qu'une  chapelle  romane  dédiée  à  saint  Jean  (xii®  siècle). 
L'église,  en  partie  du  xii®  siècle,  possède  un  curieux  re- 
liquaire byzantin  en  vermeil,  du  xiv^  siècle.    A.  T.-R. 

JAUCOURT  (Louis,  chevalier  de),  philosophe  français, 
né  à  Paris  en  4704,  mort  à  Compiègne  en  4779.  Il  étudia 
la  théologie  à  Genève,  les  sciences  exactes  et  naturelles  à 
Cambridge,  la  médecine  à  Leyde  où  il  connut  Tronchin. 
Rentré  à  Paris  en  4736,  il  vécut  dans  une  société  mon- 
daine et  philosophique.  Il  fut  l'un  des  principaux  rédac- 
teurs de  V Encyclopédie^  oii  il  écrivait,  avec  Buffon,  les 
articles  scientitiques.  Doué  d'un  grand  esprit  de  modéra- 
tion, il  fut  plutôt  du  parti  philosophique  de  Montesquieu 
que  de  celui  de  La  Mettrie  et  de  d'Holbach.  Les  qualités 
de  son  caractère  lui  attirèrent  partout  l'estime  et  l'amitié. 
Il  a  laissé  un  grand  nombre  de  mémoires  adressés  à  di- 
verses académies  ou  sociétés  savantes  et  une  Vie  de  Leib- 
niz, mais  pas  une  grande  œuvre.  Ce  fut  un  homme 
d'esprit  et  de  savoir  que  la  renommée  ne  tenta  point. 

JAUCOURT  (Arnail-François  de),  homme  pohtique  fran- 
çais, né  à  Tournan  (Seine-et-Marne)  le  14  nov.  4757, 
mort  à  Prestes  (Seine-et-Marne)  le  5  févr.  4852.  D'une 
famille  protestante,  il  entra  au  service  comme  sous-lieute- 
nant au  régiment  de  Languedoc-dragons  le  28  juil.  4773  ; 
il  fut  promu  capitaine  le  24  avr.  4777,  mestre  de  camp  au 
2®  régiment  de  Condé-dragons  le  44  nov.  4780,  fit  la 
campagne  de  Genève  en  1782  sous  les  ordres  du  prince  de 
Condé  et  devint  colonel  de  son  régiment  le  10  mars  1788. 
Membre  de  la  société  des  Feuillants,  président  de  l'adminis^ 
tration  de  Seine-et-Marne,  il  fut,  le  31  août  1791,  élu  par 
ce  département  député  à  l'Assemblée  législative.  Il  entra  dans 
le  comité  militaire  et  s'occupa  d*es  questions  de  son  métier. 
Il  vota  presque  constamment  avec  la  droite,  tout  en  appuyant 
les  mesures  prises  contre  les  émigrés  et  les  prêtres  réfrac- 
taires.Jaucourt  fut  promu  maréchal  de  camp  le  6  févr.  1792. 
Voyant  qu'il  n'était  pas  d'accord  avec  la  majorité  de  l'As- 
semblée, accusé  de  trahison  par  ses  parents  qui  avaient 
émigré,  il  donna  sa  démission  le  31  juil.  et  fut  remplacé 
le  7  août.  Arrêté  le  10  août  4792  par  ordre  de  la  Com- 
mune et  enfermé  à  l'Abbaye,  il  réclama  l'inviolabilité  des 
députés,  qui  ne  cesse,  disait-il,  qu'un  mois  après  qu'ils 
ont  abandonné  les  fonctions  législatives.  Remis  en  liberté 
à  la  fin  d'août  sur  les  instances  de  M"^^  de  Staël,  il  échappa 
ainsi  aux  massacres,  et  le  2  sept,  demanda  au  ministre  de 
la  guerre  et  obtint  un  congé  pour  aller  aux  eaux  rétablir 
sa  santé.  Il  en  profita  pour  accompagner  Talleyrand  dans 
sa  mission  à  Londres.  Rentré  en  France  après  l'exécution 
de  Louis  XVI,  il  èmigra  en  Suisse.  Il  fut  remplacé  comme 
maréchal  de  camp  le  4^^^  févr.  4793.  Mêlé  aux  intrigues  des 
émigrés,  il  revint  à  Paris  après  le  48  brumaire  et,  sur  la 
recommandation  de  Talleyrand,  il  fut,  le  25  déc.  4799, 
nommé  membre  du  Tribunat.  En  avr.  4802,  il  défendit, 
avec  Lucien  Bonaparte,  le  concordat  devant  le  Corps  légis- 
latif et,  le  22  oct.  suivant^  le  Tribunat  le  nomma  prési- 
dent. Jaucourt  entra  au  Sénat  le  34  oct.  4803.  Devenu  un 
des  familiers  de  Joseph  Bonaparte,  il  l'accompagna  à  Naples 
et  reçut  le  titre  de  comte  en  mai  4808. Le  20  mars4842, 
il  fut  désigné  pour  organiser  les  cohortes  du  premier  ban 
de  la  garde  nationale  à  Marseille.  Ses  sentiments  royalistes 
se  réveillèrent  lors  des  désastres  de  4814  et  il  fit  partie, 
le  4^^  avr.,  du  gouvernement  provisoire  qui  rappela  les 
Bourbons.  Louis  XVIII  combla  Jaucourt  de  faveurs;  il  le 


nomma  ministre  d'Etat  et  pair  de  France  le  43  mai  4844, 
lui  confia,  le  4  juin,  l'intérim  du  ministère  des  affaires  étran- 
gères et  réleva,  le  25  oct.,  au  grade  de  lieutenant  général 
honoraire.  Aussi,  lors  du  retour  de  Napoléon  de  l'île  d'Elbe, 
Jaucourt  accompagna  Louis  XVIII  à  Gand,  tandis  que  l'em- 
pereur mettait  hors  la  loi  son  ancien  serviteur.  Waterloo 
le  ramena  en  France  et  le  roi  le  nomma,  le  9  juil.  4815, 
ministre  de  la  marine.  Il  abandonna  ces  fonctions  le  23  sept., 
mais  reçut  en  échange  le  titre  de  membre  du  conseil  privé. 
Jaucourt,  qui  descendait  de  Du  Plessis-Mornay  par  les 
femmes,  se  consacra  dès  lors  aux  intérêts  du  protestan- 
tisme. Il  se  rallia  un  des  premiers  à  la  monarchie  de  Juillet 
et  fut  rendu  à  la  vie  privée  par  la  révolution  de  1848.  Il 
vota  pour  la  présidence  de  Napoléon  et  donna  son  appro- 
bation au  coup  d'Etat  de  déc.  4  854 .     Etienne  Charavay. 

JAUDONNIÈRE  (La).  Com.  du  dép.  de  la  Vendée,  arr. 
de  Fontenay-le-Comte,  cant.  de  Saint-Hermine  ;  756  hab. 

JAUDRAIS.  Com.  du  dép.  d'Eure-et-Loir,  arr.  de 
Dreux,  cant.  de  Senonches;  294  hab. 

JAUDY,  Rivière  du  dép.  des  Côtes-dii-Nord  (V.  ce  mot, 
t.  XIII,  p.  4). 

JAUER.  Ville  de  Prusse,  district  de  Liegnitz  (Silésie), 
sur  la  Neisse  furieuse  (Wiitende  Neisse),  affluent  de  la 
Katzbach;  42,000  hab.  Saucisses  renommées,  toiles,  lai- 
nages, etc.  Elle  reçut  une  charte  urbaine  en  4461,  et  fut 
la  capitale  de  la  principauté  de  Jauer  (3,200  kil.  q.  en- 
viron). 

JAUFFRET  (Gaspard- Jean- André- Joseph) ,  archevêque 
d'Aix,  né  à  La  Roque-Brussane  (Provence)  le  43  déc. 
4759,  mort  à  Paris  le  43  mai  4823.  Il  se  fit  remarquer 
par  sa  lutte  contre  la  constitution  civile  du  clergé,  dans 
les  Annales  de  la  religion  et  du  sentiment,  qu'il  avait 
fondées  en  4794  ;  plus  tard,  il  fut  l'un  des  principaux  col- 
laborateurs des  Annales  religieuses.  Sous  l'Empire,  déjà, 
il  travailla  à  la  réorganisation  et  au  rétablissement  de  nom- 
breuses congrégations,  entre  autres  de  la  Société  des  Mis- 
sions étrangères,  en  4805.  Le  cardinal  Fesch  l'avait  chargé 
de  l'administration  du  diocèse  de  Lyon  pendant  son  ab- 
sence ;  puis  il  l'avait  fait  appeler  au  secrétariat  de  la 
grande  aumônerie.  En  4806,  Jauffret  fut  nommé  évêque 
de  Metz  et,  en  4844,  archevêque  d'Aix.  Parmi  ses  nom- 
breuses puljlications,  il  suffit  de  citer  Du  Culte  public... 
(Paris,  4795,  2  vol.;  3« éd. ,4845). 

JAUFFRET  (Pierre),  agronome  français,  né  à  Venta- 
breu,  près  d'Aix  (Provence),  en  4776,  mort  à  Bordeaux 
en  4837. 11  est  surtout  connu  par  la  préparation  d'un  en- 
grais qui  porte  son  nom,  avec  toutes  sortes  de  plantes 
herbacées  et  d'arbustes  mis  à  fermenter  avec  une  lessive 
fortement  alcaline  ou  caustique.  Cette  méthode  est  décrite 
dans  une  brochure  publiée  à  Paris  (4838,  2®  éd.),. 

JAUFFRET  (Joseph),  conseiller  d'Etat,  né  à  LaRoque- 
Brusane  (Provence)  en  4784,  mort  en  4836.  Il  n'était 
guère  âgé  que  de  vingt-un  ans  lorsque  Portails  se  l'ad- 
joignit comme  chef  du  secrétariat  à  la  direction  des  cultes. 
OEuvres  principales  :  Mémoires  historiques  sur  les  affaires 
ecclésiastiques  de  France  au  xix^  siècle  (Paris,  4828, 
3  vol.  in-8)  ;  Examen  des  articles  organiques  publiés  à 
la  suite  du  concordat  de  1801^  dans  leurs  rapports 
avec  nos  libertés,  les  règles  générales  de  V Eglise  et  la 
police  de  l'Etat  (Paris,  4847,  in-8)  ;  De  la  Juridiction 
épiscopale  (Paris^  4824  et  4827,  in-8)  ;  Du  Célibat  des 
prêtres  (Paris,  4828,  in-8). 

JAUFFRET  (François-Antoine),  évêque  français,  né  à 
La  Ciotat  le  4  déc.  4833.  Ordonné  prêtre  en  4859,  pro- 
fesseur de  rhétorique  à  l'école  de  Belsunce,  puis  directeur 
de  cet  établissement  jusqu'en  4888,  il  devint  à  cette  date 
chanoine  de  Marseille.  Il  fut  nommé  évêque  de  Bayonne  le 
7  déc.  4889.  H  a  écrit  :  M^**  de  Belsunce  et  le  Jansé- 
nisme, nouvelle  (Marseille,  4882,  in-8). 

JAUGEAGE.  I.  Physique.  —  Jauge  Mac  Leod.  —  On 
désigne  ainsi  un  petit  appareil  qui  permet  d'apprécier  la 
pression  des  gaz  très  raréfiés  et,  si  on  admet  que  la  loi  de 


Mariotte  est  vraie  pour  ces  pressions,  de  mesurer  la  terisîdïî 
de  ces  gaz.  La  plupart  des  appareils  qui  servent  à  faire  le 
vide  par  récoulement  du  mercure,  comme  la  trompe  de 
Sprengel,  sont  munis  d'un  appareil  de  ce  genre.  Il  se  com- 
pose d'une  partie  renflée  V,  surmontée  d'un  tube  tenné  à  sa 
partie  supérieure  et  divisé  depuis  le  trait  p  jusqu'au  som- 
met en  iO  parties  d^égal  volume*  Par  la  partie  inférieure 
le  ballon  V  communique  en  a  d'utle  part  avec  un  tube  à 
t-obinet  R  et  latéralement  à  un  tube  gradué  en  milli- 
Inêtres  à&  d  eu  b  par  lequel  il  communique  avec  l'appareil 
où  se  trouve  le  gaz  dans  lequel  on  veut  mesurer  la  pres- 
sion. L'appareil  communique  par  le  robinet  R  avec  un  tube 
contenant  du  mercure.  Tout  d'abord  le  mercure  â'élève 
dans  l'appareil  un  peu  au-dessous  de  a,  de  sorte  que  la 
jauge  V  est  pleine  du  gaz  dont  on  veut  mesurer  la  pres- 
sion. Au  moment  où  l'on  veut  faire  cette  mesure,  on 
Ouvre  lentement  le  robinet  R.  Le  mercure  pénètre  dans 
l'appareil  et  arrive  aussitôt  m  trait  a  où  il  intercepte  la 
communication  entre  la  jauge  et  l'appat-eil  A.  Le  mercure 
continuant  à  arriver  comprime  de  plus  m  plus  le  gaz  dans 
y  et  monte  dans  le  tube  gradué.  Lorsque  le  mercure  eit 
arrivé  en  p  dans  la  jauge,  il  est  dans 
Vmtte  tube  entre  a  et  b  plus  ou 
moins  haut  suivant  la  pression; 
on  continue  à  laisser  monter  le 
mercure  dans  le  tube  ^y,  mais  en 
faisant  attention  qu'il  ne  dépasse 
pas  la  partie  graduée  dans  le  tube 
a  b.  Supposons  qu'on  puisse  le  lais- 
ser monter  jusqu'à  la  division  i , 
et  que  dans  le  tube  ab  le  mercure 
arrive  alors  en  c.  Soit  R  le  rap- 
port entre  le  volume  total  de  la 
jauge  (tube  gradué  Py  compris)  jus- 
qu'en a  et  une  des  divisions  py.  Le 
gaz  aura  été  comprimé  dans  ce 
rapport  R,  sa  pression  sera  deve- 
nue R  fois  plus  grande  que  la  pres- 
sion X  qu'on  veut  mesurer.  Or  sa 
pression  est  celle  qui  est  dans 
l'appareil  A  augmentée  de  la  co- 
lonne de  mercure  c  d  que  l'on  lit 
sur  l'appareil.  On  peut  sans  erreur 
sensible  négliger  la  pression  dans 
A  devant  la  pression  c  d.  La  pres- 
sion primitive  était  donc,  en  ap- 

c  d 
pliquant  la  loi  de  Mariotte,  a?=:  -— 

en  colonne  de  mercure.  Le  rap- 
port R  est  choisi  assez  grand  (500 
par  exemple) ,  de  sorte  que  lorsque 
la  colonne  c  d  est  de  4  millim . ,  la 
pression  primitive  équivalait  (tou- 
jours en  admettant  la  loi  de  Ma- 
riotte) à  i/e^>00  do  millim.  de  mer- 
cure. Même  si  l'on  n'admet  pas  la 
loi  de  Mariotte,  cet  appareil  reste 
d'un  usage  précieux,  car  il  sert 
toujours  à  indiquer,  sans  la  me- 
surer, la  pression  sous  laquelle 
une  expérience  a  été  faite  et  il  permet  dans  des  expériences 
ultérieures  de  se  remettre  à  la  même  pression. 

Jauge  Thomson  (V.  Electromètre  Thomson,  t.  "XV, 
p.  795).  A.  JoANNis. 

II.  Technologie.—  On  désigne  particulièrement  sous 
cette  dénomination  diverses  opérations  qui  ont  pour  but  de 
déterminer  :  la  capacité  d'un  vase,  d'un  récipient  quelcon- 
que, tonneau  ou  réservoir,  destiné  à  contenir  des  liquides; 
le  volume  d'eau  qui  s'écoule,  pendant  un  temps  donné,  par 
un  orifice  d'une  section  déterminée  ;  le  débit  d'un  cours 
d'eau  ou  d'une  source  qu'on  se  propose  d'appliquer  à  des 
usages  industriels  ou  à  l'alimentation  d'une  ville  ;  la  mesure 
ou  la  capacité  d'un  navire  ou  d'une  embarcation  quelconque, 


89  —  JAUGEAGE 

(ï.-à-d.  le  volume  qu'offre  le  bâtiment  sous  le  rapport  de 
sa  longueur,  de  sa  largeur  et  de  sa  profondeur.  Le  jau- 
geage d'une  capacité  quelconque  renfermant  un  liquide  se 
fait  par  le  calcul  du  volume  intérieur  du  récipient.  Le  cal- 
cul est  très  simple  quand  il  se  rapporte  aux  formes  géo- 
métriques d'un  parallélépipède  ou  d'un  cylindre  ;  mais,  pour 
les  futailles  et  les  tonneaux,  la  courbure  des  parois  rend  le 
calcul  beaucoup  plus  complexe.  L'octroi  de  Paris  emploie, 
à  cet  effet,  la  formule  suivante  : 

V=:|:ï/  ("(^  +  (0  — (^)0,56l2 

dans  laquelle  V  représente  le  volume,  l  la  longueur  inté- 
rieure du  tonneau,  D  et  d  les  valeurs  du  plus  grand  et  du 
plus  petit  diamètre.  Dans  le  commerce,  le  jaugeage  des 
tonneaux  peut  se  faire  en  appliquant  les  formules  ci-après  : 
1^  Si  la  courbure  est  très  prononcée  : 

2^*  Si  la  courbure  est  d'une  dimension  moyenne  : 

3°  Si  le  tonneau  est  presque  cylindrique  : 

On  peut  enfin,  dans  la  plupart  des  cas,  employer  la  formule 
moyenne  : 

V  =  0,0875  /  (^  -h  2  D)^.    L.  Knab. 

III.  Marine.  —  Jauger  un  navire,  c'est  en  mesurer  le 
volume  intérieur  d'après  certaines  règles  que  nous  allons 
faire  connaître.  Il  ne  faut  pas  confondre  la  jauge  et  la  ca- 
pacité utilisable  du  navire.  Cette  dernière  est  en  général 
plus  forte  que  le  volume  servant  de  base  au  payement  des 
droits,  taxes,  etc.  Cette  remarque  est  importante  à  rete- 
nir. La  loi  sur  la  marine  marchande,  du  3  janv.  4893, 
fixe  que  la  jauge  totale,  brute,  d'après  laquelle  sont  cal- 
culées les  primes  à  la  navigation,  sera  établie  conformé- 
ment aux  décrets  du  24  mai  4873,  art.  de  4  à  12,  et  du 
7  mai  1883.  Ce  décret  prescrit  que  la  méthode  employée 
sera  la  méthode  anglaise  Moorson.  Voici  en  deux  mots  ea 
quoi  elle  consiste. 


Pour  un  navire  vide,  on  divise  la  longueur  du  premier 
pont  au-dessus  de  la  cale  en  4,  6,  8,  40  ou  42  divisions, 
suivant  que  le  navire  appartient  comme  longueur  aux  4^®, 
2^,  3<^,  4®,  5«  classes  et  au-dessus.  Par  les  points  de  divi- 
sion, on  mène  des  verticales  qui  sont  elles  aussi  divisées 
en  plusieurs  parties.  On  obtient  ainsi  une  série  de  volumes 
tels  que  aa^  b¥  qu'on  cube.  On  fait  la  somme  de  tous  ces 
volumes.  De  plus  on  cube  l'espace  entre  les  ponts,  en  y 
ajoutant  dunettes,  chambres  de  pont.  On  somme  tous  ces 
volumes  et  on  divise  la  somme  S  ainsi  obtenue  par  l'unité 
de  volume  adoptée  qui  représente  400  pieds  cubes  anglais, 
ou  2"^o,83.  Le  résultat  est  le  tonnage  brut  du  navire  (gros 
tonnage  en  anglais). 

Si  le  navire  est  chargé,  on  mesure  au  moyen  d'une  chaîne 
le  périmètre  au  maître  couple  /?,  la  longueur  L  du  pont 
supérieur  et  sa  largeur  /,  on  applique  la  formule  ; 

L(^-±^yx0,i8 

pour  les  navires  en  fer,  et 

L('-t^yx.,n 


JAUGEAGE  —  JAUNE 


—  60 


pour  les  navires  en  bois.  Cette  formule  donne  le  tonnage 
jusqu'au  pont  supérieur  ;  on  complète  comme  précédemment. 
Pour  avoir  le  tonnage  légal,  net,  au  Registered Tonnage, 
on  déduit  l'espace  consacré  au  logement  de  l'équipage,  qui 
ne  doit  pas  aller  au  delà  du  1/20  du  tonnage  brut,  puis  le 
logement  de  l'appareil  moteur  et  des  soutes  à  charbon. 
Cette  déduction  ne  peut  dépasser  50  %  du  tonnage  brut. 
Pour  les  bateaux  de  plaisance,  yachts  de  course,  on  a 
adopté  la  formule  suivante  : 


Tzz 


©"x-: 


B 


5,5 

dans  laquelle  T  donne  la  valeur  en  mètres  cubes  et  frac- 
tions ;  P,  la  longueur  du  périmètre  mesuré  au  maître  couple, 
en  mètres  et  fractions;  L,  la  longueur  du  yacht  en  mètres 
et  fractions  ;  B,  la  largeur  au  maître  couple  en  mètres  et 
en  fractions.  Ajoutons,  à  titre  de  renseignements,  que  les 
chargements  des  navires  sont  évalués  suivant  les  circons- 
tances, en  trois  unités  :  le  tonneau-poids  ou  tonne  de 
i  ,000  kiiogr.  ;  le  tonneau  de  jauge  ou  2"^«,83  ;  le  ton- 
neau d'affrètement  ou  vol.  de  4"'^,44  employé  pour  établir 
les  conditions  du  fret  de  marchandises  encombrantes,  mais 
légères.  A.  Kerlero  du  Crano. 

JAUJA.  Ville  du  Pérou,  dép.  de  Junin,  sur  le  fleuve  de 
ce  nom  ;  3,000  hab. 

JAUJAC  (Gaudlacum).  Com.  du  dép.  de  l'Ardèche, 
arr.  de  Largentière,  cant.  de  Thueyts  ;  2,533  hab.  Le  vol- 
can de  Jaujac,  un  des  cratères  les  mieux  conservés  de 
Vrance,  a  couvert  de  ses  laves  la  vallée  de  l'Alignon  jus- 
qu'à l'Ardèche.  Les  eaux,  en  se  creusant  un  passage,  ont 
mis  à  jour  de  magnifiques  colonnades  basaltiques  décrites 
par  Faujas  de  Saint-Fond.  Au  pied  du  volcan  coule  la  fon- 
taine minérale  du  Péchier.  A.  Mâzon. 

JAULDES.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  d'An- 
goulême,  cant.  de  La  Rochefoucauld  ;  843  hab. 

JAULGES.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  d'Auxerre, 
cant.  de  Saint-Florentin  ;  408  hab. 

JAULGONNE.Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Château- 
Thierry,  cant.  de  Condé-en-Brie  ;  535  hab.  Station  dite 
de  Varennes-Jaulgonne,  du  chemin  de  fer  de  l'Est. 

JAULNAY.  Com.  du  dép.  d'Indre-et-Loire,  arr.  de  Chi- 
non,  cant.  de  Richelieu  ;  421  hab. 

JAULNAY.  Com.  du  dép,  de  la  Vienne,  arr.  de  Poitiers, 
cant.  de  Saint-Georges  ;  2,067  hab.  Commerce  de  vins, 
vinaigreries,  minoteries,  scierie  mécanique.  Eglise  desxii^, 
xni®  et  xvi®  siècles  ;  châteaux  Couvert  et  de  JPerre,  datant 
tous  deux  de  la  Renaissance;  à  3  kil.  auN.-O.,  grand  don- 
jon carré  du  xv^  siècle,  la  Tour  de  Brin. 

JAULNES.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.  de 
Provins,  cant.  de  Bray-sur-Seine  ;  345  hab. 

JAULNY.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr.  de 
Toul,  cant.  de  Thiaucourt;  480  hab. 

JAULZY.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Compiègne, 
cant.  d'Attichy  ;  367  hab. 

JAUMIÈRE  (Trou  de)  (Mar.).  Espace  circulaire  percé 
à  l'arrière  du  navire,  au-dessus  du  dernier  étambot,  et 
permettant  à  la  mèche  du  gouvernail  de  pénétrer  dans 
l'intérieur  du  bâtiment.  Un  presse-étoupe,  placé  sur  la 
mèche  à  son  entrée,  empêche  l'accès  de  l'eau  à  l'intérieur. 
Avec  les  anciens  gouvernails  en  bois,  le  même  but  était 
atteint  au  moyen  d'un  morceau  de  cuir  cloué  sur  la  mèche 
et  sur  la  muraille,  qu'on  appelait  la  braie  du  gouvernail. 

JAUNAC.  Com.  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr.  de  Tournon, 
cant.  du  Cheylard  ;  230  hab. 

JAUNE.  I.  Chimie  industrielle.  — Les  matières  colo- 
rantes jaunes  employées  dans  l'industrie  peuvent  être  ré- 
parties en  trois  groupes,  suivant  leur  origine  :  les  ma- 
tières minérales^  les  matières  végétales,  les  matières 
artificielles. 


Jaunes  minéraux.  —  Le  jaune  minéral  le  plus  important 
est  le  jaune  de  chrome  (V.  Chromate,  t.  XI,  pp.  287-289). 

Le  jaune  de  Naples  est  un  anlimoniate  de  plomb  plus 
ou  moins  mélangé  d'oxyde  de  plomb,  préparé  généralement 
en  chauffant  de  l'acide  antimonique  avec  de  f  oxyde  et  du 
carbonate  de  plomb,  ou  de  l'antimoine  pulvérisé  mélangé 
d'azotate  de  potasse  et  d'oxyde  de  plomb,  ou  des  alliages 
de  plomb  et  d'antimoine  avec  des  substances  oxydantes. 

Le  jaune  minéral^  connu  aussi  sous  les  noms  de  jaune 
de  Turner,  de  Cassel,  de  Kassler,  de  Vérone,  de  Paris,  de 
Montpellier,  etc.,  a  pour  base  des  oxychiorures  de  plomb. 
On  le  prépare  en  mélangeant  4  parties  de  litharge  broyée 
et  tamisée  avec  une  solution  de  4  parties  de  sel  marin 
dans  4  parties  d'eau.  Le  mélange  se  gonfle  et  il  se  forme  de 
l'oxychlorure  de  plomb  qui  lui  donne  une  couleur  blanche  ; 
il  deviendrait  dur  et  sec  si  on  ne  le  broyait  de  nouveau 
avec  de  l'eau  salée,  jusqu'à  ce  qu'on  ait  employé  la  quantité 
indiquée.  On  ajoute  de  l'eau  pure  et  on  calcine  au  rouge 
sombre  la  pâte  dans  un  creuset.  On  peut  aussi  préparer  le 
jaune  minéral  en  calcinant  du  minium  ou  de  la  litharge 
avec  une  certame  quantité  de  chlorhydrate  d'ammoniaque 
jusqu'à  ce  que  l'oxychlorure  de  plomb  formé  entre  en  fusion. 
Le  produit  obtenu  ainsi  est  d'un  jaune  plus  éclatant.  Le 
jaune  minéral  sert  surtout  pour  la  peinture  des  décors. 

Le  jaune  minéral  fin  ou  jaune  d'antimoine  est  une 
combinaison  d'antimoniate  et  d'oxychlorure  de  plomb.  L'in- 
venteur, Mérimée,  le  préparait  en  fondant  dans  un  creuset 
un  mélange  de  3  parties  de  bismuth  avec  24  parties  de 
sulfure  d'antimoine  et  64  de  nitre.  La  masse  fondue  était 
versée  peu  à  peu  dans  l'eau  froide  et  pulvérisée.  La  poudre 
desséchée  est  mélangée  avec  son  poids  de  chlorhydrate 
d'ammoniaque  et  seize  fois  son  poids  de  litharge  aussi  pure 
que  possible,  et  fondue  dans  un  creuset.  La  matière  fondue 
est  bronzée  et  lavée.  On  peut  aussi  opérer  de  la  manière 
suivante  :  on  chauffe  à  une  température  convenable  un 
mélange  intime  d'acide  antimonique  et  d'oxychlorure  de 
plomb,  ou  d'antimoniate  de  potasse  et  de  chlorure  de  plomb. 

Le  sulfate  de  plomb  basique  est  d'un  jaune  clair  et 
sert  dans  la  peinture  sous  le  nom  de  jaunepaille  minéral. 
Ce  produit  est  préparé  en  fondant  parties  égales  de  sulfate 
de  plomb  et  de  litharge  bien  broyée;  on  coule  la  masse 
dans  l'eau  froide  et  on  la  pulvérise.  On  emploie  aussi  comme 
couleur  jaune  le  massicot,  Varsénite  de  plomb,  Viodure 
de  plomb. 

Le  trisiilfure  d'arsenic  ou  orpiment,  matière  d'une 
belle  couleur  jaune  d'or,  sert  dans  la  peinture  depuis  la  plus 
haute  antiquité.  On  la  rencontre  à  l'état  naturel  en  Perse 
et  en  Chine  et  on  le  prépare  artificiellement  en  chavffant  un 
mélange  de  1  kiiogr.  de  fleur  de  soufre  et  de  7  kiiogr. 
d'acide  arsénieux  en  poudre  très  fine. 

Le  jaune  de  cadmium  est  une  très  belle  couleur  pré- 
parée avec  du  sulfure  de  cadmium,  malheureusement  son 
prix  très  élevé  en  restreint  l'emploi. 

On  trouvera,  à  l'art.  Brun  (t.  VIII,  p.  233),  tout  ce  qui 
concerne  les  ocres  jaunes . 

Jaunes  végétaux.  —  Les  principales  matières  colo- 
rantes jaunes  d'origine  végétale  sont  : 

Noms  Origine 

Xanthopurpurine.  Racine  de  garance. 

Xanthine.  id. 

Mungistine.  Mungeet  ou  garance  des  Indes. 

Cureumine.  Racine  de  curcuma. 

Rhéine  ou  acide  chryso-    Racine  de  rhubarbe,  de  rha- 

phanique,    jaune    de        pontic,  de   patience,  lichen 

rhubarbe.  des  murailles. 

Gentianine.  Racine  de  gentiane. 

Morindine.  Racine  du  mûrier  d'Inde  (Mo- 

rinda  citrifolia), 
Rhamnoxanthine.  Racine  de  bourdaine  (Rham- 

nus  fraiigula). 
Berbérine.  Racine  d'épine-vinette  (Berbe- 

rish 


Noms 

Origine 

Plumbagine. 

Racine  de  dentelaire  (Plum- 
bago  europœa). 

Chélidoxanthine 

Racme,  fleurs  et  feuilles  de  la 
grande  chélidoine. 

Quercitrine   ou 

querci- 

Ecorcedequercitron,  bourgeons 

trin. 

floraux  du  cappaiis,  du  so~ 
phora^  feuilles,  fleurs  et 
fruits  du  marronnier  d'Inde. 

Quercitréine. 

Produit  de  l'oxydation   de   la 

quercitrine. 
Bois  jaune  ou  mûrier  des  tein- 

Morin blanc  ou  acide  mo- 

rique. 

turiers. 

Morin  jaune  ou  morésine 

Oxydation  du  morin  blanc. 

(acide  niorintannique). 

Fusdne. 

Bois  de  fustet. 

Lutéoline. 

Tiges  de  gaude  (Reseda  luteola) . 

Calluxanthine. 

Tiges  de  bruyère  (Calluna  vul- 
^garis). 

Rodoxanthine. 

Tiges  du  Rhododendron  fer- 

Xanthopicrite. 

Ecorce  du  clavelier  des  Antilles. 

Datiscine. 

Jeunes  tiges  et  feuilles  du  Da- 

tisca. 

Scoparine. 

Spartium  scoparium. 

Thujine. 

Parties  vertes  du  Thuya  occi- 

de7îtalis. 
Feuilles  de  houx,  de  rue,  de 

lUxanthine  ou 

acide  ru~ 

ténique. 

sarrasin. 

Xanthine  des  fleurs. 

Fleurs  jaunes. 

Xan  théine. 

Fleurs  jaunes  de  dahlia. 

Phylioxanthine. 

Matière  jaune  contenue  dans  la 
matière  verte  des  feuilles. 

Xantholéine  ou 

jaune  de 

Glumes  du  sorgho  sucré. 

llUUv-  LlD. 

Jaune  de  carthame. 

Fleurs  de  carthame. 

Spiréine. 

Fleurs  d'ulmaire  (Spirœa  ul- 

Antirrhine. 

Crocoxanthine    (crocine, 
safranine,  polychroïte). 


Acide  lutéique. 
Chrysorhamnine. 
Xanthorhamnine. 
Xantinocarpine. 


maria). 
Fleurs  de  linaire  (Antirrhium 

linaria). 
Fleurs    de    safran    et   autres 

crocus,  fruits  du  Gardeiiia 

grandiflora^    du    Fabiana 

indica. 
Fleurs  de  VEuphorbia  cypa- 

rinia. 
Graines   vertes    de    Perse   et 

d'Avignon. 
Graines   brunes   de   Perse  et 

d'Avignon. 
Ecorce  et  fruits  verts  du  mapé 

de  Taïti. 
Principe  jaune  du  rocou. 
Suc  de  cachou. 
Résine  dite  gomme-gutte. 
Noix  de  galle. 
Purrlice  ou  jaune  indien. 


Orelline, 

Jaune  de  cachou. 
Jaune  de  gomme-gutte. 
Acide  lutéogallique. 
Acide     purrlîéique     ou 

cuxantique. 

Le  curcuma  (V.  ce  mot)  ou  safran  des  Indes  est  une 
plante  dont  les  tiges  souterraines  contiennent  une  matière 
colorante  jaune  à  laquelle  on  a  donné  le  nom  de  curcu- 
mille,  et  que  l'on  est  parvenu  à  obtenir  cristallisée  ;  sa 
formule  est  C^^II^^O^.  Cette  matière  a  tous  les  caractères 
d'une  résine  ;  elle  est  peu  soluble  dans  l'eau  bouillante, 
qu'elle  colore  cependant  en  jaune  ;  elle  est  très  soluble 
dans  l'alcool,  l'éther,  les  huiles  fixes  et  volatiles,  la  glycé- 
rine, l'acide  acétique.  Les  acides  concentrés  la  dissolvent 
en  la  faisant  virer  au  rouge  cramoisi  ;  les  alcalis  la  colo- 
rent en  rouge  brun,  ainsi  que  les  sels  de  plomb,  d'urane, 
l'acide  borique  et  le  borax.  Pour  obtenir  les  bains  de  tein- 
ture avec  le  curcuma,  on  fait  infuser  la  matière  dans  de 
Peau  rendue  alcaline.  On  en  fait  usage  pour  teindre  le 


—  61  ~  JAUNE 

papier,  le  bois,  le  cuir,  les  pommades,  certains  vernis, 
comme  couleur  de  fond  pour  les  dorures.  Le  principe  colo- 
rant du  curcuma  est  peu  solide  ;  il  se  fixe  mieux  sur  la 
laine  et  la  soie  que  sur  le  lin  et  le  coton.  Les  principales 
réactions  du  curcuma,  obtenues  avec  les  solutions  alcoo- 
liques, sont  les  suivantes  ;  les  alcalis,  l'eau  de  chaux  et 
les  sels  calcaires,  l'acide  borique  et  les  borates  le  font 
virer  au  rouge  brun  ;  le  sous-acétate  de  plomb  produit  un 
précipité  châtain  ;  l'azotate  de  plomb,  un  précipité  jaune 
clair  ;  l'azotate  d'argent  et  l'azotate  de  mercure,  un  préci- 
pité jaune  rougeâtre;  le  chlorure  d'étain,  un  précipité 
rouge  brun  ;  la  gélatine,  un  précipité  jaune  ;  le  chlorure 
et  le  sulfate  de  fer  rendent  la  liqueur  brune;  le  sel  marin 
et  le  sel  ammoniaque  brunissent  la  liqueur  et  produisent 
un  précipité  jaune. 

Le  quercitron  (V.  ce  mot)  ou  chêne  jaune  (Quercus 
tinctoria)  possède  une  ecorce  riche  en  tanin,  qui  contient, 
en  outre,  un  principe  colorant  rouge,  un  principe  brun  et 
une  matière  colorante  jaune  soluble  dans  l'eau,  le  querci- 
trin  ou  acide  quercitrique,  cristallisable  en  aiguilles  inco- 
lores, qui,  sous  l'action  de  Pair  ou  des  agents  oxydants, 
prennent  une  belle  couleur  jaune  ;  sous  l'action  de  l'acide 
sulfurique  étendu,  le  quercitrin  {C^*^W^O^^)  fixe  deux 
équivalents  d'eau  et  se  dédouble  en  glucose  et  en  une  nou- 
velle matière  colorante,  le  quercitréiii,  qui  se  présente  sous 
Paspect  d'une  poudre  jaune  citron,  avec  un  léger  reflet 
vert.  La  décoction  de  quercitron  est  rouge  orangé  brun  ; 
elle  se  trouble  rapidement  et  laisse  déposer  une  matière 
jaune  cristallisée  ;  à  la  longue,  elle  se  colore  en  rouge  brun 
et  se  prend  en  caillots.  Ses  principales  réactions  sont  :  les 
alcalis  solubles  foncent  la  couleur;  la  chaux  fonce  la  cou- 
leur et  produit  un  précipité  floconneux,  jaune  roux  ;  l'alun 
éclaircit  la  couleur  et  ne  forme  qu'un  léger  précipité  ;  le 
chlorure  d'étain  donne  un  précipité  roux  ;  le  bichlorure 
d'étain,  un  précipité  jaunâtre;  Pacétate  de  plomb  produit 
des  flocons  épais,  jaune  roux  ;  la  gélatine,  un  précipité 
floconneux  rougeâtre  ;  les  sels  de  fer  colorent  la  liqueur 
en  vert  et  précipitent  ensuite  des  flocons  d'un  brun  olive; 
les  acides  éclaircissent  la  liqueur  et  font  naître  des  flocons 
roux.  Le  quercitron  est  employé  pour  la  teinture  en 
jaune  du  coton  mordancé  à  l'alun  ou  au  sel  d'étain,  ra- 
rement pour  la  soie.  La  nuance  n'est  malheureusement  pas 
solide  et  passe  assez  rapidement  au  roux.  Ce  sont  les  fa- 
briques d'indiennes  qui  font  le  plus  grand  usage  du  quer- 
citron. 

Le  bois  jaune,  miirier  des  teinturiers,  bois  du  Brésil, 
est  fourni  par  le  3Iorus  tinctoria,  arbre  qui  croît  au 
Brésil,  au  Mexique  et  dans  les  Antilies.  Il  renferme  deux 
principes  colorants  capables  de  teindre  en  jaune  les  étoffes 
et  que  M.  Chevreul  a  nommé  morin  jaune  et  morin 
blanc  ;  Wagner  les  considère  comme  des  acides  et  les  dé- 
signe sous  le  nom  d'acide  morintannique  (morin  jaune) 
et  d'acide  morique  (morin  blanc)  ;  ils  sont  isomères.  La 
décoction  de  bois  jaune  est  légèrement  amère  et  astrin- 
gente ;  elle  n'a  pas  d'odeur  et  se  comporte  de  la  manière 
«vivante  avec  les  réactifs  :  les  alcalis  solubles  font  virer  la 
couleur  au  jaune  orangé  brun  verdâtre  ;  la  chaux  agit  de 
même  ;  les  acides  sulfurique,  azotique  et  oxalique  produi- 
sent un  léger  précipité  ;  Pacide  acétique  affaiblit  la  teinte 
et  éclaircit  la  liqueur  ;  le  sulfate  ferrique  colore  la  liqueur 
en  brun  olivâtre  et  y  détermine  un  précipité  noir  olive  ; 
l'alun  produit  un  précipité  jaune  serin  ;  le  sulfate  de  fer, 
un  précipité  vert  foncé;  le  chlorure  d'étain,  un  précipité 
jaune  ;  le  perchlorure  d'étain,  un  précipité  jaune  doré  ; 
Pacétate  de  plomb,  un  précipité  jaune  orangé  ;  Pacétate 
de  cuivre,  un  précipité  jaune  brun  ;  la  gélatine,  un  préci- 
pité floconneux,  jaune  orangé.  Le  bois  jaune  agit  en  tein- 
ture par  ses  deux  principes  colorants  qui  donnent  les 
mêmes  nuances  avec  les  mordants  d'alumine  et  de  fer  ;  on 
Pemploie  principalement  pour  teindre  la  laine  en  jaune  ou 
en  vert  avec  le  sulfate  d'indigo,  le  bleu  de  cuve.  Les  cou- 
leurs jaunes  sont  très  belles  ;  mais  elles  passent  peu  à  peu 
au  roux  sous  l'influence  de  Pair  et  de  la  chaleur 


JAUNE  -  e^2 

Le  fustet  ou  fustel  est  un  arbrisseau  nommé  par  les 
botanistes  Rhus  cotinus^  de  la  famille  du  sumac.  Il  croît 
dans  les  Antilles  et  dans  l'Europe  méridionale;  son  bois, 
utilisé  pour  la  teinture,  renferme  une  matière  colorante 
jaune,  une  matière  rouge  et  une  matière  brune.  M.  Clievreul 
a  donné  le  nom  de  fustine  au  principe  jaune,  qui  est  so- 
luble  dans  Teau,  dans  l'alcool  et  dans  l'éther.  La  solution 
de  bois  de  fustet  présente  les  réactions  suivantes  :  la  les- 
sive de  potasse,  d'eau  de  chaux  et  de  baryte,  l'ammoniaque 
la  font  passer  au  rouge  ;  la  chaux  et  la  baryte  y  produisent 
en  même  temps  un  précipité  ;  le  sel  d'étain  donne  un  pré- 
cipité floconneux  orangé  rougeâtre  ;  l'alun  affaiblit  la  cou- 
leur et  la  précipite  légèrement  ;  l'acétate  de  plomb  produit 
des  flocons  orangés  ;  le  chlorure  de  baryum  donne  des  flo- 
cons roux  verdâtres,  peu  solubles  dans  l'acide  azotique. 
Le  fustet  sert  en  teinture  pour  les  laines  ;  il  donne  des 
teintes  peu  solides.  Les  peaussiers  et  les  fabricants  d'in- 
diennes en  font  grand  usage. 

La  gaude  (Reseda  luteola)  fournit  une  belle  couleur 
jaune,  déjà  utilisée  dans  l'antiquité  comme  nous  l'appren- 
nent les  auteurs  anciens  et  particulièrement  Virgile.  On  la 
cultive  dans  le  midi  de  la  France  et  en  Normandie  ;  dans 
la  Thuringe,  la  Saxe,  le  Wurttemberg  et  l'Angleterre.  Le 
principe  actif  de  la  gaude  a  été  nommé  lutéoli7ie  par 
M.  Chevreul  qui  l'a  obtenu  cristallisé  en  aiguilles  trans- 
parentes, jaunâtres  ;  pur,  il  est  complètement  incolore,  et 
sa  coloration  est  due  à  une  oxydation  produite  par  l'oxygène 
de  l'air  ou  des  corps  oxydants.  La  décoction  de  gaude  est 
jaune  intense  et  laisse  déposer  des  flocons  bruns  olivâtres 
qui  sont  un  mélange  de  lutéoline  impure  et  d'oxyde  de  fer. 
La  décoction  filtrée  donne  les  réactions  suivantes  :  alcalis 
solubles:  font  virer  la  couleur  au  jaune  d'or  verdâtre; 
eau  de  chaux  :  fonce  la  couleur  ;  eau  de  baryte  :  précipité 
floconneux,  jaune  ;  alun  :  léger  précipité  jaune  ;  chlorure 
d'étain  et  acétate  de  plomb  :  précipité  jaune  abondant  ; 
sulfate  ferrique:  coloration  brun  olivâtre,  formation  d'un 
précipité  brun;  acétate  de  cuivre:  précipité  jaune  roux. 
La  gaude  donne  de  belles  teintes  jaunes  très  solides  ; 
elle  sert  à  préparer  une  laque  jaune  employée  en  peinture. 
Sous  le  nom  de  graines  jaunes,  on  comprend  les  baies 
d'un  certain  nombre  d'arbrisseaux  de  la  famille  des  Rham- 
nées,  tels  que  le  Rhamnus  infectorius^  le  Rhanmus 
amygdalinus,  le  Rhamnus  alcoides,  le  Rhamnus  saxa- 
tilis,  nommés  aussi  plus  communément  nerprun  des  tein- 
turiers. Ces  végétaux  croissent  dans  le  midi  de  la  France, 
en  Espagne,  en  Perse,  en  Turquie.  Dans  le  commerce,  on 
distingue  les  graines  jaunes  par  le  nom  de  leurs  pays  d'ori- 
gine ;  ainsi  on  trouve  les  graines  d'Avignon^  produites 
par  le  Rhamnus  infectorius;  les  graines  d'Espagne,  pro- 
duites par  le  Rhamnus  saxatilis;  les  graines  de  Morée, 
les  graines  de  Turquie,  les  graines  de  Perse.  Les  graines 
jaunes  renferment  deux  matières  colorantes  jaune  citron, 
que  M.  Leforta  nommé  rhamnigine  et  rhamnine;  ces 
principes  sont  isomères  et  ont  pour  formule  Ci2H^''0^.2H0. 
La  rhamnigine  est  soluble  dans  l'eau,  ce  qui  la  distingue 
de  la  rhamnine,  qui  est  fort  peu  soluble.  Les  caractères 
des  décoctions  des  graines  jaunes  sont  les  suivants  :  alcalis: 
virent  à  l'orangé  ;  acides  :  les  troublent  un  peu  ;  eau  de 
chaux  :  vire  au  jaune  verdâtre  ;  alun  :  affaiblit  la  couleur, 
sans  précipiter;  chlorure  d'étain:  afi'aiblit  la  couleur,  léger 
précipité.  La  couleur  obtenue  avec  ces  matières  est  d'un  beau 
jaune,  mais  peu  solide.  On  l'emploie  dans  les  fabriques 
d'indiennes  et  pour  colorer  les  liqueurs. 

Rocou,  Sous  le  nom  de  rocou,  on  désigne  une  matière 
tinctoriale  produite  par  la  pulpe  qui  entoure  la  graine  du 
rocouyer  {Bixa  orelana  ) ,  arbrisseau  qui  croît  dans 
l'Amérique  méridionale,  au  Mexique,  au  Brésil,  aux  An- 
tilles. Le  rocou  renferme  deux  principes  colorants  :  un 
principe  jaune,  l'or^//m^,  soluble  dans  l'alcool  et  dans  l'eau, 
peu  soluble  dans  l'éther  ;  un  principe  rouge,  la  bixine, 
soluble  dans  l'alcool  et  dans  l'éther,  en  rouge  orangé.  La 
dissolution  alcaline  de  rocou  présente  les  réactions  sui- 
vantes :  les  acides  produisent  un  précipité  orange,  soluble 


dans  un  excès  d'alcali,  en  jaune  pâle  ;  l'alun  donne  un 
précipité  orange  ;  le  sulfate  de  cuivre,  un  précipité  jaune 
brun  ;  le  chlorure  d'étain,  un  précipité  jaune  citron.  Le 
rocou  est  peu  e:;iployé  dans  la  teinture,  car  sa  couleur 
s'altère  à  l'air  ;  il  sert  surtout  pour  colorer  les  vernis  et  les 
matières  grasses. 

^  Safran.  Dans  le  commerce  et  dans  l'industrie  on  dé- 
signe sous  le  nom  de  safran  les  stigmates  de  la  fleur  du 
Crocus  sativus.  Le  safran  est  cultivé  principalement  en 
France,  dans  le  Gâtinais,  et  en  Espagne,  dans  l'Aragon  ;  le 
premier  est  le  plus  apprécié. 

Le  safran  renferme  une  matière  colorante  jaune,  la  sa- 
franine  ou  crocine,  qui  passe  au  bleu  et  au  lilas  sous  l'ac- 
tion de  l'acide  sulfuriqueet  au  vert  sous  l'action  de  l'acide 
azotique.  Le  safran  n'est  plus  guère  employé  que  pour  la 
coloration  des  bonbons  et  des  liqueurs. 

Racine  d'épine-vi7iette.  La  racine  de  l'épine-vinette 
{Rerberis  vulgaris)  renferme  dans  son  écorce  une  ma- 
tière colorante  jaune,  la  berbërine,  donnant  les  réactions 
suivantes  :  les  alcalis  la  font  virer  au  rouge  ;  les  acides 
affaiblissent  la  couleur  ;  l'alun,  les  sels  d'étam,  le  tartrate 
et  l'acétate  de  potasse,  lui  donnent  une  couleur  jaune  citron 
sans  former  de  précipité  sensible;  le  sulfate  de  cuivre  lui 
donne  une  nuance  vert  pré.  La  décoction  de  racine  d'épine- 
vinette  est  utihsée  pour  teindre  les  cuirs  et  quelques  étoffes. 

Jaune  de  rhubarbe  (V.  Chrysophanique  [Acide]). 

Jaunes  artificiels.  — •  Les  matières  colorantes  artifi- 
cielles jaunes  sont  excessivement  nombreuses.  Voici,  d'après 
les  tableaux  de  G.  Schultz  et  P.  Julius,  les  principales  et 
leurs  réactions. 

Acide  picrique.  Préparation  :  action  de  l'acide  azotique 
sur  le  phénol;  aspect  de  la  matière  :  cristaux  jaune  pâle,  so- 
lubles dans  l'eau,  à  froid,  plus  facilement  à  chaud;  solubles 
dans  l'alcool,  la  benzine,  etc.  ;  fondant  à  122%5;  saveur 
trèsamère.  Chauffés  avec  du  cyanure  de  potassium,  ils  se  co- 
lorent en  brun.  L'acide  picrique  colore  la  laine  ou  la  soie, 
en  bain  acide,  en  jaune. 

Jaune  Victoria.  Mélange  des  sels  alcalins  (sels  de  po- 
tasse ou  ammoniacaux)  du  dinitro-o-crésol  et  du  dinitro- 
p-crésol.  Préparation  :  action  de  l'acide  azotique  sur  un 
mélange  d'acide  o  et  p-crésolsulfonique  ou  sur  le  diazoto- 
luol.  Aspect  de  la  matière  :  poudre  jaune  rouge.  Le  sel  de 
potasse  décrépite  ;  le  sel  ammoniacal  brûle  sans  décrépiter. 
Soluble  dans  l'eau  en  jaune  orangé;  par  addition  d'acide 
chlorhydrique  à  la  solution  aqueuse,  la  solution  donne  un 
précipité  blanc  de  dinitro-crésol.  Par  addition  de  soude, 
aucun  changement  de  couleur;  les  sels  ammoniacaux  lais- 
sent dégager  de  l'ammoniaque.  Dans  l'acide  sulfurique 
concentré,  solution  jaune  faible.  La  matière  sert  à  colorer 
les  liqueurs,  etc.;  elle  colore  la  soie  et  la  laine  en  orangé. 
^  Jaune  de  Martius,  jaune  d'or,  jaune  de  naphtol. 
Sel  ammoniacal,  sel  sodique  ou  sel  de  "chaux  du  dinitro-a- 
naphtol.  Préparation  :  action  de  l'acide  nitrique  sur  l'a- 
naphtilamine,  sur  les  sels  de  l'a-diazonaphtaline  ou  sur 
l'acide  a-naphtolsulfonique,  ou  sur  l'acide  nitroso-a- 
naphtolsulfonique  ou  a-naphtoldisulfonique.  Aspt^.  "^  la 
matière  :  sel  de  soude  ou  sel  ammoniacal,  petits  cristaux 
jaune  orangé;  sel  de  chaux,  cristaux  rouge  jaune;  les  pre- 
miers sont  solubles  dans  l'eau;  le  sel  ammoniacal  est 
soluble  dans  l'eau  et  dans  l'alcool.  Le  sel  de  soude  dé- 
crépite ;  le  sel  ammoniacal  brûle.  L'acide  chlorhydrique 
produit  dans  la  solution  aqueuse  un  précipité  de  dinitro-a- 
naphtol  qui  fond  àl38«.  Le  jaune  de  Martius  teint  la  laine 
en  jaune,  en  bain  acide. 

Jaune  de  naphtol  S;  jaune  acide  S;  citronine  A. 
Sel  de  soude  ou  de  potasse  de  l'acide  dinitro-a-naphto- 
sulfonique.  Préparation  :  action  de  l'acide  nitrique  sur 
l'acide  a-naphtoltrisulfonique.  Aspect  de  la  matière  :  poudre 
jaune  orangé,  facilement  soluble  dans  l'eau.  La  lessive  de 
potasse  dans  les  solutions  même  étendues  donne  un  préci- 
pité floconneux.  Cette  matière  colorante  teint  la  laine  et 
la  soie,  en  jaune,  en  bain  acide. 
Jaune  brillant.  Sel  de  soude  de  Facide  dinitro-a-naph- 


tolmonosulfonique.  Préparation  :  action  de  Facide  azotique 
sur  l'acide  a~naphtoldisulfonique  ou  sur  l'acide  nitroso- 
a-naphtoidisulfonique.  Aspect  de  la  matière  :  poudre  jaune 
soluble  en  jaune  brun  dans  l'eau.  Par  addition  d'acide 
chlorhydrique  à  la  solution  aqueuse,  la  coloration  devient 
jaune  clair:  par  addition  de  soude,  on  obtient  un  précipité 
jaune  orangé,  soluble  à  chaud.  Dans  l'acide  sulfurique  con- 
eentré,  solution  jaune  faible.  Le  jaune  brillant  colore  la 
laine  et  la  soie  en  jaune,  en  bain  acide. 

Tartrazine.  Sel  de  soude  de  l'acide  diphényl-p-sulfo- 
nique-osazonedioxytartrique.  Préparation  :  action  de  l'acide 
phénylhydrazinemonosultbnique  sur  l'acide  dioxytar trique. 
Aspect  de  la  matière  :  belle  poudre  jaune  orangé,  soluble 
dans  Peau.  Par  addition  d'acide  chlorhydrique  à  la  solu- 
tion aqueuse,  aucun  changement  ;  par  addition  de  soude, 
coloration  rouge.  Solution  jaune  dans  l'acide  sulfurique 
concentré.  Teint  la  laine  en  jaune,  en  bain  acide. 

Jaune  d'aniline.  Chlorhydrate  d'amidoazobenzol.  Pré- 
paration :  diazoamidobenzol  chauffé  avec  du  chlorhydrate 
d'aniline  dans  une  solution  d'aniline.  Aspect  de  la  matière  : 
cristaux  bleu  métallique,  solubles  dans  l'eau  en  jaune,  so- 
lution brune  dans  l'acide  sulfurique,  devenant  rouge  lors- 
qu'on retend  dans  l'eau.  Le  jaune  d'aniline  ne  se  trouve 
plus  dans  le  commerce  comme  matière  colorante  ;  il  sert 
pour  la  préparation  du  jaune  acide  et  de  l'induline. 

Jaune  acide,  jaune  solide.  Mélange  du  sel  de  soude  de 
Pacide  amidoazobenzoidisulfonique  avec  un  peu  de  sel  de 
soude  de  l'acide  amidoazobenzoimonosulfonique.  Prépara- 
ration  :  action  de  l'acide  sulfurique  fumant  sur  le  chlorhy- 
drate d'amidoazobenzol.  Aspect  de  la  matière  :  poudre 
jaune,  soluble  dans  l'eau.  Coloration  orangée  par  addition 
d'acide  chlorhydrique  à  la  solution  aqueuse.  Solution  jaune 
brun  dans  l'acide  sulfurique  concentré.  La  solution  sulfu- 
rique étendue  d'eau  devient  jaune  orangé.  Le  jaune  acide 
teint  la  laine  et  la  soie  en  jaune,  en  bain  acide;  il  sert  pour 
la  préparation  des  matières  colorantes  diazoïques. 

Jaune  fin,  jaune  W.  Sel  de  soude  de  l'acide  amido- 
azotoluoldisulfonique.  Préparation:  action  de  l'acide  sulfu- 
rique fumant  sur  Famidoazotoluol.  Aspect  de  la  matière  : 
poudre  jaune  brun,  soluble  dans  l'eau  en  jaune.  Par  addi- 
tion d'acide  chlorhydrique  à  la  solution  aqueuse,  coloration 
rouge  fuchsine.  Solution  dans  l'acide  sulfurique  concentré, 
brun  jaune  ;  diluée  avec  de  l'eau,  rouge  fuchsine.  Teint  la 
laine  en  jaune  rougeâtre,  en  bain  acide. 

Soudan  G»  M-dioxyazobenzol,  aniline-azo-^-résorcine  ; 
combinaison  diazoïque  d'anihne  combinée  avec  la  résor- 
cine.  Aspect  de  la  matière  :  poudre  brune,  en  partie  soluble 
dans  l'eau  chaude,  en  jaune.  Par  addition  d'acide  chlorhy- 
drique à  la  solution  aqueuse,  précipité  brun  clair.  L'addi- 
tion de  soude  donne  une  hqueur  brun  clair.  Solution  jaune 
brun  dans  l'acide  sulfurique  concentré;  par  addition  d'eau, 
la  liqueur  précipite  en  brun  clair.  La  matière  colorante  est 
soluble  en  jaune  dans  l'alcool  ;  elle  sert  pour  colorer  les 
liqueurs,  les  matières  grasses,  etc. 

Jaune  d'alizarine  G.  G.  Acide  m-nitraniline-azosalicy- 
lique;  combinaison  diazoïque  de  m-nitraniline  avec  l'acide 
salicylique.  Aspect  de  la  matière  :  pâte  jaune,  insoluble 
dans  l'eau  ;  soluble  en  jaune  dans  l'alcool.  Par  addition  de 
soude  à  la  pâte,  coloration  jaune  orangé.  Solution  orangée 
dans  l'acide  sulfurique  concentrée,  donnant  un  précipité 
jaune  clair  par  addition  d'eau.  Cette  matière  colorante  teint 
la  laine  mordancée  au  chrome,  en  jaune. 

Jaune  de  résorcine,  tropéolvne  0,  tropëoline  i?, 
chrysoïne.  Sel  de  soude  de  l'acide  sulfanilique-azorésorcine, 
qui  s'obtient  par  la  combinaison  de  l'acide  sulfanilique 
avec  la  résorcine.  Aspect  de  la  matière  :  poudre  brune, 
soluble  dans  Peau  en  jaune  rougeâtre.  La  solution  aqueuse 
ne  subit  aucun  changement  par  addition  d'acide  chlorhy- 
drique ;  la  soude  la  fait  passer  au  brun  rougeâtre.  Solu- 
tion jaune  dans  l'acide  sulfurique  concentré,  qui  passe  au 
jaune  rougeâtre  par  addition  d'eau.  Le  jaune  de  résorcine 
teint  la  laine  en  jaune  rougeâtre,  en  bain  acide. 

Jaune  brillant  S.  Sel  de  soude  de  l'acide  sulfanilique- 


--  63  -  JAUNE 

azodiphénylaminsulfoné,  obtenu  en  sulfurant  l'orangé  IV. 
Aspect  de  la  matière  :  poudre  jaune  orangé,  soluble  dans 


1  eau  en  jaune.  La  solution  aqueuse  passe  au  rouge  violet 
par  addition  d'acide  chlorhydrique  et  par  addition  d'un  excès 
de  soude.  Le  jaune  brillant  se  dissout  en  rouge  bleu  dans 
l'acide  sulfurique  concentré  ;  cette  solution  devient  rouge 
fuchsine  par  addition  d'eau.  Cette  matière  colorante  teint 
la  soie  et  la  laine  en  jaune  en  bam  acide. 

Azoflavine,  jaune  indien.  Mélange  d'orangé  ae  di- 
phénylamine  nitré  et  de  nitrodiphénylamine  préparé  par 
l'action  de  l'acide  azotique  sur  l'orangé  de  diphénylamine. 
Aspect  de  la  matière  :  poudre  jaune  ocre,  peu  soluble  dans 
l'eau,  à  froid,  plus  soluble  à  chaud  ;  la  solution  est  jaune 
citron;  celle-ci,  additionnée  d'acide  chlorhydrique,  prend 
une  teinte  plus  intense  ;  elle  passe  au  brun  jaune  par  ad- 
dition de  soude.  Le  jaune  indien  est  soluble  en  rouge 
fuchsine  dans  l'acide  sulfurique  concentré  ;  cette  solution 
étendue  d'eau  devient  rouge  jaune  et  laisse  déposer  un 
précipité  brun  jaune.  Le  jaune  indien  teint  la  laine,  en 
bain  acide,  en  jaune. 

Jaune  brillant,  Tétrazostilbènedisulfophénate  de  so- 
dium, produit  par  la  combinaison  d'une  molécule  de  dia- 
midostilbène  avec  deux  molécules  de  phénol.  Aspect  de  la 
matière  :  poudre  brun  clair,  soluble  en  jaune  rouge  dans 
Peau.  La  solution  aqueuse  laisse  déposer  un  précipité  vio- 
let par  addition  d'acide  chlorhydrique;  l'acide  acétique 
étendu  lui  donne  une  teinte  plus  claire  ;  on  obtient  une 
coloration  rouge  jaune,  par  addition  de  soude.  La  solution 
dans  Pacide  sulfurique  concentré  est  violet  rouge  ;  étendue 
d'eau,  elle  laisse  déposer  un  précipité  violet.  Le  jaune 
brillant  teint  le  coton  en  jaune,  au  bain  de  savon. 

Jaune  de  Hesse,  Tétrazostilbènedisulfosalicylate  de 
sodium  obtenu  en  combinant  une  molécule  de  tétrazo- 
distilbène  avec  deux  molécules  d'acide  salicylique.  Aspect 
de  la  matière  :  poudre  jaune  d'ocre,  soluble  en  brun  dans 
l'eau.  La  solution  aqueuse  donne  un  précipité  noir,  par  ad- 
dition d'acide  chlorhydrique,  et  devient  rouge  cerise  par 
addition  de  soude.  La  solution  dans  Pacide  sulfurique  con- 
centré est  violet  rouge;  Peau  y  produit  un  précipité  noir. 
Le  jaune  de  Hesse  teint  la  laine  en  jaune,  au  bain  de 
savon. 

Jaune  Congo.  Tétrazodiphényl-phénol-sulfanilate  de 
sodium  résultant  de  la  combinaison  d'une  molécule  de  tétra- 
zodiphényle  avec  une  molécule  de  phénol  et  une  molécule 
de  sulfanilate  de  soude.  Aspect  de  la  matière  :  pâte  jaune 
brun,  soluble  dans  l'eau  en  jaune.  L'addition  d'acide  chlo 
rhydrique  à  la  solution  aqueuse  produit  un  précipité  brun; 
l'acide  acétique  étendu  donne  un  précipité  brun,  la  seconde 
une  coloration  brun  jaune.  La  solution  dans  l'acide  sul- 
furique est  brun  rouge,  et  précipite  en  brun  par  addition 
d'eau.  Le  jaune  teint  le  coton  en  jaune,  au  bain  de  savon. 

Chrysamine  G,  (V.  Flavophénine,  t.  XVII,  p.  582). 

Jaune^  de  carbazoL  Sel  de  soude  du  diamidocarbazol- 
diazo-salicylique-salicyle,  obtenu  en  combinant  une  molé- 
cule de  diamidocarbazol  avec  une  molécule  d'acide  salicy- 
lique. Aspect  de  la  matière  :  poudre  brun  soluble  en  brun 
jaune  dans  l'eau.  La  solution  aqueuse  précipite  en  brun 
par  addition  d'acide  chlorhydrique  et  prend  une  teinte  jaune 
orangé  par  addition  de  soude.  Soluble  en  violet  dans 
l'acide  sulfurique  concentré  ;  cette  solution  précipite  en 
brun  par  adddition  d'eau.  Le  jaune  de  carbazol  teint  le 
coton  non  mordancé  en  jaune,  en  bain  alcalin  bouillant. 

Jaune  d'alizarine  A,  Tryoxybenzophénone,  condensa- 
tion de  l'acide  benzoïque  ou  du  benzotrichloride  avec  le 
pyrogallol.  Aspect  de  la  matière  :  pâte  jaune  gris,  soluble 
dans  l'eau  bouillante.  La  solution  aqueuse  ne  subit  aucun 
changement  par  addition  d'acide  chlorhvdrique  ;  elle  de- 
vient rouge  sombre  et  se  transforme  rapidement  en  un 
produit  d'oxydation  vert,  par  addition  de  soude.  La  solu- 
tion dans  l'acide  sulfurique  est  verte  et  donne  un  précipité 
blanc  par  addition  d'eau.  Le  jaune  d'alizarine  A  teint  le 
coton  mordancé  à  l'alumine  en  jaune  d'or. 

Jaune  d'alizarine  C.  Gallacétophénone,  produit  par 


JAUNE 


—  64  — 


l'action  de  l'acide  acétique  cristallisable  et  du  chlorure  de 
zinc  sur  le  pyrogallol.  Aspect  de  la  matière  :  petits  feuillets 
jaunâtres  ou  blancs,  ou  pâte  jaunâtre,  peu  soluble  dans 
l'eau  froide,  facilement  dans  l'eau  chaude  ;  facilement  so- 
luble dans  l'alcool  ;  soluble  dans  la  lessive  de  soude  en 
brunâtre,  dans  l'acide  sulfurique  en  jaune  clair.  Le  jaune  C 
teint  la  laine  mordancée  au  chrome  et  le  coton  mordancé 
à  l'alumine  en  jaune.  Ch.  Girard. 

Jaune  de  cobalt  (V.  Cobalt). 

Jaune  mars  (V.  Brun,  t.  VIIÏ,  p.  233). 

II.  Pathologie.  —  Fièvre  jaune.  —  La  fièvre  jaune, 
encore  appelée  typhus  ictérode  ou  typhus  amaril  ou  ty- 
phus d  Amérique ^\q>  vomito  negro  des  Espagnols,  est  une 
maladie  infectieuse  endémo-épidémique,  qui  a  pour  foyer 
principal  le  golfe  du  Mexique.  On  en  trouve  les  premières 
traces  au  xv®  siècle.  Christophe  Colomb,  en  débarquant  à 
Saint-Domingue,  en  1493,  y  perdit  de  cette  maladie  la  plus 
grande  partie  de  son  équipage.  D'abord  cantonnée  sur  le 
littoral  du  golfe  et  aux  grandes  Antilles,  elle  s'est  répandue 
sur  la  côte  orientale,  puis  sur  la  côte  occidentale  de  l'Amé- 
rique, et  a  créé  des  foyers  secondantes  sur  la  côte  occiden- 
tale d'Afrique  (Sierra  Leone,  Sénégal).  Au  début  du 
xviii®  siècle,  elle  atteignit  New  York  ;  depuis,  elle  a  été 
amenée  à  plusieurs  reprises  dans  les  ports  européens  (Lis- 
bonne, Cadix,  Carthagène,  etc.  ;  Saint-Nazaire,  Brest, 
Southampton,  Falmouth,  Svs^ansea).  Par  les  voies  commer- 
ciales rapides,  elle  a  gagné  même  les  parties  élevées  du 
continent  américain.  Mais  elle  est  restée  toujours  circons- 
crite entre  44<>  lat.  N.  en  Amérique,  51^  lat.  N.  en  Eu- 
rope, 35^  lat.  S.  en  Amérique,  9°  lat.  S.  en  Afrique.  Elle 
n'a  jamais  été  vue  ni  dans  les  Indes  orientales,  ni  en  Chine. 
Elle  règne  principalement  dans  la  région  intertropicale  et 
présente  la  plus  grande  mortalité  de  mai  à  août. 

En  moyenne,  l'incubation  est  de  trois  à  six  jours,  mais 
dans  les  cas  extrêmes  elle  peut  être  de  vingt-quatre  heures 
à  plusieurs  mois  ;  en  cela  elle  se  rapproche  de  la  malaria. 
On  la  considère,  du  reste,  souvent  comme  une  forme  de 
fièvre  pernicieuse  intermittente  ou  récurrente,  ce  que  ten- 
drait à  prouver  l'immunité  des  individus  atteints  une  pre- 
mière fois.  Son  origine  miasmatique  ne  parait  pas  douteuse  ; 
on  l'observe  souvent  en  même  temps  que  les  fièvres  pa- 
lustres. Elle  fait  toujours  plus  de  victimes  dans  les  parties 
basses,  les  plus  malsaines,  des  villes,  en  particulier  des 
ports  de  mer.  Les  grands  vents  et  les  pluies  froides  l'ar- 
rêtent. Plusieurs  auteurs  ont  cru  avoir  découvert  un  mi- 
crobe spécifique  de  la  fièvre  jaune.  De  Lacerda  [C.  Pi. 
Acad.  des  se,  Paris,  4887)  décrit  une  bactérie  ovoïde 
formant  des  chaînettes  ou  torulas  ramifiées  (Fungus  febris 
flavœ),  dont  la  germination  coïnciderait  avec  les  épidémies 
de  fièvre  jaune.  Des  expériences  ont  été  faites  au  Mexique 
par  Carmona  y  Valle,  puis  par  Doraingos  Freire  au  Brésil  ; 
tous  deux  ont  fait  des  cultures  avec  un  coccus  trouvé  dans 
le  sang  et  se  sont  servis  du  virus  atténué  par  des  cultures 
successives  pour  faire  des  inoculations  préventives.  Après 
ces  inoculations,  supportées  même  par  les  petits  enfants, 
on  observe,  d'après  Freire,  delà  fièvre,  de  la  douleur  orbi- 
taire,  des  vomissements  et  un  ictère  léger  ;  tout  est  fini 
au  bout  de  deux  à  trois  jours  et  alors  l'immunité  est  à  peu 
près  complète  ;  Domingos  Freire  a  observé  dans  l'épidémie 
de  Rio  de  Janeiro  de  1885-86  une  mortalité  de  1  «/o  chez 
les  personnes  non  vaccinées,  de  1  p.  1000  chez  les  vacci- 
nées. D'après  une  statistique  plus  complète  du  même  au- 
teur, embrassant  la  période  de  1883  à  1890,  la  mortalité 
des  vaccinés  serait  de  4  p.  1000.  Freire  admet  la  sécrétion 
par  son  coccus  d'une  ptomaïne  très  toxique,  Alvarado  la 
production  de  phosphate  acide  de  soude  toxique  aux  dépens 
de  la  Iccithine.  Tous  ces  résultats  sont  encore  fortement  con- 
testés. La  réceptivité  pour  la  fièvre  jaune  est  variable  ;  elle 
est  transmissible  au  fœtus.  Elle  frappe  de  préférence  les 
étrangers  et  semble  épargner  les  nègres  ;  il  y  a  peut-être  là 
une  question  de  régime,  les  nègres  étant  plus  végétariens  que 
les  blancs  ;  il  paraîtrait  que  les  nègres  qui  suivent  le  même 
régime  que  les  blancs  seraient  atteints  comme  eux  (Maurel). 


Autopsie,  A  l'autopsie,  on  constate  la  teinte  ictérique 
du  tégument,  un  état  congestif  de  presque  tous  les  viscères 
qui  peut  aller  jusqu'à  l'extravasation  sanguine,  en  parti- 
culier dans  les  poumons  et  l'estomac,  enfin  une  dégéné- 
rescence graisseuse  du  cœur  et  de  l'aorte,  et  des  capillaires 
de  presque  tous  les  organes,  ainsi  que  du  foie  ;  la  dégéné- 
rescence graisseuse  du  foie  et  des  autres  viscères  rappelle 
celle  qu'on  observe  dans  l'intoxication  par  le  phosphore  et 
l'arsenic  et  dans  d'autres  maladies  infectieuses.  Le  rein, 
brunâtre,  est  le  siège  d'une  desquamation  épithéliale  ;  l'urine 
renferme  de  l'albumine.  La  rate  est  rarement  tuméfiée,  ce 
qui  distingue  nettement  la  fièvre  jaune  de  la  malaria. 

Symptômes.  La  fièvre  jaune  présente  deux  périodes 
principales,  une  période  fébrile  très  accusée  et  une  période 
de  dépression  physique  et  psychique  qui  se  termine  quel- 
quefois par  une  nouvelle  phase  fébrile  à  type  typhoïdique. 
La  première  période,  caractérisée  par  une  température  très 
élevée  et  l'accélération  du  pouls,  dure  de  trente-six  à  cent 
cinquante  heures  ;  la  deuxième  période,  qui  peut  être  beau- 
coup plus  longue,  est  caractérisée  par  la  lenteur  et  l'inter- 
mittence du  pouls,  l'ictère,  l'anurie,  l'albuminurie,  la 
diminution  de  la  plasticité  du  sang,  les  congestions  capil- 
laires, les  hémorragies  passives  des  muqueuses  et  les  vo- 
missements noirs,  parfois  par  des  convulsions,  du  délire 
et  du  coma.  Examinons  de  plus  près  quelques-uns  de  ces 
symptômes. 

La  fièvre  jaune  s'annonce  généralement  par  de  la  cépha- 
lalgie et  de  la  rachialgie  {coup  de  barre),  de  l'inappétence, 
des  nausées  et  des  vomissements  ;  puis  viennent  des  fris- 
sons suivis  d'une  chaleur  fébrile  qui  fait  monter  le  ther- 
momètre à  39^o-42'>  C.  et  au  delà;  la  température  des 
organes  internes  peut  atteindre  44°  C.  Du  troisième  au 
cinquième  jour,  la  température  s'abaisse  pour  se  relever 
peu  après  dans  les  cas  mortels.  Le  pouls  présente  quelque- 
fois une  allure  anormale  qui  contraste  avec  l'état  fébrile 
et  qui  est  due  probablement  à  l'action  sur  le  cœur  d'une 
toxine  spéciale  ;  ce  caractère,  quand  il  existe,  distingue  bien 
la  fièvre  jaune  de  la  malaria.  Le  rein  est  pris  de  bonne 
heure;  il  se  congestionne,  devient  le  siège  d'une  desqua- 
mation épithéliale  et  laisse  passer  l'albumine  dans  l'urine 
dès  les  premiers  jours  (du  deuxième  au  cinquième)  ;  cette 
albuminurie  persiste  souvent  longtemps,  même  après  la 
guérison.  A  la  période  aiguè,  la  perte  d'albumine  peut  être 
de  30  gr.  par  jour,  ce  qui  correspond  presque  aux  albu- 
minoides  d'une  livre  de  sang.  L'albuminurie  a  pour  cause 
principale  l'altération  chimique  du  sang  par  le  principe 
toxique  qu'il  renferme.  Il  se  coagule  difficilement  ;  les  ma- 
tières extractiyes  s'y  accumulent:  urée,  carbonate  d'ammo- 
niaque, etc.,  ainsi  que  les  produits  delà  sécrétion  biliaire; 
les  globules  deviennent  inaptes  à  fixer  l'oxygène.  L'excré- 
tion d'urée  par  l'urine  peut  atteindre  64  gr.  par  jour  ; 
une  autre  portion  s'excrète  par  les  muqueuses  gastrique  et 
intestinale  qu'elle  irrite.  Les  vomissements  noirs  de  cette 
période  sont  dus  précisément  à  cette  irritation  de  la  mu- 
queuse gastrique.  L'urémie  est  considérablement  augmentée 
par  l'anurie  qui  survient  à  un  moment  donné  et  qui  est  la 
conséquence  de  la  surcharge  graisseuse  du  rein.  Dans  ce 
cas,  la  mort  est  certaine,  et  il  n'est  pas  étonnant  qu'elle 
soit  alors  précédée  de  convulsions,  de  délire  et  de  coma. 
Signalons  encore  les  infections  secondaires  qui  peuvent 
compliquer  cette  maladie,  telles  que  :  abcès,  parotidite, 
paraplégie,  néphrite,  gangrènes  locales,  etc. 

Marche.  La  fièvre  jaune  est  de  durée  très  variable  ;  dans 
les  cas  légers ,  tout  est  fini  après  la  période  fébrile  du 
début.  Dans  les  cas  graves,  la  mort  peut  survenir  au  bout 
de  deux  à  trois  jours  ;  lorsque  la  température  axillaire 
atteint  43^,5,  le  pronostic  est  mortel.  La  mort  peut  encore 
survenir  par  hémorragie,  par  urémie,  par  afî"aiblissement 
générai,  par  abcès  métastatique,  etc.  En  général,  il  est  rare 
que  la  deuxième  période  se  termine  par  la  guérison.  Quoi 
qu'il  en  soit,  la  convalescence  peut  être  rapide,  comme 
elle  peut  être  très  prolongée.  Un  écart  de  régime  peut 
déterminer  une  rechute. 


65  — 


JAUNE  -  JAURÉGUIBERRY 


Traitement  et  prophylaxie.  Il  n'existe  pas  de  traite- 
ment spécifique  de  la  fièvre  jaune.  On  se  borne  à  donner 
un  purgatif  léger  et  un  vomitif  au  début  :  on  combat  la 
fièvre  par  l'aconit,  la  varaire,  le  gelsemium,  les  injections 
glacées  dans  le  rectum,  Falcool,  etc.;  la  quinine  n'a  ^uère 
d'action  que  comme  tonique  du  cœur  ;  contre  les  vomisse- 
ments, on  donne  des  pilules  de  glace  et  on  met  une  vessie 
de  glace  sur  l'épigastre;  enfin,  on  active  par  tous  les 
moyens  appropriés  les  fonctions  de  la  peau  et  des  reins. 
Comme  mesures  hygiéniques,  on  favorise  la  ventilation,  on 
désinfecte  les  selles  et  on  change  et  désinfecte  souvent  la 
literie.  Il  y  a  toujours  lieu  de  tonifier  et  de  nourrir  le  ma- 
lade ;  mais  le  régime  doit  être  léger  en  même  temps  que 
fortifiant  ;  de  même  dans  la  convalescence.  Quant  à  la  pro- 
phylaxie, on  met  en  quarantaine  les  navires  suspects  et  on 
les  désinfecte  ainsi  que  la  cargaison.  D'^  L.  Hn. 

III.  Géographie.  —  Fleuve  Jaune  (V.  Hoâng-ho). 

Mer  Jaune  (V.  Asie,  t.  IV,  p.  94). 

BiBL.  :  Pathologik.  —  Carmona  y  Valle,  Leçons  sur 
Véiiologie  et  la  prophylaxie  de  la  fièvre  jaune  ;  Mexico, 
1885,  in-8.  —  Domingos  FRp:iRr':,  Statistique  des  vaccina- 
tions^ etc.;  Berlin,  1891,  in-8.  —  J.-B.  de  Lacerda,  0 
Microbio  pathogenico  da  febre  amarella;  Rio  de  Janeiro, 
18'J3,  in-8. 

J  AU  N  EAU  (Bot.).  Nom  vulgaire  du  RammciUus acris L. 
(V.  Renoncule)  et  du  Ficaria  ranunciiloides  L.  (V.  Fi- 
caire). 

JAUNISSE.  I.  Pathologie  (V.  Ictère). 

IL  Viticulture  (V.  Chlorose). 

JAUR  (Le).  Uivière  du  dép.  de  VHérault  (V.  ce  mot, 
t.  .XIX,  p.  1141). 

JAURE.  Corn,  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr,  de  Péri- 
gueux,  cant.  de  Saint-Astier;  353  hab. 

JÂUREGUI  (Juan),  fanatique  espagnol,  né  à  Bilbao 
vers  io57  ou  1562,  mort  à  Anvers  le  18  mars  1582.  Il 
était  employé  chez  un  banquier  espagnol  d'Anvers,  Anastro, 
quand  il  conçut  le  projet  de  tuer  Guillaume  d'Orange,  sur- 
nommé le  Taciturne,  «  ayant  esté  presché  et  persuadé  par 
quelques-uns,  ou  plustost  charmé  et  ensorcelle  »,  dit  Bran- 
tôme. Suivant  Pierre  de  L'Estoile,  un  jésuite  lui  aurait 
affirmé  qu'il  occuperait  au  ciel,  où  l'emporteraient  les 
anges,  un  siège  auprès  de  Jésus-Christ,  au-dessous  du  trône 
où  siégeait  la  Vierge  Marie,  s'il  délivrait  l'Eglise  d'un  prince 
hérétique  et  vengeait  Philippe  II.  Jduregui  se  présenta 
devant  Guillaume  d'Orange  pendant  un  festin,  le  suivit 
hors  de  la  salle  et  lui  tira  un  coup  de  pistolet  dans  l'an- 
tichambre, comme  il  contemplait  une  tapisserie  avec  divers 
seigneurs  français  et  flamands.  Deux  balles  traversèrent 
les  joues  du  prince  de  part  en  part,  sans  atteindre  la 
langue,  mais  l'arme,  trop  fortement  chargée,  fit  explosion, 
enlevant  au  meurtrier  le  pouce  de  la  main  droite.  Malgré 
cette  blessure,  il  saisit  un  poignard  dont  il  était  muni,  et 
se  précipitait  vers  sa  victime  quand  les  gentilshommes 
présents  le  massacrèrent  sur  la  place  avec  leurs  dagues  et 
leurs  épées.  Le  sire  de  Bonnivet  le  frappa  le  premier. 
Jâuregui,  paraît-il,  comptait  qu'un  miracle  le  rendrait  invi- 
sible, «  ce  qui  fust  cause  qu'il  entreprist  ce  coup  ».  Un 
serviteur  d' Anastro,  Antonio  Venero,  et  un  dominicain, 
Antonin  Timmermann,  accusés  d'être  ses  complices,  périrent 
sur  l'échafaud .  Timmermann  fut  plus  tard  mis  au  nombre 
des  martyrs  de  son  ordre.  Le  peuple  soupçonna  d'abord  le 
duc  d'Anjou  d'avoir  poussé  l'assassin  ;  il  courut  aux  armes 
en  tumulte  et  faillit  massacrer  les  Français.  On  sut  ensuite 
que  Jâuregui  était  Espagnol  et  l'émeute  se  calma.  Deux 
ans  après  cette  tentative,  un  émule  du  Basque  illuminé, 
Balthazar  Gérard,  tuait  le  prince  d'Orange  à  Dclft,  le 
10  juil.  Lucien  Dollfus. 

JÂUREGUI  Y  Aguilâr  (Juan  de),  poète  et  peintre  espa- 
gnol, né  à  Séville  aux.  environs  de  1570,  mort  à  Madrid 
en  1640  ou  1641.  Sa  famille  était  originaire  de  Biscaye, 
Dans  sa  jeunesse,  Jâuregui  partit  pour  l'Italie  et  étudia 
le  dessin  et  la  peinture  à  Rome,  d'après  l'antique  et  les 
maîtres  italiens.  Suivant  Pacheco,  il  excellait  surtout  dans 
le  portrait.  Jâuregui  fit  les  illustrations  du  livre  du  jésuite 
grande  encyclopédie.  —  XXI. 


Luis  Alcâzar  :  Investigatio  arcani  sensus  in  Apocalypsï 
(Anvers,  1619,  in-fol.).  «  Elles  représentent  les  princi- 
pales visions  qu'eut  l'Evangéhste  saint  Jean,  pleines  de 
figures  d'hommes  et  d'animaux,  grandement  dessinées  en 
la  manière  florentine.  »  (Cean  Bérmudez.)  C'est  à  Rome 
qu'il  traduisit  en  vers  castillans  VAminta  de  Torquato 
Tasse  (1607).  Cette  traduction,  devenue  classique,  est 
un  chef-d'œuvre  par  la  fidélité  de  la  version  et  la  magis- 
trale élégance  du  style.  Le  poète  ne  cessait  d'ailleurs  de 
la  corriger,  souvent,  du  reste,  sans  l'améliorer.  Il  en  donna 
une  seconde  édition,  entièrement  modifiée,  accompagnée 
de  poésies  lyriques  (Rimas;  Séville,  1618).  De  retour  en 
Espagne,  et  avant  1613,  Jâuregui  peignit  un  remarquable 
portrait  de  Cervantes  avec  lequel  il  était  lié.  L'auteur  de 
Don  Quichotte  en  parle  élogieusement  dans  le  prologue 
de  ses  Nouvelles.  Cette  toile  n'est  point  parvenue  jusqu'à 
nous.  Jâuregui  s'établit  à  ^Madrid,  fut  nommé  chevalier  de 
Calatrava  et  grand  écuyer  de  la  première  femme  de  Phi- 
lippe IV,  Isabelle  de  Bourbon.  Quoique  hostile  au  cultisme 
contre  lequel  il  écrivit  même  une  satire  :  Discurso  poético 
contra  el  hablar  culto  y  estilo  oscui^o,  il  finit  par  en 
subir  l'influence,  notamment  dans  son  poème  d'Orfeo 
(1624),  admirable  parfois,  et  plus  encore  dans  une  imita- 
tion de  la  Pharsale  de  Lucain,  en  octaves  sonores  et  gon- 
gori(|ues,  publiée  seulement  en  1684.  Parmi  les  œuvres 
originales  de  Jâuregui,  on  peut  citer  quelques  bons  sonnets, 
une  ode  sur  la  mort  de  la  reine  Marguerite  et  V  Aventura 
amorosa.  poème  exquis,  tout  imprégné  de  renaissance 
italienne.  VAminta  a  été  réimprimée  dans  le  Parnaso 
de  Sedano  et  dans  celui  de  Quintana.  Cette  dernière  col- 
lection donne,  outre  de  longs  extraits  de  VOrfeo,  la  bataille 
navale  de  César  devant  Marseille  librement  traduite  d'après 
Lucain.  Lope  de  Vega  fait  l'éloge  du  peintre-poète  en  un 
sonnet  dans  lequel  il  loue  le  fondu  parfait  de  ses  ombres 
et  le  tableau  de  Judith  qu'il  égale  à  l'admirable  traduction 
deVAminta.  Lucien  Dollfus. 

JAURÉGUIBERRY  (Jean-Bernard), amiral  français,  né  à 
Bayonne  le  26  août  1815,  mort  à  Paris  le  21  oct.  1887. 
Admis  à  l'école  navale  en  1850,  aspirant  le  15  oct.  1832, 
enseigne  le  10  févr.  1839,  il  prit  part  en  cette  qualité  aux 
expéditions  du  Parana  et  de  l'Uruguay,  à  la  suite  des- 
quelles il  devint  lieutenant  de  vaisseau  (23  déc.  1845).  Il 
servit  ensuite  en  Crimée  où  il  se  distingua  à  l'attaque  de 
Kinburn,  puis  en  Cochinchine  où  lors  de  la  conquête  il 
dirigea  d'importantes  opérations  (prise  de  Tourane,  défense 
de  Saigon,  prise  des  forts  de  Ki-hoa),  enfin  en  Chine  où, 
après  le  bombardement  des  fortifications  du  Pei-ho,  il  prit 
le  commandement  des  marins  débarqués  et  entra  à  leur 
tête  dans  Pékin.  Dans  l'intervalle  il  était  devenu  capitaine 
de  frégate  (29  nov.  1856),  puis  capitaine  de  vaisseau 
(11  juil.  1860).  Revenu  en  France  avec  ce  dernier  grade 
à  l'issue  de  la  campagne  de  Chine,  il  alla  gouverner  le 
Sénégal  jusqu'en  1863.  On  l'employa  alors  dans  les  ports 
et  à  l'escadre  d'évolutions  où  il  se  fit  remarquer  comme 
officier  extrêmement  vigoureux.  Il  y  commandait  la  Re- 
vaiiche,  quand  le  24  mai  1869  il  fut  nommé  contre- 
amiral.  L'année  suivante,  au  moment  où  la  guerre  éclata 
avec  l'Allemagne,  il  était  major-général  de  la  flotte  à 
Toulon.  Nommé  aussitôt  à  un  commandement  en  sous-ordre 
dans  l'escadre  de  l'amiral  Fourichon,il  participa  à  l'inutile 
campagne  de  cette  escadre  dans  la  mer  du  Nord  ;  puis, 
quand  la  marine  fut  appelée  à  concourir  à  la  défense  du 
territoire  envahi,  il  reçut  la  mission  d'organiser  la  défense 
des  lignes  de  Carentan.  Peu  après  il  passait  à  l'armée  de 
la  Loire  pour  y  commander,  sous  Chanzy,  la  1^«  divi- 
sion du  16«  corps  (3  nov.  1870).  Le  surlendemain  de 
son  arrivée,  ce  marin  improvisé  général  assistait  à  la 
bataille  de  Coulmiers  et  pour  ses  débuts  à  la  tête  d'une 
troupe  de  terre  décidait  la  victoire  (6  nov.).  Il  se  distin- 
gua de  nouveau  aux  combats  de  Villepion  et  de  Patay 
(l*^''-2  déc),  ce  qui  lui  valut  simultanément  le  grade  de 
vice-amiral  (6  déc.)  et  le  commandement  en  chef  du  16^ 
corps,  que  Chanzy  abandonnait  pour  prendre  la  direction 

5 


JÂUREGUIBERRY  —  JAURÈS 


—  66 


suprême  de  la  2 «  armée  de  la  Loire.  Chanzy  n'eut  pas  de 
meilleur  lieutenant.  Durant  les  pénibles  opérations  qui  se 
terminèrent  par  le  désastre  du  Mans,  le  corps  de  Jauré- 
guiberry  fut  toujours  en  première  ligne  les  jours  de 
Bataille,  à  l'arrière-garde  les  jours  de  retraite.  Il  était 
comme  le  noyau  de  cette  malheureuse  armée  ;  il  y  main- 
tenait seul  un  peu  de  cohésion.  Après  la  bataille  du  Mans, 
et  quoiqu'il  y  eût  supporté  le  principal  effort  de  l'ennemi 
(10-12  janv.  1871),  ce  fut  encore  lui  qui  protégea  la 
marche  rétrograde  sur  Laval  (combats  de  Chassillé  et  de 
Saint-Jean-sur-Evre  (14  et  15  janv.).  Dans  ces  circons- 
tances extraordinaires,  son  chef  s'était  montré  à  la  hauteur 
de  toutes  les  tâches. 

La  paix  conclue,  Jauréguiberry  fut  nommé  préfet  maritime 
à  Toulon  (29  mai  1871),  poste  qu'il  occupa  jusqu'au  13  sept. 
1873.  Il  exerça  ensuite  successivement  les  fonctions  de  vice- 
président  du  conseil  d'amirauté  (1875-76),  do  comman- 
dant en  chef  de  l'escadre  d'évolutions  (1876-77)  et  de 
président  du  conseil  des  travaux  (1877-79).  Enfin  le 
4  févr.  1879  il  fut  appelé  à  faire  partie  du  cabinet  Wad- 
dington  en  qualité  de  ministre  de  la  marine.  Elu  bientôt 
après  sénateur  inamovible  (27  mai),  il  se  consacra  tout 
entier  à  partir  de  ce  moment  à  la  vie  politique.  Son  âge 
l'éloignait  en  effet  du  service  actif,  bien  qu'il  eût  été 
maintenu  dans  la  1^^  section  du  cadre  des  officiers  géné- 
raux comme  ayant  commandé  en  chef  devant  l'ennenn.  Le 
23  sept.  1880  il  résigna  son  portefeuille,  mais  il  le  reprit 
dans  le  deuxième  cabinet  Freycinet  (30  janv.  1882),  et  le 
garda  jusqu'au  21  févr.  1883.  Ch.  Grândjean. 

JAURE6UY  Y  Jaureguy  (Gaspar),  àhEl  Paslor,  gué- 
rillero espagnol,  né  à  Villareal  vers  1780,  mort  à  Vittoria 
en  déc.  1844.  C'était  un  berger  qui  forma  une  guérilla 
contre  les  Français,  leur  infligea  des  pertes  sérieuses  en 
Biscaye,  où  il  opérait  do  concert  avec  Acedo.  Promu  briga- 
dier par  Ferdinand  YII,  il  reprit  les  armes  contre  les  Fran- 
çais en  1820.  Chassé  d'Espagne,  il  y  rentra  à  la  mort  de 
Ferdinand  Vil  et  fut  promu  major  général. 

JAURÈS  (Constant-LoLiis-Jean-Benjamin),  amiral  fran- 
çais, né  à  Paris  le  3  févr.  1823,  mort  à  Paris  le  13  mars 
1889.  Admisà  l'Ecole  navale  en  1839,  aspirant  le  1^^  sept. 
1841,  enseigne  le  l^*'  nov,  1845,  lieutenant  de  vaisseau 
le  8  mai  1850,  il  fit  dans  ces  divers  grades,  de  1841 
à  1853,  une  série  de  campagnes  dans  le  Pacifique,  les  mers 
du  Sud  et  le  Levant.  Il  servit  ensuite  de  1854  à  1855  à 
Fescadre  de  la  mer  Noire  pendant  l'expédition  de  Crimée, 
puis  en  1859  à  Fescadre  de  l'Adriatique  durant  la  guerre 
d'Italie,  enfin  de  1860  à  1861  à  l'escadre  d'iîlxtrème-Orient 
avec  laquelle  il  prit  part  aux  opérations  contre  la  Chine  et 
l'Annam.  Sa  conduite  lors  de  la  conquête  de  la  Cochin- 
chine  lui  valut  alors  le  grade  do  capitaine  de  frégate 
(26  août  1861).  De  retour  en  France,  il  fut  employé  dans 
\Qi  ports  et  au  ministère,  puis  aprèsune  nouvelle  campagne 
dans  le  Levant  nommé  capitaine  de  vaisseau  (22  mai  1869). 
Sur  ces  entrefaites  éclata  la  guerre  avec  l'Allemagne.  Jaurès 
reçut  aussitôt  le  commandement  de  Vlléroïne  dans  Fes- 
cadre de  l'amiral  Fourichon  et  participa  avec  ce  navire  à  la 
croisière  de  la  mer  du  Nord.  iVÎcis  l'esca  Iro  ayant  été  dis- 
loquée en  septembre,  il  se  vit  rappelé  à  terre  et  désigné  pour 
servir  comme  chef  d'état-major  auprès  de  l'amiral  Jauré- 
guiberry, chargé  de  mettre  en  état  de  défense  les  lignes 
dô  Carentan.  C'était  un  emploi  bien  nouveau  pour  lui.  11 
y  fit  preuve  d'une  telle  activité  cfue  Gambetta  ne  voulut 
point  le  laisser  dans  un  poste  aussi  secondaire.  Le  10  nov. 
1870,  Jaurès  était  appelé  au  commandement  de  la  subdi- 
vision de  Maine-et-Loire;  le  18,  il  devenait  général  de 
brigade  à  titre  auxiliaire  ;  le  20,  il  était  promu  général  de 
division.  En  même  temps,  il  recevait  la  mission  d'orga- 
niser le  21®  corps  d'armée.  (Quelques  jours  lui  suffirent 
pour  rassembler  45,000  hommes,  avec  lesquels  il  se  porta 
vers  la  forêt  de  Marchenoir,  au  secours  de  Chanzy  vive- 
ment pressé  par  Frédéric-Charles.  Ses  troupes,  à  peine 
armées  et  manquant  de  tout,  firent  néanmoins  une  hono- 
rable contenance  à  Lorges,  Josnes,  Fréteval,  Bloret,  Mont-  I 


fort,  Savigné  et  au  Mans.  A  la  suite  de  cette  dernière 
affaire,  Jaurès  fut  promu  général  de  division  à  titre  défi- 
nitif. La  paix  faite,  il  demanda  vainement  à  passer  dans 
l'armée  de  terre.  On  le  rétablit  purement  et  simplement 
sur  les  contrôles  de  la  marine  comme  capitaine  de  vais- 
seau, mais  le  16  oct.  1871  il  reçut  en  dédoiumagement 
les  étoiles  de  contre-amiral.  (^)uelques  mois  auparavant,  il 
avait  été  élu  par  le  Tarn  à  FAssemblée  nationale.  Il  y  prit 
place  au  centre  gauche  et  se  consacra  pendant  toute  la  législa- 
ture à  ses  devoirs  parlementaires.  Devenu  en  mars  1876 
sénateur  inamovible,  il  rechercha  des  emplois  plus  actifs. 
Après  avoir  obtenu  en  1877  un  commandement  en  sous- 
ordre  dans  l'escadre  d'évolutions,  il  fut  nommé  le  11  déc. 
1878  à  Fambassade  de  Madrid,  qu'il  échangea  le  i6  févr. 
1882  contre  celle  de  Pétersbourg.  Dans  "^l'intervalle,  \[ 
avait  été  promu  vice-amiral  (31  oct.  1878).  Rappelé  de 
Russie  en  1883,  il  fut  mis  à  la  tèfe  de  l'escadre  dYH'olu- 
tions  (23  oct.)  ;  après  ((uoi  il  reprit  son  siège  au  Sénat  vers 
la  fin  de  1884.  Le  22  févr.  1889,  il  entrait  dans  le  cabinet 
Tirard  comme  ministre  de  la  marine,  en  remplacement  de 
l'amiral  Krautz.  Mais  moins  d'un  mois  après,  il  était  em- 
porté par  une  attaque  d'apopiexie.         Ch.  Grândjean. 

JAURÈS  (Jean),  honnne  politique,  professeur  et  phi- 
losophe, né  à  Castres  (Tarn)  le  3  sepi.  1859.  H  fit  toutes 
ses  études  au  collège  de  sa  ville  natale,  puis,  à  dix-sept 
ans,  vint  les  compléter  à  Paris,  connue  élève  de  Sainte- 
Barbe  suivant  les  cours  du  lycée  Louis-le-Grand.  Reçu  à 
l'Fcole  normale  avec  le  a**  l,en  1878,  il  en  sortit  agrégé 
de  philosophie  en  1881,  et  enseigna  la  philosophie  deux  ans 
au  lycée  d'Albi,  puis  deux  ans  comme  maître  de  confé- 
rences à  la  faculté  des  lettres  de  Toulouse.  En  1885,  il 
fut  nommé  député  par  le  dép.  du  Tarn.  Durant  cette  légis- 
lature, il  siégea  sur  les  bancs  de  la  gauche  et  prit 
part  à  plusieurs  débats,  où  il  montra  déjà  ses  dons  ora- 
toires, mais  sans  les  mettre  encore  au  service  ni  d'un 
parti  ni  d'une  cause  bien  déterminée.  Non  réélu  en  1889, 
il  rentra  à  la  faculté  de  Toulouse  comme  chargé  d'un  cours 
complémentaire.  Le  succès  de  ce  cours  le  fit  presque  aus- 
sitôt nommer  conseiller  municipal  de  cette  ville  et  il  fut 
trois  ans  adjoint  au  maire  pour  l'instruction  publique.  En 
cette  ([ualilé,  il  porta  la  parole  avec  éclat  lors  de  la  récep- 
tion du  président  de  la  République,  en  mai  1891.  Il  con- 
courut à  la  création  de  la  faculté  de  médecine  de  Toulouse 
et  remit  à  l'Etat  au  nom  de  la  ville  les  bâtiments  neufs  de 
la  faculté  de  médecine  et  de  la  faculté  des  lettres.  Entre 
temps,  il  préparait  ses  thèses  de  doctorat  :  De  Primis  So- 
cialismi  Ger maniai  lineamentis  apiid  Liitherum, 
liant,  Fichte  et  Hegel  (Paris,  1891,  in-8),  et  De  la  Réa- 
lité du  monde  sensible  (1891,  in-8). 

Aux  élections  générales  d'août  1893,  il  fut  de  nouveau 
élu  député,  par  la  deuxième  circonscription  d'Albi,  sur 
un  programme  résolument  socialiste.  Les  ouvriers  de 
la  région  minière  du  Tarn  récompensaient  de  leurs 
votes  l'appui  moral  que  M.  Jaurès  n'avait  cessé  de 
leur  prêter  durant  la  longue  et  mémorable  grève  de  Car- 
maux,  soit  par  sa  présence  même  et  son  ardente  parole, 
soit  par  la  plume  dans  la  Dépêche  de  Toulouse.  Les  grèves 
du  Nord,  aussitôt  après  les  élections,  lui  donnèrent  l'occa- 
sion de  prendre  de  plus  en  plus  la  tète  du  mouvement  so- 
cialiste, et,  dès  la  rentrée  du  Parlement,  une  interpellation 
retentissante  sur  les  grèves  acheva  de  le  mettre  en  relief 
comme  chef  du  groupe  socialiste  à  la  Chambre,  surtout 
comme  l'orateur  de  ce  groupe.  L'éloquence  de  M.  Jaurès  a 
ceci  de  particulier,  qu'elle  est  à  la  fois  vibrante,  colorée, 
sonore,  en  un  mot  essentiellement  populaire,  —ses  adver- 
saires disent  méridionale,  —  et  châtiée,  pure,  harmonieuse, 
du  meilleur  aloi  littéraire.  Personne  n'est  plus  écouté 
que  lui,  même  de  ceux  que  choquent  ses  opinions.  Sa  doc- 
trine repose-t-elle  sur  une  science  suffisamment  sûre  des 
faits  sociaux?  Beaucoup  en  doutent,  et  les  économistes  le 
nient;  mais  tous  ceux  qui  connaissent  M.  Jaurès  s'accordent 
à  dire  qu'elle  traduit  un  état  de  conscience  où  les  calculs  de 
l'intérêt  et  les  préoccupations  personnelles  n'entrent  pour 


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JAURÈS  —  JAVA 


rien,  disparaissent  dans  les  élans  sincères  d'un  idéalisme 
panthéistique,  dont  témoignent  ses  écrits  philosophiques  et 
qui  a  gardé  quelque  chose  de  la  ferveur  chrétienne  de  son 
enfance.  H.  M. 

J  AU  SI  ERS.  Com.  du  dép.  des  Basses-Alpes,  arr.  et  cant. 
de  Barcelonnette,  sur  la  rive  droite  de  TUbaye  ;  i,58B  hab. 
Fabrique  de  draps  ;  mouiinage  et  dévidage  de  soie.  Gypse 
et  schiste  ardoisier.  Ruines  d'une  ancienne  forteresse  arabe. 

JAUX.  Com.  du  dép.  de  FOise,  arr.  et  cant.  de  Com- 
piégne  ;  719  hab. 

JAUZÉ.  Com.  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  de  Mamers, 
cant.  de  Bonnétable  ;  291  hab. 

JAVA.  Généralités.  —  Grande  île  de  l'archipel  malais, 
colonie  hollandaise. 

Situation,  Limites,  Superficie.  —  L'Ile  de  Java  est  une 
des  îles  de  la  Sonde,  la  quatrième  pour  l'étendue  (après 
Bornéo,  Sumatra,  Célèbes),  mais  la  première  pour  la  po- 
pulation et  la  richesse.  Elle  est  placée  entre  l'océan  Indien 
au  S.,  la  mer  de  Java  qui  la  sépare  de  Bornéo  au  N.,  le 
détroit  de  Bali  qui  la  sépare  de  Bali  à  l'E.,  le  détroit  de 
la  Sonde  qui  la  sépare  de  Sumatra  à  l'O.  Elle  est  comprise 
entre  5^52'  et  8''  W  lat.  S.,  '102«  5o^  et  il2«  'U^ong.  E. 
Elle  s'allonge  de  l'O.  à  l'E.  sur  une  longueur  de  4 ,000  kil.  ; 
sa  largeur  varie  de  75  à  195  kil.  entre  Djokjakar ta  au  S.  et 
le  cap  Bœgel  au  N.  Elle  a  une  superficie  de  131,733  kil.  q. 
en  y  comprenant  les  îlots  voisins  et  Tîle  de  Madoura 
(5,286  kil.  q.)  qui  s'y  rattache. 

Géographie  physique.  —  La  côte  septentrionale  est 
basse,  plate,  précédée  d'îlots  nombreux,  creusée  d'anses 
peu  profondes  ;  l'ancre  mord  aisément  sur  la  vase  du  fond  ; 
elle  renferme  plusieurs  bons  mouillages  et  a  une  importance 
prépondérante  au  point  de  vue  conim  rcial.  La  côte  méri- 
dionale est  abrupte  et  d'accès  diiïicile,  avec  deux  ports 
seulement.  Les  principaux  accidents  du  littoral  sont  à 
partir  du  détroit  de  la  Sonde  :  la  rade  d'Andjer,  puis  au 
N.  le  cap  Saint-Nicolas,  les  rades  de  Bantam,  de  Batavia, 
de  Tjiassem,  d'Iudramayou,  deChéiibon,  de  Samarang  (obs- 
truée par  une  barre),  de  Djavana,  de  Bembang  et  la  belle 
baie  de  Sourabaya ,  derrière  l'ile  Madoura;  à  LE.,  la 
profonde  baie  de  Pampang  ;  au  S.  les  baies  de  Wijnkoops 
(Balabouna  Rouna)  et  Duck  de  Vries;  à  l'O.,  la  pointe 
Eerste,  les  baies  Meeuwen  (des  Mouettes),  derrière  l'ile  du 
Prince,  Welkomst  et  Peper  (du  Poivre).  Les  principaux 
îlots  voisins  de  Java  sont  :  à  PO.,  Pile  du  Prince,  celles  de 
Krakatoa  effondrée  en  1883,  de  Dwars-in-den-Weg  ;  Soun- 
gian  et  Merack  ;  auN.,  les  îles  Pandjang,  Bali  (ou  Tounda), 
Lanjang  (ouKombouis),  Ontong-Java,  Boompjes,  Karimon, 
Bavian,  Rahas;  au  S.,  les  îles  Barung,  Kambangan  avec 
ses  grottes  vénérées,  etc. 

Java  est  très  montueux,  surtout  à  l'O.  et  au  centre.  Le 
long  du  rivage  septentrional  s'étend  une  large  plaine  d'al- 
luvions  ;  au  S.  de  celle-ci  se  dressent  les  montagnes,  offrant 
d'admirables  paysages  très  variés  et  embellis  par  la  végé- 
tation tropicale.  Cette  région  montagneuse  est  formée  de 
calcaires  tertiaires  percés  d'un  grand  nombre  de  volcans 
éteints  ou  en  activité.  Les  massifs,  les  calcaires  forment  au 
S.  une  muraille  qui  n'est  interrompue  qu'en  peu  d'endroits 
par  des  dépressions  (baie  Wijnkoops,  extrémité  orientale); 
on  les  appelle,  dans  la  partie  orientale  GunongKidul,  mont 
du  Sud.  Dans  la  région  septentrionale  de  Java,  les  montagnes 
sont  généralement  isolées,  sauf  dans  la  chaîne  de  Pandang. 
Les  massifs  trachytiques,  porphyriques  et  les  volcans  en- 
core actifs  constituent  les  plus  hautes  montagnes  de  l'île  et 
en  déterminent  la  physionomie.  Ils  sont  tantôt  isolés,  tan- 
tôt groupés,  séparés  par  des  cols  et  des  plaines  d'altitude 
variable,  dont  leurs  déjections  ont  recouvert  le  sol.  Jung- 
huhn  a  compté  45  volcans.  Deux  groupes  principaux  se 
rencontrent:  l'un  à  PC,  comprenant  14  cratères,  l'autre  à 
l'E.,  renfermant  le  point  culminant  de  l'ile.  Nous  résumons, 
d'après  Laugel,  la  description  de  Junghuhn.  On  rencontre 
d'abord  à  60  kil.  S.  de  Batavia  le  Saîak  (2,000  m.),  puis 
vers  PE.,  le  Ghedek  surmonté  de  trois  cônes  (3,030  m.), 
le  Tikoraï  (2,808  m.),  le  Papandayang,  près  de  la  côte  S., 


dominant  la  fameuse  Vallée  de  la  Mort  jonchée  d'osse- 
ments d'animaux  asphyxiés  par  ses  exhalaisons  d'acide  car- 
bonique; à  l'E.,  le  Galoungoung,  terrible  par  la  fréquence 
de  ses  éruptions  ;  entre  celui-ci  et  le  Gountour  (1,982  m.) 
au  N.,  également  actif,  dort  au  fond  d'un  cratère  de 
2,000  ra.  de  tour  le  lac  Blanc  (Telaga  Rodas)  aux  eaux 
blanchies  par  l'alun  et  le  soufre  ;  plus  loin  le  Slamat  ou 
Gédé  (;i,427m.)  dont  les  deux  cratères  fument  sans  cesse, 
le  plateau  de  Dieng  (1,850  m.),  le  Soumbing  (3,328  m.), 
le  Merbabou  (3, 106  m.),  le  Merapi  (2,860  m.)  encore  ac- 
tifs; plus  à  l'E.,  le  Lawou  (3,236  m.),  le  Walisang 
(3,367  m.),  le  Kawi  (2,920  m.),  l'Ardjouno  (3,333  m.), 
leBromo  ou  Tanggher  (2,577  m.),  éteint  aujourd'hui  avec 
son  cirque  de  25  kil.  de  tour  et  de  2,000  m.  d'alt.  Sur 
ses  pentes,  on  récolte  le  meilleur  tabac  de  Java  ;  le  Sme- 
rou  est  le  plus  haut  de  tous  (3,666  m.).  «  L'île  entière 
est  pour  ainsi  dire  criblée  de  passages  par  lesquels  les  va- 
peurs souterraines  peuvent  se  dégager;  aussi  la  pression 
de  ces  vapeurs  ne  devient  jamais  assez  forte  pour  amener 
jusqu'à  la  bouche  des  volcans  des  laves  en  fusion  qui 
puissent  s'écouler  par  les  cratères  ou  par  des  fissures  ou- 
vertes dans  le  flanc  de  la  montagne.  On  ne  trouve  actuel- 
lement dans  Java  aucune  coulée  de  cette  nature  comparable 
à  celles  du  Vésuve,  de  l'Etna  et  des  volcans  de  l'Islande. 
Les  volcans  n'y  rejettent,  avec  une  quantité  incroyable  de 
vapeur  d'eau  et  de  vapeurs  acides,  que  des  débris  fragmen- 
taires et  des  cendres.  C'est  sans  doute  parce  que  les  appa- 
reils volcaniques  sont  si  rapprochés  qu'à  Java  les  tremble- 
ments de  terre  sont  purement  locaux.  »  Ils  sont  fréqnents, 
mais  sans  rapport  avec  les  éruptions  volcaniques  ;  sur 
143  catalogués  par  Junghuhn,  109  se  sont  produits  tout  à 
fait  isolément.  Les  volcans  les  plus  dangereux  sont  le  Ga- 
loungoung, le  Gountour  et  le  Merapi  ;  le  plus  actif  est  le 
Lamongan.  Les  lacs  sulfureux  sont  assez  nombreux  au 
fond  d'anciens  cratères  ;  de  même  les  solfatares,  les  vol- 
cans de  boue,  les  moffettes.  Les  plus  fameux  cataclysmes 
furent  l'efiondrement  du  Ringghit  (1556),  qui  fit  périr 
10,000  personnes;  l'éruption  du  Papandayang  en  1772 
(3,000  morts),  celle  du  Galoungoung  en  1822(4,000  morts, 
115  villages  détruits),  le  tremblement  de  terre  de  1867  et 
surtout  l'engloutissement  du  Krakatoa  (V.  ce  mot)  qui 
fit  périr  plus  de  50,000  Javanais.  Les  principales  plaines 
sont  celles  de  Bandong  à  PO.,  Sourakarta  au  centre,  Ma- 
diyoun,  Kediri,  Malang  à  PE. 

L'humidité  de  Patmosphère  explique  l'abondance  des  cours 
d'eau.  Ils  n'ont  pas  grand  développement  et  ne  sont  guère 
navigables,  mais  Pîle  est  admirablement  arrosée.  La  chaîne 
méridionale  ne  laisse  de  place  aux  vallées  que  du  côté  N. 
Le  principal  fleuve  est  le  Bengawan,  descendu  du  Merapi, 
qui  coule  vers  PE.,  passe  à  Sourakarta  et  finit  en  face  de 
l'île  de  Madoura  ;  il  a  260  kil.  de  long  et  se  grossit  du 
Madioun.  Il  faut  encore  citer  :  le  Brantas  qui  naît  à  PO. 
du  Smerou,  traverse  la  plaine  de  Malang,  Kediri  et  finit 
près  de  Sourabaya  ;  le  Taroun  près  de  Batavia  ;  le  Manok 
dans  le  Lunbagan  ;  sur  le  versant  méridional  on  peut  nom- 
mer le  Tandoui,  le  Progo  et  le  Serayou.  Il  n'y  a  pas  de  lac 
considérable.  On  compte  plus  de  80  sources  minérales, 
généralement  sulfureuses  ;  plusieurs  renferment  de  l'iode, 
du  pétrole,  etc. 

Le  climat  est  tropical,  mais  la  différence  d'altitude  y 
introduit  une  grande  variété.  Le  trait  fondamental  est 
l'alternance  régulière  de  la  saison  des  pluies  et  de  la  saison 
sèche,  suivant  le  régime  des  moussons.  La  saison  pluvieuse 
dure  de  novembre  à  avril  ;  les  pluies  sont  amenées  par  la 
mousson  d'O.  et  du  N.-O.  qui  commence  vers  la  fin  d'oc- 
tobre ;  elles  débutent  par  de  terribles  orages  et  s'abattent 
en  véritables  trombes  durant  les  mois  de  janvier  et  février. 
La  saison  sèche  dure  de  mai  à  octobre  et  est  soumise  au 
régime  des  vents  du  S.  et  du  S.-E.  ;  les  pluies  et  orages  y 
sont  rares  et  de  faible  importance  ;  le  mois  d'août  est  le 
plus  sec.  La  saison  humide  est  la  plus  agréable  et  la  plus 
saine  à  cause  de  la  moindre  chaleur  et  de  la  pureté  de 
l'air  ;  durant  la  saison  sèche,  on  souffre  de  la  chaleur,  des 


JAVA  —  6S 

vents  desséchants  et  du  malaise  de  la  végétation  ;  les  ma- 
ladies y  sont  beaucoup  plus  fréquentes,  mais  il  n'y  a 
d'époque  réellement  insalubre  que  celle  du  changement  des 
moussons.  La  température  décroît  naturellement  avec  l'al- 
titude ;  on  distingue  quatre  zones.  La  zone  inférieure  ou 
torride  de  la  mer,  à  650  m.  d'alt.,  a  une  température 
moyenne  annuelle  de  27^,5  ;  dans  la  plaine  maritime,  de 
23*^  vers  600  m.  d'alt.  ;  à  Batavia,  la  température  est  à 
peu  près  constante  (+  25°  à  +  26^)  ;  il  n'y  a  guère  plus 
d'un  degré  de  différence  entre  la  moyenne  du  mois  le  plus 
chaud  (mai)  et  celle  du  plus  froid  (janvier)  ;  la  plus  haute 
température  n'atteint  pas  +  34^^,  la  plus  basse  ne  descend 
pas  au-dessous  de  -|-  d9^.  La  chute  d'eau  annuelle  dépasse 
2  m.  La  température  est  plus  élevée  à  Samarang  qu'à  Ba- 
tavia; la  moyenne  est  de  -j-  28°  à  Buitenzog  ;  un  peu  plus 
haut,  elle  est  de  +  25°.  L'alternance  des  moussons  et  celle 
des  brises  de  terre  et  de  mer  est  régulière  dans  la  zone 
torride  :  c'est  aussi  dans  celle-là  que  sévissent  les  miasmes 
paludéens.  —  La  zone  moyenne  ou  tempérée  s'étend  de 
650  m.  à  1,450  m.,  et  la  température  moyenne  y  décroît 
avec  l'altitude  depuis  +  23°  jusqu'à  + 18°.  Les  hautes 
plaines  de  Preang  sont  la  région  type  pour  cette  zone  ; 
leur  température  moyenne  est  un  peu  supérieure  à  +  20°. 
Les  changements  de  saisons  sont  moins  marqués  que  dans 
la  plaine.  —  La  troisième  zone  est  celle  des  nuages,  qu'on 
appelle  aussi  zone  fraîche  ;  on  y  comprend  les  pays  situés 
entre  4,450  m.  et  2,400  m.,  notamment  le  plateau  de 
Dieng;  la  température  décroît  de  + 18°  à  +  '13°  ;  à  Dieng 
elle  est  de  +  15°.  Cette  zone  est  baignée  par  les  nuages 
qui  l'enveloppent  d'un  épais  brouillard  et  y  déposent  une 
abondante  humidité  ;  le  vent  du  S.-E.  y  souffle  d'un  bout 
à  l'autre  de  l'année.  — Au-dessus  s'étend  la  zone  des  hauts 
sommets  ou  zone  froide,  où  la  moyenne  varie  de  -h  13°  à 
4-  8°  ;  la  température  peut  s'abaisser  au-dessous  de  zéro 
sur  les  sommets  déboisés,  à  cause  du  rayonnement  noc- 
turne, mais  il  ne  neige  jamais.  La  pluie  est  très  rare,  les 
nuages  s'élevant  rarement  jusqu'à  cette  zone. 

La  splendeur  de  la  végétation  tropicale  s'étale  aussi  bien 
sur  les  pentes  des  volcans  que  dans  les  plaines  alluviales  ; 
elle  recouvre  tout  jusqu'aux  pointes  extrêmes.  «  Le  navi- 
gateur qui  côtoie  le  rivage  de  Java,  écrit  Temminck,  a  sous 
les  yeux  les  palmiers  aux  cimes  élevées  qui  bordent  la 
côte  dans  presque  toute  son  étendue  ;  derrière  ces  parasols 
de  verdure,  le  sol  de  la  plaine  monte  par  un  plan  douce- 
ment incliné  jusqu'au  pied  de  la  chaîne  de  montagnes  dont 
est  couronné  le  centre  de  l'île.  Ces  campagnes  sont  parfai- 
tement cultivées  et  embellies  de  jolis  villages,  où  les  mai- 
sons, construites  en  bambous  et  en  rotang,  sont  entourées 
d'une  haie  et  ombragées  de  bouquets  d'arbres  fruitiers 
étalant  leur  sombre  verdure.  Ces  teintes  présentent  un 
agréable  contraste  avec  la  végétation  vive  et  gaie  des  vastes 
champs  de  riz  distribués  en  amphithéâtre  sur  le  flanc  des 
collines  ;  de  celles-ci  s'échappent  par  intervalles  des  cours 
d'eau  et  des  cascades,  auxquels  les  terres  doivent  leur 
surprenante  fécondité.  »  Aucun  pays  du  monde  n'offre,  sur 
une  surface  aussi  restreinte,  une  plus  grande  exubérance 
de  vie  végétale  ou  animale. 

Flore  et  Faune.  —  La  flore  et  la  faune  de  Java  sont 
extrêmement  riches.  On  peut,  au  point  de  vue  de  la  végé- 
tation, distinguer  des  étages  successifs  correspondant  à  peu 
près  aux  quatre  zones  climatériques.  La  première,  de  0  à 
400  m.  d'alt.,  est  celle  de  la  plaine  côtière  avec  ses  vastes 
champs  de  riz,  de  mais,  de  canne  à  sucre,  de  cannelliers, 
les  bananiers,  le  poivre  et  la  vanille,  les  njagnifiques  fleurs 
qui  rémaillent  ;  elle  est  caractérisée  par  les  palmiers,  le 
musa  (pisang),  les  arums,  les  aramantacées,  les  euphor- 
biacées,  les  légumineuses.  Au-dessus  de  400  m.  commence 
la  région  des  tiguiers  qui  dominent  dans  les  forêts  vierges, 
les  bambous,  les  orchidées,  les  méliées  y  pullulent  ;  les 
palmiers  et  les  légumineuses  sont  de  moins  en  moins 
nombreux  à  mesure  qu'on  s'élève.  On  peut  signaler  le 
koundang,  figuier  sauvage,  dont  le  suc  fournit  une  cire 
blanche  ;  le  manguier,  dont  les  fruits  nourrissent  les  indi- 


gènes. En  s'élevant  un  peu,  on  rencontre  les  rasamalas 
(Liquidambar  Altingiana),  aux  troncs  droits  et  blancs, 
de  45  m.  de  haut,  des  acacias,  des  fougères  arborescentes, 
des  lianes;  dans  cette  zone,  on  cultive  le  caféier  et  aussi 
l'arbre  à  thé.  Dans  la  zone  tempérée,  on  trouve,  outre  les 
plantes  que  nous  venons  d'énuinérer,  les  mélastomacées, 
lorenthacées,  nepenthes  ;  au  centre  de  l'île,  les  angring 
(Parasponia  parviflora)  ;  à  l'E.  les  forêts  de  tchemoros 
(CasuarinaJunghukniana)  sont  caractéristiques  ;  les  cul- 
tures du  cinchona  et  du  tabac  réussissent  bien  de  500  à 
1,000  m.  ;  de  même  le  mais,  les  légumes  et  les  arbres 
fruitiers  d'Europe,  le  palmier  areng.  Ils  cessent,  ainsi  que 
les  figuiers,  vers  1,600  m.;  les  rasamalas  deviennent 
rares;  ils  sont  remplacés  par  les  chênes,  les  tecks  {Tectona 
grandis),  les  lauriers,  les  érables,  les  châtaigniers,  les 
sourens  (Cedrela  febrifuga),  les  agathisantes,  arbres 
géants,  au  pied  desquels  se  pressent  des  rhododendrons, 
des  azalées,  des  rubiacées,  des  Calamus  parmi  lesquels 
le  rotang  ;  le  sol  est  revêtu  de  mousses  et  de  fougères  ;  les 
orchidées  sont  encore  nombreuses;  sur  les  hauts  plateaux 
sont  quelques  marais  et  des  prairies.  A  partir  de  2,000  m. 
la  végétation  s'appauvrit,  la  taille  des  arbres  diminue  pro- 
gressivement jusqu'aux  dimensions  de  simples  buissons; 
les  tecks  se  trouvent  encore,  ainsi  que  des  fougères  arbo- 
rescentes, de  10  à  15  m.  de  haut,  quelques  conifères,  des 
rhododendrons,  des  myrtes,  des  sureaux,  des  berbéris,  des 
acacias,  des  chèvrefeuilles,  des  rubiacées;  la  végétation 
se  rapproche  de  celle  de  l'Europe  ;  les  fleurs  de  renoncules, 
pensées,  pâquerettes,  tapissent  le  sol  ;  les  plantes  caracté- 
ristiques sont  les  éricacées  (Agapetes)  et  les  Gnaphalium 
ligneux  qui  montent  à  plus  de  3,000  m.  ;  il  est  difficile 
de  savoir  si  les  plantes  européennes  {Plantago  major, 
Souchus  oleraceus,  Artemisia  vulgaris^  Rumex  cris- 
pus,  Stellaria  média,  Solanum  nigrum,  etc.)  ont  été 
nnportées  accidentellement  par  les  Européens  ou  sont  venues 
par  l'Asie  ;  dans  cette  zone  supérieure  ou  froide,  on  cul- 
tive comme  en  Europe  les  oignons,  les  pommes  de  terre,  etc. 
La  faune  est  très  riche,  comme  la  flore.  Java  possède 
une  centaine  de  mammifères,  dont  plusieurs  lui  sont  parti- 
culiers et  d'autres  communs  avec  Sumatra  et  Bornéo  ;  on 
compte  six  espèces  de  singes  ;  les  plus  abondants  sont  le 
loutoung  (Semnopitliecus  maurus),  le  monyet  (Cerco- 
pithecus  cynomolgus)  et  le  wauwau  [Xylobates  leu- 
ciscus).  Les  chauves-souris  sont  extrêmement  nombreuses 
dans  les  cavernes,  et  on  utilise  leurs  excréments  pour  en 
tirer  du  nitrate.  Il  existe  seize  espèces  de  rongeurs,  sur- 
tout des  écureuils,  un  porc-épic  {Acanthica  jauanica)  et 
un  lièvre  (Lepus  nigricoUis).  Le  chien  sauvage  {Canis 
rutilans)  vit  dans  les  forêts  du  S.  ;  le  tigre  royal,  la  pan- 
thère, le  léopard,  le  chat  sauvage  {Felis  minuta)  sont 
abondants,  de  même  le  chiii-i\gre(Linsang  gracilis).  Les 
sangliers  elles  rhinocéros  bicornes  {Rhinocéros  sundaicus) 
sont  nombreux  jusque  sur  les  sommets  où  les  sentiers 
qu'ils  frayent  sont  souvent  utilisés.  L'île  possède,  surtout 
àl'O.,  plusieurs  espèces  de  cerfs,  un  bœuf  sauvage  (Bos 
sundaicus)  et  un  buffle.  Citons  encore  un  Galeopithecus, 
voisin  des  insectivores  et  qui  vole  à  l'aide  d'une  membrane 
tendue  entre  ses  membres,  et  le  teladou  (Mydans  meli- 
ceps),  intermédiaire  entre  le  blaireau  et  le  putois.  Java  n'a 
ni  tapirs  ni  éléphants,  abondants  pourtant  à  Sumatra.  Le 
chameau,  l'âne,  le  cheval  n'existent  qu'à  l'état  domestique; 
le  chameau,  amené  d'Arabie,  a  rapetissé  ;  le  porc  chinois, 
la  chèvre,  le  bœuf  européen  prospèrent.  Les  oiseaux  sont 
très  nombreux  et  très  beaux  ;  leur  nombre  décroît  avec 
l'altitude  ;  on  n'en  rencontre  pas  sur  les  sommets  ;  en  re- 
vanche, les  oiseaux  chanteurs  ne  se  trouvent  que  dans  la 
montagne.  Il  faut  indiquer  une  quantité  de  perroquets 
propres  à  l'île,  le  kakatoès  blanc  à  aigrette  jaune,  le  lori 
rouge,  des  pies,  des  buceros,  des  alcedos,  des  pigeons,  la 
Fringilla  oryziuora,  qui  se  nourrit  de  riz  ;  la  Gracula 
religiosa,  la  Muscipa  cantatrix,  le  Fatco  peregrinus, 
venu  d'Europe  ;  l'aigle  blanc,  la  célèbre  hirondelle  salan- 
gane [Collocallia  esculenta)  dont  les  nids  sont  si  appré- 


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JAVA 


ciés  en  Chine  ;  on  les  récolte  trois  fois  par  an  dans  les 
cavernes  et  les  crevasses  des  falaises  du  rivage  (surtout  à 
Rangkop  etKorang-Bolong)etdans  celles  des  montagnes  ; 
indiquons  encore  deux  espèces  de  paons,  plusieurs  espèces 
de  coqs  sauvages,  dont  le  bankiva,  ancêtre  de  notre  coq 
de  basse-cour  ;  le  casoar  casqué  (Casuarius  galeatiis). 
Les  oiseaux  de  basse-cour  d'Europe  ont  été  acclimatés;  on 
peut  chasser  dans  les  bois  et  marais  les  faisans,  les  grèbes, 
les  bécassines,  les  canards,  les  oies,  les  cailles,  etc.  Les 
reptiles  sont  extrêmement  abondants  :  les  tortues,  mais 
aussi  les  crocodiles,  les  lézards,  les  grenouilles,  les  dra- 
gons (lézard  volant),  les  caméléons,  iguanes,  geckos  et 
par-dessus  tout  les  serpents,  dont  un  tiers  des  espèces  sont 
venimeuses  :  le  python  améthyste  {outar  saiva)^  couleuvre 
de  dO  m.  de  long,  et  le  naja  ou  serpent  à  lunettes  sont 
particulièrement  à  craindre.  On  doit  compter  un  millier 
d'espèces  de  poissons  ;  insectes  et  mollusques  sont  aussi 
en  quantité  et  variété  prodigieuse. 

Ethnographie.  —  La  population  indigène  appartient 
à  la  race  malaise,  au  groupe  occidental  de  cette  race.  Elle 
se  divise  en  deux  peuples  distincts  par  leur  aspect  phy- 
sique et  leur  langage  :  à  TE.,  les  Javanais  proprement  dits 
forment  plus  des  trois  quarts  des  habitants  de  l'ile  ;  à  TO. 
les  Soundanais  au  nombre  de  5  millions  environ. 

Les  Javanais  sont  très  brachycéphales,  de  taille  moyenne 
(1"^65  env.),  élancée  et  souple;  les  femmes  sont  très  gra- 
cieuses ;  la  peau  brun  foncé  est  parfois  très  claire  dans 
les  montagnes,  particulièrement  chez  les  femmes  ;  les  ex- 
trémités sont  fines  ;  le  nez  petit  est  moins  applati  que  chez 
les  autres  Malais,  la  figure  est  ovale,  les  pommettes  peu 
saillantes,  l'œil  noir  bien  fendu,  les  cheveux  noirs,  la 
barbe  peu  développée  ;  les  hommes  portent  volontiers  la 
moustache.  Aux  Javanais  se  rattachent  les  Madouriens 
(2  millions  env.),  habitant  l'île  de  Madoura  et  les  petites 
îles  voisines  jusqu'à  Sourabaya  et  Kediri;  ils  leur  res- 
semblent, mais  sont  moins  bien  découplés,  ont  les  mains  et 
les  pieds  et  l'aspect  général  plus  grossiers.  On  regarde 
comme  représentant  le  type  javanais  le  plus  pur  deux  tri- 
bus de  montagnards  qui  sont  restés  fidèles  à  la  religion 
brahmanique:  les  Tengghers  dans  les  forêts  de  la  mon- 
tagne de  ce  nom,  les  Badouiou  Djelmadans  celles  du  dis- 
trict de  Sebak  (résidence  de  Bantam).  —  Les  Soundanais 
paraissent  être  intermédiaires  entre  les  Javanais,  les  autres 
Malais  et  les  Battas;  ils  sont  petits  (1^57  env.),  trapus  et 
vigoureux,  ont  les  pommettes  plus  saillantes,  la  bouche 
plus  grande,  les  lèvres  plus  épaisses,  le  nez  plus  épaté,  la 
peau  un  peu  plus  claire,  quoique  les  nuances  varient  beau- 
coup selon  les  classes;  ils  ont  l'aspect  de  montagnards 
robustes  et  énergiques  et  se  rapprochent  du  type  mongo- 
liqiie.  —  Les  Javanais  et  Soundanais  ont  succédé  dans  l'île 
de  Java  à  une  population  primitive  dont  on  retrouve  quel- 
ques débris  dans  les  forêts  des  monts  orientaux  ;  on  les 
appelle  Kalangs;  ils  vénèrent  le  chien  roux;  àSourakarta 
ils  formaient  une  caste  inférieure,  travaillant  le  cuir;  ce  sont 
des  N/'gritos  à  peau  noire  et  cheveux  crépus,  analogues  à 
ceux  des  îles  Philippines  et  de  la  presqu'île  de  Malacca. 

La  fertilité  du  pays  rend  la  vie  facile  aux  habitants.  La 
masse  du  peuple  vit  sinipiement  et  aisément.  Le  riz  est  la 
base  de  la  nourriture;  on  mange  peu  de  viande,  surtout  sé- 
chée  (dendeng),  beaucoup  de  poisson  sec,  des  bananes  et 
toutes  sortes  de  fruits;  on  assaisonne  avec  le  sel  etlepiment 
{capsicum)  ;  on  extrait  du  sucre  et  du  vin  du  suc  du  pal- 
mier arenga,  horassus.ete.  ;  on  boit  aussi  le  lait  de  coco 
frais.  L'usage  de  mâcher  le  bétel  est  universel  ;  on  fume 
beaucoup  le  tabac  et  l'opium.  Le  paysan  habite  une  chau- 
mière {oumah)  ou  hutte  de  bambou,  posée  à  même  le  sol 
et  non  pas  sur  plate-forme  comme  dans  les  îles  voisines  ; 
les  murs  sont  formés  de  claies  de  bambous  aplatis  ;  de 
même  les  cloisons;  le  toit  est  formé  de  feuilles  de  palmier 
nipas.  Les  huttes  ne  sont  jamais  isolées,  mais  groupées  en 
villages  plus  ou  moins  grands  et  entourés  d'arbres  frui- 
tiers ;  un  village  moyen  a  de  50  à  200  liab .  Les  gens 
aisés  ont  des  maisons  de  pierre  à  l'européenne.  L'habille- 


ment est  plus  complet  que  dans  l'Inde  ;  en  effet,  dans  les 
provinces  intérieures,  l'altitude  abaisse  la  température  au 
point  d'imposer  des  vêtements  chauds.  Les  Javanais  ont 
heureusement  conservé  la  préférence  pour  les  étoffes  tissées 
par  eux.  La  pièce  principale  du  costume  est  le  sarong,  large 
pièce  d'étoffé  à  rayures  multicolores  entre-croisées,  de  2  m. 
à  2'^50  de  long  sur  1  m.  environ  de  large,  dont  on  coud 
les  deux  bouts  ;  ce  sac  sans  fond  est  passé  sur  l'épaule  en 
écharpe  ou  fixé  aux  branches  ;  il  couvre  les  jambes  jusqu'à 
la  cheville;  on  y  ajoute  un  pantalon  court  ou  un  tablier 
avec  ceinture,  parfois  aussi  des  chemises  ou  des  jaquettes; 
les  femmes  ont  à  peu  près  le  même  costume  que  les  hommes; 
les  enfants  vont  nus  jusqu'à  six  ou  sept  ans,  sauf  ceux  des 
riches;  presque  tout  le  monde  marche  pieds  nus.  La  tête 
est  couverte  d'un  turban  ou  d'un  serre-tête.  La  vie  de  fa- 
mille est  très  régulière;  seuls  les  grands  ont  plusieurs 
femmes  ;  on  pratique  le  mariage  par  achat  (V.  Famille)  ; 
les  enfants  sont  très  respectueux  envers  leurs  parents.  La 
circoncision,  qui  existait  avant  l'introduction  de  l'islamisme, 
se  pratique  dans  la  dixième  année.  A  l'époque  de  la  virilité 
on  lime  en  pointe  les  dents  des  adolescents  et  on  les  auto- 
rise à  mâcher  le  bétel.  Les  Javanais  ont  le  goût  des 
meubles  et  petits  ustensiles;  leurs  vases,  tasses,  cuillers 
sont  sculptés  dans  des  noix  de  coco  ;  les  rotangs,  les  bam- 
bous, les  herbes  se  tressent  en  tapis,  sacs,  chapeaux; 
on  découpe  en  minces  lanières  la  peau  de  buffle.  Voici 
le  tableau  que  Van  Leent  trace  des  mœurs  javanaises 
(Archives  de  médecine  navale,  1868).  D'une  nature 
douce,  qui  dégénère  facilement  en  apathie,  le  Javanais 
aime  son  lieu  natal,  est  très  fidèle  à  sa  coutume  (adat)  ; 
sobre,  travaillant  volontiers  pour  sa  famille,  il  a  peu  de 
goût  pour  le  labeur  qu'on  lui  impose  pour  des  cultures  in- 
dustrielles dont  il  n'apprécie  pas  l'utilité.  Très  attaché  à  sa 
famille,  hospitalier,  poli,  il  est  fort  honnête,  pacifique, 
d'intelligence  affinée  et  capable  d'une  culture  supérieure, 
mais  dénué  d'énergie.  Il  est  très  docile,  obéissant  à  ses  su- 
périeurs et  particulièrement  à  ses  prêtres  musulmans  qui 
excitent  son  courage  par  les  talismans  qu'ils  lui  confient. 
C'est  un  bon  soldat,  dur  à  la  fatigue  quand  ses  chefs  lui 
donnent  l'exemple;  le  fanatisme,  la  jalousie,  l'exaspéra- 
tion provoquée  par  une  injustice  ou  une  offense  le  rendent 
féroce.  L'aristocratie  a  développé  surtout  les  défauts  de  la 
race  ;  courtoise,  mais  hautaine,  elle  s'adonne  à  la  volupté, 
et  ne  recule  pas  devant  des  crimes  pour  satisfaire  ses  pas- 
sions ;  la  domination  néerlandaise  en  la  comprimant  pro- 
tège les  classes  inférieures.  Les  chefs  se  ruinent  à  entre- 
tenir dans  leurs  palais  (kraton)  des  orchestres  {g amel an) 
et  des  troupes  de  bayadères,  à  organiser  des  combats  de 
tigres  ou  de  taureaux,  combats  de  coqs,  jeux  de  cartes  qui 
donnent  lieu  à  de  gros  paris.  Le  peuple  partage  cette  pas- 
sion du  jeu  et  des  spectacles,  danses,  marionnettes,  ombres 
chinoises.  Les  Soundanais,  d'allure  plus  indépendante, 
sont  beaucoup  moins  joueurs,  de  même  qu'ils  sont  peu  fu- 
meurs d'opium.  Les  Madouriens  plus  fiers,  plus  belliqueux 
que  les  Javanais,  sont  plus  marins  et  commerçants  qu'agri- 
culteurs; ils  ne  peuvent  plus  s'adonner  à  la  piraterie,  mais 
recrutent  la  majeure  partie  de  la  milice  indigène. 

La  religion  dominante  est  l'islam,  rite  sunnite  ou  or- 
thodoxe. Elle  fut  introduite  à  la  fin  du  xiv^  siècle  par  des 
religieux  arabes  ou  hindous  et  supplanta  après  des  luttes 
sanglantes  les  religions  hindoues  (brahmanisme  et  boud- 
dhisme) qui  prévalaient  auparavant.  Le  triomphe  des 
musulmans  fut  fatal  à  l'art  javanais  dont  ils  ont  détruit  la 
plupart  des  monuments  et,  d'une  manière  générale,  para- 
lysa la  civilisation  indigène  qui  déclina  depuis  lors.  Les 
Javanais  sont  de  zélés  musulmans  ;  ils  font  en  grand  nombre 
le  j)èlerinage  de  La  Mecque,  où  ils  possèdent  d'ailleurs  une 
nombreuse  colonie.  Ils  ont  cependant  conservé  beaucoup 
de  croyances  et  de  pratiques  brahmaniques  et  même  féti- 
chistes; dans  les  cavernes  où  l'on  recueille  les  nids  d'oi- 
seaux se  trouvent  des  idoles  de  Loro  Dpinggrand,  d'ori- 
gine hindoue  ;  le  fétichisme  est  encore  très  vi  vace  ;  on  vénère 
tel  arbre,  tel  volcan,  un  vieux  canon  abandonné  dans  un 


JAVA 


-  70  ~ 


champ,  etc.  Il  n'y  a  presque  pas  de  chrétiens,  à  peine 
9,000  parmi  les  indigènes,  le  gouvernement  ayant  eu  grand 
soin  de  ne  pas  favoriser  les  missionnaires  qui  eussent  su- 
rexcité le  fanatisme  musulman.  Il  reste  à  peine  4,000  indi- 
gènes fidèles  de  l'hindouisme;  encore  les  3,000  Tenggher, 
qui  n'ont  ni  écoles  ni  temples,  ont-ils  mélangé  leur  culte 
de  coutumes  qui  le  défigurent  complètement. 

Les  Chinois  (243,000)  répandus  dans  toutes  les  villes 
pratiquent  surtout  le  petit  commerce  et  l'industrie,  ex- 
ploitent les  indigènes  et  se  retirent  chez  eux  après  fortune 
faite.  Les  Arabes  (44,000)  sont  généralement  très  consi- 
dérés; ce  sont  de  bons  marins,  d'habiles  commerçants,  des 
prêtres.  On  compte  environ  3,000  Hindous,  ouvriers  sur- 
tout. Les  Européens,  au  nombre  de  42,500,  sont,  outre 
les  soldats  et  les  fonctionnaires,  des  planteurs,  des  fabri- 
cants de  sucre,  des  commerçants.  Ils  ne  représentent  pas 
plus  que  les  Arabes  ou  les  Chinois  un  élément  sédentaire  de 
la  population.  A.-M.  B. 

Langue.  —  Le  javanais  est  une  langue  océanienne 
mêlée  d'un  grand  nombre  de  mots  sanscrits.  L'ancienne 
langue,  le  kawi,  qui  est  restée  langue  religieuse  et  littéraire, 
est  surtout  riche  en  mots  sanscrits,  et  par  là,  elle  se  rattache 
aux  autres  idiomes  de  l'Inde,  comme  le  pâli,  le  birman,  le 
siamois,  l'ancien  cambodgien,  tous  dérivés  du  sanscrit.  Le 
kawi  a  eu  une  littérature  importante  et  il  a  exercé  à  son 
tour  une  grande  influence  sur  la  littérature  javanaise  mo- 
derne. Il  s'est  formé  vers  le  i®^  siècle,  à  l'époque  de  l'intro- 
duction du  bouddhisme  à  Java.  Comme  le  disent  Crawford 
et  Friederich,  lorsque  les  missionnaires  hindous  arrivèrent 
dans  l'archipel  indien,  ils  apprirent  la  langue  des  indigènes; 
mais,  pour  enseigner  et  donner  l'instruction  religieuse  au 
peuple,  ils  furent  dans  la  nécessité  d'employer  le  sanscrit, 
et  c'est  ainsi  que  se  forma  une  sorte  de  langue  mixte  dont 
la  base  était  l'océanien,  mais  dont  toute  la  partie  littéraire 
et  scientifique  était  indo-européenne.  Le  Brata-yuda^  le 
Ramayana  et  la  plupart  des  livres  de  la  littér;iture  java- 
naise sont  des  imitations  ou  des  traductions  des  ouvrages 
hindous,  ou  basés  sur  la  mythologie  indienne.  Toutefois 
dans  ces  ouvrages  le  javanais  a  toujours  su  conserver  son 
originalité  en  leur  associant  des  légendes  nationales  qui  leur 
donnent  une  physionomie  propre.  Les  mots  sanscrits  ont 
été  sans  doute  traités  suivant  les  règles  de  la  grammaire 
javanaise,  mais  l'orthographe  est  restée  en  quelque  sorte 
sanscrite  :  ainsi  le  sandangan  correspond  au  groupe  de 
deux  ou  trois  consonnes  réunies  comme  en  sanscrit  :  le 
paten  est  le  virama,  le  tcheichak  est  Vanusvara,  les 
règles  du  sandi  sont  presque  les  mêmes.  Outre  le  sanscrit, 
l'arabe  a  fourni  aussi  au  javanais  un  assez  grand  nombre 
de  mots  à  partir  du  xii®  siècle,  mais  ils  sont  la  plupart  très 
déformes,  surtout  lorsque  ces  mots  contiennent  des  sons 
étrangers  à  la  langue  javanaise.  Il  faut  citer  aussi  les  em- 
prunts faits  au  portugais  et  au  hollandais. 

Outre  le  javanais  proprement  dit  qui  vient  du  kawi,  il 
existe  une  langue  populaire  indigène  qui  est  le  ngoko  ;  il  y 
a  de  plus  une  sorte  de  langage  officiel  ou  cérémoniel  {kra- 
ma)  que  l'on  parle  quand  on  s'adresse  aux  souverains,  aux 
princes  et  aux  grands  personnages.  On  s'en  sert  aussi  dans 
certains  ouvrages.  11  est  formé  de  mots  ngoko,  sanscrits, 
malais  et  étrangers.  Il  existe  quatre  dialectes  parlés,  soit 
dans  l'île  de  Java,  soit  dans  les  îles  voisines,  savoir  :  le 
javanais  proprement  dit,  le  sunda  parlé  dans  l'O.  de  l'île, 
le  madura  parlé  dans  l'ile  de  ce  nom  et  le  bali  qui  est  la 
langue  parlée  de  l'île  du  même  nom.  A  côté  de  ces  dialectes 
populaires,  le  kawi  reste  partout  la  langue  religieuse  et 
sacrée.  Le  javanais  s'écrit  de  gauche  à  droite  comme  toutes 
les  langues  de  l'Inde,  l'alphabet  (atcharakan)  se  compose 
de  vingt  lettres  principales  (aksara)  et  de  plusieurs  lettres 
accessoires  ou  signes  orthographiques.  Il  y  a  deux  sortes 
d'écriture  :  la  droite  {djedjeg)  et  l'écriture  penchée  ou 
cursive  (miring).  L'alphabet  javanais  moderne  est  dérivé 
de  l'alphabet  kawi  lequel  était  lui-même  formé  de  l'écri- 
ture sanscrite  du  vi®  ou  vu®  siècle.  E.  Drouin. 

Les  meilleures  grammaires  javanaises  sont  celles  de 


Roorda  (néerl.,  Amsterdam,  4855;  abrégé,  1874)  et  de 
Favre  (Paris,  i  866)  ;  les  meilleurs  dictionnaires,  ceux  de 
Favre  (javanais-français,  Vienne,  4870)  et  de  Roorda 
achevé  par  de  Vreede  (javanais-néerlandais,  Amsterdam, 
4875;2«éd.,  4883  et  suiv.). 

Littérature.  —  La  littérature  javanaise  est  très  riche; 
en  premier  lieu,  il  faut  citer  les  poèmes  traduits  du  kawi 
et  récrits  :  Bharata'Yuddha(}di\\  Brata-yuda),  éd.  ettrad. 
par  Cohen  Stuart  (Batavia,  4860);  Ardjuna-Sasrabahu, 
éd.  par  Palmer  VandenBroek  (1872);  Ardjuna-Wiwaha 
dont  P.  Van  den  Broek  (4868)  et  Gericke  (1849)  ont  édité 
deux  versions  :  le  Râmâyana,  récrit  en  prose  sous  le  titre 
de  Rama,  éd.  par  Winter  (Amsterdam,  1845)  ;  Marrik- 
Maya,  poème  cosmogonique,  éd.  par  de  Hollander  (Bata- 
via, 1852).  Les  fables  d'animaux  sont  très  goûtées  ;  la  plus 
célèbre  est  le  Kantjil,  éditée  par  P.  Van  den  Broek  (La 
Haye,  1878).  Les  pièces  de  théâtre  {wayang)  empruntent 
leur  sujet  aux  poèmes  épiques  hindous  ou  javanais  ; 
quelques-unes  sont  de  vrais  drames,  la  plupart  des  canevas 
pour  marionnettes  ou  ombres  chinoises  ;  beaucoup  ne  sont 
pas  écrites.  On  en  a  cependant  publié  un  bon  nombre  : 
Pregi7ia(êd,  par  Wilkens;  Batavia,  1846),  Palasara, 
Pandu(êd.  par  Roorda,  La  Haye,  1869), six  Purwa{éd, 
par  te  Mechelen  et  de  Vreede  dans  les  Comptes  rendus  de 
la  Société  de  Batavia),  Abiasa  (éd.  par  Humme,  La  Haye, 
1878),  etc.;  on  a  aussi  publié  des  résumés  en  prose  :  Raden 
Pandji  (éd.  Roorda,  La  Haye,  1869)  et  23  canevas  de 
wayang  (éd.  par  te  Mechelen,  Batavia,  1879).  —  Un 
des  principaux  monuments  de  la  littérature  javanaise  est 
formé  par  les  Babads,  chroniques.  Il  existe  aussi  des  ro- 
mans historiques,  parmi  lesquels  on  peut  nommer  Damar 
Wulan  (Samarang,  1873),  Acyi-5a/cra(1844),  Angling- 
Darma  (1853),  Radji-Pirangou,  récit  musulman  des 
aventures  de  Moïse  et  Pharaon  (éd.  par  Roorda,  La  Haye, 
1844).  Les  recueils  de  lois  (Augger)  ont  été  publiés  par 
Roorda  (1844)  et  Kayser  (1853).  Le  récent  récit  de  voyage 
de  Purwa  Lelana  (Batavia,  1865)  est  fort  remarquable. 

Géographie  politique.  —  L'île  de  Java  (y  compris 
Madoura)  est  une  possession  directe  du  royaume  des  Pays- 
Bas,  à  l'exception  de  deux  petits  Etats  vassaux  gouvernés 
par  des  sultans,  Djokjakarta  et  Sourakarta. 

D'après  le  recensement  de  1891,  la  population  totale 
était  de  23,862,280  hab.,  soit  181  par  kil,  q.  Sur  ce 
chiffre,  on  comptait  :  23,559,727  indigènes,  42,504  Eu- 
ropéens, 243,006  Chinois,  14,047  Arabes  et  3,536  divers, 
principalement  Hindous.  La  population  s'accroît  rapidement, 
car,  au  31  déc.  1880,elle  n'était  quede  19,129,075  hab. 
(19,166,700  avec  l'armée  et  la  flotte),  ce  qui  représente 
un  accroissement  de  près  de  25  Vo  et  de  36  hab.  par  kil.  q. 
en  dix  années.  Cette  progression  ne  semble  pas  près  de 
s'arrêter,  attendu  qu'il  y  a  encore  une  grande  partie  de^ 
terres  cultivables  qui  sont  vacantes. 

L'île  est  divisée  en  22  résidences  :  à  l'O.,  Bantam, 
Batavia,  Kravang,  Cheribon,  Preang  ;  au  centre,  sur  la 
côte  N.,  Tagal,  Pekalongan,  Samarang,  Japara  ;  sur  la 
côte  S.,  Banjoumas,  Bagelen,  DjOkjakarta  ;  à  l'intérieur, 
sur  la  côte  S.,  Madioun,  Kediri  ;  sur  (e  littoral  E.,  Pasou- 
rouan,  Probolingo,  Besouki  ;  enfin  l'île  de  Madoura.  —  Les 
principales  villes  sont  la  capitale  Batavia  (104,590  hab.), 
qui  progresse;  Sourabaya  (117,986  hab.)  et  Sourakarta 
(100,291  hab.)  qui  diminuent,  Samarang,  MasterCorneelis, 
Djokjakarta,  Pasarouan,  Pekalongan,  Touban,  Bangkalan. 

L'armée  recrutée  exclusivement  par  voie  d'engagement 
comprend  (en  1893)  pour  toutes  les  Indes  orientales  néer- 
landaises :  13,593  Européens,  57  Africains,  19,753  indi- 
gènes répartis  comme  suit  : 

Officiers      Soldats 

Etat-major 537        2 .  5^^ 

Infanterie 707      26.715 

Cavalerie 33  853 

Artillerie 90        2.707 

Génie 10  584 


Total , 


1.377      33.403 


71  ™ 


lAVA 


Il  y  faut  ajouter  une  réserve  coloniale  de  îS  compagnies, 
des  gardes  civils  {schidierijcn)  et  des  corps  d'arnice  indiens 
(pràdjœrits,  légions,  barissans,  etc.),  d' un  effectif  total  de 
8,775  hommes,  dont  4,780  indi^fènes.  —  La  flotte  des 
Indes  orientales  comprend  (en  '1893)  1  corvette  protégée, 
16  vapeurs  à  hélice,  5  vapeurs  à  roue,  \   torpilleur,  soit 

23  bâtiments  d'une  force  de  17,768  tonneaux,  16,450  che- 
vaux-vapeur, portant  79  canons  de  plus  et  77  de  moins  de 
iO  centim.,  et  2,238  hommes  d'équipage.  Le  personnel 
total  de  la  marine  était  de  627  officiers  et  élèves,  557  em- 
ployés (médecins,  mécaniciens,  etc.),  5,939  sous-officiers 
et  matelots,  plus  2,921  miliciens  de  mer  et  1,204  matelots 
indigènes.  Il  faut  encore  ajouter  pour  l'infanterie  de  ma- 
rine 55  officiers  et  2,106  sous-officiers  et  soldats.  L'en- 
semble des  forces,  armées  de  terre  et  de  mer,  comporte 
donc  un  peu  moins  de  57,000  hommes.  C'est,  en  face  des 

24  millions  de  Javanais,  à  peu  près  la  même  proportion 
que  celle  des  forces  anglaises  dans  Flnde  ;  mais  cette  armée 
a  de  plus  à  contenir  8  millions  de  sujets  ou  de  vassaux  des 
autres  îles  de  l'archipel  malais  et  les  belliqueuses  popula- 
tions de  Sumatra,  Bali,  Lombok,  Célèbes,  etc.  Pour  Java, 
un  chiffre  bien  moindre  suffirait,  car  la  domination  néer- 
landaise y  est  tout  à  fait  acceptée  et,  depuis  1830,  aucune 
résistance,  aucun  trouble  ne  s'est  produit. 

Ces  résultats  font  honneur  à  l'habileté  des  gouvernants  ; 
leur  politique  et  leur  administration  peuvent  servir  de  mo- 
dèle (V.  Colonisation,  t.  XI,  pp.  1091-1096).  Le  principe 
fondamental  est  de  respecter  les  idées  et  l'organisation 
auxquelles  la  population  est  habituée  et  attachée.  On  utilise 
la  hiérarchie  politique  et  sociale  existante  en  tenant  les 
chefs  par  le  désir  des  fonctions  dont  dispose  le  conquérant. 
Chaque  village  forme  une  dcssa  ou  communauté  autonome, 
administrée  par  un  chef  élu.  La  propriété  y  est  collective 
et  chaque  année  on  procède  à  une  nouvelle  répartition  des 
terres  entre  les  villageois.  Chacun  de  ceux-ci  paye  un  impôt 
foncier  et  est  astreint  à  certaines  corvées.  Toutefois,  le 
collectivisme  n'est  complet  que  dans  le  centre  de  l'île;  à 
TE.  et  à  rO.,  la  propriété  individuelle  existe  souvent. 

Le  budget  de  Java  n'est  pas  distinct  de  celui  des  autres 
colonies  néerlandaises.  Nous  en  donnons  le  tableau  pour 
l'année  1893.  Les  recettes  atteignaient  130,464,898  flo- 
rins; les  dépenses,  136,588,058,  soit  un  déficit  de 
6,123,160  florins.  Voici  le  détail  des  recettes:     . 

Aux  Pays-Bas  Aux  Indes 

Vente  du  café 20.861.024  9.021.500 

—  quinquina 178.200                » 

—  de  rétain 5 .  643 .  462                » 

Ferme  de  l'opium »  18 .  567 .  000 

Douanes »  12.836.000 

Dimes  ou  impôt  foncier. .  »  16.157.000 

Gabelle  du  sel.. »  8.297.000 

Postes  et  télégraphes »  1 .  738 .  000 

Chemins  de  fer 990.000  7.398.000 

Divers 1 .165.192  27.612.520 

Total  des  recettes 28.837.878     101.627.020 

Dépenses 25.489.592    111 .098.466 

Géographie  économique.  —  Les  richesses  minières 
sont  médiocres.  Le  minerai  de  fer  est  assez  ahondant,  mais 
de  faible  teneur  et  ne  léniunère  pas  l'exploitation  ;  non  plus 
que  les  sables  légèrement  aurifères  de  quelques  rivières. 
On  trouve  beaucoup  denaphte  et  d'asphalte  dans  les  régions 
volcaniques  ;  du  lignite  près  de  Bantam  ;  du  sel  en  plu- 
sieurs endroits,  surtout  à  Kouwon,près  de  Samarang  ;  des 
pierres  à  bâtir  à  Kedon  ;  beaucoup  de  sources  thermales, 
ordinairement  sulfureuses  ;  enfin  on  exploite  dans  les  pro- 
vinces de  Kediîi,  Bagelen  et  Chéribon  une  terre  argileuse 
(silicate  d'alumine  mêlé  d'oxyde  de  fer,  de  chaux,  etc.) qui 
constitue  un  aliment  très  apprécié,  particulièrement  des 
femmes  ;  on  la  fait  griller.  Les  salines  maritimes  sont  mo- 
nopolisées par  le  gouvernement. 

L'agriculture  est  ia  ressource  essentielle  de  l'île.  En  1881 , 


les  champs  occupaient  3,283,819  hect.,  dont  2,145,762 
soumis  au  système  de  culture  officiel,  dont  on  trouvera  la 
description  à  l'art.  Colonisa.? ion.  La  principale  culture  ali- 
mentaire est  celle  du  riz.  On  le  produit  soit  dans  des  rizières 
inondées  artificiellement  (sawa) ^^oii  dans  des  terres  labou- 
rées arrosées  par  la  pluie  (tipar)  ou  simplement  fumées 
par  des  cendres  de  bois  et  travaillées  {gaga).  Les  sawa 
sont  naturellement  plus  productifs  ;  on  appelle  slokan 
leurs  canaux  d'irrigation;  on  y  produit,  après  le  riz, 
une  seconde  récolte  de  plantes  oléagineuses  (Imollen) 
ou  de  coton.  Les  tipar  sont  laissés  en  jachère  au  bout  de 
trois  ou  quatre  récoltes.  Le  café  est  cultivé  soit  sur  injonc- 
tion officielle,  soit  librement  par  les  paysans,  surtout  à  l'O. 
de  l'île.  Les  cultures  de  la  canne  à  sucre,  de  l'indigo,  du 
thé,  sont  libres.  Celles  du  nopal  à  cochenille,  du  poivre  et 
du  quinquina  (Cinchona  succirubra  et  ledgeriana),  in- 
troduites en  1854,  sont  faites  soit  pour  le  compte  du  gou- 
vernement, soit  à  l'entreprise.  La  vente  de  tous  ces  pro- 
duits est  monopolisée  par  le  gouvernement  qui  achète  natu- 
rellement à  bas  prix.  L'exploitation  des  bois  de  teck  si  pré- 
cieux pour  les  constructions  navales  est  monopolisée.  On 
comptait  (en  1885)  517,629  chevaux,  2,046,111  bœufs  et 
2,483,991  buffles.  —  La  pêche  est  active,  surtout  sur  la 
côte  septentrionale  ;  les  Madouriens  s'y  adonnent  spéciale- 
ment. Lâchasse  est  aussi  une  ressource  importante  dans  les 
montagnes.  La  récolte  des  nids  d'hirondelles  est  monopo- 
lisée au  profit  du  gouvernement. 

L'industrie  est  peu  développée,  mais  quelques  branches 
sont  remarquables  :  la  tannerie,  la  joaillerie,  le  travail  du 
fer,  du  cuivre  et  du  bronze  (instruments  à  musique,  kriss 
ou  poignards,  etc.).  Les  étoffes  tissées  et  teintes  par  les 
femmes  sont  très  belles  ;  on  cite,  en  particulier,  les  battiks^ 
cotonnades  à  dessins  variés,  qu'on  fabrique  surtout  à  Sa- 
marang, Badou,  Djokjakarta  et  Sourakarta. 

Les  voies  de  communication  sont  nombreuses.  Un  réseau 
de  larges  routes  relie  les  principales  villes.  Le  gouvernement 
y  entretient  un  service  de  chevaux  qui  sont  mis  à  la  dispo- 
sition des  fonctionnaires  civils  et  militaires,  et  aussi,  moyen- 
nant rétribution,  à  celle  des  particuliers.  Les  transports  se 
font  dans  des  charrettes  attelées  de  buffles,  et  en  montagne 
à  dos  de  cheval.  —  L'île  de  Java  possédait  en  1892  un  ré- 
seau de  1,258  kil.  de  chem.  de  fer,  plus  173  kil.  en  cons- 
truction. Les  voies  ferrées  ont  été  établies  soit  par  le  gou- 
vernement, soit  par  une  compagnie  (Nederlandsch  Indische 
Spoorweg  Maatschappij)  ;  les  principales  lignes  sont  celles 
de  Sourabaya  à  Pasourouan  par  Sidoardjo  et  Bangil  avec 
embranchements  de  Bangil  à  Malang  et  de  Sidoardjo  par 
Kertosono  à  Paron  et  à  Touloung  Agoung  et  Blitar,  de  Ba- 
tavia à  son  port  de  Tandjong  Priok  ;  de  Batavia  à  Buiten- 
zorg  ;  de  Buitenzorg  à  Tchiandjour,  Bandoung,  Tchitcha- 
lenga  ;  de  Pasourouan  à  Probolingo  ;  de  Samarang  à  Fort 
Willem  I  et  Djokjakarta.  —  Il  faut  ajouter  qu'une  partie 
des  transports  se  font  par  mer;  le  cabotage  est  actif;  il 
est  fait  en  partie  par  les  navires  de  la  Nederlandsch  In- 
dische Stoomvaart  Maatschappij.  Celle-ci  fait  aussi  le  ser- 
vice de  Melbourne  et  de  Hong-kong.  Les  relations  avec 
l'Europe  sont  assurées  par  trois  compagnies  néerlandaises 
(Stoomvart  Maatschappij ,  iNederland ,  Rotterdamsche  Lloyd)  ; 
les  Messageries  maritimes,  la  compagnie  Rubattino,  la  Pe- 
ninsular  and  Oriental,  grâce  à  un  service  côtier,  relient 
Java  à  la  grande  escale  de  Singapour.  —  Les  lignes  télé- 
graphiques ont  une  longueur  de  plus  de  6,000  kil.  Pour 
l'ensemble  des  Indes  orientales,  on  comptait  (à  la  fin  de 
1891)  7,852kil.(9,095kil.  de  fils), plus 9i0kil.de câbles; 
233  bureaux,  350,702  dépèches  intérieures,  147,342  dé- 
pêches internationales  et  31,633  dépêches  de  service.  Un 
câble  relie  Java  à  Sumatra  et  par  là  à  FEurope  ;  un  autre 
à  Port-Darwin,  au  N.  de  l'xVustrahe.  —  On  comptait  à  la 
fin  de  1891,  aux  Indes  orientales,  193  bureaux  de  poste 
ayant  distribué  5,584,000  lettres  intérieures  et  1 ,475,000 
extérieures,  1,357,000  cartes  postales  (dont  79,000  pour 
le  service  extérieur)  et  6,662,000  imprimés  et  échantil- 
lons (dont  5,600,000  pour  le  service  extérieur).  Les  recettes 


JAVA 


n  — 


se  montaient  à  4 ,958,879  florins,  les  dépenses  à  3,583,484 
florins,  y  compris  une  partie  de  celles  des  télégraphes. 

Le  commerce  de  Java  est  extrêmement  important  ;  il  se 
fait  surtout  avec  les  Pays-Bas,  puis  viennent  Flnde  an- 
glaise, la  Chine  (Hong-kong),  l'Australie,  les  Etats- 
Unis,  etc.  Quelques  chiffres  feront  juger  de  son  importance. 
La  flotte  marchande  des  Indes  orientales  à  la  fin  de  4891 
comprenait  4,874  navires  jaugeant  2,331,427  tonnes.  Le 
mouvement  des  ports  pour  le  commerce  général  (non  com- 
pris le  cabotage  d'île  à  île)  accusait  aux  entrées  3,258  va- 
peurs jaugeant  3,673,000  tonnes  et  498  voiliers  jaugeant 
400,000  tonnes,  soit  un  mouvement  total  (entrées  et  sor- 
ties) de  plus  de  8  millions  de  tonnes.  Le  commerce  des 
Indes  orientales  s'est  beaucoup  accru  depuis  le  début  du 
siècle.  En  4825,  les  exportations  se  montaient  à  49  mil- 
lions de  florins  et  les  importations  à  44  millions  et  demi.  En 
4864,  la  seule  île  de  Java  exportait  pour  407,834,495  flo- 
rins de  marchandises  et  en  importait  pour  39,740,900. 
En  4884',  les  exportations  se  montaient  à  449,838,000 
et  les  importations  à  422,446,000.  En  4894,  pour  l'en- 
semble des  Indes  orientales,  on  trouve  224,464,000  flo- 
rins aux  exportations  et  477,434,000  aux  importations. 
Les  principaux  articles  d'exportation  sont  :  le  sucre 
(54,500,000  fl.),  le  café  (36,600,000  fl.),  le  tabac 
(32,300,000  fl.);  ces  deux  derniers  progressent,  le  pre- 
mier diminue  ;  puis  viennent  l'étain  (des  îles  Banca  et  Bil- 
liton,  9,200,000  fl.),  la  gutta-percha  (4,600,000  fl.), 
le  poivre  (4,200,000  fl.),  l'indigo  (3,200,000  fl.),  le  riz 
(2,900,000  fl.),  la  résine  de  damonar  (2,600,000  fl.), 
le  gambir  (2,600,000  fl.),  le  thé  (2,200,000  fl.),  le  co- 
pra (2,000,000  fl.),  les  peaux  (2,000,000  fl.).  Les  ex- 
portations faites  pour  le  compte  du  gouvernement  se  mon- 
taienl  en  4894  à  22,460,000  florins,  les  importations  à 
9,448,000  florins. 

Histoire.  —  L'histoire  de  Java  est  un  peu  mieux  con- 
nue que  celle  du  reste  de  l'archipel  Malais,  dont  ce  fut  la 
partie  la  plus  anciennement  et  la  mieux  civilisée,  mais 
cette  histoire  est  néanmoins  fort  obscure.  La  civihsation 
javanaise  vient  de  l'Inde;  pas  plus  que  celle-ci  elle  n'a  de 
chronologie.  On  peut  admettre  que  la  grande  immigration 
hindoue  se  place  au  ii®  ou  au  i^'^  siècle  av.  J.-C.  et  se  pro- 
pagea par  rindo-Chine  et  Sumatra.  Cependant  ces  régions 
étaient  déjà  gagnées  par  la  propagande  bouddhiste,  et  les 
missionnaires  hindous  qui  débarquèrent  à  Java  semblent 
avoir  été  des  brahmanes;  du  moins,  en  414  ap.  J.-C,  le 
bouddhisme  était  à  peu  près  inconnu  dans  l'île  au  témoi- 
gnage du  pèlerin  bouddhiste  chinois  Fa-hian.  Le  boud- 
dhiste s'est  répandu  ultérieurement,  et  les  monuments  attes- 
tent qu'il  y  eut  une  extension  comparable  à  celle  du 
brahmanisme.  Le  nom  de  Java  est  d'origine  hindoue;  c'est 
c'est  celui  d'une  céréale,  le  panicum  italicum^  dont  le 
nom  sanscrit  est  cljava;  Ptolémée  l'applique  déjà  à  l'île. 
Les  annales  javanaises  ont  conservé  le  souvenir  d'un  grand 
nombre  de  souverains  ou  de  dynasties  bouddhiques,  mé- 
langé à  des  mythes  hindous.  L'île  était  divisée  en  plusieurs 
royaumes  dont  les  capitales  sont  aujourd'hui  ruinées.  Les 
principales  de  ces  cités  dont  on  voit  encore  les  restes 
furent  :Doho  (résid.  deKediri),  Brambanan,  Madang-Ka- 
molan  (près  de  Virosobo),  Djenggolo  (résid.  de  Sourabaya), 
Singhasari  (près  de  Malang),  Padjedjaran  (65  kil.  de  Ba- 
tavia) et  surtout  Madjapahit  (près  de  la  rivière  Kediri,  au 
S.-O.  de  Sourabaya)  dont  les  immenses  ruines  attestent 
l'antique  splendeur;  il  faut  citer  aussi  le  colossal  temple 
de  Boro-Boudor,  dans  la  plaine  de  Progo  (résid.  de  Ke- 
don),  entre  quatre  volcans.  C'est  une  pyramide  de  457  m. 
de  côté  et  36  m.  de  haut,  avec  six  terrasses  successi\es, 
bordées  de  balustrades  que  surmontent  400  niches,  voû- 
tées en  coupole  et  renfermant  400  statues  colossales  de 
Bouddha.  La  terrasse  supérieure  porte  trois  terrasses  cir- 
culaires concentriques  avec  78  chapelles  (dagops)  en  forme 
de  cloche;  un  dernier  dagop  et  un  Bouddha  de  4  m.  de 
haut  couronnent  l'édifice.  Il  est  bâti  en  trachyte  et  décoré 
de  2,000  grands  bas-reliefs. 


Ces  difierents  royaumes  guerroyaient  les  uns  contre  les 
autres.  Les  deux  principaux  étaient:  Padjedjaran  et  Mad- 
japahit.  A  la  fin  du  xiu^  siècle,  le  vaillant  Ôuttou  Gadéva 
réunit  l'île  entière  sous  sa  domination.  Son  empire  se  dis- 
loqua après  sa  mort.  En  4304,  le  sultan  de  Ternate  s'em- 
para de  Madjapahit;  mais  en  4359  les  indigènes  y  repri- 
rent le  dessus.  Au  milieu  du  xv^  siècle,  Ankavidjaya  fonda 
le  grand  empire  de  Madjapahit.  Il  conquit  non  seulement 
l'île  de  Java,  mais  presque  toute  la  Malaisie  ;  25  grandes 
îles  lui  obéissaient  :  les  Moluques,  presque  tout  Bornéo, 
toutes  les  îles  de  la  Sonde,  Sumatra,  la  presqu'île  de  Ma- 
lacca.  Cet  empire  fut  détruit  par  les  musulmans  en  4478. 
Maîtres  de  l'Inde,  ils  s'attaquèrent  au  dernier  pouvoir  po- 
litique qui  représentait  les  religions  hindoues.  Leur  pre- 
mière invasion  date  de  4405.  Les  vaincus  résistèrent  à 
l'E.  de  Java  et  trouvèrent  un  refuge  dans  l'île  de  Bali  où 
ils  se  sont  maintenus.  Java  fut  entièrement  conquise  par 
l'islamisme  et  de  nouveau  morcelée.  A  côté  des  Etats  fondés 
par  les  envahisseurs  arabes,  il  se  reconstitua  des  Etats 
malais.  La  prédominance  politique  sur  l'archipel  appartint 
quelque  temps  aux  souverains  de  Malacca,  jusqu'au  jour 
où  les  Portugais  s'emparèrent  de  la  ville  (4544).  Les  prin- 
cipautés entre  lesquelles  fut  divisée  Java  furent  celles  de 
Demak  à  TE.,  Chéribon  à  l'O.,  celles  de  Bantam  et  Mata- 
ram,  auxquelles  s'ajoutèrent  celles  de  Djakatra,  Kalinia- 
mot,  Kedon,  Madoura,  etc.  Au  xvi«  siècle,  il  ne  subsistait 
que  quatre  principautés  :  Mataram,  la  plus  importante, 
Djakatra,  Chéribon  et  Bantam.  En  4579,  les  Portugais 
nouèrent  avec  les  Javanais  des  relations  régulières.  Mais 
dès  4594  parurent  les  Hollandais.  En  1640,  ils  s'emparè- 
rent de  Djakatra;  en  4619,  ils  y  fondèrent  Batavia;  en 
4682,  ils  se  substituèrent  aux  Anglais  à  Bantam  ;  au  milieu 
du  xviii^  siècle  ils  profitèrent  de  ce  que  le  sultan  de  Ma- 
taram les  appelait  contre  les  Madourans  et  les  gens  de 
Macassar,  pour  lui  imposer  leur  protectorat,  diviser  son 
royaume  en  deux  parties,  celle  de  l'O., qui  demeura  à  son 
héritier  avec  le  titre  de  soushounan  et  celle  de  l'L.  attri- 
buée à  un  parent  avec  le  titre  de  sultan.  Après  l'occupa- 
tion anglaise  (4841-15),  les  grandes  insurrections  s'ache- 
vèrent par  l'annexion  directe  de  l'île  entière,  sauf  deux 
principautés  insignifiantes.  On  trouvera  dans  l'art.  Colo- 
nisation une  histoire  complète  de  l'installation  des  Hollan- 
dais à  Java,  de  la  conquête  et  de  l'organisation  de  l'île. 

A.-M.  B. 

BiBL.  :  Van  der  Chus  adi-essé  une  bibliographie  com- 
plète des  ouvrages  relatifs  a  Java  publiés  d'e  1659  à  1870 
dans  le  2«  fasc.  du  t.  XXXIX  des  Mém.  de  la  Soc.  des  arts 
et  sciences  de  Batavia  {Verh.  Baiav.  Gen.  van  Kunster  en 
Wetenschappen);  Batavia,  1880,  in-4.  —  Kas,  Geogr.  bi- 
bliogr.  van  Nederl.  Oost  Indie;  Uirecht,  1881,  a  donné  une 
bonne  bibl.  des  ouvrages  publiés  de  1865  à  1880.  —  Nviioff 
en  a  donné  une  autre  en  1883. 

Il  faut  citer  parmi  les  ouvrages  d'ensemble  :  Fr.  Valen- 
TYN,  Oud  euNieuw  Oost-Indieh;  ûordrecht  et  Amsterdam, 
1721-26,  9  vol.  gr.  in-fol.  ;  ouvrage  capital,  rédigé  par  un 
missionnaire. —  TEMMiNCK,Cowpci"œi/  sur  les  possessions 
néerlandaises  dans  l'Inde  archlpélagique  ;  Leyde,  1816-19, 
3  vol.  in-8.  — Verhandelingen  over  denatuurlijke  geschie- 
denis  der  Nederlandsche  ôverzeesche  Bentzungen;  Leyde, 
1837-47,3  vol.  in-fol.  av.ûg:.  — Roord a,  H andboek  der  L and 
en  Volkenkunde  van  Nederlandsche  Indie;  Amsterdam, 
1841,  4  vol.  in-8.  —  Siebold  et  Melvill  van  Carnbee,  le 
Moniteur  des  Indes  orientales  et  occidentales;  La  Haye, 
1846-50,  4  vol.  in-8  av.  cartes.  ~  Veth,  Catalogue  de  la 
section  des  colonies  néerlandaises  à  Vexposiliorî  coloniale 
Internationale  d'Amsterdam  de  iS83;  Leyde,  1883,  m-8.  — 
On  trouvera  d'abondants  matériaux  dans  les  Mém.  de  la 
Soc.  de  Batavia  (en  holL),  quia  publié  depuis  1781  une  cen- 
tame  de  volumes,  et  dans  les  contributions  à  l'étude  de  la 
langue,  la  géographie  et  l'ethnographie  des  Indes  néer- 
landaises {Bijdragen  tôt  de  Taal,  Land  en  Volkenkunde 
van  Nederlandsche  Indie)  qui  se  publient  depuis  1853  à  La 
Haye. 

Les  meilleurs  atlas  sont  ceux  de  Hinderstein  (1812, 
8  feuilles  au  2,250,000%  et  surtout  Melvill  et  Versteeg 
qui  embrassent  toutes  les  Indes  néerlandaises,  et  celui  de 
HoLLANUER  ct  DoRNEiSEN  rjui  accompagne  Texcellent  ira- 
nuel  du  premier  [Handleiding  van  Ned.  Indie;  l':'82, 
2  vol.,  4"  éd.).  —  Serne  a  donné  une  carte  d'ensemblo  au 
4,000,000»  (Amsterdam,  1878,  4  fouilles).  —  Pour  Vile  de 
Java,  Valentyn  a  donné  dès  1726  une  carte  en  7  feuilles 
au  625,000%  —  L'atlas  de  Melvill  comprend  une  carte  de 


Java  en  23  feuilles;  2«  éd.  par  Versteeg,  1870.—  Jungeiuhx 
a  donné  une  carte  au  350,000%  2«  éd.,  La  Flaye,  1878;  repro- 
duite dans  les  Mitth.  de  Petermann  en  1860.  —  Enfin  le 
ministère  des  colonies  publie  à  La  Haye  dos  cartes  topo- 
graphiques au  100,000«. 

Parmi  les  nombreux  ouvrages  spéciaux  publiés  sur  l'île 
de  Java,  on  peut  citer  :  Junghuhh,  Java  (néerl.);  Amster- 
dam, 1850-55  (trad.  ail.,  Leip/ig,  1852-54,  3  vol.  —  Kussen- 
DRAGGER,  Natuuv  en  Àardryhsk^uidige  Beschrijving  van 
Java;  Groningue,  18-11,  in-8.   —  iMoney,  Java  /^ow  ta  ma- 
riage  a  colony  ;  Londres,  1861,  2  vol.  ~  W.  Barringtoin: 
D'ALMEiDA^Life  in  Java  ;  Londres,  18G4,  2  vol.  in-8. —  Brum 
et  Van  Hœvell,  Alterthinner  des  Ostindischen  Archipels  ; 
Berlin,  1864,  in-8.  —  De  Molins  ,  Voyage  à  Java^  dans  le 
Tour  du  monde,  1864,  t.  X,  pp.  231-289.  —  Java,  dans  Re- 
vue maritime  et  coloniale,  t.  XIV-XVII,  1865-66.  —  Van 
Leent,  Java,  Géographie  médicale,  dans  Arch.  de  méd. 
navale,   avr.-oct.  1868.    —  Veth,  Java;  Haarlem,  1875-81, 
in-8.  —   Leemans,  Boro    Boudour;  Leyde,  1874,    in-8.   — 
Meister,  Bilder  aus   Java;   Zurich,  1874.   —    Winckel, 
Esai  sur  Vadmin.  de  la  justice  aux  Indes  orientales;  Ams- 
terdam, 1880,  in-8.  —  Charnay,  Miss,  dans  Vile  de  Java, 
dans  Arc/i.  mlss.^  t.  VIL— HoFDijK,/n'^  llarlje  van  Java; 
Amsterdam,  1882.  —  Van  den  B[':rg,  De  Handel  van  Java; 
1883.  —  K.-W.  Van  Gorkom,  De  Oostlndische  Cultuure; 
1883.  —  Kan,  Histoire  des  découvertes  dans  l'archipel  in- 
dien; Leyde,  1883.  —  Raifle,  Hlslory  of  Java;  Londres, 
1817,  2  vol.   in-4;  2«  éd.,  1830.  —  Dulaurier,  Empire  de 
Madjapahit,  dans  Nouv.  Journal  asiat.,  1846,  t.  Vil,  p-  544, 
et  t.  XIII,  p.  523.  —  Lassen,  Indische  AUerthumskunde^ 
t.  IV,  p.  506.  —  Van  D éventer,  Gtschledenis  der  Neder- 
landers  op  Java  ;  Haarlem,  1886  et  suiv. 
JAVAES.  Rivière  du  Brésil  (V.  Chavàistes). 
JAVAL    (Léopold),  homme    politique    français,    né  à 
Mulhouse  le  4^^  déc.  1804,  mort  à  Paris  le  28  mars  4872. 
Fils  d'un  riche  industriel  israélite,  il  fit  comme  volontaire 
l'expédition  des  gorges  de  l'Atlas.    Il  avait  été  nommé 
sous-lieutenant  de  cavalerie  lorsque  sa  famille  l'obligea  à 
rentrer  en  France.  Il  coopéra  à  la  fondation  des  premiers 
omnibus  de  Paris,  connus  sous  le  nom  d'Orléanaises 
et  de  Favorites,  dirigea  la  banque  paternelle,  et  s'associa 
à  la  plupart  d-  s  grandes  affaires  industrielles  du  moment, 
entre  autres  l'établissement  des  chemins  de  fer  en  Alsace, 
Le  22  juin  4857  il  était  élu  député  au  Corps  législatif  par 
le  dép.  de  l'Yonne  on  il  avait  créé  la  ferme-école  de  Vau- 
luisant.  Membre  du  tiers-parti,  il  prit  une  part  considérable 
aux  débats  d'atfaires  et  se  montra  libre-échangiste  cou- 
vaincu  et  éloquent.  Réélu  en  4863  et  4869,  ircombattit 
le  plébiscite  et,  avec  Thiers  et  E.  Picard,  ses  amis,  pro- 
clama la  République.  Il  fut  élu  représentant  de  l'Yonne  à 
l'Assemblée  nationale  le  8  févr.  4  874 . 

JAVAL  (Louis-Euiile),  ocuMste  et  homme  politique  fran- 
çais, fils  du  précédent,  né  à  Paris  le  5  mai  4839.  Sorti  de 
l'Ecole  des  mines  de  Paris  en  4864,  avec  le  diplôme  d'in- 
génieur civil,  il  se  fit  recevoir  docteur  en  médecine  en  1 868. 
Il  s'est,  depuis  lors,  à  peu  près  exclusivement  consacré  à 
des  travaux  d'oculistique.  Ils  ont  spécialement  porté  sur 
l'astigmatisme,  pour  la  détermination  duquel  il  a  inventé 
un  ingénieux  appareil,  d'une  très  grande  précision,  l'op- 
tomètre  binoculaire  (Y.  Astigmatisme,  t.  IV,  pp.  362  et 
363),  et  sur  le  strabisme,  dont  il  a  beaucoup  contribué  à 
perfectionner  les  méthodes  de  guérison.  Il  s'est  aussi  pré- 
occupé de  l'hygiène  de  la  vue  dans  les  établissements  d'ins- 
truction et  a  proposé  de  nombreuses  réformes  (jréventives. 
Il  a  été  nommé  en  4877  directeur  du  laboratoire  d'ophtal- 
mologie de  la  Sorbonne,  et  il  est  depuis  4885  membre  de 
PAcadémie  de  médecine.  A  une  élection  partielle  de  4885 
et,  quelques  mois  après,  aux  élections  générales,  le  dép. 
de  l'Yonne  l'a  envoyé  à  la  Chambre  des  députés,  oii  il  a 
siégé  parmi  les  républicains  opportunistes  et  où  il  a  pro- 
noncé plusieurs  discours  très  remarqués  sur  la  question  de 
la  dépopulation  de  la  France,  contre  l'entreprise  de  Panama, 
en  faveur  de  l'assurance  ouvrière,  etc.  Il  a  été  l'un  des  pro- 
moteurs de  la  candidature  Carnot  à  la  présidence  de  la  Ré- 
publique. Il  ue  s'est  pas  représenté  en  4889.  Il  est  Fauteur 
de  plus  de  deux  cents  mémoires  originaux  et  articles  parus 
dans  divers  recueils  et  journaux  {Annales  d'ocidistigue^ 
Hevue  d'hygiène,  Compte  rendu  de  la  Soc.  de  hiolo- 
yie.eic).  Ù  a,  en  outre,  donné  à  part  :  Du  Strabisme  dans 
ses  applications  à  la  physiologie  de  la  vision  (Paris, 
4808,  in-8)  ;  Hygiène  des  écoles  primaires  et  des  écoles 


—  73  —  JAVA  —  JAVELAGE 

maternelles  (Paris,  4884,  in-8)  ;  Mémoires  d'ophtal- 
mométrie^  édités  en  quatre  langues  ;  Manuel  du  stra- 
bisme (Paris,  4894,  in-8),  etc.  Il  a  enfin  traduit  de  VdS.- 
hmmAV  Optique  physiologique  d'Helmholtz  (Paris,  4867, 
in-8).  '  L.  S. 

BiBL.  :  Exposé  des  travaux  scientifiques  du  D""  Javal  ; 
Paris,  1882,  in-4. 

JAVALAMBRE  (Penade).  Massif  montagneux  d'Espagne 
qui  couvre  de  ses  épais  rameaux  les  confins  des  anciennes 
provinces  d'Aragon  et  de  Valence  ;  les  pentes  couvertes  de 
bois  de  pins  et  de  chênes  envoient  leurs  eaux  au  Mijarès, 
au  Palencia  et  surtout  au  Guadalaviar.  Le  point  culminant 
est  le  Pico  Javalambre,  avec  2,002  m.  E.  Cât. 

JAVAN  ou  YAVAN  est,  d'après  la  table  généalogique  de 
la  Genèse^  le  nom  de  l'un  des  fils  de  Noé,  par  lequel  est 
désignée  la  Grèce  (lonie,  Ioniens).  C'est  dans  le  même  ordre 
d'idées  que  le  livre  de  Daniel  désigne  Alexandre  comme 
étant  le  ^<  roi  de  Javan  ». 
JAVARI  (V.  Yâvâiu). 

JAVART(Art.  vétér.).  Le  javart  est  une  nécrose  partielle 
de  la  peau,  des  tendons,  des  ligaments  et  des  fibro-cartilages. 
Lejavart  cutané  est  un  furoncle  et  consiste  essentiellement 
dans  la  nécrose  du  derme  et  dans  l'élimination  de  la  partie  né- 
crosée. Le  javart  tendineux,  sorte  de  panaris,  se  caractérise 
par  une  fistule  persistante,  qui  est  l'expression  de  la  né- 
crose partielle  soit  des  tendons,  soit  des  Ugaments.  Le  javart 
cartilagineux  a  son  siège  sur  les  fibro-cartilages  complé- 
mentaires de  l'os  du  pied.  Le  froid,  la  neige,  le  séjour  dans 
des  écuries  humides  et  malpropres,  des  heurts,  des  coups, 
des  blessures,  telles  sont  les  causes  principales  des  javarts. 
Des  cataplasmes  émollients,  des  bains  d'eau  de  lin  ou  de 
son,  favorisent  l'élimination  du  bourbillon  s'il  s'agit  de 
javart  cutané  ou  tendineux  ;  les  pansements  stimulants, 
excitants,  antiseptiques,  faciliteront  et  hâteront  la  cicatri- 
sation des  plaies.  Quant  au  javart  cartilagineux  caractérisé 
par  la  nécrose  du  cartilage  et  la  fistule  qui  en  est  la  con- 
séquence, les  injections  excitantes  d'alcool,  de  liqueur  de 
Villate  peuvent  en  avoir  raison  au  début.  Si,  malgré  ce  trai- 
tement, la  fistule  persiste,  s'il  y  a  claudication,  il  y  aura  né- 
cessité de  recourir  à  l'opération,  c.-à-d.  à  l'extirpation  du 
fibro-cartilage.  L.  Garnier. 

JAVâUGÛES.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Loire,  arr.  et 
cant.  de  Brioude;  331  hab. 

JAVEA.  Ville  d'Espagne,  prov.  d'vVlicante,  sur  la  rive 
gauche  du  Jalon  et  à  2  kil.  de  la  mer  ;  7,000  hab. 
Le  littoral  près  de  là  est  très  découpé  et  présente  un  grand 
nombre  de  grottes  curieuses.  La  ville,  abritée  contre  les 
vents  du  N.,  a  un  climat  très  doux  ;  elle  a  de  vieilles  mu- 
railles, garnies  de  tours,  des  rues  étroites  et  en  pente, 
mais  bien  entretenues.  Commerce  de  raisins  secs  ;  tissus. 
Le  port  est  fréquenté  par  des  navires  anglais  qui  viennent 
charger  des  fruits  et  par  des  balancelles  espagnoles.  Javea 
est  en  relations  fréquentes  avec  l'Algérie,  et  est  le  point 
d'atterrissement  du  câble  qui  relie  les  Baléares  à  l'Espagne. 
JAVEL  (Eau  de)  (V.  Chlorure  décolorant). 
JAVELAGE  (Agric).  Cette  pratique  consiste  à  laisser 
quelque  temps  les  céréales  sur  le  sol  après  les  avoir  cou- 
pées, avant  de  les  mettre  en  gerbes  (V.  ce  mot).  Le  javet 
lage  est  nécessaire  pour  que  les  plantes  nuisibles  puissen- 
sécher  avant  la  mise  en  gerbes  et  pour  que  la  céréale,  qui 
toujours  doit  être  fauchée  un  peu  prématurément,  puisse 
achever  sa  maturation.  C'est  surtout  dans  les  régions  sep- 
tentrionales qu'on  pratique  le  javclage  ;  dans  le  Midi,  il  est 
beaucoup  moins  nécessaire,  car  le  temps  y  étant  sec,  les 
mauvaises  herbes  se  fanent  pendant  la  coupe  et  la  matura- 
tion s'achève  en  gerbes.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  le 
javelage  doit  être  surveillé  ;  il  est  de  la  plus  haute  impor- 
tance qu'il  ne  dure  pas  trop  longtemps,  surtout  si  le  temps 
est  humide;  autrement  les  grains  germent  et  l'herbe  pousse 
à  travers  les  javelles  ;  ceci  est  surtout  vrai  pour  le  seigle 
et  l'orge.  Quant  au  blé,  il  peut  rester  en  javelles  quatre  à 
six  jours  sans  souffrir  ;  si  on  est  obligé  d'aller  au  delà,  il 
faut  retourner  les  javelles  dès  que  leur  face  supérieure  est 


JA VELAGE  --  JAY 


sèche.  L'avoine  peut  rester  huit  jours;  quelquefois  on  la  laisse 
douze  ou  quinze  jours,  mais  alors  son  grain  augmente  de 
volume  au  détriment  du  poids,  ce  qui  nuit  à  sa  valeur  mar- 
chande (V.  Moisson).  Alb.  L. 

JAVELINE,  JAVELOT  (Arm.  anc).  Il  convient  de 
donner  ce  noiu  à  toutes  les  armes  de  jet,  aux  traits  qu'on 
lançait  à  la  main,  comme  aujourd'hui  encore  les  sauvages  de 
l'Afrique  et  de  l'Océanie  jettent  leurs  sagaies.  Le  type  de 
ces  armes  dans  l'antiquité  est  le  pilum  romain  qui,  en  se 
modifiant,  devint  l'angon  des  Francs.  Au  moyen  âge,  ces 
armes  furent  peu  employées  sinon  par  les  peuples  orien- 
taux, mais  les  Catalans  et  autres  Européens  méridionaux, 
qui  avaient  de  fréquents  rapports  avec  les  Turcs,  en  adop- 
tèrent l'usage  sous  le  nom  de  dardes. 

Plus  tard,  ces  cavaliers  grecs,  albanais  ou  épirotes  qui, 
sous  le  nom  de  stradiots,  servirent  de  cavalerie  légère  en 
France,  en  Italie  et  ailleurs,  étaient  munis  d'une  longue 
javeline  dont  ils  se  servaient  comme  d'une  lance.  Cette 
javeline,  d'origine  turque,  atteignait  une  longueur  de  7  à 
8  pieds,  et  c'est  d'elle  que  dérive  la  lance  moderne  dont  les 
pandours  autrichiens  ramenèrent  l'emploi  sur  les  champs 
de  bataille  au  xviu^  siècle  (V.  Pilum,  Sagaie,  Lange  et 
Hast  [Armes  d']).  On  doit  laisser  le  nom  de  javelot  aux 
traits  longs  de  moins  de  4  pieds,  souvent  faits  entièrement 
d'acier,  que  les  Indiens,  les  Turcs,  les  Persans  maniaient 
avec  tant  d'adresse,  il  y  a  peu  de  temps  encore,  et  qu'ils 
lançaient  à  de  grandes  distances.       Maurice  Mâindron. 

JAVENÉ.  Com.  dudép.  de  l'Ille-et-Vilaine,  arr.  et  cant. 
de  Fougères  ;  973  hab. 

JAVÈBCY  (Sieur  de)  (V.  Félibien). 

JAVERDAT.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Vienne,  arr.  de 
Rochechouart,  cant.  de  Saint-Junien  ;  i.l49  hab. 

JAVERLHAC.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  et 
cant.deNontron,sur  leBandiat;  1,535  hab.  Stat.  du  chem. 
de  fer  d'Orléans,  ligne  du  Quéroy  àNontron.  Colonie  agri- 
cole pénitentiaire  privée  à  Jommeîières.  Forges  ;  minerai 
de  fer.  Monument  mégalithique  connu  sous  le  nom  de  Pierre 
Virade.  Château  des  xin^,  xv^  etxviii^  siècles. 

JAVERNANT.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  de  Troyes, 
cant.  de  Bouilly;  214  hab. 

JAVIE  (La).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  des  Basses-Alpes, 
arr.  de  Digne,  au  confinent  de  la  Bléone  et  de  l'Arigeol  ; 
AQ6  hab.  Forêt  communale.  Commerce  de  prunes.  Châ- 
teau en  ruines. 

JAVOGUES  (Claude),  homme  politique  français,  né  à 
Bellegarde  le  19  août  1759,  mort  à  Paris  le  10  oct.  1796. 
Fils  d'un  notaire,  il  servit  d'abord  dans  l'armée,  devint 
ensuite  élève  de  procureur  et  s'établit  à  Montbrison  en 
1789.  Administrateur  du  district  de  Montbrison,  il  fut  élu 
député  du  Rhône-et-Loire  à  la  Convention,  siégea  à  la 
Montagne  et  vota  la  mort  de  Louis  XVL  Envoyé  le  20  juil. 
1793  dans  Sanne-et-Loire,  sa  mission  fut  ensuite  étendue 
aux  dép.  de  Rhône-et-Loire  et  de  l'Ain.  Il  se  montra 
très  rigoureux,  surtout  contre  les  riches.  Couthon,  qu'il  ac- 
cusait de  modérantisme,  le  fit  rappeler.  Décrété  d'arresta- 
tion, il  bénéficia  de  l'amnistie  votée  dans  la  dernière  séance 
de  la  Convention.  Pris  dans  l'affaire  du  camp  de  Grenelle, 
le  25  fructidor  an  IV,  il  fut  condamné  à  mort  et  fusillé. 

JAVOLS  (Gabales).  Com.  du  dép.  de  la  Lozère,  arr. 
de  Marvéjols,  cant.  d'Aumont;  1,154  hab.  Ancien  chef- 
lieu  de  la  civitas  Gabalum,  on  l'identifie  avec  Anderitum^ 
station  romaine  citée  par  les  itinéraires.  Javols  paraît  avoir 
été  assez  important  à  l'époque  impériale.  Des  fouilles  effec- 
tuées dans  ce  siècle  ont  amené  la  découverte  de  monuments 
considérables,  d'inscriptions  et  de  nombreuses  monnaies; 
Anderitum  fut  en  grande  partie  détruit  par  des  Barbares, 
probablement  dès  le  m^  siècle,  date  d'une  première  inva- 
sion; il  ne  s'est  jamais  complètement  relevé  de  cette  ca- 
tastrophe. Toutefois  il  resta  pendant  longtemps  encore  la 
capitale  du  pays,  et  les  évêques  y  résidèrent  probablement 
jusqu'au  milieu  du  x®  siècle,  date  de  leur  établissement 
définitif  à  Mende.  Au  x\m^  siècle  la  seigneurie  appartenait 
au  comte  de  Peyre,  Les  habitants  vivaient  des  produits  du 


sol  et  de  la  fabrique  de  draps  grossiers.  Source  thermale 
fréquentée  par  les  gens  du  pays.  A.  Molinier. 

liiBL.  :  Congrès  archéologique  de  France  (séances  de 
1857);  Cacn,  1858,  in-8,  pp.  99-110. 

JAVORZNO.  Bourg  d'Autriche,  prov.  (}e  Galicie,  district 
de  Chrzanov;  5,500  hab.  Mines  de  houille;  fonderie  de 
zinc  ;  verrerie. 

JAVREZAC.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  et  cant. 
de  Cognac;  080  hab. 

JAVRON.  Com.  du  dép.  delà  Mayenne,  arr.  de  Mayenne, 
cant.  de  Couptrain;  2,195  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de 
l'Ouest,  ligne  de  Mayenne  à  Pré-en-Pail.  Fabriques  de  ma- 
chines agricoles,  de  clous,  de  sabots.  Eglise  (mon.  hist.) 
des  xii*'  et  xv^  siècles. 

JAVUREK.  Peintre  tchèque,  né  à  Prague  en  1810.  H  fit 
ses  études  à  Vienne  et  à  Prague  et  les  compléta  par  des 
séjours  à  Anvers,  à  Dresde  et  à  Paris.  On  lui  doit  un  cer- 
tain nombre  de  tableaux  historiques,  notamment  :  la  Mort 
de  r empereur  Alhrecht  ;  l'Assassinat  du  dernier  Pré- 
myslide  ;  le  Meurtre  des  officiers  de  Waldstein  ;  les 
Adieux  de  Jean  Hus,  des  portraits,  etc. 

JAX.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Loire,  arr.  de  Brioude, 
cant.  de  Paulhaguet;  547  hab. 

JAXU.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  deMau- 
léon,  cant.  de  Saint-Jean-Pied-de-Port  ;  329  hab. 

JAY  (John),  homme  d'Etat  nord-américain,  né  à  New 
York  le  12  déc.  1745,  mort  à  Bedford  (Massachusetts) 
le  17  mai  1829.  Descendant  d'Auguste  Jay,  protestant 
français  de  La  Rochelle,  il  prit  part  aux  pourparlers  préli- 
minaires de  l'insurrection  des  colonies  américaines,  con- 
seilla la  réunion  d'un  congrès  général  et  y  fut  délégué 
(sept.  1774).  Il  rédigea  l'adresse  au  peuple  de  Grande- 
Bretagne,  une  autre  aux  Canadiens,  fut  un  des  commis- 
saires chargés  de  correspondre  avec  les  libéraux  euro- 
péens, de  s'entendre  avec  la  France,  etc.  En  1779,  il  fut 
nommé  ambassadeur  en  Espagne,  n'y  obtint  rien  et  se 
rendit  à  Paris  où  il  négocia  avec  Franklin  le  traité  de  paix 
avec  la  Grande-Bretagne  (1782-84).  En  1788,11  décida 
l'Etat  de  New  York  à  accepter  la  constitution  fédérale.  11 
fut  nommé  président  de  la  cour  suprême  (1789).  En 
1794,  il  fut  chargé  d'une  mission  en  Angleterre  pour  la 
délimitation  des  frontières  et  l'estimation  des  indemnités 
dues  aux  Américains  pour  les  prises  illégales  faites  par  les 
croiseurs  britanniques.  Il  conclut  un  traité  qui  fut  mal 
accueilh  aux  Etats-Unis,  mais  ratifié.  Il  fut  six  ans  gou- 
verneur de  l'E^tat  de  New  York,  se  retira  en  1800  et 
acheva  sa  vie  dans  sa  propriété  paternelle.  Jay  était  d'un 
caractère  très  élevé  et  très  pur  dans  sa  vie  privée  et  pu- 
blique, humanitaire,  imbu  d'idées  de  justice  ;  très  pieux  il 
appartenait  à  l'Eglise  épiscopale.  La  solidité  et  la  rectitude 
de  son  jugement,  sa  vigueur  logique  lui  valurent  l'estime 
générale.  Ce  fut  un  des  plus  marquants  parmi  les  fonda- 
teurs des  Etats-Unis.  —  Son  fils  William  (1789-1868) 
prit  une  part  active  aux  mouvements  religieux,  antiescla- 
vagiste et  antimilitaire.  Son  livre  :  War  and  Peace  ; 
the  evils  of  tlie  first^  with  a  plan  for  supporting  the 
last  (1848),  eut  un  grand  succès.  —  Son  fils  John,  né  en 
1817,  fut  ambassadeur  à  Vienne.  A. -M.  B. 

JAy(Antoine),littérateurfrançais,  né  à  Guîtres  (Gironde) 
le  20  oct.  1770,  mort  à  Chaberville  (Gironde)  le  9  avr. 
1854.  Elève  des  oratoriens  de  Niort,  où  il  compta  parmi 
ses  maîtres  Fouché,plus  tard  duc  d'Otrante,  il  termina  ses 
études  à  Toulouse,  où  il  s'inscrivit  au  barreau,  puis,  do 
1795  à  1802,  parcourut  l'Amérique  du  Nord.  Précepteur 
pendant  six  ans  des  fils  du  duc  d'Otrante,  il  débuta,  en 
1808,  par  un  Eloge  de  Corneille.  Directeur  du  Journal 
de  Paris,  professeur  à  l'Athénée,  membre  de  la  Chambre 
des  représentants  pendant  les  Cent-Jours,  collaborateur  du 
Constitutionnel,  de  la  Minerve,  fondateur  avec  Jouy, 
Arnault  et  de  Norvins  de  la  Biographie  nouvelle  des 
contemporains,  Jay  fit  preuve  à  la  fois  en  politique  d'un 
libéralisme  sincère  et  en  littérature  de  l'opposition  la  plus 
intransigeante.  Membre  de  la  Chambre  des  députés  de 


-  75  ^ 


JAY  —  JEAN 


1821  à  1837,  il  remplaça,  en  1832,  le  duc  de  Montes- 
quiou-Fezensac  à  FAcadénue  française  et  il  eut  lui-même 
pour  successeur  Silvestre  de  Sacy. 

Outre  une  relation  de  ses  pérégrinations  en  Amérique, 
insérée  dans  le  Nouveau  Journal  des  voyages  (1803)  et 
sa  collaboration  aux  journaux  et  recueils  cités  plus  haut, 
Jay  a  publié  un  choix  de  ses  articles  intitulé  le  Glaneur 
ou  Essais  de  Nicolas  Freeman  (1812,  in-8)  ;  Histoire 
du  ministère  du  cardinal  de  Richelieu  (1815,  2  vol. 
in-8);  la  Conversion  d'un  romantique  (1830,  in-8), 
pamphlet  en  prose  spécialement  dirigé  contre  les  Poésies 
de  Joseph  Delorme  de  Sainte-Beuve  ;  enfin  un  recueil  de 
ses  OEuvres  littéraires  (183i,  4  vol,  in-8).  Une  condam- 
nation à  trois  mois  de  prison,  provoquée  par  une  notice 
sur  Boyer-Fonfrède  dans  la  Biographie  nouvelle^  lui  donna 
Jouy  (V.  ce  nom)  pour  compagnon  de  captivité  à  Samte- 
Pélagie  et  fut  l'origine  de  sa  collaboration  aux  Hermites 
en  prison,  ainsi  qu'au  Salon  d'Horace  Vernet^  analyse 
pittoresque  de  quarante-cinq  tableaux  exposés  chez  lui 
(1822,  in-8).  M.  Tx. 

JAYâC.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de  Sarlat, 
cant.  de  Salignac  ;  621  hab. 

JAY  AT.  Com.  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Bourg,  cant.  de 
Montrevel;  1,104  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Chaion 
à  Bourg. 

JAYET  (Miner.)  (V.  Jais). 

JAY  ME,  rois  d'Aragon  et  de  Majorque  (V.  Jacques  et 
Aragon). 

JAYR  (Hippoiyte-Paul),  homme  politique  français,  né  à 
Bourg  le  25  déc.  1801.  Préfet  de  l'Ain  (183^^),  de  la  Loire 
(1837),  de  la  Moselle  (1838)  et  du  Rhône  (1839),  il  fut 
créé  pair  de  France  le  9  juil.  1845.  Le  9  mai  1847,  il 
remplaça  dans  le  cabinet  Soult  le  ministre  des  travaux 
publics  Teste  et  se  signala  par  un  remarquable  travail  sur 
î'orga'nisation  du  corps  des  mines  et  des  ponts  et  chaussées. 
Il  conserva  ces  fonctions  dans  le  cabinet  Guizot  du  19  sept. 
1847  et  rentra  dans  la  vie  privée  lors  de  la  Révolution  de 
1848.  Il  a  longtemps  fait  partie  du  conseil  d'administration 
des  chemins  de  fer  de  l'Est. 

JAZENEUIL.  Com.  du  dép.  de  la  Vienne,  arr.  de  Poi- 
tiers, cant.  deLusignan,  sur  la  Yonne  ;  1,182  hab.  Eglise 
(mon.  hist.)  du  xu^  siècle. 

JAZENNES.  Com.  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure,  arr. 
de  Saintes,  cant.  de  Gémozac  ;  530  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  de  Paris  à  Royan. 

JAZLOWICKI.  Ancienne  famille  polonaise  établie  en 
Podolie.  Elle  doit  son  nom  à  la  petite  ville  de  Jazlowiec 
(Galicie).  Ses  principaux  représentants  ont  été  :  Wacslav 
Jazlowicki  (xvi®  siècle),  grand  hetman  de  la  couronne, 
castellan  de  Kamenets,  voiévode  de  Podolie  et  de  Ruthénie, 
commandant  des  troupes  de  frontières  de  ces  provinces  ; 
il  mourut  en  1575.  —  Nicolas  Jazlowicki,  fils  du  précé- 
dent, occupa  ^Xixûmvs  starosties ;  en  1576,  il  fut  envoyé 
auprès  d'Etienne  Batory  pour  lui  annoncer  son  élection  ; 
dans  une  expédition  contre  les  Valaques  il  fit  prisonnier 
le  fameux  chef  janku.  Il  avait  rêvé  de  conquérir  la  Crimée 
avec  une  armée  cosaque,  mais  il  échoua  dans  cette  entre- 
prise. Il  mourut  en  1594.  L.  L. 

JEAN  (Feu  de  la  Saint-)  (V.  Feu,  t.XVII,  p.  369). 

JEAN-DE-DiEU  (Saint)  (V.  Charité  [Frères  de  la]). 

JEAN-le-Blanc  (Ornith.).Nom  vulgaire  du  Circaète  de 
Yrance  (Circaetus  gallicus)  (V.  Circaète). 

JEAN-MAYEN(Ile  de)  (V.  Jan  Mayen). 

JEAN.  Nous  avons  classé  les  personnages  de  ce  nom 
dans  l'ordre  suivant  :  i^  les  saints;  2^  les  papes; 
S°  les  empereurs,  rois  et  princes^  classés  par  pays^ 
selon  l'ordre  alphabétique  :  Angleterre,  empire  byzan- 
tin, etc.  ;  sous  chacune  de  ces  rubriques,  on  trouvera 
d'abord  les  empereurs^  les  rois,  puis  les  priiices  ;  P  les 
personnages  divers. 

saints 

JEAN  (Saint),  apôtre.  Jean,  fils  d'un  pêcheur  du  lac  de 
Génésareth,  du  nom  de  Zébédée,  fut,  ainsi  que  son  frère 


Jacques,  une  des  premières  personnes  qui  s'attachèrent  à 
la  fortune  de  Jésus  de  Nazareth.  Les  deux  frères  forment 
avec  Pierre  un  cercle  plus  intime,  auquel  Jésus  confie  vo- 
lontiers ses  plus  secrètes  pensées;  les  membres  de  ce  pe- 
tit groupe  se  mettent  volontiers  en  avaîit  et  manifestent 
leurs  anibitions  avec  une  intempérance  qui  leur  vaut  de  sé- 
vères avertissements.  Dans  les  premiers  temps  de  l'Eglise 
chrétienne,  Jean  continue  de  faire  partie  du  triumvirat 
apostolique  qui  prétend  décider  souverainement  de  l'orien- 
tation de  la  jeune  communauté.  De  son  côté,  le  quatrième 
évangile  nous  représente  Jean  comine  le  disciple  bien-aimé 
de  Jésus,  que  celui-ci  initie  aux  raffinements  d'un  mysti- 
cisme singulièrement  complexe.  D'autre  part,  la  tradition 
ecclésiastique  veut  que  Jean  se  soit,  quelque  temps  avant 
la  destruction  de  Jérusalem,  fixé  en  Asie  Mineure  ;  il  aurait, 
au  cours  de  sa  longue  vieillesse,  imprimé  aux  communautés 
chrétiennes  de  ce  pays,  la  marque  de  sa  conception  particu- 
lière du  christianisme.  En  somme,  la  personne  de  raf)ôtre 
Jean  reste  entourée  d'une i  fort  grande  obscurité;  elle  ne 
peut  prendre  corps  que  pour  ceux  qui  lui  attribuent  la 
composition  soit  de  V Apocalypse,  soit  de  l'Evangile  et  des 
Epîtres  johanniques;  mais  aucun  de  ces  cinq  ouvrages  ne 
saurait  être  attril3ué  à  l'un  des  disciples  immédiats  de  Jésus . 
Evangile  et  épltres  de  saint  Jean.  —  Le  Nouveau 
Testament  et  la  tradition  ecclésiastique  attribuent  à  l'apôtre 
Jean  la  composition  de  cinq  des  livres  qui  figurent  au  canon 
des  Ecritures,  à  savoir  l'Apocalypse,  le  quatrième  évan- 
gile et  trois  épîtres.  On  a  donné  toutes  les  indications  né- 
cessaires à  l'intelligence  du  premier  de  ces  ouvrages  dans 
un  article  spécial  (V.  Apocalypse)  et  l'on  a  établi  que 
V Apocalypse  canonique  ne  pouvait  être  attribuée  à  Jean, 
fils  de  Zébédée,  ni  dans  son  inspiration  première,  ni  dans 
sa  forme  primitive.  En  ce  qui  touche  l'Evangile,  nous  avons 
fait  voir  également  (V.  Evangile)  que  l'écrit  attribué  à 
saint  Jean  est  un  remaniement  des  trois  premiers  évangiles, 
inspiré  par  une  pensée  systématique  absolument  étrangère 
aux  manières  de  voir  et  de  sentir  du  prerier  cercle  des 
apôtres.  Ce  mysticisme  subtil  qui  enlève  à  la  figure  de  Jé- 
sus tous  les  traits  d'une  personnalité  vivante  et  le  réduit  à 
l'état  d'une  abstraction  impersonnelle,  n'a  pu  prendre  corps 
qu'à  un  moment  où  l'Eglise  sacrifiait  les  souvenirs  réels 
et  matériels  de  son  fondateur  aux  illusions  d'une  savante 
métaphysique.  Cette  métaphysique  théologique  plonge  elle- 
même  ses  racines  dans  le  philonisme  et,  d'une  manière  plus 
générale,  dans  les  spéculations  judéo-alexandrines.  Attribuer 
une  oeuvre  d'analyse  raffinée  à  Tun  des  compagnons  immé- 
diats de  Jésus,  c'est  commettre  un  non-sens  historique  et 
littéraire,  c'est  faire  violence  à  la  psychologie.  Cependant 
quelques  écrivains  distingués  ont  entrepris  récemment  de 
soutenir  que,  si  la  doctrine  du  quatrième  évangile  est  visi- 
blement étrangère  à  la  sphère  où  se  mouvait  la  pensée  des 
premiers  chrétiens,  l'auteur  avait  en  sa  possession  des  sou- 
venirs d'un  prix  inestimable  sur  le  cadre  de  la  vie  de  Jésus, 
ce  que  M.  Sabatier  ne  craint  pas  d'appeler  «  une  tradition 
positive  et  originale  sur  la  vie  de  Jésus  ».  On  arrive  ainsi 
à  une  formule  faite  pour  ménager  certaines  susceptibilités, 
mais  qui  ne  donne  point  satisfaction  aux  exigences  d'iuie 
démonstration  rigoureuse  :  «  Le  quatrième  évangile  peut  et 
doit  être  ramené  à  l'apôtre  Jean,  mais  d'une  façon  médiate 
et  indirecte.  Il  représente  la  forme  qu'avait  revêtue  l'his- 
toire évangélique  en  Asie  Mineure  dans  les  cercles  où  s'était 
exercé  son  long  ministère.  C'est  une  solution  moyenne  ré- 
sultant du  double  caractère  de  cet  écrit,  où  il  est  aussi 
difficile  de  méconnaître  la  préoccu[>ation  du  théologien  et 
du  commentateur  que  la  tradition  positive  et  précieuse  d'un 
témoin  de  Jésus.  »  Ces  efforts  désespérés  pour  sauvegarder 
en  quelque  mesure  l'historicité  de  l'évangile  johannique, 
après  qu'on  a  sacrifié  son  contenu  dogmatique,  ne  nous 
semblent  pas  devoir  renciintrer  beaucoiip  d'écho  en  dehors 
.des  cercles  où  des  considérations  officielles  rendent  néces- 
saires de  gazer  les  résultats  purement  négatifs  d'une  cri- 
tique fondée  sur  des  principes  rationnels.  Nous  nous  bor- 
nerons à  rappeler  quelle  déformation  le  quatrième  évangile 


JEAN  — 

fait  subir  aux  miracles  rapportés  dans  les  synoptiques,  dé- 
formation qui  s'explique  toujours  par  des  motifs  systéma- 
tiques, des  faits  tels  que  la  purification  du  Temple  rapportée 
aux  débuts  de  la  carrière  de  Jésus,  la  lourde  et  pénible  in- 
venûon  qui  se  montre  dans  le  miracle  des  noces  de  Cana  et 
de  la  résurrection  de  Lazare,  deux  prodiges  qui  sont  la  la- 
borieuse mise  en  œuvre  de  propositions  purement  dogma- 
tiques. M.  Renan  s'était  placé  à  un  autre  point  de  vue 
quand  il  retenait  quelques-unes  des  indications  du  quatrième 
évangile;  il  se  préoccupait  de  ne  pas  trop  dégarnir  ses 
sources  et  sacrifiait  les  exigences  de  la  critique  au  souci  de 
la  composition  littéraire.  L'évangile  attribué  à  l'apôtre  saint 
Jean  n'a  rien  de  commun  avec  ce  personnage. 

Nous  en  devons  dire  autant  des  épîtres,  qui  appartiennent 
au  même  cercle  d'idées  que  le  quatrième  évangile.  La  pre- 
mière et  la  plus  importante  rappelle  la  théologie  de  l'Evangile 
dont  elle  est  l'application  pratique.  M.  Sabatier  l'a  carac- 
térisée avec  exactitude  en  disant  que  «  nul  écrit  du  Nou- 
veau Testament  ne  se  prête  moins  à  l'analyse  que  celui-là. 
On  peut  même  se  demander  si  nous  sommes  en  présence 
d'une  lettre  s'adressant  à  des  lecteurs  particuliers  avec  un 
but  spécial.  On  dirait  plutôt  une  homélie  famihère,  pleine 
sans  cloute  d'une  idée  dominante,  mais  où  les  pensées  de 
détail  se  succèdent  sans  ordre  logique,  appelées  par  les  in- 
cidents du  discours,  par  le  dernier  mot  qui  vient  d'être 
écrit.  Aussi  renoncerons-nous  à  les  distribuer  dans  un  cadre 
quelconque.  Il  suffira  de  noter  l'idée  inspiratrice  et  le  sen- 
timent particulier  qui  résonnent  sous  toutes  les  lignes  et  en 
font  l'unité,  pour  ne  pas  dire  la  monotonie.  Cette  idée,  ex- 
primée dans  le  premier  verset,  c'est  la  réalité  et  l'incar- 
nation de  la  parole  de  vie  dans  la  personne  du  Christ,  qui 
se  communique  et  se  propage  par  la  foi  dans  tous  les 
croyants.  D'un  autre  côté,  toute  la  richesse  de  cette  com- 
munion et  de  cette  foi  vivante  se  manifeste  dans  l'amour, 
le  commandement  nouveau  qui  résume  et  accomplit  tous  les 
autres.  C'est  cette  prédication  répétée  qui  a  valu  à  son  au- 
teur le  surnom  d'apôtre  de  l'amour.  —  A  quels  lecteurs 
l'épître  est-elle  adressée?  Ils  restent  aussi  mystérieux  que 
l'auteur  lui-même.  Aucune  circonstance  historique  ou  géo- 
graphique ne  permet  de  les  deviner.  »  La  seconde  et  la 
troisième épître  placées  sousle  nom  de  Jean  sont  fort  courtes; 
elles  se  donnent  comme  l'œuvre  d'un  «  presbytre  »  ou 
«  ancien  »  et  ont  des  destinataires  particuliers,  un  certain 
Caïus  et  une  femme,  ou  plutôt  une  communauté  spéciale. — 
L'Evangile  et  les  épîtres  constituent  les  documents  de  la 
théologie  «johannique  »,  titre  purement  conventionnel  qui 
désigne  des  vues  en  faveur  à  la  fin  du  i®^  siècle  et  au  com- 
mencement du  second  de  notre  ère.  M.  Vernes. 

BiBL.  :  Pour  la  bibliographie  générale,  V.  Nouveau 
Testament;  à  consulter  toutes  les  Introductions  au  Nou- 
veau Testament  et  les  dictionnaires  bibliques. 

JEAN-Bâptiste  (Saint),  personnage  juif  qui  joue  un  rôle 
considérable  aux  débuts  du  christianisme,  mais  dont  la  per- 
sonne et  l'action  restent  entourées  d'une  grande  obscurité. 
Du  témoignage  réuni  de  l'historien  Josèphe  et  des  Evan- 
giles, il  résulte  que,  au  temps  d'iïérode  Antipas,  un  ascète 
de  ce  nom  s'était  établi  dans  la  région  du  bas  Jourdain  aux 
environs  de  Jéricho  ;  ce  Jean,  couvert  d'un  vêtement  étrange 
qui  rappelait  celui  des  anciens  prophètes,  afi'ectant  de  se 
nourrir  des  produits  spontanés  du  sol,  annonçait  la  venue 
du  Dieu  tout-puissant  et  faisait  retentir  de  terribles  im- 
précations à  l'adresse  des  riches,  des  puissants,  des  gens 
en  place.  A  ceux  qui  écoutaient  ses  instructions,  il  admi- 
nistrait le  baptême,  —  d'où  son  surnom,  —  c.-à-d.  qu'il 
les  plongeait  dans  les  eaux  du  Jourdain  après  qu'ils  eussent 
fait  pleine  et  entière  confession  de  leurs  péchés.  Cette  im- 
mersion signifiait  que  le  pénitent  se  débarrassait  des  souil- 
lures du  passé  et  inaugurait  une  vie  de  vertu  et  de  piété 
qui  lui  vaudrait  l'indulgence  et  le  pardon  du  juge  suprême. 
Josèphe  déclare  que,  cette  prédication  semblant  de  nature 
à  ébranler  le  prestige  des  autorités  constituées,  Hérode 
Antipas  fit  enfermer  Jean-Baptiste  dans  la  forteresse  de 
Machérus  et,  bientôt  après,  lui  ôta  la  vie.  La  mort  du  bap- 


76  - 

tiseur  pourrait  tomber  aux  environs  de  l'an  30  de  l'ère 
chrétienne.  Les  Evangiles  prétendent  que  Jean  s'attira  le 
ressentiment  d'Antipas  par  les  observations  qu'il  ne  crai- 
gnit pas  de  lui  adresser  sur  sa  vie  privée,  mais  que  ce 
prince  ne  se  décida  à  le  sacrifier  entièrement  que  sur  les 
sollicitations  de  sa  femme  Hérodiade  et  d'une  fille  que  celle-ci 
avait  de  son  précédent  mariage.  Jean-Baptiste  nous  apparaît 
donc  comme  un  de  ces  agitateurs  au  rôle  à  la  fois  religieux 
et  politique,  dont  les  circonstances  troublées  que  traversait 
le  judaïsme  exphquentle  succès.  Son  action  fut,  en  effet,  as- 
sez profonde  pour  survivre  à  sa  personne,  et  un  groupe  de 
disciples  entretint  pendant  quelques  générations  le  souvenir 
de  ses  menaces  et  de  sa  rude  prédication.  Ce  groupe  était 
destiné  à  se  fondre  dans  les  rangs  de  l'Eglise  chrétienne. 

En  suite  de  cette  fusion,  les  Evangiles  nous  présentent 
le  rôle  de  Jean-Baptiste  sous  un  jour  qui  n'est  certainement 
pas  celui  de  la  réalité.  Au  lieu  de  constater  que  le  chris- 
tianisme a  accaparé  à  son  profit  le  mouvement  considérable 
provoqué  par  le  Baptiste,  ils  prétendent  que  Jean  s'est  donné 
dès  le  premier  jour  comme  le  précurseur  et  le  héraut  de 
Jésus  de  Nazareth,  d'abord  qu'il  a  annoncé  sa  venue,  puis 
qu'il  lui  a  administré  le  baptême,  ce  qui  a  été  l'occasion 
d'une  manifestation  céleste  proclamant  la  dignité  messia- 
nique de  Jésus;  ils  ne  vont  pourtant  pas  jusqu'à  prétendre 
que  Jean  ait  volontairement  disparu  de  la  scène  après  avoir 
désigné  Jésus  comme  le  Messie  attendu.  On  peut,  en  re- 
vanche, se  demander  si  Jésus  n'a  pas  commencé  par  être 
un  disciple  de  Jean,  dont  il  se  serait  séparé  par  la  suite  ; 
la  pauvreté  des  documents  ne  nous  permet  pas  de  trancher 
la  question  et  nous  hésiterions  à  nous  engager  dans  cette 
voie.  Nous  penserions  plutôt  que  les  mouvements  provo- 
qués successivement  par  Jean  et  par  Jésus  ont  été  entière- 
ment indépendants  l'un  de  l'autre  et  que  l'absorption  du 
premier  par  le  second  n'a  été  que  le  produit  des  circons- 
tances. La  théologie  chrétienne  ne  pouvait  se  résoudre  à  expli- 
quer cette  fusion  par  des  raisons  tirées  de  la  nature  des 
choses.  Aussi  les  Evangiles  nous  mettent-ils  en  présence 
d'un  système,  soigneusement  élaboré  :  d'un  côté,  Jean  an- 
nonce la  venue  imminente  du  Messie  et  déclare  le  recon- 
naître dans  Jésus;  de  l'autre,  Jésus,  appliquant  au  Bap- 
tiste plusieurs  textes  de  la  Bible,  le  désigne  comme  étant  le 
prophète  Elie,  dont  l'apparition  devait  précéder  immédia- 
tement la  venue  du  Messie.  Des  critiques  même  qui  s'ef- 
forcent de  sauvegarder  l'historicité  de  l'histoire  évangélique, 
sont  contraints  toutefois  par  l'évidence  à  aboutir  à  des  con- 
clusions singulièrement  voisines  des  nôtres.  Ainsi  M.  A. 
Sabatier  s'exprime  ainsi  :  «  On  est  habitué  à  faire  aboutir 
toute  l'œuvre  de  Jean-Baptiste  à  celle  de  Jésus  comme  à 
son  but  et  à  son  terme  et  à  l'y  absorber  entièrement.  L'his- 
toire nous  présente  autrement  les  choses.  Elle  nous  a  mon- 
tré Jean-Baptiste  gardant  son  indépendance  et  poursuivant 
sa  mission  parallèlement  à  celle  de  Jésus.  Elle  nous  montre 
ses  disciples  gardant  la  même  attitude  vis-à-vis  des  dis- 
ciples du  Christ,  assez  longtemps  encore  après  sa  mort.  Le 
livre  des  Actes  meaiionne  un  groupe  de  douze  disciples  de 
Jean  à  Ephèse,  qui  ne  savaient  pas  encore  qu'il  y  eût  un 
baptême  d'esprit,  et  que  Paul  fait  entrer  définitivement  dans 
l'Eglise.  Le  quatrième  évangile,  sans  pouvoir  être  expli- 
qué tout  entier  par  une  intention  polémique  contre  les  dis- 
ciples de  Jean,  vise  pourtant  bien  dans  plusieurs  passages, 
des  groupes  où  l'on  était  tenté  de  voir  dans  Jean  le  Messie 
lui-même.  Epiphane  mentionne  parmi  les  sept  hérésies  juives 
et  après  celle  des  pharisiens,  celle  des  héméro-baptistes  qui 
paraît  s'être  rattachée  à  Jean.  »  En  gros,  les  Evangiles  acca- 
parent Jean-Baptiste,  mais  en  le  maintenant  volontairement 
à  un  rang  inférieur;  il  représente  l'eau  par  opposition  à 
l'esprit,  le  règne  de  la  loi  en  contraste  avec  l'Evangile.  — 
Le  troisième  Evangile  rapporte  avec  quel  accompasmement 
de  circonstances  merveilleuses  se  serait  produite  la  nais- 
sance de  Jean  ;  c'est  un  pastiche  agréable  de  plusieurs  pas- 
sages de  l'Ancien  Testament,  en  aucune  façon  l'écho  de 
souvenirs  authentiques.  M.  Vernes. 

BiBL.  :   Sabatier,  art.  Jean-Baptiste,    dans   Encyclo- 


77 


JEAN 


péàie  des  sciences  religieuses^  t.  VIL—  Vernes,  Histoire 
des  idées  messianiques.  —  Renan,  Vie  de  Jésus. —  Havet, 
le  Christianisme  et  ses  origines^  t.  IV. 

JEAN  Chrysostome  (Saint),  célèbre  Père  de  l'Eglise 
(V.  Chrysostome). 

JEAN  Climàque  (Saint),  Père  de  l'Eglise,  mort  vers  605 
(fête  le  3  août).  On  sait  très  peu  de  choses  certaines  sur  sa 
vie  ;  car  tout  ce  que  rapporte  son  biographe,  le  rnoine  Da- 
niel, est  sujet  à  caution.  Il  entra  très  jeune  au  monastère 
du  mont  Sinaï,  dont  il  devint  ensuite  abbé.  On  le  surnomme 
quelquefois  Sinaïte  ou  Scolastique,  mais  plus  souvent 
Climàque,  à  cause  d'un  de  ses  ouvrages  intitulé  échelle 
(■/.Ai[jLa^)  du  Paradis  {Scala  paradisi).  Il  y  enseigne  les 
voies  pour  parvenir  au  plus  haut  point  de  perfection  reli- 
gieuse. On  a  encore  de  lui  un  Libei'  ad  pastorem,  qui 
renferme  d'intéressantes  comparaisons  entre  un  supérieur 
de  couvent  et  un  berger,  un  professeur,  un  médecin,  un 
capitaine.  Ces  deux  ouvrages,  surtout  le  premier,  ont  joui 
d'une  grande  vogue  au  moyen  âge,  Beaulieu. 

BiBL.  :  Vie  de  Jean  Cliniaque,  par  le  moine  Daniel  de 
Raïthu  (en  latin),  dans  Ltppomam,  t.  III,  p.  401  ;  dans 
MiGNE,  Pair,  grœca^  LXXXVlîI.  -—  Pour  les  œuvres  de 
Jean,  V.  Fabricius,  Bibliotheca  grœca. 

JEAN  CoLOMBiNi  (Saint)  (V.  Colombini). 

JEAN  Damascène  (Saint),  savant  religieux  de  la  pre- 
mière moitié  du  vin®  siècle,  mort  après  754.  C'est  un  des 
hommes  les  plus  remarquables  de  son  temps  et  parla  dignité 
de  son  caractère  et  par  l'étendue  de  ses  connaissances.  Ori- 
ginaire de  Damas,  il  sortait  d'une  famille  du  nom  de  Man- 
sour,  qui  était  au  service  du  khalife.  Il  reçut  une  très 
bonne  éducation  et,  entre  autres  maîtres,  eut  un  moine 
nommé  Kosmas,  qui  était  venu  de  Sicile  à  Damas  comme 
prisonnier  de  guerre.  11  entra  ensuite  dans  les  conseils  du 
khalite;  mais  il  ne  tarda  pas  à  en  sortir  pour  se  faire  ordon- 
ner prêtre.  Il  fut  mêlé  à  toutes  les  controverses  religieuses 
de  son  temps  et  joua  un  rôle  actif  dans  la  querelle  des  ico- 
noclastes. Du  fond  du  monastère  de  Saint-Sabas,  à  Jéru- 
salem, où  il  s'était  retiré,  il  défendit  l'orthodoxie  avec 
toutes  les  ressources  d'une  dialectique  infatigable.  Toute- 
fois son  biographe  Jean  semble  avoir  beaucoup  exagéré 
et  poétisé  son  rôle,  A  l'en  croire,  le  khalife  lui  avait  fait 
couper  la  main,  pour  avoir  défendu  les  images  et  quitté  son 
service,  et  Jean  l'aurait  recouvrée  grâce  à  l'intervention 
miraculeuse  de  la  Vierge.  Or  ni  Jean  ni  les  chroniqueurs 
ne  font  mention  de  ce  miracle.  On  sait  seulement  que  Jean 
fut,  au  concile  de  754,  frappé  d'anathème  avec  Germain  et 
Georges.  Jean  a  laissé  un  nombre  considérable  d'ouvrages  : 
des  écrits  de  polémique,  des  traités  dogmatiques,  des 
œuvres  poétiques  et  des  épîtres.  On  en  trouvera  une  liste, 
incomplète  toutefois,  chez  Lequien,  le  meilleur  éditeur  des 
œuvres  de  Jean  (Lequien,  Sancti  J.-D.  Opéra  omnia^ 
1712.  Patrologia  grœca,  XCIV-VI).  Un  de  ses  princi- 
paux titres  de  gloire  est  d'avoir  été,  avec  Kosmas,  le  plus 
important  représentant  de  la  troisième  période  de  la  poésie 
religieuse  grecque.  On  lui  attribue  généralement  un  traité 
de  musique  liturgique;  toutefois,  cette  paternité  a  été 
contestée  récemment.  Il  est  plus  probable  que  Jean  n'en 
fit  qu'une  revision.  Comme  poète,  Jean  imite  Grégoire 
de  Nazianze.  A  la  simplicité  d'un  Romanos  il  préfère  les 
artifices  compliqués  de  la  versification  et  de  la  composition. 
Il  se  complaît  dans  les  tours  de  force  poétiques,  au  détri- 
ment de  la  chaleur  des  sentiments  et  de  la  clarté  de  l'ex- 
pression. L'intelligence  de  ses  poésies  en  souffre  constam- 
ment ;  il  en  est  qui  sont  aussi  obscures  que  les  chœurs  des 
tragiques  grecs.  Son  originalité  consiste  à  avoir  substitué, 
dans  ses  poésies  religieuses,  la  quantité  à  l'accentuation. 
Toutefois  Jean  montre  une  préoccupation  constante  do  faire 
sentir,  dans  ses  trimètres  iambiques,  les  syllabes  accen- 
tuées, qui  reviennent  d'une  mani'^'re  régulière.  Beallteu. 
BiBL.  :  Jean,  patriarche  de  Jérusalem,  Vie  de  Saint 
Jean,  éd.  Lippomani,  t.  V  ;  Surius,  6  mai.  —  Phil.  Labbe, 
Conspectus  novae  edlt.  omnium  oper.  S'  J.  D.  in  iv  part, 
distrib.  ;  Paris,  1052.  ■—  Lwquien,  Conspectus  operura  J. 
D.  ;  Paris,  1700.— F.  Nève,  Saint  Jean  de  Damas  et  son  in- 
fluence en  Orient,  dans  Revue  belge,  1861.  -—  Perrier, 
J ean Damascène,  sa  vie  et  ses  écrits;  Strasbourg,  1863.  — 


Grundlehner,  Johannes  D.  ;  Utrecht,  1877.  —  Langen, 
J.von  Damaskus;  Gotha,  187y.  ~  Lupton,  S.  John  of 
Dam.  father  of  english  readers  ;  Londres,  1883.  —  Karl 
Krumbacher,  Gesch.   der  byzant.   Litteratur  ;   Munich, 

JEAN  DE  Capistran (Saint)  (V.  Capistrano). 

JEAN  DE  Damas  (Saint)  (V.  Jean  Damascène  [Saint]). 

JEAN  DE  DuKLA  (Saint),  religieux  polonais,  né  à  Dukla 
en  1414,  mort  en  1484.  Il  fît  ses  études  à  l'université  de 
Cracovie  et  entra  dans  l'ordre  des  bernardins.  L'Eglise  lui 
a  conféré  le  titre  de  bienheureux. 

JEAN  DE  LA  Croix  (Saint),  religieux,  de  son  nom  de 
famille  :  Jean  de  Yep,ez,  né  à  Ontiveros,  près  d'Avila 
(Vieille  Castille),en  1542,  mort  en  1591  ;  béatitié  en  1675, 
canonisé  en  17:26  par  Benoit  Xlll.  Fôte  le  24  nov.  — 
Après  la  mort  de  sa  mère,  il  entra,  très  jeune  encore, 
dans  un  hôpital  pour  soigner  les  malades  ;  il  le  fit  avec 
un  dévouement  au-dessus  de  son  âge.  Il  résolut  ensuite  de 
se  vouer  à  la  vie  monastique.  Son  goiît  pour  la  solitude 
l'attirait  vers  les  chartreux,  mais  son'ardente  dévotion  pour 
la  sainte  Vierge  le  détermina  à  préférer  les  carmes.  Vers 
l'âge  de  vinot  et  un  ans,  il  prit  l'habit  dans  leur  monas- 
tère de  Médina  del  Campo.  Bientôt  après,  il  entreprit  avec 
sainte  Thérèse  l'œuvre  que  nous  avons  relatée  au  mot 
Carmes  (t.  IX,  p.  454),  et  qui  aboutit  à  l'institution  des 
carmes  'déchaussés.  Les  carmes,  qui  s'opposaient  à  cette 
réforme,  l'accubèrent  de  rébellion  à  leur  ordre  et  le  firent 
emprisonner  a  Tolède  comme  fugitif  et  apostat.  Sainte 
Thérèse  parvint  à  le  faire  mettre  en  liberté,  après  neuf 
mois  de  détention.  Il  dirigea  ensuite  divers  couvents  adhé- 
rents à  la  réforme  et  en  fonda  d'autres.  En  1585,  il  fut 
élu  provincial  d'Andalousie  ;  en  1588,  définiteur  de  l'ordre. 
Mais  en  1591,  dans  un  chapitre  tenu  à  Madrid,  s'étant 
élevé  contre  les  décisions  des  supérieurs,  qui  voulaient 
qu'on  abandonnât  la  conduite  des  carmélites,  il  fut  dé- 
pouillé de  ses  fonctions  et  confiné  dans  le  monastère  de 
Pegnuela,  sur  la  sierra  Morena.  11  y  tomba  malade  et  fut 
transféré  dans  un  autre  couvent,  où  il  mourut,  privé  de 
soins  et  accablé  d'outrages.  —  Ses  œuvres  expriment  la 
quintessence  du  mysticisme  et  ne  peuvent  guère  être  com- 
prises que  par  les  adeptes  :  Nuit  obscure  de  l'âme;  — 
Mo7itée  du  Carmel;  —  Cantique  du  divin  amour  entre 
rame  et  Jésus-Christ,  son  divin  époux;—  Vive  flamme 
d'amoîir;  —  Lettres  spirituelles;  —  Conseils  spiri- 
tuels. —  Edition:  Barcelone,  1619,  in-4.  — •  Traductions 
en  fran<;ais  :  le  P.  Cyprien  (Paris,  1641 ,  in-4)  ;  le  P.  Louis 
de  Sainte-Thérèse  (Paris,  1665,  in-4)  ;  le  P.  Maillard 
(Paris,  1694,  in-4).  E.-H.  Vollet. 

BiBL.  :  Joseph  de  Jesu  Maria,  Vie  de  Jean  de  la  Croix; 
Bruxelles,  1632,  in-4,  traduite  par  le  P.  Dosithée  de  Saint- 
Alexis;  Paris,  1727, '2  vol.  in-4. 

JEAN  DE  Matera  (Saint),  né  à  Matera  (Potenza,  Italie) 
vers  1070,  mort  au  Mont-Gargan  le  20  juin  1139.  Après 
avoir  vécu  de  longues  années  dans  la  retraite  en  des  lieux 
déserts,  il  revint  prêcher  dans  sa  province  natale,  y  fut 
méchamment  accusé  d'hérésie,  et  fonda,  vers  11  iS,  un 
ordre  particulier,  dit  de  Pulsano,  du  nom  du  principal 
monastère,  au  S.  de  Tarente.  On  y  suivit  la  règle  de  Saint- 
Benoît,  avec  quelques  prescriptions  spéciales.  L'ordre 
s'éteignit  au  xiv«  siècle. 

BiBL.  :  Acta  Sanctorum  (Bolland.)  ;  Anvers,  1707  Juin, 
t.  III,  pp.  37-58.  ' 

^  JEAN  DE  Matha  (Saint),  instituteur  d'ordre,  né  à 
Faucon,  dans  la  vallée  de  Barcelonnette  (Provence),  en 
1160,  mort  en  l^il3.  Fête  le  8  févr.  Il  fit  ses  études  à 
Aix,  puis  à  Paris,  oîi  il  fut  reçu  docteur  en  théologie  et 
ordonné  prêtre.  En  la  première  messe  qu'il  dit,  au  moment 
où  il  élevait  l'hostie,  un  ange  apparut,  sous  la  forme  d'un 
jeune  homme  vêtu  d'une  robe  blanche,  avec  une  croix 
rouge  et  bleue  sur  la  poitrine  :  il  avait  les  bras  croisés  et 
les  mains  posées  sur  deux  captifs,  comme  s'il  eût  voulu 
en  faire  l'échange.  Jean  se  retira  auprès  d'un  saint  ermite, 
Félix  de  Valois,  qui  vivait  au  diocèse  de  Meaux,  afin  de 
prier  avec  lui,  pour  connaître  le  sens  de  cette  apparition. 
Un  jour  qu'ils  s'entretenaient  près  d'une  fontaine,  ils 


JEAN 

aperçurent  un  cerf  d'une  grande  blancheur,  qui  portait 
entre  ses  bois  une  croix  rouge  et  bleue  ;  et  en  trois  songes 
difierents,  un  ange  vint  leur  dire  d'aller  à  Home  demander 
au  pape  ce  qu'ils  devaient  faire.  IL  y  ai  river  eut  au  (ooi- 
mtncemenl  de  i'arnée  11 98.  Conm'e  ils  assistoient  à  la 
messe  que  le  pape  céîébiail  jour  apprendre  la  volonté  de 
Dieu,  Fapparition  de  la  pjtmière  messe  se  renouvela.  Le 
2févr.,jour  de  la  Purification,  le   pape  les  revêtit  de 
l'habit  qu'ils  avaient  vu  à  i'an^e,  et  il  les  envoya  à  Paiis 
avec  des  lettres  ordonnant  à  Eudes,  évêque  de  cette  ville, 
et  à  Absalon,  abbé  de  Saint-Victor,  de  leur  donner  une 
règle  et  un  couvent.  Gauthier  ou*  Gaucher  de  Chatillon 
leur  céda,  entre  Gandeleu  et  La  Ferté-Milon,  le  terrain  où 
avait  eu  lieu  la  vision  du  cerf,  d'où  le  nom  de  Cerfioy 
donné  au  couvent  qui  y  fut  construit.  Jusqu'à  la  fm  du 
xviii«  siècle,  ce  couvent  resta  le  chef  de  l'orc/r^  de  la 
Sainte-Trinité,  qui  avait  été  ainsi  fondé  et  voué  à  la 
rédemption  des  captifs.  La  règle  avait  été  approuvée  et 
l'ordre  confirmé,  avec  octroi  de  grands  privilèges,  par 
bulle  d'Innocent  Ilï  (47  déc.  4198).  Les  religieux  devaient 
réserver  un  tiers  de  leurs  biens  pour  le  rachat  des  captifs, 
et,  suivant  leur  première  règle,  ils  étaient  astreints  à  une 
extrême  austérité.  Les  supérieurs  de  leurs  couvents  étaient 
appelés  ministres.  Quarante  ans  après  sa  fondation,  cet 
ordre  possédait  six  cents  maisons  en  divers  pays.  On  a 
évalué  à  neuf  cent  mille  le  nombre  des  captifs  et  esclaves 
rachetés  par  lui  avant  la  fin  du  xviu^  siècle.  Ils  avaient 
aussi  servi  les  croisades  avec  un  grand  zèle,  accompagnant 
les  croisés  dans  leurs  expéditions,  les  exhortant  à  combattre 
vaillamment  pour  la  gloire  de  Jésus-Christ,  soignant  les 
blessés  et  les  malades. 

A  l'époque  de  la  Révolution,  les  trinilaires  ne  comp- 
taient plus  guère  que  cent  cinquante  couvents,  répartis  en 
treize  provinces,  dont  six  pour  la  France.  Urbain  IV  avait 
commis  Lévêque  de  Paris  et  les  abbés  de  Saint-Victor  et 
de  Sainte-Geneviève  pour  tempérer  leur  règle  ;  cette  miti- 
gation  fut  approuvée  par  Clément  ÏV  (1267).  Mais  le  relâ- 
chement dépassa  souvent  et  de  beaucoup  les  adoucissements 
permis,  et  nécessita  diverses  réformes.  La  plus  importante 
fut  opérée  en  Espagne,  vers  4594,  par  le  P.  Jean-Baptiste 
de  la  Conception,  qui  institua  les  trinitaires  déchaussés. 
En  4636,  ils  obtinrent  de  Urbain  VIII  l'autorisation  d'avoir 
leur  propre  général.  Cette  réforme  fut  imitée  en  Fi'ance 
par  le  P.  Jérôme  de  Halies,  dit  du  Saint-Sacrement  ;  auto- 
risée par  Clément  VIII  (4601),  elle  fut  confirmée  par 
Urbain  VIII  (4629),  qui  lui  donna  Aix  pour  centre.  Au- 
jourd'hui, l'ordre  de  la  Sainte-ïrinité,  est  compté  tout 
entier  parmi  les  ordres  mendiants  ;  et  chacune  des  deux 
branches  a  son  supérieur  général  à  Rome  :  vicaire  gé- 
néral pour  les  trinitaires  chaussés,  ministre  général 
pour  les  déchaussés.  —  Dès  4204,  des  femmes  s'étaient 
adjointes  en  Espagne  à  l'œuvre  des  trinitaires,  mais  comme 
oblates  ou  béates,  sans  prononcer  de  vœux.  En  4236,  leur 
maison  devint  un  véritable  couvent,  avec  des  religieuses 
de  chœur  et  des  sœurs  converses.  Il  se  fonda  dans  la  suite 
un  grand  nombre  d'étabhssements  de  religieuses  de  cet 
ordre.  —  Les  trinitaires  ont  aussi  un  tiers-ordre.  —  En 
France,  ces  religieux  portaient  le  nom  de  Mathurins,  à 
cause  d'une  chapelle  dédiée  à  saint  Mathurin  (rue  Saint- 
Jacques),  qui  leur  avait  été  donnée  par  l'évêque  de  Paris 
et  le  chapitre  de  la  cathédrale,  et  auprès  de  laquelle  ils 
avaient  construit  un  monastère.  Comme  c'était  dans  cette 
maison  que  se  tenaient  ordinairement  les  assemblées  de 
l'université,  on  l'appelait  Primaria  sedes  Universitatis. 
—  Le  recensement  spécial  de  4864  mentionne  3  religieux 
trinitaires,  4  maison  ;  625  religieuses  trinitaires,  39  mai- 
sons (3  maisons  mères);  62  Irinitaiies  déchaussées,  7  mai- 
sons. E.-H.  VOLLET. 

BiBL.  :  HÉLYOT  continué  par  Bullot,  Histoire  des 
ordres  monastiques,  religieux  et  militaires;  Paris,  1714- 
21,  8  vol.  in-4,  fig.  —  Prat,  Vie  de  saint  Jean  de  Mathaet 
de  saint  Félix  de  Valois,  1846. 

JEAN  DE  Salerne  (Saint),  dominicain,  né  à  Salerne  en 
4194,  mort  en  1242.  Supérieur  de  la  maison  des  frères 


78  - 

prêcheurs  à  Florence,  il  fut  chargé  par  Grégoire  IX  de 
combattre  les  patarins  (V.  ce  mot),  et,  pour  ses  succès,  il 
fut  canonisé  le  2  avr.  4783. 

JEAN  GuALBERï  (Saint)  iV.  Gualbert). 
JEAN  Kenty  (Saint),  théologien  polonais,  né  à  Kentv 
en  4397,  mort  en  4473.  Il  fit  ses  études  à  l'Académie  de 
Cracovie  où  il  prit  le  titre  de  docteur  en  théologie.  Il  fut 
célèbre  comme  professeur  et  comme  prédicateur.  H  a  été 
canonisé  en  4707.  L'Eglise  romaine  célèbre  sa  fête  le 
20  nov. 

JEAN  l'Aumônjer  (Saint),  patriarche  d'Alexandrie  de 
606  à  646  (Pagi)  ou  620  (Lequien),  Il  n'embrassa  la  vie 
religieuse  qu'à  la  mort  de  sa  femme.  Devenu  patriarche 
d'Alexandrie,  il  se  voua  tout  entier  aux  bonnes  œuvres  et 
laissa  dans  tout  l'Orient  une  réputation  d'inépuisable  bonté. 
Il  avait  organisé  un  service  d'assistance  publique  qui  ren- 
dit les  plus  grands  services  quand  les  chrétiens  de  Palestine, 
fuyant  devant  les  Perses  après  la  prise  de  Jérusalem  (juin 
614),  accoururent  en  foule  en  Egypte.  Sa  liste  d'assistés 
ne  comprenait  pas  moins  de  7,5U0  pauvres.  Ce  fut  aussi 
un  prélat  réformateur  qui  fit  une  rude  guerre  à  la  simonie 
et  chercha  à  combattre  les  progrès  des  hérésies,  en  déve- 
loppant l'instruction  religieuse  "des  fidèles.  Quand  les  Perses 
s'emparèrent  de  l'Egypte  en  646,  Jean  dut  quitter  son 
siège  d'Alexandrie.  Il  se  réfugia  dans  son  pays  natal,  où  il 
mourut  peu  après.  Beaulieu. 

BiBL.  :  On  a  plusieurs  biographies  de  Jean  dont  deux 
principales  ;  celle  de  Leontius,  évêque  de  Neapolis  en 
Chypre  (Migne,  Patr.  graec,  XCIII);  celle  de  Siméon  Me- 
TAPHRASTK  (MiGNE,Pah\  grœc,  CXIV).-Bruni,  Vita  del 
gl  s.  Giovanni,  etc.;  Venise,  1610.  — Palafox  y  Mendoza, 
Vida  de  S.  J.  ;  Madrid,   1650.  -  Lezzi,  Vita  di  S.  Giou., 

lool. 

JEAN  le  Silencieux  (Saint),  évêque  de  Colonia  (Armé- 
nie), né  à  Nicopolis  (Arménie)  en  454,  mort  à  Saint-Sabas, 
près  de  Jérusalem,  vers  o58.  Fête  le  43  mai.  Né  de  pa- 
rents chrétiens  et  riches,  il  construisit,  dès  472,  une  église 
en  l'honneur  de  la  Vierge.  Vers  481,  il  fut  sacré  évêque 
de  Colonia  à  son  corps  défendant,  car  il  aimait  la  solitude 
et  le  silence.  Il  avait  horreur  des  bains  et  ne  se  lavait  ja- 
mais ;  il  s'était  promis  de  ne  jamais  se  laisser  voir  ni  se 
regarder  lui-même,  sans  vêtement.  Il  dut  aller  à  Constan- 
tinople,  vers  491,  pour  affaires  de  son  diocèse;  au  lieu  de 
retourner  à  Colonia,  il  se  sauva  à  Jérusalem  et  se  fit  rece- 
voir au  couvent  que  Sabas  venait  de  fonder.  Il  y  fut  chargé 
des  plus  humbles  services  et  ne  dit  à  personne,  sauf  au  pV 
triarche,  sous  le  sceau  de  secret,  qui  il  était.  Quand  des 
dissensions  éclatèrent  au  couvent,  vers  503,  Jean  se  retira 
au  désert;  en  540,  il  revint  au  couvent  pacifié  et  y  vécut 
dans  le  silence  le  plus  complet,  une  vie  angélique,  suivant 
l'opinion  de  ses  contemporains.  F. -H.  K. 

BiBL.  :  ActaSanctorum  {Bolland.);  Anvers,  Mai  1680, 
t.  111,  pp.  2o2-2o8. 

JEAN  iNépomucène,  patron  de  la  Bohême.  Il  vivait 
sous  le  roi  Vacslav  IV.  Il  s'appelait  Jean  de  Pomuk  et  fut 
tué  par  l'ordre  de  Vacslav  tout  simplement  pour  avoir  encou- 
ragé l'évêque  Jean  de  Jenstein  dans  sa  résistance  aux 
volontés  royales  (iO  mars  4393).  La  statue  de  ce  saint 
s'élève  sur  le  fameux  pont  de  Prague  et  est  l'objet  de  la 
dévotion  des  pèlerins.  On  la  rencontre  aussi  sur  des 
ponts  de  beaucoup  de  villes  de  la  Bohême.  On  montre 
son  tombeau  à  la  cathédrale  de  Prague,  et,  le  46  mai,  il 
est  visité  par  de  nombreux  pèlerins  venus  de  toutes  les 
parties  de  la  Bohême  et  de  la  Moravie.  La  légende  qui  fait 
de  Jean  de  Pomuk  le  martyr  de  la  confession  auriculaire, 
ne  se  forma  qu'au  xv«  siècle  et  prit  naissance  en  dehors 
de  la  Bohême.  Elle  fut  développée  au  xvi^  siècle  dans  la 
Chronique  de  Hajek  et  devint  rapidement  populaire.  Le 
culte  de  Jean  Népomucène  se  développa  surtout  au  xvii«  siè- 
cle sous  l'influence  des  jésuites.  On  lui  attribua  des  mi- 
racles; la  légende  s'élargit  et  le  jésuite  Babin  lui  donna 
une  rédaction  définitive  {Acta  sanctorum,  t.  III,  mai). 
En  4683,  fut  érigée  la  statue  qu'on  voit  encore  sur  le  pont 
de  Prague.  Jean  de  Pomuk  fut  déclaré  bienheureux  en 
4724  et  canonisé  en  4729.  Mais  la  canonisation  s'appliqua 


à  un  personnage  qui  n'a  point  existé,  qui  aurait  péri  en 
1383,  tandis  que  le  vrai  Jean  de  Pomuk  mourut  en  1393. 
Dobrovsky  fut  le  premier  à  signaler  cette  erreur  singulière 
(Litterarisches  Mayaz-in  von  Uœhmen;  Prague,  1787). 
Quoi  qu'il  en  soit  des  efforts  de  la  critique  moderne,  la  lé- 
gende du  prétendu  saint  est  encore  très  vivace  en  Bohènie. 
Toutefois,  il  esta  remarquer  que,  ni  en  1883,  anniversaire 
de  la  mort  du  faux  Jean  Népomucène,  ni  en  1893,  anniver- 
saire de  la  mort  du  vrai,  on  n'a  osé  célébrer  le  5®  cente- 
naire du  martyre.  L.  Léger. 

BiBL.  :  Abel,  Die  Légende  vom  helligen  Johann  von 
Nepomiik,  1855.  —  Sybel's  Ilistorische  Z'eitschrift^  1873.  — 
Jean  Herber,  Jnn  Nepomucky  (en  tchèque)  ;  Prague,  1893. 

PAPES 

JEAN  I^^  (martyr),  55«  pape,  élu  le  13  août  523,  mort 
le  18  mai  526.  Fête  le  27  mai.  Le  fait  principal  de  ce 
pontificat  consiste  dans  les  négociations  que  Jean  entreprit 
auprès  de  l'empereur  Justin,  sur  l'ordre  de  Theodoric,  roi 
des  Ostrogoths.  Justin,  ardent  persécuteur  des  hérétiques, 
avait  ménagé  les  ariens  dans  ses  premiers  édits  ;  mais  il 
finit  par  ordonner  de  prendre  leurs  églises  et  de  les  re- 
mettre aux  catholiques,  après  les  avoir  consacrées  de  nou- 
veau. Theodoric  envoya  le  pape  à  Constantinople,  avec 
menaces  de  représailles,  afin  de  réclamer,  non  seulement 
la  tolérance  pour  les  ariens  qui  avaient  persévéré,  mais  le 
droit  pour  ceux  qui  avaient  abjuré  de  revenir  à  leur  pre- 
mière foi.  Jean  fut  reçu  à  Constantinople  avec  de  grands 
honneurs;  il  officia  à  la  fête  de  Pâque,  suivant  le  rit  latin, 
et  il  exigea  qu'on  lui  donnât  dans  l'église  un  trône  plus 
élevé  que  celui  du  patriarche.  L'empereur,  qui  régnait  déjà 
depuis  huit  ans,  se  fit  couronner  par  lui.  Mais  les  histo- 
riens sont  en  désaccord  sur  la  manière  dont  il  s'acquitta 
de  sa  mission.  Les  uns,  invoquant  des  témoignages  authen- 
tiques, affirment  qu'il  présenta,  avec  de  vives  instances,  la 
double  demande  dont  il  était  chargé  ;  d'autres,  qu'il  la 
divisa,  sollicitant  la  tolérance  pour  les  ariens,  mais  con- 
seillant de  refuser  à  ceux  qui  en  étaient  sortis  la  faculté 
de  rentrer  dans  leur  ancienne  Eglise.  D'autres,  s'appuyant 
sur  une  lettre  de  Jean,  dont  l'authenticité  est  fort  con- 
testée, prétendent  qu'il  proposa  à  Justin  de  repousser 
pareillement  les  deux  parties  du  message  de  Theodoric. 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  fut  emprisonné  à  Ravenne,  dès  son 
retour,  et  il  y  mourut.  E.-Il.  Vollet. 

BiRL.  :  Liber  Pontifîcalis.  —  GREGOROviuft,  Geschichie 
der  Stadt  Rom  im  Mittelalter  ;  Stuttgart,  1859-73,  8  vol. 
in-8.  —  J.  Barmby,  dans  le  DicLionary  of  Christian  biogra- 
phy  de  W.  Smith  et  H.  Wace  ;  Londres,  1877-87,  4  vol. 
in-8. 

JEAN  il,  surnommé  Mercuriiis^  58®  pape,  élu  le 31  déc. 
532,  mort  le  27  mai  535.  11  était  né  à  Rome,  et  avant 
son  élection,  il  y  était  prêtre,  au  titre  de  Saint-Clément. 
Sur  les  instances  du  Defensor  Ecclesiœ,  agissant  vraisem- 
blablement de  concert  avec  le  pape,  Athalaric,  roi  des 
Ostrogoths,  confirma,  au  commencement  de  ce  pontificat, 
un  décret  rendu  en  530  par  le  Sénat  romain,  pour  ré- 
primer les  promesses  et  les  dons  d'argent  faits,  à  l'occasion 
des  élections,  par  les  prétendants  à  la  papauté,  et  la  dila- 
pidation des  biens  de  l'Eglise,  qui  en  était  la  conséquence. 
—  Le  25  mars  534,  Jean  approuva  un  édit  de  Justinien 
déclarant  que  le  Verbe  divin  et  le  Christ  sont  un  et  le 
même,  et  que  les  souffrances  qu'il  a  endurées  en  sa 
chair  sont,  comme  ses  miracles,  de  cet  un  et  même. 
Dans  une  lettre  adressée  au  pape  en  lui  communiquant  son 
édit,  l'empereur  expliquait  que  le  Verbe  et  Christ,  un  et 
le  même,  consubstantiel  au  Père  quant  à  sa  divinité, 
consubstantiel  à  nous  quant  à  son  humanité,  avait  pu 
souffrir  dans  sa  chair,  quoique  cet  un  et  môme  lut  im- 
passible dans  sa  divinité.  Les  acémètes,  qui  soutenaient 
l'opinion  contraire,  se  prévalaient  dîme  lettre  du  pape 
Hormisdas  condamnant  des  moines  qui  avaient  prétendu 
qu'une  personne  de  la  Trinité  avait  souffert  dans  la 
chair.  Plusieurs  écrivains  argumentent  de  ce  fait,  pour 
établir  qu'un  pape  a  approuvé  ce  qu'un  autre  avait  con- 
damné. E.41.  V. 

BiBL.  :  V,  Jean  l''^. 


79  —  JEAN 

JEAN  m,  63«  pape,  élulelB  juil.  560,  mortlel2juiL 
573.  Le  seul  fait  quelque  peu  mémorable  de  ce  pontificat 
se  rapporte  à  la  juridiction  ecclésiastique.  Deux  évêques 
de  la  Gaule  déposés  par  un  synode  tenu  sur  l'ordre  du  roi 
Gontt'an,  ayant  fait  appel  à  Kome,  furent  rétablis  par  le 
pape  ;  mais,  ayant  commis  de  nouveaux  méfaits,  ils  furent 
définitivement  destitués  par  un  autre  synode.  —  568-569 
conquête  de  la  plus  grande  partie  de  l'Italie  par  les  Lom- 
bards. E.-H.  V. 
^  JEAN  IV,  74®  pape,  élu  le  24  déc.  640,  mort  le  H  oct. 
642.  R  repoussa  énergiquement  et  fit  condamner  par  un 
synode  romain  ÏEcthesis  (V.  ce  mot  et  Monothélisme)  de 
l'empereur  Héraclius.  Comme  on  objectait  que  le  pape  lio- 
norius  s'était  déclaré  contre  la  coexistence  de  deux  volontés 
en  Jésus-Christ,  il  prit  la  défense  d'IIonorius  et  soutint 
que  le  pape  avait  nié  non  deux  volontés  distinctes,  mais 
deux  volontés  contraires  en  Jésus-Christ.  —  Répondant 
à  une  lettre  que  les  évêques  et  les  prêtres  d'Ecosse  avaient 
adressée  à  Séverin,  son  prédécesseur,  il  réprouva  leur 
usage  relativement  à  la  célébration  de  la  fête  de  Pâques, 
et  il  les  mit  en  garde  contre  le  pélagianisme.     E.-lL  V. 

JEAN  V,  84e'pape,  élu  le  23  juil.  685,  mort  le  2  août 
685.  Ne  à  Antioche  en  Syrie,  il  commence  une  série  do 
papes  provenant  de  l'Eglise  d'Orient.  Il  est  aussi  le  premier 
pape  dont  la  consécration  se  fit  sans  attendre  la  confirma- 
tion de  l'empereur.  Cette  dispense  avait  été  accordée  sous 
le  pontificat  de  Benoit  II,  par  un  mandat  de  l'empereur 
Constantin  Pogonat.  —  Au  VP  concile  œcuménique  (681) 
Jean  avait  été  un  des  trois  représentants  du  pape  Agathon. 

JEAN  VI,  87«pape,  élu  le  20  oct.  701,  mortle9janv. 
705.  Il  était  d'origine  grecque.  Il  apaisa  une  sédition  des 
soldats  mutinés  à  Rome  contre  l'exarque  dltalie.  Il  racheta 
les  captifs  pris  par  Gisulphe,  duc  de  Bénévent,  qui  avait 
envahi  et  ravagé  la  Campanie  ;  et  il  traita  avec  lui  pour 
qu'il  se  retirât  de  cette  [)rovince.  Il  reçut  et  fit  juger  favo- 
rablement par  un  synode  romain  l'appel  de  Wilfrid,  évêque 
d'York,  déposé  par  un  synode  anglais.  E.-H.  V. 

JEAN  VII,  88-  pape,'  élu  le  1«^  mars  705,  mort  le 
17  oct.  707.  n  était  Grec  :  son  père  s'appelait  Platon. 
Aussitôt  après  son  élection,  Justinien  11  lui  envoya  les  ca- 
nons du  concile  Quinisecte  (692),  appelé  aussi  concile  in 
Trullo  (V.  Constantinople,  t.  XR,  p.  628,  col.  2),  le 
priant  de  les  communiquer  à  un  synode  romain  qui  en 
confirmerait  ceux  qui  auraient  obtenu  son  approbation,  et 
qui  pourrait  repousser  les  autres.  Ils  avaient  été  rejetés  pré- 
cédemment dans  leur  ensemble  par  le  pape  Sergius,  comme 
contenant  des  dispositions  contraires  aux  prérogatives  et 
aux  usages  du  siège  de  Rome.  Jean  les  remit  à  Justinien 
sans  protestation  ni  modification  aucune.  Un  biographe  de 
ce  pape,  reproduit  par  le  Liber  Pontifîcalis,  attribue  cet 
acquiescement  tacite  «  à  la  lâcheté  et  à  la  fragiUté  humaine  », 
et  il  suppose  que  1a  prompte  njort  de  Jean  fut  le  châtiment 
de  sa  faii)lesse;  Baronius,  au  contraire,  estime  qu'il  agit 
avec  dignité,  le  silence  étant  la  seule  réponse  que  méritât 
la  demande  de  l'empereur.  E.~lï.  V. 

JEAN  VIII,  papesse  (V.  Jeanne  [La papessej). 

JEAN  Vlll,  110«  pape,  élu  le  14  déc.  872,  mort  le 
15  déc.  882.  Il  était  né  à  Rome  et  était  archidiacre  de 
l'Eglise  romaine  lorsqu'il  fut  élu.  Le  25  déc.  875,  il  cou- 
ronna comme  empereur  Charles  le  Chauve,  qui  était  venu 
à  Rome  et  avait  gagné  la  faveur  du  Sénat  et  du  peuple  par 
ses  libéralités,  et  celle  du  pape  par  des  promesses  de  secours 
contre  les  Sarrasins,  vraisemblablement  aussi  par  des  pro- 
messes de  concoiirs  pour  l'extension  de  l'autorité  du  saint- 
siège  sur  les  Eglises  de  l'Empire.  Ce  prince  se  rendit  ensuite 
à  Pavie,  pour  y  recevoir  la  couronne  de  Lombardie.  Les 
dix-huit  évêques  assemblés  en  concile,  à  l'occasion  de  ce 
couronnement,  déclarèrent  qu'ils  l'élisaient  unanimement 
seigneur  et  protecteur,  mais  en  lui  rappelant  que  c'était  la 
bonté  divine  qui  l'avait,  par  l'intercession  de  saint  Pierre 
et  do  saint  Paul,  et  par  le  ministère  du  pape  Jean,  leur 
vicaire,  élevé  à  la  dignité  impériale,  pour  l'utilité  de  l'Eglise. 
Le  21  juin  876,  deux  légats  siégeaient  avec  cinquante 


JEAN  — 

évêques  français  au  concile  de  Pontion,  convoqué  par  ordre 
de  Charles  le  Chauve  :  on  y  confirma  l'élection  de  l'empe- 
reur et  les  actes  du  concile  de  Pavie  ci-dehsus  mentionnés  ; 
on  y  agita  plusieurs  fois  l'affaire  d'Ansegise,  archevêque  de 
Sens,  que  le  pape  venait  d'instituer  primat  des  Gaules  et 
de  la  Germanie,  et  vicaire  du  saint-siège  en  ces  contrées, 
soit  pour  la  convocation  des  conciles,  soit  pour  toutes  autres 
affaires  ecclésiastiques.  Il  devait  notifier  aux  évêques  les 
décrets  du  pape,  lui  faire  rapport  sur  l'exécution,  et  lui 
référer  les  causes  majeures.  Les  évêques  répondirent  qu'ils 
respectaient  le  seigneur  Jean,  leur  père  spirituel,  souverain 
pontife  et  pape  universel  ;  tous  recevaient  avec  vénération 
grande  les  choses  que,  selon  son  sacré  ministère,  il  avait 
décidé  dans  son  autorité  apostolique,  et  ils  lui  rendaient 
sur  toutes  choses  l'obéissance  qui  lui  était  due.  Mais,  con- 
formément à  l'avis  de  Hincmar,  ils  réservèrent  expressé- 
ment les  droits  des  métropolitains.  Malgré  les  instances  de 
l'empereur  et  des  légats,  Ansegise  ne  put  obtenir  rien  de 
plus.  Le  titre  de  primat  attribué  depuis  lors  à  Tarchevêque 
de  Sens  n'a  jamais  été  considéré  dans  l'Eglise  gallicane 
comme  conférant  juridiction. 

Les  Sarrasins  tenaient  alors  quelques  fortes  positions 
dans  le  sud  et  le  centre  de  l'Italie,  et  leurs  flottes,  venant  de 
la  Corse,  de  la  Sardaigne  et  de  l'Afrique,  dominaient  et 
ravageaient  les  côtes  occidentales.  La  plupart  des  villes  et 
des  princes  avaient  renoncé  à  les  combattre;  plusieurs 
même  avaient  fait  alliance  avec  eux.  Jean  seul  essaya  avec 
constance  de  leur  résister.  Mais  tous  ses  efforts  restèrent 
vains,  ainsi  que  toutes  ses  instances  pour  obtenir  le  secours 
des  princes  chrétiens.  Lorsque  la  Campanie  fut  envahie 
et  dévastée,  il  dut  se  soumettre  à  un  tribut  annuel  de 
25,000  marcs  d'argent.  —  Il  avait  soutenu  jusqu'à  la  fin 
le  parti  de  Charles  le  Chauve.  Après  la  mort  de  cet  empe- 
reur (13  oct.  877),  Lambert,  duc  de  Spolète,  et  Adalbert, 
marquis  de  Tuscie,  occupèrent  Rome,  et  forcèrent  les  prin- 
cipaux habitants  à  jurer  fidéUté  à  Carloman.  Le  pape,  sé- 
questré dans  Saint-Pierre,  parvint  à  s'échapper  et  à  gagner 
la  France  par  mer  (avr.  878).  Il  tint  à  Troyes  (août-sept.) 
un  concile,  auquel  assistèrent  trente  évêques  et  le  roi  Louis 
le  Bègue,  qui  y  fut  couronné.  On  y  excommunia  Lambert 
et  ses  complices,  et  on  condamna,  par  anathème  sans  espoir 
d'absolution,  Formose,  évêque  de  Porto  (plus  tard  pape), 
et  Grégoire,  maître  de  la  milice  de  Rome.  A  la  fin  du  con- 
cile, Jean  pria  les  évêques  de  le  suivre  pour  la  défense  de 
l'EgUse  romaine,  avec  tous  leurs  vassaux  armés.  L'année 
suivante,  il  rentra  a  Rome.  Malgré  son  aversion  contre 
Carloman,  il  dut  se  résigner  à  couronner  son  fils,  Charles 
le  Gros  (12  fév.  881). 

Dans  l'ordre  religieux,  les  faits  les  plus  importants  de  ce 
pontificat  se  rapportent  aux  actes  de  Jean  à  l'égard  de 
Photius  et  de  l'Eglise  grecque.  Ces  actes  ont  provoqué  des 
controverses  qui  s'agitent  encore  passionnément  aujour- 
d'hui, et  où  se  produisent  avec  une  singulière  abondance 
les  accusations  réciproques  de  falsification  et  de  suppres- 
sion de  documents  si  communes  dans  l'histoire  ecclésias- 
tique. Au  concile  tenu  en  869  à  Constantinople  après  la 
disgrâce  de  Photius  (VHP  concile  général  des  Latins),  Jean 
avait  été  le  principal  rapporteur,  et  il  avait  conclu  à  l'an- 
nulation de  l'élection  de  Photius,  comme  absolument  illé- 
gitime. Mais  Photius  fut  rappelé  plus  tard  par  l'empereur 
Basile,  qui  lui  confia  l'éducation  de  ses  enfants,  et  après 
la  mort  du  patriarche  Ignace  (23  oct.  878),  il  fut  rétabli 
sur  le  siège  de  Constantinople.  Un  concile  général  fut  con- 
voqué à  Constantinople  pour  restaurer  la  paix  de  l'Eglise. 
C'est  le  VHP  concile  œcuménique  des  Orientaux  (nov.  879- 
mars  880),  l'assemblée  ecclésiastique  la  plus  nombreuse 
depuis  le  grand  concile  de  Chalcédoine  :  383  évêques.  Jean 
sollicitait  alors  le  secours  de  Basile  contre  les  Sarrasins  ; 
il  reconnut  Photius,  mais  en  essayant  de  profiter  de  cette 
occasion  pour  renouveler  et  faire  prévaloir  les  prétentions 
de  Rome  à  une  suprême  juridiction  sur  toute  l'Eghse,  et 
sa  revendication  de  l'Eglise  de  Bulgarie.  11  n'obtint  de  l'em- 
pereur qu'une  assistance  navale  insuffisante  contre  les  agres- 


80  - 

sions  des  Sarrasins,  et  échoua  misérablement  dans  ses  deux 
autres  entreprises.  Les  légats  qui  le  représentaient  au  con- 
cile étaient  Paul,  évêque  d'Ancône  ;  Eugène  d'Ostie  et  Pierre, 
cardinal-prêtre.  Ils  prétendirent  qu'ils  avaient  été  envovés 
pour  confirmer  Photius  dans  sa  charge  et  ses  dignités  ; 
mais  on  leur  fit  bientôt  comprendre  que  le  patriarche  n'avait 
nul  besoin  de  la  confirmation  du  pape.  Dans  les  lettres 
qu'ils  devaient  lire  au  nom  de  Jean,  ils  omirent,  avec  ou 
sans  son  consentement,  les  énonciations  qui  imposaient  à 
Photius  l'obligation  de  demander  au  pape  pardon  d'occu- 
per illégalement  le  trône  patriarcal,  et  de  reconnaître  qu'il 
devait  sa  confirmation  à  la  grâce  du  pape.  Ils  finirent  par 
dire  qu'ils  avaient  été  envoyés  pour  rétablir  l'union  dans 
l'Eglise  de  Constantinople;  mais  puisque  cette  union  était 
déjà  rétablie  et  Photius  accepté  comme  patriarche,  ils 
n'avaient  plus  qu'à  remercier  Dieu,  le  dispensateur  de  la 
paix  ;  et  ils  signèrent  en  ces  termes  la  réprobation  du  con- 
cile de  869,  qui  avait  condamné  Photius  :  «  Je  reconnais 
Photius  patriarche  légalement  élu,  j'entre  en  commu- 
nion avec  lui  conformément  aux  instructions  du  pape.  Je 
regrette  et  j'anathématise  le  concile  qui  a  été  convoqué 
contre  Photius,  ainsi  que  tout  ce  qui  a  été  fait  contre  lui 
à  l'époque  du  pape  Adrien,  de  bien  heureuse  mémoire,  et 
je  ne  compte  pas  ce  concile  au  nombre  des  véritables.  » 
Les  instructions  écrites  qu'ils  avaient  reçues  de  Jean  (Com- 
monitorium,  §  10)  comprenaient  cette  déclaration  de  nul- 
lité :  ...  Synodus  qiiœ  fada  est  contra  Pliotium,.,  ex 
nunc  sit  regecta,  irrita  et  sine  robore,  et  non  connu- 
mer  etur  cum  altéra  sancta  Synodo.  —  Lorsque  les 
légats  réclamèrent  la  restitution  des  Eglises  de  Bulgarie, 
on  leur  répondit  que  cette  question  ne  concernait  que  des 
limites,  et  qu'il  n'était  pas  opportun  de  la  traiter,  —  Dans 
le  P"*  canon  de  la  V^  séance,  le  concile  décréta  l'égalité 
entre  les  patriarches  de  Rome  et  de  Constantinople,  et  il 
interdit  d'accorder  de  nouvelles  prérogatives  au  siège  de 
Rome. 

L'empereur  ayant  proposé  au  concile  de  formuler  et  de 
promulguer  un  modèle  de  foi  pour  tous  les  chrétiens,  le 
représentant  du  patriarche  d'Antioche,  les  autres  métropo- 
litains et  les  légats  répondirent  qu'il  était  préférable  de  s'en 
tenir  à  l'ancien  symbole,  déjà  accepté  par  tous  les  chrétiens 
et  confirmé  par  les  précédents  synodes  œcuméniques.  On 
lut  solennellement  le  symbole  de'^Nicée-Constantinople,  le- 
quel fait  procéder  le  Saint-Esprit  du  Père  seulement,  et 
par  conséquent  ne  contient  pas  le  Filioque  ajouté  par  les 
Latins.  Par  une  décision  unanime,  on  condamna  tous  ceux 
qui  se  permettraient  de  retrancher,  d'ajouter  ou  de  modi- 
fier quoi  que  ce  fût  à  ce  symbole.  En  la  séance  de  clôture, 
le  concile  déclara,  avec  la  même  unanimité,  ennemis  de 
Dieu  ceux  qui  pensaient  autrement.  Répondant  à  une  lettre 
que  Photius  lui  avait  envoyée  dès  son  rétablissement  (878), 
Jean  avait  écrit  :  «  Votre  envoyé  s'est  expliqué  avec  nous  ; 
il  trouve  que  nous  observons  la  forme  primitive  du  sym- 
bole, que  nous  n'y  ajoutons  ni  n'en  retranchons  rien... 
Non  seulement  nous  ne  prononçons  pas  le  symbole  avec 
Paddition  Filioque,  mais  nous  condamnons  ceux  qui  le 
font,  comme  des  gens  qui  défigurent  l'enseignement  du 
Christ,  qui  violent  la  parole  divine.  Mais  votre  sagesse 
n'ignore  pas  qu'il  est  difficile  de  faire  accepter  cette  ma- 
nière^ de  voir  à  nos  autres  évêques,  de  modifier  un  usage 
qui  s'est  enraciné  depuis  des  années.  Il  nous  paraît  donc 
préférable  de  ne  forcer  personne  à  abandonner  l'addition, 
mais  d'agir  sur  eux  par  la  modération  et  la  prudence,  en 
amenant  peu  à  peu  à  abandonner  ce  blasphème.  »  La  plu- 
part des  écrivains  occidentaux  contestent  l'authenticité  de 
cette  lettre.  Les  Orientaux  répondent  qu'à  l'époque  où 
elle  fut  écrite,  le  Filioque,  ajouté  par  le  concile  de  Tolède 
dès  589,  n'avait  point  encore  été  accepté  par  l'Eglise  de 
Rome,  bien  qu'il  le  fût  par  d'autres  Eglises  occidentales. 
Moins  d'un  siècle  auparavant,  Léon  III  (795-816),  avait 
refusé  à  Charlemagne  de  l'insérer  dans  le  Credo.  Une  lettre 
de  Jean  (Ad  Sfendopvlcrnm,  comitem),  dont  l'authenti- 
cité n'est  pas  douteuse,  montre  que  personnellement  il 


n'était  pas  favorable  au  Filioque.  D'ailleurs,  entrant  en 
communion  avec  Photius,  qui  en  était  l'adversaire  déclaré, 
il  indiquait  à  tous  qu'il  ne  condamnait  pas  cette  réproba- 
tion. On  vient  de  voir  que  ses  légats  agirent  en  conséquence 
au  concile  de  Constantinople.  En  refusant  de  reconnaître 
les  actes  de  ce  concile,  Jean  ne  motiva  son  refus  ni  sur 
les  décisions  relatives  au  Filioque,  ni  sur  la  condamnation 
du  concile  de  869,  mais  sur  ce  que  Pholius  n'avait  point 
demandé  pardon  de  ses  torts  envers  Rome,  ni  remercié  le 
pape  du  bienfait  qu'il  lui  avait  accordé,  en  reconnaissant 
la  légitimité  de  son  élection,  et  sur  ce  qu'il  n'avait  point 
cédé  la  Bulgarie.  —  Plusieurs  historiens  reprochent  à  ce 
pape  d'avoir  abusé  des  armes  spirituelles  et  d'avoir  prodi- 
gué les  excommunications  au  point  d'en  avilir  la  valeur.  11 
reste  de  lui  326  lettres,  reproduites  dans  la  collection  des 
conciles  de  Labbe.  On  a  prétendu  que  les  trois  dernières 
sont  apocryphes.  E.-ïï.  Vollet. 

BiBL.  :  WATTERicri,  Pontificum  Romanorura  ab  exeunte 
sœculo  IX  ad  finem  sœcuti  XIIJ  ab  œqualibus  conscriptœ  ; 
Leipzig,  1862.  —  Hefele,  Conciliengeschichte;  Fribourg, 
1873.  -—  Grkgorovius,  Geschichte  der  SladtRom  im  Mit- 
telalter  ;  Stuttgart,  1859-73,  8  vol.  in-8.  —  De  Reumunt,  Rom 
im  Mittelalter  ;  Berlin,  1867-70^  3  vol.  in-8.  —  Hergenro- 
THER,  Photiiis  ;  Ratisbonne,  1807,  2  vol.  in-8.  —  Jager, 
Histoire  de  Photius  ;  Paris,  1864,  in-8.  —  Revue  interna- 
tionnle  de  théologie  :  le  Patrvirche  Photius;  Berne,  janv.- 
mar8  1894. 

JEAN  !X,  119*^  pape,  consacré  le  15  juil.  898,  mort  le 
12  mars  900,  suivant  plusieurs  historiens;  le  30  nov. 
suivant  d'autres;  au  mois  d'août,  suivant  Papencordt. 
Aussitôt  après  la  mort  de  Théodore,  un  parti  avait  élu  le 
diacre  Sergius;  mais  avant  que  celui-ci  fût  consacré,  Jean, 
natif  de  Tibur,  fils  de  Rampoald,  fut  éhi  par  un  autre 
parti.  Sergius,  chassé  de  Rome,  se  réfugia  auprès  d'Adal- 
bert,  marquis  de  Tuscie.  Dès  son  avènement,  Jean  s'em- 
pressa de  convoquer  un  concile  qui  condamna  les  actes  in- 
famants commis  par  le  pape  Etienne  YI,  contre  la  mémoire 
et  sur  le  cadavre  du  pape  Formose.  Mais  ceux  qui  avaient 
participé  à  ces  actes  furent  absous,  comme  ayant  agi  par 
contrainte.  Renouvelant  une  ordonnance  d'Etienne  V,  ce 
concile  statua  que  l'élection  des  papes  serait  faite  par 
l'assemblée  des  évêques  et  de  tout  le  clergé,  sur  la  demande 
du  peuple,  et  que  la  consécration  aurait  lieu  en  présence 
des  commissaires  de  l'empereur,  pour  éviter  les  désordres, 
afin  que  l'Eglise  ne  fût  point  scandalisée  ni  la  dignité  de 
l'empereur  diminuée.  11  défendit  aussi  d'exiger  de  l'élu  les 
serments  nouvellement  inventés.  Le  canon  XI  se  réfère  à  un 
fait  intéressant  pour  l'histoire  des  mœurs  de  ce  temps-là  : 
«  Il  s'est  aussi  introduit  une  détestable  coutume:  à  la  mort 
du  pape,  on  pille  le  palais  patriarcal  ;  et  le  pillage  s'étend 
par  toute  la  ville  de  Rome  et  les  faubourgs.  On  traite  de 
même  les  maisons  épiscopales,  à  la  mort  de  l'évèque.  C'est 
pourquoi  nous  défendons  cela  à  Pavenir,  sous  peine  non 
seulement  des  censures  ecclésiastiques,  mais  aussi  de  l'in- 
dignation de  l'empereur.  »  Deux  autres  décisions  décla- 
rèrent  légitime  le  couronnement  de  Lambert  et  annulèrent 
celui  d'Arnulte.  Lambert  rendit  au  pape  les  biens  enlevés 
à  l'Eglise  et  invalida  les  aliénations  qui  en  avaient  été 
faites.  E.-H.  Vollet. 

JEAN  X,  XI,  Xll.  —  Jean  X,  126^  pape,  élu  fin  avr.  914, 
mort  en  mai  928.  Il  avait  été  prêtre  à  Ravenne,  évêque  de 
Bologne,  puis  archevêque  de  Ravenne,  ce  qui  rendait  son 
élection  contraire  aux  lois  canoniques  alors  établies.  C'est 
pourquoi  Raronius  lui-même  l'appelle  psetidopape.  Un 
Catalogue  des  papes^  dressé  au  monastère  duMont-Cassin, 
peu  de  temps  après  son  pontificat,  l'accuse  d'avoir  été 
intrus  (invasor)  et  attribue  la  mort  qu'il  subit  à  un  juste 
jugement  de  Dieu.  Il  devait  sa  nomination  à  la  faction  qui 
dominait  à  Rome  depuis  903. 

Cette  faction,  composée  du  parti  du  duc  de  Spolète  et 
des  Romains  qui  s'y  étaient  ralliés,  fut  longtemps  dirigée 
par  des  femmes,  dont  Fhistoire,  écrite  d'après  les  témoi- 
gnages de  leurs  ennemis,  vante  la  beauté  et  l'habileté,  mais 
condamne  sévèrement  les  mœurs.  Pendant  près  d'un  demi- 
siècle,  le  siège  apostolique  a  été  occupé  par  leurs  amants, 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE    —   XXL 


81  —  JEAN 

leurs  fils  ou  leurs  petits-fils.  D'où  le  nom  de  Pornocratie 
donné  à  cette  période  de  l'histoire  de  l'Eglise  romaine, 
laquelle  est  inséparable  de  l'histoire  de  ces  femmes.  Il  nous 
semble  d'autant  plus  nécessaire  de  la  résumer  ici,  que 
parmi  les  douze  papes  qui  furent  élus  sous  cette  influence, 
plusieurs  sont  appelés  Jean.  Théodora  était  la  femme  de 
Théophilacte,  que  les  documents  anciens  désignent  sous  le 
titre  de  consul  romain.  Il  est  vraisemblable  que  dès  903 
elle  occupait  le  château  Saint-Ange;  quoi  qu'il  en  soit, 
elle  tenait  Rome  et  la  gouvernait  virilement.  Luitprand  dit  : 
Theodora^  scortum  impudens^  Romance  civitatis  non 
invirililer  monarchiam  obtinebat.  Après  la  mort  de  son 
mari,  elle  devint  la  maîtresse  d'Albéric,  marquis  de  Tos- 
cane ;  mais  on  raconte  qu'elle  était  passionnément  éprise 
du  prêtre  qui  devint  le  pape  Jean  X,  et  que  c'est  à  elle 
qu'il  dut  l'évêché  de  Bologne,  puis  l'archevêché  de  Ravenne 
et  enfin  la  papauté.  Elle  eut  deux  filles:  Maroziâ  {Maria 
Marmccia)  et  Théodorà,  qu'on  surnomma  la  Jeune,  pour 
la  distinguer  de  sa  mère.  Marozia,  qu'on  dit  avoir  été  la 
maîtresse  du  pape  Sergius  III,  épousa  un  seigneur  romain, 
Albéric,  consul,  patrice  et  marquis  de  Camerino  et  de 
Spolète.  Elle  en  eut  deux  fils.  L'aîné  fut  le  pape  Jean  XI  ; 
Albéric,  le  second,  exerça  de  932  à  954,  comme  sénateur 
et  patrice,  le  pouvoir  temporel  à  Rome,  ne  laissant  aux 
papes  que  la  direction  des  aftaires  spirituelles. 

Au  commencement  de  son  pontificat,  Jean  X  avait  agi 
de  concert  avec  Albéric  pour  combattre  les  Sarrazins,  et, 
avec  l'aide  des  Grecs  et  de  quelques  princes  italiens,  ils 
avaient  remporté  ensemble  une  victoire  décisive  près  du 
Garigliano  (916).  Albéric  mourut  en  924,  et  Marozia 
épousa  Gui,  marquis  de  Toscane.  Il  se  prit  de  haine  contre 
Pierre,  frère  du  pape,  qu'il  soupçonnait  de  travailler  à 
former  à  Rome  un  parti  d'opposition;  il  s'empara  du 
palais  de  Latran,  fit  tuer  Pierre,  sous  les  yeux  du  pape,  et 
enfermer  celui-ci  dans  une  prison,  où  on  le  laissa  mourir 
de  faim  (juin  928).  Le  Catalogue  des  papes,  mentionné 
au  commencement  de  cette  notice, porte  qu'il  fut  étranglé: 
Jusle  laqueo  confectus,  Léon  YI  (928-29)  et  Etienne  VII 
(929-31)  lui  succédèrent  ;  puis  Jean  XI,  fils  de  Marozia 
et  d'Albéric  (129«  pape,  élu  le  30  mars  931,  mort  en 
janv.  936).  Le  second  mari  de  Marozia  étant  mort,  elle  en 
prit  un  troisième  (932),  Hugues  de  Provence,  qui  avait  été 
élu  roi  d'Italie  en  926,  et  avec  qui  Jean  X  semble  avoir 
cherché  alors  à  s'allier  contre  elle.  Hugues  vint  s'établir 
avec  Marozia  au  château  Saint-Ange.  Son  arrivée  avait  été 
acclamée  par  les  Romains,  mais  ses  procédés  envers  eux 
les  indisposèrent  bientôt.  Albéric,  second  fils  de  Marozia 
et  de  son  premier  mari,  souffleté  par  lui,  excita  le  peuple 
à  se  révolter  contre  la  tyrannie,d'une  femme  et  d'un 
barbare.  L'assaut  fut  donné  au  château  Saint-Ange  ; 
Hugues  s'enfuit  par  la  partie  du  château  qui  donnait  issue 
sur  les  murs  de  la  ville  ;  Marozia  tomba  au  pouvoir  de  son 
fils,  qui  la  tint  enfermée  jusqu'à  sa  mort  (dont  on  ignore 
l'année).  Les  Romains  proclamèrent  Albéric  sénateur  et 
prince,  senator  et pr inceps  omnium  Romanorum  {9?)''2) 
et,  suivant  Frodoard,  patrice.  Son  frère  était  alors  pape, 
de  sorte  que  toutes  les  puissances  étaient  réunies  entre  les 
mains  des  deux  fils  de  Marozia,  ou  plutôt  d'Albéric,  car  il 
gardait  étroitement  son  frère,  ne  le  laissant  sortir  que 
pour  les  cérémonies  religieuses,  et  il  exerçait  lui-même  le 
gouvernement  ecclésiastique.  Hugues  essaya  plusieurs  fois 
de  se  venger,  mais  ses  attaques  restèrent  sans  succès,  et 
il  se  résigna  à  conclure  avec  Albéric  un  traité  d'alliance  et 
d'amitié  (936),  qui  fut  renouvelé  définitivement  en  946 
après  d'autres  agressions  pareillement  malheureuses  de 
Hugues.  Jean  XI  était  mort  dans  les  premiers  jours  de 
l'année  936.  Après  lui  furent  élus  Léon  VII  (936-39), 
Etienne  VHI  (939-42|,  Martin  HI  (942-46),  Àgapet  II 
(946-55),  tous  sous  le  protectorat  d'Albéric,  qui  resta  si 
fortement  établi  à  Rome,  qu'à  sa  mort  (954),  son  fils  Octa- 
vien,  qui  était  dans  les  ordres,  put  lui  succéder  comme 
sénateur,  et,  moins  de  deux  années  après,  se  faire  pro- 
clamer pape. 

0 


JEAN 


Octavien  était  alors  âgé  de  dix-huit  ans.  Dans  l'exercice 
du  pouvoir  temporel,  il  garda  son  nom  ;  mais,  le  trouvant 
d'une  consonnance  trop  païenne  pour  le  chef  de  l'Eglise,  il 
s'appela  Jean  XII  (134®  pape,  élu  en  janv.  9ob',  mort  le 
44  mai  964).  Tous  les  historiens  s'accordent  pour  pré- 
senter ce  petit-fils  de  Marozia  comme  le  pape  le  plus  mépri- 
sable qui  ait  occupé  le  siège  de  saint  Pierre,  et  pour  lui 
attribuer  tous  les  vices  :  luxure  de  la  pire  espèce,  impu- 
demment étalée,  cruauté,  avarice,  trafic  éhonté  des  offices 
ecclésiastiques,  dérision  sacrilège  de  la  religion  dont  il 
était  le  pontife  suprême.  Deux  vieux  historiens  disent,  l'un 
qu'il  aimait  collectio  fœminarum^  l'autre  que  le  palais 
pontifical  était  devenu  prostibidum  meretricum.  En  960, 
pour  se  défendre  contre  Bérenger  II,  roi  d'Italie,  il  soli- 
cita le  secours  du  roi  de  Saxe,  Otton  P^*.   Ce  prince  vint 
en  Italie  et  fut  couronné  roi  des  Lombards.  En  962,  il 
reçut  à  Rome  la  couronne  impériale,  après  avoir  juré  de 
respecter  tout  ce  qui  appartenait  à  l'Eglise  romaine  et  de 
ne  rien  entreprendre  dans  la  ville  contre  la  volonté  du 
pape,  celui-ci  jurant,  de  son  côté,  de  ne  rien  entreprendre 
contre  Otton  ;  il  renouvela,   en  outre,  les  donations  de 
Pépin  et  de  Charlemagne,  à  la  condition  que  l'élection  des 
papes  restât  soumise  à  la  confirmation  impériale  (43  févr.). 
Mais,  bientôt  après,  Jean  s'unit  aux  ennemis  de  l'empereur, 
Bérenger  et  Adalbert,  son  fils,   et  il  s'efforça  d'exciter 
contre  lui  les  Grecs  et  les  Hongrois.  Otton  revint  en  armes 
et  entra  à  Rome  (3  nov.  963),  tandis  que  le  pape,  qui 
avait  pris  le  heaume  et  la  cuirasse,   campait  avec   ses 
troupes  de  Tautre  côté  du  Tibre.  Le  clergé  et  le  peuple 
jurèrent  fidélité  à  l'empereur,  et  s'engagèrent  à  ne  plus 
élire  ni  consacrer  de  pape  désormais,  sinon  avec  son  appro- 
bation et  celle  de  son  fils,  et  d'après  le  propre  choix  de 
l'un  et  de  l'autre.  Trois  jours  après,  un  concile  fut  ass^'m- 
Mé  pour  juger  le  pape.  Il  y  fut  accusé  d'avoir  fait  du  palais 
sacré  un  lieu  de  débauche,  d'avoir  commis  des  meurtres 
et  des  sévices  odieux,  d'avoir  simoniaquement  élevé  à  un 
évèché  un  garçon  de  dix  ans,  d'avoir  consacré  un  diacre 
dans  une  écurie,  d'avoir,  jouant  aux  dés,  invoqué  Jupiter 
et  Vénus,  d'avoir  bu  à  la  santé  du  diable.  Tout  le  clergé 
et  les  Romains  attestèrent  solennellement  la  vérité  de  ces 
accusations.  Il  fut  condamné  et  déposé  comme  impudique, 
homicide  et  sacrilège.  Le  protonotaire  de  l'Eglise  romaine 
fut  élu  pour  le  remplacer  et  prit  le  nom  de  Léon  VIll 
(22  nov.).  Il  reconnut  la  légitimité  du  serment  prêté  à 
l'empereur,  et  son  droit  de  donner  l'investiture  aux  évêques 
et  aux  archevêques.  Jean,  sommé  de  comparaître  devant 
le  concile,  menaça  d'excommunication  tous  ceux  qui  ose- 
raient le  juger.  Lorsque  Otton  était  encore  à  Rome,  ses 
partisans  tentèrent  une  première  insurrection,  qui  fut  éner- 
giquement  réprimée  (janv.  964).  Mais  dès  que  l'empereur 
eut  quitté  l'Italie,  Léon  fut  chassé  de  Rome,  et  Jean  y 
rentra,  exerçant  de  cruelles  vengeances  contre  ses  adver- 
saires, faisant  couper  aux  uns  le  nez,  aux  autres  la  main, 
la  langue  ou  d'autres  membres.  Le  26  févr.,  il  tint  un 
concile  qui  condamna  Léon  et  annula  tous  les  actes  de  son 
administration  spirituelle.  Comme  Otton  marchait  sur  Rome 
pour  le  châtier,  Jean  mourut,  après  une  maladie  de  huit 
jours,  selon  quelques  historiens,  ou,  suivant  d'autres,  tué 
par  un  mari  qui  l'avait  surpris  avec  sa  femme. 

E.-H.  VOLLET. 
BiBL.  :  Watterich,  Gregorovius,  de  Reumont,  He- 
FELE,  ouvrages  mentionnés  dans  les  précédentes  notices. 
—  Papencordt,  Geschichte  der  Stadt  Hom  im  Mittel- 
alter  ;  Paderborn,  1857,  in-8.  —  Duret,  Geschichisbloetter 
aus  der  Schweiz,  1854. 

JEAN  XIII,  136^  pape,  élu  le  i^'' oct.  965,  mort  le 
6  sept,  972.  Il  était  Romain,  fils  d'un  nommé  Jean,  qui  fut 
évêque.  Lorsqu'il  fut  élu,  il  occupait  le  siège  épiscopal  de 
Narni.  Quelques  semaines  après  son  avènement,  les  Ro- 
mains, qu'il  avait  voulu  soumettre  à  une  stricte  obéissance, 
se  soulevèrent  contre  lui,  l'enfermèrent  dans  le  château 
Saint-Ange  (15  déc.  965),  puis  le  tinrent  emprisonné 
dans  la  Campanie.  L'année  suivante  (automne  966),  Otton 
entreprit  une  expédition  en  Italie.  A  la  nouvelle  de  son  ap- 


proche, il  se  fit  à  Rome  une  contre-révolution  suscitée  par 
un  descendant  deThéodora  la  Jeune  (V.  Jean  X),  Jean,  fils 
de  Crescentius.  Le  pape  fut  rappelé  (sept.  ^66).  Il  sévit, 
avec  les  raffinements  d'une  cruauté  férocement  ingénieuse, 
contre  les  chefs  de  la  révolte,  que  l'empereur  lui  avait  li- 
vrés. E.-H.  V. 

JEAN  XIV,  140°  pape,  élu  en  nov.  983,  mort  le  9août 
984.  Pierre,  évêque  de  Pavie,  chancelier  de  Otton  II. 
Quelques  semaines  après  son  élection,  il  fut  renversé  par 
le  parti  sabin,  allié  aux  Grecs.  Boniface  VU  (Y.  ce  nom), 
revenu  de  Constantinople,  où  il  s'était  réfugié,  le  fit  mou- 
rir de  faim  dans  sa  prison  ou  étrangler.  Lui-même  mourut 
quatre,  six  ou  kuit  mois  après  (les  historiens  diffèrent  sur 
ces  nombres)  et  fut  remplacé  par  Jean,  fils  de  Robert.  Ce 
Jean  XV,  à  qui  on  attribue  un  pontificat  d'environ  quatre 
mois,  est  ordinairement  compté  dans  la  série  des  papes  de 
ce  nom  ;  mais  il  ne  figure  pas  sur  la  liste  officielle,  soit 
que  le  parti  qui  l'avait  élu  ait  été  impuissant  à  l'établir  au 
pouvoir,  soit  qu'il  n'ait  point  été  consacré.     E.-H.  V. 

JEAN  XV  ou  XVI,  142«  pape,  élu  en  juil.  985,  mort 
en  996.  H  était  Romain,  fils  de  Jean,  prêtre  de  la  région 
Gallinœ^  albœ.  Il  fut  tenu  dans  une  étroite  dépendance  par 
Crescentius,  chef  du  parti  sabin,  qui  exploitait,  à  son  profit, 
même  l'exercice  de  la  puissance  spirituelle.  Jean  lui-même 
était  cupide  et  vénal  en  tous  ses  actes  :  Turpis  lucri  cu- 
pidwn  atque  in  omnibus  suis  actibus  venalem,  ainsi 
qu'il  est  écrit  en  la  Vie  d'Abbon,  abbé  de  Fleury.  Il  se 
décida  enfin  à  se  délivrer  de  ce  joug  ou  de  ce  partage, 
s'enfuit  de  Rome  (995)  et  appela  Otton  en  Italie.  Crescen- 
tius, effrayé,  traita  avec  le  pape,  qui  promit  le  pardon  et 
rentra  à  Rome,  avec  une  grande  solennité.     E.-H.  V. 

JEAN  XVI  ou  XVII,  antipape,  997-998  (V.  Grégoire  V). 

JEAN  XVII  ou  XVIII,  Ul^  pape,  élu  le  9  mai  1003, 
mort  le  31  oct.,  même  année.  Fils  de  Sicco  et  de  Columba, 
né  au  château  de  Repugnano  (Marche  d'Ancône).  Sa 
science  et  sa  piété  l'avaient  fait  élire  à  l'unanimité. 

JEAN  XVIII  ou  XIX,  148^  pape,  élu  le  26  déc.  1003, 
mort  le  18  juil.  1009.  Fasanus,  cardinal  au  titre  de 
Saint-Pierre,  avant  son  élection. 

JEAN  XIX  ou  XX,  151«  pape,  élu  en  août  1024,  mort 
fin  mai  1032.  Romanus,  de  la  famille  des  comtes  de  Tus- 
culum,  et  frère  de  Benoît  VIH;  avant  son  élection,  consul 
et  sénateur  de  Rome.  Comme  il  était  laïque,  on  dut  lui 
conférer  précipitamment  les  ordres  pour  les  consacrer  pape  : 
Vno  el  eodem  dieprœfectus  fuit  et  papa.  De  même  que 
sa  famdle,  il  resta  fidèle  au  parti  des  princes  allemands. 
Rappela  à  Rome  et  protégea  Guido  d'Arezzo,  à  qui  on  a 
attribué  l'invention  de  la  gamme  et  la  substitution  des 
notes  aux  lettres,  pour  écrire  la  musique.       E.-H.  V. 

JEAN,  1044-46,  antipape  ou  pape,  sous  le  nom  de  Gré- 
goire VI  (V.  ce  nom). 

JEAN  XX  ou  XXI,  Petrus  Miani,  192«  pape,  élu  le 
15  sept.  1276,  mort  le  16  ou  le  17  mai  1277,  écrasé  par 
la  chute  du  plafond  de  sa  chambre.  Il  était  Portugais,  fils 
de  Julien  :  d'où  le  nom  inscrit  ci-dessus.  Il  avait  été  ar- 
chevêque de  Braga,  et  cardinal-évêque  de  Tusculum,  puis 
de  Viterbe.  Sa  grande  science  le  fit  accuser  de  sorcellerie 
par  les  moines,  auxquels  il  était  peu  favorable.  Martin  le 
Polonais  écrit  de  lui  :  Magtis,  in  omnibus  disciplinis 
instructus,  religiosis  infestus,  contemnens  décréta 
concilii  generalis.  l\  annula  la  constitution  que  Gré- 
goire X  avait  publiée  au  concile  général  de  Lyon,  mettant 
en  conclave  les  cardinaux  assemblés  pour  l'élection  des 
papes.  E.-H.  V. 

^  BiBL.  :  KÔHLER,   Nachvicht  von  Papst  Johannes;  Gœt- 
tmgue,  1760. 

JEAN  XXI  ou  XXII,  Jacques  Duèze,  201^  pape,  élu  le 
7  août  1316,  par  les  cardinaux  assemblés  à  Lyon,  mort 
le  4  déc.  1334.  H  était  né  à  Cahors,  fils  d'un  savetier, 
suivant  la  plupart  des  historiens,  ou  d'un  notable  bour- 
geois, suivant  quelques  autres,  qui  semblent  plus  exacte- 
ment  informés.   Elevé  par  Jacques  Ferrier,   archevêque 


83  - 


JEAN 


d'Arles,  il  avait  succédé  à  son  prolecteur  comme  chance- 
lier du  roi  de  Naples,  Robert  d'Anjou.  Celui-ci  le  fit  nom- 
mer successivement  archevêque  d'\vignon  et  cardinal- 
évêque  de  Porto.  Dans  l'affaire  des  templiers,  il  avait  été  le 
conseiller  de  Philippe  le  Bel.  —  En  1314,  Louis,  duc  de 
Bavière,  avait  été  élu  empereur  à  Francfort,  et  couronné  à 
Aix-la-Chapelle,  pendant  que  son  compétiteur,  Frédéric 
le  Bel,  archiduc  d'Autriche,  était  couronné  à  Cologne. 
Jean  profita  de  cette  rivalité  pour  revendiquer  la  supréma- 
tie à  laquelle  les  papes  prétendaient.  Par  bulle  de  1317,  il 
statua  qu'en  cas  de  vacance  de  PEmpire,  le  pouvoir  était 
dévolu  au  saint-siège  ;  il  ordonna,  en  conséquence,  aux 
officiers  impériaux  en  Italie  de  résigner  leurs  fonctions,  et 
il  transmit  à  Robert  de  Naples  le  titre  de  vicaire.  Lorsque 
Louis  eut  vaincu  son  rival  (1322)  et  qu'il  eut  rétabH  en 
Loffibardie  les  ofïiciers  de  l'Empire,  Jean  lui  infligea  une 
censure  pour  avoir  exercé  le  pouvoir,  avant  d'avoir  obtenu 
la  confirmation  pontificale.  Dans  une  bulle  du  8oct.l323, 
il  affirma  que  le  jugement  de  l'élection  appartenait  au  pape 
et  que,  jusqu'à  ce  qu'il  eût  statué,  l'élu  ne  devait  point 
prendre  le  titre  de  roi  ;  il  somma  Louis,  sous  peine  d'ex- 
communication, de  s'abstenir  de  tout  acte  de  gouverne- 
ment. Par  acte  public  du  8  déc,  le  roi  contesta  ces  pré- 
tentions, appela  du  pape  présent  au  pape  futur,  et  réclama 
la  convocation  d'un  concile  général.  Cette  résistance  fut 
punie  d'excommunication  (23  mars  1324).  Louis  répliqua 
par  un  nouvel  appel  à  un  concile  général,  dirigé  cette  fois 
contre  le  pape  personnellement,  l'accusant  d'être  un  per- 
turbateur de  la  paix,  un  contempteur  du  droit  et  un  hé- 
rétique, parce  qu'il  condamnait  la  pauvreté  évangélique 
professée  par  les  franciscains  rigides  (V.  François  d'As- 
sise, t.  XVIII,  p.  47,  col.  2).  Ce  conflit  provoqua  de 
nombreux  écrits,  dans  lesquels  on  discuta  avec  grande  har- 
diesse sur  ce  que  nous  appellerions  aujourd'hui  la  nature, 
l'étendue  et  les  rapports  réciproques  des  deux  puissances. 
Non  seulement  la  plupart  des  légistes,  mais  aussi  des  théo- 
logiens renommés,  parmi  lesquels  des  religieux,  tels  que 
Occam,  Marsile  de  Padoue  (V.  ces  noms)  et  Jemi  de 
Jandun,  soutinrent  les  droits  des  princes  et  même  des 
peuples. 

Jean  mit  en  interdit  tous  les  lieux  où  résideraient  le  roi 
et  ses  partisans  ;  mais  Louis,  réconcilié  avec  son  ancien 
rival,  passa  en  Italie  pour  abattre  la  puissance  du  pape.  11 
marcha  sur  Rome,  et  le  M  janv.  1328,  il  s'y  fit  procla- 
mer empereur,  par  une  assemblée  populaire  réunie  au  Ca- 
pitole.  Une  autre  assemblée  décida  que  le  pape  devait  rési- 
der à  Rome,  et  ne  pas  quitter  la  ville  sans  la  permission 
du  peuple.  Le  12  mai,  un  antipape  fut  élu,  le  franciscain 
Pierre  Rainalucci  de  Corbara  {Pierre  de  Corbière)^  qui 
prit  le  nom  de  Nicolas  V,  et  mena  un  train  de  vie  somp- 
tueux, peu  conforme  à  la  doctrine  de  la  sainte  pauvreté. 
Quand  Louis  eut  quitté  l'Italie,  où  il  sentait  son  pouvoir 
chanceler,  Nicolas  fut  abandonné  des  Romains  et  hvré  à 
Jean,  qui  lui  imposa  une  soumission  solennellement  accom- 
phe,  la  corde  au  cou  (15  août  1330),  et  le  fit  enfermer 
dans  une  prison  honnête,  où  il  était  traité  en  ami  et 
gardé  en  ennemi.  Mais,  vers  le  même  temps,  Jean  s'alié- 
nait les  cardinaux  itahens,  en  nommant  un  trop  grand 
nombre  de  cardinaux  français  ;  et  d'autre  part,  son  auto- 
rité spirituelle  se  trouva  périlleusement  atteinte,  à  l'occa- 
sion de  sermons  prononcés  par  lui  sur  la  Vision  bêatifique 
(Avent,  1331).  La  doctrine  qui  lui  était  attribuée  fut  dé- 
férée par  le  roi  de  France  à  la  faculté  de  Paris,  qui  la 
condamna  (2  janv.  1333),  mais  dans  des  termes  qui  ten- 
daient à  dégager  la  responsabilité  du  pape.  Le  roi  lui  com- 
muniqua cette  sentence,  en  le  pressant  d'y  souscrire.  On 
dit  même  qu'il  le  menaça  de  le  faire  ardre.,  s'il  ne  se  ré- 
voquait. La  réponse  du  pape  fut  hautaine.  Néanmoins,  la 
veille  de  sa  mort,  il  accomplit  la  satisfaction  demandée;  il 
assembla  ses  cardinaux,  et  fit  lire  une  bulle,  mise  en 
grosse,  où  il  disait  :  «  Nous  confessons  et  nous  croyons 
que  les  âmes  séparées  des  corps  et  purifiées,  sont  au  ciel 
dans  le  paradis,  avec  Jésus-Christ  et  en  la  compagnie  des 


anges,  et  qu'elles  voient  Dieu  et  l'essence  divine,  claire- 
ment et  face  à  face,  autant  que  le  comporte  l'état  d'une 
âme  séparée.  Que  si  nous  avons  prêché,  dit  ou  écrit  quelque 
chose  de  contraire,  nous  le  révoquons  expressément.  » 
Quand  il  mourut,  la  résistance  de  Louis  de  Bavière  conti- 
nuait, et  l'interdit  jeté  sur  l'Allemagne  n'était  pas  levé,  — 
Jean  développa  avec  une  habileté,  une  audace  et  un  succès 
merveilleux  la  fiscalité  apostohque  ;  il  en  tira  de  telles 
sommes  qu'il  laissa  un  trésor  de  25  millions  de  florins 
(300  millions).  Pour  la  part  qu'il  prit  à  la  promulgation 
officielle  du  recueil  des  Clémentines  et  l'attribution  de 
son  nom  à  une  collection  à' Extravagantes ,  V.  Canon, 
t.  IX,  p.  64,  col.  2.  Léon  XÏII  a  ordonné  la  publication 
des  registres  des  papes  d'Avignon,  d'après  les  archives  du 
Vatican.  Les  bulles  de  Jean  XXII  y  forment  70  volumes 
manuscrits.  E.-H.  Vollet. 

BiBL.  :  Baluze,  Vitœ  papavum  Avenionensium  ;  Paris, 
1693,  2  vol  in-4.  —  André,  Histoire  politique  de  la  mo- 
narchie pontificale  au  xiv  siècle  ou  la  papauté  ^'Avi- 
gnon; Paris,  1845,  in-8.  —  Christophe,  Histoire  de  la 
papauté  pendant  le  xiv«  siècle;  Paris,  1852,  3  vol.  in-8.  — 
Bertrand  Y,  Recherches  historiques  sur  l'origine^  l'élec- 
tion et  le  couronnement  de  Jean  XXII  ;  Paris,  1854,  in- 
8.  —  Verlaque,  Jean  XXII^  sa  vie  et  ses  œuvres  ;  Pa- 
ris, 1883,  in-8.  —  MuLLER,  Der  Kampf  Ludwigs  der  Baiern 
mit  der  rœmischen  Curie;  Tubingue,  1879,  2  vol.  in-8.  — 
RiEZLER,  Die  litterarischen  Widersacher  der  Pàpste  zur 
Zeit  Ludwigs  des  Baiers;  Leipzig,  1874,  in-8.  —P.  Meyer, 
Marsile  de  Padoue.,  Strasbourg,  1870,  in-8. —  Ch.  Schmidt, 
Histoire  de  l'Eglise  d'Occident  au  moyen  âge;  Paris, 
1885,  in-8. 

JEAN   XXII  ou  XXIH,  Balthasar  Cossa,  212«  pape, 
élu  le   17  mai  1410,  déposé  le  29  mai  1415,  mort  le 
22  nov.  1449.  Il  était  né  à  Naples  de  iamille  noble.  Après 
une  jeunesse  désordonnée,  où  il  avait  été  corsaire  et  avait 
commis  tout  ce  que  cette  profession  comporte,  il  se  mit  au 
service  de  l'Eglise  (1395)  et  devint  successivement  archi- 
diacre à  Bologne,  cardinal-diacre  au  titre  de  Saint-Eustache, 
légat  de  Bologne  et  de  la  Romagne.  Il  contribua  puissam- 
nient  à  l'élection  d'Alexandre  V.  Après  la  mort  de  ce  pape, 
il  fut  lui-même  élu  par  seize  cardinaux  réunis  à  Bologne. 
La  plupart  des  Etats  de  l'Europe  le  reconnurent.  Prétex- 
tant le  hesoin  d'argent  pour  réduire  ses  deux  rivaux  (Gré- 
goire XII  et  Benoît  XIII),  il  recommença  le  système  des 
exactions  et  publia  des  règles  de  chancellerie  qui  confir- 
maient les  anciens  abus  et  en  introduisaient  de  nouveaux. 
On  demanda  de  toutes' parts  un  concile  général  ;  l'université 
de  Paris  et  l'empereur  Sigismond  se  firent  les  organes  de 
ce  vœu.  Jean  essaya  d'y  résister;  mais  poursuivi  parTar- 
mée  de  Ladislas,  roi  de  Naples,  et  ayant  besoin  de  la  pro- 
tection de  Sigismond,  il  fut  contraint  de  s'y  soumettre 
(1413)  et  convoqua  un  concile  à  Constance  pour  le  1®^  nov. 
1414.  Il  en  présida  les  premières  séances  ;  mais  bientôt  il 
s'éleva  tant  de  plaintes  sur  les  scandales  de  sa  vie  que  la 
pensée  d'en  délivrer  l'Eglise  s'imposa  à  la  majorité  des  mem- 
bres du  concile.  On  lui  demanda  son  abdication,  et  on  le  me- 
naça, s'il  s'obitinait  à  la  refuser,  d'employer  contre  lui  le 
bras  séculier,  au  nom  de  l'Eglise. Il  s'enfuit,  déguisé  en  pale- 
frenier, et  se  mit  sous  la  protection  de  Frédéric  d'Autriche. 
Vainement,  il  écrivit  aux  princes  que  la  convocation  du 
copcile  avait  été  extorquée  de  lui  par  violence  ;  le  concile 
persévéra  dans  son  entreprise  d'épuration  et  de  réforme. 
Le  duc  d'Autriche,  mis  au  ban  de  l'Empire  pour  avoir  aidé 
Jean  à  s'évader,  promit  de  le  livrer  ;  il  s'empara  de  M  et 
le  retint  prisonnier.  Le  29  mai  1415,  Jean  fut  déposé 
«  comme  notoirement  simoniaque,  dissipateur  des  biens  et 
des  droits  de  l'Eglise  romaine  et  des  autres  Eglises,  ayant 
mal  administré  le  temporel  et  le  spirituel,  scandalisé  le 
peuple  chrétien  par  ses  mœurs  malhonnêtes  et  persévéré 
dans  cette  conduite  mauvaise,  de  manière  à  se  montrer  in- 
corrigible ».  Il  fut,  en  outre,  condamné  à  être  enfermé, 
sous  la  garde  de  l'empereur,  aussi  longtemps  que  le  concile 
le  jugerait  nécessaire.  On  lui  donna  pour  prison  le  château 
de  Gotlieben,  où  quelques  mois  auparavant  il  avait  fait  dé- 
tenir Jean  Hus.  Ce  fut  là  que  cinq  cardinaux  lui  notifièrent 
la  sentence  du  concile  ;  il  Paccepta  avec  une  entière  sou- 


JEAN 


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mission.  Transféré  à  Heidelberg,  il  se  consola  en  écrivant 
des  vers  sur  les  vicissitudes  de  la  fortune.  En  déc.  1418, 
il  obtint  sa  liberté,  moyennant  35,000  florins  d'or  payés 
au  palatin.  Il  se  rendit  en  Italie,  ou  il  fut  accueilli  avec  sym- 
pathie par  les  Florentins,  ses  anciens  alliés.  Ayant  reconnu 
Martin  V  comme  son  successeur  et  le  seul  chef  de  l'Eglise, 
il  reçut  de  lui  le  titre  de  doyen  du  Collège  des  cardinaux. 
Six  mois  après,  il  mourut.  Pour  le  détail  des  faits  sommai- 
rement relatés  ici,  V.  Constance  (Concile  de),  Gerson, 
Schisme  d'Occident.  E.-ïl.  Vollet. 

BiBL.  :  Théodore  DE  Niem,  VitaJohannis  XXIII  ;  Franc- 
fort, 1620.  —  Aebi,  Sigmunds  Stelliing  zu  Papst  Johannes^ 
dans  les  Geschitsblsetter  ans  cler  Schv^eiz.  —  Christophe, 
Histoire  de  la  papauté  au  xv«  siècle  ;  Lyon,  1863,  2  vol. 
in-8.  —  ScHMiDT,  Histoire  de  VEglisè  d'Occident  au 
moyen  âge  ;  Paris,  1885,  in-8. 

empereurs,  rois  et  princes 
Allemagne 
JEAN  (Nepomuk-Maria-Josepli) ,  roi  deSaxe(18o4-73), 
né  à  Dresde  le  12  déc.  1801,  mort  à  Pillnitzle  29  oct. 
1873.  Fils  cadet  du  prince  Maximilien  et  de  Caroline  de 
Parme,  il  manifesta  un  goût  très  vif  pour  la  poésie,  la  mu- 
sique et  pour  la  littérature  italienne,  pubha  sous  le  pseu- 
donyme de  Philaletfies  une  traduction  annotée  de  la 
Divine  Comédie  (Leipzig,  1839-49,  3  yoI.).  Son  frère 
aîné  étant  devenu  corégent  (1830),  il  siégea  dans  divers 
conseils  et  commissions.  Assez  populaire,  il  fut  cependant 
insulté  lors  des  troubles  de  Leipzig  (1845).  Il  succéda  à 
son  père  Frédéric-Auguste  le  i^*"  août  1854,  prêta  son 
concours  aux  réformes  de  la  justice  et  de  la  législation 
économique,  fut  hostile  à  la  politique  prussienne  jusqu'en 
1866  ;  à  la  guerre,  il  fut  obligé  d'évacuer  son  royaume  et, 
quand  il  y  fut  rentré,  devint  le  fidèle  allié  du  roi  de  Prusse, 
très  estimé  pour  son  caractère  personnel.  Il  est  né  de  son 
mariage  avec  Amélie-Auguste  de  Bavière,  trois  fils,  dont 
l'aîné  Albert  lui  succéda,  et  six  filles. 

JEAN  (Baptiste- Joseph- Fabian-Sebastian),  archiduc 
d'Autriche,  né  le  20  janv.  1782,  inart  à  Gratz  le  11  mai 
1859.  Sixième  fils  de  l'empereur  Léopold  II  et  de  l'infante 
Marie-Louise,  il  fut  placé  en  1800  à  la  tête  de  l'armée  que 
Kray  avait  laissé  battre  ;  Moreau  lui  infligea  la  grande  dé- 
faite de  Hohenlinden  et  le  battit  encore  à  Salzbourg.  Durant 
la  paix  il  dirigea  et  releva  l'école  d'ingénieurs  de  Vienne. 
En  1805,  il  fut  préposé  à  l'armée  qui  gardait  le  Tirol  contre 
les  Bavarois  et  Ney,  eut  l'avantage  au  col  Strub  (3  nov. 
1805),  fut  rappelé  par  son  frère  Charles  pour  se  joindre 
en  Carinthie  à  l'armée  d'Italie  qu'ensemble  ils  ramenèrent 
vers  Vienne.  Il  s'occupa  ensuite  d'organiser  les  provinces 
alpestres  en  vue  d'une  nouvelle  guerre.  En  1809,  il  appela 
aux  armes  les  Tiroliens  et  marcha  contre  le  vice-roi  d'Ita- 
lie, Eugène,  qu'il  vainquit  à  Pordenone  et  Sacile  (16  avr. 
1809)  et  parvint  à  Vérone.  Rappelé  au  N.  après  les  dé- 
faites de  son  frère,  il  fut  lui-même  battu  à  Raab  (14  juin)  ; 
chargé  de  garder  Comorn,  il  fut  invité  à  accourir  sur  le 
champ  de  bataille  de  Wagram  ;  il  n'arriva  qu'au  moment 
où  la  bataille  était  perdue  ;  l'archiduc  Charles  en  rejeta  la 
responsabilité  sur  lui,  ce  qui  engagea  entre  les  deux  frères 
une  violente  polémique.  Jean  voulait  continuer  la  guerre. 
Il  ne  joua  plus  de  rôle  actif  et  s'occupa  de  développer  l'agri- 
culture et  l'industrie  en  Styrie.  Son  humanité,  son  libéra- 
lisme, son  amour  pour  le  peuple  lui  valurent  une  grande 
popularité.  On  s'adressa  à  lui  en  1848;  l'empereur  quittant 
Vienne  l'y  laissa  pour  le  suppléer  ;  il  ouvrit  l'Assemblée 
constituante,  fut  nommé  par  le  Parlement  de  Francfort 
administrateur  général  de  l'Empire  et  vint  y  former  un 
ministère.  Mais  il  agit  dans  les  intérêts  de  l'Autriche  et 
fit  échouer  les  projets  de  constitution.  Il  avait  conclu  en 
1827  un  mariage  morganatique  avec  la  fille  d'un  maître 
de  poste,  Anna  Plochef,  d'Aussee  (1804-85)  qu'il  fit  com- 
tesse deMeran  (1845).  Il  en  eut  un  fils  François  (1839), 
qui  porte  ce  titre.  A. -M.  B. 

BiBL.  :  Biographies  par  Schniîidawind   (1810),  Leitiner 
(1860),  ScHLOSSAR  (1878  et  1880). 

JEAN  DE  Luxembourg,  roi  de  Bohême,  né  vers  1293, 


mort  en  1346.  Il  était  fils  de  Henri  de  Luxembourg  et  de 
Marguerite  de  Brabant.  Son  père,  empereur  sous  le  nom  de 
Henri  VII,  saisit  bientôt  l'occasion  de  lui  donner  un  royaume 
en  profitant  des  offres  d'un  parti  puissant,  qui  refusait  de 
reconnaître  H.  de  Carinthie,  devenu  roi  de  Bohême  en 
1306,  par  son  mariage  avec  une  sœur  de  Venceslas  Hï, 
le  dernier  des  Prémyslides.  Henri  VII  déposa  H.  de  Carin- 
thie, qui  n'avait  pas  demandé  l'investiture  impériale,  maria 
son  fils  Jean  à  la  plus  jeune  sœur  de  Venceslas  III,  Elisa- 
beth, le  proclama  roi  de  Bohême  (1^^  sept.  1310)  et  lui 
donna  le  comté  de  Luxembourg.  Après  avoir  obligé  H.  de 
Carinthie  à  (quitter  Prague,  Jean  de  Luxembourg  s'y  fit 
couronner  roi  de  Bohême,  le  7  févr.  1311.  Dès  lors  il  mena 
une  vie  très  agitée,  promenant  de  tous  côtés  son  activité 
turbulente  et  belliqueuse.  Vicaire  de  l'Empire  en  1313,  il 
marchait  vers  l'Italie  au  secours  de  son  frère,  quand  celui-ci 
mourut  (24  août).  Trop  jeune  encore  pour  obtenir  la  cou- 
ronne impériale,  il  prit  d'abord  parti  pour  Louis  de  Bavière, 
élu  empereur  en  1314,  contre  son  compétiteur  Frédéric 
d'Autriche,  et  gagna  ses  éperons  de  chevaUer  à  la  bataille 
d'Essling.  En  Bohême,  il  eut  à  lutter  contre  les  grands  et  à 
réprimer  les  excès  des  Bégards  et  des  Béguines.  En  1318, 
il  maria  sa  plus  jeune  sœur,  Béatrix,  à  Charles-Robert,  roi 
de  Hongrie,  en  1322  sa  sœur  cadette,  Marie,  à  Charles  le 
Bel,  roi  de  France,  et  obtint  pour  son  fils,  Jean-Henri,  qui 
venait  de  naître,  la  main  de  Maulstach,  fille  aînée  de  son 
rival,  Henri,  duc  de  Carinthie  et  de  TiroL  Après  avoir 
combattu  pour  Louis  V  de  Bavière  à  Mûhldorf,  où  Frédé- 
ric d'Autriche  fut  battu  et  pris  (28  sept.  1322),  il  seconda 
le  pape  Jean  XXII ,  qui  voulait  faire  élire  empereur 
Charles  IV  le  Bel.  On  voit  ensuite  le  roi  de  Bohême  en 
1326  devant  Metz;  en  1329  en  Bohême  et  en  Silésie,  où 
plusieurs  princes  reconnaissent  sa  suzeraineté;  en  1328 
en  France,  au  sacre  de  Philippe  VI  (29  mai)  et  à  la  bataille 
de  Cassel  (23  août)  ;  en  Autriche,  guerroyant  contre  Fré- 
déric le  Bel,  réconcilié  avec  Louis  de  Bavière;  en  Lithua- 
nie  et  en  Poméranie,  combattant,  avec  l'Ordre  teutonique, 
contre  les  barbares  du  Nord  ;  en  1329  à  Amiens,  où 
Edouard  IH  venait  rendre  hommage  à  Philippe  VI  (6  juin) 
puis  dans  les  électorals  de  Trêves  et  de  Mayence,  dans  le 
Tirol  et  enfin  dans  l'Italie  du  Nord,  où  nombre  de  villes 
se  donnent  à  lui.  Pendant  les  années  suivantes,  il  défend 
la  Bohême  contre  le  roi  de  Hongrie  et  Otton  d'Autriche, 
il  intervient  contre  Robert  d'Artois  et  le  duc  de  Brabant 
en  faveur  de  Philippe  VI  et  marie  sa  sœur.  Bonne  de 
Luxembourg,  à  Jean,  duc  de  Normandie,  héritier  de  la 
couronne  de  France  (août  1322)  ;  il  se  rend  à  Avignon 
auprès  de  Jean  XXII,  qu'il  essaye  vainement  de  réconcilier 
avec  Louis  de  Bavière  (nov.  1332),  retourne  en  Italie 
(décembre)  où  il  échoue  contre  une  coalition  puissante 
(1333),  se  brouille  encore  avec  l'empereur,  va  soutenir 
contre  lui  et  contre  Otton  d'Autriche,  frère  de  Frédéric, 
son  fils  Jean-Henri,  fait  une  seconde  expédition  en  Lithua- 
nie,  marie  son  autre  fils  Charles  avec  Blanche,  fille  de 
Charles  de  Valois  (1333)  et  sa  fille  Anne  avec  Otton  d'Au- 
triche (1335)  et  accourt  en  France  (1336)  pour  seconder 
Philippe  VI,  qui  lui  donne  le  gouvernement  du  Languedoc 
(1338).  Il  combattes  Anglais  en  Guyenne  (1339-40),  puis 
va  négocier  avec  eux  la  trêve  de  Notre-Dame  d'Espléchin, 
près  de  Tournai  (15  sept.  1340).  Devenu  aveugle,  il  n'en 
continue  pas  moins  de  guerroyer,  soit  en  Lithuanie,  soit 
contre  Louis  de  Bavière,  ligué  avec  les  rois  de  Hongrie  et 
de  Bohème,  et  vamêmeassiégerCracovie  (1343). Clément  VI, 
qui  soutenait  les  maisons  de  Valois  et  de  Luxembourg, 
ayant  excommunié  Louis  de  Bavière  (avr.  1346),  le  roi 
Jean  fit  élire  empereur  son  fils  Charles.  Il  revint  aussitôt 
avec  lui  en  France,  voulut  combattre  à  Crécy  et  mourut 
là  comme  il  avait  vécu,  en  preux  chevalier  (26  août  1346). 
Nul  prince,  à  cette  époque,  ne  fut  plus  populaire  que  Jean 
l'Aveugle.  Son  courage  héroïque,  ses  goûts  artistiques  et 
littéraires  lui  valurent  une  réputation  sans  égale.  Il  ne 
faut  pourtant  pas  ignorer  que  ce  piince  «  courtois,  preux 
et  vaillant  »  ruina  son  royaume  et  se  ruina  lui-même  par 


85  — 


JEAN 


ses  prodigalités,  que,  si  le  Luxembourg  profita  de  sa  pré- 
dilection, la  Bohême  eut  beaucoup  à  souifrir  de  ses  conti- 
nuelles absences  et  do  ses  guerres.  Néanmoins,  il  agrandit 
ce  royaume  en  mettant  la  Silésie  et  la  Moravie  sous  sa 
dépendance.  En  somme,  il  fut  plulôt  uu  héros  qu'un  bon 
roi.  Après  la  mort  de  sa  femme  Elisabeth  (1330),  qui  vé- 
cut longtemps  séparée  de  lui,  il  avait  épousé  une  fille  de 
Louis  P^'  de  Bourbon,  Béatrix,  dont  il  eut  un  fils,  Ven- 
ceslas,  né  en  1338.  E.  C. 

BiBL.  :  Lentz,  Jean  L'Aveugle,  roi  de  Bohême  ;  Gand, 
1839,  in-8.  —  Schœtter,  Johann,  Graf  von  Luxemhurg 
und  Kœiiig  von  Bœhmen;  Luxembourg,  1865,  2  vol.  in-8. 

JEAN  LE  Parricide,  né  en  1290,  fils  du  duc  Rodol- 
phe Il  de  Souabe  et  d'Agnès,  fille  d'Ottocar  de  Bohème. 
Exclu  par  son  oncle  l'empereur  Albert  F-''  de  toute  part  à 
l'héritage  des  Habsbourg,  il  conspira  contre  sa  vie  avec 
l'archevêque  de  Mayence,  Pierre  d'Aspelt  ;  le  i^^^  mai  1 308, 
il  le  surprit  au  passage  de  la  Keuss  à  Rheinfelden,  avec 
Rod.  de  Wart,  Walter  d'Eschenbach  et  Ulrich  de  Balm  ; 
ils  regorgèrent.  Mis  au  ban  de  l'Empire  et  traqué  parla 
veuve  de  sa  victime,  Jean  disparut  ;  on  raconte  qu'il  se 
serait  montré  à  Pise  à  l'empereur  Henri  Vil  en  4313,  re- 
vêtu de  l'habit  monastique.  A. -M.  B. 

Pour  les  hA^,  princes  cVAnhalt^  margraves  de  Bran- 
debourg^ ducs  de  Hanovre^  princes  de  Nassau,  comtes 
palatins,  électeurs  ou  ducs  de  Saxe,  etc.,  V.  Anhâlï, 
Brandebourg,  Hanovre,  Nassau,  Palatinat,  Saxe,  etc. 

Angleterre 
JEAN  SANS  Terre,  roi  d'Angleterre,  né  vers  4167, 
mort  le  49  oct.  1216.  Dernier  fils  de  Henri  II  et  d'Eîéo- 
nore,  il  reçut  dans  son  enfance  le  surnom  de  Lackland 
ou  Sans  Terre  parce  que  Henri  11  avait  partagé  tous  ses 
domaines  entre  ses  aînés.  Son  père  le  préférait  cependant 
à  tous  les  autres.  Le  28  sept.  1176,  William,  comte  de 
Gloucester,  lui  donna  en  mariage  sa  fille  Avice.  En  mai 
1177,  à  Oxford,  il  fut  nommé  roi  d'Irlande.  Après  avoir 
guerroyé,  de  concert  avec  son  frère  Geolfroi  de  Bretagne, 
contre  son  frère  Richard  d'Aquitaine,  il  fut  fait  chevalier, 
à  Windsor  (31  mars  1175).  En  Irlande,  où  il  se  rendit 
ensuite,  son  insolence  le  fit  détester;  il  s'amusait,  dit-on, 
à  tirer  les  longues  barbes  des  Irlandais.  Pendant  l'année 
1187,  il  coopéra  avec  son  père  et  son  frère  Richard,  en 
Normandie,  en  Berry,  à  la  campagne  contre  Philippe-Au- 
guste. Richard,  jaloux  de  la  préférence  de  leur  père  pour 
Jean,  s'entendit  avec  le  roi  do  France;  et  Henri  II  mou- 
rut, dit-on,  de  la  douleur  qu'il  eut  d'apprendre  que  le 
fils  auquel  il  avait  tout  sacrifié  le  trahissait  aussi  pour  se 
reconcilier  avec  son  aîné  (6  juil.  1189).  Richard,  devenu 
roi,  donna  à  Jean  le  comté  de  Mortain  en  Normandie,  celui 
de  Derby  en  Angleterre,  et  différents  domaines.  Le  mariage 
depuis  longtemps  convenu  entre  le  jeune  prince  et  Avice 
de  Gloucester  eut  lieu  à  Marlborough  le  29  août.  En 
octobre,  Richard  lui  conféra  encore  les  comtés  de  Dorset, 
Somerset,  Devon  et  Cornwall;  c'était  lui  constituer  dans 
rO.  de  l'Angleterre  une  sorte  de  principauté  et  une  grande 
autorité,  dangereuse  en  l'absence  du  roi.  Jean  dirigea,  en 
effet,  l'opposition  des  barons  contre  Guillaume  Longchamp 
(V.  ce  nom),  évêque  d'EIy,  le  chancelier  du  royaume, 
qu'il  réussit  à  expulser.  Quand  il  apprit  la  captivité  de 
Richard  Cœur  de  Lion,  il  descendit  en  Normandie,  sur 
l'invitation  de  PhiUppe-Auguste,  et  fit  hommage  à  ce 
prince  des  domaines  continentaux  de  la  couronne  d'Angle- 
terre (févr.  1193).  Mais  il  répandit  en  vain  le  bruit  de  la 
mort  du  héros  ;  on  ne  le  crut  pas  ;  il  trouva,  en  Angle- 
terre même,  des  résistances.  Quand  Philippe-Auguste 
l'avertit  que«  le  diable  était  déchaîné  »,  il  n'osa  l'attendre 
de  pied  ferme,  et  s'enfuit  à  la  cour  de  France.  Le  31  mars 
1194,  Richard,  de  retour,  et  maître  de  tous  les  châteaux 
de  Jean  en  Angleterre,  le  condamna,  s'il  ne  comparaissait 
pas  dans  les  quarante  jours,  à  perdre  ses  droits  à  la  cou- 
ronne et  tous  ses  fiefs  anglais.  Au  mois  de  mai,  cependant, 
l'intervention  de  la  reine  mère  procura  une  réconciliation 
entre  les  deux  frères.  Afin  de  rentrer  en  grâce,  Jean  guer- 


roya en  Normandie  contre  les  Français  (prise  d'Evreux, 
déroute  de  Vaudreuil).  Il  obtint  en  récompense  la  restitu- 
tion des  comtés  de  Mortain  et  de  Gloucester,  et  une  pen- 
sion de  8,000  1.  angevines.  En  1196,  il  prit  Gamaches, 
captura  l'évêque  de  Beauvais;  en  1 198,  il  brûla  le  Neu- 
bourg.  On  dit  qu'à  son  Ut  de  mort  Richard  Cœur  de  Lion, 
touché  par  ces  services  et  sa  soumission,  le  désigna  comme 
son  successeur  (avr.  1199).  —  A  son  avènement,  Jean 
sans  Terre  était  âgé  de  trente  et  un  ans.  Il  s'était  déjà  fait 
connaître  comme  un  personnage  sans  foi,  cruel,  vindicatif, 
comme  un  tyran  extravagant  et  comme  un  lâche.  Ses  dé- 
bauches dépassaient  la  mesure  commune.  Il  n'avait  ni  re- 
ligion, ni  gravité  naturelle.  R  fut  reconnu  sans  difficulté 
en  Normandie,  mais  les  anciens  domaines  des  Plantagenets 
(Anjou,  Maine,  Touraine)  se  déclarèrent  pour  Arthur,  son 
neveu.  Après  avoir  châtié  les  habitants  du  Mans  (mai),  il 
fut  couronné  à  Westminster.  Le  24  juin,  il  conclut  avec 
Philippe-Auguste  une  trêve  jusqu'au  mois  d'août;  en  sept, 
les  Français  furent  obligés  d'évacuer  le  Maine,  et  Guillaume 
des  Roches  livra  Arthur  et  sa  mère  Constance  au  roi 
Jean.  A  la  conférence  des  Andelys  (janv.  1200),  Jean  et 
Philippe  se  mirent  d'accord,  moyennant  le  mariage    de 
Louis  de  France  avec  Blanche  de  Castille,  nièce  de  Jean  : 
Blanche  de  Castille  aurait  comme  dot  Evreux  et  tous  les 
châteaux  de  Normandie  que  les  Français  possédaient  au 
moment  de  la  mort  de  Richard,  plus  3,000  marcs.  Par  le 
traité  du  Goulet  (22  mai)  Philippe  reconnut  de  son  côté 
Jean  comme  roi  d'iingleterre,  duc  de  Normandie  et  suze- 
rain de  Bretagne;  celui-ci  renonçait  à  l'alliance  du  comte 
de  Flandre  et  de  l'empereur  Othon.  —  En  paix  avec  la 
France,  Jean,  qui  n'avait  pas  eu  d'enfants  de  sa  femme 
Avice,  obtint  de  divorcer  avec  elle,  pour  cause  de  consan- 
guinité; elle  se  remaria  plus  tard  avec  Geoffroi  de  Mande- 
ville.  Le  30  juil.  1200,  il  épousa  à  Chinon  Isabelle,  fille 
d'Adhémar,  comte  d'Angoulème,  fiancée  d'Hugues  le  Brun, 
l'héritier  du  comte  de  la  Marche.  Ce  mariage  réveilla  la 
guerre  :  Hugues  le  Brun,  pendant  un  voyage  du  roi  en 
Angleterre,  souleva  contre  lui  les  seigneurs  du  Poitou; 
Jean,  parti  de  Portsmouth  avec  une  armée  considérable, 
fut  reçu  honorablement  à  Paris  (l^**  juil.  1201),  et,  de 
Chinon,  seinonça  les  Poitevins  à  comparaître  devant  lui. 
A  la  requête  des  Poitevins,  il  fut  invité  lui-même  à  com- 
paraître devant  la  cour  de  France.  11  ne  comparut  pas  ;  et, 
en  punition  de  cette  désobéissance,  ses  fiefs  furent  for- 
faits. Le  8  juil.  1202,  Philippe  assiégea  Radepont;  re- 
poussé, il  s'empara  de  Gournay,  où  il  accorda  au  jeune 
Arthur  la  main  de  sa  fille,  en  même  temps  qu'il  l'investit 
de  toutes  les  possessions  continentales  des  Plantagenets,  la 
Normandie  exceptée.  Mais,  le  l®"*  août,  Jean  surprit  l'armée 
qui  assiégeait  sa  mère  dans  Mirebeau  ;  et  il  s'empara,  d'un 
seul  coup  de  filet,  d'Arthur,  de  sa  sœur  Eléonore  de  Bre- 
tagne, d'Hugues  le  Brun  et  de  deux  cents  chevaliers  fran- 
çais :  Eléonore  fut  gardée  jusqu'à  sa  mort  dans  la  prison  de 
Bristol  ;  quant  à  Arthur,  enfermé  à  Falaise,  où,  dit-on, 
Jean  essaya  vainement  de  le  faire  aveugler,  puis  à  Rouen, 
il  mourut  le  3  avr.  1203,  probablement  tué  de  la  main  de 
son  oncle  ;  son  corps  fut  jeté  à  la  Seine.  C'est  une  vieille 
tradition  que,  convoqué  pour  ce  fait  devant  les  pairs  de 
France,  Jean  fut  dépouillé  de  ses  fiefs,  par  contumace,  à 
cette  occasion.  Louis  do  France,  en  1216,  se  prévalut  de 
cette  prétendue  sentence,  mais  il  y  a  là  une  confusion  : 
Jean,  condamné  et  dépouillé  par  la  cour  de  France  en  1202, 
pour  la  raison  ci-dessus  indiquée,  tua  son  neveu  en  1203; 
on  s'imagina  plus  tard,  et  dès  1216,  qu'il  avait  été  frappé 
à  cause  de  son  crime  (V.  sur  ce  point  Ch.  Bémont,  dans 
la  Revue  historique,  XXXll,  pp.  33-74,  290-311).  Cepen- 
dant Philippe  faisait  des  progrès  en  Normandie.  On  raconte 
que  Jean  sans  Terre,  négligent  à  son  ordinaire,  répondait 
à  toutes  les  demandes  de  secours  de  ses  partisans  en 
disant  :  «  Laissez-le  faire  ;  quoi  qu'il  prenne,  je  le  repren- 
drai en  un  jour.  »  Le  Château-Gaillard  succomba  le  6  mars 
1204.  En  juil.,  tout  le  duché  était  tombé  aux  mains  des 
Français  sans  que  Jean  eût  fait  autre  chose  que  de  près- 


JEAN 


—  86  - 


surer  ses  sujets  anglais  en  vue  d'une  expédition  future. 
L'année  4205  \it  les  Français  s'emparer  du  Poitou  et  de 
Chinon  (23  juin).  Le  8  juil.  1206,  Jean  débarqua  enfin  à 
La  Rochelle,  et,  avec  l'aide  du  vicomte  de  Thouars,  prit 
Angers;  mais  il  consentit  à  concluie,  le  26  oct.,  une  trêve 
par  laquelle  il  abandonnait  toutes  ses  anciennes  provinces 
au  N.  de  la  Loire.  —  Hubert,  archevêque  de  Canterbury, 
mourut  le  42  juil.  4205,  et  cet  événement  jeta  le  roi  Jean 
dans  une  querelle  fatale  avec  le  clergé  anglais  et  avec 
Rome.  Il  fît  élire,  contre  le  candidat  d'une  partie  des  élec- 
teurs, le  sous-prieur  Reginald,  son  favori  John  de  Grey, 
évêque  de  Norwich  ;  mais  le  pape  Innocent  cassa  ces  deux 
élections  et  sanctionna  celle,  qu'il  procura,  du  cardinal 
Etienne  Langton.  Jean  répondit  par  des  actes  de  violence, 
qui  attirèrent  l'interdit  pontifical  sur  son  royaume.  Bien 
qu'il  eût  juré  «  par  les  dents  de  Dieu  »  de  couper  le  nez 
de  quiconque  promulguerait  l'interdit,  les  évêques  de  Lon- 
dres, d'Ely  et  de  Worcester,  après  s'être  convaincus  de 
son  obstination,  publièrent  la  sentence  du  pape,  le  24  mars 

4208.  Il  céda,  négocia,  offrit  de  se  soumettre,  à  condition 
que  la  personne  de  Langton  lui  serait  épargnée.  Le  42  janv. 

4209,  il  fut  menacé  de  l'excommunication,  s'il  ne  cédait 
point  sans  réserves  dans  les  trois  mois.  Cette  fois,  il  ne  mé- 
nagea plus  rien  :  il  confisqua  les  revenus  des  évêques  qui 
avaient  quitté  le  royaume;  pour  s'assurer  de  la  fidélité  des 
barons,  il  exigea  d'eux  des  otages  ;  personne  n'osa  lui  noti- 
fier officiellement  son  excommunication  ;  en  même  temps,  il 
obtenait  la  soumission  de  William,  roi  d'Ecosse,  et  il  ap- 
puyait Othon  IV,  son  neveu,  contre  le  pape.  Avec  les  dé- 
pouilles du  clergé  (particuhèrement  de  l'ordre  de  Cîteaux), 
qui  le  dispensèrent  de  recourir  à  une  taxation  sur  les  laïques, 
il  entreprit,  au  mois  de  juin  42 1 0,  une  expédition  en  Irlande. 
Il  réussit  à  abattre  la  puissance  de  la  famille  de  Lacy,  à 
introduire  dans  l'île  sœur  le  régime  administratif  en  vigueur 
en  Angleterre,  et  à  imposer,  comme  gouverneur,  son  ami, 
l'évêque  de  Norwich.  Au  retour,  il  arracha  66,000  marcs 
aux  juifs,  arrêtés  en  masse.  Sa  campagne  de  4241  dans  le 
N.  du  pays  de  Galles  fut  également  heureuse.  Mais,  en 
4212,  Innocent  III,  à  bout  de  patience  et  de  délais,  se  dé- 
cida enfin  à  prendre  la  mesure  extrême  de  le  déposer  ;  il 
confia  à  Philippe  de  France  l'exécution  de  cet  arrêt.  On 
constate  que  le  roi  Jean  déploya  alors  quelque  activité  : 
tous  ses  ennemis  ayant  profité  de  l'incident  pour  relever 
la  tête,  et  quelques-uns  de  ses  amis  pour  le  trahir,  il 
infligea  une  nouvelle  correction  aux  Gallois,  exigea  de  nou- 
veaux otages  des  barons,  s'allia  aux  comtes  de  Boulogne 
et  de  Flandre  contre  Philippe,  lança  dans  la  Manche  une 
flotte  qui  brûla  Dieppe,  et  réunit  une  grosse  armée  pour 
repousser  l'invasion.  Néanmoins,  il  avait  peur  ;  de  sinistres 
prophéties  circulaient  sur  son  compte,  et  l'on  disait  que, 
dans  son  entourage  môme,  le  roi  de  France  avait  des 
partisans.  Le  15  mai  4243,  à  Douvres,  il  se  soumit  entre 
les  mains  du  légat  Pandolf,  s'engageant  à  accueillir  Lang- 
ton et  tous  les  ecclésiastiques  bannis,  à  leur  restituer  leurs 
biens,  à  placer  l'Angleterre  et  l'Irlande  sous  la  suzeraineté 
du  pape,  enfin  à  payer  chaque  année  un  tribut  de  mille 
marcs  au  siège  romain.  —  Une  assemblée  se  réunit  à 
Saint-Albans  le  4  août  4243  pour  fixer  les  compensations 
dues  aux  prélats  OKilés.  Le  roi  n'y  assista  point  :  il  était  dans 
le  Nord,  à  la  poursuite  des  seigneurs  qui  avaient  refusé  de 
l'accompagner  dans  une  expédition  qu'il  méditait  en  Poi- 
tou ;  mais  beaucoup  d'évêques,  de  barons,  et  de  représen- 
tants des  townships  du  domaine  royal  y  figurèrent.  Cette 
assemblée  ne  se  contenta  pas  d'évaluer  les  pertes  subies 
par  le  clergé;  elle  discuta  des  questions  de  politique  gé- 
nérale. Jean  avait  promis  d'observer  désormais  «  les  lois 
de  Henri  l^^  »;  l'archevêque  lut  ces  lois,  et  les  barons  s'en- 
gagèrent à  exiger  que  le  texte  en  fût  respecté.  Pour  échap- 
per à  l'odieuse  présence  des  évoques,  ses  adversaires  triom- 
phants, et  aux  barons  qui  paraissaient  résolus  à  lui  arracher 
des  réformes  ou  dés  garanties,  Jean  résolut,  sur  ces  entre- 
faites, de  pousser  sérieusement  la  guerre  contre  Philippe  : 
déjà,  une  armée  anglaise,  sous  Guillaume  Longue-Epée, 


comte  de  SaUsbury,  agissait  en  Flandre  contre  les  Français  ; 
il  accueillit  l'hommage  de  Raymond  VI  de  Toulouse,  banni 
de  ses  Etats,  et  débarqua,  le  15  févr.  4244,  à  La  Rochelle. 
Les  Lusignans,  le  comte  de  la  Marche,  ses  anciens  enne- 
mis du  Poitou,  se  joignirent  à  lui.  Le  47  juin,  il  prit  An- 
gers. Mais  la  bataille  de  Bouvines  anéantit  les  forces  com- 
binées de  Flandre,  de  Lorraine  et  d'Angleterre,  d'une 
part  ;  et,  d'autre  part,  Louis  de  France  "reconquit  aisé- 
ment, en  juillet,  les  places  de  l'Anjou.  Jean  fut  heureux, 
le  44  sept.,  d'obtenir  une  trêve  de  cinq  ans.  —  L'issue  de 
la  campagne  de  4244  n'avait  pas  augmenté  son  prestige  : 
battu,  ruiné,  il  se  trouva  en  présence  d  une  coalition  de 
barons  qui,  pendant  son  absence,  avait  décidé,  dans  une 
assemblée  tenue  à  Saint-Edmonds,  de  lui  arracher  une 
«  charte  de  libertés  ».  Il  était  au  Temple  de  Londres 
quand,  le  6  janv.  1245,  les  barons  de  Saint-Edmonds  pro- 
duisirent, en  armes,  leurs  exigences;  ils  ne  consentirent  à 
lui  accorder  un  délai  (jusqu'au  26  avr.)  que  sur  la  ga- 
rantie formelle  de  l'archevêque,  de  l'évêque  d'Ely  et  du 
comte  Maréchal  qu'il  leur  donnerait  satisfaction.  Ce  délai, 
Jean  le  mit  à  profit  pour  se  croiser  et  pour  informer  le 
pape  du  complot  tramé  contre  lui.  Le  26  avr.,  il  refusa 
nettement  de  contre-sceller  la  cédule  que  les  barons  lui  pré- 
sentèrent ;  et  la  guerre  fut  déclarée.  Londres,  Lincoln 
lui  échappèrent.  Terrifié,  il  consentit  à  s'aboucher  avec  les 
rebelles,  le  45  juin,  à  Runnymede,  entre  Stains  et  Wind- 
sor. Là  fut  scellée  la  Grande  Charte  (V.  ce  mot),  véritable 
traité  de  paix  entre  ses  sujets  et  lui.  —  Dès  lors,  le  roi 
humilié,  excité  par  les  capitaines  des  mercenaires  à  son 
service,  ne  vécut  que  pour  se  venger  et  pour  recouvrer  la 
plénitude  de  son  ancienne  autorité.  Le  46  août,  il  refusa 
de  paraître  à  l'assemblée  de  Brackley.  Il  fit  publier  l'ex- 
communication prononcée  par  le  pape  contre  ses  ennemis, 
fauteurs  de  désordres.  Alors  le  baronnage  se  divisa  en  deux 
partis  :  l'un  se  rapprocha  de  lui;  l'autre,  décidément  révo- 
lutionnaire, le  déposa,  et  élut  Louis  de  France,  fils  de 
Philippe-Auguste,  en  sa  place.  Le  30  oct.,  Jean  s'empara 
du  château  de  Rochester,  l'une  des  principales  forteresses 
de  ses  adversaires;  en  mars  4246,  de  Colchester,  le  légat 
Guala  interdit  à  Louis  de  répondre  à  l'appel  des  barons 
excommuniés.  Mais  Louis  (V.  Louis  VIII,  roi  de  France) 
n'obéit  pas  :  le  21  mai  4246,  il  débarqua  à  Stonor,  près 
de  Sandwich.  Winchester  se  rendit  à  lui  le  44  juin,  et  les 
désertions  se  multiplièrent  dès  lors  dans  le  camp  opposé. 
Au  cours  de  la  campagne,  Jean,  saisi  de  la  dysenterie, 
mourut  à  Newark,  peut-être  empoisonné.  Il  fut  enterré 
dans  la  cathédrale  de  Worcester.  —  De  sa  femme  Isa- 
belle, dont  Mathieu  de  Paris  dit  qu'il  fut  obligé  de  pendre 
les  galants  au-dessus  de  son  lit,  et  qu'il  fit  enfermer,  à 
partir  de  4214,  à  Gloucester,  il  eut  cinq  enfants  :  Henri  III, 
Richard  de  Cornouailles,  Jeanne,  reine  d'Ecosse  (morte 
en  4238),  Isabelle,  femme  de  l'empereur  Frédéric  II  (morte 
en  4241),  Eléonore,  qui  épousa  successivement  Guillaume 
le  Maréchal,  comte  de  Pembroke,  et  Simon  de  Montfort, 
comte  de  Leicester  (morte  à  Montargis  en  4274).       L. 

Arménie 
JEAN,  prince  d'Arménie  (V.  Ivané). 

Bulgarie 
JEAN  AssEN,  prince  de  Bulgarie  (V,  Assen). 

Danemark 
JEAN  1^^,  roi  de  Danemark,  de  Suède  et  de  Norvège 
(4484-1513),  néàAalborgen4455,mort  le  20fév.  4513. 
Accepté  comme  héritier  de  l'Union  Scandinave  en  4458,  il 
succéda  à  son  père  Christian  P^'.  La  Norvège  ne  l'accepta 
qu'en  4483,  après  qu'il  eut  signé  une  capitulation  assu- 
rant les  privilèges  des  ordres;  en  Suède,  l'administrateur 
Sten  Sture  lui  résista  jusqu'en  4497  ;  il  fallut  une  expé- 
dition et  une  victoire  devant  Stockholm  pour  que  Jean  pût 
s'y  faire  couronner  (28  nov.  4497).  Il  donna  à  son  frère 
Frédéric,  favorisé  par  leur  mère  Dorothée,  les  duchés  de 
Holstein  et  de  Slesvig,  scission  qui  fut  l'origine  de  con- 
flits séculaires  (V.  Slesvig  et  Danemark).  Le  duc  et  le  roi 


—  87  — 


JEAN 


furent  complètement  battus  par  les  Dithm arches  (1500),  et 
Sten  Sture  reprit  Stockholm  vainement  défendu  par  la 
reine.  Ils  s'allièrent  à  Lubeck  et  à  la  Ligue  hanséatique.  Le 
roi  acheva  son  règne  en  guerroyant  contre  les  Suédois  et 
les  Hanséates.  En  1542,  les  uns  et  les  autres  traitèrent.  Il 
avait  réprimé  sévèrement  les  insurrections  de  la  noblesse 
norvégienne.  A. -M.  B. 

Empire  byzantin 
J  EAN  l^%  TziMiTzÈs,  empereur  de  Constantinople  (V.  Tzi- 

MITZÈS) . 

JEAN  II  CoMNÈNE  Calojeanou  JEAN  le  Bon,  empereur 
d'Orient,  né  en  1088,  mort  le  8  avr.  1443.  Fiis  aîné 
d'Alexis  P^,  il  succéda  à  son  père  malgré  les  intrigues  de 
sa  mère  Irène  et  de  sa  sœur  Anne  (15  août  1148).  Cette 
dernière  et  son  mari  Bryenne  formèrent  même  contre  lui 
une  conspiration,  qui  échoua.  Les  conjurés  eurent  leurs 
biens  confisqués.  Jean  fut  surtout  un  guerrier  infatigable. 
L'abolition  de  la  peine  de  mort  signafe  pourtant  son  gou- 
vernement intérieur  qui,  à  côté  de  l'activité  législative 
d'Alexis  et  de  Manuel,  semble  un  peu  vide.  D'autre  part, 
au  point  de  vue  économique,  Jean  essaya  de  supprimer  les 
privilèges  accordés  aux  Vénitiens  par  la  bulle  d'or  de  4082. 
Il  en  refusa  la  confirmation  au  doge  Domenico  Michel, 
chassa  les  Vénitiens  de   leurs  quartiers  ou  échelles.  La 
lutte  économique  se  compliqua  d'une  guerre;  Jean  s'allia 
aux  Génois  et  tenta  d'enlever  la  Dalmatie  aux  Vénitiens 
(4449-20).  Mais  ceux-ci  sont  victorieux  dans  les  Sporades 
et  les  Cyclades  qu'ils  pillent,  ravagent  les  côtes  du  Pélopo- 
nèse,  s'établissent  dans  les  îles  Ioniennes.  Cette  guerre 
gênait  beaucoup  la  lutte  contre  les  barbares;  Jean,  pour 
s'en  débarrasser,  rétablit  la  bulle  de  1082.  Jean,  à  l'inté- 
rieur, fut  habilement  secondé  par  son  ministre  Axuch, 
d'origine  turque. Aux  frontières,  il  passa  sa  vie  à  guerroyer  : 
en  Europe,  dans  la  première  période  de  son  règne;  en  Asie, 
dans  la  seconde.  Il  achève,  au  N.  du  cours  inférieur  du 
Danube,  de  briser   la  puissance  des  Petchénègues,    déjà 
bien  affaiblis  depuis  leur  invasion  de  1047.  En  1122,  il  les 
bat  près  de  Berrhœa.  Dans  les  années  suivantes,  ce  sont 
les  Serbes  (1123)  et  les  Hongrois  (1124),   coalisés  sous 
Bêla  Ouroch  et  Etienne  II,  qui  sont  vaincus.  Le  péril 
serbo-hongrois  écarté,  Jean  court  en  Asie  contre  les  Turcs 
Seldjoukides.  Déjà  en  1149-20  il  avait  pris  Laodicée  et  So- 
zopolis;  pas  à  pas,  de  4426  à  4437,  il  les  refoule  et  leur 
reprend  leurs  conquêtes.  En  4437,  il  enlève  aux  Armé- 
niens la  quatrième  Arménie,  qu'il  réunit  à  l'Empire.  Par 
l'Arménie  il  se  trouva  en  contact  avec  Raymond,  prince 
d'Antioche.  Il  fit  une  entrée  solennelle  à  Antioche,  et,  de 
concert  avec  Raymond,  dirigea  une  expédition  contre  les 
Turcs  Atabecks  de  Syrie.  Il  mourut  dans  une  campagne  en 
Cilicie,  à  Anazarba,  après  avoir  disposé  de  la  couronne 
en  faveur  de  son  fils  puîné.  Manuel,  au  détriment  de  son 
fils  aîné,  Isaac.  Manuel  devait  encore  exagérer  les  qua- 
lités militaires,  qui  sont  la  marque  principale  du  caractère 
de  Jean.  Beâulieu. 

BiBL,  :  Dans  le  Corpus  Script,  hist.  byzRntinœ;  Honn. 
1828-1878,  V.  NiGÉTAS,  Cinname,  —  Histoires  générales 
byzantines  (V.  bibl.  au  mot  Isaac  1''=^  Comnéne)-  —  Wil- 
KEN,  Rerum  ah  Alexio  /'"■,  Joanne^  etc.,  gestarum  libri 
quatuor;  Ileidelberg,  1811. 

JEAN  II!  Vatatzès,  empereur  de  Nicée,  né  à  Didymo- 
tique  (Thrace)  en  4493,  mortle  30  oct.  4255.  Jean  appar- 
tenait à  la  famille  des  Ducas;  son  mariage  avec  Irène, 
fille  aînée  de  Théodore  Lascaris,  en  fit  le  successeur  de  ce 
dernier  au  trône  de  Nicée  (4222).  Mais  les  deux  frères  de 
Théodore,  Alexis  et  Isaac,  sa  fille  cadette  Eudoxie  protes- 
tèrent contre  l'avènement  de  Jean.  Ils  se  réfugièrent  au- 
près des  Latins  de  Robert  de  Namur,  qu'ils  poussèrent  à 
la  guerre.  Jean  leur  infligea  une  défaite  sanglante  àPœme- 
nenon  (4223)  ;  les  deux  frères  furent  faits  prisonniers  et 
eurent  les  yeux  crevés.  Jean  enleva  aux  Latins  leurs  pos- 
sessions asiatiques  ;  sa  flotte  parcourut  en  maîtresse  le 
bassin  oriental  de  la  x^léditerranée,  s'empara  de  Lesbos  et 
de  Rhodes  et  resserra  de  jour  en  jour  le  blocus  autour  de 
Constantinople.  Il  est  un  instant  tenu  en  échec  par  Jean  de 


Brienne,  qui  entre  à  Lampsaque  (4233);  de  plus,  sa  flotte 
échoue  par  deux  fois  dans  une  tentative  contre  Candie  et 
est  dispersée  par  une  tempête.  Jean  trouva  heureusement 
des  alliés  dans  Asan  II,  roi  de  Bulgarie,  dont  la  fille  épouse 
son  fils  Théodore,  et  dans  le  despote  d'Epire.  Fort  de  cet 
appui,  Jean  enlève  Gallipoli  (4235)  et  bâtit  un  fort  à  l'en- 
trée des  Dardanelles.  Constantinople  est  assiégée  par  terre 
et  par  mer  ;  mais  Jean  de  Brienne  infligea  aux  Grecs  une 
série  d'échecs,  qui  délivrèrent  la  capitale.  En  même  temps 
les  Bulgares  abandonnent  Jean.  Leur  aUiance  est  rempla- 
cée par  celle  de  Frédéric  II,  empereur  d'Allemagne,  qui 
vint  aux  Grecs  parce  qu'il  haïssait,  en  Jean  de  Brienne,  le 
protégé  des  papes.  La  mort  de  Jean  de  Brienne  arrive  sur 
ces  entrefaites  (4237)  et  Vatatzès,  malgré  ses  échecs  sous 
Constantinople,  se  trouve  de  nouveau  menaçant  pour  les 
Latins.  Ceux-ci  tentent  contre  lui  un  vigoureux  effort  : 
Baudouin  II  met  en  gage  ses  reliques,  va  mendier  des  se- 
cours en  Europe  ;  le  pape  fait  en  sa  faveur  d'activés  démar- 
ches dans  l'Europe  centrale,  gagne  les  princes  de  Hongrie 
et  maintient  les  Bulgares  dans  FaUiance  de  Constantinople. 
En  Orient,  même  les  Latins  trouvent  de  précieux  auxiliaires 
dans  lesKoumans.  Le  vicaire  de  l'Empire,  Narjaud  de  Toucy, 
épouse  la  fille  de  leur  chef  Jonas.  Le  résultat  de  tous  ces 
eiforts  fut  désastreux  pour  Vatatzès  qui,  battu,  perd  Tsu- 
rulon,  la  clef  de  Byzance,  et  abandonne  ses  conquêtes  d'Eu- 
rope (4240),  Les  quinze  dernières  années  de  Vatatzès 
furent  très  occupées  ;  mais  il  renonce  à  prendre  Constan- 
tinople et  ne  fait  plus  que  des  conquêtes  préparatoires  et 
de  détail.  Il  intervint  en  Epire.  La  guerre  civile  y  régnait 
entre  le  despote  Théodore,  son  frère  et  son  fils.  Vatatzès 
s'empara  de  la  capitale  épirote,  Thessalonique,  et  y  main- 
tint comme  despote  l'empereur  associé,  Jean,  fils  do  Théo- 
dore, qui  devint  son  client  (4246).  Il  intervint  aussi  en 
Bulgarie,  après  la  mort  d'Asan  II  (4244)  et  s'empara  d'une 
partie  de  la  Macédoine,  deSkopia  et  de  Melnik.  Il  cherche 
à  isoler  Constantinople  par  sa  diplomatie  :  il  conclut  un 
traité  d'alliance  avec  le  sultan  d'Iconium  et  fait  rompre  un 
projet  d'union  entre  une  fille  du  sultan  et  Baudouin  II  ;  il 
entre  en  pourparlers  avec  le  pape,  moins  dans  l'intention 
de  réunir  l'Eglise  d'Orient  à  Rome  que  pour  détacher  le 
pape  de  Baudouin.  Cette  politique  porte  ses  fruits  ;  il  re- 
prend Tsurulon  et  peut-être  allait-il  tenter  l'assaut  de 
Constantinople  quand  il  mourut.  —  Jean  Vatatzès  avait 
mis  sa  maison  à  deux  doigts  de  refaire  l'empire  de  Byzance 
à  son  profit  ;  l'usurpateur  Michel  Paléologue  devait  lui  en 
dérober  l'honneur.  Beâulieu. 

Bibl.  :  Histoires  générales  byzantines  (V.  au  mot  Isaac  I"^' 
Comnène). 

JEAN  IV  Lascaris,  empereur  de  Nicée,  né  en  4250, 
mort  à  une  date  indéterminée,  après  4264.  Fils  de  Théo- 
dore Lascaris  et  d'Hélène,  fille  d'Asan  II,  roi  des  Bulgares, 
il  succéda  en  4258  à  son  père,  sous  la  tutelle  de  Georges 
Mouzalon  et  du  patriarche  Arsène.  Mais  Michel  Paléologue, 
connétable  des  mercenaires  latins,  se  soulève  contre  Mou- 
zalon, qui  est  tué.  11  devient  tuteur  du  jeune  Jean,  associé 
à  l'Empire  et  finalement  se  fait  couronner  seul  à  Nicée 
(24  déc.  4258).  Le  patriarche  Arsène  se  retire  dans  un 
monastère.  La  surprise  de  Constantinople  par  le  césar  Alexis 
Stratégopoulos  a  lieu  encore  aux  cris  de  :  «  Victoire  aux 
deux  empereurs  Michel  et  Jean!  »  (4264).  Mais  Michel, 
après  son  entrée  solennelle  dans  la  capitale  de  l'Empire 
restauré,  se  hâte  de  se  débarrasser  de  Jean  et  le  relègue 
au  château  de  Dacityze.  Beâulieu. 

BiHL.  :  Histoires  générales  byzantines  (V.  au  mot  Isaac  I«^" 
Comnène). 

JEAN  V  Paléologue,  empereur  d'Orient,  né  en  4332, 
mort  le  46  févr.  4390.  Fils  d'Andronic  III,  il  succéda  en 
4344  à  son  père,  sous  la  régence  de  sa  mère,  Anna  de  Sa- 
voie. La  régence  fut  troublée  par  les  entreprises  du  grand 
domestique  Cantacuzène.  D'abord  favorable  à  Anna,  Canta- 
cuzène,  en  proie  aux  vexations  des  familiers  de  la  régente 
qui  le  trouvent  trop  puissant,  se  tourne  contre  ^  elle  et  se 
fait  proclamer  empereur  sous  le  nom  de  Jean  VI.  Une  hor- 


JEAN 


—  88 


rible  guerre  civile  commence  :  Cantacuzène  s'allie  au  kral 
de  Serbie  ;  Anna  au  sultan  des  Osmanlis.  Les  sujets  byzan- 
tins sont  molestés,  enlevés  et  vendus  en  Asie  ;  les  provinces 
et  les  villes  sont  conquises  par  les  Serbes  et  les  Génois. 
Enfin  Cantacuzène  entra  par  surprise  à  Constantinople. 
Anna  dut  traiter  (1345).  On  convint  que  Cantacuzène  se- 
rait empereur  en  premier  jusqu'à  la  majorité  de  Jean  V, 
c.-à-d.  pendant  dix  ans,  jusqu'en  1355.  Mais  à  l'expira- 
tion des  dix  années,  Cantacuzène  se  montra  peu  disposé  à 
céder  la  première  place  à  Jean  V.  La  guerre  civile  recom- 
mença. Cantacuzène  confisqua  les  biens  de  Jean,  le  dépouilla 
du  pouvoir  et  le  remplaça  par  son  propre  fils  Mathieu 
(1354).  Jean  V  trouva  un  appui  auprès  des  Génois.  Il  s'em- 
para des  portes  de  Constantinople.  Comme  en  d345,  un 
traité  fut  conclu.  Jean  V  et  Jean  VI  devaient  être  empe- 
reurs à  titres  égaux  ;  Mathieu  conserva  le  titre  d'empereur 
avec  Andrinople.  Bientôt  Cantacuzène  se  retira  dans  un 
monastère  et  son  fils  Mathieu,  sur  ses  prières  et  ses  me- 
naces, abdiqua  aussi  :  Jean  V  était  seul  empereur  (4355). 
Il  se  trouva  aussitôt  aux  prises  avec  les  Osmanlis  qui  sous 
Mourad,  en  1360,  conquièrent  Andrinople.  Jean  V,  sans 
hommes  et  sans  argent,  vint  implorer  la  pitié  de  l'Occi- 
dent et  pousser  à  la  croisade.  On  le  vit  à  Rome  s'agenouiller 
devant  Urbain  V  (1369)  et  abjurer  le  schisme,  dans  le 
midi  de  la  France,  à  Venise,  où  il  emprunte  à  gros  intérêt, 
ne  peut  rembourser  et  est  mis  en  prison  pour  dettes.  Jean 
demande  de  l'argent  à  ses  deux  fils  :  Andronic,  associé  à 
l'Empire,  et  Manuel,  gouverneur  de  Thessalonique.  Andro- 
nic, qui  se  souciait  peu  de  voir  revenir  son  père,  refuse 
tout  secours;  Manuel,  au  contraire,  envoya  l'argent  néces- 
saire. De  retour  en  Orient,  Jean  destitua  Andronic  et  le 
remplaça  par  Manuel.  Andronic  mécontent  passe  à  l'ennemi 
s'associe  avec  le  fils  de  Mourad  :  tous  deux  forment  un  com- 
plot ayant  pour  but  de  se  débarrasserde  leurs  pères  (1374). 
Mourad  découvre  le  projet  et  fait  crever  les  yeux  à  son  fils. 
Andronic  faillit  subir  le  même  traitement  de  la  part  de  son 
père.  Il  trouva  des  protecteurs  dans  les  Génois  qui,  le 
11  juil.  1375,  entrent  à  Constantinople  et  installent  An- 
dronic à  la  place  de  Jean,  qui  est  enfermé.  Jean,  soutenu 
parles  Vénitiens,  tente  en  vain  de  provoquer  un  mouve- 
ment en  sa  faveur  ;  il  peut  néanmoins  s'enfuir  auprès  du 
sultan.  Grâce  à  l'appui  de  Mourad,  il  entre  à  Constanti- 
nople. Andronic  reçoit  en  apanage  le  reste  de  l'Empire  en 
Europe  (1379).  Dès  lors  Jean  est  à  la  merci  du  sultan.  Il 
lui  paye  tribut,  promet  de  lui  fournir  un  contingent  mili- 
taire et  de  lui  donner  un  de  ses  fils  en  otage.  Le  succes- 
seur de  Mourad,  Bayézid  I^*",  emmène  le  fils  de  Jean,  le 
jeune  empereur  associé  Manuel,  dans  toutes  ses  campagnes. 
Il  le  force  à  assiéger  Philadelphie,  promise  à  Mourad  par 
Jean  et  qui  ne  voulait  pas  se  donner  aux  Osmanlis.  Jean 
subit  sans  protester  toutes  les  humiliations  ;  il  renonce  à 
réparer  les  fortifications  de  Constantinople,  devant  les  ordres 
de  Bayézid.  Il  laisse  à  son  fils  Manuel  un  empire  mourant. 
—  Jean  eut  des  défauts  :  il  manqua  d'énergie  et  sa  vie  pri- 
vée fut  loin  d'être  irréprochable  ;  mais  les  faiblesses  de  son 
règne  doivent  aussi  être  imputées  aux  circonstances  et  sur- 
tout aux  hommes  de  l'Occident,  qui  ne  voulurent  pas  le 
soutenir  contre  les  Osmanlis.  Beâulieu. 

BiBL.  :  Histoires  générales  byzantines  (V.  au  mot  Isaac  I*''" 
Comnène). 

JEAN  VI  Cantacuzène  (V.  Cantacuzène). 

JEAN  VII  Paléologue,  empereur  d'Orient,  né  en  1360, 
mort  en  1410  (20  nov.).  Petit-fils  de  Jean  V  par  son  fils 
Andronic.  Quand  Andronic  se  révolta  en  1375,  le  jeune 
Jean  subit  le  sort  de  son  père.  Il  fut  enfermé  et  défiguré 
à  la  suite  d'une  opération  maladroite  pour  le  priver  de  la 
vue.  Sous  le  règne  de  son  oncle  Manuel,  le  jeune  Jean  fut 
protégé  par  les  Osmanlis.  Bayézid  l'opposa  à  l'empereur, 
lui  donna  10,000  hommes,  avec  lesquels  il  marcha  sur 
Constantinople.  Manuel  effrayé  consentit  à  partager  l'Em- 
pire avec  son  neveu  (déc.  1398).  Peu  après  il  partit  pour 
l'Occident  afin  de  trouver  des  secours  contre  les  Osmanlis. 
Jean  VII,  seul  maître  de  l'Empire,  paya  l'appui  de  Bayézid 


en  consentant  à  un  honteux  traité.  Il  s'engagea  à  payer 
un  tribut  aux  Osmanlis,  à  leur  ouvrir  un  quartier  de  Cons- 
tantinople, où  Bayézid  mit  un  cadi,  un  iman  et  fit  élever 
une  quatrième  mosquée.  A  son  retour  à  Constantinople,  Ma- 
nuel désavoua  le  traité.  L'empire  osmanli  était  alors  en 
conflit  avec  l'empire  mongol,  le  sultan  Bayézid  venait  d'être 
fait  prisonnier  sur  le  champ  de  bataille  d'Angora.  Manuel 
se  sentait  fort,  il  déposa  Jean  VII  et  le  relégua  à  Lemnos. 
Jean  prit  le  froc  et  se  retira  dans  un  monastère. 

BiBL.  :  Histoires  générales  byzantines  (V.au  mot  Isaac  I^^' 
Comnène). 

JEAN  VMI,  empereur  d'Orient,  né  en  1390,  mort  en 
1448.  Des  six  fils  de  Manuel  II,  qui  mourut  en  1425,  ce 
fut  Jean,  déjà  associé  à  l'Empire,  qui  succéda  à  son  père. 
A  son  avènement  Jean  VU  paya  tribut  aux  Osmanlis  et  leur 
céda  plusieurs  villes  sur  la  mer  Noire,  moyennant  quoi 
l'Empire  jouit  d'un  calme  relatif  jusqu'en  1435.  A  cette 
date  les  Osmanlis  de  Mourad  H  étaient  de  plus  en  plus  me- 
naçants. Jean  se  décida  à  implorer  les  secours  de  l'Occi- 
dent. Il  fit  des  ouvertures  au  pape  Eugène  IV  et  laissa 
entrevoir  sa  soumission  complète  et  sincère  à  l'Eglise  ro- 
maine. Eugène  IV  envoya  à  Constantinople  le  légat  Nicolas 
de  Cusa.  Celui-ci  s'aboucha  avec  le  patriarche  Joseph  et 
l'archevêque  de  Nicée,  Bessarion.  On  convint  de  réunir  un 
concile  à  Ferrare  pour  traiter  de  l'union  des  deux  Eglises. 
L'empereur,  avec  une  suite  de  700  Grecs,  dont  Joseph  et 
Bessarion,  s'embarqua  pour  l'Italie  le  27  nov.  1437.  Le 
concile  de  Ferrare  se  passa  en  disputes  de  préséance  ; 
transféré  à  Florence,  en  1439,  il  aborda  enfin  les  diver- 
gences de  doctrine.  L'union  des  deux  Eglises  fut  définitive- 
ment scellée  le  6  juil.  1439  par  un  symbole  arrêté  en 
commun.  Mais  le  concile  de  Florence  eut  moins  de  résul- 
tats politiques  que  littéraires.  Le  pape  ne  réussit  pas  à 
entraîner  l'Occident  au  secours  des  Byzantins.  Jean  Hunyade 
ne  reçut  que  quelques  croisés  de  bonne  volonté,  le  cardinal 
Condolmieri,  neveu  du  pape  et  le  légat  Julien  Césarini.  La 
défaite  de  Varna  ruina  les  espérances  du  pape  et  de  Jean  VII 
(1444);  celle  de  Kossovo  (1448)  jeta  Jean  dans  le  plus 
profond  découragement.  Il  mourut  quatorze  jours  après. 
Jean  VIII  n'avait  pu  réussir  à  imposer  l'union  religieuse  à 
ses  sujets.  Marc  Evgenikos  avait  protesté  contre  cette  union 
au  concile  de  Florence.  De  retour  à  Constantinople,  il  la 
combattit  encore,  et  Jean  mourut  avant  de  l'avoir  opérée. 
L'historien  Doucas  appelle  avec  raison  Jean  VIII  le  deimier 
empereur.  L'empire  d'Orient  n'a  plus,  après  lui,  que  quel- 
ques années  à  vivre.  Beâulieu. 

BiBL.:  Histoires  générales  byzantines  (V.  au  mot  Isaac  I^'" 
Comnène).  —  H.  Vast,  le  Cardinal  Bessarion,  1878. 

JEAN,  empereur  de  Thessalonique,  mort  après  1246.  Son 
père,  Théodore- Ange,  frère  et  successeur  du  despote  d'Epire, 
Michel,  s'était  fait  couronner  empereur  de  Thessalonique 
quand  il  eut  conquis  cette  ville  sur  les  Latins  (1223).  Au 
cours  d'une  guerre  contre  Asan  II  de  Bulgarie,  il  fut  battu 
et  eut  les  yeux  crevés  (1230).  C'est  alors  que,  remis  en 
liberté,  il  associa  à  l'Empire  son  fils  Jean.  Jean  et  Théo- 
dore guerroyèrent  contre  leur  oncle  et  frère.  Manuel  ;  la 
guerre  civile  commença  en  Epire.  Jean  III  Vatatzès  en  pro- 
fita pour  envahir  la  Macédoine  et  s'emparer  de  Thessalo- 
nique. L'empire  épirote  de  Thessalonique  avait  duré  vingt- 
trois  ans  (1223-16).  Jean  reconnut  l'empereur  de  Nicée  et 
conserva  Thessalonique  avec  le  titre  de  despote. 
BiBL.  :  DucANGE,  FamiHdB  byzantinœ,  1680. 

JEAN-Ange-Dukas-Comnène,  prince  épirote,  mort  en 
1290.  C'était  le  fils  naturel  de  Michel  II,  mort  en  1267. 
Au  partage  que  Michel  fit  de  ses  Etats,  Jean  obtint  le  S., 
la  Thessalie,  la  Locride,  et  établit  le  siège  de  son  despotat 
à  Patras.  Dans  sa  petite  sphère  d'action,  Jean  n'eut  pas  un 
gouvernement  sans  gloire  :  il  s'usa  à  guerroyer  contre  son 
frère  Nicéphore,  qui  avait  eu  l'Epire,  et  lui  enleva  une  à 
une  un  grand  nombre  de  villes.  Il  fut  aussi  souvent  en 
lutte  avec  Michel  Paléologue,  qui  l'avait  nommé  sébasto- 
cratôr.  Une  question  religieuse  les  divisait  surtout  ;  en  face 
de  Michel,  qui  essayait  de  se  rapprocher  de  Bome  pour  se 


taire  pardonner  la  prise  de  Constantinople,  Jean  se  pose  en 
champion  de  Forlhodoxie.  Quand  les  envoyés  de  l'empereur 
eurent,  au  concile  de  Lyon  (1274),  reconnu  la  suprématie 
papale,  Jean  assembla  un  concile  dans  ses  Etats,  qui  dé- 
clara hérétique  la  croyance  de  TEglise  romaine.  Jean  fut  le 
dernier,  en  importance,  des  despotes  d'Epire  de  sa  race, 
qui  devait  s'éteindre  en  1318.  Beaulieu. 

BiBL.  :  DucANGE,  FamUise  byzantinœ,  1680,  p.  210. 

JEAN  DE  Brienne  (V.  Brienne). 

JEAN  DuKÂS  César  (V.  Dukas). 
Espagne 

JEAN  ou  JUAN  l^'",  roi  d'Aragon,  mort  le  19  mai 
1395.  Il  était  fils  de  Pedro  IV,  surnommé  le  Cérémo- 
nieux, et  de  Leonor  de  Sicile.  Brouillé  avec  son  père  pour 
avoir  épousé  secrètement  Yolande,  fille  du  duc  de  Berry 
(1384),  il  se  réconcilia  dans  la  suite,  mais  dut  quitter  la 
cour  en  1385.  A  la  mort  de  Pedro  IV  (5  janv.  1387), 
Juan  hérita  de  la  couronne  d'Aragon.  Le  premier  acte  du 
règne  fut  le  procès  de  Sybil  deForcia,  belle-mère  du  nou- 
veau roi,  dénoncée  par  un  juif  et  accusée  par  la  voix  pu- 
blique de  l'avoir  ensorcelé  au  moyen  de  breuvages  magiques 
(suivant  une  autre  version,  il  s'agissait  de  Pedro  IV).  Sy- 
bil put  échapper  à  la  torture,  mais  perdit  titres  et  biens  ; 
on  ne  lui  laissa  qu'une  très  faible  rente.  Deux  de  ses  pré- 
tendus complices  subirent  la  question  et  furent  décapités. 
Ensuite  Juan  P"^  s'occupa  du  schisme  de  l'Eglise.  Une 
assemblée  de  prêtres  et  de  chevaliers,  réunie  à  Barcelone, 
reconnut  Clément  VII  d'Avignon  pour  seul  pape  légitime- 
ment élu,  grâce  aux  eiforts  du  cardinal  aragonais  Pedro 
de  Luna,  plus  tard  Benoit  Xlll  (4  févr.  1387).  D'un  ca- 
ractère doux,  mais  indolent,  Juan  l^^  négligeait  les  affaires 
sérieuses  pour  ses  plaisirs  favoris  :  la  fauconnerie,  la  chasse, 
les  fêtes,  la  poésie,  la  musique.  La  reine  encourageait  ces 
goûts.  Tous  deux  attiraient  les  troubadours  el  récompen- 
saient par  des  dons  magnifiques  la  moindre  chanson  limou- 
sine rimée  en  leur  honneur.  Prodigalité  pareille  eut  bien- 
tôt épuisé  le  trésor  de  l'Aragon.  Pendant  que  le  roi  prési- 
dait les  Certes,  en  la  ville  de  Monzon,  la  noblesse 
mécontente  se  réunissait  à  Calasanz.  Elle  adressa  par  écrit 
ses  griefs  au  souverain.  Devant  une  menace  de  guerre  ci- 
vile, don  Juan  consentit  à  restreindre  les  dépenses  et 
bannit  de  la  cour  une  favorite  de  la  reine  Yolande,  Carroza 
de  Vilaragur  (1390).  La  même  année,  des  bandes  d'aven- 
turiers français,  conduits  par  Bernard  d'Armagnac,  rava- 
gèrent le  N.  de  la  Catalogne.  Vaincus  à  deux  reprises,  les 
pillards  repassèrent  la  frontière  à  l'approche  de  l'armée 
royale,  en  saccageant  le  Roussillon  dans  leur  retraite. 
Juan  P^  eut  ensuite  à  combattre  les  Sardes,  soulevés  contre 
la  domination  aragonaise  à  la  voix  de  Brancaleone  Doria 
(1391).  Son  neveu,  Martin  d'Exerica,  avait  épousé  Marie, 
reine  de  Sicile.  Juan  I®^  l'aida  à  s'emparer  de  cette  île. 
Bernardo  de  Cabrera  vainquit  les  Siciliens  et  les  soumit  à 
la  couronne  d'Aragon  (1393).  Juan  P^'  mourut  deux  ans 
après  d'une  chute  de  cheval,  chassant  le  loup  dans  la  forêt 
de  Foxa.  Comme  il  ne  laissait  que  deux  filles,  il  eut  pour 
successeur  son  frère  don  Martin,  duc  de  Momblanc.  L'an- 
née de  sa  mort  avait  été  signalée  par  une  nouvelle  incur- 
sion des  Français.  Lucien  Dollfus. 

JEAN  ou  JUAN  11,  roi  d'Aragon  et  de  Navarre,  mort 
à  Barcelone  le  19  janv-  1479.  Il  était  fils  de  Ferdi- 
nand 1*^^,  surnommé  le  Juste,  et  de  Leonor  d'Albuquerque. 
Quand  mourut  son  père  (1416),  il  eut  le  titie  de  duc  avec 
la  seigneurie  de  Lara  et  les  villes  de  Momblanc  et  de  Mé- 
dina del  Campo.  Son  aîné,  Alphonse  V,  était  roi  d'Ara- 
gon. A  la  mort  de  Carlos  ïll  le  Noble  (1425),  dont  il 
avait  épousé  la  fille,  dofiaBlanca,  l'infant  don  Juan  devint 
roi  de  Navarre.  Il  suivit  son  frère  Alphonse  V  le  Magna- 
nime à  la  conquête  de  Naples  et  fut  pris  avec  lui  à  la*^  ba- 
taille navale  de  Ponzia,  gagnée  par  les  Génois  (25  août 
1435).  Remis  en  liberté,  Alphonse  le  chargea  de  gouver- 
ner l'Aragon  en  son  absence.  Ayant  attaqué  Juan  II  de 
Castille,  il  essuya  une  défaite  complète  à  Olmedo,  ainsi  que 
les  seigneurs  castillans  révoltés  contre  le  roi  (19  mai  1445). 


89  —  JEAN 

Le  27  juin  1458,  Alphonse  V  mourut  à  Naples,  laissant 
à  Juan  II  la  couronne  d'Aragon.  Excité  par  sa  seconde 
femme,  Juana  Enriquez,  fille  de  Fadrique  Enriquez,  almi- 
rante  de  Castille,  il  avait  persécuté  avec  acharnement  son 
fils  Carlos,  prince  de  Viana.  Il  le  vainquit  et  le  prit  à 
Ayvar  (1452),  lui  rendit  la  liberté  à  la  demande  des  Cer- 
tes, se  vit  forcé  de  le  reconnaître  héritier  d'Aragon,  de 
lui  céder  le  gouvernement  de  la  Catalogne,  et  finit,  dit-on, 
parle  faire  empoisonner,  en  1461  (V.  l'art.  Carlos  de 
Viana).  Aussitôt  le  peuple  de  Barcelone  s'arma  contre  le 
roi  qu'il  accusait  de  ce  crime.  Juan  II  eut  recours  à 
Louis  XL  Le  roi  de  France  lui  fournit  700  lances  et  de 
plus  200,000  ducats.  Cerdagne  et  Roussillon  furent  remis 
entre  ses  mains  jusqu'au  payement  de  la  dette.  La  reine 
Juana  Enriquez  et  l'infant  Ferdinand,  assiégés  dans  Girona 
par  les  Catalans,  n'échappèrent  que  grâce  à  l'arrivée  des 
hommes  d'armes  français  (1462).  La  Catalogne  insurgée 
se  donna  d'abord  au  faible  Enrique  IV  de  Castille  qui 
l'abandonna  bientôt,  puis  au  connétable  de  Portugal,  dom 
Pedro,  proclamé  par  les  rebelles  comte  de  Barcelone  et  roi 
d'Aragon  (1464).  Le  prince  Ferdinand,  plus  tard  Ferdi- 
nand le  Catholique,  âgé  de  treize  ans  seulement,  vainquit 
les  Catalans  et  les  Portugais  à  Los  Prados  del  Rey  (1465). 
Après  la  mort  du  connétable,  les  révoltés  appelèrent  René 
d'Anjou  (1466)  qui,  trop  vieux  pour  venir  en  personne, 
leur  envoya  son  fils  Jean,  duc  de  Lorraine.  En  1468, 
Juan  II,  devenu  aveugle,  fut  guéri  par  un  astrologue  et 
médecin  juif  nommé  Abiabar.  Enfin,  Jean  de  Lorraine 
étant  mort,  Barcelone  se  rendit  au  roi,  après  une  résis- 
tance acharnée  (1472).  La  guerre  de  Catalogne  avait  duré 
dix  ans.  Cette  lutte  était  à  peine  terminée  que  les  villes 
du  Roussillon,  cédées  jadis  à  Louis  XI  et  aceablées  d'im- 
pôts par  leur  nouveau  maître,  se  soulevèrent  à  la  fois  et 
massacrèrent  les  garnisons  françaises.  A  cette  nouvelle, 
le  vieux  Juan  II  accourut  s'enfermer  dans  Perpignan  avec 
sa  noblesse  et  le  connétable  de  Navarre,  Pedro  de  Peralta. 
Philippe  de  Savoie  dut  lever  le  siège  en  grand  désordre 
à  l'approche  de  Ferdinand  qui  conduisait  une  armée  ara- 
gonaise et  castillane  au  secours  de  son  père.  Louis  XI 
traita.  Le  17  sept.  1473,  il  fut  convenu  entre  lui  et 
Juan  II  que  le  Roussillon  serait  restitué  à  l'Aragon  le  jour 
où  les  200,000  ducats,  prêtés  en  1462,  seraient  entière- 
ment payés.  Malgré  cela,  la  guerre  reprit.  Les  Français 
s'emparèrent  d'EIne  (1474),  de  Perpignan  (1475)  et  péné- 
trèrent dans  Ampurias  (1476).  Juan  II  mourut  âgé  de 
quatre-vingt-un  ans  et  demi,  sans  avoir  vu  la  fin  de  la 
longue  lutte  engagée  contre  Louis  XL  II  eut  pour  succes- 
seur son  fils  Ferdmand  V  le  Catholique  (en  Aragon  Ferdi- 
nand II),  époux  de  l'infante  Isabelle  depuis  1469  et  roi  de 
Castille  depuis  1475  (V.  Ferdinand  V).  Lucien  Dollfus. 
JEAN  l^»-,  roi  de  Castille,  né  le  24  août  1358,  mort  le 
9  oct.  1390.  Fils  de  Henri  II,  de  Trastamare,  il  lui  suc- 
céda en  1379.  Son  caractère  doux  et  affable  promettait  à 
la  Castille  un  règne  heureux.  Il  resserra  l'alliance  avec  la 
France  et  envoya  une  flotte  pour  aider  le  roi  Charles  V  dans 
sa  lutte  contre  Jean  de  Montfort,  duc  de  Bretagne,  et  les 
Anglais.  Son  fils  aîné,  à  peine  âgé  de  quelques  mois,  ayant 
été  fiancé  (1380)  avec  la  fille  unique  de  Ferdinand  (V.  ce 
nom),  roi  de  Portugal,  lequel  se  ligua  ensuite  avec  Jean, 
duc  de  Lancastre,  prétendant  à  la  couronne  de  Castille,  le 
roi  Jean  porta  la  guerre  chez  son  voisin  inconstant,  qui  se 
soumit  en  1382  et  accorda  la  main  de  sa  fille  au  second 
fils  de  son  vainqueur.  Il  l'offrit  ensuite  en  mariage  à  Jean  P"^ 
lui-même,  devenu  veuf  récemment,  qui  l'accepta,  et  qui, 
dès  l'année  suivante,  envahit  de  nouveau  le  Portugal  pour 
s'en  faire  reconnaître  roi  après  la  mort  de  son  beau-père. 
Soutenu  par  une  grande  partie  de  la  noblesse  portugaise, 
il  allait  réussir  dans  ses  plans  sans  l'intervention  de  la 
fièvre  jaune,  qui  l'obligea  de  rebrousser  chemin.  Le  frère 
consanguin  de  Ferdinand,  le  grand  maître  d'Aviz,  Jean 
(V.  ce  nom),  ayant  été  élu  roi  de  Portugal  en  1385,  Jean  P' 
de  Castille  se  porta  contre  lui  à  la  tête  d'une  forte  armée, 
qui  subit  une  défaite  complète  à  Aljubarotta  (14  août  1386). 


JEAN 


-  90 


Il  eut  ensuite  à  combattre  le  duc  de  Lancastre,  et  cette 
guerre  de  deux  ans  se  termina  par  un  accommodement,  de 
même  que  celle  avec  le  Portugal  aboutit  à  une  trêve  de 
six  ans  (1389).  Ce  prince,  plein  de  sagesse  et  de  modéra- 
tion, mourut  à  trente-deux  ans  d'une  chute  de  cheval.  De  son 
premier  mariage  avec  Eléonore  d'Aragon,  il  eut  plusieurs 
enfants  ;  son  fils  aîné,  Henri  III,  lui  succéda.  G.  P-i. 
BiBL.  :  P.  LoPEZ  DE  Ayala,  Coronica  ;  Pampelune,  1591. 

JEAN  II,  roi  de  Castille,  né  le  6  mars  1403, -mort  à 
Yalladolid  le  21  juil.  1434.  Petit-fils  du  précédent  et  fils 
de  Henri  IIÏ,  il  succéda  à  celui-ci  le  23  déc,  1406,  sous  la 
tutelle  de  sa  mère,  Catherine,  et  de  son  oncle,  Ferdinand 
de  Castille,  qui,  devenu  en  1412  roi  d'Aragon,  abandonna 
tout  le  pouvoir  à  la  régente.  Après  la  mort  de  celle-ci  en 
1418,  les  rênes  du  gouvernement  passèrent  à  l'archevêque 
de  Tolède  et  à  Alvaro  de  Luna.  Le  jeune  roi,  renversé  du 
trône  et  emprisonné  en  1420  par  son  beau-frère,  Henri 
d'Aragon,  grand-maître  de  l'ordre  de  Saint-Jacques,  fut 
rétabli  avec  l'aide  de  son  autre  beau-frère,  Jean  II,  roi 
d'Aragon.  Dès  lors,  son  règne  se  partage  entre  les  intrigues 
de  Jean  et  de  Henri  de  Navarre  contre  lui  et  surtout  contre 
son  puissant  favori,  Alvaro  de  Luna  (V.  ce  nom),  élevé  à 
la  dignité  de  connétable,  et  entre  les  faveurs  ou  les  rigueurs 
exercées  contre  lui,  sous  la  pression  des  révoltes  des 
nobles  castillans.  Jean  de  Navarre  fut  complètement  défait 
à  la  bataille  d'Olmedo  (1445),  et  Alvaro  de  Luna  finit  par 
être  injustement  décapité  (4433).  De  sorte  que  ce  monarque 
sans  caractère,  quoique  doué  d'excellentes  qualités,  n'a  à 
son  avoir  que  des  succès  sur  les  Maures  de  Grenade  et  la 
haute  protection  qu'il  accordait  aux  poètes  et  aux  littéra- 
teurs. Le  fils  qu'il  eut  de  son  mariage  (1418)  avec  Marie 
d'Aragon,  lui  succéda  sous  le  nom  de  Henri  IV.  De  sa 
seconde  union  (1447),  avec  Isabelle  de  Portugal,  il  eut  un 
fils,  Alphonse^  et  une  fille.  G.  P-i. 

J  EAN,  connu  sous  le  nom  de  don  Juan  d'Autriche^  né  à 
Ratisbonnele24févr.  1347,mortàNamurlel^'*  oct.1578. 
Il  était  fils  naturel  de  Charles-Quint  et  de  Barbara  Blom- 
berg  de  Ratisbonne.  Il  fut  élevé  en  Espagne  par  les  soins  de 
don  Luis  (iuijada,  sous  le  nom  de  Geronimo.  Son  origine  fut 
révélée  après  la  mort  de  son  père  par  une  lettre  de  celui-ci 
à  Philippe  II.  Le  roi  témoigna  une  grande  faveur  à  son  frère, 
lui  fit  prendre  le  nom  de  Juan,  lui  donna  un  bel  étaWisse- 
ment  et  lui  fit  achever  son  éducation  à  Alcala.  Très  beau 
et  cavalier  accompli,  le  jeune  prince  manifesta  sa  prédilec- 
tion pour  la  vie  militaire.  Il  fit,  avec  Requesens,  une  ex- 
pédition contre  les  Barbaresques  (juin  1368),  puis  reçut  le 
commandement  de  l'armée  opposée  aux  Morisques  révoltés 
de  Grenade.  Il  n'eut  l'autorité  réelle  qu'en  1370  et  se 
signala  par  de  brillants  exploits  (prise  de  Galera,  etc.) 
qui  mirent  fin  à  la  résistance.  H  fut  alors  mis  à  la  tête  de 
la  flotte  envoyée  par  la  Sainte  Ligue  contre  les  Turcs  et 
remporta  la  victoire  ..de  Lépante  (7  oct.  1371).  Il  n'en  put 
tirer  parti  à  cause  des  dissensions  entre  les  alliés.  En  sept. 
1373,  il  s'empara  de  Tunis  et  s'y  fortifia,  contre  l'ordre 
de  Philippe  II,  rêvant  de  s'y  créer  un  royaume;  son  frère 
ne  s'y  prêta  pas.  En  1374,  il  fut  chargé  de  pacifier  Gênes. 
En  1373,  il  reçut  le  titre  de  vicaire  général  des  possessions 
espagnoles  d'Italie.  Il  forma  alors  le  projet  de  délivrer  Ma- 
rie Stuart,  avec  l'idée  d'acquérir  les  couronnes  d'Ecosse  et 
d'Angleterre.  En  1576,  il  fut  nommé  gouverneur  des  Pays- 
Bas,  traversa  la  France  déguisé  en  esclave  maure  d'un  des 
gens  de  sa  suite  et  arriva  à  Luxembourg  le  4  nov.  1376, 
jour  de  la  tuerie  d'Anvers.  Il  avait  pour  instructions  de 
réconcilier  sans  rien  concéder.  Il  s'y  employa  avec  une  du- 
plicité semblable  à  celle  de  Phihppe  II,  signa  pour  se  faire 
reconnaître  l'Edit  perpétuel,  renvoya  ses  mercenaires  es- 
pagnols ;  mais  il  était  hostile  à  la  tolérance  qu'il  promet- 
tait, et  ni  Guillaume  d'Orange,  ni  les  Etats  de  Hollande  et 
de  Zéiande  n'en  furent  dupes.  Le  gouverneur  fit  revenir 
ses  troupes  par  petits  paquets  et  occupa  le  château  de  Na- 
mur.  Les  Etats  des  Pays-Bas  appelèrent  comme  gouver- 
neur l'archiduc  autrichien  Mathias,  sous  le  nom  duquel 
Guillaume  eut  tout  le  pouvoir,  et  déposèrent  don  Juan 


d'Autriche  (7  déc.  1377).  L'armée  des  Etats  fut  mise  en 
déroute  à  Gembloux  par  Alex.  Farnèse  (31  janv.  1378); 
mais  Philippe  II  laissait  son  frère  sans  renforts  ;  il  semble 
qu'à  cette  époque  Antonio  Perez  ait  réussi  à  éveiller  l'in- 
quiétude du  soupçonneux  monarque  contre  le  romanesque 
et  aventureux  Jean.  Le  confident  de  celui-ci,  Escovedo, 
envoyé  à  Madrid  pour  porter  ses  déclarations,  fut  assas- 
siné, par  ordre  du  roi.  Miné  par  la  fièvre,  le  jeune  gou- 
neur  succom.ba.  On  a  parlé  de  poison  que  Phihppe  II  lui 
aurait  fait  donner,  mais  rien  n'autorise  cette  conjecture. 
Après  de  pompeuses  funérailles,  le  corps  fut  embaumé  et, 
par  mesure  d'économie,  sur  l'ordre  du  roi,  coupé  en  trois 
morceaux  que  des  cavaliers  transportèrent  secrètement  à 
travers  la  France,  emballés  au  pommeau  de  leur  selle.  En 
Espagne,  on  les  réunit,  on  célébra  de  nouveau  un  somp- 
tueux convoi  et  on  déposa  la  dépouille  du  héros  de  Lépante 
à  l'Escurial.  A.-M.  B. 

BiBL.  :  V.  la  bibl.  de  l'art.  Philippe  II  et  Stirling- 
IvIaxwell,  Don  Juan  of  Ausiria;  Londres,  1883,  2  vol. 

JEAN  ou  DON  Juan  d'Autriche,  général  espagnol,  né 
le  7  avr.  1629,  mort  le  17  sept.  1679.  Fils  naturel  du  roi 
d'Espagne  Philippe  ÏV  et  d'une  actrice.  Maria  Calderon,  il 
fut  nommé  grand  prieur  de  Castille,  prit  part  à  la  guerre 
de  Portugal  en  1642,  réprima  en  1647  la  révolte  de  Masa- 
niello  à  Naples,  et  fut  investi  ensuite  des  fonctions  de  gou- 
verneur d'Italie.  En  1632,  il  étouifa  l'insurrection  de  Ca- 
talogne, et  se  distingua  ensuite  dans  la  guerre  contre  la 
France.  Vice-roi  des  Pays-Bas  espagnols  en  1636,  il  y 
fut  chargé  de  la  direction  des  opérations  militaires.  La  for- 
tune lui  sourit  un  moment,  mais  il  perdit  contre  Turenne 
la  bataille  des  Dunes  (14  juin  1638),  et  le  reste  de 
son  armée  fut  anéanti  près  d'Audenarde,  Après  la  paix 
des  Pyrénées,  il  commanda  en  chef  l'expédition  contre  le 
Portugal  (1660).  Battu  à  Estremoz  (8  juin  1663),  il  quitta 
l'armée  l'année  suivante.  Après  une  période  de  disgrâce, 
il  devint  vice-roi  d'Aragon,  puis  premier  ministre  de 
Charles  IL  '  G.  P-i. 

Bibl.  :  F. -F.  Bremundano,  Uîstoria.  de  la,  vida,  y  hechos 
de  D.  Juan  d'Austria;  Saragosse,  1673,in-fol.  —  Gr.  Leti, 
Vita  di  D.  Giovanni  dAustria  ;  Cologne,  1686,  in-12.  —  jRe- 
lation  des  différends  arrivés  en  Espagne  entre  D.  Juan 
d  Autriche  et  le  cardinal  Nitard;  Paris,  1677,  2  vol.  in-12, 

France 

JEAN  1®^'  LE  Posthume,  roi  de  France,  né  le  13  nov. 
1316,  mort  le  20  nov.  suiv.  Il  était  fils  de  Louis  X  et  de  sa 
deuxième  femme,  Clémence  de  Hongrie.  Il  naquit  cinq  mois 
et  demi  après  la  mort  de  son  père.  De  sa  première  femme, 
Marie  de  Bourgogne,  Louis  X  laissait  une  fille,  mais  elle 
n'eut  pas  la  couronne,  et  un  frère  du  roi  défunt,  Phihppe, 
comte  de  Poitiers,  prit  la  régence,  en  attendant  les  couches 
de  la  reine  (juin  1316).  D'après  divers  témoignages  Jean 
le  Posthume  ne  vécut  que  cinq  jours,  mais,  à  en  croire  cer- 
tains documents,  comme  le  Diario  de  Sienne  et  une  charte 
de  Nie.  Rienzi,  le  comte  de  Poitiers,  aidé  par  sa  belle- 
mère,  Mahaut,  comtesse  d'Artois,  aurait,  pour  s'emparer 
du  trône,  substitué  au  petit  roi  l'enfant  qui  mourut  alors. 
Quant  au  véritable  fils  de  Louis  X,  il  aurait  été  élevé  par 
un  négociant  de  Sienne,  Guiccio  de  Mini,  dont  il  porta  le 
nom.  îl  est  certain  qu'un  faux  roi  Jean  I^"^  parut  en  Italie 
et  dans  le  midi  de  la  France  pendant  le  règne  de  Jean  le 
Bon.  Pris  en  Provence,  il  aurait  été  enfermé  au  château  de 
rOEuf ,  à  Naples,  et  y  serait  mort.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'en- 
fant qui  mourut  au  Louvre  le  vendredi  20  nov.  1316  figure 
parmi  les  rois  de  France  sous  le  nom  de  Jean  P^.     E.  C. 

Bibl.  :  Guill.  de  Nangis  (le  continuateur  de),  I,  430- 
431.  —  Les  Grandes  Chroniques  de  France^  édit.  P.  Paris; 
Paris,  1836,  col.  1226  et  1232,  in-fol.  — D.  Devic  et  D.  Vais- 
SETE,  Hisi.  du  Languedoc;  Toulouse,  1886,  t.  IX,  361,  723, 
in-4.  —  Bull,  de  la  Soc.  de  Vhist.  de  Fr..,  année  1844,  p.  122. 
—  Mém.  de  l'Acad.  des  Insc.  eiB.-L.,XIV,  114-115. 

JEAN  11  LE  Bon,  roi  de  France,  né  le  16  avr.  1319, 
mort  le  8  avr.  1364.  Il  était  fils  du  roi  Philippe  VI  de 
Valois  et  de  sa  première  femme,  Jeanne  de  Bourgogne.  Ha- 
bitué à  guerroyer  contre  les  Anglais  dans  le  lïainaut  (1340), 
en  Bretagne  (1341-42),  en  Guyenne  (1346),  il  avait  pris 


~  91  — 


JEAN 


pour  modèJe  son  beau-père,  le  roi  cheyàim  Jean  P Aveugle 
(V.  ce  nom)  dont  il  avait  épousé  la  deuxième  fille,  Bonne 
de  Luxembourg,  en  1332.  Jean  le  Bon,  c.-à-d.  le  prodigue, 
le  généreux,  fut  aussi  un  chevalier  sans  peur,  mais  il  ne 
fut  pas  toujours  sans  reproches.  11  prit  le  pouvoir  (241  août 
4350)  dans  les  circonstances  les  plus  difficiles.  Ses  pre- 
miers actes  montrent  bien  ses  qualités  et  ses  défauts.  Il 
rend  la  liberté  aux  fils  de  Robert  d'Artois,  innocents  de  la 
trahison  de  leur  père,  mais,  sur  de  simples  soupçons,  il 
fait  exécuter,  sans  jugement,  Raoul  d'Eu,  connétable  de 
France  (19  nov.  1350),  et  donne  sa  charge  à  son  favori, 
Charles  de  La  Cerda;  il  prodigue,  pour  les  fêtes  du  sacre 
(sept.  1350),  For  qu'il  arrache  au  royaume  épuisé  et  il  a 
pour  principale  ressource  l'altération  des  monnaies  ;  il  fonde 
l'ordre  de  l'Etoile,  dont  tous  les  membres  juraient  de  ne  ja- 
mais reculer  dans  le  combat  ;  il  marie  sa  fille  aînée,  Jeanne, 
à  Charles  le  Mauvais,  roi  de  Navarre  (fév.  1352),  et  il  ir- 
rite aussitôt  ce  prince  vindicatif  en  ne  lui  cédant  pas  les 
domaines  promis  en  échange  du  comté  d'Angoulême  qu'il 
accorde  à  La  Cerda.  Le  8  janv.  1354,  Charles  le  Mauvais  fit 
assassiner  le  connétable,  entra  en  relations  avec  Edouard  III 
et,  malgré  plusieurs  réconciliations  apparentes  avec  son 
beau-père,  chercha  tous  les  moyens  de  lui  nuire.  Jean  II 
essaya  vainement  de  faire  la  paix  avec  Edouard  III  (1354), 
qui  poussa  plus  activement  les  hostilités.  Il  attaqua  lui- 
même  la  France  au  Nord  sans  grand  succès  ;  le  duc  de 
Lancastre  alla  secourir  Jean  de  Montfort  en  Bretagne  ;  le 
prince  Noir,  qui  était  à  Bordeaux,  ravagea  impunément  le 
Languedoc  et  Jean  dut  convoquer  les  Etats  de  langue  d'oil 
à  Paris,  vers  la  fin  de  1355.  Déjà  les  Etats  de  1351  et  di- 
vers Etats  provinciaux  s'étaient  plaints  des  prodigalités  du 
roi,  des  variations  continuelles  des  monnaies;  ils  n'avaient 
obtenu  que  des  garanties  illusoires.  Ceux  de  1355  ne  sont 
guère  connus  que  par  une  ordonnance  du  28  déc,  mais  elle 
suffit  à  montrer  leur  importance.  Le  roi  fut  obligé  de  leur 
abandonner  l'administration  financière.  Ils  se  réunirent  de 
nouveau  en  mars  1356  et  remplacèrent  les  taxes  votées 
dans  la  session  précédente  par  un  impôt  sur  le  revenu,  dont 
personne  n'était  exempt.  Il  y  eut  des  protestations  dans 
plusieurs  provinces,  surtout  en  Normandie,  où  Charles  le 
Mauvais  et  ses  partisans,  comme  J.  d'IIarcourt,  encoura- 
geaient la  résistance  et  cherchaient  à  entraîner  dans  leur 
parti  le  jeune  dauphin  Charles.  Jean  11  vint  lui-même  à 
Rouen,  où  il  fit  décapiter  J.  d'IIarcourt  et  arrêter  le  roi 
de  Navarre,  qui  fut  jeté  en  prison  (avr.  1356).  Aussitôt 
God.  d'IIarcourt  et  les  frères  de  Charles  le  Mauvais  appe- 
lèrent les  Anglais  en  Normandie.  Tandis  que  Jean  II  allait 
les  y  combattre,  le  prince  Noir  ravageait  les  provinces  du 
centre  et  s'avançait  auprès  de  la  Loire.  Alors  le  roi  de 
France  marcha  contre  lui,  mais  il  fut  défait  et  pris  à  la 
bataille  de  Poitiers  (19  sept.  1356),  emmené  à  Bordeaux, 
puis  en  Angleterre.  On  trouvera  dans  l'art.  Charles  V 
(V.  aussi  Marcel  [Etienne])  le  récit  des  événements  ac- 
complis pendant  sa  captivité  et  le  règne  de  son  fils.  Le  roi 
prisonnier  intervint  pour  conclure  une  trêve  avec  l'Angle- 
terre (23  mars  1357)  et  annuler  ce  qui  avait  été  fait  sans 
son  autorisation.  Puis  au  moment  où  la  trêve  de  1357  allait 
expirer,  Jean  II  conclut  à  Londres  une  nouvelle  convention 
qui  devait  lui  rendre  la  liberté  au  prix  des  sacrifices  les  plus 
ruineux  (24  mars  1359).  Des  Etats  réunis  à  Paris  déclarèrent 
que  ce  traité  n'était  «  passable  ne  faisable  »  et  votèrent  des 
subsides  pour  continuer  la  guerre  (25  mai).  Alors  p]douard  111 
passa  en  France,  marcha  sur  Reims  et  sur  Paris  (mars  1360), 
s'avança  jusqu'auprès  de  Chartres,  en  subissant  de  grandes 
pertes,  et  conclut  le  traité  de  Brétigny,  moins  désastreux 
pour  la  France  que  celui  de  Londres  (8  mai).  Amené  à 
Calais  (8  juil.),  Jean  II  y  ratifia  le  traité  de  Brétigny  le 
24  oct.  et  fut  mis  en  liberté  le  lendemain.  Il  confirma  les 
actes  de  son  fils  et,  tout  en  reprenant  le  pouvoir,  lui  laissa 
une  certaine  part  dans  le  gouvernement.  Malgré  quelques 
bonnes  mesures,  ce  triste  règne  se  termina  au  milieu  de 
nouvelles  calamités,  la  peste,  la  famine,  les  brigandages 
des  compagnies  de  routiers.  En  1362,  le  comte  de  Tancar- 


ville,  envoyé  contre  ces  brigands,  fut  vaincu,  avec  J.  de 
Bourbon,  à  la  bataille  de  Briguais,  près  de  Lyon  (6  avr.). 
La  réunion  de  la  Bourgogne  au  domaine  royal  (nov.  1361) 
ne  profita  pas  à  la  France,  car  le  roi  donna  bientôt  ce  fief 
à  Philippe  le  Hardi,,  son  plus  jeune  fils  (6  sept.  1363).  Un 
autre  de  ses  fils  laissés  en  otage,  le  duc  d'Anjou,  s'étant 
évadé,  Jean  II  crut  devoir  prendre  sa  place.  Il  alla  se  re- 
mettre entre  les  mains  d'Edouard  III  (janv.  1364)  et  mou- 
rut à  Londres.  E.  Cosneau. 

BiriL.  :  Froissârt,  édit.  S.  Luge,  IV,  V,  VI;  édit.  Ker- 
VYN,  XXI,  302  et  stiiv.  —  P.  Villani,  dans  Muratori, 
XIII.  —  G.  DE  Nangis  (le  continuateur  de).  —  Les  Grandes 
Chroniques  de  France^  édit.  P.  Paris.  —  U.  Chevalier, 
Répert.  des  sources  du  M.  A.,  col.  1192. —  E.  Lavisse  et 
A.  Rambaud,  Hist.  gén.,  III,  122-123  (bibliogr.).  —  E.  Cos- 
neau, les  Grands  frailés  de  ha  guerre  de  Cent  ans,  pp.  1 
et  suiv. 

JEAN  sans  Peur,  duc  de  Bourgogne,  né  à  Dijon  le 
28  mai  1371,  mort  à  Montereau' le  10  sept.  1419. 
Fils  de  Philippe  le  Hardi  et  de  Marguerite  de  Flandre,  il 
porta  d'abord  le  titre  de  comte  de  Nevers  et  épousa  en 
138o  Marguerite  de  Bavière,  En  1396,  il  fut  nommé  chef 
de  la  croisade  de  Hongrie  dans  laquelle  il  sut  jouer  un 
beau  rôle  ;  fait  prisonnier  à  Nicopolis  (sept.),  racheté  après 
neuf  mois  de  captivité  à  Brousse,  il  rentra  triomphalement 
dans  Dijon  en  févr.  1398,  ayant  pris  à  sa  charge  la  ran- 
çon de  ses  compagnons  et  sauvé  Boucicaut.  Il  est  dès  lors 
populaire.  Duc  à  la  mort  de  son  père  le  27  avr.  1404, 
comte  de  Flandre  à  la  mort  de  sa  mère  en  1405,  il  est  le 
rival  du  duc  d'Orléans,  Louis,  et  s'appuie  sur  l'université 
et  sur  le  peuple  de  Paris  qui  lui  sait  gré  de  s'opposer  à  la 
levée  d'impôts.  Il  ramène  de  force  à  Paris  le  dauphin  que 
l'on  conduisait  à  Melun  (sept.  1405)  et,  faisant  le  justi- 
cier, publie  tout  un  plan  de  réformes.  Comme  il  cherche  à 
reprendre  Calais,  le  duc  d'Orléans  lui  fait  enjoindre  par  le 
roi  d'abandonner  son  entreprise  (1406).  Le  23  nov.  1407 
ce  duc,  son  cousin,  auquel  il  avait  trois  jours  auparavant 
juré  une  amitié  éternelle,  était  assassiné  par  ses  ordres. 
Après  une  absence  momentanée,  il  revient  à  Paris,  est  ac- 
clamé (mars  1408)  et  fait  prononcer  l'apologie  de  son  crime 
par  Jean  Petit,  puis  va  porter  secours  à  l'évêque  de  Liège 
dont  les  sujets  sont  révoltés,  et  par  une  sanglante  victoire 
à  Othée  gagne  son  surnom  de  Sans  Peur  (1408).  Le  roi 
lui  accorde  son  pardon  et  le  nomme  gouverneur  du  dau- 
phin (1409).  Comte  de  Flandre,  Jean  est  l'allié  naturel 
des  Anglais.  En  1411,  pour  lutter  contre  le  parti  des  d'Or- 
léans ou  Armagnacs,  il  installe  à  Paris  des  soldats  anglais 
et  s'entend  aussi  avec  la  corporation  devenue  politique  des 
bouchers  ;  la  guerre  civile  et  la  révolution  cabochienne 
commencent;  tout-puissant,  il  ordonne  des  exécutions  san- 
glantes et  conduit  Charles  VI  contre  le  duc  de  Berry 
(1412);  mais  les  Cabochiens  se  font  violents  et  dans  la 
journée  du  22  mai  1413  il  ne  peut  plus  les  contenir. 
Après  que  la  paix  de  Pontoise  a  été  signée  avec  les  Arma- 
gnacs, il  croit  devoir  quitter  Paris  (août  1413)  et,  lors- 
qu'il revient  en  armes,  le  roi  marche  contre  lui.  La  paix 
d'Arras  n'est  acceptée  par  lui  qu'en  juil.  1415.  Il  n'en 
trame  pas  moins  une  conspiration  contre  la  famiUe  royale. 
Malgré  ses  dénégations,  c'est  alors  l'allié  secret  des  Anglais 
avec  qui  il  s'était  engagé  en  1412  à  ne  jamais  traiter.  Le 
lendemain  de  la  bataille  d'Azincourt,  à  laquelle  il  n'avait 
pas  pris  part,  il  envoie  bien  son  gantelet  à  Henri  V,  mais 
il  a  une  entrevue  avec  lui  à  Calais  (1416)  et,  s'il  n'y  con- 
clut pas  une  alliance  ouverte,  ce  n'est  que  par  prudence. 
Privé  par  la  mort  prématurée  du  dauphin  Jean  d'un  ins- 
trument qu'il  espérait  faire  servir  à  ses  desseins,  il  a  re- 
cours aux  armes  et  adresse  aux  villes  un  manifeste  où  il  se 
donne  comme  le  sauveur  de  la  chose  publique  (25  avr. 
1417).  Pendant  l'invasion  anglaise,  il  marche  sur  Paris 
qui  cette  fois  lui  ferme  ses  portes  et  se  retire  à  Montlhéry 
d'où  il  publie  un  autre  manifeste.  Avec  l'aide  de  la  reine 
Isabeau,  il  organise  un  nouveau  pouvoir  à  Chartres,  puis, 
après  une  tentative  infructueuse  contre  Paris,  àïroyes,  et 
se  rend  encore  populaire  en  supprimant  les  impôts.  La  con- 
juration de  Perrinet  Le  Clerc  lui  ouvre  les  portes  de  Paris 


JEAN 


92 


(mai  1418)  ;  il  n'y  entre  que  le  14  juil.  ;  la  terreur  y  règne 
et  il  se  trouve  réduit  à  faire  exécuter  des  chefs  du  mou- 
vement populaire;  comme  ses  efforts  pour  faire  revenir  le 
dauphin  ont  échoué,  il  le  calomnie,  laisse  Rouen  se  rendre 
aux  Anglais  et  abandonne  Paris  menacé  (nov.).  Alors, 
sans  doute  parce  qu'il  voit  Henri  V  garder  pour  lui  ses 
conquêtes,  et  aussi  afin  d'avoir  à  sa  discrétion  le  dauphin, 
comme  il  a  déjà  le  roi,  il  se  rapproche  du  prince  Charles 
qui  de  son  côté  désire  une  réconciliation;  mais,  à  cause  des 
exigences  du  duc,  un  traité  n'est  signé  à  Pouilly  près  de 
Melun  qu'après  de  longs  pourparlers  et  deux  entrevues 
(juil.  1419).  Il  entame  néanmoins  de  nouvelles  négocia- 
tions avec  les  Anglais,  laisse  prendre  Pontoise,  ne  porte 
pas  secours  à  Paris  et  paraît  hésiter  beaucoup  à  se  rendre 
de  Troyes  à  Montereau  oii  il  devait  avoir  une  autre  entre- 
vue avec  le  dauphin.  Le  10  sept.,  sur  le  pont  de  Monte- 
reau entièrement  palissade  où  avait  été  construite  une  en- 
ceinte réservée,  une  dispute  s'élève  entre  lui  et  le  dauphin 
qui  avaient  amené  chacun  dix  hommes  d'armes  et  il  tombe 
frappé  sous  les  coups  de  chevaliers  du  prince  dont  il  tentait 
peut-être  de  s'emparer. 

Possédant  peu  d'avantages  physiques,  mais  de  l'esprit, 
ambitieux  à  ce  point  qu'on  l'a  soupçonné  d'aspirer  à  la  cou- 
ronne, disposant  d'immenses  ressources,  Jean  sans  Peur 
a  véritablement  été  le  premier  personnage  de  son  temps. 
Il  a  recherché  partout  des  alliances  ;  ayant  déjà  celles  de 
la  Savoie  et  de  la  Navarre,  il  s'allie  en  1417  avec  l'empe- 
reur Sigismond  et  entre  en  relations  avec  l'Espagne,  le  Por- 
tugal et  l'Ecosse.  Violent  et  audacieux  à  l'occasion,  rempli 
d'impudence,  ne  reculant,  pour  être  maître  absolu,  devant 
aucun  moyen,  il  a  cependant  toujours  suivi  une  politique 
tortueuse  et  défiante.  D'un  caractère  despotique,  il  s'est 
attiré  en  Flandre  de  grandes  difficultés.  Dans  ses  rapports 
avec  les  Anglais,  il  a  osé  ne  réserver  tout  au  plus  que  les 
questions  relatives  aux  personnes  du  roi  et  du  dauphin. 
Vis-à-vis  de  la  royauté,  sa  conduite  a  consisté  «  en  alter- 
natives de  soumission  intéressée  et  de  révolte  hautaine  ». 
Une  grande  part  de  responsabilité  lui  revient  dans  les 
tristes  événements  du  règne  de  Charles  VI.  M.  Barroux. 
BiBL.  :  De  Barante,  ifis^  des  ducs  de  Bourgogne,  éd. 
Gachard,  1838,  t.  L  —  De  Beaugourt,  Hist.  deClmrles  VII, 
partie.  1881,  t.  1  ;  cf.  Rev.  des  quest.  hist.,  1868,  V,  pp.  189- 
237.  —  Delaville  Le  Roulx,  la  France  en  Orient  au 
xiY»  siècle;  Paris,  1885,  2  vol.  in-8.  —  B,  Zeller,  Louis 
de  France  et  J.  s.  P.  ;  Paris,  1886,  in-16.  —  E.  Jarry,  la 
Vie  politique  de  Louis  de  France;  Paris  et  Rouen,  1889, 
in-8.  —  A.  GoviLLE,  les  Cabochiens  ;  Paris,  1888,  in-8.  — 
De  Pétigny,  Charte  de  la  reine  Isabelle  en  Bavière,  dans 
BibL  de  l'Ec.  des  Ch.,  série  B,  t.  IV,  p.  329.  —  P.  Frede- 
RicQ,  Essai  sur  le  rôle  politique  des  ducs  de  Bourgogne 
dans  les  Pays-Bas  ;  Gand,  1875,  in-8.  —  De  La  Chauve- 
LAYS,  les  Armées  des  ducs  de  Bourgogne;  Paris,  1881, 
pp.  108-248,  in-8.  —  E.  Petit,  Itinéraire  de  Philippe  le 
Hardi  et  de  J.  s.  P.;  Paris,  1888,  —  P.  Durrieu, 
J.  s.  P...  procureur  général  du  diable...;  Nogent-le-Ro- 
trou,  1887,  in-8  (extr.  de  l'Ann.  Bull,  de  la  Soc.  de  l'hist. 
de  Fr.). 

JEAN  DE  Grailly,  comte  de  Foix  et  vicomte  de  Béarn 
(1412-36),  né  en  1382  ou  1383,  mort  à  Mazères  le 
4  mai  1436.  Il  était  fils  d'Archambaud  de  Grailly,  captai 
de  Buch,  et  d'Isabelle  de  Foix-Castelbon.  Le  dernier  comte 
de  Foix,  Mathieu,  étant  mort  sans  enfants,  en  1398,  Ar- 
chambaud  s'empare  de  la  succession  au  nom  de  sa  femme, 
sœur  du  prince  défunt.  Les  officiers  royaux  s'opposent  vai- 
nement à  l'envahisseur  qui  après  trois  ans  d'efforts  obtient 
gain  de  cause,  renonce  à  Falliance  anglaise  et  entre  en  pos- 
session des  vastes  domaines  de  la  maison  de  Foix  (1401). 
Jean,  fils  aîné  du  nouveau  comte,  épouse  peu  après  (1402), 
Jeanne,  infante  de  Navarre,  déclarée  héritière  du  royaume 
au  cas  où  son  père  Charles  Ht  le  Noble  mourrait  sans 
enfants  ;  en  même  temps,  il  est  investi  de  la  vicomte  de 
Castelbon  au  S.  des  Pyrénées,  vicomte  que  le  roi  d'Aragon 
venait  de  restituer  à  Archambaud  ;  le  jeune  prince  n'en 
prendra  d'ailleurs  possession  qu'en  1406.  Il  sert  en  France 
sous  les  ordres  de  Louis  d'Orléans  (1406),  en  Sardaigne 
sous  ceux  du  roi  d'Aragon  (1407),  hérite  des  domaines  de 
son  père  (1412),  s'attache  en  France  au  parti  bourguignon 


et  guerroie  contrôles  Armagnacs,  obtient  en  1418  et  1419 
de  chacun  des  deux  partis  l'office  de  lieutenant  et  capi- 
taine général  en  Languedoc  et  Guyenne,  se  le  fait  enlever 
par  le  dauphin  (1420),  rendre  par  Henri  V  (1422),  puis 
de  nouveau  par  Charles  VU  (1425),  qui  lui  donne  le 
comté  de  Bigorre  et  la  vicomte  de  Lautrec,  se  mêle  active- 
ment aux  affaires  d'Aragon,  tente  de  conquérir  le  Comtat- 
Venaissin  (1433).  Après  la  mort  de  Jeanne  de  Navarre 
(1413),  il  épouse  Jeanne  d'Albret  (1423),  dont  il  eut  deux 
fils,  puis  Jeanne  d'Urgel  (1436). 

BiBL.  :  D.  Vaissete,  Hist.  du  Languedoc,  nouv.  édit., 
t.  IX,  passim,  et  surtout  L.  Flourac,  Jean  /«■■,  comte  de 
Foix.,  vicomte  souverain  de  Béarn,  lieutenant  du  roi  en 
Languedoc  ;  Paris,  1884,  in-8. 

JEAN,  vicomte  de  Narbonne,  fils  puîné  de  Gaston  IV, 
comte  de  Foix  (mort  en  1472).  Il  avait  reçu  sa  vicomte 
de  Narbonne  de  son  père  par  avance  d'hoirie  dès  1468  et 
il  était  au  moment  de  la  mort  de  Gaston  premier  cham- 
bellan du  roi  et  gouverneur  de  Guyenne;  en  1475, 
Louis  XI  lai  donne  le  comté  d'Etampes,  deux  ans  plus  tard 
le  comté  de  Pardiac;  en  même  temps,  il  devient  gouverneur 
du  Dauphiné  et  reçoit  le  collier  de  Saint-Michel.  Il  avait 
épousé  Marie  d'Orléans,  fille  du  duc-poète  et  sœur  du  fu- 
tur roi  Louis  XII.  En  1483,  son  neveu,  François  Phœbus, 
roi  de  Navarre,  comte  de  Foix  et  vicomte  de  Béarn,  étant 
mort  sans  enfants,  il  dispute  la  succession  à  la  sœur  du 
défunt,  Catherine,  qui  devait  épouser  l'année  suivante  Jean 
d'Albret.  Les  deux  parties  profitent  de  la  minorité  de 
Charles  VIII  et  en  viennent  à  des  hostilités  ouvertes.  Cette 
guerre  désole  le  Midi  pendant  plusieurs  années.  Eu  1484, 
le  conseil  de  régence  fait  mettre  sous  la  main  du  roi  les 
places  contestées  et  les  adversaires  conviennent  d'une  trêve 
bientôt  rompue.  Dix  ans  plus  tard,  en  1494,  le  vicomte 
de  Narbonne  suit  le  roi  en  Italie.  Un  peu  plus  tard,  en 
1497,  il  s'accorde  définitivement  avec  ses  parents  de  Na- 
varre et  renonce  à  toutes  ses  prétentions  moyennant  une 
rente  perpétuelle  de  4,000  livres  et  la  cession  à  titre  via- 
ger de  quelques  places  du  pays  de  Foix.  L'avènement  de 
Louis  XH,  son  beau-frère,  ranime  ses  espérances,  et  il 
léguera  ses  prétentions  à  son  fils,  Gaston  de  Foix-Nemours. 
Il  meurt  peu  après  (son  testament  est  daté  du  27  août 
1500),  laissant  deux  enfants,  Gaston^  si  célèbre  sous  le 
le  nom  de  Gaston  de  Foix,  et  Germaine,  qui  épousa 
Ferdinand  le  Catholique.  A.  Molinier. 

BiBL,  :  D.  Vaissete,  Histoire  de  Languedoc,  nouv.  éd., 
XI,  passim,.  —  Boissonnade,  Histoire  de  la  réunion  du 
royaume  de  Navarre  à  l'Espagne;  Paris,  1893,  in-8. 

Pour  les  princes  féodaux  du  nom  de  Jean,  V.  Alen- 
çoN,  Armagnac,  Auvergne,  Berry,  Brienne,  Dauphiné, 
Forez,  Joinville,  Lorraine,  Nevers,  Orange,  San- 
cerre,  etc. 

Géorgie 

JEAN,  prince  de  Géorgie  (V.  Ivané). 
Pays-Bas 

JEAN  l^*",  duc  de  Brabant,  mort  en  1294.  Il  monta 
sur  le  trône  en  1267  et  épousa  successivement  Marguerite 
de  France,  fille  du  roi  Louis  IX,  puis  Marguerite  de 
Flandre,  fille  de  Guy  de  Dampierre.  En  1276,  il  passa 
les  Pyrénées  avec  son  beau-frère,  Philippe  de  France, 
pour  combattre  le  roi  d'Aragon,  et  contribua  à  la  prise  de 
Girone,  en  Catalogne.  Il  intervint  aussi  en  faveur  des 
Liégeois,  brouillés  avec  leur  prince-évêque  Henri  de  Guel- 
dre,  et  plus  tard  il  s'interposa  entre  l'archevêque  de 
Cologne  et  le  comte  de  Juliers,  dont  les  querelles  entra- 
vaient le  commerce  des  Brabançons  dans  les  contrées  arro- 
sées par  la  Meuse  et  le  Rhin.  Mais  l'acte  le  plus  important 
de  son  règne  fut  la  conquête  du  duché  de  Limbourg 
(V.  Bradant,  t.  VU,  p.  923).  La  possession  de  cette  riche 
province  était  disputée  pnr  Renaud  de  Gueldre  et  Adolphe 
de  Berg.  Celui-ci,  se  sentant  trop  faible,  céda  ses  droits  à 
Jean  de  Brabant,  tandis  que  son  rival  vendait  les  siens  à 
Henri  IV  de  Luxembourg.  Jean  de  Brabant  fut  victorieux 
à  Wœringen  (5  juin  1288)  et,  depuis  cette  époque,  le  Lim- 


bourg  demeura  uni  au  Brabant.  Jean  I®"^  accorda  de  nom- 
breux privilèges  à  ses  sujets,  se  montra  le  protecteur 
éclairé  des  lettres,  et  attira  à  sa  cour  le  trouvère  Adenès 
H  Rois  (V.  ce  nom,  t,  I,  p.  559),  les  chroniqueurs  Boen- 
dale  (V.  ce  nom,  t.  Vfl,  p.  41),  Van  Velthem,  etc.  Il  était 
lui-même  poète,  et  l'on  a  conservé  neuf  de  ses  œuvres, 
espèces  de  pastourelles  écrites  en  haut  allemand.      E.  iï. 

BiBL.  :  A.  Wauters,  le  Duc  Jean  !«''  et  le  Brabant  sous 
le  règne  de  ce  prince  \  Bi-uxelles,  1859,  in-8. 

JEAN,  comte  de  Hollande  (V.  Hollande). 

JEAN  (Maurice  de  Nassau)  (Y.  Nassau). 

Pologne 
J  EAN -Albert,  roi  de  Pologne,  troisième  fils  de  KazimirlV 
et  d'Elisabeth  d'Autriche,  né  en  \  459,  mort  à  Thorn  le  1 5  juin 
1504.  Avant  son  arrivée  au  pouvoir,  il  avait  acquis  une 
renommée  de  bravoure  militaire  dans  quelques  batailles 
gagnées  contre  les  Tatares  et  avait  révélé  un  caractère 
entreprenant  et  énergique.  Après  la  mort  de  Matthias 
Corvin,  roi  de  Hongrie  (avr.  1490),  Jean-Albert  fut  invité 
par  une  partie  de  la  noblesse  de  ce  pays  à  lui  succéder  au 
trône,  pendant  qu'un  autre  parti  élisait  son  frère  Vladislav 
roi  de  Bohème.  Leur  père,  Kazimir  de  Pologne,  soutint 
Jean-Albert  et  l'envoya  en  Hongrie  avec  une  armée.  Vaincu 
à  la  bataille  de  Kassa  (allem.  Kaschau)  en  1491,  Jean- 
Albert  reçut  de  son  frère  les  duchés  de  Glogow,  Kosel, 
Bytom,  etc.,  en  Silésie,  avec  le  titre  de  duc  de  Silésio,  mais 
il  s'en  démit  l'année  suivante,  lorsque  la  mort  de  son  père 
(7  juil.  1492)  l'appela  en  Pologne.  Son  entrée  sur  la  scène 
politique  ne  fut  pas  heureuse.  Le  roi  Kazimir  IV  avait  réglé 
d'avance  sa  succession  :  il  léguait  la  monarchie  polono- 
lithuanienne  à  son  quatrième  fils  Alexandre,  tandis  que  son 
fils  aîné  Vladislav  devait  garder  le  trône  de  Bohême  et  Jean- 
Albert  devait  occuper  celui  de  Hongrie.  Mais  la  double  élec- 
tion hongroise  et  l'échec  subi  par  Jean-Albert  changeaient 
évidemment  ces  plans.  Les  Lithuaniens,  jaloux  de  la  supré- 
matie polonaise,  appelèrent  au  trône  grand-ducal  Alexandre, 
les  Polonais  élurent  Jean-Albert,  qui  fut  couronné  (sept. 
1492).  Il  fut  forcé  de  renoncer  à  la  Lithuanie.  Il  commen- 
çait son  règne  sous  les  meilleurs  auspices.  C'était  l'époque 
de  la  plus  grande  puissance  de  la  dynastie  des  Jagellons  ; 
trois  frères  se  partageaient  l'immense  étendue  des  royaumes 
de  Bohême,  de  Hongrie,  de  Pologne  et  de  Lithuanie.  Le 
premier  acte  de  Jean-Albert  fut  un  traité  avec  son  frère 
Vladislav  de  Bohème  et  Hongrie,  conclu  à  Buda  (déc.  1492), 
par  lequel  les  frères  se  donnaient  des  garanties  réciproques 
et  des  promesses  d'intervention  au  cas  d 'inobéissance  de 
leurs  sujets  ou  de  troubles  intérieurs.  Les  deux  diètes  de 
Piotrkow  (1493-96)  accrurent  la  compétence  du  pouvoir 
royal.  Jean-Albert  s'inspirait  évidemment  des  conseils  de 
l'Italien  Callimaque  (V.  ce  nom),  partisan  décidé  de  l'ab- 
solutisme. En  1493,  Jean- Albert  reçut  à  Poznan  les  am- 
bassadeurs du  doge  Marco  Dandolo,  qui  le  poussaient  à  la 
guerre  contre  les  Turcs  et  en  môme  temps  les  ambassadeurs 
de  Bayezid  H  qui  lui  offrait  une  paix  perpétuelle  ;  le  grand 
maître  de  FordieTeutonique  lui  avait  fait  hommage  comme 
vassal  ;  son  frcy-o,  le  cardinal  Frédéric,  était  archevêque 
de  Gniezno  et  p;  imat-métropolitain  du  royaume;  le  grand- 
duc  de  Lithuanie,  Alexandre,  se  mariait  avec  Hélène,  fille 
d'Ivan  IH,  grani!-duc  de  Moscou,  et  finissait  ainsi  cette 
interminable  guérilla  de  frontières;  le  roi  avait  réuni  à  la 
couronne  le  duché  de  Plock  après  la  mort  du  dernier  duc 
Janusz  de  la  branc'ic  de  Mazovie  ;  il  acheta  au  prix  de 
80,000  florins  d'or  le  duché  de  Zator.  L'expédition  contre 
le  sultan  ne  fut  pas  heureuse.  Les  Polonais  traversèrent  la 
Pokucie,  qui  appartenait  à  un  vassal  de  la  Pologne,  Etienne, 
hospodar  de  Valachie.  Ils  furent  attaqués  par  les  Valaques 
et  défaits  dans  la  Bukovine.  En  1498,  la  Russie-Rouge  fut 
envahie  par  les  Turcs,  Tatares  et  Valaques.  Jean-Albert 
entreprit  de  résister.  Une  ligue  réunit  en  1499  les  trois 
princes  Jagellons,  Jean-Albert,  Vladislav  et  Alexandre,  et 
Etienne  de  Valachie  ;  le  pape  Alexandre  VI  promit  des 
secours  financiers  et  une  bulle  de  croisade  en  envoyant  en 
1500  son  légat  en  Pologne.  Les  Tatares  de  Mengli-Giray- 


—  93  —  JEAN 

iian  envahirent  la  Lithuanie  et  les  terres  russes  ;  cependant 
Jean-Albert  ne  voulut  pas  conclure  une  paix  oiferte  par 
Bayezid,  mais  négocia  avec  Louis  XH  de  France  et  son 
frère  Vladislav  cJe  Hongrie  contre  les  musulmans.  Mais  il 
n'était  pas  donné  à  Jean-Albert  de  mettre  ses  plans  à  exé- 
cution. Après  la  mort  de  Jean  de  TiefFen,  l'ordre  Teuto- 
nique  avait  élu  comme  grand  maître  le  landgrave  de  Saxe, 
Frédéric,  en  1498.  Quoique  cité  par  le  roi,  le  nouveau 
vassal  ne  vint  pas  rendre  hommage  à  son  suzerain;  il 
était  sûr  du  secours  de  l'empereur  Maximilien  I^"*.  Jean- 
Albert  dut  conclure  un  armistice  en  1501  avec  le  sultan 
Bayezid  II,  et  forcer  le  grand  maître  à  la  soumission.  Il  se 
trouvait  avec  son  armée  à  Thorn,  lorsqu'il  mourut  subite- 
ment d'apoplexie.  11  n'était  pas  marié  ;  son  frère  Alexandre, 
grand-duc  de  Lithuanie,  lui  succéda.  J.  Korzeniov^ski. 
BiBL.  :  Consultez,  outre  les  livres  d'histoire  générale  de 
Pologne  (BoBRZYNSKi,  Caro,  Szujski),  les'  études  de 
BoBRZYNSKi,  le  Parlement  polonais  sous  Jean- Albert  (en 
polon.);  PuLASKi,  Mengli'Giray  (enpolon.),  et  les  sources 
indiquées  dans  Finkel,  Bibliographie  de  l'histoire  de  Po- 
logne, n"»  2375-2456  et  6814-6908. 

JEAN  11  OU  KASIMIRV  (1609-1672)  (V.  liksmm). 
JEAN  111  SoBiESKt,  roi  de  Pologne  (V.  Sobieski). 

Portugal 

JEAN  l«»^  (Joâo),  dixième  roi  de  Portugal  et  fondateur 
de  la  dynastie  d'Aviz,  surnommé  de  son  vivant  le  Père  de 
la  Patrie,  et  le  Grand,  ensuite  le  Roi  de  bonne  mémoire, 
né  à  Lisbonne  le  11  avr.  1358,  mort  à  Lisbonne  le  14  août 
1433.  Il  était  fils  naturel  du  roi  Pierre  l''^  et  de  Thérèse 
Lourenço,  noble  Galicienne,  issue,  dit-on,  de  la  maison 
d'Andrada.  Elu,  dès  Tûge  de  sept  ans,  grand  maître  de 
l'ordre  religieux  et  mihtaire  d'Aviz,  il  resta  confiné  dans 
l'exercice  de  sa  haute  charge  jusqu'à  la  mort  de  son  frère 
consanguin,  le  roi  Ferdinand  (1383).  A  défaut  d'héritier 
mâle,  la  couronne  revenait  alors  au  gendre  de  celui-ci,  au 
roi  Jean  I^'"  de  Castille,  contrairement  aux  vœux  de  la  na- 
tion. La  conduite  scandaleuse  de  la  reine  douairière  Eléo- 
nore  (V.  ce  nom),  régente  du  royaume,  augmentait  encore 
l'effervescence  populaire.  Le  grand  maître  se  décida  alors 
à  frapper  un  grand  coup  :  il  tua  de  sa  propre  main,  au 
palais  même  de  la  reine,  son  amant,  Andeiro,  comte  d'Ou- 
rem(6  déc.  1383).  Proclamé  aussitôt,  par  le  peuple,  régent 
et  défenseur  du  royaume,  il  se  trouva  bientôt  aux  prises 
avec  les  troupes  de  la  Castille.  Il  soutint  efficacement  un 
siège  de  cinq  mois  à  Lisbonne,  et,  avec  l'aide  de  son  jeune 
ami,  Nuno  Alvarez  Pereira,  devenu  plus  tard  connétable 
de  Portugal,  il  fit  perdre  à  l'envahisseur  un  terrain  consi- 
dérable. Proclamé  roi  de  Portugal,  le  6  avr.  1385,  par  les 
Etats  généraux  réunis  à  Coïmbre,  il  continua  avec  vigueur 
la  lutte  contre  les  Castillans,  et  les  défit  entièrement  à  la 
célèbre  bataille  d'Aljubarotta  (14  août  1386).  En  commé- 
moration de  cette  victoire  décisive  qui  maintint  l'indépen- 
dance du  Portugal,  on  éleva  bientôt  après,  sur  le  terrain 
même  de  la  bataille,  le  couvent  de  Batalha,  qui  servit  de 
lieu  de  sépulture  royale.  Le  roi  Jean  envahit  à  son  tour 
la  Castille,  échoua  devant  Coria,  guerroya  encore  quelque 
temps  avec  le  concours  du  duc  de  Lancastre,  puis  continua 
seul  la  lutte,  avec  des  chances  diverses,  jusqu'à  la  conclu- 
sion d'une  trêve  de  six  ans  (29  nov.  1389),  prorogée  pour 
quinze  ans  en  1393.  Interrompue,  en  1396,  par  la  faute 
du  roi  Henri  III  de  Castille,  cette  trêve  fut  renouvelée  en 
1401 ,  puis  en  1411  et  en  1423,  et  confirmée  par  une  paix 
solennelle  en  1431,  sous  le  règne  de  Jean  II  de  Castille.  A 
la  faveur  de  cette  tranquillité,  le  roi  de  Portugal  alla  s'em- 
parer de  Ceuta,  en  Afrique  (1415).  Quelques  années  plus 
tard,  les  Portugais  découvrirent  l'île  de  Porto  Santo,  puis 
Madère  (1421).  ^ 

Jean  y^"  fit  de  nombreuses  réformes  à  l'intérieur  :  il  fut 
le  premier  auteur  des  lois  du  gouvernement,  qu'il  ordonna 
de  rédiger  en  langue  vulgaire  ;  il  aboht  (1422)  l'usage  de 
compter  les  années  par  l'ère  de  Jules-César,  et  il  créa  les 
premiers  ducs  en  la  personne  de  ses  deux  fils.  On  lui  doit 
la  construction  de  nombreux  édifices  religieux  et  civils,  et 
son  règne  de  quarante-huit  ans  fut  bienfaisant  à  tous  les 


JEAN 


—  94  — 


égards.  Il  avait  épousé  une  femme  de  haute  valeur  inîel- 
lectuelle  et  morale,  Philippe  de  Lancastre  (2  févr.  4387), 
sçeur  de  Henri  IV,  roi  d'Angleterre,  et  il  eut  d'elle  six  fils 
et  deux  filles,  parmi  lesquels  :  Edouard^  qui  lui  succéda  ; 
Pierre,  duc  de  Coïmbre  (V.  ce  mot);  Henri^  duc  de  Viseu 
(1394-1460),  qui  contribua  puissamment  aux  découvertes 
géographiques  de  ses  compatriotes  ;  Ferdinand  (Y.  ce  mot), 
dit  le  Prince  Constant,  célèbre  par  sa  grandeur  d'âme  du- 
rant sa  captivité  chez  les  Maures,  et  Isabelle  (V.  ce  nom), 
femme  de  Philippe  le  Bon,  duc  de  Bourgogne.     G.  P-i. 

BiBL.  :  Damiâo  de  Goes,  Chronica  do  principe  D.  Joào; 
Lisbonne,  1567,  1724,  1790.  —  F.  Lopes,  Chronica,  1644, 
3  vol.—  Duarte  Nunez  do  LiÂo,  Chronica  del  Rey  D.Joào, 
1645  et  1780.—  Fr.  de  MexNezes,  comte  cI'Ericeira,  Vida 
y  acçoès  del  Rey  Joào  J",  1674.—  M.  Monteiro,  Joannes, 
Portugalliœ  Reges,  1742,  in-i'ol.—  Les  historiens  modernes 
(V.  Portugal). 

J  EAN  11,  treizième  roi  de  Portugal,  surnommé  le  Prince 
Parfait,  né  à  Lisbonne  le  3  mai  1435,  mort  à  Alvor 
(Algarves)  le  25  oct.  1495.  Fils  d'Alphonse  V  et  d'Eléo- 
nore  de  Portugal,  il  reçut  une  excellente  instruction,  se 
montra  un  guerrier  brillant  à  la  prise  d'Arzila,  en  Bar- 
barie (1471),  et  exerça  avec  talent  la  régence  pendant  l'ex- 
pédition de  son  père  en  Castille  (1475-76),  puis  pendant 
le  voyage  de  celui-ci  en  France  (1477).  Roi  de  fait  d'abord, 
avant  de  succéder  à  son  père  le  31  août  1481,  il  se  mon- 
tra toujours  sévère  et  n'hésita  point  à  faire  tomber  des 
têtes  de  conspirateurs,  fussent-ils  de  sa  propre  famille  ; 
mais,  en  même  temps,  il  fut  scrupuleux  à  récompenser  tous 
les  services  réels.  La  tranquillité  intérieure  une  fois  réta- 
blie, il  prépara  lentement  et  sûrement  les  moyens  d'étendre 
son  pouvoir  ou  ses  relations  dans  l'Extrême-Orient.  Il  réu- 
nit autour  de  lui  tous  les  géographes,  cosmographes  ou 
mathématiciens  renommés  ;  il  envoya  Covilhào  et  Paiva 
(V.  ces  noms)  en  explorateurs  dans  l'Abyssinie  et  dans 
l'Inde  ;  ses  flottes  découvrirent  successivement  la  Côte  d'Or, 
dans  la  Guinée,  le  Congo  et  le  cap  de  Bonne-Espérance. 
S'il  ne  sut  pas  deviner  le  génie  de  Christophe  Colomb,  qui 
lui  avait  fait  part  de  ses  vastes  projets,  il  prépara  les  grandes 
découvertes  de  Vasco  da  Gama.  11  étendit  aussi  les  con- 
quêtes de  ses  devanciers  chez  les  Maures  d'Afrique.  Grand 
politique,  savant  dans  l'art  de  régner,  il  fit  preuve  d'un 
large  esprit  de  tolérance  en  accueillant  dans  ses  Etats  les 
juifs  chassés  de  Castille.  Il  s'appliqua  aussi  à  y  faire  fleu- 
rir les  beaux-arts,  le  commerce  et  l'agriculture.  Sa  mort 
prématurée  a  été  attribuée  à  l'action  d'un  poison  lent.  — 
De  son  mariage  (1471)  avec  Eiéonore  de  Portugal,  sa 
cousine,  fille  aînée  de  Ferdinand,  duc  de  Viseu,  il  n'eut 
qu'un  fils,  Alphonse  (1475-91),  marié  avec  Isabelle,  fille 
aînée  de  Ferdinand  le  Catholique,  roi  d'Aragon  et  de  Cas- 
tille, et  mort  d'une  chute  de  cheval.  Son  successeur  au 
trône  fut  Emmanuel,  petit-fils  du  roi  Edouard.     G.  P-i. 

BiBL.:  Garcia  de  Resende,  D.  Joào  o  segundo;  Lisbonne, 
1536.  —  D.  de  Goes,  Chronica  do  principe  Joào  W,  1567. 

—  A.-M.  DE  Vasconcellos,  Vida  y  acciones  del  rey 
D.  Juan  II;  Madrid,  1639,  in-4,  et  trad.  fr.,  Paris,  1641,  in-8. 

—  M.  Tellez  da  Sylva,  De  Rébus  gestis  Joannis  II  ;  Lis- 
bonne, 1689,  in-4.  —  Ruy  de  Pina,  Chronica  del  rey 
D.  Joào  II,  1792. 

JEAN  Ml,  quinzième  roi  de  Portugal,  né  à  Lisbonne  le 
6  juin  1502,  mort  à  Lisbonne  le  l^'^  juin  1557.  Fils  aîné 
du  roi  Emmanuel  et  de  sa  seconde  femme,  Marie  d'Aragon- 
Castille,  il  succéda  à  son  père  le  19  déc.  1521.  Il  marcha 
sur  les  traces  de  ce  glorieux  monarque,  s'appliqua  à  aff'er- 
mir  ses  conquêtes  dans  le  Nouveau-Monde  et  en  fit  de  nou- 
velles ;  mais  il  abonna  une  partie  de  celles  faites  en  Afrique, 
ne  gardant  que  Ceuta,  Tanger  et  Mazagan.  11  établit  l'In- 
quisition dans  ses  Etats  en  1533  et  accueillit  les  jésuites 
en  1540.  Il  se  servit  de  ces  derniers  pour  les  missions  des 
Indes,  surtout  de  saint  François-Xavier,  et  il  leur  confia 
l'éducation  de  la  jeunesse.  L'université  de  Coïmbre,  qu'il 
dota  richement,  lui  fut  redevable  d'un  éclat  exceptionnel, 
grâce  à  des  maîtres  illustres  que  le  roi  fit  venir  de  France 
et  des  autres  pays.  C'est  à  lui  qu'on  doit  l'achèvement  du 
célèbre  couvent  de  Belem,  l'aqueduc  d'Evora,  l'arsenal  na- 
val, etc.  De  son  mariage  (1525)  avec  Catherine  d'Autriche, 


sœur  puînée  de  Charles-(}uint,  il  eut  neuf  enfants:  six  fils, 
dont  aucun  ne  lui  survécut,  et  trois  filles,  dont  deux  mortes 
jeunes,  et  Marie  de  Portugal,  épouse  de  Philippe  II  d'Es- 
pagne. Il  eut  pour  successeur  son  petit-fils,  Sébastien. 

BiBL.  :  Fr.  de  Andrada,  Chronica  del  rey  Joào  III,  1613. 
— •  Luiz  de  Souza,  Anîiaes  de  D.  Joào  III. 

JEAN  IV,  vingt  et  unième  roi  de  Portugal  et  premier  de 
la  dynastie  de  Bragance,  né  au  château  de  Villa  Viçosa  le 
19  mars  1604,  mort  à  Lisbonne  le  6  nov.  1636.  Fils  aîné 
de  Théodose  II,  duc  de  Bragance  et  de  Barcellos,  et  d'Anne 
de  Velasco  y  Giron.  A  l'époque  de  sa  naissance,  le  Portugal 
était  déjà  depuis  vingt-quatre  ans  sous  le  joug  de  l'Espagne. 
Le  jeune  prince,  partagé  entre  sa  passion  pour  la  musique 
et  les  exercices  du  corps,  ne  semblait  point  destiné  à  déli- 
vrer sa  patrie  de  la  captivité.  A  vingt-neuf  ans,  il  épousa 
une  Espagnole  de  grande  maison,  très  ambitieuse  et  très 
énergique,  qui  le  poussa,  dit-on,  vers  la  conquête  du  trône. 
La  haine  de  plus  en  plus  vive  contre  l'administration  cor- 
rompue des  Espagnols  et  l'appui  secret  du  cardinal  de  lii- 
cheheu  lui  en  facilitèrent  l'accès.  Quarante  patriotes  de 
haut  parage  organisèrent  un  complot  savamment  combiné, 
qui  réussit  sans  effusion  de  sang,  et  le  duc  de  Bragance 
fut  proclamé  par  eux  roi  de  Portugal,  aux  acclamations  du 
peuple  (1«^  déc.  1640).  Les  Cortès  ratifièrent  ce  choix  le 
29  janv.  suivant.  Le  nouveau  souverain  se  montra  à  la 
hauteur  de  sa  tâche  :  il  constitua  des  forces  armées,  refit 
les  finances,  conclut  des  traités  avec  plusieurs  puissances, 
et  fit  avorter  des  conspirations  contre  lui  et  la  liberté  de 
la  patrie.  Les  Espagnols,  qui  s'étaient  tenus  tranquilles 
pendant  plusieurs  années,  furent  complètement  battus  à 
Montijo,  près  de  Badajoz,  le  26  mai  1 644.  Ses  flottes  eurent 
plusieurs  avantages  sur  les  Hollandais  au  Brésil  en  1649 
et  1654.  Le  roi  Jean  IV  demeura  toujours  fidèle  à  son 
goût  passionné  pour  la  musique:  on  lui  doit  différenfes 
compositions  et  plusieurs  opuscules,  en  espagnol  et  en  por- 
tugais, sur  la  théorie  de  cet  art,  où  il  fit  preuve  d'un  re- 
marquable sens  critique.  —  De  son  mariage  (1632)  avec 
Louise  de  Guzman,  tille  du  duc  de  Médina  Sidonia,  il  eut 
sept  enfants,  parmi  lesquels  Alphonse  VI  et  Pierre  II, 
rois  de  Portugal,  et  Catherine,  épouse  de  Charles  II,  roi 
de  Grande-Bretagne.  G.  P-i. 

BiBL.:  J.  PiNTO  Ribeiro,  Usurpaçào,  retençao,  resiau- 
raçào  de  Portugal,  1642.  —  J.  de  Vasconcellos,  Restau- 
raçào  de  Portugal,  1643. 

JEAN  V,  vingt-quatrième  roi  de  Portugal,  né  à  Lisbonne 
le  22  oct.  1689,  mort  le  31  juil.  1750.  Fils  de  Pierre  II 
et  de  Marie-Sophie-Elisabeth  de  Bavière-Neubourg,  il  suc- 
céda à  son  père  le  1^^  janv.  1707,  et  malgré  lui, "il  conti- 
nua, avec  peu  de  chance  d'ailleurs,  la  lutte  contre  la  France 
dans  la  succession  d'Espagne.  Ses  troupes  furent  défaites 
à  Almanza(27  avr.  1707),  aux  environs  de  Campo  Mayor 
(7  mai  1709),  etc.  ;  le  Portugal  perdit  successivement  plu- 
sieurs places  importantes,  entre  autres  Miranda  de  Duero 
(juil.  1710),  et  Duguay-Trouin  s'empara  de  Rio-de-Janeiro, 
au  Brésil  (13  sept.  1711).  La  paix  d'Utrecht  le  rendit  libre 
de  suivre  ses  penchants  pour  les  pompes  religieuses,  et 
tous  ses  efforts  politiques  ne  tendirent  qu'à  obtenir  à  cet 
égard  du  saint-siège  des  privilèges  particuliers,  ainsi  que 
le  titre  de  «  Majesté  Très-Fidèle  ».  Son  action  au  dehors  ne 
se  traduisit  qu'en  envoi  d'une  flotte  de  secours  d'abord  aux 
Vénitiens  contrôles  Turcs  (1716),  ensuite  au  roi  de  Perse 
contre  les  Arabes  (1 719) .  Ce  monarque  d'une  rare  bigoterie, 
qui  confia  le  gouvernement  à  un  moine  ignare,  frère  Gas- 
pard, fut  cependant  un  zélé  protecteur  des  études  et  un 
bibliophile  ;  on  lui  doit  la  fondation  de  l'Académie  d'his- 
toire (1720)  et  de  plusieurs  autres,  ainsi  que  l'enrichisse- 
ment considérable  de  la  bibliothèque  royale.  —  De  son 
mariage  (1708)  avec  Marie- Anne  d'Autriche,  fille  de  l'em- 
pereur Léopold  1«^,  il  eut  six  enfants;  son  second  fils, 
Joseph,\m  succéda.  G.  P-i. 

BiBL.:  Vida,  successos  e  fallecimento  do   reu  Joào  V; 
Lisbonne,  1750. 

Russie 
JEAN  l«^  et  JEAN  il  (V.  Ivan). 


95  - 


JEAN 


Suède 

JEAN  l®%  roi  de  Suède,  mort  en  1222.  Fils  de  Sverker 
et  d'Ingierd,  il  succéda  à  Eric  X,  laissa  gouverner  le  clergé 
sous  son  nom  et  fit  des  expéditions  peu  heureuses  en 
Ehstonie. 

JEAN  II  (V.  Jean  P%  roi  de  Danemark). 

JEAN  lll,roideSuède(do68-92),néle2l  déc.1537, 
mort  le  17  nov.  1592.  Fils  de  Gustave  Vasa,  son  père 
qui  le  préférait  lui  donna  le  grand-duché  de  Finlande.  Son 
frère  aîné,  Eric  XiV,  le  soupçonnant  de  comploter  avec  son 
beau-père,  Sigismond,  roi  de  Pologne,  une  restauration 
catholique  en  Suède,  se  saisit  de  lui  par  trahison  à  Abo  et 
l'emprisonna  avec  sa  femme  à  Gripsholm  (1563).  Pris  de 
remords,  il  le  relâcha  en  1567.  Jean  s'entendit  alors  avec 
leur  autre  frère,  Charles  de  Scedermanland,et  les  mécon- 
tents pour  détrôner  Eric,  acheta  par  de  larges  concessions 
l'agrément  des  Etats  et  monta  sur  le  trône.  Plus  tard,  il 
fit  empoisonner  Eric,  par  précaution.  Il  mit  fin  à  la  guerre 
contre  le  Danemark  par  le  traité  de  Stettin  (déc.  1570) 
conservant  la  Norvège.  Il  fit  la  guerre  au  tsar  Ivan,  pour 
TEhstonie  (1572-83)*,  l'emporta  à  partir  de  1579  ;  l'aUiance 
de  la  Pologne  (1580),  lui  permit  de  conquérir  i'Ingrie  et 
la  Garélie,  qu'il  garda  à  la  trêve  de  1583.  Sa  femme  obtint 
sa  conversion  personnelle  au  catholicisme,  mais  il  la  tint 
secrète.  Leur  fils,  Sigismond,  élevé  dans  la  foi  catholique, 
y  gagna  d'être  élu  roi  de  Pologne  (1587),  mais  il  n'en 
résulta  que  des  difficultés.  Jean  lll  dut  faire  une  large  place 
à  son  frère  Charles,  zélé  luthérien  ;  lui-même  se  remaria 
en  1585  avec  une  luthérienne,  Gunnila  Bielke.    A. -M.  B. 

PERSONNAGES   DIVERS 

JEAN,  nom  de  plusieurs  patriarches  de  Constantinople. 

—  SamtJean  Chrysostome  (V.  Chrysostome),  patriarche, 
de  397  à  402.  —  Jeaîi  II  de  Cappadoce,  patriarche  de 
517  à  520.  —  Jean  III,  dit  le  Scolastique  ^  patriarche 
de  564  à  577,  remplaça  Eutychès  lors  de  sa  première  dé- 
position. Il  accomplit,  en  matière  de  législation  religieuse, 
une  œuvre  identique  à  celle  de  Justinien  en  matière  de 
législation  civile.  Il  forma  une  collection  de  canons,  puis 
fit  rassembler  les  lois  civiles  de  Justinien  répondant  aux 
canons  et  y  ajouta  les  constitutions  impériales  ayant  traita 
des  affaires  ecclésiastiques.  C'est  le  7iomocano7i.  Ces  deux 
recueils  se  trouvent  dans  la  Bibliotkecajuris  canonici  ve~ 
teris  de  Justel  (1661).  Ils  formèrent,  durant  tout  le  moyen 
âge,  les  bases  du  droit  canon  chez  les  Grecs.  —  Jean  IV 
le  Jeûneur,  patriarche  de  582  à  595.  Ancien  diacre  de 
la  grande  église  de  Constantinople,  il  succéda  à  Eutychès, 
déposé  pour  la  deuxième  fois  le  12  avr.  582.  Imitant  ses 
prédécesseurs  Jean  II  et  Mennas,  il  prit  le  titre  de  patriarche 
œcuménique  au  concile  de  582,  réuni  pour  juger  l'inceste 
de  Grégoire,  patriarche  d'Antioche.  Il  fut  soutenu  dans  ses 
prétentions  par  l'empereur  Maurice  et  conserva  son  titre 
nouveau  malgré  les  vives  observations  des  papes  Pelage  II 
et  Grégoire  le  Grand.  Sa  grande  abstinence  lui  a  fait  don- 
ner le  surnom  de  Jeûneur.  On  lui  attribue  plusieurs  ou- 
vrages d'authenticité  douteuse  :  un  Traité  de  la  pénitence, 
un  Manuel  à  V usage  du  confesseur^  un  Discours  sur 
la  pénitence,  la  continence  et  la  virginité,  un  Ecrit 
sur  les  pseiido-propliètes,  les  faux  docteurs,  etc.  (ces 
deux  derniers  ouvrages  sont  d'ordinaire  imprimés  sous  le 
nom  de  saint  Jean  Chrysostome),  des  Préceptes  à  un 
moine  ;  enfin  ïrithème  rapporte  comme  étant  de  lui  un 
livre  de  L^^^r^s  à  divers  personnages,  et  Isidorus  un  Traité 
sur  le  baptême.  —  Jean  V,  patriarche    de  669  à  675. 

—  Jean  VI,  patriarche,  de  712  à  715,  favorisa  la  poli- 
tique monothélite  de  l'empereur  Philippique  et  chercha  à 
détruire  l'œuvre  du  sixième  concile  œcuménique  de  Chal- 
cédoine  (680).  —  Jean  VII  Léconomante,  patriarche  de 
832  à  842.  Issu  d'une  noble  famille,  il  fut  le  favori  de 
l'empereur  Michel,  qui  en  fit  le  précepteur  de  son  fils  Théo- 
phile. Elevé  au  patriarcat  grâce  à  ce  dernier,  il  soutint  sa 
politique  iconoclasique.  Lors  de  la  réaction  qui  signala  en 
842  la  mort  de  Théophile  et  Favènement  de  Théodora,  Jean 


fut  ciiassé  de  son  siège.  Il  tenta  en  vain  de  provoquer  un 
mouvement  populaire  contre  Théodora,  et  fut  exilé  dans  un 
monastère.  Jean  a  été  trop  calomnié  par  ses  ennemis,  qui 
l'ont  représenté  prédisant  Favenir  au  fond  d'un  plat  (d'où 
son  surnom)  ;  en  réalité  il  voulut  tenter  un  dernier  effort 
contre  le  monachisme  et  reprendre  l'œuvre  réformatrice  de 
Léon  III  FIsaurien.  —  Jean  VIII  Xiphilin,  patriarche  de 
1064  à  1075  (V.  XiPHiLiN).  —  Jean  IK  lîiéromnémon, 
patriarche  de  1111  à  1134.  •—  Jean  X,  dit  Camatère, 
patriarche  de  1199  à  1206.  —  Jean  XI  Bekkos,  pa- 
triarche de  1275  à  1282.  —  Jean  XII,  patriarche  de 
1294  à  1304.  —  Jean  XIII,  dit  Glyciis,  patriarche  de 
1316  à  1320.  —  Jean  XIV  dWpri, \Mvhvche  de  1333 
à  1347. 

BiBL.  :  Fabricius,  Biblioth.  grœca.  —  Lequien,  Oriens 
christiamis  ;  Paris,  1740. 

JEAN,  dit  Exarque  (V.  ce  mot). 

JEAN,  chroniqueur  français  de  la  fin  du  xn©  siècle, 
moine  de  l'abbaye  de  Marmoutiers  vers  1170.  Il  a  remanié 
à  cette  époque  la  compilation  connue  sous  le  nom  de  Gesta 
consulum  Andegauorum,  (ju'il  dédia  au  roi  d'Angleterre 
Henri  II,  et  a  écrit  une  histoire  ae  Geoffroy  V  le  Bel  {His- 
toria  Gaufredi  comitis  Andegauorum).  Ces  œuvres  ont 
été  plusieurs  fois  publiées  et  notamment  par  Marchegay, 
Salmon  et  Mabille  dans  les  Chroniques  des  comtes 
d'Anjou  (Paris,  1856-1871,  in-8;  ColL  de  la  Soc,  de 
riiist.  de  France). 

JEAN,  prélat  tchèque,  né  au  xiv«  siècle,  mort  àEsztergom, 
(Gram)  en  Hongrie  en  1430.  H  fut  l'un  des  adversaires  les 
plus  énergiques  de  Jean  Hus.  Il  devint  évêque  de  Litomysl, 
près  d'Olomouce,  puis  archevêque  de  Vacs  en  Hongrie  et 
cardinal.  On  l'appelle  quelquefois  Jean  de  Fer  à  cause  de 
l'armure  qu'il  portait  habituellement. 

J  EAN  d'Antioche,  historien  byzantin,  vivait  au  comment 
cément  du  vi«  siècle,  de  500  à  530.  Il  avait  composé  une 
histoire  universelle,  Xpovr/.r)  laiop^a,  allant  d'Adam  jusqu'à 
la  mort  d'Anastase  (518).  Jean  s'était  servi  de  sources  an- 
ciennes, où  il  avait  puisé  avec  goût  et  intelligence.  Il  ne 
nous  reste  malheureusement  plus  de  cette  œuvre  qu'un 
certain  nombre  de  fragments. 

BiBL.  :  G.  Satiriadis,  Zuv  Kritik  des  Joh.  von  Antlo- 
chia,  dans  Jahrb.  f.  class.  PhiL;  Leipzig,  1887.  —  Karl 
Krumbagher,  Gesc/i.  der  by z.  Litt.  ;18QI. 

JEAN  d'Arras,  romancier  français  du  xiv®  siècle.  Se- 
crétaire de  Jean,  duc  de  Berry,  il  composa  vers  1390,  à 
la  demande  de  ce  prince  et  de  sa  sœur,  la  duchesse  de  Bar, 
le  roman  de  Mélusine,  où  il  recueillit  plus  ou  moins  fidè- 
lement les  légendes  qui  couraient  alors  sur  la  célèbre  fée. 
Un  certain  Coudrette  a  composé  vers  1440  un  poème  sur 
Mélusine  où  Fœuvre  de  Jean  d'Arras  a  été  largement  uti- 
lisée ;  mais  ce  remaniement  ne  fit  pas  oublier  l'original  en 
prose  et  tandis  que  l'œuvre  de  Coudrette  est  restée  inédite, 
celle  de  Jean  d'Arras  a  été  imprimée  au  moins  cinq  fois  avant 
le  xvi«  siècle.  La  plus  ancienne  édition,  très  rare,  a  paru 
à  Genève  en  1478.  A  la  même  époque  elle  a  été  traduite  en 
flamand,  en  allemand  et  en  espagnol.  De  nos  jours,  le 
roman  de  Mélusine  a  été  réimprimé  par  Brunet  dans  la 
Bibliotlièque  eUévirienne  (Paris,  1854)  ;  l'édition  laisse 
beaucoup  à  désirer. 

JEAN  DE  Bâsynstoke,  savant  anglais  du  xin^  siècle, 
mort  en  1252.  Après  avoir  fait  ses  études  à  Oxford,  il 
visita  la  Grèce  (1240)  et  séjourna  longtemps  à  Athènes, 
où  la  fille  de  l'évêque  lui  apprit  la  langue.  De  retour  en 
Angleterre,  il  traduisit  divers  manuscrits  grecs. 

JEAN  DE  Bologne  (V.  Bologne). 

JEAN  de  Candel  ou  de  Chandelles,  chancelier  de  l'Eglise 
de  Paris,  mort  dans  la  première  moitié  du  xiii®  siècle.  Il 
fut  nommé  chancelier  de  Notre-Dame  vers  1209  et  voulut 
interdire  l'enseignement  de  la  théologie  et  du  droit  canon 
dans  toutes  les  écoles  qui  n'étaient  pas  épiscopales  ou 
claustrales  ;  il  prétendait  de  même  exiger  des  professeurs 
un  serment  d'obéissance.  De  là  ses  démêlés  avec  l'univer- 
sité qui  finit  par  obtenir  raison  par  l'intervention  d'Inno- 
cent III. 


JEAN 


96  — 


JEAN  DE  Châlânçon,  dit  Saint  Jean  (V.  Dortiâl).  j 
JEAN  DE  Cologne,  architecte  espagnol  de  la  fin  du  xv^  ' 
siècle.  Originaire  de  Cologne  et  de  son  vrai  nom  Johann 
von  Kœln,  cet  architecte,  que  les  Espagnols  appellent 
Juan  de  Colonia,  fut  amené  en  1442,  de  Bâle  à  Burgos, 
par  l'évêque  Alonso  de  Carthagène  qui  le  fit  travailler  à  la 
cathédrale  de  cette  ville  et  notamment  élever  les  deux 
flèches  des  tours  du  portail  occidental,  lesquelles  constituent 
par  la  légèreté  de  leur  construction  et  la  délicatesse  de 
leur  ornementation  un  des  plus  heaux  spécimens  de  l'art 
gothique  allemand  en  Espagne.  Jean  de  Cologne  donna 
aussi  les  plans  de  l'église  de  la  Chartreuse  de  Miraflores, 
près  de  Burgos,  église  destinée  à  servir  de  lieu  de  sépulture 
à  la  famille  royale  de  Castille  et  qui  fut  terminée  par  son 
fils  Simon  de  Colonia.  Ce  dernier  fut  aussi  architecte  de 
la  cathédrale  de  Burgos  dont  il  fit  élever  en  style  gothique 
deux  admirables  chapelles  absidales,  Tune  pour  le  conné- 
table P.  Fernandez  de  Velasco  et  l'autre  dite  de  la  Concep- 
tion. Simon  de  Colonia  fut,  de  plus,  le  chef  d'une  école 
de  grands  artistes  qui  florit  pendant  plus  d'un  siècle,  mais 
dont  les  derniers  représentants,  Alonso  de  Covarrubias  et 
Diego  de  Siloe,  abandonnèrent  les  traditions  de  leur  maître 
pour  commencer  en  Espagne  la  restauration  de  l'architec- 
ture gréco-romaine.  Charles  Lucas. 

BiBL.:  J.  J.MERho^  Nachrichlen  Kœlnischer  Kûnstler; 
Cologne,  1850,  in-8.  —  C.  Bermudez,  Noticias  de  Los  Ar- 
quitectos;  Madrid,  1829,  4  vol,  in-8. 

JEAN  DE  Croi,  théologien  protestant,  né  à  Uzès,  mort 
à  Uzès  le  31  août  1659.  Fils  du  controversiste  François 
de  Croiy  il  professa  à  l'Académie  protestante  de  Nîmes. 

JEAN  d'Ephèse  ,  évêque  monophysite  d'Ephèse  du 
vi^  siècle.  Jean  fut  aussi  historien,  mais  il  ne  nous  reste 
rien  de  lui.  Michel  le  Syrien  (mort  en  1199)  nous  apprend 
seulement,  dans  la  préface  de  sa  chronique,  que  Jean  a  été 
une  de  ses  sources  principales. 

BiBL.  :  CuRETON,  Eccles.  hist.  of  John  bishop  of  Eph.^ 
1853.  —  Land,  Joh.  bischof.  von  Eph.;  Leyde,  1859.  — 
G.  Hertzsch.  De  Script.  Rerum  imperatoris  fiberli  Cons- 
tantinU  1881.  —  Karl  Krumbaoher,  Gescli.  der  byz. 
LUI.,  1891. 

JEAN  d'Epiphanie,  historien  byzantin,  mort  vers  591. 
Nous  savons  par  Euagrios  {Eist.  eccles,^  liv.  V)  qu'il 
vivait  de  son  temps  et  était  son  parent.  Le  même  Euagrios 
nous  fait  connaître  le  sujet  de  son  ouvrage.  Il  racontait 
les  révolutions  qui  portèrent  sur  le  trône  le  roi  de  Perse 
Khosroès  II  et  allait  de  l'année  572  à  590  environ.  On 
avait  longtemps  cru  cette  œuvre  perdue.  Le  commencement 
se  trouvait  heureusement  dans  un  manuscrit  de  la  Biblio- 
thèque nationale.  Il  a  été  publié  dans  les  Notices  et 
extraits  des  manuscrits  (iSiO).  hsiU  avait  composé  avec 
soin  son  ouvrage,  qui  a,  sans  doute,  servi  à  Théophylacte 
Simocatta  et  à  Anne  Comnène. 

BiBL.  :  Karl  Krumbacher,  Gesch.  der  byz.  Litt..,  1891, 
pp.  52-53. 

JEAN  d'Euchaïta,  poète  grec  du  xi® siècle.  Il  fut  d'abord 
moine,  puis  évêque  d'Euchaïta.  Nous  avons  de  lui  :  1^  des 
Poèmes  iambiques  sur  les  principales  fêtes,  sortes  de 
pièces  de  circonstance,  dont  l'exécution  et  le  choix  des 
thèmes  offrent  une  grande  ressemblance  avec  les  pièces  de 
Christophoros  de  Mytilène  et  deProdromos;  ^^  des  Homé- 
ties;  3^  des  Lettres  au  nombre  de  72  ;  4<*  un  important 
discours  historique  qu'il  prononça  lors  du  siège  de  Cons- 
tantinople  sous  Constantin  Monomaque. 

BiBL.  :  Karl  Krumbacher,  Gesch.  der  byz.  LUI..,  1891, 
p.  355. 

JEAN  DE  Fidanza  (V.  Bonaventure) . 

JEAN  de  Hauteseille,  écrivain  latin  du  moyen  âge, 
moine  à  l'abbaye  de  Hauteseille,  au  diocèse  de  Toul,  à  la 
fin  du  xii^  siècle.  Il  est  connu  comme  auteur  d'un  roman 
intitulé  Dolopatkos,  qu'il  dédia  à  Bertrand,  évêque  de  Metz 
(1179-1212),  et  dans  lequel  il  a  recueilli  et  habilement 
mis  en  œuvre  des  légendes  d'origine  orientale,  échos  plus 
ou  moins  altérés  du  roman  indien  de  Sindibdd,  ou  roman 
des  Sept  Sages.  Traduit  librement  en  vers  français  par 
Herbert  (V.  ce  nom),  l'ouvrage  du  moine  de  Hauteseille 


a  été  longtemps  considéré  comme  perdu  dans  sa  forme 
latine.  MM.  Mussafia  et  OEsterley  en  ont  récemment  dé- 
couvert plusieurs  manuscrits,  notamment  un  manuscrit 
de  l'abbaye  d'Orval,  connu  au  siècle  dernier  par  D.  Mar- 
tène  et  aujourd'hui  conservé  à  la  bibUothèque  de  VAthe- 
nœum  de  Luxembourg  :  c'est  d'après  ce  manuscrit  que 
M.  OEsterley  a  publié  la  première  édition  du  texte  latin  du 
Dolopathos  (Johannis  de  Alta  Silva  Dolopatkos^  sive de 
rege  et  septem  sapientibus  ;  Strasbourg,  1873,  in-S). 

JEAN  de  Hauteville,  poète  latin  du  xn^  siècle.  On  ne 
sait  rien  de  sa  vie,  si  ce  n'est  que,  Normand,  il  a  résidé  en 
Angleterre.  Son  nom  même  est  incertain  ;  on  l'écrit  Haute- 
ville,  Anville,  Hanteville,  Hauville,  etc.  Il  a  dédié  son  ou- 
vrage à  Gautier  de  Coutances,  au  moment  où  ce  prélat  ve- 
nait d'être  transféré  de  l'évèché  de  Lincoln  à  l'archevêché 
de  Rouen  (1184).  —  Cet  ouvrage  est  intitulé  Archi- 
threnius,  è.Qyj.  Oprîvioç,  c.-à-d.  princeps  lamentationum . 
Le  héros  du  poème  porte  ce  smgulier  nom  parce  qu'il  se 
lamente  perpétuellement  sur  les  misères  et  sur  les  vices  de 
la  société.  Archithrenius  est  un  jeune  homme  qui  fait 
d'abord  une  confession  générale  de  ses  fautes,  gémit  sur 
l'indignité  de  la  nature  humaine  et  déclare  qu'il  va  se 
mettre  à  la  recherche  de  la  Nature  pour  lui  demander  con- 
seil. H  commence  son  voyage,  et  visite  d'abord  le  palais  de 
Vénus  (l.  ï),  puis  le  pays  de  la  Gourmandise  (1.  II).  Après 
avoir  pris  congé  des  Ventricoles,  il  arrive  à  Paris  où  il 
espère  ne  trouver  que  des  sujets  de  joie  ;  mais  son  attente 
est  trompée,  et  le  1.  III  est  tout  entier  consacré  à  la  des- 
cription des  misères  de  la  vie  d'écolier  dans  l'Université 
de  Paris.  Au  commencement  du  1.  IV,  Archithrenius,  tou- 
jours désolé,  est  sur  la  montagne  de  l'Ambition,  séjour  des 
rois;  il  y  rencontre  le  luxe,  l'avidité,  la  corruption,  la 
bassesse.  Mais  il  aperçoit  tout  à  coup  un  monstre  horrible, 
dont  la  tête  s'élève  jusqu'aux  cieux  :  c'est  la  Cupidité;  il 
disserte  sur  ce  vice,  particulièrement  sur  l'avarice  des 
prélats  (l.  V).  Au  VP  livre,  le  pleureur  est  transporté 
subitement  dans  l'île  de  Thulé,  séjour  des  anciens  philo- 
sophes, qui  passent  leur  temps  à  déclamer  contre  les 
vices;  il  entame  avec  eux  une  conversation  pessimiste  qui 
dure  jusqu'au  IX^  livre.  Il  ne  se  consolerait  pas  s'il  n'avait, 
enfin,  une  vision  :  la  vision  d'une  jeune  déesse  charmante, 
la  Nature,  qui  lui  apparaît  au  milieu  d'une  plaine  fleurie, 
entourée  d'un  nombreux  cortège.  Il  tombe  à  ses  pieds.  Elle 
lui  débite,  pour  commencer,  plus  de  cinq  cents  vers  sur  la 
philosophie  naturelle;  ayant  ensuite  écouté  sa  requête,  elle 
prend  pitié  de  lui  et  lui  fait  épouser  une  jolie  femme,  qui 
s'appelle  la  Modération.  Archithrenius  cesse  de  pleurer,  et 
il  écoute  avec  componction  les  conseils  que  la  Nature  lui 
prodigue  au  sujet  de  ses  devoirs  conjugaux.  —  Tel  est  le 
meilleur  des  grand  poèmes  moraux  du  xii®  siècle  ;  car  Jean 
de  Hauteville  écrivait  mieux  que  Bernard  de  Morlas  et  Henri 
de  Settimello.  Archithrenius  eut  un  grand  succès.  On  le 
commentait  encore  au  xv®  siècle.  Au  xvi®,  il  fut  imprimé 
par  les  soins  de  Jodocus  Badius  Ascensius  (Paris,  1517, 
pet.  in-4,  très  rare).  La  dernière  édition  est  celle  de 
M.  Th.  Wright,  au  t.  I  de  son  recueil  intitulé  Latin  Sati- 
rical  Poets  of  the  twelfth  century  (Londres,  1872,  in-8 
[Rolls  Séries]).  Cf.  Histoire  littéraire  de  la  France, 
XIV,  pp.  569-79.  L. 

JEAN  de  La  Rochelle  (Johannes  de  Rupella),  philo- 
sophe scolastique,  né  à  La  Rochelle  au  commencement  du 
xm*^  siècle,  mort  à  Paris  en  1271.  Il  entra  de  bonne  heure 
dans  Tordre  des  franciscains.  Son  maître,  Alexandre  de 
Ilalès,  de  l'université  de  Poris,  lui  confia  la  traduction  de 
ses  leçons.  Il  lui  succéda  en  1253  et  occupa  sa  chaire  jus- 
qu'en 1271.  Tous  ses  ouvrages  sont  restés  manuscrits. 
L'un  des  plus  importants,  conservé  à  la  Bibliothèque  na- 
tionale, est  un  De  Anima,  commentaire  du  traité  d'Aris- 
tote,  suivant  la  doctrine  d'Alex,  de  Halès.  Il  distingue  dans 
l'esprit  humain  cinq  facultés  :  les  sens  et  V imagination, 
qui  se  rapportent  aux  formes  corporelles  ;  la  raison,  qui 
connaît  des  genres  et  des  espèces  des  choses  corporelles; 
Ventendement,  qui  se  rapporte  aux  êtres  spirituels  ;  Vin- 


-  97  - 


JEâN 


telligence,  qui  saisit  Dieu  considéré  comme  la  vérité  éter- 
nelle. Il  admet  la  théorie  des  idées-images,  qu'il  attribue 
à  saint  Augustin,  et  que  reprendront  saint  Thomas  et 
Duns  Scot.  Il  avait  aussi  écrit  un  Commentaire  aux  Seii- 
tences  de  Pierre  Lombard.  C-el. 

JEAN  DE  HoLYwooD  (V.  Sacro  Bosco  [Johannes  de]). 

JEAN  DE  Leyde,  ou  JEAN  Bockelsonou  Bockold,  sec- 
taire anabaptiste,  né  à  La  Haye  vers  4510,  mort  à  Munster 
le  23  janv.  1536.  On  ne  sait  rien  de  sa  première  jeunesse  ; 
il  paraît  avoir  été  tailleur  et  aubergiste  à  Leyde.  S'étant 
lié  avec  le  boulanger  Jan  Mathys  de  Haarlera,  Tapôtre  de 
l'anabaptisme,  il  le  suivit  à  Munster  et  lui  succéda,  en  1534, 
comme  chef  de  parti  et  prophète.  Il  établit  alors  à  Munster 
une  théocratie  terroriste,  se  proclama  roi  apocalyptique  du 
nouvel  Israël,  et  établit  la  polygamie  et  la  communauté  de 
biens.  Mais  son  règne  fut  de  courte  durée.  En  1535,  Muns- 
ter fut  pris;  Jean  de  Leyde  tomba  entre  les  mains  de 
révèque,  qui  le  fit  d'abord  exposer  dans  une  cage  de  fer, 
puis  mourir  dans  de  cruels  supplices  (V.  Anabaptistes). 

BiBL.  :  H.  JocHMus,  Gesc/îic/ïfe  der  Kirchenreformation 
zu  Munster;  Munster,  1825.  —  J.-C.  Wallmanin,  Joh.  von 
Leyden  ;  Quedlimburg,  1844,  —  K.  Hase,  Das  Reich  der 
Wiederlœul'er ;  Leipzig,  1860.  —  Cornélius,  Bericlite  der 
Augenzeugen  ûber  das  mûnstersche  Wledertœuferreich; 
Munster,  1853. —  Du  même,  Geschichte  des  mûnsterschen 
Au fruhrs  ;  Leipzig,  1855-60,  2  vol.  —  Ra^ke,  Deutsche  Ge- 
schichte im  Zeitaiter  der  Reformations  1881.— Félix  Kuiin, 
Luther,  sa  vie  et  son  œuvre  ;  Paris,  1883-84,  3  vol.  in-8. 

JEAN  de  Luna  (V.  Jean  de  Se  ville). 

JEAN  de  Lyon,  évéque  vaudois  de  la  fin  du  xif  siècle. 
On  ne  sait  rien  de  sa  vie.  Ses  écrits  que  nous  connaissons 
par  Keynier,  théologien  du  xiii^  siècle,  ont  eu  une  grande 
célébrité  et  se  sont  répandus  surtout  en  Lombardie.  Il  pro- 
fessait le  manichéisme,  niait  la  Trinité  et  enseignait  la 
transmigration  des  âmes.  Il  fut  le  chef  de  la  branche  la 
plus  audacieuse  de  la  secte  des  Vaudois  (V.  ce  mot). 

BiBL.  :  Dauinou,  Jean  de  Lyon  etArnold^  dans  Histoire 
littéraire  de  la  France^  t.  XV.  —  Fabricius,  Bibliotheca 
mediœ  œtatis  t.  IV.  —  La  Croix  du  Maine,  BibL  franc., 
1772,  t.  I,        ' 

JEAN  de  Mérîcour  (Johannes  de  Mercuria),  philosophe 
scolastique  du  milieu  du  xiv®  siècle.  Il  appartenait  à  l'ordre 
de  Cîteaux  et  était  disciple  de  Guillaume  d'Occam.  D'un 
esprit  naturellement  hardi  et  paradoxal,  il  formula  des 
propositions  qui  furent  censurées  par  l'université  de  Paris, 
condamnées  par  l'Eglise,  et  qu'il  dut  rétracter  publique- 
ment. Il  disait,  par  exemple,  que  le  péché  vient  de  Dieu, 
qu'il  est  un  bien,  que  nul  ne  peut  résister  à  ses  passions 
sans  le  concours  de  Dieu  ,et  qu'un  homme  qui  cède  à  une 
passion  irrésistible  n'est  pas  coupable  de  péché. 

J  EAN  DE  Meun  ou  de  Meung  (Jean  Clopinel,  dit),  célèbre 
écrivain  français,  né  à  Meung  sur-Loire  (Loiret)  vers  1250, 
mort  au  commencement  du  xiv®  siècle.  On  sait  peu  de  chose 
de  sa  biographie.  Venu  sans  doute  comme  étudiant  à 
l'université  de  Paris,  il  paraît  avoir  passé  la  plus  grande 
partie  de  sa  vie  dans  cette  ville,  oti  il  habitait  en  dernier 
lieu  une  maison  de  la  rue  Saint-Jacques  (à  peu  près  au 
numéro  actuel  21 8),  qui  fut  donnée  après  sa  mort,  en  1305, 
aux  frères  prêcheurs  par  maître  Adam  d'Andeli.  Le  premier 
et  le  plus  célèbre  de  ses  ouvrages  est  la  fin  du  Romani  de 
la  Rose  :  laissé  interrompu,  vers  1237,  par  Guillaume  de 
Lorris  qui  n'en  avait  écrit  que  4,070  vers,  le  Roman  de 
la  Rose  n'aurait  probablement  pas  laissé  de  traces  sans  la 
continuation  de  Jean  de  Meun  qui  compte  près  de 
19,000  vers  :  c'est  vers  1280  que  Jean  de  Meun  paraît 
avoir  terminé  cet  immense  poème.  En  1282,  à  la  demande 
de  Jean  de  Brienne,  comte  d'Eu,  il  mit  en  prose  française 
le  traité  De  Re  militari  de  Végèce;  un  peu  plus  tard,  il 
traduisit  les  épltres  d'iléloïse  et  d'Abailard,  la  Topographia 
hibernica  de  Giraud  de  Barry  et  le  De  Amicitia  spiri- 
luali  de  saint  Ailred  :  ces  deux  dernières  traductions  ne 
nous  ont  été  conservées  par  aucun  manuscrit  connu.  Plus 
tard  encore,  à  la  demande  du  roi  de  France  Philippe  le  Bel, 
il  traduisit  la  Consolatio  Philosophiœ  de  Boèce,  en  vers 
et  en  prose,  d'après  le  modèle  du  latin.  Enfin,  sur  la  fin  de 
sa  vie,  à  une  date  qui  peut  être  fixée  entre  1291  et  1296, 
grande  encyclopédie.  —  XXL 


il  écrivit  en  quatrains  monorimes  son  Testament,  œuvre 
intéressante  où  sont  prodigués  à  la  fois  les  témoignages  de 
piété  et  les  sarcasmes  contre  les  moines.  Là  s'arrête  la  liste 
des  œuvres  authentiques  de  Jean  de  Meun;  la  réputation 
dont  il  a  joui  lui  a  valu  l'attribution  d'un  grand  nombre 
d'ouvrages  apocryphes  qu'il  est  inutile  de  mentionner. 

Le  Testament  de  Jean  de  Meun  et  sa  traduction  de 
Boèce  ont  eu  beaucoup  de  vogue  au  xiv®  et  au  xv®  siècle, 
à  en  juger  par  le  nombre  des  manuscrits  qui  nous  les  ont 
conservés  plus  ou  moins  fidèlement,  mais  cette  vogue  n'a 
pas  dépassé  le  moyen  âge,  et  c'est  surtout  comme  principal 
auteur  du  Rom.an  de  la  Rose  que  Jean  de  Meun  a  été  et 
reste  célèbre.  En  acceptant  le  cadre  imaginé  par  son  de- 
vancier, le  continuateur  de  Guillaume  de  Lorris  l'a  rempli 
d'un  esprit  tout  différent.  Autant  le  premier  auteur  du  Ro- 
man de  la  Rose  est  délicat,  autant  le  second  est  grossier, 
et  il  y  a  entre  eux  une  antithèse  presque  aussi  violente 
que  celle  qui  existe  entre  la  poésie  lyrique  courtoise  du 
temps  de  Philippe-Auguste  et  les  fabliaux  :  Guillaume  de 
Lorris  est  l'humble  serviteur  des  dames  et  Jean  de  Meun 
les  accable  des  plus  sanglantes  injures  ;  le  premier  réprouve 
sévèrement  la  fausseté  dans  l'amour,  le  second  traite  la 
loyauté  de  niaiserie.  Comme  œuvre  d'art  et  de  morale,  la 
seconde  partie  du  Roman  de  la  Rose  est  inférieure  à  la 
première,  mais  elle  est  aussi  beaucoup  plus  personnelle  et 
plus  vivante,  et  l'on  y  sent  un  tempérament  vigoureux 
servi  par  une  robuste  érudition  chez  cet  homme  que  l'on 
se  représentait,  dans  les  générations  qui  l'ont  immédiate- 
ment suivi,  comme  «  solennel  maistre  et  docteur  en  sainte 
théologie,  philosophe  très  profond,  sachant  tout  ce  qui  à 
entendement  humain  est  scible  ».  Il  y  a  du  Rabelais  chez 
Jean  de  Meun;  on  peut  même  dire,  avec  M.  G.  Paris,  qu'il 
fut  «  le  Voltaire  du  moyen  âge,  avec  toutes  les  restrictions 
que  comporte  ce  compliment  ». 

Le  succès  du  Roman  de  la  Rose  a  dépassé  celui  de 
toutes  les  œuvres  httéraires  du  moyen  âge  :  on  en  con- 
naît plus  de  200  manuscrits,  dispersés  dans  toutes  les 
bibhothèques  de  l'Europe  ;  il  a  été  imprimé  à  plusieurs 
reprises  sous  sa  forme  primitive  dès  les  débuts  de  l'impri- 
merie, et  jusqu'au  commencement  du  xvi«  siècle,  où  Marot 
en  fit  un  rajeunissement  qui  retrouva  presque  chez  ses  con- 
temporains la  vogue  que  l'original  avait  eu  chez  ceux  de 
Jean  de  Meun.  Son  influence  a  pesé  lourdement  sur  la  lit- 
térature française  du  xiv®  et  du  xv^  siècle  et  peut  se  com- 
parer à  celle  de  Pétrarque  sur  la  littérature  italienne  du 
xv*^  siècle  :  c'est  dire  qu'elle  n'a  pas  été  très  heureuse.  Ce 
n'est  pas  que  Jean  de  Meun  n'ait  été  vivement  attaqué 
pendant  la  période  dominatrice  du  Roman  de  la  Rose  : 
Guillaume  de  Digulleville,  Christine  de  Pisan,  Gerson  ont 
fulminé  contre  lui,  mais  ils  se  plaçaient  sur  le  terrain  de  la 
morale  et  de  la  religion  et  non  sur  celui  de  la  littérature. 
A  l'étranger,  le  Roman  de  la  Rose  a  pénétré  presque  par- 
tout dès  la  fin  du  xiii®  siècle  :  il  a  été  mis  en  vers  flamands 
par  Henri  van  Aken,  en  sonnets  italiens  par  un  certain  Du- 
rante, contemporain  de  Dante,  en  anglais  par  Chaucer,  etc. 
Des  trois  éditions  qui  ont  été  publiées  dans  ce  siècle  de  ce 
célèbre  poème  par  Méon  (Paris,  1813,4  vol.  in-8),  par 
Francisque  Michel  (Paris,  1864,  2  vol.  in-12)  et  par 
M.  Croissandeau  (Orléans,  1879,  5  vol.  in-12,  avec  une 
traduction  en  vers  en  français  moderne),  aucune  ne  fournit 
un  texte  sûr  dressé  d'après  les  meilleurs  manuscrits. 
M.  Ernest  Langlois,  auteur  d'une  bonne  étude  critique  sur 
les  sources  du  poème,  en  a  annoncé  une  nouvelle  édition 
qui  répondra  sans  doute  à  l'état  actuel  de  la  philologie 
française.  A.  Thomas. 

BiBL.  :  P.  Paris,  Jean  de  Meung^  clans  l'Histoire  litté- 
raire de  la  France,  t.  XXVIII,  pp.  391-429.  —  J.  Quiciie- 
RAT,  Jean  de  Meung  et  sa  maison  à  Paris,  dans  BibL  de 
VEcole  des  chartes,  1880,  pp.  46-52.  —  Ernest  Langlois, 
Origines  et  sources  du  Roman  de  la  Rose;  Paris,  1890. 

JEAN  DE  NiKiu,  écrivain  grec  du  commencement  du 
vii^  siècle.  Evêque  de  Nikiu,  dans  la  Basse-Egypte,  il  com- 
posa une  histoire  universelle,  dans  le  genre  de  celle  des 
Malalas,  qui  commence  à  Adam  pour  aller  jusqu'au  début 

7 


JEAN 


-  98 


du  VII®  siècle.  L'auteur  y  traite  de  l'histoire  orientale,  grecque 
et  romaine.  Très  succinct  au  début,  il  déyeloppe  de  plus  en 
plus  sa  matière  avec  Tépoque  byzantine.  La  dernière  partie 
est  fort  importante.  L'original  grec  fut,  à  une  date  incer- 
taine, traduit  en  arabe  et  de  l'arabe  en  éthiopien.  Nous  n'en 
avons  plus  que  la  traduction  éthiopienne.       Beaulieu. 
BiBL.  :  Karl  Krumbacher,  Gesch.  der  byz.  Litt.,  1891. 
JEAN  DE  Paris,  dominicain,  docteur  de  l'université  de 
Paris,  mort  à  Bordeaux  en  1306.  On  vantait  ses  vives 
reparties,  qui  lui  ont  valu  le  surnom  de  Pungens  asinos, 
«  Pique-ânes  ».  De  deux  traités  qu'il  a  publiés,  le  premier, 
Determinatio  de  modo  existendi  corporis  CÂristi  in 
sacramento  (Londres,  1686),  cherche  un  moyen  terme 
entre  le  symbolisme  dont  on  accusait  l'université  de  Paris 
et  la  transsubstantiation  formulée  par  Innocent  Ilï.  Accusé 
d'hérésie,  Jean  en  appela  à  Rome  et  mourut  avant  la  fin 
du  procès.  Le  second  de  ses  ouvrages  appartient  à  la  lutte 
entre  Philippe  le  Bel  et  Boniface  VIII  ;  c'est  le  De  Poles- 
tate  regia  et  papali  (dans  Goldast,  Monarchia  romani 
imperii^  Hanovre,  1611-1614,  t.  II).  Moins  hardi  que 
P.  Dubois  (V.  ce  nom,  t.  XIV,  p.  1155),  Jean  procède  de 
Thomas  d'Aquin,  mais  ne  craint  pas  les  conséquences  ;  il 
limite  l'Etat  et  l'Eglise,  chacun  à  sa  sphère,  et,  comme  les 
deux  pouvoirs  dérivent  tous  deux  directement  de  Dieu,  la 
position  prise  par  Innocent  III  et  par  Boniface  VIII  est  con- 
damnée. Il  réclame  aussi  une  autonomie  théorique  de 
l'évêque  et  de  tout  prêtre  à  l'égard  du  pape.      F.-H.  K. 
JEAN  T)E  Paris,  peintre  français  (V.  Perréal). 
JEAN  dePise  (V.  Pisani). 
JEAN  DE  Procida  (V.  Procida). 
JEAN  DE  RoYE,   auteur  présumé  d'une  chronique   de 
Louis  XI,  dite  la  Chronique  scandaleuse,  attribuée  jus- 
qu'ici à  un  personnage  inconnu  nommé  Jean  de  Troyes,  dont 
M.  B.  de  Mandrot  a  trouvé  le  nom  à  la  fin  d'un  manuscrit  de 
la  Chronique  scandaleuse  (man.  fr.  506^2,  à  la  Bibl.  nat.). 
Ce  manuscrit  s'arrête  à  l'année  1479  (mars).  Or,  à  cette 
époque,  le  duc  de  Bourbon,  Jean  II,  avait  un  secrétaire 
nommé  J.  de  Roye,  qui  était  aussi  garde  de  son  hôtel;  en 
outre,  la  Chronique  scandaleuse  parle  beaucoup  de  la 
maison  de  Bourbon.  Il  est  donc  vraisemblable  que  J.  de 
Roye  est  l'auteur  de  cette  chronique,  dite  scandaleuse,  qui, 
d'ailleurs,  ne  justifie  nullement  ce  titre.  E.  C. 

Bibl.  :  BihL  de  l'Ecole  des  chartes,  vol.  LU,  année  1891, 
p.  129  (article  de  M.  B.  de  Mandrot,  qui  va  publier  une 
nouvelle  édition  de  la  Chron.  scarîd.  dans  la  Collection  de 
la  Soc.  de  VHist.  de  Fr. 
JEAN  DE  RuYSRROEK  (V. Ruysbroek). 
JEAN  DE  Saint- Victor,  chroniqueur,  mort  en  1351. 
On  a  cru  à  tort  qu'il  était  Anglais.  Il  était  Parisien,  cha- 
noine de  Saint-Victor.  Lelong  a  cru  pouvoir  l'identifier 
avec  un  nommé  J.  Boivin.  Sa  chronique,  qui  s'étend 
jusqu'en  1326,  est  originale  à  dater  de  1300.  La  plus 
grande  partie  en  fut  rédigée  dans  le  deuxième  quart  du 
XIV®  siècle.  L'œuvre  de  Jean  de  Saint- Victor  se  distingue 
par  une  grande  indépendance,  voire  une  grande  hardiesse 
d'appréciation.  C'est  le  mieux  informé  des  chroniqueurs  de 
l'Ile-de-France  sur  les  événements  de  Flandre. 

Bibl.  :  D.  Bouquet,  t.  XXI,  édition  et  notices  par  Gui- 
gnaut  et  de  Wailly. 

J  EAN  DE  Salisbury  (Johannes  Sarinsberiensis  ou  Parvus 
ou  Leverianus),  né  à  Salisbury  au  commencement  du 
xii®  siècle,  mort  à  Chartres  en  1180.  Il  vint  en  1136  étu- 
dier à  Paris,  où  il  fut  l'élève  d'Abailard.  Sa  pauvreté  le 
força  à  quitter  Paris  et  à  se  retirer  à  l'abbaye  de  Montier- 
la-Celle,  où  il  continua  ses  études.  En  1148,  l'archevêque 
Theobald  de  Ganterbury  l'emmena  en  Angleterre,  et  fit  de 
lui  son  secrétaire.  Il  fut  ensuite  celui  de  Thomas  Becket, 
dont  il  partagea  la  fortune  et  la  disgrâce.  Rentré  en 
France  en  1176,  il  fut,  grâce  à  Thibaut,  comte  de  Cham- 
pagne, nommé  évêque  de  Chartres,  où  il  mourut.  Le 
principal  ouvrage  de  Jean  de  Salisbury,  intitulé  Poli- 
craticus  sive  de  nugis  curialium  et  vestigiis  philo- 
sophorum,  est  du  plus  haut  intérêt  pour  l'histoire  de  la 
scolastique.  Les  dix  premiers  livres  sont  une  sorte  d'his- 


toire  de  la  philosophie.  La  philosophie  grecque  est  une 
tour  de  Babel,  pleine  de  l'orgueil  de  la  raison.  Le  stoïcisme  et 
l'épicurisme  ont  si  bien  corrompu  la  vérité  qu'il  n'est  resté 
de  place  que  pour  le  doute  de  la  Nouvelle  Académie.  Les 
deux  derniers  livres  contiennent  les  idées  rehgieuses  et 
morales  persoùnclles  à  l'auteur.  L'humilité  chrétienne  est 
une  meilleure  préparation  à  la  philosophie  que  l'insensibilité 
stoïcienne.  Le  but  de  la  philosophie  est  le  bonheur,  où  l'on 
arrive  par  la  vertu,  et  pour  lequel  il  faut  réunir  toutes 
les  méthodes  proposées  par  les  écoles,  afin  que  l'homme 
soit  uni  à  Dieu  par  des  liens  multiples  d'intelligence  et 
d'anaour.  A  cet  ouvrage  il  faut  joindre  le  Metalogicus, 
écrit  de  logique  et  de  polémique.  On  y  trouve  une  connais- 
sance très  suffisante  de  la  logique  d'Aristote.  L'auteur  lui 
reproche  des  subtibilités,  et  le  juge  plus  fort  pour  détruire 
que  pour  fonder.  Le  fondement  de  toute  connaissance  est 
la  sensibilité,  d'où  se  dégagent  la  pensée  et  l'imagination. 
L'abstraction  fait  du  sensible  la  science,  grâce  à  laquelle 
l'entendement  aperçoit  les  formes  substantielles.  Mais  ce 
progrès  ne  peut  se  faire  qu'avec  l'aide  de  la  grâce.  Les 
universaux  ne  sont  ni  des  noms  ni  des  réalités  indépen- 
dantes de  Dieu  :  ce  sont  des  concepts  abstraits  par  l'en- 
tendement et  qui  reproduisent  les  formes  ou  qualités  inhé- 
rentes aux  choses.  Ces  deux  ouvrages  ont  été  publiés 
séparément  :  le  Policraticus  en  1476  à  Bruxelles,  le  Me- 
talogicus  en  1610  à  Paris  ;  et  ensemble,  à  Lyon  (1613), 
Leyde  (1639),  Amsterdam  (1666),  Oxford  (1648,  éd. 
Miles).  Le  Policraticus  a  été  traduit  en  1640  par  Mé- 
zerai.  —  On  a  encore  de  lui  un  poème:  De  Membris  cous- 
pira7itibus,  une  Vie  de  saint  Anselme  de  Ganter bury 
{Anglia  Sacra,  II,  14)  ;  Vie  de  Thomas  Becket,  dans  le 
Quadrilogue  (149o);  un  Comment,  de  saint  Paul 
(1646),  et  des  Lettres,  C-el. 

Bibl.  :  Reuter,  J.  von  Salisbury,  1842.  ~  Schaar- 
scHMiDT,  J.  Saresberensis  nach  Leben  und  Studien,  Schrif- 
ten  und  Philosophie,  1862. 

JEAN  DE  Séville  ou  de  Luna,  savant  juif  du  xii^  siècle. 
Il  fut  occupé  par  l'archevêque  de  Tolède  Raimond  (1130- 
1150)  à  des  traductions  d'ouvrages  arabes  sur  la  philo- 
sophie et  les  mathématiques.  Il  faisait  la  version  en 
castillan  et  elle  était  mise  en  latin  par  Dominicus  Gondi- 
salvi.  Le  prince  Boncompagni  a  publié  (Trattati  d'arit- 
metica)  le  texte  d'un  livre  :  Alghoarismi  de  practica 
arismetrice,  de  Johannes  Hispalensis,  qui  est  un  des 
plus  anciens  traités  concernant  le  calcul  avec  nos  chiffres 
et  le  zéro.  L'original  arabe  ne  paraît  pas,  malgré  le  titre, 
être  dû  à  Mohammed  Alkhwarismi.  Il  était  beaucoup  plus 
développé  que  le  traité  arithmétique  de  ce  dernier,  dont  le 
prince  Boncompagni  a  également  publié  une  traduction, 
probablement  due  à  Adelhard  de  Bath.  T. 

JEAN  DE  SoissoNS,  maître  d'œuvre  (V.  Damas  [JeanJ). 

JEAN  DE  Stavelot,  chroniqueur  belge,  né  à  Stavelot 
en  1388,  mort  à  Liège  en  1449.  11  entra  à  l'abbaye  de 
Saint-Laurent,  à  Liège,  accompagna  l'évêque  Jean  de 
Heinsberg  dans  la  croisade  contre  les  hussites,  et  assista 
au  couronnement  de  l'empereur  Frédéric  III  en  1442.  Il 
rédigea  une  volumineuse  chronique  qui  forme  la  suite  de 
l'œuvre  de  Jean  d'Outre-Meuse  (V.  Desprez),  Elle  contient 
les  renseignements  les  plus  complets  sur  l'histoire  des 
Pays-Bas  pendant  la  première  moitié  du  xv^  siècle,  et  des 
appréciations  quelquefois  très  hardies  sur  les  événements 
dont  l'historien  a  été  témoin.  L'œuvre  de  Jean  de  Stavelot 
a^  été  publiée  par  la  commission  royale  d'histoire  de  Bel- 
gique en  1861,  sous  la  direction  de  J.  Borgnet.  E.  H. 
Bibl.  :  Journez,  Biographie  de  Jean  de  Stavelot,  dans 
la  Biographie  nationale  de  Belgique,  X,  419-431. 

JEAN  de  Troyes  (V.  Jean  de  Roye). 

JEAN  DE  Venette  (V.  Venette). 

JEAN  de  Vicence,  dominicain  italien,  né  vers  la  fin  du 
xii«  siècle,  mort  à  Bologne  après  1260.  Il  débuta  en  1233 
à  Bologne,  où  il  prêcha  avec  tant  de  puissance  la  paix  qu'il 
réussit  à  faire  cesser  les  guerres  civiles  qui  ruinaient  la 
cité.  Il  parcourut  ensuite  tout  le  nord  de  Tllalie  et  tra- 
vailla à  la  pacification  du  pays.  Dans  une  grande  assemblée 


97  - 


LESSEPS 


de  Lesseps  se  multiplia,  Napoléon  III  intervint,  et,  Tannée 
suivante,  les  travaux  purent  reprendre.  L'inauguration 
officielle  eut  lieu  le  47  nov,  1869.  Ce  fut  par  le  monde 
entier  un  enthousiasme  indescriptible.  Ferdinand  de  Les- 
seps fut  mis  au  rang  des  plus  illustres  célébrités  ;  les 
souverains,  accourus  à  Port-Saïd  pourleféliciter,lui  confé- 
rèrent les  plus  hautes  dignités  de  leurs  ordres  les  plus  hono- 
rifiques ;  le  gouvernement  français,  notamment,  le  nomma 
grand-croix  de  laLégion  d'honneur  (4869)  sans  qu'il  eût  passé 
par  le  grade  de  grand  officier;  les  Anglais  eux-mêmes  ne 
voulurent  pas  demeurer  en  arrière,  et  Londres  lui  accorda  sa 
faveur  la  plus  recherchée,  le  droit  de  bourgeoisie  (4870). 
Pendant  quinze  années,  il  fut  certainement  le  citoyen  du 
monde  le  plus  populaire,  en  même  temps  que  le  plus  ad- 
miré et  le  plus  respecté  ;  on  ne  l'appela  plus  que  «  le 
grand  Français  »,  et  sa  vie  devint  comme  une  longue  et 
glorieuse  apothéose.  Il  payait  de  mine,  du  reste,  avec  sa 
physionomie  martiale,  sa  taille  bien  prise  et  esthétique- 
ment serrée  dans  sa  redingote  noire,  ses  épaules  larges,  sa 
démarche  aisée  et  cette  auréole  de  triomphateur  qui  ne 
quittait  guère  son  large  front.  C'était  en  outre  un  cavalier 
d'élite,  et  il  dut  en  grande  partie  à  cette  qualité  son  ascen- 
dant sur  les  Egyptiens.  Il  n'y  eut  qu'en  politique  qu'il  ne 
fut  pas  heureux.  Aux  élections  de  4869,  l'Empire  le  porta 
candidat  oflSciel  contre  Gambetta  dans  la  deuxième  circon- 
scription de  Marseille  :  il  échoua.  11  échoua  également  le 
^o  maï's  4876,  par  8i  voix  contre  474  données  à  Ricard, 
comme  candidat  de  la  droite  sénatoriale  à  un  siège  de  séna- 
teur inamovible.  Il  ne  professa  jamais,  du  reste,  des  opinions 
bion  extrêmes.  Sa  conduite  dans  les  affaires  de  Rome  en 
4849  et  les  mesures  prises  alors  contre  lui  avaient  fait 
guelque  temps  supposer  qu'il  était  républicain.  Mais  il  s'était 
incontestablement  réconcilié  avec  Napoléon  IIÏ,  et  il  entrete- 
nait les  meilleures  relations  avec  l'impératrice,  qui  était  sa 
coqsinô  (V.  Lesseps  [M.-l.-P.,  comte  dej).  Ce  fut  même 
lui  qui  la  fit  évader  des  Tuileries  le  4  sept.  4870  et  qui 
la  conduisit  en  lieu  sûr. 

Dès  4873,  il  étudia  un  autre  gran4  projet.  Il  s'agissait, 
cette  fois,  d'une  voie  ferrée  qui,  allant  d'Orenbourg  à 
Pechaver,  à  travers  l'Asie  centrale,  devait  relier  les  ré- 
seaux russe  et  angio-^indien.  Ce  fut  l'un  de  ses  fils,  Victor, 
attaché  d'ambassade,  qui  se  rendit  dans  l'Inde  pour  examiner 
sur  place  la  question,  mais  elle  resta  sans  solution.  Quelques 
années  plus  tard,  à  la  suite  d'une  visite  qu'il  fit  lui-même 
aux  chotts  algériens  et  tunisiens,  il  se  déclara  hautement 
pour  la  création,  sur  leur  emplacement,  d'une  mer  intérieure 
africaine  dont  les  eaux  seraient  amenées  de  la  Méditerranée 
par  un  canal  de  460  kil.  partant  de  Gabès.  Les  clans 
avaient  été  dressés  par  le  commandant  Roudaire.  Des  ingé- 
nieurs refirent  les  études  et  Constatèrent  que  les  parties  à 
submerger  étaient  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Ferdi- 
nand de  Lesseps  fut  aussi  l'un  des  promoteurs  du  canal  de 
l'isthme  de  Corinthe.  11  ne  s'en  occupa  toutefois  qu'en 
passant.  D'autres  idées  le  hantaient.  Il  voulait  un  digne 
pendant  à  l'isthme  de  Suez.  Il  ambitionnait  de  faire  plus 
grand  encore. 

Le  percement  de  la  longue  langue  de  terre  qui  sépare 
les  deux  Amériques  avait,  à  maintes  reprises,  depuis  le 
comnieucement  du  siècle,  obsédé  les  rêves  de  marins  et 
d'ingénieurs.  Deux  officiers  de  notre  flotte,  MM.  Wyse  et 
Reclus,  avaient  plus  récemment  recherché  le  tracé  d'un 
canal  entre  Panama,  sur  î'océan  Pacifique,  et  Coînn,  sur 
l'Atlantique.  Ferdinand  de  Lesseps  se  mit  à  la  tète  d'un 
comité  chargé  d'étudier  leur  avant-projet.  Un  congrès  in- 
ternational d'ingénieurs  se  réunit  à  Paris  au  mois  de  mai 
4879.  Plusieurs  plans,  tous  insuffisamment  préparés  d'ail- 
leurs, lui  furent  soumis.  Mais  de  Lesseps  avait  son  idée 
arrêtée.  Le  canal  de  Panama  devait  être,  comme  son  frère 
d'Egypte,  à  niveau  constant  et  sans  écluses;  il  n'en  admet- 
tait pas  d'autre.  La  situation  était  pourtant  bien  différente. 
Au  lieu  d'un  long  ruban  de  sable  à  draguer,  c'était  toute  une 
montagiie  de  roche  dure  dans  laquelle  ïi  allait  falloir  creuser 
une  gigantesque  cuvette.  De  Lesseps  ne  voulut  pas  prendre 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE,    —  XXIL 


en  considération  les  observations  réitérées  que  lui  firent  à 
cet  égard  deux  sous-commissions  techniques.  Il  avait  en  son 
étoile  une  confiance  absolue.  «  Si  l'on  demande,  disait-il, 
à  un  général  qui  a  gagné  une  première  bataille  s'il  veut  en 
gagner  une  autre,  il  ne  peut  refuser.  »Ilse  contenta,  pour 
l'évaluation  des  dépenses  et  de  la  durée  des  travaux,  de  don- 
nées vagues  et  incertaines,  et  il  entraîna  assez  facilement  la 
majorité  du  congrès,  qu'hypnotisait  le  sticcèsde  Sdez.  Une 
première  tentative  d'émission  publique  échoua  (août  4889). 
Malgré  ses  soixante-quinze  ans,  il  paya  de  sa  personne,  comme 
vingt  ans  plus  tôt  pour  son  premier  canal,  organisa  toute 
une  campagne  de  conférences,  fonda  le  Bulletin  du  canal 
interocéanique  et,  au  mois  de  décembre,  partit  pour  Panama 
avec  sa  femme,  deux  de  ses  enfants  et  toute  une  escorte 
d'ingénieurs,_ d'économistes  et  de  journalistes.  Le  4®'janv. 
4880,'  la  |)étite  Ferdinand^  de  Lesseps  donna  le  premier 
coup  de  pioche.  On  resta  vingt  jours.  L'observation  des 
difiicultés  fut  forcément  très  superficielle.  On  alla  ensuite 
aux  Etats-^Unis,  où  l'opposition  était  fort  vive  et  on  revint 
en  Europe.  Au  niois  de  déc,  une  nouvelle  émission  fut 
lancée.  Elle  fut  couverte  plusieurs  fois.  Le  3  mars  4884, 
la  Compagnie  du  canal  interocéanique  fut  définitivement 
constituée.  L'inauguration  devait  avoir  lieu  le  4^'*  oct.  4887  ! 
(V.  Panama). 

Cependant,  Ferdinand  de  Lesseps  n'en  avait  pas  fini  avec 
le  canal  de  Suez  et  avec  les  Anglais.  En  4875,  le  gouver- 
nement de  la  reine  avait  acheté  au  khédive  pour  une  valeur 
de  400  millions  de  fr.  les  476,602  actions  dont  il  était 
propriétaire.  En  1884,  il  mit  à  profit  la  révolte  d'Arabi 
Pacha  pour  débarquer  en  Egypte  et  tenter  de  s'emparer 
du  canal,  que  l'amiral  Hoskins,  excité  aux  plus  violentes 
mesures  par  le  Times  et  par  quelques  autres  journaux 
anglais,  ne  craignit  pas  d'occuper  militairement.  Vaine- 
ment, Ferdinand  de  Lesseps,  accouru  immédiatement  à 
Ismaïlia,  protesta-t-il  contre  cette  atteinte  à  la  propriété 
privée.  Son  attitude  énergique  sauva  néanmoins  la  situa- 
tion. Arabi  Pacha  lui  promit  de  respecter  (a  neutralité  du 
canal,  et  l'amiral  anglais  lui  demanda  spontanément  d'en 
reprendre  l'exploitation  normale.  Les  attaques  des  jour- 
naux d'outfe-lanche  n'en  furent  que  pluS  acharnées.  Ils 
alléguèrent  d'abord  les  allures  insolentes  du  président  de 
la  Compagnie,  puis  l'insufiisance  du  canal,  et  ils  réclamèrent 
le  percement  d*une  seconde  voie  pour  le  service  spécial  de 
l'Angleterre.  De  Lesseps  sut  tenir  tête  à  tous  les  orages. 
Trois  ans  après  un  nouveau  et  dernier  voyage  en  Egypte 
(4884),  il  remporta  une  victoire  décisive  par  la  signature 
de  la  convention  franco-anglaise  du  Si3  oct.  4887,  qui 
a&sure,  soûs  la  garantie  des  principales  puissances,  la  neu- 
tralité du  canal  et  qui  reconnaît  le  privilège  exclusif  de  la 
compagnie  concessionnaire  (V.  Suez). 

«  Le  grand  Français  »  jouissait  encore  à  cette  époque 
de  toute  sa  popularité  et  de  tout  son  prestige.  Membre  fibre 
de  l'Académie  des  sciences  de  Paris  depuis  1873,  il  avait 
été  choisi  en  4884  par  l'Académie  française  pour  succéder 
à  Henri  Martin,  bien  que  ni  la  nature  de  ses  écrits,  qui  ne 
sont  en  général  que  des  recueils  de  documents,  ni  son  style 
fort  relâché  ne  parussent  devoir  le  désigner  aux  suffrages 
d'une  compagnie  littéraire.  La  plupart  des  sociétés  savantes 
de  l'étranger  s'étaient  fait  également  un  honneur  de  s'at- 
cher  à  des  titres  divers  le  «  perceur  d'isthmes  »,  et  il  pré- 
sidait, plus  ou  moins  effectivement,  une  multitude  d'asso- 
ciations, de  cercles,  de  congrès,  etc.  Au  mois  de  mars 
1887,  il  fut  envoyé  par  le  gouvernement  français  à  Beriin, 
sans  qu'on  ait  jamais  su  exactement  si  cette  mission  était 
relative  à  une  invitation  secrète  de  l'Allemagne  à  l'expo- 
sition universelle  de  4889  ou  à  quelque  démarche  tendant 
à  la  révision  du  traité  de  Francfort.  Il  reçut  en  tous  cas 
de  l'empereur,  du  prince  de  Bismarck  et  de  toute  la  cour 
les  marques  les  plus  ostensibles  de  sympathie  et  de  défé- 
rence. Malheureusement,  l'œuvre  de  Panama  marchait  rapi- 
dement à  la  ruine,  et  la  considération  de  Ferdinand  de 
Lesseps  allait  bientôt  sombrer  dans  ce  cataclysme  financier» 
En  4885,  la  situation  de  la  Compagnie  était  déjà  critique» 

7 


LESSEPS  -•  LESSING  ^ 

En  1886,  son  président  effectua  un  nouveau  voyage  dans 
Tisthme,  au  cours  duquel  il  consentit  à  reconnaître  que  le  ca- 
nal à  niveau  était  pour  le  moment  impossible  et  qu'il  fallait 
se  contenter,  temporairement  au  moins,  d\in  canal  a  écluses. 
Mais  de  toute  façon  il  fallait  beaucoup  d'argent  :  or  les 
caisses  étaient  vides,  plus  d'un  milliard  avait  déjà  été  dépensé 
et  la  défiance  grandissait.  11  y  eut  alors  une  àérie  d'émissions 
infructueuses,  entremêlées  d'enquêtes  gouvernementales  et 
de  vifs  débats  parlementaires  (Y.  Panama).  Seul  Ferdinand 
de  Lesseps  ne  désespérait  pas  et,  dans  une  nouvelle  cam- 
pagne de  publications  et  de  conférences,  il  annonçait  contre 
toute  évidence  l'ouverture  du  canal  avant  la  fin  de  4890. 
Il  dut  pourtant,  le  11  déc.  1888,  abandonner  la  lutte.  Le 
4  févr.  1889,  la  liquidation  judiciaire  de  h  Compagnie  fut 
prononcée.  Les  bruits  les  plus  graves  commencèrent , à  cir- 
culer :  les  travaux  réellement  utiles  ne  représentaient,  di- 
sait-on, qu'une  faible  part  des  sommes  dépensées;  des  tra- 
vaux incohérents  et  un  gaspillage  éhonté  avaient  absorbé 
le  reste.  Sous  la  pression  de  Topimon publique,  la  Cbâmbro 
des  députés  vota,  le  4  janv.  1892,  à  l'unanimité  de  §09  vo- 
tants, un  ordre  du  jour  réclamant  «  une  répt'ession  éner- 
gique ».  Le  9  févr.  1893,  la  cour  de  Paris  condamna  Fer- 
dinand de  Lesseps  et  son  fils  aîné,  Charles,  qui  avait  été 
depuis  le  début  des  études  du  canal  de  Panama  son  colla- 
borateur de  tous  les  instants,  à  cinq  années  d'emprisonne- 
ment et  à  3,000  fr.  d'amende.  Charles  avait  seul  comparu. 
Son  père,  littéralement  écrasé  par  la  ruine  de  son  èuvre, 
vivait  depuis  le  commencement  de  l'année  1889  au  fond  de 
sa  propriété  de  La  Chênaie,  dans  un  état  de  somnolence 
sénile  qui  avait  permis  àj  sa  famille  de  tout  lui  cacher  :  le 
procès  et  l'arrestation  de  son  fils.  Il  ne  connut  pas  davan- 
tagesa  condamnation.  Ellene  lui  fut  du  reste  jamais,  notifiée 
et  on  n'eut  pas  ainsi  à  le  rayer  des  cadres  de  la  Légion 
d'honneur.  Il  mourut  à  La  Chênaie  à  quatre-viflgt-neuf  ans. 
Son  corps  fut  ramené  à  Paris,  où  les  honneurs  militaires  ne 
lui  étaient  pas  régulièrement  dus,  et  un  silencieux  cortège 
de  fidèles  admirateurs  le  conduisit  à  sa  dernière  demeure. 

Le  désastre  avait  fait  trop  de  victimes  et  trop  de  dupes, 
lui-même  y  avait  trop  directement  contribué  par  des  fautes 
et  par  une  légèreté  indiscutables,  pour  qti'ii  pût  éviter  le 
ressentiment  populaire.  Mais  l'histoire  oubliera  certainement 
les  égarements  de  sa  vieillesse  trop  présomptueuse  et  trop 
confiante  pour  se  souvenir  seulement  qu'il  fit  Suez,  qu'à 
l'âge  de  soixante-dix  ans  encore  sa  gloire  ét^it  intacte  et 
que,  s'il  laissa  commettre  de  honteuses  dilapidations,  il  ne 
fut  lui-même,  entre  les  mains  d'industriels  et  de  financiers 
sans  scrupules,  qu'un  instrument  à  peu  près  inconscient  ; 
elle  ne  verra  plus  en  lui  que  «  Fincariiatiop  de  l'esprit 
d'entreprise  dans  sa  plus  haute  acception,  que  Finitiateur 
de  la  plus  grande  révolution  matérielle  qui  ait  eu  lieu  dans 
ce  monde  (Francis  Charmes)  ».  Il  ne  r<?cueilîit  du  reste 
que  bien  peu  de  chose  du  maniement  de  tous  ces  millions. 
Il  semble  même  plutôt  avoir  compromis  sa  fortune  dans 
cette  affaire,  car  le  5  juin  1894  l'Assem()lée  générale  des 
actionnaires  de  la  Compagnie  du  canal  de  Suez  dut  voter 
à  sa  femme  et  à  ses  enfants,  pour  assurer  leur  avenir,  une 
pension  viagère  de  120,000  francs. 

Ferdinand  de  Lesseps  $'était  marié,  alors  qu'il  était  con- 
sul en  Egypte,  avec  M^^®  Mamaile,  morte  en  i8^4:.  Elle  M 
laissa  deux  fils  :  Charles- Aimé-Marie^  né  en  1849,  et 
Victor,  Fun  et  F  autre  cités  dans  le  cours  de  cet  article. 
Le  23  nov.  1869,  il  épousa  à  îsmaïlia  une  créole  de  l'île 
Maurice  qu'il  avait  rmcontrée  dans  un  salon  parisien, 
W^  Hélène  Autard  de  Bragard.  Elle  avait  alors  dix-huit 
ans.  Elle  lui  donna  à  son  tour  neuf  charmants  enfants  bien 
connus  des  Parisiens,  qui  ont  vu  si  souvent  leur  joyeuse 
cavalcade  remonter  à  poney  l'avenue  des  Champs-Elysées. 

Ferdinand  de  Lesseps  a  publié  :  Ma  Mission  à  Rome  en 
mai  i849  (Paris,  1849,  în~8)  ;  Percem^ent  de  Fisthme 
de  Suez  (Paris,  4855-61,  5  vol.  in-8  et  atlas)  ;  Question 
du  canal  de  Suez  (Paris,  1860,  in-8);  Conférences 
sur  le  canal  de  Suez  (Paris,  1862, 2  vol.  in-8);  le  Per- 
cement de  V isthme  de  Suez  (Paris,  1868,  in-12)  ;  Egypte 


98 


et  Turquie  (Paris,  1869,  in-8)  ;  Lettres,  journal  et 
documents  pour  servir  à  Vhistoire  du  canal  de  Suez 
(Paris,  1875-84,  5  vol.  in-S)  ;  Souvenirs  de  quarante 
ans,  dédiés  à  mes  enfants,  autobiographie  remplie 
d'intéressantes  anecdotes  (Paris,  1887,  2  vol.  in-8)  ;  Ori* 
ginesdu  canal  de  Suez  (Paris,  1890,  in-16).  Il  a  com- 
muniqué en  outre  à  l'Académie  des  sciences  une  vingtaine 
de  mémoires  qui  ont  paru  dans  ses  Comptes  rendus  et  qui 
ont  tous  trait  aux  isthmes  de  Panama  et  de  Suez  ou  à  la 
mer  intérieure  africaine.  Léon  Sâgnet. 

BiBL.:  V...,  M.  de  Lesseps  à  Grenoble;  Grenoble,  1867, 
m-8.  —  S.  Bebteaut,  F.  de  Lesseps  et  son  œuxtre  ;  Mar- 
seille, 1875,  m-8.  —  A.  Pinard,  F.  de  Lesseps  ;  Paris,  1883, 
m-12.  —  V.  aussi  ses  Souvenirs  de  quarante  uns  et  les  bibl. 
des  art.  Panama  et  Suez. 

LESSEPS  (Jules,  baron  de),  diplomate  et  financier  fran- 
çais, né  en  4809,  mort  à  Paris  le  20  oct.  1887,  frère  du. 
précédent.  Il  fut  longtemps  chargé  d'affaires  du  bey  de 
Tuïlis  à  Paris.  Il  prit  une  grande  part  à  la  direction  et  à 
l'administration  du  canal  de  Suez  et  fut  membre  du  conseil 
d'administration  du  Canal  interocéanique.  L.  S. 

Bibl.  :  Banq^et  offert  aU  baron  J.  de  Lesseps  leiô  mars 
1869  ;  Paris,  1869,  in-8. 

LESSER  (Credzé,  baron  de)  (V.  Creozé  de  Lesser). 

LESSEB  (Alexandre),  peintre  polonais,  né  à  Varsovie 
en  1814.  Il  étudia  d'abord  son  art  à  Varsovie,  puis  à 
Dresde  et  à  Munich,  sous  la  direction  de  Cornélius  et  de 
Schnorr.  De  ses  longs  voyages  en  Allemagne,  en  France, 
en  Belgique  et  en  Angleterre,  il  rapporta  un  bagage  con- 
sidérable de  connaissances  sur  l'histoire  de  Pologne  au 
point  de  vue  artistique.  Plusieurs  de  ses  tableaux  :  Vin- 
cent Kadluhek,  la  Défense  de  Trembowla,  Skarbek 
Habdank,  Sainte Eedvige  sur  le  champ^  de  bataille,  etc., 
sont  devenus  célèbres  dans  son  pays.  Mais  son  oeuvre  prin- 
cipale, c'est  la  série  des  portraits  des  rois  de  Pologne 
publiés  par  Dzwonkowski  (Varsovie,  4860).  Lesser  est 
aussi  Fauteur  de  critiques  d'art  très  estimées  parues  dans 
les  Klosy  et  d'un  livre  sur  le  sculpteur  Wit  Stvposz  (Weit 
Stoss).  ^.  F.  Trawinskï. 

LESSEBT  (De).  Famille  de  banquiers  (V,  Delessert). 

LESSEUX,  Com.  du  dép.  des  Vos^-es,  arr.  et  cant.  de 
Saint-Dié;  475  hab. 

LESSIVES.  Ville  de  Belgique,  prov.  de  Hainaut,  arr. 
de  Soignies,  sur  la  Dendre;  8,600  hab.  Stat.  des  ch.  de 
fer  de  Mons  à  Alost  et  de  Tournai  à  Braine-le-Gomte.  Exploi- 
tations de  carrières  (600,000  tonnes  par  aii)  ;  fabriques  de 
tuyaux  de  grès,  de  toiles,  de  chicorée.  La  possession  de  Les- 
sines  et  de  sa  banlieue  fut  disputée  pendant  des  siècles  entre 
la  Flandre  et  le  Brabant  ;  on  l'appelait  la  terre  de  débat, 

LESSl?l@  (Gotthold-Ephraïm),  écrivain  allemand,  né  à 
Kamenz,  dans  la  Haute-Lusace,  le  22  janv.  4729,  mort  à 
Wolfenbiittel  le  45  fév.  4784.  Son  père,  pasteur  protes- 
tant, était  estimé  dans  le  monde  théologique  pour  quelques 
dissertations  savantes  et  une  traduction  des  sermons  de  Til- 
lotson.  Ephraïm  était  Fainé  de  dix  fils,  pestiné  à  Fétat 
ecclésiastique,  il  reçut  sa  première  instruction  dans  la  mai- 
son paternelle  et  dans  l'école  communale  de  Kamenz.  A  l'âge 
de  douze  ans,  il  fut  admis,  à  la  suite  d'un  examen,  à  VAfra- 
neurn  de  Meissen,  gymnase  fondé  autrefois  par  Félecteur 
Maurice  de  Saxe  dans  les  bâtiments  sécularjlsés  du  couvent 
de  Sainte-Afre.  L'instruction  y  était  à  peu  près  gratuite, 
les  études  très  fortes,  la  discipline  sévère.  Le  jeune  Les- 
sing  se  distingua  par  son  ardeur  au  travail,  en  même 
temps  que  par  un  esprit  d'indépendance  qui  inquiétait  par- 
fois ses  directeurs.  Ses  lectures  favorites  étaient  Plaute, 
Térence  et  Théophraste.  11  écrivit,  au  gymnase  même, 
quelques  poésies  anacréontiques  et  didactiques,  et  il  esquissa 
une  comédie,  Der  junge  Gelehrte,  «  Le  savant,  disait-il 
plus  tard,  c'était  la  seule  espèce  do  fou  qui  me  fût  alors 
connue,  et,  en  écrivant  cette  pièce,  j'apprenais  à  me  con- 
naître moi-même.  »  Il  gagna  une  année  sur  le  stage  sco- 
laire, et,  au  mois  de  sept.  1746,  il  entra  i  l'université  de 
Leipzig,  lais  il  quitta  bientôt  la  théologie,  et,  pendant 
trois  ans,  il  fut  inscrit  sur  les  registres  do  la  faculté  de 


médecine.  îl  s'occupait  de  sciences  naturelles,  mais  sur- 
tout de  littérature  et  de  philologie.  Il  avait  rencontré  à 
Leipzig  un  parent,  Christlob  Myîius,  auteur  de  cotoédies 
médiocres,  mais  qui  eut  de  l'influence  par  les  revijies  qu'il 
fonda  successivement.  Mylius  rédigeait  alors  simuUaué- 
ment  une  feuille  scientifique,  Der  Naturforscker,  et  ^nQ 
feuille  littéraire,  Ermunterungen  mm  Vergiïng$:ri  des 
Gemûths^qm  Fune  et  l'autre  darèrent  deux  ans  (iWt- 
48).  Lessing  fut  son  collaborateur,  et  il  fut  mis  par  lui 
en  rapport  avec  le  théâtre.  Il  s'associa  avec  Félix  Weisse 
pour  la  traduction  de  pièces  françaises.  Enfin  il  fit  repré- 
senter, après  l'avoir  fortement  remanié,  le  Jeune  Savant 
(4747,  8  actes),  qui  réussit  devant  le  public  de  Leipzig, 
mais  dont  le  succès  ne  s'étendit  guère  plus  loin.  C'était, 
en  somme,  une  œuvre  peu  originale,  et  qui  ne  déuQtait  en 
rien  le  futur  réformateur  de  la  scène  allemande.  On  peut 
en  dire  autant  des  pièces  qui^'suivirent  :  Der  Misogyn 
(4748,  3  actes);  Die  alte  Jungfer  (4749,  3  actes);  Die 
Juden  (4749,  4  acte);  X)^r  Freigeist  (4749,  5  actes), 
toutes  comédies  de  caractères  dans  le  goût  de  Destouches, 
que  Lessing  a  toujours  mis  trop  près  de  Molière.  Les  per- 
sonnages sont  invariablement  les  Oamis  et  les  Léandr^s  (lu 
vieux  répertoire  ;  Fintrigue  est  menée  par  un  valet  ou  par 
une  soubrette;  les  trois  unités  sont  scrupuleusement 
observées.  La  comédie  Die  Juden  offre  cependant  un  cer- 
tain intérêt,  parce  qu'on  peut  y  voir  le  premier  germe  du 
poème  de  Nathan  le  Sage. 

Les  comédiens  avaient  alors,  en  Allemagne,  une  exis- 
tence fort  instable  ;  la  troupe  de  Leipzig  se  dispersa  en 
4748;  Mylius  se  rendit  à  Berlin,  et  Lessing,  après  un 
séjour  de  quelques  mois  (août-décembre)  à  Wittenberg, 
alla  le  rejoindre.  Mylius  fut  chargé  du  supplément  litté- 
raire de  la  Gazette  de  Voss  (alors  encore  entre  les 
mains  de  Rudiger,  beau-père  de  Voss),  et  ils  publièrent 
ensemble,  en  47.^0,  les  Beytrœge  zur  Historié  und 
Aufnahme  des  Theaters.  Les  sujets  traités  dans  ce  re- 
cueil montrent  dans  quelle  sphère  d'idées  on  vivait  alors 
en  Allemagne.  On  y  trouve,  de  la  main  de  Lessing,  une 
traduction  des  discours  de  Corneille  sur  la  tragédie,  une 
dissertation  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Plaute,  suivie 
d'une  traduction  et  d'une  critique  des  Captifs.  Mylius,  de 
son  côté,  donne  des  extraits  des  Lettres  de  Voltaire  sur 
l'Angleterre.  Déjà  cependant  l'horizon  commençait  à 
s'étendre  ;  on  a  conservé  des  fragments  d'autres  traductions 
de  Lessing,  notamment  de  la  Vie  est  un  songe  de  Calde- 
ron  (4750),  à'Agamemnon  et  de  Tancrède  et  Sigis- 
monde  de  Thomson  (4754).  Il  entra,  en  4754,  à  la  Ga- 
zette de  Voss^  succédant  à  Mylius,  qui  mourut  trois  ans 
après,  et  dont  il  publia  les  OEuvres  mêlées  (Berlin,  4754). 

Jusque-là,  les  articles  qu'il  insérait  dans  les  journaux,  les 
traductions  qu'il  faisait  pour  les  théâtres,  étaient  ses  prin- 
cipaux moyens  d^existence.  C'est  sans  doute  dans  l'espoir 
de  voir  s'ouvrir  un  jour  devant  lui  la  carrière  de  l'ensei- 
gnement qu'il  reprit  ses  études  universitaires  à  W^itten- 
berg  (déc.  4754),  o(i  il  retrouva  un  de  ses  frères.  Pendant 
un  an,  il  s'occupa  surtout  de  philologie  classique,  et  il  com- 
mença ses  Rettungen^  ou  Réhabilitations,  celle  de  Car- 
dan, mathématicien  el  philosophe  du  temps  de  la  Renais- 
sance, accusé  d'athéisme,  surtout  celle  d'Horace,  dont  on 
accusait  lourdement  les  amours  poétiques  ou  réelles.  Il  eut 
encore  à  défendre  Borace,  un  peu  plus  tard,  contre  un 
mauvais  traducteur,  le  pasteur  Sumuel-Gotthold  Lange, 
contre  lequel  il  écrivit  son  Vade  mecum  (Berlin,  4754), 
le  premier  de  ces  pamphlets  où  il  excellait  et  pour  lesquels 
il  créa  un  style  à  part.  Lorsqu'il  revint  à  Berlin  (nov, 
4752),  il  était  magister  honarum  artium^  un  titre  qui 
ne  lui  fut  jamais  d'aucune  utilité.  Ce  qui  est  plus  impor- 
tant pour  la  suite  de  sa  carrière,  ce  sont  les  relations  nou- 
velles où  il  entra  avec  Frédéric  Nicolaï,  fils  d'un  libraire 
de  Berlin,  esprit  sec,  mais  curieux  et  pénétrant,  et  l'aus- 
tère philosophe  Moïse  Mendelssohn.  Il  fut  confirmé  par 
eux  dans  sa  prédilection  de  plus  en  plus  marquée  pour  la 
littérature  anglaise,  et  il  écrivit  Miss  Sarah  Sampson.qm 


99'-^  LEASING 

fut  pour  le  théâtre  ce  que  la  Clarisse  de  Richardson  avait 
été  pour  le  roïfian,  i|né  tent|itive  pour  chercher  l'intérêt 
non  pliis  dansjle  choc  des  passions  Wroïques,  mais  dan^  les 
joies  et  les  douleurs  de  Ija  vie  brdinaire.  Cett^  p^èce,  le  pre- 
mier exemple;  de  la  tragédie  Bourgeoise  en  Allemagne,  fut 
jouée  à  Franc^ort-sur-VOder,  en  présence  de  l'auteur,  le 
40  juil,  475;5:,,  ' 

Lessing  ne  'demeurait  jamais  longtemps  au  même  en- 
droit, pas  plus  qu'il  ne  savait  se  cantonner  dans  un  ordre 
de  travaux  quelconque;  il  était  d'humeur  essentiellement 
voyageuse.  Vers  la  fin  de  la  même  année,  on  le  retrouve 
à  Leipzig,  attiré  sans  doute  par  les  représentations  de 
la  troupe  dô  ICoch.  Jl  étudia  les  comédies  de  Goldoni, 
et  arrangea  îueme  poi^r  le  théâtre  VElrede  fortunata 
(4756).  En  liiêrhe  temps,  il  collaborait  à  la  Bibliothek 
der  schœneriWim7}sc}iaften  und  freien  Kûnste,  quQ 
venait  de  fon(|ér  rjficolaï.  On  lui  proposa  d'accompagner  un 
jeune  ï^égociant  de  Leipzig,  nomme  W!inc|ler,  dans  un 
grand  ^oyage  [k.  travers  Jj'Europe.  Ûuelle  occasion  inatten- 
due de  connaître  :1a  vie  moderne  autrenie^t  que  par  les 
livres  1  II  acçej^k  avec  empressemeut-  Les  deux  voyageurs 
parcoururent  à;  petites  jpurnées  le  N.  de  1^ Allemagne,  et 
arrivèrent  just|u^à  Amsterdam,  où  ils  devaient  s'embar- 
quer pour  r Angleterre.  Mais  \k  ils  apprirent  l'entrée  des 
troupes  prussiennes  à  Leipziî^  (sept.  4756)  :  c'était  la 
guerre  de  Sept  ans  qui  eommençait.  Winckler  dut  rentrer 
pour  garder  sa  r^iaison.  tessïng  Gùnmt  encore,i  pendant  les 
dernier^  temp^  de  son  séjoui;  à  Leipzig,  le  poète  Ewald  de 
Kleist,  qui  faisait  partie  (lu  corps  d  occupation,  et,  au  mois 
de  mai  47^8,  il  était  de  retour  à  Berlin. 

Il  avait  trente  ans  ;  il  avait  dirigé  jusque-là  ses  investiga- 
tions en  tous  $eps;  il  s'était  tourné  successivement  du  côté 
de  la  France,  de  l'Ang'leterre,  de  l'Espagne,  de  l'Italie  ;  il 
s'était  occupé  de  littérature,  de  philologie,  même  de  sciences 
naturelles,  sans  savoir  aU  juste  sut-j  quel  point  spécial  il  por- 
terait son  effort  :  pour  uil  esprit  ^iiitique,  la  maturité  arrive 
tard.  En  4  759,  il  commença,  en  collaboration  avec  Nicolaï  et 
Mendelssohn,  les  Bnefe  aie  neueste  Littèratur  betreffend^ 
appelées  communément  titteratfiiçbriefe.  Ce  fut  son  vrai 
début  dans  la  littérature,  sa  prenjiere  œuvre  réellement  ori- 
ginale. Les  Lit leràtur brie fe^idiX^x^i  surtout  (^irigés  contre 
une  feuille  hebdomadaire^  Der  mr^ische  Ausfseher,  que  le 
théologien  Cramer  publiait  à  C|)pehhague  sous  les  auspices 
de  Klopstock,  et  dont  le  but  était  dé  soumettre  les  écrivains 
au  contrôle  de  la  religion  et  d^  la;  morale.  Le  principe  de 
Lessing  fut  de  reconnaître  le  méij'ite^  sous  quelque  ban- 
nière qu'il  se  rencontrât  :  il  créa  la  critique  ijodépendante. 

Il  est  difficile  à  un  Allemand  (fe  ne  pas  chercher  d'abord, 
dans  une  œuvre  d'art,  un  but  ihprfil:  Lessing  lui-même  en 
donna  la  preuve  dans  ses  Abhc^ndlungen  iiber  die  Fabel 
(4759).  Il  soutient  que  Ja  fable  appartient  noï^  à  la  poésie, 
mais  à  la  philosophie,  et  il  reproche  à  La.  Fontaine  d'avoir 
méconnu  les  règles  du  genre.  La  f'ontaine  disait,  dans  sa 
préface,  que,  n'ayant  pu  atteincfre  k  la  brièveté  de  Phèdre, 
il  avait  cru  en  revanche  devoir  «  égayer  l'ouvrage  plus  que 
Phèdre  ne  l'avait  fait  ».  Lessing  explique  le  mot  égayer  k 
contre-sens,  ta  Fontaine  a  beà^  lui  dire  :  «  Je  n'appelle 
pas  gaieté  ce  qui  excite  le  rire,|ipais  un  certain  charme,  un 
air  agréable  qu'on  peut  donner  à  toutes  sortes  de  sujets, 
même  les  plus  sérieux.  »  Les#^g  s^obstine  à  prendre  le 
mot  dans  son  sens  le  plu^  vulgaire  :  «  Les  Français,  dit-il, 
ne  mettent-ils  pas  la  gaieté  au-deSsùs  de  tout?  La  gaieté  n'est- 
elle  pas  le  contraire' de  îagrâ^cç?  »  Au  tort  de  n'avoir  pas 
compris  La  Fontaine,  Lessing^ajouta:  celui  de  ^vouloir  faire 
mieux  que  lui  ;  il  composa  trois  livrer  de  fables,  telles  qu'il 
les  entendait,  courtes,  morale^  et^  enisomrne,  insignifiantes. 

C'est  encore  un  besoin  oùW  dé  coricision  qui  lui  fit 
écrire  la  tragédie  en  un  act^ ,  et  en  prose  intitulée  Phi-- 
lotas  (4759);  Oleito,  à  qui  là  jpièce  fut  communiquée  sans 
nom  d'auteur,  la  remania  saps  penser  à  iïial,  dans  sa  ver- 
sification fluide  (Berlin,  4760)^  et  Lessing  ne  lui  en  garda 
pas  rancune.  Philotas  est  antique  pai^  le  sujet  ;  Lessing  étu- 
diait alors  assidûment  les  tragiques  grecs,  et  il  publia, 


LESSING 


—  100 


peu  après,  sa  dissertation  sur  Sophocle  (1760),  vrai  tra- 
vail d'érudit,  pour  lequel  il  avait  patiemment  compulsé 
tous  les  anciens  commentaires.  Il  cherchait  encore  la  forme 
classique  de  la  tragédie  allemande,  qu'il  ne  trouva  que  bien 
plus  tard  dans  Nathan  le  Sage, 

Les  Litieraturbriefe  continuèrent  de  paraître  jusqu'en 
1765,  mais  la  collaboration  de  Lessing  ne  fut  réellement 
active  (jue  pendant  la  première  année.  En  1 760,  il  fut  nommé 
secrétaire  du  général  de  Tauenîzien,  gouverneur  de  Breslau. 
Il  se  trouva  transporté  tout  d'un  coup  dans  des  relations 
nouvelles  et  en  partie  fort  banales.  «  J'aurais  dû  et  j'aurais 
pu  prévoir,  dit-il  après  quelques  mois  dans  une  lettre  à  Men- 
delssohn  (30  mars  1761),  que  des  occupations  insignifiantes  ~ 
finiraient  par  me  fatiguer  plus  qu'une  étude  sérieuse  et  inin- 
terrompue, que,  dans  le  cercle  où  je  me  suis  laissé  brusque- 
ment introduire,  de?  plaisirs  mensongers  et  des  distractions 
sans  nombre  ébranleraient  enfin  tous  les  ressorts  de  mon 
âme.  Ah  !  mon  cher  ami,  votre  Lessing  est  perdu  !  En  peu 
de  temps  vous  ne  le  reconnaîtrez  plus,  lui-même  ne  se  recon- 
naîtra plus.  0  mon  temps,  mon  temps,  qui  est  tout  et  que 
je  possède,  le  sacrifier  ainsi  à  je  ne  sais  quels  motifs  !  »  Ces 
motifs  étaient  sans  doute  le  repos  inatériel,  la  subsistance 
assurée.  Le  fait  est  que,  tout  en  se  plaignant  parfois  de 
ses  fonctions  nouvelles,  il  les  garda  jusqu'en  1765.  C^est 
la  période  la  moins  féconde  de  sa  vie,  si  Ton  ne  considère 
que  le  nombre  des  travaux,  surtout  de  ces  travaux  de  pu- 
bliciste  et  de  traducteur  sur  lesquels  il  dispersait  son  acti- 
vité. Mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  c'est  à  Breslau  qu'il 
prépara  deux  ouvrages  qui  parurent  immédiatement  après 
son  retour  à  Berlin,  et  qui  comptent  parmi  les  plus  injpor- 
tants  :  \q  Laocoori  {ilm)  et  la  comédie  de  Minnavon 
Barnhelm  (1767).  Le  sous-titre  de  Laocoon,  Ueber  die 
Grenzen  der  Malerei  und  Poésie j  en  indique  la  pensée 
générale .Xhaque  art  a  ses  limites  qu'il  ne  franchit  pas  impu- 
nément :  la  peinture  et  la  sculpture  représentent  des  attitudes 
fixes,  tandis  que  la  poésie  vit  de  mouvement.  C'était  la 
condamnation  du  genre  descriptif,  qui  était  alors  trop  en 
honneur  parmi  les  imitateurs  de  Élopstock  et  surtout  chez 
les  disciples  attardés  de  l'école  suisse.  Minna  de  Barnhelm 
futia  première  comédie  allemande  originale  ;  elle  est  en- 
core aujourd'hui  à  peu  près  la  seule  dont  le  succès  se  soit 
maintenu  à  travers  toutes  les  révolutions  du  goût.  Elle 
fut  représentée  à  Hambourg  le  30  sept»  1767.'  Lessing 
avait  été  appelé  à  la  direction  littéraire  du  théâtre  de  cette 
ville.  Il  eut  l'idée  de  rendre  compte  des  représentations 
dans  une  feuille  spéciale  xlont  le  premier  numéro  parut 
le  1^^  mai  1767  :  ce  fut  l'origine  de  la  Hamburgische 
Dramaturgie. 

Les  deux  tiers  des  pièces  dont  se  composait  alors  le 
répertoire  allemand  étaient  traduites  du  français  :  c'était 
donc  surtout  la  France  que  Lessing  avait  à  juger.  Il  y  a, 
dans  sa  critique  du  théâtre  français,  quelques  défauts  de 
perspective,  même  des  partis  pris^  mais  aussi  beaucoup 
d'observations  justes.  Il  semble,  dans  un  passage,  mettre 
Destouches  au  même  rang  que  Molière;  évidemment  Molière, 
aussi  bien  que  La  Fontaine,  lui  échappe.  11  insiste  trop  sur 
l'invraisemblance  des  plans  de  Corneille,  sans  tenir  assez 
compte  delà  grandeur  des  situations.  Il  parie  peu  de  Ra- 
cine, qui  était  pourtant  reconnu  comme  le  représentant  le 
pins  parfait  de  la  tragédie  française.  Contre  Voltaire,  il  a 
presque  toujours  raison.  Le  but-principal  de  la  Drama- 
turgie est  de  détruire  l'autorité  d^s  tragiques  français. 
Lessing  leur  oppose  d'abord  Shakespeare  ;  puis  il  cherche 
à  les  mettre  en  contradiction  avec  eux-mêmes,  en  montrant 
qu'ils  ont  mal  interprété  les  principes  des  anciens,  sur 
lesquels  ils  prétendent  se  fonder.  11  reprend  donc,  après 
Corneille,  la  Poétique  d'Aristote  ;  il  examine  à  nouveau, 
le  texte  en  main,  les  deux  grands  ressorts  de  la  tragédie, 
la  crainte  et  la  pitié;  il  précise  les  termes,  déduit  les 
conséquences.  Mais  ensuite  il  introduit  à  son  tour  dans  la 
définition  d'Aristote  un  élément  étranger,  tout  à  fait  ger- 
manique, lorsqu'il  déclare  que  le  résultat  du  spectacle  tra- 
gique doit  être  de  transformer  nos  passions  en  dispositions 


vertueuses  (tugendhafte  Fertigkeiten),  C'est  ainsi  qu'il 
explique  la  fameuse  Catharsis  d'Aristote,  la  purgation 
des  passions,  cette  sorte  de  soulagement  que  nous  éprou- 
vons à  satisfaire  le  besoin  d'émotion  qjii  est  en  nous,  par 
la  contemplation  d'un  malheur  fictif^'  soulagement  sem- 
blable à  celui  que  nous  procure  une  musique  sacrée,  «  qui 
nous  jette  d'abord  dans  un  religieux  délire,  et  nous  laisse 
ensuite  dans  un  état  de  calme  qui  est  comme  la  guérison 
de  l'âme  ».  Aristote  sent  et  parle  comme  un  homme  qui 
vit  au  milieu  des  merveilles  de  l'art  ;  Lessing  glisse  encore 
une  fois,  comme  il  l'avait  déjà  fait  à  propos  de  la  fable,  sur 
la  pente  morahsante  qui  était  celle  de  son  siècle.  Voltaire, 
quelques  années  auparavant,  en  commentant  Corneille, 
s'était  borné  à  plaisanter  la  purgatîon.  «  Je  lie  sais  pas  ce 
que  c'est  que  cette  médecine,  disait-il  ;  je  n'entends  pas 
comment  la  crainte  et  la  pitié  purgent,  selon  Aristote; 
mais  j'entends  fort  bien  comment  la  crainte  et  la  pitié  agitent 
notre  âme  pendant  deux  heures,  selon  la  nature,  et  com- 
ment il  en  résulte  un  plaisir  très  noble  et  très  délicats  » 
On  voit  par  les  derniers  mots  que  la  plaisaûterie  de  Vol- 
taire était,  au  fond,  plus  près  de  la  vérité  que  la  docte 
argumentation  de  Lessing.  Schiller  dira  plus  tard,  avec 
plus  de  sens  esthétique  que  Leasing  et  avec  plus  de  sé- 
rieux que  Voltaire,  que  ce  qui  affecte  péniblement- dans  la 
réalité  peut  devenir  une  source  de  plaisir  dans  le  jeu  de 
la  fiction. 

Quelle  que  fût  d'ailleurs  la  valeur  des  arguments  de  . 
Lessing,  sa  cause  était  gagnée  d'avance  auprès  de  ses  com- 
patriotes, destinés  à  devenir  shakespeariens  par  leur 
nature  même  et  par  la  conformité  de  leur  génie  avec  celui 
de  l'Angleterre.  Un  seul  homme  tenait,  dans  les  études  de 
Lessing',  autant  de  place  que  Shakespeare,  c'était  Diderot. 
Comme 'Diderot,  il  voulait  rapprocher  le  théâtre  de  la  réa- 
lité, le  metti;*e  en  contact  plus  immédiat  avec  la  vie.  Il 
avait  déjà  traduit  le  Fils  naturel  et  le  Père  de  famille 
(Berlin,  1760).  Il  travaillait  depuis  longtemps  à  une  tra- 
gédie bourgeoise  qui  lui  causait  beaucoup  de  tourments, 
parce  qu'il  voulait,  tout  en  lui  laissant  le  caractère  d'un 
drame  de  famille,  lui  faire  produire  tous  les  effets  de  la 
grande  tragédie.  La  première  idée  à^Emilia  Galotti  est  de 
1756  ;  mais,  dans  une  lettre  à  Nicolaï  (du  27  janv.  1758|, 
Lessing,  en  parlant  à  son  ami  d'un  jeune  poète  qui  n'était 
autre  que  lui-même,  disait  :  «  Il  écrit  huit  lignes  tous  les 
huit  jours  ;  il  ne  cesse  d'agrandir  son  plan,  et  il  ne  cesse 
d'effacer  ce  qui  est  déjà  fait.  Son  sujet  actuel  est  une  Vir- 
ginie bourgeoise  qu'ila  appelée  Emilîa  Galotti.  Il  a  dé- 
pouillé, en  effet,  la  Virginie  romaine  de  tout  ce  'qui  la  ren- 
dait intéressante  au  point  de  vue  politique  ;  il  a  pensé  que 
le  destin  d'une  fille  immolée  par  un  père  à  qui  sa  vertu 
est  plus  chère  que  sa  vie,  était  assez  tragique  par  lui-même 
et  suffisait  à  remuer  les  profondeurs  de  l'âme.  »  On  a  re- 
proché à  Lessing  d'avoir  diminué  l'importance  du  sujet  en 
le  sortant  de  son  cadre  historique,  et  même  d'avoir  rendu 
le  dénouement  invraisemblable;  mais  l'action,  paît  cela 
même  qu'elle  est  réduite  à  ses  éléments  essentiels,  est  si 
rapide,  si  entraînante,  que  le  spectateur  ri'a  pas  le  temps 
de  raisonner  son  émotion.  Le  dialogue  est  vif  et  serré  ; 
parfois  même  trop  concis  ;  nulle  tirade,  nulle  digression  ; 
tout  se  hâte  vers  la  catastrophe  finale. 

Emilia  Galotti  ne  fut  représentée  qu'en  1772,  à  Bruns- 
w^ick.  Le  théâtre  allemand  de  Hambourg  ne  dura  que  deux 
ans.  Dès  la  fin  de  la  premièïte  année,  l'arrivée  d'une  troupe 
française  le  priva  d'une  partie  de  son  public.  Les  auteurs 
allèrent  jouer  pendant  l'hiver,  à  Hanovre,  et  revinrent  an 
printemps  de  1 768  ;  la  dernière  représentation  eut  lieu  le 
25  nov.  Lessing  resta  encore  une  année  à  Hambourg,  èccupé 
de  sa  polémique  contre  Klotz,  dont  le  résultât  fut  la  ïon^ue 
suite  de  ses  Briefe  antiquarischen  Inhalts  0^er\ïn^ 
1868-69,  2  parties).  Klo(z  était  professeqr  d'éloquence  à 
l'université  de  Halle.  Après  avoir  longtemps!  collab6i|é  à  la 
Bibliothèque  de  Nicolaï,  il  avait  fondé  une  reVue  rivale  sous 
un  titre  pareil,  et  il  s'était  retourné  en  maint^  occasion  contre 
ses  anciens  amis.  C'était  un  homme  d'un  talent  ordinaire, 


-  lOB  - 


JEANNE  -  JEANROY 


à  la  suite  de  conflits  malheureux  avec  Charles-Quint,  fut 
sans  retour  perdu  pour  l'alliance  française,  sa  protestation 
de  4541  servit  de  base  à  l'instance  en  cour  de  Rome  que 
dénoua  une  bulle  d'annulation  du  mariage,  pour  défaut  de 
consentement.  En  4548,  elle  épousa,  de  plein  gré,  cette 
fois,  et  pour  tout  de  bon,  Antoine  de  Bourbon,  duc  de 
Vendôme.  Deux  ans  plus  tard,  la  mort  de  son  père  mettait 
la  couronne  souveraine  sur  sa  tète. 

D'aigres  démêlés  avec  licnri  11,  qui  aurait  bien  voulu 
réunir  la  Navarre  à  ses  Etats,  des  intrigues  périlleuses 
avec  Philippe  II,  au  sujet  des  territoires  conquis  en  1512 
par  Ferdinand  le  Catholique,  emplirent  les  dix  années  sui- 
vantes. Quoique  agitée  et  anxieuse,  cette  période  n'en  est 
pas  moins  la  plus  heureuse  de  son  existence.  Brave  homme 
au  fond,  son  mari  était  sans  la  moindre  consistance.  Il  fut 
en  tout  ce  qu'il  fut  en  religion,  à  cette  époque  de  foi  ar- 
dente, s'engageant  étourdiment  dans  le  protestantisme, 
qu'il  devait  bientôt  renier  avec  éclat,  tandis  que  Jeanne  n'y 
faisait  adhésion  que  par  étapes  timides,  mais  dès  lors  pour 
toujours.  Quoi  qu'il  en  fût,  leur  bonheur  intime  fut  sans 
nuage  tant  qu'ils  vécurent  hors  de  la  sphère  des  grands 
intérêts  sociaux  dont  Paris  était  le  centre.  Il  fut  détruit 
du  jour  où  Antoine  se  fixa  à  la  cour  de  France,  surtout 
du  jour  où  Catherine  de  Médicis,  proclamée  régente  à  l'avè- 
nement de  Charles  IX,  crut  avoir  besoin  de  lui  comme  contre- 
poids à  l'ambition  des  Guises.  Pour  le  détacher  du  parti  cal- 
viniste, elle  lâcha  sur  lui  iVF^  de  Roué,  l'une  des  plus  expertes 
recrues  de  son  fameux  Escadron  volant  (V.  ce  mot).  Cepen- 
dant les  choses  ne  tournèrent  pas  tout  à  fait  au  gré  de  la  reine 
mère  :  il  abandonna  «  la  cause  »,  il  est  vrai,  mais  au  profit 
des  Guises,  non  au  sien.  En  butte  à  d'odieux  traitements  à 
leur  instigation,  Jeanne  regagna  péniblement  la  Navarre 
(mars  1562).  La  nouvelle  delà  mort  de  son  mari,  frappé 
sous  les  murs  de  Rouen  défendu  par  le  comtedeMontgomery 
(47  nov.  4562),  ne  tarda  pas  à  l'y  rejoindre. 

C'est  ici  le  lieu  de  réfuter  la  calomnie  suivant  laquelle 
Jeanne  d'Albret  proscrivit  le  catholicisme  dans  ses  Etats. 
La  vérité  est  qu'elle  institua  la  liberté  de  conscience  :  la 
coexistence  des  deux  cultes  est  un  fait  reconnu  par  les 
meilleures  autorités.  Elle  craignait  par-dessus  tout  l'émeute, 
désirait  par-dessus  tout  la  paix  :  nobles  sentiments  que  son 
époque  n'était  point  en  état  de  comprendre.  Aussi  bien  les 
convoitises  de  Charles  IX  et  de  Philippe  II,  déguisées  sous 
le  masque  de  la  foi,  s'entendaient-elles  en  secret,  —  quitte  à 
se  choquer  violemment,  lorsque  viendrait  l'heure  du  partage 
—  pour  lui  créer  mille  ditficultés.  Sentant  le  sol  trembler  sous 
ses  pieds,  elle  gagna  La  Rochelle  en  sept.  4568,  au  début 
de  la  troisième  guerre  civile.  Derrière  elle,  le  pays  se  sou- 
leva. Mais,  à  son  appel,  le  comte  de  Montgomery  pénétra 
en  Navarre,  chassa  les  officiers  partisans  du  roi  de  France 
de  place  en  place  et  y  raifermit  son  autorité.  La  paix  de 
Saint -Germain  (4  août  4570)  ouvrit  à  son  activité  un 
champ  plus  vaste  :  il  fut  question,  pour  sceller  la  réconci- 
liation des  deux  confessions,  de  marier  son  fils  Henri, 
avec  la  princesse  Marguerite,  sœur  de  Charles  IX.  A  la  fois 
éblouie  et  défiante,  elle  accourut  à  la  cour.  Mais  le  malheur 
la  guettait,  dès  qu'elle  sortait  de  son  royaume.  Paris  qui, 
en  4561-62,  lui  avait  pris  son  mari,  allait  lui  prendre  la 
vie  :  arrivée  le  44  févr,  4572,  elle  tomba  malade  le  3  juin 
et  s'éteignit  deux  jours  après.  «  Ainsi  mourut,  dit  d'Au- 
bigné,  cette  reine  qui  n'avait  de  femme  que  le  sexe,  l'âme 
entière  aux  choses  viriles,  invincible  aux  adversités.  »  — 
Outre  deux  fils,  morts  en  bas  âge,  elle  avait  eu  deux  enfants 
qui  lui  survécurent  :  Henri  de  Bourbon,  destiné  à  régner 
sur  la  France  sous  le  nom  de  Henri  IV,  et  Catherine 
(V.  ce  nom),  la  future  duchesse  de  Bar.     Léon  Marlet. 

Bi.iL.  :  Baron  de  Ruble,  le  Mariage  de  Jeanne  d'Al- 
bret ;  Paris,  1877,  in-8.  —  Du  même,  Antoine  de  Bourbon  et 
Jeanne  dAlbret;  Paris,  1881-1886,  4  vol.  in-8.  —  Lettres 
de  Catherine  de  Médicis,  t.  I-IV(sans  omettre  les  copieuses 
introductions  du  savant  éditeur,  le  comte  de  La  Perrière). 
—  N.  Weiss,  l'Intolérance  de  Jeanne  d'Albret,  dans  le 
Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  du  protestantisme 
français^  année  1891.  —  Léon  Marlet,  le  Comte  de  Mont' 
gomery  ;  Paris,  1890,  in-8  ;  ch.  vi  et  vu. 


Personnages  divers 

JEANNE  d'Arc  (V.  Arc  [Jeanne  d']). 

JEANNE  DE  Chantal  (Sainte)  (V.  Chantâl). 

JEANNE  Grey(V.  Dudley). 

JEANNE  Hachette  (V.  Hachette). 

JEANNE  Seymour  (V.  Seymour). 

JEANNETTE  (Ile  de  la).  île  de  l'océan  Glacial  arctique, 
au  N.-E.  de  l'archipel  de  la  Nouvelle-Sibérie,  par  76M'7' 
lat.  N.  et  156''36''  long.  E.  Découverte  par  le  capitaine  de 
Long,  elle  reçut  le  nom  de  la  Jeannette,  qui  sombra  à 
quelque  distance. 

JEANNIN  (Pierre),  homme  d'Etat  français,  né  à  Autun 
en  4540,  mort  à  Paris  en  1622.  Elève  de  Cujasà  Bourges, 
il  fut  avocat  à  Dijon  en  1569.  Il  devint  conseiller  en  1572, 
président  au  parlement  de  Bourgogne  en  1579  ;  il  fut  en- 
suite conseiller  du  duc  de  Mayenne,  premier  président 
au  parlement  de  Paris,  intendant  en  1602  et  contrôleur 
général  des  finances  en  1610.  D'abord  partisan  de  la 
Ligue,  il  se  rallia  ensuite  à  Henri  IV.  Son  volume,  iVe- 
gociatio7is,  a  eu  plusieurs  éditions  (1656,  in-fol.  ;  1659, 
2  vol.  în-12;  1819,  3  vol.  in-8  ;  1837,  gr.  in-8).  Cet 
ouvrage  se  trouve  aussi  dans  la  Nouvelle  Collection  des 
mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  Finance,  par  Mi- 
chaud  et  Poujoulat  (1887,  2«  série,  t.  IV). 

BiBL.  :  Eloge  par  Saumaise,  1623,  in4  ;  par  Guyton  de 
Morveau,  1766,  in-8  ;  par  Foisset,  dans  Revue  des  Deux 
Bourgognes,  iiiin  et  juiL  1836.  —  Mongis,  Discours  de  ren- 
trée de  la  cour  de  Dijon^  4  nov.  1856.  —  Moniteur,  8,  15  -et 
22  mai  1854  (art.  de  Sainte-Beuve). 

JEANNIN  DE  Castille  (Pierre)  (V.  Castille). 

JEANNIOT  (Pierre-Georges),  peintre  et  officier  fran- 
çais, né  à  Genève  en  1848,  de  parents  français.  Elève  de 
A.  Jeanniot,  il  a  peint  des  toiles,  et  surtout  des  aquarelles. 
Citons  :  les  Bords  du  Lignon^  le  soir  (1887);  la  Pièce 
d'eau  (iSS9). 

JEANNOTTE-BozÉRiAN  (V.  Bozérian). 

JEAN  BON  (Philippe -Auguste),  peintre  et  littérateur 
français,  né  à  Boulogne-sur-Mer  le  10  mai  1808,  mort  au 
château  de  Comborn  (Corrèze)  le  8  avr.  1877.  Il  se  lia  tout 
jeune  encore  avec  Sigalon  et  avec  Godefroy  Cavaignac.  Après 
juil.  1830,  il  fonda  et  présida  la  Société  libre  de  peinture 
et  de  sculpture,  fit  des  conférences  publiques,  écrivit  dans 
plusieurs  journaux  et  revues,  notamment  dans  la  France 
littéraire.  Après  le  24  févr.  1848,  Ledru-Rollin  le  fit  nom- 
mer directeur  des  musées  nationaux,  et  il  organisa  l'ex- 
position Hbre  qui  eut  lieu,  la  même  année,  aux  Tuileries.  Il 
fonda  le  musée  du  Luxembourg,  restaura  le  Louvre  et  la  ga- 
lerie d'Apollon,  acheva  le  salon  des  Sept-Cheminées,  s'occupa 
activement  du  musée  ethnologique,  organisa  la  chalcogra- 
phie, et  créa  une  imprimerie  en  taille-douce  à  l'usage  du 
musée.  Le  sculpteur  Nieuwerkerke  le  remplaça  en  1849. 
En  1863,  ayant  repris  ses  pinceaux,  il  succéda  à  Loubon, 
qui  dirigeait  l'Ecole  des  beaux-arts  de  Marseille,  et  fut 
nommé  membre  correspondant  de  l'Institut.  Il  a  écrit,  entre 
autres  articles,  des  Commentaires  sur  la  Vie  des  peintres 
de  Vasari,  avec  Léopold  Leclanché.  Ses  tableaux  sont  nom- 
breux, mais  quelques-uns  seulement  attestent  un  talent  sé- 
rieux, sinon  original.  Citons  :  les  Petits  Patriotes  (1830, 
au  musée  de  Caen)  ;  les  Forgerons  de  la  Corrèze  (1836)  ; 
Criminels  cueillant  le  poison  de  Tupas  (1840);  le  Port 
abandonné  d' A  mhleteuse ;  le  Camp  d'Equihem  (1855); 
le  Phénicien  et  V  Esclave  (1859)  ;  Vue  de  Notre-Dame  de 
la  Garde  et  du  château  d'If  (1865),  etc.  Parmi  ses  por- 
traits, notons  ceux  de  la  famille  Odier,  de  Subervie  et  de 
Cavaignac.  Challamel. 

JEAN  ROY  (Marie-Henri-Gustave- Alfred),  littérateur 
français,  né  à  Mangiennes  (Meuse)  le  5  juil.  1859.  Elève 
de  l'Ecole  normale  (promotion  de  1878),  il  fut  professeur 
de  rhétorique  à  Troyes  (1881),  à  Besançon  (1883),  au 
collège  Stanislas  (1885)  et  fut  nommé  en  1889  chargé  de 
cours  et  en  1893  professeur  de  langue  et  littérature  du 
Midi  de  la  France  à  la  faculté  des  lettres  de  Toulouse. 
M.  Jeanroy  s'est  fait  connaître  par  de  remarquables  études 
sur  l'histoire  de  notre  littérature  éparses  dans  la  Romania, 


JEANROY  —  JEPFERSON 


—  404 


la  Revue  critique,  la  Grande  Encyclopédie  et  autres  re- 
cueils. Il  a  publié  :  les  Origines  de  la  poésie  lyrique  en 
Fraiîceau  moyen  âge  (Paris,  4889,  in-8);  Extraits  des 
chroniqueurs  français  du  moyen  âge  (Paris,  4894,  in-8), 
en  collaboration  avec  M.  G.  Paris;  Mystères  provençaux 
du  xv^  5fè(:î/(? (Toulouse,  4893,  in-8),  en  collaboration  avec 
M.  H.  Teulié,  etc. 

JEANSA6NIÈRE.  Corn,  du  dép.  de  la  Loire,  arr.  de 
Montbrison,  cant.  de  Saint-Georges-en-Couzan  ;  430  hab. 

JEANTES.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Vervins, 
cant.  d'Aubenton;  740  hab. 

J  EAU  RAT  (Edme-Sébastien),  astronome  français,  né  à 
Paris  le  44  sept.  4725,  mort  à  Paris  le  7  mars  4803. 
Professeur  à  l'Ecole  militaire  (47S3),  il  était  membre  de 
l'Académie  des  sciences  (classe  d'astronomie,  puis  de  géo- 
métrie) depuis  4763  ;  en  4796,  un  an  après  la  réorga- 
nisation de  l'Institut,  il  succéda  à  Cassini  dans  la  section 
d'astronomie.  Sauf  un  Traité  de  perspective  (Paris,  4750, 
in-4) ,  tous  ses  écrits  ont  trait  à  l'astronomie  ;  ils  parurent 
àdiX\s>  \q  Recueil  des  savants  étrangers  (4763)  et  dans 
les  Mémoires  de  V Académie  des  sciences  de  Paris 
(4763-88).  Jeaurat  écrivit  douze  volumes  de  la  Connais- 
sance des  temps,  dont  Lalande  lui  laissa  la  rédaction  de 
4776  à  4790.  Il  est,  d'autre  part,  l'inventeur  d'une  lunette 
à  double  image,  dite  diplanlidienne,  dont  la  description 
se. trouve  dans  les  Mémoires  de  V Académie  (i  779  et  4786). 

BiBL.  :  E.-S.  Jeaurat,  Indication  succincte  de  ses  tra- 
vaux scientifiques  ;  Paris,  s.  d.,  in-4.  —  J.-F.  Moistucla, 
Hist.  des  mathém.  ;  Paris,  an  VII,  t.  I,  p.  712. 

JEBUS  (V.  Jérusalem). 

JÉCHIEL,  rabbin  français,  mort  en  Syrie  en  4268. 
Il  dirigea  une  école  à  Paris,  écrivit  des  commentaires  du 
Talmud  et  soutint  les  25-26  juin  4240,  avec  un  collègue 
converti  au  christianisme,  une  controverse  publique  dans 
le  palais  de  saint  Louis;  en  4257,  il  passa  en  Syrie. 

JÉCHONIAS  ou  JOACHIM,  roi  de  Juda,  Pun  des  der- 
niers princes  de  la  dynastie  davidique.  Sous  son  règne  de 
quelques  mois  (599  av.  J.-C),  Jérusalem  fut  prise  une 
première  fois  et  il  se  produisit  une  première  déportation 
des  Israélites  sur  la  terre  étrangère.  Jéchonias  fut  emmené 
à  Babylone  par  le  vainqueur,  qui  plaçait  sur  le  trône  de 
Jérusalem  Sédécias,  oncle  du  roi  dépossédé. 

JECKEL  ou  J EK EL  (Franz-Joseph), publiciste polonais, 
né  à  Vienne  en  4762,  mort  à  Vienne  le  44nov.  4844.  Il 
remplit  les  fonctions  d'avocat  en  Galicie.  Il  a  écrit  en  alle- 
mand un  certain  nombre  d'ouvrages  relatifs  à  l'histoire  de 
la  Pologne  :  Polens  Siaatsverœnderungen  und  letzte 
Verfassung  (Vienne,  1800-4840,  6  part.);  Galiziens 
Strassen  {id.,  4809).  Il  a  en  outre  écrit  l'histoire  de  la 
littérature  polonaise  dans  l'ouvrage  intitulé  Geschichte  der 
Kunste  und  Wissenschaften  (Gœttingue,  t.  XL). 

JECKER  (Jean-Baptiste),  banquier  suisse,  né  à  Porren- 
truy  vers  4840,  mort  à  Paris  le  26  mai  4874.  D'une  bonne 
famille  du  cant.  de  Berne,  il  était  vers  4836  à  Paris  em- 
ployé dans  la  maison  de  banque  Hottinguer.  Son  frère,  le 
docteur  Jecker,  médecin  renommé  de  Mexico,  qui  a  laissé 
à  notre  Académie  de  médecine  un  legs  de  300,000  fr.,  le 
fit  venir  au  Mexique  et  le  commandita.  Très  intelligent, 
doué  d'un  véritable  génie  pour  les  affaires,  J.-B.  Jecker 
devint  rapidement  un  des  plus  grands  industriels  du  pays 
et  y  fonda  la  banque  la  plus  importante.  En  ^1859,  le  pré- 
sident Miramon  lui  confia  la  conversion  de  la  dette  inté- 
rieure dont  le  résultat  se  traduisit  par  une  émission  de 
75,000,000  de  bons  de  la  maison  Jecker  qui  prélevait 
sur  l'opération  une  commission  énorme.  Le  président  Jua- 
rez  refusa  de  reconnaître  ce  traité.  D'autre  part,  Jecker 
avait  obtenu  du  gouvernement  mexicain  l'autorisation  de 
reconnaître  les  terrains  de  la  Sonora  et  de  la  Basse-Cali- 
fornie (49  déc.  4856)  et  manquant  à  ce  traité  le  gouver- 
nement avait  fait  expulser  le  47  mai  4859  les  membres 
des  commissions  scientifiques  qui  opéraient  le  lever  des 
plans.  Aussi,  dès  que  l'intervention  armée  de  la  France  au 
Mexique  eut  été  décidée  (V.  Mexique),  Jecker,  qui  avait  des 


intelligences  dans  l'entourage  de  Napoléon  III  et  qui  se  fit  na- 
turaliser Français,  céda-t-il  à  la  France  tous  ses  droits  et  ac- 
tions dans  la  question  de  la  Sonora  contre  40,000,000  de  fr. 
environ.  On  a  longtemps  prétendu  que  l'affaire  Jecker  était 
la  cause  de  l'expédition  du  Mexique  ;  elle  ne  fut  en  réahté 
qu'une  spéculation  accessoire  greffée  sur  l'intervention.  En 
4861,  le  gouvernement  mexicain  reconnaissait  la  créance 
Jecker,  fixée  à  27,703,770  fr.  Pour  se  faire  payer  plus 
vite  le  banquier  conclut  un  arrangement  avec  le  ministre 
des  finances.  Il  réduisit  sa  créance  à  22,660,000  fr.  et 
se  fit  remettre  trois  traites,  l'une  de  7,660,000  fr.  à 
Féchéance  du  45  oct.  4865,  l'autre  de  5,000,000  à 
l'échéance  du  45  déc.  Ces  valeurs  furent  payées.  Mais  Maxi- 
milien  refusa  de  solder  la  troisième  valeur  de  40,000,000 
à  échéance  du  45  févr.  4866,  et  révoqua  son  ministre  des 
finances,  car  cet  arrangement  était  aussi  désastreux  pour  le 
trésor  mexicain  que  compromettant  pour  le  trésor  français. 
Le  maréchal  Bazaine  fut  un  instant  accusé  d'y  avoir  prêté 
les  mains.  Il  réussit  à  prouver  que  toute  cette  scandaleuse 
affaire  avait  été  conduite  par  la  mission  française,  d'ac- 
cord avec  la  légation  de  France  et  traitée  en  dernière  ana- 
lyse par  le  cabinet  même  de  Maximilien.  Quoi  qu'il  en 
soit,  Jecker  revint  en  France  à  peu  près  ruiné.  Le  40  mai 
4874,  il  fut  arrêté  dans  les  bureaux  de  la  préfecture  de 
police  de  la  Commune  au  moment  où  il  demandait  un  pas- 
seport. Emprisonné  avec  les  otages  à  la  Grande-Roquette, 
il  fut  fusillé  le  26  dans  les  terrains  vagues  de  la  rue  de  la 
Chine. 

JEDBURGH.  Ville  de  l'Ecosse  méridionale,  chef-lieu  du 
comté  de  Roxburgh,  à  6Q  kil.  S.-E.  d'Edimbourg,  sur  le 
Jed,  affluent  du  Teviot;  6,245  hab.  Stat.  du  chemin  de 
fer  d'Edimbourg  à  Berwick.  Fabriques  de  lainages.  Ruines 
d'une  célèbre  abbaye  du  moyen  âge. 

JEDLERSDORF.  Faubourg  de  Vienne,  dans  le  March- 
feld;  7,000  hab.  —  Non  loin  est  l'importante  gare  de 
Jedlersee,  avec  de  grands  ateliers  de  chemins  de  fer. 

JEEZE.  Rivière  d'i\.llemagne,  affluent  gauche  de  l'Elbe; 
80  kil.  de  long,  arrose  les  districts  de  Magdebourg  et  Lu- 
nebourg,  passe  à  Salzwedel,  Dannenberg  et  finit  à  Hil- 
zacker. 

JEFFERIES  (Richard),  littérateur  anglais,  né  près  de 
Swindon  (Wiltshire)  le  6  nov.  4848,  mort  à  Goring  (Sus- 
sex)  le  44  août  4887.11  débuta  dans  la  littérature  par  une 
collaboration  assidue  à  deux  journaux  provinciaux  {VAdver- 
tiser  et  V Herald  du  Wiltshire),  écrivit  des  poésies,  puis 
des  romans.  La  notoriété  lui  vint  tout  à  coup  en  4877,  lors- 
qu'il eut  donné  son  Gamekeeper  at  Home,  recueil  d'études 
parues  d'abord  dans  la  Pall  Mail  Gazette,  remarquables 
par  un  vif  sentiment  de  la  nature,  la  poésie  des  descrip- 
tions et  une  science  très  sûre  de  la  vie  et  des  mœurs  des 
animaux.  Bientôt  parurent  :  Wild  Life  hi  a  Southern 
County  (4879),  son  chef-d'œuvre  ;  Round  about  a  Great 
Esiate,  The  Open  Air,  Red  Deer  (4884),  etc.,  et  des 
œuvres  d'imagination,  de  tout  premier  ordre,  Wood  ma- 
gie (1884)  et  Bevis  (1882)  ;  The  Story  of  my  Ecart 
(1883)  et  After  London  (4885).  Jefferies  était  célèbre, 
mais  une  longue  et  douloureuse  maladie  l'entraîna  à  des 
dépenses  considérables.  Il  était  chargé  de  famille  et  trop 
indépendant  et,  trop  fier  pour  recourir  aux  fonds  des  gens 
de  lettres,  il  passa  ses  dernières  années  à  écrire  sans  re- 
lâche, pour  vivre,  des  études  sur  les  scènes  et  les  agré- 
ments de  la  vie  de  province  qui  sont  loin  de  valoir  ses 
autres  œuvres.  R.  S. 

JEPFERSON.  Ville  des  Etats-Unis,  capitale  du  Texas, 
sur  le  lac  Caddo,  tributaire  de  la  rivière  Rouge  ;  5,000  hab. 
Fondée  en  4843. 

JEFFERSON  City.  Ville  des  Etats-Unis,  capitale  de 
l'Etat  de  Missouri,  à  droite  du  Missouri  ;  40,000  hab.  Mi- 
noteries, fonderies,  construction  de  voitures  ;  auprès  sont 
des  mines  de  houille. 

JEFFERSON  (Thomas),  troisième  président  des  Etats- 
Unis,  né  à  Shadwell  (Virginie)  le  2  avr.  4743,  mort  à 
Monticello  (Virginie)  le  4  juiL  4826.  Fils  du  colonel  Peter 


105 


JEFFERSON 


JefFerson,  riche  planteur,  et  de  Jane  Randolph,  il  perdit 
son  père  en  4757.  Il  fit  de  fortes  études  classiques  et  prit 
une  grande  influence  sur  ses  camarades.  Il  exerça  à  partir 
de  1767  la  profession  d'a\'ocat  avec  un  rapide  succès  et, 
dès  4769,  fut  élu  pour  représenter  son  comté  dans  la 
Chambre  de  la  colonie.  11  devint  aussitôt  un  des  chefs  de 
l'opposition.  A  cette  époque,  il  construisit  sa  résidence  de 
Monticello  et  épousa  Martha  Skelton,  belle  et  riche  veuve. 
En  1774,  il  accentua  le  conflit  contre  la  métropole  et  le 
gouverneur.  Après  la  seconde  dissolution  du  parlement 
virginien,  il  joua  un  rôle  prépondérant  à  la  convention 
libre,  formée  par  les  députés  spontanément  réunis.  Il  rédigea 
sous  le  titre  de  Summary  View  of  the  rights  of  British 
America  un  énoncé  des  revendications  américaines,  qui 
fut  le  prélude  de  la  déclaration  d'indépendance.  Il  parut 
alors  trop  avancé  et  ne  fut  pas  adopté  par  le  congrès  des 
délégués  des  colonies.  Jefferson  fut  considéré  en  Amérique 
et  en  Angleterre,  où  son  manifeste  eut  un  grand  retentis- 
sement, comme  un  des  chefs  du  parti  national  américain. 
Il  fut  élu  au  congrès  de  1775  comme  suppléant  de  Ran- 
dolph, retenu  en  Virginie  par  ses  fonctions  de  président 
de  la  Chambre.  Il  rédigea  la  riposte  des  Virginiens  aux 
propositions  de  lord  North,  laquelle  fut  accueillie  avec 
enthousiasme  au  congrès  qui  en  adopta  les  termes.  En 
mai  1776,  il  reçut  de  la  Viri^inie  mandat  de  proposer  la 
déclaration  d'indépendance.  Il  fut  nommé  président  de  la 
commission  chargée  de  rédiger  cet  acte,  et  son  texte  fut 
adopté,  sauf  de  légères  modifications  (4  juii.  1776). 

Jefterson  consacra  les  années  suivantes  à  la  réforme 
radicale  des  institutions  de  la  Virginie  :  suppression  des 
substitutions;  abolition  du  droit  d'aînesse  remplacé  par  le 
partage  égal  entre  les  enfants;  liberté  religieuse;  suppres- 
sion de  la  rémunération  officielle  de  l'Eglise.  Il  fallut  une 
lutte  de  plusieurs  années  pour  faire  accepter  à  l'aristo- 
cratie virginienne  ces  principes  ;  par  là  Jetferson  fit  pré- 
valoir aux  Etats-Unis  un  esprit  tout  à  fait  différent  de 
celui  de  l'Angleterre  et  conforme  aux  principes  philoso- 
phiques qu'allait  promulguer  la  Révolution  française.  Il  fit 
également  passer  un  bill  prohibant  toute  importation  d'es- 
claves. Il  eut  moins  de  succès  lorsque,  élu  gouverneur  de 
son  Etat' (1779-81),  il  dut  résister  à  l'attaque  des  armées 
anglaises,  mais  ce  fut  parce  qu'il  avait  mis  toutes  ses  res- 
sources au  service  de  l'armée  fédérale.  Malgré  de  vives 
attaques,  l'assemblée  locale  lui  vota  des  remerciements.  Il 
rentra  au  congrès,  y  fut  rapporteur  de  la  paix  définitive 
avec  l'Angleterre,  fit  adopter  le  système  actuel  de  monnaie, 
remplaçant  la  livre  sterling  par  le  dollar,  fit  régler  l'orga- 
nisation des  vastes  territoires  de  l'Ouest,  cédés  par  la  Vir- 
ginie à  la  Confédération.  En  mai  1784,  il  fut  envoyé  en 
Europe  pour  négocier  avec  John  Adams  et  Benj.  Franklin 
les  traités  de  commerce.  En  1785,  le  congrès  le  nomma 
ministre  plénipotentiaire  eu  France,  à  la  place  de  Franklin, 
démissionnaire.  Il  vécut  à  Paris  très  heureux,  dans  l'in- 
timité de  ses  amis  d'Alembert,  Condorcet,  Destutt  de 
Tracy,  etc.  Il  préféra  toujours  la  France  à  l'Angleterre. 
Rentré  en  Amérique  en  1789,  il  reçut  le  poste  de  secré- 
taire d'Etat  dans  le  cabinet  de  Washington  (mars  1790). 
Il  y  fut  l'adversaire  résolu  d'Al.  Hamilton  et  devint  contre 
le  chef  des  fédéralistes  le  champion  des  républicains. 
Les  premiers  étaient  unitaires,  les  autres  décentralisateurs. 
Adversaire  résolu  du  système  anglais,  Jeff'erson  défendit 
l'autonomie  des  Etats  contre  son  rival  qu'il  accusait  de 
velléités  monarchiques.  Il  ne  put  empêcher  Hamilton  de 
prévaloir  dans  l'organisation  des  finances,  de  la  Banque  des 
Etats-Unis,  etc.  Partisan  de  la  France,  tandis  que  Hamil- 
ton l'était  de  l'Angleterre,  il  voulait  autoriser  l'armement 
de  croiseurs  américains  donnant  la  chasse  aux  navires  an- 
glais. Washington  imposa  une  stricte  neutralité,  mais 
Jeff'erson  obtint  la  reconnaissance  officielle  de  la  République 
française.  Le  ministre  français  Cenest  fit  armer  des  navires 
privés  contre  l'Angleterre  ;  il  s'ensuivit  un  violent  débat 
entre  Jefferson  et  Hamilton  auquel  le  président  donna  rai- 
son. Genest  fut  rappelé  et  bientôt  Jefferson  donna  sa  dé- 


mission. Quand  Washington  se  retira,  la  lutte  électorale 
des  deux  grands  partis  se  concentra  entre  Adams,  candidat 
des  fédéralistes,  et  Jeff'erson,  candidat  des  républicains. 
Le  premier  eut  la  majorité  ;  le  second,  ayant  obtenu  le 
plus  de  voix  après  lui,  fut  élu  vice-président.  Il  combattit 
la  rupture  avec  la  France  en  1798  et  fit  déclarer  par  la 
Virginie  et  le  Kentucky  qu'ils  s'y  opposeraient  par  la  force. 
En  1800,  les  républicains  l'emportèrent  dans  l'Etat  de 
New  York,  grâce  à  l'habileté  d'Aaron  Burr.  Celui-ci  fut 
porté  par  eux  aux  élections  présidentielles  [de  1801  pour 
le  poste  de  vice-président,  Jefferson  l'étant  pour  celui  de 
président.  Ils  eurent  la  majorité,  mais  obtinrent  le  même 
nombre  de  suffrages  ;  de  sorte  que,  comme  on  n'avait  pas 
spécifié  pour  quel  poste  les  votants  désignaient  chacun 
d'eux,  Burr  revendiqua  la  présidence.  Le  congrès  des  re- 
présentants dut  statuer,  et  Jefferson  ne  fut  élu  qu'au 
trente-sixième  tour  de  scrutin,  son  compétiteur  demeurant 
vice-président.  Il  administra  avec  beaucoup  de  sagesse, 
changea  peu  de  fonctionnaires,  substitua  au  cérémonial  de 
Washington  une  simplicité  démocratique  qui  accrut  sa 
popularité.  Il  obtint  de  la  France  la  cession  de  la  Loui- 
siane (1803),  fit  explorer  ses  nouvelles  acquisitions  par 
Lewis  et  Clarke  (1803-06),  mit  à  la  raison  les  Marocains 
et  les  Trij)olitains.  Il  fut  réélu  président,  avec  G.  Clinton 
pour  vice-président,  par  148  voix  sur  176  (1805).  L'achar- 
nement qu'il  déploya  contre  Burr,  inculpé  de  trahison 
(1806),  excita  une  vive  opposition.  Jefferson  revendiqua 
énergiquement  les  droits  des  Etats-Unis  dans  le  conflit 
an glo- français.  Le  blocus  général,  proclamé  par  les  deux 
adversaires,  privait  l'Amérique  des  bénéfices  que  lui  avait 
jusqu'alors  procuré  sa  neutralité.  En  1807,  après  l'inci- 
dent du  Chesapeake^  il  interdit  aux  navires  de  guerre 
britannique  les  eaux  américaines,  puis  il  mit  l'embargo  sur 
les  navires  nationaux  (déc.  1807),  afin  d'éviter  les  consé- 
quences des  blocus  européens.  En  févr.  1809,  on  adoucit 
cette  prohibition,  se  contentant  d'interdire  l'intercourse 
entre  les  belligérants.  Jetferson  refusa  un  troisième  mandat 
présidentiel  et  se  retira  à  Monticello  où  il  acheva  sa  vie.  Il 
s'occupa  de  la  création  de  l'université  de  Virginie.  Ruiné 
par  sa  fastueuse  hospitalité,  il  fut  autorisé  par  la  législa- 
ture à  mettre  ses  biens  en  loterie  (18^26).  Ce  projet  ne  fut 
pas  exécuté  ;  l'ancien  président  mourut  peu  après,  le 
même  jour  que  John  Adams. 

Jefferson  est  un  des  fondateurs  de  la  nation  américaine, 
le  représentant  le  plus  marquant  de  ses  tendances  démo- 
cratiques. Cet  homme  à  cheveux  roux,  aux  larges  yeux  gris, 
à  l'aspect  rude,  au  tempérament  ardent,  imbu  de  la  cul- 
ture française,  fut  un  logicien  disciple  des  philosophes  pa- 
risiens et  représentant  leur  esprit  en  face  de  l'esprit  anglais 
de  tradition.  Rationaliste  décidé,  il  niait  la  divinité  du  Christ, 
proclamait  le  droit  naturel,  n'admettant  pas  que  l'antiquité 
d'un  droit  suppléât  à  sa  justice.  Après  dix  ans  de  luttes 
contre  les  autoritaires  qui  marquèrent  la  constitution  fédé- 
rale à  leur  empreinte,  Jefferson  eut  à  son  tour  le  dessus.  11 
fit  passer  dans  les  mœurs  ses  habitudes  de  simpficité  et 
délivra  la  jeune  république  de  tout  le  cérémonial  européen. 
Il  ne  fut  pas  seulement  le  théoricien  de  la  démocratie,  il  en 
fut  le  modèle.  Il  n'a  jamais  parlé  en  public,  mais  il  entre- 
tint une  correspondance  étendue  et  jusqu'à  sa  mort  exerça 
ainsi,  de  Monticello,  une  influence  considérable.  Son  pres- 
tige dure  encore  et  ses  écrits  font  encore  autorité.  Les  prin- 
cipaux sont  :  le  code  virginien  (1779),  Notes  on  Virgi-^ 
nia  (1782,  rééd.  avec  notes  originales  en  1853),  un 
projet  de  constitution  (1783),  un  manuel  de  pratique  par- 
lementaire. On  a  publié  ses  œuvres  complètes  aux  frais 
du  congrès  :  The  Writvngs  of  Th.  Jefferson,  being  his 
aiitobiography ,  correspondence ,  reports,  messages, 
addr esses  and  other  writings  officiai  and  private  (Wa- 
shington, 1853-55,  9  vol.  in-8).  A. -M.  B. 

BiBL.  :  Les  principales  biographies  de  Jefferson  sont 
celles  de  G.  Tuoker  (Philadelphie,  1837,  2  vol.);  de  H. -S. 
RANDALL(New  York,  1858,  3  vol.);  de  sa  petite-fille  Sarah 
N.  Randolph  (New  York,  1871);  de  J.Parton  (Boston,1874) 
et  de  Morse  (Boston,  1886). 


JEFFERSONVILLE  —  JEHOVAH 


406  - 


JEFFERSONVILLE.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  d'In- 
diana,  sur  l'Ohio,  en  face  de  Louisville;  12,000  hab.  Ate- 
liers pour  les  chemins  de  fer;  construction  de  machines  à 
vapeur,  etc. 

JEFFREY  (Francis,  lord),  écrivain  anglais,  né  à  Edim- 
bourg le23oct.  1773,mortà  Edimbourg  le  26janv.  1830. 
il  fit  de  fortes  études  à  Glasgow,  à  Edimbourg,  à  Oxford  et 
se  fit  inscrire  au  barreau.  Un  des  membres  les  plus  bril- 
lants de  la  Spéculative  Society  où  il  connut  Scott,  Jeffrey 
commença  à  publier  des  critiques  littéraires  qui  furent 
remarquées.  Il  se  lança  aussi  avec  ardeur  dans  la  poli- 
tique et  écrivit,  dans  l'esprit  whig,  un  essai  sur  la  poli- 
tique (1793).  Venu  à  Londres,  il  fit  partie  avec  Brougham, 
Brown,  Horner,  de  l'Academy  of  Physicks;  avec  eux  et 
Sidney  Smith,  il  fonda  VEdinburgh  Reuiew,  dont  il  fut  le 
premier  directeur.  Cette  revue  obtint  un  succès  immédiat 
dû  à  son  libéralisme  et  à  son  indépendance.  Son  premier 
numéro,  paru  le  10  oct.  1802,  était  vendu  à  2,500  exem- 
plaires en  4803  ;  on  atteignit  un  tirage  de  9,000  en  1808, 
de  13,000  en  1814.  La  vie  de  Jeffrey  est  dès  lors  liée  à 
l'histoire  de  la  revue.  Il  eut  en  1806  un  duel  retentissant 
avec  Moore,  offensé  par  un  article.  Puis  en  1812,  étant 
tombé  amoureux  d'une  Américaine,  miss  Wilkes,  il  la  sui- 
vit en  Amérique  en  1813,  l'épousa  et  reprit  ses  fonctions 
de  directeur  qu'il  avait  brusquement  abandonnée^  à  la  suite 
de  ce  coup  de  passion.  Au  reste,  ayant  été  élu  en  1829  à 
l'unanimité  doyen  de  la  faculté  des  avocats,  il  les  céda  à 
Macvey  Napier.  A  l'avènement  des  whigs  au  pouvoir  (1830), 
il  fut  nommé  lord  avocat.  Elu  membre  du  Parlement  par 
les  bourgs  du  Forfarshire,  puis  par  Malton,  enfin  par  Edim- 
bourg (1832),  il  défendit  le  Scottish  Reform  Bill  de  1831- 
32  et  le  Burgh  Bill  de  1833  et  devint  en  1834  juge  à 
la  cour  de  sessions.  Il  se  consacra  avec  ardeur  à  ses  devoirs 
judiciaires.  Mais  toujours  passionné  pour  la  littérature  et 
l'art,  il  fit  de  sa  maison  un  des  cercles  les  plus  brillants 
d'Edimbourg.  Il  était  en  termes  très  amicaux  avec  Dickens 
et  Macaulay  auxquels  il  donna  d'excellents  conseils.  Carlyle 
écrit  que  Jeffrey  fut  le  prince  des  critiques  anglais  et  il  le 
compare  à  Voltaire.  C'est  un  jugement  qu'on  ne  peut  accep- 
ter sans  réserves.  Jeffrey,  quoique  toujours  poli  et  réservé, 
fut  un  critique  généralement  froid  et  malveillant.  Il  ignora 
l'importance  de  la  révolution  romantique  et  mystique  ac- 
complie par  W.  Scott,  Coleridge,  Shelley,  Wordsworth  et 
ne  reconnut  le  mérite  de  Byron  et  de  Moore  qu'après  que 
le  succès  populaire  l'eût  consacré.  Ses  articles  ont  été  réu- 
nis en  quatre  volumes  (Edimbourg,  1844-53).  On  a  de 
Jeffrey  un  portrait  par  Colvin  Smith  et  un  beau  buste  en 
marbre  par  Patrick  Park  qui  est  à  la  National  Portrait 
Gallery.  R.  S. 

BiBL.  :  Lord  Cockburn,  Life  of  lord  Jeffrey^  with  a  sé- 
lection from  his  correspondence,  1852,  2  vol. 

JEFFREYS  (George,  baron),  célèbre  magistrat  anglais, 
né  à  Acton  (Denbi^hshire)  en  1648,  mort  à  Londres  le 
48  avr.  1689.  Ambitieux  et  remuant,  il  eut,  fort  jeune, 
l'idée  de  se  faire  un  nom  dans  la  magistrature  ;  pourtant, 
lorsqu'il  débuta  au  barreau  en  1668,  il  avait  plus  fré- 
quenté les  cabarets  que  les  écoles  de  droit.  Il  avait  eu 
toutefois  le  talent  de  se  créer  des  relations  ayantageuses. 
Comme  avocat,  il  obtint  un  succès  rapide.  En  1678,  il  était 
nommé  recorder  de  la  Cité.  Le  complot  papiste  le  mit  tout 
à  fait  en  lumière.  II  y  prit  le  parti  du  gouvernement  avec 
un  tel  zèle  qu'il  fut  nommé,  en  1680,  chief  justice  de  Ches- 
ter  et  conseiller  de  la  couronne.  Il  joua  un  rôle  identique 
en  d'autres  procès  politiques,  notamment  lors  de  la  pour- 
suite de  lord  William  Russell  impliqué  dans  le  complot  de 
la  Rye  House.  Il  fut  récompensé  de  ces  nouveaux  services 
par  le  poste  de  chief  justice  d'Angleterre  (29  sept.  4683) 
et  l'entrée  au  conseil  privé  (4  oct.).  Il  présida  en  cette 
qualité  au  procès  de  Titus  Oates,  et  sa  conduite  en  cette 
affaire  lui  valut  le  titre  de  baron  Jeffreys  de  Wem  (15  mai 
4685)  ;  il  fut  un  des  membres  les  plus  actifs  de  la  fameuse 
commission  de  justice  instituée  après  la  bataille  de  Sedge- 
moor,  qui  prononça  tant  d'iniques  condamnations.  Non  seu- 


lement Jeffreys  gagna  une  fortune  importante  aux  Assises 
sanglantes,  mais  il  y  ramassa  les  fonctions  de  lord  chan- 
celier (28  mai  168.5).  Arrogant,  grossier,  de  mœurs  cra- 
puleuses, il  n'était  rien  moins  que  populaire;  aussi,  lors  de 
la  révolution  de  1688,s'empressa-t~il  de  prendre  la  fuite, 
déguisé  en  matelot.  Reconnu,  il  fut  entouré  par  une  foule 
qui  menaça  de  lui  faire  un  mauvais  parti.  Conduit  sous 
bonne  escorte  à  la  Tour,  il  essaya  de  se  sauver  en  promet- 
tant à  Guillaume  d'Orange  d'importantes  révélations  rela- 
tives à  la  succession  au  trône  ;  mais  il  mourut  avant  que 
son  procès  n'eût  commencé.  Intelligent,  spirituel,  mais  dé- 
nué de  tout  principe  et  d'une  versatdité  politique  choquante, 
Jeffreys  a  été  peut-être  l'homme  le  plus  connu  et  le  plus 
exécré  de  son  temps.  On  a  de  lui  de  nombreux  portraits, 
dont  l'un  figure  à  la  National  Gallery.  R.  S. 

BiBL.  :  WooLRYGH,  Memoivs  ofthe  life  ofjudge  Jeffreys, 
1827.  ~  Western  Marlyrology  or  Bloody  Assizes,  toqether 
with  the  life  and  deatfi  of  George  lord  Jeffreys,  1705.  — 
Life  and  character  of  the  late  lord  chancellor  Jeffreys,  1725. 

JEGUN.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Gers,  arr.  d'Auch; 
1,646  hab. 

JEHAN  DE  SoissoNS  ou  de  Damas  (V.  Damas). 

JEHANNIN  (François-Claude), jurisconsulte  français,  né 
à  Louhans  en  1630,  mort  à  Dijon  le  22  nov.  1698.  Avocat 
au  parlement  de  Bourgogne  (1649),  substitut  du  procureur 
général  (1652),  il  jouissait  d'une  telle  réputation  qu'on 
l'avait  surnommé  le  Papinien  de  la  Bourgogne.  Ses  œuvres 
ne  sont  certainement  pas  de  nature  à  justifier  une  telle 
renommée.  Citons  :  Remontrance  des  états  de  Bourgogne 
touchant  le  franc-alleu  (1692)  ;  Coutume  générale  des 
pays  et  duché  de  Bourgogne,  avec  des  notes  (Dijon, 
1736).  — Son  petit-fils,  François-Jean-Baptiste,  sieur  de 
Chamblanc,  né  à  Dijon  le  2  févr.  1722,  mort  vers  4791, 
fort  lié  avec  Jussieu  et  Buffon,  s'occupa  passionnément 
d'histoire  naturelle  et  fut  le  premier  fondateur  du  cabinet 
minéralogique  de  Dijon,  dispersé  pendant  la  Révolution. 

JEHOTTE  (Louis), statuaire  belge,  né  à  Liège  en  1803, 
mort  à  Bruxelles  le  3  févr.  4885.  Fils  de  Léonard 
Jehotte,  qui  fut  le  dernier  graveur  des  monnaies  duprince- 
évèque  de  Liège,  il  vint  de  b)nne  heure  à  Florence,  puis  à 
Rome  où  il  reçut  les  leçons  deMathias  Kessels  et  de  Thor- 
waldsen,  au  collège  Liégeois,  fondé  par  Lambert  Darchès. 
Dès  1824,  il  était  récompensé  par  l'Académie  de  San  Luca. 
De  retour  à  Liège,  il  exécuta  le  monument  de  M.  de  Méan, 
prince-évêque  de  Liège,  qui  fut  élevé  dans  l'église  métro- 
pohtaine  de  Saint-Rombaut,  puis  une  statue  du  Prince 
Charles  de  Lorraine  érigée,  en  1848,  devant  le  Palais 
de  l'Industrie  à  Bruxelles,  et,  par  la  suite,  une  Baigneuse, 
un  Caïn  qui  figura  à  l'Exposition  universelle  de  Paris  en 
1855,  les  bustes  du  Roi  Léopold,  du  Général  Desprez, 
de  V Archevêque  Ch.  d'Argenteau,^  etc.  Il  fut  nommé  de 
bonne  heure  membre  de  l'Académie  royale  des  beaux- 
arts  de  Belgique.  G.  A. 

JÉHOVAH.  Appellation  de  la  divinité  propre  au  peuple 
d'Israël.  Cette  appellation  elle-même  doit  être  corrigée,  les 
Juifs  s'étant  interdit  de  bonne  heure  de  prononcer  le  nom 
sacré  et  le  remplaçant  dans  la  lecture  par  des  termes  gé- 
nériques, tels  que  Dieu  ou  le  Seigneur.  Cependant  on  a 
laissé  subsister  dans  le  texte  hébreu  les  quatre  consonnes 
yod,  hé,  mi;,/i(?quiconstituentlacharpentedutétragramme 
ineffable,  et  on  les  a  entourées  des  voyelles  du  mot  Ado- 
naï,  Seigneur;  cela  a  donné  naissance  à  la  fausse  lecture 
Jéhovah.  Si  on  restitue  par  conjecture  les  voyelles  qui  con- 
viennent au  tétragramme  yhvh,  on  obtient,  selon  toutes  les 
vraisemblances,  la  forme  Ya/iy^Vi,  désormais  adoptée  (sauf 
des  nuances  tout  à  fait  secondaires)  par  la  littérature  scien- 
tifique en  Allemagne,  en  France  et  en  Angleterre.  On  peut 
donc  admettre  que,  à  partir  de  l'époque  oîi  il  apparaît  pour 
la  première  fois  à  la  lumière  de  l'histoire,  c.-à-d.  vers 
1100  avant  notre  ère,  Yahvéhkiaiit  le  nom  par  excellence 
du  dieu  d'Israël.  Ce  nom  avait-il  été  emprunté  au  dehors? 
Rien  ne  nous  autorise  à  le  croire.  Ce  qu'on  peut  affirmer 
sans  hésitation,  c'est  que  la  théologie  juive,  représentée 


107 


JÉHOVAH  —  JÉLIOTTE 


tout  particulièrement  par  le  Deutéronome  et  les  écrits 
prophétiques,  tient  l'appellation  Yahvék  pour  la  désigna- 
tion expresse  de  la  divinité  en  tant  que  protectrice  spéciale 
d'Israël,  ce  qui  est  résumé  dans  les  formules  bien  connues  : 
«Je  suis  Yahvéh,  ton  dieu,  qui  t'ai  lire  du  pays  d'Egypte» 
et  «  Je  suis  Yahvéh,  ton  dieu  à  partir  du  pays  d'Egypte.  » 
On  a  fait  de  grands  efforts  pour  préciser  le  sens  qui  s'at- 
tachait originairement  au  mot  Yahvéh,  mais  ces  tentatives 
n'ont  pas  été  couronnées  de  succès.  On  ne  peut  pas  tenir 
pour  valable  l'explication  souvent  proposée  :  il  est,  ou  :  il 
fait  être,  c.-à-d. .  il  crée.  Yakvéh^  dont  la  prononciation 
serait  peut-être  plus  exactement  reproduite  en  écrivant 
Yahouéh,  se  présente  à  nous  dans  un  très  grand  nombre 
de  noms  propres  portés  par  les  Israélites,  avec  des  formes 
abrégées  telles  que  Yahou,  Yeho,  Yo,  Yah.     M.  Vernes. 

JÉHU,  roi  d'Israël  (royaume  des  Dix-Tribus)  dans  la 
première  moitié  du  ix®  siècle  avant  notre  ère.  Joram,  roi 
d'Israël,  fils  et  successeur  d'Achab,  avait  été  blessé  devant 
la  place  forte  de  Ramothdu  Galaad,  qu'il  se  proposait  d'en- 
lever aux  Syriens  et  était  retourné  à  Jezrahel  pour  s'y  gué- 
rir. Un  de  ses  officiers,  du  nom  de  Jéhu,  profita  de  cette 
circonstance  pour  se  substituer  à  lui  ;  après  avoir  obtenu 
l'assentiment  de  l'armée,  il  marcha  vivement  sur  Jezrahel, 
où  il  mit  à  mort  Joram  et  tous  les  membres  de  la  famille 
royale.  Son  règne  de  vingt-huit  ans  ne  semble  pas  avoir 
été  fort  brillant,  au  moins  en  ce  qui  touche  le  conflit  avec 
les  Syriens,  qui  maintinrent  et  fortifièrent  contre  lui  les  po- 
sitions qu'ils  occupaient  sur  la  rive  orientale  du  Jourdain. 
Le  nom  de  Jéhu  se  trouve  mêlé  à  la  légende  du  prophète 
Elisée  ;  les  livres  bibliques  assurent  que  c'est  à  l'instigation 
de  ce  dernier  qu'il  aurait  renversé  Joram,  afin  de  venger 
l'outrage  fait  au  culte  national  par  la  faveur  accordée  aux 
divinités  phéniciennes.  On  nous  le  représente,  en  consé- 
quence, dans  des  scènes  pittoresques,  faisant  piétiner  et 
jeter  aux  chiens  le  corps  de  la  vieille  Jézabel,  veuve  d'Achab, 
et  réunissant  tous  les  adhérents  de  Baal  sous  un  faux  pré- 
texte dans  le  temple  érigé  en  l'honneur  du  dieu  phénicien, 
de  manière  à  les  exterminer  d'un  seul  coup.     M.  Vernes. 

JÉJ UN 0-1  LÉON  (V.  Intestin). 

JÉJUNUM  (V.  Intestin). 

JEJUY.  Rivière  du  Paraguay,  affluent  gauche  du  Para- 
guay. 11  reçoit  à  droite  l'Aguarey  (cascade  de  125  m.  de 
haut),  et  traverse  la  région  où  croît  le  yerba  mate^  dont 
on  transporte  de  grandes  quantités  par  son  cours.  Il  ar- 
rose San  Pedro. 

JEKYLL  (Joseph),  homme  politique  anglais,  né  en  1753, 
mort  à  Londres  le  8  mars  1837.  Avocat  sans  causes,  il  se 
fit  une  grande  réputation  par  sa  collaboration  au  Morning 
Chronicle  et  à  VEvening  Statesman,  où  il  donna  notam- 
ment une  satire  extrêmement  spirituelle  contre  la  taxe  sur 
le  sel  imposée  par  Pitt.  Elu  au  Parlement  par  Calne  en  4787, 
il  représenta  cette  circonscription  jusqu'en  4816.  Il  y  réus- 
sit peu,  quoiqu'il  parlât  beaucoup  ;  mais,  fort  connu,  il  jouis- 
sait d'un  autre  genre  de  célébrité,  étant  l'objet  de  prédi- 
lection des  caricatures  des  feuilles  satiriques.  Favori  du 
prince  de  Galles,  il  fut  nommé,  en  1805,  soliciter  général 
et  conseiller  du  roi,  en  1815  maître  à  la  chancellerie.  Il 
a  laissé  :  Letters  ofthe  late  îgnatius  Sancho,  an  Afri- 
can  who  knew  many  celebrities  (1782,  2  vol.)  ou  du 
moins  le  mémoire  anonyme  qui  précède  cet  ouvrage,  qui 
obtint  un  grand  succès,  et  Facts  and  observations  rela- 
ting  to  the  Temple  Church  (1811).  R.  S. 

JELACIC  (Joseph)  (on  écrit  aussi  Jellâchich),  général 
croate,  né  à  Petrovaradin  (Pcterwardein)  en  1801,  mort  à 
Agram  en  1859.  Il  était  fils  d'un  général  qui  avait  servi 
dans  les  guerres  de  Turquie  et  d'Italie.  Il  entra  à  l'âge  de 
dix-huit  ans  dans  l'armée  autrichienne.  En  1842,  il  était 
colonel.  En  1845,  il  se  distingua  dans  la  campagne  de 
Bosnie;  sympathique  au  mouvement  national  de  l'illyrisme, 
son  nom  devint  populaire  chez  les  Slaves  méridionaux.  En 
4848,  sur  la  demande  de  ses  compatriotes,  les  Croates, 
l'empereur  le  nomma  (le  22  mars)  général,  ban  de  Croatie- 
Slavonie  et  commandant  d'une  partie  de  la  frontière  mili- 


taire. Il  résista  en  cette  qualité  aux  prétentions  du  minis- 
tère hongrois  qui  voulait  mettre  la  main  sur  la  frontière 
militaire.  L'empereur  Ferdinand  le  manda  à  Innsbruck 
pour  s'expliquer  sur  ce  conflit  et  le  destituer.  Mais  Jeiacic 
ne  tint  pas  compte  de  cette  destitution,  se  fit  installer  ban 
par  l'archevêque  de  Karlovtsi  et  le  11  sept,  il  prit  l'offen- 
sive contre  les  Hongrois,  puis  il  marcha  sur  Vienne  qui 
était  en  révolution  et  entra  dans  cette  ville  après  avoir 
refoulé  les  Hongrois  au  combat  de  Schwechat.  Il  pénétra 
ensuite  en  Hongrie  et  le  5  janv.  1849  il  entra  avec  Wen- 
dischgratz  dans  Buda  et  dans  Pest.  Au  mois  de  mars  1849 
il  fut  nommé  feldzeugmeister.  Au  mois  de  juille  il  fut  battu 
près  de  Hegyes  par  les  Hongrois.  La  campagne  finie, 
Jeiacic  reprit  sa  place  dans  l'armée  autrichienne.  En  1854, 
il  reçut  le  titre  de  comte.  En  vertu  d'un  ordre  impérial  un 
régiment  croate  porte  le  nom  de  régiment  Jeiacic.  Dans  sa 
jeunesse  le  futur  général  avait  publié  des  poésies  alle- 
mandes (Gedichte  ;  Vienne,  1851)  qui  ne  sont  pas  sans 
valeur,  et  qui  ont  été  retraduites  en  croate.  Sa  statue 
s'élève  sur  une  des  places  de  la  ville  d'Agram.     L.  L. 

JELENSKY  (V.  Hrubt  z  Jeleni). 

JELINEK  ou  GELINEK,  nom  de  plusieurs  musiciens 
tchèques.  —  Herïnann,  né  en  1709,  mort  en  1779,  a 
italianisé  son  nom  qui  veut  dire  Cerf  sous  la  forme  Cer- 
veiti.  Après  avoir  été  moine,  il  quitta  son  monastère  et 
parcourut  le  monde  ;  il  résida  notamment  en  France  et  en 
Italie.  Il  a  publié  des  concerti  et  des  sonates.  Ses  œuvres 
inédites  sont  encore  aujourd'hui  conservées  au  monastère 
de  Zeliv  (Seelau).  —  Joseph^  né  à  Jedlice  en  1758,  mort 
à  Vienne  en  1825,  fut  élève  de  Segert;  remarqué  par 
Mozart  et  par  Haydn  pour  son  talent  sur  Torgue  et  le 
piano,  il  fut  attaché  comme  musicien  à  diverses  grandes 
familles,  notamment  aux  Kinsky  et  aux  Esterhazy.  Ses 
compositions  sont  fort  nombreuses  :  on  en  compte  une  cen- 
taine. Elles  ont  été  publiées  à  Vienne,  à  Berlin,  à  Mayence, 
à  Paris.  —  Vilem\  né  à  Paris  en  1667,  mort  en  1735, 
était  aussi,  comme  son  nom  l'indique,  d'origine  tchèque. 
Il  fut  maître  de  chapelle  de  Napoléon,  de  Louis  XVIII  et 
de  Charles  X,  inventa  une  harpe  nouvelle  et  écrivit  quel- 
ques ouvrages.  L.  L. 

J  ELIN  EK  (Karl),  météorologiste  autrichien,  né  à  Brunn 
le  23  oct.  1822,  mort  à  Vienne  le  19  oct.  1876.  H  étudia 
d'abord  le  droit,  puis  les  mathématiques  et  la  physique, 
fut  successivement  attaché  aux  observatoires  de  Vienne 
(1843)  et  de  Prague  (1847),  enseigna  ensuite  les  mathé- 
matiques supérieures  à  l'Institut  polytechnique  de  Prague 
(1852-62)  et  succéda  en  1863  à  Kreil  comme  direc- 
teur du  Bureau  central  météorologique  et  magnétique  de 
Vienne,  auquel  il  donna  une  très  grande  extension.  Il 
fut  nommé  en  1874  membre  de  l'Académie  de  Vienne. 
Les  résultats  de  ses  importants  travaux  sur  la  météorolo- 
gie et  le  magnétisme  terrestre  se  trouvent  consignés  dans 
une  cinquantaine  de  mémoires  originaux  publiés  principa- 
lement par  le  recueil  de  l'Académie  de  Vienne  et  par  la 
Meteorolog.  Zeitschrift,  Il  a,  en  outre,  donné  à  part  : 
Psychrometer-Tafebi  fur  das  hunderttheilige  Thermo- 
meter^  en  collab.  avec  H.  Wild  (Vienne,  1871 ,  in-4  ;  3®  éd., 
Leipzig,  1887)  ;  Anleilimg  zur  Anstellung  meteoroL 
BeobaMungen  (Vienne,  1876,  in-8),  etc.  Il  a  aussi  in- 
venté plusieurs  instruments  très  ingénieux.  L.  S. 

BiRL.  :  Catalogue  of  scientif.  papers  de  la  Soc.  roy.  de 
Londres,  t.  III  et  VIII. 

JELINEK  (Edvard),  littérateur  tchèque,  né  à  Prague  en 
1855.  Il  entra  dans  l'administration.  Comme  écrivain, il  s'est 
surtout  occupé  de  la  littérature  des  peuples  slaves,  a  publié 
de  1881  à  1886  un  recueil  fort  important,  la  Revue  slave, 
et  collaboré  à  des  revues  tchèques  et  polonaises.  On  lui 
doit,  en  outre,  un  certain  nombre  d'ouvrages  en  langue 
tchèque,  notamment  des  Etudes  sur  la  société  polo- 
naise, sur  la  Lithuanie  et  sur  les  Cosaques,  etc. 

JÉLIOTTE  ou  JÉLYOTTE  (Pierre),  chanteur  scénique 
français,  né  à  Lasseube  (Basses-Pyrénées)  le  13  avr.  1 713, 
mort  vers  1790.  II  fut  l'un  des  artistes  les  plus  renommés 


JELIOTTË  -  JEMTLAND 


~  108 


et  les  plus  justement  célèbres  de  notre  Académie  royale  de 
musique,  où  ses  succès  sont  restés  légendaires.  Il  reçut 
une  excellente  éducation  musicale  à  la  maîtrise  de  la  cathé- 
rale  de  Toulouse,  où  il  apprit  à  jouer  de  divers  instru- 
ments, entre  autres  de  la  guitare  et  du  théorbe,  sur  les- 
quels il  devint  fort  liabile.  Après  avoir  été  enfant  de  chœur 
dans  cette  église,  il  faisait  partie  de  ses  musiciens  en  qua- 
lité de  haute-contre,  lorsque  TOpéra  le  fit  venir  à  Paris. 
Jéliotte  était  à  peine  âgé  de  vingt  ans  lorsqu'il  débuta  à  ce 
théâtre,  à  la  réouverture  de  Pâques  de  l'année  1733.  Il  y 
connut  aussitôt  le  succès,  grâce  à  une  voix  délicieuse,  dont 
il  savait  tirer  le  parti  le  plus  heureux,  et  fut  bien- 
tôt une  des  gloires  de  l'Opéra,  où  sa  seule  présence 
suffisait  pour  enchanter  les  spectateurs.  Jéliotte  et  l'ado- 
rable M^^^  Fel  firent  pendant  de  longues  années  les  délices 
du  public,  et  les  triomphes  qu'ils  obtinrent  ensemble  dans 
divers  opéras,  particulièrement  le  Devin  du  village  et 
Daphnis  et  Alcimadure^  sont  demeurés  célèbres.  En 
dehors  des  rôles  nombreux  qu'il  reprit  dans  les  ouvrages 
du  répertoire,  Jéliotte  en  créa  plus  de  quarante  dans 
des  opéras  de  Rameau,  Mouret,  Mondonville,  Dauvergne, 
Campra  et  autres  compositeurs.  Jéliotte  prit  sa  retraite  de 
l'Opéra  au  plus  fort  de  ses  succès,  dès  1755  ;  il  reçut  une 
pension  de  1,500  livres  et  continua  déjouer  sur  les  théâtres 
de  la  cour  jusqu'en  1765  ;  il  avait  été  pourvu  d'une  charge 
de  maître  de  guitare  du  roi  et  avait  obtenu,  en  survivance 
de  son  camarade  Tribou,  la  place  de  théorbe  de  la 
chambre;  enfin,  en  1780,  le  roi  lui  accorda  une  pension 
de  8,516  livres,  en  qualité  de  vétéran  de  sa  musique. 
Excellent  musicien,  Jéliotte  avait  écrit,  pour  le  service  de 
la  cour,  la  musique  d'une  comédie  lyrique  de  La  Noue, 
Zélisca^  qui  y  fut  représentée  en  1746.  On  lui  doit  aussi 
un  certain  nombre  de  chansons  agréables.  Cet  artiste  fort 
remarquable  était  aussi  un  homme  accompli  ;  recherché 
de  toutes  parts  pour  son  talent  et  ses  qualités,  il  était  reçu 
jusque  chez  les  grands,  qui  le  tenaient  en  haute  estime.  -— 
Le  musée  du  Louvre  possède  un  tableau  d'Olivier  représen- 
tant Un  Thé  chez  le  prince  de  Conti^  au  Temple,  dans 
lequel  on  voit  Jéliotte  accompagnant  sur  sa  guitare  Mozart 
enfant,  jouant  du  clavecin.  Un  autre  tableau  du  Louvre, 
celui-ci  de  Charles  Coypel,  offre  un  curieux  portrait  de 
Jéliotte  sous  des  habits  de  femme,  peut-être  dans  un  de 
ses  rôles  de  l'Opéra.  Arthur  Pougin. 

JELLACHICH(V.  Jelacic). 

JELLETT  (John-Hewitt),  mathématicien  et  ecclésias- 
tique irlandais,  né  à  Cashel  (Tipperary)  le  25  déc.  1817, 
mort  à  Dublin  le  19  févi'.  1888.  Il  entra  dans  les  ordres 

à 
président  de  la  Royal 
Irish  Academy,  et  en  1881,  par  le  ministère  Gladstone, 
proviseur  du  Trinity  Collège  de  Dublin.  Après  la  sépara- 
tion de  l'Eglise  irlandaise,  il  prit  une  part  active  aux  tra- 
vaux du  synode  général.  Il  s'est  acquis  la  réputation  d'un 
savant  de  premier  ordre  par  de  nombreux  mémoires  de 
mathématiques  pures  et  appliquées  et  de  physique,  insérés 
dans  les  Transactions  et  les  Proceedings  de  l'Académie 
irlandaise,  dans  le  Journal  de  Liouville,  dans  les  Reports 
de  la  British  Association,  etc.,  et  par  deux  excellents  ou- 
vrages de  mathématiques  :  A  Treatise  of  the  Calculus  of 
Variations  (Dublin,  1850);  A  Treatise  on  the  Théo  ri/ 
of  friction  (Londres,  4  872,  in-8  ;  2«  édit.,  [1876).  Il  "a 
aussi  publié  quelques  écrits  religieux,  entre  autres  :  An 
Examination  of  some  of  the  moral  difficullies  of  the 
0kl  Testament  (Dublin,  1875,  in-8)  ;  The  Ejficacity  o/ 
Frayer  (Londres,  1878,  in-8  ;  2«éd.,  1880).      L.  S. 

BiBL.  :  Times,  21  et  24  févr.  1888.  ~  Gravhic,  10  mars 
1888.  —  Catalogue  of  scientlficpapersof  the  Royal  Society  ; 
Londres,  1869  et  1879,  t.  III  et  VIII. 

JELOWICKI  (Alexandre),  prédicateur  polonais,  né  en 
Podolie  en  1804,  mort  à  Rome  en  1877.  Il  quitta  la  Po- 
logne après  l'insurrection  de  1830  et  s'établit  à  Paris.  Il 
y  fonda  d'abord  une  librairie,  puis  se  fit  prêtre  et  entra  dans 
l'ordre  des  résurrectionnistes  dont  il  devint  plus  tard 


en  1846,  fut  nommé  en  1848  professeur  de  physique  à 
l'université  de  Dublin,  en  1869  président   de   la  Royal 


supérieur.  Il  a  publié  de  d835  à  1857  un  recueil  intitulé 

Nouvelles  du  pays  et  de  rémigration,  un  Recueil  de  ser- 
mons (Leipzig,  1864),  des  Oraisons  funèbres  (Paris, 
1869).  On  lui  doit  aussi  deux  volumes  de  Souvenirs 
(Paris,  1839,  2«  édit.,  Poznan,  1878).  Il  fut  lié  avec 
Mickiewicz  et  contribua  à  la  publication  de  quelques-unes 
de  ses  œuvres.  L.  L. 

BiBL.:  EsTREiCHER,  Bibliographie  polonaise  clii  xix»  siè- 
cle. —  Notice  dans  VAnnuaire  (tiocznik)  de  la  Société 
littéraire  polonaise  de  Paris  ;  Poznan,  1879. 

JEMÂPPES  (Belgique)  (V.  Jemmapes). 

JEMEPPE.  Com.  de  Belgique,  prov.  et  arr.  de  Liège, 
sur  la  Meuse  ;  9,000  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Liège 
à  Paris.  Exploitations  de  charbonnages  et  de  carrières  ; 
fabriques  de  cuivre,  de  chaudières;  forges.  Jemeppe  est  le 
lieu  de  naissance  de  Renkin-Sualem  (1644-1708),  créateur 
de  la  machine  de  Marly. 

JEIVIMAPES.  Com.  belge  de  la  prov.  de  Hainaut,  arr. 
de  Mons,  sur  la  Haine  et  sur  le  canal  de  Mons  à  Condé  ; 
12,000  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Mons  à  Valen- 
ciennes.  Importantes  exploitations  de  charbonnages,  fonde- 
ries, fabriques  de  machines  à  vapeur,  cristalleries,  lami- 
noirs; commerce  agricole.  — Jemmapes  est  célèbre  par 
la  sanglante  bataille  qui  fut  livrée  sur  son  territoire  le 
6  nov.  1792.  Dumouriez,  à  la  tête  de  50,000  hommes, 
battit  complètement  l'armée  autrichienne,  forte  de  30,000 
soldats,  commandée  par  le  duc  Albert  de  Saxe-Teschen. 
Les  conséquences  de  cette  défaite  étaient  incalculables  : 
les  impériaux  perdaient  4,000  hommes  tués  ou  blessés  et 
devaient  battre  en  retraite  jusqu'à  la  Meuse.  Ce  succès  était 
l'œuvre  de  Dumouriez  et  de  ses  trois  lieutenants,  Thouve- 
not,  Dampierre  et  le  duc  de  Chartres,  qui  devint  plus  tard 
roi  des  Français.  E.  H. 

BiBL.  :  Chuquet,  Jeynmapes  et  la  conquête  de  la  Bel- 
gique; Paris,  1890,  in-18. 

JElViaiÂPES  (Dép.  de).  L'un  des  huit  départements 
français  formés  des  Pays-Bas  en  1801,  après  le  traité  de 
Lunéville.  Il  avait  Mons  pour  chef-lieu.  Il  fut  enlevé  à  la 
France  en  1814. 

JEMMAPES.  Ville  d'Algérie,  dép.  de  Constantine,  arr. 
de  Phihppeville,  à  30  kil.  de  Philippeville,  à  117  kil.  de 
Constantine,  dans  une  belle  plaine  arrosée  par  l'oued  Fen- 
dek.  Elle  a  pour  annexes  les  villages  d'Ahmed-ben-Ali  et 
de  Sidi-Nassar,  et  est  le  chef-heu  d'une  commune  de  plein 
exercice  de  3,027  hab.  dont  1,014  Français  et  d'une  com- 
mune mixte  de  27,340  hab.  dont  440  Français.  Centre 
créé  en  1848  et  peuplé  de  familles  parisiennes,  c'est  une 
des  communes  les  plus  riches  du  département  et  un  centre 
agricole  assez  animé.  Alentour  il  y  a  de  beaux  vignobles, 
des  cultures  de  tabacs  et  céréales,  des  exploitations  de 
liège  et  d'écorce  à  tan  ;  à  Ras-el-Ma,  il  y  a  une  mine  de 
mercure,  du  minerai  de  plomb  à  l'Oued-Moukhal  et  une 
source  thermale  exploitée  à  l'Oued-Hamimine. 

JEMTCHOUJNIKOV,  poète  russe,  né  en  1822.  Il  fit  ses 
études  à  Pétersbourg,  servit  au  Sénat  et  au  conseil  de  l'em- 
pire. Il  publia  un  certain  nombre  de  poèmes  satiriques  sous 
le  pseudonyme  de  Kouzma  Proutkov  et  deux  comédies  en 
vers:  Une  Nuit  terrible {iSoO)  et  la  Folie  (1854)  qui  ob- 
tinrent un  grand  succès.  On  loue  particulièrement  l'humour 
de  ses  satires. 

JEMTLAND  et  Ostersund.  La;n  de  la  Suède  septen- 
trionale, compris  entre  la  Norvège  àl'0.,'le  Westerbotten 
au  N.,  le  Westernorrland  et  Gefleborg  à  l'E.,  le  Koppar- 
berg  au  S.;  52,219  kil.  q.  ;  80,000  hab.  Il  comprend 
le  Jemtland,  le  S.  d'Ilerjeâdalen  et  le  diocèse  d'Yytterhog- 
dal.  s'étendant  sur  les  bassins  supérieurs  du  Ljusne,  de 
rindals  et  du  Storse.  Ses  froides  vallées,  avec  leurs  lacs  et 
leurs  tourbières  entourés  de  vastes  forêts,  laissent  peu  de 
place  aux  champs.  On  élève  beaucoup  de  chevaux  ;  on  vend 
le  cuir  des  troupeaux,  les  produits  forestiers,  le  cuivre,  le 
plomb,  le  cristal  de  roche,  le  poisson  des  lacs,  etc.  La  seule 
ville  est  Ostersund.  Le  chem.  de  fer  de  Stockholm  à  Throndh- 
jem  traverse  le  pays. 


109  — 


JENATSGH  —  JENSEN 


JENATSCH  (Georges),  militaire  grisou,  né  à  Samaden 
(Flaute-Engadine)  en    1596,  mort  assassiné  à  Coire  le 

24  janv.  1639.  Il  étudia  la  théologie  à  Zurich  et  Bàle  et 
fut  pasteur  à  Scharans  (Grisons),  mais  à  vingt-quatre  ans 
il  jeta  le  froc  aux  orties  et  se  fit  soldat.  A  cette  époque, 
(guerre  de  Trente  ans),  les  Grisons  étaient  divisés  en  deux 
partis:  les  catlioliques  soudoyés  par  FEspagne-Autricho  et 
dirigés  par  les  Planta,  et  les  protestants,  le  parti  français, 
conduit  par  les  Salis  ;  il  s'enrôla  dans  ce  dernier  groupe 
et  se  distingua  promptement.  On  lui  doit  Fassaul  du  châ- 
teau deRietbergoù  Pompée  Plantafut  tué  (1621).  Plus  tard, 
devenu  chef  de  parti,  il  joua  le  premier  rôle  dans  l'expul- 
sion des  Français  et  du  duc  de  Rohan  qui  occupaient  les 
Grisons;  son  changement  de  politique  finit  par  amener 
pour  peu  de  temps  la  restitution  de  la  Valteline  aux  ligues 
grisonnes.  Cette  histoire  nécessiterait  de  1-ongs  développe- 
ments dans  lesquels  nous  ne  pouvons  entrer.  Gouverneur  de 
la  Valteline,  il  vint  à  Coire  le  24  janv.  1639;  il  banquetait 
joyeusement  lorsque  des  hommes  masqués  entrèrent  dans  la 
salie  du  festin  et  le  tuèrent.  On  assure  que  Rodolphe  Planta, 
fils  de  Pompée,  était  parmi  les  assassins.  Il  fut  inhumé 
dans  la  cathédrale  de  Coire.  La  vie  agitée  de  Jenatsch  en  a 
fait  le  héros  de  plusieurs  drames,  entre  autres  d'un  drame 
historique  de  M.  Théodore  de  Saussure  (Genève,  1868), 
dont  la  version  allemande  a  été  jouée  plusieurs  fois  en 
1 893  dans  les  Grisons.  E.  Kuhne. 

JENIL  (V.  Genil). 

JENISCH  (Bernard,  baron  de),  orientaliste  allemand, 
né  à  Vienne  le  10  nov.  1734,  mort  à  Vienne  le  23  févr. 
1807.  Envoyé  à  Constantinople  en  qualité  de  «  jeune  de 
langues  »  (1755),  puis  à  Temesvar  comme  interprète  de 
la  frontière,  chargé  d'affaires  auprès  du  sultan  (1772), 
directeur  de  la  chancellerie  italienne  (1791),  l'empereur 
le  nomma  baron  en  1800.  Il  est  Fauteur  de  :  Anthologia 
Persica  (Vienne,  1778,  in-4)  ;  De  Fatis  linguanim 
orientaliiimnimirumpersicœ  et  Iwxicœ  (Vienne,  1780, 
in-fol.)  ;  Ilistoria  priorum  regum  Pei^sarum  post  fir- 
maium  in  regno  islamismum,  tirée  de  Mirkhond  avec 
une  version  latine  (Vienne,  1782,  in-4).  Il  a  donné  une 
édition  du  grand  dictionnaire  arabe-persan-turc  deMe- 
ninski  (Vienne,  1780-1802,  4  vol.  in-fol.).  Arthur  Guy. 
BiBL.-.GRŒFFER.OsterreichisckeNalional-Eneyclopœdie. 

JENKIN  (îïenrietta-Camilla),  femme  auteur  anglaise, 
né  à  la  Jamaïque  en  1807,  morte  à  Edimbourg  le  8  févr. 
1885.  Fille  de  Robert  Jackson,  custos  rotulorum  de  Kings- 
ton, elle  épousa,  en  1832,  un  midshipman,  Charles  Jenkin. 
Peu  fortunée,  elle  écrivit  pour  vivre.  Ses  romans  les  plus 
connus  sont  :  Cousin  Stella  (1859)  et  Wlio  Breaks  Pays 
(1861),  jolie  étude  de  coquette  anglaise.  On  peut  mention- 
ner encore  :  Once  and  again  (1865);  Two  French  Mar- 
riages  (1868)  ;  A  Psyché  of  to  day  (1868)  ;  Jupitefs 
Daughters  (1874).  Intelligente,  aimable  et  jolie,  M"^^  Jen- 
kin tint  à  Gênes  un  salon  brillant,  très  fréquenté  par  les 
libéraux.  —  Son  fils,  Henri-Charles- Fleeming^  né  le 

25  mars  1833,  mort  à  Edimbourg  le  12  juin  1885,  fut  un 
ingénieur  et  un  électricien  de  talent.  Il  a  laissé  des  travaux 
remarquables  sur  la  résistance  de  la  gutta-percha,  sur  la 
transmission  par  câbles  sous-marins,  sur  les  transports  par 
l'électricité,  et  des  œuvres  littéraires  qui  ne  manquent  pas 
de  mérite.  On  a  publié  ses  Papers^  literary  scientific,  etc. 
(Londres,  1887,  2  vol.).  R.  S. 

JENKINSON  (Charles)  (1727-1808),  premier  comte  de 
Liverpool  (V.  ce  nom). 

JENKINSON  (Robert  Banks)  (1770-1828),  second 
comte  de  Liverpool  (V.  ce  nom). 

JENKINSON  (Charles-Cecil  Cope)  (1784-1851),  troi- 
sième comte  de  Liverpool  (V.  ce  nom). 

JEN  LAIN.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  d'Avesnes,  cant. 
(0.)  duQuesnoy;  1,016  hab. 

JENNER  (Edward),  médecin  anglais,  né  à  Berkeley  le 
17  mai  1749,  mort  à  Berkeley  le  26  janv.  1823.  Il  étudia 
la  chirurgie  à  Londres  sous  Hunter,  son  compatriote,  puis 
en  1772  retourna  dans  sa  ville  natale.  Dès  1775,  il  com- 


mença ses  remarquables  recherches  sur  la  vaccine  (V.  ce 
mot),  puis,  en  1796,  pratiqua  sa  première  inoculation.  Le 
Parlement  lui  vota  en  1 802  une  récompense  nationale  de 
10,000  livres,  une  autre  de  20,000  en  1807  ;  une  statue 
lui  a  été  élevée  à  Londres  (Trafalgar  Square)  en  1857. 
Son  ouvrage  unique  est  :  An  Inquiry  into  the  causes  and 
effects  of  the  variolœ  vaccinre,  etc.  (Londres,  1798, 
in-4;  1800,  1801,  in-8;  nombr.  trad.).        D^  L.  Hn. 

JENNE8S0N  (Les).  Famille  d'architectes  lorrains  des 
xvii^  et  xvni^  siècles.  Des  deux  plus  anciennement  connus, 
Jean  /*'"  et  Jean  //,  maîtres  maçons  à  Nancy,  le  second, 
Jean  lî,  fils  du  premier,  né  à  Nancy  le  7  févr.  1646, 
mort  à  Nancy  le  27  janv.  1713,  travailla  aux  fortifications, 
devint  architecte  de  Nancy  et  membre  de  l'Académie  de 
cette  ville  dès  la  fondation  de  cette  académie  en  1702.  Le 
troisième,  Jean-Nicolas,  probablement  fils  du  précédent, 
né  vers  1685  et  mort  à  Nancy  le  12  mai  1755,  fut  archi- 
tecte de  la  ville  et  des  ducs  de  Lorraine  François  III  et 
Stanislas  Leczinski.  Le  nom  de  cet  architecte  est  attaché 
à  un  grand  nombre  de  constructions  de  Nancy,  hôtels, 
maisons  particulières,  fontaines  et  travaux  de  voirie,  ainsi 
qu'aux  édifices  publics  suivants  :  la  cathédrale,  dont  il 
commença  la  construction  avec  Jacques  Beteau,  Thomas 
Gentillàtre  et  Louis-François  Guesnon  ;  la  caserne  de  la 
rue  Saint-Nicolas,  le  bâtiment  du  Refuge,  le  Palais  ducal, 
dont  Jennesson  fit  abattre  ou  modifier  certaines  parties  an- 
ciennes dites  la  Galerie  d'entrelacs  et  le  Louvre  qu'il  re- 
construisit ou  restaura  dans  le  style  classique;  l'église 
Saint-Sébastien  et  enfin  la  chapelle  Saint- Pierre,  cette 
dernière  construite  à  ses  frais  et  où  il  fut  inhumé,  mais 
que  plus  tard  la  ville  de  Nancy  loua  et  enfin  acheta.  A 
Remiremont,  Jennesson  fit  reconstruire  le  palais  abbatial 
du  fameux  chapitre  des  dames  nobles,  lequel  palais,  incendié 
en  1871,  mais  réédifié  en  grande  partie  dans  les  données 
mômes  de  l'œuvre  de  Jennesson,  abrite  encore,  dans  ses 
salles  grandioses,  la  mairie,  le  tribunal  civil  et  la  biblio- 
thèque municipale.  Charles  Lucas. 

JENNINGS  (Louis-John),  écrivain  anglais,  né  à  Lon- 
dres en  1837.  Envoyé  comme  correspondant  spécial  du 
Times  aux  Indes  et  "aux  Etats-Unis  de  1863  à  1868,  il 
publia  à  son  retour  en  Angleterre  :  Eighty  Years  of  Re- 
publican  Government  in  the  United  States;  Field 
Paths;  Rambles  among  the  Hills;  The  Croker  Paper  s; 
The  Millionaire,  etc.  H  est  membre  du  Parlement  pour 
le  parti  conservateur  depuis  1885.  H.  France. 

JENSEN  (Adolphe),  compositeur  allemand,  né  à  Kœ- 
nigsberg  le  12  janv.  1837,  mort  à  Baden-Baden  le 
23  janv.  1879.  Il  étudia  d'abord  seul,  puis  fut  élève  de  L. 
Ehlert  et  de  F.  Marburg;  il  composa  tout  jeune  encore  des 
lieder  et  de  la  musique  de  chambre  et  d'orchestre.  Après 
plusieurs  voyages  en  Russie  et  en  Danemark,  il  revint  en 
1859  dans  sa  ville  natale  où  il  fut  bientôt  un  des  profes- 
seurs les  plus  recherchés,  tandis  que  sa  réputation  comme 
compositeur  se  répandait  de  plus  en  plus.  En  1866,  il  fut 
appelé  à  Berhn  comme  professeur  à  l'école  des  virtuoses 
de  Tausig.  En  1 868,  il  se  fixa  à  Dresde,  et  en  1870,  à  Gratz 
enStyrie.  Une  mort  prématurée  a  empêché  cet  artiste  de  don- 
ner toute  la  mesure  de  son  grand  talent.  Mais  on  peut 
affirmer  que  ses  nombreux  lieder  et  morceaux  de  piano 
sont  Fœuvre  d'un  musicien  exceptionnellement  doué,  et 
que,  dans  ce  genre,  on  n'a  rien  publié  en  Allemagne,  de- 
puis Schumann,  de  plus  distingué  et  de  plus  personnel. 
Voici  la  liste  de  ces  œuvres  principales  :  la  Fille  de  Jephtë^ 
avec  soli  et  chœurs;  les  Peler i7is  d'Emaûs;  Voix 
intérieures,  Etudes  romantiques,  17  pièces;  Tableaux 
de  voyage,  12  pièces  ;  Scherzo,  Berceuse  et  Pastorale  à 
4  mains;  Première  Sonate  en  fa  mineur;  Chants  et 
danses,  20  pièces;  Six  Suites  allemandes  et  de  très 
nombreux  lieder  sur  des  textes  de  Chamisso,  Geibel,  R. 
Burns,  Hœmmerling,  etc.  ^      S.  L. 

JENSEN  (Wdhelm), journaliste  et  romancier  allemand, 
né  à  lleiiigenhufen,  dans  le  llolstein,  le  15  févr.  1837. 
Il  fut  élevé  à  Kiel  et  à  Lubeck  et  après  avoir  commencé 


JENSEN  -  JEPHTE 


4dO 


ses  études  de  médecine,  il  prépara  le  doctorat  en  philosophie, 
qu'il  obtint  en  4860.  Après  un  séjour  à  Munich,  Jensen 
s'établit  à  Stuttgart  (d868)  où  il  rédigea,  pendant  quel- 
ques années,  la  Gazette  populabr.  de  Souabe,  organe  du 
parti  allemand,  puis  à  Fiensbourg,  où  il  fut  rédacteur  de 
la  Gazette  de  F  Allemagne  du  Nord;  il  vécut  de  1872  à 
4876  à  Kiel,  qu'il  quitta  pour  aller  à  Fribourg-en- 
Brisgau,  où  il  se  trouve  encore  maintenant  (1894).  Jensen 
avait  débuté  en  4866  dans  la  littérature  par  une  nouvelle, 
Maître  Timothée^  et  dès  lors  il  n'a  cessé  de  produire, 
écrivant  surtout  des  romans  et  des  nouvelles  ;  il  a  toujours 
montré  une  imagination  très  puissante  et  un  grand  talent 
de  description  que  gâte  parfois  un  style  un  peu  maniéré  et 
prétentieux.  On  regarde  comme  ses  chefs-d'œuvre  les  nou- 
velles: Sous  un  soleil  plus  ardent  (4869)  ;  Eddystone 
(1872),  et  le  roman  Minatka  (4874)  ;  parmi  ses'autres 
œuvres  très  nombreuses,  on  peut  encore  citer  les  romans 
et  nouvelles:  Aurore  boréale  (4872);  Trois  Soleils 
(4873)  ;  Soleil  et  ombre  (4873)  ;  les  Sans  Nom  (4873); 
Cent  Ans  après  (4873)  ;  Autour  du  trône  impérial 
(4878)  ;  les  tragédies  :  Didon  (4870)  ;  Jeanne  de  Cas- 
tille  (4874)  ;  un  poème  épique  :  llle  (4874)  ;  les  poésies 
lyriques:  Poésies  (iSQ9)  ;  Chants  de  France  (4874); 
Autour  du  midi  de  ma  vie  (4876)  ;  les  Voix  de  la  vie 
(4881),  etc.  ^  L.-W.  C. 

J  EN  SON  (Nicolas),  graveur  et  imprimeur  français,  né 
à  Sommevoire  (Haute-Marne),  à  une  date  qu'on  ne  connaît 
pas,  mort  à  Venise,  probablement  dans  les  quatre  derniers 
mois  de  4480  et  certainement  avant  le  25  mars  4484.  On 
n'a  que  très  peu  de  renseignements  sur  sa  vie.  Son  lieu 
d'origine  a  été  ignoré  jusqu'à  ces  dernières  années,  l.es 
uns  le  disaient  de  Tours,  les  autres  de  Langres  et  quel- 
ques-uns de  Paris.  Le  premier  témoignage  précis  qu'on  ait 
sur  lui  est  tiré  d'un  recueil  manuscrit  formé  par  un  savant 
du  xvi^  siècle,  appelé  Hautin,  et  conservé  aujourd'hui  à  la 
bibHothèque  de  l'Arsenal,  sous  le  n^  4074  (ancien  iï.  F. 
467).  On  ne  sait  pas  autre  chose  de  cette  mission 
et  on  en  est  réduit  à  faire  des  hypothèses  sur  les  causes  de 
l'insuccès  de  Jenson  et  de  son  départ  pour  Venise.  C'est, 
en  elTet,  dans  cette  ville  qu'il  s'installa.  Son  premier  vo- 
lume porte  la  date  de  4470.  L'étabhssement  qu'il  fonda 
prospéra  rapidement.  Les  legs  nombreux  qu'il  put  inscrire 
dans  son  testament  (7  sept.  4480),  publié  récemment  par 
M.  H.  Stein,  prouvent  que  son  exploitation  fut  très 
rémunératrice.  Il  n'est  pas,  comme  on  le  dit  quelquefois, 
l'inventeur  des  caractères  romains,  mais  il  réalisa  par 
l'étude  des  manuscrits  italiens  les  plus  parfaits,  un  type  pîus 
harmonieux  que  celui  dont  on  avait  fait  usage  avant  lui 
(V.  Impkimerie)  .  Sa  réputation  devint  si  grande  que  le  pape 
Sixte  IV  lui  conféra,  en  1475,1e  titre  de  comte  palatin.  La 
liste  de  ses  publications  a  été  donnée  par  G.  Sardini,  dans 
le  consciencieux  travail  qu'il  lui  a  consacré  :  Esame  sui 
principi  délia  francese  ed  ilaliana  tipografia  ouvero 
storia  critica  di  Nicolas  Jenson  (Lucca,  4796-4798, 
3  parties,  in-fol.).  En  4480,  Jenson  sentant  sans  doute  sa 
fin  approcher,  s'associa  avec  quelques  imprimeurs  et  en 
particulier  avec  Jean  de  Cologne.  Sa  marque  artistique 
figura,  jusqu'en  4487,  sur  les  volumes  que  publia  cette 
association.  C.  Couderg. 

BiBL.  :  H.  Stein,  l'Origine  champenoise  de  Nicolas 
Jenson;  Paris,  1887,  in-8,  extrait  de  la  Bibliothèq^ie  de 
l'Ecole  des  Chartes,  1887,  t.  XLVIII,  pp.  566-579.  On  trou- 
vera, dans  cet  article,  l'indication  de  tous  les  travaux 
dont  N.  Jenson  a  été  Tobjet. 

J  EN  STEIN  (Jean  de),  prélat  tchèque  du  xiv®  siècle, 
mort  à  Romeen  i400.  Il  devint  en  4376  évêque  de  Misnie 
et  en  4380  archevêque  de  Prague.  Ami  du  luxe  et  du 
plaisir,  il  fut  bien  accueilli  à  la  cour  du  roi  Vacslav  IV. 
Revenu  à  des  sentiments  plus  chrétiens,  il  entra  bientôt  en 
lutte  avec  lui.  C'est  à  cette  occasion  qu'eut  lieu  le  meurtre 
du  chanoine  Jean  de  Pomuk  connu  plus  tard  sous  celui  de 
Jean  Népomucène.  A  la  suite  de  ce  contlit  l'archevêque 
se  rendit  à  Rome  pour  porter  plainte  contre  le  roi.  Mais 
ses  démarches  n'aboutirent  pas.  En  4396,  il  donna  sa 


démission.  Le  pape  lui  conféra  le  titre  in  partibus  de 
patriarche  d'Alexandrie.  L.  L. 

J  ENTY  (Charles),  publiciste  et  homme  politique  français, 
né  à  Sucy-en-Brie  le  27  févr.  4826,  mort  à  Paris  le 
26  ayr.  4882.  Il  acquit  une  grosse  fortune  dans  la  cons- 
truction de  chemins  de  fer  en  France  (notamment  ceux  des 
Charcutes)  et  à  l'étranger  (Italie,  Russie)  et  devint  en 
4869  directeur  du  journal  la  France  où  il  mena  cam- 
pagne en  faveur  de  l'Empire  libéral.  En  1870,  il  céda  sa 
direction  h  Girardin  et  prit  en  1873  celle  du  Petit  Journal 
dont  il  fut  bientôt  président  du  conseil  d'administration. 
Le  20  févr.  4876,  il  était  élu  député  par  l'arr.  de  La  Roche- 
sur- Yon.  Membre  des  363,  il  fut  battu  le  44  oct.  4877 
par  le  candidat  ofîiciel  de  Puiberneau  ;  mais,  celui-ci  ayant 
été  invalidé,  M.  Jenty  fut  réélu  le  7  avr.  4878.  Il  appuya 
la  politique  opportuniste  et  échoua  aux  élections  générales 
de  4881.  Il  perdit  presque  toute  sa  fortune  à  la  suite  de 
la  mise  en  faillite  de  la  Compagnie  du  chemin  de  fer  de 
Vendée  qu'il  avait  créée. 

JENTZCH  (Karl-Alfred),  géologue  allemand,  né  à 
Dresde  le  29  mars  4850.  Reçu  docteur  en  'J  872  et  nommé 
en  4875  directeur  du  nouveau  muséum  de  Kœnigsberg,  il 
est  en  outre  professeur  à  l'université  de  cette  ville.  Il  est 
l'auteur  d'excellents  travaux  de  géologie  qui  ont  notamment 
porté  sur  les  terrains  diluviens,  sur  les  marécages  et  sur 
les  dépôts  d'ambre  de  la  Prusse  orientale  et  occidentale.  Il 
a  publié,  outre  plusieurs  cartes  géologiques  de  grande  va- 
leur (entre  autres  celle  de  la  Prusse  proprement  dite  au 
4/100.000®)  et  un  nombre  considérable  de  mémoires  ori- 
ginaux, de  notes,  d'articles,  etc.,  les  ouvrages  suivants  : 
Die  geologisch-mineralogische  Litteratur  Sachsens 
(Leipzig,  4874,  in-8);  ^Bericht  ueber  die  geolog. 
Durchforschung  der  Provinz  Preussen  (Kœnigsberg, 
4877-78,  2  vol.  in-4);  die  Zusammensetzung  des  ait- 
preuss.  Bodens  (Kœnigsberg,  1879,  in-4);  Berichte 
ueber  die  geolog,  Durchforschung  des  norddeutschen 
Flachlandes  (Kœnigsberg,  \  88d ,  in-4)  ;  Ueber  die  neue- 
ren  Fortschritte  der  Géologie  Westpreussens  (Leipzig, 
4888,  in-8),  etc.  L.  S.^ 

JENYNS  (Soame),  écrivain  anglais,  né  en  4704,  mort 
en  4787.  Il  débuta  en  4727  parla  publication  d'un  poème 
anonyme  :  The  Art  of  Dancing.  En  4742,  le  comté  de 
Cambridge  l'envoya  au  Parlement,  où  il  siégea  jusqu'en 
4754.  L'année  suivante,  il  était  nommé  commissaire  du 
«  Roard  of  Trade  and  Plantations  ».  Il  écrivit  beaucoup 
dans  les  revues  et  journaux  du  temps.  Parmi  ses  livres, 
F7re  Enquiry  into  the  Nature  and  Origin  of  Evil 
(4757),  et  surtout  View  of  the  internai  Evidence  of 
the  Christian  B.eligion  eurent  un  grand  retentissement. 
Ses  œuvres,  en  vers  et  en  prose,  ont  été  réunies  en  4  vol. 
in-8  (4790  et  4793).  Jenyns  compte  parmi  les  prosateurs 
les  plus  élégants  de  son  temps,  et,  si  sa  philosophie  n'était 
pas  bien  profonde,  elle  n'avait,  du  moins,  rien  de  gourmé. 
JENZAT.  Com.  du  dép.  de  l'Allier,  arr.  et  cant.  de 
Gannat  ;  975  hab. 

JEPHSON  (Robert),  poète  et  auteur  dramatique  irlan- 
dais, né  en  4736,  mort  en  4803.  Après  avoir  servi  dans 
un  régiment  irlandais,  il  vécut  à  Londres  dans  la  société 
des  littérateurs  et  des  acteurs  du  temps,  puis  il  se  fixa  à 
Dublin  où  il  occupa  longtemps  une  charge  importante  dans 
la  maison  du  vice-roi  et  siégea  au  Parlement  d'Irlande. 
Il  excellait  dans  la  poésie  comique  et  satirique  ;  à  son 
poème  en  vers  héroïques  sur  les  grands  hommes  de  Rome 
(Roman  Portraits),  on  préfère,  à  juste  titre,  les  Spé- 
culations of  Jeoffry  Wagstoffe  et  même  sa  longue  sa- 
tire sur  les  excès  de  la  Révolution  française,  intitulée 
The  Confessions  of  Jacques  Baptiste  Couteau.  Il  écrivit 
plusieurs  pièces  de  théâtre,  dans  tous  les  genres,  dont 
quelques-unes,  comme  les  tragédies  de  Braganza,  du 
Count  of  Narbonne  et  de  Julia,  or  the  Italian  Lever ^ 
furent  représentées  avec  un  grand  succès.         B.-H.  G. 

JEPHTÉ.  Personnage  plus  ou  moins  mythique  de  l'an- 
cienne histoire  juive,  que  l'on  fait  figurer  dans  la  série  des 


m  — 


JEPIITÉ  --  JERÉMIE 


«  juges  »,  antérieurs  à  l'établissement  de  la  royauté. 
C'était  une  sorte  d'aventurier,  appartenant  aux  groupes 
israélites  qui,  ayant  établi  leur  domicile  sur  la  rive  gauche 
du  Jourdain,  y  étaient  constamment  vexés  et  molestés  par 
de  retoutables  voisins,  notamment  les  Ammonites,  Un  jour 
Jeplité,  ayant  pris  le  commandement  d'une  bande,  rem- 
porta un  succès  signalé  sur  l'ennemi  et  s'attira  ainsi  la 
reconnaissance  de  ses  concitoyens.  Mais  cette  victoire  fut 
gâtée  par  un  incident  assez  étrange  ;  Jephté  avait  fait,  avant 
de  partir,  le  vœu  d'offrir  à  la  divinité  la  première  per- 
sonne de  sa  maison  qui  sortirait  à  sa  rencontre.  Cette  per- 
sonne se  trouva  être  sa  fille.  Il  n'hésita  pas  à  la  sacrifier 
et  ses  compagnes  célébrèrent  sa  mémoire  par  une  fête 
annuelle.  Dans  un  conflit  qui  s'éleva,  par  la  suite,  entre 
les  gens  du  Oalaad  (région  transjordanique)  et  la  tribu 
d'Ephraïm,  Jephté  fait  massacrer  impitoyablement  les  Ephraï- 
mites,  que  Ton  discerne  au  moyen  d'une  différence  dialectale 
quand  ils  essayent  de  dissimuler  leur  nationalité.  Ils  pro- 
nonçaient s  au  lieu  de  sh,  sibboleth  au  lieu  de  shibbo- 
leih;  delà  l'expression  sc/wèèo/(?//i  dans  le  sens  démarque 
de  reconnaissance,  de  symbole.  Les  incidents  relatifs  à 
Jephté  participent  de  la  suspicion  qui  s'atta(;lie  aux  débuts 
de  l'histoire  juive.  M.  Vernes. 

BîBL.  :  Vernes,  Précis  d'histoire  juive.  — Renan,  His- 
toire du  peuple  d'Israél^  t.  I. 

JEQUIRITY.  L  Botanique  (V.  Abre). 

II.  Thérapeutique.  —  Les  graines  de  VAbrus  preca- 
torius  (V.  Abre),  qui  jusqu'ici  n'avaient  guère  été  em- 
ployées que  pour  faire  des  colliers  ou  des  ornements  di- 
vers, sont  entrés  dans  la  thérapeutique  oculaire,  il  y  a  une 
dizaine  d'années,  en  Europe  du  moins,  car  au  Brésil  on  em- 
ploie depuis  longtemps  l'infusion  de  jequirity  contre  la  con- 
jonctivite granuleuse.  Weckor  et  Stattler  ont  étudié  avec 
méthode  ce  procédé  de  traitement  et  ils  ont  vu  que  la  macé- 
ration de  la  graine  instillée  dans  l'œil  déterminait  une 
inflammation  purulente  de  la  conjonctive,  substitutive  do 
la  conjonctivite  granuleuse.  Quant  au  mécanisme  d'action, 
il  est  encore  discuté  ;  Stattler,  puis  Cornil  admettent  que 
l'action  irritante  est  déterminée  par  des  microorganismes, 
qui,  en  se  développant  dans  la  macération  de  jequirity, 
trouvent  là  des  éléments  qui  font  naitre  ou  exaltent  sa 
virulence.  Toujours  est-il  que  si  l'on  injecte  ce  liquide  sur 
des  animaux,  on  détermine  assez  rapidement  la  mort  et 
l'on  trouve  dans  le  sang  la  même  bactérie  arrondie  avec 
quelques  bâtonnets  remplis  de  spores.  Pour  Vanneman,  il 
ne  s'agit  pas  d'un  ferment  figuré,  mais  d'une  véritable 
diastase  existant  dans  la  grame  et  qu'il  désigne  sous  le 
nom  de  jequirytine  ;  Dujardin-Beaumetz  et  Bechamps 
adoptent,  en  partie  du  moins,  cette  manière  de  voir,  puis- 
qu'ils considèrent  la  jequirityne  comme  un  mélange  de 
légumine  inactive  et  d'une  zymase,  la  jequirityzymase. 
Shemœker  a  utilisé  les  propriétés  inflammatoires  du  jequi- 
rity pour  traiter  certaines  affections  de  la  peau  ou  des 
plaies  n'ayant  aucune  tendance  à  se  cicatriser  ;  il  employait 
une  macération  de  grains,  mis  sous  forme  de  pulpe. 
Ohleyer  a  essayé  la  macération  de  jequirity  chez  des  lapins 
tuberculeux  en  injections  intrapulmonaires,  pratiquées  au 
niveau  des  cavernes  ;  les  lapins  ont  succombé,  mais  on  a 
constaté  un  travail  de  réparation  aux  lieux  d'infection. 
Dans  le  traitement  de  la  conjonctivite,  on  emploie  une  ma- 
cération de  5  à  10  gr.  de  graines  pour  oOO  gr.  d'eau  pen- 
dant vingt-quatre  heures,  et  on  fait  des  lotions  ou  des 
applications  au  pinceau  trois  fois  par  jour.  Au  bout  d'une 
semaine,  la  guérison  peut  être  obtenue.      D'^  P.  Langlois. 

J  EQ  U  m  N  H  0  N  H  A.  Fleuve  du  Brésil,  qui  naît  dans  l'Etat 
de  Minas  Geraes  et  finit  dans  celui  de  Bahia,  sous  le  nom 
de  Belmonte;  il  a  800  kil.,  dont  100  navigables.  Né  dans 
le  massif  d'Itambé,  il  coule  vers  le  N.,  reçoit  à  gauche 
ritacambirassu  (200  kil.),  le  Vacaria  (loO  kil.),  le  Sali- 
nos  (125  kil.),  à  droite  l'Arassuahy  qui  coule  parallèlement 
depuis  la  source.  Le  fleuve  descend  par  des  rapides  et  des 
cascades  les  terrasses  de  Minas  ùeraes  ;  les  plus  belles , 
sont  le  Caxoeira  do  Inferno  et  le  Salto  Grande^  large  de 


15  m.  à  peine,  avec  une  chute  de  150  m.  sur  1,500  m.  de 
parcours.  Il  perd  une  partie  de  ses  eaux  dans  la  plaine  de 
Bahia,  détache  un  bras  qui  rejoint  le  Pardo  et  finit  à  Bel- 
monte  où  une  barre  obstrue  son  embouchure. 

JERABEK  (François),  écrivain  tchèque,  né  à  Sobotku 
(Bohème)  en  1836.  On  lui  doit  des  poésies  lyriques  et  des 
œuvres  dramatiques  :  le  Serviteur  de  son  maître^  la  Co- 
médie^ le  Fils  de  r Homme,  les  Voies  de  l'opinion  pîi- 
blique^  etc. 

JÉRABEK  (Points,  droite,  hyperbole  de)  (Géom.).  Les 
points  de  Jérabek  sont  ceux  qui  ont  pour  coordonnées  nor- 
males dans  un  triangle,  è,  c^  a,  et  c,  a,  b.  Le  premier  est 
le  point  direct  et  le  second  le  point  rétrograde.  La  droite 
de  Jérabek  est  celle  qui  joint  les  deux  points  ci-dessus.  On 
appelle  hyperbole  de  Jérabek,  une  hyperbole  équilatèredont 
tous  les  points  sont  points  inverses  de  la  droite  d'Euler  ; 
cette  dernière  joint  le  centre  de  gravité  du  triangle  au  centre 
du  cercle  circonscrit.  Elle  a  pour  équation  en  coordonnées 

,        v^  ib^  —  c'^)  cos  A 

normales  :   >    ^^ zno. 

^  X 


A.  L. 


JERDAN  (William),  publiciste  écossais,  né  à  Kelso  en 
1782,  mort  en  1869.  Après  avoir  tenté  à  plusieurs  re- 
prises la  carrière  du  droit  à  Londres  et  à  Edimbourg,  il 
se  consacra  au  journalisme.  A  partir  de  1806,  on  le  voit 
collaborer  à  un  grand  nombre  de  journaux  ou  de  revues, 
avec  des  succès  divers,  jusqu'en  1817,  oîi  il  devint  rédac- 
teur en  chef,  puis  propriétaire  de  la  Literary  Gazette, 
fondée  par  Henry  Colburn,  qu'il  maintint  pendant  trente- 
trois  ans,  avec  une  phalange  d'écrivains,  comme  Crabbe, 
Barry  Cornwal,  Alaric  WaUs,  Th.  Campbell,  miss  Mit- 
fort,  xMrs.  Hemans,  etc.  Mais  un  journal  rival,  fondé  en- 
core par  Colburn,  The  Athe?iœum,  porta  à  la  Literary 
Gazette  un  coup  dont  elle  ne  se  releva  pas,  et  Jerdan  la 
quitta  en  1850.  Parmi  les  publications  en  volumes  de  ce 
laborieux  et  prolifique  écrivain,  ont  peut  citer  Six  Weeks 
in  Paris  (1818,  3  vol.),  toute  une  série  de  biographies, 
sous  ce  titre  général  :  The  National  Portrait  Gallery 
of  the  Nineteenth  Century  (5  vol.  in-4)  et  cinq  volumes 
d'autobiographie  (1852-53).  Jerdan  fut  un  des  fondateurs 
de  la  «  Boyal  Society  of  Literature  »,  de  la  «  Royal  Geo- 
graphical  Society  »  et  du  «  Garrick  Club  ».      B.-iï.  G. 

JEREA  (Paléont.)  (V.  Lithistides). 

JEREBTSOV  ou  GEREBTZOFF  (Nicolas-Arsenievitch) , 
écrivain  russe,  mort  en  1860.  Il  fit  ses  études  au  corps 
des  ingénieurs  et  s'occupa  particulièrement  des  questions 
économiques.  Il  a  publié  en  russe  :  Remarques  sur  l'éco- 
nomie rurale  de  l'Angleterre  et  de  l'Ecosse  (Saint-Pé- 
tersbourg, 1862)  ;  en  français.  Essai  sur  l'histoire  de  la 
civilisation  en  Russie  (Paris,  1858,  2  vol.);  De  l'Eman- 
cipation des  Serfs  en  Piussie,  etc. 

JÉRÉMIE.  Ville  maritime  de  la  république  d'Haïti,  au 
N.  de  la  presqu'île  méridionale.  Elle  doit  son  nom  à  un 
pêcheur  qui  y  forma  en  1756  son  établissement;  le  mouil- 
lage est  mal  abrité.  A  peu  de  distance  est  la  propriété  de 
Guinaudraie  où  naquit  le  général  Alexandre  Dumas. 

JE  RÉ  MIE.  L'un  des  plus  importants  recueils  de  pro- 
phéties contenu  en  la  Bible  se  donne  pour  l'tBuvre  d'un 
certain  Jérémie  (Yrmyahou),  «  fils  de  Helcias,  l'un  des 
prêtres  d'Anatoth,  dans  le  pays  de  Benjamin».  Il  s'agirait 
donc  d'un  prophète  ayant  appartenu  à  une  classe  du  clergé 
résidant  dans  la  banlieue  de  Jérusalem  ;  l'époque  de  l'acti- 
vité prophétique  de  ce  personnage  est  déterminée  dans  les 
lignes  suivantes  :  «  La  parole  de  Yahvéh  lui  fut  adressée 
au  temps  de  Josias,  fils  d'Amon,  roi  de  Juda,  la  treizième 
année  de  son  règne,  et  au  temps  de  Joachim,  fils  de  Josias, 
roi  de  Juda,  jusqu'à  la  fin  de  la  onzième  année  de  Sédé- 
cias,  fils  de  Josias,  roi  de  Juda,  jusqu'à  l'époque  où  Jéru- 
salem fut  emmenée  en  captivité  au  cinquième  mois.  » 
Jérémie  aurait  donc  assisté  aux  convulsions  suprêmes  du 
royaume  de  Juda  et  aurait  été  mêlé  à  tous  les  incidents  de 
cette  période  profondément  troublée.  Le  prophète  résume 
lui-même  très  nettement  son  rôle,  en  se  déclarant  chargé 


JEREMIE 


—  112  — 


par  la  divinité  de  lancer  l'anathème  contre  un  peuple  re- 
belle et  idolâtre,  «  contre  les  rois  de  Juda,  contre  ses 
chefs,  contre  ses  prêtres  et  contre  le  peuple  du  pays  ». 
Une  pareille  attitude  ne  pouvait  manquer  de  soulever  de 
vives  protestations  et,  à  mesure  que  le  prophète  multiplie 
ses  avertissements  et  ses  menaces,  l'opposition  grandit. 
La  persistance  de  Jérémie  à  annoncer  à  ses  concitoyens  les 
effroyables  châtiments  qui  seront  la  peine  de  son  apostasie 
à  la  fois  religieuse  et  morale,  lui  attire  d'incessantes  per- 
sécutions et  jusqu'aux  plus  graves  dangers.  C'est  dans  son 
livre  qu'il  faut  chercher  les  détails  des  périls  auxquels  il 
n'échappe  momentanément  que  pour  en  courir  de  nouveaux, 
que  lui  valent  ses  mfatigables  protestations.  Non  content 
de  flétrir  le  mal,  il  s'est  tellement  convaincu  de  l'inutilité 
de  la  résistance  anx  Chaldéens,  considérés  comme  les  ins- 
truments du  châtiment  divin,  qu'il  décourage  la  défense  et 
se  donne  toutes  les  apparences  de  la  trahison  à  l'endroit 
de  la  cause  nationale.  Cependant,  il  ne  se  rebute  point.  Il 
charge  son  secrétaire  Baruch  de  donner  lecture  publique 
du  recueil  où  il  a  réuni  la  série  de  ses  censures  enflam- 
mées, proclamant  les  désastres  suspendus  sur  la  tête  du 
peuple,  l'avertissant  pour  la  dernière  fois  d'y  échapper  par 
une  prompte  capitulation.  Le  rouleau,  déchiré  et  mis  en 
pièces  par  la  main  propre  du  souverain,  est  immédiatement 
reconstitué,  et  Jérémie  continue  de  s'acquitter  de  son  in- 
grate mission  jusqu'à  ce  que  l'événement  lui  ait  donné  trop 
complètement  raison.  Resté  en  Judée  après  la  ruine  su- 
prême de  la  cité,  on  finit  par  nous  le  montrer  entraîné  en 
Egypte  dans  le  mouvement  tumultuaire  qui  suivit  le  meurtre 
du  gouverneur  Godolias,  que  le  vainqueur  avait  installé 
pour  assurer  un  peu  d'ordre  à  la  portion  épargnée  du 
peuple  israélite. 

L'intérêt  religieux  et  littéraire  qui  s'attachait  au  livre 
de  Jérémie  a  donc  semblé  se  doubler  d'un  intérêt  purement 
historique  ;  c'est  là  un  jugement  qui  a  été  exprimé  par  bon 
nombre  d'exégètes  du  temps  présent.  «  De  tous  les  livres 
qui  ont  été  compris  dans  la  collection  prophétique,  dit 
M.  Reuss,  il  est  le  plus  intéressant  pour  l'histoire.  C'est 
que  nous  n'y  rencontrons  pas  seulement  des  discours...  ; 
une  partie  notable  du  volume  contient  ce  que  nous  appelle- 
rions aujourd'hui  des  mémoires,  soit  une  relation  de  faits 
composée  par  un  témoin  oculaire.  Aucun  des  prophètes 
dont  il  nous  est  parvenu  des  écrits  ne  paraît  avoir  été 
mêlé  aux  affaires  publiques  au  même  degré  que  le  fils  du 
prêtre  Helcias,  et  si  nous  ne  craignions  pas  de  donner  une 
fausse  couleur  aux  choses  en  ne  tenant  pas  assez  compte 
de  la  différence  :'es  conditions  sociales  et  politiques,  nous 
dirions  volontiers  qu'il  nous  apparaît  comme  un  orateur  de 
l'opposition  dans  les  graves  conflits  intérieurs  qui  précé- 
dèrent et  hâtèrent  la  ruine  de  la  ville  et  de  la  dynastie.  » 
Cependant,  quand  on  y  regarde  de  près,  on  ne  tarde  pas 
à  s'apercevoir  que  le  livre  de  Jérémie  répond  médiocre- 
ment aux  espérances  qu'un  premier  examen  avait  fait 
naître.  Sans  parler  de  pages  décidément  inauthentiques, 
telles  que  le  grand  oracle  sur  Babylone  (ch.  l-li),  sans 
insister  sur  une  série  de  morceaux  du  caractère  le  plus 
invraisemblable  ou  qui  reposent  sur  de  vraies  impossibilités 
(ainsi  les  voyages  de  Jérémie  jusqu'à  l'Euphrate  et  ses 
communications  régulières  avec  les  victimes  de  la  première 
déportation,  sa  connaissance  précise  de  la  durée  de  la  cap- 
tivité de  Babylone  et  un  grand  nombre  d'épisodes  qui  sup- 
posent cette  connaissance),  sans  relever  la  présence  d'élé- 
ments qui  font  double  emploi  et  s'excluent  mutuellement, 
il  faut  convenir  que  la  composition  du  recueil  est  singuhè- 
rement  incohérente  ;  ainsi  en  ont  jugé  les  auteurs  de  la 
traduction  grecque  (Septante),  qui  l'ont  profondément 
modifié,  soit  en  ce  qui  touche  l'ordre  des  textes,  soit  à 
l'égard  de  leur  contenu.  Une  fois  l'attention  mise  en  éveil, 
les  motifs  les  plus  graves  de  doute  se  pressent  dans  l'es- 
prit. Voilà  un  homme  qui  aurait  joué  un  rôle  considérable 
dans  les  quarante  dernières  années  du  royaume  de  Juda, 
intervenant,  —  c'est  le  livre  mis  sous  son  nom  qui  le 
prétend,  —  dans  toutes  les  circonstances  décisives  par  le 


conseil  et  par  Faction.  Eh  bien  !  ce  personnage  du  pro- 
phète-prêtre Jérémie,  les  livres  des  Rois  n'en  soupçonnent 
même  pas  l'existence  pour  les  temps  de  Josias,  de  Joachim 
et  de  Sédécias;  son  nom  n'y  est  pas  prononcé,  ce  qui  ferait 
penser  qu'il  ne  figurait  pas  dans  les  sources  qui  étaient  à 
la  disposition  du  rédacteur  des  livres  historiques  et  qu'il  a 
dû  être  emprunté,  comme  c'a  été  le  cas  pour  le  prophète 
Daniel,  à  un  cycle  de  récits  et  d'anecdotes  de  moindre  au- 
torité, concernant  les  derniers  temps  de  la  royauté  juive. 
Voici  maintenant  une  seconde  réflexion,  de  plus  de  portée 
encore  :  le  rôle  de  Jérémie  est  éminemment  paradoxal  ;  c'est, 
quand  on  y  regarde  de  près,  un  personnage  absurde,  im- 
possible. En  pleine  guerre,  il  déclare  que'  les  ennemis  de 
son  peuple  sont  les  instruments  des  vengeances  divines  sur 
Israël  et  qu'il  ne  faut  leur  opposer  aucune  résistance.  Non 
seulement  il  décourage  et  énerve  la  défense,  mais  il  prêche 
la  trahison.  Ses  compatriotes  sont  furieux,  mais,  en  dépit 
de  quelques  mauvais  procédés  dont  ils  usent  à  son  égard, 
lui  laissent  poursuivre  jusqu'au  bout  une  campagne  détes- 
table. La  question  qui  se  pose  ici  est  :  N'est-ce  pas  là  un 
rôle  tout  artificiel  ;  n'est-ce  pas  là  l'expression  des  vues 
auxquelles  sont  arrivés  les  docteurs  du  second  Temple 
quand  ils  ont  cherché  à  se  rendre  compte  des  raisons  pro- 
fondes, c.-à-d.  théologiques,  qui  ont  déterminé  la  victoire 
des  Chaldéens  ?  Voilà  des  questions  qu'il  est  indispensable 
de  se  poser,  et  il  n'est  plus  permis  de  les  écarter  dédai- 
gneusement par  l'affirmation,  un  peu  puérile,  que  le  rôle 
de  Jérémie  présente  un  caractère  de  vérité  et  d'authenti- 
cité incontestables.  On  l'a  dit  assez  longtemps  d'un  per- 
sonnage plus  important  encore  que  Jérémie,  à  savoir  de 
Moïse,  avant  d'être  amené  à  rajeunir  d'abord  de  cinq,  puis 
de  dix  siècles,  la  législation  mise  sous  son  nom.  Ou  Jéré- 
mie a  joué,  dans  les  convulsions  suprêmes  de  Jérusalem, 
le  rôle  d'un  fou  malfaisant,  —  rôle  que  M.  Renan  a  bien 
fait  ressortir,  mais  sans  vouloir  en  tirer  la  conséquence 
logique,  -r-  ou  bien  il  exprime,  sous  une  forme  vive  et 
pénétrante,  la  philosophie  de  l'histoire,  qui  est,  d'un  bout 
à  l'autre,  la  doctrine  de  la  Bible  et  qui  est  sortie  des  écoles 
du  second  temple. 

On  arrive  à  ce  même  résultat  d'une  composition  pseu- 
dé  pi  graphe  du  Livre  de  Jérémie,  si  l'on  discute  les  rap- 
ports de  cette  œuvre  soit  avec  le  Deutéronome,  soit  avec 
la  prétendue  réforme  de  Josias,  comme  nous  l'avons  fait 
dans  notre  étude  intitulée  la  Question  du  deutéronome 
d'après  une  récente  hypothèse  {Essais  bibliques,  Paris, 
1891).  Pour  l'analyse  du  contenu  de  Jérémie,  V.  notre 
Examen  de  V authenticité  des  écrits  prophétiques  (Du 
Prétendu  Polythéisme  des  Hébreux  ;l^ms,  1891,  t.  II). 
A  consulter  aussi  E.  Havet,  t.  III  du  Christianisme  et 
ses  origines,  et  le  t.  III  de  V Histoire  du  peuple  d'Israël 
de  Renan.  On  trouvera  la  traduction  de  Jérémie,  accompa- 
gnée des  éclaircissements  indispensables,  dans  la  Bible  de 
Reuss  {les  Prophètes).  M.  Havet  a  soutenu  la  thèse  de 
la  composition  pseudépigraphique  dans  la  Modernité  des 
prophètes  (Paris,  1891).  —  (^uel  que  soit  le  parti  auquel 
la  critique  juge  à  propos  de  s'arrêter  après  un  nouvel  et 
scrupuleux  examen  des  documents,  soit  l'hypothèse  d'un 
fonds  ancien  fortement  remanié,  soit  la  thèse  d'une  com- 
position pseudonyme  qu'on  pourrait  rapporter  au  m®  siècle 
avant  notre  ère,  le  Livre  de  Jérémie  conserve  sa  place  au 
premier  rang  des  grandes  œuvres  bibliques.  Son  inspira- 
tion, tour  à  tour  tendre  et  passionnée,  la  large  envolée  de 
ses  développements  oratoires,  la  spiritualité  singuUèrement 
hardie  de  certains  passages,  dont  le  christianisme  s'est 
emparé  pour  leur  donner  une  forme  définitive,  tout  cela 
contribue  à  maintenir  sa  situation  traditionnelle.  Quant  à 
la  personnahté  de  l'auteur,  nous  croyons  qu'elle  n'a  rien 
à  gagner  aux  essais  récemment  faits  pour  la  dégager  ;  un 
Jérémie,  qui  aurait  été  réellement  le  héros  du  livre  de  ce 
nom,  serait  un  personnage  éminemment  paradoxal  auquel, 
à  défaut  de  notre  admiration,  nous  pourrions  tout  au  plus 
accorder  notre  indulgence.  En  revanche,  le  livre  contient, 
'sous  la  forme  arrangée  et  artificielle  que  les  écrivains  juifs 


113  - 


JERÉMÏE  -  JERMYN 


de  l'époque  grecque  pratiquaient  de  préférence,  l'expression 
de  sentiments  très  délicats  et  de  vues  de  la  plus  grande 
élévation,  —  document  inestimable  pour  l'histoire  des  idées 
morales  et  religieuses.  M.  Vernes. 

JÉRÉMIE,  patriarche  de  Constantinople,  né  à  Anchia- 
los  en  1536,  mort  à  Constantinople  en  1594.  Assez  jeune, 
il  fut  nommé  métropolite  de  Larisse;  puis,  le  5  mai 
1572,  un  synode  de  Constantinople  l'éleva  au  patriarcat, 
qui  lui  fut  d'abord  contesté  par  son  prédécesseur  démis- 
sionnaire, Métrophane  (mort  en  '1580).  Il  fut  ensuite, 
comme  la  plupart  des  patriarches,  en  butte  aux  accusations 
de  trahison  et  de  crime  de  lèse-majesté  ;  il  fut  emprisonné, 
relâché,  exilé  et  rappelé.  En  4589,  on  le  trouve  en  Russie, 
où  il  confère  au  métropohte  Job  de  Moscou  la  dignité  de 
cinquième  patriarche,  ce  qui  rendit  l'Eglise  russe  indépen- 
dante de  Constantinople.  Jéréraie  est  connu  pour  avoir  été 
amené,  par  une  longue  correspondance  avec  des  théologiens 
de  Tubingue,  à  définir  avec  assez  de  précision  les  princi- 
pales doctrines  distinctives  de  l'Eglise  orthodoxe.  On  trouve 
cette  correspondance,  importante  pour  l'étude  de  la  doc- 
trine grecque,  dans  les  Ada  et  scripta  theologorum  Wir- 
temberg. et  patriarchœ  Constantinop...ab  an. i576 ad 
an,  i58i,  grœce  et  latine  (Wittenberg,  1584).  F.-H.  K. 
JEREMIE  (James -Amiraux),  historien  ecclésiastique 
anglais,  né  à  Guernesey  en  1802.  Descendant  d'une  vieille 
famille  huguenote  établie  depuis  longtemps  dans  les  îles 
Anglo-Normandes,  il  entra  dans  les  ordres,  professa  la  théo- 
logie à  l'université  de  Cambridge,  où  il  avait  étudié,  et  devint 
doyen  (dean)  de  Lincoln.  On  a  de  lui  une  History  of  the 
Christian  Church  in  the  Second  and  Third  centuries 
(1852),  pour  laquelle  il  a  utilisé  les  articles  qu'il  avait 
fournis  à  VEncyclopredia  Metropolitana.       B.-H.  G. 

J  ER  EZ  ou  XÉ  R ES  DE  la  Fronterà.  Ville  d'Espagne,  ch.-l. 
de  district,  prov.  de  Cadix  (Andalousie),  stat.  du  ch.  de 
fer  de  Madrid  à  Cadix  et  tête  de  l'embranchement  sur  San 
Lucar;  49,000  hab.  La  ville,  dans  la  plaine  du  Guadalete, 
a  un  vieil  alcazar  avec  deux  tours  et  quelques  rues  du  moyen 
âge  bien  conservées,  mais  aussi  des  quartiers  très  neufs 
et  très  vivants.  C'est  là  que  s'entassent  en  de  vastes  cel- 
liers les  vins  si  fameux  cultivés  sur  les  coteaux  d'alentour, 
le  Pajarete,  au  goût  sucré,  fabriqué  avec  des  raisins 
presque  secs,  le  Tintilla elle  Manzanilla,  plus  secs.  Les 
principaux  négociants  sont  des  étrangers,  des  Anglais  (le 
xérès  est  appelé  par  eux  sherry)  et  des  Français.  Le  trafic 
des  vins,  qui  a  fait  la  fortune  de  ce  pays,  est  des  plus  ac- 
tifs ;  outre  ce  qui  en  est  écoulé  vers  l'Espagne,  il  en  sort 
par  le  port  de  Santa  Maria,  à  l'embouchure  du  Guadalete, 
de  300  à  400,000  hectol.  chaque  année.  Près  de  là  est 
une  Cartuja  ou  chartreuse  célèbre.  C'est  dans  les  envi- 
rons, sur  les  bords  du  Guadalete,  que  se  livra  en  7H  la 
légendaire  bataille  de  six  jours  qui  mit  fin  au  royaume  des 
Visigoths  et  ouvrit  l'Espagne  aux  Arabes.         E.  Cat. 

JEREZ  DE  LOS  Caballeros.  Ville  d'Espagne,  ch.-l.  de 
district  de  la  prov.  de  Badajoz  (Estrémadure),  au  pied  de 
deux  coUines  peu  élevées;  8,000  hab.  Elle  est  entourée  de 
murailles  très  anciennes,  mais  s'étend  au  delà  par  des  fau- 
bourgs; une  forteresse  la  domine  avec  trois  grosses  tours, 
dont  une,  à  ce  que  l'on  dit,  est  la  Tour  sanglante  où  furent 
décapités  les  templiers.  Les  rues  sont  étroites,  mais  les 
bâtiments  publics  et  les  maisons  sont  bien  construits,  en- 
tourés de  beaux  jardins  d'orangers.  Le  pays  alentour  est 
très  fertile  et  produit  des  céréales,  des  légumes,  des  fruits, 
du  vin,  de  l'huile  ;  on  élève  des  chevaux  de  trait  et  de  la- 
bour, des  moutons,  des  chèvres,  des  bœufs,  mais  princi- 
palement des  porcs  d'une  race  très  estimée.  La  ville  est 
par  suite  un  marché  agricole  important  ;  elle  a  aussi  un 
peu  d'industrie,  tissus,  fabriques  de  savon,  poteries,  etc. 
La  ville  de  Jerez,  fondée  en  1229  par  le  roi  Alphonse,  fut 
agrandie  par  saint  Fernand  en  1232  et  donnée  par  lui  à 
l'ordre  des  temphers;  elle  changea  alors  son  nom  de  Jerez 
de  Badajoz  en  celui  de  Jerez  le  los  Caballeros.  Patrie  d'un 
grand  nombre  d'hommes  célèbres  comme  1).  Juan  de  Bazan 
et  Nuiîez  de  Baboal.  E.  Cat. 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XXI. 


JERICHAU  (Jens-Adolf),  sculpteur  danois,  né  à  Assens 
(Fionie)  le  7  avr.  1816.  Elève  de  Thorwaldsen,  il  se  fit  con- 
naître par  un  groupe  d'Hercule  et  Hébe;  ses  autres 
œuvres  les  plus  connues  sont  :  Pénélope,  Chasseur  de 
panthères,  Adam  et  Eve  après  le  péché,  les  Anges  de 
la  mort  et  de  la  résurrection,  le  monument  d'OÉrsted. 
Il  professa  à  l'Académie  des  beaux-arts  de  Copenhague  à 
partir  de  1849.  —  Sa  femme,  Anna-Marie-Elisabeih 
Baumann,  née  à  Varsovie  en  1819,  qui  l'épousa  à  Rome  en 
1845,  s'est  fait  un  nom  comme  peintre  de  scènes  de  la 
vie  populaire  des  Polonais,  Romains,  Danois,  etc.  —  Leur 
fils  Harald,  né  le  17  août  1852,  mort  à  Rome  le  6  mars 
1878,  élève  de  Bénouville,  peignit  de  beaux  paysages  :  le 
Ponte  Molle,  Vue  de  Velletri,  Rivage  de  Sorrente,  Ca- 
ravane près  de  Sardes,  etc.  A.-M.  B. 

JÉRICHO.  Ville  de  la  Palestine  ancienne,  à  six  heures 
à  l'E.  de  Jérusalem,  dans  une  situation  singulièrement 
privilégiée.  Elle  se  dressait,  en  effet,  au  débouché  de  la 
montagne  judéenne,  dans  la  plaine  du  bas  Jourdain.  Jéricho 
commandait  ainsi,  d'une  part,  les  communications  de  la 
capitale  avec  le  Jourdain  et  la  région  inférieure  du  Galaad, 
ainsi  que  le  pays  d'Ammon  et  de  Moab  ;  de  l'autre,  les 
voies  qui  assuraient  l'écoulement  des  produits  de  la  région 
transjordanique  sur  Jérusalem  et  la  côte  philistine.  La 
richesse  des  terrains  d'alluvion,  qui  constituent  la  vallée 
basse  du  Jourdain,  l'abondance  des  eaux  fournies  par  la 
montagne  de  Judée,  la  température  exceptionnellement 
élevée  du  climat  due  à  la  dépression  de  la  vallée  du  Jour- 
dain et  permettant  de  cultiver  les  essences  propres  aux 
pays  les  plus  chauds,  toutes  ces  conditions  favorisèrent  le 
développement  de  Jéricho.  Même  après  avoir  écarté  la 
fameuse  légende  qui  montre  les  murailles  de  la  ville  s'effon- 
drant  au  son  des  trompettes  sacrées  au  temps  de  Josué, 
le  rôle  de  Jéricho  reste  considérable.  Elle  est  nommée,  à 
bien  des  reprises,  dans  l'histoire  juive,  se  couvre  de  mo- 
numents magnifiques  au  temps  d'Hérode,  connaît  encore 
des  jours  de  prospérité  dans  les  premiers  temps  du  chris- 
tianisme et  au  moyen  âge.  Aujourd'hui,  ce  n'est  plus  qu'un 
.misérable  hameau,  dans  les  environs  duquel  se  voient 
d'intéressantes  ruines.  Une  administration  intelligente, 
secondée  par  l'initiative  privée,  pourrait  transformer  de 
nouveau  cette  région  et  substituer  à  la  désolation  actuelle 
la  richesse  et  l'abondance.  M.  Vernes. 

J  ERLICZ  (Joachim),  historien  polonais,  né  à  Kolenka  en 
1598,  mort  dans  la  seconde  partie  du  xvii«  siècle.  Il  prit 
part  aux  campagnes  contre  les  Turcs  et  les  Cosaques,  ser- 
vit sous  Zolkiewski  et  Czarniecki.  Il  a  écrit  une  Chronique 
des  événements  du  temps  présent  qui  a  été  publiée  par 
K.-W.  Wojcicki  (Saint-Pétersbourg,  1853).  Elle  va  de 
1620  à  1673,  et  est  surtout  relative  aux  événements 
dont  l'Ukraine  fut  le  théâtre.  L'auteur  n'affiche  aucune 
prétention  littéraire  et  se  contente  de  noter  les  faits  au 
jour  le  jour. 

JERMYN  (Henry),  homme  d'Etat  anglais,  mort  à  Londres 
en  janv.  1684.  Attaché  à  l'ambassade  de  Paris  en  1624,  il 
fut  élu  au  Parlement  par  Liverpool  en  1628,  et,  la  même 
année,  fut  nommé  vice-chambellan  de  la  reine.  Habile  et 
prudent,  il  fit  à  la  cour  une  rapide  fortune  que  ne  put  en- 
tamer le  scandale  qu'il  excita  en  1634,  en  séduisant  Eleo- 
nor  Villiers,  une  des  demoiselles  d'honneur  de  la  reine, 
qu'il  refusa  d'épouser.  En  1639,  il  était  grand  écuyer  ;  en 
1640,  il  représentait  CorfeCastle  au  Parlement;  en  1641, 
il  prenait  une  part  prépondérante  au  complot  de  l'armée 
pour  enlever  la  Chambre  des  communes.  Obligé  de  s'enfuir 
en  France,  il  revint  en  Angleterre  en  1643,  et,  à  la  tête 
d'un  petit  corps  de  troupes,  il  escorta  la  reine  à  Oxford  et 
s'empara  de  Burton-on-Trent.  Créé  baron  Jermyn  de  Saint- 
Edmundsbury,  il  essaya  de  détacher  du  Parlenient  le  comte 
de  Rolland  et  fut  chargé  d'une  foule  de  négociations  à 
l'étranger,  notamment  celles  relatives  à  l'intervention  ar- 
mée de  la  France.  Il  accompagnait  la  reine  en  France  en 
1644.  Il  était  l'adversaire  déterminé  du  parti  des  royalistes 
constitutionnels,  et  il  chercha  à  exclure  des  conseils  de 


JERMYN  —  JÉRÔME 


—  lU  -~ 


Charles  ïï,  Hyde  et  Nicholas.  Mais  Hyde  finit  par  rempor- 
ter sur  lui  et  il  perdit  beaucoup  de  son  influence  sur  le  roi. 
A  la  Restauration,  il  fut  pourtant  comblé  de  faveurs.  Il 
avait  déjà  été  créé  comte  de  Saint-Albans  le  27  avr.  1660, 
et  il  fut  nommé  lord  chambellan  en  1671.  Persona  grata  à 
la  cour  de  France,  il  fut  à  plusieurs  reprises  ambassadeur 
à  Paris  et  prépara,  notamment,  le  traité  secret  de  Douvres 
de  1669  ei  le  traité  de  1667  dirigé  contre  la  Hollande. 
Personne  ne  contribua  mieux  que  lui  à  établir  une  entente 
complète  entre  les  deux  pays,  et  Charles  II  disait  souvent  : 
«  Jermyn  est  plus  Français  qu'Anglais.  »  Aussi  était-il  peu 
aimé  de  ses  compatriotes,  qui  ne  lui  ont  pas  ménagé  les 
attaques  et  qui  ont  été  jusqu'à  exphquer  par  un  mariage 
secret  la  faveur  constante  dont  il  jouit  auprès  d'Henriette- 
Marie.  R.  S. 

BiBL.  :  Mémoires  de  Grammont.  --  Ranke,  History  of 
England,  t.  III.  —  Mignet,  Négociations  relatives  à  la  suc- 
cession d'Espagne^  t.  II.  —  Green,  Letters  of  Henrietta 
Maria. 

JERMYN  (Henry),  homme  d'Etat  anglais,  né  en  1636, 
mort  à  Cheveley  le  6  avr.  1708,  neveu  du  précédent.  Il 
suivit  à  Saint-Germain  les  souverains  exilés  et  devint,  à  la 
Restauration,  grand  écuyerduduc  d'York.  Adopté  par  son 
oncle,  il  fit,  comme  lui,  grande  figure  à  la  cour  ;  comme 
lui,  il  jouissait  d'une  réputation  de  joueur  et  de  débauché. 
Amant  de  lady  Shrewsbury,  amoureux  éconduit  de  la  belle 
Ilamilton,  il  eut,  en  1662,  un  duel  retentissant  avec  Tho- 
mas Howard,  qui  le  blessa  grièvement.  Catholique,  il  de- 
meura éloigné  des  affaires  jusqu'à  l'avènement  de  Jacques  II, 
qui  réleva  à  la  pairie  le  13  mai  1685,  avec  le  titre  de  baron 
Dover,  le  fit  entrer  au  conseil  privé  et  le  nomma  lord  lieu- 
tenant du  Cambridgeshire.  Membre  de  la  cabale  cathoHque, 
il  devint  commissaire  à  la  trésorerie  en  1687,  et,  à  la  révo- 
lution, il  accompagna  le  prince  de  Galles  à  Portsmouth 
(1688).  Il  dirigea,  en  1689,  une  expédition  en  Irlande  et 
manqua  d'être  pris  dans  les  parages  des  Sorlingues.  A  la  ba- 
taille de  la  Boyne,  il  commandait  un  corps  de  troupes.  Il 
se  rallia  à  Guillaume  d'Orange  (1690),  mais  passa  le  reste 
de  sa  vie  hors  des  affaires  publiques,  se  plaisant  au  milieu 
d'un  cercle  de  lettrés,  d'artistes  et  d'hommes  de  plaisir, 
entre  autres  Evelyn,  Hamilton,  Saint-Evremond.      R.  S. 

JERNBERG  (Auguste),  peintre  suédois,  né  à  Stock- 
holm le  16  sept.  1826.  Il  débuta  par  la  peinture  d'histoire 
et  passa  à  celle  de  genre.  On  cite  son  Clarinettiste^ 
rOurs  au  marché^  C Âprès-Midi  du  dimanche .>  le 
Marché  de  Diisseldorf.  —  Son  fils  Olaf  est  un  paysa- 
giste connu. 

JERNINGHAM  (Edward),  poète  anglais,  né  en  1727, 
mort  en  1812.  Il  fit  ses  études  en  France,  au  collège  an- 
glais de  Douai,  d'abord,  puis  à  Paris.  Plus  tard  il  se  con- 
vertit au  protestantisme.  Ami  des  lords  Chesterfield,  Har- 
courtetCarlisle  et  de  Horace  Walpole,  il  vécut  non  seulement 
comme  un  grand  seigneur  ami  des  lettres,  mais  comme 
un  producteur  littéraire  infatigable.  Il  serait  fastidieux  de 
donner  la  liste  de  ses  poésies,  dont  un  grand  nombre  se 
trouvent  réunies  dans  la  neuvième  édition  de  ses  Poems 
on  Varions  Subjects,  en 4  vol.  (1806).  Walpole  regardait 
son  poème  sur  l'Origine  et  les  Progrès  de  la  Poésie 
Scandinave  (1784)  comme  son  meilleur  ouvrage:  ce  n'est 
pas  à  dire  que  ce  soit  un  chef-d'œuvre,  loin  de  là.  Des 
tragédies  très  médiocres,  comme  The  Siège  of  Berwick 
(1794),  des  biographies,  des  essais  moraux,  augmentent 
encore  l'encombrant  et  lourd  bagage  littéraire  de  Jern- 
ingham.  Il  en  avait  bien  d'autres  en  manuscrits,  qu'il 
légua  à  l'éditeur  Clarke  ;  mais  celui-ci,  soigneux  de  ses 
propres  intérêts,  fit  à  la  mémoire  du  poète  la  charité  de 
les  garder  inédits.  B.-H.  G. 

JÉROBAAL  (V.  Gédéon). 

JÉROBOAM  l®%  fils  d'un  certain  Nebat  et  d'origine 
éphraïmite,  se  mit  à  la  tête  des  mécontents  au  moment  où 
Roboam,  fils  et  successeur  de  Salomon,  venait  réclamer  à 
Sichem  le  gouvernement  dos  tribus  du  centre  et  du  Nord. 
Ainsi  se  consomma  la  séparation,  assez  improprement  dite 
schisme  des  Dix-Tribus.  11  serait  plus  exact  de  dire  que 


l'immense  majorité  des  Israélites  refusa  de  supporter  plus 
longtemps  le  joug  que  la  petite  dynastie  établie  à  Jérusa- 
lem prétendait  faire  peser  sur  l'ensemble  de  la  nation. 
Jéroboam  devint,  dans  ces  circonstances,  le  véritable  roi 
d'Israël,  tandis  que  Roboam  n'était  plus  que  le  roi  de  Juda 
et  se  trouvait  hors  d'état  de  réduire  ceux  qui  avaient  fait 
sécession.  Jéroboam,  dans  un  règne  de  vingt-deux  ans 
(environs  de  l'an  950  av.  J.-C),  semble  avoir  entrepris 
d'importantes  constructions,  notamment  des  travaux  de 
fortification.  Les  écrivains  bibliques  l'accusent  d'avoir  favo- 
risé l'apostasie  religieuse  en  installant  des  «  veaux  d'or  » 
à  Dân  et  à  Béthel  ;  ce  reproche  est  sans  fondement,  la  cou- 
tume ancienne  en  Israël  ayant  été  d'adorer  Yahvéh  sous 
des  formes  animales  et  aucune  initiative  ne  devant  être 
attribuée  à  Jéroboam  sous  ce  rapport.  M.  Vernes. 

JÉROBOAiVI  II,  roi  d'Israël,  fils  de  Joas,  arrière-petit- 
fils  de  l'usurpateur  Jéhu,  qu'on  dit  avoir  été  favorisé  par 
les  prophètes,  règne  soit  quarante  et  un  ans,  soit  cinquante 
et  un  ans,  aux  environs  de  l'an  800.  Ce  long  règne  semble 
avoir  été  des  plus  brillants  et  des  plus  prospères.  Les 
Syriens,  dont  les  entreprises  contre  Israël  étaient  le  plus 
gros  danger  du  moment,  paraissent  avoir  été  refoulés  dans 
leurs  anciennes  Umites.  Le  royaume  de  Juda,  singulière- 
ment affaibh,  ne  causait  aucune  inquiétude  à  ses  voisins 
du  Nord.  La  dynastie  de  Jéhu,  après  une  phase  de  prospé- 
rité, ne  devait  pas  tarder  à  succomber  à  son  tour  sous 
l'efïbrt  d'une  de  ces  conspirations  que  favorisait  une  orga- 
nisation essentiellement  militaire  et  oligarchique. 

JÉRÔME  (Saint),  en  latin  Eusebius  ïïieronymus ,  le 
plus  érudit  des  pères  de  l'Eglise,  né  à  Stridon  entre  340 
et  346,  mort  à  Bethléem  le  20  sept.  420.  Quoique  né  de 
parents  catholiques  sur  les  confins  de  la  Dalmatie  et  de  la 
Pannonie,  il  ne  fut  baptisé  qu'à  Rome  sur  sa  demande  et 
après  une  vie  assez  légère,  durant  l'épiscopat  de  Libère, 
donc  avant  366.  Il  était  allé  à  Rome  pour  y  poursuivre  ses 
études  littéraires.  Puis  il  voyagea  en  Gaule,  séjourna  à 
Trêves,  revint  vers  le  sud  et  finit  par  se  fixer  non  loin  de 
sa  patrie,  à  Aquilée.  Là  il  se  lia  avec  Rufin,  Héliodore  et 
quelques  autres  jeunes  gens.  Les  récits  d'Evagre  d'An- 
tioche  les  enthousiasmaient  pour  les  ermites  d'Orient;  cela 
fut  décisif  pour  la  tournure  d'esprit  de  Jérôme  ;  les  germes 
déposés  alors  dans  son  àme  se  développèrent  et  firent  de 
lui  le  grand  promoteur  de  l'ascétisme  monastique  en  Occi- 
dent. Vers  373,  Jérôme  et  queljues-uns  de  ses  amis  ac- 
compagnèrent Evagre  en  Palestine.  H  est  caractéristique 
pour  Jérôme  qu'il  emporta  en  voyage  une  bibliothèque  as- 
sez volumineuse,  réunie  jadis  pendant  son  séjour  à  Rome. 
A  Antioche,  il  tomba  malade  ;  dans  un  songe  qu'il  eut,  il 
se  targuait  de  son  titre  de  chrétien;  le  Christ  lui  répon- 
dit :  Mentiris,  Ciceronia7iiis  es,  non  Christiamis !  Sur 
cela,  Jérôme  se  retira  dans  le  désert  de  Chalcis  pour  y 
mener  la  vie  parfaite  d'un  ermite,  priant,  jeûnant,  se  ma- 
cérant, apprenant  finalement  l'hébreu  pour  vaincre  les 
obsessions  de  la  chair.  On  le  retrouve  à  Antioche,  au  prin- 
temps de  379;  puis  il  va  entendre  Grégoire  de  Nazianze  à 
Constantinople  (381),  et  débute  dans  sa  carrière  d'érudit 
en  traduisant  en  latin  l'histoire  d'Eusèbe  et  en  y  ajoutant 
la  chronique  des  années  330  à  380,  puis  en  traduisant 
quelques  ouvrages  d'Origène  et  en  exprimant  la  nécessité  de 
recourir  pour  l'intelligence  de  l'Ancien  Testament  à  l'original 
hébreu.—  Le  pape  Damase,  avec  lequel  il  correspondait",  lui 
demanda  de  venir  à  Rome  en  382.  Les  trois  années  qu'il 
y  passa  furent  décisives  pour  sa  vie;  il  s'y  fit  quelques 
amis  et  de  nombreux  ennemis  tant  par  ses  publications 
savantes  que  par  sa  propagande  en  faveur  de  l'ascétisme. 
Ces  deux  activités  devinrent  le  but  de  sa  vie.  Entre  autres 
travaux,  il  revisa  la  version  latine  du  Nouveau  Testament, 
traduisit  les  psaumes  et  se  prépara  à  mettre  en  latin  l'An- 
cien Testament  par  une  étude  minutieuse  des  diverses  tra- 
ductions grecques  comparées  avec  le  texte  hébreu.  D'autre 
part,  il  groupa  autour  de  lui  un  cercle  de  dames  apparte- 
nant aux  plus  anciennes  familles  patriciennes  :  Paule  qui 
descendait  des  Scipions,  sa  fille  Julie  Eustochium,  Marcelle 


dont  le  palais  sur  l'Avenlin  leur  servait  de  lieu  de  réunion, 
Léa,  Sophronic,  Fabiola  et  d'autres,  toutes  blasées  et 
fuyant  les  corvées  de  la  vie  sociale.  Il  leur  expliquait  les 
Ecritures,  élucidait  pour  eiles  des  sujets  d'archéologie  bi- 
blique, mais  surtout  il  leur  inculquait  ses  principes  ascé- 
tiques dont  l'exposé  se  trouve  dans  son  De  Custodia  vir- 
ginitalis^  une  diatribe  acerbe  contre  le  mariage.  Le  pape 
Damase  mourut  en  déc.  384;  on  avait  parlé  de  Jérôme 
pour  lui  succéder  (Ep.  XLV,  3)  ;  mais  soij  extrême  irri- 
tabilité, son  manque  de  tact,  sa  critique  amère  de  îa  vie 
mondaine  du  clergé,  l'ascétisme  exalté  qu'il  propageait  et 
qui  le  singularisait,  lui  et  ses  adhérents,  les  calomnies  qui 
circulaient  sur  ses  nombreuses  entrées  dans  la  maison  de 
Marcelle,  tout  cela  l'avait  rendu  fort  impopulaire.  Quand 
un  de  ses  adversaires,  Sirico,  fut  élevé  à  Fépiscopat  rotnain, 
Jérôme,  ne  voulant  plus  vainement  «  chanter  les  louanges 
du  Seigneur  dans  un  pays  étranger  »  (Ep,  XLV,  6), 
c.-à-d.  au  milieu  d'une  société  hostile  au  monachisme, 
quitta  pour  toujours  Rome  en  août  385,  et  alla  en  Pales- 
tine. —  Il  emportait  sa  bibliothèque,  et  Paule  avec  sa  fille 
Eustochium  le  suivirent  bientôt.  D'autres  amis  et  amies  de 
Jérôme  étaient  déjà  en  Palestine  ou  s'y  rendirent  dans  la 
suite.  Ce  fut  comme  un  exode  de  quelques  déhcats,  fati- 
gués de  l'agitation  mondaine,  pressentant  les  catastrophes 
prochaines,  hypnotisés  par  un  faux  idéal  moral,  cherchant 
dans  le  désert  une  satisfaction  égoïste.  Après  avoir  visité 
les  lieux  saints  et  fait  un  séjour  en  Egypte,  le  berceau  du 
monachisme,  Jérôme  se  fixa  à  Bethléem.  Avec  les  res- 
sources financières  de  Paule,  un  couvent  fut  construit  ;  à 
côté  s'éleva  un  hospice  où  les  femmes  exerçaient  l'hospita- 
lité. Pour  Jérôme,  la  première  période  (386-392)  de  son 
séjour  à  Bethléem  fut,  en  somme,  une  retraite  scientifique 
plutôt  qu'autre  chose  ;  il  continua  ses  recherches  érudites 
sur  l'archéologie  biblique  et  sur  le  texte  des  livres  saints, 
ainsi  que  sur  l'histoire  ecclésiastique.  La  seconde  période 
(393-404)  est  marquée  par  plusieurs  controverses  reten- 
tissantes, en  particulier  contre  Jovinien  (Y.  ce  nom),  un 
adversaire  du  monachisme  ;  contre  Vigilance,  «  nouvelle 
incarnation  de  Jovinien  »,  que  Jérôme  combattit  par  une 
polémique  passionnée  où  les  insultes  remplacent  les  argu- 
ments ;  contre  l'origénisme,  ce  qui  le  brouilla  avec  son  vieil 
ami  Fiufin  et  dévoila  l'étroitesse  de  son  esprit,  en  même 
temps  qu'un  manque  de  générosité,  de  courage  et  de  droi- 
ture. Enfin,  les  quinze  dernières  années  de  sa  vie  (404- 
420)  furent  troublées  par  les  événements  et  [>ar  les  atteintes 
de  la  vieillesse.  Les  barbares  qui  pillaient  Rome  (409) 
passaient  aussi  par  la  Palestine.  Jérôme,  malade,  dut  fuir 
plusieurs  fois  ;  la  mort  de  ses  amis  l'isolait  ;  son  opposi- 
tion contre  le  pélagianisme  le  brouillait  avec  la  plupart 
des  évoques  palestiniens  ;  mais,  jusqu'à  sa  mort,  il  persé- 
véra dans  ses  travaux  d'érudition  biblique. 

L'œuvre  littéraire  de  Jérôme  est  considérable.  Erasme 
en  prépara  la  première  édition  complète  à  Bâle  (1516- 
4520,  en  9  vol.  in-foL);  avant  cela  les  lettres  et  quelques 
trahés  seulement  avaient  été  publiés  par  Massimo,  à  Rome, 
en  1468.  Les  éditions  complètes,  postérieures  à  celles 
d'Erasme,  n'y  ajoutèrent  pas  grand'chose;  celle  des  béné- 
dictins J.  Martianay  et  A.  Pouget  (Paris,  1706,  5  vol.  in- 
fol.)  est  même  fort  défectueuse  ;  la  meilleure  est  toujours 
celle  de  D.  Vallarsi  et  Scip.  Maifei  (Vérone,  4734-1742; 
2®  éd.,  1762-1766,  11  vol.  gr.  in-4);  elle  a  été  réimpri- 
mée par  Mîgne  dans  sa  Patrologie  (Paris,  1845,  t.  XXill- 
XXXUI).  Parmi  les  nombreuses  traductions  de  Jérôme, 
celle  de  la  Bible  est  d'une  importance  capitale  ;  elle  est 
encore  en  usage  sous  le  nom  de  Vulgate  (V.  ce  mot).  Les 
nombreux  commentaires  de  Jérôme  sur  des  écrits  bibliques 
sont  plutôt  des  compilations  de  l'opinion  des  autres  ;  ils  n'ont 
une  valeur  réelle  que  pour  la  critique  textuelle  qui  inté- 
ressait Jérôme  et  sur  laquelle  il  avait  des  documents  perdus 
aujourd'hui.  En  théologie  proprement  dite,  il  manque  d'es- 
prit philosophique;  d'ailleurs,  il  évite  le  plus  possible  les 
définitions  doctrinales  et  se  soumet  d'avance  et  servilement 
à  l'autorité  qui  prévaudra.  Dans  ses  écrits  de  controverse, 


li^>  -"  JÉRÔME  —  JERROLD 

il  prend  Fopinion  de  l'Eglise  pour  la  vérité  absolue  et 
dénigre  ou  même  dénature  tout  ce  qui  y  est  contraire.  Ses 
contributions  à  l'histoire  de  l'Eglise,  surtout  son  De  Viris 
illmtribus  seu  de  scriptoribus  ecclesiasticis,  fournissent 
des  données  précieuses,  quoique  l'auteur  s'y  montre  dénué 
d'esprit  critique.  Les  148  lettres  (t.  1  de  Vallarsi)  sont 
incontestablement  ce  que  Jérôme  a  laissé  de  plus  intéres- 
sant, abstraction  faite  de  la  Vulgate,  Le  style  est  correct, 
vif,  éclairé  par  des  images  justes  et  des  tournures  ou  des 
mots  heureux.  Quelques-unes  de  ces  épîtres  sont  des  chefs- 
d'œuvre,  et  plusieurs  montrent,  prises  sur  le  fait,  la  vie 
sociale  et  ecclésiastique  du  temps  de  Jérôme;  elles  sont 
indispensables  à  celui  qui  veut  comprendre  les  origines  du 
monachisme.  Il  ne  peut  être  question  d'exposer  le  système 
théologique  d'un  penseur  aussi  médiocre  ;  une  vue  d'en- 
semble était  ce  qui  lui  manquait  le  plus,  F.-H.  Krûger. 
Btbl.  :  Les  préfaces  des  principales  éditions  des  œuvres 
de  Jérôme,  surtout  celles  d'ERA^ME  et  de  MarttAis'ay  (V. 
ci-dessus).- Acia  Sanctorum,  t.  VIII,  pp.  418  et  suiv.™  J. 
Engelstoft,  Hieronymiis  Stridonensls,  interpres^  criti- 
ciis,  exegota,  etc.;  Copenhague,  1799,  in-8.  --  O.  Zœcklkr, 
Ifleronymus,  sein  Lehen  u.  sein  Werhen  ;  Gotha,  1865.  — 
Aniédée  Thierry,  Saint  Jérôme,  la  société  chrétienne  à 
Rome  et  l'émigration  romaine  en  Terre  sainte  ;  Paris, 
18G7,  2  vol.  ~  E.-L.  Cutts,  Saint  Jérôme  ;  Londres,  1877. 
—  IL  GoELZER,  Etude  lexicographique  et  grammaticale 
de  la  latinité  de  saint  Jérôme  ;  Paris,  1836.  —  G.  Martin, 
Life pf  Saint  Jérôme  ;  Londres,  1888. 
JÉRÔME,  roi  de  Westphalie  (V.  Bonaparte). 
JEROME  (Ida pka-Jerome),  écrivain  anglais,  né  à  Wal- 
sall  le  2  mai  1861.  Appartenant  à  une  bonne  famille  de 
rO.  de  l'Angleterre,  il  vint  tout  jeune  à  Londres  où  il  eut 
une  existence  des  plus  mouvementées  et  où  il  exerça  tous 
les  métiers  :  clerc,  maître  d'école,  sténographe,  reporter, 
acteur,  journaliste.  Il  débuta  dans  la  littérature  par  un 
volume  de  critiques  très  tines  et  très  personnelles  :  On  the 
Stage  and  o^' (Londres,  1885).  Il  conquit  une  véritable 
renommée  par  la  publication  d'études  fort  humoristiques, 
îdde  Tlioiights  of  an  idle  fellow  (1886),  et  Three  Men 
in  a  Uoat  (1889).  Il  a  fait  jouer  quelques  pièces  qui  ont 
eu  du  succès.  Mentionnons:  Barbara  (1886);  Sunset 
(i  888),  comédies  en  un  acte  ;  Wood  Barrow  Farm  (1888) 
et  New  Lamps  for  old  (1890),  comédies  en  trois  actes. 

JÉRÔME  DE. Prague,  théologien  tchèque,  né  à  Prague 
dans  la  seconde  moitié  du  xiv^  siècle,  mort  à  Constance 
le  30  mai  1416.  Il  avait  fait  ses  études  à  Prague  et  à 
Oxford  d'où  il  rapporta  les  livres  de  Wykleff;  il  prit  en 
l'i98  le  titre  de  bachelier  à  l'université  de  Prague  et  le 
titre  de  maître  dans  quelque  université  allemande.  Il  visita 
aussi  celle  de  Paris  et  alla  jusqu'en  Palestine.  De  retour 
à  Prague  il  enseigna  à  l'université  et  adhéra  aux  doc- 
rines  de  Jean  llus.  Jeté  en  prison,  il  réussit  à  s'échapper. 
En  1412,  il  prêcha  contre  les  indulgences.  En  1413,  il 
se  rendit  en  Pologne  et  en  Russie,  prêcha  les  nouvelles 
doctrines  et  entra  en  rapport  avec  le  clergé  orthodoxe. 
En  1415,  il  alla  à  Constance  pour  défendre  Jean  llus; 
emprisonné,  il  abjura  d'abord  ses  doctrines,  puis  il  les  con- 
fessa ensuite  avec  enthousiasme  et  fut  condamné  à  être 
brûlé.  Il  monta  sur  le  bûcher  le  30  mai  1416.  Les  hu- 
sites  le  vénérèrent  comme  un  martyr  et  célébrèrent  sa 
fête  le  6  juin. 
BiiîL.^:  V.  Jean  Hus. 

JÉRÔME  deTrévise  (V.  GmoLAMo  da  Treviso). 
JERONYMITES  (V.  Hiéronymites). 
JÉROSE(Bot.).  Nom  vulgaire  de  VAnastatica  hiero- 
chuniicaL.  (V.  Rose  de  Jéricho). 
I       JERROLD  (Douglas- Wilham),  littérateur  anglais,  né  à 
Londres  le  3  janv.  1803,  mort  à  Londres  le  8  juin  1857. 
Fils  de  l'acteur  Samuel  Jerrold,  il  figura  sur  la  scène  dès 
l'àoe  le  plus  tendre,  mais  ayant  appris  lui-même  le  latin, 
le  français  et  l'italien,  il  fut  pris  en  amitié  par  le  capitaine 
Austen  qui  le  fit  entrer  dans  la  marine.  Il  quitta  le  ser- 
vice en  1815  et  débuta  dans  la  littérature  par  de  petits 
vers  et  des  critiques  dramatiques.  En  1818,  il  écrivait  un 
drame  The  Duellists  qui  échoua  sous  ce  titre,  mais  qui, 
'    rebaptisé  3lore  frightened  ihan  hiirt  (1821),  obtint  un 


JERROLD  —  JERSEY 


—  H6 


grand  succès  et  fut  même  traduit  en  français  et  joué  à 
Paris.  Collaborateur  de  nombreux  journaux  et  revues,  il 
conquit  la  renommée  par  sa  comédie  Black-eyed  Susan 
(i  829)  qui  eut  plus  de  400  représentations.  Il  continua 
d'écrire  pour  le  théâtre  et  prit,  en  4836,  la  direction  du 
Strand  Théâtre  qui  ne  Ihi  procura  que  des  déboires,  ce  qui 
le  dégoûta  pour  un  temps  de  la  littérature  dramatique.  Il 
devint  un  des  collaborateurs  les  plus  assidus  du  Punch  dès 
son  apparition  (4841)  et  lui  donna  notamment  ses  Mrs. 
Caudle's  Curtain  Lectures  qui  obtint  un  succès  considé- 
rable (1846).  Il  gagnait  beaucoup  d'argent  et  il  le  perdait 
en  fondant  des  journaux  sans  lendemain  ;  en  4845,  le 
Douglas  Jerrold' s  Shilling  Magazine;  en  4846,  le  Dou- 
glas Jerrold' s  Weekly  Newspaper.  A  partir  de  4852,  il 
dirigea  avec  beaucoup  d'habileté  le  Lloyd's  Weekly  Neivs- 
paper.  Les  OEuures  de  Jerrold  ont  été  publiées  en  4854- 
54  ,  8  vol.  ;  elles  comprennent  un  grand  nombre  de 
pièces  de  théâtre,  des  critiques,  essais  et  esquisses,  sous 
les  titres  de  Other  Times  et  de  The  Brownrigg  Pa- 
pers,  etc.  R.  S. 

BiBL.  :  Blanchard  Jerrold,  Life  and  remains  of  Dou- 
glas Jerrold  ;  Londres,  1859,  in-8. 

JERROLD  (William-Blanchard),  littérateur  anglais,  né 
à  Londres  le  23  déc.  4826,  mort  à  Westminster  le  40  mars 
4884,  fils  du  précédent.  Il  avait  de  grandes  dispositions 
pour  le  dessin  et  à  seize  ans  il  illustra  avec  goût  certains 
journaux  de  son  père,  mais  il  abandonna  bientôt  l'art  pour 
la  littérature.  Il  débuta  au  Weekly  Newspaper  de  son 
père  par  une  série  d'études  sur  l'émigration  intitulée  The 
OUI  Woman  jvho  lived  in  a  Shoe,  11  fut  un  des  pre- 
miers collaborateurs  du  Daily  Neivs  pour  lequel  décrivit, 
en  4855,  un  compte  rendu  de  l'Exposition  universelle  de 
Paris.  Il  prit  tant  de  goût  pour  la  France  qu'à  partir  de 
cette  date  et  jusqu'à  sa  mort  il  habita  la  moitié  de  l'année 
à  Paris.  Fort  répandu  dans  le  monde  littéraire  et  politique, 
il  connut  intimement  Gustave  Doré  et  fut  reçu  avec  affabi- 
lité à  la  cour  des  Tuileries.  A  la  mort  de  son  père,  il  prit 
la  direction  du  Lloyd's  Weekly  London  News,  auquel  il 
donna  une  couleur  libérale  très  marquée.  Il  fut  un  des 
fondateurs  de  la  branche  anglaise  de  l'association  interna- 
tionale pour  la  protection  de  la  propriété  httéraire.  Jerrold 
a  écrit  des  pièces  de  théâtre  qui  ont  eu  du  succès,  entre 
autres  :  Cool  as  a  Cucwnber  (4854);  Beau  Brummel 
the  king  of  Calais  (4859);  Cupid  iîi  wailing  (4874); 
des  opuscules  gastronomiques,  la  plupart  sous  le  pseudo- 
nyme de  Fin-Bec,  et  il  était  en  effet  un  fin  gourmet  ;  de 
nombreuses  œuvres  de  vulgarisation;  son  chef-d'œuvre  est 
The  Life  of  Napoléon  III  (4874-82,  4  vol.  in-8),  pour 
lequel  l'impératrice  Eugénie  lui  avait  fourni  de  nombreux 
documents.  R.  S. 

BiBL.  :  Charles  Kent,  Life  of  W.-B.  Jerrold,  dans  II- 
luslrated  Review  de  mars  1873. 

JERSEY.  Géographie.  ~  La  principale  des  îles  Nor- 
mandes, au  S.  de  cet  archipel,  à  25  kil.  0.  de  la  presqu'île 
du  Cotentin  et  à  440  kil.  S.  de  la  côte  d'Angleterre; 
446  kil.  q.;  22  kil.  de  long  du  S.-E.  au  N.-O.,'  40  kil. 
de  large;  55,000  hab.  La  forme  de  File  est  celle  d'un  qua- 
drilatère dont  les  côtés  se  coupent  à  angle  droit  selon  les 
points  cardinaux.  La  côte  N.  est  formée  de  falaises  de 
400  m.  où  se  creusent  de  nombreuses  grottes,  des  criques, 
mais  point  de  port;  on  y  remarque  le  cap  Gros-Nez  au 
N.-O.,  auprès  duquel  se  dressent  les  falaises  de  Piémont, 
la  pointe  Sorel;  la  côte  orientale  comprend  les  baies  de 
Sainte-Catherine  et  de  Grouville  entre  lesquelles  s'élève 
le  roc  de  Montorgueil;  la  côte  méridionale,  profondément 
rongée  par  la  mer  et  bordée  à  3  kil.  de  rochers  submergés 
qui  représentent  l'ancien  rivage,  comprend  les  baies  de 
Saint-Clément,  Saint-Aubin  et  Sainte-Brelade;  la  seconde 
est  lu  principale  de  File  dont  elle  recueille  presque  toutes 
les  eaux.  La  côte  occidentale  comprend  la  pointe  de  la  Cor- 
bière, déchiquetée  en  cavernes,  piliers,  etc.,  la  pointe  de  la 
Moye,  la  triste  grève  de  Saint-Ouen,  le  cap  Gros-Nez. 

Le  chmat  est  très  doux.  Le  sol  est  très  fertile,  creusé 
de  vallons  ravissants.  Les  prairies,  plantées  de  pommiers, 


occupent  la  plus  grande  partie  du  sol;  dans  les  jardins 
poussent  en  pleme  terre  les  végétaux  des  pays  méridio- 
naux. On  cite  les  poires  de  Jer'sey,  le  chou  cavalier  qui 
dépasse  2  m.  Les  yaches  laitières  sont  petites,  mais  excel- 
lentes. Les  chevaux,  issus  d'un  croisement  de  normands  et 
de  cosaques,  sont  très  vigoureux.  Jersey  est  une  villégia- 
ture très  goûtée  des  Anglais  qui  y  vivenfen  grand  nombre. 
Les  9/10  des  habitants  sont  protestants.  La  seule  ville  no- 
table est  Saint-Hélier,  la  capitale.  —  Il  existe  plus  de 
400  kil.  de  route,  et  deux  chemins  de  fer  rehent  Saint- 
Héher  à  Saint-Aubin  et  Sainte-Brelade  (42  kil  )  et  à 
Gorey  (9  kil.).  a.-M.  B. 

^législation.  —  Droit  coNSTrruTioNNEL  et  adminis- 
tratif. ™  L'île  de  Jersey,  ainsi  que  les  autres  îles  Anglo- 
Normandes,  est  placée  sous  la  souveraineté  de  la  couronne 
d'Angleterre  :  elle  ne  fait  pas  partie  du  royaume  (realm) 
proprement  dit.  Ces  lies  appartiennent  au  roi  d'Angleterre, 
non  pas  comme  souverain  du  Royaume-Uni,  mais  comme 
duc  de  Normandie.  En  d'autres  termes,  elles  ne  sont  pas 
régies  par  la  constitution  anglaise,  mais  par  des  coutumes 
séculaires  qui,  du  temps  du  roi  Edouard  II,  étaient  déjà 
qualifiées  d'immémoriales.  En  4769,  dans  des  remontrances 
qui  furent  écoutées  du  gouvernement  anglais,  William  Le 
Marchant  exposait  en  ces  termes,  d'une  grande  précision, 
le  régime  pohtique  de  ces  îles  :  «  Nous  formons  un  Etat 
distinct  et  séparé  de  l'Angleterre,  quoique  sous  le  même 
souverain.  Nul  acte  du  Parlement  n'est  considéré  ni  suivi 
dans  ces  îles,  quoiqu'elles  y  soient  mentionnées,  à  moins 
qu'il  ne  nous  soit  transmis  avec  un  ordre  du  conseil,  et 
même  ces  actes,  ces  ordres,  quelque  respectables  qu'ils 
soient,  n'ont  point  force  de  loi  ici  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  été 
vérifiés  parla  cour  royale  et  enregistrés  sur  nos  Records.  » 

Les  îles  n'ont  pas  de  représentants  au  Parlement  an- 
glais ;  elles  jouissent  de  privilèges  et  d'immunités,  reconnus 
et  confirmés  à  plusieurs  reprises  par  les  rois  d'Angleterre 
agissant  comme  ducs  de  Normandie,  qui  leur  donnent  le 
moyen  de  contrôler  et,  au  besoin,  de  repousser  toute  loi 
impériale  qui  porterait  atteinte  à  leurs  franchises' tradi- 
tionnelles. Normalement,  le  pouvoir  législatif  est  exercé 
dans  les  îles  Anglo-Normandes  par  les  Etats  de  chacune 
d'elles.  Ces  lois  locales,  pour  devenir  définitives,  doivent 
être  confirmées  par  un  ordre  de  la  reine  en  conseil.  Les 
actes  du  Parlement  et  les  ordres  du  conseil  sont  enregistrés 
et  publiés  en  anglais  ;  les  lois  et  les  règlements  votés  par 
les  Etats  sont  rédigés  et  promulgués  en  français.  Le  français 
est  d'ailleurs  resté  la  langue  ofiîcielle  des  Etats  et  des  cours 
de  justice.  L'organisation  des  Etats  varie  dans  les  diverses 
îles.  A  Jersey,  les  Etats  sont  présidés  par  le  baiUi,  qui  pré- 
side également  la  cour  royale  et  qui  est  nommé  par  la  reine. 
L'office  de  bailli  n'est  donné  «  que  durant  le  bon  plaisir 
du  prmce  »  :  en  fait,  il  est  conféré  à  vie.  Le  gouverneur 
a  droit  de  séance  aux  Etats,  et  il  peut  suspendre  l'exécu- 
tion de  leurs  décisions  en  opposant  son  veto. 

Les  Etats  de  Jersey  se  composent,  outre  du  bailli,  pré- 
sident, de  douze  jurés  justiciers,  membres  de  la  cour 
royale  et  élus  à  vie  par  les  contribuables  de  l'île,  des  douze 
recteurs  anglicans  des  paroisses  de  l'ile,  nommés  par  la 
reine,  et  des  douze  connétables  de  ces  paroisses,  élus  pour 
trois  ans  par  les  contribuables  de  chacune  d'elles.  En  4856 
fut  voté  un  nouveau  règlement,  que  la  reine  confirma, 
d'après  lequel  les  onze  paroisses  rurales  de  l'île  ont  droit 
chacune  à  un  député.  La  paroisse  de  Saint-Hélier  nomme 
trois  députés.  Ces  quatorze  députés  sont  nommés  pour  trois 
ans,  comme  les  connétables.  Le  procureur  général  de  la 
reine  et  l'avocat  général,  qui  remplissent  près  de  la  cour 
royale  les  fonctions  de  ministère  pubhc ,  ont  le  droit 
d'assister  aux  séances  des  Etats,  mais  ils  n'ont  que  voix 
consultative.  Le  corps  électoral  se  compose  des  contri- 
buables, sujets  de  la  reine,  portés  sur  les  listes  du  i^ât  pa- 
roissial (un  comité  de  taxation,  présidé  par  le  connétable, 
contrôle  la  déclaration  que  chaque  habitant  est  tenu  de  faire 
delà  valeur  de  ses  propriétés  foncières  et  mobilières.  L'im- 
pôt paroissial  est  perçu  au  prorata  de  cette  évaluation  ;  de 


m  -~^ 


Lettre 


IçUre  de  change,  dont  la  création  Constitue  entre  toutes  per- 
sonnes un  acte  de  comnierce,  est  un  écrit  soumis  à  des  forines 
déterminées  par  lequel  une  personne,  h  tireur,  donne  à  une 
autre,  le  tiré^  l'ordre  de  payer  à  une  troisième,  le  bénéfi- 
ciaire  an  preneur^  ou  à  son  ordre,  une  certaine  somme  d'ar- 
gent. Autrefois  elle  supposait  l'existence  préalable  d*un  con- 
trat de  change,  et  la  loi  exigeait  qu'elle  fût  créée  d'un  lieu  sur 
un  autre.  Maië  cette  présomption  avait  cessé  d'être  conforme 
a  la  réalité  dès  choses  ;  aussi  la  nécessité  de  la  remise  de 
place  en  place  a-t~elle  été  supprimée  par  la  loi  du  7  juin 
1894.  Quand  la  lettre  de.  change  est  tirée  d'un  lieu  sur 
un  autre,  elle  permet  d'éviter  les  frais  et  risques  des  trans- 
ports d'argent.  De  nos  jours  elle  constitue  surtout  un  ins- 
trument de  crédit,  à  cause  de  la  négociation  que  le  tireur 
peut  en  faire  dès  qu'elle  est  créée  en  l'endossant  au  pt-ofit 
d'un  banquier  qui  lui  en  verso  immédiatement  le  montant 
spus  déduction  de  l'escompte.  Elle  est  rédigée  par  éci^it  et 
conçue  dans  une  forme  analogue  à  la  suivante  : 

Paris,  le  46  août  1894,  B,  P.  F.    500 

Au  16  novembre  prochain,  il  vous  plaira  payer  à 
Tordre  de  A...  la  soniime  de  cinq  cents  francs,  valeur 
reçue  (comptant  ou  en  marchandises),  etc. 

Signé:  B..o 
à  C...  à  Grenoble» 

FormeSé  Parmi  les  formes  prescrites  par  la  loi  pour  la 
lettre  de  change,  les  unes  sont  essentielles  à  la  validité  du 
titre,  les  autres  simplement  accessoires.  Les  premières  se 
réfèrent  à  la  désignation  des  personnes,  à  la  désignation 
de  l'obligation  et  à  la  constitution  du  titre.  Trois  personnes 
au  moins  doivent  être  nommées  dans  la  lettre  de  change  : 
le  tireur,  créateur  du  titre,  le  tiré  qui  doit  en  payer  le 
montant,  et  le  preneur  auquel  ou  à  l'ordre  duquel  le  paye- 
ment doit  être  fait.  L'obligation  doit  être  désignée  par 
l'indication:  1°  De  la  somme  due,  de  telle  sorte  que  toute 
personne  puisse  savoir  ce  qui  devra  être  payé.  S**  De  l'époque 
du  payement.  Elle  peut  être  fixée  à  vue  ou  à  un  certain 
délai  de  vue  et  â  un  certain  délai  de  date  ;  tirée  à  vue,  la 
lettre  de  change  est  payable  à  sa  présentation.  Le  délai  de 
vue  se  compte  du  jour  de  l'acceptation  ou  du  protêt  faute 
d'acceptation.  Les  délais  sont  exprimés  par  jours,  par  mois 
ou  par  usances  (trente  jours).  Le  jour  du  point  de  départ 
du  délai  n'est  jamaiis  compté.  La  date  du  payement  ne  doit 
pas  être  fixée  à  un  terme  incertain  :  cependant  une  lettre 
de  change  payable  en  foire  est  échue  le  jour  de  la  foire  si 
elle  ne  dure  qu'un  jour,  et  à  la  veille  de  sa  clôture  si  elle 
dure  plusieurs  jours.  3^  Du  lieu  du  payement.  —  Les  men- 
tions relatives  à  la  constitution  du  titre  sont  :  la  date,  afin 
que  chacun  puisse  être  fixé  sur  l'échéance  quand  la  lettre 
est  à  vue,  et  sur  la  capacité  du  tireur;  le  lieu  de  la 
création  de  la  lettre,  important  à  connaître  quand  elle  est 
tirée  ou  circule  à  l'étranger  ;  la  valeur  fournie,  car  c'est 
la  cause  de  l'obligation,  il  faut  indiquer  quelle  valeur  a 
été  fournie,  afin  qu'à  la  seule  inspection  du  titre  on  puisse 
savoir  quel  crédit  lui  accorder.  La  valeur  fournie  s'indique 
notamment  paij  les  expressions  :  valeur  reçue,  en  espèces 
ou  comptapt,  en  marchandises,  en  compte.  L'omission  des 
nientions  essentielles  constituant  un  vice  inhérent  au  titre 
lui-même  entraîne  sa  nulhté  absolue.  S'il  n'y  a  que  sup- 
position, c.-à-^d.  déclaration  mensongère  et  relative  seule- 
nient  au  nom  et  à  la  quahté  des  personnes,  le  titre  cesse 
d'être  une  lettre  de  change  (C.  com.,  art.  112,  modifié  par 
la  loi  du  î  juin  1894).  Il  devient  une  simple  promesse  dont 
le  caractère  sera  à  fixer  en  fait.  Les  mentions  accessoires 
se  rapportent  :  1^  Au  tireur»  Il  peut  créer  la  lettre  payable 
à  son  ordre,  quand  il  n'a  pas  encore  trouvé  de  preneur, 
ou  qu'il  veut  se  servir  de  lettres  acceptées  pour  se  procu- 
rer du  crédit.  Le  texte  formel  de  l'art.  110  C.  com-  ne 
permet  pas  de  douter  qu'un  tel  titre  constitue  une  lettre 
de  change,  même  avant  lé  premier  endossement,  La  lettre 
peut  encore  être  tirée  par  ordre  ou  pour  le  compte  d'up 
tiers.  Le  tireur  par  ordre  est  un  mandataire  ;  il  signe  k 
htire  par  procuration  àa  son  mandant  qui  seul  est  obligé. 


Le  tireur  peur  compte  est  un  commissionnaire  ;  il  signe 
la  lettre  en  son  propre  nom,  et  c'est  sa  foi  qui  est  suivie 
par  lés  tiers  lors  même  qu'il  aurait  désigné  soh  donneur 
d'Qr^re.]  2^  Au  tiré.  On  peut  indiqué^"  ^sms  I^  lettre  une 
persbnne  qui  la  payera  à  défaut  du  tiré  :  c'est  le  recom- 
mmtdatairé  ou  besoin^  ou  une  personne  autre  que  le 
tiré  au  domicile  de  laq^ielie  la  lettre  sera  payable  :  c'est  le 
àon^iciliataire.  On  i  recours  à  rindicatién  d'un  do- 
micitiataire  quand  on!  a  à  faire  payer  sur  une  ])lace  où 
l'oii  n'a  personne  sur  Ijui  tirer,  mais  où  Ton  connaît  quel- 
qu'uû  qui  se  chargera  'de  payer  si  on  lui  envoie  l^s  fonds. 
Le  tiré  a  également  le  dJt'oit  de  domicilier  son  acceptation. 
3**  Aux  Choses,  Daûs  cet  ordre  d'idées,  on  peut  indiquer 
la  mention  suivant' avisi  ou  sans  autre  am,  selon  qu'on 
entéiid  ou  non  avertir  le  tiré  avant  l'échéance  ;  la  mention 
retour  sans  frais  qui  dispense  le  porteur  du  protêt,  La 
mention  relative  ad  néàbre  des  exemplaires  de  la  lettre 
aii^sf  conçue:  Payez  par  cette  preinière  de  change,  la 

deuiième,  la  troisième  ne  l'étant ^  Payez  par  cette 

deuxième  de  change,  la  première,  la  troisième  ne  l'étant. .... 
Le  payement  fait  sur  l'un  des  exemplaires  annule  les  autres. 
Cette  clause  n'a  d'autre  avantage  que  de  permettre  de  pa- 
rer aux  inconvénients  qui  pourraient  résulter  de  la  porte 
à  laquelle  la  lettre  de  change  est  exposée  à  cause  de  sa 
circulation.  On  peut  encore  insérer  dans  la  lettre  de  change 
que  le  tireur  n'est  pas  responsable  de  son  payement  :  c'est 
la  clause  sans  garantie;  que  k  lettre  ne  sera  pas  pré- 
sentée à  FacceptatiOû,  qu'elle  ne  sera  pas  négociable  avant 
l'échéance.  Pour  qu*une  lettre  de  change  soit  valable,  il  ne 
sufiit  pas  qu'elle  contienne  les  mentions  essentielles  que 
noU^  venons  d'indiquer,  il  faut  encore  qu'elle  soit  tirée 
par  une  personne  capable  de  s'obliger.  Ainsi  k  signature 
donnée  par  une  femme  au  bas  d'une  lettre  dechs^nge,  alors 
même  qu'elle  ne  serait  pas  mariée,  ou  que  Tctarit  elle  se- 
rait autorisée  de  son  mari,  ne  vaut  à  son  égard  que  comme 
simple  promesse  si  elle  n'est  pas  marchandepublique.il 
faut  en  conclure  q4'aucun  c^es  effets  spéciaui  à  la  lettre 
de  change  :  possibilité  pour  le  porteur  de  se  retourner 
contre  elle  faute  d'acceptation  du  tiré,  présomption  do 
commercialité,  prescription  dé  dnq  ans,  ne  se  produira  à 
l'égard  de  la  femme.  Le  mineur  commerçant  est  pleinement 
capable  de  signer  une  lettre  dé  change.  Par  contre,  l'inca- 
pacité du  mineur  npn-comiherçant  est  absolue.  La  lettre 
signée  parlui  ne  vaudrait  même  pas,  comme  simple  promesse. 
Il  pdttrrait  (;epen(Jant  être  }énu  dans  la  mesiire  oti  il  s*est 
enrichi.  La  lettré  |ie  WkngevaWdrai^  comme  simple  promesse 
si  elfe  était  signée  paï"  un  mineur, émancipé  oti  aûtprisé  de  son 
tuteur.  Est  nulle  aussi  la  lettre  de  change  sigUéépar  un  in- 
terdit Quant  à  celle  signée  par  le  poiirvu  d'up  conseil  judi- 
ciaire, elle  est  nul|e^;  il  la  si^nc  seul,  elle  vaut  j^omme  simple 
promesse  s'il  est  assiste  de  g(^n  cotiséil.  Ces  nullités  s'ap- 
pliquent alors  mê|ne|  que  llnqsipabiê  aurait  rén^pli  d^ns  la 
lettrç  un  autre  rôle  que  celui  c|u  tireur.  Elle  nî'est  opposable 
que  par  les  incapables,  lès  autres  siguatairef  de  k  lettre 
restant  obligés  coufàe  en  dro|t  couimùh. 

Ttfinsmission.  Cetlie  transmission  peut  s*opérer  par 
tous  les  modes  orcjiluaîî'es  (le  céssipn  dans  Ips  termes  du 
droit  commun,  mais  lc|  mode  Je  plus  simple  ^t  le  plus  or- 
dinaire est  i'endo^^ériient  ;  (Conséquence  naturelle  de  la 
clause  à  ordre,  L*etitio!ssemén|;  doit  être  écrit|;  il  est  placé 
généralement,  au  (Iqs  du  titre  ^t  libellé  de  la  façon  suivante  : 
rayez  à  l'ordre  dcM|..*,  valéuf  reçue.....  le.,...  signé..... 
Il  doit  énoncer  len'om  du  çéd^jjtt,  Ile  nom  (lu  cessionnaîre^ 
l'indication  de  k  valcnr  fourni^  et  la  date.  L'antidate  de 
rendpssemerit  est  pui^i  de  la  peine! du  faux  ;  mais  rien  ne 
s^oppose  à  ce  que  \é  porteiir  d'ûnç  lettre  de  change  Fen-^ 
dosse  après  son  échéance,  peurvu  Iqu'il  ait  quelque  chose 
à  céder.  L'endossement  qui  contient  toutes  ces  mentions 
est  dit  régulier  et  produit  tjjois  effets  principaux  :  1°  il 
transfère  au  cessionpalre  la!  propriété  de  k  créance,  avec 
tous  ses  accessoires,!  cautippnemeiit,  hypothèque,  etc..  ; 
^^  il  rend  Tendosseur  garant  du  payement  vii;-à"vis  du  ces- 
sionnaire;   3«  les  exceptions  personnellement  opposables 


LETTRE 


416 


au  cédant  sont  inopposables  au  cessionnaire.  On  peut  ajou- 
ter à  l'endossement  sans  nuire  à  sa  validité  des  clauses 
qui  restreignent  ou  modifient  l'obligation  de  l'endosseiîr  : 
la  principale  de  ces  clauses  est  l'endossement  à  forfait  et 
sans  garantie.  Si  l'endossement  n'est  pas  régulier,  il  ne 
vaut  que  comme  procuration.  Ne  vaut  également  que  comme 
procuration  l'endossement  en  blanc  qui  consiste  unique- 
ment dans  la  signature  de  l'endosseur.  Ces  deux  sortes 
d'endossement  se  désignent  Souvent  sous  le  nom  d'endos 
de  procuration  tacite.  Il  y  a  aussi  des  endos  de  procuration 

expresse  :  Payez  pour  mon  compte  à  l'ordre  de qui 

n'ont  pour  but  que  de  donner  mandat  de  toucher.  C'est 
donc  par  l'application  des  principes  du  mandat  que  se  réglera 
la  situation  de  l'endossataire  vis-à-vis  tant  des  tiers  que 
de  l'endosseur.  Il  faut  observer  pourtant  que  le  droit 
d'aliéner,  refusé  au  mandataire  ordinaire,  doit  être  accordé 
au  bénéficiaire  d'un  endos  de  procuration  expresse.  Nous 
signalerons  encore  l'endossement  de  garantie  ou  pignoratif 
qui  a  pour  effet  de  donner  le  titre  en  gage  d'une  créance, 
et  qui  permet  notamment  au  créancier  d'en  toucher  le 
montant  à  l'échéance  et  d'en  donner  quittance  (V.  Endos- 
sement). 

Garanties  de  payement.  Elles  sont  au  nombre  de 
quatre  :  1**  La  provision.  Par  la  souscription  de  la  lettre 
de  change,  le  tireur  s'engage  à  fournir  au  preneur  l'accep- 
tation du  tiré  avant  l'échéance,  et  une  fois  celle-ci  arrivée 
à  lui  procurer  le  payement  par  le  tiré  ;  l'ensemble  des 
moyens  employés  par  le  tireur  pour  déterminer  le  tiré  à 
exécuter  ces  engagements  constitue  la  provision.  La  pro- 
vision doit  être  faite  par  le  tireur,  ou  celui  pour  le  compte 
duquel  la  lettre  est  tirée.  Pour  qu'il  y  ait  provision,  il 
faut  et  il  suffit  que  le  tiré  soit  débiteur  du  tireur  d'une 
somme  au  moins  égale  au  montant  de  la  lettre.  Cette 
créance  du  tireur  sur  le  tiré  peut  d'ailleurs  avoir  une 
cause  quelconque.  Il  faut  en  outre  que  la  dette  du  tiré 
soit  exigible.  C'est  au  tireur  qu'incombe  l'obligation  de 
prouver  l'existence  de  la  provision  :  il  peut  avoir  intérêt 
à  le  faire,  au  regard  du  tiré  et  au  regard  du  porteur  non 
payé  qui  l'actionne  en  garantie.  L'accejptation  de  la  lettre 
établit,  au  profit  du  tireur,  présomption  que  la  provision  a 
été  faite.  Au  jour  de  l'échéance,  la  provision  appartient  au 
porteur  ;  il  a  sur  elle  un  droit  exclusif,  et  le  tiré  ne  pourrait 
se  prévaloir,  pour  refuser  le  payement,  ni  de  saisies-arrêts 
pratiquées  par  les  créanciers  du  tireur,  ni  de  la  faillite  de 
celui-ci,  ni  de  la  création  d'autres  lettres  de  change. 
:2°  Uacceptation.  L'acceptation  e^t  l'engagement  pris  par 
le  tiré  envers  le  porteur  de  payer  la  lettre  de  change  à 
son  échéance.  Tant  qu'elle  n'est  pas  intervenue,  il  n'y  a 
au  regard  du  tiré  de  la  part  du  tireur  qu'une  oiïjL'e  de 
mandat  qui  ne  saurait  obliger  le  premier  et  l'autoriserait 
à  opposer  au  porteur  de  la  lettre  toutes  les  exceptions 
qu'il  pourrait  opposer  au  tireur.  En  acceptant,  le  tiré  copsent 
à  être  traité  comme  le  débiteur  personnel  du  porteur.  Le 
tireur  doit  procurer  au  porteur  l'acceptation  et,  à  moins  de 
stipulation  contraire,  il  en  est  solidairement  garant  avec 
les  endosseurs.  Le  droit  de  demander  l'acceptation  est 
une  simple  faculté  poUr  le  porteur  qui  n'encourt  aucune 
déchéance  s'il  ne  l'a  pas  fait.  L'acceJ)tation  te  doit  pas 
être  demandée  pour  les  lettres  à  vue,  puisqu'en  les  présen- 
tant il  faut  en  exiger  de  suite  le  payement.  L'acceptation 
s'exprime  par  le  mot  accepté,  elle  doit  être  signée,  et  elle 
est  datée  si  la  lettre  est  à  un  certain  délai  de  vue.  Le  mot 
accepté  n'est  pas  sacramentel  ;  il  pourrait  être  remplacé 
par  des  équivalents.  Lorsque  la  lettre  est  à  un  certain  dé- 
lai de  vue,  l'absence  de  date  à  l'acceptation  la  rend  exigible 
au  terme  qui  y  est  exprimé,  à  compter  de  sa  date.  L'accep- 
tation pourrait  être  donnée  par  un  acte  séparé  ;  dans  ce  cas 
le  tiré  n'étant  pas  obligé  par  la  lettre  de  change,  l'obliga- 
tion qu'il  contracte  pourrait  ne  pas  être  commerciale.  Elle 
doit  être  fournie  à  présentation  ou  aU  çlus  tard  dans  les  vingt- 
quatre  heures  à  peine  de  dommages-intérêts  envers  le  por- 
teur. Elle  à  pour  effets  d*obliger  lé  tiré  de  faire  présumer 
la  provision  ;  elle  fait  courir  le  délai  de  vue,  et  elle  saisit 


le  porteur  de  la  provision.  Le  refus  d'acceptation  se  cons- 
tate par  un  acte  qu'on  appelle  protêt  faute  d'acceptation 
(V.  ci-après);  il  doit  être  dressé  pour  le  surplus  de  la 
somme  portée  à  la  lettre  de  change  quand  l'acceptation 
n'intervient  çîue  pour  partie  de  la  somme.  Le  refus  d'ac- 
ceptation oblige  solidairement  le  porteur  et  les  endosseurs 
de  donner  caution  pour  le  payement  de  la  lettre  ou  de 
payer  immédiatement.  La  caution,  comme  le  payement,  ne 
peut  évidemment  être  exigée  que  d'un  seul,  et  celui  qui 
l'aura  fournie  aura  un  recours  contre  ses  cogarants.  La 
caution  pourrait  être  remplacée  par  un  nantissement.  Lors 
du  protêt  faute  d'acceptation,  la  lettre  de  change  peut  être 
acceptée  par  un  tiers  intervenant  pour  le  tireur  ou  l'un 
des  endosseurs  ;  cette  acceptation  est  mentionnée  dans  le 
protêt  qui  est  signé  de  l'intervenant.  C'est  ce  qu'on  appelle 
acceptation  par  intervention.  L'intervenant  doit  immédia- 
tement notifier  son  intervention  à  celui  pour  le  compte  du- 
quel il  est  intervenu.  Cette  acceptation  ne  modifie  en  rien 
les  droits  du  porteur  contre  le  tireur  et  les  endosseurs. 
Elle  pourrait  être  opérée  même  par  le  tiré  qui  a  refusé 
l'acceptation  pure  et  simple.  Il  aurait  intérêt  à  le  faire  en 
intervenant  pour  un  endosseur  quand  il  n'a  pas  provision 
et  en  intervenant  pour  le  tireur  lorsque  celui-ci  n'est 
qu'un  tireur  pour  compte  (V.  Accepteur).  3**  L'aval. 
C'est  le  cautionnement  d'une  lettre  de  change  par  un  tiers 
non  encore  obligé  au  payement.  Il  doit  être  écrit  et  fourni 
soit  sur  la  lettre,  soit  par  un  acte  séparé  ;  il  s'exprime  en 
général  par  les  mots  :  bon  pour  aval,  sans  que  ces  termes 
aient  d'ailleurs  rien  de  sacramentel.  L'aval  est  un  acte 
essentiellement  commercial.  Le  donneur  d'aval  est,  sauf 
convention  contraire,  une  caution  solidaire,  obligée  au 
rang  de  celui  qu'il  a  entendu  cautionner.  Si  celui-ci  n'est 
pas  déterminé,  on  présume  que  l'avaliseur  a  entendu  cau- 
tionner le  tireur.  4"  La  solidarité.  Tous  ceux,  dit  l'art. 
440  C.  com.,  qui  ont  signé,  accepté  ou  endossé  une 
lettre  de  change,  sont  tenus  à  la  garantie  solidaire  envers 
le  porteur.  Cette  solidarité  ne  produit  pas  les  effets  de  la 
solidarité  ordinaire.  Ainsi  l'interpellation  adressée  à  un 
des  codébiteurs  solidaires  ne  produit  pas  d'effet  à  l'égard 
des  autres.  Le  porteur  doit  d'abord  s'adresser  au  tiré. 
C'est  seulement  sur  son  refus  constaté  de  payer  qu'il 
peut  s'adresser  à  l'un  quelconque  des  autres  garants. 
Celui  des  obligés  qui  a  payé  a  recours  contre  ses  coobligés 
non  pas  divisément,  mais  solidairement.  Les  parties  peuvent, 
par  des  conventions  particulières,  faire  cesser  cette  so- 
lidarité. 

Payement.  Il  doit  avoir  lieu  en  espèces,  à  moins  que 
les  parties  ne  soient  d'accord  pour  autoriser  la  dation  en 
payement  d'une  autre  chose,  par  exemple  des  effets  de 
commerce.  Il  est  effectué  dans  la  monnaie  que  la  lettre 
indique,  sans  cependant  que  renonciation  de  la  somme  en 
monnaie  d'un  pays  implique  que  le  payement  doive  se  faire 
en  cette  monnaie.  En  l'absence  de  stipulation,  c'est  la 
monnaie  du  temps  et  du  lieu  de  payement  qui  devra  être 
employée.  La  lettre  de  change  revêtue  de  l'acquit  du  por- 
teur est  remise  au  tiré  qui  a  payé.  Il  doit  avoir  soin  lors- 
qu'il paye  sur  une  seconde,  troisième,  quatrième,  non  re- 
vêtue de  son  acceptation,  de  retirer  en  même  temps  celle 
qu'il  a  acceptée,  sans  quoi  il  ne  serait  pas  libéré  au  regard 
du  tiers  porteur  de  son  acceptation.  Le  porteur  est  forcé 
d'accepter  le  payement  partiel  d'un  lettre  de  change  qui  lui 
serait  offert  ;  il  doit  la  faire  protester  pour  le  surplus.  Mais 
on  ne  saurait  le  contraindre  à  recevoir  un  payement  anti- 
cipé. Le  tiré  n'aurait  d'ailleurs  pas  d'intérêt  à  le  faire  ; 
car,  tandis  que  le  payement  fait  normalement  fait  présumer 
qu'il  s'est  valablement  libéré;  le  payement  qu'il  ferait  avant 
l'échéance  le  laisse  responsable  de  sa  validité.  Cependant 
le  payement  même  normal  ne  serait  pas  valable  s'il  avait 
été  fait  au  mépris  d'une  opposition.  Cette  opposition  ne 
peut  être  fondée  que  sur  deux  causes,  la  perte  de  la  lettre 
de  change  et  la  faillite  du  porteur.  Dans  la  première  hy- 
pothèse, le  propriétaire  de  la  lettre  qui  l'aura  égarée  s'en 
procurera  un  autre  exemplaire  en  s'adressant  à  son  endos- 


JÉRUSALEM 


Plan^de  Jérusalem  (1/12500) 


C.  Sy.   —  Couvent  syrien. 

S.  A.'      —  Eglise  Sainte-Anne. 

H.S.J.  ~  Hôpital  Saint-Jean. 

M.  —  Eglise  de  la  Madeleine. 

S.  P.       —  Ee-lise  Saint-Pierre. 


C^S-S.    — ■  Couvent   du    Saint- Sau 

veur. 
T.  P.        —  Temple  protestant. 
S.J.  M.    —  Saint-Jacques  le  Mineur 
C*  Ar.     —  Couvent  arménien. 

L'équidistance  des  courbes  de  niveau  est  de  10  mètres.  L'altitude  la  plus  basse  est  de  600  mètres. 


M.O.    —  Mosquée  d'Omar. 
A.K.    —       -         El-Aksa.' 
S.  Sp.  —  Eglise  du  Saint-Sépulcre. 
Lam.    —  Mur  des  Lamentations 


JERUSALEM 


120  — 


de  définir  absolument  la  portée,  nous  permettent  de  re- 
monter au  N.  jusqu'à  la  porte  des  Eaux,  ainsi  nommée  sans 
doute  parce  qu'elle  donnait  accès  à  la  grande  source  d'eau 
vive  de  Jérusalem,  actuellement  fontaine  de  la  Vierge,  puis 
à  la  porte  des  Chevaux,  enfin  à  la  porte  de  Miphkad  (sens 
incertain)  ;  ces  diverses  ouvertures  sont  disposées  dans  la 
portion  de  la  muraille  qui  court  le  long  du  ravin  du  Gé- 
dron.  Auchap.  xii  de  Néhémie,  la  muraille  est  l'objet  d'une 
dédicace  solennelle  ;  deux  grands  chœurs  se  forment  pour 
en  faire  le  tour  l'un  par  Î'E.,  l'autre  par  TO.  Ils  partent 
en  se  tournant  le  dos  de  la  porte  de  l'Ordure  qui  débouche 
sur  le  gué  Hinnom.  Le  chœur  de  droite  ou  de  l'E.  par- 
vient à  la  porte  de  la  Source  (près  de  l'étang  de  Siloé), 
franchit  les  degrés  de  la  cité  de  David  et  gagne  la  porte 
des  Eaux;  le  chœur  de  gauche  ou  de  l'O.  franchit  succes- 
sivement, en  se  dirigeant  d'abord  au  N.  puis  à  l'E.,  les 
autres  portes  que  nous  avons  indiquées.  Les  deux  troupes 
finissent  par  se  rencontrer  dans  l'enceinte  sacrée.  Il  est  à 
remarquer  que  la  distance  à  parcourir  était  sensiblement 
égale  pour  les  deux  processions  si  l'on  admet  que  Jérusa- 
lem n'englobait  point  à  cette  époque  la  colline  occidentale, 
tandis  qu'avec  le  système  adopté  d'ordinaire,  le  chemin  as- 
signé au  groupe  de  gauche  est  environ  double  de  celui  que 
parcourt  la  troupe  de  droite.  On  croit  discerner  aussi  que 
l'ancienne  ville  était  particulièrement  munie  d'ouvertures 
et  de  voies  de  communication  avec  le  dehors,  d'une  part  au 
S.-E.  où  la  population  était  groupée  à  proximité  des  sources 
et  des  jardins  maraîchers  de  la  vallée  du  Cédron,  dans  le 
voisinage  des  demeures  royales  et  du  temple,  et  au  N.-O., 
où  aboutissaient  les  principaux  chemins. 

La  Jérusalem  ancienne  a  passé  elle-même  par  tant  de 
phases,  elle  a  traversé  tant  de  circonstances  de  nature  à 
modifier  son  aspect  et  quelques-unes  de  ses  principales 
dispositions,  qu'il  est  devenu  bien  difficile  d'en  donner  une 
idée  exacte.  Dès  l'époque  où  furent  achevées  les  principales 
bâtisses  de  Salomon,  elle  prit,  à  peu  près,  la  physionomie 
qu'elle  devait  conserver  jusqu'à  sa  destruction  par  les 
Chaldéens.  En  revanche,  dans  les  deux  premiers  siècles  de 
la  Restauration,  elle  traversa  une  période  de  médiocrité. 
Sous  les  successeurs  d'Alexandre,  Séleucides  ou  Ptolémées, 
elle  reprend  quelque  importance  ;  mais  ce  n'est  qu'au  mo- 
ment des  persécutions  religieuses  organisées  par  Antioclms 
Epiphane  (170  av.  J.-C.)  et  de  l'insurrection  des  Mâcha- 
bées,  qui  en  fut  la  suite,  que  nous  obtenons  de  nouveau 
quelques  renseignements  précis.  On  nous  entretient  surtout 
d'une  bastille,  qui  fut  érigée  pour  permettre  à  une  garnison 
syrienne  de  tenir  en  respect  la  ville  et  le  Temple.  Cet 
ouvrage  de  fortification  était  absolument  indépendant  de  la 
vieille  enceinte,  et  ainsi  s'explique  que  les  Syriens  aient  pu 
continuer  d'y  tenir  garnison  pendant  des  années,  après  que 
les  Machabées  eussent  repris  possession  de  la  ville  et  du 
temple.  Nous  plaçons  donc  le  château  ou  acropole  des 
Syriens  sur  la  montagne  occidentale,  dans  la  région  du 
Saint-Sépulcre  ou  aux  environs  de  la  porte  de  Jaffa.  Etabli 
pour  surveiller  la  route  de  Jafi'a  et  celle  de  Sichera,  il 
était  en  mesure  de  gêner  et  d'inquiéter  la  ville,  au  besoin 
même  de  fermer  ses  communications  avec  le  Nord  et  l'Ouest. 
On  assure  que  la  citadelle  d'Acra  fut  rasée,  parce  qu'elle 
semblait  plus  faite  pour  vexer  et  opprimer  Jérusalem  que 
pour  la  défendre,  et  que  les  Asmonéens  préférèrent  forti- 
fier l'angle  N.-O.  de  la  ville  en  y  établissant  aussi  leur 
propre  palais.  Là  s'éleva  le  château  dit  Baris,  qu'Hérode 
devait  transformer  et  appeler  Antonia  (angle  N.-O.  du 
Haram).  Le  siège  et  la  prise  de  la  ville  par  Pompée  (63  av. 
J.-G.)  sont  restés  parmi  les  souvenirs  saillants  de  cette 
époque;  vingt-six  ans  après,  Ilérode  devait  de  nouveau 
s'en  emparer  de  haute  lutte.  Il  semble  que,  là  encore, 
l'attaque  se  soit  produite  du  côté  du  N.,  les  côtés  0.,  S. 
et  E.  offrant  des  conditions  trop  difficiles  à  l'assaillant. 

C'est  incontestablement  à  Hérode  le  Grand  qu'il  faut 
attribuer  la  plus  considérable  des  révolutions  qu'ait  tra- 
versées Jérusalem.  Il  en  fit  véritablement  une  ville  nou- 
velle, et  nous  estimons  que  l'archéologie'palestinienne  aurait 


des  chances  beaucoup  plus  sérieuses  d  arriver  à  des  résul- 
tats probables  en  ce  qui  touche  les  débris  du  passé  Israé- 
lite si,  avant  de  se  poser  des  questions  sur  l'état  de  Jéru- 
salem sous  les  Asmonéens,  au  temps  de  Néhémie,  sous 
Josias,  sous  Ezéchias,  voire  même  à  l'époque  de  Salomon 
et  de  David,  elle  prenait  à  tâche  de  déterminer  ce  qu'on 
peut  attribuer  à  l'époque  hérodienne.  Hérode  entreprit  de 
«  romaniser  »  la  Judée  et  tout  particulièrement  Jérusalem. 
Il  commença  par  mener  à  bien  un  travail  gigantesque,  qui 
fut  la  construction,  en  un  parallélogramme  sensiblement 
régulier,  de  l'esplanade  du  Temple,  restée  depuis,  sauf  des 
modifications  tout  à  fait  superficielles  et  extérieures,  l'en- 
ceinte du  Haram  ech-Chérif.  Sur  cet  emplacement  incom- 
parable, qui  ne  put  être  créé  que  par  des  expropriations 
de  quartiers  entiers,  par  des  travaux  de  soutènement  et  de 
constructions  souterraines  en  voûte  des  plus  grandes  dimen- 
sions (notamment  aux  angles  S.-O.  et  S.-E.),  Hérode 
établit  les  bâtiments  du  Temple  avec  toutes  les  annexes, 
dépendances,  cours,  parvis,  vestibules,  chemins  d'accès, 
qu'ils  réclamaient.  Le  malheur  des  temps  a  fait  impitoya- 
blement disparaître  tout  ce  qui  dépassait  le  niveau  du  sol, 
mais  l'enceinte  du  Haram  restera  à  jamais  le  monument  de 
ce  prodigieux  travail,  exécuté  lui-même  en  pierres  cyclo- 
péennes,  qui  donne  à  la  Jérusalem  actuelle  sa  physionomie 
de  sévère  grandeur  et  perpétue  à  jamais  le  souvenir  du 
temple  qui  servit  pendant  des  siècles  de  métropole  au 
judaïsme.  Hérode  donna  également  ses  soins  au  château 
de  Baris,  qui  devint  Antonia.  Lui-même  s'édifia  un  palais 
somptueux  sur  la  colline  occidentale  (porte  actuelle  de 
Jatfa).  On  doit  considérer  Jérusalem  comme  ayant  compris 
alors  la  colline  occidentale  en  même  temps  que  la  colline 
orientale  ou  du  Temple.  Bornée  à  l'E.  par  le  Cédron,  au  S. 
et  à  l'O.  par  le  gué  Hinnom,  elle  était  couverte  au  N.  par 
un  mur,  dont  il  est  difficile  de  rétablir  la  situation  avec 
exactitude.  Ce  rempart  offrait  deux  bastilles,  à  l'O.  le 
château  royal  avec  les  tours  Hippicus,  Phasael  et  Mariamne, 
à  l'E.  la  citadelle  Antonia.  Agrippa  P^'  annexa  les  fau- 
bourgs qui  gagnaient  de  plus  en  plus  dans  la  direction  du 
N.  et  du  N.-O.  et  les  comprit  dans  une  nouvelle  enceinte, 
dont  il  n'est  pas  possible  non  plus  de  déterminer  le  tracé 
avec  certitude.  Généralement  on  l'identifie  à  la  muraille 
N.-O.  actuelle  ;  quelques  auteurs  la  reportent  plus  loin 
encore.  C'est  devant  cette  capitale,  ornée  des  plus  beaux 
monuments,  entourée  de  jardins  et  de  maisons  de  plaisance, 
mais  d'une  physionomie  beaucoup  plus  grecque  et  romaine 
qu'orientale,  que  Vespasien  et  Titus  vinrent  mettre  le  siège. 
Les  récits  de  Josèphe,  malgré  leurs  exagérations,  leur 
défaut  de  précision  et  l'arrangement  que  l'écrivain  fait 
subir  aux  faits,  nous  en  donnent  une  impression  singuliè- 
rement émouvante.  Après  une  lutte  désespérée,  les  diffé- 
rentes enceintes  de  la  ville  furent  emportées.  On  prétend 
que  Titus  donna  l'ordre  de  détruire  la  ville  entière  et  le 
Temple,  qui  furent  rasés  et  que,  seules,  furent  épargnées 
les  trois  tours  de  Phasael,  d'Hippicus  et  de  Mariamne,  ainsi 
que  la  partie  occidentale  de  l'enceinte. 

Jérusalem  sous  l'ère  chrétienne.  —  La  Jérusalem 
d'Hérode,  après  un  siècle  d'un  éclat  qu'elle  n'avait  jamais 
atteint,  était  tombée  dans  l'état  le  plus  misérable.  Une 
garnison  romaine  occupait  l'anicen  château  (aujourd'hui 
El-Kalaah)  et  la  population  s'abritait  tant  bien  que  mal 
dans  des  demeures  sommairement  établies.  Adrien,  en 
135,  à  la  suite  de  la  révolte  de  Bar-Kokebah,  rétablit  la 
vieille  cité  sous  le  nom  d'#iia  Capitolina.  Sur  l'emplace- 
ment de  l'ancien  sanctuaire  juif  se  dressa  un  temple  érigé 
en  l'honneur  de  Jupiter  Capitolin  ;  les  remparts  furent  re- 
levés, mais  sans  qu'on  se  conformât  au  tracé  ancien.  On 
laissa  en  dehors  de  la  ville  toute  la  partie  méridionale  du 
mont  occidental  et  la  plus  grande  partie  d'Ophel  ;  on  peut 
supposer  que  la  ligne  de  murailles  élevée  par  Agrippa  et 
couvrant  le  front  N.-O.  de  la  ville  fut  respectée,  mais  cette 
vue  n'est  pas  universellement  admise.  La  reconstruction 
de  Jérusalem  sur  un  plan  absolument  païen,  en  un  temps 
où  il  n'y  avait  lieu  de  tenir  compte  des  désirs  ni  de  la  po- 


—  121  — 


JERUSALEM 


pulation  juive,  d'ailleurs  exclue,  ni  des  chrétiens,  fut  assu- 
rément la  circonstance  la  plus  défavorable  pour  le  main- 
tien des  caractères  spéciaux  à  la  métropole  antique  du 
judaïsme.  Les  débris  des  anciennes  constructions  durent 
être  utilisés  sans  scrupule,  et  la  meilleure  chance  de  les  in- 
terpréter utilement  s'est  trouvée  de  la  sorte  irrémédiable- 
ment perdue.  On  prétend  qu'un  temple  de  Vénus  s'éleva 
en  manière  d'insulte  sur  l'emplacement  du  tombeau  du 
Christ;  mais  il  faudrait,  pour  expliquer  une  décision  de 
cette  nature,  que  la  dévotion  relative  aux  grands  faits  du 
christianisme  naissant  eût,  dès  cette  époque,  désigné  le  lieu 
du  supplice  de  Jésus,  ce  qui  est  douteux.  Avec  l'empereur 
Constantin  et  sa  mère  Hélène,  nous  voyons  se  faire  jour  et 
se  manifester  de  plus  en  plus  nettement  le  désir  de  con- 
sacrer par  des  monuments  le  souvenir  des  événements 
religieux  dont  Jérusalem  avait  été  le  théâtre.  La  piété  im- 
périale s'attacha  tout  particulièrement  aux  lieux  marqués 
par  la  mort  de  Jésus,  et  une  basilique  s'éleva  sur  rempla- 
cement présumé  du  Golgotha  et  de  la  grotte  funéraire  qui 
avait  dû  recevoir  temporairement  le  corps  du  Crucifié.  Dans 
quelles  conditions  fut  faite  cette  désignation,  il  n'est  pas 
possible  de  le  dire.  Beaucoup  de  savants  estiment  qu'il  est 
assez  difficile  de  considérer  le  Golgotha  traditionnel  comme 
n'ayant  pas  été  compris  dans  l'enceinte  de  Jérusalem  à 
l'époque  d'Hérode  et  de  Ponce-Pilate.  11  n'est,  d'autre 
part,  pas  grand  besoin  de  relever  combien  est  peu  vrai- 
semblable l'accumulation  de  tant  de  souvenirs  dans  un  aussi 
étroit  espace;  il  n'est  pas  à  présumer  qu'on  plaçât  des 
tombes  d'un  certain  apparat  à  proximité  immédiate  du  lieu 
des  exécutions  publiques,  et  la  présence  simultanée  du  Cal- 
vaire et  du  Saint-Sépulcre  dans  un  seul  et  même  bâtiment, 
à  quelques  mètres  de  distance,  paraît  difficile  à  accepter. 
Toutefois,  on  a  fait  remarquer  l'existence,  à  quelques  pas  de 
l'édicule  considéré  comme  le  tombeau  du  Christ,  de  quel- 
ques loges  ou  cavités  funéraires,  creusées  dans  le  ro5her  et 
qui  indiquent  que  l'endroit  a  reçu  des  corps  à  une  époque 
ancienne;  c'est  ce  qu'on  appelle  le  tombeau  de  Joseph 
d'Arimathie.  Mais  il  faudrait  déterminer  si  ces  «  fours  » 
funéraires  sont  antérieurs  à  l'époque  de  Jésus,  contempo- 
rains de  son  supplice,  ou  bien  ne  seraient  pas  de  l'époque 
qui  a  suivi  la  destruction  de  Jérusalem  par  Titus,  où  des 
quartiers  entiers  devinrent  déserts  et  furent  rendus  à  la  cul- 
ture ou  laissés  à  l'état  sauvage.  Il  nous  parait  fort  probable 
que  le  Golgotha  de  la  tradition  était  compris  dans  l'en- 
ceinte de  Jérusalem  au  temps  de  Ponce-Pilate,  mais  qu'il 
en  fut  exclu  quand  Adrien  releva  les  murailles.  A  ce  mo- 
ment-là, il  ne  subsistait  en  fait  de  constructions  visibles 
que  l'ensemble  du  Haram  actuel  et  le  château  d'Hérode 
(porte  de  JafFa)  ;  la  pointe  N.-O.  de  la  première  fut  reliée 
au  second  par  un  mur  courant  dans  une  direction  oblique 
et  ne  comprenant  pas  le  Golgotha.  Au  temps  d'Hélène, 
alors  que  trois  siècles  avaient  passé  sur  les  événements, 
on  désigna  à  la  piété  impériale  une  légère  extumescence 
rocheuse,  située  hors  de  la  ville  actuelle  et  que  les  accrois- 
sements ultérieurs  de  la  population  y  firent  comprendre  de 
nouveau  quelques  siècles  plus  tard.  Quant  à  l'intention 
malveillante  dont  aurait  usé  Adrien  en  érigeant  un  sanc- 
tuaire à  Vénus  sur  l'emplacement  du  tombeau  du  Christ, 
nous  avons  dit  qu'elle  n'est  pas  étaWie.  Avec  Constantin 
commence  l'intérêt  du  monde  chrétien  pour  Jérusalem, 
considérée  comme  berceau  de  la  nouvelle  religion.  Nous. 
renonçons  à  décrire  quelles  péripéties  la  ville  a  traversées 
jusqu'à  nos  jours  et  dont  l'indication  la  plus  sommaire  nous 
entraînerait  à  de  trop  longs  développements.  H  est  cepen- 
dant essentiel  de  remarquer  que  la  domination  des  croisés, 
d'une  part,  celle  des  musulmans  de  l'autre,  assurèrent  à  la 
ville  la  physionomie  qu'elle  a  gardée  jusqu'à  notre  époque. 
Jérusalem  actuelle.  —  Quand  le  voyageur  qui  a 
débarqué  à  Jaffa  a  franchi  dans  la  direction  S.-E.  la 
plaine  philistine,  il  s'engage  dans  la  montagne  de  Judée  et 
s'élève  peu  à  peu  sur  les  hauts  plateaux.  Enfin,  après  avoir 
franchi  le  ravin  profond  où  se  trouve  le  village  de  Kulo- 
niéh,  il  gravit  une  croupe  d'une  ait.  moyenne  de  800  m. 


C'est  sur  la  partie  méridionale  de  cette  croupe,  délimitée  à 
l'E.  par  le  ravin  du  Cédron,  aujourd'hui  ouady  Sitti  Ma- 
ry am,  à  l'O.  et  au  S.  par  le  gué  Hinnom,  aujourd'hui 
ouady  Er-Rababi,  que  s'élève  Jérusalem;  la  montagne,  qui 
s'abaisse  sensiblement  du  N.  au  S.  en  forme  de  promon- 
toire, se  termine  au  S.  par  des  pentes  abruptes  ;  elle  est 
divisée  elle-même  par  un  ravin  secondaire  (Tyropéon),  qui 
permet  de  distinguer,  en  dehors  d'accidents  moins  impor- 
tants, une  coUine  orientale  (celle  où  s'élève  le  Haram  ech- 
Chérif)  et  une  colline  occidentale,  qui  porte  la  citadelle  et 
le  Saint-Sépulcre.  Jérusalem,  située  à  31°  W  lat.  N.  et 
33°  long.  E.  occupe,  de  la  sorte,  un  plateau  calcaire  assez 
inégal.  Tandis  que,  par  le  N.  et  le  N.-O.,  elle  se  relie  en 
pente  douce  aux  monts  de  Judée,  elle  se  trouve  isolée  sur 
trois  de  ses  faces  et  dominée  par  une  série  de  hauteurs,  qui 
ne  permettent  de  la  découvrir  qu'à  faible  distance.  Pour 
avoir  un  aspect  d'ensemble,  il  faut  gravir  le  mont  des  Oli- 
viers, d'où  l'on  jouit  d'une  vue  panoramique  d'un  grand 
(Caractère. 

Jérusalem  est  entourée  d'une  haute  muraille,  qui  lui  donne 
l'aspect  d'une  ville  du  moyen  âge  ;  cette  enceinte,  élevée  par 
le  sultan  Soliman  en  1534,  peut  être  considérée  comme 
répondant  aux  remparts  qui  défendaient  la  ville  au  temps 
des  croisades.  Elle  est  fortifiée  de  tours  et  de  bastions  et 
décrit  plusieurs  sinuosités.  Le  côté  qui  longe  la  vallée  du 
Cédron  (à  l'E.)  est  le  seul  à  offrir  une  ligne  parfaitement 
droite.  Une  ligne  sensiblement  orientée  de  l'E.-N.-E.  à 
rO.-S.-O.  sert  de  défense  à  la  ville  par  le  seul  côté  que  la 
nature  a  rendu  accessible. \ A  partir  de  l'angle  N.-O.,  qui 
marque  le  point  culminant  de  la  ville  et  où  plusieurs 
savants  placent  la  tour  Pséphinus  érigée  par  Agrippa,  le 
mur  tourne  brusquement  au  S.-E.  pour  présenter  bientôt 
le  seul  gros  ouvrage  de  défense  encore  subsistant,  la  cita- 
delle, El-Kalaah  ;  cet  ouvrage,  qui  ne  répond  d'ailleurs  en 
aucune  façon  aux  conditions  de  la  fortification  moderne, 
commande  la  porte  de  Jaffa.  A  partir  de  ce  point,  la  mu- 
raille, dominant  de  haut  la  vallée  de  Hinnom,  court  régu- 
lièrement du  N.  au  S.  sur  une  longueur  de  400  m.,'  au 
bout  de  laquelle  elle  se  rejette  brusquement  à  l'E.  par  un 
angle  droit.  Elle  finit,  en  suivant  une  marche  brisée,  par 
rejoindre  le  mur  méridional  du  Haram  ech-Chérif.  L'en- 
semble de  cette  fortification  détermine  un  quadrilatère  irré- 
gulier, dont  les  deux  plus  grands  côtés  (N.  et  S.)  ont  l'un 
environ  1,300,  l'autre  1,200  m.,  et  les  deux  plus  petits 
(E.  et  0.)  respectivement  900  et  800.  La  distance  à  vol 
d'oiseau  jusqu'à  la  Méditerranée  est  de  52  kil.,  jusqu'à  la 
mer  Morte,  de  22.  La  hauteur  de  la  montagne  du  Temple 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer  est  de  744  m.,  tandis  que 
la  colline  occidentale  présente  des  ait.  de  780  à  790  m. 
La  ville  est  fort  mal  percée  et  distribuée.  A  côté  de  grands 
espaces  non  occupés,  les  maisons  s'accumulent  les  unes  sur 
les  autres  en  certains  endroits,  et  la  population  circule  dif- 
ficilement dans  des  ruelles  étroites,  tortueuses  et  mal  en- 
tretenues. La  population  musulmane  occupe  la  portion  N.-E. 
qui,  en  y  ajoutant  le  Haram  ech-Chérif,  comprend  plus  de 
la  moitié  de  la  ville  actuelle  ;  les  Arméniens  sont  fort  au 
large  dans  le  quartier  S.-O.,  tandis  que  les  Juifs  s'étouffent 
dans  les  limites  très  insuffisantes  du  quartier  S.-E.  Le 
quartier  N.-O.  est  occupé  parles  établissements  chrétiens. 
Les  communications  avec  l'extérieur  se  font  par  un  petit 
nombre  de  portes,  dont  les  principales  sont,  au  N.  la  porte 
de  Damas  ou  porte  de  la  Colonne  (bâb  El-Amoud)  et  à  l'O. 
la  porte  de  Jaffa  ou  porte  de  Hébron  (bâb  El-Khalil).  A 
l'E.  s'ouvre  la  porte  de  Saint-Etienne  ou  porte  de  Notre- 
Dame-Marie  (bâb  Sitti-Maryam)  ;  c'est  le  seul  débouché  qui 
existe  du  côté  de  la  vallée  du  Cédron,  la  porte  Dorée,  qui 
donnerait  accès  dans  le  Haram,  étant  murée.  Au  S.-O.  se 
trouve  la  porte  de  Sion  ou  porte  du  prophète  David  (bâb 
I  En-Nebî-Daoud)  et  au  S.-E.  la  porte  des  Maugrabins.  Pour 
'  les  facilités  du  quartier  chrétien  on  a  récemment  (1889) 
percé  au  N.-O.  la  bâb  Abdul-Hamid  ;  la  porte  d'Hérode 
au  N.-E.  (bâb  Es-Zahiréh)  est  rarement  ouverte.  Mais, 
^  depuis  quelques  années,  Jérusalem  a  cessé  de  se  tenir 


JERUSALEM 


—  in  — 


renfermée  dans  ses  murailles  ;  elle  les  a  franchies  pour 
créer,  tout  particulièrement  sur  la  route  de  Jaffa,  des  éta- 
blissements qui  prennent  de  jour  en  jour  un  plus  grand 
développement.  Le  faubourg  ainsi  formé  à  l'O.  de  la  ville  et 
où  se  remarquent  les  bâtiments  russes  dominant  tous  les 


Eglise  russe  sur  le  mont  des  Oliviers, 

autres  par  leur  masse  imposante,  présente  une  série  d'édi- 
fices religieux  ou  charitables,  de  fondations  qui  ont  pour 
but  l'assistance  des  malades  et  des  pèlerins  ou  l'éducation  ; 
les  consulats  des  diverses  nations  européennes  s'y  trans- 
portent dans  d'agréables  conditions,  les  négociants  installent 
de  confortables  villas  ;  la  sécurité  dont  jouit  le  pays  déter- 
mine un  mouvement  d'émigration  dans  la  banlieue,  qui, 
avec  l'ouverture  de  la  voie  ferrée  (4893),  amènera  à  bref 
délai  une  transformation  complète.  Il  est  permis,  sans  se 
laisser  aller  à  des  imaginations  déplacées,  d'entrevoir  le 
moment  où  une  Jérusalem  moderne,  pleine  d'activité  et  de 


Stèle  du  temple  de  Jérusalem  (musée  de  Tschiniki-Kiosque, 
à  Constantinople). 

vie,  se  sera  juxtaposée  à  la  Jérusalem  ancienne.  Toutefois, 
les  amis  éclairés  de  l'antiquité  peuvent  se  rassurer  ;  la 
ville  conservera  éternellement  son  cachet  de  sévère  tristesse 
grâce  à  son  enceinte,  à  l'incomparable  esplanade  du  Haram 
et  aux  dispositions  topographiques  caractéristiques,  que  les 
plus  grands  bouleversements  ne  réussiraient  pas  à  faire 
disparaître.  Elle  restera  la  ville  des  glorieux  souvenirs  poli- 
tiques et  religieux  sans  bouder  aux  progrès  du  siècle,  en 


appliquant  au  contraire  les  ressources  de  la  science  mo- 
derne à  la  reconstitution  de  son  passé.  Aussi,  dans  les 
nombreuses  fondations  que  Jérusalem  a  vu  naître  et  se  dé- 
velopper depuis  un  demi-siècle  à  l'ombre  de  ses  vieilles 
murailles,  faut-il  noter  avec  une  sympathie  particulière 
l'institution  de  centres  de  travail  et  d'étude,  où  l'on  réunit 
les  ressources  nécessaires  à  la  connaissance  méthodique  de 
la  géographie,  de  l'histoire  et  de  l'archéologie  palesti- 
niennes. Le  moment  n'est  sans  doute  pas  éloigné  où  quelque 
gouvernement  européen,  à  défaut  de  l'initiative  privée, 
établira  dans  la  ville  sainte  une  école  d'antiquités  orien- 
tales. Les  diverses  communions  chrétiennes  rendront  plus 
de  services  à  la  cause  de  la  civilisation  et  d'une  religion 
sagement  entendue  en  recherchant  et  en  classant  scrupu- 
leusement les  matériaux  relatifs  à  l'histoire  de  Jérusalem  et 
de  la  Palestine,  qu'en  se  disputant  fiévreusement  quelques 
pieds  de  terre,  auxquels  s'attachent  les  souvenirs  du  passé. 

La  vieille  Jébus  des  Chananéens,  la  Jérusalem  des  Is- 
raélites, l'iElia  des  Romains,  TEl-Kouds  (le  Sanctuaire)  des 
musulmans,  compte  aujourd'hui,  si  elle  ne  dépasse  pas  ce 
chiffre,  une  population  de  43,000  âmes,  dont  les  Juifs 
forment  la  plus  grande  partie.  On  y  signale  8,000  musul- 
mans, 5,000  Grecs,  2,000  Latins.  Ces  chiffres  sont  singu- 
lièrement grossis  au  moment  des  pèlerinages,  particulière- 
ment des  fêtes  de  Pâque,  où  les  pieux  visiteurs  affluent 
chaque  année  en  plus  grand  nombre.  —  Nous  n'oserions 
cependant  point  affirmer  que  la  plupart  des  personnes 
qu'une  respectueuse  curiosité  attire  à  Jérusalem  en  retirent 
tout  le  profit  qu'elles  s'assureraient  si  elles  faisaient  précé- 
der leur  visite  d'une  sérieuse  et  intelligente  préparation  ; 
nous  avons  même  le  regret  de  dire  que  cette  réserve 
doit  s'appliquer  à  des  recherches  entreprises  par  des  sa- 
vants consciencieux.  Depuis  une  trentame  d'années  que 
l'étude  archéologique  de  Jérusalem  est  entreprise  par  une 
série  4e  sociétés  et  de  particuliers  désireux  de  reconstituer 
la  topographie  de  la  ville  ancienne,  de  grands  progrès  ont 
été  accomplis,  mais  il  reste  énormément  à  faire.  On  se  rendra 
compte  des  extraordinaires  difficultés  auxquelles  se  heurte 
l'investigateur,  —  et  que  lui-même,  dans  son  désir  de 
fixer  un  point  douteux,  de  déterminer  un  emplacement 
contesté,  perd  parfois  de  vue,  —  quand  on  aura  fait 
réflexion  que,  pour  retrouver  la  vieille  ville  sous  la  nou- 
velle, il  nous  faut,  en  quelque  sorte,  percer  des  puits  au 
travers  de  dix  ou  douze  couches  de  débris,  répondant  à 
autant  d'états  divers  qu'a  traversés  Jérusalem.  Quand,  en 
présence  d'un  monument  antique,  on  s'empresse  de  dire  : 
il  date  des  Machabées,  il  remonte  à  Ezéchias  ou  même  à 
Salomon,  —  on  a  souvent  négligé  de  se  demander  s'il  ne 
serait  pas  du  moyen  âge  ou  du  temps  des  croisades, 
s'il  ne  provient  pas  de  la  Jérusalem  de  Constantin  ou  des 
temps  d'iËlia  Capitolina  ;  c'est  quand  on  s'est  assuré  que 
l'édifice  examiné  est  décidément  antérieur  à  l'époque 
d'Adrien  qu'on  peut,  avec  des  chances  sérieuses,  l'assigner 
aux  temps  qui  précèdent  la  destruction  de  Jérusalem  par  Titus. 
Quant  à  remonter  à  l'époque  antérieure  aux  grands  travaux 
d'Hérode,  nous  ne  voudrions  point  dire  qu'il  ne  faille  ja- 
mais le  tenter,  mais  il  ne  convient  de  le  faire  qu'en  s'en- 
tourant  des  plus  minutieuses  précautions. 

Le  pèlerin  qui  consacre  huit  à  dix  jours  à  visiter  les 
sanctuaires  de  Jérusalem  auxquels  une  dévotion  respec- 
table rattache,  parfois  sans  examen  suffisant,  les  souvenirs 
de  l'histoire  évangélique  ou  du  judaïsme,  ce  pèlerin  ne  peut 
manquer  de  revenir  chez  lui  avec  une  inextricable  confu- 
sion dans  l'esprit  ;  la  masse  des  notions  qu'il  a  fébrilement 
entassées,  pivote  et  gravite  pour  lui  autour  de  la  conception 
d'un  drame  divin,  dont  Jérusalem  a  été  le  théâtre  :  Dieu 
rachetant  l'homme  par  le  don  de  son  fils,  un  peuple  rebelle 
payant  de  sa  ruine  sa  coupable  obstination,  la  Providence 
conservant  au  travers  des  siècles  le  théâtre  de  la  rédemp- 
tion du  monde  et  de  l'incrédulité  du  judaïsme  comme  un 
éternel  avertissement  aux  cœurs  bien  disposés.  Malheu- 
reusement, beaucoup  de  visiteurs,  quand  même  ils  n'ap- 
partiennent pas  à  la  catégorie  spéciale  des  pèlerins,  n'en 


-  123 


JERUSALEM 


rapportent  pas  une  vision  beaucoup  plus  satisfaisante.  Pour 
retrouver  l'antiquité  sous  les  apparences  modernes,  il  faut, 
en  effet,  savoir  soigneusement  distinguer  les  époques  et  s'as- 
treindre à  remonter  progressivement  du  présent  jusqu'au 
passé  le  plus  reculé.  Voici  les  étapes  qu'on  aura  à  franchir  : 
1*^  On  a  sous  les  yeux  la  Jérusalem  moderne,  entrée  fran- 
chement depuis  le  traité  de  Paris  (i  806)  et  l'expédition  de 
Syrie  (1860-61)  dans  le  mouvement  de  la  civilisation  euro- 
péenne; aux  vieux  quartiers  musulman,  juif,  chrétien, 
s'ajoutent  le  faubourg  en  formation,  le  chemin  de  fer,  les 
établissements  d'assistance,  d'instruction  religieuse,  de  re- 
cherche scientifique.  2°  Ce  mouvement  moderne  a  été  pré- 
cédé par  la  période  musulmane-ottomane,  qui  a  débuté  en 
dotant  Jérusalem  de  son  enceinte  actuelle  (1517  à  1836). 
3*^  Jérusalem  sous  la  domination  musulmane-égyptienne 
(1291  à  1517).  4«  La  période  des  croisades  (1099  à  1291) 
a  pour  nous  un  double  intérêt,  d'abord  en  raison  de  la  part 
prise  par  les  différentes  nations  européennes  à  la  grande 
«  guerre  de  religion  »  de  Flslam  et  du  christianisme,  puis 
par  l'importance  des  monuments,  inégalement  conservés, 
la  plupart  du  temps  ruinés,  qui  se  rattachent  à  cette  phase 
de  Thistoire  de  Jérusalem.  5°  La  période  musulmane-arabe 
(636  à  1099)  offre  également  un  grand  intérêt  et  l'on  peut 
en  marquer  les  traces;  elle  a  laissé,  elle  aussi,  des  monu- 
ments considérables.  Nous  sommes  ici  encore  sur  un  terrain 
suffisamment  solide.  6^  La  période  impériale-chrétienne,  à 
partir  du  régne  de  Constantin  (823-636),  n'a  guère  laissé 
que  des  ruines  ;  cependant  on  peut  restituer  en  quelque 
mesure  les  substructions  de  plusieurs  édifices.  C'est  à  l'époque 
d'Hélène  et  de  Constantin  que  remontent  les  principales  dé- 
signations des  lieux  s?iints  ;  mais,  séparées  par  trois  siècles 
des  événements  dont  elles  prétendaient  consacrer  à  jamais 
remplacement,  elles  n'ont  qu'une  valeur  relative.  1^  Alors, 
—  quand  on  a  soigneusement  déterminé  ce  qui,  dans  les 
monuments  ou  dispositions  de  la  Jérusalem  moderne,  revient 
à  chacune  des  six  époques  précédentes,  —  alors  seulement 
on  peut  se  poser  la  question  :  Quels  souvenirs  se  ratta- 
chent à  yElia  Capitolina,  à  la  ville  païenne  fondée  par 
Adrien  sur  les  ruines  de  la  vieille  cité  juive?  La  période 
romaine-païenne  ainsi  visée  s'étend  de  135  à  323  de  notre 
ère.  Ici  l'on  est  pris  d'une  sorte  de  regret.  Pourquoi  la  Jé- 
rusalem détruite  par  Titus  en  70  n'est-elle  pas  restée  à 
l'état  de  ruine?  Nous  y  trouverions,  en  ce  cas,  les  éléments 
d'une  reconstruction  archéologique,  qui  a  été  si  heureuse- 
ment appliquée  à  d'autres  villes  fameuses  de  l'antiquité. 
Le  fait  est,  qu'en  dehors  des  substructions,  que  leur  masse 
ou  la  protection  des  débris  accumulés  ont  protégées  contre 
une  disparition  complète,  les  matériaux  de  la  Jérusalem 
judéo-romaine  (63  av.  J.-C.  à  135  de  notre  ère)  ont  passé 
dans  les  constructions  ultérieures.  Ce  qui  peut  atténuer  en 
quelque  mesure  nos  regrets,  c'est  que  la  restitution  de 
la  Jérusalem  d'Iïérode  nous  mettrait  en  présence  d'une 
ville  beaucoup  plutôt  grecque  et  romaine  qu'orientale. 
Cependant,  ainsi  qu'il  a  été  dit,  la  Jérusalem  hérodienne  se 
retrouve,  d'une  part  dans  l'enceinte  du  Haram,  de  l'autre 
dans  quelques  portions  inférieures  des  remparts,  notamment 
dans  la  base  de  la  citadelle  (El-Kalaah).  La  période  héro- 
dienne, à  laquelle  nous  donnons  le  numéro  d'ordre  8,  est 
précédée  de  la  période  asmonéenne  (9)  de  167  à  63  avant 
notre  ère,  de  la  période  judéo-grecque  (10)  de  330  à  167 
avant  notre  ère,  de  la  période  judéo-persane  et  judéo- 
chaldéenne  (11)  de  588  à  330  avant  notre  ère.  Que  de 
modifications,  que  de  transformations,  quelle  série  de  ré- 
volutions religieuses,  de  bouleversements  politiques  et  na- 
tionaux au  cours  de  ces  sept  siècles  !  Nous  n'osons  pas 
croire  qu'on  puisse  discerner  avec  des  chances  sérieuses 
l'œuvre  de  la  période  asmonéenne,  bien  moins  encore 
celle  des  époques  antérieures.  C'est  cependant,  après  les 
souvenirs  relatifs  à  la  personne  de  Jésus-Christ,  les  traces 
laissées  par  la  Jérusalem  d'un  Josias,  d'un  Ezéchias,  tout 
particulièrement  d'un  David  et  d'un  Salomon,  que  le  visi- 
teur s'imagine  naïvement  retrouver.  Nous  venons  d'indi- 
quer que  cette  recherche  est  au  plus  haut  point  hypothé- 


tique et  qu'on  s'expose,  en  s'engageant  trop  précipitamment 
dans  cette  voie,  à  des  erreurs  analogues  à  celle  de  M.  de 
Sauicy,  désignant  des  sépultures  de  l'époque  judéo-romaine 
pour  les  tombes  royales  de  la  dynastie  de  David.  D'autre 
part,  nous  ne  voudrions  point  sembler,  par  un  parti  pris  de 
scepticisme,  décourager  la  recherche.  Il  n'est  pas  impossible 
que  des  hypogées  vraiment  antiques  soient  mis  au  jour  ;  que 
tel  travail  d'adduction  d'eaux  puisse  être  attribué  à  une 
époque  vraiment  ancienne,  comme  ce  tunnel  du  Siloé,  dont 
on  rapporte  l'étabhssement  à  l'époque  d 'Ezéchias,  mais  que 
nous  proférerions  rajeunir  quelque  peu  et  rapporter  à  l'époque 
de  la  Restauration  d'après  le  caractère  cursif  de  l'inscription 
hébraïque  qu'on  a  découverte  près  de  son  issue  inférieure. 
En  poussant  jusqu'au  bout  la  nomenclature  des  différentes 
phases  qu'a  traversées  Jérusalem  et  dont  plusieurs  ont  dû 
entraîner  des  remaniements  essentiels,  de  complètes  trans- 
formations, la  douzième  époque  traitera  de  la  ville  ancienne 


'1 


T--^2 


/  s     C*5^: 


Tombeau  dit  ^.^  des  Roi«  », 

après  la  destruction  du  royaume  d'Israël  (de  719  à  588), 
la  treizième  de  Jérusalem^  au  temps  de  la  rivalité  des 
royaumes  de  Juda  et  d'Israël  (950  environ  à  719),  la  qua- 
torzième enfin  de  la  Jérusalem  de  David  et  de  Salomon,  de 
1025  environ  à  950  avant  Père  chrétienne.  Nous  croyons 
que  le  simple  visiteur  —  et  particulièrement  l'historien  et 
l'archéologue  — ■  qui  s'astreindra  à  ne  jamais  perdre  de  vue 
les  conditions  ci-dessus  indiquées  de  toute  recherche  sur  un 
sol  aussi  bouleversé,  trouvera  dans  cette  simple  succession 
des  périodes  principales,  toujours  présente  à  ses  yeux,  le 
préservatif  le  plus  sûr  contre  les  écarts  de  l'imagination. 
Les  développements  où  nous  avons  dû  entrer  nous  obli- 
gent à  réduire  au  minimum  les  indications  relatives  aux 
principaux  monuments  de  la  Jérusalem  actuelle.  —  La 
place  d'honneur  doit  être  faite  au  Haram  ech-Chérif, 
vaste  parallélogramme  où  se  dressent  la  mosquée  du  Ro- 
cher et  la  mosquée  El-Aksa,  ainsi  qu'une  série  de  cons- 
tructions de  moindre  importance.  La  Coupole  du  Rocher 
(Kubbctes-Sakrah),  improprement  appelée  mosqmîe  d'Omar, 
est  l'œuvre  du  khalife  Abd  el-Mélik  ibn  Mérouan  (687  à  690 
de  l'ère  chrétienne)  ;  elle  a  la  prétention  de  recouvrir  le 
rocher  où  la  tradition  juive,  adoptée  par  l'islamisme,  place 
le  sacrifice  d'Isaac.  Elle  est,  en  gros,  située  dans  l'enceinte 
où  s'élevait  le  temple  d'fîérode,  lequel  avait  pris  lui-même 
la  place  du  second  temple,  rebâti  sur  les  ruines  du  vieil  édi- 
fice dont  on  rapporte  l'origine  à  Salomon.  Il  est  à  propos  de 
rappeler  ici  que  l'ingénieuse  restauration  du  temple  de  Salo- 


JÉRUSALEM  -  124 

mon  récemment  tentée  par  MM.  Perrot  et  Chipiez  n'est,  en 
aucune  façon,  une  reconstitutionarchéologique.  La  mosquée 
El-Aksa  s'élève  sur  les  substructions  de  la  basilique  Sainte- 
Marie  érigée  par  Justinien.  Le  travail  d'établissement  des 
murs  et  du  soutènement  en  voûte  qui  a  constitué  l'espla- 
nable  actuelle  doit  être  reporté  à  Hérode.  Les  fouilles  si 
intelligemment  poursuivies  par  les  agents  de  la  Palestine 
Exploration  found  Society,  la  première  recherche  métho- 
dique entreprise  de  notre  temps  pour  l'exploration  du  sous- 
sol  jérusalémite,  ont  établi  ce  point  avec  une  évidence  qui 
ne  laisse  rien  à  désirer.  A  noter  surtout  les  remarquables 
constructions  de  soutènement  exécutées  aux  angles  S.-E. 
et  S.-O.  du  Haram.  —  Un  grand  intérêt  s'attache  à  la 
reconstitution  des  anciennes  enceintes,  mais  on  s'est  trop 
hâté  en  déclarant  que  l'enceinte  moderne  (xvi®  siècle)  a 
respecté  le  rempart  établi  par  Adrien  et  que  celui-ci  s'est 
conformé,  à  son  tour,  au  tracé  d'Agrippa,  au  moins  en  ce 
qui  concerne  les  côtés  E.,  N.  et  0.  Cette  question  des 
anciennes  enceintes  est  infiniment  complexe  et  la  lumière 
n'est  pas  près  d'être  faite  à  cet  égard.  —  La  situation  de 
Jérusalem,  privée  de  sources,  sauf  dans  la  partie  inférieure 
du  ravin  de  Cédron,  a  entraîné,  en  dehors  des  citernes 
ménagées  dans  les  maisons  privées  et  dans  les  édifices 
publics,  la  construction  d'aqueducs,  amenant  les  eaux  du 
massif  montagneux  qui  s'élève  dans  la  région  sud  de  Jéru- 
salem jusqu'à  une  ait. 
de  900  m.  et  de  ré- 
servoirs ou  piscines  em- 
magasinant  ces  eaux. 
Ces  conduits  et  bassins 
remontent,  les  uns  aux 
musulmans  et  aux  croi- 
sés, les  autres  à  l'époque 
romaine  ;  les  principaux 
réservoirs  sont,  à  VO. 
le  Birket  Mamillah  et 
le  Birket  es-Sultan,  à 
l'intérieur  de  la  ville, 
dans  le  quartier  chré- 
tien, le  Birket  Hammam 
el-Batrak  et,  aux  envi- 
rons de  la  porte  Saint- 
Etienne  (N.-E.)  le  Bir- 
ket Israïn. — Il  subsiste 
un  certain  nombre  de 
monuments  de  l'époque 
judéo-romaine,  notam- 
ment l'hypogée  improprement  appelé  «  tombeau  des  Rois  », 
le  monument  dit  d'Absalon  et  quelques  anciennes  construc- 
tions funéraires. — En  fait  de  monuments  chrétiens,  le  prin- 
cipal est  l'ensemble  de  constructions  nommé  Saint-Sépulcre, 
dont  l'origine  remonte  à  Constantin  ;  le  monument  actuel 
est  de  l'époque  des  croisades,  mais  a  subi  des  remaniements 
considérables.  A  noter,  dans  l'enceinte  du  Muristan  (hos- 
pice des  chevaliers  de  Saint-Jean),  les  ruines  de  l'église  de 
Sainte-Marie-Majeure  et,  près  de  la  porte  Saint-Etienne, 
l'église  Sainte-Anne  (xu®  siècle)  récemment  restaurée.  — 
Munk  écrivait,  il  y  a  cinquante  ans,  les  lignes  suivantes  : 
«  Objet  de  tous  les  bienfaits  du  ciel  comme  de  ses  châ- 
timents les  plus  sévères,  Jérusalem  a  obtenu,  au  prix  de 
ses  vicissitudes,  les  hommages  qui  lui  sont  adressés  des 
différentes  parties  du  monde.  Dans  sa  lutte  contre  les  na- 
tions, elle  a  dû  périr  pour  devenir  l'objet  de  leurs  respects 
et  de  leur  culte.  Maintenant  qu'elle  ne  présente  plus  qu'une 
image  de*désolation,  le  voyageur  s'arrête  à  chaque  pierre 
pour  y  chercher  un  souvenir  ;  mais,  malgré  les  mille  inves- 
tigations dont  elle  a  été  l'objet,  sa  topographie  ancienne, 
après  tant  de  bouleversements,  présente  de  nombreuses 
difficultés.  Entre  les  traditions  d'une  pieuse  créduhté  et  les 
paradoxes  du  septicisme,  il  n'est  pas  facile  de  démêler  la 
vérité.  »  Aujourd'hui  que  la  vieille  capitale  s'engage  déci- 
dément dans  les  voies  du  progrès  et  que  l'examen  archéolo- 
gique, appuyé  sur  des  plans  et  sur  des  reproductions  exactes, 


Coupole  du  Saint-Sépulcre. 


permet  de  démêler  en  bien  des  circonstances  le  vrai  du  faux, 
le  possible  et  le  probable  du  chimérique  et  du  fantastique, 
Jérusalem  mérite  de  devenir,  au  même  titre  que  Rome  et 
Athènes,  un  centre  régulier  d'études  pour  les  grands  mou- 
vements qui  ont  déterminé  l'orientation  morale  et  intellec- 
tuelle de  l'humanité.  La  ville  qui  a  présidé  aux  débuts  du 
judaïsme  et  à  son  glorieux  épanouissement,  la  ville  qui  la 
vu  naître  le  christianisme,  que  l'Occident  chrétien  a  disputée 
furieusement  à  l'Orient  musulman,  qui  a  été  le  théâtre  des 
conflits  les  plus  tragiques,  les  plus  grandioses  entre  l'idée 
religieuse  ou  nationale  et  l'intérêt  politique,  cette  ville-là 
doit  s'élever  au-dessus  des  conflits  mesquins  d'attribution 
de  sanctuaires.  Elle  est  l'une  des  patries  du  monde  mo- 
derne ;  elle  doit,  dans  l'orgueil  de  ce  passé  incomparable, 
puiser  le  sentiment  de  dignité  et  de  confiance  en  soi-même 
qui  assurera  son  avenir.  Maurice  Vernes. 

Assises  de  Jérusalem  (V.  Assises). 
Concile  de  Jérusalem.  —  On  a  donné  ce  nom  à  une 
conférence  qui  eut  Heu  à  Jérusalem,  vers  l'an  50.  au  sujet 
de  la  circoncision  et  de  Fobservance  de  la  loi  mosaïque 
par  les  païens  convertis  (V.  Christianisme,  t.  XI,  p.  274, 
col.  2). 

Royaume  latin  de  Jérusalem.  —  La  plus  importante 
des  principautés  fondées  par  les  croisés  en  Terre  sainte. 
Les  autres  Etats  chrétiens  fondés  après  la  première  croi- 
sade étaient  au  nombre 
de  trois:  comté  d'Edes- 
se,   principauté  d'An- 
tioche  et  comté  de  Tri- 
poli ;  ces  deux  dernières 
circonscriptions    occu- 
paient la  côte  nord  de 
la  Syrie  jusqu'à  la  Cili- 
cie,  et  le  comté  d'Edesse 
s'étendait  assez    loin 
dans  l'intérieur  des  ter- 
res, jusqu'aux  environs 
de  l'Euphrate.  Plus  au 
S.   et  jusqu'à  la   mer 
Rouge  d'une  part  et  à 
l'isthme   de    Suez    de 
l'autre,  on  trouvait  le 
royaume  de  Jérusalem 
proprement  dit.  Les  li- 
mites de  cet  Etat  ont 
naturellement  beaucoup 
varié.  Avant  même  la 
prise  de  Jérusalem  par  Saladin,  qui  fut  suivie  de  la  con- 
quête par  les  infidèles  de  la  majeure  partie  de  la  Pales- 
tine, le  royaume  n'avait  pas  toujours  eu  la  même  éten- 
due. A  TE.,  il  débordait  au  delà  du  Jourdain,  du  lac  de 
Tibériade  et  de  la   mer  Morte,  et  la  route  de  caravanes 
que  suivaient   les  marchands   musulmans  avait  dû  être 
reculée  jusqu'en  plein  désert,  à  l'Orient  des  seigneuries 
de  Suhete  et  de  Montréal.  Au  N.  il  était  borné  par  la 
principauté  de  TripoH,  dont  le  séparait  le  Nahar-Ibrahim 
(ancien  Adonis);  à  l'O.  il  atteignait  la  mer,  au  S.  le  golfe 
Elamitique,  sur  la  mer  Rouge,  et  le  désert  d'El-Arisch,  qui 
s'étendait  jusqu'à  l'entrée   de  TEgypte.  C'était  donc  une 
longue  et  étroite  langue  de  terre,  occupant  l'ancienne  Ju- 
dée^oute  entière  et  quelques  territoires  que  n'avaient  jamais 
occupés  les  Hébreux.  —  L'organisation  du  pays  était  toute 
féodale  et  le  roi  de  Jérusalem',  sans  parler  de  la  suzeraineté 
nominale  qu'il  exerçait  ou  prétendait  exercer  sur  le  comté 
de  TripoU  ou  la  principauté  d'Antioche,  avait  sous  lui 
quatre  grands  barons  et  douze  seigneurs  secondaires;  les 
baronnies  étaient  le  comté  de  Jafia  à  d'Ascalon,  la  seigneu- 
rie de  Krak  ou  de  Montréal  au  delà  du  Jourdain  et  de  la  mer 
Morte,  la  princée  de  Galilée  et  la  terre  de  Suhete  (vers  le 
lac  de  Tibériade),  enfin  celle  de  Sagette;  cette  dernière 
était  sur  la  mer,  vers  le  N.  du  royaume,  près  du  fleuve 
Leitany.  Voici  les  noms  des  douze  seigneuries  :  le  Darum 
Saint-Abraham,  Arsur,  Césarée,  Naples,  Bessan,  Caïmont, 


425  — 


JERUSALEM 


Cayphas,  le  Toron  et  Belinas,  le  Scandélion,  Saint- 
Georges  et  Barut.  Chacun  de  ces  seize  barons  avait  ses  feu- 
dataires,  dont  les  services,  les  charges  et  les  droits  sont 
minutieusement  réglés  par  les  Assises  de  Jérusalem.  Les 
uns  servent  à  cheval,  sont  des  chevaliers,  les  autres  sont 
de  simples  sergents  à  pied.  A  ces  forces  permanentes,  tout 
à  fait  insuffisantes  pour  la  défense  du  pays,  s'ajoutaient  les 
chevaliers  du  Temple  et  de  l'Hôpital,  les  croisés  envoyés 
périodiquement  par  l'Europe,  tantôt  par  petites  bandes, 
tantôt  par  grandes  masses,  enfin  les  mercenaires  chrétiens 
ou  musulmans,  qu'on  appelait  les  Turcopoles.  C'est  à  l'aide 
de  ces  faibles  ressources  que  le  royaume  de  Jérusalem  put 
soutenir  la  lutte  contre  les  sultans  de  Damas  et  d'Egypte, 
pendant  près  de  deux  siècles,  lutte  bien  difficile  et  dans 
laquelle  la  valeur  extraordinaire  des  chevaliers  latins  avait 
peine  à  compenser  l'inégalité  numérique. 

H  serait  trop  long  d'étudier  l'organisation  politique  du 
royaume.  On  l'a  fait  plus  d'une  fois  et  le  mieux  est  do  ren- 
voyer aux  ouvrages  allemand  de  F*rutz,  Culturgeschichie 
der  Kreuzzilge^  et  français  de  Rey,  les  Colonies  franques 
en  Syrie  (Paris,  1883,  in-8).  Si  jamais  la  puissance  des 
Latins  ne  fut  très  solidement  établie  à  TE.  de  la  vallée  du 
Jourdain,  le  centre  du  pays  et  surtout  le  littoral  de  la  Mé- 
diterranée paraissent  avoir  joui,  durant  tout  le  xii^  siècle, 
d'une  prospérité  extraordinaire.  La  pohce  était  suffisante, 
la  sécurité  fort  grande,  et  une  fois  la  première  conquête 
faite,  conquête  qui  fut  marquée  par  des  excès  regrettal)les, 
la  population  de  Syrie  et  de  Palestine,  même  celle  de  reli- 
gion musulmane,  paraît  s'être  fort  bien  accommodée  du 
nouvel  état  de  choses.  Les  écrivains  arabes  reconnaissent 
eux-mêmes  que  leurs  coreligionnaires  sont  plus  heureux 
dans  les  pays  chrétiens  que  dans  les  sultanats  voisins.  Les 
impôts  étaient  peu  lourds,  la  tolérance  était  imposée  au 
clergé  lui-même  par  les  nécessités  de  la  politique,  et  à 
vivre  au  milieu  de  races  et  de  religions  différentes,  les  des- 
cendants des  anciens  croisés  avaient  appris  à  respecter  les 
mœurs  et  les  croyances  de  leurs  voisins.  Bien  plus,  et  c'est 
pour  les  écrivains  occidentaux  un  thème  inépuisable  à  dé- 
clamations, les  Francs  de  Syrie  avaient  adopté  en  partie  les 
mœurs  des  vaincus.  Enfin,  entre  les  conquérants  et  les  su- 
jets, il  y  avait  eu  des  alliances,  et  ces  aUiances  avaient  donné 
naissance  à  ceux  que  les  écrivains  du  temps  appellent  les 
Poulains,  et  qu'ils  traitent  avec  le  plus  profond  mépris. 

Si  la  majeure  partie  du  pays  appartenait  à  des  chevaliers  ou 
à  l'Eglise,  était  organisée  militairement  pour  la  défense,  dans 
les  villes  de  la  côte,  ce  qui  dominait ,  c'était  la  classe  bourgeoise 
et  commerçante,  composée  degens  de  toutes  nations  et  princi- 
palement de  Français,  d'Italiens  et  de  Grecs.  Elle  était  fort 
opulente,  et  avait,  encore  plus  facilement  que  la  noblesse, 
adopté  les  usages  et  le  genre  de  vie  des  populations  syriennes. 
Les  ports  d'Acre,  de  Jaffa,  de  Tyr  et  de  Sidon  étaient  des 
entrepôts  actifs  où  les  marchands  d'Europe  venaient  s'ap- 
provisionner de  produits  d'Orient,  et  d'où  on  transportait 
dans  l'intérieur  du  pays  les  denrées  de  l'Occident  ;  commerce 
d'échange  des  plus  fructueux  pour  les  négociants,  les  Occi- 
dentaux achetant  beaucoup  plus  qu'ils  ne  vendaient  ;  les 
commissionnaires  de  ces  places  de  commerce  devaient  faire 
de  rapides  et  énormes  fortunes.  En  somme,  la  Palestine 
jouissait  sous  la  domination  des  princes  latins  d'une  prospérité 
qu'elle  n'a  jamais  retrouvée  plus  tard,  et  les  Turcs  n'ont  guère 
fait  que  détruire  sans  rien  fonder.  Aujourd'hui  encore,  ils  se 
servent  des  fortifications,  des  travaux  d'art  construits  par 
les  croisés,  et  tout  ce  qu'ils  ont  su  faire  c'est  entretenir 
les  plus  importants. 

La  principale  cause  de  la  (ihute  du  royaume  latin  de  Jé- 
rusalem a  été  sa  faiblesse,  mais  il  faut  aussi  y  ajouter  les 
dissensions  intestines,  les  querelles  entre  les  souverains  et 
les  vassaux  indociles,  enfin  la  mauvaise  politique  de  quelques- 
uns  des  rois.  On  trouvera  une  esquisse  de  l'histoire  de  cette 
principauté  à  l'art.  Croisades.  Voici  la  suite  des  rois,  avec 
quelques  renseignements  supplémentaires  :  Godefroi  de 
Bouillon,  élu  le  23  juil.  1099,  mort  le  48  juil.  1100,  — 
Baudouin,  comte  d'Edesse,  frère  du  précédent,  élu  en  1100, 


mort  le  7  avr.  1118.  Sous  son  règne,  le  royaume  se  com- 
plète par  la  conquête  de  Saint-Jean-d'Acre  et  de  Beyrout  ; 
ne  laissant  point  d'enfants,  il  est  remplacé  par  Baudouin  ïl, 
fils  du  comte  de  Rethel,  qui  devait  régner  de  1118  au 
21  août  1131.  Sous  ce  règne,  le  royaume  atteint  les 
hmites  qu'il  conservera  jusqu'à  l'apparition  de  Saladin; 
Baudouin  est  un  instant  prisonnier  des  Turcs,  puis  délivré  ; 
il  échoue  devant  Alep,  mais  Tyr  est  conquis  par  lui  et 
complète  l'occupation  de  la  côte,  Baudouin  II  ne  laissait 
que  des  filles,  dont  l'aînée,  Mélissende,  lui  succède  avec 
son  mari.  Foulques,  comte  d'Anjou,  qui  règne  jusqu'au 
13  nov.  1147.  La  vie  de  ce  prince  est  remplie  par  des 
luttes  contre  l'empereur  d'Orient,  à  cause  de  la  princi- 
pauté d'Antioche,  dont  Foulques  était  baile.  —  Il  a  pour 
successeur  son  fils  aine,  Baudouin  ÏII,  qui  règne  sous  la 
tutelle  de  sa  mère  et  meurt  en  1163.  En  11 44, les  infidèles 
reprennent  Edesse  et  détruisent  le  comté  de  ce  nom.  Bau- 
douin m  meurt  sans  laisser  d'enfants  de  sa  femme,  Théodora, 
nièce  de  l'empereur  Manuel  Comnène.  —  Son  frère  Amauri, 
comte  de  Jaffa  et  d'Ascalon,  lui  succède.  Il  a  le  grand  tort, 
ayant  déjà  à  combattre  Noureddin,  sultan  de  Damas,  de  se 
mêler  des  affaires  d'Egypte,  dans  la  pensée  d'empêcher  la 
réunion  de  ce  pays  et  du  sultanat  de  Damas  sous  un  seul 
maître.  Trois  expéditions  successives  n'amènent  aucun  ré- 
sultat, et,  peu  d'années  après,  cette  union  tant  redoutée 
sera  un  fait  accompli.  Dès  lors  les  jours  du  royaume,  me- 
nacé au  N.-E.  et  au  S.,  sont  comptés.  Amauri  meurt  le 
11  juil.  1173,  laissant  de  sa  première  femme,  Agnès  de 
Courtenay,  Baudouin  IV  qui  lui  succède  et  Sybille.  — 
Baudouin  IV,  dit  le  Mesel  ou  le  Lépreux,  élève  de  l'arche- 
vêque de  Tyr,  Guillaume.  Sous  son  règne  commencent  les 
conquêtes  du  grand  Saladin.  En  1182,  devenu  aveugle, 
Baudouin  abdique  et  prend  pour  successeur  son  jeune 
neveu,  Baudouin  V,  fils  de  Sybille  et  du  marquis  deMont- 
ferrat.  Sybille  étant  dès  lors  veuve,  il  lui  fait  épouser  Gui 
de  Lusignan,  fils  du  comte  de  la  Marche,  qui  reçoit  le  titre 
de  régent  du  royaume  et  de  tuteur  du  jeune  prince.  Peu 
après,  Gui  perd  ces  hautes  fonctions  qui  sont  conférées  à 
Raimond,  comte  de  Tripoli,  et  Baudouin  ÏV  meurt  le  16  mars 
1 185.  —  Baudouin  V,  son  neveu,  lui  succède;  il  avait  cinq 
ans  et  meurt  dès  l'année  suivante  en  septembre  1186.  — 
La  mère  du  jeune  roi,  Sybille,  devient  alors  reine  du 
royaume  et  fait  monter  avec  elle  sur  le  trône  son  mari, 
Gui  de  Lusignan.  Une  partie  des  grands  du  royaume,  dont 
le  comte  de  Tripoli,  proteste  contre  cette  révolution,  et 
ces  dissensions  intestines  vont  précipiter  la  ruine  du 
royaume.  Saladin  prend  prétexte  d'un  acte  de  brigandage 
de  Renaud  de  Châtillon,  seigneur  du  krak  de  Montréal,  et 
envahit  la  Palestine.  Le  roi  Gui  accourt  à  la  rencontre  de 
l'ennemi  avec  toutes  les  forces  qu'il  a  pu  réunir,  mais  son 
armée  est  détruite  près  de  Tibériade  le  4  juil.  1187  ;  la 
sainte  Croix  qu'on  a  apportée  au  camp  tombe  aux  mains 
des  musulmans,  et  Gui  fait  prisonnier  doit  pour  sa  rançon 
livrer  la  place  forte  d'Ascalon.  Saladin  pousse  sa  pointe, 
occupe  Acre,  Beyrout,  Sagette,Giblet.  Jérusalem  tombe  entre 
ses  mains  le  2  août  1187  ;  au  mois  de  janvier  de  l'année 
suivante,  les  chrétiens  ne  possèdent  plus  en  Palestine  que 
le  krak  de  Montréal,  Saphet,  le  krak  de  Saint-Jean,  Chas- 
telblanc,  Margat  et  Tyr,  dont  Saladin  vient  de  lever  le  siège. 
Le  royaume  latin  de  Jérusalem  était  à  tout  jamais  dé- 
truit,_mais  le  titre  royal  va  subsister,  etjusqu'en  1291,  les 
chrétiens  posséderont  quelques  débris  de  leurs  anciens  do- 
maines de  Palestine.  Gui  de  Lusignan,  mis  en  liberté  dès 
septembre  1187,  entreprend  le  siège  d'Acre,  qui  durera 
quatre  ans  et  se  terminera  par  la  reprise  de  cette  ville  grâce 
aux  efforts  de  Richard  d'Angleterre  et  aux  secours  de  Phi- 
lippe-Auguste. Mais  la  reine  Sybille  étant  morte  en  1190, 
le  beau-frère  de  Gui,  Conrad,  marquis  de  Montferrat,  dis- 
pute au  sire  de  Lusignan  le  titre  royal.  En  1191,  Richard 
et  Philippe-Auguste  partagent  les  débris  du  royaume  entre 
les  deux  prétendants,  puis  Conrad  est  assassiné  par  des 
émissaires  du  Vieux  de  la  Montagne  (avr.  1192).  —  Sa 
veuve,  Isabelle,  épouse  Henri,  comte  dejChampagne,   qui 


JERUSALEM  —  JESSE 


—  126 


devient  roi  de  Jérusalem  et  hérite  en  H94  des  terres 
laissées  au  roi  Gui,  mort  cette  année.  Il  meurt  d'accident 
en  1197.  Sa  veuve,  Isabelle,  épouse  alors  Amauri  do  Lu- 
signan,  frère  de  Gai,  qui  devient  roi  de  Jérusalem.  Il  mi-urt 
en  1*206,  ne  laissant  que  des  tilles  de  son  mariage.  -—Jean 
de  Brienne,  élu  alors  pour  le  remplacer,  arrive  en  Terre 
sainte  en  1210  et  épouse  Marie,  fille  de  Conrad  de  Mont- 
ferrât.  De  ce  mariage  naîtra  Isabelle  qui  épousera,  en  1229, 
l'empereur  Frédéric  IL  En  1219,  Jean  prend  part  à  la  cin- 
quième croisade  qui  lui  vaut  pendant  deux  ans  la  posses- 
sion de  Damiette.  Peu  après,  il  se  rend  en  Occident  pour 
réclamer  des  secours  ;  son  gendre  Frédéric  II  l'oblige  à  lui 
céder  le  titre  royal,  et  dès  lors  Jean  ne  re verra  plus  la 
Terre  sainte.  Le  royaume  est  alors  pour  quelques  an- 
nées administré  au  nom  de  l'empereur  par  un  baile.  En 
1229,  Frédéric  se  rend  lui-même  en  Orient;  il  prend  pos- 
session des  débris  du  royaume  et  obtient  du  sultan  d'Egypte 
la  restitution  de  Jérusalem  et  le  droit  pour  les  pèlerins  de 
circuler  sur  les  routes  du  pays,  avantages  effectifs  que  ne 
savent  apprécier  ni  les  barons  de  Syrie,  ennemis  du  sou- 
verain allemand,  ni  le  pape  Grégoire  IX  qui  Ta  excommu- 
nié. Les  grands  de  Palestine,  en  effet,  absolument  hostiles 
à  Frédéric  II  et  provoqués  par  les  abus  de  pouvoir  du  baile 
impérial,  cherchent  partout  à  qui  offrir  le  vain  titre  de  roi 
de  Jérusalem.  En  1240,  ils  reconnaissent 'l'autorité  d'Alix, 
reine  de  Chypre,  qui  vient  de  se  remarier  à  Raoul  de  Sois- 
sons,  et  déclarent  en  même  temps  réserver  les  droits  de 
Conrad,  fils  de  Frédéric.  En  1244,  Jérusalem  tombe  aux 
mains  des  Kharismiens  ;  cette  catastrophe,  qui  décide  saint 
Louis  à  se  croiser,  ne  met  pas  fin  aux  querelles  entre  les 
barons.  En  1246,  Alix  meurt,  et  son  fils,  Henri,  roi  de 
Chypre,  prend  le  titre  de  roi  de  Jérusalem  qu'il  transmettra 
à  ses  descendants  ;  de  son  côté  Conrad  se  porte  pour  héri- 
tier et  seigneur  du  royaume  latin;  le  pape  Innocent  IV 
favorise  d'ailleurs  ouvertement  l'usurpation  des  Lusignan. 
Sous  Hugues,  fils  de  Henri  (1253),  le  royaume  latin  est 
administré  par  Jean  d'Ibelin,  seigneur  d'Arsur,  puis  par 
le  maréchal  Geoffroi  de  Sergines.  Saint  Louis,  qui  réside 
deux  ans  en  Syrie,  essaye  d'apaiser  les  querelles  entre 
les  barons  et  relève  à  ses  frais  les  défenses  des  vdles 
chrétiennes.  A  ce  moment,  où  le  royaume  est  réduit 
à  presque  rien,  le  vain  titre  de  roi  de  Jérusalem  n'en  est 
pas  moins  l'objet  de  convoitises  ardentes,  et  en  1277,  l'une 
des  prétendantes,  Marie  d'Antioche,  cède  tous  ses  droits, 
réels  ou  imaginaires,  à  Charles  d'Anjou,  roi  de  Naples  et 
de  Sicile;  ce  prince  ambitieux  fait  occuper  par  ses  troupes 
la  ville  d'Acre  et  déclare  la  guerre  au  roi  de  Chypre, 
Hugues  III;  après  quelques  années  de  luttes,  Acre  est  re- 
conquis par  le  fils  de  celui-ci,  Henri  II  (1286),  et  cinq  ans 
plus  tard  (129Î)  cette  ville,  dernier  boulevard  de  la  puis- 
sance chrétienne  en  Palestine,  tombe  aux  mains  du  sultan 
d'Egypte.  C'en  est  fait  du  royaume  de  Jérusalem. 

Le  titre  royal  continue  d'ailleurs  à  subsister;  les  rois  de 
Naples  de  la  maison  d' Anjou  s'en  parent  jusqu'au  xv®  siècle 
(jusqu'à  René  d'Anjou)  ;  d'autre  part,  il  est  porté  par  les 
rois  de  Chypre.  Au  xv*^  siècle  le  titre  passe  à  la  maison  de 
Savoie  par  le  mariage  de  Charlotte,  fille  du  roi  Jean  II,  et 
de  Louis  de  Savoie,  comte  de  Genève  (1458),  et  par  la 
donation  de  Charlotte  à  son  neveu  Charles  de  Savoie  (1485). 
Les  ducs  de  Savoie,  puis  rois  de  Sardaigne,  ont  porté  le 
titre  de  rois  de  Chypre  et  de  Jérusalem  jusqu'en  1859,  date 
de  la  fondation  du  royaume  d'Italie.        A.  Molinier. 

BiBL.  :  SociN  et  Benzinger,  Paldestina  und  Syrien^ 
3°  éd.,  Leipzig,  1891  (collection  Bœdeker).  —  Articles 
nourris  et  substantiels  sur  Jérusalem  dans  plusieurs  dic- 
tionnaires, notamment  dans  ceux  de  Riehm  et  de  Schenkel 
(en  allemand)  et  dans  V Encyclopédie  de  Lichtenberger. 
—  Au  point  de  vue  de  la  piété  catholi(iue,  Liévin,  Sanc- 
tuaires et  lieux  Idstoriques  de  la  Terre  sainte;  Jérusa- 
lem, 39  éd.,  1887  (l'"^  partie).  —  A  consulter  l'ouvrage  de 
GuERiN,  Description  géographique^  étende  la  Palestine^ 
trop  dépendant  de  la  tradition.  ~  Ce  qui  est  essentiel, 
c'est  l'ensemble  des  recherches  et  plans  du  Palestine 
Exploration  found,  ainsi  que  les  études  insérées  dans  la 
Zeitschrift  des  deutschen  Palestina-Vereins.  —  Les 
voyages   et  récits  relatifs  à  la  Palestine  et  à  Jérusalem 


forment  une  bibliothèque.  Notons  enfin  :  De  Saulgy,  les 
Derniers  Jours  de  Jérusalem.  —De  Vogué,  les  Eglises  de 
la  Terre  Sainte.  -~  Perrot  et  Chipiez,  le  Temple  de 
Jérusalem. 

Royaume  latin  de  Jérusalem.  —  V.  Fart.  Croisades. 
—  Du  Gange,  les  Familles  d' outre-mer,  dans  Documents 
inédits  pour  V histoire  de  France;  Paris,  18(59,  in-4.  — 
Rœiiricht,  Regesta  regni  Hierosolymitani;  Innsbruck, 
1893,  in-8.  y  ,  , 

JERUSALEM  (Johann-Friedrich-Wilhelm),  théologien 
allemand,  né  à  Osnabriick  le  22  nov.  1709,  mort  à  Wol- 
fenbiittel  le  2  sept.  1789.  Il  fut  un  prédicateur  distingué 
et  un  théologien  assez  considéré  à  une  époque  où  le  ratio- 
nalisme régnait  partout  en  Allemagne.  Le  duc  de  Bruns- 
wick le  combla  d'honneurs  et  de'  charges.  Il  provoqua  à 
Brunswick  la  fondation  du  célèbre  Collegium  Carolinum, 
qui  lui  dut  son  organisation  et  son  développement  rapide. 
A  la  demande  du  duc,  il  rédigea  une  apologie  du  christia- 
nisme, qui  fut  traduite  en  plusieurs  langues  ;  en  français  : 
Considérations  sur  les  vérités  fondamentales  de  la  Reli- 
gion(Y\erà[in,  1770).  On  trouve  son  autobiographie  dans 
ses  Nacligelassene  Schriften  (Brunswick,  17''93). 

JERVAS  ou  JARVIS  (Charles),  peintre  de  portraits  et 
traducteur  anglais,  né  en  Irlande  vers  1675,  mort  à  Londres 
en  1739.  Elève  de  sir  Godfren  Kueller,  il  étudia  ensuite  à 
Rome  et  succéda  à  son  premier  maître  dans  l'office  de 
peintre  du  roi.  Peintre  à  la  mode,  fort  recherché  par  les 
grandes  dames  qu'il  représentait  en  bergères,  il  a  fait, 
outre  les  portraits  de  Georges  II  et  ceux  des  principaux 
personnages  de  la  cour,  plusieurs  portraits  du  Pape  et  un 
de  Swift,  Son  chef-d'œuvre  paraît  être  le  portrait  de  la 
Duchesse  de  Queensberry ,  conservé  dans  la  National 
Portrait  Gallery.  L'importante  collection  d'objets  d'art 
qu'il^  avait  formée  fut  vendue  aux  enchères  après  sa  mort. 
Il  laissait  aussi  une  traduction  de  Don  Quichotte^  dont 
Smolett  se  servit  plus  tard  et  qui  fut  publiée  par  les  soins 
de  sa  veuve  en  d742,  avec  des  illustrations  par  Vander- 
bank  et  une  introduction  historique  sur  les  romans  de  che- 
valerie par  Warburton,  en  2  vol.  in-4.  B.-H.  G. 

f  Atom ....  C2*^IF^Az032H20. 

La  jervine  est  un  alcaloïde  qui  existe  dans  le  Veratrum 
sabadilla  ou  cévadille,  à  côté  de  la  vératrine  et  d'autres 
alcaloïdes,  tels  que  la  rubijervine,  la  vératralbine,  la  cé- 
radine.  Elle  est  presque  insoluble  dans  l'eau,  mais  se  dis- 
sout dans  l'alcool  où  elle  cristallise.  L'acide  sulfurique  dis- 
sout la  jervine  en  donnant  une  coloration  jaune  qui  passe 
bientôt  au  vert.  G.  M, 

JERVIS  ou  JARVIS.  Ile  de  l'océan  Pacifique,  Polynésie, 
par  0°  22'  23''  lat.  S.  et  162^  15'  21"  long.  0.  Elle  a 
4  kil.  q.  De  formation  coralliaire,  son  lagon  est  asséché. 
Elle  est  inhabitée.  On  en  a  retiré  du  guano. 

JERVIS  (John)  (V.  Saint-Vincent  [Comte  dej). 

JESENSKY  (en  latin  Jessienus).  Paul  Jesensky  fut  au 
XVI"  siècle  évèque  de  FUnion  des  frères  bohèmes  et  prit 
part  à  la  traduction  de  la  Bible  dite  de  Kralice.  —  Jean  Je- 
sensky, né  à  Breslau  en  1566,  mort  en  1621,  fut  docteur 
en  médecine  de  l'université  de  Padoue  et  professeur  aux  uni- 
versités de  Wittenberg  et  de  Prague,  médecin  des  empe- 
reurs Rodolphe  II  et  Mathias.  En  1618,  il  devint  rec- 
teur de  l'université  de  Prague,  prit  part  à  la  révolte  des 
Etats  de  Bohème  et  fut  chargé  d'une  mission  politique  en 
Hongrie.  Après  la  bataille  de  la  Maison-Blanche,  il  fut 
condamné  à  mort  et  exécuté  le  6  juin  1621. 

JESONVILLE.  Corn,  du  dép.  des  Vosges,  arr.  de  Mire- 
court,  cant.  de  Darnev  ;  280  hab. 

J ESSAI NS.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  de  Bar-sur- 
Aube,  cant.  de  Vendeuvre;  375  hab.  Eglise  du  xu°  et  du 
XIV®  siècle. 

JESSE  (John-lîeneage),  Httérateur  anglais,  né  en  181 5, 
mort  à  Londres  le  7  juil.  1874.  Fils  du  naturaliste  Edward 
Jesse  (1780-1868),  il  fit  de  bonnes  études  à  Eton  el  fut 
employé  dans  les  bureaux  de  l'amirauté.  Il  a  laissé  une 
série  d'études  historiques  intéressantes  comme  des  romans 
et  dont  plusieurs  sont  écrites  d'après  des  documents  inédits. 


—  \îl  — 


JESSE  -  JESUITIQUE 


Citons  :  Memoirs  of  the  Court  of  En^land  during  the  • 
reigns  of  the  Stuarts  (1840,  4  -vol.  in-8);  Memoirs  of 
the  Court  of  England  froui  the  Révolution  to  Death  of 
George  II  (1843,  3  vol.  in-8);  George  Selwyn  and  his 
contemporaries  (1843, 4  vol.  iii-8)  ;  Memoirs  of  ihe  Pre- 
tenders  and  their  adhérents  (1845,  2  vol.  in-8);  Lite- 
rai^yand  historical  Memorials  ofLondon  (1847,2  vol. 
in-8);  Memoirs  of  Richard  the  Third  (1862,  in-8)  ;  Me- 
moirs  of  the  Life  and  Reign  of  George  the  Third  (1867, 
3  vol.  iil-8),  son  chef-d'œuvre  (il  y  soutient  que  George  lit 
fut  effectivement  marié  à  la  jolie  Hannah  Lighfoot,  ce  qui 
excita  toute  une  polémique)  ;  Memoirs  of  the  celebrated 
Etonians  (1875,  2  vol.  in-8).  R.  S. 

JESSELIN  (V.  Genselin). 

J  ESTE D  (en  allemand  Jeschken),  montagne  de  Bohême, 
située  au  S.  de  Reichenberg;  elle  fait  partie  des  monts  de 
Lusace. 

JÉSUATES,  religieux  (Y.  Colombini). 

JÉSUITES  (V.  Société  de  Jésus  et  les  articles  sur  le 
fondateur  et  les  généraux  de  cet  ordre  :  Ignace  de  Loyola, 
Laynès  (Jacques),  Borgia  (François  de),  Mercuriân  (Evé- 
rard),  Aquaviva  (Claude),  Vittelschi  (Mutio),  Carâffâ 
(Vincent),  Piccolomini  (François),  Gottifredi  (Alexandre), 
Nickel  (Gosvi^in),  Oliva  (Jean-Paul),  Noyelle  (Charles  de), 
GoNZALÈs  (Thyrse),  Tamburini  (Michel- Ange),  Retz  (Fran- 
çois), ViscoNTi  (Ignace),  Centurions  (Louis),  Ricci  (Lau- 
rent), Brzozowski  (Thaddée),  Fortis  (Louis),  Roothaan 
(Jean),  Beckx,  (Pierre),  Martin  (Louis)  et  Anderleoy,  son 
prédécesseur;  mêoie  notice  pour  ces  deux  derniers.). 

JÉSUITESSES.  Les  jésuites  n'ont  jamais  eu  ni  tiers- 
ordre  proprement  dit,  ni  religieuses  associées,  assujetties  à 
leur  règle  et  à  leur  direction,  comme  les  bénédictins,  les 
dominicains,  les  franciscains  et  la  plupart  des  autres 
ordres.  Dès  1549,  Ignace  de  Loyola  avait  sollicité  et  ob- 
tenu la  bulle  Licet  non  debitum,  protégeant  son  œuvre 
contre  toute  affiliation  de  ce  genre.  -—  On  a  donné  le  nom 
de  Jésuitesses  à  une  congrégation  de  religieuses  instituée 
à  l'imitation  de  la  Société  de  Jésus,  en  1534,  par  deux 
Anglaises,  venues  en  Flandre,  Warda  et  Tuitia,  mais  qui 
semble  n'avoir  jamais  été  canoniquement  confirmée.  Elles 
faisaient  vœu  de  chasteté,  de  pauvreté  et  d'obéissance,  fon- 
daient des  collèges  et  prêchaient  dans  des  assemblées.  Ur- 
bain VIII  les  supprima  en  1631  (31  mai),  leur  ordonnant, 
sous  peine  d'excommunication  ipso  facto^  de  quitter  leur 
habit,  de  sortir  immédiatement  des  maisons  et  collèges  où 
elles  avaient  demeuré  jusqu'alors,  et  de  vivre  séparément, 
sans  pouvoir  jamais  se  rassembler  pour  délibérer  sur  quoi 
que  ce  fût, 

JÉSUITIQUE  (Architecture).  Style  d'architecture  qui 
fleurit  surtout  à  Rome  et  dans  les  pays  de  religion  catho- 
lique vers  la  fin  du  xvi®  siècle  et  pendant  les  xvii«  et 
xviii^  siècles.  Dans  ce  style  furent  construites  et  décorées 
de  nombreuses  éghses  rappelant,  par  les  dispositions  de 
leur  plan,  par  l'agencement  de  leur  façade  et  surtout  par 
le  mode  et  la  richesse  de  leur  ornementation  intérieure, 
l'éghse  du  Gesù  et  l'église  Saint-Ignace  à  Rome,  l'église 
Saint-Paul-Saint-Louis,  rue  Saint-Antoine,  à  Paris,  et 
quelques  sanctuaires  que  l'on  peut  considérer  comme  types 
de  cette  architecture  et  qui,  consacrés  sous  différents  vo- 
cables, doivent  leur  origine  aux  jésuites  et  furent  élevés 
en  l'honneur  ou  sous  les  auspices  de  cette  puissante  com- 
pagnie. Une  étude  rapide  des  principales  données,  plan, 
façade,  coupe  et  ornementation,  des  trois  églises  citées 
plus  haut,  étude  résumant  les  monographies  de  ces  églises 
publiées  par  J.  Gailhabaud  {Monuments  anciens  et  mo- 
dernes ;  Paris,  1850,  t.  IV,  in-4),  dira  les  premiers 
maîtres  et  montrera  bien  l'origine  et  les  développements  de 
cette  architecture  jésuitique  restée  si  chère  encore  de  nos 
jours  uu  catholicisme  romain  et  à  plusieurs  ordres  religieux. 

Commencé  dès  1568,  sur  la  volonté  et  aux  frais  du 
cardinal  Alexandre  Farnèse,  grand  admirateur  des  jésuites 
et  neveu  du  pape  Paul  111  qui  venait  d'approuver  à  nou- 
veau leur  institut,  la  première  église  des  jésuites  à  Rome, 


l'église  du  Gesù,  dédiée  à  Jésus-Christ,  chef  et  patron  du 
nouvel  ordre,  eut  pour  premier  architecte  J.-B.  Vignole 
(V.  ce  nom),  et  cet  artiste  s'inspira,  pour  le  plan,  qui  fut 
plus  d'une  fois  imité  dans  les  églises  jésuitiques,  des  plans 
conçus  par  Palladio  pour  l'église  Saint-Georges,  à  Venise. 
Le  plan  de  l'église  du  Gesù  (V.  fig.)  offre  une  croix  la- 
tine formée  par  une  nef  unique,  le  transept  et  le  chœur  ; 


Plan  de  l'église  du  Gesù,  à  Rome. 

des  deux  côtés  de  la  nef  un  collatéral,  divisé  en  chapelles 
communiquant  entre  elles,  supporte  des  tribunes  auxquelles 
on  accède  par  de  petits  escaliers  circulaires  pris  dans  le 
mur  de  la  façade  principale.  La  croisée  est  surmontée  d'une 
coupole  érigée  à  l'aide  de  pendentifs  sur  piliers  d'angle. 
Lorsque  Vignole  mourut  en  1573,  la  construction  avait 
atteint  la  hauteur  de  la  première  corniche,  et  le  cardinal 
Alexandre  Farnèse  dut  s'adresser  à  un  élève  de  Vignole, 
J.  délia  Porta  pour  continuer  l'œuvre,  mais  le  nouvel 
architecte,  auquel  sont  dues  l'abside,  la  coupole,  la 
voûte  de  la  nef  et  la  façade  principale,  fut  loin  de  con- 
server la  sobriété  et  l'imitation  de  l'antique  qui  caractérisent 
l'architecture  de  Palladio  et  de  Vignole,  et,  précurseur  de 
l'exubérance  et  du  désordre  architectural  qui  devaient  se 
faire  jour  au  milieu  de  tant  de  richesses  d'ornementation 
dans  les  a3uvres  du  Bernin  et  du  Borromini  (V.  ces 
noms),  J.  délia  Porta  décora  la  façade  principale  de  deux 


JÉSUITIQUE 


—  128  — 


ordonnances  corinthiennes  superposées,  celle  du  bas,  élevée 
au-devant  de  la  nef  et  des  collatéraux,  et  celle  du  haut, 
élevée  seulement  au-devant  de  la  partie  supérieure  de  la 
nef;  en  revanche,  deux  grands  ailerons,  sortes  de  volutes 
allongées  ou  de  consoles  renversées  formant  amortissement, 
rachètent  la  différence  de  largeur  des  deux  ordonnances, 
et  ces  ailerons,  dits  aussi  consoles  jésuitiques,  se  retrou- 
veront plus  ou  moins  accentués  ou  atténués  dans  les  façades 
de  presque  toutes  les  églises  de  la  Compagnie  de  Jésus  ou 
d'architecture  jésuitique  (V.  t.  I,  p.  950,  fig.  2,  l'aileron 
très  développé  de  l'église 
du  Gesù,  à  Rome,   et 
t.  II,  p.  799,  fig.  3, 
l'aileron  peu  important 
formant  amortissement 
de  la  partie  supérieure 
de  la  façade  de  l'église 
Saint-Gervais  et  Saint- 
Protais,  à  Paris).  Outre 
un  fronton  triangulaire 
compris  dans  un  fronton 
circulaire,  lesquels  sur- 
montent   les    colonnes 
encadrant  l'entrée  prin- 
cipale de  la  nef,  un  im- 
portant fronton  triangu- 
laire couronne  l'ordon- 
nance supérieure,  et  une 
lanterne  ajourée,  sur- 
montée  d'une   croix, 
s'élève  au-dessus  de  la 
coupole,  laquelle  est  ex- 
térieurement de  forme 
octogonale  comme  le 
tambour  qui  lui  sert  de 
base.  Tels  sont  les  prin- 
cipaux éléments  de  la 
façade  de  cette  église  du 
Gesù  si  souvent  imitée 
et  qui  marque  une  phase, 
non  la  plus  heureuse  de 
la  Renaissance  italienne; 
en  outre,  l'ornementa- 
tion intérieure  de  cette 
église,  dont  l'exécution 
s'est  poursuivie  posté- 
rieurement à  l'achève- 
ment de  sa  construction, 
accentue  bien  plus  en- 
core  la  révolution  qui 
s'est  produite  dans  l'ar- 
chitecture italienne  et, 
sous  rinfluence  des  jé- 
suites, à  travers  le  monde   entier.    C'est  partout,   dit 
J.  Gailhabaud,  «un  luxe,  une  richesse,  une  magnificence 
qui  éblouissent,  mais  que  réprouve  le  bon  goût;  car  on 
y  sent  les  idées  dominantes  de  l'époque,  c.-à-d.   cette 
manie,   cet  engouement   du  bizarre  et  de  la  surcharge 
en  matière  de  décoration,  l'action  enfin  du  Bernin  et  du 
Borromini,  et,   plus  encore,   celle  de  leurs  élèves  et  de 
leurs  imitateurs,  qui  surenchérirent,  par  leurs  excentri- 
cités, sur  les  écarts  déjà  blâmables  de  ces  deux  maîtres  ». 
J.  délia  Porta,  pour  le  grand  autel;   Pierre  de  Cortone, 
pour  le  transept  de  droite  dédié  à  saint  François-Xavier  ; 
le  P.  Pozzi,  un  jésuite,  pour  le  transept  de  gauche,  dédié 
à  saint  Ignace  de  Loyola,  le  fondateur  de  l'ordre  ;  le  Ber- 
nin, enfin,  pour  les  figures  de  la  Religion  et  de  la  Sagesse 
décorant,  près  du  maître-autel,  le  tombeau  du  cardinal 
Bellarmin  :  tels  sont  les  maîtres  italiens  auxquels  l'église 
du  Gesù  doit  les  parties  les  plus  caractéristiques  de  son  or- 
nementation, ornementation  dont  une  vue  de  la  chapelle 
de  Saint-Ignace  fera,  mieux  que  toute  description,  conce- 
voir la  richesse. 


Chapelle  de  Saint-Jgnace,  dans  l'église  du  Gesù,  à  Rome, 


La  seconde  des  églises  des  jésuites,  l'église  Saint-Ignace,  à 
Rome,  dont  la  construction  commença  en  iô'îlQ,  plus  d'un 
demi-siècle  après  celle  de  l'église  du  Gesù,  c.-à-d.  au  mo- 
ment où  les  jésuites  étaient  le  plus  en  faveur  à  la  cour  de 
Rome,  fut,  elle  aussi,  élevée  aux  frais  d'un  cardinal,  neveu 
d'un  pape,  le  cardinal  Louis  Ludovisi,  neveu  de  Grégoire  XV. 
Des  plans  furent  demandés  à  l'architecte  bolonais  Dome- 
nico  Zampieri,  dit  le  Dominiquin,  qui  fit  deux  projets,  les- 
quels furent  remis  au  P.  jésuite  Horace  Grassi  :  ce  dernier 
les  combina  et  en  tira  le  projet  qui  fut  suivi.  Le  plan  de 

l'église  Saint-Ignace  qui 
comprend   grande    nef 
avec  bas  côtés,  transept 
dont  la  croisée  est  sur- 
montée d'une  coupole, 
et  abside,  toutes  données 
habituelles  aux  églises 
jésuitiques,  rappelle  as- 
sez   bien    le   plan    de 
l'église  du  Gesù.  Il  en 
est  de  même  de  la  façade 
dessinée  par  l'architecte 
bolonais  Alessandro  Al- 
gardi,  qui  succéda  dans 
la  direction  des  travaux 
au  P.  Grassi  :  on  voit, 
à  l'éghse  Saint-Ignace 
comme    à    l'église   du 
Gesù,  les  deux  mêmes 
ordonnances  corinthien- 
nes dont  la  différence  de 
largeur    est  également 
rachetée  par  des  aile- 
rons, et  une    coupole 
octogonale  surmonte  la 
croisée  des  deux  églises. 
Cependant,  tout  en  s'ins- 
pirant   de    l'œuvre  de 
J.   délia  Porta  —    et 
peut-être    cette  quasi- 
imitation  lui  fut-elle  im- 
posée —   Algardi   sut 
apporter  dans  les  lignes 
et  dans  les  profils  une 
sobriété  rappelant  plu- 
tôt les  œuvres  de  Vi- 
gnole  que  celles  de  son 
élève .    L'intérieur    de 
l'éghse  est   aussi  plus 
sobrement   décoré,    au 
moins  pour  ce  qui  est 
dejlanef;  mais  à  l'église 
Saint-Ignace  comme  à 
l'église  du  Gesù,  les  croisillons  du  transept  brillent  d'une 
trop  exubérante  richesse.  Au  reste,  pour  les  Italiens  dé- 
vots du  XVII®  siècle,  le  mérite  et  la  beauté  de  ces  églises 
jésuitiques  consistèrent  surtout  dans  les  draperies  tour- 
mentées des  sculptures,  dans  l'abus  des  marbres  et  des 
stucs,  des  bronzes  et  des  ors,  enfin  dans  de  grandes  com- 
positions picturales,   d'un  style  non  moins  riche  et  non 
moins  tourmenté  que  celui  des  sculptures.  C'est  ainsi  qu'à 
l'église  Saint -Ignace,  la  peinture  de  la  voûte,  œuvre  du 
P.  jésuite  Pozzi,  est  une  des  plus  renommées  de  ce  genre 
et  consiste  en  une  architecture  fantastique,  avec  corniche, 
ressauts,  tribunes,  etc.,  au  travers  de  laquelle  des  anges 
et  des  saints  font  cortège  à  Ignace  de  Loyola  entrant  dans 
la  cour  céleste.  Et  que'dire  des  autels,  des  tombeaux,  des 
chaires  à  prêcher,  des  stalles  et  des  flambeaux  de  cette 
église  :  ils  sont  à  l'avenant  de  l'architecture,  de  la  sculp- 
ture et  de  la  peinture,  et  c'est  tout  dire. 

L'église  Saint-Paul-Saint-Louis  fut  élevée,  de  1627  à 
-1641,  rue  Saint-Antoine,  à  Paris,  grâce  aux  libéralités  du 
roi  Louis  Xlll  et  du  cardinal  de  Richelieu,  pour  être  le 


sanctuaire  de  la  maison  professe  des  jésuites  :  aussi  ne  le 
cédait-elle  en  richesse  d'ornementation  extérieure  et  inté- 
rieure à  aucune  autre  de  cet  ordre.  Le  P.  jésuite  Fran- 
çois Derand  (V.  ce  nom),  très  habile  en  stéréotomie,  en 
donna  les  plans  et  en  surveilla  les  travaux.  Trois  ordres 
corinthiens,  dont  un  composite,  superposés,  des  frontons, 
des  ailerons  à  la  partie  supérieure  et  partout  des  festons, 
des  entrelacs  et  des  vases  caractérisent,  plus  encore  sur  le 
portail  de  cette  église  que  sur  les  portails  des  églises  de 
Rome  citées  plus  haut,  le  style  jésuitique  à  son  épanouis- 
sement. L'intérieur  de  cette  église  rappelle,  comme  dispo- 
sition, l'église  du  Gesù  à  Rome;  mais  le  dôme  octogonal, 
qui  surmonte  la  croisée,  était,  à  l'époque  où  il  fut  élevé, 
le  plus  important  de  cette  forme  en  France.  La  Révolution 
vit  priver  ce  sanctuaire  des  richesses  innombrables  qui  y 
étaient  accumulées  et  parmi  lesquelles  il  faut  citer  les  anges 
d'argent  soutenant  un  reliquaire  renfermant  le  cœur  de 
Louis  Xlll  et  surtout  le  fameux  monument  élevé  en  l'hon- 
neur de  Henri  de  Bourbon,  prince  de  Condé,  sur  les  des- 
sins de  Jacques  Sarazin  (V.  ce  nom). 

Presque  toutes  les  églises  élevées  en  pays  catholiques 
pendant  les  xvii*^  et  xviii^  siècles  présentèrent  plus  ou  moins 
quelques-uns  des  caractères  du  style  jésuitique,  et  à  Paris 
on  peut  citer,  entre  autres,  les  portails  des  églises  Notre- 
Dame  des  Victoires,  Sainte  -  Elisabeth ,  Saint -Thomas 
d'Aquin  et  le  portail  de  l'ancienne  église  Saint-Barthélémy 
de  la  Cité,  transporté  et  reconstruit  au-devant  de  l'église 
des  Blancs-Manteaux,  comme  tous  inspirés,  tant  dans  leur 
ordonnance  d'architecture  que  dans  leur  ornementation 
sculpturale,  de  ce  style  jésuitique  dont  les  trois  égUses 
étudiées  plus  haut  montrent  les  éléments  principaux  à  leur 
naissance  et  dans  leur  développement.    Charles  Lucas. 

JÉSUS.  La  vie^  la  personnalité  et  Vœuvre  de  Jésus 
ont  donné  lieu  à  des  appréciations  très  diverses^  par- 
fois même  contradictoires,  entre  lesquelles  nos  prin- 
cipes d'impartialité  ne  nous  permettent  pas  de  prendre 
un  parti  absolu, 

Recomiaissant  V impossibilité  de  rédiger  un  article 
unique  qui  donne  satisfaction  aux  différents  ordres  de 
penseurs,  ainsi  qu'à  tous  les  lecteurs  d'une  œuvre 
d'ensemble,  nous  avons  présenté  cette  grande  question 
sous  ses  deux  formes  les  plus  nettes,  daîis  deux  articles, 
dont  le  premier  résume  avec  la  haute  autorité  de  son 
auteur,  le  P.  Didon,  la  doctrine  catholique,  et  le  se- 
cond expose  avec  une  précision  parfaite,  sous  la  signa- 
ture de  M,  Maurice  Ver  nés,  son  représentant  le  plus 
autorisé,  le  point  de  vue  de  la  critique  rationaliste. 

Ce  double  exposé  était  indispensable  :  il  est  en 
effet  aussi  intéressant  pour  les  rationalistes  de  con-^ 
naître  l'idée  que  les  chrétiens  se  font  de  Jésus,  que 
pour  les  croyants  de  ne  pas  ignorer  les  affirmations 
de  la  critique  moderne. 

JÉSUS-Christ.  Jésus-Christ  est  le  grand  nom  de  l'his- 
toire. Il  en  est  d'autres  pour  lesquels  on  meurt  ;  il  est 
le  seul  qu'on  adore  à  travers  tous  les  peuples,  toutes  les 
races,  tous  les  siècles.  Sa  vie  ne  forme  pas  seulement  la 
dernière  scène  d'un  drame  national  qui  occupe  un  espace 
de  près  de  vingt  siècles,  depuis  Abraham  jusqu'à  la  des- 
truction du  peuple  juif;  elle  remplit  l'histoire  universelle 
dont  elle  est  le  centre  et  le  faîte.  C'est  à  Jésus  que  tout  se 
termine  et  de  lui  que  tout  dérive.  Après  deux  mille  ans, 
il  reste  la  personnalité  la  plus  vivante  et  la  plus  néces- 
saire, la  plus  contredite  et  la  plus  invincible. 

Il  s'est  manifesté,  suivant  le  premier  mot  tombé  de  ses 
lèvres,  dans  la  plénitude  des  temps,  vers  le  milieu  du 
VIII®  siècle  de  Rome,  de  la  192^  olympiade,  et,  d'après  la 
chronologie  biblique,  vers  la  fin  du  4^  millénaire  de  la  créa- 
tion. L'empire  romain,  le  paganisme,  la  philosophie,  le  ju- 
daïsme officiel,  toutes  les  forces  humaines  organisées  alors 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.   —  XXI. 


—  129  —  JÉSUITIQUE  —  JÉSUS 

avaient  accompli  leur  évolution.  Le  monde  se  mourait,  as- 
servi par  la  politique  romaine,  dégradé,  désespéré  par  les 
fausses  religions,  demandant  vainement  aux  philosophes  le 
secret  de  la  vie  et  de  la  vertu  ;  le  judaïsme  lui-même  ago- 
nisait, infidèle  à  sa  destinée.  Jamais  il  n'y  eut  moment  plus 
critique.  Mais  Dieu  veillait,  et  dans  son  peuple  élu  les 
humbles  priaient,  espéraient.  En  dehors  du  judaïsme  une 
attente  vague  dont  témoignent  les  poètes,  les  historiens, 
les  livres  sibyllins,  palpitait,  tenait  le  monde  en  haleine  : 
c'était  le  pressentiment  qui  annonce  tous  les  événements 
importants  de  l'histoire. 

I.  Jésus  naquit  à  Bethléem,  vers  Fan  747-49  de  Rome. 
Son  origine  n'est  point  semblable  à  la  nôtre.  Il  n'est  pas 
né  comme  nous  du  «  mélange  des  sangs,  ni  d'un  instinct 
charnel,  ni  d'une  volonté  d'homme  ».  Apportant  à  l'hu- 
manité le  secret  et  le  pouvoir  de  renaître  dans  l'Esprit,  il 
est  né  de  la  femme  et  de  l'esprit  de  Dieu.  Sa  mère  s'ap- 
pelait Marie,  une  Nazaréenne.  Il  ne  tient  à  l'espèce  hu- 
maine que  par  elle.  Celui  qui  vient  inaugurer  la  race 
nouvelle  des  fils  de  Dieu  échappe  au  torrent  des  généra- 
tions terrestres  :  ce  n'est  pas  l'homme  qui  l'engendre,  c'est 
l'Esprit  qui  l'évoque  des  chastes  entrailles  de  la  Vierge. 
Bien  que  né  à  Bethléem,  Jésus  a  vécu  à  Nazareth,  en  Gali- 
lée, où  habitait  Marie,  sa  mère,  et  celui  qui  passait  pour 
son  père,  Joseph  le  charpentier.  Il  y  fut  élevé  comme  tous 
les  Galiléens  de  son  âge  et  de  sa  condition.  Cette  existence 
cachée,  pauvre  et  laborieuse,  dura  près  de  trente  ans.  Elle 
est  enveloppée  de  mystère.  L'Esprit  de  Dieu  seul  a  fait  grandir 
Jésus,  le  façonnant  et  le  préparant  à  sa  vocation  future.  Il 
a  tout  reçu  de  cet  Esprit  et  rien  des  hommes.  Quel  maître 
eût  pu  l'initier  à  une  vocation  qui  était  au-dessus  de 
l'homme?  Tout  ce  qu'il  a  vu,  senti,  résolu,  désiré,  lui  a 
été  donné  d'intuition  et  d'inspiration. 

Lorsqu'un  homme  providentiel  a  atteint  sa  plénitude,  le 
milieu  où  il  doit  agir  l'invite  à  se  produire^  les  circons- 
tances vont  au-devant  de  lui  ;  de  la  même  main  qui  crée 
les  génies  et  les  applique  à  son  œuvre.  Dieu  conduit  les 
événements  où  ils  doivent  prendre  place  ;  entre  le  cours  des 
uns  et  l'évolution  des  autres,  c'est  une  harmonie  prééta- 
blie :  la  même  heure  marque  leur  maturité.  Au  moment 
où  Jésus  approche  de  sa  trentième  année,  —  l'âge  de  la 
virilité  parfaite  chez  les  Juifs,  —  le  même  Esprit  qui  l'a 
produit  et  qui  a  fait  converger  vers  lui  tout  le  mouvement 
des  siècles,  prépare  directement  le  théâtre  où  il  va  pa- 
raître ;  il  lui  fraye  le  chemin  ;  il  éveille  Pâme  de  son  peuple 
par  une  de  ces  voix  qui  passionnent  la  foule  et  ébranlent 
les  consciences. 

II.  Alors  parut  en  Israël  un  homme  destiné  à  tra- 
duire à  son  pays  troublé  par  les  partis,  courbé  sous  le 
joug  païen,  égaré  par  ses  passions  et  ses  préjugés,  la  pensée 
et  les  desseins  de  Dieu.  Jean  était  de  la  race  des  pro- 
phètes et  le  plus  grand  de  tous.  Il  vécut  et  grandit,  comme 
un  être  consacré,  un  «  Nazir  ».  Nulle  influence  terrestre 
ne  devait  effleurer  cette  âme  vouée  à  la  plus  haute  des 
missions. 

Il  habite  le  désert,  écoutant  la  voix  intérieure  de  l'Es- 
prit et  se  fortifiant  par  elle.  La  vigueur  de  son  inspiration 
l'élève  au-dessus  de  son  temps  et  de  son  milieu.  Pour  lui 
trouver  des  pareils,  il  faut  remonter  jusqu'à  Elie  le  Thes- 
bite  et  jusqu'à  Isaie  ;  tous  les  deux  revivent  en  lui.  D'un 
caractère  inflexible,  il  ne  craint  rien  :  ni  le  peuple,  ni  les 
grands,  ni  les  princes  ;  sa  sincérité  est  inexorable.  Pénitent 
héroïque,  il  a  l'austérité  qui  s'impose  aux  foules.  Nul  pro- 
phète n'a  crié  plus  puissamment  que  lui  le  mot  qui  con- 
vient aux  nations  écrasées  par  la  justice  de  Dieu  :  «  Faites 
pénitence.  »  Et,  cependant,  ce  vengeur  de  la  morale,  ce 
héraut  du  repentir  et  du  terrible  jugement  de  Dieu,  ne  plie 
pas  sous  Paccablement  des  vices  qu'il  flagelle  ;  ce  n'est 
point  un  pessimiste  découragé,  c'est  un  homme  d'espé- 
rance. Il  voit  venir  le  Royaume  de  Dieu,  et  il  annonce 
qu'il  est  là. 

La  grande  œuvre  que  Dieu  préparait  depuis  tant  de  siècles, 
—  «  cette  œuvre  des  entrailles  de  la  miséricorde  de  Dieu, 

9 


JESUS 


—  130  -- 


le  salut  du  monde,  rillumination  des  païens  et  la  gloire 
des  vrais  fils  d'Abraham  »,  —  allait  paraître.  Jean  le  savait, 
le  voyait,  l'affirmait.  A  l'appel  du  nouveau  prophète,  le 
peuple  entier  se  souleva.  Le  désert  fut  rempli  de  sa  voix. 
Les  chemins  solitaires  furent  encombrés  par  la  foule  qui 
accourait  de  toutes  parts  à  la  recherche  et  à  la  suite  de 
l'anachorète. 

Le  voyant  se  doubla  du  réformateur,  et  tandis  que  le 
voyant  apaisait  les  espérances  de  la  foule,  le  réformateur 
l'entraînait  et  lui  enseignait  la  science  du  salut.  Cette 
science,  qui  consiste  tout  entière  dans  la  préparation  au 
règne  messianique,  se  résumait  pour  lui  en  deux  éléments  : 
une  vertu,  la  pénitence  ;  un  rite,  le  baptême  accompagné 
delà  confession  des  péchés.  Plusieurs  mois  s'étaient  écoulés 
depuis  l'entrée  en  scène  de  Jean.  Etabli  sur  la  rive  orien- 
tale du  Jourdain,  en  un  lieu  désert  appelé  Béthanie,  en 
face  de  Jéricho,  près  du  gué  que  traversent  les  caravanes 
qui  vont  dans  le  S.  de  la  Pérée,  vers  Hesbon  et  Mâcherons, 
il  avait  vu  passer  une  foule  innombrable  ;  mais  il  compre- 
nait que  son  œuvre  n'atteindrait  son  point  culminant  qu'à 
la  condition  qu'il  verrait,  qu'il  montrerait  au  peuple  le  Messie 
attendu,  le  fondateur  du  royaume  de  Dieu.  Ses  yeux  le 
cherchaient,  ses  pressentiments  l'appelaient.  Une  voix  inté- 
rieure lui  dit  :  «  Celui  sur  lequel  tu  verras  l'Esprit  des- 
cendre et  demeurer,  c'est  celui  qui  baptise  dans  l'Esprit- 
Saint.  » 

On  touchait  à  la  fin  de  Tannée  27,  peut-être  aux  pre- 
miers jours  de  l'an  28.  La  Galilée,  comme  toutes  les  autres 
provinces,  était  remplie  du  nom  de  Jean-Baptiste  ;  les  Ga- 
liléens,  suivant  l'impulsion  qui  emportait  vers  lui  tous  les 
Juils,  venaient  à  leur  tour  demander  le  baptême.  Ce  fut 
pour  Jésus  l'heure  de  Dieu.  Le  charpentier  de  Nazareth 
avait  trente  ans  ;  il  se  mêla  aux  caravanes  de  son  pays  et 
descendit  dans  la  vallée  du  Jourdain.  Jean  ne  le  connais- 
sait pas.  Jésus  s'approcha  de  lui.  Une  vision  soudaine  le 
lui  révéla.  «  Au-dessus  de  la  tête  de  Jésus,  Jean  vit  les 
cieux  ouverts,  et  l'Esprit,  sous  la  forme  corporelle  d'une 
colombe,  descendit  et  se  reposa  sur  lui.  »  C'était  le  signe 
attendu.  Il  s'inclina  devant  Jésus  de  Nazareth,  et  il  se 
défendait  de  lui  donner  le  baptême. 

—  Comment,  disait-il,  c'est  moi  qui  dois  le  recevoir  de 
toi,  et  tu  viens  me  le  deuiander? 

—  «  Laisse,  répondit  Jésus,  c'est  ainsi  que  nous  devons 
accomplir  toute  justice.  » 

Jean  obéit  et  le  baptisa.  Jésus  s'éloigna  presque  aussitôt 
et  disparut  au  désert.  En  s'y  retirant,  après  son  baptême, 
il  veut  traverser,  à  sa  manière,  cette  phase  de  recueil- 
lement total  qui,  dans  la  vie  des  hommes  d'action,  précède 
l'exécution  de  leur  œuvre. 

La  destinée  de  Jésus  ne  l'appelait  point  à  s'attarder 
longtemps  au  désert,  il  n'y  fait  qu'une  halte.  Les  plus 
grands  parmi  les  hommes  religieux  y  vont  prendre  de 
l'énergie,  Jésus  s'y  retire  pour  en  montrer;  ils  recherchent 
la  solitude  et  la  paix,  Jésus  la  lutte;  ils  lui  demandent  un 
refuge  contre  le  mal,  Jésus  vient  y  prier,  recevoir  les 
attaques  de  Satan  et  le  vaincre. 

III.  Après  son  jeûne  et  sa  tentation  au  désert,  Jésus  re- 
vient seul  sur  les  bords  du  Jourdain,  aux  environs  de  Beth 
A'barah  où  Jean,  depuis  qu'il  l'avait  baptisé,  ne  cessait  de 
lui  rendre  témoignage.  C'est  au  fond  de  cette  vallée  du 
Jourdain,  creusée  comme  un  immense  sillon,  c'est  là,  sous 
ce  ciel  ardent,  au  point  même  où  la  parole  de  Jean-Bap- 
tiste a  mis  en  fermentation  la  conscience  d'Israël,  que  l'on 
peut  saisir  les  premières  manifestations  de  l'action  pu- 
blique de  Jésus.  Il  recrute  là  ses  premiers  disciples,  André 
et  Pierre,  Philippe  et  Barthélémy.  Il  revient  avec  eux  en 
Galilée,  à  Nazareth,  à  Cana,  à  Bethsaïde,  à  Capharnaiim  ; 
mais  la  Pâque  de  l'an  28  était  proche,  les  caravanes  s'or- 
ganisaient sur  tous  les  points  de  la  Galilée,  pour  aller  à  la 
fête,  Jésus  se  mit  en  chemin  vers  Jérusalem  avec  ses  dis- 
ciples. 

En  agissant  ainsi,  il  obéissait  aux  exigences  de  son  rôle, 
car  la  Judée  était  le  centre  obligé  de  toute  action  prophé- 


tique et  messianique.  Il  alla  droit  au  Temple  devenu  un 
marché  et  un  bazar.  A  la  vue  du  trafic  qui  déshonorait  la 
maison  de  Dieu,  il  donna  libre  cours  à  son  zèle,  à  son 
indignation,  à  sa  sainte  colère,  et,  ramassant  les  cordes  qui 
servaient  à  lier  ou  à  parquer  les  bêtes,  il  en  fit  un  fouet 
et  se  mit  à  chasser  tous  les  marchands  avec  leurs  brebis 
et  leurs  bœufs  ;  puis  il  répandit  l'argent  des  changeurs, 
renversa  leurs  tables  et  dit  à  ceux  qui  vendaient  des  co- 
lombes au  nom  de  la  famille  des  grands  prêtres  :  Em- 
portez-les d'ici,  ne  faites  pas  de  la  maison  de  mon  père 
une  caverne  de  voleurs!  C'est  par  cet  acte  audacieux 
et  véhément  de  zèle  indigné,  que  Jésus  s'affirma  à  la 
face  de  la  multitude  et  des  autorités  juives,  Maître  du 
Temple  et  Fils  de  Dieu.  La  scène  ne  put  manquer  d'avoir 
un  grand  retentissement.  L'attention  publique  se  porta 
vivement  vers  le  nouveau  prophète  ;  il  fut  approuvé  par 
le  peuple,  mais  il  choqua,  heurta,  blessa  les  chefs  et  les 
anciens,  les  prêtres  et  leurs  fidèles,  les  indifférents  et 
les  satisfaits,  toute  cette  classe  que  l'autorité  ou  le  bien- 
être  affadit,  les  partisans  des  usages  en  vigueur  et  delà 
tranguillité  à  tout  prix,  tous  ceux  qui,  de  près  ou  de  loin, 
tenaient  au  pouvoir.  Les  sociétés  et  les  hommes  se  ressem- 
blent toujours  et  partout. 

Cette  scène  marque  dans  la  vie  publique  de  Jésus  la  date 
de  la  première  opposition  qu'il  souleva.  Entre  lui  et  Pau- 
torité  nationale  et  religieuse,  le  conflit  est  désormais  ouvert, 
il  était  inévitable,  il  sera  poussé  jusqu'à  la  dernière  vio- 
lence. 

Jésus  s'est  déclaré  le  Fils  de  Dieu,  et  il  a  inauguré  son 
ministère  à  Jérusalem  même,  à  la  face  du  peuple  et  du  pou- 
voir ;  or,  Jérusalem,  c'est  la  nation  tout  entière,  le  centre 
d'où  émanent  les  deux  puissances  auxquelles  tout  obéit  : 
l'opinion  publique  et  l'autorité.  On  sait  ce  qu'il  est,  on  sait 
ce  qu'il  veut  ;  partout  où  il  portera  ses  pas  désormais,  les 
regards  du  peuple  et  l'œil  des  chefs  seront  sur  lui.  L'effet 
est  obtenu.  Du  nord  au  midi,  de  l'Hermon  aux  confins  de 
l'idumée,  de  l'occident  à  l'orient,  de  la  «  grande  mer  », 
comme  on  appelait  la  Méditerranée  aux  vastes  plaines  du 
royaume  arabe  d'Arétas,  la  Palestine  est  avertie  qu'un 
grand  prophète  s'est  levé,  se  disant  le  Fils  de  Dieu,  prou- 
vant sa  mission  par  des  prodiges  et  demandant  la  foi  à  sa 
parole.  Elle  n'ignore  pas  que  les  esprits  se  divisent  à  son 
sujet,  qu'il  attire  la  foule,  mais  que  les  chefs  du  peuple,  à 
très  peu  d'exceptions  près,  les  docteurs  et  les  anciens, 
l'aristocratie  de  la  fortune,  du  sacerdoce  et  de  la  science, 
les  grands  prêtres  et  le  Sanhédrin,  lui  font  une  opposition 
déclarée.  Ils  ne  voient  en  lui  qu'un  faux  prophète,  un  im- 
pie, un  blasphémateur;  ils  le  surveillent,  ils  l'épient;  et, 
craignant  que  la  foule,  séduite,  échappe  à  leur  autorité, 
ils  sont  résolus  à  sévir  et  à  traiter  Jésus  avec  toute  la  ri- 
gueur dont  leur  loi  frappe  ceux  qui  séduisent  le  peuple  et 
blasphèment  Jéhovah.  Ainsi,  à  Jérusalem,  Jésus  n'avait 
réussi  qu'à  rallier  dans  la  multitude  quelques  âmes  simples 
et  droites,  à  se  créer  dans  la  classe  supérieure  quelques 
amis  inconnus,  réservés,  tels  que  Nicodème  et  Joseph  d'Ari- 
mathie,  à  provoquer  dans  le  monde  officiel,  gardien  des  tra- 
ditions et  des  lois,  une  répulsion  invincible  et  menaçante. 

L'antagonisme  de  la  hiérarchie  contre  Jésus  aurait  pu, 
dès  la  première  heure,  empêcher,  paralyser  et  même  anéan- 
tir son  action.  Mais  Jésus  connaît  la  mesure  exacte  de 
l'opposition  qu'il  peut  déchaîner,  sans  préjudice  pour  son 
œuvre  ;  et  tant  que  son  heure  n'est  pas  venue,  il  a  la  sa- 
gesse de  fuir  le  danger,  lorsque  le  danger  devient  trop 
pressant.  C'est  dans  cette  sagesse  qu'il  faut  chercher  le 
motif  historique  pour  lequel  il  abandonne  maintenant  la 
Judée  et  sa  métropole,  et  va  chercher,  en  Galilée,  un  milieu 
plus  tranquille,  plus  hospitalier,  qui  lui  permette  de  fonder 
l'œuvre  de  son  Boyaume. 

IV,  L'évangéhsation  de  la  Galilée  tient,  dans  sa  vie  pu- 
blique, une  place  considérable  ;  elle  a  duré  de  huit  à  neuf 
mois,  depuis  la  fête  des  Purim  de  l'an  29  jusqu'à  la  fête 
des  Tabernacles  de  la  même  année.  Toute  l'œuvre  de  Jésus, 
—  ce  qu'il  appelait  son  Royaume,  —  cette  œuvre  qui  de- 


—  i3d  — 


JÉSUS 


vaît  remplir  le  monde,  sous  le  nom  d'Eglise,  a  été  fondée, 
organisée  dans  ces  jours  rapides.  Jésus  a  révélé  ce  qu'il 
était,  s'est  emparé  de  la  conscience  humaine  dans  la  per- 
sonne de  quelques  pauvres  Galiléens  dont  il  a  fait  ses 
Apôtres,  et  il  a  inauguré  avec  eux  et  en  eux  son  royaume, 
qui  ne  devait  connaître  aucune  limite,  ni  celle  de  l'espace, 
ni  celle  du  temps.  La  pauvreté  apparente  des  moyens  est 
hors  de  proportion  avec  l'immensité  des  résultats,  et  ce 
contraste  forme  la  plus  grande  énigme  de  l'histoire.  Pour 
comprendre  son  action  dans  ce  nouveau  milieu  et  les  inci- 
dents qui  signalèrent  son  apostolat,  il  faut  connaître  l'état 
de  l'opinion  et  de  la  conscience  de  ceux  qu'il  venait  évan- 
géliser.  Un  mot  le  résume  :  le  royaume  de  Dieu  est  proche. 

L'expression,  empruntée  à  Daniel,  désigne  le  règne  du 
Messie,  succédant  aux  grands  royaumes  de  la  terre,  les 
éclipsant  par  sa  grandeur  et  ses  hienfaits.  L'idée  qu'elle  tra- 
duit est  tout  le  génie  du  peuple  juif,  elle  le  fait  vivre,  elle 
est  le  ressort  de  son  évolution.  Elle  inspire  aux  prophètes 
leurs  plus  grands  oracles. 

Les  Apocalypses  des  deux  siècles  qui  précèdent  l'avène- 
ment de  Jésus  en  sont  remplies.  En  passant  par  les  lèvres 
de  Jésus,  cette  expression  se  propage  et  s'enflamme.  Nulle 
n'est  plus  populaire.  Chaque  nation  a  de  ces  mots  qui,  par 
moments,  exercent  une  puissance  magique.  A  quoi  tient 
ce  charme  irrésistible?  Evidemment  à  ce  qu'ils  expriment 
plus  ou  moins  l'idéal  qui,  dans  une  époque,  attire  ou  pas- 
sionne un  pays,  un  siècle,  toute  une  civilisation. 

Les  meilleurs,  parmi  les  Juifs,  vivaient  confiants  dans 
les  grandes  promesses  de  Dieu,  dans  sa  miséricorde  et  sa 
fidélité  ;  ils  attendaient  l'œuvre,  mais  sans  la  déterminer, 
de  peur  de  la  méconnaître.  En  dehors  d'eux,  il  est  facile 
de  voir  que  deux  grands  courants  entraînent  et  égarent  les 
esprits  :  l'un  terrestre  et  politique,  l'autre  légal  et  reli- 
gieux. Ceux  qu'emporte  le  premier,  rêvent,  sous  le  nom 
de  Règne  de  Dieu,  le  rétablissement  du  royaume  d'Israël, 
l'affranchissement  du  joug  des  Romains  et  un  Messie  qui 
sera  le  chef  terrestre  de  ce  royaume.  Dans  la  simplicité  et 
l'impétuosité  de  leur  foi,  ils  voient  déjà  Jérusalem  devenue 
le  centre  et  la  métropole  de  tous  les  peuples,  ils  con- 
templent la  maison  de  Jéhovah  ouverte  aux  païens  accourus 
en  foule  pour  y  adorer  leur  Dieu  et  acclamer,  dans  leur 
Messie,  le  roi  universel.  Enfiévrés  d'espérances,  ils  tres- 
saillent à  la  pensée  d  un  monde  nouveau,  débordant  de 
joie  et  de  félicité,  véritable  âge  d'or  de  l'humanité  mes- 
sianique. C'est  le  propre  de  la  foi  naïve  de  se  bercer 
d'illusions.  Les  Gahléens  s'abandonnaient  d'autant  plus  à 
ces  rêves  qu'ils  répondaient  mieux  à  leur  nature  indépen- 
dante et  guerrière. 

Ceux  qu'emportait  le  courant  légal  et  religieux  ambi- 
tionnaient surtout  le  triomphe  de  la  loi  mosaïque,  telle  que 
les  scribes  et  les  hassidim,  depuis  Esdras,  l'avaient  inter- 
prétée. Ils  se  résignaient  au  joug  étranger,  pourvu  que  le 
Dieu  d'Israël  devint  le  Dieu  de  l'univers,  et  la  Thora,  le 
code  universel.  Ce  courant  prévalait  dans  les  écoles  et  chez 
les  chefs  du  peuple,  Sadducéens,  amis  du  pouvoir,  et  Pha- 
risiens modérés  de  l'école  de  Hillel.  Le  règne  de  Dieu,  pour 
les  Juifs  égarés  par  les  préjugés  politiques  et  religieux,  n'est 
que  leur  propre  règne.  Tous  mettent  leurs  idées  à  la  place 
de  la  pensée  de  Dieu,  les  uns  en  voulant  asservir  le  monde 
à  une  nation,  les  autres  en  prétendant  enchaîner  les  cons- 
ciences à  une  loi  imparfaite  ;  or,  la  nation  juive  était  des- 
tinée à  périr  et  la  loi  mosaïque  à  être  complétée.  Un  seul 
être  a  compris  et  révélé  dans  sa  plénitude  la  pensée  divine 
résumée  dans  ce  mot  :  «  le  règne  de  Dieu  »  ;  c'est  Jésus.  Il 
adopta  cette  expression  populaire  dans  son  apostolat  gali- 
léen.  Nulle  ne  répondait  mieux  à  ses  desseins  et  à  son 
œuvre,  car  elle  contenait  toute  sa  doctrine,  tout  son  plan  ; 
elle  est  sa  gloire,  sa  raison  d'être,  tout  son  génie. 

Envisagé  dans  ses  éléments  essentiels,  le  royaume  de 
Dieu  implique  un  chef,  une  loi,  des  sujets.  Le  chef  est 
Jésus  ;  la  loi,  l'esprit  vivant  de  Dieu  ou  la  volonté  du  Père  ; 
les  sujets,  l'ensemble  des  hommes  qui,  par  la  foi,  recon- 
naissent le  chef,  s'ouvrent  à  cet  Esprit  par  le  repentir  et 


acceptent  cette  volonté  par  l'amour.  Considéré  dans  son 
évolution,  à  l'exemple  de  tout  ce  qui  grandit,  il  embrasse 
trois  phases  :  le  début,  la  croissance  laborieuse  et  la  con- 
sommation. Dans  sa  phase  initiale,  il  se  concentre  en  Jésus 
et  ses  premiers  fidèles;  dans  sa  croissance,  il  comprend  la 
hiérarchie  apostolique  et  tous  les  croyants  qui  lui  obéissent 
comme  dépositaire  des  pouvoirs  du  Christ  invisible  ;  dans 
sa  consommation,  il  représente  le  terme  glorieux  de  l'hu- 
manité régénérée  dans  la  gloire  réservée  aux  élus.  Ces  trois 
états,  liés  l'un  à  l'autre,  procèdent  l'un  de  l'autre  :  du 
germe  divin  qui  est  le  Christ  sort  l'Eglise,  grandissante 
comme  les  rameaux  de  l'arbre  gigantesque  qui  doit  couvrir 
le  monde,  et  l'humanité,  pleinement  transfigurée  par  le 
Christ,  sort  de  l'humanité  souffrante  avec  lui,  livrée  comme 
lui  aux  persécutions  et  à  la  lutte,  jusqu'à  ce  que  l'esprit 
de  Dieu  la  glorifie  dans  la  plénitude  de  la  vie,  à  l'exemple 
de  Jésus.  L'avènement  du  règne  de  Dieu,  tel  que  Jésus  le 
concevait,  n'est  plus  une  question  juive,  c'est  une  question 
humaine.  L'Evangile  qui  contient  cette  nouvelle  est,  dès 
lors,  le  livre  de  tous,  et  celui  qui  la  réalise  n'est  plus  seu- 
lement le  Messie  des  Juifs,  il  est  le  médiateur  universel. 
Ce  règne  est  plus  que  la  transformation  divine  et  défini- 
tive de  la  religion  d'Israël,  et  il  est  la  religion  même,  dans 
sa  perfection  absolue. 

Avec  Jésus,  un  règne  nouveau,  dans  le  sens  le  plus 
rigoureux,  est  véritablement  inauguré  sur  la  terre,  règne 
infini,  éternel,  qui  dominera,  perfectionnera  les  règnes 
antérieurs  de  la  matière,  de  l'animalité  et  de  l'humanité. 
Au-dessus  de  la  matière,  des  forces  animales  et  de  la  rai- 
son, il  y  aura  désormais,  en  activité  incessante,  l'esprit 
vivant  et  personnel  de  Dieu.  lia  pris  possession  de  l'huma- 
nité dans  le  Christ  ;  il  débordera  de  lui  sur  toutes  les  âmes 
de  bonne  volonté,  toutes  les  races,  toutes  les  civilisations. 

Pour  accomplir  son  œuvre,  Jésus  avait  la  vertu  de  Dieu 
qui  se  traduisait,  humainement,  en  lui,  par  la  sagesse,  la 
puissance  et  la  bonté.  Sa  sagesse  éclairait,  sa  puissance 
commandait  à  la  matière  et  aux  esprits,  sa  bonté  attirait 
tout. 

Ce  que  nous  appelons  l'éloquence,  —  le  génie  de  la  pa- 
role publique,  est  en  lui  non  pas  un  art,  mais  un  don  mer- 
veilleux de  l'Esprit.  Nul  apôtre,  nul  prophète  ne  l'a  égalé. 
Aucun  n'a  eu,  comme  lui,  le  secret  de  persuader  et  d'émou- 
voir ;  aucun  n'a  fait  entrer  plus  avant  dans  l'âme  des  con- 
victions plus  fortes  et  plus  sublimes,  des  vertus  plus  hé- 
roïques, plus  d'énergie  et  plus  d'amour.  Sa  parole  est  un 
des  leviers  avec  lesquels  il  a  soulevé  le  monde.  En  traduisant 
toute  son  âme,  elle  incarne  la  pensée  et  la  vertu  de  Dieu. 
Elle  est  Esprit  et  Vie.  Elle  a  l'originalité  suprême,  le  relief 
et  l'éclat,  la  force  et  l'à-propos;  elle  taille  et  frappe  droit 
comme  le  glaive,  elle  en  a  la  pointe  et  le  double  tranchant. 
Alors  même  qu'elle  emprunte  quelquefois  les  expressions 
des  Prophètes,  elle  ne  répète  pas,  elle  rajeunit  les  an- 
ciennes formules,  en  leur  donnant  un  sens  nouveau  ;  elle 
les  achève  et  les  remplit.  Elle  jadlit  d'inspiration  de  la  plé- 
nitude du  Dieu  vivant,  et  emporte  avec  elle  le  Dieu  vivant. 

«  Le  ciel  et  la  terre  passeront  »,  a  osé  dire  Jésus,  «  mes 
paroles  ne  passeront  point.  »  Elles  demeurent,  en  effet, 
dans  la  conscience  humaine,  comme  des  étoiles  dans  la  nuit. 
Le  genre  humain  admire  les  aphorlsmes  recueillis  de  sa 
bouche  comme  l'expression  parfaite,  idéale,  de  la  vérité. 
Quelle  prière  remplacera  la  sienne  et  osera  tenir  à  Dieu  un 
autre  langage  que  le  «  Notre  Père,  qui  êtes  aux  cieux  »? 
11  nous  a  donné  la  formule  de  toutes  les  vertus  héroïques  ; 
de  la  charité  :  «  Aimez  jusqu'à  vos  ennemis,  et  faites  le 
bien  à  ceux  mêmes  qui  vous  haïssent  »  ;  de  l'humilité  : 
«  Hypocrite,  tu  vois  le  fétu  dans  l'œil  de  ton  frère  et  tu 
ne  vois  pas  la  poutre  dans  ton  œil  »  ;  de  la  bonté  envers 
le  coupable  :  «  Que  celui  qui  est  sans  péché  lui  jette  la 
première  pierre  »  ;  du  pardon  des  bourreaux  :  «  Père, 
pardonne-leur,  ils  ne  savent  ce  qu'ils  font  »  ;  de  la  conso- 
lation et  de  la  force  dans  les  douleurs  :  «  Venez  à  moi, 
vous  qui  souffrez,  et  je  vous  relèverai.  »  Il  a  créé  la  science 
d'être  heureux,  dans  ces  maximes  qui  semblent  un  défi  à 


JESUS  —  132  — 

la  sagesse  humabie  et  qui  n'ont  jamais  déçu  personne  : 
«  Heureux  les  pauvres,  les  doux,  les  affligés,  les  affamés 
de  justice,  les  pacifiques,  les  persécutés:  c'est  dans  ceux- 
là  qu'arrive  le  Règne  de  Dieu.  » 

La  parole  de  Jésus  a  l'énergie  créatrice.  En  exprimant 
la  vérité,  J 'homme  ne  peut  que  souhaiter  le  bien,  il  n'a 
pas  la  vertu  de  le  produire.  Jésus  faisait  le  bien  qu'il 
disait  ;  il  parlait  comme  ayant  puissance  souveraine  et  irré- 
sistible. D  un  mot,  il  chassait  et  subjugait  les  esprits  mau- 
vais, guérissait  les  malades,  calmait  toute  douleur,  donnait 
le  mouvement  aux  paralytiques,  la  vue  aux  aveugles, 
l'ouïe  aux  sourds,  la  vie  aux  morts.  Il  avait  le  don  de 
transformer  l'âme.  Le  Thaumaturge  en  Jésus  entraînait  et 
subjuguait  plus  encore  que  l'Evangéliste.  Le  peuple  est  le 
même  partout,  en  Orient  comme  en  Occident  ;  la  puissance 
le  captive  plus  que  l'intelligence,  les  faits  éclatants  plus 
que  les  paroles  éloquentes,  les  prodiges  plus  que  les  dis- 
cours. Mais  lorsque  ces  deux  éléments  se  réunissent,  l'ac- 
tion est  irrésistible. 

Un  autre  élément  d'action  populaire  en  Jésus,  c'est  son 
caractère,  la  mansuétude  et  la  bonté.  Il  ne  flatte  pas  le 
peuple,  comme  les  séducteurs;  il  l'aime.  Tout  en  lui  est 
au  service  de  cet  amour.  Il  regarde  les  pauvres,  les  petits, 
les  malheureux,  les  pécheurs  méprisés.  Quel  contraste  vio- 
lent avec  les  Pharisiens,  les  docteurs,  les  chefs  de  tout 
ordre,  prêtres,  anciens,  scribes,  qui  font  du  mépris  de  la 
populace  un  précepte  et  presque  une  vertu  î  Né  lui-même 
au  milieu  des  pauvres,  destiné  à  une  vie  de  martyr,  il 
exerce  la  séduction  réservée  aux  hommes  qui  portent  l'au- 
réole de  la  souffrance. 

L'évangélisation  de  la  Galilée  a  un  caractère  franchement 
populaire.  Si  Jean,  à  la  seule  annonce  de  la  venue  du  Règne 
de  Dieu,  avait  ébranlé  la  conscience  juive,  quelle  action  ne  dut 
pas  exercer  Jésus,  publiant  à  la  foule  des  Galiléens  que  le 
Règne  de  Dieu  était  arrivé?  Toutefois,  cette  nouvelle  émou- 
vante ne  devait  pas  tarder  à  soulever  les  plus  graves  difficul- 
tés. La  première  tenait  à  l'idée  même  du  royaume  annoncé,  la 
seconde  au  Messie,  fondateur  de  ce  royaume.  Tout,  dans  la 
doctrine  et  la  personne  de  Jésus,  heurtait  de  front  les  pré- 
jugés du  peuple  et  des  docteurs  galiléens.  Ils  attendent  un 
règne  politique  :  Jésus  annonce  un  Règne  spirituel  et  inté- 
rieur; ils  espèrent  que  la  Loi  va  régner  :  Jésus  prophétise 
le  règne  de  l'Esprit  ;  ils  veulent  un  Messie  armé  de  la 
puissance  terrestre  :  Jésus  se  présente,  sans  prétention 
humaine,  sans  autre  force  que  celle  de  son  Père,  la  sagesse 
qui  enseigne  l'éternelle  Vérité,  la  puissance  qui  guérit 
l'âme  et  le  corps;  ils  rêvent  le  triomphe  du  peuple  et  de  la 
race  charnelle  d'Abraham  sur  toutes  les  nations  :  Jésus 
vient  inaugurer  le  peuple  et  la  race  des  hommes  régénérés 
par  l'Esprit;  ils  se  persuadent  que  le  titre  de  fils  d'Abraham 
et  la  fidélité  à  la  loi  de  Moïse  suffisent  pour  être  incorporé 
à  ce  nouveau  peuple  de  Dieu  :  Jésus  ne  commande  que  la 
transformation  morale  et  la  foi  en  sa  parole.  Tout  était 
contre  lui. 

Trois  catégories  se  forment,  en  Galilée,  autour  de  Jésus  : 
les  disciples,  la  foule,  la  haute  classe  dirigeante,  anciens 
et  docteurs.  Les  disciples  suivent  le  Maître,  vivant  de  sa 
vie,  s'imprégnant  de  sa  doctrine  et  de  sa  vertu.  Ils  sont  la 
terre  élue  qu'il  travaille  et  féconde;  il  les  aime  avec  pré- 
dilection, leur  parle  sans  figures,  les  initie  peu  à  peu  à  ses 
desseins,  les  pénètre  de  son  esprit  et  se  les  incorpore.  La 
foule,  en  Orient  comme  en  Occident,  est  toujours  la  même  : 
spontanée,  passive,  ne  résistant  pas  à  l'attrait  de  la  nou- 
veauté, de  la  puissance  et  surtout  des  bienfaits  palpables, 
matériels  ;  c'est  là  que  Jésus  recherche  et  recrute  ses  dis- 
ciples, parce  que  là  se  trouvent  les  cœurs  simples,  les 
âmes  droites.  Le  peuple  galiléen,  plus  indépendant  des 
pouvoirs  établis,  et  plus  accessible  à  une  action  que  ces 
pouvoirs  suspectaient,  lui  inspirait  plus  de  confiance  que 
celui  de  Jérusalem.  Jésus,  du  premier  coup,  provoqua  son 
enthousiasme  ;  il  l'attirait  sur  ses  pas,  aux  synagogues, 
dans  les  villages,  à  travers  les  champs,  au  bord  du  lac  et 
sur  les  collines  écartées.  On  vit  rarement  pareille  effer- 


vescence autour  d'un  prophète  :  c'était  une  sorte  de  ma- 
gnétisme divin.  L'opposition  ne  tarda  pas  à  se  produire 
autour  de  Jésus  en  Galilée  comme  à  Jérusalem  dans  la  classe 
élevée,  gardienne  des  traditions,  dans  celle  qui  a  le  pouvoir 
et  qui  représente  les  doctrines  en  vogue.  Elle  revêt  toutes  les 
formes  :  provocante  et  insidieuse,  elle  flatte  et  intimide  ; 
elle  est  aux  aguets  pour  épier  et  pour  surprendre,  elle 
s'attache  à  celui  qu'elle  veut  perdre  et  grandit  avec  lui, 
elle  sai^  déchaîner  les  passions,  elle  connaît  l'art  de  toutes 
les  hypocrisies  et  de  la  haine  ;  elle  ne  recule  devant  rien 
pour  nuire,  et  elle  poursuivra  Jésus  jusqu'à  la  mort.  Qui- 
conque apporte  une  idée,  une  forme,  une  force  nouvelles, 
a  contre  lui  les  idées,  les  formes,  les  forces  anciennes. 
Bien  que  né  pour  le  progrès,  l'homme  se  refuse  au  pro- 
grès. Toute  innovation  est  un  enfantement  laborieux.  Vou- 
loir perfectionner  l'humanité,  c'est  aller  au-devant  du 
supplice. 

Le  récit  évangélique  met  en  vive  lumière  cet  antagonisme 
et  les  circonstances  diverses  qui,  au  jour  le  jour,  l'enve- 
niment et  l'exaspèrent.  En  même  temps  que  l'opposition 
se  dessine  et  s'élève  autour  de  Jésus,  dans  la  classe  des 
lettrés  et  des  maîtres,  les  disciples  augmentent,  la  foule 
grossit,  elle  arrive  à  Capharnaùm,  de  la  Galilée  et  de  la 
Pérée,  des  villes  de  la  Décapole  et  de  Jérusalem,  de  la 
Judée  et  de  l'Idumée,  de  Tyr  et  de  Sidon,  de  la  Phénicie 
et  de  la  Syrie.  C'est  un  ébranlement  général.  On  ne  veut 
pas  seulement  le  voir  et  l'entendre,  les  malades  se  préci- 
pitent vers  lui  pour  le  toucher.  Il  les  guérissait  par  le  seul 
contact;  sa  puissance  rayonnait  en  bonté.  Il  était  obligé  de 
se  dérober,  tant  la  multitude  le  pressait.  Afin  de  lui  échap- 
per, il  dit  à  ses  disciples  de  tenir  une  barque  toujours 
prête,  lorsqu'il  cheminait  le  long  du  lac.  C'est  dans  ces 
jours  de  Galilée  que  Jésus,  avec  une  activité  sans  trêve, 
posa  les  fondements  de  son  œuvre.  Il  organisa  hiérarchi- 
quement ses  apôtres,  choisissant  ceux  qu'il  voulait,  ils 
sont  douze,  groupés  deux  à  deux:  voici  leurs  noms  soi- 
gneusement conservés  par  les  trois  premiers  Evangiles.  En 
tête,  Simon,  que  Jésus  surnomma  Pierre,  et,  avec  lui,  son 
frère  André  ;  Jacques,  fils  de  Zébédée,  et  son  frère  Jean, 
qu'il  appela  «  Boanergès  »,  les  fils  du  tonnerre  ;  Philippe 
et  Barthélémy,  Thomas  et  Matthieu  le  publicain,  Jacques, 
fils  d'Alphée  et  Thadée,  Simon  le  Cananéen  et  Judas  Isca- 
riote,  qui  le  trahit.  Pas  un  riche,  pas  un  scribe  ou  un 
docteur,  pas  un  ancien,  pas  un  chef  de  synagogue.  Ce  sont 
des  gens  obscurs,  inconnus,  même  dans  leur  petite  pro- 
vince. Aucun  d'eux  n'a  étudié  ;  le  plus  lettré  est  le  publi- 
cain Lévi,  le  seul  peut-être  qui  sait  écrire;  les  autres  sont 
des  bateUers  ou  des  artisans  comme  leur  Maître.  Ni  for- 
tune, ni  science,  ni  pouvoir  :  ils  n'ont  rien,  ces  enfants 
du  peuple  ;  et  Jésus  les  constitue  ses  apôtres.  «  Je  ferai 
de  vous  des  pêcheurs  d'hommes  »,  avait-il  dit  à  Simon  ;  il 
tient  sa  promesse.  Il  avait  demandé  à  ses  disciples  de  prier 
le  Père  céleste  pour  qu'il  envoyât  des  ouvriers  en  sa  mois- 
son; lui-même  avait  prié  sans  trêve;  le  Père  céleste  a  écouté 
son  Fils  :  voilà  les  moissonneurs  de  la  première  heure. 

Les  Douze,  désormais,  ne  quitteront  plus  Jésus.  Son  Es- 
prit sera  en  eux  et  sur  eux,  il  sera  leur  force,  leur  science, 
leur  pouvoir  ;  ils  annonceront  la  parole  du  Royaume,  et, 
pour  donner  crédit  à  leur  apostolat,  ils  auront  le  don  de 
guérir  les  infirmités  et  les  maladies,  et  de  chasser  les  dé- 
mons, au  nom  de  leur  Maître.  Les  moyens  humains,  sa- 
gesse politique  et  force  brutale,  éloquence  et  richesse,  tout 
est  dédaigné.  L'histoire  ne  connaît  rien  de  plus  audacieux  ; 
pour  sauver  le  monde,  Jésus  n'a  que  son  Esprit  ;  et  pour 
créer  des  apôtres,  il  n'a  qu'à  le  donner .  C'est  en  Galilée 
qu'il  formula  le  code  de  sa  Loi  nouvelle  que  les  Evangiles 
ont  résumé  dans  le  discours  sur  la  montagne.  Jamais  l'idéal 
et  la  science  du  bonheur  dont  le  cœur  de  l'homme  est  al- 
téré ne  s'étaient  traduits  sous  cette  forme,  avec  un  accent 
plus  pénétrant.  Le  bonheur  n'existe  que  dans  la  partici- 
pation au  règne  de  Dieu.  Quiconque  le  cherche  ailleurs,  — 
dans  la  richesse,  la  joie  et  le  rassasiement  terrestres,  dans 
l'approbation  et  la  gloire  humaines, —  s'abuse.  Nul  ne  pos- 


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JÉSUS 


sédera  la  terre  du  ciel,  ù  moins  d'être  humble  et  doux,  de 
n'avoir  d'autre  volonté  que  la  volonté  du  Père. 

Les  consolations  divines  sont  réservées  à  ceux  qui  ont 
pleuré,  et  le  rassasiement  de  l'âme  à  ceux  qui  auront  senti 
la  faim  et  la  soif  de  la  justice.  On  ne  méritera  le  pardon 
de  Dieu  qu'en  prodiguant  soi-même  la  miséricorde  ;  on  ne 
verra  Dieu  qu'à  la  condition  d'être  un  cœur  pur;  et,  pour 
s'entendre  appeler  par  Dieu  même  l'enfant  du  Père  cé- 
leste, il  faudra  être  un  pacifique,  répudier  la  violence,  apai- 
ser les  haines,  calmer  les  conflits,  faire  régner  la  frater- 
nité entre  les  hommes  comme  entre  les  fils  du  même  Père 
au  ciel.  Ce  qui  paraissait  la  négation  de  la  vie  en  devient 
la  condition  même  et  le  gage.  La  pauvreté,  l'humilité,  les 
larmes,  le  tourment  de  la  justice,  l'abandon  généreux  de 
ses  droits,  le  renoncement  à  tout  ce  qui  trouble  la  pureté 
du  cœur,  l'amour  de  la  paix,  la  douceur  qui  s'interdit 
toute  résistance  violente,  la  persécution  dans  ce  monde  où 
les  puissants  sont  toujours  prêts  à  écraser  les  faibles  et  à 
outrager  la  justice  :  voilà  la  route  qui  mène  au  Royaume. 
Les  disciples  ont  déjà  fait  les  premiers  pas.  Aussi,  Jésus 
insiste  sur  le  bonheur  des  persécutés  pour  la  justice. 

—  «  Oui,  vous  serez  heureux,  leur  dit-il,  lorsque  les 
hommes  vous  maudiront,  vous  persécuteront  et  diront 
toute  sorte  de  mal  contre  vous,  à  cause  de  moi. 

«  Réjouissez-vous,  tressaillez  de  joie,  parce  que  votre 
récompense  sera  grande  dans  les  cieux.  » 

Il  leur  parla  de  leur  grande  mission  d'apôtre  et  de  leurs 
devoirs. 

—  «  Vous  êtes  le  sel  de  la  terre  »,  disait-il,  «  mais 
prenez  garde  de  vous  affadir.  Le  sel  affadi  n'est  bon  qu'à 
être  jeté  sur  le  chemin,  pour  être  foulé  aux  pieds  par  les 
passants.  Vous  êtes  la  lumière  du  monde.  On  n'allume  pas 
une  lampe  pour  la  mettre  sous  le  boisseau,  mais  sur  un 
candélabre,  afin  qu'elle  éclaire  tous  ceux  qui  sont  dans  la 
maison.  » 

—  «  Que  votre  lumière  luise  devant  les  hommes,  comme 
le  flambeau  dans  votre  maison  ;  et  qu'en  voyant  vos  bonnes 
œuvres,  ils  glorifient  votre  Père  qui  est  dans  les  cieux.  » 

Il  leur  enseignait  aussi  la  grande  science  de  la  prière. 

—  «  Lorsque  vous  priez,  vous  ne  ferez  point  comme  les 
hypocrites  qui  aiment  à  prier,  debout,  dans  les  synagogues 
et  dans  les  carrefours,  afin  d'être  vus  des  hommes.  Je  vous 
le  dis,  en  vérité,  ils  ont  déjà  reçu  leur  récompense. 

«Pour  vous,  quand  vous  prierez,  entrez  dans  votre 
chambre,  fermez-en  la  porte,  et,  en  secret,  priez  votre 
Père.  Votre  Père  qui  voit  dans  le  secret,  vous  le  rendra. 

«  Ne  multipliez  pas  les  paroles,  en  priant  comme  font 
les  païens,  car  ils  s'imaginent  être  exaucés  à  force  de 
paroles. 

«  Ne  leur  ressemblez  point,  car  votre  Père  sait  ce  dont 
vous  avez  besoin,  avant  que  vous  le  demandiez. 

«  Vous  prierez  donc  ainsi  : 

«  Notre  Père  qui  êtes  dans  les  cieux,  que  votre  nom 
soit  sanctifié.  » 

«  Que  votre  Règne  advienne.  Que  votre  volonté  soit  faite 
sur  la  terre  comme  au  ciel.  » 

«  Donnez-nous  aujourd'hui  notre  pain  pour  vivre.  » 

«  Remettez-nous  nos  dettes,  comme  nous  remettons  les 
leurs  à  ceux  qui  nous  doivent.  » 

«  Et  ne  nous  induisez  pas  en  tentation  ;  mais  délivrez- 
nous  du  Mauvais.  Ainsi  soit-il.  » 

Voilà  la  prière  dans  sa  forme  idéale,  nécessaire,  absolue. 
Ainsi  parlent  les  enfants  de  Dieu  à  leur  Père  d'après  l'en- 
seignement de  Jésus.  Son  âme  a  passé  dans  ces  paroles 
qui  nous  traduisent  en  langue  humaine  le  gémissement 
inénarrable  de  l'Esprit  dans  toutes  les  consciences  où  il  a 
soufflé. 

La  sagesse  païenne  et  la  morale  juive  sont  dépassées. 
Ce  que  l'une  avait  entrevu,  Jésus  le  montre;  ce  que  l'autre 
avait  ébauché,  il  l'achève.  Pas  un  sage  avant  lui,  qui  n'eût 
fait  à  la  faiblesse  de  l'homme  et  au  mal  quelque  conces- 
sion habile  ;  Jésus  n'a  besoin  d'aucun  compromis,  il  donne 
le  mot  suprême  de  la  justice  et  de  la  sainteté,  et  il  a  seul 


le  droit  d'exiger  la  perfection,  de  commander  l'héroïsme, 
parce  que,  seul,  il  communique  à  la  conscience  fragile 
l'énergie  de  Dieu.  11  arrache  l'humanité  aux  passions  qui 
la  tyrannisent,  à  la  colère  et  à  la  volupté,  à  la  vengeance 
et  à  la  haine  ;  il  lui  apprend  la  douceur  et  l'austérité,  la 
bonté  et  l'amour  ;  il  la  déracine  de  la  terre  où  elle  s'épuise 
et  meurt  ;  il  la  ramène  purifiée  au  Père  qui  est  dans  le  ciel 
et  qui  seul  peut  lui  donner  la  félicité  et  la  vie  sans  bornes. 
La  douleur  n'est  plus  un  obstacle,  elle  est  un  moyen.  Ceux 
qui  renoncent  à  tout  possèdent  Dieu  ;  ceux  qui  souffrent 
sont  les  heureux  ;  les  doux  et  les  humbles  sont  les  plus  forts  ; 
les  persécutés  sont  les  triomphants  ;  les  affamés  de  justice, 
les  rassasiés  ;  et  les  cœurs  purs  de  tout  égoïsme  et  de  toute 
volupté  voient  Dieu.  Le  sacrifice  est  le  levier  qui  doit  sou- 
lever le  monde.  La  sagesse  humaine  est  renversée.  Voilà 
l'œuvre  législative  de  Jésus,  dans  son  absolue  beauté. 

C'est  en  Galilée  que  le  Maître  a  semé  le  long  du  lac,  sur 
les  chemins,  sur  les  collines,  ses  enseignements  populaires 
sous  forme  de  paraboles.  La  rhétorique  juive  affectionnait 
ce  genre  imagé.  Les  rabbins  célèbres  étaient  renommés  par 
leurs  paraboles  et  leurs  sentences.  En  adoptant  ce  mode 
d'enseignement  populaire,  Jésus  lui  a  donné  une  simplicité, 
une  vérité,  une  sobriété,  un  charme  inconnus  avant  lui.  La 
plupart  de  ses  paraboles  sont  restées  gravées  dans  le  sou- 
venir; elles  réahsent  le  beau  absolu,  l'humanité  entière 
les  connaît  et  les  admire  ;  l'enfant  les  épelle  et  l'homme 
les  médite;  Fil  lettré  les  comprend  et  le  penseur  y  trouve 
une  lumière  infinie.  Les  ignorants  les  peuvent  lire  et  Jésus 
a  trouvé  par  elles  le  secret  d'enseigner  les  mystères  de 
Dieu  au  dernier  des  enfants  du  peuple. 

L'évangélisation  de  Jésus  avait  pour  but  de  montrer  à 
tous  que  le  temps  du  Règne  messianique  était  arrivé,  de 
manifester  la  nature  de  ce  royaume  et  de  prouver  qu'il  en 
était  lui-même  le  fondateur  et  le  chef.  Après  deux  mois 
d'une  activité  incessante,  malgré  l'opposition  perfide  et 
sans  trêve  des  Pharisiens  et  des  lettrés,  malgré  les  in- 
succès partiels,  comme  les  deux  tentatives  sur  Nazareth, 
le  peuple  entier  à  été  mis  en  branle.  La  multitude  est 
dans  la  main  de  Jésus,  il  en  est  le  maître  ;  elle  le  suit 
partout  où  il  va.  Dans  les  premiers  jours,  il  pouvait  lui 
échapper,  en  montant  sur  la  barque  et  en  disant  à 
Pierre  :  «  Allons  au  large  »,  ou  se  dérober  à  sa  recherche, 
en  fuyant  au  désert  ;  maintenant,  le  désert  lui-même  ne 
le  défend  plus,  elle  accourt  l'y  rejoindre.  Jésus  n'est 
plus  seulement  pour  elle  un  prophète,  un  envoyé  de  Dieu, 
comme  l'appelait  Nicodème  et  comme  le  peuple  lui-même 
l'avait  appelé  plus  d'une  fois  ;  il  est  le  Messie.  La  soli- 
tude de  Bethsaïde,  après  le  miracle  de  la  multiplication 
des  pains,  retentit  d'un  long  cri  :  —  Voila  le  prophète 
attendu,  celui  qui  vient,  celui  qu'a  annoncé  Moïse,  voilà 
le  Fils  de  David  !  Cette  acclamation  populaire,  qui  semble 
le  triomphe  de  Jésus,  constitue  en  réalité  le  péril  le  plus 
redoutable  de  son  œuvre.  Il  va  déployer,  pour  le  con- 
jurer, toute  sa  force,  tout  son  calme,  toutes  les  ressources 
d'une  sagesse  divine.  Sans  doute,  il  est  l'Envoyé  attendu 
et  le  Messie  promis,  mais  non  le  Messie  rêvé  par  la  cons- 
cience abusée  de  ce  peuple.  Il  n'est  pas  le  Messie  charnel, 
terrestre,  national,  politique;  il  est  le  Messie  spirituel, 
céleste,  humain,  religieux.  Son  royaume  n'a  rien  de 
commun  avec  les  royaumes  de  ce  monde.  Toute  sa  pré- 
dication a  été  consacrée  à  en  dévoiler  la  nature,  tantôt  à 
mots  discrets,  en  figures  et  en  paraboles,  tantôt  en  termes 
exprès  et  énergiques.  Il  ne  s'est  réclamé  de  rien,  si  ce 
n'est  de  TEsprit  de  Dieu,  il  n'a  voulu  que  sauver  et  guérir, 
proclamer  la  vérité,  verser  la  vie  dans  les  âmes  mortes  ; 
jamais,  dans  aucun  cas,  il  n'a  dit  un  mot,  accompli  un 
acte  qui  pût  flatter  l'ambition  du  peuple  ou  les  idées 
fausses  des  docteurs.  Mais  les  docteurs  n'ont  pas  voulu 
comprendre,  et  la  conscience  épaisse  de  la  masse  n'a  pas 
pu  voir.  Quelques  élus  ont  seuls  entendu  et  compris. 

En  dehors  des  disciples  et  des  apôtres,  la  foule,  m^gré 
son  enthousiasme,  reste  aveugle,  et  comme  elle  ne  s'élève 
pas  à  la  hauteur  de  la  doctrine  de  Jésus,  relative  au  vrai 


JÉSUS 


—  134 


règne  messianique,  elle  ne  s'affranchit  pas  non  plus  de  ses 
propres  préjugés,  relatifs  au  vrai  Messie.  Ces  Galiléens 
ardents  et  belliqueux  sont  toujours  obsédés  du  rêve  de 
Judas  le  Gaulonite.  Ce  qu'ils  veulent,  c'est  un  chef  armé, 
un  conquérant,  un  libérateur.  La  passion  politique  les  en- 
flamme et  les  exalte,  et  leur  enthousiasme  pour  Jésus  est 
au  paroxysme  ;  ils  s'excitent  les  uns  les  autres  et  forment 
le  complot  d'enlever  Jésus,  de  l'entraîner  à  Jérusalem  peut- 
être  et  de  le  proclamer  Roi,  à  la  face  du  peuple.  Le  mo- 
ment était  critique.  Les  mouvements  populaires  sont  ter- 
ribles, entraînant  les  plus  forts  et  déconcertant  les  plus 
habiles  ;  mais  nul  péril  n'a  jamais  trouvé  la  sagesse  du 
Maître  en  défaut. 

Dans  les  discours  répétés  qu'il  tint  au  peuple  durant 
plusieurs  jours  en  pleine  synagogue,  et  que  le  quatrième 
évangile  a  conservé  en  substance,  Jésus  enseigna  avec  une 
grandeur  d'affirmation  irrésistible,  une  audace  de  formules 
inouïe  le  vrai  messianisme  dont  il  était  l'incarnation,  il 
repoussa  a>ec  une  sainte  colère  toute  royauté  terrestre, 
et  tout  compromis  avec  les  passions  populaires.  Ces  dis- 
cours ont  suscité  une  vraie  tempête.  L'ébranlement  produit 
par  la  parole  du  Maître,  l'orage  déchaîné,  eut  une  telle 
véhémence  que  non  seulement  le  peuple  le  quitta,  mais 
que  plusieurs  des  disciples  eux-mêmes,  ceux  qui  vivaient 
avec  lui,  en  furent  bouleversés. 

—  Cette  parole  est  dure,  s'écriaient-ils,  qui  peut 
l'écouter  ? 

Jésus  veillait  sur  les  siens  ;   il  entendit  leur  murmure. 

—  «  Cette  parole  vous  scandalise  »,  leur  dit-il,  «  et 
si,  un  jour,  vous  venez  à  voir  le  Fils  de  l'homme  remontant 
où  il  était  auparavant,  le  croirez- vous  alors  ?  » 

Après  cette  crise,  il  ne  reste  autour  du  Maître  que  les 
Douze,  et  un  certain  nombre  de  disciples.  Humainement, 
la  cause  est  perdue.  L'éloquence,  la  sagesse,  les  prodiges, 
la  bonté,  les  manifestations  incessantes  de  l'Esprit  dont 
Jésus  surabonde,  rien  n'a  pu  vaincre  l'obstination  de  ce 
peuple  endurci.  Au  lieu  de  suivre  Jésus,  il  veut  que  Jésus 
le  suive.  Depuis  la  fin  de  la  crise,  —  quelques  jours  après 
la  Pâque  de  l'an  29,  —  jusqu'au  mois  de  septembre,  où 
il  se  mettra  résolument  en  marche  vers  Jérusalem,  Jésus 
ne  fait  plus  en  Galilée  et  à  Capharnaiim  que  des  appari- 
tions rapides. 

Les  documents  ne  nous  le  montrent  plus,  comme  dans 
les  premiers  mois,  attirant  la  foule,  exposant  en  paraboles 
les  mystères  du  Royaume.  Il  s'en  va,  silencieux,  à  la 
frontière  du  pays  galiléen,  dans  le  voisinage  des  terres  de 
Tyr  et  de  Sidon  ;  il  visite  la  Décapote,  touche  terre  à 
Magdala  et  repart  pour  la  tétrarchie  d'Hérode-Philippe,  en 
passant  par  Bethsaïda-Julias.  Ce  n'est  qu'après  ces  divers 
voyages  qu'il  traverse  la  Galilée,  et  rentre  un  instant  à 
Capharnaùm,  à  la  veille  de  la  quitter  pour  toujours.  Ce 
mouvement  de  retraite  est  commandé  par  la  situation.  Jésus 
doit  se  défier  d'Hérode  et  de  ses  courtisans  ;  les  Phari- 
siens, plus  irrités  que  jamais,  le  poursuivent  de  leurs 
embûches  et  de  leurs  menaces  :  il  ne  faut  pas  s'exposer 
prématurément  à  leur  haine.  D'ailleurs,  ce  n'est  point  en 
Galilée,  mais  en  Judée  et  à  Jérusalem  que  doit  se  dénouer 
la  destinée  du  Messie. 

V.  Le  départ  de  la  Galilée  marque  le  point  culminant  de 
la  vie  de  Jésus  et  la  partage  en  deux  phases  distinctes.  La 
Galilée  et  la  Judée,  voilà  ses  deux  champs  d'action. 
La  Galilée  a  eu  la  gloire  de  le  voir  agir  et  vivre,  la 
Judée  et  sa  métropole  le  verront  mourir.  Quitter  la 
Galilée  et  revenir  en  Judée,  c'était  pour  Jésus  aller  au- 
devant  des  grandes  luttes  ;  il  s'y  détermina  avec  une 
héroïque  fermeté.  «  Les  jours  »,  dit  saint  Luc,  «  où  il 
devait  être  enlevé  de  ce  monde  étant  accomphs,  il  tourna 
son  visage  résolument  vers  Jérusalem.  »  Six  mois  le  sépa- 
rent de  la  mort  ;  elle  est  désormais  sa  pensée  unique,  il 
consacre  à  la  préparer  le  reste  de  sa  vie,  et  il  porte  seul 
le  secret  de  cet  avenir  accablant.  A  Jérusalem,  sous  les 
yeux  et  à  la  face  des  représentants  officiels  de  la  nation, 
l'action  de  Jésus  prend  un   caractère  plus  solennel  et 


déchaîne  la  lutte  où  il  succombera.  Cette  action,  pendant 
la  fête  des  Tentes  et  les  jours  qui  suivirent,  ne  nous  est 
connue  que  par  les  récits  du  quatrième  Evangile.  Les 
épisodes  sont  brièvement  racontés,  les  discours  résumés 
en  un  mot,  une  phrase  ;  malgré  cette  sobriété,  ces  pages 
font  revivre  cette  période  agitée  et  mémorable  où  Jésus 
revendiquait  si  fortement  le  titre  et  les  fonctions  de  Messie. 
Toutes  les  scènes  se  déroulent  dans  le  Temple,  sous 
le  portique  de  Salomon  ou  dans  la  galerie  de  la  cour 
d'Israël,  près  des  troncs  destinés  aux  ofïrandes.  C'est  là 
que  s'écoulent  les  journées  du  Prophète.  Il  arrive  à  la 
première  heure,  enseigne  la  foule,  discute  avec  les  Phari- 
siens et  les  Scribes,  et,  le  soir  venu,  il  retourne  au  mont 
des  Oliviers,  avec  ses  disciples,  pour  y  passer  la  nuit.  La 
multitude  qui  se  presse  pour  l'écouter  ne  ressemble  point 
à  celle  qu'il  entraînait  à  sa  suite,  en  Galilée,  au  bord  du 
lac,  sur  la  montagne,  au  désert.  A  côté  du  bas  peuple,  des 
gens  simples  et  sans  culture,  venus  de  la  province,  que 
saint  Jean  désigne  par  l'expression  oyXoç,  on  voit  les 
Hiérosolymites,  les  habitants  de  la  métropole,  les  Judéens, 
comme  il  les  nomme.  Ils  se  distinguent  de  la  masse  par 
une  connaissance  moins  imparfaite  des  Ecritures,  une  dé- 
votion plus  raffinée  et  surtout  une  obéissance  plus  docile  à 
l'autorité  ;  ils  ont  toujours  l'œil  sur  elle,  prêts  à  recevoir 
le  mot  d'ordre,  apprenant  d'elle  ce  qu'ils  doivent  penser 
et  ce  qu'ils  doivent  faire.  Les  chefs  se  mêlent  à  la  foule 
pour  la  surveiller  et  pour  juger  le  Prophète.  En  se  rendant 
à  la  cour  des  prêtres  ou  à  la  grande  salle  du  conseil,  les 
Anciens,  les  membres  du  Sanhédrin,  les  Sadducéens 
sceptiques  et  les  Pharisiens  intolérants,  infatués  de  leur 
science,  ont  pu  eux-mêmes  entendre  ses  paroles  ;  quel- 
ques-uns certainement  ont  été  éblouis  et  subjugués  par 
cette  doctrine  qui  en  scandalisait  tant  d'autres. 

C'est  faute  d'avoir  suffisamment  distingué  ces  éléments 
que  la  critique  s'est  méprise  sur  le  mode  de  l'enseigne- 
ment de  Jésus  à  Jérusalem.  Il  est  là,  au  centre  des  écoles 
et  au  foyer  de  la  science  orthodoxe  et  traditionnelle,  aux 
portes  mêmes  du  Sanhédrin  où  se  discutent  et  se  tranchent 
tous  les  problèmes  de  casuistique  religieuse,  où  se  jugent 
toutes  les  nouveautés,  où  comparaissent  les  faux  pro- 
phètes. En  Galilée,  il  parlait  le  plus  souvent  à  la  masse 
populaire;  à  Jérusalem,  dans  le  Temple,  il  parle  à  tous,  au 
peuple  de  la  province  et  aux  habitants  de  la  métropole, 
aux  personnages  influents  de  la  hiérarchie  et  aux  docteurs 
les  plus  célèbres  et  les  plus  écoutés.  Partout  identique  avec 
elle-même,  sa  doctrine,  dont  la  forme  seule  varie,  se  ré- 
sume en  deux  points  essentiels  :  sa  fihation  divine  et  la 
divinité  de  sa  fonction  messianique. 

Que  Jésus  fût  envoyé  de  Dieu  et  qu'ainsi  sa  mission  fût 
divine,  qu'il  procédât  de  Dieu  et  qu'ainsi  son  être  même  et 
sa  personne  fussent  à  l'égal  de  Dieu,  c'était  la  question  fon- 
damentale, la  question  de  vie  ou  de  mort.  Résolue  affir- 
mativement, il  devenait  le  seul  chef  à  suivre,  le  seul  maître 
à  écouter,  le  vrai  sauveur  et  Tunique  libérateur  ;  la  hié- 
rarchie elle-même  n'avait  qu'à  s'incliner  devant  lui  et  à  se 
soumettre  à  lui  dans  la  foi.  Au  contraire,  résolue  négati- 
vement, il  passait  aux  yeux  du  pouvoir  religieux  comme 
un  faux  prophète,  il  était  justiciable  des  rigueurs  du  San- 
hédrin et  menacé,  suivant  la  loi,  d'être  exterminé  du  peuple. 
Le  blasphème  pour  les  Juifs  consistait,  d'après  leur  for- 
mule même,  à  s'attaquer  «  au  fondement  ».  Or,  le  fonde- 
ment sacré  c'est  Dieu,  le  Temple  et  la  loi.  Nier  l'unité  de 
Dieu,  l'éternité  du  Temple  et  de  la  loi,  voilà  le  grand 
crime  religieux.  En  entendant  Jésus  s'égaler  à  Dieu,  s'iden- 
tifier avec  lui,  se  proclamer  un  même  être  que  lui,  ils 
crièrent  au  blasphème.  Evidemment  ces  docteurs  dégéné- 
rés avaient  méconnu  la  notion  vraie  de  leur  Messie.  La 
divinité  du  héros  messianique,  nettement  enseignée  par  les 
prophètes  et  solennellement  proclamée  par  Jésus,  ne  leur 
paraît  qu'un  blasphème  ;  ils  ferment  les  yeux  et  se  dé- 
tournent de  lui,  parce  qu'il  ne  répond  point  à  leurs  préjugés 
et  à  leur  vanité  nationale.  Et  alors  même  qu'en  principe  les 
docteurs  eussent  reconnu  la  divinité  de  leur  Messie,  l'oppo- 


—  131) 


JESUS 


sition  contre  la  personne  de  Jésus  était  telle  qu'en  le  voyant 
s'arroger  le  titre  saint  et  la  dignité  divine  de  l'Envoyé  su- 
prême, ils  l'eussent  encore  analhématisé  et  lapidé  comme 
un  faux  prophète.  Mais  Jésus  ne  fléchit  pas.  La  colère  des 
hommes  le  trouvait  toujours  dans  l'équilibre  que  donnent 
la  sainteté  et  la  vérité.  Il  s'éloigne  une  dernière  fois  de  Jé- 
rusalem, afin  de  ne  pas  précipiter  le  dénouement  du  drame 
qui  se  jouait  entre  lui  et  l'autorité  religieuse.  En  la  quit- 
tant pour  aller  dans  la  Pérée,  il  se  tourna  vers  elle,  l'âme 
remplie  d'une  tristesse  inénarrable.  Il  n'y  reviendra  que 
pour  y  mourir. 

Un  incident,  dont  on  ne  pouvait  pressentir  les  suites, 
vint  abréger  le  séjour  de  Jésus  en  Pérée,  et  précipita  le 
dénouement  de  sa  vie.  La  maison  de  Béthanie,  où  il  rece- 
vait l'hospitalité  dans  ses  voyages  à  Jérusalem,  et  dont  les 
hôtes  l'accueillaient  comme  le  Seigneur  et  l'ami  avec  une 
foi  si  aimante,  —  la  maison  de  Béthanie  était  dans  la 
tristesse.  Lazare  était  malade.  Marthe  et  Marie,  ses  sœurs, 
envoyèrent  à  Jésus  ce  message  :  Seigneur,  voici,  celui 
que  vous  aimez  est  malade.  Jésus  vint,  trouva  son  ami 
Lazare  enseveU  depuis  quatre  jours.  Il  s'approcha  du 
tombeau,  fit  lever  la  pierre  dont  il  était  scellé,  et  là,  de- 
vant tous,  après  avoir  prié,  il  s'écria  d'une  voix  forte  : 
«  Lazare,  sors  dehors  !  »  Et  l'enseveli,  aussitôt,  sortit,  les 
pieds  et  les  mains  liés  de  bandelettes,  le  visage  enveloppé 
d'un  suaire. 

—  «  Qu'on  le  délie  »,  dit  alors  Jésus,  «  et  qu'on  le  laisse 
aller.  » 

Beaucoup  d'entre  les  Juifs,  qui  s'étaient  rendus  vers 
Marthe  et  Marie,  crurent  en  Jésus,  à  la  vue  du  prodige. 
Quelques  autres  obstinés  s'en  allèrent-  vers  les  Pharisiens 
de  Jérusalem  leur  raconter  ce  qui  se  passait  à  Béthanie. 
Ils  étaient  de  cette  race  dont  l'aveuglement  défie  tout, 
même  l'éclair  éblouissant  de  la  force  et  de  la  bonté  de 
Dieu  :  ils  justifient  le  mot  de  la  parobole  du  mauvais 
riche  :  «Un  mort  ressusciterait,  ils  ne  le  croiraient  pas.» 
VI.  Le  Sanhédrin  s*émut  des  événements  qui  agi- 
taient le  peuple  aux  portes  de  la  métropole  et  dans  la  mé- 
tropole même.  Il  fut  convoqué  en  assemblée  solennelle. 
Pontifes  et  docteurs  délibérèrent.  —  Cet  homme,  disaient- 
ils,  a  une  puissance  extraordinaire  ;  il  multiplie  les  pro- 
diges. Que  faire?  Si  nous  le  laissons  agir,  tous  vont  aller 
à  lui.  Les  Romains  viendront  et  ruineront  notre  ville  et 
notre  nation.  Jésus  devenait  un  danger  public  aux  yeux  du 
pouvoir.  Il  mettait  en  péril  non  seulement  la  paix,  mais 
l'existence  de  la  patrie.  On  a  peine  à  comprendre  la  légè- 
reté et  l'aberration  d'un  tel  jugement.  Comment  le  Sanhé- 
drin pouvait-il  confondre  le  mouvement  populaire  créé  par 
Jésus  avec  l'agitation  politico-reHgieuse  d'un  Judas  le 
Gaulonite  ?  N'apportait-il  pas  la  circonspection  la  plus  vi- 
gilante à  combattre  dans  la  foule  le  messianisme  faux  d'une 
restauration  et  d'un  affranchissement  national  ?  N'avait-il 
pas  répudié  avec  indignation,  en  Galilée,  la  royauté  tem- 
porelle qu'on  lui  offrait  ?  N'avait-il  pas  évité  toujours,  à 
Jérusalem  même,  le  nom  de  Messie  qui  prêtait  à  l'équivoque 
et  dont  il  s'efforçait  de  donner  l'interprétation  spirituelle? 
Ne  payait-il  pas  le  tribut  et  ne  respectait-il  pas  les  auto- 
rités établies  ?  Tous  ces  faits  étaient  publics;  les  membres 
du  grand  Conseil  qui,  depuis  le  début  de  sa  carrière, 
n'avaient  cessé  d'épier  et  de  surveiller  le  Prophète,  ne 
pouvaient  les  ignorer.  Mais  les  assemblées  sont  pires  que 
les  individus.  L'intérêt,  les  petites  passions,  les  préjugés, 
les  aveuglent  et  les  affolent.  La  classe  sacerdotale  ne  par- 
donnait pas  à  Jésus  le  dédain  qu'il  affectait  pour  les  vains 
rites  dont  la  vog^ue  faisait  la  richesse  des  employés  du  culte. 
Le  parti  pharisien,  dont  il  avait  démasqué  les  vices,  dé- 
noncé la  fausse  science  et  stigmatisé  l'hypocrisie,  le  haïs- 
sait ;  il  était  exaspéré  par  l'ascendant  qu'il  exerçait  sur  le 
peuple  et  par  ses  prétentions  à  un  rôle  supérieur  à  celui  de 
prophète  et  à  Moïse  lui-même.  La  classe  aristocratique, 
composée  de  Sadducéens,  avait  pour  Jésus  de  la  crainte  et 
du  mépris  ;  elln  redoutait  qu'en  attirant  le  peuple,  il  ne 
troublât  l'ordre,  car  elle  tremblait  devant  les  Romains,  et 


l'effervescence  de  la  foule  l'effrayait.  Tout,  plutôt  que 
l'agitation  et  le  tumulte  ;  la  tranquillité  à  tout  prix  :  voilà 
le  grand  mot.  Ces  conservateurs  satisfaits  ne  jugent  que 
par  là  les  hommes  et  les  choses  ;  sur  ce  point,  ils  sont  in- 
transigeants. Ils  avaient  dans  la  haute  assemblée,  la  pré- 
pondérance. Les  pontifes  issus  des  grandes  familles  des 
Phabis,  des  Kamith,  des  Boéthos,  des  Kantharos  et  des 
Hanan,  étaient  Sadducéens.  Ils  seront  inexorables  envers 
Jésus. 

C'était  une  nécessité  du  gouvernement  divin  de  l'huma- 
nité que  Jésus  mourût  ;  «  il  le  fallait  et  non  pas  seulement 
pour  le  salut  d'Israël,  mais  afin  de  rassembler  en  un  les 
fils  de  Dieu  qui  étaient  dispersés  ».  Les  crimes  ont  leur  place 
dans  l'évolution  humaine.  La  plus  grande  iniquité,  com- 
mise envers  l'Etre  le  plus  saint,  a  été  le  point  de  départ 
de  la  rénovation  de  l'humanité  et  du  règne  de  Dieu. 
Jésus,  trahi  par  un  de  ses  disciples  soudoyés,  fut  saisi,  la 
nuit,  dans  le  jardin  de  Gethsémani,au  delà  du  Cédron.On 
l'emmena  secrètement  au  palais  de  Kaïphe  pour  être  jugé. 
Après  un  interrogatoire  captieux  dans  lequel  le  pontife, 
les  membres  du  conseil  et  les  chefs  de  la  classe  sacerdotale 
cherchèrent  vainement  quelque  faux  témoignage  pour 
motiver  une  condamnation  à  mort,  Kaïphe  posa  solennel- 
lement à  Jésus  la  question  décisive  :  —  Etes-vous,  lui  dé- 
manda-t-il,  êtes-vous  le  Christ,  le  Fils  du  Dieu  béni?  Ré- 
pondez, je  vous  adjure  au  nom  du  Dieu  vivant. 

Jésus,  qui,  dans  sa  vie  publique,  avait  évité  de  prendre 
ce  titre  de  Christ,  si  faussement  interprété  par  l'opinion 
populaire  et  par  les  docteurs  eux-mêmes,  mais  qui  toujours 
s'était  affirmé  comme  le  Fils  de  Dieu,  devant  le  peuple,  les 
Pharisiens  et  les  émissaires  du  Sanhédrin;  Jésus,  qui  n'avait 
agi,  enseigné  et  vécu  parmi  eux  que  pour  établir  sa  filia- 
tion divine,  interpellé  par  le  grand  prêtre,  et,  convaincu 
que  sa  réponse  allait  être  son  arrêt  de  mort,  n'hésita  pas 
à  rompre  le  silence  et  à  rendre  à  la  vérité  un  témoignage 
suprême  : 

—  «  Je  le  suis,  répondit-il,  et  un  jour  vous  verrez  le 
Fils  de  l'homme  assis  à  la  droite  de  la  vertu  de  Dieu  et  ve- 
nant sur  les  nuées  du  ciel.  » 

Cette  déclaration  solennelle  résumait  toute  sa  doctrine 
sur  sa  personne  et  sur  son  œuvre,  et  elle  rappelait  à  ses 
juges  ce  qui  les  choquait  le  plus  :  la  participation  du  Fils 
de  l'homme  à  la  puissance  même  de  Dieu,  —  sa  vraie  di- 
vinité. L'accusé  se  grandissait  jusqu'à  la  hauteur  de  Dieu  ; 
et  en  annonçant  à  ses  juges,  suivant  le  mot  du  prophète, 
son  retour  sur  les  nuées,  il  leur  signifiait  qu'ils  comparaî- 
traient un  jour  devant  son  tribunal.  Le  scandale  éclata.  Le 
grand  prêtre,  en  signe  de  douleur,  déchira  ses  vêtements. 
Il  ne  s'agissait  plus  d'examiner  les  droits  de  l'accusé  au 
titre  de  Messie,  de  contrôler  les  témoins.  La  prétention  à 
la  gloire  incommunicable  de  Dieu,  l'usurpation  de  la  Divi- 
nité était  évidente;  jamais  on  n'avait  ouï  pareil  blasphème. 

—  Vous  l'avez  entendu,  dit-il,  il  a  blasphémé,  qu'avez- 
vous  encore  besoin  de  témoins  ?  Que  vous  en  semble  ? 

La  délibération  ne  fut  pas  longue.  Tous,  à  l'instant,  le 
jugèrent  digne  de  mort.  On  s'étonnera  qu'aussitôt  après  sa 
condamnation,  les  Juifs  n'aient  pas  lapidé  Jésus,  comme 
plus  tard  ils  lapideront  Etienne.  Mais  depuis  qu'ils  étaient 
asservis  au  pouvoir  romain,  depuis  que  le  pontificat  avait 
abdiqué  toute  indépendance,  et  que  la  politique  saddu- 
céenne  prévalait  dans  le  Sanhédrin,  le  droit  au  glaive,  — 
ce  grand  attribut  de  la  souveraineté,  —  avait  disparu.  La 
haute  assemblée,  même  en  jugeant  ce  qui  ressortissait  à 
son  tribunal,  ne  prononçait  plus  de  peine  capitale  ;  elle  se 
contentait  de  jugements  qui,  pour  être  définitifs  et  va- 
lables, avaient  besoin  de  la  sanction  du  gouverneur.  L'exé- 
cution était  réservée  à  l'autorité  romaine  et  à  ses  agents. 

Jésus  fut  traduit  devant  Pilate.  Pilate  essaya  vainement 
par  des  expédients  cruels  ou  habiles  de  sauver  Jésus.  En 
face  du  fanatisme  juif  accusant  Jésus  de  rébellion  contre 
l'autorité  romaine,  et  de  prétention  au  titre  de  roi,  le  gou- 
verneur se  laissa  fléchir,  et  après  s'être  lavé  les  mains  de- 
vant le  peuple,  en  disant  :  «  Je  suis  innocent  du  sang  de  ce 


JESUS 


436  - 


juste  »,  il  livra  Jésus  pour  être  crucifié.  Le  supplice  de 
Jésus  eut  lieu  un  vendredi,  vers  midi,  près  des  murs  de 
Jérusalem,  à  l'endroit  nommé  Golgotha,  l'an  783  deRome 
et  l'an  30  de  l'ère  chrétienne.  Elevé  en  croix,  sa  première 
parole  fut  une  parole  de  pardon  :  «  Père,  pardonnez-leur, 
ils  ne  savent  ce  qu'ils  font.  » 

Après  trois  heures  d'agonie,  il  poussa  avec  force  un  cri 
suprême  :  «  0  Père,  je  remets  mon  esprit  entre  vos  mains.  » 
Et  il  inclina  la  tête  et  il  rendit  l'esprit. 

C'était  la  neuvième  heure,  les  ténèbres,  comme  un  temps 
d'éclipsé  du  soleil,  s'étaient  épaissies.  Le  grand  voile  du 
Temple  qui  fermait  l'entrée  du  Saint  des  saints  se  déchira 
en  deux  du  haut  en  bas.  La  terre  trembla,  et  des  rochers 
se  fendirent.  Des  tombeaux  s'ouvrirent  d'eux-mêmes,  et 
les  cadavres  des  justes  qui  y  reposaient  se  levèrent.  Ces 
phénomènes  prodigieux,  dont  la  Palestine  et  la  Judée  seules 
furent  témoins,  révèlent  le  lien  puissant  qui  rattache  Jésus 
à  la  nature,  au  ciel,  à  la  terre  et  à  l'humanité.  Le  soleil 
en  se  voilant,  la  terre  en  s'ébranlant,  s'associent  à  la  tris- 
tesse de  cette  heure  lugubre.  La  mort  du  Crucifié  est  tout 
à  la  fois  la  fin  et  le  commencement  d'un  monde.  Le  vieux 
monde  est  vaincu  ;  le  nouveau  va  poindre.  Ce  voile  sacré 
qui  cachait  la  demeure  impénétrable  de  Dieu,  est  déchiré. 
Le  mosaïsme,  la  Loi  élémentaire,  comme  l'appelait  saint 
Paul,  est  périmée.  Le  Temple  est  détruit.  La  Victime  qui 
vient  d'expirer  nous  introduira  par  son  sang  dans  le  Saint 
des  saints  véritable,  dont  l'autre  n'était  que  la  figure.  Les 
morts  eux-mêmes  entendront  sa  voix  ;  et  la  vie  qui  ruis- 
sellera d'elle  envahira  tout  ;  les  tombeaux  seront  ouverts, 
et  ceux  qui  y  dormaient  se  réveilleront.    Fr,-H.  Djdon. 

JÉSUS  DE  Nazareth.  «  L'événement  capital  de  l'his- 
toire du  monde,  a  dit  Renan,  est  la  révolution  par  laquelle 
les  plus  nobles  portions  de  l'humanité  ont  passé  des  an- 
ciennes religions,  comprises  sous  le  nom  vague  de  paga- 
nisme, à  une  religion  fondée  sur  l'unité  divine,  la  trinité, 
l'incarnation  du  fils  de  Dieu.  Cette  conversion  a  eu  besoin 
de  près  de  mille  ans  pour  se  faire.  La  religion  nouvelle 
avait  mis,  elle-même,  au  moins  trois  cents  ans  à  se  former. 
Mais  l'origine  de  la  révolution  dont  il  s'agit  est  un  fait  qui 
eut  lieu  sous  les  règnes  d'Auguste  et  de  Tibère.  Alors  vécut 
une  personne  supérieure  qui,  par  son  initiative  hardie  et 
par  l'amour  qu'elle  sut  inspirer,  créa  l'objet  et  posa  le 
point  de  départ  de  la  foi  future  de  l'humanité.  »  De  quels 
matériaux  l'historien  dispose  pour  restituer  la  personnahté 
de  Jésus  de  Nazareth,  fondateur  du  christianisme,  nous 
allons  l'indiquer. 

Au  premier  rang  doivent  figurer  les  sources  païennes, 
mais  elles  se  réduisent,  ou  peu  s'en  faut,  aux  déclarations 
de  Tacite,  qui  rapporte  l'origine  du  christianisme  à  un  cer- 
tain Christus,  mis  à  mort  sous  le  règne  de  Tibère  par  ordre 
du  procurateur  Ponce  Pilate,  c.-à-d.  entre  2ô  et  36  de  l'ère 
chrétienne,  trois  quarts  de  siècle  environ  avant  le  moment 
oti  Tacite  rédigeait  ses  Annales.  Ce  que  dit  Suétone  de  la 
nouvelle  religion  est  à  peu  près  insignifiant,  et  la  fameuse 
lettre  de  Pline  à  Trajan  est  suspecte.  Les  sources  juives 
ne  nous  instruisent  pas  davantage;  elles  ont  le  caractère 
d'une  polémique  injurieuse  en  dehors  du  passage  de  Jo- 
sèphe,  dont  le  caractère  inauthentique  est  généralement 
admis  par  la  critique.  Nous  en  sommes  donc  réduits  comme 
sources  proprement  dites  aux  livres  du  Nouveau  Testament, 
c.-à-d.  au  témoignage  de  ceux-là  seulement  qui  ont  reconnu 
le  Messie  dans  Jésus  de  Nazareth.  Dans  ces  livres  eux- 
mêmes  nous  ne  pouvons  retenir  comme  documents  se  rap- 
portant directement  à  notre  objet  que  les  Evangiles,  dont 
nous  avons  analysé  le  contenu  et  défini  le  caractère  à  l'art. 
Evangile. 

Nous  avons  établi  que  les  quatre  Evangiles  canoniques 
étaient  des  compositions  essentiellement  dogmatiques, 
écrites  dans  le  dernier  quart  du  premier  siècle  de  notre 
ère  {saint  Jean  n'étant  lui-même  que  du  commencement 
du  second)  pour  démontrer  que  Jésus  de  Nazareth  avait 
réalisé  d'une  manière  complète  les  conditions  que  devait 


remplir  le  Messie  ou  Christ  attendu  par  les  Juifs  ;  qu'il 
avait  exprimé  parfaitement,  à  la  fois  par  ses  enseignements, 
par  ses  guérisons  miraculeuses  et  par  sa  mort  sur  la  croix, 
suivie  d'une  glorieuse  résurrection,  le  type  tracé  par  les 
livres  sacrés  du  judaïsme.  Dans  quelle  mesure  les  auteurs 
des  Evangiles  ont-ils  plié  les  souvenirs  authentiques  venus 
à  leur  connaissance  aux  nécessités  d'un  cadre  dogmatique, 
c'est  là  un  point  sur  lequel  les  récents  historiens  de  Jésus 
ne  se  sont  pas  mis  d'accord.  H  convient  donc  d'indiquer 
les  diverses  opinions  en  présence  en  laissant  au  lecteur  le 
soin  de  conclure. 

Les  vues  soutenues  par  les  modernes  sur  la  valeur  his- 
torique des  Evangiles  se  ramènent  à  deux  :  1°  le  point  de 
vue  conservateur;  2^  le  point  de  vue  critique.  Dans  la  pre- 
mière hypothèse,  sans  nier  que  les  faits  allégués  aux  Evan- 
giles soient  disposés  de  façou  à  aboutir  à  une  démonstration 
dogmatique,  on  considère  que  tous  ces  faits  sont  authen- 
tiques. La  tâche  de  l'historien  de  Jésus  consistera  donc  à 
les  présenter  dans  un  enchaînement  tel  qu'ils  puissent  être 
tous  conservés,  quel  que  soit  l'écart,  au  moins  apparent, 
que  Ton  constate  entre  les  Evangiles,  soit  dans  le  détail  des 
récits,  soit  dans  leur  relation  mutuelle.  Ce  travail  de  con- 
cordance ou  d'harmonistique  a  été  exécuté  de  notre  temps 
avec  une  incontestable  compétence  par  des  écrivains  tels 
que  l'abbé  Fouard,  le  P.  Didon,  du  côté  des  théologiens 
catholiques,  par  M.  E.  de  Pressensé  chez  les  protestants. 
Sans  s'accorder  sur  tous  les  points,  ces  auteurs  partent  de 
l'idée  qu'il  convient  de  ne  sacrifier  aucune  des  données  de 
l'histoire  évangélique  ;  ce  qui  les  distingue  surtout  de  leurs 
devanciers,  c'est  Pefiort  qu'ils  ont  fait  pour  replacer  la 
personne  du  Christ  dans  le  cadre  de  la  géographie  palesti- 
nienne et  des  usages  orientaux,  en  s'aidant  des  ressources 
que  fournissent  la  connaissance  personnelle  du  pays  et  les 
progrès  considérables  accomplis  depuis  cinquante  ans  dans 
l'intelligence  du  milieu  juif  du  premier  siècle  de  notre  ère. 
Si  l'on  se  reporte  à  l'analyse  très  complète  que  nous  avons 
donnée  des  Evangiles  (V.  ce  mot),  on  se  rendra  aisé- 
ment compte  qu'on  peut  prendre  tel  d'entre  eux,  notam- 
ment saint  Marc,  comme  le  canevas  d'une  exposition  où  les 
éléments  empruntés  à  saiiit  Luc,  saint  Mathieu,  saint 
Jean  seront  insérés  à  la  place  convenable  ;  au  lieu  de  saint 
Marc^  on  peut  prendre  comme  cadre  soit  saint  Luc,  soit 
saint  Mathieu,  soit  saint  Jean  en  le  complétant  par  les 
données  qui  sont  spéciales  aux  trois  autres  ;  on  peut  encore 
défendre  un  type  mixte  et  en  quelque  sorte  personnel  en 
n'adoptant  pas  expressément  le  canevas  fourni  par  l'un 
quelconque  des  Evangiles.  On  voit  donc  que,  tout  en  restant 
dans  les  limites  de  la  plus  stricte  orthodoxie,  on  peut  être 
amené  à  présenter  la  vie  de  Jésus  sous  des  aspects  sensible- 
ment différents. 

C'est  un  inconvénient  qui  a  frappé  beaucoup  de  théo- 
logiens, qui  pensent  qu'il  vaudrait  mieux  s'en  tenir  à  un 
commentaire  des  Evangiles  que  de  chercher  à  reconstituer 
la  personnalité  historique  de  Jésus  ;  on  sent  d'instinct,  en 
effet,  que  le  contraste  entre  ce  qu'on  attend  d'un  homme, 
qui  se  propose  d'atteindre  un  but  déterminé  par  l'emploi 
des  influences  naturelles,  —  objet  que  vise  généralement 
une  biographie,  —  et  le  spectacle  d'une  vie  où  inter- 
viennent constamment  des  forces  supra-sensibles,  risque 
d'aboutir  à  une  conception  discordante.  Le  miraculeux, 
qui  apparaît  dans  telle  circonstance  donnée  et  isolée 
comme  la  conséquence  naturelle  du  dogme  de  l'incarnation, 
se  concilie  malaisément  avec  l'emploi  des  moyens  qu'on  ap- 
pelle naturels.  Celui  qui  a  le  premier  à  son  entière  dispo- 
sition devra-t-il  et  pourra-t-il  employer  les  seconds  comme 
s'il  n'était  qu'un  homme  ordinaire?  On  voit  doiic  que  la 
tâche  de  celui  qui  se  propose  de  retracer  la  «  vie  de  Jé- 
sus »  au  point  de  vue  de  l'orthodoxie  traditionnelle,  pour 
simple  qu'elle  semble  au  premier  abord,  est  singulièrement 
difficile. 

Le  point  de  vue  critique  est  celui  d'un  grand  nombre 
d'écrivains  modernes,  qui  disent  :  Sous  les  Evangiles,  qui 
dépeignent  l'action  de  Jésus  de  manière  à  inculquer  à  leurs 


comprise  lui  sert  à  interpréter  même  la  constitution  chi- 
mique de  la  matière  et  les  grandes  lois  du  monde  et  lui 
dicte  toute  sa  métaphysique.  Gomme  historien  de  la  philo- 
sophie, datis  son  cours  du  Collège  de  France,  dans  ses  raii- 
ports  académiques,  souvent  très  importants  et  qui  foMè- 
raient  de  nèmoreux  volumes,  il  a  toujours  rapprocha  lés 
doctrines  modernes  des  anciennes  et  mêlé  intimement  la 
théorie  k  l'histoire,  les  vues  dogmatiques  aux  recherchés 
d'érqditjon.  H.  M* 

LÉVÈQUE  (Henri-Frédéric),  homme  politique  frani^ais, 
né  à  y r y  (Côte-d'Or)  le  8  août  4829.  Avocat  au  barreau 
de  liijon,^  procureur  de  la  République  en  4870,  il  fut  iil- 
terné  |iar  les  Allemands  à  Epinàl  et  gardé  cotome  otage. 
Il  s'évada  au  commencement  de  4874  et  fut  élu  le  2  jUïL 
représentant  de  la  Côte-d*Or  à  l'Assemblée  nationale.  Mèriibre 
de  la  gauche  républicaine,  secrétaire  de  ce  groupe,  il  ènà- 
battit  le;  ministère  dé  Broglie.  Réélu  député  en  1876  par 
la  2^  cirdonscriptioTi  de  Dijon ^  membre  des  363,  réélu  aivec 
euxen  4877,  puis  en  4802,  en  4885,  en  4889,  il  écHoiia 
aux  élections  30  1893  contre  M.  Delanne,  radical.  Soiis- 
gouverneur  du  Crédit  foncier  (4878),  il  démissionna  en  4[8^0 
en  protestant  assez  violemment  contre  la  gestion  du  ^bil- 
verneur  M.  Christôphle.  Cet  événement  donna  lieu  le  8"mki 
à  line  inter|)ellation  à  la  Chambre  des  députés  qui  eut  poiir 
résiiltat  de  consolider  la  situation  dôM.  Christôphle  (Y,  ce 
nom). 

LËVph.  L  Topographie  (V.  Topographie). 

îï.  Astronomie.  —  Première  apparition  d'un  astre  au- 
dessus  de  l'horizon,  produite  parle  mouvement  diurne.  — 
Le  lever  héliaque  d'un  astre  se  produit  lorsque  cet  astre 
apparaît  sur  Fhorizon,  le  soleil  étant  invisible.  ■—  Le  lever 
cosmifjiie  a  lieu  qUand  F'astre  apparaît  eU  mêUie  temps  que 
le  séleil.  —  Le  lever  acronique  s*observe  quand  l'astre 
se  lève  lorsque  le  soleil  se  couche.  —  Le  lever  héiiaqùe,  le 
lever  cosmique  et  le  lever  acronique  sont  aussi  appelés 
ïèvers  poétiques.  L.  B. 

III.  Théâtre.  — -  Lever  de  rideau;  —  C*est  le  nom 
qu'on  donne,  en  langage  théâtral,  à  la  petite  pièce,  gèné- 
raléttient  saUs  importance,  qui  sert  d'escorte  au  grand  ou- 
vrage à  succès,  et  qui  commence  obscurément  le  spectacle, 
celle  pour  laquelle,  par  coUséquent,  le  rideau  se  levé  pour 
la  première  fois  de  la  soirée.  Elle  se  joue  généralement, 
comnie  on  dit,  devant  les  banquettes,  c.-à-d.  àFheurè  oU 
pet|  de  spectateurs  sont  réunis  dans  la  salle.  Nknnioins,  il 
arrive  souvent  que  Fauteur  de  ia  grande  pièce,  désireux  de 
peï!cevbir  tous  les  droits  de  la  soirée,  accapare  ce  ïévei:*  de 
rideau J  fiour  lequel  il  a  toujours  dans  ^es  caridns  quél<ïue 
acte  sans  conséquence  qui  lui  sert  en  cette  circbnstanfeei 

I?.*ttisi0ire.  --Lever  DU  roi.  —  Rite  de  Féti^uette 
française,  gui  jorapï^enait  trois  parties  :  4**  réveillé,  eùcore 
au  lit,  le  td  se  lavait  les  mains,  prenait  l'eau  bénite,  et  disait 
Fpfîiee'  dii  SaiBit-Esprit  ;  pdis  comtnençait  le  peiit  leiÈr^  oti 
étaient  admis  le  dauphin  et  ses  enfants,  les  prihçes  du  sang, 
le  grand  chanibellan,  les  premiers  gentilslionimes  de  là 
chariibi?e,  lé  gifand  maître  et  les  maîtres  dé  la  garde-robe, 
les 'premiers  Uiédedin  et  chirurgien,  et  les  persUnnes  aux- 
quelles la  mêihe  grâce  avait  été  octroyée  ;  ,^*^|  le  réî,  en 
rolîede  chaàibté  eî  pantoufles,  demandait  la  ^rernière  en-- 
trée'méhxût^i  à\x  cabittet,  valets  de  chïambré,  lecteurs, 
seigneurs  ayant  un  brevet  d*enl^rée)  ;  ^^  qhahd  le  roi^  pei- 
gné éirasé";  a  kit  changé  de  linge,  le  grand  lever  com- 
mençait pour  les  admôhi^i^s,  autres  ofiicieré  dé  la  niaisôn 
dii  |roi,  et  pour  la  nol)léS!Je  de  cour.  ïll  IJonin. 

ËIB'L. ':"  V.  ETlQÛEt'TE.'  '"  ,   ,h;!      ■:  ' 

LEVER  (Charles4ameë),rorriancier  irlandais, hé  à  Dublin 

le  ^4  août  48D9,  niort  à  trieste  le  4^^  juin  4!$7â.  Il  fit 
ses.  études  médicales  à  fiubliu  et  à  Gfcettinguy,  devint  en 
48àt  m^deçin^  delà  légation  anglaise  à  Bruxelles,  mais 
ne!  tarda  pas  à,  s'adonner  exclusivement  à  des  iravadx  de 
pliiffîé.  ïl  publia,  d'abord  dans  le  ï)w^fe  tJnivkrsity  Ma- 
gd^îfiè  ((in%  dirigea  de  4842  a  4845),  des  romans  diffus, 
où  lï^âu^iiei^t  égafèirtient  la  composition  et  le  ^tyle,|  mais 
si  ihéWeinéntés,  si  pleins  de  bonne  humeur,  si  fentraîtaants 


435  —  LÉVÊQUE  -  LE  tMRIER 

dans  la  rapide  succession  de  leurs  incidents  touchants  ou 
codiques,  ^qu'ils  obtinrent  le  plus  vif  succès.  Sa  réputation 
a  presjïue  balancé  uu  moment  celle  de  Dickens.  De  Con- 
fesèîàks  ôf  Ha&y  Lorrequer^  son  premier  récit  (4837), 
jusqu'à sbu  dernier^  Lord  Kïlgobbin  (4872,  3  vol.),  il  ne 
ceséà  de  produire,  mûrissant  ses  qualités  et  diminuant  ses 
défauté.  Ses  romans  ont  pour  sujets  la  peinture  des  mœurs 
irlaiidîlisesj  des  Scènes  d'aventures,  de  batailles  et  d'ex- 
ploits Ibomànesqùesl  La  collection  de  ses  œUvres  ne  forme 
pas  inqins  de  trente-trois  volumes.  Il  devint,  en  4867, 
cdnM  à  TJrieste. 
BtBL.  :  FttzPATRiOK,  tife  ofGh.  Lever;  1884,  2«  éd. 

LEVE RÛ  (Jeanne-Emilie),  actrice  française,  née  à  Paris 
le  44  juil.  4788,  morte  à  Paris  le  46  nuv.  4843.  Elle  fit 
d'abbrd  jpartîe  du  corp^  de  ballet  de  l'Opéra,  débuta  le 
27  (ict.  4804  ad  théâtre  Louvoîs  ;  son  talent  déjà  plein  de 
promesses,  rebâtisse  pai^  une  beauté  rare,  reçut  le  meilleur 
accueil.  Le  30  juil:  4808,  elle  débuta  à  la  Comédie-Fran- 
çaise dans  7^  misahthrope  et  les  Trois  Sultanes^  on.  son 
succès  fut  d^autant  plus  complet  qu'elle  chanta  d'une  façon 
fort  agréable,  en  s'accompagnànt  sur  la  guitare.  Elle  fut 
reçue  sociétaire  dè^  le  4®*'  âvr.  4809  ;  elle  se  vit  en  hutte 
à  deb  tracasseries  é[m  lui  suscita  M^^®  Mars,  qui  fiUil;,  par 
ses  intrigués,  pÈir  ta  faire  reléguer  au  second  plan.  Elle 
n'en  fouriiit  pàé  tooinsàla  Comédie-Fraiiçaise  une  belle 
carrière  jusqu'au  1®^  avr.  4832.  A.  P. 

LEVEBôIÉS.  Cém.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  SaiUt- 
QuehtiU,  cant.  dû  Catelet;  4,482  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  du  Nord,  liginé  du  Catelet  à  Saint-Quentin. 

LEVERlDôÉ  (Richard),  chanteur  scéniqUe  et  composi-^ 
teur  anglais,  né  en  4669,  mort  en  4758.  Chanteur  sans 
goût,  mais  doué  d'Une  belle  voik  de  basse,  il  appartint,  de 
1698  à  4747,  à  la  troupe  du  théâtre  de  Lincoln's-inn-fields, 
où  il  écrivit  tous  lés  airs  de  son  rôle  dans  le  drame  musi- 
cal de  Motteaux  intitulé  Thè  Inàian  Princess,  et  où  il 
fit  représeiîtér  en  4716  uû  opéra  de  sa  composition,  P|/m- 
mus  and  Thysbei  Dix  arinees  environ  après  avoir  quitté 
ce  théâtre,  il  foûdaj  dit-én,  un  éafé  où  se  rendaient  beau- 
coup d^ainateurs  déàireux  d'eUténdre  ses  chansons  ;  il  faut 
croire  pourtant  que  cette  specdlation  finit  par  n'être  pas 
très  heureuse,  car,  lors<|ui'il  fut  devenu  vieux,  un  médecin 
de  ses  ainis  ouvrit  en  Sa  faveur  Une  souscHption  pour  une 
pension  anWélle  qu'il  re^ut  régulièrement  jusqu'à  sa  niort, 
EU  47^7,'  Leveridge  publia  e»^  deux  volumes  un  recueil 
des  chansons  d6i:^t'il  avait  cUïhppsé  la  musique.  Certains 
écrivains  anglais  dtit  assuré  qu'il  avait  écrit  aussi  les  mé- 
lodies du  second  |icte  dQ'Maebeth,  telles  qu'elles  ont  été 
publiées  dans  Fêdition  des  oeuvres  de  Shakespeare  donnée 
par  Rôwé,  mais  Faùthentiicité  du  fait  ne  paraît  pas  absolue. 
LE  VERNËt  (V.  Vernet). 

LEVERNO<è.  tom,  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  et 
cant.  (S.)  de  ^éaiitte  ;  fl4$  hàb. 

LE  VERRIER  {Urbaiïi-Jean-Joseph),  astronome  fran- 
çais, né  à  Sainjt-Lô  (Matiche)  le  44  mars  4814,  mort  à 
Paris  le  $3  sèpC  4877.  Fils  d'un  employé  dé  l'administra- 
tion des  domâiïiës,  il  fit  ad  éollège  de  Saint-Lô  de  bonnes 
études  littéraife,  lés  compléta  |ïar  trois  années  de  mathé- 
matiques ^li  collège  de  Caeh  et  au  collège  Saint-Louis, 
à  Paris,  écjhLoiiaSeii  4830*  kbxl examens  de  FEMe  polytech- 
nique, se  repï^Éënt|i  en  i834  j  f^ut  reçu  parmi  les  premiers 
et  chuisit  k,8k  $drpb  la  câifrière  des  tabacs.  A  l'Ecole  d'ap- 
plication du  qjuâï  |ljDrsaiy:,|il  s'adonna,  dans  le  laboratoire 
de  Gay-I^ussaç,  à  dïb  rechérclies  de  chimie,  fit  preuve  tout 
de  suite  d'tine  irâlidé  habileté  éomuie  expérimentateur  et 
publia,  dh^'^imÏÏ^^^mnsWMnales  de  chifhie  et  de  phy- 
sique, uJid'  élude  très  i!*^marquée  sur  les  combinàisoiis  du 
phosphore  aveél*hydrogêhe,  Suivie,  eh  4837,  d'une  seconde 
étude,  ndhj  Ui^ins  i'uiporian|te,  furies  combinaisons  du  même 
corps  av^c;Fbiy|eïïe»Podrtan(,  il  n'avait  pas  encore  trouvé 
sa  voie  ;  lés  niath||4ial!iq[Ué^  Fs|ttiraiént,  et  il  passait  a  appro- 
fondir Fanaiype;ln|nitésîmaîé;les  loisirs  que  lui  laissait  le 
laborateird^  ft  i8p6,  il  d;o|lnà|Sâ  déhiissîon  d'ingénieur  des 
manufactiii:*esaô  fÈtat,iJéiir  fte  paé  se  rendre  en  province. 


LE  VERRIER  —  iW 

Il  lui  fallut  pendant  quelque  temps  se  contenter  d*une 
place  de  professeur  au  collège  Stanislas.  Mais  il  obtint,  à 
la  fin  de  1837,  celle  de  répétiteur  d'astronomie  à  l'Ecole 
polytechnique  et,  conduit  par  les  devoirs  mêmes  de  sa  fonc- 
tion sur  le  seuil  de  la  mécanique  céleste,  il  s'attaqua  aus- 
sitôt aux  problèmes  les  plus  ardus  de  cette  science  diffi- 
cile, dont  il  fit  dès  lors  son  étude  exclusive.  Au  mois  de 
sept.  4839,  il  présenta  à  l'Académie  des  sciences  de  Paris 
un  premier  et  remarquable  mémoire  intitulé  5wr  les  Va- 
riations séculaires  des  orbites  des  planètes.  Il  y  démon- 
trait, au  moyen  d'arguments  nouveaux  et  avec  plus  de 
rigueur  qu'on  ne  l'avait  encore  fait,  la  stabilité  du  monde 
solaire  et,  quelques  semaines  plus  tard,  il  indiquait  dans 
un  second  mémoire  les  limites  numériques  entre  lesquelles 
doivent  osciller  les  excentricités  et  les  inclinaisons  mu- 
tuelles des  orbites  des  planètes.  Ce  brillant  début  attira 
sur  lui  l'attention  d'Arago.  D'après  les  conseils  de  Fil- 
lustre  astronome,  il  entreprit  la  revision  des  tables  de 
Mercure  et  il  en  publia  en  1843  de  nouvelles,  bien  supé- 
rieures comme  clarté  et  comme  précision  à  celles  de  ses 
devanciers.  Il  s'occupa  ensuite  des  comètes  périodiques, 
qui  étaient  alors  à  l'ordre  du  jour,  examina  minutieuse- 
ment les  perturbations  des  deux  comètes  découvertes  m 
nov.  1843  par  M.  Paye  et  en  août  1844  par  de  Vico,  et 
prouva  qu'à  l'encontre  de  certaines  suppositions  la  pre- 
mière, dont  il  donna  du  reste  une  théorie  complète,  n'avait 
rien  de  commun  avec  celle  de  Lexell  (1770),  ni  la  seconde 
avec  celle  de  Tycho  (1585),  Ces  derniers  travaux  lui  ou- 
vrirent les  portes  de  l'Académie  des  sciences:  le  19  janv. 
1846,  il  fut  élu  membre  de  la  section  d'astronomie  en 
remplacement  de  Cassini. 

Il  n'était  connu  encore  que  du  monde  savant  ;  il  allait 
devenir  populaire.  Sur  les  instances  d*Arago,  il  avait  re- 
pris, avec  Uranus,  l'oeuvre  de  revision  des  tables  plané- 
taires si  heureusement  commencée  avec  Mercure.  La  tâche 
n'était  pas  aisée.  Uranus  faisait  depuis  longtemps  le  déses- 
poir des  astronomes.  Ses  positions  réelles  étaient  en  dé- 
saccord croissant  avec  celles  qu'indiquaient  la  théorie,  et 
l'hypothèse  de  l'existence  d'une  huitième  planète  de  grande 
dimension,  qui  devait  produire  par  son  attraction  les  per- 
turbations signalées,  avait  été  émise  à  diverses  reprises  : 
par  Bouvard,  notamment,  en  1821,  et  par  Bessel,  en 
I84O.  Le  Verrier  se  convainquit  vite,  en  dressant  de  nou- 
velles éphémérides,  de  l'exactitude  de  cette  idée,  et  il  réso- 
lut de  déterminer  par  le  calcul  la  position  de  la  planète 
perturbatrice.  Le  M  août  1846,  il  annonça  publiquement 
à  l'Académie  quelle  serait  sa  place  dans  le  ciel  le  l®"^  janv. 
Trois  semaines  après,  le  23  sept.,  l'astronome  Galle,  de 
Berlin,  qu'il  avait  engagé,  dans  une  lettre  reçue  le  niatin 
même,  à  commencer  des  recherches  en  s'aidant  des  ex- 
cellentes cartes  construites  par  son  observatoire,  la  ren- 
contra à  cinquante-deux  minutes  du  point  indiqué.  On 
pensa  un  instant  à  lui  donner  le  nom  de  Le  Verrier^  mais 
on  l'appela  définitivement  JSeptune  (V.  ce  mot). 

La  sensation  que  produisit  cette  découverte,  «  au  bout 
de  la  plume  »,  d'un  astre  distant  de  plus  de  1  milliard  de 
lieues,  fut  immense  et  son  auteur  reçut  de  toutes  parts  les 
témoignages  d'admiration  les  plus  flatteurs.  Les  académies 
étrangères  se  l'associèrent  ;  les  souverains  le  couvrirent  de 
croix  ;  Louis-Philippe  le  nomma  d'emblée  officier  de  la  Lé- 
giqn  d'honneur,  sans  qu'il  ait  été  chevalier,  et  lui  confia 
l'éducation  scientifique  du  comte  de  Paris  ;  une  chaire  d'as- 
tronomie fut  créée  exprès  pour  lui  à  la  faculté  des  sciences 
de  Paris  et  il  fut  attaché  comme  astronome  adjoint  au  Bu- 
re£^u  des  longitudes;  enfin  son  buste  fut  exécuté  par  ordre 
du  ministre  de  l'instruction  publique.  La  priorité  de  la 
découverte  lui  fut,  toutefois,  un  instant  contestée.  Un  jeune 
étudiant  de  l'université  de  Cambridge,  J.-C.  Adams  (V.  ce 
nom),  avait  entrepris  en  effet  dès  1841,  au  sujet  des  per- 
turbations d'Uranus,  des  recherches  théoriques  qui  l'avaient 
conduit  un  peu  avant  Le  Verrier,  paraît-il,  et  à  Finsu  de 
celfii-ci,  à  plusieurs  résultats  a  peu  près  identiques.  Mais 
son  travail  ne  fut  publié  qu'après  celui  de  l'astronome  fran- 


çais et  la  Société  royale  de  Londres,  appelée  à  se  pronon- 
cer, partagea  entre  eux  la  médaille  Copley. 

En  1849,  les  électeurs  du  dép.  de  la  Manche  envoyèrent 
Le  Verrier  à  l'Asgemblée  législative.  Après  quelques  hési- 
tations sur  son  orientation  politique,  il  prit  résolument 
parti  pour  l'Elysép.  Il  ne  se  fit  remarquer  du  reste  que 
dans  les  commissions,  éloigné  qu'il  était  de  la  tribune  par 
son  défaut  absolu  d'éloquence,  et  il  ne  s'y  occupa  guère  que 
des  questions  d'enseignement  ou  d'ordre  scientifique.  En 
1850,  il  fut  chargé  du  rapport  sur  le  projet  de  loi  relatif 
à  la  construction  des  lignes  télégraphiques;  il  prit  part  en- 
suite à  l'élaboration  des  diverses  propôsitipns  relatives  à 
la  réorganisation  de  l'Ecole  polytechnique,  au  recrutement 
des  ingénieurs  des  ponts  et  chaussées,  à  l'organisation  de 
l'enseignement  professionnel.  Après  le  coup  d'Etat,  il  fut 
nommé  sénateur  (janv.  1852),  inspecteur  général  de  l'en- 
seignement supérieur,  meiîibre  du  conseil  de  perfectionne- 
ment de  l'Ecole  polytechnique  (1854).  En  ces  deux  dernières 
qualités,  il  s'efforça  d'imprimer  aux  études  scientifiques  une 
direction  nouvelle,  de  leur  donner  un  caractère  plus  res- 
treint et  plus  «  pratique  ».  Son  influence  ne  fut  pas  heureuse  ; 
les  innovations  qu'il  était  parvenu  à  faire  accepter  produi- 
sirent de  fâcheux  résultats,  dans  les  lycées  aussi  bien  que 
dans  les  grandes  écoles,  et,  après  un  essai  de  quelques  an- 
nées, elles  furent,  à  la  demande  générale,  complètement 
abandonnées.  Il  assouvit  alors  sur  l'Observatoire  son  besoin 
de  réformes.  Après  la  mort  d'Arago,  il  avait  été  appelé  à 
la  direction  de  cet  établissement  (janv.  1854).  Il  s'em- 
pressa de  le  soustraire  au  contrôle  du  Bureau  des  longi-^ 
tudes  (dont  il  était  désormais  membre  titulaire),  et  il  pro- 
posa toute  une  réglementation  nouvelle,  qui  modifiait  non 
seulement  l'organisation  administrative,  mais  encore  la 
nature  et  le  mode  des  observations.  Il  s'agissait  en  général, 
il  faut  bien  le  reconnaître,  de  réelles  améliorations,  et  les 
méthodes  qu'il  préconisait  marquaient  un  véritable  pro- 
grès. Éalheureusement,  il  manqiia  tout  à  la  fois,  dans  l'ap- 
plication de  ses  réformes,  de  mesure  et  de  tact.  Autoritaire 
et  agressif,  il  régna  pendant  quinze  an?  à  rObsei:'vatoire 
en  odieux  despote  et,  par  ses  procédés  intolérables  d'adm^ 
nistratioti  autant  que  par  ses  attaques  irrégulières  contre 
ses  confrères,  ameuta  contre  lui  et  le  monde  savant  et  l'opi- 
nion publique.  Une  enquête  fut  ordonnée,  un  comité  de 
surveillance  lui  fut  adjomt.  Rien  n'y  fit.  Le^  protestations, 
de  nombreuses  qu'elles  étaient,  devinrent  unanimes,  et  l'Ins- 
titut, oU  il  provoquait  à  tout  propos  d'orageux  incidents, 
se  joigliit,  pour  réclamer  une  mesure  énergique^  au  person- 
nel de  ^'Observatoire  et  à  la  presse.  Le  5  févr.  1370,  il  fut 
enfin  révoqué  et  remplacé  par  ftelaunay.  Après  la  guerre, 
il  reprit  son  cours  à  la  faculté  des  sciences  de  Paris,  Le 
13  févr.  1873,  Delaunay  étant  mort,  M.  Thïers  le  rappela 
à  la  direction  de  l'Observatoire  ;  mais  ses  pouvoirs  furent 
tempérés  par  l'institution  du  «  Conseil  de  surveillance  ». 
Dans  ces  conditions,  son  retour  fut  assez  bien  accueilli, 
même  par  la  presse  républicaine,  qui  consentit  k  (oublier 
le  politicien  antilibéral  et  l'administrateur  insdciab^é  pour 
ne  se  souvenir  que  du  savanf;  de  premier  ordre  et  <iu  tra- 
vailleur infatigable.  Quatre  ans  après,  le  23  sept.  1  $77, 
jour  anniversaire  de  la  découverte  de  Neptune,  il  succomba 
à  une  longue  et  douloureuse  maladie.  Il  était  depuis  1863 
grand  officier  de  la  Légion  d'honneur.  Il  avait  été,  soiis  le 
second  Empire,  en  même  tenips  que  sénateur,  membre  et 
président  du  conseil  général  de  la  Manche. 

La  fameuse  découverte  de  Lé  Verrier  n'avait  été  qu'un 
incident  dans  sa  carrière  scientifique.  Il  avait  entrépris,  oh 
l'a  vu,  à  rinstigation  d'Arago,  la  révision  complète  des 
tables  des  mouvements  planétaires.  Il  poursuivit  jusqu'au 
bout  la  réalisation  de  ce  gigantesque  travail,  reprit  toutes 
les  observations,  refit  tous  les  c^ilculs  et  (^onna,  pour  chaque 
planète,  de  nouvelles  tables,  qui  laissent  loin  derrière  toutes 
celles  consti'uites  avant  lui  (V.  Astronomie,  t.  IV,  p.  379) 
et  qui  ont  été  adoptées  non  seulement  par  la  Connais- 
sance des  Temps,  mais  aussi  par  le  iV^Wjfzm^  A  Imanac, 
Il  en  corrigea  la  dernière  épreuve  le  l^"*  sepl;.  1877,  trois 


tite  troupe  ?  Est-ce  seulement  pour  accomplir,  à  l'occasion 
de  la  fête  solennelle  de  Pâque,  le  pèlerinage  légal  ?  Nous 
ne  le  pensons  pas.  C'est,  autant  que  nous  pouvons  l'ima- 
giner, pour  annoncer  dans  la  capitale  elle-même  l'im- 
minence de  la  révolution  surnaturelle  que  la  divinité  lui  a 
donné  mission  de  préparer.  Mon  sentiment,  après  l'étude 
attentive  des  documents  à  laquelle  je  me  suis  livré,  est  qu'il 
devait  croire  au  succès,  c. -à-dire  qu'il  se  représentait  la 
crise  annoncée  comme  devant  se  produire  sans  délai.  Les 
événements  tournèrent  autrement.  Il  est  possible  que  la 
parole  du  réformateur  de  Nazareth  ait  été  accueillie  par 
l'indifférence  générale;  il  est  plus  probable  cependant 
qu'elle  rencontra  quelque  écho.  Mais  nous  ne  croyons  pas 
que  Jésus  ait  eu  l'occasion,  par  un  contact  un  peu  pro- 
longé, d'exercer  une  action  vraiment  efficace.  Ce  qu'il  sou- 
leva, c'est  la  défiance  des  autorités  ecclésiastiques  et  des 
représentants  de  la  théologie  officielle.  Non  pas  qu'il  fût 
hétérodoxe;  d'ailleurs,  le  dogme  juif  ne  ressemblait  en  au- 
cune façon  au  nôtre.  La  latitude  était  beaucoup  plus  grande  ; 
en  revanche,  on  était  intransigeant  sur  les  questions  rela- 
tives à  la  pratique.  Il  est  à  présumer  que  Jésus,  dans  la 
façon  dont  il  annonça  l'apparition  imminente  du  royaume 
de  Dieu,  s'exprima  sur  le  compte  des  cérémonies  du  Temple 
et  de  leur  valeur  réelle,  sur  un  ton  un  peu  libre,  qui  pa- 
rut irrespectueux,  sinon  sacrilège.  Ses  disciples  le  défen- 
dent contre  un  tel  reproche  ;  mais  il  est  clair  que  le  fond 
de  sa  prédication  était  antiritualiste.  Le  christianisme  a  été 
une  revanche  du  sentiment  religieux  contre  le  formalisme 
des  dévots,  et  quelque  chose  de  cette  intention  profonde 
devait  percer  aux  yeux  d'une  autorité  perspicace  et  mé- 
fiante. Il  y  eut  alors  un  conflit.  Jésus,  mal  compris  ou  in- 
justement attaqué,  riposta-t-il  sur  le  ton  d'un  homme  qui 
a  conscience  de  sa  haute  mission  ?  Le  tout  dut  aboutir  à 
une  bagarre  dans  l'enceinte  du  Temple  ;  les  agents  de  l'au- 
torité ecclésiastique  mirent  la  main  sur  Jésus,  et,  sans 
peut-être  attacher  une  très  grande  importance  à  l'affaire, 
le  déférèrent  à  l'autorité  romaine  comme  ayant  troublé 
l'ordre  public.  Celle-ci,  à  son  tour,  le  traitant  comme  un 
personnage  sans  conséquence,  l'envoya  partager  le  sup- 
plice de  quelques  malfaiteurs  de  bas  étage  détenus  sous 
les  verrous.  Si  Jésus  avait  eu  réellement  l'intention  de  pro- 
voquer un  conflit  sur  la  question  religieuse,  nous  estimons 
que  les  choses  auraient  pris  une  autre  tournure.  En  un 
mot,  le  supplice  de  Jésus  nous  apparaît  comme  un  accident, 
qui  le  surprit  lui-même,  qui  surprit  ses  disciples  et  qui 
passa  absolument  inaperçu,  au  moment  des  fêtes  de  la  Pâque 
ou  quelques  jours  après.  Tout  ce  que  ses  disciples  éper- 
dus, qui  avaient  repris  précipitamment  le  chemin  de  la 
Galilée,  retinrent  de  ce  voyage,  qu'on  avait  entrepris  avec 
une  si  joyeuse  confiance  (naturellement  le  parti  pris  dog- 
matique de  l'Evangile  l'oblige  à  représenter  les  choses  tout 
autrement)  et  d'où  devait  dater  la  révolution  attendue, 
mais  qui  avait  été  interrompu  subitement  par  la  plus 
épouvantable  catastrophe,  tout  ce  qu'ils  en  retinrent  c'est 
que  le  procurateur  romain  qui  avait  donné  l'ordre  de  mettre 
Jésus  en  croix  s'appelait  Pontius  Pilatus.  Or,  ledit  per- 
sonnage administra  la  Judée  de  20  à  36  de  l'ère  chré- 
tienne ;  la  mort  de  Jésus  doit  être  placée  vers  30  ou  32. 
Nous  avons  le  devoir  de  considérer  comme  dépourvues  de 
toute  base  sérieuse  les  tentatives  qui  ont  été  faites  pour 
établir  une  chronologie  de  la  vie  de  Jésus  ou,  matière  plus 
délicate  encore,  pour  restituer  l'évolution  de  sa  pensée 
et  le  développement  de  ses  sentiments  religieux,  pour 
définir  le  processus  par  lequel  il  aurait  passé  avant  d'ar- 
river à  la  claire  conscience  de  sa  mission  réformatrice. 
Jésus  est  un  fils  du  prophétisme  hébreu,  non  dans  ce  que 
ce  dernier  a  parfois  de  dur  et  de  sévère,  mais  dans  son 
inspiration  la  plus  haute,  la  plus  tendre,  la  plus  suave,  en 
accusant  la  note  de  pitié  et  de  charité  par  laquelle  on  peut 
parler  au  cœur  de  l'humanité  entière  en  franchissant  les 
bases  que  posent  d'immuables  formules  rituelles.  «  Ce 
n'est  pas  évidemment  dans  l'ordre  de  la  pensée  que  Jésus 
a  pu  être  au-dessus  des  autres  hommes,  écrit  Havet.  Jésus 


139  -  JÉSUS 

n'est  pas  un  penseur  ;  il  n'a  pas  apporté  la  lumière  dans 
les  ténèbres.  Il  n'est  ni  un  philosophe,  ni  un  savant,  ni  un 
politique,  ni  un  capitaine,  ni  un  poète;  il  n'a  pu  rendre  à 
l'humanité  aucun  des  grands  services  que  lui  rendent  ces 
diverses  puissances  de  l'esprit.  Mais,  dans  les  limites  de 
ses  idées  et  de  ses  croyances,  Jésus  a  été  puissant  par  le 
cœur,  par  la  passion,  par  la  bonté.  Il  a  aimé  son  pays  et 
sa  religion  au  point  de  n'en  pouvoir  supporter  l'humilia- 
tion et  les  misères,  et  c'est  ce  qui  lui  a  fait  croire,  d'une 
foi  si  énergique,  à  un  lendemain  réparateur;  c'est  ce  qui  lui 
a  fait  prêcher  la  bonne  nouvelle  de  la  résurrection  de  son 
peuple. . .  Tout  ce  bien  qu'il  a  fait,  il  l'a  fait  à  la  condition 
de  souffrir  et  de  mourir...  Sa  vie  a  été  un  combat,  sans 
bruit  pourtant  et  sans  violence,  où  il  gardait  l'attitude 
humble  et  patiente  qui,  le  plus  souvent,  a  été  celle  du  juif 
opprimé.  Il  n'en  a  pas  moins  été  le  martyr  de  son  patrio- 
tisme et  de  son  amour  des  misérables  et  il  a  laissé  le  sou- 
venir d'une  existence  toute  d'élan  et  de  dévouement,  ter- 
minée par  une  mort  affreuse  sur  la  croix  ;  souvenir  assez 
touchant  et  assez  profond  pour  qu'après  sa  mort  qrelques- 
uns  aient  dit  :  Celui-là  n'a-t-il  pas  été  le  Christ  ?  et  qu'une 
fois  cela  dit,  on  Tait  cru  sans  peine.  Voilà  Jésus  tel  que 
nous  arrivons  à  le  ressaisir,  et  on  ne  peut  que  Faimer  et  le 
vénérer. » 

Après  avoir  remarqué  que,  «  au  moment  où  Jésus  est 
mort,  il  n'existait  encore  rien  de  ce  que  nous  appelons 
le  christianisme  »,  en  matière  tant  de  dogmes  que  de 
rites,  M.  Havet  exprime  l'avis  que  «  cet  accent  original 
qui  nous  frappe  dans  l'Evangile  tient,  en  grande  partie,  à 
ce  qu'il  ne  nous  reste  aucun  autre  écrit  composé  dans  le 
même  temps  et  dans  le  même  pays  »,  mais  qu'«  il  tient 
aussi  vraisemblablement  dans  une  certaine  mesure  à  l'âme 
même  de  Jésus,  dont  l'Evangile  porte  l'empreinte  ».  — 
«  Et  cette  âme,  conclut  Havet,  une  fois  fixée  dans  un  Hvre 
devenu  sacré,  est  passée  par  là  dans  ceux  qui  ont  vécu  de 
ce  livre.  C'est  la  part  de  Jésus  dans  le  christianisme,  part 
notable  et  qui  ne  lui  sera  point  ôtée,  quelque  difficile  qu'il 
soit  de  faire  exactement  le  triage  et  de  la  distinguer  tou- 
jours de  ce  qui  est  venu  d'ailleurs.  »  A  côté  de  ce  juge- 
ment de  la  libre  pensée,  qui  appelle  assurément  quelques 
réserves  parce  qu'il  accuse  trop,  à  notre  sens,  le  côté  poli- 
tique et  national  de  l'œuvre  de  Jésus,  on  pourrait  placer 
les  appréciations  d'autres  critiques  indépendants  qui,  après 
avoir  constaté  que  la  pauvreté  des  documents  s'oppose  à  ce 
qu'on  fixe  avec  netteté  l'image  de  Jésus,  reconnaissent  ce- 
pendant que  son  influence  personnelle  a  été  décisive  dans 
la  naissance  de  la  révolution  rehgieuse  qui  porte  son  nom. 


La  fondation  du  christianisme.  —  Au  lieu  de  voir  les 
cieux  s'ouvrir  pour  le  renouvellement  du  monde,  Jésus  a 
succombé  inopinément.  Héraut  et  prophète  du  règne  de 
Dieu,  il  n'a  pas  vu  se  réaliser  son  espoir,  mais  a  péri  par 
un  supplice  infâme,  apportant  sans  doute  dans  ce  dénoue- 
ment imprévu  de  sa  destinée  le  sentiment  de  résignation 
douloureuse  dont  l'histoire  de  ses  prédécesseurs  lui  offrait 
maint  exemple.  Les  amis,  qu'il  avait  groupés  autour  de  sa 
personne  et  de  sa  cause,  se  sont  dispersés  en  proie  à  l'effa- 
rement et  à  la  stupeur.  De  cette  tentative  avortée,  que 
peut-il  résulter?  Jésus,  d'ailleurs,  ne  s'est  pas  proposé  de 
fonder  une  religion  nouvelle  ou  même  de  réformer  le  ju- 
daïsme. Et  cependant,  quelques  années  plus  tard,  il  existe 
en  Palestine  un  groupe  considérable  de  personnes,  formant 
une  communauté  religieuse  distincte  du  judaïsme  et  se  sé- 
parant de  celui-ci  par  certaines  pratiques  et  surtout  par 
des  croyances,  au  premier  rang  desquelles  figure  la  recon- 
naissance de  Jésus  de  Nazareth  comme  étant  le  Messie,  le 
chef  de  l'économie  future  dont  l'avènement  est  renvoyé  à 
une  époque  indéterminée  bien  que  peu  éloignée,  —  Messie 
qui,  après  avoir  succombé  sur  la  croix,  a  été  prendre 
séance  par  la  résurrection  auprès  du  Tout-Puissant  et  doit 
en  revenir  pour  accomplir  cette  même  révolution,  à  laquelle, 
du  vivant  même  de  Jésus,  on  avait  aspiré.  Comment  cela 
s'est  fait,  c'est  ce  qu'il  s'agit  d'expliquer  au  moyen  de 


JESUS 


d40 


documents  qui,  malheureusement,  comme  c'était  le  cas 
pour  la  personne  môme  et  Tœuvre  de  Jésus,  sont  très 
insuffisants. 

Lorsque  le  groupe  des  amis  de  Jésus  se  retrouva,  quelques 
jours  après  la  catastrophe ,  sur  les  lieux  témoins  de  son 
action,  sur  les  bords  du  lac  de  Galilée,  une  question  an- 
goissante se  posa  devant  ces  consciences  candides,  devant 
ces  cœurs  bien  disposés.  Jésus  les  avait-il  trompés  en  se 
donnant  à  eux  comme  un  envoyé  de  Dieu?  s'étaient-ils 
trompés  eux-mêmes  en  lui  attribuant  cette  qualité  ?  La 
question,  —  et  cela,  semble-t-il,  sans  grande  hésitation,  — 
fut  résolue  d'une  façon  négative.  Oui,  Jésus  était  bien  un 
envoyé,  un  agent  de  la  divinité  chargé  de  préparer  l'avè- 
nement de  son  règne  glorieux.  Tout  attestait  cette  qualité 
—  excepté  le  supplice  qui  avait  terminé  sa  carrière  et 
semblait  avoir  brisé  son  œuvre  au  moment  du  succès. 
Restait  donc  à  voir,  si,  au  moyen  d'une  explication  trouvant 
son  appui  dans  les  Ecritures,  le  héraut  du  royaume  céleste 
pouvait  être  considéré  comme  ayant  succombe  au  supplice, 
ce  qui  entraînait  non  l'échec  définitif,  mais  seulement 
l'ajournement  des  espérances  attachées  à  sa  personne.  Or, 
de  l'idée  d'un  «  serviteur  de  Dieu  »,  d'un  prophète  exposé 
à  la  mauvaise  volonté  d'adversaires  obstinés  des  volontés 
divines,  on  arrivait  sans  grande  difficulté  à  celle  du  pro- 
phète succombant  sous  les  coups  des  méchants,  à  la  condi- 
tion toutefois  que  le  succès  de  ceux-ci  ne  fût  que  tempo- 
raire. Nous  avons  affaire  ici  à  des  hommes,  assurément 
dépourvus  des  raffinements  de  la  haute  culture,  mais  d'une 
réelle  intelligence.  Donc  Jésus  le  prophète,  après  son  sup- 
plice, n'avait  pas  manqué  d'être  recueilli  auprès  de  Dieu, 
qui  avait  magnifiquement  récompensé  son  dévouement  et 
l'avait  promu  aux  plus  grands  honneurs,  ceux  de  Maître 
ou  Seigneur  et  de  Messie.  «  Jésus  de  Nazareth,  homme 
désigné  par  Dieu  à  votre  intention  par  les  miracles,  les 
prodiges  et  les  signes  que  Dieu  a  opérés  par  son  moyen 
au  milieu  de  vous,  comme  vous  le  savez  bien,  ainsi  les 
Actes  font-ils  parler  l'apôtre  Pierre  dans  une  allocution 
aux  gens  de  Jérusalem,  ce  Jésus,  après  qu'il  vous  eût  été 
livré  selon  le  plan  déterminé  et  la  prescience  de  Dieu,  vous 
l'aviez  mis  à  mort  par  la  main  des  impies  en  le  clouant 
au  bois  ;  mais  Dieu  l'a  ressuscité  en  le  délivrant  des  étreintes 
de  la  mort...  Que  toute  la  maison  d'Israël  tienne  donc  pour 
certain  que  Dieu  a  constitué  comme  Seigneur  et  Christ 
(Messie)  ce  même  Jésus  que  vous  avez  crucifié.  »  Ce  qui 
avait  d'abord  paru  une  catastrophe  brisant  la  carrière  du 
maître  devint  bientôt  une  circonstance  utile  de  sa  vie, 
puis  le  point  d'aboutissement  nécessaire  et  voulu  de  Dieu 
de  toute  sa  carrière,  le  sacrifice  suprême  qui  assurait  le 
rachat  de  l'humanité.  Le  type  du  prophète  persécuté,  don- 
nant sa  vie  pour  le  bien  de  ses  frères,  n'était-il  pas  tracé 
dans  Isaïe  et  dans  les  Psaumes?  Jésus  ayant  été  élevé 
par  Dieu,  à  la  suite  de  son  supplice,  à  la  dignité  messianique, 
une  fusion  complète  se  fait  entre  la  notion  du  prophète  per- 
sécuté et  l'idée  du  Messie  triomphant  ;  c'est  une  seule  per- 
sonne, passant  des  épreuves  et  des  souffrances  à  la  gloire. 
Il  va  sans  dire  que  tous  les  traits  par  lesquels  l'Eglise  cor- 
rige et  précise  l'attitude  prise  par  son  fondateur,  sont 
bientôt  considérés  comme  remontant  à  lui-même,  notam- 
ment la  justification  de  sa  mort  ignominieuse  qu'on  l'a  vu 
annoncer  de  loin  et  dont  il  a  déclaré  à  l'avance  les  consé- 
quences. 

Ce  Jésus,  qui  est  ressuscité  et  que  le  Tout-Puissant  a 
installé  à  sa  droite  en  qualité  de  Christ  ou  Messie,  ne 
laisse  pas,  du  reste,  de  donner  à  ses  disciples  les  preuves 
de  sa  glorieuse  assomption;  il  leur  apparaît,  à  plusieurs 
reprises,  non  pas  comme  la  figure  de  la  personne  aimée 
apparaît  de  plus  en  plus  distincte  dans  la  rêverie  de 
ceux  qui  la  pleurent,  mais  par  une  sorte  de  nécessité  logique 
dont  l'effet  est  de  donner  pleine  confiance  aux  siens  et  de 
mettre  entre  leurs  mains  des  armes  invincibles,  confondant 
l'obstination  des  adversaires.  Cette  forme  première  d'une 
assomption  opérée  sans  témoins  subit  à  son  tour  une  trans- 
formation. On  est  en  mesure  d'affirmer,  ens'appuyantsurun 


texte  prophétique  d'Osée,  que  le  Christ  est  sorti  du  tombeau 
le  surlendemain  de  son  supplice,  soit  le  troisième  jour  en 
comptant  le  jour  de  la  crucifixion  pour  le  premier.  Du  ciel 
il  redescend  à  différentes  reprises  sur  la  terre  pour  se  faire 
voir  à  ses  disciples  et  leur  donner  d'utiles  instructions  ;  il 
se  sépare  définitivement  d'eux  par  une  ascension  publique 
qui  s'opère  sur  le  mont  des  Ohviers  à  Jérusalem.  En  réalité, 
Jésus  est  devenu  un  hôte  du  ciel  à  partir  de  sa  résurrection 
et,  même  postérieurement  à  son  ascension,  il  est  en  mesure 
d'apparaître  à  telle  personne,  comme  ce  fut  le  cas  pour 
saint  Paul.  Ces  apparitions,  aux  yeux  des  écrivains,  ne 
sont  pas  de  simples  visions,  mais  offrent  un  caractère  de 
réalité  incontestable.  Ajoutons  enfin,  pour  montrer  qu'il  y 
avait  là  les  éléments  d'une  nouvelle  communauté  religieuse, 
que  l'avènement  du  royaume  de  Dieu,  que  le  Messie  doit 
glorieusement  inaugurer,  est  ajourné  à  une  certaine  dis- 
tance, peut-être  l'espace  d'une  génération,  ce  qui  permettra 
l'exercice  d'une  propagande  fructueuse. 

Use  constitue  ainsi  un  judaïsir.e  réformé,  dont  les  membres 
furent  désignés  par  les  Juifs  de  l'observance  traditionnelle 
conime  Nazaréens^  c.-à-d.  partisans  de  Jésus  de  Naza- 
reth et  par  les  gens  de  culture  grecque  et  romaine  comme 
chrétiens,  c.-à-d.  sectateurs  du  Christ  ou  du  Messie. 
Ce  judaïsme  réformé  se  distingue  de  la  masse  de  ses  com- 
patriotes et  coreligionnaires  parce  qu'il  déclare  reconnaître 
en  Jésus  de  Nazareth  le  Messie  annoncé  par  les  prophètes; 
mais  cette  seule  différence  est  assez  marquée  pour  que  le 
conflit  entre  les  deux  groupes  prenne  des  proportions  de  plus 
en  plus  grandes.  En  effet,  les  chrétiens  tendent  à  relever  le 
Christ  Jésus  à  un  tel  degré  qu'ils  semblent,  dans  la  pensée 
du  judaïsme  orthodoxe,  attenter  à  la  majesté  divine.  C'est 
un  sentiment  dont  nous  avons  relevé  la  trace  à  différentes 
reprises  dans  l'Evangile  de  Marc,  en  y  signalant  un  spécimen 
des  arguments  polémiques  qu'échangeaient  juifs  et  chré- 
tiens à  l'époque  de  sa  composition.  Il  faut  donc  que  les 
deux  communautés,  après  un  temps  plus  ou  moins  long 
d'indivision,  opèrent  franchement  leur  séparation,  l'une  se 
cristallisant  dans  le  ritualisme,  l'autre  s'ouvrant  de  plus  en 
plus  au  monde  païen,  dont  la  conquête  lui  offre  un  magni- 
fique avenir.  Au  point  de  vue  de  la  direction,  la  jeune 
Eglise  se  groupe  autour  des  principaux  disciples  de  Jésus, 
Pierre,  Jacques,  Jean,  et,  d'une  manière  générale,  autour 
des  «  douze  »,  considérés  comme  l'autorité  suprême  et 
qui  forment  pour  la  première  fois  une  sorte  de  collège.  Au 
point  de  vue  du  rite,  on  met  en  vedette  deux  pratiques, 
celle  du  baptême,  empruntée  à  Jean-Baptiste,  qu'on  trans- 
forme en  en  faisant  une  cérémonie  d'introduction  dans  le 
groupe  chrétien  et  d'adhésion  au  Christ,  et  celle  de  la 
sainte  Cène  ou  Pâque  chrétienne,  qui  est  la  commémoration 
du  dernier  repas  du  Seigneur.  Tout  cela  est  fort  mal  ex- 
pliqué dans  le  Hvre  des  Actes  des  Apôtres,  qui  transporte 
les  débuts  de  l'Eglise  chrétienne  de  Galilée  à  Jérusalem  et 
qui,  méconnaissant  de  la  plus  étrange  manière  le  caractère 
des  manifestations  psychiques  connues  sous  le  nom  de  glos- 
solalie  ou  don  des  langues,  imagine  une  merveilleuse  effu- 
sion de  l'esprit  divin  lors  de  la  fête  juive  de  la  Pentecôte 
(ou  semaines)  qui  commémorait  le  don  de  la  loi  au  Sinaï  ; 
encore  une  cérémonie  du  judaïsme,  qui  perd  sa  signification 
traditionnelle  pour  s'adapter  aux  besoins  nouveaux.  Au 
règne  de  la  loi,  figée  dans  son  texte  immuable,  se  substitue 
la  liberté  de  l'esprit,  qui  inspire  les  fidèles  de  la  nouvelle 
économie. 

Cette  manifestation,  survenue  cinquante  jours  après  la 
mort  de  Jésus,  est  manifestement  apocryphe,  de  même 
que  la  nomination  d'un  douzième  apôtre  pour  remplacer 
le  traître  Judas  dans  le  collège  directeur.  Ce  ne  fut  cer- 
tainement qu'au  bout  de  quelques  années,  lorsque  la  foi 
en  Jésus  le  Christ  se  trouva  assurée  dans  la  région  ga- 
liléenne,  que  les  disciples  du  Maître  crucifié  tentèrent  de 
plaider  leur  cause  dans  la  capitale.  Ils  y  obtinrent  assez 
de  succès  pour  que  Jérusalem  devînt  bientôt  la  métropole 
du  christianisme  et  comptât  dans  ses  murs  les  principaux 
chefs  de  la  nouvelle  communauté.  La  tension  entre  chré- 


—  141  — 


JESUS 


tiens  et  juifs  ayant  été  portée  à  son  suprême  degré  par  la 
façon,  de  plus  en  plus  dégagée,  dont  les  adhérents  de  Jésus 
parlaient  de  la  loi  et  des  pratiques  rituelles,  notamment 
par  le  langage  hardi  d'un  certain  Etienne  ou  Stéphane  qui 
appartenait  à  la  catégorie  des  diacres  ou  serviteurs,  il  se 
produisit  des  actes  de  violence.  Stéphane  est  traduit  devant 
le  sanhédrin  et  lapidé  comme  blasphémateur  ;  les  chrétiens 
deviennent  l'objet  de  mesures  rigoureuses  et  l'on  cite  parmi 
ceux  qui  leur  firent  le  plus  de  mal  un  certain  Saul  ou  Paul, 
qui  devait  devenir  par  la  suite  le  plus  fervent  propagateur 
de  la  doctrine  évangélique.  Il  contribua,  par  son  incroyable 
énergie  et  ses  qualités  supérieures  de  décision  et  d'intelli- 
gence, à  briser  les  dernières  attaches  qui  rivaient  le  chris- 
tianisme à  la  cause  du  judaïsme  et  à  ouvrir  ainsi  largement 
le  monde  de  langue  et  de  civilisation  grecque  à  la  doctrine 
de  Jésus,  fidèle  en  cela,  non  à  l'intention  directement  expri- 
mée du  maître  qui  ne  s'était  rien  proposé  de  pareil,  mais 
aux  tendances  libérales  qui  avaient  toujours  inspiré  sa  pa- 
role et  ses  actes.  —  On  peut  considérer  le  christianisme 
comme  ayant  été  réellement  constitué  dans  ses  éléments 
essentiels  quelques  années  à  peine  après  le  supplice  de  Jésus 
de  Nazareth.  Notre  tâche  s'arrête  ici,  parce  que  nous  ne 
nous  proposons  pas  de  raconter  à  cette  place  l'histoire  de 
l'Eglise  chrétienne,  d'exposer  les  crises  qu'elle  a  traversées 
et  l'évolution  doctrinale  qui  s'est  produite  dans  son  sein, 
mais  simplement  de  montrer  que  son  point  de  départ  et  sa 
raison  d'être  sont  bien  à  chercher  dans  la  personne  et  dans 
l'œuvre  de  Jésus  de  Nazareth. 

Historique  des  essais  sur  la  vie  de  Jésus.  —  Il  nous 
reste,  pour  achever  cette  notice,  à  donner  quelques  indi- 
cations sur  les  travaux  récemment  consacrés  à  la  per- 
sonne du  fondateur  du  christianisme.  Ce  n'est  qu'au 
xviii®  siècle  qu'on  chercha,  pour  la  première  fois,  à  se  repré- 
senter Jésus  comme  un  fondateur  de  rehgion,  ayant  cher- 
ché à  atteindre  son  but  par  des  moyens  appropriés.  Mais 
cette  tentative,  subordonnée  à  des  préoccupations  polémiques 
avouées,  ne  pouvait  donner  que  de  médiocres  résultats. 
M.  Sabatier  résume  en  bons  termes  cette  phase  des  études 
religieuses  :  «  La  critique  moderne  débuta  par  des  écrits 
hostiles.  A  la  foi  crédule  des  âges  passés,  le  xviii"^  siècle 
répondit  par  une  incrédulité  passionnée.  En  France  cepen- 
dant, Voltaire  fut  bien  plus  mesuré  que  les  rationahstes 
allemands.  On  fit  de  Jésus  un  politique  ambitieux,  dont  la 
conspiration  n'avait  pas  réussi.  C'est  ainsi  que  Reimarus, 
dans  les  fameux  Fragments  de  Wolfenbûtiel,  édités 
d'abord  parLessing  (1777),  interprétait  sa  vie,  son  ensei- 
gnement et  sa  destinée.  Moins  important  est  le  roman  de 
Venturini,  où  tout  le  surnaturel  des  récits  évangéliques  est 
expliqué  par  la  complicité  de  quelques  amis  intimes,  aidant 
le  Christ  à  mystifier  le  peuple  et  ses  propres  disciples  [Na- 
tûrliche  Geschichte  des  grossen  Propheten  von  Naza- 
reth, 1800).  L'utilité  de  ces  deux  ouvrages  fut  du  moins 
de  poser  le  problème  et  de  le  poser  nettement  sur  le  ter- 
rain de  l'histoire.  Il  était  dans  le  goût  du  xviii®  siècle  d'ex- 
pliquer l'origine  des  religions  par  une  duperie  politique. 
Cette  théorie  ne  pouvait  pas  ne  pas  être  appliquée  au  chris- 
tianisme. »  L'œuvre  capitale  qui,  après  une  longue  période 
de  tâtonnements,  inaugure  l'application  d'une  critique 
rigoureuse  aux  faits  de  l'histoire  évangélique,  est  le  livre  de 
Strauss  :  DasLeben  Jesu,  kritisch  bearbeitet  (1835),  ce 
qui  peut  se  traduire  en  français  par  Examen  critique  de 
la  vie  de  Jésus  (traduction  en  notre  langue  par  Littré). 
«  L'exposition,  dit  M.  Sabatier,  y  est  munie  d'une  immense 
érudition,  qu'un  style  clair  et  facile  rend  accessible  à  tout 
esprit  cultivé.  On  peut  lui  reprocher  une  assez  fatigante 
monotonie.  Le  procédé  littéraire,  toujours  le  même  dans 
chaque  chapitre,  laisse  trop  voira  l'avance  le  résultat  uni- 
forme où  tend  la  discussion.  L'auteur  se  met  tour  à  tour 
au  point  de  vue  de  l'interprétation  rationaliste  et  de  l'in- 
terprétation supra-naturaHste,  et  montre  combien  elles  sont 
intenables.  Alors  vient  comme  nécessaire  et  irrésistible 
l'explication  par  le  mythe.  Nos  Evangiles  ne  sont  point  des 


documents  historiques,  mais  le  produit  de  la  légende  popu- 
laire, d'une  mythologie  inconsciente,  dans  laquelle  la  cons- 
cience chrétienne  primitive  reflétait  naïvement  son  propre 
contenu.  »  En  d'autres  termes,  au  lieu  d'expliquer  le  sur- 
naturel évangélique  par  des  méprises  et  des  exagérations 
qui  permettent  de  les  ramener  aux  conditions  de  la  réalité 
(système  des  vieux  rationalistes)  ou  par  l'intervention 
d'une  puissance  supérieure  (système  supra-naturaliste), 
Strauss  se  propose  d'en  rendre  compte  en  montrant  qu'on 
a  transporté  sur  la  personne  d'un  prophète  du  nom  de  Jé- 
sus de  Nazareth  tout  ce  que  l'opinion  populaire  attendait  du 
Messie.  Enlevez  de  l'Evangile  la  mythologie  messianique 
superposée  à  la  personne  réelle  de  Jésus  de  Nazareth,  il  ne 
restera  rien  ou  pas  grand'chose.  L'analyse  critique  entre- 
prise par  Strauss  aboutit  ainsi  à  un  résultat  purement  né- 
gatif. Fondée  sur  une  remarque  profondément  vraie,  à  sa- 
voir que  la  communauté  chrétienne  a  appliqué  à  la  personne 
de  son  fondateur  tout  ce  qu'on  attendait  du  Messie  et  que, 
sur  un  fond  assez  pauvre,  s'est  ainsi  élevée  une  construc- 
tion d'un  caractère  tendanciel,  la  Vie  de  Jésus  de  Strauss 
pèche  par  une  appréciation  insuffisante  de  la  composition 
et  du  rapport  mutuel  des  quatre  Evangiles, qui  adonné  oc- 
casion à  la  critique  semi-conservatrice  allemande  de  con- 
tester sa  haute  valeur  et  de  déplacer  le  débat  en  le  trans- 
portant du  terrain  des  faits  sur  celui  des  textes.  Strauss, 
du  reste,  avait  quelque  peu  compromis  sa  thèse  en  semblant 
la  rendre  solitaire  d'une  théorie  tout  hégélienne  sur  l'idée 
de  l'Homme-Dieu,  dans  laquelle  il  démontrait  que  «  le  vrai 
fils  de  Dieu,  qui  naît  du  Saint-Esprit,  qui  fait  des  miracles, 
meurt  et  ressuscite  glorifié,  c'est  l'humanité  elle-même,  que 
c'est  elle  seule  qui  réalise  le  dogme  chrétien,  car  il  n'est 
pas  dans  la  nature  des  choses  que  l'idée  absolue  épuise  sa 
richesse  dans  un  individu;  il  y  faut  l'espèce  tout  entière  ». 
En  somme,  nous  tenons  la  première  Vie  de  Jésus  pour  une 
œuvre  de  premier  ordre,  qui  domine  encore  la  matière  :  la 
non-historicité  foncière  des  Evangiles  y  a  été  établie  pour 
la  première  fois  avec  toutes  les  ressources  d'une  science 
exacte  et  d'une  logique  implacable.  A  trente  ans  de  dis- 
tance, jaloux  des  lauriers  cueillis  par  Renan,  Strauss  a 
voulu  refaire  son  travail  en  adoptant  une  disposition  diffé- 
rente ;  il  a  donné  ainsi  une  vie  populaire  de  Jésus  {Das 
Leben  Jesu  fur  das  deutsche  Volk  bearbeitet,  1864). 
Dans  la  préface  de  la  traduction  française,  publiée  par  les 
soins  de  Nefftzer  et  DolKus, on  lit  les  indications  suivantes: 
«  Cette  Nouvelle  Vie  de  Jésus  est  par  le  plan,  la  méthode 
et  les  résultats,  absolument  distincte  du  premier  ouvrage 
du  même  auteur...  La  première  Vie  de  Jésus  recevait  de 
son  plan  des  apparences  toutes  négatives.  Elle  était  pure- 
ment analytique  et,  après  avoir  décomposé  les  éléments 
légendaires  des  récits  évangéliques,  elle  avait  négligé  de 
recomposer  dans  leur  ensemble  les  éléments  positifs  et 
historiques.  Elle  avait  nettoyé  le  tableau,  mais  elle  ne  l'avait 
pas  montré.  Aussi  les  esprits  superficiels  conclurent-ils  que 
le  tableau  lui-même  avait  disparu.  M.  Strauss  l'avait  res- 
tauré; il  passa  pour  l'avoir  détruit...  La  Nouvelle  Vie  de 
Jésus  répond  d'une  manière  complète  aux  deux  faces  du 
programme  :  elle  est  à  la  fois  absolument  analytique  et  ab- 
solument synthétique.  L'analyse  ne  néglige  aucune  parcelle 
des  récits  évangéliques;  la  synthèse  réunit  tout  ce  que 
l'analyse  a  découvert  de  substance  historique  et  n'y  ajoute 
aucune  hypothèse.  L'esquisse  historique  de  la  vie  de  Jé- 
sus, qui  est  la  première  partie  de  l'ouvrage,  est  l'ensemble 
des  notions  positives  contenues  dans  les  Evangiles  sur  la 
personne,  les  vues  et  les  idées  du  fondateur  du  christia- 
nisme. Cet  ensemble  ne  restitue  pas  une  figure  et  une  vie 
complète.  L'auteur  se  contente  de  coordonner  ce  qu'il  a 
trouvé  et  ne  se  préoccupe  pas  de  compléter  des  données  in- 
complètes par  des  conjectures  arbitraires.  »  Quel  que  soit  le 
très  grand  mérite  scientifique  de  cette  œuvre,  il  nous  est 
impossible  de  la  considérer  comme  donnant  le  dernier  mot 
de  la  question,  l'analyse  critique  n'étant  malheureusement 
pas  dominée,  chez  Strauss,  par  un  jugement  ferme  sur  la 
genèse  et  le  véritable  sens  des  documents  évangéliques. 


JESUS 


-  i42  - 


Renan   venait,  pour  sa  part,  de  remuer  l'opinion  et 
d'obtenir  un  extraordinaire  succès  de  curiosité  par  sa  Vie 
de  Jésus  (4863),  premier  volume  d'une  Histoire  des  ori- 
gines du  christianisme.  «  Alors  que  chez  Strauss,  dit 
M.  Sabatier,  il  devenait  à  peu  près  impossible  de  dire  s'il 
restait  autre  chose  de  l'histoire  que  le  fait  abstrait  de  l'exis- 
tence de  Jésus  de  Nazareth,  sa  vie  prenait  chez  M.  Renan 
les  couleurs  vives,  les  arêtes  saillantes,  le  relief  d'une  his- 
toire moderne.  Que  l'historien-poète  ait  poussé  trop  loin  et 
jusqu'au  romanesque  ce  goût  de  peinture  précise  et  vivante, 
il  n'en  faut  pas  douter.  Mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai 
qu'il  avait  eu  l'intuition  d'une  vie  humaine  intense,  origi- 
nale, profonde,  que  l'analyse  des  documents  évangéliques 
avait  fait  apparaître.  La  réalité  triomphait  du  mythe... 
M.  Renan  a  établi  trois  périodes  dans  la  vie  active  de  Jésus. 
La  première  est  celle  de  l'idylle  galiléenne,oti  Jésus  appa- 
raît comme  un  doux  et  pieux  rabbin,  prêchant  la  pure  reli- 
gion de  l'esprit.  Puis,  entraîné  par  ses  propres  succès,  par 
l'enthousiasme  de  ses  disciples,  il  consent  à  se  laisser  nom- 
mer fils  de  David  et  se  prête,  moitié  sincèrement,  moitié  par 
complaisance,  au  rêve  de  ses  amis.  Enfin,  il  entre  en  lutte 
avec  la  hiérarchie,  s'exalte  et  se  livre  entièrement  aux  espé- 
rances apocalyptiques  d'un  prochain  retour  triomphant  et 
de  l'établissement  politique  du  règne  de  Dieu.  »  Il  est  fort 
remarquable  que  Renan  se  trouve  avoir  subi  dans  une  très 
faible  mesure  l'influence  de  la  logique  impitoyable  et  de  la 
théorie  mythique  de  Strauss,  pour  ressusciter  bon  nombre 
des  thèses  de  la  critique  du  xviii®  siècle  et  du  vieux  ratio- 
nahsme  du  commencement  de  ce  siècle.  Au  fond,  il  se  pro- 
pose de  combiner  dans  une  même  figure  un  type  de  mys- 
tique chrétien  du  moyen  âge  et  un  type  de  réformateur  à 
la  façon  musulmane  et  orientale.   Parfaitement  renseigné 
sur  les  travaux  de  la  critique  appliquée  aux  Evangiles'J  il 
se  refuse  à  accepter  leurs  dernières  conséquences  logiques 
parce  qu'il  sacrifierait  ainsi  les  éléments  indispensables  à 
la  restitution  qu'il  tente.  Après  avoir  fait  les  plus  expresses 
réserves  sur  ces  différents  points,  nous  louerons  hautement 
Renan  à  deux  égards  :  c'est  la  vie  d'un  homme,  non 
d'un  personnage  surnaturel  au  vieux  sens  orthodoxe  ou  au 
sens  plus  raffiné  de  la  critique  protestante, — qui  pose  comme 
un  a  priori  la  sainteté  morale,  «  l'anamartésie  »  du  fonda- 
teur du  christianisme,  —  qu'il  prétend  écrire  ;  ce  n'est  pas 
un  être  abstrait,  un  Dieu  incarné  ou  un  Idéal  moral  qu'il 
veut  peindre,  mais  «  un  homme  en  chair  et  en  os,  sem- 
blable à  nous  par  ses  faiblesses  et  par  ses  élans  »  (Saba- 
tier), et  il  s'est  acquitté  de  sa  tâche  avec  une  décision  que 
rien  n'a  fait  fléchir,  ramenant,  en  réalité,  pour  la  première 
fois,  Jésus  du  ciel  sur  la  terre.  Là  est  le  premier  et  le  plus 
grand  mérite  de  l'œuvre  ;  le  second  est  d'avoir  restitué, 
avec  une  exactitude  et  une  conscience  admirables,  le  milieu 
géographique,  politique,  social  et  religieux  où  se  meut  la 
personnalité  du  fondateur  du  christianisme.  Par  là,  l'his- 
toire sacrée  a  été  encadrée  définitivement  dans  l'histoire 
profane,  et  l'avènement  du  christianisme  est  devenu  un 
chapitre  de  l'histoire  générale  du  développement  de  la  civili- 
sation au  lieu  de  le  briser  par  l'intrusion  d'un  élément  d'un 
autre  ordre  au  milieu  des  facteurs  d'ordre  humain.  A  titre 
d'œuvre  très  estimable  et  conçue  avec  autant  d'indépen- 
dance respectueuse  que  de  hardie  pénétration,  nous  citerons 
les  Evangiles  de  G.  d'Eichthal  (4*863),  dont  l'auteur  a  tracé 
d'après  ce  qu'il  estime  être  l'Evangile  primitif  une  esquisse 
de  l'œuvre  de  Jésus.  —  Se  rattachant  à  la  tradition  du 
xviii®  siècle,  mais  la  transformant  grâce  à  un  sens  très  haut 
de  la  valeur  morale  et  religieuse  du  christianisme,  Havet 
a  donné  à  son  tour,  dans  le  tome  quatrième  du  Christia- 
nisme et  ses  origines  (4884),  une  «  critique  des  récits  sur 
la  vie  de  Jésus  »,  qui  est  un  modèle  de  logique  et  témoigne 
d'une  rare  vigueur  intellectuelle.  C'est  assurément,  à  l'heure 
actuelle,  ce  qui  a  été  écrit  de  plus  solide  sur  la  personne 
et  l'œuvre  du  fondateur  du  christianisme,  bien  que  l'au- 
teur fasse  trop  grande  la  part  des  préoccupations  stricte- 
ment politiques  et  nationales  dans  l'espérance  messianique 
(V.  Messie).  Renan  a  rendu  hommage  à  l'œuvre  de  Havet 


dans  le  jugement  suivant  :  «  Havet  sera  cité  dans  des  siècles 
pour  avoir,  le  premier,  jeté  sur  les  problèmes  qui  ont  le 
plus  troublé  les  âmes  quelques  mots  justes,  fermes  et  froids. . . 
Le  livre  des  Origines  du  christianisme,  qui  ne  traite 
qu'un  côté  du  sujet,  le  traite  d'une  façon  définitive;  c'est 
un  livre  inflexible.  » 

Du  côté  catholique,  il  n'y  a  rien  à  citer  comme  essai 
de  tenir  compte  des  exigences  de  la  critique  moderne, 
sinon  l'effort  fait  par  d'habiles  écrivains,  tels  que  l'abbé 
Fouard  et  le  P.  Didon  (1880  et  4894),  pour  replacer  la 
figure  de  Jésus  dans  le  cadre  des  mœurs  de  son  temps  et 
de  la  géographie  palestinienne.  C'est  le  cas  aussi  pour 
M.  de  Pressensé  (4866)  qui  représente  l'orthodoxie  pro- 
testante. Le  protestantisme  cependant  a  produit  sur  ce 
point  une  série  d'œuvres  d'une  réelle  importance,  qui  repo- 
sent sur  les  plus  solides  connaissances  historiques  et  phi- 
lologiques, mais  elles  sont  plus  à  leur  place  dans  l'histoire 
des  études  bibUques  (V.  Evangile).  Le  mérite  de  la  critique 
enseignée  dans  les  grandes  écoles  théologiques  de  la  Ré- 
forme, en  Allemagne  et  en  Hollande  particulièrement,  a 
été  de  conduire  la  question  de  la  composition  et  de  l'ori- 
gine des  Evangiles  jusqu'à  sa  maturité;  malheureusement, 
au  moment  de  conclure,  le  courage  a  manqué,  parce  que 
la  portion  d'élément  historique  à  sacrifier  a  paru  trop  con- 
sidérable. Des  œuvres  très  estimables,  telles  que  celles  de 
Schenkel,  de  Keim  et  d'autres  encore,  n'aboutissent  qu'à 
reconstituer  une  figure,  qui  flotte  entre  la  réalité  et  la  théo- 
rie, parce  qu'on  cherche  moins  en  Jésus  le  réformateur  reli- 
gieux qui  a  agi  dans  un  miHeu  et  à  un  moment  donnés,  que 
ridéal  moral  fait  homme;  de  la  déité  métaphysique  qu'on 
abandonne,  on  est  passé  à  un  Absolu  dans  l'ordre  de  la 
conscience,  et,  au  point  de  vue  de  la  pure  histoire,  cela  ne 
vaut  pas  beaucoup  mieux.  Cette  obsession  du  point  de  vue 
dogmatique  n'est,  nulle  part,  plus  sensible  que  dans  le  tra- 
vail où  Colani  ramène  l'espérance  messianique  chez  Jésus  à 
une  conception  purement  spirituelle  et  éthérée  {Jésus-Christ 
et  les  croyances  messianiques  de  son  temps,  4864). 
Nous  avons  établi  tout  ce  que  ces  procédés  avaient  d'inac- 
ceptable dans  notre  Histoire  des  idées  messianiques 
(4874).  Le  travail  qui  peut  donner  l'idée  la  plus  favorable 
des  résultats  auxquels  parvient  la  critique  protestante  in- 
dépendante, résolue  à  faire  de  sérieuses  concessions  aux 
exigences  de  la  recherche  historique  et  httéraire,  est  l'art. 
Jésus-Christ  donné  par  M.  Sabatier  à  VEncyclopédie  des 
sciences  religieuses  de  Lichtenberger  (4880,  t.  VIII). 
Nous  avons  montré  par  quelques  emprunts  l'estime  que  nous 
en  faisons.  —  Le  judaïsme  n'a  pas  produit  d'œuvres  d'une 
réelle  originalité  sur  la  personne  de  Jésus.  Nous  signalerons 
V Histoire  des  Juifs  de  Graetz(t.II  de  l'éd.  française),  où 
Ion  cherche  à  rattacher  Jésus  à  l'essénisme,  vue  qui,  après 
avoir  été  proposée  oar  quelques  écrivains  protestants,  a 
été  abandonnée  décidément  par  la  critique  la  plus  récente, 
l'œuvre  du  fondateur  du  christianisme  n'ayant  en  commun 
avec  la  secte  en  question  que  des  analogies  tout  extérieures. 

Maurice  Vernes. 
Fidèles  compagnes  de  Jésus.  —  Enseignement  : 
436  religieuses,  7  maisons. 

Filles  de  Jésus.  —  Education  des  filles  du  peuple  et 
soin  des  malades,  soit  à  domicile,  soit  dans  les  hospices  : 
444  filles,  78  maisons,  2  maisons  mères. 

Sœurs  de  Jésus.  —  43  sœurs,  4  maison.  —  Autre 
congrégation  du  même  nom  :  27  sœurs,  2  maisons. 
Ursulines  de  Jésus.  —  674  religieuses,  45  maisons. 
Prêtres  de  Jésus  et  de  Marie  (V.  Eudistes). 
Religieuses  de  Jésus-Marie.  — Education  des  filles 
de  toutes  les  classes  :  96  rehgieuses,  4  maisons. 

Congrégations  diverses  de  l'Enfant- Jésus  (V.  En- 
fant-Jésus). 

Ordre  de  Jésus- Christ.  —  Institué  à  Avignon 
(44  mars  4349)  par  le  pape  Jean  XXH.  L'insigne  des  che- 
valiers était  une  croix  d'or  pleine,  émaillée  de  rouge,  enfer- 
mée dans  une  autre  croix  enrichie  d'or.  L'établissement  de 


-  143  - 


JESUS  —  JET 


cet  ordre  militaire  avait  été  sollicité  par  Denis,  roi  de  Por- 
tugal, pour  combattre  les  mahomètans. 

Ordre  de  Jésus-Maria.  —  Créé  en  4615,  par  le  pape 
Paul  V,  dans  le  dessein  de  défendre  les  intérêts  de  l'Eglise 
contre  les  infidèles  et  les  hérétiques,  en  organisant  une 
légion  de  chevaliers  armés  à  cet  effet.  Il  était  composé  de 
trente-trois  grands  prieurs  ou  grands- croix  en  l'honneur 
des  trente-trois  années  que  vécut  Jésus-Christ  sur  la  terre. 
Ces  grands-croix  étaient  envoyés  dans  les  villes  de  l'Etat 
ecclésiastique  pour  y  exercer  la  justice  dans  tous  les  diffé- 
rends religieux.  Les  chevaliers  de  grâce  étaient  tenus  en 
temps  de  guerre  d'équiper  un  cavalier  à  leurs  frais.  Tous 
les  membres  portaient  une  croix  semblable  à  celle  de  Malte 
où  se  trouvaient  entrelacées  les  lettres  J.  H.  S. 

BiBL.  :  F.  Strauss,  Das  Leben  Jesu,  kritisch  bearbei- 
tet,  1835  (traduction  française  par  Littré).  —  Du  même,  Das 
Leben  Jesu  fur  das  deutsche  Volk  bearbeitet,  1865  (traduc- 
tion française  par  Neiîtzer  et  Dollfus).  —  E.  Renan,  Vie  de 
Jésus;  Paris,  1863.  —G.  d'Eichtoal,  les  Evangiles;  Paris, 
1863.  —  E.  Havet,  le  Christianisme  et  ses  origines;  Paris, 
1884,  t.  UL  —  E.  DE  Pressensé^  Jésits-C/irisf,  son  temps, 
sa  uie,  son  œuvre;  Paris,  1864.  —  T.  Colani,  Jésus-Christ 
et  les  croyances  messianiques  de  son  temps;  Paris,  1864. 
—  M.  Vernes,  Histoire  des  idées  messianiques  ;  Paris, 
1874.  —  A..  Sabatier,  Jésus-Christ  ;  Paris,  1880  (dans 
VEncyclopédie  des  Sciences  religieuses  de  Lichtenberger, 
t.  VIII).  -—  FouARD,  Vie  de  N.-S.  Jésus-Christ;  Paris, 
1880.  —  P.  DiDON,  Jésus-Christ;  Paris,  1890,  2  vol.  —  La 
Foi  en  la  divinité  de  Jésus;  Paris,  1893,  in-12. 

JÉSUS,  fils  de  Sirach,  ou  plutôt  de  Sira,  juif  du  second 
siècle  avant  notre  ère,  auteur  d'un  précieux  traité  moral 
écrit  en  hébreu,  qui  fut  traduit  ultérieurement  en  grec  par 
son  petit-fils,  du  même  nom,  établi  en  Egypte,  et  a  été 
admis  dans  le  recueil  des  livres  sacrés  selon  le  catalogue 
des  Septante,  où  il  figure  sous  le  nom  d'Ecclésiastique 
(V.  ce  mot)  ou  de  Sagesse  de  Jésus,  fils  de  Sirach,  Indé- 
pendamment de  son  intérêt  pour  la  connaissance  des  doc- 
trines, des  mœurs  et  des  préoccupations  de  l'époque,  ce 
livre  offre  cette  particularité  qu'il  déclare  ouvertement  le 
nom  de  son  auteur  et  échappe  aux  conditions  d'anonymat 
ou  de  pseudonymat,  qui  rendent  si  difficile  l'étude  de  la 
littérature  de  l'époque. 

J  ET.  Hydraulique. — On  appelle  ainsi  la  colonne  liquide 
lancée  verticalement  à  travers  un  orifice  alimenté  par  l'eau 
d'un  réservoir  très  élevé  ;  le  panache  gracieux  qui  s'épa- 
nouit à  son  sommet  et  retombe  en  poussière  liquide,  l'a  fait 
employer  depuis  les  temps  les  plus  reculés  pour  décorer 
les  cours  et  les  jardins  et  y  entretenir  la  fraîcheur  ;  on  en 
a  découvert  dans  les  maisons  riches  de  Pompéi,  et  on  en 
trouve  dans  presque  toutes  les  habitations  de  l'Orient.  La 
forme  la  plus  simple  est  celle  d'un  jet  unique  placé  au  mi- 
lieu d'un  bassin  circulaire  ;  l'un  des  plus  célèbres  de  ce 
genre  est  le  jet  du  parc  de  Saint-Cloud  dont  la  hauteur 
atteint  42  m.;  c'est  du  reste  une  exception  très  coûteuse 
en  raison  de  l'énorme  dépense  d'eau  qu'elle  entraine,  sur- 
tout lorsqu'il  faut  élever  cette  eau  mécaniquement  dans  le 
réservoir  d'alimentation,  comme  à  Versailles  dont  les 
grandes  eaux  consomment  7,000  m.  c.  élevés  à  150  m. 
de  hauteur.  La  gerbe  du  Palais-Royal  débite  82  m.  c. 
par  heure,  celles  du  rond-point  des  Champs-Elysées  dé- 
bitent 70  m.  c.  La  fontaine  du  square  Louvois  débite 
32  m.  Ces  débits  considérables,  possibles  lorsqu'on  dispose 
de  grandes  quantités  d'eau  pour  les  services  pubHcs,  sont 
loin  d'être  atteints  dans  la  plupart  des  villes  de  province  ; 
mais  on  obtient  déjà  des  effets  décoratifs  suffisants  avec 
des  débits  de  5  à  10  m.  c.  à  l'heure.  L'alimentation  des 
fontaines  à  jets  multiples  nécessite  des  dispositions  spéciales 
de  chacun  des  jets.  En  général,  c'est  par  le  groupement 
des  jets,  dont  on  fait  varier  la  section  et  l'inclinaison,  que 
l'on  réalise  les  fontaines  décoratives  et  les  pièces  d'eau 
dont  Le  Nôtre  et  Mansard  ont  fait  un  si  magnifique  em- 
ploi. Les  lois  de  l'hydrauMque  apprennent  qu'il  faut  donner 
aux  tuyaux  une  très  grande  section  par  rapport  à  celle 
des  orifices  d'écoulement  ;  l'eau  doit  s'y  mouvoir  avec  une 
vitesse  très  faible  afin  d'éviter  les  pertes  de  charge  dues 
aux  frottements,  pertes  qui  réduiraient  dans  une  grande 


proportion  la  hauteur  des  jets.  Par  la  même  raison,  les 
gerbes  doivent  être  alimentées  par  deux  tuyaux,  dont  l'un 
est  réservé  pour  le  jet  central  ;  l'autre  débouche  dans  une 
boîte  qui  enveloppe  concentriquement  la  partie  redressée  du 
premier  tuyau.  C'est  dans  le  couvercle  de  cette  boîte  que 
sont  percés  les  orifices  dont  les  inclinaisons  et  les  paraboles 
d'écoulement  sont  calculées  au  moyen  des  formules  de 
l'hydraulique. 

Les  données  qui  permettent  de  se  rendre  compte  de  la 
hauteur  à  laquelle  peut  parvenir  un  jet  d'eau  jaillissant 
par  un  ajutage  déterminé  sont  l'objet  de  détails  intéres- 
sants dans  les  traités  spéciaux  sur  cette  matière.  Bornons- 
nous  à  dire  que  la  hauteur  verticale  du  jet  est  sensiblement 
égale  à  celle  qu'on  obtient  en  déterminant  la  hauteur  pié- 
zométrique,  c.-à-d.  la  charge  effective  représentée  par  la 
distance  verticale  du  centre  de  l'orifice  d'écoulement  jus- 
qu'à la  surface  du  liquide  à  l'origine  de  la  conduite,  et  en 
retranchant  de  la  valeur  de  cette  charge  entière  la  somme 
des  résistances  occasionnées  par  le  frottement  sur  toute 
la  longueur  de  la  conduite  et  sur  l'orifice  de  sortie.  Cette 
donnée  théorique  est  sujette  à  deux  causes  de  diminution 
de  la  hauteur,  principalement  pour  les  gerbes  qui  s'élèvent 
verticalement  par  suite  de  la  résistance  de  l'air  d'abord  et 
aussi  par  suite  de  la  chutedes  gouttes  Mquides  qui  retombent 
sur  les  filets  ascendants  et  neutraUsent  en  partie  leur  force 
ascensionnelle.  D'une  série  d'expériences  exécutées  pour 
déterminer  l'influence  des  pertes  de  charge  sur  la  hauteur 
du  jet,  Mariotte  et  Bossut  ont  obtenu  des  résultats  qu'on 
peut  exprimer  par  la  formule  ci-dessous  : 

W  =:h--  0,01  h^ 
dans  laquelle  h  représente  la  hauteur  totale  ou  charge 
effective  mesurée  depuis  le  centre  de  l'orifice  jusqu'au  ni- 
veau supérieur  du  point  de  départ  du  liquide  ;  /i'  repré- 
sente la  hauteur  que  le  jet  atteindra.  L'expérience  démontre 
que  les  diminutions  dans  l'élévation  des  jets  verticaux  va- 
rient sensiblement  dans  le  même  rapport  que  les  carrés  des 
hauteurs  h  représentant  la  charge  totale  sur  l'orifice 
d'écoulement.  Les  ajutages  servant  d'orifice  de  sortie  sont 
de  formes  diverses,  selon  les  effets  qu'on  veut  obtenir, 
tantôt  cylindriques,  tantôt  coniques  et  convergents,  quel- 
quefois enfin  divergents.  Les  ajutages  cylindriques  sont, 
en  général,  les  plus  employés.  Pour  donner  un  exemple  de 
la  disposition  des  ajutages  destinés  à  composer  une  gerbe, 
nous  pouvons  emprunter  à  M.  d'Aubuisson  de  Voisins  la 
description  de  celle  qu'il  a  fait  établir  pour  la  fontaine  jail- 
lissante de  la  place  des  Carmes  à  Toulouse.  Supposons 
l'orifice  des  jets  à  7  m.  en  contrebas  du  niveau  du  réservoir 
et  la  perte  de  charge  égale  à  1^50  sur  la  conduite  d'amenée. 
Par  conséquent,  la  charge  effective  h  sur  l'orifice  sera  égale 
à  9  m.  —  1^^50,  soit  7^oO.  D'après  la  formule  précé- 
dente, la  hauteur  W  à  laquelle  le  jet  pourra  atteindre  sera 
donnée  par  l'équation 

W  =z  7^50  —  (0,01  X  7,50Si)  —  6^94. 
La  gerbe  sera  formée  par  un  jet  placé  au  centre  de  la  ca- 
lotte hémisphérique  et  deux  rangs  concentriques  de  huit 
ajutages  chacun.  Si  l'on  a  fixé  préalablement  à  70  pouces 
d'eau  le  débit  qu'on  veut  obtenir,  on  donnera  au  jet  cen- 
tral un  débit  plus  fort  que  celui  des  ajutages  concentriques, 
soit  par  exemple  6  pouces  d'eau  avec  un  diamètre  de  O'^Ol  54, 
Ensuite,  les  huit  jets  du  premier  rang  sont  établis  de  ma- 
nière à  s'élever  à  6  m.,  avec  un  débit  de  4  pouces  et  demi 
chacun ,  un  diamètre  de  0"^01 1 7  et  une  inclinaison  de  73H5', 
avec  un  angle  de  convergence  de  8*>  ;  les  huit  derniers 
ajutages  du  second  rang,  lançant  l'eau  à  5  m.  de  hauteur, 
auront  un  diamètre  de  0^^0097,  un  angle  de  convergence 
de  2^  et  une  inclinaison  de  70M'3^  La  boîte  qui  portera 
la  calotte  hémisphérique  sur  laquelle  seront  placés  les  aju- 
tages aura  un  diamètre  de  0°^30  et  une  hauteur  à  peu  près 
égale;  la  calotte  qui  en  ferme  la  partie  supérieure  porte  le 
nom  de  souche,  parce  que  c'est  sur  elle  que  sont  implantés 
les  ajutages.  Du  milieu  de  cette  calotte  on  décrira  avec  un 
rayon  de  0°^141  la  circonférence  sur  laquelle  se  placeront 


JET 


—  iU 


les  huit  premiers  ajutages  à  égale  distance  les  uns  des  autres. 
Pour  les  huit  du  second  rang,  on  décrira  une  circonférence 
concentrique  avec  un  rayon  de  0^,1675,  en  plaçant  chacun 
des  jets  exactement  au  milieu  de  la  distance  entre  ceux  du 
rang  précédent.  Ces  ajutages  consistent  en  petits  cylindres 
de  bronze  ayant  0"^,03  de  diamètre  et  autant  de  longueur, 
vissés  sur  la  calotte  et  percés  longitudinalement  au  dia- 
mètre et  à  l'inclinaison  qui  ont  été  indiqués  précédemment. 
Cette  disposition  est  en  général  celle  de  toutes  les  gerbes  à 
jets  mulliples,  formant  en  retombant  une  surface  analogue 
à  celle  d'une  demi-sphère  par  suite  de  l'inclinaison  et  de 
la  hauteur  variable  donnée  aux  filets  liquides.  On  retrouve 
l'influence  du  coefficient  de  la  vitesse,  pour  la  portée  du 
jet  des  pompes  à  incendie  ;  en  effet,  l'équation  de  la  trajec- 


toire parabolique  donne  pour  la  portée  x 


sin2  a; 


a  étant  l'angle  du  jet  avec  l'horizontale.  Le  maximum  a 

lieu  pour  a  zn  45^  ;  dans  ce  cas,  x  =:  —  zz:  rn^  2  /i, 

h  étant  la  hauteur  correspondante  à  la  vitesse  du  jet  au 
sortir  de  Torifice.  L'élévation  du  jet,  pour  l'angle  a,  est 

exprimée  par  ?/  :=r  —  sin^a  =  w^  h  sin^a;  cette  éléva- 
tion est  la  plus  grande  possible  lorsque  le  jet  est  vertical  ; 
dans  ce  cas,  a  =  90°.  L.  Knab. 

Pêche.  —  On  désigne  ainsi,  sur  les  côtes  de  Picardie, 
des  filets  dits  demi-folles  (V.  ce  mot)  tendus  en  ravoir. 
Menuiserie.  —  Jet  d'eau  (V.  Croisée,  t.  XllI,  p.  456). 
Droit  pénaL  —  La  loi,  au  point  de  vue  pénal,  a  con- 
sidéré le  jet  de  certains  objets  comme  une  contravention, 
mais  elle  a  fait  diverses  distinctions  dans  ses  art.  471  du 
C.  pén.  (no  6  et  n*'  12),  47S  du  C.  pén.  (n<^  8),  479  du 
C.  pén.  (n^  3).  Le  cas  le  plus  simple  est  celui  de  l'art.  471 
(n°  6)  du  C.  pén.  :  la  loi  punit  d'une  amende  de  1  à  5  fr. 
ceux  qui  auront  jeté  ou  exposé  au-devant  de  leurs  édifices 
des  choses  de  nature  à  nuire  par  leur  chute  ou  par  des  exha- 
laisons insalubres.  Dans  ce  cas,  la  loi  suppose  que  personne 
n'a  été  atteint.  La  même  amende  est  prononcée  par  len°  12 
de  l'art.  471  du  C.  pén.  contre  ceux  qui  imprudemment 
auraient  jeté  des  immondices  sur  quelque  personne.  —  La 
différence  avec  le  n*'  6  de  l'art.  471  est  qu'ici,  quelqu'un  a 
été  atteint  par  les  immondices.  L'art.  475  {n°  8)  du  C.  pén. 
punit  d'une  amende  de  6  à  10  fr.  ceux  qui  auraient  jeté 
des  pierres  ou  d'autres  corps  durs  ou  des  immondices 
contre  les  maisons,  édifices  et  clôtures  d'autrui  ou  dans  les 
jardins  ou  enclos,  et  ceux  qui  auraient  volontairement  jeté 
des  corps  durs  ou  des  immondices  sur  quelqu'un.  Ici,  un 
autre  élément  vient  s'ajouter  à  ceux  contenus  dans  le  n<'12 
de  Part.  471,  c'est  la  volonté.  Enfin  l'art.  479  (n"  3)  du 
C.  pén.  punit  d'une  amende  de  11  à  15  fr.  ceux  qui  au- 
raient occasionné  la  mort  ou  la  blessure  des  animaux  ou 
bestiaux  appartenant  à  autrui  par  jet  de  pierres  ou  d'autres 
corps  durs.  Ici  le  fait  se  distingue  et  s'aggrave  par  le  ré- 
sultat. 

Si,  au  lieu  de  blessures  ou  mort  d'animaux,  c'était  de 
blessures  ou  mort  humaine  ainsi  occasionnées  par  impru- 
dence qu'il  fût  question,  le  fait  ne  serait  plus  une  contra- 
vention, il  deviendrait  un  délit,  et  les  dispositions  à  appli- 
quer seraient  les  art.  319  ou  320  du  C.  pén.  D'après 
l'art.  97,  n^  1,  de  la  loi  du  5  avr.  1881,  les  maires  sont 
chargés  de  veiller  à  ce  qu'on  n'expose  rien  aux  fenêtres  et 
autres  parties  des  édifices  qui  puisse  nuire  par  sa  chute, 
et  à  ce  qu'on  ne  jette  rien  qui  puisse  endommager  les  pas- 
sants ou  causer  des  exhalaisons  nuisibles.  La  défense  de 
jeter  des  choses  susceptibles  de  nuire  par  des  exhalaisons 
insalubres,  renferme  implicitement  Tinterdiction  de  faire 
ou  laisser  couler  des  eaux  insalubres  sur  la  voie  publique. 
La  disposition  de  l'art.  471  du  C.  pén.  qui  punit  le  fait 
de  jeter  sur  la  voie  publique  des  objets  de  nature  à  nuire 
n'atteint  que  les  auteurs  mêmes  du  fait  incriminé  et  non 
les  propriétaires  ou  locataires  des  appartements  d'où  ces 
objets  ont  été  jetés.  Aucune  excuse,  sauf  celles  établies 


par  la  loi,  ne  peut  être  utilement  invoquée  par  le  contre- 
venant. Raoul  Bloch. 

Droit  maritime.  —  Le  jet  est  une  avarie  commune. 
C'est  Pacte  qui  consiste  à  précipiter  dans  la  mer  tout  ou 
partie  des  marchandises  chargées  sur  un  navire,  pour  le 
salut  du  navire  ou  du  reste  de  la  cargaison .  D'après  l'art. 
410  C.  com.,  la  nécessité  du  jet  résulte  de  la  tempête  ou 
de  la  chasse  de  l'ennemi.  Mais  cette  énumération  n'est 
pas  limitative.  Le  jet  pourrait  être  rendu  nécessaire  par 
d'autres  circonstances,  par  exemple  Péchouage  du  navire, 
ou  même  la  maladresse  ou  la  faute  du  capitaine.  En  prin- 
cipe le  capitaine  ne  doit  eftectuer  le  jet  qu'après  avoir  con- 
siilté  sur  son  opportunité  les  intéressés  au   chargement 
s'il  s'en  trouve  sur  le  navire  et  les  principaux  de  l'équi- 
page. En  cas  de  désaccord  c'est  l'avis  du  capitaine  et  des 
principaux  de  l'équipage  qui  l'emporte.  La  délibération  sur 
le  jet  doit  être  consignée  par  le  capitaine  sur  le  registre 
du  bord.  Elle  exprime  les  motifs  qui  ont  déterminé  le  jet, 
les  objets  jetés  ou  endommagés  ;  elle  présente  la  signature 
des  délibérants  ou  les  motifs  de  leur  refus  de  signer.  Elle 
doit  être  affirmée  par  le  capitaine  au  premier  port  où  le 
navire  abordera,  dans  les  vingt-quatre  heures  de  son  arri- 
vée. Le  jet  opéré  après  délibération  préalable  s'appelle  jet 
régulier.  Mais  on  comprend  que  l'imminence  du  péril  ne 
permette  pas  toujours  de  procéder  à  la  délibération.  Dans 
ce  cas,  le  capitaine  peut  opérer  le  jet  sans  délibération.  Le  jet 
est  dit  alors  irrégulier,  mais  il  n'en  constitue  pas  moins 
une  avarie  commune.  Le  capitaine  n'est  d'ailleurs  pas  ab- 
solument Ubre  de  choisir  comme  il  lui  convient  les  objets 
à  jeter.  Il  doit  se  conformer  autant  que  possible  au  pres- 
crit de  l'art.  411  C.  com.,  aux  termes  duquel  les  choses 
les  moins  nécessaires,  les  plus  pesantes  et  de  moindre  prise, 
doivent  être  jetées  les  premières,  ensuite  les  marchandises 
du  premier  pont  au  choix  du  capitaine  et  par  l'avis  des 
principaux  de  l'équipage.  Les  pertes  résultant  du  jet  sont 
en  règle  générale  comme  celles  résultant  des  avaries  (V.  ce 
mot)  communes  réglées  par  contribution  sur  les  effets  jetés 
et  sauvés,  et  sur  moitié  du  navire  et  du  fret  au  lieu  du 
déchargement.  La  valeur  des  marchandises  jetées  est  fixée 
par  experts  au  lieu  du  déchargement,  en  prenant  pour  base 
leur  prix  courant  en  ce  lieu  et  leur  qualité  justifiée  par 
des  connaissements  ou  des  factures  s'il  yen  a  (V.  Contri- 
bution). Toutefois,  la  perte  résultant  du  jet  reste  à  la 
charge  du  propriétaire  pour  le  tout  quand  il  s'est  appli- 
qué :  1^  aux  marchandises  chargées  sans  connaissements 
ou  déclaration  du  capitaine  ;  2^  aux  objets  appartenant  au 
capitaine  et  aux  gens  de  l'équipage  lorsque  les  formaUtés 
prescrites  par  les  art.  344  et  345  C.  com.  n'ont  pas  été 
remplies  ;  3°  aux  marchandises  chargées  sur  le  pont.  Le 
jet  peut  entraîner  un  dommage  non  seulement  pour  les 
marchandises  qui  le  subissent,  mais  encore  pour  le  reste 
de  la  cargaison  ou  pour  le  navire .  Ce  dommage  constitue 
une  avarie  commune  donnant  ouverture  à  contribution  dès 
qu'il  est  établi  qu'il  est  la  conséquence  directe  du  jet.  Ce- 
lui auquel  appartiennent  les  marchandises  jetées  ne  perd 
pas  sur  elles  son  droit  de  propriété  ;  elles  doivent  lui  être 
restituées  si  elles  sont  retrouvées  ou  retirées  de  la  mer. 
Dans  cette  hypothèse,  il  est  procédé  à  un  règlement  de  ce 
qui  est  dû  à  raison  de  la  détérioration  des  marchandises  et 
des  frais  de  recouvrement.  Tout  ce  que  le  propriétaire  a 
touché  sur  la  contribution  et  qui  excède  ce  nouveau  rè- 
glement doit  être  restitué  par  lui  aux  intéressés. 

Lyonnel  Didierjean. 
BiBL.  :  Droit  maritime.  —  Boistel,  Précis  de  droit 
commercial;  Paris,  1878,  in-8,  4«  éd.  —  Caumont,  Diction- 
naire de  droit  maritime^  v°  Jet;  Paris,  1807,  gr.  in-8.—  De 
CouRCY,  Question  de  droit  maritime^  i^^  série  ;  Paris, 
1877-1887,  4  vol.  in-8.  —  Cresp  et  Laurin,  Cours  de  droit 
maritime;  Paris,  1876-1882,  4  vol.  in-8.  —  Des.tardin, 
Traité  de  droit  commercial  maritime  ;  Paris,  1878-1890, 
9  vol.  in-8.  —  Frignet,  Traité  des  avaries  communes  et 
particulières  ;  Paris,  1859,  2  vol.  in-8.  ~  Govare,  Traité 
des  avaries  communes  et  de  leur  règlement  ;  Paris,  1882, 
in-8.  —  Lyon-Caen  et  Renault,  Précis  de  droit  com- 
mercial ;  Paris,  1879-1885,2  vol.  in-8.  —De  Valroger, 
Droit  maritime;  Paris,  1882-1886,  5  vol.  in-8. 


J  ETÉE.  Les  navires  ne  peuvent  pas  toujours  entrer  immé- 
diatement dans  les  ports,  et  en  cas  de  mauvais  temps  les  voi- 
liers sont  obligés  d'attendre  au  large  le  moment  où  la  hauteur 
de  la  marée  leur  permettra  de  gagner  la  terre  ;  on  peut  avoir 
la  ressource  du  remorquage,  mais  dans  beaucoup  de  ports  les 
vapeurs  destinés  à  cet  usage  manquent.  Quand  la  mer  est 
mauvaise,  le  remorquage  présente  d'ailleurs  des  dangers 
sérieux,  à  cause  des  chocs  auxquels  sont  soumis  les  câbles 
de  remorque  ;  si  ceux-ci  viennent  à  casser,  la  position  du 
navire  devient  très  critique  ;  les  vapeurs  eux-mêmes  peu- 
vent être  obligés  d'attendre  en  pleine  mer,  à  cause  du 
manque  de  profondeur  à  la  marée  basse,  lorsque  le  port 
n'est  pas  précédé  d'une  rade,  ou  mouillage,  comportant 
souvent  des  jetées,  des  brise-lames,  des  môles,  des  digues. 
Nous  commencerons  par  l'examen  de  ce  qui  concerne  les 
ports  à  marée  débouchant  sur  des  plages  meubles. 
Quand  le  port  est  dans  un  estuaire,  il  est  séparé  de  la  mer 
par  une  passe  plus  ou  moins  profonde,  ouverte  dans  le 
cordon  littoral  par  les  eaux  du  fleuve  et  par  le  mouvement 
alternatif  de  la  marée  ;  cette  passe  se  déplace,  se  contourne 
et  il  importe  de  la  fixer  dans  la  position  la  plus  favorable 
pour  le  mouvement  maritime.  L'action  prépondérante  sur 
les  passes  peu  profondes  est  celle  de  la  dernière  phase  du 
jusant,  car  celui-ci  agit  alors  avec  un  maximum  de  pente 
sur  un  minimum  de  section.  On  est  donc  amené  à  endi- 
guer le  courant  entre  deux  levées  rattachées  à  la  terre,  et 
qui  s'avancent  en  mer  dans  la  direction  où  l'on  veut  éta- 
blir le  chenal  ;  ces  levées  n'ont  pas  besoin  d'être  très 
élevées,  vu  le  moment  où  il  importe  le  plus  de  favoriser  leur 
action,  quand  la  profondeur  du  chenal  est  seule  à  considérer. 
Elles  sont  en  général  rectilignes  et  parallèles  ;  mais,  s'il 
s'agit  d'un  prolongement,  et  si  l'ancienne  direction  a  été 
reconnue  défectueuse,  on  arrive  à  avoir  un  chenal  formé 
de  deux  parties  rectilignes  avec  un  raccordement  courbe 
entre  elles.  Le  rayon  de  la  courbe  doit  être  de  800  à 
1,000  m.  quand  le  port  est  fréquenté  par  de  grands 
vapeurs  ;  quant  à  la  largeur,  des  circonstances  locales 
peuvent  amener  à  l'augmenter  vers  la  mer,  mais  il  est  plus 
fréquent  de  rencontrer  des  parties  larges  avant  les  extré- 
mités, parce  que  les  navires  entrants  ont  besoin  d'espace 
pour  évoluer,  de  manière  à  éviter  les  abordages  avec  les 
autres  navires  ;  l'avenir  appartient  aux  larges  avant-ports, 
limités  par  des  jetées  à  écartement  minimum  à  leurs  extré- 
mités. La  question  de  l'orientation  du  chenal  dépend 
surtout  des  convenances  des  navires  à  voiles,  dont  les 
évolutions  sont  plus  difficiles  que  celles  des  vapeurs.  Pour 
que  la  navigation  à  voile  fût  aussi  facile  dans  un  sens  que 
dans  l'autre,  il  faudrait  un  chenal  orienté  perpendiculaire- 
ment au  vent  régnant  le  plus  habituellement  dans  le  port; 
un  navire  peut  en  effet  marcher  perpendiculairement  au 
vent  dans  un  sens  ou  dans  l'autre.  Ce  vent,  normal  à  sa 
longueur,  est  dit  veîit  en  travers.  Mais  il  faut  considérer 
plus  particulièrement  les  gros  temps,  et,  lorsqu'ils  régnent, 
l'entrée  doit  être  plus  facile  que  la  sortie,  puisqu'on  n'est 
pas  libre  de  ne  pas  entrer,  tandis  qu'on  peut  attendre  des 
circonstances  plus  favorables  avant  de  sortir  ;  or  la  marche 
d'un  voilier  est  bien  assurée  quand  le  vent  vient  un  peu 
obliquement  de  l'arrière  (vent  largue)  ;  on  peut  d'ailleurs 
avancer  avec  un  vent  d'avant  peu  aigu  (67^  au  moins)  ; 
d'où  il  résulte  que,  si  l'obliquité  est  moindre,  on  ne  pourra 
sortir  qu'en  louvoyant.  —  La  longueur  des  jetées  est,  pri- 
mitivement, à  peu  près  celle  de  l'estran,  c.-à-d.  qu'elle 
égale  la  largeur  de  la  plage  qui  découvre  à  mer  basse.  Le 
plus  souvent,  les  premiers  effets  sont  très  prompts  et  satis- 
faisants, mais  il  arrive  quelquefois  que  des  prolongements 
sont  nécessaires,  parce  que  les  premiers  effets  sont  peu 
durables.  Ces  prolongements  ne  doivent,  d'ailleurs,  avoir 
lieu  qu'avec  prudence,  peu  à  peu,  parce  qu'ils  amènent  des 
modifications  dans  le  régime  général  de  la  côte. 

Les  brise-lames  sont  des  plans  inclinés  d'un  douzième 
environ,  ayant  le  pied  très  bas  et  la  crête  au-dessus  des 
hautes  mers;  ils  sont  établis  au  droit  d'interruption  des 
jetées.  Ils  ont  pour  but  et  pour  effet  d'absorber  une  partie  de 

GRANDE    ENCYCLOPÉDIE.    —    XXI. 


-  U5  —  JETÉE  -  JETHRO 

la  force  vive  des  lames  qui  viennent  se  briser  sur  eux,  et  par 
suite  ils  empêchent  l'agitation  d'être  trop  forte  entre  les  jetées. 
Celles-ci,  pour  les  ports  à  marée  débouchant  sur  des  plages 
meubles,  dont  nous  nous  occupons  actuellement,  peuvent 
être  basses  ;  mais  on  les  surmonte  le  plus  souvent  d'un 
plancher  de  manœuvre  porté  par  une  haute  charpente  ;  on 
arrive  ainsi  à  diminuer  le  volume  des  enrochements  et  à 
faciliter  l'emploi  de  simples  moellons  dans  toute  la  jetée, 
si  l'on  forme  des  encoffrements  avec  des  madriers  fixés 
sur  les  cours  de  pieux.  Le  mélange  d'eau  douce  ne  per- 
mettant pas  aux  vers  tarets  de  se  développer,  les  ouvrages 
en  bois  sont  admissibles  aux  abords  des  ports  d'estuaires. 
Les  jetées  peuvent  être  de  hauteur  moyenne,  ou  même  très 
hautes,  sans  donner  lieu  à  des  dépenses  excessives.  Cela 
est  d'autant  plus  important  que  si  les  digues  basses  peu- 
vent suffire  dans  certains  cas  au  point  de  vue  de  l'amélio- 
ration du  chenal,  elles  ne  conduisent  pas  au  but  quant  à 
la  sécurité  de  la  navigation  ;  aussi  n'en  construit-on  plus 
guère.  La  première  condition  de  la  sécurité  des  navires 
entrants  est  de  pouvoir  être  secourus  quand  ils  manquent 
l'entrée  ;  on  arrive  à  ce  résultat  à  l'aide  d'hommes  de 
service  circulant  en  sécurité  sur  le  plancher  des  jetées  en 
charpente,  et  celles-ci  permettent  de  régler  économique- 
ment la  hauteur  et  le  profil  longitudinal  des  enrochements, 
suivant  les  circonstances  locales. 

Jetées  en  eau  profonde.  —  Ce  nouveau  cas  diffère  essen- 
tiellement de  celui  qu'on  vient  d'examiner,  soit  qu'il 
s'agisse  de  côtes  différentes,  soit  qu'il  s'agisse  de  prolon- 
gements exceptionnels  de  jetées  enracinées  le  long  de  plages 
découvrant  à  basse  mer.  Deux  cas  sont  à  considérer. 

Mers  sans  marée.  Sur  la  Méditerranée,  beaucoup  de 
ports,  établis  sur  des  baies  largement  ouvertes,  sont  d'un 
accès  facile  ;  mais  ils  manquent  de  calme  et  il  faut  les 
abriter  contre  l'agitation  du  large  ;  on  construit  des  caps 
artificiels  (ou  bien  on  prolonge  ceux  qui  existent  naturel- 
lement) ;  ils  sont  désignés  indifféremment  sous  les  noms  de 
jetées,  digues,  môles  ou  brise-lames  ;  il  importe  de 
remarquer  tout  spécialement  que  cette  dernière  dénomina- 
tion a  un  sens  très  différent  de  celui  qu'elle  a  dans  les 
ports  de  la  Manche,  par  exemple  (V.  ci-dessus).  Le  prin- 
cipe général  de  la  construction  de  ces  ouvrages  consiste 
à  amonceler  des  pierres,  en  quantité  telle  qu'elles  forment 
un  massif  saillant  au-dessus  de  l'eau.  Il  faut  que  ces 
pierres  soient  denses  et  que  les  plus  exposées  soient  de 
fort  volume  ;  au  besoin,  on  place  sur  les  talus  regardant 
le  large  d'énormes  blocs  artificiels  ;  le  massif  est  exhaussé 
par  un  mur  en  maçonnerie. 

Mers  à  marée.  On  construit  également  des  jetées  en  enro- 
chements dans  les  mers  à  marée  où  le  bois  est,  de  même  que 
dans  la  Méditerranée,  dévoré  par  les  tarets;  sur  ces  jetées, 
plus  encore  que  dans  la  Méditerranée,  il  faut  surmonter  les 
enrochements  par  des  murs  en  maçonnerie,  afin  de  rendre  la 
défense  contre  la  mer  suffisante  sans  que  la  base  de  la  jetée 
s'élargisse  démesurément.  On  a  plus  de  facilités  pour  l'éta- 
blissement de  ces  murs  dans  les  mers  à  marée,  à  cause  de 
l'abaissement  périodique  des  eaux.  Quand  on  manque  de 
blocs  de  bonne  qualité  pour  le  corps  de  la  jetée  et  de  ma- 
tériaux de  gros  volume  pour  les  talus,  on  peut  constituer 
tout  le  soubassement  à  l'aide  de  blocs  artificiels.  C'est  ce 
qu'on  a  fait  à  Douvres.  A  Saint-Jean-de-Luz,  la  mer  est 
tellement  violente  que  les  enrochements  n'entrent  que  dans 
les  vides  des  gros  blocs  naturels.  M.-C.  L. 

BiBL.  :  Laroche,  Travaux  maritimes;  Paris,  1891,  gr. 
in-8  et  atlas.  —  Du  même,  Ports  maritimes;  Paris,  1893, 
2  vol.  gr.  in-8  et  2  atlas. 

JÉTHRO  ou  JÉTHER,  ailleurs  nommé  Raguel,  prêtre 
de  Madiun,  accorda,  selon  la  légende  juive,  l'hospitalité  à 
Moïse  et  lui  donna  en  mariage  sa  fille  Séphora.  Il  rejoint 
Moïse  au  désert  au  moment  où  le  peuple,  échappé  à  la 
servitude  d'Egypte,  est  parvenu  aux  environs  du  Sinaï,  et 
lui  donne  d'utiles  conseils  pour  la  conduite  des  affaires.  Le 
fils  de  Jéthro,  Ilobab,  est  représenté  comme  ayant  associé 
sa  fortune  à  celle  des  Israélites  au  moment  où  les  descen- 

10 


JÉTllRO  —  JEU 

dants  d'Abraham  quittent  le  Sinaï.  Quelques  indications 
du  livre  des  Juges  nous  montrent  les  descendants  de  la 
famille  de  la  femme  de  Moïse,  que  ce  livre  désigne  non 
plus  comme  des  Madianites,  mais   comme   des  Cinéens 
(Kénites),  établis  au  milieu  du  peuple  d'Israël  dans  un 
canton  situé  à  l'extrémité  S.  du  pays  judéen;  cependant, 
un  membre  de  la  tribu,  du  nom  de  Héber,  s'était  fixé  aux 
environs  de  Kadesh-Nephtali,  à  l'extrême  N.  du  pays  de 
Chanaan,  et  sa  femme  Jahel  s'illustra  en  mettant  à  mort 
le   chef  de  l'armée  chananéenne,  Sisara,  contre  lequel 
avaient  marché  le  chef  Baracet  la  prophétesse  Débora.  Ces 
données  sont  intéressantes,  mais  elles   ne  doivent  être 
acceptées  qu'avec  les  plus  expresses  réserves.   M.  Vernes. 
JETON.  L'étymologie  française  de  jeton^  qui  provient 
de  gectoner,  jeter,  dit  bien  quel  était  le  principal  usage  de 
ces  petites  pièces  de  cuivre,  d'argent,  d'or  môme  qu'on 
trouve  dans  les  collections  ;  on  s'en  servait  pour  les  comptes, 
les  jetant  au  fur  et  à  mesure  que  les  sommes  étaient  énon- 
cées. Mais  on  les  trouve  employées  à  un  usage  du  même 
genre  dès  l'antiquité,  et  si,  à  l'imitation  des  Egyptiens,  les 
Athéniens  employaient  des  coquillages,  les  Romains  utili- 
sèrent pour  leur  compte  des  rondelles  d'ivoire,  puis  des 
jetons  je  plomb,  de  cuivre,  ceux-ci  surtout  portant  des 
effigies  et  des  légendes.  11  y  avait  aussi  des  jetons  de  jeu, 
d'autres  servant  à  des  marchands,  à  des  industriels  pour 
donner  leur  adresse  ;  quelques-uns  paraissent  spécialement 
frappés  pour  prendre  part  à  des  fêtes,  des  cérémonies,  et 
donnaient  sans  doute  droit  à  l'entrée.  Dans  le  moyen  âge, 
l'emploi  de  jetons  de  compte  devint  général  ;  tous  les 
calculs  se  faisaient  ainsi,  et  cet  usage  persista  longtemps 
même  après  l'introduction  des  chiffres  arabes  ;  les  anciens 
auditeurs  de  la  cour  des  comptes  avaient  pour  fonction  de 
placer  les  jetons  convenables  au  fur  et  à  mesure  que  les 
sommes  étaient  énoncées,  d'où  le  nom  qui  leur  a  été  donné 
et  conservé.  En  Angleterre,  cette  manière  de  compter  s'est 
maintenue  pour  l'Echiquier  (comptes  du  Trésor)  jusqu'en 
4826.  Les  marchands  employaient  les  jetons  sur  leurs 
abaques  ou  tables  à  compter,  effectuant  ainsi  des  opérations 
que  les  divisions  des  monnaies  et  des  mesures  devaient 
rendre  quelquefois  fort  pénibles.  Les  jetons  furent  d'abord 
frappés  comme  des  monnaies  ;  en  Angleterre  même  c'étaient 
des    monnaies  étrangères  qui  tout  d'abord  servirent  de 
jetons;  puis  les  marchands,  soit  par  eux-mêmes,   soit 
par  la  corporation  à  laquelle  ils  appartenaient,  en  firent 
frapper  portant  des  marques  spéciales,  armoiries  ou  signes 
distinctits,  et  des  légendes  ;  toutefois,  les  jetons  des  Lom- 
bards, très  nombreux  et  très  variés,  ne  portent  aucune 
légende.  Le  signe  placé  sur  le  jeton  se  trouvait  souvent 
reproduit  sur  l'enseigne  de  la  boutique,  et  était  apposé 
comme  une  garantie  sur  les  marchandises  qui  en  sortaient; 
un  auteur  (le  chevalier  Domenico  Urbani)  dit  même  que 
ces  signes  se  retrouvent  sur  certains  filigranes  de  papiers. 
On  utilisait  encore  les  jetons  pour  les  payements  de  faible 
importance,  et  surtout  pour  un  usage  analogue  à  celui  des 
bons  de  pain  ou  de  viande  employés  de  nos  jours.  Des 
jetons  spéciaux  devaient  aussi  être  présentés  dans  des  cir- 
constances déterminées  ;  d'après  l'appendice  au  règlement 
de  43o4,  les  ouvriers  et  monnayeurs  du  serment  de  France 
devaient  offrir  à  tous  les  membres,  lors  de  leur  réception, 
un  jeton  d'argent  du  poids  de  deux  gros,  usage  qu'on  re- 
trouve encore  au  xvii*^  siècle.  Les  jetons  servaient  égale- 
ment pour  le  jeu  ;  les  rois  et,  à  leur  exemple,  les  grands 
seigneurs  avaient  pour  cela  des  jetons  particuliers  ;  on  les 
employait  aussi  comme  des  sortes  de  cartes  de  visite,  les 
laissant  chez  les  suisses  des  grands  hôtels.  Enfin,  les  cor- 
porations d'arts  et  de  métiers  avaient  chacune  leur  jeton 
spécial.  Plus  d'une  fois  les  jetons  furent  frauduleusement 
employés  comme  monnaies,  et  le  proverbe,  faux  comme  un 
jeton^  ne  paraît  pas  avoir  d'autre  origine.     G.  François. 
Jeton  de  présence.  —  Ce  sont  des  jetons  de  métal,  en  ar- 
gent ou  en  or,  donnés  dans  quelques  sociétés  ou  compa- 
gnies, académies,  conseils  d'administration,  commissions 
d'examens,  etc.,  à  chacun  des  membres  présents  à  une 


146  - 

séance,  à  une  assemblée,  etc.  Ils  représentent  une  valeur 
conventionnelle  et  s'échangent  généralement  contre  de  la 
monnaie.  Cette  expression  désigne  aussi  les  honoraires 
payés  aux  membres  d'un  conseil,  d'une  société  industrielle 
ou  commerciale,  pour  participation  à  des  séances. 

JETS  (V.  Fauconnerie). 

JETTE-Feu  (Mécan.).  Appareil  ménagé  sur  les  grilles 
de  certaines  chaudières  à  vapeur  et  particulièrement  sur 
celles  des  chaudières  locomotives,  pour  permettre  de  faire 
tomber  le  feu  instantanément  en  cas  de  besoin,  si,  par 
exemple,  les  appareils  d'alimentation  viennent  à  refuser 
leur  service.  On  a  appliqué,  à  cet  effet,  sur  les  foyers  de 
petites  dimensions,  des  grilles  mobiles  sur  toute  la  sur- 
face, mais  on  préfère  aujourd'hui,  surtout  avec  les  grilles 
inclinées  de  grande  longueur  actuellement  en  usage,  les 
conserver  fixes,  en  les  munissant  à  l'extrémité  d'un  appen- 
dice mobile  autour  d'un  axe  horizontal,  qui  laisse  tomber 
toute  la  couche  de  combustible  en  se  dérobant.  Cet  appen- 
dice, en  forme  de  grille,  reçoit  proprement  le  nom  de  jette- 
feu  et  sert  aussi  à  enlever,  sur  la  fosse  du  nettoyage  de 
l'avant  du  foyer,  le  mâchefer  accumulé  sur  la  grille. 

JETTE-Saint-Pierre.  Com.  de  Belgique,  prov.  de  Bra- 
bant,  arr.  de  Bruxelles;  7,500  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  de  Bruxelles  à  Ostende.  On  y  voit  l'immense  pension- 
nat dirigé  par  les  dames  du  Sacré-Cœur  et  qui  reçoit  la 
plupart  des  jeunes  filles  de  l'aristocratie  belge. 

J  EU. Psychologie.— Le  jeu  estunmode  de  l'activité  qui 
présente  ce  caractère  original  de  ne  se  subordonner  à  aucun 
terme  supérieur  à  son  propre  développement  et  de  constituer 
pour  lui-même  sa  fin.  Sans  doute  le  motif  qui  porte  à  s'y  adon- 
ner se  tire  du  plaisir  ou  plus  exactement  de  la  perspective 
du  plaisir  qui  lui  est  naturellement  annexé.  Sans  doute  en- 
core, ainsi  que  dans  sa  Politique  Aristote  en  fait  à  bien 
des  reprises  la  remarque,  le  mobile  du  jeu  est  un  désir  de 
repos  et  c'est  un  délassement,  une  détente,  que  Ton  de- 
mande à  l'amusement.  Mais  ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  con- 
sidérations n'est  de  nature  à  démentir  notre  définition  gé- 
nérale. D'une  part,  en  effet,  si  le  jeu  est  aimé  en  raison  du 
plaisir  qui  l'accompagne,  ce  plaisir  découle  de  l'expansion 
d'activité  que  le  jeu  entraîne  et  nullement  d'un  résultat 
étranger,  plus  ou  moins  lointain,  à  l'égard  duquel  il  ne  pré- 
senterait que  la  valeur  d'un  intermédiaire.  D'autre  part,  si 
le  jeu  plaît  par  le  repos  qu'il  procure,  ce  repos  que  l'on 
attend  de  lui  n'est  point  un  état  d'inaction  qui  lui  serait 
consécutif;  le  jeu  est  repos  par  lui-même  en  ce  qu'il  laisse 
d'autant  plus  stagnantes  nos  fonctions  normales  que  ce  sont 
comme  d'autres  forces  en  nous  et  dans  un  cadre  entière- 
ment nouveau,  qu'il  met  en  branle.  L'inertie  de  ce  qui  en 
nous  a  coutume  de  se  mouvoir  est  ainsi  faite  grandement 
d'une  agitation  extra-habituelle.  S'il  entrait  dans  notre 
dessein  d'esquisser  ce  que  l'on  pourrait  appeler  la  physio- 
logie du  jeu,  nous  verrions  l'analyse  des  concomitants  or- 
ganiques du  phénomène  corroborer  de  tous  points  cette 
première  déduction  autorisée  par  la  psychologie  intuitive. 

Une  telle  déduction  permet  de  placer  dès  l'abord  en  vive 
lumière  le  trait  distinctif  qui  prête  son  plus  grand  attrait 
au  fait  que  nous  étudions.  Le  jeu  nous  donne  la  plus  com- 
plète illusion  de  la  liberté.  Etre  libres,  en  effet  (je  laisse 
de  côté  le  problème  d'essence  qui  nous  entraînerait  dans  une 
controverse  de  métaphysique),  n'est-ce  pas  se  trouver  au 
moins  momentanément  afiranchis  des  conditions  imposées 
à  nos  énergies  par  des  besoins  déterminés  et  par  des  lois 
précises,  conditions  qui  aboutissent  à  installer  au  sein  de 
notre  être  mental  un  automatisme  conscient  et  réfléchi?  Le 
besoin  exige  l'acte,  ou  mieux  une  certaine  série  d'actes  ac- 
complis suivant  les  voies  les  plus  brèves  et  les  plus  sûres 
possibles.  La  nécessité  de  se  nourrir,  de  se  vêtir,  de  s'abri- 
ter, soi  et  les  siens,  commande  un  labeur  continu,  dont 
les  procédés  seront  de  moins  en  moins  laissés  à  l'arbitraire 
et  qui  peu  à  peu  constituera  un  déterminisme  auquel,  ab- 
solument parlant,  on  peut  bien  se  soustraire,  mais  qui,  à  la 
longue,  grâce  à  la  complicité  de  l'habitude,  régit  presque 
inflexiblement  la  vie.  Or,  un  mode  d'agir  où  ce  détermi- 


447  - 


JEU 


nisme  se  détend,  un  mode  d'agir  où  nul  besoin  défini  ne 
réclame  impérieusement  nul  système  défini  d'actions,  par 
la  raison  bien  simple  que  ce  mode  est  à  lui-même  son  but 
et  que  Ton  ne  s'y  livre  que  parce  que  nulle  nécessité  ne 
commande  de  s'y  livrer,  ne  revêtira-t-il  point  toute  l'ap- 
parence d'affranchissement  ?  Et  qu'est-ce  que  le  jeu,  sinon 
précisément  un  tel  mode  ? 

Si  ce  double  point  de  départ  est  admis,  on  comprendra 
qu'il  y  ait  jeu  partout  où  se  produira  une  série  d'actions 
librement  réalisées,  sans  aucun  autre  but  que  de  les  ac- 
complir. Tout  organe  joue  qui  s'exerce  sans  autre  stimu- 
lant que  le  désir  de  cet  exercice.  Marcher  pour  franchir  la 
distance  qui  me  sépare  de  l'endroit  où  j'ai  affaire  est  un 
travail;  marcher  sans  objet  et  simplement  parce  qu'à  la 
marche  j'éprouve  une  jouissance  est  un  jeu.  Regarder  at- 
tentivement un  site,  pour  en  discerner  les  différents  plans, 
pour  en  évaluer  les  mouvements  de  terram,  etc.,  est  un 
travail.  Promener  mes  yeux  sur  l'horizon,  sans  autre 
préoccupation  que  de  les  emplir  de  lumière  et  do  vives 
couleurs,  c'est  un  jeu  et  des  plus  enivrants. 

Les  déterminations  qui  précèdent  suffiraient  déjà  à  faire 
ressortir  l'étroite  parenté  qui  unit  le  plaisir  du  jeu  au 
plaisir  esthétique.  Cette  parenté,  M.  Herbert  Spen- 
cer en  a  donné  la  formule  physiologique  dans  le  dernier 
chapitre  de  ses  Piincipes  de  Psychologie;  mais,  avant 
lui,  Kant,  dans  sa  Critique  du  Jugement,  en  avait  es- 
quissé les  raisons  profondes  :  les  arts  agréables,  dans  les- 
quels il  comprenait  les  amusements  sociaux  non  moins 
que  les  heaux-arts  proprement  dits,  avaient  les  uns  et  les 
autres  pour  essence  une  libre  finahté.  Aussi  bien  l'art,  que 
peut-il  être,  sinon  le  plus  délicat,  le  plus  affiné  des  délas- 
sements ?  Mais  la  relation  qui  unit  les  deux  concepts  paraî- 
tra de  plus  en  plus  intime  à  mesure  que  nous  pousserons 
plus  avant  l'analyse. 

Le  jeu,  tel  que  nous  l'avons  jusqu'ici  décrit,  est  quelque 
chose  de  bien  rudimentaire  et  vague;  il  lui  est  donné  de 
revêtir  des  formes  plus  arrêtées.  Les  actes  qu'il  suppose 
peuvent  tendre  à  des  œuvres  qui  lui  survivront,  exécutées 
cependant  non  pas  en  vue  du  profit  parfois  très  réel  qui  en 
peut  suivre,  mais  bien  uniquement  en  raison  de  la  satis- 
faction ressentie  à  les  créer.  C'est  ainsi  qu'il  arrivera  de 
demander  à  la  pratique  d'un  métier  un  divertissement  :  on 
fera  du  jardinage,  on  se  plaira  aux  occupations  du  menui- 
sier, du  tourneur.  Dans  une  lettre  célèbre,  M°^^  de  Sévigné 
conte  comment  un  après-midi  elle  s'est  mise  à  faner,  elle 
et  une  bande  d'amis,  et  que  cela  leur  a  paru  à  tous  la  plus 
ravissante  partie.  Quand  Louis  XVI  se  laissait  captiver  à 
des  amusettes  de  serrurerie,  il  ne  désirait  qu'une  chose, 
se  distraire  de  la  sorte  du  souci  de  mal  régner. 

Que  le  jeu  ainsi  entendu  se  précise  un  peu  davantage,  et 
nous  verrons  bientôt  poindre  l'activité  esthétique.  Un  élé- 
ment nouveau  y  sera  nécessaire,  que  la  psychologie  va 
d'elle-même  nous  fournir  :  le  goût  de  l'imitation.  Nous 
imitons  ;  nous  aimons  imiter,  sans  doute  parce  que  nous 
voulons  agir  et  que,  d'autre  part,  créer  serait  au-dessus  de 
nos  forces.  Or  l'imitation  qui  n'a  point  dans  un  intérêt 
étranger  sa  source  ou,  pour  mieux  dire,  l'imitation  qui  n'a 
pas  la  valeur  vénale  d'un  moyen  en  vue  d'un  avantage  ulté- 
rieur, par  cela  môme  qu'elle  tire  d'elle  seule  tout  son  attrait 
et  qu'elle  maintient  exempte  de  toute  contrainte  la  volonté 
qui  s'y  complaît,  réunit  toutes  les  conditions  que  suppose 
le  jeu,  et  elle  mérite  d'être  tenue  pour  une  espèce  de  ce 
dernier.  Ce  genre  de  récréations  n'est  pas  inconnu  à  l'ani- 
mal. Rappelons-nous  les  vers  où  Lucrèce  nous  dépeint  les 
molosses  jouant  avec  leurs  petits  : 

Et  catulos  blande  cum  lingua  lambere  temptant 
Aut  ubi  eos  jactant  pedibus  morsuque  petentes 
Suspensis  teneros  imitantur  dentibus  haiistus. 

Si  l'imitation,  à  son  tour,  se  détermine  davantage,  qu'une 
idée  nouvelle  la  domine,  l'idée  du  beau,  en  laquelle  se  résu- 
ment nos  plus  pures  impressionsde  convenance,  démesure, 
d'harmonie,  le  jeu  exquis  par  excellence  va  naître,  je  veux 
dire  le  jeu  des  arts.  C'est  d'abord  la  nature  elle-même,  cette 


nature  qui  nous  environne  de  ses  épouvantes  et  de  ses 
prestiges ,  qui  sollicite  par  toutes  voix  notre  habileté 
reproductrice.  Les  hommes,  nous  dit  encore  le  même  poète 
incomparable,  se  mirent  d'abord  à  imiter  les  limpides 
notes  des  oiseaux  ;  le  chant  et  la  mélodie  musicale  ne  sont 
venus  que  bien  après.  Bientôt,  d'ailleurs,  l'imitation  se 
retourne  en  quelque  sorte  vers  elle-même  et  elle  prend  pour 
objet  l'agent  qui  en  est  le  principe.  L'homme  imite  l'homme, 
soit  en  ses  traits  physiques,  soit  en  ses  vivantes  passions, 
soit  en  ses  aspirations  pleines  d'infini  et  de  mystère.  Et 
ainsi  la  peinture,  la  statuaire,  la  musique,  la  poésie  lui 
composent  un  jeu  savant  et  divin. 

Reste,  il  est  vrai,  une  manière  de  jouer  que  nous  avons 
jusqu'ici  passée  sous  silence,  et  qui,  infiniment  moins  noble 
que  les  précédentes,  passe  aux  yeux  du  vulgaire  pour  la 
plus  captivante  et  de  beaucoup.  Bien  que  ce  nouveau  mode 
paraisse,  au  premier  coup  d'œil,  sans  rapports  avec  ceux 
que  nous  venons  de  dire,  on  va  s'assurer  que  la  dissem- 
blance est  toute  superficielle  et  que  nos  définitions  initiales 
ont  à  son  égard  conservé  leur  valeur.  Je  veux  parler  des 
jeux  de  hasard.  Quoi  que  l'on  veuille  entendre  sous  ce  mot 
de  hasard,  soit  qu'avec  Spinoza  et  Hume,  on  l'emploie  à  dé- 
signer simplement  notre  ignorance  des  causes,  soit  qu'avec 
Cournot  on  nomme  de  ce  nom  l'interférence  à  un  point 
donné  du  temps  de  deux  séries  causales  indépendantes  l'une 
de  l'autre,  il  est  assurément  une  chose  dont  tout  le  monde 
tombera  d'accord  :  c'est  que  le  fortuit,  c'est,  en  fait  du 
moins,  l'imprévisible  ou,  si  l'on  aime  mieux,  l'indétermi- 
nable pratiquement.  Or,  ne  serait-ce  pas  précisément  ce 
caractère  qui  nous  livrerait  la  clef  de  la  jouissance  si  vive, 
si  aiguë  parfois,  que  nous  font  éprouver  les  divertissements 
qui  ont  le  hasard  pour  pivot?  Dans  le  cours  ordinaire  de 
notre  vie,  en  effet,  la  portée  de  tous  nos  actes  est  mesurée 
très  exactement,  et  nous  évaluons,  non,  il  est  vrai,  sans 
parfois  commettre  de  lourdes  erreurs,  les  conséquences 
de  leurs  conséquences.  C'est  un  réseau  complexe  de  causes, 
d'effets  et  d'effets  d'effets,  dont  les  fils  sont  à  la  longue 
machinalement  tissés  par  nous.  Les  combinaisons  de  ha- 
sard nous  font,  au  contraire,  pour  quelque  temps,  déchirer 
quelques  mailles  de  l'étroit  filet.  Elles  mettent  au  défi  nos 
évaluations  ;  elles  ont  cette  magie  de  sembler  rompre  le 
déterminisme.  Notre  imagination  voit  se  briser  notre  chaîne 
et,  si  Ton  dirige  l'attention  sur  les  secrets  motifs  qui 
animent  le  joueur,  on  percevra  que  l'intense  satisfaction 
éprouvée  déjfive  en  dernière  analyse  de  notre  passion  de 
liberté. 

Toutefois,  une  difficulté  se  dresse  :  d'où  vient,  dira-t*on, 
que  les  jeux  de  hasard  sont  particulièrement  attachants 
lorsqu'un  gain  leur  est  annexé,  et  comment  concilier  ce  fait 
avec  le  principe  posé  tout  à  l'heure,  suivant  lequel  l'activité 
qui  se  déploie  dans  le  jeu  serait  exempte  de  tout  intérêt? 
—  La  raison  en  est,  répondrons*nous,  que  l'activité  qui  se 
déploie  dans  le  jeu  de  hasard  est  l'activité  à  peu  près  exclu- 
sive de  notre  imagination.  Elle  n'engendre  ni  des  mouve- 
ments ni  des  œuvres,  et  cependant  elle  a  besoin  d'une  ma- 
tière ;  cette  matière  ne  sera  autre  que  notre  intérêt. 
On  joue  avec  l'intérêt  comme  on  joue  avec  ses  muscles.  Et 
nous  ajouterons  que  le  jeu  de  l'intérêt  est  à  sa  manière  une 
imitation,  ce  qui  lui  donne,  avec  l'art,  un  point  d'attache. 
Oui,  le  jeu  de  hasard  imite  les  vicissitudes  de  la  vie  indus- 
trieuse avec  ses  ambitions,  son  aléa,  ses  surprises;  il  repro- 
duit les  métamorphoses  des  conditions,  les  alternances  si 
brusques  parfois  de  la  prospérité  et  du  malheur.  L'exis- 
tence sociale  elle-même  apparaît  comme  un  immense  jeu  de 
ce  genre  et  le  langage  courant  note  l'analogie,  qui  a  rendu 
courante  cette  expression  :  la  bonne  et  la  mauvaise  fortune* 
Plus  encore,  il  serait  possible,  en  pénétrant  davantage  cet 
intéressant  sujet,  de  relever  une  identité  d'origine  entre  le 
plaisir  que  l'on  goûte  aux  jeux  de  hasard  et  celui  qui  nous 
attire  au  drame  et  au  roman  d'aventures.  De  part  et  d'autre, 
notre  imagination  nous  fait  oublier  le  déterminisme  donné 
qui  enserre  présentement  notre  personnalité,  et  elle  va, 
cherchant  dans  des  combinaisons  nouvelles  et  imprévues, 


JEU  —  448  — 

des  sources  vives  d'émotions.  Dans  les  deux  cas,  l'homme 
mime  sa  propre  activité  :  il  mime  sa  vie,  son  ambition  de 
parvenir,  son  appétit  de  bonheur. 

Concluons  donc  qu'une  psychologie  serait  bien  courte  qui 
ferait  à  l'amour  du  jeu  une  place  seulement  épisodique. 
Comme  Tart,  je  le  reconnais,  il  n'est  qu'un  mirage,  mais 
c'est  un  mirage  bienfaisant,  à  la  condition  que  le  fantôme 
ne  finisse  point  par  supplanter  la  réalité.  Dans  le  cas  du 
hasard  surtout,  le  jeu  peut  captiver  à  ce  point  de  rendre 
désormais  inapte  aux  uniformités  modestes,  à  la  patience  du 
travail  journalier.  Enfin  un  mobile  de  pur  intérêt  linit  trop 
souvent  par  en  altérer  la  nature.  On  espère  de  quelques 
coups  de  cartes  le  miracle  d'édifier  une  fortune  qui,  dans  les 
conditions  ordinaires,  réclamerait  le  labeur  de  toute  une  vie. 
Dans  ces  tristes  exemples,  il  est  trop  clair  que  le  jeu  n'est 
plus  devenu  qu'un  prétexte  sous  lequel  s'abritent  la  cupi- 
dité, la  paresse,  l'envie  même,  en  sorte  que  ce  qui,  dans 
l'origine,  était  apparu  comme  le  déploiement  de  notre  libre 
activité,  aboutit,  en  des  cas  extrêmes  et  cependant  bien  com- 
muns, à  faire  de  la  volonté  l'esclave  des  plus  viles  pas- 
sions. Georges  Lyon. 

Pédagogie.  —  Longtemps  les  jeux  des  enfants  et  des 
jeunes  gens  n'ont  été  l'objet  que  d'une  médiocre  attention 
de  la  part  des  éducateurs,  devant  qui  ils  ne  trouvaient 
grâce  qu'à  titre  de  distractions  nécessaires.  Si  insuffisantes 
que  fussent  les  notions  d'hygiène  et  de  physiologie,  on  était 
bien  forcé  de  reconnaître  que  des  moments  de  répit  sont 
indispensables  dans  l'étude,  que  l'esprit  perd  son  ressort 
à  trop  rester  tendu,  que  le  travail  d'abord,  la  santé  à  la 
longue,  souffrent  d'une  application  trop  prolongée,  d'ail- 
leurs absolument  contraire  au  tempérament  des  enfants, 
pour  qui  le  mouvement  et  la  joie  sont  des  besoins.  Cette 
vérité  élémentaire  est  aujourd'hui  familière  à  tout  le  monde 
et  tient  la  place  qu'elle  doit  au  moins  dans  la  théorie  de 
l'éducation,  quoiqu'elle  en  tienne  toujours  trop  peu  dans  la 
pratique.  Mais  bien  autre  est  l'importance  du  jeu  dans  la 
pédagogie  moderne.  Déjà  Rabelais  y  voit  très  nettement 
une  condition  et  une  forme,  presque  la  forme  par  excel- 
lence du  libre  développement  de  l'enfiint,  au  triple  point  de 
vue  physique,  intellectuel  et  moral.  C'est  l'opinion  qui  a 
prévalu  de  plus  en  plus  dans  la  pédagogie  libérale. 

Au  physique,  il  n'y  a  plus  de  doute  pour  personne  :  ni 
la  gymnastique  même  la  plus  rationnelle,  si  utile  qu'elle 
puisse  être,  ni  les  moyens  orthopédiques  les  plus  savants, 
si  nécessaires  qu'ils  soient  quelquefois,  ne  valent  ni  ne  sau- 
raient remplacer  les  jeux  libres,  surtout  les  jeux  de  plein 
air,  les  grands  jeux  de  force  et  d'adresse,  dans  lesquels 
s'exaltent  toutes  les  énergies  vitales,  se  développent  symé- 
triquement tous  les  organes,  s'harmonisent  toutes  les 
fonctions.  Aucun  jeu,  peut-être,  ne  suffirait,  à  lui  seul, 
parce  que  chacun  met  en  œuvre  certains  muscles  principa- 
lement, et  que  l'enfant  livré  à  lui  seul  fait  de  préférence 
les  mouvements  qu'il  fait  le  mieux,  par  conséquent  qu'il  a 
le  moins  besoin  de  faire  :  de  là  la  nécessité  de  la  gymnas- 
tique méthodique  et  celle  d'une  certaine  direction  et  surveil- 
lance exercée  sur  les  jeux  eux-mêmes,  ne  fût-ce  que  pour 
les  varier  et  les  graduer.  Mais  cette  direction  doit  être  très 
discrète  :  il  faut  beaucoup  se  fier  à  la  nature.  Les  jeux  les 
plus  libres  sont  les  meilleurs,  et  ils  font  d'autant  plus  de 
bien  qu'ils  sont  plus  libres.  Quant  à  l'orthopédie,  si  elle 
reste  nécessaire  pour  corriger  les  déviations  de  croissance, 
on  sait  que  ces  déviations  ne  se  produisent  guère  quand  la 
croissance  est  absolument  libre.  Contre  la  scoliose,  la  myo- 
pie, tous  les  dangers  résultant  de  la  vie  sédentaire  et  du 
travail  cérébral  forcément  imposé  aux  enfants,  il  n'y  a 
point  de  remède  en  dehors  d'une  très  large  part  faite  au 
loisir,  non  au  repos  seulement,  mais  au  loisir  actif  en  plein 
air,  au  déploiement  libre  et  gai  de  toutes  les  forces. 

Ce  déploiement  des  forces  physiques  ne  va  jamais  sans 
un  vif  exercice  des  sens  et  de  toutes  les  facultés  intellec- 
tuelles. Assurément,  ce  serait  un  paradoxe  de  dire  que  le 
jeu  peut  rendre  à  l'esprit  tous  les  mêmes  services  que  le 
travail;  ce  serait  surtout  une  erreur,  et  pire  encore,  de 


vouloir  faire  de  l'étude  même  un  jeu,  en  la  rendant  tou- 
jours et  à  tout  prix  amusante.  Mais  si  l'efiort  qui  coûte,  si 
le  labeur  méthodique  est  une  condition  du  progrès  qu'on 
demande  à  l'étude,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  le  jeu 
aussi,  certains  jeux  surtout,  mais  tout  jeu  plus  ou  moins, 
excite,  exerce,  assouplit  la  pensée,  lui  donne  du  mouvement 
et  du  ressort,  développe  le  coup  d'œil,  l'esprit  d'à-propos, 
l'esprit  de  finesse.  Mentalement  donc,  aussi  bien  que  phy- 
siquement, le  jeu  a  une  vertu  éducative.  L'étude,  quelque 
soin  qu'on  prenne  de  la  régler  savamment,  risque  toujours 
de  produire  certaines  déviations  de  croissance  dans  le  sens 
de  quelque  spécialité.  C'est  lui  qui  assure  l'équilibre  et  le 
rétablit  au  besoin.  De  là  le  bienfait,  même  intellectuel,  des 
vacances  intelligemment  employées.  Le  loisir  actif  sous 
toutes  ses  formes  saines,  —  voyages,  sports  divers,  rela- 
tions sociales  ---  a  une  valeur  orthopédique.  Non  seulement 
il  anime  et  vivifie,  mais  il  harmonise  en  fortifiant. 

Or,  ces  mêmes  services  qu'il  rend  au  corps  et  à  l'esprit, 
il  les  rend  encore  au  caractère.  D'abord,  moralement  comme 
intellectuellement,  la  première  chose  à  faire  pour  l'édu- 
cateur est,  selon  le  conseil  de  Montaigne,  de  «  laisser 
trotter  »  l'élève  devant  lui,  pour  juger  de  son  allure.  L'en- 
fant n'est  jamais  plus  lui-même  que  dans  ses  jeux.  C'est  là 
qu'il  faut  observer  à  nu  ses  tendances,  pour  les  diriger 
ensuite  et,  s'il  y  a  lieu,  les  transformer.  Mais  indépendam- 
ment de  toute  direction  intentionnelle,  la  plupart  des  jeux 
exercent  et  éprouvent  la  volonté,  la  fortifient  par  consé- 
quent, soit  qu'ils  demandent  plutôt  la  décision  hardie  et 
prompte,  ou  la  ténacité,  ou  la  patience,  ou  le  sang-froid, 
ou  toutes  ces  qualités  à  la  fois,  comme  c'est  l'ordinaire 
surtout  dans  les  jeux  collectifs  où  deux  camps  luttent  de 
vigueur  et  d'adresse.  Le  profit  moral  est  au  maximum 
quand  les  équipes  ne  s'organisent  pas  seulement  à  l'im- 
proviste,  mais  sont  constituées  en  sociétés  de  jeux,  s'ad- 
ministrant  elles-mêmes,  nommant  leurs  chefs,  faisant  leur 
règlement.  C'est  là  vraiment  l'apprentissage  de  la  liberté. 
Car  être  un  homme  libre,  c'est  obéir  à  des  lois  qu'on  se 
donne  et  à  des  chefs  qu'on  a  choisis  ;  et  une  société  libre 
ne  subsiste  que  par  l'union  volontaire  de  ses  membres  sous 
une  loi  commune.  Le  concert  des  énergies  individuelles  à 
la  fois  exaltées  et  maîtresses  d'elles-mêmes,  dévouées  les 
unes  aux  autres  jusqu'au  sacrifice,  tempérées  par  l'esprit 
de  justice  et  élevées  au-dessus  de  l'égoïsme  par  l'esprit  de 
solidarité  :  voilà  l'idéal  social  que  l'enseignement  moral 
proprement  dit  fera  goûter  à  la  raison.  Cet  idéal,  le  jeu 
déjà  le  révèle  à  l'enfant  et  le  lui  fait  aimer  :  de  là  la  large 
part  que  fait  au  jeu,  et  que  lui  fera  de  plus  en  plus  la  pé- 
dagogie libérale.  H.  Marion. 

Sociologie.  —  Le  jeu,  dont  l'origine  et  le  caractère  psy- 
chologique sont  étudiés  ci-dessus,  est  une  occupation  com- 
mune à  tous  les  animaux  supérieurs  et  particulièrement  à 
toutes  les  races  humaines.  Toutes  pratiquent  plus  ou  moins 
l'exercice  de  l'activité  physique  ou  mentale  sans  but  sérieux, 
habituellement  afin  de  se  délasser  du  travail.  Au  premier 
rang  viennent  les  jeux  physiques.  Ils  tiennent  une  grande 
place  dans  la  vie  des  enfants  et  subsistent  même  chez  les 
populations  où  l'éducation  est  le  plus  disciplinée,  à  côté  de 
la  pmnastique.  Il  est  d'ailleurs  assez  difficile  de  tracer  la 
limite  précise  entre  les  exercices  gymnastiques  et  le  jeu  qui 
reproduit  la  plupart  de  ceux-ci  .-"course,  lutte,  saut,  etc., 
le  mobile  étant  souvent  dans  les  deux  cas  l'amour-propre, 
le  désir  d'affirmer  une  prééminence  sur  les  concurrents  ou 
camarades.  La  course,  plus  ou  moins  variée  par  des  combi- 
naisons d'adresse,  fait  encore  le  fond  de  beaucoup  de  jeux 
d'enfants  :  barres,  épervier,  cache-cache,  rentrée,  soit  qu'il 
s'agisse  simplement  d'attraper,  entre  certaines  limites,  soit 
qu'il  faille  préalablement  découvrir,  puis  attraper  les  joueurs 
du  camp  opposé.  Le  caractère  commun  à  ces  jeux  et  à  tous 
les  autres  est,  en  effet,  la  division  des  joueurs  en  plusieurs 
bandes  ou  partis  (généralement  deux)  qui  luttent  l'un  contre 
l'autre.  —  Le  saut  donne  ]ieu  à  des  combinaisons  peu  va- 
riées, saut  en  hauteur  ou  en  largeur,  saute-mouton,  jeu 
de  l'ours,  où  il  s'agit  de  s'asseoir  d'un  bond  au  sommet 


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d'un  cercle  formé  par  les  têtes  et  les  éf saules  de  camarades 
groupés  en  rond  et  tournant  le  dos  au  dehors.  L'adresse  à 
grimper  donne  lieu  à  divers  jeux  dont  le  plus  répandu  est 
celui  du  mât  de  cocagne,  ofFrant  au  haut  du  mât  bien  sa- 
vonné un  prix  au  plus  adroit  grimpeur.  Le  jet  d'un  corps 
pesant,  ordinairement  d'un  disque  ou  d'un  palet,  est  un  jeu 
très  pratiqué,  soit  qu'on  se  borne  à  en  faire  une  épreuve 
de  vigueur  en  jetant  le  plus  loin  possible  un  disque  très 
lourd,  un  marteau,  etc.,  soit  qu'on  le  transforme  en  jeu 
d'adresse  en  visant  à  atteindre  un  certain  objet  ou  à  s'en 
rapprocher  le  plus  possible  :  par  exemple,  dans  le  jeu  du 
tonneau,  du  bouchon,  de  boules  ou  du  cochonnet,  de 
quilles,  etc.  On  y  peut  rattacher  les  innombrables  variétés 
du  jeu  de  balle,  de  bille  ou  de  paume,  dont  la  vogue  est 
encore  aussi  vive  qu'au  temps  de  VOdyssée,  ballon,  foot- 
ball, lawn-tennis,  croquet,  billard,  etc. 

Aux  jeux  physiques  proprement  dits  se  rattachent  les 
jeux  militaires,  inséparables  des  exercices  militaires,  attendu 
que  chacun  de  ceux-ci  est  pratiqué  comme  jeu  par  ceux  qui 
en  ont  le  goût.  Chez  beaucoup  de  sauvages,  les  jeux  mili- 
taires sont  les  plus  ou  même  les  seuls  goûtés  des  adultes  : 
escrime  de  l'épée  ou  de  la  lance,  tir  de  l'arc,  etc.  Aujour- 
d'hui encore,  dans  nos  pays,  l'escrime,  le  tir  sont  des  jeux 
très  pratiqués.  Au  moyen  âge,  les  tournois  ont  tenu  dans 
la  vie  des  nobles  une  très  large  place.  Les  carrousels  n'en 
sont  qu'un  pâle  reflet.  Le  seul  jeu  sanglant,  universelle- 
ment pratiqué  en  Europe  et  qui  puisse  être  assimilé  aux 
jeux  militaires,  est  la  chasse. 

Jusqu'ici  nous  nous  sommes  placés  seulement  au  point 
de  vue  de  ceux  qui  prennent  part  au  jeu.  Mais  il  y  en  a 
un  autre,  non  moins  important.  En  effet,  dans  presque 
tous  ces  jeux  physiques,  le  plaisir  est  double  :  à  celui  des 
acteurs  s'ajoute  celui  des  spectateurs,  lequel  devient  dans 
une  foule  de  cas  le  but  principal  du  jeu.  Il  en  résulte  natu- 
rellement de  profondes  modifications  dans  l'organisation  de 
celui-ci,   désormais  approprié  au  spectacle  qu'il    s'agit 
d'ofirir.  Une  grande  part  du  plaisir  tenant  à  l'incertitude 
du  succès  final,  on  tend  à  équilibrer  les  chances  de  ma- 
nière à  ménager  jusqu'au  bout  ce  genre  d'intérêt.  D'autre 
part,  les  jeux  dégénèrent  en  véritables  combats,  d'autant 
plus  passionnants  pour  le  spectateur,  mais  n'ayant  plus 
rien  de  leur  caractère  primitif  pour  les  acteurs  ;  ces  der- 
niers deviennent  des  professionnels  qui  vivent  du  spectacle 
offert  par  eux  aux  badauds.  Ainsi  se  développe  l'industrie 
nouvelle  des   saltimbanques,    des   prestidigitateurs,    des 
cirques  et  à  un  degré  plus  intellectuel  du  théâtre  (danse, 
représentations  scéniques,  concerts,  etc.),  le  jeu  se  trans- 
formant en  art  (V.  le  §  Psychologie).  Laissant  de  côté 
tout  ce  qui  intéresse  l'art,  nous  n'avons  à  signaler  ici  que 
les  spectacles  qui  restent  de  simples  jeux  :  courses  et  com- 
bats d'hommes  ou  d'animaux.   Les  courses  à  pied,  les 
courses  de  chars  dans  l'antiquité,  les  courses  de  vélocipèdes 
et  de  chevaux  à  l'époque  contemporaine  attirent  la  plus 
grande  affluence  de  spectateurs  ;  leur  vogue  dépasse  celle 
des  représentations  scéniques  (théâtre,  café-concert).  La 
lutte,  la  boxe,  particuHèrement  dans  les  pays  anglo-saxons, 
excitent  encore  l'enthousiasme  de  milliers  de  spectateurs  ; 
les  combats  de  gladiateurs  furent  le  passe-temps  favori  des 
Romains  ;  notre  époque  ne  connaît  plus  de  combats  san- 
glants que  ceux  des  animaux,  combats  de  coqs  surtout  en 
Malaisie,  combats  de  taureaux  en  Espagne.  Pour  les  pre- 
miers, comme  pour  les  courses  de  chevaux  et  pour  les 
duels  légendaires  des  boxeurs  américains,  il  intervient  or- 
dinairement un  élément  nouveau,  qui  modifie  complètement 
le  caractère  psychologique  du  plaisir  du  jeu,  le  pari.  Mais 
celui-ci  joue  un  bien  plus  grand  rôle  dans  les  jeux  d'in- 
telligence que  dans  les  jeux  physiques. 

L'exercice  désintéressé  de  l'activité  mentale  est  chez  les 
civilisés  aussi  fréquent,  pour  le  moins,  que  celui  de  l'acti- 
vité physique.  Le  jeu  est  généralement  pratiqué  même  par 
les  travailleurs  dans  les  moments  de  repos;  il  suffit  à  rem- 
pUr  la  vie  de  milliers  d'oisifs.  Les  jeux  intellectuels  sont 
extrêmement  nombreux  :  quelques-uns  sont  de  pures  com- 


binaisons, donnant  lieu  à  un  art  complet  :  tels  les  échecs, 
les  dames;  le  domino,  le  trictrac  comportent  une  forte  part 
de  hasard  :  celui-ci  est  plus  ou  moins  grand,  parfois  total 
dans  les  jeux  de  cartes,  whist,  piquet,  écarté,  poker,  bac- 
cara,  etc.  ;  il  régne  seul  dans  le  jeu  de  dés  et  ses  dérivés  (par 
exemple  le  jeu  de  l'Oie).  Pour  compléter  la  nomenclature 
des  jeux  intellectuels,  il  faut  citer  les  devinettes,  rébus, 
casse-tête  variés,  etc.,  puis  h^  jeux  de  société  ou  jeux  in- 
nocents, enfin  les  jeux  scientifiques,  physique  amusante,  etc. 
Les  jeux  intellectuels  ont  l'avantage  de  développer  l'at- 
tention ;  les  jeux  de  société  constituent  une  récréation  ano- 
dine, parfois  précieuse.  Les  jeux  scientifiques  constituent  un 
utile  complément  d'éducation  et  donnent  la  clef  des  combi- 
naisons des  prestidigitateurs.  On  trouvera  l'énumération  et 
la  description  de  beaucoup  d'amusements  de  ce  genre  dans 
des  ouvrages  spéciaux,  auxquels  il  suffit  de  renvoyer.  On 
trouvera  d'ailleurs  dans  la  Grande  Encyclopédie  des  ar- 
ticles étendus  sur  les  principaux  jeux  (V.  Course,  Dames, 
Echecs,  Carte,  Ecarté,  Piouet,  etc.). 

Jusqu'ici  nous  nous  sommes  occupés  du  jeu  envisagé 
comme  exercice  physique  ou  mental,  jeu  de  force,  d'adresse 
ou  de  combinaison  [)rocurant  à  celui  qui  s'y  livre  ou  à  ce- 
lui qui  le  contemple  une  distraction  et  un  plaisir.  Il  nous 
reste  à  parler  des  jeux  de  hasard.  Entre  ceux-ci  et  les  pré- 
cédents, l'antithèse  est  complète.  Les  uns  représentent 
l'exercice  désintéressé  de  l'activité,  les  autres  l'acte  le  plus 
intéressé,  la  tentative  pour  se  procurer  un  gain  sans  tra- 
vail; d'une  part,  le  simple  plaisir  de  l'effet;  de  l'autre  la 
suppression  de  tout  effort.  La  différence  résulte  de  l'union 
au  jeu  d'un  autre  facteur,  le  pari.  Presque  tous  les  jeux 
comportent  une  lutte  entre  deux  ou  plusieurs  individus  ou 
deux  ou  plusieurs  groupes.  Le  vainqueur  retire  du  succès 
une  satisfaction  d'orgueil.  La  tentation  est  très  forte  d'y 
adjoindre  un  bénéfice  matériel.  Dans  le  jeu-spectacle,  un 
prix  est  habituellement  proposé  au  vainqueur,  et  il  arrive 
que  le  jeu  devient  pour  celui  qui  s'offre  en  spectacle  une 
profession  semblable  aux  autres.  Les  spectateurs  glissent 
sur  la  même  pente  et  volontiers  soulignent  la  préférence 
qu'ils  ont  pour  l'un  ou  l'autre  champion  en  pariant  en  sa 
faveur.  Dans  les  jeux  ordinaires,  les  défis  ont  souvent  le 
même  corollaire,  un  pari  engagé  entre  les  concurrents. 
Nous  avons  indiqué  déjà  comment  cette  tendance,  combi- 
née avec  préoccupation  d'aviver  l'intérêt  du  spectacle,  con- 
duit à  égaliser  les  chances,  de  manière  à  laisser  au  hasard 
la  plus  grande  place  dans  l'issue.  Une  confusion  s'établit 
entre  le  jeu  et  l'appel  au  hasard.  Elle  est  facilitée  par  les 
idées  religieuses  qui  dans  l'un  et  l'autre  cas  attribuent  la 
décision  au  choix  fait  par  les  dieux.  On  leur  fait  honneur  de 
la  victoire,  et  dans  les  circonstances  douteuses,  lorsqu'on  hé- 
site entre  plusieurs  résolutions,  on  emploie  le  tirage  au  sort 
pour  connaître  leur  préférence,  l'indication  fournie  par  le 
sort  étant  censée  émaner  d'eux  (V.  Divination).  L'appel  au 
hasard  devient  une  méthode  pour  tous  les  cas  douteux, 
par  exemple  pour  décider  de  la  propriété  d'un  objet  con- 
testé. Il  devient,  à  côté  du  travail  et  du  brigandage  mili- 
taire, un  moyen  d'acquérir.  Chez  un  grand  nombre  de 
peuples  sauvages,  nous  trouvons  cette  passion  du  pari.  On 
le  greffe  sur  les  jeux  les  plus  simples,  sur  ceux  où  l'ha- 
bileté a  le  moins  de  rôle  et  dans  lesquels  tout  ou  presque 
tout  dépend  du  hasard.  La  violence  des  passions  excitées 
par  ces  jeux,  qui  ne  sont  plus  que  des  prétextes  à  parier, 
est  telle  qu'ils  effacent  tous  les  autres  et  que  dans  le  lan- 
gage le  mot  joueur  est  synonyme  de  parieur. 

Les  jeux  de  hasard  les  plus  simples  sont  ceux  qui  éga- 
lisent exactement  les  chances  et  comportent  le  minimum 
d'appareil  :  pair  ou  impair,  pile  ou  face  ;  de  même  la  mora 
des  Italiens,  et  la  plupart  des  combinaisons  du  jeu  de  dés 
qui  fut  longtemps  le  plus  usité  de  tous.  Dans  l'Europe  mo- 
derne, il  a  été  détrôné  par  les  cartes  ;  tous  les  jeux  de 
cartes  sont  des  jeux  de  hasard,  mais  l'habileté  du  joueur 
joue  dans  quelques-uns  un  rôle  appréciable  (whist,  piquet, 
écarté,  poker),  tandis  que  dans  d'autres  elle  est  négli- 
geable ou  n'intervient  pas  (baccara,  pharaon,  rouge  et 


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noir,  trente  et  quarante,  onze  et  demi,  vingt-un,  passe- 
dix,  lansquenet,  rams,  etc.).  Tous  laissent  une  porte  ou- 
verte à  la  fraude;  les  tricheries  les  plus  banales  sont, 
d'une  manière  générale,  celles  qui  consistent  à  s'assurer 
des  cartes  avantageuses,  soit  en  les  retrouvant  dans  le  pa- 
quet, soit  en  les  ajoutant  au  jeu  ;  et  celles  qui  vous  font 
connaître  le  jeu  de  l'adversaire,  soit  en  marquant  les 
cartes,  soit  en  se  faisant  renseigner  par  un  compère,  soit 
en  ayant  ce  dernier  pour  adversaire  et  s'entendant  avec 
lui  pour  détrousser  les  parieurs  qui  ont  misé  sur  l'un  ou 
l'autre  jeu  ;  la  tricherie  à  la  marque,  par  laquelle  on  s'ajoute 
des  points  ;  la  fraude  consistant  à  augmenter  ou  à  dimi- 
nuer son  enjeu  après  que  le  coup  est  gagné  ou  perdu,  etc.  ; 
à  l'écarté  on  s'assure  le  roi  ou  bien  on  le  retourne  ;  on 
prend  six  cartes  et  on  en  écarte  une  de  plus  qu'on  n'an- 
nonce ;  au  baccara  on  fait  ajouter  au  paquet  une  «  por- 
tée »  de  cartes  connues  du  banquier  et  qui  lui  assurent 
le  gain  d'une  série  de  coups  ;  au  poker,  on  complète  une 
séquence,  un  brelan,  en  reprenant  une  carte  de  son  écart 
ou  en  l'ajoutant  ;  de  même  au  piquet  ;  la  simple  énuméra- 
tion  des  inventions  des  «  grecs  »  pour  voler  les  joueurs 
naïfs  suffit  à  remplir  des  volumes.  Le  seul  remède  est  de 
ne  jouer  qu'avec  des  personnes  qui  vous  sont  complète- 
ment connues.  L'habitude  du  jeu  est  très  répandue,  et 
presque  tout  le  monde  y  joint  un  pari,  expose  un  enjeu. 
Dans  la  majorité  des  cas  cet  enjeu  est  minime,  étant  seule- 
ment destiné  «  à  intéresser  la  partie  ».  On  joue  au  café 
les  consommations  aux  cartes,  au  domino,  au  billard.  On 
joue  en  famille  quelques  sous  au  loto.  Si  le  jeu  était  limité 
à  des  paris  individuels,  il  serait  presque  inoffensif.  Mais 
on  a  vu  s'introduire  l'exploitation  du  jeu  par  des  indus- 
triels qui  offraient  à  tout  venant  de  parier  contre  eux, 
mais  qui  ne  lui  laissaient  pas  une  chance  égale  à  la  leur  ; 
ils  s'assuraient  un  avantage.  Les  systèmes  destinés  à  pro- 
curer à  celui  qui  offre  le  pari  et  qui  tient  le  jeu  (on  l'ap- 
pelle banquier),  contre  les  parieurs  ou  pontes  une  pro- 
babilité supérieure  de  gain,  varient  selon  les  jeux.  A  la 
roulette  l'avantage  essentiel  du  banquier  consiste  en  ce 
qu'il  a  36  chances  contre  \  au  ponte  et  que  pourtant  il 
ne  paye  au  gagnant  que  35  fois  sa  mise;  il  se  réserve 
ainsi  2,7  °/o.  Au  pharaon,  l'avantage  résultant  du  plié 
(6  ^/o)  et  de  la  dernière  carte  (3  °/o)'est  encore  plus  fort  ; 
les  loteries,  et  notamment  celles  qui  organisent  le  pari 
sur  des  numéros  donnent  au  banquier  le  maximum  do 
bénéfice.  Aux  courses,  le  prélèvement  du  bookmaker  varie 
de  40  à  25  *>/o;  celui  du  pari  mutuel  est  en  France  habi- 
tuellement de  7  *>/o  (V.  Course,  Loterie,  Roulette,  etc.). 
Un  certain  nombre  de  jeux  déguisent  de  simples  escroque- 
ries :  par  exemple  le  bonneteau^  les  poules  au  billard  or- 
ganisées dans  des  cafés  par  des  spécialistes  qui  s'entendent 
pour  détrousser  les  parieurs.  La  plupart  des  maisons  de 
jeu  déguisées  sous  le  nom  de  casinos  ou  de  cercles  ne  se 
contentent  pas  des  bénéfices  de  la  cagnote  et  s'entendent 
avec  des  grecs,  tricheurs  de  profession,  pour  voler  les 
joueurs.  L'exploitation  industrielle  du  jeu-pari  est  presque 
toujours  doublée  d'un  vol. 

Un  caractère  commun  à  la  plupart  des  jeux  de  hasard 
est  leur  extrême  facilité  ;  ils  reposent  sur  les  combinaisons 
les  plus  simples  des  cartes  ou  des  dés,  afin  que  tout  le 
monde  puisse  s'y  adonner.  Dans  ceux  qui  sont  l'objet  d'une 
exploitation  industrielle,  on  cherche  à  ce  que  le  jeu  soit  le 
plus  vite  possible  :  plus  les  paris  se  succèdent  rapidement, 
plus  souvent  se  répète  la  prime  du  banquier  et  plus  aussi 
s'accentue  l'entraînement  du  joueur,  ne  lui  laissant  aucun 
intervalle  pour  se  ressaisir.  La  roulette  et  certains  jenx  de 
cartes  (baccara,  trente  et  quarante,  etc.)  ont  à  cet  égard  un 
redoutable  privilège. 

Tous  les  moralistes  s'accordent  à  dénoncer  les  funestes 
effets  de  la  passion  du  jeu  (pari).  Le  joueur  perd  l'habi- 
tude et  le  goût  du  travail,  la  rémunération  régulière  que 
celui-ci  assure  paraissant  infime  comparée  au  gain  qu'une 
série  de  paris  heureux,  un  moment  de  veine,  peuvent  pro- 
curer en  quelques  minutes.  Il  perd  la  notion  de  la  valeur 


de  l'argent  et,  alors  même  que,  pendant  un  délai  prolongé, 
ses  gains  et  pertes  se  compenseraient  ou  laisseraient  une 
plus-value,  le  joueur  n'en  aurait  pas  moins  été  entraîné  à 
des  dépenses  tellement  supérieures  à  ses  ressources  nor- 
males que  sa  ruine  demeure  certaine.  La  violence  des  émo- 
tions du  jeu  détruit  tous  les  autres  sentiments  et  livre  le 
joueur  à  toutes  les  impulsions  :  superstitions  puériles, 
abandon  de  la  famille,  vol,  abus  de  confiance,  meurtre 
même,  pour  obtenir  l'enjeu  d'une  nouvelle  partie.  Ces  dan- 
gers sont  si  flagrants  que  tous  les  Etats  civilisé*  ont  re- 
connu qu'il  y  a  un  intérêt  social  majeur  à  refréner  le  jeu. 
Cependant  il  faut  reconnaître  que  son  rôle  dans  notre 
société  est  bien  plus  considérable  qu'il  ne  paraît  au  premier 
abord.  On  retrouve  à  tous  les  degrés  l'opération  qui  con- 
siste à  chercher,  au  prix  d'un  risque,  un  gain,  lequel  ne 
représente  plus  alors  le  résultat  d'un  travail,  mais  le  ré- 
sultat d'un  combat.  La  forme  la  plus  simple  est  le  jeu 
ordinaire,  roulette  ou  jeu  de  cartes,  par  exemple  ;  mais 
tous  les  échanges,  toutes  les  affaires  à  échéance  plus  ou 
moins  longue  comportent  un  élément  de  risque  :  dans  toute 
opération  commerciale  à  terme,  dans  tout  achat  pour  re- 
vendre, il  y  a  une  part  de  jeu,  les  autres  facteurs  étant  le 
travail,  la  matière,  etc.,  éléments  de  la  valeur  actuelle  et 
future  de  l'objet  échangé.  Toutes  les  fois  qu'on  escompte 
l'avenir,  qu'on  opère  sur  des  probabilités,  on  fait  un  acte 
analogue  à  un  pari.  La  spéculation  s'efforce  d'isoler  cet 
élément  des  autres  et  cherche  dans  les  affaires  financières 
et  commerciales  les  profits  du  jeu  ;  c'est  aujourd'hui  de 
beaucoup  la  forme  la  plus  importante  du  jeu  ;  il  se  joue 
dans  les  Bourses  des  valeurs  et  dans  les  diverses  Bourses 
commerciales  des  sommes  cent  fois  plus  considérables  que 
dans  tous  les  tripots,  cercles,  cafés  du  monde  entier.  Les 
opérations  qui  s'y  traitent  sont  en  grande  majorité  fictives 
et  sans  autre  motif  que  le  jeu.  Toutefois,  nous  devons 
observer  que  cette  forme  du  jeu  est  sensiblement  différente 
de  l'autre.  11  ne  s'agit  plus  de  hasard  pur,  mais  de  l'incer- 
titude de  l'avenir  et  du  conflit  de  prévisions  contradic- 
toires sur  des  événements  futurs.  L'intelligence,  l'informa- 
tion ont  ici  une  importance  prépondérante  ;  c'est  seulement 
sur  une  grande  quantité  d'opérations,  c.-à-d.  de  paris,  et 
par  une  vérification  expérimentale,  qu'on  peut  assimiler  le 
jeu  de  bourse  et  la  généralité  des  spéculations  commer- 
ciales à  des  jeux  de  chance  ou  de  hasard.  A  cet  égard,  ils 
représentent  la  contre-partie  de  V assurance  {y,  ce  mot), 
par  laquelle  une  autre  catégorie  de  personnes  cherchent  à 
se  mettre  à  l'abri  des  risques  de  l'avenir. 

A  l'époque  actuelle,  les  trois  espèces  de  jeux  les  plus 
usuelles  sont:  les  jeux  de  cartes,  le  jeu  de  courses,  le  jeu 
de  bourse.  Les  jeux  de  cartes,  auxquels  on  peut  assimiler 
la  roulette,  sont  complètement  ou  à  peu  près  complètement 
des  jeux  de  hasard.  Aux  courses,  il  n'en  est  plus  de  même 
en  apparence  ;  la  connaissance  des  performances  des  che- 
vaux, de  l'état  du  terrain,  du  mérite  des  jockeys,  etc., 
bref  de  toutes  les  conditions  qui  déterminent  le  résultat 
d'une  course,  permettent  de  prédire  à  coup  sûr  le  vain- 
queur ;  telle  est,  du  moins,  l'opinion  des  joueurs  ;  en  fait, 
leur  ignorance  les  réduit  à  parier  au  hasard.  Le  jeu  aux 
courses  est  le  moins  dangereux  à  cause  du  petit  nombre 
de  paris  (six  par  jour,  au  maximum),  de  l'intervalle  qui 
les  sépare  et  permet  d'éviter  l'entraînement  fiévreux  si 
fatal  aux  joueurs  de  cartes  ;  mais  l'aspect  scientifique  du 
jeu  de  courses  conduit  le  joueur  à  consacrer  son  temps  à 
des  études  destinées  à  obtenir  de  meilleurs  pronostics  ;  les 
courses  absorbent  ainsi  toute  son  activité.  Il  en  est  de 
même  pour  le  jeu  de  bourse,  dont  les  paris  sont  encore 
plus  espacés,  mais  portent  sur  des  sommes  plus  fortes. 
Une  des  causes  les  plus  efficaces  de  la  ruine  des  joueurs, 
c'est  que  les  établissements  qui  offrent  à  jouer  prélèvent 
sur  les  joueurs,  par  la  cagnote,  un  impôt  qui,  en  un  temps 
assez  court,  engloutit  la  totalité  des  fonds  promenés  sur  le 
tapis  vert  ;  à  la  roulette,  la  probabilité  est  qu'au  trente- 
sixième  coup  le  joueur  aura  perdu  son  enjeu.  Ce  prélève- 
ment se  retrouve  dans  tous  les  jeux  :  aux  courses,  il  est 


--  451 


JEL 


représenté  par  les  7  Vo  que  retient  l'agence  officielle  du 
pari  mutuel  ;  à  la  bourse  par  le  salaire  ou  courtage  des 
intermédiaires,  agents  de  change,  coulissiers,  etc.  Il  faut 
donc  aux  probabilités  mathématicfues  de  ruine  des  joueurs, 
indiquées  dans  le  §  Mathématiques,  ajouter  ce  fardeau 
écrasant  des  frais  d'organisation  du  jeu.         A.-M.  B. 

Histoire.  —  Grèce.  —  Les  jeux  athlétiques  et  scé- 
niques  prirent  en  Grèce  une  grande  extension,  lis  furent 
associés  aux  grandes  fêtes  religieuses  et,  en  particulier,  les 
jeux  athlétiques  formaient  la  partie  principale  des  grandes 
fêtes  internationales  célébrées  à  intervalle  régulier  à  Olym- 
pie,  à  Delphes,  à  Némée  et  sur  l'Isthme.  On  en  trouvera 
l'historique  et  la  description  dans  les  art.  Isthmiques,  Né- 
MÉENS,  Olympiques  et  Pythiques  (Jeux). 

Rome.  —  Les  jeux  ont  tenu  une  large  place  dans  les 
fêtes  religieuses  romaines,  aussi  bien  dans  les  cultes  pri- 
vés que  publics.  Ces  jeux  comportaient  des  courses,  des 
combats  dans  le  cirque,  combats  de  bêtes  et  combats  de 
gladiateurs  (V.  Cirque  et  Gladiateur)  et  des  représenta- 
tions théâtrales.  Les  dernières  semblent  avoir  été  emprun- 
tées aux  Grecs  ou  aux  Etrusques  ;  les  combats  sanglants 
aux  Etrusques. 

Jeux  funéraires.  Les  jeux  funéraires  (ludi  funèbres 
novemdiales)  étaient  offerts  par  les  familles  riches  le  jour 
du  banquet  funèbre,  c.-à-d.  le  neuvième  après  l'enterre- 
ment; ils  consistaient  en  combats  de  gladiateurs  lesquels 
équivalaient  à  des  sacrifices  humains  de  victimes  immolées 
en  l'honneur  du  défunt. 

Les  jeux  publics  devinrent  fort  nombreux  ;  ils  sont 
énumérés  avec  leurs  dates  à  l'art.  Fête.  Ils  se  divisaient 
au  point  de  vue  du  programme  en  cir censés^  gladiatorii 
et  scenici,  célébrés  dans  le  cirque,  l'amphithéâtre  (cavea) 
ou  le  théâtre  (scena).  Au  point  de  vue  officiel,  on  les  dis- 
tingue en  stati^  votivi  et  extraordinarii  (V.  Fête).  Il 
n'y  avait  de  jeux  faisant  réellement  partie  du  culte  natio- 
nal que  les  Equirria  et  les  Consualia  célébrés  par  les 
pontifes  et  consistant  en  courses  de  chevaux  et  de  chars. 
Cependant  les  autres  jeux  furent  incorporés  au  culte  ro- 
ma;n  et  soumis  au  contrôle  du  collège  des  pontifes,  à  l'ex- 
ception de  ceux  qui  demeurèrent  associés  à  des  cultes 
d'origine  étrangère  et  dépenuirent  du  collège  des  Quinde- 
cemviri  sacris  faciundis  (V.  Pontife  et  Quindecemvirs)  . 
Les  jeux  votifs  étaient  présidés  par  les  magistrats  qui  les 
«  vouaient  »  chaque  année  :  consuls  pour  les  jeux  Romains 
et  les  Grands  Jeux  {ludi  Romani  et  Magni)  ;  édiles  de  la 
plèbe  pour  les  jeux  plébéiens  (hidiiplebeii  et  Ceriales); 
préteur  urbain  pour  les  jeux  ApoUinaires.  Leur  organi- 
sation fut  confiée  aux  édiles  curules,  puis,  après  l'an  22  av. 
J.-C,  aux  préteurs.  Les  jeux  extraordinaires,  voués  parles 
magistrats  pour  un  motif  sérieux,  étaient  comme  les  pré- 
cédents célébrés  aux  frais  du  trésor  public  {sumptu  pu- 
blico)  ;  seulement  les  magistrats  pour  en  accroître  le  faste 
contribuaient  souvent  personnellement  à  la  dépense.  En 
outre,  lorsque  le  Sénat  refusait  d'autoriser  celle-ci,  ils  pou- 
vaient célébrer  les  fêtes  vouées  par  eux  à  titre  de  jeux  pri- 
vés. Les  fériés  privées,  auxquelles  on  invitait  le  peuple 
entier,  se  multiplièrent,  parce  que  les  pontifes  n'autorisaient 
dans  les  jeux  publics  que  les  courses  et  (à  partir  de  364 
av.  J.-C.)  les  représentations  scéniques;  ils  excluaient  les 
combats  sanglants,  le  spectacle  le  plus  goûté  du  peuple. 
Ceux-ci  étaient  offerts  en  supplément  à  titre  de  jeux  pri- 
vés. Cependant,  à  partir  de  405  av.  J.-C,  l'Etat  les  accepta 
et  les  laissa  présider  par  ses  magistrats.  Nous  compléte- 
rons ces  indications  générales  par  un  bref  historique  des 
principaux  jeux. 

Les  jeux  ApoUinaires  furent  voués  en  244,  après  la  dé- 
faite de  Cannes,  pour  se  conformer  à  une  prédiction  des 
Carmina  Marciana  promettant  l'expulsion  des  Carthagi- 
nois en  échange  de  cette  création  ;  ils  se  célébraient  dans  le 
Grand  Cirque.  —  Les  jeux  Capitolins  auraient  été  institués 
par  Camille  en  l'honneur  de  la  délivrance  du  Capitole  ;  il 
n'en  est  plus  question  dans  la  période  répubhcaine.  Sous 
l'Empire  on  retrouve  une  fête  analogue,  mais  qui  semble 


avoir  une  autre  origine  ;  sous  Commode  elle  comportait  des 
concours  gymnastiques,  scéniques  et  musicaux.  —  Les  jeux 
Floraux  institués  en  238  av.  J.-C,  d'après  un  ordre  des 
livres  sibyllins,  étaient  célébrés  dans  le  cirque  Floralis.  — 
Les  jeux  Juvéniles  (Juvenalia)  furent  institués  par  Néron 
pour  rappeler  sa  majorité.  Ses  successeurs  appliquèrent  ce 
nom  aux  jeux  offerts  sur  le  Palatin  au  début  de  l'année.  — 
Les  Grands  Jeux  sont  mentionnés  par  Tite  Live  pour  la 
première  fois  en  484  av.  J.-C;  Denys  d'Halicarnasse  les 
a  décrits  et  en  attribue  la  fondation  au  dictateur  A.  Pos- 
tumius,  vainqueur  des  Latins.  Ils  commençaient  par  une 
procession  du  Capitole  au  Grand  Cirque  par  le  Forum,  où 
le  peuple  se  groupait  en  ordre  militaire  :  en  tête  les  jeunes 
patriciens  à  cheval  ;  en  queue  les  athlètes,  chœurs  de  mu- 
siciens et  les  statues  des  dieux.  Après  un  sacrifice  solen- 
nel avaient  lieu  les  jeux  :  courses  de  chars  et  de  cava- 
liers, luttes  athlétiques  (à  partir  de  488  av.  J.-C).  —  Les 
jeux  Megalenses,  en  l'honneur  de  la  Grande  Mère,  furent 
importés  avec  son  culte,  de  Pessinonte  en  Phrygie  (496  av. 
J.-C).  Les  édiles  curules  C  Atilius  Serranus  et  L.  Scri- 
bonius  Libo  les  célébrèrent  les  premiers.  —  Les  jeux  plé- 
béiens furent  institués  à  une  date  indéterminée,  pour  fêter 
soit  l'expulsion  des  rois,  soit  la  restauration  de  la  bonne 
intelligence  entre  patriciens  et  plébéiens.  Ils  avaient  lieu 
dans  le  cirque  de  Flaminius.  Ils  formaient  la  contre-partie 
des  jeux  Romains,  fête  patricienne,  souvent  confondue 
avec  les  Grands  Jeux  et  célébrée  en  l'honneur  de  la  trinité 
capitoline  (Jupiter,  Junon,  Minerve).  —  Les  jeux  Sécu- 
laires remontent  au  consul  M.  Valerius  Publicola  qui  les 
aurait  institués  sur  l'invitation  des  livres  sybillins.  Leur 
périodicité  dépend  du  calcul  de  l'année  séculaire  qui  fut 
assez  irrégulier.  Le  rituel  était  réglé  par  les  quindecem- 
virs; ils  ne  prirent  de  grande  importance  que  sous  l'Em- 
pire, à  partir  d'Auguste.  L'idée  en  paraît  empruntée  à  la 
théologie  étrusque.  On  trouvera  de  plus  amples  détails  dans 
l'art.  Siècle. 

Temps  modernes.  —  Nous  ne  retrouvons  plus  dans  les 
Etats  modernes  d'organisation  officielle  des  jeux  athlétiques, 
des  représentations  du  cirque  ou  du  théâtre  comparable  à 
celles  de  l'antiquité.  En  revanche,  nous  constatons  une  ten- 
dance à  exploiter  les  jeux  de  hasard  au  profit  du  trésor 
public  et  à  les  transformer  en  une  sorte  d'institution  offi- 
cielle. Le  fait  est  général  pour  le  jeu  de  bourse,  universel- 
lement favorisé,  parce  qu'on  admet  qu'il  favorise  la  circu- 
lation des  capitaux.  Il  l'est  presque  autant  pour  le  jeu  aux 
courses,  auquel  on  impose  seulement  une  lourde  redevance 
au  profit  de  l'Assistance  publique  et  de  l'élevage;  dans  ces 
deux  cas  il  y  a  le  prétexte  d'un  intérêt  général  ;  mais  on 
est  allé  plus  loin  et  on  a  vu  des  gouvernements  développer 
la  passion  du  jeu  pour  l'exploiter  à  leur  bénéfice.  On  trou- 
vera dans  l'art.  Loterie  tous  les  détails  à  ce  sujet  ;  et 
nous  nous  bornerons  à  rappeler  que  dans  les  pays  de  l'Eu- 
rope méridionale,  Italie,  Espagne,  Portugal,  aujourd'hui 
encore  c'est  l'Etat  qui  organise  les  paris  sur  des  combi- 
naisons numériques  et  démoralise  ses  administrés  pour  les 
dévaliser.  On  est  allé  encore  plus  loin  et  on  a  vu  fonction- 
ner des  tripots  officiels  ;  un  seul  s'est  maintenu  par  la  fic- 
tion de  l'indépendance  de  MonacQ,  artificiellement  conservée 
pour  éluder  une  interdiction  à  laquelle  aucun  Etat  digne  de 
ce  nom  n'oserait  se  soustraire.  Sans  atteindre  à  ce  degré 
de  scandale,  tous  tolèrent  l'existence  de  maisons  de  jeux, 
sauf  à  s'efforcer  d'en  réserver  l'usage  aux  classes  aristo- 
cratiques. 

Les  jeux  de  hasard  étaient  très  répandus  dans  l'antiquité: 
en  Grèce,  les  Spartiates  seuls  les  avaient  interdits;  à  Rome, 
plusieurs  empereurs  eurent  la  passion  des  dés  et  y  ris- 
quèrent Qô  grosses  sommes,  entre  autres  Caligula  et  Claude. 
Tacite  nous  dépeint  la  puissance  de  tette  passion  chez  les 
Germains  qui  jouaient  jusqu'à  leur  liberté.  La  législation 
romaine  qui  interdit  le  jeu,  sauf  les  paris  engagés  à  propos 
d'exercices  physiques,  dut  tolérer  qu'on  jouât  son  écot  dans 
les  festins.  Les  prohibitions  que  l'Eglise  fit  édicter  à  diverses 
reprises  prouvent  la  persistance  des  jeux  de  hasard.  Saint 


JEU 


—  452 


Louis  ne  pouvait  empêcher  son  père  de  s*y  adonner.  Au 
XVI®  siècle,  le  rôle  croissant  des  aventuriers,  la  démorali- 
sation italienne  répandirent  partout  les  jeux  de  dés,  de 
cartes.  Il  se  créa  des  maisons  de  jeu  ;  Louis  XIII  en  fit  fer- 
mer 47  à  Paris.  Mais,  particulièrement  sous  le  règne  de 
Louis  XIV,  la  cour  et  le  roi  donnèrent  Texemple  du  mépris 
des  ordonnances  édictées  contre  les  joueurs.  Tout  le  monde 
d'ailleurs  trichait,  le  roi  tout  le  premier.  La  sévérité  qui 
est  adoptée  aujourd'hui  pour  imposer  la  loyauté  dans  le 
jeu  et  dans  le  règlement  des  dettes  d'honneur,  fut  incon- 
nue à  la  cour.  L'exemple  donné  par  celle-ci  multiplia  les 
tripots.  Ils  s'en  organisa  dans  les  ambassades,  notamment 
dans  celle  de  Venise.  Des  courtisanes  vieillies  en  ouvrirent. 
Le  plus  célèbre  fut  au  xvui®  siècle  celui  de  M^^  de  Sainte- 
Amaranthe,  belle-mère  de  Sartines,  le  lieutenant  de  police. 
A  la  Révolution  française,  sous  le  Directoire,  il  s'ouvrit 
une  foule  de  maisons  de  jeu,  surtout  au  Palais-Koyal  ;  de 
Paris  le  fléau  s'étendit  dans  les  villes  de  province.  Il  y  eut, 
48,  rue  de  Richelieu,  un  tripot  où  on  acceptait  les  mises 
de  six  liards.  Il  fallut  mettre  le  holà.  Le  Consulat  n'osa 
prononcer  d'interdiction  totale  ;  il  réduisit  à  neuf  le  nombre 
des  maisons  de  jeu  à  Paris  et  imposa  aux  entrepreneurs 
une  grosse  redevance  versée  au  budget  de  la  police  secrète. 
Ce  fut  l'origine  de  la  ferme  des  jeux.  Les  frères  Perrin 
l'obtinrent  d'abord  et  firent  une  grosse  fortune.  Vers  1810 
leur  succéda  Boursault-Malherbe  qui  fit  de  plus  grands 
avantages  à  la  Ville.  Ses  bénéfices  furent  énormes  au  mo- 
ment de  l'occupation  de  Paris  par  les  alliés.  Blucher  per- 
dit 4,500,000  fr.  au  Palais-Royal  (n^  154).  Le  bail  de 
Boursault  finit  en  4847  et  on  le  mit  en  adjudication.  Il  fut 
pris  par  les  frères  comtes  de  Chalabre,  au  prix  de  5  mil- 
lions. Le  dernier  entrepreneur  fut  Bénazet.  Il  payait 
5,550,000  fr.  à  la  Ville  de  Paris,  mais  le  Conservatoire 
de  musique  recevait  un  dixième,  les  théâtres  un  autre  et 
les  Quinze-Vingts  un  troisième  (soit  en  tout  4,660,000  fr.). 
La  Ville  devait  en  outre  recevoir  moitié  des  bénéfices  nets 
et  les  trois  quarts  au-dessus  d'un  produit  brut  annuel  de 
9  millions.  Les  bénéfices  de  la  ferme  des  jeux  furent  au 
maximum  de  9,008,628  fr.  54  en  4825  ;  ils  atteii^nirent 
6,844,838  fr.  85  en  4837,  la  dernière  année,  En'^4836, 
la  Chambre  décida  la  suppression  des  jeux  publics  qui  fut 
réalisée  le  34  déc.  4837.  Il  y  avait  alors  sept  maisons  de 
jeu  à  Paris,  quatre  au  Palais-Royal  (n°^  36,  443,  427  et 
454),  une  au  coin  de  la  rue  Favart  et  du  boulevard,  deux 
rue  de  Richelieu  (cercle  des  Etrangers  et  Frascati)  ;  la  der- 
nière admettait  les  femmes. 

Les  jeux  publics  furent  supprimés  en  Angleterre  le 
4*""  déc.  4853,  mais  on  constata  le  mois  suivant  la  per- 
sistance de  48  maisons  de  jeu  dans  l'aristocratique  West- 
End.  Aux  Etats-Unis,  celles  de  San  Francisco  furent 
fermées  en  4855.  L'Allemagne  conserva  plus  longtemps 
les  jeux  publics,  surtout  dans  la  région  rhénane  ;  la  sup- 
pression, réclamée  par  la  Prusse  en  4854,  ne  fut  adoptée 
par  la  Confédération  de  l'Allemagne  du  Nord  qu'au  4^"^  juil. 
4868  et  généralisée  dans  toute  l'Allemagne  en  4872  ; 
alors  se  fermèrent  les  tripots  officiels  de  Bade,  Hombourg, 
Vy^iesbaden,  Ems,  Mannheim  et  Pyrmont.  Ceux  de  Spa 
(Belgique),  Saxon  (Valais,  Suisse),  Saint-Sébastien  (Es- 
pagne) ont  également  été  clos.  Il  ne  reste  plus  que  celui 
de  Monaco  (V.  ce  mot). 

La  suppression  du  jeu  public  est  un  grand  progrès. 
Malheureusement,  on  tolère  dans  les  capitales  et  les  sta- 
tions de  villégiature  la  persistance  de  maisons  de  jeu, 
déguisées  sous  le  nom  de  cercles  ou  de  casinos  et  qui 
puisent  dans  la  cagnotte  l'argent  employé  à  organiser  des 
attractions  luxueuses.  La  police  et  les  gouvernements  les 
favorisent,  tantôt  parce  que  leur  personnel  est  à  la  solde 
des  tenanciers  de  ces  tripots,  tantôt  parce  qu'en  concédant 
ces  lucratifs  privilèges  ils  payent  des  concours  utiles.  On 
prétend  faire  la  part  du  feu,  comme  pour  la  prostitution, 
en  laissant  s'exercer,  dans  des  conditions  discrètes,  une 
passion  qu'on  surveille  et  réglemente.  Malgré  ces  tolé- 
rances plus  ou  moins  avouées,  les  jeux  d'argent  sont 


prohibés  partout.  Certains  Etats  de  la  république  des  Etats- 
Unis  ont  poussé  les  interdictions  à  leurs  dernières  consé- 
quences. Dans  rindiana,  gagner  aux  cartes  une  somme,  si 
petite  qu'elle  soit,  est  un  délit.  Le  Tennessee  interdit  le 
système  qui  consiste  à  donner  à  l'acheteur  d'une  marchan- 
dise des  billets  donnant  chance  de  gagner  une  prime.  En 
revanche,  l'Etat  de  New  York  autorise  à  jouer  son  écot, 
au  billard  par  exemple.  Cette  faculté  est  générale  en  France, 
où  la  majorité  des  consommateurs  dans  les  cafés  jouent 
leurs  consommations  et  ne  jouent  rien  de  plus.  Limité 
aux  classes  aristocratiques,  aux  oisifs  qui  jouissent  de  ca- 
pitaux qu'ils  n'ont  pas  produits,  le  jeu  peut  être  regardé 
comine  utile  ;  en  détruisant  ces  fortunes  stériles,  il  remet 
en  circulation  des  capitaux  et  concourt  à  l'amoindrissement 
des  classes  improductives.  Il  représente,  dans  une  certaine 
mesure,  la  contre-partie  des  spéculations  de  bourse  par 
lesquelles  les  capitalistes  drainent  l'épargne  populaire  et 
se  l'approprient.  A. -M.  B. 

Mathématiques.  — Jeux  de  hasard.  —  La  théorie  des 
jeux  de  hasard  est  une  des  parties  des  plus  importantes,  des 
plus  difficiles  et  des  plus  intéressantes  du  calcul  des  pro- 
babilités. Son  utilité  est  incontestable  :  au  point  de  vue 
scientifique,  elle  a  donné  naissance  à  une  foule  de  théories 
intéressantes  et  a  exercé  la  sagacité  des  savants  les  plus 
illustres  ;  c'est  elle  qui  a  fait  naître  le  calcul  des  probabi- 
lités ;  au  point  de  vue  pratique,  elle  a  donné  lieu  à  la  théorie 
des  assurances  sur  la  vie;  enfin,  au  point  de  vue  moral, 
elle  inspire  à  ceux  qui  l'ont  étudiée  avec  soin  l'horreur  des 
jeux  de  hasard  en  montrant  à  nu  toute  leur  immoralité,  tous 
leurs  dangers.  Il  n'y  a  pas  à  proprement  parler  de  jeu  parfai- 
tement équitable,  j'espère  le  prouver,  en  ce  sens  que  les 
joueurs  ne  se  trouvent  jamais  dans  des  conditions  morale- 
ment équivalentes  ;  cependant  on  convient  de  dire  qu'un  jeu 
est  équitable  lorsque  les  joueurs,  ayant  joué  un  très  grand 
nombre  de  parties,  leurs  mises  sont  telles  que,  si  on  les  mo- 
difiait très  peu,  l'un  d'eux  au  moins  serait  sûr  de  perdre 
ou  sûr  de  gagner.  Pour  qu'un  jeu  soit  équitable,  à  ce 
point  de  vue,  il  faut  et  il  suffît  que  la  mise  de  chaque 
joueur  soit  égale  à  ce  que  l'on  appelle  son  espérance  ma- 
thématique. L'espérance  mathématique  d'une  somme  d'ar- 
gent est  le  produit  de  cette  somme  par  la  probabilité  que 
l'on  a  de  la  gagner. 

Supposons  d'abord  que  les  conditions  du  jeu  restent  les 
mêmes  à  chaque  partie  jouée  et  qu'un  joueur  attende  en 
cas  de  gain  une  somme  constante  a,  avec  la  probabilité  p 
constante  aussi  de  l'obtenir;  le  théorème  de  Bernoulli 
nous  apprend  que  si  le  joueur  joue  un  très  grand  nombre 
s  de  parties,  il  en  gagnera  sp  zb  E,  E  désignant  un  nombre 
qui  est  de  Tordre  de  la  racine  carrée  de  s. 

Plus  exactement,  il  y  aura  une  probabilité 


2      /'v^s  p  (1  -p)  s 


e~^'^  dx 


que  le  joueur  gagnera  un  nombre  de  fois  compris  entre 
sp  —  E  et  5/?  H-  E,  et  l'intégrale  précédente  est  très  voisine 

de  4  quand  j======:  est  un  peu  supérieur  à  2; 


\/'^p(i—p)s 


ainsi  par  exemple,  si 


E 


3,  l'intégrale  sera 


égale  à  0,99997.  Ainsi  il  y  aura  à  peu  près  40,000  à 
parier  contre  4  qu'après  s  parties,  le  joueur  en  aura  gagné 
un  nombre  compris  entre  ps  —  3  s/  2  j»  (4  —  p)  s  et  ps 
H-  3  s/  2  /?  (4  — /?)5.  Le  calcul  montre  qu'il  a  juste  autant 
de  chance  d'en  gagner  ps  —  aqne  ps-h<x;  il  résulte  de 
là  que  si  la  mise  de  notre  joueur  est  pa^  égale  à  son  espé- 
rance mathématique,  il  aura  autant  de  chances  d'être  en 
gain  que  d'être  en  perte  après  un  grand  nombre  de  parties 
jouées.  Au  contraire,  si  sa  mise  est  pq-h  a,  un  peu  supé- 
rieur à  pa,  sa  perte  sera  psa,  à  une  quantité  près  au  plus 
égale  à  3a  \/  2^  (2  -—p)  s,  négligeable  vis-à-vis  de  psa  ; 


-  153  — 


JEU 


il  serait  forcément  en  gain  si  sa  mise  était  pa  —  a. 
Lorsque  la  probabilité  de  gagner  ne  reste  pas  la  même  à 
chaque  partie,  pourvu  que  cette  probabilité  reste  comprise 
entre  des  limites  finies,  une  analyse  un  peu  plus  compli- 
quée montre  encore  que  la  mise  du  joueur  à  chaque  coup 
doit  être  égale  à  son  espérance  mathématique  :  j'ai  dit 
pourvu  que  cette  probabilité  reste  comprise  entre  des  li- 
mites finies,  et  aussi  pourvu  que  les  sommes  espérées  par 
le  joueur  restent  également  comprises  entre  des  limites 
finies  ;  ces  restrictions  sont  absolument  nécessaires  et  c'est 
pour  les  avoir  négligées  ou  oubliées  que  Ton  en  est  arrivé 
à  voir  des  paradoxes  là  où  il  n'y  a  que  des  phénomènes 
naturels  et  qui  ne  sont  nullement  en  contradiction  avec  les 
théories. 

Le  simple  bon  sens,  bien  avant  l'invention  du  calcul  des 
probabilités,  avait  déjà  indiqué  comment  les  joueurs 
devaient  régler  leurs  mises  dans  les  cas  les  plus  simples, 
et  un  grand  nombre  d'auteurs  ont  considéré  la  règle 
de  l'espérance  mathématique  comme  un  principe  fon- 
damental n'exigeant  aucune  démonstration.  Tirons  du 
moins,  de  la  discussion  à  laquelle  nous  venons  de  nous 
livrer,  cette  conséquence  :  si  un  joueur  veut  se  garer  contre 
toutes  les  chances  de  perte  et  s'il  veut  se  réserver  un 
bénéfice  certain  à  la  longue,  sa  mise  doit  être  inférieure  à 
son  espérance  mathématique  ;  c'est  ce  qu'ont  compris  les 
directeurs  de  toutes  les  maisons  de  jeu  et  les  assureurs  qui 
demandent  à  leurs  clients  des  primes  plus  fortes  que  celles 
qu'ils  devraient  payer  en  toute  équité  ;  disons  toutefois  en 
faveur  de  ces  derniers  que,  à  rencontre  des  directeurs  des 
maisons  de  jeu,  ils  rendent  des  services  sérieux  qui  méri- 
tent un  salaire. 

Si  nous  étudions  maintenant  le  jeu  de  hasard  à  un  autre 
point  de  vue,  l'analyse  mathématique  démontre  d'une  façon 
péremptoire  que,  quand  deux  ou  plusieurs  joueurs  jouent  à 
un  jeu  équitable,  le  plus  riche  est  celui  qui  a  le  plus  de 
chances  de  ruiner  les  autres,  et  que  s'il  est  de  beaucoup  le 
plus  riche  il  ruinera  presque  à  coup  sur  les  autres  ;  s'il  est 
infiniment  riche  il  ruinera  certainement  les  autres.  Conclu- 
sion :  le  joueur  de  profession  qui  joue  contre  le  public, 
infiniment  plus  riche  que  lui,  se  ruine  à  coup  sûr.  Il  se 
ruinera  à  fortiori  s'il  joue  contre  un  banquier  qui  se 
réserve  un  avantage  quelconque,  par  exemple  contre  le 
fermier  d'une  maison  de  jeu. 

Les  joueurs  ont  des  préjugés  qui  leur  ont  fait  inventer 
une  foule  de  combinaisons  qui  doivent  les  conduire  à  la  for- 
tune; aucune  de  ces  combinaisons  ne  peut  résister  à  l'ana- 
lyse, et  le  jeu  doit  forcément  ruiner  à  la  longue  celui 
qui  s'y  livre,  quelque  ingénieuses  que  soient  ses  combinai- 
sons. On  a  proposé  quelquefois  le  moyen  suivant  pour  réa- 
liser au  jeu  un  bénéfice  en  apparence  certain  ;  ce  moyen 
consiste  à  placer  des  mises  allant  en  doublant  à  chaque 
coup  tant  que  le  joueur  perd.  Mais  outre  qu'un  pareil  jeu 
ne  serait  pas  équitable,  puisque  im  mises  ne  resteraient 
pas  comprises  entre  des  limites  fixées,  le  joueur  court  le 
risque  de  perdre  sa  fortune  à  un  moment  donné,  et  à  ce 
moment  son  partner  peut  refuser  de  jouer  avec  lui  si  sa 
mise  n'est  pas  effective  ;  d'ailleurs  les  directeurs  des  mai- 
sons de  jeu  ont  bien  soin  de  limiter  les  mises  des  joueurs 
à  un  certain  maximum.  En  résumé,  si  l'on  prend  le  mot 
équitable  avec  son  sens  ordinaire,  le  jeu  n'est  réellement 
équitable  que  quand  deux  joueurs  également  riches  placent 
des  mises  égales  à  leurs  espérances  mathématiques  ;  dès 
que  l'un  d'eux  devient  plus  riche,  le  jeu  cesse  d'être  par- 
faitement équitable  puisque  le  plus  riche  a  le  plus  de  chance 
de  ruiner  l'autre.  Au  fond  et  en  toute  rigueur  le  joueur  est 
dupe  ou  coquin  ;  abstraction  faite  même  de  cette  considé- 
ration que  le  gain  réalisé  au  jeu  n'est  certainement  pas  de 
nature  à  rehausser  l'honorabilité  de  celui  qui  en  profite. 

H.  Laurent. 

Droit.  —  Droit  romain.  —  Des  lois  de  l'épogue  républi- 
caine, les  lois  Titia,  Publicia,  Cornelia,  défendaient  les  jeux 
de  hasard  où  une  somme  d'argent  servait  d'enjeu.  Elles  n'au- 
torisaient que  les  jeux  d'adresse.  Un  sénatus-consulte  cité  par 


Paul  renouvelle  cette  prohibition.  L'édit  prétorien,  de  son 
côté,  pour  décourager  l'industrie  de  ceux  qui  donnent  à  jouer 
à  autrui,  décide  que  celui  qui  reçoit  des  joueurs  ne  peut  agir 
contre  ceux  qui  l'ont  frappé,  ont  commis  un  dommage  ou  un 
vol  à  son  préjudice.  Cette  défense  des  jeux  d'argent  et  ces  dis- 
positions de  l'édit  prétorien  reproduites  au  Digeste  de  Justi- 
nien  montrent  que  ce  prince  s'est  approprié  la  législation 
antérieure  et  ses  prohibitions.  C'est  ainsi  qu'une  constitu- 
tion du  code,  émanée  de  cet  empereur,  défend  tout  jeu  de 
hasard,  et,  parmi  les  jeux  d'adresse,  n'excepte  que  cinq  es- 
pèces de  jeux  et  parmi  eux  les  courses  de  chevaux.  La  sanc- 
tion de  la  prohibition  des  jeux  d'argent  parait  avoir  été,  au 
début,  la  condamnation  à  des  peines  criminelles.  Dans  le 
dernier  état  du  droit,  cette  sanction  est  purement  civile. 
Elle  consiste  dans  la  nullité  absolue  de  la  convention  de 
jeu  et  de  toute  convention  destinée  à  subvenir  aux  besoins 
des  joueurs.  De  là  suit  que  le  joueur  ne  peut  être  poursuivi 
en  payement  de  sa  dette  de  jeu  et  que,  s'il  a  payé,  il  peut 
répéter  son  payement  par  la  condictio  indebiti.  De  même, 
celui  qui  a,  en  connaissance  de  cause,  prêté  de  l'argent  des- 
tiné à  servir  d'enjeu,  n'a  pas  d'action  pour  obtenir  la  res- 
titution du  prêt.  Dans  deux  cas,  cependant,  on  trouve  une 
répression  plus  sévère  que  celle  consistant  dans  la  nullité 
de  la  convention  de  jeu.  L'édit  avait  donné  au  magistrat  le 
droit  d'infliger  une  multa  ou  une  peine  corporelle  à  ceux 
qui  engagent  autrui  au  jeu  par  violences  ou  menaces.  Jus- 
tinien  maintient  cette  disposition.  De  plus,  il  punit  de  la 
confiscation  ceux  qui  tiennent  une  espèce  de  jeu  de  hasard, 
qu'il  appelle  ÇuXtva  îtcttixoc,  equi  ligneU  et  qui,  suivant  la 
description  qu'en  donnent  certains  interprètes,  fait  songer 
à  un  jeu  très  pratiqué  de  nos  jours  dans  certaines  villes 
d'eaux.  G.  May. 

Ancien  droit  français.  —  Le  jeu  paraît  avoir  été  une 
passion  chez  les  peuples  barbares  tout  comme  chez  les  Ro- 
mains. Si  nous  en  croyons  Tacite,  les  Germains  s'y  livraient 
avec  ardeur.  Les  rois  de  France  se  préoccupèrent  de  bonne 
heure  de  prohiber  le  jeu.  Charlemagne,  dans  un  de  ses  capi- 
tulaires,  confirma  la  défense  de  jouer  à  des  jeux  de  hasard, 
fait^epar  le  concile  de  Mayence  tenu  en  813.  Saint  Louis,  en 
4254,  défendit  de  jouer  aux  échecs,  aux  dés  et  au  trictrac, 
interdit  les  lieux  publics  où  l'on  donnait  à  jouer,  et  pro- 
hiba même  la  fabrication  des  dés.  Ces  prohibitions  ont  été 
renouvelées  et  étendues  à  d'autres  jeux  par  Charles  IV  en 
4319  et  Charles  V  en  4369,  à  peine  de  40  sols  d'amende 
pour  les  contrevenants,  somme  qui  représente  environ 
400  fr.  de  notre  monnaie  ;  on  exceptait  de  cette  délense 
les  jeux  propres  à  exercer  au  fait  des  armes.  Cependant 
Charles  VllI,  tout  en  défendant  le  jeu  de  dés  aux  prison- 
niers, permit  aux  personnes  de  naissance  et  d'honneur, 
qui  étaient  en  prison  pour  cause  légère  et  civile,  de  jouer 
au  trictrac  et  aux  échecs,  et  François  P^  accorda  par 
lettres  patentes  une  action  pour  dettes  contractées  au  jeu 
de  paiime.  Charles  IX,  dans  son  ordonnance  de  4560, 
comprit  dans  la  même  prohibition  les  maisons  de  prostitu- 
tion et  les  maisons  de  jeu.  Par  l'ordonnance  de  Moulins, 
en  4566  (art.  59),  il  permit  aux  mineurs  de  répéter  ce 
qu'ils  y  auraient  perdu,  «  sans  néanmoins,  ajoute-t-il, 
approuver  tels  jeux  entre  majeurs  ».  L'ordonnance  don- 
^  née  à  Biois  par  Henri  III  en  4577  défend  aussi  aux 
hôteliers  et  cabaretiers  de  tenir  des  jeux  de  dés,  de 
cartes  ou  autres.  La  déclaration  du  30  mars  4644  renou- 
vela cette  prohibition.  Louis  XIÏI,  en  interdisant  également, 
par  l'ordonnance  de  4629,  les  maisons  de  jeu,  introduisit 
en  outre  dans  la  législation  quelques  dispositions  impor- 
tantes. Il  déclara  annulées  toutes  les  obligations  et  pro- 
messes résultant  du  jeu,  quelques  déguisées  qu'elles  fussent, 
même  en  vente  d'immeuble,  échange  ou  autrement  ;  il  dé- 
fendit de  prêter  de  l'argent  ou  des  objets  précieux  pour 
jouer,  et  de  répondre  de  ceux  qui  jouaient,  à  peine  de  nul- 
lité des  obligations  et  de  confiscation  de  corps  et  de  biens  ; 
il  ordonna  enfin  que  ceux  en  faveur  de  qui  les  obligations 
auraient  été  contractées  fussent  condamnés,  envers  les 
pauvres,  à  pareille  somme  que  celle  portée  auxdites  obli- 


JEU 


154  — 


gâtions,  et  il  permit  aux  père,  mère,  aïeuls  et  aïeules,  et 
aux  tuteurs,  de  répéter  tous  les  objets  perdus  au  jeu  par 
leurs  enfants  et  pupilles.  En  cette  matière,  la  preuve  par 
témoins  était  admise  quoique  la  somme  fût  au-dessus  de 
400  livres.  Divers  arrêts  du  parlement  de  Paris  prohi- 
bèrent les  académies  de  jeu  et  certains  jeux  en  particulier  ; 
ce  furent  notamment  les  arrêts  du  8  juil.  d66d,  du  46  sept. 
4663,  du  29  mars  4664.  Ce  dernier  était  très  sévère; 
il  défendait  les  académies  de  jeux  à  peine  de  400  livres 
parisis  d'amende  pour  la  première  fois,  et,  pour  la 
seconde,  du  fouet  et  du  carcan.  Un  arrêt  du  parlement  de 
Paris  du  46  déc.  4680  et  un  arrêt  du  conseil  du  J6janv. 
4694  énumèrent  encore  certains  jeux  qu'ils  défendent  sous 
des  peines  sévères.  Un  nouvel  arrêt  du  8  févr.  4708  vise 
les  marchands,  colporteurs  et  artisans  qui  donnent  à  jouer 
dans  les  foires  et  marchés;  il  prononce  une  peine  de 
4,000  livres  d'amende  et  de  confiscation  des  jeux,  mar- 
chandises, chevaux  et  équipages  qui  seront  vendus  au  bé- 
néfice des  hôpitaux.  Enfin,  Louis  XVI  a  fait  aussi  contre 
les  jeux  du  hasard,  le  d®^  mars  4781,  une  déclaration 
d'après  laquelle  devaient  être  condamnés  ceux  qui  tien- 
draient les  jeux  à  3,000  livres  d'amende  et  les  joueurs  à 
4,000  livres  chacun  ;  en  cas  de  récidive,  l'amende  devait 
être  du  double,  et  dans  tous  les  cas  payable  par  corps.  Des 
peines  affictives  et  infamantes  devaient  être  prononcées 
après  deux  condamnations  à  l'amende.  G.  Regelsperger. 
Droit  civil.  —  Le  contrat  de  jeu  est  la  convention 
par  laquelle  deux  personnes  s'engagent  réciproquement, 
en  se  livrant  à  un  jeu,  à  se  payer  l'une  à  l'autre  une  cer- 
taine somme,  suivant  le  résultat  de  la  partie.  Ce  contrat,  qui 
n'est  pas  illicite,  n'entraîne  pourtant  pas  toutes  les  consé- 
quences des  contrats  en  général.  La  loi,  gans  considérer 
comme  absolument  inexistante  la  dette  du  perdant,  refuse 
cependant  toute  action  au  gagnant  (C.  civ.,  art.  4965). 
Aussi  le  débiteur,  actionné  en  payement  d'une  dette  de  cette 
nature,  peut-il  opposer  une  exception  dite  exception  de  jeu. 
La  dette  de  jeu  n'est  pas  seulement  la  dette  contractée  direc- 
tement par  le  perdant  envers  le  gagnant,  mais  encore  la 
dette  résultant  des  engagements  pris  envers  un  mandataire 
qui  sciemment  a  été  l'intermédiaire  d'opérations  de  jeu  et 
aussi  la  dette  contractée  au  cours  d'une  partie  envers  un 
autre  joueur,  pour  des  avances  faites  par  celui-ci.  Dans 
ces  différents  cas,  le  créancier  n'aurait  aucune  action  contre 
son  débiteur.  Il  n'en  serait  pas  de  même,  au  cas  où  un 
mandataire  serait  chargé  de  régler  une  perte  de  jeu  sans 
avoir  servi  d'intermédiaire  dans  l'opération  de  jeu,  ou  bien 
au  cas  d'un  prêt  fait  pour  jouer  si  le  prêteur  n'a  pas  par- 
ticipé au  jeu;  il  y  a  là  un  contrat  distinct,  indépendant  du 
jeu.  Mais,  si  la  loi  refuse  toute  action  pour  les  dettes  de  jeu, 
elle  défend  pourtant  au  perdant  de  répéter  ce  qu'il  a  vo- 
lontairement payé,  à  moins  qu'il  n'y  ait  eu,  de  la  part  du 
gagnant,  dol,  supercherie  ou  escroquerie  (C.  civ. ,  art.  4  967). 
En  disant  que  le  payement  doit  être  volontaire,  la  loi  veut 
exiger  qu'il  ait  été  fait  en  connaissance  de  cause,  c.-à-d. 
que  celui  qui  a  payé  ait  su  qu'il  acquittait  une  dette  de  jeu. 
Si  après  avoir  mis  son  enjeu  sur  la  table,  avant  le  commen- 
cement de  la  partie,  le  perdant  veut,  après  la  partie,  s'op- 
poser à  l'enlèvement  de  cet  enjeu  par  le  gagnant,  celui-ci 
a  contre  le  perdant  une  action,  car  il  est  devenu  proprié- 
taire. La  cour  de  cassation  a  même  décidé,  au  cas  où  ce 
fait  se  produit  dans  une  partie  de  baccara,  que  le  joueur 
qui  veut  retirer  sa  mise  après  le  coup  gagné  par  le  ban- 
quier peut  être  poursuivi  pour  vol.  On  peut  reconnaître  à 
la  dette  de  jeu  le  caractère  d'une  obligation  naturelle,  mais 
traitée  par  la  loi  encore  plus  rigoureusement  que  les  autres. 
En  effet  les  obHgations  naturelles  peuvent  en  principe  être 
l'objet  d'un  cautionnement  ou  d'une  novation .  La  dette  de 
jeu  ne  le  peut  pas,  puisque  la  loi,  par  des  raisons  d'utilité 
sociale,  a  déclaré  qu'elle  ne  pouvait  donner  Heu  à  aucune 
action.  —  L'art.  4966  vient  apporter  une  exception  à  la 
rigueur  de  la  règle  édictée  par  l'art.  4965.  La  loi  ne  refuse 
pas  l'action  pour  le  payement  des  sommes  dues  par  suite 
de  jeux  propres  à  exercer  au  fait  des  armes  ou  à  dévelop- 


per la  force,  l'adresse  et  l'agilité  du  corps  (courses  à  pied 
ou  à  cheval  ;  courses  de  chariot  ;  jeu  de  paume  et  autres 
de  même  nature). 

Droit  pénal.  —  La  loi  pénale  tend  uniquement  à  la  ré- 
pression des  jeux  de  hasard  proprement  dits.  Elle  ne  punit 
pas  les  joueurs  eux-mêmes,  mais  seulement  d'une  part 
ceux  qui  auront  tenu  une  maison  de  jeux  de  hasard,  d'autre 
part  ceux  qui  auront  établi  ou  tenu  ces  sortes  de  jeu  dans 
un  lieu  public.  Bien  que  nous  pensions,  avec  une  certaine 
partie  de  la  doctrine,  que  les  jeux  de  hasard  sont  ceux  où 
le  hasard  seul  préside,  la  jurisprudence  décide,  depuis  4877, 
que  peuvent  être  compris  parmi  les  jeux  de  hasard  ceux 
où  la  chance  prédomine  sur  l'adresse  et  les  combinaisons 
de  l'intelligence.  Ce  sont  les  art.  440  et  475  (5^)  du  C.  peu. 
qui  règlent  la  matière.  Trois  conditions  sont  nécessaires 
pour  que  l'art.  440  du  C.  pén.  soit  applicable  ;  il  faut: 
4*^  que  le  lieu  où  l'on  joue  ait  principalement  pour  desti- 
nation le  jeu  ;  2°  que  les  jeux  auxquels  on  s'y  livre  soient 
des  jeux  de  hasard  ;  3^  que  le  public  y  ait  accès  soit  libre- 
ment, soit  sur  la  présentation  des  affihés.  La  présence 
d'administrateurs  préposés  ou  agents  n'est  pas  un  élément 
constitutif  du  délit.  L'art.  440  ne  mentionne  ces  auxiliaires 
que  pour  les  atteindre  lorsqu'il  en  existe  dans  l'établisse- 
ment. L'étabhssement  de  jeux  de  hasard  dans  un  heu  pu- 
blic visé  par  l'art.  475  (5°)  du  C.  pén.  constitue  une  simple 
contravention  punie  des  peines  de  l'amende  et  accessoirement 
en  vertu  de  l'art.  477  du  C.  pén.  de  la  confiscation  des 
enjeux  et  appareils  ayant  servi  au  jeu.  Cette  contravention 
suppose  la  réunion  de  trois  éléments  :  4°  établissement  ou 
tenue  de  jeux  ;  2°  publicité  du  lieu  où  le  fait  s'est  produit  ; 
3*^  jeu  constituant  un  jeu  de  hasard  ;  il  faut  certainement 
considérer  comme  lieu  public,  dans  le  sens  de  l'art.  475 
(5o),  la  salle  d'un  café  par  exemple.  Comment  alors  dé- 
terminer la  sphère  d'application  de  l'art.  41 0  et  de  l'art.  475 
(5<^)  ?  Dans  quel  cas  y  aura-t-il  délit  ou  simple  contraven- 
tion? La  cour  de  cassation  résout  cette  question  à  l'aide  de 
la  distinction  suivante  :  ou  bien  le  fait  incriminé  présente 
un  certain  caractère  d'habitude  ou  de  permanence,  auquel 
cas  il  y  a  Heu  à  l'application  de  l'art.  410  :  il  y  a  tenue  de 
maison  de  jeux  ;  ou  bien,  au  contraire,  il  s'agit  d'un  fait 
isolé,  de  jeux  tenus  d'une  manière  accidentelle,  et  alors  c'est 
l'art.  475  (5°)  qu'il  faut  appliquer.  Les  art.  410  et  475  du 
C.  pén.  étaient  appliqués  autrefois  par  la  jurisprudence 
aux  paris  aux  courses  avant  que  la  loi  des  2-3  juin  4894, 
fût  venu  réglementer  la  matière.  Cette  loi,  dans  son  art.  4, 
punit  des  peines  de  l'art.  440  du  C.  pén.  tous  individus 
qui  exploitent  le  pari  sur  les  courses  de  chevaux  en  offrant 
de  parier  ou  en  pariant  avec  tous  venants  en  quelque  lieu 
que  ce  soit.  Raoul  Bloch. 

Littérature.  —  Jeux  floraux.  —  Nom  donné  depuis 
le  xvi^  siècle  à  un  concours  poétique  fondé  à  Toulouse  en 
4323  et  qui  subsiste  encore  aujourd'hui,  après  avoir  subi 
d'importantes  modifications.  La  décadence  de  la  littérature 
provençale  au  commencement  du  xiv®  siècle  inspira  à  sept 
troubadours  toulousains  l'idée  d'instituer  un  concours  pour 
en  perpétuer  la  culture,  et,  un  peu  plus  tard,  de  rédiger  un 
code  poétique  de  la  langue  d'oc  destiné  à  guider  à  la  fois  les 
concurrents  et  les  juges  du  concours.  Ces  sept  troubadours 
étaient  :  Bernard  de  Panassac,  écuyer  ;  Guillaume  de 
Lobra,  bourgeois;  Bérenger  de  Saint-Plancart,  Pierre  de 
Méjanaserra,  changeurs  ;  Guillaume  de  Gontaut,  Pierre 
Camo,  marchands,  et  Bernard  Oth,  notaire.  Dans  le  mani- 
feste en  vers  qu'ils  lancèrent  vers  la  Toussaint  4  323  «  per 
diversas  partidas  de  la  lengad'oc  »  pour  inviter  les  poètes 
méridionaux  à  venir  présenter  leurs  œuvres  à  Toulouse  le 
4 6^  mai  suivant,  ils  s'intitulent  :  «  La  sobregaya  companhia 
dels  set  trobadors  de  Tholosa.  »  Ils  promettent  de  donner 
une  violette  d'or  à  la  composition  qu'ils  jugeront  la  meil- 
leure, sans  acception  de  personne.  D'ailleurs,  d'après  les 
termes  mêmes  de  ce  curieux  manifeste,  ce  n'est  pas  seu- 
lement un  concours  que  les  sept  troubadours  toulousains 
voulaient  établir  en  s'en  constituant  eux-mêmes  les  juges, 
c'est  aussi  un  congrès  de  poésie  en  langue  d'oc  :  ils  annon- 


155  ~ 


JEU 


cent  en  effet  qu'ils  liront  eux-mêmes  quelques-unes  de 
leurs  compositions  et  qu'ils  les  soumettront  à  la  critique 
de  leurs  confrères  du  dehors.  Le  premier  concours  eut 
lieu  effectivement  le  4^^  mai  4324;  le  lendemain,  les  sept 
membres  du  jury  délibérèrent  entre  eux  sur  le  mérite  des 
poésies  soumises  à  leur  jugement,  et  le  3  mai,  ils  procla- 
mèrent en  public  qu'ils  donnaient  la  violette  à  maître 
Arnaud  Vidal,  de  Castelnaudary,  auteur  d'une  chanson  en 
l'honneur  de  la  Vierge.  Dès  le  premier  jour,  en  présence 
de  l'affluence  que  ce  nouveau  concours  attirait  à  Tuolouse, 
l'administration  municipale  {los  senhors  de  capUol)  avait 
pris  spontanément  à  sa  charge  les  frais  de  la  violette  d'or. 

Dans  les  années  qui  suivirent,  la  compagnie  des  sept 
troubadours  s'organisa  et  se  compléta  :  elle  prit  définiti- 
vement le  titre  de  «  consistori  dels  set  mantenedors  del 
gay  saber  »,  nomma  un  bedeau  et  un  chancelier,  décida 
que  les  sept  mainteneurs  ne  resteraient  qu'un  an  en 
fonction  et  éliraient  eux-mêmes  leurs  successeurs,  fixa 
les  conditions  dans  lesquelles  elle  créerait,  à  l'imitation  des 
universités  du  temps,  des  bacheliers  et  des  docteurs  qui  por- 
teraient le  titre  de  bacheliers  et  de  docteurs  «  en  gay 
saber  »,  et  enfin ,  lorsque  deux  prix  nouveaux  furent 
ajoutés  à  la  violette  primitive ,  l'églantine  et  le  souci 
(gaug)  d'argent,  détermina  les  genres  admis  à  concourir 
pour  chaque  fleur.  Ce  qui 'est  plus  important  de  beaucoup 
que  cette  organisation  intérieure,  c'est  l'heureuse  idée 
qu'eut  le  consistoire  du  Gay  Saber  de  faire  rédiger,  par  son 
chancelier  Guillem  Molinier,  une  vaste  compilation  de 
grammaire  et  de  poétique,  qui,  après  plusieurs  ébauches, 
fut  définitivement  promulguée  en  4356  sous  le  titre  de 
Leys  d'Amors.  Le  recueil  des  Leys  d'Amors  (publié  par 
Gatien-Ârnoult,  sous  ce  titre  :  Las  Flors  del  gay  saber, 
estier  dichas  Las  Leys  d'Amors  (Toulouse,  4844-4843, 
3  vol.  in-8),  est  un  monument  de  première  importance  pour 
l'étude  de  l'ancienne  littérature  provençale,  s'il  n'a  pas  eu 
sur  ses  destinées  ultérieures  l'influence  qu'en  attendaient 
ses  promoteurs. 

Le  concours  poétique  inauguré  le  i^^  mai  4324  con- 
tinua régulièrement  pendant  le  xiv*^  et  le  xv®  siècle,  sans 
jeter  un  grand  éclat,  et  ouvert  seulement  aux  productions 
écrites  en  langue  d'oc.  Il  faut  noter  pourtant  l'écho  que 
trouva  au  delà  des  Pyrénées  la  création  du  consistoire  du 
Gay  Saber  et  l'institution  à  Barcelone,  en  4393,  d'un 
concours  analogue,  sur  l'initiative  du  roi  d'Aragon,  Jean  I^''. 
Il  s'est  conservé  seulement  une  soixantaine  des  pièces 
couronnées  à  Toulouse  jusqu'à  la  fin  du  xv®  siècle.  Elles 
ont  été  publiées  en  4849  par  le  D"*  J.-B.  Noulet  (Toulouse, 
in-8)  sous  le  titre  de  Las  Joyas  del  Gay  Saber.  Ce  sont 
les  chansons  en  l'honneur  de  la  Vierge  qui  y  prédominent, 
et  nous  avons  expliqué  ailleurs  comment  de  ce  fait  était 
née  au  commencement  du  xvi®  siècle  la  légende  de  Clé- 
mence Isaure,  prétendue  fondatrice  ou  restauratrice  des 
Jeux  floraux  (V.  Clémence  Isaure)  .  Parmi  lesrimeurs  dont 
le  nom  figure  dans  la  liste  des  lauréats,  il  n'y  a  guère  à 
distinguer  que  trois  noms:  Arnaud  Vidal,  qui  ouvre  la 
liste,  Raymond  de  Cornet,  et  au  milieu  du  xv^  siècle, 
Bérenguier  de  l'Hospital,  dont  le  Planh  de  crestiandat 
contra  lo  gran  Turc,  et  la  pastorela  sur  le  même  sujet, 
couronnés  en  4474,  témoignent  d'une  inspiration  vigou- 
reuse, animée  déjà  du  souffle  de  la  Renaissance. 

Au  commencement  du  xvi®  siècle,  une  révolution  s'ac- 
complit dans  la  constitution  des  Jeux  floraux  de  Tou- 
louse. Les  formes  archaïques  de  poésie,  soigneusement  ré- 
glementées par  les  Leys  d'Amors^  telle  que  la  chanson,  le 
sir  ventés,  le  descort,  la  danse,  etc.,  sont  tombés  en 
désuétude  ;  la  poésie  française  est  admise  concurremment 
avec  la  poésie  provençale,  et  en  4543  la  violette  est  dé- 
cernée à  une  ballade  française  «  unisonante  et  entrelacée  » 
ayant  pour  auteur  un  étudiant,  Jacques  Sapientis.  Depuis 
lors,  la  langue  d'oc  paraît  avoir  été  proscrite  ;  l'ancien 
consistoire  du  Gay  Saber  prend  déjà  le  titre  de  Collège 
de  rhétorique  et  de  poésie  françoise,  et  un  peu  plus 
tard,  après  le  manifeste  de  Du  Bellay  et  de  ses  amis,  celui 


de  Collège  de  la  poésie  latine,  grecque  et  françoise 
c'est  dire  qu'il  s'inféode  aux  destinées  de  la  littérature 
française  elle-même  pendant  la  même  période.  On  sait 
avec  quel  dédain  Du  Bellay  parle  des  Jeux  floraux  de 
Toulouse  et  des  «  espiceries  »  qui  y  sont  couronnées.  Les 
Jeux  floraux  ne  tardèrent  pas  cependant  à  se  rallier  à  la 
nouvelle  religion  poétique,  car  le  collège  de  Toulouse  dé- 
cerna en  4554  à  Ronsard  une  de  ses  fleurs,  convertie  pour 
la  circonstance  en  une  Minerve  d'argent,  et  en  4586  il 
vota  un  Apollon  d'argent,  transformé  peu  après  en  David, 
à  l'adresse  de  Baïf.  Une  fois  la  fièvre  de  la  Renaissance 
passée,  les  Jeux  floraux  retombèrent  dans  leur  somno- 
lence et  dans  leur  isolement  séculaires.  Le  seul  lauréat  un 
peu  connu  du  commencement  du  xvn^  siècle  est  le  poète 
Maynard.  Ce  fut  bien  pis  sous  Louis  XIV:  en  4690,  les 
Jeux  floraux  se  recommandaient  surtout  par  un  gigan- 
tesque «  rastel  »,  oii  les  capitouls  faisaient  servir  300 
boîtes  de  confitures,  plus  de  2,400  gâteaux,  4 ,300  bou- 
quets dorés  ou  argentés  et  jusqu'à  49  veaux  entiers  dont 
chaque  invité  emportait  une  pièce. 

Il  était  temps  qu'une  réforme  radicale  s'accomplît. 
Grâce  aux  démarches  de  Simon  de  La  Loubère,  membre 
de  l'Académie  française,  les  Jeux  floraux  furent  érigés 
en  Académie  des  belles-lettres  par  lettres  patentes  de 
Louis  XIV,  données  à  Fontainebleau  en  sept.  4694.  C'est 
la  charte  de  l'Académie  actuelle  des  Jeux  floraux  qui  se 
propose  de  célébrer  avec  éclat  son  deuxième  centenaire, 
et  dont  la  vie  n'a  été  suspendue  que  de  4  790  à  4806.  Pen- 
dant ces  deux  siècles,  l'Académie  des  Jeux  floraux  a 
publié  régulièrement  chaque  année  (depuis  4696,  avec 
interruption  de  4700  à  4703  et  de  4790  à  4806)  les 
poésies  et  les  oeuvres  en  prose  qu'elle  a  couronnées,  et  ses 
concours  ont  joui  dans  toute  la  France  et  même  à  l'é- 
tranger d'un  crédit  incontestable  :  les  noms  de  ceux  qui 
les  ont  affrontés  avec  succès  en  témoignent  hautement. 
Nous  citerons  au  hasard:  Palaprat,  Campistron,  Mar- 
montel.  Fermât,  Riquet,  Lefranc  de  Pompignan,  Voltaire, 
le  cardinal  Maury,  Barrère,  Fabre  d'Eglantine,  Baour- 
Lormian,  Soumet,  Fontanes,  Chateaubriand,  Millevoye, 
Guiraud,  Thiers,  W^^  Tastu,  Reboul,  Victor  lïugo,  La- 
prade,  Rémusat,  Mistral,  Bornier,  Coppée. 

Les  membres  de  l'Académie  des  Jeux  floraux  sont  au 
nombre  de  quarante  et  portent  le  titre  de  mainteneurs . 
Ils  siègent  au  Capitole,  sous  la  présidence  d'un  modéra- 
teur et,  à  son  défaut,  d'un  sous-modérateur,  tous  les 
vendredis.  L'Académie  est  dirigée  par  un  secrétaire  per- 
pétuel, assisté  d'un  secrétaire  des  assemblées,  des  deux 
censeurs  et  d'un  dispensateur  faisant  office  de  trésorier. 
Elle  n'a  pas  de  membres  correspondants  :  elle  décerne  aux 
écrivains  qu'elle  juge  dignes  de  cet  honneur  le  titre  de 
maîtres  es  jeux  floraux,  sans  exclure  les  femmes  qui  ont  le 
titre  de  maîtresses  es  jeux  floraux,  mais  qui  ne  prennent 
pas  rang  dans  les  séances.  La  date  du  3  mai  est,  comme 
au  xiv®  siècle,  celle  de  la  séance  solennelle  oti  sont  pro- 
clamés les  noms  des  lauréats.  Actuellement,  par  suite  de 
fondations  diverses,  l'Académie  décerne  onze  prix  ou  fleurs: 
amarante  d'or  (ode),  violette  d'argent  (poème,  épître, 
discours  en  vers),  souci  d'argent  (élégie,  idylle,  églogue, 
ballade),  lis  (hymne  ou  sonnet  à  la  Vierge),  primevère 
d'argent  (fable),  églantine  d'or  (discours  en  prose),  immor- 
telle d'or  (études  historiques),  jasmin  d'or  (philosophie 
chrétienne),  violette  d'or  (poésie  sur  un  sujet  donné  par 
l'Académie),  églantine  d'argent  (sonnet),  œillet  d'argent 
(prix  d'encouragement,  applicable  à  tous  les  genres).  Pour 
tous  ces  prix,  le  français  est  la  seule  langue  admise;  nous 
apprenons  au  dernier  moment  qu'une  donation  faite  ré- 
cemment à  l'Académie  des  jeux  floraux  doit  être  appliquée 
par  elle  à  récompenser  des  œuvres  écrites  dans  les  dia- 
lectes méridionaux  ;  ce  nouveau  prix  sera  décerné  pour  la 
première  fois  en  4895  pendant  les  fêtes  du  Centenaire. 

A.  Thomas. 

Jeu-parti  (V.  Comédie,  t.  XI,  p.  4183). 
BiBL.:  PÉDAGOGIE.  —  Philippe  Daryl,  lîenais^ance  p/iy- 


JEU  —  JEUNE 


—  156 


sique  ;  les  Jeux  de  plein  air,  etc.  —  A  Magendie,  Effets 
moraux  de  V exercice  physique;  Paris,  1893,  in-18.—  Ma- 
nuel  d'exercices  gymnastiques  et  de  jeux  scolaires^  publié 
par  le  ministère  de  Finstruction  publique,  1891,  in-8. 

Sociologie.  — Bruck,  Ueber  Spiel  and  Wetle;  Greifs- 
wald,  1868.  — Krugelstein,  Unterschiedzv^ischen  Spiel 
und  Wette  ;  Leipzig,  1869.  —  Schuster,  Das  Spiel,  seine 
Entwickelu7ig  undBedeutungimdeulschen  Recht  ;  Vienne, 
1878.  —  GuTSMUTH,  Spiele  zur  Uebung  und  Erholung  des 
Kœrpers  und  Geistes;  Hof,  1885,  7*»  éd.  par  Schettlèr.  — 
V.  le  t.  III  du  Dict.  polit,  de  Standard  libr.  Cyclopœdia. 

Histoire.  —  V.  Cirque,  Fête,  Gladiateur.  —  V.  le 
vol.  du  Manuel  de  Marquardt  et  Mommsen  consacré 
aux  cultes  romains. 

Mathématiques.  —  Huyghens,  De  Ratiociniis  in  ludo 
abœ.  —  Les  traités  du  calcul  des  probabilités  de  Laplace, 
Poisson,  Bertrand,  Laurent,  etc.  —  Laurent,  Théorie 
des  JeuXf  dans  VEncyclopédie  des  Aides-mémoire,  publiée 
par  Léauté. 

Droit  romain.  —  Dig.  XI,  5.  —  De  Aleatore.—Cod.  de 
Justin.,  111,43.  —  De  Alealor.  —  Molitor,  les  Obligations 
en  droit  romain  ;  Paris,  1867,  t.  II,  n»»  705,  706,  707,  2  vol. 
in-8,  2«  éd.  —  Mainz,  Cours  de  droit  romain  ;  Bruxelles, 
1877,  t.  Il,  §  266,  3  vol.  in-8,  4'^  éd. 

Littérature.  —  V.labibl.  de  Fart.  Clémence  Isaure. 

JEU-LES-Bois.  Com.  du  dép.  de  l'Indre,  arr.  de  Cliâ- 
teauroux,  cant.  d* Ardentes  ;  697  hab. 

JEU-Maloches.  Com.  du  dép.  de  l'Indre,  arr.  de  Châ- 
teauroux,  cant.  d'Ecueillé  ;  401  hab. 

JEUDI  SAINT.  Dies  cœnœ  domina  dies  pediluvii, 
dies  mandat^  dies  indulgentiœ^  dies  competentium, 
dies  mysteriorum.  Ces  divers  noms  indiquent  les  princi- 
paux objets  du  culte  de  cette  journée  :  institution  de  la 
Sainte  Cène,  commémoration  de  l'acte  de  Jésus  lavant  les 
pieds  de  ses  disciples,  et  des  commandements  attachés  à 
ces  deux  faits  ;  réconciliation,  c.-à-d.  absolution  public|ue 
des  pénitents;  admission  des  catéchumènes;  consécration 
des  saintes  huiles  et  du  saint  chrême  par  l'administration 
des  sacrements.  A  la  messe  de  ce  jour,  le  célébrant  consacre 
deux  hosties,  l'une  pour  le  sacrifice,  l'autre  pour  l'office  du 
lendemain,  dans  lequel  on  ne  consacre  pas.  Cette  hostie  de 
réserve  se  nomme  les  présanctifiés.  On  la  porte  solennel- 
lement dans  le  reposoir  qui  figure  le  sépulcre  de  Jésus- 
Christ.  Depuis  le  jeudi  saint  jusqu'au  samedi,  les  autels 
sont  dépouillés  de  leurs  ornements,  et  on  ne  sonne  plus  les 
cloches.  E.-H.  V. 

JEU  FOSSE.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  de 
Mantes,  cant.  de  Bonnières  ;  302  hab. 

JEUGNY.  Com.  du  dép.  de  l'iVube,  arr.  de  Troyes, 
cant.  de  Bouilly;  390  hab.  Stat.  du  chem.  do  fer  de  l'Est, 
de  Saint-Florentin  à  Vitry-le-François. 

JEU  M  ONT.  Com.  du  dép.  du  Nord.  arr.  d'Avesnes, 
cant.  de  Maubeuge,  sur  la  rive  droite  de  la  Sambre  cana- 
lisée ;  3, '195  hab.  Stat.  du  dép.  du  Nord,  ligne  de  Mau- 
beuge à  Erquelines.  Bureau  de  douanes.  Carrières  de 
marbre,  de  pierre  bleue  et  de  terres  réfractaires.  Impor- 
tantes usines  métallurgiques,  forges,  fonderies,  ateliers  de 
construction  de  machines.  Manufactures  de  glace  et  de 
verre  à  vitre.  Scierie  de  marbre.  Fabriques  de  ciments,  de 
briquettes,  de  feutres  et  de  chaussons  de  feutre,  de  pro- 
duits chimiques.  Ruines  d'un  château  du  xui^  siècle. 

JEÛNE.  I.  Ethnographie.  —  Le  jeûne,  à  titre  de  ma- 
cération, de  pénitence  ou  d'expiation,  est  offert  aux  dieux 
comme  un  sacrifice,  notamment  dans  les  religionshistoriques. 
Les  théologiens  et  les  législateurs  religieux,  les  fondateurs 
d'ordres,  ont  vu  sans  doute  aussi  un  principe  d'ordre  dans 
sa  pratique  régulièrement  imposée  à  des  époques  fixes  et 
pendant  un  temps  assez  long.  Il  est  de  toute  évidence  qu'elle 
était  d'une  nécessité  absolue  dans  les  couvents.  Sans  son 
imposition  rigoureuse,  ces  couvents  devenaient  et  ne  pou- 
vaient devenir  que  des  sentines  de  vices.  Elle  est  la  con- 
dition première  de  la  claustration,  de  la  vie  monacale.  Elle 
fut  aussi  un  moyen  d'améliorer  les  mœurs  dans  les  sociétés 
barbares.  Le  jeûne  prolongé  au  premier  printemps,  lors- 
qu'il fut  observé  avec  rigueur  par  tous,  a  dû  avoir  une  in- 
fluence morale  appréciable.  Il  est  plus  que  probable  que 
cette  influence  se  manifestait  notamment  par  la  réduction 
du  nombre  des  viols,  toujours  fréquents  à  cette  époque  de 
l'année.  Pas  de  pureté  sans  jeûne.  Le  jeûne  est  la  source 


de  toutes  les  perfections  morales  ou  de  la  sainteté  qui  les 
comprend  toutes.  Voilà  ce  qu'on  dit  habituellement  *et  voilà 
ce  qui  est  en  effet  très  vrai,  d'une  vérité  matérielle,  pour 
ne  pas  dire  physiologique.  Le  jeûne  comme  moyen  de  dis- 
cipline morale,  pratiqué  par  les  religieux  de  tous  les  cultes 
et  les  moines  de  toutes  les  nations,  s'explique  donc  très 
rationnellement.  Mais  ce  n'est  pas  dans  cette  explication 
rationnelle  qu'il  faut  chercher  les  motifs  qui  ont  fait  in- 
venter et  adopter  l'usage  du  jeûne  tel  qu'il  existe  ou  a 
existé  chez  la  plupart  des  peuples.  Cet  usage,  en  effet, 
prend  sa  source  dans  l'animisme  qui  a  fait  et  fait  encore  le 
fond  de  la  religion  de  tous  les  peuples.  Chez  tous  les 
peuples,  le  jeûne  fut  ou  est  encore  pratiqué  pour  s'élever 
à  plus  d'intelligence  et  de  pureté  sans  doute,  mais  plus 
spécialement  pour  entrer  en  communication  avec  les  esprits. 
Ce  sont  les  sorciers  ou  prophètes  qui  l'ont  mis  en  vogue 
pour  pénétrer  dans  les  régions  supérieures  au  monde  réel. 
Les  plus  célèbres  de  ces  prophètes,  du  moins  pour  nous, 
sont  les  prophètes  juifs.  Ce  que  les  prophètes  juifs  annon- 
çaient au  peuple,  croyant  à  la  valeur  objective  de  leurs 
rêves,  ce  sont  leurs  «  visions  ».  Et  ils  se  procuraient  des 
visions,  se  mettaient,  pensaient-ils,  en  communication  avec 
les  esprits  supérieurs,  en  se  retirant,  pour  jeûner,  dans  la 
solitude.  Le  raisonnement  qu'ils  se  faisaient,  le  Zoulou  se 
le  fait  encore.  «  Le  corps  que  l'on  remplit  constamment, 
dit-il,  ne  saurait  apercevoir  les  choses  secrètes.  »  Le  jeûne 
un  peu  prolongé  détermine  en  effet  des  vertiges,  exaspère 
la  sensibilité  et  jette  l'organisme  dans  un  état  d'anxiété 
terrifiante.  Les  idées  délirantes  sont  le  fruit  spontané  de 
cet  état  ;  elles  se  développent  dans  le  sens  des  préoccupa- 
tions habituelles  et  s'amplifient  parles  impressions  doulou- 
reuses que  cause  la  solitude  où  les  moindres  choses,  formes 
ou  bruits,  prennent  des  proportions  fantastiques.  Par  le 
jeûne,  on  arrive  donc  à  volonté  à  l'exaltation  de  l'imagi- 
nation, à  la  fixation  du  rêve  tout  éveillé,  aux  visions,  c.-à-d. 
pour  l'animiste,  aux  inspirations  par  les  esprits.  Et  ce 
n'est  pas  seulement  chez  les  Juifs  qu'y  avaient  recours 
ceux  qui  voulaient  acquérir  de  l'ascendant  sur  le  peuple 
par  des  prédictions  formidables.  Ils  ne  nous  offrent  qu'un 
exemple  particulier  d'une  coutume  très  générale.  La  plupart 
des  sorciers,  depuis  le  Grœnland  jusqu'à  l'Afrique  aus- 
trale, se  préparent  à  l'exercice  de  leurs  professions  par  des 
jeûnes  prolongés  qui  les  jettent  souvent  dans  un  état  ner- 
veux maladif  permanent.  Et  nulle  part  peut-être  leur  usage 
n'a  été  aussi  général  et  aussi  rigoureusement  imposé  que 
chez  les  anciens  Peaux-Rouges.  Chez  ces  sauvages,  les  am- 
bitieux s'exerçaient  à  jeûner  dès  le  jeune  âge  et,  dès  qu'ils 
se  sentaient  assez  préparés,  ils  se  soumettaient  à  un  jeûne 
plus  prolongé  pendant  lequel  ils  faisaient,  enregistraient 
devant  témoin  des  prophéties.  Si  quelque  chose  de  ces  pro- 
phéties dont  on  devine  la  tournure  baroque  paraissait 
s'adapter  aux  événements  survenus,  après  examen  des 
vieillards,  ils  étaient  sûrs  de  passer  sorciers  et  chefs.  On 
ne  devenait  pas  chef  sans  cette  épreuve.  Le  développement 
du  culte  dans  la  civilisation  mexicaine  n'avait  fait  qu'étendre 
cette  coutume  peau-rouge.  A  la  fête  d'un  des  dieux  du 
Mexique,  tous  les  prêtres  devaient  jeûner  460  jours.  Ils  se 
passaient  des  baguettes  à  travers  la  langue  pour  témoigner 
de  la  constance  de  leurs  privations.  Zaborowski. 

II.  Histoire  religieuse  (V.  Carême  et  Ramadhan). 

III.  Physiologie. —  On  trouvera  à  l'art.  Inanition  l'ex- 
posé des  désordres  apportés  dans  l'organisme  par  le  jeûne 
prolongé.  Qu'il  nous  suffise  de  rappeler  que,  d'après  les  re- 
cherches de  Chossat,  recherches  confirmées  par  tous  les  tra- 
vaux ultérieurs,  la  mort  arrive  quand  l'être  vivant  a  perdu 
40  ^/o  de  son  poids  primitif.  Cette  perte  n'est  du  reste  pas 
répartie  également  entre  les  divers  organes,  le  foie,  le  cer- 
veau ne  diminuant  pas  de  poids,  alors  que  la  graisse  tout 
d'abord,  puis  les  muscles  sont  fortement  atteints.  Des  re- 
cherches récentes  montrent  même  que,  si  les  premiers 
organes  cités,  les  organes  nobles,  suivant  l'antique  expres- 
sion, ne  sont  pas  touchés  par  l'atrophie,  c'est  qu'ils  reçoi- 
vent continuellement  des  éléments  azotés  provenant  des 


157  -- 


JEUNE  -  JEVONS 


muscles  ;  l'albumine  de  ces  derniers  se  transforme  en  glo- 
buline  pour  aller,  véhiculée  par  le  sang,  reformer  les  élé- 
ments albuminoïdes  du  cerveau.  En  ce  qui  concerne  l'homme, 
Richet  fait  trois  distinctions  pour  l'étude  des  jeûnes  et 
des  jeûneurs  :  le  jeûne  expérimental  comportant  des  expé- 
riences précises  sur  des  sujets  sûrs,  limités  à  quelques  jours  ; 
le  jeûne  charlatanesque,  expression  peut-être  sévère,  mais 
qui  s'adresse  à  ces  jeûnes  célèbres  des  Tanner,  des  Mer- 
latti,  des  Succi,  dans  lesquels  le  côté  scientifique  est 
plus  qu'atténué;  enfin  le  jeûne  forcé,  portant  sur  les  indi- 
vidus placés  dans  des  circonstances  indépendantes  de  leur 
volonté.  Dans  le  second  groupe,  et  en  modifiant  l'épithète, 
on  doit  placer  le  jeûne  des  aliénés,  des  hystériques,  des 
fakirs,  etc. 

Dans  un  jeûne  expérimental  de  quarante-huit  heures, 
sur  un  sujet  bien  constitué,  mais  maigre  (50  kilogr.),  Han- 
riot  et  Richet  ont  constaté  une  diminution  de  poids  de 
2^^400,  soit  de  is''32  par  kiIogrammeetparheure;ilsontvu 
également  la  quantité  d'acide  carbonique  produite  tomber 
considérablement,  44  litres  au  heu  de  18,  entraînant  une 
diminution  correspondante  de  la  ventilation  pulmonaire, 
400  litres  au  lieu  de  500.  L'expérience  faite  par  Senator 
sur  Cetti  a  été  prolongée  jusqu'au  dixième  jour  et  il  perdit . 
dans  ce  laps  de  temps  G'^^SOO. 

Les  jeûnes  de  Tanner,  de  Succi,  de  Merlatti  ont  été 
prolongés  beaucoup  plus  longtemps  ;  leur  perte  de  poids  a 
été  d'ailleurs  beaucoup  moindre  par  kilogramme  et  par 
heure  au  début  même  de  l'expérience,  c.-à-d.  dans  les  con- 
ditions comparables  à  celles  des  jeûneurs  étudiés  par  vSe- 
nator,  Ranke  (sur  lui-même),  par  Hanriotet  Richet.  Mais 
il  ne  faut  pas  oublier  que  Merlatti,  avant  de  commencer  son 
expérience  de  cinquante  jours,  avait  dévoré  «  une  oie 
grasse  avec  les  os  »  ;  que  Succi  prenait  une  liqueur  à  base 
sans  nul  doute  de  narcotique,  enfin  et  surtout  que  ces  in- 
dividus paraissent  tous  doués  d'une  tare  psychique.  Succi 
avait  été  deux  fois  enfermé  comme  aliéné . 

Chez  les  individus  qui,  sans  tare  cérébrale,  ont  voulu  se 
tuer  par  inanition,  la  mort  est  généralement  arrivée  vers 
le  dix-septième  ou  dix-neuvième  jour:  Antonio  Viterbi  se 
laisse  mourir  de  faim  en  prison  après  dix-sept  jours.  Un 
autre  individu,  cité  par  Richet,  meurt  le  dix-huitième  jour. 
Une  ieune  fille,  après  sténose  par  brûlure  de  l'œsophage, 
meurt  le  quinzième  jour.  C'est  là  un  chifi're  qui  paraît  de- 
voir être  admis  comme  durée  ordinaire  de  la  résistance 
chez  des  individus  normaux,  placés  dans  des  conditions  fa- 
vorables. Chez  les  individus  à  tare  psychique,  au  contraire, 
la  résistance  paraît  atteindre  des  limites  invraisemblables. 
Un  aliéné  de  Devilliers  aurait  résisté  avec  un  peu  de  vin 
soixante-seize  jours,  un  malade  de  Desbarreaux  soixante- 
trois  jours.  Les  cas  de  jeûne  d'hystériques  sont  nombreux. 
Une  malade  de  Lasègue  ne  prenait  que  quelques  gouttes  de 
thé  coupé  de  lait,  et  pendant  un  an  «  elle  ingéra  à  peine  la 
ration  alimentaire  de  deux  jours  ».  Les  analyses  faites  à 
la  Salpêtrière  des  excréta  tant  gazeux  que  solides  et  liquides, 
montrent  du  reste  que  la  désassimilation  est  pour  ainsi 
dire  arrêtée.  Debove  a  réussi  à  faire  garder  le  jeûne  quinze 
jours,  par  suggestion,  à  des  hystériques  et,  pendant  tout  ce 
temps,  la  perte  de  poids  n'a  pas  dépassé  0-^^13  par  kilogr. 
et  par  heure. 

Nous  n'avons  cité  ici  que  des  observations  recueillies  par 
des  observateurs  dignes  de  confiance.  Il  nous  parait  inutile 
de  donner  les  faits  par  trop  merveilleux  rapportés  par  les 
auteurs  des  xvi^  et  xviii^  siècles,  qui  racontent  du  reste 
presque  toujours  par  ouï-dire.  Tel  Jean  de  Marceville  qui 
rapporte  l'histoire  d*une  fille  de  vingt-deux  ans  qui  fut 
deux  ans  entiers  sans  boire  ni  manger  et  d'une  fille  de 
Tulle  qui  resta  trois  ans  «  après  avoir  reçu  la  communion 
à  Pâques  ». 

Dans  les  cas  de  jeûnes  forcés  par  suite  d'accidents  : 
éboulement,  naufrages  en  mer,  etc.,  on  note  au  contraire 
un  phénomène  inverse.  Ce  n'est  plus  dix-sept  et  vingt  jours 
que  les  malheureux  résistent,  mais  à  peine  très  souvent 
sept  à  dix  jours.  On  note  presque  toujours  des  troubles 


cérébraux  graves  dès  le  début  du  jeûne.  Mais  ici  il  faut  faire 
intervenir  encore  le  système  nerveux.  C'est  lui  le  grand 
régulateur  de  la  nutrition.  Si  chez  les  individus  à  types 
spéciaux  cités  plus  haut,  hystériques  ou  autres,  il  joue 
essentiellement  un  rôle  d'inhibiteur  des  échanges,  dans  les 
circonstances  dramatiques  où  se  trouvent  les  individus  af- 
famés, il  est  au  contraire  dynamogénique,  accélérateur  de 
ces  mêmes  échanges,  d'où  une  désassimilation  plus  active, 
une  marche  plus  rapide  des  symptômes  morbides. 

D^  P.  Lânglois. 
BiBL.  :  Physiologie.  ~  Gley,  le  Jeûne  et  les  Jeûneurs, 
dans  Revue  scientifique,  1886.  —  Richet,  l'Inanition  chez 
Vhomme^  dans  Revue  scientifique,  1889.  —  Lasègue,  De 
l'Anorexie  hystérique.  —  Charcot,  Leçons  sur  l'hysté- 
rie, 1888. 

JEUNE-Italie  (Société  de  la).  Fondée  à  Marseille  par 
Mazzini  en  1832,  elle  avait  pour  organe  un  journal  du 
même  nom  (V.  Mazzini). 

JEUNE-LoRETïE.  Bourg  du  Canada,  prov.  de  (iuébec,  à 
14  kil.  N.-O.  de  cette  ville;  le  quart  des  habitants  des- 
cendent des  anciens  llurons. 

jeunes-Détenus  (V.  Détenus). 

JEU  RE.  Corn,  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Saint-Claude, 
cant.  de  Moirans;  342  hab. 

JEUX-lès-Bard.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  et 
cant.  de  Semur;  115  hab. 

JEUXEY.  Com.  du  dép.  des  Vosges,  arr.  et  cant.  d'Epi- 
nal  ;  538  hab. 

JEVDOKIMOV  ou  mieux  IEVDOKIMOV(Nicolas-Ivano- 
vitch,  comte),  général  russe,  né  en  1804,  mort  en  1873. 
Il  joua  un  grand  rôle  dans  la  conquête  du  Caucase.  Sous  les 
ordres  d'Iermolov,  il  porta  à  Schamyldes  coups  décisifs,  le 
défit  en  1858,  s'empara  de  sa  résidence  de  Weden  (avr. 
1859)  ;  ces  victoires  aboutirent  à  la  capture  de  Schamyl  et 
à  la  soumission  du  Caucase  oriental.  Jevdokimov  fut  récom- 
pensé par  les  titres  de  comte  et  d'aide  de  camp  de  l'empe- 
reur. En  1861,  on  le  chargea  de  soumettre  les  Tcherkesses. 
Il  y  réussit  après  une  campagne  méthodique  de  trois  an- 
nées. La  prise  de  Wardan  (28  avr.  1864)  consomma  la 
conquête  du  Caucase  occidental.  Les  Tcherkesses  furent 
transplantés  ou  émigrèrent  en  Turquie.  Leur  vainqueur  fut 
alors  adjoint  au  grand-duc  Michel,  gouverneur  du  Caucase. 
En  1870,  il  prit  sa  retraite. 

JEVER.  Ville  d'Allemagne,  grand-duché  d'Oldenbourg, 
à  rO.  du  golfe  de  Jade;  5,500  hab.  Vieux  château  bâti 
en  1410  par  Edo  Wiemken.  Ce  fut  le  chef-lieu  d'une  sei- 
gneurie de  330  kil.  q.,  annexée  en  1575  à  l'Oldenbourg, 
transférée  par  mariage  aux  Ânhalt-Zerbst;  Catherine  II  de 
Russie  en  devint  propriétaire  en  1793.  Alexandre  I*^**  la 
céda  à  la  Hollande  (1807)  ;  en  1814,  on  Tunit  à  Olden- 
bourg. 

BiBL.  :  VoRNSAND,  Gesch.  Jeverlands,  1875. 

JEVEROS.  Ville  du  Pérou,  dép.  de  Loreto,  sur  l'Ar- 
mana-yacu,  sous-affluent  du  Huallaga  (affl.  de  l'Amazone); 
2,000  hab.  Ancienne  mission  de  jésuites  déchue  de  son  im- 
portance. 

JEVON  (Thomas),  acteur  et  auteur  dramatique  anglais, 
né  en  1652,  mort  en  1688.  D'abord  petit  maître  à  dan- 
ser, il  débuta  vers  1673  au  théâtre  et  jusqu'à  son  dernier 
jour  joua  avec  le  plus  brillant  succès  les  rôles  d'amoureux 
comiques.  Son  triomphe  fut  le  rôle  d'Arlequin  dans  le 
Faust  de  Mountford  (1676).  On  ne  connaît  de  lui  qu'une 
comédie,  The  Devil  of  a  ivife^  représentée  en  1686  à  Dor- 
set  Garden  et  qui  n'eut  pas  moins  de  huit  éditions  entre 
cette  date  et  1735.  Le  nom  de  Jevon,  avec  nombre  d'anec- 
dotes sur  son  compte,  apparaît  fréquemment  chez  les  au- 
teurs du  temps.  R.  S. 

JEVONCOURT.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Nancy,  cant.  d'Haroué  ;  131  hab. 

JEVONS  (William-Stanley),  philosophe  et  économiste 
anglais,  né  à  Liverpool  en  1835,  mort  le  13  août  1882. 
Il  fit  ses  études  au  collège  de  l'Université,  à  Londres,  et 
alla  en  1854  à  Sydney  comme  employé  à  la  Monnaie  royale  ; 
il  en  revint  en  1859.  En  1864,  il  devint  professeur  de 


JEVONS  -  JH/VNSI 

logique,  de  philosophie  morale  et  d'économie  politique  au 
collège  Owen,  de  Manchester.  Comme  économiste,  il  s'est 
surtout  occupé  de  la  question  monétaire  et  de  la  question 
du  travail.  Son  originalité  consiste  à  avoir  essayé  de  renou- 
veler la  méthode  de  l'économie  politique.  Suivant  lui,  cette 
science  se  divise  en  deux  parts,  une  de  fait,  qui  doit  être 
traitée  d'une  façon  tout  historique  et  statistique,  une  de 
théorie  qui  doit  être  traitée  suivant  une  méthode  mathéma- 
tique. Il  a  appUqué  cette  seconde  méthode  notamment  à  la 
théorie  de  la  valeur,  qui,  suivant  lui,  est  multipliée  par 
l'utilité.  Cette  idée  de  l'utilité  n'est  pas  d'ailleurs  déter- 
minée par  lui  d'une  façon  suffisamment  précise.  En  somme, 
S.  Jevons,  économiste,  n'est  sans  doute  pas  un  rénovateur 
comme  Ricardo,  à  qui  on  l'a  comparé  quelquefois,  mais  c'est 
un  esprit  vigoureux  et  pénétrant.  Il  a  apporté  les  mêmes  qua- 
lités dans  l'étude  de  la  logique.  Il  part  de  la  question  de  la 
«  quantification  du  prédicat  »  soulevée  par  llamilton.  Pour 
lui,  comme  pour  Boole,  la  logique  déductive  a  une  grandeim- 
portance  scientifique,  et  est  nécessaire  à  l'induction.  Pour 
pouvoir  formuler  une  loi,  il  faut  savoir  quels  effets  résul- 
tent d'une  loi  donnée.  Mais,  tandis  que,  pour  Boole,  tout  rap- 
port du  sujet  au  prédicat  se  ramenait  à  l'identité  pure  et 
simple,  S.  Jevons  distingue  plusieurs  rapports  (identité 
simple,  partielle,  hmitée)  dont  il  faudra  tenir  compte  dans  la 
substitution  des  termes.  Chaque  terme  est  représenté 
par  une  lettre,  et,  la  substitution  se  faisant  suivant  les  lois 
déterminées  de  l'égalité,  la  déduction  se  ramène  au  déve- 
loppement d'une  formule  algébrique.  Sans  doute  la  logique 
n'est  pas  ainsi  entièrement  réduite  à  l'algèbre,  la  science 
de  la  qualité  à  celle  de  la  quantité  ;  mais  les  deux  sciences 
sont  unies  par  des  principes  plus  profonds  qui  leur  sont 
communs  et  qu'elles  supposent.  La  science  de  la  quahté 
ou  logique  reçoit  ainsi  un  développement  qu'elle  ne  com- 
portait pas  dans  la  forme  purement  quahtative,  que  lui 
avait  donnée  Aristote.  Les  principaux  ouvrages  de  Jevons 
sont  :  Value  ofGold  (1868)  ;  The  Coal  Question  (4865)  ; 
The  Substitution  of  similars  (1869);  Elementary  tes- 
sons in  Logic  (4870)  ;  Money  and  the  mecanism  of 
exchange  (1872);  The  Principles  of  science  (4874); 
Methods  of  social  reform  (4883);  Pure  Logic  (4890)  ; 
Economie  politique  (trad.  en  fr.  par  Graver).       C-el. 

BiBL.  :  L.  LiARD,  les  Logiciens  anglais  contemporains; 
Paris,  1878,  in-18. 

JEWELL  (John),  prélat  anglican,  né  dans  le  comté  de 
Devon  en  4522,  mort  en  4574.  Il  subit  l'influence  du  réfor- 
mateur John  Parkhurst  pendant  ses  années  d'études  à  Oxford 
et,  quand  il  fut  nommé  professeur  de  littérature  (4539), 
il  se  déclara  ouvertement  pour  la  cause  protestante.  Comme 
recteur  de  Sunningwell  dans  le  comté  deBerks,iI  mit  beau- 
coup d'ardeur  à  propager  les  nouvelles  doctrines.  Toutefois 
il  apostasia  (4553)  à  l'avènement  au  trône  de  la  princesse 
catholique  Marie.  Peu  de  temps  après,  il  résolut  de  retour- 
ner à  la  foi  protestante.  Dans  ce  but,  il  s'exila  et  se  rendit 
à  Francfort  et  de  là  à  Strasbourg,  en  compagnie  de  Pierre 
Martyr.  Les  deux  amis  poursuivirent  leur  œuvre  de  pro- 
pagande anti catholique  en  fondant,  à  Strasbourg,  une 
école  de  théologie  qu'ils  dirigèrent  personnellement.  La 
reine  Marie  étant  morte  en  4558,  la  cause  du  protestan- 
tisme se  releva  avec  l'avènement  d'Elisabeth  à  la  couronne 
d'Angleterre.  Jewell  retourna  aussitôt  dans  son  pays  où 
il  fut  nommé,  quelque  temps  après,  évêque  de  Salisbury 
(4560).  Vers  cette  époque,  il  composa  son  principal  ou- 
vrage, Âpologia  ecclesiœ  anglicanes^  protestation  contre 
l'exclusion  des  AngHcans  des  séances  du  concile  de  Trente. 
Il  parut,  en  1565,  une  réfutation  de  cet  ouvrage  sous  le 
titre  de  Confutation  of  the  Apology.  Jewell  répliqua  par 
un  nouveau  traité,  Defence  of  the  Apology  (4567).  On 
doit  encore  à  ce  théologien  :  Treatise  of  the  Holy  Scrip- 
tures  (4582).  Ses  œuvres  ont  été  publiées  par  la  Parker 
Society  de  4845  à  4850. 

BiBL.  :  L.  HuMFREY,  Joannis  Juelli  vita  et  mors;  Lon- 
dres, 1573. 

JEWSBURY  (Maria-Jane),  femme  auteur  anglaise,  née 
à  Measham  (Derbyshire)  le  25  oct.  4800,  morte  à  Poonah 


458  — 

(Bombay)  le  4  oct.  4833.  Chargée  de  famille,  elle  dut 
vivre  de  sa  plume.  Elle  débuta  au  Manchester  Herald  et 
collabora  avec  grand  succès  à  VAtheneum  et  à  d'autres 
revues.  Citons  d'elle  :  Phantasmagoria  (Leeds,  4824, 
2  vol.  m-8)  ;  Letters  to  the  Young  (4828,  in-12)  ;  Lays 
ofLeisure  Hours  (4829,  in-42);  The  Thrêe  Historiés 
(4830,  m-8).  Grande,  bien  faite,  spirituelle,  elle  était 
très  répandue  dans  le  monde  httéraire  où  on  l'aimait  fort. 
Elle  épousa,  en  4832,  le  révérend  Fletcher  qu'elle  accom- 
pagna aux  Indes  où  elle  mourut  du  choléra.  —  Sa  sœur, 
Géraldine  Endsor,  née  à  Measham  en  1812,  morte  à 
Londres  le  23  sept.  1880,  encore  plus  brillamjnent  douée 
que  son  aînée,  sous  le  rapport  de  la  beauté  et  de  l'esprit, 
lut  mlimement  liée  avec  les  Carlyle,  avec  Huxley,  avec 
Fronde,  avec  lady  Morgan,  dont  elle  arrangea  les  Mé- 
moires, avec  lady  Martin  qu'elle  encouragea  à  publier  ses 
Female  Characters  of  Shakespeare.  Elle  a  laissé  des 
romans  et  des  historiettes  pour  les  enfants.  Citons  parmi 
ses  meilleures  productions:  Zo^'(4845);  The Halhsisters 
(1848);  Marian  Withers  (1851);  Sorrows  of  Genti-- 
hty  (1856)  ;  Right  of  wrong  (1859).  R.  S. 

JEZ,  romancier  polonais  (V.  Milkowski). 
JÉZABEL,  princesse  phénicienne,  épouse  d'Achab,  roi 
d  Israël  (première  moitié  du  ix^  siècle  avant  notre  ère). 
Les  écrivains  bibliques,  notamment  l'auteur  de  l'épopée 
prophétique,  consacrée  à  glorifier  Elie  et  Elisée,  qui  a  été 
insérée  dans  les  livres  des  Pxois,  l'accusent  d'avoir  intro- 
duit à  Samarie  le  culte  des  divinités  de  son  pays,  de  Baal 
etd'Astarté,  et  persécuté  les  adhérents  du  culte  national. 
Les  démêlés  de  cette  reine,  qu'on  nous  représente  comme 
cruelle  et  sans  scrupules,  avec  le  prophète  Elie,  sont  bien 
connus,  ainsi  que  sa  fin  tragique,  en  expiation  de  ses 
crimes,  au  moment  où  Jéhu  s'empara  du  trône  (1  Rois 
xvï,  à  2,  Rois,  IX,  passim), 

JEZAIN VILLE.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Nancy,  cant.  de  Pont-à-Mousson  ;  667  hab. 

JEZEÂU.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  de 
Bagnères-de-Bigorre,  cant.  d'Arreau  ;  220  hab. 

JEZIERSKI  (Léopold-Jacek),  homme  d'Etat  polonais,  né 
en  1722,  mort  en  1805.  Il  remplit  les  fonctions  de  castel- 
lan  et  de  staroste  et  fut  membre  de  la  diète  dite  de  Quatre 
ans.  II  était  célèbre  par  son  esprit  mordant.  H  a  publié 
quelques  écrits  politiques,  notamment  un  recueil  de  dis- 
cours (Varsovie,  1764),  un  ouvrage  sur  les  Traités  de 
la  Pologne  avec  les  pays  voisins  depuis  i657  (éd. 
1789),  etc.  ^ 

JEZIERSKI  (François  de  Sales),  parent  du  précédent, 
ne  en  1738,  mort  en  1791.  Prêtre  et  membre  de  l'ordre 
des  missionnaires,  partisan  de  la  Révolution  française,  il 
élabora  pour  la  diète  de  Quatre  ans  toute  une  série  de  ré- 
formes radicales  en  faveur  de  la  bourgeoisie  et  des  paysans. 
Outre  deux  romans  à  tendances  pohtiques  :  Goworek 
(Varsovie,  1789);  Rzepicha  (id.,  1790),  il  a  laissé  plu- 
sieurs écrits  purement  pohtiques  :  les  Interrègnes  en 
Pologne  {id.,  1790)  ;  Catéchisme  des  mystères  du  gou- 
ver7iement  polonais  {id.,  1780);  Remarques  sur  la 
condition  des  non-nobles  en  Pologne  (id.,  1790);  Petit 
Lexique  avec  commentaires  {id.,  1792).  C'est  un  pam- 
phlétaire mordant  et  spirituel, 

JEZIERSKI  (Michel),  né  dans  le  gouvernement  de  Kiev 
en  1811,  mort  en  1891.  Ha  publié  des  poésies,  des  comé- 
dies et  des  romans  historiques  :  la  Femme  du  chancelier, 
Clément  Janicki,  le  Dernier  Amour  du  dernier  roi,  ^ic, 

JEZIERSKI  (Louis),  publiciste  et  administrateur  fran- 
çais, né  à  Lyon  le  13  nov.  4843.  Après  avoir  été  rédac- 
teur en  chef  de  VEstafette,  il  donna  des  articles  militaires 
au  National,  et  fut  nommé,  le  28  déc.  4886,  directeur  des 
journaux  officiels.  On  a  de  lui  :  Combats  et  batailles 
du  siège  de  Paris:  bataille  de  sept  jours  {P^vk,  1871, 
m-i^);  Histoire  de  la  guerre  de  iSîÙ-îi  (Paris,  1874). 

JEZRAHEL,  plus  exactement  IZREÈL  (V.  Esdrélon). 

JHANSl.  Ville  de  l'Inde  (V.  Djansi). 


-  459  - 


JHERING  —  JIRECEK 


JHERIN6  (Rudolf  de),  juriste  allemand,  néàAurichle 
22  août  4848.  Il  fut  professeur  aux  universités  de  Bâle 
(4845),  Rostock  (4846),  Kiel  (4849),  Giessen  (4852), 
Vienne  (4868),  Gœttingue  (4872).  Parmi  ses  ouvrages  très 
originaux,  les  plus  importants  sont  :  Geist  des  rœmischen 
Rechts  (Leipzig,  4852-65,  4  vol.;  4^  éd.,  4878)  ;  livil- 
rechtsfœlle  ohne Entsclieidungen  (4847; 4^  éd.,  4880)  ; 
Veber  den  Grund  des  Besitzschutzes  (2®  éd.,  4869)  ;  Die 
Jurisprudenz imtœglichen  Leben  (4870  ; 6®  éd.,  4886)  ; 
DerKampfums  Recht  (Vienne,  4872  ;  8^ éd.,  4886),  tra- 
duit dans  la  plupart  des  langues  européennes;  Scherz  und 
Ernst  in  Jurisprudenz  (Leipzig,  4885)  ;  ses  articles  ont 
été  réunis  en  trois  volumes  (Gesammelte  Aufsœtze,  léna, 
4884). 

JIBAROS.  Indiens  du  Pérou  (V.  Jivaros). 

J  IBM  EL,  dieu  lapon  (V.  Ibmel). 

JICIN  (en  allemand  Gitschin),  Ville  de  Bohême,  ch.-l. 
de  capitainerie  sur  la  ligne  du  Nord- Autrichien  ;  40,000 
hab.  Jicin  fut  au  début  du  xvu®  siècle  la  résidence  de 
Wallenstein,  Elle  souffrit  beaucoup  de  la  guerre  de  Trente 
ans.  En  4866,  elle  fut  occupée  par  les  Prussiens  après  un 
sanglant  combat.  Le  2  juil.,  le  roi  de  Prusse  y  établit  son 
quartier  général.  Le  3,  un  conseil  de  guerre  y  élabora  le 
plan  de  la  bataille  de  Kœniggratz. 

JIDIATA  (Lucas),  prêtre  et  écrivain  russe  du  xi®  siècle, 
mort  en  4060.  Il  devint  en  4034  évêque  de  Novgorod. 
Il  a  laissé  une  Instructio7i  qui  est  probablement  le  plus 
ancien  monument  de  la  littérature  slavonne  russe,  et  qui  a 
été  publiée  par  l'évêque  Makari  dans  son  Histoire  de 
l'Eglise  russe  (t.  I).  L.  L. 

JIHLAVA(V.Iglau). 

JIJONA.  Ville  d'Espagne,  ch.~l.  de  district  de  la  prov. 
d'Alicante ,  sur  le  penchant  de  la  sierra  de  Castella  ; 
4,400  hab.  On  aperçoit  de  loin  dominant  la  ville  un  châ- 
teau fort  de  l'époque  arabe  qui  a  été  maintes  fois  restauré, 
et  de  magnifiques  jardins;  les  rues  sont  étroites  et  en 
pentes  raides.  Le  pays  alentour  produit  en  quantité  des 
céréales,  des  fruits,  surtout  des  amandes  et  du  miel  ;  on 
en  fait  des  espèces  de  nougats  {turrones),  très  estimés  dans 
toute  l'Espagne.  On  récolte  aussi  le  kermès.      E.  Cat. 

JIKA  Kapétane,  héros  des  guerres  de  l'indépendance 
serbe,  né  en  Macédoine,  mort  le  5  avr.  4808.  Ancien 
aubergiste  à  Belgrade,  il  prit  part  à  la  guerre  austro- 
turque  de  4788-94  et  se  retira  ensuite  en  Syrmie,  vivant 
d'une  pension  que  lui  alloua  l'Autriche.  En  4804,  il  rentra 
en  Serbie,  se  mit  à  la  tête  d'une  bande  d'insurgés  et  fonda 
le  fameux  camp  retranché  de  Déligrad.  Il  fut  blessé  à 
mort  en  repoussant  une  attaque  des  Turcs  sur  Déligrad. 

JILOCA.  Rivière  d'Espagne,  dans  l'Aragon.  Elle  najt, 
sous  le  nom  de  Cella^  dans  la  sierra  de  Albarracin,  auN.  de 
Téruel  ;  elle  prend  le  nom  de  Jiloca  à  son  confluent  avec  une 
rivière  formée  par  les  sources  de  Monreal  del  Gampo,  los 
Ojos  de  Monreal.  Elle  passe  par  Torrijo,  Gamin  Real, 
Fuentes  Glaras,  reçoit  le  Navarrete  qui  lui  apporte  en  hiver 
une  masse  d'eau  considérable  et  va  se  jeter  dans  le  Jalon, 
affluent  de  droite  del'Ebre,  après  un  cours  de  425  kil.  Sa 
direction  générale  est  du  S.  au  N.  Ses  eaux,  fort  abon- 
dantes dès  la  source,  servent  aux  irrigations.    E.    Gat. 

JIMENA  DE  LA  Frontera.  Ville  d'Espagne,  prov.  de 
Gadix  (Andalousie),  sur  le  versant  de  la  sierra  de  Gazules, 
près  du  Guadiaro,  dans  un  pays  montagneux,  en  partie 
couvert  de  broussailles  et  qui  produit  des  céréales,  des  fèves, 
des  pois  chiches;  6,600  hab.  On  y  élève  des  chevaux,  des 
moutons  et  des  porcs.  E.  Gat. 

JIMENEZ(V.  GiMENEz). 

J I  NI  EN  EZ  DE  CïSNEROs  (Le  cardinal)  (V.  Ximénès). 

JINGO.  Sobriquet  des  chauvins  anglais,  popularisé  par 
une  chanson  de  Macderwod  en  4876. 

JINSIFOV  (Ivan),  littérateur  bulgare,  né  à  Vêles  (Macé- 
doine) en  4848,  mort  en  Russie  en  4877.  Il  fit  ses  études 
à  Moscou,  y  devint  professeur  et  collabora  à  la  Gazette  de 
Moscou,  Il  a  pubhé  à  Moscou  en  4863  :  le  Recueil  bul- 


gare qui  renferme  des  poésies  originales  et  des  traductions 
en  dialecte  macédonien  :  en  4870  il  fit  paraître  à  Braïla 
un  récit  patriotique,  la  Chemise  ensanglantée, 
^  JIRASEK  (Aloys),  romancier  tchèque  contemporain,  né 
a  Kronov  (Bohême)  en  4  854.  Après  avoir  achevé  ses  études 
a  Prague,  il  collabora  à  un  certain  nombre  de  journaux 
bohèmes.  On  lui  doit  un  grand  nombre  de  romans  et  de 
nouvelles  où  il  retrace  des  épisodes  de  la  vie  nationale  : 
Viklora  1875);  iw  Château  ducal  (4877);  le  Paradis 
du  monde  (4881)  ;  la  Fin  et  le  Commencement  (4882)  • 
le  Siècle  d'or  en  Bohême  (4883);  Maryla  (4885  ; 
Contes  et  Nouvelles  (1887);  les  Rochers  (im),  etc! 
M.  Jirasek^est  professeur  à  Litomysl.  L  Léger 

JIRECEK  ou  JIREC2EK(Joseph),savantethommed'Êtat 
tchèque  ne  a  VysokeMyto  (Bohême)  en  4825,  mort  à  Prague 
en  1890.  Il  fit  ses  études  à  Litomysl  et  à  Prague.  Docteur 
en  droit,  il  collabora  à  divers  journaux  et  à  la  traduction 
du  code  autrichien.  Il  fut  attaché  ensuite  au  ministère  des 
cultes  et  de  l'mstruction  publique  et  composa  divers  re 
cueiis  de  littérature  tchèque  pour  les  écoles.  Il  édita  en  outre 
un  certain  nombre  d'anciens  textes  tchèques  et  le  recueil 
intitulé  Mémoires  de  philologie,  d'histoire  et  de  litté- 
rature. En  4862,  il  publia  en  collaboration  avec  son  frère 
Hermenegild  un  important  ouvrage  :  Die  Echtheit  der 
Kœmgmhofer  Handschrift  kritisch  nachgewiesen 
(V.  Kralove  Dvor).  Il  publia  une  nouvelle  édition  des 
œuvres  de  Satarik  dont  il  avait  épousé  la  fille.  En  4869  il 
était  parvenu  aux  fonctions  de  conseiller  de  ministère:  en 
4874  il  reçut  le  portefeuille  de  l'instruction  publique  dans 
le  cabinet  Hohenwart.  En  cette  qualité  il  s'efforça  d'aug- 
menter le  nombre  des  établissements  d'instruction  pubHque 
dans  les  pays  slaves  et  fonda  l'Académie  polonaise  de 
Cracovie.  Il  quitta  le  ministère  au  mois  d'oct.  4874  en 
même  temps  que  M.  de  Hohenwart.  En  4874,  il  se  retira  à 
Prague  et  devint  président  de  la  Société  royale  des  sciences. 
Il  a  publie  dans  le  recueil  de  cette  Société  et  dans  celui 
du  musée  de  Prague  une  foule  de  mémoires  relatifs  à  l'his- 
loire  de  la  httérature  tchèque  qui  se  distinguent  par  une 
solide  érudition.  On  lui  doit  en  outre  un  important  ouvrage 

f^nl^'n/}''^^^^^  ^'^'èque  (Prague] 

4874-75,  2  vol.).  En  4879,  il  avait  été  nommé  membre 
du  Reichsrat  autrichien.  -  Son  frère,  Hermenegild,  né  à 
\ysoke  Myto  en  4827,  étudia  comme  lui  le  droit  et  entra 
au  mmistere  de  l'instruction  publique.  Après  avoir  débuté 
par  des  pubhcations  purement  littéraires,  il  s'est  particuliè- 
rement  occupé  de  l'histoire  des  pays  slaves  et  en  particulier 
de  leur  législation.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Collection 
-de  documents  slaves-hongrois;  Ueber  die  Eigentums- 
verletzungen  nach  dem  altbœhmischen  Rechte  (Vienne 
iSob);  Codex  juris  bohemici(?v3igne,iS61-S9,\  vol  )• 
le  Droit  slave  en  Rohème  et  en  Moravie  (Pra^^-ue,  4863- 
73,  3  vol.);  Recueil  des  lois  slaves  (Prague,  '4880* 
Anhquœ  Bohemiœ  topog raphia  historica  (id  ,  4893)' 
Constantin-Joseph  Jireczek,  fils  de  Joseph,  né  à  Vienne 
en  4854,  s  est  fait  connaître  par  d'importants  travaux  his- 
toriques. Après  avoir  pris  à  Prague  le  titre  de  docteur  en 
philosophie,  1  voyagea  chez  les  Slaves  méridionaux  et 
étudia  particulièrement  leurs  langues,  leur  histoire  et  leur 
littérature.  En  4872,  il  fit  paraître  à  Braïla  une  Biblio^ 
graphie  de  la  littérature  bulgare  moderne.  En  4876 
il  publia  en  tchèque  une  Histoire  de  la  Nation  bulgare 
qui  a  eu  depuis  une  édition  allemande  (Prague,  même  année^ 
et  une  édition  russe  (Odessa,  4882).  En  4880,  il  entra  au 
service  de  la  Bulgarie  et  devint  d'abord  premier  secrétaire 
du  ministère  de  1  mstruction  publique,  puis  bientôt  mi- 
nistre. Il  quitta  ce  poste  en  4882  et  fut  nommé  président 
du  Lomite  scientifique  et  directeur  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale de  Sofia.  En  4883,  il  revint  à  Prague,  où  il  est  devenu 
professeur  d  histoire  à  l'université  tchèque.  Il  a  passé  de- 
puis à  1  université  de  Vienne.  M.  Gonstantin  Jireczek  a 
écrit  en  tchèque,  en  allemand,  en  serbe  et  en  bukare  II 
a  notamment  collaboré  à  la  Revue  du  Muséum  de  Praaiie 
A  {Encyclopédie  d'Otto,  aux  Mémoires  des  sociétés  sa- 


JIRECEK  —  JOACHIM 

vantes  de  Belgrade  et  de  Sofia,  à  VArchiv  fur  slaivische 
Philologie,  etc.  L'un  de  ses  plus  importants  ouvrages  est 
son  Voyage  en  Bulgarie  (en  tchèque,  Prague,  4  888).  Une 
partie  de  cet  ouvrage  a  été  analysée  par  M.  Léger  dans  le 
volume  intitulé  Russes  et  Slaves,  Il  a  été  remanié  en 
allemand  dans  le  volume  intitulé  Das  Furstenthum  Bulga- 
rien  (Prague  et  Vienne,  1891).  On  lui  doit  encore  :  Die 
Heerstrasse  von  Belgrad  nach  Constantinople  (Prague, 
1877);  un  mémoire  en  tchèque  sur  les  Rapports  de 
Catherine  II  avec  la  République  de  Raguse  (Prague, 
1893).  L.  Léger. 

JIRON.  Ville  de  Colombie,  Etat  de  Santander,  sur  le 
rio  de  Oro  ;  10,000  hab.  Lavage  de  sables  aurifères,  cha- 
pellerie, marché  'agricole. 

JISKRA  DE  Brandeis  (Jean),  guerrier  tchèque  du 
XV®  siècle.  Il  servit  contre  les  Turcs  et  devint  chef  des 
troupes  du  roi  Ladislav  le  Posthume,  roi  de  Hongrie  et  de 
Bohême  et  se  créa  dans  le  nord  de  la  Hongrie  une  princi- 
pauté indépendante  dont  il  se  fit  reconnaître  le  chef.  11 
repoussa  en  1451  les  attaques  de  Jean  Hunyade  et  ne  fut 
réduit  à  l'obéissance  que  par  Mathias  Corvin  qui  l'obligea 
(1462)  à  restituer  les  terres  qu'il  avait  usurpées.  Il  reçut 
en  échange  de  sa  soumission  le  titre  de  magnat.  On  ignore 
la  date  de  sa  mort, 

JITOMIR.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  du  gouvernement  de 
Volhynie,  sur  la  Teterev  ;  54,000  hab.  D'après  la  légende, 
la  ville  porterait  le  nom  de  son  fondateur,  Jitomir,  l'un 
des  lieutenants  d'Askold  et  de  Dir,  compagnons  de  Rurik 
(ix®  siècle).  Jitomir  avait  subi  de  nombreux' assauts  lors  de 
l'invasion  tatare.  Jusqu'à  son  annexion  à  la  Russie  (1778), 
Jitomir  jouissait  des  prérogatives  des  principales  villes  de 
Pologne.  Erigé  en  ch.-L  du  gouvernement,  en  1804. 

J!U  ou  S  IL  Rivière  de  Roumanie,  affluent  gauche  du 
Danube.  Née  en  Transylvanie  (comté  de  Hunyad),  elle  re- 
çoit le  Sadu,  traverse  les  Karpates,  pénètre  en  Roumanie, 
traverse  l'O.  de  la  Valachie  (dép.  de  Jiu  de  Susu  ou 
Gorjîu  et  Jiu  de  Josu  ou  Dolj),  reçoit  le  Tisman  (dr.),  le 
Gilort  (g.),  le  Motru  (dr.),  l'Amaradia  (g.),  passe  à  3kil. 
de  Craïova  et  finit  en  face  de  Rahova.  Elle  a  300  kiU  de 
long,  dont  40  en  Transylvanie. 

JIVAROS  (Anthrop.).  Sur  le  haut  Amazone  et  les  pentes 
orientales  des  Andes,  occupant  les  territoires  limitrophes 
de  l'Equateur  et  du  Pérou,  sont  échelonnées  plusieurs 
peuplades  indiennes  groupées  aujourd'hui  sous  le  nom  de 
Jivaros.  Quoique  Guaranis  par  les  origines  de  la  race  et 
par  la  langue,  les  Jivaros  se  distinguent  des  autres  Indiens, 
et  des  Péruviens  notamment,  par  une  taille  plus  élevée,  et 
une  certaine  sveltesse  alliée  toutefois  à  des  membres  bien 
musclés,  beaucoup  d'agilité  et  de  vigueur.  Leur  nez  est 
souvent  aquilin.  Leurs  yeux  petits  et  vifs  sont  horizon- 
taux. Ils  ne  portent  pour  tout  vêtement  qu'une  ceinture 
dont  les  deux  bouts  pendent  par  devant.  Ils  portent  d'ail- 
leurs aussi  les  ornements  habituels  des  autres  Indiens.  Ils 
sont  chasseurs  et  pêcheurs  avant  tout ,  mais  élèvent 
cependant  des  troupeaux  de  porcs.  Hs  pratiquent  la  couvade 
comme  les  Caraïbes.  Quoique  doux  et  hospitaliers,  ils  sont 
fiers,  attachés  à  leur  indépendance,  courageux,  redoutables 
dans  la  guerre.  Et  pendant  longtemps  ils  ont  joui,  encore 
comme  les  Caraïbes,  d'une  véritable  réputation  de  férocité, 
à  cause  des  trophées,  uniques  en  leur  genre,  dont  ils 
aimaient  à  se  parer.  Ces  trophées,  connus  depuis  un  petit 
nombre  d'années  sous  le  nom  de  chanchas^  sont  des 
peaux  de  têtes  humaines  (celles  des  ennemis  tués)  qui, 
desséchées  à  l'aide  de  pierres  chauffées  introduites  à  leur 
intérieur,  sont  réduites  dans  toutes  leurs  dimensions.  Ces 
peaux,  avec  leur  figure  naine  et  ridée,  leur  longue  cheve- 
lure et  une  frange  introduite  dans  les  lèvres,  ils  les  por- 
tent suspendues  à  leurs  propres  cheveux  tressés,  par  un  trou 
ouvert  à  leur  sommet.  Zaborowski. 

J IVO Kl  Nl(Vasili-Ignatievitch),  acteur  russe,  né  en  1807, 
mort  en  1874.  Il  débuta  en  1824  et  se  fit  surtout  remarquer 
dans  les  rôles  comiques.  Il  joua  pendant  de  longues  années 
au  petit  théâtre  de  Moscou.  Il  a  laissé  des  Souvenirs. 


160 


JIZDRA.  I.  Rivière  de  Russie,  affl.  de  gauche  de  l'Oka  ; 
longueur  du  cours  environ  160  kil.,  largeur  16  à  60  m. 
Utilisable  seulement  pour  le  transport  de  radeaux. 

IL  Ville  de  Russie,  gouvernement  et  à  150  kil.  S.-O. 
de  Kalonga,  ch.-l.  de  district;  12,000  hab.  —  Le  dis- 
trict, d'une  superficie  d'environ  6,500  kil.  q.  dont  près 
de  la  moitié  couverte  de  forêts  (sapins,  pins  et  bouleaux). 
Mines  de  fer  et  de  houille  ;  163,000  hab. 
JMOUDE  (V.  Samogitu). 

JO.  Rivière  de  France  (V.  Garonne  [Haute-],  t.  XVHI, 
p.  554). 

JOAB,  parent  de  David,  se  distingua  auprès  de  lui  par 
son  courage  et  son  sang-froid  ;  de  bonne  heure,  on  le  voit 
placé  en  tète  de  la  petite  troupe  que  le  successeur  de  Saùl 
avait  su  réunir  autour  de  lui,  d'abord  bande  franche,  qui 
finit  par  devenir  une  garde  du  corps,  propre  à  servir  de 
noyau  à  une  véritable  armée.  Joab  conduit  déjà  les  hommes 
de  guerre  associés  à  la  fortune  de  David  dans  la  lutte  en- 
gagée entre  celui-ci  et  Isboseth  (Isbaal),  fils  de  Saiil, 
assisté  du  vieux  chef  Abner.  Il  conduit  tour  à  tour  les 
expéditions  dirigées  contre  les  Syriens,  les  Edomites  et  les 
Ammonites;  c'est  à  son  énergie  impitoyable  qu'est  due  la 
répression  de  la  révolte  d'Absalon,  au  premier  moment 
couronnée  de  succès  ;  on  prétend  qu'il  tua  de  sa  propre 
main  le  fils  rebelle  et  se  justifia  avec  hauteur  devant  David 
de  cette  exécution,  déclarée  par  lui  nécessaire.  Un  peu  plus 
tard,  il  réprime  l'insurrection  fomentée  par  un  certain 
Séba.  Joab  se  débarrasse  également  par  son  épée  de  ses 
deux  rivaux,  Abner  et  Amasa.  Tombé  en  disgrâce  auprès 
de  Salomon  pour  avoir  pris  le  parti  de  son  frère  Adonias, 
il  fut  mis  à  mort  par  son  ordre.  —  Quelques  réserves  qu'il 
y  ait  lieu  de  faire  sur  les  détails  de  rédaction  des  livres 
de  Samuel  et  des  Rois,  la  figure  de  Joab  se  dessine  très 
nettement  avec  des  allures  de  résolution  et  de  brutalité. 
On  le  voit,  tour  à  tour,  consacrer  ses  hautes  qualités  au  salut 
de  David  menacé  et  venger  sans  scrupule  ses  injures  per- 
sonnelles. Son  rôle  semble  avoir  été  décisif  dans  les  événe- 
ments qui  assurèrent  un  lendemain  au  trône  de  David 
(V.  notre  Précis  d'histoire  juive).  M.  Vernes. 

JOACHAZ.  Ce  nom  est  porté  par  deux  personnages  de 
l'ancienne  histoire  juive  :  1<^  par  le  fils  et  successeur  de 
Jéhu  sur  le  trône  d'Israël  ou  des  Dix-Tribus  (seconde 
moitié  du  ix®  siècle  avant  notre  ère)  ;  sous  son  règne,  les 
progrès  des  Syriens  mirent  le  royaume  du  Nord  dans  la 
plus  triste  situation;  2°  par  le  fils  et  successeur  de  Josias, 
roi  de  Juda  (610  av.  J.-C),  qui,  au  bout  de  trois  mois 
seulement  de  règne,  fut  déposé  par  le  roi  d'Egypte  Nécho 
et  emmené  en  Egypte,  où  il  mourut. 
JOACHIM  (Saint)  (V.  Anne  [Sainte]). 
JOACHIM  ou  ELIACIM,  roi  de  Juda,  fils  aîné  de  Josias, 
fut  placé  par  le  roi  d'Egypte  Nécho,  vainqueur  à  Mageddo, 
sur  le  trône  de  Jérusalem.  La  population  dut  acquitter  une 
forte  contribution  de  guerre  aux  mains  du  pharaon.  Quelques 
années  plus  tard,  c'est  le  roi  de  Babylone  qui  impose  à  son 
tour  au  malheureux  royaume  un  tribut  onéreux  ;  la  révolte, 
généreuse  mais  imprudente,  de  Joachim,  au  bout  de  trois 
ans  d'oppression,  devait  attirer  sur  Juda  les  plus  grandes 
catastrophes.  Joachim  mourut,  après  onze  ans  de  règne,  au 
moment  où  l'armée  chaldéenne  se  dirigeait  contre  Jérusa- 
lem, escortée  des  contingents  des  séculaires  ennemis  d'Israël, 
Syriens,  Ammonites,  Moabites  (610  à  599  av.  J.-C). 
JOACHIM,  roi  de  Juda  (V.  Jéchonias). 
JOACHIM  (Georg),  surnommé  Rheticus  (le  Rhétien), 
astronome  et  mathématicien  suisse,  né  à  Feldkirch  (anc. 
Rhétie)  le  15  févr.  1514,  mort  àKassa  (Hongrie)  le4déc. 
1576.  Il  étudia  les  mathématiques  à  Zurich  et  à  Witten- 
berg,  où  il  prit  ses  grades  en  1535,  professa  durant  deux 
années  (1537-39)  à  l'université  de  cette  dernière  ville,  se 
rendit  ensuite  auprès  de  Copernic,  à  Frauenburg,  aida 
l'illustre  astronome,  dont  il  fut  le  premier  disciple,  dans 
les  calculs  de  son  De  Revolutionibus  orbium  cœlestinm 
(V.  Copernic,  t.  XII,  p.  897),  l'excita  à  le  publier,  en 
revit  lui-même  les  épreuves  et  propagea  courageusement 


les  nouvelles  idées.  «  Si  Aristote  revenait  au  monde,  di- 
sait-il en  manière  de  mépris  aux  pédpatéticiens,  il  serait 
tout  le  premier  à  reconnaître  son  erreur,  »  En  1542,  il 
retourna  à  Wittenberg,  puis,  après  un  voyage  à  Nurem- 
berg, alla  successivement  résider  à  Leipzig,  oii  il  eut  encore 
une  chaire,  en  Pologne  et,  enfin,  à  Kassa,  où  l'avait  appelé 
UQ  magnat  du  pays.  L'astronomie  n'est  pas  la  seule  science 
où  il  se  soit  immortalisé.  Il  entreprit  de  calculer,  avec  un 
rayon  de  d. 000.000.000.000.000  les  sinus,  cosinus,  tan- 
gentes, etc.,  de  tous  les  arcs  de  dix  en  dix  secondes  de  0°  à 
90**  et  donna  sous  le  titre  :  Canon  doctrince  triangulorum 
(Nuremberg,  4551  ;  2^  éd.,  Bâle,  1580  [très  rare])  une 
première  ébauche  de  cette  œuvre  de  patience.  Mais  le  tra- 
vail complet  ne  fut  publié  qu'un  demi-siècle  plus  tard,  par 
Valentinus  Otho,  son  élève,  et  aux  frais  de  l'électeur  pa- 
latin, sous  ce  nouveau  titre  :  Opus  palatimim  de  triant 
gulis  a  G.-J.-R.  cœptum  (Heidelberg,  1596,  in-fol.). 
Cette  édition  était  aussi  incorrecte  qu'incomplète.  Pitiscus 
(V.  ce  nom)  parvint  heureusement  à  retrouver  le  manuscrit 
original,  le  revit  entièrement  et  en  fit  paraître  une  seconde 
édition,  supérieure  à  tous  les  points  de  vue  et  considéra- 
blement accrue,  sous  ce  troisième  titre  :  Tliesainms  ma- 
themalicus  sive  Canon  sinuum^  etc.  (Francfort,  1613, 
in-fol.  [très  rare]).  C'est  dans  les  tables  de  Joachim  Rheti- 
cus  qu'on  trouve  le  premier  emploi  des  sécantes  en  trigo- 
nométrie. Voici  ses  autres  ouvrages  :  Narratio  de  Ubris 
Revohitionum  Copernici,  lettre  à  son  ami  J.  Schoner,  qui 
constitua  la  première  divulgation  du  système  de  Copernic 
(Dantzig,  1540,  in-4;  2*^  éd.,  Bàle,  15il,  in-8;  réimpr. 
en  1566  dans  le  De  Revolidionibiis  et  en  1596  dans  le 
Prodromus  de  Kepler)  ;  Orationes  de  astro7iomia,  etc. 
(Nuremberg,  1542);  Ephemeris  ex  fundamentis  Co- 
pernici  (Leipzig,  1550,  in-4  [très  rare]),  avec  d'inté- 
ressants détails  biographiques  sur  Copernic.  Dans  une  lettre 
à  Ramus,  de  1568  (V.  Simler,  ouvr.  cité  à  la  bibl.  ci- 
dessous),  Joachim  parle  bien  encore  d'un  traité  sur  la  chi- 
mie, et,  ailleurs,  de  commentaires  sur  EucHde,  de  traités 
sur  l'astronomie,  sur  la  philosophie  de  la  nature,  etc.  ; 
mais  ces  écrits  n'ont  pas  été  publiés  ou  du  moins  ne  nous 
sont  pas  parvenus.  Léon  Sagnet. 

Bibl.  :  J.  Simler,  Epilome  bibliolhecœ  C.  Gessneri; 
Zurich,  1574,  p.  228.  —  J.-S.  Bailly,  Hist.  de  l'aslron. 
mod.;  Paris,  1875,  t.  I,  p.  361,  et  t.  II,  p.  43.  — Bernoullt, 
Hist.  de  VAcad.  de  Berlin,  année  1786.  — J.-F.  Montucla, 
Hist.  des  mathém.;  Paris,  an  Vil,  t.  I,  pp.  581  et  637.— 
Lalande,  Bibliogr.  astron.  ;  Paris,  1803,  p.  129.  —  J.-B.-J. 
Delambrb, Hist  de  Vaslron.  mod.;  Paris,  1821,  1. 1,  p.  138, 
et  t.  II,  p.  2.—  F.  Hœfer,  Hist.  de  Vastron.;  Paris,  1873, 
p.  309.—  Du  même,  Hist.  des  mathém.;  Paris,  1879,  p.  368. 
—  Prowe,  Nicolaus  Copperniciis;  Berlin,  1883,  t.  I,  p.  284, 
et  II,  pp.  301,  389,  406,  426,  513.  —  Die  Chorographie  des 
Joachim  Rheticus,  dans  la  Zeitschrift  fur  Math,  und 
P/iys.,  XXI,  Hist.  litt.,  p.  125. 

JOACHIM  l«r,  roi  des  Deux-Siciles  (V.  Murât). 

JOACHIM,  électeur  de  Brandebourg  (V.  ce  mot). 

JOACHIM  (Joseph),  écrivain  suisse,  né  à  Kestenhoîz 
(Soleure)  le4  avr.  1835.  Joachim  est  un  autodidacte  :  l'école 
de  son  village  et  un  séjour  d'un  an  dans  la  Suisse  romande 
ont  été  ses  seuls  moyens  d'instruction.  Il  a  toujours  habité 
son  village  et  écrit  la  plupart  de  ses  œuvres  dans  le  dialecte 
soleurois  :  elles  ont  été  publiées  dans  les  principaux  jour- 
naux de  la  Suisse  allemande,  puis  tirées  à  part.  Les  plus 
connues  sont  Adam  Zeltner,  Aus  Berg  und  Thaï,  et 
Lonny  die  Heimatlose  (1889),  traduite  en  français,  Die 
Brader  (1891),  etc. 

JOACHIM  DE  Flore,  abbé  cistercien  et  théologien  mys- 
tique, né  à  Celico  (Calabre)  vers  1150,  mort  à  Fiore  (Ca- 
îabre)  entre  sept.  1201  et  juin  1202.  A  l'âge  de  quatorze 
ans,  il  vivait  à  la  cour  de  Roger  de  Sicile;  puis  il  fit  un 
pèlerinage  en  Terre  sainte,  après  lequel  il  se  fit  moine  en  Ca- 
labre; on  sait  seulement  qu'en  1178  il  était  depuis  quelque 
temps  abbé  du  couvent  cistercien  de  Corace.  Environ  douze 
ans  plus  tard,  Joachim  renonce  à  sa  charge,  quitte  son  cou- 
vent et  se  retire  dans  la  solitude,  où  il  finit  par  fonder  un 
nouveau  couvent,  Saint- Jean  de  Flore,  autorisé  par  un 
bref  de  1196.  Joachim  avait  recommandé  à  ses  amis  de  sou- 

GRANBE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XXL 


-  i61  -  >        JOACHIM 

mettre  tous  ses  écrits  à  l'approbation  du  saint-siège.  Voilà 
tout  ce  qu'on  sait  aujourd'hui  de  la  vie  de  cet  homme,  dont 
le  nom  devint  comme  le  signe  de  ralliement  de  tous  les  affa- 
més d'idéal  et  de  justice  jusque  vers  la  fin  du  xiii^  siècle.  On 
attribue  à  Joachim  de  Flore  trois  écrits  :  le  Liber  concordiœ 
utriusque  Testamenti  (Ymise,  1519,  in-4);  VExpositio 
in  Apocalypsin  (Venise,  1527,  in-4),  et  le  Psalterium 
decem  ckordarum  (Venise,  1527,  in-4).  Tous  ces  ou- 
vrages ont  été  interpolés  par  des  franciscains  spirituels 
(V.  ci-dessous);  mais  on  a,  sans  doute,  tort  de  les  consi- 
dérer comme  complètement  inauthentiques.  Leur  origine 
s'explique  naturellement.  Le  relâchement  des  mœurs  cléri- 
cales et  monastiques  créait  vers  la  fin  du  xii®  siècle  un  ma- 
laise général  et  un  vif  besoin  de  réformes  ;  l'auteur  des 
trois  écrits  en  question  répond  à  ce  besoin  et  laisse  en  môme 
temps  libre  cours  à  son  imagination  apocalyptique.  Il  décrit 
l'histoire  du  règne  de  Dieu  et  de  la  vie  du  monde  en  trois 
états  ou  âges  successifs,  mais  qui  se  préparent  l'un  l'autre  ; 
celui  du  Père,  celui  du  Fils  et  celui  de  l'Esprit;  ils  corres- 
pondent à  l'état  de  mariage,  à  l'état  clérical  et  à  l'état 
monastique.  Le  dernier  âge  commence  avec  saint  Benoît  et 
aura  pour  terme  l'an  1260;  alors,  après  la  victoire  sur 
l'antéchrist,  l'Evangile  sera  annoncé  à  tous  les  hommes. 
Le  rôle  principal  dans  cette  tâche  est  assigné  à  «  l'ordre 
des  justes  »  ou  des  «  spirituels  »  tiré  des  «  petits»  {par- 
vuli)  de  l'Eglise  latine,  une  allusion,  semble-t-il,  à  la  con- 
grégation spéciale  de  cisterciens  fondée  par  Joachim.  En 
tout  cela,  il  n'y  a  aucune  opposition  contre  la  papauté,  ni 
aucune  hérésie.  Il  est  vrai  que  le  quatrième  concile  de  La- 
tran  (1216)  condamne  une  contradiction  du  Psalterium 
contre  la  construction  trinitaire  de  Pierre  Lombard,  mais 
en  rappelant  expressément  le  désir  de  l'auteur  de  se  sou- 
mettre au  saint-siège.  —  Par  contre,  le  mécontentement 
des  franciscains  rigoristes  (V.  François  d'Assise  [Saint], 
t.  XVÏII,  p.  47)  trouva  bientôt  des  points  d'attache  dans 
les  écrits  de  Joachim  de  Flore.  Les  paruuli  furent  identi- 
fiés avec  les  minorités  ;  eux-mêmes  se  crurent  appelés  à 
hâter  Tépanouissement  du  régime  de  l'Esprit  et  se  nommè- 
rent les  spirituels.  Ce  sont  eux  qui  mêlèrent  à  la  pensée  de 
Joachim  l'expression  de  leurs  ressentiments  et  de  leurs 
espérances.  De  là  la  défiguration  de  certaines  parties  des 
écrits  de  Joachim,  et  de  là  encore  l'agitation  joachimite 
qui  remplit  la  seconde  moitié%du  xui®  siècle.  De  nouveaux 
ouvrages  furent  composés  sous  le  nom  de  Joachim,  entre 
autres  une  Interpreiatio  in  Hieremiam  (Venise,  1525); 
et  un  Scriptum  super  Esaiam  (Venise,  1517).  En  1254, 
on  faisait  circuler  à  Paris  des  copies  d'un  livre  intitulé 
Introductorius  in  Evangelium  etœrnum  qui  fit  beau- 
coup de  bruit  et  provoqua  l'intervention  des  autorités  ecclé- 
siastiques. Le  volume  se  composait  des  trois  traités  de  Joa- 
chim, fortement  interpolés,  et  précédés  d'une  introduction 
qui  opposait  à  l'Evangile  écrit,  suivant  la  lettre  duquel  le 
pape  juge,  un  Evangile  nouveau  et  spirituel  dont  la  prédi- 
cation sera  confiée  à  un  ordre  spécial,  les  franciscains  spi- 
rituels. Les  principaux  éléments  de  cette  introduction,  per- 
due aujourd'hui,  ont  été  reconstruits  d'après  des  fragments 
par  Preger  (dans  les  actes  de  la  Histor.  Masse  der  Kgl. 
bayer.  Akad.  der  Wissenschaften  ;  Munich,  1874,  t.XÏÏ, 
3^  part.,  pp.  33  et  suiv.).  Elle  est  l'œuvre  du  père  Ghe- 
rardino  del  Borgo  San  Donnino,  ami  du  général  des  fran- 
ciscains Jean  de  Parme.  Le  livre  fut  condamné  par  le  saint- 
siège  en  1255  et  Fauteur  emprisonné  jusqu'à  sa  mort  en 
1273.  (Sur  les  conséquences  de  ces  faits  pour  l'histoire 
des  franciscains,  V.  t.  XVIII,  p.  47.)  Mais  il  y  eut  des  joa- 
chimites  jusqu'au  commencement  du  xiv^-  siècle.  En  Italie, 
les  franciscains  spirituels  prenaient  Frédéric  II  pour  Fanté- 
christ  et  attendaient  son  retour,  tandis  que  les  dominicains 
joachimites  en  Souabe  regardaient  l'empereur  comme  «  le 
principal  défenseur  de  l'Eglise  »  et  Innocent  IV  comme 
l'antéchrist,  d'où  finalement  la  légende  du  retour  de  Bar- 
berousse  (V.  t.  XVIII,  p.  96).      '      F.-llerm.  Kruger. 

Btbl.  :  DoM  Rernardo  Antonio  de  Rtso,  Délia  Vila  e 
délie  opère  delV abbnte  Giachino;  Milan,  1872.  —  Pregkr, 

11 


JOACHÏM  ^  JOAILLERIE  — 

Geschichte  der  deutschen  Mystlk  ira  Mittelalter;  Leipzig, 
1874^  t.  I,  pp.  196-207,  ainsi  que  l'étude  citée  ci-dessus.  — 
REUTER,Gesc/iic/ife  der  religiœsen  Aufklœrung  im  Mittel- 
alter; Berlin,  1875,  t.  II,  pp.  191-218.  —  K.  Renan,  Nou- 
velles Etudes  d'histoire  religieuse;  Paris,  1884,  pp. 217-322. 

JOACHIMSTAL  (en  tchèque  Jachimov).  Ville  de 
Bohême,  siège  d'une  capitainerie  de  cercle,  située  au 
pied  des  monts  Métalliques,  sur  la  Weseritz;  7,000  hab. 
Joachimstal  doit  sa  fondation  à  la  famille  Schlick  qui  donna 
un  grand  développement  à  l'industrie  minière  du  pays. 
C'est  là  que  furent  frappés  les  premiers  thalers  appelés  joa- 
chimstalers.  Ce  nom  survit  encore  dans  le  mot  russe  efimok 
qui  veut  dire  un  écu  et  qui  est  une  corruption  du  polonais 
joachymik. 

JOACHIMSTHAL.  Bourg  de  Prusse,  district  de  Pots- 
dam  (Brandebourg)  ;  2,000  hab.  Fondée  en  4604,  par 
rélecteur  Joachim  Frédéric,  qui  y  créa  en  1607  une  école 
supérieure  transformée  en  un  gymnase,  lequel  a  été  trans- 
féré à  Berlin.  C'est  un  des  plus  renommés  de  l'Allemagne. 

JOACHIM  STHAL  (Ferdinand),  mathématicien  allemand, 
né  à  Goldberg  (Silésie)  le  9  mars  4818,  mort  à  Breslau 
le  5  avr.  i  861 .  Il  fut  d'abord  privat-docent  à  l'université 
de  Berlin  (1846-53),  puis  professeur  de  mathématiques  à 
celles  de  Halle  (1853-56)  et  de  Breslau  (1856-61).  Emi- 
nent  représentant  de  la  nouvelle  école  dont  firent  partie 
Hesse  etClebsch,  il  fixa  dès  1846  l'attention  des  géomètres 
par  la  publication  d'un  remarquable  mémoire  qui  avait 
pour  titre  :  Die  Bedingungen  unmiUelbarer  Integrabi- 
litài  von  Differentialausdrûcken  mit  mehr  als  zwei 
Verànderlichen  {Journal  de  Crelle,  XXXIIl)  et  dans  le- 
quel il  résolvait  complètement  une  importante  question 
effleurée  seulement  par  Lagrange.  Ses  travaux  ultérieurs, 
parus  également  dans  le  Journal  de  Crelle,  ne  firent  qu'ac- 
croître encore  sa  réputation,  entre  autres  deux  mémoires 
sur  la  construction  des  normales  qu'on  peut  abaisser  d'un 
point  sur  une  section  conique  (XL VIII,  1854)  et  sur  un 
ellipsoïde  (LIX,  1861).  Il  préparait  une  géométrie  analy- 
tique à  deux  et  à  tr4)is  dimensions,  que  sa  mort  prématurée 
l'empêcha  d'achever  ;  mais  le  manuscrit,  partiellement 
prêt  à  être  imprimé,  fut  mis  plus  tard  à  contribution  par 
0.  Hermès  et  par  Liersemann.  L.  S. 

BiBL.  :  Catsilogue  of  scientiiic  papers  of  the  Royal  So- 
ciety, 1869,  t.  Ilf. 

JOAD,  chef  du  clergé  jérusalémite,  est  représenté  comme 
3' étant  mis  en  tête  de  la  conspiration  qui  renversa  la  reine 
Àthalie  et  lui  substitua  un  jeune  prince  du  nom  de  Joas 
(V.  ce  nom),  fils  d'Ochosias,  que  Jéhu  avait  assassiné. 

JOAILLERIE.  I.  Technologie.  —  L'art  de  monter  les 
pierres  précieuses  dans  l'or  ou  dans  l'argent  ne  faisait  pas 
chez  les  anciens  l'objet  d'une  industrie  spéciale.  C'était  le 
même  ouvrier  qui  mettait  en  œuvre  l'or  et  l'argent  pour 
quelque  usage  que  ce  fût.  De  tout  temps  on  a  monté  des  pier- 
reries ;  l'énumération  faite  par  le  prophète  ïsaïe  des  richesses 
que  les  filles  de  Sion  accumulaient  sur  elles  ne  laisse  pas 
subsister  de  doute  à  ce  sujet,  car,  à  la  suite  d'une  longue 
liste  qu'il  donne  d'ornements  d'or,  il  termine  en  signalant 
les  pierreries  qui  retombent  sur  leurs  fronts.  On  peut  citer 
un  passage  de  Pline,  où  il  dit  avoir  vu  Lollia  Paulina  toute 
couverte  d'émeraudes  et  de  perles,  que  le  mélange  des 
couleurs  rendait  encore  plus  éclatantes.  Sa  tête,  ses  che- 
veux, sa  gorge,  ses  oreilles,  son  cou,  ses  bras,  ses  doigts 
en  étaient  surchargés.  A  part  le  diamant  peut-être,  on 
peut  donc  affirmer  que,  dans  l'antiquité,  toutes  les  autres 
pierres  étaient  abondantes  et  qu'on  les  montait  pour  servir 
à  la  parure;  mais  on  les  montait  autrement  qu'à  présent. 
Chaque  pierre  avait  sa  sertissure  particulière  faite  d'une 
bâte  tournée,  et  les  joyaux  des  temps  anciens  étaient  com- 
posés de  la  réunion  ou  de  Féparpillement  de  ces  sertis- 
sures, disposées  sur  une  plaque  pour  y  former  des  dessms, 
ou  rattachées  par  des  anneaux  en  manière  de  pendeloques. 
L'Orient  a  certainement  été  le  berceau  de  la  joaillerie  ; 
toutes  les  pierres  précieuses  en  étaient  originaires.  Les 
joailleries  orientales  qui  ont  été  conservées  et  qui  sont  par- 
venues jusqu'à  nous  sont  celles  qui  ont  été  faites  dans 


162  — 

l'Inde.  Revêtues  d'un  caractère  qui  leur  était  propre,  elles 
n'offraient  aucune  analogie  avec  celles  des  autres  contrées  ; 
elles  dérivaient  de  la  palme  et  de  la  fleur  ;  le  règne  animal 
y  était  parfois  représenté,  sous  la  forme  d'un  oiseau  à 
longue  queue,  dont  le  paon  semble  avoir  fourni  le  type. 
Les  grosses  pierres  centrales,  émeraudes  et  rubis,  étaient 
presque  toujours  de  forme  cabochonnée  au-dessus  et  au- 
dessous  et  gravées  ou  sculptées  partout,  de  façon  à  pré- 
senter soit  des  rayonnements  à  côtes  arrondies,  soit  des 
corymbes  superposées,  soit  des  arabesques  de  feuillages  et 
de  fleurs  ;  les  reliefs  de  cette  gravure  étaient  toujours  doux 
au  toucher  et  à  la  vue.  On  dit  que  les  molettes  employées 
pour  exécuter  ce  travail  étaient  faites  d'un  bois  dur  que 
les  ouvriers  imprégnaient  de  poudre  de  diamant  mélangée 
à  l'huile.  Les  grosses  pierres  étaient  montées  à  jour,  tan- 
dis que  les  plus  petites  étaient  montées  à  fond  et  jouaient 
sur  paillon.  Les  pierres  de  couleur  étaient  en  forme  de 
cabochon  et  les  diamants  étaient  taillés  sur  table.  Ces  dia- 
mants étaient  désignés  par  le  nom  de  lahora  et  étaient 
montés  à  fond  sur  un  paillon  blanc  concave  qui  leur  don- 
nait un  jeu  sans  acuité;  aussi  le  plus  grand  efl'et  des  bi- 
joux indiens  était-il  produit  par  les  pierres  de  couleur. 
Toutes  les  montures  étaient  faites  en  or  d'un  titre  excessi- 
vent  élevé  ;  les  envers  et  les  épaisseurs  en  étaient  décorés  de 
dessins  en  émaux  transparents  et  très  vifs,  de  couleur  rouge, 
verte  et  quelquefois  gros  bleu,  presque  toujours  entremêlés 
de  blancs  opaques.  Le  serti  des  pierres  était  très  caracté- 
ristique; les  larges  filets  creux  qui  les  contournaient 
étaient  bordés  extérieurement  d'un  petit  biseau  net  et  pré- 
cis qui  en  accentuait  agréablement  la  forme.  Le  plus  sou- 
vent les  colliers  et  les  bracelets  étaient  composés  de  ces 
plaques  de  joaillerie,  enfilées  par  des  cordons  de  soie  dont 
les  extrémités  nouées  tenaient  lieu  de  fermeture. 

L'ancien  monde  occidental  connut  surtout  les  meilleures 
pierreries  de  l'Orient,  par  le  trésor  de  Mithridate  que  Pom- 
pée fit  placer  au  Capitole  après  qu'il  eut  vaincu  son  ad- 
versaire. Varon  nous  dit  qu'indépendamment  des  rubis, 
des  topazes,  des  diamants,  des  émeraudes,  des  opales,  des 
onyx  et  de  tant  d'autres  pierres  précieuses,  on  y  voyait 
encore  une  multitude  d'anneaux,  de  bagues,  de  cachets  et 
de  chaînes  d'or  d'un  travail  exquis.  Plus  tard  ce  sont  les 
successeurs  au  trône  de  Constantin  qui  se  couvrent  d'or  et 
de  pierreries,  imitant  en  cela  les  souverains  asiatiques. 
Puis  le  goût  de  ce  luxe  se  répand  en  Europe,  et  nous 
voyons  les  successeurs  de  Clovis,  lorsqu'ils  se  furent  af- 
franchis de  toute  sujétion  à  l'Empire,  copier  la  tenue  des 
souverains  de  Constantinople.  Leurs  riches  colliers  et  leurs 
ceintures  resplendissent  de  pierres  précieuses  et  leurs  vête- 
ments mêmes  sont  ornés  de  pierres  cousues.  Les  princes  et 
les  princesses  suivent  cette  exemple  ;  Fortunat,  dans  un 
passage  de  la  vie  de  sainte  Radegonde,  raconte  que  cette 
princesse,  voyageant  un  jour  avec  ses  plus  belles  parures, 
s'arrêta  devant  une  église  et  que,  touchée  de  la  sainteté  du 
lieu,  elle  déposa  comme  ofi'rande,  sur  l'autel,  ses  fines 
tuniques,  ses  manchettes,  ses  coiffes,  ses  fibules,  tous  les 
objets  enfin  où  l'on  voyait  briller  l'or  et  les  pierreries. 
Avant  que  saint  Eloi  ne  fût  consacré  à  Dieu,  il  portait  des 
habits  couverts  d'or  et  de  pierreries  ;  ses  bourses  étaient 
tressées  de  perles.  L'usage  des  joailleries  cousues  se  per- 
pétua fort  longtemps.  Le  sort  de  la  joaillerie  fut  presque 
toujours  attaché  à  celui  de  la  fortune  publique.  Le  goût  du 
faste  chez  les  souverains  contribua  souvent  à  la  mettre  en 
faveur,  mais  ce  goût  était  la  plupart  du  temps  déterminé  lui- 
même  par  les  événements.  Nous  l'avons  vu  prospère  chez  les 
successeurs  de  Clovis  ;  sous  Charles  le  Chauve,  elle  jette 
quelque  éclat  et  tombe  au  milieu  des  calamités  et  des  ter- 
reurs qui  marquèrent  la  fin  du  x«  siècle,  dans  le  marasme 
le  plus  complet.  Elle  tend  à  se  relever  au  xii®,  et,  au  mo- 
ment où  il  semble  qu'elle  va  refleurir,  elle  est  frappée,  en 
1272,  parl'édit  de  Philippe  le  Bel  qui  enjoint  aux  bour- 
geois de  se  défaire  immédiatement  de  ce  qu'ils  possèdent 
en  fourrures  de  vair  et  de  gris,  en  joyaux,  en  cercles  d'or 
et  d'argent.  En  1313,  lorsque  la  chevalerie  fut  conférée  à 


_  164 


LHERZOLITE 


Tanaqae,  des  tloujos,  près  de  Vic-Dessos,  qui  se  présentent 
traversées  dans  tous  les  sens  par  de  larges  veinules  de  chry- 
sotile^  de  metaxite  et  d'anUgorite.Qûh  plus  remarquable 
encore  de  Moncaup-Arguénos  offre  cette  particularité  de 
renfermer  dans  ces  fissures  un  minéral  vert  foncé  très 
riche  en  nickel,  identique  à  la  garniérite  de  la  Nouvelle- 
Calédonie.  Très  fréquemment  aussi  dans  les  Iherzolites 
pôrphyroïdes  qui  de  beaucoup  sont  celles  qui  se  serpen- 
tinisent  le  plus  volontiers,  les  cristaux  de  brohzite  sont 
transformés  en  hastite  ;  enfin  la  giohertite  mélangée  à  de 
la  magnétite^  de  Vopale  et.même  du  quartz,  réprésentent, 
d'après  M.  Lacroix,  qui  a  fait  de  ces  minéraux  de  remplis- 
sage des  fissures  des  serpentines,  dans  sa  belle  monogra- 
phie des  Iherzolites  pyrénéennes  (Nouvelles  Archivés  du 
Muséum^  4894,  3®  sérié,  VI),  l'objet  d'une  étude  détail- 
lée, le  terme  ultime  d'une  transformation  qui  atteignant 
d'abord,  comme  d'habitude,  Tolivine,  gagne  ensuite  la  bron- 
zite,  puis  le  diopside.  Dans  la  masse  sorpentineuse  ainsi 
formée,  les  fragments  demeurés  intacts  de  ces  divers  mi- 
néraux diminuent  peu  à  geu,  puis  finalement,  quand  ils  ont 
tous  disparu,  la  roche  taillée  en  lame  mince  apparaît  sous 
le  microscope,  formée  d'un  réseau  de  rubans  biréfringents 
entourant  de  grandes  plages  constituées  par  une  substance 
jaune  verdâtre,  pâle,  amorphe,  mais  renfermant  des  fibres 
hiféfringentes  appartenant  aux  éléments  cristallisés  pré- 
cédemment cités.  C'est  la  structure  en  maille  bien  con- 
nue de  toutes  les  serpentines  qui  dérivent  des  péridotites 
riches  en  olivine. 

Très  fréquemment  aussi  les  pyroxènes  s'observent  oura- 
misés,  c.-à~d.  transformés  en  amphibole  ;  mais  de  plus  on 
peut  encore  constater  par  places  des  cas  plus  compliqués 
de  développement  secondaire  de  ce  même  minéral.  Dans  la 
région  de  Lherz,  en  particulier,  M.  Lacroix  a  signalé  non 
seulement  la  présence,  sur  le  trajet  des  fentes  qui,  multiples, 
traversent  la  Iherzolite,  d'une  amphibole  verte  du  type  de 
la  smaragdite  associée  à  du  dipyre,  mais  ce  fait  que, 
dans  les  points  où  ces  veinules  s'élargissent,  ces  éléments 
nouveaux  épigénisent  ceux  de  la  Iherzolile  au  point  de  la 
transformer  en  une  roche  amphibolique  où  l'abondance 
d'un  élément  riche  en  alcalis  comme  le  dipyre  indique 
clairement  qu'on  doit  considérer  ce  nouvel  état  comme  un 
faciès  de  fumerolles  des  Iherzolites,  c.-à-d.  comme  résul- 
tant de  la  circulation  des  vapeurs  ou  des  eaux  minéralisées 
qui  ont  accompagné  leur  sortie.  A  l'appui  de  cette  hypothèse 
vient  se  placer  ce  fait  que,  dans  les  calcaires  traversés  par 
ces  roches,  ce  même  minéral  figure  parmi  les  éléments  qui 
s'y  développent  le  plus  largement  sous  cette  action. 

Phénomènes  de  contact.  Mais  le  dipyre  n'est  pas  le 
seul  élément  gui  se  développe  ainsi  en  grands  cristaux 
dans  les  calcaires  au  voisinage  et  sous  l'influence  des  Iher- 
zolites ;  en  examinant  avec  beaucoup  de  soin  dans  les  Py- 
rénées les  phénomènes  qui  se  passent  à  leur  contact  (ce 
qui  lui  a  permis  de  résoudre  la  question  jusqu'alors  si 
controversée  de  leur  âge  en  montrant  qu'après  avoir  large- 
ment traversé  les  assises  liasiques  on  les  rencontrait  à 
l'état  de  galets  dans  les  brèches  calcaires  oolithiques  du 
4)ajocien)  M.  Lacroix  est  venu  nous  apprendre  ce  fait  inat- 
tendu que  les  actions  métamorphiques  exercées  par  des 
roches  aussi  basiques  sur  les  assises  encaissantes  étaient 
comparables  à  celle  des  granités.  On  en  jugera  en  apprenant 
que  les  minéraux  qui  naissent  sous  cette  influence  dans  les 
calcaires  régulièrement  stratifiés  sont  :  le  dipyre,  la  tour- 
maline, le  rutile,  le  sphène,  Vapatiie,  des  micas  (biotite, 
phlogopite,  plus  rarement  muscovite),  des  amphiboles 
(hornblende,  actinote,  trémolite),  des  pyroxènes  (diop- 
side plus  ou  moins  ferrugineux) ,  des  feldspaths  (orthose, 
microcline,  bytownite,  anorthite,  plus  rarement  albite, 
oligoclase-albite,  andésite,  labrador),  enfin  du  quartz, 
de  la  magnétite,  du  graphite  et  de  Voligiste,  L'ensemble 
donne  naissance  dans  la  zone  de  contact  à  de  véritables 
cornéennes  feldspathiques  ou  à  dipyre,  comme  celles 
qui  se  développent  près  des  granités  ;  puis  à  des  schistes 
micacés  ressemblant  à  des  micaschistes,  tant  est  grand  le 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XXIL 


développement  du  mica  noir,  ou  bien  à  des  roches  amphi" 
boliques,  les  unes  à  texture  grenue  prenant  l'aspect  d'une 
diorite,  les  autres  schisteuses  à  la  manière  des  amphibo- 
lites  |neissiques.  Les  grès  eux-mêmes,  transformés  comme 
d'habitude  en  quartzite  par  recristallisation  des  grains  de 
quartz, apparaissent  criblés  d'aiguilles  de  rutile ^tà^  tour- 
maline asso- 


ciées à  de  la 
sillima- 
nite,  de 
Vandalou- 
site  ainsi 
qu'un  peu  de 
wte.  Ici  en- 
core la  pré- 
sence dans 
toutes  ces 
roches  sédi- 
mentairçs 
normale- 
ment pau- 
vres en  al- 
calis de  mi- 
néraux qui 
en  sont  ri- 
ches comme 
le  dipyre,  les 
feldspaths  et 


Lherzolite 


Calcaire 
'Liasiquô 

Fig.  4.  —  Dyke  de  lherzolite  pénétrant, 
aux  environs  de  Prades,  dans  un  cal- 
caire liasique  qui  au  contact  (a),  après 
avoir  perdu  sa  schistosité,  est  devenu 
cristallin  et  chargé  de  minéraux  divers 
(microcime,  mica,  am.phibole,  tourma-- 
Une,  dipyre,  etc.). 


les  micas,  ou  fluorés  comme  la  tourmaline,  prouve  jusqu'à 
l'évidence  que  toutes  ces  actions  de  contact  exercées  par  les 
Iherzolites  sont  d'ordre  hydrothermal  et  dues  aux  émana- 
tions volatiles  qui  ont  accompagné  leur  éruption. 

Distribution  des  Iherzolites.  Dans  les  Pyrénées,  les 
Iherzolites,  exclusivement  cantonnées  dans  les  chaînes 
extérieures  calcaires,  constituent,  au  milieu  des  formations 
sédimentaires  de  cette  zone,  une  série  de  poîntements 
groupés  par  faisceaux  et  (jni  doivent  tous  être  considérés 
comme  les  parties  en  saillie  d'une  masse  profonde,  mis  à 
jour  par  le  dèblayement  partiel  de  leur  ancienne  enveloppe 
sédimentaire.  En  dehors  de  quelques  gisements  isolés  situés 
dans  les  Hautes-Pyrénées  (environs  de  Bagnères-de-Bi- 
gorre  à  Médoux)  et  les  Basses-Pyrénées  (cirque  du  Pé  de 
Hourat,  butte  de  Moun  Caou,  près  des  bains  de  Durrieu), 
on  les  remarque  disposées  par  groupes  importants  dans  la 
Haute-Garonne  (massif  de  Moncaup-Arguénos,  groupe  de 
Coulédoux)  et  surtout  dans  l'Ariège,  où  se  présentent, 
avec  le  groupe  très  important  de  Prades,  ceux  célèbres  de 
Yic-Dessos  et  de  Fétang  de  Lherz.  Ce  dernier,  développé  sur 
2,200  m.  de  long  E.-O.  et  800  m.  de  large,  forme  dans 
le  S.  de  l'étang  des  saillies  dressant  leurs  crêtes  arrondies 
à  î  ,390  m.  de  haut. 

Pour  atteindre  ensuite  une  région  présentant  un  déve- 
loppement comparable  de  pareilles  roches,  il  faut  ensuite 
gagner  dans  le  S.-O.  de  l'Andalousie,  la  sauvage  Serrania 
de  Ronda;  en  ce  point,  les  Iherzohtes,  escortées  de  puis- 
sants massifs  de  serpentine,  constituent  des  montagnes 
entières,  aux  formes  toujours  remarquablement  arrondies, 
et  se  montrent  associées  à  d'autres  types  pétrographiques 
du  même  ordre,  représentés  par  des  dunites  (olivine  et 
fer  chromé)  et  des  harzburgites  (olivine  et  bronzite).  La 
lherzolite  normale  est  en  ce  point  plus  riche  en  olivine  que 
dans  les  Pyrénées  ;  de  plus,  en  se  chargeant  par  places 
d'anorthite,  elle  présente  des  passages  nombreux  et  variés 
aux  no  rites  à  olivine. 

En  dehors  des  Pyrénées  et  de  l'Espagne,  les  seuls  gise- 
ments connus  de  Iherzolites  franches  méritant  d'être  men- 
tionnés sont  ceux  du  Piémont  (Monti  Rossi  de  Baldissero, 
Locana,  Castellamonte,  Musine)  et  du  laryland,  près  de 
Baltimore,  dans  l'Amérique  du  Nord.  Mais  en  se  souve- 
nant combien  est  complète  l'analogie  de  composition  et  de 
texture  des  bombes  d'olivineàes  basaltes  avec  ces  roches, 
on  ne  peut  manquer  dô  reconnaître  que,  sous  cette  forme 
enclavée,  elles  soient  très  répandues  tant  sont  fréquents 

41 


LHERZOUTE  ™™  LÏADIERES 


462  -- 


dans  les  formations  basaltiques  ces  nodules  qu'on  sait  être 
empruntés  à  des  Iherzolites  de  profondeur.  Ajoutons  enfin 
que  dans  leurs  parties  pierreuses,  les  météorites  offrent 
souvent  une  association  semblable  à  Fétat  grenu  deperidot, 
d'enslatite  et  de  bronzUe.  La  seule  différence,  c'est  que 
ces  pierres  tombées  du  ciel,  vraisemblablement  issues  de 
parties  les  plus  profondes  des  masses  planétaires,  sont  bien 
plus  riches  en  minerais,  notamment  en  éléments  ferreux 
non  oxydés  (fer  natif).  Ch.  Vélain. 

BiBL.  :  RosENBuscH,  Mîkroskopische  Physiographie  des 
massiue  Gesteine,  1877,  t.  IL  —  Zirkel,  Lehrb.  dev  Pétro- 
graphie^ 1893,  t.  L  —  Damour,  Anstlyse  de  lallierzolitef 
dans  Bull,  de  la  Société  géologique  de  France^  1%2^2^  sér., 
t.  XIX,  p.  413.  —  Lacroix,  Etude  minéralogig[ue  des  Iher- 
zotites  pyrénéennes^  dans  Nouvelles  Archives  du  Mu- 
séum, 1894,  3*5  série,  VI.  —  Du  même,  les  Phénomènes  de 
contact  de  la  Iherzolite  dans  les  Pyrénées^  dans  Bull,  des 
services  de  la  carte  géologique  de  France^  1895,  t.  VLn"42. 

LHEUREUX  (Louis-Ernest),  architecte  français,  né  à 
Fontainebleau  le  45  juil.  4827.  Elève  de  Henri  Labrouste, 
M.  Lheureux  entra  en  1856  dans  le  service  des  travaux 
de  ville  de  Paris  où  il  devint  architecte  des  ,V®  et  XÏI®  ar- 
rondissements» On  lui  doit  en  cette  qualité  la  direction  des 
grands  travaux  commencés  par  L.  Gernesson  à  l'Entrepôt 
de  Bercy,  le  pittoresque  pavillon  de  restaurant  sur  le  quai 
de  la  Seine,  à  proximité  de  cet  entrepôt  ;  la  bibliothèque 
de  FEcoie  de  droit  et  les  agrandissements  (en  cours  d'exé- 
cution) de  la  Faculté  de  droit.  M.  Lheureux,  qui  a  obtenu 
des  prix  aux  concours  de  l'Hôtel  de  Ville  et  de  la  Sor- 
bonne,  a  encore  fait  élever  tous  les  nouveaux  bâtiments  du 
collège  Sainte-Barbe  sur  la  rue  Valette,  bâtiments  consti- 
tuant VEcole  préparatoire  fondée  dans  cet  établissement 
pour  mettre  ses  élèves  les  plus  forts  à  même  de  passer 
avec  succès  les  examens  ouvrant  l'accès  des  grandes  Ecoles 
du  gouvernement,  Charles  Lucas. 

LHEZ.  Gom.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  de 
Tarbes,  cant.  de  Tournay;  428  hab. 

LHOiP^AÎZh.  Corn,  du  dép.  de  la  Vienne,  arr.  de 
Montmorillon,  cant.  de  Lussac;  4,406  hab. 

LHOiOND  (Gharles-François),  grammairien  français, 
né  à  Chaulnes  en  1727,  mort  à  Paris  le  34  dée.  4794. 
Brillant  élève  du  collège  d'Inville,  à  Paris,  dès  qu'il  eut 
reçu  les  ordres,  il  en  fut  nommé  principal  ;  ce  collège  sup- 
primé, il  passa  à  celui  du  Cardinal-Lemoine  comme  régent 
de  sixième  et  conserva  cette  classe  durant  vingt  ans,  faisant 
preuve  d'un  absolu  désintéressement.  Devenu  émérite  (re- 
traité), il  écrivit  les  ouvrages  qui  ont  fait  sa  réputation. 
Incarcéré  en  4793  pour  refus  de  serment,  il  fut  sauvé  par 
son  élève  Tallien.  Il  a  publié  :  De  Viris  illustribus  Urhis 
Romœ  (in-J8);  Eléments  de  grammaire  latine  (1779, 
in-42);  Doctrine  chrétienne  (4783,  in~42);  Epitome 
historiée  sacrœ  (4784);  Histoire  abrégée  de  l'Eglise 
(i  787)  ;  Histoire  abrégée  de  la  religion  avant  la  vernie 
de  Jésus-Christ  (4694).  Les  deux  premiers  de  ces  ou- 
vrages ont  servi  de  base  à  l'enseignement  secondaire  en 
France,  en  Belgique  et  en  Russie  pendant  près  d'un  siècle. 
Ils  doivent  cette  vogue  unique  à  leur  clarté.  Ils  sont  d'ail- 
leurs très  médiocres  et  la  grammaire  manque  de  méthode. 

LHÔPÎTÂL,  Gom.  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Nantua, 
cant.  de  Ghâtilion;  427  hab. 

LHOPiTEÂU  (Gustave),  homme  politique  français,  né 
à  Ecrosnes  (Eure-et-Loir)  !e  26  avr,  4860.  Avoué  à 
Ghartres,  conseiller  général  d'Eure-et-Loir,  il  fut  élu  dé- 
puté de  la  première  circonscription  de  Chartres  aux  élections 
de  4893,  avec  un  programme  radical. 

L'HOSPÎTÂL  (V.  Hospital). 

LHOTA  (Antonin),  peintre  tchèque,  né  à  Kutna  Hora 
(Kuttenberg)  en  1814.  Il  étudia  la  peinture  à  l'Académie 
des  beaux-arts  de  Prague  et  fut  élève  de  Kadiik.  Il  se  per- 
fectionna à  Munich  et  en  Italie.  En  4867,  il  devint  pro- 
fesseur à  l'Académie  de  Prague  et  fut  envoyé  à  l'Exposi- 
tion universelle  de  Paris.  Ses  tableaux  religieux  figurent 
dans  un  grand  nombre  d'églises  de  Bohême.  On  lui  doitles 
cartons  des  vitraux  de  la  cathédrale  de  Saint-Vit.  Parmi 
ses  tableaux  historiques,  on  cite  :  la  Vision  de  Libussa^ 


les.  Prussiens  convertis  par  Premysl  Otakar,  le  Bap- 
tême de  Borivoj^  Charles  IV  et  Pétrarque ,  la  Rétrac- 
tation de  Jérôme  de  Prague, 

LHOTE  (Nestor),  voyageur  français,  né  à  Cologne 
en  4804,  mort  à  Paris  en  4842.  Lié  avec  ChampoUion  le 
Jeune,  il  fut  en  4828  attaché  comme  dessinateur  à  la 
commission  de  l'exploration  d'Egypte.  Il  y  demeura  après 
la  mort  de  Ghampollion  et  y  fit  de  nouvelles  recherches 
en  4838  et  4844.  Citons  de  lui  :  Notice  historique  sur 
les  Obélisques  égyptiens  (Paris,  4836,  in-8);  Lettres 
écrites  d'Egypte  en  iBSS  et  iSSO  (4840,  in-8),  etc.; 
il  collabora  au  Musée  des  antiquités  égyptiennes  de 
Ch.  Lenormant,  à  la  Revue  des  Deux  Mondes,  etc. 

LHOTE  (Amédée),  érudit  français,  né  à  Châlons-âur- 
Marne  le  8  juiL  1 829.  Fils  d'un  coiffeur  et  coiffeur  jusqu'en 
4852,  il  fit  lui-même  son  instruction  et,  d'abord  employé 
dans  les  bureaux  de  la  ville  (1852),  devint  en  4866  sous- 
bibliothécaire  de  Châlons.  Il  a  publié  d'intéressantes  études 
d'histoire  locale,  entre  autres  :  Biographie  châlonnaise 
(J870,  in-8)  ;  Imprimeurs,  libraires  et  relieurs  de 
Châlons  depuis  l'introduction  de  V imprimerie  (4872, 
in-4)  ;  Recherches  sur  les  centenaires  du  département 
de  la  Marne  (4875,  in-8);  Chanoines  de  Notre-Dame 
de  Châlons  (4877,  in42)  ;  la  Famille  Varin,  graveurs 
(1870,  in-8),  etc. 

LHOUIVIOIS.  Gom.  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr.  de 
Parthenay,  cant.  de  Thénezay;  454  hab. 

LHUÎLLIER  (Claude-Emmanuel)  (V.  Chapelle). 

LHUIS.  Gh.-L  de  cant.  du  dép,  de  l'Ain,  arr.  de 
Beliey;^4,455hab. 

LHUÎTRE.  Gom.  du  dép.  de  FAube,  arr.  d'Arcis,  cant. 
de  Ramerupt,  sur  la  Lhuitrelle  ;  483  hab.  Eglise  des  xn^ 
et  xiîi®  siècles.  Portail  du  xvi®  siècle.  Tour  romane.  Vi- 
traux de  la  Renaissance.  Fonts  baptismaux  du  xn®  siècle. 
Retables  peints  du  xvi®  siècle. 

LHULIER  (V.  Lulier). 

LH U YS.  Gom.  du  dép.  de FAisne,  arr.  de Soissons^  cant. 
de  Braisne  ;  488  hab. 

LL  Mesure  de  longueur  chinoise  qui  vaut  480  tchang 
de  2  pou  (pas),  soit  442  à  443  m.  C'est  aussi  une  mesure 
de  poids  pour  l'or  et  l'argent  équivalente  au  kœsch  ou  cash 
valant  4/400  de  mace,  soit  0^^0378. 

Ll  ou  RIVIÈRE  DE  SpiTi.  Rivière  de  FHimalaVa  occi- 
dental, affi.  du  Sutledj  dont  elle  constitue  la  source  occi- 
dentale. Elle  naît  entre  le  Spitiet  le  Lahoul  par  32°  29Mat. 
N.  et  75°  24/  long.  E.,  à  l'E.  des  monts  Paralsa,  sous  le 
nom  de  Parang4a,  descend  vers  leS.-E.,  puis  vers  l'E., 
grossie  du  Lingti  à  g.  et  du  Pinou  à  dr.,  passe  à  Fort- 
Dankar,  reçoit  le  Parati  à  g.,  tourne  au  S.,  longeant  à  FE. 
le  Léo  Porgyal,  et  s'unit  au  Sutledj  à  2,580  m.  d'alt. 

L!  ou  LOÏ»  Nom  des  sauvages  de  l'intérieur  de  Fîle 
d'Haïnan;  on  les  rapproche  des  Miao-tsé. 

LîA  ou  LÉAj  fille  aînée  de  Laban  et  première  femme  de 
Jacob.  Elle  donna  à  celui-ci  six  fils  et  une  fille  :  Ruben, 
Siméon^  Lévi^  Juda,  Issachar,  Zabulon  et  Dina,  On  met 
également  sous  son  nom  les  deux  enfants  nés  de  sa  princi- 
pale servante  :  Gad  et  Aser, 

LIA  Félix  (V.  Félix). 

LSAC.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  de 
Tarbes,  cant.  de  Rabastens  ;  304  hab. 

LIA Dl ÈRES  (Pierre-Chaumont),  littérateur  et  homme 
politique  français,  né  à  Pau  le  28  sept.  4792,  mort  à  Paris 
le  47  août  4858.  Elève  de  FEcole  polytechnique (4840-42), 
il  servit  dans  l'arme  du  génie,  participa  à  la  campagne 
de  Saxe,  à  la  bataille  de  Leipzig  et  fut  fait  prisonnier  à 
Gorkum  (4814).  Resté  fidèle  à  Napoléon  pendant  les  Cent- 
Jours,  il  ne  reprit  de  service  qu'en  4848  avec  le  grade  de 
capitaine.  En  4830,  il  combattit  sur  les  barricades  contre 
le  gouvernement  et  devint  peu  après  officier  d'ordonnance  de 
Louis-Philippe.  Elu  député  des  Basses-Pyrénées  le  4  mars 
4834,  réélu  constamment  jusqu'à  la  révolution  de  4848, 
il  prit  souvent  la  parole  à  la  Chambre,  fort  redouté  des 
ministres  ou  de  Fopposition  suivant  les  circonstances,  à 


—  465  — 


JOAILLERIE  -  JOAS 


Cette  surface  formera  la  petite  griffe  presque  invisible  qui 
retiendra  les  quatre  diamants  dont  elle  touche  les  angles; 
elle  sera  relevée  en  grain  et  arrondie  par  le  perloir.  Répé- 
tée à  tous  les  points  de  jonction  de  quatre  diamants,  elle 
sera  en  nombre  à  peu  près  égal  à  ceux-ci,  de  sorte  que 
chaque  grain  servira  à  fixer  quatre  diamants  ou  quatre 
coins  de  diamant,  et  que  chaque  diamant  sera  retenu  par 
quatre  grains.  Le  sertisseur  coupe  ensuite  avec  un  burin, 
sur  le  bord  d'argent  qui  dessine  la  forme  extérieure  de  la 
pièce,  un  même  filet  à  angle  creux  qui  en  affirmera  le  con- 
tour. La  polisseuse  polit  alors  les  épaisseurs  et  les  parties 
accessoires  de  la  pièce,  anneaux,  bélières,  épingles  ou  char- 
nières. Dans  la  joaillerie  très  soignée,  elle  polit  aussi  les 
filets  coupés  sur  les  bords  par  les  sertisseurs.  Dans  la  joail- 
lerie plus  ordinaire,  elle  les  laisse  sur  ce  qu'on  appelle  le 
coupé-vif,  qui  est  une  manière  employée  par  le  sertisseur 
pour  donner  de  l'éclat  au  métal,  en  le  tranchant  rapidement 
avec  un  burin  poli.  Parfois  les  grosses  pierres  sont  mon- 
tées dans  des  sertissures  isolées.  La  mode  actuelle  veut 
qu'elles  soient  tenues  par  des  chatons  dits  illusion,  c.-à-d. 
dont  les  griffes  évidées  à  jour  et  dissimulées  par  l'incli- 
naison qu*on  leur  donne  en  dessous  de  la  pierre  sont  à 
peine  visibles.  On  emploie,  pour  faire  la  joaillerie,  le  même 
outillage  de  temps  immémorial.  Dans  cette  industrie,  tout 
se  fait  à  mesure  et  à  la  main,  sauf  quelques  chatons  spé- 
ciaux qui  s'obtiennent  mécaniquement.  L.  Knâb. 

IL  Contributions  indirectes (V. Bijouterie  et  Garantie). 

JOAL.  Ville  maritime  du  Sénégal,  à  75  kil.  S.  de  Corée; 
ancien  comptoir  portugais  dans  le  pavs  de  Sine. 

JOANELLUS  (Pierre)  (V.  Giovanelli). 

JOANN,  princes  russes  (V.  Ivan). 

JOANNAS.  Com.  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr.  et  cant. 
de  Largentière  ;  776  hab. 

JOAN NE  (Adolphe-Laurent),  littérateur  français,  né  à 
Dijon  le  15  sept.  4823,  mort  à  Paris  le  4^''  mars  4881. 
Avocat  au  barreau  de  Paris,  il  abandonna  la  jurisprudence 
pour  le  journalisme.  En  4840,  il  commença  la  publication 
de  sa  série  à' Itinéraires,  qui  lui  a  valu  une  si  grande 
notoriété,  et  il  entreprit  ensuite  celle  des  Géographies 
départementales.  Joanne  fut  un  des  fondateurs  du  Club 
alpin  (1874). 

JOANN  E  (Paul-Bénigne),  géographe  français,  né  à  Paris 
le  3  févr.  1847,  fils  du  précédent.  Avocat  à  la  cour  d'ap- 
pel de  Paris,  il  abandonna  le  barreau  pour  seconder  son 
père  dans  la  direction  de  la  publication  des  Guides  Joanne 
à  la  hbrairie  Hachette,  et  à  sa  mort  resta  à  la  tête  de  ce 
service  où  il  réalisa  d'importantes  améliorations.  Son  œuvre 
capitale  est  le  Dictionnaire  géographique  et  adminis- 
tratif de  la  France  et  de  ses  colonies,  bel  ouvrage  en 
cours  de  publication  (4890  et  suiv.,  in-4). 

JOAN  NES  HisPÂNUS,  canoniste.  On  sait  qu'il  avait  étu- 
dié à  Paris,  mais  on  ne  possède  aucun  renseignement  sur 
sa  vie.  Il  est  cité  au  moyen  âge  comme  l'un  des  plus 
anciens  glossateurs  et  comme  auteur  d'une  Lectura  super 
Decretum. 

JOAN  NES  RoDRicus  de  Casteeli  Albï  (V.  Amatus  Lu- 

SITANUS). 

JOANNESIA(Joaw/imaVel[os.)  (Bot.).  Genre  de  plantes 
de  la  famille  des  Euphorbiacées,  série  des  Jatrophées  (Bâil- 
lon), voisins  des  Jatropha  (V.  ce  mot).  L'unique  espèce, 
le  /.  princeps  Vellos.  (Ânda  Gomesii  A.  J.)  est  un  bel 
arbre  du  Brésil,  à  feuilles  alternes,  digitées,  à  fleurs  en 
cymes  axillaires  corymbiformes;  les  fleurs  sont  monoïques, 
avec  un  périanthe  double,  trimère  ou  pentamère,  accompa- 
gné, dans  les  fleurs  mâles,  d'un  androcée  de  huit  à  dix 
étamines  bisériées,  dans  les  fleurs  femelles,  de  cinq  glandes 
hypogynes  et  d'un  ovaire  biloculaire  et  biovulé.  Le  fruit 
est  une  drupe  biloculaire,  à  endocarpe  très  dur.  Les  graines 
sont  oléagineuses  et  purgatives,  D'"  L.  Hn. 

JOAN  NET.  Ile  de  la  Louisiade  (V.  ce  mol). 

JOANN  ET  (Claude),  littérateur  français,  né  à  Dole  le 
46  juil.  4746,  mort  à  Paris  en  4789.  Ordonné  prêtre,  il 
rédigea  pendant  dix  ans   une  sorte  de  journal  intitulé 


Lettres  sur  les  ouvrages  et  les  œuvres  de  piété  (4754- 
64,  40  vol.  in-i2)  où  il  témoigna  d'une  critique  assez 
fine,  mais  d'un  style  peu  agréable.  On  peut  citer  de 
lui  :  Eléments  de  poésie  française  (Paris,  4752,  3  vol. 
in-4 2)  ;  les  Bêtes  mieux  connues  (4770,  2  vol.  in-4 2), 
où  il  a  soutenu  que  les  animaux  sont  de  pures  machines 
et  réfute  V Essai  sur  Vâme  des  bêtes  de  Bouillier  ;  De  la 
Connaissance  de  l'homme  dans  son  être  et  dans  ses 
rapports  (4775,  2  vol.  in-8). 

JOANNIS  (Alexandre- Jean),  chimiste  français,  né  à 
Paris  le  48  août  4857.  Ancien  élève  de  l'Ecole  normale 
supérieure  (4877),  agrégé  des  sciences  physiques  (4880), 
docteur  es  sciences  physiques  (4882),  chargé  de  cours  à 
la  faculté  des  sciences  de  Paris.  Principales  publications  : 
thèse  de  doctorat  :  Recherches  thermiques  sur  les  com- 
binaiso7is  du  cyanogène  avec  les  métaux;  trois  mo- 
nographies publiées  dans  V Encyclopédie  chimique  de 
M.  Fremy  {cyanogène,  fer,  mercure)',  diverses  notes 
présentées  à  l'Académie  des  sciences  sur  l'oxyde  de  cuivre, 
en  commun  avec  M.  Debray  sur  les  propriétés  des  ammo- 
niums alcalins,  etc.  M.  Joannis  est  un  des  principaux  colla- 
borateurs de  la  Grande  Encyclopédie. 

JOANNY  (Jean-Bernard  Brisebarre,  dit),  acteur  fran- 
çais, né  à  Dijon  le  2  juil.  4775,  mort  à  Paris  le  5  janv. 
Î849.  Fils  d'un  musicien,  il  étudia  d'abord  la  musique, 
puis  la  peinture,  et  à  seize  ans  s'engagea  dans  le  4^^  ba- 
taillon de  Paris,  d'où  il  passa  au   7^  hussards.  Devenu 
maréchal  des  logis  chef,  il  dut  quitter  le  service  à  la  suite 
d'une  blessure  qui  nécessita  l'amputation  d'un  doigt.  Il 
entra  alors  à  l'administration  des  domaines,  puis  enfin,  sur 
les  conseils  de  M^^®  Sainval  aînée,  aborda  le  théâtre.  Après 
avoir  débuté  en  4797  au  théâtre  de  la  République  dans 
OEdipe  à  Colone,  il  partit  avec  Talma  pour  Bruxelles,  où 
il  joua  à  ses  côtés  les  confidents  tragiques.  De  retour  en 
France,  il  fut,  après  quelques  années  d'études  et  de  dures 
misères,  engagé  à  Lyon,  puis  à  Marseille,  et  c'est  alors 
qu'il  commença  à  établir  une  réputation  qui  ne  devait  plus 
cesser  de  grandir.  Il  vint  débuter  à  la  Comédie -Française 
le  40  juil.  4807,  mais  bientôt  retourna  en  province.  En- 
gagé enfin  à  l'Odéon  pour  y  tenir  le  grand  emploi  tragique, 
Joanny  débuta  avec  éclat  à  ce  théâtre,  le  4  oct.  4849, 
dans  Adélaïde  Dugiiesclin,  et  bientôt  créa  le  rôle  de 
Procida  dans  les  Vêpres  siciliennes.  Son  succès  fut  tel 
que  la  Comédie-Française  voulut  aussitôt  l'enlever  à  l'Odéon, 
qui  parvint  à  le  garder.  Cependant,  la  santé  de  Talma 
déclinant  de  jour  en  jour,  Joanny,  que  l'on  considérait 
comme  son  seul  successeur  possible*  fut  décidément  appelé 
à  la  Comédie- Française,  où  il  reparut  le  i®^  oct.  4825. 
La  mort  bientôt  survenue  de  l'illustre  tragédien  lui  laissa 
le  champ  absolument  libre,  et  alors  commença  pour  Joanny, 
dont  le  talent  était  vraiment  solide  et  mâle,  une  carrière 
extrêmement  brillante.  Il  ne  se  montrait  pas  seulement 
dans  le  grand  répertoire  tragique  ;  mais  les  jeunes  écrivains 
du  mouvement  romantique,  Victor  Hugo,  Alexandre  Dumas, 
Casimir  Delavigne,  Alfred  de  Vigny,  lui  confiaient  des  créa- 
tions qui  lui  faisaient  le  plus  grand  honneur.  C'est  ainsi 
qu'il  établit  les  rôles  du  duc  de  Guise  dans  Henri  Uf  et 
sa  cour,  à' Othello,  de  Ruy  Gomès  dans  Hernani,  de 
Saint-Vallier  dans  le  Roi  s'amuse,  de  Tyrrel  dans  les 
Enfants  d'Edouard,  de  Coitier  dans  Louis  XI,  du  Quaker 
dans  Chatterton,  pour  ne  citer  que  les  plus  éclatants. 
Après  quinze  années  passées  de  la  façon  la  plus  active  et 
la  plus  brillante,  Joanny  prit  sa  retraite  le  4^''  avr.  4844. 
Il  fut  certainement  l'un  des  artistes  qui  ont  le  plus  honoré 
notre  ^grande  scène  littéraire.  Arthur  Pougin. 

JOÂO,  rois  de  Portugal  (V.  Jean). 
JOAS,  roi  de  Juda.  Après  qu'Ochosias,  roi  de  Juda,  en 
séjour  à  Jezrahel,  eut  succombé  sous  les  coups  de  Jéhu, 
usurpateur  du  trône  d'Israël  (Dix-Tribus),  on  ditqu'Athalie, 
mère  d'Ochosias,  fit  périr  ks  enfants  de  celui-ci,  qui  au- 
raient été  ses  propres  petits-fils.  Par  les  soins  d'une  sœur 
d'Ochosias,  Josabeth,  épouse  du  grand  prêtre  Joad,  un 
tout  jeune  enfant,  du  nom  de  Joas,  aurait  échappé  au 


JOAS  —  JOB 


—  i66  — 


massacre;  au  moment  où  le  jeune  prince  atteignait  Tâge  de 
sept  ans,  une  conjuration  organisée  par  Joad  renversa 
Athalie  et  rendit  à  Joas  le  trône  de  ses  pères.  Il  y  a  lieu 
de  faire  des  réserves  sur  l'historicité  des  faits  tels  que  les 
présentent  les  livres  bibliques.  D'ailleurs,  Joas,  malgré 
les  précautions  prises  par  Joad  pour  assurer  l'influence 
durable  du  sacerdoce  sur  le  jeune  roi,  trompe  les  espé- 
rances attachées  à  la  restauration  de  la  descendance  du 
grand  roi  David.  Au  cours  d'un  long  règne  de  quarante  ans 
(seconde  moitié  du  ix^  siècle  avant  notre  ère),  on  nous  le 
montre  successivement  occupé  à  remettre  en  état  les  bâti- 
ments du  Temple,  écartant  par  de  lourds  sacrifices,  en 
dépouillant  les  trésors  tant  du  Palais  que  du  Temple,  les 
menaces  de  l'invasion  syrienne,  enfin  succombant  à  une 
conspiration,  dont  les  promoteurs  avaient  peut-être  ex- 
ploité sa  mauvaise  administration  et  ses  échecs.  Plus  tard 
(livre  des  Chroniques)^  on  représenta  Joas  comme  ayant 
abandonné  le  culte  national  et  mis  à  mort  Zacharie,  fils  de 
Joad,  auquel  il  devait  le  trône  (V.  notre  Précis  d'histoire 
juive,  pp.  446-9).  —  Un  autre  Joas,  fils  et  successeur  de 
Joachaz,  régna  seize  ans  sur  Israël  (fin  duix^  siècle),  rem- 
porta de  sérieux  avantages  sur  les  Syriens  et,  provoqué  par 
Amasias,  de  Juda,  infligea  une  sanglante  défaite  aux  Judéens 
et  s'empara  de  Jérusalem  qu'il  démantela  et  dépouilla,  tout 
en  laissant  sur  le  trône  la  dynastie  de  David.    M.  Vernes. 

JOB.  Com.  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  et  cant. 
d'Ambert  ;  2,548  hab. 

JOB,  Le  livre  de  Job^  classé  par  les  collecteurs  du  canon 
de  la  Bible  hébraïque  dans  la  troisième  section  du  recueil 
sacré  dite  Ketoubim  (écrits)  et,  d'après  le  grec,  hagio- 
graphes,  est  wn  poème  philosophique  de  la  plus  haute  valeur. 
Il  est  assurément,  avec  la  Genèse  et  le  livre  d'/sai'^,  ce 
que  la  littérature  hébraïque  a  produit  de  plus  extraordi- 
naire ;  mais,  à  la  différence  de  ces  deux  œuvres,  Job  est 
une  composition  ordonnée,  une  sorte  de  drame  présentant 
un  prologue,  un  corps  et  un  épilogue.  ~  L'auteur  met 
en  scène  un  personnage  du  nom  de  Job,  résidant  au  pays 
de  Hus  (Outs,  Ausitide),  c.-à-d.  au  N.-E.  de  la  Palestine, 
aux  confins  de  la  Syrie.  C'était  un  homme  «intègre  et 
droit,  craignant  Dieu  et  se  détournant  du  mal  »  ;  il  était  à 
la  tête  d'une  famille  florissante  ;  il  possédait  des  troupeaux 
innnombrables  et  ne  perdait  aucune  occasion  de  manifester 
une  piété  aussi  vive  que  sincère.  Le  vertueux  Job  est  sou- 
mis, avec  l'autorisation  divine,  à  une  terrible  épreuve. 
Satan,  l'ange  accusateur,  assure  à  Yahvéh  que  la  piété  de 
Job  est  liée  à  son  bonheur  présent  et  disparaîtrait  le  jour 
oti  l'adversité  viendrait  à  fondre  sur  lui  ;  la  divinité  consent 
à  ce  que  l'expérience  soit  faite.  Job  est  frappé  successive- 
ment dans  ses  biens,  dans  ses  affections,  dans  sa  propre  per- 
sonne ;  déchu  de  sa  haute  situation,  tombé  dans  l'état  le  plus 
misérable,  dévoré  par  un  ulcère,  il  est  invité  par  sa  femme 
à  maudire  Dieu,  auteur  de  ses  maux.  Il  s'y  refuse  en  répon- 
dant avec  noblesse  et  résignation,  d'abord:  «  Yahvéh  avait 
donné,  Yahvéh  a  enlevé  ;  que  le  nom  de  Yahvéh  soit  béni  !  » 
puis:  «Puisque  nous  acceptons  de  Dieu  le  bonheur,  pour- 
quoi n'accepterions-nous  pas  aussi  le  malheur  ?  »  1  s'inchne 
donc  pieusement  devant  la  volonté  du  Tout-Puissant. 

Là-dessus,  sous  le  prétexte  d'offrir  des  consolations  à 
leur  ami  tombé  dans  le  malheur,  surviennent  trois  person- 
nages, qui  lui  déclarent  doctement  qu'il  a  dû  commettre 
quelque  mauvaise  action,  dont  il  porte  en  ce  moment  la 
peine.  Tour  à  tour,  chacun  des  trois  interlocuteurs  prend 
la  parole  pour  développer  ce  même  thème,  et  Job  riposte  à 
ces  soupçons  avec  la  plus  extrême  énergie.  D'après  les 
trois  amis  de  Job,  il  y  a  ici-bas  une  relation  nécessaire 
entre  la  vertu  et  le  bonheur  ;  Job  assure,  en  revanche,  que, 
si  Dieu  l'a  frappé,  c'est  sans  qu'il  eût  donné  prise  à  sa 
colère.  Apfès  une  série  de  dialogues,  où  l'infortuné  afiirme 
avec  véhémence  sa  complète  innocence  et  dénonce  hautement 
l'injustice  commise  par  la  divinité  à  son  égard  en  réponse 
aux  protestations  indignées  de  ses  amis,  le  dernier  mot 
lui  reste  et  ses  interlocuteurs  ne  peuvent  plus  lui  opposer 
que  le  silence.  «Jusqu'à  mon  dernier  soupir,  dit  Job,  je 


défendrai  mon  innocence  ;  je  tiens  à  me  justifier  et  je  ne 
faiblirai  pas  ;  mon  cœur  ne  me  fait  de  reproches  sur  aucun 
de  mes  jours.»  (xxvii,  5-6.)  Nous  qui  sommes  dans  le 
secret  du  drame,  qui  savons  qu'il  s'agit  là,  non  du  châti- 
ment d'un  coupable,  mais  d'une  épreuve  mystérieuse  qui 
se  fait  avec  la  permission  de  Dieu  pour  faire  ressortir  en 
dernière  analyse  la  foi  désintéressée  du  héros  du  livre, 
comprenons  très  bien  et  partageons,  en  quelque  mesure, 
la  poignante  angoisse  du  juste,  qui  se  sent  victime  d'un 
traitement  immérité  ;  ses  interlocuteurs,  qui  maintiennent 
le  point  de  vue  vulgaire  de  la  rétribution  normale  et  en 
quelque  mesure  immédiate  du  crime  par  le  châtiment,  de 
la  vertu  par  la  richesse  et  le  bonheur,  font  preuve  de 
bonnes  intentions,  mais,  avec  leurs  vues  bornées  et  terre  à 
terre,  ne  font  qu'exaspérer  celui  qu'ils  prétendent  conso- 
ler et  ramener  à  d'autres  sentiments.  Résigné  sous  la  main 
divine  qui  l'a  frappé  sans  qu'il  en  discernât  le  motif.  Job 
s'emporte  maintenant  contre  des  explications,  dont  il  aper- 
çoit la  fausseté  et  qui  viennent  ajouter  l'insulte  à  sa  misé- 
rable condition.  Ce  n'est  pas  seulement  sa  conscience  qui, 
en  ce  qui  le  concerne  personnellement,  proteste  contre  la 
thèse  que  ses  interlocuteurs  ont  déduite  d'une  observation 
terre  à  terre,  trop  facile  à  satisfaire.  Job  a  médité  de 
longue  date  sur  le  train  des  choses  humaines;  il  sait  bien 
qu'il  n'est  ni  le  premier  ni  le  seul  à  souffrir  sans  avoir  la 
conscience  d'un  manquement  positif  à  la  loi  divine.  «  Je 
sais  bien,  riposte-t-il  à  ses  amis  qui  l'exaspèrent  par  leur 
parti  pris  banal,  je  sais  bien  quelles  sont  vos  pensées, 
quels  jugements  iniques  vous  portez  sur  moi  :  vous  dites  : 
Où  est  la  maison  de  l'homme  puissant,  où  est  la  tente 
qu'habitaient  les  impies?  Mais  quoi  n'avez-vous  point  inter- 
rogé les  voyageurs?  Au  jour  du  malheur,  le  méchant  est 
épargné;  au  jour  de  la  colère,  il  échoppe.»  (xxii,  27-30.) 
Après  que  Job  a  fermé  la  bouche  à  ses  amis,  apparaît 
un  dernier  interlocuteur,  dont  «la  colère  s'enflamme  contre 
Job,  parce  qu'il  se  disait  juste  devant  Dieu»,  mais  qui  ne 
s'en  prend  pas  avec  moins  de  vivacité  aux  trois  amis  du 
malheureux,  par  la  raison  «  qu'ils  n'ont  rien  trouvé  à  ré- 
pondre et  que  néanmoins  ils  ont  condamné  Job».  Elihu, 
c'est  le  nom  de  ce  personnage,  développe  un  thème  nouveau, 
à  savoir  que  l'épreuve  a  une  vertu  éducatrice  et  bienfai- 
sante. Quel  est,  en  définitive,  l'homme  en  mesure  d'afiirmer 
son  impeccabilité  ?  Celui  qui  a  résisté  jusqu'à  ce  jour 
pourra  succomber  demain.  En  conséquence,  le  juste  frappé 
à  l'improviste  doit  s'incliner  et  attendre  avec  patience 
l'heure  où  la  miséricorde  divine  viendra  le  relever.  «Dieu, 
dit  Elihu,  sauve  le  malheureux  dans  sa  misère,  et  c'est  par 
la  souffrance  qu'il  l'avertit.  »  Et  s'adressant  directement  à 
Job  :  «  Dieu  te  retirera  aussi  de  la  détresse  pour  te  mettre 
au  large,  en  pleine  liberté,  et  ta  table  sera  chargée  de 
mets  succulents.  Mais,  si  tu  défends  ta  cause  comme  un 
impie,  le  châtiment  est  inséparable  de  ta  cause.  Que  l'irri- 
tation ne  t'entraîne  donc  pas  à  la  moquerie  et  que  la  gran- 
deur de  la  rançon  ne  te  fasse  pas  dévier!  »  (xxxvi,  45-18.) 
Ramené  au  calme  par  ces  discours,  qui  dissipent  l'amer- 
tume inspirée  par  d'injustes  reproches  et  lui  font  entrevoir 
une  compensation  à  la  suite  de  l'épreuve  mystérieuse  qu'il 
subit,  Job  est  en  état  d'entendre  la  parole  divine  elle-même. 
Le  Tout-Puissant  apparaît,  en  effet,  «au milieu  delà  tem- 
pête» et  développe  dans  un  brillant  langage  la  profondeur 
et  l'impénétrabihté  de  l'action  divine.  Dieu  ferme  la  bouche 
à  Job  en  lui  faisant  voir  quelle  distance  sépare  son  pou- 
voir et  sa  science  de  l'intelligence  et  des  moyens  d'action 
d'un  misérable  mortel.  Et  Job  s'incline  devant  cette  dé- 
monstration d'une  hautaine  éloquence.  Mais  ce  n'est  pas 
pour  donner  raison  aux  amis  de  Job  que  Dieu  s'est  résolu 
à  entrer  lui-même  en  scène  ;  il  adresse  d'amers  reproches 
à  ces  importuns,  qui  ont  défendu  avec  tant  d'insistance  le 
point  de  vue  banal  de  la  rétribution  selon  les  œuvres  ;  il 
les  accuse  de  «n'avoir  pas  parlé  de  lui  avec  droiture, 
comme  avait  fait  son  serviteur  Job»,  et  c'est  Job  lui-même 
qui  intercédera  pour  Dieu  en  leur  faveur.  Celui-ci  s'était 
incliné  devant  l'admonestation  divine  avec  la  sincérité  et 


167 


JOB  —  JOBERÏ 


la  décision  qui  lui  arrachaient  tout  à  Theure  des  paroles 
presque  blasphématoires.  «  Je  reconnais  que  tu  peux  tout, 
avait-il  dit  à  Yahvéh,  et  que  rien  ne  s'oppose  à  tes  pen- 
sées... Oui,  j'ai  parlé  sans  les  comprendre  des  merveilles 
qui  me  dépassent  et  que  je  ne  conçois  pas...  Mon  oreille 
avait  entendu  parler  de  toi,  mais  maintenant  mon  œil  fa  vu. 
C'est  pourquoi  je  me  condamne  et  je  merepens  sur  la  pous- 
sière et  sur  la  cendre.  »  (xlii,  2-6.)  Job  est  rétabli  dans 
sa  prospérité  première  ;  Dieu  lui  rend  une  famille  et  des  ri- 
chesses qui  lui  assurent  une  condition  supérieure  à  ce  qu'elle 
avait  jamais  été.  Après  la  terrible  épreuve  dont  le  corps  du 
poème  est  la  mise  en  œuvre,  il  vit  cent  quarante  ans, 
assiste  aux  progrès  de  sa  descendance  jusqu'à  la  quatrième 
génération,  meurt  âgé  et  «rassasié  de  jours». 

L'auteur  de  cet  admirable  poème,  qui  peut  être  hardiment 
mis  sur  le  pied  de  tout  ce  que  la  littérature  classique  des 
temps  anciens  et  modernes  a  produit  de  plus  achevé,  s'est 
proposé  de  protester  contre  la  vue  étroite,  qui  établit  une 
balance  exacte  par  doit  et  avoir  entre  la  faute  et  le  châti- 
ment ;  il  marque  assez  cette  intenlion  par  le  traitement 
qu'il  fait  subir  aux  amis  malencontreux  de  Job.  Il  a  voulu 
démontrer  que,  dans  bien  des  cas,  notamment  dans  celui 
qu'il  suppose,  l'explication  vulgaire  est  mal  fondée,  que 
les  décrets  divins  sont  impénétrables  pour  la  pensée  bor- 
née de  l'homme,  que  l'épreuve  qui  fond  sur  le  juste  est  à 
la  fois  la  rançon  d'une  vertu  supérieure  et  le  gage  de  hautes 
destinées,  qu'au  lieu  d'être  l'indice  de  la  réprobation  divine 
elle  est  comme  un  sceau  qui  marque  quelques  élus  (pen- 
sée analogue  à  celle  qui  a  inspiré  la  description  du  servi- 
teur de  Dieu  souffrant  dans  la  seconde  partie  à' haïe  et 
que  le  christianisme  a  complétée  et  développée),  que  la 
suprême  justice  de  la  divinité  ne  doit  jamais  être  soupçonnée 
et  que  ceux  qui  gardent  une  confiance  assurée  dans  l'équité 
du  Tout-Puissant  finiront  par  voir  leur  foi  récompensée, 
comme  il  était  advenu  à  Job.  —  L'ensemble  des  caractères 
du  Hvre,  la  langue  fortement  teintée  d'aramaïsmes,  les 
connaissances  très  étendues  de  l'auteur  attestant  une  civi- 
lisation développée,  le  souci  de  résoudre  un  problème  de 
philosophie  morale  qui  montre  une  réflexion  avancée  et 
sûre  d'elle-même,  la  hardiesse  et  la  liberté  avec  laquelle 
sont  discutées  les  différentes  solutions,  le  choix  d'une  ré- 
gion non  palestinienne  pour  y  placer  le  théâtre  de  l'action, 
la  science  littéraire  qui  est  sensible  dans  l'agencement  du 
livre,  mais  surtout  dans  le  détail  des  développements, 
toutes  ces  considérations  excluent  de  la  manière  la  plus 
catégorique  la  supposition  d'une  origine  ancienne,  nous  ne 
dirons  pas  de  l'époque  de  Moïse  comme  le  veut  la  tradition, 
ni  du  siècle  de  Salomon  comme  on  Fa  prétendu,  mais  du 
vin®  siècle  avant  notre  ère,  c.-à-d.  de  l'époque  d'Ezéchias. 
Quelles  que  soient  le* résistances  d'hommes  tels  que  Reuss 
et  Renan,  il  est  désormais  établi  que  Job  est  un  produit 
du  judaïsme  post-exihen.  La  question  qui  se  pose  aujour- 
d'hui est  :  Le  livre  est-il  antérieur  ou  postérieur  au  moment 
où  les  conquêtes  d'Alexandre  ont  établi  un  large  contact 
entre  la  pensée  grecque  et  le  monde  oriental?  Toutes  les 
vraisemblances  sont  en  faveur  de  la  seconde  alternative  et 
le  livre  de  Job  doit  être  attribué  avec  des  chances  très 
sérieuses  au  m®  siècle  avant  notre  ère.  —  Une  question 
sur  laquelle  l'accord  se  fera  moins  volontiers  est  celle  de 
l'intégrité  du  livre.  On  y  a,  de  longue  date,  signalé  des  inco- 
hérences faisant  supposer  le  déplacement  accidentel  de 
quelques  passages,  on  a  noté  des  développements  étendus 
(le  discours  sur  la  sagesse,  au  chap.  xxviir,  les  descrip- 
tions de  l'hippopotame  et  du  crocodile,  aux  chap.  xl  et 
XLi)  comme  ayant  pu  être  intercalés  après  coup,  on  a  par- 
ticulièrement désigné  les  discours  d'Elihu  (chap.  xxxir- 
xxxvii)  comme  n'ayant  pas  fait  partie  du  poème  sous  sa 
première  forme.  Nous  avons  nous-même  développé  dans 
le  temps  l'hypothèse  d'une  série  d'états  par  lesquels  le 
poème  aurait  passé  avant  d'arriver  à  sa  forme  actuelle 
(art.  Job  dans  V Encyclopédie  des  sciences  religieuses, 
1880,  t.  Vil);  mais,  sauf  à  admettre  quelques  perturba- 
tions et  doubles  emplois,  nous  revenons  aujourd'hui  de 


plus  en  plus  (V.  la  note  de  la  p.  816  de  notre  Précis 
d'histoire  juive)  à  l'idée  de  l'intégrité  du  poème,  qui  nous 
est  bien  parvenu,  dans  son  ensemble,  sous  la  forme  que 
lui  avait  donnée  son  auteur.  Nous  n'en  excepterions  même 
pas  les  discours  d'Ehihu,  étant  très  touché  des  arguments 
par  lesquels  M.  Cornill  a  récemment  défendu  leur  authen- 
ticité (Einleitung  in  das  Alte  Testament^  2^  éd.,  1892, 
pp.  231  et  suiv.).  On  trouvera  dans  ce  dernier  ouvrage 
l'indication  des  principaux  ouvrages  étrangers  sur  la  ma- 
tière. En  langue  française  il  suffira  de  citer  Renan  {le 
Livre  de  Job,  4859)  et  Reuss  (Philosophie  religieuse  et 
morale  des  Hébreux,  1878).  Maurice  Vernes. 

JOBBA  (V.  Djobbah). 

J  0  B  B  É-Du VAL  (Armand-Marie-Félix) ,  peintre  français, 
né  à  Carhaix  (Finistère)  le  16  juil.  1821,  mort  à  Paris  le 
2  avr.  1889.  Elève  de  Paul  Delaroche,  il  a  peint  des  por- 
traits, des  tableaux  religieux  et  des  sujets  de  genre.  Il  appar- 
tient au  groupe  des  néo-grecs,  et  s'est  fait  connaître  à  la  fois 
comme  artiste  et  comme  homme  politique.  Adjoint  au  maire 
du  XV«  arrondissement  de  Paris  après  le  4  sept.  1870, 
conseiller  municipal  de  Paris  de  juil.  1871  jusqu'à  sa  mort, 
il  a  peint  un  assez  grand  nombre  de  tableaux,  parmi  lesquels 
nous  citerons  :  l'Evanouissement  de  la  Vierge  (1849), 
la  Moisson,  au  musée  du  Mans,  rOaristis  (1855),  plu- 
sieurs compositions  exécutées  à  la  cire  qui*  se  trouvent  dans 
l'église  de  Saint-Louis-en-l'Ile  à  Paris,  le  portrait  deJea7i 
Huilant  pour  la  galerie  d'Apollon  au  Louvre,  la  décora- 
tion de  la  grande  salle  de  l'hôtel  de  ville  de  Lyon,  r Agri- 
culture et  le  Commerce^  Vlndustrie  et  VArl^  au  tribu- 
nal de  commerce  de  la  Seine,  et  quatre  peintures  religieuses 
qui  se  trouvent  dans  la  chapelle  du  monastère  de  la  Visi- 
tation, à  Troyes.  Citons  encore  quatre  sujets  (1853),  pour 
la  chapelle  de  Saint- Borromée  à  Saint-Séverin  de  Paris. 

JOSBÉ-DuvAL,  jurisconsulte  français,  né  à  Brest  le 
4  mai  1851,  neveu  du  précédent.  Reçu  docteur  en  droit 
en  déc.  1874,  à  la  suite  de  la  soutenance  de  deux  thèses 
très  remarquées,  l'une  sur  la  Condition  résolutoire  en 
droit  romain,  l'autre  sur  l'Histoire  du  retrait  lignager 
et  la  vente  à  réméré.  Ayant  pris  part  avec  succès  au 
concours  d'agrégation  de  1876,  M.  Jobbé-Duval  a  été  atta- 
ché en  qualité  d'agrégé  à  la  faculté  de  droit  de  Douai,  de 
1876  à  1881.  Il  y  a  enseigné  le  droit  administratif  et  a  en 
outre  été  chargé  d'un  cours  de  droit  civil  approfondi  pen- 
dant l'année  scolaire  1877-78,  et  d'un  cours  d'histoire  du 
droit  français  en  1880-81.  Attaché  à  la  faculté  de  droit 
de  Paris  en  juil.  1881,  il  y  a  enseigné  pendant  deux  ans 
le  droit  romain.  Puis  de  1883  à  1885,  il  a  été  chargé  du 
cours  de  droit  industriel.  Mais,  en  1885,  il  est  revenu  au 
droit  romain  et,  après  avoir  été  nommé  professeur  adjoint 
le  1®^  déc.  1890,  il  a  obtenu  en  1892  une  chaire  de  droit 
romain.  M.  Jobbé-Duval  a  publié  u-ne  savante  Etude  his- 
torique sur  la  revendication  des  meubles  en  droit 
français.  Il  est  auteur  de  divers  articles  parus  dans  des 
revues  de  droit  et  collabore  à  la  Gravide  Encyclopédie, 

J0B8ES  (Ruisseau  de)  (V.  Eure  [Dép.  de  l']). 

JOBE  (V.  Etatn,  t.  XVI,  p.  447). 

JOBERTdeLamballe  (Antoine- Joseph),  célèbre  chirur- 
gien français,  né  à  Matignon  (Côtes-du-Nord)  le  17  déc. 
1799,  mort  à  Passy  le  25  avr.  1867.  Reçu  chirurgien  des 
hôpitaux  en  1829,  agrégé  de  la  faculté  en  1830,  chirur- 
gien consultant  du  roi  en  1831,  membre  de  l'Académie  de 
médecine  en  1840,  chirurgien  de  l'empereur  en  1852,  pro- 
fesseur à  la  faculté  de  médecine  en  1854,  il  devint  membre 
de  l'Institut  en  1856.  Jobert  a  puissamment  contribué  à  la 
thérapeutique  des  maladies  utérines  et  a  imaginé,  entre 
autres  procédés,  la  cystoplastie  par  glissement  pour  la  gué- 
rison  de  la  fistule  vésico-vaginale.  Ses  ouvrages  sont  re- 
marquables ;  Traité  des  plaies  d'armes  à  feu  (Paris, 
1833,  pi.)  ;  Etudes  sur  le  système  7ierveux  (Paris,  1838, 
2  vol.)  ;  Recherches  sur  les  appareils  électriques  des 
poissons  (Paris,  1858,  atlas)  ;  Traité  de  chirurgie  plas- 
tique (Paris,  1849,  2  vol.  av.  atlas);  De  la  Réunion  en 
chirurgie  (Paris,  1864,  2  vol.  etpL),  etc.     D'^L.  Hn. 


JOBÏ  —  JODELJ.E 


—  168  ~ 


JOBI.  Ile  duN.  de  la  Nouvelle-Guinée,  à  l'entrée  de  la 
baie  de  Geelvink;  elle  a  160  kil.  de  l'E.  à  l'O.,  15  kil.  de 
large,  3,500  kil.  q.  ;  7,000  hab-  Très  montagneuse,  la 
côteN.  est  abrupte  et  inhospitalière,  la  côte  S.  semée  d'ilôts. 
Peuplée  de  Papous  Mafours  et  d'indigènes  qui  les  com- 
battent, elle  dépend  du  sultan  de  Tidore,  vassal  des  Pays-Bas. 

JOBOURG.  Corn,  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de  Cher- 
bourg, cant.  de  Beaumont,  à  3  kil.  de  la  mer,  à  l'extré- 
mité de  la  presqu'île  de  Cotentin  ;  505  hab.  Retranche- 
ments antiques.  Falaises  formant  le  promontoire  nommé 
le  Nez  de  Jobourg,  dans  lesquelles  s'ouvrent  de  profondes 
cavernes.  Sémaphore. 

JOBSON  (Richard),  voyageurangiais du xvn^ siècle. C'est 
un  des  premiers  explorateurs  de  la  Gambie  où  il  fit  en  1620 
un  voyage  dont  il  a  laissé  la  relation  :  The  Golden  Trade 
or  a  discovery  of  the  Pdver  Gamba,  etc.  (1623,  in-4). 

JOCASTE  ou  EPICASTE  (V.  OEdipe). 

JOCELYN  (Robert,  vicomte)  (V.  Roden  [Comte  de]). 

JOCH.  Com.  du  dép.  des  Pyrénées-Orientales,  arr.  de 
Prades,  cant.  de  Vinça;  302  hab. 

JOGHER  (Adam-Benoît),  philologue  et  bibliographe 
polonais,  né  en  1791,  mort  en  1860  à  Vilna  où  il  était 
conservateur  de  la  bibliothèque  de  la  ville  depuis  1827. 
Son  ouvrage  capital  est  un  Tableau  historique  et  biblio- 
graphique de  la  littérature  et  des  sciences  en  Pologne 
depuis  Vintroduction  de  V imprimerie  jusqu'en  i830 
(Yilna,  1840-57,  3  vol.  in-4),  travail  précieux,  classé 
dans  l'ordre  méthodique  des  matières,  mais  non  terminé. 
Parmi  ses  ouvrages  philologiques,  on  cite  :  V Harmonie 
des  langues  (1859)  et  Epilogue  de  l'histoire  de  la  langue 
primitive  (  1 859) .  G .  P-i. 

JOCH  M  US  (August-Giacomo),  baron  de  Cotignola,  aven- 
turier allemand,  né  à  Hambourg  le  27  févr.  1808,  mort  à 
Bamberg  le  14  sept.  1881.  Il  débuta  par  le  commerce,  fit 
à  Paris  des  études  militaires,  passa  en  Grèce  en  1827,  y 
devint  capitaine  et  aide  de  camp  du  général  Church,  resta 
au  service  du  roi  Otton  (1832),  se  rendit  en  Angleterre 
(1835)  où  il  s'engagea  dans  la  légion  étrangère  expédiée 
au  secours  d'Isabelle,  s'attacha  à  la  fortune  des  «  Christi- 
nos  »,  parvint  au  grade  de  général  de  brigade;  Espartero 
le  prit  pour  chef  d'état-major  de  l'armée  du  Nord  (1837). 
La  guerre  finie  (1838),  il  revint  en  Angleterre  ;  Palmers- 
ton  l'envoya  à  Constantinople;  les  Turcs  en  firent  un  gé- 
néral de  division,  pacha  à  deux  queues  (juil.  1840);  en 
Syrie,  il  fut  général  en  chef  de  l'armée  anglo-austro-turque, 
s'empara  d'Acre  (nov.  1840),  reçut  le  mois  suivant  le 
commandement  de  toutes  les  forces  turques.  Les  hostilités 
terminées  (févr.  1841),  il  demeura  au  service  de  l'empire 
ottoman  jusqu'en  1848.  La  nouvelle  de  la  révolution  le 
ramena  en  Allemagne;  l'archiduc  Jean,  administrateur  de 
l'empire,  en  fit  un  ministre  des  affaires  étrangères  et  de  la 
marine  (mars-déc.  1849).  En  1859  et  1866,  le  gouver- 
nement autrichien  lui  confia  des  commandements,  mais 
seulement  après  la  fin  de  la  guerre  ;  il  y  gagna  le  titre  de 
baron  (1859),  et  le  grade  de  feld-maréchal-lieutenant 
(1866).  Il  fit  deux  voyages  autour  du  monde  (1853-55  et 
1870-71).  Ses  œuvres  complètes  ont  été  publiées  (Berlin, 
1883-84,  4voL).  A.-M.B. 

JOCKEY  (V.  Course,  t.  XIÏI,  p.  158). 

JOCKEY  Club  (V.  Course,  t.  XIII,  p.  152). 

JOCONDE  (Giovanni)  (V.  Giocondo  [Fra]). 

JOCOTAN,  Rivière  du  Guatemala,  affluent  du  Motagna, 
sur  lequel  se  trouve  la  ville  du  même  nom.  Mine  de  fer, 
lac  sulfureux. 

JOD  (Gramm.).  Le  jod  (prou,  iod)  est  une  consonne  spi- 
rantede  la  langue  indo -germanique  qui  se  rattache,  par  son 
articulation,  à  l'ordre  des  gutturales  palatales.  On  est  d'ac- 
cord aujourd'hui  pour  le  distinguer  de  Vi  faisant  fonction 
de  consonne;  mais  ces  deux  sons  se  sont  confondus  dans  les 
langues  issues  de  la  langue  primitive.  L'existence  du  jod 
n'est  certaine  qu'à  l'initiale  des  mots  devant  une  voyelle  ; 
le  sanskrit  le  représente  par  i/,  le  grec  par  Ki  le  latin  par 
j  (yugdm^  Çuyov,  jugum).  Le  grec  seul  a  conservé  la 


difïërence  qui  existait  antérieurement  entre  le  jod  et  Vi 
consonne  ;  le  premier  est  régulièrement  représenté  par  ^, 
le  second  par  l'esprit  rude.  Dans  l'intérieur  des  mots,  la 
présence  du  jod  primitif  est  moins  démontrée  ;  et  les  lin- 
guistes n'ont  pas  encore  décidé,  pour  un  très  grand  nombre 
de  cas,  si  l'on  doit  admettre  un  i  consonne  ou  un  jod. 
L'écriture  syllabique  en  usage  dans  les  inscriptions  cy- 
priotes avait  deux  signes  que  l'on  transcrit  ja,  je  ;  mais  là 
il  s'agit  sûrement  d'un  i  consonne. 

BiBL.  :  Brugmann,  Grundriss  der  vergleichenden  Gram- 
matih  der  indogerman.  Spracfien,  t.  I,  pp.  110,  409,  453. 

JODELET  (Julien  Geoffrin  ou  Joffrin,  dit),  acteur  et 
farceur  français,  né  vers  la  fin  du  xvi'^  siècle,  mort  à  Paris 
en  mars  1660.  Il  commença  par  être  le  camarade  et  le 
partenaire  des  farceurs  alors  si  populaires  du  théâtre  du 
Marais,  où  il  entra  en  1610  ;  mais  il  était  destiné  à  de- 
venir un  vrai  comédien  et  un  véritable  artiste.  Ce  qui  est 
certain,  c'est  que  la  naïveté  plaisante  de  son  jeu  et  la 
vérité  de  son  débit  dans  le  genre  comique  lui  valurent  une 
telle  renommée  que,  sur  l'ordre  de  Louis  XÏII,  il  passa, 
en  déc.  1 634,  de  la  scène  burlesque  du  Marais  à  celle, 
plus  relevée,  de  l'Hôtel  de  Bourgogne,  oti  les  exploits  de 
farceurs  tels  que  Turlupin,  Gros-Guillaume  et  Gaultier- 
Garguille  n'empêchaient  pas  l'éclosion  de  la  comédie  nais- 
sante, qui  avait  pour  soutien  des  acteurs  comme  Bellerose 
et  Floridor.  Loin  de  se  montrer  inférieur  à  ceux-ci,  Jodelet 
conquit  auprès  d'eux  une  situation  importante  et  devint 
rapidement  Pun  des  comédiens  les  plus  aimés  de  leur 
théâtre.  La  meilleure  preuve  qu'on  puisse  donner  de  son 
talent  est  de  rappeler  que  c'est  lui  que  Pierre  Corneille 
chargea  d'établir  le  rôle  de  Cliton  dans  le  Menteur  et  la 
Suite  du  Menteur^  de  même  que  Thomas  Corneille  lui 
confia  le  rôle  du  même  nom  dans  l'Amour  à  la  mode,  et 
celui  de  Don  Bertrand  de  CigarraL  Ce  qui  prouve  en- 
core à  quel  point  il  était  aimé  du  public,  c'est  que  plu- 
sieurs auteurs  firent  pour  lui  des  pièces  dont  le  personnage 
principal,  rempli  par  lui,  portait  précisément  son  nom  et 
donnait  son  titre  à  l'ouvrage.  C'est  ainsi  qu'il  joua  Jodelet 
duelliste  et  Jodelet  ou  le  Maître  valet,  deux  comédies 
de  Scarron  représentées  en  1645,  Jodelet  astrologue^ 
autre  comédie  de  Douville,  donnée  l'année  suivante,  et 
enfin  Jodelet  prince  ou  le  Geôlier  de  soi-même,  que 
Thomas  Corneille  mit  à  la  scène  en  1655.  Il  est  certain 
que  Jodelet  avait  un  talent  supérieur  ;  il  y  joignait  une 
physionomie  très  plaisante,  et  son  visage  avait  une  expres- 
sion si  comique  qu'il  n'avait  qu  a  se  montrer  pour  exciter 
l'hilarité  des  spectateurs,  hilarité  qu'il  augmentait  encore 
par  le  sentiment  de  surprise  qu'il  feignait  d'éprouver  en 
entendant  les  rires  qui  l'accueillaient.  Il  parlait  assez  for- 
tement du  nez,  mais  ce  qui  eût  été  un  défaut  chez  un  autre 
rendait  parfois  son  débit  tellement  burlesque  que  le  public 
ne  s'en  amusait  que  davantage  et  considérait  ce  défaut 
comme  une  qualité.  On  en  trouve  le  témoignage  dans  les 
fréquentes  allusions  à  ce  nasillement  que  se  permettaient 
les  auteurs  du  temps  et  qu'ils  plaçaient  dans  sa  propre 
bouche,  ce  qu'ils  n'eussent  assurément  pas  fait  si  le  parler 
de  Jodelet  n'eût  pas  été  considéré  comme  un  des  éléments 
comiques  de  son  jeu.  On  fit  de  son  vivant  le  portrait  de 
Jodelet,  qui  ressemble  quelque  peu  à  une  caricature,  et 
Loret  lui  fit  une  épitaphe  dans  sa  Muze  historique.  Ce 
comédien  fameux  eut  un  fils  qui  fut  un  moine  célèbre  : 
Claude  Jofi'rin  entra  fort  jeune  dans  l'ordre  des  Feuillants 
et  acquit  une  grande  renommée  de  prédicateur  sous  le  nom 
de  dom  Jérôme.  Arthur  Pougin. 

JODELLE  (Etienne),  sieur  de  Limodin,  poète  français, 
né  à  Paris  en  1532,  mort  à  Paris  en  juil.  1573.  De  bonne 
heure,  il  témoigna  des  dispositions  pour  la  poésie  et,  quoique 
ses  débuts  n'eussent  pas  été  brillants,  il  ne  tarda  pas  à  faire 
partie  de  la  Pléiade.  Il  se  réserva  la  rénovation  du  théâtre 
antique.  Une  tragédie,  Cléopâtre  captive,  et  une  comé- 
die, la  Rencontre,  représentées  en  1552  à  l'hôtel  de 
Reims  devant  Henri  H  et  tous  les  personnages  marquants 
de  l'époque,  obtint  un  succès  considérable  et  gagna  à  Pau- 


469 


JODELLE  —  JOFFKEDl 


teur  la  faveur  du  souverain.  «  Il  donna  à  Jodelle,  écrit 
Brantôme,  cinq  cents  écus  de  son  épargne  et  outre  lui  fit 
tout  plein  d'autres  grâces,  d'autant  que  c'était  chose  nou- 
velle et  très  belle  et  rare.  »  De  fait,  l'entreprise  du  poète 
inaugurait  une  ère  nouvelle  dans  l'histoire  du  théâtre  en 
France.  Il  substituait  aux  mystères  la  tragédie  qui  existait 
déjà,  mais  comme  un  exercice  d'érudition  et  qu'on  n'avait 
point  encore  songé  à  produire  devant  le  grand  public.  En 
tout  il  fallut  innover,  créer  une  troupe  de  comédiens, 
trouver  une  scène.  L'une  fut  composée  de  compagnons  du 
poète,  l'autre  fut  simplement  la  cour  d'un  hôtel  ou  d'un 
collège  dont  les  fenêtres  devinrent  des  logos  pour  les  spec- 
tateurs de  distinction.  Après  son  éclatant  succès,  qui  le 
mit  pour  un  temps  sur  le  même  pied  que  son  maître  Ron- 
sard, Jodfllle  vécut  en  grande  faveur  à  la  cour,  fort  admiré 
de  ses  contemporains  et  se  faisant  nombre  d'ennemis  par 
sa  hauteur  et  son  outrecuidance.  Le  temps  n'a  pas  été  fa- 
vorable à  ses  œuvres  dont  Ronsard,  qui  l'envia  un  peu, 
avait  dit  déjà  «  qu'il  eût  désiré  pour  la  mémoire  de  Jodelle 
qu'elles  eussent  été  données  au  feu  au  lieu  d'être  mises  sur 
la  presse,  n'ayant  rien  de  si  bien  fait  en  sa  vie  que  ce 
qu'il  a  voulu  supprimer,  étant  d'un  esprit  prompt  et  inven- 
tif, mais  paillard,  ivrogne  et  sans  aucune  crainte  de  Dieu 
auquel  il  ne  croyait  que  par  bénéfice  d'inventaire  ».  Ces 
œuvres  comprennent  :  Eugène^  comédie  en  cinq  actes; 
Cléopâtre  captive^  Bidon  se  sacrifiant^  tragédies  en  cniq 
actes  ;  le  Recueil  des  inscriptions^  figures^  devises  et 
mascarades  ordonnées  en  l  hôtel  de  ville  de  Paris  en 
i538;  rilyménée  du  roi  Charles  IX,  les  Amours,  des 
poésies  de  circonstance,  des  sonnets,  des  odes,  etc.  Elles 
ont  été  réunies  d'abord  par  Charles  de  La  Motte  (Paris, 
1574,  in-4),  puis  par  Ch.  Marty-Laveaux  (Paris,  1868-70, 
2  vol.  in-8)  dans  la  collection  de  la  Pléiade  française. 

JODOCUS  ou  JOBST,empereurd' Allemagne  (V.Josse). 

JODOIGNE.  Ville  de  Belgique,  prov.  de  Brabant,  arr. 
de  Nivelles,  sur  la  Grande-Cette,  affluent  du  Demer;  4,500 
hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Tirlemont  à  Namur,  et 
tête  de  ligne  d'un  chemin  de  fer  vers  Louvain  et  d'un  autre 
vers  Wavre.  Exploitations  de  carrières. 

JODRELL  (Richard-Paul),  éruditet  auteur  dramatique 
anglais,  né  en  47 io,  mort  en  4834.  11  siégea  quelques  an- 
nées à  la  Chambre  des  communes  ;  mais  il  s'occupait  sur- 
tout de  critique  classique  et  de  philologie  :  de  là  ses  lllus- 
trations  of  Euripides,  on  the  Ion  and  Bacchœ  and  on 
the  Âlcestis  (4781-89,  3  vol.)  et  son  traité  sur  la  Phi- 
lology  of  the  English  Language  (4820,  in-4).  On  a  aussi 
de  lui  des  poésies  et  des  pièces  de  théâtre,  comme  A  Widoiv 
and  no  Widow,  The  Persian  Heroine,  etc.  Il  a  publié 
anonymement  un  volume  de  Select  Dramatic  Pièces 
(4787)  et  un  recueil  de  ses  Poetical  Works  a  paru  en 
4814.  —  Son ûh  aine,  sir  Piichard-PaulioMvell  (4784- 
4864),  a  laissé  un  recueil  de  vers  latins  et  grecs:  Car- 
mina  selecta  (4810),  et  un  poème  sur  Douvre,  ancien  et 
moderne  {iU\).  B.-H.  G. 

JŒCHER  (Christian-Gottlieb),  érudit  allemand,  né  à 
Leipzig  le  25  juil.  4694,  mort  le  40  mai  4758.  Profes- 
seur (4730),  puis  bibliothécaire  (4742)  de  l'université  de 
Leipzig,  il  réédita  le  Gelehrtenlexikon  de  Mencke  (4725 
et  4733),  puis  en  rédigea  un  (4750,  4  vol.),  successive- 
ment remanié  parDunckel  (4755-60),  Adelung (4 784-87) 
et  Rotermund  (Brème,  4810-22,  6  vol.).  B^n  philosophie, 
il  défendit  les  idées  de  Wolf  ;  il  avait  un  grand  talent  de 
parole. 

JOËL.  Les  quelques  pages  qui  figurent  au  recueil  des 
douze  petits  prophètes  de  la  Bible  hébraïque  sous  le  nom 
d'un  certain  «  Joël,  fils  de  Péthuel  »,  d'ailleurs  inconnu, 
sont  intéressantes  à  étudier,  d'abord  parce  qu'elles  sont 
d'une  facture  élégante  et  d'une  facile  intelligence,  ensuite 
parce  qu'on  y  démêle  très  aisément  les  procédés  de  cette 
littérature  pseudonyme  ou  pseudépigraphe,  qui  fut  culti- 
vée avec  tant  d'amour  par  le  judaïsme  post-exilien  dans 
les  quatre  siècles  qui  précèdent  l'ère  chrétienne.  En  eifet, 
Pinauthenticité  ou  modernité  du  livre  de  Joël  est  reconnue 


par  la  plupart  des  critiques  et,  d'autre  part,  il  n'est  pas 
douteux  que  son  auteur  n'ait  voulu  faire  passer  son  écrit 
pour  une  œuvre  fort  ancienne;  la  synagogue  a  même 
consacré  cette  prétention  en  plaçant  Joël  avant  Amos,  ce 
qui  a  engagé  autrefois  la  critique  à  revendiquer  pour  cette 
composition  agréable,  mais  nullement  antique  de  langue  et 
d'inspiration,  la  date  du  ix*^  siècle  avant  notre  ère.  Au- 
jourd'hui on  la  rapporte  à  un  auteur  inconnu  du  iv®  ou, 
plutôt  encore,  du  m®  siècle  av.  J.-C.  —  Dans  l'ensemble, 
l'écrivain  s'est  proposé  de  décrire  ce  qu'on  appellera  plus 
tard  le  «  jugement  dernier  »,  c.-à-d.  la  crise  suprême 
dans  laquelle  Yahvéh  interviendra  comme  juge  pour  punir 
les  méchants,  notamment  les  nations  ennemies  des  Israé- 
lites, et  pour  inaugurer  glorieusement  l'ère  messianique. 
Mais,  dans  les  perspectives  qu'il  énonce,  il  n'y  a  pas  de  pro- 
gression bien  sensible;  c'est  plutôt  une  série  de  tableaux, 
dans  lesquels  l'écrivain  reprend  son  thème  fondamental  en 
en  variant  les  aspects,  en  en  distribuant  les  éléments  d'une 
façon  différente.  Prenant  texte  d'une  invasion  de  saute- 
relles (imitée  d'une  des  plaies  d'Egypte)  et  de  la  dévasta- 
tion qui  en  a  été  la  suite,  le  prophète  se  plaint  qu'on  soit 
dans  l'impossibilité  de  présenter  désormais  offrandes  ou 
libations  dans  le  temple  de  Jérusalem  ;  il  engage  les  prêtres 
à  multiplier  les  marques  de  deuil,  à  publier  un  jetine,  à 
convoquer  dans  le  Temple  les  anciens  du  pays  afin  d'im- 
plorer la  clémence  divine.  Reprenant  ici  le  thème  de  l'in- 
vasion des  sauterelles,  l'auteur  en  montre,  dans  un  mor- 
ceau d'une  forme  achevée,  les  désastreuses  conséquences  ; 
c'est  le  terrible  et  redoutable  «  jour  de  Yahvéh  ».  Mais 
le  repentir  sincère  du  peuple  parviendra  à  fléchir  le  cour- 
roux céleste;  la  famine  prendra  fin,  la  fertilité  reviendra; 
les  sauterelles,  cause  première  de  la  dévastation,  seront 
jetées  hors  du  pays.  Une  ère  de  prospérité  inouïe  succé- 
dera aux  menaces  qui  ont  failli  amener  la  perte  de  Jéru- 
salem et  des  fidèles.  Un  second  tableau  débute  par  la  pro- 
messe de  l'effusion  de  l'esprit  divin,  qui  sera  donné  à  tous 
dans  la  mesure  la  plus  abondante.  Des  prodiges  effroyables 
marqueront  l'arrivée  du  «  jour  de  Yahvéh  »  ;  le  salut  sera 
seulement  sur  la  montagne  du  Temple,  où  Yahvéh  abri- 
tera ses  fidèles.  Au  suprême  assaut  tenté  par  les  nations 
étrangères  contre  Jérusalem,  Yahvéh  opposera  son  bras 
invincible,  et  les  fils  d'Israël,  groupés  autour  du  Temple, 
jouiront  désormais,  sous  la  direction  immédiate  de  la  divi- 
nité, d'une  paix  et  d'une  prospérité  sans  égales.  —  Ce  sont 
là  ce  qu'on  pourrait  appeler  des  exercices  de  rhétorique 
sacrée  sur  un  thème  cher  à  l'imagination  juive  après  que 
la  restauration  des  services  du  culte  eut  été  opérée  par  les 
soins  d'Esdras  et  de  Néhémie;  le  court  livre  de  Joël  sup- 
pose ces  services  parfaitement  organisés  de  longue  date. 
C'est  une  sorte  de  résumé  de  l'apocalyptique  ou  de  l'es- 
chatologie au  m®  siècle  avant  notre  ère.      M.  Vernes. 

BiBL.  :  A,  Merx,  Die  Prophétie  des  Joël  und  ihre  Ans- 
/egfer,1879.  —  CoRmLL, Einleitung  indasA.  T.,  1892,  pp.  174 
et  suiv.,  2«  éd.  —  Vernes,  Mélanges  de  critique  religieuse, 
1880,  pp.  218  et  suiv.—  Du  même,  Ùu  Prétendu  Polythéisme, 
1891,  t.  II,  pp.  309  et  suiv. 

JOËL,  historien  byzantin,  de  la  fin  du  xu®  et  du  com- 
mencement du  xm^  siècle.  Sa  vie  nous  est  totalement  in- 
connue. Il  a  écrit  une  chronographie  générale,  y^poyo^pix^ioi, 
£v  auvo^'ci,  qui  commence  à  Adam  pour  finir  à  la  prise  de 
Constantinople  par  les  Latins  en  1204.  Son  ouvrage  est  des 
plus  médiocres,  sans  style  et  sans  valeur  historique. 

BiBL.  :  ,ToËL,  Corpus  script,  hist.  byz.;  Bonn,  1836.  ~ 
Karl  Krumbacher,  Gesch.  der  byz.  Lilt.,  1891, p.  148. 

JŒNSSEN  (Erik)  (V.  Dâhlberg  [Comte]). 

JŒUF.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr.  et 
cant.  de  Briey  ;  2,341  hab. 

JOFFREDI  ou  JOFRIDI  (Jean  de),  cardinal  français, 
né  à  Luxeuil  en  1412,  mort  en  1473.  Evêque  d'Arras, 
puis  d'Albi,  il  remplit  plusieurs  missions  diplomatiques 
sous  Louis  XL  C'est  par  son  intermédiaire  et  non  sans  son 
influence  que  Louis  XI  abolit,  et  à  l'étonnement  de  tous,  la 
pragmatique  sanction  de  Bourges  (1463);  d'ailleurs,  le 
patronat  autre  que  royal  le  gênait,  et  il  obtint,  par  la 


JOFFREDI  —  JOHANNIS 


—  170  — 


convention  de  1470,  que  le  pape  ne  nommerait  que  des 
Français  et  tiendrait  compte  de  la  recommandation  du  roi. 

JOFFREYdeLa Cour-au-Chantre  (Abraham-Hubert  de) , 
général  suisse  au  service  de  la  France,  né  le  29  nov,  1675, 
mort  à  Arras  le  19  mars  1748.  D'une  noble  famille  du 
pays  de  Vaud,  il  entra  à  dix  ans  comme  cadet  dans  un  ré- 
giment suisse.  En  1692,  à  dix-sept  ans,  a}ant  bravement 
combattu  à  Fleurus,  blessé  à  Steinkerque,  il  fut  nommé 
sous-lieutenant.  Capitaine  l'année  suivante,  chef  de  com- 
pagnie en  1704,  il  se  signala  dans  la  guerre  de  la  succes- 
sion d'Espagne.  En  1738,  il  fut  colonel  propriétaire  de  son 
régiment.  Il  abjura  le  protestantisme  dans  les  dernières 
années  de  sa  vie.  On  lui  doit  une  Histoire  du  régiment 
de  Joffrey  jusqu'en  il 42  et  des  Mémoires  sur  les  pri- 
vilèges de  la  nation  suisse  en  France,  Kuhne. 

JOFFRIN  (Julien)  (V.  Jodelet). 

JOFFRIN  (Jules-François-Alexandre),  homme  politique 
français,  né  à  Troyes  le  16  mars  1846,  mort  à  Paris  le 
17  sept.  1890.  Ouvrier  mécanicien,  il  se  lança  de  bonne 
heure  dans  la  politique,  et,  vers  la  fin  de  l'Empire,  il  était 
connu  comme  un  socialiste  militant.  Après  avoir  servi  aux 
mobiles  de  la  Seine  pendant  la  guerre  franco-allemande, 
il  fut  compromis  dans  les  affaires  de  la  Commune  et  put 
se  réfugier  en  Angleterre  où  il  demeura  jusqu'à  l'amnistie 
de  1881.  Membre  du  parti  ouvrier,  il  se  présenta  sans  suc- 
cès aux  élections  législatives  de  1881  à  Saint-Denis  et  à 
Montmartre.  Il  fut  plus  heureux  le  7  mai  1882,  date  à 
laquelle  le  quartier  des  Grandes-Carrières  l'envoya  siéger 
au  conseil  municipal.  Réélu  par  Clignancourt  en  1886  et 
1887,  vice-président  de  l'assemblée  en  1888-89,  il  était 
chef  du  parti  possibiliste  au  moment  de  l'aventure  boulan- 
giste.  Malgré  les  souffrances  presque  intolérables  que  lui 
causait  un  cancer  à  la  bouche,  Joffrin  entama  une  lutte 
énergique  contre  le  boulangisme.  Diffamé  par  les  journaux 
Vlntransigeant  et  la  France,  il  leur  intenta  un  procès  où 
il  obtint  gain  de  cause;  le  22  sept.  1889,  il  était  élu  dé- 
puté par  la  deuxième  circonscription  du  XVIll®  arrondis- 
sement de  Paris,  avec  5,500  voix.  Le  général  Boulanger 
y  avait  obtenu  7,811  suffrages,  mais  comme  il  était  con- 
damné contumace,  et  par  suite  inéligible,  la  commission 
de  recensement  proclama  Joffrin,  qui  ne  fut  admis  à  la 
Chambre  qu'après  un  débat  des  plus  importants  et  des 
plus  mouvementés.  Les  boulangistes  le  poursuivirent  de 
leur  haine,  et  son  intervention  dans  une  interpellation  re- 
lative aux  secours  accordés  par  le  conseil  municipal  aux 
grévistes  du  Rhône  donna  heu  à  des  scènes  de  tumulte 
telles  qu'il  fallut  expulser  de  la  salle  des  séances  MM.  Dé- 
roulède,  Millevoye,  Laguerre  (janv.  1890).  Joffrin  repous- 
sait courageusement  ces  attaques,  mais  la  maladie  qui  le 
minait  l'emporta  prématurément. 

J06AND  (Maurice),  romancier  français,  né  à  Marseille 
le  21  mai  1850.  Journaliste  républicain,  il  débuta  dans  le 
roman  en  1876,  avec  V Orpheline  d'Endoume^  la  Ven- 
geance du  Bâtard,  les  Trois  Empoisonneuses  et  VEn- 
fant  de  la  Folle  ;  ce  fut  sur  le  succès  de  ce  dernier  ou- 
vrage que  le  jeune  romancier  vint  à  Paris,  où  il  se  fit 
éditer  en  livraisons  illustrées  et  réussit  si  bien  qu'il  s'adonna 
presque  exclusivement  à  ce  mode  de  publication  où  il  a 
obtenu  de  réels  succès.  Il  a  adopté  le  pseudonyme  de  Marc 
Mario  pour  se  distinguer  de  son  frère. 

JOGAND-Pagès  (Gabriel-Antoine),  dit  Léo  Taxil^  écn- 
vain  français,  né  à  Marseille  le  20  mars  1854.  Elève  des 
jésuites,  il  débuta  par  une  propagande  anticléricale  for- 
cenée, d'un  caractère  diffamatoire,  fonda  une  librairie  an- 
ticléricale, subit  plusieurs  condamnations  pour  outrage  à 
la  morale  publique,  diffamation,  fraudes  littéraires,  fut 
expulsé  de  la  franc-maçonnerie.  En  1885,  il  fit  volte-face; 
après  une  bruyante  abjuration,  il  fut  absous  par  le  pape  et 
s'adonna  à  la  rédaction  de  pamphlets  contre  les  libres  pen- 
seurs. Ses  principaux  ouvrages  sont  :  les  Soutanes  gro- 
tesques (1879,  in-8);  la  Chasse  aux  Corbeaux  (1879, 
in-18)  ;  les  Bêtises  sacrées  (1881,  in-18);  les  Porno- 
graphes  sacrés,  la  confession  et  les  confesseurs  (1882, 


in-18)  ;  la  Bible  amusante  (1882,  in-4);  V Empoison- 
neur Léon  XIII (1883,  in-18);  les  Maîtresses  du  pape 
(1884,  in-8);  Vie  de  Jésus  (1884,  in-18)  ;  puis  dans  son 
esprit  nouveau  :  Révélations  complètes  sur  la  franc- 
maçonnerie  {iSHo/d  y  o\,  in-18);  Cojifession  d'un  ex- 
libre penseur  {i%^l ,  in-18);  Histoire  anecdotique  de 
la  troisième  République  (1887,  in-18);  la  France 
maçonnique  (1888,  in-18)  ;  la  Ménagerie  républicaine 
(1889,  in-18);  la  Corruption  fin-de-siècle  (1891, 
in-18). 

JOGANVILLE.  Com.  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de 
Valognes,  cant.  de  Montebourg;  131  hab. 

JOH'ANAN  BEN  Zaccaï,  docteur  juif,  florissant  de  60  à 
80  après  J.-C.  Il  peut  être  considéré  comme  un  véritable 
sauveur  du  judaïsme,  à  l'heure  la  plus  malheureuse  de  son 
histoire,  alors  que  la  destruction  du  Temple  de  Jérusalem 
mettait  en  grand  danger  l'existence  même  de  la  religion 
juive.  Patriote,  mais  esprit  clairvoyant,  il  comprit  l'inuti- 
lité de  la  résistance  des  Juifs  et  leur  conseilla  de  chercher 
sagement  la  paix  dans  la  soumission  aux  Romains.  Sa  voix 
ne  fut  pas  écoutée.  Il  chercha  alors  à  préparer,  avant  la 
catastrophe,  le  salut  du  judaïsme,  en  transportant  à  Jabné, 
avec  l'autorisation  de  Titus,  le  sanhédrin  de  Jérusalem  et 
en  y  fondant  une  école  destinée  à  faire  de  cette  ville  un 
nouveau  centre  de  religion  et  de  science.  Pour  sortir  de  la 
ville  assiégée  sans  être  aperçu  par  les  partisans  de  la  ré- 
sistance, il  s'enferma  dans  un  cercueil  et  se  fit  ainsi  trans- 
porter hors  des  murs  de  l'enceinte.  Ses  explications  agga- 
diques  qui  renferment,  il  est  vrai,  un  fonds  de  mysticisme, 
nous  révèlent  un  esprit  pratique,  sage  et  élevé.  Au  milieu  du 
désarroi  qui  suivit  la  chute  du  Temple,  son  enseignement 
rétablit  l'union  et  la  cohésion  au  sein  du  judaïsme  et,  plus 
d'une  fois,  attira  sur  les  vaincus  la  sympathie  de  Titus  et  de 
Vespasien.  On  dit  qu'il  vécut  cent  vingt  ans.      S.  Debré. 

BiBL.  :  Graetz,  Gescfiichte  der  Juden  ;  Berlin,  1853,  IV, 
ch.  I.  ~  Bâcher,  Die  Agada  der  Jannaïten.  —  Fraenkel, 
Tarké  hammichna. 

JOHANN,  JOHANNES  (V.  Jean). 

JOHANN  A  (Comores)  (V.  Anjouan). 

JOHANNARD  (François-Auguste),  homme  politique 
français,  né  à  Beaune  le  14  déc.  1837,  mort  à  Londres 
en  oct.  1888.  Ouvrier  fleuriste,  puis  employé  de  com- 
merce, il  eut  une  part  active  à  l'organisation  de  l'Inter- 
nationale des  travailleurs,  fut  membre  du  conseil  général 
de  cette  association  à  Londres  et  fonda,  le  8  févr.  1870, 
la  section  française  du  faubourg  Saint-Denis.  Enfermé 
pour  ce  fait  à  Mazas,  il  fut  délivré  le  4  septembre.  Can- 
didat malheureux  à  l'Assemblée  nationale,  il  fut  élu  le 
16  avr.  1871  membre  de  la  Commune  par  le  II®  arron- 
dissement de  Paris  et  devint  le  22  avr.  membre  de  la 
commission  des  relations  extérieures.  Le  17  mai,  il  était 
délégué  comme  commissaire  civil  auprès  du  général  La 
Cecilia.  Il  vota  l'organisation  du  comité  de  Salut  public  et 
après  la  chute  de  la  Commune  put  se  réfugier  en  Angle- 
terre, où  il  créa  une  fabrique  de  corsets  à  Manchester. 

JOHANN  EAU  (Eloi),  érudit  français,  né  à  Contres  (Loir- 
et-Cher)  le  2  oct.  1770,  mort  à  Paris  le  25  juil.  1851. 
Professeur  au  collège  de  Blois  (1791),  directeur  d'une  pen- 
sion privée  (1792-94),  il  fonda  en  1803  l'Académie  cel- 
tique qui  devint  en  1813  la  Société  des  Antiquaires  de 
France.  Censeur  de  la  Hbrairie  (1811-14),  Johanneau  fut 
pourvu  sous  la  Restauration  de  la  sinécure  de  conservateur 
des  monuments  d'art  des  résidences  royales.  Il  a  laissé  un 
très  grand  nombre  d'ouvrages  parmi  lesquels  nous  men- 
tionnerons :  Monuments  celtiques  (Pans,  1805,  in-8); 
Mélanges  d'origines  étymologiques  et  de  questions 
grammaticales  (1818,  in-8)  ;  Lettres  sur  la  géographie 
numismatique  (1849,  in-8);  des  éditions  critiques  de 
Martial,  de  Montaigne,  de  P.  Charron,  de  Rabelais,  etc. 

JOHANNIS  ou  JANSSENS  (Erasme),  théologien  belge, 
né  vers  1540,  mort  à  Klausenburg  vers  1600.  Il  était 
recteur  du  collège  d'Anvers  quand  il  se  convertit  aux  doc- 
trines de  la  Réforme.  Il  se  réfugia  alors  en  Hollande  et 


171  — 


JOHANNIS  —  JOHN 


devint  recteur  au  collège  d'Embden.  Il  adopta  ensuite  les 
idées  sociniennes,  et,  après  avoir  erré  de  ville  en  ville,  il  se 
rendit  en  Pologne,  où  depuis  le  règne  de  Sigismond  P^les 
sectateurs  du  socinianisme  étaient  fort  nombreux.  En  1584, 
à  Cr^covie,  il  provoqua  les  unitaires  à  une  discussion  pu- 
bllque  et  soutint  contre  leur  champion  FausteSocin  «  que  le 
Christ  avait  été  créé  de  rien  avant  toutes  les  autres  créa- 
tures »•  Cette  espèce  de  tournoi  théologique  dura  deux  jours 
et  eutno  grand  retentissement  en  Allemagne.  Quelque  temps 
après,  Johannis  se  rétracta,  et  devint  ministre  de  la  secte 
des  unitiii'*6s  en  Transylvanie;  il  y  passa  ses  dernières 
années  dans  robscurité." 

BiBL.  •  BoR,  Histoire  des  guerres  des  Pays-Pas  (en 
holIand.)i  Amsterdam,  1679,  6  vol.  in-fol.  —  Paquot,  Mé- 
moires pour  servir  à  l'histoire  littéraire  des  Pays-Bas; 
Louvaiïh  1765-70,  3  vol.  in-fol.  —  Diercxsens,  Antverpia 
Christo  riascens  et  crescens  ;   Anvers,  1773,  in-fol. 

JOHANNISBERG.  Bourg  de  Prusse,  district  de  Wies- 
baden,  dans  le  Rheingau;  1,400  hab.  Au  pied  d'une  col- 
line de  185  m.  d'alt,  qui  porte  un  magnifique  château. 
Celui-ci  fut  édifié  en  17*1^2-23  sur  les  ruines  d'une  abbaye 
bénédictine  fondée  en  1090,  abolie  en  1563,  ressortissant 
à  Fulda;  il  fut  donné  à  Kellermaun  en  1807,  au  prince 
de  Metternich  en  1814.  Sa  valeur  tient  au  vignoble  de 
16  hect.  qui  en  dépend  et  produit  le  plus  fameux  des  vins 
du  Rhin.  —  Au  voisinage  sont  les  châteaux  de  Schwarx^- 
enstem,  Johannisburg,  etc. 

JOHANN ISBURG.  Ville  de  Prusse,  district  de  Gum- 
binnen,  sur  le  lac  Rosche;  3,300  hab.  Son  château,  bâti 
en  1345,  eut  jadis  une  grande  importance;  un  canal  de 
6  kil.  joint  la  ville  au  lac  Spirding  et  se  relie  aux  canaux 
de  Masurie,  qui  créent  dans  cette  région  un  réseau  de  voies 
navigables.  A  l'O.  s'étend  la  vaste  lande  de  Johannis- 
burg,  longue  de  iOO  kil.,  large  de  45  kil. 

JOHANN ITES.  1«  Chevaliers  de  l'Hôpital  ou  de  Saint- 
Jean-de-Jérusalem  (V.HôprrAL,  Rhodes,  Malte).  —  2®  Che- 
valiers de  Saint-Jean-Baptiste  et  de  Saint-Thomas  (V.  Hô- 
pital et  Thomas)  . 

JOHANNOT  (Jean),  homme  politique  français,  né  à  Ge- 
nève le  30  juin  1748,  mort  à  Echichens,  cant.  de  Vaud 
(Suisse)  le  15  janv.  1829.  Descendant  d'une  famille  pro- 
testante de  l'Ardèche,  réfugiée  en  Suisse  après  la  révoca- 
tion de  l'édit  de  Nantes,  il  s'occupa  d'abord  de  commerce 
dans  sa  ville  natale.  En  1787,  il  vint  en  Alsace  pour  diri- 
ger la  fabrique  des  toiles  peintes  à  Wesserling.  En  1789, 
il  réunit  une  troupe  de  volontaires  à  la  tête  de  laquelle  il 
battit  et  dispersa  une  bande  d'insurgés  dans  la  vallée  de 
Saint- Amarin.  En  1792,  il  entra  au  directoire  du  dép.  du 
Haut-Rhin,  et  en  était  président  quand  il  fut  élu  à  la  Con- 
vention. Dans  le  procès  de  Louis  XVI,  il  vota  pour  la  mort 
et  pour  le  sursis.  Il  fit  constamment  partie  du  comité  des 
finances,  et  proposa  en  germinal  an  lll  la  démonétisation 
des  assignats.  Il  fit  aussi  partie  de  la  commission  chargée 
d'examiner  la  conduite  des  anciens  membres  des  comités. 
Au  conseil  des  Anciens,  où  il  siégea  jusqu'au  20  mai  1797, 
il  continua  à  s'occuper  des  questions  financières.  Sorti  de 
la  vie  politique,  Johannot  se  fixa  à  Vaucresson  (Seine-et- 
Oise),  y  établit  une  manufacture  de  cordes  et  fut  maire  de 
cette  commune  de  1799  à  1810.  Il  signa  l'acte  addition- 
nel lors  des  Cent-Jours  et,  exilé  en  1816,  il  se  retira  en 
Suisse,  où  il  avait  conservé  ses  propriétés.  Il  ne  rentra  pas 
en  France  quoiqu'il  en  obtînt  la  permission  en  1818. 

JOHANNOT  (François),  peintre,  manufacturier  et  intro- 
ducteur de  la  lithographie  en  France,  né  à  Offenbach 
(Hesse-Darmstadt)  vers  1760,  mort  à  Mannheim  en  1838. 
Petit-fils  d'un  fabricant  de  papiers  de  luxe  à  Annonay,  qui 
transporta  son  industrie  en  Allemagne  à  la  suite  de  la 
révocation  de  l'édit  de  Nantes,  il  s'adonna  d'abord  à  la 
peinture  des  fleurs,  vint  ensuite  à  Lyon  pour  y  apprendre 
le  métier  de  tisseur  en  soie,  et  établit  dans  sa  ville  natale 
une  manufacture  de  soieries.  Simultanément  avec  Sene- 
feider,  il  s'occupa  des  recherches  qui  aboutirent  à  l'inven- 
tion de  la  lithographie  (V.  ce  mot),  en  association  avec 
son  cousin  Charles  André,  et  ils  furent  les  premiers  à 


importer  cet  art  nouveau  à  Pans,  en  1806,  sans  que  le 
succès  couronnât  leurs  efforts.  Il  exerça  ensuite  les  fonc- 
tions d'inspecteur  de  la  librairie  à  Lyon,  et,  ayant  perdu 
sa  place  en  1818,  il  retourna  en  Allemagne.       G.  P-i. 

JOHANNOT  (Charles),  graveur  français,  né  à  Offenbach 
(Hesse-Darmstadt),  en  1788,  mort  à  Paris  en  1825,  fils 
aîné  du  précédent.  Artiste  de  talent,  il  a  exécuté  de  bonnes 
gravures  au  pointillé  pour  une  édition  de  l'/lmm^a  du  Tasse, 
pubhée  en  1813.  On  lui  doit  aussi  le  Trompette  blessé, 
reproduction  d'une  toile  d'Horace  Vernet.    Challamel. 

JOHANNOT  (Charles- Henri-Alfred),  peintre,  graveur  et 
dessinateur  français,  né  à  Francfort-sur-le-Main  le  21  mars 
1800,  mort  à  Paris  le  7  déc.  1837.  Elève  et  frère  du 
précédent,  il  acquit  de  la  léputation  avec  les  Orphelins, 
d'après  Scheffer,  en  1824,  et  se  distingua  particulière- 
ment par  de  nombreuses  vignettes  qui  ont  illustré  les 
ouvrages  de  lord  Byron,  de  Walter  Scott  et  de  Fenimore 
Cooper.  En  1831,  il  se  livra  surtout  à  la  peinture,  et 
exposa  Don  Juan  naufragé.  On  lui  doit  la  Vie  de  saint 
Hippolyte  qui  se  trouve  dans  l'église  Notre-Dame  de 
Lorette,  à  Paris;  un  tableau  remarquable,  l'Entrée  de 
i)F^^  de  Montpensler  à  Orléans,  pendant  la  Fronde 
(1833),  qui  a  figuré  au  musée  du  Luxembourg;  la  Ba- 
taille de  Brattelen,  au  muséee  de  Versailles;  Marie 
Stuart  quittant  l'Ecosse  (1837)  ;  François  de  Lorraine, 
duc  de  Guise,  après  la  bataille  de  Dreux  (1836)  pour 
le  château  d'Eu  ;  P Embarquement  d'Elisabeth  d'Angle- 
terre à  Kenilworth  (1840),  composé  par  lui,  peint  par 
son  frère  Tony.  Challamel. 

JOHANNOT  (Tony),  peintre  et  graveur  français,  frère 
des  précédents,  né  à  Offenbach  le  9  nov.  1803,  mort  à 
Paris  le  4  août  1852.  Il  travailla  avec  Alfred  aux  illustra- 
tions de  Walter  Scott  et  de  Fenimore  Cooper,  inaugura 
le  genre  des  illustrations  dans  le  texte,  pour  les  œuvres 
de  Molière,  le  Diable  boiteux  et  Don  Quichotte,  con- 
courut au  succès  de  Manon  Lescot,  du  Voyage  sentimen- 
tal, du  Faust,  des  Contes  de  Nodier,  et  d'autres  ouvrages 
qu'il  enrichit  de  ses  vignettes  interprétant  avec  un  tact 
remarquable  les  beautés  du  texte.  Nous  rappellerons  en 
outre  des  gravures  publiées  à  part,  notamment  les  Enfants 
égarés,  d'après  Scheffer,  qui  datent  de  1827.  Parmi  ses 
tableaux,  on  cite  :  la  Bataille  de  Rosebecque  (1839)  et 
Louis  VU  forçant  le  passage  du  Méandre  (1841),  qui 
sont  au  musée  de  Versailles  ;  Louis-Philippe  offrant  à 
la  reine  Victoria  deux  tapisseries  des  Gobelins  (1846), 
au  château  d'Eu;  Scène  de  pillage  en  i525  (1852),  etc. 
JOHN  Bull(V.  BuLL[JohnJ). 
JOHN  0  Groat.  Ce  nom  qui  fut  celui  d'un  passeur  fai- 
sant le  service,  au  xv^  siècle,  au  pied  du  cap  Duncansby, 
sert  encore  à  désigner  cette  pointe  extrême  de  l'Ecosse. 
La  maison  de  Johnny  o  Groat  a  disparu  depuis  longtemps. 
JOHN  (Franz,  baron  de),  général  et  homme  politique 
autrichien,  né  à  Bruck  le  20  nov.  1815,  mort  à  Vienne 
le  26  mai  1876.  Capitaine  au  début  de  la  guerre  d'Italie 
de  1848,  il  se  distingua  à  Custozza,  et  devint  un  personnage 
important  de  l'état-major  en  attendant  le  grade  de  colonel 
qu'il  obtint  en  1857.  Chef  d'état-major  en  Tirol,  puis  en 
Vénétie,  il  devint,  en  1861  major  général,  et  en  1866, 
après  la  seconde  victoire  de  Custozza  qu'on  lui  devait  en 
partie,  feld-maréchal-lieutenant.  Au  mois  d'octobre  de  la 
même  année,  il  fut  appelé  au  ministère  de  la  guerre,  por- 
tefeuille qu'il  conserva  seulement  jusqu'en  janv.  1868. 
Feldzeugmeister  en  1873,  il  occupait  au  moment  de  sa 
mort  le  poste  de  chef  de  l'état-major  général. 

JOHN  (Eugénie),  connue  sous  le  surnom  de  Marlitt, 
romancière  allemande,  née  à  Arnstadt  (Thuringe)  le  5  déc. 
1825,  morte  à  Arnstadt  le  22  juin  1887.  Fille  d'un  mar- 
chand, sa  belle  voix  lui  valut  la  protection  de  la  princesse 
de  Schwarzburg-Sondershausen  ;  elle  acheva  son  éducation 
musicale  à  Vienne,  entra  au  théâtre,  mais  dut  le  quitter 
pour  une  maladie  de  l'ouïe.  Elle  fut  alors  pendant  une 
dizaine  d'années  lectrice  de  la  princesse,  puis  se  retira  à 
Arnstadt  (1863).  A  partir  de  ce  moment,  elle  se  consacra 


JOHN  —  JOHNSON 


—  472  — 


à  la  rédaction  de  romans  qui  parurent  dans  la  Gartenlaube 
et  obtinrent  un  succès  universel  ;  ce  sont  des  romans  à 
thèse,  où  Marlitt  combat  des  préjugés  sociaux  ;  ils  sont  vi- 
vants et  intéressants,  mais  d'une  médiocre  psychologie,  assez 
maniérés  et  d'une  vérité  douteuse  :  Die  zwœlf  Aposteln 
(Leipzig,  1863);  Goldelse  (J866;  i8«  éd.,  1885);  Blaubart 
(1866);  Das  Geheimniss  der  alten  Mamsell  (1867)  ; 
Thuringer  Erzœhlungen  (1 869)  ;  Reichsgrœfin  Gisela 
(1869)  ;  DasHeideprmzesschen(iS"Ji)  ;  Diezweite  Frau 
(1873)  ;  Im  Hause  des  Kommcrzienrats  (1877)  ;  [m 
Schilling shof  (1880);  Amtsmanns  Magd  (1881)  ;  Die 
Frau  mit  den  Karfunkelsteineii  (488o).     A. -M.  B. 

JOHN  (Richard-Eduard),  juriste  allemand,  né  à  Ma- 
rienwerder  le  17  juil.  1827,  mort  en  sept.  1889.  Profes- 
seur des  universités  de  Kœnigsberg(1856),de  Kicl  (1868), 
Gœttingue  (1869),  député  à  la  Chambre  prussienne  (1862- 
67),  un  des  fondateurs  du  parti  national-libéral,  il  fut  un 
des  criminalistes  les  plus  remarquables  de  notre  époque.  Ses 
principaux  ouvrages  sont  :  DasStrafrechtinNoi^ddeutsch- 
landzur  Zeit  der  Gesetzbûcher  (1858)  ;  Die  Lehre  vom 
fortgesetzten  Verbrechen  (Berlin,  1860)  ;  Ueber  Straf- 
anstalten  (Berlin,  1865)  ;  Entwiirf  zu  einem  Straf- 
gesetzbuch  (1868)  ;  Ueber  Geschwornengerichte  und 
Schœffcngerichte  (Berlin,  1872).  Il  a  exposé  ses  idées 
dans  l'encyclopédie  juridique  de  Holtzendorff  et  rédigé  dans 
la  collection  de  Bezold  (Gesetzgebung  des  Deutschen 
Ueiches)  la  partie  relative  au  droit  pénal  (Erlangen, 
(1881-84).  A.-M.  B. 

JOHN  ES  (Thomas)  (V.Jones). 
JOHNSON  (Richard),  écrivain  anglais,  baptisé  à  Lon- 
dres le  24  mai  1573,  mort  vers  1659.  On  ne  sait  rien  de 
sa  vie.  Il  débuta  par  Nine  Worthies  of  London  (1592, 
in-4)  et  donna  bientôt  le  hvre  qui  fit  sa  réputation  et  qui 
fut  extrêmement  populaire,  Famous  Historié  of  the  sea- 
ven  Champions ofChristendom(i^91,  in-4,  2^  éd.).  En- 
couragé par  le  succès,  Johnson  se  mit  à  écrire  force  romans 
dont  les  plus  intéressants  sont:  Pleasant  Conceites  of  old 
Hobson(i601 ,  in-12),  réimprimé  en  1843  par  la  Percy 
Society  ;  The  Most  Pleasant  History  of  Tom  à  Lincolne 
(1607);  The  Golden  Garland  of  princely  pleasures  and 
délicate  delights  (1620,  in-12,  3^  éd.),  chants  et  sonnets  ; 
The  History  of  Tom  Thumbe  (1621,  in-12).      R.  S. 

JOHNSON  (Edward),  historien  américain,  né  dans  le 
Kent  (Angleterre)  en  1600,  mort  à  Woburn  (Massachu- 
setts)le  23  avr.  1672.  Auteur  d'une  intéressante  History  of 
New  England  de  1628  à  1652,  insérée  dans  Massachus- 
setts  historical  Collections,  aux  t.  Il,  III,  IV,  VII  et  Vllt. 
JOHNSON  (Benjamin)  (V.  Jonson). 
JOHNSON  (Samuel),  théologien  et  polémiste  anglais, 
né  en  1647,  mort  en  mai  1703.  Chapelain  domestique  de 
sir  William  Russel,  il  mit  ses  connaissances  sur  l'histoire 
constitutionnelle  de  son  pays  au  service  du  parti  whig.  Dès 
1681  il  entra  en  polémique  avec  Hickes  au  sujet  du  pa- 
pisme et  des  tendances  papistes  du  duc  d'York,  le  futur 
Jacques  II.  Condamné  par  Jeffreys  (nov.  1683)  à  la  dé- 
tention, il  ne  laissa  pas  de  publier  des  pamphlets  antipa- 
pistes, notamment,  en  1686,  An  Humble  and  Hearty 
Address  to  ail  the  english  protestants  in  the  présent 
Army^  qui  fut  distribuée  aux  soldats  du  camp  de  lïouns- 
low  Heath.  Pour  ce  pamphlet,  il  fut  dégradé  de  la  prê- 
trise, exposé  au  pilori,  et  reçut  317  coups  de  fouet  de 
Newgate  à  Tyburn.  En  1689,  le  Parlement  whig  annula  la 
procédure  infamante  de  1686,  et  recommanda  à  Guil- 
laume III  ce  martyr  de  la  tyrannie  de  Jacques  II  pour  un 
bénéfice.  On  lui  oiSPrit  le  titre  de  doyen  de  Durham  ;  il  re- 
fusa; il  espérait  mieux.  Aigri  par  cette  déception,  il  se 
laissa  aller  à  dénoncer  les  apologies  hypocrites  de  la  Ré- 
volution, faites  par  les  courtisans  de  Guillaume  III,  qui  ne 
renonçaient  point  à  la  doctrine  du  droit  divin.  On  lui  prêta 
ce  mot  que  le  seul  titre  de  Guillaume  était  la  volonté  du 
peuple,  et  que  si  les  rois  n^étaient  responsables  que  devant 
Dieu  seul,  le  Rump  Parliament  avait  bien  fait  jadis  d'en- 
voyer Charles  P*'  devant  Lui.   Une  grosse  pension  ne 


l'apaisa  pas.  En  1602,  il  publia  un  exposé,  à  sa  manière, 
des  principes  de  la  Révolution  :  An  Argument  proving 
that  the  Abrogation  of  King  James  was  according  io 
the  Constitution  of  the  English  Government,  qui  lui 
valut,  de  la  part  d'adversaires  masqués,  des  coups  de  bâton. 
Ses  œuvres  complètes  ont  été  réunies,  sous  le  titre  de  Memo- 
rials,  en  1  vol.  in-fol.  (Londres,  1710;  2^ éd.,  1713).  L. 
JOHNSON  (Benjamin),  acteur  anglais,  né  vers  1665, 
mort  en  août  1742.  A  partir  de  1696  jusqu'à  sa  mort,  il 
joua  sur  les  scènes  de  Drury  Lane  et  de  Ilaymarket,  avec 
un  très  grand  succès,  les  premiers  rôles  des  pièces  de 
Farquhar,  de  Mrs.  Centlivre,  de  Congreve,  de  Ben  Jon- 
son. Il  était  plus  correct  que  brillant,  mais  surtout  extrê- 
mement consciencieux.  Aussi  durant  sa  longue  carrière  ne 
perdit-il  jamais  la  faveur  du  public.  R.  S. 

JOHNSON  (Charles),  auteur  dramatique  anglais,  né  en 
1679,  mort  le  11  mars  1748.  Inscrit  au  Middle  Temple  en 
1701,  il  dut  à  sa  liaison  avec  le  célèbre  acteur  Robert 
Wilks  le  penchant  pour  le  théâtre  qui  lui  fit  abandonner 
la  jurisprudence.  Après  des  débuts  peu  brillants,  il  donna  à 
Drury  Lane  une  bonne  comédie,  The  Wife's  Relief  (12  déc. 
1711).  Son  succès  lui  monta  tellement  la  tête  qu'il  ne  crai- 
gnit point  d'attaquer  Pope  qui  se  vengea  en  raillant  cruel- 
lement, dans  la  Dunciade,  sa  fatuité  et  sa  fécondité.  Hardi 
plagiaire,  Johnson  a,  en  effet,  laissé  de  nombreuses  pièces, 
parmi  lesquelles  nous  citerons:  Country  Lasses  (1715), 
qui  tint  l'affiche  jusqu'à  la  fin  du  xvni'^  siècle;  The  Sticcess- 
ful  Pijrate  (1713);  The  Female  fortune  teller  (1726)  ; 
The  Sultaness  (1717),  adaptation  du  /)(2/az-^/^  de  Racine  ; 
The  Victim  (1714),  adaptation d'//?/iz^^'72z^.        R.  S. 

JOHNSON  (Le  capitaine  Charles),  littérateur  anglais  du 
xvm^  siècle.  On  ne  sait  rien  de  sa  vie  et  il  est  plus  que  pro- 
bable que  son  nom  est  un  pseudonyme.  Quoi  qu'il  en  soit, 
c'est  sous  ce  nom  que  parut  un  livre  qui  a  eu  une  fortune 
incroyable  :  A  Gejieral  History  ofthe  robberies  and  mur- 
ders  of  the  most  notorious  pyrates,  etc.  (Londres,  1724, 
in-8),  trad.  en  hollandais  (1727),  en  allemand  (1728),  on 
français  (1726)  et  souvent  réimprimé.  On  a  publié  sous  le 
même  nom  :  A  General  History  of  the  lives  and  adven- 
tures  of  the  most  famous  highivay  men,  murderers, 
Street  robbers^  etc.  (Londres,  1734,  in-foL),  ouvrage  fort 
recherché  des  bibliophiles  pour  ses  belles  gravures,  mais 
qui  n'est  qu'une  réimpression  des  Hightvaymen  d'Alexan- 
der  Smith.  R.  S. 

JOHNSON  (Samuel),  célèbre  écrivain  anglais,  né  à 
Lichfield  le  18  sept.  1709,  mort  à  Londres  le  13  déc.  1784. 
Fils  d'un  petit  libraire,  il  eut  une  enfance  souffreteuse  et 
témoigna,  en  même  temps  qu'une  hypocondrie  innée,  une 
précocité  extraordinaire.  Grâce  à  la  bienveillance  d'un 
gentilhomme,  il  put  suivre  les  cours  de  l'université 
d'Oxford  (1728)  où  sa  laideur,  sa  pauvreté,  son  habituelle 
mélancolie  lui  attirèrent  mille  vexations.  Encore  fut-il  obligé 
d'interrompre  prématurément  ses  études.  Il  vécut  quelque 
temps  grâce  à  d'obscures  besognes  de  librairie  et  occupa  un 
emploi  inférieur  dans  une  école  privée  deMarket  Bosworth. 
Le  9  juil.  1735,  il  épousait  Mrs.  Porter,  veuve  d'un  mer- 
cier de  Birmingham,  de  vingt  ans  plus  âgée  que  lui,  laide, 
rouge  et  fardée,  qu'il  aimait  romanesquement.  Les  deux 
époux  ouvrirent  une  institution  de  jeunes  gens  dans  les 
environs  de  Lichfield,  mais  leur  aspect  hétéroclite  épou- 
vantait parents  et  élèves:  ils  n'en  eurent  jamais  que  trois, 
dont  Garrick.  Johnson,  dégoûté  de  l'enseignement,  vinten 
1737,  accompagné  de  Garrick,  tenter  fortune  à  Londres. 
Il  avait  en  poche  une  tragédie,  Irène,  qu'il  offrit  vainement 
au  directeur  de  Drury  Lane.  Il  réussit  à  entrer  au  Gen- 
tleman's  Magazine,  oti  il  donna  de  1741  à  1744  un 
compte  rendu  assez  curieux  des  débats  du  Parlement.  Une 
satire  à  la  manière  de  Ju vénal,  London  (1738),  une  Vie 
de  Richard  Savage  (1744),  intéressante  étude  des  mœurs 
de  la  bohème  littéraire  du  temps,  commencèrent  à  le  tirer 
de  l'obscurité  où  il  végétait.  En  1747,  il  traçait  le  plan  de 
son  fameux  Dictionnaire  et,  durant  les  huit  années  de 
labeur  énorme  que  nécessita  sa  préparation,  il  pubHa  : 


—  473  — 


JOHNSON 


Vanity  of  human  wishes  (1749),  poème  qui  excita  l'ad- 
miration de  Byron  et  de  W.  Scott  ;  il  fit  représenter,  sans 
succès  d'ailleurs,  son  Irène  àDruryLane  (6  févr.  4749); 
il  entreprit  dans  son  Rambler  (20  mars  1750-44  mars 
4752)  tout  un  cours  de  morale,  parlant  tour  à  tour  des 
connaissances  utiles,  de  la  vengeance,  de  la  patience,  de 
la  retraite,  de  l'affectation,  de  la  chasse  aux  héritages,  etc. 
Ce  journal,  du  même  genre,  sinon  du  même  talent  que  le 
Spectateur  d'Addison,  passa  d'abord  presque  inaperçu. 
Mais  il  obtint,  quand  les  numéros  eurent  été  réunis  en  vo- 
lumes, dix  éditions  successives  et  établit  la  réputation  de 
moraliste  de  Johnson.  Il  était  célèbre;  il  fut  illustre  dès 
l'apparition  du  dictionnaire  {A  Dictionnary,  with  a 
Grammar  and  History  of  the  English  Lariguage,  4755, 
2  vol.  in-foL).  Ce  solide  travail,  pourtant  sans  valeur  phi- 
lologique, mais  remarquable  par  l'excellence  des  définitions 
et  le  choix  judicieux  des  exemples,  lui  conquit  du  premier 
coup  une  autorité  indiscutée.  Il  ne  lui  apporta  pas  la  ri- 
chesse. A  la  mort  de  sa  mère  (4759),  il  dut,  pour  payer 
les  frais  de  maladie  et  de  funérailles,  composer  en  une  se- 
maine cette  pessimiste  History  of  Rasselas,  prince  of 
Abyssinia,  qu'on  a  comparée,  sans  raison  d'ailleurs,  au 
Candide  de  Voltaire,  et  qui  est  la  plus  populaire  de  ses 
œuvres  (4775,  5^  éd.,  traductions  en  allemand,  en  français, 
en  italien,  en  hollandais,  en  bengali,  en  hongrois,  en  po- 
lonais, en  grec  moderne,  en  espagnol).  Vainement  il  avait 
tenté  de  conjurer  la  mauvaise  fortune  en  fondant  le  Lite- 
rary  Magazine  (4756-58)  puis  Vldter  (1758-60)  qui 
succombèrent  tour  à  tour.  Il  dépensait  en  charités  presque 
tous  ses  pauvres  revenus,  ayant  recueilli  dans  sa  maison, 
après  la  mort  de  sa  femme  (1752),  trois  vieilles  dames 
infirmes  et  un  médecin  sans  pratiques.  En  4762,  il  reçut 
enfin  du  gouvernement  une  pension  de  300  livres  qui  lui 
permit  d'envisager  des  jours  meilleurs.  Encore  nel'accepta- 
t-il  pas  sans  scrupules  et  se  crut-il  obligé  d'écrire,  par 
reconnaissance,  quelques  brochures  politiques  du  plus  pur 
torysme  :  The  FalseAlarm  (4770)  ;  Thoughtson  the  late 
transactions  respecting  Falkland  Islands  (1771),  The 
Patriot  (4774),  Taxation  no  tyranny  (4775).  Elles 
étaient  d'ailleurs  bien  conformes  à  ses  opinions,  car  il  pro- 
fessait, avec  sa  brutale  intransigeance,  que  «  le  whiggisme 
est  la  négation  de  tout  principe  ». 

Il  est  devenu,  sans  conteste,  un  véritable  dictateur 
littéraire.  Sa  critique  fait  loi,  il  est  l'arbitre  du  style. 
Dans  les  clubs,  qu'il  se  plaît  à  fonder,  on  rencontre  le 
peintre  Joshua  Reynolds,  le  docteur  Nugent,  le  spirituel 
Beauclerk,  Langhton,  Goldsmith,  qu'il  a  sauvé  de  la  prison 
pour  dettes  en  faisant  imprimer  son  immortel  Vicaire  de 
Wakefield,  l'acteur  Garrick,  l'orateur  Burke,  l'historien 
Gibbon,  Fox,  l'indianiste  W.  Jones,  l'évêque  Percy,  Adam 
Smith,  Sheridan,  Burney  et  Boswell,  son  incomparable 
biographe  I  Sa  conversation  est  recherchée  par  le  roi,  par 
les  plus  hautes  personnalités  de  l'aristocratie.  Enfin  il  a  fait 
la  connaissance  (1764)  d'un  riche  brasseur,  membre  de  la 
Chambre  des  communes,  Henry  Thrale,  qui,  féru  à  son 
-égard  d'une  admiration  sans  bornes,  lui  procure  dans  sa 
maison  de  Londres  ou  dans  ses  maisons  de  campagne  tous 
les  agréments  du  confort.  C'est  l'apogée  de  sa  gloire.  Il  se 
permet  quelques  voyages,  à  Oxford,  à  Lichfield,  etc.,  aux 
Hébrides  (4773),  soutient  une  polémique  retentissante  avec 
Macpherson  pour  avoir  douté  de  l'authenticité  des  poèmes 
d'Ossian,  pousse  jusqu'à  Paris  (1775)  où  il  s'obstine  à 
parler  latin  et  où  on  l'ignore.  Entre  temps,  il  a  pu- 
blié :  une  édition  critique  de  Shakespeare  (1765,  8  vol.), 
dont  la  préface  générale  est  un  chef-d'œuvre  et  qui  mérite 
de  former  date  dans  la  littérature  shakespearienne;  des 
préfaces  biographiques  et  critiques  pour  une  collection  des 
poètes  anglais  (Livesofthe  most  emincnt  english  Poets; 
1779-84,  40  vol.;  Oxford,  4  864-5, 3  vol.)  qui  sont  le  mieux 
écrit  de  ses  ouvrages.  A  partir  de  4784,  la  santé  de  Johnson 
décline  rapidement.  La  mort  de  son  ami  Thrale  lui  porte 
un  coup  funeste.  Mrs.  ïhraîe,  qui  lui  avait  jusque-là  té- 
moigné une  amitié  filiale  (elle  a  publié  sur  lui  un  recueil 


d'anecdotes  des  plus  curieux)  l'abandonne  pour  épouser  le 
musicien  italien  Piozzi,  dont  elle  s'est  amourachée.  Johnson, 
privé  de  son  asile,  revient  à  son  ancien  penchant  pour  les 
clubs,  en  fonde  deux  qui  ne  donnent  lieu  qu'à  des  réunions 
mélancoliques.  Ses  infirmités  s'aggravent  et  il  meurt  après 
avoir  supporté  courageusement  les  ponctions  tentées  pour 
le  soulager  de  son  hydropisie.  Le  20  déc.  4784,  il  fut 
enterré  à  V^estminster  Abbey;  en  4785,  un  monument  lui 
fut  élevé  à  Saint-Paul.  Taine  a  tracé  de  Johnson  un  por- 
trait saisissant  :  «  On  voyait  entrer  un  homme  énorme,  à 
carrure  de  taureau,  grand  à  proportion,  l'air  sombre  et 
rude,  l'œil  clignotant,  la  figure  profondément  cicatrisée 
par  des  scrofules,  avec  un  habit  brun  et  une  chemise  sale, 
mélancolique  de  naissance  et  maniaque  par  surcroît.  Au 
milieu  d'une  compagnie,  on  l'entendait  tout  d'un  coup  mar- 
motter un  vers  latm  ou  une  prière.  D'autres  fois,  dans 
l'embrasure  d'une  fenêtre,  il  remuait  la  tête,  agitait  son 
corps  d'avant  en  arrière,  avançait,  puis  retirait  convulsive- 
ment la  jambe...  On  se  mettait  à  table;  à  peine  servi,  il 
se  précipitait  sur  sa  nourriture,  comme  un  cormoran,  les 
yeux  fichés  sur  son  assiette,  ne  disant  pas  un  mot,  n'écou- 
tant pas  un  mot  de  ce  qui  se  disait  autour  de  lui,  avec  une 
telle  voracité  que  les  veines  de  son  front  s'enflaient  et  qu'on 
voyait  la  sueur  en  découler...  Lorsque  enfin  son  appétit 
était  gorgé  et  qu'il  consentait  à  parler,  il  disputait,  voci- 
férait, faisait  de  la  conversation  un  pugilat,  arrachait  n'im- 
porte comment  la  victoire,  imposait  son  opinion  doctorale- 
ment,  impétueusement  et  brutalisait  les  gens  qu'il  réfutait. . . 
Cependant,  tout  en  prononçant,  il  faisait  des  bruits  étranges, 
tantôt  tournant  la  bouche  comme  s'il  ruminait,  tantôt  sif- 
flant à  mi-voix,  tantôt  claquant  de  la  langue  comme  quel- 
qu'un qui  glousse.  A  la  fin  de  sa  période,  il  soufflait  à  la 
façon  d'une  baleine,  son  ventre  ballottait  et  il  lançait  une 
douzaine  de  tasses  de  thé  dans  son  estomac.  »  On  pourrait 
s'étonner  qu'un  pareil  grotesque  ait  été  l'idole  de  toute  une 
société  et  des  plus  élégantes,  si  l'on  ne  savait  qu'il  était 
doué  des  qualités  les  plus  rares.  Sous  sa  rudesse,  peut-être 
voulue,  il  cachait  un  cœur  excellent,  plein  de  tendresse  et 
de  pitié  pour  les  faibles,  les  enfants,  les  pauvres,  les  ani- 
maux ;  ses  amis,  et  ils  étaient  nombreux,  l'adoraient  ;  sa 
grossièreté,  peut-être  une  arme  de  combat,  épargnait  les 
femmes  ;  il  leur  témoignait  une  politesse  raffinée  et  savait 
leur  tourner  les  plus  jolis  comphments  du  monde  ;  son 
hypocondrie,  à  coup  sûr  produite  par  sa  mauvaise  santé, 
faisait  souvent  place  à  la  gaieté  la  plus  éclatante  et  la  plus 
communicaîive  :  «  il  riait  comme  un  rhinocéros  »  (l'om 
Davies)  ;  enfin  le  culte  qu'il  professait  pour  la  vérité,  la 
grande  dignité  de  sa  vie,  sa  fière  indépendance  de  carac- 
tère inspiraient  autant  de  respect  pour  sa  moralité  que  pour 
sa  puissance  intellectuelle.  Johnson,  brillant  causeur,  ne  sau- 
rait être  considéré  comme  un  écrivain  de  tout  premier  ordre, 
ni  comme  un  penseur  profond.  Son  style  est  lourd  et  ma- 
niéré, sa  phrase  est  solennelle,  à  mots  pompeux,  à  pé- 
riodes trop  équilibrées.  «  Docteur,  disait  Goldsmith,  si 
vous  faisiez  une  fable  sur  les  petits  poissons,  vous  les  feriez 
parler  comme  des  baleines.  »  Ses  idées  ne  brillent  ni  par 
la  nouveauté,  ni  par  la  hardiesse  :  ce  sont  le  plus  souvent 
d'honnêtes  lieux  communs  et  là  est  peut-être  le  secret  de 
la  popularité  sans  précédent  dont  ses  ouvrages  jouissent  en 
Angleterre.  Outre  ceux  que  nous  avons  mentionnés  ci- 
dessus,  nous  citerons  encore:  Marmor  Norfolciense 
(1739)  ;  Miscellaneous  Observations  on  the  tragedy  of 
Macbeth  (1745);  Life  of  Ths.  Browne  (4756)  ;  A  Joiir- 
ney  to  the  western  Mes  of  Scotland  (1775);  Prayers 
and  méditations  (1785);  Letters  to  Madame  Piozzi 
(17^88);  L6^/^^r5(4892,2vol.),  et  ûesJohnsoniana (iSm- 
4854,  2  vol.)  plus  ou  moins  authentiques.  Il  existe  plu- 
sieurs éditions  de  ses  OEuvres  complètes.  La  meilleure 
est  celle  d'Oxford  (4825,  44  vol.).  On  a  de  lui  de  nombreux 
portraits,  dont  quatre  par  Joshua  Reynolds,  un  par  miss 
Reynolds,  un  par  Barry.  R.  S. 

BiBL.  :   Boswell,  Life  of  Samuel  Johnson,   éd.  du  D"- 
Birkbeck  Ilill  ;  Londres,  1887,  6  vol.  —  Ths.  Tyer,  Biogra- 


JOHNSON 


—  474 


phical  Sketch,  1785. -— Robert  ANDERSON,Li/(e  ofS.  John- 
son with  critical  observations  on  his-works;  Londres,  1795, 
in-8.— J.  Hawkins,  Life  ofS.  Johnson;  Londres,  1787,  in-8. 

—  A.  MuRPHY,  Essay  on  ihe  life  and  Genius  of  S.  John- 
son ;  Londres,  1792,  in-8.  —  M""»  Piozzi,  Anecdotes  of  Dr. 
S.  Johnson  during  ihe  last  twenty  years  of  his  life; 
Londres,  1785,  in-8.  —  Macaulay,  Vie  de  Johnson^  dans 
Encycl.  Britann.  —  Birkbeck  Hill,  Dr.  Johnson,  his 
friends  and  his  critics.,  1878  —  Leslie  Stepîien,  Life  of 
S.  Johnson,  1879,  et  D.  of  National  Biogr.,  t.  XXX,  1892. 

—  Taine,  Histoire  de  la  littérature  anglaise;  Paris,  1863, 
t.  III,  pp.  336  et  suiv.,  in-8. 

JOHNSON  (Sir  William),  homme  d'Etat  anglais,  né  en 
Mande  en  1715,  mort  à  Johnson  (Etat  de  New  York)  le 
4  juii.  •1774.  Venu  en  1738  en  Amérique,  il  administra 
une  vaste  propriété  qu'un  de  ses  oncles  possédait  dans  la 
vallée  de  la  Mohawk,  puis  fonda  lui-même  un  établisse- 
ment dans  ces  parages  et  commerçant  avec  les  Indiens  ac- 
quit sur  eux  une  intluence  considérable.  Nommé,  en  i  744, 
colonel  des  Six  Nations,  il  fut  chargé  en  1748  de  la  défense 
de  la  frontière  et  prépara  un  plan  de  campagne  contre  les 
Français,  qu'il  ne  put  exécuter  par  suite  de  la  conclusion 
de  la  paix  d'Aix-la-Chapelle.  En  1755,  il  était  nommé  su- 
rintendant des  affaires  indiennes.  Chargé  de  diriger  l'expé- 
dition contre  Crown  Point,  il  battit  les  Français  au  Lac 
Georges  et  fut  créé  baronnet  (27  nov.  1755).  L'année  sui- 
vante, il  essaye  sans  succès  de  ravitailler  Oswego  elle  fort 
William  Henry;  en  1758,  il  assiste  Abercromby  à  Ticon- 
deroga  ;  en  1759,  il  commande  en  second  l'expédition  contre 
le  Fort  Niagara  et  s'en  empare;  en  1760,  il  est  à  la  tête 
du  contingent  indien  qui  marche  sur  Monréal;  en  1768,  il 
signe  avec  les  Indiens  le  grand  traité  du  fort  Stanwix.  En 
récompense  de  ses  services,  il  reçut  de  la  Couronne  un  im- 
mense terrain  sur  la  Mohawk  où  il  construisit  Johnson 
Hall,  qui  devint  le  village  de  Johnson,  puis  une  ville  im- 
portante. On  a  de  sir  William  un  remarquable  mémoire 
sur  The  Languages,  customs  and  manners  of  the  In- 
dian  Six  Nations.^  inséré  dans  les  Transactions  de  la 
Philosophical  Society  (nov.  1772).  Sa  correspondance 
officielle  (au  British  Muséum)  est  un  document  de  pre- 
mier ordre  pour  l'histoire  de  l'Amérique.  R.  S. 

BiBL.  :  W.-L.  Stone,  Life  of  sir  W.  Johnson;  Albany. 
1885,  2  vol. 

JOHNSON  (Reverdy),  juriste  américain,  né  à  Annapo- 
lis  le  21  mai  1796,  mort  à  Annapolis  le  10  févr.  1876. 
Avocat  à  la  cour  suprême,  il  publia  avec  ïlarris  une  col- 
lection des  décisions  de  la  cour  d'appel  du  Maryland  (1820- 
27,  7  vol.),  fut  sénateur  fédéral  (1845-49  et  1863-68), 
attorney  général  des  Etats-Unis,  sous  la  présidence  de 
Taylor,  ministre  auprès  de  l'Angleterre  (1868-69),  où  il 
négocia,  pour  l'affaire  de  VAlabama,  un  traité  que  le  con- 
grès rejeta. 

JOHNSON  (Andrew),  17«  président  des  Etats-Unis,  né 
à  Raleigh  (Caroline  du  Nord)  le  29  déc.  1808,  mort  à 
Carter  County  (Tennessee)  le  31  juil.  1875.  Orphelm  de 
père,  il  eut  une  enfance  très  miséreuse,  fut  apprenti 
tailleur,  apprit  seul  à  lire,  s'établit  en  1826  à  Greenville 
(Tennessee),  où  il  se  maria  ;  sa  femme  lui  apprit  l'écriture 
et  le  calcul.  Il  prit  une  part  active  à  la  poUtique,  organisa 
un  parti  des  travailleurs  et  fut  élu  alderman  (1828),  puis 
maire  (1830)  de  Greenville.  En  1835,  il  fut  élu  comme 
démocrate  à  la  législature  du  Tennessee  ;  son  opposition 
énergique  à  un  emprunt  le  fit  échouer  en  1837,  mais  ses 
funestes  prédictions  s'étant  réalisées,  on  le  réélut  en  1839; 
il  entra  au  Sénat  du  Tennessee  en  1841,  puis  fut  envoyé 
au  Congrès  en  1843.  Les  démocrates  l'élurent  en  1853 
gouverneur  du  Tennessee  et  le  réélurent  en  1855,  puis  ils 
l'envoyèrent  au  Sénat  fédéral  (déc.  1857).  Dans  la  ques- 
tion de  l'esclavage,  il  accepta  à  contre-cœur  le  compromis 
de  1850  et  vota  avec  les  démocrates  sudistes.  A  l'élection 
présidentielle  de  1860,  son  Etat  voulut  le  porter;  Johnson 
soutint  ensuite Breckeuridge,  le  candidat  des  sudistes  ultras. 
Mais  il  se  sépara  d'eux  dos  qu'ils  manifestèrent  leurs  vel- 
léités de  sécession.  11  les  combattit  énergiquement  au 
Sénat  et  fit  les  plus  grands  efforts  pour  empêcJier  le  Ten- 
nessee de  se  détacher  de  l'Union.  Il  faillit  être  lynché  et 


I  fut  brûlé  en  effigie  (mai  iS6i).  Il  était  le  seul  sénateur 
du  Sud  qui  prit  cette  attitude.  Lincoln  le  nomma  général 
de  brigade  et  gouverneur  militaire  du  Tennessee  (mars 
1862).  11  s'établit  à  Nashville  et  lutta  vaillamment,  s'effor- 
çant  de  réorganiser  les  pouvoirs  civils  réguliers  dans  le 
sens  unioniste.  En  1864,  la  convention  républicaine,  qui 
choisit  Lincoln  comme  candidat  présidentiel,  désigna 
A.  Johnson  pour  la  vice-présidence.  Il  fut  élu  et,  un  mois 
après  son  entrée  en  fonctions,  l'assassinat  de  Lincoln  en 
ht  le  président  des  Etats-Unis  (15  avr.  1865). 

Il  poursuivit  énergiquement  la  soumission  du  Sud,  met- 
tant à  prix  l'arrestation  de  ses  chefs,  mais  s'efforça  de 
réconciher  les  sécessionnistes.  Il  établit  dans  les  Etats 
vaincus  des  gouvernements   provisoires,  promulgua  une 
amnistie  générale,  demandant  seulement  aux  rebelles  un 
serment  de  fidéhté.  Cette  politique  lui  aliéna  le  parti  qui 
l'avait  élu.  L'opposition  éclata  dès  la  réunion  du  Congrès. 
Celui-ci  n'acceptait  pas  que  les  Etats  sécessionnistes  fussent 
réadmis  à  envoyer  des  représentants  et  à  recouvrer  tous 
leurs  droits  avant  qu'ils  n'eussent  fourni  des  garanties  de 
désarmement  complet  et  pour  la  protection  des  noirs  éman- 
cipés et  investis  des  droits  de  citoyen.  On  renvoya  à  un 
comité  de  quinze  membres  la  validation  des  pouvoirs  des 
élus  des  Etats  confédérés.  Malgré  le  veto  présidentiel, 
qu'une  majorité  des  deux  tiers  annula,  le  Congrès  maintint 
ses  décisions.  Johnson  déclara  que  c'était  une  rébellion 
nouvelle  et  entra  en  conflit  absolu  avec  la  majorité.  Il 
changea  plusieurs  des  ministres  de  Lincoln,  convoqua  une 
assemblée  à  Philadelphie  pour  l'organisation  d'un  nouveau 
parti,  profita  d'un  voyage  à  Chicago  pour  faire  une  cam- 
pagne de  discours  contre  le  Congrès.  Les  élections  donnè- 
rent une  grande  majorité  à  ses  adversaires.  On  décida  de 
subordonner  la  réintégration  des  Etats  à  leur  adhésion  au 
quatorzième  amendement  à  la  constitution  assurant  le  droit 
de  suffrage  aux  gens  de  couleur.  Les  veto  du  président 
contre  les  décisions  successives  du  Congrès  furent  brisés 
par  la  rnajorité  légale  des  deux  tiers.  En  1867,  la  crise 
devint  aiguë.  Le  Congrès  avait  divisé  dix  Etats  entre  cinq 
districts  militaires  et  délégué  aux  commandants  militaires 
l'autorité  fédérale,  à  laquelle  étaient  subordonnés  les  pou- 
voirs civils.  Le  président,  s'appuyant  sur  l'avis  de  l'attorney 
général,  donna  des  ordres  combinés  pour  annuler  la  loi\ 
Les  généraux  Grant,  commandant  en  chef,  et  Sheridan, 
commandant  du  5^  district,  protestèrent.  Le  Congrès  vota 
un  acte  aux  termes  duquel  les  commandants  militaires  ne 
relevaient  que  du  général  en  chef.  Le  président  destitua 
alors  le  ministre  de  la  guerre  Stanton  et  le  remplaça  par 
Grant,  puis  il  promulgua  une  amnistie  générale  et  rendit 
aux  blancs  des  Etats  sudistes  leurs  droits  électoraux.  Mais 
Stanton  en  appela  au  Sénat  qui  refusa  de  sanctionner  sa 
révocation  et  le  remit  en  fonctions.  Johnson  le  destitua  de 
nouveau  deux  mois  après  (févr.  1868)  ;  d'accord  avec  le 
Sénat,  le   ministre  refusa  de  quitter  ses  fonctions.   La 
Chambre  des  députés  vota  par  126  voix  contre  47  la  mise 
en  accusation  du  président  devant  le  Sénat  (24  févr.  1868). 
Le  procès  commença  le  23  mars  ;  l'accusation  visait  deux* 
chefs  :  attaques  contre  le  Congrès  et  destitution  illégale  de 
Stanton  ;  sur  les  deux  chefs,  la  majorité  ne  fut  que  de  35 
contre  19  ;  il  eût  fallu  les  deux  tiers  pour  une  condamna- 
tion. Johnson,  qui  s'était  appuyé  sur  l'opinion  de  Lincoln, 
l'emportait.  Stanton  dut  se  retirer.  Le  président  promul- 
gua une  amnistie  générale  en  faveur  de  tous  les  sécession- 
nistes. Mais,  pour  chercher  un  appui,  il  avait  favorisé  la 
corruption  politique.  Il  ne  fut  même  pas  adopté  comme  can- 
didat par  les  démocrates.  Le  4  mars  1869,  il  transmit  ses 
pouvoirs  à  Grant.  Après  deux  échecs  électoraux,  il  rentra 
en  1875  au  Sénat  fédéral  pour  le  Tennessee.     A. -M.  B. 

BiBL.  :  Savagi<^,,  Li/e  and  state  pnpers  of  A.  Johnson; 
New  York,  1865.  —  Fostkr,  Life  und  speeches  of  A.  John- 
son ;  New  York,  18(57.  —  hnpeacliment  and  Trial  of 
A.  Johnson;  Philadelphie,  1868.  —  Sciiucht,  A.  Johnson 
und  die  Kœmpfe  seiner  Zeit;  Leipzig,  1879.  —  V.  aussi  la 
bibl.  de  l'art.  Etats-Unis. 

JOHNSON  (Eastman),  peintre  américain  contemporain, 


-  175  — 


JOHNSON  —  JOHNSTON 


né  à  Lovel  (Maine)  le  29  juil.  1824.  Il  étudia  à  Dusseldorf, 
à  Paris,  à  Rome  et  à  La  Haye,  puis  retourna  se  fixer  à 
New  York  où  l'on  goûte  fort  ses  portraits  et  ses  sujets  de 
genre,  qui  ont  du  caractère  et  de  la  couleur. 

JOHNSON  (Henri),  dit  Fusin,  caricaturiste  français, 
né  à  Paris  le  15  sept.  1836. Elève  de  Gleyre,ila  collaboré 
au  journal  le  Gaulois  en  1858  et  au  Diogène.  il  a  illustré 
des  ouvrages  légers  avec  beaucoup  d'esprit,  et  parfois  avec 
de  lestes  allures.  Dans  un  autre  genre,  il  a  publié  des  dessins 
dans  le  Musée  des  familles  et  dans  d'autres  recueils  mo- 
raux. Depuis  1883,  il  expose  des  toiles  qui  ne  manquent  pas 
de  mérite  et  des  dessins  à  la  plume  fort  remarquables. 

JOHNSTON  (Robert), historien  écossais,  né  vers  1567, 
mort  en  1639.  Elevé  à  l'université  d'Edimbourg,  à  laquelle 
il  laissa  en  mourant  une  donation  de  1,000  livres  sterling 
pour  l'entretien  de  huit  étudiants  pauvres,  il  remplit  des 
fonctions  administratives  à  Londres  et  occupa  ses  loisirs  à 
écrire  une  Historia  Renim  Britannicarum...  ab  anno 
i572  ad  annum  i628,  en  22  livres,  dont  les  trois  pre- 
miers parurent  en  1642  (Amsterdam).  Thomas  Middleton 
en  traduisit  en  anglais  ce  qui  se  rapporte  aux  affaires  écos- 
saises et  le  publia  sous  le  titre:  The  History  ofScotland 
during  the  Minority  of  King  James  (Londres,  1646). 
L'ouvrage  entier  parut  enfin  en  1655  (Amsterdam,  in-fol.). 

JOHNSTON  (Archibald),  homme  d'Etat  anglais,  né  à 
Edimbourg  vers  d610,  mort  le  23  juil.  1663.  Avocat  au 
barreau  d'Edimbourg,  il  conquit  une  influence  politique 
considérable  en  devenant  un  des  membres  les  plus  actifs  du 
comité  formé  pour  résister  aux  tentatives  de  Charles  P^' 
pour  imposer  à  l'Ecosse  le  rituel  anglais  (1638).  Un  des 
auteurs  du  co venant  national,  il  fut  élu  à  l'unanimité  clerc 
de  l'Assemblée  générale  de  Glasgow,  puis  procurateur  de 
l'Eglise.  Il  prit  dès  lors  à  divers  titres  une  part  prépondé- 
rante aux  affaires,  accompagnant  les  commissaires  chargés 
de  négocier  la  pacification  de  Berwick  (1639),  puis  le  traité 
de  Ripon  (1640),  exerçant  un  contrôle  général  sur  les  opé- 
rations militaires.  Créé  le  13  nov.  1641  lord  de  session 
avec  le  titre  de  lord  Warriston,  il  assista  à  la  convention 
de  1643  à  l'assemblée  générale  de  Westminster  où  il  dé- 
fendit énergiquement  les  presbytériens  contre  les  indépen- 
dants, devint  avocat  du  roi.  Néanmoins,  il  combattit  vive- 
ment le  fameux  engagement  pris  par  le  Parlement  écossais, 
de  1648,  d'appuyer  Charles,  alors  prisonnier  à  Carisbrook 
et  lorsque  cette  assemblée  eut  été  dispersée  après  la  ba- 
taille de  Preston,  il  siégea  pour  le  comté  d'Argyll  dans  le 
nouveau  Parlement,  auquel  il  fit  adopter  VAct  of  Classes 
(23  janv.  1649).  Pourtant  il  figura  à  la  proclamation  de 
Charles  II  comme  roi  à  Edimbourg  (5  févr.).  Après  la  ba- 
taille de  Dunbar,  il  s'allia  avec  Cromwell  qui,  en  1658,  le 
fit  entrer  àla  Chambre  des  pairs.  A  la  Restauration,  Charles  II 
le  fit  poursuivre  avec  la  dernière  rigueur.  Arrêté  à  Rouen, 
il  fut  extradé  et  enfermé  à  la  Tour.  Il  fut  pendu  sur  une 
place  d'Edimbourg.  R.  S. 

JOHNSTON  (James-Finlay-Weir),  chimiste  anglais,  né 
à  Paisley  (Ecosse)  le  "13  sept.  1796,  mort  à  Durham  le 
18  sept.  1855.  H  fut  l'élève  de  Berzelius  (1830-32)  et 
occupa  de  1833  à  1855  la  chaire  de  chimie  et  de  minéra- 
logie à  l'université  de  Durham.  Il  était  membre  de  la  So- 
ciété royale  de  Londres.  Ses  plus  importants  travaux  ont 
porté  sur  la  chimie  agricole  et  industrielle,  et  il  a  écrit  un 
Catechism  of  agricuUural  Chemistry  and  Geology 
(Edimbourg,  1844,  in-8),  qui  a  eu,  de  son  vivant,  35  édi- 
tions et  qui  a  été  traduit  dans  les  principales  langues.  Nous 
citerons  encore,  partni  ses  ouvrages  les  plus  estimes  : 
Chemical  Tables  (Edimbourg,  1836,  in-4);  Eléments 
of  agricuUural  Chemistry  and  Geology  (Edimbourg, 
1842,  in-8;  6^  éd.,  1853,  in-i2)  ;  Instructions  for 
Analy sis  of  Soils  (Eàimhoiivg^  1847, in-8  ;  3^édit.,  1855)  ; 
Notes  on  North  America  (Londres,  1851,  2  vol.  in-8); 
Chemistry  of  Common  Lz/^  (Edimbourg,  1853-55, 2  vol. 
in-8;  3^  édit.,  1879).  L.  S. 

BiBL.  :  Catalogue  of  scienUfic  papers  of  the  Royal  So- 
ciety ;  Londres,  1869,  t.  III. 


JOH  NSTON  (Albert-Sidney),  général  américain,  né  dans 
le  comté  de  Mason  (Kentucky)  en  1803,  tué  à  Shiloh  le 
6  avr.  1862.  Elève  de  l'Ecole  militaire  de  West  Point,  en 
1 834,  il  passa  au  Texas  où  il  devint  général  en  chef  de 
l'armée  (1836),  ministre  de  la  guerre  (1838-40);  il  fut 
colonel  d'un  régiment  de  volontaires  dans  la  guerre  contre 
le  Mexique,  puis  fermier  sur  le  rio  Brazos  (1846-49),  ren- 
tra au  service  des  Etats-Unis  (1849),  devint  colonel  do 
cavalerie  (1855)  et  commandant  militaire  du  Texas,  puis 
fut  mis  à  la  tête  de  l'expédition  contre  les  Mormons  de 
rUtah  (août  1857),  ce  qui  lui  valut  la  promotion  au  grade 
de  général  de  brigade;  il  entra  le  l^''  avr.  1858  dans  la 
cité  du  lac  Salé.  En  1861,  il  reçut  le  commandement  du 
département  du  Pacifique,  mais  bientôt  se  joignit  à  l'armée 
confédérée.  Il  combattit  à  Bull  Runn,  reçut  le  commande- 
ment de  l'armée  de  l'Ouest  et  fut  chargé  d'organiser  des 
corps  francs  dans  le  Tennessee  ;  mais  il  fut  battu  à  Fort 
Donelson  et  rejeté  derrière  le  Tennessee;  Beauregard  vint 
à  son  secours  et  livra  la  bataille  de  Shiloh  où  un  éclat 
d'obus  tua  Johnston.  A.-M.  B. 

BiBL.  :  W.  JoHNSTOx,  Life  of  gênerai  A.-S.  Johnston; 
New  York,  1879. 

JOHNSTON  (Alexander-Keith),  géographe  anglais,  né 
à  Kirkhill  (Midlothian)  le  28  déc.  1804,  mort  à  BenRhyd- 
ding  (Yorkshire)  le  9  juil.  1871.  Graveur,  avec  son  frère 
William,  il  donna  des  cartes  remarquables.  Ses  principales 
productions  qui  ont  eu  un  grand  et  légitime  succès  sont  : 
The  National  Atlas  of  historicaL  commercial  and  poli- 
ticalGeography  (Edimbourg,  1843,  in-fol.);  The  Phy si- 
cal  Atlas  of  natural phenomena  (1848,  in-fol.);  The 
Dictionary  of  Geography  (Londres,  1850,  in-8)  ;  Atlas 
of  physical  Geography  (1852,  in-4);  Atlas  of  astro- 
nomy  (1855,  in-4)  ;  Atlas  of  the  United  States,  Bri- 
tish  and  Central  America  (1857,  in-fol  );  The  Royal 
Atlas  of  modem  geography  (1861,  in-fol.),  etc.  —  Son 
fils,  Alexander-Keith,  né  en  4844,  mort  en  '1879,  au 
cours  de  l'expédition  du  lac  Nyassa  qu'il  dirigeait,  a  publié  : 
Map  of  the  lake  régions  of  Eastern  Africa  (Edimbourg, 
1870)  ;  The  Surface  Zones  of  the  Globe  (1874),  etc. 

JOHNSTON  ( Joseph-Eccles ton) ,  général  américain ,  né 
dans  le  comté  Prince  Edward  (Virginie)  en  févr.  1807. 
Elève  de  l'Ecole  de  West  Point,  il  fut  aide  de  camp  du 
général  Scott  dans  la  guerre  contre  les  Séminoles,  fut  at- 
taché au  bureau  topographique  (1838)  et  à  la  surveillance 
des  frontières  septentrionales  (1843),  puis  des  côtes  (1844- 
46)  ;  il  rendit  à  Scott  les  plus  grands  services  dans  la  guerre 
du  Mexique,  et  de  capitaine  passa  colonel  d'un  régiment  de 
voltigeurs.  En  1860,  il  était  général  de  brigade.  Il  passa 
du  côté  des  confédérés,  fut  mis  à  la  tête  des  troupes  de 
Virginie  (1862)  qu'il  commanda  à  la  bataille  de  Bull  Runn. 
Grièvement  blessé  à  celle  de  Fair  Oaks  (31  mai  1862),  il 
reprit  le  service  en  novembre,  essaya  de  débloquer  Vicks- 
burg,  mais  fut  repoussé  à  Jackson  (14  mai  1863)  et  se  re- 
plia sur  Canton.  Après  la  défaite  de  Bragg  à  Chattanooga 
(nov.  1863),  il  le  remplaça  et  s'établit  à  Dalton;  il  fut 
alors  l'adversaire  malheureux  de  Sherman  ;  celui-ci  tourna 
sa  position  et  le  battit  successivement  à  Resaca,  au  col 
d'Allatoona,  au  mont  Kenesaw,  à  Atlanta.  Johnson  fut 
remplacé  par  Hood  (17  juil.  1864).  (iuand  Sherman 
marcha  d'Atlanta  sur  Savannah,  Johnston  reçut  le  com- 
mandement des  débris  des  forces  confédérées  du  Tennessee, 
de  la  Caroline  du  Sud,  de  la  Géorgie  et  de  la  Floride  (févr. 
1865).  Accablé  par  des  forces  supérieures,  malgré  un  succès 
à  Benton  ville  (1 9  mars) ,  il  ne  put  que  retarder  la  défaite  finale. 
Après  la  capitulation  de  Lee,  il  traita  avec  Sherman;  mais 
le  président  Johnson  rejeta  cet  accord  et  le  26  avr,  1865 
Johnston  mit  bas  les  armes  avec  27,000  hommes  à  Durham's 
Station,  près  de  Grensboro  (Caroline  du  Nord).  Il  vécut 
depuis  dans  la  retraite  à  Savannah,  s'occupant  activement 
de  restaurer  la  prospérité  des  Etats  sudistes.  H  a  publié 
le  récit  de  ses  campagnes  :  Narrative  of  military  ope- 
rations  (New  York,  1874).  A.-M.  B. 

JOHNSTON  (Alexander),  peintre  écossais,  né  à  Edira- 


JOHNSTON  —  JOÏGNY 


476  - 


bourg  en  4816,  mort  à  Londres  en  4894.  Elève  d'une  école 
de  dessin  de  sa  ville  natale,  puis  à  Londres  de  rAcadémie 
royale,  où  depuis  4838  il  exposa  des  sujets  d'histoire  anec- 
dotique,  principalement  empruntés  aux  annales  d'Ecosse. 
Tableaux  principaux  ;  Galerie  nationale  :  Lord  Russell 
recevant  le  sacrement  dans  sa  prison  (Paris,  exposi- 
tion universelle  de  4853);  Char  les- Edouard  et  Flora 
Mac  Donald  (4847);  le  Pays  des  Fidèles  (4878);  Per- 
suasion. On  connaît  aussi  de  lui  une  Charlotte  Corday, 
JOHNSTON E.  Ville  du  comté  de  Renfrew  (Ecosse),  à 
40  kil.  S.-O.  du  chef-lieu,  dans  la  commune  de  Paisley, 
sur  un  affluent  de  la  Clyde;  d  0,256  hab.  Stat.  du  chem. 
de  fer  d'Ayr  à  Glasgow.  Filatures  et  fonderies. 

JOHNSTONE  (William),  marquis  d'Annandale,  homme 
d'Etat  anglais,  mort  à  Bath  le  44  févr.  1724.  Ami  de 
Monmouth,  il  hésita  fort  à  se  prononcer  aux  débuts  de  la 
révolution  de  4688.  Finalement,  il  adhéra  au  parti  de 
Guillaume  et  s'en  trouvant  mal  récompensé,  entra  presque 
aussitôt  dans  le  Club,  ou  parti  des  mécontents,  qui  fit 
au  gouvernement  une  si  vive  opposition  parlementaire. 
En  4690,  il  trama  avec  Montgomery  un  complot  pour  la 
restauration  de  Jacques  II.  Il  s'établit  dans  les  borders 
attendant  le  résultat  de  la  campagne  de  Mackay  contre 
Dundee.  La  dispersion  définitive  des  troupes  de  Dundee  le 
fit  revenir  en  hâte  à  Bath  où  il  feignit  une  maladie.  Puis, 
craignant  d'être  trahi,  il  révéla  lui-même  tout  le  complot 
à  la  reine  Marie  et  s'en  remit  à  sa  discrétion.  Il  subit  un 
court  emprisonnement  à  la  Tour  et,  à  peine  en  liberté,  fut 
comblé  de  faveurs  :  lord  extraordinaire  de  session,  lord  de 
la  trésorerie,  président  du  Parlement  de  4695,  marquis 
d'Annandale  (1701),  comte  d'IJartfell,  vicomte  d'Annand, 
sans  compter  les  pensions.  Il  avait  présidé  avec  beaucoup  de 
tact  la  commission  d'enquête  sur  les  massacres  de  Glencoe. 
La  reine  Anne  le  tint  aussi  en  haute  considération  :  elle  le 
nomma  lord  du  sceau  privé  (1702)  et  lord  président  du 
conseil  privé  (1702-06).  Secrétaire  d'Etat  avec  Melville 
en  4707,  il  fit  une  opposition  très  vive  au  traité  d'union 
entre  l'Ecosse  et  l'Angleterre.  Elu  en  4707  pair  repré- 
sentant d'Ecosse,  réélu  en  1708,  4740  et  1745,  il  fut 
nommé  par  Georges I^"^  garde  du  grand  sceau  (1744).  Au 
début  de  la  rébellion  de  4713,  il  empêcha  les  rebelles 
d'entrer  àDumfries.  R.  S. 

JOHNSTONE  (James,  chevalier  de),  royaliste  anglais, 
né  à  Edimbourg  en  4749,  mort  vers  4800.  jacobite  zélé, 
il  rejoignit  à  Perth  le  prétendant  en  4745,  devint  aide  de 
camp  de  lord  George  Murray,  assista  à  la  défaite  de  Cul- 
loden,  put  s'échapper  et  se  réfugier  en  Hollande.  Il  entra 
en  4734  dans  la  marine  française  avec  le  grade  d'enseigne, 
servit  au  Canada  contre  les  Anglais,  fut  aide  de  camp  de 
Montcalm.  Il  revint  en  France  après  la  capitulation  de 
Québec  et  quitta  le  service  avec  une  pension  de  4,485  livres. 
Il  avait  écrit  en  français  un  récit  de  ses  aventures  dont  une 
partie  fut  pubhée  (en  anglais)  sous  le  titre  de  History  of 
the  Rébellion  of  i745-'i 846  [Londres,  4820).  Une  édi- 
tion complète  des  Mémoires  de  Johnstone  a  été  donnée 
(toujours  en  anglais)  par  M.  Ch.  Winchester  (4870). 

JOHNSTONE  (Charles),  romancier  anglais,  né  à  Carri- 
gogunnel  (comté  de  Limerik)  vers  4749,  mort  à  Calcutta 
vers  4800.  Il  appartenait  à  la  famille  des  comtes  d'Annan- 
dale. H  est  surtout  connu  par  un  roman  à  clef  qui  obtint 
un  succès  considérable  et  qui  est  une  des  meilleures  chro- 
niques scandaleuses  du  temps  :  Chrysal  or  the  adven- 
tures  of  a  Guinea  (Londres,  4760-65,  4  vol.,  nombr. 
éd.).  On  peut  encore  citer  de  lui  :  The  Rêverie  (4762, 
2  vol.);  The  Pilgrim  (1775,  2  vol.);  History  of  John 
Juniper  (ilSi,  3  voL)-  R.  S. 

JOHNSTONE  (Christian-Isobel),  femme  de  lettres  écos- 
saise, née  en  4784,  morte  en  4857.  Mariée  d'abord  à  un 
Mr.  Mac  Leish,  elle  épousa,  après  divorce,  John  Johns- 
tone, instituteur  à  Dunfermlme,  qui  alla  s'installer  à  In- 
verness,  où  il  acheta  VInverness  Courier.  On  les  retrouve 
plus  tard  à  Edimbourg,  intéressés  dans  différentes  publica- 
tions dont  John  Johnstone  était  à  la  fois,  la  plupart  du 


temps,  rédacteur,  éditeur  et  imprimeur.  Mrs.  Johnstone  aidait 
activement  son  mari  et,  de4834à  4846,elle  dirigea  le  Taifs 
Magazine.  On  a  d'elle  :  The  Cook  and  Houseivife's  Ma- 
nual  (1826);  The  Diversions  of  Hollycot,  or  Art  of 
Thinking  (1828)  ;  Lives  and  Voyages  of  Drake,  Caven- 
dish  and  Dampier  (1831);  True  Taies  ofthe  Irish  Peas- 
antry  et  plusieurs  romans  ou  nouvelles,  publiés  anonyme- 
ment ou  sous  le  pseudonyme  de  Mrs.  Margaret  Dods. 

JOHNSTONE  (James),  publiciste anglais,  né  à  Londres 
le  26  juin  1845,  mort  à  Coulsdon  (Surrey)  le  24  oct.  4878. 
Chef  d'une  importante  maison  de  syndic  de  faillites,  il 
acheta  en  1 857  à  Charles  Baldwin  la  propriété  du  Morning 
Herald  et  du  Standard.  Johnston  fit  du  Standard  une 
feuille  du  matin,  doubla  son  journal  et  réduisit  son  prix, 
ce  qui  lui  donna  une  extension  considérable.  Il  publia  en 
même  temps  le  Morning  Herald  jusqu'en  4869,  fonda 
VEvening  Herald  (1857-65)  et  ÏEvening  Standard 
(1870)  qui  tira  souvent  à  plus  de  cent  mille  exemplaires. 
Tous  ces  journaux  défendaient  la  politique  conservatrice. 

JOHNSTOWN.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  Pennsyl- 
vanie, sur  le  Conemaugh  et  le  canal  de  Pennsylvanie; 
10,000  hab.  Grands  établissements  métallurgiques. 

JOIGNEAUX  (Pierre),  agronome,  publiciste  et  homme 
politique  français,  né  à  Ruffey~lès-Beaune  (Côte-d'Or)  le 
23  déc.  1815,  mort  à  Bois-Colombes  (Seine)  le  25  janv. 
1892.  D'abord  élève  de  l'Ecole  centrale,  il  se  lança  bientôt 
dans  la  politique  militante,  fut  condamné  en  4838  à  quatre 
années  de  prison  pour  participation  à  la  rédaction  d'une 
feuille  clandestine,  l'Homme  libre.  Envoyé  par  son  dépar- 
tement à  l'Assemblée  constituante  de  1848,  puis  à  l'As- 
semblée législative  de  1849,  il  fonda  la  Feuille  du  village 
(1849-51),  organe  de  propagande  républicaine,  qui  eut  un 
vif  succès.  Expulsé  à  la  suite  du  coup  d'Etat,  il  rentra  en 
France  en  4859,  à  la  faveur  de  l'amnistie  générale,  con- 
tinua à  s'occuper  d'agronomie,  échoua  dans  la  Côte-d'Or 
et  la  Sarthe  aux  élections  de  1 869  et,  durant  le  siège  de 
Paris,  s'occupa  de  créer  des  cultures  maraîchères  dans  les 
terrains^ vagues  delà  capitale.  Le  8  févr.  1871,  il  fut  en- 
voyé à  l'Assemblée  nationale  par  la  Côte-d'Or,  qu'il  conti- 
nua à  représenter  jusqu'aux  élections  de  1889,  où  il  dé- 
clina toute  candidature.  Peu  après,  à  une  élection  partielle, 
il  fut  élu  sénateur  de  la  Côte-d'Or.  Dans  ces  diverses  as- 
semblées, il  siégea  à  l'extrême  gauche  et  s'occupa  surtout 
de  questions  agricoles.  Il  a  écrit  beaucoup  d'ouvrages  et 
des  brochures  de  toute  sorte  pour  la  vulgarisation  des  con- 
naissances agronomiques  :  Dictionnaire  d'agriculture 
pratique,  avec  le  D^  Moreau  (Paris,  4855,  2  vol.  in-8)  ; 
le  Livre  de  la  Ferme,  avec  de  nombreux  collaborateurs 
(Paris,  1861-64,  2  vol.  in-8;  ¥  éd.,  1890),  etc.  Il  est 
aussi  l'auteur  de  divers  travaux  d'érudition  et  il  a  publié 
quelques  mois  avant  sa  mort  ses  Souvenirs  historiques 
(Paris,  1891,  2  vol.  in-42).  On  lui  a  élevé  un  buste  à  l'Ecole 
d'horticulture  de  Versailles  (déc.  1894).  L.  S. 

J0I6NY.  Com.  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  deMézières, 
cant.  de  Charleville;  668  hab.  Stat,  du  chem.  de  fer  de 
l'Est,  ligne  de  Paris  à  Givet  par  Reims,  Ferronnerie. 
^  JOIGNY  [Joviniacum).  Chef-heu  d'arr.  du  dép.  de 
l'Yonne,  sur  une  colline  qui  domine  la  rive  droite  de 
l'Yonne;  6,248  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Paris-Lyon- 
Méditerranée.  Commerce  de  grains.  Vins  célèbres  de  la 
Côte-Saint-Jacques  et  de  Verger-Martin.  C'est  à  tort  qu'on 
a  identifié  Joigny  avec  le  Baîidritim  de  la  Table  de  Peu- 
tinger.  Joigny  n'apparaît  dans  l'histoire  qu'au  x^  siècle, 
bien  que  la  forme  de  son  nom  indique  que  cette  localité 
existait  en  tant  que  villa,  appartenant  à  un  certain  Jovi- 
nius,  au  moins  dès  l'époque  gallo-romaine.  A  la  fin  du 
x«  siècle,  le  comte  de  Sens,  Rainard,  y  fit  bâtir  un  châ- 
teau. Sa  fille  Adélaïde  hérita  de  lui  le  territoire  de  Joigny, 
qui  forma  dès  lors  un  comté  démembré  de  celui  de  Sens. 
Adélaïde  épousa  un  certain  Geoffroy,  mort  en  4042  au 
plus  tard.  Leur  fils,  Geoffroy  II,  leur  succéda  dans  le 
comté  de  Joigny;  mais  il  mourut  sans  enfants,  et  son 
comté  revint  à  Adélaïde  qui  avait  épousé  en  secondes  no'^es 


477  ^ 


JOIGNY  -^  JOINT 


Engelbert,  comte  de  Brienne,  qui  maria  la  fille  de  sa 
femme  à  Etienne  de  Vaux,  ducfuel  sortit  la  première  maison 
de  Joigny.  Au  mois  de  sept.  1300,  le  comte  Jean  lïl  et 
Agnès,  sa  femme,  accordèrent  aux  habitants  de  Joigny, 
moyennant  4,000  livres  de  petits  tournois,  une  charte  les 
atfranchissant  de  toutes  tailles  et  servitudes,  et  leur  accor- 
dant quelques  franchises,  telles  que  le  droit  d'aller  et  de 
venir  librement,  la  garantie  contre  la  prise  des  meubles  et 
des  provisions  par  leurs  officiers,  l'assurance  de  ne  pas 
être  obhgés  à  plaider  hors  de  la  ville  ni  à  aller  à  l'host 
hors  du  comté,  sinon  pour  le  service  du  roi  ou  dans  le  cas 
où  le  comte  serait  à  la  tète  des  troupes.  La  communauté 
présentait  des  sergents  au  prévôt  du  comte  pour  faire  le 
guet  et  garder  les  biens.  Cette  charte  fut  confirmée  par  le 
roi  comme  comte  de  Champagne.  Le  comte  de  Joigny  était 
Fun  des  sept  pairs  du  comté  de  Champagne.  L'organisation 
municipale  ne  remonte  qu'au  xvi^  siècle  ;  Joigny  avait  un 
maire  assisté  de  trois  échevins,  élus  par  les  habitants. 
Jeanne,  comtesse  de  Champagne,  qui  avait  épousé  Charles 
de  Valois,  mourut  en  1330.  Sa  succession  échut  à  son 
plus  proche  parent,  Simon  de  Sainte-Croix,  qui  céda  ses 
droits  à  Charles  de  Valois,  qui  rétrocéda  le  comté  à  Jean 
de  Noyers  en  4337.  Le  comté  de  Joigny  passa,  en  1438, 
dans  la  maison  de  La  Trémoille,  en  la  personne  de  Louis 
de  La  Trémoille,  fils  de  Marguerite  de  Noyers  et  de  Gui 
de  La  Trémoille.  Le  comté  échut  ensuite  à  la  famille  de 
Sainte-Maure,  puis,  en  1576,  à  celle  de  Laval.  En  1603, 
Gabrielle  de  Laval  vendit  le  comté  à  Pierre  de  Gondi. 
En  1703,  Françoise  de  Gondi  l'abandonna  au  duc  de  Vil- 
leroy,  son  héritipr.  En  mai  14^9,  les  Anglais  assiégèrent 
Joigny.  Dans  une  escalade  de  nuit,  les  assaillants  turent 
vigoureusement  repoussés.  Les  habitants,  attribuant  leur 
victoire  à  la  protection  de  la  Vierge,  lui  dédièrent  les  tro- 
phées de  leur  victoire  dans  le  prieuré  de  Notre-Dame;  un 
fragment  d'échelle,  qui  en  provient,  se  voit  encore  dans 
l'église  Saint-André.  Le  l"i  juil.  1530,  la  plus  grande  partie 
de  la  ville  fut  détruite.  Joigny  prit  partie  pour  la  Ligue. 
En  1591,  elle  résista  aux  attaques  de  Sully.  Le  26  mars 
1594,  la  ville  ouvrit  ses  portes  au  maréchal  de  Biron.  En 
1870,  elle  fit  une  vaine  tentative  de  résistance  aux  troupes 
allemandes. 

Monuments.  — Voie  romaine  d'Auxerre  à  Sens.  Cime- 
tière antique  au  lieu  dit  Mouchette,  découvert  en  1820. 
Restes  du  château  du  x^'  siècle  ;  porte  Saint-Jean,  du 
xii^'  siècle.  Eglise  Saint-Thibaud,  à  trois  nefs,  des  xv*^  et 
xvi^  siècles;  tour  du  xvii^  siècle;  statue  d'Etienne  Por- 
cher, sergent  d'armes  du  roi,  xiv^  siècle.  Eglise  Saint- 
Jean,  à  trois  nefs  (1504-1596),  restaurée  et  agrandie  en 
1856;  tour  carrée,  avec  lanterne,  datée  de  1609  ;  cette 
église  était  comprise  dans  Fenceinte  de  l'ancien  château. 
Eglise  Saint-André,  à  deux  nefs,  du  xv^  siècle,  remaniée 
aux  XVI®  et  xvii'^  siècles  ;  porte  de  la  Renaissance.  Porte 
du  xiii^  siècle  de  l'ancien  prieuré  de  Notre-Dame.  Chapelle 
funéraire  dite  des  Ferrands,  du  xvi^'  siècle,  bâtie  par 
Jacques  Ferrand,  archidiacre  de  Sens.  Château  des  comtes, 
commencé  en  1569,  presque  entièrement  construit  par 
Pierre  de  Gondi,  achevé  en  1613.  Hôpital  Notre-Dame, 
avec  façade  du  xvn^  siècle.  Maisons  des  xvi^  et  xvn^  siècles. 
Pont  du  xviii®  siècle.  Palais  de  justice,  avec  une  façade 
de  1817.  Archives  municipales  contenant  des  documents 
depuis  le  xui®  siècle.  Archives  de  l'hôpital.  Archives  du 
tribunal  civil.  Bibliothèque  municipale  (10,000  vol.). 

Armoiries.  —  D'azur^  la  ville  en  perspective,  vue  du 
Sud-Ouest,  Vhôtel  de  ville  girouette,  les  églises,  le 
ctiàteau  et  les  bâtiments  ajourés,  essorés  de  gueules^ 
la  porte  ouverte,  les  tours  ajourées,  maçonnées  de 
sable,  et,  sur  l'ouverture  de  la  'porte  de  la  ville,  un 
maillet  d'or,  le  manche  en  haut, 

BiBL.  :  Almanach  historique  de  la  ville,  diocèse  et 
bailliage  de  Sens,  année  178^;,  p.  37;  année  1783,  p.  19.  — 
Carlier,  Notice  sur  les  comtes  de  Joigny,  dans  Bulletin 
de  la  Soc.  archéolog.  de  Sens,  18b3,  t.  Vlil.  p.  309.  —  Ch. 
Demay,  Relation  de  l'attaque  de  Joigny  en  1651,  dans 
Bull,  de  la  Soc.  des  sciences  de  V  Yonne,  1873. 
GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.   —  XXI. 


JOINT.  I.  Technologie.  — En  terme  de  maçonnerie,  ce 
sont  les  faces  par  lesquelles  les  pierres  sont  contiguës  laté- 
ralement, tand.:,  qu'on  nomme  lits  leurs  plans  de  séparation 
horizontaux.  En  terme  de  construction,  ce  sont  les  plans 
suivant  lesquels  les  conduites  de  distribution,  les  tuyaux 
ayant  des  longueurs  limitées,  sont  raccordés  bout  à  boat  ; 
ces  joints  doivent  naturellement  être  étanches  et  préparés 
de  manière  à  ne  pas  laisser  fuir  les  liquides  ou  les  gaz  qu'ils 
renferment.  Les  joints  de  vapeur,  comme  ceux  de  tous  les 
orifices  pratiqués  dans  les  chaudières,  doivent  être  particu- 
lièrement soignés.  En  terme  de  menuiserie,  on  appelle  joint 
la  face  la  plus  petite  de  chaque  planche  ;  les  assemblages  à 
plat-joint  sont  ceux  qui  se  tont  sans  rainure  ni  baguette. 
En  terme  de  pavage,  c'est  l'entre-deiix  de  chaque  pavé 
que  l'on  remplit  le  plus  généralement  de  sable,  quelquefois 
de  mortier  ;  les  joints  situés  entre  chaque  pavé  de  la  même 
rangée  se  nomment  joint  de  rive  ;  ceux  qui  se  trouvent 
entre  chaque  rangée  portent  le  nom  de  joint  en  bout. 

IL  Architecture.  —  Les  dispositions  et  les  intervalles 
donnés  aux  joints  des  assises  de  pierre  dans  une  bonne  cons- 
truction, dispositions  et  intervalles  qui  sont  motivés  par  la 
nature  même  de  la  pierre  mise  en  œuvre,  prennent  le  plus 
souvent  une  importance  considérable  pour  l'aspect  et 
l'échelle  d'ensemble  d'un  édifice  et  deviennent  ainsi  une  des 
données  caractéristiques  du  style  d'architecture  de  cet  édi- 
fice en  même  temps  qu'ils  peuvent  servir  à  déterminer 
l'époque  de  sa  construction.  C'est  ainsi  que,  sans  remonter 
aux  temps  anciens  ni  même  au  moyen  âge,  les  appareils 
d'architecture  des  édifices  construits  à  Paris  de  nos  jours, 
appareils  répondant  à  la  nature  des  pierres  employées,  sont 
bien  différents  comme  proportions  des  appareils  usités  à 
la  fin  du  dernier  siècle  et,  pour  en  citer  un  exemple,  les 
bâtiments  de  l'ancien  Garde-meuble  et  du  Ministère  de  la 
marine,  place  de  la  Concorde,  ont,  par  le  peu  de  hauteur 
de  banc  de  la  pierre  du  bassin  de  Paris  qui  a  servi  à  leur 
construction,  un  aspect  grandiose  qu'ils  ne  sauraient  pré- 
senter s'ils  étaient  construits  de  nos  jours  avec  une  pierre 
des  carrières  de  l'Oise  ou  de  Lorraine,  dont  la  grande  hau- 
teur de  banc  permettrait  de  faire  des  assises  deux  et  trois 
fois  plus  hautes  que  celles  existantes.     Charles  Lucas. 

ni.  Mécanique.  — On  donne  le  nom  de  joint  aux  articu- 
lations de  diverses  formes,  telles  que  charnières,  four- 
chettes, etc.  Le  joint  brisé  est  un  organe  de  transmission 
de  mouvement  servant  à  relier  deux  arbres  concourants  ou 
parallèles  d'un  faible  écartement.  Nous  citerons,  comme 
exemple,  le  joint  universel  inventé  par  Cardan,  géomètre 
français,  qui  vivait  au  xvi^  siècle  et  qui  est  connu,  en  An- 
gleterre, sous  le  nom  de  Hooke,  bien  que  ce  géomètre  soit 
né  cinquante-neuf  ans  après  la  mort  de  Cardan.  Ce  joint  est 
d'ailleurs  peu  usité,  sauf  sur  certains  arbres  de  couche  très 
longs  qu'on  veut  briser  pour  se  garantir  des  tassements 
irréguliers  ;  il  est  appliqué  plus  fréquemment  en  Hollande 
oti  il  sert  à  relier  les  moulins  à  vent  avec  les  vis  d'Archi- 
mède  employées  aux  épuisements,  ce  qui  lui  a  fait  aussi 
donner  le  nom  de  joint  hollandais.  Le  joint  universel  se 
compose  essentiellement  d'un  croisillon  présentant  aux 
extrémités  des  deux  diamètres  perpendiculaires  quatre  tou- 
rillons dont  les  axes  se  coupent  mutuellement  en  deux  par- 
ties égales  au  centre  du  croisillon.  Les  deux  tourillons  d'un 
même  axe  tournent  sans  glissement  longitudinal  dans  les 
branches  d'une  fourche  montée  à  l'extrémité  de  l'un  des 
arbres  de  rotation  ;  les  deux  autres  tourillons  tournent  pa- 
reillement dans  la  fourche  qui  termine  l'autre  arbre,  et  le 
centre  du  croisillon  est  situé  au  point  d'intersection  du  pro- 
longement des  deux  arbres.  On  conçoit  que,  si  l'une  des 
fourches  est  animée  d'un  mouvement  ne  rotation  autour  de 
son  axe,  elle  entraîne  l'autre  fourche  et,  par  suite,  l'axe 
correspondant  dans  un  mouvement  qu'il  est  facile  d'étudier. 
On  reconnaît,  en  outre,  que  la  transmission  deviendrait 
impossible  si  les  deux  axes  se  coupaient  a  90*^,  et  aussi 
n'emploie-t-on  ce  mouvement  que  si  les  deux  axes  font 
entre  eux  un  angle  très  obtus.  Lorsque  l'angle  des  deux 
axes  est  voisin  de  90*,  il  est  préférable  de  recourir  à  un 

12 


JOINT  —  JOINVILLE 


—  178 


axe  auxiliaire  coupant  les  deux  premiers  sous  un  angle  ob- 
tus de  430<*  à  140*^  et  de  le  relier  à  chacun  de  ceux-ci  par 
un  joint  universel.  On  remplace  souvent  cet  axe  intermé- 
diaire, lorsqu'il  doit  être  très  court,  par  une  pièce  portant 
seulement  les  deux  fourches  qui  le  terminent;  c'est  la  dis- 
position connue  sous  le  nom  de  double  joint  de  llooke. 
Enfin,  on  peut  encore  citer  le  joint  do  Oldham,  qui  est  em- 
ployé pour  assurer  la  transmission  du  mouvement  entre 
deux  axes  parallèles  très  peu  distants.  Ce  joint  comprend 
aussi  un  croisillon  transmettant  le  mouvement  par  l'inter- 
médiaire de  deux  fourches  réunissant  les  extrémités  des 
axes  à  relier,  mais  il  diffère  de  celui  de  Cardan  en  ce  que 
les  bras  du  croisillon  peuvent  glisser  longitudinalement  dans 
les  fourches  en  même  temps  qu'ils  tournent  dans  le  plan 
du  croisillon  autour  de  l'arbre  moteur.  L.  Knab. 

IV.  Marine.  —  On  entend  par  joint  dans  les  machines 
marines,  tuyaux  de  vapeur,  tuyaux  conducteurs  d'eau,  etc., 
toute  disposition  qui  sert  à  rendre  étanche  la  réunion  de 
deux  pièces  juxtaposées.  Les  joints  sont  de  difiérentes  na- 
tures suivant  le  but  qu'ils  doivent  remplir.  Ils  se  font  tous 
avec  différents  mastics  dont  ils  portent  le  nom.  Le  mastic 
est  appliqué  entre  les  deux  surfaces  à  joindre  et  tous  les 
écrous  sont  serrés  en  même  temps.  C'est  ainsi  qu'on  a  les 
joints  au  minium  (1  partie  minium,  i  partie  céruse,  huile 
de  lin)  employé  à  la  jonction  des  pièces  qui  doivent  se  dé- 
monter et  ne  sont  pas  exposées  directement  au  feu,  telles 
que  :  assemblage  de  tuyaux,  portes  autoclaves,  etc.).  Joints 
♦').  la  céruse,  même  but  que  le  précédent.  Joints  au  mastic 
de  fer  (tournure  de  fonte,  40  parties  en  poids  ;  fleur  de 
soufre  en  poudre,  2;  sel  ammoniac,  4  :  humecter  avec  de 
l'eau  de  mer)  employé  pour  les  joints  des  pièces  en  fer  ou 
on  fonte  qui  ne  doivent  pas  se  démonter.  Joints  au  caout- 
chouc employé  pour  les  tuyaux  d'eau  froide,  etc. 

V.  Mathématiques.  —  Le  célèbre  naturaliste  Buffon 
s'est  quelquefois  occupé  de  mathématiques,  et  en  particu- 
lier de  questions  concernant  le  calcul  des  probabilités  ;  le 
jeu  du  joint  couvert,  dont  il  a  donné  la  théorie  dans  son 
histoire  naturelle,  consiste  à  lancer  au  hasard  une  pièce  de 
monnaie  sur  un  parquet  pavé  avec  des  hexagones  réguliers 
égaux  ;  on  gagne  quand  la  pièce  tombe  sur  le  périmètre 
d'un  des  polygones  en  question.  La  probabilité  de  perdre  à 
ce  jeu  est  le  rapport  des  aires  des  deux  hexagones  réguliers 
homothétiques  dont  l'un  est  la  surface  du  pavé  et  dont 
l'autre  a  son  côté  à  une  distance  du  côté  de  celui-ci  égal 
au  rayon  de  la  pièce.  Soit  a  le  côté  du  pavé,  r  le  rayon  de 
la  pièce,  la  probabilité  de  perdre  au  jeu  de  franc  carreau 


est 


2 


4 


et  celle  de  gagner   -•-—-• 


Le  jeu  de  franc  carreau  a  donné  lieu  à  une  foule  de  pro- 
blèmes des  plus  intéressants  sur  le  calcul  des  probabilités. 
En  voici  quelques-uns  :  sur  un  parquet  formé  de  lignes 
parallèles  équidistantes,  on  jette  au  hasard  un  petit  bâton, 
on  demande  la  probabilité  pour  qu'il  rencontre  une  des  pa- 
rallèles en  question  —  le  calcul  apprend  que  cette  proba- 

% 
bilité  est  — ■'  /  désignant  la  longueur  du  bâton  et  a  la  dis- 

tance  de  deux  raies  du  plancher.  — ■  Si  /  =  a.  cette  proba- 

bilité  devient  -  ;  de  là  résulte  un  moyen  expérimental  pour 

calculer  le  nombre  tc  et  qui  consiste  à  lancer  un  grand 
nombre  de  fois  un  bâton  de  longueur  l  sur  un  parquet 
formé  de  raies  distantes  les  unes  des  autres  de  la  quantité 
égale  /.  Si  sur  un  nombre  total  N  d'épreuves  le  bâton  a 
rencontré  n  fois  une  raie  du  plancher,  on  aura  : 

Z  —  !L 

et  cela  avec  une  approximation  d'autant  plus  grande  que  n 
sera  plus  grand.  Mais  il  ne  faut  pas  se  faire  d'illusion  sur 


la  valeur  pratique  de  cette  méthode  ;  et,  pour  obtenir  le 

1 
nombre  Tt  à  j-rr  près,  il  faut  faire  au  moins  5,000  épreuves. 

La  probabilité  pour  qu'une  pièce  de  monnaie  de  rayon  r 
rencontre  un  plancher  formé  de  raies  distantes  les  unes  des 

T 

autres  de  la  quantité  a  est  -  ;  si  au  lieu  d'une  pièce  circu- 
laire on  projetait  un  disque  de  forme  convexe  quelconque, 

s 
la  probabilité  de  rencontre  serait  ^ —  ,  s  désignant  la  lon- 
gueur du  périmètre  du  disque.  H.  Laurent. 

JOINTE.  On  donnait  ce  nom,  dans  les  anciens  Pays-Bas, 
aux  collèges  administratifs  délégués  par  le  gouvernement 
central,  soit  temporairement,  soit  d'une  manière  perma- 
nente. Les  principales  jointes  étaient  la  chambre  héral- 
dique, les  jointes  des  eaux,  des  monnaies,  des  monts-de- 
piété,  la  jointe  des  administrations  et  des  subsides.  Les 
unes  n'avaient  qu'un  caractère  consultatif,  d'autres  parti- 
cipaient à  l'exercice  du  pouvoir  exécutif.  Leurs  membres 
étaient  toujours  nommés  par  le  gouvernement. 

BiBL.  :  PouLLET,  les  Constitutions  nationales  belges  de 
Vancien  régime^  t.  XXVI  des  Mém.  de  l'Acad.roy.  de  Bel- 
gique. 

JOINTOIEIVIENT  (Gonstr.).  Se  dit  du  remplissage  des 
joints  d'une  maçonnerie  avec  un  mortier  liquide.  La  ma- 
çonnerie de  parement  vu  doit  être  jointoyée  immédiatement 
après  son  ragrément,  soit  au  fur  et  à  mesure  de  son  éléva- 
tion, soit  après  son  achèvement.  Les  jointoiements  ont  pour 
but  d'empêcher  les  dégradations  dans  les  maçonneries  et  de 
donner  un  aspect  plus  agréable  à  l'appareil.  Lorsque  le  join- 
toiement  a  lieu  au  fur  et  à  mesure  de  l'élévation  de  la  ma- 
çonnerie, on  applique  du  mortier  fin  dans  tous  les  joints, 
de  manière  à  bien  tracer  le  contour  des  pierres  et  on  le 
serre  avec  le  tire-joint  contre  ce  contour,  en  enlevant  avec 
soin  toutes  les  bavures.  On  laisse  le  mortier  rejeter  son 
eau  et  prendre  une  certaine  consistance,  puis  on  le  foule 
et  on  le  lisse  à  plusieurs  reprises  avec  une  spatule  en  fer, 
jusqu'à  ce  que  le  retrait  occasionné  par  la  dessication  ne 
donne  plus  lieu  à  aucune  gerçure.  Dans  le  cas  où  l'on  em- 
ploie un  autre  mortier  que  celui  de  pose,  on  commence  par 
enlever  le  mortier  de  pose  sur  5  centim.  de  profondeur  au 
moins  et  on  le  remplace  par  le  nouveau  mortier  que  l'on 
serre  avec  force  dans  les  joints,  de  manière  à  le  bien  sou- 
der avec  le  mortier  encore  frais  de  la  maçonnerie.  Lorsque 
le  jointoiement  a  lieu  après  l'achèvement  de  la  maçonne- 
rie, on  commence  par  dégrader  au  moyen  d'un  crochet  en 
fer  le  mortier  des  joints  sur  une  profondeur  de  3  à  5  cen- 
tim. et  par  dresser  au  besoin  les  arêtes  au  moyen  d'une 
règle  et  d'un  ciseau  bien  affûté  ;  puis,  après  avoir  épous- 
seté  les  joints,  on  les  lave  avec  une  brosse  de  chiendent 
trempée  dans  du  lait  de  chaux  clair  et  on  les  remplit  avec 
le  mortier  prescrit.  L'opération  s'achève  ensuite  comme 
précédemment.  Pour  un  parement  en  pierres  de  taille,  les 
surfaces  de  jointoiement  sont  tenues  en  retraite  de  3  mil- 
lim.  par  rapport  au  plan  des  arêtes  des  pierres  de  taille. 

JOINVILLE.  Ch.-l.  de cant.  du  dép.  de  la  Haute-Marne, 
arr.  de  Wassy  ;  4,478  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  l'Est, 
sur  la  hgne  de  Paris  à  Chaumont.  Centre  des  exploitations 
de  minerai  de  fer  et  des  grandes  usines  métallurgi(jues  de 
la  région  ;  hauts  fourneaux  avec  fonderie  et  atehers  de 
construction  ;  fonderie  de  cuivre,  fabriques  de  machines- 
outils  à  travailler  les  métaux;  de  chaînes  de  fer,  de 
brouettes,  etc.  Chambre  consultative  des  arts  et  manufac- 
tures. Cette  ville,  située  dans  une  position  pittoresque,  sur 
la  rive  gauche  de  la  Marne,  au  pied  d'un  coteau  que  cou- 
ronnait autrefois  une  imposante  forteresse,  fut  le  siège,  dès 
le  haut  moyen  âge,  d'une  seigneurie  puissante  érigée  bien- 
tôt en  baroiinie.  Ses  titulaires,  pendant  plus  de  deux  siècles, 
remplirent  la  charge  de  sénéchaux  de  Champagne;  mais 
le  plus  célèbre  fut  Jean  (V.  ci-dessous),  mort  en  13^24, 
l'ami  fidèle  et  le  touchant  biographe  de  Louis  IX.  A  la  fin 
du  XI v^  siècle,  la  terre  de  Join ville  passa  dans  la  maison 
régnante  de  Lorraine,  puis  à  une  branche  cadette,  et  fu 


i19  — 


JOINVILLE 


attribuée  à  Claude  de  Lorraine,  le  chef  de  la  fameuse  mai- 
son de  Guise  ;  dans  les  premières  années  du  xvi^  siècle. 
Henri  II,  en  4552,  l' érigea  en  principauté,  au  profit  du 
duc  François  de  Guise.  On  sait  le  rôle  considérable  que 
jouèrent  dès  lors,  dans  notre  histoire,  les  nouveaux  sei- 
gneurs de  Joinville.  C'est  au  château  de  Joinville  que  fut 
signée,  le  34  déc.  4584,  entre  les  représentants  de  Phi- 
lippe II,  roi  d'Espagne,  et  les  chefs  de  la  Ligue,  Falliance 
dite  du  Bien  public.  Vers  la  fin  du  xnf^  siècle,  la  princi- 
pauté de  Joinville  passa  par  héritage  à  la  famdle  d'Orléans 
qui  la  conserva  jusqu'à  la  Révolution  ;  le  duc  d'Orléans, 
Philippe-Egalité,  vendit  alors  le  château,  à  charge  pour  les 
acquéreurs  de  le  démolir,  clause  qui  fut  malheureusement 
exécutée.  —  La  ville,  à  travers  les  vicissitudes  des  inva- 
sions et  des  guerres  intestines,  fut  assiégée  et  pillée  à  di- 
verses reprises.  Charles-Quint,  en  4544,  s'en  empara  de 
vive  force  et  l'incendia.  Elle  a  conservé  cependant  un  cer- 
tain nombre  de  maisons  en  bois  du  xvi®  siècle  ;  un  jardin 
botanique,  très  bien  soigné,  situé  aux  abords  de  la  gare,  et 
le  Petit-Bois^  immense  pelouse  ombragée  de  beaux  arbres, 
donnent  accès  au  château  du  Grand-Jardin,  ancienne  mai- 
son de  plaisance  de  Claude  de  Lorraine,  premier  duc  de 
Guise,  qui  la  fit  construire  pour  sa  femme,  Antoinette  de 
Bourbon,  dans  la  première  moitié  du  xvi^  siècle.  Cette  gra- 
cieuse demeure  (mon.  hist.)  forme  un  rectangle  dont  les 
deux  façades  sont  ornées  de  sculptures  d'un  goût  délicat. 
Sur  la  place  du  Marché  s'élèvent  une  vieille  halle  et  l'église 
Notre-Dame,  en  partie  des  xii®,  xni^  et  xvi®  siècles.  L'hô- 
pital Sainte-Croix,  fondé  par  Claude  de  Lorraine  et  Antoi- 
nette de  Bourbon,  remanié  et  agrandi  en  4826  et  1864,  a 
gardé  des  constructions  primitives  un  grand  bâtiment  à 
pignon  dont  on  admire,  à  l'intérieur,  la  magnifique  char- 
pente. On  y  voit  de  beaux  émaux  de  Léonard  Limosin,  re- 
présentant les  fondateurs,  le  duc  et  la  duchesse  de  Guise  ; 
un  maître-autel  en  bois  doré,  des  tapisseries  anciennes,  et 
un  curieux  coftVe-fort  provenant  du  vieux  château.  Dans  le 
cimetière,  on  remarque  la  jolie  chapelle  gothique  de  Sainte- 
Anne  (4502),  ornée  de  beaux  vitraux  de  la  Renaissance, 
et  le  monument  commémoratif  des  anciens  seigneurs  de 
Joinville,  construit  en  4844  avec  les  débris  des  tombes  de 
marbre  noir  renversées  à  l'époque  de  la  Révolution.  L'hôtel 
de  ville  renferme  une  intéressante  tapisserie  des  Gobelins, 
des  boiseries  du  xv®  siècle,  et  deux  statues  en  marbre 
blanc,  œuvre  de  Dominique  le  Florentin,  qui  proviennent 
du  mausolée  de  Claude  de  Lorraine  et  d'Antoinette  de 
Bourbon.  Dans  la  rue  du  Grand-Pont  se  dresse  la  statue 
en  bronze  de  Jean  de  Joinville,  par  Lescorné  (4861);  le 
piédestal,  en  marbre,  est  orné  de  trois  bas-rehefsen  bronze 
représentant  divers  épisodes  de  la  vie  du  chroniqueur.  Les 
armes  de  Joinville  sont  :  Trois  broyés  d'or^  liées  d'argent 
sur  champ  d'azur^  au  lion  de  gueules^  en  chef,  nais- 
sant sur  champ  d'argent,  La  devise  est  celle  des  anciens 
seigneurs  :  Omniatutatime,      A.  Tausserât-Radel. 

BiBL.  :  Emile  Jolibois,  la  Haute-Marne  ancienne  et 
moderne  ;  Chaumont,  1858-1861,  gr.  in-8,  avec  pi.  et  carte. 
—  Ed.  Lepoix,  Joimnlle  ancien  et  moderne  ;  Joinville, 
1887,  album  in-fol.  oblong. 

JOINVILLE.  Village  d'Algérie,  annexe  de  la  commune 
de  plein  exercice  de  Blida,  arr.  et  dép.  d'Alger  ;  500  hab. 
presque  tous  Européens.  H  occupe  à  2  kil.  seulement  de 
Blida  l'emplacement  d'un  camp  établi  en  4840;  grâce  à 
Fabondance  des  eaux  et  aux  plantations  d'orangers,  grâce 
aussi  à  son  climat  salubre  et  au  voisinage  de  la  ville,  il 
n'a  pas  eu  à  subir  les  mêmes  épreuves  que  la  plupart  des 
autres  villages  algériens. —  Joinville  est  aussi  le  nom  d'un 
îlot  sur  lequel  s'appuie  le  môle  du  port  deCherchell  et  qui 
porte  un  phare  de  4^  classe.  E.  Cat. 

JOINVILLE.  Bourg  du  Brésil,  Etat  de  Santa  Catarina, 
sur  le  Cachoeira,  à  5  kil.  de  la  baie  de  Sâo  Francisco.  Il 
appartient  à  la  colonie  agricole  de  Dona  Francisca.,  peu- 
plée d'Allemands  et  d'Italiens. 

JOINVlLLE-LE-PoNT.  Coni.  du  dép.  de  la  Seine,  arr. 
de  Sceaux,  cant.  de  Saint-Maur,  sur  la  rive  droite  de  la 
Marne  ;  4,324  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  l'Est  (ligne  de 


Vmcennes).  Ce  ne  fut  d'abord  qu'un  hameau  appelé  la 
Branche  du  pont  de  Saint-Maur  et  dépendant  de  la  paroisse 
de  Saint-Maur  ;  en  4790,  il  obtint,  non  sans  peine,  d'être 
détaché  de  la  commune  de  Saint-Maur  et  de  former  une 
municipalité  particulière,  qui,  en  4831,  prit  le  nom  de 
Joinville-le-Pont,  par  un  sentiment  de  flatterie  non  dou- 
teux pour  la  monarchie  de  Juillet.  Depuis,  la  prospérité  de 
Joinville  n'a  pas  cessé  de  s'accroître;  elle  est  due  à  son 
agréable  situation  entre  le  bois  de  Vincennes  et  la  Marne, 
qui  y  attire  de  nombreux  touristes  et  canotiers  ;  c'est  aussi 
un  centre  assez  important  de  navigation  commerciale,  grâce 
à  sa  position  à  l'entrée  du  canal  qui  relie  les  deux  bras  de 
la  Marne  sur  ce  point. 

Ecole  de  gymnastique  de  Joinville  (V.  Ecole,  t.  XV 
p.  423).  ' 

.  W^^'kVA^vLh^^^'^.oU^^^î?^^^  ^"  diocèse  de  Paris, 
t  II,  p  459  de  Fédit.  de  1883  --  Piérart,  Histoire  de  Sainte 
Maur  des  Fossés;  Pans,  1886,  t.  I,  pp.  250  et  suiv.,  2  vol. 
in-o. 

JOINVILLE  (Jean,  sire  de),  chroniqueur  français,  né 
vers  4224,  peut-être  le  25  déc.  4222,  mort  entre  mil. 
4347  et  jum  4318,  sans  doute  le  24  déc.  4347.  Appar- 
tenant à  une  famille  qui  occupait  le  premier  rang  à  la  cour 
de  Champagne  et  possédait  la  charge  de  sénéchal,  il  passa 
vraisemblablement  plusieurs  années  de  son  enfance  auprès 
du  comte  Thibaut  dont  il  était  écuyer  tranchant  en  4241. 
En  4248,  il  s'embarqua  pour  la  croisade,  ayant  dû  mettre 
en  gage  une  grande  partie  de  ses  terres  et  emmenant  9  che- 
valiers et  environ  700  hommes,  demeura  neuf  mois  en 
Chypre,  aborda  en  Egypte  en  mai  ou  juin  4249,  fut  le 
compagnon  de  captivité  du  roi,  et,  après  avoir  séjourné  à 
Acre,  Césarée,  Jafïa  et  Sidon,  revint  en  France  en  4254. 
Il  n'avait  joué  en  résumé  qu'un  rôle  assez  modeste,  mais 
il  était  devenu  à  ce  point  l'ami  de  saint  Louis,  sous  la  su- 
zeraineté duquel  il  était  entré  en  4253,  que  les  frères  du 
roi,  à  leur  départ  de  Terre  sainte,  lui  avaient  recommandé 
ce  prince,  resté  sur  son  conseil.  Partageant  dès  lors  son 
temps  entre  la  Champagne  où  il  présidait  les  grands  jours 
de  Troyes  et  la  cour  de  France  où  saint  Louis  n'hésitait 
pas  à  le  faire  asseoir  auprès  de  lui  et  écoutait  ses  avis  et 
même  ses  remontrances,  il  refusa  cependant  de  prendre 
part  à  la  croisade  do  4270.  Il  déposa  en  4282  dans  l'en- 
quête qui  précéda  la  canonisation  du  saint  roi.  Charo-é  par 
Phdippe  III  d'administrer  la  Champagne  pendant  la  mino- 
rité de  Jeanne  de  Navarre,  il  vit  sa  situalion  augmentée 
par  le  mariage  de  cette  comtesse  avec  Philippe  le  Bel,  qui 
lui  confia  d'importantes  missions.  Entré  en  4344  dans  la 
ligue  des  nobles  de  Champagne  contre  le  roi,  il  fit  encore 
partie  de  l'expédition  de  Flandre  de  4345.  Il  était  vérita- 
blement^ le  type  du  chevalier  du  xiii«  siècle,  considéré 
comme  l'arbitre  du  bon  goût  dans  les  questions  d'usage  et 
d'étiquette,  lorsqu'à  la  prière  de  la  reine  Jeanne  il  entre- 
prit en  4305  de  dicter  ses  mémoires  intitulés  Histoire  de 
saint  Louis  qu'il  dédia  en  4309  à  Louis  le  Hutin. 

Cet  ouvrage,  qui  est  un  des  plus  anciens  textes  écrits 
en  prose  française,  dans  une  langue  intermédiaire  entre  le 
français  de  l'Ile-de-France  et  le  lorrain,  a  été  composé 
très  probablement  à  l'aide  de  notes  et  par  la  juxtaposition 
de  morceaux  rédigés  en  difiérents  temps;  ce  sont  avant 
tout  les  souvenirs  parfois  inexacts  d'un  témoin,  mais  Join- 
ville a  mis  en  œuvre  aussi  quelques  traditions  et  les  dé- 
tails qu'il  tenait  de  Pierre  d'Alençon  sur  les  derniers  mo- 
nients  de  son  père;  il  a  utilisé  de  même  certains  passages 
d'une  ancienne  rédaction  des  chroniques  de  saint  Denis  et 
inséré  dans  son  texte  une  ordonnance  du  roi  sur  les  bail- 
lis et  prévôts  et  les  Enseignements  de  saint  Louis  à  son 
fils.  Le  but  évident  de  son  histoire  est  de  proposer  son 
héros  comme  modèle  aux  rois  ;  il  ne  faut  y  chercher  ni 
précision  m  critique  ni  ordre  réel;  les  causes  des  faits 
comme  leurs  conséquences  y  sont  passées  sous  silence; 
mais  on  y  trouve  des  renseignements  géographiques,  de 
nombreux  traits  de  mœurs  exposés  dans  un  style  pitto- 
resque et,  mieux  encore,  un  portrait  vivant  de  saint  Louis; 
ses  mérites  sont  ceux  d'un  peintre.  Les  chapitres  où  le  séné- 


JOINVILLE  —  JOLÏBÔIS 


.-»  4S0 


chai  de  Champagne  rapporte  des  mots  du  roi  sur  la  pru- 
d'homie,  la  manière  dont  on  doit  se  vêtir,  ou  le  représente 
rendant  la  justice  ou  raconte  les  souffrances  de  la  reine 
à  Damiette,  sont  célèbres.  On  lui  a  su  gré  également  de  sa 
sincérité,  qui  lui  faisait  déclarer  qu'il  aurait  mieux  aimé 
avoir  conanis  trente  péchés  mortels  que  d'être  lépreux. 
Conservé  dans  trois  manuscrits,  V Histoire  de  saint  Louis 
a  été  éditée  dès  4  546  ;  plusieurs  fois  rééditée,  puis  traduite, 
elle  a  été  publiée  enfin  correctement  en  1868,  avec  tra- 
duction, par  N.  de  Wailly  dansla  Société  de  V histoire  de 
France  (nouv.  éd.  améliorée  en  1874,  in~4).  On  a  de  Join- 
ville  encore,  avec  une  lettre  de  1315  à  Louis  X,  un  Credo j 
écrit  en  1250  et  refait  en  1287,  qui  est  un  petit  manuel 
destiné  à  procurer  le  salut  des  âmes  (r'eproduit  en  fac-similé 
d'abord  dans  les  Mélanges  de  la  Société  des  bibliophiles 
français,  1837,  puis  dans  l'éd.  Didot,  1870,  in-4).  Les 
chartes  de  sa  chancellerie  en  langue  vulgaire  ont  été  im- 
primées dans  la  Bibliothèque  de  F  Ecole  des  Chartes 
(1867,  pp.  557-608;  1871,  133;  1874,  436;  1884, 
654;  1886,  5  et  468).  Marius  Bârroux. 

BiBL.  :  N.  DE  Wailly,  Mém.  sur  la  langue  de  J.,  dans 
Bibl.  de  VEc.  des  Ch.;  1868,  pp.  329-478,  et  1883,  pp.  12-25. 
—  P.  Meyer,  Comptes  rendus,  dans  la  Revue  critique 
d'hisL,  186'9,  11,3-11  (cf.  Romania,  XVI,  164).  —  P.  Viol- 
LET,  les  Enseignements  de  saint  Louis  à  son  fils,  dans 
Bibl.  de  VEc.  des  Ch. ,  1874,  pp.  5-56.  —  F,  Delaborde, 
les  Sires  de  Joinville,  dâxis  Pos.  des  tk.  de  VEc.  des  Ch.  ; 
Paris,  1877,  p.  14,  in-B.  —  Du  même,  J.  de  J.,  dans  Revue 
des  Deux  Mondes,  1892,  t.  CXIV,  pp.  602-36.  —  G.  Marx, 
Ueber  die  Wortstellung  bei  J.;  Altenbourg,  1881,  in-8.— 
Un  Nouveau  Texte  relatif  au  sire  de  J.,  dans  Bibl.  de  VEc. 
des  Ch.,  1888,  p.  705.  —  G.  Parts  et  A.  Jeanroy,  Extr. 
des  chroniqueurs  fr.  ;  Paris,  1892,  pp.  87-110,  in-16  (G. 
Paris,  extr.  de  la  Chr.  de  Roi.  et  de  J.;  Paris,  1889,  2^  éd.). 

JOINVILLE  (Geoffroi  de),  sire  de  Vaucouleurs,  né  vers 
1225,  mort  le  21  oct.  1314.  Il  était  lils  de  Simon  de  Join- 
ville  et  de  P)éatrix  d'Auxonne,  et  frère  cadet  de  Jean  de  Join- 
ville,  l'illustre  chroniqueur.  Son  mariage  avec  Mathilde  de 
Lacy,  héritière  de  l'imporlant  comté  de  Meath,  en  Irlande, 
l'attira  en  Angleterre,  où  il  devint  l'un  des  serviteurs  dé- 
voués de  la  couronne.  En  1273,  il  fut  investi  delà  charge 
de  grand  justicier  en  Irlande,  qu'il  exerçait  encore  en 
1276.  Il  combattit  sous  les  ordres  d'Edouard  P"^  dans  le 
pays  de  Galles  (1276),  en  Gascogne  (1294)  en  Flandre 
(1297).  Il  joua  un  rôle  important  dans  la  série  de  négo- 
ciations qui  intervinrent  entre  les  cours  de  France  et  d'An- 
gleterre à  la  suite  de  l'armistice  de  Vyve-Saint-Baron 
(1297,  9  oct.),  et  qui  aboutirent  au  traité  de  Paris  (1303, 
20  mai),  il  prononça  dans  plusieurs  conférences  diploma- 
tiques des  discours  dont  on  a  conservé  la  teneur.  Geoffroi 
de  Joinville  se  démit  de  ses  seigneuries  d'Angleterre  et 
d'Irlande  en  1308,  et  se  fit  dominicain  au  couvent  de 
Trim,  où  il  mourut.  Sa  femme,  Mahaut  de  Lacy,  qui  lui 
avait  donné  au  moins  neuf  enfants,  était  morte  en  avr.  1303. 
On  trouve  le  nom  de  Geoffroi  de  Joinville  orthographié  dans 
les  textes  de  l'époque  de  manières  diverses:  Geynvil,  Gien- 
ville,  Genneville,  Gionville,  Joinville. 

Frantz  Fiwck-Brentano. 

Bibl.  :  William  Dugdale,  The  Baronage  of  England, 
1675-75,  in-f'ol.,  au  mot  Genneville.  —  J.-T.  Gilbert, 
Fac-similés  of  national  mss.  of  Ireland;  Londres,  1871-84, 
in-(ol.  —  D'Arbois  de  Jubainville,  dans  la  Bibl.  de 
VEcole  des  Chartes,  1885,  pp.  341-45. —  Ch.-V.  Langlois, 
id.,  pp.  722-23.  —  Fr.  Delaborde,  id,  1893,  pp.  334-43.  — 
Ch.  BÉMONT,  Chartes  des  libertés  anglaises;  Paris,  1892, 
jn-S. 

JOINVILLE  (Edmond),  peintre  français,  né  à  Paris  le 
23  sept.  1801,  mort  à  Paris  en  1849.  Elève  de  Hersent,  il 
commença  de  se  faire  connaître  en  1826,  année  où  il  ex- 
posa une  Vue  du  Campo  Vaccino  à  Rome.  La  duchesse 
de  Berry,  qui  le  protégeait,  le  chargea  de  parcourir, 
aux  frais  de  l'Etat,  l'Italie  et  la  Sicile,  d'où  il  rapporta  un 
grand  nombre  de  paysages,  de  dessins  et  de  croquis.  Pen- 
dant dix-sept  années,  de  1831  à  1848,  il  a  envoyé  aux 
divers  Salons  des  tableaux  qui  sont  à  peu  près  oubliés 
aujourd'hui.  Citons  seulement  sa  Vue  de  Gênes  (1831), 
sa  Vue  prise  à  Palerme  (1837),  sa  Danse  de  la  Taren- 


telle (1842)  et  sa  Vue  de  Tunis,  Faubourg  de  Bab- 
Azoum  à  Alger  (1848).  Challamel. 

JOINVILLE  (Prince  de)  (V.  Orléans). 
JOISELLE.Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  d'Epernay, 
cant.  d'Esternay  ;  200  liab. 

JÔKAI  (Maurice),  homme  d'Etat  et  romancier  hongrois, 
né  à  Komorn  le  19  févr.  1825.  Aussi  précoce  que  lejeune 
Petœfi,  son  camarade  à  l'école  de  Papa,  il  écrivit,  dès  1842, 
le  drame  du  Petit  Juif,  et  Tannée  même  où  il  obtenait  son 
diplôme  d'avocat,  en  1846,  il  publiait  son  premier  roman, 
les  Jours  de  semaine,  qui  lui  attirait  déjà  l'attention  du 
monde  littéraire.  Aussi  pouvait-il  diriger  un  recueil  litté- 
raire, les  Images  de  la  Vie,  éditer  un  recueil  de  nouvelles 
et  figurer  au  premier  rang  des  journalistes  dans  la  journée 
du  15  mars  d848,  ayant  à  peine  vingt-trois  ans.  Il  assista 
à  la  capitulation  de  Vilâgos,  et  tomba  un  moment  au  pou- 
voir des  Russes  ;  mais  la  femme  distinguée  qu'il  avait  ré- 
cemment épousée  le  fit  évader,  et,  presque  aussitôt  après 
le  triomphe  de  la  réaction,  il  put  se  livrer  de  nouveau  à 
son  activité  littéraire.  Le  titre  du  premier  ouvrage  qui 
parut  alors.  Esquisses  des  combats  de  la  Révolution, 
montre  que  Jôkai  n'entendait  pas  désarmer  en  face  du  pou- 
voir vainqueur.  En  effet,  dès  que  la  presse  politique  put 
revivre,  il  devint  l'infatigable  rédacteur  du  Hon,  puis  de 
la  Nemzet,  Comme  député,  il  appartint  d'abord  à  l'opposi- 
tion modérée,  puis  au  parti  libéral  gouvernemental.  Sa 
production  littéraire  était  cependant  immense;  on  pourrait 
l'appeler  l'Alexandre  Dumas  de  la  Hongrie,  bien  qu'à  son 
extrême  facilité  vienne  parfois  se  joindre  la  puissance  de 
Victor  Hugo  ou  celle  de  Zola.  Citons  seulement,  parmi  des 
ouvrages  d'une  célébrité  européenne  traduits  toujours  en 
allemand,  parfois  dans  une  autre  langue  :  les  Turcs  en 
Hongrie  (1853);  le  Nouveau  Seigneur  (1862,  en  fran- 
çais parM^^Q  Steinecke,  1886);  les  Fils  de  lliomme  au 
cœur  de  pierre  (1869,  en  français  par  M.  de  Gérando- 
Teleki,  1880)  ;  les  Diamants  noirs  (1870)  ;  le  Roman 
du  siècle  à  venir  (1872)  ;  les  Comédiens  de  la  vie 
(1876);  Aiîné  jusqu'à  l'échafaud  (1882);  etc.  Mais 
Jôkai  n'est  pas  seulement  romancier  et  prosateur  pohtique, 
il  est  aussi  poète  politique  et  dramaturge,  comme  l'attestent 
un  recueil  publié  en  1880  et  les  pièces  intitulées  :  le  Roi 
Koloman  ([Sd^);  Georges  Dozsa  (iSoS) ;  les  Martyrs 
de  Szigetvàr  (1859);  3îilton  (1878),  etc.  —  Depuis 
la  mort  d'Arany,  Jokai  est  le  patriarche  de  la  littérature 
magyare.         "  E.  Sâyous. 

Bibl.  :  Schwiker,  Geschichtederungarischen  Litteratur. 
JÔKULL  (V.  Islande,  t.  XX,  p.  1009). 
JOKULL'SA  (V.  Islande,  t.  XX,  p.  1010). 
JOL  (Corneille),  marin  hollandais,  né  à  Scheveningen  au 
commencement  du  xvii^  siècle,  mort  à  File  Saint-Thomas 
en  164i.  Il  s'engagea  comme  simple  mousse  au  service  de 
la  Compagnie  des  Indes  et  se  distingua  par  une  rare  intré- 
pidité dans  les  campagnes  navales  contre  le  Portugal  et 
l'Espagne.  A  l'âge  de  vingt-sept  ans,  il  était  capitaine  de 
vaisseau;   en  1638,  la  part  qu'il  prit  à  la  victoire  des 
Dunes  lui  valut  le  grade  d'amiral.  Il  fut  alors  envoyé  en 
Afrique  et  enleva  aux  Portugais  une  partie  de  leurs  colo- 
nies et  les  annexa  aux  possessions  hollandaises.  Il  mourut 
de  la  fièvre  jaune  au  moment  où  il  semblait  devoir  rem- 
porter de  nouveaux  succès,  E.  H. 

Bibl.:  Van  Kaupe-n,  Histoire  des  Hollandais  aux  colo- 
nies (en  holl.)  ;  Haaiiem,  1831-33,  4  vol.  in-8. 

JOLI  (Antonio),  peintre  italien,  né  à  Modène  vers  1700, 
mort  en  1777.  Elève  de  Pannini,  il  peignit  des  décors  de 
théâtre  en  Italie,  Espagne,  Angleterre,  Allemagne,  fut  pein- 
tre de  la  cour  de  Naples  sous  Charles  III  et  Ferdinand  IV, 

JOLIBOIS  (Claude-Emile),  professeur  et  archéologue 
français,  né  à  Chaumont-en-Bassigny  le  5  mai  1813. 
Professeur  d'histoire  au  lycée  de  Colmar  en  1843,  mis  en 
disponibilité  en  i  849  pour  ses  opinions  politiques,  prit  la  di- 
rection du  journal  le  Républicain  du  Rhin  qui  fut  supprimé 
au  coup  d'Etat  du  2  décembre  1851.  M.  Jolibois  fut  même 
alors  emprisonné  jusqu'en  1853.  Rendu  à  la  liberté,  il 


184  - 


JOLTBOIS  -  JOLLIYET 


vint  à  Paris  ot  s'y  livra  à  IVnseignement  libre  jusqu'en 
4859,  époque  où  il  fut  nommé  archiviste  du  dép.  du  Tarn. 
M.  Jolibois  est  l'auteur  de  nombreuses  publications  histo- 
riques et  archéologiques,  relatives  à  son  pays  natal  ou  au 
pays  albigeois  et  parmi  lesquelles  il  faut  citer  :  une  tra- 
duction des  Chroniques  de  révêché  de  Langres  {iSAZ, 
in-8);  rUistoire  de  la  ville  de  Rethel  (iSi6^  in-8); 
l'Histoire  de  la  ville  de  Chaumont{iST^(),  in-8,  pi.)  ;  la 
Roue  de  fortune  ou  la  Chronique  de  Grancey,  roman 
généalogique  du  xiv®  siècle,  traduit  et  publié  pour  la 
première  fois  (4857,  in-8);  la  Haute-Marne  ancienne  et 
moderne  (4864,  in-4);  l'Histoire  des  consuls  de  la 
ville  d'Albi  (4865,  in-8);  Albi  au  moyen  âge  (4874, 
in-8)  ;  Dévastation  de  l'Albigeois  par  les  compagnons 
de  Montluc  (487^2,  in-8)  ;  r Inventaire  des  Archives  dé- 
partementales du  Tarn  (4873-75,  2  vol.  in-4).  M.  Joli- 
bois  dirigea  en  outre  VA^muaire  du  Tarn  depuis  4860 
et  a  fondé  en  4876  la  Revue  historique,  scientifique  et 
littéraire  du  dép.  du  Tarn.  (Iharles  Lucas. 

JOLIBOIS  (Eugène),  homme  politique  français,  né  à 
Amiens  le  4  janv.  1849.  Avocat  à  Paris,  il  entra  dans  la 
magistrature  en  4849,  devint  procureur  général,  passa 
en  4863  dans  l'administration  comme  préfet  de  la  Savoie 
et,  nommé  conseiller  d'Etat  en  1866,  il  reprit  sa  place  au 
barreau  de  Paris  après  la  chute  de  l'Empire.  Elu  député  le 
20  févr.  4876  par  la  deuxième  circonscription  de  Saintes,  il 
fit  partie  du  groupe  de  l'Appel  au  peuple,  dont  il  devint 
bientôt  un  des  principaux  chefs.  Il  se  fit  remarquer  à  la 
Chambre  par  ses  qualités  d'orateur,  et,  réélu  le  44  oct. 
4877,  le 24  août  4884,  le  4  oct.  4885  et  le  22  sept.  4889, 
il  ne  se  représenta  pas  aux  élections  générales  de  4893. 
Fidèle  à  la  ligne  politique  qu'il  avait  toujours  suivie,  il  fut 
constamment  un  adversaire  mordant  des  divers  cabinets 
républicains  et  se  distingua  notamment  lors  des  débats 
relatifs  à  l'arrestation  du  prince  Napoléon  (4882),  aux 
affaires  du  Tonkin,  à  l'expulsion  des  princes,  aux  troubles 
de  Châteauvillain  (4886),  etc.  11  appuya  vivement  le  bou- 
langisme. 

JOLI  ET.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  d'ïllinois,  sur  la 
rivière  Des  Plaines,  à  56  kil.S.-O.  de  Chicago;  45,000  hab. 
C'est  un  nœud  de  ch.  de  fer,  et  le  canal  de  l'illinois  au  Mi- 
chigan  y  passe.  Joliet  est  donc  le  marché  agricole  de  cette 
région,  avec  de  grandes  minoteries;  au  voisinage  sont  de 
belles  carrières  de  pierre  de  taille. 

JOLIET  ((harles),  littérateur  français,  né  à  Saint-Hip- 
polyte-sur-le-Doubs  le  8  août  4832.  Employé  au  mmistère 
des  finances  de  4854  à  4864,  il  abandonna  l'administration 
pour  la  littérature  et  collabora  sous  son  nom  et  divers  pseu- 
donymes à  une  foule  de  feuilles  parisiennes.  Parmi  ses  nom- 
breux ouvrages,  nous  citerons  :  l'Esprit  de  Diderot  (Paris, 
4859,  in-4 2);  la  Bougie  rose,  comédie  (4  865,  in-42)  ; 
le  Roma?î  de  deux  jeunes  mariés  (1866,  in-42)  ;  les 
Athéniennes,  poésies  (4866,  in-42)  ;  les  Pseudonymes 
du  jour  (4867,  in-42  ;  2*^  éd.,  4883)  ;  Huit  Jours  en  Da- 
nemark (1867,  in-42)  ;  le  Train  de  maris  (4872,  in-42)  ; 
Jeune  Ménage  (4876,  in-42)  ;  la  Vipère  {\%m,  in-42); 
la  Fornarina(iSS^,  in-i2)  ;  Curiosités  des  lettres,  des 
sciences  et  des  arts  (iHM,  in-42);  Romans  incohérents 
(4887,  in-42)  ;  le  Trésor  des  curiosités  (4894,  in-42)  ; 
la  Vie  d'artiste.  Rérengère  (1892,  in-42)  ;  Nouveaux 
Jeux  d'esprit  (4  892,  in-42),  etc. 

JOLIETTE.  Ville  du  Canada,  prov.  de  Québec,  ch.-l. 
de  comté,  sur  la  rivière  de  l'Assomption  ;  5,000  hab.  Mar- 
ché agricole;  fonderie,  tannerie,  mouhns  à  fouler,  etc. 

J-OLIMETZ.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  d'Avesnes, 
cant.  du  Quesnoy  ;  908  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  du 
Nord,  ligne  d'Auinoye  à  Valenciennes. 

JO  LIMON  T.  Chaînon  détaché  du  Jura,  courant  du  N.-E. 
au  S. -0.,  entre  les  lacs  de  Neuchâtel  et  de  Bienne,  en 
Suisse.  Le  sommet,  dont  l'ait,  est  de  700  m.,  forme 
un  plateau  en  partie  cultivé,  d'où  l'on  jouit  d'une  vue 
admirable  sur  les  lacs,  le  Jura  et  la  chaîne  des  Alpes, 
depuis  le  Titlis  jusqu'au  mont  Blanc.  Dans  la  forêt  qui 


couvre  le  flanc  N.  de  la  montagne  se  trouve  un  autel  drui- 
dique. 

JOLI  MO  NT  (François-Gabriel  Basset  de),  peintre  et 
écrivain  français,  né  à  Martainville,  près  de  Rouen,  en 
4787,  mort  à  Dijon  en  4854.  Il  se  distingua  dans  la  pein- 
ture à  la  gouache  et  dans  l'aquarelle  ;  il  se  montra  aussi 
fort  habile  pour  reproduire,  pour  restaurer  les  anciens 
manuscrits  ornés  de  miniatures.  Habitant  successivement 
Rouen  et  Dijon,  il  a  publié  différents  ouvrages  relatifs  aux 
monuments  de  ces  deux  villes,  de  Paris,  du  Calvados,  de 
Lyon,  de  Reims,  aux  cathédrales  de  France.  Citons  son 
Recueil  de  ^5  dessins  originaux  représentant  des  abbayes 
et  d'anciens  châteaux  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure, 
d'après  la  collection  de  Galgmères,  et  Polya7ithea  archéo- 
logique (ouvrage  pubhé  à  Moulins,  4842-4843). 

JOLIN  (Jean-Christophe),  acteur  et  écrivain  suédois, 
né  le  28  déc.  4848,  mort  à  Stockholm  le  43  nov.  4884. 
Il  débuta  sur  la  scène  en  4845,  et  s'en  retira  en  4868  ;  à 
partir  de  4857,  il  dirigea  l'école  scénique.  Il  a  traduit  et 
adapté  plusieurs  pièces  étrangères,  en  a  écrit  une  vingtaine 
d'originales  :  des  comédies  comme  En  yuan  af  verld  och 
en  man  afvdrde  et  En  maji  som  vill  har  ro  ;  des  drames 
comme  Mâster  Smith  Barnhusbauren^  Smddeskrif- 
varen  ;  de  plus  des  romans  Rosen  bland  Kamelior, 
Vinglaren,  etc.  Ses  œuvres  complètes  ont  été  publiées 
(Stockholm,  4872  et  suiv.,  7  vol.). 

JOLIVARD  (André),  peintre  de  paysage,  né  à  Mons  en 
4787,  mort  à  Paris  en  4854,  élève  de  Bertin.  Il  a  gravé 
sept  paysages. 

JOLI  VET.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr. 
et  cant.  de  Lunéville;  487  hab. 

JOLLIET  ou  JOLIET  (Louis),  explorateur  français,  né 
à  Québec  en  4645,  mort  en  4700.  Elève  des  jésuites,  il 
entra  dans  l'ordre  en  4662  et  se  consacra  à  l'étude  des 
langues  indiennes  et  de  la  géographie.  Il  étudia  avec  le 
père  Marquette  la  route  vers  le  Mississippi,  partit  de  Michi- 
limackinac  le  47  mai  4673,  remonta  de  la  baie  Green  la 
rivière  Fox,  atteignit  le  grand  fleuve  le  47  juin,  franchit 
l'illinois,  l'Ohio,  et  chez  les  Indiens  Arkansas  retrouva 
la  trace  des  Européens  venus  par  le  S.;  certain  que  le 
Mississippi  aboutissait  au  golfe  du  Mexique,  il  revint  au 
lac  Michigan  en  remontant  l'Iiïinois.  Il  perdit  son  équi- 
page et  ses  cartes  dans  les  rapides  Lachine,  près  de 
Montréal.  Il  reçut,  en  4680,  la  seigneurie  d'Anticosti  et 
continua  de  travailler  activement  à  la  cartographie  franco- 
américaine.  Les  archevêques  Taschereau  et  Taché  descen- 
dent de  Jolliet. 

JOLLIVET  (Jean-Baptiste-Moïse,  comte),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Tury  (Yonne)  le  48  déc.  4753,  mort 
à  Paris  le  28  juin  4848.  Notaire  avant  la  Révolution,  il 
fut  membre  du  directoire  du  dép.  de  Seine-et-Marne  (4794) 
et  devint  le  4^''  sept,  député  de  ce  département  à  l'Assem- 
blée législative.  Adversaire  déclaré  des  Jacobins,  il  réussit 
toutefois  à  éviter  toute  persécution  de  leur  part.  Il  rendit 
à  divers  titres  de  grands  services  au  gouvernement  dans 
les  questions  des  finances .  Créé  conseiller  d'Etat  en 
l'an  Vin,  il  s'occupa  principalement  de  préparer  et  discuter 
les  titres  du  code  civil  relatifs  aux  privilèges  et  hypothèques. 
Préfet  du  Mont-Tonnerre  (4800),  ministre  du  royaume  de 
Westphalie  (4807),  il  fut  créé  comte  de  l'Empire  le  2  août 
4808.  On  a  de  lui  :  l'Impôt  progressif  et  le  morcelle- 
ment des  patrimoines  (4792,  in-8)  ;  Principes  fonda- 
mentaux du  régime  social  (4793,  in-8);  l'Impôt  sur 
les  successions,  l'Impôt  sur  le  sel  (4798,  in-8);  le 
Thalweg  du  Rhiîi  considéré  comme  limite  entre  la 
France  et  l'Allemagne  (4804);  De  l'Expertise  (4802, 
in-8). 

JOLLIVET  (Pierre- Jules),  peintre  français,  né  à  Paris 
le  26  juin  4794,  mort  à  Paris  le  7  sept.  4874.  Il  étudia 
dans  l'atelier  de  Gros  et  dans  celui  de  Dejuinne.  De  4822 
à  4825  il  travailla  en  Espagne  pour  la  publication  du  Mu- 
sée de  Madrid,  ordonnée  par  Ferdinand  VII.  Revenu  en 
France,  il  s'adonna  complètement  à  la  peinture  et  repro-^ 


JOLLIVET  —  JOLLY 


—  482 


duisit  beaucoup  de  scènes  de  genre,  surtout  de  scènes  es- 
pagnoles. Son  Lara  (4835),  au  musée  du  Luxembourg  ; 
son  Massacre  des  Innocents  (4845),  au  musée  de  Rouen, 
ses  diverses  toiles  au  musée  de  Versailles,  ont  été  appré- 
ciées. On  voit  de  lui  Jésus  guérissant  les  malades^  dans 
la  ville  de  Vitry-le-François,  des  vitraux  dans  l'église  de 
Saint-Louis-en-l'Ile,  une  décoration  à  la  fresque  dans 
l'église  Saint-Ambroise,  à  Paris,  et  un  travail  sur  lave 
ém'aillée,  à  Saint-Yincent-de  Paul,  la  Trinité,  le  plus  grand 
émail  qui  ait  été  fait.  Ses  portraits  de  Philippe  III  et  de 
Catinat  sont  au  musée  de  Versailles.  Challamel. 

JOLLIVET  (Adolphe),  homme  politique  français,  né  à 
Rennes  le  28  avr.  4799,^  mort  à  Paris  le  24  févr.  4848. 
Elu  député  d'IUe-et- Vilaine  le  24  oct.  4083,  réélu  cons- 
tamment jusqu'en  ^1839,  et  du  20  mars  4840  jusqu'à  sa 
mort,  il  prit  une  part  considérable  aux  débats  et  aux  travaux 
de  l'Assemblée  oU  il  se  montra  toujours  ministériel  dévoué. 
Il  fut  membre  du  conseil  privé  du  roi  Louis-Philippe  et 
fut  tué  dans  le  jardin  des  Tuileries  pendant  l'insurrection 
de  4848.  Il  a  laissé  de  nombreux  ouvrages  parmi  lesquels 
nous  citerons  :  Examen  du  système  électoral  anglais 
(Paris,  4835,  in-8);  Historique  de  la  traite  et  du  droit 
de  visite  (4844,  in-8);  Documents  américains,  annexion 
du  Texas,  émancipation  des  noirs,  etc.  (4845,  3  vol. 
in-8);  les  Colonies  françaises  (1845,  in-8)  et  plusieurs 
volumes  sur  la  question  des  sucres. 

JOLLIVET  (Gaston),  publiciste  français,  né  à  Paris  en 
4842.  Chroniqueur  littéraire  au  Figaro,  puis  au  Gaulois, 
à  la  Patrie,  il  a  usé  jadis  du  pseudonyme  de  Bixiou.  Ci- 
tons de  lui  :  Plutus,  comédie  en  collaboration  avec  Albert 
Millaud;  Nos  Petits  Grands  Hommes  (Paris,  4884,  in-42); 
la  Briguedondaine,  revue  en  collaboration  avec  P.  Ferrier  ; 
VArt  de  vivre  (4888,  in-42),  sous  le  pseudonyme  de  Fon- 
teneilles, 

JOLLOIS  (Jean-Raptiste-Prosper),  ingénieur  français, 
né  à  Rrienon  (Yonne)  le  47  août  n76,  mort  à  Paris  le 
25  juin  d842.  Il  était  ingénieur  en  chef  directeur,  dans  le 
corps  des  ponts  et  chaussées.  Attaché  à  l'expédition  d'Egypte 
en  '1798,  il  fut  nommé  membre  de  la  commission  chargée 
d'explorer  la  partie  méridionale  du  pays,  étudia  les  ruines 
de  Thèbes,  d'Esneh,  de  Denderah,  revint  ensuite  dans  le  Delta 
pour  des  travaux  hydrauliques  et,  de  retour  en  France, 
coopéra  à  la  rédaction  du  grand  ouvrage  sur  l'expédition 
d'Egypte.  Après  ce  grand  travail,  il  rentra  au  service  actif  de 
son  corps  (ponts  et  quais  de  Paris).  Devenu  ingénieur  en 
chef  des  Vosges,  puis  du  Loiret,  il  consacra  tous  ses  loisirs  à 
la  publication  de  travaux  archéologiques,  s'attacha  à  l'his- 
toire de  Jeanne  d'Arc  (dont  il  publia  une  Histoire  illus- 
trée, 4824,  in-fol.)  et  construisit  en  4820,  à  Domrémy, 
un  monument  à  sa  mémoire.  Il  a  terminé  sa  carrière  comme 
ingénieur  en  chef  directeur,  à  Paris,  et  a  coopéré  activement 
à  l'assainissement  de  la  banlieue  de  la  capitale.    M. -G.  L. 

BiBL.  :  Alfred  Maury,  dans  Mémoires  de  la  Société  des 
Antiquaires  de  France,  t.  XVIII. 

JOLLY  (Antoine-François),  auteur  dramatique  français, 
né  à  Paris  le  25déc.  4662,  mort  à  Paris  le  30  juil.  4753. 
Censeur  royal  en  4737.  Il  fit  jouera  l'Opéra  Méléagre,  tra- 
gédie lyriqueencinq  actes  (Paris,  4  709,  in-42);  au  Théâtre- 
Français /'Eco /é?  des  amants  (4749,  in-42),  comédie  en  trois 
actes  ;  la  Vengeance  de  V amour,  comédie  en  cinq  actes,  qui 
fut  outrageusement  sifflée  au  Théâtre-Italien,  où  il  obtint  au 
contraire  un  très  grand  succès  avec  les  deux  comédies  de /a 
Femme  jalouse  (4727,  in-42)  et  de  la  Capricieuse  (4726, 
in-42).  Mais  c'est  surtout  comme  érudit  que  Jolly  est  recom- 
mandable.  Il  a  donné  de  bonnes  éditions  de  Molière,  des  deux 
Corneille,  de  Racine  et  édité  les  Mémoires  d'Omer  Talon. 
A  l'instigation  de  Daguesseau,  il  entreprit  un  immense  re- 
cueil manuscrit  des  cérémonies,  joutes,  carrousels,  entrées, 
mariages,  baptêmes,  funérailles  sous  l'ancienne  monarchie, 
recueil  connu  sous  le  titre  de  Grand  Cérémonial  de 
France,  et  formant  7  vol.  in-fol.  (Bibliothèque  nationale). 
Il  en  avait  publié  un  extrait  :  Projet  d'un  nouveau  céré- 
monial français  (Paris,  4746,  in-4). 


JOLLY  (Marie-Elisabeth),  actrice  française,  née  à  Ver- 
sailles le  8  avr.  4764,  morte  à  Paris  le  5  mai  4798.  Elle 
était  fille  d'un  marchand  quincaillier,  et  dès  ses  plus  jeunes 
années  elle  figura  dans  les  ballets  de  la  Comédie-Française, 
où  on  lui  fit  jouer  quelques  rôles  d'enfants.  Un  peu  plus 
tard  elle  devint  élève  de  Préville,  qu'elle  surprit  par  son 
intelligence  et  qui  la  fit  engager,  à  l'âge  de  dix-sept  ans, 
dans  la  troupe  de  la  célèbre  Montansier,  à  Versailles.  Le 
1^^  mai  4784  elle  débutait  avec  éclat  à  la  Comédie-Fran- 
çaise, dans  Dorine  de  Tartufe  et  Lisette  du  Tuteur,  Ses 
débuts  furent  si  brillants  et  son  talent  était  déjà  si  remar- 
quable que  dès  4783  elle  était  reçue  sociétaire.  Ce  talent 
était  d'une  telle  souplesse  qu'elle  jouait  tour  à  tour  et  avec 
une  égale  supériorité  les  soubrettes  telles  que  Toinette  du 
Malade  imaginaire  et  Finette  du  Dissipateur,  des  ingé- 
nues telles  qu'Agnès  de  V Ecole  des  femmes,  des  rôles  de 
caractère  tels  que  la  tante  de  la  Coquette  corrigée,  et  de 
grands  rôles  de  tragédie  tels  que  Constance  ^'înès  de  Castro 
et  Athalie.  Artiste  de  premier  ordre,  excellente  en  tous 
les  genres,  elle  conquit  une  situation  absolument  exception- 
nelle. Aussi  fut-elle  chargée  d'un  grand  nombre  de  créa- 
tions, entre  autres  dans  les  Courtisaiies,  le  Fou  par 
amour,  les  Châteaux  en  Espagne,  le  Sourd,  VOpti- 
misle,  Jean  Calas,  le  Collatéral,  le  Conciliateur,  le 
Conteur,  l'Inconstant,  etc.  En  4793,  W^"  Jolly  fut 
arrêtée  par  ordre  du  Comité  de  salut  pubhc,  ainsi  que  tous 
ses  camarades  de  la  Comédie-Française  (alors  théâtre  de 
la  Nation)  et  détenue  pendant  plusieurs  mois  aux  Made- 
lonnettes.  Elle  n'en  sortit  qu'à  la  condition  de  se  montrer 
sur  le  théâtre  de  la  Répubhque,  puis  elle  alla  rejoindre  ses 
anciens  camarades  à  l'Odéon.  Mariée  à  un  ancien  capitaine 
de  cavalerie  nommé  du  Lomboy,  dont  elle  eut  cinq  enfants, 
elle  mourut  poitrinaire,  dans  toute  la  force  de  la  jeunesse 
et  du  talent.  Cette  femme  charmante  est  la  première  qui, 
faisant  un  pèlerinage  à  Ermenonville  en  4788,  déposa  une 
couronne  sur  la  tombe  de  Jean-Jacques  Rousseau  ;  cette 
couronne  était  en  bronze  et  portait  cette  inscription  : 
Offerte  en  il 88  aux  mânes  de  J.-J.  Rousseau  par 
Marie  Jolly,  épouse  et  mère.  Sa  mort  excita  d'universels 
regrets,  et  le  poète  Lebrun  fit  graver  ces  deux  vers  sur  sa 
tombe  : 

Eteinte  dans  sa  fleur,  cette  actrice  accomplie 
Pour  la  première  fois  a  fait  pleurer  Thalie. 

Arthur  Pour, m. 

JOLLY  (Philipp-Gustav),  physicien  allemand,  né  à 
Mannheim  le  26  sept.  4809,  mort  à  Munich  le  24  déc. 
4884.  Il  fut  reçu  agrégé  à  Reidelbergen  4834,  y  professa 
de  4839  à  1854  et  occupa  ensuite  la  chaire  de  physique 
de  l'université  de  Munich.  Ses  travaux,  fort  estimés,  ont 
plus  particulièrement  porté  sur  les  phénomènes  d'endos- 
mose, dont  il  a  donné  des  lois,  depuis  reconnues  fausses 
(V.  Endosmose,  t.  XY,  p.  4048),  sur  la  dilatation  des  gaz, 
sur  la  composition  de  l'atmosphère,  sur  la  mesure  de  la 
densité  de  la  terre.  Il  a  inventé  plusieurs  instruments  :  un 
thermomètre  à  air,  un  eudiomètre,  une  machine  pneuma- 
tique à  mercure,  etc.  Il  a  publié,  outre  des  mémoires  et 
articles  de  revues  :  Anleitung  zur  Differential-und 
Integralrechnung  (Heidelberg,  4846,  in-8)  ;  Die  Prin- 
cipien  der  Mechanik  (Stuttgart,  1852,  in-8);  Ueber  die 
Physik  der  Molecularkrœfle  (Munich,  4857,  in-4);  Die 
Verœnderlichkeit  in  der  Zusammensetzung  der  atmos- 
phœrischen  Luft  (Munich,  4878,  in  4);  Die  Anwendung 
der  Waage  auf  Problème  der  Gravitation  (Munich, 
4878-84,  in-4). 

Il  a  laissé  deux  fils  :  Ludwig,  né  à  Heidelberg  le  42  mars 
4843,  professeur  de  sciences  politiques  à  l'université  de 
Tubingue  et  économiste  très  distingué,  à  qui  l'on  doit, 
entre  autres  écrits  de  valeur  :  Die  franzosische  Volks- 
schule  unter  der  3  Republik  (Tubingue,  488i,  in-8)  ; 
—  Friedrich,  né  à  Heidelberg  le  24  nov.  4844,  profes- 
seur de  clinique  psychiatrique  à  l'université  de  Strasbourg, 
qui  est  également  l'auteur  de  nombreux  ouvrages  :  Bericht 
ilber  die  Irrenabteilung   des  Julius-Spitals  (Wurz- 


-  483 


JÔLLY  —  JOLY 


bourg,  1873)  ;  Untersuchungen  ûber  den  elektrischen 
Leistungswider stand  des  menschliehe^i  Kœrpers  {SirsLS- 
bourg,  1884)  ;  Einrichtung  der  psychiatrischen  Klinik 
in  Strassburg  (Strasbourg,  1887),  etc.  L.  S. 

BiBL.  :  Catalogue  of  scientific  papers,  publié  par  la 
Société  royale  de  Londres,  t.  III,  VIII  et  X. 

JOLLY  (Jules),  homme  politique  badois,  né  à  Mannheim 
le  21  févr.  1823,  mort  à  Wiesbaden  le  14  oct.  1891. 
Privat-docent,  puis  professeur  de  droit  à  l'université  de 
Heideiberg  (1857),  il  entra  au  ministère  de  l'intérieur  avec 
le  titre  de  conseiller,  fut,  à  la  Chambre  badoise,  le  chef  des 
nationaux-libéraux.  En  1866,  il  devint  ministre  de  l'inté- 
rieur, puis  ministre  d'Etat  et  président  du  conseil  des  mi- 
nistres (1868),  en  sept.  1876  président  de  la  cour  des 
comptes.  C'est  lui  qui  négocia  pour  le  grand-duché  de  Bade 
la  création  de  l'Empire  allemand. 

JOLY  (Claude),  écrivain  français,  né  à  Paris  le  2  févr. 
1607,  mort  à  Paris  le  15janv.  1700.  Fils  d'un  lieutenant 
général  de  la  maréchaussée  et  d'une  fille  d'Ant.  Loisel,  il 
entra  dans  les  ordres,  reçut  un  canonicat  à  Paris  (1631), 
accompagna  le  duc  de  Longue  ville  au  congrès  de  Munster, 
se  retira' à  Rome  durant  la  Fronde,  fut  nommé  chantre  de 
Notre-Dame  en  1671.  Ses  nombreux  ouvrages  sont  d'un 
style  rigoureux  et  d'un  esprit  indépendant.  Citons  :  Be- 
cueil  de  maximes  pour  l'Institution  du  roi  (Paris, 
1652,  1663,  in-16),  pamphlet  contre  Mazarin,  qui  fut 
brûlé  par  ordre  du  Chàtelet  ;  divers  factums  contre  les 
curés,  l'université,  etc.,  qui  lui  disputaient  la  juridiction  des 
écoles,  etc. 

JOLY  (Gui),  historien  français  de  la  fin  du  xvn®  siècle. 
Neveu  du  précédent,  il  fut  syndic  des  rentes  de  l'Hôtel  de 
Ville  (1652),  suivit  la  fortune  du  cardinal  de  Retz  et  écrivit 
des  Mémoires  pour  compléter  les  siens  sur  les  événements 
de  1648  à  1665;  ils  n'en  sont,  sauf  pour  la  fin,  qu'un 
abrégé.  Gui  Joly  rédigea  ensuite  en  1667  et  1668,  pour 
Louis  XIV,  deux  traités  opposés  à  ceux  de  Stockmans  et 
destinés  à  établir  les  droits  de  la  reine  sur  une  partie  des 
Pays-Bas  (V.  Dévolution). 

JOLY  (Hugues- Adrien],  iconophile  et  administrateur 
français,  né  à  Paris  le  10  avr.  1 7i  8,  mort  à  Paris  le  27  févr. 
1800.  Secrétaire  de  l'Académie  de  peinture  et  de  sculp- 
ture, il  fut  nommé  vers  1750  garde  du  Cabinet  des  estampes 
de  la  Bibliothèque  du  roi,  et  il  devint  le  principal  orga- 
nisme du  dépôt  confié  à  ses  soins,  qu'il  accrut  considéra- 
blement par  d'intelligentes  acquisitions.  —  Son  fils,  Adrien- 
Jacques^  né  à  Paris  en  1756,  mort  à  Saint-Germain-en-Laye 
le  20  nov.  1829,  fut  son  adjoint  depuis  1792  et  le  rem- 
plaça le  26  oct.  1795.  Sous  son  administration  vigilante 
et  éclairée,  le  Cabinet  des  estampes  devint  sans  rival  au 
monde.  C'est  à  lui  qu'on  doit  l'idée  de  la  vulgarisation  de 
l'histoire  de  la  gravure  au  moyen  d'une  exposition  d'une 
série  d'estampes.  G.  P-r. 

JOLY  (Etienne-Louis-Hector  de),  homme  d'Etat  français, 
né  à  Montpellier  le  22  avr.  1756,  mort  le  10  avr.  1837. 
Secrétaire  de  la  Commune  de  Paris,  il  fut  nommé,  le  3  juil. 
1792,  ministre  de  la  justice  dans  le  cabinet  feuillant  oii  il 
remplaçait  Duranthon.  Le  10  juil.,  il  donna  (avec  ses  col- 
lègues) sa  démission  qui  ne  fut  pas  acceptée  par  le  roi  et, 
jusqu'au  10  août,  de  Joly  conserva  son  portefeuille.  Le 
29  frimaire  an  II,  la  Convention  décrétait  que  «  Joly,  mi- 
nistre de  la  justice  à  l'époque  du  10  août  et  prévenu  d'un 
système  atroce  de  proscription  contre  les  patriotes  qui  résis- 
taient aux  manœuvres  liberticides  du  tyran,  sera,  si  fait  n'a 
été,  mis  en  état  d'arrestation  et  traduit  au  tribunal  révolu- 
tionnaire ».  Mais  de  Joly  put  s'échapper  et  termina  sa  vie 
dans  l'obscurité. 

JOLY  (Les),  architectes  français  du  xix®  siècle.  — 
Jules-Jean-Baptiste  de  Joly,  né  à  Montpellier  le  24  nov. 
1788,  mort  à  Paris  le  8  févr.  1865,  fut  élève  de  Delagar- 
dette,  de  Delespine  et  de  l'Ecole  des  beaux-arts,  où  il  rem- 
porta le  prix  départemental  en  1815.  Ayant  succédé  en 
1821  à  B.  Poyet  comme  architecte  de  la  Chambre  des 
députés,  il  fit  élever,  en  1828,  une  salle  provisoire  dans 


le  jardin  du  Palais-Bourbon,  puis,  de  1829  à  1833,  la 
salle  actuelle  sur  l'emplacement  de  l'ancienne  salle  des 
Cinq-Cents  et,  en  1848,  une  nouvelle  salle  provisoire 
occupant  presque  toute  la  cour  d'honneur  du  Palais; 
il  fit  aussi  agrandir  l'hôtel  de  la  présidence  et  relier  cet 
hôtel  par  une  galerie  à  la  Chambre  des  députés.  Jules  de 
Joly  publia  un  Recueil  d'ornements  et  de  bas-reliefs 
(Paris,  1819,  dem.-foL);  les  Plans,  coupes,  élévations 
et  détails  de  la  Chambre  des  députés  (1840,  in-fol.),et 
V Historique  du  Palais-Bourbon  (1855,  in-8).  —  Ed- 
mond de  Joly,  fils  et  élève  du  précédent,  né  à  Paris  le 
7  avr.  1824,"mort  à  Neuilly-sur-Seine  le  15  sept.  1892, 
fut  associé  dès  1848  aux  travaux  de  son  père  auquel  il  suc- 
céda en  1860  comme  architecte  de  la  Chambre  des  dépu- 
tés. On  lui  doit,  en  cette  qualité,  la  galerie  des  Fêtes  de  la 
présidence,  l'installation,  en  1871,  à  Bordeaux,  dans  le 
grand  théâtre,  de  l'Assemblée  nationale,  puis  l'installation, 
peu  de  temps  après,  de  cette  même  Assemblée,  à  Versailles, 
dans  la  salle  de  spectacle  du  château.  Enfin,  en  1875, 
Edmond  de  Joly  fit  construire,  dans  Taile  sud  du  Palais 
de  Louis  XIV,  une  salle  des  séances  spécialement  affectée 
à  la  Chambre  des  députés,  mais  pouvant  se  transformer 
en  salle  de  congrès  recevant  ensemble  le  Sénat  et  la 
Chambre.  Charles  Lucas. 

JOLY  (Aristide),  littérateur  français,  né  à  Châtillon 
(Seine)  le  l«^juinl824,  mort  à  Caen  le  16  janv.  1893. 
Professeur  de  littérature  française  à  la  faculté  d'Aix  (1858), 
puis  de  Caen  (1 862),  doyen  de  cette  faculté  (1 870) ,  il  a  laissé 
outre  ses  thèses  de  doctorat  :  Et^ide  surJ,  Sadolet  (1856) 
et  De  Ballhassaris  Castilionis  opère  Cortegiano  (1856)  ; 
des  ouvrages  d'érudition  parmi  lesquels  nous  citerons  :  Re- 
cherches sur  Benoet  du  Lac  (Lyon,  1862,  in-8);  Marie 
de  France  et  les  fables  au  moyen  âge  (Caen,  1863,  in-8)  ; 
les  Lettres  de  cachet  dans  la  généralité  de  Caen  (1864, 
in-8);  Procès  de  Mirabeau  en  Provence  (1865,  in-8); 
Antoine  de  Montchrétien  (1865,  in-8)  ;  Recherches  sur 
les  juges  des  Vaudois  (1865,  in-8);  Benoît  de  Sainte- 
More  et  Aramond  de  Troie  (1869-1871 ,  2  vol.  in-4); 
Du  Sort  des  aliénés  dans  la  Basse-Normandie  (1869, 
in-8);  la  Fosse  du  Soucy  (1877,  in-8);  Histoire  de 
deux  fables  de  La  Fontaine  (1877,  in-8).  Il  a  publié 
le  roman  inédit  de  Wace  :  la  Vie  de  sainte  Marguerite 
(1879),  traduit  la  Guerre  et  la  Géologie  du  colonel 
Quijano  y  Arrocjuia  (1876),  etc. 

JOLY  (Maurice),  publiciste  français,  né  à  Lons-le-Sau- 
nier  en  1831,  mort  à  Paris  le  16  juil.  1878,  Avocat  au 
barreau  de  Paris,  secrétaire  de  la  princesse  Mathilde,  il 
publia  un  pamphlet  des  plus  violents  contre  l'Empire  :  Dia- 
logue aux  enfers  entre  Machiavel  et  Montesquieu 
(Bruxelles,  1864,  in-12),  qui  lui  valut  outre  une  grande 
notoriété,  une  condamnation  à  quinze  mois  de  prison  et  à 
200  fr.  d'amende.  Joly  fut  à  la  fin  de  l'Empire  un  des  ora- 
teurs les  plus  assidus  et  les  plus  écoutés  des  réunions  pu- 
bliques et  après  le  4  sept,  il  essaya  d'obtenir  un  poste  du 
nouveau  gouvernement  ;  il  n'y  réussit  pas,  collabora  à  la 
Liberté  et  à  divers  autres  journaux  où  il  écrivit  des  articles 
contre  la  gauche  républicaine.  Finalement  il  se  suicida. 

JOLY  (Jules-Charles-Henri),  philosophe  français,  né  à 
Auxerrele  10  déc.  1839.  Elève  de  l'Ecole  normale  supé- 
rieure (1860),  il  en  sortit  agrégé  de  philosophie  et  débuta 
au  lycée  de  Nice  (1863),  d'où  il  passa  au  lycée  de  Poitiers 
(1865),  et  à  celui  de  Douai  (1868).  Reçu  docteur  en 
1869  avec  ces  thèses  :  De  Cynica  Institutione  sub  im- 
peratoribus  romanis  (Paris,  in-8),  et  V Instinct^  ses 
rapports  avec  la  vie  et  avec  V intelligence,  essai  de  psy- 
chologie comparée  (Paris,  in-8)  couronné  par  l'Académie 
française,  il  succéda  à  Tissot  à  la  fin  de  1871  dans  la 
chaire  de  philosophie  de  la  faculté  des  lettres  de  Dijon  et 
devint  en  1879  doyen  de  cette  faculté.  Deux  années  de 
suite  (1881-83),  il  suppléa  Caro  à  la  Sorbonne,  où  il  resta 
ensuite  comme  maître  de  conférences,  chargé  d'un  cours 
complémentaire,  jusqu'au  jour  où  il  passa  au  Collège  de 
France  (1885)  comme  suppléant  d'Ad.  Franck  dans  1^ 


JOLY  —  JOMÏNI 


484  — 


chaire  de  «  droit  de  la  nature  et  des  gens  ».  Cette  chaire 
ayant  été  supprimée  l'année  suivante,  à  la  retraite  du  titu- 
laire, M.  Joly  prit  un  congé  et  fut  chargé  de  missions  dans 
divers  pays  pour  y  étudier  le  système  pénitentiaire  et  le 
mouvement  de  la  criminalité.  Plusieurs  années  de  suite  il 
a  fait  à  l'Ecole  de  droit  de  Paris  un  cours  libre  de  «  science 
criminelle  et  pénitentiaire  ».  En  1890,  il  a  été  délégué  au 
congrès  pénitentiaire  international  de  Saint-Pétersbourg. 
Ayant  demandé  sa  retaite  en  4893,  il  s'occupe  surtout  de- 
puis de  questions  sociales  et  écrit  dans  divers  périodiques. 
Il  est  membre  du  conseil  d'administration  de  la  Société 
générale  des  prisons,  président  du  patronage  de  l'enfance 
et  de  l'adolescence,  etc.  —  Outre  ses  thèses  il  a  publié  : 
Cours  de  philosophie  (Paris,  1871,  in-16,  10^  éd.); 
r Homme  et  l'animal  (Paris,  1877,  in-8;  3*  éd.  1893, 
in-16,  couronné  par  l'Académie  des  sciences  morales); 
Vlmagination  (Paris,  1877,  in-16;  2«  éd.  1882);  Elé- 
ments de  morale  (1880,  in-16,  2^  éd.);  Notions  de  Pé- 
dagogie (1884,  in-16;  2«  éd.  4890);  Psychologie  des 
grands  hommes  (1883,  in-46;  2^  éd.  4891);  le  Crime^ 
étude  sociale  (1887,  in-46,  4®  éd.);  la  France  crimi- 
nelle (4889,  in-16,  3^  éd.);  le  Combat  contre  le  crime 
(1891,  in-16,  2®  éd.),  ces  trois  derniers  ouvrages  ont 
obtenu  à  l'Académie  des  sciences  morales  le  prix  AudifFred; 
le  Socialisme  chrétien  (1892,  in-16).  Il  faudrait  ajouter 
un  certain  nombre  d'éditions  classiques,  notamment  celle 
du  Traité  de  morale  de  Malebranche  avec  introduction 
et  notes  (Paris,  4882).  M.  Joly  a  collaboré  à  beaucoup  de 
journaux  et  de  revues,  notamment  à  la  Nouvelle  Pievue^ 
au  Journal  des  Débats  et  au  Correspo7idant.  Signalons 
surtout,  dans  ces  deux  derniers  recueils,  une  série  d'études 
sur  l'éducation  correctionnelle  en  France  et  à  l'étranger. 

JOLY  (Albert-Henri),  homme  politique  français,  né  à 
Versailles  le  40  nov.  4844,  mort  à  Versailles  le  2  déc. 
4880.  Avocat  à  Versailles,  il  défendit  brillamment  et  avec 
un  retentissement  énorme  les  prévenus  de  participation  à 
la  Commune,  notamment  Rossel  et  Kochefort,  ce  qui  lui 
valut  une  suspension  de  six  mois.  Il  se  lança  dans  la  poli- 
tique et,  après  plusieurs  échecs,  fut  élu  député  de  la  pre- 
mière circonscription  de  Versailles  le  20  févr.  4876.  Membre 
de  l'Union  républicaine,  il  combattit  vivement  le  Seize-Mai, 
fit  partie  des  363  et  fut  réélu  avec  eux  le  44  oct.  1877. 
On  a  de  lui  :  la  Peine  de  mort  en  matière  politique 
(Paris,  1876,  in-8). 

JOLY  deChoin  (Marie-Emilie)  (V.  Choin). 

JOLY  bE  Fleury.  Famille  de  magistrats  français.  —  Le 
premier,  Guillaume-François  (4675-1756),  succéda  à 
Daguesseau  comme  procureur  général  (1747).  De  ses  fils. 
Orner  (4745-4840),  avocat  général  (4746),  puis  président 
au  parlement  de  Paris  (4768),  a  vu  ses  Réquisitoires 
vivement  attaqués  par  Voltaire  ;  Jean-François^  né  le 
8  juin  4748,  mort  à  Paris  le  43  déc.  1802,  après  avoir 
occupé  diverses  fonctions  dans  la  magistrature,  fut  nommé 
ministre  des  finances  à  la  place  de  Neckerle24mail781. 
Son  ministère  fut  marqué  par  une  augmentation  des  charges 
publiques  qui  excita  de  vifs  mécontentements.  Il  se  retira 
en  mars  4783,  et  eut  d'Ormesson  pour  successeur. 

JOLYOT  DE  Crébillon  (V.  Crébillon). 

JOM  HAKKIPOURIM  (V.  Fète,  t.  XVII,  p.  346). 

JOMARD  (Edme-François),  géographe  et  archéologue 
français,  né  à  Versailles  le  47  nov.  4777,  mort  à  Paris  le 
23  sept.  4862.  Il  entra  en  4794  à  l'Ecole  polytechnique, 
fit  partie,  en  qualité  d'ingénieur-géographe,  de  l'expédition 
d'Egypte  (4798)  et  devint  membre^ de  l'Institut  du  Caire, 
auquel  il  communiqua,  dans  d'intéressants  mémoires,  les 
résultats  de  ses  explorations  topographiques  et  de  ses  re- 
cherches archéologiques.  En  4803,  au  retour  d'une  mis- 
sion géographique  dans  le  Haut-Palatinat,  oli  il  s'était  livré 
à  de  savantes  études  géologiques,  il  fut  attaché  comme  se- 
crétaire à  la  rédaction  de  la  Description  de  r  Egypte,  à 
laquelle  il  fournit  six  volumes  de  remarquables  dissertations 
et  dont  il  dirigea  pendant  vingt  années  les  travaux  de  gra- 
Tum  et  d/impression.  Eu  i%w%  il  fut  élu  îneœbre  de  Vkm- 


demie  des  inscriptions  et  belles-lettres  en  remplacement 
d'Ennius  Visconti  et  en  4839  il  devint  conservateur  du 
département  des  plans  et  cartes  de  la  Bibliothèque  royale, 
à  laquelle  il  était  attaché  depuis  4828.  Il  s'était  aussi  in- 
téressé à  l'enseignement  primaire  et  avait  propagé  en  France 
l'enseignement  mutuel,  dont  il  avait  étudié  l'organisation 
et  les  méthodes  au  cours  d'une  mission  en  Angleturre 
(4844).  Il  a  publié  à  part  :  Sur  les  Lignes  numériques 
des  anciens  Egyptiens  (Paris,  4846-49);  Arithmétique 
élémentaire  (Paris,  4820,  in-8);  Etalon  métrique 
trouvé  àMemphis  (Paris,  4822,  in-4);  Voyagea  l" oasis 
de  Syouah  (Paris,  4823)  ;  Aperçus  et  coups  d'œil  sur 
les  nouvelles  découvertes  dans  l'Afrique  centrale  (Paris, 
4824-27);  Nouveaux  Tableaux  de  lecture  (Paris,  4835, 
in-fol.;  6«  éd.,  4  849)  ;  Etudes  géographiques  et  histo- 
riques sur  l'Arabie  {?3ivïs,  4839,  in-8);  Observations 
sur  le  voyage  au  Darfour  (Paris,  4845,  in-8);  les  Mo- 
numents de  la  géographie  (Paris,  1862,  in-4).  etc.  Il 
a  en  outre  enrichi  de  notes  V Histoire  de  l'Egypte  de  Men- 
gin,  le  Dictionnaire  wolof  de  J.  Dard,  les  relations  de 
voyages  de  Cailiiaud,  de  Beaufort,  de  Drovetti,  de  Pacho, 
de  Bené  Caillé,  etc.  Il  est  enfin  l'auteur  de  nombreux  mé- 
moires et  articles  épars  dans  divers  recueils  {Bulletin  de 
la  Société  de  géographie  de  Paris,  Revue  encyclopé- 
dique. Encyclopédie  des  gens  du  monde,  Reviie  afri- 
caine, etc.).  Léon  Sagnet. 

BiBL.  :  M.  GuiGNiAUD,  Discours  sur  Jomard;  Paris, 
1862, in-4.—  De  La  Roquette,  Notice  sur  la  vie  et  les  tra- 
vaux de  M.  Joinard;  Paris,  18G3,  in-8.  —  R.  Cortambert, 
id.;  Paris,  1863,  in-8.  —  Godard  de  Saponay,  ici:  Paris, 
1863,  in-8. 

JOiyiBERT  (Charles-Antoine),  imprimeur-hbraire  et 
écrivain  d'art  français,  né  à  Paris  en  4742,  mort  à 
Saint-Germain-en-Laye  le  30  juil.  4784.  Beçu  libraire 
en  47.36,  imprimeur  de  47o4à  4760,  il  fut  élu  syndic  de 
sa  corporation  en  4772.  Très  érudit  en  malhématiq\ies,  en 
architecture  et  en  iconographie,  il  laissa  une  série  d'ou- 
vrages de  valeur,  entre  autres  :  Architecture  moderne 
ou  VArt  de  bâtir  (4754,  2  vol.  in-4),  édition  refondue  de 
l'ouvrage  de  Briseux  ;  Répertoire  des  artistes  (4763, 
2  vol.  in-fol.)  ;  Catalogue  raisonné  de  l'œuvre  de  Charles 
Cochin  (4770,  in-8),  celui  de  l'œuvre  à'Etienne  delta 
Relia  (4772)  et  celui  de  l'œuvre  de  Sébastien  Le  Clerc 
(4774,  2  vol.).  Saint- Aubin  a  gravé  son  portrait  d'après 
Cochin.  G  P-i 

JOMELLI  (Nicola)  (V.  Jommelli). 

JOIVIINI  (Henri,  baron),  général  suisse,  né  à  Payerne 
(cant.  de  Vaud)  le  6  mars  4779,  mort  à  Paris  le  24  mars 
4  869.  Son  père  était  syndic  de  Payerne  ;  il  le  destina  à  entrer 
aux  régiments  suisses,  qui  étaient  au  service  de  la  monar- 
chie française,  et  lui  fit  apprendre  ce  qui  touche  au  métier 
militaire.  Après  la  journée  du  40  août  4792  et  le  licencie- 
ment des  corps  suisses  qui  servaient  la  roi  Louis  XVI,  le  jeune 
Jomini  dut  renoncer  à  sa  vocation  militaire  :  il  entra  dans 
une  maison  de  banque  à  Paris.  Cependant  il  s'intéressa  aux 
opérations  militaires  et  particulièrement  aux  opérations  de 
Bonaparte  en  Italie.  Il  revint  en  Suisse  en  4798,  et, 
s'étant  présenté  au  ministre  de  la  guerre,  lui  parut  avoir 
de  remarquables  aptitudes  aux  choses  militaires,  si  bien 
que  celui-ci  le  choisit  pour  aide  de  camp,  avec  le  grade  de 
lieutenant.  En  4799,  à  l'âge  de  vingt  ans,  il  fit  preuve  de 
telles  aptitudes  qu'il  reçut  le  grade  de  chef  de  bataillon  et 
exerça  les  fonctions  de  secrétaire  général  du  département 
de  la  guerre.  Il  organisa  les  milices  suisses  et  fut  d'une 
grande  utilité  à  Masséna,  quand  celui-ci  fit  la  campagne  de 
4799,  en  Suisse.  Les  circonstances  politiques  ayant'obligé 
Jomini  à  abandonner  ses  fonctions  militaires  en  Suisse, 'il 
se  rendit  à  Paris  et  entra  dans  une  maison  de  commerce. 
C'est  alors  qu'il_  publia  le  Traité  des  grandes  opérations 
militaires  où  il  expliquait  le  pourquoi  des  succès  et  des 
défaites,  en  le  rattachant  à  des  principes  supérieurs  de  tac- 
tique et  de  stratégie.  En  4  804,  lors  de  la  formation  du 
camp  de  Boulogne,  Jomini  fut  admis  dans  l'armée  fran- 
çaise^ avec  le  grade  de  chef  de  bataillon  qu'il  avait  eu  daas 


185 


JOMÏNI  —  JOMMELLI 


r armée  suisse.  11  fut  attaché  à  Tétat-major  du  maréchal 
Ney,  comme  aide  de  camp.  En  4805,  il  suivit  le  maréchal 
à  Elchingen,  au  Micheisberg,  à  Ulra  :  il  montra  sur  le 
champ  de  bataille  la  netteté  de  concept  qui  caractérisait 
ses  études  antérieures.  Il  y  révéla  une  extrême  ténacité  de 
caractère,  refusant  de  se  conformer  aux  ordres  supérieurs, 
quand  il  apercevait  leur  danger  pour  le  succès  des  opéra- 
tions, et  évita  ainsi  des  fautes  graves  au  maréchal  Ney, 
au  cours  de  ces  diverses  actions  de  guerre.  Jomini  fit  en- 
suite la  campagne  du  Tirol,  fut  nommé  colonel  et  premier 
aide  de  camp  de  Ney.  11  écrivit  alors  un  mémoire  sur  les 
éventualités  d'une  guerre   prochaine  avec  la  Prusse  qui 
frappa  par  sa  justesse  l'attention  de  l'empereur.  Vint  la 
guerre  avec  la  Prusse  :  Jomini  fut  à  léna  auprès  de  l'em- 
pereur, puis  avec  Ney  pendant  la  campagne  de  Pologne  : 
il  y  rendit  au  maréchal  de  grands  services  qui  furent  ré- 
compensés en  4807  par  le  brevet  de  baron,  par  le  grade 
de  colonel  et  par  le  titre  de  chef  d'état-major  du  maréchal. 
En  1808,  Jomini  accompagna  Ney  en  Espagne  et  lui  donna 
des  conseils  excellents.  Néanmoins,  ayant  été  envoyé  en 
mission  auprès  de  l'empereur,  il  encourut,  en  son  absence, 
la  disgrâce  de  Ney,  qui  fut  monté  contre  lui  par  des  mé- 
contents qui  le  discréditaient  auprès  du  maréchal,  si  bienque 
Ney  sollicita  la  mise  à  la  disponibilité  de  Jomini.  C'est  alors 
que,  dégoûté  par  ses  déboires,  Jomini  donna  sa  démission 
de  colonel,  revint  en  Suisse  et  sollicita  du  service  auprès 
de  l'empereur  de  Russie,  alors  allié  de  la  France.  Cette  sol- 
licitation ne  fut  pas  accueillie  immédiatement  et,  lorsqu'il 
y  fut  répondu  favorablement  par  l'empereur  Alexandre, 
Napoléon,  qui  avait  été  instruit  de  la  démarche  de  Jomini, 
lui  signifia  de  revenir  à  Paris  et  là  lui  donna  le  choix  entre 
la  prison  de  Vincennes  et  le  grade  de  général  français. 
Jomini  choisit  le  grade  de  général  et  fut  attaché  à  l'état- 
major  général,  sous  les  ordres  de  Berthier.  Néanmoins 
il  avait  été  froissé  de  la  brutalité  du  procédé  impérial, 
et  il  demanda  à  ne  pas  porter  les  armes  contre  l'em- 
pereur de  Russie  :  il  fut  nommé  gouverneur  de  Wilna, 
puis  de  Smolensk.  Dans  les  difficultés  de  la  retraite  de 
Russie,  Jomini  atténua  plus  d'un  échec  et  évita  bien  des 
fautes.  Le  4  mai  1813,  il  fut  replacé  avec  le  grade  de  gé- 
néral comme  chef  de  l'état-major  de  Ney,  auprès  de  qui  il 
était  rentré  en  grâce,  et,  par  sa  claire  perception  des  cir- 
constances, il  prit  sur  lui  de  changer  les  ordres  en  cours 
d'exécution  et  de  faire  gagner  par  le  maréchal  la  bataille 
de  Bautzen.  Au  lieu  de  recevoir  pour  récompense  le  grade 
de  général  de  division  que  Ney  demanda  pour  lui,  ce  fut  un 
blâme  de  Berthier  porté  à  l'ordre  de  Tarmée  qu'il  reçut, 
et  cela  pour  un  retard  dans  l'expédition  des  situations  de 
son  corps  d'armée,  retard  motivé  par  les  pertes  énormes 
subies  par  l'une  des  divisions  qui  n'avait  pu  fournir  ses 
états  à  Jomini.  Cette  punition,  aussi  ridicule  qu'injuste, 
décida  Jomini  à  quitter  le  service  de  la  France.  Il  profita, 
pour  réaliser  son  intention,  de  l'armistice  de  Parschwitz  et 
alla  offrir  ses  services  à  l'empereur  de  Russie  qui  se  trou- 
vait alors  à  Prague.  Parti  le  44  août  du  camp  français, 
Jomini  arriva  le  46  à  Prague  :  il  fut  accueilli  avec  faveur 
et  nommé  aide  de  camp  de  l'empereur  Alexandre,  avec  le 
grade  de  général  de  division.  La  démarche  de  Jomini  a  été 
ainsi  jugée  par  Napoléon,  à  Sainte-Hélène  :  «  Jomini  n'a 
pas  trahi  ses  drapeaux  :  il  avait  à  se  plaindre  d'une  grande 
injustice  ;  il  a  été  aveuglé  par  un  sentiment  honorable  ;  il 
n'était  pas  Français,  l'amour  de  la  patrie  ne  l'a  pas  retenu.  » 
Jomini  ne  livra  le  secret  d'aucune  des  formations  de  l'ar- 
mée qu'il  venait   de  quitter  :  son  rôle  fut  d'éviter  aux 
armées  alliées  les  fausses  manœuvres  qu'elles  étaient  sur 
le  point  de  commettre,  comme  il  avait  paré  aux  fausses 
manœuvres  prescrites  à  l'armée  française,  avant  Bautzen. 
Chose  singulière,  ses  excellents  conseils  furent  si  peu  com- 
pris dps  généraux  de  l'armée  alliée  que  Jomini  fut  sur  le 
point  de  quitter  l'état-major  de  l'empereur  Alexandre.  Il 
en  fut  détourné  par  l'intérêt  de  la  Suisse  que  l'armée  alliée 
parlait  d'envahir  ;  il  obtint  que  l'invasion  fût  différée. 
Dans  la  campagne  de  France^  iomini  montra  beaucouçi  d^ 


réserve,  refusant  de  prêter  son  concours  à  l'invasion,  comme 
il  avait  fait,  en  481:2,  lors  de  l'expédition  de  Russie.  Il  prit 
part  au  congrès  de  Vienne,  vint  à  Paris  en  4815,  à  la 
suite  de  l'empereur  Alexandre,  et  fit  tous  ses  efforts  pour 
sauver  la  vie  de  son  ancien  chef,  le  maréchal  Ney.  Cette 
fois  encore,  ses  démarches  suscitèrent  à  son  égard  des 
haines  féroces.  Jomini  prit  part  au  congrès  d'Aix-la-Cha- 
pelle et  au  congrès  de  Vérone.  Il  désapprouva  la  guerre 
d'Espagne,  lorsqu'elle  éclata.  Jomini  fut  nommé  précepteur 
militaire  du  grand-duc  Nicolas  et  devint  ensuite  son  aide  de 
camp.  En  4828,  il  assista,  à  la  suite  de  l'empereur 
Alexandre,  à  la  guerre  de  Turquie  :  il  y  donna  les  meil- 
leurs conseils.  En  1830,  il  organisa  l'Académie  militaire 
de  Russie,  puis  demanda  sa  retraite,  l'obtint  et  alla  en 
jouir  à  Bruxelles.  En  4854,  il  fut  rappelé  par  l'empereur 
Nicolas,  son  ancien  élève,  qui  voulait  s'aider  de  ses  con- 
seils pour  soutenir  la  guerre  de  Crimée.  Jomini  déféra  à 
son  désir.  Réinstallé  enBelgique  en  4856,  il  se  fixa  ensuite 
à  Passy.  où  il  mourut  à  l'âge  de  quatre-vingt-dix  ans. 
Jomini  est  le  plus  estimé  des  écrivains  militaires  du  siècle. 
11  avait  l'intuition  de  la  stratégie  et  de  la  tactique.  A  ces 
qualités  intellectuelles,  il  joignait  une  ténacité  extrême 
dans  ses  idées,  qui  n'admettait  pas  de  ménagements  d'ex- 
pressions. La  liste  de  ses  livres  est  très  longue,  et  les  plus 
modestes  de  ses  ouvrages  sont  des  chefs-d'œuvre  dignes 
d'être  étudiés  :  Traité  des  grandes  opérations  mili- 
taires, ou  Histoire  critique  et  militaire  des  guerres  de 
Frédéric  11  comparées  à  celles  de  la  Révolution  (Paris, 
4805,  5  vol.  et  atlas,  in-8);  Principes  de  la  stratégie 
(Paris,  4848,  3  vol.  in-8);  Histoire  critique  et  militaire 
des  campagnes  de  la  Révolution,  de  i792  à  iSOi 
(Paris,  4806,  5  vol.  ;  3«  éd.,  avec  le  colonel  Koch,  Paris, 
4849-24,  45  vol.  et  atlas);  Vie  politique  et  militaire 
de  Napoléon  (Paris,  4827,  4  vol.  m-8);  Tableau  analy- 
tique des  principales  combinaisons  de  la  guerre  et  de 
leurs  rapports  avec  la  politique  des  Etats  (Saint-Péters- 
bourg, 1830,  in-8);  Précis  de  Part  de  la  guerre,  ou 
Nouveau  Tableau  analytique  des  principales  combi" 
naisons  de  la  stratégie,  de  la  grande  tactique  et  de  la 
politique  militaire  (Paris,  4836,  2  vol.  in-8);  Précis 
politique  et  militaire  de  la  campagne  de  iSiÔ  (Paris, 
4839,  in-8);  Légendes  destinées  à  accompagner  P atlas 
militaire  et portalif  (Paris,  1849,  in-8).  Outre  ces  ou- 
vrages, Jomini  a  publié  un  grand  nombre  d'opuscules.  Sa 
correspondance  avec  le  général  Sarrazin  sur  la  campagne 
de  4813  a  été  publiée  en  4845;  sa  correspondance  avec 
M.  Capefigue  sur  l'invasion  de  la  Suisse  et  celle  avec  le 
baron  Monnier  ent  été  publiées  en  4821.    Paul  Marin. 

BiBL.  :  Adrien  Pascal,  Observations  historiques  sur  la 
vie  et  les  ouvrages  du  général  baron  de  Jomini  ;  Paris, 
1842,  in-8.  —  Ferdinand  Lecomte,  le  Général  Jomini,  sa 
vie  et  ses  écrits;  Paris  et  Lausanne,  1861,  in-8  (rééd.  deux 
fois).  —  Sainte-Beuve,  le  Général  Jomini  ;  Paris,  1869. 

JOMINI  (Alexandre,  baron  de),  diplomate  russe,  fils 
du  précédent,  né  en  4844,  mort  à  Saint-Pétersbourg  le 
46  déc.  4888.  Attaché  dès  4835  au  ministère  des  affaires 
étrangères,  dont  il  devint  premier  conseiller  en  4855,  il  a 
été  pendant  bien  des  années  l'auxiliaire  le  plus  compétent 
et  le  plus  actif  des  chanceliers  Nesselrode,  Gortchakov  et 
Giers.  Il  a  suppléé  même  avec  succès  ces  deux  derniers  à 
diverses  reprises.  A.  Debidour. 

JOIVIIVIELLI  (Nicola),  compositeur  italien,  né  à  Aversa 

(royaume  de  Naples)  le  44  sep.  4744,  mort  à  Naples  le 

28  août  4774.  Elève  des  conservatoires  de  San  Onofrio 

et  de  la  Pieta,  à  Naples,  il  reçut  soit  dans  ces  écoles,  soit 

au  dehors,  les  leçons  de  Durante,  Feo,  Mancini  et  Léo.  Il 

composa  d'abord  des  ballets  et  des  cantates  de  chambre. 

En  4737,  il  donna  son  premier  opéra,  UErrore  amoroso; 

sa  renommée  s'étendit  rapidement;  en  4740,  il  fut  appelé 

I   à  Rome,  où  il  étudia  les  maîtres  de  la  grande  école  romaine; 

j   en  4  741 ,  à  Bologne,  où  il  profita  des  conseils  du  P.  Mar- 

;   tini.  Le  succès  de  sa  Merope  à  Venise  en  4747  le  fit 

!   nommer  directeur  du  conservatoire  degli  Incurabili,  De 

i  1749  à  1754,  il  occupa  k  poste  de  maître  de  chajieile  de 


JOMMELLI  —  JONAS 


486 


Saint-Pierre  à  Rome.  De  4754  à  4768  il  habita  Stuttgart 
comme  maître  de  chapelle  de  la  cour.  Ce  long  séjour  en 
terre  allemande  porta  Jommelli  vers  une  nouvelle  direction 
artistique  ;  il  fortifia  son  écriture  harmonique  et  son  ins- 
trumentation. Mais  si  cette  transformation  aida  à  ses  suc- 
cès à  Stuttgart,  elle  éloigna  de  lui  le  public  italien.  Lors- 
qu'il revint  dans  sa  patrie,  il  eut  le  chagrin  de  voir  échouer 
complètement  à  Naples  ses  opéras  Demofoonte  (4770), 
Armida  (4770)  et  îfigenia  in  Aulide  (4773),  qui  comp- 
taient cependant  parmi  ses  meilleures  partitions.  La  tris- 
tesse que  Jommelli  ressentit  de  ces  échecs  altéra  profondé- 
ment sa  santé.  Son  dernier  ouvrage  fut  un  Miserere  à 
deux  soprani  et  orchestre,  écrit  sur  la  traduction  italienne 
de  Mattei.  Le  nombre  total  des  opéras  de  Jomelli  dont  les 
titres  sont  connus  est  de  44  ;  ceux  qu'il  avait  écrit  à  Stut- 
gart  ont  été  détruits  par  un  incendie  en  4802.  Les  qua- 
lités d'expression  dramatique,  plus  développées  chez  cet 
artiste  que  chez  la  plupart  de  ses  compatriotes  au  xviii® 
siècle,  l'avaient  fait  surnommer  «le  Gluck  de  l'Italie». 
Outre  ses  opéras,  il  a  laissé  quatre  oratorios,  dont  une 
Passion,  cinq  messes,  un  Requiem  et  d'autres  composi- 
tions religieuses  moins  importantes.  Des  copies  de  la  plu- 
part de  ses  ouvrages  existent  dans  quelques  grandes  biblio- 
thèques, notamment  aux  archives  du  Collège  royal  de 
musique,  à  Naples,  et  au  Conservatoire  de  Paris.    M.  Br. 

BiBL.:  S.  Mattei,  Elogio  di  Jommelli;  Naples,  1785. 
—  Alfïeri,  Notizie  biografiche  di  N.  Jomm,elli  ;  Rome, 
1845.  —  Florimo,  Cenno  storioo  sulla  scuola  musicale  di 
Napoli,  t.  I. 

JON  (F.  du)  (V.  Du  Jon). 

JON  EmiKssoN  (V.  Erichsen). 

JON  EspoLTN  (V.  Espolin). 

J0NÂ6E.  Com.  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Vienne,  cant. 
de  Meyzieux  ;  976  hab. 

JONAS.  L'écrit,  fort  court,  qui  porte  ce  nom  et  figure 
dans  le  recueil  des  douze  petits  prophètes  de  la  Bible' hé- 
braïque, se  donne  pour  le  récit  d'aventures,  dont  le  héros 
est  un  prophète  du  nom  de  «  Jonas,  fils  d'Amithaï  »,  cité 
dans  les  livres  des  Rois  (2,  Rois,  xiv,  25)  comme  con- 
temporain de  Jéroboam  II,  roi  d'Israël  (première  moitié  du 
viii^  siècle  avant  notre  ère).  C'est  la  raison  pour  laquelle 
la  synagogue  lui  a  donné  place  dans  le  canon  sacré  avant 
Michée,  contemporain  d'Isaïe.  C'est  à  tort  que  quelques 
critiques  modernes  ont  contesté  que  la  place  de  Jonas  fût 
marquée  dans  la  collection  prophétique,  sous  le  prétexte 
que  sa  prophétie  se  réduit  à  un  récit;  en  effet,  la  narration 
qui  fait  partie  de  presque  tous  les  écrits  prophétiques  y 
joue  souvent  un  très  grand  rôle.  Jonas  est  invité  par  la 
divinité  à  se  transporter  à  Ninive  pour  annoncer  à  cette 
capitale  sa  ruine  prochaine  en  punition  de  ses  crimes  ;  cette 
mission  lui  déplaisant,  il  s'embarque  à  Japho  sur  un  na- 
vire à  destination  de  Tarsis  (Espagne).  Mais  une  tempête 
éclate,  et  Jonas  est  bien  obligé  d'avouer  que  le  danger 
couru  par  le  navire  n'a  pas  d'autre  cause  que  son  propre 
refus  d'obéir  à  la  divinité.  Là-dessus,  on  le  jette  à  l'eau. 
Englouti  par  un  grand  poisson,  Jonas  reste  dans  son  ventre 
trois  jours  et  trois  nuits  et  témoigne  par  une  fervente  prière 
de  son  retour  à  de  meilleurs  sentiments.  La  divinité,  tou- 
chée de  son  repentir,  ordonne  au  poisson  de  vomir  le  pro- 
phète sur  le  rivage,  puis  elle  lui  renouvelle  l'ordre  d'aller 
à  Ninive.  Cette  fois-ci,  Jonas  obéit  et  il  annonce  à  Ninive 
sa  destruction  prochaine.  Les  habitants  de  Ninive  donnent 
immédiatement  les  signes  du  plus  sincère  repentir  et  Dieu 
prend  la  résolution  de  leur  accorder  le  pardon  qu'ils  sol- 
licitent humblement.  Jonas,  de  nouveau,  éprouve  un  mou- 
vement de  mauvaise  humeur  en  voyant  que  la  clémence 
divine  a  rendu  vaines  les  menaces  dont  il  était  porteur. 
Sur  quoi,  la  divinité  veut  lui  donner  une  leçon  de  tolé- 
rance ;  elle  lui  procure,  par  une  dispensation  bienveillante, 
l'ombrage  d'une  plante  (un  ricin),  qui  le  protège  contre 
l'ardeur  du  soleil,  et  soudain  elle  lui  enlève  cet  abri  pro- 
tecteur. Aux  plaintes  du  prophète,  Dieu  répond  :  «  Fais- 
tu  bjen  de  t'irriter  à  cause  du  ricin?...  Tu  as  pitié  de 
cette"  plante,  qui  ne  t'a  coûté  aucune  peine  et  que  tu  n'as 


pas  fait  croître,  qui  est  née  dans  une  nuit  et  qui  a  pérî 
dans  une  nuit.  Et  moi,  je  n'aurais  pas  pitié  de  Ninive,  ïa 
grande  ville,  dans  laquelle  se  trouvent  plus  de  cent  vingt 
mille  hommes  qui  ne  savent  pas  distinguer  leur  droite  de 
leur  gauche  et  des  animaux  en  grand  nombre.  »  (iv,  9-44.) 
Le  livre  de  Jonas  est  moderne  par  tout  son  contenu,  mo- 
derne par  sa  langue,  moderne  par  ses  connaissances  géo- 
graphiques qui  comprennent  du  Tigre  jusqu'à  TEspagne, 
moderne  par  les  allusions  aux  pratiques,  relativement  ré- 
centes, du  jeûne  et  des  vœux,  moderne  par  ses  connais- 
sances historiques,  qui  lui  ont  fait  très  ingénieusement 
choisir  Ninive  pour  une  action  dont  le  héros  appartient 
au  vm®  siècle  av.  J.-C,  moderne  plus  encore  par  cette 
circonstance,  —  qui  prouve  quelle  étendue  a  pris  son  horizon 
religieux,  —  que  le  prophète  n'est  plus  l'organe  de  Dieu  à 
l'égard  des  seuls  Israélites,  mais  à  l'endroit  des  différentes 
nations  du  globe,  moderne  par  la  facilité  avec  laquelle  on 
annexe  ici  au  judaïsme  la  capitale  de  l'Assyrie,  moderne  par 
les  termes  du  cantique  de  Jonas  qui  font  allusion  au  rituel 
du  temple  de  Jérusalem  pour  l'époque  du  m®  siècle  avant 
notre  ère,  moderne  par  son  propos  avoué  d'universalisme 
libéral,  mais  plus  particulièrement  encore  par  la  note  d'in- 
dulgence et  de  pitié  qui  met  dans  l'ombre  les  sévérités  de 
la  justice  divine,  moderne  enfin  par  les  allures  très  particu- 
lières du  récit,  où  Dieu,  prophète,  hommes,  bêtes  et  plantes, 
forment  les  éléments  d'un  petit  drame,  conçu  dans  l'esprit 
de  cette  littérature  kaggadique  qui  prit  un  si  grand  dé- 
veloppement aux  abords  du  christianisme.  Le  livre  de  Jo- 
nas est  donc  une  œuvre  de  la  seconde  moitié  du  m®  siècle 
avant  notre  ère,  de  très  peu  antérieure  à  la  clôture  du  re- 
cueil prophétique  que  nous  plaçons  aux  environs  de  200 
av.  J.-G.  M.  Vernes. 

BiBL.  :  Reuss,  Philosophie  religieuse  et  morale  des  Hé- 
breux, 1878,  pp.  561  et  suiv.  —  Vernes,  art.  Jonas^  dans 
Encyclopédie  des  sciences  religieuses,  1880,  t.  VII.  —  Le 
même,  Du  Prétendu  Polythéisme,  1891,  t.  II,  pp.  312  et  suiv. 
—  CoRNiLL,  Einleii.  in  das  A.T.,  1892,  pp.  180  et  suiv.,  2«  éd. 

JONAS,  évêque  d'Orléans,  mort  à  Orléans  en  844.  Il 
succéda  à  Théodulphe,  mort  en  824,  s'efforça  d'imposer 
une  discipline  ferme  à  son  diocèse,  assista  au  concile  de 
Paris  de  829,  et,  avec  les  évêques  du  Nord  et  contre  le 
pape,  il  prit  énergiquement  parti  pour  Louis  le  Pieux 
quand  ses  fils  se  révoltèrent  contre  lui.  On  a  de  Jonas  trois 
écrits,  réimprimés  dans  la  Patrologie  de  Migne  (séries 
latin,,  t.  CVI).  Les  Libri  IIl  de  Cultu  imaginum  (éd. 
princeps  à  Cologne,  4554)  sont  dirigés  contre  le  radica- 
lisme iconoclaste  de  Claude  de  Turin  (V.  ce  nom),  quoique 
Jonas  réprouve  aussi  les  superstitions  par  trop  grossières. 
Il  prend  pourtant  la  défense  des  reliques  et  de  leurs  ver- 
tus. Cela  tient,  en  partie,  à  l'antique  doctrine,  qu'il  retient 
encore,  de  la  restriction  des  effets  de  la  mort  de  Jésus  aux 
péchés  commis  avant  le  baptême.  Dans  les  Libri  III  de 
Institutione  laicali,  Jonas  oppose  à  la  rudesse  et  au  relâ- 
chement moral  de  son  temps,  la  force  que  peut  donner 
l'amour  de  Dieu  dans  la  vie  pratique  et  laïque.  Les  traits 
de  mœurs  qui  se  rencontrent  dans  ce  traité  caractérisent 
l'époque  et  ne  manquent  pas  d'importance  historique.  Enfin , 
le  De  Institutione  regia  [Spicilegium ;  Paris,  4655, 
t.  I,  p.  323)  est  une  épître  d'exhortation  adressée  au  jeune 
Pépin  d'Aquitaine.  F. -H.  K. 

BiBL.  :  Hist.  litt.  de  la  France  ;  Paris,  1740,  t.  V,  pp.  20-31. 

JONAS  (Justus),  théologien  et  réformateur  allemand, 
né  à  Nordhausen  le  5  juin  4493,  mort  à  Eisfeld  le  9  oct. 
4555.  Il  étudia  le  droit,  puis  la  théologie  à  Erfurt,  et  fut 
appelé  en  4524  à  Wittenberg,  comme  professeur  de  théo- 
logie et  pasteur  de  l'église  collégiale  ;  il  y  fut  promu  au 
grade  de  docteur  en  théologie.  Il  eut  avec  Luther  les  rap- 
ports les  plus  intimes  et  fut  un  de  ses  plus  fidèles  collabo- 
rateurs. Il  l'accompagna  en  4524  à  la  diète  de  Worms, 
collabora  à  la  traduction  de  la  Bible,  à  l'inspection  des  écoles 
(4529),  au  colloque  deMarbourg  (4529),  à  la  diète  d'Augs- 
bourg  (d530),  et  assista  à  la  mort  et  aux  funérailles  de 
Luther  (4546).  Il  avait  été  nommé  en  4541  pasteur  à  Halle  ; 
mais  Maurice  de  Saxe  l'en  ayant  fait  expulser  en  4546,  U 


_  187  - 


JONAS  -  JONCHETS 


deyint  prédicateur  de  la  cour  à  Cobourg,  et  mourut  comme 
surintendant  d'Eisfeld.  Il  publia  de  très  nombreux  écrits 
en  allemand  et  en  latin,  entre  autres:  Discussio  procon- 
jugio  sacerdotali  (4523). 

BiBL.:  Pressel,  JiistusJonas,  1863.  —  Fdlix  Kuhn,  Lw- 
iher^  sa  vie  et  son  œuvre  ;  Paris,  1883-84. 

JONASSEN  (Vitus)  (V.  Bering). 

JONATHAN  ou  JONATHAS,fils  de  Saûl.  Il  se  distingue 
auprès  de  son  père  dans  les  luttes  contre  les  Philistins  qui 
fondèrent  l'indépendance  des  Israélites,  se  lie  d'une  étroite 
amitié  avec  David,  écuyer  de  son  père,  est  soupçonné  par 
celui-ci  de  connivence  avec  le  futur  roi  d'Israël,  mais 
reste  d'un  bout  à  l'autre  fidèle  à  Saul  et  finit  par  succom- 
ber avec  lui  sous  les  coups  des  Philistins  dans  le  combat 
de  Gelboé.  L'amitié  de  Jonathan  et  de  David  est  restée 
célèbre;  le  «  cantique  funèbre  »,  placé  dans  la  bouche  de 
David  au  moment  où  lui  parvient  la  nouvelle  du  désastre 
du  Gelboé,  mêle  dans  un  même  regret  les  noms  de  Saiil 
et  fait  allusion  à  ladite  amitié.  M.  Vernes. 

JONATHAN,  fils  de  Matatias  (V.  Machabées). 

JONC.I.  Botanique.  —  {JuncusT.).  Genre  de  Monoco- 
tylédones,  qui  a  donné  son  nom  à  la  famille  des  Joncacées. 
Ses  représentants  sont  des  plantes  herbacées,  croissant 
presque  toutes  dans  le  voisinage  de  l'eau.  Les  tiges  sont 
nues  ou  fouillées  ;  les  feuilles  alternes  sont  écartées,  ou 
parfois  toutes  rapprochées,  distiques,  à  la  base  des  tiges  ; 
elles  sont  généralement  cylindriques,  plus  rarement  planes 
ou  canaliculées.  L'inflorescence  est  terminale,  mais  parfois 
la  feuille  bractéale  se  prolonge  et  la  fait  paraître  latérale. 
Le  périanthe  se  compose  de  six  pièces  glumacées,  avec  six 
étamines  ou  trois  par  avortement  du  verticille  intérieur  ; 
l'ovaire  est  triloculaires,multiovulé,  la  capsule  trivalve.  On 
connaît  près  de  200  espèces  de  Joncs,  répandues  sur  tout 
le  globe.  Beaucoup  sont  fourragères, textiles,  etc.  ;  ex.  :  le 
Jonc  à  lier  ou  Jonc  des  jardiniers  qui  est  fourni  par  les 
Jimcus  eff'usus  Huds.,  /.  conglomeratus  L.  et  J,  glaucus 
Ehrh.  On  donne  encore  le  nom  do  Jonc  à  d'autres  plantes 
telles  que  le  Scirpus  lacustrîs  L.  ou  Jonc  d'eau.  Jonc 
d'étang  ou  Jonc  des  chaisiers;  le  Typha  latifolia  L.,  ou 
Jonc  de  la  passion  ou  Jonc  à  marotte  ;  le  Cyperus  papyrus 
L.  ou  Jonc  du  Nil  ;  le  Butomus  umbellatus  L.  ou  Jonc 
fleuri,  Jonc  des  rivières  ;  le  Genista  juncea  Lamk.  ou  Jonc 
d'Espagne,  etc.  D''  L.  Hn. 

IL  Horticulture.  —  On  cultive  quelques  joncs  comme 
Juncus  effïtsus  Huds.,  /.  glmicusÈhrh,,  J,  maritimus 
Lam.,  pour  garnir  et  consolider  les  bords  des  étangs  et 
des  pièces  d'eau.  Leurs  rameaux  que  l'on  peut  tresser  et 
dont  on  fait  des  chapeaux,  des  nattes,  servent  encore  de 
liens  pour  attacher  les  plantes.  D'autres  espèces  :  /.  al- 
pinus  VilL,  /.  JacquiniL.^J,  Tenageia  Ehrh., se  plaisent 
dans  la  terre  de  bruyère  humide  et  sont  parfois  cultivées 
en  bordure.  G.  B. 

JONCACÉES.  L  Botanique.  —  Famille  de  plantes  Mo- 
nocotylédones,  composée  d'herbes  généralement  vivaces,  à 
rhizome  écailleux,  répandues  dans  les  endroits  humides  des 
parties  tempérées  de  riiémisphère  boréal.  La  tige  est  noueuse, 
ordinairement  simple,  feuillée;  les  feuilles  sont  alternes, 
entières,  engainantes  à  la  base,  planes  ou  cylindriques.  Les 
fleurs  sont  ordinairement  hermaphrodites,  petites,  régu- 
lières, à  périanthe  composé  de  six  pièces  semblables,  vertes, 
parfois  pétaloîdes,  à  six  étamines,  rarement  trois,  opposées 
aux  pièces  du  périanthe  et  insérées  à  leur  base,  avec  des 
anthères  biloculaires,  introrses.  Le  gynécée  se  compose 
d'un  ovaire  libre,  à  trois  loges  parfois  confondues  en  haut 
(Luzula),  avec  un  style  à  trois  stigmates;  la  capsule  est 
trivalve,  à  déhiscence  loculicide,  rarement  septifrage;  les 
graines  ont  un  test  membraneux,  plus  ou  moins  lâche  ; 
l'embryon,  petit,  à  radicule  infère,  est  logé  dans  un  albu- 
men charnu  près  de  sa  base.  Les  genres  principaux  sont  : 
Juncus  L.  et  Luzula  DG.  (V.  Jonc  et  Luzule). 

IL  Paléontologie.  —  On  voit  apparaître  les  Joncacées, 
après  la  plupart  des  autres  Glumacées,  dans  les  terrains 
éocènes,  les  Juncus  en  particulier  dans  l'aquitanien. 


JONCELS.  Abbaye  bénédictine  du  diocèse  de  Béziers, 
près  de  Lunas.  La  date  de  fondation  en  est  inconnue.  La 
première  mention  de  cette  maison  se  trouve  dans  un  di- 
plôme de  Pépin  P^,  roi  d'Aquitaine,  de  l'an  837,  par 
lequel  ce  prince  la  prend  sous  sa  protection.  L'histoire  de 
Joncels,  qu'on  appelle  quelquefois  Saint-Pierre-de-Lunas, 
est  assez  obscure.  Restaurée  par  saint  Fulcran,  évêque  de 
Lodève  au  x®  siècle,  elle  est  usurpée  par  Bernard-Aton, 
vicomte  de  Béziers,  qui  la  possédait  en  1418.  Au  xi^  siècle 
elle  avait  été  un  instant  unie  à  l'abbaye  de  Psalmodi,  au 
diocèse  de  Nîmes.  Joncels  est  soumis  pour  un  temps  à 
l'abbaye  de  Saint-Victor  de  Marseille  par  Guillaume  Gri- 
moard,  plus  tard  pape  sous  le  nom  d'Urbain  V.  Le  couvent 
est  pillé  et  à  demi  détruit  au  xvi*^  siècle  par  les  calvinistes, 
qui  dispersent  les  archives.  Dès  le  milieu  du  xv®,  l'abbaye 
était  tombée  en  commende. 

BiBL.  :  Gallia  christiana^  VI. —  D.  Vaissette,  HisL  de 
Languedoc,  passim,  et  principalement  IV,  485-488. 

JON  CHÈRE  (La).  Com.  du  dép.  de  la  Vendée,  arr.  des 
Sables-d'Olonne,  cant.  de  Moùtiers-les-Maufaits  ;  985  hab. 

JONCHÈRE  (La)  (lat.  Juncheria).  Com.  du  dép.  de 
la  Haute-Vienne,  cant.  de  Laurière,  arr.  de  Limoges,  sur 
le  chemin  de  fer  de  Limoges  à  Paris  ;  4,497  hab.  Douze 
foires  par  an.  Le  bourg  de  La  Jonchère  avait  au  moyen 
âge  plus  d'étendue  qu'aujourd'hui.  L'évêque  de  Limoges  en 
possédait  la  seigneurie  et  y  était  représenté  par  un  prévôt. 
Il  en  est  souvent  question  dans  les  documents  d'origine 
limousine.  Le  domaine  du  Vignaud,  à  M.  de  Léobardy,  est 
réputé  l'un  des  mieux  exploités  du  département. 

JONCHERE  (Etienne  Lécuyer  de  La),  ingénieur  mili- 
taire et  publiciste  français,  né  à  Montpellier  en  4690, 
mort  à  Londres  en  4740.  Esprit  inventif,  comme  Vauban, 
à  la  fois  très  pratique  et  chimérique,  il  assista  au  siège 
de  Lille,  en  4740,  par  le  prince  Eugène,  et  composa  son 
premier  ouvrage  (4748)  sur  les  travaux  de  siège  et  la  nou- 
velle manière  de  fortifier  les  villes.  Puis  il  étudia  le  projet 
de  réunir  la  Méditerranée  à  la  Manche  au  moyen  de  la  jonc- 
tion de  l'Yonne  et  de  la  Saône,  canal  de  Bourgogne  (4748). 
Mais  on  lui  vola  ses  plans  et  son  idée.  En  4749,  non  dé- 
couragé, il  publia  ses  Principes  d'hydraulique  et  de 
mécanique^  suivis  en  47^29  d'un  opuscule  Sur  rimmo' 
bilité  de  la  terre  au  centre  de  Vunivers  et  en  4734 
d'un  Mémoire  relatif  aux  longitudes  difficiles  a  trou- 
ver. Les  travaux  scientifiques  et  les  projets  n'absorbèrent 
pas  son  activité.  En  4720,  au  mWiQXiàn système  et  du  mou- 
vement de  liquidation  des  finances  du  règne  de  Louis  XIV, 
il  fit  paraître  (Amsterdam,  4  vol.  in-i2)  ses  idées  ou 
plutôt  son  Système  d'un  gouvernement  de  la  France.  ■■ 
C'est  un  plan  de  réforme  financière  fiscale  calquée  sur  les 
plans,  idées,  édits  de  Lav^.  La  Jonchère  imagine  d'abolir 
tous  les  impôts  et  de  les  remplacer  par  une  dîme  en  nature, 
de  charger  une  compagnie  de  la  percevoir  et  de  faire  face 
à  toutes  les  dépenses  de  l'Etat,  armée,  marine,  dette 
publique,  royauté,  administration,  canaux,  rivières, 
d'orner  Paris^  d'acheter  le  Louvre  et  d'émettre  pour 
4,900,000,000  d'actions  garanties  par  l'impôt  unique, 
Guérin  de  Hademont  paraît  avoir  précédé  de  La  Jonchère 
dans  la  conception  de  l'impôt  unique.  On  sait  que  Vauban 
ne  substituait  la  dîme  royale  qu'à  une  partie  des  impôts. 
La  Jonchère  mourut  dans  une  extrême  pauvreté.  F.  de  F. 

JONCHÊRES.  Com.  du  dép.  de  la  Drôme,  arr.  de  Die, 
cant.  de  Luc-en-Diois  ;  478  hab. 

JONCHEREY.  Com.  du  territoire  de  Belfort,  cant.  de 
Délie  ;  489  hab. 

JONCHERY.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr.  et 
cant.  de  Chaumont;  283  hab. 

JONCHERY~suR-SuiPPES.  Com.  du  dép.  de  la  Marne, 
arr.  de  Chàlons-sur-Marne,  cant.  de  Suippes  ;  281  hab. 

JONCHERY-sur-Vesle.  Com.  du  dép.  de  la  Marne, 
arr.  de  Beims,  cant.  de  Fismes  ;  60o  hab.  Stat.  du  chem. 
de  fer  de  l'Est,  ligne  de  Soissons  à  Beims. 

JONCHETS  (Jeux).  Petits  bâtonnets  très  menus  en  os 
ou  en  ivoire,  d'une  longueur  de  7  à  8  centim.,  formant, 


JONCHETS  —  JONES 


—  ^88 


au  nombre  de  quarante  ou  cinquante,  un  jeu  complet. 
Certaines  pièces  :  le  roi,  la  reine,  ies  cavaliers  se  distin- 
guent des  autres  par  une  petite  tête  ;  il  y  a  aussi  des  dra- 
peaux. Deux  joueurs  munis  chacun  d*un  petit  crochet  se 
placent  face  à  face.  Celui  que  le  sort  a  désigné  prend  le 
paquet  de  jonchets  et  le  laisse  tomber  brusquement  sur 
une  table,  de  manière  à  ce  qu'ils  s'éparpillent  et  s'enche- 
vêtrent. Le  joueur  alors,  à  l'aide  de  son  crochet,  s'évertue 
à  capturer  tour  à  tour  chacun  des  jonchets  et  les  met  à 
part.  En  raison  de  leur  forme  particulière  et  de  leur  poids, 
les  jonchets  désignés  sous  le  nom  de  roi,  reine,  cavaliers, 
drapeaux,  présentent  à  l'élimination  des  difficultés  plus 
grandes  ;  aussi  leur  capture  comporte-t-elle  un  plus  grand 
nombre  de  points.  Cette  capture  doit  s'effectuer  sans  qu'au- 
cune pièce  du  jeu  autre  que  celle  qui  est  visée  remue.  Au 
moindre  mouvement  provoqué,  la  main  passe  à  l'autre 
joueur  qui  doit  observer  la  même  règle.  A  la  fin  de  la 
partie,  c.-à-d.  lorsque  la  totalité  des  "jonchets  a  été  tour 
à  tour,  à  l'aide  du  crochet,  retirée  de  la  table,  par  l'un 
ou  par  l'autre  joueur,  on  compte  les  points.  Le  roi  compte 
pour  20;  h  reine,  10  ;  les  cavaliers  et  les  drapeaux,  5; 
les  autres  jonchets,  i.  Connus  des  anciens,  k&  joîichets, 
onchets,  honchets  ou  hochets  constituent  un  des  jeux 
d'adresse  les  plus  primitifs.  D*"  Collineau. 

JONCIÈRES (Félix-Ludger, dit  Victorin de) , compositeur 
et  critique  musical,  un  des  musiciens  les  plus  actifs  et 
les  plus  intéressants  de  la  France,  ou  pour  mieux  dire  de 
la  nouvelle  école,  né  à  Paris  en  avr.  4839.  Voulant 
d'abord  se  livrer  à  la  peinture,  il  entra  dans  l'atelier  de 
Picot,  puis  il  l'abandonna  pour  la  musique  et  travailla 
avec  Élwart  et  Leborn.  Ses  études  n'étaient  pas  encore  ter- 
minées qu'il  se  livrait  à  la  composition,  faisant  entendre 
d'abord  de  la  musique  d'orchestre  sur  ÏHamlet  de  Sha- 
kespeare, puis  au  Théâtre-Lyrique  un  grand  opéra,  Sarda- 
napale  (1867)  et  un  autre  deux  ans  après  dans  la  même 
salle,  le  Dernier  Jour  de  Pompéi.  Toute  cette  musique 
révélait  un  artiste  bien  doué  pour  le  théâtre,  au  talent  vigou- 
reux et  mâle,  mais  incomplet  et  n'ayant  pas  encore  suf- 
fisamment acquis  le  maniement  des  voix  et  de  l'orchestre. 
M.  Joncières  était  entré  résolument  dans  la  lutte  ardente 
qui  s'était  ouverte  à  la  suite  des  concerts  de  Wagner  ;  ses 
ennemis  lui  firent  payer  cher  son  inexpérience  et  aussi  ses 
mots  spirituels  et  mordants.  Le  Dernier  Jour  de  Pompéi 
eut  une  chute  éclatante.  M.  Joncières  rentra  pour  quelque 
temps  dans  l'ombre,  puis  il  redescendit  dans  l'arène  avec 
Dimitri  (1876).  Ce  fut  une  surprise.  Son  style  avait  pris 
du  corps  et  de  la  solidité,  son  orchestre  était  devenu  co- 
loré, puissant,  varié,  le  sentiment  dramatique  s'était 
affirmé,  bref  on  était  en  face  d'une  oeuvre  véritablement 
intéressante  et  musicale  ;  on  sentait  que  le  compositeur,  en 
homme  de  talent  et  de  volonté,  avait  profité  des  sévères 
leçons  de  ses  ennemis.  Avec  Dimitri,  M.  Joncières  a  pris 
rang  parmi  les  musiciens  qui  font  honneur  à  l'école  fran- 
çaise. Ce  succès  fut  suivi  de  la  chute  imméritée  de  la  Reine 
Berthe  à  l'Opéra  dont  le  public  ne  comprit  pas  les  inten- 
tions ingénieuses  et  réellement  dramatiques.  Disons  aussi 
que  l'exécution  de  cette  partition  avait  été  des  plus  défec- 
tueuses. Le  Chevalier  Jean,  le  dernier  opéra  exécuté  de 
M.  Joncières,  a  été  couronné  par  l'Institut  et  a  remporté 
un  réel  succès  à  l'Opéra-Comique;  on  y  retrouvait  du  reste 
les  qualités  de  l'auteur  de  Dimitri. 

M.  Joncières  avait  pris  dans  la  critique  une  position  mili- 
tante; écrivant  dans  la  Liberté  sous  le  pseudonyme  de 
Jennius  depuis  1871,  il  avait  pris  vigoureusement  en  main 
la  cause  de  la  musique  nouvelle  et  de  ses  théories  et  s'était 
fait  le  partisan  déclaré  de  Wagner.  Ces  éloges,  bien  dépassés 
aujourd'hui,  paraissaient  alors  exagérés,  et  ses  critiques 
alors  acerbes  et  sévères  lui  firent  bien  des  ennemis.  M.  Jon- 
cières, depuis  longtemps  déjà,  a  cessé  de  lutter  avec  la 
même  ardeur,  mais  il  combat  toujours  le  bon  combat  et 
on  peut  le  compter  au  nombre  de  nos  meilleurs  critiques 
musicaux.  —  Voici  la  liste  de  ses  oeuvres  principales  : 

OE^jvREs  DBAMATiQUES  ;  Haïïikt^  ouverture^  entr'acte  et 


musique  de  scène  sur  la  tragédie  de  Shakespeare  (théâtre 
de  la  Gaîté,  1862)  ;  Sardanapale,  opéra  en  trois  actes 
et  trois  tableaux  (Théâtre-Lyrique,  1867);  le  Dernier 
Jour  de  Pompéi,  opéra  en  quatre  actes  et  six  tableaux 
(Théâtre-Lyrique,  1869)  ;  Dimitri,  opéra  en  trois  actes  et 
sept  tableaux  (Théâtre-Lyrique,  1876;  Opéra-Comique, 
1890);  la  Reine  Berthe,  opéra  en  deux  actes  (Opéra, 
1878)  ;  le  Chevalier  Jean,  opéra  en  quatre  actes  (Opéra- 
Comique,  1886);  Lancelot,  opéra  en  cinq  actes,  inédit. 
—  OEuvRES  SYMPHONiQUES  I  Ouverture  de  concert  (\  860)  ; 
Fantaisie-marche  (1861);  Concerto  en  ré  mineur 
pour  le  violon  (1869)  ;  Symphonie  romantique  (1871)  ; 
Sérénade  hongrcÀse  (1880)  ;  Li-tsen,  chœur  (1881); 
la  Mer  (concerts  du  Conservatoire,  1881).  H.  L. 

JONCKBLOET  (Guillaume- Joseph- André),  littérateur 
hollandais,  né  à  La  Haye  le  6  juil.  1817,  mort  à  Wies- 
baden  en  oct,  188o.  Il  fut  successivement  professeur  au 
gymnase  de  Deventer  et  aux  universités  de  Groningue  et  de 
Leyde,  et  siégea  à  la  deuxième  Chambre  des  Etats-Généraux 
de  1864  à  1877.  Il  a  publié  un  grand  nombre  d'ouvrages 
de  philologie  néerlandaise  et  de  critique  dans  lesquels  il  fait 
preuve  d'une  érudition  très  sûre  et  d'un  jugement  très 
délicat.  Les  principaux  sont,  indépendamment  d'un  grand 
nombre  d'éditions  savantes  de  textes  néerlandais  du  moyen 
âge  :  Histoire  de  la  poésie  médiévale  (enholl.  ;  Deventer, 
1851-55,  3  vol.  in-8)  ;  Etude  sur  le  roman  de  Renart 
(Groningue,  1863,  in-8);  Histoire  de  la  littérature 
néerlandaise  (en  holl.  ;  Groningue,  1868-72,  2  vol.  in-8, 
rééd.  en  1880)  ;  Correspondance  et  œuvres  deC.  Huy- 
gens  (Leyde,  1885,  in-8).  E.  H. 

JONCÔURT.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Saint- 
Quentin,  cant.  du  Catelet  ;  667  hab. 

JONCOURT  (Pierre  de),  prédicateur  protestant,  né  à 
Clermont  en  Beauvoisis  vers  1650,  mort  à  La  Haye  en 
1725.  11  quitta  la  France  vers  l'époque  de  la  révocation  de 
l'édit  de  Nantes  et  devint  pasteur  de  l'égHse  wallonne  de 
Middelbourg.  Ses  prédications  éloquentes  le  rendirent  cé- 
lèbre et  lui  valurent  d'être  appelé  à  l'église  de  La  Haye.  Il 
composa  un  grand  nombre  d'ouvrages  d'apologétique  et  de 
controverse.  En  voici  les  principaux  :  Entretiens  sur  les 
différentes  méthodes  d'expliquer  VEcriiure  de  ceux 
qu'on  appelle  Coccéiens  et  Voétiens  dans  les  Provinces- 
Unies  (Amsterdam,  1707,  in-12);  Nouveaux  Entre- 
tiens, etc.  (;{l'd^)',  Entretiens  sur  V état  présent  de  la 
religion  en  France  (La  Haye,  1725,  in-8).  —  Son  fils, 
Elias  de  Joncourt,  né  à  La  Haye  en  1700,  mort  à  La  Haye 
en  1770,  devint  aussi  pasteur  et  traduisit  en  hollandais  les 
œuvres  de  Berkeley,  de  Newton,  de  Fordyce  et  d'autres 
philosophes  anglais. 

BiBL.  :  Ypey  et  Dermont,  Histoire  de  VEglise  réformée 
aux  Pays-Bas;  Breda,  1819-27,  5  vol.  in-8. 

JONCQUERETTES.  Com.  du  dép.  de  Vaucluse,  arr. 
d'Avignon,  cant.  de  L'Isle-sur-la-Sorgue;  253  hab. 

JONCQUIÈRES.  Com.  du  dép.  de  Vaucluse,  arr.  et 
cant.  d'Orange  ;  1,900  hab. 

JONCREU'lL.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  d'Arcis- 
sur-Aube,  cant.  de  Chavanges;  199  hab. 

JONCY  {Junciacus).  Com.  du  dép.  de  Saône-et-Loire, 
cant.  de  La  Guiche,  arr.  de  Charolles,  sur  la  Guye  ; 
1,103  hab.  Moulin,  huilerie,  tuilerie  et  four  à  chaux  ;  car- 
rières de  pierre  à  bâtir.  Joncy,  l'une  des  quatre  anciennes 
baronnies  du  Charolais,  a  appartenu  aux  Clermont,  aux  Dyo, 
aux  Rochebaron,  aux  d'Aumont  et  aux  Cottin  de  La  Barre. 
H  devint  le  siège  d'un  canton  sous  la  Révolution.  En  1652, 
de  Saulx-Vantoux  y  battit  un  parti  de  huguenots.        L-x. 

JONES  (Inigo),  architecte  anglais,  né  à  Londres  vers 
1572,  mort  à  Londres  (Somerset  House),  le  5  juil.  1651. 
Fils  d'un  drapier  et  mis  en  apprentissage  chez  un  menui- 
sier, Jones  décela  son  goût  pour  les  arts  par  quel- 
ques essais  de  paysages  qui  lui  valurent  la  protection  du 
comte  W^illiam  de  Pembroke  aux  frais  duquel  il  fit  un 
voyage  en  Italie.  C'est  pendant  ce  voyage  (ju'il  étudia  l'ar- 
chitecture dans  les  œuvres  des  maîtres  italiens  et  surtout  à 


Venise  oii  il  fut  présenté  au  roi  de  Danemark  Christian  IV 
qui  se  l'attacha  comme  architecte  etpUis  tard  l'emmena  en 
Ecosse  où  Jones  devint  Farchilecte  de  la  reine  Anne  et 
du  prince  de  Galles.  C'est  après  un  nouveau  voyage  à  Venise 
qu'il  fut  nommé  en  1618  siuweyor  gênerai  ou  conivùlenr, 
ea  même  temps  qu'architecte  en  chef  des  bâtiments  royaux 
d'Angleterre  et  qu'il  fit  élever  soit  seul,  soit  aidé  de  ses 
élèves,  Carter  et  Webb,  les  nombreux  édifices  qui  lui  sont 
attribués  et  auquel  il  sut  imprimer  un  double  caractère  de 
noblesse  et  de  richesse  inspiré  par  les  œuvres  de  Palladio 
et  (le  Scamozzi.  Parmi  ces  édifices,  il  faut  citer  les  façades 
N.  et  S,  du  quadrangle  de  Saint  John's  Collège,  à  Oxford; 
une  façade  monumentale  au-devant  de  l'ancienne  église 
Saint-Paul  de  Londres,  façade  démolie  en  même  temps 
que  l'église,  mais  dont  une  vue  a  été  reproduite  dans  la 
monographie  de  Dugdale  ;  la  fameuse  salle  des  banquets  de 
Whitehall,  faible  partie  du  grandiose  plan  d'ensemble  de  ce 
palais  qui  ne  fut  pas  continué;  la  façade  sur  les  jardins  de 
Somerset  House,  façade  démolie  lors  de  la  reconstruction 
totale  de  cette  résidence;  la  somptueuse  villa  du  comte 
Philippe  de  Pembroke,  à  Wilton  ;  les  palais  de  Gunnerbury 
et  d'Ambesbury;  une  partie,  celle  orientale,  du  palais  royal 
de  Greenwich,  partie  englobée  aujourd'hui  dans  l'hôpital  des 
Invalides  de  la  marine  anglaise  ;  l'église  Saint- Paul,  dans  Co- 
vent  Garden,  et  les  York  Stairs,  vaste  emmarchement  avec 
porte  monumentale  construit  au  bord  de  la  Tamise  pour 
l'amiral  duc  de  Buckingham.  Jones,  qui  avait  dessiné,  pour 
Jacques!®^,  des  projets  de  divertissements  avec  machinerie 
spéciale  dont  treize  sont  venus  jusqu'à  nous,  releva,  pour 
ce  même  souverain,  les  enceintes  circulaires  mégaHthiques 
de  Stonehengeet  laissa  un  portefeuille  considérable  d'études 
dans  le  style  de  la  Renaissance  italienne,  lesquelles,  avec 
ses  œuvres  exécutées,  exercèrent  une  grande  influence  sur 
l'art  anglais  pendant  plus  de  deux  siècles.  Charles  Lucas. 
JBiBL.  :  CuNNiNGHAM,  Life  of  J.  J.  ;  Londres,  1<S48. 

JONES  (John),  parlementaire  anglais,  mort  lei7  oct. 
MyiôO.  Colonel  dans  l'armée  parlementaire  en  4646,  il  né- 
gocia la  reddition  d'Anglesey.  Un  des  juges  du  roi,  il  signa 
l'arrêt  de  mort,  fit  partie  du  Long  Parlement  pour  le  Me- 
rionetshire  (1647)  et  siégea  au  conseil  d'Etat.  En  1650, 
il  fut  membre  de  la  commission  adjointe  au  lord  député 
pour  le  gouvernement  de  l'Irlande.  Lorsque  Cromwell  se  fit 
nommer  protecteur,  Jones,  fort  honnête  homme  et  fort  indé- 
pendant, lui  fit  une  tenace  opposition.  Mais  le  protecteur 
lui  fit  épouser  sa  sœur  Catherine,  veuve  de  Roger  Whit- 
stone  (1656).  Il  pouvait  s'élever  à  une  brillante  fortune;  il 
ne  voulut  accepter  qu'un  siège  à  la  Chambre  des  lords  et 
le  gouvernement  de  l'ile  d'Anglesey  (1657).  Le  Parlement 
lui  confia  de  nouveau  le  gouvernement  de  l'Irlande  (1659). 
Jones  se  rangea  du  côté  de  Lambert.  Arrêté  par  les  officiers 
de  Monck  (13  déc),  il  fut  accusé  de  haute  trahison,  mais 
remis  bientôt  en  liberté  sur  sa  simple  promesse  de  ne  rien 
tenter  contre  le  gouvernement.  Comme  parent  de  Cromwell 
et  adversaire  de  Monck,  il  ne  devait  attendre  aucun  ména- 
gement de  la  Restauration.  Il  n'essaya  même  pas  de  se  ca- 
cher, fut  arrêté  le  2  juin  1660,  condamné  à  mort  le  12  oct. 
et  exécuté  le  17.  R.  S. 

JONES  (William),  mathématicien  anglais,  né  à  Llanfi- 
hangel  (lie  d'Anglesey)  en  1675,  mort  à  Londres  le  3  juil. 
1749.  Au  retour  d'un  voyage  aux  Indes,  où  il  s'était  rendu 
pour  le  compte  d'une  maison  de  commerce,  il  fonda  à 
Londres  une  école  de  mathématiques,  puis  fit  successive- 
ment paraître  :  A  New  Comvendium  of  the  whole  art 
of  Navigation  {Londres,  1702,  in-8);  Synopsis  P aima- 
riorum  Mathesos  (Londres,  1706,  in-8).  Ce  dernier  ou- 
vrage, qui  est  une  sorte  d'inventaire,  tracé  de  main  de 
maître,  de  l'état  des  connaissances  mathématiques  au  début 
du  xviii^  siècle,  lui  conquit  tout  de  suite  l'estime  de  Hal- 
ley  et  celle  de  Newton,  qui  l'autorisa  à  extraire  de  ses  notes 
et  à  éditer  son  Analysis  per  quaniitalum  séries  (Londres, 
1711,  in-4).  En  1711,  W.  Jones  fut  élu  membre  de  la 
Société  royale  de  Londres,  dont  il  devint  par  la  suite  vice- 
président,  et  vers  le  même  temps  il  fut  pourvu,  grâce  à 


-  lÔ^  --  JONES 

la  protection  de  lord  Macclesfield,  dont  il  avait  été  pré- 
cepteur, d'une  sinécure  assez  rémunératrice  pour  lui  per- 
mettre de  se  consacrer  exclusivement  à  ses  recherches,  qui 
portèrent  surtout  sur  les  logarithmes  et  les  sections  coni- 
ques. Il  en  a  consigné  les  résultats  dans  de  savants  mé- 
moires insérés  dans  les  Philosophical  Transactions,  Il 
avait  réuni  la  plus  riche  bibliothèque  mathématique  de 
l'Angleterre.  Il  la  légua,  ainsi  que  ses  manuscrits,  à  lord 
Macclesfield.  L.  S. 

BiBL.  :  Lord  Teignmouth,  Life  of  sir  William  Jones. 
—  BaEwsTER,  Li/"e  ofslr  J.  lYewfon,  t.  I,  p.  226,  et  t.  II, 
p.  421.  ~  S.-J.  RiGAUD,  Correspondence  of  scientific  men: 
Oxford,  1841,  t.  I,  pp.  256  et  suiv. 

JONES  (Henry),  auteur  dramatique  anglais,  i;^  à  Beau- 
lieu,  près  de  Drogheda,  en  1721,  mort  à  Londres  en  avr. 
1770.  Protégé  par  le  lord  chief-justice  Singleton  et  par 
lord  Chesterfield,  vice-roi  d'Irlande,  il  débuta  par  un  re- 
cueil de  poésie  :  Poems  on  several  occasions  (Londres, 
1749,  in-8)  qui  fut  bien  accueilli.  Le  21  févr.  1753,  il  fai- 
sait représenter  à  Covent  Garden  sa  tragédie  The  Earl  of 
Essex  qui  obtint  un  succès  éclatant,  bien  qu'elle  fût  aussi 
mal  écrite  que  possible.  Ce  succès  perdit  Jones.  Ivrogne, 
paresseux  et  insolent,  il  perdit  la  protection  de  Chesterfield, 
vécut  presque  constamment  dans  des  tavernes  et  mourut 
dans  un  workhouse.  Il  laissait  deux  tragédies  inachevées, 
Harold  et  The  Cave  of  Idra  et  beaucoup  de  poésies  im- 
primées entre  1746  et  1768.  R.  S. 

JONES  (Sir  William),  orientaliste  anglais,  né  à 
Londres  en  sept.  1746,  mort  à  Calcutta  en  avr.  1794. 
Il  était  le  plus  jeune  fils  de  William  Jones  (V.  ci- 
dessus)  et  perdit  son  père  à  l'âge  de  trois  ans.  Bril- 
lant élève  de  l'école  de  ïlarrow,  puis  étudiant  à  Oxford, 
il  s'adonna  particulièrement  à  l'étude  des  langues  anciennes 
et  modernes,  européennes  et  asiatiques.  Sur  la  fin  de  sa 
vie,  il  passait  pour  en  connaître  treize  à  fond  et  vingt-huit 
assez  bien.  Il  est  aisé  de  juger  qu'il  écrivait  le  français  à 
la  perfection  :  c'est  dans  cette  langue  que  parurent  ses 
premiers  ouvrages:  la  Vie  de  Nadir  Shah  (1770,  2  vol. 
in-4),  suivie  la  même  année  d'un  Traité  sur  la  poésie 
orientale  et  l'année  suivante  d'une  Dissertation  sur  la 
littérature  orientale,  sorte  de  petit  pamphlet  d'allure 
toute  voltairienne,  où  il  attaquait  la  traduction  du  Zend- 
Avesta  d'Anquetil-Duperron  avec  plus  d'esprit  que  de  juge- 
ment. La  première  édition  de  sa  grammaire  persane  parut 
également  en  1771.  En  1772,  il  donnait  encore  des  Po^ms 
traduits  surtout  des  langues  asiatiques,  et  quand,  pour 
vivre,  il  eut  embrassé  la  carrière  du  droit,  il  continua  de 
mener  de  front  ses  études  orientales,  ses  travaux  juri- 
diques, voire  même  ses  visées  politiques.  Mais  les  dix  ans 
qu'il  passa  dans  l'Inde  (de  déc.  1783  jusqu'à  sa  mort  en 
avr.  1794)  furent  de  beaucoup  les  plus  importants  de  sa 
vie,  et  c'est  comme  «  pionnier  de  la  littérature  sanscrite  » 
qu'il  a  gagné  sa  réputation.  Depuis  longtemps,  il  désirait 
une  place  de  juge  à  la  cour  suprême  de  Calcutta;  en  dépit 
de  ses  opinions  libérales  et  de  son  opposition  à  la  guerre 
d'Amérique,  il  finit  par  l'obtenir  au  printemps  de  1783.  Il 
partait  mieux  préparé  que  personne  par  l'étendue  de  ses 
études  antérieures;  d'humeur  affable  et  modeste,  il  n'avait 
rien  de  cette  arrogance  méprisante  que  les  Anglais,  de  son 
temps  comme  du  nôtre,  aflîchaient  à  l'égard  des  Hindous; 
enfin,  en  dépit  de  ses  trente-sept  ans,  il  arrivait  plein  d'un 
enthousiasme  que  le  professeur  M.  Muller,  dans  la  première 
des  conférences  réunies  sous  le  titre  de:  India,  what 
can  îtteach  us,  propose  encore  comme  exemple  aux  jeunes 
«  civilians  »  d'aujourd'hui.  Son  premier  soin  fut  de  fonder 
la  Société  asiatique  du  Bengale,  dont  il  resta  le  président. 
Les  pandits  furent  émerveillés  de  ses  progrès  et  inconso- 
lables de  sa  mort.  Il  fut  le  premier  Anglais  qui  posséda  le 
sanscrit,  mais  il  ne  fit  que  pressentir  l'immense  dévelop- 
pement philologique  qui  devait  sortir  delà  connaissance  de 
cette  langue.  En  revanche,  il  découvrit  le  théâtre  indien, 
et,  pour  apprécier  le  mérite  de  sa  découverte,  il  faut  en  lire 
le  récit  dans  la  préface  de  sa  traduction  de  Sakountala 
(terminée  dès  1789).  En  même  temps,  n'oubliant  pas  sa 


JONES 


-  m  - 


qualité  de  juriste,  il  se  proposait  d'être,  selon  ses  propres 
paroles,  «  le  Justinien  de  l'Inde  »  ;  il  décida  de  publier, 
avec  l'aide  de  savants  indigènes,  un  Digeste  complet  de  la 
loi  hindoue  et  mahométane.  Il  eut  le  temps  d'achever  deux 
traités  sur  la  loi  musulmane  des  héritages,  et  surtout  les 
Institutes  of  Hindu  Law  or  The  Ordinances  of  Mena 
(Manou)  (1794,  in-8  ;  2^  éd.,  1797),  son  plus  beau  titre  de 
gloire.  C'est  sur  ce  livre  que  s'appuie  la  statue  que  les 
directeurs  de  l'East  ludia  Company  lui  firent  élever  dans 
la  cathédrale  de  Saint-Paul.  Il  a  également  un  monument, 
par  Flaxman,  dans  la  chapelle  d'University  Collège,  à 
Oxford  {Œuvres  complètes;  Londres,  1799,  6  vol.  in-4, 
réimprifflés  en  1807,  13  vol.  in-8,  avec  les  Mémoires 
par  lord  Teignmouth).  A.  F. 

JONES  (John  Paul,  surnommé),  marin  écossais,  né  à 
Kirkbean  le  6  juil.  1747,  mort  à  Paris  le  18  juil.  1792. 
Engagé  à  douze  ans  dans  la  marine  marchande  et  sur  des 
navires  de  traite  américains,  il  entra  en  déc.  1775  avec  le 
grade  de  lieutenant  dans  la  marine  de  guerre  américaine  et 
réalisa  contre  les  Anglais  des  exploits  d'une  audace  folle. 
Il  commanda  V Alfred  avec  lequel  il  fit  seize  prises  en  six 
semaines  (1776),  puis  le  Ranger  (1777)  avec  lequel  il 
attaqua  Whitehaven,  essaya  d'enlever  lord  Selkirk  dans 
sa  résidence  près  de  Kircudbright  (1777),  s'empara  d'un 
navire  de  force  double  du  sien.  La  France,  après  de  lon- 
gues hésitations,  lui  confia  le  Bonhomme  Richard,  mais 
en  lui  adjoignant  V Alliance,  capitaine  Landais,  qui,  par 
jalousie,  non  seulement  ne  l'aida  pas,  mais  le  canonna  quand 
il  fut  aux  prises  avec  les  Anglais.  Jones,  après  avoir  fait 
vingt-six  prises  en  un  mois,  s'empara  du  Serapis,  navire 
plus  fort  que  le  sien,  après  une  lutte  terrible,  et  n'eut  que 
le  temps  de  passer  sur  sa  prise  avant  que  son  propre 
vaisseau  coulât  (23  sept.  1779).  Louis  XVI  lui  offrit 
une  épée  d'honneur.  A  partir  de  1784,  il  fut  employé  à 
diverses  missions  en  France  et  en  Danemark  relatives  à  des 
règlements  de  prises.  Puis  il  se  rendit  en  Russie  où  Cathe- 
rine II  lui  donna  le  grade  de  contre-amiral  et  l'envoya 
rejoindre  Potemkin  dans  la  mer  Noire.  Il  eut  des  difficultés 
avec  Potemkin  et,  mal  accueilli  par  la  haute  société  de 
Saint-Pétersbourg,  s'établit  à  Amsterdam.  Il  tenta  sans 
succès  d'entrer  au  service  de  la  Suède  et  mourut  dans 
l'indigence.  Il  a  hissé  des  Mémoires  (Paris,  1789,  et  Edim- 
bourg, 1830)  extrêmement  intéressants,  mais  auxquels  on 
ne  saurait  toujours  se  fier.  Fen.  Cooper  en  a  fait  le  héros 
de  son  Pilote  et  Alexandre  Dumas  de  son  Capitaine  Paul. 
BiBL.  :  Robert  Sands,  Life  and  Correspondence  ofJohn 
Paul  Jones  ;  New  York,  1830.  —Mémoires  de  PaulJones 
écrits  par  lui-même  et  traduits  sous  ses  yeux  par  le  citoyen 
André  ;  Paris,  1798.  —  Slidell-Magkenzie,  Life  of  Paul 
Jones. 

■-  JONES  ou  JOHN  ES  (Thomas),  écrivain  anglais,  né  à 
Ludlow  (Shropshire)  en  1748,  mort  près  de  Dawlish  le 
23  avr.  1816.  Membre  du  Parlement  pour  Cardigan 
(1774),  pour  le  Radnorshire  (1780-90),  pour  le  Cardi- 
ganshire  (1796-1812),  il  s'occupa  avec  grand  succès 
d'agriculture  dans  le  comté  de  Cardigan  qu'il  métamor- 
phosa. Il  avait  établi  une  presse  dans  sa  propriété  de  Hafod 
et  il  édita  lui-même  ses  œuvres,  entre  autres  sa  traduction 
bien  connue  des  Chroniques  de  Froissart  (1803-5, 
nombr.  édit.)  ;  celle  des  Mémoires  de  Joinville  (1807, 
in-4),  des  Chroniques  de  Monstrelet  (1809,  in-4). 

JONES  (Stephen),  littérateur  anglais,  né  à  Londres  en 
1763,  mort  à  Londres  le  20  déc.  1827.  Apprenti  typo- 
graphe, puis  correcteur  d'imprimerie,  il  prit  en  1797  la 
direction  du  Whitehall  Evening  Post,  puis  du  General 
Evening  Post,  du  Saint-James  Chronicle,  de  VEuro- 
pean  Magazine  (1807),  etc.  Il  a  laissé  beaucoup  d'ou- 
vrages, dont  le  plus  connu  est  la  Biographia  dramatica 
(1812,  3  vol.  in-8)  commencée  par  Baker  et  Reed,  Citons 
encore  :  The  Spirit  of  the  public  Journals  (1797-1814)  ; 
Monthly  Beauties  (1793,  in-8);  Masonic  Miscellanies 
(1797,  in-12)  ;  Jhe  Life  and  adventures  ofaFly  (1800, 
in-16)  ;  A  Vindication  of  Masonry  (1847).  Il  était  un 
des  grands  dignitaires  de  la  franc-maçonnerie  anglaise. 


JONES  (Thomas),  opticien  anglais,  né  le  24  juin  1775, 
mort  le  29  juil.  1852.  D'abord  ouvrier  du  célèbre  Rams- 
den,  il  vint  s'installer,  à  son  compte,  à  Londres  et  fut 
bientôt  le  principal  fournisseur  de  tous  les  observatoires 
anglais,  surfout  pour  les  grands  instruments,  dans  la  cons- 
truction desquels  il  excellait.  Il  eut  part  en  1820  à  la  fon- 
dation de  la  Société  astronomique  de  Londres  et  fut  élu  en 
1835  membre  de  la  Société  royale.  On  lui  doit,  outre  des 
perfectionnements  à  la  lunette  méridienne,  à  l'équatorial,  à 
l'hygromètre,  etc.,  une  nouvelle  machine  à  diviser  et  une 
boussole  de  réflexion.  Il  a  publié  des  tables  pour  la  mesure 
barométrique  des  hauteurs  :  A  Companion  to  the  Moun- 
tain barometer  (Londres,  1817,  in-8;  2<»  éd.,  1820). 

Il  ne  doit  pas  être  confondu  avec  les  frères  Jones  (Wil- 
liam et  Samuel),  qui  eurent  à  Londres,  à  la  même  époque, 
une  maison  d'instruments  d'optique  également  très  ré- 
putée et  dont  l'aîné,  William  (1763-1831),  auteur  de 
plusieurs  inventions  estimées,  a  laissé  en  outre  de  nom- 
breux écrits  :  Geometrical  and  graphical  Essays  (Lon- 
dres, 1789;  4«  éd.,  1813);  Lectures  on  Electricily 
(Londres,  1800),  etc.  L.  S. 

BiBL.  :  Monthly  not.   of  the  Aslron.  Soc,  XIII,  112.  — 
Annalen  de  Gilbert,  LÏV,  197  et  308. 

JONES  (Sir  John-Thomas),  général  du  génie  anglais, 
né  à  Landguard  Fort  (Sutfolk)  le  25  mars  1783,  mort  à 
Cheltenhaui  le  25  févr.  1843.  Fils  d'un  général,  il  fut  élevé 
à  l'Académie  militaire  de  Woolwich,  et  envoyé  à  Gibraltar 
en  1798  avec  le  grade  de  lieutenant  du  génie,  il  participa 
à  la  construction  des  fameuses  galeries.^Il  servit  à  Malte, 
suivit  l'expédition  de  Naples,  et  s'empara  après  un  siège 
en  règle  et  fort  brillamment  du  fort  Sylla  qu'il  hérissa  de  d"é- 
fenses  et  où  les  Anglais  purent  se  maintenir  jusqu'en  1808. 
Jones  passa  en  Espagne  où  il  servit  d'aide  de  camp  au  gé- 
néral Leith,  prit  part  en  1809  à  l'expédition  de  Walcheren, 
servit  en  Portugal  (1810)  où  il  fortifia  Lisbonne,  puis  en 
Espagne  où  il  dirigea  toutes  les  opérations  de  sièges  de 
1810  à  1812.  Il  fut  grièvement  blessé  au  siège  de  Burgos 
où  il  assistait  Wellington.  Il  employa  ses  loisirs  forcés  de 
dix-huit  mois  à  composer  un  Journal  of  Sièges  carried 
on  by  the  Allies  in  Spain  in  1810,  iSii  and  1812 
(Londres,  1813,  nouv.  éd.  1843,  3  vol.  in-8)  qui  fit 
grand  bruit,  car  il  n'y  ménageait  guère  la  direction  de  l'ar- 
tillerie et  critiquait  assez  vivement  les  procédés  de  Wel- 
lington qui,  d'ailleurs,  ne  lui  en  garda  pas  rancune,  le 
chargea  en  1814  de  faire  un  rapport  sur  le  système  de  dé- 
fenses des  Pays-Bas  et  fut  si  satisfait  de  ce  travail  qu'il  le 
nomma  inspecteur  des  travaux  de  fortification  entrepris  aux 
Pays-Bas  par  suite  de  la  convention  de  1816  entre  l'An- 
gleterre et  la  Hollande.  Jones  fut  encore  chargé  des  plans 
de  défense  de  Corfou  (1823).  Il  était  à  Gand  en  1830 pour 
traiter  des  arrangements  militaires  que  pourrait  nécessiter 
la  révolution  française  lorsque  éclata  la  révolution  de  Bel- 
gique. Il  conseilla  au  roi  de  tenir  à  Bruxelles  où  il  était 
dans  une  forte  situation.  Mais  aussitôt  après  son  départ 
pour  l'Angleterre,  ce  prince  revint  à  La  Haye  où  il  perdait 
tous  ses  avantages.  Jones  fut  créé  baronnet  (30  sept.  1831) 
et  nommé  major  général  en  1837.  Ses  plans  pour  l'amé- 
lioration des  défenses  de  Gibraltar  (1840-41)  ont  été  exé- 
cutés par  la  suite.  Jones,  un  des  plus  remarquables  ingé- 
nieurs militaires  de  son  temps,  a  laissé,  outre  son  journal 
cité  ci-dessus  :  Account  of  the  war  in  Spain.,  Portugal, 
and  the  South  of  France  from  1808  to  1814  (Londres, 
1807,  2  vol.  in-8)  ;  Memoranda  relative  to  the  Lines 
thrown  up  to  couer  Lisbon  in  1810  ;  Reports  relating 
to  the  re-establishment  of  the  fortresses  in  the  Nether- 
lands  from  1814  to  1830,  etc.  On  lui  a  élevé  une  sta- 
tue dans  la  cathédrale  de  Saint-Paul.  R.  S. 

JONES  (Richard),  économiste  anglais,  né  à  Tunbridge 
Wells  en  1790,  mort  à  Haileybury  le  26  janv.  1855.  Curé 
de  Brasted,  il  fut  nommé  en  1833  professeur  d'économie 
politique  au  King's  Collège  de  Londres  et  succéda  en  1835 
à  Malthus  dans  la  chaire  d'économie  politique  et  d'histoire 
de  l'East  India  Collège  d'Haileybury.  C'est  un  adversaire 


—  491  - 


JONES  -  JONGHÈ 


de  Ricardo.  Son  principal  ouvrage  est  :  An  Essay  on  the 
distribution  of  Wealth  and  on  the  Sources  of  Taxation 
(Londres,  183i,  m-8).  Citons  encore:  An  Introductoru 
Lecture  on  political  ^cowom^(4833,  in-8),  et  Text  Boolc 
of  lectures  on  the  political  economy  of  nations  (Hert- 
ford,  4862,  in-8).  Ses  Œuvres  complètes  ont  été  publiées 
par  W.  Whewell  (Cambridge,  1850).  R.  S. 

JONES  (Sir  Harry-David),  ingénieur  militaire  anglais, 
né  à  Landguard  Fort  le  14  mars  4791,  mort  à  Sandîiurst 
le  2  août*4866,  frère  de  John-Thomas  (V.  ci-dessus). 
Elève  de  Woolwich,  il  entra  lui  aussi  dans  le  génie,  tra- 
vailla aux  fortifications  de  Douvres,  prit  part  à  l'expédition 
de  Walcheren,  servit  dans  la  Péninsule  où  il  se  distingua 
brillamment,  notamment  à  la  défense  de  Cadix,  à  la  prise 
de  Badajoz  et  à  la  bataille  de  Vitloria  où  il  fit  des  merveilles 
de  courage  et  od  il  fut  grièvement  blessé.  Il  reçut  une  se- 
conde blessure  sur  la  Nive.  Il  fit  partie  de  l'expédition  de 
John  Lambert  à  la  Nouvelle-Orléans  (4814)  et  rejoignit 
après  Waterloo  l'armée  de  Wellington  ;  il  entra  avec  elle 
à  Paris  (4815)  et  commanda  le  génie  à  Montmartre.  Il 
suivit  ensuite  son  frère  aux  Pays-Bas  (1822),  fut  instruc- 
teur à  l'établissement  de  Ghatham  (1824),  servit  à  Malte, 
fut  chargé  de  deux  missions  à  Constantinople  et  de  retour 
en  Angleterre  en  1 835  fut  employé  à  d'importants  travaux 
(navigabilité  de  la  rivière  Shannon,  chemins  de  fer  et  tra- 
vaux publics  d'Irlande,  etc.).  Directeur  de  l'établissement 
deChathamen  4851,  il  accompagna  lord  Lucan  chargé  de 
mission  auprès  de  Napoléon  III  en  1853,  et,  promu  brigadier 
général  en  1854  au  début  de  la  guerre  avec  la  Russie,  com- 
manda les  opérations  à  Bomarsund.  En  1855,  il  obtint  le 
commandement  du  génie  devant  Sébastopol,  oii  il  déploya 
une  énergie  extraordinaire  et  fut  blessé  dans  la  tranchée 
le  48  juin.  Promu  lieutenant  général  (30  juil.),  il  se  distin- 
gua lors  de  l'assaut  du  8  sept.  Il  fut  nommé  gouverneur 
du  collège  militaire  de  Sandhurst  le  29  avr.  4856.  Il  est 
l'auteur  d'un  certain  nombre  d'études  techniques,  d'un 
intéressant  récit  de  sa  captivité  à  Saint-Sébastien  en  4843 
{hnited  Service  Journal^  4841),  du  second  volume  de  la 
relation  officielle  du  Siège  de  Sébastopol  (1859,  in-4)  et 
il  a  publié  divers  ouvrages  de  soa  frère.  R.  S. 

JONES  (John-Winter),  bibliographe  anglais,  né  à  Lam- 
beth  le  16  juin  1805,  mort  à  Henley  le  7  sept.  1881. 
Très  versé  dans  les  langues  et  littératures  de  l'Europe,  il 
entra  en  1837  au  British  Muséum,  travailla  au  catalogue 
de  1839  sous  la  direction  de  Panizzi  qu'il  remplaça  comme 
conservateur  des  imprimés  en  1856.  Il  eut  la  plus  grande 
part  à  la  création  et  à  l'organisation  de  la  nouvelle  salle  de 
lecture  (V.  British  Muséum)  et  devint  bibliothécaire  en  chef 
en  4866.  Il  dirigea  en  cette  qualité  la  construction  du 
Muséum  d'histoire  naturelle,  présida  à  l'acquisition  de  la 
collection  Castellani  et  fit  exécuter  des  fouilles  en  Assyrie. 
n  se  surmena  tellement  qu'il  dut  démissionner  en  4878. 
Collaborateur  du  grand  Dictionnaire  biographique  de 
la  Société  pour  la  propagation  des  connaissances  utiles,  il  a 
laissé  des  travaux  d'archéologie  et  de  bibliographie  épars 
dans  la  North  British  Reuiew,  la  Quarterly  Review  et  les 
Transactions  de  la  Société  des  antiquaires.         R.  S. 

JONES  (Ernest-Charles),  politicien  anglais,  né  à  Ber- 
lin le  25  janv.  4849,  mort  à  Manchester  le  26  janv.  4868. 
Fils  d'un  écuyer  du  duc  Ernest  de  Curaberland,  il  fit  ses 
études  en  Allemagne.  Esprit  exalté,  il  voulut  à  onze  ans 
s'enfuir  à  Paris  pour  soutenir  la  cause  des  Polonais.  En 
4844 ,  il  publia  un  roman,  The  Wood  Spirit^  et  débuta  avec 
succès  dans  le  journalisme.  En  4846,  il  se  lança  avec  ar- 
deur dans  le  mouvement  chartiste.  Orateur  vibrant  et  co- 
loré, il  fut  rapidement  populaire.  Zélé  disciple  de  Feargus 
O'Connor,  il  dirigea  sa  revue  le  Labourer  (4847),  rédigea 
h  Northern  Star,  Délégué  d'Halifax  à  la  convention  char- 
tiste de  4848,  û  prononça  un  discours  à  sensation  au 
meeting  monstre  de  Kennington-Common.  Il  fut  élu  membre 
de  la  commission  executive  des  chartistes  et  inquiéta  le 
gouvernement  par  des  discours  d'une  violence  extrême. 
Arrêté  à  Manehesiter,  il  fut  condamné  à  deux  ans  de  prison 


en  juil.  4848.  Remis  en  liberté,  il  devint  le  chef  de  la  frac- 
tion dissidente  des  chartistes  qui  étaient  pour  l'action 
tandis  qu'O'Connor  recommandait  l'évolution  pacifique.  En 
4854,  il  prêcha  dans  tout  le  pays  en  faveur  de  la  commu- 
nauté des  propriétés  et  en  4852  il  prit  la  direction  du 
People's  Paper,  Après  la  disparition  du  chartisme,  Jones 
se  jeta  dans  le  parti  radical  avancé.  Il  avait  posé  sans  succès 
sa  candidature  au  Parlement  à  diverses  reprises,  à  Halifax 
et  à  Nottingham.  Il  a  laissé  de  nombreux  chants  politiques 
qui  ont  eu  beaucoup  de  succès,  entre  autres  :  The  Sang  of 
the  poor,  The  Song  of  the  Day-Labourers,  The  Song 
of  the  poorer  classes  ;  des  poésies  :  Corayda  and  other 
poems  (4859);  The  Battis  Day  (4855),  etc.;  des  nou- 
velles :  Lord  Lindsay,  Women's  Wrongs,  Beldagar 
C/wiw/i  (4853-57),  surtout  la  sensationnelle:  The  Lass 
and  the  Lady;  une  curieuse  History  of  a  démocratie 
movement  où  O'Connor  figure  sous  le  nom  de  Simon  de 
Brassier  ;  des  écrits  politiques  :  Evenings  with  the  People 
(4856)  ;  The  Revolt  of  Hindostan  (4857),  etc.    R.  S. 

JONES  (Horace),  architecte  anglais,  né  le  20  mai  4849, 
mort  à  Londres  le  24  mai  1887.  Après  avoir  complété  ses 
études  par  un  voyage  en  Italie,  Horace  Jones,  déjà  connu 
par  quelques  intéressantes  constructions  privées,  fit  élever 
à  la  suite  d'un  brillant  concours  l'hôtel  de  viUe  et  les  cours 
de  loi  de  Cardiff  et  fut  nommé  en  1864  architecte  de  la 
Cité  de  Londres.  C'est  en  cette  qualité  que,  pendant  plus 
de  vingt  années,  il  présida  à  d'importants  travaux  de  voirie, 
fit  élever  plusieurs  marchés  et  apporta  de  considérables 
agrandissements  à  Guild  Hall  (hôtel  de  ville  de  Londres), 
tels  qae  bibliothèque,  musée,  salles  de  conseil  et  grande 
salle  décagonale  du  Conseil  de  la  Cité,  travaux  à  la  suite 
desquels  Horace  Jones,  qui  était  président  de  l'Institut  royal 
des  architectes  britanniques,  fut  fait  chevalier  en  1886. 

J  ON  G  VAN  RoDENBURGH  (Comeillc  de),  marin  hollandais, 
né  à  Oudewaeter  en  4762,  mort  à  La  Haye  en  4838.  En 
4799,  il  venait  d'obtenir  le  grade  de  capitaine  de  vaisseau 
et  commandait  la  flottille  du  Texel  quand  les  Anglais  l'at- 
taquèrent inopinément.  Mal  secondé  par  des  équipages  sans 
discipline,  de  Jong  fut  battu  et  fait  prisonnier.  Il  revint  se 
justifier  devant  un  conseil  de  guerre,  mais,  au  grand  éton- 
neraentde  tous,  il  fut  condamné  à  la  dégradation  et  au  ban- 
nissement. Il  vécut  dans  la  retraite  à  Clèves  jusqu'à  la 
révolution  de  4813  ;  alors  il  rentra  dans  son  pays,  provoqua 
l'annulation  de  l'arrêt  qui  l'avait  frappé,  et  fut  élevé  par 
Guillaume  l^''  à  la  dignité  de  contre-amiral.  De  Jong  avait 
publié  pendant  son  exil  plusieurs  relations  de  voyages 
pleines  de  renseignements  intéressants  et  d'une  forme  litté- 
raire remarquable.  Les  plus  importants  parmi  ces  ouvrages 
sont  :  Voyage  au  cap  de  Bonne-Espérance  (en  holl.  ; 
Haarlem,1802,  3  vol.  in-8);  Voyage  aux  îles  Caraïbes 
{id.,  1807,  in-8).  E.  H. 

J0N6E  (Jean-Corneille  de),  historien  hollandais,  né  à 
Zierikzee  en  1793,  mort  à  Zuidhoorn  en  1853.  H  se  con- 
sacra de  bonne  heure  aux  études  historiques  et  devint  en 
1831  archiviste  du  royaume  des  Pays-Bas.  H  écrivit  un 
grand  nombre  d'ouvrages  très  estimables,  où  il  fait  preuve 
d'une  érudition  sûre  et  d'un  esprit  critique  exercé.  Les 
principaux  sont  :  Etudes  sur  les  origines  des  luttes  entre 
Hoecks  et  Cabillauds  (en  holl.;  Leyde,  4817,  in-8)  ;  Vie 
des  amiraux  L  et  J.  Euertsen  {id,,  La  Haye,  1820,  in-8)  ; 
Description  des  monnaies  et  médailles  néerlandaises 
{id,,  Amsterdam,  1821-48,  5  vol.  in-fol.)  ;  De  l'Influence 
du  tiers  état  en  Brabant,  en  Flandre  et  en  Hollande 
du  temps  du  pouvoir  ducal  et  comtal  (id,,  Leyde,  1824, 
in-8)  ;  r  Union  de  Bruxelles  de  i577  (id.,  La  Haye, 
1825,  in-8,  rééd.  à  Delft  en  1827,  trad.  en  français  par 
Deleville,  Rotterdam,  4829,  in-8)  ;  Recueil  de  pièces 
inédites  concernant  V histoire  des  Pays-Bas  (en  holl.; 
Delft,  1825,  2  vol.  in-8);  Histoire  de  la  marine néer-- 
landaise  (id,,  La  Haye,  1833-48,  6  vol.  in-8).     E.  H. 

JONGHE  (Jean- François  de),  chroniqueur  belge,  né  à 
Gand  en  1674,  mort  en  1749.  H  étudia  la  théologie  à  Lou- 
vain  et  entra,  en  1693,  dans  l'ordre  des  dominicains.  Atta* 


JONGHE  --  JONGLEUR 


im 


ché  comme  aumônier  aux  armées  françaises,  il  parcourut 
à  leur  suite  la  Hollande,  la  Belgique,  le  nord  de  la  France 
et  les  provinces  rhénanes.  Il  visita,  dans  ces  diverses 
régions,  les  couvents  de  son  ordre  et  y  étudia  leurs  archives 
et  leurs  bibliothèques.  Il  publia  alors  deux  ouvrages  très 
importants  pour  l'histoire  religieuse  des  Pays-Bas  :  Deso- 
laia  Batavia  dominicana,  sive  descriptio  brevis  om- 
nium conventuum  et  monasteriorum  sacriordinisprce- 
dicatorum^  quce  olim  exstiterunt  in  Belgio  confœderato 
(Gand,  1717,  in-foL);  Belgium  dominicanum  sivehis- 
tora  provinciœ  Germanicœ  inferions  sacri  ordinis 
FF,  prœdicatorum  (Bruxelles,  1719,  in-4).  On  lui  doit 
aussi  une  étude  curieuse,  écrite  en  flamand,  sur  les  excès 
commis  par  les  calvinistes  à  Gand,  de  1566  à  1585  ;  avant 
lui,  aucun  historien  gantois  n'avait  publié  le  récit  des  évé- 
nements de  cette  époque  très  intéressante  au  point  de  vue 
local.  Elle  est  intitulée  Histoires  gantoises  (Gand,  1746, 
in-12).  Elle  a  été  souvent  rééditée.  Nous  citerons  encore 
de  notre  chroniqueur  la  Vie  de  Philippe  le  Hardi,  de 
Marguerite  de  Maie  et  de  leur  fils  Jean  sans  Peur  (en 
flamand)  ;  demeurée  manuscrite  jusqu'en  1851,  elle  a  été 
imprimée  à  cette  époque  par  la  société  des  bibliophiles  fla- 
mands. De  Jonghe  était  un  homme  très  instruit  et  animé 
d'un  sincère  patriotisme,  mais  il  manque  parfois  d'équité 
dans  l'appréciation  des  querelles  religieuses.  E.  H. 

BrsL.:  De  Wind,  les  Historiens  néerlandais  (en  hoU.)  ; 
Middelbourg,  1831,  in-8.  —  Blommaert,  les  Ecrivains  fia- 
mands  de  Gand  (en  flam.);  Gand,  1861,  in-8.— De  Busscher, 
Notice  sur  J.-F.  de  Jonghe^  dans  la  Biogr.  nat.  belge. 

JONGHE  (Jean-Baptiste  de),  peintre  belge,  né  à  Cour- 
trai  en  1785,  mort  à  Bruxelles  en  1844.  Il  étudia  d'abord 
la  sculpture,  puis,  élève  d'Ommeganck,  s'adonna  vers 
1812  à  la  peinture  de  paysage.  En  1826,  il  devint  profes- 
seur à  l'Académie  de  dessin  et  d'architecture  de  Courtrai 
et,  en  1840,  professeur  de  peinture  de  paysage  et  d'ani- 
maux à  l'Académie  d'Anvers.  Il  fit  quelques  voyages,  en 
Hollande,  en  Flandre,  en  Angleterre.  On  cite  parmi  ses 
meilleurs  tableaux  :  le  Voyageur  au  repos,  Une  Ferme  en 
Hollande,  Vue  du  château  d'Auderme,  Environs  de 
Tournai,  —  Il  eut  quelques  élèves  et,  entre  autres,  son  fils 
Gustave,  né  à  Courtrai  le  24  févr.  1828.  Elève  de  l'Aca- 
démie de  Kœnigsberg,  il  a  peint  des  sujets  d'histoire  sainte, 
d'histoire  et  de  genre.  Ses  principales  œuvres  sont  :  Notre- 
Dame-de- Bon- Secours  (1854)  ;  Piété  (4864);  le  Conva- 
lescent (1869);  Déclaration  d'amour  (1884). 

JONGIEUX.  Com.  du  dép.  de  la  Savoie,  arr.  de  Cham- 
béry,  cant.  de  Yenne  ;  353  hab. 

JONGKIND  (Johan-Barthold),  peintre  hollandais,  né  en 
1822,  mort  à  La  Côte-Saint-André  le  12  févr.  1891. 
Hollandais  de  naissance,  il  appartient  à  proprement  parler 
à  l'Ecole  française.  Elève  d'E.  Isabey,  il  a  exposé  depuis 
1845  au  Salon  de  Paris.  Gest  en  France  également  qu'il  a 
pris,  surtout  pendant  la  première  partie  de  sa  carrière,  les 
sujets  de  ses  paysages  et  de  ses  marines  :  Port  de  mer 
(1848);  Port  de  Honfleur  (1850);  Le  Tré^ort,  Saint- 
Valery-en-Caux  {\%^i)  ;  Clair  de  lune  (1853);  Souve- 
nir du  Havre,  Cours  de  la  Seine  (1854):  le  Quai 
d'Orsay,  Lever  de  lune  près  Paris  (1855);  Marine 
(1857);  Entrée  du  port  de  Honfleur  (1864)  ;  Paysage 
normand  (1866).  Quand  il  revint  prendre  ses  motifs 
dans  sa  patrie,  il  n'en  continua  pas  moins  de  les  exposer 
en  France:  Paysage  hollandais  (1859);  Souvenir  de  la 
Vieille  Tour  démolie  en  1860  à  Ventrée  du  Port  de 
Rotterdam,  Canal  hollandais  (1865);  Patineurs  sur 
un  canal  de  Hollande,  Vue  de  la  rivière  d'Overschie 
(1868);  la  Meuse  à  Dordrecht,  hitérieur  du  Port, 
la  Bourse  à  Rotterdam  (1869);  Vues  de  Dordrecht 
(1870-72).  G.  A. 

JONGLEUR.  HrsTOiRE.  —  Nom  sous  lequel  on  désigne 
les  chanteurs  ambulants  du  moyen  âge,  compagnons  attitrés 
des  trouvères  et  des  troubadours.  Jongleur  est  une  altéra- 
tion déjà  ancienne  (elle  remonte  au  moins  au  xvi®  siècle,  et 
Nicot  remarque  que  ce  sont  les  Picards  qui  appellent;(?n^  leurs 


ceux  qu'en  bon  français  de  France  on  appelle  bateleurs) 
de  jogleur  m  jogleor  (au  cas  sujet  joglere),  mot  d'ancien 
français  qui  correspond  phonétiquement  au  htin  joculator . 
Le  provençal  se  sert  d'un  mot  analogue  joglar,  où  l'on  re- 
connaît facilement  le  même  radical  avec  un  suffixe  différent 
(latin  jocularis).  Conformément  à  l'étymologie,  le  mot  s'est 
appliqué  à  l'origine  à  toutes  les  classes  d'amuseurs  publics, 
histrions,  baladins,  saltimbanques,  clowns,  etc.  Même  en 
plein  moyen  âge,  au  moment  où  le  jongleur  a  surtout  con- 
quis la  notoriété  par  les  poèmes  qu'il  fait  entendre,  soit  sur 
la  place  publique,  soit  dans  les  châteaux,  il  ne  dédaigne  pas 
les  tours  de  force  ou  d'adresse.  L'état  social  ayant 'changé 
et  la  lecture  ayant  de  plus  en  plus  remplacé  l'audition  pour 
les  œuvres  littéraires,  le  mot  jongleur  est  retombé  dans  la 
langue  actuelle  au  sens  restreint  de  «  prestidigitateur». 
Nous  ne  l'envisageons  ici  que  comme  un  terme  de  l'histoire 
littéraire  du  moyen  âge  :  en  ce  sens  il  est  surtout  usité  du 
xi^  au  xiii^  siècle.  Le  jongleur  est  essentiellement  ambu- 
lant, et  par  là  il  se  distingue  du  ménestrel,  attaché  à  un 
seigneur  ou  à  une  communauté  ;  mais  peu  à  peu  le  mot 
ménestrel  (plus  récemment  ménesérier,  ménétrier)  prend 
le  pas  sur  celui  de  jongleur,  et  c'est  sous  ce  nom  qu'il 
convient  de  retracer  les  destinées  des  jongleurs  depuis  le 
xiv^  siècle. 

Le  répertoire  du  jongleur  est  des  plus  variés  :  chansons 
de  geste,  chansons  d'amour,  chansons  de  piété,  il  doit  tout 
savoir  pour  satisfaire  les  goûts  de  ses  auditoires  sans 
cesse  renouvelés.  On  s'est  demandé  s'il  n'y  avait  pas  des 
jongleurs  spéciaux  pour  les  chansons  de  geste  et  l'on  s'est 
appuyé,  pour  rendre  vraisemblable  cette  opinion,  sur  la 
distinction  établie  par  d'anciens  pénitentiels  entre  les  jon- 
gleurs que  l'Eglise  condamnait  et  ceux  qu'elle  tolérait. 
«  Il  y  a,  dit  Thomas  de  Cabham  à  la  fin  du  xin^  siècle,  des 
jongleurs  qui  chantent  les  vies  des  saints  et  les  gestes  des 
princes...  Ceux-là  on  peut  les  tolérer,  et  c'était  l'avis  du 
pape  Alexandre.  »  Il  est  évident  que  chaque  jongleur  était 
maître  d'organiser  son  répertoire  comme  il  l'entendait,  et 
de  cultiver  telle  ou  telle  spécialité  ;  mais  c'était  une  ques- 
tion de  goût  personnel  qui  ne  correspondait  pas  à  une  dis- 
tinction sociale  de  classe.  Quoi  qu'il  chantât,  le  jongleur 
s'accompagnait  ordinairement  de  la  vielle,  instrument  très 
différent  de  la  vielle  actuelle  et  qui  se  rapproche  beaucoup 
du  violon.  Le  jongleur  chante  ordinairement  l'œuvre  d'un 
autre,  du  trouvère  ou  du  troubadour  :  il  sert  d'intermé- 
diaire entre  l'auteur  et  le  public  et  fait  l'office  de  notre 
éditeur  moderne,  mais  rien  ne  l'empêche  d'être  auteur  à 
son  tour  et  d'exploiter  son  propre  fonds,  s'il  a  de  quoi. 
Raimbert  de  Paris,  l'auteur  de  la  belle  chanson  de  geste 
à'Ogier  le  Danois,  déclare  qu'il  est  jongleur  ;  c'est  à  un 
jongleur  aussi,  du  nom  d'Ambroise,  que  nous  devons  l'his- 
toire en  vers  de  la  troisième  croisade.  C'est  surtout  dans 
le  midi  de  la  France  que  les  relations  entre  troubadours 
et  joglars  sont  très  étroites.  Ordinairement  le  troubadour  a 
son  joglar  attitré  dont  il  insère  souvent  le  nom  dans 
l'envoi  de  ses  chansons  :  Bertran  de  Born  a  son  Papiol, 
Guiraud  de  Calanson  son  Fadet.  Nous  possédons  plusieurs 
pièces  où  les  troubadours  font  la  leçon  à  leurs  jongleurs  en 
le  prenant  assez  haut  vis-à-vis  d'eux  ;  mais  c'est  de  la  pa- 
rade pour  la  galerie,  rien  de  plus.  Le  plus  souvent  \e  joglar 
est  un  apprenti  troubadour,  et  plusieurs  troubadojrs  cé- 
lèbres ont  commencé  par  être  joglars  :  citons  notamment 
Pistoleta,  Aimeric  de  Sarlat,  Peirol,  Guillem  Ademar, 
Gaucelm  Faidit,  etc.  Chose  curieuse  :  pendant  que  la  jo- 
glaria  s'anoblissait  ainsi  dans  ce  qu'on  peut  appeler  les 
cercles  lettrés  du  temps,  le  mot  àe  joglar  continuait,  comme 
jongleur  dans  le  Nord,  à  être  appliqué  indistinctement  par 
la  foule  à  tous  les  faiseurs  de  tours.  Nous  possédons  une 
curieuse  supplique  envers  adressée  en  1274  au  roi  de  Cas- 
tille  par  Guiraud  Riquier  (de  Narbonne)  au  nom  àes>  joglars, 
où  est  vivement  déplorée  cette  compromettante  promiscuité; 
Riquier  supplie  le  roi  de  donner  un  nom  aux  vrais  joglars, 
pour  les  tirer  de  cette  fâcheuse  situation.  Les  jongleurs  du 
N.  de  la  France  auraient  pu  formuler  les  mêmes  plaintes  ; 


-  193  - 


JONGLEUR  —  JONQUERETS 


c'est  là  sans  doute  la  vraie  raison  pour  laquelle  ménestrel 
s'est  peu  à  peu  substitué  à  jongleur,  Ant.  T. 

Technologie.  —  On  donne  aujourd'hui  le  nom  de  jongleur 
à  un  artiste  qui  rattrape  adroitement  des  objets  jetés  en 
l'air;  il  est  forcément équilibriste.  Chez  les  Chinois  et  plus 
particulièrement  chez  les  Japonais,  la  jonglerie  est  arrivée 
à  un  assez  haut  perfectionnement.  Ces  derniers,  qui  sont 
aussi  d'habiles  équilibristes,  arrivent  à  des  résultats  remar- 
quables :  par  exemple  tout  en  maintenant  sur  le  nez  ou  sur 
le  menton  un  véritable  édifice  formé  d'objets  les  plus  dis- 
parates, règles  de  bois,  boules,  cylindres,  éventails,  plu- 
sieurs d'entre  eux  arrivent  à  jongler  avec  des  éventails  et 
des  couteaux.  D'autres  jonglent  à  deux,  l'un  se  tenant  sur 
le  dos,  les  pieds  en  l'air,  le  second  debout,  accroché  aux 
jambes  du  premier  et  dans  cette  position  se  renvoient  de 
l'un  à  l'autre  et  au-dessus  d'eux  des  boules,  des  bâtons,  etc. 
C'est  un  véritable  morceau  à  quatre  mains,  hérissé  de  dif- 
ficultés d'équilibre,  joué  par  deux  virtuoses  de  la  jonglerie. 
Certains  Japonais  font  tenir  en  équilibre  sur  leur  menton 
une  sorte  de  perchoir  à  plusieurs  branches  en  éventail  sur 
lequel  une  cigogne  apprivoisée  se  promène,  dérangeant  ainsi 
continuellement  la  stabihté  pendant  qu'eux  jonglent  en 
même  temps.  Nous  avons  dit  que  tout  jongleur  est  forcément 
équilibriste.  Beaucoup  de  jongleurs  japonais  sont  aussi  acro- 
bates :  tout  le  monde  a  vu  dans  les  cirques  l'exercice  du 
bambou,  dans  lequel  l'opérateur  se  tenant  avec  les  jambes 
et  les  pieds  sur  un  bambou  pendu  verticalement' à  une 
grande  hauteur,  jongle  des  deux  mains  avec  des  éventails 
et  se  laisse  glisser  d'un  seul  coup  du  haut  en  bas  de  la 
perche  longue  de  4  à  5  m.,  s'arrêtant  juste  au  bout  par 
une  puissante  contraction  des  jambes  et  des  orteils. 

Tous  ces  exercices  dénotent  une  grande  habileté  ;  mais, 
sauf  celui  de  la  perche,  ils  sont  dépassés  en  Europe.  Disons 
maintenant  quelques  mots  du  métier  lui-même.  Le  jongleur 
doit  chercher  la  difficulté  et  la  vaincre.  C'est  pour  cela 
qu'il  entremêle  aux  objets  ronds,  comme  des  boules,  des 
objets  longs  qui  peuvent  heurter  les  premiers,  des  objets 
qui  doivent  être  saisis  par  une  extrémité  désignée,  comme 
des  poignards,  des  objets  fragiles,  comme  des  assiettes,  des 
verres  ou  des  bouteilles  ou  même  des  lampes  allumées  ou 
des  torches  enflammées  ;  c'est  aussi  pour  cela  que  non  seu- 
lement il  arrive  à  jeter  derrière  lui  les  objets  et  les  re- 
prendre par  devant  ou  inversement,  mais  encore  qu'il 
cherche  à  faire  courir  ces  mêmes  objets  le  long  de  ses  bras, 
autour  de  son  cou,  etc.  Une  des  grandes  difficultés  de  l'art 
du  jongleur  est  d'entremêler  les  objets  lourds  et  légers,  de 
jongler  par  exemple  avec  un  petit  boulet  de  canon  et  une 
boulette  de  papier  ou  encore  avec  un  chapeau  et  une  ciga- 
rette. Tous  ces  résultats  sont  l'œuvre  d'un  travail  constant 
et  suivi  sans  relâche.  Ceux  qui  voudront  s'en  rendre  compte 
n'auront  qu'à  faire  quelques  essais  préliminaires.  Presque 
tout  le  monde  étant  enfant  s'est  amusé  à  jongler  des  deux 
mains  avec  deux  oranges.  Qu'on  en  prenne  seulement  trois, 
ou  bien  encore  qu'on  essaye  avec  une  seule  main,  on  verra 
que  la  réussite  est  bien  plus  difficile  à  obtenir.  Maintenant 
si  au  lieu  d'oranges  on  emploie  des  objets  de  poids  diffé- 
rents tels  qu'une  orange  et  un  journal  chiffonné  ou  si,  au 
lieu  d'objets  ronds,  on  se  sert  d'une  assiette  et  d'un  objet 
long  qui  doit  être  rattrapé  par  im  bout  fixé,  on  verra  quelle 
sûreté  de  main  il  faut  avoir  et  qu'il  semble  presque  impos- 
sible d'arriver  jamais  à  réussir.  L'élève  jongleur  fait  tous 
ces  exercices  préliminaires  pendant  des  mois  entiers  et  plu- 
sieurs heures  par  jour  avec  deux  boules,  trois  boules,  en 
employant  d'abord  les  deux  mains,  puis  une  seule.  Il  passe 
ensuite  aux  objets  longs  tels  que  deux  morceaux  de  bois, 
ensuite  aux  objets  ayant  un  poids  plus  lourd  à  l'une  des 
extrémités  et  c'est  seulement  lorsqu'il  est  absolument  maître 
de  tous  ces  préliminaires  qu'il  entremêle  les  objets  de  forme 
et  de  poids  différents.  Il  doit  ensuite  augmenter  le  nombre 
des  objets  et  arriver  au  moins  à  huit.  L'étude  des  objets  fra- 
giles vient  seulement  après  et  naturellement  est  commencée 
avec  des  formes  en  bois  représentant  l'objet  lui-même,  car 
sans  cela  les  fabriques  de  verrerie  et  de  porcelaine  ne  suf- 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —  XXI. 


firaient  pas  à  remplacer  la  «  casse  ».  L'art  du  jongleur, 
parmi  tous  ceux  qui  dépendent  exclusivement  de  l'adresse 
et  de  l'agilité  des  doigts,  est  celui  qui  exige  le  plus  de  pra- 
tique et  d'exercices  suivis  sans  interruption.  Pour  ne  rien 
omettre,  il  nous  faut  ajouter  que  certains  exercices  sont 
aidés  par  les  lois  de  l'équilibre  :  ainsi  la  rotation  d'une  as- 
siette ou  d'un  saladier  fait  tenir  la  canne  qui  sert  de  sup- 
port ;  une  plume  de  paon  tient  facilement  en  équilibre  sur 
le  nez  si  on  a  soin  de  marcher  du  côté  où  elle  penche  et 
de  la  redresser  ainsi  par  la  résistance  de  l'air  ;  un  cornet  de 
papier  qu'on  enflamme  par  son  ouverture  tient  assez  faci- 
lement sur  sa  pointe  ;  une  pile  de  briques  en  bois  reste  in- 
tacte par  la  force  d'inertie  si  on  chasse  violemment  de  la 
pile  l'une  de  ces  briques.  Malgré  ces  petits  moyens  qui 
peuvent  aider  l'artiste,  il  n'en  est  pas  moins  établi  que  le 
jongleur  présente  le  résultat  d'un  travail  véritablement 
sérieux  et  digne  d'attirer  l'attention.  Alber. 

BiBL.  :  Histoire.  —  Léon  Gautier,  les  Epopées  fran^ 
çaises,  t.  II,  p.  1-225,  2°  éd.  —  Freymond,  Jongleurs  und 
Menes^refs;  Halle,  1883. 

JONKŒPING.  Ville.  —  Ville  de  Suède,  ch.-l.  du  lœn 
de  ce  nom,  au  S.  du  lac  Wetter;  d9,902  hab.  Réguliè- 
rement bâtie  (depuis  l'incendie  de  1790),  elle  est  très 
industrieuse,  fabrique  des  toiles,  des  lainages,  du  cuir, 
possède  une  des  plus  grandes  manufactures  d'allumettes 
chimiques  du  monde.  Auprès  est  Husquarna  renfermant 
de  grands  établissements  métallurgiques  alimentés  par  le 
minerai  du  Taberg,  fabriquant  des  machines,  armes,  etc. 

Province.  —  La^n  de  Suède,  au  centre  de  la  Gothie  : 
11,575  kil.  q.,  193,389  hab.,  soit  17  hab.  par  kil.  q. 
(au  31  déc.  1892).  Compris  entre  ceux  de  Skaraborg  et 
Ostergœtland  au  N.,  Kalmar  à  FE.,  Kronoberg  au  S., 
Halland  et  Elfsborg  à  l'O.,  il  occupe  le  N.  de  l'ancien 
Smaland.  Son  plus  haut  sommet  est  le  Taberg  (336  m.) 
formé  de  minerai  de  fer.  Les  lacs  occupent  926  kil.  q.  Le 
climat  est  tempéré;  de  vastes  forêts  de  hêtres,  sapins, 
tilleuls  alternent  avec  les  champs.  A. -M.  B. 

JONNART  (Charles),  homme  politique  français,  né  à 
Fléchin  (Pas-de-Calais)  le  27  déc.  1857.  Chef  de  cabinet 
de  M.  Tirman,  gouverneur  général  de  l'Algérie,  il  devint  en 
1884  directeur  des  affaires  algériennes 'au  ministère  de 
l'intérieur,  puis  commissaire  du  gouvernement  près  le  con- 
seil de  préfecture  de  la  Seine.  Après  avoir  échoué  aux  élec- 
tions générales  de  1885  dans  le  Pas-de-Calais,  il  fut  élu  dé- 
puté en  1889  et  réélu  en  1893  par  la  2«  circonscription  de 
Saint-Omer.  Le  3  déc.  1893,  il  entra,  avec  le  portefeuille 
des  travaux  publics,  dans  le  cabinet  Casimir-Perier.  11  se 
distingua  lors  de  la  discussion  de  l'interpellation  relative 
aux  grèves  du  Pas-de-Calais  (12-14  déc.)  par  des  discours 
autoritaires  qui  faillirent  faire  mettre  le  ministère  en  mi- 
norité. Il  se  retira  le  22  mai  1894  avec  le  cabinet.  Il  est 
gendre  de  M.  Aynard,  banquier  lyonnais. 

JONQUE  (Mar.).  Nom  donné  aux  navires  chinois  qui 
servent  au  cabotage.  Les  jonques  sont  d'assez  grands  na- 
vires atteignant  jusqu'à  300  et  400  tonneaux.  Elles  rap- 
pellent beaucoup,  par  l'aspect  de  leurs  coques  vues  de  loin, 
nos  anciennes  constructions  navales  du  temps  de  Louis  XIII 
et  de  Louis  XIV,  avec  un  avant-haut  et  un  château  d'ar- 
rière très  élevé,  lequel  est  en  porte  à  faux  et  coupé  en 
deux  par  une  grande  rainure  permettant  le  passage  de  la 
mèche  du  gouvernail,  le  trou  de  jaunière  étant  inconnu. 
Elles  portent  trois  mâts  plus  ou  moins  inclinés  avec  des 
voiles  carrées,  faites  de  nattes  en  paille,  réunies  par  bande. 
Elles  sont  de  très  lourd  échantillon,  marchent  mal  et  sont 
armées  presque  toutes  d'artillerie  pour  se  défendre  soi- 
disant  contre  les  pirates.  Un  édit  d'un  empereur  de  Chine 
remontant  déjà  à  une  haute  antiquité,  qui  est  pourtant 
encore  appliqué  non  seulement  en  Chme,  mais  en  Annam, 
prescrit  au  propriétaire  de  toute  jonque  de  faire  peindre 
un  œil  ouvert  à  l'avant,  de  chaque  bord,  afin  que  le  navire 
puisse  voir  et  éviter  les  dangers  de  la  navigation, 

JONQUERETS-DE-LivET  (Les).  Corn,  du  dép.  de  l'Eure, 
arr.  de  Bernay,  cant.  de  Beaumesnil  ;  31 7  hab. 

V6 


JONQIJERY  —  JONSON 


—  194  - 


JONQUERY.  Corn,  du  dép. de  la  Marne,  arr.  de  Reims, 
cant.  de  Châtillon;  4d3  hab. 

JONQUIÈRES.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Nar- 
bonne,  cant.  de  Durban;  403  hab. 

JONQUIÈRES.  Corn,  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  de  Lo- 
dève,  cant.  de  Gignac  ;  238  hab. 

JONQUIÈRES.  Corn,  du  dép,  de  l'Oise,  arr.  de  Com- 
piègne,  cant.  d'Estrées-Saint-Denis  ;  444  hab. 

JONQUIÈRES  ET  Saint-Vincent.  Corn,  du  dép.  du 
Gard,  arr.  de  Nîmes,  cant.  de  Beaucaire;  4,539  hab. 
Fabriques  d^'instruments  aratoires. 

JONQUIÈRES  (Ernest  de),  mathématicien  français 
(V.  Fâuqur  de  Jonquières). 

JONQUILLE  (Bot.).  Nom  vulgaire  du  Narcissus  Jon- 
quilla  L.  (V.  Narcisse). 

JONS.  Corn,  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Vienne,  cant. 
de  Meyzieux  ;  495  hab. 

JONSIUS  (Johann),  philosophe  allemand,  né  dans  le 
Holstein  en  d644,mort  à  Francfort  en  4659.  Il  fut  recteur 
de  l'académie  de  Francfort  et  publia  deux  ouvrages  d'une 
grande  importance  pour  le  développement  de  l'histoire  de 
la  philosophie  :  Dissertationum  de  historia  peripatetica 
partis  primœ  prima  (Hambourg,  4652),  et  De  Scripto- 
ribus  historiée  philosophieœ  (Francfort,  4659).  Christian 
Dorn  a  publié  une  deuxième  édition  de  ce  dernier  ouvrage, 
sous  le  titre  :  De  Script  or  ibus  historiée  philosophieœ 
libri  quatuor,  recogniti  atque  ad  prœsentem  œtatem 
usque  recogniti  cura  Joh.  Chr.  Dorn  (léna,  4746). 

JONSON  (Benjamin),  plus  connu  sous  le  nom  de  Ben 
Jonson,  célèbre  auteur  dramatique  anglais,  né  à  West- 
minster le  44  juin  4573,  mort  à  Londres  le  6  août  4637. 
D'humble  origine,  orphelin  de  père,  il  fut  remarqué  par 
William  Camden  qui  le  fit  élever  à  ses  frais  à  l'école  de 
Westminster,  puis  à  Cambridge.  Mais  il  dut  de  bonne  heure 
interrompre  ses  études  pour  apprendre  le  métier  de  maçon 
qu'exerçait  son  beau-père.  Fort  dégoûté  de  la  truelle  et  du 
mortier,  il  s'enfuit  en  Flandre  où  il  combattit  les  Espa- 
gnols. Il  revint  à  Londres  vers  4592,  se  maria  et,  dépourvu 
de  toutes  ressources,  s'engagea  dans  une  troupe  de  comé- 
diens. Il  jouait  et,  en  même  temps,  composait  des  pièces 
comme  c'était  alors  la  coutume.  A  la  suite  d'un  duel  avec 
un  de  ses  compagnons,  il  fut  emprisonné  et  manqua  d'être 
pendu,  car  il  avait  tué  son  adversaire.  C'est  en  prison  qu'il 
se  convertit  au  catholicisme,  pour  revenir  d'ailleurs  une 
dizaine  d'années  plus  tard  au  protestantisme.  Jusqu'en  4598, 
il  avait  arrangé  de  vieux  drames  pour  la  scène  avec  la  col- 
laboration d'écrivains  connus.  Son  véritable  début  littéraire 
fut  la  charmante  comédie,  Every  Man  in  his  humour 
(1598,  in-4),  qui  obtint  un  grand  succès  et  tint  l'affiche 
plus  longtemps  qu'aucun  autre  de  ses  ouvrages.  Shake- 
speare, dit-on,  y  joua  un  rôle.  Cette  pièce  était  écrite  dans  le 
goût  de  Plante  et  de  Térence.  Ben  Johson  s'y  posait  tout 
de  suite  en  classique,  en  représentant  du  passé  au  beau 
milieu  du  triomphe  de  l'école  nouvelle.  Avec  Every  Man 
out  ofhis  humour  (4599),  surtout  avec  Cynthia's  Re- 
vêts (4600),  il  se  révéla  comme  un  brillant  satirique  :  fla- 
gellant sans  ménagement  les  vices  et  les  ridicules  de  l'époque 
avec  une  humeur  caustiçjue  et  batailleuse  qui  recherchait 
les  personnalités.  Des  écrivains,  Marstonet  Decker,  n'eurent 
pas  de  peine  à  se  reconnaître  parmi  ses  personnages  les 
plus  maltraités.  Ils  se  vengèrent.  «  Trois  ans,  écrit  Jon- 
son,  ils  m'ont  provoqué  sur  tous  les  théâtres,  avec  leur 
style  pétulant,  et  à  la  fin  contraint  dans  ma  volonté,  mais 
fatigué,  je  l'avoue,  de  tant  d'attaques,  j'ai  voulu  éprouver 
si  la  honte  aurait  quelque  effet  sur  eux  »,  et  il  donna  contre 
eux  son  Poetaster  (4604),  auquel  ils  répliquèrent  par  la 
Satiromastix,  aussi  injurieuse,  mais  fort  inférieure  sous 
le  rapport  du  talent.  Ben  Jonson  se  fit  avec  ces  procédés 
une  légion  d'ennemis  qui  le  poursuivirent  avec  une  haine 
féroce.  Avec  sa  nature  violente,  son  corps  athlétique,  sa 
face  énorme,  ses  yeux  profonds  et  durs,  son  cou  de  tau- 
reau, il  se  plaisait  à  la  lutte  et  ne  recula  jamais  :  «  Je  les 
flagellerai,  ces  singes,  et  je  leur  étalerai  devant  leurs  beaux 


yeux  un  miroir  aussi  large  que  le  théâtre  sur  lequel  nous 
voici.  Ils  y  verront  les  difformités  du  temps  disséquées  jus- 
qu'au dernier  nerf  et  jusqu'au  dernier  muscle,  avec  un 
courage  ferme  et  le  mépris  de  la  crainte...  Ma  rigide  main 
a  été  faite  pour  saisir  le  vice  d'une  prise  violente,  pour  le 
tordre,  pour  exprimer  la  sottise  de  ces  âmes  d'épongé  qui 
vont  léchant  toutes  les  basses  vanités  !  »  Il  atteignait 
l'apogée  de  sa  gloire  avec  son  Volpone  (4605),  «  œuvre 
sublime,  la  plus  vive  peinture  des  mœurs  du  siècle,  où 
s'étale  la  pleine  beauté  des  convoitises  méchantes,  où  la 
luxure,  la  cruauté,  l'amour  de  l'or,  l'impudeur  du  vice,  dé- 
ploient une  poésie  sinistre  et  splendide,  digne  d'une  bac- 
chanale du  Titien  »  (Taine).  Au  club  de  la  Sirène,  fondé  par 
Walter  Baleigh,  plus  tard  à  la  caverne  de  Saint-Dunstan, 
il  rencontrait  les  hommes  les  plus  remarquables  de  l'époque  : 
Selden,  Chapman,  Bacon,  Marston,  Drayton,  Shakespeare, 
Fletcher,  le  comte  de  Rutland,  le  comte  de  Pembroke,  lord 
d'Aubigny,  le  duc  de  Newcastle  ;  il  régnait  sur  une  cour 
de  jeunes  poètes  qu'il  appelait  ses  fils  :  Beaumont,  Randolph, 
Field,  Cleveland,  Cartwright,  Howell,  faisant  assaut  d'es- 
prit avec  Shakespeare,  jouissant  delà  réputation  de  l'homme 
le  plus  lettré  d'Angleterre.  «  Que  de  choses  nous  avons 
vues  et  faites  au  club  de  la  Sirène  !  Quel  échange  de  pro- 
pos vifs  et  pleins  d'une  flamme  subtile  !  Il  semblait  que  cha- 
cun des  interlocuteurs  prodiguât  tous  les  trésors  de  son 
esprit  dans  ces  badinages.  »  (Beaumont.)  L'avènement  de 
Jacques  I^"*  marqua  la  phase  la  plus  brillante  de  sa  car- 
rière. Il  fut  pensionné,  reçut  le  titre  de  poète  lauréat,  com- 
posa la  plupart  de  ces  «  masques  »  ou  divertissements  élé- 
gants et  gracieux  qui  égayèrent  si  souvent  la  cour  et  où  il 
excella.  En  4648,  il  entreprit  à  pied  un  voyage  en  Ecosse, 
s'arrêtant  de  château  en  château  et  notamment  chez  William 
Drummond  d'Hawthorden  dont  les  Conversations  sont  la 
principale  source  de  sa  biographie.  Mais  dès  4623,  date  de 
l'incendie  de  sa  bibliothèque,  qui  lui  causa  un  grand 
chagrin,  commence  la  décadence.  Charles  P^  n'a  plus  les 
goûts  littéraires  de  Jacques  et  ne  se  pique  pas  comme  lui 
d'érudition.  Il  délaisse  le  poète  que  la  paralysie  cloue  sur 
son  lit  (4626).  Trop  généreux,  trop  prodigue,  Ben  Jonson 
est  presque  misérable.  Il  obtient  en  4628  la  place  de 
chronologiste  de  la  Cité  de  Londres  qu'il  perd  en  I63i. 
La  chute  lamentable  de  sa  pièce  The  New  Inn  (4629) 
ajoute  à  ses  tracas.  Ses  ennemis  reparaissent  avec  une  nou- 
velle ardeur  et  il  lui  faut,  vers  la  fin  de  sa  vie,  livrer  de 
nouveaux  combats  aux  Butter,  aux  Gill,  aux  Inigo  Jones  et 
retrouver  des  forces  pour  les  ridiculiser  dans  The  Magne- 
tic  Lacly  (4632).  Ben  Jonson,  une  des  gloires  dramatiques 
de  l'Angleterre,  fut  enterré  à  Westminster.  Les  principaux 
poètes  du  temps  écrivirent  en  son  honneur  une  trentaine 
d'élégies  publiées  sous  le  titre  de  Jonsonius  Virbius 
(1638).  Un  bon  portrait  de  lui  par  Gérard  Honthorst  ap- 
partient à  lord  Sackville  et  figure  en  copie  à  la  National 
Portrait  Gallery. 

Outre  les  pièces  mentionnées  ci-dessus,  Ben  Jonson  a 
laissé  :  The  Case  is  Altered  (4598,  in-4),  comédie  tirée 
des  Captifs  et  de  VAululaire  de  Plante  :  Sejanus  (1603, 
in-4),  Catilina  (4644,  in-4),  tragédies  tirées  de  Cicéron, 
de  Lucain  et  autres,  qui  furent  assez  mal  accueillies  du 
grand  public;  The  Alchemist  (4610,  in-4),  la  mieux 
construite  de  ses  pièces  et  l'une  des  plus  remarquables  par 
sa  prodigieuse  érudition;  Bartholomeiv  Fayre  (1644), 
satire  du  puritanisme  ;  The  Divell  is  an  asse  (4616,  in4), 
comédie  ;  The  Staple  of  newes  (4625),  singulier  mélange 
de  motifs  tirés  d'Aristophane  et  d'événements  du  jour  ; 
4  Taie  of  a  Tub  (4633),  comédie;  The  Sad  Shepherd 
(impr.  en  4644),  déhcieuse  pastorale  tirée  des  aventures 
de  Robin  Hoodet  malheureusement  inachevée  ;  Mortimer, 
fragment  de  tragédie  imprimé  en  1 640  ;  un  grand  nombre 
de  Maseiues  dont  on  trouvera  l'énumération  dans  la  bio- 
graphie de  Leslie  Stephen  et  Sidney  Lee  ;  des  poésies  : 
Epigrammes{i6n);TheForrestet  Underîvoods('i6^0), 
une  traduction  de  V Art  poétique  d'Horace  (4640);  Leges 
conviviales  (4692),  un  recueil  de  pensées  en  prose  d'un 


-  495  - 


JONSON  -  JORAT 


style  puissant,  énergique  et  pittoresque  :  Timber  or  dis- 
coveries  made  upon  men  and  Matter  (1644,  in-fol.), 
enfin  The  English  Grammar  (4640,  in-foL).  On  a  donné 
plusieurs  éditions  de  ses  OEuvres  complètes.  La  meilleure 
est  celle  de  Giflford  (Londres,  4816,  9  vol.),  mais  elle  est 
encore  loin  d'être  satisfaisante.  R.  S. 

BiBL.:  Notes  ofBen  Jonson  conversation 'wiih  W.  Driim- 
mond  ;  Londres,  1842.  — Baudissin,  Ben  Jonson  und  seine 
Schule;  Leipzig,  1836,  2  vol.  —  Gifford,  Memoir  ofB. 
Jonson;  éd.  Cunningham;  Londres,  1875.  —  Symonds, 
Life  of  fi.  Jonson;  Londres,  1886.  —  Swinburne,  A  Study 
of  B.  Jonson;  Londres,  1889.  —  C.-H.  Herford,  Vie,  dans 
D.  of  National  Biography,  1892,  t.XXX.— E.  LAFOND,fîen 
Jonson  ;  Paris,  1865,  in-8.  —  Taine,  Histoire  de  la  Littéra- 
ture anglaise,  1863,  t.  ]I,  in-8.  —  Mézières,  Prédécesseurs 
et  contemporains  de  Shakespeare  ;  Paris,  1863,  in-12. 

JONSSON  (Arngrim)  (Y.  Vidalin). 

JONSSON  (Garl)  (V.  Car  glus  Jon^  us). 

JONSSON  (Finn)  (V.  Finn  Jonsson). 

JONSSON  DE  Skardsâ  (V.  Bjœrn). 

JONSTON  (Jean),  polygraphe  polonais  d'origine  écos- 
saise, né  en  4603,  mort  en  4675.  Il  voyagea  beaucoup  à 
l'étranger,  étudia  les  langues  orientales  et  prit  le  titre  de 
docteur  en  médecine.  Ses  ouvrages  écrits  en  latin  sont 
pour  la  plupart  relatifs  à  cette  science  et  ont  joui  d'une 
autorité  considérable.  Les  principaux  sont  :  Thawmatur- 
gia  naturalis  (kmstQïà^im,  4630);  Hisloria  universalis 
{id.,  4634,  plusieurs  éditions)  ;  Theatrum  universale 
historiœ  naturalis  (Francfort,  4650);  Notitia  regni 
naluralis  (Leipzig,  4661);  Dendrographia  (P'rancfort, 
4662);   Historia  universalis  (Amsterdam,  4634). 

J  0  NTE.  Rivière  de  France  (V.  LozÈRECt  Aveyron  [Dép.]). 

JONVAL.  Com.  du  dép.  desArdennes,  arr.  de  Vouziers, 
cant.  de  Tourteron;  245  hab. 

JONVELLE  {Juncivilla),  Com.  du  dép.  de  la  Haute- 
Saône,  arr.  de  Vesoul,  cant.  de  Jussey,  sur  la  Saône  ; 
559  hab.  Carrières  de  grès  bigarré.  Moulins,  huilerie,  fila- 
tures et  tissages.  Voies  antiques  et  débris  de  l'époque  gallo- 
romaine.  Bourg  fortifié  au  moyen  âge,  pris  et  dévasté  par 
le  prince  d'Orange  en  4475,  par  Tremblecourt  en  4595, 
par  Batilly  en  4634,  par  le  duc  de  Saxe-Weimar  en  4637, 
par  Gallas  et  Piccolomini  en  4638  et  par  du  Rallier  en 
4641.  A  la  suite  de  ce  dernier  siège  le  château  fut  démoli 
et  l'enceinte  rasée,  sauf  deux  portes.  Eglise  gothique,  avec 
des  remaniements  de  la  Renaissance  ;  porche  du  xiii®  siècle. 
Maisons  anciennes.  Jonvelle  avait,  avant  la  Révolution,  un 
prieuré  de  l'ordre  de  Cluny  et  un  couvent  de  carmes  dé- 
chaussés. Les  habitants  avaient  été  aôranchisen  4354  par 
Philippe  de  Jonvelle.  La  seigneurie  comprenait  vingt-deux 
villages  :  elle  a  appartenu  d'abord  à  des  seigneurs  qui  por- 
taient le  nom  de  Jonvelle  ;  le  duc  de  Bourgogne  l'acquit 
en  4374,  la  revendit  en  4378  à  Guy  de  La  Trémoille,  et 
la  confisqua  en  4448;  puis  elle  fut  engagée  aux  de  Ghé- 
narraz  et  aux  d'Andelot  (4493-4570);  Philippe  III,  roi 
d'Espagne,  la  racheta  en  4570,  et  elle  ne  sortit  plus  dès 
lors  du  domaine  souverain.  Elle  fut  réunie  à  la  France  en 
4674  avec  la  Comté,  et  Louis  XIV  en  prit  possession  à  titre 
de  comte  de  Bourgogne  et  du  chef  de  sa  femme,  Marie- 
Thérèse  d'Autriche.  Armes  :  de  sinople  au  château  d'or 
terrassé  de  sable,  Lex. 

BiBL.:  Abbés  Coudriet  et  Châtelet,  Histoire  de  la  sei- 
gneurie de  Jonvelle  et  de  ses  environs;  Besançon,  1864. 

JONVILLE.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Com- 
mercy,  cant.  de  VigneuUes  ;  405  hab. 

JONVILLE  (Baron  de)  (V.  Câstelnâu  [Michel  de]). 

JONZAC.  Ch.-l.  d'arr.  du  dép.  delà  Charente-Inférieure, 
sur  la  Seugne  ;  3,434  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Nantes 
à  Bordeaux,  Jonzac  se  trouvait  sur  la  voie  romaine  de  Blaye 
à  Cognac.  Pendant  la  guerre  de  Cent  ans,  Jonzac  fut  tour 
à  tour  occupé  par  les  Anglais  et  les  Français.  Les  protes- 
tants s'en  emparèrent  en  4570.  L'église,  qui  a  conservé 
une  façade  du  x^  au  xi^  siècle,  a  été  reconstruite  de  4847 
à  4854.  Un  ancien  château  qui  domine  la  Seugne  sert  au- 
jourd'hui d'hôtel  de  ville  et  de  sous-préfecture.  Commerce 
de  vins  et  d'eaux-de-vie.  G,  R. 


BiBJu.  :  P.-D.  Rainguet,  Etudes  littéraires  et  scientifîaues 
sur  Varr.  de  Jonzac^  1864,  in-8. 

JONZIER.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Savoie,  arr.  et 
cant.  de  Saint-Julien  ;  503  hab. 

JONZIEUX.  Com.  du  dép.  de  la  Loire,  arr.  de  Saint- 
Etienne,  cant.  de  Saint-Genest-Malifaux  ;  4,437  hab. 
Mouhnage  de  sole. 

JOPLIN  (Thomas),  économiste  anglais,  né  à  Newcastle- 
upon-Tyne  vers  4790,  mort  à  Bœhmischdorf  (Silésie)  le 
42  avr.  4847.  Sa  réputation  date  de  son  Essay  on  the 
gênerai  principles  and  présent  practices  of  Banking 
in  England  and  Scotland  (Newcastle,  4822)  qui  fit  grand 
bruit  parmi  les  financiers  et  obtint  plusieurs  éditions.  Jo- 
plin  proposait  la  création  d'une  joint-stock-bank.  Il  parti- 
cipa, en  4824,  à  l'établissement  de  la  Provincial  Bank 
d'Irlande,  créa  la  National  Provincial  Bank  d'Angleterre 
(4833)  et  fonda  dans  les  grandes  villes  de  province  des  éta- 
blissements analogues.  Il  a  laissé  un  grand  nombre  d'autres 
traités.  Citons  :  Outlines  of  a  System  ofpolitical  Econo- 
my  (Newcastle,  4823);  Views  on  the  Subject  of  Corn 
and  Curre7îcy  (iSW);  On  Oiir  Monetary  System {\M^, 
2°  éd.)  ;  The  Cause  and  cure  of  commercial  embarras- 
sements  (4844).  R,  S. 

JOPPE  ou  JAPHO,  aujourd'hui  Jaffa  (V.  ce  mot).  ' 
JOPPÉCOURT.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Briey,  cant.  d'Audun-le-Roman  ;  264  hab. 

JORAM.  Ce  nom  est  porté  à  la  fois  par  un  roi  d'Israël 
(Dix-Tribus)  et  par  un  roi  de  Juda,  à  peu  près  contempo- 
rams  l'un  de  l'autre.  4^  Joram  d'Israël,  fils  d'Achab,  frère 
et  successeur  d'Ochosias,  occupe  le  trône  de  Samarie  pen- 
dant douze  ans  (première  moitié  du  ix«  siècle  avant  notre 
ère).  Sous  son  règne  se  produit  une  rébellion  du  pays  de 
Moab.  On  assure  que  Josaphat,  de  Juda,  se  joignit  à  Joram 
pour  venir  à  bout  des  Moabites  ;  mais  cette  expédition  est 
rapportée  avec  des  détails  qui  la  rendent  au  plus  haut  point 
suspecte.  Après  de  grands  succès,  les  rois  alliés  auraient 
dû  battre  en  retraite,  on  ne  sait  trop  pourquoi.  En  revanche, 
on  a  récemment  mis  au  jour  une  inscription  où  Mésa,  roi 
de  Moab,  que  le  texte  biblique  désigne  comme  l'adversaire 
des  rois  alliés,  raconte  ses  luttes  avec  les  roi  d'Israël  et 
les  conquêtes  qu'il  a  faites  sur  eux  ;  il  énumère  notamment 
les  places  qu'il  a  fortifiées  contre  ses  dangereux  voisins. 
Moab  semble  donc  bien  avoir  reconquis  et  sérieusement 
défendu  son  indépendance.  Joram  entre,  d'autre  part,  en 
lutte  avec  les  Syriens  et,  blessé  devant  Ramoth  de  Galaad, 
retourne  à  Jezrahel  pour  se  faire  soigner  ;  c'est  là  qu'il 
est  assassiné  par  Jéhu,  qui  avait  profité  de  son  absence  pour 
soulever  l'armée  ;  ainsi  finit  la  dynastie  des  Omrides.  — 
2'>  Joram  de  Juda,  fils  et  successeur  de  Josaphat,  s'allie 
par  mariage  à  la  famille  régnante  d'Israël.  De  son  temps 
l'Edomie  aurait  résolu  de  secouer  le  joug  de  Juda  et  Joram 
aurait  vainement  essayé  de  remettre  îa  main  sur  elle.  Il 
est  question  aussi  dans'^  les  Chroniques  d'une  invasion  de 
Philistins  et  d'Arabes  qui  auraient  pillé  Jérusalem;  l'infor- 
tuné roi  meurt  victime  d'une  affreuse  maladie  d'entrailles 
et  on  lui  refuse  la  sépulture  royale .  M.  Vernes. 

BiBL.  :  Vernes,  Précis  d'histoire  juive,  1889,  pp.  421  à  426. 
JORAT.  Chaîne  de  montagnes  intermédiaire  entre  les 
Alpes  et  le  Jura,  en  Suisse.  Elle  s'étend  entre  le  lac  Lé- 
man, au  S.,  et  les  lacs  de  Neuchâtel  et  de  Morat,  au  N. 
Le  versant  méridional  présente  un  escarpement  assez  élevé 
qui  diminue  graduellement  de  l'E.  à  l'O.  et  qui  est  dominé 
par  les  plus  hautes  sommités  delà  chaîne,  le  montPèlerin, 
le  mont  Gourze,  le  Chalet  à  Gobet.  Depuis  le  lac  jusqu'à 
une  certaine  hauteur,  le  versant  est  couvert  de  vignobles, 
dont  le  plus  renommé  est  celui  de  Lavaux.  Du  versant  N. 
se  détachent  plusieurs  chaînes  de  collines  ;  les  points  les 
plus  élevés  sont  le  Gibloux  et  la  Tour  de  la  Molière.  La 
ligne  de  chemin  de  fer  Berne-Lausanne  coupe  ces  collines. 
Le  Jorat  est  formé  de  couches  de  molasse  entremêlées  de 
lignite  et  d'argile  et  couvertes  de  graviers  calcaires  qui, 
sur  certains  points  de  la  chaîne,  ont  une  épaisseur  de  30m. 
Le  versant  N.-O.,  du  côté  d'Estavayer,  présente  des  roches 


JORAT  —  JORDAENS  ; 

dans  lesquelles  on  trouve  de  grandes  quantités  d'empreintes 
de  coquilles  bivalves  et  des  débris  de  gros  animaux  verté- 
brés, particulièrement  des  tortues.  D^  Gobât. 

JORDAENS  (Jakob),  peintre  flamand,  né  à  Anvers  le 
19  mai  1593,  mort  à  Anvers  le  18  oct.  1678.  Il  était  le 
fils  aîné  d'un  marchand  de  grosses  toiles,  et,  dès  Fâge  de 
quatorze  ans,  il  fut  mis  par  son  père  en  apprentissage  chez 
Adam  Van  Noort,  pour  y  acquérir  les  connaissances^néces- 
saires  à  un  peintre  sur  toiles  d'ameublement.  Jordaens 
resta  huit  ans  chez  son  maître,  et  il  épousa  sa  fille  Cathe- 
rine le  15  mai  1616.  Quelques  mois  auparavant,  il  avait 
été  inscrit  dans  la  gilde  de  Saint-Luc  comme  «  peintre  à 
la  détrempe  »,  waterschilder.  Plus  tard,  maître  honoré 
et  déjà  célèbre,  il  se  rapprocha  souvent  de  son  ancien  mé- 
tier, et  en  1644,  par  exemple,  il  peignit  encore  des  car- 
tons de  tapisseries.  Jordaens  ne  quitta  que  rarement  An- 
vers et  ne  put  jamais  faire  ce  voyage  d'Italie  qui  était 
alors  le  rêve  de  jeunesse  de  tous  les  artistes  du  Nord  ; 
Sandrart  affirme  seulement  que,  privé  des  modèles  qu'il 
aurait  pu  trouver  au  delà  des  Alpes,  il  étudia  avec  pas- 
sion les  œuvres  italiennes  qu'il  put  voir  dans  sa  patrie,  et 
par  exemple  dans  la  collection  de  Rubens.  Sa  vie  calme, 
à  son  foyer  égayé  par  trois  enfants,  fut  troublée  seulement 
par  les  risques  que  lui  fit  courir  son  adhésion  au  protes- 
tantisme. Alors,  sous  la  dure  domination  des  Espagnols, 
les  réformés  étaient  nombreux  en  Flandre,  et,  en  1635, 
tout  le  quartier  qu'habitait  Jordaens  fut  en  pleine  chaire 
accusé  d'hérésie.  Il  semble  que,  dès  1632,  Jordaens  ait  eu 
des  rapports  avec  les  protestants  de  Hollande,  car,  en  cette 
année,  il  reçut  un  sauf- conduit  pour  aller  à  Amsterdam. 
Vers  1655,  il  fut  accusé  d'avoir  écrit  un  libelle  contre 
l'Eghse  catholique  et  de  ce  chef  condamné  à  une  amende 
de  200  livres.  En  1660,  il  fit  pour  ainsi  dire  profession 
publique  de  sa  foi  en  jurant  devant  un  tribunal  par  Dieu 
seul  et  non  pas  par  les  saints.  Enfin,  son  nom  apparaît 
en  1671  sur  les  registres  de  la  communauté  de  la  «  mon- 
tagne des  Oliviers  en  Brabant  »  (Brabantsche  Olijfberg)  ; 
il  en  fut  un  des  membres  actifs  et  ouvrit  sa  maison  aux 
réunions  religieuses.  D'ailleurs,  il  ne  cessa  jamais  de  tra- 
vailler pour  le  clergé  catholique  :  son  tableau  de  l'église 
Saint-Jean  à  Anvers,  Saint  Charles  Borr ornée  priant 
pour  les  pestiférés,  est  daté  de  cette  même  année  1655 
où  il  fut  poursuivi  comme  hérétique.  Jordaens  acquit  une 
fortune  assez  considérable,  pour  se  faire  bâtir,  à  l'exemple 
de  Rubens,  une  maison  magnifique,  où  l'on  travaillait 
en  1641,  comme  le  prouve  le  millésime  gravé  sur  une 
pierre  (dans  la  Hoogstraate)  ;  il  en  donna  lui-même  les 
plans  et  en  décora  les  plafonds  de  peintures  où  les  douze 
apôtres  se  voyaient  à  côté  des  douze  signes  du  zodiaque. 
Comme  Rubens  également,  il  possédait  une  bonne  collection 
de  tableaux,  qui  fut  vendue  à  La  Haye  en  1784.  Jordaens 
eut,  à  partir  de  1620,  de  nombreux  élèves,  parmi  lesquels 
on  connaît  Arnold  Jordaens,  son  parent,  Charles  du  Val, 
Pierre  de  Moulyn,  Mathieu  Peetersen,  Roger  de  Cuypers, 
Henri  Rockso,  Guillaume  de  Vryes^  Jean  Guelynx,  Roland 
de  Meyer,  André  Snyders,  Conrad  Hansens,  Adrien  de 
Munckninck,  Pauwells  Goetvelt,  Marcel  Librechts.  Il  les 
employait  souvent  comme  aides,  et  c'est  ainsi  qu'il  arrivait 
à  exécuter  en  un  an  des  commandes  de  trente-cinq  ta- 
bleaux, comme  celle  qu'il  reçut  en  1648  de  deux  riches 
habitants  de  La  Haye.  Charles  P^  d'Angleterre  lui  paya 
en  1640  un  tableau  44  livres  sterling.  Charles-Gustave 
de  Suède  lui  commanda  vers  1655  une  suite  de  scènes  de 
la  Passion.  Quelques  années  auparavant  (1652),  la  veuve 
du  stathouder  Frédéric-Henri  l'avait  appelé  pour  peindre 
des  scènes  de  la  vie  de  son  époux,  le  plus  grand  général 
de  la  Hollande,  dans  sa  résidence  de  ia  maison  au  Bois 
{Huis  in't  Bosch),  où  n'avaient  travaillé  jusque-là  que  des 
artistes  hollandais.  Ce  palais  isolé  près  de  Schweningen 
est  encore  aujourd'hui  un  vrai  musée  de  Jordaens.  Le  peintre 
a  écrit  lui-même  une  explication  détaillée  du  morceau  prin- 
cipal de  la  série,  le  Grand  Tableau  triomphal  de  feu 
très  illustre  prince  Frédéric-Henri  de  Nassau,  prince 


196  — 

d'Orange,  de  louable  mémoire,  pour  Madame  son  al- 
tesse la  princesse  douairière.  Le  manuscrit  écrit  et  signé 
de  sa  main,  en  français,  a  été  acheté  en  1889  par  la  di- 
rection des  archives  de  La  Haye  et  vient  d'être  publié. 
C'est  un  document  curieux  sur  l'esprit  du  temps  par  l'abon- 
dance des  allégories  et  le  sens  profond  que  l'auteur  prête 
même  aux  «  quatre  chevaux  blancs  qui  tirent  le  chariot 
et  qui  dénotent  la  candeur  et  l'intégrité  de  cœur  de  cet 
excellent  prince  ». 

^  A  la  mort  de  Rubens  (1640),  Jordaens  passait,  aux  yeux 
d'un  connaisseur  comme  Balthazar  Gerbier,  pour  le  pre- 
mier peintre  des  Flandres  (lettre  à  M.  Murray,  conserva- 
teur des  tableaux  du  roi  Chartes  P^).  Il  dut  certainement 
beaucoup  à  l'exemple  du  peintre  de  la  Descente  de  Croix, 
bien  qu'il  n'ait  été  ni  son  condisciple  chez  Adam  Van  Noort, 
où  il  entra  dix  ans  plus  tard,  ni  son  élève,  comme  on  l'a 
souvent  répété.  Comme  lui,  il  travaillait  avec  rapidité  et 
avec  emportement,  en  pleine  pâte  et  en  pleine  lumière. 
Comme  lui  aussi,  il  aimait  les  visages  brillants  de  santé, 
les  formes  rebondies,  les  draperies  héroïques.  Mais  sa  cou- 
leur est  d'ordinaire  plus  chaude  et  plus  dorée  que  celle  du 
grand  maître  d'Anvers,  l'harmonie  des  lumières  et  des 
ombres  est  plus  douce  et  plus  grave  et  l'œil  est  rarement 
ébloui  parades  rouges  éclatants  et  criards.  D'autre  part, 
Jordaens  n'a  jamais  atteint,  même  dans  ses  compositions 
épiques  de  la  Maison  au  bois,  l'ordonnance  majestueuse 
et  la  belle  rhétorique  de  Rubens.  Pour  lui,  la  mythologie 
n'est  qu'un  prétexte  à  nudités  grasses  et  la  Cène  elle-même 
qu'un  joyeux  repas.  S'il  peint  le  Christ  chassant  les  ven- 
deurs du  Temple  (musée  du  Louvre),  il  prodigue  autour 
de  lui  les  têtes  ignobles,  les  chutes  risibîes,  les  accessoires 
vulgaires.  Les  tableaux  de  cérémonie  ne  sont  point  faits 
pour  son  génie  plébéien  ;  les  tableaux  de  sainteté  répugnent 
non  seulement  par  leur  sujet  à  ses  convictions  de  réformé, 
mais  par  leur  gravité  à  son  esprit  moqueur.  Ce  qui  con- 
vient à  Jordaens,  ce  sont  les  peintures  de  la  grosse  joie 
populaire,  l'épanouissement  sensuel  de  l'homme  primitif 
ou  du  paysan  rassasié  :  aussi  a-t-il  reproduit  sans  se  lasser 
la  Fable  du  Satyre  et  du  Passant  (musées  de  Bruxelles, 
d'Amsterdam,  de  Cassel,  de  l'Ermitage),  le  Jour  des  Rois 
(musées  du  Louvre,  de  Brunswick,   de  Munich)   et  ces 
assemblées  de  bons  vivants  chantant  à  tue-tête  autour 
d'une  table  couverte  de  victuailles,  au-dessus  desquelles  il 
a  parfois  écrit  le  vieux  proverbe  flamand  :  Soo  d'oude 
songen,  soo  papen  dejongen,  «  comme  les  vieux  chantent, 
les  jeunes  sifflent  »  (coll.  de  Pret-Thuret,  à  Anvers,  galerie 
d'Arenberg,  musée  de  Beriin).  Enfin  Jordaens,  avec  une 
couleur  aussi  chantante  et  aussi  riche  que  celle  de  Rubens, 
a  une  verve  de  caricaturiste  digne  de  Teniers  et  une  puis- 
sance de  caractériser  la  laideur  et  la  sottise  qui  fait  presque 
penser  aux  fantaisies  de  Durer  et  de  Léonard  :  il  a  réuni 
comme  un  musée  monstrueux  de  toutes  les  variétés  de  bê- 
tise suffisante  et  majestueuse  dans  les  docteurs  juifs  qu'il 
a  groupés  autour  du  Christ  enfant  (musée  de  Mayence), 
ou  dans  cet  étonnant  dessin  du  musée  de  Grenoble  où  rois, 
princes  et  prélats  sont  bafoués  par  la  Vérité  qu'ils  négligent 
pour  une  idole  ridicule  (accompagné  d'un  quatrain  flamand, 
signé  et  daté  de  1658).  Presque  tous  les  musées  d'Europe 
possèdent  des  œuvres  de  ce  maître  fécond.  En  mettant  à 
part  les  sujets  souvent  répétés  dont  nous  avons  déjà  donné 
des  exemples,  voici  les  tableaux  les  plus  importants  :  au 
Louvre,  le  Christ  chassant  les  vendeurs  du  Temple,  le 
Jugement  dernier,  les  Quatre  Evaiigélistes,  le  puissant 
Portrait  de  V amiral  Ruyter  ;  au  musée  de  Lille,  le 
Christ  et  les  Pharisiens,  l'Enfant  prodigue,  Suzanne 
et  les  vieillards;  au  musée  de  Lyon,  la  Visitation  et  la 
Nativité;  au  musée  de  Marseille,  la  Pêche  miraculeuse; 
à  Rouen,  lUarie  et  Madeleine,  un  portrait  de  vieillard  ; 
au  musée  d'Anvers,  la  Cène,  la  Mise  au  tombeau,  V Ado- 
ration des  bergers,  le  Commerce  et  Vîndustrie  proté- 
geant les  arts,  Pégase,  la  Loi  divine  protégeant  la  loi 
humaine  (trois  tableaux  peints  pour  la  gilde  de  Saint- 
Luc)  ;    dans  l'église  des  Augustins  d'Anvers,  le  Martyre 


-  197 


JORDAENS  -  JORDAN 


de  sainte  Appollonie ;  dans  Téglise  Saint- Jacques,  Saint 
Charles  Borromée  priant  pour  les  pestiférés  de  Milan 
et  Saint  Piéride  trouvant  dans  la  gueule  d'un  poisson 
la  pièce  de  monnaie  du  tribut;  dans  l'église  Saint-Paul, 
la  Crucifixion  ;  dans  la  collection  Boschaert,  trois  por- 
traits datés  de  1635  ;  au  musée  de  Bruxelles,  Saint  Martin 
chassant  un  démon  (1630),  Allégorie  sur  la  Fertilité, 
Triomphe  du  prince  Frédéric-Henri  de  Nassau  (ré- 
plique), Eléazar  et  Rébecca;  au  musée  de  Gand,  le  Christ 
et  la  femme  adultère;  au  musée  de  La  Haye,  Faune  et 
Nymphe;  au  musée  de  Brunswick,  r Adoration  des  ber- 
gers, Sainte  Famille,  les  Pèlerins  d'Emmails,  Démo- 
crite  et  Heraclite  ;  au  musée  de  Cassel,  Jordaens  jouant 
du  luth  devant  sa  fiancée  et  la  famille  Van  Noort 
(1624?),  /^  Cortège  de  Bacchus,  l'Education  deBacchus; 
au  musée  de  Copenhague,  la  Métamorphose  de  la  corne 
d'Achéloûs  (1642),  Suzanne  au  bain  (1653),  Laissez 
venir  à  moi  les  petits  enfants;  au  musée  du  Prado,  à 
Madrid,  le  Jugement  de  Salomon,  le  Mariage  de  sainte 
Catherine,  avec  un  beau  portrait  de  Catherine  Van  Noort, 
le  Christ  et  saint  Jean,  le  Bai7i  de  Diane,  Sacrifice 
à  Pomone,  la  Famille  de  Jordaens;  au  musée  de  Brera, 
à  Milan,  l'Enfance  de  Jupiter;  au  musée  de  l'Ermitage, 
à  Saint-Pétersbourg,  Saint  Paul  et  saint  Barnabe  à 
Lystre,  Diane  et  ses  nymphes  surprises  par  des  sa- 
tyres, la  Famille  de  Jordaens;  au  musée  de  New  York, 
le  Triomphe  de  Bacchus.  Un  portrait  de  Jordaens  par 
lui-même,  d'une  énergie  superbe,  se  trouve  dans  la  galerie 
des  portraits  de  peintres,  aux  Uffizi  de  Florence  ;  un  autre, 
moins  important,  est  au  musée  de  l'Ermitage.  Van  Dyck 
a  peint,  lui  aussi,  un  portrait  de  Jordaens  qui  a  été  gravé 
par  Peter  de  Jode,  Marinus  et  Bolswcrt.  Le  peintre  lui- 
même  a  reproduit  à  l'eau-forte  le  Christ  chassant  les 
vendeurs  du  Temple,  l'Enfance  de  Jupiter,  etc.  Ces 
estampes  sont  d'une  facture  souple  et  colorée. 

E.  Bertâux. 
BiBL.:  A.  HouBRAKEN,De  Groote  Schonbiirgh  der  Neder- 
landsche  Konstschilders  ;  Amsterdam,  1718, 1. 1,  3  vol.  in-8. 
—  Campo  Weyermann,  De  Levens  Beschryvingen  der 
Nederlandsche  Konstschilders;  S 'Gravenhague, '1729-69, 
t.  1,  4  vol.  in-4.  —  Kramm  et  Immerzeel,  De  Levens 
en  Werken  der  HoUandsche  en  Vlaamsche  Kunstschil- 
ders  ;  Utrecht,  1857-64,  2  vol.  in-8.  —  Van  den  Brandén, 
Geschiedenis  der  Antwerpsche  Schilder^school  ;  Anvers, 
1883,  in-8.  —  A.  Michiels,  Histoire  de  la  peinture  fla- 
mande ;  Paris,  1865-70,  t.  VII,  10  vol.  in-8.  —  Du  même, 
l'Art  flamand  dans  Vest  et  le  midi  de  la  France  ;  Paris, 
1877,  ch.  XIII,  in-8.  —  Charles  Blanc,  Histoire  des  peintres 
de  toutes  les  écoles,  école  flamande.  —  Genard,  Notice 
sur  Jacob  Jordaens  ;  Gand,  1852,  in-8.  —  Wauters,  la 
Peinture  flamande  ;  Paris,  coll.  Quantin,  petit  in-8.  — 
E.  Montégut,  les  Paijs-Bas  ;  Paris,  1884,  in-12.  —  L'Art, 
1882,  IV,  1883,  I  (articles  de  M.  Van  den  Branden).  —  jRe- 
pertorium  fur  Kunst-wissenschaft,  1894,  t.  XVII,  3«  livr. 

JORDAN.  Rivière  des  Etats-Unis,  Etat  d'Utah,  qui 
conduit  au  Grand  Lac  Salé  les  eaux  du  lac  Utah  et  passe  au 
pied  de  la  Cité  du  Lac  Salé  (Sait  Lake  City.  Sa  vallée,  très 
fertile,  est  encaissée  entre  deux  hautes  chaînes  de  mon- 
tagnes. Elle  a  60  kil.  de  long. 

JORDAN  (Thomas),  poète  anglais,  né  vers  4612,  mort 
en  1685.  Elevé  pour  le  théâtre,  il  fut,  comme  beaucoup 
d'acteurs  du  temps,  auteur  dramatique  pour  le  compte  de  sa 
compagnie. Mais  sa  veine  littéraire  n'était  pas  bornée  là:  on 
a  de  lui  des  poésies  légères  :  Poetical  Varieties  or  Variety 
of  Fancies  (1637),  des  facéties,  comme  A  Pill  to  Purge 
Melancholy  (1 637),  des  pamphlets  politiques,  commet  j¥^- 
dicine  for  the  Times,  or  an  Antidote  against  Faction 
(1641)  ;des  poésies  dévotes.  Divine Raptures(i 646), ete,^ 
sans  compter  l'amas  de  ses  œuvres  restées  inédites. 

JORDAN,  dit  de  Colombier  (Claude),  publiciste  fran- 
çais du  xviii^  siècle.  Après  avoir  voyagé  pendant  une  dou- 
zaine d'années  dans  toute  l'Europe,  il  s'établit  vers  1686 
comme  libraire  à  Leyde,  puis  revint  en  France  où  il  sé- 
journa dans  un  village  des  environs  de  Verdun.  Il  publia 
àes  Voijages  histojHques  de  V Europe  (Paris,  1692-1703, 
8  vol.  in-12)  qui  eurent  un  grand  succès.  En  juil.  1704, 
il  créait  la  Clef  du  cabinet  des  princes  de  V  Europe,  re- 


cueil fort  estimé  et  plus  connu  sous  le  nom  de  Journal  de 
Verdun,  qui  inaugurait  dans  la  presse  le  genre  nouveau 
du  journal  historique  et  littéraire.  Cette  tentative  eut  un 
succès  considérable,  dû  aux  considérations  et  jugements 
qui  accompagnaient  les  notices  et  à  son  impartialité.  De 
1707  à  1716,  le  titre  fut  Journal  historique  sur  les  ma- 
tières du  temps  (Verdun,  20  vol.)  ;  de  i717  à  1776, 
Suite  de  la  Clef  (Var'is,  120  vol.),  auxquels  il  faut  ad- 
joindre un  Supplément  de  la  Clef  {\l\à,  2  vpl.  in-8), 
relatif  aux  événements  survenus  en  Europe  depuis  la  paix  de 
Ryswickjusqu'enl704.  Après  la  mort  de  Jordan,  son  journal 
futrédigé  par  de  La  Barre  (1727),  Monehaut  d'Egly  (1739), 
Nicolas^Bonamy  (1749)  et  Ameilhon.  tl  cessa  de  paraître  en 
1776,  à  la  suite  de  l'interdiction  faite  par  le  gouvernement 
de  publier  des  nouvelles  politiques.  Dreux  du  Radier  a  donné 
une  Table  du  Journal  de  Verdun,  1697-1756  (9  vol. 
in-8).  On  peut  citer  encore  de  Jordan  :  Choix  de  bons 
mots  ou  Pensées  des  gens  d'esprit  sur  toutes  sortes  de 
sujets  {Amsterdam,  1716,  in-8). 

JORDAN  (Charles-Etienne),  littérateur  français,  né  à 
Berlin  le  27  août  1700,  mort  à  Berlin  le  24  mai  1745. 
D'une  famille  de  réfugiés  français  originaire  du  Dauphiné, 
il  lit  ses  études  de  théologie  à  Genève,  Lausanne  et  Berlin, 
fut  consacré  en  1725  et  fut  pasteur  dans  l'Uckermark.  La 
perte  de  sa  femme,  Suzanne  Perrault,  qu'il  aimait  tendre- 
ment, et  sa  faiblesse  de  constitution  le  déterminèrent  à  quit- 
ter le  ministère.  Ses  frères  le  poussèrent  à  voyager  et  il  fit 
un  tour  en  Europe  dont  il  a  laissé  la  relation  :  Histoii^e 
d'un  voyage  littéraire  fait  en  11 SS  en  France,  en 
Angleterre  et  en  Hollande  (La  Haye,  1735,  in-12). 
A  Paris,  il  visita  Voltaire,  «  un  jeune  homme  maigre,  qui 
paraît  attaqué  de  consomption  et  cœco  car pitur  igné»,  Fon- 
tenelle,  l'abbé  de  Saint-Pierre,  Monfaucon,  RoUin,  l'abbé 
Du  Bos,  etc.  Le  prince  royal  de  Prusse  (Frédéric  le  Grand) 
l'appela  auprès  de  lui  au  château  de  Rheinsberg  et  en  fit 
son  secrétaire.  Fort  érudit  et  agréable  causeur,  Jordan 
«  était  l'homme  qu'il  fallait  pour  servir  de  dictionnaire  à 
la  curiosité  de  Frédéric.  Le  prince  s'amusait  à  l'entendre 
répéter  de  mémoire  des  passages  d'auteurs  célèbres  que 
personne  n'avait  l'honneur  de  connaître.  Il  feuilletait  cette 
érudition  inépuisable  et  point  pédantesque.  »  Il  fut  son 
conseiller  littéraire,  son  copiste,  son  critique  et  même  son 
ami.  Aussi,  après  son  avènement  (1740),  Frédéric  fit-il 
de  Jordan  un  conseiller  privé  du  directoire  français,  un 
curateur  de  toutes  les  académies  de  son  royaume  et  le 
chargea-t-il  de  la  réorganisation  de  l'Académie  de  Berlin, 
et  lorsqu'il  mourut  prématurément,  lui  consacra-t-il  de  sa 
main  un  éloge  dans  les  Mémoires  de  cette  Académie.  Ci- 
tons encore  de  Jordan  :  Dissertatio  de  vita  et  scriptis 
Jordani  Bruni  ;  Recueil  de  littérature,  de  philosophie 
et  d'histoire  (Amsterdam,  1730,  in-12)  ;  Histoire  de  la 
vie  et  des  ouvrages  de  M.  de  La  Croze  (1741,  2  vol. 
in-8).  Sa  Correspondance  avec  Frédéric  le  Grand  forme 
le  t.  X  des  OEuvr es  posthumes  de  ce  i^rince. 

BiBL.  :  Lavisse,  le  Grand  Frédéric  avant  l'avènement  ; 
Paris,  1893,  in-8,  pp.  72  et  suiv. 

JORDAN  (Dorothea),  célèbre  actrice  anglaise,  née  près 
de  AVaterford  (Irlande)  en  1762,  morte  à  Saint-Cloud  le 
3  juil.  1816.  Fille  d'une  actrice  irlandaise.  Grâce  Phillips, 
elle  monta  sur  les  planches  dès  sa  quinzième  année  et,  après 
avoir  joué  sur  diverses  scènes  de  province,  débuta  à  Drury 
Lane  le  18  oct.  1785.  Elle  eut  bientôt  conquis  la  faveur 
du  public.  Sa  création  de  Mathilde  dans  le  Richard  Cœur 
de  Lion  de  Burgoyne,  celle  d'A ura  dans  la  Farm  House 
de  Kemble,  de  miss  Plinlimmon  dans  la  Welsh  Heiress 
de  Jerningham,  de  Sabina  Rosny  dans  le  Fii^st  Love  de 
Cumberland  et  tant  d'autres  furent  des  triomphes.  Elle  était 
sans  rivale  dans  la  comédie  :  ses  admirateurs  vantent  le 
charme  de  sa  voix,  sa  vivacité,  sa  grâce.  Mais  elle  est  peut- 
être  plus  célèbre  par  ses  aventures  romanesques  que  par 
son  talent.  Après  avoir  eu  de  son  premier  directeur  une 
fille,  miss  Jordan,  qui  fut  une  bonne  actrice,  puis  de  sir 
Richard  Ford,  quatre  enfants,  elle  devint,  vers  1790,  la 


JORDAN  ~  498 

maîtresse  du  duc  de  Clarence  (Guillaume  IV)  et  lui  donna 
dix  enfants  qui  portèrent  le  nom  de  Fitzclarence  (V.  ce 
nom).  Le  duc  la  quitta  en  4811,  en  lui  laissant  une  pen- 
sion de  4,400  livres  qui  devait  être  supprimée  si  elle  re- 
paraissait sur  la  scène.  Un  bizarre  mystère  plane  sur  ses 
dernières  années.  Elle  vint  en  France  en  4845  sous  le  nom 
de  Mrs.  James,  cachant  soigneusement  le  lieu  de  sa  ré- 
sidence. Elle  séjourna  d'abord  à  Boulogne-sur-Mer,  s'éta- 
blit ensuite  à  Versailles,  puis  à  Saint-Cloud.  Elle  fut  en- 
terrée dans  le  cimetière  de  cette  ville.  Elle  avait  laissé  une 
légion  de  créanciers  en  Angleterre.  Aussi  sa  mort  fut-elle 
suivie  d'une  infinité  de  procès.  On  crut  longtemps  qu'elle 
n'était  pas  morte.  On  a  de  Mrs.  Jordan  un  portrait  par 
Romney  et  deux  par  de  Wilde  qui  sont  au  Garrick  Club. 

BiBL.  :  James  Boaden,  Life  of  Mrs.  Jordan  ;  Londres, 
1831,  2  vol.  —  The  Great  Illegitimates  :  a  public  and  pri- 
vate  life  of  that  celehrated  actress^  miss  Bland^  otherwise 
Mrs.  Ford  or  Mrs.  Jordan  ;  Londres,  s.  d.,  in-12,  —  Jordan's 
Flixir  of  Life  and  Cure  for  the  Spleen.,  1789,  in-8.  —  Me- 
moirs  and  amorous  adventures  by  Sea  and  Land  of  King 
William  IV  ;  Londres,  1830. 

JORDAN  (Camille),  écrivain  et  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Lyon  le  44  janv.  4774,  mort  à  Paris  le 49  mai 
4824.  Il  fut,  en  4793,  l'un  des  promoteurs  de  l'insurrec- 
tion de  Lyon  ;  il  se  fit  remarquer  alors  par  son  éloquence 
et  son  courage,  mais  il  dut  bientôt  se  réfugier  en  Suisse. 
De  là,  il  se  rendit  en  Angleterre,  d'où  il  ne  revint  qu'en 
4796.  Le  dép.  du  Rhône  l'envoya  bientôt  au  conseil  des 
Cinq-Cents.  Proscrit  au  48  fructidor,  il  laissa  de  nouveau 
la  France  jusqu'en  1800.  Il  attaqua  vivement  le  gouverne- 
ment consulaire  dans  un  écrit  intitulé  le  Vrai  Sens  du 
vote  national  sur  le  consulat  à  vie  (Paris,  4802).  Jordan 
resta  en  dehors  de  la  politique  jusqu'à  la  Restauration  ;  en 
4846,  il  fut  élu  député  par  le  dép.  de  l'Ain  qu'il  représenta 
jusqu'à  sa  mort.  Ses  Discours  ont  été  publiés  (Paris,  4848). 

JORDAN  (Rudolph),  peintre  et  graveur  allemand,  né  à 
Rerlin  le  4  mai  4840,  d'une  famille  d'émigrés  français, 
mort  en  4887.  Après  avoir  étudié  d'abord  d'après  nature 
à  Rûgen,  il  entra  à  l'Académie  de  Dusseldorf,  où  il  eut 
pour  maîtres  Schadow  et  Solm,  et  acheva  de  se  former  par 
des  voyages  en  Hollande,  en  Belgique,  en  France  et  en 
Italie.  Parmi  ses  œuvres,  inspirées  surtout  du  train  de  vie 
des  populations  côtières  de  la  mer  du  Nord,  nous  citerons: 
Famille  de  pêcheurs,  Proposition  de  mariage  à  Bel-- 
go  land  (musée  àe  Berhn);-  r Examen  du  pilote^  Femmes 
priant  leur  saint  pendant  la  tempête^  la  Soupe  du 
malade  (Dusseldorf)  ;  les  Bottes  oubliées^  Scène  des 
dunes  après  V orage.  Noce  à  nie  Marken,  la  Maison  du 
gardien  a  Scheveningen,  le  Soir,  la  Mort  du  vieux 
marin,  et  sa  composition  saisissante,  les  Bateaux  de 
retour  moins  un  (4876).  On  doit  aussi  à  Jordan  une 
quantité  d'aquarelles  et  de  dessins  très  prisés,  des  gravures 
pour  les  Reinicks  Lieder,^  et  des  illustrations  pour  les 
Contes  de  Musâus.  Parmi  ses  élèves  figurent  Vautier, 
Geertz  et  Albert  Kindler.  E.  Gourdault. 

JORDAN  (Jean-Pierre),  publiciste  slave,  né  à  Cizkovice, 
dans  la  Ilaute-Lusace,  en  4818.11  appartenait  à  la  natio- 
nalité wende  ou  serbe  de  Lusace.  Comme  beaucoup  de  ses 
compatriotes,  il  fit  ses  études  à  Prague.  Il  publia  en  4844 
dans  cette  ville  sa  Grammatik  der  Wendischserbischen 
Sprache  in  der  Oberlausitz,  Il  s'établit  ensuite  à  Leip- 
zig où  il  fonda  le  recueil  Slawische  Jahrbiicher  et  une 
revue  wende,  F  Aube.  Expulsé  de  cette  ville  en  4848  il 
revint  à  Prague  où  il  fonda  un  journal  politique,  Slawische 
C entra Iblœtter  (plus  tard  Union).  Il  passa  ensuite  à 
Vienne  où  il  publia  de  4868,à  4873  un  organe  fédéraliste, 
Die  Zukunft.  On  lui  doit  encore  un  dictionnaire  tchèque- 
allemand  et  allemand- tchèque.  L.  L. 

JORDAN  (Wilhelm),  homme  politique  et  poète  alle- 
mand, né  à  Insterburg  (Prusse  orientale)  le  8  févr.  4819. 
Après  avoir  étudié  la  théologie  et  la  philosophie,  il  s'éta- 
blit à  Leipzig,  mais,  accusé  d'athéisme,  il  fut  forcé  de  quitter 
la  Saxe  et  se  réfugia  à  Brème  (4846).  Pendant  la  révo- 
lution de  Février  en  France,  il  fit  un  court  séjour  à  Paris 


comme  correspondant  de  la  Gazette  de  Brème;  à  son 
retour  à  Berlin,  il  fut  nommé  député  à  l'Assemblée  natio- 
nale de  Francfort,  où  il  appartint  d'abord  à  la  gauche, 
puis  au  centre  ;  plus  tard,  il  fut  conseiller  de  marine  au 
ministère  de  l'empire  germanique  et  se  retira  enfin  à 
Francfort-sur-le-Main,  où  il  vit  encore,  occupé  de  travaux 
littéraires  et  poétiques.  Jordan  est  surtout  connu  par  son 
adaptation  desNibelungen  :  4^*' chant,  Sigfridssage  (Franc- 
fort, 4868  ;  42^  éd.,^  4884)  ;  2^  chant  :  Hildebrands 
Heimkehr  (4874;  7®  éd.,  4884),  où  il  s'est  efforcé  de 
rendre  le  texte  dans  toute  sa  pureté  primitive,  et  que, 
nouveau  rapsode,  il  a  récité  lui-même,  avec  succès, 
jusque  dans  les  villes  de  l'Amérique  du  Nord.  L'œuvre 
de  Jordan  est  du  reste  considérable  ;  on  cite  avant  tout  : 
Demiurgos,  une  épopée  dramatique  (4852-54)  qui  fit 
beaucoup  de  bruit  lors  de  sa  publication  ;  puis  les  volumes 
devers,  Glocke  und  Kanone  (4844)  ;  Irdische  Pliant  asien 
(4842)  ;  les  tragédies,  Die  Witwe  des  xigis  (4858)  ; 
Arthur  Arden  (4872)  ;  les  comédies,  Die  Liebesleugner 
(iSiy^);  Durchs  Ohr  (4880);  Sein  Zwillingsbruder 
(4884),  etc.  Ses  traductions  des  poèmes  de  Shakespeare, 
des  tragédies  de  Sophocle,  de  VOdyssée  et  de  VIliade 
furent  aussi  très  remarquées,  et  enfin  récemment  des  ro- 
mans empruntés  à  la  vie  moderne  ont  eu  un  très  grand 
succès:  Die  Seebald  (4885)  ;  Zwee  Wiegen  (4887). 

JORDAN  (Samson),  ingénieur  et  métallurgiste  français, 
né  à  Genève  le  23  juin  4834.  Ancien  élève  de  l'Ecole  cen- 
trale (4854-54),  il  y  professe  depuis  trente  ans  (4865-94) 
le  cours  de  métallurgie.  Il  a  été  dans  l'intervalle  ingénieur, 
puis  directeur  de  grandes  usines.  En  4874,  la  Société  des 
ingénieurs  civils  l'a  choisi  comme  président.  On  lui  doit,  au 
point  de  vue  purement  industriel,  l'introduction  en  France 
des  minerais  de  fer  et  de  manganèse  de  l'Espagne  et  du 
littoral  méditerranéen,  celle  de  la  fabrication  des  fontes 
spéciales  [Comptes  rendus  de  VAcad.  des  se,  4869  et 
4873).  Il  a,  d'autre  part,  donné  le  premier  une  théorie 
calorique  du  procédé  Bessemer,  qui  se  trouve  exposée  dans 
un  important  mémoire  traduit  en  plusieurs  langues  :  Fa- 
brication de  V acier  par  V affinage  de  la  fonte  avec 
chauffage  par  combustion  intermoléciilaire  (Bullet. 
Soc.  ingén.  civ.  4869),  et  il  a,  dès  4878,  signalé  à  l'Aca- 
démie des  sciences  la  volatilité  du  manganèse  à  la  tem- 
pérature des  fourneaux  métallurgiques,  fait  absolument 
confirmé  par  les  récentes  recherches  de  MM.  Richard-Lo- 
renz  et  Fr.  Ilensler,  de  Gœttingue  {Comptes  rendus, 
4878  et  4893).  Il  a  publié  en  librairie:  Etat  actuel  de 
la  métallurgie  dans  le  pays  de  Siegen  (Paris,  4865, 
in-8)  ;  Souvenirs  du  siège  de  Paris.  Fabrication  des 
canons  et  des  projectiles  d'artillerie  (Paris,  4874, 
2  vol.  in-8)  ;  Métallurgie  du  fer  et  de  V  acier  (Paris, 
4872,  in-8  et  atlas)  ;  Notes  sur  la  fabrication  de  racler 
Bessemer  aux  Etats-Unis  (Paris,  4873,  in-8)  ;  Album 
du  cours  de  métallurgie  professé  à  VEcole  centrale 
(Paris,  4874-75,  in-8, et  atlas  in-fol.),  etc.        L.  S. 

JORDAN  (Marie-Ennemond- Camille),  mathématicien 
français,  petit-fils  de  Camille  Jordan  (V.  ci-dessus),  né  à 
Lyon  le  5  janv.  4838.  Eutré  à  l'Ecole  des  mines  en  4857, 
reçu  docteur  es  sciences  en  4860  avec  deux  thèses  très  remar- 
quées :  Sur  le  Nombre  de  valeurs  des  foliotions  et  Sur 
les  Périodes  des  fonctions  inverses  des  intégrales  des 
différentielles  algébriques,  nommé  ingénieur  ordinaire 
des  mines  en  486i,  promu  ingénieur  en  chef  en  1885,  il 
s'est  consacré,  dès  4872,  à  l'enseignement  des  mathéma- 
tiques. Il  est  depuis  4876  professeur  d'analyse  à  l'Ecole 
polytechnique,  où  il  a  été  d'abord  examinateur  (4873-76) 
et  il  a  succédé  en  4883  à  Liouville  dans  la  chaire  de  ma- 
thématiques du  Collège  de  France,  après  y  avoir  suppléé 
Serret,  pendant  huit  ans,  dans  celle  de  mécanique.  Il  a  été 
élu  membre  de  l'Académie  des  sciences  en  remplacement 
de  Michel  Chasles  le  4  avr.  4884.  L'un  de  nos  plus  émi- 
nents  mathématiciens,  M,  Camille  Jordan  s'est  principale- 
ment préoccupé  dans  ses  savantes  recherches,  d'approfondir, 
au  point  de  vue  de  la  géométrie  pure  aussi  bien  que  de 


-  499  - 


JORDAN  -•  JORIS 


l'analyse,  cette  théorie  de  Tordre  et  des  combinaisons  que 
Poinsot  opposait  à  celle  des  rapports  et  des  distances.  Il  a 
été  amené,  dans  cette  voie,  à  de  nombreuses  et  précieuses 
découvertes  qui  lui  ont  valu  une  rapide  réputation.  En 
géométrie,  il  a  déterminé  le  nombre  des  périodes  des  inté- 
grales abéliennes,  ainsi  que  les  diverses  manières  dont  un 
système  de  molécules  peut  être  superposable  à  lui-même  (il 
a  trouvé  174  groupes  possibles)  ;  il  a  en  même  temps 
étudié  les  lois  de  la  symétrie  des  polyèdres  et  des  assem- 
blages de  lignes  et  a  donné  des  solutions  nouvelles  et  très 
ingénieuses  de  diverses  questions  y  relatives.  En  analyse,  il 
s'est  surtout  attaché  à  la  théorie  des  substitutions,  dont  il 
a  fait  d'importantes  applications  à  la  théorie  des  équations 
algébriques  et  à  celle  des  équations  différentielles  linéaires. 
La  théorie  des  formes,  qu'il  a  considérées  au  double  point 
de  vue  algébrique  et  arithmétique,  le  calcul  des  probabi- 
lités et,  en  mécanique,  les  conditions  de  stabihté  deTéqui- 
libre  des  corps  flottants,  ont  fait  également  l'objet  de  ses 
recherches.  Il  est  enfin  le  grand  maître  en  France  de  la 
nouvelle  géométrie  à  n  dimensions  et  il  a  heureusement 
généralisé  la  loi  des  mouvements  infiniment  petits,  la  règle 
de  composition  des  rotations,  la  théorie  de  la  courbure  des 
courbes,  le  théorème  d'Euler  sur  la  courbure  des  surfaces. 
Il  a  consigné  les  résultats  de  tous  ces  travaux  dans  des 
mémoires  originaux  au  nombre  d'une  centaine,  publiés  par 
les  journaux  et  recueils  spéciaux.  Nous  devons  nous  borner 
à  citer  parmi  les  plus  importants  :  Recherches  sur  les  po- 
lyèdres (Journal  de  Borchardt)  ;  Sur  les  Assemblages 
de  lignes  (id.);  Sur  les  Equations  différentielles  li- 
néaires à  intégrale  algébrique  (id.)  ;  Sur  les  Groupes 
de  mouvements  (Annali  di  matematica)  ;  Sur  la  Sta- 
bilité de  réquilibre  des  corps  flottants  (id»)  ;  Sur  la 
stabilité  de  l'équilibre  dhm  corps  pesant  posé  sur  un 
appui  courbe  (Journal  de  Liouville)  ;  Théorèmes  sur  les 
équations  algébriques  (id,)  ;  Théorèmes  sur  les  groupes 
primitifs  (id.,iSli);  Sur  la  Forme  canonique  des  con- 
gruences  du  second  degré  et  le  nombre  de  leurs  solu- 
tions (id.^  487t3  et  4874)  ;  Sur  les  Polynômes  bili- 
néaires  (id.,  4874)  ;  Sur  les  Systèmes  de  formes 
quadratiques  (id.,  4874);  Sur  les  Covariants  des  formes 
binaires  (id.,  4876  et  4879);  Commenlaire  sur  Galois 
(Mathem.  Annaleny  t.  I)  ;  Sur  la  Limite  de  transivité 
des  groupes  non  alternés  (Bullet.  Soc.  math.,  t.  I); 
Sur  la  Résolution  algébrique  des  équations  (Comptes 
rendus  Acad.  se,  4867)  ;  Sur  les  Sommes  de  Gauss  à 
plusieurs  variables  (id.,  4874);  Sur  V Equivalence  des 
formes  (Journal  de  l'Ecole poly t.,  4884).  lia,  en  outre, 
fait  paraître  à  part  deux  ouvrages  de  très  grande  valeur  : 
Théorie  des  substitutions  et  des  équations  algébriques 
(Paris,  4870,  in-4),  couronné  par  l'Institut  (prix  Ponce- 
let)  ;  Cou7's  d'analyse  de  l'Ecole  polytechnique  (Paris, 
4882-87,  3  vol.  in-8;  2^  édit.,  4893-94).   Léon  Sagnet. 

BiBL.  :  Notice  sur  les  travaux  de  M.  Camille  Jordan; 
Paris,  1881,  in-4.  —  Catalogue  of  scientific  papers,  publié 
parla  Société  royale  de  Londres,  t.  III,  VIII  et  X. 

JORDANÈS,  évêque  et  historien  goth  du  vi®  siècle. 
Il  se  pourrait  que  son  nom  primitif  eût  été  Jornandès  ; 
mais  il  se  donne  celui  de  Jordanès,  qu'il  accepta  peut- 
être  en  entrant  dans  le  clergé.  Avant  cela,  il  avait  été 
notaire  d'un  prince  dont  on  ignore  le  nom.  On  ne  connaît 
pas  davantage  le  siège  épiscopal  qu'il  occupa  ;  c'est  peut- 
être  celui  de  Crotone.  On  sait  seulement  que  Jordanès  a 
été  à  Constantinople  avec  le  pape  Vigile  en  554 .  Il  appar- 
tenait à  la  tribu  des  Alains  ;  il  se  donne  pour  peu  cultivé  ; 
pourtant  il  maniait  la  langue  latine  et  entendait  le  grec.  C'est 
en  latin  qu'il  a  rédigé  De  Origine  actibusque  Getarum 
(éd.princepsdePeutinger,  Augsbourg,  4545,  in-foL;  der- 
nière éd.  deMommsen,  dans  les  Monum.  German,  histor,; 
Berhn,  4882,  t.  V,  4^®  partie)  ;  mais  c'est  un  latin  barbare, 
un  style  obscur,  sententieux,  recherché.  Le  tout  est  un  ré- 
sumé de  l'Histoire  des  Goths  de  Cassiodore  (V.  ce  nom) , 
et  n'a  de  valeur  que  parce  que  l'œuvre  de  Cassiodore  est 
perdue.  Jordanès  présente  les  Goths  comme  identiques  avec 


les  Gètes  ;  il  veut  ainsi  faciliter  l'union  des  Ostrogoths  avec 
les  Romains  de  Byzance  ;  son  grand  espoir  est  donc  de 
voir  régner  sur  les  Goths  le  jeune  Germanicus,  fils  de 
Matasvinthe,  la  petite-fille  de  Théodoric,  en  même  temps 
que  fils  do  Germanicus,  le  frère  de  Justinien  P^';  comme 
catholique,  il  travaillait,  en  outre  et  pour  les  mêmes  rai- 
sons, à  la  conversion  de  ses  compatriotes  ariens.  L'empire 
romain  était  pour  lui  le  cadre  de  la  vie  qui  devait  durer 
jusqu'à  la  consommation  des  temps.  Son  second  ouvrage, 
De  Summa  temporum  vel  origine  actibusque  gentis 
Romanorum  (éd.  princeps  de  Beatus  Rhenanus;  Bâle, 
4534,  in-foL),  souvent  faussement  intitulé  De  Regnorum 
ac  temporum  successione  ou  encore  De  Breviatione  chro- 
nicorum,  est  une  sèche  et  servile  compilation  de  l'histoire 
romaine.  F.-H.  K, 

JORDANNE.  Rivière  de  France  (V.  Cantal  [Dép.l, 
t.  IX,  p.  402). 

JORDANUS  Nemorarius,  mathématicien  du  xiii®  siè- 
cle, mort  le  42  févr.  4237.  Il  paraît  devoir  être  identifié 
avec  Jordanus  Saxo,  second  général  de  Tordre  des  domini- 
cains, né  à  Borgentreick  (diocèse  de  Paderborn).  Il  étudia 
à  Paris,  où  il  se  fit  une  grande  réputation,  y  fut  élu  en 
4220  pour  remplacer  saint  Dominique,  fonda  soixante  nou- 
veaux couvents  de  son  ordre  et  doubla  le  nombre  des 
membres.  Il  mourut  en  revenant  de  Palestine.  Ses  écrits  ma- 
thématiques servirent  couramment  à  l'enseignement  dans 
les  universités  du  moyen  âge  et  de  la  Renaissance,  On 
imprima  son  Arithmetica  demonstrata  (4496  ;  son 
Algorithmus  demonstratus  (4534)  ;  son  traité  De  Pon- 
deribus  (4533)  et  son  Planispherium  (4507),  etc.  On  a 
publié  récemment  ses  quatre  livres  De  Numéris  datis 
(4894)  et  les  quatre  De  Triangulis  (1837)  sur  lesquels 
Chastes  avait  appelé  l'attention.  Nemorarius  est,  avec 
Léonard  de  Pise,  le  seul  savant  de  l'Occident  latin,  au 
moyen  âge,  qui  mérite  réellement  de  porter  le  nom  de 
mathématicien.  Son  influence  immédiate  a  été  beaucoup  plus 
grande  que  celle  de  son  contemporain  italien  ;  son  origi- 
nalité, moins  saillante,  est  surtout  marquée  dans  ses  tra- 
vaux de  géométrie  ;  mais  il  est  difficile  d'en  apprécier  le 
degré,  car  il  a  dû  s'inspirer  de  modèles  arabes,  qu'on  n'a 
pu  jusqu'à  présent  déterminer  exactement.  T. 

JORET  (Charles),  littérateur  et  philologue  français,  né 
à  Formigny  le  44  oct.  4829,  professeur  de  Httérature 
étrangère  à  la  faculté  des  lettres  d'Aix.  M.  Ch.  Joret  est 
docteur  es  lettres  de  la  faculté  de  Paris  depuis  4875  ;  il  a 
présenté  les  deux  thèses  suivantes  :  Herder  et  la  Renais- 
sance littéraire  en  Allemagne  au  xvui®  siècle,  et  De 
Rhoiacismo  in  indoeuropœis  ac  potissimum  in  ger- 
manicis  linguis.  Depuis  lors  de  nombreuses  publications 
relatives  à  la  philologie  romane,  à  la  philologie  germanique 
et  au  folklore  lui  ont  conquis  une  notoriété  étendue  et 
valu  la  place  si  enviée  de  correspondant  de  l'Académie 
des  inscsiptions  (1887).  Nous  citerons  seulement  :  Du  C 
dans  les  langues  romanes  (1 874)  ;  Essai  sur  le  patois 
normand  du  Dessin  (4884);  Mélanges  de  philologie 
normande  (4884)  ;  Rapports  intellectuels  de  la  France 
avec  l'Allemagne  avant  il 89  (1884);  Jean-Baptiste 
Tavernier,  écuyer,  baron  d'Aubonne  (4886)  ;  Flore  po- 
pulaire de  la  Normandie  (iSSl)  ;  le  P.  Guevare  et  les 
bureaux  de  charité  au  xvn®  siècle  (1889).  M.  Joret 
prépare  une  histoire  des  plantes  depuis  les  temps  les  plus 
reculés,  et  il  a  donné  une  échantillon  de  son  futur  livre 
dans  une  gracieuse  publication  intitulée  la  Rose  dans 
l'antiquité  et  au  moyen  âge,  histoire,  légendes  et  sym- 
bolisme (4892).  Il  collabore  à  un  grand  nombre  de  re- 
vues savantes  telles  que  :  la  Revue  critique,  la  Romania. 
les  Annales  du  Midi,  etc.  Ant.  T. 

JORGE  (Juan  don),  mathématicien  espagnol  (V.  Juan  y 
Santaciliâ). 

JORIS  (Jean),  connu  aussi  sous  le  nom  de  David  Joris 
ou  Georgii,  anabaptiste  belge,  né  à  Bruxelles  vers  4504, 
mort  à  Bâle  en  4556.  Il  exerçait  le  métier  de  peintre  sur 
Yerre  à  Delft,  et  se  convertit  de  bonne  heure  à  la  réforme 


JORIS  —  JOSE 


—  200 


de  Luther.  Plus  tard,  il  adopta  les  idées  des  anabaptistes 
et  fut  un  des  douze  apôtres  envoyés  par  /.  Mathysens  (V» 
ce  nom)  en  4533,  pour  prêcher  le  nouvel  Evangile.  Joris  se 
proclamait  investi  d'une  mission  divine  et  recruta  beaucoup 
d'adeptes.  Il  eut  la  chance  d'échapper  à  la  persécution  qui 
éprouva  durement  ses  coreligionnaires.  Vers  1540,  il  réunit 
à  Strasbourg  un  synode  dans  le  but  de  faire  reconnaître 
par  tous  les  anabaptistes  une  même  profession  de  foi  ; 
mais  ses  efforts  demeurèrent  vains,  et  l'anarchie  régna  plus 
que  jamais  dans  la  secte.  En  même  temps,  il  publiait  son 
Wonderhoek  (c.-à~d.  le  livre  des  merveilles)  où  se  trouve 
exposée  toute  sa  doctrine.  Poursuivi  comme  hérésiarque, 
Joris  se  réfugia  à  Bâle  sous  le  nom  de  Jean  de  Bruges,  et 
s'y  fit  passer  pour  un  marchand  luthérien  persécuté  dans 
son  pays  à  cause  de  sa  religion.  Il  y  vécut  dans  une  ortho- 
doxie apparente,  mais  il  conservait  secrètement  des  rela- 
tions avec  ses  adhérents.  Après  sa  mort,  des  difficultés  sur- 
girent entre  ses  héritiers  et  révélèrent  aux  Bâlois  la  véritable 
personnalité  de  l'émigré  flamand.  Une  sentence  du  conseil 
condamna  ses  doctrines;  le  cadavre  de  Joris  fut  exhumé  et 
brûlé  sur  la  place  publique  avec  ses  livres  et  ses  portraits. 
Joris  avait  publié  un  grand  nombre  de  brochures  sur  des 
questions  de  controverse  religieuse.  Van  der  Linde  en  a 
relevé  227.  '  E.  H. 

r-:,  BiLB.  :  Va?*  Bleyswyck,  Description  de  la  ville  de  Delft 
(en  hoU.)  ;  Delft,  1667,  in-fol.  —  Montanus,  Histoire  reli- 
gieuse des  Pays-Bas  {id.);  Amsterdam,  1775,  4  vol.  in-4.  — 
NiPPOLD,  D.  Joris  van  Delft^  sein  Leben^  seine  Lehre  und 
seine  Secte^  dans  la  Zeitschrift  fur  die  historische  Théolo- 
gie, 1863.  —Van  der  Linde,  D.  Joris  bibliografie (en  holl.); 
La  Haye,  1867,  in-8. 

JORISSEN  (Théodore-Henri), historien  hollandais,  né  à 
Utrecht  en  4833,  mortà  Amsterdam  en  4889.  Il  fut  profes- 
seur au  gymnase  de  Gouda,  puis  à  l'athénée  d'Amsterdam  et 
consacra  les  loisirs  que  lui  laissait  l'enseignement  à  écrire, 
d'après  les  documents  inédits  des  archives,  des  ouvrages  très 
remarqués.  Il  s'occupa  surtout  de  la  période  de  l'histoire  des 
Pays-Bas,  qui  s'étend  del794àl813;  nous  citerons  comme 
particulièrement  intéressants  :  la  Révolution  de  iSiS 
(en  holl.;  Groningue  4864, 2  vol.  in-8)  ;  la  Première  Coa- 
lition (id,,  Amsterdam,  4873,  in-8)  ;  les  Patriotes  à 
Amsterdam  en  i794  {id.^  4794,  in-8)  ;  Napoléon  et  le 
roi  de  Hollande  (Paris,  4875,  in-8)  ;  la  Chute  du  royaume 
de  Hollande  (en  holl.  ;  Rotterdam,  4875,  in-8).      E.  H. 

JOBNANDÈSou  JORNADÈS  (V.  Jordanès). 

JORQUENAY.  Corn. du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr.  et 
cant.  de  Langres;  248  hab. 

JORQUERA.  Rivière  du  Chili,  prov.  d'Atacama,  qui 
s'unissant  au  Pulido  et  au  rio  de  Manflas  forme  le  rio  de 
Copiapo.  Elle  reçoit  à  gauche  le  Monardes,  le  Turbio  et  le 
Cachito. 

JORRAND  (Louis),  homme  politique  français,  né  au 
Moutier  d'Ahun  le  9  août  4756,  mort  à  Ahun  le  42  juin 
4845.  Notaire  dans  sa  ville  natale,  et  membre  du  conseil 
du  district,  il  fut  député  de  la  Creuse  à  la  Con'vention. 
Il  vota  pour  la  détention  de  Louis  XVI,  et  contre  le  sur- 
sis. Il  siégea  ensuite,  jusqu'en  4798,  au  conseil  des  Cinq- 
Cents.  Exilé  en  4846,  comme  régicide,  il  rentra  en  France 
en  4848.  A.  Kuscinski. 

JORT.  Corn,  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de  Falaise,  cant. 
de  Morteaux-Coulibœuf  ;  370  hab. 

JORULLO.  Volcan  du  Mexique,  Etat  de  Michoacan;  il 
s'est  formé  à  partir  du  29  sept.  4759  et  s'élève  aujour- 
d'hui à  4,222  m.  d'alt.,  dominant  la  plaine  de  470  m.  en- 
viron. Humboldt  a  décrit  sa  formation  (Essai  polit,,  t.  II, 
p.  490). 

JORXEY.  Com.  du  dép.  des  Vosges,  arr.  de  Mirecourt, 
cant.  de  Dompaire  ;  246  hab. 

JORZou  JOYCE  (Thomas)  ou  Thom.as  l'Anglais,  car- 
dinal, mort  à  Grenoble  le  43  déc.  4340.  Dominicain  d'Ox- 
ford, il  fit  des  études  à  Paris  sous  Albert  le  Grand,  y  con- 
nut saint  Thomas  d'Aquin  et  devint  prieur  des  dominicains 
d'Oxford.  Provincial  d'Angleterre  en  4298,  il  fut  en  4305 
chargé  par  Edouard  P^,  dont  il  était  confesseur,  d'une 


mission  à  Lyon  auprès  de  Clément  V.  Créé  par  le  pape  car- 
dinal-prêtre de  Sainte-Sabine  (45  déc.  4305),  il  demeura 
à  la  cour  du  pape  comme  chargé  d'affaires  du  roi  d'Angle- 
terre. Jorz  a  laissé  en  manuscrit  d'assez  nombreux  traités, 
entre  autres  :  Commentarii  saper  Quatuor  libros  sen- 
tentiarum  ;  Quodlibeta  ;  Liber  de  visione  beata  ;  De 
Paupertate  Christi;  Commentarii  super  logicam  Aris- 
totelis,  super  philosophiam  naturalem  et  moralem, 

JOSABETH,  épouse  du  grand  prêtre  Joad.  Elle  arracha 
le  jeune  Joas  aux  mains  d'Athalie  et  l'éleva  secrètement 
(V.  Joas). 

J  OSA  P  H  AT,  roi  de  Juda,  fils  et  successeur  d'Asa  (pre- 
mière moitié  du  ix^  siècle  avant  notre  ère),  occupe  le  trône 
de  Jérusalem  pendant  vingt-cinq  ans.  On  vante  sa  piété  et 
l'on  assure  qu'il  entretint  d'excellentes  relations  avec  le 
royaume  d'Israël.  A  deux  reprises,  on  le  voit  s'associer  aux 
rois  de  Samarie,  une  première  fois  avec  Achab  dans  une 
expédition  contre  les  Syriens,  une  seconde  fois  avec  Joram 
dans  une  expédition  contre  les  Moabites.  D'autre  part,  on 
assure  que,  ayant  échoué  dans  ses  essais  de  navigation  sur 
la  mer  Rouge  (il  occupait  en  effet  le  port  d'Aziongaber, 
faisant  partie  de  l'Edomie,  soumise  à  la  juridiction  de  Juda), 
il  refusa  les  offres  d'Ochosias,  qui  lui  proposait  de  partici- 
per à  l'entreprise.  Le  Hvre  des  Chroniques  fait  de  ce  roi 
un  éloge  extraordinaire  et  décrit  son  règne  sous  des  cou- 
leurs et  avec  des  détails  qui  nous  renseignent  mieux  sur 
le  point  de  vue  de  l'écrivain  que  sur  la  réalité.  Il  y  est 
question  d'une  armée  atteignant  au  chiffre  de  un  million 
cent  soixante  mille  hommes;  c'est  plus  que  le  pays  de 
Juda  ne  pouvait  nourrir  d'habitants  (V.  notre  Précis 
d'histoire  juive,  4889,  p.  420).  —  La  prophétie  de  Joël 
désigne  sous  le  nom  de  «  Vallée  de  Josaphat  »,  c.-à-d. 
Vallée  du  jugement  de  Dieu,  le  lieu  où  la  divinité  ras- 
semblera les  nations  ennemies  d'Israël  afin  de  les  confondre 
et  de  les  punir.  La  tradition  a  matérialisé  ce  détail  de  l'es- 
chatologie juive  en  indiquant  le  ravin  du  Cédron  (aujour- 
d'hui Ouadi  Sitti  Maryam)  comme  étant  la  «  Vallée  de  Jo- 
saphat »,  où  tous  les  morts  se  rassembleront  pour  participer 
aux  assises  que  présidera  le  Tout-Puissant.  C'est  le  ravin 
que  l'on  franchit  quand  on  sort  de  Jérusalem  pour  se  rendre 
sur  le  mont  des  Oliviers.  M.  Vernes. 

JOSAS  (Josedum).  Ancien  pays  de  la  France,  qui  a 
formé  un  archidiaconé  du  diocèse  de  Paris.  H  correspondait 
à  la  vallée  supérieure  de  la  Bièvre,  de  Versailles  à  Palai- 
seau,  et  comprenait  Jouy-en-Josas,  LesLoges-en-Josas,  Igny, 
Bue,  Vauhallan  et  Saclay. 

JOSAT.  Com.  du  dép,  de  la  Haute-Loire;  arr.  de 
Brioude,  cant.  de  Paulhaguet  ;  547  hab. 

JOSE.  Com.  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  de  Thiers, 
cant.  deMaringues;  4,343  hab.  Stat.  des  chem.  de  fer 
du  Puy-de-Dôme,  ligne  de  Gerzat  à  Maringues.  Eaux  mi- 
nérales ferrugineuses  bicarbonatées  froides,  employées  dans 
les  affections  des  voies  urinaires,  la  dyspepsie,  la  débilité 
générale,  etc. 

JOSE  ou  JOSES.  Forme  grecque  de  l'hébreu  Joseph, 
c'est  le  nom  porté  par  plusieurs  personnages  de  l'Eglise 
chrétienne  primitive  :  4°  par  un  frère  de  Jésus  de  Nazareth, 
dont  la  famille  est  ainsi  énumérée  (Marc,  vi,  3)  :  Marie, 
sa  mère,  Jacques,  Joses,  Jude  et  Simon,  ses  frères;  2°  par 
un  disciple  de  Jésus,  dit  Barsabas  (V.  ce  nom)  ;  3*^  par 
un  lévite  originaire  de  Chypre,  plus  connu  sous  le  nom  de 
Barnabas  (V.  ce  nom),  qui  joua  un  grand  rôle  dans  la 
primitive  Eglise. 

JOSÉ  ou  JOZÉ  DA.  SiLVA  (Antonio),  auteur  comique 
portugais,  né  à  Rio  de  Janeiro  le  8  mai  4705,  brûlé  vif  à 
Lisbonne  le  48  oct.  4739.  Issu  d'une  famille  de  juifs  con- 
vertis, qui  vint  se  fixer  en  Portugal,  il  se  mit  de  bonne 
heure  à  écrire,  pour  les  théâtres  de  la  capitale,  des  comé- 
dies mêlées  de  prose  et  de  vers,  avec  des  couplets,  sortes 
d'opéras-comiques  à  grand  spectacle.  Au  service  d'une 
originalité  réelle,  d'une  gaieté  malicieuse  et  d'une  imagina- 
tion débordante,  il  ne  sut  mettre  que  des  idées  triviales  et 
une  langue  de  bas  étage.  Aussi  ses  pièces  étaient-elles  très 


goûtées  du  peuple  et  leur  vogue  remplit-elle  le  siècle  en- 
tier. Au  nombre  des  meilleures  appartiennent  :  Don  Qui- 
chottôy  Esope^  les  Enchantements  de  Médée.  Il  fut  le 
seul  auteur  dramatique  que  le  Portugal  possédât  alors,  et 
il  eut  des  imitateurs.  Suspecté  toujours  de  judaïsme,  il  eut 
souvent  maille  à  partir  avec  l'Inquisition  et  finit  par  être 
envoyé  sur  le  bûcher.  Ses  pièces  forment  les  deux  premiers 
volumes  du  Theatro  comico  portuguez  (Lisbonne,  1744  ; 
4^  éd.,  1787-92,  4  vol.  in-8).  Son  Do7i  Quichotte  a  été 
traduit  en  français  par  Ferd.  Denis,  dans  le  Théâtre  portu- 
gais (Pms^  1823).  Le  célèbre  poète  brésilien  de  Magalhaés 
Ta  pris  pour  sujet  d'une  tragédie  :  Antonio  José  ou  o  Poeta 
e  a  Inquisicào  (Rio  de  Janeiro,  1839).  G.  P-i. 

BiBL.  :  F.  WoLF,  D.  Antonio  José  da,  Silva  ;  Vienne, 
1860,  in-8.  —  Th.  Braga,  Historia  do  theatro  portuguez 
no  seculo  XVIII;  Porto,  1871,  in-8. 

JOSÉ-Maria,  célèbre  brigand  espagnol  (V.  Brigandage, 
t.  VIII,  p.  24). 

JOSEPH,  fils  préféré  du  patriarche  Jacob,  le  premier 
que  lui  donna  sa  femme  chérie  Rachel,  joue  un  rôle  con- 
sidérable dans  la  légende  patriarcale  des  Hébreux.  Il  est  le 
héros  d'une  sorte  de  roman  de  famille,  qui  le  représente 
momentanément  séparé  des  siens  et  parvenant  dans  un 
pays  étranger  à  de  hautes  destinées  ;  grâce  à  la  situation 
conquise  par  ses  vertus  et  son  inteUigence,  il  deviendra  le 
sauveur  de  ceux  qui  ont  voulu  le  perdre  dans  un  moment 
de  jalousie.  —  Joseph,  âgé  de  dix-sept  ans,  gardait  les  trou- 
peaux de  son  père  avec  ses  frères  aînés  ;  il  rapportait  à 
celui-ci  leurs  mauvais  propos  ;  favori  de  Jacob  qui  lui  avait 
fait  cadeau  d'une  robe  de  prix,  il  était  détesté  de  ses  frères. 
Sans  souci  de  donner  des  aliments  à  leur  mauvaise  vo- 
lonté, il  leur  racontait  des  songes,  qui  lui  prédisaient  un 
glorieux  avenir  ;  un  jour  sa  gerbe  se  dressait  dans  un  champ 
moissonné  au-dessus  de  celles  de  ses  frères,  lesquelles 
s'incHnaient  ;  une  autre  fois,  il  recevait  les  hommages  de 
son  père,  de  sa  mère  et  de  ses  onze  frères  sous  la  figure  du 
soleil,  de  la  lune  et  de  onze  étoiles  qui  se  prosternaient 
devant  lui.  Ses  frères  furieux  profitèrent  de  leur  éloigne- 
ment  de  la  maison  paternelle,  le  soin  des  troupeaux  les 
ayant  menés  à  plusieurs  journées  de  marche,  pour  vendre 
Joseph  comme  esclave  à  une  caravane  d'Ismaéhtes  qui  pre- 
nait le  chemin  de  l'Egypte  ;  puis  ils  expédièrent  à  Jacob  la 
robe  de  son  fils,  trempée  dans  le  sang  d'un  bouc,  avec  ce 
message  :  Voici  ce  que  nous  avons  trouvé  !  Reconnais  si 
c'est  la  robe  de  ton  fils.  —  Jacob  croit  qu'une  bête  féroce  a 
dévoré  son  fils  préféré  et  tombe  dans  un  sombre  désespoir. 
—  Joseph  cependant,  acheté  par  un  haut  fonctionnaire 
égyptien,  devient  son  homme  de  confiance  ;  mais,  ayant 
rejeté  chastement  les  avances  de  la  femme  de  son  maître, 
il  éprouve  les  effets  de  l'animosité  de  celle-ci,  qui  intervertit 
les  rôles  et  fait  jeter  Joseph  en  prison  sous  le  prétexte 
d'avoir  levé  les  yeux  sur  elle.  En  prison,  Joseph,  objet  de 
la  protection  divine,  interprète  les  songes  du  chef  des  échan- 
sons  et  du  chef  des  panetiers  qui  avaient  encouru  le  res- 
sentiment du  pharaon  ;  l'événement  ne  tarde  pas  à  prouver 
qu'il  avait  vu  juste  et  c'est  bientôt  le  roi  lui-même  qui  l'invite 
à  lui  donner  l'explication  d'un  songe  dont  les  devins  égyp- 
tiens se  déclarent  incapables  de  percer  le  mystère.  C'est  le 
songe  fameux  des  sept  vaches  grasses  englouties  par  sept 
vaches  maigres  et  des  sept  épis  bien  nourris  dévorés  par 
sept  épis  flétris.  Joseph  explique  qu'il  s'agit  de  sept  années 
d'abondance  extraordinaire  suivies  de  sept  années  de  disette. 
Le  roi  le  charge  aussitôt  de  prendre  toutes  les  précautions 
nécessaires  pour  répartir  l'excédent  de  la  période  «  grasse  » 
sur  la  période  «  maigre  ».  La  mesure  consiste  à  entasser 
les  récoltes  dans  les  greniers  royaux,  la  population  restant 
dans  l'insouciance  de  la  disette  annoncée  au  pharaon. 
Quand  surviennent  les  années  de  disette,  ce  ne  sont  pas 
seulement  les  Egyptiens,  mais  tous  les  peuples  voisins, 
éprouvés  également  par  la  famine,  qui  viennent  frapper  à 
la  porte  des  magasins,  à  l'administration  desquels  préside 
Joseph.  —  C'est  pressé  par  la  disette  que  Jacob,  à  son  tour, 
envoie  à  plusieurs  reprises  ses  fils  chercher  du  blé  en 


-  201  -  JOSÉ  —  JOSEPH 

Egypte.  A  la  suite  de  péripéties  qui  sont  dans  la  mémoire 
de  chacun,  la  famille  de  Jacob  vient  s'installer  en  Egypte. 
Moins  favorisés  que  les  descendants  d'Abraham,  auxquels 
Joseph  délivre  largement  les  moyens  de  subsistance,  les 
malheureux  Egyptiens  sont  contraints  par  le  besoin  de 
vendre  successivement  au  pharaon  leur  bétail,  leurs  terres 
et  leurs  personnes,  si  bien  que  le  pauvre  esclave  hébreu, 
après  avoir  prédit  la  famine  et  en  avoir  détourné  les  effets 
désastreux,  se  trouve  avoir  doté  la  puissante  Egypte  d'un 
régime  économique  et  foncier  inconnu  des  générations  pré- 
cédentes. Joseph,  qui  avait  épousé  une  Egyptienne  de  haute 
naissance  et  en  avait  eu  deux  fils,  Manassé  et  Ephraïm,  a 
la  satisfaction  de  voir  Jacob  les  mettre  au  rang  de  ses 
propres  fils  (pères  des  tribus  d'Israël),  ferme  les  yeux  à 
celui-ci,  continue  d'exercer  à  l'égard  des  siens  les  fonctions 
de  chef  de  famille  et  meurt  chargé  de  jours  et  de  gloire.  — 
Ce  conte  exquis,  où  l'émotion  s'élève  par  places  à  l'élo- 
quence la  plus  haute,  —  l'épisode  de  la  «  reconnaissance  » 
de  Joseph  étant  resté  le  type  et  le  modèle  dont  se  sont  ins- 
pirés tant  d'ouvrages  conçus  sur  une  donnée  analogue,  — 
appartient  au  moment  le  plus  brillant  de  la  littérature 
hébraïque  ;  sûre  d'elle-même,  n'ayant  point,  d'autre  part, 
à  subir  le  joug  d'un  cadre  imposé",  la  plume  de  l'écrivain 
se  meut  avec  une  maestria  incomparable  dans  le  cercle 
des  affections  et  des  vertus  de  la  famille.  Ces  caractères 
nous  reportent  au  iv^  siècle  avant  notre  ère,  que  nous  con- 
sidérons comme  l'époque  où  la  littérature  hébraïque  a  brillé 
du  plus  vif  éclat  (V.  Bible).  —  Il  est  fort  curieux  de  penser 
qu'une  désignation  territoriale  ou  géographique  telle  qu'était 
à  l'origine  le  nom  de  Joseph,  embrassant  le  groupe  central 
Ephraïm -Manassé  ou,  d'une  manière  plus  générale,  le 
royaume  des  Dix-Tribus,  ait  pu  aboutir  à  une  personnifi- 
cation dont  le  talent  de  l'écrivain  a  su  faire  un  être  vivant. 
C'est,  au  point  de  vue  psychologique,  le  contraire  du  pro- 
cessus que  nous  offrent  les  écrits  bibliques,  partant  de  la 
figure  fictive  de  Joseph  pour  aboutir  aux  populations  réelles, 
qu'ils  donnent  comme  issues  de  lui.  On  trouvera  ces  diverses 
questions  traitées  dans  notre  Précis  d'histoire  juive  {iSS9^ 
pp.  57  à  77).  M.  Vernes. 

JOSEPH,  époux  de  Marie.  L'évangile  de  Marc  ne  con- 
naît pas  le  nom  du  père  de  Jésus  de  Nazareth;  les  évan- 
giles de  Luc  et  de  Mathieu  lui  donnent  pour  père,  mais 
pour  père  putatif  seulement,  un  personnage  du  nom  de  Jo- 
seph, qu'ils  rattachent  à  la  famille  de  David  au  moyen  de 
généalogies  d'un  caractère  artificiel,  d'ailleurs  inconciliables 
entre  elles.  La  tradition  fait  de  Joseph  un  vieillard,  qui 
n'accepte  le  titre  d'époux  de  Marie  que  pour  veiller  sur 
elle.  Le  culte  de  saint  Joseph  a  pris  un  développement  ex- 
traordmaire  dans  l'Eglise  catholique  des  derniers  siècles. 
Frères  de  Saint-Joseph.  —  Congrégation  fondée  en 
1835,  à  Oullins  (Rhône),  par  l'abbé  Rey  (mort  en  1874). 
Vouée  à  l'éducation  des  enfants  les  plus  abandonnés,  elle 
élève,  dans  des  maisons  spéciales,  les  enfants  assistés  et 
les  jeunes  détenus.  L'enseignement  professionnel  qu'elle 
donne  porte,  suivant  les  dispositions  des  élèves,  sur  l'agri- 
culture, le  jardinage  ou  un  métier  industriel.  Statistique 
de  1861  :  55  maisons  (maison  mèreà  Cîteaux),  263  frères. 
Sœurs  hospitalières  de  Saint-Joseph.  —  Congrégation 
fondée  en  1638  à  Paris,  par  Marie  Delpech  de  l'Estang, 
pour  l'éducation  des  orphelines.  Elle  possédait  encore,  en 
1861,  7  maisons,  365  sœurs. 

ScEURS  hospitalières  de  Saint-Joseph,  instituées  en 
16i3,  à  l'hôpital  de  La  Flèche,  par  Marie  de  La  Ferre. — 
Elles  étaient  soumises  à  la  règle  de  Saint-Augustin  et  pro- 
nonçaient des  vœux  pour  trois  ans.  Elles  desservaient  plu- 
sieurs hospices  en  France  et  possédaient  une  maison  à 
Montréal  (Canada). 

Sœurs  de  Saint-Joseph,  enseignantes  et  hospitalières. 

—  Statistique  de  1861  :  1,090  maisons  (32  maisons 
mères),  6,405  sœurs. 

Sœurs  de  Saint- Joseph,  dites  de  Saint-Joseph  de  Cluny» 

—  Congrégation  fondée  en  1807,  à  Chalon-sur-Saône, 
par  Anne-Marie  Javouhey.  En  ^1810,  la  maison  mère  fut 


JOSEPH 


—  202  — 


établie  à  Cluny  :  elle  est  niaintenant  à  Paris.  En  1816,  le 
gouvernement  envoya  ces  sœurs  aux  colonies  d'Afrique  et 
d'Amérique  ;  en  1819,  aux  Indes.  Outre  ses  nombreux 
établissements  en  France,  leur  congrégation  en  possède 
dans  la  plupart  des  contrées  du  monde.  Statistique  pour  la 
France  (1862)  :  58  maisons,  922  sœurs. 

Soeurs  de  Saint-Joseph,  dites  du  Bon  Pasteur.  — 
74  maisons,  495  sœurs. 

JOSEPH  (François Le  Clerc  du  Tremblay,  dit  le  Père), 
homme  d'Etat  français,  né  à  Paris  le  4  nov.  1577,  mort 
le  18  déc.  1638.  Confident  et  collaborateur  de  Richelieu, 
le  père  Joseph  est  une  des  figures  les  plus  énigmatiques  de 
l'histoire.  Le  pamphlet,  le  mélodrame,  le  roman  avaient 
fait  de  «  l'Eminence  grise  »,  un  «  compère  »  du  grand 
cardinal,  prêt  à  toutes  les  besognes,  cachant  sous  l'humi- 
lité du  froc  son  orgueil  et  son  ambition.  Son  historien, 
M.  Fagniez,  nous  a  montré  en  lui  un  grand  homme  d'Etat, 
alliant  à  toutes  les  vertus  religieuses  le  patriotisme  le  plus 
éclairé  et  l'habileté  d'un  diplomate  consommé.  Il  faut  ajou- 
ter qu'il  mettait  au  service  de  son  œ.uvre  religieuse  comme 
de  ses  projets  politiques  la  décision  et  la  hardiesse  d'un 
«  homme  d'entreprise  et  d'un  grand  aventurier  »,  suivant 
l'expression  de  M.  Hanotaux,  l'historien  de  Richelieu.  Il 
était  fils  de  Jean,  premier  président  des  requêtes  du  Palais, 
et  de  Marie  Motier  de  La  Fayette.  Il  perdit  son  père  à  onze 
ans  et  se  sentit  attiré  de  bonne  heure  vers  la  vie  religieuse. 
Il  faillit  cependant  rester  dans  le  monde.  Après  avoir  fait 
des  études  classiques  approfondies  sous  la  direction  d'hu- 
manistes distingués,  il  s'était  perfectionné  à  l'académie 
d'Antoine  de  Pluvinel  dans  l'escrime, l'équitation,  la  danse 
(1595).  L'année  suivante,  il  voyagea  en  Italie,  accumulant 
sans  doute  dans  les  cours  de  ce  pays  (alors  la  meilleure 
école  de  la  politique  et  de  la  diplomatie)  des  observations 
dont  il  était  loin  de  pressentir  l'emploi.  Il  rentra  en  France 
par  Trente,  Augsbourg,  Nuremberg,  Strasbourg.  Il  parut 
à  la  cour  sous  le  nom  de  baron  de  Maiïliers,  servit  avec  dis- 
tinction au  siège  d'Amiens  sous  les  ordres  du  connétable 
de  Montmorency,  son  parent  (1597),  puis  accompagna  à 
Londres  l'ambassadeur  Hurault  de  Maisse,  chargé  de  justi- 
fier près  de  la  reine  Elisabeth  la  conclusion  prochaine  de 
la  paix  avec  l'Espagne. 

Le  spectacle  du  monde  ne  fit  qu'affermir  sa  vocation  re- 
ligieuse. Après  deux  ans  de  méditation,  il  entra  en  1599 
au  noviciat  des  capucins  d'Orléans,  non  sans  avoir  eu  à 
vaincre  les  dernières  résistances  de  sa  mère  qui  eût  voulu 
le  marier.  La  vie  à  la  fois  contemplative  et  active  des  ca- 
pucins le  séduisait  :  la  prière,  la  charité  et  la  propagande 
ne  devaient  pas  absorber  son  temps.  «  Il  aspirera,  a  dit 
son  historien,  à  fonder  des  œuvres  générales,  si  supérieures 
à  la  puissance  d'un  simple  moine  qu'elles  feront  douter  de 
son  sens  pratique  et  sourire  de  son  apparente  présomp- 
tion ;  il  entrera  avec  ardeur  dans  le  grand  mouvement  de 
lutte  et  de  rénovation  religieuses  qui  sera  l'un  des  honneurs 
du  xvïi®  siècle.  L'accès  et  le  crédit  que  de  pareilles  entre- 
prises lui  donneront  auprès  des  puissances  du  siècle  en 
feront  quelquefois  un  conseiller  oflîcieux  et  influent,  même 
avant  que  la  confiance  et  l'amitié  de  Richelieu  lui  donnent 
un  rôle  considérable  et  permanent  dans  la  politique.  » 

Successivement  professeur  de  philosophie,  maître  des 
novices,  prédicateur,  il  fut  élu  en  1613  provincial  de  Tou- 
raine.  Dès  1606  il  avait,  avec  la  collaboration  d'une  pieuse 
religieuse  de  Fontevrault,  née  du  sang  de  France,  Antoi- 
nette d'Orléans,  fondé  l'ordre  des  Filles  du  Calvaire  qui 
devait,  dans  sa  pensée,  servir  de  modèle  aux  autres  ordres 
de  femmes,  souffrant  tous  alors  de  la  nécessité  de  réformes. 
La  direction  spirituelle  de  son  ordre  fut  une  des  princi- 
pales préoccupations  de  sa  vie  ;  partout,  en  tout  temps,  il 
pensait  à  ses  religieuses,  pour  qui  il  écrivit  un  Manuel  de 
r Oraison  et  avec  qui  il  entretenait  une  active  correspon- 
dance. Il  se  préoccupa  vivement,  également,  de  la  conver- 
sion des  protestants  de  l'Ouest  et  du  Midi  et  dirigea  chez 
eux  l'œuvre  de  la  prédication. 

La  première  occasion  de  prendre  part  aux  affaires  de 


l'Etat  lui  fut  offerte  par  les  conférences  de  Loudun  entre 
les  commissaires  du  roi  et  les  princes  révoltés  :  Condé, 
Mayenne,  Bouillon,  Longueville.  Parmi  les  demandes  des 
princes  figurait  l'adoption  d'une  déclaration  qui,  conforme 
aux  arrêts  du  Parlement  et  aux  vœux  émis  par  le  tiers 
état  dans  les  Etats  de  1612,  et  contraire  aux  doctrines  du 
saint-siège  et  du  clergé  français,  repoussait  explicitement 
la  prétention  du  pape  de  pouvoir  délier  les  sujets  du  roi 
de  leurs  devoirs  d'obéissance  et  de  fidélité.  L'accord  sem- 
blait impossible  entre  la  reine,  endoctrinée  par  le  nonce,  et 
les  princes  qui  voulaient  donner  à  leurs  prises  d'armes  le 
prétexte  de  la  défense  de  la  politique  nationale.  Le  père 
Joseph,  confident  du  nonce  et  bien  vu  par  la  reine,  réussit 
(mars-mai  1616)  à  décider  les  princes  à  renoncer  à  leurs 
prétentions  en  les  menaçant  de  la  responsabilité  d'un 
schisme.  Il  eut  à  cette  époque  de  fréquentes  conversations 
avec  Richelieu,  qui  résidait  alors  dans  un  de  ses  prieurés 
près  de  Loudun. 

Un  grand  projet  l'agitait  cependant  ;  il  rêvait  d'appliquer 
les  mérites  acquis  par  les  prières  et  les  vertus  des  Filles 
du  Calvaire  à  l'œuvre  de  la  conversion  des  infidèles  et  de 
la  délivrance  des  Lieux  saints.  Depuis  1612,  une  vaste 
conspiration  se  nouait  en  Orient  parmi  les  Grecs  et  les 
Slaves,  et  notamment  les  Maïnotes,  en  vue  d'une  révolte 
contre  le  Turc.  Comme  l'a  montré  particuUèrementM.  Dra- 
peyron,  dans  un  article  de  la  Revue  des  Deux  Mondes 
(1874),  pendant  deux  siècles  la  croisade  fut  l'idéal  loin- 
tain des  politiques  français;  les  circonstances  les  contrai- 
gnaient non  seulement  d'en  ajourner  la  réalisation,  mais  de 
s'allier  à  ces  Turcs  qu'ils  se  proposaient  de  renvoyer  d'Eu- 
rope. Le  père  Joseph  consacra  plusieurs  années,  non  à  prê- 
cher, mais  à  préparer  pratiquement,  par  des  négociations, 
la  croisade  qu'il  projetait.  Le  chef  en  devait  être  Charles  de 
Gonzague,  duc  de  Nevers.  Le  père  Joseph  ne  rencontra  à 
Rome  même  et  à  Madrid  qu'un  scepticisme  poli  ;  il  se  con- 
tenta de  fonder  Tordre  de  la  Milice  chrétienne  et  d'écrire 
le  poème  la  Turciade  (1617),  mais  il  dut  se  convaincre 
que  les  discussions  des  princes  chrétiens  ne  leur  laissaient 
pas  le  loisir  de  consacrer  leurs  forces  à  la  délivrance  des 
Lieux  saints.  Il  n'abandonna  pas  son  projet  ;  mais  il  l'ajourna, 
comme  avaient  fait  tous  les  autres  rêveurs  de  croisade.  Il 
put,  du  moins,  travailler  sous  une  autre  forme,  à  la  con- 
version de  l'Orient.  Nommé  par  le  pape  préfet  des  mis- 
sions des  capucins  en  1625,  il  dirigea  de  nombreux  mis- 
sionnaires qui  fondèrent  des  communautés  catholiques  dans 
le  Levant  et  au  Canada.  D'autres  furent  envoyés  au  Maroc, 
dans  les  Etats  barbaresques,  en  Abyssinie.  Beaucoup  tra- 
vaillèrent à  la  fois  dans  l'intérêt  de  l'Eglise  et  dans  celui  de 
la  France.  Parmi  les  missionnaires  qui  voyagaient,  sous  la 
direction  du  père  Joseph,  en  Europe  et  dans  le  Levant,  il 
y  eut  d'intelligents  agents  de  la  diplomatie  française. 

Le  père  Joseph  était  convaincu  que  l'ambition  de  la  mai- 
son d'Autriche,  menaçant  l'équilibre  européen,  perpétuait 
seule  l'état  de  trouble  qui  rendait  impossible  l'union  des 
princes  chrétiens  contre  les  infidèles.  Ce  fut  l'une  des  rai- 
sons qui  l'amenèrent  à  changer  la  direction  de  ses  entre- 
prises. Peu  à  peu  l'œuvre  politique  française  prit  le  pre- 
mier rang  dans  ses  préoccupations,  sans  que  son  patriotisme 
nuisît  en  rien  à  son  zèle  religieux.  Il  associait  à  un  prosé- 
lytisme peut-être  indiscret  la  pratique  d'une  politique  qui 
cherchait  parmi  les  protestants  des  alliés  à  la  France.  L'avè- 
nement de  Richelieu  au  pouvoir  avait  fait  de  lui  le  colla- 
borateur indispensable  du  grand  ministre,  son  confident, 
parfois  son  inspirateur.  D'autre  part,  il  se  servit  avec  sin- 
cérité des  révélations  dont  il  se  croyait  favorisé  ou  dont 
il  croyait  ses  religieuses  favorisées,  pour  se  faire  le  guide 
officieux  de  la  conscience  de  Louis  XIII  ;  et  il  intervenait, 
en  vue  de  les  apaiser,  dans  les  discussions  de  la  famille 
royale.  A  ce  point  de  vue  encore,  il  fut  l'auxiliaire  précieux 
de  Richelieu.  Au  siège  de  La  Rochelle,  il  travadla  à  la 
moralisation  de  l'armée.  En  1625,  il  fut  envoyé  à  Rome, 
au  moment  des  négociations  relatives  au  mariage  de  Hen- 
riette de  France  avec  le  prince  de  Galles. 


mn  — 


JOSEPH 


Ses  vues  politiques  se  modifièrent  avec  le  temps.  Jus- 
qu'en 1632,  il  travailla  surtout  à  modérer  le  cardinal;  il 
voulait  éviter  la  guerre  et  se  flattait  d'y  arriver  en  établis- 
sant un  équilibre  des  forces  des  adversaires  de  nature  à 
neutraliser  les  uns  par  les  autres.  Il  croyait  possible,  en 
4630,  un  arrangement  avec  l'empereur.  Cette  année-là,  il 
fut,  avec  Brûlart,  prieur  de  Léon,  ambassadeur  en  Suisse, 
désigné  pour  se  rendre  à  Ratisbonne,  où  devaient  se  réunir 
les  électeurs  sur  la  convocation  de  l'empereur.  Le  but 
ostensible  de  la  négociation  à  poursuivre  était  la  pacifica- 
tion de  l'Italie.  Mais  il  s'agissait  aussi  de  renverser  les 
plans  de  la  maison  d'Autriche  au  sujet  de  l'Allemagne. 
Ferdinand  II  attendait  des  électeurs  la  survivance  de  la 
dignité  impériale  pour  son  fils  et  un  concours  armé  contre 
les  ennemis  de  sa  maison.  Nos  négociateurs  devaient  en- 
courager les  électeurs  à  condamner  les  abus  de  pouvoir  de 
l'empereur  et  à  défendre  les  libertés  germaniques  ;  l'échec 
ou  le  triomphe  de  la  politique  de  famille  dépendait  des  ré- 
solutions de  l'assemblée.  Le  père  Joseph  conduisit  les  né- 
gociations; il  jeta  les  bases  d'une  union  permanente  entre 
électeurs  et  le  roi  pour  tenir  l'empereur  en  bride.  Ce  fut 
là  un  résultat  peu  apparent,  mais  plus  considérable  que  le 
traité  signé  le  13  oct.  avec  les  représentants  de  l'empereur 
au  sujet  des  afi'aires  d'Italie .  Malgré  les  avantages  de  ce 
traité,  par  lequel  l'empereur  abandonnait  l'Espagne  à  elle- 
même,  Richelieu  critiqua  vivement  les  concessions  faites 
par  les  négociateurs.  Il  n'osa  pas  cependant  le  désavouer  ; 
l'année  suivante  le  traité  fut  avantageusement  revisé.  Ri- 
chelieu était,  à  ce  moment,  plus  sceptique  que  le  père  Joseph 
sur  la  possibilité  d'un  arrangement  avec  l'empereur.  Il  con- 
firma néanmoins  son  ami  dans  la  direction  des  affaires  d'Al- 
lemagne. 

Le  père  Joseph  avait  négocié  à  Ratisbonne  avec  l'électeur 
de  Bavière  un  traité  qui  ne  fut  signé  que  le  30  mai  1631 
à  Fontainebleau.  L'idée  d'une  alliance  avec  la  Bavière  lui 
était  particulièrement  chère.  Mais  la  faiblesse  de  l'électeur 
força  le  cardinal  et  son  conseiller  à  faire  un  pas  de  plus 
vers  la  guerre  contre  l'empereur  et  à  lancer  Gustave- 
Adolphe  contre  l'Allemagne;  ils  le  firent  sans  enthousiasme 
et  avec  prudence  :  «  Il  faut,  disait  le  père  Joseph,  se  ser- 
vir de  ces  choses  ainsi  que  du  venin  dont  un  peu  sert  de 
contrepoison,  et  le  trop  tue.  »  Ce  n'est  pas  seulement  qu'il 
répugnât  à  une  alliance  protestante,  c'est  aussi  qu'il  était 
vivement  préoccupé  de  l'équilibre  européen;  il  reprochait 
au  système  des  conquêtes  de  manquer  de  mesure  ;  il  ne  rê- 
vait que  des  avantages  restreints,  mais  sûrs,  pour  la  France. 

Mais  il  fut  peu  à  peu  entraîné  ;  il  dut  se  convaincre  qu'un 
tiers  parti  catholique  en  Allemagne  ne  pourrait  contre-ba- 
lancer  les  deux  adversaires  ;  quand  il  jugea  utile  que  la 
France  entrât  directement  dans  la  lutte,  il  le  conseilla  har- 
diment, au  risque  de  servir  la  cause  du  protestantisme  en 
Allemagne  ;  il  fut  le  principal  artisan  des  résolutions  qui 
décidèrent  de  l'issue  de  la  guerre  de  Trente  ans.  C'est  lui 
qui  contribua  le  plus  aux  événements  diplomatiques  de  1633 
et  1634.  A  partir  de  i  632,  la  mort  de  Schomberg  et  ded'Ef- 
fiat,  la  disgrâce  de  Châteauneuf,  la  mauvaise  santé  de  Riche- 
lieu concentrèrent  l'influence  politique  dans  le  petit  groupe 
où  dominait  le  père  Joseph.  Intermédiaire  principal  entre 
Richelieu  et  les  représentants  de  la  France  à  l'étranger,  il 
fournissait  au  cardinal  des  projets  d'instruction  qu'il  était 
sûr  de  voir  approuvés.  Son  action  diplomatique  est  insépa- 
rable de  celle  de  Richelieu.  On  pouvait  lui  reprocher  ses 
relations  avec  les  hérétiques,  railler  ses  allures  martiales, 
critiquer  son  langage,  tantôt  insinuant  et  tantôt  franc  jus- 
qu'à la  rudesse  ;  mais  il  fallait  avouer  l'austérité  de  la 
vie  qu'il  menait  au  milieu  de  la  cour.  Ce  que  la  postérité 
connaît  mieux  que  les  contemporains,  c'est  l'ardeur  de 
son  patriotisme,  c'est  la  largeur  de  ses  vues,  l'esprit  de 
résolution  qu'il  montra.  Bien  qu'il  dissimulât  son  influence, 
on  le  soupçonnait  de  gouverner  le  cardinal  ;  une  anecdote 
apocryphe  le  montre  réveillant  le  courage  de  Richelieu  après 
la  prise  de  Corbie  (1631)  et  traitant  Te  cardinal  de  «  poule 
mouillée  »,  mais  il  est  juste  de  dire  de  lui  avec  M.  Fa- 


gniez  :  «  Chaque  fois  qu'on  remarque  dans  la  diplomatie 
ou  la  guerre  un  acte  de  vigueur  ou  de  hardiesse,  c'est 
comme  une  piste  qu'on  peut  suivre  avec  l'espoir  de  le 
trouver  au  bout.  » 

Son  ascendant  avait  grandi  au  point  qu'il  était  le  suc- 
cesseur désigné  du  premier  ministre.  Les  longues  négocia- 
tions engagées  pour  obtenir  en  sa  faveur  le  chapeau  de 
cardinal  allaient  aboutir  quand  il  mourut  après  quelques 
jours  de  maladie.  On  a  raconté  que  Richelieu  avait  pu  obte- 
nir de  ses  yeux  un  dernier  regard  en  lui  dfsant  :  «  Père 
Joseph,  Brisach  est  à  nous.  »  C'est  une  erreur,  car  Brisach 
n'avait  été  pris  que  la  veille  du  jour  où  mourut  ce  bon  ser- 
viteur de  la  France,  et  la  nouvelle  n'en  avait  pu  parvenir 
à  la  cour.  L.  Delavaud. 

BiBL.  :  Fagniez,  le  P.  Joseph  et  Richelieu^  1894.  L'au- 
teur a  utilisé  non  seulement  les  documents  conservés  dans 
les  dépôts  publics,  mais  encore  des  documents  inédits 
qui  sont  en  sa  possession:  les  Remarques  des  actions  du 
R.  P.  Joseph  en  son  enfance  et  jeunesse,  trouvés  dans 
les  papiers  de  madame  sa  mère  ;  le  Discours  en  forme 
d'exclamation  du  P.  Joseph  sur  la  conduite  de  la  divine 
Providence  en  la  disposition  des  divers  événements  de  sa 
vie  depuis  sa  naissance  jusqu'à  son  entrée  en  religion, 
et  deux  biographies  dues  l'une  à  Lepré-Balain,  prêtre  an- 
gevin, l'autre  à  dom  Damien  Lherminier,  bénédictin  de 
Saint-Maur.  —  Il  existe  plusieurs  autres  biographies  ma- 
nuscrites du  P.  Joseph,  notamment  celle  du  sieur  de 
Hautebresc.;e.  —  L'Histoire  de  la  vie  du  P.  Joseph^  par 
1  abbé  Richard,  1702,  est  sans  valeur. 

JOSEPH  l«%  empereur  d'Allemagne  (1705-11),  né  le 
26  juil.  1678,  mort  à  Vienne  le  17  avr.  1711.  Fils  aîné 
de  l'empereur  Léopold  l^^  et  d'Eléonore  de  Palatinat-Neu- 
bourg,  il  reçut  une  excellente  éducation,  sous  la  direction 
du  prince  de  Salm,  fut  élu  en  1690  roi  des  Romains,  épousa 
(1690)  la  princesse  Wilhel mine-Amélie  de  Brunswick, 
convertie  au  catholicisme  et  docile  aux  conseils  des  jésuites. 
Les  deux  filles  nées  de  cette  union  furent,  par  la  conven- 
tion domestique  de  1703,  désignées  comme  héritières  des 
Habsbourg  en  cas  d'extinction  des  descendants  mâles. 
Joseph  fut,  sous  l'influence  du  prince  Eugène,  le  chef  du 
parti  de  la  guerre  contre  la  France  à  la  cour  de  Vienne. 
En  1702,  il  commanda  l'armée  qui  assiégeait  Landau.  Le 
5  mai  1705,  la  mort  de  son  père  lui  transmit  l'Empire.  Il 
donna  une  vive  impulsion  à  la  guerre  et  conçut  le  plan  de 
l'annexion  de  la  Bavière,  idée  qui  fut  poursuivie  durant 
tout  le  siècle  par  ses  successeurs.  L'opposition  générale 
des  princes  allemands  l'empêcha  de  le  réaliser,  même  au 
prix  d'un  échange  avec  les  Pays-Bas.  Jusqu'à  la  fin  de  son 
règne,  il  conserva  l'avantage  contre  Louis  XIV  dans  la 
guerre  de  la  succession  d'Espagne.  De  1706  à  n09  s'en- 
gagea un  âpre  conflit  entre  Joseph  l^^  et  le  pape  Clément  XI 
qui  était  francophile.  Ce  dernier  céda  aux  menaces  de  l'em- 
pereur. Dans  ses  Etats  héréditaires,  Joseph  P''  fut  moins 
heureux.  Le  roi  de  Suède,  Charles  XII,  l'obligea  à  faire 
des  concessions  aux  protestants  de  Silésie  (traité  d'Altran- 
stadt,  1706);  en  Hong-rie,  François  Rakoczy  le  tint  en 
échec  ;  son  général,  Heister,  fut  battu  et  il  dut  subir  les 
clauses  défavorables  du  traité  de  Szathmar,  signé  seule- 
ment après  sa  mort.  Il  essaya  vainement  de  régulariser  la 
juridiction  du  conseil  aulique  dans  l'Empire.  Il  mourut 
subitement  de  la  petite  vérole.  A.-M.  B. 

BiBL.  :  Herchenhahn,  Gesch.  der  Regierunq  Josephsl; 
Leipzig,  1786-89,  2  vol. 

JOSEPH  11,  empereur  d'Allemagne  (1765-90),  né  le 
13  mars  1741,  mort  le  20  févr.  1790.  Fils  aîné  de 
François  P^  et  de  Marie-Thérèse,  il  fut  élevé  par  le  comte 
(puis  prince)  Batthyany,  officier  brutal  et  ignorant,  et  par 
le  père  jésuite  Veger  ;  on  le  confia  ensuite  au  père  Weikard 
(1751),  puis  à  un  précepteur,  Philippe  de  La  Mine,  aidé 
de  plusieurs  professeurs,  Bourgignon,  Leporini,  Rosenthal, 
Freyssleben,  Rajtaj,  J.  de  Pœck,  Bréguin,  Bâillon,  le  père 
Joseph  Franz,  Bartenstein,  pédant  diffus  ;  il  subit  l'in- 
fluence de  Ch.-A.  Martini,  professeur  de  droit  naturel, 
rationaliste  qui  lui  inculqua  les  idées  des  philosophes  fran- 
çais. L'instruction  du  jeune  prince  avait  été  superficielle  ; 
il  embrassa  avec  ardeur  les  théories  du  droit  naturel.  Il 
était  sentimental,  idéaliste,  d'esprit  inquiet,  agité,  volon- 


JOSEPH 


204  — 


taire;  il  excellait  dans  les  exercices  gymnastiques,  était 
très  vif,  incapable  de  rester  en  place  ;  il  avait  un  besoin 
d'activité  continuelle  et  parfois  désordonnée,  sans  grande 
ténacité,  reculant  devant  les  obstacles  sur  lesquels  il  s'était 
jeté;  incapable  d'obéir  dans  son  enfance,  il  fut  ensuite 
incapable  de  se  dominer  et  de  s'assujettir  à  une  règle.  Sa 
mère,  pour  lui  donner  l'expérience  delà  vie,  le  fit  voyager. 
Sous  le  nom  de  comte  de  Falkenstein,  il  parcourut  presque 
toute  l'Europe,  en  particulier  la  France,  l'Espagne,  l'Italie, 
l'Allemagne,  excitant  l'admiration  des  philosophes  fran(,'ais 
et  de  Frédéric  ÏI  avec  lequel  il  eut  deux  entrevues  (à 
Neisse,  août  1769  ;  à  Neustadt,  en  Moravie,  sept.  1770). 
Il  épousa  la  charmante  Isabelle  de  Parme,  qui  mourut 
rapidement,  puis  Josepha  de  Bavière,  qui  hii  déplut  ;  leur 
fille  mourut  dans  sa  huitième  année.  Privé  des  affections 
de  famille,  Joseph  se  dédommagea  par  l'amour  de  l'huma- 
nité. Il  conçut  le  plan  de  vastes  réformes  sans  tenir  compte 
des  antécédents  historiques  et  des  conditions,  et  lorsqu'il 
eut  le  pouvoir  se  mit  à  l'œuvre  pour  réaliser  ces  imagi- 
nations. 

Il  n'eut  de  pouvoir  effectif  qu'à  la  mort  de  sa  mère.  Sans 
doute,  il  avait  été  élu  roi  des  Romains  dès  1764,  et  l'année 
suivante  la  mort  de  son  père  l'appelait  à  l'Empire  ;  mais 
Marie-Thérèse  conserva  le  gouvernement.  Son  fils,  bien 
qu'associé  officiellement  à  son  autorité  dans  ses  Etats  héré- 
ditaires, n'eut,  en  fait,  que  la  direction  des  affaires  mili- 
taires, desquelles  il  se  souciait  peu.  Sur  les  affaires  inté- 
rieures, il  n'eut  pas  d'action,  d'autant  qu'il  s'entendait  mal 
avec  sa  mère  ;  elle  insistait  vainement  pour  l'amener  à 
aller  à  l'église  et  à  se  confesser.  En  revanche,  son  in- 
fluence fut  prépondérante  sur  les  affaires  extérieures.  Il 
suivit  une  politique  d'acquisitions  territoriales,  favorisa  le 
partage  de  la  Pologne,  se  fit  céder  par  la  Turquie  la  Buko- 
vine  et  le  Banat  avec  Temesvar,  mena  la  combinaison  de 
l'annexion  de  la  Bavière  et,  dans  l'espoir  de  l'obtenir,  s'allia 
à  la  Russie.  Le  29  nov.  1780,  la  mort  de  Marie-Thérèse 
laissa  le  champ  libre  à  Joseph  IL 

Il  se  mit  à  l'œuvre  sur-le-champ  pour  réorganiser  ses 
Etats  conformément  aux  principes  de  la  raison  pure.  Cette 
tentative  était  particulièrement  révolutionnaire  dans  les 
pays  de  la  couronne  des  Habsbourg  ;  les  différences  de 
race,  de  constitution,  de  langues,  de  traditions  étaient 
extrêmes  ;  Joseph  II  n'en  tint  pas  compte,  voulant  imposer 
à  ses  sujets  une  administration  identique,  comportantl'usage 
exclusif  de  la  langue  allemande  ;  pour  y  arriver,  il  fit 
usage  de  son  pouvoir  absolu  avec  plus  d'intransigeance 
qu'on  n'y  était  accoutumé.  La  préface  de  cette  transforma- 
tion était  la  rupture  avec  la  papauté,  l'administration  au- 
trichienne ne  pouvant  réaliser  les  réformes  qu'après  s'être 
affranchie  des  liens  multiples  de  la  hiérarchie  catholique. 
L'empereur,  auquel  ce  plan  avait  été  suggéré  par  un  mé- 
moire que  lui  remit,  en  1777,  en  Suisse,  Joseph  de  Lan- 
juinais,  ancien  moine  converti  au  protestantisme,  profes- 
seur à  Mondon,  procéda  radicalement.  Il  écrivit  à  son 
ambassadeur  à  Rome,  le  cardinal  Herzan  :  «  Depuis  que  je 
porte  la  première  couronne  du  monde,  j'ai  fait  la  philoso- 
phie législative  de  mon  royaume.  Pour  se  conformer  à  sa 
logique,  l'Autriche  prendra  une  autre  forme.  Je  méprise 
les  superstitieux  elles  saducéens,  et  j'en  veux  délivrer  mon 
peuple.  Je  renverrai  les  moines  et  supprimerai  les  cou- 
vents. »  A  l'archevêque  de  Salzbourg,  comte  Colloredo,  il 
écrivait  :  «  Un  Etat  que  je  gouverne  doit  être  régi  d'après 
mes  principes,  et  chacun  de  mes  sujets  doit  être  mis  en 
possession  des  hbertés  naturelles.  »  Appliquant  ce  pro- 
gramme, il  subordonna  complètement  l'Eglise  à  l'Etat.  Il 
interdit  à  tous  archevêques,  évêqueset  autorités  religieuses 
des  pays  autrichiens  de  recevoir  les  bulles  ou  brefs  ponti- 
ficaux et  des  ordres  de  supérieurs  étrangers,  sans  autori- 
sation du  souverain.  Les  instructions  et  lettres  pastorales 
des  évêques  à  leurs  diocésains  durent  être,  avant  leur 
publication,  approuvées  par  le  pouvoir  temporel  (26  mars 
1781).  Les  évêques  furent  privés  du  droit  d'absoudre  et 
de  dispenser  qu'ils  tenaient  du  pape  ;  les  bulles  In  Cœna 


Domini  et  Unigenitus  déclarées  nulles,  les  évêques  au- 
torisés à  délier  des  interdictions  canoniques  en  fait  de 
mariage  (4  oct.  1781).  Les  appels  à  Rome  des  consistoires 
épiscopaux  furent  interdits  et  attribués  aux  tribunaux 
laïques.  Les  évêques  durent,  avant  confirmation,  prêter  ser- 
ment de  fidélité  au  souverain  ;  enfin  Joseph  II  déclara  que 
le  clergé  devait  s'en  tenir  à  la  prédication  évangélique  et 
au  service  du  culte  et  ne  conserver  nul  autre  droit  ni  pri- 
vilège. Les  couvents  se  virent  interdire  toute  relation  avec 
l'étranger  ;  ils  furent  déclarés  indépendants  des  supérieurs 
et  généraux  résidant  à  l'étranger  et  placés  sous  les  ordres 
de  provinciaux  indigènes  et  sous  la  surveillance  des  évêques. 
Les  moines  étrangers  furent  expulsés,  l'acceptation  de  no- 
vices prohibée  pour  dix  années.  Après  ces  mesures  préli- 
minaires, l'empereur  abolit  dans  ses  Etats  héréditaires 
tous  les  ordres  et  monastères  menant  une  vie  simplement 
contemplative,  ne  conservant  que  ceux  qui  faisaient  œuvre 
d'enseignement,  assistance  publique  ou  prédication.  Dé- 
crétée le  30  oct.  et  le  20  déc.  178-1,  cette  abolition  fut 
effectuée  le  12  janv.  1782.  Les  biens  des  couvents  sup- 
primés servirent  à  constituer  un  fonds  religieux  qui  fut 
affecté  à  soutenir  les  moines  sécularisés,  à  créer  des  écoles 
et  étabhssements  humanitaires.  En  huit  ans,  700  couvents 
furent  abolis  et  36,000  religieux  et  religieuses  sécularisés. 
Il  resta  1 ,324  couvents  et  27,000  religieux. 

Joseph II  fit  davantage;  il  s'attaqua  au  culte  lui-même; 
il  voulut  réglementer  la  décoration  des  églises,  interdire 
les  expositions  de  reliques  et  d'images,  restreindre  les  pè- 
lerinages et  processions,  faire  enterrer  les  morts  dans  des 
sacs,  au  lieu  de  cercueils,  et  dans  des  fours  à  chaux.  Enfin 
il  proclama  la  tolérance  religieuse  pour  les  protestants  des 
deux  confessions  et  les  Grecs  non-unis.  Dès  la  fin  de  1781, 
elle  fut  appliquée  à  l'Autriche,  à  la  Bohême,  à  la  Hongrie, 
à  la  Belgique.  L'empereur  n'osa  pourtant  pas  établir  l'ab- 
solue égalité  de  toutes  les  confessions  religieuses.  Il  ordonna 
même  contre  quelques  dissidents  des  mesures  de  violence, 
en  régimentant  en  Transylvanie  et  privant  de  leurs  enfants 
247  déistes  tchèques  qui  refusaient  d'entrer  dans  une  des 
Eglises  reconnues.  L'opposition  cléricale  fut  naturellement 
très  vive.  Le  pape  Pie  VI  adressa  un  bref  auquel  Kaunitz 
répliqua  dans  un  style  que  ne  désavouerait  pas  Bismarck. 
Le  pape  fit  alors  personnellement  le  voyage  de  Vienne 
(fév.-avr.  1782).  Les  populations  manifestèrent  leur  vé- 
nération ;  Joseph  II  l'accueillit  avec  respect,  mais  ne  fit 
aucune  concession;  Kaunitz  traita  Pie  VI  en  visiteur  ordi- 
naire, se  promenant  avec  lui  bras  dessus  bras  dessous. 
Le  16  janv.  1783  fut  promulguée  la  décision  qui  dépouilla 
le  mariage  de  tout  caractère  rehgieux,  institua  le  mariage 
civil  et  le  divorce.  L'empereur  enleva  aux  évêchés  étran- 
gers les  portions  autrichiennes  de  leurs  diocèses,  créa  de 
nouveaux  évêchés  sans  consulter  le  pape,  nomma  un  ar- 
chevêque de  Milan  en  vertu  de  sa  souveraineté  territoriale, 
fonda  des  séminaires  généraux  à  Vienne,  Pest,  Pavie  et 
Louvain  pour  donner  aux  prêtres  une  éducation  moderne. 
Subitement,  en  déc.  1783,  Joseph  11  se  rendit  à  Rome.  Ber- 
nis  et  l'ambassadeur  espagnol  Azara  le  décidèrent  à  s'en- 
tendre avec  le  pape,  au  moins  sur  la  nomination  des  évêques 
lombards.  L'acuité  de  la  crise  ecclésiastique  diminua,  Jo- 
seph II  ayant  d'autres  soucis. 

Il  avait  entrepris  la  réforme  morale  et  sociale  de  ses 
Etats  et  y  portait  ses  tendances  doctrinaires.  De  ce  côté, 
les  résultats  furent  considérables  et  quelques-uns  durables. 
Adversaire  des  distinctions  de  classes,  il  restreignit  et  dé- 
finit les  droits  des  seigneurs  (oct.  1780),  abolit  les  fidéi- 
commis  et  les  majorais  et  prononça  la  suppression  du  ser- 
vage. Le  paysan  acquit  la  hberté  personnelle,  le  droit  de  se 
marier,  de  contracter  librement,  de  se  déplacer  ;  le  seigneur 
dut  lui  vendre  à  prix  équitable  la  terre  qu'il  cultivait  ;  la 
condition  des  juifs  fut  améliorée.  —  Dans  l'ordre  finan- 
cier, Joseph  II  s'inspira  des  théories  des  physiocrates  fran- 
çais ;  il  s'efforça  de  réaliser  une  équitable  répartition  des 
charges,  déclarant  qu'il  voulait  supprimer  les  douanes  in- 
térieures, les  impôts  de  consommation  et  gabelles,  les  droits 


205  — 


JOSEPH 


corporatifs,  faisant  procéder  à  une  évaluation  des  revenus 
et  à  un  cadastre  pour  asseoir  de  nouveaux  impôts.  Cette 
enquête  aboutit  à  la  conclusion  que  le  paysan  conservait 
70  %  de  sa  production,  en  payait  12  °/o  à  l'Etat  et  48  «/o 
au  propriétaire  féodal  ;  le  cadastre  ne  put  être  sérieusement 
fait  et  la  réforme  financière  ne  fut  pas  exécutée.  Il  suivit 
une  politique  résolument  protectionniste  :  son  tarif  doua- 
nier du  24  août  4784  prohiba  l'importation  de  beaucoup 
de  denrées  étrangères,  imposa  à  d'autres  des  droits  écra- 
sants, fixa  un  délai  pour  l'écoulement  total  des  marchandises 
accumulées  dans  les  entrepôts  intérieurs.  Pour  développer 
le  commerce  intérieur  et  extérieur,  il  construisit  des  routes, 
des  canaux,  ouvrit  un  débouché  aux  produits  hongrois,  par 
des  traités  de  commerce  avec  la  Russie  et  la  Turquie,  ac- 
crut la  marine  autrichienne  qui  prit  sa  part  du  commerce 
du  Levant  et  parut  dans  les  Indes  orientales  et  occiden- 
tales. La  réforme  judiciaire  partit  du  principe  d'une  légis- 
lation unique  basée  sur  le  droit  naturel  ;  le  nouveau  code 
pénal  ne  fit  aucune  distinction  entre  les  ordres,  les  peines 
étant  les  mêmes  pour  tous  ;  les  tribunaux  furent  réorga- 
nisés ;  Joseph  II  en  créa  soixante-six  de  première  instance, 
des  cours  d'appel  et  trois  cours  supérieures.  Il  institua  des 
magistrats  municipaux  assistés  de  légistes,  ce  qui  eut  pour 
effet  de  substituer  des  employés  juristes  aux  municipahtés 
bourgeoises.  —  Il  attacha  la  plus  grande  importance  aux 
fondations  humanitaires  :  un  grand  hospice  à  Vienne,  une 
école  de  médecine  militaire,  un  institut  de  sourds-muets, 
un  asile  pour  les  pauvres  et  les  mendiants.  Il  multiplia  les 
écoles,  au  point  qu'en  Bohème  le  nombre  des  enfants  qui 
les  fréquentaient  dans  les  campagnes  passa  de  44,000  à 
417,000  en  dix  ans.  Il  propagea  l'instruction  pratique, 
spécialement  agricole  et  industrielle,  laïcisa  les  gymnases, 
collèges  et  universités.  Enfin,  il  proclama,  dès  le  41  juin 
4784,  la  liberté  de  la  presse,  par  l'abolition  de  la  cen- 
sure. 

L'activité  brouillonne  de  l'empereur  bouleversant  les 
abus  séculaires  et  toutes  les  habitudes  de  ses  sujets  suscita 
partout  de  vives  oppositions.  En  Hongrie  et  dans  les  Pays- 
Bas,  celles-ci  provoquèrent  des  guerres  civiles.  Ces  pays 
résistèrent  à  la  centralisation  unitaire  qu'on  voulait  imposer 
et  défendaient  les  droits  que  leur  garantissaient  leurs 
constitutions.  Joseph  II  avait  évité  de  venir  à  Presbourg  se 
faire  couronner  roi  de  Hongrie  et  jurer  fidélité  à  la  consti- 
tution ;  il  blessa  le  sentiment  national  en  implantant  des 
colons  allemands,  en  substituant  au  latin  l'allemand  comme 
langue  officielle  ;  le  recensement,  prélude  de  nouveaux  im- 
pôts et  de  la  conscription  militaire,  porta  l'opposition  au 
comble  (aoiit  4784).  Les  assemblées  de  comitats  protes- 
tèrent. Le  souverain  renforça  ses  troupes  en  Hongrie,  puis 
abolit  la  vieille  constitution  et  la  division  en  comitats  rem- 
placée par  une  division  en  dix  cercles  (18  mars  4785). 
Quand  on  voulut  procéder  au  cadastre  et  à  l'estimation  des 
biens  fonciers,  les  paysans  prirent  parti  pour  leur  roi  contre 
l'aristocratie  ;  les  Roumains  de  Transylvanie  se  soule- 
vèrent, 432  châteaux  fur-ent  brûlés,  62  villages  détruits, 
4,000  hommes  périrent.  Le  mouvement  gagnant  la  Hon- 
grie, les  ordres  privilégiés  acceptèrent  les  réformes,  mais 
ils  profitèrent  bientôt  après  des  difficultés  de  la  guerre  de 
Turquie  pour  refuser  tout  concours  ;  de  toutes  parts,  on 
réclama  la  convocation  d'une  diète,  d'Etats  généraux  comme 
en  France.  Malade,  menacé  par  la  Prusse,  Joseph  II  céda 
et  rétablit  la  vieille  constitution  hongroise  (28  janv.  4790). 

Dans  les  Pays-Bas,  le  particularisme  n'opposa  pas  de 
moindres  obstacles  aux  plans  de  l'empereur,  faiblement 
secondé  par  les  administrateurs,  sa  sœur  Marie-Christine 
et  son  beau-frère  le  duc  Albert  de  Saxe-Teschen.  Il  avait 
débuté  par  un  succès.  Profitant  de  la  faiblesse  de  la  Hol- 
lande il  avait  exigé  la  suppression  du  traité  de  la  Barrière 
(V.  Utrecht  [Traités  d'])  qui  donnait  aux  Hollandais  droit 
de  garnison  dans  des  forteresses  belges  (4784).  La  mé- 
diation de  la  France  prévint  une  guerre;  les  Hollandais 
payèrent  5  millions  de  thalers,  rendirent  quatre  forts, 
mais  PEscaut  resta  fermé  et  la  rectification  des  frontières 


demandée  par  Joseph  II  n'eut  pas  lieu  (nov.  4785).  Les 
réformes  anticléricales  furent  très  mal  accueillies  par  les 
Flamands  et  Brabançons  ;  une  émeute  d'étudiants  eut  lieu 
à  Bruxelles  (dée.  4786)  ;  le  souverain  avait  remplacé  à  la 
tête  des  Pays-Bas  le  faible  Starhemberg  par  l'énergique 
Belgiojoso.  Au  début  de  l'an  4787,  il  promulga  la  nouvelle 
constitution;  les  vieilles  institutions  provinciales  étaient 
supprimées,  le  pays  divisé  en  neuf  cercles,  subdivisés  en 
districts  gouvernés  par  des  intendants  et  des  commissaires  ; 
un  conseil  administratif,  auquel  on  adjoignait  quelques  dé- 
putés des  provinces,  concentrait  tous  les  pouvoirs.  Dans 
l'ordre  judiciaire,  tous  les  tribunaux  territoriaux,  féodaux, 
ecclésiastiques  étaient  abolis.  Le  mécontentement  fut  gé- 
néral. Les  Etats  de  Brabant  refusèrent  de  reconnaître  les 
édits  impériaux,  invoquant  le  serment  prêté  par  Joseph 
(lors  de  sa  «  joyeuse  entrée  »)  de  maintenir  les  libertés 
et^  coutumes  antiques.  Intimidés  par  les  émeutes,  les  ad- 
ministrateurs, l'archiduc  Albert  et  Christine,  sœur  de  Fem- 
pereur,  suspendirent  l'exécution  des  réformes  et  promirent 
d'en  demander  le  rappel  (30  mai  4787).  Joseph  II  reçut 
cette  nouvelle  au  cours  de  son  voyage  en  Russie  ;  il  accou- 
rut à  Vienne  et  y  convoqua  des  délégués  des  Etats  des  pro- 
vinces belges  afin  de  s'entendre  pour  l'application  des  ré- 
formes (6  juil.  4787).  Le  conflit  s'aggravait;  le  comte 
Murray  fut  nommé  gouverneur  général  des  Pays-Bas  et 
exigea  l'application  des  réformes  (4788).  Puis  vinrent 
l'énergique  comte  d'Alton  et  le  comte  Trautmannsdorf  qui 
intimidèrent  les  Etats  provinciaux  ;  ceux-ci  cédèrent.  Mais 
les  chefs  du  mouvement  Vonck  et  Van  der  Noot,  avocats 
brabançons,  continuèrent  de  fomenter  la  résistance.  Des 
conflits  se  multiplièrent  entre  patriotes  et  en  sept.  4789 
un  corps  d'insurgés,  commandé  par  Van  der  Mersch,  s'em- 
para de  Breda,  proclamant  la  déchéance  de  Joseph  II.  Un 
sanglant  combat  eut  lieu  à  Turnhout  et  les  Autrichiens 
furent  repoussés  (26  oct.  4789).  L'insurrection  devint  gé- 
nérale; il  fallut  évacuer  Bruxelles  (déc.  4789).  L'armée 
impériale  se  débanda,  le  trésor,  les  archives,  tombèrent 
aux  mains  des  Belges  qui  proclamèrent  leur  indépendance. 
L'empereur  survécut  à  peine  de  quelques  semaines  à  ces 
désastreuses  nouvelles. 

La  politique  extérieure  de  Joseph  II  ne  fut  pas  plus  heu- 
reuse que  ses  projets  unitaires.  H  avait  vainement  essayé 
de  réformer  la  justice  dans  le  Saint-Empire  et  de  réorga- 
niser la  Chambre  impériale  (4767).  Il  avait,  par  ses  pro- 
jets sur  la  Bavière,  déterminé  la  formation  d'une  «  ligue  des 
princes  »  contre  l'Autriche.  Même  l'antagonisme  des  élec- 
teurs ecclésiastiques  avec  Rome  et  leurs  revendications 
autonomistes  (nov.  4786)  ne  purent  amener  un  rapproche- 
ment entre  eux  et  l'empereur.  On  trouvera  dans  l'art.  Ma- 
rie-Thérèse le  récit  des  faits  relatifs  au  partage  de  la 
Pologne  et  à  la  succession  bavaroise  (V.  aussi  Pologne  et 
Bavière)  ;  Joseph  II  prit  dans  les  deux  une  part  active.  H 
commandait  l'armée  autrichienne  dans  la  courte  guerre  de 
4778-79,  mais  n'osa  risquer  de  bataille.  Il  fut  l'auteur  du 
rapprochement  avec  la  Russie  qui  isola  la  Prusse,  et  se  tint 
à  l'alliance  de  Catherine  II  qui  en  eut  tous  les  bénéfices.  H 
l'accompagna  dans  son  fameux  voyage  de  Tauride,  depuis 
Kherson  jusqu'en  Crimée  et  à  Pultava  (4787).  Il  rêvait  la 
restauration  de  l'empire  grec.  Mais,  quand  il  déclara  la 
guerre  aux  Turcs  (9  févr.  1788),  son  feld-maréchal  Lascy 
dispersa  ses  218,000  hommes  tout  le  long  de  la  frontière 
depuis  le  Dniester  jusqu'à  l'Adriatique  ;  Joseph  H  vint  au 
quartier  général  de  Fulak,  en  face  de  Belgrade.  L'éparpille- 
ment  de  ses  forces  et  l'insubordination  de  la  Hongrie  em- 
pêchèrent de  frapper  des  coups  décisifs  ;  tandis  que  Sou- 
vorov  remportait  les  plus  brillants  succès  avec  le  concours 
du  prince  de  Cobourg,  il  fallut  se  contenter  de  la  prise  de 
Belgrade  (8  ocL  1789),  suivie  de  celles  de  Semendria  et 
Passarovitz.  Les  fatigues  de  la  campagne  aggravèrent  la 
maladie  de  foie  à  laquelle  Joseph  II  succomba  bientôt  après. 

Il  est  malaisé  de  porter  un  jugement  sur  ce  prince,  qui 
rêva  de  si  grandes  choses  et  n'eut  ni  le  temps  ni  la  force 
de  les  réaliser.  Jamais  peut-être  on  ne  vit  de  souverain 


JOSEPH  —  206 

plus  inconscient  des  conditions  historiques.  Sans  eu  tenir 
compte,  il  voulut  imposer  à  tous  ses  sujets  son  idéal  hu- 
manitaire. Beaucoup  pourtant  de  ses  réformes  ont  subsisté, 
d'autant  qu'il  avait  dirigé  l'éducation  de  son  neveu  et  héri- 
tier qui  devint  François  IL  Son  souvenir  est  resté  très 
populaire  en  Autriche,  et  son  esprit  anime  encore  les  classes 
moyennes.  —  Joseph  II  n'avait  eu  d'enfants  ni  de  sa  pre- 
mière femme,  Isabelle,  fille  du  duc  Philippe  de  Parme, 
morte  en  4763,  ni  de  la  seconde,  Maria-Josepha,  fille  de 
Tempereur  Charles  VII,  morte  en  4767.  Son  frère  Léopold, 
grand-duc  de  Toscane,  lui  succéda.  A. -M.  B. 

BiBL.  :  Gross-HofI'Inger,  Lebens  und  Regierungsge- 
schichte  Josephs  II;  Stuttgart,  1835-37.  —  Meynert, 
Kaiser  Joseph  II  ;  Vienne,  1862.  —  D'Arnetpi,  Maria  The- 
resia  und  Joseph  11^  ihre  Correspondenz,  samt  Briefen 
Josephs  an  seinen  Bruder  Leopold  ;  Vienne,  1867-68,  3  vol. 

—  Du  même,  Joseph  II  und  Leopold  II,  18'<2.  —  Du 
même,  Joseph  II  und  Catharina  II;  ihr  Briefwechsel^ 
1869.  —  Brunner,  Die  theologische  Dienerschaft  am  Hof 
Joseph  II;  Vienne,  1868.  —  Du  même,  Correspondances 
intimes  de  Vempereur  Joseph  II  avec  Cobenzl  et  Kau- 
nitz  ;  Mayence,  1871.  —  Du  même,  Joseph  11^  Charakte- 
ristik  seines  Lebens^  seiner  Regierung  und  seiner  Kir- 
chenreformen  ;  Fribourg,  1885.  —  J^ger,  Joseph  II  und 
Leopold  II,  Re for men  und  G egenre for men;  Vienne,  1869. 

—  Béer,  Joseph  II,  Leopold  II  und  Kaunitz  (correspon- 
dance); Vienne,  1873.  —  Lustkandl,  Die  Josephinischen 
Ideen  und  ihr  Erfotg;  Vienne,  1881.  —  Nosinicii  et  Wie- 
ner, Kaiser  Joseph  als  Staatsmann  und  Feldherr;  Vienne, 
1885.  —  LoRENz,  Joseph  II  und  die  Belgische  Révolution. 

—  Arendt,  Die  Brabantische  Révolution^  dans  Hist.  Tas- 
chenbuch  de  Raumer,  année  1843.  —  Ad.  Wolf,  Marie- 
Christine^  Erzherzogin  von  Œsterreich  ;  Vienne,  1863, 2  vol. 

JOSEPH,  roi  de  Naples  (V.  Bonaparte). 

JOSEPH  (L'archiduc),  philologue  hongrois,  né  en  iSi^'S. 
Ce  parent  de  l'empereur  d'Autriche,  qui  réside  le  plus  sou- 
vent à  Fiume,  s'est  fait  une  spécialité  de  l'étude  de  la 
langue  tsigane.  Non  seulement  il  a  encouragé  diverses  pu- 
blications relatives  à  cette  langue,  mais  il  a  composé  lui- 
même  une  Grammaire  tsigane  (Budapest.  1888). 

JOSEPH  Barsabas  (V.  Barsabas). 

JOSEPH  BekhorSchor,  exégète  juif  de  la  seconde  moi- 
tié du  XII®  siècle.  Il  fut  disciple  de  Rachbam  et  de  Rabenou 
lam  et  appartint  comme  eux  à  l'école  de  Raschi.  Son  nom 
est  souvent  mentionné  dans  les  loçafot.  Il  a  composé  un 
commentaire  sur  le  Pentateuque,  plus  apprécié  que  celui 
de  Raschi,  car,  contrairement  à  Raschi,  il  s'en  tint  toujours 
à  la  grammaire  et  à  la  lexicographie  et  ne  laisse  que  fort 
peu  de  place  aux  interprétations  aggaviques.  La  critique 
moderne  a  une  très  haute  opinion  de  sa  méthode.  Certains 
savants  identifient  J.  B.  Schor  avec  Joseph  d'Orléans  dont 
le  nom  se  rencontre  souvent  dans  les  loçafot.  Il  s'appellerait 
Bekhor  Schor  pour  désigner  le  commentateur  de  la  Bible, 
et  le  nom  de  Joseph  d'Orléans  lui  serait  plus  particuliè- 
rement réservé  comme  ioçafiste.  S.  Debré. 

BiBL.  :  Geiger,  Parchandala.  —  Renan,  les  Rabbins 
français,  p.  434.  •—  Revue  des  études  juives^  t.  IJ,  p.  5. 

JOSEPH  BEN  GoRioN  (V.  Gorionides). 

JOSEPH  Bringas,  un  des  plus  grands  hommes  d'Etat 
byzantins  du  x«  siècle.  Co]istantin  y  II  fit  la  fortune  de  cet 
eunuque  en  le  créant  patrice,  grand  préposite  ou  chef  des 
eunuques,  drongaire  (amiral)  de  la  flotte,  et  en  lui  confiant 
le  gouvernement  des  affaires  pendant  les  dernières  années 
de  son  règne.  Son  fils,  Romain  II  (959-63),  nomma  Joseph 
chef  du  Sénat  et  des  cubiculaires,  parakimomène  ou  grand 
chambellan.  Pendant  les  trois  années  du  règne  de  Romain, 
ce  fut  Joseph  qui,  en  réalité,  gouverna.  Il  fut  peu  popu- 
laire, bien  qu'au  moment  de  la  disette  d'oct.  960,  il  eût 
fait  venir  du  blé  à  Constantinople  et  en  eût  réduit  de  moi- 
tié le  prix.  Les  historiens  grecs  n'ont  pas  été  tendres  pour 
lui  ;  ils  le  représentent  avare,  rapace,  dur  et  sans  pitié. 
Joseph  eut  toutefois  de  solides  quahtés  d'administrateur» 
Il  gouverna  avec  fermeté  et  prépara  la  glorieuse  expédition 
de  Crète  où  se  signala  Nicéphore.  Joseph  n'aimait  pas  ce 
général,  qu'il  ne  trouvait  pas  assez  souple  et  dont  la  gloire 
militaire  était  trop  éclatante.  Si  la  régente  Théophano  (963) 
l'eût  écouté,  Nicéphore  aurait  eu  les  yeux  crevés.  Aussi  ce 
dernier  conspira-t-il  contre  Joseph.  Le  ministre,  au  su  de 
la  conspiration,  se  hâta  de  le  remplacer  à  la  tète  des  troupes 


par  Jean  Zimiscès.  Mais  il  était  trop  tard.  Nicéphore  est 
I)roclamé  empereur  par  ses  soldats,  et  Joseph  est  relégué 
en  Paphiagonie,  puis  dans  un  monastère.        Beaulieu. 

BiBL.  :  Histoires  générales  byzantines  (V.Isaac  P^'  Com- 
nène).  —  Schlumberger,  Un  Empereur  byzantin  au 
x«  siècle,  1891. 

JOSEPH  Calasanza(V.  Arneth). 
JOSEPH  Caro,  talmudiste  éminent,  né  en  Espagne  en 
1488,  mort  en  4575.11  étudia  à  l'école  de  Bérale,  dont  il 
s'appropria  les  rêves  messianiques,  les  fantaisies  cabba- 
listiques.  Sa  vie  entière  fut  partagée  entre  l'ascétisme  ex- 
cessif et  l'étude  approfondie  du  Talmud.  Il  est  célèbre,  à 
juste  titre,  par  son  Schoulkan  arouch,  sorte  de  manuel 
talmudique  en  quatre  forts  volumes,  où  l'auteur  range  mé- 
thodiquement sous  différentes  rubriques  et  par  ordre  de 
matières  les  lois  cultuelles,  alimentaires,  matrimoniales, 
civiles,  pénales,  etc.  C'est  un  véritable  code  de  la  législa- 
tion talmudique,  telle  qu'elle  résulte  des  discussions  et  des 
conclusions  des  docteurs  et  de  leurs  commentateurs.  C'est, 
sans  contredit,  une  œuvre  de  grand  mérite.  Mais  on  lui 
reproche  justement  de  rapporter  avec  trop  de  scrupule  les 
moindres  opinions  et  les  exagérations  religieuses  les  moins 
justifiables  de  certains  rabbins.  S.  Debré. 

BiBL.  :  Fr^nkel,  Tai^ké  hammischna. 
JOSEPH  d'Arimathie.  L'évangile  de  Marc  rapporte 
qu'un  personnage  considérable  de  ce  nom  réclama  auprès 
de  Pilate  le  corps  de  Jésus,  et,  après  en  avoir  obtenu  l'au- 
torisation, lui  rendit  les  derniers  honneurs  en  le  déposant 
pieusement  dans  une  grotte  sépulcrale.  Cet  épisode  est  re- 
produit avec  quelques  détails  nouveaux  dans  les  autres 
évangiles.  La  tradition  range  Joseph  parmi  les  soixante- 
dix  disciples  de  Jésus-Christ;  il  aurait  religieusement  re- 
cueilli le  plat  dont  Jésus  se  servit  lors  de  la  célébration  de  la 
Cène,  et  ce  plat,  porté  en  Angleterre  par  son  fils,  a  donné 
naissance  à  un  cycle  de  curieuses  légendes  (V.  Graal). 
JOSEPH  de  Calàsanzio,  fondateur  de  la  congrégation 
des  piaristes  (V.  Calasanz  [José  de],  t.  VIII).  Les'  pia- 
ristes  (pii  operarii)  forment  une  congrégation,  non  de 
frères,  mais  de  clercs  réguliers.  Leur  institut,  fondé  dès 
1597,  fut  expressément  approuvé  en  1617  par  Paul  Y, 
qui  leur  permit  de  faire  des  vœux  simples  et  de  se  donner 
des  règles.  En  1621,  Grégoire  XV  leur  assigna  le  titre  de 
clercs  réguliers  des  pauvres  sous  la  protection  de  la 
Mère  de  Dieu  pour  les  écoles  pies,  —  Leur  maison  mère 
est  à  Rome.  Ils  sont  dirigés  par  un  préposé  général,  avec 
un  procureur  général.  E.-H.  V. 

JOSEPH  de  Naxos  ou  JOSEPH  NAci,né  en  Portugal  vers 
1525,  mort  à  Constantinople  en  1574.  Il  avait  pris,  après 
sa  prétendue  conversion,  le  nom  de  JoâoMiques.  Elevé  par 
sa  tante,  la  très  belle,  très  riche  et  très  bienfaisante  mar- 
rane  dona  Gracia  Mendesia,  il  la  suivit  dans  sa  pérégri- 
nation, lorsque,  ne  se  sentant  pas  en  sûreté  dans  le  voisi- 
nage de  l'Inquisition,  elle  s'établit  successivement  à  Anvers, 
à  Venise,  à  Ferrare,  et  finalement,  pour  pouvoir  pratiquer 
ouvertement  le  judaïsme,  à  Constantinople.  Là,  comme  toute 
sa  famille,  Joào  jeta  le  masque  du  christianisme  et  reprit 
le  nom  de  Joseph  Naci.  Il  épousa  sa  cousine  Regina.  Son 
immense  fortune  et  ses  grandes  capacités  lui  valurent 
d'être  reçu  à  la  cour  et  il  devint  bientôt  le  conseiller,  le 
confident  du  sultan  Soliman  et  l'âme  de  sa  politique.  Le 
prince  héritier  Selim  accorda  aussi  à  Joseph  la  plus  grande 
considération,  eut  pour  lui  une  amitié  sincère  et  le  com- 
bla de  litres  et  d'honneurs.  A  son  avènement  au  trône,  il 
nomma  Joseph  duc  de  Naxos  et  de  onze  autres  îles  dont  il 
lui  fit  cadeau.  Le  nouveau  duc  de  Naxos  songea  alors  à 
constituer  ses  îles  en  royauté  juive,  mais  le  projet  fut  bien- 
tôt abandonné.  —  La  grande  faveur  dont  jouissait  Joseph 
lui  attira  de  puissantes  jalousies  et  de  dangereuses  in- 
trigues ;  mais  il  en  sortit  triomphant  et  grandi.  Il  fut,  jus- 
qu'à la  fin  de  ses  jours,  un  des  plus  influents  et  des  plus 
habiles  diplomates.  S.  Debré. 

BiBL.  ;  Carmobj,  Don  Joseph,  duc  de  Naxos,  1855.  — 
Gr^tz,  Werlheimers  Wiener  Jahrbuch^  1856.  —  D^  M.- 
A.  LÉvY,  Don  Joseph  Naci,  1859. 


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JOSEPH  —  JOSEPPON 


JOSEPH  d'Exeter(V.  Iscanus). 

JOSEPH  EzoBi,  poète  hébreu  de  Perpignan,  florissant 
vers  i235.  L'épithète  Ezobi  indique  que  îe  berceau  de  sa 
famille  est  une  localité  appelée  Ezob  et  que  les  uns  iden- 
tifient avec  Avignon,  d'autres  avec  Vaison,  d'autres  enfin, 
à  plus  juste  titre,  avec  Orgon  (Bouches-du-Rhône).  11  est 
l'auteur  d'un  grandpoème,Iiaara^/fé^6^/'(rEcuelle  d'argent) 
dont  les  uns  parlent  avec  enthousiasme  et  les  autres  avec 
dédain.  La  vérité  est  entre  ces  deux  extrêmes.  11  est  vrai 
qu'il  y  a  peu  d'originalité  dans  l'œuvre  d'Ezobi,  mais  il  pos- 
sède un  style  toujours  clair  et  ses  images  sont  souvent 
heureuses.  On  a  aussi,  de  Joseph  Ezobi,  trois  pièces  litur- 
giques, une  hymne  sur  les  treize  articles  de  foi  et  d'autres 
ouvrages  de  ce  genre.  S.  Debré. 

BiBL.  :  Renan,  les  Rabbins  français,  pp,  552,  704,  705, 
715.  —  Gr^tz,  GeschicMe  der  Juden,  IX,  ch.  vi. 

JOSEPH  l'Hymnogrâphe,  poète  grec  du  ix®  siècle. 
Chassé  de  Sicile  par  les  Arabes,  il  erra  en  Orient.  Il  se 
rendit  d'abord  dans  le  Péloponèse,  puis,  de  là,  à  Thessalo- 
nique.  Mais  la  querelle  des  images  y  battait  son  plein,  et 
Joseph  dut  s'enfuir.  Il  se  rendait  à  Rome  quand  il  fut  pris 
par  des  pirates  et  conduit  en  Crète.  De  là  il  passa  à  Cons- 
tantinople.  Nous  savons  qu'il  fut  scévophylax,  gardien  des 
vases  sacrés,  sous  le  patriarche  Ignace,  au  temps  de  l'im- 
pératrice Théodora  (842-56).  Nous  avons  de  lui  des  poé- 
sies religieuses  qui  ne  sont  point  sans  valeur. 

BiBL.  :  Hippolyte  Marracius,  éd.  des  œuvres  de  Joseph; 
Rome,  1662,  in-8.  —  Karl  Krumbaciier,  Gesch.  der  byz. 
LitL,  1891. 

JOSEPH  Naci  (V.  Joseph  de  Naxos). 

JOSEPH E  (Flavius),  historien  juif  du  i^'^  siècle  de  notre 
ère  (de  37  à  100  ?).  Sa  réputation,  bien  qu'entamée  par  de 
récents  travaux,  reste  considérable  ;  vantard,  intrigant,  rem- 
plaçant volontiers  les  indications  précises  et  les  documents 
authentiques  par  des  développements  oratoires,  Josèphe  reste 
cependant  précieux  parce  qu'il  est  seul,  dans  bien  des  cas, 
à  nous  renseigner  sur  le  judaïsme  aux  derniers  temps  de  son 
existence  nationale.  Nous  connaissons  la  vie  de  Josèphe  par 
une  autobiographie,  qui  a  le  caractère  d'une  apologie  person- 
nelle et  où  il  vante  sans  mesure  sa  science,  sa  conduite,  son 
courage.  Avocat,  homme  de  lettres,  ayant  eu  l'occasion  de 
visiter  Rome,  suffisamment  frotté  de  grec  et  de  latin  pour 
servir  d'intermédiaire  entre  ses  nationaux  et  les  Romains, 
il  se  préoccupe  avant  tout  de  ses  intérêts  particuliers  ;  ayant 
reçu  un  commandement  dans  la  grande  insurrection  juive, 
il  défendit  la  citadelle  do  Jotapata  en  GaHlée  et  tomba  aux 
mains  des  Romains  ;  le  dévouement  intéressé  qu'il  leur  té- 
moigna dès  ce  jour  assura  sa  fortune.  Du  camp  de  Vespa- 
sien  et  de  Titus  il  assista  aux  péripéties  du  siège  et  de  la 
destruction  de  Jérusalem,  qu'il  devait  relater  par  la  suite 
d'une  manière  emphatique  sous  laquelle  on  a  beaucoup  de 
peine  à  retrouver  la  réalité.  Fixé  par  la  suite  à  Rome,  il  y 
fut  l'objet  de  la  faveur  des  empereurs  flaviens  et  s'occupa 
à  écrire  pour  la  société  occidentale  des  livres,  qui  exposent 
l'histoire  du  judaïsme  sous  une  forme  agréable  à  ses  vain- 
queurs. Nous  possédons  de  lui  la  Guerre  juive  (De  Bello 
judaico);  V Archéologie  juive  ou  Histoire  ancienne  des 
Juifs,  le  plus  important  de  ses  ouvrages,  où  l'on  remarque 
malheureusement  que  des  parties  qui  seraient  pour  nous 
du  plus  haut  intérêt,  notamment  la  longue  période  qui 
s'étend  entre  Néhémie  et  l'insurrection  des  Machabées, 
sont  traitées  de  la  façon  la  plus  insuffisante;  son  Auto- 
biographie (Vita),  où  il  se  préoccupe  particulièrement  de 
faire  l'apologie  de  sa  conduite  lors  de  la  défense  de  la  Ga- 
lilée contre  les  Romains  ;  le  traité  Contra  Apionem  ou 
De  la  Haute  Antiquité  du  peuple  juif.  On  a  également 
attribué  à  Josèphe,  mais  sans  preuves,  le  traité  philoso- 
phique: De  V Empire  de  la  raison,  classé  souvent  comme 
Quatrième  Livre  des  Machabées,  «  Dans  l'antiquité  (chré- 
tienne) et  dans  l'Eglise  du  moyen  âge,  dit  M.  Stapfer, 
Josèphe  jouit  d'une  réputation  que  peu  d'historiens  ont 
possédée.  Renié  par  les  juifs,  inconnu  des  talmudistes,  il 
avait  été  adopté  par  les  chrétiens  comme  un  des  leurs.  Ses 


écrits  complétaient  pour  eux  l'histoire  sainte  et  en  confir- 
maient la  vérité.  De  plus,  ses  récits  de  l'Ancien  Testament 
étaient  plus  faciles  à  lire  que  l'Ancien  Testament  lui-même. 
Il  n'avait  point  de  passages  didactiques  et  de  développe- 
ments abstraits  et  se  bornait  à  narrer  les  faits  en  les  pei- 
gnant sous  de  vives  couleurs.  Son  histoire  des  Hérodes 
était  un  commentaire  excellent  des  Evangiles,  et  sa  narra- 
tion du  siège  de  Jérusalem  fut  longtemps  une  des  bases  de 
l'apologétique  chrétienne,  le  Christ  ayant  prédit  dans  ses 
discours  eschatologiques  les  faits  mêmes  qu'il  racontait.  » 
Il  y  avait  surtout  !e  passage,  de  bonne  heure  intercalé,  qui 
désigne  Jésus  de  Nazareth  comme  le  Christ  annoncé  par 
les  prophètes;  cet  aveu  d'un  non-chrétien,  d'un  juif  illustre 
et  savant,  paraissait  décisif  à  une  théologie  naïve  qui  n'y 
voyait  pas  la  fraude,  trop  évidente  à  nos  yeux.  «  Le  per- 
sonnage lui-même,  dit  encore  M.  Stapfer,  est  certainement 
peu  intéressant;  vaniteux  et  prétentieux,  il  a  le  tort  de  se 
prendre  sérieusement  pour  un  grand  écrivain.  S'il  n'a  pas 
été  absolument  traître  à  sa  patrie,  puisqu'il  a  cherché  à 
justifier  les  juifs  des  accusations  qui  pesaient  sur  eux,  ce- 
pendant il  a  accepté  la  faveur  des  Romains  et,  en  particu- 
lier, des  empereurs  qui  avaient  anéanti  sa  nation...  Le 
reproche  le  plus  grave  est  d'avoir  quelquefois  falsifié  l'his- 
toire dans  son  intérêt  personnel.  »  Il  ne  faut  pas  prendre 
trop  au  sérieux  la  remarque,  fréquemment  faite,  que  Jo- 
sèphe n'aurait  pas  osé  demander  à  Titus  et  à  Agrippa  II 
leur  approbation  officielle  s'il  avait  dénaturé  des  faits  con- 
nus d'eux  ;  les  gens  au  pouvoir  ont  toujours  donné  les 
attestations  les  plus  flatteuses  à  ceux  qui  ont  représenté 
leurs  actions  sous  un  beau  jour  et  se  sont  fort  peu  préoc- 
cupés, moins  encore  jadis  qu'aujourd'hui,  de  passer  au 
crible  de  la  critique  des  assertions  dont  l'intention  est  visi- 
blement louangeuse.  Ce  qu'on  peut  dire  de  plus  plausible 
pour  excuser  chez  Josèphe  des  exagérations  qui  dépassent 
parfois  toute  mesure,  c'est  qu'il  en  trouvait  maint  exemple 
dans  la  littérature  hébraïque,  notamment  dans  les  Chro- 
niques. —  Pour  toute  étude  relative  à  Josèphe,  consulter 
le  résumé  de  la  question,  accompagné  d'indications  biblio- 
graphiques, que  donne  E.  Schurer  dans  sa  Geschichte  des 
Judischen  Volkes  im  Zeitalter  Jesu  Christi  (189tJ,  I, 
pp.  56-81).  L'édition  des  œuvres  de  Josèphe  donnée  par 
Dindorf  est  d'un  usage  commode,  mais  n'est  pas  à  la  hau- 
teur des  exigences  critiques.  Ce  desideratum  vient  d'être 
comblé  par  l'édition  de  Niese,  aujourd'hui  achevée  :  Fla- 
vii  Josephi  Opéra  edidit  et  apparatu  critico  instruxit 
Bened.  iVz^5^  (RerHn,  vol.  I  à  VI,  188o-94)  ;  le  même 
donne  une  édition  manuelle  sans  l'appareil  critique. 

M.  Vernes. 
BiBL.  :  Destinon,  Die  Quelîen  des  Flavius  Josephus  ; 
Kiel,1882. —  En  fait  d'études  en  langue  française,  signalons  : 
Reuss,  Flavius  Joseph,  dans  la  Revue  de  théologie  de 
Strasbourg,  1859,  et  un  bon  travail  d'Ed.  Stapfer,  Josép/ie, 
dans  f Encyclopédie  des  sciences  Teliaieuses  de  Lichten- 
berger,^1880,  t.  VII. 

JOSÉPHINE,  impératrice,  femme  de  Napoléon  pr  (V. 
Bonaparte,  t.  VII,  p.  247). 

JOSÉPHISME.  Nom  donné  par  les  théologiens  ultra- 
montainsaux  mesures  gouvernementales  prises  par  Joseph  II, 
appliquant  la  doctrine  de  Febronius  (V.  Hontheim,  Jo- 
seph II,  empereur). 

JOSÉPHITES  (Frères)  (V.  Croix,  t.  XIII,  p.  467). 

JOSEPHSLŒHE(Mont)  (V.  Harz). 

JOSEPHSTADT  (en  chèque  Josefov),  Ville  de  Bohême 
(cercle  de  Kralovedvor),  sur  la  ligne  Pardubice-Reichen- 
berg;  6,000  hab.  y  compris  l'armée.  Josephstadt  doit  son 
nom  à  l'empereur  Joseph  II  qui  la  construisit  de  4781  à 
1787.  C'est  une  importante  place  de  guerre  et  le  siège  du 
commandement  du  IX®  corps  autrichien. 

JOSEPH  IN  (Giuseppe  Cesârï,  dit  le)  (V.  Cesari). 

JOSÉPINS  (Josepini  et  Josephistœ).  Nom  donné  à  des 
hérétiques  de  tendance  libertine,  condamnés  par  le  concile 
de  Vérone  en  1184  (Mansi,  Collect.  Concile,  t.  XXII, 
p.  493).  On  ne  sait  rien  sur  l'origine  de  leur  nom. 

JOSEPPON   (V.  GORIONIDES). 


JOSERAND  -  JOSSELÏN 


-  208  — 


JOSERAND.  Corn,  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  de 
Riom,  cant.  de  Combronde  ;  695  hab. 

JOSES  (V.  José). 

JOSIAS,  l'un  des  derniers  rois  de  Juda  (641  à  610  av. 
J.-C),  fils  et  successeur  d'Anion,  qui  n'avait  régné  que 
deux  ans,  petit-fils  de  Manassès  dont  le  long  règne  de  cin- 
quante-cinq ans  passe  pour  avoir  favorisé  les  progrès  de 
ridolâtrie  étrangère.  Josias  est  célébré,  au  contraire,  pour 
avoir  restauré  le  culte  national  dans  toute  sa  pureté,  La  dix- 
huitième  année  de  son  règne,  au  cours  des  travaux  entre- 
pris pour  remettre  le  Temple  en  état,  on  annonça  au  roi 
la  découverte  du  «  Livre  de  la  loi  »,  disparu  sans  doute 
du  temps  de  ses  impies  prédécesseurs.  En  le  lisant,  le  roi 
et  son  entourage  ressentent  un  légitime  effroi  à  la  pensée 
des  effroyables  menaces  suspendues  sur  la  tête  des  trans- 
gresseurs  de  la  loi  divine  et  Josias  décide  de  procéder  à 
une  sévère  épuration  du  culte,  qui  détournera  le  courroux 
céleste  de  Jérusalem  et  de  Juda.  Ainsi  fut  fait.  Sur  l'ordre 
du  roi  le  peuple  assemblé  déclare  solennellement  sa  réso- 
lution de  se  conformer  aux  prescriptions  légales  et  toutes 
les  cérémonies,  tous  les  lieux  suspects  d'hétérodoxie,  sont 
impitoyablement  supprimés  et  détruits,  à  Jérusalem,  en  Juda 
et  même  dans  les  villes  de  Samarie.  Les  «  hauts-lieux  » 
ou  sanctuaires  locaux  disparaissent  par  une  mesure  d'ordre 
général  et  les  cérémonies  du  culte  se  concentrent  désor- 
mais dans  le  seul  temple  de  Jérusalem.  En  d'autres  termes, 
le  programme  de  la  réforme  accomplie  par  le  roi  Josias 
n'est  autre  que  la  thèse,  éloquemment  développée  dans  le 
Deutéronome^  du  monopole  du  sanctuaire  jérusalémite  ou 
de  la  centralisation  des  actes  du  culte  dans  un  temple 
unique.  En  dehors  de  ce  zèle  religieux  qui  a  recommandé 
son  nom  à  la  postérité,  la  physionomie  de  Josias  reste 
assez  effacée.  En  tout  cas,  il  n'eut  pas  la  fin  heureuse  que, 
selon  la  théorie  chère  à  l'historiographie  juive,  aurait  mé- 
ritée son  empressement  à  épurer  le  culte  national.  S'étant, 
en  effet,  proposé  de  fermer,  dans  les  défilés  du  Carmel,  la 
route  au  roi  d'Egypte,  Nécho,  qui  marchait  sur  l'Euphrate 
à  la  rencontre  du  roi  d'Assyrie  (ou  plulôt  de  Babylone),  il 
succomba  à  Mageddo;  on  ramena  son  corps  à  Jérusalem, 
où  il  trouva  place  dans  la  sépulture  royale.  —  La  réforme 
de  Josias,  telle  qu'on  la  rapporte  aux  livres  bibliques,  est 
de  nature  à  éveiller  les  soupçons  ;  ce  roi  a  pu  songer  à 
proscrire  tant  les  cultes  étrangers  que  les  usages  qu'on 
leur  aurait  empruntés,  mais  nullement  à  détruire  de  nom- 
breux sanctuaires  locaux,  consacrés  en  réalité  à  la  divinité 
nationale,  pour  le  seul  profit  du  temple  de  Jérusalem.  On 
a  transporté  sur  son  nom  une  révolution  religieuse,  qui  lui 
est  postérieure  de  deux  siècles  environ  et  fut  le  résultat, 
non  d'une  théorie  arrêtée,  mais  d'une  série  d'événements 
matériels  indépendants  de  la  volonté  humaine.  Du  même 
coup  tombe  l'ingénieuse  hypothèse,  d'après  laquelle  le  Bou- 
ter onome^  programme  de  la  réforme  de  Josias,  aurait  été 
composé  par  les  contemporains  dudit  roi  afin  de  le  pous- 
ser aux  mesures  assurant  la  centralisation  du  culte. 

M.  Vernes. 
BiBL.  :  Vernes,  Précis  d'histoire  juive,  1889,  pp.  465-471. 

JÔSIKA  (Joseph,  baron  de),  romancier  hongrois,  né  à 
Torda  (Transylvanie)  le  28  avr.  1796,  mort  à  Dresde  le 
27  févr.  1865.  Parvenu  au  grade  de  capitaine  pendant  les 
dernières  guerres  contre  Napoléon,  il  quitta  le  service  en 
4818,  pour  s'adonner  d'abord  à  l'économie  rurale,  puis  à 
la  vie  politique  telle  qu'elle  pouvait  se  manifester  alors,  dans 
la  Diète  de  Transylvanie.  Patriote  magyar  très  opposé  au 
gouvernement  autrichien,  il  vit  bientôt  que  la  littérature 
était  le  seul  moyen  qui  lui  fût  offert  d'exprimer  la  vie  de 
sa  race  telle  qu'il  la  comprenait.  Le  roman  historique  était 
une  arme  dans  la  lutte  pour  la  renaissance  de  la  vie  na- 
tionale ;  il  la  saisit  avec  un  tel  bonheur  qu'on  le  surnomma 
bientôt  le  Walter  Scott  de  la  Hongrie.  Son  Abafi  (1836), 
son  Dernier  Bdtory  (1838),  son  Zriniji  le  Poète  (1840), 
pour  ne  parler  que  des  premiers  chefs-d'œuvre,  obtenaient 
un  succès  sans  précédent,  d'abord  en  magyar,  puis  dans  la 
traduction  allemande.  Cependant  le  mouvement  de  1847  le 


faisait  rentrer  dans  la  Diète  transylvaine  où  ses  opinions 
avancées  avaient  maintenant  droit  de  cité.  Membre  l'an- 
née suivante  de  la  Table  des  Magnats,  adhérant  au  gou- 
vernement révolutionnaire,  il  dut\ivre  à  l'étranger  depuis 
la  catastrophe  de  1849.  L'exil  du  patriote  n'interrompit 
pas  longtemps  l'activité  du  romancier,  qui  publia  :  Une 
Famille  hongroise  pendant  la  Révolution,  les  Sorcières 
de  Szegedin  ,  Rdkôczy,  etc.  Les  œuvres  complètes  de 
Jôsika  forment  plus  d'une  centaine  de  volumes.  Il  publia 
d'mtéressants  Mémoires  (1865,  4  vol.).  E.  S. 

BiBL.  :  ScHwicKER,  GescMchte  der  ung.  Litteratur.  ' 
JOSNES.  Com.  du  dép.  de  Loir-et-Cher,  arr.  deBIois, 
cant.  de  Marchenoir  ;  1,525  hab.  Le  général  Chanzy  y 
lutta  héroïquement  en  1870  contre  le  prince  Frédéric- 
Charles. 

JOSQUIN,  musicien  du  xv«  siècle  (V.  Deprés  [Josse]). 
JOSSE.  Com.  du  dép.  des  Landes,  arr.  de  Dax,  cant. 
de  Saint-Vincent  ;  417  hab. 

JOSSE  DE  Moravie  (Jordocus,  Jobst),  empereur  d'Alle- 
magne (1410-1411),  mort  le  17  janv.  1411.  Fils  du 
margrave  J.-H.  de  Moravie  (second  fils  de  Jean  de  Luxem- 
bourg et  de  Bohême),  il  hérita  du  margraviat  de  Moravie  à 
la  mort  de  son  père  (1375).  C'était  un  homme  énergique, 
instruit,  ambitieux,  sans  scrupules.  Son  histoire  se  con- 
fond avec  celle  de  ses  cousins  -Venceslav  et  Sigismond 
(V.  ces  noms).  Le  premier  lui  donna  en  gage  le  Luxembourg, 
le  second  le  Brandebourg  (1388).  Il  visait  à  renverser  Ven- 
ceslav et  fut  en  1394  et  1397  à  la  tête  des  conjurations 
contre  l'empereur.  Celui-ci  fut  obligé  de  lui  céder  la  Lusace 
et  de  l'investir  du  Brandebourg.  Josse  finit  par  réussir  à  se 
faire  élire  empereur,  par  cinq  électeurs,  à  Francfort,  le 
1^^  oct.  1410.  Il  mourut  trois  mois  après. 

JOSSEAU  (François-Jean-Baptiste),  homme  politique 
français,  né  à  Mortcerf  (Seine-et-Marne)  le  21  janv.  1817. 
Avocat  du  barreau  de  Paris,  il  fut  chargé,  par  le  ministre 
du  commerce  Dumas,  de  la  préparation  du  projet  de  loi 
sur  le  Crédit  foncier  qui  fut  déposé  le  8  août  1850  sur  le 
bureau  de  l'Assemblée  législative.  Nommé  à  cette  occasion 
commissaire  du  gouvernement,  Josseau,  après  le  2  dé- 
cembre 1851,  rédigea  le  décret  qui  remplaça  le  projet  non 
venu  en  délibération  par  suite  du  changement  de  gouver- 
nement. Le  21  juin  1857,  il  était  élu  député  au  Corps  lé- 
gislatif par  le  dép.  de  Seine-et-Marne,  Réélu  en  1863  et 
1869,  il  se  représenta  vainement  en  1876  et  1877.  Son 
nom  reste  attaché  à  la  conception  de  l'Empire  libéral,  car 
il  fut  le  créateur  delà  réunion  Josseau  (nov.  1869),  for- 
mée parmi  les  membres  du  centre  droit  pour  étudier  les 
moyens  d'obtenir  le  régime  parlementaire  complet,  la  liberté 
de  la  presse,  la  décentralisation  administrative.  On  a  de 
lui  :  Traité  du  Crédit  foncier  (Paris,  1 853,  in-8  ;  3«  éd. , 
1884,  2  vol.  in-8)  ;  le  Crédit  foncier  de  France,  son 
histoire,  ses  opérations,  son  avenir  (1860,  in-8). 

JOSSELÏN.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Morbihan,  arr. 
de  Ploërmel,  sur  la  rive  droite  de  l'Oust  et  le  canal  de 
Brest  ;  2,448  hab.  Collège  communal.  Pension  et  maison 
de  retraite  des  sœurs  de  la  Sagesse,  hospice.  Corderies, 
moulins,  tanneries,  fabriques  de"  noir  animal.  D'après  la 
légende,  la  ville  remonte  au  commencement  du  xi^  siècle, 
époque  où  Jossehn  ¥\  comte  de  Porhoët,  aurait  élevé  une 
chapelle  sur  l'emplacement  où  l'on  aurait  trouvé  une  statue 
miraculeuse  de  la  Vierge.  Des  maisons  se  groupèrent  au- 
tour de  la  chapelle,  et  la  nouvelle  bourgade  aurait  été 
bientôt  ceinte  de  murailles  et  protégée  par  un  château. 
Elle  devint  par  la  suite  la  capitale  du  comté  de  Porhoët. 
Sa  forteresse  arrêta  en  1168  le  roi  d'Angleterre  Henri  II 
et  le  contraignit  à  en  faire  un  siège  en  règle,  à  la  suite 
duquel  elle  fut  démantelée  ;  deux  ans  plus  tard,  la  ville 
subissait,  de  la  part  du  même  prince,  le  sort  de  son  châ- 
teau. Au  xni^  siècle,  la  seigneurie  de  Porhoët  passa  de  la 
rnaison  de  Fougères  dans  celle  de  Lusignan  ;  au  xiv^.  Phi 
lippe  le  Bel  confisqua  le  comté  sur  Guy  de  Lusignan,  et  en 
1370  Pierre  d'Alençon  le  vendit  au  connétable  de  Clisson 
dont  la  fille  le  porta  en  mariage  aux  Rohan  qui  l'ont  con- 


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JOSSELIN  —  JOST 


serve  jusqu'à  la  Révolution  et  possèdent  encore  le  château. 
Prise  en  1589  par  Mercœur,  la  ville  fut  reconquise  par 
Henri  IV  qui  en  fit  raser  les  fortifications.  —  L'église 
Notre-Dame  du  Roncier  a  succéda  à  l'ancienne  chapelle 
élevée  sur  remplacement  où  une  ronce  toujours  verte  dé- 
signait l'endroit  où  était  enfouie  une  statue  de  bois  de  la 
Vierge.  Elle  est  de  diverses  époques  ;  la  chapelle  Sainte-Ca- 
therine est  romane,  la  croisée  du  transept  et  le  chœur  de 
1400  ou  environ,  la  nef  et  les  bas  côtés  de  la  seconde  moitié 


du  xv«  siècle.  L'église  renferme  le  tombeau  (mon.  hist.)  du 
connétable  de  Clisson  et  de  sa  femme,  Marguerite  de  Rohan, 
restauré  en  1858,  Leurs  statues,  de  marbre  blanc,  sont 
couchées  sur  une  table  de  maibre noir  surmontant  un  massif 
de  même  couleur,  entouré  d'arcades  ajourées  oîi  figurent  des 
statuettes  de  moines  en  marbre  blanc.  Elle  conserve,  en 
outre,  des  débris  informes  do  la  statue  miraculeuse  brûlée 
lors  de  la  Révolution  et  qui  sont  l'objet  chaque  année,  le 
mardi  de  la  Pentecôte,  d'un  étrange  pèlerinage  :  on  y  amène 


Château  de  Josseiin. 


les  «  aboyeuses  »,  femmes  atteintes  d'une  étrange  épidémie 
nerveuse  que  guérit  le  contact  de  la  relique.  D'autres 
pèlerins,  pour  se  guérir  de  maux  de  tête,  vont  verser  de 
petits  sacs  de  blé  sur  un  prétendu  crâne  de  saint  Etienne 
qui  se  trouve  dans  une  niche  gothique  du  bas  côté  E,  An- 
cienne église  du  prieuré  de  Saint-Martin  (xii^  siècle),  qui 
a  servi  au  xv!""  siècle  de  temple  protestant  ;  maladroitement 
restaurée.  Ruines  romanes  de  l'église  du  prieuré  de  Sainte- 
Croix.  Le  château  des  Rohan  (mon.  hist.)  appartient  aujour- 
d'hui au  prince  de  Léon  qui  l'a  fait  restaurer.  Situé  sur  un 
rocher  dominant  i'Oust,  il  offre,  du  côté  de  la  rivière,  une 
façade  flanquée  de  trois  tours  rondes,  couronnées  de  trois 
pointes,  dont  la  base  est  taillée  dans  le  roc  même,  et  réunies 
par  des  courtines  à  mâchicoulis  surmontées  de  hautes  lu- 
carnes; la  façade  opposée,  donnant  sur  la  cour  d'honneur, 
est  un  beau  spécimen  de  la  dernière  période  de  l'architecture 
gothique.  Il  ne  subsiste  rien  du  donjon  élevé  au  xiv^  siècle 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —   XXL 


par  le  connétable  de  Clisson,  qui,  après  avoir  servi  de 
place  d'armes  aux  ligueurs,  fut  complètement  démoli  par 
ordre  du  roi  en  16-29.  C'est  de  ce  château,  dont  il  était 
capjtaine  pour  la  comtesse  de  Penthièvre,  que  partit,  en 
1351,  Jean  de  Beaumanoir  pour  adresser  au  capitaine 
anglais  de  Ploermel  Bembra  la  provocation  qui  aboutit  au 
combat  des  Trente,  qui  eut  pour  théâtre  la  pelouse  du  chêne 
de  la  Mi-Voie,  sur  le  territoire  de  la  commune  voisine  de 
Guillac. 

JOSSELIN  DE  CouRTENAY  (V.  Courtenay). 

JOSSIGNY.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.  de 
Meaux,  cant.  de  Lagny;  480  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer 
de  Lagny  à  Villeneuve-le-Comte, 

JOST  (Guillaume),  inspecteur  général  de  l'instruction 
publique,  né  à  Dorlisheim  (Alsace)  le  ^  mai  1831.  H  débuta 
à  l'Ecole  normale  de  Strasbourg  en  1851,  fut  inspecteur 
primaire  à    Wissembourg   (1857),    à  Nancy  (1871),  à 

14 


JOST  -  JOSUE 


-  210 


Paris  (i877)ctdeviQt  inspecteur  général  en  188:2.  Décoré 
cette  même  année,  il  fut  en  1889  élu  représentant  de  l'en- 
seignement primaire  au  conseil  supérieur  de  l'instruction 
publique.  Jusqu'à  la  guerre  de  1870,  il  fut  dans  TAca- 
démie  de  Strasbourg  un  des  organisateurs  chargés  de  faire 
du  français  la  langue  exclusive  des  écoles,  tout  en  réser- 
vant une  place  à  l'enseignement  de  la  langue  allemande. 
On  sait  qu'avant  Tannexion  les  départements  alsaciens 
étaient  au  premier  rang  pour  l'instruction  populaire,  grâce 
à  la  propagation  des  meilleures  méthodes  par  l'Ecole  nor- 
male de  Strasbourg.  Depuis,  M.  Jost,  désigné  par  sa  con- 
naissance de  l'allemand  et  de  l'Allemagne,  étudia  surtout 
les  questions  d'enseignement  et  d'éducation  à  l'étranger, 
chargé  de  missions  otlicielles,  soit  pour  assister  comme'  dé- 
légué du  ministère  aux  congrès  pédagogiques  de  Cassel, 
Berlin,  Breslau,  Magdebourg,  Bruxelles,  Karlsruhe,  la 
Suisse,  Darmstadt,  Vienne,  soit  pour  étudier  l'organisation 
scolaire,  la  préparation  et  la  situation  des  instituteurs,  les 
programmes  et  les  méthodes,  les  jardins  d'enfants,  l'ins- 
truction professionnelle.  Il  eut  notamment  à  mettre  en 
œuvre  l'institution  des  bourses  de  séjour  en  Allemagne  et 
en  Angleterre  pour  les  jeunes  professeurs  destines  a  l'en- 
seiguement  des  langues  vivantes  dans  les  écoles  normales 
d'instituteurs  et  les  écoles  primaires  supérieures.  Il  a  pu- 
blié :  Congrès  des  instituteurs  a Uemands(\SSi)j'l'^ éd.); 
Lectures  pratiques  (cours  élémentaire,  14«  éd.,  1893; 
cours  moyens  et  cours  supérieur,  7^  éd.,  1893);  Récits 
patriotiques  (1883,  2^  éd.).  11  dirige  V Annuaire  de 
t' Enseignement  primaire  y  qui,  depuis  1885,  donne  dans 
une  première  partie  l'historique  de  cet  enseignement  au 
jour  le  jour  (personnel,  examens,  etc.)  et  dans  une  seconde 
partie  le  tableau  du  progrès  des  idées  et  institutions  péda- 
gogiques. H.  M. 

JOSTEDALS  Bbm,  Glacier  de  Norvège,  le  plus  vaste 
d'Europe;  il  couvre  900  kil.  q.  et  s'allonge  sur  près  de 
100  kil.  depuis  une  akitude  de  2,055  m.  jusqu'à  50  m. 
de  la  mer;  il  couvre  le  plateau  qui  borde  le  Nordtjord,  le 
Sœndfjord  et  le  Sogneijord  ;  ses  principales  branches  sont 
les  glaciers  de  Boja,  Suphelle,  Tunsbergdal,  Austerdal, 
Lodal  et  Brigsdal. 

JOSUÉ  ou  plus  exactement  OSÉE,  fils  de  Nun,  de  la 
tribu  d'Ephraim,  est  un  des  rares  noms  de  la  période  la 
plus  ancienne  de  l'histoire  d'Israël  qui  soient  parvenus  jus- 
qu'à nous.  On  le  donne  tour  à  tour  comme  marchant  en 
tète  de  l'armée  lorsque  les  Amalécites  attaquent  les  Israé- 
lites dans  le  désert  aux  environs  du  Sinai,  puis  comme 
assistant  de  Moïse  dans  les  affaires  du  culte  ;  on  le  désigne 
comme  un  des  explorateurs  qui  ont  reconnu  le  pays  de 
Chanaan  ;  enfin  Moïse,  sur  l'ordre  divin,  le  désigne  comme 
son  successeur,  chargé  de  faire  la  conquête  de  la  terre  pro- 
mise et  d'y  installer  le  peuple  élu.  Le  livre  de  Josué  expose 
la  manière  dont  il  s'acquitta  de  sa  mission.  Il  rapporte  les 
événements  sous  une  forme  qui  ne  peut,  à  aucun  titre,  pas- 
ser pour  de  l'histoire  et  sous  laquelle  on  hésite  même  à 
chercher  des  souvenirs  positifs  de  la  réahté.  Nous  admet- 
tons l'existence,  dans  les  temps  qui  précèdent  de  peu  Saul, 
d'un  chef  éphraïmite  du  nom  d'Osée,  qui  aura  contribué  à 
assurer  à  ses  nationaux  la  paisible  possession  de  quelques 
cantons  de  la  région  sichémite.  Aller  plus  loin  nous  semble 
imprudent.  Le  hvre  de  Josué^  dont  nous  allons  donner  l'ana- 
lyse, est  une  épopée  de  la  conquête  du  Chanaan  vue  au  tra- 
.vers  du  dogmatisme  des  théologiens  juifs  du  vi®  ou  plutôt 
du  IV®  siècle  avant  notre  ère.  —  Le  livre  de  Josué  est 
considéré  par  la  critique  comme  formant  la  sixième  et  der- 
nière partie  de  l'ouvrage  qui  racontait  et  célébrait  les  ori- 
gines Israélites  ;  il  est,  en  effet,  le  complément  et  forme 
la  conclusion  nécessaire  du  Pentateuque  ou  Thorah^  qui 
renferme  les  Cinq  Livres  de  Moïse  ;  quand  on  le  joint  à 
ceux-ci,  on  obtient  ÏHexaleuque  on  livre  à  six  tomes.  Les 
collecteurs  du  canon  hébraïque  l'ont  séparé  de  la  Tliorali 
pour  faire  de  lui  le  premier  des  livres  historiques  (pro- 
phetœ  priores).  Il  comprend  deux  parties  :  l'^  la  conquête 
proprement  dite  du  pays  de  Chanaan  (ch.  i-xii)  ;  Tk  par- 


tage du  pays  de  Chanaan  entre  les  tribus  (ch.  xiii-xxiv). 
Première  partie.  Aussitôt  après  la  mort  de  Moïse,  Yha- 
véh  donne  à  Josué  l'ordre  de  se  mettre  à  la  tête  du  peuple 
pour  franchir  le  Jourdai/i  et  faire  la  conquête  de  la  terre 
promise  aux  patriarches,  «  depuis  le  désert  et  le  Liban  jus- 
qu'au grand  fleuve,  le  fleuve  de  l'Ëuphrate,  et  jusqu'à  la 
grande  mer  vers  le  soleil  couchant  (ia  Méditerranée)  ». 
Josué  dispose  tout  pour  le  départ,  qui  doit  s'effectuer  dans 
trois  jours  ;  il  s'assure  notamment  le  concours  des  deux  tribus 
de  Ruben  et  de  Gad  et  de  la  demi-tribu  de  Manassé,  déjà 
installées  sur  la  rive  orientale  du  Jourdain.  Pour  recon- 
naître le  pays,  il  envoie  à  Jéricho  des  espions,  qui  reçoi- 
vent l'hospitalité  d'une  courtisane  et  échappent  aux  recher- 
ches du  roi  de  Jéricho,  grâce  au  dévouement  de  cette  femme. 
A  leur  retour,  ils  rapportent  à  Josué  que  la  terreur  règne 
dans  le  pays  qu'il  s'apprête  à  envahir.  Le  peuple  se  met 
en  marche,  précédé  de  l'arche  de  l'alliance  portée  par  les 
prêtres.  Le  Jourdain  s'entr'ouvre  pour  leur  livrer  passage 
et  le  peuple  passe  à  pied  sec,  l'arche  ayant  été  installée  au 
milieu  même  du  lit  du  fleuve.  Après  l'érection  de  deux  mo- 
numents de  douze  pierres,  Tun  sur  la  rive,  l'autre  au  mi- 
lieu du  lit  de  la  rivière,  le  peuple  va  dresser  le  camp  à 
Galgaia,  prés  de  Jéricho.  Miraculeusement  transportés  sur 
le  sol  chananéen  et  protégés  par  la  présence  de  l'arche,  les 
Israélites  préludent  à  la  conquête  proprement  dite  en  rece- 
vant la  circoncision,  «  parce  que  le  peuple,  né  dans  le  dé- 
sert pendant  la  route,  après  la  sortie  d'Egypte,  n'avait 
point  été  circoncis  »  ;  l'opération  faite,  ils  attendent  paisi- 
blement leur  guérison  avant  de  poursuivre  leur  marche. 
Devant  eux  se  dressait  la  ville  de  Jéricho  avec  ses  impo- 
santes murailles.  La  gloire  de  sa  chute  est  attribuée  à 
l'arche  de  Dieu  et  aux  prêtres,  les  guerriers  Israélites  se 
bornant  au  rôle  de  spectateurs.  Les  murailles  s'étant  écrou- 
lées au  son  des  trompettes  sacrées,  le  peuple  n'a  plus  qu'à 
égorger  et  à  piller.  «  Ils  s'emparèrent  de  la  ville,  dit  le 
texte,  et  la  dévouèrent  par  interdit  au  fil  de  l'épée,  tout  ce 
qui  était  dans  la  ville,  hommes  et  femmes,  enfants  et  vieil- 
lards, jusqu'aux  bœufs,  aux  brebis  et  aux  ânes.  »  On  ré- 
serva seulement  «  pour  le  trésor  de  la  maison  de  Yahvéh 
l'argent,  l'or  et  tous  les  objets  d'airain  et  de  fer  ».  Pour 
bien  marquer  que  la  protection  divine  est  étroitement  su- 
bordonnée à  l'observation  des  formalités  rituelles,  l'écri- 
vain rapporte  un  léger  échec  qu'attira  sur  les  siens  un 
Israélite,  coupable  d'avoir  gardé  en  sa  possession  quelques- 
uns  des  objets  de  prix  «  dévoués  »  à  la  divinité  ;  après  une 
expiation  solennelle,  le  peuple  reprend  sa  marche  victo- 
rieuse, s'empare  d'Aï  (près  de  Béthel)  et  en  égorge  la  popu- 
lation. A  signaler  ici  la  présence  malencontreuse  d'un  mor- 
ceau (viii,  30-35)  racontant  l'érection  parles  soins  de  Josué, 
sur  le  mont  Ebal  (Sichem),  d'un  autel  devant  lequel  sont 
proférées  les  bénédictions  et  malédictions  prescrites  par  le 
Deutéronome  (xxvu)  ;  ce  morceau  devrait  figurer  plus  loin. 
Cependant  toute  résistance  n'est  pas  vaincue.  Tandis  que  les 
Gabaonites  (au  S.  de  Béthel)  parviennent  à  sauver  leur  vie 
par  une  ruse  très  ingénieusement  rapportée,  une  coalition 
se  noue  entre  «  cinq  rois  amorrhéens  »  ;  Josué  est  repré- 
senté comme  partant  du  camp  de  Galgaia  (près  de  Jéricho) 
pour  marcher  à  leur  rencontre;  l'ennemi  succombe  à  la  fois 
sous  les  coups  des  Israélites  et  sous  une  grêle  de  grosses 
pierres,  que  «  Yahvéh  fit  tomber  du  ciel  »  ;  c'est  la  fameuse 
journée  où  Josué  arrête  le  soleil  et  la  lune  afin  que  les 
heures  ne  lui  manquent  pas  pour  achever  le  massacre  des 
Chananéens.  Là-dessus  Josué,  et  tout  Israël  avec  lui, 
«  retourne  au  camp  de  Galgaia  ».  Une  nouvelle  coalition 
formée  par  les  princes  chananéens  de  la  région  septentrio- 
nale est  vaincue  à  son  tour,  et  Josué  est  maître  du  pays 
jusqu'au  montHermon,au  pied  de  l'Anti-Liban.  «La  guerre 
que  soutint  Josué  contre  ces  rois  fut  de  longue  durée,  dit 
le  texte  ;  il  n'y  eut  aucune  ville  qui  fit  la  paix  avec  les 
enfants  d'Israël,  excepté  Gabaon  ;  ils  les  prirent  toutes  en 
combattant,  car  Yahvéh  permit  que  ces  peuples  s'obstinas- 
sent à  faire  la  guerre  à  Israël,  afin  qu'Israël  les  dévouât 
par  interdit,  sans  qu'il  y  eût  pour  eux  de  miséricorde,  comme 


^  211  - 


JOSUE  -  JOUARRE 


Yahvéh  l'avait  commandé  à  Moïse.  »  L'auteur  ajoute,  en 
guise  de  conclusion,  que  Josué,  s'étant  emparé  de  tout  le 
pays,  «  le  donna  en  héritage  à  Israël,  à  chacun  sa  portion, 
d'après  leurs  tribus.  Puis  le  pays  fut  en  repos  et  sans 
guerre.  » 

Deuxième  partie.  L'auteur  revient  sur  le  partage, 
indiqué  tout  à  l'heure,  afin  d'établir  par  le  détail  com- 
ment il  y  fut  procédé  ;  on  a  déjà  pu,  même  à  travers 
notre  analyse  sommaire,  reconnaître  les  incohérences  du 
plan  suivi,  incohérences  que  la  critique  explique  en  ima- 
ginant une  combinaison  mal  exécutée  de  plusieurs  docu- 
ments, de  date  différente  et  indépendants  à  l'origine.  — 
Yahvéh  donne  à  Josué,  «  vieux  et  avancé  en  âge  », 
l'ordre  de  répartir  le  pays  conquis  entre  les  neuf  tribus 
et  demie  qui  doivent  trouver  leur  demeure  sur  la  rive  occi- 
dentale du  Jourdain  ;  en  lui  enjoignant  de  procéder  à  ce 
partage,  la  divinité  remarque,  toutefois,  contrairement  aux 
assertions  précédentes,  que  la  conquête  est  loin  d'être 
achevée.  Après  avoir  rappelé  la  situation  faite  à  l'E.  du 
Jourdain  à  deux  tribus  et  demie,  l'auteur  donne  une  atten- 
tion spéciale  au  règlement  du  sort  de  Kaleb,  l'ancien  com- 
pagnon de  Josué  dans  l'exploration  du  pa}^s  de  Chanaan. 
Puis  il  indique,  avec  une  précision  très  curieuse,  les  ter- 
ritiires  assignés  successivement  aux  tribus  de  Juda  et 
d'Ephraïm,  à  la  deuxième  demi-tribu  de  Manassé,  aux  tri- 
bus de  Benjamin,  de  Siméon,  de  Zabulon,  d'issachar, 
d'Aser,  de  Nephtali  et  de  Dan;  Josué lui-mêtne  obtient  pour 
sa  part  personnelle  la  ville  de  Timnat-Sérach  dans  la  mon- 
tagne d'Ephraïm.  La  situation  des  sept  tribus  nommées  en 
dernier  avait  été  réglée  par  un  procédé  spécial.  L'assemblée 
des  enfants  d'Israël  se  serait  trouvée  réunie  à  Silo,  où  la 
tente  d'assignation  avait  été  dressée.  C'est  de  ce  point  que 
Josué,  saisi  des  réclamations  de  sept  tribus  encore  non  pour- 
vues, envoie  des  sortes  de  répartiteurs  pour  procéder  à  la 
délimitation  de  sept  lots,  qui  seront  ensuite  distribués  entre 
les  postulants  par  la  voie  du  sort.  Des  villes  de  refuge  sont 
instituées  et  quarante-huit  villes  assignées  aux  lévites.  Enfin 
le  départ  des  guerriers  des  tribus  transjordaniques  donne 
lieu  à  un  curieux  incident  ;  le  bruit  s'étant  répandu  que 
ces  hommes,  en  s'en  retournant,  avaient  érigé  sur  les  bords 
du  Jourdain  un  autel  semblable  à  celui  de  Silo,  l'assemblée 
d'Israël  voit  dans  ce  fait  une  insulte  au  dogme  de  l'unité  de 
sanctuaire  ;  on  allait  en  venir  aux  armes,  quand  les  trans- 
jordanites  parviennent  à  expliquer  qu'ils  n'ont  voulu  ériger 
qu'un  simulacre,  dont  l'objet  était  précisément  de  rappeler 
aux  tribus  installées  à  l'E.  de  la  rivière  qu'elles  ne  doivent 
pas  oublier  l'autel  unique  et  seul  légal  de  Silo.  Ces  expli- 
cations ayant  été  jugées  satisfaisantes,  Josué  n'a  plus  qu'à 
mourir  avec  la  satisfaction  de  la  tâche  accomplie  ;  sentant 
sa  fin  venir,  il  convoque  les  Israélites  à  Sichem,  récapitule 
devant  eux  le  passé  et  adresse  au  peuple  un  véhément  appel 
pour  le  détourner  de  l'idolâtrie.  Les  serments  du  peuple 
sont  consacrés  par  l'érection  d'un  monument.  Josué  meurt 
à  l'âge  de  cent  dix  ans.  M.  Vernes. 

BiBL.  :  Pour  les  questions  concernant  la  composition  et 
la  date  du  livre  de  Josué^  V.  Pentateuque.  —  A  consulter 
également  les  Introductions  à  VAncien  Testament,  no- 
tamment: Reuss,  la  Bible,  etc.  {l'Histoire  sainte  et  la  Loi), 
1879;  —  CoRNiLL,  1892,  pp.  86-91,  2«éd.  —  Pour  la  critique 
des  faits,  Vernes,  Précis  d'histoire  juive,  1889,  pp.  165-185. 

JOSUÉ,  fils  de  Josédec,  collaborateur  de  Zorobabel 
dans  le  travail  de  reconstruction  du  temple  de  Jérusa- 
lem entrepris  dans  la  seconde  année  de  Darius,  fils  d'Hys- 
taspe,  en  521  avant  notre  ère.  Dans  la  prophétie  àWggée, 
Josué  est  désigné  comme  le  chef  du  sacerdoce  jérusalémite; 
il  est  également  question  de  lui  dans  la  prophétie  de  Za- 
charie, 

BiBL.  :  Vernes,  Précis  d'histoire  jwiue,  1889,  pp.  562 
et  suiv. 

JOTA  (V.  Danse,  t.  XIII,  p.  868). 

JOTHAM,  roi  de  Juda,  filsd'Osias  ou  Azarias,  lui  suc- 
céda et  occupa  le  trône  de  Jérusalem  pendant  seize  ans 
(vers  750  avant  notre  ère) .  Les  Chroniques  parlent  à  son 
propos  d'une  guerre  avec  les  Ammonites,  c[ui  auraient  été 
contraints  à  payer  tribut  à  Juda.  On  attribue  aussi  à  ce 


prince  des  travaux  de  construction  et  d'embellissement.  — 
Le  nom  de  Jotham  est  également  porté  par  un  fils  de  Gé- 
déon,  et  l'on  place  dans  sa  bouche,  à  l'adresse  d'Abimélech 
et  des  habitants  de  Sichem,  un  élégant  apologue  qui  ren- 
ferme la  critique  de  la  royauté  {Juges^  ix). 

JOTTE  (Bot.).  Nom  vulgaire  du  Beta  cicla  L.  (V.  Bette). 

JOTTRAN  D  (Lucien-Léopold),  jurisconsulte  et  publiciste 
belge,  né  à  Genappe  le  30  juin  1804,  mort  à  Bruxelles  le 
17  déc.  1877.  Il  se  fit  inscrire  au  barreau  de  Bruxelles  et 
se  rangea  parmi  les  ennemis  les  plus  acharnés  du  gouver- 
nement hollandais.  Il  prit  une  part  active  à  la  révolution 
de  1830  et  fut  élu  membre  du  Congrès  national;  il  y  sou- 
tint la  candidature  au  trône  du  duc  de  Lcuchtenberg.  Il  fut 
aussi  un  des  défenseurs  les  plus  remuants  des  revendications 
flamandes  et  combattit  de  toutes  ses  forces  les  projets  d'union 
douanière  avec  la  France  qui  se  produisirent  sous  le  règne 
de  Louis-Philippe.  La  liste  des  nombreuses  publications  de 
L.  Jottrand  se  trouve  dans  la  Bibliographie  nationale  de 
de  Koninck  (t.  II,  330-335)  ;  en  voici  les  plus  importantes  : 
Guillaume  d'Orange-Nassau  avant  son  avènement  au 
trône  des  Pays-Bas  (Bruxelles,  1827,  in-8);  Des  Rap- 
ports politiques  et  commerciaux  de  la  Belgique  et  de 
la  France  {id.,  1841,  in-8);  les  Eglises  d'Etat  {id., 
1849,  in-8)  ;  la  Question  flamande  (io^.,  1849).  —  Son 
fils,  Gustave^  né  à  Bruxelles  le  24  oct.  1830,  a  contribué 
à  fonder  en  Belgique  la  Ligue  de  l'enseignement,  et  a  siégé 
de  1870  à  1884  à  la  Chambre  des  représentants,  comme 
député  libéral  de  Bruxelles;  il  a  traduit  l'ouvrage  de  Motley 
sur  la  Fondation  de  la  République  des  Provinces-Unies 
(Bruxelles,  1859-68,  4  vol.  in-8)  et  publié  plusieurs  con- 
férences politiques  qu'il  avait  laites  à  la  Ligue  libérale  de 
Bruxelles.  E.  H. 

JOTUN  Fjeld.  Massif  montagneux  de  la  Norvège  occi- 
dentale, entre  les  vallées  de  Gudbrands  au  N.  et  à  l'E., 
de  Yaldres  au  S.,  Sognefjord  à  l'O.  Il  couvre  2,500 kil.  q. 
C'est  la  région  la  plus  haute  et  la  plus  sauvage  de  la  Nor- 
vège, très  visitée  des  touristes  pour  ses  monts,  ses  gla- 
ciers, ses  rochers,  ses  lacs,  ses  pittoresques  vallées,  dont 
la  plus  profonde  est  encore  à  970  m.  d'alt.  Elle  renferme 
les  monts  Galdhœpig  (2,560  m.)  point  culminant  de  l'Eu- 
rope septentrionale,  Horung  (2,500  m.),  Skagestœlstinden 
(2,350  m.). 

JOU-sous-MoNTJou.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  d'Au- 
rillac,  cant.  de  Vic-sur-Cère  ;  424  hab. 

JOUAC.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Vienne,  arr.  de 
Bellac,  cant.  de  Saint- Sulpice-les- Feuilles  ;  677  hab. 

JOUAIGNES.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Sois- 
sons,  cant.  de  Braisnes;  262  hab. 

JOUAN  (Golfe  de).  L'un  des  plus  beaux  golfes  de  la 
Méditerranée  française.  Compris  entre  le  cap  de  la  Croi- 
sette  et  celui  d'Antibes  et  dominé  par  les  monts  grani- 
tiques de  l'Esterel,  il  est  fermé  au  S.  par  les  îles  Lérins. 
Ce  golfe  est  suffisamment  profond  pour  les  plus  grands 
vaisseaux  (50  m.  en  certains  points)  ;  il  est  bien  abrité 
et  sert  de  point  de  ralliement  à  nos  escadres  (V.  Golfe- 
Jouan). 

JOUANCY.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  de  Tonnerre, 
cant.  de  Noyers;  101  hab. 

JOUANGS.  Tribu  de  l'Md^  (V.ce  mot,  t.  XX,p.682). 

JOUARRE  {Jotrum),  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne, 
arr.  de  Meaux,  cant.  de  La  Ferté-sous-Jouarre,  sur  une 
colline  haute  de  142  m.,  au  pied  de  laquelle  coule  le  Petit- 
Morin  ;  2,369  hab.  Jouarre  doit  son  origine  à  l'abbaye  de 
femmes  fondée  en  634  par  les  disciples  de  saint  Colomban 
et  dont  sainte  Théodehilde  fut  la  première  abbesse.  Cet 
établissement  monastique  acquit  promptement  une  grande 
importance,  due  en  partie  à  ce  qu'il  relevait  directejnent 
du  saint-siège.  De  ses  bâtiments  détruits  pendant  la  Bévo- 
lution,  il  reste,  dans  l'ancien  cimetière,  une  chapelle  fort 
remarquable  du  xiu''  siècle,  classée  comme  monument  his- 
torique et  que  l'on  appelle  la  crypte  de  Saint-Paul  ou  la 
Sainte-Chapelle  de  Jouarre.  C'était,  probablement,  à  l'ori- 
gine, le  caveau  funéraire  de  l'abbaye.  La  dernière  abbesse  de 


JOUARRE  —  JOUBERT 


—  n'2 


Jouarre,  en  4790,  fut  Henriette  de  Montmorin  de  Saint- 
Heram  ;  il  est  à  peine  utile  de  dire  que,  dans  le  drame  cé- 
lèbre d'E.  Renan,  CAhbesse  de  Jouarre  (1886),  la  mar- 
quise Julie  de  Saint-Florent  est  un  personnage  purement 
fictif.  F.  B. 

BiBL.  :  GaXlia.  christiana^  t.  VIII,  col.  1708  et  suiv.  — 
H.  Thiercelin,  le  Momslère  de  Jouarre;  son  histoire 
jusqu'à  la  Révolution  ;  Paris,  1861,  in-12. 

JOUARS-P0NÏCHA.RTRAIN.  Corn,  du  dép.  de  Seine-et- 
Oise,  arr.  de  Rambouillet,  cant.  deChevreuse;  i,407hab. 
Château  de  Pontchartrain  bâti  par  le  chancelier  de  ce  nom. 

JOUASSAIN  (Clémentine),  actrice  française,  née  le 
3  déc.  18'29.  Elève  de  Samson  au  Conservatoire,  où  elle 
fut  admise  en  4  847,  elle  fut  engagée  à  TOdéon  en  1850 
et  y  débuta,  le  29  sept,  de  cette  année,  dans  Hamlet, 
puis  entra  à  la  Comédie-Française,  où  elle  parut,  le  17  déc. 
4851,  dans  le  rôle  de  Céj^ïmQ  à'Andromaque.  Dès  ses 
commencements,  M^^*^  Jouassain,  malgré  sa  jeunesse,  prit 
bravement  l'emploi  des  duôgnes  et  des  caractères,  dans 
lequel  elle  s'est  fait  une  réputation  méritée  ;  elle  resta  à 
la  Comédie  et  ne  la  quitta  plus  que  pour  prendre  sa  re- 
traite en  1888.  Pendant  cette  longue  carrière,  elle  a  joué, 
tant  dans  le  répertoire  classique  que  dans  les  ouvrages 
modernes,  soixante-dix-huit  rôles.  A.  P. 

JOUAUST  (Damase),  imprimeur-éditeur  et  écrivain 
français,  né  à  Paris  le  25  mai  1834,  mort  à  Paris  le 
26  mars  1893.  Fils  d'un  imprimeur,  auquel  il  succéda  en 
1865,  il  donna  une  vive  impulsion  à  son  établissement,  et 
se  mit  à  publier,  dans  une  forme  agréable  ou  artistique, 
à  l'usage  des  bibhophiles,  diverses  collections  d'ouvrages 
empruntés  à  la  littérature  française  ancienne  et  moderne, 
qui  ont  été  très  appréciées.  Lui-même  en  pourvut  un  cer- 
tain nombre  de  notes  et  d'introductions  érudites.  Il  colla- 
bora aussi  à  plusieurs  publications  périodiques.  Il  a  cédé 
son  fonds  à  la  fm  de  1891.  G.  P-i. 

JOUAVILLE.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr. 
et  cant.  de  Briey  ;  370  hab. 

JOUBARBE  (Bot.).  Nom  vulgaire  de  plusieurs  espèces 
de  Crassulacées,  telles  que  Sempervirum^  Sediim^  etc. 
(V.  ces  mots). 

JOUBERT  (Nicolas)  (V.  ANGom.EVENT). 

JOUBERT  (Pierre-Mathieu),  prélat  et  homme  politique 
français,  né  à  Angoulème  (Charente)  le  16  nov.  1748, 
mort  à  Paris  le  26  avr.  1815.  Fils  d'un  médecin,  il  était 
curé  de  Saint-Martin  d'Angoulême  quand  il  fut,  le  28  mars 
1789,  élu  député  aux  Etats  généraux  par  le  clergé  de  cette 
ville.  Il  se  rallia  le  16  juin  au  tiers  état,  prêta  le  serment 
civique  le  27  déc.  et  fut  élu,  le  8  mars  1791,  évêque 
constitutionnel  de  la  Charente.  Sacré  le  27  mars  à  Notre- 
Dame,  il  fit  son  entrée  à  Angoulème  le  3  avr.  En  1793, 
Joubert  abandonna  les  ordres,  se  maria  et  entra  dans  l'ad- 
ministration. Après  le  18  brumaire  il  devint  préfet  du  Nord 
(2  mars  1800),  et,  le  27  févr.  1801 ,  il  fut  nommé  membre 
du  conseil  de  préfecture  de  la  Seine.    Etienne  Charavay. 

JOUBERT  (Joseph),  moraliste  français,  né  à  Montignac 
(Corrèze)  le  6  mai  1754,  mort  à  Villeneuve-sur- Yonne  le 
3  mai  1824.  En  1778,  il  abandonna  Tordre  des  Pères  de  la 
doctrine  chrétienne,  où  il  avait  professé,  et  vint  à  Paris  où 
il  fréquenta,  paraît-il,  Diderot,  d'Alembert,  Marmontel  et 
surtout  Fontanes  dont  il  devint  l'intime  ami.  Elu  juge  de 
paix  à  Montignac  en  1790,  il  se  maria  en  1793  et  vint 
habiter  Villeneuve-sur- Yonne,  d'où  sa  femme  était  origi- 
naire, et  où  il  passa  la  plus  grande  partie  de  sa  vie.  Néan- 
moins, il  résida  souvent  à  Paris,  autant  à  raison  de  ses  fonc- 
tions de  conseiller  de  l'Université  dont  Fontanes  l'avait 
gratifié  que  par  suite  de  sa  liaison  également  intime  avec 
Chateaubriand.  Joubert  n'a  rien  publié  de  son  vivant  et  il 
dut  sa  célébrité  à  un  choix  de  Pensées  (1838,  in-8),  pra- 
tiqué par  Chateaubriand  dans  les  manuscrits  qu'il  avait 
laissés,  et  depuis  augmenté  par  les  soins  du  neveu  de 
l'auteur,  M.  Paul  de  Raynal,  sous  le  titre  de  :  Pensées, 
Essais^  Maximes  et  Correspondance  (1842, 2  vol.,  ¥  éd. 
augm,,  1864,  2  vol.  in-18).  Un  fils  de  ce  même  éditeur  a 


donné  beaucoup  plus  tard  les  Correspondants  de  Joubert 
(1883,  in-18),  choix  de  lettres  à  lui  adressées  par  M'^^^  Pau- 
line de  Beaumont,  de  Chateaubriand,  de  Guitaut,  M^^*'  de 
Chastenay,  Fontanes,  Mole,  etc.  M.  Tx. 

BiBL.  :  Sainte-Beuve,  Portraits  littéraires,  t.  II  ;  Cau- 
series du  lundis  t.  i  ;  Chateaubriand  et  son  groupe.  — 
Paul  DE  Raynal,  Notice  en  tôte  de  son  édition. 

J  0  U  B  ERT  (Barthélémy-Catherine),  général  français,  né  à 
Pont-de-Vaux  (Ain)  le  14  avr.  1769,  tué  à  la  bataille  de 
Novi  (Italie)  le  15  août  1799. Fils  d'un  avocat,  il  s'échappa, 
en  1784,  du  collège  pour  aller  s'engager  dans  un  régiment 
d'artillerie  à  La  Fère  ;  mais  son  père,  qui  le  destinait  au 
bareau,  lui  fit  obtenir  son  congé  et  l'envoya  terminer  ses 
études  à  Lyon.  Joubert  faisait  son  droit  à  Dijon  en  1789  ; 
lors  de  la  formation  des  bataillons  de  volontaires,  il  fut 
élu  caporal  dans  le  3^  bataillon  de  l'Ain  (4  sept.  1791). 
Ses  instincts  guerriers  ne  l'avaient  pas  abandonné.  Le 
15  sept,  il  fut  promu  sergent  et  alla  servir  à  l'armée  du 
Rhin.  Nommé  sous-lieutenant  le  12  janv.  1792,  il  passa 
à  l'armée  d'Italie,  devint  lieutenant  (1«^  nov.)  et  se  dis- 
tingua le  19  mai  1793  à  la  prise  d'Isola  et,  les  31  mai  et 
12  juin,  aux  affaires  du  camp  des  Fourches.  Au  mois  de 
sept,  il  franchit  le  Var  sous  les  ordres  du  général  Anselme; 
le  8,  il  se  défendit  héroïquement  au  col  de  Tende  dans  la 
redoute  de  la  Condamine  avec  trente  grenadiers  contre 
500  Austro-Sardes  et  fut  blessé  et  fait  prisonnier.  Atteint 
de  la  dysenterie,  il  fut  renvoyé  sur  parole,  grâce  à  l'inter- 
vention du  général  Devins,  et  revint  à  Pont-de-Vaux  réta- 
blir sa  santé.  Le  17  déc.  1793  il  reprit  du  service;  attaché 
à  l'armée  d'Italie  sous  les  ordres  de  Kellermann,  il  se  dis- 
tingua au  combat  de  Melogno  (25  juin  1795)  et  le  22  nov. 
suivant  contribua  activement  à  la  victoire  de  Loano.  Son 
intrépidité  et  ses  talents  reçurent  une  juste  récompense  ; 
Joubert  fut  nommé  général  de  brigade  le  24  déc.  1795,  à 
l'âge  de  vingt-cinq  ans  et  demi.  L'année  suivante  il  com- 
manda une  des  brigades  de  la  division  Augereau  et  fut  un 
des  héros  de  l'immortellecampagne d'Italie';  le  6  déc.  1796, 
il  fut  promu  général  de  division.  Le  12  janv.  1797,  attaqué 
par  Alvintzy  avec  des  forces  supérieures,  il  se  replia  sur  le 
plateau  de  Rivoh  où  il  résista  pendant  quarante-huit  heures 
et  permit  à  Bonaparte  de  venir  à  son  secours.  Il  reprit,  le  14, 
l'offensive  et  eut  une  grande  part  à  la  victoire  de  Rivoli. 
Bonaparte  écrivant  au  Directoire  célébra  son  courage  et  ses 
grandes  qualités  militaires.  Il  le  chargea  alors  d'opérer 
dans  le  Tirol.  Cette  campagne,  que  Carnot  appela  une 
campagne  de  géants,  plaça  Joubert  parmi  les  meilleurs 
capitaines  de  la  Révolution.  Bonaparte  accueillit  le  vain- 
queur avec  transport  et  le  fit  assister  aux  conférences  de 
Leoben  (18  avr.).  Joubert  prit  un  congé  pour  rétablir  sa 
santé  ;  il  se  rendit  à  Pont-de-Vaux  et  de  là  eut  le  juste 
honneur  de  venir  à  Paris  présenter  au  Directoire  les  dra- 
peaux conquis  sur  l'ennemi  par  l'armée  d'Italie  (10  déc. 
1797).  Le  23  déc,  il  fut  placé  à  la  tète  de  l'armée  de 
Batavie  et  il  passa  ensuite  à  l'armée  de  Mayence  le  11  juil. 
1798  et  à  celle  d'Italie  le  14  oct.  suivant.  Il  occupa  aus- 
sitôt le  Piémont.  En  janv.  1799  il  donna  sa  démission,  à 
l'occasion  de  l'envoi  de  commissaires  civils  envoyés  par  le 
Directoire  pour  réformer  les  abus  commis  par  les  généraux 
dans  les  pays  conquis.  Il  ne  resta  pas  longtemps  inactif  : 
le  18  juin  1799,  il  fut  nommé  commandant  de  la  17®  divi- 
sion militaire  à  Paris.  Dans  le  même  temps  il  se  maria 
avec  M^^^  de  Montholon.  Le  5  juil.,  Joubert  reçut  le  com- 
mandement en  chef  de  l'armée  des  Alpes  et  d'Italie,  où  il 
allait  remplacer  l'illustre  Moreau,  qui  avait  été  forcé  de 
battre  en  retraite.  Il  quitta  sa  jeune  femme  et  arriva  à 
Gênes  vers  le  15  juil.;  il  se  montra  plein  de  déférence  pour 
son  prédécesseur  qui,  de  son  côté,  resta  près  de  lui  pour 
l'aider  de  ses  conseils.  Son  armée  étant  inférieure  en  nom- 
bre à  celle  de  l'ennemi,  il  résolut  de  se  retirer  dans  les 
gorges  des  Apennins,  mais,  le  15  août  1799,  il  fut  attaqué 
à  Novi  par  Souvorov  et  dut  accepter  la  bataille.  Joubert, 
dès  le  début  de  l'action,  se  mit  à  la  tête  de  ses  grenadiers 
et  tomba  frappé  d'une  balle  au  cœur  en  criant  :  «  Soldats, 


-  Î213  - 


JOUBERT  -  JOUE 


marchez  à  l'ennemi.  »  Exaspérés  par  la  mort  de  leur  géné- 
ral, qui  fut  aussitôt  remplacé  par  Moreau,  les  soldats  se 
battirent  comme  des  lions,  mais  turent  obligés  de  se  retirer. 
Cette  fin  prématurée  d'un  capitaine  de  trente  ans,  sur  lequel 
la  France  fondait  tant  d'espérances,  eut  un  grand  retentis- 
sement dans  le  pays.  Le  5  sept.  1799,  les  conseils  des  Cinq- 
Cents  et  des  Anciens  résolurent  de  célébrer  en  l'honneur 
de  Joubert  une  fête  funèbre,  qui  eut  lieu  à  Paris  le  46  sept. 
Le  corps  du  général  fut  rapporté  à  Toulon  avec  une  grande 
pompe  et  déposé  dans  le  tort  Lamalgue.  Ses  compatriotes 
lui  élevèrent  à  Bourg  un  monument,  qui  fut  démoli  sous 
la  Restauration  ;  plus  tard  ils  lui  érigèrent  une  statue  à 
Pont-de-Vaux.  Etienne  Charavay. 

BiBL.  :  GuiLBERT,  NoHce  sur  la  vie  de  Barthélémy-Ca- 
therine Jouber  t.—  Jacques  Charavay,  les  Généraux  morts 
pour  la  patrie. 

JOUBERT  (Joseph-Antoine-René,  vicomte),  général 
français,  né  à  Angers  le  dd  nov.  i772,  mort  à  Paris  le 
23  avr.  4843.  Entré  au  service  comme  volontaire  au  d^'' ba- 
taillon de  Maine-et-Loire  le  45  sept.  4794,  mcorporé  avec 
son  bataillon  dans  la  35^  demi-brigado  le  49  juin  4796,  il 
passa  au  régiment  de  dromadaires  le  4^'^  févr.  4798.  Aide 
de  camp  du  général  Lagrange,  il  fut  nommé  chef  de  batail- 
lon au  64®'  d'infanterie,  puis  colonel  de  ce  régiment  en 
4806.  Passé  au  commandement  du  30®  de  ligne,  il  reçut 
les  étoiles  de  général  de  brigade  en  4844.  Depuis  son  en- 
trée au  service  jusqu'en  4844,  le  général  Joubert  a  fait  les 
campagnes  suivantes  :  4794,  armée  du  Nord  ;  4792,  ar- 
mée des  Alpes  ;  4793  à  4797,  armée  dltalie;  4798  à 
4  804 ,  armée  d'Orient  en  Egypte  et  en  Syrie  ;  4  80o  à 
4809,  grande  armée  d'Allemagne  ;  4842,  Russie  ;  4843, 
Saxe;  4814,  campagne  de  France.  Il  a  assisté  à  toutes  les 
grandes  batailles  de  l'épopée  napoléonienne.  A  El-Arrisch, 
il  reçut  deux  coups  de  feu  aux  deux  cuisses  ;  à  Austerlitz 
un  boulet  l'atteignit  grièvement  au  pied  gauche  ;  à  Wa- 
gram,  il  fut  encore  blessé  à  la  jambe  gauche.  La  Répu- 
blique lui  avait  donné  un  sabre  d'honneur;  l'empereur 
l'avait  fait  baron  ;  Louis  XVÏII  le  nomma  vicomte.  D'abord 
inspecteur  général  sous  la  Restauration,  il  commanda  en- 
suite le  Morbihan,  puis  lllle-et- Vilaine.  Il  fut  mis  en  dis- 
ponibilité en  4830. 

JOUBERT  (Le  P.  Charles),  mathématicien  français,  né 
à  Beaulieu  (Maine-et-Loire)  le  3  avr.  4825.  Sorti  en  4848 
de  l'Ecole  normale,  il  a  d'abord  été  professeur  de  lycées, 
puis  est  entré  dans  l'ordre  des  jésuites  (4854),  et  a  en- 
seigné pendant  trente-deux  ans  les  mathématiques  spé- 
ciales à  la  célèbre  école  Sainte-Geneviève  (école  de  la 
rue  des  Postes).  Il  a  aussi  fait  un  cours,  de  4876  à 
4888,  à  l'Institut  cathoHque  de  Paris.  Géomètre  fort  dis- 
tingué, il  a  publié  dans  les  Comptes  rendus  de  r Aca- 
démie des  sciences  de  Paris  (1859  à  4875)  plusieurs 
mémoires  originaux  sur  les  fonctions  elliptiques,  sur  les 
équations  du  5^  et  du  6^  degré,  sur  la  théorie  algé- 
brique des  formes  homogènes  du  4^  degré  à  trois  indéter- 
minées, etc.  11  a  donné  à  part  :  Sur  la  Théorie  des  fonc- 
tions elliptiques  et  son  application  à  la  théorie  des 
nombres  (Paris,  4860.  in-4);  Sur  les  Equations  qui  se 
rencontrent  dans  la  théorie  de  la  Ir  ans  formation  des 
fonctions  elliptiques  (Paris,  1876,  in-4).  L.  S. 

JOUBERT  (Jules-François),  physicien  français,  né  à 
Tours  le  7  déc.  1834.  Sorti  de  l'Ecole  normale  en  4860, 
il  a  successivement  professé  la  physique  aux  lycées  de 
Tours,  de  Niort,  de  Poitiers,  de  Montpellier,  puis  au  col- 
lège Rollin,  à  Paris  (4874-88),  et  il  a  été  nommé  en 
4888  inspecteur  d'académie,  en  4893  inspecteur  général 
de  l'instruction  publique.  Il  s'est  livré  avec  M.  Pasteur,  de 
4876  à  4878,  à  une  série  d'études  physiologiques  sur  la 
fermentation  de  l'urine,  sur  la  théorie  des  germes,  sur  les 
maladies  charbonneuses.  Mais  il  est  surtout  connu  par  ses 
travaux  sur  Pélectricité,  notamment  par  ses  belles  re- 
cherches sur  les  courants  alternatifs  (V.  Electricité,  t.  XV, 
p.  769),  dont  il  a  donné  une  théorie  générale  dans  un 
savant  mémoire  intitulé  Etudes  sur  les  machines  ma- 


gnéto-électriques {Annales  de  V Ecole  normale^  4881). 
Il  a  encore  publié,  outre  une  thèse  de  doctorat  Sur  la 
Phosphorescence  du  phosphore  (4874)  et  de  nombreuses 
notes  insérées  dans  les  Comptes  rendus  de  l'Académie  des 
sciences  :  Leçons  sur  l'électricité  et  sur  le  magnétisme., 
en  collaboration  avec  M.  Mascart  (Paris,  1882,  t.  I,  in-8); 
Traité  élémentaire  d'électricité  (Paris,  4888,  in-8; 
2^  éd.,  4894)  ;  Cours  élémentaire  d'électricité  (Paris, 
4894,  in-8),  —  tous  ouvrages  classiques  rangés  parmi  les 
meilleurs  sur  la  matière.  L,  S. 

JOUBERT  (André),  httérateur  français,  uéàAngersen 
4848,  mort  en  4894 .  Avocat  à  Angers,  il  a  laissé  un  grand 
nombre  d'études  d'histoire  locale  tort  intéressantes,  entre 
autres  :  Paysages  et  croquis  (Angers,  4867,  in-4 2)  ;  les 
Invasions  anglaises  en  Anjou  aux  xiv^  et  xv^  siècles 
(4872,  in-42)  ;  Recherches  épigraphiques  (1883, in-8); 
Etude  sur  la  vie  privée  au  xv®  siècle  en  Anjou  (1884, 
in-8)  ;  Un  Mignon  de  la  cour  de  Henri  lU.  Louis  de 
Clermont  (1885,  gr.  in-8)  ;  le  Comte  deF(illoux{iSH^., 
in-8)  ;  la  Vie  agricole  dans  le  Haut-Maine  au  xv®  siècle 
(1885,  in-8)  ;  Histoire  de  Saint-Denis  d' Anjou  (1886- 
87,  2  vol.  in-8)  ;  la  Vie  agricole  dans  le  Haut-Maine 
au  xiv«  siècle  (4886,  gr.  in-8)  ;  Histoire  de  Mesnil  et 
de  ses  seigneurs  (1887,  in-8)  ;  Histoire  de  la  baronnie 
deCraon{\%^^,  in-8),  etc. 

JOUBERT  DE  La  Salette  (Pierre- Jean),  général  fran- 
çais, né  à  Grenoble  en  4762,  mort  en  1832.  Il  était  lieu- 
tenant-colonel en  4792  et  fut  nommé  général  de  brigade, 
inspecteur  de  l'artillerie  pendant  les  guerres  de  la  Révo- 
lution. Il  quitta  le  service  militaire  pour  la  musique  sur 
laquelle  il  a  publié  d'importants  ouvrages,  notamment  : 
Considérations  sur  les  divers  systèmes  de  la  musique 
ancienne  et  moderne  et  sur  le  genre  enharmonique 
des  Grecs  (Paris,  4810,  2  vol.  in-8).  Il  avait  écrit  avant 
la  Révolution  en  4786  :  Nouvelle  Méthode  d'accorder 
les  clavecins^  et  il  publia  en  1824,  De  la  Fixité  et  de 
r  invariabilité  des  sons  musicaux.  Paul  Marin. 

J  OU  CAS.  Corn,  du  dép.  de  Vaucluse,  arr.  d'Apt,  cant. 
de  Gordes;  265  hab. 

JOUCOU.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Limoux, 
cant.  de  Belcaire;  483  hab. 

JOUDES.  Corn,  du  dép.  de  Saône-et-Loire,  arr.  de 
Louhans,  cant.  de  Cuiseaux  ;  ^48  hab. 

JOUDREVILLE.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Briey,  cant.  d'Audun-le-Roman  ;  492  hab. 

JOUE.  I.  Anatomie  (V,  Face). 

IL  Construction.  —  Terme  de  charpente  et  de  menui- 
serie désignant  l'épaisseur  de  bois  qui,  dans  une  mortaise, 
forme  une  ou  deux  faces  à  l'intérieur  de  l'entaille  ou  l'épais- 
seur de  bois  qui  se  voit  tout  le  long  et  à  l'intérieur  d'une 
rainure. 

m.  Marine.  —  Dans  les  anciennes  constructions,  l'avant 
de  chaque  côté  de  la  guibre,  au-dessus  de  l'eau,  était  très 
arrondi,  pour  que  le  navire  pût  bien  s'élever  à  la  lame.  On 
appelait  joue  cette  partie  arrondie,  comprise  entre  la  guibre 
et  le  mât  de  misaine,  qui,  d'ailleurs,  rappelait  la  joue  d'une 
figure  humaine,  en  considérant  les  écubiers  comme  deux 
yeux  et  l'étrave  comme  un  nez.  Dans  les  navires  à  vapeur 
actuels,  où  tout  est  sacrifié  à  la  vitesse,  l'avant  est  exces- 
sivement fin,  même  au-dessus  de  l'eau,  et  il  ne  reste  de  la 
joue  que  le  nom  :  c'est  toujours  la  même  partie  du  navire 
qu'autrefois,  mais  qui  n'évoque  plus  à  la  pensée  l'idée  d'une 
figure  bien  pleine,  bien  rebondie. 

IV.  Art  militaire.  —  Mouvement  du  maniement  d'armes 
qui  précède  le  départ  du  coup  de  fusil.  Ce  mouvement 
consiste  à  appuyer  la  partie  postérieure  de  la  crosse  à 
l'épaule  droite,  de  façon  que  l'œil  soit  placé  sur  la  ligne 
du  cran  de  la  hausse  et  du  guidon  et  puisse  diriger  par  ces 
deux  points  un  rayon  visuel  dans  le  prolongement  duquel 
soit  placé  le  but.  Pour  l'exécution  de  ce  mouvement, le  tireur 
approche  sa  joue  de  la  joue  de  la  crosse,  jusqu'au  contact. 
D'où  l'expression  «  Mettez  en  joue  »  et  par  abréviation 
En  jouç  ou  Joue. 


JOUE  —  JOUFFROY  —  244 

JOUÉ-DU-Bois.  Corn,  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  d'Alen- 
çon,  cant.  de  Carrouges;  4,001  hab.  Carrières  de  granit. 
Vannerie. 

JOUÉ-du-Plain.  Coni.  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  d'Argen- 
tan, cant.  d'Ecouché;  464  hab. 

JOUÉ-en-Charnie.  Com.  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr,  du 
Mans,  cant.  de  Loué;  4,410  hab. 

JOUÉ-Etiau.  Com.  du  dép.  de  Maine-et-Loire,  arr. 
d'Ans^ers,  cant.  de  Thouarcé  ;  964  hab. 

JÔUÉ-l'Abbé.  Com.  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  du  Mans, 
cant.  de  Ballon  ;  529  hab. 

JOUE-LÈs-TouRS.  Com.  du  dép.  d'Indre-et-Loire,  arr.  et 
cant.  de  Tours  ;  2,538  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  l'Etat, 
ligne  de  Tours  aux  Sables-d'Olonne.  Vins  rouges  renommés. 
JOUÉ-suR-ERDRE.Com.  du  dép.  delà  Loire-Inférieure, 
arr.  d'Ancenis,  cant.  de  Riaillé,  sur  l'Erdre  ;  2,904  hab. 
Forges.  Grand  étang  du  Vioreau,  servant  de  réservoir  au 
canal  de  Nantes  à  Brest.  Chapelle  de  Notre-Dame  des 
Langueurs  (xvi^  s.),  pèlerinage  fréquenté.  Châteaux  de  la 
Chauvelière  et  de  Lucinière. 

JOUÉE  (Constr.).  En  maçonnerie,  la  jouée  est  toute 
l'épaisseur  du  mur  comprenant  le  tableau,  la  feuillure  et 
l'embrasure  d'une  baie  de  porte,  de  croisée  ou  de  soupi- 
rail. En  charpente,  on  donne  ce  nom  à  la  face  latérale 
d'une  mansarde  formant  un  panneau  triangulaire  que  l'on 
remplit  le  plus  souvent  de  brique  et  de  plâtre  et  que,  pour 
préserver  de  l'action  des  saisons,  on  recouvre  de  zinc  ou 
d'ardoises.  Enfin,  on  appelle  jouée  d' abat-jour  les  pare- 
ments tant  droits  qu'inclinés  d'une  ouverture  formant  abat- 
jour.  Ch.  L. 

JULIENNE-  LoNGCHAMP  (Thomas  -  François  -  Ambroise) , 
homme  politique  français,  né  à  Beuvron  le  30  nov.  4764, 
mort  à  Bruxelles  le  4^^^  mars  4828.  Médecin  à  Lisieux, 
officier  municipal  de  cette  ville,  en  4794,  il  fut  député  du 
Calvados  à  la  Convention.  Il  vota  la  mort  de  Louis  XVI,  fit 
partie  des  comités  d'instruction,  des  secours  publics  et 
des  finances.  Député  aux  Cinq-Cents,  il  en  sortit  en  4797, 
devint  administrateur  des  hôpitaux  de  Paris  et  rentra  au 
même  conseil  en  4798;  il  en  fut  exclu  au  49  brumaire  et 
reprit  l'exercice  de  la  médecine  à  Lisieux.  Exilé  en  4816, 
il  se  fixa  à  Bruxelles.  A.  Kusginski. 

J  G  U  ET  (V.  Bimbeloterie)  . 

JOUET-sur-l'Aubois.  Com.  du  dép.  du  Cher,  arr.  de 
Saint-Amand,  cant.  de  La  Guerche-sur-l'Aubois  ;  2,01 6 hab. 
JOUEUR  d'instrument  (V.  Ménétrier). 
JOUEY.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de  Beaune, 
cant.  d'Arnay-le-Duc;  614  hab. 

JOUFFRAULT  (Camille),  homme  politique  français,  né 
à  Argenton-Château  (Deux-Sèvres)  le  22  mars  4845.  Avo- 
cat au  barreau  de  Paris,  il  prit  en  4870  la  direction  du 
Journal  des  précepteurs^  s'engagea  dans  les  mobiles  des 
Deux-Sèvres  pendant  la  guerre  franco-allemande  et,  pri- 
sonnier à  Beaune-la-Rolande,  fut  interné  à  Leipzig.  Après 
avoir  échoué  dans  l'arr.  de  Bressuire  aux  élections  législa- 
tives du  44  oct.  4877,  il  fut  élu  le  2  févr.  4879,  le  candi- 
dat officiel,  M.  de  La  Rochejacquelein,  ayant  été  invaUdé. 
Non  réélu  en  1 881 ,  il  rentra  à  la  Chambre  en  1885.  Membre 
de  la  gauche  radicale,  il  se  montra  favorable  au  boulan- 
gisme  et  devint  sénateur  des  Deux-Sèvres  le  16  août  1891, 
en  remplacement  de  M.  Léo  Aymé,  décédé. 

JOUFFRAY  (Camille),  homme  politique  français,  né  à 
Vienne  (Isère)  le  22  févr.  1841.  Elève  de  l'Ecole  centrale, 
ingénieur  civil  à  Vienne,  il  fit  la  guerre  franco-allemande 
dans  les  mobiles  de  l'Isère,  puis  passa  au  Canada  et  devint 
pharmacien-chimiste  à  Montréal.  Rentré  en  France  en  \  882, 
il  devint  maire  de  Vienne  en  1886  et  fut  élu  député  de 
l'Isère  aux  élections  générales  de  1889  avec  un  programme 
radical,  lia  <^té  réélu  le  20  août  1893  par  la  1''^  circons- 
cription de  Vienne. 

JOUFFROY  (Jean  de),  prélat  et  homme  d'Etat  français, 
né  à  Luxeuil  vers  1412,  mort  le  24  nov.  1473.  Il  était  le 
second  fils  de  Perrin  Jouffroy,  écuyer,  seigneur  de  Balne,  et 
de  Jeanne  de  Savigny.  Après  avoir  étudié  à  Dole,  à  Cologne 


et  à  Pavie,  il  entra  dans  l'ordre  des  bénédictins,  revint  à 
Pavie,  0(1  il  enseigna  de  4435  à  4438,  et  fut  remarqué  au 
concile  de  Ferrare  par  Eugène  IV,  qui  lui  donna  le  doyenné 
de  Saint-Vivent-sous-Vergy.  Il  devint  ensuite  aumônier  et 
conseiller  du  duc  Philippe  le  Bon,  qui  le  chargea  de  nom- 
breuses missions  en  France,  auprès  de  Charles  VII,  du  dau- 
phin Louis,  de  Charles  d'Orléans,  et  en  Bretagne  (1441-44), 
en  Savoie,  à  Milan  et  à  Naples  (1446);  à  Rome,  auprès  de 
Nicolas  V  (1448),  en  Portugal  et  en  Castille  (1449).  Elu 
abbé  de  Luxeuil  (20  fév.  1450),  il  essaya  vainement  de  se 
faire  nommer  évêque  de  Tournai  (1452),  mais  il  obtint 
l'évêché  d'Arras(16  avr.  1453).  Actif,  intrigant,  ambitieux, 
diplomate  consommé,  il  joua  un  rôle  important  en  Bourgogne, 
en  France,  en  Italie  (1454-59),  soit  comme  conseiller  de 
Philippe  le  Bon,  soit  comme  légat  des  papes  Nicolas  V,  Ca- 
lixte  ni  et  Pie  II,  notamment  dans  la  négociation  et  la  prédi- 
cation d'une  croisade  contre  les  Turcs,  dans  une  querelle 
entre  l'université  de  Paris  et  les  ordres  mendiants,  au  con- 
cile de  Mantoue,  et  dans  les  Pays-Bas  auprès  du  dauphin, 
dont  il  sut  conserver  la  faveur  quand  ce  prince  fût  devenu  le 
roi  Louis  XI.  Le  pape  Pie  II,  qui  estimait  plus  les  talents  que 
le  caractère  de  Jouffroy,  finit  par  lui  accorder  le  chapeau  de 
cardinal  (18  déc.  1461),  parce  qu'il  avait  besoin  de  lui 
pour  obtenir  l'abofition  de  la  Pragmatique.  Jouffroy  parvint 
encore  à  se  faire  nommer  évêque  d'Albi  (10  déc.  4462)  et 
abbé  de  Saint-Denis  (40  juin  1464),  grâce  à  Louis  XI  qui 
l'envoya  plusieurs  fois  à  Rome,  soit  pour  l'affaire  de  la 
Pragmatique,  soit  pour  soutenir  les  prétentions  de  la  mai- 
son d'Anjou  au  trône  de  Naples.  Il  alla  aussi  en  Espagne, 
où  il  ne  put  obtenir,  pour  Charles  de  France,  frère  de 
Louis  XI,  la  main  dTsabelle,  sœur  du  roi  de  Castille, 
Henri  IV  (1469),  ni  celle  de  Juana,  fille  de  ce  prince  (4470). 
Adjoint  à  P.  de  Bourbon,  dans  son  expédition  contre  Jean  V 
d'Armagnac,  il  assista  au  premier  siège  de  Lectoure  (juin 
4472),  mais  il  n'est  pas  certain  qu'il  ait  eu  la  direction  du 
second  (janv.-mars  4473)  auquel  il  prit  également  part, 
ni  qu'il  ait  participé  au  meurtre  du  comte  d'Armagnac.  Il 
allait  se  rendre  au  siège  de  Perpignan  quand  il  tomba  ma- 
lade. Il  vint  mourir  au  prieuré  de  Reuilly,  dépendant  de 
l'abbaye  de  Saint-Denis. 

Jouffroy  avait  acquis  d'immenses  richesses,  comme  on  le 
voit  par  son  testament.  Il  passait  pour  être  cupide  et  peu 
loyal.  Il  semble  avoir  montré  peu  d'humanité  envers  les 
Vaudois  d'Arras,  persécutés  odieusement,  et  avoir  joué  un 
rôle  peu  honorable  dans  le  «  drame  de  Lectoure  ».  Il  avait 
beaucoup  étudié  les  anciens,  surtout  Cicéron  et  Quintilien  ; 
il  connaissait  le  grec  ;  il  possédait  de  nombreux  manuscrits. 
Orateur  remarquable,  mais  poète  médiocre,  il  a  écrit  quel- 
ques pièces  en  latin.  On  a  conservé  huit  de  ses  discours. 
Sa  famille  existe  encore  en  Franche-Comté.  C'est  à  elle 
qu'appartient  le  marquis  de  Jouffroy  d'Abbans,  l'inventeur 
de  la  navigation  à  vapeur.  E.  Cosneau. 

BiBL.  :  Ch.  FiERviLLE,  J.  Jouffroy  ;  Coutances,  1874,  in-8. 
—  U.  Martène,  Thés.  Anecd.,  I,  1841.  —  Pastor,  Hist. 
des  papes^  trad.  Furcy-Raynaud,  1892,  t.  III,  pji.  126-27, 
147-48,  etc.  —  De  Beaugourt,  Hist.  de  Charles  Vil,  à  la 
table.  —  Dr  Mandrot,  le  Drame  de  Lectoure^  dans  la 
Revue  hist.,  t.  XXXVIII,  ir.  —  Vaesen,  Lettres  de  Louis  XL 

JOUFFROY  (Théodore-Simon),  philosophe  français,  né 
au  hameau  des  Pontets,  près  de  Pontariier  (Doubs),  le 
7  juil.  4796,  mort  à  Paris  le  4^'^  mars  4842.  Il  est  l'un 
des  plus  illustres  représentants  de  l'école  dite  éclectique.  Il 
entra,  en  4813,  à  l'Ecole  normale.  C'est  à  cette  époque  de 
sa  vie  que  se  rapporte  le  célèbre  passage  des  Nouveaux 
Mélanges  pkilosophiques  où  il  raconte  la  crise  de  ses 
croyances  religieuses.  «  Je  n'oublierai  jamais,  dit-il,  la  soirée 
de  décembre  où  le  voile  qui  me  dérobait  à  moi-même  ma 
propre  incrédulité  fut  déchiré...  Les  heures  de  la  nuit 
s'écoulaient  et  je  ne  m'en  apercevais  pas  ;  je  suivais  avec 
anxiété  ma  pensée  qui,  de  couche  en  couche,  descendait  vers 
le  fond  de  ma  conscience  et,  dissipant  l'une  après  l'autre 
toutes  les  illusions  qui  m'en  avaient  jusque-là  dérobé  la 
vue,  m'en  rendait  de  moment  en  moment  les  détours  plus 
visibles.  En  vain,  je  m'attachais  à  ces  croyances  dernières, 


comme  un  naufragé  aux  débris  de  son  navire;...  l'inflexible 
courant  de  ma  pensée  était  plus  fort...  J'étais  incrédule, 
mais  je  détestais  Tmcrédulilé;  ce  fut  là  ce  qui  décida  de  la 
direction  de  ma  vie.  »  De  1817  à  1822,Jouffroy  enseigna 
la  philosophie  au  collège  Bourbon  et  à  l'Ecole  normale. 
Privé  de  ces  deux  places  par  le  triomphe  de  la  réaction,  il 
ouvrit  des  cours  particuliers  et  envoya  dos  articles  au  G/oè^ 
{la  Sor bonne  et  les  Philosophes  ;  Comment  les  dogmes 
finissent),  au  Courrier  français  et  à  V Encyclopédie  mo- 
derne. Il  publia  en  même  temps  la  traduction  des  Esquisses 
de  philosophie  morale  de  Dugald-Stewart,  et  entreprit 
celle  des  œuvres  complètes  de  Reid.  En  1828,  il  reprit 
son  enseignement  public  à  l'Ecole  normale  et  à  la  Sorbonne, 
puis  au  Collège  de  France.  Sa  santé,  toujours  délicate,  l'obli- 
gea plusieurs  fois  d'interrompre  ses  cours.  Un  échec  à  la 
Chambre  des  députés,  dont  il  était  membre  depuis  4831, 
lui  porta  un  coup  dont  il  ne  se  releva  pas.  Aux  ouvrages 
que  nous  avons  déjà  cités,  il  convient  de  joindre  un  Coiu's 
d'esthétique  (1826),  rédigé  par  un  des  auditeurs  ;  un  Cours 
de  droit  naturel  (1834-33)  ;  un  ra[)port  sur  le  concours 
relatif  aux  écoles  normales  primaires  et  un  très  remarquable 
discours  prononcé  à  la  distribution  des  prix  du  collège  Char- 
lemagne  (4840). 

Jouffroy,  dans  l'école  éclectique,  s'attacha  principale- 
ment à  constituer  la  psychologie,  qui  lui  paraissait  seule 
capable  de  donner  la  solution  des  grands  problèmes  philo- 
sophiques et,  en  particulier,  du  problème  de  la  destinée 
humaine.  H  mit  un  soin  jaloux  à  défendre  son  indépendance 
soit  à  l'égard  de  la  métaphysique,  soit  surtout  à  l'égard  de 
la  physiologie.  Il  lui  assigna  comme  méthode  l'observation 
et  l'induction.  Multipliant  à  l'exemple  des  Ecossais  les  fa- 
cultés de  l'âme,  il  admit  dans  l'homme  :  4*^  les  penchants 
primitifs  au  nombre  de  trois  :  l'amour  du  pouvoir  ou  l'am- 
bition, le  désir  de  la  connaissance  ou  la  curiosité,  l'amour 
de  nos  semblables  ou  la  sympathie  ;  2^  la  sensibilité  ou  la 
capacité  de  jouir  et  de  souffrir,  essentiellement  liée  au  dé- 
veloppement des  penchants  ;  3°  l'intelligence,  comprenant, 
d'une  part,  les  facultés  d'observation,  conscience,  percep- 
tion des  sens  extérieurs  et  mémoire,  d'autre  part,  la  rai- 
son ;  4°  la  faculté  expressive  ;  e")^  la  faculté  motrice  ou  lo- 
comotrice ;  6*>  la  volonté.  En  morale,  Jouffroy  invoque  le 
principe  de  finalité  :  «  Chaque  chose  a  sa  fin,  et  l'ensemble 
des  choses,  l'univers,  a  aussi  sa  fiu.  »  L'ordre  universel 
résulte  du  mouvement  régulier  par  lequel  les  choses  mar- 
chent ainsi  chacune  à  sa  fin  propre  et  toutes  ensemble  à  la 
fin  universelle.  Seulement,  le  propre  de  l'homme  est  qu'il 
peut  et  doit  s'y  porter  lui-même  avec  conscience  et  liberté. 
Pour  connaître  notre  destinée,  il  suffit  de  connaître  notre 
nature,  caria  constitution  d'un  être  est  nécessairement  en 
harmonie  avec  sa  fin.  Or  la  psychologie  nous  apprend  que 
l'homme  est,  avant  tout,  une  personne,  un  être  capable  de 
se  gouverner,  capable  aussi  de  se  perfectionner  lui-même 
par  ses  propres  efforts.  Créer,  maintenir,  développer  en 
nous  la  personnalité,  voilà  donc  le  principe  de  tous  nos 
devoirs.  Toutefois,  notre  destinée  ne  peut  s'achever  sur 
cette  terre  :  la  vie  actuelle  est  une  épreuve  qui  doit  rece- 
voir ailleurs  sa  sanction.  E.  Boirac. 

BiBL,  :  Sainte-Beuve,  Revue  des  Deux  Mondes,  1®''  déc. 
1833.  —  Damtron,  Préface  des  Nouveaux  Mélanges  philo- 
sophiques de  Jouffroy  et  Essai  sur  l'histoire  de  la  philo- 
sophie en  France  au  xix<"  siècle.  —  Cli.  de  Rémurat,  Rev. 
des  Deux  Mondes,  1*"*  août  1844.  —  MiGxprr,  Notice  du. 
26 juin  1853,  da,ns  Acad.  des  sciences  morales  et  politiques, 
t. 'XXV,  p.  197.  —  Gmzoi\  Mémoires  pour  servir  à  Vhis- 
toire  de  mon  teinps,  t.  II,  pp.  119  et  375.  —  E.  Caro,  Romie 
des  Deux  Mondes,  15  mars  1865,  —  X.  Doudan,  Lettres^ 
t.  I;,  juin  et  juil.  1841,  mars  et  juin  1842  et  passim. 

JOUFFROY  (François),  sculpteur  français,  né  à  Dijon 
le  1^^  févr.  1806,  mort  à  Laval  le  26  juin  1882.  Elève  de 
Ramey  fils  et  de  l'Ecole  des  beaux-arts,  il  obtint  le  deuxième 
prix  de  Rome  en  1826,  et  le  premier  prix  en  18H2,  avec 
son  Capanée  foudroyé  sous  les  murs  de  Thèbes.  Il  suc- 
céda, en  1857,  à  Simart,  comme  membre  de  l'Institut,  et 
devint  professeur  à  l'Ecole  des  beaux-arts  en  1863.  Parmi 
ses  oeuvres,  on  remarque  :  Jeune  Fille  confiant  son  pre- 


21  o  -  JOUFFROY 

mier  secret  h  Ff^'nw^,  statue  marbre  acquise  en  1839  pour 
le  musée  du  Luxembourg;  Erigone,  statue  (1851,  au 
musée  de  Dijon)  ;  une  série  de  bustes  dans  les  galeries  de 
Versailles  ;  les  deux  groupes  pierre  :  la  Paix  et  la  Guerre, 
sur  la  façade  du  guichet  du  Carrousel,  au  Louvre;  la 
Poésie  lyrique,  groupe  de  la  façade  principale  de  l'Opéra, 
Châtiment  et  Protection^  statues  du  Palais  de  Justice  à 
Paris,  etc.  G.  P-i. 

JOUFFROY  d'Abbâns  (Claude-François-Dorothée,  mar- 
quis de),  mécanicien  français,  né  à  Roches-sur-Rognon 
(Haute-Marne)  en  1751,  mort  à  Paris  en  1832.  Il  entra 
à  vingt  ans  au  régiment  de  Bourbon-Infanterie,  eut  en 
1772  un  duel  qui  le  fit  exiler  en  Provence,  s'y  occupa  de 
réunir  les  matériaux  d'un  ouvrage  sur  les  galères  à  rames 
et,  de  retour  à  Paris,  conçut  tout  de  suite  le  projet  de  son 
fameux  pyroscaphe.  On, trouvera  à  l'art.  Bateau  (t.  V, 
p\),  706-707)  le  détail  des  circonstances  qui  ont  entouré 
cette  invention.  Après  deux  essais  couronnés  d'un  plein  suc- 
cès, Jouffrov  d'Abbans  fit  en  1783  une  demande  de  privi- 
lège, mais  fut  éconduit.  Il  émigra  pendant  la  Révolution, 
servit  dans  l'armée  de  Gondé,  rentra  en  France  sous  le 
Consulat,  suivit,  sans  rien  revendiquer,  les  expériences  de 
Fulton  et,  quinze  ans  durant,  donna  à  peine  signe  de  vie. 
Le  retour  des  Bourbons  le  décida  à  revenir  à  Paris.  Il  rap- 
pela sa  découverte  dans  un  écrit  intitulé  les  Bateaux  à 
vapeur  (Paris,  1816,  in-8),  prit  un  brevet  et  construisît 
à  Bercy,  pour  le  compte  d'une  compagnie,  un  nouveau  ba- 
teau, le  Charles-Philippe,  lancé  sur^la  Seine  le  20  août 
1816.  L'affaire  tomba.  Le  malheureux  Jouffroy  d'Abbans, 
auquel  revient  la  gloire,  proclamée  par  Fulton  lui-même  et 
à  peu  près  incontestée  aujourd'hui,  d'avoir,  le  premier,  réa- 
lisé pratiquement  le  problème  de  la  navigation  à  vapeur, 
passa  quinze  nouvelles  années  loin  de  la  scène  du  monde 
et,  admis  vers  la  fin  de  1830  aux  Invalides,  y  mourut 
bientôt  du  choléra.  L.  S. 

BiRL.  :  Arago,  Notice,  dans  V Annuaire  du  Bureau  des 
Longitudes,  année  1837,  p.  292.  —  Cauchy,  Rapport  à 
l'Académie  des  se.  de  Paris,  séance  du  1"^  nov.  1840.  — 
F.-A.-X.  MiGNET,  Notice  historique  S7ir  la  vie  et  les  tra- 
vaux de  Jouffroy;  Paris,  1853,  in-8.  —  AlP.  Prost,  ^e  Mar- 
quis de  Jouffroii  d'Abbans;  Paris,  1889,  in-8. 

JOUFFROY  d'Abbans  (Achille-François-Eléonore,  mar- 
quis de),  écrivain  et  mécanicien  français,  fils  du  précédent, 
né  à  Ecully  (Rhône)  le  20  janv.  178a,  mort  à  Turin  (Italie) 
le  l^''déc.  1859.  Il  s'occupa  longtemps  de  politique,  dé- 
fendit la  monarchie  de  droit  divin  et  l'ultramontanisme 
dans  le  Drapeau  blanc,  dans  V Etoile,  dont  il  fut  direc- 
teur, dans  VObservateur,  alla  fonder  à  Londres,  après  la 
chute  de  Charles  X,  le  Précurseur,  et,  de  retour  en 
France  (183-2),  s'adonna  à  la  mécanique.  Il  inventa  d'abord, 
pour  les  bateaux  à  vapeur,  un  appareil  propulseur  à  char- 
nières reproduisant  approximativement  les  mouvements  des 
pieds  palmés  des  oiseaux  aquatiques  et  constituant  une 
étape  intermédiaire  entre  la  roue  à  aubes  et  l'hélice.  Il 
proposa  plus  tard  (1843)  de  munir  les  chemins  de  fer,  par 
mesure  de  sécurité,  d'un  rail  central  à  crémaillère  destiné 
à  augmenter  l'adhérence.  La  première  de  ces  idées  n'aboutit 
pas  pratiquement;  la  seconde,  déjà  émise  en  1811  par 
Blackinshop,  devait  être  reprise  vingt  ans  après  (1866) 
pour  les  chemins  de  fer  de  montagne  (V.  Chenon  de  fer, 
t.  X,  p.  10 't8).  Achille  Jouffroy  a  laissé  de  nombreux 
ouvrages,  entre  autres:  les  Fastes  de  Vanarchie  (Paris, 
18^20,  2  vol.  in-8)  ;  les  Siècles  de  la  monarchie  fran- 
çaise, ouvrage  inachevé  (Paris,  années  1823  et  suiv.,  en 
livr.  in-fol.)  ;  Introduction  à  Vhistoirc  de  France,  ou- 
vrage couronné  par  l'Institut  (Paris,  1838,  in-fol.)  ;  Des 
Bateaux  à  vapeur  (Paris,  1841,  in-8)  ;  Chemins  de  fer 
Jouffroy  (Paris,  1844,  in-8)  ;  Dictionnaire  des  inven- 
tions et  découvertes  (Paris,  1833,  2  vol.  in-8).  Il  a  aussi 
écrit  une  douzaine  de  pièces  de  théâtre,  la  plupart  en  vers. 

BiBL.  :  De  Bausset-Roquefort,  Notice  sur  Ach,  de 
Jouffroy  d'Abbans;  Lyon,  1864,  in-8. 

JOUFFROY  d'Abbans  (Joseph,  comte  de),  homme  poli- 
tique français,  né  le  28  avr.  1820,  petit-neveu  de  Claude 
(V.  ci-dessus).  Garde  général  desiforêts  en  retraite,  il  fut 


JOUFFROY  —  JOU-JOUEN 


—  216 


élu  député  du  Doubs  aux  élections  générales  de  1889.  Ré- 
publicain fort  modéré  et  catholique,  il  a  été  réélu  en  1893 
par  la  2^  circonscription  de  Besançon. 

JOUG  (V.  Attelage,  t.  IV,  p.  503). 

JOUGNE.  Corn,  du  dép.  du  Doubs,  arr,  de  Pontarlier, 
cant.  de  Mouthe  ;  1 ,844  hab.  Bureau  de  douanes.  Forges  ; 
affinerie  et  tréfilerie  ;  clouteries,  coutelleries,  horlogerie, 
scierie  mécanique,  moulins.  Ce  village,  complètement  détruit 
par  un  incendie  le  11  juil.  1870,  s'est  rebâti  depuis. 
Ruines  d'un  château  féodal.  Vestiges  du  castrum  romain 
de  Jmiia,  qui  a  transmis  son  nom  à  la  localité  actuelle. 

JOUGO-Slaves  (V.  Iougo-Slaves). 

JOUHAUD  (Auguste),  auteur  dramatique  belge,  né  à 
Bruxelles  en  1806,  mort  à  Paris  en  1888.  Il  composa  ses 
premières  pièces  étant  encore  au  collège,  et  dès  lors  il  ma- 
nifesta la  verve  et  la  facilité  qui  ^devaient  rester  ses  qualités 
maîtresses.  Il  aborda  tous  les  genres,  depuis  le  drame  his- 
torique jusqu'à  la  comédie  de  mœurs,  mais  il  excella 
surtout  dans  le  vaudeville.  Il  donna  au  théâtre  plus  de  cent 
vingt  pièces  ;  celles  qui  obtinrent  le  plus  de  succès  sont  : 
Napoléon  (1827,  deux  actes);  Guillaume  le  Têtu,  œuvre 
aristophanesque  dont  le  héros  était  Guillaume  P^  de  Hol- 
lande (1830,  trois  actes);  Charles  X  ou  les  Suites  d'un 
coup  d'Etat  (1830,  trois  actes)  ;  la  Prise  d' Anvers  (iS30, 
deux  actes);  Robert  Macaire  en  Belgique  (1837,  cinq 
actes);  la  Science  du  Diable  (1832,  trois  actes);  le 
Diogène  du  faubourg  Saint- Antoine {\S4^6)  ;  les  Consul- 
tations de  Jocrisse  (1834)  ;  Prenez  mon  ours  (1855)  ; 
les  Trois  Habits  (1878).  E.  H. 

JOUHAUD  (Auguste),  auteur  dramatique,  fils  du  pré- 
cédent, né  à  Bruxelles  en  1836.  11  a  produit  de  nom- 
breuses opérettes,  comédies  et  vaudevilles  qui  ont  été  bien 
accueillis.  Ses  meilleures  pièces  sont  :  VOrgon  de  Tartufe^ 
comédie  envers  (1872,  trois  actes);  V Amour  au  Village 
(1873);  Un  Mari  dans  les  Petites  Affiches  (1874);  les 
Cascades  de  Taupin  (1881);  Divorcez!  (1882);  les 
Hussards  de  la  République  (1882). 

JOUHE.  Corn,  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Dole,  cant.  de 
Rochefort  ;  421  hab.  Source  minérale  froide  non  exploi- 
tée. Au  S.  du  village,  sur  le  mont  Roland  (350  m.  d'alt.), 
on  voit  une  chapelle  bâtie  par  les  jésuites  en  1851  et  les 
ruines  d'un  ancien  monastère.  Lieu  de  pèlerinage. 

JOUHET.  Com.  du  dép.  de  la  Vienne,  arr. 'et  cant.  de 
Montmorillon  ;  724  hab.  Eglise  des  xa®  et  xni^  s.  Dans 
une  chapelle  isolée,  peinture  murale  du  xv®  siècle. 

JOUILLAT  (Juliacum).  Com.  du  dép.  delà  Creuse, 
arr.  et  cant.  de  Guéret;  1 ,313  hab.  Ecrit  autreMs  Jouillac, 
Joulhac.  Ancienne  province  de  la  Marche,  archiprêtré 
d'Anzême.  Eglise  romaine  du  xn^  siècle,  avec  un  Hon  de 
pierre  devant  la  porte.  Château  de  la  fin  du  xiv^  siècle, 
bâti  par  la  famille  de  Chamborant  dont  une  branche  a  long- 
temps possédé  la  seigneurie  de  Jouillat.  Anciens  châteaux  à 
Boisfranc  et  à  Brétouilly  (autrefois  Breiolie),    Ant.  T. 

JOUIN  (Nicolas),  pamphlétaire  français,  né  à  Chartres  en 
1684,  mort  à  Pans  le  22  févr.  1757.  Joaillier,  puis  ban- 
quier à  Paris,  il  publia  contre  les  jésuites  une  masse  de 
pamphlets,  entre  autres  :  le  Portefeuille  du  diable  (1733, 
in-12)  ;  Chanson  d'un  inconnu  (Turin  [Rouen],  s.  d., 
in-12)  ;  Nouveaux  Dialogues  des  morts  (1739,  in-12)  ; 
le  Philotanus  moderne  (1740,  3  vol.  in-12),  enfin  les 
Sarcellades,  harangues  rimées,  adressées  à  l'archevêque 
de  Paris  et  à  d'autres  prélats,  soi-disant  par  deux  habitants 
du  village  de  Sarcelles  dont  les  curés  avaient  été  desthués 
parce  qu'ils  étaient  jansénistes.  Elles  avaient  commencé  de 
paraître  dès  1751.  En  1753,  Jouin  fut  dénoncé  par  son  fils 
qui  voulait  se  venger  de  ce  que  son  père  et  sa  mère  avaient 
obtenu  un  ordre  du  roi  pour  faire  mettre  à  l'hôpital  la  fille 
Lange,  sa  maîtresse.  Il  fut  emprisonné  à  la  Bastille  (8janv.) 
et  y  resta  jusqu'au  10  févr.  1754.  Il  fut  remis  en  liberté 
sur  la  demande  même  de  Ch.  de  Beaumont. 

JOUIN  (Pierre),  homme  politique  français,  né  à  Rennes 
le  17  féyr,  1818,  mort  ù  Paris  k  24  mars  1885,  Avocat 
rêttOïSOîé  (lu  barreau  de  limm^s  il  M  élu  l'eprésenîaîit 


d'Ille-et-Vilaine  à  la  Constituante  le  23  avr.  1848  et  se 
distingua  par  ses  brillantes  qualités  d'orateur.  Adversaire 
de  la  politique  de  Louis-Napoléon,  il  ne  fut  pas  réélu  à  la 
Législative  et,  pendant  tout  l'Empire,  il  se  tint  dans  la  vie 
privée.  Le  2  juil.  1874,  il  fut  élu  député  d'Ille-et-Vilaine 
à  l'Assemblée  nationale  oti  il  vota  généralement  avec  la 
gauche.  11  devint  sénateur  de  son  département  le  5  janv. 
1879,  et  dans  la  haute  assemblée  prit  assez  souvent  la 
parole,  soit  pour  combattre  la  loi  sur  les  syndicats  pro- 
fessionnels, soit  pour  défendre  la  liberté  de  l'enseignement. 

JOUIN  (Henri),  écrivain  d'art  français  contemporain, 
né  à  Angers  en  1841.  Archiviste  de  la  commission  de 
l'Inventaire  des  richesses  d'art  de  la  France,  puis  secré- 
taire de  l'Ecole  nationale  des  beaux-arts.  En  dehors  de 
plusieurs  volumes  de  poésies,  on  lui  doit  un  grand  nombre 
d'ouvrages  d'art,  dont  plusieurs  couronnés,  entre  autres  : 
David  d'Angers,  sa  vie,  son  œuvre,  etc.  (Paris,  1877, 
2  vol,  in-4);  la  Sculpture  en  Europe  (1879);  A.  Coy- 
sevox,  sa  vie,  son  œuvre  et  ses  contemporains,  pré- 
cédé d'une  étude  sur  l'école  française  de  sculpture 
avant  le  xvu®  siècle  (1883)  ;  Maîtres  contemporains 
(1887);  Esthétique  du  sculpteur  (1888);  Musée  de 
portraits  d'artistes...  nés  en  France  ou  y  ayant  vécu 
(1888);  l'Ancien  Hôtel  de  Rohan,  affecté  à  l'Impri- 
merie nationale  (1889,  in-fol.,  avec  34  pi.)  ;  Charles 
Le  Brun  et  les  arts  sous  Louis  XIV  (1890,  in-4)  ;  David 
d'Angers  et  ses  relations  littéraires  (1890);  les  Hauts 
Dossiers  des  stalles  de  la  chapelle  du  grand  séminaire 
d'Orléans,  sculptés  par  J.  Du  Goullon  (Orléans,  1890, 
in-4,  avec  25  pL).  G.  P-i. 

JOUISSANCE  (Finances).  Epoque  à  partir  de  laquelle 
l'acheteur  d'un  titre  a  droit  à  tous  les  coupons  d'intérêt  ou 
de  dividende.  C'est  toujours  la  date  du  payement  du  dernier 
coupon.  La  cote  fournit  toutes  les  indications  nécessaires, 
et  quand  un  titre  est  indiqué  Jouissance  /*'*  Janvier,  cela 
signifie  qu'à  partir  du  coupon  payé  le  1®^  janv.  tous  les 
autres  coupons  appartiennent  à  l'acheteur.  G.  F. 

Action  de  jouissance  (V.  Action,  1. 1,  p.  502). 

JOUJOU,  nain  célèbre  (V.  Borulâwski  [Joseph]). 

JOU-JOUEN.  Nom  d'une  importante  tribu  de'ia  race 
des  Sien-pi  qui  a  régné  dans  le  N.  et  le  centre  de  l'Asie 
pendant  plus  de  deux  siècles.  Le  nom  de  ce  peuple  a  été 
diversement  écrit,  vu  l'incertitude  elle-même  de  la  pronon- 
ciation chinoise  ;  en  tous  cas  le  mot  étant  écrit  avec  deux 
fois  le  même  caractère,  la  vraie  transcription  doit  être  une 
mêmesyllaberedoublée,  soit Jouen-jouen,  soit  Jeou-jeou,  etc. 
On  a  vu  au  mot  Huns  que,  vers  l'an  360  de  notre  ère,  les 
Jou-jouen,  venus  du  N.-E.  se  précipitent  vers  le  centre 
de  l'Asie  et,  après  avoir  chassé  une  autre  branche  des 
Sien-pi,  deviennent  à  leur  tour  maîtres  de  toute  la  Mongo- 
lie et  de  la  Tartarie  actuelles  avec  Ho-lin  sur  l'Orkhon 
(plus  tard  Karakorum)  pour  capitale.  L'ancêtre  des  Jou- 
jouen  paraît  avoir  été  Mokohu,  qui,  vers  l'an  256  deJ.-C. 
s'était  rendu  indépendant  des  Sien-pi  et  avait  rassemblé 
plusieurs  hordes  tartares  sous  sa  domination.  Son  fils  Tche- 
lou-hoeï  en  310  augmenta  encore  le  nombre  des  tribus  et 
prit  le  titre  de  Teng-li-shen-yû  on  Tanjou  qui  était  l'ex- 
pression de  la  souveraineté  chez  les  Hioung-nou  et  tous 
les  peuples  tartares  depuis  de  longs  siècles  et  qui  corres- 
pondait au  Tien-tzé,  «  fils  du  ciel  »,  épithète  dont  les  Chi- 
nois se  servaient  depuis  la  dynastie  des  Chang  (xv*^  siècle 
av.  J.-C).  —  Ce  fut  un  de  ses  descendants,  Tou-loun, 
qui  échangea  ce  titre  de  tanjou  contre  celui  de  kho-hdn 
ou  khaqan  en  l'an  39  du  52®  cycle  (vers 402  de  J.-C). 
A  partir  de  cette  époque  commence  la  grande  puissance 
des  Jou-jouen,  mais  ils  eurent  à  lutter  contre  la  Chine 
et  divers  peuples  tartares,  notamment  les  Kao-kii  (ancien 
nom  chinois  des  Ouïgours)  qui  devaient  plus  tard  devenir 
les  maîtres  de  l'Asie.  Les  auteurs  chinois  (notamment  l'his- 
toire intitulée  Nan-she  et  l'histoire  des  Weï,  Weï-shu) 
nous  ont  conservé  l'histoire  des  Jou-jouen  et  les  noms 
de  leurs  khaqâna  (au  nombre  de  quinze)  depuis  Tou-loun 
jusqu'à  No^hoan  ou  0-na«hoG\  et  son  fils  N|an4o4chin  qui 


^17 


JOU-JOUEN  —  JOUMROUTCHAL 


furent  détrônés  par  Mokan  dit  Sse-kin,  chef  des  Tares 
Tou-kioue,  la  41*^  année  du  55^-  cycle  (vers  554  de  J.-C.) 
un  peu  avant  la  défaite  des  Ephthalites.  Après  la  destruc- 
tion de  leur  empire,  les  débris  des  Jou-jouen  s'enfuirent 
versTO.,  pénétrèrent  en  Europe  et  ils  apparaissent  en  558 
à  Constantinoplesous  le  nom  (ÏAvars  (V.  Huns).  E.  Drouin. 
BiBL.  :  De  Guignes,  Hist.  gén.  des  Huns^  1756,  t.  I,  pp.  188 
et  suiv.,  et  t.  II,  p.  334.  —  Rai^lof,  Introduction  au  Kudatku 
Bilik,  1891.  —  A.  CuNNiNGiiAM,  The  White  Huns,  1893  : 
la  liste  des  khaqàns  des  Huns  blancs  donnée  par  cet  auteur 
est  en  réalité  la  liste  des  souverains  Jou-jouen  que  Cun- 
ningham  confond  avec  les  Ephthalites. 

JOUKOVSKY  (Vassili-Andreevitch),  écrivain  russe,  né 
à  Michensk  (gouvernement  de  Toula)  en  1783,  mort  à 
Baden-Baden  en  18552.  Fils  d'un  propriétaire  et  d'une  ser- 
vante turque,  il  fut  adopté  par  son  parrain,  un  pauvre 
gentilhomme  de  Kiev,  qui  lui  donna  son  nom.  A  douze  ans 
il  écrivait  déjà  des  tragédies  et  des  poésies,  et  en  1797, 
à  la  «  Pension  de  l'Université  de  Moscou  »,  un  de  ses  dis- 
cours attira  l'attention  de  Karamzine  ;  Dmitriev  le  distin- 
gua, lui  donna  des  conseils  et  dirigea  ses  essais  littéraires. 
Ses  classes  terminées,  Joukovsky  se  retira  auprès  de  sa 
mère.  Il  écrivit  des  nouvelles  et  des  études  sur  l'histoire  ; 
il  dirigea  un  moment  (1808-10)  le  Messager  de  l'Europe 
fondé  par  Karamzine,  et  y  fit  paraître  un  grand  nombre  de 
poésies  et  surtout  d'excellentes  traductions  des  littératures 
de  l'Occident.  Sa  ballade  Svietlana  est  une  imitation  delà 
Lenora  de  Burger  ;  ses  Rêves  une  traduction  de  la  poésie 
de  Schiller,  l'Idéal,  etc.  Etabli  à  Dorpat  auprès  d'une  nièce 
mariée  à  un  professeur  de  l'université,  il  étudia  profondé- 
ment les  poètes  allemands,  devint  l'auji  de  Zeidlitz  et  tra- 
duisit lihland.  Au  moment  de  la  guerre  de  1812,  Joukovsky 
devint  lieutenant  dans  la  milice,  se  distingua  à  Borodino 
et  fut  nommé  capitaine  ;  il  écrivit  alors  des  poésies  pleines 
d'un  patriotique  enthousiasme  :  le  Chanteur  au  Kremlin  et 
le  Chanteur  dans  le  camp  des  guerriers  russes ,  qui  firent 
le  tour  de  la  Russie.  L'impératrice  voulut  connaître  l'auteur 
et  le  nomma  son  lecteur  ;  plus  tard  il  enseigna  la  langue 
russe  à  la  grande-duchesse,  future  impératrice,  Alexandra 
Feodorovna,  et  traduisit  pour  elle  de  nombreux  fragments 
d'écrivains  étrangers.  A  Tavènement  de  Nicolas,  Joukovsky 
devint  précepteur  du  grand-duc  héritier,  le  futur  Alexan- 
dre II,  et  se  consacra  tout  entier  à  sa  nouvelle  tâche  ;  son 
activité  httéraire  en  souffrit;  mais  en  1814,  l'éducation 
du  grand-duc  achevée,  il  put  partir  pour  l'étranger  et  re- 
prendre ses  travaux.  En  1847-49,  il  publia  sa  traduction 
de  VOdyssée  d'Homère,  fort  estimée  de  ses  compatriotes, 
et  donna  encore  des  nouvelles  et  des  contes.  Son  dernier 
ouvrage  sérieux  fut  le  Juif  éternel  ou  Ahasvérus;  une 
année  avant  sa  mort  il  écrivit  ses  Souvenirs  de  Tsarskoe 
Selo  où  il  raconte  la  mort  d'un  vieux  cygne  du  temps  de 
Catherine  (1852).  Le  nom  de  Joukovsky  est  lié  à  l'intro- 
duction du  romantisme  en  Russie;  il  l'a  préparé  par 
d'excellentes  traductions  des  poètes  anglais  et  allemands  ; 
il  a  assoupli  la  langue  poétique,  élargi  le  goiît  du  public 
et  frayé  la  voie  à  Pouchkine  et  à  Lermontov.  Ses  ballades 
contribuèrent  à  éveiller  la  vocation  du  grand  poète  polonais 
Mickiewicz,  et  quelques-unes  sont  restées  populaires.  Une 
édition  complète  de  ses  poésies  a  paru  à  Pétersbourg  (6  vol., 
1878).  On  a  publié  de  lui  en  allemand  :  Briefe  an  den 
Gross  fûrsten  Constantin  JSikolajewitsch.  M. 

BiBL.  :  Pletnev,  Vie  et  œuijves  de  Joukovsky  ;  Saint-Pé- 
tersbourg, 1854.  —  BiELiNs^KY,  t,  VIII.  —  Zeidlitz,  Ein  Di- 
chter  Leben  ;  Milan,  1870  {résumé  en  français  par  l'abbé 
Co:^i)AMns,  Joukovsky  ;  Lyon,  1889). —ZAGARiwi^Jou/^ocs/iy 
et  ses  œuvres,  édition  Poiivanov;  Moscou,  1^8-3. 

JOULE.  La  British  Association  en  1882,  le  congrès 
international  des  électriciens  en  1889  ont  donné  le  nom 
de  joule  à  une  nouvelle  unité  pratique  d'énergie  électrique 
dans  le  système  G.  G.  S.,  valant  dix  millions  d'ergs  (V.  ce 
mot),  ou  10  megergs.  Un  kilogrammètre  vaut  donc  9,81 
joules.  L.  S. 

JOULE  (James-Prescott),  physicien  anglais,  né  à  Sal- 
ford  le  24  déc,  1818,  mort  à  Sale,  près  de  Manchester, 
Je  \i  qqU  i889,  Fiisd'un  hrasseur  et  hr^ssew  lui-même, 


il  fit  ses  premières  études  dans  sa  famille  et  fut  ensuite 
l'élève  de  Dalton,  qui  l'associa  à  ses  travaux  sur  les  gaz 
et  les  vapeurs.  A  vingt  ans,  il  commença  une  série  de  re- 
cherches personnelles  sur  le  magnétisme,  imagina  en  1838 
un  moteur  électrique  et  découvrit  en  1840  le  phénomène 
delà  saturation  magnétique.  En  1842,  il  formula  lesdeux 
lois  thermiques  bien  connues  qui  portent  son  nom  et  qui 
s'énoncent  ainsi  :  1**  la  quantité  de  chaleur  dégagée  pen- 
dant l'unité  de  temps  par  le  passage  d'un  courant  électrique 
dans  un  fil  métallique  est  proportionnelle  à  la  résistance  de 
ce  fil  ;  2**  la  quantité  de  chaleur  est  proportionnelle  au  carré 
de  l'intensité  du  courant (V.  Courant,  t.  XIII,  p.  93).  L'an- 
née suivante,  il  publia  un  mémoire,  lu  en  août  au  con- 
grès de  la  British  Association  et  intitulé  On  the  Calorific 
Effects  ofMagnetic  Electricity  and  on  the  mechanical 
value  of  Heat  (Philos.  Mag.,  sér.  3,  t.  XXIII),  lequel 
mémoire  contient  les  résultats  de  ses  premières  expériences 
sur  l'équivalence  entre  la  chaleur  et  le  travail  dont  il  éta- 
blit nettement  le  principe  (V.  Equivalent,  t.  XVI,  pp.  157- 
lo8).  Tandis  qu'avant  lui,  Séguin  et  Mayer,  dont  il  ignorait 
du  reste  les  travaux,  avaient  été  conduits  à  la  même  con- 
clusion par  des  considérations  purement  théoriques,  il  pro- 
céda au  contraire  par  mesurages  directs  et,  à  l'aide  de 
méthodes  diverses,  obtint,  pour  le  rapport  de  l'équiva- 
lence, des  chiffres  à  peine  différents  de  celui  aujourd'hui 
adopté.  On  doit  encore  à  cet  illustre  physicien  des  obser- 
vations sur  les  changements  de  température  produits  par  la 
condensation  et  par  la  raréfaction  de  l'air  (1845);  sur  les 
conditions  de  dilatation  du  fer  et  de  l'acier  par  l'aimanta- 
tion (1847),  sur  les  effets  caloriques  des  fluides  en  mou- 
vement (ces  dernières,  en  1853,  en  collaboration  avec  sir 
William  Thomson).  Il  était  depuis  1850  membre  de  la  So- 
ciété royale  de  Londres,  qui  lui  décerna  successivement  la 
Royal  Medal  et  la  médaille  Copley,  et  il  était  en  outre  as- 
socié à  la  plupart  des  académies  étrangères,  notamment  à 
l'Académie  des  sciences  de  Paris,  qui  Lavait  élu  correspon- 
dant en  1870.  Il  présida  en  18if3  la  British  Association. 
Le  gouvernement  anglais  lui  alloua,  en  1878,  à  titre  de 
récompense  nationale,  une  pension  viagère  de  5,000  fr. 
Ses  écrits  se  composent  de  mémoires  originaux,  au  nombre 
de  plus  d'une  centaine,  parus  surtout  dans  les  Armais  of 
Electricity  de  Sturgeon,  dans  les  recueils  de  la  Société  de 
Manchester  et  de  la  Chemical  Society,  dans  les  Proceedings 
et  les  Philosophical  Transactions  de  la  Société  royale, 
dans  les  Pieports  de  la  British  Association,  dans  le  Philo- 
sophical Magazine,  dans  les  Comptes  reridus  de  l'Aca- 
démie des  sciences  de  Paris  ;  On  the  Electric  origine 
of  the  Heat  of  Combustion  (1842)  ;  On  the  Production 
of  Chemical  Heat  (1843);  On  the  Heat  disengaged  in 
Chemical  Cornbinations  (1852),  etc.  Ils  ont  été  réunis 
en  grand  nombre,  par  les  soins  de  la  Physical  Society, 
sous  le  titre  :  Scientific  Papers  (Londres,  1884-87,  2  vol. 
in-8).  Il  a  aussi  donné  à  part  :  New  Détermination  of 
the  Mechanical  Theory  of  Heat  (Londres,  1879,  in-4). 
Une  statue,  due  à  A.  Gilbert,  lui  a  été  érigée  à  Manches- 
ter. Les  peintres  G.  Patten  et  J.  Collier,  le  sculpteur  G. 
Reynolds  ont  également  reproduit  ses  traits.  Léon  Sagnet. 
BiiJL,  :  An  Acount  of  D''  Joule,  dans  The  Nature,  1889, 
XXVI,  617.  —  Article  (I'Hoffmann  dans  la, Revue  scienti- 
fique de  1890. 

JOULLIETTON  (Joseph),  médecin,  administrateur  et 
historien  français,  né  à  Chavanas  (Creuse)  en  1768,  mort 
à  Boussac  en  1829.  Médecin  dans  sa  paroisse  natale,  il  fut 
président  du  directoire  du  district  d'Aubusson  et  exerça  la 
médecine  à  Guéret  à  partir  de  1794.  Il  fut  député  de  Gué- 
ret  pendant  les  Cent-Jours  et  sous-préfet  de  Boussac  sous 
la  Restauration.  Il  a  écrit  une  Histoire  de  la  Marche  et 
du  Pays  de  Combraille  en  2  vol.  in-12  (1814-15).  Cet 
ouvrage  est  plein  de  faits,  mais  assez  mal  conçu  et  dépourvu 
d'éléments  de  contrôle. 

BiBL.  :  Cyprien  PiiRATEiON,  Joseph  Joullietton,  dans  le 
Bull,  de  la  Soc.  arch.  du  Limousin,  XLII. 

JOUMROUTCHAL.  Mont  des  Balkans,  entre  la  Bulgarie 

et  la  RouméliQ  orieiitale,  à  13  kiU  de  Karjovo  (24^00  m«)» 


JOUPAN  —  JOURDAIN 


~  îiS 


JOUPAN.  Ce  mot  vient  de  joupa,  mot  slave  qui,  en 
Bohême,  en  Moravie,  en  Croate  et  en  Serbie,  désigne  ou  dé- 
signait autrefois  une  division  administrative  du  pays.  Le 
chef  de  cette  division  est  le  joupan.  Des  princes  de  Serbie 
ont  porté  ce  titre.  La  Croatie  est  divisée  en  joupanies  ad- 
ministrées par  des  joupans.  C'esl  de  ce  mot  que  vient  le 
hongrois  ispan.  Il  a  également  passé  en  grec  moderne  et 
en  Roumanie.  L.  L. 

BiBL.  :  MiKLOsicH,  Etymologisches  Wœrterbuch  der 
Slamschen  Sprachen;  Vienne,  1886. 

JOUQUES.  Corn,  du  dép.  des  Bouches-du-Rhône,  arr. 
d'Aix,  cant.  de  Peyrolles,  sur  le  Riaou,  petit  affluent  de 
gauche  de  la  Durance  ;  i  ,506  hab.  Papeteries ,  fa- 
brique de  pipes,  moulins  à  tan,  fabriques  de  papier.  Au 
hameau  de  Traconade,  belles  sources  d'eaux  chaudes,  ap- 
pelées les  Bouillidous,  captées  autrefois  par  un  aqueduc 
romain  qui  les  menait  à  Aix  et  dont  if  reste  de  re- 
marquables ruines.  Ces  eaux  donnent  2,000  litres  par 
seconde  en  moyenne.  J.  M. 

JOUQUEVIEIL.  Corn,  du  dép.  du  Tarn,  arr.  d'Albi, 
cant.  de  Pampelonne  ;  570  hab. 

JOUR.  I.  Astronomie.— -Temps employé  par  la  terre 
pour  tourner  sur  elle-même.  Ce  nom  désigne  aussi  l'inter- 
valle de  temps  compris  entre  le  lever  et  le  coucher  du 
soleil. 

Jour  sidéral  :  intervalle  de  temps  fixe  qui  sépare  deux 
passages  consécutifs  d'une  même  étoile  à  un  méridien. 

Jour  solaire  vrai  :  intervalle  de  temps  légèrement  va- 
riable compris  entre  deux  passages  consécutifs  du  soleil  au 
même  méridien  (le  jour  solaire  est  environ  do  quatre 
minutes  plus  long  que  le  jour  sidéral).  Le  jour  solaire 
moyen  est  la  moyenne  des  jours  solaires  vrais. 

jour  lunaire  :  intervalle  de  temps  compris  entre  deux 
passages  consécutifs  de  la  Lune  au  même  méridien,  plus 
long  de  cinquante-deux  minutes  environ  que  le  jour  so- 
laire moyen.  Comme  les  marées  sont  surtout  dues  à  l'ac- 
tion de  la  Lune  sur  les  eaux  de  la  mer,  le  retard  de  la 
marée  dans  les  ports  est  en  moyenne  de  cinquante-deux 
minutes  par  jour. 

Le  jour  civil  commence  à  minuit  ;  le  jour  astrono- 
mique vers  midi,  au  passage  du  soleil  au  méridien.  L.  B. 

II.  Droit  civil.  —  Espace  de  vingt-quatre  heures  compris 
entre  deux  minuit  successifs.  Dans  un  très  grand  nombre  de 
cas,  la  loi  accorde  un  certain  sombre  de  jours  pour  faire 
un  acte  déterminé,  et  l'expiration  de  ce  délai  entraîne  dé- 
chéance. En  principe,  le  jour  imùdl(dies  a  quo)et  le  jour 
final  (diesadquem)  sont  exclus  du  délai  qui  s'appelle  alors 
délai  franc;  il  en  est  ainsi,  d'après  l'art.  4033  du  C.  de 
procéd.  civ.,  pour  tous  les  actes  qui  sont  signifiés  à  per- 
sonne ou  à  domicile.  Pour  tous  les  autres  actes,  le  délai 
n'est  pas  franc,  c-à-d.  qu'on  y  compte  le  dernier  jour; 
mais  le  jour  initial  est  toujours  exclu.  Ainsi,  un  délai  franc 
de  quatre  jours  en  comprend  en  réalité  six,  et  un  délai  non 
franc  de  quatre  jours  en  comprend  cinq.  Bien  que  le  mot 
jour  comprenne  vingt-quatre  heures,  ainsi  que  nous  l'avons 
dit,  la  loi  a  fixé  une  certaine  heure  qui  varie  suivant  les 
saisons  et  qui  est  le  point  de  départ  du  jour  utile  pendant 
lequel  peuvent  se  faire  les  significations  d'actes  ou  l'exé- 
cution des  jugements.  Ce  jour  légal  commence  à  six  heures 
du  matin  et  se  termine  à  six  heures  du  soir,  du  l*'^'  oct. 
au  31  mars;  il  commence  à  quatre  heures  du  matin  et  se 
termine  à  neuf  heures  du  soir  du  l^*"  avr.  au  30  sept. 
—  On  appelle  aussi  jour  une  ouverture  destinée  à  éclairer 
une  habitation  au  moyen  d'un  verre  fixé  dans  un  châssis 
qui  ne  peut  s'ouvrir.  Dans  un  mur  mitoyen,  aucun  des 
deux  voisins  ne  peut  pratiquer  de  jow\  à  moins  qu'il  n'ait 
acquis  ce  droit  par  titre  ou  par  prescription  (C.  civ., 
art.  675).  Dans  un  mur  non  mitoyen,  mais  bordant  Thé- 
ritage  d'autrui,  le  propriétaire  peut  ouvrir  des  jours  dits 
de  souffrance  :  ils  doivent  être  à  verre  dormant,  c.-à-d. 
ne  s'ouvrant  pas,  et  recouvert  d'un  treillis  de  fer  ;  de 
plus,  ces  jours  de  tolérance  doivent  être  pratiqués  au 
moins  à  2°^60  au-dessus  de  la  pièce  qu'ils  sont  destinés  à 


éclairer,  si  elle  est  au  rez-de-chaussée;  au  moins  à  4^90, 
si  elle  est  aux  étages  supérieurs;  le  propriétaire  voisin 
a  d'ailleurs  toujours  le  droit  de  les  boucher  en  construisant 
sur  son  propre  terrain.  Enfin,  si  le  mur  se  trouve  éloigné 
de  l'héritage  voisin  des  distances  prescrites  parles  art.  678 
et  suiv.  du  C.  civ.,  le  propriétaire  peut  y  pratiquer  tels 
jours  qui  lui  conviennent,  sans  restriction.    F.  Girodon. 

m.  Droit  commercial.  —  Jours  de  planche  ou 
JOURS  DE  STARiE.  —  Délai  accordé  pour  amener  un  char- 
gement à  quai,  ou  pour  décharger  à  l'arrivée  à  destina- 
tion ;  la  fixation  en  est  faite  par  la  charte  partie  ou  à  défaut 
suivant  l'usage  des  lieux.  Ce  délai  passé,  il  est  dû  une  in- 
demnité par  chaque  jour  de  retard.  Généralement  les  jours 
sont  comptés  tels  qu'il  se  présentent,  sans  avoir  égard  aux 
jours  fériés  qui  peuvent  être  compris  dans  l'intervalle. 

IV.  Mœurs  et  coutumes.  -—  Jours  gras  (V.  Car- 
naval). 

Jours  fériés  (V.  Fête). 

V.  Histoire.  —  Jours  fastes  et  néfastes  (V.  Fastes). 
Grands  Jours  (V.  Grands  Jours). 

VI.  Architecture.  —  On  donne  ce  nom  à  toutes  les 
ouvertures  par  lesquelles  la  lumière  pénètre  dans  les  inté- 
rieurs, de  quelque  étendue  qu'elles  soient.  Suivant  la 
disposition  de  ces  ouvertures,  elles  prennent  un  nom  dif- 
férent. Ce  sont  des  jours  d'aplomb^  des  jours  droits,  des 
jours  d'en  haut^  des  faux  jours  ou  des  jours  de  souf- 
france^ auxquelles  le  décorateur  et  le  tapissier  sont  obligés 
de  se  conformer  pour  l'effet  perspectif  de  leur  ornemen- 
tation. Les  peintres  et  les  artistes  se  servent  de  ces  mêmes 
termes  pour  indiquer  que  la  lumière  vient  frapper  leurs 
tableaux  ou  leur  œuvre  dans  le  même  sens  ou  dans  un 
sens  contraire  à  celui  qu'ils  avaient  indiqué. 

JOURDAIN  (en  arabe  Ech-Cherya).  Le  principal  des 
cours  d'eau  de  la  Palestine,  prend  sa  source  au  pied  de 
l'Anti-Liban,  traverse  le  lac  Houle  et  la  mer  de  Tibériade 
(lac  de  Génésareth)  et  va  se  perdre  dans  la  mer  Morte  (lac 
Asphaltite),  après  avoir  reçu  des  affluents  considérables  sur 
sa  rive  orientale,  tandis  que,  sur  sa  rive  droite,  côté  de  la 
Palestine  proprement  dite,  se  trouvent  à  peine  quelques 
ruisseaux.  Sa  direction  est  presque  exactement  du  N.  au 
S.,  mais  son  cours  est  singulièrement  allongé  par  des 
méandres,  notamment  dans  la  portion  qui  s'étend  entre  le 
lac  de  Génésareth  et  la  mer  Morte.  De  sa  source  la  plus 
septentrionale  jusqu'au  lac  Uoulé  sa  chute  est  de  518  m.  ; 
de  ce  point  au  lac  de  Génésareth,  la  différence  de  niveau 
est  de  210  m.  ;  de  là  à  la  mer  Morte  de  186  m.,  ce  qui 
fait  en  tout  914  m.,  dont  o20  seulement  se  trouvent  au- 
dessus  du  niveau  de  la  Méditerranée.  On  doit  supposer 
que  la  dépression  où  coule  le  Jourdain  formait  autnefois 
un  lac  intérieur  de  grandes  dimensions,  mais  il  est  nad- 
missible  que  l'eau  ait  jamais  pu  avoir  son  issue  du  côté  de 
la  mer  Rouge,  la  vallée  d'Akaba  étant  barrée  dans  cette 
direction  par  un  seuil  qui  domine  de  250  m.  environ  le 
niveau  de  la  mer  Rouge.  Si  les  eaux  fournies  par  l'Anti- 
Liban  et  la  montagne  du  Galaad,  au  lieu  d'être  absorbées 
par  l'évaporation  entre  les  parois  de  la  mer  Morte,  avaient 
pris  leur  issue  naturelle,  le  déversoir  du  lac,  allongé  en 
boyau,  qu'elles  auraient  constitué,  se  serait  formé  à  l'O. 
par  le  Nahr-Djaloud  et  la  vallée  du  Kison.  La  vallée  du 
haut  Jourdain  est  extrêmement  pittoresque  ;  la  vallée  du 
bas  Jourdain,  ou  la  chaleur  est  torride,  pourrait  redevenir 
le  centre  d'une  admirable  production  agricole.  Dans  son 
ensemble,  la  vallée  du  Jourdain,  profondément  creusée, 
aux  bords  abrupts,  est  un  obstacle  aux  communications 
entre  le  pays  de  Chanaan  proprement  dit  et  la  région  du 
Galaad  (Pérée).  Il  s'y  trouve  quelques  ponts  dans  la  partie 
supérieure,  où  la  rivière  est  très  étroite;  ailleurs  il  faut 
traverser  à  gué.  M.  Vernes. 

BiBL.  :  Fischer  et  Guthe,  Neue  Handkarte  von  Pa- 
lœstina,  ;  Leipzig,  1890.  —  B^-î^derer,  Palœstina  und  Sy- 
rien; Leipzig,  1891,  3®  éd. 

JOURDAIN,  comte  de   Toulouse  (V.  ce  mot). 

JOU  RDAIN  (Silvestre),  voyageur  anglais,  mort  à  Londres 


—  219  - 


JOURDAIN  -  JÔURDAN 


en  4650.  Le  28  juil.  1609,  il  prit  possession,  an  nom  de 
la  couronne,  des  îles  Bermudes,  avec  G.  Summers,  Ths. 
Oates  et  le  capitaine  Newport.  Il  écrivit  la  relation  de  cette 
découverte  :  A  Discovery  of  the  Bermudas  otherwise 
called  the  Me  of  Divels  (Londres,  4610,  in-^),  d'oU 
Shakespeare  a  tiré  certains  épisodes  de  sa  Tempête.  — 
Son  frère  Ignatius  (4564-1640),  riche  marchand  d'Exeter, 
représenta  cette  ville  au  Parlement  de  4625  à  4628.  Il 
a  laissé  son  nom  à  un  bill  contre  l'adultère  et  au  bill  pour 
Fobservance  du  dimanche. 

JOURDAIN  (Joseph),  voyageur  français,  né  à  Saint- 
Baussant  (Meurthe)  le  28  août  4761,  mort  à  Murtin-Bogny 
(Ardennes)  le  34  janv.  4840.  Enrôlé  à  Fâge  de  trente  ans 
dans  l'expédition  de  l'amiral  d'Entrecasteaux  envoyée  à  la 
recherche  de  La  Pérouse,  il  fut  embarqué  sur  la  Re- 
cherche. Après  la  mort  de  l'amiral,  ce  fut  lui  qui  fut 
chargé  de  rapporter  en  France  les  journaux,  cartes,  pa- 
piers et  collections  représentant  les  résultats  de  l'expédition; 
il  prit  à  cet  effet  passage  sur  le  vaisseau  rHougly  de  la 
Compagnie  hollandaise.  Fait  prisonnier  le  40  juin  1795,  il 
obtint  du  capitaine  anglais  Essington  de  conserver  le  dépôt 
qui  lui  avait  été  confié.  VHougly  ayant  fait  naufrage 
dans  les  parages  de  l'Espagne  le  18  août  suivant,  Jour- 
dain réussit  au  péril  de  sa  vie  à  sauver  le  précieux  dépôt 
dont  il  s'était  chargé.  Après  être  resté  plusieurs  années 
prisonnier  en  Angleterre,  il  rentra  en  France  à  la  paix 
d'Amiens.  Au  cours  de  son  voyage  autour  du  monde,  il 
avait  fait  avec  le  naturaliste  La  Billardière  F  une  des  pre- 
mières ascensions  du  pic  de  Ténériffe. 

JOURDAIN  (Charles-Marie-Gabriel  Bréchillet-),  philo- 
sophe et  littérateur  français,  né  à  Paris  le  Si  août  4817, 
mort  à  Taverny  (Seine-et-Oise)  le  20  juil.  4886.  Fils 
à' Aimahle-Louis-Marie  Michel  (1788-1848),  auteur  de  la 
Perse  (Paris,  4814,  5  vol.)  et  de  Rech.  sur  les  trad. 
latines  d' Aristote  (Paris,  4819),  il  fut  docteur  es  lettres 
(4838),  agrégé  pour  les  classes  de  philosophie  (4840), 
professeur  au  collège  Stanislas,  en  1849  chef  de  cabinet 
du  ministère  de  l'instruction  publique,  inspecteur  général 
de  Fenseignement  supérieur  (4869-79),  secrétaire  général 
du  ministère  de  l'instruction  publique  en  1875,  membre 
de  F  Académie  des  inscriptions  en  4863.  Ses  principaux 
ouvrages,  qui  se  rapportent  surtout  à  Fhistoire  de  la 
philosophie  religieuse,  sont:  Dissertation  sur  l'état  de 
la  philosophie  naturelle  en  Occident  pendant  la  pre- 
mière moitié  du  xn^  siècle;  Doctrina  Johannis  Gersonii 
de  Theologia  mystica  (thèses,  4838);  Questio7is  de 
'philosophie  (1847,  in-12);  Notions  de  logique  {iS^6 ^ 
in-42)  ;  Philosophie  de  saint  Thomas  d'Aquin  (1858, 
2  vol.  in-8)  ;  Un  Ouvrage  inédit  de  Gilles  de  Rome^ 
précepteur  de  Philippe  le  Bel^  en  faveur  de  la  papauté 
(br.,  1858);  Sextus  Empiricus  et  la  philosophie  sco- 
lastique  (1858,  in-8);  éditions  d'Arnault  (1845,  in-42), 
de  Nicole  (1845,  in-12);  la  Logique  de  Port-Royal 
(4854,  in-42)  ;  Mélanges  et  fragments  d'Auguste  de 
Blignlères  (4855,  in-8)  ;  Histoire  de  l'Université  de 
Paris  aux  xvu^  et  xvni«  siècles  (1862-64;  nouv.  édit., 
1888,  2  vol.  gr.  in-8)  ;  Documenta  pertinentia  ad  his- 
toriam,  etc.  (1862)  ;  Rapport  sur  V organisation  et  les 
progrès  de  V instruction  publique  (1867,  in-8);  Excur- 
sions historiques  et  philosophiques  à  travers  le  moyen 
âge  (4888,  in-8,  public,  posthume).  C-el. 

JOUR  DAN  (Jean-Baptiste),  littérateur  français,  né  à 
Marseille  le  20  déc.  4744,  mort  à  Paris  le  7  janv.  4793. 
Il  a  fait  jouer  au  Théâtre-Italien  un  certain  nombre  de 
pièces  qui  ont  eu  du  succès,  entre  autres  VEcole  des 
Prudes  (1753,  comédie  en  trois  actes).  Citons  de  lui  :  le 
Guerrier  philosophe  (Paris,  4744,  2  vol.  in-42),  roman 
historique  assez  intéressant. 

JOURDAN  (Mathieu  Jouve),  dit  Coupe-tête,  révolu- 
tionnaire français,  né  à  Saint-Just  en  4749,  mort  à  Paris 
le  27  mars  1794.  D'une  condition  infime  (maréchal  fer- 
rant, contrebandier,  cabaretier,  charretier),  il  était  à  Paris 
au  début  de  la  Révolution  où  il  figura  dans  tous  les  troubles. 


Il  s'est  vanté  d'avoir  coupé  la  tête  du  gouverneur  de  la 
Bastille,  de  Launay,  le  44  juil.  4789.  Puis  il  s'établit  à 
Avignon  où  il  entra  dans  la  garde  nationale.  Il  participa, 
comme  un  des  chefs  de  Farmée  de  Vaucluse,  à  Fexpédition 
contre  Carpentras,  pilla  et  saccagea  le  Gomtat  jusqu'au 
licenciement  de  cette  armée  survenu  après  la  paix  d'Orange 
(14  juin  4791).  Rentré  à  Avignon,  Jourdan  ordonna  les 
massacres  de  la  Glacière  (46-47  oct.)  auxquels  il  présida. 
Arrêté  à  la  suite  de  la  réunion  du  Comtat  à  la  France,  il 
fut  délivré  par  l'amnistie  de  4792.  Il  s'en  fut  à  Marseille 
(4793)  où  le  parti  fédéraliste  le  jeta  en  prison.  Remis  en 
liberté  parle  général  Carteaux,  il  se  vengea  en  dénonçant 
force  suspects  au  tribunal  d'Orange.  Nommé  commandant 
de  la  gendarmerie,  il  commit  tant  d'excès  qu'il  fut  à  son 
tour  dénoncé  par  Agricol  Moreau.  Traduit  devant  le  tribu- 
nal révolutionnaire,  il  fut  condamné  à  mort  et  exécuté  le 
même  jour. 

JOÙRDAN  (Jean-Baptiste),  homme  politique  français, 
né  à  Formes  (Nièvre)  le  49  oct.  4757,  mort  à  Saint-Aubin- 
les-Chaumes.  Administrateur  de  la  Nièvre  (1790),  il  fut 
élu  député  à  la  Convention  le  8  sept.  1792.  Il  vota  le  ban- 
nissement de  Louis  XVI.  Bien  qu'il  fût  très  modéré,  il  dé- 
nonça en  Fan  II  un  complot  des  aristocrates  contre  la  re- 
présentation nationale  et  réclama  «  des  mesures  telles  que 
la  famille  capétienne  ne  puisse  plus  nous  inquiéter  »,  et  en 
Fan  III  demanda  l'expulsion  des  restes  de  la  famille  des 
Bourbons.  Il  fut  envoyé  en  mission  dans  la  Nièvre  et  dans 
l'Yonne.  Elu  député  au  Conseil  des  Cinq-Cents  à  la  fois  par 
le  Loiret  et  la  Nièvre  (an  ÏV),  il  opta  pour  ce  dernier  dépar- 
tement qui  le  réélut  en  Fan  V.  Il  fut  encore  député  au  Corps 
législatif,  sur  la  désignation  du  Sénat,  de  l'an  VIII  à  l'an  XII. 

JOURDAN  (Jean-Baptiste,  comte),  maréchal  de  France, 
né  à  Limoges  le  29  avr.  1762,  mort  à  Paris  le  23  nov. 
4833.  Il  débuta  dans  le  commerce,  fut  commis  dans  une 
maison  de  soieries  de  Lyon.  En  4776  il  s'engage,  fait  la 
campagne  d'Amérique  dans  le  régiment  d'Auxerrois  et,  ré- 
formé en  4784,  ouvre  à  Limoges  une  maison  de  mercerie. 
La  Révolution  le  rend  à  son  véritable  élément.  Lieutenant 
des  chasseurs  de  la  garde  nationale  (4790),  il  rejoint  Du- 
mouriez  à  Farmée  du  Nord.  Trois  ans  après  il  était  géné- 
ral de  division.  Blessé  à  Hondschoote,  il  succède  à  Bouchard 
dans  le  commandement  de  Farmée,  gagne  la  bataille  de 
Wattignies.  Rappelé  à  Paris  par  le  comité  de  Salut  public, 
il  conseilla  au  comité  de  la  guerre  l'attitude  défensive.  Mais 
d'opinion'S  fort  modérées,  il  ne  tarda  pas  à  devenir  suspect. 
Grâce  à  Carnot  et  à  Barère,  il  évita  une  arrestation  immi- 
nente et  revint  à  Limoges  reprendre  son  commerce  de  mer- 
cerie. Cette  disgrâce  dura  peu.  Rappelé  au  commencement 
de  1794,  il  fut  mis  à  la  tête  de  Farmée  de  Sambre-et- 
Meuse.  Le  26  juin  il  battait  Cobourg  à  Fleurus,  prenait 
Namur  (16  juil.)  et  Liège,  écrasait  Cobourg  à  Aldenhoven 
(ou  Juliers)  le  2  oct.,  passait  le  Rhin  (7  sept.  4795),  bat- 
tait le  duc  de  Wurttemberg  à  Altenkirohen  (1796).  Cette 
brillante  campagne  fut  brusquement  interrompue  par  une 
série  d'insuccès  dus  à  une  manœuvre  imprudente  de  Mo- 
reau qui  s'écarta  trop  de  lui.  Profitant  de  cette  faute, 
Clerfayt  et  l'archiduc  Charles  obUgèrent  Jourdan  à  se  retirer 
sur  le  Rhin.  Battu  à  Wurlzbourg,  puis  à  Altenkirchen,  il 
fut  de  nouveau  disgracié.  Il  se  lança  alors  dans  la  po- 
litique. Elu  député  de  la  Haute-Vienne  au  conseil  des 
Cinq-Cents  le  23  germinal  an  VI,  réélu  le  44  germinal 
an  Vni,  il  fut  à  deux  reprises  président  de  cette  assemblée, 
où  il  s'occupa  surtout  de  la  fameuse  loi  de  conscription  mi- 
litaire de  1798  qui  est  tout  entière  son  œuvre.  Le  14  oct. 
1798,  le  Directoire  lui  donnait  le  commandement  de  Far- 
mée du  Danube.  Après  avoir  passé  le  Rhin  àKehl,  Jourdan 
franchit  la  Foret-Noire.  Le  20  mars  1799,  il  se  heurtait 
aux  forces  supérieures  de  l'archiduc  Charles  et  était  battu 
le  25;  ilrétrograda  sur  Strasbourg  et,  malade  et  désespéré, 
remit  son  commandement  à  Masséna.  Réélu  au  conseil  des 
Cinq-Cents  il  y  fit  une  vive  opposition  au  Directoire  et  fut 
un  des  rares  adversaires  du  48  brumaire.  Exclu  du  conseil 
le  lendemain  du  coup  d'Etat,  il  reçut  l'ordre  de  se  rendre 


JOURDAN  -^  JOURDE 


—  220  — . 


dans  la  Charente.  Mais  Lefebvre  opéra  un  rapprochement 
entre  Napoléon  et  lui  et  le  fit  nommer  inspecteur  général 
d'infanterie  et  de  cavalerie  (21  janv.  4800).  Le  24  juil,, 
Jourdan  acceptait  le  poste  d'ambassadeur  près  la  Répu- 
blique cisalpine.  Il  organisa  habilement  le  Piémont,  entra 
au  conseil  d'Etat  (4802),  fut  créé  maréchal  de  l'Empire 
(4804),  reçut  le  commandement  des  troupes  delaLombar- 
die  et  assista  au  couronnement  de  l'empereur  à  Milan. 
Mais  Masséna  ayant  obtenu  le  commandement  de  l'armée 
d'Italie  (4805),  il  s'en  plaignit  assez  vivement  et  fut  tenu 
un  peu  en  dehors  des  affaires.  En  4806,  Joseph  Ronaparte 
placé  sur  le  trône  de  Naples  réclama  Jourdan  comme  con- 
seiller militaire  et  l'emmena  avec  lui  en  Espagne.  Major 
général  de  l'armée,  il  prépara  la  bataille  deTalavera(4809), 
mais,  mal  soutenu  par  les  maréchaux  de  Napoléon  qui  ne 
tenaient  aucun  compte  de  ses  ordres,  il  démissionna  et 
rentra  en  France  après  avoir  fait  entendre  de  nouvelles  ré- 
criminations. En  4814,  il  revenait  en  Espagne  avec  le  titre 
de  gouverneur  de  Madrid.  Major  général,  chargé  de  lutter 
contre  Wellington,  il  se  butte  aux  mêmes  difficultés,  au 
mauvais  vouloir  évident  de  Marmont  et  de  Soult.  Le  24  juin 
4843,  il  perd  la  bataille  de  Vittoria,  et  son  bâton  de  ma- 
réchal reste  aux  mains  des  Anglais.  De  nouveau  il  démis- 
sionne. Nommé  commandant  supérieur  de  la  45®  division 
militaire  (30  janv.  4844),  il  adhère  à  la  déchéance  de 
l'empereur.  Puis  pendant  les  Cent-Jours  il  accepte  le  com- 
mandement de  Besançon  et  la  pairie.  Chef  de  l'armée  du 
Rhin  après  Waterloo,  il  se  rallia  de  nouveau  à  la  Restau- 
ration. Mais  il  refusa  de  présider  le  conseil  de  guerre  chargé 
de  juger  le  maréchal  Ney.  Créé  comte,  il  fut  nommé  gou- 
verneur de  Grenoble  (4846)  et  créé  pair  le  5  mars  4^19. 
Membre  de  l'opposition,  il  vit  avec  plaisir  la  révolution  de 
4830  qui  lui  valut  le  portefeuille  des  affaires  étrangères 
(3  août-44  août),  puis  les  fonctions  de  gouverneur  des 
Invalides  (44  août)  où  il  fut  inhumé.  Jourdan  a  écrit  : 
Opérations  de  l'armée  du  Danube  (Paris,  4799),  in-8); 
Mémoires  pour  servir  à  Vhistoire  sur  la  campagne  de 
ilBG  (1849,  in-8).  Il  a  laissé  des  Mémoires  demeurés 
jusqu'ici  en  manuscrit. 

JOURDAN  (Louis),  publiciste  français,  né  à  Toulon  (Var) 
en  4840,  mort  à  Alger  le  2  juin  4881.  Après  avoir  débuté 
de  très  bonne  heure  dans  la  presse  locale,  il  devint  l'un  des 
adeptes  de  la  doctrine  saint-simonienne,  se  rendit  en  Grèce 
où  il  rédigea  un  journal  français,  le  Sauveur^  et  prit  une 
part  active  à  la  fondation  du  journal  V Algérie  (4835-47), 
Louis  Jourdan  créa  ensuite  :  le  Spectateur  républicain. 
qui  parut  à  Toulon  du  29  juil.  au  8  sept.  4848  ;  le  Crédit 
(1848-50),  avec  Ch.  Duveyrier;  le  Journal  des  action- 
naires (4854)  et  le  Causeur  (4859),  revue  littéraire.  De 
4840  jusqu'à  la  chute  de  l'Empire,  il  fut  l'un  des  princi- 
paux rédacteurs  politiques  du  Siècle,  En  dehors  de  ces 
collaborations  multiples,  Louis  Jourdan  a  publié  en  vo- 
lumes :  les  Prières  de  Ludovic  (1854,  in-46);  Contes 
industriels  (4859,  in-i8),  fantaisies  scientifiques  inspi- 
rées par  l'exposition  universelle  de  4855;  les  Mauvais 
Ménages  (4859,  in-'18);  tes  Peintres  français.  Salon 
de  1859  (4859,  in-18);  les  Femmes  devant  Véchafaud 
(4864,  in-48);  Un  Philosophe  au  coin  du  feu  (4864, 
in-48)  ;  les  Martyrs  de  l'amour  (4862,  in-48)  ;  Marthe 
et  Lucie  (Alger,  1869,  in-48).  En  4861,  Louis  Jourdan 
consentit  à  signer,  pour  obliger  un  inconnu,  une  sorte  de 
roman  historique  intitulé  Un  Hermaphrodite  (in-18),  et 
qui  n'était  qu'un  plagiat  à  peine  déguisé  des  Mémoires  sur 
le  chevalier  d'Eon,  de  F,  Gaillardet  (V.  ce  nom).  Celui- 
ci  réclama,  et  le  véritable  coupable,  M.  E.  Debriges,  fut 
obligé  de  se  dévoiler.  --  L'un  des  fils  du  publiciste,  Prosper 
Jourdan,  né  en  4840,  mort  en  4866,  avait  laissé  quelques 
écrits  en  prose  et  en  vers,  réunis  sous  le  titre  de  :  Contes 
et  poésies  (4866,  in-4  8)  parles  soins  de  sa  famille  et  non 
mis  dans  le  commerce.  M.  Tx. 

JO  U  RDAN  (Alfred),  jurisconsulte  et  économiste  français, 
né  à  Fréjus  en  4825,  mort  à  La  Motte  (Yar)  en  4894. 
P' abord  professeur  de  droit  romain  à  h  faculté  d'Aix,  puis 


professeur  d'économie  politique  à  la  faculté  des  sciences  de 
Marseille  et  à  la  faculté  de  droit  d'Aix  dont  il  devint  le 
doyen.  Il  a  contribué,  par  son  enseignement  et  ses  ouvrages, 
à  faire  revivre  en  France  les  études  d'économie  politique. 
On  cite,  parmi  ses  travaux  de  droit  romain  :  Etude  sur 
rétat  et  la  capacité  des  femmes  en  droit  romain  (Aix, 
4849)  ;  r Hypothèque  en  droit  romain  (VâriSj  4876).  On 
lui  doit  comme  économiste  :  le  Droit  français,  ses  rap- 
ports avec  les  principes  de  la  înorale  et  de  l'économie 
politique  (Paris,  1875)  ;  Epargne  et  capital  (Paris, 
4879);  Du  Rôle  de  l'Etat  dans  l'ordre  économique 
(Paris,  4882)  ;  Des  Rapports  entre  le  droit  et  l'écono- 
mie politique  (Paris,  4885)  ;  ces  quatre  volumes  ont  été 
couronnés  par  ITnstitut.  Son  Cours  d'économie  politique 
a  été  publié  (Paris,  1882  ;  2*^édit.  entièrement  refondue, 
4890).  Il  avait  fondé,  en  4887,  avec  MM.  Gide,  Villey  et 
Duguit,  la  Revue  d'économie  politique,  G.  R. 

JOURDAN  (Louis),  homme  politique  français,  né  à 
Uzès  le  7  juil.  4843.  Sous-préfet  de  Largentière,  puis  de 
Chollet,  révoqué  par  le  gouvernement  du  16  mai;  devenu 
préfet  de  la  Lozère  après  la  victoire  des  363,  il  démis- 
sionna, plaida  au  barreau  de  Mende  et  fut  élu  député  de  la 
Lozère  le  14  févr.  1886.  Membre  de  la  gauche  radicale,  il 
se  prononça  contre  le  boulangisme  et  fut  réélu  en  1889  et 
1893. 

JOURDAN  (Joseph),  homme  politique  français,  né  à 
Bastia  le  29  juil.  1846.  Avocat  du  barreau  de  Marseille, 
adjoint  au  maire  de  cette  ville,  il  fut  élu  en  1893  député 
de  l'arr.  de  Draguignan  au  second  tour  de  scrutin,  après 
une  lutte  des  plus  vives  contre  M.  Clemenceau,  par  9,503 
voix  contre  8,610. 

JOURDE  (Gilbert-Amable),  homme  politique  français, 
né  à  Riom  le  47  janv.  1757,  mort  à  Paris  le  45  févr. 
4837.  Avocat  au  parlement  de  Paris  (4778),  il  fut  élu  en 
4790  membre  du  Directoire  du  district  de  Riom,  en  4794 
accusateur  public  près  le  tribunal  criminel  du  Puy-de- 
Dôme  et  élu  en  4792  suppléant  à  la  Convention.  Il  siégea 
le  4  vendémiaire  an  III  en  remplacement  de  Couthon.  Il 
représenta  encore  le  Puy-de-Dôme  au  conseil  des  Cinq-Cents 
(4795-98).  Le  42  mai*  1798,  il  fut  nommé  substitut  du 
commissaire  du  gouvernement  près  le  tribunal  de  cassation, 
donna  sa  place  à  Abrial,  la  reprit  en  4799  et  devint 
conseiller  à  la  cour  de  cassation  le  6  août  4824.  En  4800, 
il  fut  envoyé  en  mission  dans  le  Piémont  pour  y  réorga- 
niser la  magistrature.  On  a  de  lui  :  Bulletin  de  l'admi- 
nistration de  Piémont  {{ 800-0 A')  ;  instruction  sur 
l'administration  de  la  justice  (4804). 

JOURDE  (François),  homme  poHtique  français,  né  à 
Chassagne  (Puy-de-Dôme)  le  4  juil.  4843,  mort  à  Nice  le 
20  mars  1893.  Employé  de  banque,  comptable  excellent, 
il  fonda  en  4868  une  maison  de  commerce  qui  périclita. 
Très  répandu  au  quartier  latin,  il  y  créa  le  journal  la  Pipe 
en  bois,  qui  succomba  dès  son  premier  numéro.  Sergent 
de  la  garde  nationale  après  l'investissement  de  Paris,  il 
fut  élu  membre  de  la  Commune  par  le  V®  arrondissement 
le  26  mars  4874  et  dut  à  ses  aptitudes  financières  et  à  sa 
probité  d'être  nommé  le  30  mars  membre  de  la  commission 
des  finances  et  le  24  avr.  délégué  aux  finances.  Il  eut  les 
plus  grandes  difficultés  à  remplir  ses  fonctions  et  à  orga- 
niser un  peu  d'ordre  et  un  contrôle  efficace  pour  arrêter 
les  détournements  qui  se  commettaient  dans  les  divers  ser- 
vices de  la  Commune  et  principalement  dans  celui  si  im- 
portant de  la  solde  de  la  garde  nationale.  Grâce  à  lui  et  à 
Beslay,  la  Banque  de  France  et  ses  3  milliards  de  dépôts 
purent  être  sauvés.  Jourde  vota  contre  la  création  du  comité 
de  Salut  pubUc  et  démissionna  après  qu'elle  eut  été 
adoptée,  mais  il  fut  réélu  à  la  presque  unanimité.  Arrêté 
le  30  mai,  il  fut  condamné  le  3  sept,  à  la  déportation. 
Transporté  à  la  Nouvelle-Calédonie,  il  réussit  le  20  mars 
4874  à  s'évader  en  compagnie  de  Rochefort  et  de  Paschal 
Grousset,  s'étabUt  en  Suisse,  où  ses  anciens  collègues, 
entre  autres  Vermesch,  le  criblèrent  d'injures  et  l'accusè- 
rent de  trahison,  passa  à  Strasbourg,  d'où  il  fut  expulsé 


m 


JOURDE  —  JOURNAL 


(1874),  puis  à  Bruxelles,  d'où  il  fut  également  expulsé 
(1877)  et  rentra  en  France  après  l'amnistie.  Il  fit  de  vaines 
tentatives  pour  se  faire  élire  au  conseil  municipal  de  Paris, 
puis  à  la  députation  (à  Lyon)  et  dès  lors  se  tint  tout  à 
fait  dans  la  vie  privée.  Il  a  laissé:  les  Condamnés  poli- 
tiques en  Nouvelle-Calédonie^  Récit  de  deux  évadés 
(1876),  en  collaboration  avecPasctialGrousset,  et  Souvenirs 
d'un  membre  de  la  Commune  (Bruxelles,  1877,  in-8). 
JOURDE  (Antoine),  homme  politique  français,  né  à 
Saint-Merd  (Corrèze)  le  23  sept.  1848.  11  participa  à  la 
guerre  franco-allemande  dans  le  corps  du  général  Vinoy, 
fut  blessé  à  Viliejuif,  et  devint  après  la  paix  adjudant-com- 
mandant de  compagnie  au  Prytanée  de  La  Flèche.  Boulan- 
giste  ardent,  il  fut  élu  député  par  la  troisième  circonscrip- 
tion de  Bordeaux  aux  élections  générales  de  1889  et  fut 
réélu  en  1893.  11  s'est  occupé  activement  des  questions 
ouvrières  et  a  fait  voter  l'impôt  sur  les  opérations  de  Bourse. 
JOURDY  (Paul),  peintre  français,  né  à  Dijon  le  17  déc. 
1805,  mort  à  Paris  le  28  oct.  1856.  Elève  de  Lethière  et 
d'Ingres,  il  eut  le  deuxième  prix  de  Rome  en  1828,  et  le 
premier  prix  en  1834  (Homère  chantant  ses  poésies).  On 
lui  doit  des  peintures  religieuses  dans  plusieurs  églises  de 
Paris  (des  Blancs-Manteaux,  Samt-Roch,  Sainte-Elisabeth), 
quelques  tableaux  d'histoire  :  Saint  Louis  dictant  ses  Eta- 
blissements (1846),  etc.,  et  de  nombreux  portraits.  Plu- 
sieurs de  ses  toiles  furent  acquises  par  l'Etat  ;  quelques- 
unes  sont  aux  musées  de  Versailles  et  de  Dijon.  G.  P~i. 
J0UR6NAC.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Vienne,  arr.  de 
Limoges,  cant.  d'Aixe;  758  hab. 

JOURGNIAC-Saint-Méard  (Le  chevalier  François  de), 
publiciste  français,  né  à  Bordeaux  en  1746,  mort  à  Paris 
le  3  févr.  1827.  Capitaine  au  régiment  d'infanterie  du  roi 
où  il  servait  depuis  1766,  chevalier  de  Saint-Louis  en  1786, 
il  vint  à  Paris  vers  1791  et  collabora  au  Petit  Gautier 
ou  Journal  général  de  la  cour  et  de  la  ville^  journal 
monarchiste,  ce  qui  lui  valut  (1792)  un  emprisonnement 
à  l'Abbaye.  Il  put  échapper  aux  massacres  de  Septembre, 
ayant  été  jugé  et  acquitté  le  4  sept.  Il  écrivit  aussitôt  : 
Mon  Agonie  de  trente-huit  heures  (Paris,  1792,  in-8), 
opuscule  qui  eut  une  quinzaine  d'éditions  et  une  trentaine 
de  contrefaçons,  et  qui  a  été  inséré  dans  la  Collection  des 
mémoires  relatifs  à  la  Révolution  française  (t.  XXVIII). 
Jourgniac  n'obtint  même  pas  de  la  Restauration  sa  pension 
d'ancien  soldat  et  dut  se  contenter  de  ses  fonctions  de 
président  de  la  société  fantaisiste  des  Gobe-mouches,  qui 
siégeait  chez  le  libraire  Desenne  au  Palais-Royal.  On  a 
encore  de  lui  :  Correspondance  de  Mesmer  (Nancy,  1 785, 
in-12),  en  collaboration  avec  Fortia  de  Piles  et  Boisgehn; 
Ordre  du  jour  ou  Salmigondis  ministériel  et  bureau- 
cratique (Paris,  1822,  in-8)  ;  Ainsi  soit-il  ou  Nec  plus 
ultra  du  vieux  royaliste  Jourgniac  de  Saint-Méard 
(1824,  in-8)  ;  Mon  Epitaphe  (1824,  in-8). 

JOURNAL.  I.  Littérature.  —  Au  point  de  vue  litté- 
raire, le  terme  de  journal  désigne  non  seulement  les  publi- 
cations de  la  presse  périodique  quotidienne  (V.  Presse), 
lesquelles  sont  presque  forcément  des  œuvres  collectives, 
mais  aussi  les  mémoires  personnels  rédigés  au  jour  le  jour 
(réellement  ou  censément).  On  trouvera  ce  qui  concerne 
ces  ouvrages  dans  l'art.  Mémoire  (Littérature). 

Journal  officiel.  —  Le  Journal  officiel,  organe  du 
gouvernement,  est  chargé  de  l'insertion  des  actes  officiels, 
des  promulgations  de  lois  et  décrets,  des  nominations  de 
fonctionnaires;  des  documents  fournis  par  les  ministères 
de  finances,  du  commerce,  des  travaux  publics,  des  colo- 
nies, de  la  guerre  et  de  la  marine;  des  communiqués  du 
gouvernement  et  de  l'administration,  des  nouvelles  offi- 
cielles de  l'étranger,  des  comptes  rendus  in  extenso  des 
séances  des  Chambres  et  des  documents  parlementaires;  des 
comptes  rendus  des  séances  des  Académies,  du  bulletin- 
officiel  de  la  Bourse,  etc. 

Historique.  11  a  eu  pour  origine  la  Gazette  natio- 
nale ou  Moniteur  universel,  journal  fondé  par  Pan- 
ckoucke  et  dont  le  premier  numéro  est  daté  du  5  mai  1789. 


Il  devait  se  consacrer  spécialement  à  la  publication  des 
débats,  délibérations  et  décrets  de  l'Assemblée  nationale, 
des  actes  publics,  diplômes,  traités,  et  accessoirement  aux 
questions  de  politique  extérieure  et  intérieure,  à  l'admi- 
nistration, à  la  littérature,  sciences  et  arts.  Le  Moniteur 
prit  toute  suite  et  par  la  force  même  des  choses  un  carac- 
tère nettement  officiel.  «  Jeté  dans  le  mouvement  de  la 
Révolution,  le  Moniteur,  écrit  Montlosier,  a  eu  pour  prin- 
cipe de  se  laisser  emporter  dans  toutes  ses  directions  :  il  a 
eu  ainsi,  selon  qu'elles  se  sont  succédé,  les  teintes  monar- 
chique, constitutionnelle,  girondine,  jacobine,  impériale.  » 
Mais,  en  réalité,  il  n'est  devenu  l'organe  officiel  du  gouver- 
nement qu'à  partir  de  nivôse  an  VIII.  Du  8  juil.  1814  au 
l^""  févr.  1815,  la  partie  officielle  lui  fut  momentanément 
retirée  et  parut,  à  des  époques  indéterminées,  sous  le  titre 
de  Gazette  officielle.  Le  Moniteur  continua  à  être  géré 
par  les  héritiers  Panckoucke  jusqu'au  31  déc.  1868.  Il  se 
composait  à  cette  date  de  159  vol.  in-fol.  et  de  3  vol. 
in-fol.  de  tables  analytiques.  Depuis  1815,  il  existe  une 
table  particulière  pour  chaque  année.  Une  réimpression  de 
V Ancien  Moniteur  (1789-99)  a  été  donnée  par  L.  Gal- 
lois (1840-45,  32  vol.,  gr.  in-8). 

En  1868,1e  gouvernement  mit  en  adjudication  la  feuille 
officielle,  qui,  acquise  par  Wittersheim,  dut,  sur  la  récla- 
mation du  Moniteur,  prendre  le  titre  de  Journal  officieL 
Il  fut  publié  dans  le  format  in-fol.  jusqu'en  1871  (4  vol., 
plus  1  vol.  pour  la  Commune)  et  à  partir  de  1871  dans 
le  format  in-4. 

En  1880  (loi  du  28  déc.)  le  système  de  l'entreprise, 
qui  avait  succédé  au  système  des  traités,  fut  à  son  tour 
remplacé  par  l'exploitation  en  régie.  Le  ministère  de  l'in- 
térieur acquit  moyennant  1,700,000  fr.  l'immeuble  du 
quai  Voltaire,  l'outillage,  le  matériel  et  le  mobilier  admi- 
nistratif de  la  société  W^ittersheim.  On  rattacha  au  budget 
général  de  l'Etat  le  service  de  la  composition,  de  l'im- 
pression et  de  la  publication  du  Journal  offlciel,  les  frais 
d'exploitation  devant  être  classés  parmi  les  dépenses  du 
ministère  de  l'intérieur,  et  les  produits  aux  produits  divers 
du  budget. 

A  partir  de  1881  également,  l'O/'^cî^/  fut  divisé  en  cinq 
parties  paginées  à  part  :  1°  V Officiel  proprement  dit  (lois, 
décrets,  nominations,  etc.);  2<>  compte  rendu  in  extenso 
des  débats  du  Sénat  ;  3«  documents  parlementaires  du  Sé- 
nat ;  ¥  compte  rendu  in  extenso  des  débats  de  la  Chambre 
des  députés  ;  5*^  documents  parlementaires  de  la  Chambre. 
Publications  annexes  de  l' Officiel  :  !<"  Petit  Moniteur 
du  Soir  (1864-69)  qui  comprenait  une  partie  des  docu- 
ments insérés  au  Moniteur  et  se  vendait  5  centimes.  Il 
fut  remplacé  par  h  Petit  Officiel  du  Soir  (1869-71)  qui 
devint  le  Bulletin  français,  journal  officiel  du  Soir 
(1874-80).  2«  Moniteur  des  communes  (1852-71),  con- 
tenant les  lois,  décrets  et  instructions  du  gouvernement  ou 
une  analyse  sommaire  de  ces  divers  actes.  Servi  d'ofiice  à 
toutes  les  communes,  sauf  les  chefs-lieux  de  canton,  il  était 
destiné  à  être  affiché.  Il  fut  remplacé  par  le  Bulletin  des 
communes  (1876-84)  que  M.  de  Fourtou  fit  servir  si 
efficacement  aux  nécessités  de  sa  politique  pendant  le  Seize- 
Mai,  et  devint  le  1^^  janv.  1885  le  Journal  officiel,  édi- 
tion des  Communes,  Cette  feuille  est  distribuée  tous  les 
huit  jours  aux  communes  par  l'intermédiaire  des  rece- 
veurs des  postes.  Les  maires  sont  tenus  de  la  faire  afficher 
dès  sa  réception. 

Organisation  actuelle.  Le  service  des  journaux  officiels 
est  placé  sous  la  direction  politique  et  administrative 
du  ministère  de  l'intérieur.  Il  a  à  sa  tête  :  un  directeur, 
au  traitement  fixe  de  11,000  fr.  (et  le  logement),  assisté 
d'un  chef  de  service  des  abonnements,  d'un  caissier  agent 
comptable,  d'un  secrétaire  de  la  rédaction,  d'un  secré- 
taire adjoint  et  de  plusieurs  rédacteurs  et  employés. 
Tous  ces  employés  sont  fonctionnaires  et  soumis  comme 
tels  à  la  retenue  pour  pensions.  D'autre  part,  une  «  So- 
ciété anonyme  à  capital  variable,  de  composition,  impres- 
sion, expédition  et  distribution  du  Journal  offimel  de  U 


JOURNAL  —  ^ 

République  française  »,avec  laquelle  l'administration  passe 
un  traité  annuel,  assure  le  service^matériel.  Cette  Société, 
dont  les  actionnaires  ont  souscrit  un  capital  de  5,600  fr., 
divisé  en  412  actions  de  50  fr.,  rapportants  %  d'intérêt, 
comprend,  en  dehors  des  28  associés,  des  équipes  perma- 
nentes et  des  équipes  volantes.  Elle  se  recrute  obliga- 
toirement parmi  les  membres  de  la  Chambre  syndicale 
typographique.  L'Etat  fournit  l'outillage  et  la  matière,  la 
Société  fournit  la  main-d'œuvre  qui  représente  600,000  fr. 
par  an  en  moyenne,  sur  lesquels  elle  fait  à  peu  près  5  ^o 
de  bénéfices.  Les  ouvriers  reçoivent  une  paye  hebdoma- 
daire et  sur  les  bénéfices  une  répartition  proportionnelle 
au  travail  qu'ils  ont  fourni*  Les  typographes  laissent  5  % 
de  leur  bénéfice  à  la  caisse  de  retraite  de  la  Société  de  se- 
cours mutuels  dont  ils  font  partie.  Un  prélèvement  de 
40  °/o  sur  le  bénéfice  constitue  en  outre  un  fonds  de  pré- 
voyance qui  est  réparti  annuellement,  de  même  pour  le 
fonds  de  réserve  fixé  au  dixième  du  capital.  Les  membres 
de  l'association  s'interdisent  toute  grève.  Ils  nomment  en 
assemblée  générale  un  directeur  pour  trois  ans  et  des  admi- 
îiistrateurs  pour  six  ans,  un  président  du  conseil  d'admi- 
nistration pour  un  an. 

Le  prix  de  l'abonnement  qui  était  jadis  de  112  fr.  (Mo- 
niteur  universel)  est  aujourd'hui  de  40  fr.  par  an.  Le 
numéro,  qui  se  vendait  à  raison  de  0,20  la  feuille  de  seize 
pages  et  0,05  par  feuille  de  supplément,  se  vend  depuis  le 
4«^  janv.  1891  au  prix  uniforme  de  0,15  (décr.  du  26  déc. 
4890).  L'abonnement  à  l'édition  des  communes  est  de 
4  fr.  par  an.  Le  Journal  officiel  reçoit  les  annonces  légales 
et  judiciaires,  et  depuis  la  loi  de  finances  du  29  déc.  1888 
les  annonces  commerciales,  sauf  «  les  annonces  inconve- 
nantes dans  le  fond  ou  dans  la  forme,  les  réclames  finan- 
cières, les  annonces  dont  les  termes  supposeraient  ou  pa- 
raîtraient supposer  un  patronage  quelconque  de  l'Etat  ». 
Les  recettes  (abonnements,  prix  des  annonces  et  autres 
produits  de  l'exploitation)  sont  versées  à  la  Recette  centrale 
de  la  Seine  et  figurent  aux  produits  divers  du  budget  ;  les 
dépenses  de  personnel  et  d'exploitation  sont  inscrites  au 
budget  du  ministère  de  l'intérieur. 

De  1871  à  1879  le  Journal  officiel  a  coûté  à  l'Etat 
4,281^826  fr.,  soit  en  moyenne  400,000  fr.par  an. Depuis 
il  y  a  eu  462,736  fr.  d'excédents  de  dépenses  en  1883, 
268,019  fr.  en  1885,  265,018  fr.  en  1887  ;  au  budget 
de  4895  les  dépenses  sont  évaluées  à  4,042,100  fr.,  les 
recettes  à  875,760  fr.,  soit  un  excédent  de  dépenses  de 
466,340  fr. 


Etranger.  —  Tous  les  grands  pays  ont  un  journal  offi- 
ciel. C'est  en  Allemagne  le  Deutscher  Reichs-Anzeiger 
(aux  frais  de  l'Etat  et  en  régie);  en  Autriche-Hongrie,  la 
Wiener  Zeitung  (publiée  par  l'imprimerie  impériale);  en 
Belgique  le  Moniteur  belge  (publ.  par  l'Etat)  ;  en  Chine, 
la  Gazette  de  Pékin;  en  Danemark,  le  Lov  og  Mineste- 
rialtidende  (lois  et  décrets)  et  le  Rigsdagstidende  (dé- 
bats parlementaires);  en  Espagne,  la  Gaceta  ufficale  ;  en 
Angleterre,  la  London  Gazette;  en  Grèce,  rE'fy)(jL£pi;  tt]ç 
KuGspvTJaswç;  en  Hollande,  le  Nederlandsche  Staats 
Courant;  en  Italie,  la  Gazetta  officiale;  en  Portugal,  le 
Diario  do  Gober  no;  en  Russie,  le  Messager  du  gouver- 
nement; en  Suisse,  la  Feuille  d'Avis^  etc. 

II.  Législation  (V.  Presse). 

IIL  Commerce.  —  Le  livre  journal  est  un  de  ceux  dont 
la  tenue  est  obligatoire  ;  le  code  de  commerce  (art.  8)  dit 
en  effet  que  tout  commerçant  est  tenu  d'avoir  un  livre  journal 
qui  présente,  jour  par  jour,  ses  dettes  actives  et  passives, 
les  opérations  de  son  commerce,  ses  négociations,  accep- 
tations ou  endossements  d'effets,  et  généralement  tout  ce 
qu'il  reçoit  et  paye,  à  quelque  titre  que  ce  soit,  et  qui 
énonce,  mois  par  mois,  les  sommes  employées  à  la  dépense 
de  sa  maison;  l'art.  10  porte  que  ce  livre  doit  être  coté  et 
parafé,  et  tenu  par  ordre  de  date,  sans  blancs,  lacunes 
ou  transports  en  marge.  Tout  est  ainsi  établi  de  la  façon 
la  plus  complète,  et  le  journal  doit  énoncer  tout  ce  qui,  à 
un  titre  quelconque,  concerne  les  affaires  du  commerçant 
et  peut  avoir  une  influence  sur  sa  situation.  Dans  sa  forme 
la  plus  simple,  le  journal  consiste  dans  un  registre,  folioté 
bien  entendu,  et  portant  sur  chaque  page  une  colonne  de 
dates  (mois  et  quantième),  une  colonne  beaucoup  plus 
large  pour  le  libellé  des  articles,  et  avec  une  petite  colonne 
pour  indiquer  les  folios  du  grand  hvre,  c.-à-d.  la  page  à 
laquelle  sont  ouverts  les  comptes  auxquels  se  rapportent 
les  articles  portés  au  journal,  deux  ou  trois  colonnes  ré- 
glées par  francs  et  centimes,  une  ou  deux,  suivant  la  na- 
ture des  opérations,  servant  aux  détails,  la  dernière  rece- 
vant les  totaux  des  articles  de  même  nature  ou  une  somme 
unique  lorsqu'il  n'y  a  pas  lieu  à  réunion.  Les  sommes 
portées  dans  cette  dernière  colonne  sont  additionnées  et 
reportées  de  page  en  page  jusqu'à  la  fin  du  mois,  du  tri- 
mestre, du  semestre  ou  de  l'année,  suivant  l'arrangement 
étabU.  Ce  sont  ces  totaux  qui  servent  au  contrôle  du  grand 
livre  pour  la  balance  (V.  Ralànce  et  Grand  Livre).  Les 
articles  se  présentent  ainsi  (V.  Comptabilité)  dans  la  partie 
simple  : 


Il  Mars       15         Doit /^at^,  ma  facture  ce  jour 142       1215       55     | 

Le  chiffre  142  indique  que  l'article  est  reporté  au  1  J&an,  Dans  la  partie  double,  le  même  article  serait  libellé 
folio  14â  du  grand  livre,  oti  se  trouve  ouvert  le  compte  '  comme  suit  : 


Mars 


15 


Doit  Jean,  à  Marchandises  générales. 
Ma  facture  ce  jour 


15 
142 


4245 


25 


Leé  chiffres  45  et  442  indiquent  à  quels  folios  du  grand 
livre  l'article  a  été  reporté,  au  crédit  du  compte  «  marchan- 
dises générales  »  et  au  débit  de  Jean. 

Le  code  ne  parle  que  d'un  seul  livre  journal,  et  en  fait 
toutes  les  opérations  d'un  commerce  devraient  figurer  sur 
un  livre  unique;  mais,  dans  les  maisons  importantes,  il 
serait  impossible  de  se  conformer  à  une  semblable  prescrip- 
tion. Très  souvent  on  a  deux  livres  journaux,  employés 
alternativement,  afin  que  l'employé  chargé  du  grand  livre 
puisse  reporter  les  articles  de  la  veille  sans  empêcher  le 
travail  courant  ;  on  emploie  également  des  journaux  spé- 
ciaux aux  achats,  aux  ventes,  aux  opérations  de  recouvre- 
ment, etc.,  suivant  la  nature  des  affaires,  les  articles  portés 


sur  ces  livres  spéciaux  étant  résumés  sur  un  journal  unique, 
ou  ces  divers  journaux  servant  concurremment  pour  établir 
les  balances  et  la  situation  à  fin  d'exercice,  chaque  maison 
ayant  sur  ce  point  ses  errements  particuliers.  Diverses 
modifications  ont  été  apportées  au  journal,  en  vue  de  lui 
faire  fournir  des  renseignements  en  plus  des  énonciations 
habituelles.  On  peut  citer  tout  d'abord  h  journal  balance, 
dans  lequel  les  montants  des  articles  sont  respectivement 
portés  dans  deux  colonnes  intitulées  débit  et  crédit,  les 
totaux  de  ces  deux  colonnes  devant  naturellement  être 
égaux  entre  eux  et  avec  le  total  général  du  journal.  Plus 
complet  est  h  journal  grand  livré,  dont  l'invention  paraît 
due  à  Edouard  Desgranges,  et  qui  a  pour  but  de  présenter 


—  2S3  - 


JOOÎINAL 


en  un  seul  tableau  l'état  des  affaires  du  négociant.  Le  verso  1  dinaire,  mais  ie  recto  est  divisé  en  colonnes,  de  la  manière 
du  journal  grand  livre  est  établi  comme  un  journal  or-  |  suivante  : 


CAISSE 


Doit  Avoir 


MARCHANDISES 

générales 
Doit  Avoir 


PORTEFEUILLE 


Doit  Avoir 


COMPTES   GENERAUX 

et 

COMPTES   d'ordre 

Doit  Avoir 


CREANCES  ET   DETTES] 


Doit  Avoir 


De  plus,  les  colonnes  dans  lesquelles  sont  réunies  divers 
comptes  portent  une  colonne  plus  petite  pour  les  folios  du 
grand  livre.  Les  sommes  qui  concernent  chaque  compte 
sont  portées  dans  les  colonnes  respectives,  et,  comme  en 
partie  double,  toute  somme  portée  au  débit  ou  au  crédit  a 
un  crédit  ou  un  débit  équivalent,  il  suit  que  le  total  de 
tous  les  débits  doit  au  bas  de  chaque  page  égaler  le  total  de 
tous  les  crédits,  et  en  même  temps  le  total  général  du 
journal,  ce  qui  prouve  que  toutes  les  sommes  ont  été  exac- 
tement reportées.  Les  diverses  colonnes  donnent  la  situation 
de  chaque  compte,  «  caisse,  marchandises,  portefeuille  »  ;  et 
même  si  on  veut  scinder  en  traçant  une  autre  colonne  en 
plus,  les  montants  dus  aux  fournisseurs  et  créditeurs 
divers,  et  ceux  qui  sont  dus  par  les  clients  et  débiteurs 
divers,  les  détails  étant  fournis  par  le  grand  livre.  Mais  ce 
système  a  moins  de  valeur  pour  les  maisons  d'une  certaine 
importance,  car  la  situation  ne  peut  souvent  être  obtenue 
que  par  la  réunion  des  chiffres  fournis  par  les  divers  livres 
journaux  en  usage,  et  il  est  alors  plus  simple  d'avoir  re- 
cours au  grand  livre  ;  en  outre  les  détails  plus  nombreux 
obligeraient  à  subdiviser  certains  comptes,  par  suite  à 
grossir  le  nombre  des  colonnes,  donnant  alors  aux  livres 
des  dimensions  exagérées  et  augmentant  les  chances  d'er- 
reur dans  le  placement  des  sommes  aux  comptes  conve- 
nables. 

Logismographie.  Le  journal  logismographique  diffère 
profondément  de  ceux  employés  dans  les  autres  systèmes 
de  comptabilité  ;  c'est  la  résultante  de  la  conception  toute 
particulière  de  la  logismographie  (V.  Comptabilité).  Le 
journal  logismographique  présente  les  colonnes  suivantes  : 
numérotage  progressif  des  articles,  dates,  description  des 
opérations,  nombre  et  montant  des  articles  en  partie  double  ; 
sous  le  titre  commun  de  balance  essentielle,  le  doit  et 
l'avoir  du  compte  du  propriétaire,  et  de  même  pour  les 
agents  et  correspondants;  enfin,  pour  les  permutations  et 
compensations,  une  colonne  de  sommes  et  une  autre  inti- 
tulée rappels.  Les  colonnes  servant  au  numérotage  pro- 
gressif des  articles,  aux  dates  et  à  la  description  des  opé- 
rations se  comprennent  par  elles-mêmes;  dans  les  colonnes 
de  doit  et  avoir  des  comptes  du  propriétaire  et  des  agents, 
les  sommes  indiquées  aux  opérations  qui  les  concernent  se 
trouvent  portées,  toute  somme  figurant  au  débit  du  pro- 
priétaire se  trouvant  au  crédit  du  compte  agent  et  récipro- 
quement. Mais,  dans  celle  intitulée  nombre  et  montant  des 
articles  en  partie  double,  les  montants  des  opérations  figu- 
rent une  ou  plusieurs  fois,  suivant  les  cas.  L'encaissement 
de  coupons,  de  fermages,  donne  un  avoir  au  compte  du 
propriétaire  et  un  débit  au  compte  «  caisse  »,  figurant  sous  la 
rubrique  générale  «  agents  »;  il  n'y  a  là  qu'une  opération 
unique,  partant  la  somme  est  portée  dans  la  colonne  «  nom- 
bre et  montant  »  une  seule  fois.  Mais  un  achat  de  mar- 
chandises au  comptant  présente  d'abord  un  débit  du  pro- 
priétaire vis-à-vis  de  la  caisse,  puis  un  crédit  du  même 
vis-à-vis  du  magasin.  C'est  ainsi  une  double  opération,  et 
comme  suite  la  somme  se  trouvera  portée  deux  fois  dans 
la  colonne  «  nombre  et  montant  »  qui  indique  également 
par  le  chiffre  (2)  placé  datts  une  colonne  spéciale,  qu'il  y 
a  là  deux  articles  en  partie  double.  Mais  comme  une  telle 


opération  ne  change  en  rien  la  situation  du  propriétaire, 
les  sommes  ne  sont  pas  portées  aux  colonnes  relatives  à 
ce  compte  ou  à  celui  des  agents,  mais  bien  dans  la  der- 
nière, intitulée  «permutations», avec  indication, au  moyen 
de  lettres  convenables,  des  comptes  0(1  ces  sommes  devront 
figurer  dans  les  développements  ultérieurs  ;  c'est  à  l'ins- 
cription de  ces  lettres  qu'est  destinée  la  colonne  intitulée 
«  rappels  ».  En  se  basant  sur  les  renseignements  fournis 
par  le  journal,  et  en  tenant  compte  des  indications  rela- 
tives au  nombre  des  articles  en  partie  double,  puis  aux 
permutations  et  aux  développements  qu'elles  concernent, 
des  développements  successifs  viennent  répartir  les  données 
relatives  au  compte  du  propriétaire  dans  les  subdivisions, 
espèces,  marchandises,  débits  et  crédits,  etc.;  pour  les 
agents,  en  opérant  de  même,  on  établit  les  comptes  de 
caisse,  magasins,  portefeuille,  correspondants.  Pour  ces 
derniers,  comme  il  serait  souvent  impossible  d'obtenir  sur 
une  seule  feuille  leur  liste  complète,  le  développement  se 
fait  à  divers  degrés,  le  compte  primitif  étant  développé  en 
dix  autres,  chacun  de  ceux-ci  en  dix,  et  ainsi  de  suite 
jusqu'au  moment  où  chaque  compte  individuel  se  trouve 
établi.  Bien  entendu  chaque  développement  doit  donner  des 
résultats  en  parfait  accord  avec  ceux  fournis  par  le  compte 
initial  et,  en  dernière  analyse,  avec  le  journal.  Dans  la 
logismographie,  les  divers  développements  dujournal  rem- 
placent le  grand  livre  de  la  partie  double.  G.  François. 
IV.  Art  militaire.  —  Ce  mot  a  diverses  acceptions 
au  point  de  vue  militaire;  il  s'applique  soit  à  l'inscription 
journalière  des  mouvements  de  fonds  ou  de  matières  opérés 
par  les  comptables  militaires,  soit  à  la  relation  jour  par 
jour  des  faits  concernant  une  opération  militaire,  soit  à 
l'nidication  des  mesures  à  prendre  chaque  jour  dans  un  cas 
déterminé.  Les  principaux  documents  de  ce  genre  sont  les 
suivants. 

Journal  des  entrée^  et  ces  sorties.  —  Tout  comptable 
militaire  tient,  pour  chacun  des  services  dont  il  est  chargé, 
un  registre  journal  pour  les  entrées  et  un  autre  pour  les 
sorties.  Ces  registres  sont  destinés  à  l'inscription  som- 
maire, jour  par  jour,  de  tous  les  mouvements  d'entrée,  de 
manipulation,  de  transformation,  de  sortie  ou  de  consom- 
mation, qui  s'effectuent  dans  le  magasin  ou  l'établissement 
dont  il  est  gestionnaire. 

Journal  des  recettes  et  DÉt»ENSEs.  —  Ce  registre,  tenu 
par  les  trésoriers  des  corps  de  IrOupe,  reçoit  l'inscription 
successive  par  ordre  de  date  de  toutes  les  recettes  et  dé- 
penses en  argent  faites  par  le  corps.  Ce  registre  présente 
les  colonnes  nécessaires  pour  qu'une  simple  balance  per- 
mette de  constater  la  somme  devant  rester  dans  la  caisse 
du  trésorier  et  dans  celle  du  conseil  d'administration. 

Journal  des  marches  et  opérations.  —  Une  décision 
ministérielle  du  0  déc.  1874  prescrit  la  tenue,  par  les 
états-majors  et  par  les  corps  de  troupe,  d'un  registre  sur 
lequel  on  consignera  jour  par  jour,  sans  intervalles  ni 
grattages,  le  résumé  des  ordres  reçus  et  donnés,  les  ren- 
seignements recueillis  et  tous  les  détails  relatifs  aux  mar- 
ches, cantonnements  où  bivouacs,  au  service  de  sûreté, 
aux  reconnaissances,  aux  manœuvres  et  aux  combats. 
Journal  de  mobilisation.  —  Chaque  corps  de  troupe  et 


JOURNAL  —  JOURNEE 

chaque  chef  de  service  de  l'armée  tient  un  journal  indi- 
quant les  dispositions  prises  dès  le  temps  de  paix  ou  à 
prendre  en  temps  utile  pour  assurer  dans  les  meilleures 
conditions  possibles  ce  qui  concerne  la  mobilisation.  De 
même,  dans  les  corps  de  troupe,  chaque  commandant  d'unité 
tient  un  carnet  de  mobilisation  prévoyant  toutes  les  me- 
sures à  prendre  pour  opérer  avec  ordre  et  méthode,  dans 
les  délais  prescrits,  la  mobilisation  de  l'unité  qu'il  com- 
mande ;  il  tient  en  outre  constamment  prêt  et  au  courant 
un  dossier  comprenant  tous  les  états  à  fournir  ou  utiles 
pour  la  période  de  mobihsation.  Tous  les  documents  con- 
cernant la  mobilisation  sont  tenus  secrets. 

Journal  d'opérations.  —  Le  règlement  du  20  nov.  1889, 
sur  l'organisation  et  le  fonctionnement  du  service  des 
étapes  aux  armées,  prescrit  à  chaque  commandant  d'étapes 
de  tenir  un  journal  d'opérations  qui  fait  ressortir  par  jour- 
née l'ensemble  des  mouvements  d'arrivée  et  de  départ,  l'ef- 
fectif et  la  composition  des  troupes  faisant  séjour  ou  affec- 
tées à  l'occupation  du  commandement. 

Journal  de  route. — Journal  spécial  rédigé  parles  vété- 
rinaires des  troupes  à  cheval  et  destiné  à  faire  connaître 
l'état  sanitaire  des  chevaux  dans  les  marches  qu'ils  ont  eu 
à  exécuter. 

Journal  de  siège.  —  Dans  une  place  assiégée,  le  gouver- 
neur, les  officiers  généraux,  les  officiers  supérieurs  chefs 
de  corps  ou  de  détachements,  les  commandants  de  l'artil- 
lerie et  du  génie,  les  chefs  du  service  de  l'intendance  et  le 
chef  du  service  de  santé  tiennent  chacun  un  journal,  sur 
lequel  ils  inscrivent  chaque  jour,  par  ordre  de  dates,  sans 
aucun  blanc,  ni  interligne,  ni  grattage,  ni  surcharge,  la 
copie  littérale  des  ordres  qu'ils  donnent  et  de  ceux  qu'ils 
reçoivent,  avec  des  renseignements  sur  le  mode  d'exécution 
de  ces  ordres,  sur  leurs  résultats,  et  enfin  sur  toutes  les 
circonstances  propres  à  faire  connaître  la  marche  de  la  dé- 
fense et  éclairer  le  conseil  d'enquête  qui  aura  à  donner  un 
avis  sur  la  conduite  du  siège. 

Journal  militaire  officiel.  —  Au  début,  en  1791,  ce  re- 
cueil était  purement  privé  et  publiait  les  lois,  décrets,  rè- 
glements, décisions,  etc.,  concernant  l'armée.  Ce  recueil 
fut  déclaré  officiel  en  1815  et.  à  partir  de  1831,  l'envoi 
en  fut  prescrit  aux  principaux  fonctionnaires  du  départe- 
ment de  la  guerre,  pour  qui  l'insertion  d'une  décision  dans 
ce  journal  devait  tenir  lieu  de  notification.  A  partir  du 
1^^  janv.  1887,  le  Journal  militaire  officiel,  redevenu 
une  entreprise  privée,  a  été  remplacé  par  le  Bulletin  of- 
ficiel du  ministère  de  la  guerre,  dont  il  est  envoyé  deux 
exemplaires  à  chaque  corps  de  troupe  formé  d'un  batail- 
lon au  moins.  Ce  bulletin  comprend  une  partie  réglemen- 
taire, qui  doit  être  conservée  et  reliée  par  semestre,  et  une 
partie  supplémentaire,  qui  n'est  conservée  que  pendant 
cinq  ans  et  est  simplement  brochée. 

V.  Marine.  —  Journal  de  bord.  —  C'est  la  relation 
minutieuse,  quart  par  quart,  c.-à-d.  par  espace  de  quatre 
heures,  de  tout  ce  qui  se  passe  sans  exception,  autour  et  à 
bord  d'un  bâtiment,  dans  la  machine,  dans  la  voilure,  comme 
travaux  ordonnés,  comme  exercices  faits,  comme  ordres  de 
service,  route  suivie,  vitesse,  vent,  mer,  etc.  Cette  rela- 
tion s'écrit  sur  deux  livres  qui  se  complètent  l'un  par 
l'autre.  Le  premier  est  tenu  par  la  timonerie  du  bord  et 
porte  le  nom  de  journal  de  la  timonerie,  le  second  est  tenu 
par  l'officier  de  quart  qui,  en  quittant  son  service,  écrit  et 
signe  son  quart.  Ce  dernier  s'appelle  journal  des  officiers. 
C'est  sur  celui-ci  que  le  commandant  donne  par  écrit  ses 
ordres  pour  la  nuit,  la  route  à  suivre  au  compas  de  route, 
l'allure  de  la  machine,  la  voilure  à  porter,  etc.  Ces  ordres 
sont  signés  de  sa  main.  Des  colonnes  spéciales  permettant 
d'inscrire  tous  les  renseignements  météorologiques,  direc- 
tion et  force  du  vent,  état  de  la  mer,  vitesse  du  navire  à 
l'heure,  variation  du  compas,  baromètre,  thermomètre, 
état  hygrométrique,  terres  en  vue,  bateaux,  relève- 
ments, etc.,  position  du  navire  à  midi.  C'est,  avec  le  rôle 
d'équipage,  la  pièce  de  comptabilité  la  plus  importante  à 
sauver  en  cas  de  naufrage  ou  d'incendie.  Elle  fait  foi  et 


224  — 

établit  les  responsabilités  de  chacun.  Un  mot  fera  com- 
prendre l'importance  de  ce  document.  C'est  en  compulsant 
les  journaux  de  bord  de  nombreux  navires  que  des  marins 
éminents  comme  Maury  et  ses  successeurs  français  et  étran- 
gers ont  pu  déterminer  la  probabilité  presque  certaine  de 
tels  ou  tels  vents  régnant  à  telle  époque,  dans  tels  pa- 
rages, à  telle  époque  de  l'année  et  en  ont  déduit  les  meil- 
leures routes  à  suivre.  Les  traversées  en  ont  été  abrégées 
d'une  économie  de  temps  et  d'argent.  Aussi  la  mer  a-t-elle 
ses  grands  chemins  comme  à  terre,  en  dehors  desquels  on 
trouve  peu  ou  point  de  navires. 

JOURNALISME  (HisL  du)  (V.  Presse). 
JOURNANS.  Com.  du  dép,  de  l'Ain,  arr.  de  Bours, 
cant.  de  Pont-d'Ain;  322  hab. 

JOURNAULT  (Léon),  homme  politique  français,  né  à 
Pans  le  24  févr.  1827,  mort  à  Ville-d'Avray  le  21  juil. 
1892.  Clerc  de  notaire,  il  se  fit  remarquer  à  la  fin  de  l'Em- 
pire par  ses  opinions  libérales.  Il  collaborait  à  la  Tribune  de 
Pelletan,  au  Libéral,  etc.  Maire  de  Sèvres  en  1870,  il  fut 
élu  représentant  de  Seine-et-Oise  à  l'Assemblée  nationale 
le  8  févr.  1871  et  fit  partie  de  la  gauche  républicaine;  il 
prit  une  part  active  aux  débats  et  rapporta  notamment  le 
projet  de  l'exposition  universelle  de  1878.  Elu  député  de 
la  deuxième  circonscription  de  Versailles  le  20  févr.  1876, 
membre  des  363,  réélu  avec  eux  en  1877,  il  démissionna 
ayant  été  nommé  le  i6  nov.  1879  secrétaire  général  du 
gouvernement  de  l'Algérie  et  conseiller  d'Etat.'  En  1881 
(23  janv.),  il  revenait  à  la  Chambre  comme  député  de  la 
première  circonscription  de  Versailles,  était  réélu  le  21  août 
et  devenait  président  de  l'Union  répubhcaine.  Il  échoua  aux 
élections  générales  de  1885.  Mais,  dès  le  18  avr.  1886,  il 
était  élu  sénateur  de  Seine-et-Oise,  en  remplacement  de 
M.  de  Tréville,  décédé.  Membre  de  l'association  de  propa- 
gande républicaine,  il  combattit  le  boulangisrae  et  fut  réélu 
au  renouvellement  triennal  de  1891.  On  a  de  lui  :  la  Se- 
conde Chambre  (Paris,  1874,  in-8). 

JOURNÉE.  I.  Antiquité,  —  Chez  les  Romains,  la 
journée  comprenait  diverses  parties  :  1«  celle  qui  com- 
mençait au  milieu  de  la  nuit,  de  média  nocte;  2»  le  cré- 
puscule ou  chant  du  coq,  gallicinium;  3«  le  moment  où  le 
coq  cesse  de  chanter,  canticinium;  4«  le  petit  jour,  dilu- 
culum;  5«  le  matin,  mane;  6Me  midi,  méridien;  7»  la 
dernière  partie  du  jour,  suprema;  8<^  le  soir,  du  coucher 
du  soleil  au  lever  des  étoiles,  vespera;  9^  le  crépuscule  du 
soir,  crepusculum;  lO''  la  première  partie  de  la  nuit,  où 
Ton  allumait  les  lumières,  luminibus  accensis;  11^  le 
coucher,  concubium;  puis  12«  la  nuit  profonde,  intem- 
pesta  nox.  Lorsque  l'on  connut  le  cadran  solaire,  apporté 
à  Rome  par  Papirius  Cursor,  en  291  av.  J.-C,  et  la  clep- 
sydre introduite  en  159,  on  divisa  la  journée  en  deux  par- 
ties égales,  de  six  heures  du  matin  à  six  heures  du  soir 
pour  le  jour,  et  de  six  heures  du  soir  à  six  heures  du  ma- 
tin pour  la  nuit.  La  nuit  se  partageait  en  quatre  vigiliœ 
de  trois  heures  chacune.  Ces  heures  étaient  plus  ou  moins 
longues,  suivant  le  moment  du  coucher  et  du  lever  du  so- 
leil; mais  la  sixième  heure  tombait  toujours  à  midi  ou  à 
minuit.  A.W. 

II.  Histoire.  —  Journée  des  Dupes  (V.  Dupes). 
Journées  ou  guerre  de  Dahjs.  —  Cette  guerre,  cé- 
lèbre dans  les  fastes  légendaires  de  l'Arabie  antéislamique, 
naquit  à  l'occasion  d'une  course  de  chevaux,  libres  suivant 
l'usage,  et  arma  l'une  contre  l'autre,  pendant  quarante  ans, 
deux  puissantes  tribus  de  la  péninsule,  les  Banou  Abs 
dont  le  chef  était  (ieïs,  fils  du  poète  fameux  Zoheïr  et  les 
Banou  Dobyân  qui  avaient  pour  chef  Hodeifa.  Une  trahison 
des  Dobyânides  ayant  empêché  la  victoire  certaine  de  Da- 
his,  l'étalon  engagé  dans  la  course  par  Qeïs,  celui-ci 
résolut  de  se  venger,  et,  dès  lors,  s'ouvrit  entre  les  deux 
tribus  une  ère  de  représailles,  féconde  en  rapts  de  femmes 
et  d'enfants,  en  scènes  de  meurtres  et  de  pillage,  en  atro- 
cités de  toutes  sortes.  L'Abside  A7îtar  (V.  ce  nom),  le  héros 
de  l'épopée  arabe,  rompit  plus  d'une  lance  dans  la  guerre 
de  Dahis,  notamment  à  la  journée  d'El-Fouroùq.  Le  ca- 


225  — 


JOURNEE  —  JOUTE 


price  d'une  jeune  fille,  Hanîsa,  fille  d*Ans,  de  la  tribu  des 
Banou  Tayyi,  son  mariage  avec  un  chef  renommé,  Hâriç 
ibn  Auf,  qui  n*hésita  pas  à  consacrer,  par  amour  pour  cette 
femme,  trois  mille  chameaux  expiatoires,  afin  d'acheter  la 
paix  entre  deux  tribus  qui  lui  étaient  pourtant  étrangères, 
mirent  fin  aux  haines  entretenues  par  quarante  années  de 
combats.  La  guerre  de  Dahis  avait  failli  amener  la  ruine 
d*une  nation  chez  qui  le  point  d'honneur  et  les  instincts 
guerriers  étaient  développés  au  delà  de  toute  expression. 
Les  embellissements  n'ont  pas  manqué  au  récit  des  événe- 
ments qui  consacrèrent  cette  pacification  générale  ;  elle  a 
été  chantée  par  Zoheïr  dans  sa  Moallaqa  et  ne  fut  que  de  peu 
d'années  antérieure  à  la  proclamation  de  l'Islam.      P.  R. 

Journées  révolutionnaires  (V.  au  nom  du  mois,  Août, 
Juillet,  Juin,  etc.). 

m.  Législation.  —Journée  de  Travail  (V.  Travail). 

IV.  Art  militaire.  —  La  journée  constitue  la  base  des 
allocations  auxquelles  ont  droit  les  hommes  et  les  chevaux. 
Des  situations  administratives,  établies  chaque  jour  dans  les 
diverses  unités  permettent  de  constaterle  nombre  de  journées 
de  présence  qui  sont  reportées  et  totahsées  sur  les  feuilles 
de  journées  trimestrielles.  Lorsque  des  journées  d'absence 
donnent  des  droits  à  une  solde,  comme  pour  les  officiers  et 
les  sous-officiers  rengagés,  ceux  qui  se  trouvent  dans  ce 
cas  sont  inscrits  nominativement  sur  les  feuilles  de  jour- 
nées. Pour  la  mobilisation,  on  ne  compte  pas  par  quan- 
tième de  mois,  mais  par  jour  de  mobihsation,  dont  le  pre- 
mier est  fixé  par  l'ordre  de  mobilisation  et  dont  chacun 
commence  à  minuit  une  minute. 

BiBL.  :  Journée  de  Dahis.  ~  Caussin  de  Perceval, 
Essai  sur  V histoire  des  Arabes  avant  l'islamisme;  Paris, 
1847-48,  3  vol. 

JOUR  NET.  Com.  du  dép.  de  la  Vienne,  arr.  de  Mont- 
morillon,  cant.  de  La  Trimouille ;  4,303  hab.  Stat.  du 
chem.  de  fer  d'Orléans,  ligne  de  Montmorillon  au  Blanc. 
Sur  la  place,  lanterne  des  morts  du  xii®  s.  (mon.  hist.). 
A  Villesalem,  très  remarquable  église  romane  à  trois  nefs. 

JOURNIAC.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.de  Sar- 
lat,  cant.  du  Bugue  ;  732  hab. 

JOURNY.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de 
Saint-Oraer,  cant.  d'Ardres  ;  263  hab.  Stat.  du  chem. 
de  fer  d'An  vin  à  Calais. 

JOURS.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de  Châ- 
tillon-sur-Seine,  cant.  de  Baigneux-les-Juifs;  187  hab. 

JOURS-en-Vaux.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr. 
de  Beaune,  cant.  de  Nolay;  333  hab. 

JOURSAC.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  de  Murât, 
cant.  d'Allanche;  781  hab. 

JOUSLIN  DE  La  Salle  (Armand-François),  auteur  dra- 
matique français,  né  à  Vierzon  le  15  sept.  1797,  mort  à 
Paris  le  1*""  juil.  1863.  Avocat,  pubiiciste,  il  devint  régis- 
seur général  du  théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin  ;  en  1832, 
directeur  du  Théâtre-Français  ;  en  1839,  directeur  des  Va- 
riétés. Il  a  donné  d'intéressantes  critiques  dramatiques  et 
de  curieux  souvenirs  de  théâtre  au  Figaro  et  à  la  Presse, 
Il  a  fait  représenter  un  grand  nombre  de  pièces,  comédies, 
mélodrames,  vaudevilles,  presque  toujours  en  collaboration 
avec  d'Allarde,  Saint-Amand,  Rougemont,  Alhoy,  Du- 
peuty,  Villeneuve,  etc.  Citons  :  le  Caissier  (Paris,  1826, 
in-8),  drame  en  trois  actes  ;  la  Famille  du  charlatan 
(1824,  in-8),  vaudeville  ;  /^5  Frères  féroces  (l82D,in-8), 
mélodrpe;  les  Dix  Francs  de  Jeannette  (1828,  in-8), 
vaudeville,  et,  en  dehors  de  ces  ouvrages  dramatiques,  Pe- 
tit Cours  de  jurisprudence  littéraire  (1818, 2  vol.  in-8); 
Quelques  Essais  (1817,  in-12);  la  Sentinelle  deVJion- 
neur(i%\%,  in-8),  revue  dont  il  ne  parut  que  huit  numéros. 

JOUSSÉ.  Com.  du  dép.  de  la  Vienne,  arr.  de  Civray, 
cant.  de  Charroux  ;  477  hab. 

JOUSSE  (Mathurin),  architecte  français,  né  à  La  Flèche 
le  27  août  1607,  mort  après  1642.  Auteur  de  plusieurs 
édifices  dans  l'Orléanais,  le  Maine  et  l'Anjou,  il  est  surtout 
connu  par  les  ouvrages  suivants  qui  jouirent  longtemps 
d'une  grande  renommée  :  la  Fidelle  Ouverture  de  l'art 
grande  encyclopédie.  —  XXL 


de  serrurier,  etc.  (La  Flèche,  1627,  in-foL,  13o  fig.); 
le  Théâtre  de  Vart  du  charpentier,  etc.  (1627,  in-foL, 
fig.);  la  Perspective  positive  de  Viator,  altine  et  fran- 
çaise, revue,  augmentée  et  réduite  de  grand  en  petit  (1635, 
in-8,  42  fig.)  ;  le  Secret  d'architecture,  découvrant  fidè- 
lement les  traits  géométriques,  coupes  et  dérobements 
nécessaires  dans  les  bâtiments,  etc.  (1642,  in-foL,  fig.). 

JOUSSE  (Daniel) ,  canoniste,  né  à  Orléans  en  1 704,  mort 
en  1 781 .  Conseiller  au  présidial  d'Orléans  et  ami  de  Pothier, 
il  a  travaillé  avec  lui  au  commentaire  de  la  Coutume  d  Or- 
léans. Œuvres  principales  :  Commentaire  sur  Védit  du 
mois  d'avril  1695,  concernant  la  juridiction  ecclésias- 
tique i^m^M^^,^  vol.  in-12);  Traité  du  gouvernement 
spirituel  et  temporel  des  paroisses  (Paris,  1769,  in-12). 

JOUSSELINIÈRE  (Boudier  de  La)  (V.  Boudier). 

JOUSSERANDOT  (Louis-Etienne),  juriste  et  adminis- 
trateur français,  né  à  Lons-le-Saunier  en  1813,  mort  à 
Genève  le  26  avr.  1887.  Il  étudia  le  droit  à  Dijon  et  se 
fixa  comme  avocat  à  Besançon.  A  la  révolution  de  1848,  il 
se  montra  chaud  républicain,  ce  qui  lui  valut  l'exil  au  coup 
d'Etat.  Il  se  réfugia  à  Amphion  (Savoie),  puis  à  Lausanne 
et  à  Genève  où  il  reçut  une  chaire  de  droit  à  l'académie. 
Rentré  en  France  après  le  4  sept.,  son  amitié  avec  Thiers 
et  Jules  Simon  lui  valut  la  préfecture  de  la  Marne,  puis 
celle  des  Pyrénées-Orientales.  A  la  chute  de  Thiers,  il 
fut  révoqué  et  retourna  à  Genève  où  il  retrouva  sa  chaire 
de  droit  à  l'académie,  devenue  université.  Il  y  resta  jus- 
qu'à sa  mort.  Outre  des  drames,  Lord  Surrey  et  d'autres, 
des  romans  historiques  franc-comtois,  le  Diamant  de  la 
Vouivre,  le  Capitaine  Lacuzon,  on  lui  doit  un  volume 
De  la  Civilisation  moderne,  un  important  livre  de  droit 
romain,  PEdit  dupréteur  (1883,  2  vol.),  et  un  volume  sur 
l'organisation  judiciaire  française.  E.  Kuhne. 

JOUSSET  DE  Bellesme  (Georges-Louis-Marie- Féli- 
cien), physiologiste  français,  né  à  Paris  le  18  févr.  1839. 
Reçu  docteur  en  médecine  en  1865,  puis  préparateur  de 
Claude  Bernard,  professeur  à  l'école  Turgot  (1871-75), 
professeur  de  physiologie  à  l'Ecole  de  médecine  de  Nantes 
(1875-82),  il  est  depuis  1882  directeur  de  l'Aquarium 
de  la  ville  de  Paris,  au  Trocadéro,  et  il  s'est  tout  entier 
consacré,  pendant  ces  douze  dernières  années, à  la  piscicul- 
ture. S'il  ne  l'a  pas  créée  en  tant  que  science,  il  l'a  du 
moins  complètement  transformée,  en  substituant  à  l'ancien 
empirisme  des  méthodes  basées  sur  la  physiologie  et  en 
démontrant,  notamment,  la  nécessité  de  l'élevage  préalable 
des  alevins.  Il  l'a  en  outre  popularisée,  tant  par  son  en- 
seignement et  ses  écrits  que  par  ses  expériences  pratiques, 
et  il  est  parvenu  à  introduire  et  à  acclimater  dans  les  af- 
fluents de  la  Seine  le  saumon  de  Californie  et  la  truite 
arc-en-ciel.  Partisan  du  repeuplement  des  eaux  de  la 
France  par  la  seule  initiative  privée,  il  a  eu  la  plus  grande 
part  à  la  constitution  des  deux  cents  sociétés  de  piscicul- 
ture et  de  pêche  qui  se  sont  fondées  en  France  depuis 
1889  et  dont  il  dirige  les  opérations.  Il  a  également  col- 
laboré à  la  confection  de  la  législation  nouvelle  sur  la  pèche 
et  il  a  eu  une  mission  en  Orient  en  1893  pour  la  réorga- 
nisation des  pêcheries  de  l'empire  ottoman.  Il  a  publié  de 
nombreux  mémoires  et  articles  de  revues  ayant  trait  à  la 
physiologie  et  à  la  pisciculture.  Il  a  donné  à  part  :  Re- 
cherches expérimentales  sur  la  digestion  des  insectes 
(Paris,  187o,  in-8);  Des  Phénomènes  physiologiques  de 
la  métamorphose  chez  la  libellule  déprimée  (Paris, 
1878,  in-8)  ;  Recherches  expérimentales  sur  les  fonc- 
tions du  balancier  chez  les  insectes  diptères  (Paris,  1 878, 
in-8)  ;  Acclimatation  et  multiplication  du  saumon  de 
Californie  (Paris,  1891,  in-8).  L.  S. 

JOUTE  (V.  Tournoi). 

Joute  sur  l'eau.  — Jeu  très  populaire  dans  certaines 
régions  de  la  France,  dans  lequel  deux  hommes  recouverts 
d'un  plastron  et  placés  sur  l'avant  de  deux  bateaux  cher- 
chent à  se  renverser  avec  une  lance  en  bois,  au  moment 
où  les  deux  bateaux,  animés  d'une  grande  vitesse,  passent 
l'un  près  de  l'autre. 

15 


JOUVAL  —  JOUVENEL  —  i 

JOUVAL  (Olympe  de)  (V.Audouàrd). 

JOUVANCY  (Joseph  de),  jésuite  et  humaniste  français, 
né  à  Paris  le  14  sept.  1643,  mort  à  Rome  le  29  mai  1719. 
Il  se  fit  recevoir  à  l*âge  de  seize  ans  dans  la  Compagnie  de 
Jésus,  fut  plus  tard  professeur  de  rhétorique  à  Caen,  à  La 
Flèche  et  au  collège  Louis-le-Grand  à  Paris.  On  a  de  lui 
un  grand  nombre  d'ouvrages  classiques  latins  très  répandus 
jusqu'au  milieu  du  xix®  siècle,  et  remarquables  par  la  pu- 
reté et  l'élégance  de  leur  style,  entre  autres  De  Ratione 
docendi  etaiscendi  (Paris,  1692,  in-8),  sans  cesse  réé- 
dité, encore  en  1842,  etVAppendix  dediis  et  heroibus 
(^Rome,  1704,  in-12,  réimprimé  encore  à  Paris,  1869, 
in-16)  ;  en  outre,  le  P.  Jouvancy  a  préparé  de  nombreuses 
éditions  expurgées  de  Térence,  dlîorace,  de  Juvénal,  de 
Martial,  d'Ovide,  etc.  A  partir  de  1699,  il  travailla  à 
Rome,  sur  l'ordre  de  ses  supérieurs,  au  dernier  tome  de 
la  V®  partie  de  la  Historia  Societatis  Jesu,  i59i-i6i6 
(Rome,  1710,  in-foL).  Il  y  présenta  les  jésuites  les  plus 
compromis  sous  la  Ligue,  par  exemple,  ou  dans  la  conspi- 
ration des  poudres  et  dans  les  attentats  contre  Henri  IV, 
comme  des  martyrs  et  des  saints  ;  il  affirmait,  de  plus,  ca- 
tégoriquement le  droit  qu'a  le  pape  de  déposer  les  souve- 
rains et  le  devoir  qui  incombe  au  peuple  de  se  débarrasser 
des  tyrans.  Le  parlement  de  Paris  condamna  le  livre  (ar- 
rêts du  22  févr.  et  du  24  mars  1713);  mais  le  P.  Tellier 
obtint  de  Louis  XIV  que  l'on  ménageât  les  supérieurs  de 
Paris  et  qu'il  n'y  eût  pas  d'exécution  publique.  Il  faut 
relire  les  pages  de  Saint-Simon  (t.  IX,  pp.  430-32)  si  l'on 
veut  avoir  une  idée  de  l'indignation  produite  par  cette  his- 
toire dans  les  cercles  des  catholiques  éclairés.     F. -H.  K. 

BiBL.:  A.  DE  Backer,  Bibliothèque  des  écrivains  de  la 
Compagnie  de  Jésus;  Liège,  1862,  t.  II,  col.  303-378  (Bi- 
bliographie détaillée). 

JOUVE  (Mathieu)  (V.  Jourdàn  Coupe-Tête). 

JOUVE  (Joseph),  jésuite  français,  né  à  Embrun  le 
1®"^  nov.  1701,  mort  le  2  avr.  1758,  auteur  d'une  Hist, 
de  la  conquête  de  la  Chine  par  les  Mandchoux  (Lyon, 
1754,  2  vol.). 

JOUVE  (Esprit-Gustave),  archéologue  français,  né  au 
Buis  (Drôme)  le  l^"^  juin  1805,  mort  à  Valence  en  1872. 
Avocat,  puis  prêtre,  chanoine  à  Valence  en  1839,  il  a 
écrit  des  guides  locaux,  des  ouvrages  et  dictionnaires  sur 
Fart,  d'assez  bons  ouvrages  sur  le  chant  ecclésiastique  : 
Etude  sur  les  écoles  de  composition  musicale  d'Europe 
de  iS50  à  la  première  moitié  du  xvii®  siècle  (Rennes, 
1855,  in-8);  Lettres  sur  le  mouvement  liturgique  ro- 
main en  France  au  xix^  siècle  (Paris,  1838)  ;  il  a  com- 
posé plusieurs  morceaux  de  musique  religieuse,  dont  on 
trouvera  la  liste  dans  l'ouvrage  de  Fétis. 

JOU VEAUX.  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr,  de  Pont- 
Audemer,  cant.  de  Cormeilles:  129  hab. 

JOUVENCEL  (Blaise-François-Aldegonde,  chevalier  de) , 
homme  politique  français,  né  à  Lyon  le  9  sept.  1762, 
mort  à  Paris  le  4  juin  1840.  Sa  famille  appartenait  depuis 
longtemps  au  commerce.  Il  l'exerça  lui-même  à  Nantes 
jusqu'en  1796,  époque  où  il  fut  nommé  receveur  des  do- 
maines à  Versailles.  Maire  de  cette  ville  depuis  la  fin  de 
1813,  il  montra  vis-à-vis  des  troupes  prussiennes  qui  l'oc- 
cupèrent en  juil.  1815  une  grande  fermeté  et  parvint  à 
la  préserver  de  réquisitions  qui  l'eussent  ruinée.  Aussi, 
l'envoya-t-elle  quelques  années  après  comme  député  au 
Palais-Bourbon,  où  il  siégea  de  1821  à  1824  et  de  1827 
à  1830  et  vota  constamment  avec  le  parti  libéral.  Il  se 
rallia  avec  empressement  à  la  monarchie  de  Juillet,  obtint 
le  renouvellement  de  son  mandat  sans  interruption  de 
1830  à  1837,  soutint  la  politique  ministérielle  et  se  retira 
de  la  vie  politique  en  1839.  —  Ses  fils  Paul-Hippolyte 
(né  en  1798)  et  Ferdinand- Aldeg onde  (1804-1873)  se 
signalèrent  par  leurs  opinions  démocratiques.  Le  second, 
député  du  X*^  arr.  de  Paris  (de  1842  à  1848),  siégea  au 
centre  gauche,  se  rallia  à  la  République  qui  le  nomma  con- 
seiller d'Etat,  et  perdit  sa  place  pour  avoir  protesté  contre 
le  coup  d'Etat,  fut  élu  à  l'Assemblée  nationale  le  2  juil.  1 871   I 


où  il  vota  avec  la  gauche  républicaine.  —  Hippolyte-Fé- 
licien-Paul,  né  k  y ersBxWes  en  1817,  fils  de  Paul-Hippo- 
lyte, fut  exilé  après  le  2  déc.  1851  ;  élu  député  de 
Seine-et-Marne  en  1869,  il  vota  avec  l'opposition  répu- 
bUcaine.  Après  plusieurs  candidatures  infructueuses,  il 
fut  élu  député  de  Seine-et-Oise  sur  la  hste  radicale  en 
1885,  non  réélu  en  1889. 

JOUVENÇON.  Com.  du  dép.  de  Saône-et-Loire,  arr.  de 
Louhans,  cant.  de  Cuisery;  706  hab. 

JOUVENELdesUrsins (Famille).  Le  chroniqueur  J.  Jou- 
venel  des  Ursins  assure  que  sa  famille  était  issue  de  la 
grande  maison  italienne  des  Orsini,  mais  il  est  beaucoup 
plus  vraisemblable  qu'elle  était  originaire  de  la  Champagne. 
Des  documents  authentiques  prouvent  que  P.  Jouvenel  était 
drapier  à  Troyes  en  1360.  Il  épousa  une  fille  de  Thibaut 
d'Assenay,  vicomte  de  Troyes.  Un  de  ses  fils,  Jean  P'' 
Jouvenel,  occupa  de  hautes  fonctions  et  eut  seize  enfants, 
parmi  lesquels  on  remarque  surtout  :  Jean  II  Jouvenel, 
qui  fut  archevêque  de  Reims;  Guillaume  Jouvenel,  qui 
devint  chancelier  de  France,  et  Jacques  Jouvenel,  qui  fut 
aussi  archevêque  de  Reims.  Parvenus  à  la  fortune,  les  Jou- 
venel crurent  rehausser  leur  noblesse  récente  par  une  pré- 
tendue parenté  avec  les  Orsini  et  ajoutèrent  à  leur  nom 
celui  de  des  Ursins.  Il  est  à  remarquer  que,  dans  les 
titres  originaux,  les  formes  ordinaires  du  nom  sont  Jou- 
venel et  surtout  Juvenel,  au  lieu  de  JiwénaL 

Jean  P^  Jouvenel,  prévôt  des  marchands  de  Paris,  né 
vers  1360,  mort  le  i^'  avr.  1431.  Il  était  fils  du  drapier  de 
Troyes,  Pierre  Jouvenel.  Après  avoir  étudié  le  droit  civil  à 
Orléans  et  le  droit  canon  à  Paris,  il  fut  conseiller  au  Châtelet 
(janv.  1381)  et  avocat  au  parlement  (1384).  Son  mariage 
(juin  1386)  avec  Michelle  de  Vitry,  nièce  de  J.  Le  Mer- 
cier, sire  de  Noviant,  ministre  de  Charles  VI,  lui  procura 
des  protections  puissantes.  Nommé  prévôt  des  marchands 
(janv.  1389),  il  occupa  ces  fonctions  jusqu'en  1400  et  y 
rendit  de  si  grands  services  que  la  ville  de  Paris  lui  donna 
l'hôtel  des  Ursins.  Il  fut  ensuite  avocat  général  au  parle- 
ment. Très  attaché  à  la  maison  d'Orléans  il  s'attira  ainsi 
l'inimitié  des  ducs  de  Bourgogne.  Après  l'assassinat  de 
L.  d'Orléans  (nov.  1407),  il  prit  parti  pour  les  Armagnacs, 
combattit  les  Cabochiens  (1413)  et  fut  quelque  temps  chan- 
ceher  du  dauphin  Louis,  duc  de  Guyenne. Proscrit  parles 
Bourguignons  quand  ils  redevinrent  maîtres  de  Paris  (mai 
1418),  il  s'enfuit  à  Poitiers,  avec  le  dauphin  Charles,  mais 
ses  biens  furent  confisqués.  Le  dauphin  le  nomma  prési- 
dent au  parlement  de  Poitiers  (sept.  1418)  puis  président 
du  parlement  de  Toulouse  (1420).  Revenu  peu  après  à 
Poitiers,  il  y  resta  jusqu'à  sa  mort.  Après  le  recouvrement 
de  Paris  (avr.  1436),  Michelle  de  Vitry  revint  avec  ses 
enfants  dans  cette  ville,  où  elle  mourut  en  1436.  Elle  fut 
inhumée  à  Notre-Dame,  dans  la  chapelle  de  Saint-Remy, 
où  avaient  été  transférés  les  restes  de  son  mari.  Les  statues 
de  Jean  Jouvenel  et  de  sa  femme  qui  ornaient  le  magni- 
fique tombeau  élevé  par  leurs  enfants,  sont  aujourd'hui  au 
musée  de  Versailles.  Un  tableau  que  Jean  II  Jouvenel  fit 
peindre  en  1445  et  qui  est  au  musée  du  Louvre  (salle  VI, 
n^  999)  représente  l'ancien  prévôt  et  sa  femme  avec  les 
onze  enfants  qu'elle  avait  encore  à  cette  époque. 

Jean  II  Jouvenel  des  Ursins,  prélat  et  chroniqueur,  né 
à  Paris  le  23  nov.  1388,  mort  le  14  juil.  1473.  Il  étudia  le 
droit  et  fut  nommé  maître  des  requêtes  (1418),  puis  avocat 
général  au  parlement  de  Poitiers  (août  1425).  Il  devint  cha- 
pelain de  Charles  VII,  archiprêtre  de  Carmaing,  doyen 
d'Avranches,  conseiller  du  roi  et  fut  envoyé  en  ambassade 
à  Rome  auprès  d'Eugène  IV.  Il  succéda,  comme  évéque  de 
Beauvais,  à  P.  Cauchon  (24  avr.  1432),  et  fut  sacré  à  Rome 
par  le  cardinal  J.  Orsini  (24  mars  1433).  Il  avait  laissé  sa 
charge  d'avocat  général  à  son  frère  Jacques,  pour  mieux  s'oc- 
cuper de  son  éghse.  Il  prit  part  aux  négociations  du  traité 
d'Arras  (1435).  Après  le  recouvrement  de  Paris,  il  fut  élu 
conservateur  des  privilèges  de  l'Université.  En  1444,  il  fut 
nommé  évéque  de  Laon,  puis,  en  1449,  archevêque  de 
Reims,  en  place  de  son  frère  Jacques.  Son  savoir,  ses  ta- 


—  mi 


JOUVENEL  —  JOUVENET 


lents,  sa  grande  autorité  lui  permirent  de  jouer  un  rôle 
considérable,  soit  dans  les  affaires  de  l'Eglise,  aux  assem- 
blées de  Chartres  (mai  1450)  et  de  Soissons  (juil.  1455), 
soit  dans  beaucoup  d'autres  circonstances  importantes,  aux 
Etats  d'Orléans  (1439),  aux  conférences  de  Meaux(1446) 
et  de  Paris  (1447),  dans  la  capitulation  de  Rouen  (1449), 
dans  des  missions  auprès  du  duc  de  Bourgogne  en  1451  et 
1452,  dans  le  procès  de  J.  Cœur  (1451-53)  et  de  Jean  11 
d'Alençon  (1458),  dans  la  revision  du  procès  de  Jeanne 
d'Arc  (1456)  et  dans  la  querelle  entre  l'université  de  Paris 
et  les  ordres  mendiants  (1457).  La  franchise  et  la  har- 
diesse de  son  langage  déplurent  à  Louis  XL  Après  avoir 
sacré  le  nouveau  roi  à  Reims  (15  août  1461),  il  fut  tenu 
à  l'écart.  Il  ne  put  ni  empêcher  la  révolte  dite  de  la  Mi- 
quemaquek  Reims  (1461),  ni  apaiser  le  courroux  du  roi. 
Lors  de  la  ligue  du  Bien  public  (1465),  il  fut  l'un  des 
trente-six  commissaires  chargés  de  travailler  à  la  réfor- 
mation du  royaume.  11  parut  encore  aux  Etats  de  Tours 
(1468)  et  de  Poitiers  (1469),  mais  ensuite  il  ne  quitta 
plus  Reims,  où  il  mourut.  11  fut  inhumé,  selon  ses  der- 
nières volontés,  devant  le  maître-autel  de  sa  cathédrale.  Il 
avait  beaucoup  augmenté  la  splendeur  de  son  église  ;  il  lui 
avait  légué  ses  livres  et  ses  tableaux.  Jean  II  Jouvenel  est 
surtout  connu  comme  historien  de  Charles  VI.  Sa  Chronique 
(1380-1422),  rédigée  à  Poitiers,  du  vivant  de  son  père, 
est  une  des  sources  les  plus  précieuses  pour  l'histoire  de 
cette  époque.  Il  a  laissé  beaucoup  d'autres  écrits  (épîtres, 
discours,  sermons;  Traité  de  V  Office  du  chancelier  ;  Dis- 
cours touchant  les  questions  et  différends  entre  les  rois  de 
France  et  d'Angleterre,  etc.)  qui  abondent  en  détails  curieux 
et  utiles.  En  somme,  il  fut  une  des  gloires  de  l'Eglise  et 
un  des  hommes  les  plus  remarquables  de  son  temps. 

Guillaume  Jouvenel,  baron  de  Treignel,  chancelier  de 
France,  né  à  Paris  le  15  mars  1401,  mort  le  23  juin  1472. 
Comme  ses  frères  Jean  et  Jacques,  il  étudia  les  lois  et  fut 
conseiller  au  parlement  de  Poitiers,  mais  à  la  carrière  ecclé- 
siastique il  préféra  le  métier  des  armes  et  fit  ses  preuves  à  la 
guerre  aussi  bien  que  dans  les  conseils.  Il  fut  armé  chevalier 
à  Reims,  au  sacre  de  Charles  VII  (17  juil.  1429).  Après 
avoir  été  bailli  de  Sens  (1437),  puis  de  Troyes  et  lieute- 
nant de  R.  de  Gaucourt  dans  le  Dauphiné,  il  succéda, 
comme  chancelier  de  France,  à  Regnault  de  Chartres  (1 6 juin 
1445).  Dès  lors,  il  joua  un  rôle  important  dans  toutes  les 
grandes  affaires  du  règne  de  Charles  VU,  notamment  dans 
l'assemblée  du  clergé  à  Chartres  (1450),  dans  la  conquête 
de  la  Normandie  (1449-50)  et  de  la  Guyenne  (4451),  dans 
les  procès  de  J.  Cœur  (1451-53)  et  de  Jean  II  d'Alençon 
(1458).  Il  assista  aux  derniers  moments  de  Charles  VII 
(22  juil.  1461)  et  suivit  son  convoi  funèbre  jusqu'à  Saint- 
Denis.  Louis  XI  lui  ôta  sa  charge  pour  la  donner  à  P.  de 
Morvilhers  (3  sept.  1461),  tout  en  lui  octroj^ant  une  pen- 
sion annuelle  de  2,000  livres.  Son  attachement  à  ses  devoirs 
le  rendit  suspect  aux  seigneurs  ligués  contre  Louis  XL 
Arrêté  par  ordre  du  duc  de  Bourbon,  il  fut  détenu  quelque 
temps  à  Moulins  (1465).  La  révolte  finie,  le  roi  lui  rendit 
l'office  de  chancelier  (9  nov.  1465)  qu'il  conserva  jusqu'à 
sa  mort.  Son  corps  fut  placé  dans  le  tombeau  de  sa  famille, 
à  Notre-Dame  de  Paris.  Le  célèbre  artiste  J.  Foucquet  avait 
fait  son  portrait,  qui  est  maintenant  au  Louvre  (salle  IV, 
n°  288).  G.  Jouvenel  avait  épousé,  en  1423,  une  fille  de 
Macé  Héron,  trésorier  des  guerres  de  Charles  VII,  Gene- 
viève, dont  il  eut  plusieurs  enfants. 

Jacques  Jouvenel,  archevêque  de  Reims,  né  à  Paris  le 
14  oct.  1410,  mort  à  Poitiers  le  12  mars  1457.  Après 
avoir  étudié  le  droit,  il  reçut  les  ordres  sans  renoncer  aux 
fonctions  publiques.  Il  succéda,  comme  avocat  général,  à 
son  frère  Jean,  prit  part  aux  Etats  d'Orléans  (1439),  fut 
ensuite  archidiacre  de  Notre-Dame  de  Paris  (1441),  prési- 
dent à  la  chambre  des  comptes  (2  janv.  1444),  archevêque 
de  Reims  (24  juin  1444),  conseiller  de  Charles  VII,  com- 
missaire royal  auprès  des  Etats  de  Languedoc.  Après  avoir 
assisté  aux  conférences  de  Châlons  (1445),  il  fut  chargé 
de  diverses  missions,  en  Angleterre  (1445),  à  Lyon,  à 


Gênes,  à  Rome  et  en  Savoie  avec  J.  Cœur  (1446-48).  II 
contribua  beaucoup  à  la  pacification  de  l'Eglise,  en  obtenant 
l'abdication  de  l'antipape  Féhx  V  (1449).  Pour  l'en  récom- 
penser, Nicolas  V  le  nomma  patriarche  d'Antioche  (1449). 
C'est  alors  qu'il  laissa  l'archevêché  de  Reims  à  son  frère 
Jean,  pour  prendre  l'administration  des  évêchés  de  Poi- 
tiers et  de  Fréjus.  Il  échangea  les  revenus  de  celui  de  Fré- 
jus  contre  le  prieuré  de  Saint-Martin-des-Champs,  à  Paris. 
En  1450,  il  fut  chargé  d'une  information  sur  le  financier 
Xaincoings  et  présida  l'assemblée  du  clergé  de  France  à 
Chartres.  Il  défendit  J.  Cœur  pendant  son  procès  (1453). 
Il  mourut  à  Poitiers  et  fut  inhumé  dans  la  cathédrale  de 
cette  ville.  Il  avait  fait  exécuter  un  magnifique  manuscrit 
qui,  acheté  par  A.-F.  Didot,  en  1861,  et  revendu  à  la 
ville  de  Paris,  a  été  brûlé,  dit-on,  en  1871. 

Parmi  les  autres  membres  de  la  famille  Jouvenel,  on 
remarque  encore  trois  autres  enfants  de  Jean  P^,  c.-à-d. 
Louis  Jouvenel,  chevalier,  qui  s'illustra,  en  1420,  à  la 
défense  de  Melun,  où  il  fut  pris,  et  qui  devint  plus  tard 
bailli  de  Troyes;  Michel  Jouvenel,  qui  fut  également  bailli 
de  Troyes  et  eut  de  nombreux  descendants";  enfin  Maine 
Jouvenel  (1399-1479),  qui  fut  religieuse  et  prieure  de 
ï^oissy.  E.  CosNEÂU. 

BiBL.  :  Les  chroniqueurs  de  l'époque,  surtout  Jean  Jou- 
venel et  le  Religieux  de  Saint-Denis.  —  U.  Cheva- 
lier, Rép.  des  sources  hist.  du  moyen  âge,  col.  1327  et 
2701.  —Anselme,  II,  45,  46,  VI,  401  et  suiv.  —  Gallia 
Ctirist.,  I,  II,  IV,  IX,  X.  —  Vaesen,  Lettres  de  Louis  XL 
—  P.-L.  Pechenard,  Jean  Juvénal  des  Ursins,  historien 
de  Charles  Vil,  Paris,  1876, in-8.  -~  De  Beaucourt,  Hist. 
de  Charles  Vil,  p.  557.  —  L.  Batiffol,  Jean  Jouvenel, 
prévôt  des  marchands  de  Paris;  Paris,  1894,  in-8.  — Pièces 
originales,  vol.  1593,  à  la  Bibl.  nat. 

JOUVENET  (Jean),  dit  le  Grand,  célèbre  peintre  fran- 
çais, né  à  Rouen  en  <*vr.  1644  (et  non  le  21  août  1647), 
mort  à  Paris  le  ^  avr.  1717.  Il  appartenait  à  une  famille 
d'artistes  re>nuntant  à  Jean  Jouvenet,  dit  le  Vieux,  présumé 
d'origino  Italienne,  du  nom  de  Giovinetto,  qui  était  venu 
se  fixer  à  Rouen  vers  le  milieu  du  xvi«  siècle  et  fut  peintre 
et  sculpteur.  Le  fils  de  celui-ci,  Laurent  le  Vieux  (mort  à 
Rouen  en  1616),  aussi  peintre  et  sculpteur,  fut  père  de 
Noël  le  Vieux  (mort  à  Rouen  en  1675),  le  premier  maître, 
dit-on,  du  Poussin,  et  qui  eut  trois  fils  :  Laurentlehane, 
Jean  et  Noël,  tous  maîtres  peintres-sculpteurs.  Laurent 
(1609-81)  fut  le  père  et  le  premier  maître  du  grand  Jou- 
venet, qui  devint  ensuite  élève  spirituel  du  puissant  Cil.  Le- 
brun, avec  lequel  il  travailla  aux  peintures  de  Versailles, 
de  1661  à  1680.  Il  se  dépouilla  peu  à  peu  des  influences 
de  son  entourage  emphatique  et,  vers  1672,  il  commença 
à  donner  la  mesure  de  son  originalité  et  de  son  style  per- 
sonnel, tout  en  imitant  la  manière  du  Poussin.  Le  tableau 
de  Mai,  la  Guérison  du  Paralytique  (à  Notre-Dame  de 
Paris),  exécuté  en  1673,  pour  la  communauté  des  orfèvres 
de  Paris,  assura  la  réputation  du  jeune  artiste.  Membre  de 
l'Académie  le  29  mars  1675,  adjoint  à  professeur  le  3  juil. 
1676,  professeur  le  29  nov.  1681,  adjoint  à  recteur  le 
24  juil.  1702,  directeur  le  30  juin  1705,  il  devint  recteur 
le  31  déc.  1707.  Son  morceau  de  réception  à  l'Académie  : 
Esther  tombant  évanouie  devant  Assuérus,  avait  fait 
une  grande  sensation  à  l'époque.  Une  rare  fécondité  et  le 
développement  continuel  de  son  talent  le  placèrent  à  la 
tête  de  l'Ecole  française  après  la  mort  de  Lebrun.  Peintre 
d'histoire,  il  en  traita  tous  les  genres  :  sujets  de  mytholo- 
gie, de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament,  actes  des^saints, 
allégories,  histoire  ancienne  et  moderne,  et  portrait.  La 
vigueur,  l'énergie,  le  mouvement,  voilà  ce  qui  caractérise 
son  talent  ;  c'est  pourquoi  il  se  plaisait  dans  les  com- 
positions vastes,  dans  les  sujets  grandioses  et  pathé- 
tiques. Un  heureux  groupement  de  figures,  une  bonne  en- 
tente du  clair-obscur  rachètent  le  défaut  de  son  coloris  et 
le  manque  de  fraîcheur  de  carnation  de  ses  personnages. 
Sans  avoir  vu  l'Italie,  il  off"re  une  étonnante  parenté  de 
facture  avec  le  Tintoret.  Paralysé  de  la  main  droite  en 
1713,  il  finit  par  peindre  non  moins  bien  de  la  main  gauche, 
et  ses  derniers  tableaux  sont  de  1716.  Son  œuvre  est  con* 


JOUVENËT  —  JOUY 


—  228 


sid érable.  Le  musée  du  Louvre  possède  quatorze  de  ses  \ 
toiles,  parmi  lesquelles  les  plus  remarquables  sont  :  la 
Descente  de  croix,  les  Vendeurs  chassés  du  Temple,  le 
Repas  chez  Simon,  la  RésuiTection  de  Lazare,  la  Pêche 
miraculeuse.  Il  faut  encore  citer  :  la  Visitation,  à  Notre- 
Dame  de  Paris  ;  la  Mort  de  saint  François  et  le  Triomphe 
de  la  justice,  à  Rouen  ;  Jésus  au  jardin  des  Olivieis, 
à  la  cathédrale  d'Orléans.  L'église  des  Invalides  possède 
de  lui  une  fresque  :  les  Douze  Apôtres,  Tous  les  grands 
graveurs  du  temps  se  sont  disputé  l'honneur  de  reproduire 
ses  chefs-d'œuvre,  mais  celui  qui  rendit  le  mieux  ses  qua- 
lités est  Gaspard  Duchange.  Parmi  ses  meilleurs  élèves 
figurent  son  neveu  Jean  Restout  (V.  ce  nom)  et  son  propre 
frère  François  Jouvenet  (1664  ou  4665-1749)  qui  fut 
peintre  du  roi,  membre  de  l'Académie  en  1701  et  portrai- 
tiste de  valeur.  G.  Pawlowski. 
BiBL.  :  F.-N.  Leroy,  Hist.  de  Jouvenet  ;  Caen,  1860,  in-8. 

JOUX  (Fort  de).  Fort  situé  dans  le  dép.  du  Doubs  sur  le 
territoire  delà  com.  de  Cluse-et-Mijoux,  à  940m.  au-des- 
sus de  la  rive  droite  du  Doubs  ;  il  commande  la  cluse  où 
se  réunissent  les  routes  de  Neuchâtel,  d'Yverdon  et  de  Lau- 
sanne et  les  voies  ferrées  de  Neuchâtel  et  de  Lausanne, 
c.~à-d.  les  communications  de  Pontarlier  avec  la  Suisse. 
Dès  le  X®  siècle  un  château  s'élevait  sur  ce  point  ;  il  appar- 
tenait, en  1476,  à  Charles  le  Téméraire  et  fut  livré  parle 
sire  d'Arlon  à  Louis  XI.  En  1507,  les  Francs-Comtois 
réussirent  à  le  reprendre.  En  1639,  il  fut  pris  après 
quinze  jours  de  tranchée  ouverte  par  Bernard  de  Saxe- 
Weimar;  en  4668,  il  fut  acquis  à  la  France,  grâce  à  l'ha- 
bileté de  Watteville,  mais  bientôt  restitué  au  roi  d'Espagne 
et  ne  redevint  français  que  dix  ans  plus  tard,  au  traité  de 
Nimègue.  Bombardé  par  les  Autrichiens  le  1^^  janv.  1814, 
il  capitula  le  17  ;  l'année  suivante  il  fut  glorieusement  dé- 
fendu par  le  commandant  Hivel.  En  1871,  il  servit  à  cou- 
vrir la  retraite  en  Suisse  de  la  malheureuse  armée  de  l'Est. 
Inutile  de  dire  que  sans  cesse  accommodé  aux  nouvelles 
exigences  militaires,  le  fort  n'a  rien  conservé  de  l'ancien 
château  ;  il  a  été  en  particulier  complètement  transformé 
depuis  1871.  Le  fort  de  Joux  a  souvent  servi  de  prison 
d'Etat  ;  parmi  les  prisonniers  de  marque  qui  y  séjourné- 
rent,  il  faut  citer  Mirabeau  qui  s'en  évada  en  1776, 
Toussaint-Louverture  qui  y  mourut,  le  marquis  de  Rivière, 
le  général  Dupont,  le  cardinal  Cavalchini,  etc. 

JOUX.  Vallée  du  Jura  franco-suisse  qui  s'étend  de  la 
frontière  française  (dép.  du  Jura),  dans  la  direction  du 
S.-O.  au  N.-E.,  sur  une  longueur  de  30  kil.  environ,  entre 
deux  chaînons  du  Jura,  dont  les  principales  sommités  sont 
le  Risoux,  la  Dent  de  Vaulion  et  le  mont  Tendre.  L'Orbe, 
qui  sort  du  lac  des  Rousses,  dans  la  partie  française  de  la 
vallée,  arrose  cette  contrée.  On  y  remarque  trois  lacs, 
tous  trois  très  poissonneux,  dont  le  plus  grand  est  le  lac 
de  Joux.  La  population  s'adonne  à  l'agriculture  (fabrica- 
tion de  fromage)  et  à  l'horlogerie  fine  et  de  précision.  Le 
Brassus,  le  Sentier,  le  Lieu  sont  les  localités  les  plus 
importantes  de  la  vallée.  D'^  Go  bat, 

JOUX.Com.  du  dép.  du  Rhône,  arr.  de  Villefranche-sur- 
Saône,  cant.  de  Tarare  ;  1 ,046  hab.  Fabrique  de  mousselines. 

JOUX-LA-ViLLE.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  d'A val- 
lon, cant.  de  L'Isle-sur-Serein  ;  917  hab. 

JOUY.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Soissons,  cant. 
deVailly;  175  hab. 

JOUY.  Com.  du  dép.  d'Eure-et-Loir,  arr.  et  cant.  de 
Chartres  ;  265  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Paris  à  Brest. 

JOUY.  Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  de  Reims,  cant. 
de  Ville-en-Tardenois  ;  174  hab. 

JOUY.  Com.  du  dép.  de  F  Yonne,  arr.  de  Sens,  cant. 
de  Chéroy  ;  386  hab. 

JOUY-DEVANT-DoMBASLE.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse, 
arr.  de  Verdun-sur-Meuse,  cant.  de  Clermont-en-Argonne  ; 
482  hab. 

JOUY-EN-JosAS.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  et 
cant.  de  Versailles;  4,358  hab.  Stai.  du  chem.  de  fer  de 
la  Grande-Ceinture.  L'église  a  conservé,  à  l'entrée  du 


chœur,  quelques  fragments  du  xiii^  siècle,  respectés  lors 
de  la  reconstruction  qui  eut  lieu  au  commencement  du 
XVI®  siècle.  C'est  à  Jouy  qu'Oberkampf  avait  fondé,  en  4759, 
une  fabrique  de  toiles  peintes  qui  eut  alors  une  vogue 
considérable. 

BiBL.:  L'abbé  Lebeuf,  Hist.  de  la  ville  et  du  diocèse  de 
Paris,  t.  III,  p.  263-271  de  Téd.  de  1883.  —  De  Guilhermy, 
Inscriptions  de  l'ancien  diocèse  de  Paris,  t.  III,  p.  255-268. 

JOUY-EN-PiTHivERAis.  Com.  du  dép.  du  Loiret,  arr.  de 
Pithiviers,  cant.  d'Outarville  ;  370  hab. 

JOUY-le-Châtel.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr. 
de  Provins,  cant.  deNangis  ;  4,356  hab.  Fabrique  d'ins- 
truments aratoires.  Donjon  du  xiii®  siècle,  faisant  partie 
du  château  actuel  de  Vigneaux.  —  La  forêt  de  Jouy,  au 
S.-E.  de  cette  commune,  tire  son  nom  de  Jouy-FAbbaye, 
ancien  monastère  de  cisterciens,  aujourd'hui  en  ruine. 

JOUY-le-Comte  (V.  Parmain). 

JOUY-LE-MoûTiER.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr. 


Église  de  Jouy-le-Moûtier,  d'après  une  photographie. 

et  cant.  de  Pontoise,  sur  une  colline  dominant  la  rive 
droite  de  FOise  ;  669  hab.  Eglise  des  xi^  et  xii«  siècles. 

JOUY-LE-PoTiER.  Com.  du  dép.  du  Loiret,  arr.  d'Or- 
léans, cant.  de  Cléry;  823  hab. 

JOUY-Mau VOISIN.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr. 
de  Mantes,  cant.  de  Bonnières  ;  80  hab. 

JOUY-sous-LEs-CôTEs.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr. 
et  cant.  de  Commercy  ;  712  hab. 

JOUY-sous-Thelle.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de 
Beauvais,  cant.  d'Auneuil  ;  648  hab . 

JOUY-sur-Eure.  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  et  cant. 
d'Evreux  ;  390  hab.  Stat.  de  chem.  de  fer,  dite  Jouy- 
Cocherel,  de  Dreux  à  Elbeuf. 

JOUY-suR-MoRiN.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne, 
arr.  de  Coulommiers,  cant.  de  La  Ferté- Gaucher  ;  1,845 
hab.  Papeteries. 

JOUY  (Victor-Joseph  Etienne,  dit  de),  littérateur  fran- 
çais, né  à  Jouy-en-Josas  (Seine-et-Oise)  le  42  sept.  4764, 
mort  à  Saint-Germain-en-Laye  le  4  sept.  4846.  Il  achevait 
à  peine  ses  études  dans  un  pensionnat  de  Versailles,  qu'il 
fut  embarqué,  dès  l'âge  de  dix-sept  ans,  pour  la  Guyane 
française,  mais  promptement  rapatrié.  En  4787,  il  repartit 
comme  sous-lieutenant  d'artillerie  pour  les  Indes  orientales 
et  revint,  en  4790,  en  France,  où  il  collabora,  selon  Bar- 
bier, au  Paquebot  ou  Rencontre  des  courriers  de  Londres 
et  de  Paris  (4®^  janv.-34  août  4794,  in-4),  rentra  au 
service  avec  le  grade  de  capitaine,  reçut  celui  d'adjudant 
général  après  la  prise  de  Fumes  ;  mais,  suspecté  d'opinions 
royalistes,  passa  en  Suisse  et  ne  reparut  qu'après  le  9  ther- 
midor. Chef  d'état-major  de  l'armée  de  Paris  sous  les 
ordres  du  général  Menou,  il  fut  arrêté  après  le  43  vendé- 
miaire, relâché  au  bout  de  quinze  jours,  emprisonné  de 
nouveau  sous  prétexte  de  relations  avec  lord  Malmesbury, 
et  enfin  mis  à  la  retraite  sur  sa  demande,  en  4797.  Chef 
des  bureaux  de  la  préfecture  de  la  Dyle  sous  l'administra- 
tion de  Pontécoulant,  il  accepta,  en  4810,  le  poste  et  les 
émoluments  de  censeur.  Un  moment  maire  de  Paris  après 
les  journées  de  4830,  il  fut  nommé  conservateur  de  la 


—  mi  -» 


LIGNE 


et  symétriques.  •—  Ligne  primitive  (V.  Embryon).  — 
Ligne  semi-lunaire  de  Spigel  :  ligne  cintrée  correspon- 
dant à  Finsertion  des  fibres  musculaires  du  transverse 
de  l'abdomen  sur  Taponéyrose  de  ce  muscle.  —  Lignes 
semi-lunaires  de  Douglas  :  rebord  semi-circulaire  par 
lequel  se  termine,  entre  Fombilic  et  le  pubis,  ie  feuillet 
postérieur  de  la  gaine  du  grand  droit  de  Fabdomen.  A  ce 
niveau,  ce  rebord  adhère  fortement  au  fascia  transversa- 
lis  et  au  péritoine.  Ch.  Debierre^ 

VI .  Marine.  —  Nous  avons  dit  que  tout  cordage  employé 
dans  la  marine  était  confectionné  avec  du  fil  de  caret 
(V.  ce  mot)  devant  avoir  8  à  9  millim.  de  circonférence, 
et  60  hélices  par  mètre.  La  ligne  est  le  plus  petit  cordage 
employé.  Elle  est  confectionnée  avec  six  fils,  sert  à  faire 
les  amarrages  fixes,  empointures  d'envergure,  araignées 
de  hamac,  et  se  subdivise  en  grosse,  moyenne,  fine. 

Ligne  de  flottaison  (V.  Flottaison), 

Ligne  de  foi.  —  C'est  une  ligne  noire  tracée  verticale- 
ment à  l'intérieur  de  la  cuvette  du  compas  de  route,  devant 
la  tranche  de  la  rose.^  Le  rayon  de  la  rose  qui  aboutit  à 
cette  ligne  doit  être  rigoureusement  parallèle  à  Faxe  lon- 
gitudinal, c.-à~d.  à  la  quille  du  navire.  Pour  maintenir  le 
cap  d'un  navire  suivant  nn  air  de  vent  déterminé,  il  sufîit 
de  maintenir  constamment  la  ligne  de  foi  elle-même  dans 
le  prolongement  du  rayon  de  la  rose  correspondant  à  cet 
air.  -—On  appelle  mssi  ligne  de  /b^,  dans  les  instruments 
circulaires  de  mathématiques  et  d'astronomie,  une  ligne  ima- 
ginaire qui  passe  par  le  centre  de  l'instrument  et  par  le  fil 
de  Falidade. 

Ligne  de  loch  (V.  Loch). 

VIL  Art  militaire.  —  C'est  en  général  la  disposition  de 
troupes  placées  sur  le  même  alignement,  la  direcîion  géné- 
rale de  leur  position,  mais  le  mot  s'emploie  plus  particu- 
lièrement dans  ia  sens  de  ligne  de  bataille  ou  ligne  de 
combat^  désignée  actuellement  sous  le  nom  de  ligne  dé- 
ployée. La  phalange  simple  des  Grecs  était  une  ligne  pleine 
ou  muraille.  La  légion  romaine  fut  d'abord  une  ligne 
pleine,  avant  d'en  disposer  les  cohortes  sur  une  ligne  tant 
pleine  que  vide.  —  Nous  considérerons  la  ligne  comme 
l'ensemble  d'une  troupe  dont  les  éléments  sont  disposés  les 
uns  à  côté  des  autres,  soit  déployés,  soit  en  colonnes,  avec 
ou  sans  intervalles,  d'où  deux  espèces  de  lignes  :  la  ligne 
déployée  et  la  ligne  de  colonnes. 

Infanterie.  —-  Dans  la  ligne  déployée,  toutes  les  frac- 
tions sont  placées  Fune  à  côté  de  l'autre,  les  hommes 
étant  séparés  par  0"^15  dans  chaque  file  ;  les  compagnies 
à  six  pas  et  les  bataillons  à  trente  pas  les  uns  des  autres. 
Cette  ligne,  qui  prend  aussi  le  nom  de  ligne  de  combat, 
est  peu  vulnérable  à  l'artillerie  et  donne  le  maximum  des 
feox  lorsqu'elle  est  pleine.  Mais  elle  ne  se  prête  guère  à  la 
marche,  reste  par  conséquent  exposée  aux  coups,  ne  peut 
donner  un  choc  sans  être  renforcée,  et  les  hommes  ne  sont 
pas  bien  en  main.  —  La  ligne  de  colonnes  est  formée  par 
un  certain  nombre  de  fractions  ou  colonnes  placées  sur  un 
môme  alignement  et  séparées  par  un  intervalle.  Dans  la 
ligne  de  colonnes  de  compagnie,  les  compagnies,  en  co- 
lonnes de  compagnie  et  ayant  leur  section  de  tête  sur  le 
même  alignement,  sont  séparées  l'une  de  Fautre,  soit  par 
Fintervalie  de  déploiement  (formation  exceptionnelle  de 
manoeuvre),  soit  par  un  intervalle  de  vingt -quatre  pas 
(formation  de  manœuvre  et  de  revue),  soit  par  un  inter- 
valle de  six  pas  (formation  de  rassemblement).  Dans  la 
ligne  de  colonnes  doubles^  les  bataillons  en  colonnes 
doubles  sont  séparés  par  un  intervalle  de  trente  pas  et 
dans  la  ligne  de  bataillons  en  masse^  les  bataillons  en 
masse  sont  formés  sur  une  seule  ligne,  séparés  par  des  in- 
tervalles de  trente  pas  :  ce  sont  des  formations  de  rassem- 
blement. La  ligne  de  colonnes  de  compagnie,  très  mobile, 
est  plus  difiicile  à  conduire  et  occupe  plus  de  terrain  que 
la  colonne  double,  qui  est  bien  en  main  et  contient  en 
germe  la  formation  de  combat.  C'est  la  ligne  de  bataillons 
en  masse  qui  occupe  le  moins  de  place,  mais  elle  est  peu 
mobile  et  elle  exige  le  plus  de  temps  pour  passer  à  la  for- 


mation de  combat.  En  résumé,  si  la  ligne  de  colonnes  est 
plus  vulnérable  que  la  ligne  déployée  et  si  elle  ne  peut 
fournir  que  peu  de  feux,  elle  se  prête  beaucoup  mieux  à 
la  marche  et  elle  permet  un  déploiement  rapide  avec  des 
unités  suffisamment  petites  dans  chaque  colonne.  Les  deux 
espèces  de  lignes  présentant  des  avantages  et  des  inconvé- 
nients, on  a  été  amené  logiquement  à  prendre  une  forma- 
tion mixte  entre  la  ligne  et  la  colonne  :  la  li|ne  déployée  a 
été  rendue  mobile  en  laissant  les  hommes  qui  la  composent 
se  mouvoir  isolément  (tirailleurs)  tout  en  préparant  l'at- 
taque par  leurs  feux  dans  la  marche  en  avant,  tandis  que 
c'est  une  ligne  de  colonnes  qui,  constituant  Forgane  de 
choc,  est  chargée  de  donner  Fassaut  et  d'enlever  la  posi- 
tion. Mais  l'expérience  des  dernières  guerres  a  condamné 
cette  formation.  On  a  fait  de  la  ligne  de  tirailleurs,  de  l'or- 
gane de  préparation,  la  ligne  même  de  combat  après  que 
la  ligne  des  soutiens  est  venue  s'y  fondre.  Dans  l'échelon- 
nement en  profondeur,  les  échelons  du  régiment  ou  de  la 
brigade  se  nomment  lignes,  une  ligne  étant  constituée  par 
l'ensemble  des  bataillons  disposés  l'un  à  côté  de  l'autre  et 
ayant  un  rôle  commun.  Les  deux  premières  lignes  sont 
destinées  à  entamer  et  à  poursuivre  le  combat,  la  troisième 
à  l'achever.  Chaque  ligne  doit  réglementairement  être  se-* 
parée  d'une  autre  par  une  distance  de  300  à  600  m.,  pour 
permettre  aux  troupes  de  se  soutenir  à  temps  et  de  ne  pas 
se  confondre. 

Cavalerie.  —  La  ligne  déployée,  ou  formation  en  ba- 
taille, est  la  formation  de  combat  de  la  cavalerie  ;  elle  est 
aussi  employée  pour  stationner  en  terrain  découvert  sous 
le  feu  de  l'artillerie  et  pour  bivouaquer.  Le  peloton  en  ba- 
taille, sur  6  m.  de  profondeur,  est  sur  deux  rangs  à  ^^^0 
de  distance  l'un  de  Fautre,  avec  un  front  de  4  m.  par  file. 
Dans  l'escadron  en  bataille,  les  pelotons  sont  accolés  sans 
intervalle.  On  laisse  12  m.  d'intervalle  entre  les  escadrons 
d'un  régiment,  et  24  m.  entre  les  régiments  d'une  bri- 
gade. —  La  ligne  de  colonnes  est  formée  d'escadrons  en 
colonnes  de  pelotons,  séparés  par  des  intervalles  de  dé-^ 
ploiement;  en  réduisant  ces  intervalles  à  42  m.,  on  obtient 
la  masse.  Dans  le  combat  de  cavalerie  contre  cavalerie,  la 
division  se  forme  sur  trois  lignes,  en  échelons  se  débor-^ 
dant  :  la  première  ou  ligne  d'attaque  se  forme  en  ligne  de 
masses  ou,  si  l'ennemi  est  proche,  en  ligne  de  colonnes  ; 
la  deuxième  ou  de  manœuvre,  à  200  ou  300  m.  en  arrière 
de  la  première  du  côté  oh  il  en  est  besoin,  se  forme  le 
plus  souvent  en  ligne  de  masses  et  quelquefois  en  ligne  de 
colonnes  ;  la  troisième  constitue  la  réserve  ;  elle  est  à  300 
ou  400  m.  de  la  première,  du  côté  opposé  à  la  deuxième, 
en  se  formant  en  colonne  ou  en  ligne  de  masses. 

Artillerie.  — -  Dans  l'ordre  en  bataille,  les  trois  sec- 
tions sont  placées  sur  une  même  ligne  à  43  m.  d'intervalle. 
Dans  l'ordre  en  batterie,  les  trois  sections  sont  placées  sur 
le  même  alignement,  en  formation  de  batterie,  ayant 
entre  elles  les  mêmes  intervalles  que  pour  la  formation  en 
bataille.  —  Dans  la  formation  de  rassemblement  avec  ma- 
tériel, la  batterie  se  forme  généralement  sur  quatre  lignes  : 
la  première  comprend  les  pièces,  la  deuxième  les  six  pre- 
miers caissons,  la  troisième  les  trois  derniers  caissons,  le 
chariot  de  batterie  et  la  forge,  la  quatrième  ou  train  régi- 
mentaire,  les  fourgons  et  la  fourragère.  Pour  l'école  de 
groupe,  les  trois  batteries  sont  déployées  en  bataille  sur  la 
même  ligne,  séparées  normalement  par  un  intervalle  de 
26  m.  ;  elles  peuvent  être  également  formées  en  échelon, 
c.-à-d.  les  batteries  placées  en  retraite  Fune  par  rapport  à 
Fautre.  En  ligne  de  colonnes,  les  trois  batteries  en  colonnes 
par  sections  sont  séparées  par  un  intervalle  leur  permettant 
de  se  déployer  (86  m.).  L'ordre  en  masse  est  la  ligne  de 
colonnes  à  intervalles  de  26  m.  L'ordre  en  bataille,  rigide 
et  peu  maniable,  est  une  formation  de  revue,  qui  peut  être 
prise  aussi  lorsqu'il  s'agit  d'aborder  ou  de  quitter  une  po- 
sition sous  le  feu  de  Fennemi.  La  ligne  de  colonnes,  plus 
souple,  permet  de  faire  avancer  ou  reculer  une  ligne  dé- 
ployée dans  les  terrains  coupés  ou  au  milieu  d'autres 
troupes.  La  masse  est  la  formation  de  manœuvre  la  plus 


LIGNE 


—  228 


maniable  du  groupe  et  que  l'on  emploie  en  principe  quand 
il  n'y  a  pas  danger  à  accumuler  les  troupes  sur  un  espace 
restreint. 

Lignes  de  défense.  —  Formées  par  les  obstacles  de 
terrain  derrière  lesquels  une  armée  organise  sa  résistance, 
elles  couvrent  le  pays  contre  une  invasion  ;  elles  servent  à 
protéger  le  front  d'une  position,  à  assurer  une  retraite,  à 
augmenter  en  un  mot  les  chances  favorables  d'une  armée. 
D'après  le  général  Derrécagaix,  une  bonne  ligne  de  défense 
doit  avoir  ses  flancs  assez  couverts  pour  être  à  l'abri  des 
mouvements  tournants  ;  elle  doit  aussi  avoir  son  front 
protégé  par  un  obstacle  d'un  accès  difficile,  et  sur  ses  der- 
rières des  routes  de  retraites  défendues  par  des  positions 
de  seconde  ligne. 

LiCxNE  d'opérations.  -—  C'est  la  direction  générale  que 
suit  une  armée  pour  se  rendre  de  sa  base  à  son  objectif. 
Une  armée  ne  pouvant  marcher  sur  une  seule  route,  la 
ligne  d'opérations  est  en  réalité  une  zone  traversée  par  un 
faisceau  de  voies  sensiblement  parallèles,  assez  rapprochées 
pour  que  les  colonnes  qui  les  suivent  puissent  se  prêter  un 
mutuel  concours,  assez  éloignées  pour  que  ces  colonnes 
puissent  cantonner  et  vivre.  Le  choix  d'Une  ligne  d'opéra- 
tions a  une  grande  importance,  non  seulement  parce  qu'elle 
doit  conduire  l'armée  à  la  rencontre  de  l'ennemi,  mais  en- 
core parce  que  c'est  par  cette  ligne  que  l'armée  reçoit  ses 
renforts  et  ses  ravitaillements  de  toute  nature  et  qu'elle 
reste  en  communication  constante  avec  le  pays,  sur  lequel 
elle  peut  ainsi  évacuer  ses  blessés,  ses  malades  et  ses  pri- 
sonniers. Une  armée  peut  n'avoir  qu'une  seule  ligne 
d'opérations,  ou  en  utiliser  plusieurs.  Dans  ce  dernier  cas, 
s'il  est  possible  d'arriver  à  l'enveloppement  tactique  de 
l'ennemi,  on  facilite  à  ce  dernier  l'usage  d'une  ligne  inté- 
rieure lui  permettant  d'écraser  successivement  les  colonnes 
divisées.  Le  général  Derrécagaix  résume  comme  il  suit  les 
règles  les  plus  importantes  relatives  aux  lignes  d'opérations  : 
1°  le  choix  de  ces  lignes  a  pour  but  de  diriger,  sur  les  points 
décisifs,  une  masse  plus  forte  que  l'ennemi  ;  2**  ce  choix 
dépend  de  la  direction  des  bases,  de  la  configuration  du 
terrain  et  des  emplacements  de  l'ennemi  ;  3^  les  lignes 
d'opérations  simples  et  intérieures  sont  toujours  les  meil- 
leures ;  4<*  les  plus  avantageuses  sont  celles  qui  conduisent 
une  armée  sur  les  communications  de  l'ennemi  sans  com- 
promettre les  siennes. 

Lignes- MANŒUVRES.  —  Ces  lignes,  qui  constituent  l'en- 
semble des  directions  qu'une  armée  projette  de  suivre 
pour  aborder  l'objectif  qu'elle  a  en  vue,  se  confondent 
avec  les  lignes  d'opérations  si  l'on  ne  considère  que  leur 
direction  générale.  Mais  elles  s'en  distinguent  si  l'on  tient 
compte  de  l'action  isolée  de  chacune  des  masses  de  l'ar- 
mée, lesquelles,  tout  en  conservant  une  ligne  d'opérations 
commune,  conservent  dans  leurs  mouvements  des  direc- 
tions différentes  pour  aborder  l'objectif.  Ces  lignes  sont 
simples,  lorsque  l'armée  restant  concentrée  n'emploie 
qu'une  ligne  d'opérations  pour  un  même  objectif  de  ma- 
nœuvre. Elles  sont  doubles  ou  multiples  lorsque,  sur  un 
même  théâtre  d'opérations,  une  armée  gagne  l'objectif  final 
en  poursuivant  simultanément  plusieurs  objectifs  de  ma- 
nœuvres éloignés  l'un  de  l'autre,  ou  lorsqu'elle  se  frac- 
tionne pour  atteindre  l'objectif  suivant  des  directions  dis- 
tinctes. L'emploi  des  lignes  simples  est  plus  sûr  que  celui 
des  lignes  multiples,  auxquelles  on  n'a  recours  que  con- 
traint par  les  circonstances.  Les  lignes  multiples  sont 
parallèles^  divergentes  ou  convergentes.  Parallèles, 
elles  augmentent  considérablement  le  front  stratégique,  de 
sorte  qu'elles  sont  rarement  employées  par  une  armée 
unique,  sauf  le  cas  des  nécessités  de  la  subsistance.  Diver- 
gentes, elles  présentent  l'inconvénient  grave  de  laisser 
prise  à  la  destruction  complète  d'une  des  colonnes,  qui 
peut  n'être  pas  secourue  à  temps,  lorsque  les  divers  fronts 
d'opérations  sont  trop  éloignés  du  point  de  départ  commun. 
Mais  elles  sont  souvent  employées  sans  risque  au  début 
d'une  campagne  ou  après  une  victoire  décisive.  Les  lignes 
convergentes  présentent  de  réels  avantages  dans  l'offensive, 


mais  leur  emploi  est  dangereux  en  principe  ;  pourtant  ce 
danger  diminue  avec  les  progrès  des  colonnes  dont  l'isole- 
ment se  restreint  de  jour  en  jour.  Enfin,  par  rapport  aux 
lignes  de  l'ennemi,  les  lignes-manœuvres  peuvent  être  in- 
térieures ou  extérieures.  «  Les  lignes  intérieures  sont 
celles  qu'une  armée  forme  pour  s'opposer  à  plusieurs  lignes 
de  l'ennemi,  mais  auxquelles  on  donne  une  direction  telle 
qu'on  puisse  rapprocher  les  différents  corps  et  lier  leurs 
mouvements  avant  que  l'ennemi  ait  la  possibilité  de  leur 
opposer  une  plus  grande  masse.  Les  lignes  extérieures 
sont  celles  qu'une  armée  formera  en  même  temps  sur  les 
deux  extrémités  d'une  ou  plusieurs  lignes  ennemies.  » 
(Jomini.)  D'une  manière  générale,  chacune  des  lignes  présente 
des  avantages  et  des  inconvénients  qui  lui  sont  propres,  et 
leur  emploi  dépend  des  circonstances,  des  effectifs,  des  com- 
binaisons, des  conditions  générales  et  particulières,  mais 
c'est  surtout  par  la  manière  de  les  concevoir  et  d'en  assurer 
l'exécution  qu'on  assurera  le  succès  de  leur  emploi. 

Ligne  de  FORTiFicATroN.  —  L'organisation  défensive  de 
toute  position  comporte  l'établissement  d'une  ou  de  plusieurs 
lignes  de  retranchement.  Une  ligne  de  retranchement,  ou 
plus  simplement  une  ligne,  est  constituée  par  l'ensemble  des 
obstacles  naturels  et  des  retranchements  artificiels  que  l'on 
a  disposés  de  manière  à  renforcer  une  position  d'une  cer- 
taine étendue,  occupée  par  une  ligne  de  troupes.  Les  lignes 
sont  généralement  composées  d'ouvrages,  tels  que  redans, 
lunettes  ou  redoutes,  réunies  par  des  crêtes  droites  ou 
brisées  qu'on  nomme  courtines,  Une  ligne  de  fortification 
doit,  en  principe,  satisfaire  aux  règles  générales  suivantes  : 
i^  son  développement  doit  être  proportionné  à  l'effectif 
des  défenseurs,  en  ayant  soin  également  de  n'entreprendre 
que  les  travaux  dont  on  peut  venir  à  bout  avec  les  res- 
sources et  le  temps  dont  on  dispose  ;  2°  le  tracé  est  à 
déterminer  de  telle  sorte  que  les  abords  soient  bien  battus, 
en  faisant  suivre  aux  lignes  la  crête  militaire  (V.  ce 
mot)  et  en  dégageant  le  champ  de  tir  en  avant  d'elles,  de 
manière  à  permettre  aux  défenseurs  d'utiliser  la  puissance 
du  feu,  au  moins  dans  la  limite  de  son  action  la  plus  effi- 
cace; 3°  les  différentes  parties  doivent  être  disposées  en 
vue  de  leur  soutien  réciproque,  c.-à-d.  être  reliées  par  de 
bonnes  communications  et  se  flanquer  mutuellement  ; 
'i^  leurs  extrémités  doivent  être  bien  appuyées,  au  besoin 
par  de  solides  ouvrages  fermés,  afin  qu'elles  ne  puissent 
être  tournées  ;  5«  les  ouvrages,  dissimulés,  autant  que 
possible,  aux  vues  ennemies,  doivent  être  à  l'abri  d'une 
attaque  latérale  ou  de  revers  et  avoir  un  profil  tel  que  les 
défenseurs  soient  à  l'abri  des  projectiles  ;  6»  elle  doit  im- 
poser à  l'ennemi  des  points  d'attaque,  de  façon  à  enlever 
à  celui-ci  l'initiative  et  à  le  forcer  à  aborder  les  points 
d'attaque  que  le  défenseur  aura  choisis  et  renforcés,  c.-à-d. 
les  saillants,  établis  aux  points  où  l'accès  est  le  plus  difii- 
cile  et  bien  battu. 

On  distingue  deux  sortes  de  lignes  :  1**  les  lignes  con-^ 
tinues,  ne  présentant  que  de  faibles  intervalles  qui  ne  se 
prêtent  qu'aux  contre-attaques,  de  sorte  qu'on  n'emploie 
ces  lignes  que  lorsqu'on  ne  peut  ou  ne  veut  pas  prendre 
l'offensive  ;  2<*  les  lignes  à  intervalles  ou  discontinues, 
dont  les  intervalles  sont  assez  considérables  pour  permettre 
de  prendre  l'offensive.  Pour  un  même  front,  elles  sont 
moins  longues  à  organiser  que  les  lignes  continues. 

Lignes  continues.  —  Avec  ces  lignes,  la  position  est 
couverte  sur  tout  son  tracé  soit  par  un  obstacle,  soit  par 
des  feux  de  front  ou  de  flanc  de  mousqueterie  ;  elles  pré- 
sentent ainsi  en  tous  les  points  un  obstacle  permettant 
d'arrêter  l'ennemi.  Mais  elles  ont  l'inconvénient  d'être  éga- 
leinent  faibles  partout  et  de  tomber  entièrement  au  pou- 
voir de  l'assaillant  dès  qu'elles  ont  été  forcées  en  un  point, 
ce  qui,  joint  aux  inconvénients  signalés  plus  haut,  en 
restreint  l'emploi  à  des  cas  très  particuliers,  par  exemple 
l'investissement  d'une  place  forte  dont  on  est  contraint  de 
faire  le  siège  régulier,  ou  la  protection  du  débarquement 
ou  de  l'embarquement  d'une  armée  arrivant  ou  battant  en 
retraite  par  voie  de  mer. 


—  n9 


LIGNE 


Les  tracés  de  ce  genre  les  plus  employés  sont  :  d  <*  la 
ligne  à  redans  (fig.  1),  dans  laquelle  la  faiblesse  des 
redans  cause  de  l'indécision  sur  les  points  d'attaque  pro- 


V-V- 


Sûû  &Sûû^'^^. 


Fis.  1. 


bables;  de  plus,  les  secteurs  correspondant  aux  angles 
saillants  des  redans  sont  privés  de  feux  ;  2°  la  ligne  à 
demi-redoutes  (fig.  2),  réduisant  les  secteurs  privés  de 


_j    i 


j    \_ 


Fig.  2. 

feux;  3°  la  ligne  tenaillée,  qui  supprime  les  angles 
morts  et  permet  de  bien  battre  les  abords,  mais  dont  la 
longueur  des  faces  rend  celles-ci  enfilables  et  augmente  la 
profondeur  de  la  ligne  ;  en  outre,  tous  les  saillants  étant 
égaux  peuvent  également  servir  de  points  d'attaque  à  l'en- 
nemi ;  4°  la  ligne  tenaillée  à  redans  (fig.  3)  supprime  ce 


Fig.  3. 

dernier  inconvénient,  mais,  par  contre,  les  saillants  dispa- 
raissent presque  complètement,  et  il  en  résuite  de  l'indéci- 
sion sur  les  points  d'attaque  probables;  on  peut  l'employer 
pour  franchir  de  profondes  vallées,  et  alors  les  longues 
faces  doivent  être  refusées  sur  le  tracé  général  ;  5*^  la 
ligne  à  crémaillères  (fig.  4),  sorte  de  ligne  tenaillée  avec 


"L 


Fig.  4. 


de  grandes  faces  à  peu  près  parallèles  et  de  petits  flancs  ; 
ce  tracé,  facilement  enfilable,  fait,  en  outre,  disparaître 
les  saillants;  pour  atténuer  ces  inconvénients,  on  brise 
quelques  faces  et  Ton  obtient  le  tracé  tenaillé  à  cré- 
maillères (fig.  5)  ;  il  peut  être  employé  utilement  sur  une 


Fig.  5. 

pente  (fig.  6),  en  ayant  soin  de  refuser  le  tracé  général 
vers  la  vallée  et  de  tourner  les  flancs  du  côté  de  l'attaque  ; 
6^  la  ligne  hastionnée,  indiquée  ici  seulement  pour  mé- 
moire, car  le  grand  travail  qu'exige  sa  construction  en 


consistent  en  une  série  de  bastions  ou  lunettes  (fig.  7) y 
occupés  par  l'infanterie,  avec  courtines  brisées,  suivant  là 
direction  des  faces  des  bastions  et  occupées  |)ar  l'artillerie. 
Des  passages  de  10  m.,  laissés  entre  les  flancs  et  l'extré- 
mité de  la  courtine,  étaient  évidemment  insufiîsants  pour 


-'li 


^''^îirîî'f^^î^ 


Fig.  .7. 


Fig.  6. 

rend  l'emploi  très  rare  ;  7°  les  lignes  du  général  Rognât, 
que  l'on  classe  généralement  à  tort  parmi  les  lignes  dis- 
continues, car  les  intervalles  existant  entre  lesfdîvers  ou- 
vrages sont  trop  faibles  pour  permettre^J'offensive.  Elles 


sortir  en  ordre  déployé.  Elles  ont  les  inconvénients  des 
lignes  bastionnées. 

Comme  on  a  pu  le  voir,  l'organisation  des  lignes  conti-^ 
nues  consiste  essentiellement  :  i^  en  ouvrages  simples  aux 
saillants  et  distants  de  300  à  600  m.  au  plus,  afin  de 
pouvoir  se  prêter  un  appui  efficace  ;  2**  en  branches  ou 
courtines  reliant  ces  saillants  et  pouvant  présenter  des 
coupures  pour  les  contre-attaques.  Les  parties  des  ouvrages 
servant  au  flanquement  des  courtines  et  des  ouvrages  voi- 
sins ne  doivent  pas  dépasser  60  m.  pour  éviter  l'enfilade; 
en  outre,  elles  ne  doivent  pas  former  avec  les  courtines  des 
angles  supérieurs  à  120°,  pour  rendre  le  flanquement 
efficace. 

Lignes  nrscoNTrNOES.  —  Les  lignes  à  intervalles  peu- 
vent être  considérées  comme  des  lignes  continues  dans  les- 
quelles on  a  conservé  les  saillants  et  supprimé  tout  ou  partie 
des  courtines.  Les^  ouvrages  placés  aux  saillants  doivent 
être  disposés  non  seulement  de  manière  à  se  prêter  un  mu- 
tuel appui,  mais  encore  à  bien  battre  le  terrain  situé  en 
avant  d'eux  et  celui  qui  les  sépare,  en  croisant  leurs  feux. 
Ces  lignes  se  divisent  en  deux  groupes  :1**  les  lignes  d'ou- 
vrages; 2<^  les  lignes  de  groupes  d'ouvrages. 

Lignes  d^ouvrages.  Dans  ces  lignes,  les  saillants  sont 
formés  par  des  ouvrages  simples  (ouverts,  mi-fermés  ou 
fermés,  suivant  les  cas),  séparés  par  des  distances  né  dé- 
passant pas  la  bonne  portée  delà  mousqueterie  (500  m.), 
ou  par  des  intervalles  ne  dépassant  pas  la  bonne  portée  de 
l'artillerie  (2,500  m.).  Dans  le  premier  cas,  il  suffit  d'éta- 
blir les  ouvrages  de  façon  qu'ils  flanquent  mutuellement. 
Mais  si  le  flanquement  est  très  bien  assuré,  le  nombre  trop 
considérable  des  saillants  rendra  Indécis  sur  les  points 
d'attaque  probables,  et  les  intervalles  un  peu  restreints  ne 
se  prêteront  pas  toujours  bien  à  l'offensive.  Aussi  ne  faut- 
il  employer  des<  lignes  de  ce  genre  que  lorsque  le  terrain 
exigera  un  grand  nombre  de  saillants,  ou  quand  les  inter- 
valles restreints  seront  suffisants  pour  l'effectif  des  troupes 
prenant  l'offensive. 

Avec  des  intervalles  supérieurs  à  la  bonne  portée  de 
mousqueterie,  les  ouvrages  des  saillants  les  plus  voisins 
ne  pouvant  plus  se  flanquer  réciproquement  devront  être 
organisés  très  solidement  de  manière  à  pouvoir  se  suffire  a 
eux-mêmes,  c.-à-d.  qu'ils  seront  en  général  fermés.  Des 
batteries  d'artillerie  sont  disposées  vers  le  flanc  des  ou- 
vrages pour  assurer  le  flanquement  réciproque  de  ceux-ci, 
en  même  temps  que  d'autres  batteries  sont  établies  vers  le 
milieu  des  intervalles  et  un  peu  en  arrière  pour  bien  battre 
les  intervalles.  On  peut  aussi,  pour  supprimer  les  batte- 
ries de  flanquement,  protéger  les  batteries  du  centre  par 
des  soutiens  d'infanterie  S  (fig.  8),  en  constituant  ainsi 


c:^^. 


DiMance-  stqieHewe  à.  1000^ 

^_ 


j::^ 


sis 

Fig.  8. 

une  sorte  de  courtine.  Les  lignes  du  général  dePidolU 
employées  par  les  Autrichiens  à  Sadowa  (ôg.  .9),  exigent 
trop  de  travail  et  de  défenseurs, 'et  on  y  a  renoiicé,  ainsi 


LIGNE 


-.^30  ~ 


qu'aux  lignes  du  général  Brialmont^  dans  lesquelles  les 
lunettes  des  saillants  sont  remplacées  par  des  demi-re- 
doutes. Avec  ces  lignes,  le  nombre  des  saillants  est  res- 
treint et  l'offensive  est  facilitée,  mais  les  points  d'appui 
sont  en  généraUnsuffisants  pour  résister  seuls,  et  ils  cons- 


Fig.  9. 

tituent  de  vrais  nids  à  projectiles,  que  Ton  devra  presque 
toujours  évacuer  pendant  le  combat  d'artillerie,  sans  être 
sûr  de  pouvoir  les  réoccuper  à  temps  pour  la  lutte  rappro- 
chée. Pourtant  le  temps  disponible  ou  les  conditions  de  ter- 
rain pourront  en  imposer  l'emploi,  qui  est  également  indi-? 
que  pour  les  positions  de  deuxième  ligne. 

Lignes  de  groupes  d'ouvrages.  Pour  éviter  les  incon- 
vénients qui  viennent  d'être  indiqués,  on  a  remplacé  dans 
les  lignes  ci-dessus  les  ouvrages  par  des  groupes  d'ou- 
vrages, à  défaut  d'obstacles  naturels  (fig.  10).  Les  groupes 


iruxccurvajrLi 


cP:i  \  c^ 


\ 


^ 


Fig.  10. 

d'ouvrages,  séparés  par  des  distances  ne  dépassant  pas 
2,500  m.,  sont  formés  d'ouvrages  espacés  d'environ  300  m, 
et  reliés  par  des  tranchées-abris.  Des  batteries  placées  vers 
les  flancs  des  groupes  assurent  leur  flanquement  réciproque. 
De  200  à  400  m.  en  arrière  du  centre  des  intervalles,  on 
dispose  de  fortes  batteries,  protégées  par  des  soutiens  d'in- 
fanterie, pour  assurer  des  feux  de  front.  Des  tranchées, 
établies  dans  les  intervalles  ou  sur  les  flancs,  permettent 
à  l'infanterie  de  soutenir  les  groupes  d'ouvrages.  L'ou- 
vrage de  bataillon  peut  constituer  au  besoin  un  groupe 
d'ouvrages,  comme  l'indique  la  figure  il,  —  Ces  lignes 


^..C^-n-^-^Î?^" 


300':- 


2^  Comjumme 


e ibo  ^ 


^_75^^ 


r 


U^  CaTïLjtaffnjœ. 

Fig. 11. 


A 


présentent  une  grande  force  de  résistance  et  leurs  points 
d'appui  peuvent  se  suffire  à  eux-mêmes*  En  outre,  l'artil- 
lerie de  l'attaque  sera  obligée  de  répartir  ses  coups  sur  une 
plus  grande  étendue  de  crête. 

Emploi  des  lignes  en  terrain  varié.  Il  est  bien  en- 
tendu que  les  tracés  théoriques  indiqués  plus  haut  s'ap- 
pliquent à  un  terrain  horizontal,  mais  que,  dans  la  réalité, 
il  y  aura  lieu  de  les  adapter  aux  différents  terrains  qui  se 
présentent.  La  condition  essentielle  est  de  faire  encore  aux 
lignes  une  crête  militaire,  à  moins  qu'un  obstacle  naturel 
n'oblige  à  modifier  ieu^  tracé  ;  il  faut  donc,  pour  appro- 
prier ces  tracés  à  V organisation  défensive  (V.  ce  mot) 
des  divei^s  accidents  qu'on  rencontre  sur  les  champs  de 
bataille,  bien  titiliiser  les  formes  du  terrain  et  bien  battre 
fé  terrain  en  avant. 


Lignes  de  circonvallation  et  de  contrevallation 
(V.  Blocus). 

Ligne  de  défense.  —  Ligne  d'un  bastion  dont  la  direc- 
tion est  déterminée  par  la  face  du  bastion  prolongée  jus- 
qu'à la  courtine  et  va  généralement  aboutir  au  sommet  de 
l'angle  rentrant  du  bastion  voisin  ;  sa  longueur  est  déter- 
minée par  la  condition  de  réaliser  le  flanquement  efiîcace 
de  l'autre  extrémité  par  la  bonne  portée  du  fusil  (500  à 
600  m.). 

On  donne  encore  le  nom  de  lignes  de  défense  à  l'en- 
semble des  forts  ou  ouvrages  disposés  pour  l'organisation 
défensive  des  forteresses  (V.  ce  mot). 

Ligne  de  moindre  résistance  (V.  Fourneau  de  mine). 

Ligne  d'investissement  (V.  Investissement). 

¥111.  Pêche  (V.  Pêche). 

BiBL.  :  Typographie.—  Théotiste  Lefèvre,  Guide  pra- 
tique du  compositeur  et  de  l'imprimeur;  Paris,  1883. 

LIGNÉ.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  de  Ruffec, 
cant.  d'Aigre;  431  hab. 

LIGNÉ.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Loire-Inférieure, 
arr.  d'Ancenis;  2,719  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de 
l'Ouest,  ligne  de  Segré  à  Nantes. 

LIGNE.  Famille  princière  de  Belgique  qui  figure  depuis 
le  XI®  siècle  dans  la  noblesse  du  Hainaut.  Elle  est  origi- 
naire du  village  de  Ligne,  situé  sur  la  chaussée  romaine 
de  Bavai  à  Gand.  Héribrand  et  Walter  de  Ligne  sont 
cités  dès  1073.  On  trouve  des  représentants  de  cette  race 
mêlés  à  tous  les  événements  de  l'histoire  politique  et  mili- 
taire de  la  Belgique  depuis  trente  générations.  En  1513, 
les  seigneurs  de  Ligne  furent  créés  princes  de  Mortagne 
par  Charles-Quint,  et,  en  1532,  comtes  de  Fauquemberghe. 
En  1543,  l'empereur  érigea  la  seigneurie  de  Ligne  en 
comté.  Les  titres  s'accumulèrent  ensuite  :  en  1592,  celui 
de  prince  d'Epinoy;  en  1601,  celui  de  prince  du  Saint- 
Empire;  en  1602,  la  grandesse  d'Espagne  ;  en  1608,  celui 
de  prince  d'Amblise,  etc.  Les  armoiries  des  princes  de 
Ligne  sont  :  d'or,  a  la  bande  de  gueules;  Vécu  timbré 
de  la  couronne  de  prince  et  posé  sur  un  manteau  semé 
des  émaux  des  armes,  et  doublé  d'hermine.  Devise  : 
Quo  Tes  cumque  cadunt,  semper  stat  linea  recta.  La 
principale  résidence  des  princes  de  Ligne  est  le  château  de 
Belœil,  près  d'Ath.  E.  H. 

LIGNE  (Charles-Joseph,  prince  de),  général  et  littéra- 
teur belge,  né  à  Bruxelles  en  1735,  mort  à  Vienne  en 
1814.  Il  se  distinguai  Breslau,  à  Leuthen  et  à  Hœhkir-r 
chen,  oti  il  fut  nommé  colonel  sur  le  champ  de  bataille, 
et  à  Maxen.  La  valeur  dont  il  fît  preuve  pendant  la  guerre 
de  Sept  ans  lui  valut  le  grade  de  général.  Après  la  paix, 
il  fut  attaché  à  la  cour  de  Vienne  et  y  devint  l'ami  et  le 
conseiller  de  Joseph  II.  Il  assista  à  la  fameuse  entrevue  de 
l'empereur  avec  le  roi  de  Prusse  en  1770,  au  camp  de 
Neustadt.  Entré  en  possession  d'une  fortune  immense,  par 
la  mort  de  son  père,  il  vécut  avec  une  incroyable  prodiga- 
lité et  donna  des  fêtes  d'un  faste  inouï.  En  1778,  pendant 
là  guerre  de  succession  de  Bavière,  il  commanda  l'avant- 
garde  de  Laudon.  La  guerre  terminée,  le  prince  de  Ligne 
entreprit  de  grands  voyages  en  Angleterre,  en  Allemagne, 
en  Italie,  en  Suisse,  visita  Ferney  oti  il  fut  reçu  avec  beau- 
coup de  distinction  par  Voltaire,  en  France  où  il  vit  la 
cour  et  fréquenta  tous  les  salons  renommés  du  monde  phi- 
losophique. Son  esprit  brillant  et  son  caractère  aimable 
lui  valurent  d'universelles  sympathies.  En  1782,  il  sut 
conquérir  les  bonnes  grâces  de  Catherine  II  qui  lui  conféra 
le  grade  de  feld-maréchal  et  le  gratifia  de  terres  en  Crimée 
quand  il  l'accompagna  dans  le  célèbre  voyage  qu'elle  y  fit 
avec  sa  cour.  Il  retourna  à  Saint-Pétersbourg  en  1787 
pour  tâcher  de  contre-balancer  auprès  de  la  tsarine  l'in- 
fluence du  marquis  de  Ségur,  ambassadeur  de  France.  En 
1788,  il  partagea  avec  Laudon  l'honneur  de  la  prise  de  Bel- 
grade. Pendant  ce  temps,  les  Belges  s'étaient  révoltés  contre 
la  domination  autrichienne  et  les  chefs  du  mouvement  pro- 
posèrent au  prince  de  Ligne  de  se  mettre  à  leur  tête.  Il  se 
borna  à  les  remercier  en  disant  <<  qu'il  ne  se  révoltait  ja- 


-  233  - 


JUBAL  —  JUBILE 


ments  de  musique,  tandis  qu'on  rapporte  à  son  frère  Jabal 
l'institution  de  la  vie  nomade  et  de  l'élève  des  troupeaux  et 
à  son  autre  frère  Tubal-Caïn  la  découverte  de  l'art  du  for- 
geron (Genèse,  IV,  19-22).  Il  est  intéressant  qu'on  fasse 
naître  les  arts  de  la  civilisation  dans  la  descendance  de 
Caïn,  meurtrier  d'Abel  ;  mais  un  examen  plus  attentif  fait 
voir  que  l'on  établissait  la  filiation  de  l'humanité  primitive 
d'Adam  à  Noé,  tantôt  par  Caïn,  tantôt  par  Seth,  troisième 
fils  d'Adam.  M.  Vernes. 

JUBAUDIÈRE.  Com.  du  dép.  de  Maine-et-Loire,  arr. 
de  Cholet,  cant.  de  Beaupréau  ;  684  hab. 

JUBÉ.  Clôture  monumentale  séparant  le  chœur  et  la  nef 
d'une  église.  Le  jubé  est  une  réunion  et  un  développement 
du  chancel  ou  clôture  du  chœur,  des  ambons  et  de  la 
poutre  de  gloire  {trabs  doxalis)  qui  occupaient  la  limite 
du  chœur,  réservé  au  clergé,  et  de  la  nef  attribuée  au 
peuple.  Le  jubé  se  compose  généralement  d'un  portique 
dont  les  arcades  laissent  apercevoir  le  sanctuaire  et  sou- 
tiennent une  galerie  ou  tribune  du  haut  des  deux  côtés 
de  laquelle  l'Epître  et  l'Evangile  se  lisaient,  comme  au- 
trefois dans  les  ambons.  Sur  le  centre  de  la  galerie 
s'élève,  comme  sur  la  poutre,  un  crucifix  souvent  ac- 
costé de  statues  (généralement  la  Vierge  et  saint  Jean  ; 
parfois  aussi  les  apôtres).  Comme  la  poutre,  également^  les 
arcades  du  jubé  ont  servi  à  porter  les  draperies  dont  on 
voilait  le  sanctuaire  durant  la  semaine  sainte.  On  accède 
du  chœur  à  la  tribune  par  deux  escaliers  ménagés  aux 
extrémités  du  jubé.  Le  jubé  devait  toujours  se  relier  à  des 
clôtures  qui  fermaient  les  arcades  du  chœur  en  l'isolant  du 
déambulatoire,  et  servaient  d'appui  aux  stalles.  Le  jubé 
ayant  pour  but  d'isoler  le  clergé  des  fidèles  et  pour  résultat 
de  priver  plus  ou  moins  ceux-ci  de  la  vue  de  l'autel  prin- 
cipal, on  adossa  généralement  aux  parties  latérales  de  cette 
clôture  deux  autels  pour  l'usage  du  peuple,  tandis  qu'un 
troisième  se  dressait  souvent  au-dessus  de  l'arcade  prin- 
cipale, aux  pieds  du  crucifix. 

Nous  n'avons  pas  de  jubés  antérieurs  au  xm®  siècle,  bien 
qu'on  puisse  en  trouver  des  exemples  de  style  roman  dans 
des  pays  où  ce  style  a  très  longtemps  persisté  (église  de 
Sainte-Marie  in  valle^  près  de  Rosciolo,  dans  les  Abruzzes). 
Du  xiii®  siècle,  on  n'a  plus  en  France  que  quelques  très 
beaux  débris  des  bas-reliefs  qui  ornaient  les  jubés  des  ca- 
thédrales de  Reims  et  de  Bourges  ;  l'égUse  de  Valère  à  Sion 
en  Valais  garde  un  jubé  du  xni®  ou  du  xiv®  siècle.  C'est  à 
la  même  date  qu'il  faut  rapporter  celui  de  Saint-NicoLs-de- 
Girgenti  (Sicile)  et  au  xiv®  siècle  celui  de  la  cathédrale  de 
Throndhjem  (Norvège).  Tous  deux  s'élèvent  jusqu'à  la 
voûte  de  l'église. 

D'autres  jubés,  au  contraire,  sont  très  simples  :  ils  ne  se 
composent  que  d'une  arcade  portant  une  galerie  ou  d'une 
sorte  de  pont  jeté  d'un  triforium  à  l'autre  :  un  exemple  de 
ce  type  datant  de  4300  environ  se  voit  à  Saint-Martin-de- 
Clamecy  ;  un  autre,  du  xv«  siècle,  à  Flavigny  (Côte-d'Or). 
Une  petite  chaire  en  encorbellement  se  détache  de  sa  balus- 
trade. Dans  l'égUse  de  Champagne  (Seine-et-Oise),  une 
simple  arcade  tient  lieu  de  jubé.  Le  jubé  de  Saint-Etienne- 
du  Mont,  construit  sous  Henri  IV,  est  un  dernier  exemple 
de  ce  type,  commode  en  ce  qu'il  permet  aux  fidèles  de 
bien  voirie  chœur.  Le  plus  souvent,  les  jubés  avaient  trois 
arcades;  tel  était  celui  de  la  cathédrale  d'Amiens  (xiv^  siècle), 
tels  sont  encore  ceux  de  La  Chaise-Dieu,  de  Notre-Dame 
de  l'Epine  (Marne),  de  Saint-Seine  (Côte-d'Or),  de  l'église 
Notre-Dame,  à  Folgoët  (Finistère,  xv^  siècle)  (V,  fig., 
t.  XVII,  p.  689),  de  la  cathédrale  d'Albi,  de  l'église  de 
Brou  (Ain)  (V.  fig.,  t.  VII,  p.  75i)  et  de  la  Madeleine  de 
Troyes,  œuvres  très  riches  du  début  du  xvi®  siècle,  encore 
presque  gothiques  ;  ceux  de  la  cathédrale  de  Limoges,  de 
l'église  de  Saint-Florentin  (Yonne),  beaux  exemples  de  la 
Renaissance  ;  ceux  de  la  cathédrale  de  Tournai  et  de  l'église 
d'Appoigny  (Yonne)  (V.  fig,,  t.  III,  p.  431)  du  commen- 
cement du  xvii«  siècle,  etc. 

Certains  jubés  du  xvi®  siècle  sont  en  bois  :  celui  de  Lau- 
court  (Somme)  forme  un  entablement  orné  des  statues  des 


douze  apôtres  dans  des  niches  très  ornées,  et  surmonté  d'un 
calvaire  monumental.  Ce  jubé  n'est  presque,  à  proprement 
parler,  qu'une  poutre  très  large  et  très  riche.  Au  Faoiiet 
(Finistère),  un  jubé  de  bois,  de  quelques  années  antérieur, 
présente,  au  contraire,  trois  riches  arcades  comme  les  jubés 
de  pierre.  Au  xvm®  siècle,  le  clergé  fit  démolir  la  presque 
totalité  des  jubés  pour  les  remplacer  par  des  grilles  de  fer. 
La  plupart  de  ces  jubés  étaient  ornés  de  sculptures  d'un 
grand  prix,  dont  la  perteest  à  jamais  regrettable.  C.  Enla.rt. 

JUBÉ  (Jacques),  prêtre  janséniste,  né  à  Vanves  le 
27  mai  1674,  mort  à  Paris  le  30  déc,  1745.  Il  prit  parti 
dans  l'affaire  du  Formulaire  et  publia  une  brochure  inti- 
tulée Pour  et  contre  Jansenius^  touchant  les  matières 
de  grâce  (Paris,  1703,  in-12)  qui  fut  saisie  par  la  police. 
Sa  cure  à  Asnières  était  l'asile  de  tous  les  suspects.  Jubé 
avait,  d'ailleurs,  enlevé  de  son  église  toutes  les  images  et 
tous  les  ornements;  il  avait  aussi  modifié  la  liturgie  et 
exerçait  une  stricte  discipline  sur  ses  paroissiens  qui  lui 
étaient  très  attachés.  Il  ne  tarda  pas  à  être  persécuté  et 
dut  fuir.  On  le  trouva  alors  tantôt  à  Rome,  tantôt  en 
Hollande  et  même  en  Russie,  faisant  partout  de  la  propa- 
gande janséniste.  En  1740,  il  revint  à  Paris  et  finit  par 
mourir  à  l'Hôtel-Dieu.  Il  est  inhumé  à  Saint-Sé vérin. 

JUBÉ  (Auguste), baron  de  LaPérelle,  général  et  histo- 
rien français,'né  le  12  mai  1765,  mort  àDourdan  (Eure- 
et-Loir)  le  1^^'juiL  1824.  n  entra  dès  1786  dans  l'admi- 
nistration de  la  marine,  devint  inspecteur  général  des  côtes 
en  1794,  servit  comme  chef  d'état-major  sous  Hoche,  en 
1796,  commanda  ensuite  la  garde  du  Directoire,  se  rallia 
le  18  brumaire  à  Bonaparte,  fit  partie  du  Tribunat  de  1800 
à  1807,  administra  le  dép.  de  la  Loire,  puis  celui  du 
Gers  et  fut,  en  1814,  attaché  comme  historiographe  au 
ministère  de  la  guerre.  Nous  citerons  parmi  ses  ouvrages  : 
Histoire  des  guerres  des  Gaulois  et  des  Français  en 
Italie  jusqu'à  Louis  XII  (1805,  in-8);  Hommage  des 
Français  à  l'empereur  Alexandre  (1814,  in-8);  le 
Temple  de  la  gloire^  ou  les  Fastes  militaires  de  la  France 
depuis  le  règne  de  Louis  XIV  jusqu'à  nos  jours  (1819, 
2  vol.  in-8)  ;  Histoire  générale  militaire  des  guerres  de 
la  France  depuis  le  commencement  du  règne  de 
Louis  XIV  jusqu'à  l'année  i8i5  (2  vol.  in-8). 

JUBÉCÔURT.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Ver- 
dun-sur-Meuse, cant.  de  Clermont-en-Argonne  ;  174  hab. 

JUBILATION  (V.  Ivresse). 

JUBILÉ.  Dans  la  bulle  Antiquorum,  Boniface  VIII  dé- 
clare que,  selon  le  rapport  des  anciens,  des  indulgences 
étaient  attribuées  à  ceux  qui  visitaient  l'église  du  prince 
des  Apôtres.  11  les  renouvelle  et  confirme  toutes.  Mais  afin 
que  saint  Pierre  et  saint  Paul  soient  plus  honorés,  et  leurs 
églises  plus  fréj^uentées,  il  accorde  une  indulgence  plénière 
à  ceux  qui  visiteront  ces  églises  pendant  l'année  1300, 
commencée  à  Noël,  et  toutes  les  centièmes  années  suivantes. 
Clément  VI  réduisit  cet  intervalle  à  cinquante  années,  à 
l'instar  du  jubilé  des  Juifs  (1349).  Dès  lors,  on  appela  ju- 
bilé l'indulgence  solennelle  ainsi  instituée.  Le  8  avr.  1389, 
Urbain  VI  statua  que  le  jubilé  aurait  lieu  tous  les  trente- 
trois  ans,  en  souvenir  de  la  durée  de  la  vie  terrestre  de 
Jésus-Christ.  Enfin,  Paul  II  (1468)  fixa  la  période  jubi- 
laire à  vingt-cinq  années  :  quatre  jubilés  dans  un  siècle,  de 
même  que  quatre  saisons  dans  une  année.  En  outre  et  sui- 
vant un  usage  plus  récent,  les  papes  donnent,  au  com- 
mencement de  leur  pontificat  et  dans  les  grandes  et  pres- 
santes nécessités  de  l'Eglise,  des  indulgences  plénières  en 
forme  de  jubilé,  --  Le  jubilé  de  Tannée  sainte  dure  à 
Rome  une  année  entière,  après  laquelle  l'indulgence  s'étend 
à  toute  l'Eglise.  L'ouverture  se  fait  la  veille  de  NoëL  Le 
pape  se  rend  processionnellement  de  la  chapelle  de  son 
palais  à  la  basilique  de  Saint-Pierre,  dont  toutes  les  portes 
sont  fermées.  L'une  d'elles,  appelée  Porte  sainte,  est 
murée.  Le  pape  la  frappe  trois  fois  avec  un  marteau  d'ar- 
gent, en  disant  :  Aperite  mihi  portas  justitiœ.  On  dé- 
molit la  maçonnerie  qui  mure  la  porte,  et  le  cortège  entre 
au  chant  du  Te  Deum.  Le  lendemain,  fête  de  Noël,  le  pape 


JIJBÎLÊ  -  JUDA 


234  — 


donne  la  bénédiction  dite  du  jubilé.  L'année  expirée, 
on  mure  la  Porte  sainte,  pour  ne  la  rouvrir  qu'au  retour 
de  l'indulgence.  —  Principaux  privilèges  du  jubilé  :  faculté 
pour  tous  les  fidèles  de  se  choisir  un  confesseur  parmi  les 
prêtres  approuvés  dans  le  diocèse  où  la  confession  doit  se 
faire;  amples  pouvoirs  attribués  à  tous  les  confesseurs 
pour  absoudre  de  l'excommunication,  delà  suspense  et  des 
autres  censures  ecclésiastiques,  pour  quelques  causes  que 
ce  soit,  réservées  aux  ordinaires  et  au  saint-siège,  et  de 
toutes  sortes  de  péché,  même  les  plus  énormes,  réservés 
ou  non  réservés.  E.-H.  Vollet. 

Livre  des  Jubilés  (V.  Apocalypse). 

J  U  Bl  N  AL  (Achille),  littérateur  et  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Paris,  d'une  famille  originaire  des  Pyrénées,  le 
24  oct.  18iO,  mort  à  Paris  le  28  déc.  1875.  Auditeur 
libre  des  cours  de  l'Ecole  des  chartes,  Jubinal  se  fit  con- 
naître de  bonne  heure  par  d'importantes  publications  sur 
la  littérature  et  l'archéologie  du  moyen  âge  :  Jongleurs 
et  trouvères  ou  Choix  de  saluts,  épîtres,  rêveries  et 
autres  pièces  légères  des  xm^  et  xiv^  siècles  (4835, 
in-8)  ;  Légende  latine  de  S,  Brandaines  (4836)  ;  Mys- 
tères du  XV®  siècle  (4836-37,  2  vol.  in-8)  ;  Anciennes 
Tapisseries  historiques  (4837,  2  vol.  in-fol.  et  pi.)  ; 
VArmeria  Real  de  Madrid  (4837,  2  vol.  in-fol.  et  pi. 
avec  suppl.  paru  en  4846)  ;  Œuvres  complètes  de 
Rutebeu f  (iS39,  2  vol.  in-42  ;  réimpr.  en  1874  dans  la 
Biblioth.elzévirienne)  ;  Nouveau  Recueil  de  contes^  dits, 
fabliaux  et  autres  pièces  inédites  des  xiii®,  xiv®  et 
xv^  siècles  (4839-42,  2  vol.  in-8).  Une  chaire  de  littéra- 
ture étrangère  ayant  été  créée  à  la  faculté  des  lettres  de 
Montpellier  le  24  août  4838,  Jubinal,  qui  ne  s'était  occupé 
que  de  littérature  française,  fut  chargé  des  fonctions  de 
professeur  et  enseigna  dans  cette  ville  la  littérature  ita- 
lienne et  la  littérature  espagnole  de  4839  à  4845.  Rentré 
à  Paris,  il  fut  chargé  par  M.  de  Salvandy  d'une  mission  à 
La  Haye  pour  étudier  les  manuscrits  français  de  cette  riche 
bibliothèque.  En  4849,  il  eut  la  fâcheuse  inspiration  de 
prendre  la  défense  de  Libri,  accusé  justement  d'avoir  mis 
au  pillage  les  bibliothèques  publiques  qu'il  était  chargé 
d'inspecter.  Rallié  à  l'Empire,  il  se  lança  dans  la  politique, 
fut  constamment  élu  député  de  Bagnères  de  4852  à  4869, 
et  dirigea  quelque  temps  le  journal  l'Estafette  (4S58). 
En  4863,  il  fit  don  à  la  ville  de  Bagnères  de  sa  bibliothèque 
et  de  sa  collection  d'objets  d'art  dont  il  publia  à  cette  occa- 
sion le  catalogue  comprenant  47,000  volumes  et  700  objets. 

JUBLAINS.  Corn,  du  dép.  de  la  Mayenne,  arr.  de 
Mayenne,  cant.  de  Bais;  4,597  hab.  Surtout  le  territoire 
de  la  commune  se  rencontrent  les  vestiges  de  l'ancienne 
cité  des  Diablintes,  Naeodunum^  abandonnée  progressi- 
vement du  v^  au  IX®  siècle.  On  a  reconnu  indépendamment 
des  voies  de  communication  et  des  subslructions  de  mai- 
sons, le  théâtre,  les  thermes,  un  temple  de  la  Fortune  et 
surtout  un  vaste  castellum  (mon.  hist.),  double  enceinte 
rectangulaire  flanquée  de  tours  rondes,  au  centre  de  la- 
quelle est  un  réduit  carré  ou  sorte  de  donjon. 

JUBWEL  (V.  Ibmel). 

JUBY  (Cap).  Promontoire  du  littoral  du  Sahara,  dans 
la  partie  comprise  entre  l'oued  Draa  (limite  du  Maroc)  et 
le  Saguiet-el-Hamra,  en  face  de  l'archipel  des  Canaries. 
Au  S.  de  ce  point,  dans  une  petite  île  basse,  tout  près  de 
la  côte,  Donald  Mackenzie  fonda  en  4878  un  comptoir 
appelé  Victoria  Port.  L'établissement  fut,  à  plusieurs  re- 
prises, incendié  par  les  nomades  du  désert  ;  puis  la  mer, 
mauvaise  en  ces  parages,  a  détruit  plusieurs  navires  qui 
servaient  au  trafic  de  la  station.  Elle  subsiste  cependant  et 
en  ces  derniers  temps  il  y  a  eu  des  transactions  importantes 
entre  le  comptoir  et  des  caravanes  sahariennes.  Au  point 
de  vue  commercial,  l'établissement  est  bien  situé. 

JUCAR  ou  XUCAR.  Fleuve  d'Espagne,  qui  a  sa  source 
dans  le  Cerro  de  San  Felipe,  massif  de  4,800  m.  d'alt., 
sur  les  flancs  duquel  naissent  aussi  le  Tage,  le  Guadala- 
viar  et  le  Cabriel.  Los  Ojuelos  de  Valdeminguete,  ainsi 
qu'on  nomme  ses  sources,  sont  à  4,646  m.  d'alt.  ;  la  rivière 


coule  du  N.  au  S.,  passe  au  pied  du  pittoresque  rocher  qui 
porte  Cuenca,  puis  traverse  une  partie  du  plateau  de  la 
Manche.  Après  être  entré  dans  la  province  de  Murcie,  le 
Jucar  se  recourbe  brusquement  pour  prendre  la  direction 
de  l'E.,  passe  par  une  série  de  gorges  ou  de  défilés  dont 
les  murailles  abruptes  ont  de  200  à  350  m.  de  hauteur, 
reçoit  le  Cabriel  qui  a  autant  d'eau  que  lui-même,  puis 
arrive  dans  une  plaine,  partie  méridionale  de  la  huerta  de 
Valence.  Il  y  est  épuisé  par  de  nombreuses  saignées  pour 
l'irrigation  des  rizières  et  des  autres  cultures  ;  on  ne 
compte  pas  moins  de  27  acequias  ou  canaux  (seguias  des 
Arabes),  arrosant  22,500  hect.  et  dont  le  plus  important 
est  celui  d'Alcira.  C'est  dans  cette  partie  de  son  cours  que 
se  trouvent  les  belles  campagnes  couvertes  d'orangers  et 
les  villes  prospères  d'Alberique,  Carcagente,  Alcira,  Alge- 
mesi,  Sueca,  Cullera;  au-dessous  de  cette  dernière  ville, 
le  fleuve  exténué  finit  dans  la  Méditerranée,  après  un  cours 
de  500  kil.  environ  ;  la  superficie  de  son  bassin  est  évaluée 
à  24,000  kil.  q.  Parmi  ses  affluents,  il  faut  mentionner 
sur  la  rive  gauche  le  Euecar,  le  Cabriel  (V.  ce  mot), 
grossi  à  gauche  du  Moya  et  à  droite  du  Guadazaon^  le 
Magro  ou  rio  de  Juanes;  sur  la  rive  droite,  le  Jucar  ne 
reçoit  que  des  ruisseaux  dont  le  plus  considérable  est  VAl- 
baida,  au-dessous  de  la  prise  d'eau  d'Alcira.        E.  Cat. 

JUCEWICZ  (Ludwik)  (V.  Lithuanie  [Littérature]). 

JUGHART.  Mesure  agraire  usitée  en  Allemagne,  valant 
57,554  ares  à  Vienne,  47,2770  ares  à  Stuttgart, 
34,0726  ares  à  Munich,  33,3370  ares  à  Bâle. 

JUCHER  EAU  DE  Saint-Denis  (Antoine),  général  fran- 
çais, né  à  Bastia  le  44  sept.  4778,  mort  en  1842.  Son 
père  ayant  été  guillotiné  pendant  la  Terreur,  il  alla  termi- 
ner ses  études  aux  Etats-Unis,  puis,  de  retour  en  Europe 
(4802),  entra  comme  ingénieur  militaire  au  service  du  gou- 
vernement ottoman.  C'est  lui  qui  en  4807  mit  Constanti- 
nople  en  état  de  défense  contre  la  flotte  anglaise.  Nommé 
colonel  du  génie  par  Napoléon,  il  fut  envoyé  en  Espagne, 
où  il  se  distingua  au  siège  de  Cadix,  au  combat  de  Bornes 
et  à  la  bataille  de  Vittoria.  Après  avoir  habilement  secondé 
le  maréchal  Soult  dans  la  campagne  de  4844,  il  passa  dans 
l'état-rnajor,  prit  part  aux  journées  de  Ligny  et  de  Water- 
loo (4815),  accompagna  le  comte  Molitor  en  Espagne 
comme  chef  d'état-major  du  2®  corps,  pendant  l'expédition 
de  1823,  remplit  en  Angleterre  une  importante  mission 
d'études  militaires  (4826),  fit  la  campagnede  Grèce  en  4828, 
joua,  deux  ans  plus  tard,  comme  sous-chef  de  l'état-major 
général,  un  rôle  important  dans  la  campagne  d'Alger,  et  fut 
enfin  nommé  maréchal  de  camp.  On  a  de  lui,  entre  autres 
ouvrages  :  Révolution  de  Constantinople  en  iSOl  et 
1808  (Paris,  4849,  2  vol.  in-8).  A.  Debidour. 

JUDA.  Une  des  tribus  Israélites,  occupant  la  portion  la 
plus  méridionale  du  pays  de  Chanaan;  sa  limite  au  N. 
était  marquée  par  une  ligne  courant  sensiblement  de  l'E. 
à  rO.  à  partir  de  la  pointe  N.  de  la  mer  Morte  et  passant 
au  S.  de  Jérusalem  ;  de  ce  côté,  les  gens  de  Juda  ou  Judéens 
avaient  pour  voisins  les  gens  de  Benjamin.  A  l'E.,  la  mer 
Morte  indiquait  la  frontière  naturelle;  au  S.,  une  ligne 
frontière  indécise  marquait  le  point  de  contact  des  établis- 
sements Israélites  avec  l'Idumée  et  donnait  parfois  passage 
aux  bandes  pillardes  des  Amalécites  et  autres  nomades  du 
désert;  à  l'O.,  les  Philistins  occupaient  la  plaine  maritime. 
Les  gens  de  Juda  ont  volontiers  vécu  dans  une  sorte  d'iso- 
lement à  l'égard  du  reste  d'Israël  avec  leur  capitale,  Hébron, 
dont  ils  vantaient  l'antiquité.  Même  après  que  David,  origi- 
naire de  Juda,  eût  obtenu  la  direction  de  l'ensemble  de  la 
nation  et  transféré  sa  capitale  à  Jérusalem,  les  difficultés 
de  la  vie  commune  se  manifestèrent  par  des  mouvements 
populaires,  tel  que  celui  dont  Absalon  prit  la  tête.  Enfin, 
après  Salomon,  la  famille  de  David  fut  réduite  au  gouver- 
nement de  la  tribu  de  Juda,  augmentée  de  quelques  cantons 
de  Benjamin,  mais  possédant  désormais  dans  Jérusalem  une 
capitale  incomparable.  C'est  pourquoi  on  désigne  couram- 
ment le  royaume  du  Sud  par  le  nom  de  Juda  en  opposition 
à  Israël^  royaume  du  Nord,  des  Dix-Tribus  ou  encore 


23H  — 


JUDA  —  JUDE 


d'Ephraim.  Le  sol  en  était  montagneux,  mais  propre  à  la 
petite  culture,  favorable  aux  arbres  fruitiers,  à  Folivier,  à 
la  vigne  et  à  l'élève  des  troupeaux.  Les  relations  s'établis- 
saient avec  l'Egypte  par  Gaza.  —  Conformément  à  un  pro- 
cédé généalogique  bien  connu,  on  a  transformé  la  tribu  de 
Juda  en  un  héros  éponyme,  quatrième  fils  de  Jacob,  père 
lui-même  d'Israël  en  son  entier.  On  fit  même  de  ce  per- 
sonnage fictif  le  héros  d'une  aventure  scabreuse  que 
rapporte  la  Genèse  (xxxvm)  ;  c'est  une  combinaison 
dans  le  goût  de  celle  qui  fait  naître  Moab  et  Ammon  d'un 
inceste.  M.  Vernes. 

JUDA  (Jules)  (V.  Colonne  [Edouard]). 

JUDA  BEN  Daud(V.  Hayyoudj). 

JUDA  BEN  Iabbâï,  docteur  juif  qui  florissait  sous  le 
règne  d'Alexandre  Jannée  et  après  la  mort  de  ce  prince, 
aux  années  79-60  av.  J.-C.  Il  fut,  à  côté  de  son  illustre 
ami,  Siméon  ben  Sétah,  frère  de  la  reine  Salomé,  la  tête, 
l'âme  du  parti  pharisien.  Lorsque  Jannée,  conseillé  par 
les  sadducéens,  sévit  contre  les  pharisiens,  il  s'expatria  à 
Alexandrie.  Après  la  mort  de  Jannée,  sous  Salomé,  le 
parti  pharisien  revint  au  pouvoir.  Juda  ben  labbaï,  rentré 
à  Jérusalem,  dirigea  la  lutte  contre  les  sadducéens,  reçut 
la  présidence  du  sanhédrin  qu'il  abandonna  à  la  suite  d'une 
erreur  judiciaire. 

BîBL.  :  JosÈPHE,  Histoire  ancienne  des  Juifs^  LXIII.  — 
Fr^nkel,  Tarké  Lammichna.  —  Gr^tz,  Geschichte  der 
Juden,  iîl,  ch.  vi. 

JUDAHallévi(V.  Hallévi). 

JUDAÏSME  (V.  Hébreux  [Hist.  et  religion  des]). 

JUDAS  (Archit.).  Petite  ouverture,  le  plus  souvent 
semblable  à  une  meutrière,  mais  pouvant  se  fermer  à  l'aide 
d'un  châssis  plein  ou  d'une  plaque,  et  ménagée  dans  une 
porte  ou  dans  un  plancher,  afin  de  permettre  de  voir  sans 
être  vu.  Les  judas,  qui  doivent  leur  nom  au  disciple  du 
Christ  dont  ils  rappellent  la  dissimulation,  sont  surtout 
pratiqués  dans  les  portes  des  cellules  des  prisons,  des  cou- 
vents et  des  collèges.  Ch.  L. 

JUDAS  IscARiOTE,  l'un  des  apôtres  choisis  par  Jésus 
pour  ses  enseignements  et  qui  l'aurait  trahi  dans  des  cir- 
constances odieuses  (V.  Jésus).  Le  Nouveau  Testament 
rapporte  que,  bourrelé  de  remords,  il  se  pendit  ;  la  litté- 
rature populaire  a  renchéri  sur  cette  circonstance. 

JUDAS  LE  Galiléen  ou  le  Gaulonite,  originaire  de  Ga- 
mala,  se  mit  à  la  tête  du  mouvement  insurrectionnel  pro- 
voqué par  la  répugnance  que  les  Juifs  éprouvaient  à  se 
soumettre  à  l'opération  du  cens,  en  759  do  Rome  (6  de 
l'ère  chrétienne)  ;  ce  recensement  était  opéré  par  les  soins 
de  P.  Sulpicius  Quirinius,  proconsul  de  Syrie  (Actes  des 
Apôtres,  V,  37,  et  hsèphe ^passim). 

BiBL.  ;  ScHÙRER,  Geschichte  der  jûdischen  Volkes  ira 
Zeitalter  Jesu  C/imii,  1890,  t.  I,  2»  éd.,  aux  mots  Judas  der 
Galilœer  et  Sulpicius  Quirinius. 

J  U  DD  (Sylvester),  écrivain  américain,  né  en  \  843,  mort 
en  1853.  Elève  de  Yale  Collège  et  de  Harvard  University, 
il  devint  pasteur  de  l'église  unitarienne  et,  non  content  de 
ses  prédications,  s'efforça  de  faire  passer  ses  principes  reli- 
gieux dans  des  œuvres  d'imagination  comme  Margaret, 
étude  de  mœurs  aux  Etats-Unis  (1845)  ;  Richard  Edney 
and  the  Governof  s  Family  (1850)  et  un  poème  didac- 
tique en  vers  blancs  intitulé  Pliilo  (1850).  Sa  vie  a  été 
écrite  par  Mrs.  A.  Hall.  B.-H.  G. 

JUDE.  Ce  nom,  qui  est  le  même  que  celui  de  Judas,  est 
porté  par  plusieurs  personnages  du  siècle  apostoHque,  no- 
tamment par  un  frère  de  Jésus  et  par  un  des  apôtres,  Jude, 
fils  de  Jacques.  Y  a-t-il  là,  en  réalité,  deux  individus  dis- 
tincts, et  une  confusion  sur  les  personnes  ne  se  serait-elle 
pas  produite?  Nous  n'osons  trop  nous  prononcer  sur  ce 
point. 

Epître  de  Jude.  —  C'est  à  Judas,  «  frère  du  Seigneur  et 
frère  de  Jacques,  le  premier  évêque  de  Jérusalem,  que  se 
rattache,  à  tort  ou  à  raison,  l'épître  du  Nouveau  Testament 
qui  porte  ce  nom.  Elle  est  la  septième  et  la  dernière  des 
épîtres  catholiques,  dans  le  canon  actuel,  soit  à  cause  de 
sa  brièveté,  soit  qu'on  ne  la  tenait  pas  généralement  pour 


écrite  par  un  apôtre  ;  elle  a  eu  de  la  peine  à  se  faire  ad- 
mettre et  a  été  toujours  plus  ou  moins  contestée.  Le  second 
siècle,  à  l'exception  de  la  Seconde  Epître  de  Pierre,  qui 
l'a  presque  tout  entière  reproduite,  l'ignore  entièrement.  » 
(Sabatier.)  L'auteur  déclare  qu'il  s'est  décidé  à  prendre  la 
plume  à  l'occasion  de  l'apparition  dans  l'Eglise  de  «  cer- 
tains hommes  impies  et  prédestinés  à  la  condamnation,  qui 
changent  la  grâce  de  Dieu  en  principe  de  morale  dissolue 
et  renient  notre  seul  souverain  et  seigneur  Jésus-Christ  ». 
Il  semble  qu'il  ait  visé  des  tendances  gnostiques.  L'écrivain 
décrit  ses  adversaires  dans  un  style  imagé,  mais  incorrect 
et  chargé,  et,  en  dehors  des  textes  bibliques,  fait  allusion 
à  des  textes  pseudonymes,  dont  il  admet  naturellement 
l'authenticité,  tels  que  le  Livre  d'Hénoch  et  V Assomption 
de  Moïse,  «  Il  est  difficile,  dit  justement  M.  Sabatier,  de 
ne  pas  descendre  jusqu'au  commencement  du  second  siècle 
pour  rencontrer  le  milieu  historique  auquel  la  lettre  cor- 
respond. D'autres  indices  d'une  époque  assez  postérieure 
peuvent  être  relevés.  »  Nous  avons  donc  affaire  à  une  pro- 
duction pseudonyme  et  apocryphe  elle-même.  M.  Vernes. 
BiBL.  :  Reuss,  la  Bible,  Epîtres  catholiques,  1878.  — 
Sabatier,  Jude  (Epître  de),  dans  Encyclopédie  des 
sciences  religieuses  de  Lichtenberger,  1880,  t.  VII.  — 
JûLicHER,  Einleitung  in  das  Neue  Testament,  1894, 
pp.  145-147. 

JUDE  (Léo)  ou  plutôt  JUD,  latinisé  en  Judœ,  colla- 
borateur de  Zwingle,  né  à  Gémar  (Alsace)  en  14-80;  mort 
à  Zurich  le  19  juin  1542.  Fils  d'un  prêtre  très  respecté, 
il  fit  ses  humanités  à  Schlettstadt,  et  passa  en  1499  à 
l'université  de  Bâle,  où  il  se  laissa  détourner  de  la  méde- 
cine par  le  professeur  de  théologie  Th.  Wyttenbach,  et  par 
son  condisciple  Zwingle.  Maître  es  arts  en  1506,  il  fut 
d'abord  diacre  à  Petit-Bâle,  puis  curé  à  Saint-Hippolyte 
(Alsace).  De  là,  une  lettre  de  Zwingle  l'appela,  en  1518, 
à  Einsiedeln.  Dès  ce  moment,  il  travailla  avec  Zwingle 
à  propager  et  à  faire  triompher  la  réforme  rehgieuse  dans 
le  cant.  de  Zurich.  En  1522,  il  passa  comme  prédicateur 
à  Zurich  ;  son  activité  se  confond  alors  avec  celle  de 
Zwingle  (V.  ce  nom).  Après  la  mort  de  celui-ci,  à  Kappel 
(1531),  Jude  dut  se  cacher  pendant  quelque  temps  devant 
les  menaces  de  la  réaction  ;  puis  il  refusa  la  succession  de 
Zwingle,  estimant  qu'il  était  fait  pour  prêcher  et  écrire  et 
non  pour  gouverner.  Il  seconda  désormais  Bullinger 
(V.  ce  nom,  t.  Vlïl,  p.  424)  qui  fut  nommé  antistes. 
Ce  qui  donne  une  physionomie  à  part  à  Jude,  c'est,  avec 
son  humilité,  son  grand  et  joyeux  bon  sens  ;  il  avait,  du 
reste,  des  idées  originales  et  nettes  ;  il  était  persuadé  que 
«  la  nature  et  la  mission  de  l'Eglise  sont  et  doivent  de- 
meurer essentiellement  distinctes  de  celles  de  l'Etat  »,  ce 
qui  est  fort  remarquable  au  xvi®  siècle.  Il  eût  désiré  de 
réaliser  dans  la  constitution  de  l'Eglise  réformée  la  pro- 
fession individuelle  de  la  foi  comme  condition  d'entrée  dans 
TEglise  et  exercer  une  discipline  stricte  pour  maintenir  le 
niveau  moral  et  spirituel  de  l'association  ainsi  formée. 
Mais  il  se  laissa  convaincre  par  ses  amis  zurichois,  et 
surtout  par  Capiton  et  Bucer  que  l'on  manda  tout  exprès 
de  Strasbourg,  de  l'inopportunité  de  ces  mesures  réfor- 
matrices. Cela  contribua  à  lui  faire  refuser  une  part  ac- 
tive dans  la  direction  d'une  Eglise  dont  il  ne  pouvait 
approuver  la  constitution.  Il  demeura  le  prédicateur  favori 
du  peuple  zurichois,  qui  ne  le  nommait  pas  autrement  que 
Meister  Leu  (maître  Lion).  Il  n'a  guère  publié  que  des 
brochures,  trois  catéchismes,  un  en  latin  et  deux  en  alle- 
mand, curieux  par  le  fait  que  le  catéchisé  demande  et  que 
le  maître  répond,  enfin  quelques  traductions,  parmi  les- 
quelles l'œuvre  maîtresse  de  Jude,  une  traduction  latine 
de  la  Bible,  dont  la  publication  fut  achevée  par  ses  amis 
(Zurich,  1543,  in-foL,  nouv.  éd.  chez  Rob.  Estienne, 
Paris,  1545)  ;  il  fut,  d'ailleurs,  le  principal  collaborateur 
de  la  traduction  allemande  zurichoise  de  la  Bible,  publiée 
dès  1529,  revisée  en  1540.  F.-Herm.  Kruger. 

BiBL.  :  Haag,  la  France  protestante  ;  Paris,  1856,  t.  VI 
pp.  98  et  suiv.,  donne  une  liste  étendue  des  publications  de 
Jude.  —  C.  PESTALozzr,  Léo  Judœ  ;  Elberfeld,  1860.  — 


JUDE  —  JUDITH  ~  236  — 

Allgemeine  Deutsche  Biographie  ;  Leipzig,   1881,   t.  XIV, 
pp.  651-654. 

JUDÉE.  Division  géographique  et  politique  de  la  Pales- 
tine à  l'époque  romaine.  Elle  correspond  au  territoire  occupé 
dans  les  temps  anciens  par  la  tribu  de  Juda,  auxquels 
s'ajoutent  plusieurs  cantons  au  nord  et  la  côte  maritime. 
Ses  frontières  varient  sensiblement  avec  les  époques.  Elle 
forme,  aux  environs  du  christianisme,  une  des  quatre  divi- 
sions essentielles  de  la  Palestine  avec  la  Samarie,  la  Galilée 
et  la  Pérée. 

JUDENBURG.  Ville  d'Autriche,  province  de  Styrie  ; 
5,000  hab.  Château;  tour  de  1509  {Rœmerturm)  avec 
portail  gothique.  C'est  un  des  centres  d'établissements 
métallurgiques.  Cette  ville,  l'ancienne  Idunum^  doit  son 
nom  à  une  colonie  juive  qui  en  fut  expulsée  en  4496.  Au 
voisinage  sont  les  mines  de  lignite  de  Fohnsdorf-Feeberg, 
les  usines  de  Zeltweg,  les  ruines  du  château  de  Liech- 
tenstein, 

JUDÉO-Chrétiens  (V.  Christianisme). 

JUDEX(V.  Juge). 

J  U  DEX  (Mathias  Righter,  enlat.),  théologien  et  historien 
allemand,  né  à  Tippolswalde,  en  Misnie,  en  1528,  mort  à 
Rostock  en  1564.  Pasteur  à  Magdebourg,  puis  professeur 
de  théologie  à  léna,  il  fut  un  des  principaux  rédacteurs  du 
fameux  ouvrage  d'histoire  ecclésiastique,  les  Centuries 
de  Magdebourg  (V.  Flacius). 

JUDIC  ( Anna-Marie-Louise  Damiens,  M^^),  actrice 
française,  née  à  Semur  le  17  juil.  1849.  Nièce  de  Lemoine- 
Montigny,  d'abord  employée  dans  un  magasin  de  lingerie, 
elle  entra  au  Conservatoire,  se  maria,  le  5  avr.  1867,  avec 
un  homme  qui  ne  fut  que  l'habile  gérant  de  ses  affaires. 
Elle  débuta  au  Gymnase,  le  2  juin  1867,  dans  un  rôle 
secondaire  des  Grandes  Demoiselles,  eut  de  vifs  succès 
à  l'Eldorado,  puis  en  Belgique  (1871),  aux  Folies-Ber- 
gère, à  la  Gaîté,  et  enfin  aux  Bouffes -Parisiens  (1872), 
où  la  Timbale  d'argent  la  fit  passer  au  premier  plan,  et 
depuis  plusieurs  pièces  ont  été  écrites  pour  elle,  surtout 
aux  Variétés  oti  elle  entra  en  1876;  elle  excelle  dans  la 
chanson,  disant  avec  un  air  d'ingénuité  les  couplets  égril- 
lards ou  à  double  sens.  Ses  principaux  rôles  sont  :  Thé- 
rèse, des  Charbonniers  ;  la  comtesse  Corniska,  dans  Ni- 
niche  (1878);  Anna,  dans  la  Femme  à  Papa  (1879); 
Angelina,  dans  le  Grand  Casimir;  Anna-Marie,  dans  la 
Roussotte;  Denize,  dms  Mam'ze lie  Nitouche  (ièsS),  etc. 
Après  de  lucratives  tournées  en  Europe  et  en  Amérique 
(1885-86),  elle  rentra  aux  Variétés,  se  retira  de  nouveau 
et  reparut  en  1893  au  café-concert. 

JUDICAËL  l-ll,  rois  de  Bretagne  (V.  ce  mot). 

JUDICHAER  (Sôren  Poulsen),  grammairien  danois,  né 
dans  Pile  de  Gotland  en  1599,  mort  en  1668.  11  avait 
étudié  la  théologie  et  fut  d'abord  recteur  à  Vordingborg 
en  1627,  puis  pasteur  à  Stangerup  en  1637.  Sous  l'in- 
fluence d'Opitz,  il  réforma  la  métrique  danoise  en  ce  sens 
qu'on  ne  compta  plus  seulement,  dans  les  vers,  les  syllabes 
accentuées,  mais  aussi  les  syllabes  atones.  On  a  de  lui 
une  Synopsis  prosodiœ  danicœ  eller  en  kort  Extract 
af  Rimkunsten  (1550)  et  une  Prosodia  danica  eller 
danske  Rimkunst,  qui  parut  après  sa  mort  (1 671  ).  Il  a  laissé 
aussi  une  autobiographie  en  latin  et  quelques  psaumes. 

JUDICIS  DE  Mirandol  (Louis),  littérateur  français,  né 
à  Saint-Brieuc  le  24  nov.  1816,  mort  près  de  Fontaine- 
bleau le  24  août  1893.  Chef  de  division  à  la  préfecture  de 
la  Seine  (1870),  il  collabora  à  des  journaux  et  revues  lit- 
téraires et  donna  en  1860  une  traduction  en  verset  prose 
de  la  Consolation  de  Boëce  qui  fut  remarquée.  Outre  un 
certain  nombre  de  pièces  de  théâtre  qui  ont  eu  un  fort 
grand  succès  :  les  Pâques  véronaises  (1848),  les  Cosaques 
(1855),  en  collaboration  avec  Arnault,  les  Aventures 
de  Mandrin  (1855),  la  Peau  de  chagrin  (1851),  etc., 
il  a  donné  des  romans  :  Frère  et  Sœur  (1852,  in-8); 
V Homme  de  minuit  (1857,  4  vol.),  en  collaboration  avec 
Enault;  la  Folle  d'Apremont  (1881,  in-16).  Il  a  écrit 
divers  ouvrages  sous  le  nom  de  Paul  Lagarde. 


JUDICIUM.  Les  Romains  entendent  par  judicium  la 
phase  de  l'instance  qui  se  déroule  devant  le  juge,  judex. 
Dans  ce  sens,  judicium  est  opposé  à  jus.  On  trouve  cette 
antithèse  nettement  marquée  dans  la  lex  Rubria  de 
Gallia  Cisalpina,  et  les  jurisconsultes  ne  manquent  pas 
d'observer  cette  distinction.  Sous  l'empire  du  système  de 
procédure  ancien  et  aussi  à  l'époque  où  règne  la  procé- 
dure formulaire,  la  première  phase  de  l'instance,  qui  se 
passe  devant  le  magistrat,  tend  essentiellement  à  l'orga- 
nisation du  judicium.  Lorsque  le  magistrat,  ayant  en- 
tendu les  parties,  les  renvoie  à  suivre  l'instance  devant 
le  juge,  le  judicium  est  organisé,  ordinatum.  Par  une 
sorte  de  convention,  les  parties  ont  accepté  de  soumettre 
leur  litige  à  la  décision  du  juge,  le  judicium  est  accep- 
tum.  Le  procès,  res,  qui  jusque-là  n'était  qu'un  exposé  des 
prétentions  contradictoires  des  parties,  devient  un  débat 
véritable,  lis.  On  dit  que  la  res  in  litem  ou  in  judicium 
deducta  est.  Le  judicium  prend  normalement  fin  par  la 
sentence;  mais  il  est  des  cas  où  il  s  éteint  :  expirât^  sol- 
vitur,  moritur  sans  jugement,  par  exemple  lorsqu'un  cer- 
tain délai  s'est  écoulé  depuis  qu'il  est  ordinatum.  Le  ma- 
gistrat qui  avait  organisé  le  judicium  conservait  jusqu'à 
la  sentence  finale  un  pouvoir  de  surveillance  sur  la  procé- 
dure in  judicio,  et  aussi  le  droit  d'apporter  au  judicium 
réglé  par  lui  toutes  les  modifications  que  commandaient  les 
circonstances.  Tous  ces  changements  rentrent  dans  ce  qu'on 
appelait  iranslatio  litis  ou  judicii. 

Toute  action  pouvant  donner  lieu  à  un  procès  compor- 
tant les  deux  phases  successives  :  jus  et  judicium  se  suc- 
cédant dans  l'ordre  habituel,  on  a  été  amené  à  se  servir  du 
mot  judicium  pour  désigner  l'action  elle-même.  Ainsi  ju- 
dicium tutelœ  veut  dire  l'action  donnée  contre  le  tuteur  à 
la  fin  de  la  tutelle,  action  que  d'autres  textes  appellent  ac- 
tio  tutelœ.  C'est  ainsi  que  les  textes  distinguent  les  judi- 
cia  légitima  et  imperio  continentia,  les  judicia  fa- 
mosa,  bonœ  fidei^  duplicia,  etc.  —  Au  Bas-Empire,  le 
]us  et  le  judicium  sont  confondus,  depuis  la  disparition 
de  la  procédure  formulaire.  Judicium  perd  désormais  son 
sens  technique  pour  prendre  une  signification  plus  large. 
Il  veut  dire  alors  l'ensemble  de  la  procédure.  Dès  avant 
cette  époque,  l'expression  judicium  avait  ce  sens  lors- 
qu'il s'agissait  des  procédures  criminelles.  Le; wd^awm  est 
dit  alors  publicum.  Il  avait  lieu  soit  devant  le  peuple,  soit 
devant  les  quœstiones  perpetuœ;  il  était  destiné  à  termi- 
ner les  procès  en  matière  de  délits  publics.      G.  May. 

BiBL.  :  Keller,  De  la  Procédure  civile  et  des  actions 
(trad.  Capmas);  Paris,  1870,  §§  1,  59,  66,  70,  68,  in-8.  — 
AccARiAs,  Précis  de  droit  romain  ;  Paris,  1886-91,  t.  II, 
n°»731,764,783.  — Mainz,  Cours  de  droit  romain  ;  Bruxelles, 
1876,  t.  I,  §  42,  et  Introduct,,  n°«  97,  90. 

JUDITH  (Livre  de).  Cet  ouvrage  est  un  roman  patrio- 
tique juif,  dont  l'auteur  s'est  inspiré  des  sentiments  qui  ont 
donné  naissance  au  livre  de  Daniel  et  à  d'autres  composi- 
tions analogues.  Ecrit  primitivement  en  hébreu  (ou  en 
araméen),  il  nous  a  été  conservé  en  une  traduction  grecque 
dans  la  Bible  des  Septante  et  figure  ainsi  dans  les  livres 
deutéro-canoniques  de  l'Ancien  Testament.  En  voici  l'ana- 
lyse, que  nous  empruntons  à  Reuss  :  «  Nabuchodonosor, 
roi  d'Assyrie,  engagé  dans  une  guerre  contre  Arphaxad, 
roi  des  Mèdes,  invite  tous  les  peuples  de  l'Asie  occidentale 
à  se  joindre  à  lui  pour  cette  expédition.  Un  grand  nombre 
d'entre  eux  refusent  de  lui  rendre  ce  service.  Irrité  de  ce 
refus,  il  tourne  ses  armes  contre  eux,  après  avoir  vaincu 
son  adversaire.  Il  envoie  son  farouche  général  Holopherne 
avec  une  puissante  armée  contre  les  récalcitrants.  En  effet, 
celui-ci  dévaste  tous  les  pays  en  deçà  de  l'Euphrate  et,  à 
la  fin,  il  ne  reste  plus  à  soumettre  que  les  Juifs.  Ceux-ci, 
naguère  libérés  de  la  captivité,  venaient  de  restaurer  leur 
ancien  sanctuaire  et  se  préparèrent  à  une  vigoureuse  résis- 
tance sous  la  direction  de  leur  grand  prêtre  Joachim. 
L'armée  assyrienne  est  arrêtée  devant  la  forteresse  de 
Bétylona  (Bèthulie),  et  son  chef,  étonné  de  la  hardiesse 
d'un  si  petit  peuple,  prend  des  informations  sur  son  compte. 
Un  capitaine  ammonite,  Achior,  qui  sert  sous  lui,  raconte 


-  231  - 


JUDITH  -  JUEL 


au  long  l'histoire  des  Israélites  et  déclare  qu'il  sera  impos- 
sible de  les  vaincre  tant  qu'ils  resteront  fidèles  à  la  loi  de 
leur  Dieu.  Holopherne,  plein  de  dépit  à  cause  des  doutes 
exprimés  à  l'égard  de  ses  chances  de  victoire,  chasse  cet 
homme  de  son  camp  et  le  fait  remettre  entre  les  mains 
des  Juifs  assiégés,  pour  qu'il  périsse  avec  eux.  Cependant, 
le  siège  est  poussé  sérieusement.  On  coupe  à  la  ville,  située 
sur  une  hauteur,  l'accès  des  eaux  qui  se  trouvent  en  dehors 
des  murs  et  qui  sont  l'unique  ressource  des  habitants,  et 
bientôt  ceux-ci,  réduits  à  l'extrémité  par  une  affreuse 
disette  d'eau,  demandent  à  grands  cris  de  capituler.  Les 
chefs  de  la  cité  promettent  d'acquiescer  à  cette  demande 
si,  dans  cinq  jours,  le  ciel  n'envoie  quelque  secours  inat- 
tendu. C'est  à  ce  moment  que  Judith  paraît  sur  la  scène. 
C'était  une  jeune  veuve,  belle,  riche  et  pieuse  et  jouissant 
d'une  grande  considération  dans  la  ville.  Elle  fait  appeler 
les  magistrats,  leur  adresse  des  reproches  au  sujet  de  leur 
manque  de  confiance  dans  le  Dieu  d'Israël  et  promet  de 
sauver  le  peuple  avant  le  cinquième  jour.  Elle  se  rend  au 
camp  assyrien,  accompagnée  d'une  suivante  qui  porte  des 
provisions  de  bouche  pures,  c.-à-d.  choisies  et  préparées 
conformément  aux  prescriptions  de  la  loi.  Elle  est  conduite 
devant  le  général,  qui  est  frappé  de  sa  beauté  et  qui  l'ac- 
cueille avec  bienveillance.  Elle  lui  dit  que  les  assiégés, 
pressés  par  le  manque  de  vivres,  vont  se  décider  à  manger 
des  choses  consacrées  à  Dieu,  prémices  et  dîmes,  et  attire- 
ront ainsi  sur  eux  la  colère  du  cid,  de  manière  qu'on 
pourra  s'emparer  de  la  ville  sans  coup  férir.  Elle  demande 
la  permission  de  rester  au  camp  et  de  pouvoir  sortir  chaque 
matin  avant  le  jour  pour  faire  sa  prière  et  ses  ablutions 
religieuses  à  l'une  des  sources  dont  il  a  été  parlé.  Holo- 
pherne, fasciné  par  ses  charmes,  croit  tout  ce  qu'elle  lui 
débite  et,  le  quatrième  jour,  il  donne  un  grand  festin  en 
son  honneur,  avec  l'arrière-pensée  de  profiter  de  cette 
occasion  pour  satisfaire  la  passion  qu'elle  lui  avait  inspirée. 
Mais,  pendant  le  repas,  il  se  gorge  tellement  de  vin  que, 
lorsque  les  autres  convives  se  sont  retirés  et  cju'il  est  resté 
seul  avec  Judith,  il  tombe  ivre-mort  sur  son  divan  et  Judith 
lui  coupe  la  tête  avec  son  propre  cimeterre.  Vers  le  matin, 
elle  sort,  comme  de  coutume,  avec  sa  suivante,  qui  em- 
porte la  tête  du  général  assyrien  dans  son  sac  à  provisions. 
Elle  se  rend  à  la  ville,  raconte  ce  qu'elle  a  fait  et  engage 
ses  concitoyens  à  faire  immédiatement  une  sortie.  Les 
avant-postes  alarmés  mandent  au  camp  ce  qui  se  prépare  ; 
on  court  à  la  tente  d'Holopherne,  on  le  trouve  assassiné  ; 
toute  l'armée  se  débande  et  la  ville  est  sauvée.  » 

Il  n'est  pas  besoin  d'un  long  examen  pour  voir  que  nous 
n'avons  point  affaire  à  un  récit  historique,  ni  même  à  des 
souvenirs  de  quelque  fait  réel,  qu'on  aurait  transformés 
pour  les  faire  servir  à  une  fin  d'instruction  morale  et  reli- 
gieuse. L'affabulation  du  récit  témoigne  de  connaissances 
géographiques  et  historiques  d'une  singulière  incohérence  ; 
c'est  une  composition  littéraire  libre,  dont  l'auteur  a  em- 
prunté les  matériaux  indistinctement  à  des  époques  très 
différentes.  On  peut  signaler  une  série  de  passages  bibliques 
dont  il  s'est  inspiré.  On  est  moins  heureux  quand  on 
cherche  à  déterminer  la  ville  forte  que  l'écrivain  de  Judith 
a  prétendu  désigner  et  qu'il  semble  placer  au  S.  de  la 
vallée  du  Kison,  sur  la  route  de  Sichem.  Serait-ce  Béthel, 
située  passablement  plus  au  S.  ?  Les  vovageurs  modernes 
ne  s'embarrassent  pas  pour  si  peu  et  identifient  Béthulie 
tantôt  avec  Sanour,  tantôt  avec  quelque  autre  localité  de 
la  même  région.  Les  circonstances  qui  ont  pu  provoquer 
le  Livre  de  Judith  se  rencontrent  lors  de  l'insurrection 
des  Machabées  et  jusqu'aux  environs  de  l'ère  chrétienne.  Il 
semble  excessif  de  descendre  plus  bas.  C'est,  en  somme, 
une  œuvre  d'une  véritable  valeur  et  d'assez  belle  allure, 
utile  à  consulter  pour  l'histoire  des  idées  religieuses  et 
morales  au  temps  des  Asmonéens,  M.  VerxNes. 

BiBL.  :  Fritzsche,  art.  Judith^  dans  le  Bibel-Lexicon 
de  ScHENKEL,  1871.  —  Reuss,  Littérature  politique  et  po- 
lémique, 1879,  pp.  319-362.  --  Schûrer,  Geschichte  des 
jûdischen  Volkes,  1886,  pp.  599-603,  2«  éd. 

JUDITH,  impératrice,  femme  de  Louis  le  Pieux,  née 


•  vers  800,  morte  à  Tours  le  19  avr.  843.  Fille  de  Guelphe, 
comte  de  Bavière,  elle  épousa  en  819,  l'empereur  Louis  le 
Pieux.  Devenue  mère  en  823  dun  fils  qui  fut  plus  tard 
Charles  le  Chauve,  elle  mit  tout  en  œuvre  pour  lui  assurer 
une  part  importante  de  l'héritage  paternel  au  préjudice  de 
ses  aînés  Lothaireet  Louis,  fils  d'un  premier  lit.  Sa  liaison 
avec  Bernard,  comte  de  Barcelone,  donna  occasion  à  ses 
beaux-fils  de  se  soulever  contre  l'empereur  (831).  Arrêtée, 
Judith  fut  enfermée  dans  un  monastère,  à  Laon  d'abord, 
puis  à  Poitiers,  mais  recouvra  la  liberté  l'année  suivante. 
De  nouvelles  intrigues  provoquèrent  une  nouvelle  révolte 
(833)  ;  cette  fois,  l'empereur  fut  déposé  et  Judith  dut  re- 
prendre le  voile;  mais  Louis  le  Pieux  ayant  recouvré  la 
couronne,  elle  revint  auprès  de  lui  et  réussit  à  obtenir  un 
nouveau  partage  de  l'Empire,  favorable  à  son  fils  Charles. 

JUDITH,  fille  du  roi  de  France  Charles  le  Chauve,  née 
vers  843.  Elle  épousa  d'abord,  en  856,  Ethehvulf,  roi  de 
Wessex,  puis,  devenue  veuve  en  858,  fut  enlevée  par 
Baudouin  I*'^',  comte  de  Flandre,  qui  l'épousa  en  862. 

JUDITH,  fille  de  Vladislav  IV  de  Bohême  et  femme  du 
prince  polonais  Vladislav  Hermann,  fut  la  mère  de  Boles- 
lav  IV  à  la  Bouche  torse  (1085). 

JUDITH  fille  du  roi  Jean  de  Luxembourg,  morte  en 
1349.  Elle  épousa  Jean  le  Bon,  roi  de  France,  et  fut  la 
mère  de  Charles  V. 

JUDSON  (Adoniram),  missionnaire  américain,  né  à 
Malden  (Mass.)  le  9  août  1788,  mort  en  mer  le  12  sept. 
1850.  Comme  étudiant  du  séminaire  théologique  d'An- 
dover,  il  fut  l'un  des  promoteurs  les  plus  actifs  de  la  fon- 
dation, en  1810,  de  Y  American  Board  of  commiss.  for 
foreign  Mission»  Il  partit  lui-même  comme  missionnaire 
en  1812  pour  Calcutta,  passa  au  baptisme  à  Çirampour 
(V.  Carey,  t.  IX,  p.  396),  et  devint  ainsi  l'occasion  de 
la  fondation,  en  1814,  de  l'Union  baptiste  américaine  en 
faveur  des  missions.  Expulsé  de  Calcutta  en  1813,  il  alla 
par  Maurice  en  Birmanie,  et  y  créa,  en  dépit  de  rudes 
persécutions  et  souffrances  (1822-1826),  une  mission  qui 
se  développa  vers  1830  surtout  chez  les  montagnards  ca- 
rianes  et  qui  compte  actuellement  (1895)  près  de  32,000 
convertis  adultes.  Judson  termina  en  1834  la  traduction 
de  la  Bible  en  birman.  F.-H.  K. 

BiBL.  :  Fr.  Wayland,  Rev.  A  don.  Judson,  D.  D.;  Lon- 
dres, 1853,  2  vol. 

JUDSON  (Fanny  For  ESTER,  Mrs.  Emily),  femme  de  lettres 
américaine,  née  eii  1817,  morte  en  1854.  Miss  Chubbuck 
avait  déjà  publié  deux  ou  trois  volumes  de  vers  et  d'essais 
en  prose  sous  le  pseudonyme  de  Fanny  Forester,  lors- 
qu'elle devint,  en  1846,  la  troisième  femme  du  mission- 
naire Adoniram  Judson.  Après  la  mort  de  son  mari,  elle 
donna  un  grand  nombre  d'ouvrages,  dont  les  plus  connus 
sont:  The  Kathayan  Slave  (1853);  My  Two  Sisters 
(1854)  ;  Allen  Lucas,  or  the  Self-Made  Man  ;  How  to 
be  Great^  Good  and  Happy,  On  lui  reproche  une  grande 
affectation  de  style.  B.-H.  G. 

JUEL  (Niels),  amiral  danois,  né  à  Christiania  le  8  mai 
1629,  mort  à  Copenhague  le  18  avr.  1697.  Issu  d'une 
famille  connue  dans  l'histoire  dès  le  xiii®  siècle  et  qui  a 
fourni  au  Danemark  des  hommes  d'Etat  et  des  marins 
illustres,  il  était  à  l'âge  de  quatorze  ans  attaché  au  service 
du  prince  Frédéric,  alors  archevêque  à  Brème  ;  il  suivit 
en  Danemark  ce  prince  quand  il  devint  roi  sous  le  nom 
de  Frédéric  IIl.  Niels  étudia  ensuite  à  l'Académie  de  Sorœ, 
puis  voyagea,  de  1649  à  1650,  en  France  et  en  Hollande 
pour  compléter  ses  études  navales.  Il  servit,  sous  Tromp 
d'abord,  dans  la  flotte  hollandaise,  puis,  sous  Ruyter, 
contre  les  Anglais  et  contre  les  pirates  qui  infestaient  la 
Méditerranée  (1652-55).  Peu  après  son  retour  en  Dane- 
mark, il  fut  nommé  amiral  (1657).  Il  commanda  en  cette 
qualité  l'escadre  danoise  dans  le  combat  naval  de  Falsterbo 
les  13  et  14  sept.  1657  et  défendit  Copenhague  du  côté  de 
la  mer  peuplant  le  siège  de  1658-59.  A  partir  de  1662, 
il  remplit  la  charge  de  vice-président  de  l'amirauté.  Lors 
de  la  reprise  de  la  guerre  contre  la  Suède,  en  1676,  il  prit 


JUEL  -.  JUGE 


238 


le  commandement  suprême  de  la  flotte  danoise,  s'empara 
de  Tîle  de  Gotland  et  vainquit  à  plusieurs  reprises  les  Sué- 
dois dans  des  combats  terribles.  Le  i^^  juin  4676,  de 
concert  avec  l'amiral  hollandais  Tromp  (le  fils  du  marin 
sous  lequel  il  avait  fait  ses  premières  armes),  il  remporta 
au  S.  de  l'île  d'OEland  une  éclatante  victoire  à  la  suite  de 
laquelle  il  occupa  la  ville  d'Yotad,  Un  an  plus  tard,  il 
battit  de  nouveau  la  flotte  suédoise  à  la  hauteur  de  l'île  de 
Mœn  (4®^  juin  4677),  puis  dans  la  baie  deKjœge  (4^^juil.). 
Cette  dernière  victoire  est  la  plus  importante  qu'ait  jamais 
remportée  la  flotte  danoise  ;  la  lutte  fut  acharnée  et 
l'amiral  Juel  dut,  à  deux  reprises,  quitter  le  vaisseau  sur 
lequel  il  combattait  et  transporter  son  pavillon  sur  un  autre 
navire.  A  la  suite  de  ces  brillants  faits  d'armes,  le  roi  le 
nomma  lieutenant  général-amiral  et  fit  frapper  une  mé- 
daille en  son  honneur.  11  fut,  à  partir  de  cette  époque,  le 
véritable  chef  de  la  marine  danoise.  Nommé,  en  4683, 
président  de  l'amirauté,  il  passa  les  dernières  années  de  sa 
vie  à  apporter  des  améhorations  importantes  à  l'organisa- 
tion de  la  flotte  et  aux  travaux  de  défense  maritime  du 
Danemark.  Son  corps  repose  dans  une  des  églises  de  Co- 
penhague ;  en  4884,  on  a  élevé  dans  cette  ville  un  monu- 
ment en  son  honneur.  Sa  veuve  fonda  la  maison  des  jeunes 
filles  nobles  de  Roskilde.  —  Son  frère  Jens  fut  un  diplo- 
mate de  mérite.  Th.  Cart. 

fîiBL.  :  Tycho  Hoffmann,  Portraits  historiques  des 
hommes  illustres  du  Danemark.  —  Garde,  Niels  Juel  ; 
Copenhague,  1842.  —  Guldberg,  Niels  Juel.,  Danmarks 
store  sôhelt  :  Copenhague,  1870.  —  Tuxen,  Niels  Juel  og 
Tordenskjold, 

JUEL  (Jens),  peintre  de  portraits  danois,  né  à  Gamborg 
le  42  mai  4745,  mort  le  23  déc.  4802.  Un  excellent  por- 
trait de  la  reine  Caroline-Mathilde  attira  l'attention  sur  lui 
et  lui  valut  de  puissantes  protections  dans  la  haute  société. 
De  '1772  à  4780,  il  vécut  à  l'étranger  et  principalement  à 
Paris  et  à  Rome.  En  4777,  il  suivit  le  graveur  Clemens  à 
Genève  et  y  séjourna  assez  longtemps.  11  y  peignit  le  portrait 
du  naturaliste  Bonnet,  A  Hambourg,  où  il  s'arrêta  en 
retournant  à  Copenhague,  il  fit  le  portrait  du  poète  alle- 
mand Klopstock.  En  \  782,  il  fut  élu  membre  de  l'Académie 
des  beaux-arts  de  Copenhague  et  y  devint  professeur  en 
4784.  A  partir  de  cette  époque,  il  peignit  un  nombre  con- 
sidérable de  portraits  qui  se  font  remarquer  par  une  élé- 
gance recherchée.  On  a  aussi  de  lui  quelques  paysages  qui 
ne  sont  pas  sans  valeur. 

JUENGKEN  (Johann-Christian,  ophtalmologiste  prus- 
sien, né  à  Burg,  près  de  Magdebourg,  le  42  juin  4793,  mort 
à  Hanovre  le  8  sept.  4875.  H  servit  dans  les  ambulances 
en  4845,  fut  reçu  privat-docent  à  ^%vXm  en  4847,  nommé 
professeur  extraordinaire  en  4825  et  chargé  en  4828  de  la 
direction  de  la  nouvelle  clinique  ophtalmologique  de  la 
Charité,  qu'il  conserva  pendant  quarante  ans  ;  enfin  devint 
en  4834  professeur  ordinaire  de  chirurgie  et  d'ophtalmo- 
logie. Peu  original,  il  a  cependant  rendu  de  grands  services 
comme  professeur  et  comme  clinicien.  Ouvrages  principaux  : 
DieLehrevon  den Âugenoperationen  (Berlin,  4829);  Die 
Lehre  von  den  Augenkrankheiten  (Berlin,  4832  ;  3^  éd., 
4842);  Die  Augendidtetik,  etc.  (Berlin,  4890),  etc. 

JUÉNIN  (Pierre),  historien  français,  né  à  Bourg-en- 
Bresse  le  44  déc.  4668,  mort  à  Tournus  le  47  nov.  4747. 
Chanoine,  puis  chantre  et  finalement  doyen  du  chapitre  de 
Tournus,  il  consacra  pour  ainsi  dire  toute  sa  vie  à  la  ré- 
daction d'une  Nouvelle  Histoire  de  Vabbaïe  royale  et 
collégiale  et  de  la  ville  de  Tournus  [ï)ï\on.,  4733,  in4), 
destinée  à  remplacer  V Histoire  de  r abbaye  royale  et  de 
la  ville  de  Tournus  du  P.  Chifflet  (Dijon,  4664,  in-4). 

JU6ATI0  TERRENA  (V.  Câpitation,  t.  IX,  p.  499). 

JUGAZÂN.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Li- 
bourne,  cant.  de  Branne  ;  270  hab. 

J  U  GE.  I.  Droit  romain.— Dans  les  procès  civils,  le  juge, 
judex,  est  un  simple  particulier  auquel  le  magistrat  renvoie 
l'affaire  lorsqu'il  ne  veut  ou  ne  peut  la  terminer  lui-même, 
ipse  cognoscere.  Telle  fut  la  règle  sous  l'empire  du  système 
des  legis  actiones  et  du  système  formulaire.  Le  juge  désigné,   ! 


datus.,  est  investi  par  le  magistrat  du  droit  d'examiner  l'af- 
faire et  de  la  trancher  par  une  sentence.  C'est,  par  consé- 
quent, devant  Inique  se  déroule  la  seconde  phase  de  l'ins- 
tance, onjudicium  (V.  ce  mot).  H  y  a  deux  catégories  de 
juges  :  ceux  qui  sont  désignés  par  le  magistrat  pour  une  af- 
faire déterminée  et  dont  la  mission  cesse  une  fois  la  sentence 
rendue.  Dans  cette  catégorie  sont  compris  :  le  judex  ou 
tenus  judex  qui  statue  seul  sur  les  affaires  ,p(i/m,  où  le 
droit  doit  être  appliqué  d'une  façon  plus  stricte  ;  Varbiter 
qui  agit  seul  ou  avec  d'autres,  et  auquel  on  confie  les  af- 
faires qui  comportent  un  assez  large  pouvoir  d'appréciation, 
arbitria  (V.  Arbiter)  ;  enfin  les  recuperatores,  d'abord 
juges  internationaux  des  procès  entre  citoyens  et  étrangers, 
puis  juges,  entre  citoyens,  de  contestations  ne  comportant 
que  des  vérifications  de  fait  ou  l'évaluation  d'un  dommage. 
La  seconde  catégorie  de  juges  est  formée  des  tribunaux  per- 
manents, centumvirs  et  décemvirs,  dont  la  compétence  et 
l'organisation  ne  sont  pas  connus  dans  tous  leurs  détails 
avec  précision.  Que  le  juge  soit  spécialement  nommé  pour 
une  affaire  ou  que  la  cause  soit  du  domaine  d'un  des  tri- 
bunaux permanents,  le  principe  fondamental  est  que  la  dé- 
signation du  juge  faite  par  le  magistrat  émane  du  libre 
choix  des  parties.  Dans  la  pure  doctrine  romaine  primitive, 
le  règlement  d'une  contestation,  particulièrement  en  ma- 
tière civile,  est  une  affaire  qui  n'intéresse  pas  l'Etat.  Le 
juge  n'est  pas  imposé  par  l'Etat,  il  est  choisi  par  les  par- 
ties. Le  principe  reçoit  son  application  directe,  lorsqu'il 
s'agit  d'un  judex  ou  arbiter.  Le  juge,  en  effet,  désigné 
par  le  préteur  parmi  les  personnes  inscrites  sur  Valbum 
judicmn,  peut  être  récusé  par  Tune  ou  l'autre  des  par- 
ties. Faute  de  récusation,  le  juge  donné  est  donc  l'homme 
de  leur  choix.  Il  en  est  de  même  ou  à  peu  près  pour  les 
recuperatores.  Enfin  si  l'affaire  est  de  la  compétence  des 
centumvirs  ou  décemvirs,  ceux-ci  étant  nommés  à  l'élection, 
on  peut  soutenir  que,  d'une  façon  indirecte  en  tout  cas,  les 
plaideurs  ont  par  avance  souscrit  à  leur  désignation  comme 
juges  de  leurs  contestations  futures. 

A  partir  du  moment  où  disparut  la  distinction  du  jus  et 
du  judicium,  les  deux  rôles  jusque-là  séparés  de  magis- 
trat et  de  juge  se  confondirent.  Les  textes  portent  la  trace 
de  cette  transformation.  La  compilation  justinienne,  tant  au 
Digeste  qu'au  Code,  désigne  le  préteur  ou  le  gouverneur  de 
province  sous  le  nom  de  judex.  Cependant,  au  Bas-Empire, 
on  trouve  des  pedanei  judices  qui,  selon  l'opinion  la  plus 
accréditée,  seraient  de  simples  particuliers  auxquels  le  juge  - 
ordinaire  peut  déléguer  la  connaissance  des  causes  les  moins 
importantes. 

Dans  la  procédure  criminelle,  le  magistrat  chargé  de  pré- 
sider les  quœstiones  porte  de  très  bonne  heure  le  nom  de 
judex,  judex  quœstionis.  Ainsi,  par  exemple,  dans  la  loi 
Acilia  repetundarum.  Les  juges  particuliers,  jurés  char- 
gés de  statuer  sur  le  fait  criminel  soumis  à  la  quœstio, 
sont  aussi  nommés  judices.  Ils  sont  choisis  sur  Valbum 
judicum,  dressé  par  le  préteur.  A  partir  d'Auguste,  il  y 
eut  quatre  décuries  de  ces  judices  choisis,  selecti,  aussi 
bien  pour  les  affaires  civiles,  judicia  privata,  que  pour 
les  procès  criminels,  judicia  pùblica.  Avant  cette  réforme 
et  sous  la  république,  des  lois  nombreuses,  leges  judicia- 
riœ,  avaient  été  portées  pour  réglementer  la  composition  de 
Valbum,  Les  parties  avaient  ici  également  un  droit  de  ré- 
cusation, rejectio,  et  par  là  le  principe  du  libre  choix  du 
juge  se  trouvait  aussi  respecté.  G.  May. 

II.  Ancien  droit  (V.  Organisation  judiciaire). 

III.  Droit  actuel.  —  Dans  un  sens  large,  on  entend  par 
juge  tout  magistrat  chargé  d'instruire  et  de  terminer  un  pro- 
cès quelconque.  Ainsi  les  conseillers  delà  cour  de  cassation, 
ceux  des  cours  d'appel,  les  membres  des  tribunaux  de  com- 
merce, les  prud'hommes,  sont  des  juges.  Mais,  dans  un  sens 
étroit,  ce  terme  ne  désigne  que  les  magistrats  des  tribunaux 
d'arrondissement  et  encore  ne  faut-iî  pas  comprendre  les 
officiers  du  ministère  public.  C'est  de  ces  juges  des  tribunaux 
d'arrondissement  que  nous  allons  nous  occuper  spéciale- 
ment. Pour  pouvoir  être  appelé  à  ces  fonctions,  il  faut  être 


-  239 


JUGE 


citoyen  français,  avoir  atteint  l'âge  de  vingt-cinq  ans,  avoir 
obtenu  le  diplôme  de  licencié  en  droit  et  avoir  suivi  le  bar- 
reau pendant  deux  ans  au  moins  (loi  du  20  avr.  1810, 
art.  64).  Dans  le  choix  des  magistrats,  le  gouvernement 
n'est  lié  par  aucune  autre  règle.  Il  n'existe  notamment  ni 
concours  ni  examen  quelconque.  Ce  système  a  souvent  été 
critiqué;  on  lui  a  reproché  de  permettre  au  gouvernement 
d'arrêter  ses  choix  par  des  considérations  étrangères  aux 
véritables  intérêts  de  la  justice  et  on  lui  a  imputé  l'insuffi- 
sance de  certains  magistrats.  Dans  le  but  de  donner  satisfac- 
tion à  ces  critiques,  un  décret  du  29  mai  1876  inspiré  par 
M.  Dufaure,  alors  garde  des  sceaux,  avait  organisé  un  vé- 
ritable concours  pour  les  places  d'attachés  au  parquet  ou 
à  la  chancellerie  ;  le  gouvernement  continuait  d'ailleurs  à 
jouir  de  la  liberté  la  plus  complète  pour  le  choix  des  ju^es 
comme  aussi  pour  celui  des  oificiers  du  ministère  pubHc. 
Mais  ces  attachés  au  parquet  se  recommandaient  tout  par- 
ticulièrement par  les  succès  qu'ils  avaient  obtenus  dans  les 
concours.  Néanmoins  ce  décret  n'a  pas  été  longtemps  ob- 
servé et  il  est  aujourd'hui  presque  entièrement  tombé  dans 
l'oubli. 

Les  fonctions  de  juge  sont  incompatibles  avec  un  cer- 
tain nombre  d'autres  fonctions  ou  professions,  telles  que 
celles  de  préfet,  sous-préfet,  conseiller  de  préfecture,  maire, 
adjoint,  officier  ministériel,  notaire,  fonctionnaire  adminis- 
tratif, comptable,  conseiller  d'Etat,  ecclésiastique,  avocat 
(loi  des  2,  14  sept.  1790;  loi  du  24  vendémiaire  an  IIÏ, 
tit.  1  ;  ordonn.  du  20  nov.  1822,  art.  42).  Mais  rien  ne 
s'oppose  à  ce  qu'un  juge  soit  en  même  temps  professeur  ou 
agrégé  d'une  faculté  de  droit.  Les  magistrats  élus  députés 
sont  remplacés  dans  leurs  fonctions  dans  les  huit  jours  qui 
suivent  la  vérification  de  leurs  pouvoirs  s'ils  n'ont  pas  fait 
connaître,  avant  l'expiration  de  ce  délai,  qu'ils  n'acceptent 
pas  le  mandat  législatif  (loi  du  30  nov.  187d,  art.  1). 
Seuls  le  premier  président  de  la  cour  de  cassation  et  le  pre- 
mier président  de  la  cour  d'appel  de  Paris  peuvent  cumuler 
leurs  fonctions  avec  le  mandat  de  député.  Les  membres 
titulaires  des  tribunaux  d'arrondissement  sont  même  iné- 
ligibles dans  leur  ressort.  En  d'autres  termes,  ils  peuvent 
être  élus  députés  partout  ailleurs  que  dans  leur  ressort  ; 
mais  alors  ils  doivent  opter  comme  on  l'a  dit  plus  haut. 
Les  juges  titulaires  et  les  juges  suppléants  chargés  de  l'ins- 
truction ne  peuvent  pas  non  plus  être  élus  conseillers 
généraux,  conseillers  d'arrondissement,  conseillers  muni- 
cipaux, dans  l'arrondissement  où  ils  exercent  leurs  fonc- 
tions ;  mais  partout  ailleurs  ils  sont  éligibles  et  peuvent 
cumuler  ces  mandats  avec  leurs  fonctions  judiciaires.  Enfin 
les  présidents,  vice-présidents  et  juges  d'instruction  ne 
peuvent  pas  être  élus  sénateurs  par  le  département  dont 
leur  tribunal  fait  partie,  mais  rien  ne  s'oppose  à  ce  qu'ils 
soient  élus  ailleurs  et  dans  ce  cas  encore  le  cumul  est  per- 
mis (loi  du  10  août  1871,  art.  8  et  92  ;  loi  du  24  févr. 
1872,  art.  7  ;  loi  du  2  août  1875,  art.  20  et  21  ;  loi  du 
20  nov.  1875,  art.  12  ;  loi  du  5  avr.  1884,  art.  33).  On 
n'admet  pas  non  plus  que  les  magistrats  puissent  être  jurés 
(loi  du  21  nov.  1872).  Pour  assurer  l'indépendance  des 
magistrats,  la  loi  du  20  avr.  1810  (art.  63)  décide  que 
les  parents  et  alliés  jusqu'au  degré  d'oncle  et  de  neveu 
inclusivement  ne  peuvent  être  simultanément  membres 
d'un  même  tribunal  ou  d'une  même  cour,  soit  comme  juges, 
soit  comme  officiers  du  ministère  public,  soit  comme  gref- 
fiers. Mais  cette  disposition  si  sage  est  ensuite  détruite  par 
une  exception.  La  même  loi  permet  en  effet,  au  chef  de 
l'Etat  d'accorder  des  lettres  de  dispense  en  vertu  desquelles 
des  parents  ou  alliés  au  degré  prohibé  pourront  appartenir 
au  même  tribunal  ou  à  la  même  cour,  pourvu  que  ce  tri- 
bunal se  compose  de  huit  juges  au  moins.  Toutefois,  lorsque 
deux  juges,  parents  ou  alliés  à  un  degré  rapproché  siègent 
ensemble  en  vertu  de  ces  dispenses,  s'ils  sont  du  même 
avis,  leurs  deux  voix  se  confondent  et  ne  comptent  que  pour 
une  (avis  du  conseil  d'Etat  du  23  avr.  1807).  Cette  dis- 
position est  la  source,  dans  la  pratique,  de  difficultés  sou- 
vent inextricables.  Qu'on  suppose,  en  effet,  une  audience 


composée  de  trois  juges,  dont  deux  parents  ou  alliés.  Si 
ces  deux  juges  sont  d'avis  différents,  leurs  voix  comptent 
séparément  et  le  jugement  est  rendu  à  le  majorité  de  deux 
voix  contre  une.  Mais  il  faut  avoir  bien  soin  de  dire  dans 
le  jugement  que  ces  deux  parents  ont  voté  en  sens  con- 
traire. Cette  indication  ne  viole  pas  sans  doute  le  principe 
du  secret  de  la  délibération  et  du  vote,  car  si  l'on  met 
dans  le  jugement  que  les  deux  juges  parents  ou  aUiés  ont 
été  d'avis  différents,  cependant  on  n'indique  pas  dans  quel 
sens  l'un  et  l'autre  ont  voté.  Mais  c'est  pour  le  troisième 
juge  non  parent  que  le  secret  des  délibérations  est  violé  : 
par  cela  même  qu'on  dit  que  les  deux  juges  parents  ou 
alliés  ont  voté  en  sens  contraire,  on  montre  que  le  troi- 
sième juge  a  fait  la  majorité  et  a  voté  en  faveur  du  gagnant. 
C'est  là  un  inconvénient  sérieux,  mais  enfin  le  jugement  n'en 
est  pas  moins  valablement  rendu.  La  situation  devient 
beaucoup  plus  grave  lorsque  les  deux  juges,  parents  ou 
aUiés,  ont  voté  dans  le  même  sens  :  il  se  trouve  alors  que, 
leurs  deux  voix  comptant  seulement  pour  une,  le  tribunal 
n'a  été  composé  que  de  deux  membres  et  le  jugement  ne  peut 
pas  être  rendu  ou  est  nul  pour  cause  d'insuffisance  du 
nombre  des  juges  (loi  du  20  avr.  1810,  art.  7).  Comment 
sortir  d'embarras  ?  Appellera-t-on  un  quatrième  juge  ?  On 
ne  le  pourra  pas,  car  la  loi  du  30  août  1883  veut  que  les 
tribunaux  d'arrondissement  siègent  en  nombre  impair.  Il 
faudra  donc  faire  venir  deux  juges,  et  le  tribunal  se  compo- 
sera maintenant  de  cinq  magistrats  dont  deux  parents  ou 
alliés.  Il  faut  recommencer  toute  l'instruction  ;  puis  ensuite, 
au  moment  du  vote,  il  pourra  arriver  que  trois  voix  se 
prononcent  contre  deux,  en  faveur  de  telle  partie,  et  si, 
dans  ces  trois  voix  se  trouvent  celles  des  deux  juges  pa- 
rents ou  alliés,  comme  elles  se  confondent,  on  est  en  réahté 
en  présence  de  deux  voix  contre  deux,  c.-à-d.  d'un  par- 
tage. Tout  est  encore  à  recommencer  et  peut-être  sans 
chance  de  succès.  Ea  pratique,  le  seul  moyen  de  sortir  de 
cette  impasse  est  de  prier  un  des  juges  parents  ou  alliés 
de  se  retirer  et  de  le  remplacer  par  un  autre.  Mais  ne  voit- 
on  pas  que  toutes  ces  complications  seraient  évitées  si  les 
dispenses  n'étaient  pas  admises  et  s'il  était  absolument 
interdit  à  deux  parents  ou  alliés  jusqu'au  degré  d'oncle  ou 
de  neveu  inclusivement  de  faire  partie  d'un  même  tribunal, 
quel  que  soit  le  nombre  des  membres  de  ce  tribunal  ? 

On  doit,  au  contraire,  approuver  sans  réserve  la  dispo- 
sition de  la  loi  du  30  août  1883  (art.  10)  qui  interdit  à 
tout  magistrat  d'un  tribunal  ou  d'une  cour  de  siéger,  s'il 
est  parent  ou  allié  jusqu'au  troisième  degré  inclusivement 
de  l'avocat  ou  de  l'avoué  de  l'une  des  parties.  Mais  on  peut 
regretter  que  cette  disposition  ne  s'applique  pas  à  la  cour 
de  cassation. 

Tout  juge  est  nommé  par  décret  du  président  de  la  Ré- 
publique (loi  du  25  févr.  1875,  art.  3).  La  nomination 
est  précédée  d'une  double  présentation;  l'une  est  faite  par 
le  premier  président,  l'autre  par  le  procureur  général  de 
la  cour  dans  le  ressort  de  laquelle  la  vacance  s'est  produite  ; 
mais  ces  présentations  ne  sont  pas  obligatoires  pour  le  chef 
de  l'Etat.  Avant  d'entrer  en  fonctions,  le  nouveau  juge  doit 
prêter,  devant  la  première  chambre  de  la  cour,  le  serment 
professionnel  suivant  :  «  Je  jure  et  promets  de  bien  rem- 
plir mes  fonctions,  de  garder  religieusement  le  secret  des 
délibérations  et  de  me  conduire  en  tout  comme  un  digne 
et  loyal  magistrat.  »  Ce  serment  est  la  condition  indispen- 
sable de' l'exercice  des  fonctions.  Le  refus  de  prestation  de 
serment  serait  considéré  comme  une  démission  ;  le  magis- 
trat qui  exercerait  ses  fonctions  avant  de  l'avoir  prêté 
ferait  des  actes  nuls,  encourrait  des  mesures  disciplinaires 
et  une  amende  (C.  pén.,  art.  196).  D'ailleurs,  le  traitement 
du  magistrat  ne  court  que  du  jour  où  il  a  prêté  serment 
(décr.  du  30  janv.  1811,  art.  29).  Une  fois  entrés  en  fonc- 
tions, les  juges,  à  la  différence  des  officiers  du  ministère 
public,  sont  inamovibles,  c.-à-d.  ne  peuvent  être  privés 
de  leurs  fonctions  ou  même  changer  de  résidence  si  ce 
n'est  de  leur  libre  consentement,  à  moins  qu'on  ne  soit 
dans  un  des  cas  où  la  loi  permet  de  prendre  contre  eux  des 


JUGE  —  240 

mesures  disciplinaires.  Mais  alors  il  faut  observer  les  formes 
prescrites  par  la  loi.  L'inamovibilité  ne  saurait  en  effet 
avoir  pour  résultat  de  permettre  aux  magistrats  de  man- 
quer à  leurs  devoirs  et  ceux-ci  sont  même  tout  particuliè- 
rement étroits.  Ainsi  les  juges  doivent  résider  dans  la  ville 
où  siège  le  tribunal  et  ne  peuvent  pas  s'absenter  sans  avoir 
obtenu  de  congé.  A  l'effet  de  les  obliger  à  l'assiduité  aux 
audiences,  la  loi  veut  qu'avant  l'heure  fixée  pour  l'ouver- 
ture des  audiences,  ils  se  fassent  inscrire  sur  le  registre 
de  pointe  (V.  pour  plus  de  détails,  décret  du  30  mars  1808, 
art.  14  et  suiv.  et  art.  100;  loi  du  20  avr.  1810,  art.  29 
et  suiv.). 

A  raison  même  de  la  gravité  de  leur  caractère,  ils 
doivent  s'abstenir  de  certains  actes  qui  sont  cependant 
parfaitement  licites  pour  les  autres  citoyens  :  faire  le  com- 
merce (a  fortiori  de  l'ordonn.  du  22  nov.  1822,  art.  42, 
qui  défend  le  commerce  aux  avocats)  ;  se  rendre  cession- 
naires  de  droits  litigieux  dans  leur  ressort  ;  se  porter  adju- 
dicataires des  biens  dont  la  vente  est  poursuivie  devant 
leur  tribunal  ou  des  coupes  de  bois  de  l'Etat  mises  en  vente 
dans  leur  ressort  (C.  civ.,  art.  1596  et  1597  ;  C.  de  pro- 
céd.,  art.  711,  964,  973  et  988;  C.  for.,  art.  21)  ;  signer 
aucun  effet  de  commerce  ou  billet  à  ordre  ;  accepter  aucune 
fonction  ou  profession  qui  oblige  à  rendre  compte,  telle 
que  celle  d'agent  d'affaires  (ordonn.  du  24  sept.  1828, 
art.  151);  donner  aucune  consultation,  même  à  titre  gra- 
tuit (G.  de  procéd.,  art.  378)  ;  se  livrer  à  des  démonstra- 
tions ou  manifestations  politiques,  hostiles  au  principe  ou 
à  la  forme  du  gouvernement  (loi  du  30  août  1883,  art.  14). 
Le  juge  qui  manque  à  l'un  de  ces  devoirs  peut  être  frappé 
d'une  des  quatre  peines  disciplinaires  suivantes  :  censure 
simple  ;  censure  avec  réprimande,  laquelle  emporte  priva- 
tion de  traitement  pendant  un  mois  ;  suspension,  laquelle 
implique  aussi  privation  de  traitement  et  pour  toute  sa  du- 
rée ;  déchéance  (loi  du  20  avr.  1810,  art.  oO).  Depuis  la 
loi  du  30  août  1883  (art.  15  et  suiv.),  ces  peines  ne  peu- 
vent être  prononcées  que  par  la  cour  de  cassation  à  laquelle 
cette  loi  a  donné  les  attributions  de  conseil  supérieur  de  la 
magistrature.  La  cour  de  cassation  statue  en  chambre  du 
conseil  et  ne  peut  être  saisie  que  par  le  ministre  de  la  jus- 
tice. Elle  donne  aussi  son  avis  pour  le  cas  où  le  garde  des 
sceaux  veut  déplacer  un  magistrat  ou  le  mettre  à  la  retraite 
(V.  Inamovibilité).  En  outre,  le  président  de  chaque  tribu- 
nal a  le  droit  d'adresser  d'office  ou  sur  la  réquisition  du 
ministère  public,  des  avertissements  aux  juges  de  son  tri- 
bunal qui  compromettent  la  dignité  de  leur  caractère  (loi 
du  20  avr.  1810,  art.  47). 

En  sens  inverse,  le  juge  jouit,  dans  l'exercice  de  ses 
fonctions,  de  certaines  prérogatives.  Ainsi,  il  est  dispensé 
de  la  tutelle  et  des  charges  publiques  qui  s'en  rapprochent 
(  C.  civ. ,  art.  427  ) .  S'il  est  inculpé  d'un  délit ,  il  est 
traduit  devant  la  première  chambre  civile  de  la  cour 
d'appel  (C.  d'instr.  crim.,  art.  479).  Lorsqu'un  magis- 
trat a  dignement  rempli  ses  fonctions,  il  peut  obtenir,  en 
sortant  de  charge,  l'honorariat,  en  vertu  duquel  il  continue 
à  figurer  au  tableau  du  tribunal  ;  dans  les  cérémonies  pu- 
bliques, il  prend  place  immédiatement  après  les  magistrats 
en  activité  ;  il  a  droit,  comme  par  le  passé,  au  privilège 
attaché  à  sa  qualité  de  juge,  mais  aussi  il  reste  soumis'^à 
l'action  disciplinaire,  et,  s'il  commet  quelque  faute  grave,  il 
peut  être  privé  de  rhonorariat(décr.  du  2  oct.  1807,  art.  3). 

Il  y  a  près  de  chaque  tribunal  un  certain  nombre  de 
juges  suppléants.  Ces  magistrats  sont  inamovibles  comme 
les  autres  et  soumis  aux  mêmes  conditions  de  capacité;  ils 
jouissent  des  mêmes  prérogatives,  mais  ils  ne  touchent  pas 
de  traitement  et  n'ont  que  voix  consultative  ;  en  outre,  la 
plupart  des  incompatibilités  précédemment  relevées  n'exis- 
tent pas  pour  eux,  et  c'est  ainsi  qu'un  juge  suppléant  peut 
être  en  même  temps  avocat  ou  avoué  près  le  tribunal.  Mais 
il  va  sans  dire  (fue  dans  les  affaires  où  il  représente  les  par- 
ties, il  ne  peut  pas  plaider  pour  elles.  Toutefois,  un  juge 
suppléant  ne  peut  pas  être  en  même  temps  huissier,  et  les 
incompatibilités  relatives  à  la  parenté  ou  à  l'alliance  lui  sont 


applicables.  Les  juges  suppléants  n'ont  pas  de  fonctions 
habituelles,  mais  ils  ont  d'ailleurs  toujours  l'entrée  du  tri- 
bunal et  peuvent  assister  à  toutes  les  audiences  avec  voix 
consultative.  Ils  sont  surtout  destinés  à  remplacer  les  juges 
titulaires  empêchés  et  on  leur  donne  alors  voix  délibérative. 
Ils  peuvent  aussi,  par  décrets  spéciaux,  être  chargés  de  la 
confection  des  ordres  et  des  distributions  par  contribution 
et  comme  rapporteurs,  ils  ont  encore  voix  délibérative  (décr. 
du  25  mai  4811  et  du  19  mars  1852).  Un  décret  du  4«^  mars 
4852  a  permis  de  leur  conférer  les  fonctions  de  juge  d'ins- 
truction. De  tout  temps,  il  a  été  admis  que  les  juges  sup- 
pléants peuvent  remplacer  les  officiers  du  ministère  public 
empêchés,  et  la  loi  du  30  août  1883  (art.  6)  a  ajouté  que 
si  les  besoins  du  service  l'exigent,  le  procureur  général  peut 
déléguer  un  substitut  ou  un  juge  suppléant  pour  exercer 
près  d'un  autre  tribunal  du  même  ressort  les  fonctions  du 
ministère  public.  Les  juges  suppléants  reçoivent  par  excep- 
tion un  traitement  lorsqu'ils  sont  attachés  à  une  chambre 
temporaire  comme  juges  ou  comme  substituts  ou  qu'ils  rem- 
placent des  juges  titulaires  suspendus  pour  plus  d'un  mois 
(loi  du  11  avr.  1838,  art.  8  et 9).  S'ils  sont  chargés  de  l'ins- 
truction, ils  touchent  le  supplément  de  traitement  accordé  aux 
juges  d'instruction  (décr.  du  2  juil.  1857).     E.  Glasson. 
Juges  administratifs  (V.  Administration). 
Juge-Commissaire.  —  Magistrat  chargé  d'une  mission 
spéciale  sur  laquelle  il  présente  un  rapport.  Certaines  procé- 
dures ne  peuvent,  en  effet,  s'accomplir  devant  le  tribunal 
tout  entier  dont  elles  absorberaient  inutilement  le  temps, 
au  préjudice  de  la  marche  générale  des  affaires.  Il  en  est 
ainsi,  par  exemple,  des  enquêtes,  des  vérifications  d'écri- 
tures,  des  descentes  sur  lieux,  des  partages,  des    or- 
dres, etc.  Dans  ces  cas,  la  loi  prescrit  la  nomination  d'un 
juge-commissaire.  Elle  est  ordinairement  faite  par  un  ju- 
gement rendu  en  audience  publique  ;  exceptionnellement, 
le  juge-commissaire  est  nommé  par  ordonnance  du  prési- 
dent, comme  en  matière  d'autorisation  de  femme  mariée, 
lorsque  le  mari  est  présumé  absent.  Enfin,  d'après  l'art.  749 
du  C.  de  procéd.  civ.,  un  décret  du  président  de  la  Répu- 
blique  commet  un  juge  spécial  pour  le  règlement  des 
ordres  dans  les  tribunaux  où  les  besoins  du  service  l'exi- 
gent; ce  magistrat  est  habituellement  nommé  pour  un  an, 
quelquefois  pour  trois.  Les  fonctions  des  juges-commis- 
saires varient  suivant  les  opérations  auxquelles  ils  doivent 
procéder.  Elles  sont  particulièrement  importantes  en  ma- 
tière de  faillite  où  elles  consistent,  d'une  manière  géné- 
rale, à  accélérer  et  à  surveiller  les  opérations  et  la  ges- 
tion de  la  faillite  (V.  ce  mot). —  Les  juges-commissaires 
ne  cessent  pas  de  faire  partie  du  tribunal,  et,  à  part  les 
juges  commis  aux  ordres  dans  certains  grands  tribunaux, 
ils  continuent  à  faire  le  service  ordinaire  des  audiences. 

F,  Girodon. 
Juge  de  paix. —  Les  juges  de  paix  sont  d'origine  récente  ; 
ils  ont  été  créés  par  l'Assemblée  constituante  de  1789  qui  les 
a  empruntés  à  la  Hollande  plutôt  qu'à  l'Angleterre.  A  cette 
époque  d'illusion  sur  les  institutions  de  la  France  nou- 
velle, on  se  proposait,  en  créant  cette  juridiction,  de  rem- 
placeras anciennes  justices  de  village,  si  justement  décriées, 
par  des  magistrats  populaires,  mis  à  la  portée  des  justi- 
ciables, estimés  et  connus  dans  le  pays,  animés  de  senti- 
ments pacifiques  et  destinés  grâce  à  leur  autorité  paternelle 
à  prévenir  les  procès  plutôt  qu'à  les  juger.  «Les  justices 
de  paix,  disait  Thouret,  le  rapporteur  de  la  loi  qui  les  or- 
ganisa, seront  un  bienfait  pour  les  citoyens  longtemps 
dupes  des  praticiens.  On  ne  verra  plus  les  chemins  condui- 
sant des  villages  aux  villes,  couverts  de  plaideurs  allant 
consulter  des  juges  plus  faits  pour  embrouiller  que  pour 
résoudre  les  difficultés.  »  Le  rapporteur  n'était  pas  loin  de 
croire  que  la  sagesse  du  juge  de  paix  peut  remplacer  les 
lois  et  la  procédure.  «La  justice  de  paix,  disait  encore 
Thouret,  ne  doit  pas  être  sujette  aux  rigueurs  de  la  pro- 
cédure ;  un  règlement  très  simple  doit  en  faire  tout  le 
code.  »  On  alla  jusqu'à  comparer  les  juges  de  paix  à  M.  de 
Lamoignon,  accommodant  ses  vassaux,  et,  comme  avait  dit 


-  241  — 


JUGE 


Fléchier,  «  plus  content  en  lui-même  et  plus  grand  aux  yeux 
de  Dieu  lorsque,  dans  le  fond  d'une  allée  sombre  et  sur  un 
tribunal  de  gazon,  il  avait  assuré  le  repos  d'une  pauvre 
famille,  que  lorsqu'il  décidait  des  fortunes  les  plus  écla- 
tantes sur  le  premier  trône  de  la  justice  ».  On  eut  cepen- 
dant une  certaine  peine  à  s'entendre  sur  la  nature  des  fonc- 
tions qui  seraient  confiées  à  ces  magistrats.  Les  uns 
voulaient  leur  refuser  toute  juridiction  contentieuse  et  ne 
leur  accorder  que  le  droit  de  passer  ou  de  recevoir  certains 
actes  de  juridiction  gracieuse,  présidence  des  conseils  de 
famille,  apposition  de  scellés,  etc.  Mais  cette  opinion  fut 
écartée  et  on  décida  que  les  juges  de  paix  auraient  aussi 
le  droit  de  juger  les  petits  procès. 

La  loi  des  16-24  août  1790  (art.  3)  créa  un  juge  de  paix 
par  canton  et  elle  établit,  dans  chaque  commune  du  canton, 
quatre  notables  qui  devaient  siéger  comme  assesseurs  du  juge 
de  paix.  A  cette  époque,  en  effet,  ce  magistrat,  au  lieu  de 
juger  seul,  était  assisté  de  deux  assesseurs  au  moins  et  poU' 
vait  rendre  la  justice  dans  chaque  commune  de  son  canton.  En 
outre,  chaque  ville  de  plus  de  2,000  âmes  avait  nécessaire- 
ment son  juge  de  paix  et  des  prud'hommes  particuliers.  Pour 
chaque  ville  de  plus  de  8,000  âmes,  une  loi  spéciale  fixait 
le  nombre  des  juges  de  paix  ;  c'est  ainsi  qu'une  loi  du 
25  août  1890  établit  quarante-huit  juges  de  paix  à  Paris. 
Tous  ces  magistrats  étaient  alors  élus  au  scrutin  individuel 
et  à  la  majorité  absolue  par  les  citoyens  de  leur  ressort 
réunis  en  assemblées  primaires.  Les  prud'hommes  étaient 
élus  dans  chaque  commune  au  scrutin  de  liste,  et  la  majo- 
rité relative  suffisait.  Juges  de  paix  et  prud'hommes  asses- 
seurs étaient  élus  pour  deux  ans  et  indéfiniment  rééligibles. 
Pour  pouvoir  être  élu  juge  de  paix,  il  fallait  avoir  atteint 
l'âge  de  trente  ans  et  payer  une  contribution  directe  égale 
au  moins  à  la  valeur  locale  de  dix  journées  de  travail. 
Chaque  juge  de  paix  jugeait  assisté  de  deux  prud'hommes 
assesseurs  et  d'un  greffier  inamovible  qu'il  choisissait  lui- 
même  parmi  les  citoyens  âgés  de  vingt-cinq  anpau  moins. 
En  cas  d'empêchement,  le  juge  de  paix  se  faisait  remplacer 
par  un  des  prud'hommes  assesseurs.  Il  n'avait  à  cette 
époque  aucun  costume  particulier,  mais  il  pouvait  porter, 
dans  l'exercice  de  ses  fonctions,  un  médaillon  de  forme 
ovale  et  en  étoffe,  bordé  de  rouge  sur  fond  bleu  oii  on 
lisait  en  lettres  blanches  les  mots  :  la  loi  et  la  paix 
(loi  des  6-27  mars  1791,  art.  1:2).  En  principe,  le  juge  de 
paix  jugeait  en  premier  et  en  dernier  ressort  les  affaires 
mobilières  jusqu'à  concurrence  de  50  livres  et  il  en  con- 
naissait encore,  mais  à  charge  d'appel  seulement,  depuis 
50  jusqu'à  100  livres;  dans  ce  dernier  cas  l'appel  était 
porté  au  tribunal  de  district,  mais  on  ne  l'admettait  pas 
contre  les  jugements  par  défaut  (loi  des  18-26  oct.  1790, 
titre  3,  art.  10)  ;  sur  les  exceptions  que  comportait  le  prin- 
cipe général  de  la  compétence  du  juge  de  paix  (loi  des 
16-24  août  1790,  titre  3,  art.  10).  Le  juge  de  paix  était 
en  outre  établi  conciliateur  au  bureau  de  paix  (V.  pour 
les  détails  loi  des  16-24  août  1790,  titre  10,  art.  1  à 
1 0)  et  était  chargé  de  certains  actes  de  juridiction  gracieuse, 
apposition  de  scellés,  présidence  des  délibérations  du  con- 
seil de  famille,  etc.  A  peine  cette  nouvelle  magistrature 
ainsi  organisée  avait-elle  commencé  à  fonctionner  que  des 
plaintes  très  nombreuses  s'élevèrent  contre  les  juges  de 
paix.  On  leur  reprochait  surtout  d'ignorer  la  loi,  de  ne  pas 
comprendre  l'esprit  de  leur  institution,  d'user  vis-à-vis  des 
plaideurs  de  plus  d'autorité  que  de  bienveillance.  On  n'au- 
rait pas  dû  pourtant  s'étonner  de  ces  résultats.  Il  n'est  pas 
possible  de  donner  sur-le-champ  à  une  institution  nouvelle 
le  dernier  degré  de  la  perfection,  et  cela  est  surtout  vrai 
lorsqu'il  s'agit  d'une  magistrature  qui  exige  le  concours 
d'un  grand  nombre  de  juges.  Il  a  fallu,  du  jour  au  lende- 
main, élire  des  milliers  déjuges  de  paix  et  de  prud'hommes 
assesseurs.  Il  n'était  pas  possible  d'exiger  de  ces  nouveaux 
venus  des  connaissances  juridiques  sérieuses  et,  de  son 
côté,  le  suffrage  universel  chargé  de  les  élire  manquait 
complètement  d'expérience.  Aussi  le  législateur  agit  sage- 
ment en  ne  tenant  pas  compte  de  ces  réclamations  ;  il  es- 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —  XXL 


pérait  que,  dans  cette  circonstances  comme  dans  les  autres, 
le  temps  ferait  son  œuvre.  La  Convention  ne  s'est  pas  oc- 
cupée d'une  manière  directe  et  générale  des  juges  de  paix. 
Mais  à  la  suite  de  la  constitution  du  5  fructidor  an  III, 
organique  du  Directoire,  une  loi  nouvelle,  du  19  vendé- 
miaire an  IV,  réorganisa  toute  la  justice  et  consacra  aux 
juges  de  paix  d'importantes  dispositions.  Désormais,  ils 
sont  élus  pour  deux  ans  dans  les  assemblées  primaires  et 
sont  indéfiniment  rééligibles.  Aucune  condition  de  cens 
ne  leur  est  plus  imposée,  mais  ils  doivent  être  âgés  de 
trente  ans  au  moins.  Les  assesseurs  sont  élus  de  la  même 
manière  et  sous  les  mêmes  conditions.  Auprès  de  chaque 
juge  de  paix  sont  attachés  un  greffier  que  ce  magistrat 
nomme  et  révoque  et  un  huissier.  Tout  juge  de  paix  porte, 
dans  l'exercice  de  ses  fonctions,  une  branche  d'olivier  en 
métal,  suspendue  sur  la  poitrine  par  un  ruban  blanc,  légè- 
rement liséré  de  bleu  et  de  rouge  et  il  doit  tenir  à  la  main 
un  grand  bâton  blanc,  surmonté  d'une  pomme  d'ivoire  avec 
un  œil  noir;  c'est  l'œil  de  la  justice.  Le  gouvernement  du 
Directoire  croyait  beaucoup,  on  le  sait,  au  prestige  du 
costume,  mais  il  n'était  pas  toujours  heureux  dans  ses 
choix  et  ces  nouvelles  marques  distinctives  des  juges  de 
paix,  au  lieu  de  donner  à  ces  magistrats  plus  de  dignité, 
firent  plus  d'une  fois  sourire  les  plaideurs.  Les  règles  de 
compétence  ne  furent  pas  modifiées  et  restèrent  longtemps 
encore,  jusqu'à  la  loi  du  25  mai  1838,  fixées  à  50  livres 
sans  appel,  à  100  livres  à  charge  d'appel.  Mais  les  bureaux 
de  conciliation  précédemment  établis  près  de  chaque  tribu- 
nal de  district  furent  supprimés.  Désormais  la  tentative 
de  conciliation  fut  toujours  subie  devant  le  juge  de  paix 
assisté  de  deux  assesseurs  et  on  eut  le  soin  d'en  dispenser 
les  instances  sur  appel. 

Sous  la  constitution  du  22  frimaire  an  VIII,  les  juges  de 
paix  continuèrent  à  être  élus  directement  tous  les  trois  ans  par 
les  citoyens.  Mais  on  leur  refusa  le  bénéfice  de  l'inamovibilité 
qu'on  accordait  aux  autres  magistrats.  Ceux-ci  ne  tardèrent 
d'ailleurs  pas,  sous  l'Empire,  à  devenir  à  leur  tour  amovibles. 
Un  peu  plus  tard  le  sénatus-consulte  du  16  thermidor  an  X 
ôta  aux  citoyens  l'élection  directe  des  juges  de  paix,  y  subs- 
titua une  présentation  des  candidats  et  porta  à  dix  ans  la 
durée  de  leurs  fonctions.  Déjà  auparavant  la  loi  du  29  ven- 
tôse an  IX  avait  supprimé  les  prud'hommes  assesseurs  des 
juges  de  paix.  Depuis  cette  époque  chaque  juge  de  paix 
jugeait  seul  assisté  de  son  greffier,  mais  il  avait  deux  sup- 
pléants pour  le  remplacer  en  cas  d'empêchement,  et  le  séna- 
tus-consulte du  16  thermidor  an  X  a  soumis  ces  sup- 
pléants au  même  mode  de  nomination  que  les  titulaires. 
A  partir  de  l'Empire,  les  juges  de  paix  ont  été  nommés  et 
révoqués  par  le  chef  de  l'Etat,  ainsi  que  leurs  suppléants, 
et  tel  est  le  système  qui  fonctionne  encore  aujourd'hui.  De 
nos  jours  aussi,  pour  être  juge  de  paix,  il  suffit  d'être  ci- 
toyen français,  d'avoir  la  jouissance  de  ses  droits  civils  et 
politiques  et  d'avoir  atteint  l'âge  de  trente  ans.  Les  incom- 
patibilités entre  les  fonctions  de  juge  et  certaines 
autres  fonctions  ou  professions  s'appliquent  aussi  aux 
juges  de  paix  (V.  ci-dessus).  Quant  aux  suppléants  des  juges 
de  paix,  ils  sont  soumis  aux  mêmes  conditions  d'âge  que 
ces  magistrats  et,  dans  le  silence  de  la  loi,  on  admet 
assez  volontiers  qu'ils  sont  régis  quant  aux  incompatibi- 
lités au  même  régime  que  les  juges  suppléants  des  tri- 
bunaux d'arrondissement  (V.  ci-dessus).  Avant  d'entrer  en 
fonctions,  tout  juge  de  paix  ou  suppléant  prête  un  serinent 
professionel  (un  décret  du  5  sept.  1870  a  supprimé  le  ser- 
ment politique)  devant  le  tribunal  d'arrondissement  de  son 
ressort  et  ensuite  il  est  procédé  à  son  installation  qui  se 
réduit  à  la  lecture  publique  du  procès- verbal  de  prestation 
de  serment.  Le  juge  de  paix  est  tenu  de  résider  dans  le 
canton  ;  mais  il  n'est  pas  nécessaire  qu'il  demeure  au 
chef-lieu  (loi  du  28  floréal  an  VIII,  art.  8).  Il  ne  peut 
pas  s'absenter  même  momentanément  de  son  canton  sans 
la  permission  du  procureur  de  la  République,  et,  si  son 
absence  doit  durer  plus  d'un  mois,  il  lui  faut  même  un 
congé  du  ministre  de  la  justice  (loi  du  28  floréal  an  X, 

16 


JUGE 


-  242 


art.  9).  Lorsque  le  juge  de  paix  et  les  suppléants  d'un 
canton  sont  tous  empêchés,  le  tribunal  d'arrondissement 
peut,  sur  la  demande  des  parties,  mais  non  d'office,  les 
renvoyer  devant  un  autre  juge  de  paix  de  l'arrondissement. 
Ce  renvoi  ne  peut  être  prononcé  que  pour  l'affaire  en  litige 
et  si  un  tribunal  d'arrondissement  déclarait  en  termes  ab- 
solus qu'à  l'avenir,  en  cas  d'empêchement  de  tel  juge  de 
paix  et  de  ses  suppléants,  ces  magistrats  seront  toujours 
remplacés  par  tel  autre  juge  de  paix  de  l'arrondissement, 
il  commettrait  un  excès  de  pouvoir  en  procédant  par  voie 
de  disposition  générale  et  réglementaire  (loi  du  16  vendé- 
miaire an  XII). 

Les  juges  de  paix  jouissent  des  prérogatives  accordées 
aux  autres  magistrats  et,  par  exemple  en  cas  de  délit, 
ils  sont  justiciables  de  la  cour  d'appel  (C.  d'instr.  crim., 
art.  479)  ;  ils  sont  placés  sous  les  ordres  du  procu- 
reur de  la  République  de  leur  arrondissement,  sous  la 
surveillance  du  tribunal  civil,  sous  celle  de  la  cour  d'appel, 
et  la  cour  de  cassation  peut  exercer  sur  eux  sa  juridic- 
tion disciplinaire  (sénatus-consulte  du  iO  thermidor  an  X, 
art.  81  et  83;  Ioidu20avr.l8l0,  art.  49  et  suiv.;  loi  du 
30  août  4883).  En  outre,  les  juges  de  paix  étant  amo- 
vibles, à  la  différence  des  autres  juges,  le  gouvernement 
a  toujours  le  droit  de  les  changer  de  résidence  ou  même 
de  les  révoquer.  On  a  souvent  demandé,  au  profit  des  juges 
de  paix,  le  bénéfice  de  l'inamovibilité:  mais  pour  repous- 
ser cette  innovation  on  a  répondu  que  le  nombre  des  juges 
de  paix  est  si  considérable  que  le  gouvernement  n'a  pas 
toujours  la  preuve  certaine  de  la  capacité  de  ceux  qu'il 
nomme.  Il  serait  en  effet  imprudent  d'accorder  à  tout 
juge  de  paix,  dès  le  jour  même  de  sa  nomination,  ce  bé- 
néfice de  l'inamovibilité  ;  peut-être  pourrait-on  sans  incon- 
vénient le  lui  conférer  toutes  les  fois  qu'il  aurait  donné, 
au  bout  d'un  certain  nombre  d'années  de  service,  des 
preuves  certaines  de  sa  capacité.  Il  va  sans  dire  que  les 
juges  de  paix  ont  les  mêmes  devoirs  professionnels  que  les 
autres  juges.  Quelques-uns  de  ces  devoirs  sont  même  plus 
étroits  pour  eux.  C'est  ainsi  que  la  loi  ne  leur  accorde  pas 
de  vacances  judiciaires  (décret  du  10  févr.  1810),  Tout 
juge  de  paix  doit  tenir  au  moins  deux  audiences  par  se- 
maine, davantage  s'il  le  veut  et  même  le  dimanche  (C.  de 
procéd.,  art.  8).  Ces  audiences  peuvent  avoir  lieu  au  do- 
micile du  juge  de  paix,  pourvu  qu'elles  soient  publiques.  Le 
juge  de  paix  peut  aussi  rendre  la  justice  sur  les  lieux  liti- 
gieux ;  mais  il  ne  peut  pas  aller  tenir  audience  de  ville  en  ville 
dans  son  canton,  car  les  juges  sont,  en  France,  sédentaires. 
On  a  demandé  sur  ce  point  aussi  une  réforme  de  la  loi, 
mais  il  n'a  pas  encore  été  fait  droit  à  cette  réclamation, 
formulée  surtout  par  des  villes  qui,  depuis  la  création  des 
chemins  de  fer  ou  par  le  développement  de  l'industrie, 
sont  devenues  des  centres  importants.  Nous  sommes  toujours 
sous  l'empire  de  la  loi  du  5  pluviôse  an  IX  (art.  8)  qui 
réserve  au  gouvernement  le  droit  de  fixer  le  siège  de  la 
justice  de  paix  dans  chaque  canton.  A  plus  forte  raison 
un  juge  de  paix  n'a-t-il  pas  le  droit  de  rendre  la  justice 
hors  de  son  canton.  On  peut  toutefois  relever,  à  titre  d'ex- 
ception curieuse  à  ce  principe,  un  décret  du  gouvernement 
de  la  Défense  nationale  qui  autorisa,  pendant  la  durée  du 
siège,  les  juges  de  paix  des  environs  de  Paris,  réfugiés 
dans  la  capitale,  à  rendre  la  justice  à  ceux  de  leurs  justi- 
ciables qui  étaient  également  venus  à  Paris.  Mais  c'était 
là  une  mesure  transitoire  et  limitée  à  la  durée  du  siège. 

Les  juges  de  paix  ont  un  grand  nombre  de  fonctions.  La 
loi  les  a  d'abord  établis  conciliateurs  pour  les  affaires  de 
la  compétence  des  tribunaux  d'arrondissement  et  pour 
celles  qui  sont  de  leur  propre  compétence  (V.  Concilia- 
tion, t.  XII,  p.  30^).  En  second  lieu,  ils  sont  juges  des 
petits  procès  civils  en  matière  mobilière.  Jusqu'à  la  loi  du 
25  mai  1838,  ils  connaissaient  en  premier  lieu  et  dernier 
ressort  des  actions  mobilières  dont  la  valeur  ne  dépassait 
pas  50  Hvres  et  ils  jugeaient  à  charge  d'appel  depuis 
50  jusqu'à  100  Uvres  inclusivement.  La  loi  du  25  mai 
1838  a  doublé  leur  compétence;  ils  jugent  donc  aujour- 


d'hui, en  matière  mobilière,  sans  appel  jusqu'à  100  francs 
et  à  charge  d'appel  depuis  100  francs  jusqu'à  200  francs. 
Mais  ils  ne  connaissent  jamais  des  questions  relatives 
à  Tétat  des  personnes  ;  la  loi  ne  veut  pas  qu'ils  jugent 
les  affaires  immobilières,  sauf  certaines  exceptions,  no- 
tamment pour  les  actions  possessoires  ;  elle  leur  interdit 
aussi  de  connaître  des  affaires  commerciales,  même  les 
plus  minimes.  Dans  les  deux  premiers  cas,  c'est  toujours 
le  tribunal  d'arrondissement  qui  est  compétent  ;  dans 
le  troisième  cas,  c'est  le  tribunal  de  commerce,  ou,  s'il 
n'en  existe  pas  dans  l'arrondissement,  le  tribunal  civil. 
A  défaut  de  conseil  de  prud'hommes,  le  juge  de  paix  est 
compétent  pour  connaître  des  contestations  entre  patrons 
et  ouvriers,  mais  il  ne  les  juge  en  dernier  ressort  que  jus- 
qu'à 1 00  fr.  de  principal,  tandis  qu'un  conseil  de  prud'hommes 
en  connaîtrait  sans  appel  jusqu'à  200  fr.  de  capital. 

Enfin  la  loi  du  25  mai  1838  a  pour  un  assez  grand 
nombre  d'affaires  élargi  la  compétence,  soit  en  dernier 
ressort,  soit  en  premier  ressort,  du  juge  de  paix.  Ces  affaires 
peuvent  se  ramener  à  trois  groupes.  La  première  classe 
comprend  certaines  actions  dont  le  juge  de  paix  connaît  sans 
appel  jusqu'à  la  valeur  de  100  fr.  et  à  charge  d'appel  jus- 
qu'au taux  de  la  compétence  en  dernier  ressort  des  tribunaux 
civils,  c.'à-d.  jusqu'à  1,500  fr.  (loi  du  25  mai  1838, 
art.  2  et  4).  Parmi  ces  affaires  nous  relevons  les  contes- 
tations entre  voyageurs  et  voituriers  pour  retard,  frais  de 
route,  perte,  détériorations  de  bagages  accompagnant  les 
voyageurs  ;  si  Ton  avait  obligé  les  voyageurs  à  se  soumettre 
aux  lenteurs  des  tribunaux  ordinaires,  on  se  serait  exposé 
à  commettre  un  véritable  déni  de  justice.  Dans  une  seconde 
classe,  se  placent  un  certain  nombre  d'affaires  dont  les 
juges  de  paix  connaissent  en  dernier  ressort  jusqu'à  100  fr. 
et  à  charge  d'appel  depuis  100  fr.  jusqu'à  une  somme 
quelconque  (loi  du  25  mai  1838,  art.  3  et  5).  Enfin  il  y 
a  des  affaires  pour  lesquelles  les  juges  de  paix  sont  tou- 
jours compétents,  mais  toujours  aussi  à  charge  d'appel  ; 
elles  forment  la  troisième  classe  ;  nous  y  remarquerons 
notamment  les  actions  possessoires  et  l'action  en  bornage, 
à  condition  que  la  propriété  ne  soit  pas  contestée.  On  a 
pensé  que  les  affaires  de  cette  nature  exigent  le  plus  sou- 
vent l'examen  des  lieux,  la  connaissance  des  usages  et  rè- 
glements locaux.  Mais  comme  ces  questions,  surtout  celles 
de  possession,  sont  de  nature  à  préjuger  les  intérêts  les 
plus  graves,  notamment  au  point  de  vue  de  la  propriété, 
les  jugements  des  juges  de  paix  sur  ces  matières  sont  tou- 
jours sujets  à  appel.  Les  juges  de  paix  sont  aussi  compétents 
à  charge  d'appel  pour  les  pensions  alimentaires  n'excédant 
pas  150  fr.  ;  il  y  a  avantage  à  soumettre  ces  affaires  qui 
naissent  toujours  entre  proches  parents  ou  scellées  à  une 
juridiction  simple  et  paternelle  (loi  du  25  mai  1838, 
art.  6).  Malgré  le  nombre  élevé  de  ces  affaires  portées 
devant  le  juge  de  paix,  ce  magistrat  n'est  cependant  qu'un 
juge  d'exception.  Il  résulte  de  là  qu'il  n'est  pas  permis 
d'étendre  par  argument  d'analogie  les  dispositions  de  loi 
concernant  sa  compétence.  Ainsi  l'art.  5  de  la  loi  de  1838^ 
qui  attribue  au  juge  de  paix  les  procès  naissant  des  répa- 
rations locatives  mises  à  la  charge  du  locataire  ou  fermier 
ne  saurait  s'étendre  au  cas  oti  la  même  contestation  s'élève 
entre  le  nu  propriétaire  et  l'usufruitier.  De  même  le  juge 
de  paix  ne  connaît  pas  des  difficultés  qui  naissent  de  l'exé- 
cution de  ses  jugements;  elles  sont  portées  au  tribunal 
d'arrondissement  dans  le  ressort  duquel  se  poursuit  l'exé- 
cution. C'est  du  moins  ce  que  décide  l'art.  553  du  C.  de 
procéd.  pour  les  jugements  des  tribunaux  de  commerce,  et 
dans  le  silence  de  la  loi  on  étend  cette  disposition  aux  juge- 
ments des  juges  de  paix. 

Les  jugements  des  juges  de  paix  rendus  en  dernier  res- 
sort ne  peuvent  pas  être  attaqués  pour  violation  de  la 
loi  devant  la  cour  de  cassation,  si  ce  n'est  en  cas  d'excès 
de  pouvoir  (loi  du  25  mai  1838,  art.  15).  C'est  là  une 
remarquable  dérogation  au  droit  commun  qui  a  pour  ré- 
sultat de  donner  un  grande  indépendance  au  juge  de  paix 
en  tant  qu'il  statue  en  dernier  ressort.  S'il  viole  la  loi,  il 


243  - 


JUGE^ 


le  fait  presque  impunément  puisqull  échappe  à  la  censure 
de  la  cour  de  cassation.  Mais  il  ne  faut  pas  cependant 
qu'il  abuse  de  cette  faculté,  car  autrement  le  gouvernement 
pourrait  lui  rappeler  qu'il  n'est  pas  inamovible.  La  loi  a 
pensé  que  le  pourvoi  en  cassation,  s'il  était  admis  contre 
les  jugements  en  dernier  ressort  des  juges  de  paix,  serait 
plutôt  nuisible  que  favorable  aux  plaideurs.  Le  moindre 
pourvoi  en  cassation  coûte,  en  effet,  près  d'un  millier  de 
franc.  Or  il  s'agit  d'affaires  dont  l'intérêt  pécuniaire  ne 
dépasse  pas  100  fr.  Par  exception,  cependant,  la  loi  auto- 
rise le  pourvoi  en  cassation  dans  un  cas,  s'il  y  a  eu  excès 
de  pouvoir  de  la  part  du  juge  de  paix.  L'excès  de  pouvoir 
est  en  effet  une  faute  d'une  gravité  exceptionnelle,  car  elle 
suppose  qu'une  juridiction  a  empiété  sur  l'autorité  légis- 
lative, sur  le  pouvoir  exécutif  ou  sur  l'administration  ; 
il  est  indispensable  qu'elle  soit  toujours  réprimée.  La  re- 
quête civile  est,  comme  le  pourvoi  en  cassation,  une  voie 
de  recours  ouverte  contre  les  jugements  en  dernier  ressort 
de  certains  tribunaux,  dans  des  cas  énumérés  par  la  loi 
et  qui  supposent  tous  que  ces  tribunaux  se  sont  trompés 
ou  ont  été  trompés.  Doit-on  l'admettre  contre  les  jugements 
en  dernier  ressort  des  juges  de  paix  ?  Les  uns  répondent 
affirmativement  en  faisant  remarquer  que  les  raisons  de 
l'exclusion  du  pourvoi  en  cassation  n'existent  pas  ;  par 
l'effet  de  la  requête  civile  l'affaire  reviendra  devant  le  juge 
de  paix  qui  en  a  déjà  connu  et,  si  le  magistrat  reconnaît 
son  erreur,  il  pourra  revenir  sur  son  premier  jugement 
sans  qu'il  en  résulte  des  frais  considérables  pour  les  plai- 
deurs. Dans  un  second  système,  on  refuse  la  requête  civile 
contre  les  jugements  en  dernier  ressort  des  juges  de  paix 
en  faisant  remarquer  que  cette  voie  de  recours,  étant  excep- 
tionnelle, ne  peut  être  permise  qu'en  vertu  d'un  texte  de  loi. 
Or  l'art.  480  du  C.  de  procéd.  n'autorise  la  requête  civile 
que  contre  les  jugements  en  dernier  ressort  des  tribunaux 
d'arrondissement  et  contre  les  arrêts  des  cours  d'appel. 
En  principe,  le  juge  de  paix  compétent  pour  connaître 
d'une  contestation  est  celui  du  domicile  du  défendeur  ; 
mais,  si  le  procès  concerne  un  immeuble,  on  préfère  en  général 
le  juge  de  paix  du  lieu  où  cet  immeuble  est  situé  (C.  de 
procéd.,  art.  2  et  3).  Les  plaideurs  peuvent  se  présenter 
devant  le  juge  de  paix  compétent  sans  citation  d'huissier 
pour  lui  soumettre  leur  différend,  tandis  que,  devant  le  tri- 
bunal d'arrondissement,  une  assignation  serait  nécessaire  ; 
en  justice  de  paix,  le  demandeur  n'est  obligé  de  citer  par 
huissier  le  défendeur  qu'autant  que  celui-ci  ne  vient  pas 
volontairement  en  justice  (C.  de  procéd.,  art.  1).  Les 
parties  peuvent  aussi,  à  la  condition  de  s'entendre  sur  ce 
point,  saisir  un  juge  de  paix  autre  que  celui  désigné  par  la 
loi  et  ce  magistrat  est  obligé  de  juger  leur  différend  sous 
peine  de  commettre  un  déni  de  justice,  bien  qu'il  ne  soit 
pas  leur  juge  naturel  (C.  de  procéd. ,  art.  i  ).  Lorsqu'il  s'agit 
d'une  affaire  relevant  des  tribunaux  d'arrondissement,  les 
parties  peuvent  aussi,  d'un  commun  accord,  saisir  un  tri- 
l3unal  civil  autre  que  celui  déterminé  par  la  loi,  mais  ce 
tribunal  civil,  n'étant  pas  leur  juge  naturel,  a  le  droit  de 
se  déclarer  incompétent  et  par  conséquent  de  refuser  de 
connaître  du  procès  sans  commettre  aucun  déni  de  justice. 
Toutefois,  les  parties  ne  peuvent  pas  rendre  le  juge  de  paix 
compétent  lorsqu'il  s'agit  d'une  affaire  que  la  loi  attribue 
à  une  juridiction  supérieure  ou  d'un  autre  ordre.  Ainsi 
tout  juge  de  paix  est  incompétent  d'une  manière  absolue 
et  doit  même  d'office  déclarer  cette  incompétence  en  ma- 
tière administrative,  en  matière  commerciale,  en  matière 
de  question  d'état  ou  de  propriété  immobilière.  H  y  a  tou- 
tefois controverse  dans  un  cas.  On  se  demande  si  l'incom- 
pétence du  juge  de  paix  est  encore  absolue  ou  n'est  pas 
plutôt  relative  lorsqu'il  s'agit  d'une  action  mobihère  supé- 
rieure à  200  fr.?  L'intérêt  de  la  question  est  considérable: 
si  l'incompétence  est  absolue  comme  en  matière  adminis- 
trative, commerciale,  immobilière,  le  juge  de  paix  ne 
pourra  pas  juger,  même  du  consentement  des  parties  et  il 
devra  se  déclarer  incompétent  même  d'office;  si,  au  con- 
traire, l'incompétence  est  relative,  elle  pourra  être  couverte 


par  le  consentement  des  plaideurs  qui  prorogeront  ainsi  la 
juridiction  du  juge  de  paix. 

La  jurisprudence  et  nombre  d'auteurs  décident  qu'un 
juge  de  paix,  avec  le  consentement  des  parties,  peut 
connaître  d'une  affaire  mobilière  supérieure  à  200  fr., 
tout  en  reconnaissant  cependant  que,  même  avec  ce  consen- 
tement, il  ne  pourrait  jamais  être  saisi  d'une  action  péti- 
toire  immobilière.  On  explique  cette  différence  en  faisant 
remarquer  que,  d'après  la  loi,  le  juge  de  paix  ne  peut  jamais 
connaître  des  questions  de  propriété  immobilière  et  que 
lui  soumettre  une  affaire  de  cette  nature,  ce  serait  déroger 
à  une  règle  de  compétence  ratione  materiœ.  Mais,  au 
contraire,  la  loi  elle-même  donne  compétence  au  juge  de 
paix  pour  les  affaires  mobilières  jusqu'à  200  fr.;  dès  lors 
lui  soumettre  une  action  mobilière  supérieure  à  200  fr., 
ce  n'est  pas  proroger  sa  compétence  d'un  genre  d'affaires 
à  un  autre  genre  d'affaires,  mais  d'une  quantité  moindre 
à  une  quantité  plus  forte.  On  en  conclut  que  l'incompé- 
tence du  juge  de  paix  pour  les  actions  mobihères  supérieures 
à  200  fr.  est  purement  relative  et  peut  être  couverte 
par  l'accord  des  plaideurs.  Cette  solution  est  fort  contes- 
table. Le  juge  de  paix  est  en  effet  un  juge  d'exception,  et 
la  loi  du  25  mai  1838  énuraère  limitativement  les  affaires 
de  sa  compétence.  Soumettre  à  un  juge  d'exception  une 
affaire  que  la  loi  ne  lui  attribue  pas,  c'est  manifestement 
faire  naître  une  incompétence  absolue.  D'un  autre  côté,  ne 
voit-on  pas  que  si  l'action  mobilière  est  entre  200  et 
1,500  fr.  et  si  elle  est  portée  devant  le  juge  de  paix,  elle 
va  comporter  deux  degrés  de  juridiction,  alors  que  la  loi 
du  11  avr.  1838  n'en  admet  qu'un,  celui  du  tribunal  d'ar- 
rondissement. Remarquons  que  si  le  juge  de  paix  est  in- 
compétent d'une  manière  absolue  pour  les  affaires  commer- 
ciales, pour  les  actions  pétitoires  immobilières,  pour  les 
actions  mobilières  supérieures  à  200  fr.,  rien  ne  s'oppose 
cependant  à  ce  que  les  parties  le  prennent  pour  arbitre 
dans  ces  diverses  circonstances.  Mais  alors  il  deviendra 
un  simple  particulier  chargé  de  vider  une  contestation  ;  il 
pourra  refuser  cette  mission,  car  nul  ne  peut  être  con- 
traint à  la  remplir,  et  enfin  la  décision  qu'il  rendra,  au  lieu 
d'être  exécutoire  par  elle-même,  ce  qui  aurait  lieu  s'il 
était  juge,  devra  être  revêtu  d'une  formule  d'exequatur 
par  le  président  du  tribunal  civil. 

Le  juge  de  paix  formant  un  tribunal  d'exception  n'est 
pas  non  plus,  en  principe,  compétent  pour  passer  ou  recevoir 
les  actes  qui  rentrent  dans  la  juridiction  gracieuse  (V.  Ju- 
ridiction). Cependant  la  loi,  par  des  raisons  diverses,  lui 
a,  à  titre  exceptionnel,  attribué  certains  actes  de  cette 
nature  :  il  dresse  les  actes  de  notoriété  de  ceux  qui, 
voulant  se  marier,  sont  dans  l'impossibilité,  pour  une 
cause  quelconque,  de  se  procurer  leur  acte  de  naissance 
(G.  civ.,  art.  10)  ;  il  reçoit  les  contrats  d'adoption  (C.  civ., 
art.  353)  ;  il  convoque  et  préside  les  conseils  de  famille 
(C.  civ.,  art.  406,  421  et  suiv.);  la  déclaration  par  la- 
quelle le  survivant  des  époux  nomme  un  tuteur  testamen- 
taire à  ses  enfants  est  également  reçue  par  le  juge  de  paix 
(C.  civ.,  art.  398  et  suiv.).  C'est  aussi  ce  magistrat  qui 
reçoit  la  déclaration  par  laquelle  le  père  attribue  un 
conseil  à  la  mère  survivante  et  tutrice  à  moins  qu'il  ne 
préfère  faire  cette  déclaration  par  acte  testamentaire  (C. 
civ.,  art.  392).  Le  juge  de  paix  reçoit  aussi  les  actes 
d'émancipation  (C.  civ.,  art.  477);  l'acte  instrumentaire 
nécessaire  pour  établir  une  tutelle  officieuse  est  dressé 
devant  lui  (C.  civ.,  art.  363);  lorsqu'il  siège  au  bureau 
de  conciliation  ou  préside  un  conseil  de  famille,  il  peut  cons- 
tater les  reconnaissances  d'enfant  naturel  ;  il  peut  aussi 
recevoir  les  testaments  privilégiés  faits  en  temps  de  peste 
ou  de  maladie  contagieuse  (C.   civ.,  art.  985  et  986). 

Le  juge  de  paix  est,  en  matière  répressive,  officier  de 
police  judiciaire  et  juge  de  simple  police.  En  cette  pre- 
mière qualité,  il  est,  comme  le  commissaire  de  police,  le 
maire  et  les  officiers  de  gendarmerie,  un  auxiliaire  du  pro- 
cureur de  la  République  et  il  fait  les  actes  de  police  judi- 
ciaire de  la  compétence  de  ce  magistrat,  soit  de  son  initia- 


JUGE 


—  244  — 


tive  personnelle  en  Tabsence  du  procureur  de  la  République, 
soit  par  délégation  de  celui-ci,  toutes  les  fois  qu'il  s'agit 
de  crime  ou  de  délit  (C.  d'inst.  crim.,  art.  48  et  50).  En 
matière  de  contravention,  la  police  judiciaire  est  exercée 
par  le  commissaire  de  police  ou  à  son  défaut  par  le  maire 
ou  par  son  adjoint.  Quant  au  juge  de  paix,  il  est  précisé- 
ment le  juge  de  ces  contraventions  et  forme,  avec  le  com- 
missaire de  police  qui  remplit  les  fonctions  du  ministère  pu- 
blic et  avec  le  greffier,  le  tribunal  de  simple  police.  Avant 
la  loi  du  27  janv.  1873,  le  juge  de  paix  était  juge  desimpie 
police  dans  le  canton,  et  le  maire  de  toute  commune  autre 
que  le  chef-lieu  du  canton  avait  la  même  attribution  dans 
sa  commune.  Cette  juridiction  du  maire  avait  le  tort  de  le 
faire  juge  précisément  de  ceux  qui  contrevenaient  à  ses 
arrêtés  municipaux,  mais  en  fait  elle  n'était  pas  exercée 
et,  lorsque  la  loi  du  27  janv.  4873  la  supprima,  elle  donna 
satisfaction  à  des  critiques  purement  théoriques.  Aujour- 
d'hui le  juge  de  paix  est  donc  seul  juge  de  simple  police  ; 
il  siège  seul  comme  en  matière  civile  et  peut  se  faire 
remplacer  en  cas  d'empêchement  par  un  de  ses  suppléants. 
En  outre,  il  a  comme  juge  de  police  un  ministère  public, 
tandis  qu'il  n'en  existe  pas  devant  lui  en  matière  civile.  Ces 
fonctions  sont  remplies  par  le  commissaire  de  police  ou,  à 
son  défaut,  par  le  maire  ou  l'adjoint'  (C.  d'instr.  crim., 
art  134).  Le  greffier  des  affaires  civiles  est  aussi  le  greffier 
de  la  simple  police.  Comme  juge  de  répression  le  juge  de 
paix  est  compétent  pour  connaître  de  l'action  publique  et 
même  de  l'action  civile  naissant  de  toute  contravention.  Il 
connaît  alors  de  l'action  civile,  quel  que  soit  le  montant  des 
dommages-intérêts  réclamés,  mais  le  demandeur  peut,  s'il  le 
préfère,  porter  celte  affaire  devant  une  juridiction  civile  et 
d'après  les  règles  de  compétence  propres  à  cette  juridiction. 
Comme  juge  de  simple  police,  le  juge  de  paix  peut  infliger  des 
amendes  qui  n'excèdent  pas  15  fr.  et  la  peine  de  l'empri- 
sonnement pour  cinq  jours  au  plus.  Par  exception,  les 
contraventions  forestières  poursuivies  à  la  requête  de  l'ad- 
ministration, les  contraventions  à  la  police  de  la  médecine 
et  de  la  chirurgie,  les  contraventions  forestières  concer- 
nant les  servitudes  militaires  sont  enlevées  à  la  compétence 
du  juge  de  paix  ;  dans  les  deux  premiers  cas,  c'est  le  tri- 
bunal correctionnel  qui  est  compétent  ;  dans  les  deux  der- 
niers cas,  c'est  le  conseil  de  préfecture  (C.  d'instr.  crim., 
art.  139;  C.  forest.,  art.  171  etl90  ;  loi  du  9  floréal  anX, 
art.  1  ;  loi  du  19  ventôse  an  XI,  art.  35  et  36;  loi  du 
15  juil.  1845,  art.  11;  loi  du  30  mai  1851,  art.  47). 
Le  juge  de  paix  compétent  pour  connaître  d'une  contra- 
vention est  toujours  celui  du  canton  dans  lequel  la  contra- 
vention a  été  commise.  S'il  s'agissait  d'un  délit  correction- 
nel on  donnerait  aussi  compétence  au  tribunal  du  domicile 
du  prévenu  et  à  celui  du  lieu  où  il  a  été  saisi.  Mais  pour 
les  contraventions  la  compétence  a  été  limitée  au  lieu  de 
l'infraction,  parce  que  celle-ci  contrevient,  le  plus  souvent, 
à  des  arrêtés  locaux  que  ce  juge  connaît  mieux  que  tout 
autre  (C.  d'instr.  crim.,  art.  138).  Le  juge  de  simple  po- 
lice est  saisi  par  une  citation  d'huissier  donnée  à  la  re- 
quête du  ministère  public  de  ce  juge  ou  à  celle  de  la  par- 
tie civile  énonçant  les  faits.  Cette  citation  est  signifiée  à 
la  partie  et  il  lui  en  est  laissé  copie.  Le  délai  de  compa- 
rution est  de  vingt-quatre  heures  au  moins,  mais  il  s'aug- 
mente à  raison  des  distances  d'un  jour  par  3  myriamètres. 
En  sens  inverse,  le  juge  de  paix  peut  l'abréger  et  permettre 
d'assigner  d'heure  à  heure  s'il  y  a  urgence  (G.  d'instr. 
crim.,  art.  145  et  146).  La  citation  d'huissier  peut  être 
supprimée  si  le  prévenu  consent  à  comparaître  volontai- 
rement ou  sur  simple  avertissement,  par  exemple  par 
lettre  que  lui  remet  le  garde  champêtre.  Il  n'est  pas  tenu 
d'ailleurs  de  venir  en  personne  et  peut  envoyer  un  manda- 
taire. Mais  la  cour  de  cassation  exige  que  ce  représentant 
soit  muni  d'un  pouvoir  spécial.  Il  n'y  a  ni  détention  pré- 
ventive ni  inspection  préalable,  et  à  l'audience  tous  les 
moyens  de  preuve  sont  admis  suivant  le  droit  commun 
(V.  à  cet  égard  C.  d'instr.  crim.,  art.  154  et  155).  Si  le 
juge  de  paix  estime  que  le  fait  n'est  ni  délit  ni  contraven- 


tion ou  que  l'action  publique  est  éteinte,  il  renvoie  le  pré- 
venu de  la  poursuite  et  peut  même  lui  accorder  des 
dommages-intérêts;  mais  il  ne  saurait  en  prononcer  au 
profit  de  la  partie  civile,  car,  en  relaxant  le  prévenu,  il  a 
reconnu  que  le  fait  n'est  pas  une  contravention  et  par 
conséquent  qu'il  a  été  saisi  à  tort  ;  la  partie  civile  doit 
même  être  condamnée  aux  frais,  lesquels  sont  liquidés 
par  le  jugement  (G.  d'instr.  crim.,  art.  162,  etdécr.  du 
18  juin  1811,  art.  167).  Si  le  prévenu  est  convaincu  de 
la  contravention,  le  juge  de  paix  le  condamne  à  la  peine 
déterminée  par  la  loi  et  statue  sur  l'action  de  la  partie 
civile  en  restitution  ou  en  dommages-intérêts.  Il  va  sans 
dire  que,  dans  le  cas  où  le  juge  de  paix  serait  incompétent, 
il  devrait  d'oflice  refuser  de  statuer,  sans  rechercher  s'il 
y  a  ou  non  contravention.  Lorsque  le  prévenu  ne  s'est  pas 
présenté  en  personne  ou  par  mandataire,  ou  que  présent 
il  a  refusé  de  se  défendre,  le  jugement  est  rendu  par  défaut 
contre  lui  et  il  a  le  droit  de  l'attaquer  par  la  voie  de  l'oppo- 
sition pendant  trois  jours  à  partir  de  la  signification  (C. 
d'instr.  crim.,  art.  111).  Quant  à  la  voie  de  l'appel,  elle 
n'est  ouverte  qu'autant  que  le  jugement  a  prononcé  la 
peine  de  l'emprisonnement  ou  une  amende,  des  dommages- 
intérêts,  des  restitutions  supérieures  à  5  fr.  Cet  appel 
peut  être  interjeté  par  le  condamné  ou  par  la  personne  ci- 
vilement responsable.  Il  semble  bien  que  le  droit  d'appel 
doive  aussi  être  reconnu  à  la  partie  civile  lorsque  les  dom- 
mages-intérêts mis  à  sa  charge  dépassent  5  fr.  Mais  la 
question  est  contestée  sous  prétexte  que  l'art.  172  du  C. 
d'instr.  crim.  a  seulement  en  vue  le  condamné.  Le  délai 
d'appel  est  de  dix  jours  à  partir  de  la  signification  et  sans 
qu'il  y  ait  lieu  de  rechercher  si  le  jugement  est  contradic- 
toire ou  par  défaut  (C.  d'instr.  crim.,  art  174).  Dans  le 
silence  de  la  loi,  on  admet  que,  suivant  le  droit  commun, 
l'appel  peut  être  fait  par  déclaration  au  greffe  ou  par  cita- 
tion d'huissier.  L'appel  interjeté  et  même  le  délai  d'appel 
sont  suspensifs  ;  l'affaire  arrive  au  tribunal  correctionnel 
qui  est  juge  au  second  degré  en  matière  de  contravention. 

Dans  ces  derniers  temps  on  a  maintes  fois  parlé 
de  l'extension  de  la  compétence  des  juges  de  paix,  soit 
en  matière  civile,  soit  en  matière  pénale.  Plusieurs  projets 
ont  été  déposés  aux  Chambres,  surtout  en  matière  ci- 
vile ,  mais  aucun  d'eux  n'a  encore  abouti .  Ce  n'est 
pas  ici  le  lieu  d'étudier  cette  réforme.  Observons  seu- 
lement qu'en  faveur  de  l'extension  de  la  compétence 
des  juges  de  paix  on  dit  que  cette  extension  aurait  pour 
résultat  de  rapprocher  la  justice  des  justiciables  et  de  sim- 
plifier la  procédure  pour  les  affaires  qui  seraient  portées 
devant  ces  magistrats.  Mais,  d'un  autre  côté,  on  peut 
adresser  aux  projets  de  réforme  les  objections  suivantes  : 
N'y  a-t-il  pas  lieu  de  craindre  que  les  juges  de  paix 
n'aient  pas  toujours  les  connaissances  juridiques  néces- 
saires pour  juger  certaines  affaires  et  ne  conviendrait-il 
pas,  avant  d'étendre  leur  compétence,  de  les  réorganiser 
en  exigeant  d'eux  des  conditions  de  capacité  qui  ne  sont 
pas  actuellement  imposées  ?  Avec  la  faculté  actuelle  des 
communications,  la  juridiction  des  tribunaux  d'arrondisse- 
ment n'est-elle  pas  aussi  accessible  que  celle  des  juges  de 
paix?  Si  les  affaires  se  multiplient  en  justice  de  paix,  n'y 
a-t-il  pas  lieu  de  craindre  l'établissement  dans  chaque 
canton  d'un  certain  nombre  de  gens  de  loi  de  bas  étage  et 
peu  scrupuleux  qui  feront  renaître  les  abus  des  anciennes 
justices  de  village?  Enfin  les  juges  de  paix  jugeront,  sans 
aucun  doute,  à  charge  d'appel,  au  tribunal  d'arrondisse- 
ment, les  nouvelles  affaires  qui  leur  sont  attribuées.  Or 
ces  mêmes  afl*aires  sont  aujourd'hui  directement  déférées 
aux  tribunaux  d'arrondissement  qui  les  jugent  en  premier 
et  dernier  ressort,  par  conséquent  sans  appel  possible, 
jusqu'à  1,500  fr.  de  principal  ou  60  fr,  de  revenus,  sui- 
vant que  l'action  est  mobilière  ou  immobilière.  Y  aura-t-il 
vraiment  économie  de  temps  et  de  frais  à  établir  deux 
degrés  de  juridiction  pour  des  affaires  qui  n'en  comportent 
actuellement  qu'un  seul?  E.  Glasson. 

Juge  d'instruction.  —  Le  juge  d'instruction  est  l'un  des 


—  245  — 


JUGE 


juges  du  tribunal  d'arrondissement,  qui,  en  dehors  de  ses 
fonctions  ordinaires  de  juge,  est  spécialement  chargé  des 
fonctions  de  l'instruction  en  matière  pénale.  Pris  parmi  les 
juges  titulaires  ou  parmi  les  juges  suppléants,  il  est  nommé 
pour  trois  ans,  par  décret  du  président  de  la  République, 
et  peut  être,  sans  décret  nouveau,  indéfiniment  maintenu 
dans  ses  fonctions  (G.  d'instr.  crim.,  art.  55  et  56).  En 
principe,  il  n'y  a  qu'un  juge  d'instruction  par  arrondisse- 
ment. Mais,  d'une  part,  les  nécessités  d'une  justice  rapide 
en  peuvent  faire  établir  plusieurs  dans  les  centres  impor- 
tants (art.  55).  D'autre  part,  un  décret  du  président  delà 
République  peut  charger  temporairement  de  l'instruction 
un  juge  suppléant,  concurremment  avec  le  juge  d'instruc- 
tion titulaire  (art.  56).  Enfin,  dans  les  villes  où  il  n'y  a 
qu'un  juge  d'instruction,  le  tribunal  a  le  droit  de  désigner 
l'un  de  ses  juges  pour  remplacer  le  juge  d'instruction 
absent,  malade  ou  autrement  empêché  (art.  58), 

Dans  notre  droit  actuel,  le  juge  d'instruction  est  investi 
de  deux  titres  distincts,  remplit  deux  rôles  successifs  :  il 
est,  d'abord,  officier  de  police  judiciaire  instructeur;  puis, 
juge  de  l'instruction,  c.-à-d.  juridiction  d'instruction.  En 
sa  première  qualité,  le  juge  d'instruction  exerce  et  dirige, 
en  matière  criminelle  et  correctionnelle,  la  police  judiciaire, 
de  concert  avec  le  procureur  de  la  République  (G.  d'instr. 
crim.,  art.  9,  22,  59  et  60).  L'objet  de  sa  mission  com- 
prend la  constatation  et  la  vérification  officielle  du  fait  délic- 
tueux, ainsi  que  de  toutes  les  circonstances  qui  sont  de 
nature  à  en  révéler  l'auteur  ou  les  auteurs.  Dans  ce  but, 
l'interrogatoire  de  l'inculpé  ou  des  témoins,  l'arrestation 
et  la  détention  préventive  de  l'inculpé,  des  visites  domici- 
liaires, la  saisie  des  papiers  ou  autres  objets  utiles  à  la  ma- 
nifestation de  la  vérité,  peuvent  être  nécessaires.  Le  juge 
d'instruction  procède  aux  divers  actes  de  ses  fonctions  dans 
une  instruction,  écrite  et  secrète,  que  l'on  qualifie  de  «  pré- 
paratoire ou  préalable  »,  par  opposition  à  l'  «  instruction 
définitive  »,  orale  et  publique,  qui  se  fait  à  l'audience  de 
la  juridiction  de  jugement.  Le  juge  d'instruction  est, 
quant  aux  fonctions  de  police  judiciaire,  sous  la  surveil- 
lance du  procureur  général  près  la  cour  d'appel  (G.  d'instr. 
crim.,  art.  57  et  279).  11  est  interdit  au  juge  d'instruc- 
tion de  concourir  au  jugement  dans  les  affaires  instruites 
par  lui,  mais  en  matière  criminelle  seulement  (G.  d'instr. 
crim.,  art.  257).  L'instruction  préparatoire  terminée,  le 
juge  d'instruction  se  manifeste  comme  juridiction.  A  ce 
titre,  il  est  chargé  d'apprécier  l'œuvre  et  les  résultats  de 
l'instruction,  et,  s'il  y  a  lieu  de  suivre,  de  déterminer  la 
juridiction  de  jugement  compétente  pour  connaître  de  l'af- 
faire. Autrefois,  sous  le  code  d'instruction  criminelle, 
c'était  la  chambre  du  conseil,  c.-à-d.  la  chambre  même 
du  tribunal  dont  faisait  partie  le  juge  d'instruction,  qui, 
sur  le  rapport  de  celui-ci,  avait  mission  de  statuer  sur 
l'instruction.  La  loi  du  17  juil.  4856,  a  supprimé  la 
chambre  du  conseil  et  en  a  transporté  les  fonctions  au 
juge  d'instruction  seul.  Le  projet  de  loi  tendant  à  réfor- 
mer le  code  d'instruction  criminelle,  actuellement  .(1894) 
soumis  aux  Gihambres,  propose  de  réorganiser  la  chambre 
du  conseil  comme  juridiction  d'mstruction,  mais  en  faisant 
de  cette  chambre  une  juridiction  indépendante  du  juge 
d'instruction  (V.  Détention  préventive,  Information, 
Instruction  criminelle,  Interrogatoire).       Louis  André. 

Juge  suppléant.  —  Il  y  a  des  juges  suppléants  dans  les 
tribunaux  d'arrondissement,  auprès  des  juges  de  paix  et 
dans  les  tribunaux  de  commerce  (V.  ci-dessus  et  l'art. 
Tribunal  de  commerce). 

IV.  Histoire.  —  Juges  conservateurs  du  privilège 

DES  FOIRES  (V.  GoNSERVÂTEURS  DES  FOIRES,  t.  Xïl,  p.  530). 

Juge  du  camp.  —  Dans  les  combats  judiciaires  et  les 
tournois,  il  veillait  au  respect  des  usages  et  de  la  loyauté. 
Son  pouvoir  était  souverain.  Il  y  avait  généralement  deux 
juges  du  camp  ;  parfois  même,  leur  nombre  était  plus  élevé. 

Juge-mage.  —  On  appelait  ainsi,  en  Languedoc  et  en  Pro- 
vence, le  fonctionnaire  chargé  d'administrer  la  justice  soit 
en  première  instance,  soit  en  premier  appel,  aux  nom  et 


place  du  sénéchal.  Ge  dernier  étant  généralement  un  homme 
d'épée,  pour  le  suppléer  dans  ses  fonctions  judiciaires,  on 
lui  adjoignit  de  bonne  heure  un  juriste,  qu'on  appela  tan- 
tôt judex  senescalli,  tantôt  judex  major,  d'où  l'expres- 
sion de  juge-mage.  Les  pouvoirs  de  cet  agent  étaient  très 
étendus  et,  dans  une  certaine  mesure,  il  s'occupait  d'afiaires 
administratives  autant  que  d'affaires  judiciaires.  Le  nom 
servant  à  désigner  la  fonction  parait  être  venu  de  Pro- 
vence, où  dès  le  temps  des  Bérenger,  derniers  comtes  de 
la  maison  d'Aragon,  il  y  avait  un  seul  juge.  En  première 
instance,  le  juge-mage  connaît  de  toutes  les  causes  crimi- 
nelles et  civiles  rentrant  dans  la  compétence  du  tribunal 
de  la  sénéchaussée  ;  en  appel,  il  réforme  les  sentences  ren- 
dues par  les  juges  inférieurs,  bailes,  viguiers,  etc.  Quand 
l'affaire  est  portée  devant  lui  en  premier  appel,  les  parties 
peuvent  demander  la  réforme  du  jugement  rendu  par  ce 
magistrat  soit  au  conseil  judiciaire  du  prince,  s'ils  habitent 
une  terre  d'apanage,  soit  au  parlement  royal,  s'ils  vivent 
sur  le  domaine  de  la  couronne.  L'institution  des  juges- 
mages,  qui  apparaît  au  xiii^  siècle,  a  persisté  jusqu'à  la 
Révolution.  A.  Molinier. 

V.  Histoire  religieuse.  —  Livre  des  juges.  —  Get 
écrit  forme  le  premier  des  livres  historiques  proprement 
dits  de  l'Ancien  Testament,  ou,  plus  exactement,  la  pre- 
mière partie  de  l'ouvrage  d'ensemble  qui  rapporte  les  des- 
tinées du  peuple  d'Israël  à  partir  du  moment  où  il  est 
installé  sur  le  sol  du  pays  de  Ghanaan  jusqu'à  la  des- 
truction de  Jérusalem  par  les  Ghaldéens.  Le  Livre  des 
Juges  expose  les  événements  survenus  dans  l'époque  an- 
térieure à  l'établissement  de  la  royauté,  où  l'autorité  po- 
litique n'avait  aucun  caractère  régulier  et  s'exerçait  par  le 
ministère  intermittent  de  héros  libérateurs  d'Israël,  qu'on 
appelle  juges.  Malheureusement,  les  très  rares  souvenirs 
de  l'époque  antérieure  à  Saùl  nous  sont  ici  présentés  dans 
un  cadre  visiblement  artificiel  :  le  peuple  d'Israël  abandon- 
nant Yahvéh  pour  l'idolâtrie  étrangère,  Yahvéh  laissant 
peser  sur  lui  le  joug  étranger,  puis  lui  procurant  un  libé- 
rateur quand  le  châtiment  a  donné  naissance  à  un  sincère 
repentir  ;  les  Israélites,  après  (quelques  années  de  prospé- 
rité, retombant  dans  l'idolâtrie,  voilà  le  cercle  que  nous 
parcourons  ici  une  douzaine  de  fois.  Ce  point  de  vue  dog- 
matique, qui  fait  servir  l'histoire  à  l'instruction  religieuse 
du  peuple,  est  celui  du  v^  ou  du  iv^  siècle  avant  notre  ère  ; 
cette  date  est  confirmée  par  la  présence  de  nombreux  mor- 
ceaux d'un  caractère  moderne  (V.  Bible). — Après  une  sorte 
d'introduction  (i,  4  à  ii,  5),  contenant  de  courtes  notes  sur 
l'état  de  la  conquête  de  la  Palestine  au  moment  de  la  mort 
de  Josué  et  exposant  le  cadre  dogmatique  où  l'auteur  se 
propose  de  faire  rentrer  les  faits  de  la  période  qu'il  étudie, 
nous  abordons  le  corps  du  livre  (ii,  6  à  xvii,  fin). 

Premier  juge:  Othoniel.  Les  enfants  d'Israël,  ayant 
abandonné  Yahvéh  pour  les  cultes  chananéens,  celui-ci  les 
livre  à  Gusan-Risathaïm,  roi  de  Mésopotamie.  Après  huit 
ans  d'oppression,  Yahvéh  suscite  Othoniel,  de  la  famille  de 
Kaleb,  qui  bat  le  tyran  et  assure  au  pays  quarante  ans  de 
repos.  Nous  n'insisterons  pas  sur  la  double  invraisemblance 
d'un  roi  de  Mésopotamie  attaquant  les  Israélites  et  d'un 
cheikh  de  l'extrême  Sud  du  pays  (Kaleb  appartient  à  la  ré- 
gion d'Hébron)  intervenant  pour  le  repousser. 

Deuxième  juge  :  Aod.  Les  Israélites  (lisez  :  les  gens  de 
Benjamin)  sont  opprimés  par  une  coalition  de  Moabites, 
d'Ammonites  et  d'Amalécites,  à  la  tête  desquels  se  trouve 
le  roi  moabite  Eglon.  Un  vaillant  benjaminite,  Aod,  pénètre 
dans  la  demeure  de  l'oppresseur  pour  lui  apporter  le  tri- 
but annuel  et  profite  de  Toccasion  pour  l'égorger.  Les  Moa- 
bites, privés  de  leur  chef,  sont  vaincus,  et  Israël,  après 
«  dix-huit  ans  d'asservissement  »,  jouit  du  «  repos  pen- 
dant quatre-vingts  ans  ». 

Troisième  juge  :  Samgar.  Ce  personnage  a  battu  six 
cents  Philistins  sans  autre  arme  qu'un  aiguillon  à  bœufs  ; 
simple  épisode  des  querelles  constantes  éclatant  à  la  fron- 
tière des  territoires  israélite  et  philistin;  Samgar  n'est 
sans  doute  qu'un  doublet  de  Samson, 


JUGE 


246 


Quatrième  juge  :  Débora,  Ici,  c'est  une  femme  qu'on 
met  en  avant.  Les  Israélites  étant  opprimés  par  un  certain 
Jabin,  «  roi  de  Chanaan  »  à  l'extrême  Nord  delà  Palestine, 
Débora,  «  prophétesse  et  juge  en  Israël  »,  qui  résidait  en 
Ephraïm,  appelle  le  peuple  à  la  révolte  et  place  à  la  tète  de 
l'armée  un  nommé  Barac,  qui  doit  amener  les  contingents 
de  Zabulon  et  de  Nephtali.  Les  troupes  de  Sisara,  chef  de 
l'armée  de  Jabin,  sont  battues  près  du  montThabor,  et  Si- 
sara, qui  avait  pris  la  fuite,  est  assassiné  dans  des  circons- 
tances dramatiques  par  une  femme,  non-juive  d'origine,  du 
nom  de  Jahel.  Les  mêmes  circonstances  ont  donné  lieu  à 
une  composition  poétique,  le  cantique  de  Débora,  qui  est 
un  morceau  librement  composé  et  en  aucune  façon  l'écho  de 
souvenirs  authentiques  (V.  Débora).  A  la  suite  de  cette  mer- 
veilleuse victoire,  le  pays  jouit  d'un  repos  de  quarante  ans. 

Cinquième  juge  :  Gédéon.  On  consacre  à  ce  person- 
nage et  à  son  fils,  Abimélech,  de  longs  développements. 
Tout  à  l'heure  nous  étions  transportés  dans  la  région  sep- 
tentrionale du  pays  ;  nous  voici  maintenant  aux  environs 
de  Sichem.  Les  Israélites  (lisez  :  les  Ephraïmites)  avaient 
à  soullrir  des  incursions  des  Madianites,  Amalécites  et  des 
tribus  pillardes  du  désert  syrien,  qui  venaient  enlever  leurs 
récoltes.  Yahvéh  apparaît  à  un  certain  Gédéon  ou  Jérobaal 
et  lui  donne  l'ordre  de  se  mettre  à  la  tête  de  ses  compa- 
triotes pour  infliger  à  l'ennemi  une  sanglante  défaite  ;  celui- 
ci,  après  avoir  renversé  l'autel  de  Baal  et  obtenu  de  la 
divinité  un  miracle  fait  pour  lui  donner  pleine  confiance, 
rassemble  les  contingents  de  plusieurs  tribus;  mais  Yah- 
véh veut  que  la  troupe  israélite  soit  réduite  à  trois  cents 
hommes  afin  de  montrer  que  la  victoire  dépend  uniquement 
de  son  appui.  En  efi'et,  la  petite  troupe  écrase  l'ennemi  et 
le  poursuit  au  delà  du  Jourdain.  On  ofi're  la  couronne  à 
Gédéon,  qui  la  refuse  en  déclarant  qu'Israël  ne  doit  pas 
connaître  d'autre  roi  que  Yahvéh.  D'autre  part,  trait  qu'on 
s'explique  assez  mal,  il  érige  une  idole  avec  les  bijoux  pris 
sur  les  Madianites.  Gédéon  assure  quarante  années  de  re- 
pos au  pays.  —  Tous  ces  longs  récits  ont  un  caractère 
d'amplification  banale  et  ne  nous  apprennent  rien  ;  il  en  est 
autrement  en  ce  qui  concerne  Abimélech,  bâtard  de  Gé- 
déon, qui  établit  son  gouvernement  sur  l'importante  ville 
de  Sichem  et  réprime  brutalement  une  révolte.  C'est  peut- 
être  la  seule  page  du  livre  des  Juges  où  l'on  retrouve  un 
souvenir  précis  des  événements  antérieurs  à  Saùl. 

Sixième  et  septième  juges  :  Thola  et  Jaïr,  l'un  origi- 
naire d'Issachar,  l'autre  du  Galaad,  délivrent  successive- 
ment Israël  et  exercent  la  judicature,  le  premier  pendant 
vingt-trois  ans,  le  second  pendant  vingt-deux  ans. 

Huitième  juge  :  Jephté.  Les  Ammonites  faisaient  pe- 
samment sentir  leur  joug  aux  Israélites  installés  sur  la 
rive  orientale  du  Jourdain  ;  ils  franchissaient  même  la  ri- 
vière pour  molester  les  gens  de  Benjamin,  d'Ephraïm  et  de 
Juda.  Un  aventurier  du  Galaad  se  mit  à  la  tête  de  la  révolte 
et,  après  des  négocictions  où  il  fit  valoir,  au  moyen  d'ar- 
guments juridiques  qui  trahissent  une  époque  peu  ancienne, 
les  droits  d'Israël  sur  la  rive  orientale  du  Jourdain  (terri- 
toires de  Ruben,  Cad,  demi-Manassé),  remporta  sur  les 
Ammonites  une  victoire  complète;  la  joie  du  triomphe  fut 
quelque  peu  compromise  par  l'immolation  de  la  fille  de 
Jephté  devant  l'autel  de  Yahvéh,  en  exécution  d'un  vœu 
téméraire.  Un  conflit  entre  gens  du  Galaad  et  d'Ephraïm 
aboutit  au  massacre  d'un  grand  nombre  de  ces  derniers. 
Jephté  assure  dix  ans  de  repos  à  Israël. 

Neuvième,  dixième  et  onzième  juges  :  Abezan,  de  Beth- 
léem, Elon,  de  Zabulon,  Abdon,  d'Ephraïm,  sont  tour  à 
tour  juges  en  Israël  pendant  sept,  dix  et  huit  ans. 

Douzième  juge  :  Samson.  De  longs  développements  sont 
consacrés  à  un  guerrier  de  Dan,  consacré  à  Dieu  dès  sa 
naissance  par  le  vœu  de  nazdr  et  dont  la  force  merveilleuse 
réside  dans  la  chevelure.  Samson  est  le  héros  d'une  série 
d'aventures  où  il  malmène  les  Philistins,  ses  voisins  (V.  Sam- 
son). L'esprit  de  Yahvéh,  qui  agite  le  héros  de  Dan,  le 
laisse  trop  souvent  égarer  en  de  galantes  aventures,  pour 
qu'on  prenne  son  action  bien  au  sérieux,  et  les  hauts  faits 


de  Samson  contre  ses  ennemis  semblent  plus  souvent  ins- 
pirés par  un  esprit  de  vengeance  personnel  que  par  l'explo- 
sion du  sentiment  patriotique  et  religieux.  La  tragique  cir- 
constance où  Samson  périt,  ensevelissant  l'aristocratie 
philistine  sous  les  ruines  du  temple  de  Dagon,  est  devenue 
populaire  comme  la  ruse  de  Dalila,  qui  avait  réussi  à  lui 
arracher  le  secret  de  sa  force  pour  le  livrer  à  ses  ennemis. 
L'écrivain  attribue  vingt  ans  de  durée  à  la  judicature  de 
Samson.  —  Appendice  (chap.  xvni  à  xxi).  On  nous  rap- 
porte, sous  une  forme  un  peu  compliquée,  la  migration  des 
Danites  qui,  écrasés  entre  les  tribus  de  Juda,  Benjamin  et 
Ephraïm,  d'une  part,  les  Philistins  de  l'autre,  transportent 
leurs  demeures  à  Laïs  aux  sources  du  Jourdain,  où  ils  ins- 
tallent une  idole  enlevée  sur  le  territoire  éphraïmite  ;  un 
petit-fils  de  Moïse  devient  le  chef  du  sacerdoce  de  la  ville 
de  Dan-Laïs,  dont  le  sanctuaire  jouit  pendant  des  siècles 
d'une  grande  réputation.  L'écrivain  raconte  enfin,  avec  de 
longs  et  inutiles  développements,  comment  les  Israélites 
tirèrent  vengeance  sur  les  gens  de  Benjamin  d'un  épouvan- 
table attentat  commis  sur  la  concubine  d'un  lévite  éphraï- 
mite ;  cette  répression  faillit  entraîner  la  disparition  de  la 
tribu  de  Benjamin.  M.  Vernes. 

BiBL.  :  Droit  romain.  —  DiRKSEN,M'anuaie  latinitatis  ; 
Berlin,  1837,  v°  Judex.  —  Accarias,  Précis  de  droit 
romain  ;  Paris,  1886-91,  t.  II,  n-^  736-739.  —  G.  May  et  H. 
Becker,  Précis  des  instit.  du  droit  privé  de  Rome;  Paris, 
1892,  n"  134.  —  Mainz,  Cours  de  droit  romain  ;  Bruxelles, 
1876,  t.  I,  Introduct,  n°«  94,  99,  100,  101.  -  Willems,  Droit 
public  romain  ;  Louvain,  1880,  pp.  324  et  suiv.,  pp.  333  et 
suiv.  —  Keller,  De  la  Procédure  civile  et  des  actions 
(trad.  Capmas)  ;  Paris,  1870,  §§  4,  5,  6,  7,  8,  9,  10,  11,  17.  — 
Baron,  Institutionen  ;  Berlin,  1884,  §§  181-185. 

Droit  actuel. —  Boitard,  Colmet-DaAge  et  Glasson, 
Leçons  de  procédure  civile,  1. 1,  p.  24, 15«  éd.  —  Dalloz,  Ju- 
risprudence générale^  v  Organisation  judiciaire^  n°^  227  et 
suiv.,  et  Supplément^  id.,  n"»  161  et  suiv.  —  Krug-Basse, 
De  VOffice  du  juge  en  matière  civile  ;  Paris,  1862,  in-8.  — 
Garsonnet,  Traité  de  procédure^  t.  I,  p.  176. 

Juge  de  paix.  —  Boitard,  Colmet-Daâge  et  Glasson, 
Leçons  de  procédure  civile,  1. 1,  pp.  32  et  683,  15"  éd.  —Dal- 
loz, Jurisprudence  générale^  \°  Organisation  judiciaire, 
nos  448  et  suiv.,  et  Supplément^  id.,  n"8  269  et  suiv.  — 
Allain,  Manuel  encyclopédique^  théorique  et  pratique  du 
juge  de  paiœ;  Paris,  1882,2  vol.  in-8,  5«  éd.  —  Augier,  En- 
cyclopédie des  juges  de  paix;  Paris,  1838,  6  vol.  in-8.  — 
Bioghe,  Dictionnaire  des  justices  de  paix  ;  Paris,  1867, 
3  vol.  in-8.  —  Bost,  Exicyclopédie  des  justices  de  paix; 
Paris,  1864,  2  vol.  in-8. —  Caron,  De  la  Juridiction  civile 
du  juge  depaix^  2«  éd.,  par  Bioche,  1843,  2  vol.  in-8.  — 
Curasson,  Traité  de  la  compétence  du  juge  de  paix, 
1879,  2  vol.  in-8,  2«  éd.  —  Duverger,  Manuel  criminel 
des  juges  de  paix  ;  Paris,  1876,  in-8,  5«  éd.  —  Gislain, 
Code  des  justices  de  paix;  Paris,  1876,  in-S.  —  Guilbon, 
Traité  pratique  de  la  compétence  civile  des  juges  de  paix 
en  matière  contentieuse,  précédée  d'une  introduction  de 
M.  Valette;  Paris,  1864,  in-8.  —  Henrion  de  Pansey, 
Compétence  des  juges  de  paix;  Paris,  1843,  in-8.  —  Jay, 
Traité  de  la  compétence  générale  des  juges  de  paix  ;  Paris, 
1866,  in-8.  —  Du  même.  Traité  de  la  compétence  géné- 
rale des  tribunaux  de  simple  police  ;  Paris,  1864,  in-8. 
—  Payenull,  Essai  sur  la  réforme  des  justices  de  paix 
en  France;  Paris,  1882,  in-8.  —  Salin,  De  l'Importance 
sociale  des  juges  de  paix  en  France;  Paris,  1864,  in-8.  — 
Faure,  De  l'Extension  de  la  compétence  desjuqes  depaix; 
Paris,  1882,  br.  in-8. 

Juge  d'instruction.—  Boullaire,  Des  Droits  respectifsdu 
juge  dHnstr.  et  du  ministère  public  au  cours  d'une  informa- 
tion  crim.,  dans  Gazette  des  tribunaux^  n°  du  8  juin  1881. — 
CASSASSOLES,Gwic/.eduji(gfe  d'msir.— Delamorte-Félines, 
Manuel  du  Juge  d'instr.  —  Duverger,  Manuel  des  Juges 
d'instr.  —  H.  Hugues,  les  Chambres  du  conseil  et  d'ac 
cusation,  dans  la  France  judic.^  1886,  p.  309  à  327.  —  Sar- 
RAUTE,  Manuel  théor.  et  prat.  du  juge  d'instr.  —  De  la  Ju- 
ridiction de  la  Chambre  du  conseil  en  mat.  d'instr.  crim., 
dans  Rev.  crit.,  1876,  p.  327. 

Histoire  religieuse.—  Tous  les  faits  rapportés  par  les 
Juges  sont  exposés  et  discutés  dans  Vernes,  Précis  d'his- 
toire juive,  1889,  pp.  202  à  252  et  280  à  286.  —  Pour  la  com- 
position du  livre,  V.  Reuss,  Histoire  des  Israélites,  1877, 
pp.  92-112.  —  CoRNiLL,  Einleitunq  in  das  A.  T.,  1892» 
pp.  91-105,  2«  éd. 

JUGE  (Bofïïle  de),  aventurier  et  homme  politique,  mort 
en  août  150^2.  Il  appartenait  à  la  famille  del  Giudice, 
originaire  d'Amalfi.  On  connaît  mal  les  premières  années 
de  sa  vie.  En  1458  il  est  au  service  de  Jean  de  Galabre, 
fds  du  roi  René,  le  suit  en  France  en  1462  et  l'accom- 
pagne en  Catalogne  en  1470.  Après  la  mort  de  Jean,  il 


-  247 


JUGE  —  JUGEMENT 


sert  pendant  quelques  années  le  père  de  son  maître,  René 
d'Anjou,  qui  Tenvoie  en  1471  solliciter  Talliance  de  Galéas- 
Marte,  duc  de  Milan,  contre  les  princes  d'Aragon.  Un  peu 
plus  tard,  il  passe  au  service  de  Louis  XI  (dès  1473  il  est 
conseiller  et  chambellan  du  roi),  et  ce  prince  l'emploie  à 
diverses  missions  politiques  et  militaires;  il  le  charge  no- 
tamment de  négociations  avec  les  princes  italiens,  puis  avec 
Jean,  roi  d'Aragon,  lors  de  la  guerre  de  Roussillon.  Capi- 
taine de  cent  lances  en  1474,  Boffile  réside  en  Roussillon 
pendant  un  an  ou  deux  avec  le  seigneur  du  Lude,  puis  de- 
vient lieutenant  général  du  pays  en  mai  1475.  En  1476- 
77,  il  fait  partie  de  la  commission  chargée  de  juger  l'in- 
fortuné duc  de  Nemours  et,  pour  récompenser  son  zèle, 
Louis  XI  lui  donne  le  comté  de  Castres  et  la  seigneurie  de 
Lézignan,  confisqués  sur  le  prince  condamné  (1477).  Im- 
médiatement après,  Boffile  est  chargé  de  négocier  un  traité 
de  paix  avec  l'ambassadeur  de  Venise,  Domenico  Grade- 
nigo,  puis  il  va  prendre  possession  de  ses  nouveaux  Etats 
du  Midi,  dont  le  parlement  de  Paris  lui  conteste  la  jouis- 
sance. En  1478,  il  est  chargé  de  s'entendre  avec  les  am- 
bassadeurs d'Angleterre,  puis  avec  les  gens  de  Flandre.  Un 
peu  plus  tard,  on  le  retrouve  dans  son  gouvernement  de 
Roussillon,  puis  négociant  son  mariage  avec  une  sœur 
d'Alain  d'Albret,  union  qui  est  célébrée  à  Narbonne  le 
23  août  1480  ;  il  est  un  des  commissaires  chargés  de  ju- 
ger l'inoffensif  René  d'Alençon,  comte  du  Perche,  office 
dont  il  s'acquitte  avec  zèle  et  sans  aucun  scrupule.  Pour 
le  récompenser,  Louis  XI  lui  fait,  quelques  jours  avant  sa 
mort,  un  don  magnifique,  celui  de  toutes  les  sommes  dues 
au  roi  et  restées  en  souffrance  en  Roussillon  et  en  Cer- 
dagne.  Louis  mort,  Boffile  a  fort  à  faire  pour  échapper 
à  la  proscription  dont  sont  frappés  les  conseillers  du 
prince  défunt.  Jean  d'Armagnac,  évèque  de  Castres, 
réclame  le  comté  de  ce  nom  ;  Boffile  finit  par  l'emporter  et 
reste  en  possession.  Mais,  en  1491,  il  perd  sa  vice-royauté 
de  Roussillon  ;  il  essaye  alors  pour  la  troisième  fois  de  se 
faire  agréer  comme  capitaine  général  par  la  république  de 
Venise  et  se  retire  dans  son  comté  de  Castres.  Là  de  nou- 
veaux ennuis  l'attendent  ;  sa  fille,  Louise,  se  marie  contre 
sa  volonté  à  un  simple  écuyer,  Jean  de  Montferrand,  puis 
femme,  fille  et  gendre  font  la  guerre  au  vieil  aventurier, 
s'emparent  de  plusieurs  places  du  comté  et  pillent  le  pays. 
Indigné,  Boffile  en  appelle  au  roi,  déshérite  sa  fille  (1494), 
lègue  son  comté  à  son  beau-frère,  Alain  d'Albret  et  fait 
son  testament  en  1499.  A.  Molinier. 

BiBL.  :  Hist.  générale  du  Languedoc,  nouv.  édit.,  Xf, 
passim.  —  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  l'Histoire  de 
France,  1890,  pp.  26  et  110.  —  P.-M.  Perret,  dans  An- 
nales du  Midi.  avr.  1891. 

JUGE  DE  Saint-Martin  (Jacques-Joseph),  publicisteet 
naturaliste  français,  né  à  Limoges  le  16  sept.  1743,  mort  à 
Limoges  en  janv.  1824.  D'abord  conseiller  au  présidial  de 
Limoges,  il  étudia  les  sciences  naturelles  et  fonda  dans  sa 
ville  natale  une  pépinière  qu'il  soignait  lui-même.  Il  publia  : 
Observations  météorologiques  faites  pendant  V hiver  de 
il 89;  Notice  sur  les  arbres  et  arbustes  qui  croissent 
naturellement  ou  qui  peuvent  être  élevés  en  pleine  terre 
en  Limousin  (1790)  ;  Description  pittoresque  d'une 
métairie  du  dép.  de  la  Haute-Vienne  (1806);  une 
curieuse  notice  sur  les  Changements  survenus  dans  les 
mœurs  des  habitants  de  Limoges  depuis  cinquante  ans 
(1808,  2^  éd.,  1817,  etc.).  Juge  de  Saint-Martin  fut  un 
des  hommes  les  plus  influents  de  Limoges  pendant  le  pre- 
mier quart  de  ce  siècle.  A.  Leroux. 

BiBL.  :  Alluaud,  Eiogre  de  J.-J.  Juge  de  Saint-Martin; 
Limoges,  1827.  —  Alf.  Leroux,  Note  sur  J.-J.  Juge  de 
Saint-Martin,  dans  le  Bull,  de  la  Soc.  arch.  du  Lim., 
XXX,  41. 

JUGEAIS.  Com.  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr.  et  cant. 
deBrive;  400  hab. 

JUGELET  (Jean-Marie-Auguste),  peintre  français,  né 
à  Brest  le  28  août  1805,  mort  à  Rouen  le  n  oct.  1874. 
Elève  de  Gudin,  il  se  distingua  comme  peintre  de  marines. 
On  cite  :  Soleil  levant  en  pleine  mer  (1831);  le  Port 
du  Havre,  le  Port  du  Conquet  (18B6)  ;  Christ  apaisant 


les  flots  (1845);  Combat  de  VAréthuse  et  de  la  Belle-* 
Poule  (au  musée  de  Versailles);  le  Port  de  Gênes 
(1850);  Vue  de  Cannes  (1868);  Environs  de  Plou- 
gastel  (i869),  etc. 

JUGEMENT.  I.  Philosophie.  —Le  jugement  est  l'acte 
propre  de  la  pensée  réfléchie.  Toutes  les  fois  (jue  nous 
pensons,  nous  avons  le  sentiment  d'une  dualité  intérieure 
que  nous  réduisons  à  l'unité.  Quand  je  vois,  par  exemple, 
un  chien  et  que  je  réfléchis  à  cette  vision,  je  dis  :  ce  que 
je  vois  est  un  chien.  Un  des  éléments  de  cette  dualité  est 
posé,  c'est  le  sujet,  dans  l'exemple  cité  :  ce  que  je  vois  ; 
l'autre  lui  est  apposé,  c'est  l'attribut,  dans  l'exemple  cité: 
un  chien.  L'acte  synthétique  pour  lequel  l'attribut  est  ap- 
posé au  sujet  s'exprime  dans  le  langage  par  le  verbe.  ^  La 
proposition  est  ainsi  l'énoncé  d'un  jugement.  Toute  idée 
renfermant  en  elle  une  certaine  somme  de  déterminations 
contient  un  jugement  implicite.  Nous  reconnaissons  qu'un 
certain  état  de  conscience  confus,  exprimé  par  un  mot, 
peut  et  doit  même  se  décomposer  en  plusieurs  états  de 
conscience  moins  confus.  Ainsi,  quand  nous  nous  repré- 
sentons une  rose,  nous  avons  un  certain  état  de  conscience 
dans  lequel  nous  distinguons  bien  vite  des  éléments:  forme, 
couleur,  parfum,  etc.  ;  que  nous  exprimions  ou  que  nous 
n'exprimions  pas  les  résultats  de  cette  analyse,  le  discours 
de  notre  pensée  n'en  constitue  pas  moins  un  jugement. 

On  peut  distinguer  plusieurs  espèces  de  jugements,  selon 
qu'on  se  place  au  point  de  vue  de  leur  formation  ou  de  leur 
constitution.  Au  point  de  vue  de  leur  formation,  les  juge- 
ments peuvent  être  intuitifs  ou  comparatifs.  Le  jugement 
intuitif  ^st  le  jugement  premier,  l'acte  essentiel  de  l'esprit 
qui  pense  ;  il  enveloppe  toujours  la  conscience  de  soi  ;  le 
moi  en  est  le  sujet  constant  et  il  reste  inexprimable  :  je 
pense,  je  vois,  je  jouis,  je  souffre.  Mais  ces  propositions 
elles-mêmes,  par  les  mots  qu'elles  emploient,  ne  sont  déjà 
plus  des  jugements  intuitifs  dans  toute  la  rigueur  du  terme. 
Le  jugement  intuitif  est  l'acte  par  lequel  l'esprit  se  sent 
penser,  voir,  jouir,  soufi'rir,  s'attribue  ses  états,  mais  sans 
nommer  ses  états.  Dès  qu'il  nomme,  il  faut  qu'il  sorte  de 
son  état  pour  aller  au  dehors  chercher  des  mots  afin  d'ex- 
primer cet  état.  C'est  donc  une  marche,  un  discours  et  non 
une  intuition.  Les  jugements  verbaux  :jepense,jevois,etc.^ 
sont  déjà  des  jugements  comparatifs.  Pour  que  l'esprit  ait 
le  droit  de  nommer  son  état  :  pensée  ou  vision,  jouis- 
sance ou  douletir,  il  faut  qu'il  compare  cet  état  à  une  re- 
présentation d'états  analogues  à  laquelle  est  associé  le  mot; 
si  l'état  qu'il  éprouve  est  semblable  à  cette  représentation, 
il  le  nommera,  sinon  il  sera  forcé  de  chercher  encore.  Il  y 
a  là,  évidemment,  une  comparaison,  un  véritable  discours. 
On  voit  par  là  que  tout  jugement  exprimé  est  comparatif, 
et,  si  on  se  borne,  comme  Locke,  à  considérer  les  jugements 
exprimés,  on  doit  dire  qu'il  n'y  a  que  des  jugements  com- 
paratifs. Mais  si,  comme  il  le  faut  faire  en  psychologie,  on 
atteint  par  delà  la  parole  l'acte  intime  de  la  pensée  réflé- 
chie, on  découvre  l'existence  d'une  synthèse  intuitive  qui  est 
un  véritable  jugement,  la  source  et  le  type  de  tous  les  autres. 

Quant  aux  jugements  ordinairement  appelés  compara- 
tifs, comme  :  cette  rose  est  jaune,  ce  perroquet  est  ba- 
vard, ce  sont  des  conclusions  de  raisonnements  inexprimés 
et  rapides,  et  les  psychologues  les  expliquent  d'ordinaire 
inexactement.  Ce  n'est  pas,  en  effet,  l'idée  ro5a  qu'on  com- 
pare à  l'idée  jaune,  ou  l'idée  perroquet  à  l'idée  ba- 
vard;  l'opération  est  bien  plus  compliquée  et  se  fait  tout 
autrement.  Dans  le  premier  exemple,  nous  avons  d'abord 
un  état  complexe  où  la  forme  et  la  couleur  sont  mêlées  ; 
dans  le  second  exemple,  c'est  la  forme,  la  couleur  et  les  sons 
qui  se  trouvent  associés.  Nous  avons  conscience  de  cette 
complexité  :  c'est  un  premier  jugement  intuitif.  Puis,  dans 
le  premier  exemple,  l'abstraction  sépare  la  forme  de  la 
couleur  :  c'est  un  second  jugement  intuitif.  La  forme  sépa- 
rée rappelle  une  forme  visuelle,  à  laquelle  est  associée  la 
forme  sonore  rose  et  nous  disons  :  cette  forme  est  une 
rose.  C'est  là  un  premier  jugement  comparatif.  La  couleur 
séparée  rappelle  une  autre  image  à  laquelle  est  associée  la 


JUGEMENT 


248  — 


forme  sonore  jaune  et  nous  disons  :  cette  couleur  est 
jaune.  C'est  là  un  second  jugement  comparatif.  Dès  que 
les  deux  éléments  sont  ainsi  nommés,  la  synthèse  verbale  : 
cette  rose  est  jaune,  se  constitue  et  reproduit  exactement 
la  synthèse  sensible  primitive.  On  ne  compare  donc  pas  le 
sujet  à  Tattribut,  pour  examiner  si  on  doit  ou  ne  doit  pas 
les  unir;  leur  union  n'est  pas  une  conclusion,  mais  une 
donnée.  Ceci  est  vrai  de  tous  les  jugements  dont  les  deux 
termes  sont  immédiatement  saisis  dans  l'intuition  sensible. 
Dans  le  cas  où  l'attribut  n'est  pas  senti  en  même  temps  que 
le  sujet,  l'attribution  se  fait  par  un  intermédiaire,  mais 
alors  nous  ne  sommes  plus  en  face  d'un  jugement,  mais 
d'un  raisonnement  véritable. 

On  distingue  encore  des  jugements  analytiques  et  syn- 
thétiques^ a  priori  et  a  posteriori^  contingents  et  néces- 
saires» Les  jugements  analytiques,  sont  ceux  dans  lesquels 
l'attribut  se  découvre  par  l'analyse  du  sujet,  ex.  :  un 
triangle  a  trois  côtés;  les  jugements  synthétiques  sont 
ceux  dans  lesquels  l'attribut  ajoute  au  sujet  une  idée  que 
par  lui-même  le  sujet  ne  contenait  pas,  ex.  :  ce  triangle 
est  peint  en  rouge,  —  Les  jugements  a  priori  sont  ceux 
dont  la  vérité  s'impose  à  l'esprit  dès  que  nous  en  enten- 
dons les  termes,  ex.:  le  tout  est  plus  grand  que  la 
partie  ;  les  jugements  a  posteriori  sont  ceux  que  l'es- 
prit n'admet  comme  vrais  qu'après  avoir  constaté  dans  une 
expérience  la  liaison  du  sujet  et  l'attribut,  ex.  :  ce  vase 
est  brisé,  —  Les  jugements  nécessaires  sont  ceux  dans 
lesquels  l'attribut  ne  peut  être  séparé  du  sujet,  ex.  :  la 
somme  des  trois  angles  d'un  triangle  égale  deux 
angles  droits  ;  les  jugements  contingents  sont  ceux  dans 
lesquels  l'attribut  peut  être  séparé  du  sujet,  ex.  :  Spinoza 
est  mort  à  La  Haye,  G,  Fonsegrive. 

IL  Jurisprudence.  —  On  appelle  jugement,  dans  un 
sens  large,  toute  décision  d'une  juridiction  quelconque  ;  mais, 
dans  un  sens  plus  restreint  et  plus  fréquemment  employé, 
le  mot  jugement  désigne  les  décisions  des  tribunaux  infé- 
rieurs, c.-à-d.  des  tribunaux  d'arrondissement,  des  tribu- 
naux de  commerce,  des  juges  de  paix  et  des  conseils  de 
prud'hommes.  Les  décisions  des  cours  d'appel  et  celles  de  la 
cour  de  cassation  portent  le  nom  d'arrêts.  Quant  aux  ar- 
bitres, on  dit  qu'ils  rendent  des  sentences,  et  cette  expres- 
sion est  aussi  parfois  employée  pour  les  décisions  des  conseils 
de  prud'hommes.  Les  décisions  qui  émanent,  non  plus  d'un 
tribunal  tout  entier,  mais  seulement  d'un  membre  de  cette 
juridiction,  s'appellent  des  ordonnances.  Ainsi  on  dit  que  le 
président  du  tribunal  civil  rend  des  ordonnances  sur  re- 
quête et  des  ordonnances  de  référé.  Les  décisions  du  juge 
de  paix  portent  le  nom  de  jugement  et  non  celui  d'ordon- 
nance, quoique  ce  magistrat  statue  seul,  parce  qu'à  lui 
seul  aussi  il  constitue  tout  le  tribunal. 

Les  jugements,  dans  le  sens  large  de  ce  mot,  sont  de 
natures  très  diverses.  A  un  premier  point  de  vue,  on  dit 
que  les  jugements  sont  contradictoires  ou  par  défaut.  Les 
premiers  sont  ceux  qui  sont  rendus  sur  les  conclusions  des 
deux  parties  lues  et  posées  à  l'audience.  En  d'autres 
termes,  pour  qu'un  jugement  soit  contradictoire,  il  ne 
suffit  pas  que  les  deux  plaideurs  aient  échangé  des  conclu- 
sions entre  eux  avant  l'audience,  que  le  demandeur  ait  fait 
connaître  ses  conclusions  dans  l'ajournement  par  lequel  il 
appelle  le  défendeur  en  justice,  que  celui-ci  ait  de  son  côté 
conclu  dans  sa  requête  en  défense  ;  malgré  ces  conclusions 
réciproques,  l'affaire  et  le  jugement  ne  seraient  pourtant 
pas  contradictoires,  si,  au  moment  de  l'appel  de  la  cause  à 
l'audience  du  tribunal,  l'un  des  deux  plaideurs  ne  renou- 
velait pas  ses  conclusions.  En  matière  civile,  comme  en 
tout  autre  matière,  le  demandeur  ne  peut  faire  défaut  que 
d'une  manière,  faute  de  conclure,  tandis  qu'il  existe  de  la 
part  du  défendeur  deux  défauts,  l'un  faute  de  comparaître, 
l'autre  faute  de  conclure.  Le  défendeur  fait  défaut  faute 
de  comparaître,  lorsqu'il  ne  répond  pas  à  l'assignation  par 
une  constitution  d'avoué.  Il  y  a,  au  contraire,  défaut  faute 
de  conclure,  soit  de  la  part  du  demandeur,  soit  de  la  part 
du  défendeur,  toutes  les  fois  qu'à  l'appel  de  la  cause 


l'avoué  de  cette  partie  n'est  pas  présent,  ou  que,  présent, 
il  déclare  qu'il  n'a  pas  ou  qu'il  n'a  plus  pouvoir  à  l'effet  de 
conclure.  Lorsque  le  défendeur  fait  ainsi  défaut,  soit  faute 
de  comparaître,  soit  faute  de  conclure,  le  tribunal  est 
chargé  d'une  double  mission  :  il  rend  un  jugement  par 
défaut  dans  lequel  il  constate  d'abord  le  défaut  du  défen- 
deur ;  il  accorde  ensuite  au  demandeur  le  bénéfice  de 
ses  conclusions,  pourvu  que  celles-ci  soient  justes  et  bien 
vérifiées  (C.  deprocéd.,  art.  150).  Pour  obtenir  ainsi  gain 
de  cause  par  défaut,  le  demandeur  doit,  bien  entendu, 
prouver  son  droit  ;  mais  on  lui  tient  compte  de  l'absence 
du  défendeur  qui  rend  peut-être  sa  preuve  plus  difficile, 
et,  en  pratique  même,  on  le  dispense  le  plus  souvent  de 
toute  preuve.  Toutefois,  il  en  est  autrement  lorsqu'il  s'agit 
d'une  affaire  où  l'ordre  public  est  intéressé,  par  exemple 
d'un  procès  en  divorce  ou  d'une  demande  en  séparation 
de  corps  ;  dans  ces  circonstances,  on  oblige  le  demandeur 
à  faire  sa  preuve,  comme  si  le  défendeur  avait  comparu  et 
conclu.  Autrement,  deux  personnes  pourraient  s'entendre 
pour  tourner,  au  moyen  d'un  défaut,  l'application  d'une 
loi  d'ordre  public.  Ainsi  la  loi  civile  n'autorise  le  divorce 
(ou  la  séparation  de  corps)  que  pour  trois  causes  détermi- 
nées et  défend  le  divorce  par  consentement  mutuel.  Rien 
ne  serait  plus  facile  cependant  à  deux  époux  que  de  divorcer 
de  cette  manière,  si  en  cas  de  défaut  on  n'imposait  pas  la 
preuve  au  demandeur  ;  l'un  des  époux  demanderait  le 
divorce  contre  l'autre,  sous  prétexte  d'une  injure  qui,  en 
réalité,  n'existerait  pas,  et  le  défendeur  faisant  défaut,  le 
divorce  serait  prononcé,  bien  qu'on  ne  se  trouvât  pas  dans 
un  cas  où  la  loi  l'autorise. 

Parfois,  le  demandeur,  au  lieu  d'assigner  un  seul  défen- 
deur, en  appelle  deux  ou  plusieurs  en  justice.  En  pareil 
cas,  le  demandeur  ne  doit  prendre  défaut  contre  aucun 
défendeur,  tant  que  le  délai  le  plus  long  donné  au  défen- 
deur le  plus  éloigné  pour  comparaître  n'est  pas  expiré,  et 
à  ce  moment  si  tous  les  défendeurs  font  défaut,  il  ne  doit 
pourtant  prendre  contre  eux  qu'un  seul  et  même  jugement. 
En  interdisant  ainsi  des  jugements  successifs  et  multiples, 
la  loi  diminue  considérablement  les  frais.  Si  le  demandeur 
ne  tenait  pourtant  pas  compte  de  ces  prescriptions  et  pre- 
nait successivement  ou  à  la  fois  plusieurs  jugements  par 
défaut,  tous  ces  jugements  seraient  néanmoins  valables, 
mais  les  frais  de  ces  décisions,  sauf  une,  resterait  à  la 
charge  du  demandeur  (C.  de  procéd.,  art.  154  et  152). 

La  question  devient  plus  compliquée,  lorsque,  parmi 
les  défendeurs,  les  uns  comparaissent  et  les  autres  font 
défaut.  Si  la  loi  n'avait  pas  soumis  ce  cas  à  des  règles  spé- 
ciales, l'application  du  droit  commun  aurait  conduit  à  la 
solution  suivante  :  l'affaire  se  serait  terminée  par  un  juge- 
ment qui  aurait  été  à  la  fois  contradictoire  vis-à-vis  des 
défendeurs  comparants  et  par  défaut  vis-à-vis  des  défen- 
deurs défaillants.  Or  cette  situation  aurait  été  pleine  de 
périls.  Il  est,  en  effet,  de  principe  que  les  jugements  par 
défaut  sont  susceptibles  d'une  voie  de  recours  spéciale  que 
ne  comportent  pas  les  jugements  contradictoires  ;  cette 
voie  de  recours,  c'est  ï opposition  (V.  ce  mot).  Il 
aurait  donc  fallu  refuser  l'opposition  aux  défendeurs 
comparants  et  l'accorder  aux  défendeurs  défaillants  ;  sur 
l'opposition  de  ces  derniers,  l'affaire  serait  revenue  devant 
le  tribunal,  et  rien  ne  dit  que  celui-ci  n'aurait  pas  alors 
modifié  à  l'égard  des  défaillants  sa  première  décision,  par 
exemple  parce  que  les  opposants  auraient  fait  valoir  des 
moyens  qu'avaient  omis  précédemment  les  défendeurs  com- 
parants. On  arriverait  ainsi  à  une  contrariété  de  jugements 
dans  la  même  affaire.  C'est  ce  que  la  loi  a  voulu  éviter  à 
tout  prix  autant  dans  l'intérêt  des  plaideurs  eux-mêmes 
que  dans  celui  de  la  considération  due  à  la  justice.  Aussi 
pour  le  cas  où  parmi  les  défendeurs  les  uns  comparaissent 
et  les  autres  font  défaut,  faute  de  comparaître,  la  loi 
(art.  153)  veut  que  le  tribunal  rende  un  jugement  spécial 
appelé  jugement  par  défaut  profit  joint.  Dans  ce  juge- 
ment, le  tribunal  se  garde  de  statuer  sur  le  fond  et  d'ac- 
corder au  demandeur  le  profit  du  défaut  ;  il  réserve,  au 


JUGEMENT 


contraire,  ce  profit  et  le  joint  à  la  cause  contradictoire 
des  défendeurs  qui  ont  comparu.  Ce  jugement  se  borne  à 
constater  le  défaut  de  comparution  de  certains  défendeurs 
et  à  ordonner  qu'ils  soient  réassignés  ;  la  loi  craint  en 
effet  que  ces  défendeurs  n'aient  fait  défaut  peut-être  parce 
qu'ils  n'ont  pas  été  touchés  par  la  première  assignation. 
Aussi  prend-on  toutes  les  précautions  nécessaires  pour 
éviter  le  renouvellement  de  ce  danger  ;  la  seconde  assigna- 
tion ne  sera  pas  faite  et  signifiée  comme  la  première  par 
un  huissier  du  choix  du  demandeur,  mais  par  un  huissier 
que  désignera  le  tribunal  lui-même,  en  un  mot  par  un 
huissier  commis.  A  l'expiration  des  délais  de  réassigna- 
tion, si  les  défendeurs  défaillants  continuent  à  faire  défaut, 
comme  il  est  maintenant  certain  qu'ils  ont  connaissance 
de  l'affaire,  on  les  considère  fictivement  comme  comparants 
et  on  les  prive  de  la  voie  de  l'opposition  contre  le  juge- 
ment qui  sera  rendu  sur  le  fond  ;  de  cette  manière,  on  les 
punit  de  leur  mauvais  vouloir  et  en  même  temps  on  rend 
impossible  les  chances  de  contrariété  de  jugements  dans  la 
même  affaire. 

Lorsqu'un  défendeur  a  comparu,  c.-à-d.  a  constitué 
avoué,  il  ne  peut  plus  être  question  de  sa  part  de  défaut 
faute  de  comparaître,  mais  il  peut  encore  faire  défaut 
faute  de  conclure,  soit  que  son  avoué  ne  se  trouve  pas 
présent  à  l'appel  de  la  cause,  soit  que  cet  avoué  déclare 
qu'il  n'a  pas  pouvoir  à  l'effet  de  conclure  à  la  barre  du 
tribunal.  La  loi  est  beaucoup  moins  favorable  au  défendeur 
défaillant  dans  ce  second  cas.  En  effet,  lorsque  le  défen- 
deur fait  défaut  faute  de  comparaître,  on  peut  craindre, 
comme  nous  l'avons  vu,  qu'il  n'ait  pas  été  touché  par 
l'assignation  et  qu'il  n'ait  aucune  faute  à  s'imputer.  Bien 
au  contraire,  le  défendeur  qui  fait  défaut  à  la  barre  du 
tribunal,  après  avoir  constitué  avoué,  a  certainement  connu 
l'affaire,  et  son  défaut,  faute  de  conclure,  peut  n'être  que 
trop  souvent  un  moyen  de  pure  chicane  destiné  à  faire 
traîner  l'afïaire  en  longueur  et  à  augmenter  les  frais.  Aussi 
la  loi  a-t-elle  établi  des  différences  sensibles  entre  le  juge- 
ment par  défaut  faute  de  comparaître,  et  le  jugement  par 
défaut  faute  de  conclure  :  1  °  le  premier  doit  être  exécuté 
par  le  gagnant  dans  les  six  mois  pour  que  le  défendeur 
ne  puisse  pas  être,  au  bout  d'un  temps  plus  ou  moins 
long,  surpris  par  une  décision  relative  à  une  affaire  qu'il 
n'a  jamais  peut-être  connue;  au  bout  de  six  mois,  à  partir 
de  sa  date,  le  jugement  par  défaut,  faute  de  comparaître, 
tombe  de  plein  droit  s'il  n'a  pas  été  exécuté,  tandis  que  le 
jugement  par  défaut,  faute  de  conclure,  peut  être  exécuté, 
suivant  le  droit  commun,  pendant  trente  ans;  2*^  le  défen- 
deur défaillant  peut  faire  opposition  au  jugement  par  dé- 
faut, faute  de  comparaître,  jusqu'au  moment  de  l'exécution 
de  ce  jugement,  tandis  que  l'opposition  au  jugement  par 
défaut,  faute  de  conclure,  n'est  permise  que  pendant  huit 
jours  à  partir  de  la  signification  du  jugement  à  avoué  ; 
3**  les  formes  de  l'opposition  sont  différentes  suivant  qu'il 
s'agit  de  l'un  ou  de  l'autre  de  ces  jugements  (V.  Opposition). 
Nous  ne  nous  sommes  occupés  jusqu'à  présent  que  des 
jugements  par  défaut  rendus  contre  le  défendeur,  mais 
parfois  c'est  le  demandeur  qui  fait  défaut.  De  sa  part,  il  ne 
saurait  y  avoir  défaut,  faute  de  comparaître  :  il  comparaît 
nécessairement  puisqu'il  lance  l'assignation  et  que  dans 
cette  assignation  il  constitue  un  avoué.  Mais  il  peut  arriver 
ensuite  qu'à  l'appel  de  la  cause  à  la  barre  du  tribunal,  il 
ne  conclue  pas  ;  il  y  a  alors  défaut,  faiite  de  conclure  de 
sa  part.  Le  défendeur  peut  demander  au  tribunal  qu'il  lui 
donne-  acte  du  défaut  de  son  adversaire  et  le  renvoie  de 
l'instance  en  mettant  les  frais  à  la  charge  du  défaillant . 
C'est  ce  qu'on  appelle  le  jugement  par  défaut  congés 
précisément  parce  que  le  défendeur  s'est  borné  à  réclamer 
son  congé,  sans  exiger  que  le  fond  du  procès  fût  instruit 
et  jugé.  Mais  c'est  une  question,  encore  aujourd'hui  très 
controversée,  que  celle  de  savoir  si  le  défendeur  ne  peut 
pas  se  montrer  plus  exigeant  et  demander  au  tribunal  qu'il 
juge  le  fond.  Certains  auteurs  le  nient  en  faisant  remar- 
quer que  l'art.  454  ne  reconnaît  pas  ce  droit  au  défendeur 


contre  le  demandeur,  alors  que  l'art.  150  le  reconnaît  au 
demandeur  contre  le  défendeur.  Cette  opinion  est  cependant 
aujourd'hui  très  généralement  repoussée  par  la  majorité 
des  auteurs  qui  appliquent  à  cette  question  le  système  du 
désistement  (V.  ce  mot).  Le  désistement  est  l'offre 
formelle  faite  par  le  demandeur  au  défendeur  d'abandonner 
le  procès  avant  le  jugement,  et  la  loi  déclare  que  ce  désis- 
tement ne  peut  pas  être  imposé  au  défendeur  ;  il  faut  que 
celui-ci  l'accepte  (art.  402).  Or  le  défaut  du  demandeur 
n'est  pas  autre  chose  qu'une  offre  de  désistement  tacite; 
en  ne  répondant  pas  à  l'appel  de  la  cause,  le  demandeur, 
par  son  absence  ou  par  son  silence,  propose  au  défendeur 
d'abandonner  l'affaire.  Dès  lors,  il  est  très  naturel  aussi 
que  le  défendeur  ait,  suivant  les  principes  ordinaires  du 
désistement,  le  choix  entre  deux  partis  :  accepter  ce  désis- 
tement tacite  et  se  borner  à  demander  congé  sans  que 
l'affaire  soit  jugée  au  fond  ;  refuser  le  désistement  tacite 
et  exiger  que  l'affaire  soit  instruite  et  jugée.  Dans  le  pre- 
mier cas,  le  jugement  par  défaut  contre  le  demandeur,  se 
bornant  à  donner  acte  du  défaut  et  congé  au  défendeur,  ne 
jugeant  rien,  n'a  pas  autorité  de  chose  jugée  et  n'est  pas 
susceptible  d'opposition  de  la  part  du  demandeur  défaillant, 
mais  aussi  rien  ne  s'oppose  à  ce  que,  plus  tard,  il  renou- 
velle son  action.  Dans  le  second  cas,  l'affaire  ayant  été 
instruite  et  jugée,  le  jugement  a  autorité  de  chose  jugée  ; 
aussi  le  demandeur  défaillant  peut-il  l'attaquer  par  la  voie 
de  l'opposition  ;  mais  il  est  privé  du  droit  de  renouveler 
son  action,  et,  s'il  voulait  l'intenter  une  seconde  fois,  son 
adversaire  lui  répondrait  par  l'exception  de  chose  jugée. 
Telles  sont  les  règles  fondamentales  des  jugements  par 
défaut  des  tribunaux  d'arrondissement  en  matière  civile. 
Elles  s'appliquent  également  aux  arrêts  par  défaut  des 
cours  d'appel.  Pour  les  matières  commerciales,  il  existe 
quelques  particularités  et  plusieurs  difficultés.  La  question 
controversée  de  savoir  quelle  est  la  nature  du  jugement  par 
défaut  congé  rendu  contre  le  demandeur  y  reparaît  et  com- 
porte la  même  solution.  On  discute  aussi  sur  le  point  de 
savoir  s'il  faut  admettre  ou  repousser,  en  matière  commer- 
ciale, le  jugement  par  défaut  profit  joint,  pour  le  cas  où, 
parmi  les  défendeurs,  les  uns  comparaissent  et  les  autres 
font  défaut.  On  ne  compte  pas  moins  de  trois  solutions  adop- 
tées par  les  auteurs  et  par  les  arrêts  :  la  première  écarte 
l'application  du  jugement  par  défaut  profit  joint  aux  matières 
commerciales  en  se  fondant  sur  le  silence  de  la  loi  ;  la 
seconde,  au  contraire,  étend  ce  jugement  aux  affaires  com- 
merciales, sous  prétexte  d'analogie  et  pour  éviter  les 
chances  de  contrariété  de  jugements  dans  la  même  affaire  ; 
la  troisième  enfin  laisse  un  pouvoir  discrétionnaire  aux 
tribunaux  de  commerce.  On  se  demande  aussi  s'il  y  a,  en 
matière  commerciale,  deux  espèces  de  défauts,  l'un  faute 
de  comparaître,  et  l'autre  faute  de  conclure?  On  a  long- 
temps soutenu  qu'il  n'y  aurait  qu'un  seul  défaut  en  matière 
commerciale,  le  défaut  faute  de  comparaître,  réglé  par 
l'art.  643  du  C.  de  commerce  qui  aurait  abrogé  l'art.  436 
du  C.  de  procéd.  Mais  cette  opinion  est  aujourd'hui  re- 
poussée par  presque  tous  les  auteurs  et  parla  jurisprudence. 
On  reconnaît  que  ces  deux  articles,  loin  de  se  contredire, 
doivent  se  compléter  l'un  par  l'autre  et  qu'il  y  a  ainsi  deux 
sortes  de  défauts  et  deux  sortes  de  jugements  par  défaut 
en  matière  commerciale:  le  jugement  par  défaut  faute  de 
comparaître  qui  devra  être  exécuté  dans  les  six  mois  et  qui 
sera  susceptible  d'opposition  jusqu'à  l'exécution  ;  le  juge- 
ment par  défaut  faute  de  conclure,  qui  pourra  être  exécuté 
pendant  trente  ans  et  contre  lequel  le  défaillant  ne  pourra 
faire  opposition  que  pendant  huit  jours.  Cette  solution  est 
d'ailleurs  conforme  à  la  vérité  des  faits.  Qu'on  suppose, 
par  exemple,  que  le  défendeur,  actionné  devant  un  tribunal 
de  commerce,  soutienne  que  ce  tribunal  est  incompétent  et 
refuse  de  conclure  sur  le  fond  ;  le  tribunal  de  commerce 
lui  donne  tort,  se  déclare  compétent  et  juge  le  procès,  le 
tout  par  un  seul  et  même  jugement.  Dans  ces  circonstances, 
la  partie  du  jugement  relative  à  la  compétence  est  contra- 
dictoire et  la  partie  du  jugement  relative  au  fond  est  mani- 


JUGEMENT 


-  250  - 


festement  par  défaut,  faute  de  couclure,  et  on  ne  saurait 
soutenir  sérieusement  qu'il  y  ait  défaut,  faute  de  compa- 
raître, puisqu'au  contraire  le  défendeur  a  nécessairement 
comparu  pour  contester  la  compétence  du  tribunal.  Si,  au 
contraire,  il  ne  s'était  pas  présenté  en  personne  ou  par 
mandataire,  alors,  mais  alors  seulement,  il  y  aurait  eu  de 
sa  part  défaut  faute  de  comparaître. 

Cette  distinction  des  défauts  en  deux  sortes  étant  con- 
forme à  la  nature  même  des  choses  doit  se  rencontrer 
devant  toutes  les  juridictions  ;  mais,  en  justice  de  paix  et 
devant  les  conseils  de  prud'hommes,  la  procédure  est  si 
simple  qu'on  soumet  tous  les  jugements  par  défaut  aux 
mêmes  règles,  de  sorte  que  la  distinction  des  jugements 
par  défaut  en  deux  classes  n'offre  plus  aucun  intérêt 
pratique. 

Au  point  de  vue  de  l'appel,  les  jugements  sont  en  pre- 
mier ressort,  en  dernier  ressort,  en  premier  et  dernier 
ressort,  selon  qu'ils  sont  rendus  à  charge  d'appel  ou  qu'ils 
sont  rendus  sur  appel  ou  qu'ils  ne  sont  pas  susceptibles 
de  cette  voie  de  recours  (V.  Appel)  . 

Sous  le  rapport  de  leur  objet  les  jugements  sont  avant 
dire  droit  ou  définitifs.  Les  premiers  concernent  llnstruc- 
tion  de  l'affaire  ou  les  mesures  provisoires  qu'il  est  néces- 
saire de  prendre  au  cours  du  procès.  On  distingue  trois 
espèces  de  jugements  d'avant  dire  droit  :  préparatoires, 
interlocutoires,  provisoires.  Le  jugement  préparatoire  est 
celui  qui  ordonne  une  mesure  d'instruction  sans  préjuger 
le  fond  du  procès  ;  tel  est  le  jugement  qui  prescrit  l'ins- 
truction par  écrit  (V.  Instruction  par  écrit).  Lorsque  la 
mesure  d'instruction  ordonnée  par  le  jugement  préjuge  le 
fond,  c.-à-d.  laisse  entrevoir  quelle  sera  probablement 
(mais  non  pas  nécessairement)  la  solution  du  procès,  on 
dit  alors  que  ce  jugement  est  interlocutoire.  Ainsi,  par 
exemple,  si  une  femme  demande  contre  son  mari  la  sépa- 
ration de  corps  pour  cause  d'injures  graves,  conclut  devant 
le  tribunal  à  l'audition  des  témoins  pour  établir  l'existence 
des  injures  et  enfin  si  le  tribunal  rend  un  jugement  qui 
ordonne  une  enquête  pour  recevoir  les  dépositions  des  té- 
moins, on  dira  que  ce  jugement  est  interlocutoire.  En  effet 
il  ordonne  une  mesure  d'instruction  qui  laisse  entrevoir  la 
solution  définitive  ;  il  est  à  peu  près  certain  que  si  les  té- 
moins reconnaissent  l'existence  des  injures,  la  femme  ob- 
tiendra la  séparation  de  corps  :  si  les  juges  avaient  estimé 
que  les  faits  n'étaient  pas  assez  graves  pour  constituer  des 
injures,  ils  n'auraient  certainement  pas  ordonné  l'enquête  ; 
il  y  a  donc  dès  maintenant  un  préjugé  en  faveur  de  la 
femme.  Mais  dans  quelle  mesure  les  juges  sont-ils  eux- 
mêmes  liés  par  le  jugement  interlocutoire  qu'ils  ont  rendu? 
Après  avoir  longtemps  discuté  cette  question,  on  est  au- 
jourd'hui très  généralement  d'accord  en  doctrine  et  en  ju- 
risprudence pour  admettre  les  solutions  suivantes  :  1°  Si 
les  juges  ont  statué  dans  le  jugement  interlocutoire  sur 
une  question  de  droit,  par  exemple  sur  celle  de  l'admis- 
sion ou  du  rejet  de  la  preuve  testimoniale,  sur  ce  premier 
point  l'interlocutoire  lie  les  juges;  ceux-ci  ne  peuvent  donc 
plus  revenir  sur  ce  qu'ils  ont  décidé,  au  risque  de  violer 
le  respect  dû  à  la  chose  jugée  et,  par  exemple,  après  avoir 
décidé  que  la  loi  permet  la  preuve  testimoniale  dans  l'af- 
faire qui  leur  est  soumise,  ils  ne  pourraient  pas  par  un 
second  jugement  se  rétracter  en  affirmant  que  la  loi  défend 
cette  preuve.  2°  Mais  en  tant  qu'il  statue  sur  un  point 
de  fait,  le  jugement  interlocutoire  ne  lie  pas  les  juges  et 
ceux-ci,  après  avoir  laissé  entrevoir  que  les  faits  invoqués 
par  une  partie  sont  pertinents  et  concluants  et  de  nature 
à  lui  faire  gagner  le  procès  s'ils  sont  prouvés,  peuvent 
cependant  se  décider  en  sens  contraire.  Ainsi,  pour  re- 
prendre l'exemple  déjà  donné,  les  juges  qui  ont  ordonné 
une  enquête  en  faveur  de  la  femme  demanderesse  en  sépa- 
ration de  corps  et  qui  ont  montré  qu'à  leur  avis  les  faits 
invoqués  par  la  femme  constituaient  bien  des  injures  graves 
autorisant  une  séparation  de  corps,  peuvent  revenir  ensuite 
sur  cette  impression,  quoique  les  faits  aient  été  prouvés 
dans  l'enquête  tels  que  la  femme  les  invoquait  et  décider 


en  définitive  qu'il  n'y  a  pas  lieu  à  séparation  de  corps.  On 
exprime  cette  idée  dans  la  pratique  en  disant  que  V inter- 
locutoire ne  lie  pas  le  juge.  C'est  que,  en  effet,  aucun 
texte  ne  déclare  le  contraire  et  dans  le  silence  de  la  loi 
il  faut  appliquer  ce  principe  fondamental  de  la  justice  mo- 
derne, suivant  lequel  les  juges  ne  relèvent  que  de  leur 
conscience  et  doivent  se  décider  d'après  leur  intime  con- 
viction. Or  il  peut  très  bien  arriver  que  cette  conviction 
change  au  cours  des  débats.  3**  Par  exception,  il  y  a  un 
cas  dans  lequel  le  jugement  interlocutoire  lie  le  juge, 
parce  que  la  loi  a  eu  soin  de  le  dire,  ce  cas  est  celui  où 
le  tribunal  a,  soit  à  la  demande  de  l'une  des  parties,  soit 
d'ofiice,  déféré  le  serment  à  l'un  des  plaideurs.  La  loi  vou- 
lant que  la  partie  à  laquelle  le  serment  a  été  déféré  gagne 
ou  perde  le  procès,  suivant  qu'elle  prête  ou  refuse  de  prê- 
ter le  serment,  il  faut  bien  aussi  que  le  tribunal,  quelle 
que  soit  sa  conviction,  rende  le  jugement  à  son  profit  dans 
le  premier  cas  et  contre  elle  dans  le  second.  Mais,  sauf  ce 
cas,  l'interlocutoire  ne  lie  pas  le  juge  sur  le  point  de  fait. 
Cependant  comme  il  permet  d'entrevoir  quelle  sera  proba- 
blement l'issue  du  procès,  par  cela  même  il  nuit  déjà  à  l'un 
des  plaideurs,  aussi  la  loi  permet-elle  à  ce  plaideur  d'ap- 
peller  du  jugement  interlocutoire  au  cours  même  du  procès 
et  avant  que  le  jugement  sur  le  fond  soit  rendu.  Au  con- 
traire, le  jugement  préparatoire  ne  préjugeant  pas  le  fond, 
ne  nuit,  à  vrai  dire,  à  aucun  des  plaideurs  et  on  ne  peut 
le  critiquer  que  pour  vice  de  forme,  par  exemple  pour 
omission  des  noms  des  juges  ou  de  la  date.  Mais  si  la  loi  avait 
permis  d'en  appeler  pour  une  de  ces  raisons  au  cours  même 
du  procès,  elle  aurait  en  réalité  ouvert  la  porte  aux  mauvaises 
chicanes.  Aussi  a-t-elle  eu  soin  de  décider  qu'on  ne  pourra 
jamais  appeler  d'un  jugement  préparatoire,  tant  que  le  ju- 
gement sur  le  fond  ne  sera  pas  rendu  et  même  après  ce  moment 
il  faut  aussi  attaquer  le  jugement  sur  le  fond  pour  pou- 
voir appeler  du  préparatoire.  On  voit  par  ces  explications 
combien  il  est  important  de  savoir  si  un  jugement  est  pré- 
paratoire ou  interlocutoire,  et  dans  la  pratique  la  question 
sera  parfois  assez  délicate  à  résoudre,  car  la  même  mesure 
d'instruction  peut,  suivant  les  circonstances,  préjuger  ou  ne 
pas  préjuger  le  fond  ;  dans  le  premier  cas  le  jugement  qui 
ordonne  cette  mesure  d'instruction  sera  interlocutoire  ; 
dans  le  second  cas,  il  sera  préparatoire.  Qu'on  suppose 
par  exemple  un  demandeur  qui  réclame  des  dommages- 
intérêts  pour  un  préjudice  injustement  souffert:  si  le  défen- 
deur soutient  que  le  préjudice  n'existe  pas  et  si  le  tribunal 
rend  un  jugement  qui  ordonne  une  expertise,  ce  jugement 
sera  manifestement  interlocutoire.  Mais,  si  le  défendeur  se 
borne  à  plaider  sur  le  montant  des  dommages-intérêts  le 
jugement  d'expertise  deviendra  purement  préparatoire  (V. 
G.  de  procéd.,  art.  451  et  452). 

Le  jugement  provisoire  est  celui  qui  ordonne  une  mesure 
pour  la  durée  du  procès  et  dans  l'intérêt  de  l'un  des  plai- 
deurs à  l'effet  de  le  mettre  à  l'abri  d'un  danger  dont  ce 
procès  la  menace.  Tel  est  le  jugement  qui  alloue  à  la  femme 
une  provision  alimentaire  que  lui  payera  son  mari  pendant 
le  cours  de  l'instance  en  séparation  de  corps  ou  en  divorce; 
tel  est  encore  le  jugement  qui  ordonne  la  mise  en  séquestre 
de  l'immeuble  litigieux  pour  empêcher  le  défendeur  d'abu- 
ser de  sa  possession  pendant  la  durée  du  litige.  Au  point 
de  vue  de  l'appel,  le  jugement  provisoire  est  soumis  aux 
mêmes  règles  que  le  jugement  interlocutoire. 

Aux  jugements  d'avant  dire  droit  on  oppose  les  juge- 
ments définitifs.  Cette  dernière  expression  comprend  d'abord 
des  jugements  sur  le  fond  du  procès,  ensuite  et  aussi  tous 
les  jugements  rendus  au  cours  de  l'instance  qui  ne  sont 
pas  relatifs  à  une  mesure  d'instruction  ou  à  une  mesure  pro- 
visoire; tels  sont  les  jugements  rendus  sur  les  exceptions, 
sur  les  incidents  relatifs  au  fond  de  Taffaire,  sur  les  inci- 
dents qui  ont  leur  cause  dans  le  tribunal,  sur  ceux  qui  se 
rapportent  à  l'interruption  ou  à  l'extinction  de  l'instance . 

Sous  le  rapport  de  la  juridiction  exercée  par  les  juges, 
on  dit  que  les  jugements  sont  de  juridiction  gracieuse  ou 
de  juridiction  contentieuse  (V.  Juridiction). 


—  254 


JUGEMENT 


Avant  de  rendre  un  jugement,  les  juges  doivent  délibérer 
sur  la  question  qu'ils  sont  appelés  à  trancher  et  procéder 
au  vote.  La  loi  reconnaît  quatre  modes  de  délibération 
(G.  de  procéd.,  art.  93,  94,  116).  Si  l'affaire  est  très 
simple,  les  juges  délibèrent  à  l'audience  même,  et  rendent 
le  jugement  sur-le-champ.  Ils  peuvent,  s'ils  préfèrent,  sus- 
pendre l'audience  et  se  retirer  dans  la  chambre  du  conseil 
pour  y  recueillir  les  avis.  Si  l'affaire  demande  plus  longue 
réflexion,  ils  renverront  à  un  autre  jour  pour  le  prononcé 
du  jugement.  Enfin,  si  la  délibération  paraît  de  nature  à 
soulever  des  difficultés,  le  tribunal  peut  rendre  un  juge- 
ment préparatoire  qui  ordonne  un  délibéré  sur  rapport  ;  ce 
jugement  nomme  un  rapporteur,  et  le  travail  de  ce  magis- 
trat servira  plus  tard  de  base  à  la  délibération.  Ce  rapport 
est  en  général  facultatif  de  la  part  du  tribunal  ;  mais,  ce- 
pendant, dans  certains  cas,  la  loi  le  lui  impose.  Dans  tous 
les  cas,  la  délibération  du  tribunal  a  lieu  en  secret,  tandis 
que  les  débats  sont  en  général  publics.  On  avait  essayé 
d'établir  aussi  la  publicité  des  délibérations  par  le  dé- 
cret du  ^16  juin  1793;  mais  cette  innovation  fut  la 
cause  de  tels  scandales,  qu'il  fallut  y  renoncer.  C'est  le 
président  du  tribunal  qui  dirige  la  délibération,  détermine 
les  questions  et  les  pose  à  ses  collègues.  Aucune  surprise 
n'est  d'ailleurs  à  craindre,  car  les  juges,  comme  nous  le 
verrons  bientôt,  sont  tenus  de  motiver  leur  jugement.  Les 
juges  votent  d'après  la  date  de  leur  nomination,  en  com- 
mençant par  le  dernier  nommé  (décr.  du  30  mars  1808, 
art.  35).  11  faut  la  présence  de  trois  juges  au  moins 
pour  qu'un  jugement  puisse  être  valablement  rendu  par 
un  tribunal  d'arrondissement  ou  par  un  tribunal  de  com- 
merce, de  cinq  conseillers  au  moins  s'il  s'agit  d'un  arrêt 
d'une  cour  d'appel.  Depuis  la  loi  du  30  août  1883  les 
juges  doivent  toujours  siéger  ou  plus  exactement  délibérer 
et  voter  en  nombre  impair.  Grâce  à  cette  précaution  les 
partages  sont  devenus  sinon  impossibles,  du  moins  très 
rares.  On  admet  dans  la  pratique  que  malgré  cette  inno- 
vation les  juges  ont  encore  le  droit  d'instruire  l'affaire  à 
l'audience  en  nombre  pair.  Il  peut  être  utile,  en  effet, 
dans  les  affaires  qui  exigent  un  certain  nombre  d'audiences 
de  siéger  à  quatre,  pour  le  cas  où  l'un  des  juges  se  trouve- 
rait empêché  au  cours  de  l'instruction  et  serait  obligé  de 
se  retirer,  par  exemple  pour  cause  de  maladie  ;  le  tribunal 
n'en  serait  pas  moins  encore  au  complet  et  pourrait  con- 
tinuer l'instruction,  tandis  que  s'il  avait  dès  le  début  été  com- 
posé de  trois  juges  seulement,  il  faudrait  maintenant  en 
appeler  un  nouveau  pour  le  compléter,  et  on  serait  obligé 
de  recommencer  toute  l'instruction,  ce  qui  serait  une  cause 
de  retard  et  de  frais  considérables  pour  les  plaideurs.  Toutefois 
lorsque  les  juges  ont  siégé  en  nombre  pair  jusqu'à  la  clôture 
des  débats,  alors  à  ce  moment  le  dernier  nommé,  au  lieu  de 
prendre  part  à  la  délibération  et  au  vote,  se  retire  et  ainsi 
est  observée  la  loi  du  30  août  1883.  Les  juges  suppléants 
ne  siègent  avec  voix  délibératives  et  ne  votent  qu'autant 
qu'ils  remplacent  des  juges  titulaires.  Lorsque,  en  effet, 
un  juge  est  empêché  de  siéger,  on  appelle  pour  le  remplacer 
un  autre  juge;  à  son  défaut,  un  juge  suppléant;  à  son 
défaut,  un  avocat;  à  son  défaut,  un  avoué,  tous  dans 
l'ordre  du  tableau  et  de  leur  ancienneté.  La  loi  ne  laisse 
pas  au  tribunal  la  liberté  du  choix  pour  qu'il  ne  puisse 
pas  être  accusé  de  partialité,  et  elle  veut  que  le  tribunal 
dans  le  jugement  constate  son  observation  (décr.  du 
30  mars  1808,  art.  49).  Pour  qu'un  juge  puisse  prendre 
part  à  la  délibération  et  au  vote,  il  faut  qu'il  ait  assisté 
à  toutes  les  audiences  consacrées  à  l'affaire  ;  c'est  précisé- 
ment pour  ce  motif  qu'on  a  soin  dans  les  procès  d'une 
certaine  longueur  de  ne  pas  siéger  au  nombre  minimum 
de  trois.  Le  procès  est  gagné  par  celui  qui  obtient  l'una- 
nimité des  voix  ou  la  majorité  absolue,  c.-à-d.  la  moitié 
des  voix  plus  une,  par  exemple  deux  contre  une  ou  trois 
contre  deux.  Dans  des  cas  assez  rares  et  bien  que  les  juges 
soient  obligés  de  délibérer  en  nombre  impair,  on  ne  peut 
pas  obtenir  la  majorité  absolue.  Pour  sortir  les  juges  d'em- 
barras, la  loi  distingue  dem  cas  :  d'une  part  celui  oti  deux 


ou  plusieurs  opinions  ont  obtenu  une  majorité  relative  ; 
d'autre  part,  celui  oti  il  n'y  a  même  pas  deux  opinions 
avec  majorité  relative.  Dans  le  premier  cas  les  juges  les 
plus  faibles  en  nombre  sont  tenus,  après  un  second  tour  de 
scrutin  resté  sans  résultat,  de  se  joindre  à  l'une  des  opi- 
nions qui  ont  obtenu  majorité  relative.  Exemple  :  trois 
plaideurs,  Primus,  Secundus,  Tertius  se  disputaient  la 
propriété  d'un  immeuble  et  le  tribunal  était  composé  de 
cinq  juges  ;  deux  se  sont  prononcés  en  faveur  de  Primus, 
deux  ont  voté  pour  Secundus,  une  voix  a  été  obtenue  par 
Tertius  ;  dans  ces  circonstances  Primus  et  Secundus  ayant 
obtenu  chacun  une  majorité  relative,  le  juge  qui  a  été  seul 
de  son  avis  et  qui  s'était  prononcé  pour  Tertius  est  obligé 
d'opter  entre  Primus  et  Secundus  et  par  son  adjonction  il 
donne  la  majorité  absolue  à  ce  plaideur  qui  gagne  le  pro- 
cès (C.  de  procéd.,  art.  117).  Pour  que  cette  hypothèse 
puisse  se  réaliser,  il  faut  nécessairement  que  le  tribunal  se 
compose  de  cinq  juges  au  moins.  S'il  ne  comprend  que 
trois  juges  on  obtient  ou  bien  l'unanimité  ou  bien  la  ma- 
jorité absolue  de  deux  voix  contre  une  ou  enfin  trois  voix 
isolées.  Dans  les  deux  premiers  cas  le  procès  est  terminé  ; 
dans  le  troisième  cas  il  y  a  partage,  et  pour  le  vider  il  faut, 
d'après  l'art.  118  du  C.  de  procéd.,  appeler  un  nouveau 
juge  pour  le  vider;  à  défaut  déjuge  disponible,  un  suppléant; 
à  défaut  de  suppléant,  un  avocat  ;  à  défaut  d'avocat,  un 
avoué,  tous  selon  l'ordre  du  tableau.  Cette  disposition  du 
code  de  procédure  a  été  modifiée  sous  un  certain  rapport 
par  la  loi  du  30  août  1883  qui  défend  aux  tribunaux  de 
siéger  en  nombre  pair;  si  l'on  n'appelait  pour  vider  le  par- 
tage qu'un  juge,  un  suppléant,  un  avocat,  un  avoué  qui 
se  joindrait  aux  trois  juges  ayant  déjà  siégé,  le  tribunal  se 
composerait  de  quatre  juges.  Il  faut  donc  appeler  depuis 
1883  deux  suppléants,  etc.  Le  tribunal  se  trouve  ainsi 
composé  d'un  nombre  impair  de  magistrats. 

Une  fois  le  jugement  arrêté,  il  doit  être  prononcé  en 
audience  publique  et  il  sera  toujours  très  prudent  de  se 
hâter  de  remplir  cette  formalité,  car  la  majorité  absolue 
doit  exister,  non  pas  seulement  au  moment  du  vote,  mais 
encore  et  aussi  au  moment  du  prononcé  du  jugement.  Or 
elle  peut  disparaître  si  un  des  juges  vient  à  décéder  entre 
le  vote  et  le  prononcé  à  l'audience  et  tout  est  alors  à  re- 
commencer. On  évite  ce  danger  en  prononçant  le  jugement 
immédiatement  après  le  vote. 

Tout  jugement  d'un  tribunal  d'arrondissement  se  com- 
pose de  deux  parties,  la  minute  et  les  qualités.  La  minute 
contient  :  la  désignation  des  parties,  celle  des  avoués,  les 
noms  des  juges,  celui  du  procureur  de  la  République  s'il  a 
été  entendu,  les  motifs  et  le  dispositif  (C.  de  procéd., 
art.  141.  On  mentionne  aussi  la  publicité  des  débats  etdu 
jugement  (loi  du  20  avr.  1810,  art.  7).  Il  résulte  de  di- 
verses dispositions  que  la  minute  doit  être  également  datée. 
Cette  minute  s'appelle  aussi  feuille  d'audience,  et  la  loi 
veut  qu'à  l'issue  de  Taudience  ou  dans  les  vingt-quatre 
heures  qui  suivent  elle  doit  être  signée  par  le  président  du 
tribunal  et  par  le  greffier.  Si  le  greffier  se  trouve  par  une 
cause  quelconque  dans  l'impossibilité  de  signer,  il  suffit 
que  le  président  en  signant  fasse  mention  de  cette  cir- 
constance ;  mais  si  c'est  le  président  qui  ne  peut  pas  signer, 
alors  il  faut  que  dans  les  vingt-quatre  heures  suivantes 
cette  formalité  soit  remplie  par  le  plus  ancien  des  juges 
qui  ont  connu  de  l'afiaire.  Si  les  feuilles  d'une  ou  plusieurs 
audiences  n'avaient  pas  été  signées  dans  les  délais  prescrits, 
aucun  membre  du  tribunal  n'aurait  plus  le  droit  de  rem- 
plir cette  formalité.  La  loi  prend  des  précautions,  car  elle 
craint  qu'on  ne  prenne  pour  un  jugement  ce  qui  n'est 
qu'un  projet  de  jugement.  Elle  veut  qu'on  en  réfère  à  la 
première  chambre  civile  de  la  cour  d'appel,  laquelle,  sui- 
vant les  circonstances,  et  sur  les  conclusions  du  procureur 
général,  autorisera  ou  non  un  des  juges  de  l'affaire  à  poser 
sa  signature  (décr.  du  30  mars  1808,  art.  36,  37,  38). 

Des  différentes  parties  de  la  minute,  les  deux  men- 
tions les  plus  importantes  sont  sans  contredit  les  mo- 
tifs et  le  dispositif.  Autrefois,  les  juges  ne  motiviiient  pas 


JUGEMENT 


252  — 


leur  décision,  c.-à-d.  ne  faisaient  pas  connaître  les  raisons 
de  droit  ou  de  fait  pour  lesquelles  ils  avaient  donné  gain 
de  cause  à  l'un  des  plaideurs.  On  se  plaignait  amèrement 
de  cette  insuffisance  des  jugements  ;  on  disait,  avec  rai- 
son, qu'il  ne  suffit  pas  que  les  juges  soient  justes,  il  faut 
encore  qu'ils  le  montrent.  Aussi  la  loi  des  16-24  août  1790 
(titre  5,  art.  5)  a-t-elle  obligé  les  juges  à  motiver  leurs 
jugements  à  peine  de  nullité,  et  cette  disposition  a  passé 
dans  l'art.  7  de  la  loi  du  20  avr.  1810.  Pour  que  les  juges 
puissent  se  dispenser  de  motiver  en  jugement,  il  faut  que 
la  loi  les  y  autorise.  C'est  ce  qui  a  lieu  dans  certains  cas 
et  par  des  raisons  particulières,  notamment  pour  les  ju- 
gements d'adjudication  qui  sont  plutôt  des  actes  judicaires 
que  de  véritables  jugements,  pour  les  jugements  qui  ho- 
mologuent ou  refusent  d'homologuer  une  adoption.  Il  ne 
suffit  même  pas  que  les  motifs  existent  en  apparence  seu- 
lement, il  faut  encore  qu'ils  soient  sérieux.  Ainsi  on  ne 
considère  pas  comme  motifs  valables  ceux  qui  constituent 
une  véritable  pétition  de  principe,  tels  que  les  suivants  : 
attendu  que  la  prétention  de  la  partie  n'est  pas  fondée, 
attendu  que  la  prescription  n'est  pas  accomplie.  Dans  ces 
circonstances  et  d'autres  semblables  les  juges  ne  font  que 
répéter  leur  solution  au  lieu  de  la  motiver.  Il  s'est  intro- 
duit dans  les  cours  d'appel  une  pratique  vicieuse  qui  est 
la  cause  de  fréquentes  nullités,  celle  de  dire,  en  confir- 
mant la  décision  attaquée  :  adoptant  les  motifs  des  pre- 
miers juges.  Cette  formule  est  inexacte  si  la  décision 
des  premiers  juges  repose  sur  des  faits  qui  ne  se  sont  pas 
reproduits  en  instance  d'appel,  par  exemple  sur  des  expli- 
cations données  à  l'audience  par  les  parties  qui  n'ont  plus 
été  appelées  devant  les  juges  du  second  degré.  De  même 
encore  il  se  produit  parfois  en  cause  d'appel  des  demandes 
nouvelles,  c.-à-d.  des  prétentions  qui  n'ont  pas  été  sou- 
mises aux  juges  du  premier  degré  (sur  les  cas  dans  les- 
quels ces  demandes  nouvelles  sont  permises,  V.  Appel)  et 
dans  ces  circonstances  la  formule  :  adoptant  les  motifs 
des  premiers  juges  est  encore  insuffisante,  puisqu'elle 
ne  peut  pas  s'appliquer  à  ces  demandes  nouvelles. 

Le  dispositif  est  la  partie  de  la  minute  dans  laquelle  le 
tribunal  condamne  ou  absout  le  défendeur  ;  elle  varie  à 
l'infini,  suivant  les  circonstances  du  procès  et  la  nature 
du  droit  invoquée  par  le  demandeur,  droit  réel,  droit  per- 
sonnel, question  d'état,  etc.  Indépendamment  de  la  con- 
damnation principale,  le  jugement  contient  aussi  souvent 
des  dispositions  accessoires;  condamnations  à  des  dommages- 
intérêts  ou  à  des  restitutions  de  fruit  (C.  de  procéd., 
art.  128  et  129);  condamnation  aux  dépens  (C.  de  procéd., 
art.  130  à  134);  bénéfice  de  l'exécution  provisoire,  c.-à-d. 
nonobstant  opposition  ou  appel  au  profit  du  gagnant.  Ce- 
lui-ci obtiendra  aussi  le  bénéfice  de  la  contrainte  par  corps 
dans  les  cas  particuliers  où  elle  est  encore  aujourd'hui 
autorisée  par  la  loi.  Parfois  le  tribunal  accordera  au  débi- 
teur, s'il  est  malheureux  et  de  bonne  foi,  soit  d'office,  soit 
sur  sa  demande  un  terme  de  grâce  (C.  de  procéd.,  art. 
122  et  suiv.  —  V.  Contrainte  par  corps,  Délai,  Exécu- 
tion, Frais  et  dépens). 

Les  qualités,  seconde  partie  du  jugement,  ne  sont  plus 
l'œuvre  des  juges,  mais  sont  rédigées  par  les  avoués.  Elles 
comprennent  :  la  désignation  des  plaideurs,  l'indication  des 
avoués,  les  conclusions  sur  lesquelles  on  a  plaidé,  le 
point  de  fait  et  le  point  de  droit  (C.  de  procéd.,  art.  142). 
La  loi  a  pensé  que,  cette  partie  du  jugement  étant  une 
sorte  de  procès-verbal  de  constat  destiné  à  faire  connaître 
l'ensemble  de  la  procédure,  les  avoués  la  rédigeraient  mieux 
que  les  juges.  C'est  un  point  de  vue  très  contestable.  En 
outre  cette  rédaction  des  avoués  cause  aux  parties  des 
frais  qui  leur  seraient  évités  si  elle  était  faite  par  les  juges. 
La  loi  offre  d'abord  la  rédaction  des  qualités  à  l'avoué  du 
gagnant,  mais  s'il  néglige  de  la  faire,  l'avoué  du  perdant 
peut  prendre  l'initiative.  Dans  tous  les  cas  celui  qui  a  pré- 
paré le  projet  doit  le  communiquer  à  son  confrère.  Si  celui- 
ci  ne  l'accepte  pas,  il  y,  fait  opposition  entre  les  mains  de 
rjiuissier  qui  le  lui  a  signifié,  et  il  est  statué  sur  cette 


opposition  par  le  magistrat  qui  a  présidé  l'affaire  au  moyen 
d'une  ordonnance  qui  règle  définitivement  les  qualités 
(V.  pour  les  détails  C.  de  procéd.,  art.  J44  et  145;  se- 
cond décret  du  16  févr.  1807  sur  la  hquidation  des  dépens, 
art.  7  et  8).  Les  qualités  ainsi  définitivement  arrêtées 
vont  rejoindre  la  minute  au  greffe  et  le  jugement  se  trouve 
alors  complet.  Lorsqu'on  n'a  pas  observé  pour  la  rédaction 
d'un  jugement,  soit  dans  la  minute,  soit  dans  les  qualités 
une  des  formahtés  prescrites  par  la  loi  le  jugement  est-il 
nécessairement  nul  pour  vice  de  forme  ?  Le  législateur  n'a 
répondu  à  cette  importante  question  que  d'une  manière  in- 
directe et  pour  quatre  cas  dans  l'art.  7  du  20  avr.  1810. 
D'après  cet  art.  7  le  jugement  sera  nul  :  s'il  n'a  pas  été 
rendu  par  le  nombre  de  juges  que  la  loi  prescrit  ;  si  un  ou 
plusieurs  des  juges  n'ont  pas  assisté  à  toutes  les  audiences 
de  la  cause  ;  si  le  jugement  n'a  pas  été  rendu  publiquement  ; 
s'il  n'est  pas  motivé  ou  s'il  ne  l'est  pas  suffisamment.  Mais 
que  décider  dans  les  autres  cas?  Après  d'assez  longues 
controverses  on  est  arrivé  à  reconnaître,  en  doctrine  et  en 
jurisprudence,  qu'il  faut  distinguer  entre  les  formalités 
substantielles  et  les  formalités  accessoires  ;  les  premières 
donnent  au  jugement  sa  nature  telle  que  la  loi  l'a  organisée  ; 
les  secondes  ne  font  que  compléter  le  jugement.  En  consé- 
quence, l'omission  d'une  formalité  substantielle  entraî- 
nera nullité  du  jugement,  tandis  que  celle  d'une  formalité 
accessoire  ne  produira  pas  cet  effet.  Mais  de  nouvelles  dif- 
ficultés surgissent  lorsqu'il  s'agit  de  savoir  si  telle  forma- 
lité est  essentielle  ou  secondaire.  On  considère  généralement 
comme  essentielles  et  prescrites  à  peine  de  nullité  les 
mentions  suivantes:  l'indication  des  juges  ;  celle  du  minis- 
tère public  si  la  loi  veut  qu'il  donne  ses  conclusions  ;  celle 
des  avoués  ;  celle  des  parties  ;  les  conclusions  ;  le  point  de 
fait  et  le  point  de  droit;  le  dispositif;  la  date.  On  met  au 
contraire  parmi  les  mentions  accessoires  l'indication  du 
ministère  public  si  la  loi  n'exige  pas  qu'il  donne  ses  con- 
clusions, celle  du  greffier,  une  des  mentions  relatives  à 
l'un  des  plaideurs  si  les  autres  indications  contenues  dans 
le  jugement  ne  laissent  aucun  doute  sur  son  identité.  Une 
disposition  spéciale  du  2  thermidor  an  II  veut  que  tous  les 
jugements  soient  écrits  en  langue  française,  sous  peine 
d'un  emprisonnement  de  six  mois  pour  les  magistrats. 
Mais  cette  loi  n'ayant  pas  ajouté  qu'en  outre  le  jugement 
serait  nul,  certains  arrêts  se  sont  prononcés  pour  la  vali- 
dité du  jugement,  tandis  que  d'autres  ont  admis  cette 
nullité,  avec  raison,  selon  nous,  en  faisant  remarquer  qu'il 
s'agit  là  d'une  disposition  d'ordre  public  et  que,  pour  ce 
motif  et  suivant  le  droit  commun,  elle  doit  avoir  pour 
sanction  la  nullité.  Quoi  qu'il  en  soit,  dans  tous  les  cas  où 
un  jugement  est  nul  pour  vice  de  forme,  cette  nullité  est 
obtenue  au  moyen  des  voies  de  recours  que  la  loi  met  à 
la  disposition  des  plaideurs  (V.  Appel,  Cassation,  Re- 
quête civile). 

Une  fois  le  jugement  rendu,  tout  n'est  pas  encore  fini  pour 
le  gagnant,  si  le  perdant  ne  veut  pas  exécuter  spontanément. 
Le  gagnant  est  obligé  en  effet  de  recourir  alors  à  l'exé- 
cution forcée.  Mais,  avant  de  pouvoir  exercer  ce  droit,  il 
faut  qu'il  lève  le  jugement  et  le  signifie  à  son  adversaire. 
Il  y  a  plus  :  fort  souvent  l'exécution  sera  arrêtée  après  la 
signification  par  l'opposition  que  formera  ou  l'appel  qu'in- 
terjettera le  perdant,  car  ces  deux  voies  de  recours,  l'oppo- 
sition et  l'appel,  à  la  différence  de  la  requête  civile  et  du 
pourvoi  en  cassation,  sont  suspensives  de  l'exécution. 

Lever  le  jugement,  c'est  s'en  procurer  une  expédition. 
Il  y  a  deux  sortes  d'expéditions  délivrées  parles  greffiers: 
les  expéditions  simples  que  le  greffier  doit  donner  à  tout 
requérant,  moyennant  un  droit  modique,  car  les  greffes 
sont  publics  comme  les  bureaux  des  officiers  de  l'état  civil 
et  à  la  différence  des  offices  des  notaires  ;  les  grosses  ou 
expéditions  revêtues  de  la  formule  exécutoire  et  qui  ne 
peuvent  être  délivrées  qu'aux  parties  au  procès.  Chaque 
partie  n'a  même  droit  qu'à  une  grosse,  et,  si  elle  vient  à  la 
perdre,  il  lui  faut,  pour  en  obtenir  une  seconde,  se  sou- 
mettre à  une  certaine  procédure  et  obtenir  la  permission 


253 


JUGEMENT 


du  président  du  tribunal  (G.  deprocéd.,  art.  8o3  et  8d4). 
La  grosse  est  ainsi  appelée,  tout  simplement  parce  qu'elle 
est  écrite  en  gros  caractères.  Ce  qui  la  rend  tout  particu- 
lièrement importante,  c'est  qu'elle  est  revêtue  de  la  for- 
mule exécutoire  qui  permet  de  recourir  à  la  force  armée 
pour  obtenir  l'exécution  (G.  de  procéd.,  art.  446,  et  décr. 
du  2  sept.  1871,  art.  2). 

Une  fois  que  le  gagnant  est  en  possession  de  sa  grosse, 
il  faut  encore,  avant  de  recourir  à  l'exécution  forcée,  qu'il 
signifie  le  jugement,  c.-à-d.  qu'il  le  porte  officiellement, 
et  par  ministère  d'huissier,  à  la  connaissance  de  son  ad- 
versaire ou  de  l'avoué  de  cet  adversaire.  S'il  exécutait  le 
jugement  avant  cette  signification,  les  actes  d'exécution 
seraient  nuls.  Mais  le  gagnant  peut  faire  tous  les  actes 
simplement  conservatoires  sans  aucune  signification  préa- 
lable. La  signification  est  également  exigée  pour  faire 
courir  les  délais  des  voies  de  recours.  Mais  nous  n'avons 
pas  à  nous  occuper  ici  de  cette  seconde  signification  (V.  Ap- 
pel, Cassation,  Opposition,  Requête  civile),  et  nous  ne 
parlerons  que  de  la  signification  qui  est  le  préliminaire  de 
l'exécution.  En  principe,  la  signification  à  avoué  suffit  pour 
les  jugements  préparatoires  et  pour  les  jugements  interlocu- 
toires. Quant  aux  jugements  définitifs  ou  provisoires,  la  loi 
fait  une  distinction  :  la  signification  à  l'avoué  suffitencore  si  ces 
jugements  ne  contiennent  pas  de  condamnation,  mais,  dans  le 
cas  contraire,  la  loi  impose  deux  significations,  la  première  à 
l'avoué,  la  seconde  à  la  partie,  et  il  faut  même  indiquer  dans 
la  seconde  que  la  première  a  eu  lieu.  Si  le  gagnant  exécutait 
le  jugement  sans  avoir  fait  l'une  ou  l'autre  de  ces  deux  signifi- 
cations, il  y  aurait  nullité,  non  pas  de  jugement,  mais  des 
actes  d'exécution.  Toutefois,  la  mention  dans  la  signification 
à  la  partie  que  le  jugement  a  été  précédemment  signifié  à 
son  avoué  étant  purement  accessoire,  il  n'y  aurait  aucune 
nullité  si  elle  avait  été  omise  (C.  de  procéd.,  art.  147). 
Si  l'avoué  du  perdant  avait  cessé  ses  fonctions  au  moment 
de  la  signification,  alors  le  j ugement  ne  pourrait  être  signifié 
qu'à  la  partie;  mais  on  ferait  mention  dans  cette  significa- 
tion de  la  cessation  des  fonctions  de  l'avoué.  La  loi  permet 
d'exécuter,  même  sur  minute,  les  ordonnances  de  référé  et 
les  jugements  des  juges  de  paix,  s'il  y  a  péril  en  la  de- 
meure, de  sorte  que,  dans  ces  circonstances,  la  loi  supprime 
à  la  fois  la  levée  et  la  signification  de  la  décision  (G.  de 
procéd.,  art.  811,  et  loi  du  25  mai  1838,  art.  12). 
Mais  la  loi  n'ayant  rien  dit  des  jugements  des  tribunaux 
civils  d'arrondissement,  il  ne  semble  pas  que  ces  jugements 
puissent  être  exécutés  sur  minute,  malgré  l'opinion  con- 
traire de  certains  auteurs,  car  les  dispositions  exception- 
nelles ne  doivent  jamais  comporter  extension. 

Par  cela  même  qu'il  termine  le  procès,  le  jugement  a 
pour  effet  de  dessaisir  le  juge;  aussi  celui-ci  ne  peut-il 
plus,  sous  aucun  prétexte,  connaître  de  l'affaire,  ni  même 
compléter  son  jugement  par  un  second  qui,  par  exemple, 
pour  réparer  une  omission,  accorderait  au  débiteur  un 
terme  de  grâce  ou  au  créancier  le  bénéfice  de  l'exécution 
provisoire.  Sans  doute,  si  le  jugement  contient  une  clause 
obscure,  les  parties  peuvent  s'adresser  au  tribunal  pour 
obtenir  jugement  interprétatif,  mais  le  tribunal  ne  saurait, 
sous  prétexte  d'interprétation,  revenir,  en  totalité  ou  en 
partie,  sur  la  décision  qu'il  a  rendue  précédemment.  Le 
jugement,  étant  un  acte  authentique,  fait  foi  de  ce  qu'il 
contient  jusqu'à  inscription  de  faux  et,  par  exemple,  si  le 
perdant  soutient  devant  la  cour  d'appel  ou  devant  la  cour 
de  cassation  que  le  jugement  écrit  n'est  pas  semblable  au 
jugement  prononcé  verbalement  à  l'audience,  que  les  juges 
ont  modifié  le  dispositif,  qu'ils  ont  ajouté  des  motifs  pour 
couvrir  une  irrégularité,  il  devra  faire  cette  preuve  en 
s'engageant  dans  la  procédure  difficile  et  compliquée  de 
l'inscription  de  faux.  Tout  jugement  statuant  sur  un  diffé- 
rend a  aussi  autorité  de  chose  jugée,  dès  le  moment  oîi  il 
est  rendu;  s'il  n'est  pas  ou  s'il  n'est  plus  susceptible  des 
voies  de  recours  ordinaires,  l'opposition  ou  l'appel,  on  dit 
qu'il  passe  en  force  de  chose  jugée;  enfin  il  devient  irré- 
vocable à  partir  du  moment  oti  il  n'est  plus  susceptible 


d'aucune  voie  de  recours.  L'autorité  de  la  chose  jugée 
s'oppose  à  ce  que  le  même  procès  renaisse  entre  les 
mêmes  parties  ou  ceux  qu'elles  ont  représentés,  soit  devant 
le  tribunal  qui  a  déjà  statué,  soit  devant  toute  autre  juridic- 
tion.. Si  l'une  des  parties  voulait  recommencer  le  procès, 
l'autre  la  repousserait  en  invoquant  l'exception  de  chose 
jugée.  Si  une  partie  n'avait  pas  connaissance  du  juge- 
ment précédemment  rendu  (c'est  par  exemple  l'héritier  du 
défendeur  originaire),  il  pourrait  arriver  qu'un  second 
procès  identique  au  premier  s'engageât  de  nouveau.  Mais 
dans  le  cas  où  le  second  jugement  serait  en  sens  contraire 
du  premier,  la  partie  qui  avait  gagné  la  première  fois  et 
et  qui  a  succombé  ensuite,  pourrait  attaquer  le  second  juge- 
ment: par  la  voie  de  l'appel,  en  supposant  qu'il  ait  été  rendu 
en  premier  ressort  ;  s'il  avait  été  rendu  en  dernier  ressort  ou 
en  [)remler  et  dernier  ressort,  par  la  voie  de  la  requête  civile 
on  par  celle  de  pourvoi  en  cassation,  selon  que  les  deux  juge- 
ments en  sens  contraire  émaneraient  du  même  tribunal  ou 
de  deux  tribunaux  différents.  — En  général,  les  jugements 
sont  simplement  déclaratifs  des  droits  antérieurs  des  parties  ; 
ils  ne  créent  aucun  droit  nouveau,  réel  et  personnel  et  ne 
produisent  aucune  novation.  Par  exemple  le  créancier  cou- 
tin  ue  à  avoir  droit  aux  intérêts  précédemment  stipulés 
et  à  jouir  des  garanties  réelles  établies  en  faveur  de  sa 
créance.  Par  exception,  cependant,  l'action  c[ui  naît  du 
jugement  ne  se  prescrit  que  par  trente  ans,  bien  qu'aupa- 
ravant la  créance  ait  été  soumise  à  une  prescription  plus 
courte.  En  outre,  tout  jugement  constatant  l'existence 
d'une  créance  quelconque  produit,  au  profit  du  créancier, 
une  hypothèque  judiciaire  générale  sur  tous  les  immeubles 
du  débiteur.  Enfin  les  jugements  relatifs  à  l'état  des  per- 
sonnes peuvent  très  souvent  modifier  cet  état,  par  exemple 
frapper  un  aliéné  d'interdiction  judiciaire,  prononcer  la 
séparation  de  corps  ou  le  divorce  entre  deux  époux.  En 
tant  qu'ils  créent  ainsi  des  droits  nouveaux,  les  jugements 
ne  produisent  pas  effet  rétroactif;  mais  dans  les  autres 
cas,  c.-à-d.  en  règle  générale,  la  loi  leur  attribue  cet  effet. 
Si  le  jugement  est  rendu  contre  le  demandeur,  il  anéantit 
les  effets  de  l'ajournement  et  par  exemple  les  intérêts  mo- 
ratoires n'ont  pas  couru  à  son  profit. 

Cet  exposé  général  ^es  jugements  s'applique  aux  déci- 
sions de  toutes  les  juridictions  et  en  particulier  aux  juge- 
ments des  tribunaux  d'arrondissement  et  aux  arrêts  des 
cours  d'appel.  Mais  pour  les  jugements  des  tribunaux  de 
commerce  et  pour  ceux  des  juges  de  paix,  il  y  a  lieu  de 
relever  quelques  particularités.  Ainsi  il  est  évident  qu'il  ne 
peut  pas  être  question  de  mentionner  dans  les  jugements 
de  ces  juridictions  le  ministère  public  ni  les  avoués,  car 
le  ministère  public  et  ces  officiers  ministériels  n'existent 
pas  devant  elles.  De  même  les  qualités  du  jugement,  au 
lieu  d'être  l'œuvre  des  avoués,  sont  faites  par  le  greffier. 
De  même  encore,  tout  jugement  est  nécessairement  signi- 
fié à  la  partie  et  ne  peut  être  signifié  qu'à  elle.  En  justice 
de  paix,  il  n'est  même  pas  nécessaire  de  signifier  les  juge- 
ments avant  dire  droit  s'ils  sont  rendus  contradictoirement 
en  présence  des  deux  parties;  on  évite  ainsi  des  frais  (G.  de 
procéd.,  art.  28).  Quant  aux  sentences  arbitrales,  elles  se 
rédigent  comme  les  jugements  des  juges  de  paix. 

Devant  les  juridictions  de  répression,  comme  en  matière 
civile,  on  réserve  le  terme  de  jugement  aux  décisions 
des  tribunaux  inférieurs,  c.-à-d.  des  tribunaux  de  police 
correctionnelle  et  des  tribunaux  de  simple  police.  On  ap- 
pelle arrêts  les  décisions  des  cours  d'assises.  De  même 
nous  retrouvons  les  divisions  des  jugements  en  définitifs 
ou  avant  dire  droit  et  les  avant  dire  droit  sont  eux-mêmes 
préparatoires,  interlocutoires  ou  provisoires.  Comme  exemple 
de  jugement  provisoire,  nous  citerons  la  décision  par  la- 
quelle le  tribunal  correctionnel  ou  la  chambre  des  appels 
correctionnels  accorde  la  liberté  provisoire  au  prévenu . 
De  même  encore,  au  criminel  comme  au  civil,  les  juge- 
ments sont  contradictoires  ou  par  défaut,  en  premier  ou 
en  dernier  ressort.  Pour  que  les  décisions  de  répression 
soient  valables,  il  est  nécessaire  que  la  juridiction  soit 


JUGEMENT  —  254  — 

Constituée  conformément  à  la  loi.  Celle-ci  exige  la  présence 
de  trois  juges  au  moins  au  tribunal  correctionnel  et  celle 
de  cinq  conseillers  à  la  chambre  correctionnelle  de  la  cour 
d'appel.  Les  juges  peuvent  d'ailleurs,  dans  ces  deux  juri- 
dictions, siéger  en  plus  grand  nombre,  mais  il  faut  tou- 
jours que  ce  nombre  soit  impair,  comme  en  matière  civile- 
A  la  cour  d'assises,  le  nombre  de  trois  magistrats  comme 
celui  de  douze  jurés  est  fixe  et  invariable  (loi  du  30  août 
d883,^  art.  1  et  4;  C.  d'instr.  crim.,  art.  252  et  384). 
Au  criminel  comme  au  civil,  un  juge  (ou  un  juré)  ne  peut 
prendre  part  à  la  décision  qu'autant  qu'il  a  assisté  à  toutes 
les  audiences  consacrées  à  l'affaire  (loi  du  20  avr.  1810, 
art.  7).  Les  délibérations  ont  lieu  en  secret;  c'est  encore 
la  règle  consacrée  aussi  pour  les  affaires  civiles  (G.  d'instr. 
crim.,  art.  369;  décr.  du  22  mars  1852,  art.  8).  En 
cour  d'assises,  la  loi  veut  que  l'arrêt  soit  rendu  sur-le- 
champ  ;  les  tribunaux  de  simple  police  et  de  police  correc- 
tionnelle ont,  au  contraire,  le  droit  de  ne  rendre  leur  ju- 
gement qu'à  l'audience  qui  suit  celle  où  l'instruction  a  été 
terminée  et  on  admet  même,  en  doctrine  et  en  jurispru- 
dence, que  ce  principe,  posé  par  les  art.  153  et  193  du 
C.  d'instr.  crim.  n'étant  pas  établi  à  peine  de  nullité,  le 
jugement  peut  même  être  valablement  prononcé  à  une 
audience  plus  éloignée.  On  applique,  en  général  pour  la 
rédaction  des  jugements,  les  mêmes  principes  qu'en  ma- 
tière civile,  et  notamment  on  exige  que  toutes  les  décisions 
soient  motivées  (sauf  exception  pour  le  verdict  du  jury). 
Mais  en  outre  la  loi  veut  que  tous  les  jugements  et  arrêts 
qui  portent  condamnation  à  une  peine  contiennent  le  texte 
de  la  loi  appliquée  à  peine  de  nullité  du  jugement,  s'il 
s'agit  d'une  décision  de  simple  police  ;  à  peine  d'amende 
contre  le  greffier,  s'il  s'agit  d'un  jugement  de  police  correc- 
tionnelle ou  d'un  arrêt  de  cour  d'assises.  En  outre,  la  loi 
impose  au  président  du  tribunal  correctionnel  et  au  prési- 
dent de  la  cour  d'assises  (mais  non  au  juge  de  simple 
police)  l'obligation  de  lire  à  l'audience  le  texte  de  la  loi 
appliquée,  sans  d'ailleurs  donner  aucune  sanction  à  cette 
formalité.  Enfin  tout  jugement  ou  arrêt  d'une  juridiction 
de  répression  doit  être  signé  par  tous  les  juges  qui  y  ont 
pris  part,  tandis  qu'en  matière  civi]e  la  signature  du  pré- 
sident et  celle  du  greffier  suffisent.*  Le  code  d'instruction 
criminelle  n'exige  pas  expressément  la  signature  du  gref- 
fier, mais  il  faut  tout  au  moins  mentionner  sa  présence 
comme  aussi  celle  du  ministère  public,  dans  le  jugement 
ou  dans  Tarrét,  car  autrement  la  juridiction  ne  serait  pas 
valablement  constituée  (V.  sur  ces  divers  points  G.  d'instr. 
crim.,  art.  163,  164,  165,  195,  196,  369,  370).  Les 
jugements  et  arrêts  sont,  au  criminel  comme  au  civil,  ré- 
digés en  minute  et,  lorsqu'il  s'agit  de  les  exécuter,  le  gref- 
fier en  délivre  des  expéditions  revêtues  de  la  formule  exé- 
cutoire. E.  Glasson. 

III.  Fiscalité.  —  Droits  sur  les  jugements  (V.  En- 
registrement, t.  XV,  p.  1104). 

IV.  Egyptologie.  —  Jugement  des  Rois  en  Egypte. 
—  La  vue  du  tableau  du  chap.  cxxv  du  Livre  des  Morts 
représentant  le  pèsement  de  l'âme  dans  la  balance  infer- 
nale, en  présence  d'Osiris  et  de  ses  quarante-deux  asses- 
seurs, la  vue  de  ce  tableau  dans  quelque  hypogée  royal 
de  Thèbes  aura  suggéré  à  quelques  voyageurs  de  l'antiquité 
la  pensée  qu'après  la  mort  d'un  pharaon  le  peuple  s'assem- 
blait pour  juger  sa  vie  et  lui  refuser,  au  besoin,  la  sépul- 
ture quand  sa  conduite  l'en  avait  rendu  indigne.  C'est  une 
hypothèse  antiégyptienne.  Les  rois  étaient  des  dieux  pen- 
dant leur  vie  et  après  leur  mort,  et  leurs  actes  échappaient 
au  contrôle  humain. 

V.  Histoire.  —  Jugement  de  Dieu  (V.  Epreuves  ju- 
diciaires). 

VI.  Théologie.  —  Jugement  dernier.  —  Sorte  d'assises 
qui,  selon  la  doctrine  chrétienne,  seront  tenues  sous  la 
présidence  de  la  divinité  à  la  fin  de  l'économie  actuelle  et 
où  chacun  comparaîtra,  pour  que  son  sort  à  venir  soit  ré- 
glé suivant  sa  conduite  passée.  La  théorie  du  jugement 
universel  est  un  emprunt  fait  à  l'idée  du  «  jugement  de 


Yahvéh  »  ou  «  jour  de  Yahvéh  »,  tel  que  l'ont  décrit  les 
livres  bibliques.  Cette  conception  a  passé  du  judaïsme  dans 
le  christianisme  sans  modification  essentielle.  Pour  se  rendre 
compte  de  ses  origines  et  des  différents  aspects  qu'elle  a 
revêtus  avant  d'être  adoptée  par  le  christianisme,  V.  Messie 
et  Eschatologie. 

VIL  Archéologie.  —  Jugement  dernier.  —  La  repré- 
sentation du  Jugement  dernier  que  l'on  trouve  figurée  dans 
de  nombreuses  tombes  égyptiennes,  même  sous  les  anciennes 
dynasties,  fut  aussi  des  plus  fréquentes  dans  l'iconographie 
chrétienne,  surtout  à  l'époque  du  moyen  âge.  Des  sculptures 
sur  pierre  et  sur  bois,  des  peintures  murales,  des  vitraux 
et  des  miniatures  reproduisirent  à  l'envi  cette  scène  finale 
assignée  par  ses  croyances  reHgieuses  au  rôle  de  l'humanité. 
Mais  si  le  Jugement  dernier  tint  tout  d'abord  une  place  im- 
portante sur  les  portails  des  églises  abbatiales,  c'est  sur  la 
porte  de  la  cathédrale  d'Autun,  porte  construite  en  1140, 
que  l'on  en  peut  voir  un  exemple  des  plus  anciens  et  des 
plus  complets,  et  c'est  sur  le  tympan  de  la  porte  centrale  de 
Notre-Dame  de  Paris,  tympan  sculpté  de  1210  à  1215  et 
fort  habilement  restauré  vers  1855,  sous  la  direction  de 


Porte  centrale  de  Notre-Dame  de  Paris. 

VioUet-le-Duc,  par  les  sculpteurs  Toussaint  et  Geoffroy- 
Dechaume,  que  l'on  en  peut  admirer  le  type  le  plus  achevé» 
Au-dessus  du  linteau  de  cette  porte  centrale  dite  Porte  du 
Jugement^  le  tympan  se  divise  en  trois  zones  :  celle  infé- 
rieure consacrée  à  la  résurrection  des  morts  que  l'on  voit 
sortir  de  leurs  sépulcres  entr'ouverts  ;  celle  médiane  dans 
laquelle  l'archange  saint  Michel  pèse  les  mérites  des  âmes 
qui  se  répartissent  en  deux  groupes,  les  élus  à  droite  et 
les  réprouvés  à  gauche  ;  et  enfin  la  zone  supérieure,  qui 
occupe  la  partie  aiguë  de  l'ogive  et  dans  laquelle  le  Christ 
est  représenté  assis  avec,  à  droite  et  à  gauche,  des  anges 
debout  tenant  les  instruments  de  la  Passion  et,  un  peu  en 
arrière,  à  droite,  la  Vierge  et,  à  gauche,  saint  Jean  l'Ëvan- 
géUste,  ces  deux  derniers  personnages  agenouillés  et  in- 
tercédant pour  les  hommes.  Les  proportions  différentes  des 
figures,  la  sobriété  de  leur  agencement  et  l'observation 
des  règles  du  symbolisme  font  de  cette  scène,  qui  était 
autrefois  peinte  et  dorée,  un  modèle  d'iconographie  chré- 
tienne en  même  temps  que  de  l'art  sculptural  au  moyen 
âge.  Charles  Lucas. 

BiBL.  :  Philosophie.  —  Bradley,  Principles  of  Logic 
(anglais).  —  V.  Egger,  Jugement  et  ressemblance,  dans 
Revue  philosophique^  1893,  t.  II. 

Jurisprudence.  —  Boitard,  Colmet-Daage  et  Glas* 


-255  — 


JUGEMENT  —  JUIDA 


SON,  Leçons  de  j^rocédure  civile,  t.  h  pp.  252  et  suiv.,  15«  éd. 

—  Dalloz,  Jurisprudence  générale  et  Supplément^  v°  Ju- 
gement, —  Garsonnet,  Traité  de  procédure,  t.  III,  p.  91. 

—  PÔNCET,  Traité  des  jugements  ;  Paris,  1822,  2  vol.  in-8. 

JUGERIE.  On  appelle  ainsi  les  divisions  judiciaires  et 
administratives  créées  au  xiii®  siècle  par  Alphonse  de  Poi- 
tiers et  par  Philippe  ÏII  dans  la  sénéchaussée  de  Toulouse. 
Au  temps  des  comtes  indépendants,  les  bailes,  fermiers  des 
impôts  du  prince,  exerçaient  une  certaine  juridiction  en 
matière  civile  et  criminelle,  mais  ce  système  entraînait  de 
graves  abus.  Pour  y  parer,  Alphonse  créa  un  certain  nombre 
de  juges,  présidant  des  tribunaux  de  première  instance,  dont 
les  appels  durent  être  portés  devant  le  sénéchal  de  Tou- 
louse. Mais  on  manquait  de  sujets  capables,  et  si,  au  temps 
d'Alphonse,  on  trouve  déjà  des  juges  pour  le  territoire  d'Al- 
bigeois, un  autre  à  Castelnaudary,  pour  l'ouest  du  Toulou- 
sain, un  troisième  à  Lavaur,  l'organisation  n'était  pas  en- 
core définitive  en  4270,  date  d'une  ordonnance  de  réforme 
du  conseil  du  prince,  rendue  en  l'absence  de  celui-ci.  Dès 
ce  moment  l'établissement  des  jugeries  est  arrêté  en  prin- 
cipe, mais  ce  n'est  que  sous  Philippe  IlI  qu'elles  paraissent 
définitivement  instituées.  En  voici  la  liste,  avec  quelques 
indications  sommaires  :  jugerie  dite  de  Villelongue,  nom 
rappelant  celui  d'un  archidiaconé  du  diocèse  religieux  de 
Toulouse,  s'étendant  de  Montauban  à  Lavaur  ;  —  jugerie 
de  Lauragais,  ch.-l.  Castelnaudary,  érigée  plus  tard  en 
comté  par  Louis  XI  en  faveur  de  Bertrand  de  La  Tour,  comte 
de  Boulogne;  —  jugerie  de  Verdun,  partie  nord  de  la  sé- 
néchaussée ;  —  jugerie  de  Rivière,  existant  dès  le  temps 
d'Alphonse  de  Poitiers  sous  le  titre  de  baylie  de  Gascogne; 
elle  prenait  son  nom  du  petit  pays  de  Rivière,  sur  la  Garonne, 
entre  Saint-Gaudens  et  Saint-Bertrand-de-Comminges,  où 
était  situé  le  chef-lieu  de  la  jugerie  :  Montréjeau,  bastide 
royale  fondée  en  1272;  —  jugerie  de  Rieux,  existant  dès 
1272.  En  1469,  la  jugerie  de  Rivière,  une  partie  de  celle 
de  Verdun  et  quelques  localités  de  celle  de  Rieux  furent  dé- 
tachées du  Languedoc,  unies  à  la  Guyenne  et  formèrent  ce 
qu'on  appela  plus  tard  l'élection  de  Rivière- Verdun.  — 
Circonscriptions  judiciaires  et  administratives,  les  jugeries 
jouèrent  aussi  à  plusieurs  reprises  au  xiv®  siècle  le  rôle  de 
divisions  politiques,  et  les  représentants  des  communautés 
furent  parfois  convoqués  par  les  commissaires  royaux  pour 
consentir  un  nouvel  impôt  ou  s'entendre  avec  les  agents  du 
trésor.  Les  jugeries  subsistèrent  comme  sièges  judiciaires 
jusqu'à  la  Révolution.  A.  Molinier. 

BiBL.  :  Hist.  de  Languedoc,  nouv.  édit.,  VIL  520-521,  et 
XII,  pp.  332  et  suiv. 

JU6ERUM.  Mesure  de  superficie  des  Romains,  ayant 
240  pieds  de  long  sur  120  de  large,  soit  2,518^^,88, 
un  peu  plus  de  25  ares.  —  On  le  divisait  en  2  acti  qua- 
drati;  ceux-ci  en  4  climata;  chaque  clima  en  36  decem- 
pedœ  quadratœ,  200  jugera  formaient  une  centuria 
^5Qhect^377j^  Le  jugerum  était  l'unité  de  mesure  agraire. 

—  Parfois  ce  mot  est  employé  pour  traduire  le  pléthron 
grec,  mesure  de  longueur  de  104  pieds  romains  (100  pieds 
srecs^ . 

JUGLANDACÉES  (V.  Noyer). 

JUGLANS  (V.  Noyer). 

JUGON.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord, 
arr.  de  Dinan,  sur  PArguenon;  556  hab.  Tanneries; 
moulins  à  blé  et  à  tan;  teinturerie.  Le  bourg  s'est  formé 
autour  d'une  forteresse  féodale,  existant  depuis  1035,  qui 
appartint  longtemps  à  la  maison  de  Penthièvre.  Son  im- 
portance avait  donné  lieu  à  ce  dicton  :  Qui  a  Bretagne 
sans  Jugon  a  chape  sans  chaperon.  Démantelée  en 
1420,  par  ordre  du  duc  Jean  V,  elle  fut  complètement 
rasée  en  1616  en  conséquence  d'un  arrêt  du  Parlement. 
L'église  moderne  a  conservé  des  parties  des  xu^  et  xvi®  siè- 
cles. Quelques  maisons  remontent  au  xiv®  et  au  xv®  siècle. 
Vaste  étang  de  80  hect.,  très  poissonneux,  alimenté  par  la 
RouUe,  affluent  de  PArguenon. 

JUGULAIRE.  I.  Anatomie.  —  Ganglion  jugulaire 
V.  Pneumogastrique  [Nerf]). 


Veines  jugulaires.  —  Nom  donné  à  plusieurs  veines 
du  cou  qui  sont  :  1<»  la  veine  jugulaire  externe  formée 
par  la  convergence  des  veines  temporale  superficielle, 
maxillaire  interne  et  auriculaire  postérieure;  cette  veine 
descend  en  diagonale  sur  la  partie  latérale  du  cou,  située 
sous  la  peau,  du  col  du  condyle  de  la  mâchoire  vers  Parti- 
culation  sterno-claviculaire,  où  elle  se  jette  dans  la  veine 
sous-clayière  après  avoir  perforé  l'aponévrose  :  c'est  sur 
cette  veine  qu'on  pratiquait  autrefois  la  saignée  ;  2°  la 
veine  jugulaire  antérieure  qui  descend  presque  vertica- 
lement sur  la  ligne  médiane  du  cou  (veine  impaire),  de  la 
région  sus-hyoïdienne  à  la  veine  sous-clavière,  dans  la- 
quelle elle  se  jette  séparément  ou  bien  par  un  tronc  com- 
mun avec  la  jugulaire  externe  ;  cette  veine  court  égale- 
ment sous  la  peau,  et  dans  certains  cas  il  y  a  une  veine 
jugulaire  antérieure  profonde,  qui  chemine  sous  l'aponé- 
vrose cervicale  ;  3*^  la  veine  jugulaire  interne  ou  veine 
profonde  du  cou  tire  son  origine  d'une  dilatation  vascu- 
laire  nommée  golfe  de  la  veine  jugulaire,  et  logée  dans  la 
fosse  jugulaire  du  temporal.  Cette  veine  est  satellite  de 
l'artère  carotide  et  s'étend  verticalement  et  latéralement  de 
la  base  du  crâne  dans  le  thorax  où  elle  s'unit  à  la  veine 
sous-clavière  pour  constituer  la  veine  innominée.  Elle 
est  le  fleuve  dans  lequel  se  déversent  les  rivières  san- 
guines appelées  sinus  de  la  dure-mère,  tronc  thyro-lin- 
guo-facio-pharyngien,  et  la  veine  occipitale.  Il  y  a  trois 
paires  de  veines  jugulaires  cheminant  sur  les  côtés  et  en 
avant  du  cou.  On  peut  encore  ajouter  à  celles-ci  la  jugu- 
laire postérieure,  tronc  veineux  plus  ou  moins  développé, 
qui  circule  entre  les  muscles  de  la  nuque.    Ch.  Debierre. 

II.  Armée.  —  Courroie  de  cuir  étroite  et  mince,  qui 
sert  à  maintenir  sous  le  menton  la  coiffure  militaire.  Pour 
les  casques  et  les  shakos,  la  jugulaire  est  généralement 
plus  large  et  recouverte  de  lames  de  cuir  ou  formées  de 
mailles  constituant  un  ornement.  Dans  les  képis  d'officier, 
la  jugulaire  en  cuir  bordée  d'une  soutache  d'or  et  d'argent 
recouvre  une  fausse  jugulaire  en  or  ou  en  argent,  sui- 
vant la  couleur  des  boutons  de  l'uniforme,  qui  reste  appa- 
rente quand  la  jugulaire  est  sous  le  menton.  Les  képis 
des  *sous-officiers  sont  pourvus  d'une  fausse  jugulaire 
semblable. 

JUGULANS  (Astron.).  Nom  donné  par  des  auteurs 
anciens  à  la  constellation  à'Orion  (V.  ce  mot)  à  cause  des 
petites  étoiles  cp  et  X  qui  sont  à  la  partie  supérieure  ou  sur 
la  tête  d'Orion,  et  qui  ressemblent  assez  à  des  noix  pla- 
cées les  unes  sur  les  autres. 

JUGUM  (V.  Capitation). 

JUGURTHA,  roi  de  Numidie  (V.  Numidie). 

JUGY  (Jugiacus).  Corn,  du  dép.  de  Saône-et-Loire, 
cant.  de  Sennecey-le-Grand,  arr.  de  Chalon-sur-Saône  ; 
434  hab.  Distillerie.  Découvertes  de  substructions  et  de 
monnaies  antiques.  Ruines  d'une  église  sur  la  montagne  de 
Saint-Germain-des-Buis.  Jugy  a  été  le  siège  d'une  baronnie 
dépendant  du  marquisat  de  Sennecey. 

JUHASZ(V.  Melius). 

JUICQ.  Corn,  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure,  arr. 
de  Saint-Jean-d'Angély,  cant.  de  Saint-Hilaire  ;  318  hab. 

JUIDA  (Ornith.).  Le  nom  de  Jui'da  a  été  d'abord  employé 
parLesson(rrai^(^d;'orm^/i(?%z^,  1831,  p.  407)  pour  desi- 
gner un  groupe  de  Passereaux  comprenant  le  Merle  vert  à 
longue  queue  du  Sénégal,  de  Brisson  et  de  Daubenton, 
le  Merle  d'Angola,  de  Brisson,  et  le  Merle  violet  du 
royaume  de  Juida,  de  Buffon  et  de  Daubenton;  mais  on  a 
reconnu  plus  tard  que  ce  groupe  se  confondait  avec  les  Lam- 
protornis  de  Temminck  {Manuel  d'ornithologie,  1820, 
t.  I,  p.  Lv)  et  que,  loin  de  constituer  une  subdivision  du 
genre  Merle  (V.  ce  mot),'  comme  le  supposait  Lesson,  il 
formait  un  genre  de  la  grande  famille  des  Etourneaux 
(V.  ce  mot).  On  a  quelquefois  appelé  Juida  toutes  les  es- 
pèces africaines  d'Etourneaux  à  plumVge  bronzé  ou  doré, 
qu'on  désigne  vulgairement  sous  les  noms  de  Merles 
métalliques  et  de  Merles  bronzés  (V.ces  mots  et  Lampro- 
TORNiTiDÉs) .  Oust. 


JUIF 

JUIF.  On  appelle  proprement  Juifs  les  personnes  qui 
professent  la  religion  juive,  judaïque  ou  mosaïque.  A  Tori- 
gine,  ce  terme  (hébreu  Yehoudim,  arabe  Yahoûd,  grec 
'louoaîoi,  latin  Judaei^  ancien  français  Juis,  italien  Giu- 
dei,  espagnol  Judios,  allemand  Juden^  hollandais  Joden, 
anglais  Jews,  turc  Tchifout,  etc.)  désignait  uniquement 
les  membres  de  la  tribu  de  Juda,  l'une  des  principales  tri- 
bus israélites  ou  hébraïques,  qui  donna  son  nom  à  l'un  des 
deux  royaumes  nés  du  démembrement  de  l'empire  de  David 
et  de  Salomon  (vers  975  av.  J.-C).  Les  «  Judéens  »,  dépor- 
tés par  Nabuchodonosor  sur  les  bords  de  l'Euphrate  (588  av. 
J.-C.),  profitèrent  partiellement  delà  permission  que  leur 
donna  Cyrus  de  rentrer  dans  leur  ancien  pays  (536)  qui 
prit  bientôt  le  nom  de  Judée.  Pendant  la  durée  du  second 
Temple,  la  communauté,  puis  l'Etat  groupé  autour  de  Jé- 
rusalem s'intitula  officiellement  «  association  des  Juifs  » 
(Kheber  ha-Yehoudim)  ;  par  extension  on  appela  aussi 
Juifs  les  peuples  voisins  convertis  de  gré  ou  de  force  à  la 
religion  mosaïque  et  les  nombreux  prosélytes,  de  races  di- 
verses, que  le  judaïsme  fit  dans  tout  le  bassin  de  la  Médi- 
terranée. Après  la  chute  définitive  de  Jérusalem  (70  et 
135  ap.  J.-C.),  le  sens  politique  du  mot  Juifs  disparut,  le 
mot  n'eut  plus  qu'un  double  sens  ethnique  et  religieux 
qu'atteste  au  iii^  siècle  Dion  Cassius  (/fî6'^.  rom.,  XXXVIÏ, 
17).  En  effet,  les  idées  de  nationalité  et  de  religion  étaient 
si  étroitement  unies  dans  les  habitudes  d'esprit  des  anciens, 
que  les  Juifs  même  dispersés,  même  mêlés  de  nombreux 
éléments  étrangers,  continuèrent  à  se  considérer  comme 
une  nation  et  à  être  traités  comme  telle.  Cette  conception 
et  cette  désignation  ont  prévalu  pendant  tout  le  moyen 
âge  et  pendant  une  partie  des  temps  modernes  ;  elle  sub- 
siste encore  aujourd'hui  dans  les  pays  musulmans  et  dans 
certaines  contrées  arriérées  de  l'Europe  ;  mais  dans  les 
pays  oii  les  Juifs  ont  été  complètement  émancipés  et  assi- 
milés aux  autres  citoyens,  le  nom  de  Juifs  ne  désigne  plus 
qu'une  confession  religieuse,  fortifiée  par  une  communauté 
d'origine  réelle  ou  fictive.  Volontiers  les  membres  de  cette 
confession  s'intitulent  Israélites,  terme  qui  n'a  pas  la  si- 
gnification fâcheuse  attachée  par  les  préjugés  au  nom  de 
Juifs  :  en  France,  le  nom  «  Israélite  »  est  même  seul  em- 
ployé dans  le  langage  officiel.  Ailleurs  (Roumanie,  Russie, 
Grèce,  Italie),  on  se  sert  concurremment  avec  le  nom  Juifs 
du  terme  Hébreux  qui  a  le  défaut  d'éveiller  une  idée  pu- 
rement ethnique  et  linguistique,  car  il  n'y  a  pas  de  «  reli- 
gion hébraïque  ». 

Par  leur  nombre,  leur  dispersion  à  travers  les  princi- 
paux pays  du  globe,  l'étrangelé  tragique  de  leurs  destinées, 
la  variété  de  leurs  aptitudes,  les  préventions  et  les  lois 
d'exception  dont  ils  ont  été  l'objet,  les  Juifs  forment  une 
fraction  de  l'humanité  digne  de  la  plus  sérieuse  attention. 
Pour  comprendre  leur  situation  actuelle  et  les  divers  aspects 
de  ce  qu'on  a  appelé  la  «  question  juive  »,  il  est  indispen- 
sable de  jeter  d'abord  un  coup  d'œil  sur  l'histoire  du  ju- 
daïsme. Cette  histoire,  jusqu'à  la  destruction  de  Jérusalem 
par  Titus  et  Adrien,  a  été  esquissée  à  l'art.  Hébreu, 
quoique,  à  la  vérité,  le  terme  Hébreux  ait  cessé  d'être  en 
usage  à  partir  du  retour  de  la  captivité.  Nous  prendrons 
donc  les  Juifs  au  lendemain  de  ces  terribles  catastrophes 
qui,  en  ruinant  définitivement  leur  existence  politique,  lais- 
saient subsister  leur  nationalité  et  leur  religion  dans  des 
conditions  nouvelles  et  singulières. 

A.  Histoire  des  Juifs  depuis  la  ruine  de  Jéru- 
salem jusque  vers  le  x®  siècle.  —  Le  judaïsme  vers 
l'an  100  AP.  J.-C.  —  Au  moment  où  nous  reprenons  le 
fil  de  l'histoire  juive,  le  judaïsme  constituait  déjà  une  secte 
religieuse  répandue  à  travers  la  plupart  des  pays  méditer- 
ranéens, l'Arabie  et  la  Babylonie.  Dès  le  i®'^  siècle  de  l'ère 
chrétienne,  Strabon  et  Sénèque  déclarent  avec  quelque  exa- 
gération qu'il  n'y  a  pas  un  pays  de  la  terre  où  l'on  ne 
rencontre  des  Juifs.  Dans  l'empire  romain,  leur  présence 
est  authentiquement  attestée  en  Syrie,  en  Asie  Mineure, 
en  Egypte,  en  Cyrénaïque,  dans  les  îles  de  l'Archipel,  en 
Grèce,  en  Italie.  La  population  juive  s'était  énormément 


256  — 

accrue  pendant  les  six  siècles  de  la  durée  du  second  Tem- 
ple, d'un  côté  par  la  fécondité  de  la  race  et  le  soin  apporté 
à  l'éducation  des  enfants,  de  l'autre  par  le  prosélytisme 
individuel,  longtemps  pratiqué  avec  passion,  et  les  conver- 
sions forcées  de  peuples  entiers  comme  les  Iduméens  sous 
Hyrcan  P',  les  Ituréens  sous  Aristobule  P%  etc.  Même 
en  admettant  quelque  hyperbole  dans  les  données  des  his- 
toriens, on  peut  évaluer  à  3  miUions  le  chiffre  de  la  popu- 
lation juive  au  miheu  du  i«r  siècle.  Les  effroyables  saignées 
sous  Vespasien,  Trajan  et  Adrien,  diminuèrent  sans  doute 
ce  nombre  de  près  de  moitié,  mais  les  vides  furent  en  parti» 
comblés  par  la  propagande  religieuse  qui  se  continua  après 
la  destruction  de  l'indépendance  juive,  et  dut  trouver  des 
agents  efficaces  dans  les  prisonniers  de  guerre  juifs,  réduits 
en  servitude  et  dispersés  en  Occident.  Le  polythéisme  clas- 
sique, avec  ses  mythes  usés  ou  incompris,  ne  satisfaisait 
plus  les  besoins  religieux  de  l'époque  ;  entraîné  à  la  fois 
par  le  goût  d'exotisme  et  de  mystère  et  le  besoin  sincère 
d'une  croyance  qui  parlât  au  cœur,  à  la  raison,  à  l'imagi- 
tion,  la  société  gréco-romaine  se  portait  avec  ardeur  vers 
le  culte  juif,  comme  elle  se  portait  vers  les  rites  égyptiens, 
syriens,  cappadociens,  bientôt  aussi  vers  le  christianisme 
et  le  culte  de  Mithra.  Les  convertisseurs  juifs  savaient 
d'ailleurs  procéder  graduellement  dans  la  conquête  des 
âmes  ;  on  était  d'abord  simple  judaïsant,  sabbatisant,  me- 
tuens,  a£6o|X£voç  ;  à  la  génération  suivante  on  se  faisait 
complètement  juif.  A  plusieurs  reprises,  le  gouvernement 
romain  s'efforça  de  réprimer  cette  propagande,  soit  en 
expulsant  les  Juifs  de  Rome  et  de  l'Italie,  soit  en  interdi- 
sant leurs  assemblées,  soit  en  punissant  de  peines  sévères 
la  circoncision  de  non-Juifs  et  la  «  vie  judaïque.  »  Le 
renouvellement  fréquent  de  ces  mesures  prouve  leur  peu 
d'efficacité. 

Législation  romaine.  — Aux  yeux  de  ceux  qui  ne  parta- 
geaient pas  leurs  croyances,  les  Juifs  formaient  dans  l'Em- 
pire une  classe  méprisée,  souvent  même  ridiculisée  ou  haïe, 
à  cause  de  l'humilité  de  leur  condition  sociale  (on  comptait 
parmi  les  Juifs  beaucoup  d'esclaves,  d'ajfranchis,  de  men- 
diants), de  la  bizarrerie  de  leurs  pratiques  religieuses,  des 
souvenirs  de  leur  résistance  acharnée  à  la  conquête,  et  sur- 
tout de  leur  particularisme  rehgieux  et  moral.  Leur  condi- 
tion légale  était  assez  complexe.  Les  Juifs,  considérés  comme 
pérégrins  sine  civitate,  étaient  exclus  des  droits  poli- 
tiques (;ws  honorum)  et  des  droits  civils  exclusivement 
réservés  aux  citoyens  romains;  mais  dans  les  villes  grecques, 
ils  continuaient  à  jouir  du  droit  de  cité  local  qui  leur 
avait  été  accordé  par  les  Ptolémées  et  les  Séleucides. 
Assujettis  dans  leur  pays  d'origine  à  des  impôts  très  élevés 
qui  provoquèrent  à  diverses  reprises  des  soulèvements  ou 
des  réclamations,  partout  ailleurs  ils  payaient,  outre  les 
taxes  ordinaires,  une  capitation  spéciale  de  2  drachmes  par 
ièie  {didrachme),  perçue  au  profit  du  temple  de  Jupiter 
Capitolin.  Les  employés  du  fiscus  judaicus  déployèrent 
souvent  dans  la  perception  de  cette  taxe  une  sévérité  in- 
quisitoriale.  Par  compensation,  les  Juifs  jouissaient,  en 
raison  de  leur  religion,  de  certaines  exemptions  qui  cons- 
tituaient de  véritables  privilèges,  notamment  celle  du  ser- 
vice militaire  et  des  charges  plus  onéreuses  qu'honorifiques 
delà  curie.  Leurs  communautés,  constituées  à  l'imitation 
des  cités  grecques,  s'administraient  librement,  par  l'organe 
d'un  conseil  d'anciens  (gérousia)  et  de  magistrats  élus 
(archontes),  entre  autres  l'archisynagogue,  chargé  des 
soins  du  culte.  Le  patriarche,  qui  résidait  à  Tibériade,  était 
autorisé  à  percevoir  par  ses  agents  (apostoloi)  une  taxe  qui 
servait  à  son  entretien  et  à  celui  du  sanhédrin  central.  Enfin, 
en  leur  qualité  d'étrangers  privilégiés,  les  Juifs  jouissaient 
de  l'autonomie,  c.-à-d.  réglaient  eux-mêmes  leurs  affaires 
civiles  —  mais  non  pénales  —  d'après  la  loi  mosaïque  : 
les  rabbins  faisaient  fonctions  de  juges.  Tous  ces  privi- 
lèges étaient  strictement  réservés  aux  Juifs  d'origine  :  de  là 
en  partie  la  sévérité  des  lois  interdisant  la  conversion  au 
judaïsme.  Ainsi  un  rescrit  d'Antonin  le  Pieux  défendait 
aux  Juifs,  sous  les  peines  qui  frappaient  la  castration  (mort 


—  257  — 


JUIF 


ou  déportation),  de  circoncire  tous  autres  que  leurs  propres 
fils  ;  le  circoncis  était  puni  de  la  relégation  et  de  la  confis- 
cation des  biens,  le  médecin  de  mort  (Digeste,  48,  8,  11; 
Paul,  V,  22),  A  mesure  que  le  souvenir  de  l'Etat  juif  et 
les  différences  entre  les  citoyens  et  pérégrins  allèrent  s'ef- 
façant,  les  privilèges  des  Juifs  et  aussi  leurs  incapacités 
spéciales  disparurent  à  leur  tour  ;  on  s'habitua  peu  à  peu 
à  les  traiter  comme  des  citoyens.  Les  constitutions  impé- 
riales les  déclarèrent  habiles  à  toutes  les  charges  qui 
n'étaient  pas  incompatibles  avec  leur  religion,  et  notam- 
ment à  la  tutelle  (Modestin,  Dig.,  27,  i,  45,  56)  ;  les  em- 
pereurs Sévère  et  Caracalla  leur  accordèrent  le  jus  hono- 
rum  (Dig.,  50,2,  5).  Bientôt  après,  la  constitution  de 
Caracalla,  qui  étendait  le  droit  de  cité  à  tous  les  sujets  de 
l'Empire,  ne  laissa  plus  subsister  aucune  différence  légale 
entre  les  Juifs  et  les  autres  citoyens  romains  ;  ils  gardèrent 
toutefois  certaines  immunités  justifiées  par  la  nature  de  la 
religion  juive  et  au  nombre  desquels  il  faut  sans  doute  con- 
tinuer à  compter  l'exemption  du  service  militaire  :  encore 
Alexandre  Sévère  confirme  les  «  privilèges  »  des  Juifs  ;  il 
leur  montre  d'ailleurs  une  estime  particulière. 

Lois  des  empereurs  chrétiens.  —  Quand  le  christia- 
nisme devint  avec  Constantin  la  religion  officielle  de  l'em- 
pire romain,  la  législation  à  l'égard  des  Juifs  prit  un  nouveau 
caractère,  bien  traduit  par  le  langage  injurieux  et  méprisant 
que  les  empereurs  empruntèrent  aux  Pères  de  l'Eglise.  D'une 
part,  dans  un  intérêt  unitaire  et  fiscal,  on  supprima  peu  à 
peu  les  privilèges  des  Juifs  :  successivement,  ils  sont  assujettis 
aux  charges  de  la  curie  (324);  la  juridiction  rabbinique  et 
l'autonomie  civile  sont  abolies  ou  mutilées,  le  patriarcat 
même,  d'abord  admis  dans  les  cadres  de  la  hiérarchie  offi- 
cielle, finit  par  être  supprimé  (425).  D'autre  part,  on  frappa 
les  Juifs,  en  leur  qualité  de  mécréants,  de  nombreuses 
déchéances,  et  l'on  multiplia  les  précautions  pour  réprimer 
leur  propagande  et  ruiner  leur  influence  qui  fut,  long- 
temps encore,  très  sensible  dans  beaucoup  de  communautés 
chrétiennes  (à  Antioche,  par  exemple,  les  chrétiens  pro- 
nonçaient leurs  serments  dans  les  synagogues,  célébraient 
le  sabbat  et  les  fêtes  juives;  en  Espagne,  il  fallut  que  le 
concile  d'Elvire  [320]  leur  interdît  de  faire  bénir  par  les 
Juifs,  réputés  magiciens,  les  fruits  de  leurs  champs,  etc.). 
En  conséquence,  les  Juifs  perdent  le  jus  honormn;  même 
baptisés,  ils  sont  exclus  des  fonctions  supérieures  et  de  la 
carrière  militaire  ;  il  leur  est  défendu,  sous  peine  de  mort, 
d'avoir  commerce  avec  des  chrétiennes,  de  posséder  des 
esclaves  chrétiens,  de  circoncire  des  esclaves  même  païens  ; 
s'ils  convertissent  des  chrétiens  de  condition  libre,  ils  en- 
courent la  confiscation  et  l'exil.  En  revanche,  les  renégats 
israéUtes  obtiennent  des  avantages  dans  l'hérédité  pater- 
nelle. Défense  aussi  d'élever  de  nouvelles  synagogues.  Jus- 
tinien  va  jusqu'à  refuser  toute  force  au  témoignage  des 
Juifs  contre  les  chrétiens  devant  les  tribunaux,  réglemente 
la  liturgie  juive  et  interdit  l'étude  de  la  Mischna. 

Ces  dispositions,  recueillies  dans  les  codes  de  Théodose  II 
et  de  Justinien,  n'ont  pas  été  longtemps  appliquées  dans 
toute  l'étendue  du  monde  romain,  en  raison  de  la  disloca- 
tion de  l'Empire  au  v®  siècle;  elles  n'en  ont  pas  moins  une 
très  grande  importance  historique  parce  qu  elles  ont  ins- 
piré le  droit  canon  et  par  lui  toutes  les  législations  tem- 
porelles du  moyen  âge.  Elles  conservèrent  d'ailleurs  toute 
leur  efficacité  dans  l'empire  d'Orient,  où  elles  furent  encore 
expressément  renouvelées  par  les  Basiliques  au  x®  siècle. 
Le  zèle  des  fanatiques  dépassa  souvent  l'intention  du  légis- 
lateur. Sous  Théodose  P^,  on  brûle  les  synagogues  ;  en  41 5, 
Cyrille  chasse  les  Juifs  d'Alexandrie.  A  plusieurs  reprises 
la  Palestine,  berceau  du  Christ,  fut  le  théâtre  de  campagnes 
violentes  d'évangélisation  qui  provoquèrent  des  soulève- 
ments cruellement  réprimés  (en  351 ,  sous  Constance,  ruine 
de  Sepphoris;  en  521,  sous  Justinien;  en  614,  sous  Héra- 
clius,  révolte  de  Benjamin  de  Tibériade  de  concert  avec  les 
Perses).  Au  vu®  siècle,  le  judaïsme  agonise  dans  son  pays 
d'origine  :  la  conquête  arabe  lui  rendit  la  liberté,  mais  non 
la  prospérité.  Dans  l'empire  byzantin,  réduit  au  pourtour 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XXI. 


de  la  mer  Egée,  et  en  particulier  à  Constantinople,  les  Juifs, 
confinés  dans  des  quartiers  spéciaux,  soumis  à  une  régle- 
mentation tracassière,  traînèrent  pendant  mille  ans  une 
existence  obscure,  humiliée,  mais  assez  paisible,  qui  n'a 
guère  laissé  de  traces  dans  l'histoire  politique  ou  littéraire. 
Ils  ne  furent  jamais  entravés  dans  l'exercice  des  professions 
et  purent  continuer  à  posséder  des  immeubles. 

Les  Juifs  dans  les  royaumes  barbares.  — En  Occident, 
où  l'empire  romain  s'effondra  à  la  fin  du  v^  siècle,  les  con- 
quérants germains  n'apportèrent  pas  d'abord  des  sentiments 
hostiles  envers  les  Juifs,  surtout  ceux  d'entre  eux  qui  res- 
tèrent attachés  à  l'hérésie  arienne.  En  Italie,  les  Juifs, 
quoique  assez  maltraités  par  Théodoric,  aidèrent  les  Ostro- 
goths  à  défendre  Naples  contre  Bélisaire  (526).  En  Gaule, 
répandus  sur  tout  le  territoire,  ils  vécurent  longtemps  en 
bons  termes  avec  la  population  et  même  avec  les  ecclésias- 
tiques. Il  y  eut  bien  çà  et  là  quelques  tentatives  de  con- 
versions forcées  de  la  part  des  rois  mérovingiens  (Chilpéric, 
Dagobert)  ou  des  évêques  (Avitus  de  Clermont,  576)  ;  sur- 
tout les  conciles  ne  cessèrent  de  réclamer  l'application  inté- 
grale des  lois  du  code  de  Théodose  ;  mais  leurs  doléances 
restèrent  pour  la  plupart  lettre  morte  ;  les  rois  continuèrent 
à  prendre  des  médecins,  des  orfèvres,  des  fermiers  d'im- 
pôts Israélites. 

Dans  le  royaume  visigoth  d'Espagne,  qui  comprenait 
aussi  la  Septimanie  (Narbonaise),  les  Juifs  jouirent  pen- 
dant longtemps  d'une  situation  élevée  et  eurent  accès  aux 
emplois  publics,  tant  que  l'arianisme  resta  la  rehgion  offi- 
cielle ;  mais,  à  partir  de  la  conversion  des  rois  au  catholi- 
cisme (589),  le  clergé,  très  influent  sur  cette  royauté 
purement  élective,  inspira  une  législation  tracassière  et 
tyrannique  qui  renchérit  sur  le  code  de  Théodose  et  se 
traduisit  sous  certains  rois  (Reccared,  Sisebut,  Sisenand, 
Chintilla,  Reccesuinthe,  Egica)  par  de  véritables  persécu- 
tions :  non  seulement  il  fut  interdit  aux  Juifs  de  posséder 
des  esclaves  chrétiens,  mais  on  leur  défendit  l'acquisition 
des  immeubles,  le  commerce,  la  navigation;  les  conver- 
sions forcées  se  multiplièrent,  les  nouveaux  convertis 
devinrent  l'objet  d'une  surveillance  étroite;  à  la  fin,  les 
Juifs  furent  tous  réduits  en  servage  (694).  Ils  ne  respi- 
rèrent qu'avec  la  conquête  arabe  (711). 

Au  début  de  l'empire  carolingien,  les  Juifs,  enrichis 
par  leur  industrie  et  le  commerce  d'esclaves,  étaient  encore 
libres  et  influents  :  Charlemagne  joint  un  juif,  Isaac,  à  son 
ambassade  auprès  du  khalife  Haroun  (797)  ;  Louis  le  Pieux 
les  protège  contre  leurs  ennemis  et  nomme  un  conser- 
vateur de  leurs  privilèges.  Les  curieuses  lettres  d'Ago- 
bard,  évêque  de  Lyon,  décrivent  avec  indignation  la  pros- 
périté «  scandaleuse  »  des  Juifs  de  Gaule  sous  ce  règne  : 
des  chrétiens  allaient  entendre  les  sermons  des  rabbins, 
prenaient  part  à  leurs  fêtes  ;  ils  faisaient  impunément  des 
prosélytes,  élevaient  de  nouvelles  synagogues,  etc.  Au  con- 
cile de  Meaux  (845),  les  archevêques  Amolon  et  Hincmar 
renouvellent  ces  doléances.  C'est  seulement  sous  les  der- 
niers Carolingiens  que  l'influence  croissante  du  clergé  et  la 
barbarie  des  temps  amènent  des  faits  isolés  de  persécution 
(expulsion  des  Juifs  de  Sens,  883),  des  confiscations  au 
protit  de  l'Eglise  (biens-fonds  des  Juifs  de  Narbonne,  899 
et  914)  et  des  usages  infamants  comme  la  lapidation  du 
dimanche  des  Rameaux  à  Béziers  et  la  colaphisation  du 
Vendredi-Saint  à  Toulouse. 

Juifs  de  Babylonie  et  d' Arabie.  —  A  côté  des  Juifs  de 
l'empire  romain  et  des  nouveaux  Etats  barbares,  il  faut 
mentionner  au  commencement  du  moyen  âge  les  Juifs  de 
Babylonie  et  d'Arabie. 

En  Babylonie,  les  Juifs  habitaient  entre  le  Tigre  et 
l'Euphrate,  dans  les  cantons  qui  avaient  été  assignés  à 
leurs  ancêtres  déportés  par  Nabuchodonosor.  C'était  un 
territoire  fertile,  fécondé  par  des  canaux  ;  ils  s'adonnaient 
à  l'agriculture,  aux  métiers  ;  plusieurs  villes  étaient  en- 
tièrement peuplées  de  Juifs,  et  l'ensemble  de  leurs  com- 
munautés formait  comme  un  Etat  vassal,  auquel  pré- 
sidait un  exilarque  (resch-galouta).  Sous  les  Arsacides 

il 


JOIF 


-  âë8 


(Parthes),  puis  sous  les  rois  Sassanides  (néo-Perses),  qui 
leur  succédèrent  au  m®  siècle,  les  Juifs  de  Babylonie  joui- 
rent longtemps  d'une  parfaite  tolérance  à  la  faveur  de  la- 
quelle, renforcés  par  de  nombreuses  recrues  venues  de 
Palestine,  ils  déployèrent  du  iii^  au  v^  siècle,  dans  leurs 
écoles  ou  académies  de  Sora,  de  Poumbadita,  de  Nahardea, 
une  prodigieuse  activité  théologique.  Cependant  les  rapports 
avec  les  mages,  d'abord  pacifiques,  finirent  par  s'enveni- 
mer ;  au  v^  et  au  vi^  siècle,  des  rois  fanatiques,  Kirouz, 
Cobad,  Yezdigerd  III,  entreprirent  la  conversion  violente 
des  Juifs,  fermèrent  leurs  écoles,  tuèrent  leurs  rabbins  ; 
leur  autonomie  politique  fut  détruite. 

En  Arabie,  les  Juifs,  nombreux  depuis  la  ruine  de  Jéru- 
salem, formèrent  aussi  des  groupements  politiques  indé- 
pendants, protégés  par  des  lignes  de  forteresses  ;  il  y  en 
avait  surtout  autour  de  Yathreb  (Médine)  et  à  Khaibar. 
Agriculteurs,  pasteurs  et  guerriers  comme  les  indigènes, 
souvent  en  lutte  avec  eux,  ils  imitèrent  les  mœurs  cheva- 
leresques des  Arabes  et  leur  communiquèrent  en  échange 
leurs  traditions,  leur  calendrier,  les  rudiments  de  leur  civi- 
lisation. Dans  le  Midi,  ils  réussirent  même  à  convertir  au 
judaïsme  le  roi  (Açad  Aboucarib)  et  une  fraction  de  la  prin- 
cipale tribu  himyaritique  :  pendant  quelques  générations, 
le  Yémen  eut  des  rois  juifs,  mais  les  persécutions  dirigées 
par  l'un  d'eux,  Dhou  No  vas,  contre  les  chrétiens  du  Nedj- 
ran,  amenèrent  une  invasion  éthiopienne  et  la  ruine  du 
royaume  himyarite  (530). 

B.  Période  féodale  et  moderne  (jusqu'en  1789). 
—  Répartition  géographique  du  judaïsme  aux  diverses 
ÉPOQUES.  —  La  dispersion  des  Juifs  à  travers  le  monde  est 
un  fait  très  complexe,  auquel  plusieurs  causes  ont  con- 
couru. L'abaissement  de  la  mère  patrie,  dont  le  sol  leur  était 
devenu  inhospitalier  et  la  capitale  même  interdite,  les 
expulsions,  les  mauvais  traitements,  les  conversions  forcées 
ont  amené  leur  diminution  ou  leur  disparition  dans  cer- 
tains pays  ;  des  transplantations,  la  vente  à  l'encan  de  pri- 
sonniers juifs,  l'attraction   exercée  par  des  législations 
humaines  ou  des  conditions  économiques  favorables,  la 
fécondité  de  la  misère,  l'essaimage  des  communautés  sur- 
peuplées, le  prosélytisme  expliquent  l'apparition  ou  l'aug- 
mentation rapide  de  la  population  Israélite  dans  d'autres 
régions  à  diverses  époques.  Avec  sa  fortune  presque  exclu- 
sivement mobihère,  sa  religion  plus  attachée  à  un  livre 
qu'à  un  lieu  déterminé,  le  Juif,  au  moyen  âge,  se  défda- 
çaitavec  une  grande  facilité;  par  moments,  il  semble  qu'il 
soit  même  retourné  à  l'état  nomade.  Aussi  la  répartition 
géographique  de  la  population  juive  présente-t-elle  dans 
l'histoire  les  plus  étonnantes   vicissitudes.  Dès  l'époque 
romaine,  les  guerres  de  Titus,  de  Trajan,  d'Adrien,  en 
jetant  sur  les  marchés  de  l'Occident  des  milliers  de  pri- 
sonniers de  guerre  juifs,  la  proscription  du  judaïsjne  à 
Chypre,  son  extermination  en  Egypte,  avaient  amené  un 
déplacement  partiel  de  la  race  juive  vers  l'Occident  d'une 
part,  vers  le  Sud  et  le  Nord  de  l'autre.  On  rencontre  les 
Juifs  sur  le  Rhin  et  le  Danube  dès  le  m®  siècle  ;  ils  sont 
nombreux  en  Espagne  au  iv^  et  au  v«,  en  Gaule  au  vi^  siècle, 
en  Arabie  et  peut  être  en  Crimée  à  la  même  époque.  En 
Palestine,  le  judaïsme,  déjà  très  diminué  par  les  massacres 
de  70  et  de  435,  disparut  à  peu  près  sous  les  empereurs 
chrétiens  ;  il  fut  chassé  du  Yémen  par  la  conquête  éthio- 
pienne, du  reste  de  l'Arabie  par  Mohammed.  La  propagation 
de  l'islamisme  et  la  tolérance  des  khalifes  abbassides  rou- 
vrirent aux  Juifs  la  Palestine,  le  N.  de  l'Afrique  et  donnèrent 
un  vigoureux  essor  aux  communautés  babyloniennes  et  espa- 
gnoles ;  de  la  même  époque  (vii^  siècle)  date  la  conversion 
au  judaïsme  d'une  partie  de  la  nation  des  Khazares,  sur 
la  Volga  et  la  Caspienne.  Au  ix^  siècle  après  l'ère  chré- 
tienne, le  centre  de  gravité  de  la  race  juive  était  donc  dans 
le  monde  musulman  (Irak,  Egypte,  Espagne).  La  déca- 
dence du  khalifat  de  Bagdad,  l'intolérance  croissante  des 
dynasties  musulmanes,  la  ruine  des  Khazares  (970)  por- 
tèrent au  judaïsme  oriental  et  africain  un  coup  dont  il  ne 
se  releva  pas  ;  au  Maroc,  presque  tous  les  Juifs  durent  se  i 


convertir  ;  en  Espagne,  ils  refluèrent  vers  les  Etats  chré- 
tiens (xii«  siècle).  L'Espagne  chrétienne,  la  France,  l'Ita- 
lie renfermèrent  dès  lors  les  plus  grandes  et  les  plus  floris- 
santes agglomérations  juives  ;  de  France,  les  Juifs  avaient 
passé  en  Angleterre  avec  Guillaume  le  Conquérant  (4066); 
de  l'Italie  et  des  bords  du  Rhin  ils  s'étaient  répandus  len- 
tement (à  partir  du  ix^  siècle)  dans  l'intérieur  de  l'Alle- 
magne, les  pays  magyars  et  slaves,  attirés  au  début  par  le 
commerce  d'esclaves.  Les  persécutions  inaugurées  par  les 
croisades,  bientôt  suivies  d'expulsions  en  masse  (Angle- 
terre et  Guyenne,  4290  ;  France,  4306  et  4394;  Espagne, 
1492;  Portugal,  1497),  modifièrent  de  nouveau  cet  état  de 
choses.  Le  judaïsme  occidental  ne  se  maintient  plus  guère 
qu'en  Mie  et  en  Allemagne,  où  le  morcellement  politique 
s'oppose  à  une  mesure  générale  d'expulsion.  La  grande 
masse  des  Juifs  est  rejetée  vers  l'Europe  orientale,  particu- 
lièrement la  Hongrie,  la  Pologne  et  la  Lithuanie,  où  les 
attirent  des  statuts  libéraux  et  Fétat  économique  des  popu- 
lations ;  seule  la  Russie  leur  interdit  son  territoire  dès 
4440.  La  Turquie,  les  Etats  barbaresques  au  xvi«  siècle, 
la  Hollande  au  commencement  du  xvii%  donnent  asile  à 
une  partie  de  la  population  juive  expulsée  de  la  péninsule 
ibérique  ;  puis  les  sefardim  hollandais  essaiment  à  leur 
tour  en  Angleterre,  au  Danemark,  dans  le  nouveau  monde 
(Brésil,  Surinam).  A  partir  de  la  fin  du  xviii^  siècle,  le 
régime  libéral  inauguré  par  la  Révolution  française  a  per- 
mis au  judaïsme  de  se  développer  de  nouveau  dans  FEu- 
rope  occidentale  et  centrale,  mais  ses  plus  grandes  masses 
restent  concentrées  dans  les  territoires  dépendant  de  Fan- 
cienne  Pologne  et  aujourd'hui  partagés  entre  la  Prusse 
(Posnanie),  l'Autriche  (Galicie)  et   la  Russie  (Pologne 
propre,  Lithuanie,  etc.),  d'où  les  Juifs  ont  débordé  en  Rou- 
manie. Cependant,  par  l'effet  de  la  législation  restrictive 
qui  les  étouffe  dans  ces  deux  derniers  pays,  un  nouveau 
courant  d'émigration  s'est  prodi  lit  tout  récemment  en  sens 
contraire  de  celui  du  xiv®  et  du  xv*^  siècle,  courant  qui  se 
dirige  en  majeure  partie  vers  Fi^mérique  du  Nord  :  il  n'est 
pas  impossible  que  le  judaïsmo,  après  avoir  été  surtout 
asiatique  jusqu'au  x«  siècle,  africain  et  européen  jusqu'au 
xix%  soit  particulièrement  américain  à  la  fin  du  xx^. 

Politique  de  l'Eglise  envers  les  Juifs.  Droit  canon. 
—  L'animosité  contre  les  Juifs,  peu  sensible,  en  dehors 
des  théologiens  de  profession,  au  commencement  du  moyen 
âge,  a  surtout  été  fortifiée  par  les  eii'orts  séculaires "^ du 
clergé,  des  papes  et  des  conciles.  L'Eglise  est  l'âme  de  la 
société  médiévale  :  son  attitude  envers  les  Juifs  a  fini  par 
déterminer  celle  de  la  société  tout  entière.  L'Eglise,  fille, 
héritière  et  ennemie  née  de  la  synagogue,  ne  tient  pas  à 
exterminer  les  Juifs;  il  est  bon  qu'il  subsiste  quelques  spé- 
cimens de  la  race  jadis  élue,  maintenant  maudite,  qui  servent 
de  témoins  de  l'ancienne  loi,  attestent  par  leur  humiliation 
le  châtiment  du  déicide  et  de  l'incrédulité.  Mais  il  est  aussi 
nécessaire  de  marquer  bien  nettement  aux  yeux  des  popu- 
lations récemment  converties  la  différence  entre  les  deux 
religions,  qu'elles  eurent  longtemps  une  tendance  à  con- 
fondre ;  il  faut  par-dessus  tout  empêcher  la  propagande  re- 
ligieuse des  Juifs.  Ces  principes  règlent  la  politique  de 
l'Eglise  à  l'égard  du  judaïsme.  D'une  part,  elle  est  oppo- 
sée aux  baptêmes  forcés,  comme  les  ont  pratiqués  les  rois 
mérovingiens  et  visigoths,  au  renversement  des  synagogues, 
à  la  dévastation  des  cimetières,  aux  tueries  et  aux  pillages  : 
le  pape  Calixte  11  accorde  aux  Juifs,  dès  4449,  pour  les  pro- 
téger contre  ces  excès,  une  patente  (co7istitutio  Judœorum)^ 
qui  a  été  plusieurs  fois  renouvelée  par  ses  successeurs  (bulle 
d'Alexandre  II;  9°  concile  de  Latran).  La  conversion  par 
la  persuasion  est,  au  contraire,  toujours  à  l'ordre  du  jour  : 
il  semble  que  l'Eglise  ne  soit  bien  sûre  de  son  triomphe  que 
lorsqu'elle  conquiert  à  la  nouvelle  loi  des  gardiens  de  l'an- 
cienne. Un  des  procédés  par  lesquels  on  se  flatte  d'y  arri- 
ver sont  les  colloques  religieux,  où  d'ordinaire  un  Juif  apos- 
tat est  chargé  de  confondre  ses  anciens  coreligionnaires  : 
tel  Nicolas  Donin  au  colloque  de  Paris  sous  saint  Louis 
(4240),  Pablo  Christiani  au  colloque  deRarcelone  (4263), 


—  259  - 


JUIF 


Geronimo  de  Santa  Fé  au  colloque  de  Tortose  (1413-4). 
Ces  controverses  solennelles  produisant  peu  de  résultats, 
on  recourt  aux  campagnes  de  prédications,  qui  provoquent 
souvent  des  explosions  de  fanatisme  (Capistrano,  Vincent 
Ferrier,  Bernardin  de  Feltre)  ;  on  oblige  les  Juifs  d'assister 
à  des  sermons  prêches  à  leur  intention,  puis  on  s'attaque 
à  leur  arsenal,  à  leurs  livres  qu'on  prétend  remplis  d'in- 
sultes au  christianisme  :  on  biûle  le  Talmud  et  d'autres 
livres  hébraïques  à  Paris  en  1243  et  dans  beaucoup  d'autres 
villes;  les  franciscains  et  les  dominicains,  nouvelle  milice 
de  l'Eglise  organisée  par  Innocent  Ilï,  dirigent  ces  perqui- 
sitions et  ces  autodafés.  Plus  tard,  on  se  contente  de  con- 
fisquer les  ouvrages  scandaleux  et  de  raturer  les  passages 
malsonnants  :  des  censeurs,  payés  par  les  Juifs,  président 
à  celte  besogne,  qui  se  poursuit  même  après  l'invention  de 
l'imprimerie.  Les  anciennes  éditions  du  Tuhnud  sont  pleines 
de  blancs,  de  passages  maculés  ou  corrigés,  souvent  d'une 
manière  ridicule.  Si  l'on  empêche  ainsi  les  Juifs  de  blas- 
phémer contre  la  religion  chrétienne,  on  ne  se  fait  pas  faute 
de  les  malmener  soi-même  ;  le  langage  des  papes,  des  con- 
ciles, des  théologiens,  reste  toujours  injurieux  et  violent. 

L'autre  face  de  l'activité  de  l'Eglise  vise  la  remise  en 
vigueur  et  l'aggravation  de  toutes  les  mesures  de  précau- 
tion, de  toutes  les  incapacités  humiliantes  édictées  par  le 
code  de  Théodose  contre  les  Juifs  et  tombées  en  désuétude 
pendant  la  première  partie  du  moyen  âge.  Déjà  les  con- 
ciles espagnols  et  français  en  avaient  constamment  réclamé 
Fapplication  ;  les  recueils  de  droit  canon  du  x^'  au  xiii^  siècle 
les  renouvellent  et  les  précisent;  le  iO^  concile  de  Latran 
les  érige  formellement  en  lois  de  l'Eglise  (121 5),  et  les  papes 
ne  cessent  d'en  prescrire  l'observation  aux  gouvernements 
laïcs.  Elles  se  résument  en  trois  principes  : 

1°  Les  Juifs  ne  doivent  avoir  aucune  autorité  sur  les 
chrétiens  :  donc  exclusion  de  toutes  fonctions  publiques, 
défense  aux  Juifs  de  détenir  des  esclaves  ou  mémo  des 
domestiques,  nourrices,  sages-femmes,  etc.,  chrétiens;  l'es- 
clave né  chez  le  Juif,  s'il  embrasse  le  christianisme,  devient 
libre;  si  c'est  un  esclave  acheté  au  marché,  le  Juif  doit  le 
revendre  dans  les  trois  mois. 

2°  Le  culte  juif  ne  doit  subir  aucune  extension  :  défense 
d'avoir  plus  d'une  synagogue  par  communauté,  de  cons- 
truire de  nouvelles  synagogues  ou  d'embellir  les  anciennes  ; 
de  circoncire  les  esclaves  païens  ;  le  Juif  baptisé  et  relaps 
est  châtié  sévèrement. 

3^  Les  chrétiens  doivent  éviter  le  contact  social  des  Juifs  : 
interdiction  des  mariages  mixtes,  des  relations  familières  avec 
les  Juifs  ;  défense  de  s'asseoira  leur  table  ;  défense  d'avoir  des 
médecins  juifs,  etc.  A  ces  prohibitions  qui,  pour  la  plupart, 
remontent  à  la  législation  des  empereurs  chrétiens,  l'Eglise 
ou  les  législations  nées  sous  son  influence  en  ajoutent 
d'autres,  destinées  à  achever  l'isolement  et  rabaissement 
des  Juifs.  Déjà,  d'après  les  lois  de  Justinien,  leur  témoignage, 
leur  serment,  n'étaient  pas,  en  princi|)e,  admis  contre  les 
chrétiens;  en  tout  cas,  on  leur  impose  une  formule  de  ser- 
ment horrible,  accompagnée  de  cérémonies  burlesques  ou 
obscènes  (serment  more  jiulaico).  Piesque  partout  ils 
doivent  habiter  des  quartiers  clos,  sans  jour  sur  les  autres 
rues,  ouverts  et  fermés  à  des  heures  déterminées  :  c'est  le 
ghetto^  la  carrière^  le  Jiidcnvicrtel  ou  la  Judoigasse, 
Pendant  toute  la  semaine  sainte,  ils  doivent  s'enfermer  chez 
eux.  A  l'imitation  des  musulmans,  le  concile  de  1215,  sous 
prétexte  d'empêcher  les  unions  mixtes  contractées  par  er- 
reur, introduit  l'usage  d'une  marque  distinctive  que  les 
Juifs  doivent  désormais  porter  sur  leurs  vêtements,  à  un 
endroit  apparent.  C'est  presque  partout  la  fameuse  rouelle^ 
rouge  ou  jaune,  quelquefois  remplacée  par  un  chapeau  ou 
capuchon  de  forme  et  de  couleur  variables,  mais  généra- 
lement grotesque. 

Législations  particulièbes.— Les  lois  canoniques  contre 
les  Juifs  n'ont  pas  été  appliquées  partout  ni  dans  tous  ks 
siècles  du  moyen  âge  avec  une  égale  rigueur  :  Umiùl  atté- 
nuées, tantôt  exagérées,  en  général  les  gouvernements 
n'en  ont  tenu  compte  que  dans  la  mesure  de  leurs  intérêts  ; 


c'est  ainsi  que  dans  beaucoup  d'Etats  les  rois  ont  continué 
à  prendre  des  fonctionnaires,  des  trésoriers,  des  médecins 
juifs  malgré  les  objurgations  des  papes;  à  l'inverse,  la 
propriété  foncière  a  été  presque  partout  interdite  aux  Israé- 
lites, en  parlicuher  dans  les  Etats  pontificaux.  Souvent  la 
condition  légale  des  Juifs  a  été  réglée  par  un  acte  législatif, 
constituant  une  sorte  de  pacte  entre  le  gouvernement  et  eux  : 
de  ce  nombre  sont  les  Judenstœitigkeiten  et  les  Juden- 
ordnungen  des  Etats  d'Allemagne,  le  règlement  autri- 
chien do  1244  copié  en  llongrie.'en  Pologne  et  ailleurs,  les 
conventions  des  rois  de  France  avec  les  Juifs  au  xiv^  siècle. 
La  grande  préoccupation  des  gouvernements  est  d'exploi- 
ter les  Juifs  au  profit  de  leurs  finances.  Non  content  d'exi- 
ger des  Juifs,  comme  des  chrétiens,  la  dîme  du  clergé,  on 
commence  par  poser  en  principe  que  le  Juif  est  serf  de 
FEglise  d'abord,  des  princes  ensuite  :  partout  les  meubles 
du  Juif  sont  au  roi  —  en  France,  au  baron  —  tout  ce  qu'il 
lui  en  laisse  est  bonté  pure.  De  là  non  seulement  des  capita- 
tions  spéciales  (en  Castille,  30  deniers;  en  Allemagne,  de- 
puis 1342,  1  florin  d'or  par  tête,  etc.),  mais  des  tributs 
en  nature  de  toute  espèce  (sel,  épices,  au  Portugal  une 
ancre  et  un  câble  par  vaisseau),  des  corvées  bizarres  (en- 
tretien de  la  ménagerie  royale,  balayage  des  palais),  des 
sauf-conduits,  des  péages  corporels",  qui  assimilent  les 
Juifs  à  un  bétail.  Dans  certains  pays,  les  tailles  perçues  sur 
eux  s'élèvent  à  un  chifïi'e  énorme",  parfois  égal  au  rende- 
ment de  tous  les  autres  impôts  :  c'est  la  part  du  gouver- 
nement dans  les  bénéfices  de  Fusure  juive,  et  elle  contribue 
naturellement  à  élever  le  taux  de  l'intérêt.  Le  gouverne- 
ment tra(i(|ue  de  ces  revenus  :  il  les  donne  en  gage,  les 
ail'erme,  jes  vend  ou  en  fait  don  à  des  églises,  à  des  villes, 
à  des  seigneurs.  Ce  système  entraîne  des  conséquences  sin- 
gulières :  d'une  part  le  prince  s'arroge  le  droit,  soit  de  con- 
fisquer en  tout  ou  en  partie  les  biens  des  Juifs,  soit  d'abo- 
hr,  quand  il  lui  plaît,  leurs  créances  ou  les  intérêts  de  leurs 
créances,  sauf  une  fraction  qu'il  s'attribue;  d'autre  part, 
le  Juif  perd  le  droit  d'émigrer  d'une  seigneurie  dans  l'autre, 
il  devient  serf  de  la  glèbe.  fjiPm,  quand  le  Juif  se  fait  bap- 
tiser, en  compensation  de  la  perle  qui  en  résulte  pour  le 
Trésor,  ses  biens  sont  confisqués;  de  même,  quand  une 
ville  allemande  expulse  ses  Juifs,  elle  doit  bonifier  au  Tré- 
sor im[)érial  le  revenu  qu'il  en  tirait. 

Transformation  éconojiioue  nu  .iudaïsme.  —  Parallèle- 
ment à  cette  aggravation  des  conditions  légales,  en  grande 
partie  par  i'elFet  même  de  cette  aggravation,  un  profond 
changement  s'opère  dans  les  conditions  économiques  et 
sociales  de  la  vie  juive.  Les  anciens  Hébreux,  même  les 
Juifs  de  l'époque  de  la  Restauration,  étaient  essentiellement 
un  peuple  agricole  et  pastoral,  sans  aptitude  spéciale,  sans 
goût  pour  le  commerce.  Us  n'apprirent  le  négoce  qu'à 
l'école  des  Grecs;  ils  ne  le  pratiquèrent  avec  succès  que 
dans  quelques  établissements  do  la  diaspora,  comme 
Alexandrie  ;  en  Palestine,  en  Babylonie,  ils  continuèrent  à 
s'adonner  presque  exclusivement  à  la  culture  du  sol  et  aux 
métiers.  Les  Juifs  amenés  en  Occident  par  les  émigrations 
volontaires  ou  forcées  s'y  trouvèrent  dans  des  coiiditions 
moins  favorables  pour  pratiquer  l'agriculture:  l'acquisition 
des  immeubles  était  difficile  dans  des  pays  de  grande  pro- 
priété; la  population  agricole  réduite  à  une  condition  à  peu 
près  servile  n'ouvrait  pas  ses  rangs  aux  nouveaux  venus. 
Partout  cependant  où  cela  leur  fut  possible,  nous  voyons 
les  Juifs  s'attacher  au  sol  et  tâcher  d'y  prendre  racine  ;  en 
Champagne,  beaucoup  d'entre  eux  vivent  du  produit  de 
leurs  champs  et  de  leurs  vignes  ;  dans  la  vicomte  de  Nar- 
bonne,  ils  ont  des  terres  ;  il  en  est  de  même  en  Espagne, 
en  Itahe;  au  xii*'^  siècle,  Benjamin  de  Tudèle  rencontre  en 
Orient  de  nombreuses  colonies  de  Juifs  cultivateurs.  Cepen- 
dant en  Occident,  dès  le  commencement  du  moyen  âge,  les 
Juils  sont  une  population  pi  incipalement  urbaine  et  mar- 
chande ;  groupes  dans  les  villes,  ils  peuvent  plus  aisé- 
ment s'y  déièiidi-e  ;  beaucoup  d'entre  eux  sont  «  argentiers  » 
(c.-à-d.  san;i  doute  à  la  fois  orfèvres,  monnayeurs  et  ban- 
quiers) et  marchands  d'esclaves  ;  ils   exercent  aussi  les 


JUIF 

métiers.  A  partir  de  l'époque  féodale,  ils  se  spécialisent  de 
plus  en  plus  dans  le  commerce  d'argent.  En  effet,  toutes 
les  autres  carrières  lucratives  leur  étaient  alors  pratique- 
ment fermées  :  l'agriculture  par  le  système  des  tenures 
féodales  et  les  nombreuses  législations  qui  leur  défendaient 
de  posséder  des  biens-fonds,  l'industrie  par  le  système  des 
corporations  où  dominait  l'esprit  religieux,  —  en  Espagne, 
au  xiY^  siècle,  on  leur  interdit  formellement  les  métiers 
manuels,  —  les  carrières  administratives  et  judiciaires  par 
l'application  de  plus  en  plus  stricte  du  droit  canon  ;  res- 
taient la  médecine,  débouché  très  restreint,  et  le  commerce. 
En  Italie,  seul  pays  où  le  commerce  maritime  eût  quelque 
importance,  les  Juifs  y  prirent  une  part  honorable  ;  en 
Hongrie  et  en  Pologne,  ils  furent  intendants  des  seigneurs  ; 
partout  ailleurs,  ils  se  rejetèrent  sur  la  friperie,  le  colpor- 
tage et  principalement  la  banque.  Il  y  avait  à  cela  une  autre 
raison  :  l'Eglise  interdisait  aux  fidèles  le  prêt  à  intérêt 
(alors  appelé  usure)  ;  cette  prohibition  était  surtout  fondée 
sur  un  verset  de  l'Évangile  selon  saint  Luc  (vi,  33),  d'ail- 
leurs défiguré  par  une  faute  de  copie  (3avc{^£T£  arfilv 
aTcsXTt'tovisç  au  lieu  de  âvxcXTui'J^ovTsç).  D'autre  part,  le 
prêt  à  intérêt  est  indispensable  à  toute  société  civilisée,  car 
sans  lui  l'argent  ne  circule  pas,  et  sans  argent  point  de 
trafic.  Pour  concilier  la  nécessité  économique  avec  la  loi 
religieuse,  on  essaya  de  divers  expédients  peu  satisfaisants 
(tels  que  le  système  des  rentes  constituées),  mais  surtout 
on  s'avisa  que  la  défense  canonique  ne  concernait  pas  les 
Juifs,  et  que  leur  propre  loi  leur  permettait  de  prêter  à 
intérêt  aux  non-Juifs.  Le  Juif  devint  ainsi  le  banquier 
nécessaire,  souvent  unique,  de  la  société  chrétienne  au 
moyen  âge  ;  on  lui  défendit  à  dessein  les  autres  occupations 
pour  concentrer  son  activité  vers  celle-là;  «  dans  beaucoup 
de  villes,  on  ne  le  recevait  même  qu'à  la  condition  de  tenir 
une  banque  ouverte,  avec  des  capitaux  toujours  dispo- 
nibles »  (I.   Loeb).  Les  prêteurs  juifs  n'eurent  d'autres 
concurrents  que  les  Lombards  et  les  Caorsins;  ils  exer- 
ceraient donc  une  sorte  de  monopole,  et,  comme  tous  les 
monopoles,  leur  «  usure  »  était  onéreuse  pour  le  public 
et  les  rendait  impopulaires.  Le  taux  de  l'intérêt,  d'ailleurs 
très  variable,  était  nécessairement  fort  élevé,  vu  la  rareté 
des  capitaux,  la  grandeur  du  risque,  l'avidité  des  gou- 
vernements qui  prélevaient  sous  forme  d'impôts  une  large 
part  dans  les  bénéfices  ;  il  ne  paraît  pas  que  les  prêteurs 
juifs  aient  été  particulièrement  rapaces  ni  malhonnêtes. 
Chassés,  la  clameur  publique  ne  tardait  pas  à  exiger  leur 
rappel.  Il  en  fut  ainsi  taiît  que  le  préjugé  canonique  resta 
vivace  ;  quand  il  commença  à  s'affaiblir,  au  xiv^  siècle 
(d'abord  en  Lombardie  où  les  monts-de-piété  firent  aux 
Juifs  une  concurrence  victorieuse),  on  apprit  à  se  passer 
du  Juif;  la  bourgeoisie  commerçante,  oublieuse  de  ses 
services,  fut  au  premier  rang  de  ses  ennemis  ;  la  populace 
et  les  gouvernements  se  partagèrent  ses  dépouilles.  Là  où 
l'on  toléra  encore  sa  présence,  le  Juif  n'en  resta  pas  moins, 
par  la  force  des  choses  et  par  l'habitude  prise,  voué  au 
commerce  d'argent;  il  y  conserve  encore  aujourd'hui  une 
incontestable  supériorité,  qui  lui  a  valu  plus  de  maux  que 
de  profits. 

Sources  des  persécutions.  —  Les  persécutions  dont  le 
judaïsme  a  été  l'objet  au  moyen  âge,  —  lois  tyranniques, 
massacres  et  pillages  populaires,  expulsions  collectives,  — 
ont  une  double  origine  :  l'une  juive,  l'autre  chrétienne. 
Les  Juifs,  sous  l'influence  de  plus  en  plus  exclusive  de 
l'esprit  talmudique,  leur  ont  fourni  un  prétexte  par  la 
persistance  ou  même  le  renforcement  de  leur  sentiment 
national,  par  leur  éioignement  ou  leur  mépris  trop  souvent 
affiché  des  «  gentils  »,  par  l'exagération  des  lois  cérémo- 
nielles  qui,  dans  l'intention  d'élever  une  haie  autour  de  la 
foi,  enveloppaient  la  vie  tout  entière  dans  un  réseau  serré 
d'observances  rigoureuses,  rendaient  impossible  la  com- 
munauté de  vie,  de  table,  entre  les  Juifs  et  les  chrétiens, 
perpétuaient  chez  les  Juifs  l'étroite  solidarité,  l'aspect 
étranger,  l'isolement  farouche  qui,  aux  heures  de  crise, 
devaient  fatalement  les  désigner  à  la  méfiance  et  à  la  haine. 


260  — 

De  leur  côté,  les  chrétiens  ont  fortement  travaillé  à  accen- 
tuer ce  particularisme  de  la  race  juive  par  une  série  de 
mesures  de  séquestration  matérielle  et  morale  qui,  dans  la 
pensée  de  leurs  auteurs,  étaient  destinées  d'abord  et  sur- 
tout à  défendre  la  foi  chrétienne  contre  la  propagande 
Israélite,  mais  qui  ont  singulièrement  dépassé  le  but. 

Les  mauvais  sentiments  si  généralement  répandus  contre 
les  Juifs  à  la  fin  du  moyen  âge  sont  en  grande  partie 
l'œuvre  consciente  ou  inconsciente  de  cette  législation  res- 
trictive qui  a  fait  tomber  la  race  juive  du  côté  où  elle 
penchait  naturellement.  A  l'époque  où  l'antijudaïsme  bat 
son  plein,  il  a  simultanément  ou  tour  à  tour  trois  aspects 
différents  : 

i«  Aspect  religieux,  La  race  mécréante,  déicide,  ré- 
prouvée, flétrie  tous  les  jours  par  les  prédicateurs  et  les 
écrivains  ecclésiastiques,  excite,  par  son  obstination  à  re- 
jeter la  vérité  évangélique,  à  faire  des  prosélytes  ou  à 
reprendre  les  nouveaux  convertis,  une  indignation  d'au- 
tant plus  vive  que  le  christianisme  des  peuples  européens, 
d'abord  assez  superficiel,  gagne  en  profondeur  et  en 
intensité. 

2^  Aspect  national.  Le  Juif  est  de  plus  en  plus  un 
étranger,  à  qui  ses  habitations  séparées,  ses  coutumes 
bizarres,  sa  langue  incompréhensible,  son  costume  exotique 
composent  une  physionomie  inquiétante,  sinistre  ou  gro- 
tesque ;  à  mesure  que  le  sentiment  national  se  développe 
chez  les  peuples  chrétiens,  ils  se  sentent  gênés  par  cet 
élément  hétérogène,  impossible  à  assimiler,  et  en  réclament 
ou  en  approuvent  l'expulsion. 

3«  Aspect  économique.  Le  Juif,  devenu  par  l'efi'et  des 
lois  canoniques  le  seul  banquier  du  moyen  âge,  s'est  fait 
autant  d'ennemis  que  de  débiteurs  ;  les  uns  veulent  se 
débarrasser  de  créanciers  incommodes,  les  autres  convoi- 
tent des  trésors  que  l'imagination  populaire  exagère  singu- 
lièrement; d'autres  enfin,  quand  l'esprit  commercialse 
réveille,  poursuivent  dans  les  Juifs  des  concurrents  gênants, 
détenteurs  d'un  monopole  suranné. 

Tels  sont  les  trois  motifs  généraux  dont  Faction  se  fait 
sentir  à  peu  près  partout;  il  faut  y  ajouter  quantité  de  pré- 
jugés populaires,  nés  de  la  calomnie  ou  de  la  superstition, 
qui  atteignent  d'ailleurs  tous  les  «  maudits  »  du  moyen  âge 
(sorciers,  lépreux,  cagots),  mais  qui  se  traduisent,  en  ce  qui 
concerne  les  Juifs,  par  des  vengeances  particulièrement  fé- 
roces. Les  Juifs,  dit-on,  tuent'des  enfants  chrétiens  pour 
mêler  leur  sang  aux  pains  azymes  de  Pâques  ;  ils  volent  et 
percent  des  hosties  pour  en  faire  couler  le  sang  du  Christ  ; 
leurs  médecins  empoisonnent  les  rois;  en  temps  d'épidémie, 
ils  ont  infecté  les  puits  ;  en  temps  de  guerre,  ils  font  des 
signaux  à  l'ennemi  et  lui  livrent  les  forteresses.  Ces  crimes 
imaginaires  sont  expiés  trop  souvent  sur  le  bûcher,  en 
prison  ou  dans  l'exil.  En  particulier,  l'accusation  du  meurtre 
rituel  a  fait  des  milliers  de  victimes  innocentes  depuis  le 
xn«  siècle  (affaire  de  l'enfant  Richard  à  Pontoise,  4182) 
jusqu'à  nos  jours  (affaire  du  P.  Thomas  à  Damas,  d840). 
Persécutions  générales.  —  Si  les  spoliations,  les  vio- 
lences isolées  contre  les  Juifs  remontent  à  une  date  très 
ancienne,  les  grandes  persécutions  n'ont  guère  commencé 
qu'à  la  fin  du  xi^  siècle,  lorsque  le  christianisme  des  peuples 
de  l'Europe  occidentale  eut  pris  une  profondeur  et  une  in- 
tensité allant  jusqu'au  fanatisme,  qui  se  traduisent  par  le 
prodigieux  élan  des  croisades. 

Plusieurs  de  ces  persécutions  ont  un  caractère  en  quel- 
que sorte  international  et  se  rattachent  à  de  grands  mouve- 
ments d'opinion  ou  à  de  grandes  calamités  répandues  sur 
toute  l'Europe  :  les  croisades,  la  peste,  les  invasions  bar- 
bares, l'inquisition.  Lors  de  la  première  croisade  (1096) 
l'avant-garde  de  l'armée  chrétienne  se  rua  sur  les  Juiveries 
de  la  Moselle,  du  Rhin  et  du  Danube,  et  y  sema  le  car- 
nage ;  les  Juifs  acceptèrent  le  martyre  ou  coururent  au- 
devant  avec  un  véritable  héroïsme.  Des  scènes  analogues 
se  produisent,  dans  l'Allemagne  du  Sud,  pendant  la  prédi- 
cation de  la  deuxième  croisade  (1146),  en  Angleterre  pen- 
dant les  préparatifs  de  la  troisième  (1189).  Le  pontificat 


264  - 


JUIF 


d'Innocent  III  (1498-1216),  Torganisation  de  l'inquisition 
franciscaine  et  dominicaine,  les  sévères  décisions  du  dixième 
concile  de  Latran  (4  24  5)  marquent  une  nouvelle  recrudes- 
cence dans  le  martyrologe  des  Juifs.  Dans  la  deuxième 
moitié  du  xiii®  siècle,  les  terreurs  provoquées  par  les  pro- 
grès menaçants  des  Mongols,  qu'on  soupçonnait  d'être  fa- 
vorisés par  les  Juifs,  eurent  leur  contre-coup  jusqu'en 
Alsace.  Plus  effroyable  encore  fut  la  persécution  dont  la 
peste  noire  (4348-50)  donna  le  signal  ;  les  Juifs,  accusés 
d'avoir  empoisonné  les  puits  par  le  moyen  des  lépreux  ou 
d'une  horrible  mixture,  furent  massacrés  par  milliers  ;  la 
fureur  de  sang  se  promena  depuis  l'Espagne  jusqu'au  fond 
de  la  Silésie  et  de  la  Hongrie,  en  passant  par  la  Provence, 
la  Savoie,  le  Dauphiné,  la  Suisse,  l'Allemagne  et  l'Au- 
triche. Des  excès  semblables  faillirent  se  reproduire  encore 
deux  et  trois  siècles  plus  tard,  à  l'époque  des  invasions 
turques  ;  les  Juifs  furent  accusés  d'avoir  vendu  Rhodes  à 
Soliman;  on  les  exila  de  Vienne  (1670)  sous  prétexte  de 
connivence  avec  les  Turcs. 

Histoire  particulière  des  Juifs  dans  divers  Etats.  — 
Espagne,  Portugal.  — Il  faut  maintenant  résumer  briève- 
ment les  destinées  du  judaïsme  dans  les  différents  pays 
d'Europe  au  moyen  âge  et  dans  les  temps  modernes.  «  Celte 
histoire,  dit  I.  Loeb,  est  presque  partout  la  même  :  situa- 
tion satisfaisante  à  l'origine,  puis  plus  tard  vexations, 
mauvais  traitements,  confiscations,  pillages,  expulsions.  » 

En  Espagne,  où  les  Juifs  étaient  déjà  nombreux  au 
temps  des  Visigoths,  ils  se  multiplièrent  après  la  conquête 
arabe  (744),  probablement  par  l'effet  d'une  immigration 
venue  d'Afrique  à  la  suite  des  conquérants.  Sous  les  émirs, 
puis  khalifes  deCordoue  (depuis  942),  dans  les  royaumes 
mauresques  nés  du  démembrement  du  khalifat  (1013),  la 
situation  des  Juifs  fut  longtemps  florissante.  Ils  avaient 
adopté  la  langue,  le  costume,  les  m(eurs  arabes,  rivali- 
saient d'activité  industrielle  et  littéraire  avec  leurs  maîtres. 
Intermédiaires  diplomatiques  entre  les  musulmans  et  les 
chrétiens,  ils  combattirent  vaillamment  dans  les  armées 
des  deux  partis  :  à  la  bataille  de  Zalaca  (1086)  la  lutte 
fut  ajournée  du  samedi  au  dimanche  pour  leur  permettre 
d'y  prendre  part.  L'administration  des  finances,  la  percep- 
tion des  impôts  leur  étaient  confiées  de  préférence,  sans 
souci  du  «  pacte  d'Omar  »  et  des  prescriptions  canoniques. 
Plusieurs  trésoriers  {almoxarif)  juifs  furent  renommés 
par  leurs  talents  ou  leur  munificence  ;  plusieurs  aussi  eu- 
rent une  fin  tragique.  Citons  seulement  à  Cordoue,  auprès 
d'Abd  er-Rahmân  III,  Hasdaï  ibn  Cliaprout,  qui  correspon- 
dit avec  le  roi  des  Khazares  (x^  siècle)  ;  à  Grenade,  Samuel 
ibn  Nagrela  et  son  fils  Joseph  (xi®  siècle)  ;  en  Castille, 
R.  Juda  sous  Alphonse  VI,  Çag  sous  Alphonse  X  le  Sage, 
Joseph  d'Ecija  sous  Alphonse  XI,  et  le  plus  célèbre  de  tons, 
Samuel  ha  Lévi,  sous  Pierre  le  Cruel  (xiv<^  siècle)  ;  en  Por- 
tugal, Ferdinand  P''  (4367-83)  emploie  Judas  et  David  Ne- 
gro;  encore  au  xvi®  siècle,  Isaac  Abravanel  est  successive- 
ment le  ministre  d'Alphonse  V  de  Portugal  et  de  Ferdi- 
nand d'Aragon.  D'autres  rois  eurent  des  médecins,  des 
astronomes,  des  musiciens  juifs.  Le  reste  des  lois  cano- 
niques et  gothiques  n'était  pas  mieux  observé.  Les  Juifs 
possédaient  des  terres,  circulaient  librement,  exerçaient  les 
métiers,  portaient  les  armes;  ils  n'étaient  astreints  à  aucun 
signe  distinctif.  Certains  fueros  les  assimilaient,  pour  le 
rang  social,  aux  hidalgos  ;  dans  les  commissions  d'experts, 
juifs  et  chrétiens  étaient  en  nombre  égal. 

Lorsque  l'intolérance  des  Almoravides  et  surtout  celle 
des  Almohades  (milieu  du  xii^  siècle)  eut  à  peu  près  chassé 
les  Juifs  de  l'Andalousie  musulmane,  leur  nombre  aug- 
menta en  Castille  et  en  Aragon  ;  à  Tolède  seul  ils  étaient 
12,000,  dans  toute  la  Castille  peut-être  un  demi-milhon. 
Les  lois  canoniques  ne  commencèrent  à  être  remises  en 
vigueur  en  Aragon  que  sous  Jacques  P*"  (121 3-1 276),  en 
Portugal  sous  Denys  le  Laboureur  (1279-1325),  en  Cas- 
tille après  la  victoire  de  Henri  de  Transtamarre  (t369). 
L'affaiblissement  des  Maures  dans  la  Péninsule  détourne 
alors  l'esprit  de  croisade  vers  de  nouveaux  objets;  la  pa- 


pauté surveille  activement  les  intérêts  de  la  foi  en  Es- 
pagne ;  enfin,  le  réveil  économique  de  la  nation,  la  jalousie 
de  la  bourgeoisie  ne  furent  pas  étrangers  aux  mesures  res- 
trictives, sans  cesse  réclamées  par  les  conciles  et  les  certes, 
sans  cesse  retardées  par  la  répugnance  des  rois  et  de  la 
noblesse.  Les  Juifs  sont  déclarés  hommes  ou  plutôt  choses 
du  roi,  sans  toutefois  que  l'exploitation  fiscale  ait  jamais 
atteint  les  proportions  que  l'on  constate  dans  d'autres  pays. 
Successivement  les  rabbins  sont  dépouillés  de  leur  juridic- 
tion pénale,  le  port  obligatoire  de  la  barbe,  la  rouelle,  le 
ghetto  sont  introduits,  les  Juifs  exclus  peu  à  peu  de  tous 
les  emplois.  On  les  envoie  de  force  à  des  serments  de 
conversion,  on  organise  des  controverses  solennelles,  Be- 
noît XIII  leur  interdit  délire  le  Talmud  (1444).  Sur  cette 
pente  on  ne  s'arrête  pas  ;  la  fureur  de  conversion  s'unit  à 
la  soif  du  pillage  pour  déchaîner  des  persécutions  san- 
glantes :  celle  de  Navarre  en  4329,  celle  de  Castille  en 
1390,  celle  d'Aragon  et  de  Catalogne  (campagne  de  Fer- 
nan  Martinez)  en  1391.  Les  efforts  de  Vincent  Ferrier,  le 
«  docteur  angéhque  »  (4412),  amenèrent  des  milliers  de 
baptêmes  plus  ou  moins  spontanés. 

A  .partir  de  cette  crise,  le  judaïsme  espagnol,  diminué 
de  moitié,  ne  traîne  plus  qu'une  existence  languissante. 
L'attention  se  concentre  sur  les  nouveaux  chrétiens  {con- 
versas^ anoîisim,  marranes),  très  prospères  et  influents, 
mais  qui  pratiquent  en  cachette  les  rites  juifs  et  conser- 
vent des  relations  occultes  avec  leurs  anciens  coreligion- 
naires. En  4480,  l'inquisition  est  introduite;  sous  l'im- 
pulsion du  dominicain  Torquemada,  ce  tribunal  exerce 
d'effroyables  rigueurs  contre  tous  les  convertis,  juifs  ou 
maures,  convaincus  ou  suspects  de  rechute  ;  des  milliers 
de  ces  malheureux  sont  Hvrés  au  bras  sécuher,  c.-à-d. 
au  bûcher.  Pour  couper  le  mal  à  sa  racine,  on  se  décida 
à  chasser  les  Juifs.  Au  lendemain  de  la  conquête  de  Gre- 
nade, qui  couronnait  l'unité  de  l'Espagne  et  le  triomphe  de 
la  croix,  le  sentiment  national  et  catholique,  exalté  jus- 
qu'au fanatisme,  réclamait  cette  mesure  barbare  :  Ferdi- 
nand et  Isabelle  prononcèrent  l'expulsion  de  tous  les  Juifs 
d'Espagne  (34  mars  4492)  ;  ils  prirent  le  chemin  de  l'exil 
au  nombre  de  2  ou  300,000,  et  cet  exode  fut  accompagné 
de  souffiances  et  de  ruines  lamentables.  Les  marranes,  res- 
tés seuls,  se  christianisèrent  peu  à  peu;  d'après  le  Tizon 
de  la  Nobleza  de  Mendoza,  presque  toutes  les  grandes 
familles  espagnoles  ont  du  sang  juif  dans  les  veines. 

Le  Portugal  avait  jusqu'alors  ménagé  les  Juifs  et  leur 
laissait  une  véritable  organisation  politique  en  sept  dis- 
tricts, ayant  à  leur  tête  un  chef  suprême  {Arrabi  Moor)  ; 
mais  l'exil  des  Juifs  espagnols  atteignit  par  contre-coup 
ceux  du  royaume  voisin.  Les  Juifs  fugitifs  d'Espagne  y 
furent  d'abord  réduits  en  servitude  ;  puis  le  roi  Manuel, 
sous  la  pression  de  Ferdinand  le  Catholique,  interdit  le 
territoire  portugais  aux  Juifs  (déc.  4496).  Il  s'arrangea  de 
façon  à  empêcher  l'embarquement  de  la  plupart  des  [)ros- 
crits  et  les  contraignit  au  baptême  sous  la  promesse,  fidèle- 
ment observée,  d'une  large  tolérance.  Mais  après  sa  mort, 
la  foi  toujours  suspecte  de  ces  néophytes  amena  l'introduc- 
tion de  l'inquisition  avec  son  cortège  habituel  de  vexations 
et  de  supplices  (4531)  ;  la  conquête  du  Portugal  par  Phi- 
lippe H  (4580)  exaspéra  encore  ses  rigueurs.  Aussi  dans 
le  courant  du  xvi^  siècle  des  milliers  de  marranes  portu- 
gais s'échappèrent-ils  secrètement  aux  Indes  ou  vers  des 
pays  plus  hospitaliers  (Italie,  Turquie,  Bordeaux,  Hol- 
lande), où  ils  ne  tardèrent  pas  à  reprendre  ouvertement 
les  rites  de  leurs  ancêtres.  Dans  le  Portugal  même,  beau- 
coup continuèrent  à  les  pratiquer  secrètement  jusqu'au  ré- 
tablissement de  la  liberté  religieuse  à  notre  époque.  Le 
sang  juif  est  aussi  abondant  dans  la  noblesse  portugaise 
que  dans  celle  d'Espagne  ;  on  connaît  le  mot  de  Pombal  à 
Joseph  l^''  qui  voulait  exclure  de  la  cour  tous  les  descendants 
des  nouveaux  chrétiens  :  «  Il  ne  nous  reste  donc  plus,  dit-il, 
qu'à  partir  ensemble.  » 

France.  —  En  France,  au  début  de  la  dynastie  capé- 
tienne, les  Juifs  étaient  partout  répandus  jusque  dans  les 


JUIF 


262  ™ 


villages;  relativement  bien  vus  des  populations,  ils  ne 
s'étaient  point  encore  cantonnés  dans  le  commerce  d'ar- 
gent :  ils  possédaient  des  terres,  des  maisons  ;  dans  le  Midi 
on  leur  confiait  des  emplois  publics.  Leurs  écoles  talmu- 
diques  en  Champagne,  en  Languedoc  étaient  florissantes  ; 
les  rabbins  parlaient  partout  le  français,  comme  le  prouvent 
les  gloses  françaises  éjiarses  dans  leurs  commenlaires;  ils 
portaient  des  noms  français,  francisaient  môme  leurs  noms 
hébraïques  (lïaquin  pour  Isaac,  Josse  pour  Joseph,  Vivant 
pour  liaïm). 

Avec  réveil  de  l'enthousiasme  chrétien  au  xi«  siècle, 
quelques  faits  de  persécution,  quelques  baptêmes  forcés  se 
produisent  à  Orléans,  à  Limoges,  à  Rouen  ;  cependant  la 
fureur  de  sang  déchaînée  par  les  premières  croisades  n'at- 
teignit guère  les  Juifs  de  France  ;  l'autodafé  de  Blois  (i  171), 
le  massacre  de  Bray  (1191)  restent  des  faits  isolés,  lis  eu- 
rent surtout  à  souffrir  de  la  cupidité  et  des  caprices  des 
rois.  Louis  VII  les  avait  protégés,  malgré  les  exhortations 
de  Pierre  de  Cluny .  Mais  Philippe- Auguste,  dès  son  avène- 
ment, arrête  tous  les  Juifs  de  son  domaine  et  ne  les  relâche 
que  contre  une  rançon  de  13,000  marcs  d'argent  ;  deux  ans 
après,  à  la  suite  d'une  accusation  de  sang  (affaire  de  l'en- 
fant Piichard,  à  Pontoise),  il  annule  leurs  créances,  sauf 
un  cinquième  qu'il  s'approprie,  et  les  chasse  tous  de  son 
territoire  qui,  à  la  vérité,  ne  comprenait  encore  qu'un  quart 
de  la  France  actuelle  (1182).  Ils  ne  tardèrent  pas  à  être 
rappelés  ;  l'expulsion  prononcée  par  saint  Louis  (vers 
1250)  ne  fut  également  que  temporaire. 

Auxiu^  siècle,  la  situation  légale  des  Juifs  de  France  se 
précise,  c.-à-d.  s'aggrave.  Ils  deviennent  incapables  de 
posséder  des  immeubles  ruraux;  leurs  meubles  même,  en 
théorie,  appartiennent  «  au  baron  »  ;  leurs  contrats  de  prêt 
sont  l'objet  d'une  surveillance  minutieuse  et  donnent  lieu 
à  des  droits  fiscaux  élevés.  Chaque  feudataire  a  ses  Juifs 
qu'il  pressure,  vend,  donne,  hypothèque  à  sa  guise  ;  car 
le  Juif,  devenu  serf,ne  peut  plus  quitter  les  terres  de  son 
seigneur,  et  ceux-ci  s'engagent  entre  eux  et  avec  le  roi  à 
s'extrader  réciproquement  leurs  Juifs  fugitifs;  en  revanche, 
ils  gardent  le  droit  de  les  exiler  en  masse  et  jdusieurs 
font  usage  de  ce  droit  (Bretagne,  1240;  Anjou,  1289). 
Dans  le  Midi,  la  croisade  des  Albigeois  met  fin  à  la  prospé- 
rité des  Juifs  :  au  traité  de  1229,  comtes  et  barons  s'enga- 
gent à  ne  plus  leur  confier  des  fonctions  de  baillis.  Saint 
Louis,  à  la  suite  d'une  controverse  célèbre,  fait  brûler  le 
Talmud  et  des  charretées  de  livres  juifs  (1243)  ;  plus  tard, 
il  introduit  la  rouelle  (1209).  D'atroces  accusations  se  ré- 
pandent dans  le  peuple  et  provoquent  des  supplices  (auto- 
dafé de  Troyes,  1288  ;  miracle  de  la  rue  des  Biilettes, 
1290).  Enfin,  Phihppe  le  Bel  exile  tous  les  Juifs  du  do- 
maine royal  et  confisque  leurs  biens  (22  juil.  1306).  Cette 
mesure,  qui  atteignit  100,000  personnes,  frappa  à  mort 
lejudaïsme  français. 

Les  Juifs  furent  rappelés  cependant  en  France  dès  le 
règne  suivant  (1315),  «  de  commune  clameur  du  pcu})le»; 
mais  ils  ne  revinrent  qu'en  petit  nombre,  pour  un  temps 
limité,  et  en  vertu  d'un  contrat  formel.  Désormais,  ils  ne 
mènent  plus  qu'une  existence  précaire,  sous  l'incessante 
menace  d'un  nouvel  arrêt  d'exil.  Décimés  par  les  massacres 
qui  accompagnèrent  la  croisade  des  Pastour'eaux  et  la  peste 
de  Guyenne  (1320-21),  chassés  en  1322,  rappelés  en 
1360  grâce  à  Manecier  de  Vesoul,  au  milieu  des  misères 
de  la  guerre  de  Cent  ans,  les  Juifs  furent  rejivoyés  défi- 
nitivement par  Charles  VI  le  17  sept.  1394;  dès  1349  ils 
avaient  dû  quitter  le  Dauphiné  et  la  Franche-Comté. 
Les  bannis  gagnèrent  pour  la  plupart  l'Italie,  l'Al- 
lemagne et  les  Etats  français  du  pape,  L'édit  d'expulsion 
fut  étendu  aux  divers  grands  fiefs  au  fur  et  à  mesui-e  de 
leur  réunion  à  la  couronne  (Bretagne,  1491  ;  Provence, 
1498)  ;  il  fut  encore  renouvelé  formellement  par  Louis  XIlï 
en  1615.  A  cette  époque,  il  y  avait  cependant  de  nouvelles 
communautés  juives  en  France  :  à  Metz  par  Pannexion 
de  1552,  à  Bordeaux  et  à  Saint-Esprit  (Bayonne)  par  l'éta- 
blissement toléré,  à  la   même  époque,  de  «  marranes 


chrétiens  »  fugitifs  d'Espagne  et  de  Portugal  ;  à  ces  juive- 
ries  s'ajoutèrent  bientôt  celles,  beaucoup  plus  nombreuses, 
de  l'Alsace,  devenue  française  en  1648.  Dans  cette  der- 
nière province,  le  gouvernement  royal  laissa  subsister 
presque  sans  modification  la  législation  allemande,  avec  le 
péage  corporel  et  des  taxes  exorbitantes  ;  à  Metz,  à  la  veille 
de  la  Révolution,  les  Juifs  payaient  22,000  livres  par  an  au 
roi,  et  20,000  à  la  famille  de  Brancas  ;  on  y  compta  même  un 
uiartyr,  victime  d'une  accusation  de  meurtre  rituel  (Ra- 
phaël Lévy,  1670).  Au  xviu^  siècle,  il  y  avait  encore  quel- 
ques centaines  de  Juifs  tolérés  à  Paris,  à  Marseille  et  dans 
les  colonies.  Le  Coiiitat-Venaissin,  possession  du  pape,  en 
comptait  3,000,  presque  tous  à  Carpentras. 

vVngleterre.  —  L'Angleterre  saxonne  n'avait  renfermé 
qu'un  petit  nombre  de  Juifs  ;  le  judaïsme  anglais  est  venu 
de  France  à  la  suite  de  Guillaume  le  Conquérant  (1066)  ; 
sa  situation  légale  a  été  réglée  par  une  charte  de  Henri  P**. 
Les  Juifs  anglais  jouirent  pendant  un  siècle  d'une  brillante 
prospérité,  malgré  l'élévation  des  impôts  qu'ils  payaient, 
—  la  taille  des  Juifs  égalait  tout  le  reste  des  contributions 
du  royaume,  —  et  la  surveillance  rigoureuse  exercée  sur 
leurs  opérations  commerciales  par  un  échiquier  spécial.  La 
fameuse  Chambre  étoilée  paraît  devoir  son  nom  aux  contrats 
juifs  {schtar)  qui  s'y  trouvaient  déposés. 

[^'opulence  des  Juifs  anglais,  leur  propagande  rehgieuse 
attirèrent  sur  eux  Pinimitié  du  clergé  et  préparèrent  leur 
perte.  A  lavènement  de  Richard  Cœur  de  Lion  (1189), 
surtout  après  son  départ  pour  la  troisième  croisade  (1190), 
ils  subirent  une  sanglante  persécution  à  Londres,  Norwich, 
Stanford,  York,  etc.  Les  rois  suivants,  chargés  de  dettes, 
les  exploitèrent  sans  pudeur,  sous  tous  les  prétextes  imagi- 
nables. Jean  sans  Terre  fit  arracher  toutes  les  dents  à  un  Juif 
de  Bristol  jusqu'à  ce  qu'il  eût  livré  ses  trésors;  Henri  111 
extorqua  20,000  marcs  d'argent  à  une  sorte  de  parlement 
juif,  trafiqua  des  Juifs  du  royaume  et  leur  interdit  toute 
propriété  foncière.  Quand  les  Juifs  eurent  été  à  peu  près 
ruinés  par  ces  exactions  et  réduits  par  le  désespoir  à  des 
procédés  frauduleux,  comme  la  falsification  des  monnaies, 
Edouard  P^,  après  une  série  de  lois  restrictives,  prononça 
leur  exil  général  (1290)  ;  ils  quittèrent  le  royaume  au 
nombre  d'environ  16,000;  cette  mesure  atteignit  égale- 
ment les  Juifs  de  Guyenne. 

Les  Juifs  ne  reparurent  en  Angleterre  que  sous  Cromwell, 
vers  1655,  à  la  suite  des  actives  démarches  d'un  rabbin 
d'Amsterdam,  Manassé  ben  Israël  ;  le  statut  d'Edouard  V^^ 
ne  fut  pas  expressément  abrogé,  mais  on  ferma  les  yeux 
sur  l'établissement  des  Juifs  à  Londres.  La  première  colonie 
fut  originaire  de  Hollande  et  désignée  officiellement  sous  le 
no:n  de  nation  portugaise  ;  plus  tard  arrivèrent  des  Juifs 
allemands,  que  leurs  coreligionnaires  du  rite  portugais 
tinrent  longtemps  à  l'écart.  Au  xvni^  siècle,  les  Juifs  an- 
glais, quoique  considérés  comme  étrangers,  ne  furent 
inquiétés  ni  dans  leur  culte,  ni  dans  leur  commerce.  Dès 
1753,  le  ministère  Pelham  proposait  une  loi  de  naturahsa- 
tioii  en  faveur  des  Juifs  établis  en  Angleterre  depuis  trois 
ans  ;  adoptée  par  les  deux  Chambres,  cette  loi  fut  abrogée 
l'année  suivante,  sous  l'influence  d'un  grand  mouvement 
de  pétitions. 

liALiE.  —  En  Italie,  grâce  au  morcellement  politique 
du  pays,  grâce  aussi  à  la  persistance  des  traditions  ro- 
maines et  à  une  certaine  douceur  des  mœurs,  les  Juifs 
n'ont  jamais  éprouvé  ni  de  grandes  persécutions,  ni  d'expul- 
sion générale  ;  celle  qu'ordonna  l'empereur  Louis  II  (855) 
resta  sans  effet.  Chassés  d'un  Etat,  les  Juifs  ne  tardaient 
pas  à  y  être  rappelés,  dans  l'intérêt  du  commerce  (c'est 
ce  qui  arriva  plusieurs  fois  à  Venise  et  à  Gènes)  ou  trou- 
vaient asile  dans  un  Etat  voisin.  Outre  la  banque,  dont  ils 
eurent  longtemps  le  monopole,  ils  prirent  une  part  active 
au  commerce  d'outre-mer  et  s'associèrent  même  au  mou- 
vement intellectuel  et  littéraire  des  indigènes.  Au  moyen 
âge,  leurs  principaux  établissements  étaient  dans  l'Apulie 
(des  cimetières  juifs  y  remontent  à  Pépoque  romaine),  à 
Naples,  en  Sicile,  où  les  Normands  et  les  Hohenstauffén  lés 


—  263 


JUIF 


protègent,  à  Ancône,  Ferrare,  Bologne,  Mantoue  (berceau 
de  l'imprimerie  juive),  Modène,  Parme,  Vérone.  La  situa- 
tion légale  des  Juifs  s'aggrava  vers  la  fm  du  xv*^  siècle, 
sous  l'influence  des  Espagnols,  désormais  prépondérants 
dans  la  péninsule,  et  à  la  suite  des  prédications  fanatiques 
de  Bernardin  de  Feltre  dans  le  N.  de  l'Italie  (affaire  de 
l'enfant  Simon  de  Trente,  4475).  Les  Juifs  et  marranes 
fugitifs  d'Espagne  et  de  Portugal  furent  d'abord  accueillis 
par  plusieurs  Etats;  mais  l'inquisition  y  mit  bientôt  bon 
ordre  et  la  plupart  de  ces  malheureux  durent  reprendre  le 
chemin  de  l'exil.  La  Sicile  fut  interdite  aux  Juifs  dès 
4192,  le  royaume  de  Naples  en.  4o41  ;  Paul  IV  ferma 
Ancône  aux  marranes,  au  risque  d'en  ruiner  le  commerce, 
Pie  V  expulsa  môme  les  Juifs  de  tous  les  Etats  pontificaux, 
sauf  Ancône  et  Rome  (4568).  En  même  temps,  le  système 
du  ghetto  fermé  fut  introduit  presque  partout  :  à  Venise 
en  1516,  à  Rome  sous  Paul  IV  (1553-59),  à  Florence  en 
1570,  à  Padoue  en  1603.  L'existence  des  Juifs  de  Rome 
devint  particulièrement  misérable,  grâce  au  renforcement 
de  toutes  les  lois  canoniques,  à  la  confiscation  de  leurs 
biens-fonds,  à  l'institution  par  Grégoire  Xllï  (1572-85) 
des  sermons  de  conversion  auxquels  ils  étaient  obligés 
d'assister.  Ce  régime  subsista  dans  les  Etats  romains,  avec 
de  très  graduels  adoucissements,  jusqu'à  la  Révolution;  il 
en  fut  de  même  au  Piémont,  où  les  Juifs  étaient  d'ailleurs 
peu  nombreux.  Dans  le  reste  de  l'Italie,  la  législation 
s'humanisa  au  xviii^  siècle.  En  1740,  les  Juifs  furent 
rappelés  en  Sicile  ;  en  Toscane,  Findulgent  despotisme  des 
grands-ducs  mit  à  profit  leurs  talents  et  leurs  capitaux 
pour  développer  le  commerce  de  Livourno,  devenue  l'une 
de  leurs  principales  communautés. 

Allemagne,  Suisse.  —  L'Allemagne,  politiquement  di- 
visée, comme  l'Italie,  n'a  jamais  connu  d'expulsion  générale 
des  Juifs,  mais  leur  situation  y  a  été  plus  misérable 
qu'ailleurs.  L'esprit  juif  et  l'esprit  germanique  ont  peu  de 
sympathie  l'un  pour  l'autre  ;  le  pédantisme  théologique, 
administratif,  scientifique  des  Allemands  s'est  allié  avec 
l'avidité  des  gouvernements  et  la  brutalité  populaire  pour 
faire  aux  Juifs  une  existence  humiliée  et  précaire  à  laquelle 
correspondaient,  dans  l'intérieur  des  communautés,  un  pié- 
tisme  étroit  et  sombre,  des  allures  de  bêtes  eflarouchées, 
un  jargon  et  un  costume  disgracieux,  la  monotonie  d'une 
littérature  presque  exclusivement  talmudique,  midras- 
chique  et  cabbalistique. 

Les  Juifs  allemands  {Askenazim)  sont  originaires  les 
uns  de  Gaule,  les  autres  d'Italie.  Dès  l'époque  romaine, 
Cologne  était  un  centre  juif  important.  Au  commencement 
du  moyen  âge  naquirent  les  communautés  de  Mayence,  — 
où  se  fixa  une  famille  distinguée  de  Lucques,  les  Calo- 
nymos,  —  de  Worms,  de  Spire,  de  Ratisbonne,  de  Franc- 
fort, etc.  Au  xiii^  et  au  xiv^  siècle,  le  judaïsme  allemand 
reçut  un  nouvel  afflux  d'immigrants  français  :  le  jargon 
judéo-allemand  a  longtemps  conservé  des  mots  d'origine 
française. 

Dans  l'empire  carolingien,  les  Juifs  n'avaient  acquitté 
que  la  dîme  prélevée  sur  les  marchands  de  toutes  nations. 
Avec  les  théories  juridiques  qui  se  développèrent  au 
xii^  siècle,  leur  situation  changea.  On  prétendit  que  les 
Juifs  allemands  descendaient  des  prisonniers  Israélites  dont 
Titus  avait  fait  don  au  trésor  impérial  ;  ils  furent  déclarés 
«  serfs  de  la  Chambre  impériale  ».  L'empereur  les  reçut 
sous  sa  garde  et  mainbournie  ;  en  retour,  il  exigea  d'eux 
un  droit  de  protection  spécial,  puis  une  capitation  {Op fer- 
pfennig)  d'un  denier  d'or  par  tète,  perçue  sur  chaque  Israé- 
lite âgé  de  plus  de  treize  ans,  en  souvenir  de  l'ancien 
fiscus  judaicus.  On  alla  plus  loin  :  l'empereur,  disait  en- 
core une  proclamation  de  1463,  pouvait  à  son  avènement 
disposer  des  Juifs,  corps  et  biens,  en  toute  liberté  ;  ce  qu'il 
leur  en  laissait  n'était  qu'un  effet  de  sa  grâce.  Comme 
Vespasien  n'avait  épargné  que  le  tiers  de  la  nation  juive, 
plusieurs  empereurs,  en  montant  sur  le  trône,  imaginèrent  de 
confisquer  le  tiers  des  biens  des  Juifs  {Kronsteuer)  ; 
d'autres,  comme  Wenceslas,  partagèrent  leurs  dépouilles 


avec  les  villes  ou  les  accablèrent,^ sous  divers  prétextes,  de 
contributions  extraordinaires.  L'excès  des  charges  fiscales 
provoqua,  sous  Rodolphe  de  Habsbourg,  un  commen- 
cement d'émigration  des  Juifs  ;  on  l'arrêta  en  emprison- 
nant leur  grand  rabbin,  Méir  de  Rothenbourg.  Dans  la 
suite  des  temps,  les  droits  fiscaux  des  empereurs  furent 
usurpés  par  les  princes  territoriaux  ;  Charles  IV  autorisa 
formellement  (bulle  d'or,  1355)  les  électeurs  à  «avoir  des 
Juifs  »  en  pleine  propriété,  et  cette  permission  fut  étendue 
à  tous  les  détenteurs  de  droits  régaliens  (1577),  et,  par 
des  concessions  individuelles,  à  plusieurs  villes  libres; 
ailleurs,  la  «  possession  »  des  Juifs  fut  Tobjet  d'ignobles 
marchandages  et  de  discussions  continuelles.  La  dernière 
tentative  de  soumettre  le  judaïsme  allemand  à  une  organi- 
sation unitaire  date  des  empereurs  Maximilien  et  Charles- 
Uuint;  un  pieux  rabbin  alsacien,  Joselmann  de  Rosheim, 
eut  alors  le  titre  de  gouverneur  des  juiveries  de  l'Empire  et 
exerça  quelque  temps  une  influence  bienfaisante. 

Le  pouvoir  impérial  était  plus  jaloux  de  percevoir  les 
pi'ofits  attachés  à  son  protectorat  que  d'en  remplir  les  de- 
voirs. Quoique  Henri  III  eût  prononcé  une  peine  sévère 
(perte  des  yeux  et  delà  main  droite)  contre  l'homicide  d'un 
Juif,  le  gouvernement  assista  indifférent  ou  impuissant  aux 
innombrables  persécutions  dont  ils  furent  les  victimes  de- 
puis la  fin  du  XI®  siècle  (l''®  croisade,  1096)  jusqu'au  mi- 
lieu du  xiv^.  Le  sang  coula  à  flots  en  1146,  lors  de  la 
deuxième  croisade,  en'l270,  quand  les  Judenbreter  dévas- 
tèrent les  communautés  d'Alsace,  en  1298  quand  Rind- 
fleisch  saccagea  celles  de  Franconie,  en  1336  avec  Armleder 
et  ses  Judenschlœger.  La  peste  noire  fut  le  signal  d'un 
épouvantable  massacre  (1348-50),  où  des  communautés 
entières  (Fribourg,  Spire,  Strasbourg,  Worms,  Francfort, 
Mayence,  etc.),  périrent  par  l'eau,  le  fer  ou  le  feu.  De 
cette  époque  datent  aussi  une  série  d'accusations  de  meurtre 
rituel  et  de  profanation  d'hosties,  qui  firent  de  nombreuses 
victimes  et  servirent  de  prétexte  à  des  séditions:  encore  en 
1510,  à  la  suite  d'une  affaire  de  ce  genre,  40  Juifs  mon- 
tèrent sur  le  bûcher  dans  la  Marche  de  Rrandebourg. 

A  partir  de  la  fin  du  xiv®  siècle,  le  fanatisme  religieux 
eut  une  moindre  part  dans  la  persécution  que  la  jalousie 
économique,  l'insatiable  besoin  d'argent  chez  les  princes  et 
les  villes.  La  spoliation  des  Juifs  ou  la  suppression  de  con- 
currents gênants  sont  le  but,  sinon  le  prétexte  avoué  des 
nombreuses  expulsions  locales  qui  se  succèdent  dans  les  Etats 
particuliers  (archevêché  de  Mayence,  1420  ;  Saxe,  1432  ; 
Bavière,  1450  et  1555  ;  Wurzbourg,  1453  ;  Wurttemberg, 
1551;  Brandebourg,  1573;  Brunswick,  1590)  et  dans  les 
villes  libres  (Ulm,  1380;  Magdebourg,  1384;  Strasbourg, 
1 388  ;  Spire,  1434  ;  Augsbou'rg,  1440  ;  Nuremberg,  4499  ; 
Ratisbonne,  1519).  Une  persécution  générale  faillit  être 
déchaînée  contre  les  livres  des  Juifs  et^  subsidiairement 
contre  leurs  personnes  par  les  dénonciations  de  l'apostat 
Joseph  Pfefferkorn  ;  cette  tentative  fut  déjouée  par  la  cou- 
rageuse intervention  de  Reuchlin  (1510-6).  A  la  fin  du 
xvi^  siècle,  il  n'y  avait  plus  guère  en  Allemagne  que  trois 
communautés  importantes  :  Fûrth  (qui  avait  remplacé  Nu- 
retnlierg  en  1528),  Worms,  où  l'on  comptait,  dit-on, 
14,000  Juifs  ;  et  Francfort-sur-le-Main.  Encore  ces  deux 
dernières  villes  voulurent-elles  chasser  leurs  Juifs  en  1614 
et  1615,  à  la  suite  de  mouvements  démagogiques  (émeute 
de  Vincent  Fettmilch)  :  il  fallut  l'intervention  de  troupes 
impériales  pour  les  ramener  de  force.  De  cette  époque  date 
aussi  la  fondation  de  la  communauté  de  Hambourg,  colonie 
de  celle  d'Amsterdam  (1612), 

Là  même  où  les  Juifs  restaient  tolérés,  ils  étaient  enfer- 
més dans  leurs  Judengassen,  soumis  au  port  d'un  signe 
distinctif,  écrasés  par  des  règlements  tyranniques  et  des 
contributions  variées.  Pour  empêcher  leur  accroissement, 
le  nombre  annuel  des  mariages  était  strictement  limité 
(1 5  par  an  à  Francfort)  ;  mille  entraves  s'opposaient  à  leur 
circulation  et  à  leur  trafic  :  à  l'entrée  de  chaque  souverai- 
neté —  et  l'on  sait  combien  le  nombre  s'en  était  multiplié  en 
Allemagne  —  on  exigeait  du  Juif,  vivant  ou  mort,  un  péage 


JUIF 


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corporel  {Leibzoll)  ;  pour  voyager  ou  séjourner  dans  cer- 
tains endroits,  il  leur  fallait  payer  l'escorte  d'un  agent  de 
police  ou  un  sauf-conduit  (GeleitzoU).  Le  règlement  gé- 
néral des  Juifs  de  la  monarchie  prussienne  de  4750  — les 
Juifs  chassés  de  Brandebourg  en  4573  y  avaient  été  réadmis 
vers  1670  —  est  encore  un  modèle  de  fiscalité  ingénieuse 
et  oppressive  :  un  des  articles  impose  aux  Juifs  l'achat  an- 
nuel d'une  quantité  de  porcelaine  de  la  manufacture  de  Ber- 
lin !  L'état  intérieur  des  communautés  reflète  cette  légis- 
lation humiliante.  Les  fortunes  considérables  étaient  rares  ; 
le  commerce  de  banque  des  Juifs  avait  perdu  de  son 
importance  depuis  que  les  chrétiens  s'étaient  mis  de  la  par- 
tie et  qu'un  arrêt  de  la  Chambre  impériale  limitait  à  5  ^/^ 
le  taux  légal  de  l'intérêt.  Submergée  par  les  rabbins  polo- 
nais, la  synagogue  allemande  croupissait  dans  la  supersti- 
tion, dans  l'ignorance  du  monde  extérieur  et  des  sciences 
modernes  :  à  Berlin,  un  Juif  fut  expulsé  par  les  anciens  pour 
avoir  été  surpris  lisant  un  livre  allemand,  un  autre  faillit 
avoir  le  même  sort  pour  s'être  rasé.  Le  spectacle  de  ce  ju- 
daïsme pétrifié  assurait  le  succès  des  volumineux  pamphlets 
antijudaiques  qui  se  succèdent  au  xvii®  et  au  xviii^  siècle 
(Wagenseil,  Schudt,  Eisenmenger)  et  qui  sont  restés  le 
grand  réservoir  de  l'antisémitisme  moderne. 

L'histoire  des  Juifs  de  Suisse  se  rattache  étroitement  à 
celle  des  Juifs  d'Allemagne  :  là  aussi  ils  sont  massacrés 
pendant  la  peste  noire,  et  les  expulsions  locales  se  succèdent 
depuis  la  fin  du  xm^  siècle  (Berne,  4288;  Zurich,  4436; 
Genève,  4490;  Baie,  d576;  Schaifhouse  au  xvii®  siècle). 
Sous  l'ancien  régime,  il  n'y  avait  plus  de  Juifs  en  Suisse 
que  dans  le  comté  de  Baden  (Argovie),  spécialement  à  En- 
dingen  et  à  Lengnau. 

Autriche-Hongrie.  —  Dans  les  divers  pays  qui  forment 
actuellement  la  monarchie  austro-hongroise,  l'histoire  des 
Juifs  présente  de  nombreux  points  de  rapprochement,  même 
avant  la  réunion  de  ces  Etats  sous  une  seule  souveraineté. 
Les  ducs  d'Autriche  furent  autorisés  à  posséder  des  Juifs 
en  propre  dès  l'an  4456.  En  Bohême,  leur  situation  était 
alors  favorable  ;  il  en  était  de  même  en  Hongrie,  où  divers 
édits  (privilège  de  Bêla  III,  d490,  etc.)  leur  assuraient  une 
pleine  tolérance  ;  les  rois  magyars  prenaient  des  Juits 
comme  percepteurs,  comme  administrateurs  du  trésor  {Co- 
mités camerœ),  des  monnaies  et  des  salines.  A  diverses 
reprises,  la  papauté  intervint  pour  empêcher  ces  scan- 
dales; le  royaume  fut  même,  de  ce  fait,  mis  en  interdit 
(1232);  mais  les  rois,  dès  qu'ils  n'avaient  plus  un  pres- 
sant besoin  du  saint-siège,  retombaient  dans  leurs  an- 
ciens errements.  En  4244,  le  duc  d'Autriche,  Frédéric  le 
Belliqueux,  promulgua  pour  les  Juifs  de  ses  Etats  une 
charte  qui  est  un  véritable  code  :  à  côté  de  restrictions  sé- 
vères ou  barbares,  ce  règlement  renferme  des  garanties 
sérieuses  relatives  au  droit  de  circulation  des  Juifs,  au 
prêt  sur  gages,  à  l'autonomie  juridique.  Il  fut  adopté  en 
Hongrie,  avec  quelques  adoucissements,  en 4254,  étendu  à 
la  Bohême  et  à  la  Moravie  en  4268  ;  il  fut  également  copié 
dans  le  duché  de  Kalisz. 

Le  xiv^  et  le  xv®  siècle  furent  une  époque  néfaste  pour 
le  judaïsme  de  ces  régions.  Pendant  la  peste  noire,  les 
Juifs  furent  expulsés  de  Hongrie  (4350),  pour  être  rappe- 
lés dès  le  règne  suivant,  mais  désormais  exclus  des  emplois 
publics  et  astreints  à  porter  un  capuchon  distinctif.  Ils  fu- 
rent massacrés  à  Prague  en  4386,  ensuite  atrocement  pres- 
surés. Les  prédications  du  moine  italien  Jean  de  Capistrano 
(4452)  déchaînèrent  une  sanglante  persécution  en  Hon- 
grie, en  Bohême,  en  Moravie,  en  Silésie;  les  bûchers  s'al- 
lumèrent à  Breslau,  les  Juifs  furent  chassés  de  Briinn  et 
d'Olmlitz.  En  Autriche,  leur  histoire  offre  une  succession 
d'exils  (4420,  4496,  4556)  et  de  rappels. 

Au  xvi«  siècle,  le  groupement  des  Etats  de  la  monarchie 
de  Habsbourg  est  achevé,  mais  la  Hongrie  tombe  aux  mains 
des  Turcs,  et  les  Juifs,  qui  font  souvent  cause  commune 
avec  eux,  en  sont  punis  lors  du  retour  de  la  domination 
autrichienne  :  sous  Marie-Thérèse,  les  Juifs  de  Hongrie 
payaient  80,000  florins  d'impôt  annuel.  La  situation  ma- 


térielle et  morale  des  Juifs  d'Autriche  fut  relevée  par  les 
efforts  de  Mardochée  Meisel,  le  premier  millionnaire  juif 
d'Allemagne  (mort  conseiller  aulique  en  4604)  et  de  Lip- 
mann  Heller,  rabbin  de  Vienne.  Quelques  Juifs  viennois 
atteignirent  une  situation  élevée  sous  le  titre  de  Hofjuden 
et  le  gouvernement  battit  monnaie  avec  les  privilèges  qu'il 
leur  accordait.  Longtemps  encore  le  judaïsme  autrichien 
eut  à  soufïrir  des  caprices  d'une  cour  bigote  et  facile  à  cir- 
convenir :  en  4670,  les  Juifs  sont  expulsés  de  Vienne  sous 
prétexte  d'intelligence  avec  les  Turcs;  en  4745,  l'exil  des 
Juifs  de  Bohême  et  de  Moravie  est  prononcé  au  cœur  de 
l'hiver  ;  ils  n'obtinrent  leur  rappel  qu'avec  peine  et  le  nombre 
des  familles  fut  désormais  limité. 

Pologne  et  Russie.  —  Le  judaïsme  fait  son  apparition 
dans  l'Europe  du  Nord-Est  avec  les  Khazares,  peuple  fin- 
nois établi  entre  la  Volga  et  le  Dnieper,  dont  le  roi  Boulan 
fut  converti  au  judaïsme  avec  une  partie  de  sa  nation  au 
vii«  siècle,  probablement  par  des  rabbins  juifs  chassés  de 
l'empire  byzantin.  Les  Khazares  furent  détruits  en  970  par 
les  Russes  de  Kiev  ;  leurs  débris,  réfugiés  en  Crimée  et  au 
Caucase,  entrent  certainement  pour  une  part  dans  la  po- 
pulation juive  actuelle  de  ces  contrées,  mais  non  pas  dans 
celle  de  la  Russie  occidentale.  C'est  au  xi^  siècle  que  les 
Juifs,  arrivant  d'Allemagne  et  de  Bohême,  pénètrent  dans 
cette  dernière  région.  Quelque  temps  tolérés  chez  les  Russes, 
ils  furent  chassés  de  leur  territoire  vers  4443  et  ne  purent 
jamais  y  remettre  le  pied  ;  la  secte  crypto-judéenne,  per- 
sécutée à  la  fin  du  xv®  siècle,  se  composait  d'orthodoxes 
secrètement  convertis  au  mosaïsme.  Au  contraire,  la  Po- 
logne offrit  aux  Juifs  une  hospitalité  libérale.  Dès  4264, 
Boleslas,  duc  de  Kalisz  et  de  Gnesen,  introduisit  dans  ses 
Etats  le  statut  autrichien  de  4244,  en  y  joignant  une  liberté 
de  commerce  illimitée  et  quelques  sages  précautions  :  par 
exemple,  une  accusation  de  sang  ne  pouvait  être  accueillie 
que  sur  la  déposition  de  trois  témoins  juifs  et  de  trois  chré- 
tiens. (Des  accusations  de  ce  genre  se  reproduisirent  fré- 
quemment en  Pologne  ;  celle  de  4407  ruina  la  communauté 
de  Cracovie.)  En  1343,  Casimir  le  Grand,  véritable  fon- 
dateur de  la  monarchie  polonaise,  confirma  solennellement 
le  code  de  Boleslas  :  mesure  conforme  à  sa  politique  géné- 
rale et  qu'on  a  attribuée  sans  raison  à  l'influence  de  sa  maî- 
tresse juive,  la  belle  Esterka,  qu'il  ne  connut  que  bien  plus 
tard.  Les  Juifs  furent  placés  sous  la  surveillance  du  comte 
palatin. 

Pendant  les  deux  siècles  suivants,  le  nombre  des  Juifs 
de  la  Pologne  et  de  ses  annexes  s'accrut  considérablement 
parune  immigration  constante  d'Allemagne,  de  Bohême,  etc. 
Malgré  les  efforts  des  synodes  et  de  quelques  rois  pour 
donner  force  de  loi  aux  dispositions  du  droit  canon,  la  si- 
tuation des  Juifs,  protégés  par  la  noblesse,  reste  très  favo- 
rable. Dans  ce  pays  de  serfs  et  de  magnats,  ils  suppléent  en 
quelque  sorte  à  l'absence  d'une  classe  bourgeoise.  Ils  exploi- 
tent les  terres  des  seigneurs,  gèrent  leurs  biens,  sont  pré- 
posés à  la  rentrée  des  impôts,  possèdent  même  des  terres. 
La  distillerie  de  l'alcool,  le  grand  commerce,  plusieurs  mé- 
tiers sont  entre  leurs  mains;  ils  ne  sont  assujettis  à  aucun 
costume  particulier,  beaucoup  portent  l'épée.  L'autonomie 
juridique  est  complète  :  les  tribunaux  rabbiniques  forment 
une  hiérarchie  couronnée  par  une  cour  suprême  (synode 
des  quatre  pays)  qui  se  réunit  deux  fois  l'an.  L'étude  du 
Talmud,  d'une  nécessité  journalière,  n'a  été  pratiquée  nulle 
part  avec  plus  d'excès  :  tout  le  monde  était  ou  voulait  être 
un  savant;  on  tenait  de  véritables  marchés  de  talmudistes. 
Cracovie,  Brzesc,  Lublin  avaient  des  «académies»  juives  et 
des  imprimeries  célèbres. 

Les  Juifs  de  Pologne,  dont  la  civilisation  et  la  moralité 
ne  s'élevaient  pas  au-dessus  du  niveau  de  la  population  envi- 
ronnante, avaient  pour  ennemis  le  clergé,  les  négociants 
allemands  et  surtout  les  cosaques  de  rite  grec,  opprimés 
par  les  nobles  polonais,  dont  ils  étaient  les  intendants  en 
Ukraine  et  dans  la  Petite-Russie.  Aussi  lors  de  la  révolte 
triomphante  de  l'hetman  Chmielnicki  (1648-56),  les  Juifs 
furent-ils  enveloppés  dans  la  ruine  de  leurs  patrons  catho- 


—  ^65  - 


JUIF 


liques  :  plus  de  200,000  Juifs  furent  atrocement  torturés, 
massacrés  ou  vendus  comme  esclaves  chez  les  Turcs. 
Le  judaïsme  disparut  de  l'Ukraine  ;  ailleurs  il  souffrit 
cruellement  des  guerres  prolongées  entre  Russes,  Suédois 
et  Polonais.  Au  xviii^  siècle,  le  judaïsme  polonais  appauvri 
rejette  vers  l'Occident  des  milliers  de  rabbins  mendiants; 
des  sectes  mystiques  prennent  naissance  et  troublent  les 
communautés.  L'histoire  ultérieure  des  Juifs  de  Pologne, 
partagés  entre  la  Russie,  la  Prusse  et  l'Autriche,  appartient 
à  l'époque  contemporaine  ;  rappelons  seulement  que  l'atta- 
chement des  Juifs  à  la  cause  polonaise  s'est  manifesté  en 
1795  et  en  4830:  le  colonel  juif  Berek  fut  un  des  héros 
de  Kocziusko. 

Pays-Bas.  Etats  Scandinaves.  —  Pour  achever  le  tour 
du  judaïsme  européen,  il  ne  nous  reste  qu'à  mentionner 
les  Juifs  des  Pays-Bas  et  leurs  colonies.  Au  moyen  âge  les 
Pays-Bas  comptaient  quelques  communautés  juives  :  celle 
de  Bruxelles  fut  massacrée  pendant  la  peste  noire.  Sous 
la  domination  espagnole,  les  Juifs  furent  exclus  de  ces  con- 
trées (1550):  ils  ne  reparurent  en  Belgique  que  sous  le 
gouvernement  autrichien  (xvni^  siècle);  mais  la  Hollande, 
affranchie  au  xvi^  siècle  du  joug  espagnol  et  devenue  l'asile 
de  la  liberté  de  conscience,  offrit  un  refuge  aux  marranes 
espagnols  et  portugais  fuyant  devant  les  rigueurs  de  Tin- 
quisition  :  parvenus  sur  un  sol  libre,  ils  s'empressèrent  de 
jeter  le  masque  et  de  reprendre  leurs  anciennes  obser- 
vances. En  1593,  une  communauté  fut  fondée  à  Amster- 
dam ;  elle  progressa  rapidement  sous  une  législation  tolé- 
rante qui  se  bornait  à  défendre  aux  Juifs  les  mariages  mixtes 
et  l'accès  des  emplois  publics.  En  1636  se  forme  une  com- 
munauté allemande;  bientôt  les  Juifs  se  répandent  sur  tout 
le  territoire  hollandais.  Les  Juifs  de  Hollande  s'adonnèrent 
au  trafic  d'outre-mer  et  contribuèrent  au  succès  du  com- 
merce néerlandais,  notamment  par  leurs  relations  avec  les 
marranes  des  deux  Indes.  Des  écoles,  des  synagogues 
magnifiques  valurent  à  la  communauté  d'Amsterdam  le 
nom  de  Nouvelle  Jérusalem;  les  études  talmudiques  y 
furent  peu  cultivées,  mais  l'orthodoxie  jalouse  des  rabbins 
multiplia  les  excommunications  et  fit  deux  victimes  célè- 
bres :  Uriel  da  Costa,  qui  se  tua  en  1640,  et  l'illustre 
Spinoza,  qui  rompit  avec  la  synagogue  en  1656.  Le  ju- 
daïsme hollandais  fut  bientôt  assez  fort  pour  essaimer  au 
dehors  et  fonder  des  colonies  prospères  à  Hambourg  (1 612), 
à  Londres  (1664),  en  Danemark,  à  Surinam  en  Guyane, 
au  Brésil  (notamment  à  Pernambouc).  Cette  dernière  dis- 
parut cependant  après  la  reconquête  du  Brésil  par  les  Por- 
tugais. Quant  aux  Juifs  danois,  dont  l'admission  est  due 
aux  efforts  d'un  riche  Juif  de  Hambourg,  Texeira,  ils  ne 
purent  obtenir  l'accès  des  autres  pays  Scandinaves  ;  les 
Juifs  ne  s'établirent  à  Stockholm  et  dans  trois  autres  villes 
de  Suède  qu'en  1776;  la  Norvège  leur  est  restée  interdite 
jusqu'à  nos  jours. 

Pays  musulmans.  —  L'histoire  des  Juifs  dans  les  pays 
musulmans  est  monotone  et  imparfaitement  connue.  Moham- 
med, après  s'être  instruit  à  l'école  des  Juifs,  et  avoir  été 
repoussé  par  eux,  les  combattit  avec  acharnement  par  la  pa- 
role {soura  de  la  Vache)  et  l'épée.  Il  obligea  la  plupart 
de  leurs  tribus  à  se  retirer  en  Syrie  et  en  Mésopotamie. 
Omar  acheva  l'œuvre  d'expulsion  par  l'exil  des  Juifs  de 
Khaïbar  ;  il  renouvela  également  l'interdiction  du  séjour  de 
Jérusalem  aux  Israélites  et  éleva  une  mosquée  sur  l'empla- 
cement du  Temple.  La  situation  légale  des  Juifs  ou  plutôt 
de  tous  les  infidèles  dans  les  Etats  musulmans  fut  réglée 
par  le  fameux  pacte  d'Omar  (Kanouni  raya),  avec  les 
Juifs  et  les  chrétiens,  qui  est  resté  théoriquement  en 
vigueur  dans  tout  l'islam  et  s'applique  encore  dans 
certains  pays  (Perse,  Maroc).  D'après  ce  document,  les  infi- 
dèles jouissent  de  la  protection  de  la  loi,  dans  leurs  per- 
sonnes, leurs  biens  et  leurs  croyances  (le  musulman  qui 
maltraite  un  infidèle  est  puni  d'une  amende),  mais  ils  doi- 
vent occuper  une  situation  subordonnée,  humiliée,  et  être 
rigoureusement  séparés  des  musulmans.  De  là  une  série  de 
dispositions  dont  plusieurs  présentent  une  analogie  frap- 


pante avec  celles  du  droit  romain  ou  canonique.  Les  Juifs 
ne  doivent  pas  édifier  de  nouvelles  synagogues^  ni  même 
réparer  celles  qui  s'écroulent.  Ils  ne  doivent  pai  accueillir 
les  espions  étrangers,  mais  les  dénoncer  aux  ai^torités  mu- 
sulmanes. Ils  ne  doivent  pas  s'opposer  aux  conversions  à 
l'islam.  Ordre  de  se  comporter  toujours  respectueusement 
envers  les  musulmans  (principe  général,  qui  entraîne  les 
applications  les  plus  variées).  Les  Juifs  ne  peuvent  exercer 
aucune  fonction  administrative  ni  judiciaire,  ni  même  por- 
ter témoignage  contre  les  musulmans.  Ils  ne  doivent  pas 
graver  leurs  noms  sur  des  sceaux,  ni  apprendre  l'arabe 
littéraire,  ni  monter  en  public  un  cheval  sellé,  ni  porter 
un  sabre  ou  d'autres  armes,  ni  se  vêtir  d'une  large  cein- 
ture. Leurs  vêtements,  leurs  chaussures  doivent  les  distin- 
guer des  musulmans  :  dans  certains  pays  on  leur  interdit 
les  couleurs  réservées  à  ceux-ci  (blanc,  rouge),  dans  d'autres 
on  leur  impose  pour  leurs  habits  ou  leurs  turbans  une 
couleur  spéciale  (jaune  en  Egypte,  noir  en  Afrique,  bleu 
au  Yémen),  ou  un  signe  particulier  :  chiffon,  breloque, 
grelot.  La  rouelle  du  concile  de  Latran  est  d'origine  mu- 
sulmane. Enfin  les  Juifs  ne  doivent  pas  enfreindre  pu- 
bliquement les  principes  de  la  religion  musulmane  (par 
exemple,  ils  ne  doivent  pas  vendre  du  vin,  ni  laisser 
croître  leurs  cheveux),  ni  pratiquer  leur  culte  en  dehors 
des  locaux  consacrés  :  ainsi  défense  de  porter  leurs  livres 
religieux  hors  de  leurs  maisons,  de  prier  pour  les  morts 
ou  de  chanter  leurs  cantiques  autrement  qu'à  mi-voix. 
Ajoutons  que,  en  principe,  Juifs  et  chrétiens  sont  exclus  ou 
dispensés  du  service  militaire  à  charge  de  payer  un  impôt 
représentatif  (kharadj). 

Ces  dispositions  canoniques  n'ont  pas  toujours  été  obser- 
vées avec  une  égale  rigueur.  Les  Juifs  de  l'Irak  (Babylonie), 
nombreux  et  florissants  à  l'époque  de  la  conquête  maho- 
métane,  ont  été  protégés  d'abord  par  le  gouverneur  Khalid, 
ensuite  par  les  premiers  khalifes  abbassides,  héritiers  de  la 
brillante  civilisation  perse.  L'exilarchat  reprit  son  ancienne 
autorité,  les  écoles  refleurirent  sous  des  chefs  respectés 
{gaonim).  Les  persécutions  commencent  avec  le  khalife 
Mottawakkel  (850)  et  s'aggravent  avec  la  décadence  du 
khalifat  :  un  gaon,  Scherira,  est  emprisonné  parle  khalife; 
avec  son  fils  Haï  (1038)  disparaît  le  gaonat.  L'exilarchat 
subsiste,  mais  amoindri,  encore  au  temps  de  Benjamin 
de  Tudèle  (xii^  siècle).  Les  violences  du  khalife  Nasser 
(1225),  les  luttes  des  dynasties,  les  invasions  mongoles 
(1258)  achèvent  la  ruine  du  judaïsme  babylonien,  qui 
fournit  encore  un  ministre  des  finances  très  influent,  Saad 
oud  Daoulet  de  Bagdad,  au  grand  khan  mongol  Argoun 
(1288).  Le  judaïsme  palestinien,  très  éprouvé  pendant  les 
croisades,  ne  s'est  un  peu  relevé  qu'avec  la  domination 
ottomane. 

En  Egypte,  les  Juifs  ont  joui  longtemps  d'une  tolérance 
relative.  Isaac  Israéli  fut  médecin  du  fondateur  de  la  dynastie 
des  Fatimides  (x®  siècle);  plus  tard  les  communautés  juives 
ont  à  leur  tête  des  «  princes  »  ou  nasi,  dont  l'un  fut  le  célèbre 
Maimonide.  Dans  les  Etats  barbaresques,  malgré  l'éclat 
temporaire  des  écoles  de  Kairouan  et  de  Fez,  la  situation 
des  Juifs  a  toujours  été  misérable,  et  ils  y  ont  éprouvé 
(sous  Edriz,  sous  les  Almohades)  de  terribles  persécutions. 
Le  judaïsme,  très  diminué  dans  ces  régions,  y  fut  renforcé 
par  l'effet  des  expulsions  espagnoles  et  portugaises.  Au 
xvii®  siècle,  Muley  Archey  se  montra  favorable  aux  Israé- 
Htes.  Quant  aux  deys  d'Alger,  ils  opprimèrent  les  Juifs, 
tout  en  les  employant  comme  banquiers  et  diplomates. 

L'empire  ottoman,  dès  sa  constitution,  a  laissé  aux  Juifs 
une  large  autonomie,  à  la  faveur  de  laquelle  les  commu- 
nautés se  sont  rapidement  développées.  L'exil  des  Juifs 
d'Espagne  —  mesure  raillée,  dit-on,  par  Bajazet  —  accrut 
et" enrichit  le  judaïsme  ottoman  ;  l'élément  espagnol  devint 
prépondérant  dans  les  juiveries  de  Constantinople,  d*An- 
drinople,  de  Salonique  ;  chacune  de  ces  agglomérations  se 
divisait  en  plusieurs  communautés  distinctes  d'après  leur 
origine  et  leur  idiome.  Au  xvi®  siècle,  les  Juifs  de  Turquie 
s'adonnent  avec  succès  à  l'industrie,  au  commerce  ;  ils 


JUIF 


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sont  employés  à  la  fabrication  des  monnaies  ;  ils  fournis- 
sent aux  sultans  des  médecins,  des  agents  diplomatiques  et 
financiers,  des  favorites  (Esther  Kiéra  sous  Mourad  II] ). 
Sous  Sélim  II  deux  Israélites  atteignirent  une  haute  situa- 
tion :  le  médecin  Salomon  Askenazi  et  le  marrane  Juan 
Miquez,  qui,  sous  le  nom  de  don  Joseph  Nasci,  devint  duc  de 
Naxos  et  des  îles  voisines  et  protégea  activement  ses  core- 
ligionnaires; il  mourut  en  4579. 

Un  dernier  trait  caractéristique  de  l'histoire  des  Juifs 
en  pays  musulman  est  Tapparition  assez  fréquente  de  faux 
messies;  les  plus  célèbres  sont  David  Alroï,  en  Perse,  au 
xii®  siècle,  et  Sabbataï  Zevi  de  Smyrne,  anxvii^,  qui,  après 
avoir  soulevé  dans  tout  le  monde  juif  des  espérances  fantas- 
tiques et  une  agitation  profonde,  finit  par  se  convertir  à 
l'islamisme  (1666). 

Autres  pays.  Inde,  Chine,  Amérique.  —  Nous  serons 
encore  plus  bref  sur  l'histoire,  très  fragmentaire,  du  ju- 
daïsme dans  les  pays  non  musulmans  d'Asie  et  d'Afrique, 
en  Amérique  et  en  Océanie. 

Les  Juifs  de  l'Inde  paraissent  être  venus,  pour  la  plu- 
part, à  l'époque  de  la  grande  expansion  arabe  :  on  les  signale 
à  Ceylan  dès  leix®  siècle,  et  c'est  à  la  même  époque  que  les 
Boni  Israël  de  Bombay  font  remonter  leur  ancêtre,  David 
Rebabia,  de  Bagdad.  Il  n'est  pas  impossible,  toutefois,  que 
quelques  Juifs  soient  déjà  arrivés  de  Perse  à  la  fm  du  v^  siè- 
cle. Dans  le  Malabar  et  à  Cocliin,  on  distingue  rigoureuse- 
ment les  Juifs  noirs,  probablement  d'origine  indigène,  et 
les  Juifs  blancs,  d'origine  occidentale,  renforcés,  à  partir 
de  15id,  par  l'arrivée  des  marranes  portugais. 

L'existence  des  Juifs  de  Chine  n'est  signalée  qu'au  début 
du  xvii«  siècle  ;  ils  sont  concentrés  à  Kalfoung,  capitale  du 
Honan.  La  légende  qui  les  fait  arriver  dès  le  i*^^  siècle  de 
l'ère  chrétienne,  sous  l'empereur  Ming-ti,  ne  mérite  aucune 
créance;  leur  établissement  date  probablement  de  l'époque 
mongole.  Les  Chinois  les  confondent  avec  les  mahométans. 
Entre  eux  ils  appellent  leur  religion  Tiao-kin-kiao  (ex- 
tirpation des  nerfs)^  et  leur  synagogue  Li-pai-sé  (lieu 
des  cérémonies).  Ils  possèdent  d'anciens  exemplaires  de 
quelques  livres  bibliques,  mais  ne  savent  pas  l'hébreu. 

L'origine  des  Juifs  d'Abyssinie  (Falacha)  est  profondé- 
ment obscure  ;  on  les  fait  venir  ordinairement  du  Yémen. 
Pendant  longtemps,  ils  ont  joui  dans  les  parties  monta- 
gneuses du  pays  d'une  demi-indépendance. 

En  Amérique,  les  Juifs  sont  venus  à  la  suite  ou  en 
compagnie  des  conquérants  et  des  colons  européens.  On  en 
a  signalé  quelques-uns  dans  les  équipages  de  Christophe 
Colomb  :  quelques  rêveurs  s'imaginaient  retrouver  dans  les 
indigènes  d'Amérique  les  descendants  des  Dix-Tribus! 
Au  xvi^  siècle,  d'assez  nombreux  marranes  portugais  furent 
déportés  au  Brésil.  Au  xvu^,  sous  la  domination  hollan- 
daise (1624-54),  ils  jetèrent  le  masque  et  se  grossirent  de 
nouveaux  immigrants.  Quand  le  Brésil  fut  retombé  au  pou- 
voir des  Portugais,  les  uns  reprirent  un  catholicisme  appa- 
rent, d'autres  émigrèrent  à  Cayenne  et  dans  les  Antilles 
françaises  ;  expulsés  de  là,  ils  s'établissent  à  Curaçao, 
dans  la  Guyane  hollandaise  (Surinam),  où  Paramaribo  de- 
vint une  communauté  importante,  à  la  Jamaïque  (1650), 
enfin,  dans  l'Amérique  du  Nord,  à  la  Nouvelle-Amsterdam 
(New  York)  et  à  Newport,  d'où  ils  essaimèrent  dans  les 
autres  Etats  de  la  Nouvelle-Angleterre.  Au  xvni^  siècle,  ils 
})énétrèrent  en  Pennsylvanie  (Philadelphie)  et  en  Géorgie 
(Savannah)  ;  ils  prirent  une  part  honorable  à  la  guerre  de 
l'Indépendance  comme  soldats  et  comme  banquiers  (Aaron 
Lopez,  Ilaym  Salomon).  A  partir  du  xix^  siècle,  les  im- 
migrants allemands  et  polonais  submergent  aux  Etats- 
Unis  l'élément  espagnol. 

L'Australie  a  été  ouverte  aux  Juifs  par  la  colonisation 
anglaise.  Dans  quelques  archipels  océaniens  leur  présence 
est  plus  ancienne  et  remonte  à  l'époque  portugaise  et  hol- 
landaise :  déjà  Jean  II  de  Portugal  déporta  des  Juifs  dans 
les  îles  des  Larrons  (Mariannes). 

C.  Histoire  littéraire  et  religieuse.  —  Caractères 

GÉNÉRAUX    DE    LA    LITTÉRATURE  JUIVE.  —  Le  judaïSmC   U'a 


pas  connu  de  véritable  moyen  âge  dans  le  sens  de  stagna- 
tion intellectuelle  qu'on  attache  d'ordinaire  à  ce  mot.  Il 
en  a  été  préservé  grâce  au  caractère  particulier  qu'avait 
pris  sa  religion  à  la  suite  du  retour  de  Babylone  et  plus 
encore  après  la  ruine  du  Temple  de  Jérusalem.  L'ob- 
servation et  par  conséquent  l'étude  de  la  loi  divine  fai- 
saient le  fond  de  cette  religion  ;  le  Credo^  le  culte  pubUc  ne 
venaient  qu'en  seconde  ligne,  et  dès  l'époque  asmonéenne 
les  docteurs  de  la  loi,  les  savants  étaient  plus  considérés 
que  les  prêtres.  Avec  la  chute  du  Temple  disparut  le  seul 
endroit  où  légalement  le  culte  divin  pouvait  être  pratiqué  : 
le  sentiment  rehgieux  se  rejeta  avec  d'autant  plus  d'ardeur 
vers  la  Loi,  devenu  le  vrai  sanctuaire  du  judaïsme  déraciné, 
le  palladium  de  la  nationalité  errante,  l'unique  héritage 
d'un  cher  et  glorieux  passé.  La  récitation,  l'étude  de  la 
Loi  tinrent  lieu  de  cérémonies  religieuses  :  de  là  le  nom 
à' école  (Se kiile)  donné  en  Allemagne  et  en  France  aux  lieux 
de  prière.  On  s'efforça  de  préciser,  de  développer  la  Loi 
non  seulement  dans  ses  dispositions  restées  d'un  usage  pra- 
tique, comme  le  droit  civil  et  pénal,  les  fêtes,  les  obser- 
vances privées,  mais  encore  dans  celles  qui,  liées  au  culte 
du  Temple,  n'avaient  plus  qu'un  intérêt  rétrospectif.  Cette 
occupation ,  poursuivie  avec  ardeur  pendant  plusieurs  siècles, 
parlait  à  la  fois  à  la  raison  et  au  sentiment  ;  on  peut  dire 
que  toute  la  race  juive  y  a  pris  part,  et  que,  entre  les  doc- 
teurs ou  rabbins  et  la  masse  des  fidèles,  il  n'y  a  jamais 
eu  qu'une  question  de  degré  :  tout  Juif  instruit  étant  plus 
ou  moins  rabbin.  L'étude  approfondie  de  la  Tora  et  de 
la  «  loi  orale  »,  bientôt  codifiée  à  son  tour,  conduisit 
aux  recherches  de  grammaire,  de  philosophie  religieuse, 
d'histoire,  de  sciences  exactes  et  naturelles  ;  la  poésie  et 
rhomilétique  naquirent  au  service  du  culte  transformé  ; 
ainsi  fut  reconstitué  par  et  pour  la  religion  tout  le  cycle 
des  genres  littéraires. 

Naturellement  toutes  ces  branches  de  la  littérature  n'ont 
pas  été  cultivées  partout  ni  toujours  avec  la  même  ardeur 
et  le  même  succès  ;  le  centre  actif  de  la  littérature  des 
Juifs  s'est  plusieurs  fois  déplacé,  comme  le  foyer  de  leur 
civilisation;  on  peuttlire,  en  gros,  que  là  où  les  Juifs  ont 
été  le  plus  libres  et  le  plus  heureux,  leur  httérature  a  eu 
le  plus  d'éclat  et  de  variété.  Presque  partout  les  persécu- 
tions ont  entramé  la  décadence  des  écoles,  la  migration  des 
rabbins  célèbres,  l'affaibhssement  rapide  de  la  production 
scientifique.  Jusqu'au  x®  siècle,  le  siège  des  études  est 
encore  en  Orient  :  d'abord  en  Palestine,  puis,  à  partir  du 
ni^  siècle,  en  Babylonie.  Là  s'élaborent  la  Mischna,  les 
deux  Talmuds,  les  commentaires  et  les  consultations  des 
(jaonim.  Puis  la  civilisation  et  la  science  juives  émigrent 
\ers  l'Occident  :  en  Egypte  (école  du  Caire),  dans  l'Afrique 
du  Nord  (école  de  Kairouan),  en  Espagne  (écoles  de  Cor- 
doue,  Lucena,  Tolède,  Barcelone),  en  Italie,  dans  le  midi  de 
la  France  (Narbonne,  Lunel,  Posquières,  MontpeUier,  etc.). 
De  là  le  goût  des  études  rabbiniques  se  propage  dans  la 
France  du  Nord  et  dans  les  pays  rhénans  :  les  écoles  de 
Mayence  et  de  Champagne  (Troyes,  Bamerupt)  jettent  un 
vif  éclat  au  xi^  et  au  xn®  siècle  :  le  nom  de  Baschi  (B.  Sa- 
lomon ben  Isaac,  de  Troyes,  1040-1105),  est  justement 
célèbre.  Dans  ces  régions,  la  littérature  rabbinique  est  pu- 
rement juridique  et  exégétique  ;  en  Espagne,  au  contraire, 
et  dans  le  Languedoc,  à  l'étude  de  la  Bible  et  du  droit  ca- 
nonique juif  se  joignent  celles  de  la  grammaire,  de  la 
poésie,  de  la  philosophie  religieuse;  la  littérature  juive  est 
ici  étroitement  associée  à  la  littérature  arabe,  dont  elle 
imite  tous  les  genres,  s'approprie  tous  les  progrès.  Au  reste, 
la  littérature  rabbinique  a  toujours  eu  un  caratère  interna- 
tional :  les  œuvres  écrites  en  arabe  ne  tardent  pas  à  être 
traduites  en  hébreu,  et  plusieurs  rabbins  illustres  mènent 
une  existence  nomade,  leur  vie  se  partage  entre  divers  pays, 
diverses  parties  du  monde  ;  l'hospitalité  des  mécènes  a  joué 
un  grand  rôle  dans  la  production  littéraire  des  Juifs.  Mai- 
monide  (B.  Moïse  ben  Maimon,  1135-1204),  né  à  Cordoue, 
mort  en  Egypte,  est  le  plus  grand  nom  du  judaïsme  médiéval, 
qu'il  domine  par  son  génie  d'organisation  scientifique,  son 


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JUIF 


rationalisme  à  la  fois  hardi  et  sensé.  La  décadence  commence 
dans  la  France  du  Nord  avec  la  condamnation  du  Talmud 
(1240)  et  l'expulsion  de  4306,  dans  la  France  du  Midi  avec 
l'expulsion  de  1394,  en  Espagne  avec  les  persécutions  de 
4391  et  1412.  A  la  fin  du  xv^  siècle,  les  rabbins  espagnols 
émigrent  en  Italie,  en  Crète,  en  Turquie,  en  Palestine  (école 
de  Safed),  où  s'élaborent  des  œuvres  importantes.  En  Alle- 
magne, la  littérature  juive,  comme  le  judaïsme  lui-même, 
a  toujours  eu  quelque  chose  de  sombre  et  d'étriqué.  La 
Pologne  et  les  pays  voisins  deviennent,  à  partir  de  la  fm 
du  xvi«  siècle,  le  foyer  de  la  race  juive  et  des  études  juri- 
diques qui  y  sont  cultivées  avec  plus  d'ardeur  et  de  subtilité 
que  de  bon  sens  jusqu'à  nos  jours. 

Aperçu  des  différents  genres  et  des  principaux  auteurs. 

—  Une  histoire  détaillée  de  la  littérature  rabbinique  dé- 
passerait le  cadre  de  ce  travail  ;  des  articles  spéciaux  sont 
ou  seront  d'ailleurs  consacrés  dans  ce  dictionnaire  à  ses 
principales  branches  (Talmud,  Midrascu,  Carrale)  et  à  ses 
représentants  les  plus  autorisés.  Nous  nous  bornerons  donc 
à  énumérer  et  à  caractériser  rapidement  les  différents 
genres  entre  lesquels  se  divise  cette  littérature,  en  citant  sous 
chaque  rubrique  les  noms  et  les  ouvrages  vraiment  typiques. 

1°  Halaklm  (droit  canon  juif).  Si  considérable  que  fût 
le  corps  de  lois  civiles  et  religieuses  contenues  dans  le 
Pentateuque  (on  y  comptait  613  prescriptions),  il  n'était 
ni  assez  clair,  ni  assez  complet  pour  satisfaire  à  tous  les 
besoins  pratiques  et  à  toutes  les  curiosités.  La  «  loi  orale  », 
commentaire  et  complément  de  la  loi  écrite,  se  greffa  donc 
sur  celle-ci,  le  plus  souvent  pour  la  préciser,  quelquefois 
pour  en  atténuer  la  rigueur  par  une  interprétation  subtile, 
plus  souvent  pour  l'aggraver  et  élever  une  nouvelle  haie 
de  préceptes  et  d'observances  autour  de  la  foi  juive.  Ce 
travail,  tout  à  fait;  analogue  à  celui  des  jurisconsultes  et 
préteurs  romains,  occupait  déjà  les  soferim  de  l'époque 
du  second  Temple;  après  la  ruine  du  Temple,  il  fut  pour- 
suivi avec  encore  plus  d'ardeur  par  les  docteurs  de  Pales- 
tine, et  notamment  de  Galilée,  les  tannaïm  (Yohanan 
ben  Zaccaï,  Gamaliel,  Akiba,  Siméon  ben  Yokhaï,  Meir). 
Leurs  travaux  furent  coordonnés  et  rédigés  sous  forme  d'un 
code  très  concis  à  la  fin  du  ii®  siècle  par  R.  Juda  le  Saint  : 
ce  fut  la  Mischna  ou  «  Répétition  »,  «  deuxième  loi  » 
(ôcurspœcnç),  divisée  en  six  ordres  ou  sedarim.  La  Tosefta 
est  un  recueil  du  même  genre,  qui  est  comme  le  complément 
de  la  Mischna.  A  son  tour,  la  Mischna,  revêtue  d'un  carac- 
tère sacré,  devint  la  base  des  études  et  des  discussions  juri- 
diques dans  les  écoles  de  Palestine  (Tibériade,etc.)  et  dans 
celles  de  Babylonie  (Sora,  Poumbadita,  Nahardea);  celles-ci 
furent  fondées  vers  220  par  des  docteu rs  originaires  de  Pales- 
tine, Rab  (Abba  Arekha)  et  Samuel.  Les  docteurs  de  cette  nou- 
velle période  (les  plus  célèbres  sont  Rabba  et  ses  élèves  Abaï 
et  Râba)  portent  le  nom  à'amoraïm;  leur  œuvre  collective 

—  ou  plutôt  le  recueil  des  procès-verbaux  de  leurs  discus- 
sions —  est  la  Guemara  dont  il  existe  deux  rédactions  : 
l'une,  celle  de  Jérusalem,  arrêtée  par  R.  Yohanan  à  la  fin  du 
111*^  siècle  ;  l'autre,  celle  de  Babylone,  due  à  Aschi  et  Piabina 
à  la  fin  du  vi«.  La  Guemara  (complément  ou  tradition?)  suit 
pas  à  pas  les  paragraphes  de  la  Mischna;  réunis,  texte  et 
commentaire  forment  le  TahmuL  Le  Talmud  de  Babylone 
est  le  plus  considérable  des  deux  et  celui  qui  a  eu  la  for- 
tune la  plus  brillante  :  il  est  devenu  le  véritable  code  ou 
plutôt  le  Digeste  du  judaïsme  médiéval,  le  répertoire  du 
droit  canonique  juif.  Après  les  obscurs  et  insignifiants  se- 
bouraïm  (vi^-viii®  siècle),  les  chefs  des  académies  babylo- 
niennes au  n.^  et  au  x®  siècle  ou  gaonim  (Saadia,  Sche- 
rira,  Haï)  répandent  la  connaissance  du  Talmud  par  leurs 
consultations,  recherchées  jusque  dans  les  communautés  les 
plus  éloignées.  Le  livre  lui-même  arrive,  on  ne  sait  trop 
par  quelles  voies,  en  Occident,  où  il  est  étudié  avec  passion. 
A  Rome,  R.  Nathan  en  dresse  un  lexique,  VAruch^  resté 
classique (xi^  siècle).  En  France,  après  Gerschom  de  Mayence 
(mort  en  4028),  Raschi  compose  sur  le  Talmud  un  com- 
mentaire d'une  science  étonnante,  devenu  inséparable  du 
texte.  D'autres  docteurs  s'efforcent  de  grouper  sous  une 


forme  commode  et  systématique  les  innombrables  décisions, 
souvent  contradictoires,  éparses  dans  la  mer  du  Talmud; 
de  ce  besoin  sont  nés  des  codes  talmudiques,  dont  quatre 
seulement  ont  survécu  :  les  Halakkot  d'isaac  de  Fez  (Al- 
fassi)  au  xi«  siècle,  h  Mischné  Tora  de  Maimonideauxii®, 
les  Tourim  de  Jacob  ben  Ascher,  rabbin  allemand  du 
xiv«  siècle,  enfin  le  Schulkhan  Aruch  de  Joseph  Caro, 
rabbin  espagnol  fixé  à  Safed  (1367)  ;  ce  dernier  code,  très 
chargé,  qui  a  fini  par  supplanter  tous  les  autres,  est  devenu 
à  son  tour  l'objet  d'innombrables  commentaires  ;  il  a  servi 
de  texte  à  la  subtile  casuistique  des  rabbins  de  Bohême  et 
do  Pologne  (Jacob  Polak,  Moïse  Isserles,  Salomon  Louria), 
créateurs  de  la  méthode  du  Pilpoul  (grains  de  poivre).  A 
côté  de  ces  travaux  d'ensemble  sur  le  Talmud,  le  judaïsme 
rabbinique  a  encore  produit  des  commentaires  spéciaux  de 
la  Mischna  (Maimonide,  Obadia  di  Bertinoro)  et  de  nom- 
breux recueils  de  consultations  légales  (les  gaonim,  les 
rabbins  français,  Nachmanide  et  Salomon  ben  Adret  au 
xiii^'  siècle,  nombreux  rabbins  allemands  et  polonais). 

2<^  Haggada.  La  halaïcha  ne  représente  qu'une  face  du 
Talmud;  l'autre  est  la  haggada,  terme  intraduisible  sous 
lequel  on  comprend  toutes  les  digressions  philosophiques, 
scientifiques,  historiques,  anecdotiques  et  surtout  légen- 
daires dont  les  discussions  légales  ont  fourni  l'occasion  ou 
le  prétexte  ;  c'est,  en  somme,  une  littérature  édifiante.  Dans 
le  Talmud,  halakha  et  haggada,  casuistique  et  homilé- 
tique,  sont  mêlées  de  la  façon  la  plus  intime  :  la  contro- 
verse soulevée  par  un  cas  juridique  particulier  conduit  aux 
développements  les  plus  inattendus  sur  les  sujets  de  morale, 
de  légende,  d'astronomie,  de  médecine,  de  botanique  ;  c'est  la 
pensée  juive  du  ii^au  vi®  siècle  elle-même,  fixée  toute  vivante 
dans  son  mélange  pittoresque  de  science  et  d'ignorance,  de 
bon  sens  et  de  superstition,  de  sagacité  pratique  et  de  sub- 
tilité vaine,  d'exquise  morale  et  de  fanatisme  étroit.  Les 
mêmes  caractères  se  retrouvent  dans  d'autres  ouvrages 
haggadiques  portant  le  nom  générique  de  Midraschirn, 
qui  forment  toute  une  bibliothèque  dont  les  dernières  pro- 
ductions touchent  à  l'époque  contemporaine;  le  trop  célèbre 
Toledoth  Yeschou  (Vie  légendaire  de  Jésus)  n'est  qu'un 
Midrasch  existant  en  plusieurs  rédactions.  On  peut  encore 
rattacher  à  ce  genre  les  ouvrages  de  morale  populaire  dont 
les  plus  célèbres  sont  le  Livre  des  pieux  (Sefer  Hassi- 
dim)  et  le  Grand  Livre  des  préceptes  {Sefer  miçwot 
gadol)  de  Moïse  de  Coucy  (xm^  siècle)  (V.  Agada). 

3°  Exégèse  biblique.  Au  moyen  âge,  la  Bible  est  éclip- 
sée chez  les  Juifs  par  le  Talmud,  mais  elle  n'est  pas  pour 
cela  négligée.  Un  minutieux  travail  de  statistique  verbale 
(la  Massora),  terminé  vers  le  ix^  siècle,  préserve  le  texte 
sacré  de  toute  altération  nouvelle.  La  série  des  glossateurs 
s'ouvre  par  de  très  anciens  commentaires  sur  les  parties 
législatives  du  Pentateuque  (Mekhilta  sur  VExode,  Si- 
framvle  Lévitiqiie^  Sifré  sur  le  Deutéronome) ,  ouvrages 
anonymes,  d'un  caractère  midraschique.  Le  gaon  Saadlia, 
natif  de  Fayoum  (892-942),  traduit  la  Bible  en  arabe  et 
accompagne  sa  traduction  d'un  commentaire  très  hardi  pour 
l'époque,  qui  fait  quelque  usage  de  l'allégorie.  Les  gloses  de 
Raschi  et  de  ses  disciples  les  tossafisies  (Joseph  Kara,  Sa- 
muel ben  Meïr,  etc.)  sur  le  Pentateuque  sont  restées  ajuste 
titre  populaires  ;  par  Nicolas  de  Lyra,  elles  ont  exercé  leur 
influence  jusque  sur  l'exégèse  de  Luther.  L'école  espagnole 
eut  au  XI®  siècle  des  exégètes  remarquables,  parfois  d'une 
hardiesse  singuUère,  comme  Ibn  Yaschousch  (Yitshaki), 
de  Tolède  (982-1057),  Aboul-Walid  et  Moïse  ibn  Gika- 
tilla,  de  Cordoue.  Citons  encore  les  commentaires  sur  di- 
verses parties  de  la  Bible  par  Abraham  ibn  Ezra,  rabbin 
nomade  et  cerveau  encyclopédique  (1089-1167),  Nach- 
manide (Moïse  ben  Nahman  de  Girone)  (1195-1270), 
l'Italien  Menahem  Recanate  et  Isaac  Abravanel  (mort  en 
1506).  Tous  ces  commentaires,  plus  savants  que  critiques, 
se  meuvent  encore  dans  les  méthodes  traditionnelles  ;  un 
rabbin  de  Mantoue,  Azaria  de'  Rossi  (1514-1577),  peut 
être  considéré  comme  le  véritable  fondateur  de  la  critique 
historique  parmi  les  Juifs. 


JUIF 


268  — 


4''  Controverse,  apologétique,  etc.  Pendant  tout  le 
moyen  âge,  le  judaïsme  a  entretenu  une  polémique  active, 
souvent  très  libre,  avec  le  christianisme  et  le  mahométisme. 
Cette  polémique  prenait  la  forme  tantôt  de  colloques  oraux, 
parfois  réunis  par  écrit  (les  Nizzacho7i,  le-  livre  de  Joseph 
le  Zélateur),  tantôt  de  pamphlets  ou  de  réponses,  parmi 
lesquels  on  peut  signaler  ceux  de  Jacob  ben  Ruben  (1170) 
et  de  Simon  Duran  (xiv^  s.).  D'autres  auteurs  ont  donné 
à  des  ouvrages  apologétiques  la  forme  du  dialogue  (tel 
le  Cozari  an  Castillan  Juda  Pïalévi,  1086-4446)  ou  d'un 
exposé  des  principes  généraux  de  la  reh'gion  juive  :  tels 
VOr  Adonaï  d'un  penseur  génial,  Hasdaï  Crescas  (envi- 
ron 4340-4440),  et  les  Ikkarim  (Principes)  de  Joseph 
Albo  (1380-4444).  Le  traité  plus  ancien  de  Bakhya  ibn 
Pakuda(vers  4050),  intitulé  Devoirs  du  cœur^  est  sur- 
tout un  exposé  transcendant  de  la  morale  juive,  avec  une 
foi'te  tendance  ascétique.  Le  genre  apologétique  a  en- 
core trouvé  des  représentants  éloquents  en  Hollande  (Oro- 
bio  de  Castro,  Manassé  ben  Israël).  On  peut  rattacher  à 
cette  branche  presque  toute  la  littérature  des  Juifs  karaïtes 
qui,  en  rejetant  le  Talmud,  ont  dû  préciser  les  pra- 
tiques, le  rituel,  les  croyances  de  leur  secte,  tant  contre 
les  rabbanites  que  contre  les  chrétiens.  Leurs  princi- 
paux écrivains.  Benjamin  de  Néhavend,  Josué  Aboul-Faradj 
(x«  s.),  Aron  ben  Josef  (xm^  s.),  Aron  de  Nicomédie 
(xiv^  s.),  Isaac  Troki  (xvi®  s.)  ont  été  appréciés  ailleurs 
(V.  Caraïtes). 

5*^  Philosophie  religieuse.  La  philosophie  juive  au  moyen 
âge,  comme  la  philosophie  arabe  dont  elle  est  née  et  la  sco- 
lastique  chrétienne  qu'elle  a  influencée,  se  propose  surtout 
de  concilier  la  vérité  philosophique,  c.-à-d.  Aristote,  avec 
la  vérité  révélée  :  par  là,  elle  se  rattache  à  l'exégèse  bi- 
blique et  doit  forcément  faire  un  large  usage  des  explica- 
tions allégoriques  et  rationalistes.  Saadia  peut  être  consi- 
déré comme  le  père  de  la  scolastique  juive  par  son  livre  : 
Emounôt  ive  deôt  (Croyances  et  opinions).  Celui  de  Salo- 
mon  ibn  Gabirol  de  Malaga,  plus  connu  sous  le  nom  d'Avi- 
cebron  (4024-70),  Forts  Vitœ,  a,  de  bonne  heure,  été 
traduit  en  latin  ;  c'est  une  des  sources  de  la  scolastique 
chrétienne.  Au  xii^  siècle,  Abraham  ibn  Daoud,  de  Cor- 
doue  (mort  en  4480),  présente  dans  sa  Foi  supérieure 
un  classement  rationnel  des  devoirs  religieux  ;  Maimonide, 
dans  son  fameux  More  Neboukhim  (Guide  des  Egarés), 
se  montre  disciple  original  d'Aristote  et  des  Arabes,  ratio- 
naliste et  allégoriste  ingénieux,  ennemi  des  fausses  sciences 
du  moyen  âge  (magie,  astrologie,  etc.).  Ce  chef-d'œuvre, 
écrit  en  arabe,  mais  bientôt  traduit  en  hébreu,  devint  le 
point  de  départ  de  toute  une  littérature  rationaliste  dont 
les  représentants  les  plus  hardis,  en  Provence,  retrouvaient 
tout  Aristote  dans  la  Bible  et  inclinaient  à  en  exclure  le 
surnaturel  (Lévi  de  Villefranche).  Ces  tendances  dange- 
reuses jetèrent  l'alarme  parmi  les  orthodoxes  et  provo- 
quèrent une  réaction  contre  les  études  philosophiques  ; 
dès  4232,  Salomon  de  Montpellier  excommunie  les  au- 
teurs du  More  et  dénonce  le  livre  à  l'inquisition  ;  en 
4305,  le  synode  rabbinique  de  Barcelone,  présidé  par  Sa- 
lomon ben  Adret,  à  la  requête  d'Abba  Mari  de  Lunel,  pro- 
nonce l'excommunication  (herem)  contre  l'étude  prématu- 
rée des  ouvrages  scientifiques  et  contre  les  commentaires 
philosophiques  de  l'Ecriture.  Le  goiJt  des  études  philoso- 
phiques n'en  persista  pas  moins  parmi  les  rabbins  de  Pro- 
vence, groupés  autour  de  la  famille  des  Ibn  Tibbon  ;  au 
xiv^  siècle.  Moïse  de  Narbonne,  Joseph  Caspi  commentent 
le  Moré^  Lévi  ben  Gerson  de  Bagnoles  (Gersonide)  écrit  un 
traité  de  métaphysique  sous  le  titre  Milkhamot  Adonaï 
(Combats  du  Seigneur).  Plus  tard,  les  études  philosophi- 
ques se  transplantent  en  Crète  et  en  Italie,  où  le  judaïsme 
subit  l'influence  des  idées  platoniciennes  remises  en  hon- 
neur à  la  Renaissance  ;  Elie  del  Medigo,  l'un  des  maîtres 
de  Pic  de  la  Mirandole,  compose  VEaamen  de  la  loi  ; 
Léon  l'Hébreu,  fils  d'Abravanel,  les  Dialogues  d'amour, 
traduits  aussitôt  en  français.  Quant  à  Spinoza  et  à  Salomon 
Maimon,  le  disciple  original  de  Kant,  quoique  nés  dans  le 


judaïsme,  ils  n'appartiennent  pas  proprement  à  l'histoire  de 
la  philosophie  juive. 

6<*  Cabbale.  La  Cabbala  (tradition)  est  en  quelque  sorte 
l'antithèse  de  la  philosophie  rationaliste  :  autant  celle-ci 
tend  à  diminuer  la  part  du  surnaturel,  autant  celle-là  tend 
à  l'exagérer,  à  en  scruter  les  profondeurs  et  à  l'introduire 
partout,  même  dans  la  pratique  journalière.  Les  origines 
lointaines  de  celte  théosophie  mystique  se  relient  en  philo- 
sophie aux  spéculations  de  l'école  d'Alexandrie  ;  dans  la 
Bible  elle  a  pour  points  d'attache  le  tableau  de  la  création 
et  la  vision  d'Ezéchiel  (Merkaba),  Le  livre  de  la  création 
(Sefer  Yezira)  existait  déjà  au  temps  de  Saadia  ;  on  con- 
nut aussi  de  bonne  heure  la  Cabbale  notarique,  fondée  sur 
la  manipulation  des  caractères  hébraïques  et  l'équivalence 
de  mots  ayant  la  même  valeur  numérique  (gematria).  La 
nouvelle  Cabbale  prend  naissance  au  xiii^  siècle  dans  le 
midi  de  la  France  (autour  d'Abraham  de  Posquières)  par 
réaction  contre  les  tendances  ultra-rationalistes;  de  là  elle 
gagne  l'Espagne,  l'Italie,  l'Allemagne,  etc.  Son  bréviaire  est 
le  Zohar,  ouvrage  faussement  attribué  à  un  ancien  tana 
(Siméon  ben  Yokhaï),  et  qui  fut  lancé  dans  le  public  rabbi- 
nique par  le  charlatan  Moïse  de  Léon.  Le  goût  de  la  Cab- 
bale se  répand  non  seulement  parmi  les  plus  doctes  rabbina, 
mais  parmi  les  savants  chrétiens  eux-mêmes  (Pic  de  la  Miran- 
dole, Reuchlin).  Au  xvi^  siècle,  les  études  cabbalistiques 
ont  leur  siège  principal  en  Palestine  (école  de  Safed)  où 
Isaac  Louria,  Moïse  Cordovero,  Hayim  Vital  dépassent  les 
divagations  du  Zohar.  Au  xvii^,  la  Porte  du  ciel  du  mar- 
rane  Alonso  de  Herrera  (mort  en  4639)  vulgarise  «  les 
sottises  de  ces  charlatans  »  suivant  l'expression  de  Spi- 
noza, et  le  mouvement  messianique  de  Sabbataï  Zevi  est 
imprégné  d'idées  cabbahstiques.  Au  xviii^  siècle,  l'héré- 
siarque Frank,  en  Pologne,  veut  substituer  le  Zohar  au 
Talmud  comme  code  du  judaïsme  (vers  4756);  les  zoha- 
ristes  furent  protégés  par  le  clergé  catholique,  et  un  synode 
de  rabbins  polonais  dut  interdire  l'étude  des  livres  cabba- 
listiques avant  l'âge  de  trente  ans  (pour  plus  de  détails, 
V.  l'art.  Cabbale). 

7»  Grammaire.  L'origine  des  études  grammaticales 
parmi  les  Juifs  se  rattache  aux  traductions  de  la  Bible  en 
diverses  langues  (targoum)  et  aux  travaux  des  Massorètes 
qui  pourvoient  le  texte  biblique  de  points-voyelles  et  d'ac- 
cents destinés  à  fixer  la  prononciation  et  l'intonation.  Ces 
études  se  développèrent  au  contact  des  grammairiens 
arabes,  et  la  connaissance  de  l'arabe,  très  répandue  parmi 
les  Juifs,  donna  naissance  à  des  recherches  de  grammaire 
comparée.  Ici  encore  Saadia  est  un  initiateur.  Après  les 
travaux  méritoires  de  Dounasch  de  Fez  et  de  Ménahem  ibn 
Sarouk  (x^  siècle),  les  études  grammaticales  sont  portées  à 
un  haut  degré  de  perfection  par  Hayyoudj  de  Fez  et  surtout 
par  Aboul-Walid  ou  Ibn  Djanah  (mort  vers  4050).  Les  dé- 
couvertes des  grammairiens  espagnols  furent  vulgarisées 
en  Itahe  et  en  France  par  les  traductions  et  les  paraphrases 
d'Abraham  ibn  Ezra,  David  Kimhi,  etc.,  dont  les  publi- 
cations commodes  ont  longtemps  éclipsé  les  écrits  originaux 
de  leurs  devanciers. 

8°  Poésie.  Comme  la  grammaire  et  la  philosophie,  la 
poésie  néo-hébraïque  se  développe  au  contact  de  la  littéra- 
ture syriaque  et  arabe  dont  elle  s'approprie  les  procédés 
de  versification  (acrostiche,  mètres,  rime),  et  l'ingéniosité 
souvent  allectée.  Dès  le  vi^  siècle,  les  Juifs  de  Médine  ont  un 
poète,  Samuel  ben  Addiya,  l'ami  d'Imroulqaïs.  Parmi  les 
poètes  ipaïtanim)  dont  les  compositions  liturgiques  (piou- 
tim)  constituent  le  fond  du  rituel  des  prières  (siddour),  le 
plus  célèbre,  et  peut-être  le  plus  ancien,  est  Eléazar  Hakkahr, 
qui  parait  avoir  vécu  au  commencement  du  vui®  siècle  en 
Italie  (d'après  M.  Derenbourg,  il  s'appelait  Celer  et  était 
natif  de  Portus,  près  de  Rome).  En  Espagne,  la  poésie  jette 
un  vif  éclat  avec  Salomon  ibn  Gabirol,  Juda  Halévi  (les 
Sionides),  Moïse  ibn  Ezra.  Le  Languedoc  peut  nommer 
Yedaia  Penini  de  Béziers  (xiv^  siècle).  Les  genres  les  plus 
divers  sont  cultivés  depuis  l'hymne  et  Félégie  religieuses 
jusqu'aux  simples  jeux  d'esprit.  Al  Harizi  (xiii®  siècle)  imite 


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JUIF 


dans  son  Tahkemoni  les  fameuses  Séances  de  l'Arabe 
Hariri;  en  Italie,  Emmanuel  Romi,  Tami  du  Dante,  poète 
plein  de  verve,  compose  une  sorte  de  Divine  Comédie 
juive.  Parmi  les  auteurs  plus  récents,  le  plus  remarquable 
est  ritalien  M.  H.  Luzzatto  (xviii®  siècle).  Plusieurs  poètes 
juifs  s'essayèrent  aussi,  même  au  moyen  âge,  dans  la  langue 
du  pays  qu'ils  habitaient  :  tels  furent,  sans  parler  des  nom- 
breux poètes  judéo-arabes,  le  Minnesinger  allemand  SUss- 
kind  de  Trimberg  (xiii^  siècle),  le  troubadour  espagnol 
Santob  deCarion  (vers  1330),  et  l'auteur  anonyme  de  la 
belle  élégie  romane  sur  les  martyrs  de  Troyes  (1288). 

9°  Sciences  historiques^  voyages.  Les  Juifs  n'ont  guère 
cultivé  l'histoire  au  moyen  âge  ;  le  peu  qu'en  renferme  le 
Talmud  est  si  bien  enveloppé  d'une  pétrification  de  légende 
qu'on  a  peine  à  l'en  dégager.  Citons  cependant  la  courte 
chronique  du  Seder  Olam,  l'intéressante  consultation  de 
Scherira  (vers  1000)  sur  l'histoire  des  écoles  de  Babylonie, 
VOrdrede  la  tradition  d'Abraham  ibn  Daoud(li61),  puis 
des  Memorbilcher  ou  martyrologes  des  communautés  alle- 
mandes, le  journal  de  Joseimann  de  Rosheim.  A  l'époque 
de  la  Renaissance,  Juda  ibn  Verga  et  Joseph  Cohen  traitent 
l'histoire  des  persécutions  sous  forme  de  chroniques  ;  Sa- 
muel Usque  présente  le  même  sujet  sous  forme  d'une  apo- 
logie (Consolacion  à  las  tribu laçoens^  1553);  Abraham 
de  Porteleone,  Azaria  de'  Rossi,  Abraham  Farissol,  Estor 
Farhi  cultivent  l'histoire  ancienne,  la  géographie  et  l'ar- 
chéologie. Au  XVII®  siècle,  Léon  de  Modène  compose  en  ita- 
lien sur  les  Cérémonies  des  Juifs  un  petit  livre  classique, 
bientôt  traduit  en  français  par  Richard  Simon.  Citons  encore 
les  chroniqueurs  David  Gans,  de  Prague  (xvii®  siècle),  et 
Yekhiel  Heilperin  (xviii®),  Polonais. 

Plus  intéressants  que  les  travaux  historiques  des  rab- 
bins sont  les  récits  des  voyageurs;  le  moyen  âge  juif  en 
compte  un  grand  nombre,  grâce  à  la  dispersion  de  la  race 
et  à  l'hospitalité  des  communautés  :  les  plus  célèbres  sont 
ceux  de  Benjamin  deTudèle  et  de  PétakhyadeRatisbonne, 
tous  deux  de  la  fin  du  xif  siècle.  On  ne  doit  pas  confondre 
ces  relations,  en  somme  véridiques,  avec  des  romans  char- 
latanesques,  comme  le  fameux  Voyage  d'Eldad  le  Damte 
chez  les  descendants  des  Dix-Tribus  (ix®  siècle?). 

10*^  Sciences  exactes  et  naturelles.  Parmi  les  sciences, 
seules  l'astronomie  et  la  médecine  ont  été  cultivées  par  les 
Juifs  avec  un  véritable  succès.  L'astronomie,  née  du  besoin 
de  régler  le  calendrier,  est  en  honneur  dès  l'époque  tal- 
mudique  (Gamaliel,  Samuel)  ;  la  rédaction  du  calendrier 
religieux  par  le  patriarche  Hillel  II  (330)  atteste  des  ob- 
servations et  des  calculs  prolongés.  Plus  tard,  le  judaïsme 
fournit  aux  rois  chrétiens  des  astrologues,  mais  aussi  des 
astronomes  sérieux,  comme  ïsaacibn  Sid,  qui  travailla  à  la 
rédaction  des  Tables  alphonsines  (1232-84),  José  de  Viseu 
et  Abraham  Zacuto,  qui  sont  au  service  des  rois  de  Por- 
tugal Jean  II  et  Emmanuel.  Les  ouvrages  astronomiques  et 
mathématiques  de  Maimonide,  d'Abraham  ibn  Ezra,  et 
surtout  de  Lévi  ben  Gerson  ont  joui  d'une  grande  réputa- 
tion :  une  partie  de  ces  derniers  a  même  été  traduite  en 
latm  par  ordre  du  pape  Clément  VI. 

La  médecine  fut  au  moyen  âge  une  véritable  spécialité 
des  Juifs,  qui  s'explique  en  partie  par  leur  réputation  de 
magiciens;  malgré  les  prohibitions  canoniques,  les  rois 
chrétiens  et  musulmans  n'ont  cessé  de  prendre  des  méde- 
cins juifs,  dont  plusieurs  étaient  des  rabbins  célèbres  ;  les 
Juifs  ont  contribué  avec  les  Arabes  à  la  fondation  de  l'école 
de  Montpellier,  à  la  prospérité  de  celle  de  Salerne.  La  lit- 
térature médicale  juive,  presque  tout  entière  inédite,  est 
considérable  :  citons  seulement  les  travaux  dlsaac  Israéli 
(x®  siècle),  qui  furent  traduits  de  l'arabe  en  latin,  et  les 
aphorismes  médicaux  de  Maimonide. 

11°  Traducteurs  juifs.  A  côté  de  ces  productions  ori- 
ginales, il  faut  enfin  faire  une  mention  spéciale  des  tra- 
ducteurs juifs,  qui  ont  joué  un  rôle  important,  mais  obscur, 
comme  intermédiaires  intellectuels  pendant  tout  le  moyen 
âge.  Leur  nombre  est  légion  à  partir  du  xm®  siècle.  Les 
uns,  comme  les  familles  des  Kimhi  à  Narbonne,  et  des  Ibn 


Tibbon  à  Lunel,  se  sont  surtout  attachés  à  traduire  en  hé- 
breu les  grandes  œuvres  des  Juifs  espagnols,  presque  toutes 
composées  en  arabe,  ou  même  les  œuvres  de  la  scolastique 
chrétienne  ;  d'autres  ont  traduit  en  arabe  des  ouvrages 
grecs  (ainsi  Hasdaï  au  x®  siècle  pour  Dioscoride),  ou  en 
hébreu  des  ouvrages  arabes  et  syriaques  qui  eux-mêmes 
reproduisaient  sauvent  des  originaux  grecs;  les  versions 
hébraïques  ont  été  ensuite  traduites  à  leur  tour  en  latin, 
et  c'est  par  cette  voie  qu'une  partie  des  ouvrages  d'Aris- 
tote,  d'Avicenne,  d'Averroès,  plusieurs  auteurs  tech- 
niques de  l'antiquité,  paraissent  être  parvenus  à  la  con- 
naissance de  l'Europe  occidentale.  Parmi  les  traducteurs 
qui  ont  collaboré  à  ce  travail,  il  faut  citer  Jacob  Anatoli, 
qui  fut  au  service  de  l'empereur  Frédéric  II,  et  le  Proven- 
çal Calonymos,  satiriste  d'esprit,  qu'employa  Robert  d'An- 
jou, roi  de  Naples. 

^  D.  Emancipation  des  Juifs.  —  Préliminmres  de 
l'émancipation.  Mendelssohn.  —  Le  moyen  âge  et  une 
partie  des  temps  modernes  avaient  vécu,  en  ce  qui  con- 
cerne la  situation  légale  des  Juifs,  sur  deux  principes  uni- 
versellementacceptés:  1°  Les  Juifs  étaient  considérés  comme 
une  nation,  non  comme  une  secte;  cette  nation,  quoique 
arrachée  de  sa  patrie,  avait  gardé  ses  lois,  ses  coutumes, 
sa  langue  sacrée;  ses  membres  devaient  donc  être  traités, 
dans  les  pays  où  on  tolérait  leur  présence,  comme  des  co- 
lons étrangers,  peregrini  sine  civitate,  ou  des  serfs.  2°  En 
admettant  même  que  les  Juifs  renonçassent  à  leur  natio- 
nalité, ils  ne  pouvaient  pas,  dans  un  Etat  chrétien,  pré- 
tendre à  l'exercice  des  droits  politiques  et  à  ceux  des  droits 
civils  qui  leur  étaient  assimilés  ;  l'Etat  médiéval  était,  en 
effet,  une  association  de  personnes  professant  la  même  re- 
ligion :  seuls  les  chrétiens  pouvaient  participer  activement 
à  la  société  chrétienne. 

Le  grand  mouvement  d'idées  suscité  par  la  Renaissance 
et  la  Réforme  ne  modifia  pas  ces  principes  ;  le  second 
reçut  même  une  application  nouvelle  par  l'effet  de  la  scis- 
sion de  la  chrétienté  en  protestants  et  catholiques  :  dans 
les  Etats  catholiques,  les  protestants,  sauf  de  rares  et  tem- 
poraires exceptions,  furent  exclus  de  la  «  cité  »,  et  il  en  fut 
de  même  des  catholiques  dans  les  Etats  protestants  ;  bien 
plus,  dans  certains  Etats  protestants  morcelés  en  plusieurs 
sectes,  la  confession  dominante  accapara  au  moins  les  droits 
pohtiques  pour  elle  seule,  et  réduisit  les  «  non-confor- 
mistes »  à  la  situation  de  sujets  tolérés.  La  Réforme  ne 
profita  donc  qu'indirectement  à  la  condition  des  Juifs  en  ré- 
veillant l'intérêt  pour  le  passé  biblique  et  en  faisant  couler 
le  fleuve  de  la  persécution  et  des  haines  religieuses  dans 
un  autre  lit  ;  mais  les  sentiments  des  réformateurs  n'étaient 
pas  favorables  au  judaïsme;  Luthers'exprimasur  son  compte 
aussi  durement  que  les  dominicains  de  Cologne. 

Les  véritables  promoteurs  de  l'émancipation  des  Juifs 
furent  les  écrivains  rationahstes  du  xvin®  siècle.  A  cette 
époque,  les  philosophes  propagent,  avec  le  scepticisme  reli- 
gieux, les  idées  de  tolérance,  de  justice  et  de  large  huma- 
nité ;  le  sentiment  national  perd  de  son  âpreté  ;  surtout  on 
substitue  à  la  notion  de  l'Etat  chrétien  celle  d'un  Etat  pu- 
rement laïc,  simple  association  d'intérêts,  étrangère  aux 
querelles  et  aux  différences  de  religion.  Ces  conceptions 
nouvelles,  qui  se  répandirent  bientôt  du  haut  en  bas  de  la 
société,  devaient  avoir  pour  conséquence  naturelle  l'éman- 
cipation des  Juifs,  c.-à-d.  leur  assimilation  pure  et  simple 
aux  autres  habitants  des  pays  où  ils  étaient  fixés.  Peu  im- 
portaient les  sentiments  personnels  des  philosophes  à  l'égard 
de  la  race  persécutée  :  si  Montesquieu  a  un  beau  chapitre 
contre  l'inquisition  portugaise  [Esprit  des  lois,  XXV,  13), 
Voltaire  n'a  pour  les  Juifs  que  sarcasmes  et  rancunes.  Mais 
la  conclusion  était  renfermée  dans  les  principes  ;  tôt  au  tard 
elle  devait  s'en  dégager.  Un  obstacle  sérieux  résidait  dans 
les  Juifs  eux-mêmes,  dans  leur  attachement  à  leur  natio- 
nalité, à  certains  «  privilèges  »,  achetés  parla  privation  de 
tant  de  droits  essentiels,  dans  leur  particularisme  de  mœurs 
et  d'idées  qui  les  tenait  à  l'écart  de  la  société  environnante. 
L'émancipation  légale  devait  être  précédée  d'une  réforma- 


JUIF 


~  â70  — 


lion  intérieure,  ou  tout  au  moins  marcher  de  pair  avec  elle. 
Le  signal  de  cette  réformation  partit  d'Allemagne,  c.-à-d. 
du  pays  où  jusqu'alors  le  judaïsme  avait  vécu  le  plus  ren- 
fermé et  jeté  le  moins  d'éclat.  Son  principal  initiateur  fut 
un  grand  homme  de  bien,  Moïse  Mendelssohn  (1729-86), 
Juif  de  Berhn,  ami  de  Lessing,  philosophe  et  écrivain  dis- 
tingué. Par  ses  conseils  comme  par  son  exemple,  Mendels- 
sohn s'efforça  de  répandre  parmi  ses  coreligionnaires  la 
connaissance  de  la  langue  allemande,  le  goût  des  lettres  et 
des  sciences  modernes,  de  concilier,  en  un  mot,  les  tradi- 
tions religieuses  du  judaïsme  avec  les  exigences  nouvelles 
de  la  civilisation.  Sa  traduction  allemande  du  Pentateuque 
(1779)  marque  une  date  dans  l'évolution  du  judaïsme,  et 
donna  l'impulsion  à  toute  une  jeune  école  de  savants  et  de 
littérateurs  israélites  dont  l'organe  fut  la  revue  Meassef.  Ce 
fut  sous  l'inspiration  de  Mendelssohn  qu'un  écrivain  chré- 
tien, Dohm,  rédigea  un  mémoire  sur  la  réforme  politique 
des  Juifs  (1781)  qui,  destiné  d'abord  à  Louis  XVI,  fit  sen- 
sation en  Allemagne.  C'est  en  Allemagne  et  en  Autriche 
que  l'esprit  nouveau  porta  aussi  ses  premiers  fruits  dans 
la  législation.  Les  premières  traces  en  sont  déjà  sensibles 
dans  l'ordonnance  de  Frédéric  II  (1730).  L'édit  de  tolérance 
de  Joseph  II  (1781)  abolit  le  Leibzoll  en  Autriche,  assujettit 
les  Juifs  au  service  militaire,  leur  permet  l'exercice  de  la 
profession  d'avocat,  mais  leur  refuse  encore  la  propriété 
foncière  et  l'entrée  des  corporations  ;  en  même  temps  l'em- 
pereur ouvrait  des  écoles  destinées  à  répandre  parmi  eux 
l'instruction  profane.  Le  Leibzoll  fut  également  aboli  en 
Prusse  en  1787.  A  la  même  époque,  la  constitution  des 
Etats-Unis  d'Amérique,  rédigée  sous  l'influence  de  la  phi- 
losophie nouvelle,  n'admettait  aucune  distinction  de  droits 
fondée  sur  la  différence  de  religion  ;  à  peine  quelques  Etats, 
comme  le  Maryland,  conservaient  des  restrictions  particu- 
lières destinées  à  bientôt  disparaître. 

L'émancipation  en  France.  —  La  réforme  de  la  condi- 
tion des  Juifs  n'est  pas  née  en  France  ;  mais  c'est  là  qu'elle 
a  marché  le  plus  vite  et  qu'ont  été  réalisés  les  progrès  dé- 
cisifs. Dès  les  dernières  années  de  l'ancien  régime,  la  ques- 
tion juive  était  à  l'ordre  du  jour.  En  même  temps  qu'on 
rendait  un  état  civil  aux  protestants,  le  Leibzolléiait  aboli 
en  Alsace  (1784)  et  les  Juifs  autorisés  à  s'étabhr  dans 
toutes  les  parties  du  royaume.  Maiesherbes  réunit  une  com- 
mission chargée  d'étudier  l'amélioration  de  leur  sort  ;  Mira- 
beau fit  connaître  au  public  français  le  mouvement  de  ré- 
formatioÉ  commencé  en  Allemagne;  la  mémoire  de  l'abbé 
Grégoire,  couronné  par  l'académie  de  Metz,  fut  un  éloquent 
plaidoyer  en  faveur  de  l'émancipation.  A  l'Assemblée  cons- 
tituante, Grégoire  se  fit  le  champion  de  la  cause  juive;  éga- 
lement soutenue  par  Robespierre,  Mirabeau,  de  Sèze,  elle 
fut  vivement  combattue  par  Kewbell,  l'abbé  Maury,  le  prince 
de  Broglie.  Elle  triompha  cependant,  mais  par  degrés.  Un  pre- 
mier décret  (janv.  1790)  accorda  les  droits  de  citoyen  aux 
Juifs  de  Bordeaux  et  du  Comtat-Venaissin,  qui  venait  d'être 
réuni  à  la  France.  L'admission  des  Juifs  d'Alsace  fit  plus  de 
difficultés  :  on  prétendait  que  plus  de  la  moitié  des  terres  de 
la  province  étaient  frappées  d'hypothèques  au  profit  des  Juifs, 
que  tous  les  biens  des  chrétiens  allaient  passer  entre  leurs 
mains;  ces  craintes  étaient  fort  exagérées;  au  lieu  de 
35  millions,  les  hypothèques  inscrites  ne  s'élevaient  qu'à 
9  millions,  et  l'événement  a  prouvé  qu'une  bonne  partie  des 
créanciers  juifs  n'étaient  que  les  prête-noms  de  commerçants 
chrétiens.  Le  27  sept.  1791,  la  Constituante,  à  la  veille  de 
sa  séparation,  décréta,  sur  la  motion  de  Duport,  que  toutes 
les  lois  d'exception  relatives  aux  Juifs  étaient  abolies  : 
c'était,  d'un  seul  coup,  l'émancipation  complète,  et  le  bien- 
fait en  fut  naturellement  étendu  aux  Juifs  des  territoires 
bientôt  rattachés  à  la  France  (Belgique,  rive  gauche  du 
Rhin). 

Un  si  grand  changement,  si  peu  préparé,  ne  pouvait  man- 
quer de  soulever  des  résistances  locales  et  temporaires. 
En  1806,  Napoléon,  ému  par  les  plaintes  qu'il  avait  reçues 
à  Strasbourg,  suspendit  l'exécution  des  jugements  en  faveur 
des  prêteurs  juifs  des  départements  alsaciens  et  rhénans  j 


en  même  temps,  il  convoqua  à  Paris  une  réunion  de  notables 
juifs  «  pour  déhbérer  sur  les  moyens  d'améliorer  la  na- 
tion juive  et  de  répandre  parmi  ses  membres  le  goût  des 
arts  et  des  métiers  utiles  ».  L'attitude  de  cette  assemblée 
et  les  efforts  de  Portalis  et  de  Pasquier  réussirent  à  dissiper 
les  préventions  de  l'empereur,  d'abord  encouragées  par 
Mole;  le  résultat  des  délibérations  des  notables  juifs  fut 
ratifié  et  converti  en  décisions  religieuses  par  une  assemblée 
plus  solennelle,  le  grand  sanhédrin,  qui  posa  un  principe  fé- 
cond :  la  distinction  entre  les  dispositions  religieuses  de  la 
loi  juive  et  les  dispositions  polhiques,  de  nature  essentiel- 
lement modifiable.  Le  respect  de  la  loi  française,  Famour  du 
pays  et  du  prochain,  quelle  que  soit  sa  religion,  sont  érigés 
en  préceptes  formels;  un  article  spécial  condamne  l'usure, 
entendue  au  sens  d'intérêt  excessif.  A  la  suite  de  ces  déci- 
sions, Napoléon  organisa  le  culte  Israélite  et  obligea  les  Juifs 
de  prendre  des  noms  de  famille  ;  un  décret  arbitraire  et  peu 
justifié  (17  mars  1808)  soumit  pendant  dix  ans  à  des  lois 
restrictives  les  créances  des  Juifs  et  leur  droit  de  commerce 
et  de  domicile;  des  décrets  successifs  Kmilèrent  l'applica- 
tion de  ce  texte  aux  Juifs  des  départements  alsaciens  et 
rhénans;  il  n'a  pas  été  renouvelé  à  son  expiration  (1818). 
Les  gouvernements  constitutionnels  qui  se  sont  succédé 
en  France  depuis  1815  ont  confirmé  et  complété  l'assimi- 
lation légale  des  Juifs  aux  autres  citoyens.  En  1831,  le 
culte  juif  a  été  admis  au  nombre  des  cultes  privilégiés, 
c.-à-d.  salariés  par  l'Etat.  Le  serment  7nore  judaico  a 
disparu  en  Alsace  en  1839;  enfin  les  Juifs  d'Algérie  ont 
été  naturalisés  collectivement  en  1870  par  un  décret  signé 
d'un  garde  des  sceaux  israéhte,  Ad.  Crémieux. 

L'émancipation  en  Europe.  —  Dans  les  autres  Etats 
européens,  l'assimilation  légale  des  Juifs  n'est  pas  allée  du 
même  pas  qu'en  France  ;  elle  a  subi  des  arrêts  et  même 
des  reculs,  liés  aux  vicissitudes  du  mouvement  politique  et 
social,  au  conflit  des  doctrines  philosophiques,  économiques 
et  religieuses.  En  général,  cependant,  le  progrès  a  été 
constant,  et,  dans  les  deux  tiers  de  l'Europe,  il  a  abouti, 
en  moins  d'un  siècle  (1789-1878),  à  l'émancipation  com- 
plète. Trois  dates  divisent  cette  histoire  en  époques  bien 
tranchées:  1792,  commencement  de  l'expansion  de  la 
France  révolutionnaire  au  delà  de  ses  frontières;  1814-15, 
chute  de  l'Empire  et  réaction  générale;  1848,  avènement 
de  la  démocratie  en  France  et  du  régime  constitutionnel 
dans  l'Europe  centrale. 

^  1°  i792-i8Ii,  Sous  la  domination  ou  la  tutelle  de  la 
France,  l'émancipation  légale  des  Juifs  avait  été  étendue  à 
la  Belgique  et  à  la  rive  gauche  du  Rhin,  proclamée  en 
Hollande  malgré  l'opposition  des  chefs  de  la  synagogue  ou 
parnassim  (décret  de  l'Assemblée  batave,  1796),  en 
Westphalie  (1807),  dans  les  villes  libres  de  Hambourg, 
Brème  et  Lubeck,  à  Francfort  moyennant  400,000  florins 
(181 1),  dans  toute  l'Italie,  dans  le  grand-duché  de  Varsovie 
(avec  la  dispense  du  service  militaire  et  l'interdiction  du 
commerce  des  spiritueux).  Certains  Etats  allemands  amé- 
liorèrent également  la  condition  des  Juifs,  soit  sous  l'in- 
fluence française  (Bade,  1808),  soit,  au  contraire,  pour 
grouper  en  un  faisceau  toutes  les  forces  nationales  dans  la 
lutte  d'affranchissement  :  en  Prusse,  l'édit  du  11  mars 
1812  reconnut  les  Juifs  comme  citoyens  prussiens;  le 
Mecklenbourg-Schwerin  en  fit  autant  à  la  même  époque  ; 
la  Bavière,  en  1813,  leur  accorda  l'indigénat,  mais  con- 
serva beaucoup  de  dispositions  restrictives.  Le  Leibzolt 
avait  disparu  partout  (sauf  à  Meiningen)  dès  1803. 

2°  1814-1848,  Dans  la  violente  réaction  qui  suivit 
presque  partout  la  chute  du  régime  impérial,  les  droits 
nouvellement  acquis  des  Juifs  ne  furent  pas  épargnés. 
Presque  seuls,  les  Pays-Bas,  dans  leur  constiution  de  1814, 
conservèrent  l'émancipation  complète  ;  il  en  fut  de  même, 
bien  entendu,  dans  la  Belgique,  séparée  en  1830.  En  Italie, 
l'ancien  régime  fut  restauré  presque  sans  modifications  ; 
à  Rome,  les  Juifs  réintégrèrent  le  ghetto  ;  en  Sardaigne 
(Piémont),  le  droit  canon  tut  remis  en  vigueur.  La  Prusse, 
victorieuse  et  agrandie,  oublia  ses  promesses  de  1812:  les 


Juifs  furent  exclus  des  fonctions  et  des  emplois  académiques 
(1822)  ;  le  judaïsme  prussien,  régi  par  dix-huit  législations 
différentes,  resta  assujetti  à  des  impositions  encore  plus 
humiliantes  que  vexatoires  ;  la  loi  principale  du  23  juil. 
1847  établit  l'uniformité,  mais  laissa  subsister  bien  des 
restrictions.  Dans  les  autres  Etats  germaniques,  Fart.  1 6  de 
l'acte  fédéral  conférait  provisoirement  aux  Juifs  les  droits 
qui  leur  avaient  été  accordés  «  par  ces  Etats  ».  La  Bavière 
rhénane  maintint  la  loi  française  avec  le  décret  de  1808  ; 
le  grand-duché  de  Bade  promulgua  une  loi  hbérale(1817), 
mais  les  villes  libres  profilèrent  de  l'ambiguïté  du  texte 
de  Vienne  pour  retirer  aux  Juifs  les  droits  qu'ils  avaient 
reçus  sous  le  régime  français  :  Francfort  les  enferme  de 
nouveau  dans  la  Judengasse  (ils  n'en  sortirent  qu'en 
1824)  ;  Brème  et  Lubeck  les  chassent.  La  Saxe,  le  Wurt- 
temberg,  Mecklembourg-Schwerin  (1817)  revinrent  à  leur 
ancienne  législation.  L'année  1819  vit  môme  en  Allemagne 
une  véritable  «  chasse  aux  Juifs  »,  aux  cris  odieux  de: 
hep!  hep!  De  1813  à  18i8,  la  question  juive  ne  cessa 
d'être  à  l'ordre  du  jour  en  Allemagne  ;  elle  fut  discutée 
dans  les  journaux,  les  pamphlets,  les  Chambres  des  Etats 
constitutionnels.  Ces  discussions  aboutirent  dans  quelques 
pays,  surtout  après  1830,  à  des  améliorations  législatives; 
dans  la  Hesse  électorale,  les  Juifs  furent  même  complète- 
ment émancipés  (1833)  ;  ils  le  furent  presque  dans  le 
Hanovre  (1845).  En  Hongrie  et  en  Bohême,  la  taxe  de 
tolérance  disparut  en  1846,  mais  les  autres  inégalités 
civiles  et  l'interdiction  de  posséder  des  terres  subsistaient 
dans  toute  la  monarchie  autrichienne  ;  à  Vienne,  les  Juifs 
ne  pouvaient  demeurer  que  quinze  jours. 

a^*  i848  ai 878.  L'année  1848  emporta  dans  la  tour- 
mente révolutionnaire  beaucoup  d'institutions  surannées, 
entre  autres  les  lois  d'exception  contre  les  Juifs.  En  Alle- 
magne, dans  le  courant  de  l'année  1848,  l'émancipation 
fut  promise  ou  décrétée  dans  la  plupart  des  Etats,  le  prin- 
cipe de  l'égaiité  religieuse  proclamé  par  le  Parlement  alle- 
mand, qui  avait  un  Juif  (Gabriel  Riesser)  pour  vice-prési- 
dent. Même  après  la  réaction  de  1850,  l'émancipation  plus 
ou  moins  complète  prévalut  dans  vingt-neuf  Etats,  et 
notamment  dans  les  plus  importants:  Prusse  (1830),  Saxe, 
Wurttemberg,  Bavière  (1835),  etc.,  bien  que  dans  la  pra- 
tique, en  Prusse  notamment,  les  Juifs  restassent  exclus 
des  principales  fonctions  publiques.  Hambourg  émancipa 
ses  Juifs  en  1861,  Francfort  en  1861-.  Après  la  guerre 
de  1863,  la  Confédération  du  Nord,  par  la  loi  du  3  juil. 
1869,  al3olit  toutes  les  restrictions  civiles  et  politiques 
encore  subsistantes  (par  exemple  dans  le  Mecklembourg), 
fondées  sur  la  différence  de  religion  ;  par  la  formation  de 
Fempire  allemand  (1871),  ce  principe  fut  étendu  à  la 
Bavière  et  aux  autres  Etats  du  Sud;  l'émancipation  légale 
était  dès  lors  complète. 

En  Autriche,  la  révolution  de  1848  eut  des  effets  aussi 
radicaux,  mais  moins  durables  qu'en  Allemagne  :  l'ancienne 
législation,  momentanément  abolie,  fut  rétablie  en  1833. 
Il  fallut  les  secousses  de  1839  et  de  1866  pour  abattre  défi- 
nitivement le  vieux  système  de  compression  ;  après  une 
série  de  lois  de  détail,  la  constitution  autrichienne  de  1867 
proclama  l'égalité  de  tous  devant  la  loi,  et  les  Chambres 
hongroises  votèrent  la  même  année  l'émancipation  des  Juifs. 
Elle  a  été  complétée  plus  tard  par  la  loi  qui  autorise  le 
mariage  civil,  et  par  conséquent  les  unions  mixtes  ;  mais 
la  Chandjre  des  magnats  a  refusé  jusqu'à  présent  (1894) 
d'inscrire  le  culte  juif  au  budget  de  l'Etat. 

L'Italie  vit  aussi,  en  1848,  ouvrir  les  derniers  ghettos 
et  proclamer  l'égalité  religieuse  :  mais  la  réaction  ramena 
promptement  l'ancien  état  de  choses,  sauf  en  Sardaigne, 
oti  la  loi  d'émancipation  du  29  mars  1848  resta  intacte. 
L'annexion  successive  de  tous  les  Etats  italiens  à  la 
Sardaigne  a  réalisé  ensuite  l'émancipation  complète  des 
Juifs  d'ItaHe  (Toscane,  Modène,  Lombardie,  Homagne, 
1839  ;  Ombrie  et  Marches,  1860  ;  Sicile  et  Naples,  1861  ; 
Vénétie,  1866;  Rome,  1870).  Le  ghetto  de  Rome  avait 
subsisté  jusqu'à  cette  date  et  la  fameuse  affaire  du  bap- 


-  m  -  juip 

tème  du  «  petit  Mortara  »  avait  attiré  l'attention  de 
l'Europe  sur  le  système  suranné  du  gouvernement  ponti- 
fical. 

Il  serait  fastidieux  de  poursuivre  en  détail  l'histoire  de 
l'émancipation  dans  les  autres  pays.  Rappelons  seulement 
que  le  Portugal  a  rouvert  ses  portes  aux  Juifs  dès  1821, 
l'Espagne  en  1868  seulement,  et  sans  autoriser  encore 
l'exercice  public  du  culte  Israélite  ;  la  Grèce,  dès  sa  cons- 
titution (1829),  a  proclamé  l'égalité  religieuse  la  plus 
complète.  La  cause  de  l'émancipation  a  également  triomphé 
en  Suède  dès  1848,  en  Danemark  en  l849  ;  en  Norvège, 
Fétat  de  la  législation  est  douteux.  La  Suisse  a  conservé 
longtemps  une  législation  très  exclusive  :  les  Juifs  établis 
sur  son  territoire  étaient  pour  la  plupart  de  nationalité 
française  ;  sous  Louis-Philippe,  le  gouvernement  français 
rompit  les  relations  diplomatiques  avec  le  canton  de  Bâle- 
Campagne,  qui  refusait  de  ratifier  l'acquisition  de  terres 
par  des  Juifs  français.  Après  des  améliorations  partielles, 
la  loi  fédérale  de  1874  a  définitivement  effacé  toutes  les 
anciennes  restrictions  et  admis  les  Juifs  au  rang  de  ci- 
toyens; plus  tard,  un  plébiscite,  inspiré  par  des  tendances 
antisémitiques,  a  interdit  le  mode  d'abatage  israélite.  En 
1878,  le  traité  de  Berlin  a  imposé  aux  jeunes  Etats  danu- 
biens, que  l'Europe  appelait  à  l'indépendance,  l'égalité 
complète  de  droits  civils  et  politiques  pour  les  sectateurs 
de  toutes  les  religions  ;  ce  principe,  appliqué  loyalement 
par  la  Serbie  et  la  Bulgarie,  a  été  éludé  par  la  Roumanie, 
qui  est,  avec  la  Russie,  le  seul  Etat  chrétien  d'Europe  où 
les  Juifs  restent  soumis  à  des  lois  restrictives.  Même  en 
Turquie,  les  lois  du  tanzimat  (1839)  ont  fort  diminué  les 
incapacités  édictées  contre  les  raïas.  Les  Juifs  tiennent  une 
place  considérable  dans  l'administration  civile,  mais  restent 
«  dispensés  »  du  service  militaire. 

L'Angleterre  n'a  guère  subi  dans  ce  siècle  le  contre- 
coup des  guerres  et  des  révolutions  qui  ont  agité  le  conti- 
nent :  aussi  l'émancipation  des  Juifs  y  a-t-elle  suivi  une 
marche  indépendante ,  sagement  progressive.  On  sait 
qu'après  l'avortement  de  la  loi  de  naturalisation  de  Pelham 
(1753),  les  Juifs  y  restaient  soumis,  comme  étrangers,  à 
Valien  duUj,  qui  frappait  leurs  exportations  ;  après  l'abo- 
lition de  cette  taxe,  les  Juifs,  considérés  maintenant  comme 
indigènes,  subissaient,  avec  tous  les  «  non-conformistes  », 
l'exclusion  totale  des  fonctions  publiques,  en  vertu  des  lois 
du  test;  lorsque  l'abrogation  de  Vactof  test  (1828)  eut 
rendu  ces  fonctions  accessibles  aux  catholiques  et  aux  sec- 
taires, elles  n'en  demeurèrent  pas  moins  fermées  aux  Juifs, 
à  cause  des  mots  «  foi  de  véritable  chrétien  »  contenus 
dans  la  nouvelle  formule  du  serment  politique.  En  1830, 
une  première  modification  permit  aux  Juifs  d'obtenir  le 
droit  de  bourgeoisie  dans  la  cité  de  Londres  ;  puis,  à  la 
suite  d'un  grand  mouvement  d'opinion,  les  Chambres,  par 
des  lois  successives,  rendent  les  Juifs  admissibles  aux 
fonctions  de  sheriffs  (1835)  et  de  magistrats  municipaux 
(1845)  ;  on  les  admet  aussi  à  celles  d'avocats  et  de  magis- 
trats judiciaires  subalternes.  Le  Parlement  leur  restait 
fermé,  malgré  les  élections  répétées  de  Lionel  de  Roth- 
schild (depuis  1847)  et  de  David  Solomons,  et  les  votes 
favorables  de  la  Chambre  des  communes.  Enfin,  en  1858, 
les  Lords  cédèrent  ;  le  retranchement  facultatif  des  mots 
«  foi  de  véritable  chrétien  »  fut  autorisé  pour  les  députés 
au  Parlement  d'abord,  puis  en  toute  autre  occasion  ;  cette 
mesure,  étendue  en  1860  aux  fonctions  supérieures  de  la 
magistrature,  achevait  l'émancipation  légale  des  Juifs 
anglais.  Ceux  de  la  Jamaïque  étaient  devenus  citoyens  en 
1831,  ceux  du  Canada  en  1832. 

Russie.  —  La  situation  légale  des  Juifs  en  Russie  a 
subi  dans  ce  siècle  de  nombreuses  vicissitudes  qui  s'ex-* 
pliquent  par  les  tendances  différentes  de  ses  autocrates. 
En  1742,  la  Russie  avait  renouvelé  l'ancienne  loi  qui  inter- 
disait son  territoire  aux  Israélites  revenus  sous  Pierre  le 
Grand,  mais  les  partages  successifs  de  la  Pologne  (depuis 
1769),  dont  elle  fut  la  principale  bénéficiaire,  tirent  d'elle 
la  première  «  puissance  juive  »  du  monde.  Au  début,  le  des-^ 


JUIF 


572 


potisme  philosophique  de  Catherine  II  parut  vouloir  accor- 
der aux  Juifs  les  mêmes  droits  qu'à  ses  autres  sujets,  mais 
cet  état  de  choses  fut  modifié,  dès  son  règne,  par  les  ukases 
sénatoriaux  «  interprétatifs»  de  4786,1791  et  1794,  dont 
le  but  principal  fut  d'assigner  aux  Juifs  un  territoire  dé- 
terminé avec  défense  d'en  franchir  les  limites:  ce  territoire 
comprenait  la  Pologne  propre  et  ses  anciennes  annexes 
(Lithuanie, Russie  blanche,  Petite-Russie,  Nouvelle-Russie), 
et  quelques  parties  de  la  Courlande  et  de  la  Livonie.  Les 
limites  de  ce  territoire  ont  d'ailleurs  été  plusieurs  fois 
remaniées ,    généralement  pour  les  amoindrir. 

Alexandre!*''  (1801-2o)  se  montra  assez  bienveillant 
envers  les  Juifs  et  s'efforça  de  relever  leur  condition  mo- 
rale et  matérielle.  A  cet  effet,  il  les  autorisa  à  fréquenter 
les  écoles,  à  acheter  ou  à  louer  des  terres;  ils  purent 
s'installer  sur  les  domaines  de  la  couronne,  dans  le  gou- 
vernement de  Kherson,  à  condition  d'y  pratiquer  l'agri- 
culture; ces  colonies  juives,  ainsi  que  celles  fondées  par 
Nicolas  dans  le  gouvernement  d'Ekaterinoslav,  ont  prospéré 
malgré  des  conditions  très  défavorables. 

Sous  Nicolas  I«^  (1825-55)  parut  la  loi  fondamentale 
de  1835,  pleine  de  restrictions  sévères.  Le  tsar,  animé  de 
tendances  unitaires,  prescrivit  aux  Juifs  l'adoption  de 
noms  de  famille,  abolit  la  juridiction  rabbinique  et  fit  ou 
laissa  baptiser  de  force  beaucoup  de  recrues  Israélites; 
d'autre  part,  il  autorisa  les  Juifs  à  pratiquer  tous  les  mé- 
tiers, leur  ouvrit  l'accès  des  universités  et  attacha  à  la 
possession  des  diplômes  académiques  le  privilège  de  pou- 
voir s'établir  librement  dans  tout  l'empire.  En  1843,  à  la 
suite  d'accusations  de  contrebande,  il  fut  défendu  aux 
Juifs  de  demeurer  à  moins  de  50  verstes  de  la  frontière. 

Alexandre  II  (1855-81),  sans  abolir  les  anciennes  lois, 
les  appliqua  dans  un  esprit  de  tolérance  et  d'humanité. 
Il  autorisa  l'établissement  de  trois  Juifs  dans  chaque  sta- 
tion de  chemin  de  fer,  permit  aux  anciens  soldats  et  aux 
artisans  habiles  de  se  fixer  dans  tout  l'empire  ;  à  la  faveur 
de  ces  autorisations  et  de  l'indulgence  administrative,  un 
grand  nombre  de  Juifs  essaimèrent  hors  du  «Territoire»  sur- 
peuplé où  ils  étouffaient.  Sous  ce  règne,  le  service  militaire 
devint  régulièrement  obligatoire  (1874). 

Sous  Alexandre III  (1881-94),  à  la  suite  des  mécomptes  de 
la  guerre  d'Orient  et  des  progrès  effrayants  du  nihilisme, 
une  violente  réaction  se  produisit  dans  toute  la  marche  du 
gouvernement,  réaction  ultra-nationale,  orthodoxe  et  au- 
toritaire, dont  le  principal  inspirateur  fut  le  procureur 
général  du  saint-synode,  Pobedonotsef.  Cette  réaction  at- 
teignit, avec  les  autres  dissidents,  les  Juifs,  qui  furent  lit- 
téralement jetés  en  pâture  au  peuple.  Dès  1881-82  des 
scènes  de  pillage  se  produisaient  un  peu  partout  aux  cris  de 
«  Notre  père  le  tsar  le  veut  »  et  lurent  insuffisamment  ré- 
primées. Les  lois  de  mai  1882  (lois  Ignatiev)  réglèrent 
provisoirement  la  situation  légale  des  Juifs  de  Russie  (la 
Pologne  exceptée):  elles  sont  encore  en  vigueur  et  seront  ana- 
lysées plus  loin.  Ces  lois  ne  furent  pas  d'abord  exécutées  dans 
toute  leur  dureté,  et  le  rapport  de  la  commission  d'études, 
présidée  par  le  comte  Pahlen  (1883),  laissa  même  espérer 
une  solution  libérale.  Mais  ces  espérances  furent  bientôt 
trompées.  Après  une  série  de  lois  scolaires,  de  police,  etc., 
qui  aggravèrent  les  lois  antérieures,  a  commencé  en  1891 
et  1892  l'application  draconienne  des  «  lois  de  mai  »  :  les 
Juifs  étrangers  ont  été  impitoyablement  expulsés,  les  Juifs 
sortis  du  «  territoire  »  ou  des  villes  du  territoire  y  ont  été 
violemment  refoulés  ;  ces  opérations  ont  donné  lieu  à  des 
scènes  navrantes.  Au  cœur  de  l'hiver,  20,000  Juifs  ont  été 
chassés  de  Moscou,  quelques-uns  chargés  de  menottes;  un 
véritable  exode  a  été  la  conséquence  de  ces  brutalités.  Le 
«  refoulement»  a  été  provisoirement  suspendu  en  1893. 
Un  avenir  prochain  dira  ce  que  le  judaïsme  russe  doit 
attendre  du  nouveau  tsar  Nicolas  II  (1894). 

E.  Etat  présent  du  judaïsme.  —  Statistique  du 
JUDAÏSME.  —  La  vieille  formule  théologique  de  la  disper- 
sion des  Juifs  à  travers  le  monde  est  plus  vraie  aujour- 
d'hui qu'elle  ne  l'était  autrefois,  sans  être  encore  bien  exacte. 


En  réalité  les  Juifs  ne  sont  pas  plus  dispersés  que  les  An- 
glais, par  exemple,  si  on  les  considère  comme  une  race, 
ou  les  protestants,  si  on  les  considère  comme  une  religion. 
A  l'heure  actuelle,  ils  sont  surtout  concentrés  dans  l'Europe 
orientale,  l'Asie  antérieure,  l'Afrique  du  Nord,  les  Etats- 
Unis.  Le  tableau  suivant  donneune  statistique  résumée  de  la 
population  juive  dans  les  principaux  pays  ;  cette  statistique, 
très  approximative,  ne  repose  que  dans  un  petit  nombre 
de  cas  sur  des  recensements  officiels. 

Europe.  Espagne,  Portugal,  3,000  (dont  2,000  à  Gi- 
braltar); France,  72,000  (ce  chiffre  est  obtenu  comme  il 
suit:  à  Paris  il  y  a  800  enterrements  Israélites  par  an, 
ce  qui  indique  une  population  d'environ  40,000  âmes  : 
chacun  des  8  autres  consistoires  doit,  légalement,  repré- 
senter 2,000  individus,  mais  plusieurs  en  ont  de  3  à  4,000, 
quelques-uns  davantage;  en  prenant  la  moyenne  de  4,000, 
on  obtient  32,000  Juifs  pour  la  France  hors  Paris;  le 
dernier  recensement  officiel  où  l'on  ait  tenu  compte  de  la 
rehgion,  celui  de  1872,  n'accusait  que  44,000  Israélites; 
mais  depuis  il  y  a  eu  une  forte  immigration  alsacienne  et 
russe);  Relgique,  3,000;  Luxembourg,  1,000;  Hollande 
(1889),  97,000;  Grande-Bretagne,  90,000;  Suisse, 
8,000;  Italie,  50,000;  Grèce, 6,000;  Allemagne (1890), 
568,000  (Prusse,  372,000);  Autriche-Hongrie  (1890), 
1,860,000  (Galicie,  850,000;  Hongrie,  725,000)  ;  Dane- 
mark, 4,000;  Suède  et  Norvège,  3,000  (Norvège,  200); 
Russie,  4,000,000  (Pologne,  1,000,000,  Territoire, 
2,500,000);  Roumanie,  300,000;  Serbie,  4,000;  Bul- 
garie (1893),  28,000;  Turquie,  120,000.  Total: 
7,217,000. 

Asie.  Russie  d'Asie,  50,000  ;  Turquie  d'Asie,  200,000; 
Perse,  20,000;  Turkestan,  Afghanistan,  15,000;  Inde, 
Chine,  20,000.  Total,  305,000". 

Afrique  (d'après  L  Loeb).  Egypte,  8,000;  Tripolitaine, 
6,000  ;  Tunisie,  55,000  ;  Algérie,  Sahara,  43,500  ;  Maroc, 
100,000;  Abyssinie,  200,000;  Cap,  etc.,  1,500.  Total, 
414,000. 

Amérique.  Etats-Unis,  500,000  (New  York,  200,000)  ; 
Canada,  3,000;  Antilles  et  Guvane,  3,000;  République 
Argentine,  etc.,  10,000.  Total,*^ 51 6,000. 

Océanie,  Australie,  10,000;  Nouvelle-Zélande,  2,000. 
Total,  12,000. 

Total  général  :  8,464,000,  ou  en  chiffres  ronds  : 
8,500,000. 

Anthropologie.  —  Les  Juifs  ne  forment  pas  à  proprement 
parler  une  race  ;  le  noyau  hébraïque  primitif,  en  se  déve- 
loppant, s'est  mêlé  à  diverses  reprises,  et  dans  de  grandes 
proportions,  d'éléments  étrangers,  sémitiques,  aryens, 
tatares,  finnois,  par  l'effet  du  prosélytisme  volontaire 
ou  forcé  et  des  unions  mixtes,  toujours  réprouvées,  mais 
sans  cesse  pratiquées.  L'histoire  atteste  ces  mélanges, 
l'anthropologie  les  confirme.  Il  n'y  a  pas  un  type  juif,  mais 
plusieurs  types  :  le  type  «  sémitique  »,  plus  fréquent  chez 
les  Juifs  espagnols,  dont  les  femmes  sont  souvent  d'une 
grande  beauté,  caractérisé  par  les  cheveux  très  bruns, 
les  yeux  noirs  et  grands,  le  nez  arqué,  les  sourcils  épais 
et  se  rejoignant;  le  type  «polonais»,  souvent  roux  ou 
blond,  qui  se  distingue  «par  les  cheveux  roides,groset  plats, 
le  front  étroit  dans  le  sens  transversal,  les  yeux  petits  et 
écartés,  bleus  ou  gris,  le  nez  empâté,  souvent  retroussé, 
les  pommettes  saillantes,  les  doigts  gros  et  courts,  les  in- 
curvations de  la  colonne  vertébrale  peu  prononcées»(I.  Loeb)  ; 
il  y  a  aussi  des  types  intermédiaiies.  Les  données  cranio- 
logiques  (on  prétend  que  les  Juifs  sont  en  majorité  brachy- 
céphales)  reposent  sur  des  statistiques  notoirement  insuffi- 
santes. Les  caractères  physiques  et  physiologiques  les  plus 
saillants  des  Juifs  sont  l'effet  d'habitudes,  de  conditions 
d'existence  séculaires,  bien  plutôt  quede  véritables  particula- 
rités ethniques  :  ainsi  s'expliquent,  par  exemple,  l'expression 
inquiète,  souvent  douloureuse,  de  beaucoup  de  Juifs,  leur 
démarche  timide  et  gauche,  leurs  gestes  trop  fréquents  ou 
vulgaires,  leur  peu  de  force  musculaire,  leur  prédisposi- 
tion aux  maladies  cutanées  et  nerveuses,  à  la  démence 


273  — 


JUIF 


au  suicide.  Ces  caractères,  produit  des  siècles,  se  défont 
peu  à  peu  par  le  changement  de  milieu  et  de  mœurs  ;  le 
Juif  français,  italien,  anglais,  se  distingue  fort  peu  au- 
jourd'hui de  ses  compatriotes  d'autre  religion;  le  Juif  po- 
lonais ou  russe,  misérable,  mal  logé,  mal  nourri,  porte 
tous  les  signes  de  la  dégénérescence  physique.  Les  «  im- 
munités biostatiques»  des  Juifs,  vraies  ou  prétendues  (beau- 
coup sont  aussi  imaginaires  que  le  fameux  fœtor  judaicus 
qu'on  n'a  jamais  observé  que  chez  les  Juifs  mal  lavés), 
doivent  être  également  attribués  à  des  causes  économiques 
et  sociales,  non  à  des  phénomènes  de  race.  La  circoncision 
des  Juifs,  leur  sobriété,  leurs  lois  alimentaires  ont  pu  et 
peuvent  encore  les  préserver  de  certaines  maladies.  S'ils  se 
multiplient  plus  vite  dans  plusieurs  pays  que  les  autres 
confessions,  malgré  une  moindre  proportion  de  mariages 
et  de  naissances,  cela  tient  à  une  faible  mortalité,  qui 
s'explique  elle-même  par  le  petit  nombre  de  naissances  illé- 
gitimes, les  soins  donnés  aux  enfants,  l'absence  presque 
complète  d'alcoolisme;  mais  là  encore  on  constate  des 
différences  énormes  entre  le  judaïsme  occidental  et  celui 
de  Galicie  ou  de  Russie,  oti  les  mariages,  par  exemple,  se 
contractent  de  bonne  heure  et  où  le  typhus  est  endémique. 
Linguistique.  —  Pas  plus  qu'ils  n'appartiennent  à  une 
race  déterminée,  les  Juifs  ne  constituent  actuellement  une 
unité  linguistique.  L'hébreu,  langue  des  anciens  Israélites, 
était  déjà  fortement  mêlé  d'éléments  araméens  à  l'époque 
du  second  Temple,  pendant  que  les  communautés  de  la 
Diaspora  parlaient  le  grec.  Après  la  chute  du  Temple, 
Taraméen  devint  la  langue  littéraire  :  c'est  dans  cet  idiome 
qu'est  rédigée  la  Guemara  (la  Mischna  est  encore  dans  un 
hébreu  abâtardi).  Plus  tard  il  céda  la  place,  au  moins 
dans  les  pays  musulmans,  à  l'arabe  :  Saadia,  Maimonide, 
les  philosophes  et  les  grammairiens  juifs  du  moyen  âge  en 
Asie,  en  Afrique,  en  Espagne,  ont  écrit  en  arabe,  et  leurs 
ouvrages  ont  été  ensuite  traduits,  quelquefois  sous  leur 
direction,  en  hébreu.  Dans  les  Etats  chrétiens,  les  Juifs 
parlaient  la  langue  du  pays  ;  l'hébreu  servait  de  langue 
religieuse  et  littéraire.  Tel  est  encore,  en  principe,  l'état 
linguistique  des  Juifs  :  partout  l'hébreu  est  la  langue  des 
prières,  des  poésies  liturgiques  ;  mais  les  Juifs  ne  le  parlent 
pas,  beaucoup  même,  surtout  en  Occident,  ne  le  com- 
prennent pas  ;  ils  parlent  la  langue  du  pays  qu'ils  habitent. 
Cependant,  par  l'effet  des  migrations  et  de  l'isolement  pro- 
longé des  Juifs,  un  phénomène  intéressant  s'est  produit  : 
les  Juifs  d'origine  espagnole,  émigrés  en  Turquie  au  xvi® 
siècle,  ont  conservé  la  langue  de  leurs  ancêtres,  le  vieux 
castillan  ;  la  même  langue  est  parlée,  concurremment  avec 
l'arabe,  dans  beaucoup  de  communautés  juives  de  l'Afrique; 
il  n'y  a  pas  très  longtemps  que  les  Juifs  de  Hollande  et 
d'Angleterre  parlaient  encore  le  portugais.  De  même,  les 
Juifs  de  Pologne,  de  Russie  et  de  Roumanie,  presque  tous 
d'origine  allemande,  emploient  volontiers  entre  eux  l'alle- 
mand; cet  allemand  n'est  pas,  d'ailleurs,  l'allemand  clas- 
sique, mais  un  dialecte  spécial,  qui  a  conservé  des  formes 
archaïques  et  s'est  mêlé  de  mots  hébreux  et  même  fran- 
çais, beaucoup  de  Juifs  allemands,  au  moyen  âge,  étant 
venus  de  France  :  ce  dialecte  est  le  judéo-allemand  {jûdisch 
deutsch),  prononcé  d'une  façon  particuhèrement  disgra- 
cieuse, et  qui  a  produit  toute  une  littérature  populaire.  Il 
faut  ajouter  que  l'usage  de  cette  langue  hybride  tend  à 
disparaître  à  mesure  que  l'instruction  se  répand  :  en  Alle- 
magne, les  Juifs  l'abandonnent  pour  l'allemand  classique  ; 
les  Juifs  russes  apprennent  le  russe  (et  l'apprendraient 
davantage  si  l'accès  des  écoles  leur  était  facilité),  les  Juifs 
roumains  le  roumain.  En  Orient  et  en  Afrique  la  connais- 
sance et  l'usage  du  français  se  répandent  de  plus  en  plus 
parmi  les  Juifs  grâce  surtout  aux  efforts  de  l'Alliance  israélite. 
En  Pologne  et  en  Palestine,  la  littérature  néo-hébraïque 
est  encore  florissante  et  produit  chaque  année  des  revues 
et  journaux  en  grand  nombre,  des  ouvrages  scientifiques, 
historiques,  des  œuvres  d'imagination,  des  traductions  va- 
riées :  c'est  une  langue  artiticielle,  analogue  au  latin  des 
clercs  du  moyen  âge  et  au  grec  «  épuré  »  des  Hellènes  d'au- 

GRAADE    TNCVCLOPÉDIE.  —  XXL 


jourd'hui.  Ajoutons  que  le  jargon  judéo-allemand,  aussi 
bien  c|ueles  langues  indigènes  parlées  par  les  Juifs  d'Orient, 
s'écrit  communément  en  caractères  hébreux  cursifs  (ca- 
ractères rabbiniques).  Autrefois,  le  gouvernement  turc 
avait  même  interdit  aux  Juifs  l'usage  des  lettres  arabes. 

Noms  des  Juifs.  —  Les  Juifs  des  pays  civilisés  portent 
les  prénoms  usités  dans  les  pays  qu'ils  habitent  ;  les  pré- 
noms bibliques  ne  sont  plus  recherchés  exclusivement, 
mais  souvent  un  enfant  reçoit  à  la  fois  un  prénom  vulgaire 
et  un  prénom  hébreu.  En  Russie,  les  prénoms  chrétiens 
sont  interdits  aux  Juifs.  Quant  aux  noms  de  famille,  qui 
ne  sont  obligatoires  pour  les  Juifs  que  depuis  ce  siècle,  ils 
présentent  peu  de  variété.  On  peut  les  ramener  aux  caté- 
gories suivantes  :  1*^  noms  de  pays  (Polonais,  Deutsch, 
Sachs)  ou  de  villes  (Bédarrides,  Worms,  Ratisbonne, 
Fould  —  de  Fulda  — ,  Darmesteter  —  de  Darmstadt  — , 
Dreyfus  —  de  Trêves,  Troyes  ou  Trévoux)  ;  2®  noms 
d'objets  animés  ou  inanimés  ayant  servi  d'enseigne  à  des 
boutiques  (Béer,  l'ours;  Blum,  la  fleur;  Hirsch,  le  cerf; 
Stern,  l'étoile  ;  Rothschild,  l'écu  rouge)  ;  3<*  noms  de 
professions  (Goldschmidt,  orfèvre  en  allemand  ;  Halphen, 
changeur  en  hébreu)  ;  4^  noms  rappelant  une  origine  sacer- 
dotale (Cohen,  prêtre,  et  ses  équivalents,  Cahen,  Cahn, 
Kahn,  etc.,  Lévi,  dont  Weil  est  l'anagramme);  5**  pré- 
noms hébraïques  transcrits,  traduits  ou  altérés  (Moïse, 
Aron,  Meyer  pour  Meïr,  Lion,  Lœb,  Lœw  pour  Juda)  ; 
6°  noms  de  familles  chrétiennes  adoptés  par  des  marranes 
espagnols,  leurs  clients  (Pereira,  Lopez,  Gomez)  ;  7°  noms 
de  fantaisie  (Bréal,  Rosenthal,  etc.). 

Psychologie  des  Juifs.  —  Les  dispositions  intellectuelles 
et  morales  des  Juifs,  ce  qu'on  pourrait  appeler  la  psycho- 
logie des  Juifs,  ne  sont  pas  plus  caractéristiques  d'une  race 
que  leur  physiologie  :  pour  s'en  assurer,  il  suffît  de  cons- 
tater combien  peu  le  Juif  d'aujourd'hui  ressemble  aux  Juifs 
du  temps  d'Ezéchiel  ou  de  Josèphe,  tels  que  nous  les  font 
connaître  leurs  propres  écrits  ou  les  témoignages  des  au- 
teurs grecs  et  latins.  L'âme  du  Juif  actuel  est  le  produit  de 
son  histoire,  et  à  côté  d'analogies  tenant  à  des  destinées 
longtemps  communes,  cette  âme  présente  d'un  pays  à  l'autre 
de  grandes  différences  qui  justifient  le  mot  de  Metternich  : 
«  Chaque  pays  a  les  Juifs  qu'il  mérite.  »  En  résumé,  le  ca- 
ractère et  l'intelligence  du  Juif  moderne  sont  le  produit  des 
facteurs  suivants  :  4<*  la  Bible  (Thora  et  prophètes);  2° l'édu- 
cation talmudique  (soit  des  générations  actuelles,  soit  de 
leurs  ancêtres)  ;  3*^  les  persécutions  prolongées  ;  4°  l'abs- 
tention forcée,  pendant  de  longs  siècles,  de  certaines  occu- 
pations ;  5°  la  pratique  exclusive ,  également  imposée, 
d'autres  branches  d'activité;  6°  le  passage  souvent  très 
brusque  de  l'oppression  à  la  pleine  liberté,  de  la  misère  à 
l'aisance  ou  à  la  richesse,  de  l'ignorance  et  de  la  foi  docile 
à  l'émancipation  complète  de  l'intelligence.  Il  n'y  a  presque 
pas  une  des  qualités  ou  un  des  défauts  des  Juifs  actuels 
qui  ne  puisse  s'expliquer  par  une  de  ces  six  causes,  sans 
faire  intervenir  le  moins  du  monde  la  notion  de  race, 
c.-à-d.  de  fatalité. 

A  la  première  cause  (éducation  biblique),  on  rapportera 
les  vertus  de  famille  des  Juifs,  leur  sobriété,  leur  charité, 
leur  respect  de  la  légalité,  la  rareté  parmi  eux  des  «  crimes 
de  violence  »,  comme  aussi  la  persistance  de  l'esprit  pro- 
phétique et  messianique  (jui  est  une  des  formes  de  «  l'esprit 
révolutionnaire  »  des  Juifs.  A  la  deuxième  (éducation  tal- 
mudique, appartient  le  remarquable  développement  des 
facultés  mnémoniques  et  dialectiques  des  Juifs,  leur  rare 
puissance  d'abstraction  et  de  combinaison,  avec  ses  appli- 
cations heureuses  (ils  sont  nés  mathématiciens,  lin- 
guistes, jurisconsultes,  philosophes,  comédiens,  musiciens, 
joueurs  d'échecs)  et  aussi  ses  abus  :  éristique,  vaine  subti- 
lité, etc.  La  précoce  intelligence  des  Juifs,  leur  vivacité 
de  conception,  leur  «  esprit  de  mots  »,  qui  se  peignent  dans 
la  conversation,  dans  mille  anecdotes,  dans  la  saveur  par- 
ticulière de  leur  style  ont  aussi,  en  partie,  leur  source  dans 
l'école  rafiînée  de  la  casuistique  talmudique. 

Les  persécutions,  en  prenant  ce  mot  au  sens  le  plus  large, 

48 


JUIF  —  274  - 

ont  marqué  leur  empreinte  d'une  part  dans  une  souplesse, 
un  cosmopolitisme,  qui  se  plie  merveilleusement  aux  con- 
ditions d'existence  les  plus  variées,  d'autre  part,  dans  une 
certaine  humilité  qui  s'associe  parfois  au  manque  de  cou- 
rage et  de  point  d'honneur,  au  penchant  pour  la  ruse, 
arme  des  faibles,  et  le  mystère,  refuge  des  opprimés.  La 
servilité  apparente  de  certains  Juifs  est  au  reste  parfaite- 
ment compatible  avec  un  grand  fonds  d'orgueil,  à  la  fois 
individuel  et  national,  —  le  Juif,  comme  l'Espagnol,  mendie 
insolemment,  —  et  avec  une  ambition  ardente,  qui  ne  se 
tient  jamais  pour  satisfaite  tant  qu'il  lui  reste  un  échelon 
à  gravir,  et  poursuit  toutes  les  jouissances  sans  jamais 
jouir  complètement. 

La  quatrième  cause  (occupations  interdites)  explique  le 
peu  d'aptitude  ou  de  goût  des  Juifs  pour  certaines  profes- 
sions (agriculture,  marine,  métiers  exigeant  un  grand  effort 
physique,  etc.),  l'absence  ou  l'insuffisance  de  certaines 
qualités  que  ces  professions  contribuent  à  développer  :  il 
est  assez  remarquable  que  les  Juifs,  qui  ont  produit  dans 
ce  siècle  tant  de  littérateurs,  de  musiciens  et  d'hommes 
d'Etat  supérieurs,  ne  comptent  encore  à  leur  actif  aucun 
peintre,  sculpteur  ou  homme  de  guerre  de  premier  ordre. 

Inversement,  la  longue  spéciahsation  des  Juifs  dans  le 
commerce  d'argent  explique  leur  supériorité  héréditaire 
dans  cette  branche  et  dans  toutes  les  occupations  qui  s'y 
rattachent,  comme  aussi  la  fréquence  des  défauts  qu'elle 
engendre  :  âpreté,  goût  démesuré  du  lucre,  finesse  dégé- 
nérant en  duplicité,  penchant  à  croire  que  tout  est  à  vendre 
et  qu'il  est  légitime  de  tout  acheter. 

Enfin,  les  Juifs  ont  parfois  les  vices  et  les  ridicules  qui 
ont  été  de  tout  temps  ceux  des  parvenus  et  des  affranchis  : 
vulgarité,  ostentation,  vanité,  snobisme.  Dans  certaines 
villes,  la  «  société  juive  »  est  divisée  en  castes,  ou  plutôt  en 
couches,  graduées  suivant  l'opulence  de  leurs  membres,  dont 
chacune  affecte  de  mépriser  celle  gui  lui  est  immédiatement 
inférieure,  et  recherche  à  tout  prix  les  fréquentations  bril- 
lantes ou  soi-disant  telles,  les  aUiances  nobles  et  coûteuses, 
sans  aucun  égard  à  la  vraie  distinction  et  au  vrai  bonheur  : 
Jourdain  et  Poirier  sont  des  types  fréquents  dans  le  monde 
Israélite.  La  brusque  émancipation  intellectuelle  et  reli- 
gieuse produit  d'autres  effets  de  déséquilibre  :  en  rompant 
les  liens  qui  l'attachaient  au  judaïsme  traditionnel,  le  Juif 
ne  trouve  souvent  plus  dans  sa  conscience  vidée  ni  frein, 
ni  guide  moral  qui  l'arrête  ;  il  s'abandonne,  comme  un  che- 
val échappé,  à  toute  l'effervescence  de  son  imagination  et 
de  sa  logique,  à  tous  les  excès  de  la  pensée  et  de  l'action. 
La  société  berlinoise,  dès  la  fin  du  siècle  dernier,  a  offert 
de  remarquables  exemples  de  ce  radicalisme  ou  plutôt  de 
ce  nihilisme  moral,  qui  explique  d'une  part  la  brusque  apo- 
stasie de  tant  d'éminents  représentants  du  judaïsme  alle- 
mand (Rachel  Varnhagen,  Heine,  Bœrne),  d'autre  part,  le 
rôle  important  joué  par  des  Juifs  (Lassalle,  Marx)  dans  le 
mouvement  sociahste  et  révolutionnaire. 

Religion,  culte.  —  La  rehgion  juive,  pareille  en  cela  à 
la  plupart  des  religions  très  anciennes,  consiste  bien  plutôt 
en  un  ensemble  de  pratiques  qu'en  un  système  de  dogmes 
bien  définis.  Sa  grande  originalité,  son  titre  principal  devant 
l'histoire,  consiste  à  avoir  incorporé  les  lois  morales  au 
code  des  pratiques  cérémonielles  sanctifiées  et  imposées  par 
la  religion.  Aujourd'hui  on  est  tenté  de  sourire  en  voyant 
ériger  en  devoirs  rehgieux  des  coutumes  insignifiantes  au 
point  de  vue  moral  ;  il  y  a  eu  un  temps  oh  c'est  le  contraire 
qui  a  été  nouveau,  où  ce  fut  une  conquête  et  un  progrès 
immense  de  faire  de  la  pureté  morale  une  des  conditions 
de  la  pureté  religieuse.  En  revanche,  il  n'y  a  jamais  eu 
de  Credo  juif.  Les  treize  articles  de  foi,  rédigés  par  Maimo- 
nide  et  adoptés  par  la  plupart  des  syaagogues,  n'ont  pas 
de  caractère  officiel  ;  un  philosophe,  Grescas,  les  a  réduits 
à  huit  ;  un  autre,  Albo,  à  trois  (existence  de  Dieu,  révéla- 
tion divine,  peines  et  récompenses  de  la  vie  future)  ;  un 
penseur  contemporain,  James  Darmesteter,  n'en  admettait 
que  deux  :  unité  divine  et  messianisme,  qui  s'appellent  dans 
la  hngm  moderne  unité  de  forces  et  croyance  au  progrès. 


Au  fond,  le  dogme  de  l'unité  divine  est  seul  irréductible  ;  la 
doctrine  de  l'immortalité  de  l'âme  et  des  peines  et  récom- 
penses de  l'autre  vie  est  entièrement  post-biblique,  la 
croyance  au  Messie  a  valu  aux  Juifs  tant  de  déceptions  et 
d'avanies,  tantôt  pour  l'avoir  cru  arrivé,  tantôt  au  con- 
traire pour  avoir  refusé  de  le  reconnaître,  qu'ils  ont  fini 
par  la  reléguer  au  second  plan  ou  lui  substituer  une 
conception  philosophique  plus  large. 

Le  Décalogue  résume  la  morale  juive.  Les  pratiques  céré- 
monielles ont  les  unes  leur  fondement  direct  dans  la  Bible, 
d'autres  sont  d'introduction  plus  récente  ou  sont  nées 
d'une  exégèse  subtile  des  préceptes  bibliques  :  telle  est  la 
pratique  des  teflllin  ou  phylactères  portatifs,  de  Idimezouza 
appliquée  aux  portes  des  maisons,  etc.  Beaucoup  de  pra- 
tiques bibliques  semblent  d'origine  païenne  ou  sont  de 
simples  conseils  d'hygiène,  d'une  valeur  toute  relative, 
convertis  arbitrairement  en  préceptes  religieux  :  telles  sont 
la  plupart  des  lois  alimentaires  et  des  lois  de  pureté.  Ces  der- 
nières, liées  au  culte  du  Temple,  sont  presque  toutes  tom- 
bées en  désuétude  ;  les  premières  sont  encore  observées  par 
un  grand  nombre  de  Juifs  et  entraînent  une  organisation 
spéciale  de  l'abatage  et  du  commerce  de  la  boucherie  (viande 
Kascker).  La  plus  importante  des  pratiques  est  la  circon- 
cision :  c'est  une  erreur  cependant  de  croire  que  son  omis- 
sion retranche  un  Juif  de  la  communauté. 

Le  rituel  des  prières  est  abondant.  Le  Juif  pieux  prie 
trois  fois  par  jour.  La  prière  principale  est  le  Schéma, 
composé  de  trois  fragments  du  Pentateuque,  Le  Schemoné 
Ezreh  (18  bénédictions)  est  récité  également  tous  les  jours. 
Certaines  prières  sont  particuhères  à  certaines  fêtes  ou  aux 
néoménies  ;  d'autres  se  récitent  avant  et  après  les  repas, 
aux  enterrements,  en  souvenir  des  morts  (Raddisch)^  etc. 
Pratiques  et  prières  individuelles  constituent  le  culte  privé. 
Le  culte  public,  longtemps  moins  important,  consiste  essen- 
tiellement dans  la  prière  en  commun  et  dans  l'observation 
des  fêtes.  Les  synagogues  sont  les  locaux  où  l'on  se  réunit 
pour  prier  ensemble  ;  il  faut  dix  personnes  mâles  pour  que 
la  prière  ait  le  caractère  d'un  office  public.  Outre  les 
prières  proprement  dites,  cet  office  comprend  des  cantiques, 
des  psaumes  dont  le  choix  diffère  d'un  rite  à  l'autre.  Dans 
les  synagogues,  les  deux  sexes  sont  rigoureusement  sépa- 
rés et  les  hommes  ont  la  tête  couverte  ;  les  dévots  revêtent 
le  taled  (manteau). 

La  principale  fête  est  le  Sabbat,  qui  revient  tous  les  sa- 
medis ;  elle  est  surtout  caractérisée  par  l'abstention  com- 
plète de  tout  travail  et  un  service  divin  plus  solennel  à  la 
synagogue  :  à  cette  réunion,  on  lit  publiquement,  d'après  le 
«  rouleau  sacré  »,  une  des  cinquante  divisions  hebdoma- 
daires (paraschôt)  établies  dans  le  Pentateuque^  —  cette 
lecture  est  faite  par  sept  fidèles  appelés  à  tour  de  rôle  ; 
—  on  termine  par  un  chapitre  correspondant  des  prophètes 
(aftara).  Le  Sabbat,  comme  les  autres  fêtes,  commence  et 
finit  le  soir,  au  coucher  du  soleil,  ou  plutôt  «  à  l'heure 
de  la  nuit  close  ». 

Les  autres  fêtes  d'origine  biblique,  dont  plusieurs  ont 
été  adoptées  par  l'Eglise  chrétienne,  sont  : 

i^  Pàque  (Pesakh),  (jui  dure  huit  jours  et  commence  le 
15  Nisan  (septième  mois)  :  c'est  l'ancienne  fête  du  prin- 
temps, rattachée  au  souvenir  de  la  sortie  d'Egypte;  pen- 
dant toute  sa  durée,  on  mange  du  pain  sans  levain  ; 

2^  Pentecôte  {Schebouoth^  c.-à-d.  Semaines),  cin- 
quante jours  après  Pâques,  l'ancienne  fête  des  prémices  ; 

3^  Nouvel  an  [Rosch-ha-Schana)^  le  premier  Tisri, 
annoncé  par  le  son  du  cor  {schofar)  ; 

4°  Jour  des  Expiations  (Yom  Kippour)^  dix  jours  après 
le  nouvel  an,  consacré  au  jeûne,  à  l'inaction  et  aux  péni- 
tences ; 

5<^  Fête  des  Cabanes  ou  tabernacles  {Soukkoth)^  cinq 
jours  après  Kippour  ;  elle  dure  sept  jours  ;  c'est  l'ancienne 
fête  de  la  récolte  des  fruits  et  des  vendanges  :  de  là,  l'usage 
des  tentes  dressées  en  plein  air,  l'offrande  du  cédrat  et  du 
loulab  (palme). 

Des  fêtes  plus  récentes  sont  Pourim  (14  Adar,  censé- 


—  ^Î5  -- 


JUIF 


ment  en  souvenir  du  triomphe  d'Esther  sur  Aman)  et  Ha- 
noukka  (25  Kislev,  en  souvenir  des  victoires  des  Machu- 
bées).  Il  y  a  encore  cinq  jours  de  jeûne  peu  rigoureux  qui 
commémorent  divers  événements  désastreux  de  l'histoire 
Israélite.  Pour  le  calendrier  religieux  israélite,  V.  plus 
haut  Calendrier  juif. 

Les  ministres  du  culte  ne  sont  plus,  comme  autrefois,  les 
prêtres  et  les  lévites,  mais  les  rabbins  ou  docteurs,  assis- 
tés par  les  officiants  (chantres  ou  hazan,  opérateurs,  etc.). 
Le  mode  de  recrutement  des  rabbins  varie  suivant  les  pays. 
En  France,  ils  sortent  du  séminaire  de  Paris  (jadis  à  Metz) 
et  sont  nommés  par  le  gouvernement  sur  la  proposition  du 
Consistoire  centraL  Le  territoire  français  est  divisé  en 
12  circonscriptions  dirigées  chacune  par  un  consistoire  qui 
se  compose  d'un  «  grand  rabbin  »,  de  2  rabbins  et  de 
3  membres  laïcs  élus  au  suffrage  universel  des  fidèles.  A  la 
tête  de  la  hiérarchie  est  le  grand  rabbin  de  France.  Les 
rabbins  sont  salariés  par  l'Etat  ;  les  autres  institutions  reli- 
gieuses (écoles,  œuvres  de  charité  et  de  patronage,  etc.) 
sont  entretenues  par  des  souscriptions  privées  ;  dans  cer- 
tains pays,  la  taxe  des  funérailles  et  la  taxe  de  la  boucherie 
fournissent  d'importantes  ressources.  En  Prusse,  les  Juifs 
sont  légalement  contraints  de  contribuer  aux  dépenses  des 
communautés.  En  dehors  des  fêtes  et  des  offices,  les  rabbins 
assistent  encore  aux  mariages,  aux  obsèques  et  y  prononcent 
des  bénédictions  ou  des  prières.  Ils  s'abstiennent  de  bénir 
les  mariages  mixtes,  mais  ceux-ci  n'entraînent  aucune  dé- 
chéance, aucun  anathème  ;  l'excommunication  (herem)  n'est 
d'ailleurs  plus  guère  usitée  qu'en  Palestine. 

Au  moyen  âge,  le  culte  juif  avait  surtout  un  caractère 
domestique,  qui  ne  manquait  pas  d'une  certaine  poésie 
touchante;  aujourd'hui  que  l'observance  des  pratiques  a 
perdu  beaucoup  de  terrain,  le  judaïsme  a  éprouvé  le  besoin 
de  rehausser  l'éclat  et  l'intérêt  de  son  culte  public.  De  là 
l'introduction  de  l'orgue  dans  les  synagogues,  le  dévelop- 
pement de  la  prédication  rabbinique,  la  cérémonie  de  la 
confirmation  ou  initiation  religieuse,  etc.  Certaines  commu- 
nautés dites  réformées  (à  Berlin,  Francfort,  Xew  York,  etc.) 
ont  opéré  des  changements  bien  plus  radicaux  :  les  sexes 
prient  réunis,  les  hommes  ont  la  tête  découverte;  la  lec- 
ture de  la  Bible,  les  principales  prières  se  font  dans  la 
langue  du  pays  ;  parfois  même  le  service  du  Sabbat  est 
transféré  au  dimanche:  ce  judaïsme  réformé  diffère  peu  du 
protestantisme  libéral.  A  l'opposé  des  réformés  sont  les  «  or- 
thodoxes »  qui  rejettent  toutes  les  innovations  dans  le  culte 
et  s'en  tiennent  strictement  aux  vieilles  traditions.  La  lutte 
a  surtout  été  vive  en  Allemagne,  ou  les  opinions  radicales 
étaient  représentées  par  Geiger  et  Holdheim,  le  conserva- 
tisme à  outrance  par  S.-R,  Ilirsch  et  Hildesheimer,  le  «  juste 
milieu  »  par  Jacobsen,  Frankel  et  Sachs,  L'absence  de  toute 
autorité  centrale  dans  le  judaïsme  n'a  pas  permis  de  réa- 
liser l'uniformité  dans  le  culte.  Les  synodes  rabbiniques 
n'ont  abouti  à  aucun  résultat. 

Outre  les  synagogues  réformées,  qui  sont  encore  en  petit 
nombre,  le  judaïsme  n'a  guère  produit  qu'une  hérésie  im- 
portante :  le  Karaïsme^  né  en  Babylonie  au  viii«  siècle,  et 
qui  rejette  l'autorité  du  Talmud.  Cette  secte,  sorte  de  pro- 
testantisme juif,  autrefois  fort  répandue,  et  qui  a  produit 
une  vaste  littérature,  ne  compte  plus  que  o  ou  6,000  adhé- 
rents, presque  tous  en  Crimée,  en  Galicie  (Halicz)  et  en 
Lithuanie  :  ils  ne  se  marient  qu'entre  eux  (V.  Caraïtes). 
Les  anciennes  hérésies  des  Sabbatiens,  Crypto-Sabbatiens, 
Zoharistes  n'existent  plus  ;  quant  aux  hassidimou  dévots, 
assez  répandus  en  Russie,  ce  sont  des  Juifs  rabbanites  qui 
se  distinguent  par  l'exaltation  de  leur  piété,  leur  mysticisme 
et  la  joie  bruyante  qu'ils  apportent  dans  les  cérémonies  reli- 
gieuses. Cette  secte,  qu'on  peut  comparer  assez  exactement 
à  l'Armée  du  Salut,  a  pris  naissance  à  la  fin  du  siècle  der- 
nier avec  Israël  Baal  Schem  et  Dob  Béer  ;  ses  rebben 
exercent  encore  une  grande  influence.  Les  Samaritains  de 
Naplouse  (Palestine),  réduits  à  quelques  centaines,  des- 
cendent d'un  mélange  d'Hébreux  et  de  colons  assyriens 
établis  sur  le  territoire  de  Samarie.  Le  Pentateuque  sama- 


ritain, seule  autorité  religieuse  qu'ils  reconnaissent,  diffère 
par  endroits  du  texte  reçu.  Le  judaïsme  des  Falachas 
d'Abyssinie,  des  Béni  Israël  de  l'Inde,  des  Juifs  de  Chine, 
est  vague  et  rudimentaire  plutôt  que  sectaire. 

Il  ne  faut  pas  confondre  les  rites  avec  les  sectes.  Dans 
les  cadres  mêmes  du  judaïsme  rabbinique,  il  y  a  des  va- 
riantes dans  l'interprétation  de  certaines  pratiques,  dans 
les  détails  de  l'office  divin,  etc.  :  ces  variantes  constituent 
les  rites.  Les  deux  principaux  sont  le  rite  allemand  ou 
askenazi  (Allemagne,  Autriche,  Russie,  France  du  Nord) 
et  le  rite  portugais  ou  sefardi  dont  les  rites  italien  et 
levantin  sont  des  variantes.  On  cite  encore  les  rites  com- 
tadin,  romain,  grec,  oranais.  Les  rites  diffèrent  aussi  par 
le  rituel  des  prières  et  la  manière  de  prononcer  l'hébreu. 

Etat  social  et  économique.  —  L'état  social  et  écono- 
nomique  du  judaïsme  dans  les  divers  pays  est  déterminé 
par  divers  facteurs  :  la  législation  qui  le  régit,  la  civilisa- 
tion générale,  le  degré  de  lumière  des  Juifs  eux-mêmes, 
l'influence  des  traditions,  des  directions,  des  préventions 
héréditaires. 

Dans  le  groupe  des  Etats  occidentaux  (France,  Hollande, 
Allemagne,  Autriche,  Italie,  Angleterre,  Etats-Unis),  les 
Juifs,  pleinement  émancipés,  ont  dû,  par  compensation, 
renoncer  à  tous  leurs  privilèges,  à  leur  droit  civil,  à  toutes 
celles  de  leurs  observances  qui  n'étaient  pas  compatibles 
avec  leurs  nouvelles  obligations  de  citoyen,  par  exemple, 
quand  ils  sont  sous  les  drapeaux,  au  repos  du  sabbat  et 
aux  lois  alimentaires.  Le  sanhédrin  de  1807  a  posé  à  ce 
sujet  des  principes  très  sages  qui  ont  prévalu  sans  difficulté 
en  France  ;  mais  en  Hollande,  en  Algérie,  l'émancipation 
n'a  pas  triomphé  sans  peine  des  résistances  des  Juifs  eux- 
mêmes;  dans  ce  dernier  pays  notamment,  ils  ont  sacrifié 
à  regret  leur  droit  matrimonial  qui  tolérait  le  divorce  alors 
interdit  par  la  loi  française  (la  polygamie  a  été  proscrite  par 
R.  Gerschom  dès  l'an  1000).  L'admission  des  Juifs  au  rang 
de  citoyens  n'a  pas  tardé  à  produire  son  influence  sur  tout 
leur  genre  de  vie  ;  à  Fheure  actuelle,  dans  les  pays  où 
cette  admission  remonte  à  un  demi- siècle  au  moins,  la  plu- 
part ne  se  distinguent  guère  par  leurs  occupations,  leurs 
sentiments,  de  leurs  concitoyens  d'autres  cultes  :  le  Juif 
français  se  sent  Français,  le  Juif  anglais  Anglais,  etc.  Na- 
turellement en  Hongrie,  en  Galicie,  dans  la  Prusse  orien- 
tale, en  Algérie  où  l'émancipation  est  de  date  récente  et 
la  population  fort  arriérée,  la  fusion  morale  n'est  pas  en- 
core aussi  complète.  En  général,  cependant,  la  «  franc-ma- 
çonnerie »  juive,  dont  on  a  dit  tant  de  fables,  n'est,  en  dehors 
des  œuvres  de  charité  et  de  religion,  qu'un  legs  des  per- 
sécutions ;  elle  ne  se  réveille  qu'en  présence  des  retours 
offensifs  de  l'ancien  esprit  de  compression.  Sauf  l'agricul- 
ture, occupation  à  peu  près  fermée  aux  tard  venus  dans  les 
pays  très  densement  peuplés  et  dont  les  Juifs  ont  perdu  la 
tradition  depuis  huit  siècles,  les  Juifs  d'Occident  exercent 
les  mêmes  professions  que  les  autres  habitants.  De  louables 
efforts,  couronnés  de  succès,  ont  été  faits  pour  répandre 
parmi  eux  le  goût  du  travail  manuel,  de  l'industrie 
(écoles  professionnelles  de  Paris,  Bordeaux,  Bayonne,  Stras- 
bourg, etc.)  ;  s'ils  évitent  d'ordinaire  les  durs  métiers  qui 
nécessitent  un  grand  effort  musculaire,  ils  excellent  dans 
ceux  qui  exigent  de  la  finesse  et  du  soin  (graveurs,  or- 
fèvres, lapidaires,  opticiens,  tailleurs,  etc.).  Dans  la  pro- 
vince de  Posen,  la  moitié  des  Juifs  exercent  des  professions 
manuelles  ;  la  proportion  est  aussi  très  forte  en  GaUcie. 
Le  commerce  est  resté  l'occupation  favorite  des  Juifs,  pour 
laquelle  ils  ont  des  aptitudes  héréditaires;  leur  dispersion, 
d'où  résultent  des  relations  souvent  intimes  entre  Juifs  de 
pays  divers,  a  contribué  à  les  diriger  de  ce  côté  :  ils  sont 
commissionnaires,  négociants  en  gros,  marchands  de  bes- 
tiaux et  de  propriétés  (en  Alsace,  etc.),  courtiers;  long- 
temps ils  ont  été  colporteurs  et  fripiers.  Le  commerce  de 
banque  est  pour  eux  une  spéciaHté.  Leur  entrée  dans  la 
société  moderne  a  coïncidé  avec  un  puissant  essor  de  l'in- 
dustrie manufacturière,  des  transports,  des  échanges,  de 
la  fortune  mobilière  en  général  ;  le  xix®  siècle  est  l'ère  du 


JUIF 


276  — 


crédit,  de  la  spéculation,  des  grands  emprunts  publics,  des 
chemins  de  fer,  des  grandes  compagnies  par  actions.  Les 
Juifs,  commerçants  et  économes,  souvent  capitalistes,  ont 
pris  naturellement  une  part  considérable  à  ce  mouvement, 
avec  ses  bienfaits  et  ses  excès  ;  quelques-uns  y  ont  réalisé 
des  fortunes  considérables  (les  Rothschild  sont  les  Fugger 
de  notre  époque)  ;  il  ne  faudrait  pas  croire  cependant  que, 
pris  dans  leur  ensemble,  les  Juifs,  même  en  Occident,  cons- 
tituent une  population  aisée.  En  Galicie,  en  Posnanie,  ils 
sont  très  misérables  et  la  proportion  des  mendiants  est  plus 
forte  parmi  eux  que  dans  les  autres  confessions.  A  Vienne, 
60  °/o  des  Juifs  sont  indigents  ;  à  Londres,  à  Amsterdam, 
dans  toutes  les  grandes  capitales  où  affluent  les  fugitifs 
pauvres,  le  quart  de  la  communauté  reçoit  Faumône  ou  des 
secours.  Les  émigrants  juifs,  poussés  par  la  misère,  ont 
travaillé  souvent  à  des  prix  dérisoires  qui  leur  ont  valu 
Finimitié  violente  de  leurs  concurrents  (sweating  System). 
L'instruction  a  de  tout  temps  été  en  honneur  chez  les  Juifs  ; 
autrefois  elle  s'enfermait  dans  le  cercle  des  études  bibliques 
et  talmudiques;  actuellement,  en  Occident,  les  Juifs  se  sont 
portés  avec  ardeur  vers  toutes  les  carrières  libérales.  Ils 
fournissent  aux  établissements  d'enseignement  secondaire 
et  supérieur  un  contingent  très  élevé  ;  ils  ont  réussi  dans 
la  littérature  (particulièrement  dans  la  presse,  mais  aussi 
au  théâtre  et  dans  la  poésie),  le  professorat,  l'érudition, 
notamment  la  philologie,  dans  la  musique,  le  barreau,  la 
politique  ;  là  oii  les  préjugés  ne  continuent  pas  à  les  écarter 
(Allemagne,  Autriche),  ils  prennent  une  place  honorable 
dans  l'armée  et  dans  l'administration  ;  l'Italie  et  l'Amé- 
rique, plus  hardies  que  la  France,  les  emploient  avec  profit 
dans  le  service  diplomatique.  Les  faits  sont  trop  connus  pour 
qu'il  soit  utile  d'énumérer  des  noms  ou  des  chiffres  qu'on 
trouve  partout  ;  ces  statistiques  ont  d'ailleurs  l'inconvénient 
'de  perpétuer  la  vieille  notion  que  les  Juifs  sont  une  classe  à 
part,  dont  les  succès  s'opposent  à  ceux  des  autres  citoyens, 
au  lieu  de  compter  dans  l'ensemble  du  bilan  national. 

Tout  autre  est  Fétat  des  Juifs  dans  les  pays  comme  la 
Russie,  la  Roumanie,  la  plupart  des  Etats  musulmans,  où 
une  législation  restrictive  continue  à  perpétuer  pour  eux 
les  conditions  sociales  du  moyen  âge. 

En  Russie,  il  faut  distinguer  entre  la  Pologne  (les  dix 
gouvernements  de  la  Vistule),  le  «  territoire  »  et  le  reste  de 
l'empire.  En  Pologne,  les  Juifs,  au  nombre  de  1  million 
environ,  sont  frappés  des  mêmes  incapacités  que  les  autres 
sujets  non  orthodoxes  (qui  composent  la  grande  majorité 
de  la  population),  mais  l'ancienne  législation  polonaise  n'a 
guère  été  aggravée.  Cette  législation,  relativement  indul- 
gente, leur  permet  de  s'étabHr  où  ils  veulent,  d'exercer 
toutes  les  professions  (sauf  celle  d'avocat)  ;  elle  les  exclut 
des  conseils  communaux.  Indispensables  à  la  vie  économique 
d'une  nation  qui  n'a  pas  de  classe  bourgeoise,  les  Juifs 
de  Pologne  détiennent  le  commerce  et  la  plupart  des  mé- 
tiers ;  ils  sont  artisans,  colporteurs,  fabricants  et  débitants 
d'alcool,  prêteurs  d'argent.  Leur  costume,  leur  langage, 
leur  vie  talmudique  les  distinguent  des  autres  habitants, 
dont  ils  partagent  cependant  le  sentiment  national.  Les  com- 
munautés sont  fortement  organisées  (système  du  Kahal)  ; 
la  littérature  et  l'imprimerie  hébraïques  sont  florissantes. 

Le  «territoire  juif  »  est  cette  partie  de  la  Russie  propre 
dont  le  séjour  est  permis  aux  Israélites  par  la  loi  de  4835, 
plusieurs  fois  modifiée  depuis.  Ce  territoire  se  compose  de 
quinze  gouvernements,  pour  la  plupart  découpés  dans  les 
anciennes  annexes  de  la  Pologne.  Même  dans  ce  territoire, 
les  Juifs  ne  peuvent  pas  habiter  à  moins  de  50  verstes  de 
la  frontière,  ni  hors  des  villes  et  «  bourgades  »,  expres- 
sion élastique  dont  le  sens  officiel  a  souvent  varié.  En  vertu 
des  lois  de  mai  4882  et  de  divers  textes  plus  récents,  les 
Juifs  ne  peuvent  ni  acheter,  ni  louer,  ni  prendre  à  hypo- 
thèque ou  même  gérer  des  immeubles  ruraux  ;  il  leur  est 
détendu  de  se  livrer  au  commerce  les  dimanches  et  jours 
de  fêtes  chrétiens.  La  proportion  des  élèves  juifs  admis 
dans  les  écoles  secondaires  ou  spéciales,  dans  les  univer- 
sités, est  strictement  limitée  et  varie  de  3à  40  °/o.  Aucun 


barreau  ne  doit  avoir  plus  de  40  <*/o  d'avocats  juifs;  à 
Odessa  il  ne  doit  y  avoir  que  25  %  de  courtiers  juifs. 
Certaines  écoles,  certaines  professions  leur  sont  complè- 
tement interdites  :  les  Juifs  ont  été  exclus  des  fonctions  pu- 
bliques, (les  compagnies  de  chemins  de  fer  et  de  navigation, 
de  toutes  les  fonctions  électives  et  du  droit  d'y  élire  ;  le 
service  militaire  est  obligatoire,  mais  les  Israélites  ne  peu- 
vent aspirer  à  Fépaulette.  Le  culte,  libre  en  théorie,  est 
soumis  à  des  règlements  vexatoires  et  à  des  impositions 
variées  :  tant  pour  la  viande  Kascher,  tant  pour  les  bou- 
gies du  sabbat,  tant  pour  la  calotte  de  prière.  Par  l'effet  de 
cette  législation  digne  du  moyen  âge,  plus  de  2  millions  de 
Juifs,  peut  être  3,  vivent  entassés  dans  un  petit  nombre 
de  villes  où  ils  constituent  parfois  la  majorité,  ordinaire- 
ment le  tiers  ou  la  moitié  de  la  population.  C'est  un  im- 
mense ghetto  où  ils  s'étiolent  et  succombent  à  la  tâche 
malgré  des  efforts  surhumains,  malgré  les  salaires  infimes 
dont  ils  se  contentent  (il  y  a  300,000  artisans  juifs  dans 
le  territoire).  Dans  les  juiveries  de  Vilna,  de  Berditchev, 
d'Odessa,  la  plupart  des  habitations  sont  des  masures  où 
l'encombrement  est  effroyable,  le  dénuement  profond,  le 
typhus  endémique.  Néanmoins  cette  malheureuse  popula- 
tion, pour  qui  le  pain  quotidien  est  un  problème  continuel, 
ne  cesse  de  s'accroître  par  la  fécondité  naturelle  à  la  misère 
et  le  refoulement  des  Juifs  chassés  des  autres  provinces  de 
l'empire  :  l'émigration  en  Roumanie,  en  Occident,  en  Tur- 
quie, en  Amérique  (Etats-Unis;  Répubhque  Argentine, 
colonies  de  Hirsch),  quelques  proportions  qu'elle  ait  prises 
depuis  plusieurs  années  (50,000  têtes  par  an)  est  tout  à 
fait  insuffisante  pour  faire  de  l'air  dans  cette  vaste  et  mi- 
sérable fourmilière. 

En  dehors  du  territoire,  le  séjour  de  l'empire  russe  n'est 
permis  qu'à  un  petit  nombre  de  catégories  de  Juifs  privi- 
légiés ;  ce  sont  notamment  les  diplômés  académiques,  les 
citoyens  héréditaires  ou  honoraires,  les  marchands  de  la 
première  gilde,  les  artisans  «  habiles  »  (autre  terme  élas- 
tique, fécond  en  controverses),  les  colons  des  colonies  agri- 
coles, les  sages-femmes,  les  filles  publiques  (!),  lesCaraïtes. 
A  ces  privilégiés  légaux  s'étaient  ajoutées  dans  la  suite  du 
temps  et  par  l'effet  de  tolérances  administratives  quantité 
de  familles  non  autorisées,  débordant  hors  du  territoire 
surpeuplé  ;  on  évaluait  le  nombre  total  des  Juifs  habitant 
hors  du  territoire  à  un  demi-million.  L'exécution  rigoureuse 
des  lois  de  1882  a  fort  diminué  ce  nombre  ;  en  particulier 
les  villes  saintes,  Kiev,  Moscou,  ont  été  «  purgées  »  de 
leur  population  juive,  mais  l'application  complète  de  ce 
système  de  refoulement  serait  une  entreprise  aussi  chimé- 
rique que  barbare. 

En  général,  la  situation  légale  des  Juifs  russes,  régie 
par  une  quantité  de  lois,  d'ukases,  de  circulaires,  etc.,  non 
abrogés  et  contradictoires,  est  sur  bien  des  points  obscure 
et  mal  définie  ;  cette  incertitude  de  la  législation  favorise 
l'arbitraire  administratif,  la  vénalité  des  fonctionnaires  de 
tous  ordres  qui  exploitent  odieusement  le  Juif  tout  en  exi- 
geant de  lui  les  marques  extérieures  de  respect  sous  peine 
d'amende  ;  le  Juif  est,  comme  on  Fa  dit,  le  serf  de  la  po- 
lice. Une  population  aussi  misérable,  aussi  opprimée,  ne 
saurait  être  ni  très  éclairée,  ni  offrir  une  haute  moralité  ; 
le  Juif  russe  est  cependant  loin  d'être  aussi  dégradé  que  le 
fait  croire  au  premier  abord  son  aspect  minable,  son  jar- 
gon, son  attachement  aux  vieux  usages,  aux  vieilles  modes. 
Il  n'est  ni  ivrogne,  ni  débauché,  ni  malfaiteur  ;  sa  fidélité 
héroïque  à  sa  religion  (même  aux  époques  de  persécution 
aiguë  le  nombre  des  convertis  ne  dépasse  pas  4,200  ou 
4,300  par  an)  est  son  honneur  et  son  soutien  moral.  Les 
reproches  si  variés  adressés  aux  Juifs  par  l'antisémitisme 
officiel  —  usuriers,  cabaretiers  empoisonneurs,  fripons, 
accapareurs,  mauvais  soldats,  parasites,  inaptes  à  l'agri- 
culture, révolutionnaires,  particularistes,  ignorants,  mal- 
propres, —  sont  pour  la  plupart  mal  fondés,  exagérés  ou 
se  retournent  contre  ceux  qui  les  formulent  et  dont  la  lé- 
gislation les  engendre.  Par  exemple,  il  est  prouvé  que  le 
taux  de  l'intérêt  est  plus  élevé,  l'alcoolisme  plus  répandu 


'âTT 


JUIF 


dans  les  provinces  où  il  n'y  a  pas  de  Juifs  que  dans  celle 
où  ils  sont  tolérés.  Le  goût  de  l'instruction  est  très  vif 
(efforts  de  la  société  pour  la  propagation  de  l'éducation  parmi 
les  Juifs,  apostolat  du  D^Lilienthal  à  Riga  dès  1840,  etc.) 
et  le  serait  davantage  sans  les  règlements  qui  écartent  les 
Juifs  des  écoles.  Les  colonies  agricoles  juives  subsistent  et 
sont  assez  prospères.  Les  Juifs  ont  développé  ou  créé  plu- 
sieurs branches  de  l'industrie  ou  du  commerce  ;  dans  plu- 
sieurs localités  d'où  on  les  a  chassés,  la  population  a  ré- 
clamé leur  rappel.  L'isolement  moral  des  Juifs  est  le  fruit 
d'un  isolement  légal  qui  va  jusqu'à  leur  interdire  les  pré- 
noms chrétiens  ;  ils  aimeront  la  Russie  comme  une  mère 
quand  elle  aura  cessé  d'être  pour  eux  une  marâtre.  Exter- 
mination ou  émancipation,  c'est  ainsi  qu'on  a  formulé  très 
justement  le  dilemme  qui  se  pose  devant  le  gouvernement 
russe. 

C'est  à  peu  près  dans  les  mêmes  termes  que  le  problème 
se  présente  en  Roumanie.  Les  Juifs  de  ce  pays  sont  les  uns 
d'origine  espagnole,  les  autres,  beaucoup  plus  nombreux 
(surtout  en  Moldavie),  d'origine  russe  et  polonaise.  Leur 
situation  légale  était  autrefois  mal  définie,  mais  tolérable  ; 
ils  jouissaient  même  de  certains  droits  municipaux.  Peu  à 
peu,  sous  l'influence  de  théories  ethniques  exaspérées  et  de 
la  jalousie  économique  du  tiers  état  roumain,  on  leur  a  in- 
terdit d'acheter  ou  de  louer  des  terres,  d'habiter  les  cam- 
pagnes ;  on  leur  a  fermé  la  plupart  des  carrières  libérales 
et  même  des  métiers  (cabaretiers,  colporteurs).  En  même 
temps  se  produisaient  des  violences  populaires  (émeute 
de  Galatz,  1864).  En  vain  la  presse,  des  hommes  d'Etat 
éclairés  ont  plaidé  leur  cause  ;  en  vain  les  Juifs  ont  pris 
une  part  honorable  à  la  guerre  de  1877;  en  vain  l'Europe, 
au  traité  de  Berlin (1878),  sur  la  motion  de  la  France,  a 
prescrit  à  la  Roumanie,  comme  aux  autres  Etats  d^ubiens, 
l'effacement  de  toutes  les  incapacités  fondées  sur  la  reli- 
gion :  le  gouvernement  roumain  a  su  éluder  cette  disposi- 
tion en  déclarant  étrangers  tous  les  Juifs  établis  sur  son 
territoire,  même  depuis  plusieurs  générations  ;  comme  leurs 
pays  d'origine  les  rejettent,  ce  sont  des  peregrini  sine 
civitate.  Désormais  les  Juifs  sont  frappés,  non  comme  mé- 
créants, mais  comme  étrangers,  de  toutes  les  incapacités 
imaginables,  —  la  loi  de  1893  leur  a  pratiquement  fermé 
les  écoles  ;  —  pourtant  —  bizarre  contradiction  —  on  les 
assujettit  au  service  militaire.  Ils  peuvent,  d'après  la  nou- 
velle rédaction  de  la  constitution,  obtenir  la  naturaUsation 
individuelle,  mais  cette  naturalisation  exige  un  vote  des 
deux  Chambres,  et  à  peine  cinquante  Israélites  en  ont  béné- 
ficié jusqu'à  présent. 

En  Turquie,  les  Juifs  ont  d'importantes  communautés  à 
Constantinople,  Andrinople,  Salonique,  Smyrne,  Bagdad, 
Alep,  Damas,  Beyrouth,  Jérusalem.  Cette  dernière^  ville 
compte  aujourd'hui  près  de  80,000  Juifs  venus  de  partout 
et  vivant  pour  la  plupart  d'aumônes  [haUmkka)  :  on  re- 
trouve là  toutes  les  langues,  tous  les  rites,  les  vieilles  modes, 
—  longue  robe  de  soie,  bonnet  de  fourrure,  boucles  ra- 
menées en  papillotes  devant  les  oreilles;  les  garçons  se 
marient  à  quinze  ans,  les  filles  à  treize.  Il  y  a  moins  de  pit- 
toresque, mais  plus  de  travail,  à  Jaffa  qui  possède  une  école 
d'agriculture  juive  et,  dans  les  environs,  des  colonies  agri- 
coles prospères,  fondées  par  le  baron  Edmond  de  Rothschild. 
Damas  est  célèbre  par  une  des  plus  retentissantes  accusa- 
tions de  meurtre  rituel,  l'affaire  mystérieuse  du  P.  Thomas 
(1840).  La  situation  légale  des  Juifs  de  l'empire  ottoman 
et  de  l'Egypte  est  satisfaisante  ;  ils  sont  commerçants,  ar- 
tisans, interprètes,  etc.  D'heureux  efforts  se  font  pour 
relever  leur  niveau  moral  et  les  initier  à  la  civilisation 
occidentale  :  c'est  parmi  eux  surtout  que  s'exerce  l'activité 
bienfaisante  de  V Alliance  israélite  universelle  (fondée  à 
Paris  en  1861),  qui  entretient  des  écoles  dans  les  princi- 
pales communautés.  Elle  aune  tâche  non  moins  importante 
à  remplir  en  Tunisie,  où  la  nombreuse  population  juive  ne 
brille  encore  ni  par  les  lumières,  ni  par  la  morahté. 

Dans  les  autres  pays  musulmans  la  condition  des  Juifs 
est  humiliée  et  misérable  :  le  pacte  d'Omar  y  inspire  encore 


les  lois  et  les  mœurs  ;  la  rouelle  est  obligatoire  en  Perse. 
«  Encore  aujourd'hui,  dit  I.  Loeb,  les  Juifs  de  Perse  ne 
peuvent  faire  leur  marché  qu'après  les  musulmans  ;  quand 
il  pleut,  ils  ne  peuvent  sortir,  parce  que  l'eau  est  agent 
conducteur  de  l'impureté  religieuse  ;  tout  objet  de  consom- 
mation touché  par  un  Juif  est  contaminé  ;  un  Juif  converti 
à  l'islamisme  hérite  des  biens  de  toute  sa  famille.  Dans 
l'intérieur  du  Maroc,  les  Juifs  sont  obligés  de  marcher  nu- 
pieds  dès  qu'ils  sortent  de  leur  ghetto,  surtout  en  passant 
devant  les  mosquées  :  un  musulman  qui  tue  un  Juif  se 
libère  en  payant  une  composition  pécuniaire.  »  Seuls  les 
Juifs  protégés  européens  jouissent  de  quelques  garanties 
(conférence  de  Madrid,  1880). 

F.  Antisémitisme.  Avenir  du  judaïsme.  —  Anti- 
judaïsme,  Antisémitisme.  —  Après  avoir  esquissé  dans  les 
pages  précédentes  le  passé  et  le  présent  du  judaïsme,  il 
nous  faut  dire  un  mot  de  Vantijudaïsme  au  réveil  duquel 
l'Europe  assiste  étonnée  depuis  vingt  ans. 

Vantijudaïsme  est  aussi  ancien  que  le  judaïsme  :  l'ob- 
stination des  Juifs  à  rester  eux-mêmes,  à  ne  pas  sacrifier 
aux  croyances  de  la  majorité,  la  singularité  de  leurs  cou- 
tumes religieuses,  leur  orgueil  de  «  race  élue  »  les  ont 
désignés  de  bonne  heure  à  la  curiosité,  à  l'irritation,  puis 
à  la  haine  ;  l'envie  excitée  par  leurs  succès  ou  le  mépris 
engendré  par  leur  déchéance  ont  fait  le  reste;  régulière- 
ment on  a  fait  un  crime  aux  Juifs  des  vices  qu'on  leur  avait 
donnés,  du  particularisme  qui  était,  en  tout  ou  en  par- 
tie, l'effet  d'une  législation  restrictive.  On  peut  distinguer 
plusieurs  variétés  de  l'antijudaïsme  suivant  les  motifs 
dont  il  s'inspire  de  préférence  (antijudaïsme  théologique, 
ethnique ,  économique ,  sentimental),  ou  les  formes  sous 
lesquelles  il  se  manifeste  (antijudaisme  légal,  brutal, 
httéraire,  social);  ce  sont  plusieurs  courants  qui  se 
mêlent  et  se  grossissent  mutuellement,  mais  qui,  en  der- 
nière analyse,  découlent  de  la  même  source  :  l'antagonisme 
religieux. 

Nous  avons  suffisamment  parlé  dans  la  partie  historique 
de  cet  article  de  l'antijudaïsme  légal  et  de  l'antijudaïsme 
brutal  (persécutions,  pillages,  massacres):  ces  deux  formes 
sont  encore  aujourd'hui  amplement  représentées  en  Rus- 
sie, en  Roumanie,  dans  certains  pays  musulmans.  L'anti- 
judaïsme littéraire  a  aussi  de  très  anciennes  origines  :  il 
florissait  déjà  à  l'époque  gréco-romaine  avec  les  pamphlé- 
taires alexandrins  (Posidonius,  Molon,  Lysimaque,  Chéré- 
mon,  Apion),  les  satiristes  et  les  historiens  romains,  qui 
n'ont  guère  fait  que  répéter  les  moqueries,  les  accusations 
exagérées  ou  les  fables  des  Grecs:  haine  du  genre  humain, 
mépris  des  dieux  et  des  lois,  immoralité,  superstition, 
culte  de  l'âne,  tels  sont  les  reproches  principaux  qu'on 
adresse  aux  Juifs  ;  déjà  même  on  voit  poindre  l'atroce  lé- 
gende du  meurtre  rituel.  Beaucoup  de  ces  accusations 
furent  également  dirigées  contre  le  christianisme  nais- 
sant. Cela  n'empêcha  pas  les  chrétiens  de  reprendre  contre 
le  judaïsme  la  suite  de  la  polémique  païenne  en  y  ajoutant 
les  griefs  bien  plus  graves  du  déicide  et  du  coupable  aveu- 
glement :  la  polémique  des  Pères  de  l'Eglise,  d'abord  dé- 
fensive et  apologétique  (Justin  le  Philosophe,  Ariston  de 
Pella,  Tertullien),  devient  injurieuse  avec  saint  Augustin, 
saint  Jean  Chrysostome,  etc.  L'antijudaïsme  théologique, 
le  plus  inoffensif  de  tous,  et  qui  n'est  guère,  chez  les  écri- 
vains pondérés,  qu'une  forme  de  la  controverse,  a  duré 
pendant  tout  le  moyen  âge  ;  ses  champions  sont  d'abord 
presque  tous  ecclésiastiques  (Cédrénus,  Théophane,  Pierre 
de  Blois,  etc.);  à  partir  du  xiii^  siècle  les  écrits  des  polé- 
mistes chrétiens,  notamment  des  dominicains  et  des  fran- 
ciscains, trahissent  une  certaine  érudition  hébraïque  et 
même  rabbinique  :  tels  sont  le  Pugio  fidei  de  Raymond 
Martin,  les  Postillœ  de  Nicolas  de  Lyre,  et,  à  plus  forte 
raison,  les  œuvres  des  Juifs  convertis  (Paul  de  Santa  Ma- 
ria, Alphonse  de  Valladolid,  Jérôme  de  Santa  Fé,  Pfeffer- 
korn)  dont  les  attaques  se  dirigent  surtout  contre  le  Tal- 
mud.  D'autres  polémistes  s'élèvent  particulièrement  contre 
la  richesse,  l'insolence,  le  prosélytisme  des  Juifs  :  tels  Ago- 


JUIF 


278  — 


bard  et  Amolon.  Le  reproche  de  l'usure  apparaît  avec 
Pierre  de  Cluny  et  Simon  Maiol.  A  partir  de  la  fin  du 
XY^  siècle,  les  clercs  abandonnent  ce  genre  de  littérature  à 
des  pamphlétaires  laïcs,  fort  peu  instruits  (Alonso  de  Spina, 
Pierre  de  Lancre,  Francesco  de  Torrejoncillo),  qui  accueil- 
lent sur  le  compte  des  Juifs  les  fables  les  plus  extraordi- 
naires, les  inventions  les  plus  saugrenues.  La  littérature 
antijudaïque  pénètre  dans  le  protestantisme  avec  le  pam- 
phlet de  Luther.  Au  xvii^  et  au  xvin®  siècle,  elle  aflecte  un 
caractère  scientifique,  érudit,  et  l'intérêt  social  prédomine 
sur  l'intérêt  théologique  :  ses  représentants  s'appellent 
alors  Wagenseil  {Tela  ignea  Satanœ,  où  le  meurtre  rituel 
est  cependant  nié),  FAsenmengev  {Entdecktes  Judenthum)^ 
Schudt  {Jûdische  Merkwûrdigkeiten),  etc.  De  nos  jours, 
la  controverse  théologique  n'est  plus  guère  cultivée  ;  les 
écrivains  antijudaïques,  alors  même  qu'ils  obéissent  (par- 
fois inconsciemment)  au  préjugé  religieux,  se  placent  tous 
au  point  de  vue  ethnique,  national,  économique,  moral. 
Ils  dénoncent  dans  les  Juifs  des  étrangers,  de  race  infé- 
rieure, incapables  de  s'assimiler,  dont  le  patriotisme  est 
suspect,  et  qui  visent  en  réalité  à  conquérir  le  monde,  — 
des  accapareurs,  qui  s'emparent  de  la  fortune  publique, 
des  places,  de  l'opinion  (par  la  presse),  —  des  parasites 
malfaisants  qui,  sans  rien  ajouter  aux  forces  productives 
de  la  société,  s'enrichissent  par  le  vol,  la  fraude,  l'usure, 
démoralisent  et  gangrènent  tout  par  leur  exemple  et  leur 
propagande  ;  enfin  des  conspirateurs  dont  les  ténébreuses 
menées  sont  au  fond  de  tous  les  complots  et  de  toutes  les 
révolutions.  A  l'appui  de  ces  accusations,  on  apporte  d'abord 
tout  l'arsenal  des  vieilles  légendes  et  des  vieilles  calomnies, 
emprunté  sans  critique  aux  pamphlétaires  allemands  du 
siècle  passé  ;  on  reproduit  quelques  textes  choisis  du  Tal- 
mud  et  du  Zohar,  volontairement  dénaturés  ou  séparés  du 
contexte  qui  les  atténue,  et  on  fait  de  ces  opinions  isolées 
et  vieillies  la  doctrine  courante  du  judaïsme;  quant  à 
l'époque  contemporaine,  on  invoque  des  statistiques  men- 
songères qui  exagèrent  dans  des  proportions  souvent  ridi- 
cules la  fortune,  l'influence  des  Juifs,  leur  rôle  dans  le 
mouvement  financier  et  politique  du  siècle;  au  besoin,  on 
transforme  en  Juifs  des  gens  qui  ne  l'ont  jamais  été;  enfin 
on  accumule  des  anecdotes  suspectes,  on  généralise  abusi- 
vement quelques  faits  exacts,  et  parce  qu'un  ou  plusieurs 
Juifs  ont  volé,  trompé  ou  corrompu,  on  en  conclut  que 
tous  ou  presque  tous  les  Juifs  sont  voleurs,  fripons,  cor- 
rupteurs. La  conclusion  pratique  de  ce  réquisitoire,  qui  fait 
appel  tantôt  aux  sentiments  élevés  et  chevaleresques,  tantôt 
aux  plus  bas  instincts  d'envie  et  de  convoitise,  c'est  qu'il 
faut  «  secouer  le  joug  des  Juifs  »,  faire  le  vide  autour 
d'eux,  les  exclure  de  toutes  les  fonctions,  entraver  leurs 
affaires,  etc.;  les  plus  logiques  vont  jusqu'à  demander  qu'on 
les  chasse  et  qu'on  leur  fasse  rendre  gorge  comme  au  temps 
de  Philippe  le  Bel,  ou  tout  au  moins  qu'on  restreigne  leurs 
droits  civiques. 

Tel  est  l'esprit,  le  résumé,  de  tous  les  ouvrages  antiju- 
daïques publiés  de  nos  jours  :  qui  en  a  lu  un  les  a  lus  tous. 
Cette  littérature,  après  avoir  été  assez  féconde  dans  la  pre- 
mière moitié  de  ce  siècle  en  France  (Chiarini,  Toussenel) 
et  surtout  en  Allemagne,  oîi  la  question  de  l'émancipation 
était  vivement  discutée,  s'était  un  peu  assoupie  de  1848  à 
1870;  mais  elle  s'est  réveillée  bruyamment  après  cette 
date,  en  Allemagne  d'abord,  où  le  sentiment  national  exalté 
et  le  pédantisme  de  race,  élaboré  par  les  professeurs, 
s'unissaient  à  l'esprit  piétiste  et  aristocratique  toujours  très 
puissants,  aux  ressentiments  laissés  par  les  krachs  de 
Berlin  et  de  Vienne,  pour  déchaîner  l'orage  contre  le  Juif 
exotique,  mécréant,  démocrate  et  spéculateur.  La  propa- 
gande du  pasteur  Stœcker,  les  pamphlets  de  Marx,  Trei- 
tschke,  Dùhring,  Rohling  ont  signalé  cette  nouvelle  cam- 
pagne «  antisémitique  »  :  car  l'antijudaïsme  en  faisant 
peau  neuve  a  changé  aussi  de  nom;  celui  qu'il  a  pris 
semble  impliquer  la  double  absurdité  que  tous  les  Juifs 
sont  sémites  ou  tous  les  sémites  Juifs.  D'Allemagne,  l'anti- 
sémitisme a  gagné  rAutriche,  la  Belgique,  la  Suisse,  la 


France,  où  son  principal  porte-parole  n'a  guère  fait  que 
démarquer  avec  un  talent  déclamatoire  et  haineux  les  polé- 
mistes allemands  et  quelques-uns  de  ses  précurseurs  fran- 
çais (Barruel,  Gougenot,  dom  Deschamps,  Crétineau-Joly  ; 
V.  les  preuves  chez  B.  Lazare,  r Antisémitisme,  p.  238). 
L'antisémitisme  s'étale  non  seulement  dans  de  gros  livres 
et  de  petits  pamphlets,  mais  dans  des  journaux  quotidiens, 
parfois  illustrés,  où  la  diffamation  collective,  la  plus  lâche 
de  toutes,  est  érigée  en  système.  Puisant  ses  arguments 
dans  toutes  les  passions,  il  recrute  des  alliés  dans  divers 
camps  :  cléricaux  et  athées,  aristocrates  et  socialistes,  pa- 
triotes ardents  et  révolutionnaires  internationahstes  ;  il  y 
a  aussi  des  Juifs  antisémites,  ou  qui,  du  moins,  par  leur 
attitude,  fournissent  des  arguments  et  des  excuses  à  l'anti- 
sémitisme. Jusqu'à  présent  ses  succès  dans  Tordre  législa- 
tif ont  été  nuls  (si  l'on  excepte  le  plébiscite  suisse  contre 
l'abatage  juif)  quoi  qu'il  y  ait  des  partis  antisémitiques 
fortement  constitués  dans  les  parlements  allemand  et  au- 
trichien ;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  dans  l'ordre  social. 
En  Allemagne,  par  exemple,  partout  où  le  principe  de  la 
cooptation  entre  en  jeu,  les  Juifs  sont  systématiquement 
écartés  :  aucun  d'eux  ne  devient  officier,  très  peu  obtien- 
nent des  chaires  de  professeur  ordinaire  dans  les  univer- 
sités; les  corporations  d'étudiants  se  ferment  aux  Israé- 
lites. En  France,  malgré  le  scepticisme  religieux  si  répandu 
et  la  politesse  générale  des  mœurs,  l'antisémitisme  s'est 
glissé  un  peu  partout,  dans  le  barreau,  dans  les  écoles, 
dans  l'armée,  dans  le  monde  qui  ferme  ses  cercles  aux  Israé- 
lites et  ne  s'incline  que  devant  les  fortunes  colossales.  Ce 
n'est  qu'exceptionnellement,  et  dans  des  pays  peu  avancés, 
que  les  excitations  systématiques  aboutissent  à  des  bagarres 
sanglantes  (comme  parfois  en  Algérie)  ou  à  de  monstrueux 
procès  (i^mme  celui  de  Tisza  Ezlar  en  Hongrie  (1883); 
mais  la  situation  morale  des  Israélites  redevient  presque 
partout  pénible  et  délicate;  ils  se  sentent  entourés  d'une 
atmosphère  de  préventions  ;  il  leur  faut  plus  de  talents  et 
d'efforts  qu'aux  chrétiens  pour  parvenir  à  certaines  situa- 
tions ou  s'y  maintenir. 

AvENm  DU  JUDAÏSME.  —  Lo  judaïsmc,  après  avoir  tra- 
versé, non  sans  gloire,  vingt-quatre  siècles  d'épreuves,  sans 
se  laisser  absorber  ni  par  Thellénisme  ni  par  les  deux 
grandes  religions  issues  de  lui-même,  sans  succomber  ni  aux 
violences  de  l'oppression,  ni  à  la  dialectique  des  convertis- 
seurs, ni  aux  tentations  matérielles  de  l'apostasie,  est-il 
destiné  à  survivre  encore  longtemps,  malgré  le  redouble- 
ment de  persécution  qu'il  subit  dans  certains  pays,  et  les 
taquineries,  les  humiliations,  les  attaques  dont  il  est  l'ob- 
jet dans  d'autres  ?  C'est  une  question  à  laquelle  il  serait 
bien  hardi  de  répondre  d'une  manière  absolue;  toutefois, 
l'expérience  du  passé  et  même  d'un  passé  tout  récent  au- 
torise à  dire  que  si  le  judaïsme  doit  disparaître,  ce  n'est 
point  par  l'effet  des  moyens  violents  ou  malveillants. 

Le  temps  des  conversions  forcées  et  des  expulsions  en 
masse  est  passé  sans  retour  :  d'ailleurs,  les  unes  n'ont  ja- 
mais fait  que  de  mauvais  chrétiens,  les  autres  ont  déplacé 
l'axe  du  judaïsme  sans  l'affaiblir  sensiblement.  En  Russie, 
en  Roumanie,  les  persécutions  des  vingt  dernières  années 
n'ont  amené  qu'un  chiffre  dérisoire  de  conversions,  presque 
toutes  parmi  la  classe  riche,  la  moins  nombreuse  et  la  moins 
intéressante.  Quant  à  l'antisémitisme  httéraire  et  social,  le 
principal  effet  qu'il  obtient,  c'est  d'obliger  les  Israélites, 
menacés  dans  leurs  intérêts  communs,  ou  froissés  dans  leurs 
sentiments,  à  se  serrer  davantage  les  uns  contrôles  autres  : 
en  tâchant  de  replonger  le  judaïsme  dans  un  ghetto  moral, 
on  ne  réussit  qu'à  faire  revivre  la  solidarité,  le  particula- 
risme juif,  qui  allaient  peu  à  peu  s'effaçant.  Les  déserteurs 
ne  sont  jamais  qu'une  faible  minorité,  et  leur  désertion  ne 
les  préserve  même  pas  de  la  haine  ou  des  préjugés  :  l'an- 
tisémitisme ethnique,  le  plus  répandu  à  l'heure  actuelle, 
poursuit  les  Juils  convertis  et  leurs  descendants  jusqu'à  la 
troisième  ou  quatrième  génération.  Si  quelque  chose  doit 
ébranler  et  dissoudre  un  organisme  qui  a  résisté  à  tant  de 
chocs  et  de  transformations,  ce  sont  bien  plutôt  ks  séduc- 


—  279  — 


JUIF 


tions  de  la  tolérance*  de  l'égalité,  et  la  largeur  ou  PindiSé- 
rence  religieuses  qui  sont  la  conséquence  de  l'évolution  phi- 
losophique et  scientifique.  Dans  les  pays  où  le  judaïsme  est 
pleinement  émancipé,  il  est  certain  que  les  liens  qui  unissaient 
les  Juifs  entre  eux  se  sont  singulièrement  relâchés,  que  les 
barrières,  la  «  haie  »  qui  préservaient  leur  «  loi  »  et  leur 
individualité  se  sont  de  plus  en  plus  abaissées.  Le  sentiment 
«  national  »  juif  n'existe  plus  guère  là  où  le  Juif  est 
citoyen  de  fait  et  de  cœur.  L'étude  du  Talmud  est  complè- 
tement délaissée,  celle  même  de  Fhébreu  négligée,  la 
croyance  à  !'«  élection  »  d'Israël,  modifiée  ou  atténuée. 
Les  pratiques  qui  enfermaient  la  vie  dans  un  réseau  d'habi- 
tudes strictement  réglées,  qui  empêchaient  le  contact  trop 
intime  entre  Juifs  et  gentils,  vont  disparaissant  de  jour  en 
jour  :  combien  d'Israélites  à  Paris,  à  Londres,  observent 
sérieusement  les  lois  alimentaires,  le  Sabbat?  Beaucoup 
savent  à  peine  les  dates  des  grandes  fêtes,  ne  retrouvent 
le  chemin  de  la  synagogue  que  les  jours  de  mariage,  et  ne 
font  circoncire  leurs  fils  que  par  hygiène.  Même  pour  les 
habitués  du  temple,  pour  les  pratiquants,  la  religion  juive 
tend  à  se  transformer  en  une  sorte  de  déisme  incolore  qui 
ne  diffère  pas  beaucoup  du  protestantisme  d'extrême  gauche  ; 
le  jour  n'est  pas  éloigné  peut-être  où  des  tentatives  de  fusion 
se  produiront.  On  tient  cependant  au  judaïsme,  les  uns  par 
une  conviction  généralement  négative,  les  autres  par  un 
vague  orgueil  de  race  ou  par  une  sorte  de  piété  littéraire, 
d'autres  par  habitude,  par  routine,  et  parce  qu'il  faut  tenir 
à  quelque  chose  ;  mais  le  sentiment  juif  ne  se  réveille  réel- 
lement que  sous  le  coup  de  l'antisémitisme,  des  injustices  et 
des  persécutions  ;  c'est  alors  qu'on  tient  à  honneur  de  ne 
pas  abandonner  ses  coreligionnaires  malmenés  pour  leurs 
croyances  ou  pour  le  sang  qui  coule  dans  leurs  veines. 
Que  l'émancipation,  l'égalité  pénètrent  partout,  non  seule- 
ment dans  les  lois,  mais  dans  les  mœurs  et  dans  les  idées, 
le  sentiment  juif  perdra  de  plus  en  plus  de  son  ûpreté  et 
finira  sans  doute  par  s'éteindre  complètement.  Les  Juifs 
s'absorberont  peu  à  peu  dans  la  masse  de  leurs  concitoyens 
de  confession  différente  et  y  introduiront,  avec  leur  sang, 
quelques-unes  de  leurs  fortes  qualités  héréditaires.  Il  ne 
faut  donc  pas  se  le  dissimuler  :  l'avenir  du  judaïsme  est 
entre  les  mains  de  la  majorité  chrétienne,  des  gouverne- 
ments, de  l'opinion,  de  ceux  qui  la  font.  Il  disparaîtra  dans 
un  avenir  plus  ou  moins  éloigné,  mais  à  une  époque  où 
probablement  les  autres  religions  positives  auront  disparu 
à  leur  tour  ou  se  seront  profondément  modifiées.  D'ici  là, 
il  poursuivra  la  transformation  commencée  depuis  un  siècle, 
le  passage  laborieux,  d'une  part,  de  la  nationalité  à  la  con- 
fession, d'autre  part,  de  la  religion  d'observances  indivi- 
duelles à  la  religion  de  culte  public.  Si  cette  transformation 
est  dirigée  avec  intelligence,  il  pourra  s'en  dégager  sans 
peine  une  forme  religieuse  supérieure  en  pureté,  en  sim- 
plicité, en  grandeur  morale,  à  toutes  celles  qui  existent 
aujourd'hui,  affranchie  de  toutes  pratiques  superstitieuses, 
comme  de  toute  conception  anthropomorphique,  conciliant 
la  notion  de  la  divinité,  âme  du  monde  et  source  du 
bien,  avec  les  données  de  la  science,  que  la  religion  dé- 
passe, mais  ne  saurait  contredire,  acceptant  du  chris- 
tianisme son  principe  de  fraternité  universelle  déjà  pro- 
clamé par  les  prophètes,  mais  corrigeant  son  pessimisme, 
qui  ne  voit  de  salut  que  dans  l'autre  vie,  par  cette  foi  active 
dans  l'amélioration  indéfinie  de  l'espèce  humaine  qui  est 
la  forme  moderne  de  la  croyance  messianique.  Une  pa- 
reille religion  serait  encore,  si  l'on  veut,  la  religion 
juive,  mais  serait  en  même  temps  la  religion  de  l'huma- 
nité ;  le  jour  où  le  judaïsme  l'aurait  enfantée,  il  pourrait 
considérer  sa  «  mission  »  comme  accomplie,  et  mourir  sans 
regret,  enseveli  dans  son  triomphe.      Théodore  Reinach. 

BiBL.  :  Pour  réduire  le  plus  {possible  l'étendue  de  cette 
bibliographie,  nous  ne  donnons  in  extenso  que  le  titre  des 
ouvrages  les  plus  importants;  les  autres  sont  simplement 
indiqués  par  le  nom  de  Fauteur,  le  sujet  exprime  en  un 
mot,  la  date  de  la  publication.  Nous  citons  de  préférence 
les  ouvrages  français,  et,  pour  les  ouvrages  étrangers 
nous  indiquons  entre  parenthèse  la  langue  (ail.  =  alle- 
mand, ang.=  anglais,  héb.  =  hébreu,  etc.),  à  moins  qu'elle 


ne  résulte  de  la  transcription  du  titre.  L'abréviation  R.  E. 
J.  désigne  la  Revue  des  Etudes  juives. 

Ouvrages  généraux  .  —  Gr^tz,  Geschichte  derJuden 
(ail.);  Leipzig,  1856, suiv.,  11  vol.,  ouvrage  capital,  malgré 
certains  défauts  de  méthode  et  des  partis  pris.  Une  trad. 
franc,  abrégée  est  en  cours  de  publication  (4  vol.  parus) .  — 
Les  histoires  plus  anciennes  de  Basnage  (Rotterdam,  1707, 
6  vol.)  et  de  Jost(10  +  3  vol.,  Berlin,  1820  et  suiv.,  en  ail., 
abrégé  en  2  vol.,  1832),  sont  encore  utiles.  ■—  S.  Cassel, 
art.  Juden^  dans  VEncyclop.  Ersch  et  Gruber  (ail.),  1850. 

—  Is.  LoEB,  art.  Juifs,  dans  le  Dictionnaire  de  géographie  de 
Vivien  de  Saint-Martin  (1884).—  Th.  Reinach,  Histoire  des 
Israélites  depuis  l'époque  de  leur  dispersion,  1884.  —  Les 
histoires  des  Juifs  d'Occident  par  Beugnot  (1824),  Dep- 
ping  (1834),  Bédarrides  (1867).  —  Les  abrégés  allemands 
par  D.  Cassel  (1879),  Back,  Brann  (1894),  anglais  par  lady 
Magnus  (Philadelphie,  1890).  —  James  Darmesteter, 
Coup  d'œil  sur  Vhistoire  du  peuple  juif,  1881.  —  Ab.  Gei- 
GER,  Das  Judentum  u.  seine  Geschichte.,  1865-71,  3  vol. 

Epoque  romaine.  —  Schûrer,  Geschichte  desjûd.  Volkes 
im  Zeitalter  J.-C.  (ail.),  1886-90,  2  vol.,  2«  éd.  ~  Th.  Rei- 
nach, Fondes  rerumjMdaicarum.  I.  Textes  d'auteurs  grecs 
et  romains,  1895. 

Monographies  sur  l'histoire  des  Juifs  de  France.  — 
Is,  LoEB,  Etudes  historiques  sur  les  Juifs  de  France  (sous 
presse,  paraîtra  en  1895).  —  Gross,  Gallia  judaica  (sous 
presse).  —  Etudes  sur  les  Juifs  de  Paris,  par  L.  Kahn 
(1889),  du  Languedoc,  par  Saige  (1881),  de  Bordeaux^  par 
Malvezin  (1875),  de  Bayonne,  par  H.  Léon  (1893),  de  Pro- 
vence,  par  C.  Arnaud  (1879),  du  Dauphiné,  parPRUonoMME 
(1882),  de  Bourgogne,  par  M.  A.  Gerson  (1893),  duComtat- 
Venaissin,  par  R.  de  Maulde  (1886).  —  Nombreuses  mo- 
nographies dans  là  Revue  orientale  et  R.  È.  J. 

Autres  pays.  — Juifs  d'Espagne,  par  Lindo  (1884,  ang.) 
et  Amador  de  LOS  Rios(1875,  esp.),  de  Navarre  et  dePor- 
tugal,p8Lr  Kavserling  (1847-61, ail.) .  ;  Fernandez  y  Gonza- 
lez, Instit.  juridicas  del  pueblo  de  Israël,  etc.;  Madrid, 
1881.  Nombreux  art.  de  Fidel  Fita  dans  le  Boletin  de  la 
A  Cad.  de  Madrid^  et  de  Is.  Loeb  dans  R.  E.  J.  —  Juifs  de 
Rome  par  Berliner  (1893,  ail.)  et  Rodocanachi  (1891),  de 
Sicile,  par  Di  Giovanni  (1748,  ital.),  de  Mantoue,  par  Car- 
nevali  (1884,  ital.).  —  Ulrich,  Sammlung  jûd.  Geschichten 
in  der  Sch'weiz  ;  Baie,  1768.  —Juifs  de  Hollande,  par  Kœ- 
NEN  (1843,  holl.),  de  Belgique,  par  Ouverleaux  (R.  E.J., 
\ ll-Xl).  —TovEY,  Angïia  judaica;  Oxtord,  angl.,  1788; 
PicciOTTO ,  SÂefc/ies ,  1875  ;  l'abrégé  de  S.  Goldschmidt, 
1886,  ail.  ;  J.  Jacobs,  Jews  of  angevin  England,  1893.  Con- 
sulter Jacobs  et  WoLF,  Bihliotheca  anglo- judaica,  dans 
Public,  of  the  Anglo-Je-wishhistorical  Exhibition  y  1888, 
III.  —  A.-D.    Cohen,  Juifs  du  Danemark,  1837  (danois), 

—  E.  Scheid,  Juifs  d'Alsace,  1887.  —  Juifs  d'Allemagne^ 
par  Stobbe  (1866,  ail.),  de  Posen,  par  Perles  (1865,  ail.), 
de  Berlin,  par  L.  Geiger  (1871,  ail.);  Regesten  (jusqu'en 
1273),  par  Aronius  (1887-82)  ;  Quellen,  par  Stern,  Hœni- 
GER,  etc.  (1890,  suiv.),  et  un  très  grand  nombre  de  mono- 
graphies sur  différents  Etats  ou  communautés  ;  celles  qui 
ont  paru  dans  des  périodiques  sont  énumérées  dans  le  t.  II 
de  la  Zietschr.  f.  die  Gesch.  der  Juden  in  Deutschland, 
de  L.  Geiger  (II,  1887).  —Juifs  d'Autriche,  par  Werthei- 
MER  (1832,  alL),  Gerson  Wolf  (1883,  ail.);  de  Hongrie,  par 
Beegl  (1879,  ail.).  —  Juifs  de  Pologne,  par  Sternberg 
(1878,  ail.);  de  Lithuanie,  par  Berchadski  (1882-3,  russe). 

—  Juifs  de  Médine,  par  Hirschfeld  {R.  E.  J.,  VII,  X),  de 
Chine,  par  Cordier  (1891,  avec  bibl.),  de  l'Inde,  dans  Rev. 
orientale  et  Anglo- Jewish  Association,lH11.— Juifs  dAbys- 
sinie,  par  Flad  (1869,  ail.)  et  Halévy,  dans  Bull.  ail.  isr. 
(1868,  1),  de  Tunisie,  par  Cazès  {\8SH).  — Juifs  d'Amérique, 
par  S.  Wiener,  dans  Israël.  Monatschrift,  1892. 

Archéologie, Epigraphie.  —Calai,  of  the  Anglo- Jewish 
Exhibition,  1888.  — ■  Chwolson,  Corpus  inscr.'  hebraica- 
rum;  Pétersbourg,  1882.  ~  U.  Robert,  Signes  d'infamie, 
1889.— B.  PiCART,  Scènes  de  la  vie  juive  (au  xviip  siècle), 
réimp.  1884. 

Histoire  intellectuelle  et  littéraire.  — Gûdemann, 
Geschichte  des  Erziehungsv^esens  und  der  Kultur  der 
Abendleend.  Juden  (4  vol.,  1873-88  :  1°  Espagne;  2"  Italie; 
3°  France  ;  4°  Allemagne).— STEiNSCHNEiDEk,  art,  Jûdische 
Litteratur,  dans  Ersch  et  Gruber  (1850,  ail.),  index  à  part, 
1893.  —  Karpeles,  Geschichte  der  Jûd.  Lit.,  1886.  — Win- 
ter  et  Wûnsche,  Die  Jûd.  Literatur  seit  dem  Abschluss 
des  Kanons  (extraits  méthodiques);  Trêves,  1892  et  suiv.— - 
Les  ouvrages  de  LuzzATT0,de  Rappoport,  de  Krochmal, 
presque  tous  en  hébreu.  —  Zunz  (fondateur  de  l'étude 
scientifique  de  la  litt.  juive)  :  Gottesdienstliche  Vortrœge 
(2«  éd.,  1892),  Synagogale  Poésie, Zur  Geschichte  und  Litte- 
ratur, Gesam.  Schriften  (3  vol.).  —  J.  Derenbourg,  Essai 
SUT  l'histoire  de  la  Palestine,  1868.  —  Du  même,  art. 
Talmud,  dans  l'EncycL  des  sciences  religieuses.  —  A. 
Darmesteter,  îeTafm itd,  dans  Actes  de  la  Soc. Et.  juives, 
I.  —  La  trad.  fr.  du  Talmud  de  Jérusalem,  par  Schwab 
(11  vol.).  —  Les  études  de  Rabbinowicz  sur  la  médecine 
et  la  législation  du  Talmud,  de  Neubauer  sur  la  géogra- 
phie du  Talmud,  de  Bâcher  sur  VAggada  (3  vol.,  1884  et 
SUIV.,  ail.);  —  la.  Realencyclopœdie  fur  Bibl.  u.  Talmud 
de  Hamburger  (1886).  —  Weiss,  Dor  Dor  (tradition,  5  vol. 
héb.)  ;  —  la  trad.  fr.  de  la  partie  juridique  du  Schulkhan 
Arukh  de  Karo,  par  ijAUTAYRA  et  Charleville  ;  Alger, 


JUIF  —  JUIGNE 


—  280 


1869.  —  Renan  et  Neubauer,  les  Rabbins  français  au 
xiv"  siècle,  dans  Hist.  liit.  de  la  France^  t.  XXVII  et  XXXI. 

— -  Carmoly,  la  France  israélite^  1858.  —  Munk,  Mélanges 
de  philosophie  juive  et  arabe,  1859,  et  trad.  fr.  du  Guide  des 
égarés  de  Maimonide,  1856  et  suiv.  —  A.  Geiger,  Gabirol 
(1867),  Léon  Modena  (1856),  Beitrœge  (1847),  Nachgelassene 
Schriften  (1875-8).  —  Franck,  la  Kabbale,  1889,  2«  éd.  — 
Kayserling,  Manassé  ben  Israël;  Mosès  Mendelssohn, 
1888  (ail.),  2«  éd.  —  Zimmels  ,  Léo  Hebrœus,  1886  (ail.). 

—  Sachs,  Poésie  religieuse  des  Juifs  d'Espagne,  1845, 
(ail.).  —  DuKES,  Anthologie,  1842.  —  Carmoly,  Hist.  des 
médecins  israélites,  1844.  --  Is.  Loeb,  les  Chroniqueurs 
juifs,  1884.  —  Trad.  fr.  de  Benjamin  de  Tudèle,  par  Bara- 
TiER  (1734),  des  Cérémonies  de  Léon  de  Modène,  par  R. 
Simon  (3«  éd.,  1710).  —  Steinschneider,  Die  hebrœïschen 
Ùebersetzungen  im  Mittelalter,  1893  (ail  ). 

RÉPERTOIRES  BIBLIOGRAPHIQUES.  —   WOLF,  BibHotheca 

hebrœa,  1715-33.  —  Fûrst,  Bibl.  judaica;  Leipzig,  1863.  — 
Ben  JACOB,  Ozar  /lasep/iarim,  1880  (héh.),— Calai,  des  Mss. 
de  la  Bodléienne,  par  Neubauer  (1886),  des  imprimés,  par 
Steinschneider  (1857).  —  Rossi,  Bibl.  judaica  antechris- 
tiana;  Parme,  1800. 

Emancipation  des  Juifs.  —  Scheidler,  art.  Juden- 
emancipation,  dans  Ersch  et  Gruber,  1850  (ail.) .  —  Rœnne 
et  Simon,  Etat  passé  et  présent  des  Juifs,  1843  (ail.).  — 
Kaim,  Un  Siècle  d'émancipation,  1869  (ail.).— Faughille, 
la  Question  juive  en  France  sous  le  premier  Empire,  1884. 

—  WoLF,  Sir  Moses  Montefiore,  1884  (ang.).  —  Is.  Loeb, 
Biographie  d'Albert  Cohn,  1878. 

Etat  actuel  du  judaïsme.  — -  Halphen,  Recueil  des  lois 
concernant  les  Israélites  (1851),  continué  par  Uhry  (1887). 

—  Penel  Beaufin,  Législ.  du  culte  israélite,  1894.  —  Léon 
Kahn,  Hist.  de  ta  communauté  de  Paris,  1887  et  suiv.  — 
Sur  les  Juifs  de  Russie  :  prince  Demidoff  (1884),  Er- 
rera (1893)  ;  recueil  de  textes  législatifs  par  Gradovski, 
(1891,  l»**  vol.).  — Sur  les  Juifs  de  Turquie,  Roumanie,  etc., 
Is.  Loeb  (1877).  —  Sur  les  Juifs  d'Orient  en  général,  le 
voyage  de  Jacob  Saphir  (1860-74,  héb.)  sous  le  titre  E6en 
Saphir.  —  Is.  Loeb,  Réflexions  sur  les  Juifs,  I88i,  et  R.  E. 
J.,  XXVII  et  suiv.  —  Anatole  Leroy-Beaulieu,  Israël 
chez  les  nations,  1893. 

Anthropologie,  Démographie.  —  V.  Jacques,  Types 
juifs,  dans  Act.  Soc.  Et.  juiv,,  1893.  —  Legoyt,  Immunités 
biostatiques,  1868.— R.  Andrée,  Zur  Volkskunde  der  Ju- 
den,  1881.— BERGMANN,Enfwicfeiung.. .der  jùd.  Bevœlk.  in 
Posen,  1883.  —  E.  Renan,  le  Judaïsme  comme  race  et 
comme  religion,  1883,  réimprimé  dans  Discours  et  Confé- 
rences. 

Religion,  Sectes.  —  Michel  Weill,  le  Judaïsme,  1869. 

—  Friedl^nder,  The  Jewish  Religion,  1891.  —  Wogué, 
Catéchisme,  1878.  —  Fûrst,  Gesch.  des  Karœerthums, 
1862-9.  —  Silvestre  de  Sacy,  les  Samaritains  (Notices  et 
extraits  des  Mss.,  1831). 

Antisémitisme.  —  B.  Lazare,  l'Antisémitisme;  son 
histoire  et  ses  causes,  1894. 

Périodiques.  —  Anciens  :  Meassef,  Kerem  Chemed, 
Bikkuré  Haïtim,  Revue  orientale  de  Carmoly,  Wissen- 
schaft.  Zeitschrift  far  jûd.  Théologie  de  Geiger,  Maga- 
zin  de  Berliner  et  Hoffmann,  Letterbode  de  Roest 
(Amsterdam).  —  Actuels  :  Revue  des  études  juives  (fondée 
en  1880)  ;  Jewish  Quarterly  Review  ;  Monatsschrift  de  Bres- 
lau  (1852;  nouvelle  série,  1893).  —  Journaux  d'information  : 
Archives  israélites  (1840),  Univers  israélite  (1844),  Allge- 
meine  Zeitung  des  Judenthums  (1837),  Jewish  Chronicle, 
American  H ebrew  ;  les  Bulletins  de  l'Alliance  israélite  et 
de  l'Anglo-Jewish  Association. 

JUIF  ERRANT  (Le).  La  forme  populaire  de  cette  légende 
raconte,  en  substance,  qu'un  cordonnier  de  Jérusalem, 
nommé  Ahasvérus,  après  avoir  crié  avec  la  foule  :  Cru- 
cifie !  sans  se  rendre  compte  de  ce  qu'il  faisait,  rentra  chez 
lui.  Lorsque  Jésus,  portant  la  croix,  passa  devant  la 
maison  d'Ahasvérus,  il  voulut  s'arrêter  et  s'y  appuyer  un 
instant  ;  mais  Ahasvérus  l'apostropha  rudement.  Sur  quoi 
le  Seigneur,  le  regardant  fixement,  lui  dit  :  Je  m'arrêterai 
et  me  reposerai  ;  mais  toi  tu  marcheras  jusqu'au  jugement 
dernier.  Depuis  lors,  Ahasvérus  marche,  marche  encore  et 
ne  trouve  de  repos  nulle  part.  —  Le  premier  document 
que  l'on  ait  de  cette  légende  est  une  brochure  allemande 
de  huit  pages  petit  in-4  ;  il  en  existe  cinq  impressions  dis- 
tinctes, mais  toutes  sont  datées  de  4602  ;  le  lieu  dlmpres- 
sion  est  Leyde,  chez  Christophe  Creutzer,  et  il  est  prouvé 
que  ces  noms  sont  des  pseudonymes.  Le  récit  se  donne 
pour  un  rapport  de  Paul  d'Eitzen,  évêque  de  Slesvig,  qui 
prétend  avoir  rencontré  et  vu  Ahasvérus  à  Hambourg  en 
1542,  avec  beaucoup  d'autres  témoins.  On  sait  la  vogue 
dont  jouit,  à  partir  du  xvii®  siècle  et  jusqu'à  nos  jours, 
la  légende  du  Juif  errant.  L'imprimerie  et  l'imagerie  popu- 
laires ne  se  lassent  pas  de  reproduire  ce  type,  non  seule- 
ment en  Allemagne,  où  on  le  nomme   der  ewige  Jude^ 


«  le  Juif  éternel  »,  mais  en  France  (première  traduction 
du  livret  allemand  de  1602,  à  Bordeaux,  1609),  en  Hol- 
lande, en  Danemark  et  en  Suède.  Par  contraste  avec  cette 
popularité,  on  est  frappé  du  silence  qui  règne  au  sujet  de 
cette  fable  durant  les  siècles  précédents.  Dans  la  littéra- 
ture allemande,  il  n'y  a  pas  la  moindre  trace  du  Juif  er- 
rant avant  le  xvii®  siècle  ;  et  l'on  est  sans  doute  autorisé 
à  conclure  que  la  légende  n'avait  pas  cours  parce  qu'elle 
n'existait  pas  ;  il  serait  étrange,  en  effet,  que  des  hommes 
comme  Luther  ou  Hans  Sachs  n'en  eussent  pas  fait  usage 
s]ils  l'avaient  connue.  De  plus,  on  ne  trouve  aucune  allu- 
sion au  Juif  errant  ni  dans  l'abondante  collection  des  lé- 
gendes du  moyen  âge  latin,  ni  dans  les  traditions  grecques 
et  slaves,  ni  dans  la  littérature  du  christianisme  oriental, 
—  Par  contre,  Mathieu  Paris,  moine  de  Saint- Alban,  mort 
en  1259,  raconte  dans  son  Historia  Major  (éd.  de  Londres, 
1640,  in-fol.,  pp.  351  et  suiv.;  l'èd.  princeps  est  de 
Londres,  1571)  qu'un  archevêque  arménien,  arrivé  à 
Londres  en  1228,  parla  d'un  portier  du  prétoire  de  Pilate, 
nommé  Cartaphilus;  il  avait  donné  un  coup  de  poing  dans 
le  dos  de  Jésus,  en  s'écriant  :  Va  donc,  Jésus,  va  plus  vite, 
pourquoi  es-tu  si  lent  ?  Et  Jésus,  le  regardant  d'un  œil 
sévère,  lui  avait  répondu  :  Moi  je  vais  ;  mais  toi  tu  atten- 
dras jusqu'à  ce  que  je  revienne.  Plus  tard,  Cartaphilus 
avait  été  baptisé  par  Ananias  et  avait  pris  le  nom  de  Joseph. 
11  vivait  en  Arménie,  en  homme  saint,  respecté  et  silen- 
cieux. Ce  même  archevêque  raconta  la  même  histoire  à 
Cologne,  comme  Phil.  Mousquet,  évêque  de  Tournai,  mort 
en  1283,  le  rapporte  dans  sa  Chronique  rimée  (éd.  de 
Bruxelles,  1830,  in-4,  t.  II,  pp.  491  et  suiv.,  aux  vers 
25,485  et  suiv.).  On  ne  saurait  nier  certains  points  de 
ressemblance  entre  Cartaphilus  et  Ahasvérus  ;  mais  les 
différences  sont  bien  plus  caractéristiques.  En  tout  cas, 
celui  qui  aurait  transformé  Cartaphilus  en  Ahasvérus 
aurait  créé  une  figure  singuUèrement  plus  originale  ;  aussi 
bien  sa  création  a  vécu,  tandis  que  Cartaphilus  ne  semble 
pas  être  sorti  des  chroniques  du  xiu®  siècle.  —  Il  est  oi- 
seux, après  cela,  de  faire  des  conjectures  sans  issue  sur 
l'archevêque  arménien  et  la  sincérité  de  son  récit  ;  quant  à 
Paul  d'Eitzen,  qui  fut  prédicateur  à  Hambourg  depuis  1555 
et  qui  mourut  en  1598,  après  avoir  été  évêque  de  Sles- 
vig, il  est  probable  qu'il  a  simplement  servi,  après  sa  mort, 
de  prête-nom  respectable  au  rédacteur  allemand  et  protes- 
tant de  la  légende  du  Juif  errant.  Il  ne  saurait  pas  plus 
être  question  ici  de  parler  des  innombrables  tentatives, 
plus  ou  moins  heureuses,  de  faire  de  la  légende  du  Juif  er- 
rant un  développement  poétique  ou  philosophique  ;  mais  il 
faut  ajouter  que  cette  légende  est  inconnue  en  Espagne, 
en  Italie  et  dans  l'Europe  orientale.       F.-Herm.  Rruger. 

Bibl.  :  J.-G.-Th.  Grosse,  Der  Tannhœuser  und  der 
ewige  Jude;  Dresde,  1861,  2«  éd.  —  Ch.  Schœbel,  la  Lé- 
gende  du  Juif  errant;  Paris,  1877.  —  G.  Paris,  le  Juif  er- 
rant; Paris,  1880. 

JUIF.  Corn,  du dép.  de  Saône-et-Loire,  arr.  de  Louhans, 
cant.  de  Montret  ;  596  hab. 

JUI6NAC.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  de  Bar- 
bezieux,  cant.  de  Montmoreau  ;  802  hab. 

JUIGNÉ-Béné.  Com.  du  dép.  de  Maine-et-Loire,  arr. 
et  cant.  d'Angers  ;  513  hab. 

JUIGNÉ-DES-MouTiERS.  Com.  du  dép.  de  la  Loire-In- 
férieure, arr.  de  Châteaubriant,  cant.  de  Saint- Julien-de^ 
Vou vantes  ;  910  hab.  Ardoisières.  Verrerie  établie  dans 
l'ancien  prieuré  de  la  Primaudière.  Grotte  des  Fées  auprès 
de  la  source  des  Ermites. 

JUIGNÉ-suR-LoiRE.  Com.  du  dép.  de  Maine-et-Loire, 
arr.  d'Angers,  cant,  des  Ponts-de-Cé;  812  hab.  Stat.  du 
chem.  de  fer  (Etat  et  Ouest),  ligne  de  Montreuil-Belley  à 
Angers. 

JUIGNÉ-sur-Sarthe.  Com.  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr. 
de  La  Flèche,  cant.  de  Sablé  ;  1,316  hab.  Stat.  du  ch.  de 
fer  de  l'Ouest,  ligne  du  Mans  à  Angers,  embranchement 
sur  Sillé-le-Guillaume.  Mines  d'anthracite.  Carrières  de 
marbre  à  Port-Etroit.  Marbrerie.  Château  du  xvii®  siècle. 

JUIGNE  (Leclerc  de).  Famille  française  du  Maine  dont 


281  - 


JUÏGNE  -  JUILLET 


les  principaux  représentants  sont  :  Antoine-Eléonore- 
Léon^  né  à  Paris  en  1728,  mort  à  Paris  le  49  mars  48  M . 
Son  père  avait  été  tué  à  Guastalla  (4734)  ;  il  entra  dans 
les  ordres,  fut  grand  vicaire  de  son  parent  l'évêque  de  Carcas- 
sonne,  puis  évêque  de  Châlons  (4764),  où  il  sévit  contre 
les  jansénistes  et  se  fit  remarquer  par  ses  œuvres  de  bien- 
faisance ;  le  roi  lui  imposa  en  4781  rarchevêché  de  Paris. 
Elu  aux  Etats  généraux  avec  ses  deux  frères,  il  combattit 
l'union  avec  le  tiers,  fut  conspué  par  la  foule  le  24  juin, 
puis  acclamé  quand  il  eut  cédé  deux  jours  après.  Il  proposa 
de  chanter  un  Te  Deum  après  la  nuit  du  4  août.  Les  pro- 
grès de  la  Révolution  le  décidèrent  à  quitter  la  France  ; 
son  siège  fut  déclaré  vacant  et  on  y  élut  Gobel  ;  de  Juigné 
se  retira  à  Chambéry,  puis  à  Constance,  puis  à  Augsbourg 
(4799),  rentra  en  France  en  4802  et  se  démit  de  son  ar- 
chevêché, en  exécution  du  Concordat.  Il  est  Fauteur  d'un 
rituel  republié  sous  le  titre  de  Pastoral  de  Paris  (1786, 
3  vol.  in-8).  —  Jacques-Marie- Anatole,  né  en  4788, 
mort  en  4845,  auquel  Charles  X  conféra  la  pairie  en  4827. 
—  Charles-Etienne-Gustave,  comte  de  Juigné,  né  à 
Paris  le  45  juin  4825.  Grand  propriétaire  foncier  en  Bre- 
tagne, possédant  (avec  le  prince  d'Arenberg)  une  impor- 
tante écurie  de  courses  (V.  ce  mot),  il  fut  élu  le  8  févr. 
1874  représentant  de  la  Loire-Inférieure  à  l'Assemblée 
nationale,  siégea  parmi  les  légitimistes  et  élu  député  de 
Paimbœuf  en  4876,  appuya  le  gouvernement  du  46  Mai. 
Réélu  en  4877,  en  4884,  en  4885,  en  4889,  en  4893,  il 
a  constamment  combattu  les  cabinets  républicains  et  a  voté 
en  faveur  du  boulangisme. 

JUI6NETTES.  Corn,  dudép.  de  l'Eure,  arr.  d'Evreux, 
cant.de  Rugles  ;  200  hab. 

JUILLAC.  Gh.-l.  decant.  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr. 
de  Brive,  à  5  kil.  du  chem.  de  fer  de  Limoges  à  Brive  par 
Saint- Yrieix  ;  2,536  hab.  Ruines  d'un  château  et  d'une 
ancienne  prison  seigneuriale. 

JUILLAC.  Cora.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Mirande, 
cant.  de  Marciac  ;  343  hab. 

JUILLAC.  Corn,  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Li- 
bourne,  cant.  de  Pujols  ;  334  hab. 

JUI  LLAC-LE-CoQ.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  de 
Cognac,  cant.  de  Segonzac;  603  hab.  Eaux-de-vie.  Eglise 
des  w^  et  xiii®  siècles.  D'un  ancien  monastère  subsiste  une 
porte  à  mâchicoulis. 

JUILLAGUET.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  d'An- 
goulême,  cant.  de  Villebois-la- Valette  ;  495  hab. 

JUILLAN.  Com.  dudép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  de 
Tarbes,  cant  d'Ossun  ;  4,602  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer 
du  Midi,  ligne  de  Toulouse  à  Rayonne. 

JUILLAN  NE.  Rivière  du  dép.  de  la  Drôme  (V.  cet  art.). 

JUILLÉ.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  deRuffec, 
cant.  de  Mansle  ;  489  hab. 

JUILLÉ.  Com.  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  de  Mamers, 
cant.  de  Beaumont-sur-Sarthe  ;  420  hab. 

JUILLÉ.  Com.  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr.  de  Melle, 
canl.  de  Brioux  ;  200  hab. 

JUILLENAY.  Com.  du  dép.  delà  Côte-d'Or,  arr.  de 
Semur,  cant.  de  Saulieu;  446  hab. 

JUILLERAT  ( Henri-François- Jules-Paul] ,  littérateur 
français,  né  à  Nîmes  le  48  avr.  4848.  Ancien  chef  de  la 
division  de  l'imprimerie  et  de  la  librairie  au  ministère  de 
l'intérieur.  On  a  de  lui  des  poésies  :  Lueurs  matinales 
(4837,  in-8)  ;  les  Solitudes  (4840,  in-8);  Soirs  d'oc-- 
tobre  (4864,  in-I2);  des  nouvelles  :  les  Deux  Balcons, 
les  Manteaux  blancs,  etc.  (4858,  in-42);  Mademoiselle 
Reine,  le  Mariage  mystique,  Jupiter  (4854,  in-46)  ; 
Mademoiselle  de  Saulnes  (4882,  in-42);  des  pièces  de 
théâtre  :  la  Reine  de  Lesbos  (4854,  in-42),  drame  antique 
en  vers,  joué  au  Théâtre-Français,  le  Lièvre  et  la  Tortue 
(4856,  in-42),  comédie  en  un  acte,  envers,  jouéeàl'Odéon, 
puis  aux  Français,  etc.  —  Sa  femme,  Clotilde,  née  Gé- 
rard, née  à  Lyon  en  4805,  mariée  en  4840,  élève  de  De- 
laroche,  a  exposé,  de  4833  à  4855,  de  nombreux  portraits 
et  plusieurs  tableaux  d'histoire  ou  de  genre. 


JUILLES.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  d'Auch,  cant.  de 
Gimont  ;  672  hab. 

JUILLET  (Astron.).  Nom  du  septième  mois  de  l'année 
appelé  autrefois  Quintilis  chez  les  Romains  parce  que 
l'année  commençait  alors  au  mois  de  mars.  Marc-Antoine 
ordonna  que  ce  mois  s'appellerait  Julius  en  l'honneur  de 
Jules  César  (V.  Calendrier). 

Journées  de  Juillet  1830.  —  On  trouvera  dans  l'art. 
Chambre  (t.  X,  pp.  334-36)  le  récit  du  contre-coup  sur  le 
Parlement  des  fameuses  ordonnances,  et  à  Fart. Charles  X 
(t.  X,  p.  722)  l'historique  de  ces  ordonnances  et  leurs 
conséquences  fatales  pour  la  Restauration.  Il  nous  reste 
à  raconter  brièvement  ici  l'effet  qu'elles  ont  produit  sur  le 
peuple  et  l'insurrection  qui  en  résulta. 

C'est  le  26  juil.  que  les  ordonnances  furent  publiées 
dans  le  Moniteur.  Aussitôt  la  Bourse  baissa  (près  de  4  fr. 
sur  les  rentes).  Les  journalistes  atteints  directement  dans 
leurs  intérêts  se  réunirent  dans  les  bureaux  du  National, 
Thiers  rédigea  une  protestation  qui  fut  signée  par  plus 
de  40  publicistes  et  insérée  le  27  dans  le  National  et  dans 
le  Temps.  Dès  la  première  heure,  les  bureaux  du  Natio- 
nal furent  donc  en  quelque  sorte  désignés  comme  un  centre 
de  ralliement  pour  l'opposition.  Des  paroles  caractéris- 
tiques furent  prononcées.  De  Shonen  déclara  que  «le mo- 
ment de  la  discussion  était  passé,  qu'il  importait  d'agir,  de 
traduire  en  actes  les  principes  proclamés  depuis  longtemps, 
d'opposer  la  violence  à  la  violence  et  de  repousser  la  force 
par  la  force  ».  Des  jeunes  gens  montèrent  sur  des  chaises 
au  Palais-Royal  et  provoquèrent  des  attroupements  en 
lisant  à  haute  voix  les  ordonnances.  Mais  comme  une  insur- 
rection n'éclate  pas  tout  d'un  coup,  ces  attroupements  se 
dissipèrent  d'eux-mêmes.  Le  soir  une  douzaine  de  députés 
se  réunirent  chez  Delaborde  afin  d'arrêter  aussi  les 
termes  d'une  protestation.  Ils  décidèrent  de  provoquer  le 
lendemain  une  réunion  plus  nombreuse  chez  Casimir 
Périer  qui,  tout  à  fait  opposé  à  une  résistance  violente, 
n'y  consentit  qu'à  contre-cœur.  Dans  la  soirée  encore,  des 
attroupements  populaires  se  formèrent  au  Palais-Royal,  au 
Carrousel  ;  on  criait  :  «Vive  la  Charte  î  à  bas  les  ministres  î  », 
on  cassait  les  vitres  du  ministère  des  finances  ;  on  lançait 
des  pavés  sur  la  voiture  de  Polignac  et  d'Hausez.  Le 
gouvernement  s'émut  peu  de  ces  manifestations.  Le  comte 
de  Wall,  commandant  de  la  place  de  Paris,  s'écria  :  «  Ce  ne 
sera  rien,  je  vais  faire  faire  des  patrouilles;  avant  deux 
heures  elles  seront  en  mouvement  !  »  Cependant  les  com- 
merçants et  les  grands  industriels  avaient  fermé  leurs  ate- 
liers. La  Révolution  eut  donc  à  sa  disposition  un  nombre 
considérable  d'ouvriers.  Le  27,  au  moment  même  où  les 
journaux  royalistes  publiaient  des  dithyrambes  en  l'hon- 
neur des  ordonnances  qui  «  venaient  d'écraser  les  ennemis 
du  trône  et  de  l'autel  »,  l'insurrection  croissait  et  s'orga- 
nisait. On  dut  à  plusieurs  reprises  exécuter  des  charges 
de  cavalerie  dans  le  Palais-Royal  où  étudiants  et  ouvriers 
faisaient  rage.  Ils  se  défendirent  à  coup  de  moellons.  Chas- 
sés, ils  se  portèrent  sur  l'hôtel  des  Affaires  étrangères, 
pillant  sur  leur  passage  les  boutiques  d'armuriers.  A  peine 
dégagé,  le  jardin  du  Palais-Royal  était  envahi  de  nouveau. 
Un  peloton  de  gendarmes  tit  usage  de  ses  armes,  blessant 
trois  personnes,  en  tuant  une.  Des  cris  de  vengeance  re- 
tentirent, La  foule  arriva  à  un  tel  degré  d'exaspération 
qu'il  fallut  faire  soutenir  la  gendarmerie  par  la  garde  royale 
et  par  la  ligne.  Pendant  ce  temps,  la  réunion  Casimir  Pé- 
rier n'aboutissait  à  aucune  solution  et  s'ajournait  encore 
au  lendemain.  Marmont,  duc  de  Raguse,  nommé  gouver- 
neur de  Paris  le  matin  même,  commença  à  faire  agir  les 
troupes.  Des  bataillons  occupèrent  le  Carrousel,  la  place 
Louis  XV,  les  boulevards,  la  Bastille,  le  Palais-Royal,  la 
place  Vendôme,  le  Pont-Neuf.  Des  escadrons  de  cavalerie 
furent  chargés  de  détruire  les  barricades  qui  sortaient  de 
terre  çà  et  là.  L'une  d'elles  élevée  rue  de  l'Echelle  fut  en- 
levée, non  sans  nouvelles  morts  d'hommes  ;  d'autres  furent 
abattues  ;  mais,  aussitôt  la  troupe  passée,  elles  se  relevaient. 
Le  27  au  soir  Tinsurrection  occupait  l'Imprimerie  natio- 


JUILLET 


J'ILLY 


--  282 


nale,  brûlait  les  corps  de  garde  des  gendarmes  place  de  la 
Bourse,  et  les  obligeait  à  battre  en  retraite,  et  comme  les 
troupes  reçurent  l'ordre  de  rentrer  dans  les  casernes  vers 
onze  heures,  elle  resta  en  fait  maîtresse  de  la  ville.  On  profita 
de  la  nuit  pour  accumuler  des  projectiles,  rédiger  et  afficher 
partout  des  proclamations  aux  armes  et  à  la  vengeance. 
Le  28,  au  matin,  on  apprit  que  le  gouvernement  avait  mis 
Paris  en  état  de  siège  et  appelé  de  Versailles,  de  Courbe- 
voie  et  de  Saint-Denis,  quelques  régiments.  Il  se  bornait  à 
ces  mesures  absolument  dérisoires,  pensant  toujours  que 
«  ce  n'était  qu'une  émeute  »  et  que  «  la  monarchie  n'était 
pas  en  danger  ».  Dès  six  heures,  le  conseil  des  ministres 
se  réunit  aux  Tuileries  et  décida  d'y  siéger  en  permanence. 
Il  reçut  des  rapports  alarmants.  Marmont,  dès  sept  heures, 
écrivait  au  roi  :  «  J'ai  déjà  eu  l'honneur  de  rendre 
compte  à  Votre  Majesté  de  la  dispersion  des  groupes  qui  ont 
troublé  la  tranquillité  de  Paris.  Ce  matin  ils  se  reforment  plus 
nombreux  et  plus  menaçants.  Ce  n'est  plus  une  émeute, 
c'est  une  révolution.  »  En  effet,  cette  révolution  avait  cons- 
truit des  barricades  dans  presque  toutes  les  rues,  occupait 
l'Arsenal,  l'Hôtel  de  Ville  où  flottait  le  drapeau  tricolore, 
Notre-Dame  où  flotta  bientôt  un  second  drapeau  et  où  le 
bourdon  sonna  le  tocsin.  Marmont  lança  quatre  colonnes 
sur  Paris  :  la  première  dut  partir  de  la  place  Vendôme  et 
gagner  la  place  de  la  Bastille  ;  la  seconde  dut  occuper  le 
marché  des  Innocents  et  aboutir  à  la  place  de  Grève  ;  la 
troisième  fut  chargée  d'arriver  aussi  à  la  Bastille  par  la 
rue  Richelieu  et  les  boulevards  et  de  revenir  par  la  rue 
Saint- Antoine  à  l'Hôtel  de  Ville  où  elle  rejoindrait  la  pre- 
mière colonne;  la  quatrième,  partant  des  Champs-Elysées, 
devait  suivre  les  boulevards  jusqu'à  la  rue  Richelieu,  puis 
retourner  à  son  point  de  départ.  Elles  se  mirent  en  mou- 
vement vers  midi.  La  quatrième  seule  put  exécuter  les 
ordres  reçus.  La  première  occupa  bien  l'Hôtel  de  Ville,  mais 
elle  y  fut  cernée  et  se  trouva  isolée  des  autres.  La  seconde 
put  à  peine  tenir  sur  le  marché  des  Innocents  et  il  fallut 
pour  la  dégager  et  protéger  sa  retraite  la  faire  appuyer  par 
un  bataillon  suisse.  Elle  perdit  beaucoup  de  monde.  La 
troisième  enfin  parvint  sans  difficulté  à  la  porte  Saint-Denis, 
mais  pour  arriver  à  la  Bastille  elle  dut  employer  l'arme 
blanche,  les  feux  de  peloton,  le  canon,  et  rentra  épuisée 
aux  Tuileries  sans  avoir  pu  gagner  l'Hôtel  de  Ville.  L'in- 
surrection demeurait  partout  victorieuse,  car  le  général 
Talon  évacua  par  ordre  l'Hôtel  de  Ville  dans  la  nuit.  Pen- 
dant la  bataille,  la  réunion  Casimir  Périer  se  tenait  chez 
Audry  de  Puyraveau.  Deux  parlementaires  de  race  pre- 
naient résolument  la  direction  du  mouvement  :  Laffitte  et 
La  Fayette.  Une  députation  fut  envoyée  à  Marmont  pour 
le  sommer  «  au  nom  de  la  loi  et  sous  sa  responsabilité  per- 
sonnelle de  faire  cesser  le  feu  ».  Naturellement,  le  maré- 
chal répondit  qu'  «  il  n'avait  pas  qualité  pour  accepter 
cette  proposition  ».  Le  prince  de  Polignac,  auquel  fut  pré- 
sentée la  même  requête,  déclara  qu'il  en  référerait  au  roi. 
Un  exprès  fut  envoyé  à  Charles  X  à  Saint-Cloud.  Le  roi 
le  chargea  de  dire  au  duc  de  Raguse  «  de  tenir  ferme,  de 
réunir  ses  forces  sur  le  Carrousel  et  sur  la  place  Louis  XV 
et  d'agir  avec  des  masses  ».  Des  troupes  furent  appelées, 
de  Beauvais,  d'Orléans,  de  Caen,  de  Rouen,  de  Saint-Omer, 
de  Lunéville.  Marmont  assurait  qu'il  tiendrait  au  Louvre 
et  aux  Tuileries  pendant  trois  semaines.  Il  y  concentra  tous 
les  soldats  dont  il  pouvait  disposer.  Pendant  la  nuit,  les 
élèves  de  l'Ecole  polytechnique  dirigèrent  la  construction 
de  barricades  cernant  le  Carrousel  sur  trois  faces.  Mar- 
mont dut  se  borner  à  prendre  des  mesures  défensives.  Il 
protégea  la  Bourse  par  deux  bataillons  suisses,  le  Palais- 
Royal  par  deux  bataillons  de  la  garde,  la  place  Vendôme 
et  ses  alentours  par  deux  régiments  de  ligne  et  la  gendar- 
merie ;  la  Banque  par  cent  hommes  de  la  garde,  le  Carrou- 
sel par  un  bataillon  suisse,  les  Tuileries  par  trois  batail- 
lons de  la  garde  et  six  escadrons  de  lanciers  ;  le  boulevard 
des  Capucines,  la  rue  Royale  et  les  Champs-Elysées  par  deux 
bataillons  de  la  garde  et  un  régiment  de  chasseurs  à  che- 
val tirés  de  Versailles. 


Le  29,  dès  cinq  heures  du  matin,  la  bataille  recom- 
mença. L'insurrection  s'empara  des  Invalides  et  de  l'Ecole 
militaire,  attaqua  le  Louvre.  La  ligne  qui  occupait  la 
place  Vendôme  fit  défection  ;  il  fallut  dégarnir  le  Louvre 
pour  y  envoyer  un  bataillon  suisse.  Aussitôt  les  insurgés 
escaladèrent  la  colonnade  et  occupèrent  les  galeries.  Les 
suisses  durent  se  replier  sur  les  Tuileries,  furent  pour- 
suivis sur  le  Carrousel.  Gendarmes  et  lanciers  affolés  bat- 
tirent en  retraite,  suivis  par  l'infanterie.  Les  Tuileries 
furent  envahies.  Marmont  s'établit  à  la  barrière  de  l'Etoile 
qu'il  ferma,  reforma  ses  régiments  et  se  porta  sur  Saint- 
Cloud,  Ces  nouvelles  furent  portées  à  Charles  X  par  le 
général  de  Coëtlosquet.  Paris  était  perdu  pour  la  royauté. 
«  La  manière  dont  les  troupes  en  sont  sorties,  dit  le  gé- 
néral, ne  permet  pas  d'espérer  que  l'on  puisse  tenter  de 
les  y  faire  rentrer.  »  C'est  alors  que  le  roi  se  décida  à 
changer  le  ministère  et  à  rapporter  ses  ordonnances.  Ce- 
pendant le  drapeau  tricolore  était  hissé  sur  les  Tuileries, 
l'archevêché  était  pillé,  ainsi  que  le  couvent  du  mont  Valé- 
rien.  La  caserne  de  Babylone,  toujours  occupée  par  les 
suisses,  était  enlevée  par  une  colonne  commandée  par  Char- 
ras,  Vaneau,  Lacroix,  Ouvrier.  Vaneau,  élève  de  l'Ecole 
polytechnique,  fut  tué  ;  les  suisses  furent  massacrés  avec 
leur  commandant  Dufay.  Ce  fut  le  dernier  effort  de  la  résis- 
tance. Au  soir  du  29,  la  bataille  était  terminée  et  le  gouver- 
nement vaincu  manifestement. 

Louis-Philippe  se  montra  reconnaissant  pour  les  auteurs 
de  la  Révolution  qui  lui  valut  un  trône.  La  loi  du  30  août 
4830  décida  que  des  récompenses  seraient  données  «  à 
tous  ceux  qui  ont  été  blessés  en  défendant  la  cause  natio- 
nale à  Paris  dans  les  glorieuses  journées  des  26-29  juil.  », 
que  les  pères,  mères,  veuves  et  enfants  de  ceux  qui  ont  suc- 
combé ou  succomberont  par  suite  de  leurs  blessures,  re- 
cevraient des  pensions  ou  secours  ;  que  les  personnes  dont 
les  propriétés  auraient  souffert  par  suite  des  événements 
seraient  indemnisées  aux  frais  de  l'Etat  ;  qu'une  médaille 
serait  frappée  pour  en  consacrer  le  souvenir,  La  loi  du 
43  déc.  1830  accorda  par  suite  une  somme  de  2,400,000  fr. 
pour  être  répartie  en  pensions  ou  secours  (cette  somme  fut 
accrue  par  des  lois  successives);  elle  créa,  en  outre  de  la 
médaille,  une  décoration  spéciale  pour  les  citoyens  qui  se 
seraient  distingués  pendant  les  Glorieuses  et  qui  eurent 
droit  aux  honneurs  militaires  décernés  à  la  Légion  d'hon- 
neur. Enfin  la  loi  du  9  mars  4833  consacra  900,000  fr. 
à  l'érection  d'un  monument  commémoratif  sur  la  place  de 
la  Bastille.  C'est  la  colonne  de  Juillet  qui  s'élève  sur 
les  tombes  de  504  victimes  des  Glorieuses,  et  pour  laquelle 
la  ville  de  Paris  dépensa  de  son  côté  une  somme  considé- 
rable. 

JUILLET  ou,  plus  exactement,  JULIET,  acteur  et 
chanteur  français,  né  à  Paris  en  4755,  mort  d'apoplexie 
foudroyante  à  Paris  le  30  mai  4825.  Après  avoir  été  sol- 
dat, puis  restaurateur,  il  prit  le  parti  du  théâtre  et  joua 
d'abord  la  comédie  en  province.  Engagé,  en  4790,  au 
Théâtre-Français  comique  et  lyrique  de  la  rue  de  Bondy, 
il  y  obtint  un  succès  éclatant  dans  Nicodème  dans  la  lune, 
pièce  du  Cousin-Jacques,  à  laquelle  il  attira  la  foule  pen- 
dant plus  de  cent  représentations.  Ce  succès  le  fit  appeler 
aussitôt  au  théâtre  Feydeau,  rival  du  théâtre  Favart,  où  il 
débuta  dès  l'année  suivante,  et  où  il  eut  des  succès  conti- 
nus. Doué  d'une  voix  de  basse  sans  grand  caractère,  il  était 
chanteur  assez  médiocre,  mais  dans  son  genre  excellent 
comédien,  portant  avec  lui  la  gaieté  et  excitant  irrésistible- 
ment celle  du  public  ;  d'ailleurs,  plein  de  naturel  et  d'ori- 
ginalité. Devenu  sociétaire  de  l'Opéra-Comique  en  4804, 
lors  de  la  fusion  sous  ce  titre  des  deux  théâtres  Favart  et 
Feydeau,  Juliet  y  continua  brillamment  sa  carrière  jusqu'en 
4824,  époque  où  il  prit  sa  retraite. 

JUILLEY.  Com.  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  d'Avran- 
ches,  cant.  de  Ducey  ;  704  hab. 

JUILLY.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  et  cant.  de 
Semur;403  hab. 

JUILLY.  Com.   du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.   de 


-  §83 


JUILLY  —  JUIN 


Meaux,  cant.  de  Dammartin;  1,073  hab.  Stat.  (à  Dam- 
martin)  du  chem.  de  fer  du  Nord.  Une  abbaye  de  chanoines 
réguliers  avait  été  fondée  en  ce  lieu  vers  1182  ;  le  pape 
Urbain  VIII  la  réunit  en  1630  à  la  Congrégation  de  l'Ora- 
toire qui  y  fonda  l'année  suivante  le  collège  qui  devait  avoir 
par  la  suite  une  si  grande  réputation  sous  le  nom  d'Aca- 
démie de  l'Oratoire.  Cet  établissement  fut  supprimé  par  la 
Révolution,  mais  restauré  depuis  et  il  existe  encore  au- 
jourd'hui. F.  BOURNON. 

BiBL.:  Notice  sur  le  collège  de  Juilly  par  un  ancien  élève 
de  cette  Ao.adémie  [le  P.  Adry]  ;  Paris,  1807,  in-8.  —  Ch. 
Hamel,  Histoire  de  l'abbaye  et  du  collège  de  Juilly  ;  Paris, 

1867,  in-8. 

JUIN  (Astron.).  Nom  du  sixième  mois  de  l'année  pen- 
dant lequel  le  soleil  paraît  décrire  le  signe  du  Cancer  ou 
de  VEcrevisse  tandis  que  la  Terre  décrit  en  réalité  celui 
du  Capricorne,  C'est  vers  le  20  juin  que  le  Soleil  atteint 
sa  plus  grande  déclinaison  boréale  :  c'est  l'époque  du  sol- 
stice d'été  (V.  ce  mot). 

Journée  du  20  Juin  1792.—  La  manifestation  de  juin 
dont  nous  avons  relaté  ailleurs  les  causes  (V.  Assemblée, 
t.  IV,  p.  213)  fut  le  prologue  de  la  journée  du  10  août  (Y.  ce 
mot)  où  périt  la  royauté.  Elle  fut  organisée  par  Santerre, 
commandant  du  bataillon  des  Enfants  Trouvés,  par  Four- 
nier  l'Américain,  par  le  fameux  Legendre  et  autres  révo- 
lutionnaires qui  avaient  de  l'influence  sur  les  ouvriers  du 
faubourg  Saint- Antoine.  Robespierre,  Petion,  Manuel  l'ont 
sans  doute  inspirée. 

Le  20  juin,  dès  onze  heures  du  matin,  Santerre  se  met- 
tant à  la  tête  d'un  détachement  d'Invalides,  bientôt  suivi 
de  Saint-IIuruge  et  d'une  trentaine  de  mille  hommes,  se 
dirigea  sur  les  Tuileries,  dans  le  but  apparent  de  planter, 
en  commémoration  du  serment  du  jeu  de  Paume,  un  arbre 
de  la  liberté  et  d'apporter  en  passant  un  hommage  à  l'Assem- 
blée nationale  ;  en  réalité,  pour  présenter,  fût-ce  par  la 
force,  une  adresse  au  roi.  La  garde  nationale  avait  reçu 
l'ordre  de  ne  pas  agir  contre  les  manifestants  :  elle  fit 
mieux,  elle  participa  en  grande  partie  au  mouvement.  San- 
terre et  Saint-Huruge,  précédés  de  quelques  musiciens,  dé- 
filèrent dans  la  salle  des  séances  de  l'Assemblée  nationale, 
avec  toute  leur  armée,  et  l'on  remarque,  dit  le  compte  rendu 
du  Moniteur,  que  «  plusieurs  détachements  de  la  garde 
nationale  armée  sont  confondus  dans  la  foule  ».  A  trois 
heures  et  demie,  ce  défilé  était  terminé.  La  manifestation 
se  dirigea  alors  sur  la  rue  Saint-Honoré,  la  suivit  jusqu'à 
la  porte  des  Feuillants,  força  le  passage  et  tourna  par  le 
Carrousel  où  elle  pénétra,  malgré  les  grenadiers  de  garde 
aux  guichets.  Les  canonniers  du  Val-de-Grâce  braquèrent 
leurs  pièces  sur  la  porto  du  château  qui  fut  aussitôt 
ouverte.  La  foule  encombre  la  cour  ;  une  partie  monte 
aux  appartements  pendant  que  l'autre  hurle.  Le  roi  est 
poussé  dans  une  embrasure  de  fenêtre  où  Legendre  le 
harangue  :  «  Monsieur,  vous  êtes  fait  pour  nous  écouter. 
Vous  êtes  un  perfide.  Vous  nous  avez  toujours  trompés, 
vous  nous  tvompez  encore  ;  mais  prenez  garde,  la  mesure 
est  à  son  comble,  le  peuple  est  las  de  se  voir  votre  jouet.  » 
Pendant  près  de  trois  heures,  Louis  XVI  subit  l'assaut  de 
la  multitude.  Des  énergumènes,  armés  de  piques,  d'épées, 
tentent  de  l'assassiner.  Mais  son  calme  finit  par  agir  sur 
les  plus  exaltés  et  lorsque  enfin  il  a  consenti  à  crier  Vive 
la  Nation  !  et  à  coiffer  le  bonnet  rouge,  on  commence  à 
crier  :  Vive  le  Roi  !  et  on  abandonne  la  place.  Petion  ha- 
rangue le  peuple,  juché  sur  un  fauteuil  :  «  Citoyens,  vous 
venez  de  présenter  légalement  votrt  vœu  au  représentant 
héréditaire  de  la  nation  ;  vous  l'avez  fait  avec  la  dignité, 
avec  la  majesté  d'un  peuple  libre...  Retirez- vous,  et  en 
restant  plus  longtemps,  ne  donnez  pas  occasion  d'incriminer 
vos  intentions  respectables.  »  On  obéit  sans  difficulté  et 
Santerre  s'écrie  :  «  Je  réponds  de  la  famille  royale,  qu'on 
me  laisse  faire  !  »  Il  place  une  haie  de  gardes  nationaux 
devant  le  roi,  et  à  huit  heures  du  soir  le  dernier  manifestant 
a  quitté  les  Tuileries. 

Insurrection  des  5  et  6  Juin  1832.  — Les  obsèques 


du  général  Lamarque  (V.  ce  nom),  le  proscrit  de  la  Res- 
tauration, le  député  libéral  de  Mont-de-Marsan,  Fardent 
défenseur  de  la  Pologne,  donnèrent  lieu,  à  Paris,  à  une 
manifestation  imposante,  qui  fut  surtout  organisée  pour 
protester  contre  la  manifestation  que  le  gouvernement  avait 
provoquée  à  l'occasion  des  obsèques  de  Casimir  Périer. 

Le  5  juin,  le  corps  de  Lamarque  devait  être  transporté, 
par  les  boulevards,  de  la  Madeleine  jusqu'au  pont  d'Aus- 
terlitz  :  l'enterrement  devait  se  faire  à  Mont-de-Marsan. 
Une  foule  immense  précédait  et  suivait  le  char,  avec  des 
bannières,  des  insignes,  des  branches  de  feuillage.  Jus- 
qu'à la  rue  de  la  Paix,  aucun  incident  ne  se  produisit.  Mais 
là,  le  duc  de  Fitz-James,  qui  se  tenait  au  balcon  d'un  cercle, 
ayant  refusé  de  se  découvrir,  des  pierres  furent  lancées 
dans  les  vitres  de  l'immeuble  et  les  cris  séditieux  com- 
mencèrent à  éclater  :  «  A  bas  Louis-Philippe  !  plus  de 
Bourbons!  vive  la  République!  »  Agents  et  gardes  na- 
tionaux échangèrent  des  horions  avec  les  manifestants. 
Boulevard  du  Temple  apparurent  les  élèves  de  FEcole  poly- 
technique qui,  consignés  dès  le  matin,  avaientvoulu  quand 
même  se  joindre  au  cortège.  Une  acclamation  formidable 
les  accueilht.  Enfin,  au  pont  d'Austerlitz  les  orateurs  : 
Lafayette,  Clauzel,  Mauguin,  Saldanha,  Surcognani,  ve- 
naient à  peine  de  prononcer  leurs  discours,  qu'un  cavalier 
parut  tenant  en  main  un  drapeau  rouge  surmonté  d'un 
bonnet  phrygien.  Aux  cris  :  Vive  la  République!  poussés 
par  l'artillerie  de  la  garde  nationale  qui  abandonne  le  gou- 
vernement, les  manifestants  tentent  de  s'emparer  du  corps 
de  Lamarque  pour  le  mener  au  Panthéon.  Les  soldats  de 
l'escorte  déjouent  cette  tentative.  Dès  ce  moment,  c'est  une 
insurrection  qui  éclate  :  les  barricades  surgissent,  le  peuple 
occupe  tout  l'E.  de  Paris  jusqu'à  la  place  des  Victoires,  et 
les  quartiers  compris  entre  la  rue  du  Faubourg-Saint-Jac- 
ques et  le  Jardin  des  Plantes.  Mais  la  répression  devait 
être  vigoureuse  et  ne  rien  présenter  de  ces  incertitudes  qui 
avaient  perdu  Charles  X.  Dès  les  premières  nouvelles  de 
troubles  le  roi  était  revenu  de  Saint-Cloud  à  Paris.  Le  ma- 
réchal Lobau  avait  été  mis  à  la  tête  de  toutes  les  forces 
militaires  de  Paris.  Une  batterie  d'artillerie  fut  placée  au 
Carrousel,  deux  escadrons  de  carabiniers  occupèrent  la 
porte  Saint-Martin,  quatre  compagnies  sous  les  ordres  du 
général  Schramm  s'installèrent  à  l'entrée  de  la  rue  de  Cléry. 
A  six  heures  du  soir,  des  dragons  occupaient  la  place  des 
Victoires.  A  huit  heures,  l'insurrection  était  circonscrite 
entre  les  boulevards,  les  quais,  la  Bastille  et  la  pointe 
Saint-Eustache.  On  se  battit  jusqu'à  minuit.  Le  6  juin, 
dès  quatre  heures  du  matin,  la  lutte  reprenait  de  plus  belle. 
Les  insurgés  s'étaient  fortement  établis  dans  les  rues 
étroites:  Saint-Martin,  Saint-Merry,  Aubry-le-Boucher,  des 
Arcis.  Pour  occuper  l'entrée  du  faubourg  Saint-Antoine, 
Schramm  dut  faire  donner  trois  colonnes.  A  midi,  Louis- 
Philippe  fit  une  démonstration  personnelle  qui  produisit 
grand  effet  :  il  parcourut  à  cheval  la  ligne  des  boulevards, 
la  place  de  la  Bastille,  le  faubourg  Saint-Antoine,  revint 
jusqu'aux  quais.  Mais  l'église  Saint-Merry  tenait  toujours. 
On  dut  employer  le  canon  pour  battre  en  brèche  les  barri- 
cades qui  la  protégeaient.  Elles  furent  enlevées  vers  quatre 
heures  à  la  baïonnette,  après  un  combat  acharné  et  des 
plus  sanglants.  Le  gouvernement  était  vainqueur,  mais 
huit  cents  morts  et  blessés  demeuraient  sur  le  terrain.  Voici 
quelles  furent  les  suites  de  sa  victoire  :  un  mandat  d'arrêt 
fut  lancé  contre  Armand  Carrel{Y,  ce  nom);  de  nom- 
breuses arrestations  furent  opérées,  des  journaux  de  l'op- 
position saisis;  Paris  mis  en  état  de- siège  (7  juin),  mais, 
la  cour  de  cassation  s'étant  prononcée  contre  cette  mesure, 
elle  fut  rapportée  et  les  accusés  envoyés  devant  le  jury  qui 
prononça  82  condamnations,  dont  17  à  mort,  commuées  en 
déportation.  Des  ordonnances  prononcèrent  la  dissolution 
de  l'Ecole  polytechnique,  de  l'Ecole  vétérinaire  d'Alfort,  de 
l'artillerie  de  la  garde  nationale.  D'autre  part,  les  victimes 
des  journées  de  juin  obtinrent  des  concessions  de  places 
d'honneur  dans  les  cimetières  (ordonn.  du  10  juii.  1832), 
des  pensions  (ordonn.  du  13  déc.  1833,  lois  du  21  avr.1833 


JUIN 


284 


et  du  20  juin  i836),  et  un  grand  nombre  de  décorations 
furent  distribuées  aux  défenseurs  de  Tordre. 

Journées  de  Juin  1848.  —  Cette  insurrection  est  née 
de  la  conception  si  fausse  des  ateliers  nationaux  (V.  ce 
mot)  et  de  la  proclamation  du  droit  au  travail.  Le  gouver- 
nement provisoire,  fort  embarrassé  de  cette  armée  de 
420,000  travailleurs  qui  ne  produisaient  guère  de  travail 
effectif  et  dont  l'entretien  était  très  onéreux,  se  décida  le 
21  juin  à  prendre  des  mesures  énergiques.  Un  arrêté  de  la 
commission  executive,  inséré  au  Moniteur  du  22,  ordonna 
purement  et  simplement  le  départ  pour  la  province  ou  l'en- 
rôlement militaire  des  ouvriers.  «  Le  public  —  disait-elle 
—  et  les  ouvriers  eux-mêmes  verront  avec  plaisir  que 
par  cette  mesure  on  commence  enfin  la  solution  de  cette 
grave  question.  »  Ce  pouvait  être  en  effet  l'opinion  du  grand 
public,  mais  non  celle  des  ouvriers.  Dès  le  22  au  soir,  ils 
firent  une  vaste  manifestation  qui,  partie  de  la  place  de  la 
Bastille,  parcourut  les  rues  avec  des  torches.  Le  lendemain 
23,  à  six  heures  du  matin,  ils  se  réunirent  sur  la  place  du 
Panthéon.  Le  commissaire  de  police  voulut  dissiper  ce  ras- 
semblement et  manqua  d'être  tué.  Des  barricades  surgirent 
place  du  Panthéon  à  l'entrée  de  la  rue  Souiflot,  rue  Saint- 
Etienne-du-Mont,  rue  Saint-Jacques  ;  l'insurrection  gagna 
bientôt  tout  Paris  (barricades,  faubourg  Saint-Martin,  tour 
Saint-Jacques,  Popincourt,  porte  Saint-Denis,  faubourg 
Poissonnière,  La  Villette).  Le  combat  s'engage  entre  la 
garde  nationale  et  les  insurgés  qui  s'emparent  des  mairies 
des  VIII®  et  IX*^  arrondissements,  réduisent  à  l'inaction  un 
bataillon  de  ligne  place  des  Vosges.  Cavaignac,  ministre  de 
la  guerre,  avait  à  peu  près  50,000  hommes  à  sa  disposi- 
tion. Il  organise  trois  colonnes  :  l'une,  confiée  à  Lamori- 
cière,  est  chargée  de  s'emparer  de  la  porte  Saint-Denis  et 
de  marcher  sur  la  Bastille  ;  la  seconde,  dirigée  par  Bedeau, 
occupe  l'Hôtel  de  Ville;  la  troisième,  commandée  par  Da- 
mesme,  commandant  de  la  garde  mobile,  doit  opérer  sur  la 
rive  gauche.  Une  sorte  de  grand  camp,  établi  entre  les 
quais,  les  Champs-Elysées,  îa  Concorde,  l'Ecole  militaire, 
les  Invalides,  protège  l'Assemblée  nationale.  A  onze  heures 
la  barricade  de  la  porte  Saint-Denis  était  enlevée,  après  un 
combat  acharné  et  des  plus  meurtriers,  par  la  garde  natio- 
nale qui  s'empara  aussi  de  celle  du  faubourg  Poissonnière. 
A  la  même  heure,  Arago  enlevait  celle  de  la  mairie  du  Pan- 
théon. Le  général  Bedeau,  parti  de  l'Hôtel  de  Ville,  dut 
employer  le  canon  pour  enlever  la  barricade  du  Petit-Pont 
à  l'entrée  de  la  rue  Saint-Jacques.  Il  y  fut  blessé  ainsi  que 
Bixio.  La  rue  Saint-Jacques  était  dégagée.  Mais  une  forte 
barricade  entre  la  rue  Saint-Jacques  et  la  rue  de  La  Harpe 
ne  put  être  prise  qu'à  trois  heures.  Cependant  Lamoricière 
arrivait  difficilement  jusqu'au  Château-d'Eau  et  était  forcé 
de  demander  du  renfort,  car  les  barricades  qu'il  enlevait 
retombaient  presque  aussitôt  au  pouvoir  des  insurgés.  Ca- 
vaignac marcha  à  son  secours.  La  formidable  barricade 
élevée  au  croisement  de  la  rue  Saint-Maur  et  du  faubourg 
du  Temple  fut  défendue  avec  une  furieuse  énergie.  Le 
combat  cessa  à  la  nuit  :  tout  demeurait  en  suspens,  les 
insurgés  n'avaient  reculé  que  de  quelques  pas.  Cavaignac 
consacra  toute  la  nuit  à  visiter  les  positions  les  plus  im- 
portantes: l'Hôtel  de  Ville  oti  il  remplaça  Bedeau,  blessé, 
par  le  général  Duvivier,  l'Ecole  de  médecine,  etc.,  et  à  or- 
ganiser un  convoi  pour  ramener  de  Vincennes  des  munitions 
qui  commençaient  à  manquer. 

Le  24,  la  lutte  recommence  dès  trois  heures  du  matin. 
Tout  d'abord  l'insurrection  s'empare  de  la  caserne  des 
Minimes,  pénètre  dans  la  place  Royale  et  menace  l'Hôtel 
de  Ville.  Cavaignac,  ayant  reçu  de  l'Assemblée  les  pouvoirs 
les  plus  étendus,  accorde  une  heure  de  trêve  et  lance  des 
proclamations  pour  sommer  les  insurgés  de  mettre  bas  les 
armes.  Ces  proclamations  sont  portées  par  des  représentants 
du  peuple  aux  quartiers  généraux  de  Damesme,  Duvivier  et 
Lamoricière.  Mais  elles  ne  produisirent  aucun  effet,  et  à  onze 
heures  le  combat  était  repris.  Le  général  Duvivier,  bloqué 
dans  l'Hôtel  de  Ville  cherche  à  se  dégager.  Du  côté  du  quai, 
il  n'obtint  aucun  succès  malgré  une^  canonnade  et  une  fu- 


sillade continues.  Sur  les  autres  faces  il  fut  plus  heureux, 
s'empara  des  barricades  Saint-Merry  et  Sainte-Avoye  et 
lança  deux  colonnes,  l'une  par  la  rue  Saint-Martin,  l'autre 
parla  rue  du  Temple  qui  purent  opérer  leur  jonction  avee 
Lamoricière  au  Chàteau-d'Eau.  Au  faubourg-  Poissonnière, 
on  passa  toute  la  journée  à  enlever  les  barricades  qui  pro- 
tégeaient la  forte  position  du  clos  Saint-Lazare.  Au  Pan- 
théon, Damesme  obtenait  des  résultats  plus  décisifs  :  il  s'em- 
para vers  midi  de  la  place  Maubert,  et,  après  de  nombreux 
assauts  et  l'emploi  réitéré  de  l'artillerie  du  Panthéon  (midi 
et  demi),  débarrassa  les  rues  de  la  Montagne-Sainte-Gene- 
viève, des  Carmes,  de  l'Ecole-Polytechnique,  etc.  Il  com- 
mandait l'attaque  des  barricades  de  la  rue  de  l'Estrapade, 
lorsqu'il  fut  grièvement  blessé  (il  mourut  le  29  juiL).  Il 
fut  remplacé  par  le  général  Bréa,  qui  le  soir  avait  em- 
porté la  barricade  de  la  rue  Mouffetard  et  touchait  au  Jar- 
din des  Plantes.  Cependant  les  gardes  nationales  des  dépar- 
tements arrivaient  sans  cesse  au  secours  du  gouvernement 
et  l'insurrection  ne  recevant  aucun  secours,  on  pouvait 
prévoir  dès  le  24  que  la  victoire  resterait  au  gouvernement. 
Mais  il  dut  chèrement  l'acheter. 

Le  25,  Cavaignac  lança  une  nouvelle  proclamation  aux 
ouvriers  :  «  Venez  à  nous,  venez  comme  des  frères  repen- 
tants et  soumis  à  la  loi,  et  les  bras  de  la  République  sont 
tout  prêts  à  vous  recevoir.  »  Comme  les  précédentes,  elle 
fut  inutile.  Lamoricière  s'attacha  à  la  prise  du  clos  Saint- 
Lazare.  Il  y  réussit,  gagna  le  faubourg  du  Temple,  le  bou- 
levard des  Filles-du-Calvaire,  avançant  pas  à  pas  avec  les 
plus  grandes  difficultés.  De  son  côté,  Duvivier  avançait  avec 
la  même  lenteur,  occupait  la  caserne  des  Célestins  qui  était 
sur  le  point  de  succomber,  enlevait  une  à  une  toutes  les 
barricades  élevées  rue  Saint-Antoine  et  arrivait  presque  à 
la  Bastille  vers  midi.  Il  fut  blessé  mortellement  à  l'une  de 
ces  attaques.  La  Bastille  était  hérissée  de  formidables  ou- 
vrages de  défenses,  notamment  une  barricade  colossale  qui 
barrait  l'entrée  du  faubourg  Saint-Antoine.  Pendant  huit 
heures,  l'artillerie  vomit  des  projectiles  contre  cette  bar- 
ricade et  les  maisons  avoisinantes  sans  résultats  appré- 
ciables. Le  général  Négrier,  qui  avait  succédé  à  Duvivier, 
était  tué.  On  cessa  le  feu  à  huit  heures  du  soir.  Cependant, 
sur  la  rive  gauche,  le  général  Bréa,  ayant  terminé  de  dé- 
blayer la  rue  Mouffetard,  avait  remonté  avec  2,000  hommes 
la  rue  du  Faubourg-Saint-Jacques,  il  avait  obtenu  sans 
coup  férir  la  reddition  de  la  barrière  Saint- Jacques,  celle 
de  la  barrière  d'Enfer,  celle  de  la  barrière  de  la  Glacière. 
Mais  il  fut  assassiné  à  la  barrière  de  Fontainebleau  où  il 
continuait  son  rôle  de  pacificateur.  Vers  six  heures,  le 
colonel  Thomson  enlevait  la  barricade  sans  combat.  A  peu 
près  à  la  même  heure,  M»^  Afi're  avait  été  mortellement 
blessé  au  faubourg  Saint- Antoine,  dernier  refuge  de  l'insur- 
rection. 

Pendant  toute  la  nuit  on  essaya  inutilement  de  négocier. 
Des  représentants  se  dévouèrent,  se  rendirent  aux  barri- 
cades, courant  les  plus  grands  dangers.  Ils  réussirent  à  se 
faire  livrer  sans  combat  la  barricade  de  la  place  du  Trône. 
Mais,  sur  d'autres  points,  la  lutte  continuait  avec  un  achar- 
nement exaspéré.  Lamoricière  n'obtint  la  soumission  du 
quartier  Popincourt  qu'après  avoir  éprouvé  des  pertes  sé- 
rieuses et  à  une  heure  et  demie  de  l'après-midi.  Cavaignac 
lança  aussitôt  cette  proclamation  :  «  Citoyens,  soldats  î  La 
cause  sacrée  de  la  République  a  triomphé.  Votre  dévouement, 
votre  courage  inébranlable  ont  déjoué  de  coupables  pro- 
jets, fait  justice  de  funestes  erreurs.  Au  nom  de  la  patrie, 
au  nom  de  l'humanité,  soyez  remerciés  de  vos  efforts,  soyez 
bénis  pour  ce  triomphe  nécessaire.  Ce  matin  encore,  l'émo- 
tion de  la  lutte  était  légitime,  inévitable  ;  maintenant,  soyez 
aussi  grands  dans  le  calme  que  vous  l'avez  été  dans  le  com- 
bat. Dans  Paris  je  vois  des  vainqueurs  et  des  vaincus  ;  que 
mon  nom  reste  maudit  si  je  consentais  à  y  voir  des  vic- 
times. La  justice  aura  son  cours.  Qu'elle  agisse  ;  c'est  votre 
pensée,  c'est  la  mienne.  »  Cependant  la  lutte  ne  prit  réel- 
lement fin  qu'à  huit  heures  du  soir,  après  la  prise  des  bar- 
ricades de  La  Villette  par  le  général  Lebreton. 


En  dépit  des  proclamations  de  Cavai^nac,  la  répression 
fut  atroce.  Les  prisonniers  furent  maltraités,  entassés  dans 
des  locaux  trop  étroits  où  beaucoup  périrent  étouffés.  Une 
horrible  boucherie  eut  lieu  le  26  à  minuit  sur  la  place  du 
Carrousel.  Des  12,000  personnes  arrêtées,  la  plupart  fu- 
rent emprisonnées  dans  les  forts,  examinées  par  des  com- 
missions militaires  et  jugées  par  des  conseils  de  guerre. 
Plusieurs  milliers  condamnées,  contre  tout  droit,  à  la  trans- 
portation  par  les  commissions  militaires,  furent  entassées 
sur  les  pontons.  Les  conseils  de  guerre  appliquèrent  la 
peine  des  travaux  forcés  sans  mesure  et  sans  contrôle. 
6,374  prisonniers  avaient  été  relâchés.  L'armée  et  la  garde 
comptaient  plus  de  i,600  morts,  Finsurrection  plus  de 
2,000.  Beaucoup  de  journaux  furent  suspendus;  une  loi 
rétablit  le  cautionnement  pour  la  presse  politique.  Emile  de 
Girardin  fut  arrêté.  La  garde  nationale  fut  en  partie  dé- 
sarmée. Enfin  Cavaignac  fut  élevé  à  la  présidence  du  con- 
seil des  ministres. 

Le  gouvernement  adopta  les  veuves  et  les  enfants  de  ceux 
qui  avaient  succombé  pour  sa  défense  (24  juin  1848),  or- 
donna (3  juil.  1848)  la  célébration  à  Paris  d'une  cérémo- 
nie funèbre,  à  laquelle  assistèrent  l'Assemblée  nationale  et 
tous  les  corps  constitués  (6  juil.)  et  des  services  funèbres  en 
l'honneur  des  victimes  dans  toutes  les  communes  de  France. 
75.000  fr.  furent  prévus  pour  cette  cérémonie.  Des  secours 
extraordinaires  furent  distribués  aux  pauvres (25  juin),  aux 
gardes  nationaux  blessés  (29  juin),  aux  citoyens  du  dép. 
de  la  Seine  (10  août  et  19  sept,),  un  crédit  de  3  millions 
ouvert  aux  associations  ouvrières  (5  juil.).  En  1856  en- 
core, on  accordait  14,883  fr.  35  à  titre  de  pension  à  des 
blessés  de  juin.  Mais  même  en  additionnant  tous  ces  chiffres 
on  n'obtiendrait  pas  la  valeur  approximative  des  pertes 
causées  par  cette  redoutable  insurrection. 

Nous  avons  négligé  à  dessein  le  récit  du  contre-coup  des 
événements  sur  1  Assemblée  nationale.  On  le  trouvera  au 
mot  Assemblée  (t.  IV,  p.  217). 

Journée  du  13  Juin  1849.  •—  Nous  avons  indiqué 
dans  l'art.  Assemblée  législative  (t.  IV,  pp.  219-220)  les 
causes  entièrement  politiques  de  cette  insurrection  et  montré 
comment  les  membres  de  la  gauche  socialiste  avaient  résolu 
de  faire  appel  au  peuple  contre  les  décisions  de  la  majorité, 
relatives  à  l'expédition  de  Rome.  Le  12  juin  au  soir,  qua- 
rante membres  de  la  Montagne,  des  délégués  de  la  presse 
et  du  comité  des  25,  se  réunirent  6,  rue  du  Hasard,  et  ré- 
digèrent des  proclamations,  celle-ci  entre  autres.  «  Nous 
disons  au  peuple  de  se  tenir  prêt  à  faire  son  devoir  ;  la 
Montagne  fera  le  sien  jusqu'au  bout,  nous  avons  sa  parole; 
tous  les  républicains  se  lèveront  comme  un  seul  homme.  » 
Les  journaux  :  la  Vraie  République^  la  Révolutioîi  dé-^ 
mocratique^  la  Démocratie  pacifique  renchérirent  encore. 
On  se  décida  pour  une  manifestation  pacifique  sur  les 
grands  boulevards.  Le  13,  dès  neuf  heures  et  demie  à  midi, 
un  rassemblement  immense  se  forma  sur  la  place  du  Châ- 
teau-d'Eau.  Il  s'organisa  ensuite  en  colonne  et  marcha  par 
les  boulevards  sur  le  Palais-Bourbon. 

Dès  le  10,  Changarnier  avait  rassemblé  à  Paris  des 
troupes  venues  d'Evreux,  de  Versailles  et  d'autres  garni- 
sons prochaines.  Elles  étaient  massées  à  la  barrièVe  du 
Trône.  La  Bastille,  le  Panthéon,  le  Palais-Bourbon  furent 
occupés.  Le  13,  vers  une  heure  de  l'après-midi,  trois  co- 
lonnes, dragons,  gendarmes  et  chasseurs  à  pied,  furent 
lancées  à  la'^rencontre  de  la  manifestation  et,  la  chargeant 
à  la  hauteur  de  la  rue  de  la  Paix,  la  coupèrent  en  tron- 
çons qui  se  rejettent  affolés  dans  les  rues  adjacentes  aux 
boulevards.  La  troupe  parvient  sans  difficultés  jusqu'à  la 
porte  Saint-Denis,  après  avoir  enlevé  des  barricades  sans 
importance.  Cependant  les  manifestants  continuent  à  faire 
du  désordre  dans  les  rues,  pillant  les  armuriers,  désarmant 
les  gardes  nationaux,  criant:  Aux  armes!  vive  la  Constitu- 
tion !  et  parviennent  à  se  réunir  rue  du  Hasard  où  Ledru- 
Rollin,  se  mettant  à  leur  tête,  marche  sur  le  Conservatoire 
des  arts  et  métiers  qui  est  bientôt  envahi  et  où  s'installe 
une  sorte  de  Convention.  Quatre  barricades  sont  élevées 


-  285  -  JUIN  -  JUJUBIER 

pour  protéger  le  Conservatoire.  Des  émissaires  sont  envoyés 
dans  tous  les  quartiers  populeux  pour  recruter  une  armée 
à  la  Convention.  Mais  rien  ne  bouge.  Sur  ces  entrefaites, 
une  compagnie  de  la  6®  légion  s'empare  sans  grand'peine 
de  la  barricade  de  la  rue  Saint-Martin,  se  fait  soutenir  par 
le  62®  de  ligne  et  pénètre  dans  le  Conservatoire  vers 
trois  heures.  Les  représentants  et  les  insurgés  s'enfuient. 
L'émeute  était  étouffée  :  elle  n'avait  pas  fait  beaucoup  de 
victimes.  Il  y  eut  des  troubles  à  la  même  date  en  plusieurs 
villes  de  province  :  à  Reims,  à  Lille,  à  Dijon,  à  Amiens, 
à  Strasbourg,  à  Bordeaux,  à  Toulouse,  à  Perpignan,  etc., 
mais  ils  n'eurent  quelque  gravité  qu'à  Lyon. 

L'insurrection  du  13  juin  eut  les  mêmes  conséquences 
que  les  précédentes  :  poursuites  contre  des  représentants  et 
des  journalistes  ;  lois  contre  la  presse  et  la  liberté  de  réu- 
nion ;  dissolution  des  gardes  nationales;  état  de  siège  et, 
d'autre  part,  remerciements  et  pensions  aux  défenseurs  de 
l'ordre. 

J  U I N  E.  Rivière  de  France  (V.  Loiret  et  Seinë-et-Oise). 

JUIST.  Ile  de  la  mer  du  Nord,  province  de  Hanovre, 
présidence  d'Aurich,  l'une  des  sept  îles  sablonneuses  qui 
bordent  les  côtes  de  la  Frise  orientale.  Longueur,  12  kil.; 
superficie,  6  kil.  q.;  population,  172  hab.  Station  de  sau- 
vetage pour  les  nauvragés . 

JUJOLS.  Com.  du  dép.  des  Pyrénées-Orientales,  arr. 
de  Prades,  cant.  d'Olette  ;  148  hab. 

JUJUBE  (Pâte  de)  (Pharm.).  Voici  la  formule  qui  a 
été  adoptée  par  le  codex  de  1884  : 

Jujubes  incisés,  privés  de  leurs  noyaux.        500  gr. 

Gomme  arabique 2 .  000  — 

Sucre  blanc 2.000  — 

Eau  filtrée 3.500  — 

Eau  distillée  de  fleurs  d'oranger 200  — 

On  fait  infuser  les  fruits  dans  la  quantité  d'eau  prescrite, 
on  passe  avec  expression  et  on  fait  fondre  dans  l'infusé 
la  gomme  préalablement  lavée  à  Peau  froide.  On  passe 
à  travers  une  toile  serrée  ;  on  fait  fondre  le  sucre  au 
bain-marie,  on  ajoute  l'eau  de  fleur  d'oranger  et  on  en- 
tretient le  tout  au  bain-marie  bouillant.  Lorsque  la  con- 
centration est  suffisante,  l'écume  est  enlevée  et  le  liquide 
visqueux  est  coulé  dans  des  moules  en  fer-blanc,  légè- 
rement huilés  ou  passés  au  mercure.  On  achève  l'évapo- 
ration  à  l'étuve,  en  prenant  soin  de  retourner  la  pâte  de 
temps  en  temps,  afin  d'éviter  la  présence  des  bulles  d'air. 
Pour  obtenir  une  pâte  transparente,  il  faut  se  servir  de 
gomme  arabique  de  belle  qualité  et  opérer  l'évaporation  à 
une  température  modérée.  Soubeiran  supprime  les  jujubes, 
ce  qui  donne  une  pâte  de  gomme  transparente.  Si  on  tient 
à  les  conserver,  comme  le  fait  le  codex,  il  faut  préférer 
l'infusé  au  décocté,  recommandé  autrefois,  inciser  les  fruits 
et  les  priver  de  leurs  noyaux.  En  remplaçant  le  sucre  blanc 
par  les  sirops  de  mou  de  veau,  de  violettes,  de  thridace, 
de  coquelicot,  d'orgeat,  de  guimauve,  etc.,  on  obtient  les 
pâtes  de  mou  de  veau,  de  violettes,  etc.  Il  est  bon  de  les 
mettre  au  candi  pour  assurer  leur  conservation,  car  elles 
sont  toutes  plus  ou  moins  hygroscopiques.  Toutes  ces  pâtes 
sont  béchiques,  calmantes,  adoucissantes.  E.  Bourgoin. 
JUJUBIER.  L  Botanique.  —  (Zizyphus  T.).  Genre  de 
Rhamnacées,  du  groupe  des  Rhamnées,  à  périanthe  penta- 
mère  avec  ou  plus  rarement  sans  corolle.  Les  étamines,  au 
nombre  de  cinq,  sont  superposées  aux  pétales  ;  l'ovaire  est 
à  2-4  loges  uniovulées  ;  le  fruit  est  une  drupe.  Les  Jujubiers 
sont  des  arbres  ou  des  arbustes  répandus  dans  les  régions 
chaudes  du  globe.  Leurs  feuilles  sont  alternes,  souvent  co- 
riaces, et  accompagnées  de  deux  stipules  qui  se  modifient 
en  épines  droites  ou  crochues.  Les  fleurs  petites,  souvent 
jaunâtres,  forment  des  cymes  axillaires,  parfois  ombelli- 
formes.  On  emploie  en  médecine,  sous  le  nom  de  jujubes, 
les  fruits  drupacés  du  Zizyphus  vulgaris  Lamk  {Rham- 
nus  zizyphus  L.),  originaire  de  la  Syrie,  croit-on.  Mûrs, 
ils  sont  rouge  sombre,  ovoïdes,  des  dimensions  d'une  oUve; 
le  mésocarpe,  pulpe  sucrée  et  mucilagineuse,  constitue  la 


JUJUBIER  —  JULES 


286 


seule  partie  active  des  Jujubes;  le  noyau  est  très  résistant. 
Le  Z.  lotos  Desf.,  des  côtes  de  Tunisie,  a  des  fruits  comes- 
tibles presque  sphériques.  Le  Z.  jujuba  Lamk  est  une 
espèce  indo-chinoise,  assez  souvent  cultivée  dans  nos  jar- 
dins botaniques  ;  ses  fruits  oliviformes  sont  comestibles, 
Fécorce  est  astringente.  Le  Z.  chinensis  Lamk  possède 
des  fruits  comestibles  qu*on  substitue  souvent  aux  vrais 
jujubes.  Le  Z.  spina-ckristiW,,  de  l'Egypte  et  de  la  Pa- 
lestine, a  un  fruit  astringent  employé  par  les  Arabes  comme 
tonique  et  fébrifuge.  Nous  ne  citerons  pas  les  autres  es- 
pèces dont  le  fruit  est  généralement  astringent,  tonique, 
dépuratif,  etc.  D^L.  Hn. 

IL  Arborigultuîie.  —  Ce  petit  arbre  est  cultivé  pour  ses 
fruits  dans  le  midi  de  la  France  et  en  Algérie.  Mais  les 
surfaces  consacrées  à  sa  culture  sont  restreintes  et  c'est 
par  pieds  isolés  qu'on  le  trouve  le  plus  souvent  dans  les 
jardins.  Le  jujubier  vient  dans  les  sols  médiocres,  mais  il 
y  produit  peu,  et  dans  les  bons  terrains  ce  n'est  guère  que 
vers  trente  ans  qu'il  donne  des  fruits  abondants.  On  élève 
le  jujubier  sur  une  seule  tige  et  sa  cime  prend  d'elle-même 
une  forme  arrondie.  La  multiplication  s'obtient  à  l'aide  de 
ses  drageons.  Hors  de  la  région  méditerranéenne  le 
jujubier  n'est  plus  qu'un  arbre  d'ornement  sans  grand  in- 
térêt. G.  B. 

JUJURIEUX  (Jusirlacum ,  Jusireiis ,  Juzu rieu) .  Com . 
du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Nantaa,  cant.  de  Poncin  ;  2,737 
hab.  Il  y  a  à  Jujurieux  une  importante  usine  de  moulinage 
de  soie.  Ancienne  paroisse  sous  le  vocable  de  saint  Etienne, 
relevant  de  l'abbaye  d'Ambronay  qui  y  avait  un  prieuré. 

JUJUY.  Ville.  — -  San  Salvador  de  Jujuy  est  la  cap. 
de  l'Etat  de  Jujuy,  située  à  dr.  du  rio  Grande,  à  1,240  m. 
d'alt.  ;  5,000  hab.  C'est  une  ville  bien  bâtie  avec  de  beaux 
jardins,  qu'un  chemin  de  fer  relie  à  Buenos  Aires.  Elle 
fait  beaucoup  de  commerce  avec  le  Chili  et  la  Bolivie  aux- 
quels elle  vend  ses  bestiaux,  ses  bêtes  de  somme,  son  eau- 
de-vie,  des  peaux,  des  fruits,  du  sel.  —  Elle  fut  fondée 
en  1592  par  Velazco. 

Etat.  —  Etatde  la  République  Argentine,  62,332  kil.q.; 
66,000  hab.  (en  1882).  Situé  au  N.-O.  de  l'Argentine, 
confinant  au  N.  et  à  l'O.  à  la  Bolivie,  au  S.  et  à  l'E.  à 
l'Etat  de  Salta,  il  comprend  deux  parties  très  distinctes  : 
1°  au  N.-O.  le  plateau  de  la  Puna  de  Jujuy  qui  prolonge 
les  hautes  terres  boliviennes  et  dont  l'ait,  est  de  3,500  m.  ; 
cette  région,  au  climat  froid  et  sec,  est  presque  déserte  ;  on 
l'appelle  despoblado;  il  y  croit  surtout  des  cactus;  2^  à 
l'E.  de  belles  vallées  encaissées  entre  des  chaînons  monta- 
gneux allongés  du  N.  au  S.,  ont  un  climat  chaud  et  humide 
et  sont  très  fertiles  ;  les  principales  vallées  sont  celles  du  rio 
Grande  et  la  Quebrada  de  Himahuaca.  —  La  population  est 
formée  surtout  de  métis,  de  blancs  et  d'Indiens  de  la  tribu 
Calchaqui;  ces  derniers  sont  encore  à  peu  près  purs  dans 
les  plateaux  supérieurs,  et  beaucoup  ne  comprennent  pas 
l'espagnol.  Dans  la  Puna,  les  Indiens  très  clairsemés  élè- 
vent des  moutons  et  des  lamas.  Dans  les  vallées  orien- 
tales l'irrigation  assure  la  prospérité  des  cultures  (maïs, 
blé,  riz,  canne  à  sucre,  tabac,  etc.).  Les  richesses  minières 
sont  jusqu'à  présent  médiocres  :  un  peu  d'or  et  de  sel,  etc. 

JULEP  (Pharm.).  Les  potions  transparentes  destinées 
à  être  prises  par  cuillerées  à  bouche  prennent  le  nom  de 
julep.  Les  juleps  sont  constitués  par  de  l'eau  et  des  sirops. 
Autrefois,  chez  les  anciens,  ils  ne  contenaient  que  de  l'eau 
et  des  mellites,  notamment  du  miel  rosat  (en  arabe,  jelâb  ; 
gulj  rose,  àp,  eau).  Aujourd'hui,  on  ne  donne  guère  le 
nom  de  julep  qu'aux  deux  préparations  suivantes,  qui  ser- 
vent de  véhicules  aux  autres  potions  dans  les  hôpitaux  de 
Paris  : 

Julep  gommeux 

Gomme  arabique  pulvérisée 10  gr. 

Sirop  de  gomme 30  — 

Eau  distillée  de  fleurs  d'oranger 40  — 

Eau  filtrée.. .  * 100  — 

On  triture  la  gomme  avec  le  sirop  et  on  y  ajoute  les  deux 


liquides.  Dans  les  hôpitaux,  où  ce  produit  se  prépare  en 
grande  quantité  chaque  matin,  on  emploie  la  gomme  en- 
tière ;  on  la  dissout  dans  l'eau  froide,  on  passe,  on  ajoute 
le  sirop,  puis  l'eau  aromatique. 

Julep  calmant 

Sirop  d'opium 10  gr. 

Eau  distillée  de  fleurs  d'oranger. ...  20  — 

Eau  distillée  de  tilleul 120  — 

Mélangez.  —  Les  deux  préparations  qui  précèdent  ne  dif- 
fèrent pas  en  réalité  des  potions  ordinaires,  dans  lesquelles 
il  n'entre  pas  de  matières  émulsives.         E.  Bourgoin. 

JULES  l«r  (Saint),  36^  pape,  élu  le  6  févr.  337,  mort 
le  12  avr.  352.  Fête  le  12  avr.  Il  accueiUit  avec  bienveil- 
lance Athanase  qui  s'était  réfugié  auprès  de  lui,  vers  340. 
A  la  fin  de  l'année  suivante,  un  concile  tenu  à  Rome,  dé- 
clara mal  fondées  les  accusations  portées  contre  cet  évêque 
et  contre  Marcel  d'Ancyre.  Aussitôt  après,  Jules  adressa 
aux  éyèques  d'Orient  une  lettre  dans  laquelle  il  défendait 
énergiquement  la  légitimité  de  cette  procédure  et  la  valeur 
de  la  sentence  prononcée.  Ce  jugement  fut  confirmé  par  le 
concile  de  Sardique  (343)  lequel  décida,  en  outre,  sur  la 
proposition  de  Hosius,  afin  d'honorer  la  mémoire  du  bien- 
heureux apôtre  Pierre  et  l'évêque  Jules,  qu'un  évêque  con- 
damné et  déposé  par  les  évêques  de  sa  province  pourrait 
faire  appel  à  l'évêque  de  Rome.  Si  celui-ci  estimait  qu'il  y 
avait  lieu  de  recevoir  cet  appel,  il  commettrait  les  évêques 
d'une  province  voisine  pour  procéder  à  un  nouvel  examen 
de  la  cause  et  rendre  un  jugement  définitif;  dans  cette 
instance,  il  pourrait  déléguer  des  prêtres  a  suo  latere 
pour  surveiller  la  procédure,  et  même  adjoindre  aux  juges 
des  assesseurs  désignés  par  lui.  Lorsque  Athanase  fut  au- 
torisé à  rentrer  à  Alexandrie,  Jules  écrivit  aux  Alexan- 
drins pour  les  féliciter  de  leur  fidélité  et  du  retour  de  leur 
évêque.  E.-H.  Vollet. 

JULES  II  [Giuliano  délia  i^ou^r^),223®  pape,  élu  le 
1«^  nov.  1503,  mort  le  20  févr.  1513.  R  était  né  au  bourg 
d'Mbizale,  près  de  Vérone,  en  une  année  diversement  dé- 
signée (1441  ou  1443),  fils  d'un  frère  de  Sixte  IV,  de 
pauvre  famille  de  pêcheurs,  suivant  plusieurs  historiens, 
ou,  suivant  quelques  autres,  de  l'illustre  maison  délia 
Rover  e.  Il  semble  que  cette  dernière  famille  reconnut  la 
parenté,  après  l'élévation  de  Sixte  IV.  Son  oncle  le  fit  suc- 
cessivement évêque  de  Carpentras,  cardinal-prêtre  au  titre 
de  Saint-Pierre-aux-Liens,  archevêque  d'Avignon  (1475) 
et  cardinal-évêque  d'Ostie.  En  1480,  il  fut  envoyé  comme 
légat  en  France,  où  il  demeura  pendant  quatre  années.  Son 
influence  ne  paraît  point  avoir  diminué  sous  Innocent  VIII, 
mais  elle  le  mit  en  conflit  avec  Roderic  Borgia.  Lorsque 
celui-ci  devint  le  pape  Alexandre  VI,  Julien  se  retira  à 
Ostie,  et  quelques  mois  après  en  France,  oii  il  excita 
Charles  VIII  à  entreprendre  la  conquête  du  royaume  de 
Naples.  Il  l'accompagna  dans  son  expédition  et  travailla  à 
la  convocation  d'un  concile  pour  juger  et  déposer  Alexandre. 
A  la  mort  de  ce  pape,  il  soutint  la  candidature  d'Antoine 
Todeschini  (Pie  III),  pour  écarter  celle  du  cardinal  d'Am- 
boise,  qu'il  avait  pourtant  incitée  précédemment.  Pie  III 
était  atteint  d'une  maladie  incurable,  dont  il  mourut 
quelques  mois  après  (15  oct.  1503).  Julien  fut  élu  pour  le 
remplacer  et  prit  le  nom  de  Jules,  comme  hommage  à  Jules 
César  dont  il  admirait  le  génie.  Ses  adversaires  prétendi- 
rent qu'il  devait  sa  nomination  à  des  moyens  audacieuse- 
ment  simoniaques  et  à  la  faveur  de  César  Borgia,  à  qui  il 
avait  fait  les  plus  séduisantes  promesses.  On  dit  même 
qu'il  avait  réussi  à  lui  persuader  qu'il  était  son  propre 
père,  ayant  été  l'amant  de  Vanozza  en  même  temps  que 
Alexandre.  D'où  la  haine  de  son  rival.  Pour  faire  face  à 
ces  accusations  ou  pour  mettre  un  frein  à  l'ambition  des 
autres,  la  sienne  étant  satisfaite,  il  publia  une  bulle 
(14  janv.  1505)  déclarant  nulle  toute  élection  obtenue  par 
simonie  et  ordonnant,  dans  ce  cas,  de  poursuivre  l'élu 
comme  hérétique  et  d'employer  contre  lui  le  bras  séculier. 
Dès  son  avènement,  Jules  se  proposa  de  faire  apparaître 


-  287 


JULES 


magnifiquement  la  souveraineté  spirituelle  de  Rome,  en  la 
dotant  du  plus  grand  et  du  plus  beau  temple  de  la  chré- 
tienté. Il  en  confia  la  construction  à  Bramante,  et  la  pre- 
mière pierre  de  la  nouvelle  basilique  de  Saint-Pierre  fut 
solennellement  posée  le  48avr.  1506.  Cependant  les  deux 
pensées  inspiratrices  de  ce  règne  furent  la  restauration  de 
la  puissance  temporelle  du  saint-siège  et  la  conquête  du 
titre  de  libérateur  de  Tltalie.  Jules  en  poursuivit  la  réali- 
sation avec  une  habileté,  une  énergie,  une  vaillance  et  une 
persévérance  merveilleuses,  mais  aussi  avec  une  audacieuse 
impudence  dans  l'emploi  des  moyens,  et  un  complet  mépris 


Jules  II,  médaille  de  Caradosso. 

des  réserves  que  le  sacerdoce  chrétien  impose  à  ceux  qui 
en  sont  investis.  Moins  de  deux  mois  après  son  couronne- 
ment, il  publiait  une  bulle  déclarant  que  son  devoir  était 
de  reprendre,  même  par  les  armes,  les  domaines  enlevés  à 
FEglise  (Bjanv.  1504).  En  même  temps,  il  traquait  César 
Borgia,  à  qui  il  devait  son  élection  ;  celui-ci  dut  s'en- 
fermer dans  le  château  Saint- Ange  et  acheter  sa  liberté  en 
rendant  les  forteresses  qu'il  occupait.  En  1506,  les  Ba- 
glioni  furent  chassés  de  Pérouse,  et  les  Bentivoglio  de 
Bologne.  Les  Vénitiens  tenaient  Ravenne  depuis  près  d'un 
demi-siècle,  Rimini,  Faenza  et  d'autres  villes,  qu'ils  avaient 
prises  après  la  chute  de  César  Borgia,  et  ils  se  montraient 
insensibles  aux  remontrances  et  aux  menaces.  Jules  conclut 
avec  Louis  XII,  roi  de  France,  l'empereur  Maximilien, 
Ferdinand  d'Aragon  et  d'autres  (1508)  la  ligue  de  Cam- 
brai^ déjà  préparée  à  Blois  en  1504.  Aux  armes  tempo- 
relles, il  ajouta  les  foudres  de  l'Eglise  et  lança  contre  ses 
adversaires  Texcommunication  et  l'interdit.  Les  Vénitiens 
appelèrent  au  futur  concile,  mais,  attaqués  de  toutes  parts, 
ils  furent  bientôt  réduits  à  se  soumettre  à  toutes  les  condi- 
tions du  pape.  Il  leur  accorda  l'absolution  (24  févr.  1510) 
et  se  fit  leur  allié  contre  son  premier  allié,  Louis  XII,  dont 
les  conquêtes  Talarmaient. 

Pour  justifier  cette  rupture,  Jules  prit  prétexte  du  refus 
que  le  roi  faisait  de  rendre  quelques  villes  sur  lesquelles 
le  saint-siège  prétendait  avoir  des  droits.  Il  obtint  d'abord 
l'aUiance  des  Suisses,  que  Louis  XII  s'était  aliénés  en  leur 
refusant  insolemment  une  augmentation  de  subsides,  puis 
celle  de  Ferdinand,  à  qui  il  donna  l'investiture  du  royaume 
de  Naples.  Un  concile  national,  assemblé  à  Orléans,  puis  à. 
Tours,  aff'ranchit  le  royaume  de  l'obédience  de  Jules  et 
accorda  des  subsides  au  roi  (sept.  1540).  On  y  convint 
avec  l'évoque  Matthieu  Lang,  représentant  de  Lempereur, 
d'indiquer  la  convocation  d'un  concile  général  à  Pise.  Cette 
convocation  ne  fut  formellement  décrétée  que  l'année  sui- 
vante par  une  assemblée  générale  du  clergé  de  France. 
L'ouverture  se  fit  le  1^^  sept.  1511.  Il  s'y  trouvait  quatre 
cardinaux  chargés  des  procurations  de  trois  autres,  quinze 
éyêques,  quelques  abbés  français,  les  députés  des  univer- 
sités de  Toulouse  et  de  Poitiers  et  quelques  docteurs  de 
Paris.  Le  pape  ayant  mis  l'interdit  sur  Pise,  le  peuple 
s'insurgea  et  força  le  concile,  après  la  III^  session,  à  se 
retirera  Milan.  Il  y  tint  sa  IV®  session,  le  4  janv.  1512. 
Les  prélats  étaient  plus  nombreux  qu'à  Pise,  mais  il  ne 
vint  aucun  Allemand.  Le  19  avr.,  on  publia  une  troisième 
et  dernière  citation  au  pape  Jules  de  comparaître  ;  le  21 , 
il  fut  déclaré  suspens  pour  contumace.  Bientôt  après,  les 
Français,  abandonnés  par  l'empereur,  évacuèrent  Milan; 


les  prélats  les  suivirent  et  se  rendirent  à  Lyon,  où  ils 
prétendirent  continuer  le  concile,  mais  ce  fut  sans  succès. 
Le  roi  approuva  leurs  décisions  par  lettres  patentes,  et  le 
pape  mit  le  royaume  en  interdit,  —  Menacé  et  condamné 
par  un  concile  schismatique,  Jules  avait  trouvé  expédient 
de  le  faire  excommunier  par  un  autre  concile  ;  après  huit 
années  d'oubli  ou  de  parjure,  il  s'était  rappelé  qu'au  jour 
de  son  élection  il  avait  promis  par  serment  de  convoquer 
un  concile  général.  Cette  assemblée,  que  les  canonistes 
ultramontains  appellent  le  F*  concile  général  de  Latran, 
se  réunit  le  3  mai  1512.  On  y  comptait  alors  quinze  car- 
dinaux, les  patriarches  latins  d'Alexandrie  et  d'Antioche, 
dix  archevêques,  cinquante-six  évêques,  quelques  abbés  et 
généraux  d'ordre,  les  ambassadeurs  du  roi  Ferdinand,  de 
Venise  et  de  Florence.  Dans  la  IIP  session  (3  déc.  1512), 
Matthieu  Lang,  qui  avait  représenté  Maximilien  au  concile 
de  Tours,  vint  lire  un  acte  par  lequel  cet  empereur  répu- 
diait tout  ce  qui  s'était  fait  à  Tours  et  à  Pise.  Dans  la 
IV®  session  (10  déc),  l'avocat  du  concile  demanda  la  révo- 
cation de  la  pragmatique  sanction  de  Bourges;  le  16  févr. 
1513,  une  nouvelle  monition  fut  décernée  contre  l'Eglise 
de  France  pour  répondre  de  sa  conduite  à  ce  sujet. 

Cependant,  suivant  un  mot  qu'on  lui  attribue  et  qu'il 
n'a  peut-être  point  prononcé,  mais  qui  le  caractérise  bien, 
Jules  préférait  l'épée  de  saint  Paul  aux  clefs  de  saint 
Pierre,  qui  n'ouvrent  point  les  forteresses.  Tandis  que  les 
théologiens  discutaient,  il  combattait,  cuirassé  et  armé  de 
pied  en  cap,  pointant  les  canons  et  stimulant  les  assauts, 
étonnant  les  capitaines  par  son  habileté  et  les  soldats  par 
son  audace,  souvent  vaincu,  jamais  abattu.  A  la  sainte 
ligue  qu'il  avait  formée  avec  les  Vénitiens,  les  Suisses  et 
le  roi  Ferdinand,  il  parvint  à  rallier  Henri  VIII  d'Angleterre 
et,  enfin,  l'empereur  Maximilien.  Les  Français,  chassés  de 
l'Italie,  furent  réduits  à  défendre  péniblement  leur  propre 
pays,  assailli  sur  toutes  ses  frontières.  Dans  le  partage  des 
conquêtes,  le  pape  s'adjugea  Parme  et  Plaisance,  détachées 
du  Milanais.  Les  Etats  de  l'EgHse  étaient  reconquis  et 
agrandis,  mais  l'Italie  n'était  point  délivrée  de  ceux  que 
Jules  appelait  des  barbares;  il  mourut,  regrettant  de  n'avoir 
point  encore  vingt  ans  de  vie  pour  achever  son  œuvre.  — 
Ses  ennemis  lui  reprochaient  le  défaut  et  le  mépris  des 
vertus  que  doit  posséder  un  prêtre  et  particulièrement  un 
pape,  la  dupHcité,  la  violence,  une  haine  cruelle,  l'amour 
des  armes,  un  goût  immodéré  pour  le  vin,  la  passion  des 
femmes  et  même  une  autre  passion.  Il  est  avéré  qu'il  avait 
une  fille,  qu'il  maria  à  Jean  Jourdain  des  Ursins.  Néan- 
moins, Guicharchin  semble  avoir  bien  jugé  ce  règne,  en  di- 
sant que  Jules  mériterait  une  gloire  immortelle  s'il  avait 
porté  une  autre  couronne  que  la  tiare.  Sa  famille,  sa  fille 
même,  ne  purent  obtenir  de  lui  aucune  faveur  préjudiciable 
à  la  bonne  administration  de  l'Etat.  Mais  il  se  montra  le 
protecteur  généreux  et  intelligent  des  lettres  et  des  arts  ; 
il  donna  à  la  ville  de  Rome  un  aspect  nouveau  et  magni- 
fique, et  l'histoire  associe  son  nom  aux  travaux  de  Bra- 
mante, de  Michel-Ange  et  de  Raphaël,     E.-H.  Vollet. 

iiiBL.:  J.-B.  DuBOs,  Histoire  de  la  ligue  de  Cambrai; 
Paris,  1709,  2  vol.  in-12.  —  Dumesnil,  Histoire  de  Jules  II  ; 
Paris,  1873,  in-8.  —  Brosch,  Papst  Jidius  II;  Gotha,  1878, 
in-8. 

JULES  11!  (Gian-Maria  Giochi, dît  del  Monte),  228^ 
pape,  élu  le  8  févr.  1550,  mort  le  22  mars  1555.  Il  était 
né  à  Rome  en  1487.  Sa  famille,  de  basse  condition,  devait 
son  élévation  à  Jules  II.  Il  fut  nommé  archevêque  de  Siponte, 
en  remplacement  de  son  oncle,  sous  Jules  II,  gouverneur 
de  Rome  sous  Clément  VII,  créé  cardinal-prêtre  au  titre  de 
Saint-Vital,  puis  cardinal-évêque  de  Prœneste,  par  Paul  III. 
A  la  mort  de  ce  pape,  il  fut  élu  sur  la  recommandation  de 
l'empereur  Charles  V  et  de  Cosme  de  Médicis,  contraire- 
ment à  l'attente  générale.  11  avait  été  un  des  présidents  du 
concile  de  Trente,  pendant  sa  translation  à  Bologne.  Dans 
le  conclave,  il  s'engagea  à  réunir  de  nouveau  le  concile  gé- 
néral à  Trente.  Cette  convocation  fut  faite  par  bulle  du 
14  déc.  1550,  pour  le  printemps  suivant;  et  la  reprise 
des  travaux  fut  effectuée  le  1®'  mai  1551,  sous  la  pré- 


JULES  —  JULÏA 


--  288 


sidence  du  cardinal-légat,  à  qui  le  pape  adjoignit  deux 
évêques,  à  cause  des  plaintes  et  des  soupçons  résultant  de 
ce  que  dans  les  précédentes  sessions  les  trois  présidents 
étaient  des  cardinaux.  Jules  s'était  uni  à  Charles  V  contre 
Octave  de  Farnèse  et  Henri  II,  roi  de  France.  Ceux-ci 
s'allièrent  aux  luthériens  d'Allemagne.  Lorsque  Maurice  de 
Saxe  eut  pris  Augsbourg,  le  pape  tira  prétexte  du  danger 
auquel  il  prétendait  que  le  concile  était  exposé,  pour  le 
suspendre,  malgré  les  protestations  des  prélats  espagnols 
(28  avr.  4552).  En  réalité,  ce  qui  Talarmait,  c'était  l'at- 
titude de  ces  prélats  réclamant  la  collation  des  bénéfices  et, 
par  suite,  la  restriction  des  privilèges  de  la  cour  de  Rome. 
Profitant  des  embarras  de  l'empereur,  il  fit  la  paix  avec 
ses  voisins;  puis,  se  désintéressant  des  affaires  de  l'Eglise 
et  des  affaires  de  l'Etat,  il  passa  les  deux  dernières  années 
de  sa  vie  dans  une  villa  près  des  portes  de  Rome.  Il  y  vi- 
vait dans  un  mépris  complet  de  ce  que  les  profanes  ap- 
pellent décence,  et  faisait  ses  délices  de  la  compagnie  d'un 
jeune  homme  nommé  Innocent,  pour  lequel  il  s'était  épris 
d'affection  étrange.  Créé  cardinal  dès  l'âge  de  dix-sept  ans, 
ce  garçon  était  devenu  le  canal  des  grâces  dont  le  pape 
pouvait  disposer.  Jules  III  fut  aussi  un  ardent  ami  des  jé- 
suites ;  il  accorda  à  leur  ordre  une  nouvelle  confirmation 
et  favorisa,  par  l'octroi  de  hauts  privilèges,  la  fondation 
de  leur  Collège  romain  et  de  leur  Collège  germanique. 

E.-H.  VOLLET. 

JULES  l'Africain  (V.  Julius  Africanus). 

JULG  (Bernhard),  orientaliste  allemand,  né  à  Ringel- 
bach  (Bade)  le  20  août  4825,  mort  à  Innsbruck  le  14  août 
4886.  Il  professa  la  philologie  classique  à  Lemberg  (4851), 
à  Cracovie  (1858)  et  à  Innsbruck  (4863).  Il  a  fait  d'ex- 
cellents travaux  de  philologie  et  de  mythologie  comparée 
des  peuples  asiatiques.  Il  a  réédité  l'ouvrage  de  Vater,  Litte- 
raturdei  grammatiken^  Lexikaurid  W œr  ter  bûcher  al- 
ler Sprachen  der  Erde  (Berlin,  1847)  ;  Die  Mœrchen  des 
Siddhi-Kûr  (texte  kalmouk  av.  trad.  et  lexique;  Leipzig, 
4866);  Mongolische  Mœrchensammlung  (av.  trad., 
Innsbruck,  1868);  Die  griechische  Heldensage  im  Wir- 
derschein  bei  denMongolen  (Leipzig,  1869)  ;  On  the  Pré- 
sent State  ofMongoiian  researches  (Londres,  1882), etc. 

JULIA  (Ile)  (V.  Ferdinandea). 

JULIA  (Gens).  Une  des  principales  ^^/z^^s  de  Rome. 
Les  Juin  étaient  patriciens  et  originaires  d'Albe  d'où  ils 
auraient  été  transférés  à  Rome  après  la  destruction  de  leur 
cité.  On  les  rencontre  aussi  à  Bovillae  où  Tibère  dédia  une 
chapelle  en  leur  nom.  Lorsqu'on  remania  ou  fabriqua  les 
légendes  sur  les  origines  romaines  afin  de  les  accommoder 
à  la  mythologie  grecque,  on  donna  aux  Julia  une  généa- 
logie divine  identifiant  Iule,  leur  ancêtre  mythique,  à  Asca- 
nius,  fils  d'Enée,  donc  petit-fils  d'Anchise  et  de  Vénus 
Aphrodite.  César  fit  souvent  allusion  à  l'origine  divine  de 
sa  race,  et  lorsque  celle-ci  occupa  l'Empire,  les  écrivains 
amplifièrent  à  l'envi  la  version  ofiicielle  ;  elle  forme,  en  par- 
ticulier, le  sujet  de  V Enéide.  On  mêla  un  Proculus  Julius 
à  la  légende  de  la  disparition  de  Romulus  ;  c'est  lui  qui 
aurait  annoncé  au  peuple  que  le  roi  lui  était  apparu  pour 
inviter  les  Romains  à  lui  rendre  les  honneurs  divins  sous  le 
nom  de  Quirinus. 

Les  membres  connus  de  la  gens  Julia  se  rangent  sous 
quatre  noms  de  famille  :  Cœsar^  Julus,  Libo  et  Mento, 
—  Toutefois,  il  n'est  pas  prouvé  que  la  famille  Libo  fût  pa- 
tricienne. Son  personnage  principal  est  Lucius  Julius 
Libo,  consul  en  267  av.  J.-C,  qui  combattit  les  Sallen- 
tins  en  Apulie  avec  son  collègue  M.  Atilius  Regulus;  ils 
obtinrent  le  triomphe.  —  Il  n'y  a  aussi  qu'un  Mento  qui 
vaille  d'être  nommé,  Caius  Julius  Mento,  consul  en  431, 
qui  fut  battu  par  les  Volsques  et  dédia  un  temple  à  Apol- 
lon. —  Les  deux  autres  familles  de  la  gens  Julia  sont  plus 
importantes.  Celle  des  Iules  joua  un  rôle  aux  v®  etiv®  siècles 
av.  J.-C.  ;  celle  des  Césars  à  la  fin  de  la  République. 

La  première  comprend  Caius  Julius  L.  F.  Julus,  con- 
sul en  489;  Caius  C.  F.,  fils  du  précédent,  consul  en  482, 
du  parti  populaire  ;  il  fut  ensuite  décemvir  la  première  an- 


née (451)  et  l'un  des  négociateurs  envoyés  aux  plébéiens 
retirés  sur  le  mont  Aventm  ;  —  Vopiscus,  fils  et  frère  des 
précédents,  consul  en  473  ;  —  Caius  C,  F.  C.  iV.,  fils  du 
second  Caius,  consul  en  447  et  435  et  peut-être  en  434 
(d'après  Licinius  Macer)  ;  —  Lucius,  fils  de  Vopiscus,  tri- 
bun consulaire  en  438,  maître  de  la  cavalerie  en  431 , 
consul  en  430,  fit  voter  une  loi  remplaçant  les  amendes  en 
nature  (bétail)  par  des  amendes  en  argent  ;  —  Sextus, 
tribun  consulaire  en  424;  —  Caius  L.  F.,  fils  de  l'avant- 
dernier,  tribun  consulaire  en  408  et  405,  où  il  commença 
le  siège  de  Veies,  censeur  en  393  ;  —  Lucius,  frère  du  pré- 
cédent, tribun  consulaire  en  401  et  397,  vainqueur  des 
Tarquiniens  ;  —  un  autre  Lucius,  tribun  consulaire  en 
403  ;  un  autre,  en  388  et  379  ;  —  Caius,  dictateur  en  352. 

L'origine  du  surnom  de  Csesar  est  inconnue  :  Spartien 
{Vie  d'^lius  Verus,  chap.  ii) indique  quatre  hypothèses  : 
1®  ce  serait  un  mot  maure  signifiant  «  éléphant  »,  surnom 
donné  à  un  JuHus  qui  aurait  tué  un  de  ces  animaux  ;  2°  ce 
surnom  lui  viendrait  de  ce  que  sa  mère  aurait  subi  l'opéra- 
tion césarienne  à  sa  naissance  ;  3°  de  sa  chevelure  abondante 
(cœsaries);  4<*  de  la  nuance  azurée  de  ses  yeux  (cœsii), 
—  On  ignore  également  à  quelle  époque  vécut  le  pre- 
mier Jules  appelé  César.  On  trouvera  dans  l'ouvrage  de 
Drumann  (Gesch.  Roms,  t.  III,  pp.  113  et  suiv.)  la 
biographie  de  tous  les  membres  de  la  famille.  Le  premier 
qui  nous  soit  connu  est  Sextus  Julius  Cœsar,  préteur 
en  208,  gouverneur  de  Sicile.  Il  eut  pour  fils  Lucius;  de 
celui-ci  naquirent  :  1°  Lucius,  préteur  en  183,  gouverneur 
de  la  Gaule  Cisalpine  ;  2«  Sextus,  tribun  militaire  en  181. 
La  première  lignée  disparait  avec  un  second  Lucius,  pro- 
bablement fils  du  premier,  préteur  en  466.  La  seconde  fut 
continuée  par  Sextus,  fils  de  Sextus,  édile  curule  en  465, 
consul  en  457.  Il  eut  pour  fils  :  Sextus,  préteur  en  423, 
et  Lucius,  père  de  Lwdws  et  de  Cams  Julius  Csesar  Strabo 
Vopiscus  qui  fondèrent  la  gloire  de  la  famille.  Ils  sont 
l'objet  d'articles  spéciaux  (V.  C^sar).  Lucius  eut  un  fils, 
Lucius,  consul  en  64,  du  parti  des  nobles,  légat  de  Jules 
César  en  Gaule  (52)  ;  après  la  mort  du  dictateur,  il  resta 
dans  la  retraite,  puis  se  rallia  au  parti  aristocratique  et 
fut  mis  le  second  sur  la  liste  de  proscription  ;  sa  sœur  Julia 
le  sauva.  Cette  Julia,  fut  femme  de  Marcus  Antonius  Creti- 
cus,  remariée  après  sa  mort  avec  P.  Lentulus  Sura,  complice 
de  Catilina.  De  sa  première  union  naquirent  trois  fils,  dont 
le  célèbre  triumvir.  Elle  travailla  à  réconcilier  son  fils  avec 
Octave.  —  Lucius,  fils  du  précédent  Lucius,  prit  le  parti 
de  Pompée  en  49  ;  il  fut  chargé  par  lui  à  deux  reprises  de 
portera  César  ses  propositions  de  paix.  Envoyé  en  Afrique, 
il  persuada  à  Utique  de  capituler  (46),  et  obtint  son  par- 
don, mais  fut  assassiné  peu  après. 

On  ignore  la  parenté  précise  qui  existe  entre  les  per- 
sonnages dont  nous  venons  de  parler  et  dont  la  descen- 
dance disparaît,  avec  une  autre  branche  qui  les  éclipsa.  Le 
chef  de  celle-ci  fut  un  Caius,  peut-être  fils  du  premier 
Sextus;  il  épousa  Marcia  qui  prétendait  descendre  du  roi 
Ancus  Marcius;  c'est  peut-être  lui  qui  écrivit  vers  443  une 
liistoire  romaine  en  langue  grecque.  —  Son  fils  aîné  Caius 
fut  préteur  et  mourut  subitement  à  Pise  en  84  ;  c'est  lui 
qui  fut  le  père  du  dictateur  ;  un  fils  plus  jeune,  Sextus,  fut 
consul  en  91  ;  leur  sœur  Juha  épousa  le  fameux  C.  Marins 
et  fut  mère  de  C.  Marins  le  Jeune  ;  elle  mourut  en  68  et 
son  neveu  Jules  César  prononça  son  oraison  funèbre.  La 
descendance  de  ce  Sextus  s'éteignit  avec  son  petit-fils  Sextus, 
partisan  du  grand  César,  qui  fut  assassiné  en  Syrie  par 
ses  soldats  révoltés  (46).  —  Les  enfants  de  Caius  furent 
Caius  Julius  Caesar,  le  dictateur,  et  deux  filles  du  nom  de 
Julia;  la  première  épousa  L.  Pinarius  et  Q.  Pedius;  la 
seconde  épousa  Atius  Balbus  et  devint  mère  d'Atia,  la  mère 
d'Auguste  ;  elle  mourut  vers  52,  et  son  petit-fils  alors  dans 
sa  douzième  année  prononça  son  oraison  funèbre.  Pour 
compléter  la  nomenclature  de  la  famille  du  grand  César, . 
nous  rappellerons  ses  quatre  femmes  successives,  Cossutia, 
Cornéha,  Pompeia  et  Calpurnia  ;  de  la  seconde  naquit  Julia 
(83  ou  82),  fiancée  à  Servilius  Cœpio,  mais  mariée  à 


~  289  - 


JULÏA  -  muM 


Pompée  (59).  Fort  jolie  et  séduisante,  elle  eut  pour  son 
mari  un  vif  attachement.  Lors  des  élections  édilitaires 
de  25,  elle  était  enceinte;  au  cours  d'une  rixe  la  toge  de 
Pompée  fut  ensanglantée;  quand  on  la  rapporta,  Julia 
effrayée  accoucha  prématurément;  elle  mourut  en  couches 
l'année  suivante.  Elle  fut  enterrée  au  Champ  de  Mars  et 
sa  mort  rompit  un  des  plus  forts  liens  entre  son  père  et 
son  époux.  — Caius  Julius  Ccesaraété  l'objet  d'un  article 
spécial  (V.  César),  de  même  que  son  fils  Cœsarion  (V.  ce 
mot). 

La  gens  Julia  devenant  famille  impériale  se  confond  avec 
la  famille  d'Auguste.  Celui-ci  avait  pour  sœur  aînée  Octavie 
(V.  ce  nom),  femme  d'Antoine.  Il  épousa  successivement 
Clodia,  fille  de  Clodius  et  Fulvia,  Scribonia  et  Livia  Dru- 
silla.  Il  n'eut  qu'un  enfant,  de  sa  seconde  femme  ;  mais  il 
adopta  le  fils  de  sa  sœur  Octavie,  M.  Marcellus^-^m  ceux 
de  Livie,  Tiberius  Nero  (Tibère)  et  Nero  Claudius  Dru- 
sus  (V.  ce  nom).  Julie,  fille  unique  d'Auguste  et  de  Scribo- 
nia, née  en  39  av.  J.-C,  morte  en  14  ap.  J.-C,  n'avait 
que  quelques  jours  lorsque  ses  parents  divorcèrent.  Elle  re- 
çut une  éducation  simple  et  austère,  minutieusement  sur- 
veillée par  son  père.  En  25,  elle  fut  mariée  à  son  cousin 
Marcellus,  héritier  présomptif  de  l'Empire.  Elle  n'en  eut 
pas  d'enfants  et,  devenue  veuve  en  23,  elle  fut  mariée  à 
M.  Vipsanius  Agrippa  (V.  ce  nom)  dont  elle  eut  cinq 
enfants  :  Caius  Caesar,  Lucius  Caesar,  Julie,  Agrippine, 
Agrippa  Posthume.  Une  seconde  fois  veuve  en  12,  il  fut 
question  de  la  marier  au  chevalier  M.  Proculeius,  à  un 
fils  d'Antoine,  à  Cotiso,  roi  des  Gètes  ;  finalement  on  l'unit 
à  Tibère.  Cette  union  fut  malheureuse  ;  après  la  mort  du 
fils  qui  en  était  né,  la  légèreté  de  conduite  de  Julie  con- 
tribua à  décider  son  mari  à  un  exil  volontaire  (6  av.  J.-C). 
La  fille  d'Auguste  finit  par  exaspérer  son  père,  par  ses 
orgies  publiques  et  peut-être  même  un  complot  contre  lui  ; 
l'empereur,  d'ailleurs,  aigri  par  Livie,  révéla  en  plein  Sénat 
la  honte  de  Julie,  fit  tuer  ou  exila  ses  complices  et  bannit 
la  coupable  dans  l'île  de  Pandalaria  ;  sa  mère  vint  l'y 
joindre  ;  mais  elle  fut  durement  traitée,  en  prisonnière  de 
droit  commun  ;  cinq  ans  plus  tard,  on  la  transféra  à  Rhe- 
gium  et  les  rigueurs  furent  atténuées.  Néanmoins  Auguste 
exclut  ses  cendres  de  son  mausolée  et  ne  lui  laissa  aucun 
legs  dans  son  testament.  Tibère  aggrava  sa  situation  et 
elle  mourut  peu  après.  C'était  une  personne  fort  jolie,  à  en 
juger  par  les  médailles,  et  spirituelle;  Macrobe  a  conservé 
plusieurs  de  ses  bons  mots  (sat.  VI,  5).  —  Les  cinq  en- 
fants de  Julie  représentent  la  descendance  directe  d'Au- 
guste. Les  deux  fils  aînés  moururent  jeunes.  Caius  Cœsar, 
né  en  20  av.  J.-C,  mourut  en  4  ap.  J.-C;  son  frère 
Lucius  Cœsar,  né  en  47  av.  J.-C,  mourut  en  2  ap.  J.-C. 
Ces  deux  princes,  soigneusement  élevés  par  leur  grand- 
père,  furent  gâtés  dès  l'enfance  par  les  grandeurs,  se  mon- 
trant arrogants  et  vaniteux  ;  ils  furent  nommés  princes  de 
lajeunesseet  consuls  avant  l'adolescence.  Caius,  envoyé  en 
Asie  l'an  I  av.  J.-C,  occupa  l'Arménie,  fut  blessé  devant 
Artagera  et  mourut  à  Limyra  (Lycie)  le  21  févr.  4;  son 
cadet  l'avait  précédé  dans  la  tombe  de  dix-huit  mois  (à 
Marseille,  le  20  août  2).  On  attribua  naturellement  ces  dé- 
cès prématurés  à  leur  belle-mère.  Caius  avait  épousé  Livie 
ou  Livilla,  fille  d'Antonia  et  du  premier  Drusus,  sœur  de 
Germanicus  ;  Lucius  était  fiancé  à  ^milia  Lepida.  —  La 
seconde  Julie,  fille  de  la  première,  épousa  L.  Jilmilius 
Paullus  ;  elle  hérita  des  vices  et  des  infortunes  de  sa  mère  ; 
son  adultère  avec  D.  Silanus  la  fit  bannir  dans  l'île  de 
Tremere  sur  la  côte  d'Apulie  (9  ap.  J.-C)  ;  l'enfant  né  de 
ce  commerce  fut  exposé  comme  bâtard  ;  elle  mourut  au 
lieu  de  son  exil  en  28.  On  suppose  que  c'est  elle  qu'Ovide 
célèbre  sous  le  nom  de  Corinne.  Elle  avait  eu  un  fils, 
M.  iEmiUus  Lepidus,  et  une  fille,  JEmiHa  Lepida,  laquelle 
épousa  Ap.  Junius  Silanus  et  en  eut  trois  enfants,  L.  Sila- 
nus, M.  Silanus  et  Junia  Calvina,  puis  se  remaria  avec 
Drusus,  fils  de  Germanicus.  —  La  seconde  fille  de  la  pre- 
mière Juhe  fut  Agrippine  (V.  ce  mot),  la  vertueuse  épouse 
de  Germanicus  dont  elle  eut  six  enfants  :  Nero,  marié  à 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.   —    XXL 


Julie,  fille  de  Drusus,  le  fils  de  Tibère  ;  Drusus,  marié  à 
iîlmilia  Lepida;  Caligula  qui  fut  empereur;  la  seconde 
Agrippine,  mère  de  Néron;  Drusilla,  mariée  à  L.  Cassius, 
puis  à  M.  ^milius  Lepidus;  Livia  ou  Livilla,  mariée  à 
M.  Vicenius,  puis  à  Quintilius  Varus.  —  Le  dernier  fils  de 
Julie  fut  Agrippa  Posthume,  né  en  12  av.  J.-C,  adopté 
par  Auguste,  en  même  temps  que  Tibère  (4  ap.  J.-C.)  ; 
d*un  caractère  intraitable  et  sauvage  jusqu'à  la  folie,  il  fut 
banni  par  son  grand-père  dans  l'île  de  Planasia,  sur  la  côte 
de  la  Corse,  assassiné  aussitôt  après  l'avènement  de  Tibère, 
probablement  par  ordre  de  Livie. 

Les  descendants  d'Octavie,  sœur  d'Auguste,  forment  un 
second  groupe  qui  fusionna  avec  le  premier.  Elle  avait  eu 
(avant  son  fils  M.  Marcellus),  de  son  premier  mariage  avec 
Antoine,  deux  filles  appelées  Antonia;  l'aînée  naquit  en 
39,  épousa  L.  Domitius  Ahenobarbus  et  en  eut  un  fils.  Cn. 
Domitius,  lequel  se  maria  à  Agrippine,  fille  de  Germanicus 
et  en  eut  l'empereur  Néron  ;  la  seconde,  née  en  36,  épousa 
Drusus,  frère  de  Tibère,  et  en  eut  trois  enfants  :  Germa- 
nicus (mari  de  la  première  Agrippine  dont  nous  avons  déjà 
nommé  les  six  enfants),  Livia  ou  Livilla  et  l'empereur 
Claude. 

La  famille  de  Jules  César,  continuée  en  descendance 
féminine  et  par  des  adoptions  successives,  fusionnée  avec 
la  gens  Claudia  s'éteignit  à  la  mort  de  l'empereur  Né- 
ron (68). 

A  l'époque  impériale  on  trouve  une  quantité  de  per- 
sonnes du  nom  de  Julius  parfaitement  étrangères  à  la  gens 
Julia.  C'étaient  soit  des  affranchis  de  celle-ci  ou  de  la  fa- 
mille impériale,  soit  des  gens  qui  prenaient  son  nom  par 
vanité  ou  par  adulation.  Voici  la  liste  des  Julius  étrangers 
à  la  gens  et  dont  on  trouvera  la  biographie  à  leur  nom 
lorsqu'elle  le  mérite  :  Africanus,  Agricola,  Aquila,  Ate- 
rianus,  Ausonius,  Bassus,  Briganticus,  Burdo,  Calenus, 
Calidus,  CalHstus,  Calvaster,  Canus,  Capitolinus,  Carus, 
Celsus,  Cerealis,  Civilis,  Classicus,  Claudius,  Cottius,  Cris- 
pus,  Densus,  Diodes,  Exsuperantius,  Ferox,  Firmicus,  Flo- 
rus,  Frontinus,  Fronto,  Gabinianus,  Gallienus,  Graecinus, 
Granianus,  Gratus,  Hyginus,  Leonides,  Marathus,  Marlia- 
lis,  Maximinus,  Modestus,  Montanus,  Naso,  Obsequens, 
Paris,  Paullus,  Pelignus,  Philippus,  Placidus,  PoUux,  Po- 
lyaenus,  Postumus,  Priscus,  Romanus,  Rufinianus,  Rufus, 
Sabinus,  Sacrovir,  Secundus,  Servianus,  Severianus,  Se- 
verus,  Solinus,  Selon,  Speratus,  Titianus,  Tutor,  Vale- 
rianus,  Vestinus,  Victor,  Vindex.  A.-M.  B. 

BiBL.  :  Drumann,  Gesch.  Roms,  t.  III,  pp.  114  et  suiv.  — 
Klausen,  /Eneas  und  die  Penaten^  t.  II,  pp.  1059  et  suiv. 
—  V.  aussi  les  art.  Auguste  et  César. 

JULI^  (Leges).  Sous  cette  dénomination,'^on  peut  faire 
figurer  toutes  les  lois  proposées  par  un  magistrat  appar- 
tenant à  la  famille  des  Julii,  Les  plus  importantes  sans 
contredit  sont  celles  qui  furent  votées  sur  l'initiative  de 
Jules  César  {leges  Juliœ  Cœsaris)  et  celles  votées  plus 
tard  sur  la  proposition  d'Auguste  (leges  Juliœ  Augusti). 
On  en  trouve  cependant  qui  sont  antérieures  à  cette  époque  ; 
telle  la  loi  Julia  (an  90  av.  J.-C),  qui  donne  aux  sociiet 
aux  latini  la  qualité  de  citoyens  romains.  Les  leges  Juliœ 
de  César  forment  un  vaste  ensemble  de  mesures  législatives 
destinées  à  établir  les  bases  du  nouvel  ordre  de  choses 
fondé  par  César  sur  les  ruines  du  régime  aristocratique. 
Comme  l'avaient  déjà  fait  avant  lui  Sylla  et  Pompée,  aux- 
quels on  doit  une  série  de  dispositions  légales  (leges  Cor- 
neliœ,  Pompeiœ)  visant  le  même  but,  César  tenta  de 
consolider  par  des  lois  nombreuses  son  nouvel  établisse- 
ment politique.  Ces  lois,  qui  touchent  à  toutes  les  matières, 
peuvent  se  répartir  en  trois  groupes  principaux.  Dans  cha- 
cun de  ces  groupes,  nous  ne  citerons  que  les  dispositions 
les  plus  importantes.  Les  ouvrages  qui  traitent  de  la  légis- 
lation romaine,  envisagée  dans  son  développement  histo- 
rique, donnent,  sous  la  rubrique  lex  Julia  ou  leges 
Juliœ,  une  complète  énumération  de  ces  lois.  Quelques- 
unes  sont  de  date  incertaine,  et  on  ignore  si  on  doit  les 
attribuer'^a  César  ou  à  Auguste.  —  Dans  le  droit  politique 

i9 


JUL1.E  —  JULIEN  -  290 

et  public,  citons  la  loi  agraire,  lex  Julia  Campana  (59  av. 
J.-C),  relative  au  partage  des  terres  de  Campanie  ;  la  loi 
sur  les  dettes,  de  mutuis  pecuniis  (an  49  av.  J.-G.)  ; 
des  tabulœ  novœ,  et,  de  la  même  année,  la  loi  de  modo 
credendi^  possidendique  intra  Italiam  ;  unejoi  somp- 
tuaire  de  l'an  46,  enfin  la  célèbre  lex  Julia  municipalis 
(an  45  ou  46),  donnant  une  organisation  municipale  iden- 
tique à  toutes  les  villes  d'Italie.  —  Dans  le  domaine  ànjus 
privatum,  on  n'a  guère  à  signaler  qu'une  lex  Julia 
judiciorum  relative  à  la  confection  des  listes  de  judices. 
Les  autres  leges  judiciariœ  paraissent  plutôt  être  du  temps 
d'Auguste.  —  fiien  plus  nombreuses  sont  les  lois  ayant 
trait  au  droit  criminel.  Citons  une  lex  repetundarum^  une 
lex  de  vi^  une  lex  de  majestate,  peculatus  et  de  sacri- 
legis.  —  Auguste  devait  reprendre  et  pousser  encore  plus 
loin  l'œuvre  inaugurée  par  César.  Mais  son  activité  législa- 
tive fut  plus  particulièrement  consacrée  à  des  réformes  de 
droit  privé.  En  matière  politique,  on  ne  peut  guère  citer 
qu'une  loi  somptuaire.  Dans  le  jus  privatum^  on  doit 
signaler  en  première  ligne  toutes  les  lois  destinées  à  res- 
taurer les  anciennes  mœurs  en  favorisant  les  mariages 
légitimes  et  en  encourageant  la  paternité.  Tel  fut  le  but  de 
la  célèbre  lex  Julia  de  maritandis  ordinibus,  votée  non 
sans  une  vive  résistance  (an  4  ap.  J.-C),  et  qui,  com- 
plétée plus  tard  par  la  loi  Papia  Poppœa,  forme  avec 
elle  le  groupe  connu  sous  le  nom  de  lois  caducaires(V.  Ca- 
ducum).  Comme  complément  de  ces  lois,  on  doit  men- 
tionner la  lex  Julia  vicesimaria  ou  de  vicesima  here- 
ditalium.  Viennent  ensuite  deux  autres  lois    de  droit 
privé  qui  sont  des  chapitres  détachés  de  lois  de  droit  cri- 
minel :  la  lex  Julia  relative  à  l'usucapion  des  immeubles 
occupés  par  violence,  dépendance  de  la  loi  Julia  de  vi^  et 
la  loi  Julia  de  fundo  dotali  se  rattachant  à  la  loi  Julia 
de  adulteriis  et  établissant  l'inaliénabilité  du  fonds  dotal. 
A  signaler  aussi  la  loi  Julia  rapprochée  par  les  sources  de 
la  loi  Titia,  donnant  aux  magistrats  la  datio  tuions. 
Enfin  peuvent  figurer  dans  les  lois  ayant  trait  au  jus  pri- 
vatum  les  importantes  leges  judiciariœ  (publicorum  et 
privatorum  judiciorum)  réglant  la  confection  des  listes 
de  juges  et  qui,  d'autre  part,  complétant  la  lex  JEbutia, 
firent  de  la  procédure  formulaire  la  procédure  de  droit 
commun  en  matière  civile,  reléguant  au  second  plan  la 
procédure  de  la  legis  actio.  Il  faut  y  joindre  la  lex  Julia 
de  cessione  bonorum  sur  la  cession  de  biens.  Dans  le 
droit  criminel,  on  mentionnera  une  lex  ambitus^  la  loi  de 
vi  publicata  et  privata,  la  loi  Julia  de  adulteriis  et  de 
pudicitia.  De  toutes  ces  leges  Juliœ^  il  n'est  parvenu 
jusqu'à  nous  que  des  fragments  assez  importants  de  la  loi 
Julia  municipalis  (table  d'Héraclée)  et  de  minimes  débris 
des  lois  Julia  de  w,  de  adulteriis,  de  maritandis  ordi- 
nibus,  conservés  dans  les  écrits  des  jurisconsultes.  G.  M. 
BiBL.  :  RuDORFF,  Rcemisc/ie  Rechtsgesohichte  ;  Leipzig, 
1857,  t.  1,  §  9,  pp.  23-24.  —  Kuntze,  Cursus  des  rœmischen 
Rechts  ;  Leipzig,  1879,  §  299.  —  Excurse  uber  rœmisches 
Rechts  ;  Leipzig,  1888,  pp.  219,  220,  221,  222  et  passim.  — 
MoMMSEN    et   Marquardt,  Manuel   des  antiquités  ro- 
maines. —  Krueger,  Histoire  des  sources  du  droit  ro- 
main (trad.  Brissaud)  ;  Paris,  1891,  passim,  au  mot  Lex 
Julia.  —  Bruns,  Fouies  iuris  romani  antiqui;  Leipzig, 
1893,  noB  18,  20,  21,  23. 

JULIAN,  ILLAN  ou  JULIEN,  comte  visigoth et  gouver- 
neur de  Ceuta.  Il  livra  l'Espagne  aux  Arabes  pour  se  ven- 
ger, dit-on,  du  viol  de  sa  fille,  la  Cava,  déshonorée  par  le 
roi  Rodérik  ou  Rodrigo.  Non  content  de  pousser  Mousa  à 
envahir  la  péninsule,  il  lui  fournit  encore  des  vaisseaux, 
lui  ouvrit  ses  villes  et  conclut  un  traité  avantageux  avec 
les  infidèles.  Le  comte  Julian  suivit  Tarik  en  Espagne  et 
combattit  à  Jerez  (711).  C'est  lui  qui  conseilla  au  chef 
berbère  de  marcher  sur  Tolède,  au  lendemain  de  la  vic- 
toire, et  qui  aida  les  musulmans  à  s'emparer  de  Carmona. 
On  ignore  comment  il  finit.  Suivant  une  tradition  fort 
douteuse,  rapportée  par  Mariana,  les  Arabes  lapidèrent  sa 
femme,  une  sœur  du  roi  goth  Witiza,  et  précipitèrent  un 
de  ses  fils  du  sommet  d'une  tour,  à  Ceuta;  lui-même 
mourut  en  prison.  Ce  qui  est  beaucoup  plus  certain,  c'est  | 


que  son  petit-fils  se  fit  mahométan  et  prit  le  nom  d'Abd- 
Allah.  Julian,  type  du  traître,  le  Cranelon  espagnol,  doit 
surtout  sa  célébrité  aux  romances  et  aux  chroniques  fabu- 
leuses. (On  le  retrouve  même  dans  le  Romancero  portu- 
gais.) Son  existence,  niée  par  Masdeu,  est  indiscutable 
aujourd'hui,  grâce  au  témoignage  des  historiens  arabes. 
Dozy  {Recherches,  etc.)  essaye  de  prouver  que  Julian 
était  byzantin  et  gouvernait  Ceuta,  non  pour  le  roi  Rodé- 
rik, mais  pour  l'empereur  grec.  Cette  assertion  paraît  en 
partie  confirmée  par  ces  paroles  du  chroniqueur  Pero  Lopez 
de  Ayala  :  «  Le  comte  don  Illan  n'appartenait  point  au  li- 
gnage des  Goths,  mais  à  celui  des  Césars,  ce  qui  veut  dire  • 
des  Romains  (Romains  d'Orient  ou  Byzantins).  »  Nombre 
de  légendes  postérieures  à  la  conquête  arabe  obscurcissent 
son  histoire.  Lucien  Dollfus. 

JU LIANE  (Marie),  reine  danoise,  princesse  de  Bruns- 
wick-Wolfenbuttel,  née  le  4  sept.  1729,  morte  àFredens- 
borg  le  10  oct.  4796.  Sœur  du  célèbre  général  prussien, 
Ferdinand  de  Brunswick- Wolfenbuttel,  et  belle-sœar  de 
Frédéric  II  de  Prusse,  elle  épousa  en  1752  Frédéric  V  de 
Danemark,  et  eut  pour  fils  Frédéric,  père  de  Christian  VIII. 
Elle  ne  gagna  jamais  la  faveur  populaire  comme  la  reine 
Louise,  première  femme  de  Frédéric  V.  Ambitieuse  et  vin- 
dicative, elle  fut  à  la  tête  de  la  conspiration  qui  renversa  la 
reine  Caroline-Mathilde  et  Struensée,  et  fit  passer  le  pou- 
voir en  ses  propres  mains  et  en  celles  de  son  fils.  En  1784, 
une  révolution  de  palais  la  força  à  se  retirer  à  Fredens- 
borg  où  elle  passa  les  dernières  années  de  sa  vie. 

JULIANGES.  Corn,  du  dép.  delà  Lozère,  arr.  de  Mar- 
vejols,  cant.  de  Malzieu-Ville  ;  240  hab. 
JULIANUS  (V.  Julien), 

J  U  L I A N  U S  (Didius) ,  empereur  romain  (V.  Didia  [Gens]), 
JULIE,  fille  de  Jules  César,  fille  et  petite-fille  d'Auguste 
(V.  Juu  [Ge7isli).  ^ 

JULIEN  (Salvius-Julianus),  jurisconsulte  romain  qui  a 
vécu  sous  Adrien  et  Antonin  le  Pieux.  Il  atteignit  aux 
plus  hautes  dignités.  Membre  du  consilium  principis  sous 
Adrien,  il  fut  successivement  préteur,  deux  fois  consul, 
prœfectus  urbi.  Il  est  l'un  des  derniers  représentants  de 
l'école  sabinienne.  Sa  réputation  comme  jurisconsulte  enga- 
gea l'empereur  Adrien  à  le  charger  de  la  coordination  des 
règles  du  droit  honoraire  proclamées  par  les  édits  du  pré- 
teur et  des  édiles  :  edicti  ordinatio.  Pour  nous  renseigner 
sur  ce  ^travail  de  codification  d'une  si  haute  importance, 
nous  n'avons  que  les  allusions  que  contiennent  à  ce  sujet 
les  constitutions  de  Justinien  [Tanta  et  Asôwxsv).  L'œuvre 
de  Juhen  fut  transformée  en  un  acte  ayant  force  obb^^a- 
toire  générale  par  un  sénatus-consulte.  Comme  écrivain 
juridique,  Julien  n'est  pas  moins  connu.  Son  ouvrage  ca- 
pital est  un  traité  dogmatique  et  pratique  en  90  livres,  où 
il  suit  le  plan  de  l'Edit  et  qu'il  a  composé  sous  Adrien 
et  Antonin.  Tout  l'ensemble  à\xjus  civile  et  du  jus  hono- 
rarium  s'y  trouve  exposé,  du  livre  I  au  livre  LVIII. 
Les  livres  LIX  à  XC  semblent  plus  particulièrement  ré- 
servés au  jus  novum,  œuvre  des  sénatus-consultes  et  aux 
lois  des  débuts  de  l'Empire.  L'influence  de  cet  écrit  a  été 
considérable.  Elle  persiste  encore  sous  Justinien,  dans  le 
Digeste  duquel  une  partie  notable  de  l'œuvre  de  Julien  a 
passé.  Outre  cet  ouvrage,  le  juriste  a  laissé  des  libri  ad 
Urseium  et  ad  Miniciujn  et  un  liber  singularis  de 
ambiguitatibusy  auxquels  le  Digeste  de  Justinien  a  fait 
des  emprunts.  G.  May. 

^  R^^k  -,  ^' J.i'  ^h  ^^^'  Just.,  De  Vet.jur.  enucL,  I,  17*:  3. 
§  18,  Cod.  ibid.  ;  10,  Cod.  JusL  ;  De  Gond,  indeb.,  IV,  5.  -1 
Krueger,  Histoire  des  sources  du  droit  romain,  Manuel 
des  antiq,  rom.  de  Mommsen  et  Marquart,  trad.  Brissaud  • 
Pans,  1894,  pp.  115  et  suiv.,  222  et  suiv.,  in-8.  —  O.  Lenel, 
Pahngenesia;  Leipzig,  1889,  t.  I,  pp.  318  et  suiv.  — Kuntze, 
Cursus  des  rœmischen  Rechts;  Leipzig,  1879,  §  301,  317, 
319,  in-8,  2«  éd.—  Du  môme,  Excurse  uber  rœmisches 
Rechts;  Leipzig,  1880,  p.  333,  in-8,  2«  éd. 

JULIEN,  dit  l'Apostat  (Flavius-Claudius-Julianus),  em- 
pereur romain  (361-63),  né  à  Constantinople  le  47  nov. 
331  ou  (332),  mort  à  Tummara,  sur  l'Euphrate,  le  26  juin 
363.  Il  était  fils  de  Julius  Constantius  et  de  sa  seconde 


291 


JULIEN 


femme  Basilina;  son  père,  issu  du  second  mariage  de  Cons- 
tance Chlore  (avec  Théodora),  fut  égorgé  en  337  par  ordre 
de  Constance  II,  en  même  temps  que  ses  deux  frères  Cons- 
tantin et  Daimatius  Hannibalianus.  Julien  était  le  quatrième 
enfant  de  Julius  Constandus,  les  autres  étant  nés  du  pre- 
mier mariage  de  celui-ci  avec  Galla  ;  son  frère  aine  fut  tué 
en  341  par  ordre  de  Constance,  sa  sœur  avait  épousé  cet 
empereur  meurtrier  des  siens;  le  second  fils  Gallus,  né 
en  325,  fut  élevé  avec  Julien  ;  on  les  avait  épargnés  à  cause 
de  leur  jeunesse  et  parce  qu'aucun  de  leurs  cousins  des 
trois  fils  de  Constantin  n'avait  d'héritier  mâle.  Les  enfants 
furent  élevés  en  lonie  et  en  Bithynie,  puis  à  Macellum,  en 
Cappadoce,  près  de  Césarée,  entourés  d'honneurs,  mais  sur- 
veillés de  près  et  espionnés.  Les  maîtres  de  Julien  furent 
le  grammairien  Nicocles  Luco  et  le  rhéteur  Ecebolus,  sous  le 
contrôle  de  l'eunuque  Mardonius  et  d'Eusèbe  de  Nicomé- 
die.  Gallus  reçut  en  351  le  titre  de  césar  et  le  gouver- 
nement de  l'Orient;  trois  ans  après,  son  indocilité  Tui  coûta 
la  vie.  Julien,  resté  le  seul  héritier  de  la  famille  impériale, 
faillit  périr  ;  on  le  transféra  à  Milan  auprès  de  l'empereur. 
L'impératrice  Eusebia  le  prit  sous  sa  protection  et  lui  mé- 
nagea une  entrevue  avec  Constance;  il  calma  sa  défiance 
et  obtint  d'aller  vivre  à  Athènes  (355)  en  compagnie  des 
philosophes  et  artistes  les  plus  célèbres  de  l'époque.  L'em- 
pereur ne  tarda  pas  à  avoir  besoin  de  lui.  Le  6  nov.  355, 
il  le  fit  proclamer  césar,  lui  donna  la  main  de  sa  sœur  Hé- 
lène, dernier  enfant  de  Constantin,  et  lui  confia  la  préfec- 
ture des  Gaules.  Le  timide  philosophe  avait  voulu  refuser. 
Il  dut  afficher  une  vive  affection  pour  son  soupçonneux 
cousin,  fut  entouré  de  ses  créatures  et  dut  lui  rendre  compte 
de  tous  ses  actes. 

Julien,  en  qui  Constance  ne  voyait  qu'un  «  mannequin 
impérial  »,  se  révéla  grand  général.  Il  se  mit  à  l'école  des 
militaires  de  l'armée  de  Gaule  et  en  quelques  mois  acheva 
son  éducation.  La  Gaule  désorganisée  par  la  révolte  de 
Sylvanus  était  livrée  aux  bandes  germaniques  qui  cou- 
raient jusqu'à  Autun.  Julien  les  refoula,  les  défit  en  Al- 
sace, reprit  Trêves  et  Cologne,  puis  se  joignit  à  Constance 
en  Rhétie  (356).  L'hiver  venu,  il  divisa  ses  troupes;  les 
Alamans  vinrent  à  Fimproviste  l'assiéger  dans  Sens  ;  aban- 
donné par  le  général  en  chef  Marcellus,  le  césar  résista  vic- 
torieusement. Constance  rappela  alors  Marcellus  et  laissa  le 
commandement  complet  à  Julien,  lequel  témoigna  sa  re- 
connaissance en  rédigeant  le  panégyrique  de  Constance  et 
celui  d' Eusebia.  Son  armée  était  réduite  à  13,000  hommes, 
mais  de  bonnes  troupes.  Barbation,  envoyé  d'Italie  à  Bâle, 
en  avait  le  double.  Les  Alamans  passèrent  entre  eux  et  al- 
lèrent jusqu'à  Lyon;  Julien  les  vainquit  au  retour,  Barba- 
tion se  fit  battre.  Julien  eut  alors  à  combattre  une  levée  en 
masse  des  Alamans;  35,000  passèrent  le  Rhin  sous  le  roi 
Chnodomar;  ils  furent  complètement  défaits  près  de  Stras- 
bourg; 6,0U0  périrent;  Chnodomar  fait  prisonnier  fut  en- 
vo}^é  à  Constance.  Le  vainqueur  franchit  à  son  tour  le  fleuve, 
délivra  20,000  captifs  romains,  releva  un  ancien  fort  au 
confluent  du  Main  et  de  la  Nidda  et  imposa  aux  Alamans 
une  trêve  de  dix  mois  (357).  Il  marcha  ensuite  contre  les 
Francs,  leur  enleva  leurs  forts  de  la  Meuse,  confina  les 
Salions  dans  la  Toxandrie,  les  Chamaves  au  delà  du  Rhin 
(358).  Il  prévint  la  famine  en  faisant  venir  de  la  Grande- 
Bretagne  600  bateaux  chargés  de  blé.  Il  releva  sept  villes 
destinées  à  garder  la  frontière  :  Bonn,  Bingen,  Andernach, 
Neuss,  etc.  (359).  Dans  toutes  ces  opérations  il  fut  assisté 
par  Salluste,  général  et  administrateur  expérimenté.  La 
capitation  fut  déduite  de  25  à  7  aurei,  mais  exactement 
payée.  Autant  que  l'armée,  le  peuple  aimait  le  jeune  césar. 
Julien  fixait  sa  résidence,  particulièrement  en  hiver,  à  Lu- 
tèce  (Paris)  od  existent  encore  les  ruines  de  son  palais.  Il 
consacrait  une  grande  partie  de  son  temps  à  écrire.  Enfin 
libre,  il  avait  pu  jeter  le  masque  et  affirmer  sa  prédilec- 
tion pour  les  vieux  cultes  et  la  philosophie  païenne.  Sal- 
luste et  son  médecin  Oribase  partageaient  ces  idées.  Le  pré- 
fet du  prétoire,  Florentius,  annihilé,  se  vengeait  par  des 
dénonciations  expédiées  à  Constance.  Celui-ci  rappela  Sal- 


luste qui  fut  confiné  en  Thrace.  Puis  il  prit  texte  de  la 
guerre  de  Perse  pour  ordonner  à  Juhen  de  lui  envoyer  en 
Orient  la  plus  grande  partie  de  ses  auxiliaires.  Ceux-ci 
s'étaient  enrôlés  à  la  condition  de  ne  point  servir  au  delà 
des  Alpes.  Ils  se  mutinèrent  et  proclamèrent  Julien  auguste. 
Il  s'était  sincèrement  efforcé  de  les  faire  obéir  à  l'ordre 
impérial;  l'événement  accompli,  il  ne  pouvait  reculer  sans 
assurer  sa  perte.  Il  écrivit  à  Constance  pour  lui  raconter 
ce  qui  était  arrivé  et  promettre  sa  fidélité  s'il  le  rati- 
fiait (360).  L'empereur  répondit  d'abord  avec  modéra- 
tion, mais  prépara  la  guerre  et  finit  par  exiger  une  sou- 
mission absolue.  Julien  qui,  dans  l'intervalle,  avait  battu  de 
nouveau  les  Francs  et  les  Alamans,  promulgua  une  am- 
nistie pour  les  partisans  de  Magnence,  proscrits  depuis 
sept  ans,  mit  la  frontière  en  état  de  défense  et  s'établit  à 
Vienne.  En  361,  il  entra  en  campagne,  laissant  en  Gaule 
Salluste  qui  était  accouru  le  joindre.  Il  divisa  son  armée 
en  trois  corps  qui  par  les  Alpes  italiennes  (sous  Jovius  et 
Jovinus),  la  Rhétie  (sous  Novitta),  la  Forêt-Noire  et  le  Da- 
nube (sous  Julien),  se  rendirent  à  Sirmium.  Sa  vitesse  avait 
été  foudroyante  ;  il  occupa  sans  coup  férir  Naïssus  et  le 
défilé  de  Succos  entre  l'IUyrie  danubienne  et  la  Thrace. 
Constance,  surpris  par  ces  nouvelles  à  Edesse,  se  mit  en 
route,  mais  mourut  à  Mopsucrène  (3  nov.  361).  Tout  le 
monde  reconnut  Julien  qui  fit  solennellement  ensevelir  son 
prédécesseur  dans  l'église  des  Saints-Apôtres  à  Constanti- 
nople. 

^  L'œuvre  capitale  du  court  règne  de  Julien  fut  sa  réac- 
tion contre  le  christianisme  et  son  effort  pour  instituer  un 
gouvernement  de  philosophes.  Il  avait  été  chrétien  jusqu'à 
sa  vingtième  année  ;  son  précepteur  Mardonius  et  le  philo- 
sophe Maxime  lui  inspirèrent  l'amour  de  la  vieille  rehgion 
hellénique.  La  répulsion  que  lui  inspirèrent  les  querelles 
sectaires  des  ariens  et  des  orthodoxes,  des  novatiens,  do- 
natistes,  etc.,  achevèrent  de  l'écarter  du  nouveau  culte.  11 
manifesta  ses  sentiments  dès  qu'il  fut  le  maître,  rouvrit 
les  temples  le  long  de  sa  route,  formula  ses  sentiments  dans 
une  lettre  aux  Athéniens.  Ce  changement  fut  accueilli  pai- 
siblement, même  par  les  chrétiens  ;  tous  les  exilés  pour 
cause  rehgieuse  furent  rappelés,  et  la  tolérance  proclamée 
par  le  nouveau  souverain  excita  une  satisfaction  presque 
générale.  Le  paganisme  qu'entendait  restaurer  Julien,  ce 
fut,  en  réalité,  un  syncrétisme  où,  sous  une  théologie  néo- 
platonicienne, furent  combinés  les  mythes  solaires  de  l'Asie 
occidentale  et  la  vieille  mythologie  hellénique.  Il  constitua 
une  sorte  de  nouvelle  Eglise  pour  laquelle  il  rédigea  une 
prière  au  Soleil,  constitua  un  clergé  avec  un  pontife  su- 
prême par  province,  essaya  d'organiser  près  des  temples 
un  enseignement  moral  et  religieux  et  une  assistance  pu- 
blique. Il  avait  épuré  la  cour  de  Constantinople,  vendu  les 
eunuques,  congédié  la  valetaille,  de  manière  à  réduire 
d'énormes  dépenses  inutiles.  Il  fit  mettre  en  jugement  les 
favoris  de  Constance,  dont  plusieurs  furent  exilés  ou  mis  à 
mort.  Il  supprima  les  privilèges  de  l'Eglise  chrétienne  : 
juridiction  volontaire  des  évèques,  droit  de  recevoir  des 
legs.  Il  favorisa  ouvertement  les  païens.  Il  autorisa  ceux 
qui  avaient  été  spoliés  par  les  chrétiens  à  revendiquer,  c.-à-d. 
que  les  temples  purent  reprendre  les  biens  dont  on  les  avait 
dépouillés  ;  juste  en  principe,  cette  mesure  était  dangereuse 
et  provoqua  des  désordres.  Julien  fit  plus  :  il  interdit  aux 
chrétiens  l'enseignement  des  belles-lettres,  leur  ferma  l'ac- 
cès des  fonctions  publiques  ;  en  même  temps,  il  rédigeait 
des  écrits  de  polémique.  Il  n'y  eut  cependant  aucune  per- 
sécution, et  Rendall  et  Naville  sont  d'accord  pour  déclarer 
que  ce  règne  est  un  de  ceux  sous  lesquels  la  liberté  reli- 
gieuse a  été  le  mieux  respectée. 

^  En  juin  362,  Julien  partit  de  Constantinople  pour  orga- 
niser une  expédition  contre  les  Perses.  Le  peuple  d'An- 
tioche  le  reçut  froidement;  l'incendie  du  temple  d'Apollon 
à  Daphné  détermina  quelques  rigueurs  contre  les  chré- 
tiens. La  population  frivole  et  démoralisée  accabla  de  sar- 
casmes l'empereur  philosophe,  lequel  ne  se  vengea  que 
par  une  satire  (le  Misopogon).  II  autorisa  les  Juifs  à  re- 


JULIEN 


—  292  — 


bâtir  le  temple  de  Jérusalem.  Cependant  il  avait  rassemblé 
60,000  hommes  et  4,000  bateaux  escortés  de  50  galères 
et  autant  de  pontons  pour  combattre  les  Perses,  il  mena 
son  armée  à  Garrhes,  confia  16,000  hommes  à  son  parent 
Procope  qui  dut  marcher  sur  l'Assyrie  ;  lui-même  avec  sa 
flotte  descendit  PEuphrate,  enleva  successivement  les  for- 
teresses riveraines,  Zaitha,  Dara,  Anathan,  Thilutha, 
Archaiachala,  Parascalmacha,  Dacira,  Ozogardna,  Mace- 
prachta,  Pirisabora,  Maogalmacha,  et  les  rasa.  Puis  il  en- 
gagea sa  flotte  dans  le  canal  (Nahr-Malcha)  qui  unit  l'Eu- 
phrate  au  Tigre;  Pennemi  l'avait  mis  à  sec;  il  y  fit  recouler 
l'eau  et  arriva  devant  Ctésiphon.  Au  lieu  de  s'attarder  au 
siège  de  la  grande  cité,  il  remonta  le  Tigre,  après  avoir 
incendié  ses  navires  ;  il  projetait  probablement  d'unir  ses 
forces  à  celles  de  Procope  et  d'envahir  la  Médie.  Après 
plusieurs  combats  heureux  contre  les  soldats  de  Sapor, 
l'empereur  périt  dans  une  escarmouche;  se  portant  au 
combat  sans  cuirasse,  il  fut  percé  d'un  trait  ;  la  blessure 
était  mortelle,  ses  derniers  moments  furent  d'un  sage.  Ce 
rêveur  fut  un  des  hommes  les  plus  vertueux,  des  meilleurs 
administrateurs  et  des  plus  habiles  généraux  de  son  siècle. 
Le  temps  lui  manqua  pour  rien  faire  de  durable. 

Julien  a  beaucoup  écrit  et  à  ce  titre  aussi  mérite  l'étude. 
C'était  un  fin  lettré,  imbu  de  culture  grecque  et  n'employant 
guère  la  langue  Jatine,  bien  qu'elle  fût  encore  ofiScielle.  Il 
manque  d'imagination  et  d'invention  ;  son  style  est  pur, 
mais  gâté  par  des  velléités  poétiques  ;  il  imite  visiblement 
les  classiques;  ses  écrits  ont  un  grand  intérêt  psycholo- 
gique et  historique.  En  première  ligne,  il  faut  citer  les 
Lettres;  l'édition  Heyler  (Mayence,  1828,  in-8)  en  con- 
tient 83;  un  certain  nombre  semblent  apocryphes; la  plus 
importante  est  la  lettre  aux  Athéniens  de  361.  Ses  discours 
ou  panégyriques  (syxoSfjLiov)  sont  au  nombre  de  9 : 2  éloges 
de  Constance;  l'éloge  d'Eusébie;  l'éloge  du  Soleil  (361), 
celui  de  la  Mère  des  dieux  ;  le  traité  contre  les  cyniques, 
les  lettres  à  Salluste  et  Themistius  sont  les  principaux. 
Le  Ka^aaps;  iq  Su(X7udaiov  (les  Césars  ou  le  Banquet)  est 
une  amusante  satire  des  empereurs  romains  (362).  Le 
Misopogon  (Avno^txo;  rj  Mtao::wyov)  est  une  satire  de 
la  vie  efféminée  des  gens  d'Antioche  rédigée  au  début  de 
363.  Nous  avons  encore  conservé  4  épigranimes  insigni- 
fiantes. On  a  malheureusement  perdu  l'œuvre  la  plus  inté- 
ressante de  Julien,  sa  réfutation  du  christianisme  (Karà 
XpiaTiavwy,  en  7  livres),  achevée  peu  avant  sa  mort;  Théo- 
dore II  la  fit  détruire  ;  on  ne  la  connaît  que  par  quelques 
extraits  de  Cyrille.  Les  œuvres  complètes  de  Julien  ont  été 
éditées  par  Martin  et  Chanteclair  (Paris,  1583,  in-8,  avec 
trad.  latine,  mais  incomplet);  parPetau  (Paris,  1630,  in-4, 
avec  trad.  et  notes)  ;  par  Spanheim  (Leipzig,  1696,  in-fol.) 
qui  a  amélioré  le  travail  du  précédent.  Les  meilleures  édi- 
tions partielles  sont,  pour  le  Misopogon,  celle  de  Harless 
(Erlangen,1785);  pour  les  I^^^r^5,  celle  de  Hertlein  (Leip- 
zig, 1875-76,  2  vol.);  pour  les  écrits  contre  les  chrétiens, 
celle  de  Neumann  (1880,  av.  trad.  ail.).  Talbot  a  donné 
une  traduction  des  œuvres  de  Julien.  A. -M.  B. 

^;  BiBL.  :  Les  œuvres  (I'Ammien  Marcellin  et  de  Liba- 
Nius  sont  les  sources  principales  avec  le  Panegyr.  Vet. 
de  Mamertinus  et  les  propres  écrits  de  Julien.  Parmi  les 
histoires  générales,  il  faut  consulter  celles  de  Gibbon  et 
de  DuRUY.  Les  principaux  ouvrages  spéciaux  sont  :  de  La 
Bléterie,  Vie  de  Julien. —  Neander,  Ueber  den  Kaiser 
Julian;  Leipzig,  1812;  2«  éd.,  1867.  —  Wiggers,  De  Ju- 
lia.no  Apostata;  Rostock,  ISIO  (réimpr.  dans  Ielgen, 
Zeiischr.  fur  Hist.  TheoL,  1837).  —  Schulze,  De  Juliani 
philosophia  et  moribus,  1839.  —  Teuffel,  De  Juliano; 
Tubingue,  1844.  —  Strauss,  Der  Romantiker  aiif  dem 
Throne  der  Cœsaren;  Mannheim,  1847.  —  Semisgh,  Julian 
der  Abtrûnnige  ;  Breslau,  1862. —Naville,  Jwïie?2  TApos- 
iat.  —  Rode,  Gesch.  der  Reaktion  Kaiser  Julians  gegen  die 
Christliche  Kirche;  léna,  1877. —  Rendall,  The  Emperor 
Julian;  Londres,  1879.  —  Centerwall,  Julianus  affaellin- 
gen;  Stockholm,  1884.  —  On  trouvera  une  bibliographie 
complète  dans  l'ouvrage  de  Rendall,  pp.  291  et  suiv.  — 
V.  aussi  les  art.  de  Boissier  et  Martha,  dans  Revue  des 
Deux  Mondes. 

JULIEN  (Saint),  métropolitain  de  Tolède,  mort  le 
6  mars  690.  D'origine  juive,  suivant  une  tradition  sujette 
à  caution,  il  se  distinguait  depuis  longtemps  parmi  le  clergé 


de  Tolède,  était  lié  avec  le  roi  Wamba  et  avec  son  pala- 
tinus  Ervigh,  quand  il  fut  nommé  archevêque,  le  29  janv. 
680. 11  est  probable  qu'il  prit  part  à  la  révolution  qui  subs- 
titua Ervigh  à  Wamba  parce  que  celui-ci  avait  voulu  en- 
rôler même  les  serfs  de  l'Eglise.  Dès  lors,  le  métropolitain 
fut  le  véritable  maître  du  pays.  Au  12«  concile  de  Tolède, 
il  édicta  des  mesures  d'une  sévérité  excessive  contre  les 
juifs  et  fit  décréter  le  fameuK  6®  canon,  principe  d'une 
centralisation  exagérée  du  pouvoir  ecclésiastique  dans  les 
mains  du  métropolitain  de  Tolède.  Aux  14®  (684)  et  15® 
(688)  conciles  de  Tolède,  il  se  fit  remarquer  par  ses  ré- 
serves d'allure  très  indépendante  à  l'égard  du  pape  (Mansi, 
Collect,  Concil,^  t.  Xll,  p.  9).  Parmi  ses  écrits  (réunis 
et  édités  par  F.  Lorenzano,  Patrum  Toletan,.,  Opéra; 
Madrid,  1785,  t.  Il,  pp.  3-385,  réimprimés  par  Migne, 
Patrol.  lat.,  t.  XGVl),  VHistoria  Wambœ^  un  panégy- 
rique (éd.  crit.  de  Duchesne,  dans  Rerum  Gatlic,  et 
Francic.  Scriptores;  Paris,  1739,  t.  II,  pp.  707  et  suiv.), 
est  seule  importante.  F. -H.  K. 

BiBL.  :  FÉLIX  de  Tolède,  dans  l'appendice  du  De  Viris 
illustribus  d'Isidore  de  Séville.  —  A.  Ebert,  Altg.  Ge- 
schichte  der  Litlerat.  des  M.  A.  im  Abendland;  Leipzig, 
1874,  t.  I,  pp.  750  et  suiv. 

JULIEN  (Le  comte)  (V.  Jqltan). 

JULIEN  (Simon),  peintre  et  graveur  français,  né  à 
Toulon  le  28  oct.  1735,  mort  à  Paris  le  23  févr.  1800. 
Elève  de  Carie  Van  Loo,  il  obtint  le  premier  grand  prix  de 
peinture  en  1760  et  fut  agréé  de  l'Académie  le  9  mars 
1783.  Etant  à  Rome,  il  changea  complètement  sa  manière, 
ce  qui  le  fit  surnommer  Juhen  l'Apostat.  A  Paris,  il  décora 
la  galerie  du  comte  de  Nivernais,  fut  ensuite  protégé  par 
le  prince  de  Ligne  et  mourut  dans  la  misère.  Il  peignit  des 
tableaux  d'histoire,  de  mythologie,  des  sujets  religieux, 
laissa  un  grand  nombre  de  dessins  et  des  eaux-fortes.  Plu- 
sieurs de  ses  œuvres  sont  au  musée  de  Toulon.  —  On  l'a 
pendant  longtemps  confondu  avec  son  homonyme  Jean^ 
Antoine  Julien,  dit  de  Parme,  né  à  Cavigliano  (Suisse)  le 
23  avr.  1736,  mort  à  Paris  le  28  juil.  1799,  aussi  élève 
de  Carie  Van  Loo,  et  dont  les  œuvres  ne  sont  pas  bien 
connues.  G.  P-i. 

JULIEN  (Jean),  dit  Julien  de  Toulouse,  homme  politique 
français,  né  à  Nîmes  en  1750,  mort  à  Embrun  le  17  déc. 
1828.  Pasteur  protestant  à  Cette,  puis  à  Toulouse,  il  y 
devint  administrateur  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  et 
présida  l'assemblée  électorale  de  ce  département,  lors  de 
l'élection  des  députés  à  la  Convention.  Elu  lui-même  le 
4  sept.  1792.  Il  vota  la  mort  de  Louis  XVI.  Il  fit  partie 
du  comité  de  Sûreté  générale,  puis  de  la  commission  des 
marchés,  et  comme  tel  prit  la  défense  de  Malus  et  de  d'Es- 
pagnac,  fournisseurs  de  l'armée  et  accusés  de  dilapida- 
tions. Complice  de  la  falsification  du  décret  du  17  vendé- 
miaire an  II,  concernant  la  Compagnie  des  Indes,  il  fut 
décrété  d'accusation  a\ec  Delaunay, "Chabot  et  autres,  le 
26  ventôse  an  II  ;  il  réussit  à  se  sauver  et  fut  mis  hors  la 
loi.  11  resta  aux  environs  de  Constance  jusqu'à  la  chute  de 
Robespierre,  rentra  alors,  mais  ne  fut  réadmis  à  la  Con- 
vention que  le  20  germinal  an  III.  Julien  ne  passa  point 
au  Corps  législatif,  continua  à  résider  à  Paris,  présida  la 
Société  populaire  de  la  rue  du  Rac,  au  nom  de  laquelle  il 
rédigea  une  adresse  tendant  à  provoquer  un  décret  pour 
proclamer  la  patrie  en  danger.  Emprisonné  après  le  coup 
d'Etat  du  18  brumaire,  il  fut  détenu  quelque  temps  à  la 
Conciergerie.  Après  avoir  obtenu  sa  mise  en  liberté,  Julien 
passa  à  Turin,  où  il  exerça  la  profession  d'avocat  et  se 
retira  à  Embrun,  après  l'évacuation  de  l'Italie  par  les 
troupes  françaises.  A.  Kuscinski. 

JULIEN  (André),  né  à  Chalon-sur-Saône  en  1766,  mort 
à  Paris  en  1832.  Négociant  en  vins,  il  est  connu  par  un 
ouvrage  spécial  :  Topographie  de  tous  les  vignobles  con- 
nus (Paris,  1816,  in-8)  qui  renferme  une  énorme  quan- 
tité de  renseignements  et  qui  a  obtenu  plusieurs  éditions. 

JULIEN  (Stanislas),  célèbre  orientaliste  français,  mort 
le  14  févr.  1873.  On  remarque  une  certaine  obscurité  au 
sujet  de  la  date  de  sa  naissance;  un  mécanicien  d'Orléans, 


'293 


JULIEN 


qui  s'appelait  Julien,  avait  deux  fils  :  run,Tîélel3a\T.  4797, 
reçut  le  nom  de  Noël  ;  l'autre,  né  le  20  sept.  4799,  celui  de 
Stanislas.  Le  cadet  partit  jeune  pour  l'Amérique  et  y  mourut. 
Son  frère  aîné  prit  son  état  civil  et  prétendit,  sa  vie  durant, 
être  Stanislas  Julien,  né  en  4799.  Quelles  que  soient  les  rai- 
sons qui  l'aient  poussé  à  faire  cette  substitution,  c'est  son 
nom  d'emprunt  qu'il  a  illustré,  c'est  celui  sous  lequel  il  res- 
tera connu.  Stanislas  Julien  vint  à  Paris  et  suivit  au  Collège 
de  France  le  cours  de  grec,  professé  par  Gail;  en  4824,  il 
fut  chargé  de  suppléer  son  maître;  c'est  alors  qu'il  édita 
rEnlèvement  d'Hélène  de  Coluthus,  en  traduisant  ce 
poème  en  français,  en  latin,  en  italien,  en  anglais,  en 
espagnol  et  en  allemand.  Ce  n'était  là  qu'un  tour  de  force; 
il  n'allait  pas  tarder  à  faire  un  usage  plus  profitable  de 
ses  aptitudes  merveilleuses  de  linguiste  en  se  consacrant 
à  l'étude  de  la  langue  chinoise  ;  il  se  mit  à  l'école  d'Abel 
Rémusat,  au  Collège  de  France,  et,  dès  la  première  année 
(4824),  se  trouva  assez  avancé  pour  traduire  en  latin  le 
livre  du  philosophe  Meng-tse  ou  Mencius.  Son  activité 
scientifique  fut  dès  lors  infatigable.  Lorsque  Rémusat  mou- 
rut en  4832,  il  était  tout  désigné  pour  lui  succéder.  En 
4833,  il  fut  élu  membre  de  l'Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres  en  remplacement  de  Saint-Martin.  En  4  8d2, 
il  devint  administrateur  du  Collège  de  France.  Il  eut  une 
vieillesse  attristée  par  des  deuils  successifs  qui  lui  enle- 
vèrent coup  sur  coup  ses  deux  filles,  sa  petite-fille  et  sa 
femme. 

Ses  ouvrages,  très  nombreux,  sont  presque  uniquement 
des  traductions.  En  philosophie,  il  nous  a  fait  connaître 
Mencius  (4824),  le  traité  taoïste  des  Récompenses  et  des 
peines  (iS'S^)  et  le  Tao-té-king  de  Lao-tse  (4842).  Dans 
le  domaine  de  la  littérature  pure,  il  a  traduit  plusieurs 
nouvelles  et  pièces  de  théâtre  ;  le  Tehao  chi  kou  eul  ou 
r Orphelin  de  la  Chine  (4834)  ;  les  Deux  Jeunes  Filles 
lettrées  (4860)  ;  les  Deux  Cousines  (4864),  etc.  Parmi 
ces  publications,  il  faut  faire  une  place  à  part  aux  Ava- 
dânas,  ou  apologues  indiens  qu'il  a  extraits  d'une  ency- 
clopédie bouddhique  (4859)  ;  ces  petits  contes  fournissent 
des  renseignements  précieux  pour  l'histoire  de  la  migration 
des  fables.  —  Stanislas  Julien  a  souvent  porté  son  atten- 
tion sur  les  industries  et  les  sciences  en  Chine  :  son  Ré- 
sumé des  principaux  traités  chinois  sur  la  culture 
des  mûriers  et  V éducation  des  vers  à  soie  (1837);  son 
Histoire  et  Fabrication  de  la  porcelaine  chinoise 
(4856)  ;  ses  Notices  sur  les  industries  anciennes  et 
modernes  de  l'empire  chinois  (4864),  peuvent  être  re- 
gardés comme  ses  meilleurs  travaux  en  ce  genre.  Mais  son 
principal  titre  de  gloire  nous  paraît  être  sa  traduction  de 
la  Vie  et  des  Voyages  du  pèlerin  Hiouen-tsang  (4853, 
4857-4858);  cette  œuvre  considérable  est  une  mine 
inépuisable  pour  l'indianisme  ;  grâce  à  elle,  on  a  pu  re- 
constituer en  partie  l'histoire  et  la  géographie  de  l'Inde  au 
vu®  siècle  de  notre  ère  ;  l'intelligence  de  ce  texte  présen- 
tait des  difficultés  considérables,  car  il  fallait  deviner,  sous 
les  transcriptions  chinoises  fort  imparfaites,  les  noms  sans- 
crits qu'elles  travestissent  souvent  d'une  manière  mécon- 
naissable ;  pour  proposer  des  identifications  exactes,  Sta- 
nislas Julien  se  mit  à  l'étude  du  sanscrit  et  coilationna 
pendant  plusieurs  années  des  dictionnaires  bouddhiques 
polyglottes  ;  il  a  consigné  le  résumé  de  ses  recherches 
dans  sa  Méthode  pour  déchiffrer  et  transcrire  les  noms 
sanscrits  qui  se  rencontrent  dans  les  livres  chinois 
(4864);  cette  méthode  est  peut-être  plus  rigoureuse  en 
apparence  qu'en  réalité  et  ne  rend  pas  superflus  les  voca- 
bulaires sur  lesquels  elle  se  fonde  ;  elle  est  utile  en  suggé- 
rant des  hypothèses  plutôt  qu'en  donnant  des  certitudes. 
Outre  les  Mémoires  de  Hiouen-tsang ^  Stanislas  Julien 
étudia,  dans  le  Journal  asiatique^  plusieurs  textes  chi- 
nois relatifs  à  l'Inde  ;  il  a  réimprimé  une  partie  de  ces 
articles  dans  les  Mélanges  de  géographie  asiatique  et 
de  philologie  sinico-indienne  (4864).  Vers  la  fin  de  sa 
vie,  il  consacra  tout  son  temps  à  des  travaux  sur  la  langue  ; 
de  4868  à  1870,  il  publia  les  deux  volumes  de  sa  Syn- 


taxe nouvelle  de  la  langue  chinoise,  fondée  sur  la 
position  des  mots. 

L'œuvre  de  Stanislas  Julien  décèle,  malgré  sa  grandeur, 
certaines  faiblesses  qu'il  n'est  pas  possible  de  passer  sous 
silence.  Il  avait  l'esprit  peu  philosophique  et  semblait 
étranger  aux  idées  générales  ;  le  sujet  du  texte  qu'il  tra- 
duisait ne  lui  importait  guère;  il  ne  cherchait,  dans  ses 
travaux,  que  le  mérite  de  triompher  de  difficultés  excep- 
tionnelles. Il  n'a  jamais  tenté  de  pénétrer  au  delà  des  mots 
jusque  dans  l'âme  chinoise;  les  préfaces  de  ses  traduc- 
tions ne  sont  le  plus  souvent  que  des  apologies  person- 
nelles. Il  ne  comprenait  pas  d'autre  méthode  que  la  mé- 
thode philologique  et  ne  rendait  point  justice  à  la  valeur 
des  résultats  qu'on  peut  atteindre  par  d'autres  voies  ;  de 
là  ses  très  regrettables  polémiques  avec  Pauthier  et  Rei- 
naud  ;  de  là  ses  critiques  assez  déplacées  de  son  ancien 
maître  Abel  Rémusat  (Rapport  pour  l'Exposition  de 
iS61  ;  protestations  de  Mohl  dans  le  Journal  asiatique, 
4868,  t.  XI,  pp.  294-292,  et  de  Barthélémy  Saint-Hilaire 
dans  le  Journal  des  savants,  mars  4868). 

Quels  qu'aient  été  les  défauts  de  Stanislas  Julien,  on  ne 
saurait,  cependant,  jamais  trop  louer  la  valeur  éminente 
de  ses  ouvrages.  Il  n'a  écrit  que  des  traductions  ;  mais, 
dans  une  science  à  ses  débuts  comme  la  sinologie,  c'est  là 
ce  qui  constitue  la  base  première  et  indispensable  ;  la 
marche  régulière  de  l'esprit  doit  être  de  bien  étudier  les 
faits  avant  de  formuler  les  hypothèses  hardies  qui,  lors- 
qu'elles sont  prématurées,  retardent  le  progrès  des  con- 
naissances au  lieu  de  le  hâter.  D'ailleurs,  par  la  méthode 
qu'il  a  appliquée  à  l'étude  du  chinois,  Stanislas  Julien  s'est 
montré  un  véritable  initiateur  ;  il  a  su  le  premier  mettre 
en  pleine  luniière  les  règles  de  position  qui  jouent  dans  la 
langue  chinoise  le  rôle  des  règles  de  morphologie  dans  nos 
langues  classiques.  Il  a  toujours  interprété  les  textes  avec 
une  scrupuleuse  exactitude,  révélant  ainsi  aux  sinologues 
qui  l'ignoraient  avant  lui  et  qui  l'ont  souvent  oublié  après 
lui  l'art  de  faire  un  mot  à  mot  rigoureux.  Ses  traductions 
sont  et  resteront  des  modèles  à  peu  près  parfaits.  Si  l'on 
ajoute  qu'il  fut  un  acharné  travailleur  et  que,  grâce  à  lui, 
une  notable  portion  de  la  littérature  chinoise  nous. est 
devenue  accessible,  on  reconnaîtra  que  ce  singulier  génie 
fut  un  des  plus  grands  parmi  ceux  dont  les  études  orien- 
tales puissent  s'honorer.  Ed.  Cha vannes. 

BiBL.  :  On  trouvera  une  bibliographie  complète  des 
œuvres  de  Stanislas  Julien  dans  Fexcellente  notice  que 
M.  Wallon  a  consacrée  à  ce  sinologue  dans  les  Mémoires 
de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  1884, 
t.  XXXI,  pp.  409-458. 

JULIEN  l'Hospitalier  (Saint),  martyr.  On  le  dit  mort 
vers  343.  La  fête  de  saint  Julien  r  Hospitalier  et  de  ses 
compagnons  est  aujourd'hui  fixée  au  9  janv.  ;  mais  elle 
est  inscrite  dans  les  anciens  martyrologes,  en  un  grand 
nombre  de  jours  différents.  Différents  aussi,  les  lieux  qui 
furent  le  théâtre  de  leur  sainteté  et  de  leur  martyre  :  An- 
tioche,  suivant  les  uns  ;  l'Egypte,  suivant  les  autres  ;  Anti- 
nopolis,  suivant  un  ménologe  grec.  —  Julien  était  d'illustre 
et  opulente  famille.  Comme  il  désirait  garder  le  trésor  de 
toutes  les  vertus,  il  fit  vœu  de  chasteté  ;  mais  ses  parents, 
dont  il  était  le  fils  unique,  le  pressèrent  de  se  marier.  Jé- 
sus-Christ lui  apparut  en  songe  et  lui  ordonna  de  leur  obéir. 
Il  épousa  Basilisse,  riche,  belle  et  pareillement  fille  unique 
de  nobles  parents.  Dès  qu'ils  furent  couchés  dans  leur  lit 
nuptial,  ils  sentirent  en  la  chambre  une  suave  odeur  de 
roses  et  d'œillets.  Basilisse,  émerveillée,  demanda  à  son 
mari  d'où  venait  cette  odeur,  puisque  ce  n'était  point  la  sai- 
son des  fleurs.  Il  répondit  qu'elle  venait,  non  de  la  saison, 
mais  de  Jésus,  amateur  de  la  chasteté,  et  qui  donne  la  vie 
éternelle  à  ceux  qui  la  gardent  :  «  Je  te  la  promets  de  sa 
part,  ajouta-t-il,  si  tu  veux  que  nous  lui  off'rions  ensemble 
notre  virginité,  vivant  comme  frère  et  sœur,  pour  nous 
rendre  vaisseaux  dignes  de  sa  grâce.  »  Elle  y  consentit. 
Aussitôt,  la  chambre  trembla  et  resplendit  d'une  merveil- 
leuse lumière.  Deux  chœurs  apparurent  :  l'un  d'une  grande 
multitude  de  saints,  auxquels  Jésus-Christ  présidait  ;  l'autre 


JULIEN  —  JULIS  —  294  -- 

d'innombrables  vierges,  au  milieu  desquelles  se  tenait  la 
Vierge  des  vierges,  Mère  de  Dieu.  Le  chœur  des  saints 
chantait  :  Tu  as  vaincu^  Julien,  tu  as  vaincu  »  Le  chœur 
des  saintes  répondait  plus  mélodieusement  encore  :  Bénie 
soit  Basilisse  qui  a  suivi  les  saints  conseils.  Ensuite, 
sur  l'ordre  de  Jésus-Christ,  deux  hommes,  vêtus  de  blanc, 
avec  de  larges  ceintures  dorées,  serrèrent  les  époux  l'un 
sur  l'autre  et  leur  remirent  deux  couronnes  d'or.  —  Ces 
époux  vierges  consacrèrent  leurs  biens  au  soulagement  des 
pauvres  et  des  malades  ;  ils  firent  de  leur  maison  un  hôpi- 
tal, où  Basilisse  prenait  soin  des  femmes;  Julien,  des 
hommes.  Six  mois  avant  la  grande  persécution  que  Maxi- 
mien infligea  aux  chrétiens  d'Orient,  une  colombe  de  feu 
apparut  à  Basilisse,  portant,  en  lettres  d'or,  un  message 
qui  annonçait  sa  mort  prochaine  et  celle  de  ses  compa- 
gnes. Elles  moururent  bientôt  de  mort  naturelle.  Quand 
la  persécution  commença,  le  gouverneur  de  la  ville,  Mar- 
cien,  homme  jaloux  du  service  des  dieux  et  altéré  du  sang 
des  chrétiens,  voulut  contraindre  Julien  à  adorer  les  idoles. 
Comme  le  saint  refusait,  il  fit  brûler  son  hôpital  et  tous 
ceux  qui  s'y  trouvaient.  Mais  lorsqu'on  passait  en  ce  lieu, 
aux  heures  où  les  offices  divins  se  chantent,  on  entendait 
une  musique  céleste,  et  les  malades  étaient  guéris  en  Toyant. 
Julien  fut  cruellement  fouetté  de  verges  et  de  bâtons 
noueux  ;  l'officier  qui  présidait  à  ces  tourments  eut  un  œil 
crevé,  d'un  coup  mal  dirigé.  Julien  le  lui  remit  :  ce  qui 
exaspéra  furieusement  le  gouverneur.  La  constance  du  mar- 
tyr et  les  miracles  infiniment  nombreux  et  prodigieux  qu'il 
opéra  convertirent  le  jeune  Celse,  fils  unique  du  gouver- 
neur, et  vingt  soldats  chargés  delà  garde  de  la  prison.  On 
les  jeta  tous  dans  des  chaudières  remplies  de  poix  bouil- 
lante ;  le  Seigneur  éteignit  le  feu  et  les  retira  plus  frais  et 
plus  brillants  que  For  sortant  de  la  fournaise.  Alors  Mar- 
cioline,  femme  du  gouverneur,  se  convertit  elle-même.  On 
les  exposa  aux  bêtes  dans  l'amphithéâtre  ;  les  bêtes  vin- 
rent leur  lécher  les  pieds.  Finalement,  le  gouverneur  fit 
écorcher  son  fils  et  couper  la  tête  aux  autres,  la  décapita- 
tion étant  le  dénouement  habituel  de  tous  les  martyres, 
lorsque  les  autres  moyens  d'exécution  se  sont  montrés  im- 
puissants. —  Le  crâne  de  saint  Julien  fut  apporté  à  Paris, 
du  temps  de  saint  Grégoire  le  Grand.  La  reine  Brunehaut 
en  fit  présent  aux  religieuses  qu'elle  avait  étabhes  près 
d'Etampes.  Des  églises  et  des  hôpitaux  ont  été  fondés  en 
beaucoup  de  heux,  sous  l'invocation  de  saint  Julien  et  de 
sainte  Basihsse.  E.-H.  Vollet. 

JULIENAS.  Com.  du  dép.  du  Rhône,  arr.  de  Ville- 
franche,  cant.  de  Beaujeu ;  4,145  hab.  Juliénas  relevait  du 
chapitre  de  Saint- Vincent  de  Mâcon,  et  était  siège  d'une 
châtellenie  gui  fut  vendue  en  4537  par  le  cardinal  de  Tour- 
non  à  Antoine  du  Lyon,  conseiller  au  parlement  de  Paris. 

J  U  Ll  EN  N  E.  I.  Asmomum.— Année  Julienne  (V.  Ca- 
lendrier). 

II.  Botanique.  —  Nom  vulgaire  de  Vllespeiis  matro- 
nalis  L.  (V.  Hesperis). 

m.  Horticulture.  —  La  julienne  des  dames  (Hesperis 
matronalis  L.)  se  plaît  dans  les  terres  un  peu  argileuses, 
substantielles.  Elle  comprend  plusieurs  variétés  à  fleurs 
blanches,  violettes,  rouges,  simples  ou  doubles,  très  re- 
cherchées pour  la  décoration  des  plates-bandes.  On  la 
multiplie  de  graines  semées  en  automne  ou  au  printemps 
ou  de  boutures  et  d'éclats  du  pied,  en  pleine  terre,  après 
la  floraison  et  avant  la  reprise  de  la  végétation.  La  ju- 
lienne de  Mahon  {Malcolmia  maritima  R.  Br.),  char- 
mante petite  plante  à  cultiver  en  corbeille  et  en  bordure, 
se  sème  en  place  à  l'automne  ou  au  printemps.  Floraison 
^abondante,  précoce,  de  courte  durée.  G.  B. 

IV.  Art  culinaire.  —  Potage  fait  avec  des  carottes, 
des  navets  et  du  céleri,  coupés  en  filets,  que  l'on  fait  passer 
au  feu  dans  du  beurre  jusqu'à  ce  que  les  légumes  soient 
légèrement  colorés.  On  ajoute  des  poireaux,  quelques  feuilles 
de  laitue,  de  choux  et  d'oseille,  coupés  de  la  même  façon, 
très  peu  de  cerfeuil  sans  les  branches,  et  l'on  mouille  avec 
quantité  suffisante  de  bouillon,  puis  on  laisse  cuire  douce- 


ment pendant  une  heure.  Peu  de  temps  avant  de  servir, 
on  peut  mêler  au  tout  des  petits  pois  verts  et  autant  de 
pointes  d'asperges  blanchies  à  l'eau  bouillante. 

JULIENNE.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  de  Co- 
gnac, cant.  de  Jarnac  ;  340  hab. 

JULIENNE,  religieuse  de  Liège  (V,  Eucharistie,  t.  XVI, 
p.  7^20,  col.  2). 

JULIENNE  DE  Belair  (V.  Belair  TAlexandre-Pierrel). 

JULIENNES  (Alpes)  (V.  Alpes). 

JULIER.  Col  de  Suisse,  cant.  des  Grisons,  qui  conduit 
de  la  vallée  de  Oberhalbstein  dans  la  Haute-Engadine. 
Son  point  culminant  est  à  2,287  m.  au-dessus  de  la  mer. 
La  belle  et  bonne  route  qui  traverse  le  col  alimente  les 
stations  principales  de  touristes  de  la  vallée  de  l'Engadine. 

JULIER  (V.Juiller). 

JULIERS.  Ville  de  Prusse,  district  d'Aix-la-Chapelle  ; 
5,500  hab.  Ses  fortifications  furent  démantelées  en  4860. 
C'est  l'ancienne  Juliacmn,  dont  l'histoire  se  confond  avec 
celle  du  duché  dont  elle  fut  la  capitale. 

Duché  de  Juliers.  —  Le  duché  de  Juliers,  dont  le  ter- 
ritoire actuel  occupe  4,430  kil.  q.  peuplés  de  plus  de 
400,000  hab.,  est  issu  du  pagus  Juliacensis,  administré 
au  début  du  moyen  âge  par  un  comte.  Le  premier  que  l'on 
connaisse  fut  Gerhard,  dans  la  première  moitié  du  xi^  siècle. 
Devenus  héréditaires  au  xii^  siècle,  les  comtes  de  Juliers 
se  trouvèrent,  quand  disparut  le  duché  de  Basse-Lorraine, 
acquérir  l'immédiateté.  Guillaume  V  reçut  de  Charles  IV 
le  titre  de  duc  (4356).  Son  fils,  Guillaume  VI  (4362), 
acquit  par  mariage  le  duché  de  Gueldre  ;  le  frère  de  celui- 
ci,  Gerhard,  acquit  de  même  le  comté  de  Berg.  A  la  mort 
de  Rainald  /F,  Adolphe  IX,  duc  de  Berg,  hérita  des  trois 
quarts  de  Juliers  ;  Jean  d'Heinsberg,  né  d'une  fille  de 
Guillaume  V,  eut  le  dernier  quart  (4423).  Le  petit-fils  du 
premier,  Guillaume  VIII,  mourut  sans  héritier  mâle  (4544). 
Sa  fille  Marie  avait  épousé  Jean  le  Pacifique,  fils  du  duc  de 
Clèves,  qui  réunit  les  deux  duchés  en  4524.  Contre  celui- 
ci,  le  duc  Albert  de  Saxe  invoquait  des  engagements  des 
empereurs  Frédéric  III  (1485)  et  Maximilien  (4489)  qui 
lui  avaient  promis  l'expectative  de  Juliers  et  Berg  ;  ces 
droits  furent  réservés.  A  l'extinction  de  la  maison  de  Clèves 
(1609),  ils  concoururent  à  compliquer  le  célèbre  débat 
pour  la  succession  de  Clèves  et  de  Juliers.  Il  a  été  exposé 
à  l'art.  Clèves.  Juliers  et  Berg  furent  attribués  au  Pala- 
tinat,  qui  les  conserva  jusqu'à  la  Révolution  française  ;  ces 
pays  devinrent  français  en  4794,  prussiens  en  4844,  sauf 
une  parcelle  attribuée  aux  Pays-Bas  (prov.  de  Limbourg). 
BiBL.  :  V.  Clèves. 

JULIERS  (Guillaume  de)  (V.  Guillaume  de  Juliers). 

JULIN  (Johan),  naturaliste  suédois,  né  à  Vesteras  le 
26  sept.  4752,  mort  à  Abo  le  29  mai  4820.  Après  un 
court  séjour  en  Finlande,  il  s'établit,  en  4783,  comme 
pharmacien  à  Uléaborg,  aux  confins  de  la  Laponie,  oti  il 
passa  presque  toute  son  existence,  contribuant,  par  une 
active  et  intelligente  propagande,  à  remplacer  dans  le  trai- 
tement des  malades  les  pratiques  superstitieuses  par  des 
procédés  plus  scientifiques.  Il  remplissait  les  loisirs  que  lui 
laissait  sa  profession  par  la  publication  de  nombreux  mé- 
moires scientifiques  parmi  lesquels  on  remarque  les  sui- 
vants :  ^  Fôrsôk  till  upphysning  om  Uleaborgs  klimat 
et  Berâttelse  om  den  i  Kemi  solken  ;  Ôsterbotten  gras- 
serande  pestsjukdom.  En  4844,  il  vint  s'établir  à  Abo, 
où  il  mourut  honoré  et  respecté  de  tous.  Il  était  membre 
de  l'Académie  des  sciences  de  Stockholm  depuis  4794.  — 
Ses  fils,  John  (anobli  en  4849)  et  Erik,  suivirent  ses 
traces  et  contribuèrent  beaucoup  au  développement  de  l'in- 
dustrie et  de  l'agriculture  en  Finlande. 

JULIS  (IchtyoL).  Genre  de  Poissons  osseux  (Téléos- 
téens),  de  Tordre  des  Acanthoptérygiens  Pharyngognates, 
de  la  famille  des  Labrida^,  ayant  des  écailles  de  dimensions 
ordinaires,  une  ligne  latérale  non  interrompue,  la  tête  en- 
tièrement nue,  le  museau  médiocrement  proéminent ,  mais  non 
protractile,  pas  de  dents  canines  postérieures  et  dix  épines 
à  la  dorsale.  Les  formes  de  ce  genre  comprennent  des 


Poissons  d'une  magnifique  coloration  et  de  taille  moyenne 
propres  aux  mers  de  l'Inde  et  de  l'océan  Pacifique.  Il  suffit 
de  citer  les  Julis^  Cunaris,  Triloba  et  Dorsalis. 
BiBL.  ;  GuNTHER,  Study  of  Fishes. 

JULIUS  (V.  JuLiA  [Gens],  en  particulier  le  §  final). 
JULLIAN  (Pierre- Louis-Pascal),  homme  politique  etpu- 
bliciste  français,  né  à  Montpellier  en  1769,  mort  vers  4836. 
Il  se  destinait  à  la  magistrature,  quand  les  parlements 
furent  supprimés  par  l'Assemblée  constituante  (4790).  Il 
se  signala  peu  après,  à  Paris,  parmi  les  chevaliers  du 
poignard^  par  un  dévouement  bruyant  à  la  royauté,  dut 
se  cacher  après  le  10  août  1792,  fut  arrêté  à  Meudon  le 
8  oct.  1793  et  ne  recouvra  la  liberté  qu'après  le  9  ther- 
midor. Il  prit  ensuite,  comme  un  des  chefs  de  la  jeunesse 
dorée,  une  part  active  à  la  réaction  thermidorienne,  mais 
se  rallia  à  la  Convention  dans  la  journée  du  i  3  vendé- 
miaire et  fut  adjoint  peu  après  à  Fréron,  envoyé  en  mission 
politique  dans  le  Midi.  Inquiété  sous  le  Directoire,  surtout 
après  le  18  fructidor,  il  parut  toujours  suspect  à  Napoléon, 
qui  l'exila  plusieurs  fois  et,  vers  la  fin  de  son  règne,  l'obh- 
gea  de  passer  en  Italie.  Là  Jullian  s'attacha,  en  1814,  au 
roi  Murât.  Mais  la  chute  de  ce  dernier  le  détermina  (1815) 
à  rentrer  en  France.  Persécuté  par  la  Restauration,  il  finit 
par  se  retirer  à  Bruxelles.  Parmi  ses  nombreux  ouvrages 
nous  citerons  :  Mémoire  sur  le  Midi^  présenté  au  Direc- 
toire exécutif  (Paris,  an  ÏV,  in-8)  ;  Fragments  histo- 
riques et  politiques  (zc^.,1804,  in-8)  ;  Souvenirs  de  ma 
vie,  depuis  1114  jusqu'en  i8I4  (id.,i 815,  in-8)  ;  Consi- 
dératioîis  politiques  sur  les  affaires  de  France  et  d'Italie 
pendant  les  trois  premières  années  du  rétablissement 
des  Bourbons  sur  le  trône  de  France  (Bruxelles,  1817, 
in-8);  Précis  historique  des  principaux  événements 
politiques  et  militaires  qui  ont  amené  la  révolution 
d'Espagne  (Paris,  1821 ,  in-8)  ;  Histoire  du  ministère  de 
G,  Canning  (id,,  1828,  2  vol.  in-8).      A.  Debidour. 

JULLIAN  (Camille),  historien  français,  né  à  Marseille 
le  15  mars  1859.  Elève  de  l'Ecole  normale  supérieure, 
membre  de  l'Ecole  de  Rome,  il  fut  chargé  d'une  mission 
en  Allemagne,  puis  nummé  professeur  d'histoire  romaine 
et  d'histoire  de  Bordeaux  à  la  faculté  des  lettres  de  cette 
ville.  M.  Jullian  a  publié  :  les  Transformations  de  Vîtalie 
sous  les  empereurs  romains  (1883);  Inscriptions  de 
la  vallée  de  l'Huveaune  (1886)  ;  Inscriptions  romaines 
de  Bordeaux  (1887-90);  Gallia  (1892);  Ausone  et 
Bordeaux  (1893);  Histoire  de  Bordeaux  (1894),  etc. 
Il  est  l'un  des  collaborateurs  de  la  Grande  Encyclopédie, 
JULLIAN 6 ES.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Loire, arr. de 
Brioude,  cant.  de  La  Chaise-Dieu;  977  hab. 

JULLIÉ.  Com.  du  dép.  du  Rhône,  arr.  de  Villefranche- 
sur-Saône,  cant.  de  Beaujeu  ;  896  hab. 

JULLIEN  (Marc-Antoine),  dit  Jullien  de  la  Brome, 
homme  politique  français,  né  à  Bourg-de-Péage  (Drôme) 
le  18  avr.  1744,  mort  à  Pisançon  (Drôme)  le  27  sept. 
1821.  Professeur  et  httérateur,  ami  de  Mably,  il  fut  un 
ardent  partisan  de  la  Révolution.  Député  suppléant  de  la 
Drôme  à  l'Assemblée  législative,  où  il  ne  siégea  pas,  il  fut 
élu  par  le  même  département  à  la  Convention  nationale, 
où  il  vota  avec  les  plus  chauds  montagnards.  Il  vota  pour 
la  mort  de  Louis  XVI  sans  appel  ni  sursis.  Commissaire 
du  Directoire  exécutif  près  l'administration  départementale 
de  la  Drôme,  il  rentra  dans  la  vie  privée  après  le  18  bru- 
maire. Comme  en  1815  il  ne  signa  pas  l'Acte  additionnel, 
il  ne  fut  pas  compris  en  1816  dans  la  proscription  des 
conventionnels  régicides.  Sa  femme,  W^^  Jullien  (de  la 
Drôme),  a  laissé  une  correspondance  intéressante,  dont 
M.  Edouard  Lockroy,  son  arrière-petit-fils,  a  publié  une 
partie,  sous  ce  titre  :  Journal  dhine  bourgeoise  pendant 
la  Bévolution  (Paris,  1881,  in-12).  F.-A.  A. 

BiBL.:  Adolphe  Rochas,  Biographie  du  Dauphiné;  Paris, 
1856,  2  vol.  in-8. 

JULLIEN  (Louis-Joseph- Victor,  comte),  général  fran- 
çais, né  à  La  Palud  (Vaucluse)  en  1764,  mort  en  1839. 
Il  était  lieutenant  d'artillerie  au  régiment  de  La  Fère  en 


295  -  JULIS  —  JULLIEN 

1789;  il  devint  ensuite  aide  de  camp  de  La  Fayette,  fit  la 
campagne  du  Rhin,  sous  Marceau,  comme  général  de  bri- 
gade et  prit  part  à  la  campagne  d'Egypte.  De  retour  en 
France,  il  fut  nommé  préfet  du  Morbihan,  puis  conseiller 
d'Etat,  et  créé  comte  de  l'Empire  en  1809.  Il  vécut  dans 
la  retraite  après  1815.  Paul  Marin. 

JULLIEN  (Marc- Antoine),  dit  Jullien  de  Paris,  fils  de 
Marc-Antoine  (V.  ci-dessus),  homme  politique  et  publiciste 
français,  né  à  Paris  le  10  mars  1775,  mort  à  Paris  le 
4  nov.  1848.  Très  précoce,  il  se  signala  à  la  tribune  des 
Jacobins  dès  l'âge  de  dix-sept  ans.  Condorcet,  qui  présidait 
le  comité  diplomatique  de  la  Législative,  le  fit  envoyer  en 
mission  à  Londres  (1792)  avec  le  titre  d'élève-diplomate.  Il 
servit  d'intermédiaire  officieux  entre  les  libéraux  anglais  et 
les  hommes  d'Etat  de  la  Gironde,  Puis  il  s'attacha  à  Ro- 
bespierre, futnommé  aide-commissaire  des  guerres  à  l'armée 
des  Pyrénées  (1792-1793)  et,  le  10  sept.  1793,  il  reçut  du 
comité  de  Salut  public  la  mission  de  parcourir  les  dépar- 
tements de  l'Ouest  et  du  Midi,  avec  pleins  pouvoirs  pour  y 
faire  triompher  la  politique  de  la  Montagne.  Il  vit  Carrier 
à  Nantes,  faillit  être  fusUlé  par  lui  et  le  fit  rappeler.  C'est 
son  séjour  à  Bordeaux  qui  donna  à  son  nom  une  célébrité 
tragique  ;  il  reçut  la  triste  mission  d'y  capturer  et  d*y  faire 
juger  à  mort  les  Girondins  fugitifs  et  cachés,  et  il  s'en 
acquitta  avec  un  zèle  impitoyable.  Après  le  9  thermidor, 
il  fut  arrêté  comme  robespierriste  et  ne  recouvra  sa  liberté 
c[u'à  l'amnistie  du  3  brumaire  an  IV.  Sous  le  Directoire, 
il  rédigea  V Orateur  plébéien,  feuille  ardemment  républi- 
caine, se  vit  impliquer  dans  la  conspiration  de  Babeuf,  se 
déroba  aux  poursuites  et  réussit  à  se  rendre  à  Milan,  où 
il  devint  capitaine  à  l'état-major  de  la  légion  lombarde. 
Bonaparte  le  chargea  de  rédiger  le  Courrier  de  l'armée 
d'Italie,  et,  après  des  alternatives  de  brouille  et  de  récon- 
ciliation, l'emmena  avec  lui  en  Egypte.  Sous  le  Consulat  et 
l'Empire,  il  fut  successivement  commissaire  des  guerres  à 
l'armée  d'Italie,  chargé  d'organiser  l'école  miUtaire  de 
Fontainebleau,  sous-inspecteur  aux  revues.  En  1813,  il 
fut  arrêté  à  Milan  pour  avoir  composé  un  mémoire  contre 
le  despotisme  de  Bonaparte.  Lors  de  la  première  Restau- 
ration, employé  d'abord  pour  l'organisation  et  l'inspection 
des  corps  d'artillerie,  il  fut  bientôt  disgracié  comme  libérai. 
Dès  lors,  il  se  consacra  tout  entier  au  journalisme  et  fut 
un  des  fondateurs  de  l'Indépendant,  à  la  rédaction  duquel 
son  libéralisme  le  força  bientôt  à  renoncer.  Après  un 
séjour  en  Suisse  (1816-18 17), il  fonda  la  Bévue  encyclo- 
pédique, dont  les  rédacteurs  formeront  le  personnel  gou^ 
vernemenîal  de  la  royauté  de  Louis-Philippe,  sous  laquelle 
Jullien  de  Paris  n'occupa  aucune  fonction  publique.  —  Il 
a  publié  de  nombreux  opuscules  et  laissé  des  mémoires 
inédits,  dont  M.  Sarrut  a  donné  quelques  extraits. 
M.  Edouard  Lockroy  a  publié  le  journal  de  la  mission  de 
Jullien  de  Paris,  sous  ce  titre  :  Une  Mission  en  Vendée 
(1793)  (Paris,  1893,  in-12).  F.-A.  A. 

HiBL.  :  Sarrut  et  Saint-Edme,  Biographie  des  hommesi 
du  jour,  t.  VI. 

JULLIEN  (Pierre-Alexandre-Adolphe),  ingénieur  fran- 
çais, fils  du  précédent,  né  à  Amiens  le  13  févr.  1803, 
mort  à  Paris  le  1«^  mars  1873.  Entré  en  1821  à  l'Ecole 
polytechnique  et  en  1823  à  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées, 
il  fut  nommé  ingénieur  ordinaire  en  1828,  ingénieur  en 
chef  en  1838,  inspecteur  divisionnaire  en  1852,  inspecteur 
général  en  1854  ;  il  prit  sa  retraite  en  1858.  Il  avait  bril- 
lamment débuté  dans  la  carrière  d'ingénieur  par  la 
construction  des  ponts-aqueducs  du  Guétin,  sur  l'Allier, 
et  de  Digoin,  sur  la  Loire  (canal  latéral  à  la  Loire).  En 
1839,  il  fut  chargé  des  travaux  du  chemin  de  fer  de 
Paris  à  Orléans  et  en  1844  de  ceux  du  chemin  de  fer  de 
Paris  à  Lyon;  il  ne  termina  qu'en  1854  cette  dernière 
ligne,  qui  subit  une  crise  financière.  En  1857,  il  devint 
directeur  de  la  Compagnie  des  chemins  de  fer  de  l'Ouest. 
Il  a  publié  dans  les  Annales  des  ponts  et  chaussées 
(1834  à  1845)  une  dizaine  de  mémoires  sur  les  pouzzo- 
lanes artificielles,  sur  la  courbure  des  chaînes  des  ponts 


JULLIEN  —  JUMELLE 


296 


suspendus,  sur  la  construction  et  Texploitation  des  chemins 
de  fer,  etc.  L.  S. 

BiBL.  :  F,-P.-H.  Tarbé  de  Saint-Hardouin,  Notices 
biographiques  sur  les  ingén,  des  ponts  et  chaussées; 
Paris,  1884,  p.  226. 

JULLIEN  (Charles-Edouard),  ingénieur  français,  né  à 
Paris  en  4813.  Ancien  élève  de  l'Ecole  centrale  des  arts 
et  manufactures,  il  fut  successivement  attaché  à  l'usine  du 
Creuset,  au  chemin  de  ferP.-L.-M.,  aux  aciéries  de  Rive- 
de-Gier.  Il  a  écrit  sur  Fart  de  Tingénieur  un  très  grand 
nombre  d'ouvrages,  dont  plusieurs  sont  assez  estimés  : 
Manuel  du  chaudronnier^  avec  0.  Valerio  (Paris,  1846, 
in-18;  2®  éd.,  1873);  Manuel  de  Vingénieur  civil,  avec 
Schmitz  (Paris,  4845,  2  vol.  in-18,  et  atlas);  Traité 
théorique  et  pratique  de  la  construction  des  machines 
àvapeur  (Paris,  1847,  in-18,  et  atlas  in-4;  2«  éd.,  1859)  ; 
Traité  classique  et  pratique  de  la  métallurgie  du  fer 
(Paris,  1861,  in-4,  et  atlas)  ;  les  Affinités  capillaires  et 
les  phénomènes  de  la  trempe  (Paris,  1866,  in-12),etc. 
Il  est,  en  outre,  Fauteur  de  mémoires  sur  Taciération  in- 
sérés dans  les  Comptes  rendus  de  r  Académie  des  sciences 
de  Paris  et  dans  quelques  autres  recueils.  L.  S. 

JULLIEN  (Jean-Henri,  ou  John),  historien  genevois,  né 
à  Genève  le  3  nov.  1818,  mort  à  Plainpalais  (Genève)  le 
17  avr.  1887.  Il  fonda  en  1838  une  h brairie  encore  floris- 
sante et  qui  a  édité  nombre  d'ouvrages  classiques,  de  pu- 
blications scientifiques  et  historiques.  Son  Histoire  de 
Genève  racontée  aux  jeunes  Genevois^  en  3  vol.,  sans  nom 
d'auteur,  fut  commencée  en  1843,  mais  la  publication  n'a 
été  achevée  qu'en  1863.  Une  nouvelle  édition  a  été  faite 
en  1889.  E.  K. 

J  U  LLIEN  (Le  P.  Michel-Marie),  mathématicien  français, 
né  à  Lyon  en  1827.  Il  a  longtemps  professé  les  mathéma- 
tiques dans  des  étabHssements  de  la  Société  de  Jésus,  dont 
il  fait  partie.  On  a  de  lui,  outre  plusieurs  mémoires  origi- 
naux de  géométrie  et  de  physique  mathématique  publiés 
par  les  journaux  spéciaux,  un  recueil  très  connu  et  très 
apprécié  :  Problèmes  de  mécanique  rationnelle  (Paris, 
1853,  2  vol.  in-8  ;  2«  édit.,  1866).  L.  S. 

BiBL.  :  Catalogue  ofscientific  papers,  publié  par  la  Soc. 
roy.  de  Londres,  t.  III  et  VIII. 

JULLIEN  (Philippe-Emile),  homme  politique  français, 
né  à  Mer  (Loir-et-Cher)  le  10  juil.  1845.  Avocat  au  barreau 
de  Blois,  collaborateur  de  la  Lanterne,  de  la  Nation 
et  autres  journaux  radicaux,  il  fut  élu  député  de  Romo- 
rantin  le  27  févr.  4881.  Réélu  le  21  août,  puis  aux  élec- 
tions générales  de  1885,  1889  et  1893,  il  prit  une  part 
active  aux  débats  parlementaires,  combattit  la  loi  sur  les 
récidivistes,  celle  sur  les  manifestations  séditieuses,  l'ex- 
pédition du  Tonkin,  défendit  comme  rapporteur  la  loi  sur 
le  renouvellement  partiel  et  combattit  le  boulangisme. 

JULLIEN  (J.-B.  Pierre)  (V.  Courcelles). 

JULLY.  Corn,  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  de  Tonnerre, 
cant.  d'Ancy-le-Franc  ;  376  hab. 

J  U  LLY-LÈs-BuxY  (Julliacus).  Com.  du  dép.  de  Saône-et- 
Loire,  cant.  de  Buxy,  arr.  de  Chalon-sur-Saône  ;  530  hab. 
Halte  du  chemin  de  fer  de  la  ligne  de  Ghalon  à  Roanne  : 
Tuilerie,  briqueterie,  fours  à  chaux.  Découverte  d'anti- 
quités et  de  monnaies  romaines  au  lieu  dit  les  Houillères, 
Ancien  prieuré  de  l'ordre  de  Cluny.  Ancienne  commanderie 
de  Tordre  de  Malte. 

JULLY-sur-Sarce.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  et 
cant.  de  Bar-sur-Seine  ;  404  hab. 

JULOS.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  d'Ar- 
gelès,  cant.  de  Lourdes;  272  hab. 

JULVÉCOURT.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de 
Verdun-sur-Meuse,  cant.  de  Souilly  ;  239  hab. 

J  U  M  ALA  (Myth.  finnoise).  Ce  nom  signifie  tout  d'abord  le 
dieu  du  tonnerre  (àejum,  tonner,  et  du  suffixe  /a,  demeure 
=  demeure  du  tonnerre).  Plus  tard,  il  désigne,  dans  la 
mythologie  finnoise,  le  dieu  des  orages,  puis  le  dieu  du 
ciel  et  enfin  un  puissant  dieu  en  général.  On  lui  rendait 
un  culte  célèbre  dans  le  pays  des  Bjarma,  sur  la  côte  S. 


de  la  mer  Blanche,  où  s'élevait  sa  statue  colossale  avec, 
sur  les  genoux,  une  coupe  d'argent  remplie  de  monnaies. 
On  lui  attribuait,  comme  dieu  supérieur,  la  création  du 
monde  ;  c'est  à  lui  que  nous  devons  les  jours  heureux  du 
printemps  et  c'est  lui  qui  règle  l'alternative  du  jour  et  de 
la  nuit.  Les  hommes  sont  souvent  nommés  les  créatures 
de  Jumala^  et  on  l'invoque  en  cas  de  maladie.  Encore 
aujourd'hui,  le  paysan  finnois  exprime  parfois  sa  reconnais- 
sance par  les  mots  :  Kosf  Jumala  (que  Jumala  te  le  rende). 
Il  est  souvent  surnommé  Ylijumala^  le  dieu  supérieur,  ou 
aussi  Ukko^  le  vieillard. 

JUMART  (Zool.).  Mulet  ou  hybride  imaginaire  que  les 
anciens  zoologistes  supposaient  pouvoir  résulter  de  l'accou- 
plement du  cheval  avec  la  vache  ou  du  taureau  avec  la  ju- 
ment. C'est  VOnotaurus  des  auteurs  latins. 

JUMEAU.  I.  Physiologie.—  Enfants  jumeaux.  — 
Enfants  nés  d'un  même  accouchement  (V.  ce  mot,  t.  I, 
p.  330),  en  général  au  nombre  de  deux,  rarement  de  trois, 
plus  rarement  de  quatre.  Ils  ont  presque  toujours  entre  eux 
une  très  grande  ressemblance  et  un  vif  attachement  mutuel  ; 
leurs  goûts  et  leurs  sentiments  sont  les  mêmes  ;  ils  éprouvent 
les  mêmes  maladies  et  bien  souvent  leur  existence  est  aussi 
la  même.  —  On  a  vu  des  jumeaux  le  corps  attaché  l'un  à 
l'autre  et  vivant  d'une  vie  commune  tels  que  les  frères 
Siamois,  Millie-Christine. 

IL  Anatomie.  —  Muscles  jumeaux.  —  Les  jumeaux 
ou  gastrocnémiens  constituent,  avec  le  soléaire,  les  muscles 
du  mollet.  Ils  s'attachent,  l'un  à  la  partie  supérieure  du 
condyle  interne  (jumeau  interne)  du  fémur,  l'autre  (jumeau 
externe)  à  la  partie  supérieure  du  condyle  externe.  De 
chacun  de  ces  chefs  procède  un  corps  charnu  aplati  qui 
descend  en  convergeant  vers  son  congénère  du  côté  opposé 
pour  se  jeter  avec  lui  sur  une  aponévrose  nacrée  qui 
s'unit,  au-dessous  du  milieu  delà  jambe,  à  celle  du  muscle 
soléaire  pour  constituer  avec  elle  l'origine  du  tendon 
d'Achille.  Le  tendon  d'insertion  du  jumeau  externe  contient 
assez  souvent  un  os  sésamoïde  dans  son  épaisseur  ;  au- 
dessous  de  celui  du  jumeau  interne  on  trouve  ordinairement 
une  bourse  séreuse.  Les  deux  jumeaux  hmitent  les  deux 
côtés  inférieurs  du  losange  poplité  (creux  poplité). 

Nerfs  jumeaux.  —  Nerfs  qui  viennent  dusciatique  po- 
plité interne  et  innervent  les  muscles  jumeaux. 

III.  Mathématiques.—  Points  jumeaux.  —  ABC  étant 
un  triangle,  et  P  un  point  du  plan,  les  symétriques  des 
circonférences  PAB,  PBC,  PC  A  par  rapport  aux  côtés  AB, 
BC,  CA,  se  coupent  en  un  même  point  Q  ;  on  dit  que  les 
points  P  et  Q  sont  des  points  jumeaux.  On  les  appelle  quel- 
quefois aussi  points  isoptiques. 

JUMEAUVILLE.Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr. 
et  cant.  de  Mantes;  381  hab. 

JUMEAUX.  Ch.-l.  de  cant.  de  l'arr.  dlssoire,  dép.  du 
Puy-de-Dôme;  1,179  hab.  Fabriques  de  passementerie. 
A  Mailhat,  église  romane  du  xii®  siècle  avec  une  abside  à 
trois  faces  formant  trois  absidioles. 

JUMEAUX  (Les).  Com.  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr. 
de  Parthenay,  cant.  de  Saint-Loup  ;  434  hab. 

JUMEAUX  (V.  Deux-Jumeaux). 

JUMEL.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de  Montdi- 
dier,  cant.  d'Ailly-sur-Noye  ;  307  hab. 

JUMEL  (François  Henri),  homme  politique  français,  né 
à  Mont-de-Marsan  le  5  sept.  1847.  Avocat  au  barreau  de 
Mont-de-Marsan,  il  fut  élu  député  des  Landes  le  14  févr. 
1886  et  réélu  aux  élections  générales  de  1889  et  1893. 
Membre  de  la  gauche,  il  appuya  la  poHtique  radicale  et 
combattit  le  boulangisme. 

JUMEL  de  Berneville  (V.  Aulnoy  [Comtesse  d'J). 

JUMELLE.  I.  Physique.  —  On  nomme  ainsi  l'ensemble 
de  deux  lunettes  de  Galilée,  posées  de  façon  à  permettre  la 
vision  binoculaire.  Pour  la  théorie  de  cet  appareil,  V.  Lu- 
nette de  Galilée. 

II.  Anatomie.  —  Artères  jumelles.  — Elles  viennent 
de  l'artère  poplitée  et  irriguent  les  muscles  jumeaux. 


—  297 


JUMELLE  -  JUMIÈGES 


Veines  JUMELLES.  —  Elles  correspondent  aux  artères  du 
même  nom  et  se  jettent  dans  la  veine  poplitée. 

III.  Marine.  —  Les  jumelles  sont  des  pièces  de  bois  qui 
s'appliquent,  soit  sur  un  bas  mât  craqué,  soit  sur  une  vergue, 
afin  de  les  consolider  et  de  permettre  de  s'en  servir,  jusqu'à 
l'arrivée  dans  un  port,  où  l'on  puisse  remplacer  la  pièce  ava- 
riée. Les  jumelles  ont  l'épaisseur  voulue  pour  l'effort  à  sup- 
porter ;  elles  sont  entaillées  de  façon  à  se  juxtaposer  parfai- 
tement à  la  pièce 

que  l'on  veut 
consolider.  Leurs 
extrémités  doi- 
vent dépasser  la 
craquelure  de  la 
vergue  ou  du 
mât.'  Elles  sont 
maintenues  exac- 
te ment  appli- 
quées contre  eux, 
au  moyen  d'a- 
marrages appe- 
lés veltures  (V. 
ce  mot)  forte- 
ment trésillon- 
nées  (V.  ce  mot) 
dont  le  nombre 
dépend  de  la  lon- 
gueur de  la  ju- 
melle. 

IV.  Impri- 
merie (V.  Pres- 
se). 

V.  Art  hé- 
raldique.— 
Pièce  héraldique 
composée  de 
deux  fasces  très 
amincies,  c.-à- 
d.  au  tiers  de  leur 
largeur  ordinaire 
et  posées  l'une 
sous  l'autre. 
Deux  jumelles 
sont  donc  quatre 
petites  fasces; 
trois  jumelles, 
six.  Les  jumelles  sont  appelées  jumelles  en  pal,  en  bande 
ou  en  barre,  lorsqu'elles  sont  formées  par  l'assemblage  de 
ces  pièces,  toujours  amincies  et  posées  deux  par  deux.  On  ne 
les  nomme  simplement  jumelles  que  lorsqu'elles  sont  com- 
posées de  fasces;  alors  on  dit  :  d'azur,  à  trois  jumelles 
dor,  G.  de  G. 

JUMELLES.  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  d'Evreux, 
cant  de  Saint-André  ;  434  hab. 

JUMELLES.  Com.  du  dép.  de  Maine-et-Loire,  arr.  de 
Baugé,  cant.  de  Longue;  1,514  hab.  Stat.  (Jumelles- 
Brion)  du  chem.  de  fer  d'Orléans,  ligne  de  La  Flèche  à 
Saumur. 

JUMELLIÈRE  (La).  Com.  du  dép.  de  Maine-et-Loire, 
arr.  deCholet,  cant.  de  Chemillé  ;  1,409  hab.  Stat.  du 
chem.  de  l'Etat,  ligne  de  Niort  à  La  Possonière. 

JUMENCOURT.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  deLaon, 
cant.  de  Coucy-le-Château  ;  200  hab. 

JUM ENTÉS  (ZooL).  Ordre  de  la  classe  des  Mammi- 
fères créé  par  Storr  (1780)  qui  n'y  plaçait  que  le  seul 
genre  cheval  (Equus).  P.  Gervais  (1854)  a  proposé  de  dis- 
tinguer sous  ce  nom  les  Ongulés  non  ruminants  (à  l'excep- 
tion des  Eléphants  et  des  Cochons),  c.-à-d.  hs  Périssodac- 
tyles  (V.  ce  mot)  des  paléontologistes  modernes.  Dans  la 
nature  actuelle,  cet  ordre  ne  comprend  que  les  genres 
Rhinocéros,  Daman,  Tapir  et  Cheval,  ou  les  Pachy- 
dermes ordinaires  et  les  Solipèdes  de  Cuvier  (V.  Ongulés). 

J  U  M  ET.  Com.  de  Belgique,  prov.  de  Hainaut,  arr.  de 


Abbaye  de  Jumiéges  (façade  Ouest). 


Charleroi  ;  24,000  hab.  Stat.  des  chem.  de  fer  de  Luttre 
à  Charleroi  et  de  Piéton  à  Fleurus.  Exploitations  de  char- 
bonnages et  de  carrières,  importantes  verreries,  fonderies, 
laminoirs ,  brasseries  et  distilleries. 

JUMIÈGES  (Gemeticum).  Com.  du  dép.  de  la  Seine- 
Inférieure,  arr.  de  Bouen,  cant.  de  Duclair,  sur  la  rive 
droite  et  dans  une  boucle  de  la  Seine  de  22  kil.  de  cir- 
cuit, occupée  en  partie  par  la  forêt  de  Jumiéges  ;  1 ,027  hab. 

Stat.  (Yainville- 
Jumièges)  du 
chem.  de  fer  de 
l'Ouest,  ligne  de 
Barentin  à  Cau- 
debec.  Commerce 
important  de 
fruits,  volailles, 
légumes,  expor- 
tés pour  la  plu- 
part en  Angle- 
terre. L'origine 
de  Jumiéges  est 
due  à  une  célèbre 
abbaye  fondée  en 
ce  lieu  vers  665 
par  Saint-Phili- 
bert. La  légende 
y  place  le  tom- 
beau des  «  éner- 
vés de  Jumié- 
ges »,  qui  au- 
raient été  deux 
fils  de  Clovis  II, 
mutilés  pour 
s'être  révoltés 
contre  leur  mère 
Bathilde,  aban- 
donnés sur  une 
barque  au  cou- 
rant de  la  Seine 
et  recueillis  dans 
l'abbaye;  ou  en- 
core les  ducs  de 
Bavière,  Tassilon 
et  Théodore,  pri- 
sonniers de  Char- 
lemagne  et  re- 
légués à  Jumiéges.  Deux  statues  tombales,  conservées  jus- 
qu'à nos  jours ,  ont  sans  doute  donné  naissance  à  cette 
légende.  Détruite  par  les  Normands  au  ix^  siècle,  l'abbaye 
fut  restaurée  en  928  par  le  duc  de  Normandie,  Guillaume 
Longue-Epée,  et  subsista  jusqu'en  1790.  De  magnifiques 
ruines,  devenues  propriété  particulière,  s'élèvent  encore 
sur  l'emplacement  de  l'ancienne  abbaye.  De  l'église,  bâtie 
de  1040  à  1067,  il  reste  la  nef  effondrée,  la  façade  sur- 
montée de  deux  tours  et  des  débris  du  chœur  reconstruit 
au  xiii®  siècle.  Sur  le  flanc  Sud  de  l'église  abbatiale  s'élève 
l'église  de  Saint-Pierre,  reconstruite  au  xiv^  siècle  sur 
l'emplacement  de  l'église  carolingienne  bâtie  par  Guillaume 
Longue-Epée,  dont  il  subsiste  de  précieux  débris  ;  la  cha- 
pelle Saint-Martin,  construite  au  xv«  siècle,  s'appuie  à  son 
tour  sur  l'église  Saint-Pierre.  A  côté  de  la  tour  du  Sud 
s'élève  la  salle  des  Hôtes  du  xii®  siècle,  remaniée  au  xv«  siècle, 
pour  servir  de  salle  des  gardes  aux  appartements  de 
Charles  VIÏ,  qui  y  séjourna  à  plusieurs  reprises.  Il  s'est 
conservé  également  la  salle  capitulaire  du  xiii®  siècle,  qui 
renferme  des  tombeaux  d'abbés  et  de  prieurs,  le  palais 
abbatial  du  xvu®  siècle,  le  logement  du  portier,  des  com- 
muns, des  ruines  de  la  bibliothèque,  des  murs  de  clôture, 
un  puits  et  l'ancien  pilori.  Une  communauté  de  moines 
bénédictins  a  récemment  acquis  tous  ces  bâtiments  pour 
y  rétablir  une  abbaye.  Agnès  Sorel,  qui  habita  longtemps 
un  manoir  du  xm®  siècle,  au  Mesnil-sous- Jumiéges,  mourut 
et  fut  enterrée  dans  l'abbaye,  où  la  table  de  marbre  noir 


JUMIÈGES  -  JUNG 


298  - 


de  son  tombeau  avec  son  épitaphe  est  encore  conservée.  — 
L'église  paroissiale  (mon.  hist.)  est  un  intéressant  édifice 
roman,  avec  des  remaniements  postérieurs  ;  elle  est  sous  le 
vocable  de  saint  Valentin,  qui  d'après  la  tradition  délivra 
au  xu®  siècle  Jumièges  d'une  invasion  de  rats  en  les  for- 
çant à  se  précipiter  dans  la  Seine.  —  Ruines  de  la  cha- 
pelle de  la  Mère-Dieu,  lieu  de  pèlerinage  dans  la  forêt, 
fréquenté  pour  la  guérison  des  fièvres  intermittentes. 

JUMIGNY.  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Laon, 
cant.  de  Craonne;  467  hab. 

JUMILHAC  (Chapelle  de)  (V.  Chapelle). 

JUMILHAC-le-Grând.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la 
Dordogne,  arr.  de  Nontron,  sur  la  rive  gauche  de  Flsle; 
3,086  hab.  Kaolin.  Fabriques  d'outils,  de  sabots  et  de 
toiles  de  chanvre.  A  Vialette  et  aux  Fénières,  hauts  four- 
neaux, forges  et  feux  d'affinerie.  La  seigneurie  de  Jumilhac, 
possédée  longtemps  par  la  famille  de  Rochechouart ,  fut 
érigée  en  marquisat,  en  1655,  pour  François  Chapelle, 
baron  d'Arfeuille.  Eglise  à  clocher  roman.  Reau  château 
du  XV®  siècle,  agrandi  au  xvii®. 

JUWIPERS,  c.-à-d.  «  sauteurs  ».  Nom  donné  à  la  fin  du 
siècle  dernier  à  des  méthodistes  calvinistes  du  pays  de 
Galles.  Dans  les  assemblées  religieuses  des  méthodistes 
(V.  ce  nom),  les  assistants  ont  coutume  d'exprimer  les  sen- 
timents qu'il  éprouvent  par  des  éjaculations  («  Amen  !  Allé- 
luia! oui,  Seigneur!  »,  etc.);  quelques-uns,  vers  4760, 
se  mirent  à  sauter  et  à  danser  convulsivement  sous  l'action 
de  leur  émotion  religieuse.  Cela  se  répandit  comme  une 
épidémie.  On  excusait  et  on  expliquait  cette  étrange  mani- 
festation en  rappelant  la  danse  de  David  devant  l'arche 
(II®  Livre  de  Samuel^  chap.  vi,  v.  46)  ou  d'autres  pas- 
sages bibliques  (Luc,  chap.  VI,  V.  23;  Actes  des  Apôtres, 
chap.  III,  V.  8).  Comme  certains  sujets  poussaient  aussi  des 
sortes  d^aboiements,  on  leur  donnait  encore  le  nom  de 
barkers,  «  aboyeurs  ».  La  plupart  de  ces  agités  finirent 
par  émigrer  en  Amérique,  où  cette  coutume  existe  encore, 
tandis  que  le  méthodisme  du  pays  de  Galles  s*est  complè- 
tement assagi.  F.-H.  K. 

JUNAS.  Com.  du  dép.  du  Gard,  arr.  de  Nîmes,  cant.  de 
Sommières;  450  hab. 

JUNAY.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  et  cant.  de 
Tonnerre;  486  hab.  Eglise  du  xiii®  siècle. 

JUNCALAS.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr. 
d'Argelès,  cant.  de  Lourdes  ;  368  hab. 

JÙNCKHER  (Les).  Nom  de  trois  frères  architectes, 
sculpteurs  et  peut-être  peintres  allemands  de  la  fin  du  xiv® 
et  du  commencement  du  xv®  siècle.  C'est  à  ces  artistes, 
Jean,  Wenceslas  et  Michel,  originaires  de  Prague  (Ro- 
hême),  et  qui  semblent  avoir  travaillé  en  commun,  que  sont 
attribuées  la  construction  et  la  décoration,  exécutées  de  4365 
à  4383,  de  la  base  octogonale  et  des  quatre  tourelles  ren- 
fermant les  escaliers  intérieurs  qui  supportent  la  partie 
supérieure  de  la  flèche  de  la  tourN.  de  la  cathédrale  de  Stras- 
bourg. Une  médaille,  frappée  en  l'honneur  des  frères  Junc- 
kher  à  Strasbourg  en  4565,  date  du  deuxième  centenaire 
du  commencement  des  travaux  de  cette  flèche,  porte  sur 
l'avers  ces  mots  :  Turris  Argentinensis  (tour  de  Stras- 
bourg), et  sur  la  face,  ces  autres  mots  :  Diedrei  Junck- 
herrn  von  Brag  (les  trois  gentilshommes  de  Prague), 
dernière  légende  qui  semble  rappeler  à  la  fois  le  nom  des 
trois  artistes  et  leur  quahté  nobiliaire.  La  cathédrale  de 
Strasbourg  renfermait  autrefois,  le  long  d'un  piher  du  bas 
côté  de  gauche,  une  statue  de  la  Mater  dolorosa  envoyée 
de  Prague  en  4404  par  les  frères  Junckher;  mais,  malgré 
une  tradition  constante,  on  ne  connaît  aucune  de  leurs 
oeuvres  peintes.  Charles  Lucas. 

BiBL.  :  Ch.  GÉRARD,  les  Artistes  de  l'Alsace  pendant  le 
moyen  âge  ;  Paris,  1873,  t.  II. 

JUNCUS  (Paléont.  végét.)  (V.  Jonc). 

JUNDT  (Gustave-Adolphe),  peintre  français,  né  à  Stras- 
bourg le  24  juin  1830,  mort  à  Paris  le  45  mai  4884. 
Elève  de  DroUing  et  Biennoury,  il  s'adonna  à  la  peinture 
de  genre  traitant  spécialement  des  scènes  humoristiques  de 


la  vie  de  campagne.  Il  a  aussi  dessiné  beaucoup  d'illustra- 
tions et  de  caricatures.  Parmi  ses  tableaux,  on  peut  citer  : 
r Invitation  à  la  Noce  (1857);  Un  Dimanche  au  mii- 
sèe  du  grand-duc  (4864);  Il  pleut  (4874);  la  Coupe 
des  cheveux  à  la  foire  de  la  Tour  en  Auvergne  (4875) 
et  des  compositions  sentimentales  :  les  Iles  du  Rhin  (1869); 
Libellules  (iSlO),  etc. 

JUNDT  (Auguste),  historien  français,  né  à  Strasbourg 
le  48  juil.  4848,  mort  à  Versailles  le  47  août  4890.  Doc- 
teur en  théologie  et  professeur  à  la  faculté  de  Paris,  il  a 
publié  entre  autres  une  série  d'études  remarquables  sur  le 
mysticisme  au  moyen  âge  :  Essai  sur  le  mysticisme  spé- 
culatif de  maître  Eckhardt  (Strasbourg,  4874)  ;  Histoire 
du  panthéisme  populaire  au  moyen  âge  et  au  \y\^  siècle 
(Paris,  4875);  les  Amis  de  Dieu  au  xiv^  siècle  (Paris, 
4879);  l'Apocalypse  mystique  du  moyen  âge  (Paris, 
4  886)  ;  Rulman  Merswin  (Paris,  1 890) .  La  Grande  Ency- 
clopédie le  comptait  parmi  ses  collaborateurs. 

JUNDZILL  (Stanislas-Roniface),  naturaliste  polonais, 
né  à  Jasience,  en  Lithuanie,  en  4764,  mort  en  4847.  Il 
acheva  ses  études  à  l'université  de  Vilna  et  entra  dans 
l'ordre  des  piaristes.  Il  enseigna  l'histoire  naturelle  et  pu- 
blia en  polonais  divers  ouvrages  fort  estimés,  notamment 
une  Description  des  plantes  de  la  Lithuanie  (Vilna, 
d881,  2«  éd.)  ;  une  Botanique  (id,,  4799);  une  Zoo- 
logie (id.,  4807  ;  2«  éd.,  4827).  On  lui  doit,  en  outre, 
un  certain  nombre  de  mémoires  scientifiques.  Il  organisa 
les  collections  d'histoire  naturelle  de  l'université  de  Vilna. 

JUNG,  JUNGEouJUNGlUS  (Joachim),  naturaliste, 
mathématicien  et  philosophe  allemand,  né  à  Lubeck  le 
22  oct.  4587,  mort  à  Hambourg  le  47  sept.  4657.  Il 
s'adonna  d'abord  aux  mathématiques,  qu'il  professa  de 
4609  à  4644  à  l'université  de  Giessen,  puis  étudia  This- 
toire  naturelle  et  la  médecine,  se  fit  recevoir  docteur  à  Pa- 
doue  en  4648  et  se  rendit  en  4649  à  Rostock,  où  il  fonda 
en  4622  une  société  scientifique  et  où  il  fut  de  nouveau 
professeur  de  mathématiques  de  4624  à  4625.  Accusé 
d'intelligences  avec  les  frères  Rose-Croix,  il  dut  quitter 
Rostock  à  deux  reprises  et  se  retira  définitivement  à 
Hambourg,  où  il  passa  ses  vingt  dernières  années  comme 
recteur  du  gymnase  et  du  Johanneum.  Leibniz,  qui  ne 
craint  pas  de  le  comparer  à  Gahlée  et  à  Cope)*nic,  l'estime 
l'un  des  esprits  les  plus  sagaces  du  xvii®  siècle.  Il  sut,  en 
tout  cas,  s'affranchir,  dans  son  enseignement  et  dans  ses 
écrits,  des  vieilles  doctrines  de  la  scolastique,  auxquelles 
il  substitua,  l'un  des  premiers,  l'expérience  scientifique.  La 
botanique  lui  est  surtout  redevable  :  il  introduisit  dans 
l'étude  des  caractères  des  plantes  une  précision  avant  lui 
inconnue  ;  il  les  classa  en  genres  et  en  espèces  ;  il  essaya 
de  comparer  leurs  organes  et  de  rechercher  leurs  analogies  ; 
il  créa  enfin  toute  une  terminologie,  que  Linné  devait  par 
la  suite  perfectionner.  Un  petit  nombre  de  ses  ouvrages 
virent  le  jour  de  son  vivant  :  Geometria  empirica  (Ros- 
tock, 4627,  in-4;  6«  éd.,  Hambourg,  J688,  in-4),  tra- 
duite en  allemand  par  Jung  lui-même  {Die  Reisse-Kunst, 
très  rare)  ;  Trias  quœstionum  physicarum  (Hambourg, 
1637,  in-4);  Logica  Hamburgensis  (Hambourg,  4638; 
3^  éd.,  4684);  De  Principiis  corporum  naturalium 
(Hambourg,  4642,  in-4),  etc.  La  plupart  ne  furent  publiés 
qu'après  sa  mort,  par  M.  Fogel,  J,  Vaget,  J.  Harmer  : 
Isagoge  physica  doxoscopia  (Hambourg,  4662,  in-4); 
Harmonica  theoretica  (Hambourg,  4678,  m-^i);  Isagoge 
phytoscopica  (Hambourg,  4678,  in-4)  ;  Mineralia  (Ham- 
bourg, 1689,  in-4);  Phoranomica  (Hambourg,  4689, 
in-4);  Ilistoria  Vermium  (Hambourg,  4694,  in-4),  etc. 
J.-S.  Albrecht  a  donné  en  outre  un  recueil  de  ses  disser- 
tations :  Opuscula  botanico-physica  (Cobourg,  4747, 
in-4).  L.S. 

BiBL.  :  M.  VoGEL,  Historia  vitae  et  mortis  J.  Jungii; 
Hambourg,  1657,  in-4.  —  Leibniz,  Opéra,  t.  Vï,  p.  39.  — 
Galmberg,  Geschichte  des  Hamb.  Johanneums  ;  Ham- 
bourg, 1829.  —  E.  GuHRAUER,  Commentatio  historico- 
litteraria  de  J.  Jungio;  Breslau,  1846,  m-8.  —  Du  même, 
J.  Jungius  und  sein  Zeitalter;  Stuttgart,  1851,  in-8.  — 


-  299 


JUNG  -  JÛNGER 


Avé-Lallemant,  Des  D^"  J,  Jungius  ans  Lûbeck  Brief- 
wechsel  ;  Lûbeck,  1863.  —  Du  même,  Das  Leben  des  Dr. 
med.  J.  Jungius  ;  Breslau,  1882. 

JUNG  (Johann-Heinrich),  surnommé  Stilling,  né  à 
Grund,  dans  le  Nassau,  le  d  2  sept.  4740,  mort  à  Karlsruhe  le 
i2  avr.  18 17.  A  l'âge  de  quinze  ans,  il  se  vit  obligé  de  gagner 
sa  vie  comme  tailleur  et  maître  d'école.  Cependant,  grâce 
à  son  énergie  et  à  sa  persévérance,  il  acquit  bientôt  des 
connaissances  qui  lui  permirent  d'être  précepteur,  jusqu'au 
jour  où  il  commença,  à  l'âge  de  trente  ans,  des  études  de 
médecine  à  Strasbourg.  Il  y  rencontra  Goethe,  avec  lequel 
il  eut  des  relations  très  amicales,  comme  le  raconte  celui-ci 
dans  ses  mémoires  (Dichtung  u.  Wahrheit,  IX)  ;  Gœthe 
fait  un  grand  éloge  de  Stilling,  vante  son  enthousiasme 
pour  le  bien,  le  vrai  et  le  juste,  et  montre  comment  son 
énergie  reposait  sur  une  inaltérable  confiance  en  Dieu,  senti- 
ment qui  soutint,  en  effet,  Stilling  jusque  dans  les  épreuves 
les  plus  pénibles.  Médecin  à  Elberfeld,  il  fit  souvent  et 
avec  bonheur  l'opération  de  la  cataracte  et  cela  rendit  son 
nom  célèbre  en  Allemagne  ;  mais,  malgré  ses  succès,  il 
renonça  à  pratiquer  la  médecine  pour  s'occuper  d'écono- 
mie politique,  et  fut  d'abord  maître  à  Kai^erslautern  (1778), 
puis  à  Heidelberg  (1 784)  et  enfin  professeur  à  Marbourg 
(1787).  Il  s'intéressait  cependant  surtout  aux  questions 
religieuses  et,  dans  son  mysticisme  exalté,  croyait  même 
au  commerce  des  esprits  ;  il  a  laissé  à  ce  sujet  des 
Scènes  du  règne  des  esprits  (1803);  une  Théorie  de 
la  connaissance  des  esprits  (1808);  une  Apoloqie  de 
la  théorie  des  esprits  (1809),  etc.  Nommé  par  Charles- 
Frédéric,  en  1803,  professeur  d'économie  politique  à  Heidel- 
berg, il  avait  avant  tout  pour  mission  «  de  faire  avancer 
par  ses  écrits  la  religion  et  le  christianisme  pratique  »  ; 
en  1806,  il  alla  s'établir  à  Karlsruhe,  dans  le  château 
même  du  duc,  et  il  y  resta  jusqu'à  sa  mort.  L'ouvrage 
le  plus  populaire  de  Stilling  ce  sont  ses  mémoires  (Vie 
d'Henri  Stilling^  1806,  5  vol.),  témoignage  naïf  et  par- 
fois touchant  de  la  simplicité  de  cœur  et  de  la  foi  chré- 
tienne de  leur  auteur.  Les  romans  :  Histoire  de  M.  de 
Morgenthau  (1779)  et  Theobald  (1784-85)  dans  les- 
quels Stilling  parle  aussi  de  ses  expériences  personnelles, 
ont  moins  d'intérêt.  L.-W.  C. 

BiBL.  :  Œuvres  ;  Stuttgart,  1835-39, 14  vol.  — •  Bodemann, 
Zûge  aus  dem  Leben  von  J.-H.  Jung,  genannt  Stillinq  ; 
Bielefeld,  1868. 

JUNG  (André),  théologien  et  historien  alsacien,  né  à 
Strasbourg  le  20  juin  1793,  mort  à  Strasbourg  le  12  oct. 
1863.  Il  devint  docteur  en  théologie  en  1832.  Del821-35, 
il  fut  supérieur  du  collège  Saint-Guillaume; en  1826,  pro- 
fesseur suppléant  au  séminaire  protestant;  à  partir  de 
1833,  professeur  d'histoire  ecclésiastique;  de  1843-63,  il 
fut  bibliothécaire  de  la  ville  de  Strasbourg.  Jung  a  écrit, 
en  allemand,  l'histoire  de  la  réformatioa  de  Strasbourg 
jusqu'en  1524,  de  celle  de  la  diète  de  Spire  de  1529;  il  a 
aussi  pubhé  une  série  de  notices  sur  les  bibliothèques  pu- 
bliques de  Strasbourg,  et  a  été  correspondant  du  ministère 
de  l'instruction  publique  pour  les  travaux  historiques.  Comme 
bibliothécaire,  il  a  rendu  des  services  inappréciables. 

BiBL.  :  Ch.  ScHMiDT,  Discours  académique  prononcé  à 
la  mémoire  de  M.  André  Jung;  Strasbourg,  1864. 

JUNG  (Henri-Féhx-Théodorè),  général  et  écrivain  fran- 
çais, né  à  Paris  le  22  mars  1833.  Fils  d'un  ingénieur  géo- 
graphe (mort  en  1 865)  qui  s'est  fait  connaître  comme  peintre 
de  batailles,  et  petit-fils  d'un  des  officiers  de  l'état-major  de 
Desaix,  il  fit  ses  études  au  lycée  Bonaparte  et  entra  à  l'Ecole 
de  Saint-Cyr  le  8  oct.  1851.  A  sa  sortie,  il  est  classé  dans 
l'état-major  et,  à  la  fin  des  cours  de  l'Ecole  d'application,  il 
part  pour  l'Algérie  où  il  est  stagiaire  au  71^  de  ligne  à  Sétif 
et  au  3*^  chasseurs  d'Afrique.  En  cette  qualité,  il  prend  part 
à  toutes  les  expéditions  qui  ont  lieu  à  cette  époque  :  la 
Kabylie  en  1855  avec  le  général  Deligny,  les  Babors  en 
1856  avec  le  général  Maissiat,  Ouargla  en  1857  avec  le 
général  Desvaux  et  la  même  année,  la  Grande-Kabylie  avec 
le  maréchal  Randon.  Nommé  capitaine  entre  temps,  il  éta- 
blit le  premier  la  carte  saharienne  du  S.  de  la  province  de 
Constantine  et  celle  du  massif  montagneux  des  Portes  de 


Fer.  Dès  cette  époque,  le  jeune  officier  d'état-major  se  fait 
connaître  dans  la  presse,  mais  c'est  le  crayon  et  non  la 
plume  qu'il  exerce  en  envoyant  aux  journaux  illustrés  des 
croquis  de  ses  campagnes.  Au  moment  de  la  guerre  d'Ita- 
lie, Jung  est  à  Sétif  aide  de  camp  du  général  Nesme-Des- 
marest  ;  il  obtient  de  rejoindre  le  3®  chasseurs  d'Afrique, 
prend  part  à  tous  les  combats  et  est  décoré  sur  le  champ  à 
la  bataille  de  Solférino.  Après  avoir  été  aide  de  camp  des 
généraux  Decaen  et  Daumas,  il  est  appelé  au  ministère  de 
la  guerre  en  1865  et  c'est  là  que  se  dessine  son  aptitude 
aux  travaux  historiques  et  philosophiques.  En  1866,  il 
donne  son  Parallèle  entre  Michel  le  Tellier  et  le  mar- 
quis de  Louvois,  et  About  fait  paraître  sans  l'en  prévenir 
son  Voyage  autour  de  la  tente.  Successivement  on  peut 
lire  de  lui  à  cette  époque,  sous  la  signature  de  Gambetta, 
dans  la  revue  Politique  et  littéraire  de  Ghallemel-Lacour  : 
le  Budget  de  la  guerre,  le  Quadrilatère,  Solférino-Sa- 
doiua.  11  était  au  cabinet  du  ministre  de  la  guerre  quand  éclata 
le  conflit  franco-allemand.  Dès  le  16  juil.,  il  part  pour  Stras- 
bourg, assiste  à  la  bataille  de  Wœrth  et,  après  la  défaite, 
^concourt  à  organiser  la  retraite  sur  Châlons.  Le  11  août, 
il  est  à  Metz  où  il  fait  arrêter  le  baron  de  Degenheim,  dit 
Schull,  le  chef  des  espions  Allemands.  Cité  à  l'ordre  du 
jour  pendant  le  siège,  il  subit  le  sort  commun  et  est  envoyé 
en  captivité  à  Cassel,  puis  à  Aix-la-Chapelle  et  enfin  à  Ulm 
d'où  il  rentre  en  France  le  17  mars  1871.  Il  est  alors  versé 
dans  l'artillerie  à  la  suppression  du  corps  d'état-major. 

M.  Thiers  employa  alors  le  capitaine  Jung  à  des  missions 
à  l'étranger.  Il  fut  en  Italie,  puis  à  son  retour  au  minis- 
tère des  affaires  étrangères.  Envoyé  à  Besançon  comme  en 
exil  lors  du  24  mai,  il  y  fit  la  connaissance  du  colonel  Bou- 
langer qui  commandait  dans  cette  garnison  le  133®  d'infan- 
terie. Chargé  d'études  militaires  en  Suisse,  puis  en  Hollande, 
il  occupe  dans  le  Nord  des  fonctions  d'état-major  jusqu'en 
1 880,  où  il  est  appelé  de  nouveau  à  Paris  au  cabinet  du 
ministre  de  la  guerre,  le  général  Farre.  Jusque-là  il  a  fait 
paraître  :  la  Vérité  sur  le  Masque  de  fer  ;  France  et 
Rome  ;  le  Dépôt  de  la  guerre  ;  Principes  de  guerre  : 
r Académie  de  guerre  de  Berlin,  etc.  ;  mais,  voici  le 
moment  où  il  se  révèle  :  Bonaparte  et  son  temps  vient 
après  Michelet  et  Lanfrey  démolir  la  légende  napoléo- 
nienne créée  par  Thiers  et  son  école.  L'impression  pro- 
duite par  ce  livre  fut  considérable  ;  non  seulement  le  talent 
et  le  travail  de  l'auteur  s'y  révélaient,  mais  aussi  sa  profonde 
conviction.  Il  fallait  en  effet  une  énergie  et  un  courage  peu 
communs  pour  oser  venir  saper  ouvertement  l'idole.  En 
1881  et  1882,  il  est  envoyé  en  Espagne  et  à  Andorre  ; 
puis,  après  quelques  mois  passés  pour  la  seconde  fois  à 
l'hôtel  du  quai  d'Orsay,  il  est  nommé  à  Brest  directeur  de 
l'artillerie.  C'est  là  que  Boulanger  vient  le  chercher  comme 
chef  de  cabinet,  et,  dans  ce  poste,  il  reçoit  les  étoiles  de  gé- 
néral de  brigade.  A  la  chute  du  ministère,  il  prend  pen- 
dant quelques  jours  le  commandement  d'une  brigade  d'in- 
fanterie, mais  brusquement  on  lui  confie,  le  27  juin  1887, 
le  commandement  supérieur  du  groupe  :  Dunkerque,  Calais, 
Bergues,  Gravelines.  C'est  là  qu'en  1891  il  a  quitté  volon- 
tairement l'armée  et  qu'il  s'est  fait  placer  dans  le  cadre  de 
réserve.  Ses  occupations  ne  l'avaient  pas  empêché  de  pu- 
blier d'importants  ouvrages  :  en  1884,  Lucien  Bonaparte; 
en  1885,  Dubois-Crancé  ;  en  1889,  la  Guerre  et  la 
Société,  qui  eut  un  grand  retentissement  dans  toute  l'Eu- 
rope et  surtout  en  Allemagne;  puis,  en  1890,  le  corollaire 
de  ce  dernier  livre  :  Stratégie,  tactique  et  politique. 

Nommé  membre  de  la  Société  des  gens  de  lettres  en 
1891,  il  fit  aussitôt  paraître  :  la  République  et  V armée, 
puis,  après  avoir  collaboré  à  V Eclair,  il  a  fondé  le  journal 
la  Plume  et  VEpée,  publication  essentiellement  militaire 
qui  a  pour  devise  Glorifier  le  passé,  honorer  le  présent, 
préparer  l'avenir.  —-  Le  général  Jung  a  été  élu  député 
de  Dunkerque  en  1893. 

JUNG  BuNZLAu  (Y.  Mlada  Boleslava). 

JUNGE  (V.Jung). 

JUNGER  (Johann-Friedrich),  auteur  comique  allemand, 


JONGER  —  JUNIN 


—  300  — 


né  à  Leipzig  le  ^15  févr.  4769,  mort  le  Î25  févr.  4797.  Il 
dirigea  le  théâtre  de  la  cour  à  Vienne  de  4789  à  4794. 
Imitateur  des  comiques  français,  ses  œuvres  ont  été  réu- 
nies en  trois  séries  :  Lustspiele  (Leipzig,  4785-90, 5  vol.); 
Komisches  Theater  (4792-94,  3  vol.);  Theatralischer 
Nachlass  (Ratisbonne,  4803-4,  2  vol.).  Il  a  écrit  des 
poésies  et  des  romans  médiocres. 

JUNGERMANNIA.  L  Botanique.  — L.  Genre  de  plantes 
Cryptogames  Acrogènes,  de  la  famille  des  Hépatiques,  Ses 
représentants  ressemblent  à  certaines  espèces  de  Mousses 
par  leurs  tiges  et  leurs  feuillages.  Elles  ont  une  tige  couchée, 
stoloniforme,  dressée  à  sa  partie  supérieure,  simple  ou 
bifurquée  ;  les  feuilles  sont  rapprochées  et  divisées  en  deux 
lobes  inégaux,  oblongs,  arrondis  ou  apiculés  ;  la  capsule 
est  globuleuse,  solitaire  au  sommet  d'un  pédicelle  grêle. 
On  en  connaît  une  quarantaine  d'espèces  ;  les  plus  com- 
munes, que  l'on  rencontre  aux  environs  de  Paris,  sont  : 
Jungermannia  albicans  L.,  Jungermannia  crenulaia 
Sm.,  Jungermannia  ventricosa  Dicks.  On  les  trouve  sur 
les  rochers  siliceux,  la  terre,  les  bois  pourris,  au  milieu 
des  mousses,  au  bord  des  chemins  creux,  bois  et  bruyères, 
humides.  A.  Vendryès. 

IL  Paléontologie.  —  On  a  rencontré  des  fragments  de 
Jungermannia  et  de  genres  voisins  dans  l'ambre  du  littoral 
de  la  Baltique. 

BiBL.  :  Lin.,  Sp.  Plant.,  n°  1599.  —  Hooker,  Brit.  J., 
t.  XXV,  XXVIII  et  XXXVII.—  Husnot,  Hép.  Gall,  n°*  7, 
31  et  33.  —  BouL,  pp.  787  et  797. 

JUNGERMANNIACÉES  (Bot.).  Famille  de  Végétaux 
Cryptogames  vasculaires,  de  la  famille  des  Hépatiques.  — 
Plantes  composées  d'une  tige  garnie  de  feuilles  plus  rare- 
ment formées  d'une  simple  expansion  membraneuse  ou 
thalle.  Capsule  solitaire,  pédicellée,  s'ouvrant  en  quatre 
valves  régulières  ou  très  peu  irrégulières.  Périanthe  libre. 
Fructification  (archégones)  terminant  la  tige  ou  un  rameau 
latéral.  On  les  divise  d'après  ce  dernier  caractère  en  deux 
titres  :  4°  Anacrogynes,  à  archégones  non  terminaux, 
presque  toujours  un  thalle  ;  genres  principaux  :  Metzgeria, 
Aneura^  Blasia^  Blyttia,  Fossombronia^  Haplomitrium  ; 
2°  Acrogynes,  à  archégones  terminaux,  à  tige  feuillée; 
genres  principaux  :  Lejeunia,  Frulliana,  Radula,  Mado- 
theca^  Ptilidium,  Lepidozia,  Mastigobryum,  Geocalyx, 
Jungermannia,  Gymnomitrium,  A.  Vendryès. 

JUNGFERNSTIÉ6  (V.  Hambourg). 

JUN6FLEISCH  (Emile-Clément),  chimiste  français,  né  à 
Paris  le  24  dée.  4839.  Interne  en  pharmacie  de  4864  à  4868, 
reçu  en  4868  docteur  es  sciences  physiques  avec  une  thèse 
sur  les  Dérivés  chlorés  de  la  benzine  et,  en  4  869,  agrégé  de 
chimie  à  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie  de  Paris  avec  une 
thèse  sur  les  Anilines  chlorées,  il  a  été  chargé,  à  cette 
école,  en  4869,  en  4874  et  en  4876,  de  la  suppléance  du 
cours  de  chimie  organique  et  il  y  est  depuis  4877  profes- 
seur titulaire  de  cette  chaire.  Il  est  en  outre,  depuis  ^1890, 
professeur  de  chimie  générale  au  Conservatoire  national  des 
arts  et  métiers.  Il  a  été  élu  en  4880  membre  de  l'Aca- 
démie de  médecine.  Elève  de  M.  Berthelot,  M.  Jungfleisch 
est  l'auteur  d'importants  travaux  de  chimie  minérale  et  de 
chimie  organique.  On  lui  doit  notamment  :  une  méthode 
pour  l'extraction  du  gallium  en  quantités  relativement 
considérables  (avec  M.  Lecoq  de  Boisbaudran)  ;  une  étude 
complète  de  la  lévulose  pure  et  du  sucre  interverti  (avec 
M.  Grimbert)  ;  de  longues  séries  d'intéressantes  recher- 
ches sur  les  dérivés  chlorés  de  la  benzine,  sur  les  trans- 
formations réciproques  des  variétés  optiques  d'un  même 
corps  (prix  Jecker  de  l'Académie  des  sciences,  4872),  sur 
la  production  synthétique  par  les  Eléments,  —  dont  il  a  le 
premier  démontré  la  réalité  par  ses  expériences,  —  des 
substances  douées  du  pouvoir  rotatoire,  sur  les  isoméries 
optiques  de  la  cinchonine  (avec  M.  E.  Léger)  ;  un  procédé 
nouveau  de  production  industrielle  de  la  gutta-percha  par 
le  traitement  des  feuilles  mêmes  de  Visohandra  (4892). 
Il  a  exposé  les  résultats  de  tous  ces  travaux  dans  une 
soixantaine  de  mémoires  originaux,  qui  ont  paru  dans  les 


Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  dans  le 
Bulletin  de  la  Société  chimique  et  dans  le  Journal  de 
pharmacie,  où  il  rédige,  depuis  4869,  la  Revue  des  ira- 
vaux  de  chimie  publiés  à  l'étranger.  Il  a  publié  à  part  : 
Traité  de  chimie  organique  (2®  éd.,  Paris,  1884,  2  vol. 
in-8  ;  4^  éd.,  4894),  en  collab.  avec  M.  Berthelot,  qui  avait 
donné  seul  la  première  édition  ;  Manipulations  de  chi- 
mie, excellent  guide  pour  les  travaux  pratiques  (Paris, 
4886,  in-8  ;  2«  éd.  ;  trad.  esp.)  ;  I^otice  sur  E.  M.  Peli- 
got  (Paris, 4894, in-8);  la  Production  de  la  gutta-per- 
cha (Paris,  4892,  in--8)  ;  la  Pharmacie  et  les  marques 
de  fabrique  (Paris,  4894,  in-8),  etc.  L.  S. 

BiBL.  -.Notice  siirles  travaux  scientifiques  de  M,  E.  Jung- 
fleisch; Paris,  1889,  in-8. 

JUNGFRAU.  Montagne  des  Alpes  bernoises;  4,467  m. 
C'est  une  des  plus  belles  des  Alpes,  cime  pyramidale  d'une 
blancheur  éblouissante,  enveloppée  de  vastes  glaciers,  do- 
minant les  vallées  de  Trumleten  au  N.,  de  La'uterbriinnen 
au  N.  -0.;  de  ce  côté  s'élèvent  deux  avant-monts,  le  Silber- 
horn  (3,690)  et  le  Schneehorn  (3,445m.).  La  Jungfrau 
fut  escaladée  dès  le  3  août  4844  par  les  frères  Rudolf  et 
H.  Meyer.  La  forme  du  sommet  change  continuellement. 

BiBL.  :  Studer,  Ueber  Eis  und  Schnee  ;  Berne,  1869  et 
1883,  t.  I  et  IV. 

JUNGIUS  (V.Jung). 

JUNGLE  (V.Inde). 

JUNGMANN  (Joseph),  littérateur  tchèque,  né  à  Hudlice 
en  4773,  mort  à  Prague  en  4847.  Il  acheva  ses  études  à 
Prague  et  devint  professeur  au  gymnase  de  Litomerïce,  puis 
à  l'université  de  Prague  dont  il  fut  recteur  en  4840.  Il 
débuta  fort  jeune  encore  par  des  poésies  en  langue  tchèque, 
et  des  traductions  de  Milton  et  de  Chateaubriand.  Après  de 
longues  recherches  il  publia  en  4825  une  Histoire  de  la 
littérature  tchèque  qui  est  encore  aujourd'hui  classique 
(Prague,  d849,  2®  éd.).  Il  fut  l'un  des  fondateurs  de  la 
Matice  de  Prague  (V.  ce  mot).  En  4835,  il  fit  paraître  le 
premier  volume  de  son  Dictionnaire  de  la  langue  tchèque 
(4835-39,  4  vol.  in-4).  Cette  œuvre  capitale  suffirait  à 
immortaliser  le  nom  de  Jungmann.  On  lui  doit  encore  un 
Traité  de  littérature  (Wi^,  2®  éd.);  un  volume  dWEuvres 
diverses  (1842).  La  Revue  du  musée  de  Prague  a  publié 
dans  ces  dernières  années  un  grand  nombre  de  lettres  de 
Jungmann.  Bien  qu'il  n'ait  joué  aucun  rôle  politique,  Jung- 
mann occupe  une  place  importante  parmi  les  restaurateurs 
de  la  nationalité  tchèque.  En  dressant  le  répertoire  de  sa 
langue  et  de  sa  littérature  il  lui  a  rendu  le  plus  grand  des 
services.  Sa  mort  fut  considérée  comme  un  deuil  public. 
Sa  statue  a  été  élevée  à  Prague  en  1880.  L.  L. 

BiBL.  :  Zeleny,  Vie  de  Jungmann  (en  tch.);  Prague,  1873. 

JUNHAC.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  d'Aurillac, 
cant.  de  Montsalvy  ;  966  hab. 

JUNIA  (Gens).  Famille  de  l'ancienne  Rome  dont  tous 
les  membres  furent  plébéiens,  à  l'exception  des  Brutus  du 
commencement  de  la  république.  Elle  comprenait  les 
familles  suivantes  :  Brutus,  Bubulcus,  Gracchanus, 
^orbanus,  Paciœcus,  Pennus,  Pera,  PulluseiSilanus. 
On  trouvera  à  ces  noms  les  biographies  de  ceux  de  ses 
membres  qui  ont  une  importance  historique.  —  Parmi 
les  femmes  du  nom  de  Junia,  il  faut  citer  les  deux  filles 
de  D.  Junius  Silanus  et  de  Servilia,  demi-sœurs  du  fameux 
Brutus  ;  la  première  mariée  à  Lépide  le  triumvir,  la  seconde 
à  Cassius,  le  meurtrier  de  César,  morte  en  22  ap.  J.-C. 

J  UNIES  (Les).  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Cahors, 
cant.  de  Catus  ;  603  hab. 

JUNIN  (Lac  de)  (V.  Chinchaïcocha). 

JUNIN.  Ville  du  Pérou,  dép.  de  ce  nom;  2,000  hab. 
Située  sur  le  bord  du  lac  de  Chinchaicocha,  à  4,063  m. 
d'alt.,  elle  s'appelait  jadis  Los  Reyes.  Elle  doit  sa  célé- 
brité à  la  grande  victoire  remportée  par  Bolivar  sur  les 
Espagnols  le  6  août  4824.  Le  département  a  442,254  kil.  q, 
et  240,000  hab.  (en  4876).  H  s'étend  sur  la  région 
la  plus  haute  des  Andes  péruviennes  ;  entre  leurs  solitudes 


301  — 


JUNIN  —  JUNOT 


sauvages  sont  de  belles  vallées,  surtout  celle  du  Huallaga 
et  Jaiya  qui  sort  du  lac  Chinchaicocha  (800  kil.  q.).  Les 
richesses  minières  sont  énormes,  surtout  autour  du  Cerro 
de  Pasco.  La  population  est  formée  de  pasteurs,  d'agricul- 
teurs et  de  mineurs.  Le  ch.-l.  est  Cerro  de  Pasco,  Le  dép. 
de  Junin  est  subdivisé  en  quatre  provinces  :  Pasco,  Tarma, 
Jauja,  Huancayo. 

JUNIPÉRITES(V.  Genévrier). 

JUNIPERUS(V.  Genévrier). 

JUNIUS(V.JuNiA[GgMsJ). 

J  UNI  US  (Adrien  de  Jonghe,  en  latin),  en  français  le 
Jeune,  médecin  et  poète  hollandais,  né  à  Hoorn  en  4511, 
mort  à  Armuyden  en  1575.  Il  étudia  la  médecine  à  Paris 
et  à  Bologne  et  parcourut  ensuite  FAUemagne  et  l'An- 
gleterre pour  se  perfectionner  dans  l'art  médical.  Il  fut 
pendant  quelque  temps  le  premier  médecin  du  roi  de  Da- 
nemark, puis  s'étabht  à  Haarlem  et  acquit  une  immense 
réputation  tant  par  son  habileté  de  praticien  que  par  ses 
ouvrages.  Les  rois  de  Pologne  et  de  Hongrie  lui  firent  en 
vain  des  propositions  brillantes  pour  se  l'attacher,  et  plu- 
sieurs universités  d'Allemagne  lui  offrirent  une  chaire. 
Junius  était  aussi  un  poète  distingué  ;  il  publia  des  poésies 
latines  et  des  études  littéraires  remarquables.  La  liste 
complète  de  ses  nombreux  travaux  se  trouve  dans  Schel- 
tema  ;  les  plus  importants  sont  :  Medicœ  quœstiones 
(Paris,  1541,  in-4)  ;  Commentarii  in  Horatii  carmina 
(Bâle,  1566,  in-8)  ;  Nomenclator  omnium  rerum  pro- 
pria nomina  variis  linguis  explicata  indicans  (Anvers, 
1567,  in-8,  rééd.  1577,  1583;  Londres,  1585;  Paris, 
1606,  in-tol.  Francfort,  1590,1596, 1602, 1619,in-fol.). 
On  a  publié  après  sa  mort  une  vaste  étude  historique  in- 
titulée Batavia  (Leyde,  1588,  in-4),  où  le  premier  il 
attribua  à  Laurent  Coster  l'invention  de  Vimprimerie 
(V.  ce  mot).  E.  H. 

BiBL.  :  ScHELTEMA,  Diatribe  in  Hadriani  Junii  vitam; 
Amsterdam,  1836,  in-8. 

JUNIUS  (François), érudit  hollandais,  né  à  Heidelberg 
en  1589,  mort  à  Windsor  le  19  nov.  1677.  Beau-frère 
de  G,  Vossius  (V.  ce  nom), il  fut  élevé  par  lui,  fut  trente 
ans  précepteur  en  Angleterre  où  il  mourut  chez  son  neveu, 
J.  Vossius.  Très  versé  dans  les  littératures  germaniques,  il 
a  formé  une  très  précieuse  collection  de  manuscrits  qui 
est  conservée  à  la  bibliothèque  Bodléienne  d'Oxford. 

JUNIUS  (V.  Francis  [Sir  Phiiipp]). 

JUNIVILLE.  Gh.-l.  de  cant.  du  dép.  des  Ardennes, 
arr.  de  Rethel,  sur  la  Retourne;  1,105  hab.  Filature  de 
laines  peignées  ;  brasseries. 

if  JUNKER  (Wilhelm),  docteur  en  médecine  et  voyageur 
russe,  né  à  Moscou  de  parents  allemands  le  18  avr.  1840, 
mort  à  Saint-Pétersbourg  le  13  févr.  1892.  Sa  fortune 
personnelle  lui  permit  d'entreprendre  des  voyasçes  scien- 
tifiques :  en  Islande  (1869),  en  Tunisie  (1873-74),  dans 
le  Soudan  égyptien  (1875-78),  où  il  se  lia  avec  Gordon 
et  Emin  Pacha.  Il  revint  au  Soudan  de  1880  à  1886,  le 
quitta  après  la  révolte  des  mahdistes.  Junker  a  recueilli  et 
rapporté  un  grand  nombre  de  documents  et  objets  d'eth- 
nographie et  d'histoire  naturelle.  Divers  levers  qu'il  a 
faits,  durant  ses  voyages,  des  territoires  et  des  cours  d'eau 
de  l'intérieur  de  l'Afrique  ont  été  reconnus  très  exacts  et 
d'un  grand  secours  pour  les  explorateurs.  W.  Junker 
laisse  sur  ses  voyages  un  grand  nombre  d'études  dans  diffé- 
rents recueils  scientifiques  russes,  allemands  et  français. 
Son  principal  ouvrage  :  Reisen  in  i/n/ca  (Vienne,  1875- 
91)  forme  trois  volumes.  P.  Lem. 

JUNOD  (Victor-Théodore),  médecin  suisse,  né  à  Bon- 
villard  (Vaud)  le  5  août  1804.  Il  vint  de  bonne  heure  se 
fixer  à  Paris  et  s'y  fit  connaître  par  l'invention  des  ven- 
touses (V.  ce  mot)  et  d'autres  appareils  semblables,  in- 
vention qui  entre  autres  récompenses  lui  valut  un  prix 
Montyon  en  1836,  le  grand  prix  de  médecine  et  de  chi- 
rurgie en  1870,  etc.  Il  a  publié  sur  l'hémospasie  une  série 
d'ouvrages, parmi  lesquels:  Traité  théorique  et  pratique 
de  Vhémospasie  (Paris,  1875,  in-8).  D"^  L.  Hn. 


J  U  NON.  Divinité  latine  qui  fut  identifiée  à  i'Héra  (V.  ce 
nom)  des  Grecs.  Le  nom  paraît  être  la  forme  féminine  (Jo- 
vis,  Jovino)  de  celui  à^  Jupiter  (V.  ce  nom).  C'est  dire  qu'il 
désignait  non  pas  une  déesse  particulière,  mais  des  êtres 
divins  fort  divers  caractérisés  par  les  épithètes  qui  étaient 
le  vrai  nom  :  Juno  Lucina,  Juno  Sospita^  Juno  Moneta, 
Juno  Caprotina,  etc.  Junon  Lucine  était  une  déesse  lu- 
naire dont  le  culte  était  général  en  Italie.  A  Rome,  le  pre- 
mier jour  du  mois  lui  était  consacré  ;  le  rex  sacrorum  lui 
sacrifiait  au  jour  des  calendes.  Elle  était  déesse  féminine 
de  la  génération,  présidant  aux  accouchements.  Sa  grande 
fête  était  celle  des  Matronalia  (au  l®*"  mars)  à  laquelle 
prenaient  part  les  mères  de  famille  et  les  jeunes  filles.  On 
représentait  la  déesse  voilée,  tenant  un  nouvau-né  dans 
la  main  gauche.  —  Juno  Sospita  était  la  grande  déesse 
de  Lanuvium;  son  bois  sacré  et  son  temple  étaient  vé- 
nérés dans  tout  le  Latium  ;  les  consuls  romains  y  sacri- 
fiaient tous  les  ans;  Sospita  avait  d'ailleurs  deux  temples 
à  Rome.  On  la  représentait  vêtue  en  matrone,  une  peau 
de  chèvre  jetée  sur  la  tète  et  les  épaules,  portant  un  bou- 
clier, brandissant  la  lance  (V.  la  statue  colossale  du  mu- 
sée du  Vatican).  —  Juno  Moneta  était  la  déesse  des 
avertissements  ou  suggestions  et  peut-être  de  la  mémoire  ; 
elle  avait  un  temple  sur  le  Gapitole.  —  Juno  Caprotina 
était  une  divinité  agricole,  en  l'honneur  de  laquelle  les 
femmes  esclaves  célébraient  une  fête  annuelle,  les  Nonœ 
Caprotinœ  (7  juil.).  —  Le  culte  de  la  déesse  céleste  de 
Garthage,  qu'on  identifie  à  l'Astarté  phénicienne,  fut  intro- 
duit à  Rome  vers  le  ii®  siècle  ;  on  l'honora  sous  le  nom  de 
Juno  Cœlestis, 

La  plus  célèbre  des  Junons  est  la  divinité  politique  qu'on 
honorait  dans  chaque  cité  sous  le  vocable  de  Juno  Regina, 
protectrice  de  l'Etat  et  spécialement  de  la  population  fémi- 
nine. A  ce  groupe  se  rattachent  probablement  la  Junon  de 
Lanuvium,  Juno  Curitis  ou  Quiritis,  c.-à-d.  la  Junon  de 
Cures  ou  du  peuple  des  Quirites  ;  la  Juno  Regina  de  Veies, 
dont  le  culte  fut  transplanté  à  Rome  sur  le  mont  Aventin, 
A  Rome,  la  déesse  de  l'Etat  primitif  paraît  avoir  été  Juno 
Quiritis,  correspondant  à  Quirinus,  le  dieu  des  Quirites.Lors 
de  la  révolution  politique  qui  substitua  à  l'Etat  patricien 
l'Etat  plébéio-patricien  de  Servius  Tullius  et  des  Tarquins, 
les  dieux  officiels  de  la  cité  renouvelée  furent  Jupiter  Opti- 
mus  Maximus,  Junon  et  Minerve.  Junon  prit  place  dans  la 
trinité  des  dieux  capitolins  qui  présidèrent  à  la  fortune  de 
Rome.  Son  temple  était  annexé  à  celui  de  Jupiter  Capitolin 
(V.  Capitole)  .  On  y  entretenait  des  oies,  animal  consacré  à  la 
déesse  et  dont  le  cri  opportun  sauva  la  citadelle  d'une  sur- 
prise des  Gaulois.  A  titre  de  divinité  protectrice  des  femmes 
et  aussi  à  titre  de  divinité  politique  présidant  au  mariage 
religieux  officiel,  Junon  jouait  un  grand  rôle  dans  les  ma- 
riag'es.  Les  épithètes  de  Domiduca,  Unxia,  Cinxia,  Pro- 
nuba,  Juga  se  rapportent  aux  différentes  phases  de  cet 
acte  ;  toutefois,  on  peut  aussi  considérer,  conformément  à 
la  notion  animiste  qui  domine  la  religion  romaine,  qu'il 
s'agit  d'une  série  d'êtres  divins,  distincts  et  identifiés  à  leur 
fonction.  A  mesure  que  l'hellénisme  imprégna  l'esprit  ita- 
lien, la  Junon  romaine  se  conïonàit  avec  l'Héra  grecque, 
et  ce  type  absorba  les  autres  Junons.  C'est  celui  que  figu- 
rent à  peu  près  tous  les  monuments  de  l'art  antique. 

JUNOT  (Andoche),  duc  d'Abrantès,  général  français, 
né  à  Bussy-le-Grand  (Côte-d'Or)  le  23  oct.  1771,  mort  à 
Montbard  (Côte-d'Or)  le  29  juiL  1813.  Etudiant  en  droit 
à  l'époque  de  la  Révolution,  il  s'engagea  dans  un  bataillon 
de  volontaires  de  son  département  en  1792,  se  fit  bientôt 
remarquer  par  son  impétueuse  bravoure,  s'attacha,  dès  le 
temps  du  siège  de  Toulon  (1793),  à  Bonaparte,  lui  resta 
fidèle  dans  sa  disgrâce  passagère  après  le  9  thermidor,  le 
suivit  comme  aide  de  camp  en  Italie  (1796),  où  il  gagna 
le  grade  de  colonel,  puis  en  Egypte  (1798),  où  il  fut  promu 
à  celui  de  général  de  brigade  et  où  il  se  battit  en  duel 
pour  l'honneur  de  son  chef  avec  le  général  Lanusse.  Rentré 
en  France,  il  fut  appelé  (1800)  au  commandement  de  la 
place  de  Paris  par  le  premier  consul,  qui  le  maria  avec 


JUNOT  —  JUPITER 


-30^  - 


M^^^  Laure  Permon  (V.  l'art,  suivant),  l'éleva  au  rang  de 
général  de  division  et  le  mit  à  la  tête  du  corps  des  grena- 
diers de  Tannée  dite  d'Angleterre  (1803).  Lors  de  l'éta- 
blissement de  l'Empire  (d804),  Junot  fut  nommé  colonel- 
général  des  hussards  et  peu  après  grand  ofHcier  de  la  Légion 
d'honneur,  mais  ne  reçut  pas  le  bâton  de  maréchal,  ce  dont 
il  témoigna  quelque  mauvaise  humeur.  Ses  prodigalités, 
ses  désordres  et  les  allures  frondeuses  de  sa  femme  déter- 
minèrent Napoléon  à  l'éloigner  de  Paris.  Envoyé  comme 
ambassadeur  en  Portugal,  Junot  s'y  comporta  en  soldat 
plutôt  qu'en  diplomate  (4804-05),  quitta  son  poste  sans 
autorisation  (oct.  1805),  rejoignit  l'empereur  en  Allemagne, 
prit  part  à  la  bataille  d'Austerlitz,  alla  ensuite  à  Parme  et 
à  Plaisance  pour  réprimer  des  troubles,  obtint,  en  juil. 
1806,  le  gouvernement  militaire  de  Paris  en  même  temps 
que  le  commandement  de  la  première  division  militaire,  et, 
à  la  suite  de  nouvelles  frasques  de  conduite,  fut  envoyé  dé 
nouveau  en  Portugal,  mais  celte  fois  à  la  tête  d'un  corps 
d'armée  et  pour  occuper  ce  pays,  dont  il  prit  effectivement 
possession  et  fut  nommé  gouverneur  général  (nov.  1807). 
Le  titre  de  duc  d'Abrantès  récompensa  ses  derniers  services. 
Junot  qui  n'était  qu'un  sabreur  et  qui  ne  s'entendait,  en 
somme,  ni  à  l'administration  d'un  royaume,  ni  à  la  direction 
d'une  armée,  ne  se  fit  guère  remarquer  à  Lisbonne  que 
par  ses  exactions,  ses  violences  et  sa  dissipation.  Attaqué 
par  Wellington,  battu  à  Vimeiro,  il  dut  signer  la  capitula- 
tion de  Cintra  (30  août  1808)  et  fut  ramené  en  France 
par  les  Anglais.  Napoléon,  très  mécontent  de  lui,  l'envoya 
peu  après  au  siège  de  Saragosse,  oti  il  le  remplaça  bientôt 
parle  maréchal  Lannes,  l'employa  dans  un  commandement 
de  second  ordre  en  Allemagne  pendant  la  campagne  de 
1809,  puis  le  mit,  comme  commandant  du  8^  corps, 
sous  les  ordres  de  Masséna  qui,  dans  sa  campagne  de  Por- 
tugal (1810-11),  n'eut  pas  beaucoup  à  se  louer  de  lui. 
Enfin  Junot  prit  part,  sans  éclat,  à  l'expédition  de  Russie 
(1812).  L'empereur  lui  reprocha  publiquement  d'avoir 
manqué  de  résolution  et  l'éloigna  de  lui  en  le  nommant 
gouverneur  des  provinces  illyriennes.  Le  duc  d'Abrantès, 
dont  la  santé  était  depuis  quelque  temps  altérée,  se  montra 
fort  sensible  au  mécontentement  impérial.  Il  perdit  bientôt 
la  raison,  fut  ramené  chez  son  père  à  Montbard,  se  jeta 
par  une  fenêtre  dans  un  accès  de  fièvre  chaude,  se  brisa 
une  cuisse  et  mourut  des  suites  de  l'amputation  que  cet  ac- 
cident avait  rendue  nécessaire.  A.  Debidour. 

JUNOT  (Laure  Permon,  M^^),  duchesse  d'Abrantès, 
femme  du  précédent,  née  à  Montpellier  le  6  nov.  1784, 
morte  à  Paris  le  7  juin  1838.  Sa  mère  prétendait  des- 
cendre des  Comnène  de  Constantinople.  Son  père,  qui  avait 
fait,  grâce  à  la  protection  du  ministre  Vergennes,  une 
grande  fortune  dans  les  fournitures  des  vivres  militaires, 
fut  ruiné  par  la  Révolution  et  mourut  en  1795.  Bonaparte^ 
qui  avait  songé  quelque  temps  à  épouser  W^^  Permon, 
maria  Laure,  sous  le  Consulat,  à  Junot,  le  plus  aimé  de 
ses  aides  de  camp,  la  combla,  elle  et  son  mari,  de  dons  et 
de  faveurs,  mais  eut  souvent  à  se  plaindre  de  sa  prodiga- 
lité, de  sa  médisance  et  de  sa  facilité  à  se  lier  avec  ses 
ennemis.  Devenue  ambassadrice,  elle  afficha  un  luxe  inouï 
à  Lisbonne  (1804-1805).  Rentrée  en  France,  elle  mécon- 
tenta de  nouveau  l'empereur  par  ses  intrigues,  ses  folles 
dépenses  et  son  insouciance  à  l'égard  de  ses  dettes.  Plus 
tard,  elle  alla  rejoindre  le  duc  d'Abrantès  à  l'armée  de 
Portugal  (1810),  puis  à  Venise  (1843),  revint  à  Paris 
après  la  mort  de  son  époux,  malgré  la  défense  qui  lui  en 
avait  été  faite  (17  sept.  1813),  s'associa  aux  menées  des 
ennemis  de  l'Empire  et,  complètement  ruinée,  s'efforça, 
pour  refaire  sa  fortune,  après  la  Restauration,  d'obtenir 
les  bonnes  grâces  de  Louis  XVIIl  et  de  l'empereur  Alexandre. 
Mais  elle  n'obtint  guère  que  des  paroles.  Après  avoir  vendu 
tout  ce  qui  lui  restait  de  son  ancienne  opulence,  elle  finit 
par  se  retirer  à  l'Abbaye-aux-Bois,  se  mit  aux  gages  des 
libraires  et  fut  réduite  pour  vivre  à  publier  ses  volumineux 
Mémoires^  qui  parurent,  de  1831  à  1834,  en  dix-huit 
volumes  in-8  et  qui  eurent  une  grande  vogue,  non  seule- 


ment, parce  qu'ils  étaient  écrits  avec  beaucoup  d'esprit  et 
de  vivacité,  mais  parce  qu'ils  révélaient  une  foule  d'anec- 
dotes curieuses  et  piquantes  sur  ce  monde  du  Directoire,  du 
Consulat,  de  l'Empire,  que  l'auteur  avait  vu  de  si  près  et 
si  bien  vu.  —  Le  succès  de  ce  livre  entraîna  la  duchesse 
d'Abrantès  à  écrire  d'autres  ouvrages  semi-historiques,  et 
des  romans  qui,  après  un  moment  de  célébrité,  sont  presque 
entièrement  tombés  dans  l'oubli.  Parmi  ces  productions 
hâtives,  nous  citerons  :  les  Femmes  célèbres  dans  tous 
les  pays  (Paris,  1833,  in-fol.);  VOpale  (1834,  in-18); 
Catherine  II  (1835,  in-8);  Histoires  contemporaines 
(1835,  2  vol.  in-8);  Mémoires  sur  la  Restauration,  la 
révolution  de  iSSO  et  les  premières  années  du  règne 
de  Louis-Philippe  (1836,  6  vol.  in-8);  Scènes  delà  vie 
espagnole  (1836,  2  vol.  in-8);  Histoire  des  salons  de 
Paris  (1837-38,  6  vol.  in-8);  VExilé,  une  rose  au 
désert  (1837,  2  vol.  in-8);  Souvenirs  d'une  ambassade 
et  d'un  séjour  en  Espagne  et  en  Portugal  (1837,  2  vol. 
in-8);  la  Duchesse  de  Valombray  (1838,  2  vol.  in-8); 
Hedwige,  reine  de  Pologne  (1838,  in-8);  la  Vallée  des 
Pyrénées  (1838,  in-8);  Eglantine  (1839,  2  vol.  in-8); 
Blanche,  roman mtime  (1840,  2  vol.  in-8);  les  Deux 
Sœurs,  scènes  de  la  vie  d'intérieur  {\M0,  2  vol.  in-8); 
Etienne  Saulnier,  roman  historique  (1841,  2  vol.  in-8). 

JUNOT  (Napoléon-Andoche),  duc  d'Abrantès,  fils  du 
général  et  de  Laure  Permon  (V.  ci-dessus),  né  à  Paris  en 
4807,  mort  à  Paris  en  1851.  Il  fut  tenu  sur  les  fonts  du 
baptême  par  Napoléon  et  Joséphine.  Héritier  de  la  situation 
embarrassée  de  son  père,  il  fut  impliqué  dans  maints  procès 
scandaleux  qui  l'oMigèrent  à  renoncer  à  la  diplomatie  où 
il  était  entré.  H  a  laissé  quelques  romans  et  études  :  Deux 
Cœurs  de  femme  (Paris,  1833,  in-8)  ;  Une  Soirée  chez 
i¥^^  Geoffrin  (1837,  in-8);  Piaphaël  (1839,  2  vol.  in-8)  ; 
Alfred  (1842,  2  vol.  in-8)  ;  les  Boudoirs  de  Paris 
(1844-45,  6  vol.  in-8),  etc.  Il  a  collaboré  au  Livre  des 
Cent  et  Un.  —  Son  frère,  Adolphe- Alfred-Michel,  né  en 
1810,  mort  le  23  juil.  1859,  fut  aide  de  camp  de  Mac- 
Mahon  (1848)  et  du  prince  Jérôme-Napoléon  (1854). 

JUNOT  d'Abrantès  (V.  Aubert  [M^^]). 

JUNTA   ou  JUNTE,     famille    d'imprimeurs   italiens 

(V.   GlUNTl). 

JUNTAS  (Myth.  finnoise).  Esprit  malin,  dont  le  nom 
est  emprunté  au  christianisme  et  n'apparaît  qu'assez  tard 
dans  les  chansons  populaires.  Il  se  confond  presque  tou- 
jours avec  Hiisi  (V.  ce  nom). 

JUPE  (V.  Costume). 

JUPEL(V.  Costume). 

JU PILLE.  Com.  de  Belgique,  prov.  et  arr.  de  Liège, 
sur  la  Meuse  ;  5,000  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Liège 
à  Maastricht.  Exploitations  de  charbonnages,  fabrique  de 
chaudières  à  vapeur,  clouteries.  Une  légende  persistante 
fait  naître  Charlemagne  à  Jupille;  ce  qui  paraît  certain, 
c'est  que  le  grand  empereur  fit  dans  cette  localité  de 
fréquents  séjours. 

JUPILLES.  Com.  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  de  Saint- 
Calais,  cant.  de  Château-du-Loir;  1,384  hab.  Jupilles, 
l'un  des  points  les  plus  élevés  de  l'arrondissement,  fut 
l'un  des  trente-cinq  sommets  de  triangulation  adoptés  pour 
la  confection  de  la  carte  de  France  de  Cassini.  Fabriques 
de  boîtes  et  de  vases  en  bois. 

JUPITER.  I.  Mythologie.  —  Personnification  divine  de 
la  lumière  du  jour,  identique  à  la  chaleur  qui  fait  naître  et 
conserve  tous  les  êtres  de  l'univers,  devenue  sous  ce  nom 
et  sous  ceux  de  lovis,  Diovis  et  autres  formes  analogues,  le 
dieu  suprême  des  peuples  de  race  italique  et  latine,  comme 
Zeusest  celui  des  peuples  de  la  race  hellénique  (V.  Zeus). 
C'est  dans  les  phénomènes  delà  lumière  céleste,  de  la  pluie 
fécondante,  de  la  foudre  et  du  tonnerre  que  Jupiter  (plus 
anciennement  Juppiter)  est  tout  d'abord  censé  manifester  sa 
divinité.  Il  est  avant  tout  le  dieu  de  la  lumière  :  Lucetius, 
vocable  sous  lequel  il  était  particulièrement  honoré  au  pays 
des  Osques.  A  ce  titre  les  hauts  sommets  furent  ses  premiers 


303 


JUPITER 


temples  et  la  pleine  lune  amène  les  Ides  (V.  ce  nom),  jours 
du  mois  qui,  dans  l'Italie  latine,  lui  sont  universellement 
consacrés,  parce  que,  durant  cette  période,  la  lumière  luit 
jour  et  nuit  ;  le  langage  vulgaire  identifie  même  naïvement 
l'idée  de  ciel  libre  et  de  Jupiter.  Il  est  aussi  le  dieu  de 
la  fécondation  universelle,  celui  qui,  sous  la  forme  de  la 
pluie,  descend  dans  le  sein  de  la  terre  son  épouse  pour  y 
déposer  le  germe  de  tous  les  êtres.  En  temps  de  sécheresse, 
c'est  à  lui  que  l'on  demandait  le  remède  ;  c'est  en  son 
honneur  que  se  faisait  la  procession  de  la  Pierre  qui  fait 
pleuvoir^  lapis  manalis,  conservée  au  temple  de  Mars 
devant  la  porte  Capène.  Le  laboureur  avant  les  semailles 
présentait  des  offrandes  et  adressait  des  prières  à  Jupiter 
Dapalis  ;  pour  les  marins  son  culte  était  mis  en  rapport 
avec  celui  des  Tempêtes, 

Mais,  parmi  les  phénomènes  célestes,  la  foudre  et  le  ton- 
nerre évoquaient  surtout  sa  pensée  ;  il  est  le  dieu  Fulgur, 
Fulgurator  ou  Fulminator^  le  Tonans  ou  Tonitrua- 
lis  ;  l'éclair  est  une  arme  que  brandit  sa  main  ;  cependant 
la  plupart  de  ces  vocables  et  l'attribut  du  tonnerre  sont 
d'introduction  relativement  récente.  Le  temple  de  Jupiter 
Tonnant  au  Capitole  fut  bâti  sous  Auguste.  Les  anciens  con- 
naissaient surtout  Jupiter  Elicius,  ce  qui  signifie  aussi 
bien  le  dieu  qui  tire  du  nuage  la  pluie  que  celui  qui  en 
tire  le  tonnerre.  Les  aruspices  étrusques  avaient  introduit 
à  Rome  et  pratiquaient  dans  leurs  pays  tout  un  système  de 
conjurations  rituelles,  destinées  à  prévenir  les  ravages  de 
la  foudre  et  à  en  régler  les  eiïets.  La  légende  en  rapportait 
l'invention  au  roi  Numa  qui  éleva  sur  l'Aventin  un  autel 
à  Jupiter  Elicius,  D'une  façon  générale,  le  dieu  préside  à 
la  fertilité  champêtre  ;  il  porte  des  noms  comme  frugifer, 
almus^  Ruminus  et  même  Pecunia  qui  rappellent  son 
action  fécondante  sur  les  plantes  et  sur  les  troupeaux. 
Nous  trouvons  son  nom  mêlé  à  la  culture  des  céréales  par 
la  consécration  de  l'épeautre  que  lui  font  le  mari  et  la 
femme  au  premier  jour  de  leur  union  ;  à  la  culture  de  la 
vigne  dans  les  deux  fêtes  des  Vinalia  où  on  lui  vouait  le 
vin  de  l'année  et  où  on  le  priait  pour  la  vendange  future. 
Sous  le  nom  de  Jupiter  Liber  ou  Libertus  il  n'est  pas 
autre  chose  que  le  dieu  de  l'abondance  et  de  la  prospérité 
universelle,  qui  par  les  biens  de  la  terre  procure  la  joie  et 
la  sécurité  de  l'existence. 

Le  rôle  moral  de  Jupiter  dans  la  religion  romaine  dérive 
naturellement  de  ses  fonctions  physiques.  L'idée  de  la  clarté 
matérielle  a  suggéré  celle  de  la  bonne  foi  et  de  la  droiture 
dans  les  relations  sociales  ;  c'est  lui  qui  garantit  les  ser- 
ments et  les  contrats  sous  le  vocable  de  Fidius  ;  il  est 
même  identifié  avec  le  dieu  qui  protège  la  propriété  indi- 
viduelle, Terminus^  avec  celui  qui  défend  l'enclos  cham- 
pêtre, Herceus  (V.  Hercule)  ;  il  préside  au  contrat  par 
excellence,  au  mariage  religieux  par  confarreatio  (V.  ce 
mot).  Dans  un  autre  ordre  d'idées,  il  est  un  dieu  guer- 
rier qui  décide  du  sort  des  batailles,  remporte  les  dépouilles 
et  met  les  ennemis  en  fuite  :  Victor^  Feretrius,  Stator. 
Romulus  lui  avait,  sous  ce  dernier  vocable,  élevé  un  temple 
à  la  montée  de  la  Voie  Sacrée  vers  le  Palatin,  parce  que,  à 
cet  endroit,  le  dieu  avait  arrêté  la  marche  des  Sabins.  Le 
même  roi  lui  voua  un  temple  au  Capitole  avec  le  vocable 
de  Feretrius^  après  avoir  remporté  les  premières  dépouilles 
opimes,  exploit  renouvelé  deux  fois  encore  au  cours  de 
l'histoire,  par  Cornélius  Cossus  en  437  av.  J.-C.  et  par 
M.  Marcellus  en  222.  Quant  à  Jupiter  Victor^  il  avait  à 
Rome  plusieurs  temples,  l'un  entre  autres  sur  le  Palatin. 
Il  est  probable  que  le  vocable  de  Feretrius  a  été  inter- 
prété à  tort  dans  un  sens  guerrier  [feretrum,  brancard 
où  l'on  plaçait  les  dépouilles)  ;  il  le  faut  rattacher  au  vieil 
usage  de  prêter  un  serment  solennel  en  faisant  jaillir  d'une 
pierre,  image  ou  symbole  du  dieu  suprême,  l'étincelle  qui 
figure  son  tonnerre  (fcrire  lapidem,  per  Jovem  lapidem 
juraré), 

Jupiter,  dieu  suprême  des  Romains,  ne  pouvait  manquer 
de  prendre  une  grande  importance  politique.  Il  incarne  tout 
d'abord  l'union  des  trois  tribus  primitives  qui,  établies  au- 


tour du  Capitole,  ont  formé  le  premier  noyau  de  la  nation 
romaine  ;  il  préside  ensuite  avec  le  titre  de  Latiaris  à  la 
confédération  latine  formée  sous  l'hégémonie  de  Rome.  On 
célébrait  sa  fête  et  cela  dès  la  plus  haute  antiquité  sur  le 
montAlbain;  après  la  retraite  du  peuple  et  le  rétablisse- 
ment de  la  concorde  entre  les  ordres  en  494  av.  J.-C,  la 
fête  prit  une  importance  particulière.  Elle  resta  en  hon- 
neur jusqu'au  déclin  de  la  République,  sous  le  nom  de 
Fériés  latines,  et  se  célébrait  d'ordinaire  au  printemps,  à 
des  dates  variables,  avec  la  participation  des  magistrats  de 
Rome  et  des  principales  villes  du  Latium.  Le  sacrifice  con- 
sistait en  un  taureau  blanc  fourni  aux  frais  communs  des 
confédérés,  puis  partagé  entre  eux  après  l'immolation  ;  mais 
il  y  avait  d'autres  offrandes,  incombant  aux  diverses  cités 
qui  participaient  à  la  fête.  L'antiquité  de  toute  la  cérémo- 
nie nous  est  garantie  encore  par  l'usage  des  sacrifices  hu- 
mains qui  s'y  perpétua  jusqu'aux  temps  historiques  :  en 
dernier  lieu,  l'on  y  égorgeait  un  condamné  à  mort.  Cepen- 
dant l'absorption  de  l'Italie  entière  dans  la  république 
romaine  eut  pour  résultat  de  diminuer  l'importance  du  culte 
de  Jupiter  sur  le  mont  Albain,  en  faveur  du  Jupiter  sur  le 
Capitole  de  Rome.  C'est  là  qu'il  faut  chercher,  dès  avant 
les  guerres  puniques,  la  plus  haute  expression  religieuse  du 
génie  romain.  Jupiter  y  était  honoré  de  concert  avec  Junon 
et  Minerve,  formant  avec  ces  divinités  la  triade  capitoHne 
dont  le  culte  s'est  répandu  sur  le  monde  entier.  Le  vo- 
cable caractéristique  du  dieu  est  :  Optimus  Maximus^ 
très  bon  et  très  grande  qui  lui  appartient  depuis  les 
temps  reculés.  Ce  Jupiter  du  Capitole  n'est  autre  chose  que 
la  personnification  même  de  la  puissance  romaine,  l'expres- 
sion divine  des  aspirations  à  la  royauté  universelle.  C'est 
sous  son  patronage  que  se  célèbrent  tous  les  ans  les  fêtes 
du  retour  de  l'armée,  ou  Jeux  romains,  après  les  cam- 
pagnes de  l'été  ;  c'est  lui  qui  préside,  le  premier  jour  de  l'an, 
à  l'installation  des  pouvoirs  nouveaux;  c'est  à  lui  enfin 
que  se  rattache  l'importante  cérémonie  du  Triomphe  (V.  ce 
mot),  accordée  par  le  Sénat  aux  généraux  victorieux. 

Nous  n'avons  aucune  donnée  positive  sur  le  plus  ancien 
type  figuré  du  Jupiter  romain.  Il  est  probable  que  les  sou- 
venirs grecs  influèrent,  dès  le  temps  des  Tarquins,  sur  la 
conception  de  son  image,  œuvre  d'un  artiste  de  Veies.  Il 
était  représenté  debout,  vêtu  d'un  manteau,  le  visage  barbu, 
la  foudre  dans  la  main  droite.  La  tête  barbue  et  laurée  des 
monnaies  de  la  République  est  une  réminiscence  évidente 
du  Zeus  d'Olympie.  Celles  de  l'Empire  nous  fournissent 
deux  types,  l'un  assis  et  l'autre  debout  ;  tantôt  le  dieu  est 
seul,  tantôt  il  est  en  groupe  avec  les  deux  déesses  de  la 
triade  capitoline.  Aucune  de  ces  représentations  n'a  une 
valeur  originale  ;  toutes  rappellent  des  modèles  grecs 
(V.  Zeus,  Capitole,  Triomphe).  J.-A.  Hild. 

II.  Astronomie.  —  La  plus  grosse  planète  du  système 
solaire,  qui  est  1.279  fois  plus  grosse  que  la  Terre  et  dont 
la  masse  est  la  4.047®  partie  de  celle  du  Soleil.  Cette  pla- 
nète brille  dans  le  ciel  comme  une  étoile  de  première  gran- 
deur, blanche  ou  légèrement  jaunâtre,  un  peu  moins  bril- 
lante que  Vénus.  En  examinant  Jupiter  dans  une  lunette 
puissante  ou  même  avec  une  simple  lorgnette  de  spectacle, 
on  aperçoit  tout  près  d'elle  quatre  petits  corps  brillants 
qui  sont  ses  satellites  ou  ses  lunes.  Le  premier,  le  troi- 
sième et  le  quatrième  ont  été  découverts  par  Galilée,  le 
7  janv.  1610,  le  deuxième  par  Simon  Marius,  le  8  janv. 
1610,  la  première  fois  qu'ils  dirigèrent  les  lunettes,  tout 
récemment  inventées,  vers  le  ciel.  Ces  quatre  corps  jouent 
pour  la  planète  le  même  rôle  que  la  Lune  pour  là  Terre,  car 
ces  astres  tournent  sur  eux-mêmes  dans  le  même  temps  qu'ils 
effectuent  leur  mouvement  de  translation  autour  de  Jupiter. 
Un  cinquième  satellite,  très  faible  et  visible  comme  une 
étoile  de  treizième  grandeur  dans  les  instruments  très 
puissants  et  lorsqu'il  est  à  sa  plus  grande  élongation 
(V.  ce  mot),  a  été  découvert  le  9  sept.  1892  par  if'astro- 
nome  américain  E.  Barnard,  à  l'observatoire  Lick,  au  mont 
Hamilton  (Californie).  En  examinant  le  disque  de  Jupiter 
avec  une  lunette  astronomique,  on  y  voit  des  bandes  alter- 


JUPITER  —  JURA 


304  — 


nativement  sombres  et  brillantes,  parallèles  à  l'équateur 
de  la  planète,  des  taches  brunes  et  une  tache  rouge,  qui 
ont  permis  de  déterminer  la  durée  de  la  rotation  de  cette 
planète.  Elle  tourne  sur  elle-même  en  9^S5"^37%  et  fait 
sa  révolution  autour  du  Soleil  en  douze  ans  (dl  ans  315 
jours).  Son  diamètre  est  onze  fois  plus  grand  que  celui  de 
la  Terre,  environ  140,000  kil.  Sa  densité  est  0,242  par 
rapport  à  la  densité  de  la  Terre  et  1 ,33  par  rapport  à  l'eau. 
Sa  pesanteur  à  Féquateur  est  2,26  fois  plus  forte  que  sur 
la  Terre.  Sa  distance  moyenne  au  Soleil  est  5,2  fois  plus 
considérable  que  celle  de  la  Terre,  soit  780.000.000  de 
kil.  Son  diamètre  apparent  ou  l'angle  sous  lequel  on  voit 
cette  planète  varie  de  30'^  à  W ,  L*aplatissement  de  cette 
planète  est  considérable,  1/17  environ,  car  nous  avons  vu 
qu'elle  tourne  sur  elle-même  en  9^55°^  37^  Le  jour  et  la 
nuit  n'ont  donc  qu'une  durée  dé  cinq  heures  à  peine.  Comme 
Jupiter  tourne  sur  lui-même  autour  d'un  axe  presque  per- 
pendiculaire à  l'écliptique  et  par  suite  à  son  orbite,  dont 
l'inclinaison  est  1°  18^41^'',  le  Soleil  s'écarte  très  peu  de 
son  équateur,  et  la  température  y  est  à  peu  près  constante 
pendant  toute  l'année.  Les  saisons  ne  présentent  donc  pas 
d'autres  variations  que  celles  qui  résultent  des  différences  de 
ses  distances  au  Soleil  ;  ladistante  périhélie  est  732.000.000 
de  kil.;  sa  distance  aphélie  807.000.000.  L'analyse  spec- 
trale de  la  lumière  de  cette  planète  a  montré  à  MM.  Hug- 


gins  et  Miller  qu'il  existe  autour  de  Jupiter  une  atmosphère 
absorbante  et  des  vapeurs  semblables  à  celles  de  l'atmos- 
phère terrestre.  Suivant  M.  Vogel,  une  bande  qui  n'a  pas 
sa  correspondante  parmi  les  raies  d'absorption  de  notre 
hémisphère  indique  ou  la  présence  d'un  gaz  ou. d'une  vapeur 
étrangers  à  la  Terre  ou  bien  provient  d'un  mélange  gazeux 
formé  dans  des  proportions  différentes  de  celles  de  l'air. 
Cette  différence  provient  peut-être  aussi  de  la  température 
et  de  la  pression,  tout  autres  à  la  surface  de  Jupiter  de  ce 
qu'elles  sont  sur  notre  planète.  Le  spectre  des  bandes  som- 
bres du  disque  de  cette  planète  est  caractérisé  surtout  par 
une  absorption  uniforme,  très  marquée,  que  subissent  les 
rayons  bleus  et  violets.  On  ne  voit  point  apparaître  à  ces 
places-là  de  nouvelles  bandes  d'absorption,  mais  les  raies 
y  sont  plus  marquées  et  plus  larges  qu'ailleurs,  ce  qui 
prouve  que  les  portions  obscures  de  la  surface  de  Jupiter 
sont  plus  profondes  que  les  portions  avoisinantes.  La  lu- 
mière solaire  pénètre  plus  profondément  en  ces  régions  dans 
l'atmosphère  de  la  planète,  et  y  subit  une  altération  plus 
marquée.  Cette  remarque  vient  à  l'appui  de  l'opinion  géné- 
ralement admise  que  les  bandes  brillantes  sont  des  amas 
opaques  de  nuages.  Les  orbites  décrites  par  les  satellites 
de  Jupiter  sont  à  peu  près  circulaires  et  peu  inclinées  sur 
l'équateur  de  la  planète  Jupiter.  Le  tableau  suivant  donne 
les  principales  indications  concernant  ces  astres. 


DESIGNATION 


l^r  lo 

2»  Europa... 
3«  Ganyméde 
4»  Callisto... 
5« 


DUREE   DES   REVOLUTIONS 


jours  moyens       jours  de  Jupiter 


3.13.15 

7.  3.43 

16.16.32 

0.11.57 


8,58 
17,29 
40,43 

1,22 


DISTANCES  AU  CENTRE  DE  JUPITER 

en  rayons  .  .. 

de  la  planète         en  kilomètres 


5,93 

9,44 

15,06 

26,49 

2,56 


430.000 

682  000 

1.088.000 

1.914.000 

181.400 


VOLUME 

par  rapport 
à  la  Terre 


0,026 
0,019 
0,083 
0,054 


En  observant  les  variations  de  temps  qui  s'écoulent  entre 
les  entrées  et  les  sorties  (immersions  et  émersions)  du 
premier  satellite  dans  le  cône  d'ombre  projeté  par  cette 
planète  à  l'opposé  du  Soleil,  le  Danois  Rœmer  a  déterminé 
le  premier,  en  4675,  la  vitesse  de  la  lumière,  qui  est 
environ  300.000  kil.  par  seconde.  —  En  raison  de  sa 
masse,  qui  est  la  plus  considérable  de  celles  des  planètes, 
Jupiter  exerce  des  perturbations  considérables  sur  les 
mouvements  des  planètes  et  des  comètes,  et  le  calcul  montre 
qu'il  a  fait  dévier  un  certain  nombre  de  comètes  de  leur 
route,  qu'il  les  a  capturées  et  entraînées  dans  l'orbite  du 
Soleil  en  les  rendant  périodiques.  L.  Barré. 

m.  Alchimie.  —  Les  alchimistes  gréco-égyptiens,  hé- 
ritiers des  vieilles  doctrines  chaldéennes,  regardaient  les 
métaux  comme  placés  sous  l'influence  des  astres  et  engen- 
drés sous  leur  influence.  C'est  ainsi  que  la  planète  Jupiter 
a  été  attribuée  d'abord  à  Félectrum,  alliage  d'or  et  d'ar- 
gent regardé  comme  un  métal  distinct  jusqu'au  temps  des 
Romains.  Le  signe  astronomique  de  Jupiter  (encore  usité 
aujourd'hui)  devint  ainsi  le  symbole  de  Félectrum.  Mais 
vers  le  vi®  siècle  de  notre  ère,  Félectrum  disparut  défini- 
tivement de  la  liste  des  métaux,  et  Jupiter  et  son  signe 
furent  alors  attribués  à  Fétain.  M.  Berthelot. 

BiBL.  :  Mythologie.  —  Hartung,  Die  Religion  der  Rœ- 
mer^ II,  pp.  7  et  suiv.  —  PRELLER,ficemisc/ie  Mythologie^ 
I,  pp.  184  et  suiv.,  3«  édit.  —  Roscher,  Ausfûhrliches 
Lexikon  der  Griech.und  Rœm.Mythol,  II,  pp.  618  et  suiv. 

Astronomie.  —  Guillemin,  le  Ciel;  Paris,  1877.  — 
Annuaire  du  Bureau  des  Longitudes  ;  Paris,  1894. 

JUPON  (V.  Costume). 

JURA  (Mont).  Géographie.  —  Système  de  montagnes 
de  l'Europe  centrale,  qui  s'étend  sur  la  France,  la  Suisse  et 
l'Allemagne,  vis-à-vis  des  Alpes  centrales  dont  il  est  séparé 
par  la  haute  plaine  de  Suisse  et  de  Souabe  (Rhône,  Aar, 
Rhin,  Danube).  Le  Jura  a  680  kil.  de  long  depuis  le  Rhône 
jusqu'au  Main  ;  ses  formations  dépassent  d'ailleurs  un  peu 


ces  deux  cours  d'eau  qui  se  sont  frayé  une  route  au  tra- 
vers. La  largeur  moyenne  du  Jura  est  d'une  cinquantaine  de 
kilomètres.  Sa  direction  est  du  S.-O.  auN.-E.  Il  est  nettement 
divisé  par  le  Rhin  en  deux  régions,  le  Jwa  français  au 
S.,  le  Jura  allemand  au  N.  Ils  diffèrent  beaucoup,  et  c'est 
seulement  depuis  qu'on  a  reconnu  l'identité  de  constitution 
géologique  des  deux  chaînes  qu'on  a  appliqué  au  système 
allemand  ce  nom  de  Jura  {mous  Jurasus)  qui  d'abord  n'ap- 
partenait qu'au  système  français.  L'unité  n'existe  qu'au 
point  de  vue  géologique  :  le  Jura  français  est  formé  d'une 
série  de  chaînes  de  montagnes,  le  Jura  allemand  est  cons- 
titué de  vastes  plateaux. 

Jura  français.  —  Le  Jura  français  s'étend  sur  la  France 
et  la  Suisse  entre  le  Rhône  au  S.,  le  Rhin  au  N.,  la  vallée 
de  Neuchâtel  et  de  l'Aar  à  l'E.,  la  plaine  de  la  Saône  à 
FO.  Il  se  développe  sur  une  longueur  de  310  kil.  de  long 
depuis  le  coude  du  Rhône  jusqu'au  confluent  du  Rhin  et 
de  l'Aar,  décrivant  une  courbe  légèrement  concave  vers 
FE.  C'est  un  massif  montagneux  plissé;  cette  constitution 
a  été  étudiée  avec  grand  détail  par  Thurmann  :  il  dénombre 
160  chaînons  d'inégale  longueur.  Ils  se  présentent  comme 
une  sorte  de  filet  à  mailles  elliptiques  très  allongées.  Les 
chaînes  les  plus  hautes  sont  les  plus  orientales,  situées  au 
S.-E.  du  Jura  ;  à  partir  de  celles-ci  l'altitude  décroît  vers 
le  N.  et  vers  FO.;  Falignement  oriental  ne  s'étend  pas  très 
loin  au  N.  ;  ce  sont  les  alignements  parallèles  suivants  qui 
prolongent  le  massif  dans  la  région  centrale.  A  l'extrémité 
septentrionale  un  dernier  chaînon  s'oriente  de  FO.  à  FE., 
parallèlement  à  la  direction  des  Alpes.  Le  Jura  se  présente, 
vu  de  la  Suisse,  comme  une  haute  muraille  sur  laquelle 
se  détachent  à  peine  les  cimes,  lesquelles  la  dépassent  seu- 
lement de  quelques  dizaines  de  mètres.  Du  haut  de  ce  rem- 
part on  voit  le  massif  s'abaisser  vers  l'O.-N.-O.,  ses 
chaînes  successives  formant  comme  les  crêtes  de  vagues 
décroissantes  au-dessus    desquelles    culminent    quelques 


305 


JURA 


sommets  dominant  de  peu  le  plan  général.  Le  plissement 
régulier  est  celui  où  les  couches  sédimentaires  se  bombent 
en  une  voûte  continue;  elles  s'élèvent  d'un  côté,  se  replient 
et  s'abaissent  de  l'autre  côté  de  la  ligne  de  faîte,  se  rele- 
vant à  la  suivante,  de  manière  à  constituer  des  séries  alter- 
natives de  chaînes  et  de  vallées  longitudinales  ;  souvent  le 
clos  supérieur  s'étale  en  un  véritable  plateau  ;  cette  struc- 
ture régulière  se  présente  dans  30  des  160  chaînons, 
d'après  les  observations  deThurmann.  Les  autres  sont  plus 
ou  moins  éventrés  dans  le  sens  de  la  longueur,  de  sorte 
qu'il  s'y  creuse  dans  la  partie  supérieure  des  gorges  ou 
des  vallées  dont  les  parois  sont  formées  par  les  roches  des 
sédiments  sous-jacents.  Ces  murs  sont  d'altitude  inégale 
et  s'abaissent  en  pente  douce  vers  l'extérieur  ;  en  plusieurs 
lieux  ils  se  réunissent  enveloppant  la  partie  supérieure  de 
la  vallée  dans  un  véritable  cirque.  D'autre  part  dans  les 
plis  principaux,  il  s'est  fait  des  plis  secondaires,  dont  la 
crête  est  parfois  plus  élevée  que  les  rebords  des  vallées  où 
ils  s'intercalent;  cela  se  produit  lorsque  le  plissement  a 
ramené  au  jour  une  couche  sédimen taire  inférieure  formée 
de  matériaux  plus  résistants. 

On  donne  le  nom  de  combes  aux  vallées  qui  se  forment 
au  point  de  contact  des  calcaires  durs  et  des  terrains  argi- 
leux ou  analogues  ;  ceux-ci  moins  résistants  sont  entraînés 
et  les  autres  se  dressent  alors  en  muraille  escarpée  domi- 
nant la  dépression  creusée  dans  le  sol  plus  friable  ;  les 
combes  se  rencontrent  aussi  bien  dans  les  plaines  sédi- 
mentaires jurassiques  que  dans  la  montagne  proprement 
dite.  —  On  donne  le  nom  de  ruz  aux  vallons  ou  gorges 
qui  descendent  des  lignes  de  faîte  dans  les  grandes  vallées 
longitudinales  ou  les  combes  ;  ils  sont  encombrés  des  débris 
écroulés  du  haut  des  murailles  rocheuses.  —  On  donne  le 
nom  de  cluses  à  des  vallées  transversales  généralement 
étroites  et  prof(mdes  qui  traversent  les  chaînes  et  relient 
les  vallées  longitudinales  ;  Thurmann  a  compté  90  cluses. 
En  revanche,  plusieurs  des  vallées  supérieures  sont  com- 
plètement closes  ;  au  fond  se  forment  des  lacs  sans  issue 
visible  comme  ceux  de  Brévine  et  de  Joux  ;  à  moins  que 
le  sol  calcaire  ne  laisse  fuir  toutes  les  eaux  par  des  enton- 
noirs ;  elles  reparaissent  alors  plus  bas  en  sources  dont 
quelques-unes  sont  fort  belles.  La  plupart  des  rivières 
suivent  une  vallée  longitudinale  du  N.-E.  au  S.-O.  ou  du 
S.-O.  au  N.-E.,  mais  la  principale  du  pays  jurassique,  le 
Doubs,  traverse  par  plusieurs  cluses  les  alignements  du 
Jura  septentrional. 

La  constitution  géologique  du  Jura  en  détermine  le  relief 
jusque  dans  le  détail,  selon  la  disposition  relative  et  l'iné- 
galité de  résistance  des  diverses  assises  sédimentaires.  Le 
noyau  est  formé  par  les  diverses  formations  jurassiques 
(V.  ce  mot)  à  partir  du  lias.  On  ne  trouve  le  trias  qu'à 
l'extrémité  occidentale  vers  Besançon,  Salins,  Pontarlieret 
dans  la  chaîne  septentrionale  ;  le  keuper  et  le  rauschelkalk 
s'y  trouvent  immédiatement  au-dessous  du  jurassique.  Au 
S.  et  au  S.-E.  et  dans  la  région  de  Neuchâtel,  on  trouve 
en  bordure  des  assises  crétacées  inférieures  (néocomien  et 
gault)  ;  les  assises  supérieures  manquent  partout.  On  ren- 
contre dans  toute  l'étendue  du  massif  des  terrains  tertiaires 
éocènes  et  miocènes  de  formation  marine  ou  lacustre.  Les 
blocs  erratiques  venus  des  Alpes  sont  nombreux  dans  la 
région  orientale  ;  on  y  trouve  des  blocs  granitiques  de 
iOO  m.  c.  ;  on  les  trouve  jusque  dans  les  vallées  inté- 
rieures. D'une  manière  générale,  les  grandes  masses  cal- 
caires appartiennent  au  jurassique  supérieur,  lequel  forme 
les  dos  supérieurs  et  les  arêtes  rocheuses,  tandis  que  les 
sédiments  plus  anciens  forment  le  sol  des  combes.  Les  pre- 
miers sont  dénudés  faute  d'eau  et  revêtus  à  peine  de  mai- 
gres prairies  ;  les  pentes  sont  boisées  en  sapins  ;  les  combes 
bien  irriguées  renferment  de  belles  prairies.  Les  plateaux 
et  vallées  sups^rieures  sont  parfois  marécageux.  Thurmann 
classe  les  chaînons  en  plusieurs  catégories  :  'l  ^  Les  plisse- 
ments intacts  dont  les  sommetssont  constitués  de  jurassique 
supérieur;  les  assises  inférieures  n'apparaissent  qu'au  fond 
des  cluses  et  quelquefois  sur  les  côtés,  par  suite  de  la  dénuda- 

GRANDE  ENCYCLOPÉmE,    —    XXL 


tion  mettant  à  nu  des  rochers,  par  exemple  aux  environs  de 
Dole.  A  ce  type  appartiennent  les  chaînes  méridionales  et 
celles  des  alignements  extrêmes  à  i'E.  et  à  l'O.  2°  Les  plis 
ouverts  de  manière  à  mettre  au  jour  le  jurassique  moyen  ou 
inférieur  qui  forme  souvent  l'arête  centrale  et  culminante, 
séparée  par  une  combe  des  autres  de  niveau  plus  bas.  Ce 
type  domine  dans  le  Jura  central  (Chasserai,  Chasseron)  et 
forme  80  chaînons.  3*^  La  dénudation  va  jusqu'au  keuper; 
c'est  le  cas  du  mont  Terrible,  du  Passwang,  du  Weissen- 
stein.  Â!°  Dans  quatre  chaînons,  le  muschelkalk  apparaît, 
formant  des  collines  basses  ou  de  vastes  dômes  creusés  en 
cirques  (à  Meltingen,  par  exemple). 

Le  Jura  français  se  subdivise  en  trois  parties  au  point 
de  vue  géographique  :  le  Jura  méridional,  le  Jura  central 
et  le  Jura  septentrional.  Le  premier  s'étend  le  long  du 
Rhône  et  au-dessus  du  lac  de  Genève,  enfermant  les  plus 
hautes  montagnes  :  Crêt  d'Eau,  Reculet,  Crêt  de  la  Neige 
(1,723  m.),  Colomby  de  Gex,  Dôle  (1,680  m.),  qui  font 
vis-à-vis  au  massif  du  mont  Blanc  ;  là  sont  aussi  les  chaînes 
les  plus  étendues  et  les  plus  longues  vallées  (Ain,  vallée  de 
Joux,  etc.).  —  Le  Jura  central,  dont  les  sommets  sont  in- 
férieurs d'une  centaine  de  mètres  aux  autres,  comprend  le 
mont  Tendre,  le  Chasseron  (1,611  m.),  la  Tête  de  Rang 
(1,423  m.),  le  Chasserai  (1,609  m.)  ;  le  col  des  Loges, 
entre  Neuchâtel  et  les  Loges,  atteint  encore  1^286  m.  ;  les 
vallées  de  l'Orbe  et  du  Doubs  supérieur  sont  les  plus  im- 
portantes, puis  celles  des  Dappes,  le  val  Travers,  ceux  de 
Ruz,  de  Saint-Imier,  de  Moutiers,  etc.  ;  les  lacs  sont  nom- 
breux. —  Le  Jura  septentrional,  qui  est  à  peu  près  entiè- 
rement compris  en  Suisse,  est  la  partie  la  plus  tourmentée 
du  massif;  on  y  observe  des  terrains  complètement  retour- 
nés, à  tel  point  qu'en  exploitant  le  sel  gemme  du  muschel- 
kalk, on  retrouve  au-dessous  le  jurassique  et  jusqu'aux 
argiles  oxfordiennes.  Les  principaux  sommets  sont  le  mont 
Terrible,  le  Weissenstein  (1,284  m.),  le  Hasenmatt 
(1,449  m.),  le  Rœthifluh  (1,398  m.),  le  Passwang,  le 
Hauenstein,  le  Lœgerberg,  le  Rhanden.  Les  principales 
vallées  sont  celles  de  la  Birse,  de  Delémont,  de  Laufen.  On 
trouvera  de  plus  amples  détails  sur  la  géologie,  le  relief  du 
sol,  les  cours  d'eau,  la  géographie  économique,  etc.,  dans 
les  art.  Am,  Doubs,  Jura  (Dép.),  Jura  bernois.  Jurassique 
et  Suisse.  Dans  le  §  F/or^?,  on  trouvera  des  renseignements 
sur  le  climat. 

Le  Jura,  parla  disposition  parallèle  de  ses  chaînes,  forme 
une  frontière  naturelle  et  crée  un  sérieux  obstacle  aux 
communications.  Les  passages  principaux  sont  :  au  S., 
route  de  Lyon  à  Genève,  la  vallée  du  Rhône,  gardée  par 
le  fort  de  l'Ecluse  ;  dans  le  centre,  les  routes  suivent  des 
cluses  faciles  à  défendre  :  les  principales  mènent  de  la 
Bourgogne  à  la  Suisse  par  le  val  de  Joux,  le  col  de  Saint- 
Cergues  vers  Nyon,  et  par  le  val  des  Dappes  et  le  col  de  la 
Faucille  vers  Genève  ;  elles  sont  barrées  par  le  fort  des 
Rousses;  au  N.,  les  routes  qui,  de  l'Alsace  et  de  la  France 
centrale,  conduisent  à  la  Suisse  rhénane,  passent  par  Po- 
rentruy  et  les  cluses  de  Pierre-Pertuis,  Mouticr  et  la  vallée 
de  la  Birse.  Plusieurs  voies  ferrées  traversent  le  Jura  par 
le  col  de  Jougne,  le  val  Travers,  les  Loges,  le  mont  Sagne, 
Pierre-Pertuis,  le  défilé  de  la  Croix,  le  Hauenstein  et  le 
Bœzberg. 

Jura  allemand.  —  Le  Jura  allemand  s'étend  entre  la 
plaine  danubienne,  formée  de  terrains  tertiaires,  et  les  ter- 
rasses triasiques  de  la  Souabe  adossées  aux  gneiss  et  aux 
granités  de  la  Forêt-Noire.  Il  forme  un  plateau  de  435  kil. 
de  long  depuis  la  région  de  Schaffhouse  jusqu'à  Lichtenfels. 
Il  est  divisé  par  la  dépression  de  Nordlingen  (Ries)  et  le 
val  de  la  Wœrnitz  en  deux  parties  :  Jura  souabe  m  S.-O., 
Jura  franconien  au  N.-E. 

Le  Jura  souabe  a  210  kil.  de  long,  15  à  20  de  large  entre 
le  Rhin  et  le  Danube,  40  entre  le  Danube  et  le  Neckar.  Il 
se  subdivise  en  plusieurs  parties:  les  monts  du  Kletigau, 
entre  Rhin  et  Danube,  dont  la  chaîne  principale  est  le  llo- 
hen  Randen,  dans  le  cant.  de  Schafthouse  ;  le  sommet 
principal  est  le  Rubis  (928  m.).  —  Los  monts  du  lîegau, 

20 


JURA 


306 


à  TE.  des  précédents,  sont  des  cônes  volcaniques  situés 
soit  dans  le  terrain  jurassique,  soit  dans  la  plaine  tertiaire 
du  Hegau  ;  citons  le  Hohenœwen  (849  m.),  le  Neuhœwen 
(870  m.)  le  Hœwenegg(788m.),  le  Hohentwiel  (692m.). 
—  VAlb,  entre  la  vallée  du  Danube  et  celles  du  Filz  et  de 
la  Loue,  est  la  partie  la  plus  vaste  et  la  plus  caractéris- 
tique du  Jura  allemand  ;  les  vallées  qui  y  sont  creusées  le 
découpent  en  plusieurs  segments  :  Baaralb,  au  S.  de  la 
vallée  de  Tuttlingen,  avec  le  Lupfen  (978  m.)  ;  Heuberg^ 
dominé  par  TOberbohenberg  (1,042  m.),  point  culminant 
du  Jura  allemand,  dominant  le  rebord  occidental  ;  ce  pla- 
teau de  900  m.  d'alt.  est  continué,  à  l'Ë.,  par  le  Hardt, 
à  peu  près  aussi  élevé  ;  le  Hohenzollernalb,  entre  les 
vallées  d'Ebingen  et  Binladingen,  possède  un  village  situé 
à  912  m.  d'alt.  (Burgtelden)  et  la  colline  couronnée  par  le 
château  de  Hohenzollern  (855  m,)  ;  la  Rauhe  Alb,  large 
plateau  creusé  de  magnifiques  cavernes,  atteint  905  m.  au 
Kornbiihl  ;  les  plus  célèbres  cavernes  sont  celles  de  Nebel 
(près  d'Oberhausen)  et  de  Karl  (près  d'Erpfinhen).  Les  val- 
lées taillées  presque  à  pic  dans  ces  plateaux  à  une  profondeur 
de  200  à  300  m.,  y  découpent,  dans  la  région  septentrionale, 
des  promontoires  ou  même  des  monts  isolés,  d'autant  que,  de 
ce  côté,  reparaissent  des  formations  volcaniques  ;  ces  monts, 
couronnés  des  ruines  de  vieux  châteaux,  sont  très  pitto- 
resques :  Achalm  (701  m.),  Hoheneufen  (742  m.).  Teck 
(774  m.),  Stuifen  (756  m.),  Hohenrechberg(706  m.),  Ho- 
henstaufen  (683  m).  On  distingue  dans  la  Rauhe  Alb  plu- 
sieurs districts  :  Alb  postérieure,  de  la  Lauchart  à  la  Lauter  ; 
Alb  moyenne,  de  la  Lauter  à  la  Loue  ;  Alb  antérieure  ;  Hardt 
de  Mûnsingen  ;  Hochstraess,  au  S.,  entre  Ehingen  et  Ulm.  — 
Le  Jura  souabe  se  termine,  au  N.,  par  VAalbuch^  entre  la 
Kocher  supérieure  et  Geislingen,  dominée  parle  Kocherberg 
(750  m.),  et  le  Hœrdtfeld^  entre  les  vallées  de  la  Kocher,  de 
la  Brenzet  le  Ries  de  Nordlingen;  celui-ci  atteint  697  m. 
—  Sur  le  plateau  calcaire  de  l'Alb,  les  eaux  de  pluie  sont 
immédiatement  absorbées  pour  ne  rejaiUir  qu'au  bord.  Les 
habitants  n'avaient  d'eau  que  celle  de  leurs  citernes  ou  des 
mares  artificielles,  eau  fort  malsaine.  A  partir  de  1870, 
on  a  établi  un  réseau  de  conduites  qui  approvisionnent  d'eau 
potable,  élevée  par  des  pompes,  1,800  kil.  q.,  peuplés  de 
50,000  personnes.  La  longueur  de  ces  conduites  y  est  de 
350  kil.  ;  elles  ont  coûté  7  millions  de  fr. 

Le  Jura  franconien  a  225  kil.  de  long  sur  35  à  50  kil. 
de  large  ;  il  se  dirige  de  l'O.  à  l'E.  jusqu'à  la  hauteur  de 
Ratisbonne,  puis  du  S.  au  N.  Il  est  traversé  par  la  pro- 
fonde vallée  de  l'Altmiihl  ;  ses  principaux  sommets  sont  : 
le  Hesselberg  (698  m.),  près  de  la  Wœrnitz  ;  Farête  déserte 
du  Flahnenkamm  (638  m.)  d'où  l'on  extrait  les  pierres 
lithographiques  de  Solenhofen  ;  le  Friedelberg  (677  m.) 
près  d'Amberg.  Le  canal  Louis  passe  par  une  vallée  lia- 
sique.  Le  versant  occidental  est  fort  déchiqueté  ;  le  versant 
oriental  est  séparé  des  monts  cristalUns  du  Bœhmerwald 
et  du  Bayrischenwald  par  une  dépression  où  se  sont  déposés 
des  sédiments  crétacés  et  tertiaires.  La  partie  septentrio- 
nale de  la  chaîne  est  souvent  appelée  Suisse  franconienne  ; 
elle  est  très  pittoresque,  enveloppée  à  TE.  et  à  l'O.  des 
terrains  triasiques  (keuper)  des  plaines  de  Baireuth  et  de 
la  Regnitz  ;  ses  principaux  sommets  sont  le  StafFelberg 
(564m.),  leKordigart(561  m.),leKalvarienberg(663m.); 
elle  est  découpée  par  les  vallées  d'érosion  de  la  Pegnitz  et 
de  la  Wiesent,  le  long  desquelles  on  trouve  beaucoup  de 
grottes  fossilifères  (grottes  de  Rosenmùller,  Gailenreuther, 
Sophie,  etc.).  Le  Jura  franconien  se  prolonge  au  delà  du 
Main  dans  les  environs  de  Cobourg. 

La  constitution  géologique  du  Jura  allemand  est  fort 
complexe  :  on  y  rencontre  presque  tous  les  étages  juras- 
siques (sauf  le  portlandien) ,  et  plusieurs  revêtent  des  faciès 
très  différents;  des  formations  contemporaines  se  pré- 
sentent tantôt  sous  Taspect  de  calcaires  réguliers  à  ammo- 
nites ou  à  brachiopodes,  tantôt  sous  celui  de  calcaires  à 
spongiaires  (scyphées),  de  calcaires  coralliairos,  ou  encore 
de  dolomites.  Les  Allemands,  pour  simphfier,  emploient  le 
terme  de  jurassique  noir  (lias),  jurassique  brun  (du  toar- 


cien  au  callovien)  et  jurassique  blanc  (de  l'oxfordien  au 
portlandien).  Le  dernier,  plus  compact,  forme  le  plateau 
supérieur  bordé  au  S.-E.  par  le  sol  tertiaire  et  alluvial  de 
la  plaine  danubienne,  au  N.  par  les  étages  jurassiques 
inférieurs,  très  mouvementés.  Le  Jura  allemand  ne  forme 
une  ligne  de  partage  des  eaux  que  dans  la  Rauhe  Alb  ; 
ailleurs  il  est  traversé  par  une  série  de  cours  d'eau  :  Wœr- 
nity,  Altmùhl,  Pegnitz,  Wiesent.  11  ne  présente  pas  grand 
obstacle  aux  communications.  A.-M.  B. 

Flore.  —  Caractères  généraux.  —  La  flore  du  Jura 
est  dans  son  ensemble  la  même  que  celle  des  montagnes 
de  nature  calcaire  qui  forment  la  ceinture  extérieure  des 
Alpes,  autrement  dit  des  Alpes  antérieures  ou  Préalpes,  dont 
la  chaîne  qui  nous  occupe  n'est  séparée  que  parla  plaine 
suisse  et  la  vallée  du  Rhône.  Ceite  végétation  est  aussi  en 
grande  partie  celle  des  autres  régions  montagneuses  calcaires 
de  l'Europe  moyenne.  On  peut  d'ailleurs  considérer  le  massif 
de  la  Grande-Chartreuse,  dont  le  Jura  ne  semble  être  qu'un 
prolongement,  comme  le  centre  de  dispersion  des  plantes 
calcicoles  jurassiennes  et  savoisiennes.  En  effet,  on  y  retrouve 
presque  toutes  les  espèces  du  Jura,  en  même  temps  que  ce 
massif  possède  en  propre  quelques  espèces  telles  que  :  Ane- 
mone  baldensis,  Silène  bryoides,  Thlaspi  rotundifolia, 
Betonica  hirsuta,  etc.,  qui  ne  s'avancent  pas  dans  le  Jura. 
Rien  de  plus  contrastant  que  cette  flore  éminemment  cal- 
cicoie  comparée  à  celle  des  Alpes  cristallines  du  massif  cen- 
tral et  en  général  à  celle  de  tous  les  terrains  granitiques, 
schisteux  ou  siliceux  arénacés  !  On  y  voit  parmi  les  espèces 
les  plus  caractéristiques  :  Helleborus  fœtidus,  Lactuca 
perennis,  Digitalis  lutea,  AnthylUs  ■montana,  Cerasus 
Makaleb,  Erinus  alpiniis,  Daphne  laureola,  D.  alpina, 
Buxiis  senipervirens,  Gentiana  ciliata  et  autres  espèces, 
Primula  auricula,  Cyclamen  curopœum,  des  Globu- 
ria,  Cotoneaster  tomentosa,  Querciis  pubescens,  Po- 
lypodinm  calcareum,  etc. 

Il  ne  faudrait  pas  croire  cependant  que  ces  espèces  for- 
ment le  fond  exclusif  de  la  végétation  ;  celle-ci  est  surtout 
constituée  par  des  plantes  plus  ou  moins  ubiquistes  et  d'autres 
plus  ou  moins  indifférentes  à  la  nature  chimique  du  sol,  ou 
préférant  seulement  le  sol  calcaire  au  sol  siliceux.  Telles 
sont  :  Helianthemum  vulgare,  Polygala  vulgaris,  Bian- 
thus  Carthusia7iorum,  Silène  nutans,  Melandrium 
sîlvaticum,  Hypericum  hirsutum  et  autres  espèces, 
Genista  tinctoria,  Acer  pseudo-platanus,  Trifolium 
pratense,  Lotus  corniculatiis,  Prunus  spinosa,  Cera- 
sus dulcis,  Spirœa  ulmaria,  Geum  urbanum,  Rubus 
saxalilis,  Fragaria  vesca,  Potentilla  verna  et  autres 
espèces,  Epilobium  Gesneri,  Sedum  telephium,  Carum 
carvi,  Heracleum  sphondylium,  Lonicera  xylosteum^ 
Galium  verumeiG.mollugo,Valeriana  offtcinalis,  Sa- 
lidago  virga  aurea,  Eupatorium  cannabinum,  Lithos- 
permum  officinale,  Linaria  vulgaris  et  autres  espèces, 
Mercurialis  perennis,  Paris  quadrifolia,  Convallaria 
majalis,  Polygonatum  multiflorum,  etc.,  etc.  C'est  au 
milieu  de  ces  formes  plus  communes  que  les  espèces  cal- 
cicoles se  montrent  avec  une  fréquence  croibsante;  en 
général  elles  deviennent  de  plus  en  plus  prépondérantes  à 
mesure  que  l'altitude  augmente;  en  même  temps  la  flore 
prend  un  caractère  montagneux  plus  accentué.  Par  contre, 
on  y  consiate  l'absence  à  peu  près  complète  des  plantes 
silicicoles  par  excellence  comme  :  bigitalis  purpurea, 
Castanea  vulgaris,  Calluna  vulgaris,  Sarothamnus 
scoparius,  Vaccinium  myrtillus,  Pteris  aquilina,  Ly- 
copodium  selago  et  L.  clavatum,  etc. 

Cependant,  s'il  se  rencontre  exceptionnellement  dans  le 
Jura  quelque  plantes  calcifuges  telles  que  Sarothamnus 
scoparius,  Castanea  vulgaris,  Pteris  aquilina,  etc., 
cela  tient  à  des  influences  particulières  qui  ont  déterminé 
la  disparition  ou  du  moins  la  raréfaction  du  calcaire  sur 
des  espaces  plus  ou  moins  étendus.  En  effet,  partout  où  le 
travail  des  eaux  a  entraîné  le  calcaire  en  laissant  à  nu  un 
résidu  siliceux,  une  végétation  silicicole  a  pu  s'établir, 
comme  cela  se  voit  surtout  dans  les  marnes  de  l'oxfordien 


Crande  Encyclopédie  _.  Tome  XXI . 


JURA 


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H.LAMIRAULT  et  C^.«  Editei;irs . 


-  307  - 


JURA 


et  les  dépôts  néocomiens.  Celle-ci  a  pu  également  prendre 
naissance  sur  les  amas  siliceux  qui  accompagnent  parfois 
les  dépôts  de  fersidérolilhique,  assez  abondants  dans  le  Jura 
et  sur  les  matériaux  de  transport,  dépôts  diluviens  ou  gla- 
ciers, tous  de  nature  siliceuse  ou  granitique.  Nous  voyons 
encore,  dans  les  régions  élevées,  parmi  les  rocailles  ou  les 
tourbières,  une  flore  assez  riche  de  plantes  calcifuges,  pré- 
servées du  contact  du  calcaire  par  une  épaisse  couche 
d'humus.  On  y  retrouve  entre  autres  :  Calhma  vulgaris^ 
Vaccinium  myrtillus^  V.  vitis  idœa  et  F.  oxycoccos^ 
Pteris  aquilina^  Andromeda  polifolia,  etc.  Au  Reculet 
on  constate  même  la  présence  du  llhododendron  ferru- 
gineum,  qui  affectionne  tant  les  terrains  schisteux  ou  gra- 
nitiques. Cependant  quelques  espèces  manquent  absolument 
dans  les  monts  du  Jura,  même  dans  les  localités  qui  leur 
seraient  favorables  ;  telles  sont  :  Diyitalis  purpurea,  Scie- 
ranthus  perennis,  Corenophorus  canescens.  D'autres, 
sans  être  nulles,  sont  rares  ou  disséminées,  comme  Quercus 
sessiliflora,  Hieracium  boréale,  etc.  Enfin,  dans  les  ré- 
gions inférieures  ou  dans  le  voisinage  des  habitations, 
parmi  les  espèces  affectionnant  les  lieux  vagues,  on  signale 
la  rareté  relative  de  :  Centaurea  calcitrapa,  Onopordon 
acanthium,  Solarium  nigrum,  Verbascum  blattaria, 
et,  chose  curieuse,  celle  de  VUrtica  dioica.  Par  contre,  on 
rencontre  dans  les  vallées  des  plantes  moins  exclusivement 
calcaires  ou  recherchant  un  sol  plus  meuble,  comme  Ra- 
niinculus  lingua,  Bidens  cernua,  Cicuta  virosa.  Aimes 
glutinosa,  Geraniam  palustre,  OEnanthe  peucedani- 
folia,  etc.,  toutes  affectionnant  l'humidité,  puis  Nigella 
arvensis,  Lycopsis  arvensis,  Ajuga  chamœpitys  et  A. 
genevensis,  Latkyrus  tiiberosus  et  L.  aphaca^  Sedum 
villosum^  Anthémis  tinctoria,  etc. 

Dans  la  plaine,  il  y  a  une  différence  radicale  entre  les 
terrains  siHceux  argileux  d'alluvion  ancienne  de  la  Bresse, 
qui  ne  nourrissent  que  des  espèces  hygrophiles  et  silici- 
coles,  et  les  terrains  d'alluvion  moderne  du  Doubs  et  de 
la  Loue,  recouverts  d'espèces  calcicoles  ;  cette  différence 
est  si  profonde  qu'elle  se  manifeste  entre  deux  champs 
contigus  dont  les  mauvaises  herbes  silicoles  et  calcicoles 
s'excluent  réciproquement,  bien  que  physiquement  et  mé- 
caniquement la  constitution  des  deux  champs  soit  la  même 
(Michalet  et  Grenier). 

Ici  il  importe  de  mentionner  l'existence  exceptionnelle 
d'un  îlot  granitique,  celui  de  la  forêt  de  la  Serre,  près  de 
Dole,  où  se  trouvent  nombre  de  plantes  qui  redoutent  le 
calcaire  :  Cardamine  silvatica,  Stellaria  uliginosa, 
Herniaria  hirsuta.  Scier anthus  perennis,  Epilobium 
collinum,  Potentilla  collina,  Cytisus  capitatus,  Saro- 
thamnus  scoparius,  Sedum  elegans,  Saxifraga  granu- 
lata,  Chrysosplenium,  Senecio  sylvaticus,  Orobanche 
rapum,  Luzula  albida,  Carex  maxima,  Osmimda 
regalis,  Asplenium.  septentrionale  et  i.  Breynii,  Ly- 
copodium  davatum  et  L.  inundatum,  et  bien  d'autres. 

Régions  naturelles.  —  On  pourrait,  au  point  de  vue 
de  la  végétation,  diviser  le  Jura  proprement  dit  ou  franco- 
suisse  en  :  Jura  septentrional,  J.  central,  J.  occidental, 
J.  genevois  et  J.  bugésien.  D'une  manière  générale,  cons- 
tatons tout  d'abord  que  le  nombre  des  espèces  monta- 
gneuses et  alpestres  caractéristiques  s'accroît  en  allant  du 
N.  au  S.-O.  et  au  S.  de  la  chaîne,  en  raison  de  l'élévation 
progressive  du  relief.  C'est,  en  effet,  dans  la  partie  mé- 
ridionale du  Jura,  non  loin  de  la  coupure  faite  par  le 
Rhône  vers  Nantua  et  Genève,  que  se  dressent  les  cimes 
les  plus  élevées.  Mais  comme  la  température  moyenne 
augmente  dans  la  même  direction,  il  arrive  que  cette  ré- 
gion favorisée  présente,  à  côté  des  formes  éminemment 
alpestres,  d'autres  formes  à  cachet  plus  méridional  que  dans 
le  reste  du  Jura.  C'est  ainsi  que  les  types  montagneux  et 
alpestres  commencent  à  s'accentuer  du  Weissenstein  au 
Passwang  et  vers  le  Jura  central  par  des  plantes  telles 
que  :  Thlaspt  alpestre,  Trollius  europœus,  Beracleum 
Jurinum,  Androsace  lactea,  etc.,  et  dans  les  parties 
riches  en  humus,  tourbières,  etc.,  Ribes  petrœum,  Be- 


tula  nana,  Carex  hirculus  et  C.  chordorhiza,  Garda- 
mine  latifolia,  etc.  Au  Chasserai  on  trouve  Anémone  fiar- 
cisdjïora,  etc. ,  du  creux  du  Van  à  la  DùkAlsine  laricifoliaj 
Potentilla  caulescens  et  autres  espèces,  etc. 

Le  Jura  occidental  (Salins,  Baume,  etc.)  possède  déjà 
des  espèces  sud-occidentales,  comme  Saxifraga  moschata, 
Telephium  Imperati,  etc.  Au  S.  de  la  Dôle,  l'altitude 
augmente  considérablement  et  la  chaîne  nous  présente  ses 
cimes  les  plus  élevées.  (Reculet,  Crêt  des  Neiges,  etc.)  et 
nourrit  des  espèces  alpestres  de  plus  en  plus 'nombreuses 
auxquelles  viennent  aussi  se  joindre  peu  à  peu,  dans  les 
régions  basses,  des  formes  plus  méridionales.  C'est  aussi 
dans  cette  région  méridionale,  vers  Nantua  et  auprès  de 
Genève,  que  nous  voyons  apparaître  quelques  espèces  par- 
ticulières et  peu  répandues,  telles  que  :  Atragena  alpina 
(Salève),  Ligusticum  ferruginewm,  Arabis  cenisia 
(mont  d'Or  ou  Reculet).  Le  relief  s'abaisse  brusquement  en 
face  du  Rhône  et  les  espèces  sud-occidentales  continuent 
à  augmenter. 

Mais  c'est  surtout  dans  la  région  du  Jura  bugésien  que 
les  formes  les  plus  chaudes  viennent  affluer.  A  des  es- 
pèces non  exclusives  à  cette  région,  mais  abondamment 
représentées,  comme  :  Helleborus  fcetidus^LiliumMar- 
tagon,  Arabis  auriculata,  Heliailthemum  canum, 
Géranium  sanguineiim,  Lactuca  perennis,  Acer  opu- 
lijolium,  etc.,  viennent  s'ajouter  des  plantes  spéciales 
tf^lles  que  :  Asperula  taurina,  Centaurea  sensana,  et 
d'autres  plus  tranchemeut  méridionales  comme  :  Osyris 
alba,  des  Lavandula,  Clypeola  et  Jonthlaspi,  Bhus 
cotinus,  etc.  On  peut  du  reste,  pour  observer  l'appari- 
tion successive  de  formes  de  plus  en  plus  méridionales, 
prendre  comme  point  de  repère,  à  l'exemple  de  Thurmann, 
quelques  espèces  non  alpestres,  mais  caractéristiques  ou 
prépondérantes  :  1°  Buxus  sempervirens ;  2^  Acer 
opulifolium;  3°  Laser pitium  gallicum;  4°  Asperula 
taurina;  5«  Rkus  cotinus.  Mais  il  s'en  faut  que  les 
différences  entre  les  régions  admises  pour  le  Jura  soient 
nettement  tranchées  à  cet  égard.  Nous  avons  vu  en  effet 
les  formes  les  plus  alpestres,  partant,  en  général,  les  plus 
septentrionales,  augmenter  de  nombre  vers  le  S.,  en  rai- 
son de  l'altitude  croissante  de  la  chaîne  dans  cette  direc- 
tion. Il  arrive  de  même  que  des  espèces  méridionales 
s'avancent  au  N.  et  souvent  loin  de  leur  centre  d'accu- 
mulation ordinaire  —  nous  ne  disons  pas  centre  de  dis- 
persion —  si  les  conditions  d'exposition  et  diverses  cir- 
constances météorologiques  favorables  leur  permettent  de 
s'y  perpétuer  ;  citons  comme  exemple  les  vallées  ouvertes 
au  S.-O.,  où  ces  plantes  peuvent  parfois  monter  assez 
haut  pour  donner  la  main  en  quelque  sorte  aux  plantes 
montagneuses.  C'est  l'inverse  de  ce  qui  arrive  pour  les 
plantes  alpestres  qui,  à  la  faveur  des  cours  d'eau,  des- 
cendent des  cluses  et  des  hautes  cotes  dans  les  gorges 
étroites  et  arrivent  parfois  jusqu'au  niveau  de  la  zone 
moyenne.  Il  y  a  donc  deux  courants  de  sens  contraire 
qui  se  croisent  constamment.  En  général,  plus  le  terrain 
est  abrupt  et  accidenté,  rebelle  à  la  culture  et  à  toute 
exploitation,  plus  il  offre,  par  la  variété  de  l'exposition  et 
des  autres  conditions,  de  facilité  à  ces  migrations  de  plantes. 
Il  en  résulte  une  plus  grande  richesse  dans  la  flore  par  la 
juxtaposition  d'espèces  appartenant  primitivement  à  des 
niveaux  et  à  des  climats  différents. 
^  Le  climat  du  Jura  est  en  général,  abstraction  faite  de 
l'altitude  et  de  la  latitude,  rude  et  variable.  En  toute  saison, 
les  températures  diurne  et  nocturne  peuvent  y  différer  par 
de  grands  écarts.  Il  en  est  de  même  de  la  température  de 
l'été,  assez  chaude  comparativement  à  celle  de  l'hiver,  sou- 
vent très  rigoureux.  La  neige  y  tombe  en  abondance  et 
forme  souvent,  durant  près  de  la  moitié  de  l'année  dans 
les  parties  élevées,  des  couches  de  plusieurs  mètres  d'épais- 
seur. Aussi,  comme  dans  les  Alpes,  les  plantes  délicates  se 
trouvent-elles  suffisamment  abritées  jusqu'au  réveil  brusque 
du  printemps.  De  plus,  malgré  la  fréquence  des  orages  et 
des  pluies  durant  l'été,  ce  climat  n'est  pas  humide  et  les 


JURA 


308  — 


eaux  atmosphériques  se  bornent  à  alimenter  les  tourbières 
et  les  ruisseaux  des  hauteurs.  Ces  cours  d'eau,  en  se  réu- 
nissant, forment  de  préférence,  en  arrivant  dans  la  région 
moyenne,  des  torrents  qui  s'engouffrent  à  travers  les  blocs 
calcaires  imperméables  pour  ne  reparaître  au  large  que 
dans  les  régions  inférieures  qu'ils  fertilisent.  De  là  la  ra- 
reté relative  des  cours  d'eau  apparents  à  la  surface  sur 
de  grandes  étendues  de  la  chaîne  oii  les  plantes  ne  trou- 
vent l'humidité  nécessaire  que  grâce  au  grand  développe- 
ment de  leurs  racines  qui  pénètrent  à  travers  les  fissures 
des  rochers  à  des  profondeurs  plus  ou  moins  grandes. 

Zones  d'altitude.  —  Voici  un  aperçu  de  la^distribution 
des  plantes  de  la  flore  jurassienne  suivant  les  zones  d'alti- 
tude. Dans  cette  énumération,  nous  avons  surtout  choisi  les 
plantes  les  plus  caractéristiques  et  marqué  d'un  astérisque* 
quelques-unes  des  plantes  franchement  calcicoles  les  plus 
répandues.  Remarquons  tout  d'abord  que  les  plantes  de  la 
région  alpine  manquent  presque  totalement  dans  le  Jura, 
dont  les  sommets  les  plus  élevés  n'excèdent  guère  i  ,700  m. 

i^  Région  de  la  plaine  (i^O-SoO  m.).  Cette  zone,  in- 
férieure à  3o0  m.,  se  confond  insensiblement  avec  la 
plaine  ;  elle  est  très  propre  à  la  culture  de  la  vigne,  partout 
du  moins  où  cette  plante  ne  rencontre  pas  un  terrain  trop 
froid  ou  trop  humide  (Bresse)  ;  elle  est  favorable  à  la  cul- 
ture du  mais,  du  noyer  et  de  nos  arbres  fruitiers  ;  c'est 
aussi  la  zone  du  chêne  et  du  hêtre  à  l'exclusion  du  sapin. 
On  y  trouve  au  milieu  de  beaucoup  de  plantes  ubiquistes 
quelques  espèces  plus  jurassiennes  telles  que  :  *Acer  opu~ 
lifolium^  *Cerasus  Mahaleb,  Epilobium  Dodonei,  *An- 
thyllis  vulneraria^  *Hippocrepis  comosa,  Cornus  mas, 
*  Aster  amellus,  *Verbascum  lychnitis,  *Scrophularia 
canina,  *Euphorbia  verrucosa,  Orchis  ustulata,  Tu- 
lipa  syluestris,  *Erythronium  dens]canis,  *To/îeldia  ca- 
lyculata^  etc.  Nous  pourrions  y  ajouter  beaucoup  d'autres, 
plus  ou  moins  spéciales  aux  régions  inférieures  et  à  la 
plaine,  telles  que  :  Corydalis  cava,  Fumana  procumbens^ 
Coronilla  emerus,  Centranthusangustifolius,  Gentiana 
cruciata,  *G.  ciliata,  *G.  germanica^  *Digitalis  gran- 
diflora,  *Rumex  scutatus,  Aristolochia  clematitis,  etc. 
Quelques-unes  montent  même  plus  haut,  et  appartiennent 
tout  aussi  bien  à  la  région  suivante.  Tout  autre  est,  au 
contraire,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  ci-dessus,  la  flore 
bressane,  composée  d'espèces  hygrophiles  et  généralement 
silicicoles,  parmi  lesquelles  nous  citerons  seulement  les 
aquatiques  suivantes  :  Trapa  natans,  Isnardia  palus- 
tris,  Limnanthemum  nymphoides,  Rumex  palustris 
et  R.  maritimus,  Euphorbia  palustris,  Epipactis  pa- 
lustris, Alisma  arcuatum,  Marsilea  quadrifolia,  Pilu- 
laria  globulifera,  etc. 

2°  Région  inférieure  des  montagnes  (350-700  m.). 
Dans  la  région  inférieure  ou  moyenne  du  Jura,  la  vigne 
n'est  plus  guère  cultivée,  sauf  sur  la  falaise  sud-occiden- 
tale, où  elle  remonte  jusqu'à  450  m.  ;  mais  on  y  trouve 
encore  le  maïs  et  les  céréales,  qui  ne  donnent  plus  cepen- 
dant, le  maïs  surtout,  de  produits  satisfaisants.  Il  en  est 
de  même  des  arbres  fruitiers  ;  le  hêtre  y  domine  dans  les 
forêts,  tandis  que  le  chêne  devient  disséminé  et  que  le  sa- 
pin commence  à  apparaître  çà  et  là.  Parmi  les  plantes  de 
cette  zone  on  remarque  surtout  :  *Helleborus  fœtidus, 
* lîelianthemum  fumana,  Polygala  calcarea,  Géra- 
nium sanguineum,  *  Coronilla  emer us,  Orobus  vernus, 
*Lactuca  perennis,  Genista  ciliata,  Physalis  alke- 
kengi,  *Lithospermumpurpureo-cœruleum,  Orobanche 
cruenta,  Lauandula  verna,  *Salvia  glusinosa,  Me- 
littis  melissophylla,  Rrunella  grandiflora  et  B.  alba, 
Primula  acaulis,  *Globularia  vulgaris,  *Plantago  ser- 
pentina,  Asarum  europœum,  *  Quercus  pubescens, 
Anacamptis  pyramidalis,  Loroglossum  hircinum,  Op- 
phrys  muscifera,  0.  arachnoidea,  Aceras  anthropo- 
phora,  *Cypripedium  calceolus,  Ruscus  aculeatus, 
*Anthericum  liliago,Tamus  communis,  Carex  humilis, 
C.  digitata,  C.  gynobasis  et  C.  pilosa,  Phleum  Bœh- 
m£ri,  Melica  ciliata,  etc.  —  La  flore  marécageuse  est 


pauvre  en  raison  de  la  sécheresse  de  cette  zone  ;  cepen- 
dant on  y  voit  :  Cajrx  Davalliana,  Parnassia  palus- 
tris,  Piîiguicula  vulgaris,  et  quelques  autres  espèces. 

3»  Région  des  sapins  (700  à  1,300  m.).  Nous  nous 
trouvons  là  en  pleine  région  montagneuse  où  le  blé  de- 
vient à  peu  près  nul,  tandis  que  l'orge  et  l'avoine  pros- 
pèrent encore  dans  les  parties  les  moins  élevées.  Les  arbres 
fruitiers  ont  à  peu  près  disparu,  le  chêne  de  même,  le  noyer 
est  nul.  Le  hêtre  cède  le  pas  au  sapin  {Abies  pectinata), 
qui  domine  jusque  vers  900  ou  1,000  m.  ;  l'épicéa  {Abies 
excelsa)  l'emporte  à  partir  de  cette  hauteur.  Cette  zone 
est  riche  en  pâturages  et  en  tourbières.  Nous  citerons 
parmi  les  plantes  les  plus  remarquables  qui  la  peuplent  : 
*Atragene  alpina  (au  Salève  seulement),  Lunaria  redi- 
viva,  *Helianthemum  œlandicum,  *Polygala  chamœ- 
buxus  et  *P.  calcarea,  *Saponaria  ocymoides,  Genista 
prostrata,  *Cytisus  laburnum,  *Coronilla  vaginalis, 
C,  montana,  Rosa  pimpiîiellifolia,  Saxifraga  hircu- 
lus,  Ribespetrœum,  Athamanta  Cretensis,  Chcerophyl- 
lum  aureum,  Bellidiastrum  Michelli,  Carduus  deflo- 
ratus,  Hieracium  villosum  et  H.  flexuosum,  Carlina 
acaulis,  Phyteuma  orbicularis,  Arctostaphylos  uva 
ursi,  Vaccinium  oxycoccos  (iourhières),  Gentiana  lutea, 
Atropa  belladona,*Pulmona7''ia  anguslifolia,  Scrophu- 
laria  Uoppii  et  S.  jeutensis,  Stachy s  alpina,  Teucrium 
montanum,  Primula  farinosa.  Cyclamen  europœum, 
Globularia  cordifolia,  *Rumex  scutatus,  *Daphne  lau- 
reola,  *Buxus  sempervirens,  Taxus  baccata,  Anthe- 
ricum  ramosum,  Carex  montana,  C.  ornithopoda, 
C,  alba  et  C.  heleonaster,  Lasiagrostis  calamagrostis, 
Sesleria  cœrulea,  Kœleria  cristata,  *Polypodium  cal- 
careum.  —  On  rencontre  dans  celte  zone  beaucoup  d'au- 
tres espèces  qui  lui  sont  plus  ou  moins  communes  avec  la 
région  alpestre,  telles  que  :  *Thalictrum  aquilegifolium, 
Aconitum  anthora,  *Gentiana  acaulis,  etc.  De  nom- 
breuses tourbières  nous  présentent  à  leur  tour  leurs  plantes 
spéciales  et  quelques  autres  plus  terrestres,  mais  égale- 
ment calcifuges,  entre  autres  :  Eriophorum  alpinum, 
Scirpus  cœspitosus,  Andromeda  polifolia,  Vaccinium 
uliginosum  et  F.  oxycoccos,  Swertia  perennis,  Empe- 
trum  nigrum,  Pinguicula  leptoceras,  Betula  pubes- 
cens, Pinus  pumilio,  etc. 

4^  Région  alpestre  (1 ,300-1 ,720  m.).  Cette  région  n'oc- 
cupe, dans  le  Jura,  qu'un  espace  assez  limité,  vu  la  faible 
altitude  des  sommets  dont  les  plus  élevés  ne  dépassent  pas 
1,7!20  m.  Elle  commence  plus  haut  que  dans  les  Vosges, 
où  la  végétation  arborescente  disparaît  en  partie  vers  l!2 
ou  1,300  m.,  tandis  que  dans  le  Jura  elle  monte  souvent 
jusqu'à  15  et  1,600  m.  Ici  absence  de  cuhure  de  céréales; 
quelques  plantes  potagères,  le  chou,  la  laitue,  la  pomme 
de  terre  peuvent  encore  végéter  autour  de  quelques  cha- 
lets. Les  forêts  alternent  avec  les  pâturages  et  les  tour- 
bières sur  toute  la  surface  de  ces  hauteurs.  L'épicéa,  le 
hêtre  qui  le  plus  souvent  n'est  que  buissonnant  et  l'érable- 
sycomore  qui  parfois  devient  énorme  constituent  la  végé- 
tation ligneuse,  avec  les  sorbiers,  le  cytise  des  Alpes,  le 
tilleul,  le  saule  à  grandes  feuilles,  qui  restent  arborescents. 
Parmi  les  nombreuses  plantes  alpestres  jurassiennes,  nous 
signalerons  :  Anémone  narcissiflora,  Ranunculus  al- 
pestris,  *R.  thora,  R.  montanus  et  R,  lanuginosus, 
Aconitum  lycoctonum,  *Arabis  alpina,  *Dentaria  pin- 
nata,  *Draba  aizoides,  Kernera  saxatiHs,* Viola  calca- 
ratael*V.  biflora,  *  Silène  acaulis^  *Mœhringiamuscosa, 
Alsine  stricta,  Hypericum  nummularium,  Rhamnus 
alpinus,  Anthyllis  montana,  Poleniilla  aurea,  Rosa 
alpinea,  *Alchemilla  alpina,* Cotoneaster  tomentosa, 
Saxifraga  rotundifolia,  Astrantia  major,  Heracleum 
alpinum,  Laserpitium  siler,  *Lonicera  alpigena,  Va- 
leriana  montana,  *Hom,ogyne  alpina,  Cirsium  erisi- 
thales.  Crépis  succisifolia ,  IHeracium  Jacquini  et 
H.  amplexicaule,  Campanula  pusilla  et  C.  rhomboi- 
dalis  ,*  Rhododend7vn  hirsutum,  Pyrola  secunda,  *  Gen- 
tiana acaulis,  *G.  vernalis  et  G    campestris,  Swertia 


309 


JURA 


perennis,  Cerinthe  alpina^  Digitalis  lutea  et  D.  gran- 
diflnra^  *Erimis  alpinus,  *Tozùa  alpina^  Calamintha 
alpina,  Androsace  lactea,  Primula  auricula,  Solda- 
nella  alpina,  *Daphne  alpina,  ^Àlnus  viridis^  Betiila 
nana,  Picea  excelsa,  Pinus  uncinata  (au  Reculet,  iden- 
tifié par  quelques-uns  avec  P.  pumilio),  Orchis  globosa, 
Gymnadenia  conopsea,  *  Crocus  vernus^  *\eralrum 
album,  Narcissus  pseudo-narcissus ,  Carex  chordo- 
rhiza^  Poa  alpina,  SeAaginella  spimilosa.  Enfin,  parmi 
les  plantes  signalées  comme  raretés  relatives  des  hauts 
sommets  du  Jura  et  se  trouvant  au  Reculet,  au  Colombier, 
à  la  Dôle,  etc.,  on  peut  encore  citer  :  Oxytropis  mon- 
tana^  Saxifraga  oppositifolia^  Aconitum  paniculatum, 
Hutichinsia  alpina,  Epilobium  anagallidifoliiim^  Sib- 
baldia  procumbens,  Dryas  octopetala,  Hieracium  au- 
rantiacum,  *  Androsace  villosa,  Petasitesniveus,  Ar- 
butus  alpina^  Rhododendron  fernigineum  (Reculet), 
Gentiana  nivalis,  Veronica  alpina,  Pinguiciila  gran- 
diflora,  Daphne  cneorum^  *Paradisea  liliasirum,  Or- 
chis sambucea,  Carex  tenuis^  Cystopteris  alpina, 
Lycopodium  annotinum^  etc. 

Végétation  des  lacs.  —  Les  lacs  jurassiens,  au  nombre 
de  66,  sont  surtout  situés  dans  la  moitié  méridionale  de  la 
chaîne;  ils  sont  peu  étendus;  leur  profondeur,  générale- 
ment inférieure  à  15  m.,  peut  cependant  atteindre  50  m. 
dans  quelques-uns;  leur  ait.  varie  de  i,d52  à  374  m. 
M.  Magnin,  qui  a  étudié  récemment  la  flore  de  ces  lacs,  a 
constaté  que  la  majorité  des  plantes  qu'on  y  rencontre  ne 
sont  point  particulières  au  Jura,  mais  de  celles  qui  se  trou- 
vent d'ordinaire  dans  les  rivières,  au  bord  de  l'eau  en  plaine 
ou  dans  les  marécages.  Les  unes,  réellement  aquatiques 
ou  lacustres,  c.-à-d.  croissant  au  sein  de  l'eau,  sont  au 
nombre  de  46,  en  négligeant  les  variétés;  ce  sont  :  lia- 
vunculus  aquatilis,  Pi.  fluitans,  Nymphœa  alba,  Nu- 
phar  pumilum,  N.  juranum,  Hippuris  viilgaris,  My- 
riophyllum  spicatum,  Trapa  natans,  Phellandriiim 
aguaticum,  Villarsia  nymphoides,  Utricularia  viilga- 
ris,  U.  minor,  Ceratophyllum  demersum,  Callitriche 
hamulata^  quinze  Potamogeton,  Najas  major,  Scir- 
pus  lacustris,  Phragmites  vulgaris,  Marsilea  quadri- 
folia,  Hypnum  giganteum^  Fontinalis  antipyretica, 
sept  Char  a,  trois  Nitella, 

Les  autres,  plutôt  marécageuses  ou  tourbeuses,  habitent 
seulement  le  bord  des  lacs  ;  ce  sont  Menyanthes  trifoliata, 
Typha  latifolia,  Cladium  mariscus,  Carex  vesicaria, 
Equisetum  lùnosum,  Pxanunculus  lingiia,  Veronica 
anagallis,  Sparganium  ramosum.,  Hypnum  scorpioides 
et  //.  lycopodioides.  —  On  remarquera  parmi  toutes  ces 
plantes,  la  plupartindifférentesà  la  nature  chimique  deseaux, 
ou  calcicoles  comme  les  Charaaspera,  hispida,  fœtidaet 
leNitilla  tenuissima,  Wbsence  à  peu  près  complète  d'es- 
pèces franchement  silicicoles  et  en  particulier  de  VIsoetes 
lacustris^  caractéristique  des  fonds  lacustres  granitiques. 
En  effet,  les  lacs  jurassiens  reposent  sur  une  assiette  géo- 
logique de  nature  calcaire,  située  généralement  dans  les 
combes  néocomiennes  et  oxfordiennes  ou  dans  des  dépres- 
sions du  jurassique  supérieur,  ou  encore  sur  des  vases 
marneuses,  des  alluvions  imperméables:  il  en  est  d'autres 
qui  ont  une  origine  glacière  évidente.  Les  eaux  de  tous  ces 
lacs  sont  donc  calcaires  à  divers  degrés,  moins  en  général 
que  leurs  affluents  ;  la  richesse  en  calcaire  peut  varier  d'un 
point  à  un  autre  du  lac  soit  par  suite  de  précipitations, 
soit  par  l'action  d'une  vie  organique  intense.  Le  fond,  es- 
sentiellement calcaire,  contient  cependant  quelquefois  un 
apport  assez  considérable  de  sihce,  jusqu'à  75  «/o,  comme 
pour  le  lac  d'Aiguebelette,  le  seul  des  lacs  jurassiques  qui 
possède  le  Trapa  natans,  plante  réputée  silicicole.  De 
même,  on  voit  les  C/zam  incrustants  affectionner  les  bords 
des  lacs,  plus  calcaires  que  le  fond,  tandis  que  les  Nitella, 
plus  calcifuges,  se  plaisent  plutôt  dans  la  profondeur. 

Les  espèces  sont  très  inégalement  réparties  dans  la  tota- 
lité des  lacs.  Une  vingtaine  seulement  se  trouvent  dans  plu- 
sieurs lacs  à  la  fois  et  peuvent  être  considérés  comme  for- 


mant le  fond  de  la  végétation.  Citons  particulièrement  : 
Nuphar  luteum  (57  lacs),  Scirpus  lacustris  (53  lacs), 
Nymphœa  alba  (49  lacs) ,  Phragmites  communis  (49  lacs) , 
Myriophyllum  spicatum  (39  lacs),  etc.,  parmi  les  plus 
répandus;  Ceratophyllum  demersum  (11  lacs),  Utricu- 
laria vulgaris  (11  lacs),  etc.,  parmi  les  espèces  qui  le 
sont  moins.  Les  autres  sont  beaucoup  plus  disséminées  : 
Potamogeton  Zizii  (8  lacs),  P.  prœlongus  (5  lacs),  P. 
pectinatus  (4  lacs),  etc.  ;  finalement  parmi  les  espèces 
qui  ne  se  trouvent  que  dans  un  seul  lac  :  Trapa  natans 
Villarsia  nymphoides.,  Marsilea  qiiadrifolia,  Nitella 
flabellata. 

L'altitude  ne  paraît  pas  avoir  une  grande  influence  sur 
la  richesse  de  la  flore  des  lacs  ;  mais  il  y  a  des  plantes 
qui  croissent  à  des  niveaux  déterminés  ;  ainsi  les  Potamots 
qui  affectionnent  les  stations  élevées  manquent  presque 
entièrement  dans  les  régions  basses.  Les  Char  a  sont  éga- 
lement mieux  représentés  dans  les  zones  hautes  et  moyennes. 
De  môme  les  Phellandrium,  le  Nuphar  pumilum  ne 
descendent  généralement  pas  au-dessous  de  500  à  600  m. 
Au  contraire,  les  Scripus  lacustris,  Phragmites  vul- 
garis, Nymphœa  alba,  Typha  latifolia,  Cladium  ma- 
risciis,  Ceratophyllum,  préfèrent  les  altitudes  inférieures, 
ainsi  que  Villarsia  nymphoides,  Marsilea  quadrifolia^ 
Nitella  tenuissima. 

Dans  la  répartition  de  la  végétation  des  lacs  par  régions 
ou  zones  botaniques  du  Jura,  on  remarque  que  les  Phellan- 
drium,  Nuphar  pumilum,  N.  juranum  etiV.  Spenneria- 
num,  Potamogeton  cor iaceus,  P.  prœlongus,  P.  Zizii,  P. 
Friesii,  P.  obiusifolius,  P.  zosterifolius,  Cha7ms  trigosa, 
C.  jurensis,  C.  Magnini,  sont  particuliers  aux  lacs  du  Jura 
oriental  et  central  lies  Typha,  Cladium,  Ceratophyllum, 
Najas,  appartiennent  aux  lacs  du  Jura  méridional;  les 
Marsilea,  Trapa,  Villarsia,  Chara,  Ceratophyllum, 
caractérisent  à  leur  tour  le  Bugey  méridional  et  le  Jura 
savoisien.  Cette  dernière  flore  méridionale  a  des  rapports 
avec  celle  de  l'Europe  centrale  et  occidentale  ;  le  Jura  cen- 
tral et  oriental  doivent  au  contraire  être  rapprochés  de  l'Eu- 
rope boréale  par  le  fait  de  la  présence  du  Nuphar  pumi- 
lum et  des  Potamogeton  que  nous  venons  de  citer. 
L'origine  boréale  ou  glaciaire  de  ces  plantes  est  d'ailleurs 
rendue  très  plausible  par  la  nature  de  la  flore  des  tour- 
bières caractérisée  par  les  Saxifraga  hirculus,  Betula 
nana,  Carex  chordorkiza,  Chelionates. 

Enfin ,  reste  à  citer  quelques  plantes  spéciales,  les  unes  nou- 
velles pour  la  flore  du  Jura  :  Nuphar  Spennerianum,  Po- 
tamogeton obtusifolius.  Char  a  ceratophylla,  C.  curta, 
C.  contraria,  Nitella  tenuissima,  N.  flabellata,  etc. 
Les  autres  nouvelles  pour  la  flore  française  :  Nuphar  seri- 
ceum,  Potamogeton  prœlongus,  P,  coriaceus,  P.  Frie- 
sii, P.  undulaïus,  et  deux  entièrement  inédites  etparais- 
sant  propres  jusqu'à  présent  au  Jura,  quisoniNuphar  jura- 
num nov.  spec.  {pumilo  var.  gracilis  Girardot  et  Jaeggi), 
et  Char  a  jurensis  nov.  spec.  Hy  (et  var.  Magnini  Hy). 
En  résumé,  la  flore  jurassienne  se  compose  :  \^  de  nom- 
breuses plantes  alpestres  calcicoles  émanant  de  la  ceinture 
des  Préalpes  et  d'autres  plantes  alpestres  en  plus  petit 
nombre  non  calcicoles  ou  indifférentes  ;  ces  plantes  al- 
pestres se  rencontrent  en  partie  dans  les  régions  septen- 
trionales de  l'Europe  ;  2°  de  plantes  montagneuses  non 
alpestres,  plus  ou  moins  indifférentes,  mais  avec  prédomi- 
nance de  l'élément  calcicole,  et  dont  une  grande  partie  se 
retrouvent  dans  les  régions  montagneuses  de  l'Europe  cen- 
trale ;  ^^  de  plantes  calcicoles  ou  plus  ou  moins  indiffé- 
rentes et  ubiquistes,  toutes  propres  aux  régions  inférieures 
et  dont  le  nombre  va  en  augmentant  à  mesure  que  l'on  se 
rapproche  de  la  plaine,  avec  la  flore  de  laquelle  la  flore 
jurassienne  se  confond  insensiblement;  4°  de  plantes  à 
caractère  méridional  émanant  des  terrains  calcaires  de  la 
région  rhodanienne  ou  méridionale  et  remontant  plus  ou 
moins  dans  la  chaîne  du  Jura  à  la  faveur  de  conditions  de 
chmat  appropriées.  D^  L.  Hahn  et  A.  Jobin. 

BiBi..  :  GÉOGRAPHIE.  —  Thurmann,  Esquisses    orogra- 


JURA 


—  340  - 


phiques  de  la  chaîne  du  Jura;  Berne,  1852.  —  Oppel,  Die 
Jura  Englands,  Frankreichs  und  des  sudwestlichen 
Deutschlands  ;  Stuttgart,  1856-58.  —  Brauns.  Dermittlere^ 
untere,  obère  Jura  ;  Cassel,  1869;  Brunswick,  1871  et  1874. 

—  G.  S  HWAB,  Die  Schwsebische  Alb;  2«  éd.  par  Paulus, 
Stuttgart,    1878.   —  Vogt,   Die  Scliwœbische   Alb,  1854. 

—  Frœhlich,  Die  Schwœbische  Alb,  1871.  —  Ehmann 
Die  Versorgung  der  'wasserarmen  Alb  ;  Stuttgart,  1881. 

—  V  aussi  la  bibl.  de  Fart.  Jurassique,  des  dép.  de 
TAiN,  du  DouBS,  du  Jura,  de  Suisse,  etc. 

Flore.  —  Guyétant,  Catalogue  des  plantes  à  fleurs  vi- 
sibles qui  croissent  dans  la  montagne  du  Jura,  etc.  ;  Be- 
sançon, 1808.  —  CoRDiENNE,  Notice  topo-phytographi- 
que...  du  Jura,  etc.  ;  Dole,  1822,  in-8.  —  Babey,  Flore  ju- 
rassienne ;  Paris,  1845,  4  vol.  in-8.  —  Thurmann,  Essai 
de  Phytostatique  appliquée  à  la  chaîne  du  Jura,  etc.; 
Berne,  1849,  2  vol.  in-8.—  Godet,  Flore  du  Jura,  1852.  — 
Kirschleger,  Flore  dAlsace  ;  Strasbourg,  1852-63,  3  vol. 
in-12.  —  MiCHALET,  Hist.  naturelle  du  Jura..,,  t.  II,  Bota- 
nique ;  Paris,  1864,  in-8.  —  Grenier,  Flore  de  la  chaîne 
jurassique;  Besançon,  1864,  in-8.  —  Falsan,  les  Alpes; 
Paris,  1893,  t.  II,  in-8.  —  A.  Magnin,  la  Végétation  des 
lacs  du  Jura,  dans  Revue  gén.  de  fîoL,  1893,  et  Rev.  scient., 

10  nov.  1894.  —  V.  lesbibl.de  Frange  et  Europe  (Flore). 
JURA  BERNOIS.  Anciennement  évêché  de  Bâle,  partie  du 

cant.  de  Berne  qui  est  limitée  à  l'O.  par  le  cant.  de  Neu- 
châtel,  au  N.  par  la  France  et  l'Alsace,  à  TE.  par  les  cant. 
de  Bâle  et  de  Soleure,  au  S.  par  l'Aar  et  le  lac  de  Bienne. 

11  comprend  la  plaine  d'Ajoie  (pays  de  Porentruy),  les 
plateaux  des  Franches-Montagnes  (V.  ce  mot)  et  de  la 
montagne  de  Diesse,  les  vallées  principales  de  Saint-ïmier, 
Tavannes,  Moutier,  Delémont,  Laufon  et  quelques  vallées 
latérales.  Les  vallées  sont  situées  entre  les  chaînes  du 
Jura,  dont  les  principales  sont  le  Chasserai,  le  Monto,  le 
Graitery,  le  Raimeux,  le  mont  Terrible  et  le  Blauen.  La 
Suze  arrose  le  val  de  Saint-Imier,  la  Birse,  les  vallées  de 
Tavannes,  Moutier,  Delémont,  Laufon,  la  Sorne,  celle  de 
Delémont  et  l'Allaine  le  pays  d'Ajoie.  Le  Doubs,  après 
avoir  formé  la  limite  entre  le  Jura  bernois  et  la  France, 
entre  dans  le  Jura,  dont  il  enserre  une  portion  nommée 
Clos  du  Doubs  et  le  quitte  de  nouveau  pour  continuer  son 
cours  en  France.  Les  terrains  de  plaines  ainsi  que  les 
vallées  basses  sont  très  fertiles;  on  cultive  la  vigne  au 
pied  du  versant  S.,  le  long  du  lac  de  Bienne;  les  hauteurs 
sont  couvertes  de  prés  et  de  pâturages.  La  principale  ri- 
chesse naturelle  du  Jura  bernois  est  le  bois  ;  ses  immenses 
forêts  sont  peuplées  de  sapins  et  de  hêtres.  Le  chêne  croît 
aussi  dans  quelques  régions.  On  exploite  les  mines  de  fer 
dans  la  vallée  de  Delémont  ;  haut  fourneau  et  fonderie  de 
tuyaux  de  toute  dimension  à  Choïndez  ;  aciérie  aux  Rondez, 
près  de  Delémont.  De  nombreuses  carrières  de  calcaire 
sont  ouvertes  dans  la  plupart  des  vallées;  elles  forment  de 
très  grandes  exploitations,  notamment  dans  la  vallée  de 
Laufon,  qui  alimente  de  matériaux  de  construction  la  ville 
de  Bâle.  La  population  parle  la  langue  française,  sauf  dans 
la  vallée  de  Laufon,  qui  est  d'origine  allemande.  Le  Jura 
bernois  compte  103,498  hab.,  dont  60,000  environ  ap- 
partiennent à  la  confession  catholique.  La  population,  in- 
telHgente  et  laborieuse,  s'adonne  à  l'agriculture  et  à  l'in- 
dustrie. Les  vallées  sont  bien  cultivées  ;  le  plateau  des 
Franches-Montagnes  fournit  une  race  de  chevaux  très 
estimée.  Les  principales  industries  sont  l'horlogerie,  qui 
s'y  fabrique  en  manufacture  et  en  chambre,  les  exploitations 
métallurgiques,  la  verrerie,  la  fabrication  du  ciment,  des 
tuiles  et  briques  ordinaires  et  réfractaires,  la  vannerie,  la 
parqueterie,  la  fabrication  de  la  pâte  de  bois  pour  le  pa- 
pier, la  soierie,  les  matériaux  de  construction  en  pierre  et 
bois^  la  poterie,  la  fabrication  de  la  bière.  Les  cours  d'eau 
fournissent  à  l'industrie  une  grande  force  hydraulique. 

Le  Jura  bernois  forma  primitivement  une  partie  de  la 
Rauracie,  qui  comprenait,  en  outre,  les  cant.  de  Bâle  et 
d'Argovie.  Soumise  aux  Romains  vers  l'an  50  avant  l'ère 
chrétienne,  elle  fut  occupée,  à  l'époque  de  l'invasion  des 
Barbares,  en  partie  par  les  Allémanes,  en  partie  par  les 
Burgondes  ;  puis,  vers  l'an  500,  par  les  Francs.  Le  partage 
de  l'empire  de  Charlemagne  eut  pour  conséquence  qu'une 
partie  de  l'ancienne  Rauracie  fut  réunie  à  l'empire  d'Al- 
lemagne, une  autre  au  royaume  de  Bourgogne.  A  partir  de 
1032,    toute   la  Rauracie  fut  réunie  à  l'empire  d'Alle- 


magne, le  roi  de  Bourgogne,  Rodolphe  III,  ayant  légué  ce 
pays  à  l'empereur.  L'évêque  de  Bâle  y  possédait,  déjà  du 
temps  de  Charlemagne,  de  nombreux  fiefs  qui  furent  aug- 
mentés sous  les  rois  de  Bourgogne,  par  de  grandes  dona- 
tions, de  manière  que  ce  prélat  devint  insensiblement  le  sou- 
verain temporel  du  pays  appelé  aujourd'hui  Jura  bernois.  Il 
relevait,  à  ce  titre,  de  l'empire  germanique.  La  Révolution 
française  mit  fin  à  son  gouvernement.  Les  sujets  catholiques 
du  prince-évêque  s'étant  révoltés,  des  troupes  françaises 
vinrent  à  leur  secours,  et  la  partie  catholique  fut  incorporée 
à  la  France  en  4792.  Le  reste  du  pays  subit  le  même  sort 
quelques  années  plus  tard.  Dès  4796,  l'ancien  évêché  de 
Bâle  forme  un  département  français,  celui  du  Mont-Terrible, 
qui  est  réuni,  en  1800,  à  celui  du  Haut-Rhin.  La  chute  de 
Napoléon  changea  de  nouveau  les  destinées  du  pays  :  le 
congrès  de  Vienne  le  déclara  réuni,  en  1816,  au  cant.  de 
Berne,  que  les  diplomates  indemnisaient  ainsi  de  la  perte 
de  l'Argovie  et  du  pays  de  Vaud,  érigés  en  cantons.  Le 
Jura  forme  aujourd'hui  sept  districts  du  cant.  de  Berne  ; 
ceux  de  Porentruy,  Laufon,  Delémont,  Moutier,  Franches- 
Montagnes,  Courtelary  et  Neuveville.  D^  Gobat. 

JURA  (Dép.  du).  Situation,  limites,  superficie. 
—  Le  dép.  du  Jura  doit  son  nom  au  massif  de  montagnes 
qui  en  couvre  la  plus  grande  partie.  Ce  département  est 
situé  dans  la  région  orientale  de  la  France.  Son  chef-lieu, 
Lons-le-Saunier,  est  situé  à  320  kil.  de  Paris  à  vol  d'oi- 
seau, à  442  kil.  par  le  chemin  de  fer.  Il  est  compris  entre 
les  dép.  de  la  Haute-Saône  au  N.,  de  la  Côte-d'Or  au 
N.-O.,  de  Saône-et-Loire  à  l'O.,  de  l'Ain  au  S.,  la  Suisse 
(cant.  de  Vaud)  à  l'E.,  le  dép.  du  Doubs  au  N.-E.  C'est 
un  département  frontière,  et,  pendant  une  vingtaine  de 
kilomètres,  sa  frontière  coïncide  avec  celle  de  la  France. 
Ses  limites  sont  presque  partout  conventionnelles  ;  cepen- 
dant, du  côté  de  la  Suisse,  elles  suivent  quelque  temps  la 
crête  du  Noirmont  ;  du  côté  du  dép.  de  l'Ain,  la  Valserine 
sert  de  limite  durant  15  kil.,  et  l'Ain  durant  16  kil.  Du 
côté  du  dép.  du  Doubs,  la  séparation  est  marquée  sur 
quelques  kilomètres  par  la  Loue  ;  du  côté  de  la  Haute- 
Saône,  par  l'Ognon  ;  du  côté  de  la  Côte-d'Or  et  de  Saône- 
et-Loire  par  la  Sablonne  et  des  bras  du  Doubs  pendant 
31  kil. 

La  superficie  du  Jura  est  de  499,401  hect.,  ce  qui  le 
classe  au  75^  rang  des  86  départements  français  par  ordre 
de  grandeur,  avec  une  étendue  inférieure  d'environ 
100,000  hect.  à  la  moyenne.  Sa  plus  grande  longueur  du 
N.  au  S.,  entre  Chassey,  sur  l'Ognon,  et  le  confluent  de 
l'Ain  avec  la  Valouse,  est  de  115  kil.  ;  sa  plus  grande  lar- 
geur de  l'E.  à  l'O.,  entre  la  Combe-Noire  (com.  de  Migno- 
villard)  et  La  Chapelle-Voland,  est  de  65  kil.  Son  pourtour, 
en  négligeant  les  petites  sinuosités,  est  de  400  kil. 

Relief  du  sol.  ~  Au  point  de  vue  orographique,  le 
dép.  du  Jura  se  divise  en  trois  régions:  1*^  la  montagne 
du  Jura,  qui  occupe  environ  les  deux  tiers  de  la  surface 
totale,  l'arr.  de  Saint-Claude,  les  trois  quarts  de  ceux  de 
Lons-le-Saunier  et  de  Poligny  ;  —  2^  les  collines  ou 
région  du  vignoble.,  qui  s'étendent  au  N.-O.,  sur  l'E.  de 
l'arr.  de  Dole  et  le  N.-O.  de  celui  de  Poligny  ;  on  pourrait 
rattacher  à  cette  région  les  dernières  pentes  du  Jura  occu- 
pant l'O.  et  le  centre  des  arr.  de  Lons-le-Saunier  et 
Poligny  ;  —  3°  la  plaine  de  la  Bresse,  dont  le  dép.  du 
Jura  ne  possède  que  la  bande  orientale  (50,000  hect.  envi- 
ron), sur  le  S.-O.  de  l'arr.  de  Dole  et  l'O.  de  celui  de 
Lons-le-Saunier. 

La  région  du  Jura,  dont  les  caractères  généraux  ont  été 
indiqués  dansl'art.  Jura  (Géographie)  est  formée  d'une  série 
de  chaînons  et  de  vallées  parallèles  orientés  du  S. -S.-O. 
au  N.-N.-E.  et  dont  l'altitude  décroît  du  S.-E.  vers  le  N.-O. 
Le  premier  alignement  est  celui  du  Noirmont  (1,550  m.), 
point  culminant  du  département  ;  au  S.  s'ouvre  le  col  de 
Saint-Cergues  (1,263  m.),  les  hauteurs  couvertes  par  la 
forêt  de  Fraisse  renferment  la  Crêt-Pela  (1,498  m.); 
elles  dominent,  à  l'E.,  la  vallée  de  la  Valserine  et  le  val 
de  Dappes,  séparés  par  le  faîte  où  s'élève  le  fort  des 


-  314 


JUR4 


Rousses  de  la  vallée  de  TOrbe.  —  Le  second  alignement 
comprend  le  mont  Risoux,  dominé  par  le  Crêt  de  la  Dame 
(1,386  m.)  ;  plus  au  S.  est  le  mont  Fier  (1,375  m.);  à 
rO.  de  celui-ci,  les  hauteurs  de  la  côte  de  Bienne  longent 
la  vallée  de  la  Bienne  qui  commence  sur  le  versant  occi- 
dental du  Risoux.  —  De  l'autre  côté  de  celle-ci,  le  troi- 
sième alignement  comprend  le  mont  Noir  (1,227  m.),  la 
Joux-Devant  (1,141  m.)  au  N.  de  laquelle  s'ouvre  le  col 
de  la  Savine  (921  m.)  ;  vers  le  S.,  la  forêt  d'Avignon 
(917  m.)  s'élève  au-dessus  de  Saint-Claude  et  de  la  cluse 
par  laquelle  la  Bienne  s'enfonce  vers  l'O.  Entre  la  Joux- 
Devant  et  le  chaînon  suivant  appelé  la  Joux-Derrière  s'étend 
le  plat**au  de  Grandvaux,  jadis  boisé;  il  est  semé  de  rochers 
et  de  monticules  entre  lesquels  sont  de  maigres  prairies  et 
des  taillis.  La  Joux-Derrière  se  continue  au  N.  par  le  mont 
Croz,  un  chaînon  particuhèrement  désigné  sous  le  Rom  de 
mont  Jura,  le  mont  Sarrasin  (1,178  m.)  au-dessus  de  la 
Combe-Noire.  —  L'aHgnement  suivant  renferme  le  mont 
Saint-Christophe,  près  de  Moirans,  la  forêt  de  la  Joux  (à 
l'E.  de  Clairvaux)  et,  bien  au  N.,  celle  de  la  lïaute-Joux  ; 
ces  hauteurs  ferment  vers  l'O.  le  plateau  de  Nozeroy  et 
le  séparent  de  celui  de  Champagnole.  Le  plateau  de  Noze- 
roy ou  val  de  Mièges  occupe  environ  30,000  hect.  ;  il  a 
une  ait.  de  750  à  850  m.  ;  on  appelle  souvent  val  de 
Sirod  sa  partie  méridionale.  A  l'O.  de  la  Haute-Joux  est  la 
chaîne  de  la  forêt  de  Fraisse,  puis  le  mont  Rivel  (789  m.). 
A  l'O.  de  l'Ain  s'allonge  la  côte  de  Leutte  ou  de  THeute. 
Tout  le  S.-O.  du  département  est  recouvert  de  chaînons 
parallèles  de  400  à  800  m.  d'alt.  :  812  m.  entre  Arinthod 
et  Vescles,  769  m.  dans  la  forêt  de  Vaucluse  ;  vers  la 
frontière  occidentale,  on  trouve  le  mont  Février,  la  côte 
Colson  (652  m.),  la  côte  de  la  Scie,  etc.  Le  rebord  occi- 
dental du  Jura  a  une  ait.  moyenne  de  450  à  600  m.  domi- 
nant une  plaine  moitié  moins  élevée  au-dessus  du  niveau 
de  la  mer  ;  au  N.  de  Salins,  le  mont  Poupet  atteint  encore 
853  m.  Dans  cette  chaîne,  les  érosions  et  effondrements 
ont  creusé  de  beaux  cirques  ;  citons  ceux  de  Bevigny 
où  naît  la  Vallière,  de  Baume,  de  Pohgny,  d'Arbois,  de 
SaUns. 

La  région  des  collines  ou  du  vignoble,  que  l'on  peut 
faire  commencer  au  chaînon  de  Lente,  comprend  surtout 
leN.  du  département  :  elle  est  interrompue  par  les  vallées 
de  la  Loue  et  du  Doubs  entre  lesquelles  s'étend  le  plateau 
couvert  par  la  forêt  de  Chaux  ;  au  N.  du  Doubs  sont  les 
collines  granitiques  de  la  Serre  qui  atteignent  382  m. 

La  plaine  de  la  Bresse^  à  laquelle  se  rattachent  les  val- 
lées de  la  Loue  et  du  Doubs,  a  une  ait.  moyenne  de 
200  m.  Ce  fut  un  fond  de  lac;  elle  est  parsemée  d'étangs 
qui  la  rendent  insalubre;  on  donne  le  nom  de  Finage  à 
la  partie  comprise  entre  le  Doubs  et  Poligny. 

Géologie.  —  Le  sol  du  dép.  du  Jura  est  formé  essen- 
tiellement de  terrains  jurassiques  ;  ceux-ci  constituent  la 
montagne  ;  leurs  étages  successifs  y  affleurent  en  bandes 
régulièrement  orientées  du  S.-O.  au  N.-E.  et  même  dans 
la  région  méridionale  du  S.-S.-O  au  N.-N.-E.  Les  affleu- 
rements des  dépôts  crétacés  plus  réduits  restent  le  plus 
souvent  dans  la  région  des  hautes  chaînes  jurassiennes,  où 
ils  constituent  le  sous-sol  des  grands  vais  longitudinaux. 
Quelques  lambeaux  isolés  sur  le  versant  0.  de  la  chaîne 
témoignent  ensuite  de  leur  ancienne  extension  qui  est  en- 
core aujourd'hui  très  grande  sur  le  plateau  de  Nozeroy. 
A  mesure  qu'on  se  rapproche  de  la  plaine  affleurent  des 
sédiments  plus  anciens  :  dans  le  N.  du  département,  à 
l'O.  de  l'alignement  de  la  Haute-Joux,  on  ne  voit  plus 
guère  que  le  jurassique  inférieur  (bathonien  et  bajocien), 
sauf  dans  la  longue  et  mince  chaîne  de  Leutte;  au  S. 
du  coude  de  l'Ain  (Champagnole)  la  limite  est  quelque 
temps  représentée  par  le  chaînon  qui  borde  sa  vallée  à  l'O.  ; 
enfin  les  bassins  de  la  Valouse  et  du  Surand  dans  la  zone 
méridionale  appartiennent  au  jurassique  moyen  au-dessus 
duquel  émerge  à  Lains  un  îlot  crétacé.  La  bande  occiden- 
tale du  jurassique  inférieur  a  20  kil.  de  large  dans  le  N., 
10  kil.  vers  Lons-le~Saunier,  15  à  20  kil.  vers  Beaufort, 


4  à  5  kil.  vers  Saint- Amour  et  Coligny.  Dans  la  moitié  mé- 
ridionale, au  S.  des  sources  de  la  Vallière  et  de  la  Sorne, 
elle  borde  directement  la  plaine  pliocène  de  la  Bresse  ; 
dans  la  moitié  septentrionale,  ses  terrains  ont  été  entraî- 
nés par  les  eaux  mettant  à  nu  le  lias  et  les  marnes  irrisées  ; 
depuis  Salins  jusqu'à  Revigny,  on  trouve  entre  le  plateau 
jurassique  et  la  plaine  une  bande  liasique  et  triasique  d'une 
dizaine  de  kilomètres  de  large  ;  elle  forme  le  sol  des  cirques 
de  Revigny,  de  Baume,  de  la  Culée  de  Vaux,  etc.,  enve- 
loppés des  roches  de  formation  plus  récente  (V.  Jura 
[Géogr,]).  Ces  coteaux  et  ces  fonds  liasiques  et  marneux 
où  naissent  la  Furieuse,  la  Cuisance,  l'Orain,  la  Seille,  la 
Vallière,  constituent  la  région  du  vignoble  ;  là  sont  Salins, 
Arbois,  Poligny,  Sellières,  Lons-le-Saunier,  à  la  limite 
de  la  montagne  et  de  la  plaine.  —  La  portion  de  la  plaine 
de  la  Saône  ou  de  Bresse,  comprise  dans  le  dép.  du  Jura 
commence  au  S.  vers  Cousance  ;  la  route  et  le  chemin  de 
fer  de  Bourg  à  Lons-le-Saunier  en  marquent  à  peu  près  la 
limite  jusqu'à  Geving^y  ;  celle-ci  passe  ensuite  à  peu  près 
au  Bois-d'Amont,  à  Aumont  et  au  bas  de  la  forêt  de  Mou- 
chard. Le  terrain  phocène  interrompu  par  la  vallée  allu- 
viale de  la  Loue  reparaît  dans  la  forêt  de  Chaux,  puis  au 
delà  du  Doubs  dans  la  forêt  d'Arne  et  à  l'O.  des  collines 
de  la  Serre.  La  vallée  du  Doubs  est  jurassique  jusqu'à  Dole  ; 
puis  commence  la  plaine  alluviale,  surtout  développée  sur 
la  rive  droite,  qui  atteint  16  kil.  de  large  après  le  con- 
fluent de  la  Loue.  Au  N.  de  l'arr.  de  Dole  se  trouvent  les 
terrains  les  plus  anciens  du  département.  Vers  l'extrémité 
occidentale  des  terrains  jurassiques  de  la  vallée  du  Doubs 
un  soulèvement  a  ramené  au  jour,  avec  des  granulites,  le 
gneiss,  le  permien,  les  grès  triasiques,  le  lias.  C'est  le  petit 
massif  des  collines  de  la  Serre. 

Au  point  de  vue  stratigraphique  les  terrains  du  Jura 
dessinent  des  bandes  orientées  du  S.-S.-O.  au  N.-N.-E. 
La  région  des  hautes  chaînes  et  des  plissements  réguliers 
est  au  S.-E.;  les  failles  sont  rares  et  seulement  des  exa- 
gérations locales  des  plis  ;  sauf  dans  le  plateau  de  Grand- 
vaux  qu'une  faille  divise  en  deux  parties,  l'une  fortement 
plissée  (à  l'E.),  l'autre  (à  l'O.)  inclinée  régulièrement  vers 
la  faille.  Les  vallées  de  la  Saine  et  de  la  Laime  corres- 
pondent à  deux  surfaces  de  glissement  entre  lesquelles  les 
terrains  ont  été  déplacés  vers  le  N.-O.  — La  région  des  pla- 
teaux, à  l'O.  de  la  précédente,  ne  comporte  pas  de  plisse- 
ments importants  ;  les  affleurements  sont  de  plus  en  plus 
anciens  et  les  altitudes  moindres  à  mesure  qu'on  avance 
vers  l'O.  Le  plateau  de  Nozeroy,  à  peu  près  de  900  m.,  est 
formé  de  jurassique  supérieur  et  de  crétacé;  celui  de  Cham- 
pagnole, à  750  m.,  l'est  de  jurassique  moyen;  celui  qui 
s'élend  à  l'O.  de  l'alignement  de  Leutte,  à  500  ou  600  m., 
est  formé  de  bathonien  et  de  bajocien.  A  la  limite  de  ce 
plateau  et  du  vignoble  deux  bandes  étroites  de  bathonien 
sont  au  milieu  du  bajocien  et  du  lias  isolées  par  des  failles 
courbes  à  contour  fermé  ;  il  faut  supposer  que  les  terrains 
sous-jacents  ont  été  dissous  et  entraînés  créant  un  vide  où 
les  terrains  supérieurs  se  sont  affaissés.  Des  phénomènes  de 
ce  genre  ont  pu  jouer  un  grand  rôle  dans  la  région  des 
plateaux  dont  les  failles  convergentes  n'offrent  pas,  comme 
dans  la  région  des  hautes  chaînes,  la  trace  de  pressions 
latérales.  —  La  région  du  vignoble  est  profondément  sil- 
lonnée par  les  plissements  et  les  failles  qui  font  reparaître 
à  rO.  quelques  parties  du  jurassique  supérieur.  —  Le  mont 
Poupet,  qui  représente  le  principal  accident  orographique 
du  N.  du  département,  correspond  à  la  convergence  de 
deux  hgnes  de  failles.  — La  boutonnière  granitique  de  la 
Serre  atteste  trois  séries  de  remaniements  et  de  mouve- 
ments :  le  premier  entre  le  permien  et  le  trias  ;  le  second 
entre  le  bathonien  et  l'oxfordien  ;  le  dernier,  postérieur  au 
crétacé,  se  serait  produit  vers  la  fin  de  l'éocène,  détermi- 
nant les  grandes  failles  du  versant  oriental  de  ces  collines. 

Description  des  étages  sédimentaires.  Les  terrains 
les  plus  anciens  sont  ceux  de  l'îlot  granitique  et  gneissique 
de  la  Serre  ;  ils  constituent  une  région  en  Franche-Comté, 
entre  l'Ognon  et  le  Doubs,  une  région  fort  intéressante 


JURA 


—  312 


attestant  la  jonction  souterraine  des  Vosges  avec  le  Massif 
central  et  nettement  délimitée  par  deux  grandes  failles  qui, 
se  réunissant  au  N.  d'Ougney,  se  rapprochent  au  S.  avant 
de  s'enfoncer  sous  le  terrain  pliocène.  Ce  massif  elliptique, 
couronné  par  la  belle  forêt  de  la  Serre,  est  essentiellement 
constitué  par  une  bande  de  granulite  à  mica  blanc  sur  le  flanc 
oriental  ;  des  gneiss  granulitiques  avec  mica  noir  perpendi- 
culaires à  la  bande  précédente;  sur  le  flanc  occidental,  des 
gneiss  gris  avec  bancs  de  micaschistes.  L'arête  principale, 
orientée  du  S.-O.  au  N.-E.  comme  le  Jura,  est  formée,  outre 
les  terrains  cristallins,  de  terrains  permiens  et  de  triasiques. 
Le  permien  (dont  la  puissance  est  de  300  m.)  comprend  à 
la  base  des  argiles  compactes  noires,  puis  rouges,  puis  des 
grès  et  argiles  alternant,  puis  un  conglomérat  gneissique. 
Le  long  des  gneiss  s'étend  la  bande  des  eurites,  exploitées 
pour  pavés;  ce  sont  des  terrains  métamorphiques,  grès 
avec  pyrites  et  débris  de  feldspath. 

Le  tdas  est  représenté  par  ses  principales  assises  :  grès 
vosgien,  grossier,  reposant  sur  le  gneiss  (60  à  80  m. 
d'épaisseur)  ou,  en  stratification  discordante,  sur  le  per- 
mien ;  au  niveau  supérieur,  ce  grès  passe  aux  argiles  mi- 
cacées ;  grès  bigarré  formé  d'argiles  micacées  à  Calamités 
arenaceus ;  muschelkalk  {'^O  m.  à  la  Serre),  comprenant 
des  argiles  grises,  des  calcaires  compacts  et  des  dolomies; 
on  y  trouve  VEncrinites  liliiformis  ;  on  ne  trouve  ni 
gypse,  ni  sel  à  la  Serre  ;  les  marnes  irrisées  inférieures 
renferment  des  gisements  de  sel,  notamment  à  Salins  ;  les 
marues  irrisées  moyennes  à  lignites  et  dolomies  paraissent 
à  Lons- le -Saunier,  Baume,  Grozon;  l'étage  supérieur 
affleure  presque  seul;  on  trouve  à  sa  base  dolomies  et 
gypse.  ^ 

Le  lias,  d'une  puissance  totale  de  120  m.,  offre  les  étages 
suivants:  grès  à  Avicula  contorta  alternant  avec  des 
marnes  noires  et  bariolées  constituant  l'infralias  ;  —  cal- 
caires gréseux  et  calcaires  bleus  à  plagiostomes  ;  calcaires 
à  gryphées  et  marnes  bleues  souvent  cachées  ;  —  calcaires 
marneux,  marnes  à  nodules  et  marnes  à  plicatules;  — 
schistes  à  posidonies,  marnes  à  trochus  et  marnes  gréseuses 
ou  à  rognons  calcaires.  —  Le  bajocien  débute  par  50  m. 
de  calcaires  oolithicjues  ou  spathiques  (à  Ammonites  Mur- 
chisonii),  avec  minces  lits  de  marnes  grises  ou  bleuâtres  ; 
puis  viennent  des  calcaires  siliceux,  surmontés  parfois  d'îlots 
de  polypiers  ef  des  calcaires  à  grandes  dalles  {Ammonites 
Humphriesianus)  ;  enfin  des  calcaires  roux  spathiques,  bien 
connus  dans  la  région  sous  le  nom  de  dalle  nacrée,  —  Le 
bathonien,  d'une  puissance  de  80  à  120  m.,  débute  par 
des  bancs  marneux  à  Ostrea  acuminata,  surmontés  de 
bancs  à  Rynchonella  varians.  Un  niveau  marneux  à  Uo- 
momya  gibbosa  surmontant  des  calcaires  à  Terebratula 
Philippsii  divise  la  masse  principale  de  l'étage  formé  de 
calcaires  foncés  qui  sont  le  type  du  jurassique  brun  des  au- 
teurs allemands;  au  N.-O.  le  faciès  est  encore  celui  du  bas- 
sin de  Paris,  calcaires  blancs.  —  Le  callovien  est  peu  dé- 
veloppé ;  la  zone  à  Ammonites  anceps  se  rencontre  presque 
seule;  elle  renferme  des  minerais  de  fer.  —  Voxfordien^ 
d'une  puissance  de  60  à  130  m.,  renferme  à  la  base  des 
marnes  à  ammonites  pyriteuses  et  des  calcaires  compacts 
riches  en  ammonites  et  spongiaires  ;  les  calcaires  marneux 
du  niveau  supérieur  ne  sont  développés  qu'à  l'E.  de  la 
chaîne  de  Leutte  ;  réciproquement  l'importance  des  courbes 
intérieures  diminue  à  mesure  qu'on  va  vers  le  S.-E.  —  Le 
rauracien  (puissance,  40  à  60  m.)  perd  son  faciès  coral- 
liaire  dans  le  S.  ;  il  est  représenté  par  des  bancs  à  grosses 
oolithes  rugueuses  vers  Clairvaux  et  Lons-le-Saunier,  par 
des  calcaires  marneux  à  CÂdaris  florigemma  et  Ostrea 
rastellans  qu'on  ne  peut  que  malaisément  séparer  de  ceux 
de  l'oxfordien,  par  des  calcaires  compacts  dans  le  haut. 
—  Vastartien  (puissance,  60  à  80  m.)  se  compose  de 
calcaires  oolithiques  ou  spathiques  avec,  à  la  base,  des  bancs 
marneux  à  Cidaris  florigemma,  Waldheimia  Egena, 
Ostrea  bruntrutana.  La  partie  supérieure  se  compose  de 
bancs  coralligènes  à  oolithes  blanches,  avec  nérinées,  po- 
lypiers, Rhynchonella  pinguis;  puis  des  calcaires  com- 


pacts sans  fossiles.  —  Le  ptérocérien  est  un  puissant 
étage  (50  à  70  m.)  de  calcaires  marneux  à  Pterocera 
Oceani,  Ceromya  excentrica,  etc.,  au-dessus  duquel  se 
placent  des  calcaires  blancs  fragmentés  ou  compacts  qui 
représentent  le  virgulien,  —  Le  kimméridgien  est  re- 
présenté à  Salins  par  des  calcaires  blancs  compacts,  de 
teinte  laiteuse,  avec  gryphées  à  la  partie  supérieure.  — 
Le  portlandien  (puissance,  80  à  100  m.),  est  formé  de 
calcau^es  compacts  alternant  avec  des  dolomies  sableuses  ; 
on  y  trouve  des  bancs  à  Nerinea  trinodosa  et  plus  haut 
à  moules  de  bivalves. 

Les  terrains  crétacés  ont  été  en  grande  partie  entraînés. 
A  la  base  sont  des  sédiments  lacustres  calcaires  peu  cohé- 
rents d'un  blanc  grisâtre  à  petits  planorbes  et  gastéro- 
podes et  des  marnes  grises  ou  noirâtres.  —  Le  néoco- 
mien  est  représenté  par  un  étage  de  calcaire  jaune  et  de 
marnes  à  spatangues  (puissance,  25  à  30  m.),  comprend 
des  marnes  à  Ostrea  Couloni,  Terebratula  prœlonga,  etc. , 
et  un  calcaire  jaune  spathique  à  taches  chloriteuses.  Son 
faciès  coralligène  est  très  frappant.  Un  trait  capital  de  la 
géologie  jurassienne  est  cette  étendue  des  faciès  coralli- 
gènes qui,  en  se  développant  depuis  le  bathonien  jusqu'au 
néocomien,  ont  contribué  à  la  formation  des  principales 
zones  calcaires.  —  Vurgonien  (puissance,  30  à  40  m.) 
est  formé  de  calcaires  blancs  compacts  à  requienies  et  po- 
lypiers. —  Les  grès  verts  à  Ammonites  Milletianus  et 
Beudanti  se  rencontrent  quelquefois  à  la  surface  de  l'ur- 
gonien,  par  exemple  sur  le  plateau  de  Nozeroy.  Au  pied 
du  mont  Poupet  et  sur  le  N.  des  collines  de  la  Serre,  on 
trouve  les  diverses  assises  du  crétacé  supérieurs,  argiles 
du  gault,  craie  de  Rouen,  etc. 

Véocène  est  représenté  par  la  brèche  de  Narlay  com- 
prise dans  un  pli  du  néocomien  et  formée  d'éléments  port- 
landiens  et  néocomiens  avec  ciment  rougeâtre.  —  Le  mio- 
cène est  représenté  par  un  lambeau  de  calcaire  lacustre 
près  de  Vincelles  et  un  lambeau  de  molasse  marine  au  N. 
de  Foncine  (cant.  des  Planches).  —  On  rattache  au  plio- 
cène les  argiles  grasses  de  Neublans,  les  sables  micacés 
(puissance,  12  à  20  m.)  à  Hélix  Chaixi  (faune  d' Haute- 
rive),  les  argiles  bleues  de  Saint-Côme  à  Paludina  bres- 
sana.  Sur  les  rives  du  Doubs  et  de  la  Loue  sont  des  amas 
stratifiés  de  galets  quartzeux  quelquefois  agglomérés  par 
un  ciment  de  sable  micacé.  Ces  amas  sont  beaucoup  plus 
développés  dans  la  forêt  de  Chaux  ;  ils  correspondent  aux 
sables  de  Chagny  et  aux  sables  ferrugineux  à  Elephas 
meridionalis  qu'on  rencontre  plus  au  S.  Le  limon  de  la 
Bresse  (terre  à  pisé)  forme  le  plan  supérieur  des  dépôts 
pliocènes;  c'est  un  produit  d'altération  atmosphérique;  on 
le  trouve  dans  toute  la  plaine  tertiaire. 

Les  dépôts  glaciaires,  formés  de  boues  calcaires  avec 
cailloux  roulés  et  gros  blocs  à  peine  émoussés,  souvent 
striés,  revêtent  les  plateaux  de  Champagnole  et  de  Nozeroy  ; 
occupant  une  bande  large  de  plusieurs  kilomètres,  jusqu'à 
la  moraine  frontale  de  Clairvaux,  ces  glaciers  se  déver- 
saient dans  la  vallée  de  l'Ain  ;  on  retrouve  leur  trace  jus- 
qu'à 1,150  m.  d'alt.  près  des  Planches  et  ils  ont  été  reliés 
certainement  à  ceux  des  Alpes.  Ces  dépôts  ont  été  entraînés 
par  l'Ain  et  ont  fourni  la  matière  de  ses  puissantes  allu- 
vions  qui  dépassent  de  60  m.  le  niveau  actuel  de  la  rivière. 
Dans  la  région  du  vignoble  on  trouve  aussi  des  dépôts  gla- 
ciaires dont  les  matériaux  proviennent  du  bas  inférieur.  — 
Les  alluvions  anciennes  bordent  toutes  les  vallées  pen- 
dant la  traversée  de  la  zone  des  collines  formant  terrasse, 
surtout  dans  la  vallée  de  la  Seille.  Elles  n'existent  ni  dans 
la  Bresse  ni  dans  les  hémicycles  creusés  dans  la  chaîne 
frontale  ;  toutefois,  on  a  trouvé  dans  la  grotte  de  Baume 
les  fossiles  de  la  faune  quaternaire.  —  Les  alluvions  mo^ 
dernes,  limons  ou  cailloux,  occupent  le  fond  des  vallées  ; 
à  leur  âge  se  rattachent  les  tufs  de  la  vallée  de  la  Cousance 
et  les  tourbes  qui  se  forment  dans  les  dépressions  des 
dépôts  glaciaires.  Enfin  tout  le  long  du  Jura  les  eaux  ont 
déposé  des  argiles  brunes  ou  jaunâtres  à  cailloux  siliceux, 
provenant  de  la  décomposition  du  bajocien  ;  elles  forment 


-  313  -- 


JURA 


une  étroite  traînée  superposée  aux  autres  terrains  quater- 
naires ou  tertiaires. 

Hydrologie  et  géologie  agricole.  Les  grands  niveaux 
des  sources  sont  le  lias,  Foxfordien  et  le  néocomien  ;  les 
marnes  inférieures  du  bathonien,  les  marnes  inférieures  du 
tertiaire  et  les  marnes  de  Saint-Côme  ne  donnent  lieu  à 
aucune  source  importante.  Il  n'y  a  de  niveau  d'eau  constant 
dans  le  tertiaire  que  dans  les  argiles  inférieures  du  côté 
d'Asnans.  Les  rivières  ies  plus  abondantes,  l'Ain,  la  Saime, 
la  Seille  sont  la  continuation  de  cours  d'eau  souterrams 
indépendants  des  failles.  Leur  eau  vient  des  bassins  fermés 
ou  des  entonnoirs  supérieurs.  La  plaine  du  marais  de  Saône 
offre  la  même  structure.  Au  point  de  vue  agricole,  les 
alluvions  modernes  sont  en  prairies,  sauf  dans  les  vallées 
du  Doubs  et  de  la  Loue  où  elles  sont  caillouteuses  et  cul- 
tivées en  céréales.  Les  terrains  tertiaires  sont  cultivés  en 
céréales  ou  boisés.  Les  vignes,  le  long  de  la  zone  monta- 
gneuse, couvrent  les  premiers  coteaux  marneux  triasiques 
et  liasiques.  Le  premier  plateau  montagneux  est  occupé 
par  des  champs  de  céréales  ou  des  bois,  les  terrains  juras- 
siques étant  préférés  pour  les  premiers.  Les  plateaux  su- 
périeurs sont  surtout  revêtus  de  prés.  Dans  les  hautes 
chaînes  les  prés  correspondent  aux  affleurements  marneux 
glaciaires,  crétacés  ou  oxfordiens,  les  bois  de  sapins  et 
les  pâtis  communaux  aux  sols  calcaires. 

Régime  des  eaux.  —  Le  dép.  du  Jura  appartient  au 
bassin  du  Rhône,  sauf  2  à  3,000  hect.  dont  les  eaux  vont 
au  Rhin  par  l'intermédiaire  de  l'Orbe.  Celle-ci  naît  au  pied 
du  fort  des  Rousses,  forme  le  lac  des  Rousses  (83  hect.), 
passe  à  Bois-d'Amont  et  entre  en  Suisse  après  avoir  par- 
couru en  France  i5  kil.;  elle  aboutit  au  lac  de  Neuchâtel, 
dont  la  Thièle,  puis  l'Aar,  portent  les  eaux  au  Rhin.  — 
Tout  le  reste  du  département  est  tributaire  du  Rhône  par 
l'intermédiaire  de  la  Valserine,  de  l'Ain  ou  de  la  Saône.  La 
Valserine,  née  à  TE.  de  la  Crêt-Pela,  coule  entre  les  dép. 
du  Jura  et  de  l'Ain  pendant  13  kil.,  descendant  la  corribe 
de  Mijoux.  En  somme,  au  point  de  vue  hydrographique,  le 
dép.  du  Jura  se  partage  entre  les  bassins  de  l'Ain  et  de  la 
Saône  ;  le  premier  recueille  les  rivières  qui  descendent  vers 
le  S.  les  vallées  longitudinales  de  la  montagne,  c.-à-d. 
celles  de  l'arr.  de  Saint-Claude  presque  entier,  des  deux 
tiers  de  celui  de  Lons-le-Saunier  et  de  la  moitié  de  celui 
de  Poligny  ;  le  bassin  de  la  Saône  recueille  toutes  les 
rivières  des  régions  de  la  plaine  et  des  collines,  soit  celles 
de  l'arr.  de  Dole,  de  l'O.  de  celui  de  Lons-le-Saunier  et  du 
N.-O.  de  celui  de  Poligny. 

L'Ain  (190  kil.,  dont  420  dans  le  dép.  du  Jura)  sort 
d'un  réservoir  naturel  creusé  au  pied  d'un  rocher  à  730  m. 
d'alt. ,  près  de  Nozeroy,  coule  vers  leS.-O.,  passe  à  Sirod, 
Bourg-de-Sirod,  tourne  au  N.-O.  pour  s'engager  dans  une 
cluse  qui  n'a  que  quelques  mètres  de  large,  y  forme  des 
cascades  pittoresques,  s'enfonce  sous  des  rochers  et  après 
une  chute  de  17  m.  sort  de  ce  défilé  (perte  de  l'Ain)  ;  il 
arrose  Champagnole,  tourne  vers  l'O.,  puis,  ayant  atteint 
le  pied  de  la  chaîne  de  Leutte,  reprend  la  direction  du 
S.-O.,  passe  à  Pont-du-Navoy,  descend  le  saut  de  la  Saisse 
(18  m.),  traverse  les  gorges  du  Pont-de-Pyle,  de  la  Char- 
treuse-de-Vaucluse,  le  saut  du  Mortier  et,  après  le  con- 
fluent de  la  Bienne,  arrive  au  dép.  de  l'Ain,  auquel  il  ap- 
partient complètement  en  aval  du  confluent  de  la  Valouse. 
Il  est  navigable  depuis  le  confluent  de  la  Bienne,  flottable 
depuis  Champagnole.  —  Dans  le  dép.  du  Jura,  il  reçoit  les 
rivières  suivantes  :  la  Serpentine  (r.  dr.),  sortie  du  lac  du 
Biel-du-Fourg  (862  m.  d'alt.),  passe  près  de  Mièges,  à  Noze- 
roy et  saute  la  cascade  du  Moulin-du-Saut  et  vient  grossir 
TAin,  à  1  kil.  de  sa  source;  elle  reçoit  le  ruisseau  du 
Gouffre-de-l' Houle  et  le  Trébief.  —  L'abondante  source  de 
Conte  (r.  g.).  —  La  Laime  ou  Lemme  (r.  g.)  naît  au  pied 
du  Montnoir,  à  900  m.  d'alt.,  près  de' Saint-Laurent, 
forme  la  cascade  de  Claude-Roy  et  s'unit  à  l'Ain,  près  des 
forges  de  Syam  :  elle  reçoit,  à  gauche,  au  Morillon,  le  Dom- 
bief  ;  au  Pont-de-Ia-Chaux,  le  Panessière,  déversoir  des 
jolis  lacs  de  Maclus  ;  à  droite,  la  Saine,  née  au  pied  du 


Coulion  à  Foncine-le-Haut,  forme  une  série  de  belles  cas- 
cades, dont  la  plus  connue  est  celle  du  Bout-du-Monde, 
traverse  le  fond  de  Langouette;  cluse  de  40  m.  de  profon- 
deur sur  2  à  3  m.  de  largeur  au  sommet,  reçoit  les  tor- 
rents du  lac  des  Rouges-Truites,  du  Bief-du-Bouchon  et 
du  Saut-de-la-Pisse.  —  L'Angillon  (dr.,  30  kil.)  nait  à 
Nans,  à  789  m.  d'alt.,  descend  au  N.  par  une  combe  pro- 
fonde de  230  m.,  contourne  à  Chappois  le  chaînon  de  la 
forêt  de  Fresse,  se  dirige  vers  le  S.  par  Vers,  le  Pasquier 
et  Ardon  ;  il  reçoit,  à  droite,  la  Doye  venue  du  N.  —  Le 
Bief-d'CHuf  (g.)  apporte  les  eaux  du  beau  lac  de  Châlin 
(220  hect.,  500  m.  d'alt.).  —  Le  Hérisson  (g.,  22  kil.) 
sort  du  pittoresque  lac  de  Bonlieu  (900  m.  sur  600  m.), 
coule  vers  le  N.,  puis  vers  l'O.,  tombe  de  13  m.  au  saut 
Girard,  de  40  m.  au  saut  de  la  Montagne,  de  60  m.  au 
saut  des  Vaux,  forme  les  lacs  du  Val  (d  kil.  sur  400  m.) 
et  de  Chambly,  passe  à  Doucier  ;  il  reçoit,  à  droite,  par 
l'Hay,  les  eaux  du  lac  de  la  Motte  (2  kil.  de  long)  et  peut- 
être  celles  du  lac  de  Norlay,  placé  au  N.  du  précédent  et 
sans  écoulement  visible.  —  La  Syrène  descend  du  plateau 
des  Petites-Chiettes  à  PO.  de  Bonlieu,  et  reçoit  le  Ronay 
et  le  Drouvenant  ;  celui-ci  sort  à  Frasnée  d'un  beau  cirque 
de  rochers,  forme  de  belles  cascades,  actionne  des  scieries 
et  usines,  recueille  les  eaux  du  double  lac  de  Clairvaux  ; 
en  hiver,  les  eaux  du  Drouvenant  ne  trouvant  pas  dans 
l'orifice  de  la  source  un  débit  suflisant  remontent  par  le 
trou  des  Gangômes  jusqu'au  plateau  supérieur  et  jaillissent 
en  haut  du  rocher  du  Grand-Dard,  —  La  Frète  ou  Fraite 
passe  au  pied  de  la  forêt  de  la  Joux  et  finit  en  amont  du 
Pont-de-Pyle.  —  La  Bienne  (g.,  72  kil.)  est  le  grand  af- 
fluent de  l'Ain  ;  elle  naît  au  pied  du  col  de  Saint'-Cergues, 
sous  le  nom  de  Bief-de-la-Chaille,  passe  à  Morez,  où  elle 
change  sa  direction  N.-O.  pour  le  S.-O.,  franchit  de  beaux 
défilés,  passe  à  Saint-Claude,  Prat,  Molinges,  Jeurre,  et 
finit  à  Chancia  ;  elle  reçoit,  près  de  Morez,  à  gauche,  la 
Doye-Magnin  ;  à  droite,  l'Evalude,  torrent  qu'alimente  le 
lac  de  Belle-Fontaine  ;  à  gauche,  la  Doye-Gabet  ;  à  gauche, 
près  d'Avignonnet,  la  rivière  du  Trou-de-l'Abîme  ou  de 
Vaucluse;  à  gauche,  à  Saint-Claude,  le  Tacon,  qui  vient 
du  S.,  passe  aux  Bouchoux,  se  grossit,  à  droite,  du  Flu- 
men,  célèbre  par  ses  belles  cascades  ;  à  droite,  le  Lison, 
qui  passe  à  Bavilloles;  près  de  Molinges,  à  gauche,  le 
Longviry  et,  à  droite,  PEnragé,  torrent  sorti  d'une  grotte 
où  reparaissent,  dit-on,  les  eaux  du  lac  de  l'Abbaye-de- 
Grandvaux  (93  hect.,  2  kil.  de  long,  30  m.  de  profon- 
deur) ;  ces  eaux  se  déversent  par  un  canal  qui  s'engouffre 
dans  une  caverne  où  elles  disparaissent  pour  ressortir  à 
20  kil.  au  S.  dans  la  grotte  de  l'Enragé  ;  le  Heria  est  de 
même  alimenté  par  les  eaux  du  lac  d'Antre  (824  m.  d'alt.)  ; 
il  se  jette  dans  la  Bienne  à  Jeurre.  —  La  Valouse  (dr., 
32  kil.)  naît  à  Ecrilles,  près  d'Orgelet,  arrose  une  vallée 
pittoresque  ;  elle  est  grossie  du  ruisseau  de  l'Evêque-du- 
Valouson  (dr.)  et  du  Sançon  (dr.).  —  Le  Surand,  né  à 
Loisia,  près  delà  forêt  de  Chaillot,  passe  à  Gigny,  Saint- 
Julien  et  entre  dans  le  dép.  de  l'Ain,  après  avoir  reçu  le 
Noellan,  le  Ponson  et  le  torrent  de  la  Balme-d'Epy. 

La  Saône  (bien  qu'elle  le  longe  assez  longtemps  et  passe 
à  3  kil.  de  sa  limite  occidentale)  ne  touche  point  le  dép. 
du  Jura,  mais  celui-ci  est  baigné  par  cinq  de  ses  affluents  : 
l'Ognon,  la  Brizotte,  rAuxon,"le  Doubs,  la  Seille.  L'Ognon 
passe  entre  le  dép.  du  Jura  et  celui  de  la  Haute-Saône.  — 
La  Brizotte  naît  dans  le  Jura  et  passe  dans  la  Côte-d'Or 
après  avoir  reçu  à  gauche  la  Borne.  —  L'Auxon  qui  touche 
le  dép.  du  Jura  en  reçoit  le  Cleux  qui  passe  à  Saint-Aubin. 

Le  Doubs  parcourt  80  kil.  dans  le  dép.  du  Jura.  Il  y 
entre  au  sortir  du  dép.  du  Doubs  et  traverse  du  N.-E.  au 
S.-O.  l'arr.  de  Dole,  passante  Dampierre,  Rans,  Orchamps, 
Rochefort,  Dole,  décrit  de  nombreuses  sinuosités  dans  la 
plaine  alluviale  située  près  du  confluent  de  la  Loue,  passe 
près  de  Chaussin  et  entre  dans  le  dép.  de  Saône-et-Loire; 
jusqu'à  Dole  son  lit  est  canalisé  parce  qu'il  est  emprunté 
par  le  canal  du  Rhône  au  Rhm  ;  en  aval  de  Dole  il  n'est 
pas  navigable  aux  basses  eaux.  H  reçoit  dans  le  dép.  du 


JURA  —  344  — 

Jura  les  rivières  suivantes  :  l'Arne  (dr.)  qui  passe  au  N. 
de  la  forêt  d'Arne  par  Aux  anges  et  Lavans.  —  La  Vèze 
(dr.)  qui  vient  des  collines  de  la  Serre  et  finit  à  Roche- 
fort.  — '  La  Ciauge  (g.)  qui  traverse  la  forêt  de  Chaux  et 
reçoit  à  gauche  la  Tanche.  —  La  Loue,  née  dans  le  dép. 
du  Doubs,  pénètre  dans  le  nôtre  au  Val-d'Amour,  plaine  qui 
doit  son  nom  aux  Amaves  (Amaous)  peuplade  burgonde; 
elle  forme  quelque  temps  la  limite  des  deux  départements, 
puis  s'engage  dans  celui  du  Jura  où  elle  arrose  Chamblay, 
Ounans,  "Montbarrey,  villages  bâtis  à  quelque  distance  de 
son  lit  ;  elle  s'unit  au  Doubs  en  aval  de  Parcey  ;  ses  prin- 
cipaux affluents  sont  dans  le  dép.  du  Jura  :  la  Furieuse  (g.) 
qui  naît  à  Pont-d'Héry  et  passe  à  Salins;  la  Lurine  (g.) 
qui  passe  à  Mouchard;  le  Saron  (g.)  grossi  du  Froideau; 
la  Cuisance  (40  kil.)  qui  naît  aux  Planches,  près  d'Arbois, 
de  deux  belles  sources  dont  l'une  forme  du  tuf  et  Fautre 
le  dissout;  la  première  sort  d'une  grotte  par  une  cascade 
de  45  m.,  la  Cuisance  passe  au  pied  des  beaux  rochers  de 
la  Châtelaine,  actionne  la  papeterie  de  Mesnay,  passe  à 
Arbois  et  Mont-sous-Vaudrey.  —  L'Orain  (g.,  54  kil.) 
naît  près  de  Poligny,  reçoit  la  Glantine  issue  du  beau  cirque 
de  la  Culée-de~Vaux,  arrose  Poligny,  Tourment,  le  Vise- 
ney,  Colonne  et  s'engage  dans  la  plaine  du  Finage,  où  il 
baigne  Rahon  et  Chaussin;  il  reçoit  la  Grosonne  (dr.)  qui 
passe  à  Aumont  et  la  Veuge.  —  La  Sablonne  (dr.)  porte 
d'abord  le  nom  de  Blaine,  passe  à  Ta  vaux.  Saint- Loup  et 
forme  la  limite  avec  la  Côte-d'Or  et  Saône-et- Loire. 

La  Seille,  la  rivière  de  la  Bresse,  naît  dans  la  magnifique 
vallée  de  Baume-les-Messieurs  ;  Fune  de  ses  sources  jaillit 
au  pied  du  rocher,  l'autre  sur  le  flanc  en  cascade;  elle 
passe  entre  deux  murailles  de  200  m.,  reçoit  la  belle  source 
du  Dard,  le  torrent  de  Blois,  passeàNevy,  entre  Château- 
Chalon  et  Voiteur,  à  Domblans,  reçoit  le  Serein,  passe  à 
Arley,  Ruffey,  Bletterans,  Nance  et  pénètre  en  Saône-et- 
Loire  ;  elle  reçoit  dans  ce  département  deux  rivières  nées 
dans  le  Jura  ;  à  droite  la  Brenne  qui  passe  à  Sellières,  près 
de  Chaumergy,  et  se  grossit  du  Bief-d'Aigle  (dr.);  à  gauche 
la  Valllère,  née  dans  le  cirque  de  Révigny,  qui  passe  à  Con- 
liège,  Lons-le-Saunier,  Montmorot,  Courlans,  Courlaoux, 
se  grossit  de  la  Sorne  (g.)  qui  passe  à  Macornay,  puis  en 
Saône-et-Loire,  de  la  Sonnette  (g.)  qui  passe  à  Vincelles. 

Climat.  —  La  différence  d'altitude  entre  le  Noirmont 
(i,550  m.)  elle  point  où  le  Doubs  quitte  le  département 
(480  m.  env.)  est  de  4,370  m.,  bien  suffisante  pour  pro- 
duire de  grandes  différences  de  climat.  La  Bresse  et  la  ré- 
gion du  vignoble  ont  le  climat  rhodanien  (V.  France) 
avec  ses  froids  modérés,  mais  humides;  l'hiver  y  commence 
en  décembre,  la  végétation  à  la  mi-avril.  La  montagne  a 
un  climat  rude,  froid  et  exposé  à  de  brusques  variations 
fort  dangereuses  pour  les  cultures.  Sur  les  hautes  chaînes 
Fhiver  dure  huit  mois;  la  végétation  n'éclôt  que  vers  le 
i^^  juin;  à  Septmoncel  il  tombe  44  m.  de  neige  par  an. 
Les  vents  dominants  sont  ceuxduN.-E.et  du  S.-O.,  selon 
l'orientation  générale  des  hauteurs.  La  chute  d'eau  plu- 
viale est  de  i"^0o  à  Lons-le-Saunier;  4 "^30  à  Poligny, 
4°^80  sur  le  plateau  deNozeroy. 

Flore  et  faune  naturelles.  —  V.  l'art.  France  et 
l'article  spécial  consacré  ci-dessus  à  la  flore  du  Jura. 

Histoire  depuis  1789.  —  Le  dép.  du  Jura  fut  formé, 
en  4790,  de  la  partie  méridionale  de  la  Franche-Comté 
(pour  la  période  antérieure,  V.  ce  mot).  La  population,  ani- 
mée d'un  esprit  libéral  et  plus  instruite  que  dans  la 
moyenne  de  la  France,  accueillit  avec  joie  la  Révolution 
française.  En  4844,  elle  arma  des  volontaires  contre  les 
envahisseurs  étrangers.  En  4845,  c'est  à  Lons-le-Saunier 
que  Ney  lança  la  fameuse  proclamation  qui  lui  coûta  la  vie. 
Dans  la  guerre  franco-allemande  (V.  cet  art.)  de  4870- 
74,  le  dép.  du  Jura  ne  vit  l'ennemi  qu'en  nov.  4870  et  ne 
fut  réellement  envahi  que  le  24  janv.  4874,  après  la  dé- 
faite de  l'armée  de  l'Est  ;  une  poignée  de  gardes  nationaux 
et  quelques  soldats  soutinrent  à  Dole  une  résistance  achar- 
née contre  5  à  6,000  Allemands. 

Les  personnages  célèbres  nés  dans  le  dép.  du  Jura  au 


XIX®  siècle  (pour  la  période  antérieure,  V.  Franche-Comté 
sont  :  Janvier  (Antide),  horloger  (4754-4835),  né  à  Saint" 
Claude;  TouUier,  jurisconsulte  (4752-1835),  né  à  Dole; 
Rouget  de  l'Isle  (Claude-Joseph),  auteur  de  la  Marseil- 
laise [il  60-iH'd6),  néàMontaigu;  Travot  (Jean-Pierre, 
baron),  général  (4767-4836),  né  à  Poligny  ;  Guyot  (Claude- 
Etienne,  comte),  général  (4  768-4837),  né  à  Villevieux  ; 
Delort  (baron),  général  (4773-4846),  né  à  Arbois;  Ber- 
nard (Simon),  célèbre  ingénieur  et  général  (4779-4839), 
né  à  Dole;  Monnier  (Désiré),  archéologue  (4788-4867), 
né  à  Lons-le-Saunier;  Dalloz  (Victor-Alexis-Désiré),  ju- 
risconsulte (4795-4869),  né  à  Septmoncel  ;  Bousson  de 
Mairet  (Emmanuel),  littérateur  (4796-4874),  né  à  Sahns  ; 
Gerbet,  évêque  et  théologien  (4798-1864),  né  à  Pohgny; 
Valette,  jurisconsulte  (4805-78),  né  à  Salins  ;  Grévy 
(Jules),  président  de  la  Répubhque  française  (4807-94), 
né  à  Mont-sous-Vaudrey  ;  Considérant  (Victor),  né  en 
4808  à  Salins  ;  Tamisier,  artilleur  (4809-80),  né  à  Lons- 
le-Saunier;  Cler  (Jean-Joseph-Gustave),  général  (4844- 
59),  néà  Salins  ;  Perraud  (Jean-Joseph),  sculpteur (4824- 
76),  né  à  Monay  ;  Pasteur  (Louis),  célèbre  chimiste  et 
physiologiste,  né  en  4822  à  Dole. 

Divisions  administratives  actuelles.  —  Arron- 
dissements. —  Le  dép.  du  Jura  comprend  quatre  arrondis- 
sements: Lons-le-Saunier,  Dole,  Poligny,  Saint-Claude. 
Voici  leurs  superficies  respectives  (d'après  la  Statistique 
de  la  France  en  4886)  :  Lons-le-Saunier,  454,373  hect.  ; 
Dole,  447,932  hect.;  Pohgny,  423,346  hect.;  Saint- 
Claude,  403,780  hect. 

Cantons.  —  Les  quatre  arrondissements  du  Jura  sont 
subdivisés  en  32  cantons  et  584  communes.  On  compte 
44  cantons  et  343  communes  pour  l'arr.  de  Lons-le-Sau- 
nier ;  9  cant.  et  438  com.  pour  l'arr.  de  Dole  ;  7  cant.  et 
452  com.  pour  l'arr.  de  Poligny;  5  cant.  et  84  com.  pour 
l'arr.  de  Saint-Claude.  En  voici  la  liste  :  Arinthod,  Beau- 
fort,  Bletterans,  Clairvaux,  Conliège,  Lons-le-Saunier, 
Orgelet,  Saint-Amour,  Saint-Julien,  Sellières,  Voiteur  ;  — 
Chaumergy,  Chaussin,  Chemin,  Dampierre,  Dole,  Gendrey, 
Montbarrey,  Montmirey-le-Château,  Rochefort  ;  —  Arbois, 
Champagnole,  Nozeroy,  Les  Planches-en-Montagne,  Poli- 
gny, Salins,  Villers-Farlay  ;  —  Les  Bouchoux,  Moirans, 
Morez,  Saint-Claude,  Saint-Laurent. 

Justice,  police.  —  Le  dép.  du  Jura  ressortit  à  la  cour 
d'appel  de  Besançon.  La  ville  de  Lons-le-Saulnier  est  le 
siège  de  la  cour  d'assises.  Il  y  a  quatre  tribunaux  de  pre- 
mière instance,  à  Lons-le-Saunier,  Dole,  Arbois,  Saint- 
Claude.  Il  y  a  3  tribunaux  de  commerce  (Lons-le-Saunier, 
Dole,  SaUns).  Le  nombre  des  justices  de  paix  est  de  32, 
une  par  cheî-Iieu  de  canton.  Le  nombre  d'agents  chargés 
de  constater  les  crimes  et  délits  était,  en  4888,  de  246 
gendarmes,  7  commissaires  de  poHce,  23  agents  de  police, 
594  gardes  champêtres,  228  gardes  particuliers  asser- 
mentés, 239  gardes-forestiers,  40  agents  des  ponts  et 
chaussées  (police  de  la  pêche),  279  douaniers.  Il  y  eut 
2,477  plaintes,  dénonciations  ou  procès-verbaux.  " 

Finances.  —  Pour  les  contributions  indirectes,  il  y 
a  4  directeur  et  2  inspecteurs  à  Lons-le-Saunier,  4  sous- 
directeur  et  4  receveur  à  Dole,  4  receveur  principal 
entreposeur  à  Arbois,  4  receveur  principal  à  Saint-Claude. 
Le  service  des  contributions  directes  comporte  4  dire<;- 
teur  et  4  inspecteur  à  Lons-le-Saunier.  11  y  a  4  tréso- 
rier-payeur-général à  Lons-le-Saunier,  des  receveurs 
particuliers  et  des  percepteurs  dans  chaque  chef-lieu  d'ar- 
rondissement. L'enregistrement,  les  domaines  et  le  timbre 
ont  4  directeur  à  Lons-le-Saunier,  4  sous-inspecteur  à 
Dole.  Il  y  a  4  conservateurs  des  hypothèques  à  Lons-le- 
Saunier,  Dole,  Arbois,  Saint-Claude,  4  inspecteur  des 
douanes  à  Saint-Claude. 

Instruction  publique.  —  Le  département  relève  de 
l'académie  de  Besançon.  L'inspecteur  d'académie  réside  à 
Lons-le-Saunier.  Il  y  a  5  inspecteurs  de  l'instruction  pri- 
maire, à  Lons-le-Saunier  (deux),  Dole,  Poligny,  Saint- 
Claude.  L'instruction  secondaire  se  donne,  pour  les  garçons, 


—  315  — 


JURA 


au  lycée  de  Lons-le-Saunier,  aux  collèges  communaux  d'Ar- 
bois,  Dole,  Poligny,  Saint-Claude,  Salins,  et  pour  les  filles 
au  collège  de  Lons-le-Saunier.  Il  existe  à  Lons-le-Saunier 
une  école  normale  d'instituteurs  et  une  école  normale 
d'institutrices. 

Cultes.  —  Saint-Claude  est  le  siège  d'un  évêché  sufira- 
gant  de  l'archevêché  de  Lyon,  et  dont  le  diocèse  corres- 
pond au  département.  Il  compte  2  vicaires  généraux,  8  cha- 
noines, 34  curés,  346  desservants,  20  vicaires  de  paroisses 
et  desservants  de  chapelles,  40  prêtres  habitués,  16  aumô- 
niers. On  a  ordonné,  dans  l'année  1890,  13  prêtres, 
5  diacres  et  14  sous-diacres.  —  Le  culte  réformé  pos- 
sède 1  église  et  1  pasteur. 

Armée.  —  Le  Jura  appartient  au  7®  corps  d'armée 
(Besançon)  et  en  forme  la  subdivision  de  Lons-le-Saunier 
et  une  partie  de  celle  de  Besançon.  La  compagnie  de  gen- 
darmerie fait  partie  de  la  7^  (bis)  légion  (Bourg). 

Divers.  —  Le  Jura  fait  partie  de  la  5«  et  de  la  18®  ins- 
pection des  ponts  et  chaussées,  de  la  13®  conservation  des 
forêts  (Lons-le-Saunier),  de  Tinspection  des  mines  du 
Nord-Est,  de  l'arr.  minéralogique  de  Chalon-sur-Saône, 
de  la  6®  région  agricole  (Est). 

Démographie.  —  Mouvement  de  la  population.  — 


Le  recensement  de  1891  a  constaté  dans  le  dép.  du  Jura 
une  population  totale  de  273,028  hab.  Voici,  depuis  le 
commencement  du  siècle,  les  chiffres  donnés  par  les  recen- 
sements précédents  : 


1856 296,701 

1861 298.053 

1866 298.477 

1872 287.634 

1876 288.823 

1881 285.263 

1886 281.292 

1891 273.028 


1801 288.151 

1806 300.050 

1821 301.768 

1826 310.282 

1831 312.504 

1836 315.555 

1841 316.884 

1846 316.150 

1851 ;..     313.299 

Il  résulte  de  ce  tableau  que  la  population  a  lentement 
augmenté  jusqu'en  1841,  et  diminué  depuis,  particulière- 
ment de  1851  à  1856  (coup  d'Etat  et  guerre  de  Crimée), 
de  1866  à  1872  (guerre),  et  depuis  1881  (crise  agricole).. 
Le  chiffre  actuel  est  inférieur  de  15,123  hab.  à  celui  du 
commencement  du  siècle. 

Le  mouvement  de  la  population  n'a  pas  été  le  même 
dans  les  diverses  parties  du  département.  On  le  voit  em 
comparant  par  arrondissement  les  recensements  de  1801 
et  de  1891. 


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ARRONDISSEMENTS 

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CL. 

0. 

Lons-le-Saunier 

105.736 
64.376 
68.911 
49.128 

92.711 

69.278 
60.487 
50.552 

4.902 
1.424 

13.025 
» 

8.424 
» 

67,8 
54,7 
55,9 
47,3 

60 

58,8 
49 

48,7 

» 
4,1 

» 
1,4 

7,8 

» 
6,9 

» 

Dole 

Poligny  

Saint'diaude 

Total 

288.151 

273.028 

6.326 

21.449 

57,7 

54,7 

)) 

3 

La  diminution  porte  sur  les  arrondissements  de  Lons- 
le-Saunier  et  de  Poligny,  tandis  que  pour  les  deux  autres 
on  constate  une  légère  augmentation. 

Voici  quelle  a  été,  de  1801  à  1891,  dans  chacun  des 
arrondissements  et  dans  l'ensemble  du  département,  la 
variation  proportionnelle  de  la  population  : 


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Q 

1801 

1.000 

1.000 

1.000 

1.000 

1.000 

1806 

1.049 

1.037 

1.062 

1.020 

1.031 

1821 

1.020 

1.080 

1  073 

1.032 

1.040 

1826 

1.031 

1.123 

1.100 

1.078 

1.059 

1831 

1.028 

1.126 

1.139 

1.065 

1.070 

1836 

1.017 

l.to4 

1.173 

1  063 

1.095 

1841 

1.034 

1.180 

1.175 

1.038 

1.099 

1846 

1.029 

1.178 

1.160 

1.061 

1.099 

1851 

1.023 

1.174 

1.137 

1.044 

1.091 

1856 

963 

1.119 

1.059 

1.030 

1.020 

1861 

951 

1.124 

1.072 

1.036 

1.023 

1866 

952 

1.150 

1.049 

1.043 

1.0  >3 

1872 

936 

1.111 

974 

1.027 

999 

1876 

941 

1.128 

959 

1.029 

1.001 

1881 

929 

1.109 

940 

1.035 

990 

1886 

908 

1.089 

917 

1.060 

975 

1891 

877 

1.078 

878 

1.029 

948 

Voici  les  chiffres  absolus  pour  la  dernière  période  : 


ARRORDISSBBESTS 

1872 

1876 

1881 

1886 

1891 

Lons-le-Sauni*"^. 
Dole 

99.233 
71.520 
66.841 
50.040 

99  536 
73.104 
65.901 
50.282 

98.239 
71.438 
64.779 
50.807 

285.263 

95.931 
70.067 
63.213 

52.081 

92.711 

69.278  i 

60.487 

50.552 

Poliiiny 

Saint-Claude... 

Total 

287.634 

288.823 

281.292 

273.028 

Il  en  résulte  que  l'arr.  de  Lons-le-Saunier  a  été  à  peu 
près  stationnaire  de  1801  à  1851;  après  un  fort  déchet, 
de  1851  à  1856,  qui  l'a  fait  retomber  au-dessous  du 
chiffre  de  1801,  il  en  a  subi  un  autre  vers  1870-71  et  est 
très  atteint  par  la  crise  agricole.  L'an  de  Poligny  a  pro  - 
gressé  réguhèrement  jusqu'en  t841,  rétrogradé  depuis; 
l'influence  des  crises  de  1851-56,  1870-71,  y  est  très 
marquée.  C'est  après  la  seconde  qu'il  s'est  trouvé  en  dé- 
ficit sur  les  chiffres  de  1801.  L'an  de  Dole  a  progressé 
jusqu'en  1841  ;  il  a  subi  l'influence  des  mêmes  crises  que 
ses  voisins,  mais  dans  l'intervalle  sa  population  tendait  à 
remonter.  L'an  de  Saint-Claude  est  à  peu  près  stationnaire 
depuis  la  Restauration,  sauf  de  légères  oscillations. 

Si  maintenant  nous  cherchons  à  voir  comment  se  répar- 
tissent les  habitants  du  Jura  entre  chaque  catégorie  de 
population,  nous  constatons,  pour  la  population  rurale  (ît 
urbaine,  les  chiffres  suivants  en  1881  et  1886  : 


POPULATION 
au    31  décembre  1881 

Urbaine 61.870 

Rurale 223.393 


Total. 


285.263 


POPULATION 
au  31  mai  1886 

Urbaine 61.557 

Rurale 219.735 


Total 281.292 


JURA 


346 


Le  nombre  des  communes  rurales  du  Jura  était  de  575 
en  4886,  leur  superficie  totale  de  476,036  hect.,  leur  po- 
pulation totale  de  219,735  hab.,  la  superficie  moyenne  do 
828  hect.,  la  population  moyenne  de  384  hab.  par  com- 
mune, et  la  densité  moyenne  de  46,3  hab.  par  kil.  q.  dans 
les  communes  rurales.  On  comptait  9  communes  urbaines 
d'une  superficie  totale  de  23,365  hect.  peuplées  de 
6i,557  hab.,  soit  2,596  hect.  et  7,350  hab.  par  com- 
mune en  moyenne  et  une  densité  urbaine  de  264  hab.  par 
kil.  q.  La  densité  moyenne  du  département  ressortait  (à 
cette  même  date)  à  56,3  hab.  par  kil.  q.,  la  commune 
ayant  en  moyenne  855  hect.  et  482  hab. 

En  4891,  la  densité  s'abaisse  à  54  hab.  par  kil.  q. 
Au  point  de  vue  de  la  population  totale  le  dép.  du  Jura 
était  alors  le  70°.  Au  point  de  vue  de  la  densité,  le  53°, 
avec  48  hab.  de  moins  par  kil.  q.  que  l'ensem^ble  de  la 
France. 

Voici  quelle  était  l'importance  respective  des  populations 
urbaine  et  rurale  aux  recensements  de  4856,  1872  et 
4886: 

1856        1872        1886 

Population  urbaine 47. i8     49.94     24.90 

—        rurale 82.82    80.09    78.40 

La  population  rurale  conserve  toujours  son  énorme  pré- 
pondérance numérique,  bien  qu'elle  subisse  presque  seule 
la  diminution. 

Consultant  les  relevés  de  Fétat  civil,  nous  voyons  que 
dans  la  population  urbaine  de  4884  à  4886,  en  quatre 
ans  et  cinq  mois,  il  y  eut  4,922  naissances  contre  6,502  dé- 
cès. L'excédent  des  décès  était  do  4,580.  Il  a  été  en  partie 
compensé  par  une  immigration  de  4,267  personnes. 

Dans  la  population  rurale,  il  y  eut  24,346  naissances  et 
24,520  décès,  soit  un  excédent  de  2,796  naissances;  mais 
l'excédent  de  l'émigration  sur  l'immigration  enleva  6,454 
personnes,  soit  un  déchet  de  3,658  personnes  dans  la  po- 
pulation rurale.  Pour  renscrable  du  département,  il  y  a  eu 
29,238  naissances,  28,022  décès  ;  soit  un  excédent  de 
4,246  naissances.  Le  déficit  résulte  de  l'émigration,  qui 
l'emportait  de  5,487  têtes  sur  l'immigration.  C'e^t  donc 
pour  des  raisons  économiques  plutôt  que  démographiques 
que  la  population  diminue.  Elle  a  tendance  à  descendre 
de  ses  rudes  montagnes  vers  la  plaine  et  les  villes. 

La  répartition  des  communes,  d'après  l'importance  delà 
population,  a  donné,  en  4886,  pour  les  584  communes  du 
département  :  5  com.  de  50  hab.  et  au-dessous;  31  corn, 
de  51  à  400 hab.  ;  136  com.de  404  à  200  hab.  ;  429 com. 
de  201  à  300  hab.  ;  74  com.  de  304  à  400  hab.  ; 
67com.de401à500hab.;404com.de504à4,000hab.; 
20  com.  de  4,004  à  4,500  hab.  ;  7  com.  de  4,501  à 
2,000  hab.;  4  com.  de  2,004  à  2,500  hab.;  2  com.  de 
2,501  à  3,000  hab.;  4  com.  de  3,501  à  4,000  hab.; 
2  com.  de  4,001  à  5,000  hab.;  3  com.  de  5,004  à 
40,000  hab.;  et  2  com.  de  40,001  à 20,000  hab.  (Dole, 
Lons-le-Saunier). 

Voici,  par  arrondissements  et  cantons,  la  liste  des  com- 
munes dont  la  population  totale,  en  1894,  dépassait 
4,000  hab.  : 

Arrondissement  DE  Dole  (9  cant.,  438  com.,  418,166 
hect.,  69,278  hab.).  —  Cant.  de  Chaumergy  (46  com., 
8,905  hect.,  4,905  hab.):  Commenailles,  4,485  hab.  — 
Ca7it.  de  Chaussin{W  com.,  46,244  hect.,  8,978  hab.)  : 
Chaussin,  4,498  hab.  —  Cant.  de  Chemin  (44  com., 
44,697  hect.,  7,346  hab.)  :  Petit-Noir,  4,045  hab.  ;  Saint- 
Aubin,  4,457  hab.  ;  Tavaux,  4,284  hab.  —  Cant.  de 
Dampierre  (15  com.,  42,933  hect.,  7,607  hab.):  Frai- 
sans,  2,553 hab.— Ca?2if.d^Z)o/^ (16 com.,  12.443  hect., 
24,240  hab.):  Champvans,  1,0^ihab.;  Dole,  14,253 hab. 
—  Cant.  de  Gendrey{'\ A' com.,  8,429  hect.,  3,437  hab.): 
pas  de  com.  de  plus  de  4,000  hab.  —  Cant.  de  Mont- 
barrey  (13  com.,  49,494  hect.,  5,465  hab.)  :  pas  de 
com.  de  plus  de  4,000  hab.  —  Cant.  de  Mont  mire  y- le- 
Château  (44  com.  44,580  hect.,  5,487  hab.):  pas  de 


com.  de  plus  de  1,000  hab.  —  Cant.  de  Rochefort 
(19  com.,  44,104  hect.,  5,143  hab.)  :  pas  de  com.  do  plus 
de  4,000  hab. 

Arrondissement  de  LoxNS- le -Saunier  (44  cant., 
243  com.,  456,763  hect.,  92,744  hab,).  —  Cant. 
d'Arinthod  (26  com.,  21,066  hect.,  7,635  hab.)  : 
Arinthod,  4,047  hab.  —  Cant.  de  Beaufort  (49  com., 
42,549  hect.,  9,272  hab.)  :  Beaufort,  4,240  liab.;  Cou- 
sance,  4,194  hab.  —  Cant.  de  Bletterans  (42  com., 
43,958  hecL,  8,986  hab.):  Arlay,  1,413  hab.;  Blette- 
rans, 4,444 hab.;  Chapellc-Voland,  1,750  hab.  ;  Buffey, 
4, 120  hab.  —Cant.  de  Clair  vaux  C^o  com.,  20,483  hect*!, 
5,874  hab.):  pas  de  com.  de  plus  de  4,000  Mh.  —  Caiit. 
de  Conliège  (17  com.,  45,570  hect.,  6,958  hab.)  :  pas  de 
com.  de  plus  de  4,000  hab.  —  Cant.  de  Lons-le-Saiinier 
(20  com.,  40,293  hect.,  21,457  hab.):  Lons-le-Saunier, 
12,640hab.;  Montmorot,  1,757  hab.  —  Cant.  d'Orgelet 
(27 com.,  20,904 hect.,  7,230  hab.):  Orgelet,  1,591  hab. 

—  Cant.  de  Saint-Amour  (16  com.,  9,646  hect.,  6,444 
hab.):  Saint-Amour,  2,267  hab.  —  Cant.  de  Saint- 
Julien  (49  com.,  42,375  hect.,  4,735  hab.):  pas  de 
com  de  plus  de  1.000  hab.  —  Cant.  de  SelUères  (43 
com,,  7,782  hect.,  6,564  hab.):  Mantry,  4,056  hab.; 
Sellières,  1,447  hab.  —  Cant.  de  Voiteur  (49  com., 
42,497  hect.,  7,559  hab.)  :  Voiteur,  4,120  hab. 

Arrondissement  de  Poligny  (7  cant.,  452  com., 
425,135  hect.,  60,487  hab.).  —  Cant.  d'Arbois 
(15  com.,  14,029  hect.,  8,654  hab.):  Arbois,  4,355  hab. 

—  Cant.  de  Champagnole  (34  com.,  27,796  hect., 
11,611  hab.)  :  Champagnole,  3,588  hab.  —  Cant.  de 
Nozeroy  (30  com.,  '20,997  hect.,  6,866  hab.)  :  pas  de 
com.  de  plus  de  4,000  hab.  —  Cant.  des  Planches-en- 
Montagne  (40  com.,  9,766  hect.,  3,529  hab.)  :  Foncine- 
le-Haut,  1,142  hab.  —  Cant.  de  Poligny  (30  com., 
26,564  hect.,  13,876  hab.):  Poligny,  4,433  hab.  — 
Cant.  de  Salins  (24*com.,  17,980  hect.,  40,979  hab.)  : 
Salins,  6,068  hab.  —  Cant,  de  Villers-Farlay  (42  com., 
8,006  hect.,  4,973  hab.):  pas  de  com.  de  plus  de  4,000 
hab. 

Arrondissement  de  Saint-Claude  (5  cant.,  84  com., 
105,292  hect.,  50,552  hab.).  -  Cant.  des  Bouclwux 
(12  com.,  44,020  hect.,  4,607  hab.):  pas  de  com.  de 
plus  de  1 ,000  hab.  —  Ca7it.  de  Moirans  (47  com.,  47,560 
hect.,  5,124  hab.):  Moirans,  4,283  hab.  —  Cant.  de 
Morez  (40  com.,  24,905  hect.,  44,431  hab.):Bois- 
d'Amont,  4,380  hab.;  Longchaumois,  1,806  hab.  ;  Mor- 
bier, 4,573  hab.;  Morez,  5,424  hab.;  Les  Rousses, 
2,476  hab.  —  Cant.  de  Saint- C laude  {^^  com.,  30,870 
hect.,  20,379  hab.)  :  Saint-Claude,  9,782  hab.;  Sept- 
moncel,  1,452  hab. —  Cant.  de  Saint-Laurent {iS  com., 
20,937  hect.,  6,014  hab.):  Saint-Laurent,  1,128  hab. 

Nous  rappelons  que  les  chiifres  relatifs  à  la  superficie 
des  cantons  ne  coïncident  pas  rigoureusement  avec  ceux 
indiqués  pour  le  total  des  arrondissements,  d'après  le  dé- 
nombrement ;  la  nature  de  ces  divergences  a  été  indiquée 
dans  l'art.  France. 

Habitations.  —  Le  nombre  des  maisons  à  habitations 
était,  en  4886,  dans  le  Jura,  de  57,738,  dont  55,570  occu- 
pées en  tout  ou  en  partie  et  2,468  vacantes.  Sur  ce  nombre 
on  en  comptait  28,344  n'ayant  qu'un  rez-de-chaussée; 
25,247  un  seul  étage;  3,328  deux  étages;  786  trois 
étages  ;  66  quatre  étages  ou  davantage.  Elles  comportaient 
84,934  appartements  ou  logements  distincts,  dont  77,640 
occupés  et  4,294  vacants;  en  outre,  6,369  locaux  servant 
d'ateliers,  de  magasins  ou  de  boutiques. 

Etat  des  personnes.  —  D'après  la  résidence.  —  On 
a  recensé,  en  4886,  42,345  individus  isolés  et  65,062  fa- 
milles, plus  233  établissements  comptés  à  part,  soit  un 
total  de  77,640  ménages.  Il  y  a  42.345  ménages  composés 
d'une  seule  personne,  14,732  de  deux  personnes;  43,653 
de  trois  personnes;  12,658  de  quatre  personnes  ;  41,757 
de  cinq  prsonnes;  42,262  de  six  personnes  ou  davantage. 
La  population  résidente  comportait  284,292  personnes. 


317  — 


JURA 


dont  268,487  résidents  présents  ;  4,985  résidents  absents  ; 
7,8i20  personnes  comptées  à  part.  La  population  présente 
comportait  276,307  résidents  et  3,565  personnes  de  pas- 
sage ou  de  population  accidentelle,  soit  un  total  de  279,872. 
La  population  présente  est  donc  un  peu  inférieure  h  la  po- 
pulation résidente,  ce  qui  est  le  cas  général  en  France. 

D'après  le  lieu  de  naissance.  —  Classée  d'après  le 
lieu  de  naissance,  la  population  du  Jura  se  divisait  en  :  Fran- 
çais et  naturalisés  nés  dans  la  commune  où  ils  habitent, 
170,235  ;  nés  dans  une  autre  commune  du  département, 
72,697  ;  nés  dans  un  autre  département  ou  dans  une  co- 
lonie, 31,754;  nés  à  l'étranger,  670,  soit  un  total  de 
275,356.  Il  y  faut  ajouter:  871  étrangers  nés  dans  la  com- 
mune où  ils  habitent;  165  nés  dans  une  autre  commune 
du  département  ;  171  nés  dans  un  autre  département  ou 
une  colonie;  3,309  nés  à  l'étranger,  soit  un  total  de 
4,516  étrangers.  La  population  présente,  envisagée  dans 
son  ensemble  (279,872),  comprend  donc  171,106  nés 
dans  la  commune  où  ils  habitent;  72,862  nés  dans  une 
autre  commune  du  département;  31,925  dans  un  autre 
département  ou  dans  une  colonie  ;  3,979  hors  du  terri- 
toire français.  Classée  par  nationalité,  la  population  du 
Jura  compte,  en  1886,  275,356  Français,  dont  274,916 
nés  de  parents  français  et  440  naturalisés,  et  4,516  étran- 
gers se  décomposant  en  15  Anglais,  Ecossais  ou  Irlandais; 
4  Américains  du  Nord  ou  du  Sud  ;  357  Allemands  ; 
109  Austro-Hongrois;  54  Belges;  26  Hollandais  ou  Luxem- 
bourgeois; 2,762  Italiens;  13  Espagnols;  1,126  Suisses; 
25  Russes;  1  Chinois,  11  d'autres  nationahtés  et  13  de 
nationalité  inconnue. 

Il  y  a  9,587  familles  de  gens  mariés  sans  enfant  vivant  ; 
11 ,012  avec  un  enfant  ;  11 ,630  avec  deux  enfants  ;  8,403 
avec  trois;  5,160  avec  quatre;  3,024  avec  cinq;  1,568 
avec  six;  1,478  avec  sept  enfants  vivants  ou  davantage. 
Si  l'on  ajoute  les  veufs,  divorcés,  etc.,  on  arrive  aux 
chiffres  suivants  :  17,839  ^milles  sans  enfant  vivant; 
15,595  en  ayant  un  ;  15,582  deux  ;  '10,999  trois  ;  6,673 
quatre;  3,904  cinq  ;  2,033  six;  1,813  sept  ou  davantage. 

D'après  la  profession.  —  La  population  du  Jura  se 
décompose  par  professions  de  la  manière  suivante  (en  1886). 
On  classe  sous  chaque  rubrique  non  seulement  ceux  qui 
exercent  la  profession,  mais  aussi  la  totahté  des  personnes 
qui  en  tirent  leur  subsistance  :  agriculture,  163,809  ; 
industries  manufacturières,  53,714;  transports,  4,850; 
commerce,  21,231;  représentants  de  la  force  publique, 
3,313;  administration  publique,  5,421  ;  professions  libé- 
rales, 7,668;  personnes  vivant  exclusivement  de  leurs  re- 
venus, 11,495;  enfin  938  gens  sans  profession;  4,843 
individus  non  classés  (enfants  en  nourrice,  étudiants  ou 
élèves  des  pensionnats,  vivant  loin  de  leurs  parents,  per- 
sonnel interné  des  asiles,  hospices,  etc.),  et  2,790  de  pro- 
fessions inconnues.  Voici  le  détail  pour  chaque  catégorie 
en  distinguant  pour  les  principales  les  deux  sexes  et  les 
divers  groupes,  patrons  ou  chefs  d'exploitation,  employés 
ou  ouvriers,  familles,  domestiques  attachés  à  la  personne. 

Agriculture.  Propriétaires  cultivant  exclusivement  leurs 
terres,  85,495  personnes,  à  savoir  :  patrons,  24,266 
(5,136  femmes);  employés  et  ouvriers,  6,368  (2,326 
femmes);  familles,  53,073;  domestiques,  1,788.  —  Fer- 
miers, métayers  ou  colons,  74,191  personnes,  à  savoir  : 
18,588  patrons  (4,165  femmes)  ;  employés  et  ouvriers, 
6,463(2,777  femmes);  familles,  48,442  ;  domestiques, 
698.  —  Horticulteurs,  pépiniéristes  et  maraîchers,  1,304 
personnes,  à  savoir  :  patrons,  325  ;  employés  et  ouvriers, 
140;  familles,  826;  domestiques,  13.  —  Bûcherons, 
charbonniers,  2,819  personnes,  à  savoir  :  patrons,  630; 
employés  et  ouvriers,  512;  familles,  1,674;  domes- 
tiques, 3. 

Industrie,  Industrie  textile,  567  personnes,  dont 
183  patrons  et  32  employés  et  ouvriers  (7  femmes).  — 
Industrie  extractive,  2,602  personnes,  à  savoir  :  patrons, 
288  ;  employés  et  ouvriers,  625  (7  femmes)  ;  familles, 
1,677  ;  domestiques,  12.  —  Industrie  métallurgique  (pro- 


duction des  métaux),  3,980  personnes,  dont  42  patrons  et 
1,518  emp'Oyés  et  ouvriers.  — Fabrication  d'objets  en 
métal,  8,484  personnes,  dont  1,157  patrons  et  2,075  em- 
ployés et  ouvriers  (583  femmes).  —  Industrie  du  cuir, 
2,098  personnes,  dont  568  patrons  et  265  employés  et 
ouvriers.  —  Industrie  du  bois,  6,073  personnes,  dont 
1 ,404  patrons  et  895  employés  et  ouvriers.  —  Céramique, 
956  personnes,  dont  72  patrons  et  269  employés  et  ou- 
vriers. —  Produits  chimiques,  324  personnes,  dont  41 
patrons  et  73  employés  et  ouvriers.  —  Industrie  du  bâti- 
ment, 7,330  personnes  dont  1,046  patrons  et  1,791  em- 
ployés et  ouvriers.  —  Industrie  de  l'éclairage,  247  per- 
sonnes, dont  22  patrons  et  21  employés  et  ouvriers.  — 
Industrie  de  l'ameublement,  1,235  personnes,  dont  369 
patrons  et  187  employés  et  ouvriers.  —  Habillement  et 
toilette,  4 ,760 personnes,  dont  1 ,412  patrons  (847  femmes) 
et  1,253  employés  et  ouvriers  (945  femmes).  —  Alimen- 
tation, 4,281  personnes,  dont  742  patrons  et  1,450  em- 
ployés et  ouvriers.  —  Industries  relatives  aux  sciences, 
arts  et  lettres  (imprimerie,  papeterie,  etc.),  1,101  per- 
sonnes dont  85  patrons  et  433  employés  et  ouvriers.  — 
Industrie  de  luxe,  9,676  personnes,  dont  792  patrons  et 
3,463  employés  et  ouvriers  (1,501  femmes). 

Transports.  Transports  par  voie  fluviale  (canaux  et 
rivières),  375  personnes,  dont  51  patrons  et  63  employés 
et  ouvriers.  —  Transports  par  routes,  904  personnes,  dont 
145  patrons  et  218  employés  et  ouvriers.  —  Chemins  de 
fer,  2,826  personnes,  dont  18  patrons  et  1,217  employés 
et  ouvriers. —  Postes  et  télégraphes,  745  personnes,  dont 
17  patrons  et  291  employés  et  ouvriers. 

Commerce.  Financiers,  340  personnes,  dont  35  patrons, 
93  employés  et  ouvriers.  —  Courtiers,  commissionnaires, 
négociants  en  gros,  4,597  personnes,  dont  695  patrons, 
774  employés  et  ouvriers.  —  Hôteliers,  cabaretiers,  5,743 
personnes,  dont  1,498  patrons  (342  femmes);  522  em- 
ployés et  ouvriers  (265  femmes).  —  Alimentation  (mar- 
chands au  détail),  5,430  personnes,  dont  1,463  patrons 
(434  femmes),  503  employés  et  ouvriers.  —  Ameuble- 
ment (détail),  479  personnes,  dont  103  patrons,  72  em- 
ployés et  ouvriers  (447  femmes).  —  Divers  marchands  au 
détail,  2,093  personnes,  dont  667  patrons  (204  femmes), 
142  employés  et  ouvriers  (47  femmes). 

Force  publique.  Armée  de  terre,  2,189  personnes, 
dont  2,029  militaires.  —  Gendarmerie  et  police,  924 
personnes,  dont  322  exerçant  la  profession  ;  soit  2,351 
agents  de  la  force  publique,  plus  762  personnes  de  leur 
famille  ou  de  leur  domesticité. 

Administration  publique.  Fonctionnaires  de  l'Etat, 
3,093  personnes,  dont  1,001  fonctionnaires  (37  femmes). 

—  Fonctionnaires  du  département  ou  des  communes, 
2,328  personnes,  dont  767  fonctionnaires  (18  femmes). 

Professions  libérales.  Clergé  catholique  séculier, 
1,306  personnes,  dont  562  prêtres.  —  Clergé  catholique 
régulier  (communautés  religieuses),  547  personnes,  dont 
40  moines  et  423  religieuses.  —  Autres  cultes,  H  per- 
sonnes, dont  3  ministres  du  culte.  —  Tribunaux ,  250 
personnes,  dont  67  du  personnel  judiciaire.  —  Avocats, 
agréés,    111  personnes,  dont  36  exerçant  la  profession. 

—  Officiers  ministériels,  753  personnes,  dont  179  exer- 
çant la  profession.  —  Agents  d'affaires,  67  personnes, 
dont  17  agents.  —  Médecins,  350  personnes,  dont  103 
professionnels.  —  Pharmaciens,  herboristes,  196  per- 
sonnes, dont  44  exerçant  la  profession.  —  Dentistes,  ocu- 
listes et  pédicures,  28  personnes,  dont  7  exercent.  — 
Sages-femmes,  265  personnes,  dont  180  exerçant  la  pro- 
fession. —  Enseignement  pubhc,  3,048  personnes,  dont 
i  ,320  enseignent  (583  femmes).  —  Enseignement  privé, 
314  personnes,  dont  128  enseignent  (76  femmes).  —  Mu- 
sique, danse,  escrime,  etc.,  101  personnes,  dont  39  en- 
seignent (17  femmes).  —  Sciences,  lettres  et  arts,  publi- 
cistes,  14  personnes,  dont  8  exercent  la  profession.  — 
Architectes,  ingénieurs,  144  personnes,  dont  38  exercent 
la  profession.  —  Artistes,   157  personnes,  dont  52  exer- 


JURA  —  318  — 

cent  la  profession  (3  femmes).  —  Artistes  lyriques  et 
dramatiques,  6  personnes,  dont  3  exercent  la  profes- 
sion. 

Personnes  vivant  exclusivement  de  leurs  revenus. 
Propriétaires  qui  ne  travaillent  pas,  5,847  personnes, 
dont  2,850  patrons  (1,599  femmes)  et  686  domestiques 
(493  femmes).  —  Rentiers,  pensionnaires  et  retraités, 
5,648  personnes,  dont  2,832  patrons  (1,192  femmes)  et 
536  domestiques  (441  femmes). 

Sans  profession  (saltimbanques,  filles  publiques,  gens 
sans  place,  etc.),  938  personnes  (619  femmes).  —  ISon 
classés  (enfants  en  nourrice,  élèves  pensionnaires,  per- 
sonnel interne  des  asiles,  hôpitaux,  etc.),  4,843.  —  Pro- 
fession inconnue^  2,790  (1,430  femmes). 

Etat  économique  du  département.  —  Propriété. 
—  L'enquête  faite  par  Tadministration  des  contribi  lions 
directes  en  1884  a  relevé,  dans  le  dép.  du  Jura,  161,952 
propriétés  imposables,  savoir  :  149,480  appartenant  à  la 
petite  propriété;  11,424  à  la  moyenne  et  1,048  à  la 
grande  propriété. 


DÉSIGNATION 

tf    o 

m   o 

Petite  propriété  : 
Biens  de  moins  de  10  ares 

22.082 
20.822 
34.805 
25.494 
22.242 
10.586 
6.301 
4.157 
2.991 

2.145 

1.699 

1.264 

1.002 

3.178 

996 

388 

212 

306 
179 
317 
246 

1.084 
3.046 
11.548 
18.285 
30.720 
26.032 
21.741 
18  598 
16.386 

13.758 
12.664 
10.655 

9.580 
51.390 
23.946 
13.662 

9.981 

19.687 
15.362 
44.226 
93.133 

—     de  10  à  20  ares 

—  de  20  à  50     —  

—  de  50  ares  à  1  iiect 

—  de    1  à    2  iiect 

—  de    2à    3    —   

—      de    3à    4    —    

~      de    4à    5    —   

—      de    5à    6    —   

Moyenne  propriété  : 
Biens  de    6  à    7  hect 

—      de    7à    8    —   

—      de8à9    —    

-  de    9  à  10    —    

—  de  10  à  20    —    

—      de  20  à  30    —   

de  30  à  40    —  

—      de  40  à  50    —   

Grande  propriété  : 

Biens  de    50  à    75  hect 

-.      de    75  à  100    —   

—      de  100  à  200    —   

Au-dessus   de    200    — 

Total 

161.952 

465.484 

=====^^ 

La  petite  propriété  occupe  donc  147,440  hect.,  la 
moyenne  145,636  hect.,  et  la  grande  172,408  hect. 

Agriculture.  —  Le  dép.  du  Jura  est  un  département 
agricole,  puisque  plus  des  4/7  de  sa  population  vivent  de 
l'agriculture.  Les  aptitudes  particulières  de  chaque  sol  ont 
été  indiquées  dans  le  §  Géologie,  Les  terres  labourées 
n'occupent  que  le  tiers  de  la  superficie  totale  ;  les  bois 
s'étendent  sur  près  de  150,000  hect.;  les  prés  en  occupent 
environ  50,000,  les  pâturages  et  pacages  autant,  les  vignes 
16  à  17,000.  Les  terres  incultes,  landes,  rochers,  lacs, 
étangs,  superficies  bâties,  sol  des  routes,  etc.,  représen- 
tent environ  70,000  hect. 

Au  point  de  vue  agricole,  nous  retrouvons  la  division  du 
département  en  trois  parties  :  la  montagne,  région  des 
bois,  des  pâturages  et  des  céréales;  les  collines,  région  du 
vignoble  ;  la  plaine,  région  des  prairies  artificielles  et  des 
cultures  industrielles.  Dans  la  montagne,  il  faut  distinguer 
les  hautes  chaînes  orientales,  qui  n'ont  guère  que  des  bois 
et  des  pâturages,  où  l'on  récolte  des  plantes  médicinales. 
Le  climat  est  trop  rude  pour  les  céréales  ;  à  peine  y  voit-on 
quelques  champs  d'orge,  d'avoine,  de  pommes  de  terre,  de 
chanvre.  Les  seules  richesses  sont  les  bois  et  le  bétail. 
Dans  les  vallées  de  l'Ain  et  de  ses  affluents  et  sur  le  pla- 
teau occidental,  on  cultive  les  céréales  (froment,  seigle  et 


même  maïs),  les  légumes  (petits  pois,  lentilles,  haricots, 
fèves),  etc.  —  La  région  des  collines  a  pour  principale 
richesse  son  vignoble  ;  elle  cultive  aussi  le  blé,  l'avoine,  le 
maïs,  l'orge,  la  betterave,  la  pomme  de  terre,  la  navette, 
le  chanvre,  la  fève,  les  haricots,  le  potiron,  la  courge.  — 
La  plaine  y  ajoute  un  peu  de  sarrazin,  le  colza,  le  pavot, 
le  panais,  le  chou  de  Bruxelles  ;  les  prairies  artificielles, 
où  domine  le  sainfoin,  sont  très  étendues,  particulièrement 
dans  les  cant.  de  Montbarrey  (plaine  de  ^la  Loue)  et  de 
Bletterans  (Bresse). 

Le  tableau  suivant  indique  la  superficie  et  le  rendement 
des  diverses  cultures  en  1^89  : 


CULTURES 

SUPERFICIE 

PRODUCTION 

Froment , 

Hectares 
47.931 

374 

1.934 

6.762 

486 

16.749 

11.004 

11.951 

1.173 

6.198 

2.364 

13.014 

48.613 

224 

340 

246 
11 

)) 
» 

18.061 

'        Hectolitres 

\       645.242 

1         Quintaux 

[       483.624 

Hectolitres 

5.612 

26.669 

102.735 

2.685 
351.091 
186.270 

Quintaux 

770.144 
157.446 
266.364 
84.462 
324.679 
1.576.725 

Hectolitres. 

1.834 

Quintaux 

Graine       196 

Filasse  2.304 

30.880 

154 

928 

192 

77 

Hectolitres 
100.383 

Méteil 

Seigle 

Orcre 

barrasin 

Avoine 

Maïs 

Pomm  es  de  terre 

Betteraves  fourra^^ères. . . 
Trèfle 

Luzerne 

Sainfoin 

Prés  naturels 

Colza 

Chanvre 

Betteraves  à  sucre 

Houblon 

Noix 

Prunes 

Pommes  à  cidre 

Vin 

La  production  des  céréales  répond  aux  besoins  de  la  con- 
sommation ;  la  culture  dominante  est  celle  du  froment, 
répandue  sur  les  deux  tiers  du  pays  ;  le  meilleur  est  celui 
du  cant.  de  Conliège  sur  le  plateau  jurassique  ;  la  valeur 
de  la  récolte  de  froment  est  de  10  à  12  millions  de  fr.  ; 
celle  du  vin,  qui  vient  ensuite,  est  de  2  à  3  millions.  Les 
vins  du  Jura  ont  bonne  réputation  et  plusieurs  de  leurs 
crus  sont  connus  ;  malheureusement  les  procédés  de  fabri- 
cation sont  défectueux  ;  le  vin  est  acide,  se  décolore  et 
s'affaiblit  rapidement;  il  faut  le  mélanger  avec  les  vins  du 
Midi  pour  l'exporter.  Les  crus  les  meilleurs  proviennent 
de  la  région  des  collines  liasiques  (cant.  de  Salins,  Arbois, 
Poligny,  Voiteur).  Les  crus  réputés  sont  :  les  vins  rouges 
des  Arsures,  entre  Montigny  et  Aiglepierre,  au  N.  d'Arbois; 
d'Arbois,  célébré  par  Henri  IV;  de  Salins,  précoce  et  peu 
alcoolique  ;  Ménétru,  Poligny  ;  les  vins  rosés  de  Foulenay 
et  Rousseau  ;  les  vins  blancs  doux  et  mousseux  de  Salins. 
Arbois,  l'Etoile,  Quintigny;  les  vins  jaunes  et  secs  deChâ- 
teau-Çhalon,  analogue  aii  Madère,  de  Ménétru,  Poligny, 
Pupillin.  Les  arbres  fruitiers,  abondants  dans  les  coteaux 
et  la  plaine,  sont  le  pécher  qu'on  plante  dans  les  vignes, 
le  cerisier,  le  prunier,  le  cognassier,  le  poirier,  le  pom- 
mier, le  groseiller,  etc.  Les  ruisseaux  et  rivières  sont 
bordés  de  peupliers  et  de  saules  dont  les  branches  four- 
nissent des  liens  pour  la  vigne.  Les  bois  ont  une  conte- 
nance de  146,722  hect.  Ils  sont  une  des  richesses  du 
département  qui  renferme  plusieurs  des  plus  belles  forêts 
de  France  :  la  forêt  de  Chaux  (qui  se  prolonge  dans  le  dép. 
du  Doubs)  y  occupe  19,561  hect.  boisés  en  chênes,  hêtres, 
charmes,  etc.).  Ses  coupes  rapportent  annuellement  à  PEtat 
400,000  fr.,  outre  150,000  fr.  de  bois  distribués  aux 


-  319  ~ 


JURA 


communes  limitrophes.  La  forêt  de  la  Haute-Joux  possède 
les  plus  belles  sapinières  de  France,  précieuses  pour  les 
fournitures  de  la  marine.  On  peut  encore  citer  les  forêts 
des  Moidons  (3,635  hect.),  de  la  Joux  (3,6^4  hect.),  de 
la  Serre  (2,800  hect.),  de  Fraisse  (1,239  hect.),  de 
la  Faye-de-Montrond  (1,125  hect.),  de  Bois -d'Amont 
(616  hect.),  d'Arbois,  de  PoUgny,  de  Leutte,  de  Mou- 
chard. Les  essences  dominantes  sont,  dans  la  montagne,  le 
sapin  et  l'épicéa  ;  dans  la  plaine  et  les  collines,  le  chêne, 
le  hêtre,  le  charme,  la  charmille,  le  frêne,  le  tremble, 
l'aulne,  l'orme,  l'érable,  le  bouleau,  le  merisier,  etc. 

Le  nombre  des  animaux  de  ferme  existant  en  1891 
était  : 

Espèce  chevaline 12.720 

—  mulassière 283 

—  asine 327 

—  bovine 167 .  295 

~    ovine 19.264 

—  porcine 46 .  704 

—  caprine 3.518 

La  production  du  lait  est  de  plus  de  800,000  hectol.  ; 
celle  de  la  laine  de  200  quintaux.  Il  ressort  de  ces  chiftres 
que  les  bêtes  bovines  sont  la  grande  ressource  des  Juras- 
siens. Leur  lait  sert  à  fabriquer  du  fromage.  Il  existe  plus 
de  500  fromageries  (fruitières  ou  chalets),  spécialement 
dans  les  cantons  orientaux  (Morez,  Saint-Claude,  Les 
Planches,  Nozeroy)  et  à  Sahns  ;  elles  fabriquent  du  gruyère; 
le  fromage  dit  àe  Septmoncel  se  fabrique  surtout  dans  les 
cant.  de  Saint-Claude  et  des  Bouchoux  ;  on  fait  aussi  des 
chevrets,  fromages  de  lait  de  chèvre.  La  production  totale 
des  fromages  est  de  1,350,000  kilogr.  par  an,  d'une  va- 
leur moyenne  de  2  fr.  le  kilogr.  Les  chevaux,  de  race  com- 
toise, sont  assez  bons.  Les  mulets  sont  élevés  dans  les 
cant.  d'Arinthod  et  Saint-Julien  en  vue  de  l'exportation 
vers  les  Alpes.  Le  cant.  de  Saint-Amour  engraisse  les  cé- 
lèbres poulardes  de  Bresse.  Enfin  il  existait  (en  1891) 
14,548  ruches  d'abeilles,  en  activité,  ayantfourni  28, 616ki- 
logr.  de  miel  et  7,839  kilogr.  de  cire,  d'une  valeur  totale 
de  près  de  70,000  fr.  Les  nombreux  lacs  et  les  rivières  sont 
très  poissonneux. 

Industrie.  —  L'industrie  fait  vivre  près  du  cinquième  de 
la  population  du  dép.  du  Jura.  Bien  qu'il  n'y  existe  pas  de 
grand  centre  manufacturier  ou  minier,  l'industrie  est  très 
répandue  et  très  variée  jusque  dans  les  moindres  hameaux 
de  la  montagne. 

Mines  et  carrières.  Le  dép.  du  Jura  ne  produit  pas  de 
houille.  Il  en  a  consommé  en  1892  environ  95,000  tonnes 
d'une  valeur  moyenne  de  26  fr.  sur  le  lieu  de  consomma- 
tion ;  les  deux  tiers  venaient  du  Creuset,  le  reste  d'Epinac 
et  de  Saint-Etienne.  Les  gisements  de  houille  signalés  à 
Grozon,  Arbois  et  Tourment  ne  sont  pas  exploités,  non 
plus  que  le  lignite  de  Vercia,  Orbagna  et  Beaufort.  On 
extrait  2,900  tonnes  de  tourbe,  de  40  tourbières,  dont 
2,500  tonnes  de  9  tourbières  communales.  La  valeur 
moyenne  est  de  6  fr.  par  tonne.  —  11  y  a  six  mines  de 
fer  concédées  (superficie,  1,579  hect.)  ;  elles  s'étendent  sur 
les  communes  de  Bersaillin,  Malange,  Monay,  Ougney,  Pa- 
gney,  Romange,  Rouffange,  Saligny,  Sellières,  faxennes, 
Toulouse,  Vitreux  ;  on  a  en  outre  signalé  le  minerai  de  fer 
à  Andelot,  Augea,  Authume,  Auxange,  La  Barre,  Beau- 
fort,  Bouchaud,  Foucherans,  Gendrey,  Montigny,  Peintre, 
Ranchot,  Salins,  etc.  Une  seule  mine  est  exploitée,  occu- 
pant six  ouvriers  et  produisant  1,694  tonnes  déminerai 
hydroxydé  oolithique,  d'une  valeur  de  moins  de  4,000  fr.  ; 
il  est  exporté  vers  le  dép.  du  Rhône.  Il  existe  du  cuivre  à 
Aiglepierre,  du  plomb  à  Barésia  ;  mais  on  ne  les  exploite 
pas.  Les  quatre  concessions  de  mines  de  sel  s'étendent  sur 
5,021  hect.;  2  donnent  lieu  à  une  exploitation  active,  celles 
de  Montmorot  et  de  Salins  ;  on  en  a  retiré  26,701  tonnes 
de  sel  d'une  valeur  de  935,000  fr.  (en  1892).  Le  sel 
gemme  se  trouve  dans  les  marnes  irrisées.  Les  mines  de 
Salins  senties  plus  célèbres;  chacun  de  leurs  puits  fournit 
500  hectol.  d'eau  saline  par  jour  ;  la  moitié  sont  écoulées 


sur  Arc  (Doubs),  le  reste  est  traité  sur  place  ;  les  salines 
de  Montmorot  trouvent  leur  banc  de  sel  gemme  (épais  de 
30  m.)  à  120  m.  seulement  (au  Heu  de  223  m.  de  profon- 
deur à  Salins)  ;  chacun  des  5  puits  donne  500  hectol.  d'eau 
saline  par  jour.  Les  salines  de  Grozon  exploiiées  depuis 
l'époque  gauloise,  fermées  par  Marguerite  de  Bourgogne 
pour  suppruner  la  concurrence  qu'elles  faisaient  à  Salins, 
ont  été  remises  en  exploitation  en  1825.  Récemment,  de 
nouvelles  concessions  ont  été  accordées  dans  les  communes 
de  Poligny,  Montaigu,  Conliège,  Perrigny,  Lons-le-Sau- 
nier,  Chilles  et  Pannessières.  Des  bains  sahns  sont  orga- 
nisés à  Salins  depuis  1855,  à  Lons-le-Saunier  depuis  1839. 
—  Le  dép.  du  Jura  possédait  en  181^2,  en  activité,  7  car- 
rières souterraines  (de  gypse)  et  193  à  ciel  ouvert  (pierre 
de  taille,  moellon,  sable,  chaux,  gypse,  tuf,  roche  orne- 
mentale) ;  elles  occupaient  443  ouvriers.  Les  carrières  de 
pierre  existent  à  Sainte-Agnès,  Andelot,  Antorpe,  Arin- 
thod,  Aromas,  Arsure,  Audelange,  Aumont,  Azans,  Beffia, 
Crançot,  Dole,  Frasne,  Montmirey-le-Château,  Saint-Maur, 
Tourment,  Villers-Farlay  ;  les  "plus  belles  pierres  sont 
celles  de  Mantry  qu'on  exporte  par  eau  et  celles  de  Saint- 
Ylie,  semblables  au  marbre,  qui  sont  exportées  à  Paris 
pour  faire  des  balustrades  de  ponts,  piédestaux  de  candé- 
labre, etc.  On  trouve  du  marbre  à  l'Abbaye-Damparis, 
Aliénai,  Audelange,  Balanod,  Chassai,  Loisia,  Moirans, 
Moiinges,  Montagua,  Nanc,  Nantey,  Pratz,  Quettans,  Saint- 
Amour;  il  est  débité  dans  les  scieries  d'Audelange,  Mo- 
linge,  Quettans  et  Saint-Amour.  Le  tuf  est  exploité  à  La 
Doye  et  Marangea;  la  meulière  à  Moissey;  la  terre  réfrac- 
taire  à  Etrepigney,  Orchamps,  Plument;  le  plâtre  àArlay, 
Bans,  Salins,  etc. 

Industries  manufacturières.  Il  existait,  dans  le  dép.  de 
Jura  (en  1892),  313  établissements  industriels  faisant 
usage  de  machines  à  vapeur.  Ces  appareils  au  nombre  de 
333  (non  compris  les  machines  des  chemins  de  fer  ni  des 
bateaux,  ni  les  chaudières  motrices  ou  calorifères)  étaient 
d'une  force  de  3,831  chevaux- vapeurs  et  se  décomposaient 
ainsi  : 

147  machines  fixes  d'une  force  de  2.827  chevaux- vapeur 
68      —       mi-fixes        —■  420  — 

116      —       locomobiles  —  555  — 

2      —       locomotives  —  29  

Cette  force  se  répartissait  de  la  manière  suivante  entre 
les  principaux  groupes  industriels  : 

Mines  et  carrières 271  chevaux-vapeur 

Usines  métallurgiques. i . 560  

Agriculture 555  _ 

Industries  alimentaires 244  

—       chimiques  et  tanneries.       269  

Tissus  et  vêtements 20  — 

Papeterie,  objets  mobiliers  et  d'ha- 
bitation, instruments 352  — 

Bâtiments,  entreprises  et  travaux 

divers 560  — 

Services  publics  de  l'Etat »  — - 

Ce  tableau  montre  que  les  industries  métallurgiques  sont 
seules  importantes  et  que  l'agriculture  n'emploie  encore  pas 
beaucoup  les  machines,  ce  qui  ne  saurait  surprendre  dans 
un  pays  montagneux.  Les  industries  métallurgiques  sont 
organisées  surtout  par  la  Compagnie  des  forges  de  la 
Franche-Comté  à  laquelle  appartiennent  les  forges  de  Frai- 
sans,  Bourg-de-Sirod,  La  Serve  (Champagnole),  Pont-du- 
Navoy  et  la  Saisse  (Pont-de-Poitte).  Le  Jura  possédait,  en 
1 892,  5  usines  à  fer  en  activité,  utilisant  une  force  hydrau- 
lique de  658  chevaux-vapeur  et  une  force- vapeur  de 
708  chevaux.  Il  ne  fabriquait  pas  de  fonte,  mais  produisait 
dans  11  usines  (250  ouvriers)  de  la  fonte  moulée  en 
deuxième  fusion  (3,250  tonnes  valant  845,000  fr.).  La 
production  du  fer  ouvré  représentait  12,478  tonnes  valant 
2,094,000  tr.,  à  savoir  :  fers  marchands,  8,438  tonnes; 
tôles,  3,980  tonnes.  Les  matières  élaborées  étaient  :  la  fonte 
au  coke  importée  de  Meurthe-et-Moselle  (42,800  tonnes), 


JURA 

des  fontes  et  ferrailles  qu'on  affine  au  charbon  de  bois 
(128  tonnes)  et  de  vieux  fers  et  riblons  qu'on  réchauffe 
(1,060  tonnes).  On  produit  en  outre  13,280  tonnes  d'acier 
ouvre  :  savoir  9,900  d'acier  marchand  et  3,380  de  tôle; 
la  valeur  totale  est  de  2,700,000  fr.  environ;  la  matière 
première  est  de  la  fonte  Thomas  de  Meurthe-et-Moselle 
qu'on  fond  au  four  Siemens-Martin  soit  des  lingots  Tho- 
mas qu'on  réchautfe.  Les  forges  de  Fraisans  font'des  char- 
pentes métalliques;  celles  de  Bourg-de-Sirod,  des  fers 
marchands  et  des  tôles  ;  La  Serve  a  une  tréfilerie,  des  ate- 
liers de  clouterie  et  de  chaînerie,  des  scieries,  un  moulin  ; 
Pont-du-Navoy  a  une  tirerie,  un  cylindre,  des  scieries  et 
des  mouHns.  Saisse  fabrique  de  la  tôle  ;  Syam  des  fers. 
Citons  encore  les  fonderies  de  Foucherans,  Baudin  (près 
Sellières),  Lons-le-Saunier,  Salins,  Morez,  Morbier:  les 
trèfileries  de  fer  d'Arinthod,  Morez,  Revigny;  les  cloute- 
ries de  Morez,  Vertamboz;  la  fabrication  des  limes  à  Mo- 
rez, de  poêles,  fourneaux  et  pompes  à  incendie  à  Dole, 
d'instruments  aratoires  et  machines  à  vapeur  de  Glairvaux, 
Dole,  Poligny;  les  forges  d'Aresches  et  Beaufort;  les  fon- 
deries de  cuivre  de  Dole  et  Morez,  les  fabriques  de  séca- 
teurs de  Dole,  Aiglepierre,  Lons-le-Saunier,  etc. 

Les  industries  alimentaires  occupent  environ  140  mou- 
lins à  blé,  surtout  dans  l'arr.  de  Lons-le-Saunier  ;  ceux 
de  Champagnole  sur  l'Ain,  Ounans  sur  la  Loue,  les  Ma- 
lades (Ranchot)  sur  le  Doubs  sont  les  plus  considérables. 
On  fabrique  beaucoup  de  vins  mousseux,  particulièrement 
à  Lons-le-Saunier;  de  l'eau-de-vie  de  gentiane  aux  Cha- 
lesmes;  du   vinaigre  à  Cousance;   de   la   colle-forte   à 
Mont-sous-Vaudrey  et  Orgelet;  il  y  a  des  fabriques  de 
savon,  de  cierges,  de  bougies,  de  bleu  à  Dole  ;  de  produits 
chimiques  à  Dole,  Lavans  et  au  Moulin-Rouge;  des  tanne- 
ries à  Champagnole,  Glairvaux,  Lons-le-Saunier,  Migno- 
villard,  Nozeroy,  Poligny,  Saint-Claude,  Salins  et  surtout 
à  Orgelet.  -—  Les  papeteries,  qui  produisent  3,000  quin- 
taux par  an,  existent  à  l'Aberge,  Aresches,  Arlon,  Clair- 
vaux,  Fonteny-sur-Salins,  Macornay,  Mesnay,  Salins,  Si- 
rod;  on  fait  du  carton  à  Courbouzon,  Ecrilles,  Mesnay, 
Nancuise.  —  Les  scieries  alimentées  surtout  par  les  sa- 
pins fournissent  la  matière  première  à  ces  papeteries;  elles 
sont  au  nombre  de  plus  de  50;  après  celles  de  Syam,  aux 
Planches,  à  Nozeroy,  Pont-de-Poitte,  Audelange,  on  peut 
indiquer  celles  d'Arbois,  Champagnole,  la  Chaux-des-Cro- 
tenay,  Clairvaux,  Cousance,   Doucier,  Foncine-le-Bas, 
Foncine-le-Haut,  Fort-du~Plasne,   Lézinet,  Mathenay, 
Moirans,  Morez,  Nozeroy,  des  Planches,  Pont-de-la-Chaux, 
Saint-Amour,  Saint-Claude,  Vadans,  Vertamboy,  etc.  —  On 
fabrique  des  bouteilles  à  la  Vieille  Loye,  des  porcelaines  à 
Orchamps,  des  taïences  à  Salins  ;  des  poteries  à  Etrepigney 
et  Tassenières;  de  la  vannerie  à  Châtelay,  Chissey,  Mont- 
barrey  ;  des  caisses  en  bois  à  Bois-d'Amont;  des  martinets 
à  Saint-Laurent,  Port-Lesney,  Villers-Farlay.  Saint-Claude 
exporte  jusqu'en  Amérique  ses  produits  en  bois  et  en  corne, 
tabatières,  pipes  en  racine  de  bruyère,  tabletterie,  etc.  ; 
ils  sont  confectionnés  non  seulement  à  Saint-Claude,  mais 
dans  tous  les  environs  :  aux  Bouchoux,  à  Moirans,  La- 
vans, Ravilloles,  Saint-Lupicin,  Arinlhod,  Cernon,  etc. — 
L'horlogerie  sans  être  aussi  développée  que  dans  le  dép.  du 
Doubs  où  le  Jura  suisse  occupe  une  centaine  d'ateliers  :  à 
Morez  oii  se  fabriquent  annuellement  100,000  horloges  or- 
dinaires, beaucoup  d'autres  pour  édifices,  des  pendules,  des 
montres,  etc.  ;  Bois  d'Amont,  Foncine-le-Haut,  Morbier, 
Saint-Laurent  font  aussi  de  l'horlogerie.  La  lunetterie  oc- 
cupe une  soixantaine  d'atehers  à  Morez  (400,000  douzaines 
de  paires  de  lunettes  par  an),  Longchaumois,  Etival,  aux 
Rousses,  à  laRixouse,Prémanon,  Saint-Laurent,  etc.  On  fait 
encore  à  Morez  des  tournebroches,  des  miroirs  à  alouettes,  etc. 
L'industrie  lapidaire,  introduite  en  1735,  s'est  développée 
autour  de  Septmoncel  et  occupe  500  personnes  à  la  taille  du 
cristal  de  roche,  du  strass,  des  pierres  fines  et  même  du 
diamant;  elle  s'est  répandue  aux  BouchouK,  à  Lajoux,  à  la 
Moura,  aux  Molunes,  à  Saint-Claude.  On  fabrique  à  Long- 
chaumois et  Saint- Claude  des  mesures  linéaires.  —  Lesindus- 


320  — 

tries  textiles  sont  représentées  par  les  filatures  de  coton 
(Moirans),  de  laine  (Balanod,  Clairvaux,  Salins),  par  les 
fabriques  de  ouate  (Salins),  de  velours  (Arinthod,  Balanod, 
Saint-Amour).  On  tait  des  chapeaux  de  paille  dans  la  mon- 
tagne. —  Le  dép.  du  Jura  comptait  en  1888,  5,093  bouil- 
leurs décru  et  de  25  distillateurs  de  profession;  les  pre- 
miers distillaient  1,026  hectol.  de  fruits,  les  autres  26  hect. 
d^alcool  de  vin,  27  de  fruits,  840  de  betteraves,  9  de  subs- 
tances diverses,  soit  un  total  de  1,928  hectol.  Cette 
quantité  est  inférieure  à  la  consommation  qui  atteint  2H 
par  habitant;  la  quantité  soumise  à  l'entrepôt  fut  de 
6,948  hectoL  —  La  consommation  du  tabac  fut  de 
107,166  kilogr.  de  tabac  à  fumer  et  de  40,164  de  tabac 
en  poudre. 

On  constatait  en  1890  l'existence  de  cinq  syndicats  ou- 
vriers, quatre  syndicats  patronaux  et  cinq  syndicats  agri- 
coles. 

Commerce  et  circulation.  —  Le  commerce  du  dép.  du 
Jura  est  assez  actif  ;  il  vend  ses  matières  premières  et  les 
produits  assez  spéciaux  de  son  industrie,  et  achète,  on 
échange,  des  objets  de  consommation  générale  et  les  ma- 
tières premières  de  son  industrie.  Il  exporte  des  bois  de 
sapins  pour  la  marine  et  les  constructions,  des  planches, 
des  peaux  brutes  et  préparées  (dans  les  départements  voi- 
sins), du  vin,  des  vins  mousseux  (pour  l'Angleterre),  de 
l'eau-de-vie,  du  beurre,  des  fromages,  des  plantes  médici- 
nales, du  sel,  surtout  en  Suisse,  des  pierres,  surtout  à  Pa- 
ns, du  marbre,  des  fers  marchands,  fils  de  fer,  clous  (bé- 
chets  et  pointes  de  Paris),  poêles  en  fonte,  des  tôles,  des 
lunettes,  des  horloges,  des  articles  de  Saint-Claude,  sur- 
tout en  Espagne  et  en  Italie,  des  pierres  précieuses  de  Sept- 
moncel, du  papier,  du  carton,  etc.  —  Il  importe  des  cé- 
réales, des  bestiaux,  des  vins  pour  coupages,  des  houblons, 
de  Fépicerie,  des  denrées  coloniales,  des  articles  de  mode, 
nouveautés,  confections  de  Paris  et  de  Besançon,  de  la 
houille,  de  la  fonte  (de  Meurthe-et-Moselle),  des  pierreries 
brutes  (d'Allemagne),  des  cornes  de  buffle,  de  l'écaillé,  de 
l'ivoire,  des  cocos,  du  buis  et  des  bois  précieux,  etc. 

Voies  DE  COMMUNICATION.  —  Le  dép.  du  Jura  avait,  en 
1888,  355 1"^  521  de  routes  nationales  sur  lesquelles  la 
circulation  (196  colliers  6  par  jour)  représentait  un  ton- 
nage brut  kilométrique  annuel  de  31,573,356  tonnes; 
en  tonnage  utile,  19,396,170  tonnes,  soit  un  tonnage 
utile  quotidien  de  52,995  tonnes  kilométriques.—  Il  pos- 
sédait 622î^ii566  de  routes  départementales,  836  ^^^^^63 
de  chemins  vicinaux  de  grande  communication,  493  ^'^^  670 
de  chemins  vicinaux  d'intérêt  commun,  4,733^^^1  216  de 
chemins  ordinaires. 

Il  était  desservi  en  1894  par  onze  voies  ferrées,  d'un 
développement  total  de  380  kil.  :  i^  La  grande  ligne  de 
Paris  à  la  Suisse  (Lausanne  ou  Neuchâtel),  par  Pontar- 
lier,  parcourt  71  kil.  dans  le  dép.  du  Jura  ;  elle  y  pénètre 
à  7  kil.  après  Auxonne,  dessert  Champvans,  Do/^,  Grand- 
contour,  Montbarrey,  Châtelay,  passe  dans  le  dép.  du 
Doubs,  où  elle  dessert  Arc-Senans,  rentre  au  bout  de 
3  kil.  dans  celui  du  Jura  en  franchissant  la  Loue,  dessert 
Mouchard,  Mesnay,  Pont-d'lIéry,Andelot,]aJoux  et  rentre 
définitivement  dans  le  dép.  du  Doubs.  —  2<^  La  ligne  de 
Lyon  à  Vesoul  parcourt  80  kil.  dans  le  département  (non 
compris  6  kil.  communs  avec  la  précédente  après  Mou- 
chard) ;  elle  y  pénètre  après  Coligny,  dessert  Saint- Amour, 
passe  à  Cuiseaux  (Saône-et-Loire),  rentre  dans  le  Jura 
pour  desservir  Cuisance,  Beaufort,  Sainte-Agnès,  Gevin- 
gey,  LonS'le-Saimier,  Montain-Lavigny,  Domblans,  Voi- 
tcur,  Passenans,  Saint-Lothain,  Poligny,  Grozon,  Ar- 
bois  et  Mouchard  ;  on  voit  qu'elle  longe  le  Jura  au  pied 
de  ses  premières  hauteurs.  —  3»  La  ligne  de  Dole  à  Be- 
sançon (26  kil.  dans  le  dép.)  remonte  le  Doubs  et  dessert 
Rochefort,  Moulin-Rouge,  Orchamps,  Labarre,  Ranchot  et 
passe  dans  le  dép.  du  Doubs  avant  Saint-Vit  ;  u-n  raccor- 
dement mène  de  Labarre  à  l'usine  de  Fraisans.  —  4^  La 
ligne  de  Dole  à  Chalon-sur-Saône  (29  kil.  dans  le  dép.) 
descend  la  vallée  du  Doubs  en  desservant  Foucherans, 


Tavaux,  Chaussin  et  Neublans  avant  d'entrer  en  Saône-  | 
et-Loire.  —  ^^  La  ligne  de  Labarre  à  Gray  (44  kil. 
dans  le  dép.)  dessert  Gendrey  et  Ougney.  —  6^  La  ligne 
de  Dole  à  Poligny  (41  kiL)  dessert  La  Bedugue,  Parcey, 
Souvans,  Mont-sous- Vaudrey,  Aumont. —  7°  La  ligne  de 
Mouchard  à  Salins  a  8  kil.  —  8"  La  ligne  d'Andelot  à 
Saint- Laurent  (37  kil.)  dessert  Vers-en-Montagne,  Cham- 
pagnole,  Syam-le-Vaudioux,  La  Chaux-des-Crotenay,  La 
Chaumusse-Fort-du-Plasne.  —  9°  La  ligne  de  Lons-le- 
Saunier  à  Champagnole  (45  kil.)  dessert  Conliège,  Pu- 
bly-Vevy,  Verges,  Châtillon,  Miribel,  Pont-du-Navoy, 
Crotenay.  —  10^  La  ligne  de  Lons~le-Saunier  à  Chalon- 
sur-Saône  parcourt  40  kil.  dans  le  dép.  du  Jura,  où  elle 
dessert  Messia,  Chilly-le-Yignoble,  Courlaoux.  —  44*^  La 
ligne  de  La  Cluse  à  Saint-Claude  a  25  kil.  dans  le  dép. 
où  elle  dessert  Dortan-Lavancia,  Jeurre-Vaux,  Vaulx-lès- 
Saint-Claude,  Molinges,  Lavans-lès~Saint-Claude. 

Les  voies  navigables  ont  une  longueur  totalede409kil. 
savoir:  40  kil.  du  canal  du  Rhône  au  Rhin  (tonnage 
moyen.  430,000  tonnes),  W  kil.  du  Doubs  en  aval  du 
confluent  de  la  Loue  (tonnage  moyen,  3,000  tonnes), 
34  kil.  de  la  Loue  en  aval  de  Cramans  (tonnage  moyen, 
2,834  tonnes),  45  kil.  de  TAin  en  aval  de  Condes  (ton- 
nage moyen,  4,274  tonnes). 

Les  47  bureaux  de  postes,  8  bureaux  télégraphiques  et 
53  bureaux  auxiliaires  mixtes  du  dép.  du  Jura  ont  donné 
lieu,  en  4888,  à  un  mouvement  postal  de  6,285,585 
timbres-poste, 28,224  cartes-lettres,  254,240  cartes  pos- 
tales, 78,650  enveloppes  timbrées  et  57,900  bandes 
timbrées  représentant  un  produit  net  de  739,845  fr.  44; 
à  un  mouvement  télégraphique  de  84,595  dépèches  inté- 
rieures, 4,874  dépèches  internationales  représentant  un 
produit  net  de  63,574  fr.  25. 

l^iNANCES.  —  Le  dép.  du  Jura  a  fourni,  en  4888, 
43,385,299  fr.  39  au  budget  ordinaire,  et  2,489,549  fr.  36 
au  budget  sur  ressources  spéciales,  soit  un  total  de 
45,874^848  fr.  75. 

Ces  chifl'res  se  décomposent  comme  suit  : 

Impôts  directs 2.652.252^^04 

Enregistrement 2.277.752  94 

Timbre 524 .430  03 

Impôt  de  3  %  sur  le  revenu  des  valeurs 

mobilières 42.332  64 

Contributions  indirectes 3 .  405 .  746  49 

Sucres , 6 .  034  44 

Monopoles  et  exploitations  industrielles 

de  l'Etat 3.084.529  47 

Domaines  de  l'Etat  (y  compris  les  forêts)        984 .402  46 
Produits  divers  du  budget,  ressources 

exceptionnelles 222 .  944  34 

Recettes  d'ordre 220.877  93 

Les   revenus  départementaux  ont  été,  en  4888,  de 
4,509,194  fr.  24,  se  décomposant  comme  suit  : 
Produit  des  centimes  départementaux . .     4 .  442 .  263  43 
Revenu  du  patrimoine  départemental . .  4 .  994  80 

Subventions  de  l'Etat,  des  communes, 

des  particuliers , 337 .  530  05 

Revenus   extraordinaires,   produit  des 

emprunts,  aliénation  de  propriétés. .  27.406  26 

La  dette  se  montait  à  4,755,667  fr.  82.  Il  y  a  eu 
30^80  portant  sur  les  quatre  contributions,  dont  12  cent, 
ordinaires  et  48^80  extraordinaires.  La  valeur  du  cen- 
time portant  sur  la  contribution  foncière,  la  contribution 
personnelle-mobilière  et  sur  les  bois  de  l'Etat  était  de 
17,661  fr.  Le  produit  du  centime  départemental  était  de 
22,751  fr. 

Les  584  communes  du  département  avaient,  en  1889, 
un  revenu  de  2,455,808  fr.  ;  le  nombre  de  centimes 
pour  dépenses,  tant  ordinaires  qu'extraordinaires,  était  de 
21,582  (17,413  ordinaires  et  4,469  extraordinaires)  ;  le 
nombre  moyen  de  centimes  par  commune  atteignait  37  cent. 
Il  y  avait  84  communes  imposées  de  moins  de  45  cent., 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —    XXI. 


~~  321  -  JURA 

204  de  45  à  30  cent.,  474  de  34  à  50  cent.,  448  de  54 
à  400  cent.,  40  au-dessus  de  400  cent.  Le  nombre  de 
communes  à  octroi  était  de  42,  le  produit  des  octrois 
montait  à  536,500  fr.  de  taxes  ordinaires  et  30,400  fr. 
de  taxes  extraordinaires  et  surtaxes.  Le  revenu  ordinaire 
du  bureau  de  bienfaisance  atteignait  472,356  fr. 

Etat  intellectuel  du  département.  —  Au  point  de 
vue  de  l'instruction,  le  dép,  du  Jura  est  très  au-dessus  de  la 
moyenne  et  à  la  tête  de  la  France.  En  4890,  28  conscrits 
ne  savaient  ni  lire  ni  écrire.  Cette  proportion  de  42  illet- 
trés pour  4,000  place  le  dép.  du  Jura  au  3^  rang  parmi 
les  90  départements  français.  Pour  l'instruction  des  femmes, 
il  est  au  7^  rang,  avec  un  coefficient  de  984  sur  4,000 
(en  4888)  ayant  signé  leur  acte  de  mariage. 

Le  dép.  du  Jura  comptait,  dans  l'année  scolaire  de 
4890-91,  59  écoles  maternelles,  dont  38  publiques  (24 
laïques)  et  24  privées  (4  laïques),  lesquelles  avaient  un 
personnel  enseignant  de  84  maîtresses,  dont  54  publiques 
(36  laïques)  et  27  privées  (22  congréganistes).  Elles  rece- 
vaient un  total  de  5,203  élèves,  dont  2,604  garçons  et 
2,599  filles,  3,178  étaient  inscrits  dans  les  écoles  laïques 
et  2,025  dans  les  écoles  congréganistes.  Les  écoles  mater- 
nelles pubhques  avaient  2,430  garçons  et  2,064  filles.  — 
A  la  même  époque,  il  y  avait  dans  ce  département  944  écoles 
primaires  élémentaires  publiques,  dont  890  laïques  et 
54  congréganistes,  à  savoir  :  274  écoles  laïques  de  gar- 
çons, 227  de  filles  et  389  mixtes  contre  2  écoles  congré- 
ganistes de  garçons,  48  de  filles  et  1  mixte;  d'autre  part  : 
70  écoles  privées,  dont  44  laïques  et  56  congréganistes, 
à  savoir  :  42  écoles  laïques  de  garçons  et  2  écoles  laïques 
de  filles,  contre  43  écoles  congréganistes  de  garçons,  42 
de  filles  et  4  mixte.  Soit  un  total  général  de  4,044  écoles. 
Le  personnel  enseignant  comprenait  dans  les  écoles  pu- 
bliques 629  instituteurs  laïques,  3  instituteurs  congréga- 
nistes, 470  institutrices  laïques  et  74  institutrices  congré- 
ganistes; pour  les  écoles  privées,  34  institutrices  laïques, 
56  instituteurs  et  4  30  institutrices  congréganistes,  soit  un 
total  de  4,390  maîtres  dans  les  écoles  primaires,  publiques 
et  privées.  Le  nombre  des  classes  était  de  4 ,355.  Le  nombre 
des  élèves  était  :  écoles  publiques,  23,529  garçons  et 
20,748  filles;  total,  44,277  ;  écoles  privées,  5,445,  dont 
4,755  garçons  et  3,360  filles.  Total  général  :  49,392  élèves. 
Ces  élèves  se  répartissaient  comme  suit  entre  l'enseigne- 
ment laïque  et  l'enseignement  congréganiste  :  écoles  pu- 
bliques laïques,  garçons,  23,304;  filles,  18,005;  écoles 
privées  laïques,  garçons,  27  ;  filles,  62  ;  écoles  publiques 
congréganistes,  garçons,  228  ;  filles,  2,743  ;  écoles  privées 
congréganistes,  garçons,  4,728  ;  filles,  2,739;  soit  un 
total  de  23,328  garçons  et  48,626  filles  recevant  l'ensei- 
gnement laïque,  contre  4,956  garçons  et  5,482  filles  re- 
cevant l'enseignement  congréganiste.  —  Le  total  des  en- 
fants de  six  à  treize  ans  (âge  scolaire)  présents  dans  les 
écoles  maternelles  et  les  écoles  primaires  était  en  4890-94 
de  37,841. 

L'enseignement  primaire  supérieur  public  comptait  254 
élèves,  dont  74  filles  ;  un  tiers  de  ces  élèves  appartenaient 
aux  cours  complémentaires.  L'école  normale  d'instituteurs 
de  Lons-le-Saunier,  fondée  en  4868,  comptait,  en  4894- 
92,  29  élèves-maîtres;  l'école  normale  d'institutrices  de 
Lons-le-Saunier,  fondée  en  4842,  comptait  38  élèves- 
maîtresses.  Ces  écoles  dépensaient  dans  l'année  4890  une 
somme  de  87,506  fr. 

11  y  eut  (en  4894)  4,462  garçons  et  996  filles  candidats 
au  certificat  d'études  primaires  élémentaires  ;  sur  ces 
2,458,  4,598  l'obtinrent,  834  garçons  et  764  filles.  Le 
certificat  d'études  primaires  supérieures  fut  brigué  par 
5  garçons  et  44  filles,  obtenu  par  5  garçons  et  6  filles.  Il 
se  présenta,  pour  le  brevet  de  capacité  élémentaire,  26  as- 
pirants, dont  46  furent  admis,  et  89  aspirantes,  dont  47 
turent  admises.  Pour  le  brevet  supérieur,  il  y  eut  44  can- 
didats et  40  admissions;  23  candidates  et  45  admissions. 
Il  existait  449  caisses  d'épargne  scolaires  avec  4,222  li- 
vrets représentant  une  somme  totale  de  20,790  fr.  Les 

24 


JURA  —  JURASSIQUE 


—  322  — 


399  caisses  des  écoles  avaient,  en  1891,  fait  57,162  fr. 
de  recettes,  32,890  fr.  de  dépenses  et  possédaient  une 
encaisse  de  24,272  fr.  Les  sociétés  de  secours  mutuels  des 
instituteurs  du  département  comprenaient  593  sociétaires 
et  possédaient  un  actif  de  31,500  fr.  ~  Le  total  des  res- 
sources de  renseignement  primaire  étyit  de  1  million 
412,532  fr.  38  dont  environ  250,000  fr.  pour  frais  de 
location  des  maisons  d'école,  indemnités  de  logement  et 
frais  d'impression,  entretien  des  locaux  scolaires  et  four- 
nitures scolaires;  restaient  1,260,00  fr.  environ  pour  les 
traitements,  allocations  diverses  et  indemnités  au  personnel. 
L'enseignement  secondaire  se  donnait  en  1888  dans 
1  lycée  (Lons-le-Saunier)  et  5  collèges  communaux  (Ar- 
bois,  Dole,  Poligny,  Saint-Claude,  Salins),  comptant  {en 
1888-89)  :  le  lycée,  284  élèves,  dont  114  internes  (26  bour- 
siers), 48  demi-pensionnaires  (5  boursiers)  et  122  externes 
(1  boursier);  les  collèges,  624  élèves,  dont  125  internes 
(36  boursiers)  ;  24  demi-pensionnaires  et  475  externes. 
Sur  ces  908  élèves,  214  suivaient  renseignement  primaire, 
476  renseignement  classique  et  21 8  l'enseignement  spé- 
cial (ou  moderne).  Il  y  avait  1  collège  de  filles  (Lons-le- 
Saunier)  qui  comptait  68  élèves.  Il  existait  6  institutions 
secondaires  libres  ayant  environ  700  élèves. 

Etat  moral  du  département.  —  La  statistique  judi- 
ciaire de  1888  accuse  26  condamnations  en  cour  d'assises 
dont  12  pour  crimes  contre  les  personnes  ou  l'ordre  public. 
Les  4  tribunaux  correctionnels  examinèrent  1 ,400  affaires 
et  1,712  prévenus,  dont  87  furen t'acquittes,  14  mineurs 
remis  à  leurs  parents,  et  4  envoyés  en  correction,  1,051 
prévenus  condamnés  seulement  à  des  amendes,  12  à  un 
emprisonnement  de  plus  d'un  an.  On  a  compté  15  récidi- 
vistes en  cour  d'assises  et  513  en  correctionnelle;  5  furent 
condamnés  à  la  relégation;  il  y  eut  2,366  contraventions 
de  simple  police.  Le  nombre  des  suicides  s'éleva  à  60. 
Les  bureaux  de  bienfaisance,  au  nombre  de  19  en  1888, 
secoururent  6,117  personnes  sur  une  population  de  167,330 
comprises  dans  leur  ressort  ;  leurs  recettes  s'élevèrent  à 
la  somme  de  190,214  fr.  dont  136,299  fr.  provenaient 
de  leurs  revenus  propres,  9,422  fr.  des  subventions, 
21,268  fr.  de  la  charité  privée  et  de  23,215  fr.  des  autres 
recettes.  Les  dépenses  se  sont  élevées  à  la  somme  de 
169,208  fr.  Les  placements  des  bureaux  en  rentes  re- 
présentaient 297,559  fr.  ;  en  immeubles,  32,900  fr.  ; 
les  fonds  libres  reportés  sur  l'exercice  courant,  116,899  fr. 
On  comptait  13  hospices  et  hôpitaux  avec  665  lits,  dont 
325  affectés  aux  malades  civils,  89  aux  militaires,  124 
aux  vieillards,  infirmes,  etc.,  10  aux  enfants  assistés,  127 
au  personnel  des  étabhssements,  314,349  fr.  de  recettes 
et  310,439  fr.  de  dépenses,  et  un  personnel  composé  de 
26  médecins  et  chirurgiens,  79  religieuses,  26  employés 
et  53  servants.  Il  y  a  eu  un  nombre  total  de  44,675  jour- 
nées de  présence  pour  1,139  hommes;  de  26,963  pour 
556  femmes  et  3,345  pour  402  enfants.  Le  service  des 
enfants  assistés  a  secouru  460  enfants  à  l'hospice  et  145 
enfants  à  domicicile  et  dépensé  54,711  fr. 

La  caisse  des  retraites  pour  la  vieillesse  a  reçu,  en 
1889,  1,989  versements  se  montant  à  39,988  fr.  Elle 
avait  reçu,  depuis  son  origine  (1851),  54,525  versements 
se  montant  à  1,523,988  fr.  53.  Il  y  avait  1,054  rentes 
en  cours,  pour  une  somme  de  118,595  fr. 

Les  9  caisses  d'épargne  du  Jura  avaient,  au  1^^  janv. 
1888,  42,362  livrets  et  au  31  déc.  43,403  livrets 
valant  20,176,138  fr.  04  (au  1^^  janv.).  La  valeur 
moyenne  du  livret  était  de  497  fr.  La  caisse  nationale 
d'épargne  avait  reçu  10,471  dépôts.  L'excédent  des  ver- 
sements sur  les  remboursements  était  de  355,394  fr.  49. — 
Les  sociétés  de  secours  mutuels  étaient  au  nombre  de  94 
dont  83  approuvées  et  11  autorisées,  avec  4,770  membres 
participants.  Elles  avaient  un  avoir  disponible  (au  31  déc. 
1888)  de  127,949  fr.  pour  les  sociétés  approuvées  et  de 
25,037  fr.  pour  les  sociétés  autorisées.  Ces  chiffres 
prouvent  que  l'assistance  publique  et  les  institutions  de 
prévoyance  sont  assez  développées.  —  En  1888,  les  libé-  | 


ralités  aux  établissements  publics  ont  atteint  152,352  fr. 
Ce  chiffre  se  décompose  comme  suit  :  7  donations  aux  éta- 
blissements religieux,  représentant  26,760  fr.  ;  8  dona- 
tions aux  établissements  charitables  et  hospitaliers,  repré- 
sentant 112,792  fr.  ;  1  donation  de  10,000  fr.  à  un 
établissement  de  prévoyance,  1  donation  à  une  commune 
représentant  3,000  fr.  A.-M.  B. 

BiBL.  ;  Franche-Comté,  Anniidire  du  Jura,  in-12.  — 
Annusiire  statistique  de  la  Finance,  particulièrement  ceux 
de  1885,  1886  et  1891.  —  Dénombrements,  particulièrement 
ceux  de  1886  et  1891,  avec  les  résultats  développés.  — 
A.  JoANNE,  Géographie  du  Jura;  Paris,  1893,  in-16.  — 
A.RoussET,  Dictioniiaire  géographique,  historique  et  sta- 
tistique des  communes  de  ta  Franche-Comté  :  départe- 
ment du  Jura  ;  1853-58,  6  vol.  in-8.  —  Mém.  de  la  Soc. 
d'émulation  du  Jura  (depuis  1818),  une  quarantaine  de  vo- 
lumes. —  Bulletins  de  la  Soc.  d'agriculture,  sciences  et 
arts  de  Poligny  (depuis  1860).  —  Carte  géologique  de  la 
France,  feuilles  de  Besançon,  Lons-le-Saunier  et  Saint- 
Claude.  V.  aussi  l'art.  Jura  (Géogr.). 

JURA.  Ile  d'Ecosse,  au  S.  des  Hébrides;  378  kil.  q. 
Elle  est  profondément  entaillée  par  le  loch  Tarbert  ;  son 
plus  haut  sommet,  le  Paps  of  Jura,  atteint  783  m.  AuN. 
est  le  tourbillon  de  Corryvrekan.  Elle  dépend  du  comté 
d'Argyle  et  compte  800  hab.  environ. 

JURANÇON.  Corn,  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  et 
cant.  (0.)  de  Pau,  au  confluent  du  Soust;  2,641  hab. 
Vignobles  produisant  un  vin  renommé,  corsé,  alcoolique  et 
ayant  beaucoup  de  bouquet,  qui  tourne  au  madère  en 
vieillissant.  Lignite.  Fabrique  de  treillages,  scierie  hydrau- 
lique ;  construction  de  chalets  en  bois. 

Viticulture.  —  Le  Jurançon  est  un  cépage  à  raisins 
blancs,  très  répandu  dans  les  vignobles  du  Gers.'ll  est  fertile 
et  très  rustique.  Ses  fruits  sont  de  maturité  relativement  hâ- 
tive. Il  produit  un  vin  blanc  d'un  goût  agréable  mais  qui  est 
presque  toujours  utilisé  pour  la  fabrication  des  eaux-de-vie. 

JURANDE.  Charge  élective  dans  les  anciennes  corpo- 
rations d'arts  et  métiers  ;  par  extension,  corps  des  jurés 
de  chaque  métier  (V.  Apprentissage,  Corporation). 

JURAN VILLE.  Com.  du  dép.  du  Loiret,  arr.  de  Pithi- 
viers,  cant.  de  Beaune-la-Rolande  ;  798  hab. 

JURASSIQUE.  Système  jurassique,  terrain  jurassique, 
époque  jurassique.  On  désigne  en  géologie  sous  le  nom  de 
système  jurassique  celui  des  terrains  secondaires  qui  fait 
suite  au  trias  et  précède  le  système  crétacé.  Il  lire  son  nom, 
qui  lui  a  été  donné  en  1823  par  Alexandre  de  Humboldt, 
des  montagnes  du  Jura,  qui  en  sont  presque  entièrement 
formées.  Tel  qu'on  le  comprend  actuellement,  il  englobe  le 
lias,  que  les  anciens  auteurs  séparaient  des  termes  moyens 
et  supérieurs  du  système  jurassique  pour  en  faire  le  terrain 
oolithique,  ainsi  nommé  à  cause  des  oolithes  calcaires  qui 
y  jouent  un  rôle  considérable  en  Angleterre  et  dans  le 
bassin  de  Paris. 

Faune  et  Flore.  —  La  faune  du  système  jurassique 
n'est  pas  suffisamment  distincte  de  celles  du  trias  et  du 
crétacé  pour  que  l'on  puisse  en  indiquer  les  traits  géné- 
raux sans  passer  en  revue  successivement  tous  les  grands 
groupes  du  règne  animal.  Parmi  les  Protozoaires,  les  Fo- 
raminifères  et  les  Radiolaires  ont  seuls  laissé  des  restes 
fossiles  ;  les  premiers  sont  surtout  représentés  dans  le  ju- 
rassique par  les  familles  des  Lagénidés  et  des  Lituolidés; 
les  squelettes  siliceux  des  seconds  se  rencontrent  en  abon- 
dance dans  certains  calcaires  à  nodules  siliceux  des  Alpes. 
Le  jurassique  est  très  riche  en  Spongiaires  des  groupes 
des  Hexactinellidés  et  des  Lithistidés,  qui  caractérisent  le 
faciès  des  calcaires  grumeleux  à  Spongiaires  du  jurassique 
supérieur.  Seul  parmi  les  Hydrozoaires,  le  genre  Ellipsac- 
tinia  joue  un  rôle  important  dans  certains  calcaires  dits 
tithoniques  des  régions  méditerranéennes.  Les  Zoanthaires 
sont  représentés  par  les  Apores,  et  surtout,  parmi  ceux- 
ci,  par  la  famille  des  Astréidés  et  par  les  Fungidés,  dont  le 
genre  le  plus  répandu  est  le  genre  Thamnastrœa.  Les  Per- 
forés n'apparaîtront  que  dans  le  crétacé. 

Les  deux  genres  de  Crinoïdes,  Pentacrinus  et  Apio- 
cnnus,  sont  particulièrement  abondants  dans  le  jurassique  : 
le  premier,  avec  ses  formes  délicates,  est  surtout  fréquent 


dans  les  dépôts  marneux  de  la  partie  inférieure  du  sys- 
tème ;  le  second,  avec  ses  formes  massives,  est  plus  par- 
ticulièrement caractéristique  des  dépôts  oolithiques  du 
jurassique  moyen  et  supérieur.  Parmi  les  Echinides,  les 
Gidaridés  et  les  Diadématidés,  qui  existaient  déjà  dans  le 
trias,  atteignent  le  maximum  de  leur  développement.  Les 
Glyphostomes  exocycles  et  les  Atélostomes  apparaissent 
pour  la  première  fois,  et  ce  sont  les  familles  des  Dysasté- 
ridés,  des  Clypéidés  et  des  Nucléolitidés  qui  jouent  surtout 
un  rôle  considérable  dans  les  mers  jurassiques.  Les  Bryo- 
zoaires sont  très  abondants  à  certains  niveaux  et  forment 
quelquefois  de  véritables  récifs,  comme  dans  la  grande 
oolitlie  de  Ranville,  dans  le  Calvados. 

La  plupart  des  familles  de  Brachiopodes  qui  avaient 
atteint  un  grand  développement  dans  les  temps  paléozoïques 
ont  entièrement  disparu  ;  les  Spiriféridés  n'existent  plus 
que  dans  le  jurassique  inférieur,  et  ce  sont  désormais  les 
Térébratulidés  et  les  Rhynchonellidés  qui  pullulent  dans 
les  mers.  De  même,  parmi  les  Lamellibranches,  la  famille  des 
Aviculidés,  qui  était  si  abondamment  représentée  dans  les 
terrains  primaires,  est  en  voie  de  régression  ;  par  contre, 
les  Ostréidés,  et  en  particulier  le  genre  Gryphœa^  jouent 
pour  la  première  fois  un  rôle  important.  Le  genre  Trigonia 
remplace  les  Myophoria  du  trias.  Le  genre  Cardinia  ca- 
ractérise les  étages  inférieurs,  le  genre  Diceras  abonde 
dans  les  oolithes  du  bord  des  récifs  et  joue  le  rôle  que  les 
Rudistes  rempliront  dans  le  crétacé.  Les  Lima^  hsPosido- 
nomya^  les  Pholadomya  atteignent  leur  plus  grand  déve- 
loppement. Dans  les  eaux  douces  apparaissent  les  premiers 
Unio.  Les  Gastéropodes  sont  surtout  représentés  par  les 
Pleurotomariidés  et  les  Trochidés,  qui  sont  plus  communs 
que  dans  aucun  autre  terrain.  Les  Nérinées  et  les  Gastéro- 
podes ailés  font  leur  apparition,  mais  caractériseront  éga- 
lement les  mers  crétacées.  Dans  les  mers  jurassiques,  les 
Siphonostomes  et  les  Holostomes  sont  représentés  à  peu 
près  en  proportion  égale,  mais  beaucoup  de  familles  de 
Siphonostomes  n'apparaîtront  que  dans  le  crétacé.  Les  pre- 
miers Gastéropodes  d'eau  douce  sont  aussi  à  signaler. 

Les  Céphalopodes  étaient  surtout  représentés  à  Tepoque 
paléozoïque  par  les  Nautilidés  ;  comme  les  derniers  Ortho- 
ceras  se  rencontrent  dans  le  trias,  cet  ordre  est  réduit 
dans  le  jurassique  au  seul  genre  Nautilus^  qui  compte 
toutefois  de  nombreuses  espèces  jurassiques.  Les  ammo- 
nites, déjà  si  développées  dans  le  trias  alpin,  atteignent 
leur  maximum,  mais  ce  sont  des  types  tout  à  fait  nouveaux 
qui  apparaissent,  et  c'est  à  peine  si  l'on  peut  citer  deux  ou 
trois  genres  qui  sont  communs  aux  couches  les  plus  supé- 
rieures du  trias  et  aux  couches  les  plus  inférieures  du 
jurassique.  Les  principaux  genres  propres  au  jurassique 
sont  les  suivants  :  Arietites^  Mgoceras^  Earpoceras, 
Oppelia^  Cœloceras^  Perisphinctes^  Cosmoceras,  Petto- 
ceras,  Aspidoceras,  Reineckeia.  Les  genres  Phylloceras, 
Lytoceras^  Oxynoticeras,  Hoplites,  Holcostephanus 
passent  du  jurassique  dans  les  terrains  crétacés. 

Le  genre  Belemnites^  inconnu  encore  dans  les  terrains 
triasiques,  apparaît  dès  la  base  du  jurassique  et  constitue 
un  des  types  les  plus  importants  de  l'époque;  toutefois,  il 
s'élève  dans  le  crétacé.  Les  Geoteuthis,  les  Beloteuthis, 
les  Plesioteuthis^^  dont  la  poche  à  encre  est  quelquefois 
conservée,  sont  voisins  des  Seiches  actuelles.  Les  Ostracodes 
et  les  Décapodes  macroures  prédominent  parmi  les  Crus- 
tacés des  mers  jurassiques.  Le  genre  Eryon^  des  calcaires 
lithographiques  de  Solenhofen,  est  un  type  qui  se  retrouve 
sans  grandes  modifications  dans  le  genre  Willemœsia^  que 
les  dragages  ont  ramené  des  grandes  profondeurs. 

Sur  terre  vivaient  de  nombreux  Insectes  :  les  Ortho- 
ptères, les  Névroptères,  les  Hémiptères  étaient  plus  abon- 
damment représentés  qu'aujourd'hui  ;  par  contre,  les  Co- 
léoptères, les  Diptères,  les  Hyménoptères  n'avaient  pas 
encore  atteint  tout  leur  développement.  L'extrême  rareté 
des  Lépidoptères  est  due  certainement  en  partie  à  la  déli- 
catesse de  leurs  ailes,  mais  il  y  a  lieu  de  croire  néanmoins 
que  ce  sont  les  derniers  apparus  parmi  les  Insectes.  D'ail- 


-  323  -  JURASSIQUE 

leurs,  les  Insectes  fossiles  ne  se  rencontrent  que  dans 
quelques  localités  privilégiées  :  dans  le  jurassiç^ue  inférieur 
des  Schambelen,  en  Argovie,  du  Gloucestershire,  du  Mec- 
klembourg  ;  dans  les  ardoises  bathoniennes  de  Stonesfield, 
en  Angleterre  ;  dans  les  schistes  de  Solenhofen  et  dans  les 
couches  de  Purbeck,  dans  le  jurassique  supérieur. 

Le  jurassique  est  peut-être  le  terrain  dans  lequel  les 
Poissons  se  présentent  avec  la  plus  grande  variété  de  formes. 
Parmi  les  Sélaciens,  les  familles  de  Squales  des  Hybodon- 
tidés  et  des  Cestraciontidés  sont  un  héritage  de  la  faune 
triasique,  les  Raies  sont  représentées  par  les  Rhinobatidés, 
les  Chimères,  par  plusieurs  genres.  Parmi  les  Dipneustes, 
on  rencontre  encore  des  Ceratodus  dans  les  étages  infé- 
rieurs du  système,  mais,  dès  le  jurassique  supérieur,  le 
groupe  a  entièrement  disparu  des  mers  européennes.  Plu- 
sieurs familles  de  Ganoïdes  ont  également  survécu  au 
trias,  mais  les  Paléoniscidés,  qui  prédominaient  dans  la 
faune  paléozoïque,  sont  devenus  très  rares.  Les  Amiadés 
et  les  Pycnodontidés  font  leur  première  apparition  et  sont 
surtout  abondants  dans  le  crétacé.  Parmi  les  genres  juras- 
siques, le  genre  Lepitodiis  est  particulièrement  à  citer. 
Les  Téléostéens  sont  encore  très  rares  et  ne  sont  repré- 
sentés que  par  les  deux  familles  des  Hoplopeuridés  et  des 
Clupéidés. 

On  ne  connaît  pas  de  Batraciens  dans  le  jurassique,  car 
les  Stégocéphales  se  sont  éteints  avant  la  hn  de  Tépoque 
triasique  et  les  ordres  actuels  n'ont  pas  encore  fait  leur 
apparition.  Par  contre,  les  Reptiles  atteignent  le  maximum 
de  leur  développement  et  la  période  jurassique  a  été  appelée 
avec  raison  le  règne  des  Reptiles.  Seul,  l'ordre  des  Théro- 
morphes,  propre  aux  périodes  permienne  et  triasique,  n'est 
pa«  représenté.  Les  deux  ordres  des  Ichthyosauriens  et  des 
Plésiosauriens,  essentiellement  caractéristiques  de  la  pé- 
riode secondaire,  atteignent  leur  apogée,  le  premier  dans 
le  lias,  le  second  dans  le  jurassique  supérieur.  Les  repré- 
sentants jurassiques  de  l'ordre  des  Dinosauriens,  exclusi- 
vement mésozoique,  sont  surtout  connus  dans  les  Atlan- 
tosaurus  -  beds ,  formation  continentale  des  montagnes 
Rocheuses,  dans  lesquelles  on  a  trouvé  des  restes  'très 
complets  appartenant  au  genre  Ailantosaurus,  dont  les 
individus  atteignaient  près  de  40  m.  de  longueur;  au  genre 
Brontosaurus,  caractérisé  par  sa  tète  d'une  petitesse  ex- 
cessive, ne  dépassant  pas  la  longueur  d'une  des  vertèbres 
dorsales  ;  au  genre  Stegosaurus,  remarquable  par  une  co- 
lonne vertébrale  surmontée  d'énormes  plaques  osseuses, 
placées  verticalement. 

Tous  les  ordres  de  Reptiles  actuellement  encore  vivants 
existaient  déjà  à  la  période  jurassique.  Les  Chéloniens,  qui 
apparaissent  dès  le  trias  avec  tous  leurs  caractères  spé- 
ciaux déjà  nettement  indiqués,  sont  représentés  par  des 
Tortues  marines,  dont  a  trouvé  les  carapaces  dans  les  dépôts 
du  jurassique  supérieur  de  Soleure,  de  Boulogne,  de  So- 
lenhofen, de  Cirin.  Les  Rhynchocéphales,  réduits  dans  la 
faune  actuelle  à  l'unique  genre  Sphenodoji  (ou  Hatterià) 
de  la  Nouvelle-Zélande,  sont  assez  fréquents  dans  les 
terrains  jurassiques  (genres  Homœosaurus,  Saurano- 
do7i,  etc.).  L'ordre  des  Lépidosauriens  fait  son  apparition 
avec  les  premiers  Lacertiens  dans  les  couches  de  Purbeck, 
au  sommet  du  jurassique.  Les  Crocodiliens  jouent  déjà  un 
rôle  considérable;  ce  sont  des  Glavials  marins,  tels  que  les 
Pelagosaurus,  les  Stencosaurus,  les  Teleosaurus  ;  des 
Crocodiles  marins  (Brévirostres)  de  la  famille  des  Atopo- 
sauridés,  dont  des  exemplaires  complets,  de  très  petite  taille 
ont  été  trouvés  à  Cirin,  dans  l'Ain.  Les  Crocodiles  d'eau 
douce  ne  sont  connus  encore  qu'à  partir  du  crétacé  infé- 
rieur. 

^  L'un  des  êtres  les  plus  remarquables  de  l'époque  juras- 
sique est  certainement  VArchœopteryx,  le  plus  ancien 
oiseau  connu,  dont  deux  exemplaires,  l'un  conservé  au 
British  Muséum  à  Londres,  l'autre  au  musée  de  Berlin,  ont 
été  trouvés  dans  les  calcaires  lithographiques  de  Solen- 
hofen. 

On  connaît  en  Amérique,  dès  le  trias,  quelques  repré- 


JURASSIQUE  —  : 

sentants  des  Mammifères  ;  en  Europe,  les  premiers  appa- 
raissent dans  les  couches  les  plus  inférieures  du  jurassique, 
dans  les  grès  à  Avicula  contorta  du  Wurttemberg,  ils  ap- 
partiennent aux  genres  Microlestes  et  Tritylodon,  du 
groupe  des  Aliothériens  ou  Multituberculés.  Dans  le  juras- 
sique moyen,  on  a  trouvé  dans  les  ardoises  de  Stonesfield 
des  règles  d'Amphitherium,  de  Phascolotherium,  repré- 
sentants du  groupe  des  Pantothériens.  Enfin,  dans  les 
couches  de  Purbeck  et  surtout  dans  les  Atlantosmirus- 
beds  d'Amérique,  on  rencontre  des  Insectivores,  des  Car- 
nassiers, des  Herbivores,  des  Omnivores  primitifs.  Tous 
ces  Mammifères  sont  .généralement  considérés  comme  des 
Aplacentaires  ;  on  en  a  fait  l'ordre  des  Protothériens.  On 
ne  connaîtrait  donc  pas  encore  dans  le  jurassique  de  vrais 
Marsupiaux. 

La  flore  jurassique  ne  diffère  pas  beaucoup  par  ses  traits 
généraux  de  celle  du  trias.  Les  groupes  de  Cryptogames 
et  de  Gymnospermes  caractéristiques  des  terrains  paléo- 
zoïques  n'ont  plus  même  de  représentants  isolés  ;  les  Fou- 
gères elles-mêmes  ne  jouent  plus  qu'un  rôle  tout  à  fait 
secondaire  :  ce  sont  des  genres  appartenant  aux  familles 
des  Osraondées  et  des  Schizéacées.  Les  Cycadées  et  les 
Conifères  constituent  les  éléments  tout  à  fait  prépondérants 
de  la  flore  ;  les  premiers  sont  représentés  surtout  par  les 
genres  Podozamites^  Pterophyllum,  Nilssonia,  Zamites; 
les  seconds,  par  les  familles  des  Salisburiées,  des  Cupres- 
sinées,  des  Taxodinées,  des  Araucariées,  des  Abiétinées. 
Les  Angiospermes  fout  probablement  leur  apparition  dès 
la  période  jurassique,  mais  ils  sont  encore  très  imparfai- 
tement connus.  Les  Dicotylédones  font  encore  entièrement 
défaut;  quant  aux  Monocotylédones,  ils  seraient  représen- 
tés par  des  Graminées,  si  tant  est  qu'il  faille  attribuer  à 
cette  famille,  comme  le  fait  M.  de  Saporta,  le  genre  Rhi- 
zocaulon,  basé  sur  des  feuilles  à  nervures  parallèles  qui 
ont  été  trouvées  dans  le  jurassique  supérieur  du  Portugal. 

Les  caractères  paléontologiques  de  la  période  jurassique 
peuvent  être  résumés  de  la  manière  suivante  :  Première 
apparition  des  Glyphostomes  exocycles  et  des  Atélostomes, 
parmi  les  Echinides;  des  Trigonies,  des  Chamidés,  des 
Unies,  parmi  les  Lamellibranches  ;  des  Bélemnites,  des 
Poissons  osseux,  des  Oiseaux,  des  Monocotylédones.  Appa- 
rition de  nombreux  genres  nouveaux  d'Ammonites,  qui 
manquent  dans  le  trias.  Apogée  des  Lithistidés,  des  Fun- 
gidés,  des  genres  Pentacnnus^  Apiocrinus,  des  Cidaridés, 
des  Rhynchonellidés,  des  Térébratulidés,  des  Pholadomyes, 
du  genre  Pleur otomaria^  des  Trochidés,  des  Nérinées,  des 
Ichthyosauriens,  des  Piésiosauriens,  des  Rhynchocéphales, 
des  Crocodiliens  marins,  des  Protothériens,  des  Cycadées. 
Caractères  négatifs  :  absence  des  Tétracoralliaires ,  des 
Spiriféridés  (lias  excepté),  des  Orthocères,  des  Stégocé- 
phales,  des  Théromorphes,  qui  s'éteignent  avec  le  trias  ; 
absence  des  véritables  Rudistes,  de  nombreuses  familles  de 
Gastropodes  siphonostomes,  des  Crocodiliens  d'eau  douce, 
des  Dicotylédones,  qui  n'apparaissent  qu'avec  le  crétacé. 
Tous  ces  caractères  ne  se  rapportent  évidemment  qu'aux 
régions  actuellement  connues  et  il  est  probable  que  des 
découvertes  ultérieures  viendront  modifier  l'énumération 
ci- dessus. 

Principaux  faciès.  —  Le  nom  de  terrain  oolithique 
donné  souvent  aux  parties  moyenne  et  supérieure  du  sys- 
tème jurassique  indique  la  fréquence  des  oolithes,  c.-à-d. 
d'un  sédiment  d'origine  chimique;  néanmoins,  les  sédi- 
ments d'origine  détritique  y  jouent,  comme  dans  tous  les 
terrains  sédimentaires,  un  rôle  bien  plus  considérable. 

Les  détritus  grossiers  des  littoraux  et  des  hauts-fonds 
sont  représentés  par  des  brèches^  dont  les  plus  connues  sont 
la  brèche  du  Télégraphe  et  la  brèche  du  Chablais,  dans  les 
Alpes  occidentales,  et  par  les  arkoses,  développées  surtout 
à  la  base  du  système  jurassique,  sur  le  pourtour  du  Massif 
central  de  la  France.  Les  grès  constituent  déjà  une  catégorie 
de  sédiments  beaucoup  plus  fins,  qui  peuvent  se  former  à 
une  certaine  distance  de  la  côte.  Certains  Mollusques  se  ren- 
contrent de  préférence  dans  les  grès,  comme  les  Cardinies, 


dans  le  lias.  On  y  trouve  aussi  et  souvent  en  assez  grande 
abondance  des  débris  végétaux.  Quelquefois  les  grès  sont 
dépourvus  de  ciment  et  méritent  alors  le  nom  de  sables  ; 
les  fossiles  y  sont  d'ordinaire  admirablement  conservés. 
Nous  citerons  comme  exemple  les  sables  de  Glos  à  Trigo- 
nia  Bronni  et  les  sables  portlandiens  du  Boulonnais.  Cer- 
tains grès  très  argileux,  généralement  schisteux,  consti- 
tuent un  faciès  très  développé  dans  le  crétacé  et  dans  le 
tertiaire,  auquel  on  a  donné  le  nom  de  flysch.  Il  existe 
également  des  flyschs  jurassiques. 

Le  flysch  forme  le  passage  aux  sédiments  vaseux,  com- 
posés d'éléments  beaucoup  plus  finement  triturés.  Ce  sont 
rarement  des  argiles  pures,  le  plus  souvent  des  marnes, 
passant  graduellement  aux  calcaires  marneux.  Les  argiles 
et  les  marnes  peuvent  se  déposer  aussi  bien  sur  le  littoral 
que  dans  les  profondeurs.  Parmi  ceux  de  la  deuxième  caté- 
gorie, il  faut  ranger  les  schistes  noirs  des  Alpes,  qui  attei- 
gnent souvent  une  épaisseur  prodigieuse  et  qui  ne  contien- 
nent guère  d'autres  fossiles  que  des  Posidonomyes .  Ces 
dépôts  sont  souvent  riches  en  matière  organique  et  en  pyrite 
de  fer.  Ils  se  sont  formés  évidemment  dans  les  mêmes  con- 
ditions que  les  boues  remplies  d'hydrogène  sulfuré  du  fond 
de  la  mer  Noire  actuelle.  Dans  le  voisinage  des  rivages  se 
forment  les  argiles  a  huîtres^  dont  les  meilleurs  types 
sont  les  argiles  calloviennes  de  Dives  et  les  argiles  à  Ostrea 
virgiila  du  Havre.  Parmi  les  marno-calcaires,  on  peut  citer 
les  calcaires  grumeleux  à  spongiaires  du  jurassique  supé- 
rieur ;  les  calcaires  à  ciment,  qui  sont  des  boues  cal- 
caires consolidées,  dans  lesquelles  ont  vécu  des  Lamelli- 
branches du  groupe  des  Myaires.  Les  calcaires  lithogra- 
phiques sont  également  d'anciennes  boues  extrêmement 
fines  et  à  peu  près  dépourvues  d'argile  ;  elles  se  sont  for- 
mées dans  des  lagunes  tranquilles  abritant  de  nombreux 
organismes,  tels  que  ceux  dont  on  trouve  les  restes  dans 
les  couches  de  Solenhofen  et  de  Cirin. 

Les  boues  calcaires  résultent  le  plus  souvent  de  la  tritu- 
ration par  les  vagues  des  parties  solides  calcaires  qui  cons- 
tituent le  squelette  ou  la  coquille  des  Zoanthaires,  des 
Hydrozoaires,  de  certaines  Algues,  des  Echinodermes,  des 
Mollusques,  etc.  Souvent,  les  débris  de  ces  êtres  sont  sim- 
plement charriés  et  agglomérés  et  l'on  reconnaît  encore 
leur  structure  primitive  ;  parmi  ces  calcaires  construits, 
on  peut  citer  les  calcaires  à  entroques,  composés  de  dé- 
bris de  Pentacrinus  et  d'Apiocriniis^  et  surtout  les  cal- 
caires coralliens,  résultant  de  la  destruction  d'anciens 
récifs.  Les  eaux  très  agitées  qui  entourent  les  récifs  sont 
souvent  sursaturées  de  carbonate  de  chaux  qui  se  dépose 
alors  par  précipitation  chimique  sous  forme  d'oolithes. 
C'est  dans  les  oolithes  —  dont  les  plus  connues  dans  les 
terrains  jurassiques  sont  l'oolithe  blanche  de  Normandie, 
l'oolithe  miliaire,  le  great  oolithe  des  Anglais,  les  oolithes 
coralliennes  ~  que  l'on  trouve  surtout  en  abondance  les 
nombreux  Gastropodes,  Lamelhbranches,  Brachiopodes, 
Echinides,  qui  forment  le  principal  ornement  des  collec- 
tions de  fossiles  jurassiques.  Dans  les  oolithes  coralliennes 
on  rencontre  principalement  des  Mollusques  à  test  épais, 
tels  que  les  Diceras  et  les  Nérinées. 

A  côté  des  oolithes  calcaires,  on  rencontre  très  fré- 
quemment dans  les  terrains  jurassiques  des  oolithes  fer- 
rugineuses. Si  les  oolithes  résultent  de  la  précipitation  du 
calcaire  ou  de  l'hydroxyde  de  fer  dans  des  eaux  sursatu- 
rées, les  concrétions  résultent  de  la  concentration  au  milieu 
des  argiles  du  calcaire  ou  de  l'hydroxyde  de  fer  qui  s'y  trou- 
vaient mélangés.  Il  se  forme  ainsi  des  argiles  à  septaria^ 
des  marnes  à  miches  calcaires,  dans  lesquelles  la  con- 
centration se  fait  le  plus  souvent  autour  des  fossiles.  Comme 
on  voit,  aucun  de  tous  ces  faciès  ne  correspond  aux  dépôts 
abyssaux  des  mers  actuelles  :  c'est  que  les  dépôts  juras- 
siques des  régions  qui  sont  accessibles  à  notre  investigation 
se  sont  formés  dans  des  mers  continentales  très  peu  pro- 
fondes, qui  ne  sont  en  rien  comparables  à  nos  océans  ac- 
tuels. Quelques  auteurs  font  toutefois  une  exception  pour 
certains  dépôts  de  la  région  alpine,  en  particulier  pour  les 


—  325  — 


JURASSIQUE 


calcaires  siliceux  à  Aptychus  et  à  Radiolaires,  et  les  con- 
sidèrent comme  des  formations  de  mer  profonde. 

On  s'est  souvent  basé  sur  Tabsence  ou  la  présence  des 
Ammonites  pour  distinguer  dans  les  terrains  jurassiques 
des  formations  littorales  et  des  formations  de  haute  mer  ou 
formations  pélagiques.  Rien  n'est  moins  conforme  à  la  réa- 
lité que  cette  distinction.  En  effet,  les  Céphalopodes  des  mers 
actuelles  sont  souvent  poussés  sur  les  côtes,  et  les  coquilles 
chambrées  des  Spirules  et  des  Nautiles  sont  amenées  au 
rivage  par  les  courants.  Il  devait  en  être  de  même  pour  les 
Ammonites,  car  on  trouve  leurs  coquilles  dans  des  dépôts, 
tels  que  l'oolithe  ferrugineuse  de  Bayeux,  dont  la  nature 
franchement  littorale  est  attestée  par  la  présence  de  Pa- 
telles et  autres  Mollusques  qui  vivent  dans  -les  limites  du 
balancement  des  marées.  Le  terme  de  «  faciès  à  Céphalo- 
podes »  n'a  donc  aucune  signification  précise,  les  Ammo- 
nites se  trouvant  à  peu  près  dans  tous  les  dépôts  juras- 
siques, sauf  dans  les  formations  coralliennes,  car  la  fragilité 
de  leurs  coquilles  ne  résistait  pas  à  la  violence  des  vagues 
qui  déferlaient  contre  les  récifs. 

Subdivisions.  —  Bien  que  la  chaîne  du  Jura  ait  donné 
son  nom  au  système  jurassique,  ce  n'est  pas  dans  cette 
région  qu'il  faut  aller  chercher  un  type  classique  de  ce 
terrain,  car  le  petit  nombre  des  bons  affleurements,  pour  les 
termes  inférieurs,  la  rareté  des  fossiles  dans  les  puissantes 
masses  calcaires  qui  constituent  les  termes  supérieurs  en 
compliquent  singulièrement  l'étude.  Aussi  n'est-ce  pas  dans 
le  Jura,  mais  bien  en  Angleterre,  dans  le  bassin  de  Paris 
et  en  Souabe  que  des  travaux  fondamentaux  pour  la  con- 
naissance du  système  jurassique  virent  le  jour.  Mais,  tandis 
qu'en  Angleterre  on  se  contenta  pendant  longtemps  de 
distinguer  dans  le  lias  et  l'oolithe  quelques  groupes  lo- 
caux, basés  sur  les  caractères  lithologiques,  en  Souabe, 
Quenstedt  analysa  dès  1843  les  différents  termes  de  la 
série  et  y  reconnut  un  très  grand  nombre  de  niveaux  pa- 
léontologiques,  basés  surtout  sur  la  distribution  verticale 
des  Ammonites.  En  Souabe,  les  couches  jurassiques  sont 
très  peu  disloquées  ;  elles  se  succèdent  aussi  régulièrement 
que  les  feuillets  d'un  livre  ;  de  beaux  affleurements  per- 
mettent d'en  étudier  la  série;  quelques  changements  dans 
la  nature  minéralogique  du  terrain  fournissent  des  points 
de  repère  certains  ;  les  fossiles  sont  abondants  à  tous  les 
niveaux  et  le  plus  souvent  admirablement  conservés,  de 
sorte  que  la  Souabe  est  devenue  de  bonne  heure,  grâce 
aux  beaux  travaux  de  Quenstedt,  une  terre  classique  pour 
le  stratigraphe.  Oppel,  un  élève  de  Quenstedt,  ne  se  con- 
tenta pas  de  suivre  son  maître  dans  l'analyse  minutieuse 
des  niveaux  paléontologiques  de  son  pays,  mais  s'efforça  de 
retrouver  ces  niveaux  en  Angleterre  et  en  France.  Il  cons- 
tata que  les  trente-trois  zones  qu'il  pouvait  distinguer  en 
Souabe  et  qu'il  désignait  chacune  par  le  nom  d'une  Ammo- 
nite caractéristique  n'avaient  pas  une  valeur  purement  locale, 
mais  s'étendaient  sur  de  grandes  surfaces,  conservant,  à 
travers  les  plus  grands  changements  lithologiques,  les 
mêmes  caractères  paléontologiques.  Cette  division  du  sys- 
tème jurassique  en  trente-trois  zones  est  devenue  le  point 
de  départ  non  seulement  de  l'étude  détaillée  du  jurassique, 
mais  encore  de  tous  les  travaux  analytiques  rationnels  re- 
latifs aux  autres  terrains.  L'importance  des  Ammonites 
pour  l'établissement  du  parallélisme  des  couches  était  re- 
connue et  en  même  temps  se  trouvait  posé  le  principe  que 
les  autres  fossiles  marins,  tels  que  Gastropodes,  Lamelli- 
branches, Brachiopodes,  Echinodermes,  ne  devaient  inter- 
venir qu'en  seconde  ligne  dans  les  assimilations.  Quant  aux 
caractères  lithologiques,  ils  étaient  naturellemant  refoulés 
tout  à  fait  à  l'arrière-plan. 

Avec  Waagen,  Mojsisovics,  Neumayr,  l'école  allemande 
persévéra  dans  la  voie  inaugurée  par  Oppel,  mais  si  elle 
attacha  une  importance  toujours  croissante  aux  zones  ca- 
raciérisées  par  les  Ammonites  —  et  définies  comme  les 
unités  d'une  classification  universelle  des  couches  —  elle 
négligea  d'établir  sur  des  bases  scientifiques  le  groupement 
des  zones  en  unités  stratigraphiques  d'ordre  supérieur,  en 


étages  et  en  groupes.  Pour  une  grande  partie  de  l'école 
allemande,  les  classifications  de  terrains  sont  chose  arbi- 
traire, conventionnelle;  elles  sont  établies  pour  la  commo- 
dité de  l'étude  et  ne  correspondent  pas  à  des  coupures 
naturelles.  Telle  n'est  pas  la  manière  de  voir  de  l'école  stra- 
tigraphique  française.  D'Orbigny  et,  après  lui,  Hébert  et 
M.  Munier-Chalmas  ont  montré  que  les  étages  doivent  être 
considérés  comme  l'expression  des  oscillations  du  niveau 
des  mers.  Le  début  de  chaque  étage  est  marqué,  en  géné- 
ral, par  une  marche  progressive  de  la  mer,  par  l'incursion 
des  eaux  sur  un  domaine  précédemment  exondé  ;  la  fin  de 
l'étage  correspond  à  un  retrait  plus  ou  moins  considérable 
des  eaux.  Chaque  étage  débute  donc  par  une  transgression 
et  se  termine  par  une  régression,  il  équivaut  à  une  onde 
dans  le  mouvement  oscillatoire  du  niveau  des  mers,  mou- 
vement dont  les  causes,  cosmiques  ou  terrestres,  nous 
échappent  encore.  Les  transgressions  et  les  régressions  ne 
sont  pas  toutes  de  même  intensité,  les  ondes  successives 
n'ont  pas  la  même  ampUtude;  de  plus,  ces  mouvements  ont 
une  importance  plus  ou  moins  locale,  mais  quelques-uns 
s'étendent  à  de  si  vastes  surfaces  qu'ils  doivent  être  consi- 
dérés comme  des  événements  affectant,  sinon  la  planète 
tout  entière,  du  moins  tout  l'hémisphère  nord.  Ces  grandes 
transgressions,  dont  la  plus  connue  est  celle  du  cénoma- 
nien,  correspondent  à  la  base  des  groupes  et  des  systèmes, 
tandis  que  le  début  des  étages  n'est  souvent  indiqué  que 
par  des  transgressions  d'importance  minime. 

La  valeur  stratigraphique  des  transgressions  est  encore 
augmentée  par  le  fait  indiscutable  que  ces  arrivées  brusques 
de  la  mer  coïncident  presque  toujours  avec  des  immigra- 
tions de  faunes  nouvelles.  Les  Ammonites  en  particuher 
sont  représentées  à  chaque  transgression  nouvelle  par  des 
genres  ou  par  des  groupes  nouveaux  apparaissant  brusque- 
ment dans  les  mers  jurassiques  de  nos  régions,  sans  que,  la 
plupart  du  temps,  on  puisse  indiquer  leur  lieu  d'origine  ou 
leur  filiation.  Le  début  d'un  étage  est  donc  marqué  non 
seulement  par  une  transgression  plus  ou  moins  prononcée, 
mais  encore  par  un  changement  dans  la  faune  pélagique, 
la  faune  sédentaire  (Gastéropodes,  Lamellibranches,  Bra- 
chiopodes, etc.)  persistant  souvent  sans  subir  de  modifi- 
cations appréciables. 

Les  divisions  d'ordre  supérieur,  c.-à-d.  les  séries,  sont 
basées  sur  des  transgressions  d'une  étendue  bien  plus  con- 
sidérable que  celles  qui  correspondent  au  début  des  étages  ; 
c'est  ainsi  que  l'on  est  amené  à  diviser  le  système  juras- 
sique en  trois  séries  :  la  série  jurassique  inférieure  ou 
lias^  la  série  jurassique  moyenne  ou  dogger  et  la  série 
jurassique  supérieure  ou  malm.  Chacune  de  ces  trois  sé- 
ries débute  par  une  transgression  tout  à  fait  générale, 
dont  les  effets  se  font  sentir  sur  une  surface  très  étendue  : 
le  lias,  par  la  trangression  de  la  zone  à  Avicula  coniorta 
ou  transgression  rhétienne;  le  jurassique  moyen,  parla 
transgression  aalénienne  ;  le  jurassique  supérieur,  par  la 
transgression  de  la  zone  à  Macrocephalites  macrocepha- 
lus  ou  transgression  callovienne.  Des  transgressions  de 
moindre  importance  se  font  sentir  au  milieu  de  chacune 
des  trois  séries  :  telles  sont  la  transgression  médioliasique, 
la  transgression  du  bathonien,  celle  de  l'oxfordien,  celle 
du  portlandien. 

La  transgression  rhétienne  correspond  à  l'établissement, 
dans  l'Europe  occidentale,  d'un  régime  franchement  marin, 
succédant  au  régime  lagunaire  de  la  fin  de  l'époque  tria- 
sique.  La  faune  triasique  a  entièrement  disparu  ;  c'est  à 
peine  si,  parnii  les  Ammonites,  on  peut  citer  un  seul  genre 
commun  au  trias  et  au  lias.  Avec  Vinfralias  apparaissent 
les  genres  Psiloceras  et  Schlotheimia,  auxquels  vient 
bientôt  s'ajouter  Arietites,  qui  donne  au  sinémurien  son 
caractère  propre. 

La  transgression  du  Mas  moyen  paraît  commencer  avec 
la  zone  à  Caloceras  raricostatum,  qui,  en  Provence,  sur 
le  bord  méridional  et  occidental  du  Massif  central,  ainsi 
cjue  dans  quelques  points  des  Alpes  orientales,  repose 
immédiatement  sur  l'infralias,  le  sinémurien  faisant  dé- 


JURASSIQUE 


:i26  — 


faut.  Les  genres  Oxynoticeras,  Cœloceras,  puis  Amal- 
theus  font  leur  apparition,  mais  c'est  JEgoceras  qui  pré- 
domine. Le  lias  supérieur  ou  toarcien  est  caractérisé  par 
la  grande  abondance  des  Ilarpoceras. 

La  transgression  aalénienne  marque  une  extension 
brusque  du  domaine  maritime  en  Europe.  Si  l'on  fait  abs- 
traction des  régions  alpines  et  méditerranéennes,  le  lias 
n'est  pas  connu  àl'E.  de  Gammin,  en  Poméranie;  en  Saxe, 
en  Bohême,  en  Moravie,  en  Pologne,  la  série  des  couches 
jurassiques  commence  par  les  dépôts  de  l'étage  aalénien, 
le  plus  inférieur  des  étages  du  jurassique  moyen.  Cet  aalé- 
nien  est  caractérisé  par  la  présence  de  groupes  de  Har- 
poceras^  différents  de  ceux  du  toarcien,  par  les  genres 
d'Ammonites  Dumortieria,  Tmetoceras^  Erycites,  parla 
première  apparition  des  genres  Sonniniaet  Oppelia.  Dans 
le  bcijocien  prédominent  les  Cœloceras  ;  Perisphinctes, 
ParJcinsonia  et  Cosmoceras  font  leur  apparition  et  jouent 
également  un  rôle  considérable  dans  le  bathonien. 

La  transgression  du  bathonien  est  surtout  très  nette 
dans  le  Boulonnais,  où  cet  étage  repose  immédiatement  sur 
le  carbonifère. 

La  transgression  callo  vienne  est  une  des  plus  impor- 
tantes que  l'on  connaisse  ;  elle  amène  une  extension  brusque 
de  la  mer  sur  des  domaines  immenses  et  n'est  comparable 
par  son  importance  qu'avec  la  grande  transgression  céno- 
manienne.  Toute  la  Russie,  précédemment  émergée,  est 
envahie  par  les  eaux  ;  en  Inde,  la  série  jurassique  com- 
mence également  par  le  callovien.  Cet  étage  est  de  tous  les 
termes  du  jurassique  celui  qui  présente  partout  les  carac- 
tères les  plus  constants  ;  les  trois  zones  dont  il  se  compose 
dans  toute  l'Europe  se  retrouvent  avec  les  mêmes  espèces 
caractéristiques  et  dans  le  même  ordre  de  superposition 
dans  le  Caucase,  en  Inde  et  dans  la  Cordillière  des  Andes. 
Cette  nouvelle  extension  des  mers  coïncide  avec  l'appari- 
tion brusque,  dans  l'Europe  occidentale,  des  genres  Macro- 
cephaiites,  Cadoceras,  Cardioceras,  Reineckeia^  etc. 

Voxfordien^  caractérisé  par  la  fréquence  des  Aspido- 
ceraSj  des  Peltoceras,  des  Ochetoceras,  par  le  Cardio- 
ceras  cordatum  et  par  des  Perisphinctes  spéciaux,  débute 
par  une  transgression,  en  plusieurs  points  où  la  zone  supé- 
rieure du  callovien  manque  par  suite  d'une  régression  de 
la  mer. 

Le  raiiracien  et  le  séquanien^  que  l'on  devra  sans 
doute  réunir  en  un  étage  unique,  contiennent  surtout  les 
Neu7nayria,  les  Oppelia  du  groupe  de  la  tenuilobata,  les 
Aspidoceras  du  groupe  des  Cycloti  et  des  groupes  nou- 
veaux de  Perisphinctes. 

Dans  le  kiméridgien  apparaissent  les  Waagenia  et  les 
Reineckeia  du  groupe  de  VEudoxus  y  jouent  un  rôle 
important. 

Le  portlandien  enfin,  quoique  en  régression  dans  le 
bassin  de  Paris,  par  suite  de  mouvements  orogéniques,  est 
en  transgression  bien  accusée  en  Russie  et  dans  le  N.  de 
l'Asie,  ainsi  que  dans  les  régions  méditerranéennes.  On 
peut  même  citer  des  points  où  il  repose  immédiatem<3nt 
sur  des  terrains  antérieurs  au  jurassique.  La  transgres- 
sion dans  les  régions  du  Nord  coïncide  avec  l'arrivée,  dans 
ces  mêmes  régions,  d'une  faune  nouvelle,  dans  laquelle 
prédominent  les  genres  Virgatites^  Holcostephanus , 
Oxynoticeras.  Dans  le  Midi,  les  premiers  véritables  Ho- 
plites et  les  premières  Bélemnites  plates  (genre  Duvalia) 
font  leur  apparition. 

Le  tableau  ci-après  résume  les  subdivisions  que  nous 
avons  essayé  de  motiver  en  établissant  la  concordance  des 
coupures  stratigraphiques  et  de  celles  que  l'on  peut  tirer 
des  faunes  pélagiques.  Nous  indiquerons,  en  outre,  pour 
chacun  des  étages,  les  zones  que  l'un  peut  y  distinguer, 
dans  l'Europe  occidentale,  en  nous  basant  sur  les  travaux 
d'Oppel  et  de  M.  Waagen,  en  Allemagne;  de  Wright,  de 
M.  Buckman,  en  Angleterre  ;  de  M.  Munier-Chalmas,  en 
France,  et  de  M.  Pavlov,  en  Russie. 

Europe  occidentale.  —  Le  tableau  qui  suit  rend  par- 
faitement compte  de  la  succession  des  couches  dans  une 


grande  partie  de  l'Europe  ;  il  s'applique  non  seulement  au 
bassm  de  Paris,  mais  encore  à  l'Angleterre,  à  l'Allemagne 
du  Nord,  au  Jura,  au  bassin  de  l'Aquitaine  et  vraisembla- 
blement aussi  au  N.  de  l'Espagne  et  au  Portugal.  Pour 
l'adapter  à  l'Allemagne  du  Sud,  à  la  Suisse,  au  bassin  du 

Subdivisions  du  système  jurassique. 


ETAGES 


Portlandien.. 


ZONES   PAlÉONTOLOGIQUES 


Portlandien  saumâtre  ou  pur- 

beclden. 
Zone   à   Perisphinctes    Bono- 
niensis. 

Zone  à  VirgafAtes  scythicus. 
Zone  à  Stephanoceras  portlan- 
dicum. 


l   Zone  à  Aspidoceras  Caletanum 
\      et   Reineckeia  pseudomuta- 
Kiméridgien...  <      bilis. 

I  Zone  k  Aspidoceras  or ihocer as 
\      et  Perisphinctes  Cymodoce. 


Séquanien  et 
Rauracien.... 


Zone  à  Perisphinctes  Achilles. 
Zone  à  Peltoceras  bimamma- 

tum  et  Ochetoceras  Marantia- 

num. 


Oxfordien  \  ^^^®  ^  Perisphinctes  Martelli. 
(  Zone  à  Cardiocer as  cordatum. 

Zone  à  Peltoceras  athleta  et 
Cardioceras  Lamberti. 

Zone  à  Reineckeia  anceps  et 
Callovien <      Stephanoceras  coronatiim. 

Zone  k  Macrocephalites  macro- 
cephalus  etProplanulitesKœ- 
nigi. 

/  Zone  à  Oppelia  aspidoides. 

Bathonien j  Zone  à  Oppelia  fasca  et  Mor- 

(      phoceras  polymorphum. 

Zone  à  Cosmoceras  subfurca- 
tum  et  Oppelia  subradiata. 
RQÎnPiVn  /  Zone  à  Witchollia  Romani. 

rsdjouen <  ^^^e  à  Sphœroceras  Sauzei  et 

I      Sphœroceras  polyschides. 
\  Zone  à   Witcheltia  lœviuscula. 


"~^      Aaiénien . 


Zone  à  Harpoceras  concavum. 
Zone  à  Harpoceras  Murchiso- 

nœ. 
Zone  à  Harpoceras  opalinum. 
Zone  à  Dumortieria  pseudora- 

divsa. 


Toarcien. 


Zone  à  Lytoceras   jurense  et 

Grammoceras  fallaciosum. 
Zone  â  Dactylioceras  commune. 
Zone  à  Harpoceras  falciferum. 


Zone  à  Amaltheus  spinatus. 
Zone  à  Amaltheus  margarita- 

tus. 
Zone    à   Deroceras   Davœi    et 

/Egoceras  capricornu. 
mouthien) i  Zone  à  Phylloceras  ibex  et  Tro- 

pidoceras  Masseanum. 
Zone  à  Deroceras  armatum. 
Zone  à  Caloceras  raricostatum. 


Pliensbachien 
I  (liasien  ou  char- 


,\ 


Sinémurien 


Zone  à  Arietites  obtusus. 

Zone  k  Arietites  Turneri  et  De- 
roceras Birchi. 

Zone  à  Arnioceras  semicosta- 
tum. 

Zone  à  Arietites  Bucklandi. 

Zone  à  Schlotheimia  angulata. 


Rhétien   (infra- 
lias). 


Zone  à  Psiloceras  planorbis. 
Zone  à  Avicula  contorta. 


Rhône,  il  y  aurait  lieu  d'y  introduire  quelques  modifications 
en  ce  qui  concerne  les  termes  supérieurs. 

Pour  l'Europe  occidentale,  il  ne  nous  reste  donc  plus 
qu'à  étudier  la  répartition  géographique  de  la  série  juras- 
sique en  insistant  également  sur  les  changements  de  faciès 


Ml  - 


JURASSIQUE 


que  présentent,  d'une  région  à  l'autre,  les  différents  termes 
qui  constituent  cette  série. 

11  suffit  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  une  carte  géologique 
de  la  France  pour  constater  que  les  terrains  jurassiques 
forment  autour  du  bassin  de  Paris  une  ceinture  ouverte 
seulement  au  N.  et  au  N.-O.  Conformément  à  la  disposi- 
tion générale  des  couches  dans  cette  région  naturelle,  les 
étages  successifs  forment  autant  de  zones  concentriques, 
les  couches  les  plus  récentes  occupant  le  centre  et  suppor- 
tant les  terrains  crétacés,  les  couches  les  plus  anciennes 
se  trouvant  à  l'extérieur,  reposant  sur  le  trias  ou  en  dis- 
cordance transgressive  sur  des  terrains  plus  anciens.  Au 
N.  E.,  les  terrains  jurassiques  inférieurs  s'appuient  sur  le 
massif  dévonien  de  l'Ardenne;  à  l'E.,  ils  s'adossent  contre 
les  Vosges  triasiques;  au  S.,  ils  sont  en  contact  avec  les 
terrains  cristalHns  du  Massif  central;  à  l'O.  avec  les  ter- 
rains primaires  du  massif  armoricain.  Au  N.-O.  et  au  S.- 
E.  des  affleurements  presque  continus  mettent  le  juras- 
sique du  bassin  de  Paris  en  contact,  par  le  détroit  du 
Poitou,  avec  le  bassin  de  l'Aquitaine,  par  le  détroit  mor- 
vano-vosgien  ou  détroit  de  la  Côte-d'Or,  avec  le  Jura.  Vers 
le  N.-O.,  c'est  la  mer  qui  interrompt  la  continuité  des  dé- 
pôts, car  les  affleurements  jurassiques  du  Dorsetshire  sont 
la  continuation  de  ceux  de  la  Normandie. 

Sur  le  bord  du  massif  de  l'Ardenne  on  se  trouve  en 
présence  du  véritable  rivage  de  la  mer  jurassique  et  il  en 
est  de  même  sur  le  bord  du  massif  armoricain  ;  mais,  vers 
le  S.,  on  ne  connaît  pas  l'emplacement  de  l'ancien  rivage, 
car  les  dépôts  jurassiques  s'étendaient  plus  loin  dans  l'in- 
térieur du  Massif  central  que  ne  semble  l'indiquer  la  limite 
méridionale  actuelle  des  affleurements,  et  ils  recouvraient 
tout  le  Morvan,  dont  ils  ont  été  enlevés  par  l'action  des 
agents  atmosphériques.  De  même,  les  Vosges  et  la  Forêt- 
Noire  étaient  recouvertes,  au  moins  par  les  dépôts  du  lias 
et  du  jurassique  moyen,  et  pour  trouver  l'ancien  littoral 
il  faudrait  aller  jusqu'au  bord  du  massif  de  Bohême.  Le 
détroit  du  Poitou  constituait  donc  un  véritable  détroit  pen- 
dant toute  la  durée  de  la  période  jurassique,  tandis  que  le 
détroit  de  la  Côte-d'Or  n'est  qu'un  détroit  en  apparence  et 
ne  fonctionnait  comme  tel  qu'à  la  fin  de  la  période  juras- 
sique. 

Sur  le  bord  du  massif  ardennais  et  du  massif  armori- 
cain les  différents  dépôts  liasiques,  jusqu'au  toarcien  ex- 
clusivement, sont  en  transgression  les  uns  par  rapport  aux 
autres,  de  sorte  que,  en  plusieurs  points,  c'est  le  lias 
moyen  qui  repose  sur  les  terrains  anciens.  Les  dépôts  ba- 
jociens  sont  à  leur  tour  en  transgression  sur  les  dépôts 
aaléniens  et  toarciens,  mais  la  mer  bathonienne  avait  une 
extension  encore  plus  considérable,  de  sorte  que  dans  le 
Boulonnais  elle  repose  immédiatement  sur  les  dépôts  car- 
bonifères. Par  suite  du  soulèvement  des  Vosges  et  de  la 
Forêt-Noire  —  non  encore  séparés  par  l'effondrement  de 
la  vallée  du  Rhin  —  le  portlandien  est  en  régression,  dans 
l'E.  du  bassin  de  Paris,  par  rapport  aux  termes  plus  an- 
ciens. 

Les  dépôts  liasiques  du  bord  du  massif  ardennais  sont 
essentiellement  littoraux,  ils  sont  en  grande  partie  gré- 
seux ou  sableux.  Partout  ailleurs,  dans  le  bassin  de  Paris, 
tous  les  termes  du  lias  sont  représentés  par  des  dépôts  va- 
seux, riches  en  restes  de  Céphalopodes.  Dans  le  bajocien,  le 
bathonien  et  le  callovien,  c'est  le  faciès  oolithique  qui  pré- 
domine, soit  sous  forme  d'oolithes  calcaires,  soit  sous  forme 
d'oolithes  ferrugineuses.  A  partir  du  bajocien,  on  observe 
déjà  localement,  comme  en  Lorraine,  des  calcaires  cons- 
truits résultant  de  l'accumulation  de  débris  de  polypiers, 
mais  ce  n'est  qu'à  partir  de  l'oxfordien  que  le  faciès  coral- 
ligène  commence  à  jouer  un  rôle  important.  Les  récifs  du 
rauracien  sont  surtout  développés  en  Normandie  et  dans 
l'Est,  ceux  du  séquanien  sont  limités  à  la  partie  méridio- 
nale du  bassin;  enfin,  pour  trouver  des  récifs  kiméridgiens 
ou  portlandiens,  il  faut  aller  jusque  dans  le  Jura.  A  l'époque 
kiméridgienne,  le  faciès  vaseux  prédomine  de  nouveau,  au 
moins  dans  le  N.  du  bassin  ;  dans  les  environs  de  Bou- 


logne, on  voit  apparaître  le  faciès  sableux,  qui,  dans  le 
portlandien,  alterne  avec  le  faciès  vaseux.  A  la  fin  de 
l'époque  ()ortlandienne,  le  régime  lagunaire  s'établit  dans 
tout  le  bassin  de  Paris  :  c'est  l'épisode  purbeckien. 

En  Angleterre,  on  retrouve  en  général  les  mêmes  faciès 
que  dans  le  bassin  de  Paris,  si  bien  que  les  dépôts  bajo- 
ciens  et  bathoniens  peuvent  être  identifiés  couche  par  couche 
dans  les  deux  pays.  Cependant,  dans  les  dépôts  jurassiques 
moyens  du  Yorkshire,  viennent  s'intercaler  des  formations 
d'estuaires  avec  Mollusques  saumâtres  et  d'eau  douce  et 
nombreux  débris  de  végétaux. 

Dans  l'Allemagne  du  Nord,  les  caractères  paléontolo- 
giques  de  tous  les  termes  de  la  série  jurassique  sont  les 
mêmes  que  dans  le  bassin  anglo-parisien  et,  en  général, 
les  faciès  minéralogiques  y  sont  à  peu  près  semblables,  sauf 
dans  le  jurassique  moyen,  où  prédomine  le  faciès  vaseux. 

Les  dépôts  jurassiques  du  versant  français  du  Jura  sont 
presque  identiques  avec  ceux  du  bassin  de  Paris;  quant  à 
ceux  du  versant  suisse,  ils  forment  avec  ceux  du  Jura  ar- 
govien,  du  Randen,  de  la  Souabe  et  de  la  Franconie,  une 
bande  très  uniforme,  dans  laquelle  les  termes  inférieurs 
et  moyens  de  la  série  présentent  les  plus  grandes  analogies 
avec  les  termes  correspondants  du  bassin  de  Paris,  tandis 
que  les  termes  supérieurs,  à  partir  de  l'oxfordien  et  sur- 
tout du  séquanien,  se  rapprochent  davantage  du  type  mé- 
diterranéen du  système  jurassique.  Il  en  est  de  même  des 
formations  qui  entourent  le  massif  de  Bohême  et  qui 
s'étendent  de  là  vers  la  Pologne.  Dans  ces  régions,  la  série 
jurassique  débute  par  l'aalénien,  à  l'état  de  grès  peu  fos- 
silifères; le  bajocien,  le  bathonien  et  le  callovien,  le  plus 
souvent  à  l'état  d'oolithes  ferrugineuses,  rappellent  beau- 
coup les  dépôts  synchroniques  du  bassin  anglo-parisien; 
quant  aux  étages  supérieurs,  ils  sont  représentés  par  des 
calcaires  jaunes  ou  blancs  souvent  très  riches  en  Céphalo- 
podes. 

Dans  le  bassin  de  l'Aquitaine,  les  dépôts  jurassiques 
forment  une  bande  continue,  allant  depuis  la  Vendée 
jusque  dans  la  Tarn,  et  limitée  à  l'O.  par  les  dépôts  cré- 
tacés, à  TE.  par  le  bord  du  Massif  central.  Quoique  ces 
dépôts  possèdent  en  général  les  mêmes  caractères  paléon- 
tologiques  que  ceux  du  bassin  de  Paris,  ils  s'en  distinguent 
par  leur  faciès  oolithique,  sans  parler  de  la  dolomitisation 
ultérieure  que  les  couches  ont  souvent  subie. 

Le  jurassique  du  type  anglo-parisien  se  retrouve  encore 
dans  le  N.  de  l'Espagne  et  dans  le  Portugal.  Le  faciès  es- 
pagnol est  caractérisé  par  la  grande  prédominance  des  Bra- 
chiopodes. 

Régions  méditerranéennes.  — Pans  les  régions  méditer- 
ranéennes et  dans  les  Alpes  orientales,  le  système  juras- 
sique est  représenté  par  des  terrains  qui  depuis  longtemps 
ont  attiré  l'attention  des  géologues  par  leurs  caractères 
aberrants.  Ce  sont  des  calcaires  rouges  remplis  d'Ammo- 
nites {Calcare  ammonitico  rosso),  des  calcaires  roses 
ou  blancs  quelquefois  pétris  de  Brachiopodes  ou  de  Posi- 
donomyes,  des  calcaires  siliceux  bien  stratifiés  ne  renfer- 
mant pas  d'autres  fossiles  que  des  Aptychus,  des  calcaires 
gris  à  gros  Lamellibranches,  etc.  Les  caractères  paléonto- 
logiques  ne  sont  pas  moins  particuliers:  à  tous  les  niveaux, 
lorsque  les  Ammonites  sont  représentées,  elles  le  sont  en 
forte  proportion  par  des  espèces  appartenant  aux  genres 
Phylloceras  et  Lytoceras  qui,  dans  l'Europe  septentrio- 
nale et  occidentale,  sont  des  raretés.  Les  Brachiopodes  ap- 
partiennent presque  toujours  à  des  groupes  spéciaux  de 
Rhynchonelles  ou  de  Térébratules,  qui  n'existent  pas  dans 
les  régions  du  Nord.  Dans  le  jurassique  supérieur,  les  dif- 
férences s'accentuent  encore  davantage  ;  aux  genres  Phyl- 
loceras et  Lytoceras  viennent  se  joindre  Simoceras, 
Waagenia^  Lissoceras;  parmi  les  Brachiopodes,  les  Téré- 
bratules du  sous-genre  Pygope  abondent.  On  a  donné  à 
ces  assises  supérieures  du  jurassique  des  régions  méditer- 
ranéennes le  nom  d'étage  tithonique  et  on  les  a  souvent 
considérées  comme  des  couches  de  passage  entre  les  sys- 
tèmes jurassique  et  crétacé  et,  en  effet,  elles  contiennent  un 


JURASSIQUE 


328  — 


certain  nombre  d'espèces  qui  passent  dans  le  néocomien  in- 
férieur, représenté  par  le  même  faciès  à  Pygope.  Mais, 
quoique  le  parallélisme  soit  assez  difficile  à  établir  d'une 
manière  rigoureuse,  on  Yoit  maintenant  que  les  couches 
tithoniques  correspondent  assez  exactement  à  l'étage  port- 
landien  du  Nord. 

Une  autre  particularité  du  système  jurassique  dans  les 
régions  méditerranéennes,  c'est  la  discontinuité  que  l'on 
observe  souvent  dans  la  succession  des  couches  qui  le  cons- 
tituent dans  une  région  déterminée.  Souvent  des  termes  en- 
tiers manquent  dans  la  série,  sans  que  l'on  ait  des  raisons 
d'admettre  une  émersion  temporaire  du  point  oii  se  trouve 
la  lacune.  Il  y  a  eu  sans  doute  simplement  absence  de  sé- 
dimentation. Certains  niveaux  paléontologiques  se  retrou- 
vent de  préférence  à  d'autres  et  fournissent  alors  des  points 
de  repère  précieux  pour  le  classement  d'assises  puissantes 
dans  lesquelles  les  fossiles  font  souvent  presque  entière- 
ment défaut. 

Dans  le  bassin  du  Rhône  et  sur  le  versant  atlantique 
des  Cévennes  (Lozère,  Aveyron),  le  système  jurassique 
possède  les  mêmes  caractères  paléontologiques  que  dans  les 
Alpes  orientales,  mais  le  faciès  lithologique  est  en  général 
bien  diiférent,  La  série  est  le  plus  souvent  représentée  par 
une  masse  de  couches  vaseuses,  schistes,  marnes  ou  mar- 
no-calcaires,  dans  laquelle  on  retrouve  sans  aucune  lacune 
paléontologique  la  succession  complète  des  étages  et  même 
des  zones  que  nous  avons  établie  pour  le  bassin  de  Paris. 
La  plupart  des  zones  du  lias  se  retrouvent  dans  les  Cé- 
vennes et  l'on  est  frappé  de  la  concordance  des  niveaux 
pour  le  bajocien,  le  batlionien,  le  callovien,  entre  la  série 
du  bassin  anglo-parisien  et  celle  que  l'on  peut  étudier  par 
exemple  aux  environs  de  Digne.  La  seule  différence  paléon- 
tologique consiste  dans  la  prédominance  numérique,  dans 
le  Midi,  des  Phylloceras  et  des  Lytoceras^  surtout  en  ce 
qui  concerne  le  nombre  des  individus. 

Dans  les  termes  supérieurs,  la  concordance  avec  le  Nord 
est  plus  difficile  à  établir.  Nous  trouvons  bien  encore  dans 
l'oxfordien  supérieur  des  calcaires  grumeleux  à  Spon- 
giaires identiques  à  ceux  de  la  Haute-Marne,  mais,  à  par- 
tir du  séquanien,  il  n'est  plus  facile  de  paralléliser  d'une 
manière  précise  les  assises  du  Nord  et  celles  du  Midi,  et 
les  différences  paléontologiques  vont  en  s'accentuant  à  me- 
sure que  l'on  s'élève  dans  la  série.  Les  couches  corres- 
pondant au  portlandien  présentent  le  faciès  tithonique  et 
passent  insensiblement  vers  le  haut  aux  couches  néoco- 
miennes  inférieures.  Dans  le  N.  du  bassin  du  Rhône,  comme 
par  exemple  à  la  montagne  de  Crussol,  vis-à-vis  de  Va- 
lence, les  couches  jurassiques  supérieures  contiennent  déjà 
beaucoup  moins  de  Phylloceras,  de  Lytoceras,  de  Pygope 
que  dans  les  régions  méridionales.  Dans  le  Jura  méridional, 
en  Argovie,  en  Souabe,  en  Franconie,  les  caractères  litho- 
logiques du  jurassique  supérieur  sont  sensiblement  les 
mêmes  que  dans  le  bassin  du  Rhône,  et  les  caractères  pa- 
léontologiques des  diâérentes  assises  sont  identiques,  sauf 
que  les  genres  précités  sont  devenus  encore  plus  rares.  Il 
en  est  de  même  sur  les  bords  du  massif  de  Bohême  et  en 
Pologne.  Dans  toute  cette  bande,  qui  longe  le  bord  externe 
des  Alpes  et  des  Karpates,  depuis  la  Méditerranée  jus- 
qu'aux plaines  de  la  Russie,  la  succession  des  couches  du 
jurassique  supérieur  reste  sensiblement  la  même.  Au-des- 
sus des  zones  oxfordiennes  et  de  la  zone  rauracienne  à 
Peltoceras  bimammatum,  qui  présentent  partout  la  plus 
grande  uniformité,  on  observe  les  niveaux  paléontologiques 
suivants  :  1^  zone  à  Oppelia  tenuilobata  ;  2°  zone  à  Rei- 
neckeia  pseudomutabilis  ;  3^  zone  à  Oppelia  lithogra- 
phica  ;  ¥  zone  à  Perisphinctes  contiguus  ;cf°  à  Floplites 
Calisto.  Au-dessus  s'observe,  dans  le  bassin  du  Rhône,  la 
zone  à  Hoplites  Boissieri,  que  l'on  doit  ranger  déjà  dans 
le  crétacé.  Les  deux  niveaux  supérieurs,  qui  correspondent 
certainement  au  portlandien  du  Nord,  ne  sont  pas  repré- 
sentés dans  FAllemagne  méridionale. 

A  partir  du  niveau  de  la  zone  à  Oppelia  lithographica 
viennent  s'intercaler,  en  de  nombreux  points  de  la  zone  qui 


borde  les  Alpes,  des  calcaires  coralligènes,  caractérisés  par 
des  Plesiodiceras  ou  par  des  Heterodiceras,  qui  se  trou- 
vent donc  ici  à  un  niveau  sensiblement  plus  élevé  que  dans 
le  bassin  de  Paris  et  dans  le  Jura. 

Le  type  méditerranéen  du  système  jurassique  possède 
une  extension  géographique  très  considérable.  En  Andalou- 
sie, dans  les  Baléares,  en  Algérie,  en  Tunisie,  en  Sicile, 
dans  l'Apennin,  les  étages  supérieurs  présentent  le  faciès 
des  calcaires  compacts  rouges  ou  blancs  à  Ammonites, 
comme  dans  les  Alpes  orientales.  Dans  le  Portugal  méri- 
dional, le  lias  et  le  jurassique  moyen  affectent  des  faciès 
caractéristiques  de  la  région  des  Alpes,  tandis  que,  plus 
au  N.,  les  dépôts  jurassiques  portugais  se  rapportent  au 
type  anglo-parisien.  Vers  l'E.,  on  rencontre  le  type  mé- 
diterranéen dans  les  Karpates,  dans  le  Banat,  dans  les 
Balkans,  en  Crimée. 

En  dehors  de  l'Europe,  on  connaît  des  formations  ana- 
logues près  d'Angora,  en  Asie  Mineure,  en  Syrie,  dans 
rinde.  Dans  ce  pays,  on  retrouve  dans  la  province  deKutch 
des  dépôts  calloviens  et  oxfordiens,  présentant  les  mêmes 
niveaux  paléontologiques  que  dans  l'Europe  occidentale. 
Les  Macrocephalites,  les  Perisphinctes,  les  Harpoceras, 
les  Aspidoceras^  qui  constituent  la  plus  grande  partie  de 
la  faune,  y  sont  associés  à  d'assez  nombreux  représentants 
des  genres  Phylloceras  et  Lytoceras.  Plus  au  N.,  dans 
PHimalaya,  les  «  Spiti-shales  »  contiennent  une  assez 
forte  proportion  de  types  tithoniques.  Dans  l'Afrique  orien- 
tale, en  particulier  à  Mombassa,  à  Tanga,  à  Mtaru  et  dans 
d'autres  localités  de  la  côte  de  Mozambique,  les  auteurs 
allemands  ont  signalé  des  dépôts  calloviens  et  oxfordiens 
presque  identiques  avec  les  dépôts  du  même  âge  de  l'Inde 
et  des  couches  plus  élevées  contenant  des  types  tithoniques, 
tels  que  des  Phylloceras  et  des  Waagenia.  A  Madagascar 
on  connaît  également  des  dépôts  jurassiques,  d'âge  ba- 
jocien ou  bathonien,  dans  lesquels  on  a  rencontré  des  P%^ 
loceras  et  des  Lytoceras.  En  Abyssinie,  enfin,  affleurent 
des  calcaires  que  M.  Douvillé  rapporte  au  bathonien  et  au 
séquanien.  Tous  ces  dépôts  de  l'Afrique  orientale  sont  ca- 
ractérisés par  la  présence  de  Bélemnites  des  groupes  des 
Canaliculati  et  des  Hastati,  propres  à  la  région  médi- 
terranéenne. 

Dans  l'île  de  Rotti,  près  de  Timor,  dans  la  Malaisie,  on  a 
trouvé  récemment  dans  des  blocs  projetés  par  un  volcan, 
deux  Bélemnites  du  même  groupe,  dont  l'une  est  identique 
avec  une  espèce  de  l'Himalaya,  ainsi  que  des  fragments  de 
Phylloceras  et  de  Lytoceras.  De  plus,  d'autres  blocs  con- 
tiennent des  Ammonites  du  lias  inférieur  et  du  lias  supé- 
rieur, appartenant  à  des  espèces  de  l'Europe  méridio- 
nale. 

Traversant  le  Pacifique,  nous  retrouvons  des  Ammonites 
liasiques  très  voisines  au  Pérou,  en  Californie  et  dans  l'Etat 
de  Nevada.  Au  Chili,  le  lias  supérieur  contient  plusieurs 
espèces  qui  caractérisent  les  dépôts  du  même  âge  dans  le 
bassin  du  Rhône  et  en  Italie.  Sur  les  deux  versants  de  la 
Cordillière  des  Andes,  au  Chili,  dans  la  Bolivie  et  dans  la 
République  Argentine,  le  bajocien  et  le  callovien  présentent 
les  mêmes  niveaux  et  les  mêmes  associations  d'espèces 
qu'en  Europe  ;  la  présence  de  quelques  Phylloceras  indique 
des  affinités  avec  le  type  méditerranéen.  Enfin,  M.  Beh- 
ren  dsen  a  décrit  récem  ment ,  de  la  République  Argentine,  tout  e 
une  faune  tithonique,  dont  plusieurs  espèces  sont  iden- 
tiques avec  des  formes  de  l'Europe  méridionale,  et  des  cou- 
ches de  même  âge  sont  connues  également  au  Pérou.  On 
constate  donc  que,  sur  tout  le  tour  de  la  terre,  se  trou- 
vent des  affleurements  de  dépôts  jurassiques  présentant 
des  caractères  paléontologiques  analogues  à  ceux  du  juras- 
sique des  régions  méditerranéennes.  Les  affleurements  des- 
sinent une  zone  équatoriale,  mais  cependant,  dans  la  ré- 
gion alpine  et  dans  la  République  Argentine,  ils  s'étendent 
assez  loin  au  N.  et  au  S.  de  la  région  des  tropiques.  Dans 
toute  cette  zone  équatoriale,  le  jurassique  est  caractérisé 
par  la  présence  des  Bélemnites  à  sillon  ventral  et  des  Am- 
monites des  genres  Phylloceras  et  Lytoceras,  Mais  ces 


deux  genres  paraissent  n'avoir  été  nulle  part  aussi  abon- 
dants que  dans  l'Europe  méridionale,  et  il  existe  même  des 
points  dans  l'Afrique  orientale  et  dans  l'Amérique  du  Sud 
où  ils  tout  entièrement  défaut,  sans  que  les  faunes  cessent 
d'avoir  des  rapports  intimes  avec  celles  des  régions  médi- 
terranéennes typiques. 

Type  boréal  du  système  jurassique.  — Grâce  aux  ré- 
cents travaux  des  géologues  russes,  et  en  particulier  de 
MM.  Nikitin  et  Pavlov,  le  jurassique  de  la  Russie  centrale 
et  des  bords  de  la  Volga  est  aujourd'hui  aussi  bien  connu 
que  celui  de  l'Europe  occidentale,  et  sa  faune  a  fait  l'objet 
de  belles  monographies.  Partout  les  termes  inférieurs  et 
moyens  font  défaut,  et  la  série  commence  par  les  dépôts  cal- 
loviens,  qui  s'étendent  en  transgression  sur  des  terrains 
émergés  depuis  la  fin  de  l'époque  carbonifère.  En  général, 
les  dépôts  jurassiques  russes  sont  représentés  par  des 
sables  ou  par  des  argiles  renfermant  fréquemment  des  con- 
crétions calcaires,  ferrugineuses  ou  phosphatées,  incrustées 
de  grains  de  glauconie  et  très  riches  en  fossiles  d'une  ad- 
mirable conservation,  tels  que Béleranites,  Ammonites,  La- 
mellibranches, Brachiopodes.  Les  subdivisions  que  l'on  a 
établies  dans  les  étages  callovien  et  oxfordien  concordent 
parfaitement  avec  celles  du  bassin  anglo-parisien  ;  la  dis- 
tribution des  espèces  est  rigoureusement  la  même  dans  les 
deux  régions.  Toutefois,  il  importe  de  noter  la  prédominance 
en  Russie  de  certains  types  qui  sont  beaucoup  moins  abon- 
dants dans  l'Europe  occidentale;  ce  sont  les  Ammonites  du 
genre  Cardioceras,  les  Bélemnites  du  groupe  des  Infra- 
depressi  et  surtout,  parmi  les  Lamellibranches,  le  genre 
Aucella.  Les  étages  rauracien  et  séquanien  sont  très  ré- 
duits et  peu  fossilifères,  il  en  est  de  même  du  kiméridgien 
aux  environs  de  Moscou,  mais  cet  étage  est  fort  bien  déve- 
loppé aux  environs  de  Simbirsk,  sur  la  basse  Volga,  où 
M.  Pavlov  a  recueilli  de  nombreuses  espèces  de  l'Europe 
occidentale.  Les  zones  les  plus  supérieures  du  jurassique 
russe  ont  été  réunies  sous  le  nom  d'étage  volgien  et  attri- 
buées quelquefois  au  néocomien,  mais  le  volgien  paraît  cor- 
respondre assez  exactement  au  portlandien  du  bassin  anglo- 
parisien.  En  effet,  M.  Pavlov  a  retrouvé  à  Speeton,  dans 
le  Yorkshire,  et  dans  le  Boulonnais,  plusieurs  niveaux 
du  volgien   russe,  avec  des  fossiles  que  l'on  avait  jus- 
qu'à présent  considérés  comme  essentiellement  caractéris- 
tiques du  jurassique  russe.  Mais,  dans  tous  les  cas,  ces 
formes,  parmi  lesquelles  il  convient  de  citer  les  Bélemnites 
infradepressiei  les  Ammonites  des  genres  Oxynoticeras, 
Virgatites,  Craspedites  et  Simbirskites^  ne  se  rencon- 
trent qu'exceptionnellement  dans  le  portlandien  du  N.  de 
l'Angleterre  et  du  Boulonnais  et  manquent  entièrement 
dans  le  S.  du  bassin  de  Paris,  dans  le  Jura  et  dans  toute 
la  région  méditerranéenne.  Il  en  est  de  même  des  Aucelles, 
qui  sont  particulièrement  abondantes  dans  le  volgien. 

Le  type  russe  du  jurassique  supérieur,  tel  que  nous  venons 
de  le  définir,  s'étend  aussi  dans  la  Russie  septentrionale,, 
dans  les  bassins  de  la  Petschora  et  de  la  Wytschegda.  Sur 
les  côtes  de  Norvège,  dans  Tîle  d'Andô,  la  plus  septentrio- 
nale des  Lofoden,  on  rencontre  des  grès  jurassiques  avec 
des  Aucelles  ;  des  formations  analogues  se  retrouvent  dans 
les  Hébrides.  Plus  au  N.,  on  connaît  des  couches  jurassiques 
avec  Cardioceras,  Bélemnites  du  groupe  des  Infradepressi 
et  des  Aucelles  dans  le  Spitzberg  et  dans  la  Nouvelle- 
Zemble.  Dans  tout  le  N,  de  la  Sibérie  affleurent  des  dépôts 
secondaires,  dont  une  partie  doit  être  rapportée  au  volgien 
supérieur,  qui  est  ici  en  transgression  sur  les  couches  tria- 
siques  ou  paléozoïques,tous  les  autres  termes  du  jurassique 
faisant  défaut.  Quand  on  s'éloigne  des  côtes,  on  ne  ren- 
contre même  plus  de  dépôts  jurassiques  marins,  et  des  vé- 
gétaux fossiles  attestent  un  régime  continental.  Des  couches 
jurassiques  à  Aucelles  ont  été  signalées  encore  sur  la  côte 
orientale  du  Grœnland,  dans  la  Nouvelle-Sibérie,  dans 
l'Alaska,  dans  les  Etats  de  l'O.  des  Etats-Unis  et,  vers  le 
S.,  jusque  dans  le  Mexique;  on  a  trouvé  quelquefois,  dans 
ces  mêmes  dépôts,  des  Ammonites  appartenant  à  des  types 
kiffiéridgiens  ou  portlandiens,  de  sorte  que,  tout  autour  de 


3-29  -  JURASSIQUE 

l'océan  Arctique  et  sur  les  côtes  du  Pacifique  septentrional, 
le  jurassique  supérieur  présente  le  même  type  que  dans  la 
Russie  centrale.  Ce  type,  caractérisé  par  les  Aucelles,  les 
Bélemnites  infradepressi^  les  Cardioceras^  les  Virga- 
tites,  etc.,  a  été  appelé  le  type  boréal.  On  peut  l'opposer 
au  type  méditerranéen,  caractérisé  par  les  Lytoceras,  les 
Phylloceras^  les  Béleranites  du  groupe  des  Canaliculati, 
les  Pygope,  etc. 

Provinces  zoologiques.  —  Les  différences  profondes  qui 
existent  entre  le  type  boréal  et  le  type  méditerranéen  du 
système  jurassique  avaient  déjà  frappé  les  anciens  auteurs, 
et  Marcou  les  attribuait  à  des  différences  dans  la  température 
des  eaux,  mais  c'est  à  Neumayr  qu'est  due  une  théorie 
complète  établissant  la  concordance  entre  la  répartition  des 
animaux  marins  à  l'époque  jurassique  et  les  lignes  iso- 
thermes. Neumayr  distinguait  trois  zones  homœozoïques 
dans  l'hémisphère  Nord  :   une  zone  arctique,  une   zone 
tempérée  et  une  zone  équatoriale,  au  S.  de  laquelle  aurait 
existé  une  zone  tempérée  australe,  voire  même  une  zone 
antarctique.  La  zone  arctique  comprend  les  dépôts   que 
nous  avons  rapportés  au  type  boréal,  la  zone  équatoriale, 
ceux  que  nous  avons  rapportés  au  type  méditerranéen  ;  la 
zone  tempérée  correspond  au  type  que  nous  avons  défini 
dans  le  bassin  anglo-parisien.  Dans  chacune  de  ces  zones 
homœozoïques,  Neumayr  distinguait  un  certain  nombre  de 
provinces  zoologiques  ;  le   bassin  anglo-parisien,  FAlle- 
magne,  le  Jura,  l'Aquitaine,  le   Nord  de  l'Espagne,  1- 
Pologne  constituaient  la  province  de  l'Europe  centrale. 
Tandis  que  la  province  russe  et  la  province  méditerraa 
néenne  sont  caractérisées  par  la  présence  des  genres  indi- 
qués plus  haut,  d'après  Neumayr  ces  genres  feraient  dé- 
faut dans  la  province  de  l'Europe  centrale,  qui  serait  carac- 
térisée par  la  présence  de  genres  propres,  tels  que  Pelto- 
ceras,  Oppelia.  Les  travaux  de  MM.  Nikitin  et  Pavlov 
ont  démontré  que  tous  les  genres  considérés  par  Neumayr 
comme  caractéristiques  de  la  province  russe  se  rencontrent 
également  dans  le  N.  de  la  province  de  l'Europe  centrale. 
D'autre  part,  l'absence  ou  la  rareté  des  Phylloceras  et  des 
Lytoceras  dans  cette  dernière  ne  saurait  constituer  un  ca- 
ractère suffisant  pour  la  distinguer  de  la  province  méditer- 
ranéenne, ces  genres  décroissant  insensiblement  en  nombre 
à   mesure  ^ue  l'on  se  dirige  vers  le  S.,  et  les  régions 
limites  des  deux  provinces,  telles  que  l'Allemagne  du  Sud, 
l'Argovie,  le  Jura  méridional,  présentant  une  succession  de 
couches  et  des  faciès  en  tous  points  comparables  à  ceux 
d'une  partie  de  la  région  alpine.  Enfin,  le  genre  Peltoceras 
se  rencontrant  dans  les  trois  provinces  et  le  genre  Oppelia 
étant  abondamment  représenté  dans  la  province  méditerra- 
néenne, il  est  impossible,  dans  l'état  actuel  de  nos  connais- 
sances, d'indiquer  un  seul  genre  qui  soit  propre  à  la  région 
méditerranéenne.  Dans  ces  conditions,  si  l'on  admet  que 
les  différences  zoologiques  entre  la  province  russe  et  la 
province  méditerranéenne  sont  dues  à  des  diô'érences  dans 
la  température  des  eaux,  la  province  de  l'Europe  centrale, 
ou  mieux  de  l'Europe  occidentale,  ne  peut  plus  être  envi- 
sagée que  comme  une  région  où  s'opère  le  mélange  des 
faunes  russe  et  méditerranéenne,  grâce  au  mélange  des 
eaux  froides  des  mers  boréales  et  des  eaux  chaudes  des 
mers  équatoriales.  Ce  mélange  s'explique  aisément  si  l'on 
admet,  avec  M.  Munier-Chalmas,  qu'il  existait  dans  les 
mers  jurassiques,  comme  dans  les  mers  actuelles,  des  cou- 
rants chauds  et  des  courants  froids,  amenant  sur  une  même 
latitude  des  faunes  différentes.  Les  courants  chauds  per- 
mettaient la  formation  de  récifs  coralliens  dans  le  bassin  de 
Paris,  tandis  que,  déjà  en  Angleterre,  sous  l'influence  des 
courants  froids,  les  Zoanthaires  ne  trouvaient  plus  de  con- 
ditions favorables  à  l'édification  de  récifs,  et  que,  dans  la 
province  russe,  ces  mêmes  êtres  faisaient  presque  entière- 
mefit  défaut.  D'autre  part,  les  courants  équatoriaux  étaient 
déjà  trop  refroidis  dans  le  bassin  de  Paris  pour  que  les 
Phylloceras  et  les  Lytoceras,  genres  essentiellement  mé- 
ridionaux, pussent  s'y  acclimater.  Cependant,  à  certains 
moments,  les  courants  équatoriaux  paraissent  avoir  été 


JURASSIQUE  ^  —  330 

suffisamment  chauds  dans  l'Europe  occidentale,  pour  per- 
mettre à  ces  genres  d'y  vivre  temporairement.  Ces  con- 
ditions se  trouvèrent  réalisées  à  l'époque  du  lias  moyen, 
du  lias  supérieur,  de  l'aalénien.  A  d'autres  moments,  ce 
furent  les  courants  boréaux  qui  prirent  le  dessus,  amenant 
jusque  dans  le  bassin  de  Paris  des  genres  complètement 
étrangers  aux  régions  méditerranéennes.  Ainsi  s'explique 
la  présence  de  formes  russes  de  Bélemnites  et  l'abondance 
des  Cardioceras  dans  le  callovien  supérieur  de  Normandie; 
ainsi  s'expliquent  également  les  relations  paléontologiques 
qui  permettent  de  synchroniser  le  volgien  avec  le  portlan- 
dien  du  Boulonnais  et  du  Yorkshire.  La  province  de  l'Eu- 
rope centrale,  dans  les  limites  que  lui  assigne  Neumayr, 
comprend  donc  une  zone  septentrionale  (Yorkshire,  Bou- 


lonnais, bords  de  la  Baltique),  ou  prédominent  les  types 
boréaux,  puis  vient  une  région  plus  méridionale  (bassin  de 
Paris,  Jura,  Allemagne  centrale),  qui  est  tantôt  sous  l'in- 
fluence des  courants  boéraux,  tantôt  sous  celle  des  courants 
équatoriaux  ;  enfin,  sur  la  limite  de  la  province  méditer- 
ranéenne proprement  dite,  se  trouve  une  zone  (Jura  mé- 
ridional, Argovie,  Souabe,  Franconie,  Bohême,  Moravie, 
Pologne)  dont  la  faune  est  presque  entièrement  composée 
d'éléments  méditerranéens,  mais  où  les  genres  Phyllo- 
ceras  et  Lytoceras  sont  rares  ou  font  entièrement  défaut. 
Le  bassin  de  Paris  constitue  la  région  où  le  mélange  des 
types  boréaux  et  des  types  équatoriaux  est  le  plus  intime, 
mais  il  n'est  pas  seul  à  réahser  ces  mêmes  conditions  :  le 
Caucase,  ou  en  général  prédominent  les  apports  méditer- 


ranéens, présente  à  l'époque  callo vienne  une  faune  où  les 
éléments  des  deux  provinces  sont  intimement  mélangés. 

Si  pendant  toute  la  durée  de  l'époque  jurassique  supé- 
rieure les  mers  de  l'Europe  occidentale  ont  reçu  en  grand 
nombre  des  apports  de  faune  venant  de  la  province  russe, 
on  ne  peut  en  dire  autant  des  mers  liasiques  et  des  mers 
du  jurassique  moyen  des  mêmes  régions,  car  on  sait  que 
tout  le  centre  et  le  nord  de  la  Russie  n'ont  été  envahis 
par  les  eaux  qu'à  l'époque  callovienne.  Cependant  les  dé- 
pôts jurassiques  inférieurs  et  moyens  de  l'Europe  occiden- 
tale contiennent  quelques  genres  de  Céphalopodes  dont 
l'origine  ne  peut  être  cherchée  dans  la  province  méditer- 
ranéenne ;  tels  sont  :  Amaltheus^  dans  le  lias,  Dumor- 
tieria^  Sonninia,  dans  l'aalénien,  Oxynoticeras  (groupe 
du  discus)^  dans  le  bathonien.  Il  faut  donc  admettre  que 
les  mers  de  l'Europe  occidentale  recevaient  des  apports  de 
faune  venant  d'une  province  autre  que  la  province  méditerra- 
néenne et  cela  par  une  autre  voie  que  la  Russie  septentrio- 
nale, voie  dont  l'existence  est  encore  rendue  probable  par 
l'arrivée  brusque  dans  les  mers  portlandiennes  du  bassin 
de  Paris  du  groupe  du  Stephanoceras  portlandicum, 
dont  l'origine  n'est  ni  russe  ni  méditerranéenne.  D'ailleurs, 
la  faune  méditerranéenne  est  loin  d'être  constituée  uni- 
quement par  des  éléments  autochtones;  beaucoup  de 
types  cryptogènes  y  apparaissent  brusquement  et  généra- 
lement en  même  temps  que  dans  l'Europe  occidentale  ;  il 


suffit  de  citer  les  Arnioceras,  les  Deroceras,  les  Cœlo- 
ceras,  etc.,  dans  le  lias;  les  Cosmoceras,  les  Perî- 
sphinctes^  dans  le  bajocien  ;  les  Reineckeia^  dans  le  cal- 
lovien. Avec  la  grande  transgression  callovienne,  le  genre 
Macrocephalites  apparaît  simultanément  dans  l'Europe 
occidentale,  dans  les  régions  méditerranéennes,  en  Russie, 
en  Inde,  dans  l'Afrique  orientale  et  dans  l'Amérique  du 
Sud,  sans  qu'il  soit  possible  d'indiquer  son  lieu  d'ori- 
gine. 

Les  découvertes  récentes  relatives  à  l'extension  des  ter- 
rains jurassiques  en  dehors  de  l'Europe  ne  jettent  que  peu 
de  lumière  sur  les  centres  de  propagation  des  faunes.  Le 
lias  boréal  est  entièrement  inconnu  ;  tous  les  affleurements 
dans  les  régions  intertropicales,  ceux  de  l'Amérique  occi- 
dentale et  même  ceux  de  l'Alaska  ont  fourni  des  faunules 
qui  se  rapprochent  beaucoup  de  la  faune  méditerranéenne. 
Le  jurassique  moyen  des  deux  Amériques  présente  des  affi- 
nités très  étroites  avec  celui  de  l'Europe  occidentale,  ce 
qui  indiquerait  peut-être  le  lieu  d'origine  des  éléments  non 
méditerranéens  dont  on  constate  l'existence  dans  la  faune 
de  cette  région.  Le  callovien,  par  suite  de  sa  transgressi- 
vité  générale,  possède  des  caractères  universels,  mais  les 
Phylloceras  ne  sont  réellement  prédominants  que  dans  les 
régions  méditerranéennes.  Les  faunes  du  tithonique  de 
l'Afrique  orientale,  de  l'Himalaya,  de  l'Amérique  méridio- 
nale, ont  des  affinités  étroites  avec  la  faune  tithonique  des 


334  — 


JURASSIQUE  —  JURGENS 


régions  méditerranéennes,  et  néanmoins  les  Phylloceras  et 
les  Lytoceras  n'y  sont  souvent  représentés  que  dans  une 
assez  faible  proportion.  Une  partie  de  la  faune  équatoriale 
paraît  donc  avoir  eu  son  centre  de  propagation  dans  les 
régions  méditerranéennes,  mais  rien  n'indique  l'existence 
d'une  zone  tempérée  australe,  admise  par  Neumayr;  rien 
non  plus  n'indique  dans  les  dépôts  jurassiques  de  l'hémis- 
phère Sud  qu'il  y  ait  eu  un  mélange  de  la  faune  méditer- 
ranéenne avec  des  éléments  d'une  faune  antarctique,  si  ce 
n'est  peut-être  l'existence  d'Aiicelles  dans  la  Nouvelle-Zé- 
lande, qui  serait  à  rapprocher  de  la  présence  inattendue 
des  mêmes  Bivalves  au  Mexique,  en  pleine  zone  équato- 
riale. Il  résulte  des  faits  qui  précèdent  que  l'hypothèse  des 
zones  homœozoïques  de  Neumayr  ne  rend  pas  compte  d'une 
manière  satisfaisante  de  la  répartition  des  faunes  jurassi- 
ques à  la  surface  du  globe.  Par  contre,  l'hypothèse  de 
courants  chauds  et  de  courants  froids,  professée  depuis 
quelques  années  par  M.  Munier-Chalmas,  explique  fort 
bien  les  profondes  diSérences  de  faune  entre  la  province 
russe  et  la  province  méditerranéenne,  le  caractère  mixte 
des  dépôts  jurassiques  de  l'Europe  occidentale,  ainsi  que 
les  avancées  vers  l'Equateur  de  la  faune  boréale  et  les 
avancées  vers  le  Nord  de  la  faune  équatoriale.  La  réparti- 
tion des  faunes  et  en  particuher  celle  des  Ammonites  pa- 
raît avoir  été  déterminée  en  première  ligne  par  les  cou- 
rants marins. 

Distribution  des  terres  et  des  mers.  —  Si  les  docu- 
ments relatifs  à  la  répartition  des  faunes  marines  juras- 
siques à  la  surface  du  globe  sont  encore  très  insuffisants, 
il  en  est  de  même  pour  ceux  qui  concernent  la  distribution 
des  terres  et  des  mers  ;  aussi  l'essai  de  reconstitution, 
joint  au  présent  article,  n'a-t-il  pas  la  prétention  de  rendre 
l'exacte  réalité,  mais  a-t-il  simplement  pour  but  de  fixer 
les  idées  et  d'aider  à  l'intelligence  de  l'exposé  qui  suit. 

L'étude  des  faciès  des  terrains  jurassiques  démontre  que 
ces  derniers  sont  des  dépôts  de  mers  continentales,  formés 
par  conséquent  en  dehors  des  grands  océans,  dont  les 
dépôts  sont  encore  inconnus.  L'Europe  occidentale  consti- 
tuait, pendant  toute  la  durée  de  la  période  jurassique,  un 
archipel  constitué  par  des  îles  de  terrains  anciens,  débris 
des  chaînes  calédonienne  et  hercynienne.  En  France,  la 
presqu'île  Armoricaine,  l'Ardenne,  le  Plateau  central,  le 
massif  des  Maures  et  de  l'Estérel,  relié  peut-être  aux  Pyré- 
nées, formaient  des  îles  dont  les  rivages  sont  en  partie 
connus  et  sont  indiqués  quelquefois  par  des  dépôts  litto- 
raux. Le  massif  central  de  l'Espagne,  la  Meseta,  et  l'arc 
central  des  Alpes  étaient  également  émergés.  Les  Vosges 
et  la  Forêt-Noire,  certainement  recouvertes  par  les  eaux 
de  la  mer  liasique,  étaient  très  probablement  exondées  vers 
la  fin  de  l'époque  jurassique.  Les  travaux  de  M.  Suessont 
rendu  probable  l'existence  d'une  île  tyrrhénienne  et  d'une 
île  mauritanienne,  dont  la  Cordillière  bétique  et  les  affleu- 
rements de  roches  anciennes  de  la  côte  algérienne  consti- 
tuent aujourd'hui  les  débris.  Enfin,  plus  à  l'E.,  se  trouvaient 
plusieurs  îles,  parmi  lesquelles  le  massif  de  Bohême  seul 
peut  être  assez  exactement  délimité. 

Le  plateau  Scandinave  est  une  terre  émergée  dès  la  plus 
haute  antiquité  ;  il  en  est  de  même  du  continent  nord- 
américain^  avec  lequel,  à  l'origine,  cette  terre  était  pro- 
bablement soudée. 

L'absence  complète  des  dépôts  jurassiques  marins  dans 
l'Asie  centrale,  dans  la  (ihine  et  dans  l'Indo-Chine,  indique 
l'existence  d'un  grand  continent  asiatique^  qui  vraisem- 
blablement était  déjà  séparé  du  continent  australien. 
Comme  au  Brésil  et  sur  les  côtes  de  Guinée  le  cénomanien 
repose  immédiatement  sur  les  terrains  anciens,  on  est  en 
droit  d'admettre  que  l'Afrique  et  la  partie  orientale  de 
l'Amérique  du  Sud  étaient  reliés  et  formaient  un  continent 
africano-brésilien,  dont  les  deux  moitiés  n'ont  été  entiè- 
rement séparées  qu'à  une  époque  relativement  récente. 
Des  considérations  tirées  de  la  flore  permienne  et  triasique 
et  de  la  faune  néocomienne  indiquent  que  la  péninsule 
indienne  et  l'Afrique  australe  étaient  réunies  au  début  de 


la  période  secondaire  par  une  terre  ferme  dont  l'île  de 
Madagascar  est  un  dernier  débris  et  qui  correspond  à  la 
Lémurie,  que  les  zoologistes  ont  dû  imaginer  pour  expli- 
quer la  répartition  actuelle  des  Mammifères. 

L'existence  d'un  océaii  boréal  est  rendue  très  vraisem- 
blable par  l'existence  des  couches  à  Aucelles  dans  le  N.  de 
l'Europe,  de  l'Asie  et  de  l'Amérique.  Nous  n'avons  aucune 
donnée  sur  un  océan  austral,  mais  le  Pacifique  présen- 
tait déjà,  à  l'époque  triasique,  des  contours  peu  différents 
de  ses  contours  actuels.  Nous  connaissons  ses  dépôts  litto- 
raux ou  sublittoraux  de  l'époque  jurassique  sur  toute  la 
côte  occidentale  de  l'Amérique. 

Le  trait  dominant  de  la  distribution  des  terres  et  des 
mers  jurassiques,  c'est  l'existence  d'une  grande  mer  plus 
ou  moins  parallèle  à  l'équateur,  reliant  l'Inde  à  l'Amérique 
centrale  en  comprenant  toute  la  région  qu'affecteront  à 
l'époque  tertiaire  les  plissements  alpins  (Atlas,  Espagne, 
Alpes,  Karpates,  Balkans,  Crimée,  Asie  Mineure,  Cau- 
case, plateau  Iranien,  Himalaya),  Neumayr  a  donné  à  cette 
mer  le  nom  de  Méditerranée  centrale.  M.  Suess  a  mon- 
tré qu'elle  devait  encore  exister  à  l'époque  éocène,  avant 
l'effondrement  plus  récent  de  l'Atlantique.  Le  golfe  éthio- 
pique  s'en  détachait  vers  le  S.  et  correspondait  aux  dépôts 
jurassiques  de  Madagascar  et  de  l'Afrique  orientale. 

Emile  Haug. 

BiBL.  :  L.  VON  BucH,  Bev  Jura.  Deutschlands  ;  Berlin, 
1837  {Denkschr.  Akad.  Wissensch.).  —  A.  d'Orbigny, 
Cours  élémentaire  de  paléontologie  stratigraphique  ; 
Paris,  1849-52,  in-18.  —  A.  Oppel,  Die  Jura  formation  En- 
glands^  Frankreichs  und  des  sûd-westlichen  Deutschlands; 
Stuttgart,  1856-58,  in-8.  —  Ed.  Hébert,  les  Mers  ancienn.es 
et  leurs  rivages  dans  le  bassin  de  Paris,  ou  classification 
des  terrains  par  les  oscillations  du  sol,  1*'«  partie  :  Ter- 
rain jurassique  ;  Paris,  1857,  in-8.  —  J.  Marcou,  Lettres 
sur  les  roches  du  Jura  et  leur  distribution  géographique 
dans  les  deux  hémisphères  ;  Paris,  1857-60,  in-8.  — 
F. -A.  QuENSTEDT,  Dcr  Jura  ;  Tubingue,  1858,  in-8.  — 
W.  Waagen.  Der  Jura  in  Franken  Schwaben,  und  der 
Schweiz  ;  Stuttgart,  1863,  in-8.  —  M.  Neumayr,_  Ueber 
klimatische  Zonen  wœhrend  der  Jura-und  Kreidezeit  ; 
Vienne,  1883  (Denkschu  d.  h.  Akad.  d.  Wiss.,  t.  XLVII). 
—  Du  mên:ie,  Die  geographische  Verbreitung  der  Jura- 
formation;  Vienne,  1885  (id.,  t.  L).  —  S.  Nikitin,  Ueber 
die  Beziehungen  z-wischen  der  russischen  und  der  west- 
europœischen  Jura  formation  ;  Stuttgart,  1886  {Neues 
Jahrb.  f.  Miner.,  Geol.  u.  PaldeouL,  1886,  t.  II).  —  Du 
môme,  Einige  Bemerkungen  ûber  die  Jura-Ablagerungen 
des  Himalaya  und  Mittelasiens,  1889  (id.,  1889,  t.  II).  — 
A.  Pavlov  et  W.  Lamplugh,  les  Argiles  de  Speeton  et 
leurs  équivalents,  1891  {Mém.  Soc.  Nnuralistes  Moscou, 
N.  S.,t.V).—  C.Fox-Strangways,  Horace-B.WooDwARD, 
The  Jurassic  Rocks  of  Britain,  1892-94  {Mem.  of  the  Geo- 
logical  Survey  of  the  United  Kingdom),  4  vol.  . 

J  U  RATS.  Nom  par  lequel  on  désignait,  sous  l'ancien  ré- 
gime, dans  beaucoup  de  villes  du  S.-O.  de  la  France,  les 
magistrats  municipaux  ;  leur  réunion  formait  la  jurade. 
Ce  terme,  qui  est  l'équivalent  méridional  du  mot  français 
jurés,  dérive  comme  lui  du  htm  juratus  et  s'explique  par 
le  serment  qui  était  requis  de  ces  magistrats. 

JURÉ.  I.  Législation  (V.  Jury). 

II.  Droit  civil  (V.  Excuse). 

III.  Histoire.  —  Un  grand  nombre  de  villes,  de  com- 
munes ou  de  bourgeoisie,  comptaient,  dans  leur  corps  mu- 
nicipal, des  corps  désignés  par  le  terme  de  jurés  (jurais), 
nom  qu'ils  tenaient  du  serment  qu'ils  prêtaient  à  leur 
entrée  en  fonction.  Tantôt  les  jurés  formaient  à  eux  seuls 
le  corps  municipal  et  tantôt  ils  constituaient  un  collège 
spécial  à  côté  du  collège  des  échevins.  Dans  ce  cas,  tandis 
que  les  échevins  étaient  particulièrement  chargés  de  la 
justice,  les  jurés  avaient  plutôt  des  attributions  admi- 
nistratives et  de  police  (V.  Communes). 

Jurés  compteurs  (V.  Inspecteur  des  ports). 

JURÉ.  Com.  du  dép.  de  la  Loire,  arr.  de  Roanne,  cant. 
de  Saint-Just -en-Chevalet;  631  hab. 

JURGENS  (Karl-Heinrich) ,  écrivain  allemand,  né  à 
Brunswick  le  3  mai  1801,  mort  à  Wiesbaden  le  2  dèc. 
1860.  Auteur  d'une  grande  biographie  de  Luther  (Luther 
von  seiner  Geburt  bis  %um  Ablasstreit  ;  Leipzig,  1846- 
47,  3  vol.),  ce  fut  un  champion  du  parti  conservateur  au 


JURGENS  —  JURIDICTION 


—  332 


Parlement  national  de  4848-49,  mais  un  adversaire  résolu 
de  la  Prusse. 

JUR6ENSEN(Urban),  horloger  danois,  né  à  Copenhague 
le  5  août  1776,  mort  à  Copenhague  le  44  mai  4830.  Il 
étudia  son  art  à  Neuchâtel,  Genève,  Paris  et  Londres, 
s'établit  en  1809  à  Copenhague,  fut  nommé  en  4815 
membre  de  l'Académie  des  sciences  de  cette  ville  et  obtint, 
en  4848,  la  place  d'horloger  de  la  marine  royale.  Il  a 
apporté  de  notables  perfectionnements  dans  la  fabrication 
des  montres  et  des  chronomètres  et  a  publié,  outre  des 
mémoires  insérés  dans  le  recueil  de  l'Académie  de  Co- 
penhague et  dans  les  Astronomische  ISachrichten^  les 
trois  ouvrages  suivants  :  Principes  généraux  de  V exacte 
mesure  du  temps,  en  danois  (Copenhague,  1804,  in-4  ; 
2«  éd.,  4839  ;  trad.  fr.,  Paris,  4805,  in-4  ;  1'-  éd.,  4838)  ; 
Mémoires  sur  Vhorlogerie  exacte  (Paris,  4832,  in-4); 
V Horlogerie  de  précision,  en  danois  (Copenhague,  4842, 
in-4).  —  Ses  deux  fils,  Louis-Urban,  né  en  4806,  et 
Jules-Frederik,  né  en  4808,  et  son  neveu,  Georg-Urban- 
Frederik^  né  en  4818,  ont  été  également  d'habiles  horlo- 
gers, auxquels  on  doit  quelques  inventions  et  perfectionne- 
ments et  plusieurs  mémoires  intéressants.  L.  S. 

JURGENSEN  (Christian),  mathématicien  danois,  né  à 
Copenhague  le  49  mai  1805.  Professeur  de  mathématiques 
à  Copenhague  et  membre  de  l'Académie  des  sciences  de 
cette  ville,  il  a  écrit  sur  le  calcul  infinitésimal  :  1°  une 
dizaine  d'ouvrages  en  danois,  parus  à  Copenhague  ;  2*  une 
vingtaine  de  mémoires  originaux,  en  danois  et  en  français, 
épars  dans  le  Journal  de  Crelle  et  dans  les  recueils  de 
l'Académie  danoise.  L.  S. 

BiBL.  :  Catalogue  o/'scien^i/icpapers  de  la  Société  royale; 
Londres,  1869.  t.  III. 

JURIDICTION.  I.  Jurisprudence.  —  La  juridiction  est 
le  pouvoir  donné  à  un  magistrat  ou  à  un  tribunal,  soit 
d'accomplir  ou  de  recevoir  certains  actes,  soit  d'instruire  ou 
de  juger  les  procès.  La  juridiction  est,  dans  le  premier  cas 
gracieuse,  dans  le  second  cas  contentieuse.  La  première 
s'exerce  en  dehors  de  toute  contestation  ;  la  loi  impose  l'in- 
tervention de  la  justice  pour  certains  actes  à  cause  de  leur 
importance  particulière.  C'est  ainsi  que  plusieurs  actes  du 
tuteur  doivent  être  homologués  par  le  tribunal  d'arrondisse- 
ment; que  l'absence  doit  être  déclarée  par  jugement;  qu'un 
jugement  est  nécessaire  pour  toute  rectification  à  un  acte  de 
l'état  civil  ;  qu'en  cas  d'absence  ou  d'incapacité  du  mari, 
son  autorisation  est  remplacée  pour  la  femme  par  celle  de 
la  justice;  que  tout  acte  d'adoption  doit  être  homologué  par 
jugement  du  tribunal  et  par  arrêt  de  la  cour,  etc.  La  juri- 
diction contentieuse  suppose  au  contraire  une  contestation 
et  elle  consiste  dans  le  droit  de  l'instruire  et  de  la  juger. 
Pour  mettre  en  mouvement  la  juridiction  gracieuse  d'un 
tribunal,  on  s'adresse  à  lui  par  voie  de  requête  ;  une  assi- 
gnation faite  à  personne  ou  au  domicile  du  défendeur  est 
au  contraire  nécessaire  s'il  s'agit  d'un  procès.  Dans  le  pre- 
mier cas  le  jugement  n'a  pas  autorité  de  chose  jugée  par 
la  raison  bien  simple  qu'il  ne  juge  rien  ;  dans  le  second 
cas  on  lui  reconnaît  cette  autorité.  Aussi  le  jugement  gra- 
cieux ne  peut-il  pas  en  principe  être  attaqué  par  les  voies 
de  recours,  tandis  que  la  loi  met  ces  voies  de  recours  à  la 
disposition  du  perdant  en  cas  de  jugement  contentieux. 
La  juridiction  gracieuse  appartient  en  général  au  tribunal 
civil  d'arrondissement  qui  l'exerce  à  huis  clos,  dans  une 
chambre  spéciale  appelée  chambre  du  conseil;  c'est  pour 
ce  motif  que,  dans  ces  circonstances,  on  donne  au  tribunal 
lui-même  le  nom  de  chambre  du  conseil  (V.  Chambre  du 
CONSEIL,  t.  X,  p.  383).  Pour  qu'un  autre  tribunal  puisse 
exercer  la  juridiction  gracieuse,  il  faut  qu'un  texte  formel 
de  loi  lui  en  donne  le  pouvoir;  c'est  ainsi,  par  exemple, 
que  le  juge  de  paix  préside  les  conseils  de  famille,  reçoit 
les  actes  d'émancipation,  les  contrats  d'adoption,  etc.  Le 
droit  de  juridiction  est  complété  par  celui  de  connaître  des 
difficultés  qui  se  rattachent  à  l'exécution  des  jugements.  Ce 
dernier  droit  n'appartient  qu'aux  tribunaux  d'arrondisse- 
ment et  aux  cours  d'appel  ;  aussi  dit-on  qu'ils  ont  pléni- 


tude de  juridiction  Les  cours  d'appel  connaissent  des  dif- 
ficultés d'exécution  naissant  de  leurs  arrêts  toutes  les  fois 
que  ceux-ci  ont  infirmé  la  décision  des  premiers  juges, 
mais  elles  peuvent,  si  elles  veulent,  charger  de  l'exécution 
un  tribunal  d'arrondissement  (C.  de  procéd.,  art.  472). 
Lorsqu'un  jugement  d'un  tribunal  d'arrondissement  n'a 
pas  été  attaqué  devant  la  cour  ou  a  été  confirmé  en  appel, 
c'est  ce  tribunal  lui-même  qui  connaît  de  l'exécution  (C.  de 
procéd.,  art.  472).  Quant  aux  difficultés  qui  peuvent 
naître  de  l'exécution  d'un  jugement  d'un  tribunal  de  com- 
merce, elles  doivent  être  portées  au  tribunal  civil  dans  le 
ressort  duquel  se  poursuit  l'exécution.  Supposons  par 
exemple  qu'on  exécute  dans  l'arrondissement  de  Versailles 
un  jugement  du  tribunal  de  commerce  de  la  Seine  :  les 
difficultés  relatives  à  l'exécution  de  ce  jugement  seront 
portées  au  tribunal  civil  de  Versailles.  Dans  le  silence  de 
la  loi  et  par  analogie  on  applique  la  même  règle  lorsqu'il 
s'agit  d'une  difficulté  d'exécution,  d'un  jugement  d'un  juge 
de  paix  ou  de  la  sentence  d'un  conseil  de  prud'hommes. 

E.  Glâsson. 

IL  Droit  canonique.  —  L'Evangile  rapporte  qu'un 
homme  étant  venu  prier  Jésus  de  dire  à  son  frère  de  par- 
tager avec  lui  leur  héritage,  Jésus  lui  répondit  :  0  homme, 
qui  m'a  établi  pour  être  votre  juge  ou  pour  faire  vos 
partages  ?  Et  il  profita  de  cette  occasion  pour  recomman- 
der au  peuple  qui  l'entourait  de  se  garder  avec  soin  de 
l'avarice  (Saint  Luc,  xii,  13-15).  Il  est  peu  probable 
que  le  Christ  ait  jamais  voulu  attribuer  à  son  Eglise  l'au- 
torité qu'il  déclinait  pour  lui-même,  de  juger  les  différends 
des  hommes  et  de  régler  leurs  intérêts  en  litige.  Il  avait 
maintes  fois  conseillé  à  ses  disciples  d'éviter  tout  procès  à 
tout  prix,  soit  en  s'accordant  avec  la  partie  adverse,  si  la 
réclamation  était  faite  par  celle-ci,  soit  en  renonçant  d'eux- 
mêmes  à  la  revendication  de  leurs  propres  droits  ou  au 
redressement  des  torts  dont  ils  auraient  à  souffrir.  Cepen- 
dant saint  Matthieu  (xvni,  45-17)  semble  indiquer  un 
mode  de  procédure  institué  par  Jésus:  «  Si  ton  frère  a  pé- 
ché contre  toi,  va  et  reprends-le  entre  toi  et  lui  seul  ;  s'il 
t' écoute,  tu  auras  gagné  ton  frère.  Mais  s'il  ne  t'écoute 
pas,  prends  avec  toi  une  ou  deux  personnes,  afin  que  tout 
soit  confirmé  par  la  parole  de  deux  ou  de  trois  témoins. 
S'il  ne  daigne  pas  les  écouter,  dis-le  à  l'Eglise,  et,  sHl 
ne  daigne  pas  écouter  V Eglise,  regarde-le  comme  un 
païen  et  un  péager.  »  Parmi  les  auteurs  qui  se  sont  oc- 
cupés de  ce  texte,  les  uns  ont  voulu  y  trouver  le  principe 
de  la  juridiction  ecclésiastique  et  de  V excommunica- 
tion ;  les  autres  en  ont  contesté  l'authenticité,  pour  la  par- 
tie qui  institue  un  recours  à  l'Eglise.  Cette  question  d'au- 
thenticité, intéressante  peut-être  pour  les  théologiens,  n'a 
aucune  importance  pour  les  jurisconsultes  ;  car  il  est  clair 
que  l'office,  assigné  ici  à  l'EgUse,  ne  diffère  nullement  de 
celui  des  témoins:  C'est  une  simple  fonction  d'assistance 
dans  une  procédure  essentiellement  amiable,  destinée  non 
à  terminer  un  procès  par  une  sentence,  mais  à  le  prévenir 
par  une  triple  tentative  de  conciliation.  Il  y  manque  les 
éléments  essentiels  d'une  juridiction.  Le  chrétien  offensé  ou 
lésé  ne  gagne  en  cette  procédure  que  l'avantage,  tout  mo- 
ral, de  faire  constater  son  bon  droit  et  sa  bonne  volonté. 
Nul  jugement  d'ailleurs,  nulle  sanction,  sinon  Tautorisa- 
tion  et  la  satisfaction  intime  de  regarder  son  adversaire 
comme  un  païen  et  un  péager.  Pour  le  fond,  la  cause  reste 
dans  le  domaine  évangélique  primitif  de  l'abandon  du  droit 
légal  et  du  pardon  des  injures. 

La  force  des  choses,  le  développement  de  l'Eglise  et  les 
conditions  dans  lesquelles  s'opéra  ce  développement,  de- 
vaient produire  ce  que  son  fondateur  n'avait  point  estimé 
devoir  faire  lui-même.  Les  différends,  les  contestations  sont 
inévitables  parjni  les  hommes,  même  parmi  les  chrétiens. 
De  là  des  procès.  L'apôtre  Paul  rappelle  aux  chrétiens 
la  pure  doctrine  évangélique  ;  et  il  leur  reproche,  comme 
un  premier  défaut,  d'avoir  des  procès  les  uns  contre 
les  autres  :  Pourquoi,  leur  dit-il,  ne  souffrez-vous  pas 
plutôt  qu'on  vous  fasse  tort?  Pourquoi  n'endurez-vous 


333  — 


JURIDICTION 


pas  plutôt  quelques  pertes?  Cependant  il  transige  avec  ce 
défaut,  réservant  toute  sa  sévérité  pour  le  fait,  plus  répré- 
hensible  encore,  d'appeler  des  frères  en  jugement  devant 
des  infidèles,  plutôt  que  devant  les  saints  :  Prenez  plutôt 
pour  juger  ceux  qui  sont  les  moins  considérés  dans 
l'Eglise,  Je  le  dis  pour  vous  faire  honte.  N'y  a-t-il  pas 
de  sages  parmi  vous,  non  pas  même  un  seul,  qui  puisse 
juger  entre  ses  frères  (i.  Cor.,  vi,  1-7)?  Voilà  donc  une 
juridiction  spéciale,  instituée  pour  les  chrétiens  et  impo- 
sée à  leur  fidélité.  Constatons  que  au  commencement  l'or- 
ganisation de  cette  juridiction  était  absolument  arbitrale. 
L'apôtre  Paul  n'établit  en  l'Eglise  de  Corinthe  aucune  au- 
torité pour  rendre  la  justice.  Ceux  qui  ont  des  contestations 
à  régler  doivent  choisir  eux-mêmes  leurs  juges,  comme  on 
fait  pour  les  arbitres.  Il  serait  honteux  qu'ils  ne  trouvas- 
sent point  un  seul  sage  capable  de  juger  entre  ses  frères  ; 
mais,  dans  tous  les  cas,  les  chrétiens  qui  sont  les  moins  con- 
sidérés dans  l'Eglise  sont  préférables  aux  magistrats  des 
infidèles.  —  Ce  mode  de  procéder  dut  être  adopté  promp- 
tement  par  tous  les  fidèles.  La  nécessité  l'imposait  à  une 
société  isolée  et  persécutée  comme  l'était  l'Eglise,  au  mi- 
lieu du  monde  romain. 

Quand  la  hiérarchie  se  développa,  elle  tendit  naturelle- 
ment à  attribuer  à  ceux  qui  gouvernaient  l'Eglise  tout  ce 
qui  constituait  un  acte  d'autorité  dans  la  société  chrétienne. 
Or,  l'administration  de  la  justice  est  essentiellement  un  acte 
de  ce  genre.  Enlevée  à  l'autorité  civile,  elle  devait  être  re- 
mise à  l'autorité  ecclésiastique.  Dès  lors,  celle-ci  non  seu- 
lement exerça  sur  tous  les  chrétiens  la  juridiction  discipli- 
naire qui  appartient  légitimement  à  une  Eglise  sur  tous 
ses  membres,  à  raison  de  leur  toi  et  de  leur  conduite  en 
matière  religieuse  ;  mais,  de  plus,  elle  se  trouva,  par  l'effet 
de  circonstances  particulières  de  temps  et  de  lieu,  investie 
d'une  juridiction  universelle  embrassant  tous  les  intérêts. 
Cela  se  fit  d'autant  plus  facilement,  qu'au  fond  de  la  plu- 
part des  litiges  il  y  a  une  question  de  morale,  de  péché, 
sur  laquelle  la  religion  peut  réclamer  sa  compétence.  — 
Lorsque  Constantin,  avec  1  aide  de  l'Eglise,  se  fut  rendu  maître 
de  tout  FEmpire,  il  ne  put  songer  à  dépouiller  son  alliée 
de  ce  qui  lui  appartenait  avant  leur  commune  victoire.  Une 
constitution  attribuée  à  cet  empereur  et  datée  de  Constan- 
tinople,  année  331,  contient  ceci:  «  Nous  ordonnons, 
comme  le  déclare  d'ailleurs  notre  édit,  que  les  sentences 
des  évêques,  rendues  sur  quelque  genre  d'affaires  que  ce 
soit,  et  sans  avoir  égard  à  l'âge  des  parties,  demeurent  tou- 
jours inviolables  et  inattaquables.  Que  le  jugement  soit 
rendu  entre  mineurs  ou  entre  majeurs,  nous  voulons  que 
nos  juges  ordinaires  en  assurent  l'exécution.  —  Quiconque 
donc  ayant  un  procès,  soit  défendeur,  soit  demandeur, 
pendant  les  plaidoiries  ou  lorsque  la  sentence  du  juge  est 
prête  à  être  prononcée,  demandera  le  jugement  deFévêque, 
devra  être  renvoyé  immédiatement  sans  hésitation  devant 
Févêque,  quand  même  l'autre  partie  résisterait,  pour  juger 
les  dires  des  plaideurs.  Car  il  y  a  bien  des  choses  que  les 
liens  des  prescriptions  en  matière  civile  ne  permettent  pas 
de  scruter,  et  que  l'autorité  de  la  religion  examine  et  dé- 
cide. —  Que  toutes  les  causes  qui  sont  régies  par  le  droit 
civil  ou  le  droit  prétorien,  terminées  par  la  sanction  des 
évêques,  soient  terminées  d'une  manière  stable  et  perpé- 
tuelle, et  qu'il  ne  soit  plus  permis  de  revenir  sur  une  affaire 
sur  laquelle  ils  auront  prononcé.  —  Que  tous  les  juges 
reçoivent  sans  difficulté  le  témoignage  rendu  même  par  un 
seul  évêque,  et  qu'on  n'entende  point  d'autres  témoins, 
lorsque  une  partie  a  invoqué  le  témoignage  d'un  évêque.. .  » 
Les  pouvoirs  et  les  privilèges  ainsi  attribués  aux  évêques 
ont  paru  tellement  exorbitants,  qu'on  a  contesté  l'exis- 
tence de  l'acte  qui  les  leur  confère.  Notis  n'entrerons  point 
dans  les  controverses  très  vives  que  cette  question  a  susci- 
tées parmi  les  savants  et  qui  ne  sont  point  encore  terminées. 
La  constitution  de  Constantin  nous  paraît  très  vraisem- 
blable, exactement  adaptée  aux  réalités  de  la  situation  et 
du  temps  pour  lesquels  elle  a  été  faite.  En  331 ,  beaucoup 
de  juges  étaient  encore  des  païens,  et  les  chrétiens  devaient 


préférer  aux  tribunaux,  où  ces  juges  siégeaient,  la  juridic- 
tion des  évêques,  consacrée  pour  eux  par  une  coutume 
ancienne  et  vénérée. 

A  mesure  que  les  offices  judiciaires  furent  tenus  par  des 
chrétiens,  les  juges  ordinaires  cessèrent  d'être  suspects  à 
leurs  coreligionnaires.  Dès  lors,  la  juridiction  exception- 
nelle que  Constantin  avait  reconnue  aux  évêques,  devenant 
moins  nécessaire,  devint  moins  désirée.  Des  constitutions 
postérieures  la  restreignirent,  en  matière  civile,  à  une 
juridiction  arbitrale,  adoptée  par  le  libre  choix  des  parties. 
La  décision  rendue,  more  arbitri,  n'était  point  suscep- 
tible d'appel  ;  mais  l'exécution  devait  être  poursuivie 
devant  les  juges  ordinaires  {Cod,  Just.,  VII  et  VIII,  De 
Episcopali  audientia).  Pour  toutes  les  causes  relatives, 
de  quelque  manière  que  ce  fût,  aux  clercs  et  aux  ques- 
tions religieuses,  la  législation  impériale  tendait  à  assurer 
aux  juges  ecclésiastiques  la  plénitude  de  la  juridiction  : 
Quotiens  de  religione  agitur,  episcopos  convertit  agi- 
tare  {Cod,  Théod,,  I,  De  Religione).  Cette  prescription 
d'Honorius  et  Arcadius  fut  confirmée  par  une  déclaration 
de  Théodose  et  Valentinien  :  Fas  non  est,  ut  divini  mu- 
neris  ^ninistri  temporalium  potestatum  subdantur 
arbilrio  {Cad,  Théod,,  XLVII,  De  Episcopis).  Une 
constitution  d'Honorius  et  Théodose  porte  que  les  clercs 
ne  peuvent  être  accusés  que  devant  leurs  évêques:  Clericos 
non  nisi  apud  episcopos  accusari  convenit,  Arcadius, 
llonorius  et  Théodose  ordonnèrent  à  la  curie  de  revendi- 
quer le  clerc  que  son  évêque  jugerait  indigne  de  son  office 
(Cod,  Théod.,  XXXVIIl,  De  Episcopis);  les  évêques 
reçurent  aussi  des  empereurs  Finspection  sur  la  police  des 
mœurs  et  de  l'honnêteté  publique.  Ils  devaient  protéger  les 
filles  ou  les  esclaves  que  leurs  pères  ou  leurs  maîtres  vou- 
laient prostituer,  la  femme  libre  ou  esclave  qu'on  voulait 
forcer  à  monter  sur  le  théâtre  ;  ils  devaient  assurer,  con- 
jointement avec  le  magistrat,  la  liberté  aux  enfants  exposés; 
ils  intervenaient  à  la  nomination  et  à  la  prestation  de  serment 
des  tuteurs  et  des  curateurs,  soit  pour  les  insensés,  soit 
pour  les  mineurs;  ils  devaient  visiter  les  prisons,  une  fois 
la  semaine,  s'informer  du  sujet  de  la  détention,  pour 
avertir  les  magistrats  de  faire  leur  devoir  et,  en  cas  de 
négligence,  les  dénoncer  à  l'empereur.  On  leur  confia  aussi 
une  surveillance  sur  Fadministration  et  l'emploi  des  re- 
venus et  des  deniers  communs  des  villes,  sur  la  construc- 
tion ou  réparation  des  ouvrages  publics. 

Des  documents  que  nous  avons  mentionnés,  il  résulte 
que,  au  v®  siècle,  l'Eglise  était  investie  d'une  juridiction 
plénière  :  1^  à  raison  de  la  personne,  sur  tous  les  clercs; 
^i<^  à  raison  de  la  matière,  sur  toutes  les  causes  relatives 
à  la  religion.  De  plus,  elle  exerçait  une  judicature  arbi- 
trale dans  tous  les  litiges  qui  lui  étaient  déférés  volontai- 
rement par  les  parties  intéressées,  et  un  office  de  pro- 
tection en  faveur  des  bonnes  mœurs,  des  faibles,  des 
incapables,  des  prisonniers  et  des  cités.  Les  causes  qui 
amenèrent  les  invasions,  l'ignorance  et  la  superstition  des 
barbares  convertis,  les  principes  de  leurs  coutumes,  les 
formes  de  leur  procédure,  le  régime  étrange  que  produisit 
leur  établissement  dans  FEmpire  devaient  'étendre  immen- 
sément le  domaine,, déjà  si  vaste,  de  la  juridiction  ecclésias- 
tique. Les  barbares  gardent  les  coutumes  de  leur  nation 
ou  de  leur  tribu  et  laissent  au  peuple  conquis  la  loi  ro- 
maine, La  population  des  cités  se  compose  presque  entiè- 
rement des  anciens  sujets  de  l'Empire.  Qui  est  mieux  placé 
que  le  clergé  pour  leur  appliquer  la  loi  romaine,  qui  con- 
tinue à  les  régir  et  que  les  vainqueurs  ignorent  ?  Le  prin- 
cipe fondamental  de  la  juridiction  germanique,  c'est  que 
chacun  soit  jugé  par  ses  pairs  :  nouvelle  raison  pour 
attribuer  à  FEglise  le  jugement  des  clercs.  Or  le  nombre 
des  personnes  appartenant,  sous  ce  titre,  à  l'Eglise,  aug- 
mente de  jour  en  jour,  par  l'effet  de  causes  propres  à  cette 
époque  :  empressement  des  hommes  à  entrer  dans  les 
ordres,  engouement  des  deux  sexes  pour  la  vie  monas- 
tique, surtout  connivence  du  clergé  avec  les  laïques  qui 
veulent  s'affranchir  des  charges  séculières  et  profiter  des 


JURIDICTION 


~  334  - 


immunités  ecclésiastiques.  L'Eglise  les  tonsure,  sans  les 
admettre  dans  les  ordres,  et  elle  les  réclame  comme  ses 
sujets  et  ses  justiciables.  De  plus,  le  régime  établi  à  la 
suite  des  invasions  ayant  constitué  une  sorte  de  juridiction 
immobilière,  l'Eglise  se  trouvait,  en  qualité  de  grande  pro- 
priétaire, investie  du  droit  de  justice  sur  toutes  les  per- 
sonnes vivant  dans  ses  domaines,  —  La  dynastie  des 
Carolingiens  devait  élever  à  son  apogée  la  puissance  du 
clergé  et  pousser  au  terme  extrême  son  ingérence  dans 
l'administration  de  l'empire  franc.  Pour  ce  qui  concerne 
la  juridiction,  un  capitulaire,  dont  la  date  n'est  point  exac- 
tement connue,  mais  qu'on  attribue  à  la  fin  du  règne  de 
Charlemagne,  reproduisit  les  dispositions  exorbitantes  de 
la  constitution  de  Constantin  que  nous  avons  citée  précé- 
demment.. Il  éleva  la  juridiction  épiscopale  au-dessus  de 
toutes  les  juridictions  séculières,  autorisa  tout  plaideur,  en 
toute  espèce  de  cause,  à  porter  son  procès  au  tribunal  de 
l'évêque,  malgré  l'opposition  de  la  partie  adverse,  et  défendit 
d'appeler  du  jugement  de  l'évêque  (Baluzii  Capitularia, 
t.  I,  p.  983).  L'authenticité  de  ce  capitulaire  devait  être 
niée  ;  elle  l'a  été  très  énergiquement  et  elle  l'est  encore 
aujourd'hui  par  des  auteurs  très  respectables.  Cependant, 
cet  acte  est  bien  conforme  à  ce  que  devait  produire  la 
vieillesse  de  Charlemagne.  Quelle  que  soit  d'ailleurs  la 
valeur  du  document,  la  question  n'implique  aucune  consé- 
quence pratique  ;  car  jamais  l'Eglise,  en  ses  plus  auda- 
cieuses prétentions,  n'a  osé  réclamer,  dans  sa  plénitude, 
l'exercice  de  la  juridiction  concédée  dans  ce  capitulaire. 
Au  reste,  l'autorité  de  la  législation  de  Charlemagne  lui 
survécut  encore  moins  que  l'effet  de  ses  autres  œuvres. 
Or,  l'heure  vint  bientôt  où,  à  la  place  de  l'empire  écroulé, 
il  ne  resta  plus  que  des  débris  de  souveraineté,  recueillis 
par  la  féodalité.  Parmi  ces  débris,  le  pouvoir  judiciaire,  le 
droit  de  justice,  altaché  à  la  plupart  des  tiefs.  Alors, 
outre  la  juridiction  ecclésiastique  qu'elle  possédait, 
comme  puissance  spirituelle,  l'Eglise,  comme  puissance 
féodale,  exerça  dans  ses  àormims  h  justice  seigneuriale. 

Dès  le  xn^  siècle,  la  juridiction  ecclésiastique,  présidée 
désormais  par  le  pape,  juge  suprême,  semblait  avoir  fait 
ses  dernières  conquêtes  :  toutes  les  conquêtes  possibles.  On 
vient  de  voir  ce  qu'elle  avait  déjà  pris.  Pour  obtenir  ces 
résultats,  une  opiniâtre  et  habile  persévérance  s'était  servie 
de  tous  les  moyens  imaginables,  utilisant  tour  à  tour  la 
vérité  et  le  mensonge,  l'Evangile  et  les  Fausses  Décrétales, 
les  conciles  et  les  complots,  l'ignorance  et  même  la  science. 
Il  s'était  formé  à  Bologne  une  école  de  canonistes,  très 
savants  pour  leur  époque,  très  habiles  surtout,  combinant 
avec  une  merveilleuse  dextérité  le  droit  romain  avec  les 
sentences  des  Pères  de  l'Eglise,  les  décrets  des  conciles 
avec  les  lettres  des  papes,  la  jurisprudence  avec  la  scolas- 
tique,  pour  étendre  et  servir  la  domination  pontificale,  et 
agrandir  l'apanage  de  la  juridiction  ecclésiastique,  devenue 
leur  propre  domaine.  De  Bologne,  l'art  canonique  s'était 
propagé  rapidement  dans  les  autres  contrées,  et  il  avait 
fournî  aux  tribunaux  ecclésiastiques,  non  seulement  des 
juges,  mais  même  des  praticiens  laïques,  fauteurs  ardents 
et  habiles  des  privilèges  cléricaux.  Quand  l'œuvre  exté- 
rieure d'envahissement  fut  terminée,  et  que  la  justice  laïque 
fut  dépouillée  de  tout  ce  qu'il  semblait  possible  de  lui  en- 
lever au  profit  de  l'Eglise,  les  canonistes  trouvèrent  encore 
le  moyen  de  glaner  de  riches  gerbes  dans  ses  champs  dé- 
vastés. Et  ce,  d'autant  plus  facilement,  que,  depuis  le 
vi^  siècle,  l'Eglise  avait  prodigué  les  excommunications 
contre  ce  qu'elle  appelait  les  empiétements  des  laïques  sur 
sa  juridiction,  lesquels  empiétements  n'étaient  d'ordinaire 
que  des  résistances  à  ses  propres  usurpations. 

La  tonsure  procurait  à  l'Eghse  les  laïques  et  leurs  causes. 
Les  canonistes  recrutèrent  pour  sa  juridiction  une  clien- 
tèle plus  nombreuse  encore  parmi  les  miser ahiles  fer- 
sonœ,  protégés  naturels  de  l'Eglise.  Les  orphelins  et  les 
veuves,  les  étrangers  et  les  pauvres,  les  pèlerins  et  les 
lépreux,  les  croises  et  même  ceux  qui  avaient  seulement 
fait  vœu  de  s'engager  dans  une  croisade  avaient  droit  à 


une  protection  particulière.  L'Eglise  la  leur  accordait,  en 
réclamant  toutes  les  causes  qui  les  concernaient,  et  en  dé- 
fendant qu'elles  fussent  portées  ailleurs  que  devant  ses  tri- 
bunaux. —  L'élasticité  du  mot  religion  se  prêta  à  d'autres 
empiétements.  La  juridiction  ecclésiastique  possédait  une 
compétence  incontestée  sur  les  matières  spirituelles.  On  en 
fit  trois  classes  :  l*^les  causes  bénéficiales  ;  2°  les  causes 
civiles  qui  dérivaient  des  sacrements  et  ainsi  appelées,  à 
cause  des  conséquences  civiles,  alors  attachées  aux  sacre- 
ments; 3^*  les  causes  criminelles,  telles  que  l'hérésie, 
l'apostasie,  le  schisme,  la  simonie,  le  blasphème,  le  sacri- 
lège. Puis  les  canonistes  remarquèrent  judi(deusement  que 
la  mission  spirituelle  de  l'Eglise  a  essentiellement  pour 
objet  de  prévenir  ou  de  punir  les  péchés.  Or,  comme  il  est 
à  peu  près  impossible  de  trouver  un  procès  qui  ne  sup- 
pose pas  une  injustice,  un  péché,  de  la  part  de  l'une  des 
parties,  il  y  a  lieu  d'admirer  chez  les  juristes  ecclésias- 
tiques, à  titre  égal,  et  l'habileté  qui  sut  tirer  parti  du 
péché  pour  enlever  tant  de  causes  aux  juges  laïques,  et  la 
modération  qui  leur  en  laissa  quelques-unes.  — •  L'Eglise 
naturellement  réclamait  juridiction  sur  tout  ce  qui  touche 
à  un  sacrement,  à  un  serment,  à  un  acte  religieux  quel- 
conque. La  naissance  touchant  au  baptême,  le  mariage  au 
sacrement  du  même  nom,  la  mort  à  l'extrême-onction  ou 
au  moins  aux  funérailles  religieuses,  la  justice  cléricale 
se  saisit  de  toutes  les  questions  relatives  à  l'état  des  per- 
sonnes :  paternité,  filiation,  légitimité,  mariage,  adultère, 
séparation,  validité  des  actes  s'y  rapportant,  ainsi  que  des 
causes  infiniment  nombreuses  et  variées,  mais  toutes  im- 
portantes, qui  s'y  rattachent.  A  l'occasion  des  legs  pieux, 
elle  connaissait  des  testaments  et  incidemment  de  la  pro- 
cédure des  successions  et  des  partages,  et  elle  sévissait 
contre  la  mémoire  de  ceux  que  les  menaces  du  purgatoire 
n'avaient  point  décidés  à  lui  laisser  de  pareils  legs.  Elle 
réclamait  également  les  affaires  d'usure  et  de  prêt,  sous  le 
prétexte  que  le  prêt  à  intérêt  est  interdit  par  l'Evangile. 
—  Dans  l'mtérèt  même  de  la  conscience  des  juges  et  par 
souci  de  leur  salut,  on  miagina,  pour  suppléer  à  leurs 
défaillances,  certaines  causes  mixtes,  qui  pouvaient  être 
portées  également  devant  l'une  ou  l'autre  juridiction,  mais 
pour  lesquelles  la  priorité  déterminait,  en  cas  de  conflit,  la 
compétence,  ce  qu'on  appelait  alors  la  préf^<?'aw^^.  —  L'im- 
munité, qui  exemptait  les  clercs  de  toute  poursuite  devant 
la  justice  criminelle  des  laïques,  avait  été  plus  ou  moins 
respectée  pendant  la  première  partie  du  moyen  âge  ;  elle 
fut  proclamée  et  observée  de  la  manière  la  plus  absolue, 
dès  le  milieu  du  xii°  siècle.  Innocent  ÏII  déclara  même 
qu'elle  est  pour  l'Eglise  un  droit  tellement  inaliénable,  que 
celle-ci  ne  pourrait  valablement  en  consentir  l'abandon,  et 
que  toute  concession  faite  par  elle,  sur  cet  objet,  est  radi- 
calement nulle.  La  négligence  et  l'indulgence  dont  les  tri- 
bunaux ecclésiastiques  usaient  dans  la  poursuite  des  méfaits 
commis  par  les  clercs  leur  procura  une  sorte  d'impunité, 
même  pour  les  crimes  les  plus  odieux.  Les  condamnations 
elles-mêmes  produisaient  rarement  les  peines  qu'elles  pro- 
nonçaient, l'Eglise  pouvant  toujours  accorder  l'absolution 
à  l'égard  des  effets  de  ses  propres  sentences. 

Ces  usurpations  provoquèrent  des  plaintes,  des  résis- 
tances et  des  revendications.  En  1205,  un  établissement  fut 
concerté  entre  le  roi  Philippe- Auguste,  le  clergé  et  les  ba- 
rons, pour  régler  l'exercice  de  la  juridiction  ecclésiastique. 
En  1235,  une  ordonnance  de  saint  Louis  statua  que  ses 
vassaux  et  ceux  des  seigneurs  ne  seraient  point  tenus  de 
répondre  aux  ecclésiastiques  ni  à  d'autres,  en  tribunal  ec- 
clésiastique (en  matière  profane).  Si  le  juge  ecclésiastique 
les  excommuniait  pour  ce  sujet,  il  serait  contraint,  par  sai- 
sie de  son  temporel,  à  lever  l'excommunication.  Les  prélats, 
les  autres  ecclésiastiques  et  leurs  vassaux  seraient  obligés, 
en  toutes  causes  civiles,  de  tenir  le  jugement  du  roi  et  des 
seigneurs.  Le  pape  se  plaignit  de  cette  ordonnance,  mais 
le  roi  ne  la  révoqua  point.  En  1246,  les  barons  se  liguè- 
rent contre  la  justice  ecclésiastique  et  s'engagèrent  par 
serment  à  ne  lui  laisser  d'autre  matière  que  le  mariage, 


335  ~ 


JURIDICTION 


Vhérésie  et  Vusure.  Un  concile  tenu  à  Montpellier,  le 
6  sept.  1259,  permit  une  première  atteinte  à  l'immunité  des 
clercs  ;  il  autorisa  le  sénéchal  de  Beaucaire  à  arrêter  ceux 
qui  seraient  pris  en  flagrant  délit  de  rapt,  homicide,  in- 
cendie et  autres  crimes'semblables,  à  la  charge  de  les  re- 
mettre à  la  cour  de  Tévêque.  Une  assemblée  du  clergé 
réunie  à  Paris  en  4*263  ayant  demandé  à  saint  Louis  d'or- 
donner aux  officiers  de  justice  de  contraindre,  par  saisie 
de  leurs  biens,  ceux  qui  auraient  été  excommuniés  à  se 
faire  absoudre  dans  l'an  et  jour,  sans  que  les  juges  pus- 
sent prendre  connaissance  de  la  cause  de  r excommu- 
nication, il  répondit  qu'il  donnerait  volontiers  cet  ordre 
à  regardée  ceux  que  les  juges  trouveraient  avoir  fait 
tort  à  r Eglise,  mais  norî  autrement.  En  1267,  ce  roi 
prescrivit  aux  clercs,  même  mariés,  de  prendre  la  tonsure 
et  l'habit  clérical,  et  de  s'abstenir  de  tout  négoce,  sous 
peine  d'être  privés  des  privilèges  du  clergé.  En  1290,  un 
concile  assemblé  à  Paris  par  le  légat  du  pape  déhbéra  sur 
les  plaintes  des  prélats  contre  les  baillis  et  les  autres  offi- 
ciers du  roi.  Une  ordonnance  royale  fut  rendue  sur  cette 
matière  en  la  même  année.  Par  ordre  du  roi  Philippe  VI 
de  Valois,  des  conférences  eurent  lieu  àVincennes  (1328- 
29),  sur  les  conflits  des  deux  juridictions.  Pierre  Bertrand, 
alors  évêque  d'Autun,  et  Pierre  Roger,  archevêque  de  Sens 
(plus  tard  pape  Clément  VI),  parlèrent  pour  les  clercs; 
Pierre  de  Cugnières,  conseiller  du  roi  et  chevalier  es  lois, 
exposa  les  griefs  des  laïques  :  il  en  énuméra  soixante-dix. 
Ses  conclusions  ne  furent  point  formellement  adoptées  ou 
du  moins  elles  n'aboutirent  alors  qu'à  des  menaces.  Mais 
peu  de  temps  après  (1332),  il  fut  nommé  second  président  de 
la  grand'chambre,  et  dans  cet  office  il  attaqua,  avec  énergie, 
habileté  et  succès,  les  abus  qu'il  avait  dénoncés.  Un  édit 
de  1371  fit  défense  aux  officiaux  de  connaître  des  ques- 
tions de  propriété  et  généralement  des  actions  réelles. 

L'édit  du  mois  d'août  1d39  indique  le  point  auquel 
étaient  parvenues  alors  les  reprises  de  la  juridiction  sécu- 
lière. Loyseau  dit  que  François  P^'  y  réduisit  en  six 
lignes  la  justice  ecclésiastique  au  juste  point  de  la  rai- 
son. Art.  I.  Défense  à  tous  sujets  du  roi  de  faire  citer  les 
laïques,  par- devant  les  juges  d'Eglise,  es  actions  pures 
personnelles,  sur  peine  de  perdition  de  cause  et  d'amende 
arbitraire.  Art.  II.  Défense  à  tous  juges  ecclésiastiques, 
sur  peine  d'amende  arbitraire,  de  bailler  aucune  citation 
verbalement  ou  par  écrit,  pour  appeler  les  sujets  du  roi, 
purs  laïques,  èsdites  actions  pures  personnelles.  Art.  IV. 
Les  juges  ecclésiastiques  pourront  connaître  contre  les  purs 
laïques  des  matières  du  sacrement  et  autres  pures  spiri- 
tuelles et  ecclésiastiques.  La  juridiction  ecclésiastique  est 
maintenue  sur  les  clercs  ;  mais  les  clercs  mariés  et  non 
mariés,  exerçant  états  ou  négoces,  seront  contraints,  comme 
précédemment,  de  répondre  en  cour  temporelle  et  séculière, 
tant  en  matières  civiles  que  criminelles.  L'art.  40  de  l'or- 
donnance de  Moulins  (1566)  réduisit  le  privilège  de  clé- 
ricature,  par  rapport  à  la  juridiction,  à  ceux  qui  étaient 
dans  les  ordres  sacrés  (sous-diacres  au  moins)  et  aux  clercs 
résidant  et  servant  aux  offices,  ministères  et  bénéfif^es 
qu'ils  tenaient  en  l'Eglise.  —  Un  édit  du  mois  d'avr.  1693 
contient  un  règlement  complet  de  la  juridiction  ecclésias- 
tique ;  mais  la  plupart  de  ses  dispositions  ne  concernent 
que  les  matières  bénéficiales,  la  hiérarchie,  la  discipline, 
les  afl'aires  purement  spirituelles.  L'article  XXXIV  réserve 
aux  juges  l'Eghse  les  causes  concernant  les  sacrements,  les 
vœux  de  religion,  l'office  divin,  la  discipline  ecclésiastique, 
et  autres  purement  spirituelles.  Il  enjoint  aux  officiers 
royaux  et  même  aux  cours  de  parlements  de  leur  en 
laisser  et  même  de  leur  en  renvoyer  la  connaissance,  sans 
prendre  aucune  juridiction  des  affaires  de  cette  nature.  Ce- 
pendant même,  pour  ces  causes,  il  fait  expressément  ex- 
ception, lorsqu'il  y  a  eu  appel  comme  d^abus  contre  les 
jugements,  ordonnances  ou  procédures  des  juges  d'Eghse 
sur  ce  sujet,  ou  lorsqu'il  s'agit  d'une  succession  ou  autres 
effets  civils,  à  l'occasion  desquels  on  traiterait  de  rétat 
des  personnes  décédées  ou  de  celui  de  leurs  enfants.  — 


Art.  XXXVIII.  Les  procès  criminels  qu'il  sera  nécessaire  de 
faire  à  tous  prêtres,  diacres,  sous-diacres  ou  clercs  vivant 
cléricalement,  résidant  et  servant  aux  offices  ou  aux  minis- 
tères et  bénéfices  qu'ils  tiennent  en  l'Eglise,  et  qui  seront 
accusés  des  cas  qu'on  appelle  privilégiés  (V.  Cas  privilé- 
giés), seront  instruits  conjointement  par  les  juges  d'Eglise 
et  par  les  baillis  et  sénéchaux  ou  leurs  lieutenants,  en  la 
forme  prescrite  par  les  ordonnances  royales. 

Notre  ancien  droit  reposant  sur  une  base  essentielle- 
ment coutumière,  les  changements  qui  y  étaient  introduits 
se  produisaient  rarement  sous  forme  d'initiative  législative. 
Les  ordonnances  des  rois  ne  font  ordinairement  que  con- 
firmer les  précédents  établis  par  la  pratique  judiciaire.  On 
ne  procéda  pas  autrement  pour  la  réduction  de  la  juridic- 
tion ecclésiastique.  Ce  fut  dans  la  procédure  et  la  jurispru- 
dence de  la  justice  royale  que  se  trouva  le  principal  instru- 
ment de  cette  réforme.  L'entreprise  était  vraiment  difficile, 
à  cause  de  la  puissance  et  de  l'habileté  de  l'adversaire  qu'il 
s'agissait  de  dépouiller  :  elle  fut  conduite  avec  lenteur, 
mais  aussi  avec  une  implacable  patience,  employant  avec 
persévérance  toutes  les  subtilités  et,  au  besoin,  toutes  les 
impudences  que  pouvait  fournir  l'esprit  des  anciens  légistes. 
La  première  difficulté  à  surmonter  était  d'attirer  et  de 
retenir  devant  la  justice  royale  les  causes  attribuées  anté- 
rieurement à  la  justice  ecclésiastique  :  difficulté  grande, 
puisque  les  principes  admis  par  tous  en  cette  matière  dé- 
fendaient d'appeler  d'un  juge  spirituel  à  un  juge  temporel. 
Pierre  de  Cugnières,  lui-même,  disait  dans  son  XIV^  grief: 
Nullus  a  curia  prœlatorumappellat  ad  curiam  regiam. 
Cependant  les  sentences  ecclésiastiques  devaient  être  pré- 
sentées au  juge  séculier,  pour  que  celui-ci  y  ajoutât  le 
mandement  qui  ordonne  aux  officiers  judiciaires  et  aux 
agents  de  la  force  publique  de  procéder  aux  actes  néces- 
saires à  l'entier  effet  du  jugement.  Cette  obligation  n'avait, 
au  commencement,  rien  de  commun  avec  ïappel  d'une 
juridiction  inférieure  à  une  juridiction  supérieure  :  elle 
n'impliquait  nullement  dévolution  au  juge  royal  de  la  cause 
en  laquelle  avait  été  rendue  la  sentence  pour  laquelle  la 
formule  exécutoire  était  réclamée  de  lui  ;  elle  ne  lui  per- 
mettait pas  d'en  apprécier  le  bien  ou  le  mal  jugé  et,  par 
suite,  de  la  réformer;  mais  elle  lui  fournissait  l'occasion, 
et,  en  réalité,  elle  lui  imposait  le  devoir  d'examiner  atten- 
tivement et  de  décider  si  le  tribunal  qui  avait  prononcé  la 
sentence  était  compétent  pour  statuer  sur  une  pareille 
matière,  ou  s'il  n'avait  pas,  au  contraire,  usurpé  les  attri- 
butions^ d'une  autre  juridiction.  Dans  ce  dernier  cas,  on 
déclarait  qu'il  avait  abusé  de  son  autorité,  et  on  refusait 
l'exécution  à  son  jugement,  lequel  se  trouvait  ainsi,  sinon 
réformé,  au  moins  infirmé.  Dès  lors,  il  ne  restait  plus  au 
demandeur  d'autre  ressource  que  de  porter  sa  cause  devant 
un  tribunal  capable  d'assurer  l'exécution  de  ses  jugements. 
On  devine  facilement  dans  quel  esprit  et  avec  quelle  sévé- 
rité la  justice  royale  procédait  à  l'examen  de  la  compétence 
de  la  juridiction  ecclésiastique  ;  et,  tout  naturellement,  elle 
était  fort  encouragée  en  cette  tendance  par  les  parties  qui 
avaient  perdu  leur  procès  devant  les  juges  d'Eglise. 

La  déclaration  d'abus,  incidente  à  l'exécution  d'une 
sentence  ecclésiastique,  paraît  contemporaine  du  réveil  de 
la  justice  royale,  très  ancienne  par  conséquent.  Elle  était 
restreinte  aux  questions  de  compétence  ;  et  il  est  vraisem- 
blable qu'elle  pouvait  être  employée  par  tous  les  juges 
.devant  lesquels  on  poursuivait  l'exécution.  Elle  amena  V ap- 
pel comme  d'abus,  action  directe,  principale,  so\enne\\e, 
appliquée  seulement  à  des  cas  notoires,  mais  dont  le  nom, 
le  moyen  et  la  forme  de  procéder  ne  paraissent  point, 
d'une  manière  bien  certaine,  avoir  été  usités  avant  Louis  XII 
et  François  P^  —  Les  usurpations  et  les  excès  de  la  juri- 
diction ecclésiastique  avaient  été  le  sujet  premier  des  dé- 
clarations d'abus.  Les  griefs  provenant  de  cette  cause 
devaient  diminuer,  à  mesure  que  le  clergé  était  contraint 
et  se  résignait  à  restreindre  ses  prétentions  dans  l'ordre 
judiciaire.  Cependant  les  appels  comme  d'abus  devinrent 
de  plus  en  plus  fréquents  vers  la  fin  de  l'ancien  régime. 


JURIDICTION  —  JURIEU 


—  336 


Par  suite  de  ce  revers  des  choses,  que  l'histoire  enregistre 
comme  la  conséquence  d'une  loi  fatale,  les  abus  du  clergé 
furent  remplacés  par  les  abus  des  magistrats  séculiers. 
Après  avoir  restitué  à  l'Etat  la  meilleure  part  de  la  juri- 
diction usurpée  par  l'Eglise,  les  parlements  envahirent  à 
leur  tour  le  domaine  légitime  de  l'Eglise,  et  ils  s'immis- 
cèrent même  dans  l'examen  de  la  doctrine  et  l'administra- 
tion des  sacrements  :  favorisés,  en  ces  représailles,  par  les 
conditions  d'un  régime  où  le  spirituel  et  le  temporel  se 
trouvaient  périlleusement  confondus,  et  où  les  actes  reli- 
gieux produisaient  des  effets  affectant,  d'une  manière  très 
positive,  les  intérêts  privés  et  l'intérêt  public.  La  royauté 
essaya  plusieurs  fois  d'arrêter  les  parlements  dans  cette 
voie  ;  mais  elle  obtint  peu  de  succès.  Aux  usurpations  des 
laïques,  le  clergé  aurait  pu,  lui  aussi,  opposer  l'appel  comme 
d'abus  ;  car  le  droit  à  cet  appel  était  réciproque  ;  mais 
l'Eglise  ne  paraît  guère  en  avoir  usé,  peu  soucieuse  d'user 
d'un  moyen  dont  l'effet  le  plus  prochain  était  de  porter  sa 
cause  devant  ses  propres  adversaires. 

La  Révolution  française  termina  ces  débats  par  des 
moyens  pareillement  fâcheux  pour  les  deux  parties  :  elle 
supprima  les  parlements  et  les  officialités.  La  constitution 
civile  du  clergé  (12  juil.-24  août  1790,  tit.  I)  abolit  les 
ofïiciaux  par  omission,  en  ne  les  mentionnant  parmi  les 
titres  et  oflices  qu'elle  déclarait  être  seuls  conservés  (art.  20). 
Elle  statua,  en  outre,  que  Tévêque  ne  pourrait  faire  acte 
définitif  de  juridiction,  ({u' après  avoir  délibéré  avec  les 
vicaires  des  églises  cathédrales,  les  vicaires  supérieurs  et 
vicaires  directeurs  du  séminaire,  lesquels  formaient  en- 
semble son  conseil  habituel  et  permanent  (art.  14'). 
Lorsque  l'évèque  diocésain  aurait  prononcé  dans  son  synode 
sur  la  matière  de  sa  compétence,  il  y  aurait  heu  à  recours 
au  métropolitain,  lequel  prononcerait  dans  le  synode  mé- 
tropolitain (art.  3).  Ces  mesures  provoquèrent  une  vive 
opposition  de  la  part  des  évêques  députés  à  l'Assemblée 
nationale.  —  La  loi  organique  du  10  germinal  an  X 
(8  avr.  1802)  affranchit  l'autorité  qu'elle  reconnaît  aux 
évêques  de  l'ingérence  du  conseil  institué  par  la  constitu- 
tion civile  du  clergé  ;  mais,  dans  sa  disposition  fondamen- 
tale, elle  évite  à  dessein  de  donner  à  cette  autorité  le  nom 
de  juridiction  (art.  9)  :  «  Le  culte  catholique  sera  exercé 
sous  la  direction  des  archevêques  et  des  évêques  dans  leurs 
diocèses,  et  des  curés  dans  leurs  paroisses.  »  Portails,  qui 
a  pris  une  part  si  importante  à  la  confection  de  cette  loi,  a 
exposé  lui-même  la  conception  et  l'intention  du  législateur  : 
«  L'Eglise  a  une  autorité  innée,  une  autorité  propre,  qu'elle 
tient  de  la  main  de  Dieu  et  qui  est  purement  spirituelle.  » 
{Discours  etrapports^  196-98.)  Il  appelle  lui-même  cette 
autorité  juridiction  ;  mais  il  explique  pour  quelle  raison 
la  loi  organique  ne  la  désigne  pas  sous  ce  nom  :  «  La  juri- 
diction épiscopale  est  purement  spirituelle,  elle  n'est  point 
coactive  ;  elle  ne  doit  avoir  aucun  caractère  de  domination, 
puisque  la  domination,  même  dans  les  choses  spirituelles, 
est  formellement  interdite  par  l'Evangile  aux  ministres  de 
l'Eglise...  Donc,  on  ne  peut  s'offenser  de  ce  que,  au  lieu 
d'employer  le  mot  de  juridiction^  inconnu  aux  premiers 
siècles,  on  se  soit  servi  d'expressions  plus  convenables  à  un 
ministère  de  charité  et  de  persuasion,  et  qui,  par  elles-mêmes, 
n'excluent  aucun  des  moyens  canoniques^  dont  V usage 
est  nécessaire  à  l'exercice  de  la  sollicitude  pastorale  et 
au  gouvernement  des  âmes.  C'est  contribuer  à  taire  res- 
pecter et  à  faire  aimer  l'autorité  des  évêques,  que  de  la  pré- 
senter sous  un  point  de  vue  qui,  en  écartant  toute  idée  de 
coaction  proprement  dite,  ne  désigne  cette  autorité  que  par 
sa  douce  et  heureuse  influence  sur  les  esprits  et  sur  les  cœurs 
(p.  215).  »  Au  reste,  la  loi  organique  n'hésite  point  à  em- 
ployer le  mot  juridiction^  quand  il  s'agit  de  protéger  l'au- 
torité des  évêques  de  France  contre  les  entreprises  ou  les 
influences  du  dehors  ou  contre  les  revendications  du  passé 
(art.  10).  —  Cette  loi  déclare  que  «  les  archevêques  et 
évêques  pourront,  avec  rautorisation  du  gouvernement, 
étabhr  dans  leurs  diocèses  des  chapitres  cathédraux  et 
des  séminaires.  Tous  autres  établissements  ecclésias- 


tiques sont  supprimés  (art.  il)  »  :  suppression  qui  corn 
prend  évidemment  les  officialités.  —  Cette  notice  ne  con- 
cerne que  la  compétence  ;  pour  ce  qui  se  rapporte  à  l'orga- 
nisation et  à  la  procédure  de  la  justice  ecclésiastique, 
V.  Appel  comme  d'abus.  Appellations  ecclésiastiques, 
Archidiacre,  Officialité.  E.-H.  Vollet. 

JURIEN  (Charles-Marie,  vicomte),  administrateur  fran- 
çais, né  à  Paris  en  1763,  mort  à  Fontainebleau  le  16  août 
1836.  Employé  dans  les  bureaux  de  la  marine  avant  la 
Révolution,  il  appartint  quelque  temps,  à  partir  de  1793,  au 
service  des  transports  mihtaires,  rentra  dans  son  ancienne 
administration,  prit,  sous  Truguet,  une  part  importante  à 
l'organisation  de  la  flottille  de  Boulogne,  fut  chargé  en 
1814  de  l'intérim  du  ministère  de  la  marine,  devint,  sous 
la  Restauration  (qui  le  nomma  vicomte),  conseiller  d'Etat, 
intendant  des  armées  navales,  directeur  des  ports,  membre 
du  conseil  d'amirauté,  et  rentra  dans  la  vie  privée  après  la 
révolution  de  1830.  A.  Debidour. 

JURIEN  DE  La  Gravière  (Pierre-Roch),  amiral  français, 
né  à  Gannat  (Allier)  le  5  nov.  1772,  mort  à  Paris  le 
15  janv.  1849.  Simple  pilotin  en  1786,  il  conquit  rapide- 
ment ses  premiers  grades  grâce  aux  guerres  de  la  Révolu- 
tion, devint  capitaine  de  vaisseau  en  1803  et,  à  la  tète 
d'une  division  de  trois  frégates,  battit,  le  24  févr.  1809, 
à  la  hauteur  des  Sables-d'Olonne,  une  escadre  anglaise  de 
six  bâtiments.  Contre-amiral  en  1817,  vice-amiral  en  1831, 
il  fut  appelé  à  la  Chambre  des  pairs  le  15  nov.  1832  et 
rentra  dans  la  vie  privée  en  1848.  A.  Debidour. 

JURIEN  DE  La  Graviére  (Jean-Baptiste-Edraond),  ami- 
ral français,  fils  du  précédent,  né  à  Brest  le  19  nov.  1812, 
mort  à  Paris  le  5  mars  1892.  Entré  au  service  en  1828, 
il  devint  capitaine  de  corvette  en  1841,  capitaine  de  vais- 
seau en  1850,  servit  avec  distinction  dans  la  mer  Noire 
pendant  la  guerre  de  Crimée,  après  laquelle  il  fut  nommé 
contre -amiral  (déc.  1855),  commanda  l'expédition  du 
Mexique  (oct.  1861),  ce  qui  lui  valut  d'être  élevé  au  grade 
de  vice-amiral  (15  janv.  1862),  mais  revint  en  France 
après  la  convention  de  la  Soledad  (19  févr.  1862)  désa- 
vouée par  Napoléon  ïll.  Il  n'en  demeura  pas  moins  en  haute 
faveur  auprès  de  ce  souverain,  qui  le  prit  pour  aide  de 
camp  (1864)  et  lui  confia  le  commandement  de  l'escadre  de 
la  Méditerranée.  Au  4  septembre  1870,  l'amiral  Jurien 
protégea  la  fuite  de  l'impératrice.  Nommé,  le  1*^''  juin  1871, 
directeur  du  dépôt  des  cartes  et  plans  de  la  marine,  il  fut 
aussi  appelé  au  tonseil  d'amirauté.  A  la  fois  très  savant 
et  très  lettré,  il  fut  admis  à  l'Académie  des  sciences  en 
1866  et  à  l'Académie  française  en  1888.  On  a  de  lui 
d'importants  ouvrages  consacrés  principalement  à  l'his- 
toire de  la  marine  française  :  Voyage  en  Chine  pen- 
da7it  les  années  -184-1,  i848,  1849  et  1850  (1854, 
2  vol.  in-18);  Souvenirs  d'un  amiral  (1860,  2  vol. 
in-18),  qui  oflrent  la  biographie  de  son  père  ;  la  Marine 
d'autrefois  (1865,  in-i8;;  la  Marine  d'aujourd'hui 
(1872,  in-18);  la  Station  du  Levant  (1876,  2  vol.); 
les  Marins  du  xv®  et  du  xvi^  siècle  (1879,  in-8)  ;  la 
Marine  des  anciens  (1880,  2  vol.  in-18);  les  Cam- 
pagnes d'Alexandre  (1883-84,  5  vol.  in-18);  la  Ma- 
rine des  Ptolémees  et  la  marine  des  Romains  (1884, 
2  vol.  in-18);  les  Derniers  Jours  de  la  marine  à 
rames  (1885,  in-18);  Doria  et  Barberousse  (1886, 
in-18);  les  Chevaliers  de  Malte  et  la  marine  de 
Philippe  H  (1887,  2  vol.  in-18)  ;  les  Corsaires  bar- 
bar  esques  et  la  marine  de  Soliman  le  Grand  (1887, 
in-18)  ;  la  Guerre  de  Chypre  et  la  bataille  de  Lépante 
(1888,  2  vol.  in-18)  ;  les  Gloires  maritimes  de  la 
France {i^^%^  2  vol.  in-18);  les  Ouvriers  de  la  onzième 
heure  (1890,  2  vol.  in-18);  les  Origines  de  la  marine 
et  la  tactique  naturelle  (1891,  in-18).       A.  Debidour. 

JURIEU  (Pierre),  pasteur  protestant,  né  à  Mer  le  24  déc. 
1637,  mort  à  Rotterdam  le  11  janv.  1713.  Le  nom  de 
Jurieu  est  inséparable  de  l'histoire  du  protestantisme  fran- 
çais pendant  le  règne  de  Louis  XIV.  Après  de  fortes  études 
à  l'académie  de  Saumur  et  un  séjour  en  Angleterre,  Jurieu 


—  837  — 


JUHIEU  —  JURIN 


fut  successivement  pasteur  à  Mer,  à  Vitry-le-François  et 
professeur  à  Tacadémie  de  Sedan,  qu'il  dut  quitter  pour  se 
retirer  à  Rotterdam,  où  il  devint  Tun  des  pasteurs  de  l'église 
des  réfugiés  français.  Il  avait  compris,  l'un  des  premiers, 
les  dangers  qui  menaçaient  la  Réforme  et,  pour  les  préve- 
nir, il  devint  le  controversiste  ardent,  l'écrivain  habile,  dont 
Bossuet  devait  dire  plus  tard  qu'il  était  «  le  tenant  du 
parti  ».  Il  n'est  que  peu  d'exemples  d'une  aussi  rare  puis- 
sance de  travail  et  d'un  zèle  aussi  ardent  pour  la  défense 
d'une  cause  vaincue.  Au  lendemain  des  longues  contro- 
verses théologiques  qui  avaient  mis  aux  prises  les  calvi- 
nistes et  les  jansénistes,  Jurieu  comprit  que  ces  questions 
abstruses  se  limitaient  à  l'école  et  que  la  politique  en 
tiendrait  peu  de  compte.  Il  avait  suivi  de  trop  près  les 
menées  cléricales  pour  ne  pas  douter  qu'elles  ne  tendaient 
à  rien  moins  qu'à  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  et  à  la 
ruine  des  libertés  des  réformés.  La  controverse  devait  se 
transformer  et  descendre  de  la  discussion  érudite  à  l'expo- 
sition rapide  et  concluante.  La  publication  de  la  Politique 
duclergé  de  France  (1681  )  révéla  un  écrivain  de  race,  d'une 
rare  souplesse  d'esprit,  prompt  à  l'attaque,  nerveux,  mor- 
dant. Jurieu  dévoilait,  par  des  preuves  décisives,  que  le 
véritable  auteur  des  maux  dont  souffraient  les  protestants 
était  le  clergé,  qui  demandait  au  pouvoir  de  servir  ses  des- 
seins afin  d'arriver  à  la  destruction  de  l'hérésie  et  à  réta- 
blir, même  au  prix  de  la  persécution  la  plus  cruelle,  l'unité 
de  la  foi.  Bossuet  ne  devait  pas  avoir  d'adversaire  plus 
implacable  que  Jurieu, qui  ne  lui  pardonnait  pas  de  com- 
battre des  adversaires  sans  défense,  et,  de  la  terre  d'exil  où 
la  parole  était  libre,  il  ne  cessa  de  le  poursuivre  dans  une 
polémique  où  revivent  les  passions  de  ces  temps  malheu- 
reux. L'écrivain  protestant  ne  se  laissait  pas  éblouir  par 
les  affirmations  superbes  de  Bossuet,  dont  il  ne  méconnut 
jamais  la  gloire,  mais  dont  il  perça  à  jour  les  sophismes. 

Dans  son  Préservatif  contre  le  changement  de  reli- 
gion (1680)  comme  dans  ses  Lettres  pastorales  aux 
fidèles  qui  gémissent  sous  la  captivité  de  Babylone 
(1686-89),  Jurieu  ruine  l'argumentation  de  Bossuet  en 
montrant  avec  dédain  le  néant  de  son  affirmation,  base 
de  l'édifice  catholique,  que  «  la  vérité  est  venue  d'abord 
dans  sa  perfection  ».  Il  n'était  pas  difficile  à  Bossuet  de 
vaincre  en  un  temps  où  la  nécessité  d'être  de  la  religion  du 
roi  était  la  loi  même  du  royaume  ;  mais  après  deux  siècles, 
si  la  beauté  littéraire  a  sauvé  V Histoire  des  variations  de 
l'oubh,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  son  œuvre  de  pen- 
seur ne  lui  a  pas  survécu. 

Jurieu,  dans  sa  lutte  avec  Bossuet,  est  un  précurseur  des 
libertés  modernes,  car  à  sa  politique  d'intolérance  il  oppose 
ces  fières  paroles  :  «  Le  catholique  romain  en  France,  le  pro- 
testant en  Hollande  et  en  Angleterre  ne  devrait  jamais  dire  : 
votre  religion  est  un  obstacle  invincible  à  votre  fortune.  »I1 
est  remarquable  qu'un  théologien  d'une  stricte  orthodoxie, 
toujours  en  lutte,  même  sur  la  terre  d'exil,  avec  ses  col- 
lègues, instituant  sans  cesse  des  procès  en  hérésie,  ait  été 
le^défenseur  le  plus  ardent  des  libertés  politiques.  On  ne 
peut  s'expliquer  que  Jurieu  soit  devenu,  pendant  le  règne 
de  Louis  XIV,  le  théoricien  de  la  souveraineté  du  peuple 
qu'en  mesurant  exactement  toute  la  portée  de  la  révoca- 
tion de  l'édit  de  Nantes,  non  se  plaçant  au  point  de  vue 
des  pertes  si  considérables  qui  en  résultèrent  pour  la  France, 
qu'en  y  voyant  un  acte  révolutionnaire  qui  devait  frapper 
à  mort  le  principe  monarchique  et  par  la  main  même  de 
Louis  XIV.  L'édit  de  Nantes,  enregistré  par  les  parlements, 
juré  par  les  rois,  était  la  loi  même  du  royaume,  et  les  pro- 
testants ne  crurent  à  la  possibilité  de  sa  révocation  qu'à  la 
veille  même  du  jour  où  l'inique  mesure  fut  prise,  à  la  prière 
répétée  du  clergé.  Ce  fut  alors  que  Jurieu  attaqua  avec 
puissance  le  principe  de  la  souveraineté  absolue,  en  mon- 
trant que  Louis  XIV  avait  perdu  ses  droits  à  la  royauté  en 
violant  la  loi  qu'il  devait  observer.  Dès  1685,  dans  ses 
Réflexions  sur  la  cruelle  persécution,  il  se  déclare  dé- 
gagé du  lien  de  fidélité  en  dédiant  ces  pages  véhémentes 
à  Dieu,  au  roi  des  rois.  Les  années  qui  suivirent  et  qui 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XXI. 


amenèrent  la  chute  des  Stuarts  comme  la  révolution  d'An- 
gleterre précisèrent  ses  vues  politiques,  et  il  en  arriva  à 
des  formules  d'une  admirable  netteté.  On  ne  saurait  assez 
s'étonner  d'entendre  un  contemporain  de  Bossuet  déclarer, 
dans  la  langue  nerveuse  du  xvii^  siècle,  «  que  le  peuple 
fait  les  souverains  et  donne  la  souveraineté,  donc  le  peuple 
possède  la  souveraineté  dans  un  degré  éminent,  car  elle 
est  en  lui  dans  sa  source  et  même  dans  son  premier  sujet  ». 
Ce  n'est  rien  exagérer  que  de  dire  qu'il  fut  un  précurseur 
du  suffrage  universel  alors  qu'il  écrivit  ces  paroles  :  «  Il 
faut  qu'il  y  ait  dans  les  sociétés  une  certaine  autorité  qui 
ne  soit  pas  obligée  d'avoir  raison  pour  valider  ses  actes; 
or,  cette  autorité  n'est  que  dans  les  peuples.  » 

Jurieu  poursuivait  d'une  haine  violente  Louis  XIV,  et, 
s'il  eût  été  en  son  pouvoir  de  provoquer  une  révolution 
semblable  à  celle  qui  rendit  la  hberté  aux  Anglais,  elle  se 
fût  produite.  Il  n'est  pas  de  livre  plus  révolutionnaire  sous 
l'ancien  régime  que  les  Soupirs  de  la  France  esclave  qui 
aspire  après  sa  liberté  (1689),  où  passent  toutes  les 
nobles  indignations  de  l'exilé  contre  la  tyrannie  odieuse 
sous  laquelle  gémit  sa  patrie.  Il  y  avait  dans  ce  noble  livre 
une  vue  si  vraie  de  l'avenir  qu'un  siècle  plus  tard,  à  la 
veille  de  la  Révolution  française,  il  fut  réimprimé  sous  ce 
titre  :  les  Vœux  d'un  patriote  (1788).  Une  étude  appro- 
fondie de  la  politique  de  Jurieu  montrerait  la  supériorité 
de  sa  pensée  sur  celle  de  Bossuet,  qui  tenta,  mais  en  vain, 
de  réfuter  son  adversaire  en  l'accablant  de  ses  dédains.  Il 
est  certain  que  si  le  protestantisme  français  ne  succomba 
pas  sous  la  persécution,  la  polémique  admirable  de  Jurieu 
en  fut  une  des  causes  les  plus  déterminantes.  Pendant  vingt 
ans,  il  fut  sans  cesse  sur  la  brèche,  luttant  contre  les  per- 
sécuteurs, sans  en  redouter  aucun,  ironique,  véhément,  et 
mettant  au  service  des  vaincus  une  langue  admirable  de 
force  et  de  précision,  une  érudition  peu  commune,  une  dia- 
lectique puissante.  Ses  Lettres  pastorales  surtout,  feuilles 
volantes,  se  répandirent  dans  toute  la  France  et  vinrent 
relever  le  courage  des  persécutés. 

Mais  ce  n'était  pas  seulement  contre  les  persécuteurs  qu'il 
dirigeait  ses  coups  ;  ses  adversaires  théologiques  n'étaient 
pas  mieux  traités.  Ses  différends  avec  Bayle  sont  restés 
fameux  comme  ses  luttes  dans  les  synodes  wallons.  Il  serait 
inutile  autant  que  fastidieux  de  citer  les  nombreux  ou- 
vrages nés  de  ces  déplorables  controverses  aujourd'hui  ou- 
bliées. Et  cependant,  cet  écrivain  si  ardent,  ce  polémiste 
redoutable,  s'il  eût  suivi  ses  penchants,  serait  devenu  un 
mystique.  On  lui  doit  un  Traité  de  la  dévotion  qui  fut 
classique  dans  les  églises  du  refuge  ;  et  il  avait  écrit  l'Ac- 
complissement des  prophéties,  explication  étrange  de 
l'Apocalypse.  Mais,  si  l'on  peut  reprocher  à  Jurieu  ses 
haines  et  ses  emportements,  la  dureté  de  son  orthodoxie, 
on  ne  pourra  jamais  oublier  qu'il  fut  l'adversaire  redoutable 
de  la  persécution  religieuse  et  le  précurseur  des  libertés  po- 
litiques qui  ont  fait  la  France  moderne.  Frank  Puaux. 
BiBL.  :  La  France  protestante,  article  Jurieu  dans 
VEncyclopédie  des  sciences  religieuses. 

JURIGNAC.  Corn,  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  d'An- 
gouléme,  cant.  de  Blanzac  ;  6'2d  hab.  Eaux-de-vie. 

JURIN  (James),  médecin  et  physicien  anglais,  né  à 
Londres  en  1684,  mort  à  Londres  le  29  mars  1750.  Il 
fit  d'abord  des  cours  de  physique  à  Newcastle,  commença 
ses  études  de  médecine  en  1709  et  fut  reçu  docteur  à  Cam- 
bridge en  1716.  Dès  1717  (ou  1718),  il  était  membre  de 
la  Société  royale  de  Londres,  dont  il  devint  par  la  suite 
secrétaire  (1721-27).  Possédant  des  connaissances  aussi 
profondes  que  variées,  il  jouit  d'une  très  grande  réputa- 
tion comme  praticien  et  comme  savant.  Il  s'ingénia  à  appli- 
quer aux  recherches  physiologiques  les  ressources  du  cal- 
cul mathématique,  et  il  eut,  à  l'occasion  de  quelques-uns 
des  résultats  ainsi  obtenus,  de  vives  discussions  avec  plu- 
sieurs de  ses  confrères.  Il  fut  l'un  des  plus  ardents  pro- 
pagateurs de  l'inoculation  de  la  variole.  Il  s'occupa  aussi 
avec  succès  de  météorologie.  Ses  écrits  comprennent  : 
1°  des  mémoires  parus  dans  les  Philosophical  Transac- 

22 


JURIN  —  JURISPRUDENCE 


338  — 


tions  (années  1718  et  suiv.)  et  partiellement  réunis  sous 
le  titre:  Dissertatiojiesphysico-mathematiccB  (Londres, 
1732);  2^  une  douzaine  d'opuscules  sur  des  sujets  divers 
et  une  édition  de  la  Geograp/iia  generalis  de  Varenius 
(Londres,  1712,  2  vol.  in-8).  L.  S. 

JUfilPEBA  (Bot.).  Nom  au  Brésil  du  Solanum  pani- 
culatumL,  (V.  Solanum). 

JURISCONSULTE.  Personne  versée  dans  la  science  du 
droit.  En  général,  ce  mot  s'emploie  pour  désigner  celui 
dont  les  connaissances  en  cette  matière  sont  particulière- 
ment remarquables  :  c'est  en  ce  sens  qu'on  dit  «  tel  avo- 
cat, tel  magistrat  est  un  jurisconsulte  ».  Par  exception, 
certains  textes  de  lois  prennent  le  mot  jurisconsulte  comme 
synonyme  d'avocat  consultant,  c.-à-d.  donnant  son  avis 
sur  une  affaire  litigieuse.  Ainsi,  l'art.  467  du  C.  civ.  dé- 
clare que  le  tuteur  ne  peut  transiger  au  nom  du  mineur 
que  sur  l'avis  de  trois  jurisconsultes.  De  même  l'art.  468 
du  C.  de  procéd.  civ.  prescrit  que,  en  cas  de  partage  dans 
une  cour  d'appel,  on  appelle  pour  le  vider  trois  anciens 
jurisconsultes,  c.-à-d.  trois  avocats  ayant  au  moins  dix 
ans  d'exercice  à  un  barreau,  car  on  décide  habituellement 
que  le  titre  de  jurisconsulte  n'appartient  qu'aux  avocats 
qui  remplissent  cette  dernière  condition,  conformément  à 
l'art.  495  du  C.  de  procéd. 

JURISPRUDENCE.  Généralités.  — Science  du  droit. 
Ce  mot  s'emploie  aussi  dans  deux  autres  acceptions  moins 
générales  :  1^  pour  désigner  l'ensemble  des  décisions  de 
justice  :  ainsi  un  recueil  de  jurisprudence  est  une  collection 
de  jugements  ou  d'arrêts  ;  2^  pour  désigner  la  solution 
constante  qu'un  certain  tribunal  donne  à  une  question  con- 
troversée ;  dans  ce  dernier  sens,  chaque  ordre  de  juridiction 
a  sa  jurisprudence  :  on  dira,  par  exemple,  après  avoir  indi- 
qué la  solution  de  la  difficulté,  «  telle  est  la  jurisprudence 
de  la  cour  de  cassation  ;  telle  est  la  jurisprudence  des  cours 
d'appel,  ou  même  :  telle  est  la  jurisprudence  de  la  cour  de 
Bordeaux  ».  Il  est  à  remarquer,  et  cette  observation  a  déjà 
été  faite  à  propos  de  l'interprétation  des  lois,  que  la  juris- 
prudence la  mieux  établie  n'a  jamais  qu'une  autorité  morale 
et  doctrinale  ;  elle  est  un  guide  et  une  lumière  pour  le 
juge,  mais  elle  ne  le  he  pas  ;  l'art.  4  du  C.  civ.  défend, 
en  effet,  aux  tribunaux  de  statuer  par  voie  de  disposition 
générale  et  réglementaire.  C'est  ce  qu'on  exprime  quel- 
quefois en  disant  que  les  arrêts  sont  bons  pour  ceux  qui 
les  obtiennent,  c.-à-d.  que  ceux  qui  ne  sont  pas  parties 
au  procès  peuvent  toujours  espérer  une  décision  contraire. 
Mais  en  fait  la  jurisprudence  a  une  importance  considé- 
rable, les  tribunaux  évitant,  par  un  juste  soin  de  leur 
dignité,  de  se  contredire  dans  leurs  décisions  sur  une  même 
question.  Il  n'y  a  qu'un  cas  oii  la  solution  donnée  par  une 
juridiction  engage  une  autre  juridiction  :  c'est  lorsque  la 
cour  de  cassation  s'est  prononcée  deux  fois  dans  un  même 
sens  sur  une  difficulté  entre  mêmes  parties.  Dans  ce  cas, 
en  vertu  de  Tart.  2  de  la  loi  du  1^^  avr.  1837,  la  seconde 
cour  de  renvoi  doit  se  ranger  à  son  avis.  —  A  la  juris- 
prudence^ c.-à-d.  au  droit  mis  en  pratique,  on  oppose  la 
doctrine,  c.-à-d.  le  droit  théorique  expliqué  par  les 
auteurs.  F.  Girodon. 

Enseignement  dij  droit  romain.  —  L'enseigne- 
ment du  droit  a  varié  à  Rome  suivant  les  époques  et,  pen- 
dant un  temps  assez  long,  les  Romains  ne  connurent  pas 
les  écoles  de  droit.  Au  début,  les  pontifes,  c.-à-d.  certains 
patriciens,  furent  les  seuls  jurisconsultes;  seuls,  ils  étaient 
initiés  aux  mystères  du  droit  et  de  la  procédure  comme  à 
ceux  de  la  religion,  et  les  préceptes  religieux  ou  juridiques 
se  transmettaient  en  secret  dans  le  sein  des  familles  patri- 
ciennes chargées  de  la  garde  de  ces  mystères.  La  publica- 
tion de  la  loi  des  Douze  Tables  n'apporta  pas  à  cet  état  de 
choses  un  changement  aussi  complet  qu'on  pourrait  le 
croire  au  premier  abord.  Sans  doute,  la  loi  fut  désormais 
connue  de  tous;  mais  la  procédure  des  legis  actiones,  les 
pratiques  judiciaires,  les  dies  fasti  et  nefasti  restèrent 
connus  des  seuls  patriciens,  qui  conservèrent  ce  monopole 
avec  un  soin  jaloux  pour  placer  les  plébéiens  sous  leur 


dépendance  et  les  obHger  à  s'adresser  à  eux  toutes  les  fois 
qu'ils  devaient  ester  en  justice.  C'est  seulement  en  450  de 
Rome  que  le  jus  flavianum  et  en  532  de  Rome  que  le 
jus  œlianum,  contenant  tous  ces  secrets,  furent  publiés, 
et  alors,  la  procédure  étant  connue  de  tous,  les  patriciens 
perdirent  les  derniers  restes  de  leur  monopole  ;  le  droit 
rompit  les  attaches  qui  le  liaient  à  la  religion,  et  on  vit  ap- 
paraître, sous  les  noms  de  jurisconsulti,  consulti,  pru- 
dentes^ jure  prudentes,  des  hommes,  patriciens  ou  plé- 
béiens, qui  s'adonnèrent  tout  spécialement  à  l'étude  et  à  la 
pratique  du  droit.  Cicéron  nous  apprend  (Pro  Murena,  9) 
que  l'office  de  jurisconsulte  se  ramène  à  quatre  points  prin- 
cipaux :  respondere,  donner  son  avis  sur  les  questions 
de  droit  ou  de  fait  qui  lui  sont  soumises  ;  cavere,  faire 
connaître  les  procédures  à  employer  pour  sauvegarder  son 
droit  en  justice  ;  agere,  assister  le  client  devant  le  magis- 
trat ou  devant  le  juge;  seribere,  donner  des  consultations 
écrites  ou  composer  des  ouvrages  de  droit.  Cicéron  ne  parle 
pas  de  l'enseignement,  et  cependant  il  est  certain  qu'à  par- 
tir du  moment  où  la  profession  de  jurisconsulte  avait  été 
ouverte  aux  plébéiens  par  la  divulgation  des  actions  de  la 
loi,  ceux-ci  s'étaient  empressés  do  donner  un  enseignement 
moins  secret  et  plus  libéral  que  celui  des  patriciens.  Le 
plébéien  Tiberius  Coruncanius,  ayant  été  élevé  à  la  dignité 
de  grand  pontife,  admit  tous  les  jeunes  gens  qui  voulaient 
le  suivre  et  assister  à  ses  consultations,  à  écouter  ses  ré- 
ponses, à  l'accompagner  en  justice.  C'était  là  un  enseigne- 
ment exclusivement  pratique,  comme  on  le  voit,  et  qui 
n'avait  aucun  caractère  officiel  ;  ceux  qui  le  recevaient  s'ap- 
pelaient auditores,  précisément  parce  que  leur  principal 
rôle  consistait  à  recevoir  les  avis  donnés  par  le  maître  à 
ceux  qui  le  consultaient.  Toutefois,  dès  les  derniers  temps 
de  la  République,  on  vit  certains  jurisconsultes  accorder 
une  plus  grande  place  à  l'enseignement  du  droit.  Ils  s'occu- 
pèrent aussi  de  instituer e,  c.-à-d.  de  donner  une  ins- 
truction méthodique  et  de  instruere,  d'habituer  leurs  au- 
diteurs à  la  rédaction  des  actes  et  des  formules.  Mais  il  ne 
semble  pas  qu'il  ait  déjà  existé  à  cette  époque  des  écoles 
de  jurisconsultes  comme  il  y  avait  des  écoles  de  rhéteurs. 
Toutefois,  dès  les  premiers  temps  de  l'Empire,  sous 
Auguste,  l'enseignement  du  droit  subit  une  importante 
révolution.  On  vit  alors  paraître  de  véritables  professeurs 
de  droit,  c.-à-d.  des  jurisconsultes  qui  firent  de  l'ensei- 
gnement leur  principale  occupation.  On  les  appela  juris 
civilis  prof  essor  es,  legum  doctores.  Il  y  eut  probable- 
ment tout  de  suite  des  écoles  de  droit  ;  toutefois,  leur  exis- 
tence ne  nous  est  attestée  par  les  textes  que  pour  l'époque 
des  Antonins.  Dès  cette  époque  aussi,  l'enseignement  du 
droit  était  en  grand  honneur,  et  les  plus  illustres  juriscon- 
sultes s'y  adonnaient  volontiers.  On  a  soutenu,  sans  preuves 
à  l'appui,  que  pendant  les  premiers  temps  de  l'Empire,  les 
professeurs  de  droit  étaient  aussi  mal  vus  que  les  rhéteurs. 
La  fausseté  de  cette  opinion  paraît  démontrée  par  deux 
faits  :  d'une  part,  comme  on  vient  de  le  dire,  les  hommes 
les  plus  éminents  s'adonnaient  à  cette  jnfofession  ;  d'autre 
part,  il  était  interdit  aux  professeurs  de  droit  de  réclamer 
en  justice  des  honoraires  à  leurs  élèves,  à  cause  de  la 
dignité  de  la  science  du  droit.  Nous  savons  par  Aulu-Gelle 
(Nuits  attiques,  Xill,  13)  qu'il  existait,  au  temps  de  sa 
jeunesse,  sous  Antonin  le  Pieux,  ou  peut-être  même  déjà 
sous  Adrien,  deux  espèces  d'écoles  de  droit,  stationes;  les 
unes,  jus  publiée  docebant,  donnaient  un  enseignement 
méthodique,  théorique  et  abstrait  ;  les  autres,  jus  publiée 
respondebant,  résolvaient  les  questions  de  droit  soulevées 
par  la  pratique.  D'ailleurs,  l'enseignement  était  partout 
public.  On  a  prétendu  que  les  professeurs  de  droit,  dési- 
reux de  donner  à  leurs  leçons  une  forme  à  la  fois  littéraire 
et  précise,  ne  s'abandonnaient  pas  à  l'improvisation;  à 
l'exemple  des  rhéteurs,  ils  auraient  rédigé  à  l'avance  leurs 
cours  et  en  auraient  ensuite  donné  lecture  à  leurs  audi- 
teurs ;  les  Commentaires  de  Gains  ne  seraient  autre  chose 
que  les  leçons  écrites  de  ce  grand  maître.  C'est  toutefois 
là  une  pure  conjecture  qui  a  pour  tout  fondement  l'imagi- 


339 


JURISPRUDENCE 


nation  de  son  auteur.  Les  écoles  de  droit  établies  à  Rome 
paraissent  avoir  été  placées  à  proximité  des  bibliothèques 
publiques.  D'ailleurs,  à  l'époque  classique  et  jusqu'au  Bas- 
Empire,  la  liberté  de  l'enseignement  du  droit  fut  complète  : 
chacun  pouvait  fonder  une  école  ou  s'y  faire  attacher  comme 
professeur.  Le  jus  responderidi  avait,  au  contraire,  été 
l'objet  de  réglementations  impériales.  Toutefois,  tout  pro- 
fesseur de  droit  devait  faire  une  déclaration  à  l'autorité 
publique  de  sa  profession,  s'il  voulait  jouir  des  privilèges 
qui  y  étaient  attachés.  A  Rome,  les  professeurs  de  droit 
étaient  dispensés  d'être  tuteurs  ou  curateurs  ;  mais  cet  avan- 
tage était  refusé  aux  professeurs  des  provinces.  Partout  les 
professeurs  de  droit  étaient  exempts  des  charges  imposées 
aux  municipes  et  aux  incolœ,  c.-à-d.  des  charges  qu'on 
subissait  à  raison  du  lieu  de  son  origine  ou  de  son  domi- 
cile. Les  professeurs  étaient  rémunérés,  non  pas  par  l'Etat, 
mais  par  leurs  élèves  ;  il  leur  était  toutefois  interdit,  on 
s'en  souvient,  de  réclamer  leurs  honoraires  en  justice.  A 
partir  des  Antonins,  les  étudiants  jouirent  des  mêmes  im- 
munités que  les  professeurs,  à  la  condition  de  se  déclarer, 
eux  aussi,  à  l'autorité  compétente,  c.-à-d.,  d'après  certains 
auteurs,  à  un  employé  à\i  prœfectus  Urbi  à  Rome,  d'après 
d'autres,  mprœtor  tutelaris.  Ces  étudiants  suivaient  les 
cours  théoriques,  prenaient  part  aux  exercices  pratiques, 
assistaient  leurs  patrons  dans  la  préparation  des  affaires, 
siégeaient  même,  dès  qu'ils  avaient  acquis  une  certaine  ex- 
périence, comme  assesseurs  des  magistrats  et  des  juges. 
Un  grand  nombre  de  professeurs  nous  sont  connus,  et  il  en 
est  même  dont  les  écrits  sont,  en  partie,  parvenus  jusqu'à 
nous  :  Labéon,  Sabinus,  Cassius,  dans  les  premiers  temps 
de  l'Empire;  Javolenus,  Julien,  Pomponius,  Mœcianus, 
Scœvola,  Gains,  qui  enseignèrent  le  droit  entre  les  règnes 
de  Vespasien  et  d'Antonin  le  Pieux;  Papinien,  Saturninus, 
Tryphoninus,  Paul,  Marcien,  Florentin,  Ulpien,  Modestin, 
à  l'époque  de  Septime  Sévère.  Au  point  de  vue  des  doc-- 
trines  et  des  tendances,  ces  jurisconsultes  se  divisaient  en 
deux  classes  :  les  Proculiens  et  les  Sabiniens  (V.  ces 
mots).  Sous  cette  période  classique,  les  écoles  de  droit 
étaient  sans  doute  publiques,  mais  elles  n'avaient  aucun 
caractère  officiel. 

Au  Bas-Empire,  l'enseignement  du  droit  subit  une  der- 
nière transformation  ;  à  une  époc[ue  difificilo  à  préciser,  il 
y  eut  des  écoles  officielles  de  droit  dont  les  maîtres  furent 
nommés  et  payés  par  l'Etat  et  sur  lesquels  l'empereur 
exerçait  une  active  surveillance.  Il  est  probable  qu'il  y  eut 
à  Rome  une  école  publique  impériale  destinée  aux  studia 
liberalia  avant  que  cet  enseignement  fût  créé  à  Constan- 
tinople  ;  mais  nous  ne  connaissons  pas  son  organisation, 
tandis  que  la  constitution  de  l'an  425,  due  aux  empereurs 
Théodose  II  et  Valentinien  III  et  qui  créa  cette  école  à 
Constantinople,  est  parvenue  jusqu'à  nous  (const.  3.  C.  Th., 
De  Studiis  liberalibus^  XIV,  9).  Cette  constitution  défend 
à  tous  autres  qu'aux  professeurs  de  l'Etat  d'enseigner  dans 
les  écoles  impériales  ;  les  professeurs  privés  ne  peuvent  don- 
ner des  leçons  qu'à  leur  domicile,  sous  peine  d'être  notés 
d'infamie  et  expulsés  de  la  ville.  Les  empereurs  veulent  que 
la  nouvelle  école  de  Constantinople  comprenne  dix  grammai- 
riens et  trois  rhéteurs  pour  l'enseignement  de  l'éloquence 
romaine,  dix  grammairiens  et  cinq  sophistes  pour  la  litté- 
rature grecque,  un  professeur  de  philosophie  et  deux  profes- 
seurs de  droit.  Il  est  interdit  à  ces  professeurs  de  l'Etat  de 
donner  un  enseignement  privé  sous  peine  d'être  déchus  de 
leurs  privilèges.  Ces  privilèges  continuent  à  consister  dans  la 
dispense  des  charges  publiques  ;  en  outre,  à  l'avenir,  les  pro- 
fesseurs officiels  pourront  obtenir  la  dignité  purement  honori- 
fique de  comte  au  bout  de  vingt  ans  d'exercice.  La  constitution 
précitée  charge  le  Sénat  de  la  nomination  des  professeurs, 
mais  cette  nomination  doit  être  confirmée  par  l'empereur. 
Les  noms  des  professeurs  de  ces  écoles  de  Rome  et  de  Cons- 
tantinople ne  sont  pas  parvenus  jusqu'à  nous.  C'est  qu'en 
effet,  à  cette  époque,  l'enseignement  et  la  science  du  droit 
étaient  tombés  dans  un  complet  état  de  décadence.  Dans  la 
constitution  Omnem  (on  a  l'habitude  de  la  placer  en  tête 


des  éditions  du  Digeste),  destinée  à  réorganiser  renseigne- 
ment du  droit,  Justinien  nous  apprend  comment  cet  ensei- 
gnement a  été  donné  auparavant  dans  les  écoles  officielles 
du  Bas-Empire.  Il  était  réparti  en  quatre  années.  On  en- 
seignait aux  étudiants  de  première  année  les  Institutes  de 
Gains,  les  quatre  livres  de  l'édit  prétorien,  ceux  qui  con- 
cernaient la  dot,  la  tutelle,  les  testaments  et  les  legs  et  qui 
avaient  fait  la  matière  du  célèbre  ouvrage  de  Massurius  Sa- 
binus sur  l'édit  prétorien  intitulé  Libri  très  de  jure  ci- 
vili.  La  seconde  année  était  entièrement  consacrée  à  l'étude 
du  droit  prétorien.  Pendant  la  troisième  année,  les  étudiants 
complétaient  cette  étude  en  reprenant  la  théorie  des  choses 
et  la  procédure  dans  les  parties  qui  avaient  été  négligées  ; 
ils  abordaient  ensuite  l'étude  des  Réponses  de  Papinien. 
Pendant  la  quatrième  année,  il  n'y  avait  aucun  cours  ;  les 
jeunes  gens  étudiaient  seuls  les  livres  des  jurisconsultes 
les  plus  illustres.  Les  étudiants  de  première  année  s'appe- 
laient Diipondii^  expression  triviale  destinée  à  désigner 
des  objets  de  peu  de  valeur  ;  ceux  de  seconde  année,  Edic- 
taies;  ceux  de  troisième  année,  Papinianistœ^  parce  qu'ils 
étudiaient  les  réponses  de  Papinien  ;  ceux  de  quatrième  an- 
née, Lytœ^  précisément  parce  qu'ils  étaient  dispensés  de 
suivre  les  cours  (soluti).  Tous  étaient  soumis  à  une  disci- 
pline assez  sévère.  Avant  d'entrer  à  l'école,  l'étudiant  de- 
vait produire,  devant  les  magistrats  du  cens,  gardiens  de 
la  police  et  des  mœurs,  un  certificat  des  juges  de  sa  pro- 
vince, faisant  connaître  ses  noms,  son  heu  de  naissance, 
les  noms,  profession  et  domicile  de  ses  parents;  en  même 
temps,  il  indiquait  la  personne  chez  laquelle  il  allait  de- 
meurer pendant  la  durée  de  ses  études. 

Pour  donner  une  nouvelle  impulsion  aux  études  juri- 
diques et  un  certain  éclat  aux  écoles  de  droit,  Justinien, 
par  la  constitution  Omnem,  ne  maintint  que  trois  grandes 
écoles,  celles  de  Constantinople,  de  Béryte  et  de  Rome; 
toutes  les  autres  furent  supprimées,  notamment  celles 
d'Alexandrie  et  de  Césarée.  La  constitution  de  Justinien 
n'organise  d'ailleurs  que  les  deux  écoles  de  Constantinople 
et  de  Béryte;  il  n'est  parlé  de  celle  de  Rome  que  pour 
affirmer  les  prétentions  de  l'empereur  contre  les  Barbares. 
La  constitution  Omnem  est  adressée  à  huit  professeurs  de 
droit,  quatre  de  Constantinople  et  quatre  de  Béryte.  Le 
nombre  des  chaires  de  droit,  autrefois  fixé  à  deux,  on  s'en 
souvient,  avait  donc  été  augmenté.  Presque  tous  ces  pro- 
fesseurs de  Constantinople  et  de  Béryte,  auxquels  Justinien 
adresse  sa  constitution,  sont  restés  célèbres,  surtout  par 
la  part  qu'ils  ont  prise  à  la  confection  des  œuvres  législa- 
tives de  cet  empereur  :  Dorothée,  professeur  à  Béryte,  un 
des  rédacteurs  du  Digeste  et  des  Institutes  ;  Cratinus,  autre 
compilateur  du  Digeste,  professeur  à  Constantinople;  Ana- 
tole, professeur  à  Béryte  et  compilateur  du  Digeste  ;  Théo- 
phile, qui  a  pris  part  aux  travaux  préparatoires  du  Codex 
vêtus,  du  Digeste,  des  Institutes,  et  qui  a  laissé  sur  les 
Institutes  un  commentaire  fameux,  en  langue  grecque. 
Justinien  se  vante  d'introduire  dans  l'enseignement  du  droit 
de  grands  perfectionnements;  mais,  en  réalité,  les  change- 
ments qu'il  y  apporte  se  ramènent  à  peu  de  chose.  Ainsi, 
en  première  année,  au  lieu  d'étudier  les  Commentaires  de 
Gains,  on  s'adonnera  à  la  lecture  des  Institutes  de  Justi- 
nien; elles  ont  sans  doute  l'avantage  d'être  au  courant  des 
changements  de  la  législation  ;  mais,  au  point  de  vue  de  la 
science  juridique  ou  historique,  elles  sont  bien  inférieures 
à  l'œuvre  de  Gains.  Justinien  veut  qu'en  outre  les  étu- 
diants de  première  année  prennent  connaissance  des  quatre 
premiers  hvres  des  Pandectes.  En  seconde  année,  le  pro- 
fesseur a  le  choix  entre  deux  matières  :  les  instances  ju- 
diciaires (liv.  V  à  XI  du  Digeste)  ou  la  théorie  des  choses 
(liv.  XII  à  XIX  du  Digeste).  H  doit  ensuite  aborder  quatre 
livres  à  choisir  parmi  les  matières  spéciales,  libri  singu- 
lares,  et  de  telle  sorte  qu'un  de  ces  livres  soit  pris  sur  la 
dot,  un  autre  sur  les  tutelles  et  curatelles,  le  troisième 
sur  les  testaments,  le  quatrième  sur  les  legs  et  les  fidéi- 
commis.  La  troisième  année  comprend  celle^des  deux  pre- 
mières matières  de  la  seconde  année  qui  n'y  a  pas  été 


JURISPRUDENCE 


—  3/iO 


expliquée,  le  livre  XX  du  Digeste  sur  les  hypothèques,  le 
livre  XXII  sur  les  intérêts,  les  fruits  et  autres  accessoires, 
le  livre  XXI  sur  l'édit  des  édiles,  les  évictions  et  la  stipu- 
lation du  double.  Les  matières  de  ces  livres  XX,  XXt,  XXÏI 
du  Digeste  n'étaient  pas  enseignées  avant  Justinien.  En 
outre,  l'étudiant  de  troisième  année  doit  connaître  toute 
l'œuvre  de  Papinien  telle  qu'elle  est  insérée  et  distribuée 
dans  le  Digeste.  En  quatrième  année,  l'étudiant  travaille 
directement  les  matières  spéciales  des  dix  livres  du  Digeste 
qu'il  n'a  pas  encore  rencontrées.  On  ne  lui  donne  pas  de 
leçons  sur  ces  matières  ;  mais  un  professeur  lui  enseigne 
les  quatorze  derniers  livres  du  Digeste  ;  de  sorte  qu'à  la  fin 
de  cette  quatrième  année,  l'étudiant  connaît  l'ensemble  de 
cette  immense  compilation.  La  cinquième  année  est  consa- 
crée à  l'étude  des  constitutions  impériales  ;  mais  l'élève  est 
assez  fort  pour  travailler  seul;  aussi  n'est-il  plus  astreint 
à  suivre  aucun  cours. 

L'étude  du  droit  romain  n'a  jamais  été  complètement 
suspendue  en  Italie.  Dès  les  premiers  temps  qui  ont  suivi 
l'apparition  des  Barbares,  entre  les  années  438  et  455, 
c.-à-d.  sous  le  règne  de  Valentinien  III,  on  a  rédigé  les 
Sommaires  du  Code  théodosien,  aujourd'hui  connus  sous  le 
nom  de  Sommaires  du  Vatican.  L'Interpretatio  du  Bré- 
viaire d'Alaric  a  été  empruntée  à  des  travaux  antérieurs  qui 
ne  sont  pas  parvenus  jusqu'à  nous  et  qui  témoignent  de  la 
persistance  de  l'étude  du  droit  romain.  On  a  même  soutenu 
que  la  rédaction  des  Commentaires  de  Gaius  en  deux  livres 
ne  serait  pas  l'œuvre  des  commissaires  chargés  par  le  roi 
Alaric  de  rédiger  un  code  à  l'usage  de  ses  sujets  gallo-ro- 
mains et  qu'elle  aurait  été  faite  avant  eux  à  l'usage  des  étu- 
diants en  droit.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  l'école  de  droit 
de  Rome  existait  encore  au  vi^  siècle,  car  un  édit  d'Atha- 
laric  fixe  les  honoraires  de  ses  professeurs,  et  nous  possé- 
dons de  cette  école  un  monument  très  important,  connu 
sous  le  nom  de  Glose  de  Turin,  écrit  probablement  entre 
les  années  543  et  546.  L'excellence  des  définitions  et  la 
précision  du  langage  prouvent  que  l'école  de  Rome  avait 
conservé  une  méthode  pure  et  une  forme  élégante,  tandis 
que  celle  de  Constantinople  pratiquait  le  style  byzantin. 
Aussi  cette  vieille  glose  a-t-elle  obtenu  un  grand  succès  ; 
on  s'en  est  servi  jusqu'au  xii®  siècle  pour  l'étude  du  droit 
romain.  Au  xi®  siècle,  appartiennent  les  scolies  et  Para- 
titla  sur  Julien,  un  Dictatum  et  la  Collectio  de  tutoribus. 
Enfin  le  Tractatus  de  actionum  varietate  se  rattache  peut- 
être  aussi  à  l'école  de  Rome  ;  mais  on  est  loin  de  s'en- 
tendre sur  l'époque  de  sa  rédaction,  car  certains  juriscon- 
sultes la  font  remonter  au  vi^  siècle,  tandis  que  d'autres 
la  placent  au  xi*'.  A  partir  du  vii^  siècle  et  jusqu'au  xi®,  on 
entre  dans  une  période  très  obscure.  Qu'est  devenue  la 
science  du  droit  romain  en  Occident,  notamment  en  Italie 
et  en  France?  Dans  un  ouvrage  qui  restera  à  jamais  célèbre, 
l'illustre  Savigny  a  soutenu  qu'en  Occident,  sans  tomber 
dans  un  oubli  complet,  et  tout  en  continuant  d'être  cité  dans 
la  pratique,  le  droit  romain  avait  cessé  d'être  l'objet  d'études 
vraiment  scientifiques.  Mais,  de  nos  jours,  cette  doctrine  a 
été  vivement  attaquée  ;  d'après  certains  savants,  l'étude  du 
droit  romain  a  persisté  en  Italie  et  même  en  France  pen- 
dant cette  première  partie  du  moyen  âge,  et  il  existait  même 
dans  ces  pays  des  écoles  où  se  donnait  un  enseignement 
doctrinal  sérieux.  On  a  même  fait  des  gloses  avant  les  glo- 
sateurs,  et  quelques-unes,  a-t-on  dit,  seraient  même  dignes 
de  l'école  de  Bologne.  Il  y  a  là,  à  notre  avis,  une  évidente 
exagération.  Les  écrits  de  cette  époque  reculée,  parvenus 
jusqu'à  nous,  sont  souvent  de  dates  incertaines  ;  mais  il 
n'en  est  pas  un  seul  qui  présente  un  caractère  scientifique 
sérieux.  Ce  sont,  en  général,  des  gloses  purement  gram- 
maticales, souvent  inintelligibles,  parfois  même  ridicules. 
Enfin,  ces  travaux  écrits  portent  toujours  sur  les  Institutes 
ou  sur  le  Code  ;  pas  un  ne  concerne  le  Digeste.  Il  est  fort 
possible  que  les  praticiens  aient  connu  le  Digeste  et  ne  s'en 
soient  pourtant  pas  servi  précisément  parce  qu'il  contient 
souvent  des  principes  purement  théoriques  et  an 'il  entre 
dans  de  minutieux  détails. 


Mais,  malgré  la  nullité  de  tous  ces  travaux  écrits,  il  exis- 
tait dans  certaines  écoles  un  enseignement  de  droit  romain 
d'une  valeur  incontestable  ;  il  n'était  pas  donné  spéciale- 
ment en  vue  des  besoins  de  la  pratique,  mais  avait  encore 
un  objet  plus  élevé  et  purement  théorique.  On  en  a  la  preuve 
par  les  écrits  de  certains  canonistes.  Le  droit  romain  était 
sérieusement  enseigné  à  l'abbaye  du  Bec  en  Normandie  ;  il 
avait  probablement  pour  base  le  Bréviaire  d'Alaric  auquel 
enjoignait  quelques  autres  sources.  Yves  de  Chartres,  qui 
étudia  dans  celte  célèbre  abbaye,  cite  volontiers  dans  ses 
écrits  les  Institutes,  le  Code  et  certaines  parties  du  Digeste, 
celles  qui^  appartiennent  au  Digestum  vêtus.  L'école  de 
Rome  avait  sans  doute  perdu  tout  son  éclat  au  xi^  siècle  ; 
mais  elle  avait  été  remplacée  par  celle  de  Ravenne,  qui  oc- 
cupa le  premier  rang  jusqu'au  xii«  siècle.  A  la  même  époque, 
prospérait  aussi  une  école  lombarde  à  Pavie.  Les  juriscon- 
sultes de  cette  école  se  sont  attachés  à  réunir  des  collec- 
tions d'édits  des  rois  lombards  et  des  capitulaires  ;  quel- 
ques-uns se  sont  consacrés  aux  formules.  D'ailleurs,  les 
jurisconsultes  de  cette  école  ne  nous  sont  connus  que  par 
leurs  prénoms,  Guillaume,  Hugue,  Bonfils,  etc.  H  s'est  aussi 
formé,  vers  le  dernier  tiers  du  xi^  siècle,  une  école  lom- 
barde, non  loin  de  Bologne,  près  de  la  frontière  de  la  Ro- 
magne,  dans  les  Etats  de  la  comtesse  Mathilde,  assez  proba- 
blement dans  l'illustre  abbaye  de  Nantola.  Les  jurisconsultes 
de  ce  temps  connaissaient  et  étudiaient  le  droit  romain  avec 
un  certain  soin,  mais  ils  avaient  le  double  tort  de  ne  pas  se 
reporter  aux  sources  mêmes  de  ce  droit  et  de  mêler  ses  dis- 
positions à  celles  du  droit  canonique,  aux  capitulaires,  aux 
lois  lombardes  ou  autres.  En  France,  l'état  de  la  science 
est  le  même.  Les  travaux  écrits  sur  le  droit  romain  sont 
presque  nuls  jusqu'à  la  veille  de  la  formation  de  l'école  de 
Bologne.  On  ne  peut  même  pas  considérer  comme  de  véri- 
tables études  sur  le  droit  romain  les  emprunts,  d'ailleurs 
très  fréquents,  qui  lui  ont  été  faits  par  les  canonistes  et  par 
les  rédacteurs  de  formules.  Mais  ces  emprunts  prouvent  tout 
au  moins  qu'il  a  toujours  existé,  dans  les  écoles  desévê- 
chés  ou  des  monastères,  un  enseignement  relativement  sé- 
rieux du  droit  romain.  Pendant  la  première  partie  du  moyen 
âge,  l'étude  de  ce  droit  avait  été  rattachée  à  la  grammaire 
ou  à  la  rhétorique;  mais,  aux  xp  et  xn« siècles,  il  s'opéra 
une  véritable  rénovation.  Le  droit  prit  une  existence  à  part 
à  côté  de  la  théologie,  et  les  clercs  s'y  adonnèrent  même 
avec  une  telle  ardeur  que  le  saint-siège  dut  intervenir  et 
leur  interdire  cette  étude  pour  qu'ils  ne  fussent  pas  distraits 
de  la  théologie.  La  question  de  l'origine  des  anciennes  uni- 
versités de  notre  pays  n'est  pas  sortie  de  toutes  les  obs- 
curités qui  l'entourent.  Ainsi  on  a  affirmé  qu'il  aurait  existé 
dès  les  temps  les  plus  reculés,  à  Orléans,  une  école  de  droit 
où  l'on  aurait  enseigné  la  législation  romaine;  d'autres 
prétendent,  au  contraire,  que  cette  école  daterait  seulement 
de  l'époque  à  laquelle  une  bulle  du  pape  Honorius  III  dé- 
fendit l'étude  du  droit  romam  à  l'université  de  Paris.  La 
première  opinion  paraît  préférable,  car  dans  un  procès  en- 
gagé au  ix'^  siècle  entre  l'abbaye  de  Saint-Benoît-sur-Loire 
et  celle  de  Saint-Denis,  il  est  déjà  parlé  de  la  présence  aux 
plaids  de  docteurs  en  droit  d'Orléans  et  de  la  province  de 
Gascogne.  L'importance  des  études  juridiques  consacrées 
au  droit  romain  à  cette  époque  est  attestée  par  des  écrits 
tels  que  le  Brachylogus,  le  Livre  de  Tabingue,  le  Petrus. 
En  Normandie  et  en  Angleterre,  l'étude  du  droit  romain 
n'était  pas  non  plus  négligée,  et  elle  jeta  même  un  certain 
éclat  sous  les  règnes  de  Henri  I^^  et  d'Etienne.  Mais  sou- 
vent il  est  impossible  de  savoir  si  les  jurisconsultes  dont 
les  travaux  datent  de  ce  temps  écrivaient  en  Normandie  ou 
en  Angleterre;  le  problème  est  d'autant  plus  insoluble, 
que  parfois  on  ignore  jusqu'aux  noms  de  ces  légistes.  Aussi, 
pour  se  tirer  d'embarras,  dit-on  que  les  écrits  de  ces  juris- 
consultes, tels  que  VUlpiamis  de  edendo,  un  traité  De 
Actionum  varietate,  la  Summa  decreti  lipiensis,  la 
Practica  legum  et  actionum  de  Guillaume  deLongchamp 
appartiennent  à  l'école  anglo-normande. 

On  remarquera  qu'en  Normandie,  comme  dans  le  reste 


de  la  France,  en  France  comme  en  Italie,  le  droit  romain 
s'était  en  partie  conservé  pendant  la  première  période  du 
moyen  âge  sous  l'influence  de  TEglise.  On  le  cultivait  dans 
les  monastères  et  on  l'appliquait  dans  les  juridictions  ecclé- 
siastiques. Il  ne  faut  pas  non  plus  oublier  que  le  droit  ro- 
main était  resté  la  loi  commune  en  Italie  et  dans  le  midi 
de  la  France.  Mais,  si  le  droit  romain  vivait,  il  ne  prospé- 
rait pas.  C'est  seulement  au  y,n^  siècle  que  son  étude  prit 
tout  à  coup  en  Italie  un  nouvel  essor.  Ce  fut  la  conséquence 
naturelle  de  l'état  florissant  où  se  trouvait  alors  ce  beau 
pays.  Pendant  des  siècles,  l'Italie  avait  été  courbée  sous  le 
joug  de  la  domination  étrangère.  A  partir  du  x®  siècle,  elle 
avait  commencé  à  respirer  librement  ;  ses  villes  jouissaient 
d'une  sérieuse  indépendance  et  même  d'une  véritable  sou- 
veraineté, grâce  à  un  régime  municipal  fortement  organisé  ; 
la  papauté  était  devenue  le  centre  d'attraction  de  l'Europe 
occidentale  ;  le  commerce  et  l'industrie  avaient  pris  un  dé- 
veloppement inconnu  depuis  des  siècles  et  faisaient,  de  toutes 
parts,  affluer  la  richesse  dans  les  villes.  Il  est  tout  naturel 
qu'au  milieu  de  ce  mouvement  général  la  science  du  droit 
ait  pu  se  réveiller  sans  effort.  Les  écoles  de  droit,  qui 
n'avaient  jamais  complètement  disparu,  soutenues  par  de 
puissants  protecteurs,  entrèrent  dans  une  vie  nouvelle.  La 
célèbre  comtesse  de  Toscane,  la  princesse  Mathilde,  la 
femme  la  plus  distinguée  de  son  temps,  voulant  imprimer 
une  nouvelle  activité  à  l'enseignement  du  droit  romain, 
choisit  un  homme  déjà  parvenu  à  une  certaine  répitation, 
Irnérius,  et  lui  donna  une  chaire  à  l'université  de  Bologne. 
Irnérius  professa  avec  un  éclat  extraordinaire  et  composa 
des  ouvrages  importants  qui  ouvraient  une  voie  nouvelle. 
Sa  renommée  ne  tarda  pas  à  se  propager  dans  toute  l'Eu- 
rope, et  des  jeunes  gens  avides  de  science  vinrent  de  tous 
les  pays  écouter  les  leçons  du  maître  qui  faisait  la  gloire 
de  Bologne.  Les  Français  arrivaient  par  les  Alpes  Pennines, 
les  Allemands  traversaient  les  Alpes  Rhétiques  et  les  Es- 
pagnols débarquaient  à  Gènes  ou  à  Livourne.  Irnérius  devint 
ainsi  le  fondateur  de  la  grande  école  des  glossateurs.  Ce 
n'est  pas  à  dire  que  sa  méthode  d'enseignement  fût  tout  à 
fait  nouvelle  ;  elle  consistait  à  écrire  des  résumés  ou  à 
expliquer  brièvement  un  texte  au  moyen  d'une  simple  an- 
notation. Ce  système,  déjà  pratiqué  depuis  plusieurs  siècles, 
n'avait  toutefois  jamais  été  soumis  à  une  méthode  rigou- 
reuse. Irnérius,  le  premier,  et  ses  successeurs  immédiats 
lui  donnèrent  un  caractère  vraiment  scientifique.  Parmi 
eux,  il  en  est  quatre  qui  sont  restés  célèbres  sous  le  nom 
des  quatre  docteurs  :  Bulgarus,  Martinius,  Jacobus,  Hugo. 
On  peut  encore  citer  Azon,  Hugolinus,  Rogérius,  Cypria- 
nus,  Placintinus  et  surtout  le  célèbre  Accurse,  qui  com- 
posa une  glose  générale  au  moyen  d'un  choix  fait  parmi 
celles  de  ses  prédécesseurs.  Mais  à  partir  d'Accurse  com- 
mence la  décadence  pour  l'école  des  glossateurs,  bien  qu'on 
puisse  encore  citer  un  grand  nombre  d'autres  noms  que 
Savigny  a  soigneusement  relevés  dans  son  Histoire  du 
droit  romain  au  moyen  âge. 

A  la  méthode  des  glossateurs  et  par  esprit  de  réaction 
contre  elle,  on  ne  tarda  pas  à  opposer  celle  des  bartolistes 
ainsi  appelée  du  nom  de  son  inventeur  Bartole.  Son  école,  au 
lieu  de  suivre,  comme  celle  des  glossateurs,  dans  ses  expli- 
cations exégétiques  ou  même  dans  ses  traités,  les  textes 
du  droit  romain,  s'en  affranchissait  facilement,  les  perdait 
volontiers  de  vue,  construisait  des  doctrines  souvent  ori- 
ginales, mais  par  cela  même  étrangères  au  droit  romain. 
En  réalité,  l'école  de  Bartole  en  était  revenue,  avec  plus 
de  science  et  d'habileté  d'ailleurs,  et  en  outre,  sous  la 
forme  de  la  scolastique,  à  une  méthode  assez  semblable  à 
celle  qui  était  pratiquée  avant  les  glossateurs.  On  s'éprit, 
en  France  comme  en  Italie,  de  la  méthode  de  Bartole,  qui 
laissait  plus  de  liberté  à  l'intelligence  en  la  dégageant  de 
l'attache  servile  au  texte.  Mais  le  succès  de  Bartole  ne 
devait,  lui  aussi,  avoir  qu'un  temps.  L'occasion  se  présenta 
de  combattre  cette  méthode  à  la  renaissance  des  lettres.  Le 
xvi<^  siècle  a  été  celui  des  révolutions  dans  l'ordre  juri- 
dique et  judiciaire,  comme  dans  l'ordre  religieux,  philoso- 


—  341  —  JURISPRUDENCE 

phique,  littéraire  et  artistique.  Les  jurisconsultes  français 
ont  pris  une  large  part  à  ce  grand  mouvement  intellectuel 
du  xvi^  siècle,  qui  a  donné  à  la  France  le  premier  rang 
dans  la  science  du  droit  comme  dans  les  lettres  et  dans  les 
arts.  Pendant  le  moyen  âge,  la  première  place  avait  appar- 
tenu, sans  aucune  contestation  possible,  aux  deux  grandes 
écoles  italiennes  d'Accurse  et  de  Bartole.  Au  xvi®  siècle, 
l'Italie  passa  au  second  rang  ;  mais  d'ailleurs  l'école  de 
Bartole,  avec  ses  procédés  scolastiques  et  ses  systèmes 
souvent  aventureux,  fut  attaquée  en  Italie  comme  en  France. 
Alciat  y  fit  comprendre  la  nécessité  des  études  littéraires 
et  historiques.  Comme  tout  innovateur,  il  rencontra  une 
vive  opposition;  mais  soutenu  par  des  philologues,  tels  que 
Policien,  Laurent  Valla  et  leurs  émules,  Alciat  attira  à 
son  école  un  certain  nombre  de  disciples  qui  ne  tardèrent 
pas  à  devenir  des  maîtres,  Ferretus,  Marianus,  Socinus, 
Torelli,  Muretus,  Pancirole.  En  France  aussi,  on  ne  vou- 
lait plus  de  ces  subtilités  de  la  scolastique  ;  on  avait  re- 
connu les  dangers  qu'il  y  avait  à  fondre  le  droit  romain 
dans  la  législation  féodale  et  les  coutumes  :  on  voulait  re- 
venir au  classique  dans  le  droit  comme  dans  la  littérature. 
A  cet  effet,  il  fallait  dégager  les  œuvres  des  jurisconsultes 
romains  de  tout  ce  que  le  moyen  âge  y  avait  ajouté  et  ré- 
tablir les  textes  dans  leur  pureté  primitive.  On  avait  re- 
connu aussi  que  l'étude  de  la  littérature,  de  l'histoire,  de 
la  philosophie  antique,  jetait  un  jour  tout  nouveau  sur  des 
institutions  ou  des  lois  jusqu'alors  mal  comprises.  L'en- 
seignement d'Alciat  à  Bourges  eut  un  grand  retentissement; 
il  prépara  la  fondation  de  l'école  exégétique  et  historique 
dont  Cujas  a  été  le  plus  illustre  représentant.  Ce  fut  l'uni- 
versité de  Bourges  qui  devint  la  capitale  et  le  centre  de 
cette  activité  scientifique,  grâce  à  la  duchesse  de  Berry, 
Marguerite,  fille  de  François  P"^,  qui  avait  hérité  de  son 
père  de  l'amour  des  lettres  et  des  sciences.  Les  autres  uni- 
versités de  France  suivirent  le  même  exemple,  mais  sans 
jamais  parvenir  à  grouper  autour  d'elles  autant  de  noms 
célèbres  que  celle  de  Bourges.  Il  arrive  assez  souvent  qu'un 
même  nom  appartient  à  plusieurs  centres  scientifiques; 
cela  tient  à  ce  qu'au  xvi®  les  professeurs  passaient  facile- 
ment d'une  université  dans  une  autre;  tantôt  ils  étaient 
appelés  par  la  munificence  d'un  prince  ami  des  sciences, 
tantôt  ils  venaient  demander  un  refuge  contre  les  dangers 
que  leur  faisaient  courir  les  guerres  civiles.  11  leur  arrivait 
même  d'aller  enseigner  à  l'étranger,  et  plus  d'un  de  nos 
grands  jurisconsultes  du  xvi^  siècle  est  resté  célèbre  par 
l'enseignement  qu'il  a  donné  en  Allemagne.  A  Bourges,  le 
nom  de  Cujas  domine  tous  les  autres.  Ce  n'est  pas  ici  le 
heu  de  faire  connaître  sa  vie  et  ses  travaux  (V.  Cujas). 
Retenons  seulement  que  Cujas  a  été  et  est  resté,  pour  la 
France  comme  pour  l'étranger,  le  modèle  de  l'exégèse.  Il 
possède  au  suprême  degré  l'art  d'expliquer  un  texte,  de 
le  rendre  clair,  d'en  faire  sortir  toutes  les  conséquences 
qu'il  comporte,  de  le  rapprocher  d'autres  dispositions  sem- 
blables ou  différentes,  le  tout  sous  une  forme  toujours  très 
nette,  facile  à  lire,  parfois  même  élégante.  Il  ne  s'agit  plus 
d'écrire  de  simples  gloses  ;  ce  sont  de  véritables  traités 
exégétiques  qui  remplacent  les  annotations  d'Accurse  et  de 
ses  disciples.  Il  importe  surtout  de  se  débarrasser  de  la 
forme  scolastique  et  de  reconstituer  le  droit  romain  dans 
toute  sa  pureté. 

Aussi  Cujas  et  son  école  sont-ils  les  ennemis  acharnés 
de  tout  ce  qui  touche  par  un  côté  quelconque  à  la  méthode 
synthétique  appliquée  à  l'étude  du  droit  romain.  Ils  n'ac- 
cusent pas  les  bartolistes  d'avoir  écrit  des  traités  didac- 
tiques, car  les  glossateurs,  eux  aussi,  avaient  composé 
des  ouvrages  de  cette  nature,  mais  ils  n'avaient  recouru 
à  cette  forme  que  pour  des  matières  sur  lesquelles  le 
plus  souvent  le  droit  romain  faisait  à  peu  près  défaut, 
notamment  pour  la  procédure  civile  ou  criminelle.  Les  bar- 
tolistes, au  contraire,  avaient  étendu  la  sphère  d'applica- 
tion des  traités  didactiques  et  avaient  eu  surtout  le  tort  de 
mêler  le  droit  romain  aux  autres  branches  de  la  législation, 
au  droit  féodal  et  aux  coutumes.  C'est  ce  second  fait  que 


JURISPRUDENCE 


-  342 


Cujas  reprochait  aux  bartolistes.  Ceux  qui  restèrent  de 
son  temps  fidèles  à  la  méthode  synthétique,  Doneau  et  Dua- 
ren,  tous  deux  jurisconsultes  d'un  grand  mérite,  ont  échappé 
à  ce  reproche  ;  ils  ont  composé  des  traités  synthétiques  de 
pur  droit  romain.  A  côté  de  Cujas,  représentant  de  la 
méthode  exégétique,  de  Doneau  et  Duaren,  représentants 
de  l'autre  méthode,  l'université  de  Bourges  peut  encore 
citer,  mais  en  les  plaçant  au  second  rang,  Baron,  qui  a  laissé 
de  nombreux  travaux  exégétiques  et  que  Cujas  appelait  le 
Varron  de  la  France;  Baudoin,  non  moins  célèbre  par  ses 
écrits  que  par  son  refus  à  Henri  III,  alors  duc  d'Anjou, 
d'écrire  l'apologie  de  la  Saint-Barthélémy  ;  Boyer,  le  pre- 
mier éditeur  de  YEpitome  des  Novelles  de  Julien  et  qui, 
malgré  sa  prédilection  pour  le  droit  romain,  a  aussi  beau- 
coup étudié  le  droit  canonique,  la  législation  des  Barbares 
et  les  coutumes  du  Berry;  Leconte,  d'une  érudition  telle, 
qu'au  dire  de  Cujas  on  ne  le  quittait  jamais  sans  avoir 
appris  ;  Rebuffy  et  Roussard,  ce  dernier  connu  par  son 
édition  du  Corpus  juris  avilis.  Tous  ces  jurisconsultes 
sont  loin  d'être  d'une  égale  valeur,  mais  ils  n'en  ont  pas 
moins  formé  au  xvi^  siècle  un  groupe  vraiment  remarquable 
à  l'université  de  Bourges;  les  autres  universités  ne  vien- 
nent qu'à  une  grande  distance  ;  quelques-unes  peuvent  ce- 
pendant citer  des  noms  de  jurisconsultes  restés  célèbres. 

L'université  de  Paris  était  demeurée  étrangère  au  droit 
romain  jusqu'au  xvi^  siècle  et  depuis  le  xiii«.  Une  bulle 
du  pape  Honorius  III  avait  défendu  l'étude  du  droit  ro- 
main pour  protéger  celle  de  la  théologie.  Au  xvi^  siècle, 
on  réclama  contre  cette  exclusion.  Ramus  reprochait  à  la 
faculté  des  décrets  d'être  trop  scolastique  et  d'avoir  un 
enseignement  trop  limité,  et  les  professeurs  eux-mêmes 
se  joignirent  au  mouvement  général  qui  se  produisit 
pour  démander  l'introduction  du  droit  romain.  Un  arrêt 
du  parlement  de  1568  fit  droit  à  cette  requête.  Mais  quel- 
ques années  plus  tard  l'art.  69  de  l'ordonnance  de  Blois, 
rendue  en  mai  1579,  reproduisit  de  nouveau  la  défense 
d'enseigner  le  droit  romain  à  Paris  et  cette  prohibition  ne 
fut  levée  qu'en  1679.  Le  droit  romain  ne  fit  donc  au 
xvi^  siècle  qu'une  courte  apparition  à  Paris.  Après  l'uni- 
versité de  Bourges,  c'est  sans  contredit  celle  de  Toulouse 
qui  se  distingue  le  plus  à  cette  époque,  avec  les  noms  de 
Coras,  très  renommé  dans  son  temps  pour  sa  science  ;  de 
Forcadel,  qui  a  eu  le  tort,  d'après  certains  historiens,  de 
battre  Cujas  dans  un  concours,  fait  qui  lui  a  valu  la  répu- 
tation de  bartoliste  contre  laquelle  protestent  ses  écrits; 
de  Grégoire,  connu  par  son  Syntagma  juris  universi; 
de  Janus  a  Costa,  dont  le  commentaire  sur  les  Institutes 
est  resté  célèbre  et  a  eu  l'honneur  d'être  édité  par  Cujas; 
enfin  de  Maran  qui  a  fait  en  français  une  réponse  à  VAnti- 
tribonien  et  d'Hotman  qui  a  écrit  des  Paratitla  sur  qua- 
rante-deux livres  du  Digeste.  A  la  différence  de  Bourges 
et  de  Toulouse,  les  autres  universités  de  France,  malgré 
l'éclat  incontestable  de  leur  enseignement,  n'arrivent  pas 
à  grouper  plusieurs  noms  célèbres  ;  tout  au  plus  parvien- 
nent-elles à  en  citer  un  ou  deux,  et  encore  sont-ils  parfois 
d'origine  étrangère  :  à  Valence,  Bonnefoi,  que  Cujas  tenait 
en  haute  estime;  à  Grenoble,  Govea,  d'origine  portugaise, 
connu  par  sa  controverse  avec  Ramus  pour  la  défense 
d'Aristote;  à  Pont-à-Mousson,  dont  l'université  avait  été 
fondée  le  5  déc.  1572  par  bulle  pontificale  et  confiée  aux 
jésuites,  Pierre  Grégoire  et  surtout  Guillaume  Barclay, 
jurisconsulte  écossais  qui  enseigna  aussi  à  l'université 
d'Angers;  à  Dole, Barthélemi  Cinus;  à  Montpellier,  Jacques 
Rebuffe  et  Pierre  Rebuffe;  à  Orléans,  Robert,  surtout 
connu  par  ses  vives  et  injustes  attaques  contre  Cujas. 

Cette  belle  renaissance  de  la  science  du  droit  au  xvi^  siècle 
ne  s'est  pas  produite  seulement  au  sein  des  universités  qui 
venaient  d'être  créées  ou  reconstituées  ;  elle  a  été  beau- 
coup plus  générale  et  s'est  manifestée  avec  un  aussi  vif 
éclat  au  palais.  Les  hommes  de  la  loi  de  la  pratique,  ma- 
gistrats et  avocats,  se  sont  adonnés,  à  cette  époque,  à 
l'étude  du  droit  romain  et  même  à  la  reconstitution  de  ses 
textes  avec  la  même  passion  que  les  savants  des  univer- 


sités. Ce  fait  ne  s'est  pas  reproduit  dans  la  suite,  et  le  droit 
romain  n'a  plus  été  cultivé  que  dans  les  écoles.  Au 
xvi^  siècle,  François  de  Conan,  seigneur  de  Coulan  et  de 
Rabestan,  maître  des  requêtes,  écrit  un  ouvrage  systéma- 
tique sur  le  droit  romain  [Commentarii  juris  civilis); 
Barnabe  Brisson,  d'abord  avocat  au  parlement  de  Paris, 
puis  président  à  mortier,  du  Faure  de  Saint-Jory,  premier 
président  du  parlement  de  Toulouse,  Mornac,  avocat  au 
parlement  de  Paris,  Denis  Godefroy,les  deux  Pithou,Jean 
Dutillet,  évêque  de  Meaux,  se  sont  illustrés  par  des  tra- 
vaux scientifiques  ou  par  des  publications  de  textes. 

Après  ce  magnifique  épanouissement  de  la  science  du 
droit  au  xvi^  siècle,  nous  tombons  en  pleine  décadence  dès 
le  siècle  suivant.  On  peut  citer  encore  les  noms  de  Jacques 
Godefroy,  même  celui  de  Domat,  bien  que  les  travaux  de 
ce  dernier  jurisconsulte  se  rattachent  plutôt  à  la  philoso- 
phie du  droit.  Les  autres  ne  sont  que  des  élèves  de  Cujas 
et  ils  restent  à  une  grande  distance  de  leur  maître,  en 
s'écartant  de  la  rigueur  de  sa  méthode  classique.  Le  code 
du  président  Favre  est  une  œuvre  de  pratique  plutôt  que 
de  science;  le  droit  romain  y  est  sacrifié  et  ne  sert  qu'à 
expliquer  les  besoins  de  la  pratique.  D'Espeisses  s'attache 
aussi  dans  ses  œuvres  à  accommoder  le  droit  romain  au 
droit  français,  et  ce  tort  s'accentue  encore  davantage  dans 
les  œuvres  de  Claude  Henrys.  On  reprenait  donc  les  défauts 
que  Cujas  avait  si  amèrement  reprochés  aux  bartolistes. 
Les  travaux  purement  scientifiques  sur  le  droit  romain 
deviennent  de  plus  en  plus  rares  et  n'ont  qu'une  valeur 
secondaire;  on  s'en  tient  le  plus  souvent  au  commentaire 
des  Institutes;  on  n'ose  plus  s'attaquer  au  Digeste  ni 
aux  sujets  qui  exigent  une  vaste  érudition.  Hauteserre 
n'écrit  le  plus  souvent  que  des  résumés.  Dans  les  univer- 
sités françaises,  l'enseignement  du  droit  romain  est  éga- 
lement en  pleine  décadence.  Nous  en  donnerons  un  seul 
exemple  :  l'enseignement  du  droit  romain  étant  encore 
interdit  à  Paris,  les  jeunes  gens  des  familles  parisiennes, 
qui  voulaient  être  avocats  ou  magistrats,  se  rendaient  dans 
une  des  universités  les  plus  voisines  de  la  capitale,  le  plus 
souvent  à  Reims  ou  à  Orléans.  On  y  trouvait  des  docteurs 
régents  qui,  moyennant  de  beaux  deniers  comptants,  fai- 
saient connaître  à  l'avance  les  questions  de  l'examen; 
l'épreuve  devenait  ainsi  inutile  et  ridicule  à  la  fois.  On 
attribuait  à  ces  examinateurs  cette  parole  cynique  :  Suma- 
mus  pecuniam  et  mittemiis  asinum  in  patriam.  La 
partie  de  l'examen  la  plus  difficile,  c'était  le  voyage,  dans 
un  temps  où  les  communications  n'étaient  pas  faciles,  ni  les 
routes  sûres.  D'énergiques  réclamations  finirent  par  s'éle- 
ver de  tous  côtés,  même  de  la  part  des  universités  qui  déli- 
vraient ces  diplômes  sans  valeur.  On  pensa  que  les  examens 
deviendraient  plus  sérieux  et  que  les  études  du  droit  ro- 
main prendraient  plus  de  vie  si  l'université  de  Paris  avait 
le  droit  d'enseigner  la  législation  romaine.  Un  édit  du 
mois  d'avril  ordonna  qu'à  l'avenir  les  leçons  publiques  du 
droit  romain  fussent  rétablies  dans  l'université  de  Paris. 
Le  roi  voulait  même  que  le  droit  français  contenu  dans  les 
ordonnances  et  dans  les  coutumes  y  fût  publiquement 
enseigné.  Le  professeur  de  droit  français,  M.  de  Launay, 
ne  fut  pourtant  nommé  qu'en  1680.  Sa  première  leçon  fut 
une  révolution  :  il  enseigna  en  français,  tandis  que  les 
autres  cours  se  faisaient,  comme  parle  passé,  en  latin,  et, 
pour  justifier  cette  innovation,  il  fit  remarquer  que  notre 
langue  valait  bien  celle  des  Romains.  Ce  qu'il  avait  dit  de 
la  langue,  il  le  répéta  pour  le  droit.  Dans  la  même  leçon 
il  s'attacha  à  élever  au  premier  rang  le  droit  coutumier, 
législation  vraiment  nationale  et  à  abaisser  le  droit  romain, 
législation  étrangère  et  d'un  autre  âge  qui  a  besoin  d'être 
soutenue  par  le  droit  français. 

La  cause  du  droit  romain  était  définitivement  perdue  en 
France.  Désormais  on  ne  le  servira  plus  par  désintéresse- 
ment scientifique,  mais  on  se  servira  de  lui  pour  étudier 
le  droit  français.  Magistrats  et  avocats  ont  abandonné  le 
droit  romain  ou  ne  s'en  occupent  plus  que  par  accident, 
comme  par  exemple  Bretonnier  dans  son  Recueil  alpha- 


341  — 


LITHU^l^IE 


Ghi  Sâppuhiï,  publiée  par  Schultz  (1673);  ies  diction- 
naiFes  de  Szyrxvid  (0i3l),  de  Ruhig  (174-7),  de  Mielcke 
(1800)  ;  pour  le  lette,  lès  ouvrages  d'Adolphi  (1685)  et 
surtout  dé  Stendèr  |(1761  et  1783),  les  vocabulaires  ou 
dictionnaires  de  Màncel  us  (1638),  d'Elger  (1683),  de 
Lange  (1772-77),  4e  Stënder  (1789).  Pott,  le  premier, 
avait  marqué  la  place  dulithuanien  dans  la  famille  indo- 
européenne ;  Fv*  Kîi^rschfit  (Y.  ce  mot),  étudiant  le  lithua- 
nien en  lui-même,  donna  avec  ses  Beitrcege  %ur  Kûnde 
der  littaûischen  Spraéhe  (1843-49)  le  premier  ouvrage 
scientifique  consacré  à  cette  langue.  Puis  vinrent  les  tra- 
taiïx  de  Sôhleicher  q,bi  a|Jerçut,  exagéra  même  riniport|iûce 
linguistique  du  lithlisinién  ;  son  Litauisches  haridbuch 
(1-887)  contient  une; rgr^mmaii?e  qui,  avec  celle  de  Eurs- 
chat  (1877)^  devront  toujours  être  consultées.  Gomme  dic- 
tionnaires, on  a  celiïi  de^  Nesselmann  {lith.'aïh)  où  les 
mj;>l&  §ont  rangés  djans  il*o|"d|!)5  éjtyç^Qlogique,  et  c|lui  d(| 
Eurschat  {ali/4ith.\Qi  Hih,-'aïL)  ;  dans  ce  dernier,  la- 
partie  allemande-litHuanibnne  est  supérieure  à  l'autre.  J.  e| 
k.Juszkewicz  en  avkientl  entrepris  un  en  lithuanien-russe- 
polonaiS  que  la  morlj  ne  Ijeur  a  pas  permis  d'achever.  * 
:  Les  progrès  de  la  Ijingufstique  et  de  ï'histoirê,  la  curiosité 
toujours  croissante  pour  'tout  ce  qui  intéresse  l'ethnologie 
ont  suscité  de  nombi*eux|  travaux  parmi  lesquels  il  faut 
Mgnaler,  pour  le  lithuanien,  ceux  de  MM.  Leskienet  Bez- 
ken berger,  qui  a  édité  eti  étudié  les  anciens  textes,  et  les 
articles  très  intéressants  ^  très  variés  que  la  Société  litté- 
raire lithuanienne  dé  Tifsit  à  insérés  depuis  1880  dans 
son  buUetib.  ÏSfous  lious  icontenterons  de  renvoyer  pour  le 
prussien  a^x  ouvragés  de|  Nesselmann  :  Die  Sprache  der 
alten  Preussen  (18te)  et  Thésaurus  linguœ  Prussicœ 
(1873),  pdur  le  lettej  auxl  nombreux  mémoires  publiés  par 
la  Société  littéraire  jette  fondée  en  1824  et  atïx  impor- 
tants ouvrages  de  Eielenktéin,  Die  lettische  Sprache  et 
Me  lettische  GrarkmatiL  Un  dictionnaire  lette-alle- 
mand  et  allemand-letfe  a  été  donné  par  Ulmann  et  Brasche 
(187Ï.80).  il.  M.  Roger. 

M tïHotoGiE.  —  Les  inoications  de  la  liîiguistiqtie  venant 
toujours  eii  aide  aux  recherches  mythologiques,  nèus  pou- 
vons présumer  —  etj  les  'faits  justifient  ces  hypothèses  — 
1<*  què  la  mythologie  dés  Lithuaniens  est  congénère  de 
celle  des  aryens  ;  2<l  qu'elle  apparaît  encore  aujourd'hui 
dans  les  ct'oyances  |iopulaires  sOus  des  formes  très  an- 
ciennes, cbmme  la  langu(î  ;  et  3^  qu'elle  a  uhe  affinité 
très  grande  avec  la  mythologie  slave.  Toute  mythologie 
ne  faisant  cjue  répond|re  awx  questions  qu'on  peut  se  poser 
sur  J'origiûe,  lés  causes,  les  relations  et  la  destination 
des  êtres  et  des  choses,  il  est  clair  que  dans  la  mythologie 
îithuànieniïé  nous  retrouVerons  ces  réponses  se  présentant 
soUs  la  forme  d'idées!  prirjaitives,  souvent  naïves  ou  enfan- 
tines, mais  néanmoink  noiis  donnant  l'ensemble  des  notions 
primitives  de  la  scienice  ei  de  la  philosophie  préhistorique 
chez  ce  peuple.  Ges  idées  élémentaires  ressemblent  à  celles 
de  toutes  les  races  primitives,  spécialement  à  celles  de  la 
grande  souche  aryeiine.  |Ce  qu'on  appelle  l'animisme, 
c-à-d.  la  personnification  de  toutes  les  forces  et  de  tous  les 
phénomène^  de  la  nalture ianimée  ou  inerte,  caractérise  la 
mythologie  lithuanieiine  a|ussi  bien  que  les  autres.  Ainsi, 
par  exemple,  nous  trouvions  dans  les  chants  du  peuple 
lithuanien  dés  strophes  qiji  parlent  du  mariage  de  la  Lune 
(Menuo^  du  genre  inasCfilih)  avec  le  Soleil  {Sauluze, 
du  genre  féminin),  dé  l'akour  de  la  Lune  pour  l'Aurore 
(Auszrine)  et  du  coulrrouk  du  Tonnerre  (Perkuns)  qui,  de 
son  glaive,  fend  la  Li^ne  en  lui  disant  :  «  Pourquoi  te  sé- 
pares-tu du  Soleil  et  âimefe-tu  l'Aurore  !  »  Un  autre  chant 
des  Lithuaniens  modèles  demande  au  Soleil,  en  l'appelant 
«  fille  de  Dieu  »  {De\vo  d>ukryte)^  pourquoi  il  se  montre 
si  tard  et  à  quoi  il  répond!  :  «  J'enterrais  les  orphelins  et 
je  réchauffais  les  pajuvres  bergers.  »  Nous  trouvons  là 
quelques  personnifications  ou,  si  l'on  veut,  quelques  divi- 
nités adorées  ou  du  liaoins  connues  des  Lithuaniens  :  un 
Dieu,  probablement  lé  niêtne  Perkuns  qui  punit  le  Soleil  ; 
le  Soleil,  sous  une  foiribe  féWnine;  la  Luae,  sous  une  forme 


masculine,  et  l'Aurore.  Nous  y  voyons  aussi  une  explica- 
tion toute  mythologique  et  vraiment  primitive  de  la  dimi- 
nution du  disque  de  la  lune.  Il  y  en  a  beaucoup  de  sem- 
blables dans  lés  croyances  des  Lithuaniens  modernes^  pour 
l'origine,  la  forme,  la  couleur  de  tout  ce  que  présente  îé 
monde  visible.  Ainsi  les  petits  silex  qu'on  trouve  dans  le 
sable,  ce  sont  les  mamelles  de  Latîma,  sorte  d'esprit  mali- 
cieux puni  autrefois  par  Dieu  pour  ses  aîoiours  avec  «n 
beau  jeune  homme.  L'arc-en-ciel  n'est  que  la  ceinture  de 
cette  même  Lmmai(Laumes  juosta).  Si  une  mère  étouffe 
en  dormant  son  nourrisson,  c'est  la  faute  dès  esprits  noô? 
tiirnes  (féminin  naktineia),  La  mort  n'est  pas  un  phé- 
nomène naturel  et  nécessaire":  c^est  le  méfait  d'Un  eâprit 
malicieux  (Gi/iW(l,  pron.  Çw#iÇm^  riçliesse  n'est  pa^ 
toujours  le  fruit  d'une  ;vie  laborieuse  et  économe,  niais  elle 
est  due  souvent  à  l'aide  d'un  esprit  domestique  qui  a  la 
forme  d'un  serpent  volant  (ifMam^, 'probabléflaèhj  dii 
polonais  Ocwiara)  et  apporte  du  blé,  de  Targent,  etc.,  à 
celui  qui  sait  se  le  rendre  favorable.  L'étonnante  vitalité 
du  saule  est  expliquée  par  lénjytlie  suivant  :  il  y  avait  au- 
trefois une  femme  appelée  èimHa  (le  saule)  qui  avait  des 
milliers  d' enfants  nés  de  ses  mains,  de  ses  jambes,  de  sa 
tête  ;  une  fois,  4âhs  un  marécagé,,ses  pieds  s'ettlôhcèrè^^^^ 
si  profondément  qu'elle  mourut  et  fut  changée  en  saule^ 
Ces  traits  du  folklore  lithuânieji  donnent  une  idée  de  la 
manière  dont;  lés  phenornènes?  de  là  nâtbrè;  sput  expliqués 
par  la  mythologie.  L'animisme  fondamental  conduisit  le 
peuple  à  prêter  aiix  forcés  naturelles  des  formes  plus  pré- 
cises et  il  arriva  à  les  persoiinifier  et  à  se  créer  des  figurés 
mythiques  ayant  un  nom  et  un  caractère  propre.  A  éelles 
que  nous  connaissons  déjà,  ajoutons  eh  d'autres  qui  vivent 
encore  aujourd'hui  dans  l'esprit  désLithuanièns.  Ils  parlent 
de  petits  esprits  domestiques  habitant  sOiiS' tét'i'e,  sortes 
de  nains  qu'ils  appeilént  Eaukai  (pronvcaùUééï);  et  qui 
ressemblent  tout  àiMtB.nx^Efdmœnnchefi  des  Allémainds 
et  aux  KfàsnolvÉek  polonais.  Ils  cohnaisseht  lé  diable 
sous  des  formes  diverses  {vélnias,  Mpszàs,  et(i4  »  iï  ©^1 
sans  cesse  perséciité  par  PeHîuns  qui  s'efforce  de  le  trou- 
ver et  de  le  foudroyer.  Ils  parlent  d'une  céirtaittéZîâ^i'wt^ 
(ce  mot  signifie  âusSi  'bonheur,  chance)  qui,  pendant  le 
déluge,  sauVa  lés  deiix  aïeux  du  géliré  humuin,  nageant 
dîiitis  une  coquille  et  chassant  la  souris  qui  voulait  la  ron- 
ger. Ils  parlent  encore  de  iS%^  (mot  qui  sigûïfie  aussi 
fardeau  et  rhume)  qui  tâqhe  de  suffoquer  les  gens  pendant 
leur  sommeil  (c'est  le  cauchemar,  le  night-mare  des 
Anglais). 

Les  annalistes  et  les  historiens  nous  ont  légué  une  mul- 
titude de  noms  de '«  divinités  »  lithuaniennes  ;  mais  le 
plus  grand  nombre  en  est  mal  noté  ou  controuvé,  et  les 
anciennes  sources  de  la  mythologie  lithuanienne  n'ont  pas 
encore  été  suffisamment  épurées  p^ar  la  critique.  Voici  les 
plus  importances  de  ces  sources  :  Vûffstan*  les  vies  de  saint 
Adalbert,  Adam  de  Brème,  Kadlubék,  Heùri  le  Lette,  la 
Ghronique  lette,  Jean  Malala,  Dlugosz  et  autres  historiens 
polonais,Lasicki  (De  Dits  Samagiûrum),  Hartknoch,  Prae- 
torius,  Michalon,  etc.  Quelques  écrivains  modernes  ont 
consacré  à  ce  sujet  d'assez  grands  travaux,  comme  Narbutt 
(en  polonais),  Veckenstedt  (en  allemand),  Téobald  von  Roth- 
kirch  (en  russe),  etc.  ;  mais  ces  ouvrages  pèchent  ou  parla 
critique,  ou  par  une  connaissance  insuffisante  du  sujet,  ou 
même  par  celle  de  la  langue  lithuanienne.  Les  meilleures 
recherches  sont  dues  à  Mierzynski,  à  Jucewicz  et  Dowojna, 
Sylvestrowicz  (en  polonais),  à  Mannhardt,,  Schleicher, 
Brugmann  et  Bruckner  (en  allemand).  Mais  on  peut  dire 
en  général  qu'une  étude  d'ensemble  de  la  mythologie  lithua- 
nienne est  encore  à  faire.  Jean  Earlowicz. 

BiBL.  :  Ethnographie  et  Histoire.  —  Watson,  Ueber 
den  lettischen  Volsksstamm.:;  Mitau,  1822.  -r-  Voigt,  Grâi"- 
scfiichte  Preussens;  Kœnigsberg,  1827.-7-Kœppen,  Origine, 
langue  et  littérature  des  populatiôfis  lithuaniennes  (russe); 
Saint-Pétersbourg,  1827.  -—Du  même,  le  Peuple  lithuanien 
(russe);  id.,  1851.  —  Jucewicz,  la  Lithuanie  (polonais); 
Vilna,  1846.  —  Schafarik,  Antiquités  slaves  (tchèque); 
Prague,  1836,  et  allemand  ;  Leipzig,  1843-44  (contient  une 
bibliographie  des  ouvrages    antérieurs).  —  Kraszevskï, 


BITHUMIE  --  LITIÈRE 


sn  — 


lai^l^ithuanie  (polonais)  ;  Varsovie,  1847-50.  —  Lelewell, 
HUioire  de  ta,  tithuanie^  trad.  franc.  :  Paris,  1861.  —  Gla- 
GAt ^I^îtàUen  ùixd  die  LitàUêr  ;  Tilsit,  1869.  —  Weber,. 
Preussen  mf  500  Jâhrert.  -^  De  Tbeitsghke,  Das  Ordens- 
land  Preus$en^  1871^  r—  E^ald,  DieEroberung  Preussens 
durèfï  aie  Deutschen,  Ï872-75.  —  Antonovic^,  Esquisse 
d'une  histoire  de  (a  gfa,nde-prîncipauté  de  Lithuânie 
(russe)  ;  Kiev,  1878.  *~  Waeber,  Beitrsege  zur  Anthro-^ 
pôlogie  derjLeiien;  Dorpat,  1879.  —  Érennsohn,  Zur 
4-ntliropùlogieder  trimer;  Dorpat,  1883^~Dob:neth,  Die 
Letten  uniéf  4i&  DëutéMàn^>  1886,  ^  Riohter,  Gesehichte 
dèr  Bdltisohefi  Prohinzeiké  ^  Lohmeyer,  Geêchichte  von 
Ost  ufid  Westpreussen  ;  Gotha.  —  Rïttioh,  les  Provinces 
ha^ltiques  (russe).  -^  Pour  les  ouvrages  de  Rœpell  et 
CÀro',  Schiemânn,  etc.,  V.  la  bibl  aux  articles  Pologne, 


1745;  ~  Pott^  BeLingusùfufnletticâtU'tù.  cUW%iGiniB  heyiû 
c(>rm%enta,U(ii  ^dfll^.,  IHl-  -r:  Cablp:Wigz,,  la.  La^ngue  H- 
thu^éiénne,ipQlpna>iB^^_l^%,---'  Geitler,,  Litauisohe  Stu- 
diefi;  Pi^%ùè;  1875.  --^  yàiLKEt,  Die  letiiéèHen  Sp'ràchrêéié 
uuf  dèr  kUffëchen  ;  Isehfiiiag^  1875.  —  LESKïë#,  JDié  De^ 
àlin^tion  tm  slàvisch^litauischeri, .  und  germanispUen  ,i 
I^eipzig,  .1876.  -7  Der  Ahlap.t  der  WjUfz.elsUben  in  M^uir 
scnen;td:i  1884.  —  DiéBMûHg'deffiofriirïa  iik  Ltihui- 
schêtii  id.f  1892;  «^  ÈKèdkNfeR;  ij^iM-slaviche  Studiën; 
Weimari;J,877,  -r-  Bi^^izen^erger,  Beitrsege  z!Ur  Gesehichte 
der,  litmiscnenBprache^  Qœttingue,  1877.  ---  Litauische 
PbYschiikgbn,  ISpBi  4-  PrèîÎlwWiz,  J^ieidéUtscHen  Béstafid- 
thèileiii  déû  lUMcMn  Bprmhm;  Géèttlngùe,  1891.^  Weî- 
demann,^  Das  liba^i^cUe  prà?ierî'^îi{m,*r!S;tt*a6boHrg|  1891i  -^ 
Bieltçin^tei.!?,  JDi^  Gr^^n^e  des  leitischenyoikstaYnmes  un- 
dët  léttischén^êjitâche  in  der  Gëàènwârt  unà  irri  iS  Jahr- 
hundertl  Sairit4-Pétèi'sbèu%,  1892.  —  SfANKiËwioz^  Bi- 
bliographie Uth^aniennfi f,lH% à. MOI  (polonais)  ;  Cracoyie^ 
1889.  -r-,  pé,  nombreux  articles  dans  VArchiv.  filr  slavi- 
schè  Philologie'  (à  partir  de  t881)j  Ëeitfœge  zur  Kundè  der 
lit.  8prachei%  (à  partii*  de  1877),  etc.  ;  les  Mémoire$  de  la 
Société,  historique  4©  MosQqu  (russe)  ;  de  rAcadém|e  de 
3aint-Pétersbour^.  (russe),  etc. 

LlTHÙANips;(Y.]LiTHUAFra^^^ 

LITlIpET^^If  Arcpéolociii;>  -^  Lit  portatif  qpe  l'on  cou^ 
vrait  opi  que  l'on  décpiiyrait  à  yolonté.  Son  usage  était 
très  iréquent  au  moyen  âge  dans  les  nombreux  déplace- 
?nents  que  s'imposaient  les  seîgneprs  jles  ds^me^  et  les  per- 
sonnes :âgées  o.i;f,  maWes  ;s'en  servaient  pour  éviter  les 
fetigu^s  dp.<^heyal  alors  que  les  jpoutes  étaient  à  peine  tra- 
cées,, Quelquefois  les.  litières  étaient  à  dçux  places  en  face 
l'une  de  l'anti'e.  Elles  étaiient  le  plus  sonyent  portées  par 
deux  jBheym^?  qne  Foin  attelait  au  milieu  des  bâtons  ^e  t^ar 
verse  ;  d'autres  foiâ  elles  étaient  souleyées  sur  les  épaules 
de  porteurs^  De  inêwe  que  les  impératrices  romaines  yepo- 


Litière  de  voyage. 

saient  dans  les  litières,  les  reines  de  France  s'y  asseyaient 
quand  elles  faisaient  leur  entrée  solennelle  dans  la  capitale. 
Les  litières  qui  figuraient  dans  ces  cérénionies  étaient  lar- 
gement ouyertes  ;  celles  au  contraire  qui  étaient  destinées  au 
voyage  étaient  défendues  par  des  rideaux  ou  par  des  fenêtres 
mobiles»  Les  peintres^  les  fourreurs,  les  tapissiers  et  les  do- 
reurs décoraient  à  l'envi  ces  meubles  de  luxe.  La  carrosserie 
moderne  a  fait  de  si  grands  progrès  concernant  le  confor- 
table que  les  litières  sont  aujourd'hui  délaissées  et  qu'on  ne 
les  retrouve  guère  que  dans  les  brancards  qui  servent  à 
trat\sporter  les  pauvres  malades  à  l'hôpital.      A.  de  Ch. 

IL  Agriculture.  —  Les  litières  sont  des  substances 
végétales  ou  minérales  qu'on  place  sous  les  animaux^  dans 
le  double  but  de  leur  procurer  un  couchage  hygiénigue  et 
pour  recueillir  léui*s  excréments  en  vue  de  la  confection  du 


fumier  (Y.  ce  Jnot).  Les  pailles  de  céréales  constituent 
les  litières  les  pins  employées  ;  on  les  préfère  en.  raison 
delenr  texture  tubuleuse  et  de  leur  nature  spongieuse  qui 
fait  qu'elles  procurent  Un  couchage  moelleux  et  élastique 
et  qu'elles  absorbent  bien  les  liquides;  en  ou tre^, elles  ren- 
ferment une  certaine  proportion  d'azote  et  d'acide  phtas- 
phorique,  qui  ajoute  encore  à  la  valeur  fertilisante,  des 
excréments.  D'après  Boussingault,  100  parties  des  pailles 
de  céi-éalesles  plus  employées  renferment:.   >  -\    ^ 


Azote, . ......... 

Acide  phosphoîfique. 


EROIÈNT 

0,M, 
0,23 


AVOINE 

0,^8 
421 


OfeGE 

0,23 
0,20 


SEIGLE 

0,17 
045 


Voici  maintenant,  le^  propriétés  absorbantes  des  diffét 
rentesf  pailles,  comparéesrà  quelques  autres  litières  assez 
fréquemment  employées  :  )  ;  j  ; 


_iaa....i.v,-^ 

,  .désignation'' ,' 

NbMBRE 

de  ïifres  d'èau 
,  ab^o:çbés  par 
100  kilogr.  en 

NOI^BRE  :     . 

de  kilogr.  pou- 
vant absqr^er, 
la  même  quan- 
tité d'èau 
que  100  kilogr. 
de,  ^^    ,,,^ 
paille  de  pie 

24  heuïes  ;. 

Paille  dé  blé.... 

220  kilogr. 

285      ^:  ,   . 
228      .-r 
200      -- 
280      — 
212     ^ 
111      ^      . 
2d0      — 
600      ^ 
100      - 
.    25      —       . 
50      - 

77  kilogr.  ^ 

:  110     - 

80  -  ^~i 
100  — 
2,00      ~-     . 
110     — 

^40    '  ^<^  • 
220      *-  ^ 
880      -^    '  ,„ 
440      - 

d'orge* ....,.,,. 

—  d'avoine 

—  de  colza 

—  de  pois 

Fougères ; . 

Genêts ,. 

Feuilles  mortes 

Tourbe. : . 

Bruyère 

^able.. 

Terre  végétale  légère. 

Les  quantités  de  litière  qu'on;  doit  n|ettre  soùs  les  ani- 
maux spift  nécessairement  très  variabies,  non.  seulement 
avec  les  litières  elles-niêmes,, mais  encore  avec  les  espèces 
de  bétail;  c'est  ainsi  qu'il  en  faudra  davantage  po.nr  les 
bêtes  bovines,  dont  les.  eîcçrénrents  sont  très  aqueux,  que 
pour  les  chevaux  et  les  moutons,  dont  les  déjections  sont 
plus  sèches.  La  quantité  de  litière  variera  également  avec 
l'alimentation  et  avec  Ja  saison.  Toutefois,  dans  les  condi- 
tions les  plus  ordinaires,  on  peut  dire  qu'il  faut  donner, 
pour  vingt-quatre  heures:  2  à  4  ^i^logr.  de  paiUeppur  un 
cheval  ;  8  à  5  kilogr.  pour  un  bopnf  ou  une  vache;  1^8^  à 

3  kilogr,  pour  un  porc  ;  0^^s5  à  0^'§'6  pour  un  mouton. 
Depuis  quelques  années,  on  a  appliqué,  dan^  certaines 

fermes,  le  hachage  de  la  paille-litière,  pratique  basée  spr  ce 
f^it  que  la  trop  grande  longueur  des  brins  entraîne,  à  uh  gas- 
pillage souvent  onéreux*.  Des  expériences  comparatives, 
fp^ites  en  Allemagne,  ont  permis  de  constater  qu'au  lieu  de 

4  kilogr.  de  litière  en  paille  longue  pour  une  bête^bovine 
on  pouvait  suffire  à  toutes  les  exigences  d'un  bon  couchage 
avec  %Hf>^^  de  paille  hachée.  Au  point  de  vue  de  la  pro- 
preté également  ,1a  paille  courte  présente,  sur  la  paille  longue, 
une  réelle  supériorité.  Enfin  la  paille  courte  absorbe  mieux 
les  déjections.  Les  fanes  des  plantes,  autres  que  les  cé- 
réales, sont  assez  souvent  employées,  surtout  lorsque  les 
pailles  sont  d'un  prix  élevé;  ces  litières  absorbent  moins  et 
procurent  un  couchage  inférieur;  par  contre,  leur  richesse 
en  principes  fertilisants  est  plus  considérable  que  celle  des 
pailles,  comme  le  montrent  les  chiffres  suivants  : 

'       -  Azote -Ac.phosiiîioriçi.  Potasse 

Fanes  de  colza 0,50  0,27  0,97 

---    d'œillette...... 0,85  0,23  2,00 

—  de  pommes  de  terre  sèches.  0,50  0,40  0,30 

—  devesce 1,05  2,28  » 

—  deféveroles 4,63  0,44  2,00 

Pour  ces  litières,  les  propriétés  absorbantes  .  étant 


d'opinion  et  de  presse,  présente  de  plus  larges  garanties 
d'impartialité  et  d'indépendance.  Enfin",  rattribulion  aux 
citoyens  d'une  des  fonctions  importantes  de  l'Etat  est  bien 
conforme  aux  principes  qui  régissent  les  Etats  constitu- 
tionnels. 

Mais  si  le  jury,  après  une  expérience  qui  a  duré  un 
siècle,  doit  être  maintenu  dans  nos  institutions,  des  réformes 
pourraient  être  introduites  dans  son  fonctionnement.  On  a 
proposé  de  l'associer  à  l'application  de  la  peine,  en  fondant 
ensemble,  pour  la  délibération,  les  deux  éléments,  magis- 
trats et  jurés,  qui  composent  la  cour  d'assises,  La  réforme 
préférable  consisterait  à  abolir  l'absurde  disposition  de 
l'art.  342  (dernier  alinéa),  du  C.  d'instr.  crimin.  Des 
hommes  sensés  ne  peuvent  pas  se  désintéresser  des  suites 
que  leur  déclaration  aura  pour  l'accusé.  Cela  est  d'autant 
plus  vrai  que  les  rédacteurs  de  la  loi  du  28  avr.  1832 
n'ayant  pas  le  temps  de  reviser,  article  par  article,  le 
code  pénal  de  1810,  d'une  sévérité  outrée,  s'en  sont  remis 
aux  jurés  du  soin  de  corriger,  dans  chaque  espèce,  par 
une  déclaration  de  circonstances  atténuantes,  la  rigueur 
excessive  du  code  pénal,  tel  qu'il  existe  encore.  Il  faut 
donc  que  les  jurés  connaissent  la  loi  pénale.  Aujourd'hui, 
c'est  tantôt  le  président  des  assises,  tantôt  le  ministère  public, 
tantôt  la  défense,  qui  indiquent  au  juré  la  peine  :  mais  ces 
indications  sont  presque  toujours  incomplètes,  souvent 
inexactes.  Il  faudrait  que  le  président  remît  au  chef  du 
jury,  en  même  temps  que  la  feuille  des  questions,  une  note 
indiquant  la  peine  légale  et  toutes  les  conséquences  qu'en- 
traînerait, soit  l'addition  des  circonstances  aggravantes, 
soit  l'admission  de  l'excuse  ou  des  circonstances  atténuan- 
tes. Le  jury  statuerait  ainsi  en  pleine  connaissance  de 
cause  et  ne  serait  pas  exposé  aux  surprises  regrettables 
dont  il  est  parfois  victime. 

Comment  se  constitue  le  jury  ?  Pour  être  juré,  il  faut 
une  capacité  suffisante,  une  existence  considérée  et  respec- 
table et  enfin  une  indépendance  complète.  Dès  lors,  on  ne 
peut  pas  s'en  remettre  au  tirage  au  sort,  c.-à-d.  au  hasard 
pur  et  simple,  du  soin  de  composer  les  listes  des  jurés.  Il 
faut  un  choix  raisonné  :  des  catégories,  outre  qu'elles  sont 
antidémocratiques,  amèneraient  des  exclusions  regrettables 
et  seraient,  d'autre  part,  impuissantes  à  écarter  les  indi- 
gnes. Qui  fera  ce  choix  ?  Le  gouvernement  ne  peut  s'en 
désintéresser,  et,  d'autre  part,  si  ce  sont  des  agents  du 
pouvoir  qui  dressent  les  listes,  il  est  à  craindre  que  les 
noms  choisis  ne  présentent  pas  toujours  des  garanties  suffi- 
santes d'impartialité  et  d'indépendance.  Cette  nécessité  de 
concilier  des  idées,  en  apparence  contradictoires,  est  la 
raison  pour  laquelle  notre  législation  a  si  souvent  changé, 
depuis  un  siècle,  en  cette  matière.  Chacun  des  régimes  qui 
se  sont  succédé  en  France  a  promulgué  une  loi  nouvelle 
sur  la  constitution  du  jury. 

D'après  la  loi  de  1791,  tout  citoyen  pouvait  être  juré  : 
les  listes  étaient  dressées  par  le  procureur-syndic  du  dépar- 
tement. Sur  la  liste,  on  tirait  au  sort  le  jury  de  douze 
membres,  chargé  de  chaque  affaire.  La  constitution  de 
l'an  III  exigea,  pour  être  juré,  l'âge  de  trente  ans.  La 
constitution  de  frimaire  an  VIII  et  la  loi  du  6  germinal 
an  VIII,  modifiant  l'organisation  politique,  modifièrent  aussi 
celle  du  jury  :  les  jurés  ne  peuvent  être  pris  que  sur  les 
listes  départementales  d'éligibles.  Le  code  pénal,  aux  mem- 
bres des  collèges  électoraux,  adjoignit  différentes  catégo- 
ries d'éligibles  :  les  trois  cents  plus  imposés  domiciliés 
dans  le  département  ;  les  fonctionnaires  administratifs  à 
la  nomination  du  roi;  les  docteurs  et  licenciés  de  l'une 
des  quatre  facultés  ;  les  membres  et  correspondants  de 
l'Institut,  etc.  (C.  pén.,  art.  382).  Sur  la  liste  générale 
ainsi  composée,  le  préfet,  quinze  jours  avant  l'ouverture 
de  la  session  d'assises,  choisissait  soixante  noms  seule- 
ment :  sur  cette  liste  de  soixante  noms,  on  tirait  au  sort 
douze  jurés  pour  chaque  affaire.  Le  choix  du  jury  était,  en 
somme,  aux  mains  du  préfet. 

Les  lois  du  2  mai  1827  et  2  juil.  1828  maintenaient 
la  liste  générale  et  permanente  du  jury,  comprenant  les 


345  —  JURY 

collèges  électoraux  et  les  catégories.  Dans  cette  liste,  le 
préfet  choisissait  les  noms  appelés  à  composer  la  liste 
annuelle,  sur  laquelle  on  tirait  au  sort,  chaque  trimestre, 
quarante  membres  destinés  à  former  la  liste  de  la  session. 
La  révolution  de  1830,  en  abaissant  le  cens  électoral, 
augmenta  la  liste  générale.  Le  décret  du  7  août  1848 
décida  que  la  liste  générale  comprendrait  tous  les  citoyens, 
âgés  de  trente  ans,  jouissant  de  leurs  droits,  sauf  les  illet- 
trés et  les  serviteurs  à  gage.  La  liste  annuelle  de  chaque 
département  doit  comprendre  un  juré  par  deux  cents  habi- 
tants. Elle  est  formée  au  moyen  de  listes  cantonales.  Dans 
chaque  canton  les  jurés  sont  désignés  par  une  commission 
composée  de:  1°  le  conseiller  général  du  canton,  prési- 
dent ;  2®  le  juge  de  paix,  vice-président  ;  3°  deux  membres 
de  chacun  des  conseils  municipaux  du  canton,  choisis  par 
leurs  collègues.  L'élément  électif  avait  donc  une  part  pré- 
pondérante dans  le  choix  des  jurés. 

Aussi  l'Empire  s'empressa-t-il  de  changer  cette  orga- 
nisation du  jury.  La  liste  générale  permanente  est  suppri- 
mée par  la  loi  des  4-10  juin  1853  ;  mais,  en  principe, 
tout  citoyen  âgé  de  trente  ans  et  jouissant  de  ses  droits 
civils  et  politiques,  est  capable  d'être  juré.  La  commission 
cantonale  ne  fait  plus  qu'un  travail  préparatoire  :  elle  se 
compose  du  juge  de  paix,  président,  et  des  maires  du  can- 
ton ;  toutes  personnes  à  la  nomination  du  gouvernement. 
Les  listes  dressées  par  elle,  et  comprenant  trois  fois  plus 
de  noms  que  le  contingent  de  jurés  afférent  au  canton, 
sont  centralisées  au  chef-lieu  d'arrondissement.  Là,  une 
commission,  composée  du  préfet  et  du  sous-préfet  et  des 
juges  de  paix  de  l'arrondissement,  tous  agents  du  gouver- 
nement, établit  la  liste  de  l'arrondissement,  qu'elle  prend 
par  voie  d'élimination  sur  les  listes  cantonales.  L'élément 
électif  a  donc  entièrement  disparu  dans  la  formation  des 
listes  du  jury  :  elles  sont  dressées  par  des  fonctionnaires 
de  l'ordre  administratif.  Ce  système  dura  autant  que 
l'Empire. 

Le  gouvernement  de  la  Défense  nationale,  par  un  décret 
du  14  oct.  1870,  remit  en  vigueur  le  décret  de  1848.  La 
loi  qui  régit  actuellement  le  jury  est  celle  du  21  nov.  1872; 
elle  a  emprunté  à  la  loi  de  1853  la  formation  des  listes  à 
deux  degrés  ;  elle  a  diminné  la  part  faite,  par  le  décret  de 
1848,  à  l'élément  électif,  dans  les  commissions  cantonales. 
Elle  a  donné  la  prépondérance  à  la  magistrature  dans  la 
commission  d'arrondissement. 

Tout  citoyen  âgé  de  trente  ans  peut,  en  principe,  être 
juré,  à  moins  qu'il  ne  se  trouve  dans  un  des  cas  d'incapa- 
cité ou  d'incompatibilité  établis  par  la  loi.  La  liste  annuelle 
du  département  est  formée  par  la  réunion  des  listes  d'ar- 
rondissement, qui,  elles-mêmes,  s'établissent  par  voie 
d'élimination  sur  les  listes  cantonales.  Un  arrêté  du  préfet 
fixe,  chaque  année,  pour  chaque  canton  et  chaque  arron- 
dissement, le  contingent  de  jurés  qu'ils  doivent  fournir 
(loi  du  21  nov.  1872,  art.  7).  Il  y  a  un  juré  par 
500  hâb.,  avec  minimum  de  400  et  maximum  de  600  par 
département,  sauf  pour  la  Seine,  oîi  le  nombre  des  jurés 
est  de  3,000  (art.  6).  La  commission  cantonale  se  com- 
pose, sauf  pour  les  communes  divisées  en  plusieurs  can- 
tons et  pour  Paris,  où  des  règles  spéciales  s'imposaient 
(art.  8  et  9),  du  juge  de  paix,  président,  de  ses  suppléants 
et  des  maires  du  canton,  tous  élus  par  leurs  conseils  mu- 
nicipaux (art.  8).  Elle  dresse,  pour  le  canton,  une  liste 
contenant  deux  fois  plus  de  noms  que  ne  le  comporte  le 
contingent  du  canton  :  cette  liste  peut  être  consultée  par 
le  public  (art.  10).  Les  listes  cantonales  sont  réunies  au 
chef-lieu  d'arrondissement  où  le  travail  définitif  est  fait 
par  une  commission  composée  :  du  président  du  tribunal 
civil, président;  des  juges  de  paix  et  des  conseillers  géné- 
raux de  l'arrondissement,  ceux-ci  devant  en  cas  de  besoin 
être  remplacés  par  les  conseillers  d'arrondissement  (art.l  1  ). 
Outre  qu'elle  éliminera  nécessairement  un  sur  deux  des 
noms  inscrits  sur  les  listes  de  canton,  la  commission  d'ar- 
rondissement a  le  droit  de  porter  des  noms  nouveaux  jus- 
qu'à concurrence  d'un  quart,  sur  chaque  liste  cantonale  ; 


JUKY 


346  — 


elle  peut  même  diminuer  d'un  quart  le  contingent  d'un 
canton  et  augmenter  d'autant  celui  d'un  autre  canton 
(art.  13).  Il  est  de  plus  formé  au  chef-lieu  des  assises  du 
département  une  liste  spéciale  de  jurés  supplémentaires, 
qui  est  dressée  directement  par  la  commission  de  l'arron- 
dissement et  qui  ne  doit  comprendre  que  des  habitants  de 
la  ville.  Elle  comprend  300  jurés  à  Paris,  50  dans  les 
autres  départements  (art.  45).  Les  listes  d'arrondissement 
se  centralisent  au  greffe  de  la  cour  ou  du  tribunal  chargé 
de  la  tenue  des  assises  et  ce  avant  le  i®^  déc.  :  leur  réu- 
nion forme  la  liste  du  département  pour  l'année  suivante 
(art.  14).  C'est  de  cette  liste  que  sera  extraite,  tous  les  trois 
mois,  la  liste  de  session.  Dix  jours  au  moins  avant  l'ouver- 
ture des  assises,  trente-six  noms  sur  la  liste  du  départe- 
ment et  quatre  noms  sur  la  liste  supplémentaire  sont  tirés 
au  sort  par  le  président  de  la  cour  d'appel  ou  du  tribunal 
(loi  du  24  nov.  4872,  art.  48).  Si  à  ce  moment  il  sort 
de  l'urne  les  noms  d'un  ou  plusieurs  jurés  ayant  déjà 
siégé  pendant  l'année  courante  ou  l'année  précédente,  ils 
sont  immédiatement  remplacés  sur  la  liste  de  session  par 
les  noms  d'un  ou  de  plusieurs  jurés  tirés  au  sort  (loi  du 
34juil.  1875). 

Ce  qui  caractérise  la  loi  de  4872  sur  le  jury  et  la  dis- 
tingue de  toutes  celles  qui  l'ont  précédée,  c'est,  dans  la 
composition  des  commissions  cantonales  et  d'arrondisse- 
ment, le  mélange  de  l'élément  électif  (maires,  conseillers 
généraux)  avec  l'élément  judiciaire  (président  du  tribunal, 
juge  de  paix)  et  la  prépondérance  qui,  en  définitive,  y  est 
donnée  à  ce  second  élément.  Elle  fut  l'objet  de  vives  atta- 
ques, lors  de  la  discussion  de  la  loi.  Du  moment,  disait-on, 
que  le  jury  avait  été  institué  parce  que  la  magistrature  ne 
paraissait  pas  propre  à  juger  un  grand  criminel,  il  y  avait 
contradiction  à  faire  choisir  les  membres  du  jury  par  des 
magistrats.  Il  y  avait  à  craindre  que  la  rigueur  de  la 
répression  ne  fût  excessive,  les  choix  se  portant  sur  les 
jurés  les  plus  enclins  à  la  sévérité.  Il  y  avait  théorique- 
ment du  vrai  dans  cette  critique:  en  fait,  les  craintes 
exprimées  ne  se  sont  pas  réalisées.  La  rigueur  de  la  répres- 
sion n'a  pas  augmenté  ;  on  a  pu  faire  au  jury  plutôt  le 
reproche  contraire.  Mais,  dans  son  ensemble,  l'organisa- 
tion créée  par  la  loi  de  4872  a  donné  de  bons  résultats. 

Bien  que  tout  citoyen  âgé  de  trente  ans  soit  apte  à  faire 
partie  du  jury,  la  loi  en  élimine  un  certain  nombre  pour 
des  raisons  diverses  :  incapacité,  incompatibihté,  causes 
d'exclusion  ou  de  dispense.  Les  incapacités  sont  énumérées 
dans  l'art.  2  de  la  loi  de  4872:  condamnation  à  une  peine 
criminelle  ou  à  une  peine  correctionnelle  pour  faits  quali- 
fiés crimes  par  la  loi  ;  condamnation  aux  travaux  pubhcs 
pour  un  militaire,  condamnation  correctionnelle  quelconque 
(amende  ou  prison)  pour  certains  délits  entachant  sa  pro- 
bité ou  contre  les  mœurs  (loi  de  4872,  art.  2,  §  5),  con- 
damnation à  plus  de  trois  mois  de  prison  pour  un  délit 
quel  qu'il  soit.  Sont  également  incapables  :  les  officiers 
ministériels  destitués,  les  faillis  non  réhabilités,  les  indi- 
vidus en  état  d'accusation  ou  de  contumace,  les  individus 
sous  mandat  d'arrêt  ou  de  dépôt,  les  interdits,  etc.  Les 
incapacités  sont  perpétuelles.  De  plus,  les  individus  con- 
damnés à  moins  de  trois  mois  d'emprisonnement  pour  un 
délit  n'entachant  pas  l'honneur  et  la  probité,  et  les  con- 
damnés à  l'emprisonnement,  quel  qu'il  soit,  pour  délits  de 
presse  ou  politique,  sont  incapables  d'être  jurés  pendant 
cinq  ans.  —  L'art.  3  porte  que  les  fonctions  de  juré  sont 
incompatibles  avec  un  certain  nombre  de  fonctions  poli- 
tiques, administratives  ou  judiciaires,  telles  que  :  député, 
ministre,  conseiller  d'Etat,  préfet,  sous-préfet,  secrétaire 
général,  conseiller  de  préfecture,  conseiller  à  la  cour  de 
cassation  ou  des  cours  d'appel,  juge  ou  suppléant  de  tri- 
bunaux civil  et  de  commerce,  officier  du  ministère  public, 
commissaires  de  police,  ministres  des  cultes  reconnus,  mi- 
litaires de  tous  grades  en  activité  de  service,  etc.  L'art.  4 
exclut  des  listes  les  domestiques  et  serviteurs  à  gage,  ceux 
qui  ne  savent  pas  lire  et  écrire  en  français.  Enfin  l'art.  5 
déclare  dispenser  des  fonctions  de  jurés  les  septuagénaires. 


ceux  qui  ont  besoin  pour  vivre  de  leur  travail  manuel  et 
journalier,  ceux  qui  ont  rempli  les  fonctions  de  juré  pen- 
dant l'année  courante  ou  l'année  précédente.  La  présence 
d'un  juré  frappé  d'incapacité  dans  un  jury  est  une  cause 
de  nuUité  du  verdict  et  de  toute  la  procédure  devant  la 
cour  d'assises  ;  il  en  est  autrement  pour  les  exclus  et  les 
dispensés  des  art.  4  et  5  de  la  loi  de  4872. 

Tous  les  trois  mois,  dix  jours  au  moins  avant  l'ouverture 
des  assises,  le  premier  président  de  la  cour  d'appel  ou  le 
président  du  tribunal  où  doivent  siéger  les  assises  tire  au 
sort,  sur  la  liste  annuelle  du  département,  les  noms  des 
quarante  jurés  (36  sur  la  liste  ordinaire  et  4  sur  la  liste 
des  jurés  supplémentaires).  La  notification  est  faite  à  chaque 
juré  par  les  soins  du  préfet,  huit  jours  au  moins  avant 
l'ouverture  de  la  session.  Au  jour  fixé,  les  jurés  doivent  se 
transporter  dans  la  salle  des  assises,  et  la  cour  procède 
alors  à  la  formation  définitive  de  la  liste  de  session.  La 
sanction  de  l'obligation  de  se  présenter  est,  pour  la  pre- 
mière fois,  une  aniende  de  500  fr.,  pour  la  deuxième  fois 
de  4,000  fr.,  et  la  troisième  fois  de  1,500  fr.,plus  l'inca- 
pacité d'être  désormais  juré  (C.  d'instr.  crim.,  art.  396). 
La  cour,  à  ce  moment,  raye  de  la  liste  les  noms  des  décé- 
dés, des  incapables  ou  de  ceux  qui  rempliraient  actuelle- 
ment des  fonctions  incompatibles  avec  celles  de  juré.  Elle 
statue  sur  les  excuses  qui  seraient  présentées  (C.  d'instr. 
crim.,  art.  397).  Si  les  radiations  opérées  avaient  pour 
effet  de  réduire  la  liste  à  moins  de  trente  noms,  il  y  aurait 
lieu  de  la  compléter  de  suite  à  ce  nombre  par  l'adjonction 
de  jurés  pris  sur  la  liste  des  jurés  de  la  ville,  dans  l'ordre 
de  leur  inscription  (loi  du  24  nov.  1872,  art.  19).  La  liste 
de  service  doit  comprendre  au  minimum  trente  noms.  C'est 
sur  cette  liste  qu'est  tiré  au  sort  le  jury  de  chaque  affaire, 
composé  de  douze  jurés.  C'est  cette  liste  qui  doit  être  com- 
muniquée à  chaque  accusé  la  veille  du  jour  où  il  doit  être 
procédé  à  la  formation  du  jury  appelé  à  le  juger  (C.  d'instr. 
crim.,  art.  395).  Le  tirage  au  sort  du  jury  de  chaque 
affaire  a  lieu,  dans  la  chambre  du  conseil,  en  présence  de 
l'accusé  et  du  ministère  public  (C.  d'instr.  crim.,  art.  399). 
A  mesure  que  les  noms  des  jurés  sortent  de  l'urne,  ils  sont 
inscrits  sur  la  Mste  du  jury  de  l'affaire,  à  moins  qu'ils  ne 
soient  récusés  par  l'accusation  ou  par  la  défense.  Les  récu- 
sations ne  sont  pas  motivées.  L'accusation  et  la  défense 
ont  droit  à  un  nombre  égal  de  récusations.  Si  l'affaire 
paraît  devoir  durer  plusieurs  jours,  la  cour  peut  ordonner 
l'adjonction  de  un  ou  deux  jurés  suppléants,  qui  siégeront, 
mais  ne  prendront  part  à  la  délibération  et  au  verdict  que 
si  le  nombre  des  jurés  titulaires  est  à  ce  moment  des- 
cendu au-dessous  de  douze  (C.  d'instr.  crim.,  art.  394,  399 
et  suiv.).  Le  premier  juré  désigné  par  le  sort  est  le  chef 
du  jury  :  il  peut  être  remplacé  par  un  juré  nommé  par  la 
majorité  de  ses  collègues.  L'affaire  commence  dès  qu'est 
arrêtée  la  liste  du  jury.  La  cour  prend  séance  et  les  jurés 
se  placent  dans  l'ordre  désigné  par  le  sort. 

Le  rôle  du  jury  se  borne  à  répondre  aux  questions  qui 
lui  sont  posées  par  le  président  de  la  cour  d'assises  et  dont 
la  liste  lui  est  remise  par  lui,  au  moment  d'entrer  dans  la 
salle  des  délibérations.  Ces  questions  sont  rédigées  de  telle 
façon  que  le  jury  n'ait  pas,  autant  que  possible,  à  résoudre 
des  questions  de  droit  qui  ne  seraient  pas  de  sa  compé- 
tence, mais  seulement  des  questions  de  fait.  C'est  ainsi  que 
dans  les  questions  au  jury,  le  terme  juridique  est  toujours 
remplacé  par  sa  définition  légale.  Il  n'est  pas  dit:  «  Un 
tel  est-il  coupable  d'avoir  volé  ?  d'avoir  assassiné  ?  »  mais  : 
«  Un  tel  est-il  coupable  d'avoir  soustrait  frauduleusement? 
d'avoir  volontairement  donné  la  mort  à  un  tel  ?»  Il  y  a,  pour 
chaque  accusé,  une  question  sur  le  fait  principal,  sur  cha- 
cune des  circonstances  aggravantes,  sur  chacune  des  excuses 
légales.  Quant  aux  circonstances  atténuantes,  elles  ne  font 
pas  l'objet  d'une  question  spéciale  aux  jurés,  mais  ils  sont 
obligés  d'en  délibérer  et  d'indiquer  à  la  suite  des  questions 
le  résultat  de  leur  délibération  sur  ce  point.  La  loi  du 
13  mai  1836,  sur  le  mode  du  vote  du  jury  au  scrutin 
secret,  lequel  a  lieu  dans  leur  salle  des  délibérations,  après 


847 


JURY  —  JUSSERAND 


la  clôture  des  débats,  prescrit  aux  jurés  de  voter  par  bul- 
letins écrits  et  par  scrutins  distincts  et  successifs  sur  cha- 
cune des  questions  posées.  Le  chef  du  jury  consigne  les 
réponses  sur  la  feuille  des  questions,  en  marge,  en  regard 
des  questions.  Il  signe  ensuite.  Il  lui  est  interdit  de  jamais 
indiquer  le  chiffre  de  la  majorité.  Les  réponses  du  jury 
doivent,  en  effet,  être  votées  à  la  majorité  (C.dinstr.  crim., 
art.  347).  Le  partage  des  voix  doit  être  interprété,  en 
général,  en  faveur  de  l'accusé  :  ainsi  en  est-il  sur  les  ques- 
tions de  culpabilité,  d'excuse,  de  circonstances  aggravantes. 
Par  exception,  quant  aux  circonstances  atténuantes,  le  par- 
tage des  voix  serait  défavorable  à  l'accusé  ;  il  faut  qu'elles 
soient  accordées  par  sept  voix  au  moins  (C.d'instr.  crim., 
art.  347).  Quand  la  délibération  est  terminée,  les  jurés 
rentrent  dans  l'auditoire,  et  le  chef  du  jury  lit  à  haute 
voix,  l'accusé  non  présent,  la  déclaration  du  jury.  Le  rôle 
du  jury  est  alors  terminé  :  c'est  la  cour  qui  a  la  mission 
d'apphquer  la  loi  pénale  aux  faits  tels  qu'ils  résultent  du 
verdict  du  jury.  E.  Gardeil. 

JURY  d'examen  (V.  Examen). 

JUS  DE  VIANDE  (V.  V[ANDE). 

JUSCORPS.  Com.  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr.  de 
Niort,  cant.  de  Prahec  ;  255  hab. 

JUSIX.  Com.  du  dép.  du  Lot-et-Garonne,  arr.  de 
Marmande,  cant.  de  Meilhan  ;  366  hab. 

JUSLENIUS  (Daniel),  évêque  en  Finlande  et  en  Suède, 
né  à  Vorino  (Finlande)  le  iO  juil.  d676,  mort  à  Brunbo  le 
47  juil.  1752.  En  1707,  il  était  secrétaire  d'académie  à 
Âbo  et  en  1712  il  fut  nommé  à  cette  même  université 
linguarum  professor.  Dans  son  discours  d'inauguration, 
il  traita:  De  Convenientia  linguœ  fennicœ cum hebrœa 
et  grœca.  Il  s'enfuit  de  Finlande  peu  d'années  après  avec 
de  nombreux  fonctionnaires  finlandais  et  fut  nommé,  en 
1715,  eloquentiœ  et  poeseos  lector  à  Vesterâs,  où  il  inau- 
gura son  entrée  en  fonctions  par  un  discours  sur  les  mi- 
sères des  Finlandais,  De  Miseriis  fennorum.  En  1722, 
il  retourna  à  Âbo,  où  il  fut  nommé  professeur  de  théo- 
logie. En  1734,  il  est  appelé  comme  évêque  à  la  fois  à 
Abo  et  à  Borgâ  et  choisit  Borgâ.  En  1742,  à  la  suite  de 
nouveaux  troubles,  il  se  réfugie  une  seconde  fois  à  Stock- 
holm et  ne  retourne  plus  en  Finlande.  En  1744,  il  est 
appelé  comme  évêque  à  Skara,  où  il  passa  les  dernières 
années  de  sa  vie.  Juslenius  était  attaché  aux  principes  de 
l'orthodoxie  la  plus  rigoureuse;  comme  théologien,  il  n'a 
qu'une  médiocre  valeur.  Ses  travaux  d'histoire,  de  géogra- 
phie et  de  linguistique  finnoises  ont,  en  revanche,  une 
véritable  importance.  Les  plus  connus  sont  Aboa  vêtus  et 
nova{M^^);  Vindiciœ  fennorum  (1703),  et  surtout 
Finska  Ordaboks  fôrsôk  Siiomalaisen  sananlugiim 
cœtus  (Stockholm,  1745),  dont  la  majeure  partie  consiste 
en  un  vocabulaire  finnois,  traduit  en  latin  et  en  suédois. 

JUSQUIAIVIE.I.  Botanique.  — {Hyoscyamus T.).  Genre 
de  Solanées,  à  fleurs  hermaphrodites,  plus  ou  moins  irrégu- 
lières; le  calice  gamosépale,  pentamère,  persiste  autour 
du  fruit  ;  la  corolle  est  irrégulièrement  campanulée.  Cinq 
étamines  alternent  avec  les  lobes  de  la  corolle  sur  laquelle 
elles  s'insèrent  ;  les  anthères  sont  biloculaires,  introrses. 
L'ovaire,  à  deux  loges  multiovulées,  devient  une  pyxide  ; 
les  graines  renferment  un  embryon  courbe  et  un  albumen 
charnu.  Les  feuilles  sont  alternes,  molles,  sinuées,  les  fleurs 
solitaires  ou  plus  souvent  disposées  en  cymes  unipares-scor- 
pioïdes.  L'espèce-type,  1'//.  niger  L.,  est  commun  dans 
toute  l'Europe,  sauf  dans  la  région  polaire  ;  elle  abonde 
dans  la  région  méditerranéenne,  en  Orient,  et  elle  a  été  in- 
troduite en  Amérique.  On  la  cultive  pour  l'usage  médical. 
On  lui  substitue  quelquefois  des  variétés  telles  que  //. 
agrestis  Kit.  et  H.  f)allidus  Kit.,  ou  des  espèces  telles 
que  H,  albus  L.,  petite  espèce  annuelle,  H.  aureus  L., 
espèce  bisannuelle.  Dans  l'Inde  on  fait  usage  de  1'//.  insa- 
nus  Stocks,  très  vénéneux,  employé  comme  antiasthma- 
tique. D^  L.  Hn. 

II.  Thérapeutique.  —  Schroff  et  Dullenberg  ont  décrit 
chez  l'homme  les  résultats  de  l'ingestion  de  jusquiame  ; 


ils  ont  signalé  la  sécheresse  de  la  gorge  et  de  la  bouche, 
la  diminution  du  pouls,  suivi  d'une  série  de  troubles  dif- 
férents: dilatation  pupillaire,  faiblesse  musculaire,  irré- 
gularité respiratoire ,  etc.  Les  expériences  de  Schroff,  de 
Laurent  montrent  que  la  jusquiame  est  un  excellent  hypno- 
tique, supérieur  à  la  belladone  ;  toutefois,  Harley  signale 
quelques  cas  singuliers  dans  lesquels  la  jusquiame  a  déter- 
miné de  l'insomnie  ;  la  chute  de  la  pression  artérielle  est 
plus  marquée  avec  la  jusquiame  qu'avec  la  belladone.  Lau- 
rent affirme  que  le  délire  déterminé  par  la  jusquiame  est 
en  général  beaucoup  plus  calme,  moins  persistant,  s'accom- 
pagnant  de  troubles  beaucoup  moins  inquiétants  que  celui 
observé  dans  les  intoxications  par  l'atropine.  Les  deux  alca- 
loïdes que  l'on  a  extraits  de  la  jusquiame,  l'hyosciamine  et 
l'hyoscine,  ont  été  étudiés  avec  soin  dans  ces  dernières 
années.  C'est  à  l'hyoscine  que  la  jusquiame  doit  ses  pro- 
priétés mydriatiques.  Il  suffit  d'instiller  dans  l'œil  une 
goutte  d'une  solution  d'hyoscine  au  centième  pour  obtenir 
une  dilatation  très  marquée  en  sept  à  huit  minutes.  Son 
action  est  d'ailleurs  comparable  à  celle  de  l'atropine  en  ce 
qui  concerne  les  nerfs  d'arrêt  du  cœur,  les  glandes  sécré- 
toires,  etc. 

Toutes  les  parties  de  la  plante  sont  actives,  mais  ce  sont 
les  semences  qui  renferment  surtout  les  principes  actifs. 
La  jusquiame  a  été  ordonnée  comme  succédané  de  la  bella- 
done. C'est  ainsi  que,  chez  les  asthmatiques,  on  a  préconisé 
beaucoup  l'emploi  de  cet  agent,  plus  maniable  et  fatiguant 
moins  le  cœur  que  la  belladone.  Hufeland  a  déjà  affirmé 
que  la  jusquiame  était  le  plus  doux  des  narcotiques,  pré- 
sentant cet  avantage  sur  l'opium  de  ne  pas  constiper.  Dans 
les  névralgies  rebelles,  notamment  dans  les  névralgies  de 
la  face,  on  a  pu  observer  des  guérisons  là  où  l'aconit  et 
l'aconitine  avaient  échoué.  (Juant  à  l'emploi  de  cette  subs- 
tance dans  le  traitement  des  maladies  mentales,  malgré  les 
observations  assez  nombreuses  recueillies  surtout  en  An- 
gleterre et  en  Amérique,  il  faut  réserver  son  appréciation. 
Michea,  qui  l'a  administré  à  dix  aliénés,  dont  neuf  atteints 
de  folie  circonscrite  avec  ou  sans  hallucination  et  un  seul 
de  délire  général,  a  obtenu  six  succès  !  Nous  croyons  que 
l'opinion  plus  modeste  de  Brocone  est  aussi  la  plus  juste  : 
la  jusquiame  peut  déterminer  un  apaisement  passager  des 
accès,  mais  elle  ne  les  guérit  pas.  On  donne  les  feuilles  de 
jusquiame  en  poudre  à  la  dose  de  5  à  40  centigr.  et  plus 
en  augmentant  peu  à  peu. 

Les  feuilles  de  jusquiame  entrent  dans  la  préparation  du 
baume  tranquille,  si  souvent  employé  comme  Uniment  cal- 
mant dans  les  familles  ;  on  les  utilise  encore  dans  l'onguent 
populeum  très  utilisé  en  médecine  vétérinaire  et  qui  n'est 
guère  prescrit  en  médecine  humaine  que  dans  le  traitement 
des  hémorrhoïdes.  L'extrait  de  jusquiame  et  la  teinture 
sont  employés  à  la  dose  de  2  à  10  centigr.  L'extrait  entre 
dans  la  préparation  des  pilules  calmantes  de  Méglin,  qui 
ont  eu  jadis  un  grand  succès.  Aujourd'hui,  on  tend  de  plus 
en  plus  à  substituer  à  ces  préparations  peu  sûres  les  alca- 
loïdes cristaHisés  (V.  Hyosciamïne).      D"^  p.  Langlois. 

JUSSAC.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  et  cant.  d'Au- 
rillac;  1,455  hab. 

JUSSARUPT.  Com.  du  dép.  des  Vosges,  arr.  de  Saint- 
Dié,  cant.  de  Corcieux  ;  476  hab. 

J  U  SSAS.  Com.  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure,  arr.  de 
Jonzac,  cant.  de  Montendre  ;  211  hab.  Grottes  celtiques. 

JUSSECOURT-Minecourt.  Com.  du  dép.  de  la  Marne, 
arr.  de  Vitry-le-François,  cant.  de  Heiltz-le-Maurupt  : 
371  hab. 

JUSSERAND  (Jean-Adrien-Antoine-Jules),  diplomate  et 
littérateur  français,  né  à  Lyon  le  18  févr.  1855.  Entré  en 
1876  dans  la  diplomatie,  il  occupa  divers  emplois  à  la  di- 
rection des  consulats,  fut  en  1880  sous-chef  de  cabinet  du 
ministère  des  affaires  étrangères  et,  après  avoir  rempH  une 
mission  en  Tunisie  (1 881-82),  devint  chef  du  bureau  des  af- 
faires tunisiennes.  Conseiller  d'ambassade  à  Londres  (1887- 
90),  il  fut  nommé  sous-directeur  à  la  direction  politique 
(2  juin  -1890)  pour  les  affaires  du  Nord  et  de  l'Extrême- 


JUSSERAND  —  JUSSIEU  —  348  — 

Orient.  Outre  ses  thèses  de  doctorat  es  lettres  :  De  José- 
pho  Exoniensi  vel  Iscano  (4877,  in-8);  et  le  Théâtre 
en  Angleterre  depuis  la  conquête  jusqu'aux  prédéces- 
seurs immédiats  de  Shakespeare  (1877,  in-8),  M.  Jiis- 
serand  a  écrit  :  les  Anglais  au  moyen  âge  (1884,  in-8)  ; 
le  Roman  anglais  (4886,  in-42);  le  Roman  au  temps 
de  Shakespeare  (1888,  in-12)  ;  V Epopée  mystique  de 
William  Langland  (1893,  in-12);  Histoire  littéraire 
du  peuple  anglais  des  origines  à  la  Renaissance  (1894, 
gr.  in-8,  t.  I),  etc. 

JUSSEY  (Jussiacus),  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la 
Haute-Saône,  arr.  de  Vesoul,  sur  l'Aniance;  2,760  hab. 
Stat.  de  chem.  de  fer  de  la  ligne  de  Paris  à  Belfort  et 
tête  de  Tembranchement  de  Jiissey  à  Darnieulles;  Mines 
de  fer;  carrières  de  calcaire  et  degrés.  Moulins,  hui- 
leries, brasserie,  tissages,  filatures,  tannerie,  tuilerie. 
Voie  antique.  Bourg  fortifié  au  moyen  âge,  défendu  par 
un  château  à  donjon,  il  fut  assiégé,  pris  et  dévasté  par  les 
Anglais  en  1360,  par  les  écorcheurs  en  1437,  par  les  Lor- 
rains en  1475,  parles  Français  en  1436,  1595  et  1636. 
Charles-Quint  accorda  en  1548  des  franchises  munici- 
pales aux  habitants.  La  peste  décima  une  grande  partie  de 
la  population  en  1635.  Jussey  a  donné  son  nom  à  une  im- 
portante maison  de  chevalerie 
comtoise  qui  s'est  éteinte  au 
xvi^  siècle.  Sous  l'ancien  ré- 
gime il  y  avait  dans  cette  petite 
ville  un  prieuré  de  l'ordre  de 
Saint-Benoît,  un  couvent  de 
capucins  et  un  hôpital  (uni  à 
celui  de  Vesoul  en  1696,  puis 
rétabU  en  1855).  Eglise  du 
xvm®  siècle;  chœur  ancien. 
Jussey  a  été  le  siège  d'un  dis- 
Armes  de  Jussey.  trict  pendant  toutela  durée  de 
la  période  révolutionnaire. 
Armes  :  coupé,  au  premier^  de  Bourgogne-Comté,  qui  est 
d'azur  billeté  d'or  au  lion  couronné  de  même,  armé 
et  lampassé  de  gueules  ;  au  second,  d'or  au  sautoir 
écoté  de  gueules,  alias  d'azur  à  la  tour  d'argent  accos- 
tée de  deux  fleurs  de  lis  d'or,  Lex. 

BiBL.  :  Abbés  Coudriet  et  Châtelet,  Histoire  de  Jus- 
sey ;  Besançon,  1876,  in  8. 

JUSSIE  (Jeanne  de),  religieuse  du  xvi®  siècle.  Elle  était 
religieuse  à  Genève  au  couvent  de  Sainte-Claire  lorsque  la 
Béforme  fut  établie.  Refusant  de  se  convertir  à  la  nouvelle 
foi,  elle  quitta  la  ville  le  30  avr.  1535  avec  plusieurs  de 
ses  compagnes.  Elle  fonda  à  Annecy  un  nouveau  couvent 
dont  elle  fut  la  supérieure.  Son  récit  des  premiers  temps 
de  la  Réforme  à  Genève  écrit  à  Chambéry  en  1535  sous  le 
nom  de  :  le  Levain  du  calvinisme  ou  Commencement 
de  l'hérésie  dans  Genève,  parut  en  1611  avec  le  titre 
suivant  :  Relation  de  l'apostasie  de  Genève,  Gustave 
Revilliod  en  a  réédité  luxueusement  le  texte  primitif  (Ge- 
nève, 1853).  E.  K. 

JUSSIEU  (Antoine  de),  médecin  et  naturaliste  français, 
né  à  Lyon  le  6  juil.  1686,  mort  à  Paris  le  12  avr.  1758. 
Il  était  le  fils  de  Christophe  de  Jussieu,  pharmacien  dis- 
tingué, auteur  du  Nouveau  Traité  de  la  thériaque  (Tré- 
voux, 1708).  Il  succéda  à  Tournefort  à  Paris  en  1708  et 
trouva  le  moyen  de  suffire  aux  exigences  d'une  grande 
clientèle  et  à  celles  que  lui  imposait  la  direction  du  Jardin 
des  Plantes,  il  fut  admis  avant  l'âge  de  trente  ans  à  l'Aca- 
démie des  sciences,  A.  de  Jussieu  publia  une  nouvelle  édi- 
tion des  Institutions  de  Tournefort,  un  éloge  de  Fagon 
(1718),  l'ouvrage  posthume  de  Barrelier  sur  les  plantes  de 
la  France,  de  l'Espagne  et  de  l'Italie  (1714)  et  un  grand 
nombre  de  mémoires  sur  l'anatomie,  la  zoologie  et  surtout 
la  botanique.  D^  L.  Hn. 

JUSSIEU  (Bernard  de),  botaniste  et  médecin  français, 
frère  du  précédent,  né  à  Lyon  le  17  aoiit  1699,  mort  à  Paris 
le6nov.  1777.  Reçu  docteur  à  Montpellier  en  1720,  puisa 
Paris  en  1726,  il  succéda  à  S.  Vaillant  dans  les  fonctions  de 


démonstrateur  de  botanique  au  Jardin  du  Roi  en  1722, 
publia  en  1725  une  nouvelle  édition  de  l'Histoire  des 
plantes  des  environs  de  Paris,  de  Tournefort,  et  entra  à 
l'Académie  des  sciences  la  même  année.  Il  publia  dans  les 
mémoires  de  celte  compagnie  des  travaux  remarquables 
sur  la  botanique,  en  particulier  sur  les  Pilularia  et  Mar- 
silea,  qu'il  classa  à  côté  des  Fougères,  et  sur  le  Littorella 
lacustris;  ses  travaux  sur  la  zoologie  sont  non  moins  re- 
marquables ;  citons  ceux  sur  les  polypiers  d'eau  douce, 
qu'après  Peyssonel  il  rangea  définitivement  parmi  les  ani- 
maux, tandis  que  le  premier  il  reconnut  la  nature  végétale 
des  Corallines.  Dans  un  petit  manuscrit,  qu'il  communiqua 
du  reste  à  Linné,  il  posa  les  premiers  fondements  de  la 
Méthode  naturelle  de  classification  des  plantes,  établie 
plus  tard  par  son  neveu,  k.-h,  de  Jussieu.  Il  laissa  en 
outre  en  manuscrit  un  Traité  des  vertus  des  plantes. 
C'est  Bernard  de  Jussieu  qui  a  planté  le  fameux  cèdre  du 
Liban  qui  orne  le  Jardin  des  Plantes,  qui  a  signalé  l'un 
des  premiers  les  empreintes  végétales  des  houillères  de 
Saint-Etienne  et  a  le  premier  décrit  la  fleur  et  le  fruit 
du  caféier,  envoyé  à  Louis  XIV  et  qui  servit  de  souche  à 
tous  les  caféiers  des  Antilles.  D"*  L.  Hn. 

JUSSIEU  (Joseph  de),  naturaliste  français,  frère  des 
précédents,  né  à  Lyon  le  3  sept.  1704,  mort  à  Paris  le 
11  avr.  1779.  Médecin  habile,  savant  botaniste,  ingénieur 
distingué,  il  fut  désigné  pour  accompagner  La  Condamine 
(1735)  dans  le  voyage  entrepris  pour  déterminer  la  valeur 
d'un  arc  de  méridien  au  Pérou;  il  parcourut  l'Amérique  mé- 
ridionale pendant  trente-cinq  ans  et  ne  revint  en  France 
qu'en  1771,  après  avoir  perdu  la  plus  grande  partie  de 
ses  collections.  Il  était  membre  de  l'Académie  depuis  1743. 
C'est  lui  qui  a  introduit  en  France  l'héliotrope.  Les  ma- 
nuscrits qu'il  a  laissés  font  partie  de  la  bibliothèque  du 
Muséum.  D''  L.  Hn. 

JUSSIEU  (Antoine-Laurent  de),  botaniste  français, 
neveu  de  Bernard  (V.  ci-dessus),  né  à  Lyon  le  12  avr. 
1748,  mort  à  Paris  le  17  sept.  1836.  H  fut  appelé  en  1770 
à  professer  au  Jardin  du  Roi  en  qualité  de  démonstrateur  de 
botanique.  Dès  l'année  1773,  à  l'occasion  d'un  mémoire  sur 
les  Renoncules,  il  exposait  à  l'Académie  des  sciences  les  prin- 
cipes de  la  méthode  naturelle;  cette  lecture  détermina  son 
admission  à  l'Académie.  Il  publia  plus  tard  l'exposé  com- 
plet de  la  méthode  :  Gênera  plantarum  secundum  or- 
dines  naturales  disposita,  juxta  methodum  in  Horto 
Regio  parisiensi  exaratam,  anno  i774  (Paris,  1789, 
in-8).  Au  moment  de  la  Révolution,  de  Jussieu  fut  chargé  de 
l'administration  des  hôpitaux  de  Paris,  puis,  en  1793,  chargé 
de  choisir  dans  les  bibliothèques  des  communautés  reli- 
gieuses les  livres  scientifiques  au  moyen  desquels  on  fonda 
nos  établissements  publics.  En  1808,  il  devint  membre  du 
conseil  de  l'Université.  Un  des  titres  de  gloire  de  Jussieu, 
c'est  l'organisation  du  Muséum  eff'ectuée  par  lui  en  1790, 
avec  le  concours  de  Desfontaines,  de  Thouin,  de  Dauben- 
ton,  de  Lemonnier,  etc.  ;  en  1800,  il  défendit  opiniâtre- 
ment l'indépendance  de  cet  établissement,  dont  il  refusa  du 
reste  la  direction  qui  lui  était  offerte  par  le  ministre  de 
l'intérieur.  Lucien  Bonaparte.  De  1789  à  1824,  de  Jussieu 
ne  cessa  de  travailler  au  perfectionnement  des  familles  qu'il 
avait  créées,  mais  son  état  de  santé  ne  lui  permit  pas  de 
publier  une  deuxième  édition  de  son  Gênera;  du  moins 
trouve-t-on  dans  les  Annales  du  Muséum  d'assez  nom- 
breux articles  relatifs  au  remaniement  de  familles  ou  de 
groupes  plus  importants.  Ces  Annales  et  les  Mémoires  du 
Muséum  renferment  du  reste  la  plupart  de  ses  travaux  de 
botanique,  qui  sont  fort  nombreux.  D^  L.  Hn. 

JUSSIEU  (Laurent-Pierre  de),  homme  politique  fran- 
çais, neveu  du  précédent,  né  à  Villeurbanne  (Rhône)  le 
7  févr.  1792,  mort  à  Passy  le  23  févr.  1866.  Secrétaire 
général  de  la  préfecture  de  la  Seine,  maître  des  requêtes 
au  conseil  d'Etat,  il  fut  élu  député  du  V^  arrond.  de  Paris 
le  4  nov.  1837,  et  réélu  en  1839  et  1842.  H  prit  peu  de 
part  aux  débats  de  la  Chambre,  et  il  est  beaucoup  plus 
connu  par  ses  publications  :  Simon  de  Nantua  ou  le 


—  349 


JUSSIEU  —  JUSTE 


Marchand  forain  (Paris,  1818,  m-8,  nombr.  éditions) 
qui  fut  traduit  en  sept  langues  ;  Antoine  et  Maurice 
(1821,  in-12);  Histoire  de  Pierre  Giberne,  sergent 
de  grenadiers  français  (1825,  in-42);  Notices  nécro- 
logiques (4819,  in-8)  ;  Fables  et  contes  en  vers  (1829, 
in-i2);  le  Village  de  Valdoré  (1829,  in- 12);  les  Petits 
Livres  du  Père  Lami  (1853,  6  vol.  in-12);  Histoires  et 
Causeries  morales  {iS^Q,  2  vol,  in-12),  et  plusieurs  traités 
de  pédagogie  ou  de  vulgarisation  scientifique.  —  Son  frère, 
Chistophe-Alexis-Adrie?!^  né  en  1802,  mort  en  1865, 
préfetdel'Ain  (1830),  directeurde la  police générale(l  837), 
député  de  Bourbon- Vendée  de  1837  à  1839,  archiviste  de 
la  Charente,  a  laissé  divers  ouvrages,  entre  autres  :  Com- 
ment on  fait  les  révolutions  {Vd.v\s,  1827,  in-8).   R.  S. 

JUSSIEU  (Adrien  de),  botaniste  français,  fils  d'Antoine- 
Laurent,  né  à  Paris  le  23  déc.  1797,  mort  à  Paris  le  29  juin 
1853.  Ses  goûts  le  portaient  vers  la  littérature,  mais  par 
tradition  de  famille  il  se  livra  à  Tétude  de  la  médecine  et 
des  sciences  naturelles  ;  il  soutint  en  1 824  une  thèse  re- 
marquable sur  les  Euphorbiacées,  et  deux  ans  après  fut 
nommé,  sur  la  proposition  de  son  père  admis  à  la  retraite, 
professeur  de  botanique  rurale.  Il  se  livra  alors  à  des  her- 
borisations qui  furent  suivies  par  des  hommes  éminents 
dans  la  science,  les  lettres  et  les  arts.  Il  commença  en  même 
temps  la  publication  d'une  série  de  mémoires  qui  sont 
restés  des  modèles  et  l'ont  placé  au  premier  rang  parmi 
les  botanistes  de  l'Europe.  Signalons,  entre  autres,  ses 
monographies  sur  les  Rutacées  (1825),  les  Méliacées 
(1830),  les  Malpighiacêes  (1843),  son  œuvre  capitale  et 
à  laquelle  il  travailla  pendant  treize  ans;  ses  mémoires  sur 
les  Embryons  monocotylédonés  (1844),  sur  les  Tiges  des 
Lianes  (1845).  Son  Cours  élémentaire  de  botanique 
(Paris,  1842-44,  in-12)  a  été  traduit  dans  toutes  les 
langues  de  l'Europe  et  a  été  souvent  réédité  et  réimprimé. 
A.  de  Jussieu  fut  appelé  en  184o  à  professer  à  la  Sorbonne 
Porganographie  végétale.  Il  fut  nommé  trois  fois  directeur 
du  Muséum  par  le  suffrage  unanime  de  ses  collègues.  — 
Adrien  de  Jussien  a  collaboré  aux  principaux  dictionnaires 
et  recueils  d'histoire  naturelle  de  son  temps  :  Dictionnaire 
universel  d'histoire  naturelle^  dirigé  par  d'Orbigny  ; 
Revue  botanique,  de  Duchartre  ;  Dictionnaire  classique 
d'histoire  naturelle,  publié  par  Bory  de  Saint-Vincent  ; 
Mémoires  du  Muséum  d'histoire  naturelle,  Annales 
des  sciences  naturelles,  Mémoires  de  la  Société  d'his- 
toire naturelle  ;  mentionnons  enfin  la  part  qu'il  a  prise  à 
Flora  Brasiliae  meridionalis,  etc.  (Paris,  1824-1833, 
3  vol.  in--4,  av.  192  pL).  D»'  L.  Hn. 

JUSSION  (Lettres  de).  On  désignait  ainsi,  sous  l'ancien 
régime,  les  lettres  patentes  par  lesquelles  le  roi,  sur  le 
refus  d'une  cour  souveraine  d'enregistrer  des  ordonnances, 
édits,  déclarations  ou  d'autres  lettres  patentes,  lui  enjoi- 
gnait d'avoir  à  y  procéder.  Si  la  cour  n'obtempérai'  pas  à 
ces  lettres,  il  était  expédié  des  lettres  itératives  de  jus- 
sion,  et  en  cas  de  non-obéissance  le  roi  faisait  procéder 
directement  à  l'enregistrement  dans  un  lit  de  justice. 

JUSSOW  (Heinrich-Christoph),  architecte  allemand,  né 
à  Cassel  en  1754,  mort  en  1825.  Après  avoir  étudié  le 
droit  à  Marbourg  et  à  Gœttingue,  il  se  tourna  vers  l'art, 
vint  à  Paris  travailler  sous  de  Wailly,  puis,  en  1790,  de 
retour  d'une  série  de  voyages  en  Italie,  à  Vienne,  à  Ham- 
bourg et  à  Londres,  il  se  vit  chargé  d'importantes  com- 
mandes qui  lui  permirent  de  déployer  son  talent.  Il  bâtit 
notamment  la  seconde  aile  du  château  électoral  de  Wil- 
helmshœhe,  l'église  de  Neustadt,  la  porte  de  Wilhelmshœhe 
à  Cassel,  et  commença  la  Kattenburg,  qu'il  ne  put  achever. 

JUSSY.  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Saint-Quen- 
tin, cant.  de  Saint-Simon;  1,243  hab. 

JUSSY.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  d'Auxerre,  cant. 
de  Coulange-la-Vineuse;  407  hab. 

JUSSY.  Village  de  Suisse,  cant.  de  Genève;  673  hab.  Là 
se  trouvait  anciennement  le  château  des  évêques  de  Genève. 

JUSSY-EN-CiiAM PAGNE.  Com.  du  dép.  du  Cher,  arr.  de 
Bourges,  cant.  de  Baugy  ;  544  hab. 


JUSSY-le-Châudrier.  Com.  du  dép.  du  Cher,  arr.  de 
Sancerre,  cant.  de  Sancergues  ;  1,228  hab. 

JUSTAUCORPS(V. Costume,  t.  X[n,pp.  1166 et suiv.). 

JUSTE  (Livre  du)  ou  LIVRE  de  Yashar.  D'après 
quelques  passages  des  livres  bibliques,  on  a  supposé  sous 
ce  nom  l'existence  d'un  recueil  de  poésies  antiques,  auquel 
la  littérature  ultérieure  aurait  fait  des  emprunts.  Il  est 
aussi  question  d'un  livre  des  Guerres  de  Yahvéh,  qui 
pourrait  n'être  qu'ime  variante  du  premier  nom.  D'après 
l'examen  des  morceaux  empruntés  à  ces  recueils,  il  y  a 
lieu  de  rabattre  beaucoup  de  l'ancienneté  que  quelques 
personnes  sont  portées  à  leur  attribuer  (V.  Bible). 

JUSTE  CAUSE  (V.  Prescription). 

JUSTE  TITRE  (V.  Prescription). 

JUSTE.  Nom  substitué  en  France  à  celui  deBetti,  que 
portait  une  famille  de  sculpteurs,  originaire  de  San  Mar- 
tino  a  Mensola,  près  de  Florence.  Les  plus  anciennement 
connus  dans  le  métier  sont  Giusto  et  André  qui  ne  quit- 
tèrent pas  l'Italie.  Trois  fils  du  dernier,  au  contraire, 
Antoine  (1479-1519),  André  (né  vers  1483)  et  Jean 
(1485-1549),  franchirent  de  bonne  heure  les  Alpes.  On 
les  trouve  à  la  fin  de  1504  à  Dol,  en  Bretagne,  où,  jus- 
qu'en 1507,  ils  travaillent,  dans  la  cathédrale,  au  tombeau 
de  l'évèque  Thomas  James.  Cet  ouvrage  achevé,  Antoine 
va  passer  quelques  années  à  Gaillon,  tandis  que  Jean  vient 
s'installer  à  Tours,  attiré  sans  doute  par  la  réputation  de 
Michel  Colombe.  Le  célèbre  sculpteur  étant  mort  en  1512, 
les  deux  frères  recueillent  son  héritage,  et  François  P^, 
peu  après,  leur  commande  le  tombeau  de  Louis  XII,  dont 
l'exécution  devait  durer  quinze  années,  de  1516  à  1531. 
Jean  Juste  a  certainement  la  meilleure  part  dans  ce  mo- 
nument, le  plus  grand  et  le  plus  beau  élevé  jusqu'alors  à 
un  roi  de  France.  C'est  à  lui  que  sont  dus,  non  seulement 
les  gisants  et  les  priants,  mais  encore  les  longs  bas-reliefs 
du  soubassement.  Antoine,  décédé  en  1519,  n'a  guère 
fait  que  surveiller  l'achat  des  marbres  et  sculpter  les  ara- 
besques des  pilastres.  Quant  aux  statues  des  apôtres  et  à 
celles  des  vertus  cardinales,  elles  sont  l'œuvre  de  son  fils, 
Just  de  Just  (1505-1555). 

Le  tombeau  de  Louis  Xïl  est  une  œuvre  de  premier 
ordre,  qui  seule  suffirait  à  la  gloire  de  son  auteur.  Cepen- 
dant, il  ne  faut  pas  oublier  que  de  l'atelier  de  Jean  Juste 
sont  également  sortis  grand  nombre  d'autres  monuments 
funéraires,  tels  que  ceux  de  Philippe  de  Montmorency  et 
d'Artus  Gouffier,  encore  existants  à  Oiron  (Deux-Sèvres), 
ceux  de  Jean  de  Rieux,  à  Ancenis,  de  Thomas  Bohier,  à 
l'église  Saint-Saturnin  de  Tours,  de  l'abbé  Louis  de  Crè- 
vent, à  la  Trinité  de  Vendôme,  tous  détruits  depuis  long- 
temps. Quant  au  tombeau  des  enfants  de  Charles  VIII,  jadis 
à  l'abbaye  de  Saint-Martin  de  Tours,  aujourd'hui  à  la  ca- 
thédrale de  la  même  ville,  il  était  déjà  en  place  avant  l'arrivée 
de  Jean  Juste  et,  par  conséquent,  ne  saurait  lui  être  attri- 
bué. —  Un  fils  du  précédent,  Jean  II,  est  le  dernier 
sculpteur  de  la  famille.  Sa  vie  se  prolongea  jusqu'en  1577, 
et  l'on  connaît  de  lui  le  tombeau  de  Claude  Gouffier,  à 
Oiron,  et  celui  de  Guy  d'Espinay,  à  Champeaux  (Ille-et- 
Vilaine).  L'un  et  l'autre  sont  fort  mutilés.    Léon  Palustre. 

BiDL.  :  Deville,  Comptes  de  Gaillon,  1850.  —  Nouvelles 
Arcliives  de  l'art  français,  1872  et  1876.  —  A.  de  Montai- 
GLON,  la  Famille  des  Juste,  1876.  —  De  Laborde,  les 
Comptes  des  bâtiments  du  roi,  1880.  —  Palustre  la  Re- 
naissance en  France,  t.  II,  pp.  84-98,  t.  III,  pp.  86-91. 

JUSTE  (Théodore),  historien  belge,  né  à  Bruxelles  le 
11  janv.  1818,  mort  à  Bruxelles  en  1888.  Il  devinten  1859 
conservateur  du  musée  royal  d'armures  et  d'antiquités,  et 
fut  en  même  temps  chargé  du  cours  d'histoire  générale  à 
l'Ecole  militaire  et  à  l'Ecole  de  guerre.  Il  fut  certainement 
l'historien  le  plus  fécond  de  son  pays;  toutefois  son  œuvre 
est  très  inégale,  tant  pour  le  fond  que  pour  la  forme.  Dès 
l'apparition  de  ses  premiers  livres,  on  constate  que  son 
style  est  clair,  facile  et  pur,  vigoureux  même  par  instants, 
mais,  à  côté  de  pages  pleines  de  verve,  brillantes,  on  en 
trouve  qui  sont  ternes  au  delà  de  toute  expression.  Juste 
utilise  les  sources  avec  une  habileté  très  irrégulière  ;  il 


Juste  -  justice 


-  880  — 


sait  fondre  les  documents  en  un  récit  simple  et  intéressant, 
mais  il  a  souvent  le  tort  de  trop  généraliser,  tandis  qu'ail- 
leurs il  se  perd  dans  d'infimes  détails.  Au  lieu  de  se 
borner  à  analyser  les  documents  inédits  qui  lui  paraissent 
importants,  il  les  introduit  dans  son  texte,  suspendant 
ainsi  d'une  manière  fâcheuse  la  marche  du  récit.  Il  fait 
d'ailleurs  de  louables  efforts  pour  être  impartial,  mais  il 
n'aboutit  d'habitude  qu'à  l'impassibilité  ;  de  plus,  les  larges 
horizons  lui  font  défaut,  et  ses  personnages  ne  vivent  pas. 
C'est  ainsi  que,  dans  la  plupart  des  biographies  de  sa  Ga- 
lerie des  fondateurs  de  la  monarchie  belge^  il  se  borne 
à  caractériser  ses  modèles  par  le  récit  de  leur  action  pu- 
blique ;  on  ne  sait  d'eux  que  ce  que  les  pièces  diploma- 
tiques ou  les  correspondances  peuvent  apprendre.  Il  faut 
cependant  rendre  à  T.  Juste  cette  justice  que  personne  plus 
que  lui,  en  Belgique,  n'a  contribué  à  donner  à  ses  contem- 
porains le  goût  de  l'histoire  nationale.  La  liste  complète 
de  ses  nombreux  ouvrages  a  été  dressée  par  Henrard.  En 
voici  les  plus  importants  :  Histoire  de  Belgique  (Bruxelles, 
d840,  3  vol.  in-8,  souvent  rééd.)  ;  Histoire  de  la  révo- 
lution belge  {id.^  4846,  in-8)  ;  Histoire  du  Congrès 
national  de  Belgique  (id,,  4850,  2  vol.  in-8,  souv. 
rééd.)  ;  Histoire  de  la  révolution  des  Pays-Bas  sous 
Philippe  H  (id,,  4835,  5  vol.  in-8,  rééd.  4882)  ;  Vie 
de  Marnix  de  Sainte- Aldeg onde  (id,^  4855,  in-8)  ;  le 
comte  d'Eg mont  et  le  comte  de  Homes  (id.,  4862, 
in-8)  ;  Histoire  des  Etats  généraux  des  Pays-Bas  (id., 
4864,  2  vol.  in-8)  ;  le  Soulèvement  de  la  Hollande  en 
ISiS  (id.,  4870,  in-8)  ;  la  Révolution  belge  de  1BS0 
(id.^  4872,  2  vol.  in-8)  ;  la  Pacification  de  Gandet  le 
sac  d'Anvers  (id.,  4876,  in-8)  ;  les  Fondateurs  de  la 
monarchie  belge  (id,,  4862-4884,  27  vol.  in-8).  E.  H. 
BiBL.  :  P.  Henrard,  Biogr.  de  T.  Juste  ;  Bruxelles,  1890. 

JUSTE  DE  TiBÉRiADE  (ben  Pistos),  historieu  juif,  flo- 
rissant de  60  à  80  de  l'ère  actuelle.  Il  a  écrit  une  histoire 
juive  depuis  Moïse  jusqu'à  Agrippa.  Il  s'efforça  de  prouver 
que  Josèphe,  dont  il  était  l'implacable  adversaire,  avait 
toujours  été  l'ennemi  des  Romains.  Il  lui  contesta  égale- 
ment son  origine  asmonéenne.  Cette  histoire  resta  pen- 
dant vingt  ans  inédite,  et  Juste  ne  se  décida  à  la  publier 
que  lorsqu'il  vit  Josèphe,  en  faveur,  comme  un  ancien 
ami,  auprès  de  Domitien.  Juste  a  été  en  Galilée  l'âme  de 
la  révolte.  Il  était  très  éloquent,  et  sa  parole  exerça  une 
puissante  influence  sur  le  peuple.  Il  passa  plus  tard  du 
côté  d' Agrippa  qui  le  combla  de  présents  et  le  prit  pour 
secrétaire  particulier.  S.  Debré. 

BiBL.  :  Gr/etz,  Geschichte  der  Juden,  III,  cli.  xiv. 

JUSTE  LiPSE  (V.  Lipse). 

JUSTEL  (Christophe),  canoniste  français, né  à  Paris  en 
4580,morten  4649.  Il  était  protestant;  sous  Henri  IV,  il  tint 
la  charge  de  conseiller  et  secrétaire  du  roi.  Après  la  mort 
de  ce  prince,  Henri  de  La  Tour,  duc  de  Bouillon,  l'attacha 
à  sa  personne,  en  qualité  de  secrétaire  intime,  et  le  char- 
gea de  former  la  bibliothèque  qu'il  fondait  pour  son  uni- 
versité de  Sedan.  Par  les  soins  de  Justel,  elle  devint  une 
des  plus  riches  du  xvii®  siècle.  OEuvres  principales  :  Codex 
canonum  Ecclesiœ  universœ,  avec  traduction  et  notes 
(Paris,  4640,  in-8)  ;  on  a  contesté  le  caractère  officiel  que 
Justel  lui  attribuait;  JSomocano7i  Photii  cum  commen- 
tariis  Theodori  Balsamonis  (Paris,  4645,  in-8);  Justel 
y  a  joint  des  traités  de  Photius ,  de  Nilus  et  d'un  auteur 
anonyme  sur  les  synodes;  Codex  canonum  Ecclesiœ 
AfricanfB  (Paris,  4645,  in-8)  ;  ce  sont  les  canons  du 
concile  tenu  à  Carthage  en  41 9  ;  Codex  canonum  eccle- 
siasticorum  Dionysii  Exlgui  (Paris,  4628,  in-8)  ;  les 
frères  Ballerini  ont  démontré  que  cette  édition  ne  repro- 
duit pas  exactement  le  texte  du  recueil  de  Denys  le  Petit  ; 
Discours  du  duché  de  Bouillon  et  du  rang  des  ducs  de 
Bouillon  en  France  (Paris,  4633,  in-4);  Stemma  Ar- 
vernicum  seu  Genealogia  comitum  Arverniœ^  ducum- 
que  Aquitaniœ  primœ  et  comitum  Claromontensium 
(Paris,  4644,  in-fol.);  Histoire  généalogique  de  la  mai- 
son d'Auvergne  (Paris,  4645,  in-fol.)  ;  Histoire  généa- 


logique delà  maison  de  Turenne  (Paris,  4645,  in-fol.); 
Histoire  généalogique  de  la  maison  de  Vergy  (Paris, 
4645,  in-fol.).  E.-H.  Vollet. 

Son  fils  Henri,  né  à  Paris  en  4620,  mort  à  Londres  le 
24  sept.  4693,  se  retira  en  4684  en  Angleterre,  où  il  fut 
nommé  gardien  de  la  bibliothèque  de  Saint-James.  Il  a 
publié  une  Bibliotheca  juris  canonici  (Paris,  4664, 
2voLin-foL). 

JUSTI  (Karl-Wilhelm),  théologien  et  historien  alle- 
mand, né  à  Marbourg  le  44  janv.  4767,  mort  à  Mar- 
bourg  le  7  août  4846.  Disciple  d'Eichhorn  et  de  Herder, 
il  enseigna  la  théologie  biblique  à  l'université  de  sa  ville 
natale  à  partir  de  4822,  après  avoir  été  prédicateur  à  Mar- 
bourg depuis  4790.  Ses  ouvrages  théologiques  sont  à  peu 
près  oubhés;  mais  il  a  publié  d'intéressantes  recherches 
archéologiques  et  historiques  sur  la  Hesse,  dans  les  Hes- 
sischen  Denkwilrdigkeiten  (Marbourg,  4798-4805, 
5  vol)  et  dans  le  Voruit  (Marbourg,  4820-4828  et  4838, 
9  vol.).  Son  livre  sur  Elisabeth  die  Heilige  (Zurich,  4797, 
et  Marbourg,  4835)  est  également  estimé.      F. -H.  K. 

JUSTI  (Karl),  critique  d'art  allemand,  né  à  Marbourg 
le  2  août  4832,  professeur  aux  universités  de  Marbourg 
(4867),  Kiel  (4874),  Bonn  (4873),  auteur  d'une  magis- 
trale biographie  de  Winckelmann  (Leipzig,  4866-72, 
2  vol.).  —  Son  frère,  Ferdinand,  né  à  Marbourg  le  2  juin 
4837,  professeur  de  langues  orientales  à  l'université  de 
Marbourg,  a  publié  :  Ueber  die  Zusammensetzung  der 
Nomiîia  in  den  indogermanischen  Sprachen  et  plu- 
sieurs ouvrages  sur  le  zend,  dont  un  bon  Handbuch  der 
Zendsprache(;{W^)  et  une  édition  critique  du  Bundehesch 
(1 868)  ;  il  a  donné  une  grammaire  kurde  (Saint-Péters- 
bourg, 4880)  et  rédigé  l'histoire  de  l'Orient  dans  l'ouvrage 
de  Grote  (4884)  et  l'histoire  de  la  Perse  antique  dans  la 
collection  Oncken  (4879). 

JUSTIAN.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Condom, 
cant.  de  Valence  ;  248  hab. 

JUSTICE.  Sociologie  (V.Etat). 

Morale.  —  La  justice  était  rangée,  par  les  anciens, 
parmi  les  quatre  vertus  cardinales.  Elle  consiste  essen- 
tiellement à  rendre  à  chacun  ce  qui  lui  est  dû  et  règle 
d'une  façon  rigoureuse  une  partie  des  relations  sociales,  en 
déterminant  directement  le  minimum  auquel  tout  homme 
est  tenu  vis-à-vis  de  ses  semblables.  Elle  est  corrélative  au 
droit  (V.  ce  mot).  La  transgresser  c'est  violer  le  droit  des 
autres.  C'est  pour  cela  que  les  devoirs  de  justice  se  pré- 
sentent d'ordinaire  sous  une  forme  négative.  Ils  prononcent 
des  interdictions  et  des  défenses  plutôt  que  des  comman- 
dements positifs.  La  justice,  par  les  limites  strictes  où  elle 
est  tenue,  s'oppose  à  la  charité  (V.  ce  mot),  plus  libre, 
moins  précisément  déterminée.  La  charité  nous  oblige  à 
faire  du  bien  à  autrui,  la  justice  à  ne  pas  lui  faire  du  mal. 
Les  principaux  devoirs  de  justice  :  ne  pas  tuer,  ne  pas  bles- 
ser, ne  pas  voler,  ne  pas  enlever  la  liberté  ou  la  réputa- 
tion, se  ramènent  à  l'obligation  générale  où  nous  sommes 
de  respecter  les  droits  de  la  personne  morale  dans  les 
autres  hommes  et  par  conséquent  de  ne  leur  enlever  au- 
cune de  leurs  puissances  naturelles. 

Droit  romain  (V.  Juge). 

Ancien  droit.  —  Haute  et  basse  justice  (V.  Féo- 
dalité) . 

Justice  féodale  et  seigneuriale  (V.  Féodalité). 

Droit  actuel  (V.  Organisation  judiciaire). 

Chambre  de  justice  (V.  Chambre). 

Justice  de  paix  (V.  Juge  de  paix). 

Justice  militaire.  —  La  justice  militaire  est  chargée  de 
la  répression  des  crimes  et  délits  mihtaires.  Elle  est  exercée 
uniquement  par  des  militaires  (officiers  et  sous-officiers), 
qui,  seuls  gardiens  de  la  discipline,  peuvent  être  juges 
éclairés  et  compétents  des  conditions  dans  lesquelles  la  jus- 
tice peut  compléter  les  moyens  de  répression  disciplinaires. 
En  outre,  les  armées  ne  peuvent  répondre  au  but  de  leur  ins- 
titution qu'à  la  condition  de  ne  dépendre  que  d'une  seule 
volonté  et  de  n'obéir  qu'à  un  commandement  unique.  Durant 


-  351  - 


JUSTICE 


de  longs  siècles,  la  justice  militaire  et  la  justice  civile  ont 
été  confondus  pour  diverses  causes,  notamment  parce  que 
les  seigneurs  réunissaient  tous  les  pouvoirs,  ou  que  la  jus- 
tice exercée  par  des  militaires  pouvait  être  suspectée  d'as- 
surer l'impunité  à  leurs  complices.  D'ailleurs  on  peut  dire 
que,  en  fait,  jusqu'à  1665,  les  officiers  avaient  droit  de 
vie  et  de  mort  sur  leurs  hommes  pour  quelque  cause  que 
ce  fût.  Cette  confusion  des  pouvoirs  dura  jusqu'en  1768, 
où  l'on  voit  apparaître  une  organisation  de  la  justice  mili- 
taire. Jusqu'alors  les  juridictions  dont  relevaient  les  mili- 
taires étaient  nombreuses,  et  la  justice  militaire  était  rendue 
d'une  manière  sommaire,  presque  toujours  arbitraire,  en 
frappant  de  châtiments  barbares  les  fautes  souvent  légères 
et  des  crimes  non  prouvés.  Mais,  à  partir  de  1768,  divers 
lois  ou  règlements  ont  nettement  défini  la  question,  qui 
est  actuellement  régie  par  le  code  de  justice  militaire  du 
9  juin  1857,  modifié  en  un  certain  nombre  d'articles  par 
la  loi  du  18  mars  1875.  Ce  code  donne  l'organisation  des 
tribunaux  militaires,  indique  leur  compétence,  détermine 
le  mode  de  procédure,  spécifie  les  crimes  et  délits  mili- 
taires et  fixe  les  peines  à  appliquer.  Une  nomenclature  des 
crimes  et  délits  militaires  et  des  peines  y  attachées  est 
d'ailleurs  insérée  dans  le  livret  individuel  de  chaque  homme 
de  troupe,  et  lecture  doit  en  être  donnée  le  premier  samedi 
de  chaque  mois.  La  justice  militaire  est  rendue  :  i°  par 
des  conseils  de  guerre  ;  2°  par  des  conseils  de  revision  ; 
3^  par  des  prévôtés,  mais  seulement  aux  armées  sur  le 
territoire  étranger. 

Les  conseils  de  guerre,  qui  sont  chargés  de  juger  les 
affaires  qui  leur  sont  renvoyées,  sont  composés  de  sept 
juges,  dont  un  colonel  au  moins  président,  choisis  parmi 
les  officiers  ou  sous-officiers  en  activité.  La  composition 
des  conseils  est  variable  suivant  le  grade  des  accusés,  mais 
elle  doit,  sauf  le  cas  d'impossibilité,  être  telle  que  tous  les 
membres  soient  supérieurs  en  grade  à  l'accusé,  sauf  un  de 
grade  égal,  en  ne  descendant  toutefois  pas  au-dessous  du 
grade  de  sous-officier  pour  les  caporaux  ou  hommes  de 
troupe.  Indépendamment  des  juges,  nommés  par  le  comman- 
dant de  corps  d'armée  et  renouvelés  au  moins  tous  les  six 
mois,  chaque  conseil  de  guerre  comprend  un  commissaire  du 
gouvernement  remplissant  les  fonctions  de  ministère  pu- 
blic, un  rapporteur  chargé  de  l'instruction  et  un  greffier 
pour  faire  les  écritures  :  ces  trois  derniers  sont  nommés 
par  le  ministre.  Il  peut  être  adjoint  un  ou  plusieurs  subs- 
tituts du  commissaire  du  gouvernement,  un  ou  plusieurs 
commis  greffiers  et  des  huissiers  ou  appariteurs.  Il  y  a  un 
conseil  de  guerre  permanent  au  chef-lieu  de  chaque  corps 
d'armée  ou  de  chaque  gouvernement  milhaire  et,  en  Algé- 
rie, de  chaque  division.  Aux  armées,  les  conseils  de  guerre 
se  composent  de  cinq  juges  seulement,  et  un  ou  deux  con- 
seils sont  établis  dans  chaque  division  active,  ainsi  qu'au 
quartier  général  de  l'armée. 

Les  conseils  de  revision  revisent  les  jugements  rendus 
par  les  conseils  de  guerre,  les  confirment  ou  les  annulent. 
Ils  se  composent  d'un  général  de  brigade,  président,  de 
deux  colonels  ou  lieutenants-colonels  et  de  deux  chefs  de 
bataillon,  d'escadrons,  ou  majors  en  activité  de  service, 
d'un  commissaire  du  gouvernement  et  d'un  greffier;  l'un 
des  juges  remplit  les  fonctions  de  rapporteur.  Il  n'y  a  que 
deux  conseils  de  revision  :  l'un  à  Paris,  pour  toute  la 
France,  l'autre  à  Alger  pour  toute  l'Algérie. 

Les  prévôtés  ne  fonctionnent  qu'aux  armées  sur  le  ter- 
ritoire étranger.  Une  prévôté  se  compose  d'un  officier  de 
gendarmerie,  nommé  prévôt,  assisté  d'un  greffier  choisi 
parmi  les  sous-officiers  ou  brigadiers  de  gendarmerie  ;  ce 
sont  des  tribunaux  de  simple  police,  dont  les  jugements  ne 
sont  susceptibles  d'aucun  recours. 

Compétence  des  tribunaux  militaires.  Les  tribunaux 
militaires  ne  statuent  que  sur  l'action  publique,  sauf  les 
prévôts  qui  peuvent  prononcer  sur  les  demandes  en  dom- 
mages-intérêts ne  dépassant  pas  150  fr.  L'action  civile  ne 
peut  être  poursuivie  que  devant  les  tribunaux  civils,  mais 
les  tribunaux  militaires  peuvent  ordonner  la  restitution  à 


leurs  propriétaires  des  objets  saisis  ou  des  pièces  à  convic- 
tion ne  donnant  pas  lieu  à  confiscation.  Leur  compétence 
s'étend  indistinctement  à  tous  les  crimes  et  délits  commis 
par  des  militaires,  aussi  bien  ceux  qui  sont  prévus  par  le 
code  civil  que  par  le  code  militaire,  sauf  les  infractions 
aux  lois  sur  la  pêche,  les  douanes,  les  contributions  indi- 
rectes, les  forêts,  les  octrois  et  la  grande  voirie. 

Sont  justiciables  des  conseils  de  guerre  :  1^  tout  indi- 
vidu placé  directement  sous  les  ordres  de  l'autorité  mili- 
taire; 2*^  les  prisonniers  de  guerre;  3°  les  insoumis;  4^ les 
militaires  en  congé  ou  en  permission,  mais  seulement  pour 
les  crimes  et  délits  prévus  par  le  code  de  justice  militaire. 
Aux  armées,  il  faut  ajouter  les  catégories  suivantes  : 
1°  tous  les  individus  employés,  à  quelque  titre  que  ce  soit, 
dans  les  états-majors,  administrations  et  services  qui  dé- 
pendent de  l'armée  ;  2°  les  cantiniers  et  les  cantinières, 
les  blanchisseuses,  les  marchands,  les  domestiques  et  tous 
autres  individus  suivant  l'armée  en  vertu  d'une  permission, 
d'un  brevet  ou  d'une  commission  ;  3°  en  territoire  ennemi, 
tout  individu  prévenu  d'un  crime  ou  délit  prévu  par  le  code 
pénal  militaire  ;  4°  les  complices  des  militaires  prévenus  de 
crimes  ou  délits  commis  aux  armées,  soit  en  pays  étran- 
ger, soit  à  l'intérieur  en  présence  de  l'ennemi  ;  5^  tous  les 
français  ou  étrangers  qui,  dans  le  cercle  des  opérations  sur 
le  territoire  national,  se  sont  rendus  coupables  d'espion- 
nage, d'embauchage,  de  pillage,  d'incendie  ou  destruction 
d'ouvrages  ou  objets  utiles  à  la  défense.  Lorsque  la  pour- 
suite^ d'une  infraction  concernant  des  militaires  comprend 
des  individus  non  justiciables  des  tribunaux  militaires, 
tous  les  prévenus,  sans  distinction,  sont  renvoyés  devant 
les  tribunaux  ordinaires. 

Procédure.  La  procédure  des  conseils  de  guerre  com- 
prend :  1<*  l'action  de  la  police  judiciaire  ;  2<»  l'informa- 
tion; 3°  le  jugement.  C'est  à  la  police  judiciaire  qu'est 
réservé  le  soin  de  constater  les  crimes  et  les  délits,  d'en 
rassembler  les  preuves  et  d'en  livrer  les  auteurs  à  l'auto- 
rité militaire.  Cette  police  est  exercée  par  tous  les  chefs  de 
corps,  de  service  ou  de  détachement,  par  les  officiers  et 
les  commandants  de  brigade  de  gendarmerie,  etc.  Un  chef 
de  corps  peut  déléguer  ses  pouvoirs  à  un  officier  du  grade 
de  capitaine  au  moins.  L'officier  de  police  judiciaire  re- 
cueille les  déclarations  des  témoins,  les  renseignements  de 
toute  nature,  fait  toutes  les  pièces  ou  constatations  pouvant 
servir  à  la  manifestation  de  la  vérité,  et  transmet  le  dos- 
sier à  son  chef  de  corps  ou  de  service.  Celui-ci,  s'il  y  a 
lieu  de  poursuivre,  établit  une  plainte  qu'il  joint  au  dos- 
sier et  transmet  le  tout  au  commandant  de  corps  d'armée 
par  la  voie  hiérarchique.  Ce  dernier,  s'il  juge  qu'il  n'y  a 
pas  lieu  d'informer,  en  prévient  le  chef  de  corps  par  un 
refus  motivé  et  rend  compte  au  ministre.  Dans  le  cas  con- 
traire, il  envoie  au  chef  de  corps  un  récépissé  de  la  plainte 
et  un  ordre  d'écrou  concernant  le  ou  les  prévenus.  Ceux-ci 
sont  alors  remis  à  la  gendarmerie,  qui  les  transfère  au  siège 
du  conseil  de  guerre.  Le  rapporteur  et  le  commissaire  du 
gouvernement  procèdent  alors  à  l'information  ou  instruc- 
tion, dont  le  résultat,  avec  toutes  les  pièces  à  l'appui,  est 
transmis  au  commandant  du  corps  d'armée,  lequel  peut 
alors  prononcer  la  mise  en  jugement  ou  rendre  une  ordon- 
donnance  de  non-lieu.  En  cas  de  mise  en  jugement,  le 
conseil  de  guerre  se  réunit  en  séance  publique  au  jour  fixé. 
Après  avoir  constaté  l'identité  de  l'accusé,  le  président  fait 
donner  lecture  de  la  liste  des  témoins  et  de  l'acte  d'accu- 
sation ou  autres  pièces  utiles,  puis  il  procède  à  l'interro- 
gatoire de  l'accusé  et  ensuite  à  l'audition  des  témoins.  Le 
commissaire  du  gouvernement  prononce  son  réquisitoire, 
dans  lequel  il  développe  l'accusation  et  requiert  l'applica- 
tion de  la  loi;  ce  réquisitoire  est  suivi  de  la  plaidoirie 
du  défenseur,  auquel  le  commissaire  du  gouvernement  peut 
répliquer,  mais  le  défenseur  doit  toujours  avoir  la  parole 
le  dernier.  Après  avoir  demandé  à  l'accusé  s'il  n'a  rien  à 
ajouter  pour  sa  défense,  le  tribunal  se  retire  pour  déhbérer. 
Le  président  pose  à  chacun  des  membres  du  conseil,  en 
commençant  par  le  moins  élevé  en  grade,  diverses  questions 


JUSTICE 


—  352  — 


portant  sur  la  culpabilité,  s'il  y  a  lieu,  sur  les  circons- 
tances aggravantes  ou  atténuantes,  et  sur  l'application  de 
la  peine.  La  culpabilité  et  l'application  de  la  peine  doivent 
être  prononcées  par  cinq  voix  sur  sept,  sinon  l'avis  le  plus 
favorable  est  appliqué  à  l'accusé.  Le  condamné  est  pré- 
venu qu'il  a  vingt-quatre  heures  pour  se  pourvoir  en  revi- 
sion. De  même,  le  ministère  public  peut  avoir  recours  au 
conseil  de  revision,  mais  seulement  pour  fausse  application 
de  la  peine. 

Le  conseil  de  revision,  saisi  par  les  conseils  de  guerre, 
met  pendant  vingt-quatre  heures,  au  greffe,  les  pièces  du 
dossier  à  la  disposition  du  défenseur  et  doit  statuer  ensuite 
dans  un  délai  de  trois  jours.  Au  jour  fixé,  le  conseil  se 
réunit  en  audience  publique.  Le  rapporteur  expose  les  moyens 
de  recours  et  présente  ses  observations.  Le  défenseur  est 
entendu  ensuite,  mais  il  ne  peut  plaider  sur  le  fond.  Le 
commissaire  du  gouvernement  discute  les  moyens  présentés 
et  donne  ses  conclusions,  sur  lesquelles  le  défenseur  a  la 
parole.  Les  juges  se  retirent  alors  pour  délibérer  et  pronon- 
cent à  la  majorité  des  voix.  Le  jugement,  motivé,  est  lu  en 
séance  publique  par  le  président.  Si  le  recours  est  rejeté, 
le  dossier  est  transmis  au  commissaire  du  gouvernement 
près  le  conseil  de  guerre,  qui  requiert  alors  l'exécution  du 
jugement.  Si  celui-ci  est  annulé  pour  cause  d'incompé- 
tence, le  conseil  de  revision  renvoie  l'affaire  devant  la  juri- 
diction compétente  ou  devant  un  autre  conseil  de  guerre. 
Un  deuxième  jugement  peut  également  être  annulé,  mais 
le  troisième  ne  peut  être  attaqué  que  par  voie  de  cassa- 
tion, et  seulement  dans  l'intérêt  de  la  loi.  Un  accusé  absent 
est  jugé  par  défaut,  lorsqu'il  s'agit  d'un  délit,  et  par  con- 
tumace s'il  s'agit  d'un  crime;  dans  ce  dernier  cas,  il  est 
sursis  au  jugement  pendant  dix  jours.  L'accusé  peut  former 
opposition  dans  les  cinq  jours  qui  suivent  la  signification 
du  jugement. 

Les  prévôtés  sont  saisies  des  affaires  qui  les  concernent 
par  l'autorité  militaire  ou  par  la  plainte  de  la  partie  lésée; 
dans  le  cas  de  flagrant  délit  ou  d'urgence,  elles  peuvent 
procéder  d'office.  Les  prévenus  sont  amenés  devant  la  pré- 
vôté, qui  juge  publiquement.  La  partie  plaignante  expose 
sa  demande  ;  les  témoins  sont  ensuite  entendus,  après  avoir 
prêté  serment.  Les  prévenus  présentent  eux-mêmes  leur 
défense.  Le  jugement,  motivé,  est  exécutoire  sur  minute. 

Ministère  de  la  justice.  —  Notions  historiques.  — 
Sous  l'ancien  régime,  l'organisation  et  l'administration  de 
la  justice  étaient  dans  les  attributions  du  chancelier 
(V.  Chancellerie,  t.  X,  p.  473).  Créé  par  la  loi  du  25  mai 
1791,  le  ministère  de  la  justice  fut  supprimé  avec  les 
autres  ministères  le  1^^  avr.  1794  et  rétabli  avec  eux  le 
5  déc.  1795.  Sous  le  Consulat  et  sous  l'Empire,  le  ministre 
porta  le  litre  de  grand  juge.  La  dignité  de  garde  des 
sceaux  (V.  ce  mot,  t.  XVltï,  p.  509)  fut  rétablie  par  la 
Restauration  et  lui  fut  conférée.  Depuis  l'ordonnance  orga- 
nique du  24  déc.  1844,  l'administration  centrale  a  subi 
de  fréquents  remaniements  dont  les  plus  importants  ont 
été  promulgués  par  les  décrets  du  30  déc.  1884,  du 
29  déc.  1888,  du  13  févr.  1892,  du  24  déc.  1893. 

Organisation  actuelle.  —  L'administration  centrale  du 
ministère  de  la  justice  comprend,  outre  le  cabinet  du  mi- 
nistre, deux  directions  et  le  service  du  personnel  qui  est 
rattaché  au  cabinet.  Le  cabinet  du  ministre  se  subdivise 
en  :  bureau  du  cabinet  et  de  l'enregistrement  chargé  de 
l'ouverture  des  dépèches,  de  la  distribution  de  la  corres- 
pondance, des  demandes  d'audience,  des  rapports  avec  les 
Chambres,  le  conseil  d'Etat,  la  Légion  d'honneur,  l'Impri- 
merie nationale,  les  insertions  au  Journal  officiel^  etc.;  — 
bibliothèque  et  archives,  d'où  dépendent  le  service  du 
Bulletin  des  lois^  le  service  des  timbres  et  cachets,  l'ap- 
position du  sceau  ;  —  matériel,  avec  le  service  intérieur 
de  l'hôtel,  son  personnel,  son  mobilier,  les  adjudications 
et  marchés,  le  règlement  des  mémoires,  etc.  ;  —  compta- 
bilité, avec  deux  bureaux:  l*' comptabilité,  préparant  les 
budgets  et  comptes  définitifs,  ordonnançant  les  dépenses  et 
les  contrôlant  ;  2^  pensions  et  secours  aux  anciens  magis- 


trats, à  leurs  veuves  et  enfants  ;  —  personnel,  avec  deux 
bureaux:  1«  cours  et  tribunaux  de  première  instance  de 
France;  personnel  des  justices  de  paix  de  France,  greffiers 
de  toutes  les  juridictions  du  continent;  2^  cours,  tribu- 
naux, justices  de  paix,  officiers  publics  et  ministériels  de 
l'Algérie,  de  la  Tunisie  et  des  colonies. 

La  direction  des  affaires  criminelles  et  des  grâces  com- 
prend quatre  bureaux  :  1°  affaires  criminelles  s'occupant 
de  la  poursuite  des  crimes,  délits  et  contraventions,  de  la 
surveillance  de  l'instruction  des  procédures  et  de  l'exécu- 
tion des  condamnations,  des  pourvois  en  cassation  dans 
l'intérêt  de  la  loi  ;  de  la  nomination  des  présidents  d'as- 
sises, de  l'examen  des  listes  du  jury,  de  la  tenue  de  re- 
gistres des  demandes  en  revision,  etc.  ;  2*^  grâces,  s'occu- 
pant de  l'examen  ou  instruction  des  recours  en  matière 
criminelle,  correctionnelle  et  de  police,  des  rapports  sur 
condamnations  capitales,  des  grâces  collectives  accordées 
annuellement,  de  l'examen  des  demandes  en  remise  de  la 
surveillance  de  la  haute  police;  3''  statistique,  ayant  dans 
ses  attributions  les  mercuriales,  les  comptes  généraux  de 
l'administration  de  la  justice  criminelle,  civile  et  commer- 
ciale, de  la  réunion  des  statistiques  judiciaires  publiées  à 
l'étranger,  le  casier  central,  les  casiers  judiciaires  ;  4«  bu- 
reau des  frais  de  justice. 

La  direction  des  affaires  civiles  et  du  sceau  comprend 
trois  bureaux:  1°  administration  et  législation  dont  les 
attributions  comportent:  la  correspondance  relative  à  l'ad- 
ministration de  la  justice  civile  ;  les  commissions  roga- 
toires,  les  conflits,  la  publication  des  jugements  en  matière 
d'absence  et  autres,  les  roulements  des  cours  et  tribunaux, 
le  tableau  des  avocats,  l'exercice  de  la  plaidoirie,  l'état 
civil,  les  questions  d'organisation  judiciaire  en  France,  dans 
les  colonies  et  protectorats,  la  création  et  translation  des 
tribunaux  et  justices  de  paix,  la  création  de  Chambres  tem- 
poraires, la  rédaction  du  Bulletin  officiel  du  ministère 
de  la  justice;  2«  officiers  ministériels,  s'occupant  du  ré- 
gime, de  l'organisation  et  de  la  discipline  du  notariat,  du 
personnel  des  avocats  à  la  cour  de  cassation,  des  avoués 
près  les  cours  d'appel  et  les  tribunaux,  des  commissaires 
priseurs  et  huissiers,  de  la  création  et  suppression  des 
offices  ministériels  ;  3<^  sceau  ;  ce  bureau  a  dans  ses  attri- 
butions les  naturahsations,  l'admission  des  étrangers  à 
domicile,  la  réintégration  dans  la  qualité  de  Français,  l'au- 
torisation de  servir  à  l'étranger,  les  dispenses  d'âge,  de 
parenté  et  d'alliance  pour  mariage  ;  les  titres  nobiliaires, 
majorats,  dotations  ;  changements  et  additions  de  noms, 
réduction  et  remise  des  droits  de  sceau  ;  personnel  et  dis- 
cipline des  référendaires  au  sceau. 

Au  ministère  de  la  justice  se  rattachent:  le  comité  de 
législation  étra7ig ère,  créé,  par  arrêté  du  27  mars  1876, 
et  chargé  de  former  une  collection  de  lois  étrangères,  d'en 
traduire  les  principales,  etc.  ;  ce  comité  publie  un  An- 
nuaire, un  bulletin,  des  catalogues  de  sa  bibliothèque  ;  — 
les  référendaires  au  sceau  de  France  (V.  ce  mot)  ;  -—ï Im- 
primerie nationale  (Y.  ce  mot)  ;— h  grande  chancellerie 
de  la  Légion  d'honneur  (V.  ce  mot).  Le  ministre  de  la 
justice  a  des  attributions  particulières  sur  lesquelles  il 
importe  d'insister.  Il  prépare  et  propose  au  Parlement  les 
projets  de  loi  qui  ne  se  rattachent  pas  par  leur  objet  aux 
attributions  des  autres  départements  ministériels.  Déposi- 
taire des  sceaux  de  l'Etat,  il  les  appose  sur  les  lois,  les 
traités,  les  actes  de  chancellerie  ;  il  est  chargé  de  la  pro- 
mulgation des  lois.  Il  est  président  de  droit  du  conseil 
d'Etat  (V.  ce  mot)  ;  il  a  le  droit  de  présider  le  tribunal 
des  conflits.  L'administration  des  cultes  a  été  très  souvent 
rattachée  au  ministère  de  la  justice  (V.  Cultes). 

Liste  cHRONOLOGiauE  des  ministres  de  la  justice  et 
GARDES  DES  sceaux.  —  Duport-Dutcrtrc  (21  nov.  1790); 
Duranthon  (13  avr.);  de  Joly  (3  juiL);  Danton  (10  août); 
Garât  (10  oct.)  ;  Gohier  (20^nars  1793-1«''  avr.  1794)  ; 
Commission  des  administrations  civiles,  pohce  et  tribunaux 
(1^^  avr.  1794-2  oct.  1795).  Ministres  de  la  justice: 
Merlin  de  Douai  (3  nov.  1795)  ;  Génissieu  (5  janv.  1796); 


-  353  — 


JUSTICE  —  JUSTIN 


Merlin  de  Douai  (3  avr.)  ;  Lambrechts  (24  sept.  4797)  ; 
Cambacérès  (20  juil.  1799);  Abrial  (25  déc);  Régnier, 
duc  de  Massa  (14s€pt.  4802)  ;  comte  Mole  (20  nov.1843); 
Henrion  de  Pansey  (3  avr.  4814);  vicomte  Dambray 
(13  mai  4814)  ;  Cambacérès  (20  mars  4815)  ;  Boulay  de 
la  Mourthe  (24  juin);  baron  Pasquier  (9  juil.) ;  Barbé- 
Marbois  (26  sept.)  ;  Pasquier  (49  janv.  4817)  ;  de  Serre 
(29  déc.  1818);  de  Peyronnet  (14  déc.  1824);  Portalis 
(4  janv.  1828);  Bourdeau  (14  mai  1829);  Courvoisier 
(8  août);  de  Chantelauze  (19  mai  1830);  Dupont  de 
l'Eure  (31  juil.);  Merilhou  (27  déc);  Barlbe  (13  mars 
1831)  ;  Persil  (4  avr.  1834);  Sauzet  (22  févr.  1836)  ; 
Persil  (6  sept.  1836)  ;  Barthe  (5  avr.  1837)  ;  Girod  de 
l'Ain  (31  mars  (1839)  ;  Teste  (12  mai)  ;  Vivien  (1'^'^  mars 
1840)  ;  Martin  du  Nord  (29  oct.)  ;  Hébert  (14  mars  1847)  ; 
Crémieux  (24  févr.  1848)  ;  Bethmont  (7  juin)  ;  Marie 
(17  juil.)  ;  OdilonBarrot  (20  déc.)  ;  Rouher  (31  oct.  1849)  ; 
de  Royer  (24  janv.  1851)  ;  Rouher  (10  avr.)  ;  Corbin 
(26  oct.);  Daviel  (1*^^  nov.);  Rouher  (3  déc);  Abbatucci 
(22  janv.  1852);  de  Royer  (16  nov.  1857);  Delangle 
(5  mai  1859);  Baroche  (23  juin  1863);  Duvergier  (17  juil. 
1869)  ;Emile01livier(2janv.l870)  ;  Grandperret (9  août)  ; 
Crémieux  (4  sept.)  ;  Dufaure  (19  févr.  1871)  ;  Ernoul 
(25  mai  1873)  ;  Depeyre  (26  nov.)  ;  Tailhand  (22  mai 
1874)  ;  Dufaure  (10  mars  1875)  ;  Martel  (12  déc.  1876)  ; 
de  Broglie  (17  mai  1877)  ;  Lepelletier  (23  nov.)  ;  Dufaure 
(13  déc);  Le  Royer  (4  févr.  1879);  Cazot  (28  déc)  ; 
Humbert  (30  janv.  1882)  ;  Devès  (7  août)  ;  Martin-Feuil- 
lée  (21  févr.  1883);  Brisson  (6  avr.  1885);  Demôle 
(7  janv.  1886);  Sarrien  (11  déc);  Mazeau  (30  mai 
1887);  Fallières  (12  déc);  Ferrouillat  (3  avr.  1888); 
Guyot-Dessaigne  (5  févr.  1889);  Thévenet  (22  fevr.); 
Fallières  (17  mars  1890)  ;  Ricard  (27  févr.  1892)  ;  Léon 
Bourgeois  (6  déc  1892)  ;  Guérin  (4  avr.  1893)  ;  A.  Du- 
bost  (3  déc.  1893)  ;  Guérin  (30  mai  1894). 

Sous-secrétaires  cV Etat.  De  Trinqueîague  (9  mai  1816); 
Ravez  (16  avr.  1847);  comte  Siméon  (24  janv.  1820); 
Portalis  (24  févr.  1820);  Bourdeau  (24  janv.  1829); 
Parant  (21  mai  1837)  ;  Vente  (27  nov.  1873);  Baragnon 
(23  mai  1874);  Bardoux  (15  mars  4875)  ;  Méline  (24''"déc. 
1876);  Savary  (48  déc  1877);  Goblet  (5  févr.  1879); 
Martin-Feuillée  (29  déc.  1879-23  sept.  1880-14  nov. 
1881);  Varambon  (30  janv.  1882-10  août  1882);  Noirot 
(27  févr.  1883). 

JUSTICIA  (Justicia  L.)  (Bot.).  Genre  de  plantes  de  la 
famille  des  Acanthacées,  qui  a  donné  son  nom  au  groupe  des 
Justiciées.  Ce  sont  des  herbes  ou  rarement  des  arbustes  à 
feuilles  opposées  et  entières,  à  fleurs  solitaires,  disposées 
en  épis  simples  ou  composés .  Le  calice  est  tétramère  ou 
pentamère,  la  corolle  a  un  tube  court,  dilaté  supérieure- 
ment, et  deux  étamines  à  anthères  biloculaires.  Le  fruit 
est  une  capsule  contenant  une  à  quatre  graines  aplaties, 
sans  aigrettes.  Les  Justicia  sont  répandus  dans  les  régions 
tropicales  des  deux  mondes.  Le  J.  pectoralis  Jacq.,  ou 
Herbe  aux  charpentiers,  croît  aux  Antilles,  où  on  emploie 
ses  feuilles  pilées  comme  vulnéraires.  Ces  mêmes  feuilles 
entrent  dans  l'Elixir  américain  et  dans  un  sirop  pectoral. 
On  a  détaché  des  Justicia  un  grand  nombre  d'espèces  pour 
les  distribuer  dans  des  genres  nouveaux. 

JUSTIFICATION.  L  Théologie.  —  D'après  la  définition 
du  concile  de  Trente  (sess.  VI,  ch.  vu),  la  justification 
n'est  pas  seulement  la  rémission  des  péchés,  elle  est  aussi 
la  sanctification  et  le  renouvellement  de  l'homme  intérieur, 
par  la  réception  volontaire  de  la  grâce  et  des  dons  qui  l'ac- 
compagnent. Par  elle,  l'homme  devient  juste,  d'injuste  qu'il 
était,  et  d'ennemi,  ami  ;  pour  être,  selon  l'espérance  qui 
lui  en  est  donnée,  héritier  de  la  vie  éternelle.  Elle  a  pour 
cause  finale  la  gloire  de  Dieu  et  de  Jésus-Christ,  et  la  vie 
éternelle;  pour  cause  efficiente,  Dieu  lui-même,  qui  dans 
sa  miséricorde  lave  et  sanctifie  gratuitement,  par  le  sceau 
et  par  l'onction  du  Saint-Esprit  ;  pour  cause  méritoire, 
Jésus-Christ,  qui  nous  a  aimés  d'un  amour  extrême  et  nous 
a  mérité  la  justification,  en  satisfaisant  pour  nous  à  Dieu 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XXI. 


son  Père,  par  sa  très  sainte  passion,  alors  que  nous  étions 
encore  ses  ennemis  ;  pour  cause  instrumentelle^  le  bap- 
tême qui  est  le  sacrement  de  la  foi,  sans  laquelle  personne 
ne  peut  être  justifié.  Enfin,  son  unique  cause  formelle 
est  la  justice  de  Dieu,  non  la  justice  par  laquelle  il  est 
juste,   mais  celle  par  laquelle  il  nous  fait  justes.  Etant 
gratifiés  par  lui  de  cette  justice,  nous  sommes  renouvelés 
dans  l'intérieur  de  notre  âme  :  non  seulement  nous  sommes 
réputés  justes,  mais  nous  sommes  nommés  tels  avec  vérité, 
et  nous  le  sommes  en  effet,  recevant  en  nous  la  justice, 
chacun  selon  sa  mesure,  et  selon  le  partage  qu'en  fait  le 
Saint-Esprit,  comme  il  lui  plaît,  et  suivant  la  disposition 
propre  et  la  coopération  de  chacun...  La  charité  de  Dieu 
est  aussi  répandue  par  le  Saint-Esprit  dans  le  cœur  de  ceux 
qui  sont  justifiés,  et  elle  y  est  inhérente.  C'est  pourquoi, 
en  cette  justification,  l'homme,  par  Jésus-Christ,  auquel  il 
est  enté,  reçoit  ensemble,  avec  la  rémission  des  péchés, 
tous  ces  dons  infus  :  foi,  espérance  et  charité  ;  car  si  l'es- 
pérance et  la  charité  ne  se  joignent  à  la  foi,  celle-ci  n'unit 
point  parfaitement  avec  Jésus-Christ,  et  elle  ne  rend  point 
l'homme  un  membre  vivant  de  son  corps.      E.-H.  V. 
II.  Typographie  (V.  Composition,  t.  XII,  p.  212). 
JUSTIN  (Saint),  martyr,  apologiste  chrétien,  né  àFlavia 
Neapolis  (Palestine)  vers  l'an  100,  mort  à  Rome  vers  165. 
Fête  le  13  avr.  Bien  que  né  en  Samarie,  sur  l'emplacement 
de  l'antique  cité  Israélite  de  Sichem,  Justin  était  d'origine 
païenne  et  probablement  grecque  ;  son  père  se  nommait 
Priscus,  son  grand-père  Bacchios.  Lui-même  acquit  une 
instruction  philosophique  assez  étendue.  Il  recherchait  ar- 
demment le  bonheur  ;  il  fréquenta  les  stoïciens,  les  péripa- 
téticiens,  les  pythagoriciens,  sans  trouver  ce  qu'il  désirait; 
un  maître  platonicien  le  satisfit  davantage  ;  la  «  contempla- 
tion des  idées  donna  des  ailes  à  son  esprit  »  (DiaL,  ch.  i); 
il  espérait  enfin  contempler  Dieu.  Alors,  il  rencontra  un 
vieillard  qui  était  chrétien  et  qui  lui  montra  combien  l'in- 
tellectualisme des  philosophes  était  insuffisant  et  comment, 
par  la  révélation  du  christianisme,  «  Dieu  devient  sensible 
au  cœur  ».  Sans  plus  tarder,  Justin  se  mit  à  l'étude  de  la 
révélation  prophétique  contenue  dans  l'Ancien  Testament 
et  reconnut  bientôt  dans  l'enseignement  du  Christ  «  la  vraie 
philosophie,  seule  éprouvée  et  pratique  »,  celle  qui  découvre 
«  les  principes  et  les  fins  de  toutes  choses  ».  Il  garda  néan- 
moins le  manteau  de  philosophe  et  s'en  alla  à  travers  le 
monde,  enseignant  ce  qu'il  avait  trouvé.  A  Rome,  il  ouvrit 
une  école  de  philosophie  et  disputa  vaillamment  avec  ses 
contradicteurs  païens  et  hérétiques  ;  car  Justin,  avec  son 
esprit  de  portée  moyenne  et  son  grand  bon  sens,  évita  les 
écarts  nombreux  qui  faisaient  dévier,  à  cette  époque  cri- 
tique du  développement  du  christianisme,  tant  de  penseurs 
chrétiens  (V.  l'art.  Gnosticisme,  t.  XVIII,  pp.  1 129  et  suiv.); 
il  sentait  l'importance  de  l'unité  et  l'autorité  de  la  tradi- 
tion. Il  veut  être  «  orthodoxe  »  (opÔoyvoSpLwv)  ;  il  est,  de 
fait,  le  premier  écrivain  chrétien  qui  parle  de  dogmes  et  de 
théologie,  au  sens  que  ces  mots  ont  conservé  depuis.  Cres- 
cens,  un  philosophe  cynique,  que  Justin  avait  combattu, 
finit  par  le  dénoncer  aux  autorités,  et,  soit  aussitôt,  soit 
quelques  années  plus  tard,  le  philosophe  chrétien  fut  con- 
damné à  mort.  On  peut  hésiter,  en  effet,  entre  160  et  167 
pour  dater  le  martyre  de  Justin  ;  l'an  165  a  une  certaine 
probabilité. —  Divers  écrits  ont  été  faussement  attribués  à 
Justin  ;  tels  le  Discours  aux  Grecs,  qui  pourrait  être  con- 
temporain de  Justin  ;  VExhortatio7i  aux  Grecs,  qui  est 
probablement  du  m®  siècle,  et  un  De  Monarchia,  qui  a 
toutes  les  marques  de  l'apocryphe.  Par  contre,  le  Tî'aité 
polémique  contre  toutes  les  hérésies,  qu'Irénée  a  employé 
et  qu'il  attribue  à  Justin  (Adv.  hcer.,  iv)  est  perdu  ;  il 
n'existe  plus  que  deux  fragments  d'un  autre  écrit  de  Justin 
sur  la  résurrection.  Les  ouvrages  de  Justin  qui  subsistent 
sont  les  deux  Apologies  et  le  Dialogue  avec  Tryphon 
(éd.  princeps  de  R.  Estienne,  Paris,  1551,  in-fol.  ;  parmi 
les  éditions  postérieures,  celle  de  dom  Prud.  Maran,àParis, 
1742,  in-fol.,  se  distingue  par  ses  excellentes  introduc- 
tions et  notes;  la  dernière  édition  de  Justin  est  la  troisième 

23 


JUSTIN 


—  354  — 


de  J.-G.  d'Otto,  à  léna,  1876-81,  3  vol.  in-8  ;  t.  I  : 
Opéra  indubitata;  t.  Il  :  Op,  addubitata;  t.  III  :  Op. 
subditicia;  la  Patrologie  de  Migne,  série  grecque,  Pans, 
1857,  t.  VI,  est  une  compilation  du  texte  de  Maran  et  de 
la  seconde  édition  d'Otto).  La  première  Apologie.,  de  beau- 
coup la  plus  longue,  est  adressée  à  l'empereur  Antonin  le 
Pieux  avec  ses  corégents  L.  Verus  et  Marc  Aurèle  ;  elle 
peut  donc  dater  de  147-60  ;  on  la  place  ordinairement  vers 
150.  Justin  commence  par  réfuter  les  fausses  accusations 
formulées  contre  les  chrétiens  (ch.  iii-xxiii)  ;  puis  il  expose 
la  doctrine  chrétienne  (ch.  xxiii-lxi)  ;  enfin,  il  décrit  le 
culte  et  la  vie  des  chrétiens  (ch.  lxi-lxviii)  ;  mais  l'ou- 
vrage est  loin  d'être  bien  ordonné  et  clairement  divisé  ; 
Técrivain  se  laisse  aller  ;  il  a  confiance  en  la  cause  qu'il 
défend  ;  il  estime  qu'elle  n'a  pas  besoin  de  beaucoup  d'art 
ni  de  science  de  la  part  de  son  défenseur.  Tous  les  écrits 
de  Justin  font  ainsi  l'eftet  d'improvisations  d'un  homme  qui 
improvisait  médiocrement.  Cela  n'exclut  pas  quelques  éclairs 
de  génie.  Le  style  est  aussi  lâche  que  la  pensée  ;  souvent 
il  est  incorrect.  La  seconde  Apologie  débute  abruptement 
par  le  récit  d'une  condamnation  à  mort  de  plusieurs  chré- 
tiens à  Rome,  à  propos  d'une  femme  qui  demandait  le  di- 
vorce contre  un  mari  débauché.  La  suite  semble  devoir  être 
une  sorte  d'appendice  à  la  première  apologie.  Le  Dialogue 
avec  Tryphon  est,  sans  doute,  postérieur  aux  deux  autres 
oeuvres.  Tryphon  est  un  rabbin  avec  lequel  Justin  discute 
contre  les  juifs.  Il  veut  démontrer  d'abord  que  la  loi  de 
Moïse  est  abrogée  (ch.  xi-xlvii)  ;  ensuite,  il  prouve  la  di- 
vinité du  Christ  et  de  son  enseignement  (ch.  XLvni-cvni)  ; 
finalement,  il  déduit  de  ces  faits  la  nécessité  pour  les  juifs 
de  se  mettre  avec  les  païens  au  bénéfice  de  la  nouvelle  al- 
liance. —  Les  œuvres  de  Justin  sont  d'un  intérêt  très  grand 
pour  l'histoire  du  christianisme  :  c'est  la  première  fois  qu'un 
homme,  armé  d'une  culture  hellénique  suflîsante,  expose  le 
christianisme  tel  qu'il  le  comprend  ;  c'est  même  le  premier 
exposé  du  christianisme,  car  toute  la  littérature  chrétienne 
antérieure  est  édifiante  ou  épistolaire.  De  là  le  succès  des 
écrits  de  Justin  dans  l'Eglise  chrétienne,  bien  qu'ils  fussent 
destinés  aux  païens  ;  aussi  bien  leur  action  sur  les  chré- 
tiens a  été  plus  considérable  que  leur  influence  sur  les  au- 
torités romaines.  Il  importe  de  noter  les  points  saillants  de 
la  pensée  de  Justin  ;  on  caractérise  ainsi  l'enseignement 
chrétien  dans  le  monde  gréco-romain  vers  le  milieu  du 
second  siècle  ;  cependant  il  ne  faut  pas  oublier  que  les  écrits 
de  Justin  sont  adressés  à  des  adversaires,  auxquels,  tout 
en  restant  sincère,  il  pouvait  ne  présenter  qu'un  côté  de  sa 
pensée.  L'argument  principal  que  Justin  invoque  en  faveur 
du  christianisme  est  celui  de  la  prophétie  :  puisque  les 
prédictions  de  l'Ancien  Testament  se  sont  réalisées  en  Jésus- 
Christ,  elles  sont  de  Dieu  ;  il  faut  les  croire  et  par  consé- 
quent accepter  l'enseignement  de  celui  qui  a  été  annoncé 
par  ces  prophéties.  Cela  est  d'autant  plus  évident  que  l'en- 
seignement du  Christ,  c'est  la  loi  nouvelle  et  universelle  : 
tout  homme  peut  et  doit  obéir  à  cette  loi  ;  il  n'y  a  pour 
cela  qu'à  suivre  la  raison  (ô  Xdyoç)  que  les  démons  tiennent 
asservie,  il  est  vrai,  mais  que  la  lumière  répandue  par 
Jésus-Christ  éclaire  et  affranchit.  La  raison  existe,  en  effet, 
à  l'état  de  semence  divine  (Xoyoç  aTUEpfxaxixd;)  dans  chaque 
humain  ;  Socrate,  par  exemple,  a  suivi  sa  raison  ;  aussi 
Justin  le  considère-t-il  comme  un  chrétien  avant  la  lettre. 
La  mort  du  Christ  avec  ses  effets  salutaires  ne  tient  par 
aucun  lien  organique  à  ces  principes  (V.,  en  particulier, 
Bial.^  ch.  XLiv).  Justin  conserve  ce  point  capital  de  la  tra- 
dition chrétienne  ainsi  que  la  plupart  des  autres  ;  mais,  dans 
le  courant  général  de  sa  pensée,  cela  ne  forme  que  des  îlots 
isolés;  ce  grand  courant  est  hellénique,  et  Justin  en  a 
conscience;  il  s'en  vante  (^ApoL,  I,  ch.  xx  ;  ApoL,  II, 
ch.  xin  et  passim).  Mais,  ici  surtout,  il  faut  se  rappeler 
qu'il  plaide  la  cause  du  christianisme  devant  des  philoso- 
phes. Il  ne  mangue  pas,  d'ailleurs,  de  relever  ce  qui  dis- 
tingue le  christianisme  :  c'est  que  la  raison  tout  entière 
(to  loyiY.ov  To  oXov,  ApoL,  II,  ch.  x)  a  résidé  en  Jésus  ; 
il  est  le  logos  personnifié  (i/?o/.,  I,  ch.  xiv,  fin).  On  voit 


que  le  mot  de  logos  sert  ainsi  de  moyen  terme  entre  la 
pensée  chrétienne  de  Justin  et  la  philosophie  alexandrine  ; 
le  sens  du  terme  devient  chatoyant  :  il  signifie  alternative- 
ment ou  simultanément  «  verbe  »  et  «  raison  ».  Pourtant 
le  logos  personnifié  est,  pour  Justin,  le  fils  unique,  engen- 
dré avant  la  création  et  pour  devenir  l'instrument  de  la  créa- 
tion, par  le  Dieu  de  l'univers  ;  c'est  une  sorte  de  «  second 
Dieu  »,  distinct  comme  personnalité,  subordonné,  mais  animé 
du  même  esprit  (Dial.,  ch.  lvi).  Avec  cela,  Justin,  qui  est 
loin  de  saisir  la  vraie  portée  de  l'Ancien  Testament  ni  de 
la  pensée  réelle  des  apôtres,  surtout  de  Paul,  conserve  Ves- 
chatologie  (V.  ce  mot,  t.  XVI,  p.  242)  chrétienne  primi- 
tive comme  un  élément  dramatique  et  qu'il  fait  souvent 
intervenir.  En  somme,  il  essaye  d'animer  d'un  principe  ra- 
tionnel la  tradition  historique  du  christianisme  primitif  ; 
en  réalité,  sans  le  savoir  et  sans  le  vouloir,  il  risque  de 
dénaturer  le  christianisme  et  de  le  réduire  à  une  morale 
générale.  Par  contre,  les  renseignements  que  Justin  four- 
nit sur  le  culte  et  l'organisation  des  chrétiens  (V.  surtout 
ApoL,  I,  ch.  Lïv  et  suiv.)  sont  inappréciables.  C'est  la  seule 
description  détaillée  et  faite  par  un  témoin  oculaire,  que 
possède  l'archéologie  chrétienne.  De  même,  Justin  parle  de 
livres  qu'il  nomme  les  «  mémoires  des  apôtres  »  et  dont  le 
contenu  ressemble  de  très  près  à  celui  des  évangiles  dits 
synoptiques.  Il  cite  encore  l'Apocalypse  de  Jean,  mais  il  ne 
mentionne  jamais  l'évangile  de  Jean,  ni  les  épîtres,  quoi 
qu'il  dénote  une  connaissance  de  ces  écrits  ;  d'où  l'on  tire 
la  conclusion  que  les  diverses  parties  du  Nouveau  Testa- 
ment ne  formaient  pas  encore  un  recueil  fermé  au  milieu 
du  n®  siècle.  F.-Herm.  Krûger. 

BiBL.  :  K.  Semisch,  Justin  der  Mœrtyrer;  Breslau,  1840. 

—  Ch.-E.  Freppel,  les  Apologistes  chrétiens  au  ii»  siècle; 
Paris,  1860.  —  B.  Aube,  De  l'Apologétique  chrétienne  au 
II"  siècle^  Saint  Justin  philosophe  et  martyr;  Paris,  1861. 

—  M.  von  Engeluardt,  Das  Christenthum  Justins  des 
Mœrtyrers  ;  Erlangen,  1878.  —  E.  Renan,  VEqlise  chré- 
tienne ;  Paris,  1879,  pp.  365-389  et  484-492.  —  A.  St^hlin', 
Justin  der  Mœrtyrer;  Leipzig,  1880.  —  H.-S.  Holland, 
St  Justinus  martyr^  dans  le  Dictionary  of  Christian  Bio- 
graphy  de  Smith  et  Wace  ;  Londres,  1882,  t.  II,  pp.  560- 
587.  —  A.  Harnack,  Lehrbuch  der  Dogmengeschichte  ; 
Fribourg,  1889,  2^  éd.,  t.  I,  pp.  413-464. 

JUSTIN,  historien  romain,  qui  vivait  probablement  du 
temps  des  Antonins.  Il  abrégea  la  grande  histoire  de 
Trogue  Pompée  (V.  ce  nom),  ou  plutôt  il  en  fit  des  ex- 
traits qui  eurent  grand  succès  au  moyen  âge.  Les  nom- 
breux manuscrits  que  nous  en  avons  sont  des  ix-xii®  siècles  ; 
rédition^rmc^;?s  est  de  1470  ;  ils  ont  été  souvent  publiés 
et  traduits. 

BiBL.  :  Editions  de  Johanneau  et  Dubner  ;  Paris,  1838, 
2  vol.  —  J.  Jeeps,  avec  commentaire  critique  ;  Leipzig, 
1859  ;  editio  minor,  1862.  ~  Traduction  franc,  de  J.  Pierrot 
et  E.  BoiTARD,  revue  par  Pessonneaux  ;  Paris,  1866.  — 
Cf.  Teuffel,  Hist.  de  la  littérature  romaine,  §258. 

JUSTIN  l^ï",  empereur  d'Orient,  né  en  452,  mort  le 
4®^  août  527.  Justin  était  originaire  d'Illyrie  et  de  race 
slave.  Venu  en  498  à  Constantinople  pour  chercher  for- 
tune, il  s'enrôla  dans  la  garde,  où  sa  haute  stature,  sa 
bravoure  et  son  esprit  pratique  le  firent  remarquer.  Il 
s'éleva  peu  à  peu  aux  dignités  de  tribun,  de  comte  des 
gardes  et  de  sénateur.  A  la  mort  d'Anastase  (518),  le 
premier  ministre  Amnatius  voulut  mettre  sur  le  trône  une 
de  ses  créatures,  Théodat.Le  comte  des  gardes,  Justin,  fut 
chargé  par  Amantius  de  favoriser  l'avènement  du  nouvel 
empereur  au  moyen  de  largesses  habilement  distribuées. 
Justin  en  profita  pour  se  créer  des  partisans  ;  la  garde  et 
le  peuple  le  proclamèrent  empereur  (40  juil.  548).  Aman- 
tius fut  mis  à  mort.  Le  règne  de  Justin  P^  fut  une  prépa- 
ration à  celui  de  Justinien,  associé  au  gouvernement  dès 
520,  adopté  en  527.  Dans  les  actes  du  règne  de  Justin,  il 
est  dès  lors  difficile  de  démêler  ce  qui  est  la  part  de  l'em- 
pereur et  la  part  de  Justinien.  D'autant  que  Justin,  plus 
brave  que  savant,  vieux  déjà,  s'occupa  toujours  peu  des 
affaires,  qu'il  abandonna  à  Proclus  d'abord,  à  Justinien 
ensuite.  A  l'intérieur,  Justin  eut  à  réprimer  les  excès  de  la 
faction  des  verts,  que  l'assassinat  du  Goth  Vitalien,  maître 
de  la  milice,  avait  provoqués.  Très  orthodoxe,  il  combat  les 


_  353  - 


LIVIJN  -  LIVIN6ST0NE 


nistère  et  rOpposition  en  Suède^  qui  fit  beaucoup  de 
bmit.  Ses  OÉuvres  complètes  ont  été  publiées  en  1850 
par  A.-J.  Arwidsson.  th.  Cart. 

LIVILLIEBS.  Gom.'  du  dép.  de  Seine-et-Ôise,  arr.  de 
Ponioise,  cant.  de  L'Isle-Adam  ;  201  hab. 

LIVSN  Menus,  peintre  hollandais,  né  à  Amsterdam  en 
1630,  mort  à  Florence  en  1691.  Il  eut  une  vie  agitée; 
venu  très  jeune  encore  en  Italie  avec  sa  famille,  il  la  suivit 
ensuite  à  Vienne  :  là  le  prince  Mathias  de  Toscane  s'inté- 
ressa à  lui  et  renvoya  à  Florence  étudier  dans  l'atelier  de 
Pietro  da  Cortona.  Livin  le  quitta  pour  s'enrôler  dans 
l'armée  du  duc  de  Savoie,  Charles-Emmanuel  II  ;  il  y  resta 
trois  ans,  puis  il  revint  à  Florence,  et  se  remit  à  la  pein- 
ture. Avec  l'aide  de  Stefano  délia  Bella,  il  peignit  la  cou- 
pole de  Santa  Maria  délia  Pace,  à  Florence.  Son  œuvre  la 
plus  connue  est  le  Sacrifice  d'Abraham  du  palais  Pitti. 

BiBL.  :  Bulletin  de  TAcadémie  royale  de  Belgique,  1856, 
art*  de  Fétis. 

LIVINEN  (V.  Levantine). 

LIVINGSTON.  Ville  maritime  du  Guatemala,  sur  le  golfe 
de  Honduras,  à  l'embouchure  du  rio  Dolce;  2,000  hab., 
Caraïbes  originaires  de  l'île  Saint-Vincent,  parlant  espa- 
gnol et  anglais,  bons  pêcheurs  et  pilotes.  Exportation  de 
café,  caoutchouc,  cornes,  sucre,  salsepareille,  bananes,  etc. 

LIVINGSTON  (V^rilliato),  littérateur  américain,  né  àAl- 
bany  en  tiov.  1723,  mort  à  Elizabethtôwn  le  25  juill.  1790. 
Arrière-petit-fils  du  théologien  écossais  John  Livingston 
(1603-72),  il  forma  la  première  collection  des  lois  colo- 
niales, se  distingua  comme  journaMste,  fut  gouverneur  du 
New  Jersey  de  1776  à  1790.  Il  a  écrit  de  nombreuses 
poésies. 

LIVINGSTON  (Ptobert),  homme  politique  américain,  né 
à  New  York  le  27  nov.  1746,  nlort  le  26  mars  1813. 
Né  d'une  famille  d'origine  écossaise  réftigiée  en  Amérique 
au  XVII®  siècle,  il  avait  dix  frères  et  sœurs.  Avocat,  il  fut 
membre  du  Congrès  de  Philadelphie  et  l'un  des  cinq 
membres  chargés  de  rédiger  la  déclaration  d'indépendance, 
devint  ministre  des  affaires  étrangères  en  1780,  puis 
chancelier  de  l'Etat  de  New  York,  En  1801,  Jefferson 
renvoya  à  Paris  oti  il  négocia  la  cession  de  la  Louisiane. 
Il  se  lia  à  Paris  avec  Fulton  ;  il  fit  beaucoup  pour  les  pro- 
grès de  l'agriculture  aux  Etats-Unis  où  il  fut  sénateur  fé- 
déral à  partir  de  1805.  Il  a  écrit  :  Examen  du  gouver- 
nement d'Angleterre  comparé  aux  institutions  des 
Etats-Unis,  traduit  en  français  avec  notes  de  Dupont  de 
Nemours,  Condorcet  et  Gallois  (Paris  et  Londres,  1789, 
in-8).  A.-M.B. 

LIVINGSTON  (Edward),  célèbre  juriste  américain,  né  à 
Clermont  (New  York)  le  23  mai  1764,  mort  à  Mogntomery 
le  23  mai  1836.  Avocat  à  New  York  (1785),  il  fut  élu 
au  congrès  de  1794,  devint  l'un  des  plus  ardents  parti- 
sans de  Jefferson,  fut  maire  de  New  York  (1801).  Il  s'éta- 
blit à  la  Nouvelle-Orléans,  rédigea  le  code  civil  de  la 
Louisiane  et  y  acquit  une  grande  réputation  d'avocat.  Il 
seconda  efficacement  Jackson  dans  la  défense  de  la  Loui- 
siane (1814-15),  rédigea  le  code  pénal  de  cet  Etat  et  le 
fit  précéder  d'un  magistral  exposé  de  principes.  Son  Sys- 
tem  of  pénal  law  for  ihe  State  of  lomsmwa  (Philadel- 
phie, 1833,  trad.  fr.  par  Davezac)  est  très  remarquable. 
Il  comprend  quatre  parties  :  délits  et  peines  ;  procédure  ; 
discipline  des  prisons  ;  preuves.  Livingston  fut  chargé  de 
rappliquer  au  district  fédéral  de  Columbia.  Elu  séiiateur 
des  Etats-Unis  (1829),  il  devint  secrétaire  d'Etat  pour 
les  affaires  étrangères  (1831),  puis  ministre  plénipoten- 
tiaire en  France  (1833)  où  il  négocia  l'indemnité  demandée 
par  les  citoyens  américains  qui  avaient  souffert  des  guerres 
de  la  Révolution  et  de  FEmpire..  A.-l.  B. 

BiBL.  :  MiGNET,  Notice  à  VAc.  des  Se.  mor..  le  30  juin 
1838. 

LIVINGSTON E  (David),  explorateur  anglais,  néàBlan- 
tyre,dans  le  Lanarkshire  (Ecosse),  le  19  mars  1813,  mort 
à  Tchitambo,  dans  l'Ilala  (Afrique  centrale),  le  1®""  mai  1873. 
Placé  dans  une  filature  de  coton  pour  se  préparer  au  com- 
merce, il  commença  seul  le  latin  et  put  enfin  faire  ses  études 

GRAÎÎDE  ENCYCLOPÉDIE.  *—  XXII. 


de  médecine  et  de  théologie  à  l'université  de  Glasgow,  Il 
entra  alors  dànslila  Société  des  missions  de  Londres  et,  en 
1840, ijl  partit  pjiiir  l'Afrique  australe.  Il  épousa  la  fille  d'un 
autre  n^issionnaii'e,  le  docteur  Moffat,  et  se  consacra  d'abord 
tout  ènitiei"  à  i'offuvfe  dés  missions.  Quelques  années  plus 
tard,  il  conçut  lé  projet  d'entreprendre  un  voyage  d'explo- 
ration. Il  se  mit  en  route  le  1^^  juin  1849  et  découvrit  le 
lac  Ngami.  En  avr.  1850,  il  tenta,  avec  sa  femme  et  ses 
enfants,  une  seconde  expédition  dans  les  naêmes  régions, 
mais  la  mouche  tsétsè  l'obligea  à  rebrousser  chemin,  En 
1851,  il  décoiivïîit  le  Zambèze.  Ce  fut  en  1852  qu'il  entre- 
prit son  quatrième  voyage  qui  fut  le  plus  fécond  en  résul- 
tats et  dura  quatre  années  ;  cette  fois,  il  traversa  l'Afrique, 
de  Saint-Paul  de  Loanda,  à  l'O.,  à  (iuilimane,  à  TE.  Les 
doux  sociétés  de  géographie  d0  Londres  et  de  Paris  lui  dé- 
cernèrent chacune  une  médaille  d'or.  Livingstone  retourna 
en  Afrique  en  1858,  et,  dans  un  nouveau  voyage,  il  recon- 
nut d'une  façon  plus  précisé  le  Zambèze  iiiférieur,  explora 
complètement  le  Chirô  et  retrouva  le  lac  Nyassa  ?iuquel  le 
Chiré  sert  de  déversoir.  Enfin,  en  1865,  Livingstone  se 
remettait  en  route,  se  proposant  d'achever  la  reconnais- 
sance du  Tanganyika  et  dé  porter  ses  explorations  aussi 
loin  que  possible  au  N.  et  à  l'O.  Arrivé  à  la  côte  orientale 
d'Afrique  ^n  mars  1866,  Livingstone  remonta  la  Rovouma 
et  passa  au  N.  du  lac  Nyassa.  En  mars  1867,  le  bruit  de 
sa  mort  se  répandit>  Pendant  ce  temps,  Livingstone  explo- 
rait la  partie  S,  du  Tanganyika  auquel  il  rattachait  l'ori- 
gine du  Nil,  et  il  atteignait  les  lacs  Bangouélo  et  Moéro. 
La  nouvelle  de  sa  mort  courut  encore,  mais  les  lettres  de 
son  coiopagnon,  le  docteur  Kirk,  en  1871,  apprirent  que 
Livingstone  venait  de  visitef  Oudjidji  et  Manyéma.  C'est  à 
ce  moment  |[ue  l'Américain  Stanley  s'était  mis  à  sa  recherche  ; 
il  le  rencontra  en  nov,  1871,  près  du  lac  Tanganyika. 
Après  le  départ  de  Stanley,  Livingstone  continua  ses  explo- 
rations vers  les  sources  du  Loualaba  et  dans  la  région  située 
au  S.-O.  du  Tapganyika.  Il  Se  dirigeait  vers  le  lac  Ban- 
gouélo,! quand  il  succomba  à  là  dysenterie,  non  loin  de  ^.e 
lac.  Après  le  retoiir  (Je  Stanley,  diverses  expéditions  avaient 
été  organisées  pour  porter  secours  à  Livingstone.  Deux 
furent  envoyées  par  la  Société  de  géographie  de  Londres, 
l'une  sous  la  conduite  de  Cameron  (V.  ce  nom),  l'autre 
commandée  par  lé  lieptenant  Grpdy  ;  cette  dernière  échoua. 
Livingstone  a  laissé  d'intéressantes  relations.  Sa  traversée 
du  continent  africain  est  racontée  sous  ce  titre  :  Missionary 
Travels  and,  Resec^rches  in  South  Africa  (Londres, 
1857,  in-8;  2^  éd.,  1875,  3  vol.  ;  traduit  en  français  par 
M^«  H.  Lor^àu,  Paris,  1858,  gr.  in-8;  2«  éd.,  1873, 
in-8).  Nous  avons  ensuite  de  lui:  Narrative  of  an  Expé- 
dition to  thà  Zambezi  and  Us  tributaries  and  of  the 
Dîscovery  of  ihe  Lakes  Schirwa  and  Nyassa  (Londres, 

1865,  in~8  ;  traduit  en  français  par  M.^^  Loreau,  Paris, 

1866,  gr.  in-8).  Enfin  le  dernier  journal  de  Livingstone  a 
été  recueiUi  et  publié  :  The  hast  Journals  of  David  Li- 
vingstone in  central  Africa,  from  1(865  to  his  death, 
published  byBorace  Waller  (Londres,  1874,  2vol.; 
traduit  en  français  par  M*^^  Loreau,  Paris,  1876,  2  vol. 
in-8).  Gustave  Regelsperger. 

BiBL.:  Stanley,  Ho^^  I  found  Livingstone  ;  Londres, 
1872.  —  Royal  Geographical  Society  Proceedings,  Obituary 
Notice  par  sirBartle  Frère,  1874,  vol.  XVIII.  —  Roberts, 
Life  and  exploration  of  David  Livingstone  ;  Londres, 
1874.  —  Vivien  de  Saint-Martin,  l'Année  géographique, 
année  1874,  Paris,  1875,  p.  66. -7  Petermanns  Mittheilun- 
qen.  1875,  art.  de  Behm.  ~  Jabez  Marrât,  David  Living- 
stone; Londres,  1877,  in~12.  — D'^W.  G.  Blaikie,  The  Per- 
sonal Life  of  Dapid  Livingstone;  Londres,  1880,  in-8.  — 
Samuel  Mocsman,  Livingstone;  Londres,  1882,  în-8»  -- 
H.~H.  JoHNSTON,  Livingstone,  and  the  exploration  of 
central  Africa,;  Londres,  1891,  in-8.  —  Thomas  Hugues, 
David  Livingstone;  Londres,  1891,  in-8. 

LIViNGSTON^  (Charles),  voyageur  anglais,  né  à  Blan- 
tyre,  dans  le  Lanarkshire  (Ecosse),  le  28  févr.  1821,  mort 
à  Lagosle  $8  oct.  1873,  frère  du  précédent.  Il  fut  employé 
dans  la  mémo  fil&ture  de  coton  que  son  frère  et,  comme 
lui,  consacra  ses  loisirs  à  Fétude.  En  1840,  il  se  rendit 
aux  Etats-Unis  et  quelques  années  après  il  avait  pris  ses 

23 


yviNG-STONE  --  HVÔNIE  -™-  â84 

grades  en  théologie.  Eu  avf.  4857,  il  èe  trotiva  en  Angle- 
terre avec  son  frère  qui  le  détermina,  non  sans  peine,  à 
se  joindre  à  son  expédition  au  Zambèze.  Il  aèbompagna  son 
frère  jusqu'en  1863.  Enoct.  1864,  il  fut  nommé  consul  à 
Fernando-Po.  Il  a  visité  le  pays  des  Obriaks,  tribu  sauvage 
et  cannibale.  G.  R. 

BiBL.  :  Proceedings  of  the  Royal  Geographical  Society. 

1874,  t.^XXXIIL 

L 1 V 1 N 0 STO  NIA,  Ancienne  statiM  de  missionnaires  an- 
glais^ sur  une  presqu'île,  au  S.  du  lac  Nyassa,  fondée  en 

1875,  abandonnée  à  cause  de  son  insalubrité  pour  Ban- 
daoué  (1883),  à  rO.  du  lac. 

BiBL.  :  YouNG,  Nyassa,';  Londres,  1877,  m-8,  av.  cartes. 

LÎÏINHAG-le-Hâut.  Com.  du  dép.  de  FAveyron,  arr, 
de  Villefranclie-de-Rouergue  5  cant.  de  Decazeville  ; 
1,140  hak 

LIVimÈRH  (La).  Com,  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  de 
Saint-Pons,  cant.  d'Olonzac;  1,0S28  hab. 

LiVISTOWÂ.  L Botanique,  ---^(LivistonaVi.  Br.).  Genre 
de  Palriiiers-Coryphinées,  ayant  jpour  caractères  :  plusieurs 
spathes  incomplètes  ;  fleurs  hermaphrodites,  presque  ses™ 
siles;  calice  trifide,  corolle  tripartite,  valvaire  ;  6  étamines 
à  filets  plus  ou  moins  unis  ;  ovaire  tricarpellé,  surmonté  de 
styles  filiformes  et  de  stigmates  bapités  plus  ou  moins 
adhérents;  ovules  solitaires  et  dressés  ;  fruit  bacciforme, 
ordinairement  formé  d'un  seul  carpelle  mûr  et  contenant 
une  seule  graine  à  albumen  corné  et  à  embryon  dorsal  ou 
sub-basïlaire  ;  tige  peu  élevée,  à  feuilles  terminales,  engai- 
nantes, flabellif ormes.  On  en  connaît  une  douzaine  d'es- 
pèces propres  à  l'Australie,  à  Flndb,  à  la  Cochinchine,  etc. 
Les  bourgeons  du  L,  inermis  R.  Br.  ou  Cabbage-palm^ 
de  F  Australie,  sont  comestibles,  et  l'on  se  sert  des  jeunes 
feuilles  pour  tresser  des  chapeaux.  D"^  L.  Hn. 

ÏL  Horticulture.  —  Les  Livistona  réclament  la  serre 
chaude  ou  la  serre  tempérée.  On  les  cultive  en  pots  ou  en 
caisses,  biens  drainés,  remplis  d'un  mélange  de  terre 
franche  et  de  terre  de  l)ruyère.  Ces  magnifiques  Palmiers 
viennent  en  pleine  terre,  à  Fair  libre,  en  Basse- Provence 
et  en  Algérie,  G.  B« 

LIVUY.  Yille  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du  gouv. 
d'Orel,  au  confluent  delaLivinka  et  de  la  Sosna;  25,000 
hab.  Grand  marché  agricole  (grains,  farine,  bétail, 
chanvre).  Fondée  en  1586,  elle  eut  une  grïinde  importance 
dans  les  luttes  contre  les  Tatares. 

LSVOl^  ou  LÉON.  Nom  de  plusieurs  rois  d'Arménie» 

LivoN  P^,  de  la  dynastie  des  Rhoupéniens,  petit-fils  de 
Rhoupen  ou  Rupin,  régna  de  1123  à  1135,  fut  Fennemi  de 
Bohémond  II  d'Antioche,  contre  lequel  il  appela  les  Turcs  ; 
Jean  Comnène  le  délivra  ;  il  mourut  prisonnier  à  Gonstan- 
tinople. 

LivoN  ïï,  9®  roi  de  la  dynastie  des  Rhoupénieiis,  régna  de 
1185  à  1219,  succédant  à  son  frère  Rhoupen  11;  il  favo- 
risa la  troisième  croisade,  s'empara  delà  personne  de  Bohé- 
mond d'Antioche  et  s'affranchit  de  la  suzeraineté  de  ce 
prince  qui  devint  son  vassal  ;  le  pape  et  l'empereur  lui  oc- 
troyèrent la  couronne  royale  (1198).  H  guerroya  contre 
Antioche  et  les  templiers. 

LivoN  ni,  13®  de  la  dynastie  des  Rhoupéniens,  régna  de 
1269  à  1289,  fils  et  successeur  d'Aitoun  (Otton),  il  com- 
battit les  Egyptiens  eî  fut  l'allié  des  Mongols.  Son  fils 
Aïtoun  II  lui  succéda. 

LïvoN  ï¥,  20®  de  la  dynastie  des  Rhoupéniens,  'régna 
de  1305  à  1308.  Il  succéda  à  son  père  Théodose  lîl,  sous 
la  régence  de  son  oncle  Aïtoun  et  fut  tué  par  les  Mongols, 
d'autres  disent  par  les  schism  a  tiques. 

LivoN  V,  dernier  de  la  dynastie  des  Rhoupéniens,  régna 
de  1320^  à  1342,  luttant  contre  les  musulmans  et  implo- 
rant Faide  du  pape  et  des  rois  occidentaux  (croisade  de 
1333). 

LivoN  TI  ouLioNNET,  dc  la  famille  des  Lusignan,  fut  le 
dernier  roi  d'Arménie  (1365-75).  Successeur  de  Constan- 
tin IV,  battu  en  1371,  il  fut  pris  par  les  musulmans  en 
1375,  relâché  en  1381  et  s'établit  près  de  la  cour  de 


France,  à  Saint-Ouen.  Il  négocia  la  paix  entre  Charles  fl 
et  Richard  II  (1385).  A.-M.  B. 

LIVPNEGÂ  (ZooL).  Genre  de  Crustacés  Isopodes,  peu 
difl'érents  des  Cymothoa  (Y.  ce  mot). 

LlïOf^lE.  déograpîii©  (lat.  Livonia,  ail.  Livlan^  ou 
Liefland).  —-Province  de  Russie,  Fune  des  trois  provinces 
baltiques^  comprise  entre  le  golfe  de  Riga  à  FO.,FEhsto- 
nie  au  N.,  les  gouvernements  de  Saint-Pétersbourg  (dont 
la  sépare  le  lac  Peïpous)  et  de  Pskov  à  FE.,  de  Vitebsk  au 
S.-E.,  la  Courlande  (dont  la  sépare  la  Duna)  au  S*  Elle  a 
une  superficie  de  47,028  kil.  q.  (dont  2,876  pour  les  îles 
d'OEsel,  Moon,  etc.);  une  population  de  1,260,653  hab. 
(en  1891)  soit  27  hab.  par  lui.  q.  C'est  une  vaste  plaîïie, 
qui  se  relève  un  peu  au  N.,  vers  le  plateau  d'Ehstonie  ;  elle 
y  atteint  120  m.  Cette  ligne  de  faîte  se  divise  vers  le  S. 
autour  du  lac  de  Wirzjserw  en  d^ux  lignes  de  collines  ; 
celle  de  FO.,  variant  de  80  à  134  m.,  s'étend  le  long  de 
FAa  et  jusqu'à  Lemsal  ;  celle  de  FE.  s'élève  à  plus  de 
200  m.  et  atteint  323  m.  au  Munna  Mœggi,  ^88  au  Wella 
Mseggi,  257  au  Teufelsborg  ;  elle  rejoint  près  du  lac  de  Ma- 
rienburg  (182  m.)  le  plateau  qui  sépare  l'Aa  de  FEv^st, 
oti  culminent  le  Nessaule-Kalns  (284  m.)  et  le  Gaising- 
Kalns  (302  m.).  Le  N.  de  la  Livpnie  et  les  îles  sont  de  for- 
mation silurienne;  le  reste  appartient  au  terrain dévonien, 
mais  par  endroits  les  érosions  oîlt  fait  reparaître  des  bandes 
de  silurien.  La  zone  orientale  est  recouverte  d'alluvions 
anciennes  (diluvium)  jusqu'à  Fsf.U.  de  120  m.  Le  silurien 
est  représenté  par  ses  assises  moyennes  et  supérieures  et 
constitué  par  de  la  dolomite,  des  calcaires,  des  grès.  On 
distingue  trois  couches  dévoniennes  ;  la  dernière  est  creu- 
sée de  nombreuses  grottes.  Des  blocs  erratiques  sont  dis- 
séminés partout,  jusque  sur  les  plus  hauts  sommets.  Le  sol 
est  peu  fertile,  généralement  argileux,  sablonneux  vers  les 
rivages.  La  région  des  coUines  est  parfois  pittoresque;  la 
région  maritime,  les  vallées  laoystres  et  fluviales  consti- 
tuent de  vastes  dépressions  mai'écageuses  couvertes  de  fo- 
rêts, de  tourbières.  •—•  On  compte  plus  de  1,000  lacs,  dont 
540  dans  le  seul  cercle  de  Wenden  (au  centre)  et  325  cours 
d'eau.  Les  plus  grands  sont  :  au  S.  la  Duna  grossie  de 
FEwst,  de  FOger,  du  Grand  et  du  Petit- Jegel;  VAa  qui 
draine  le  centre  de  la  province  ;  le  Swent,  le  Salis^  déver- 
soir du  lac  Burtnek,  la  Pernov  grossie  diï  Nawast,  du  Sil- 
lavalla,  du  Hallista  ;  F Emte/i,  tributaire  du  lac  Peïpous, 
auquel  elle  porte  les  eaux  du  lac  Wirzjserw;  ceux  que  nous 
avons  mis  en  italique  sont  navigables.  —La  côte,  longue  de 
300  kil.,  n'a  de  ports  qu'aux  embouchures  de  la  Pernov 
et  de  la  Duna  ;  des  deux  côtés  de  celle-ci  sont  des  lagunes  ; 
citons  à  FO.  les  lacs  Babit  et  langer.  —  Le  climat  est 
rude,  souvent  nébuleux,  les  vents  sont  très  variables  ;  la 
température  moyenne  annuelle,  est  de  +  4^  à  Dorpat, 
4-  6<>  à  Riga.  Les  forêts  couvrent  d'immenses  espaces,  no- 
tamment sur  le  rivage  et  dansia  vallée  de  l'Evrst,  Les 
conifères  dominent,  puis  les  aunes,  les  bouleaux,  les  chênes. 
Les  ours,  loups,  renards,  lièvres,  chiens  de  mer,  daims, 
abondent  ;  les  élans  et  les  lynx  sont  assez  rares  ;  le  gibier 
à  plumes,  terrestre  et  aquatique,  pullule. 

Au  point  de  vue  ethnographique  on  comptait  en  1882 
sur  1,000  hab.: 

Juifs.............     21 

Polonais 5 

Divers  (Tsiganes,  etc.)     10 

Cette  statistique  affirme  de  la  manière  la  plus  nette 
l'originalité  des  provinces  baltiques  ;  mais  leurs  populations 
de  race  finnoise  ou  lithuanienne  n'ont  pas  d'autonomie  et 
sont  disputées  depuis  des  siècles  entre  la  domination  ger- 
manique et  la  domination  russe.  Les  liî^^s,  dont  le  nom  est 
resté  au  pays,  étaient  un  peuple  finnois  qui  n'a  plus  de  re- 
présentants distincts  en  Livonie.  H  n'en  reste  que  2,400 
dispersés  en  12  villages  du  N.  de  la  Courlande  autour  du 
cap  Domesnaes.  Ils  vivent  de  pêche.  Eux-mêmes  se  nomment 
Randalist,  gens  du  rivage.  Ce  sont  des  hommes  de  haute 


Lettes. ........ 

Ehstes 

...  427 
. . .     412 

Allemands . . ,  = . 
Russes. ...... 

...      78 

...      47 

taille,  élancés,  à  cheveul  généralement  bruns,  yeux  gris  ou 
bruns,  tête  large.  Leur  ilaîigue  appartient  à  la  famille  ou- 
gro-finnoise  et  est  pareïite  de  Fehste.  Sjœgren  en  a  donné 
une  grammaire  (Saint-Mersbourg,  1861).  Les  coutlitties 
de  l'époque  païenne  subsistent  encore  ien  partie.  LeUt  an- 
thropologie a  été  étudiée  par  Waldhauer  (Dorpat,  1879), 
■—  Au  point  de  Yue  religieux,  la  Livonie  compte  816  ^/oo 
de  protestants,  134  gï^écs,  M  juifs,  10  catholique^  ro- 
mains, 16  arméniens  on  adhérents  de  diverses  sectes, 

Âti  point  de  Yue  de  la  géographie  économique,  les  champs 
labourés  occupent  18  1/2  **/o  de  la  superficie;  les  forêts 
214 1/2,  les  prés  et  pâturages  41 1/2,  les  terrains  incultes 
16  1/2  ^Iq,  Les  richesses  minérales  sont  médiocres:  de  l'ar- 
gile, du  plâtre,  de  la  chaox,  de  la.  tourbe,  du  fer,  une 
source  sulfureuse  (à  Kemmeru):  L'agriculture  produit  en 
moyenne  2,200,000  heéîoL  de  seigle,  2  millions  d'hectol. 
d'avoine,  1,600,000  hectoL  d'orge,  4  millions  d'hectoL  de 
pommes  de  terre.  La  Livonie  possède  160,000  chevaux, 
S00,000  bœufs,  220,000  porcs,  450,000  moutons.  La 
pêche  est  une  ressource  considérable,  pêche  maritime  et 
pèche  fluviale  ou  lacustre  ;  la  première  fournit  surtout  des 
sardines  {Clupea  sprottus)^  des  turbots  ;  la  seconde  l'able 
ou  Sniiky  (*Sa/m(?  eperlanus)^  très  goûte  des  Russes,  Féper- 
lan  (Eorjuchky)  é  le  làvaret  (Rœpuschky),  le  saumon.  — 
L'industrie  est  florissante  ;  on  compte  près  de  1800  fabriques 
avec  |)lus  de  20,000  otitriet's  et  une  production  de  plus  de 
100  aillions  de  fr.  Au  premier  rang  sont  la  distillerie, 
puis  la  brasserie,  la  scierie  de  bois,  la  fonte  du  fer,  l'hui- 
lerie, le  tissage  de  la  laine  et  de  la  toile,  la  papeterie,  etc. 
»—  Le  commerce  est  également  actif  surtout  k  Miga,  et  en 
seconde  ligne  à  Pernov,  Arensburg  (dans  Fîle  d'OEsel)  et 
Dorpat.  On  exporte  du  pétrole,  du  crin^  des  tourteaux,  des 
textiles,  de  la  graine  de  lin,  des  céréales,  &  bois,  etc.  ; 
on  importe  du  sel,  des  harengs,  delà  houille,  du  vin,  des 
denrées  coloniales^,  des  machines,  etc.  Le  cciimtïierce  avec 
l'intérieur  se  fait  par  la  Duna  et  par  le  chemin  de  fer  do 
Riga  à  Dunaboerg  qui  remonte  ce  fleuve  et  par  celui  de 
Riga  à  Dorpat  et  Pskov,  relié  aux  lignes  qui  aboutissent  à 
Saint-Pétersbourg.  Riga  est  un  grand  centre  financier.  Le 
centre  intellectuel  est  Dorpat  dont  l'université  est  considé- 
rable;  Riga  possède  utie  grande  école  polytechnique»  La 
Livonie  forme  un  gouvernement  dépendant  du  ministère  de 
l'intérieur  ;  elle  a^  une  cour  d'appel  déjpendani  du  Sénat  de 
Saint-Pétersbourg.  L'église  luthérienne  est  divisée  en  trois 
consistoires  (Livonie,  Riga,  OËsel).  Les  armoiHeSsont  for- 
mées d'un  griffon  ailé  sur  champ  rouge  tenant  nn  glaive 
nu  dans  sa  griffe  droite.  Au  point  de  vue  administratif,  le 
chef-lieu  est  Riga;  la  Livonie  se  divise  en  9  cercles:  Dor- 
pat,  Fellin,  OEsel,  Pernov,  Riga,  Walk,,  Wenden,  Werro, 
Wolniar. 

Histoire.  —  La  Livonie  a  conservé  le  nom  de  ses'pre- 
miers  occupants  de  race  finnoise,  les  Lives.  Dès  le  ix**  siè- 
cle, les  Lettes  envahirent  l'Ë.,  les  ;Scandihaveâ  prirenf; 
pied  sur  la  côte.  Au  xii^  siècle,  des  négociants  de  Brème 
jetés  par  un  naufrage  à  l'embouchure  de  la  Duna  (li59) 
nouèrent  des  relations  avec  les  indigènes,  remoïitèreïit  le 
fleuve;  en  1186  s'éleva  réglise  d'Ykestola,  bientôt  flan- 
quée d'un  château  ;  le  pape  nomma  le  moine  conslrudeur 
Meinhard  évêque  de  Livonie  (1188).  L'évêque  Albert 
(i  199-1229)  réussit  à  convertir  les  Lives  et  fonda  Riga 
(1201).  Les  croisades  amenaient  des  immigrants  allemands 
que  l'évêque  groupa  en  1202  dans  l'ordre  des  frère^  de 
la  chevalerie  du  Christ,  plus  tard  appelés  porte-glaîve  ; 
il  lui  céda  le  tiers  de  la  Livonie  (1207);  mais,  en  même 
temps,  l'ordre  se  faisait  investir  de  la  Livonie  par  l'em- 
pereur Philippe  de  Souabe  (1206),  la  rattachant  ainsi  au 
Saint-Empire.  En  1224,  après  de  sanglantes  guerres  contre 
les  indigènes  et  les  Danois,  les  porte-glaive  sont  maîtres 
de  rEhstonie.  En  1237,  ils  fusionnent  sivec  le  puissant  ordre 
teutonique  ;  on  se  contente  de  nommer  un  maître  projs^in- 
cial  pour  la  Livonie  :  le  premier  fut!  Hermann  Balk.  En 
d232,  l'ordre  avait  obtenu  i'immédiatbté.  Il  continuait  ses 
conquêtes  aux  dépens  des  Coures,  des  Lithuaniens,  des 


355  -^  LIVONIE  -  LIVOU|HE 

Russes  ;  en  i  545  il  est  maître  de  la  Courlande  et  du  tiers 
d0  la  SémigaHe  que  Frédéric  II  lui  donne  en  fief,  attri- 
buant fe  reste  à  l'évêque  de  liiga;  il  avait  aussi  octroyé 
la  Lithuanie  aux  chevaliers,  mais  ils  ne  purent  s'en  em- 
parer; au  contraire,  ils  furent  menacés  par  les  Lithuaniens 
quand  vint  la  décadence  de  l'ordre  teutonique.  La  Ré- 
forme introduite  à  Riga  dès  1523  fut  combattue  parie 
grand  maître  Walter  de  Plettenberg  (1494-11)35).  Cepen- 
dant la  diète  de  Wolmar  accorda  la  liberté  du  culte  pro- 
testant (1554).  Yers  cette  époque,  le  tsar  Jean  lï  Vasilié- 
vitch  infligea  à  l'ordre  des  défaites  décisives  ;  la  Pologne 
'  et  la  Suède  intervinrent  à  la  demande  de  l'évêque  de  Riga. 
En  ^  561 ,  Gotthard  Ke^teler,  le  dernier  grand  maître,  n'avait 
plus  qm  la  Courlande  !  et  la  Sémigafle  qu'il  sécularisa  à 
titre  '  de  duc  vassal  de  i  la  Pologne.  L'Ehstonie  devint  sué- 
doise, la  Livonie  llolôniaise,  mais  celle-ci  fut  disputée  entre 
la  Suède,  la  Russfe  et  la  Pologne,  La  paix  d'Oliva  (1660) 
la  donna  à  la  J)re|iièi*e  ;'  ce  fut  une  époque  de  prospérité  ; 
avec  l'Eglise  prot^fetaote  furent  organisées  des  écoles,  une 
justice  et  tine  adjmihlstration  régulières.  En  1694,  la 
vieille  constitutioî^l  locale  fut  abolie.  Mais  la  Suède  ne  put 
garder  que  la  LivOMe»  La  Russie,  qui  voulait  des  débouchés 
sur  la  Baltique,  la  feoncjuit  ;  la  paix  de  Nystadt  la  lui  assura. 
Cependant  Fautoètlmie;  provinciale  fut  garantie,  spéciale- 
ment i  celle  de  FE|;li!|e  luthérienne.  Jusqu'à  l'époque  contem- 
poraine elle  subsisila;  tnais,  sous  l'influence  des  idées  pan- 
slavistes  et  du  zèle  ifeli^ietix,  ces  privilèges  ont  été  entamés, 
d'alitant  qu'ifs  e^stàifent  au  profit  d'une  faible  minorité 
d'Allemands,  È»  1819,  Me  servage  fut  aboli  ;  en  1849, 
la  coriditiori  des  plysahs  fut  améliorée.  En  1835,  la  loi 
russe  fut  iîîtrodàilè  et 'la  langue  russe  déclarée  oflîcielle  à 
côté  de  Fallerèandi  En  1845-48  on  persuada  à  140,000 
paysans  de  paSSer  à  FÉglise  grecque,  et  on  voulut  les  em- 
pêcher d'en  ressortir.  iCèpendant,  en  1856,  Alexandre  II 
confirma  les  privilèges  dé  la  npblesse.  La  slavisation  fut 
reprise  à  la  fin  de  If  on  règne  et  sous  celui  d'Alexandre  III. 
Il  poursuivit  la  fifision  complète  des  provinces  baltiques 
avec  les  autres,  ^'appuyant  contre  l'aristocratie  allemande 
sur  la  population  Ibtte  et  ehste.  Le  sénateur  Manassein  fit 
de  grands  efforts  flans  ee  sens  (1884),  On  nomma  des 
fonctionnaires  russes,  imposant  le  russe  comme  seule 
langue  ofîicielle  jusque  dans  les  communes  et  dans  toutes 
les  écoles.  Enfin  en  reprit  là  politique  de  conversion  en 
masse,  bannissant  les  pasteurs  luthériens  qui  acceptaient 
les  convertis  reveiius  à  leur  ancienne  foi;  les  biens  de 
FEgliSe  luthérienne  furent  placés  sous  la  main  du  gouver* 
nement.  Lés  résistées  des  nobles  et  du  clergé  allemand 
n'ont  pas  arrêté  cejite  transformation,  A. -M.  R, 

BiBL.  :  AnnV'ài^&J  statisiique  die  la  Livonie  (en  russe,  à 
Dorpat  depuis  1836).  r-  |CofïL,  Die  deutsch-russischen 
OsteeepraOTïik;(în  r!!Dregde,  t84l-42,  g  vol.  —  Kienitz, 
2^  BûGhet  dev  QeécH,  Litildinds  ;  Dorpat,  1847-49,2  vol. 
—  Liv.-'Usth,-^  unâ  Kiiflmidïnches  Urkundenbuch  ;  Riga, 
1852-84,  B  Yqt  —  "^J^ïil^dKfeLiWANN,  Bibliothea  Livoniœ  his- 
toria;  Bbrlili^  1879;  2^  ted»  —  V,  aussi  les  publications  de 
VEstlwndis0hè  Liti^n  Gresellschaft  de  Reval  et  du  Bureau 
statistique  de  Rjig^. 

LIV'OMNI^I^E  (f.  PkauHT^DE  LiVOMlÊRE). 

LlVOymiE  (iMl  Ltvorrio).  I.  Ville.  —  Port  de  Tos- 
cane  (Italie  centrale),  sur  la  mer  Tyrrhénienne,  à  75  kil, 
O.-S.r-Oi  de  Floreïice;  104,000  hab.  Ville  artificielle  et 
relativement  moder|ie,  elle  n'avait  que  749  hab,  en  1551* 
Elle  a  été  cénstrdté  sur  desVterrkins  marécageux  où  l'on  a 
créé  des  ilot$  desséchés  au  milieu  des  lagunes,  .ce  qui  explique 
le  nom  de  «'^otit^  f  enise  »  dui  Idi  a  été  quelquefois  donné* 
Son  port  est,  de  lïi^me,  créé  de  main  d'homme.  Le  vieux 
port,  abrité  par  nnf  jetée  dirigée  Vers  le  N.-E,,  était  parfai- 
tement abrite,  daisil  était  de vehuinsufîisaht.  On  a  creusé  en 
avant  un  nouveau  pcirt  d'une  profondeur  de^  8^50  à  9"^50  qui 
peut  donner  accès  ailx  plus  gros  navires,  avec  un  brise-lames 
de  forme  circulairdi  La!  ppî^lilation  de  Lîvourne  est  d'ori- 
gine cosmo|)olitéi:  des  juifs  espagnols  et  portugais  et  des 
maures  fchaésés  delà  péninéul^ 'ibérique^  des  cathoMques 
anglais  perëécutêS,  ides  nég<i;ciatiis  de  Marseille  fuyant  les 
guerres  religieuses  y  sont  ivôflus  chercher  un  inviolable 


LIVODRNÈ  -  LIVRE 

asile.  Livourne  est  donc  bien,  comme  l'a  dit  Montesquieu, 
«  le  chef-d'œuvre  de  la  dynastie  des  Médicis  ».  Elle  a  dé- 
trôné Pise  ;  elle  est  l'entrepôt  naturel  de  la  Toscane  et  de 
l'Arno.  Un  chemin  de  fer  et  un  canai  relient  à  Pise  le  port 
de  Livourne  qui  était,  jusqu'à  ces  dernières  années,  le 
second  port  de  l'Italie  occidentale  après  Gènes.  Naples  oc- 
cupe maintenant  la  seconde  place  et  Livourne  la  troisième 
seulement.  Le  mouvement  de  son  port  (arrivées  et  départs 
réunis)  a  été  pour  l'année  1893  de  4,467  navires  à  voiles, 
jaugeant  232,442  tonnes  ;  de  3,332  vapeurs  jaugeant 
3,044,589  tonnes.  Le  commerce  avec  Tétranger  tend  à 
augmenter.  Il  est  très  actif  avec  Marseille,  avec  les  ports 
anglais  de  Gardiff  et  de  Newcastle,  d'oti  arrivent  les  houilles 
consommées  en  Italie,  et  avec  les  Etats-Unis.  Les  princi- 
paux articles  d'importation,  outre  le  charbon,  sont:  le  fôr 
et  les  métaux,  le  sucre,  les  grains  et  farines,  les  peaux,  les 
tissus  de  coton  et  de  laine  :  on  exporte  surtout  les  huiles, 
les  chapeaux  et  les  tresses  de  paille,  le  chanvre  et  les  tis-t 
sus  de  chanvre,  l'acide  borique,  le  marbre,  Falbâtrè,  le 
corail.  Livourne  est  ch.-l.  de  prov.,  siège  d'un  évêché, 
possède  une  académie  navale  ouverte  en  1881,  une  chambre 
de  commerce  datant  de  1801,  une  bibliothèque  de  plus  de 
40,000  volumes,  une  synagogue,  la  plus  importante  de 
toute  l'Italie,  un  phare  et  la  Torre  del  Marzocco),  qui  sert 
de  signal  aux  navires.  Au  large  de  son  port  est  la  tour  de 
laMeloria,  qui  rappelle  la  terrible  bataille  navale  gagnée 
par  les  Pisans  sur  les  Génois  (1241).  Le  nom  de  Livourne 
est  mentionné  pour  la  première  fois  en  807  ;  c'est  au 
xiv^  siècle  que  les  Pisans  cherchèrent  à  y  attirer  la  popu- 
lation. Le  port  fut  créé  par  Ferdinand!®^  de  Médicis  (1887- 
1609).  En  1691,  Livourne  fut  déclarée  ville  libre  et  neutre 
et  le  resta  jusqu'à  la  création  du  royaume  d'Italie.  Elle  est 
entourée  d'un  mur  d'enceinte  qui  date  de  1835^ 

IL  Province.  ■—  La  prov.  de  Livourne  comprend  deux 
circondari  qui  ont  pour  capitale  Livourne  et  Portoferraïo 
de  l'île  d'Elbe,  Elle  comprend  une  superficie  de  344  Ml.  q. 
et  une  population  très  condensée,  calculée  au  31  déc.  1893, 
de  125,202  hab.,  soit  364  hab.  au  Idl.  q.      H.  Vast. 

LIVRADOIS  (Monts  du)  (V.  Forez). 

LIVRAISON.  L  Librairie.  <—  On  appelle  ainsi  les  dif- 
férents numéros  d'une  publication  périodique,  ou  les  divi- 
sions d'un  ouvrage  mis  en  vente  par  portions  séparées. 
L'idée  de  fragmenter  un  même  ouvrage  et  d'en  offrir  au 
public  les  parties  une  à  une  et  successivement,  pour  aug- 
menter la  vente  en  facilitant  l'achat,  date  des  premiers  temps 
de  l'imprimerie.  Dès  le  xv*^  siècle,  des  œuvres  de  l'antiquité 
classique  furent  publiées  de  cette  façon.  Aujourd'hui  les 
grands  travaux  de  science  ou  d'érudition,  les  encyclopédies, 
les  dictionnaires,  les  atlas,  les  longues  descriptions  artis- 
tiques ou  topographiques,  se  présentent,  le  plus  souvent, 
sous  la  forme  de  livraisons.  Les  romans  qui  ont  eu  de  la 
popularité,  ou  ceux  que  l'éditeur  veut  rendre  populaires  à 
force  de  bon  marché,  sont  mis  en  vente  par  livraisons  ornées 
de  gravures  sur  bois,  à  10  ou  15  cent,  dont  la  première 
est  généralement  distribuée  gratis  à  titre  de  réclame  et  de 
spécimen.  — -  Pour  les  livres  de  science,  d'art  ou  d'érudi- 
tion ,  les  mots  fascicule ,  et  partie  sont  souvent  pris 
comme  synonymes  de  livraison»  B.-H.  G. 

II.  Bourse.  —  Lorsqu'il  s'agit  d'opérations  au  comp- 
tant, sur  des  valeurs  au  porteur  ou  transmissibles  par 
endossement,  la  livraison  par  l'agent  vendeur  doit  être 
faite  au  plus  tard  avant  la  cinquième  bourse  qui  Suit  celle 
de  la  négociation  ;  à  son  tour  l'agent  acheteur  doit  les  tenir 
à  la  disposition  du  donneur  d'ordre  le  jour  de  la  huitième^ 
bourse.  Pour  les  valeurs  transmissibles  par  voie  de  trans- 
fert, les  noms,  prénoms  ou  acceptation  doivent  êfre  dépo- 
sés à  l'agent  vendeur  avant  la  cinquième  bourse,  le  dépôt 
pour  transfert  opéré  au  plus  tard  le  surlendemain,  et  les 
titres  livrés  le  lendemain  de  la  consommation  du  trans- 
fert ;  les  délais  sont  prorogés  de  huit  jours  pour  les  actions 
des  compagnies  d'assurance.  Pour  les  opérations  à  terme, 
la  remise  des  titres  se  fait  entre  agents  par  l'entremise  de 
la  chambre  syndicale,  le  dernier  jour  de  la  liquidation  ; 


356  - 

le  lendemain,  les  agents  remettent  à  leur  tour  les  titres  aux 
donneurs  d'ordre.  Si  les  titres  sont  nominatifs,  la  livraison 
a  lieu  à  la  quatrième  bourse  qui  suit  la  clôture  de  la  liqui- 
dation (V.  Opérations  de  bourse).  G.  François,  i 

LIVRE.  Historique.  —  Origines.  —  L'histoire  du 
livre  est  celle  de  la  marche  même  de  la  civilisation.  Dès 
qu'on  fut  parvenu  à  concevoir  Fidée  de  fixer  l'expression 
de  la  pensée  au  moyen  d'une  écriture  (V.  ce  mot),  on  se 
trouva  en  mesure  de  le  produire;  mais  cette  incubation 
fut  longue,  et  on  ne  saurait  déterminer  même  approxi- 
mativement l'époque  de  la  naissance  du  livre  véritable. 
Sans  aller  jusqu'à  la  définition  moderne,  envisageant  le  livre 
conime  un  «  assemblage  de  plusieurs  feuilles  de  papier,  de 
vélin,  etc.,  manuscrits  ou  imprimés,  formant  un  volume  », 
on  ne  peut  désigner,  en  effet,  sous  ce  vocable  que  la  repro- 
duction d'un  texte,  d'un  ensemble  d'idées  en  un  mot,  des*- 
tiné  à  la  divulgation  sous  une  forme  portative.  L'écriture, 
comme  moyen  de  la  propagation  de  la  pensée,  dut  d'abord 
logiquement  recevoir  deux  applications  distinctes:  dans 
l'ordre  public,  elle  fut  employée  à  la  fixation  des  textes  des 
lois  ou  des  préceptes  religieux  ;  dans  l'ordre  privé,  qui 
n'apparut  qu'en  second  lieu,  à  la  rédaction  des  actes,  dés 
messages  et  autres  besoins  analogues  de  la  vie  journalière. 
Les  textes  d'intérêt  public,  social,  furent  d'abord  portés  à 
la  connaissance  générale  par  voie  d'inscriptions  (V.  Epi- 
graphie),  et,  afin  d'en  assurer  la  durée,  on  les  exprimait  au 
moyen  de  h  gravure  (V.  ce  mot),  sur  des  matières  dures, 
pierres  et  métaux  surtout.  Les  Assyriens  et  les  Babyloniens 
employaient  à  cet  effet  la  terre  cuite  et  émaillée,  sous 
forme  de  plaques  ou  de  cylindres.  Les  Grecs  et  les  Etrusques 
se  servaient  aussi  parfois  de  la  même  matière.  Plus  porta- 
tives, les  tablettes  de  bois  étaient,  dès  la  plus  haute  anti- 
quité, en  usage  chez  les  Egyptiens,  les  Hébreux  et  les  divers 
peuples  de  l'Occident,  notamment  pour  des  besoins  privés. 
Ce  sont  surtout  les  Romains  qui  en  propagèrent  l'emploi. 
Ces  tablettes  de  bois,  et  parfois  même  d'ivoire,  étaient  cou- 
vertes d'un  enduit  mou,  généralement  de  cire,  et  on  y 
écrivait,  ou  plutôt  on  y  gravait  en  creux,  au  moyen  d'une 
pointe  dure,  d'un  stylet  (V.  ce  mot),  non  seulement  des 
lettres,  des  comptes,  des  notes,  etc.,  mais  aussi  des  mi- 
nutes des  contrats,  des  testaments  et  autres  documents 
semblables.  On  les  disposait  en  diptyque  ou  en  polyptyque, 
de  sorte  que  leur  réunion  avait  déjà  la  forme  du  livre,  sans 
en  avoir  encore  le  caractère.  Notons  que  les  Chinois  écri- 
vaient au  pinceau  sur  des  tablettes  de  bois. 

On  se  servit  également  pour  les  mêmes  usages  de  feuilles 
de  palmier,  d'olivier,  etc.,  et  aussi  de  l'écorce  des  divers 
arbres,  et  la  signification  de  «  livre  »  donnée  au  mot  latin 
liber  (pellicule  entre  l'arbre  et  l'écorce)  vient  de  cet  usage 
d'une  antiquité  reculée.  La  pratique  engendra  d'autres  idées. 
Les  Egyptiens,  qui  écrivaient  aussi  sur  de  la  toile,  inven- 
tèrent enfin,  il  y  a  de  cela  plus  de  trente-cinq  siècles,  «  le 
papier  d'Egypte  »,  le  papyrus  (V.  ce  mot),  dont  l'emploi 
devint  général,  bien  longtemps  avant  l'ère  actuelle.  Paral- 
lèlement et  depuis  un  temps  immémorial,  on  écrivait  dans 
les  pays  méditerranéens  sur  des  peaux  d'animaux  préparées 
à  cet  effet.  Lorsque  les  rois  d'Egypte  s'avisèrent  de  défendre 
l'exportation  du  papyrus,  ceux  de  Pergame,  leurs  rivaux 
intellectuels,  durent  recourir  exclusivement  à  la  matière 
première  animale  pour  constituer  leur  bibliothèque  qu'ils 
voulaient  former  à  l'imitation  de  celle  des  Ptolémées  (iv®- 
iii®  siècles  av.  J.-C).  La  manière  de  préparer  ces  peaux, 
de  chèvre  ou  de  mouton,  ayant  été  perfectionnée  à  Pergame, 
cette  substance  reçut  le  nom  de  cette  ville  et  fut  appelée 
par  les  Romains  charta  Pergamena,  d'où  le  nom  français 
parchemin.  La  peau  de  veau  a  fourni  le  vélin  (V.  ces 
mots).  L'emploi  du  papyrus  se  prolongea  en  France  jusjju'au 
IX®  siècle,  et  à  la  cour  papale  jusqu'au  milieu  du  xi®  siècle. 

De  même  que  la  disette  du  papyrus  amena  l'usage  fré- 
quent du  parchemin,  la  rareté  de  plus  en  plus  grande  de 
celui-ci  conduisît  à  la  généralisation  de  l'emploi  du  papier 
(V.  ce  mot),  d'origine  orientale,  connu  en  Europe  dès  le 
XI®  siècle.  Pierre  le  Vénérable,  abbé  de  Cluny,  qui  florissait 


357 


LIVRE 


vers  1120,  nous  renseigne  en  ces  termes  sur  le  sujet  qui 
nous  occupe  :  «  Les  livres  que  nous  lisons  tous  les  jours 
sont  faits  de  peaux  de  bélier,  ou  de  bouc,  ou  de  veau,  ou  de 
plantes  orientales,  enfin  de  chiiFons  de  drap,  de  linge.  » 

Le  livre  véritable  ne  naquit  qu'avec  l'invention  du  pa- 
pyrus. Il  se  présenta  cous  deux  formes  :  d'abord  sous  celle 
du  rouleau,  écrit  d'un  seul  côté,  et  appelé  volumen  par 
les  Latins  (du  yerhevolvere^  rouler)  ;  puis  sous  celle  d'un 
recueil  de  feuillets,  rectangulaires,  réunis  ensemble,  et 
surnommé  codex.,  dont  la  signification  première  est  «  tronc 
d'arbre,  souche  »,  ce  qui  rappelle  l'origine  végétale  de  la 
matière  employée.  Tout  indique  que  cette  forme  de  livre 
a  été  suggérée  par  l'aspect  des  tablettes  de  bois  ou  d'ivoire. 
Au  temps  de  Cicéron  et  de  Catulle,  les  codices  étaient 
exclusivement  réservés  aux  livres  des  comptes  et  d'adminis- 
tration, et  leur  emploi  pour  des  ouvrages;  littéraires  n'était 
pas  encore  très  répandu  à  l'époque  de  Martial.  L'intro- 
duction du  mot  liber  est  plus  tardive.  Au  n®  siècle,  il  dé- 
signait un  volumen^  et  ce  n'est  qu'au  iv®  qu'il  fut  égale- 
ment appliqué  au  codex^  forme  défiïiitive  du  livre,  le 
rouleau  ayant  fini  par  n'être  employé  que  pour  les  actes 
publics  ou  judiciaires. 

Industrie  du  livre.  — '  Le  livre  manuscrit.  Nous  ren- 
voyons au  mot  Manuscrit  pour  l'histoire  des  différentes 
étapes  du  livre  écrit  à  la  main  et  les  détails  de  sa  confec- 
tion, nous  bornant  à.  quelques  indications  générales.  Les 
volumes  avaient  les  dimensions  les  plus  variées.  D'habitude, 
les  poésies  et  les  lettres  se  publiaient  en  petits  volumes, 
les  ouvrages  historiques  ou  scientifiques,  en  grand  format. 
Les  pages  étaient  souvent  divisées  en  deux  ou  même  en 
trois  colonnes';  elles  n'étaient  point  numérotées  à  l'origine  ; 
en  tout  cas,  on  n'a  pas  trouvé  à  citer  d'exemple  de  la  pa- 
gination chez  les  anciens.  Au  moyen  âge,  on  numérotait 
les  feuillets,  et  non  les  pages.  Pour  aider  le  relieur  dans 
Fasseftiblage  des  cahiers  d'un  livre,  on  inscrivait  au  bas 
de  chaque  cahier  un  ou  plusieurs  mots  par  lesquels  com- 
mençait le  suivant;  c'est  ce  qu'on  appelle  les  réclames. 
Les  ouvrages  étaient  dépourvus  d'un  titre  spécial,  et  rare- 
ment ils  portaient  l'indication  du  lieu  oU  de  la  date  de  leur 
exécution.  En  raison  de  la  cherté  du  parchemin^  le  texte 
en  était  généralement  criblé  d'abréviatibns,  saufdans  les 
livres  de  :  luxe.  Le  papier  ne  commença  à  être  employé, 
concurremment  avec  le  parchemin  ou  le  yélin,  qu'à  partir  du 
XIII®  siècle.  Les  caractères  de  l'écriture  ont  varié  considé- 
rablement selon  les  temps  et  les  pays.  Les  volumes  étaient 
plus  ou  moins  enjolivés  ou  décorés,  en  raison  de  leur  na- 
ture ou  de  leur  destination.  En  tout  cî^s,  ils  étaient  tou- 
jours fort  chers.  C'est  le  monde  religieux  qui  fut  le  pre- 
mier fabricateur  de  livres  ;  les  laïques  :n'y  ont  guère  pris 
part  avant  le  xiii*^  siècle.  Pour  constituer  un  manuscrit,  il 
fallut  le  concours  des  industriels  suivants  :  le  parchemi- 
nier  ou  le  fabricant  de  papier,  le  scribe,  souvent  le  rubri- 
cateur  ou  l'enlumineur,  enfin  le  lieeur,  de  livres  ou  bro- 
cheur. Le  livre  une  fois  terminé  passait  entre  les  mains  du 
libraire,  qui  en  opérait  la  vente,  et  enverra  plus  loin  de 
combien  de  précautions,  d'entraves  même,  était  entouré 
l'exercice  de  ce  commerce,  surtout  en  France,  et  cela  pen- 
dant une  longue  série  de  siècles. 

Le  livre  imprimé.  Une  nouvelle  civilisation  déterminée 
par  la  renaissance  des  lettres  apparaît  au  xv®  siècle.  Il  lui 
faut  un  moyen  d'expansion  nouveau  et  rapide,  et  juste  à 
point  surgit  l'invention  de  Pimprimerie  que  tous  les  con- 
temporains ne  peuvent  s'empêcher  de  qualifier  de  divine. 
L'histoire  de  ses  origines  et  de  ses  destinées  immédiates  a 
été  esquissée  ailleurs  (V.  Imprimerie).  Si,  comme  on  Ta 
dit,  elle  sépare  le  monde  ancien  du  monde  moderne,  par 
une  poussée  extraordinaire  qu'elle  imprima  au  progrès, 
elle  unit  aussi  ces  deux  mondes,  en  faisant  mieux  connaître 
au  second  la  vie  intellectuelle  du  premier.  Ce  que  l'ordre 
des  bénédictins  avait  fait  pour  la  civilisation  du  moyen 
âge,  les  imprimeurs  le  continuèrent  depiiis  la  Renaissance. 
L'imprimerie,  c.-à-d.  la  reproduction  mécanique  d'un 
texte  à  un  grand  nombre  d'exemplaires  i|dentiques,  débuta 


par  l'impres$ion  tabellîfire,  au  moyen  des  planches  entières 
gravées  en  relief  sur  )bois.  C'est  ce  qu'on  appelle  la  xylo- 
graphie (V,  ce  mot).  (|e  procédé,  qui  appartient  plutôt  au 
domaine  de  la  gravure!  ne  produisait  que  des  livres  im- 
primés d'un  seul  côté  d'un  feuillet.  De  cette  idée  primor- 
diale découla  Pimprin^lerie  proprement  dite,  ayant  pour 
principe  Isi  niobilisatioil  des  caractères. 

Le  premier  objectif  «Je  la  xylographie  et  de  la  typogra- 
phie a  été  l'imitation  d'u  livre  manuscrit,  au  point  de  don- 
ner le  change  à  Pacqupréur.  On  en  copia  successivement 
les  différents!  caractères,  et  on  fit  passer  dans  les  types 
mobiles  les  slbréviatîonfe  usitées  par  les  scribes.  En  raison 
de  la  résistance  opposée  par  ceux-ci  et  par  les  enlumi- 
neurs à  l'invasion  de  part  nouveau,  et  aussi  de  l'opinion 
ameutée  du  public,  en(|hn  à  y  voir  un  acte  de  sorcellerie, 
cette  préocciipation  de  If  aire  passer  uja  livre  imprimé  pour 
un  manuscrit  persiste^  pendant  quelque  temps,  avec  un 
caractère  évident  de  supercherie,  même  après  la  procla- 
mation officielle  de  la  ijiouvelle  invention.  Cette  proclama- 
tion eut  lieu  en  iêM,  dans  la  so^iscription  finale  du 
Psautier  latin,  imprifl[|é  à  Mayence  par  Fust  et  Schoiffer, 
qui  déclarent  que  ce  l|vre  (codex)  fut  exécuté  «sans  le 
secours  de  la  plume,  par,  uû  procédé  ingénieux,  au  moyen  des 
caractères  et  de  l'inipréssîon  »  (adinveàtione  artificiosa 
imprimendi  ac  catkcierizandl  \  absque  calami  ulla 
exaratione  sic  efftgiatus.,,).  Elle  ;a  été  renouvelée,  sous 
une  autre  forme,  dans  la  souscription  âuCatholicon^de 
1460,  dont  l'exécution  ^st  attribuée  à  Gutenberg  lui-même  : 
«...  ce  Mvre  (liber)  a  été  imprimé,  et  e?:éculé,  non  point 
à  l'aide  du  roseau,  dq  stylet  ou  de  là  plume,  mais  par 
l'accord  merveilleux  dans  lés  rapports  et  le  module  des 
lettres  au  moyen  de  poifiçons  et  de  matrices  »  (non  calami, 
stili  aut  penne  suffrù^gio,  sed  mira  patronarum  for- 
marumque  concordiez  ptoporcione  et  modulo^  impres- 
sus  atque  confecius  4^. 

La  diffusion  de  Part  nouveau  fut  rapide,  grâce  surtout 
aux  troubles  survenus  k  Mayence  en  1462  et  1463,  à  la 
suite  desquels  les  nonjbréux  initiés  avèrent  se  réfugier 
dans  les  villes  les  plus  importantes  de  l'Europe.  Bamberg 
fut  la  seconde  cité  où  l'imprimerie  ava^t  été  établie  avant 
cet  événement  mémorable.  Elle  pénétra  ensuite  immédiate- 
ment en  Italie,  d'abord  à  l'abbaye  bénédictine  de  Subiaco 
(1465),  puis  à  Rome  (1467),  qiii  cependant  fut  devancée 
par  Strasbourg  (v.  1465)  et  Cologn0  (1465-66).  Viennent 
après  :  Eltvil  (1467),  Âugsbourg  et  le  souvent  de  Marien- 
thal  (1468),  Nuremberg  (y.  1469),  JBeromunster,  en 
Suisse  (1470);  et  en  ïtalie  :  Venise  et  Foligno  (1469), 
Plaisance  (1470).  La  France  ne  l'introduisit  qu'à  cette 
dernière  date  à  Paris,  et  seulement  eh  147|3  à  Lyon.  Cette 
même  année  elle  s'introïiisa  à  AloSt  et  à  Utrecht,  dans 
les  Pays-Bas,  et  à  Bud^,  en  Hongrie.  Et  dans  l'intervalle, 
rien  qu'en  1471,  elle  prit  ipied  dans  six  nouvelles  villes  de 
l'Italie  :  Milan,  Bôlognd,  Pavie,  F'errare,  Florence,  Naples, 
ainsi  qu'à  Spire  en  Allbmagn0,  On  ne  la  vit  s'établir  en 
Espagne  qu'en,  1474,  à  Valence,  et  siinultanément  dans  la 
capitale  de  la  Pologrie,  à  Çracovie,  ainsi  qu'à  Louvain  et 
à  Bruges.  L'Angleterre  ne  l'a  cotmueqh'enl475,  à  W^est- 
minster,  en  même  temps  que  Saragosse  et  Séville.  La  typo- 
graphie rayonnait  depr<?cheen  pï|ochej  et,  avant  l'an  1500, 
plus  de  cent  villes  en  Europe,  4ont  (ju&rante  en  France,  la 
pratiquaient  déjà.  Ses  destinées  et  ses  fjrogrès  ont  varié  plus 
ou  moins  selon  les  paya  oh  elle  fat  implantée* 

En  ce  qui  conéerne  les  tj|pes  employés,  ce  furent  les 
caractères  anguleux  dits  gothiques,  eh  usage  alors  en  Alle- 
magne, qui  servirent  de  premfer^  modèles,  et  qui  persis- 
tèrent longtemps  dans;  les  difféi^enteà  contrées  avec  plus 
ou  moins  de  variations.  Le  caractère  rond,  dit  romain, 
usité  en  Italie  dès  le  xiv®  siècle,  y  fdt  a,dopté  dans  Pim- 
primerie  dès  le  début,  d'abord  avec  une  certaine  teinte  de 
gothicisme,  à  Subiaco  et  à  Rome  par  S^eynheim  et  Pan- 
nartz,  puis  avec  pureté  par  Jean  de  Spire  à  Venise.  Il  fut 
amené  à  la  perfection  par  Nicolas  Jénson,  établi  dans 
cette  dernière  ville.  Sa  vogue  fut  grande,  mais  il  mit  du 


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temps  à  supplanter  coiïiplètèment  le  gothique,  même  dans 
Textrême  Occident.  Cependant  les  premières  productions  dé 
l'imprimerie  parisienne  sont  en  caractères  romains,  mais 
d'une  forme  un  peu  germanique. 

Les  réclafnes  et  les  chiffres  de  la  pagination  passèrent 
des  manuscrits  dans  les  imprimés.  Le  premier  livre  où 
Ton  rencontre  des  réclamés  est  le  Tacite  imprimé  à  Venise 
par  Vindelin  de  Spire,  probablement  en  4470.  A  ces 
points  de  repère  destinés  à  guider  le  brocheur,  on  a  subs- 
titué ensuite  les  signatures ,  placées  au  bas  d'un  ou  de 
plusieurs  feuillets  de  chaque  cahier,  et  le  premier  livre 
ainsi  fait  est  le  Preceptorium  divinœ  legis^  de  J.  Ny~ 
der  (Cologne,  Jean  Koelhoff,  14721).  Un  autre  imprimeur 
de  Cologne,  Arnold  Ther  Hoernen,  passe  pour  avoir  le 
premier  pagiîié  les  feuillets  en  Chiffres  arabes,  en  1470. 
Fendant  longtemps,  à  l'exemple  des  manuscrits,  les  vo- 
lumes sont  dépourvus  d'un  titre  spécial  ;  ils  commencent 
directement  par  le  texte  de  l'ouvrage.  Loïi^sque  le  lieu 
d'impression  et  le  nom  du  typographe  soni  indiqués,  ce 
qui  n'est  point  général  au  xv®  siècle,  cette  mention  fait 
l'objet  d*une  souscription  finale,  appelée  holophon  en  bi- 
bliographie. Très  souvent  cette  mention  est  accompagnée 
de  la  marque  (V.  ce  mot)  de  l'imprimeup.  Le  premier 
livre  avec  un  titre  complet,  à  la  moderne,  esth  Cdl^n- 
dario  àe  Jean  de  Monteregio,  imprimé  en  1476,  à  Venise 
(V.  art.  Bibliographie).  Deux  formats  furent  d'abord  en 
usage  :  l'in-folio^  divisé  jgénéralemeht  en  deux  colonnes,  et 
l'in-quarto.  L'in-octavo  hé  vint  que  beaucoup  plus  tard. 

Ce  qui  est  vraiment  merveilleux,  et  unique  dans  l'espèce, 
c'est  que  l'imprimerie  atteignit  dit  premier  cdup  à  une  haute 
perfection.  Les  matièreâ  premières  qu'elle  employait  (le 
parchemin,  le  papier,  l'encre)  étaient  d'une  qualité  excel- 
lente, le  tirage  était  parfait,  la  disposition  typographique 
était  harmonieuse,  les  marges  avaient  une  belle  largeur,  en 
un  mot  l'œil  était  satisfaif;.  Il  n'y  a  guère  que  la  régularité, 
la  beauté  et  la  lisibilité  des  caractères  qui  laissaient  sou- 
vent à  désirer,  mais  ils  allaient  en  ^e  perfectionnant. 

On  estime  à  13,000  lé  nombre  d'ouvrages  ou  d'éditions 
publiées  au  xv®  siècle,  sur  lesquels  î^s  ouvragés  de  reli- 
gion et  (le  scola^ticjtie  fcjrWent  les  6/7,  et  les  productions 
de  littérature  ahcienhe  et  moderne  et  de  sciences  seulement 
1/7.  Le  premier  livi^-e  en:  français  esf  le  Recueil  des  his- 
toires deTroyés^  par  Raoul  Lé  Fèvrfe,  imprimé  à  Cologne 
par  UlribhZell,  en  146^  ou  1467,  par  ordre  du  dUc  de 
Bourgogne .  Colard  Mansion ,  imprimeur  à  Bruges ,  en 
édita  une  Série  iiepùis  4476.  fin,  Finance,  le  plus  ancien 
livre  connu  en  langue  nationale  fut  imprimé  à  Lyon,  par 
Barthélémy  Buyek",  égalejment  en  1476  (la  légende  dQrée) 
tandis  que  Paris  ne  produisit  ses  êrdndés  Chroniques 
de  France,  exécutées  par  Pasqtiieïf  Bonhomme,  que  neuf 
mois  plus  tard  (16  janv.  4476  [147i?,  noiiv.  style]). 

Bien  que  Paris  se  lai^t  dêvànceî'  par  douze  villes  pour 
l'introduction  dé  Fihiprîmerie,  il  lés!  distança  rapidement 
toutes  par  le  nombre,  là  qualité  et  Fihtérêt  de  ses  produc- 
tions. Dès  le  début,  il  se  mit  à  propager  les  œuvres  de  la 
littérature  nationale,  poésies  où  romàps  de  chevalerie,  et 
durant  tout  le  xi«  siècM,  d  bien  au  delà ^  il  brilla  dans 
le  domaine  du  livre  illustré  (V.  plus  loin). 

Pendant  ce  temps,  l'ItaHei  là  te)Cre  classique,  sans  né- 
gliger les  œuvres  de  sk  propre  li;ttoture,  ne  cessa  de 
livrer  au  public  celles  dès  Rpmàlnsj  et  la  plupart  des  au- 
teurs latins  de  l'antiquité  qn'oh  cërihaissàit  alors  furent 
publiés  avant  la  fin  du  siècle.  Ces  éditions  laissaieiit,  il 
est  vrai,  beaucoup  à  désirer  au!  point;  de  vue  de  la  correc- 
tion des  textes,  car  on  n'était  pas  éi^dore  arrivé  à  là  pér- 
riode  de  l'érudition  et  de  critique  philblôgï(![ue. 
'  Le  XVI®  siècle  est  la  plàs  belle  ép^ue  de  la  typogra- 
phie avant  le  nôtre.  Ce  ne  sont  pMs;  seulement  d'habiles 
praticiens  qui  exercent  alors  cet  art  y  mais  des  lettrés  et 
des  savants  dé  marque.  Le  livré  est  soigné  avec  passion, 
tant  au  point  de  rm  intrinsèque  que  piatérieL 

L'homme  qui  îrendit  à  cet  é^arddés  services  inappré- 
ciables, surtout  comme  initiateur  dii  progrès,  fut  Aide 


Manuce  (V.  ce  nom),  le  plus  grand  imprimeur  qtie  l'Italie 
ait  enfanté,  et,  en  même  temps,  un  htiimaniste  èminent. 
L'un  des  plus  ardents  promoteurs  des  études  grecqiïes,  il 
voua  son  existence  à  leur  vulgarisation.  Avant  son  entrée 
en  scène  (1494)  à  Venise,  on  n'avait  publié  qu'une  dizaine 
de  Hvres  grecs^  tous  en  Italie.  Le  premier  fut  la  Gram-^ 
maire  de  Lascaris,  imprimée  à  Milan,  en  1476,  par  Para- 
visini,  avec  les  caractères  gravés  et  fondus  sous  la  direction 
de  Démétrius  de  Crète.  Venise  prit  ratig  en  1485,  Flo- 
rence et  Vicence  en  1488.  Aide  Manuce ^donna  à  ce  cou- 
rant initial  une  poussée  formidable,  et  l'helléniste  allait 
chez  lui  de  pair  avec  le  typographe.  Il  créa  de  nouveaux 
types  grecs,  veilla  à  la  correction  des  textes  et  apporta 
aussi  tous  ses  soins  à  la  condition  matérielle  des  vo- 
lumes. Il  ne  négligea  pas  non  plus  la  littérature  latinej^et^ 
pour  en  faciliter  la  diffusion,  il  adopta  le  format  petit  in- 
octavo  qu'on  n'avait  employé  avant  lui  que  pour  des  livres 
de^  messe.  Cette  innovation  fut  d'abord  appliquée  à  son 
édition  de  Virgile  de  1501,  où  apparut  aussi  pour  la  pre- 
mière fois  le  caractère  italique,  dit  aussi  aldin,  du  nom 
de  son  inventeur,  qui  en  avait  emprunté  le  modèle  à  la 
belle  écriture  de  Pétrarque.  L'œuvre  d'Aide  fut  continuée 
avec  zèle  d'abord  par  son  beau-père,  André  d'Asola,  puis 
par  son  fils,  Paul  Manuce. 

L'hellénisme  typographique  fut  lent  à  se  propager;  De 
l'ItaHe,  il  pénétra  d'abord  en  Allemagne,  à  Erfurt  (1501), 
puis  à  Wittenberg  (1511),  à  Strasbourg  (1512),  à  Leip- 
zig (1515),  à  Cologne  (1517).  Thierry  Martens  d'Alost 
l'introduisit  à  Louvain  en  1513,  et  dès  l'année  suivante, 
on  le  vit  s'installer  en  Espagne,  à  Alcalà.  L'illustre  im- 
primeur bâiois  Froben  s'y  voua  depuis  1516,  avec  la  col- 
laboration d'Erasme,  En  France,  Gilles  de  Gourmont,  de 
Paris,  fut  le  premier  à  imprimer  des  livres  en  grec  à  par- 
tir de  1507.  Sur  ces  traces  marchèrent  ensuite  Pierre 
Vidoue,  Wechel,  Vascosan,  Tiletan,  Néobar,  Guillaume 
Morel,  tous  excellents  imprimeurs,  enfin  les  Estienne 
(V.  ce  nom).  Dans  la  dynastie  de  ces  derniers,  c'est  à 
Robert  qu'on  est  le  plus  redevable  sous  ce  rapport.  Emule 
d'Aide,  il  imprima,  depuis  1544,  de  fort  beaux  livres 
avec  les  admirables  caractères  grecs  gravés  par  Garamond 
d'après  l'écriture  du  célèbre  càlligraphe  Ange  Vergèce, 
par  ordre  même  de  François  ï®^.  Les  ouvrages  latins  et 
français,  sortis  de  ses  presses,  ne  sont  pas  moins  remar- 
quables, et,  à  tout  prendre,  c'est  peut-être  à  lui  qu'il  fau- 
drait décerner  le  titre  du  plus  grand  typographe  du  monde. 
Avant  ou  à  cété  de  Robert  Estienne,  il  ne  manquait  pas 
en  France  d'hommes  habiles  dans  cet  art,  en  dehors  des 
imprimeurs  pour  le  grec  cités  plus  haut.  Il  suffira  de  men- 
tionner, pour  Paris  :  Josse  Bade,  Galiiot  du  Pré,  Geoffroy 
Tory,  Simon  de  Colines,  Gilles  Corrozet,  Adrien  Turnèbe  ; 
et,  pour  Lyon,  Etienne  Dolet,  Jean  de  Tournes,  Guillaume 
Moville,  les  Gryphe.  Sous  le  règne  de  -François  I®^,  pro- 
tecteur éclairé  des  lettres  et  des  arts,  la  Ubrairie  et  l'im- 
primerie prirent  un  développement  immense.  La  forme 
agréable  des  types,  la  qualité  du  papier  et  de  l'encre,  le 
goût  dans  l'arrangement  typographique,  l'élégance  et  la 
richesse  des  ornements  accessoires,  assurèrent  aux  édi- 
tions de  Paris  une  supériorité  incontestable  sur  celles  des 
autres  villes. 

L'ascendant  du  goût  français  régna  dorénavant  sur 
l'étranger.  C'est  le  Tourangeau  Christophe  Plantin{\,  ce 
nom)  qui  l'implanta  dans  les  Flandres,  en  créant,  en 
1555,  à  Anvers,  une  imprimerie  et  une  librairie  qui,  vers 
la  fin  du  siècle,  fut  la  plus  importante  du  monde,  et  lorsque 
au  siècle  suivant  cette  prééminence  passa  à  la  Hollande, 
grâce  aux  Elzevier  (V.  ce  nom),  c'est  encore  parce  que 
ces  grands  négociants  en  livres  se  servaient  des  caractères 
gravés  et  fondus  en  France,  puis  imités  des  types  français, 
et  aussi  de  nos  papiers  d'Angoulême.  Les  Elzevier  n'ont 
rien  apporté  de  nouveau  à  Fart  typographique,  mais  l'un 
d'eux,  Abraham,  fit  une  véritable  révolution  en  librairie 
en  introduisant  le  format  in-douze,  si  agréable  et  si  com- 
mode,  et  aussi  en  offrant  les  livres  à  bon  marché. 


-  361  - 


JUTE 


elles  sont  encore  repoussées  par  leurs  coreligionnaires  et 
n'ont  plus  aujourd'hui  d'autres  ressources  que  de  tisser  de 
la  toile  de  jute.  Ce  sont  elles  qui  fabriquent  les  toiles  dites 
baggins,  sackings,  hessians,  destinées  à  l'emballage  de 
la  houille  et  des  denrées  coloniales  ;  les  gunnybags,  qui 
servent  à  renfermer  le  sucre  et  le  riz  d'exportation,  et  ces 
tissus  à  bordures  rouges  et  noires  qui  servent  à  faire  des 
habits  à  la  population  pauvre  du  pays  et  que  l'on  appelle 
tat^  megila,  choote^  etc.  11  est  facile  de  remarquer  les 
maisons  où  l'on  tisse  le  jute,  car  une  poignée  delà  matière 
brute  est  suspendue  au  toit  de  chaume  de  chacune  d'elles. 
Si  nous  ajoutons  à  ceci  que,  dans  les  moments  perdus,  les 
bateliers,  les  laboureurs,  les  porteurs  de  palanquins,  les 
domestiques  imitent  l'exemple  des  veuves  hindoues  et  s'ins- 
tallent au  métier  à  tisser,  on  comprendra  facilement  com- 
ment, au  Bengale,  on  trouve  des  sacs  de  jute  à  des  prix 
excessivement  bas  et  pourquoi  on  en  expédie  dans  le  monde 
entier  :  à  poids  égal,  il  y  a  une  différence  des  plus  minimes 
entre  le  prix  de  la  matière  première  et  celui  des  sacs. 

C'est  à  la  Compagnie  anglaise  des  Indes  occidentales  que 
l'on  doit  la  découverte  du  jute.  Les  qualités  de  cette  fibre 
et  les  avantages  qu'on  en  retirait  ne  furent  signalés,  en 
effet,  qu'en  1792  par  le  docteur  Roxburg,  envoyé  par  la 
Compagnie  à  Calcutta  afin  de  connaître  quels  étaient  les 
filaments  utilisables  qu'il  était  possible  de  monopoliser  pour 
l'Angleterre.  Roxburg  cultiva  le  jute  dans  le  jardin  bota- 
nique de  Sibpur,  fit  de  nombreux  essais  sur  la  fibre  qu'il 
retira  de  ses  plantes  et  consigna  dans  un  rapport  le  résumé 
de  ses  expériences.  Les  filaments  qu'il  envoya  en  Europe, 
et  qui  étaient,  alors  comme  aujourd'hui,  connus  dans  l'Inde 
sous  le  nom  de  pat  ou  koshta,  furent  alors  désignés  en 
Angleterre  sous  le  nom  de  jute,  corruption  vraisemblable 
du  moi  jhont  ou  jhot,  sous  lequel  la  plante  était  connue 
par  les  jardiniers  du  jardin  d'essai,  originaires  d'Orissa. 
De  1791  à  1796,  la  Compagnie  employa  tous  les  moyens 
pour  faire  connaître  le  jute  en  Europe  ;  elle  ne  réussit  qu'à 
en  faire  expédier  sur  le  continent  une  certaine  quantité 
sous  diverses  formes.  En  1796,  elle  cessa  ses  frais  et  les 
exportations  cessèrent  jusqu'en  1800.  En  1803,  le  docteur 
Buchanan  fut  envoyé  à  Calcutta  pour  prendre  la  direction 
d'une  ferme  et  faire  des  essais  pour  la  propagation  de  la 
culture  du  chanvre.  Il  ne  se  borna  pas  à  l'essai  d'un  seul 
textile,  et  il  cultiva  différentes  sortes  de  jute,  qu'il  arriva 
à  faire  apprécier.  La  Compagnie  des  Indes  reprit  alors 
l'exportation  du  jute  d'une  manière  intermittente,  faisant 
en  même  temps  filer  ce  textile  à  façon  dans  les  manufac- 
tures anglaises.  L'importation  du  jute  en  Europe  reçut  une 
impulsion  considérable  à  deux  époques  différentes  :  en 
1855,  à  l'époque  de  la  guerre  de  Crimée,  et  en  1863  au 
moment  de  la  guerre  américaine  de  sécession.  En  1866-67, 
il  sortait  de  l'Inde  anglaise  93,804,810  kilogr.  de  jute  et 
en  1872-73,  il  en  sortait  370,040,139  kilogr.  Actuelle- 
ment, la  quantité  moyenne  de  jute  récolté  chaque  année 
est  évaluée  à  500  millions  de  kilogr.,  soit  la  moitié  du 
poids  du  coton  produit  sur  toute  la  surface  de  la  terre.  A 
Calcutta,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  le  jute  est  le  plus 
souvent  acheté  aux  cultivateurs  par  des  courtiers  qui,  de 
leur  côté,  livrent  directement  aux  spéculateurs  qui  font 
l'exportation.  A  l'arrivée  dans  les  magasins  de  ces  der- 
niers, le  jute  est  classé  en  sortes  distinctes,  puis  les  balles 
sont  marquées,  suivant  les  maisons,  de  signes  différents 
qui  servent  à  en  désigner  la  qualité.  Quelle  que  soit  la 
provenance  du  jute,  on  en  fait  ordinairement  trois  catégo- 
ries différentes  :  une  première,  qui  comprend  les  jutes  dont 
les  filaments  sont  d'un  beau  blanc  perle,  longs  et  résis- 
tants ;  une  seconde,  formée  de  ceux  dont  la  teinte  est  plus 
fauve  et  qui  sont  moins  forts  et  mal  nettoyés  du  pied  ; 
enfin,  une  troisième  composée  des  jutes  dont  la  couleur 
est  presque  brune  et  qui  sont  en  même  temps  courts  et 
faibles.  Les  importations  du  jute  en  France,  qui  n'étaient 
que  de  27  millions  de  kilogr.  en  1876,  s'élèvent,  en  1892, 
à  45  millions  de  kilogr.  En  Angleterre,  le  commerce  du 
jute  se  pratique  par  Tintermédiaire  de  courtiers  qui  ven- 


dent pour  leur  propre  compte  ou  pour  le  compte  des  mai- 
sons de  Calcutta.  Dans  la  Grande-Bretagne,  c'est  surtout 
Dundee  qui  absorbe  le  jute  ;  en  France,  c'est  Dunkerque. 
Filature  de  jute.  —  Le  jute,  avant  d'être  travaillé,  doit 
être  graissé  d'une  manièie  toute  spéciale  afin  d'acquérir  une 
certaine  souplesse.  Pour  cela,  on  forme,  avec  les  fibres,  des 
litières  de  3  à  4  m.  q.,  par  couches  de  8  à  10  centim.  et  on 
arrose  le  tout  d'un  liquide  lubrifiant,  au  moyen  d'un  arro- 
soir. La  quantité  de  ce  liquide  varie  de  25  à  30  ^j^  du  poids 
du  jute,  mais  elle  est  plus  forte  en  été  qu'en  hiver,  à  cause 
de  l'évaporation.  La  composition  du  lubrifiant  n'est  pas  par- 
tout la  même  :  quelques  filateurs  emploient  de  l'huile  de 
phoque,  de  baleine  ou  de  veau  marin,  et  y  ajoutent  de  l'eau 
de  savon  ou  de  la  potasse  chauffée  à  50°  ;  d'autres  font  usage 
d'une  mixture  d'huiles  lourdes,  tenant  en  dissolution  de  la 
résine  ou  de  la  gomme,  avec  une  émulsion  alcaline  à  base  de 
soude,  de  potasse  ou  d'ammoniaque.  Deux  méthodes  sont 
alors  en  usage  :  ou  bien  le  jute  est  peigné  après  avoir  été 
coupé  et  passe  ensuite  par  les  métiers  ordinaires  de  la  fila- 
ture de  lin  ;  ou  bien  il  est  directement  cardé.  Nous  allons 
examiner  rapidement  ces  deux  méthodes.  Si  l'on  veut  obte- 
nir du  cardé,  le  jute  est  présenté  à  une  machine  appelée 
teazer  ou  à  une  autre  dite  shellbreaker,  vulgairement  dé- 
signées l'une  et  l'autre  sous  le  nom  de  loup  ou  tibre,  qui 
réduit  la  matière  en  étoupes  ou   en  filaments  de  20  à 
30  centim.  de  longueur.  Le  teazer  consiste  en  un  tambour 
de  bois  de  1  m.  de  diamètre  sur  0,60  de  largeur,  entouré 
de  fortes  aiguilles  longues  de  4  à  5  centim.  et  tournant 
avec  une  vitesse  de  1,200  à  1,500  révolutions  à  la  minute. 
Au-dessus  de  ce  tambour  sont  agencées,  à  de  courtes  dis- 
tances les  unes  des  autres,  trois  paires  de  rouleaux  munis 
d'aiguilles,  comportant  chacune  un  débourreur  et  un  tra- 
vailleur. Le  jute  est  amené  à  l'aide  de  toiles  sans  fin, 
entre  deux  paires  de  cylindres  cannelés,  qui  le  font  avancer 
peu  à  peu,  tout  en  le  retenant  de  façon  à  le  laisser  arracher 
petit  à  petit  dans  toute  sa  longueur  par  les  dents  du  tam- 
bour. Il  est  alors  réduit  en  tronçons  de  quelques  centimètres, 
passe  successivement  parles  trois  paires  de  rouleaux  et  fina- 
lement est  enlevé  sur  le  derrière  du  métier  par  un  doffer 
qui  le  transmet  à  des  rouleaux  cannelés,  d'où  il  est  reçu 
sur  des  toiles  sans  fin.  Dans  le  shellbreaker,  il  n'y  a  que 
deux  paires  de  rouleaux  travailleurs  et  débourreurs,  situés, 
contrairement  à  la  machine   précédente,    au-dessous  du 
tambour.  Les  cylindres  cannelés  de  l'entrée  sont  supprimés 
et  remplacés  par  un  rouleau  muni  de  dents  de  cardes.  Le 
jute  est  arraché  en  menus  morceaux  par  le  tambour  et  les 
rouleaux,  et  lorsqu'il  revient  au  sommet  du  tambour,  il  en 
est  enlevé  par  un  doffer  qui  le  transmet  à  deux  paires  de 
rouleaux  cannelés,  séparés  par  une  table  en  fonte  polie, 
qui  le  débitent  sous  forme  de  ruban  dans  un  pot.  Après 
avoir  été  réduit  en  morceaux,  par  l'une  ou  l'autre  de  ces 
deux  machines,  le  jute  passe  par  la  carde  à  jute  assez  sem- 
blable à  la  carde  employée  pour  l'étoupe.  Dans  cette  carde, 
le  jute  subit  un  véritable  étirage,  tandis  que  l'une  ou  l'autre 
des  machines  précédentes  n'a  servi  qu'à  le  briser  en  mor- 
ceaux et  à  l'assouplir,  remplissant  un  rôle  à  peu  près  ana- 
logue à  celui  de  la  brisure  pour  étoupes.  Le  jute  passe  en- 
suite successivement  par  les  étirages,  le  banc  à  broches  et 
le  métier  à  filer,  machines  qui  sont  identiquement  les 
mêmes  que  celles  employées  pour  le  lin,  mais  construites 
d'une  façon  plus  forte  et  plus  solide,  puisqu'elles  doivent 
travailler  une  matière  plus   élastique  et  préalablement 
mouillée.  Les  bancs  d'étirage  n'y  réunissent  jamais  que 
deux  et  parfois  quatre  rubans,  les  barrettes  y  sont  souvent 
remplacées  par  des  hérissons.  Le  fil  de  jute  cardé  est  plus 
cotonneux,  plus  pelucheux,  que  le  fil  de  jute  peigné,  et  la 
valeur  en  est  moindre. 

Pour  obtenir  le  jute  peigné,  il  faut  couper  ou  casser  le 
jute  graissé  par  longueurs  de  60  à  80  centim.  au  moyen 
d'une  machine  à  couper.  Ces  cordons  sont  portés  à  la  pei- 
gneuse  à  lin,  qui  les  rend  sous  forme  de  longs  brins  et 
d'étoupes.  Les  étoupes  sont  cardées  et  filées,  comme  lejute 
cardé,  mais  les  brins  peignés  sont  par allélisés  et  échelonnés 


JUTE  —  JUVE[GNERIE 


362 


sur  la  table  à  étaler,  ensuite  sur  les  étirages,  puis  ras- 
semblés et  laminés  sur  le  banc  à  broches  et  finalement 
tordus  sur  le  métier  à  filer,  toutes  machines  identiques  à 
celles  qui  servent  pour  le  lin.  Le  fil,  dans  ces  conditions, 
possède  plus  de  force  que  le  cardé.  Quelquefois,  avant  de 
couper  le  jute  à  une  longueur  déterminée,  on  le  fait  passer 
par  une  sorte  de  machine  à  assouplir  dite  softener^  dont 
on  connaît  plusieurs  types.  Dans  les  unes,  le  jute  étalé  sur 
une  toile  sans  fin,  passe  entre  deux  séries  de  dix  rouleaux 
cannelés,  superposés  parallèlement;  la  machine  comprend 
donc  quarante  rouleaux  ;  le  jute  passe  d'abord  entre  la 
première  et  la  seconde  rangée  de  rouleaux,  revient  ensuite 
entre  la  seconde  et  la  troisième  et  finalement  passe  entre 
la  troisième  et  la  quatrième  pour  sortir  sur  le  derrière  du 
métier.  Dans  les  autres,  la  série  n'est  que  de  cinqrouleaux, 
mais  ceux-ci  sont  placés  sur  un  demi-cercle  en  fonte,  les 
uns  à  la  suite  des  autres  et  munis  chacun  d'une  forte  vis 
de  pression  ;  le  jute  est  établi  sur  une  toile  sans  fin  sur  le 
devant  et  sort  entraîné  sur  une  autre  toile  sans  fin  derrière 
le  métier.  Les  mélanges  du  jute  et  d'un  autre  textile,  lin 
ou  chanvre,  se  font  à  l'étaleuse  ou  aux  étirages,  mais 
l'étalage  à  l'étaleuse  donne  les  meilleurs  résultats.  Le 
système  préférable  est  alors,  non  pas  d'étaler  successive- 
ment des  poignées  différentes  des  textiles  mélangés,  mais 
de  réserver,  sur  la  table  de  la  machine,  un  coin  pour  le  fin 
ou  le  chanvre  et  un  coin  pour  le  jute  ;  les  deux  rubans  se 
doublant  près  du  pot,  se  mélangent  plus  intimement. 

Nous  venons  de  voir  qu'on  est  obhgé,  pour  filer  le  jute, 
de  l'ensimer  à  l'aide  d'huile  de  poisson,  ce  qui  commu- 
nique dans  la  suite  à  ces  fils  une  odeur  désagréable  et  per- 
sistante. Ses  tissus  ne  peuvent  donc  servir  à  aucun  usage 
de  corps.  En  outre,  le  jute  ne  peut  fournir  que  de  gros 
numéros  en  filature  et,  tout  en  donnant  un  fil  peu  solide 
par  lui-même,  peut  à  peine,  à  l'état  de  tissu,  supporter 
l'humidité  ou  encore  moins  les  lessives  alcalines.  De  tout 
ceci,  il  résulte  encore  que  ce  textile  ne  s'emploie  qu'à  la 
fabrication  de  tissus  craignant  peu  l'humidité  ou  à  la 
confection  de  toiles  grossières.  Il  entre,  par  exemple,  dans 
la  composition  des  toiles  cirées  pour  parquets  ;  il  sert  aussi 
à  faire  des  tapis- moquettes  ayant  presque  l'apparence  des 
tapis  de  laine,  que  l'on  teint  en  couleurs  très  vives,  mal- 
heureusement peu  résistantes  ;  on  l'emploie  encore  beaucoup 
pour  la  fabrication  de  tentures  d'appartement  à  bon  marché, 
soit  seul,  soit  en  mélange  avec  le  coton,  ou  encore  pour  la 
confection  de  certaines  toiles  à  matelas  pour  paillasses. 
On  l'utilise,  uni  à  la  bourre  de  coco  ou  à  diverses  espèces 
de  fibres  exotiques,  pour  la  confection  de  nattes  d'escalier, 
tapis  communs,  etc.  Enfin,  dans  ces  derniers  temps,  il  a 
été  utilisé,  dans  la  région  du  Nord,  en  mélange  avec  le 
lin,  pour  la  fabrication  des  velours  de  couleur.  Mais  on  se 
sert  surtout  du  jute  en  France  comme  dans  l'Inde  pour  la 
confection  de  toiles  d'emballage  et  de  sacs.  Nous  renver- 
rons pour  les  procédés  employés  dans  l'impression  sur  jute 
à  l'article  Impression  des  tissus.  L.  Knâb. 

J  UT  EAU  (Augustin),  évêque  français,  né  à  Poitiers  le 

4  mai  4839,  mort  à  Poitiers  le  25  nov.  4893.  Curé  de 
Saint-Julien  de  Tours,  il  fut  nommé  évêque  de  Poitiers  le 

5  juin  4888  et  ne  fut  préconisé  que  le  44  févr.  4889,  le 
Journal  d'Indre-et-Loire  l'ayant  accusé  de  doctrines 
pernicieuses,  parce  qu'il  s'était  à  plusieurs  reprises  pro- 
clamé républicain.  Léon  XIII,  après  enquête  sur  son  ortho- 
doxie, lui  donna  toute  sa  confiance.  A.  Juteau  a  écrit  en 
collaboration  avec  l'abbé  Cruchet  une  Histoire  populaire 
de  saint  Martin  (4885,  in-i2). 

JUTERB0R6.  Ville  de  Prusse,  district  de  Potsdam 
(Brandebourg),  sur  la  Nuthe;  7,000  hab.  Belle  église  du 
xiv^  et  du  XV®  siècle.  Elle  conserve  le  nom  d'un  dieu  slave 
(wende)  de  l'Aurore.  Conquise  par  Albert  l'Ours,  elle  fut 
donnée  à  l'archevêché  de  Magdebourg  (4470).  Le  23  nov. 
4644,  Torstenson  y  vainquit  Gallas.  Auprès  se  trouve  le 
champ  de  bataille  de  Dennewitz. 

JUTHUN6ES.  Peuplade  germanique  que  l'on  rattache 
tantôt  aux  Alamans,  tantôt  aux  Goths.  Ils  habitaient  au 


bord  du  Danube  et  figurent  dans  les  guerres  du  m®  et  du 
iv^  siècle.  Sous  Auréllen,  ils  envahirent  l'Italie,  mais  furent 
repoussés. 

JUTIGNY.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.  de 
Provins,  cant.  de  Donnemarie  ;  352  hab. 

JUTLAND  (V.Danemark). 

JUTURNA,  appelée  aussi  DIUTURNA,  est  le  nom  d'une 
ancienne  divinité  des  sources,  originaire  de  Lavinium,  la 
métropole  religieuse  des  Latins  et  de  bonne  heure  trans- 
portée à  Rome,  où  une  source  située  au  bas  du  Forum, 
près  du  temple  de  Vesta,  lui  était  consacrée.  Lutatius  Ca- 
tulus  lui  voua  un  temple  sur  le  Champ  de  Mars,  après  la 
première  guerre  Punique  ;  ce  temple  fut,  avec  beaucoup 
d'autres,  restauré  par  Auguste.  Juturna  avait  une  fête  spé- 
ciale, les  Juturnalia,  qui  tombait  le  44  janv.  et  était  célé- 
brée surtout  par  les  corps  de  métier  qui  avaient  un  besoin 
particuher  de  l'eau  de  source.  Elle  avait  part  aussi  avec 
les  Nymphes  aux  Volcanalia,  fêtes  en  l'honneur  de  Vul- 
cain  qui  tombait  le  23  août.  Les  poètes  en  ont  fait  une 
amante  de  Jupiter,  lequel,  par  reconnaissance,  la  pré- 
posa à  l'empire  des  sources  ;  d'autres  l'unissaient  à  Janus 
avec  lequel  elle  aurait  procréé  le  dieu  Fontus  ;  àsinsV  Enéide 
elle  est  la  sœur  de  Turnus  qu'elle  assiste  contre  Enée. 

JUUSTEN  (Paul),  théologien  et  érudit  finlandais,  né 
vers  4546,  mort  évêque  d'Abo  en  4576.  Il  a  publié  en  fin- 
nois un  catéchisme  et  un  livre  de  messe.  Sa  Chronicum 
episcoporum  finlandensium  est  d'une  très  grande  im- 
portance pour  l'histoire  de  la  Finlande,  bien  que  la  com- 
position en  soit  défectueuse. 

JUVAIN  COURT.  Com.  du  dép.  des  Vosges,  arr.  et  cant. 
de  Mirecourt;  403  hab. 

JUVANCOURT.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  et  cant. 
de  Bar-sur- Aube  ;  224  hab. 

JUVANZÉ.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  de  Bar-sur- 
Aube,  cant.  de  Vendeuvre  ;  64  hab. 

JUVARA  ou  IVARA  (Philippe),  architecte  italien,  né  à 
Messine  en  4685,  mort  à  Madrid  le  4^^  févr.  4736.  Venu 
jeune  à  Rome,  où  il  prit  l'habit  ecclésiastique  et  étudia 
l'architecture  sous  la  direction  de  Fontana,  Juvara  fit  quel- 
ques travaux  à  Lucques  et  à  Messine  où  il  acheva  le 
Palais  royal  et  vint  ensuite  à  Turin  comme  premier  archi- 
tecte du  roi  de  Sardaigne,  Victor-Amédée  P^,  qui  le  com- 
bla de  bénéfices  et  d'honneurs.  Il  fit  achever  dans  cette 
ville  l'église  de  Superga  dont  on  lui  doit  la  coupole  monu- 
mentale, puis  il  fit  construire  les  palais  Madama,  de  Stu- 
pigni  et  Biragho  di  Borghe,  les  églises  del  Carminé  et  de 
San  Filippo,  le  presbytère  de  la  chapelle  délia  Conso- 
lata,  etc.  Appelé  à  Lisbonne  par  le  roi  Jean  P"^,  Juvara  y 
donna  les  dessins  de  l'église  du  Patriarche  et  ceux  du 
Palais  royal,  puis,  après  un  court  séjour  à  Londres,  à 
Paris  et  à  Turin,  cet  architecte  fut  demandé  à  la  cour  de 
Philippe  V,  roi  d'Espagne,  pour  la  reconstruction  des  par- 
ties incendiées  du  Palais  royal  ;  mais  la  mort  l'empêcha  de 
faire  exécuter  les  plans  qu'il  avait  préparés  dans  ce  but. 
On  conserve  en  outre,  dans  une  salle  supérieure  de  l'église 
Saint-Pierre  de  Rome,  un  remarquable  projet  avec  modèle 
d'une  sacristie  et  d'une  salle  du  chapitre  préparé  par 
Juvara  pour  cette  basilique  pendant  un  des  nombreux 
voyages  qu'il  faisait  presque  chaque  hiver  à  Rome.  Ch.  L. 

JUVARDEIL.  Com.  du  dép.  de  Maine-et-Loire,  arr.  de 
Segré,  cant.  de  Châteauneuf-sur-Sarthe,  sur  la  rive  droite 
de  la  Sarthe  ;  908  hab.  Mines  de  fer  de  la  concession  de 
Champigné.  Construction  de  bateaux  ;  commerce  de  bestiaux. 
Manoir  du  xvi^  siècle.  Château  de  Celtières  (xvi^  siècle)  et 
de  la  Buronnière  (xviii®  siècle).  Patrie  du  Vendéen  Bon- 
champ. 

JUVAVUM  (V.  Salzbourg). 

JUVEIGNERIE  (Ane.  dr.).  Sous  le  nom  de  droit  de 
juveignerie,  on  désignait,  dans  certains  pays,  les  avan- 
tages faits  par  la  loi  aux  enfants  puînés  au  détriment  de 
l'aîné.  C'était  donc  l'inverse  ou  la  contre-partie  du  droit 
d'aînesse.  L'origine  de  ce  droit  est  tout  simplement,  dit 
M.  Viollet.,  la  consolidation  d'un  usage  que  la  nécessité  a 


^  364  - 


LIVRE 


d'après  les  dessins  de  Cofnelk'i^.  ce  nom)  de  La  Haye. 

Aveé  ÏÏolbein  et  Tory,  là  gravure  sur  bois  avait  atteint 
son  point  cUlminaiit;  désormais  elle  ne  fera  que  déchoir 
pour  disparaître  presque  complètement  {Pendant  plus  de 
deux  siècles.  A  sa  place  vient  s'introniser  partout  la  gra- 
vure eii  taille-doùce,  burin  ou  eau-forte.  En  France,  elle 
s'infiltre  dans  le  Mre  vers  456()  par  la  voie  du  portrait. 
Le  graveur  lorrain  Woeiriot  et  d'autres  se  mettent  à  la 
propager.  Mais  c'est  Anvers  qui  devint  le  grand  centre  de 
production  d'illustrations  en  creux,  sous  les  auspices  du 
grand  éditeur  Plântin  (iS55-8Ô).  Thomas  de  Leu  et  sur-- 
tout  l'infatigable  Léonard  Gaultier  eii  généralisent  l'emploi 
chez  nous.  Le  régné  des  lourds  frontispices  allégoriques 
ou  architectoniques  commence  (V.  les  gravures  de  l'art. 
Bïbliogramie).  L'immortel  Callot  réagit  contre  le  courant 
par  ses  spirituelles  petites  eaux^fortes.  Abraham  Bosse  se 
montre  eûcore  plus  apte  au  rôle  d'illustrateur.  Puis  on 
retombe  dans  une  longue  période  d'affaissement. 

Le  livre  devient  solennel  et  ennuyeux  comme  tout  l'art 
du  règne  de  Louis  XIV,  bien  que  ce  règne  soit  précisériient 
celui  de  l'apogée  dé  la  gravure  au  burin.  Il  ne  s'allège  que 
grâce  à  Sébastien  Le  Clerc  (V.  ce  nom),  un  nouveau  Cal- 
lot,  qui  montra  un  véritable  tempérament  de  vignettiste. 
Il  eut  pour  disciples  ou  imitateurs  de  talent  Franc. 
Ghauveaif  en  France  et  Bernard  Picart  dans  les  Pays-Bas. 

La  Régence,  pimpante  et  frivole,  mais  spirituelle  et  lais- 
sant un  plus  libre  essor  au  génie  de  la  ï*ace,  exerça  une 
influence  bienfaisante  sur  l'art  français.  Ce  fut  une  nou- 
velle renaissance,  aussi  gaie  que  la  première,  mais  moins 
naïve  et  plus  mièvre  à  force  d'afféterie.  Dans  Fillustration 
du  livre  elle  est  déjà  bien  représentée  par  le  peintre-aqua- 
fortiste Gillot,  le  maître  de  Watteau  et  l'auteur  des  meil- 
leures vignettes  des  Fahles  de  HoUdart  de  La  Motte  [ili  9).  Il 
procède  de  Calot  et  de  Le  Clerc,  et  on  le  regarde  à  son  tour 
comme  le  père  intellectuel  des  illustrateurs  du'xviu^  siècle. 
Ceux-ci  se  dédoublent  généralenient  :  les  dessinateurs  d'un 
côté,  les  graveurs  de  l'autre.  L.  Cars  interprète  les  dessins 
de  Boucher,  alors  tout  triomphant,  dans  le  Molière  de  4734. 
Cochin  le  fils,  un  véritable  vignettiste,  très  fécond  et  déco- 
rateur brillant,  donna  le  ton  au  livre  illustré.  Les  gracieux 
frontispices  ou  titres  gravés,  les  fleurons,  les  culs-de- 
lampe,  les  lettres  tonées  se  multiplient.  Le  goût  s'épure. 
Une  dose  inouïe  d'imagination  se  dé|)ense  à  créer  une  dé- 
coration originale  et  charmante,  et,  si  la  typographie  avait 
été  à  la  hauteur  de  l'illustration,  ces  ravissants  volumes 
du  XVIII®  siècle  seraient  sous  tous  les  rapports  des  chefs- 
d'œuvre  incomparables.  Il  suffit  de  citer  le  Décaméron 
illustré  par  Graveldt  (4757),  les  Contes  de  La  Fontaine, 
dits  des  Fermiers  généraux^  illustrés  par  Eisen  et  Chof- 
fard  (4762),  les  Baisers  de  Dorât,  illustrés  par  Eisén  et 
Marinier  (1770),  les  Grâces  (1769),  les  Chansons  de 
Laborde  (1773),  k  Molière  de  Bret  (4773),  Monument 
du  costume  physique  et  moral  (4774-78),  etc.,  avec 
les  figures  de  Moreau  le  Jeune.  Tout  cet  art  charmant  a 
sombré  pendant  la  tourmente  révolutionnaire,  et  les  sur- 
vivants de  la  belle  époqtie,  même  Moreau,  perdirent  leurs 
anciennes  inspirations.  Le  livre  illustré  fut  au  xvni^  siècle 
l'apanage  exclusif  de  la  France.  On  peut  cependant  citer 
pour  mémoire  les  productions  de  Chodowiecki  en  Allemagne 
et  celles  de  Bartolozzi  en  Angleterre. 

L'école  néo-grecque  de  David  enfanta  les  illustrateurs 
tels  que  Prud'hon,  Gérard,  Girodet-Trioson,  qui  se  mani- 
festèrent dans  la  célèbre  édition  de  Racine,  de  Pierre  Di- 
dot.  Puis  la  gravure  au  burin,  comme  moyen  dlllustration, 
descend  lentement  dans  la  tombe,  et  à  sa  place  la  gravure 
sur  bois  renaît  de  ses  cendres  (V.  Gravure).  Elle  se  met 
au  service  de  la  littérature  romantique  et  autre,  pour  in- 
terpréter les  compositions  des  frères  Johannot,  de  Devéria, 
de  Jean  Gigoux,  de  Daumier,  de  Gavarni,  de  Grandville, 
puis  de  Meissonier  et  de  Gustave  Doré.  Arrive  ensuite  la 
période  contemporaine,  qu'on  connaît,  où  l'eau-forte  se 
pose  en  rivale  redoutable,  et  oti  tous  les  procédés  méca- 
niques de  la  gravure,  en  noir  et  en  couleurs,  se  font  suc- 


cessivement une  place  dans  l'illustration  du  livre,  qui 
envahit  tôiit,  même  les  dictionnaires  de  la  langue. 

Commerce  des  lïvres  et  réglementation. -™i/^%^^^^^. 
Dès  qu'il  y  eut  dès  livres  d'intérêt  public,  il  devait  y 
avdir  des  Vendeurs  de  livres,  qu'ils  fussent  eh  boutique 
oii  non;  mais  oii  înanique  de  renseignements  à  cet  égard. 
Dans  l'antiqmtéj  le  jllus  souvent  le  copiste  des  manus- 
crife  en  bpérait  Idi-hiême  le  placement;  le  libraire  pro» 
pi^éméût  dit  h'ap^^l'utl  que  plus  tard.  Il  y  en  eut  à  Athènes 
au'  moins  cinq  iiè'i^leà  avant  notre  ère,  et  ce  eommerce 
s'établit  ensuite  k  Koibe,  avec  la  culture  helléniijue.  Très 
florissant  dès  les  dei^niers  temps  de  la  Républitjue,  il  se 
développa  prbdi^ieuséhient  sous  l'Empire  et  rayonna  sur 
ruûivers.  Le  mt  librarîus  ne  désignait  d'abord  que  le 
copiste,  puis  il  fut  ahpliqué  au  libraire,  qu'on  appelait 
aussi  Hbliopolai  à  la  grecque.  Les  libraires  affichaient  dans 
ledi*  boutiques  le  èâtàlogue  des  livres  qu'ils  avaient  fait 
confectionner  et  djui  étaient  à  vendre;  comme  moyen  de  pu- 
blicité, ils  faisaient  faire  des  lectures  publiques  de  toutes 
les  nouveautés'.  Lés  éiîrivains  latins  nous  ont  transmis  les 
noms  de  pluëiéuh  négociants  en  livres  ou  libraires  fameux^ 
tels  que  :  Pobipônins  Atticus,  bibliophile  et  commerçant, 
ami  de  Cîcéron;  leè  deux  frères  Sosii,  au  temps  d'Horace; 
Atrectus  et  Tryj)hbn,  immortalisés  par  Martial.  Il  y  eut 
aussi  des  bouquîni^es,  revendeurs  de  seconde  main,  et 
on  louait  égalédeni;  des  livres  pour  en  prendre  lecture  ou 
copie.  Les  auteurs  Hches  éditaient  souvent  eux-mêmes 
leurs  œuvres,  par Tiïïterinédiaire  de  leurs  esclaves  lettrés 
chargés  des  fonciiotis  de  scribes  et  de  vendeurs.  Les  grands 
centres  du  conimercb  de  livres  furent,  après  Rome" 
Alexandrie,  Lyt)ia  (où  il  y  eut  des  libraires  dès  le  i®^' siècle 
de  notre  ère),  Caï^thage,  Antioche,  Smyriie,  Athènes,  Mi- 
lan, Marseille,  etc. 

Moyen  âge*  L'invasion  des  Barbares  ayant  été  suivie 
de  la  disf)arîtioii  générale  delà  culture,  le  commerce  des 
livres  disparut  également.  L'instruction  se  confina  pendant 
longtemps  dsïns  les  couvents  qui  s'en  firent  un  monopole. 
Les  moines  copiaièïit  les  manuscrits  et  en  opéraient  les 
échanges  entre  edX.  Les  laïques  ne  s'en  occupèrent  qu'au 
fur  et  à  mesure  dé  la  création  des  grands  centres  d'ensei- 
gnement, qiii  devinrent  des  universités.  Celle  de  Paris,  la 
plus  ancienne,  retnénte  au  début  du  xin®  siècle.  Dès  l'ori- 
gine, elle  soumit  à  Son  autorité  et  les  auteurs  et  tous  les 
participants  à  la  Confection  matérielle  du  livre.  Elle  se 
constitua  la  gardienne  de  la  moralité  littéraire  et  de  l'or- 
thodoxie religieuse  et  deviht  ainsi  en  quelque  sorte  éditeur 
responsable  devant  la  conscieheepublique.  Comme  il  fallait 
des  livres  podr  Ife  étudiants,  il  se  créa  des  clercs  en 
librairie  qiii  de  ëùite  se  Réunirent  en  une  corporation 
comprenant  tous  les  métiers  de  l'industrie  du  livre:  les 
écrivains,  lek  pàrcliémihiers,  les  rubricateurs  et  enlumi- 
neurs, les  reheurs  et  brocheurs,  les  coiirtiers  en  livres 
(stationarii)  &t  ^m  libraires  proprement  dits.  Ils  se 
mirent  sous  le  patronage  de  Saint  Jean-Porte-Latine.  Ces 
clercs  en  librairie  fbrent  ainsi  les  fonctionnaires,  les  sup- 
pôts de  runivérsité.  Ils  dépendaient  d'elle  exclusivement, 
et  ils  jouissaient  déS  mêmes  privilèges,  franchises  et  exemp- 
tions que  les  professeurs  et  les  étudiaiits.  Ils  ont  été  soumis 
à  une  régleniehtatidn  minijtieiise  et  sévèrel  La  haute  police 
de  l'université  ^ur  la  librairie,  réeohnue  par  les  rois  de 
France,  s'exérçaït  de  deux  manières  :  par  h  censure  (V.  ce 
mot)  préalable  des  textes  et  par  la  surveillance  de  la  vente 
des  livres.  Le  plds  ancien  statut  connu  en  la  matière  est 
celui  du  6  déc.[4275.  Il  concernait  plus  particulièrement 
les  vendeurs  de  livres,  qui  étaient  tenus  de  prêter  tous 
les  ans  ou  tous  les  deux  ans  le  serment  deise  conduire  fidè- 
lement et  honnêtement  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions. 
Ils  ne  pouvaient  |)rendre  plus  de  4  deniers  de  commission 
par  livre  de  moiihàie  aiix  maîtres  et  écoliers,  et  plus  de  6 
aux  étrangei^S.  Lès  prix  dé  vente  des  volumes  étaient  fixés 
alors  par  l'université.  Cette  taxation  ne  s'appliquait  pas 
aux  volume^  de  luxe,  qdi  atteignaient  de  hauts  prix,  maïs 
seulement  aux  ouvrages  d'études.  En  4303,  les  livres  sco- 


LIVP 


3621 


laires  ne  coiitaient  que  de  7  déniera  à  10  sous.  Ea  1292,  il 
y  avait  à  Paris  24  copistes,  8  libraires  et  47  relieurs.  Un 
statut  plus  complût  fut  édicté  en  432â.  Lq^  librairçs 
clercs-jurés  devaient  fournir  une  caution  de  j  00  livres 
chacun.  Ils  subissaient  préalablement  un  examen  pour  foire 
constater  leur  aptitude,  La  location  des  livres  fut  autorisée 
mo;yennant  rétribution.  La  corporation  comptait  s^lors  29  li- 
braires, dont  %  fenimes.  4;  d'entre  eux,  surnommés  les 
grands  libraires,  étaient  chargés  de  veiller  à  l'exécution 
des  règlements  et  fournissaient  une  caution  de  ^00  livres 
chacun.  Les  libraires  non  assermentés  ne  pouvaient  vendre 
en  boutique  et  seulement  des  volumes  ne  coûtant  pas  plus 
de  40  sous;  c'étaient  des  étalagistes  en  plein  vent.  Il  se 
trouve  même  dans  ce  statut  un  article  singulier  :  tout  libraire 
ou  stationnaire  était  tenu  de  dénoncer  à  l'université  qui- 
conque avait  violé  ses  règlements  ou  celui  dont  les  affaires 
étaient  en  mauvais  état.  Les  nombreuses  fraudes  commises 
à  l'égard  des  maîtres  et  des  écoliers  déterminèrent  l'autorité 
universitaire  à  édicter,  en  4342,  un  règlement  encore  plus 
sévère.  Les  4  grands  libraires  furent  seuls  autorisés  à  taxer 
les  livres.  Les  autres  avaient  la  faculté  d'estimer  la  valeur 
de  ceux  que  des  particuliers  voudraient  revendi^e,  et  ceux-ci 
devaient  en  recevoir  l'autorisation  du  recteur.  Ils  étaient  te- 
nus d'avoir  des  livres  scolaires  et  d'alTicher  à  la  fenêtre  de 
leur  boutique  le  catalogue  de  tous  les  volunîes  qu'ils  possé- 
daient avec  l'indication  des  prix  de  vente  conformes  à  la  taxe. 
En  4368,  il  se  trouvait,  dans  le  ressort  de  l'université  de 
Paris,  44  libraires  jurés,  44  écrivains,  44  parcheminiers, 
et  6  relieurs.  La  profession  n'étant  pas  alors  bien  lucrative, 
les  libraires  en  cumulaient  parfois  les  différentes  s|)écia-- 
lités;  le  plus  souvent  ils  étaient  en  même  temps  relieurs. 
D'autres  y  joignaient  des  métiers  d'ordre  inférieur  ;  ils  se 
faisaient  épiciers,  ferrons,  merciers,  etc.,  et  ils  en  furent, 
à  plusieurs  reprises,  sévèrement  admonestés.  Au  surplus, 
ils  n'avaient  pas  le  droit  d'aliéner  leur  fonds  sans  l'autori- 
sation de  l'université.  En  échange  de  ces  liens  tyranniques, 
ils  jouissaient  de  certains  privilèges  :  ils  avaient  pour  seul 
juffe  le  prévôt  de  Paris;  ils  étaient  exempts  de  t^us  péages, 
aides  et  impositions;  ils  furent  dispensés  du  service  du 
guet  (garde  nationale  du  temps)  par  ordonnance  de  Charles  V 
de  4368,  et,  aux  grandes  fêtes  de  V4lw(i  mater,  ils  figu- 
raient dans  la  procession  générale  avetj  tous  les  autres 
ordres  du  corps  universitairpt  Et,  par  une  singulière  asso- 
ciatioïi  d'idées,  ce  sont  eux  qui  étaient  chargés  d'allumer 
pour  la  nuit  les  chandelles  des  lanternes  publiques,  appa- 
remment parce  qu'ils  contribuaient  déjà  à  la  diffusion  des 
lumièipes  dans  l'ordre  intellectuel. 

On  comprend  qu'avec  toutes  ces  entraves  la  situation 
de  la  librairie  ne  pouvait  être  bien  prospère  eu  France,  et 
il  en  fut  de  même  partout  a  l'étranger,  oti  elle  ne  s'orga- 
nisait tout  d'abord  qu'avec  l'apparition  des  universités  et 
sous  leur  autorité  immédiate. 

Enfin,  il  ne  faut  pas  oublier  qu'au  moyen  âge  le  terme 
librairie  s'appliquait  spécialement  aux  bibliothèques  (V.  ce 
mot)  qui  ne  reçurent  cette  dénomination  grecque  qu'à  l'époque 
de  la  Renaissance. 

Depuis  Vinvention  de  V imprimerie.  L'introduction  de 
cet  art  ne  changea  d'abord  rien  à  la  réglementation  de  la 
librairie.  Mais  bientôt,  les  souverains,  se  rendant  compte 
de  cette  force  nouvelle,  la  prirent  davantage  sous  leur  pro- 
tection, et  plus  tard  aussi  sous  leur  surveillance.  Tous  les 
premiers  imprimeurs  furent  libraires  en  même  temps  :  ils 
vendaient  leurs  livres  directement  ou  par  commissionnaires. 
Le  chiffre  habituel  de  tirage  à  cette  époque  était  de  275 
à  4,400  exemplaires.  Paris,  important  centre  intellectuel, 
fut  ayssi  un  grand  centre  commercial  pour  les  livres,  sur- 
tout en  raison  de  raffl|ience  d'étudiants  à  son  université. 
Jean  Fust  y  vint  en  4463  placer  sa  fameuse  Bible  de 
4462,  qu'il  vendait  40  couronnes  (environ  375  fr.)  et  au- 
dessus.  Son  associé  Schoiffer  continua  à  exploiter  ce  riche 
march^é  et  y  avait  même  un  représentait  attitré.  D'autres 
imprimeurs  de  Venise,  de  Rome,  etc»,  firent  de  même. 
Mais  l'Allemagne  ne  resta  pas  inactive.  Les  célèbres  foires 


de  Francfort  (v,  1470),  puis  celles  de  Leipzig  (v.  4493) 
attirèrent  les  négociants  en  livres  de  tous  les  pays,  Nu- 
remberg devint  plus  tard  le  centre  du  commerce  allemand 
grâce  aux  éditeurs  Koburger  qui  installèrent  des  succur- 
sales dans  les  principales  villes  de  FEurope.  Il  se  forma  à 
Leipzig,  puis  à  Baie,  des  associations  d'irpprimei]|rs  en  vue 
de  certaines  publications  plus  coûteuses.  La  librairie  ne 
fut  pendant  longtemps  que  la  vassale  de  l'imprimerie,  pour 
la  subordonner  à  elle  plus  tard. 

Une  activité  prodigieuse  se  développa  partout,  notam- 
ment en  France.  Les  imprimeurs  furent  réunis  à  l'univer- 
sité, et  Charles  YIÏÏ  confirma  leurs  privilèges  en  4488.11s 
jouissaient  d'une  liberté  complète  pour  la  publication  des 
livres,  mais  la  faveur  quils  trouvèrent  auprès  du  public 
engendra  vite  la  contrefaçon.  Ppur  y  obvier,  ils  recou- 
rurent de  bonne  heure  à  la  protecjtion  de  l'autorité  souve- 
raine et  sollicitèrent  des  privilèges  protégeant  leurs  droits 
de  propriété  pendant  un  laps  de  temps  qui  fut  variable  de- 
puis deux  jusqu'à  dix  ans  et  plus.  En  France,  ces  privilèges 
de  librairie  furent  institués  en  4$07,  mais  ils  ne  s'éten- 
daient pas  à  la  protection  des  livres  publiés  à  l'étranger. 

Les  .rois  de  France  pensèrent  que  l'imprimerie  était 
destinée  avant  tout  à  rendre  des  services  à  la  foi  catho- 
lique et  à  la  propagation  des  bonnes  et  saines  doctrines. 
C'est  dans  ce  sens  que  parle  Louis  XII  dans  son  édit  de 
4513,  par  lequel  il  exempte  les  livres  de  tout  impôt. 
François  l^^  affranchit  la  corporation  des  libraires  (com-- 
posée  alors  de  30  membres)  de  la  contribution  de  l'octroi 
et  impôt  de  30,000  livres,  ainsi  que  de  tout  service  mili- 
taire dans  Paris,  hors  le  cas  de  péril  imminent  (4545). 
La  propagation  des  doctrines  de  Luther  amena  une  sur- 
veillance rigoureuse  de  l'irnpression  et  du  commerce  des 
livres.  L'ordonnance  de  4524  les  soumit  à  l'examen  préa- 
lable de  l'université  et  de  la  faculté  de  théologie,  et  en  plus 
à  l'approbation  du  prévôt  de  Paris.  Les  sévérités  redou- 
blèrent encore.  Par  lettres  patentes  du  43  janv.  4534, 
François  P^  frappa  d'ipitei^diction  toute  imprimerie  :  il  dé- 
fendit, sous  peine  de  mort  {sur  peine  de  la  hart),  d'im^ 
primer  aucun  livre  en  France.  Le  parlement  ayant  refuse 
d'enregistrer  ces  lettres  et  ayant  même  fait  des  remon- 
trances au  souverain,  elles  furent  remplacées  par  d'autres 
(24  févr,)  en  vertu  desquelles  42  imprimeurs  choisis  par 
le  roi  sur  la  liste  de  24  présentée  par  le  parlement  auraient 
seuls  le  droit  d'imprimer  à  Paris,  et  non  ailleurs,  livres 
approuvés  et  nécessaires  pour  le  bfen  de  la  chose  pu- 
blique. Les  censeurs  royaux  furent  créés  en  4537.  D'autre 
part,  un  édit  réglementant  la  police  de  l'imprimerie  fut 
rendu  en  4539.  Henri  ïï  confirma  toutes  les  rigueurs  de  son 
père  en  4547  et  4554.  Elles  s'étendirent  aux  libraires,  aux 
distributeurs  de  livres  et  aux  particuliers.  L'édit  de  4554 
les  aggrava  encore.  Celui  de  4553  accorda  des  e^icourage- 
ments  au  commerce  de  la  librairie  licite,  mais  ^  les  livres 
contre  la  rehgion  ou  les  placards  séditieux  continuèrent  à 
être  poursuivis  avec  rigueur,  cette  fois  avec  approbation  du 
parlement.  Les  successeurs  de  Henri  II  confirmèrent  tous  les 
édits  antérieurs  en  les  complétant  par  ceux  de  4  560,  456|i, 
4563,  Ce  dernier  imposa  pour  la  publication  de  tout  livre, 
non  seulement  l'approbation  de  l'université,  mais  encore  la 
permission  du  roi  et  lettres  de  privilège.  L'ordonnance  de 
4566  adoucit  les  pénalités  et  supprima  la  peine  de  mort. 
L'édit  de  4574,  portant  la«  réformation  de  l'imprimerie  », 
fut  encore  plus  bienveillant.  Les  rigueurs  contre  la  presse 
commencèrent  à,  s'apaiser  dès  4591. 

Ce  qui  prouve  l'énorme  vitalité  de  la  librairie  française, 
c'est  qu'en  pleine  guerre  civile  encore,  en  4586,  il  se  forma 
parmi  les  principaux  libraires  de  Paris  une  association  dite 
Compagnie  de  la  Grand'Navire  (à  cause  de  la  marque 
qu'elle  employa),  pour  la  publication  des  Pères  de  l'Eglise, 
association  qui  dura  environ  soixante  ans.  Des  associations 
de  ce  genre  furent  assez  fréquentes. 

La  communauté  des  imprimeurs  et  des  libraires  fit  un 
coup  d'Etat  en  4648  :  elle  demanda  et  obtint  la  réforme 
de  ses  statuts  sur  de  nouvelles  bs^ses.  L'ancienne  confrérie 


365  — 


JUVENALES  —  JUZANVIGNY 


l'empereur  admit  tous  les  citoyens  ;  on  y  vit  des  vieillards 
consulaires  et  des  matrones  romaines,  des  hommes  et  des 
femmes  de  haute  naissance.  Néron  put  ainsi,  avant  de  se 
déshonorer  sur  un  théâtre  public,  descendre  daoa  Farène 
ou  sur  la  scène,  au  milieu  de  spectateurs  et  d'acteurs  com- 
posés de  ses  compagnons  de  plaisir.  Déjà,  avant  Néron, 
Caligula  avait  ajouté  un  jour  aux  Saturnales,  eyt  l'avait 
appelé  le  Jour  de  la  Jeunesse.  De  nobles  Romains,  tels  que 
Thraséas,  s'attirèrent  la  haine  de  l'empereur  pour  avoir 
paru  mépriser  ces  amusements  de  la  cour.  D'autres  s'abais- 
sèrent jusqu'à  les  partager,  dans  l'unique  désir  de  flatter 
Néron  et  de  s'attirer  ses  faveurs,  comme  Fabrius  Valons. 

BiBL.  :  Suétone,  Caligula^  17;  Néron,  II.  —  Tacite, 
Annales,  XIV,  15;  XV,  33'  ;  XVI,  21;  Histoires,  III,  6-2. 

JUVENCUS  (Cajus-Vettius-Aquilius  ou  Aquilinus), 
poète  chrétien  du  iv®  siècle.  Il  paraît  avoir  été  prêtre  et 
d'origine  espagnole.  11  a  mis  l'histoire  évangélique  en 
3,233  hexamètres,  Versus  de  quatuor  evangeliis  ou  His- 
toria  evangelica^  4  livres  {i^^  éd.  à  Deventer,  s.  1.  n.  d. 
[env.  de  1490],  in-4;  souvent  réimprimé;  éd.  critique  de 
F.  Arevalo;  Rome,  1792,  in-4,  réimprimé  par  Migne, 
Patrol.  lat.^  t.  XIX).  C'est  le  premier  essai  d'une  épopée 
chrétienne.  Le  moyen  âge  a  surnommé  Juvencus  le  Virgile 
chrétien  ;  sa  langue  est  relativement  pure,  mais  la  versifi- 
cation est  bien  lâche.  Comme  l'auteur  s'est  tenu  servile- 
ment au  texte  biblique,  l'histoire  ne  trouve  là  aucune 
lumière  sur  le  siècle  de  l'auteur.  Plusieurs  autres  poèmes 
ont  été  attribués  à  Juvencus  (Migne,  tcL,  et  D.  Pitra, 
Spicileghim  Soksmense;  Paris,  1832,  t.I),  à  tort,  sui- 
vant toutes  les  apparences.  F.-H.  K. 

BiBL.  :  A.-R.  Gebser,  De  C.-A.-V.  Jiivenci  vita  et 
scriptis...;  léna,  1827.  —  Korn,  Die  Handschriften  der 
Historia  evangelica;  Breslau,  1870.  —  A.  Ebert,  Allg. 
Geschichte  der  Litieratur  des  M.  A .  imAbendland ;  Leipzig, 
1874,  t.  I,  pp.  109  et  suiv. 

JUVENEL  DE  Carlencas  (Félix  de)  (V.  Cârlencas). 

JUVENIS  (Raymond),  annaliste  français,  né  à  Gap 
vers  1630,  mort  à  Gap  le  7  janv.  1705.  Procureur  du  roi 
au  bailliage  de  Gap  et  subdélégué  de  l'intendant  du  Dau- 
phiné,  il  consacra  ses  loisirs  à  Thistoire.  Il  continua  V His- 
toire des  Alpes  du  P.  Fornier,  récemment  publiée  par 
M.  l'abbé  P.  Guillaume.  On  lui  doit  encore  une  Histoire 
séculière  et  ecclésiastique  du  Dauphiné  et  de  ses  dépen- 
dances^ dont  le  manuscrit  est  à  la  bibliothèque  de  Carpen- 
tras,  et  des  Mémoires  (inédits)  sur  les  conciles,  les  saints 
pères  et  quelques  évêques  de  Gap. 

BiBL.  :  Rochas,  Biogr.  du  Dauphiné,  I,  463.  —  Gautier, 
Précis  de  l'hist.  de  la  ville  de  Gap;  Gap,  1844,  in-8,  pp. 
153-155.  —  P.  Guillaume,  Hist.  générale  des  Alpes-Mari- 
times ou  Cottiennes.  Continuation  par  Raymond  Juvenis 
et  Antoine  Albert;  Paris-Gap,  1892,  in-8. 

JUVIGNAC.  Com.  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  etcant.  de 
Montpellier;  92  hab. 

JUViGNÉ.  Com.  du  dép.  de  la  Mayenne,  arr.  de  Laval, 
cant.  de  Chailland  ;  2,728  hab. 

JUVIGNIES.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Beauvais, 
cant.  de  Nivillers;  277  hab. 

JUVIGNY.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  et  cant.  de 
Soi-sons;  337  hab.  Vestiges  romains  parmi  lesquels  il  faut 
signaler  cinq  bornes  milliaires. 

JUVIGNY.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de  Caen, 
cant .  de  Tilly-sur-Seulles  ;  96  hab. 

JUVIGNY  (Juveniacum).  Com.  du  dép.  de  la  Marne, 
arr.  et  cant.  de  Châlons;  49  hab.  Catherine  de  Médicis  y 
coucha,  le  15  mai  1585,  lors  des  conférences  d'Epernay 
pour  la  conclusion  de  la  paix  avec  les  Guises.  Remarquable 
église  des  xii^  et  xni^  siècles,  remaniée  au  xvi®,  restaurée 
en  1853;  le  portail,  de  style  néo-grec,  date  de  1784.  On 
admire,  à  l'intérieur  de  l'édifice,  une  chaire  en  bois  sculpté 
de  l'époque  de  Louis  XI,  provenant  de  l'abbatiale  de  Saint- 
Remy  de  Reims,  et  des  orgues  ayant  appartenu  à  l'ancien 
couvent  des  cordeliers  de  Châlons.  Dans  le  château,  cons- 
truction du  xvii^  siècle,  avec  chapelle,  se  voit  une  belle 
suite  de  tapisseries.  A.  T.-R. 

JUVIGNY.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Savoie,  arr.  de 
Saint-Julien,  cant.  d'Annemasse;  264  hab. 


JUVIGNY-en-Perthois.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr. 
de  Bar-le-Duc,  cant.  d'Ancerville;  323  hab. 

JUVIGNY-le-Tertre.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la 
Manche,  arr.  de  Mortain  ;  8  J  9  hab. 

JUVIGNY-sous-Andaine.  Ch.-L  de  cant.  du  dép.  de 
l'Orne;  1,266  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  de  l'Ouest,  ligne 
d'Alençon  à  Domfront.  Dolmen.  Phare  de  Bonvouloir,  tour 
de  la  fin  du  xv^  siècle,  reste  d'un  château  élevé  par  Guyon 
Essirard,  seigneur  de  laPallu,  maître  d'hôtel  du  duc  d'Alen- 
çon. 

JUVIGNY-suR-LorsoN.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr. 
et  cant.  deMontmédy;  686  hab. 

JUVIGN Y-sur-Orne.  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  et 
cant.  d'Argentan;  72  hab. 

JUVINAS.  Com.  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr.  de  Privas, 
cant.  d'Antraigues  ;  627  hab. 

JUVINCOURT-et-Damary.  Com. du  dép.dePAisne,  arr. 
de  Laon,  cant.  de  Neufchâtel;  640  hab. 

JUVISY-sur-Orge  (Geuesi),  Com.  du  dép.  de  Seine-et- 
Oise,  arr.  de  Corbeil,  cant.  de  Longjumeau,  sur  la  colline 
qui  domine  la  rive  gauche  de  la  Seine  et  dans  la  vallée 
commune  à  ce  fleuve  et  à  la  riv.  d'Orge,  non  loin  de  leur 
confluent  ;  point  de  croisement  des  lignes  d'Orléans,  de 
Lyon  (par  Corbeil)  et  de  la  Grande-Ceinture  ;  2,095  hab.  Il 
n'y  a  pas  de  mention  connue  de  Juvisy  avant  le  xu^  siècle, 
quoiqu'on  ait  voulu,  mais  sans  preuves  encore  péremptoires, 
l'idenlifier  avec  l'antique  Metiosedum,  Son  église  est  sans 
intérêt  quoique  datant  du  xm^  siècle;  le  château  que  Von  y 
voit  est  moderne  et  sans  histoire  ;  ce  qu'il  y  a  de  plus  re- 
marquable à  Juvisy  est  sans  contredit  le  beau  pont  des 
Belles- Fontaines  jeté  sur  la  route  de  Paris  à  Fontaine- 
bleau, au-dessus  de  l'Orge,  et  dont  la  construction  en  séries 
d'arches  parallèles  au  cours  d'eau  est  des  plus  ingénieuses. 
Il  fut  achevé  en  1728;  deux  fontaines  monumentales, 
œuvres  de  Coustou,  le  décorent.  C'est  à  Juvisy  que  Napo- 
léon P'^  apprit,  en  1814,  la  capitulation  de  Paris  et  sa 
chute  du  pouvoir.  Un  pont  sur  la  Seine  a  été  construit  en 
1893  qui  relie  Juvisy  à  Draveil.  F.  Bournon. 

BiBL.  :  L'abbé  Lebeuf,  HisL  du  diocèse  de  Paris,  t.  IV, 
pp.  407-413  de  Pédit.  de  1883.  —  Millin,  Antiquités  natio- 
nales, t.  II,  notice  xvi,  le  Pont  des  Belles-Fontaines.  — 
Guilfiermy,  Inscript,  de  l'ancien  diocèse  de  Paris,  t.  IV, 
pp.  145-148. 

JUVRECOURT.  Com. du  dép.  de  la  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Lunéville,  cant.  d'Arracourt;  198  hab. 

JUXUE.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  de 
Mauléon,  cant.  d'Iholdy;  359  hab. 

JUYNBOLL  (Théodore-Guillaume-Jean),  célèbre  orien- 
taliste hollandais,  né  à  Rotterdam  en  1802,  mort  en  1861. 
Destiné  à  la  théologie,  il  exerça  les  fonctions  de  pasteur  à 
Voochout  (près  de  Leyde),  puis  il  devint  professeur  de  lan- 
gues orientales  à  l'Athénée  de  Franeker.  En  1841,  il  en- 
seigna à  Groningue,  et,  quatre  ans  après,  à  Leyde.  Il  fut 
nommé  membre  de  l'Académie  royale  des  sciences  d'Ams- 
terdam en  1854.  Parmi  ses  nombreuses  publications,  citons  : 
Letterkundige  Bydragen  (Leyde,  1838-40,  3  fasc.)  ; 
Orientalia,  qu'il  publia  avec  Roorda,  Weijers  et  J.  Miil  - 
1er.  Dans  le  t.  1,  il  a  donné  le  texte  et  la  traduction  latine 
d'extraits  du  divan  de  Moutanabbi  (1840)  ;  Commentarii 
in  historiam  gentis  samaritanœ  (Leyde,  1846,  in-4)  ; 
Chronicon  samaritanum^  eut  titulus  est  :  Liber  Josue 
(Leyde,  1848,  in-4)  ;  Lexicon  geographicum  cui  titulus 
est  :  Merâcid  el-lttila  1850  (5  vol.  in-8)  :  c'est  l'abrégé 
du  grand  dictionnaire  géographique  de  Yâqoût,  publié  par 
Wiistenfeld  ;  AhiVl-Mahâsin  Annales  quitus  titulus  est: 
Ennodjoum  ez-Zâhira  (Leyde,  1852-61,  2  vol.)  ;  Spé- 
cimen litt.  or.  exhibens  Az-Zamakchsarii  Lexicon  geo- 
graphicum, cui  titulus  est  :  Kitâb  el-Djibâl  (Leyde, 
1856,  in-8),  en  collaboration  avec  Salverda  de  Grave  ; 
Jakûbî  Liber  regionum  (Leyde,  1861). 

JUZAN COURT.  Com.  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de 
Rethel,  cant.  d'Asfeld;  188  hab. 

JUZANVIGNY.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  de  Bar- 
sur-Aube,  cant.  deSoulaines;  157  hab. 


JUZENNECOURT  —  JVLLAND 


—  366  - 


JUZENNECOURT.  Ch.-l.  decant.  du  dép.  de  la  Haute- 
Marne,  arr.  de  Chaumont  ;  303  hab. 

JUZES.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr.  de 
Villefranche-de-Lauragais,  cant.  de  Rethel;  476  hab. 

JUZET-DE-LucHON.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Garonne, 
arr.  de  Saint-Gaudens ,  cant.  de  Bagnères-de-Luchon ; 
362  hab. 

JUZIERS-d'Isaut.  Com.  du  dép.  delà  Haute-Garonne, 
arr.  de  Saint-Gaudens,  cant.  d'Aspet;  600  hab. 

JUZIERS-LA.-V1LLE.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr. 
de  Mantes,  cant.  de  Limay;  723  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  de  l'Ouest,  ligne  d'Argenteuil  à  Mantes. 

JYDSKE  Lov.  Lois  provinciales  danoises.  C'est  un  recueil 
de  coutumes  composé  par  Févêque  Gunner,  à  Viborg,  et 
sanctionné  par  le  roi  Valdemar  II  Seier  en  1241,  peu  de 


jours  avant  sa  mort.  La  préface  est  un  extrait  du  Decre- 
tum  Gratiani  (V.  Gratien).  Ces  coutumes  furent  en 
vigueur  dans  tout  le  Jutland  et  dans  Tîle  de  Fionie  jusqu'à 
leur  remplacement  par  le  Danske  lov,  sous  Christian  V. 
Elles  se  maintinrent  cependant,  au  moins  en  partie,  dans 
le  Sônderjylland  jusqu'en  1864.  Ces  lois  ont  été  imprimées 
en  1590  avec  des  modifications  dans  la  langue  et  traduites 
en  bas  allemand  en  1592  par  Blasius  Ekenberger.  Elles  ont 
été  éditées  en  1853  par  Thorsen,  d'après  les  plus  anciens 
manuscrits  (celui  de  Flensborg  est  d'environ  1290).  C'est 
le  monument  le  plus  important  de  la  langue  danoise  du 
moyen  âge. 

BiBL.  :  Dareste,  les  Anciennes  Lois  au  Danemark; 
Paris,  1881,  in-4. 

JYLLAND  ou  JUTLAND  (V.  Danemark). 


-  365  - 


LIVRE 


maîtres  d'adopter  ceux  qui  leur  paraissent  le  mieux  adaptés 
à  leur  enseignement. Depuis  1880,  en  effet,  les  instituteurs 
et  institutri()es  de  chaque  canton,  réunis  en  conférence  spé- 
ciale, établissent  la  liste  des  livres  qui  peuvent  être  em- 
ployés dans  les  écoles  :  cette  liste,  toujours  ouverte,  est 
ensuite  visée  par  une  commission  spéciale  que  préside 
l'inspecteur  d'académie.  Dans  l'enseignement  secondaire, 
les  professeurs  désignent  les  livres  dont  il  sera  fait  usage 
dans  leurs  classes  ;  ils  ont  été  seulement  invités  à  coor- 
donner leurs  choix,  afin  d'éviter  aux  familles  ou  aux  éta- 
blissements les  dépenses  excessives  que  causeraient  des 
changements  trop  fréquents.  On  a  par  ces  mesurés  libérales 
supprimé  toutes  les  difficultés  suscitées  par  la  nécessité  de 
l'approbation  universitaire  imposée  jadis,  sous  diverses 
formes,  aux  ouvrages  classiques.  Le  conseil  supérieur  con- 
serve du  reste  son  droit  d'examen  et  son  droit  de  veto  sur 
tous  les  livres  qui  seraient  contraires  à  la  nioràle,  à  la 
constitution  ou  aux  lois.  —  Il  existe  au  ministère  ^le  l'ins- 
truction publique  diverses  commissions  consultatives  qui 
sont  chargées  d'examiner  les  livres,  autres  que  les  livres 
proprement  classiques,  dont  les  éditeurs  sollicitent  l'ins- 
cription sur  divers  catalogues  établis  à  titre  d'indibation  ; 
telles  sont  :  la  commission  des  bibliothèques  scolaires  et 
pédagogiques,  la  commission  des  bibliothèques  populaires, 
la  commission  d'examen  des  livres  pour  les  bibliothèques 
de  professeurs  et  les  bibliothèques  des  lycées  et  col- 
lèges, etc.  Jules  CrAUTrER. 

^Egyptoïogie.  —  Livre  des  morts.  —  Foifmulsiire  de 
prières  dont  un  exemplaire  plus  ou  moins  complet  accoinpa- 
gnait  la  mô)mie.  Cette  composition  fut  primitivéiinejat  Rési- 
gnée par  Cbampollion,  puis  par  E.  de  Rougé  soiiS  l6  fiom  de 
Rituel  fU^i^r aire ^  mais  Lepsius  l'a  plus  exacteniént  dénom- 
mée If  w^towor^s,  Todtenbmh,  expression  qui  si  F wn- 
tage  de  là  distinguer  des  véritables  rituels  oii  recueils  de 
préceptes  liturgiques  relatifs  à  Tensevelissement;,  dc^pt  quel- 
ques spécimens  nous  sont  parvenus.  Le  Livré  dés  rrifris 
est  une  collection  de  prières  en  465  chapitres  :  ces  prières 
devaient  êtjre  récitées  par  le  mort  pour  sauvegarder  son 
âme  dans  les  épreuves  d'ouîre-tombe  et  la  purifier  en  vue 
du  jugemept  final;  c'était  pour  secourir  sa  mémoire 
qu'un  exeniplaire  était  déposé  daïis^  son  cercueil  ;  sous  la 
XII®  dynastie,  il  était  en  partie  écrit  sur  le  sarcophage. 
L'exemplaire-type  qu'en  a  publié  Lepsius  est  la  repro- 
duction d'un  manuscrit  de  Turin  de  la  derrière  époq"® 
pharaonique,  mais  la  rédaction  de  quelqùes-unâ  (les  cha- 
pitres remonte  aux  plus  anciens  temps  ;  ail  rest^^  ilsne  sont 
rangés  ni  dans  l'ordre  chronologique  de  leur  composition  ni 
dans  leur  ordre  rationnel,  mais  (l 'après  un  canon  iJont  on 
ne  comprend  pas  bien  l'esprit.  Lepsius  a  rec^iieilli  en  un 
volume  spécial  (Mteste  Texte  desTodtenbûdis)  quelques- 
uns  des  anciens  textes  du  Livre  des  morts ^  et  M.  E.  Naville 
a  publié  récemment  une  édition  critique  des  manuscrits 
thébains  de  la  XVIIP  à  la  XX^  dynastie.  M.  P.  Pièrret  a 
donné  une  traduction  complète  de  cet  important  recueil,  et 
M.  Le  Page-Renouf  en  fait  actuellement  paràîtï*é  une  inter- 
prétation en  anglais  dans  les  bulletins  de  la  Société  d'ar- 
chéologie biblique  de  Londres. 

Chaque  chapitre  débute  par  un  titre  à  l'encre  rouge, 
qui,  illustré  d'une  vignette,  en  annonce  l'objet,  et  se  ter- 
mine généralement  par  une  rubrique,  comme  par  exemple 
le  chapitre  xxx  :  «  A  dire  sur  un  scarabée  en  pierre  dure  que 
l'on  placera  dans  la  poitrine  de  l'homme  (le  défunt).  »  On 
peut  voir  au  Louvre,  salle  funéraire,  vitrine  G,  quelques- 
uns  de  ces  scarabées  funéraires  que  l'on  trouve  en  effet 
dans  l'intérieur  de  la  momie.  —  Le  texte  àk  Liwe  des 
morts  étant  condamné  à  l'ombre  éternelle  des  hypogées 
était  tracé  avec  une  extrême  négligence,  ce  qui  explique  les 
fautes  innombrables  relevées  dans  les  exemplaires  que  nous 
possédons.  Paul  Pierret. 

Histoire.  —  Livre  de  la  conquête.  —  Chronique  fran- 
çaise en  prose,  écrite  entre  1333  et  4341,  et  racontant, 
après  une  courte  introduction  consacrée  à  la  première  et  à 
la  quatrième  croisade,  la  conquête  du  Pélopohèse  par  les 


Francs  et  l'histoire  de  ce  pays  depuis  1205  jusqu'à  1304. 
Buchon,  qui  publia  ce  document  en  i84t)  (Rechef  éhes histo- 
riques sur  la  prinGÎpauté  française  de  Mptée,  t.  I), 
d'après  Punique  manuscrit  de  Bruxelles,  a  essayé  !de  démon- 
trer que  ce  teïte  français  représentait  la  forme  éi^iginale  de 
l'ouvrage,  ayant  servi  de  base  à  toutes  les  âutréé  yèrsions, 
grecque,  esp4^nole  et  italienne,  (jue  l'oïi  possède  cfe  la  Chro- 
nique de  Moirée,  Il  semble  pbuvé  aujourd'hui  qhb  ce  rapport 
doit  être  renyersé.  Vers  le  commencement  du; x|ïv®  siècle, 
un  écrivain  4hoûywie,  fort  au  courant  des  choste  du  Pélo- 
ponèse,  cojmppsa  en  grec  et  en  vers  politiques  une  Chro- 
nique de^Mprée,  dointle;  réôit  s'arrête  en  4202.  Cet 
original,  Imréîïient  traiiuitèn  finançais  et  continïié  jusqu'en 
1304,  devint  le  Livre  d^e  la  conquête,  A  la  fin  du 
XIV®  siècle,  une  traduction  aragonaise  fut  faite,  égale- 
ment sur  lé  grec,  dan^  laqiielle  le  récit  fut  poussé  jusqti'eni 
1377;  il  existe  aussi  une  vei^sion  italienne.  E^fin,  dans 
plusieurs  mahuscrits,  l'original  grec  a  été  t-etouçhé  et  re- 
manié dans  lin  sens  moins  hostile  à  la  nationaHté  grecque. 
L'auteur  de  la  Chronique  de  Morée,  quoiqu'il  ait  écrit  en 
grec,  est  en  effet  de  sentiments  absolhmeut  favorables  aux 
Francs,  et  tres  prôbàjilemént  il  est  de  leur  race  ;  pour  les 
vaincus,  il;  nîa  que  haine  et  mépris,  et  ces  tendances  nui- 
sent parfois  un  peu  à  son  impartialité.  Mais  il  est  assez 
proche  des  événements  pour  les  bien  connaître  ;  son  style, 
rude  et  iriaia|roit,  est  incapable,  d'aulre  part,  d^  travestir 
sérieusement  Paëpect  des  faits  ;  àussi^  bieti  quel  son  récit 
doive  être  utilement  complété  et  éritiqué  par  ceui  de  Ramon 
Muntaner,  dé  Bernard  d'Ësclot  et  de  Marino  $anudo,  il 
eât  fort  curieux  pour  Phisioire  des  établissèihents  francs 
de  Morée  ;  il  offre  en  outre  un  témoignage  reniai-quable  de 
la  fusion  qui,  assez  promptemetit,  ra|)procha  lès  Grecs  et 
les  Francs  et  de;|'iufluènc^  qu'kercèrept  Puné  ^uï^  Paîitre 
les  deux  langues;  et  lés  deux  civilisations.  Le  té^te  grec  de 
la  Chronique  dé  ilf^iir*^^,  dontle  meilleur  mB^fmsèrit  est , 
celui  de  Copenhague,  a  été  publié  par  Bu6hon:Éti?*owp^5 
étrangères  relatives  auoù  expéditions  francises  pen- 
dant le  inf  siècle  (Paris,^  18îl),  d'api-ès  uh  manuscrit 
de  Paris,  et  Recherches  h^tston^iques  sur  la  pmcipanté 
de  Moréé  {P2itn^  1«47,  tl  Iï|,  d'aprèâ  Ip  manuscrit  de 
Copenhagi^e  ;  le  texte  ardgonais  a  été  piiiblié  par  Mbrel 
¥^ûo  i  Chronique  dèMor^  (Gfenève,  4885).  Ch.  Diehl. 
Livre^  rouges.  — ' ïiegistres  pcrets  déi  penèîôns  payées 
sans  brevet  èî  sans  titre  pubhc;  par  le  tréjsor  ï^oyal,  sous 
l'âncieiî  régime.  Il  eâ  fut  i|Uestiori;  d'àb^râ  dàiis  diverses 
remontraiibes  du  pariémcnt  et  des  notables,  phis  dans  les 
journaiix  ï^éVolutîoniiaires,,  enfin  dans  la  séance  de  l'As- 
semblée nationale  dii  28  iiov.  4789,  à!  propob  d'un  état 
financier  Si^né  p^r  Dufresne  au  nom  dii  ministère  des 
finances,  ^t  produit  |)ar  Anson.  Cet  état  renfermait  déjà 
beaucoup  ii'ârticlés  non  jifstifiés,  comnie  les  mensualités 
destinées  ^upàyépient  dés}!; dettes  du  corpte  dMoig.  lais 
Camus,  Gouttes^  Pi^on  diiGaland  firent  observer  qu'il 
existait  «"aux  fipàncfe  uni  livre  rouge»,  sans  la  connais- 
sance duqiiel  lalhatioh  ne*  pouî'rait'savbir  exactement  le 
chiffre  de  Ses  déjiehses,  lii  surtout  eh  appreciet'  la  nature. 
Il  y  avait  en  réalité  tm  livre  dii  même  genre  pour  chaque 
département  min|i$térie!,  et,  cela,  concuWenjtm^ht  avbc  les 
ordonnances  du  èémpjtant,  è.-^à-d.  les  raàpd^ts 'touchés  par 
un  simple  ;^d^  dh  roi.  Le  5  m|irs,  l'Assemblée;  'sur  lé  rap- 
port de  Càbus,  demahdà  nettejîlient  au  rôi  de  lui  commu- 
niquer toutes  pièces  justificatives  dçs  penéions  octroyées, 
et  notamment  le  Hyré  roiîg^.  SiK  xÀ%vâ)t&^  M  Comité  des 
pensions  'eh  prîfént  lécttîre  Jo  4^  maï^si  et  firent  leiir 
rapport  lé  48  :  ils  Ibuèfent,  l'économie  personhfelle  du 
roi,  et  s'indignèrent  cohtre  les  «  déprédatîoins  de  ses  mi- 
nistres». Le  4®'  avr.  parut  un  premier  rapport  pour  les 
années  4779  et  4784  à  4Ï8T:  d'après  ce  éompte,  la 
moyenne  annuelle  des  birdbnnances  de  coinpiapt  ressor- 
tissait  à  une  centaine  de  îhilliôns.  Quant  au  livre  rouge 
proprement  dit,  le  total  ^es  sbmmes  qui  y  étaient  ins- 
crites du  40  mai  4774  ^u  16  août  478$  ^'élevait  à 
227,985,746  livres  40  Sous  4  denier,  dont  plus  du 


mm  ™-  366 

dixième  ppàr  les  deux  fjjères  flu  roi.  Le  tiire  rouge  coiii- 
prenâit  aussi  les  dépensas  de  Sa  police  iié  sûreté,  de  Fés- 
piomiage  nîîjiitairé  ou  difllomatique,  du  cai^inet  noir  (Y  ^  ce 
mot),  etc.  beaucoup  de  ces  dépenses,  pour  être  secrètes, 
n'eu  étaient  pas  moins  jiistifiâbies,  ainsi  que  le  fit  observer 
le  comte  de  jVIontiîtorin;  à  propos  duch.  yiii  (4âaVr.  ItOt)). 
Il  faut  également  teiiir  compte,  pour  jjester  juste,  des 
Observations  de  Necker  sur  les  ordonnai|ces  de  compts^nt. 
—  Servan  ^énonça  à  1^  Législative  un  autre  livre  rouge 
trouvé  au  ministère  de  la  guerre  et  doni  l'impression  fut 
ordonnée.  Elle  décida  aiissi,  sps  tenir  compte  des  ménagé- 
ments  de  la  Constituante  poui^  l'aïeul  de  Éouis  ^VI,  la  pu- 
blication de  la  premièî^e  partie  du  premier  livre  rbu^e, 
relative  au.  règne  de  Louis  XV.  •—  Entin  un  troisième 
livre  rouge  trouvé  à  Versailles  dans  un  secrétaiÉ'e  de 
Louis  XVÏ,  fut  signalé  ^  la  Convention  le  28  févr.  4793 
et  imprimé  à  la  suite  des  autres  pièces  du  procès.  H.  Bîonin. 
Histoire  religieuse,.—  Livre  de  la  création  (V.Cab- 

BALE  juive). 

Livres  pontificaux  (V .  Liber  poi^tieicXlis)  . 
LivïiES  saints  (V.  feïBLE  et  (P^ouvEAu  Testament), 
AEoi,eîi; <iroit.  -—  Livre', de  jostïce'Et  de  plet.  — 
Bien  que  le  livre  de  jostice  et  de  plet  Soit  depuis  long- 
temps connu  des  érudits ,  qu'il  ait  été  consulté  par  nos 
anciens  jurisconsultes  tels  que  La  Thauniassîère  etLaurière, 
qu'il  ait  ét^  mis  à  protlt  par  lès  glosgographes  français  tels 
que  ï)u  Caiige  et  Lacurije  de  $ainte~Paiaye^  il  li'a  cepen- 
dant été  publié  qu'en  4850  par  MM.  Eapetti  et  Chabaille 
dans  la  Collection  des  documents  inédits  sur  Thistpire 
de  France  (Paris,  in-4).  Cet  ouvrage  est  divisé  en  vingt 
livres,  et  se  compose  d'extraits  des  Pandectes,  des  Dé- 
crétales  et  4u  droit  coutumier.  C'est  visiblement  Je  droit 
romain  qui  domine  pour  la  méthode  comme  pour  Je  fond. 
Ainsi  l'auteur  a  suivi  dans  son  exposé  l'brdre  du  Digeste 
*et,  sur  B42î  titres,  epi  ^  emprunté  495  au  droit  ronlain. 
Quelques-uns  sont  littéralement  traduits,  des  Pandectes; 
d'autïi'es  son^  altérés  par  des  contresens  ou  autrement,  afin 
d'êti[e  niïs  eii  rapport  ayee  les  coutumes.  Le  mèiine  système 
a  étéiemployé  pour  le  droit  canonique  qui  formé  le  second 
éléiîiént  dd  i^(w^  dé  josticé  et  d>e  plet.  Lé  droit  coutu- 
mier !èt  le  droit  téodsil  ne  viennent  qu'au  troisième  rang  ; 
ma^s  ils  sont  éncire  dans  leur  pléii^e  pureté.  L'auteur  les 
a  juxtaposés  au  (Jroit  romain  et  au  droit  cgnoii^quej  mais 
nç  le^  a  pas  altérés  .\  L^  coutume  qu'il  expose  est  celle 
d'Orléans.  Tel  qu'il  s0  présente,  lé  Livre  dejoétice  et  de 
^f^i^"  paraît  bien  être,  l'œuvre  d'un  théoricien  i^lutf^t  que 
celle  (d'un  praticien.  C'pst  peui-être  un  recueil  de.  notes 
faitesipar  uni  professeur  pour  son  cours  ou  prises  par  un 
étudiant  à  un  cours  de  Funi vers! lé  d'Orléans.  Comme  le 
Livre  de  jpstice  et  de  plet  rapporte  l'ordonnance  sur  les 
baillis  et  sjir  les  sénécbaiix  4^4  254^  et  celle  q^ii  f#  faite 
contf^e  le  duel  judiciaire  ^n  4260^  ilsemible  bien  qu'il  ait 


le  (Jjféi^  rô^nain  éii  finançais  e);  avec  une  gr^jindt)  hardiesse 
dans  j  lintepprétatfon  .des  textes.  Le  Livrç  de  jostice,  ep  de 
plet,  n'en  offre  pas  m(|ins  un  intérêt  corisidëifabie  ;  il  ^ous 
fait  connaître  le  dij-pit  civil  de  ce  temps  et  nous  dpnne  aussi 
d^sjP^n^eigjleEpents  sU|'  ra4mii|listratipBi  deècom|ïiunes|,  ainsi 
quej  sjar  liô^ijlfoît  criminel,  fenfn  il  néus|nioîit]|^e  ile  pjéemier 
proééd^  ^U/jon  a  employé  pour  rapproche^  lé  droit!  roijiain 
et  fe  dî|oit  coptumîer,  procédé  tout  à  fait  grossier  et,  qui 
consistait,  pomm^  on  T'a  dit  ijïusi  haut,  noni  pa^  diins!uûe 
véritahie  if  sjon,  fîiais  dans  une  simî)le  juxtaposition  njalé- 
riell^'.des  ;  textes. ',  ''         '  \  '  É. 'Glasson. 

Livre  D^  1^4 'Roine  (V.  Fontaines  [Pierre  de]). 

Livre  'De^  droiz  et  des  gommândemens,  d'office  de 
JUSTICE,  -ri  Sous  PC  titre,  pn  praticien  du  Poitou  a  com- 
posé pn  recueil  4e  décisions  d^s  cours  de  ce  pays  et  de 
quelques  contrées  environnantes,  rendues  pendant  la  se- 
conde i  moitié  du  ;siv®  siècle.  Ces  décisions  portent  sur 
toutes  les  branches  du  droit  et  sont  rapportées  par  Fauteur 


sans  ordre  ni  méthpde,  ïi  est  probable  qu'il  les  a  enregis- 
trées à  mesure  qu'elles  étaient  rendues.  Aussi  ne  faut-il 
s'étonner  ni  des  lacunes  ni  des  contradictions  de  ce  recueil. 
Il  est  cependant  fort  utile,i  car  il  nous  fait  connslître  fes 
coutumes  du  Poitou  à  cette  époque  ;  en  outre,  il  est  de 
toutes  parts  pénétré  par  lé  droit  romain  et  nous  voyous 
ainsi  quel  était  dès  ce  temps  l'influence  de  ce  droit.  L'auteur 
s'est  aussi  inspiré  des  Etablissements  dé  saint  Louis  et 
de  certaines  coutumes  de  l'Anjou.  l\  a  même  parfois  trans- 
crit pour  le  Poitou  des  textes  angevins  qui  se  rapportaient 
à  des  usages  différents  de  ceux  du  Poitou.  Aussi  ne  doit-on 
consulter  le  Livre  des  droiz  et  d^s  comfnandémens  qu'avec 
beaucoup  de  prudence.  Il  a  été  publié  par  M.  Beaùtemps- 
Beaupré  (Paris,  4865,  2  vol.Jn-8).  '  E.  Glasson. 
Droit  canoB  (V.  Approbàtiopï  et  Index). 

^  Droit  civil.'  ~-  Livres  domestiques.  —  Expression 
générale  par  laquelle  on  désigne,  en  droit,  toutes  écritures 
dans  lesquelles  une  personne  consigne  le  souvenir  des  faits 
ou  actes  qui  se  rattachent  à  sa  vie  privée  et  l'intéressent  ou 
intéressent  les  sieiis.  Les  libres,  registres  ou  papiers  domes- 
tiques n'ont,  en  principe,  de  valeur  que  pour  celui  qui  les  a 
écrits.  Cependant,  dans  certains  cas^  et  fauté  de  mieux,  la 
loi  leur  reconnaît  une  force  probante,  même  à  l'égard  des 
tiers,  Ainsi,  par  exemple,  l'art,  %^'k  duC.  civ.  les  rangé 
parmi  les  écrits  qui  peuvent  être  considérés  comme  commen- 
cement de  preuve  par  écrit  autorisant  la  preuve  testimo- 
niale de  la  filiation.  De  même,  l'art,  46,  prévoyant  le  cas  oîi 
il  n'y  a  pas  eu  de  registres  de  l'état  civil,  ou  le  cas  dans  lequel 
ces  registres  ont  été  perdus,  permet  de  faire  la  preuve  des 
naissances,  mariages  op  décès,  à  l'aide  des  livres  et  papiers 
émanés  des  pères  et  mères  décédés.  — -  De  même  encore  la 
preîive  des  obligations  peut  résulter  des  livres  domestiques. 
«  Les  registres  et  papiers  domestiques,  dit  Fart.  4BB4, 
ne  font  point  un  titre  pour  celui  ^ui  les  a  écrits.  îls  font 
foi  contre  lui  :  4**  dans  tous  les  cas  où  ils  énoncent  formel- 
lement un  payement  reçu  ;  2<>  lors4u'ils  contiennent  Ja  men- 
tion expresse  que  la  note  a  été  faite  pour  suppléer  le  défaut 
du  titre  en  faveur  de  celui  au  profit  duquel  ils  énoncent 
une  obligation.  »  —  Enfin,  eU  cas  de  succession  échue 
aux  époux  pendant  la  coniimunauté,  la  femme  peut,  si  aucun 
inventaire  n'a  été  dressé,  faire  preuve,  par  titres  ou  papiers 
domestiques,  delà  consistance  et  de  la  valeur  du  mobilier 
non  inventorié,  mais  ce  genre  de  preuve  est  interdit  au 
mari  (art.  144 S). 

^  Droit  commeroiaL  —  Livres  de  commerce.  —  On 
désigné  sous  l'acception  générale  de  livres  de  commerce 
tous  les  livres  sur  lesquels  le  commerçant  relate  les  diverses 
opérations  de  son  commerce.  Indépendamment  de  l'intérêt 
propre  et  personnel  que  les  commerçants  ont  à  tenir  des 
livres,  ils  y  sont  astreints  par  la  loi,  quelque  peu  important 
d'ailleurs  que  soit  leur  commerce.  En  matière  de  société  com- 
merciale et  en  dehors  des  livres  sociaux,  chaque  associé  tenu 
indéfiniment  des  dettes  sociales  est  obligé  d'avoir  dés  livres 
persjonnels.  Par  contrcï  les  non-commerçants  faisant  acciden- 
tellement i\m  opération  commerciale  ne  sont  pas  tenus 
d'avoir  des  livres.  Lès  livres  que  la  loi  déclare  obligatoires 
sont:  le  livre  journal^  le  copie  de  lettres  et  le  livre  d'in- 
ventaire. Le  livre  journal  présente  jour  par  jour  les  dettes 
actives  et  passives  du  commerçant,  les  opérations  de  son 
commerce,  les  négociations,  acceptations  ou  endossements 
d^effets,  et  généralement  tout  ce  qu'il  reçoit  et  paye  à 
quelque  titre  que  ce  soit  ;  il  énonce  en  outre  mois  par  mois 
les  dépenses  de  sa  mpon.  Lé  livre  journal  des  marchands 
au  détail  ne  mentionne  pas  toutes  leurs  ventes,  mais  seu- 
lement le  total  de  leurs  recettes  journalières.  Le  livre 
journal  est  donc  la  base  de  touto  comptabilité.  Non  seule- 
ment le  négociant  doit  garder  copie  des  lettres  qu'il  expédie, 
mais  il  doit  encore  conserver  en  liasse  celles  qu'il  reçoit. 
Les  contrats  commerciaux  se  formant  fréquemment  par 
correspondance,  l'utilité  de  cette  prescription  est  évidente. 
Tous  les  ans,  le  comi)oierçant  doit  faire  un  inventaire  de 
ses  effets  mobiliers  et  immobiliers,  de  ses  dettes  actives  et 
passives  et  le  copier  sur  un  registre  spécial  :  c'est  le  livre 


.^  '367  -^ 


ti^m 


dlnventâirei  ïiidépendsi»ai)îent  de  ces  livres,  les  commer™ 
çants  eîi  tiennent  d'stuti^es  qu'on  nomme  facultatifs  oh 
auxiliaires^  Les  plus  usités  sont  ;  le  brouillard,  le  grand- 
livre,  le  livfe  de  caisse,  le  livre  d'achats  et  ventes,  le  livre  ' 
des  traites  et  billets .  Afin  d'assurer  leur  sincérité  et 
d'éviter  les  fraudes,  les  livres  de  commerce  sont  soumis  à 
certaines  formalités.  Ils  doivent  être  constitués  par  des 
feuillets  reliés  ensemble  et  non  par  des  feuillets  volants. 
Ils  doivent  être  cotés,  c.-à-d.  que  les  pages  sont  numéro- 
tées; et  pai'afés,  c.-à-d.  qu'ils  sont  revêtus  de  la  signa- 
ture d'un  officier  public:  juge  au  tribunal  de  commerce, 
maire  ou  adjoint.  Cette  formalité  a  lieu  sans  frais.  Dans 
les  livres,  les  écritures  doivent  être  en  langue  française, 
sans  qu'il  soit  nécessaire  qu'elles  soient  de  la  main  du 
marchand.  Elles  sont  tenues  par  ordre  de  date,  sans  blancs,  : 
lacunes  iii  transports  en  marge  ;  les  erreurs  et  les  omis- 
sions doivent  être  réparées  par  des  écritures  spéciales  à  la 
date  oii  elles  sont  découvertes.  Le  livre  journal  et  le  livre 
des  inventaires  sont  parafés  et  yisés  une  fois  par  année.  ; 
Ce  visa  constate  oti,  en  sont  les  écritures  à  sa  date  et  a 
pour  but  d'empêcher  la  confection  après  coup  d'uîi  re|istre  ; 
s'appliquant  à  plusieurs  années.  Il  n'a  donc  rien  de  commun 
avec  le  visa  exigé  avant  que  le  livre  ait  été  employé.  Le  | 
commerçant  est  obligé  de  conserver  ses  livres  pendant  ! 
dix  ans  à  /îompter  de  la  date  de  la  dernière  édriture  du 
livre.  ;Si  en  fait  il  les  conserve  pendant  plus  longtemps^  il 
peut  demander  ou  être  contraint  de  les  produire  en  justice. 
L'exécution  des  prescriptions  légales  en  ce  qui  concerne  la 
tenue  des  livres  est  garantie  par  une  double  sanction. 
D'une  part,  les  livres  non  tenus  régulièrement  Hô  peuvent 
être  réprê^ntés  ni  faire  foi  en  justice  au  profit  des  com- 
merçants, mais  les  tiers  peuvent  toujours  se  prévaloir  des 
mentions  qui  s'y  trouvent;  d'autre  part,  le  commerçant 
failli  qui  n'a  pas  tenu  de  livres  peut  être  déclaré  banque- 
routier simple.  La  première  de  ces  sanctions  serait  sérieuse 
si  les  tribunaux  o}3:serva]ent  strictement  les  diéfiositions 
légales,  mais  la  latitude  qui  leur  est  donnée  dan$  l'appré- 
ciation des  preuves  en  matière  commerciale  leur  permet 
de  considérer  comme  présomption  de  fait  les  meïitjons  in- 
sérées sur  des  livides  irrégulièrement  tenus .  adssi  les 
prescriptions  légales  en  matière  de  tenue  des  livresl  tendent 
à  tomber  eii  désuétude.  L'altération  des  Uvres  de  ct^mnierce 
est  un^  des  formes  du  faux  en  matière  4©  commprcej  qne 
cette  altération  s'applique  à  des  livres  réguliers  ou  irrégu- 
liers. On  pmt  consulter  les  livres  de  commerce  par  deux 
moyens,  la  communication  et  là  représentation.  La 
communication  s'entend  de  la  remise  du  registre  avec  fa- 
culté de  le  bômpulser  en  entier.  Li  représentation  consiste 
dans  l'exhibition  des  registres,  à  dès  endroits  déterminés, 
sans  dessaisissement.  La  communication  peut  être  exigée 
pour  les  Uvres  de  tous  les  commerçants,  même  des  agents  de 
change.  Mesure  extrêmement  dangereuse,  elle  n'est  duto- 
risée  que  {Jàns  des  cas  exceptionnels  :  affaires  de  succes- 
sion, çomkunauté,  partage  de  sociétés,  faillite.  Bans  ces 
hypothèses,  il  n'y  a  pas  d'indiscrétion  a  craindfo,  |?arce 
que,  ou  bien  le  commerce  est  terminé,  ou  bien  la  cortimu- 
nication  est  faîte  à  des  personnes  qui  n'ont  pas  dfihtéirêt  à 
divulgiier  les  secrets  de  la  comptabilité.  En  matière  de|  suc- 
cession la  communication  peut  être  requise  non  seulepent 
par  les  suctjesseurs universels  ab  intestat  ou  téstÊ^niéntaires, 
mais  encore  par  les  légataires  particuliers  ou  p^Y  les 
donataires.!  Ceux-ci  ont  intérêt  à  établir  la  consistance  du 
patrimoine^  quand  on  demande  par  exemple  la  i'éduction 
de  leur  legs  ou  dé  leur  donation  sous  prétexta  qu'elle 
excède  la  quotité  disponible.  La  communication  d^s  livres 
en  matière^  de  communauté  s'explique  facilement;  dans 
l'hypothèse  même  où  le  fonds  de  commerce  reste  profire  à 
l'époux  commerçant,  les  bénéfices  tombent  en  commun|iuté. 
Il  est  donc  de  toute  nécessité  pour  la  hquidationqueleséjpoux 
ou  leurs  héritiers  puissent  avoir  communication  des  liyres. 
En  matièreide  société,  le  droit  pour  les  associés  de  deiîian- 
der  commufiication  des  livres  ne  s'applique,  en  i^rin^ipe, 
que  dans  les  sociétés  en  nom  collectif  et  en  commandite 


simple.  Dans  lès  sociétés  anonymes  et  en  commandite  par 
actions,  ce  dMt  !est  exercé  par  les  conseils  d'administra- 
tion ou  dé  sut'véillance.  Les  actionnaires  ont,  seulement 
le  droit,  de  se  fkiré  communiquer,  à  certaines  époques, 

diverses  p^écé^  leui'  permettant  de  se  renseigner  sur  1^  si- 
tuation de^affàirp^  sociales.  Cependaiit  ils  pourraient  faire 
ordonner  l^îcolèmjafeation  parles  tribunaux  s'ilè  justifiaient 

d'un  infe^l;.  In  i/ffSjde  faillite,  le  droit  à  la  éommunica- 
tion'  ai)|)ai'lient  non  seulement  aux  syndics,  cela  va  de 
soi-,  maîs  encore  ^Ux  créanciers  et  autres  intéressés.  Indé- 
pendattitent  dés  cas  fixés  par  le  code  de  cokmerce,  le 
droit  4^éx||eri  la  communication  appartient  à;  ceux  qui  y 
sont  àùtAèsîen  ^éfhx  d'une  convention,  soit  expresse,  soit 
më^e  ta!bî|d.  Ainsi  H'èst  en  vertu  d'une  convention  tacite  que 
le  droit  d^^iigér  cjoiumuniçation  des  libres  est  reconnu  aux 
emplojrés  aUx(j[Uëls  leur  patron  a  promis  Une  part  dans 
ses  bén|fi<^ïc}s  et  àdx  assurés  sur  la  vie  avec  participation 
aux  bénéflèésj  On  j^eut  évidemment  renoncer  à  ce  droit,  et 
il  y  a  içre^qué  toujours  une  clause  tendant  à  ce  but  dans 
les  poli5pe|  d'^sWance  sur  la  vie.  p'est  aux  juges  qu'il 
appartient  de  i'égleic  la  forme  de  la  Communication  ;  elle 
s'opère  i^n  géiiéruLpar  le  dépôt  du  livre  sur  récépissé  au 
greffe  pu  <fhezî  un  tieirs.  Dés  lois  spéciales  prescrivent  aussi 
la  cénpininnïcalioi]^  des  livres  |t)our  la  perception  de  certains 
imp<)ts|.'  &  vertu  dés  lois  des  29  juin  l87â!  et  21  juin 
487S,Î  fàdiniîiistï'alipn  de  l'enregistrement  se  considère 
cdmlne  Ifondéé  à  exiger  la  cèmmunicâtion  à  ses  agents  de 
tous  lè^  lïvre^  dés  commei^çants,  pour  la  perception  des 
drëi(;s  {le  !tïmJ3re  |et  d' enregistrement  et  de  l'impôt  sur  le 
revênpl  ^ps  v^bufe  naobiliérés,  sur  les  lots  et  primes  atta- 
ché^ adx  obliktiLdns^  La  représentation  des  livres  de  com- 
met'ce  penï^  jêt|*'3  faite  s|)ontanément  pèr  la  partie  qui  les  a 
tenus,  pji  l|cir(|(|nïiée  pa!r  le  juge,  soit  sur  la  demande  do 


l'autre  paltîe!, 


soît  d'office.  Lorsque  les  livres  à  représen- 


ter sont  iians!  uni  ïleu  éloigné  du  tribunal  saisi  de  l'affaire 
les  ju^eà!|éuyéni  donner  ,eoîttmission  rogatoiré  aii  tribunal 
du  lléu,  M  Idéifeguer  tm  juge  de  paix  fiour  en  prendre  con- 
naissance.: |Lé  ima^isirat  désigné  dresse  de  son  opération 
un  prodès|ye#al!dans  letjuel  il  constate  l'état  mitéjpiel  du 
regiStfe  et  fci|t  fifeurér  p^jr  extrait  ce  c[ui  a  trait  au,  diffé- 
rencj.  On  if  {jeut  demander  en  principe  que  la  représenta- 
tion des  livres  j  obligatoires.  Cependant  le  cbralnerçaht  qui 
a  des',  |liyr|s  {|iUxilîaii['es,peut  être  at^torisé  ou  tend  à  les 
représente!?!  ifàn^  fusagé|,'  les  tribunaux  de^çoinmerpe  or- 
donnent gfiivent  en  dehofe  hs  (îas  prévus  par:  Ja  loi  le  dé- 
pôt dè|  liyres;!  :ai^- greffe'!  pour  que  les  ma|istrats  puissent 
en  pre|ndr^'!co|nimju]ilif3ation»'  C'est  là  une  viol4|on  dé  la  loi 
qui: présente  de  graves  ;ii|içonvénients.  t'obligatîon  détenir 
des, livres JîilicOinbb;|£i.i  toU^,  cedx  ^'qni  exercen^t^^'ïe  conimerce 
en  'Prfiné^^::a|cïr^l'j,méme'||g^^^  pas;  leur  ^principal 

établisSémé|it^|  !'C'est'|la  liciî,(!u  pays'  ,0rJt'1ejcnn#erçaî^t  a  le 
siè^e  de  s^é'  apf^ires. qui 'ijdïti être  sippïi(jué0!qi|and  H s'agit 
d'ordonner  ïg.  éon^mupicàtîonl  ou  la  repijésentatitin  ,des  livres  * 
et  la  loi  '||i  l}eu  'dpi;  litige  pour;' la •fcfrmel  '(|at{f  laqt^elle  il 
doit ,  y:  fetrej ; pr|>cédél ^  \  '  '     ;  ,       ':    Lyonnel  '  Dïjoierjejan . 

âdïiaîiîi^|t|^tiop.  --r'  Livres  3ro!femRS.'  •—  ''Ee|istres 
pubM  s,iji^!ié^quélS|Sontjhscrits  les'it^imeubles  aveé  J'in™ 
dicatiofi  ëi|et^  de  Wr  étendue  etde'leu^'s  limite^;,  et  la 
mention  d;é'toijs'les|droit$';qui  les:;al^^en|;:deî:la  psjrt  des 
tier^, 'ta  valeur  (1^'S; hypothèques,! et "l*ordre  '{|e  leur  ins- 
cription. ;t:Wi^itdîîon  des, 'livres  fonciers;  ^  pUUr  o|jet  de 
rendre':  la  :|robri^tè  loniïère  plus  :faellement  tknsmissible 
que ps^Heàmwei^s; ordinaires,  en siui^lifiaut lés foriUalités 
de  ' tranâml^siw  e|t'en  i^ràîitissapt.leè  46rrii;eij$'  acqi^éreurs 
contre  !';les'irisqUe^  d'eviétitj^n»  'En,  droit i^frajoiçsi^s,  la!  trans- 
cription ei'  !rij|soripiion  :  .feurnissent  '  uiie  ^  ^uplcifé:'  tout  à 
fait'  insufti^pife  ;  la  transicpptioiiiest  exigée  eîi  nfatîère  de 
vente,  maïs  e|e  n'a  pas  ijeii  en  cas  de  transUiission  hérédi- 
taire ;  de  mêrlé,  beaiucoiiii  d'hypothèqiles  pe  ^^ont  p^s  su- 
jettes! à  inscription,  inoîapnent  celle  de  la  f^Jun^ie  fnariée 
et  des;mineur^.  Dan^  l'ét^f;  actuel  de  toutes  lé^législiitions, 
disait;Sir,  |î^ob|rt  Torréns^:|[»egistrar^generalî  àd^^^  EAUstralîe 
méridionale,  tout  homme  peut  vendre  uncheval  sans  l'inter- 


LIVRE 


368  — 


médiaire  d'un  Ijomme  d'affaires,  et  même  un  nawe  valant 
40  et  même  30,000  livres  sterling  ;  mais,  dès  qu'il  s'agit 
d'un  morceau  de  terre,  il  ne  peut  se  passer  de  1  assistance 
d'un  homme  d'affaires,  et  souvent  même  la  propriété  qu'il 
a  payée  est  tellement  incertaine  et  grevée  de  charges  qu'il 
ne  peut  pas  savoir  au  juste  s'il  a  acheté  un  acre  de  terre 
ou  un  procès.  Torrens  se  demanda  alors  s'il  n'était  pas 
possible  d'appliquer  à  la  terre  les  procédés  en  usage  pour 
la  vente  des  navires  et  il  imagina  la  réforme  qui  porte  son 
nom  (V.  Acte  Torrens). 

De  l'Australie  méridionale,  l'institution  des  livres  fon- 
ciers est  passée  en  1861  dansleQueensland,  en  1862  dans 
l'Etat  de  Victoria  et  de  la  Nouvelle-Galles  du  Sud,  en  1874 
dans  l'Australie  occidentale,  la  Colombie  britannique,  l'Etat 
d'Iowa  et  d'autres  pays  de  colonisation  anglaise,  L'Angle- 
terre même  et  l'Irlande  les  adoptèrent  pour  une  certaine 
catégorie  de  propriétaires  ;  mais  la  réforme  ne  s'y  est  pas 
généralisée;  la  propriété  foncière,  chez  les  Anglais,  est  en- 
core un  privilège  que  Taristocratie  ne  veut  pas  abandon- 
ner; tout  en  faisant  le  sacrifice  des  avantages  réels,  au 
moyen  d'hypothèques  ou  autrement,  elle  tient  à  conserver 
le  domaine  éminent.  D'autres  pays  ont  ouvert  des  livres 
fonciers  comme  en  Australie,  avec  toutefois  des  différences 
d'application  :  la  Russie,  l'Autriche,  la  Dalmatie,  le  grand- 
duché  dé  Bade,  plusieurs  cantons  suisses,  l'Espagne,  la 
Suède,  presque  tous  les  Etats  d'Allemagne,  notamment  la 
Prusse  en  1872.  A  Brème,  la  mobilisation  de  la  propriété 
terrienne  au  moyen  des  livres  fonciers  existe  depuis  plu- 
sieurs siècles  ;  les  propriétaires  peuvent  prendre  hypothèque 
sur  tout  ou  partie  de  leurs  propres  imn)eUbles,  pour  une 
valeur  déterminée,  et  engager  ensuite  c^tte  hypothèque  à 
des  tiers;  la  dette  payée,  l'hypothèque,  sans  autres  droits 
fiscaux,  peut  faire  l'objet  d'une  nouvelle  négociation. 

La  Franbe  n'a  pas  encore  de  livres  fonciers,  bien  que  de 
nombreux  jurisconsultes,  depuis  plus  de  cent  ans,  en  aient 
constamment  préconisé  l'usage  ;  une  loi  de  messidor  an  III 
avait  ibaginé  la  çédule  hypothécaire,  mais  elle  disparut 
avec  les  autres  institutio|is  révolutionnaires.  Dans  la  pensée 
des  partisans  de  la  mobifeatibn  des  immeubles,  l'avantage 
des  livres  fonciers  serait  de  faire  cesser  l'incertitude  des 
droits  réels,  de  rendre  les  propriétés  immobilières  liquides 
et  sûres,  d'augmenter  pai^  suite  lebr  valeur  en  diminuapt  les 
risques  d*éviction  et  en  donnant  aux  détenteurs  la  faculté 
d'en  disposer  plus  librement.  Jîaîs  il  faut,  pour  obtenir  ce 
résultat,  trancher  définitivement  la  questîbu  de  propriété 
dans  le  passé  ;  c'est  facile  en  Australie,  dans  les  pays  de 
colonisation  récente,  où  lé  propriétaire  actuel  peut  presque 
toujouîfs  justifier -£on  droit  de  possession;  dangereux  au 
contraire  chez  les" peuples  modernes,  où  la  multiplicité  des 
droits  réels  superposés,  croisés,  enchevêtrés  de  plus  longue 
date,  rend  leur  départ  très  diflflcile.  Cette  circonstance, 
autant  que  la  routine,  à  jusqu'ici  mis  obstacle  à  l'intro- 
duction de  l'Act  Tprrensi  dans  la  législation  française.  Ses 
dispositions  principales  ont  cependant  été  appli(|uées  par 
une  loi  du  5  juiL  1885,à  la  Tunisie,  où  il  existait  déjà 
des  usages  analogues.  Comme  en  Australie,  les  propriétaires 
tunisiens  peuvent  requérir  l'imnïatriculation  de  leurs  im- 
meubles sur  un  registre  tenu  par  le  conservateur  des  hy- 
pothèques ;  mais  l'inscription  n'a  d'effet  que  pour  l'avenir  : 
au  lieu  que  l'Act  torrens  rend  non  receyable  après  les  dé- 
lais d'enquête  et  de  publicité  toute  réclaniation  des  tiers, 
la  loi  tunisienne  interdit  à  l'agent  de  l'enregistrement  de 
faire  porter  sa  vérification  «  sur  le  fond  même  des  con- 
trats »,  de  sorte  que  lie  droit  antérieur  de  celui  qui  a 
demandé  l'inscriptiion  pourrait  donner  lieu,  le  cas  échéant, 
à  des  contestations.  Le  livre  foncier  tunisien  contient  «  la 
description  de  l'immeuble  avec  ses  tenants  et  aboutissants, 
sa  contenance,  le^  plantations  et  constructions  qui  s'y 
trouvent  et  l'inscription  des  droites  réels  immobiliers  exis- 
tant sur  l'immeuble  et  des  chargea  qui  lé  gravent  »  (art.-i^). 
Ces  indications  sont  reproduites  bur  le  titre  remis  au  pro- 
priétaire; mais  il!  n'y  a  pas  coiiformité  absolue  entre  les 
deux  documents  :  le  droit  de  propriété  né  figure  que  sur 


le  titre,  tandis  que  les  autres  droits  réels  d'usufruit, 
d'habitation  et  les  servitudes  sont  portées  en  même  temps 
sur  le  titre  et  le  livre  foncier.  M.  Charnây. 

BiBL.  :  HiSTORiauE.  —En  dehors  des  travaux  cités  aux 
articles  :  Bibliographie,  Bibliomanie,  Bibliophilie, 
Gravure,  Heures,  Iconographie,  Imprimerie,  on  doit 
consulter  les  ouvrages  spéciaux  suivants  :  Géraud,  Essai 
sur  les  livres  dans  Vantiquité^  particulièrement  chez  les 
Romains;  Paris,  1840,  in-8.  -^  H.  Gcell,  Ueher  den  Buch- 
handel  bei  Griechen  und  Rœmern;  Schleiz,  1865,  in-8.  — 
W.  SoHMiTz,  Schriftsleller  und  Buchhmndler  in  Athen  ; 
Heidelberg,  1876,  in-8.  —  Th.  Birt,  Bas  antike  Buchwe- 
s  en  ;  Berlin,  1882,  gr.  in~8.  ~  L.  Haenny,  Sc/irî/ïsfeifer 
und  Buchhmndler  in  Rom  ;  Halle,  1884,  in-8.  —  A.  Kirch- 
HOFF,  Die  Handschriftenhœndler  des  Mittelalters  ;  Leip- 
zig, 1853,  in-8,  2"  éd.  —  Du  même,  Weitere  Bèilrœge  zur 
Geschichie  der  Handschriftenhsendler  des  Mittelalters; 
Halle,  1855,  in-8.  —  Metz,  Geschichte  des  Buchhandels  ; 
Darnistadt,  1834-36,  8  vol.  in-8.  —  E.  Werdet,  Histoire 
du  livre  en  France  depuis  les  temps  les  plus  reculés 
jusqu'en  1860  ;  Paris,  1861-64,  5  vol.  in-12  (ouvrage  non 
terminé).  —  Ch.  Nisard,  Histoire  des  livres  populaires 
ou  de  la  littérature  du  colportage  depuis  le  xv^  siècle; 
Paris,  1854,  2  vol.  in-8.  —  E.  Egger,  Histoire  du  livre 
depuis  ses  origines  jusqu'à  nos  jours  ;  Paris,  1880,  in-12. 

—  H..  Bouchot,  le  Livre;  Paris,  s.  d.  (1886),  in-18  (princi- 
palement sur  le  livre  illustré).  —  Baron  R. !  Poutalis, 
les  Dessinateurs  d'illustrations  au  xviii«  siècle  ;  Paris, 
1877,  2  vol.  in-8.  —  H.  Côhen,  Guide  de  Vamateur  de 
livres  à  gravures  du  xviip  siècle  ;  Pari^,  1887,j  in-8,  5«  éd. 
■—  J.  Brivois,  Bibliographie  des  ouvrages  illustrés  du 
xix"  siècle  ;  Paris,  1883,  in-8.  -—  Champfleury,  les  Vi- 
gnettes romantiques  ;  Paris,  1883,  in-4,  fig.  —  G.  Giiuver, 
les  Illustrations  des  écrits  de  J.  Savonarole  ,  publiés  en 
Italie  au  xv  et  au  xvp  siècle  ;  Paris,  1879,  in-4,  flg.  — 
F.  LiPPMANN,  Der  ilalienische  Holzschnitt  imXV,  Jahrh,; 
Berlin,  1885,  in-foL,  fig.  (éd.  anglaise,  Londres,  1888,).  — 
Duc  DE  Rivoli,  Bibliographie  des  livres  à  figures  véni- 
tiens^ de  la  fin  du  xv*»  et  du  commencement  du  xvi«  siècle  ; 
Paris,  1892,  gr.  in-8,  lig.—  Muther,  Die  dei^tsche  Bûcher- 
illustration  der  Gotik  und  Frûhrenaissance;  Munich,  1884, 
2  vol.  in-4.  —  A.  Kirghoff,  Beitrœge  zur  Geschichte  des 
deutschen  Bu,chhandels  ;  Leipzig,  1851-53,  2  vol.  in-8.—  Du 
même  et  F.  Hermann-Meyer,  Geschichte  des  deutschen 
Buchhandels;  Leipzig,  1886,  1. 1,  in-8, 

Direction  de  l'imprimerie  et  de  la  ,  librairie.  — 
V.  Collection  des  anciennes  lois  françaises.  —  Archives 
de  la  Chambre  syndicale  de  la  librairie  (Bibl,  nat.).  — 
Article  de  M.  Ferdinand  Brunetiêre  {Revue  des  Deux 
Mondes  du  1«^  févr.  1852)  sur  la  Direction  de  la  librairie 
sous  M.  de  Malesherbes.—  Dalloz,  Répertoire^  art.  Presse^ 
ch.  I  et  ii.-~  Discussions  sur  ?a  liberté  de  la  Presse  [pro- 
cès-verbaux du  conseil  d'Etat  (1809  à  1815}^  réunis  par 
LocRÊ],  1819,  in-8.  —  Eugène  Hatin,  Manuel  théorique 
et  pratique  de  la  liberté  de  la  Presse^  18^8/^  Vol.  in-8.  — 
Henri  Welschinger,  la  Censure  sous  le  premier  Empire^ 
1882,  in-8,  et,  dans  le  Livre  du  mois  de  juin*  1887,  une  étude 
sur  la  Direction  généi  aie  de  l'imprimerie  et  de  la  librairie^ 
1810-15.  —  Paul  Dupont,  Histoire  de  l'imprimerie,  1814, 
2  vol.  in-8.  —  Fabreguettes,  Traité  des  infractions  de  la 

garole,  de  Vécrit  et  de  la  presse,  passim.  —  Bories  et 
ONAssiES,  Diction,  prat.  de  la  presse,  v°  Librairie.   — 
Dutrug,  Explication  prat.  de  la  loi  sur  la  presse,  passim. 

—  Faivre  et  Benoît-Lbvy,  Code  manuel  de  la  presse. 
pp.  31  et  32. 

Livre  de  la  conquête.  —  Bibliographie  très  complète 
dans  Krumbacher,  Gesch.  d.  byz.  Litt.^  422-423. 

Livres  rouges.  —  Réimpression  du  Moniteur,  t.  11, 
pp.  255,  519;  III,  200,  530,  641  ;  IV,  53,  59,  81,  107,  130,  147, 
162,  178,  209,  214,  222,  224  ;  XIII,  543,565,  738  ;  XV,  584.  —  Le 
Livre  rouge  ou  Liste  des  pensions  secrètes;  Paris,  1790, 
in-8.—  Comte  de  Montmorin,  Observ.  sur  le  chap.  viii  d'un 
imprimé  ayant  pour  titre  a  Livre  rouge  »;  Paris,  1798,  in-8. 
«- V.  Louis  XVÎ  et  Ordonnance  de  comptant. 

Ancien  droit.  —  Anschaûtz,  dans  la  Kritische  Zeit- 
schriftfûrRechtsmssenschaftundGesetzegebung^  t.  XXIII, 
p.  331.  —  Du  même,  Observations  à  la  fin  du  t.  VI  dé  VHis- 
toi7'e  du  droit  français  deLAFERRiÈRE.—  Viollet,  Précis 
de  l'histoire  du  droit  français^  éd.  de  1884,  p.  152.  —  Glas- 
son,  Histoire  du  droit  et  des  institutions  de  la  France, 
t.  ÏV,  p.  131. 

Livres  de  commerce.  — Bédarride,  Des  Commerçants, 
des  livres  de  commerce;  Paris,  1872,  in-8,  2°  éd.  —  Bes- 
LAY  et  Lauras,  Commentaire  théorique,  jf)ratique  et  cri- 
tique du  code  de  commerce;  Paris,  1867,  t.  L  in-8.  — 
BoisTEL,  Précis  de  droit  commercial;  Paris,  1890,  gr.,in~8, 
4«  éd.  —  Demasure,  Traité  du  régime  fiscal  des  sociétés; 
Paris,  1884,  in-8.  —  Lyon-Caen  et  Renault,  Traité  de 
droit  commercial;  Paris-,  1889,  t.  I,  in-8.  —  Nouguier, 
Traité  des  actes  de  commerce;  Paris,  1884,  2  vol,  in-8. 

Livres  fonciers.  —  Fr.  Troisfontaines,  les  Livres 
fonciers  d'après  VAct  Torrens  et  les  lois  allemandes  ; 
Bruxelles,  1889.—  G.  Gunzert,  les  Livres  fonciers,  d'après 
les  projets  de  loi  soumis  à  la  délégation  d'Alsace-Lorraine  ; 
Strasbourg,  1885.  —  Dain,  le  Système  Torrens  et  son  ap- 
plication en  Algérie  et  en  Tunisie.  —  Ch.  Gide,  Etude 


_  369  — 


LIVRE  --  l 


suif  VAct  torr^nSy  Bulletin  de  la  Société  de  législàtiùn 
cqmpafée,  avr4886.— L^^qn  Say,  Dictionnaire  des  jinaneen . 


L l  Y  B  E.  L  Poïps.—  p0|ds  en  usage  dans  un  grand  nombre 
de  pay^,  mais  que  l'adoption  du  système  métrique  a  fait  à 
peu  pHs  disparaître.  Ch^Z;  les  Roînains,  la  livre  étant  divisée 
d'abord  en  40,  puis  ensuite  en  12  onces,  Fonce  en  24  scru- 
pules {!^criptula)  t,  la  lîvr0  valait  donc  288  scrupules;  elle 
équivalbiit  à  un  peu  plus  de  320  gr.  (pour  les  détails,  V,  l'art. 
Poids  Ièt  mesures,  §  Antiquité),  Charlemagne  imposa  dans 
tout  soîj  empire  Pusage  de  la  livre  poids  de  marc;  mais,  tout 
en  conservant  le  même  nom  et  les  mêmes  subdivisions  en 
46  onces  à  42  deniers,  la  livre  variait  suivant  les  loca- 
lités; iOO  livres  de  Paris  égalaient  416^3  de  I^yon,  406^6 
de  Lyon  pour  la  soie,  448  livres  deToulouse,  423^5  de  Mar- 
seille, 96^3  de  Rouen.  L'ancienne  livre  poids  de  marc  équi- 
valait à  4898^^06.  La  livre  est  communément  prise  en  France 
pour  un  demî-kilogr.  Comme  unité  de  poids,  la  livre  existe 
encore  en  Angleterre,  livfe  avoirdupois  =  453ê'^o9  (sub- 
divisée en  16  onces  de  46  drachmes,  chacune  de  celles-ci 
valant  3  scrupules  de  42  grains  chacun),  et  pour  les  métaux 
précieux  et  la  pharmacie,  la  livre  troy  =:373sï'24  (elle  se 
subdivise  en  42  onces  de  20  pennywerghts  de  24  grains 
chacun)  ;  en  Russie,  la  livre  rr:  Wd^^'M  (à  96  solotnik  de 
96  doli  chacun),  la  livre  médicale  3588*^\32,  la  livre  d'ar- 
tillerie 489gi'44  ;  en  Suède,  la  livre  (Skalpmd)  =4258^^07  ; 
en  Danemark,  469^^'94.  La  livre  métrique  alieiîiande  et 
autrichienne  est  égale  à  un  demi-kilogr.  Anciennement 
OB  aVait  encore,  comme  valeurs  diverses  de  la  livre  en 
grammes  :  Aix-la-Chapelle,  467  ;  Amsterdam,  494,4  ; 
livre  troy,  492,46;  à  Augsbourg,  560;  à  Bade,  500; 
à  Bahia,  459;  à  Bâle,  493',2  (livre  forte),  486,45  (com- 
merce de  détail),  480,2  (épiceries),  467,7  (argent);  à 
Barcelone,  416;  en  Bavière,  560;  à  Berlin,  4|}7,7;  à 
Berne,  520  ;  en  Bohême,  544  ;  à  Boston,  453,55  ;  h  Brème, 
498  ;  au  Brésil,  459  ;  à  Brunswick,  467,5  ;  à  Bruxelles, 
467,7,  pour  matières  précieuses,  492,46  ;  à  Buenos  Aires, 
460;  à  Cadix,  460;  à  Christiania,  499,4;  à  Cologne, 
467,7;  à  Copenhague,  499,4;  à  Dantzig,  467,7  ;  à  Darm- 
stadt,  500  ;  à  Dresde,  467,5,  pour  les  mines,  451 ,4,  poids 
d'acier,  435,8,  pour  la  boucherie,  504,2  ;  à  Drontheim, 

499.4  ;  en  Espagne,  460  ;  aux  Etats-Unis,  453^55,  pour 
For  et  l'argent,  373,2  ;  en  Algérie,  339,4  ;  à  Perhambouc, 
457  ;  à  Florence,  339,55  ;  à  Francfort-sur-le-Main,  505,3 
(livre  forte),  467,9  (livre  légère)  ;  en  Gallicie,  420,4  ;  à 
Saint-Gall,  577,55  (livre  lourde),  465  (livre  légère)  ;  à 
Gênes,  348,45  (livre  lourde),  347  (livre  légère,  p'our  l'or 
et  l'argent)  ;  à  Genève,  550,7  (livre  gros  poids),  458,9 
(livre  petit  poids)  ;  à  Grenade,  499,75  (livre  forf|e),  444,2 
(livre  faible)  ;  à  Haïtii,  489,5  ;  à  Hambourg,  484,4;  à  Ha- 
novre, 489,6;  à  Heidelberg,  467  (poids  léger),  504,3 
(poids  fort)  ;  aux  îles  Ioniennes,  la  livre  anglaise^  453,55, 
ou  la  livre  lourde  dé  Venise,  477,05,  pour  les  métaux 
précieux  (livre  légère),  348,05  ;  à  Kiel,  470,6  ;  i  Leipzig, 

467.5  (livres  ordinaires),  451,4  (pour  les  mineé),  435,"8 
(pour  les  métaux),  5()4,2  (pour  la  boucherie)  ;  à  Léopol, 

420.4  ;  à  Liban,  417,85  ;  à  Lima,  460;  à  Lisbonne, 
459;  à  Livourne,  339,55;  à  Lubeck,  48^,6  ;  à  Lucerne, 
499,4;à  Lucques,  335  (livre  délia  grascia)^  344  (livre 
de  commission);  à  Madère,  458,5  ;  à  Madrid,  460;  à  Ma- 
jorque, 400;  à  MaltQ,  794,5(rotolo),316  (livre  pour  l'or 
et  l'argent)  ;  à  Mannheim,  467,95  (livre légère),  505,4  (livre 
forte)  ;  à  Mantoue,  345,6  ;  au  Maroc,  538,2  ;  danfe  le  Meck- 
lembourg-Schwerin,  484,4;  à  Messine,  320,76  ;,k  Milan, 
326,8  ;  à  Modène,  340,2  ;  à  Mogador,  538,2  ;  à  Moscou, 
409,4;  à  Munich,  560;  à  Naples,  894  (rotolo),  320,76 
(marchandises  précieuses)  ;  à  la  Nouvelle-Orléans,  453,55  ; 
à  Nuremberg,  540,4,  477,4  (or  et  argent)  ;  à  Palerme, 
320,76;  à  Palraa,  408;  à  Parme,  326,4;  à  Pérouse, 
348,8;  à  Pise,  325,8;  à  Plaisance,  348;  en  Pologne, 

405.5  ;  à  Presbourg,  558,25  ;  à  Ratisbonne,  566,9  ;  à 
Riga,  448,05  ;  à  Rio  de  Janeiro,  459  ;  à  Rome,  339,4  ; 
à  Rostock,  484,4  ;  à  Saragosse,  350  ;  en  Saxe,  467,5  ;  à 
Saiat-Sébastien,  488;  en  Sicile,  320,76  (livre  légale), 

GRANDE^  ENCYCLOPÉDIE.   ■—  XXIL 


347,55  (livre locale);  à  Stockholm,  423,54;  à  Stuttgart, 
467^8;  éM  Siiède,;  423,54  (livre  orcfi^aire),  338 :,8  (livre 
d'ewtrep^t),  ^U,4(lme  deiidinej,  3S6,6(poids  dé  vge), 
486  J  (peids  (|efe^),  375,9  (poids  de  cuivre)  ;  à  trieste, 
5^0  ;  à  tlihis,  'Mm  ;  à  Turin,  M,^  ;  en  tirol,  Mfi  ; 
en  Valachie,  M0,7  ;  à  Venise,  4Î7,05  (livre  ordiiiaire), 
304,5  (inarchan<ifees  précieuses) 5  à  Vera  Cruz,  460,5; 
à  Zurich,  528,6  (livre  locale).  •—  Datos  les  pays  alle- 
mands la  livre  se  divisait  eii  30  ou  32  ïot^  ceux-ci  en 
qiimtchen. 

IL  Monnaie.  —  Le  nom  de  livre  vient  du  rapport  des  pre- 
mières monnaies  avec  le  poids  du  même  nom.  Les  as  de 
Numa,  ceux  plus  perfectionnés  de  Serviuà  Tullius,  furent 
appelés  livres.  On  les  divisa  ensuite  en  autant  de  parties  qu'il 
y  avait  d'onces  à  la  livre.  Plus  tard,  la  taille  des  monnaies 
d'or  fut  établie  d'après  la  livre;  les  premiers  sous  dV,  qui 
datent  de  Constantin,  turent  febrîqués  à  la  taille  de  72  par 
livre.  Le3  premiers  rois  de  France  firent  de  même,  et  fabri- 
quèrent aussi  des  livres  dl'argent  à  la  taille  de  28^  à  la  livre. 
Pépin  le  Biî'ef  y  fit  tailler  22  ;sous,  ms^is  Char}emagne  n'en 
fit  plus  tailler  que  20*  Cette  taleur  fut  conservée  jusqu'à 
Louis  VI  ;  niais,  à  partii*  de  cf^ite  époque,  la  taille  se  piodifia 
suivant  les  besoins  des  Miona^imes;  la  livre  arriva  a  n'être 
plus  que  l'équivalent  de  20  sous  de  cuivre  (subdivisés  en 
42  deniers).  Jusc(i;i'eU  i667,  on  distingua  la  livre  tournois 
(livre  de  compte)  jet  la  livre  pariais  qui  valait  un  quart  en 
plus;  la  livre  tournois  demet(ra  la  sèlile  livre  de  coïïipte  à 
partir  de  4667  ;  sa  valeuHtaiî;  de  0j^987.  L'adoption  liu  sys- 
tème métri(jue  a  fait  remjplacet  la  livre  par  le  franc.  La  livre 
sterling  existe  ehcôre  en  ^ïigl^terr^  comme  monnaie  de 
compte  et  monnaie  réelle  l  ellelsô  SUbilivise  en  20  shillings 
ou  240  deniers  (pencè)  et  vau|i  au  pair  ^5^^22.  La  livre  était 
en  usage  dans  plusieurs  <iontr|és  de  l'Europe  ;  veps  ieïmilieu 
de  ce  siècle  on  trouvait  |encoM  en  circulation  :  en  Italie  i^ 
livre  d'Autriche,  •vfiîl^ntiO^'^S^,  et  la  livre  italienne,  valant 
4  fr.  ;  on  trouvait  aussi  eu  Lonibai*die  et  en  Sardaîgne  la  livre 
vieille  de  Milan,  {)f^7t,  ta  livr^  vieille  de  Venise,  0^^'55,  et 
la  livre  de  20  sous  (Je  G^nes,  ^^83  ;  à  Modène  et  à  Parme, 
on  employait  quelquefois  ran(|îkne  Mvre  de  Modène,  0^^38, 
et  la  livre  de  Relgît),  à  0^^25  J  en  Toscane,  la  livré  j&oren- 
tine,  0^^82  ;  danp!  leS  Etats  de  l^E^lise,  la  livre  {pçcpeto), 
4^^40,  En  Suisse,  îa  liVre,  r|ïïiplaeée  depuis  par  le  franc, 
valait  4 ^^50.  La  livre  de  (Pologne  (d'argent  fin)  valait 
54  livres  tournois.  En  Espagne,  lès  monnaies  du  Uom  de 
livre  étaient  extretpemer^t  nortibrèuses  ;  on  peut  mentionner 
parmi  les  principales  :  la  livide  d^Ara^on,  5^''07;  la  livre 
de  Catalogne,  2f»'87;  lUivreidWça,  OHÙ;  la  livre  de 
Majorque,  3^^57  ;  la  livre  de  jS(avarre,  0^^84;  la  livre  de 
Valence,  4f^05,  iÇ  jHambour|;et  à  Amsterdaïn,  on  cotait 
quelquefois  le  chfe^nge  de  quelques  places  et  le  prix  des 
sucres  en  livres  fl^Uiandès  valant  epviron  42^'*60.  Aujour- 
d'hui le  nom  de  livre  (lira)  esi  conservé  à  la  monnaie  ita- 
lienne qui  correspond  à  notre  franc.  G.  François. 

LIVRÉ.  Com.  d|i  dép.  d'Ille^et- Vilaine,  arr.  de  Rennes, 
cant.  de^Lifîré;  4,699  hab. 

LIVRÉ.  Corn,  du  dép.  de  la  Mayenne,  arr.  de  Château- 
Goothier ,  cant.  de  Craon  ;  4,246  hab. 

LIVRÉE  (ArchéoL).  L'usage  de  faire  porter  des  vête- 
ments de  même  teinte  par  tous  les  gens  faisant  partie  de 
la  maison  d'un  niaître  est  fort  ancienne,  et  l'origine  doit 
en  être  recherchée,  au  ijnoyen  âge,  dans  les  couleuYs  que 
portaient  les  che\faliers  aux  tournois  et  aux  joutes.  Ces 
couleurs  étaient  souvent  celles  des  dames  que  servaient  les 
tenants  ;  et  compie  ils  faisaient  aussi  porter  ces  couleurs 
à  leurs  quadrillfîS,  cette  mode  demeura  dans  la  domesti- 
cité. C'est  de  là  qiie  vinijent  l^s  couleurs  des  blasons  ;  puis 
celles-ci  ne  s'étendirent  plus  aux  livrées  dont  la  disposi- 
tion et  la  nuance  demeurèrefit  au  goût  des  maîtres,  sans 
que  ces  dispositions  et  ces  nàances  rappelassent  en  quoi 
que  ce  fût  les  figut'es,  les  émaux  ou  les  métaux  de  l'écu. 
Aux  xvi^  et  XVII®  siècles  on  eh|;end^it  par  ^<^?25  de  couleurs 
les  laquais;  porter  Us  couleUrs  signifiait  porter  la  livrée 
de  valet.  A  ces  époques  on  tepd§iit  de  pUis  en  plus  à  dif- 


LIVREE  —  LIVRET  ^^  3Î0  -- 

férencieir  la  domesticité  roturière  de  la  domesticité  noble, 
et  la  livrée  de  Funifortoe  militaire.  Mais  toutes  ces  dis- 
tinctionS  n'exiètaient  pas  au  moyen  âge  oii  la  livrée  pri- 
mitive était  aux  couleurs  de  la  bannière,  puis  de  la  cotte 
ou  sayo  d'armes  du  chevalier,  et  était  portée  par  tous 
les  gènfe  de  guei're  qui  combattaient  autour  d'un  même 
maître.  En  temps  de  paix,  tous,  nobles  ou  roturiers,  vi- 
vaient avec  ce  maître  et  portaient  une  robe,  une  dalma- 
tique,  un  vêtement  aux  mêmes  couleurs.  Ainsi  se  transmit 
cette  mode  qui  dure  encore  aujourd'hui. 

Ces  livrées  eurent  anciennement  des  couleurs  vives  et 
tranchées  pour  qu'on  pût  reconnaître  de  loin  les  gens,  sur- 
tout dans  la  bataille.  Et  ces  couleurs  allaient  de  plus  en 
plus  en  se  différenciant  de  celles  de  l'écu,  car  celui-ci  était 
la  marque  de  la  famille,  la  livrée  pouvant  avoir,  au  con- 
traire, des  couleurs  différentes  suivant  chaque  membre  de 
cette  famille.  Ainsi  les  couleurs  de  la  livrée  demeuraient 
dans  la  tradition  des  tournois  oti  chacun  portait  une  écharpe, 
une  manche  ou  une  huque  aUx  couleurs  de  sa  dame.  Cette 
mode  persista  dans  l'armée  jusqu'à  l'apparition  de  l'uni- 
forme réglementaire,  car  tous  les  soldais  d'une  même  com- 
pagnie portaient  habituellement  une  manche  aux  couleurs 
de  leur  capitaine,  sans  comj3ter  V écharpe  (V.  ce  mot). 

Le  vocable  lui-même  de  la  livrée  a  une  origine  parti- 
culière. Il  se  rapporte  à  ces  déhVrances  de  vivres  et  d'ob- 
jets que  les  grands  seigneurs  faisaient  jadis  à  époques  fixes 
aux  gens  de  leurs  maisons.  Et  les  livrées  de  vêtements  se 
faisant  deux  fois  l'année,  le  mot  de  livrée  s'appliqua  bien- 
tôt aux  bardes  elles-mêmes  portées  par  les  bénéficiaires  de 
ces  dons  dits  livrées  de  Noël  et  livrées  de  V Assomption, 
(7est  ainsi  que  Louis  IX  faisait  à  ces  époques  des  distri- 
butions de  vêtements  aux  seigneurs  de  sa  cour  ;  c'était  une 
habitiide  qu'aux  cours  dites  plénières  le  roi  devait  habiller 
tous  les  officiers  qui  y  assistaient,  qu'ils  fussent  de  sa  mai- 
son, de  celle  de  la  reine  ou  de  celle  des  princes  ;  dès  cette 
époque  ces  vêtements  se  nommaient  livrées. 

On  remarquera  que  la  livrée  des  gens  de  service  garda 
toujours  un  caractère  archaïque,  une  forme  toujours  plus 
ancieijfue  que  celle  du  costume  civil  en  \^igueur.  Les  pages 
notanïment  gardèrent  jusqu'au  xvm®  siècle  une  livrée  qui 
était  l'accoutrement  du  xvi®  siècle.  Aujourd'hui  encore  les 
grandes  livrées  sont  restées  les  costumes  du  xvni®  avec  la 
culotte  courte  et  la  poudre  ;  celles  des  suisses  d'église  et 
de  loge  ont  un  caractère  aussi  ancien.  Mais  avec  le  temps 
les'  couleurs  vives  et  tranchées  sont  allées  en^  diminuant  de 
plus  en  plus,  tirant  vers  les  teintes  sombres,  et  les  couleurs 
des  armoiries  ne  s'y  retrouvent  plus  que  dans  les  livrées 
des  grandes  maisons  oti  oh  les  voit  encore  brodées  dans  la 
trame  même  des  galons.  —  On  entendait  par  grisons  tous 
les  gens  de  livrée  qui  ne  la  portaient  point  quand  ils  allaient 
remplir  quelque  mission  délicate,  compromettante  et  qui 
demandait  le  mystère.  Maurice  Maindron. 

BÎBL.  :  GoDEFROY,  Cérémonial  français^  xvn«  siècle  ~ 
P.  MÉNÉTRIER,  Traité  des  tournois,  xViF  siècle.  —  Du 
Cange,  Dissertation  sur  les  tournois. 

LIVRET.  L  Littérature  et  Beaux-Arts.  —  Liyret 
B^opÉRA  (V.  Poème). 
Livret  de  Salon  (V.  Exposition  et  Salon), 
II.  Enseignement.  —  Livret  scolaire.  —  Innova- 
tion introduite  par  la  réforme  de  4890  dans  le  régime  du 
baccalauréat.  Jusque-là  on  se  plaignait  que  la  part  de  Valea 
fût  trop  grande  pour  les  bons  élèves  dans  cet  examen,  rien, 
en  cas  de  défaillance  accidentelle,  ne  mettant  les  juges  à 
même  de  tenir  compte  du  passé  scolaire  et  de  la  qualité  des 
études.  Il  fut  alors  décidé  que  tout  candidat,  à  la  condition 
de  se  présenter  dans  l'académie  où  il  achève  ses  études, 
pourrait  déposer  au  secrétariat  de  la  faculté,  en  se  faisant 
inscrire,  un  livret  retraçant,  année  par  année,  sa  vie  d'éco- 
lier, portant  le  relevé  de  ses  notes,  de  ses  places,  de  ses 
succès,  avec  le  témoignage,  explicite  au  besoin,  de  ses 
divers  maîtres.  Naturellement,  la  faculté,  en  cas  d'épreuves 
douteuses  ou  légèrement  insuffisantes,  n'hésite  pas  à  faire 
état  d'un  bon  livret,  surtout  signé  de  maîtres  non  suspects 


de  complaisance  et  provenant  d'étabHssemeiUts  où  les  études 
sont  d'une  valeur  notoire.  Par  exemple,  dans  la  pratique, 
la  faculté  des  lettres  de  Paris  accoMe  facilement  le  béné- 
fice de  l'admissibilité  aux  candidats  munis  d'un  bon  ou  d'un 
très  bon  livret,  qui  n'atteignent  que  la  note  19  ou  18  au 
lieu  de  la  moyenne  20  exigée  pour  la  composition  de  philo- 
sophie, le  maximum  étant  40.  On  se  réservé  de  les  presser  à 
l'oral.  Mais  les  bons  élèves  auraient  tort  de  s'y  trop  fier 
et  de  ne  pas  faire  effort  pour  donner  toute  leur  mesure.  Car 
les  professeurs  de  la  faculté  n'ont  pas  à  juger  sur  dossiers 
ni  à  enregistrer  simplement  un  jugement  valable  par  lui 
seul  :  tant  qu'on  leur  fera  corriger  des  compositions,  ils 
voudront  qu'on  traite  convenablement  le  sujet  donné,  et  ils 
ne  pourront  trouver  suffisant  ce  qui  serait  trop  loin  de 
rêtre.  H.  M. 

IIL  Armée.  —  Le  mot  livret,  ou  petit  livre,  a  d'abord 
servi  à  désigner  les  cahiers,  contrôle,  feuilles  d'appel  actuels* 
Ses  principales  acceptions  militaires  sont  les  suivantes. 

Livret  de  comptes  courants  avec  le  Trésor»  —  Les 
fonds  que  les  corps  ont  en  excédent  de  leurs  besoins  sont 
déposés  au  Trésor,  et  les  opérations  qui  résultent  du  dépôt 
ou  du  retrait  de  Ces  fonds  sont  inscrites  sur  ce  livret,  qui 
doit  toujours  rester  dans  la  caisse  du  conseil  d'adminis- 
tration, ainsi  qae  les  récépissés  qui  l'appuient. 

Livrets  ou  carnets  de  section,  de  peloton,  etc.  —  Les 
livrets  ou  carnets  des  divers  grades  sont  du  même  modèle; 
chacun  d'eux  comporte  le  nombre  de  feuillets  nécessaire 
pour  étabhr  le  contrôle  du  pied  de  paix  et  du  pied  de  guerre 
de  la  fraction  à  laquelle  il  correspond.  Chaque  feuillet 
comporte  des  colonnes  où  sont  indiqués,  pour  chaque 
homme,  le  numéro  matricule,  le  nom,  le  grade,  la  profes- 
sion, l'aptitude  à  la  marche,  au  tir,  à  la  nage,  l'emploi  de 
mobilisation,  le  chargement,  le  numéro  de  l'arme,  et  enfin, 
dans  la  colonne  d'observations,  des  notes  sur  la  conduite, 
les  mutations,  positions  diverses,  etc. 

Livret  de  solde.  —  Livret  sur  lequel  le  payeur  inscrit, 
sous  sa  responsabilité  personnelle,  toutes  les  sommes  qu'il 
paye  aux  corps  de  troupes,  aux  officiers  sans  troupes  ou 
employés  militaires,  ainsi  qu'aux  personnes  autorisées  à 
toucher  une  partie  de  la  solde  d'un  officier.  Ces  livrets  sont 
collectifs  pour  les  corps  ou  établissements,  et  individuels 
pour  les  parties  prenantes  isolées. 

Livret  d'ordinaire.  ■—  Ce  registre  annuel  de  la  comp- 
tabilité de  l'ordinaire  est  tenu  par  le  sergent-major  dans 
chaque  unité  administrative.  Il  est  arrêté  à  la  fin  de  chaque 
prêt  (V.  ce  mot)  qui  comprend  une  page  à  gauche  pour 
l'inscription  des  recettes  et  la  balance  de  ces  dernières 
avec  les  dépenses,  et  une  page  à  droite  pour  l'inscription 
des  dépenses.  Le  livret  d'ordinaire  est  à  la  fois  un  bon  de 
distribution  des  denrées,  un  compte  préparatoire,  un  moyen 
de  vérification  et  de  comparaison,  et,  au  besoin,  un  cahier 
de  quittance  des  fournisseurs.  En  campagne,  ce  livret  est 
remplacé  par  un  carnet  renouvelé  chaque  trimestre  et  con- 
tenant également  un  feuillet  pour  chaque  période  de  prêt. 

Livret  individuel.  -—  Petit  carnet  établi  au  nom  de  chaque 
homme  porté  sur  les  listes  de  recrutement  cantonal  et 
adressé  par  le  commandant  de  recrutement  au  corps  chargé 
de  recevoir  le  jeune  soldat  :  le  livret  porte  l'état  civil  du 
soldat,  son  signalement,  sa  profession,  la  classe  à  laquelle 
il  appartient  ;  le  sergent-major,  sous  la  direction  du  com^ 
mandant  de  compagnie,  le  tient  à  jour  en  ce  qui  concerne 
les  nominations  et  les  mutations,  à  l'exception  toutefois 
des  punitions  et  des  condamnations.  On  y  inscrit,  autant 
que  possible  en  présence  du  titulaire,  les  numéros  des 
armes  et  des  effets  qui  lui  ont  été  délivrés,  les  récompeiises 
obtenues  dans  les  concours  de  tir,  de  gymnastique,  etc. 
Le  livret  individuel  doit  toujours  être  dans  les  mains  du 
soldat  :  quand  il  change  de  corps,  il  emporte  son  livret 
qu'il  remet  au  sergent-major  dès  son  arrivée,  afin  de  per- 
mettre à  ce  sous-officier  d'y  inscrire  son  nouveau  numéro 
matricule  et  son  changement  de  position.  Le  livret  rem- 
ferme  enfin  les  extraits  des  lois  et  règlements  que  le  mili- 
taire doit  avoir  toujours  sous  les  yeux,  tels  que  les  obli-» 


_  B7i 


mmi 


gâtions  de  rhoiîime  rentré  danâ  seë  foyers  et  quelques 
extraits  du  code  de  justice  militaire.  Au  riioment  de  la  libé- 
ration dti  titiilaiire,  on  ajoute  au  livret  Un  fascicule  corn- 
ptèïiant  Ui\  oi^llré  de  i»outé  et  exécuter  en  cas  demobilisatifin. 

LiYBET  kAîkiGuLE.  ■*—  C'èst  la  copie  du  livret  individuel, 
mais  il  inéntiénnë,  en  plàs;  les  condamnations  et  les  puni- 
lions  encourues  pai' le  soldat  ;  il  reste  'toujours  dans  les 
archives  dfe  la' compagnie,  et,  au  départ  du  titulaire,  il  est 
ren^ojé,  après  avoir  été  toutefois  arrêté  et  signé  par  le 
capitaine  de  éompagnie,  au  cototoandant  de  recrutement 
duquel  dépendra  l'homme  Hbéré.  Les  officiers  ont  tous 
égaiemerit  un  livret  matricule  tenu  par  le  major  de  leur 
corps  :  on  y  porte,  comme  sur  celui  des  Soldats,  l'état  civil, 
signalement,  etc.,  ainsi  que  toutes  les  nominations  et  mu- 
tations lès  concernant.  —  Bans  la  cavalerie,  chaque  che- 
val possède  un  livret  matricule. 

IV.  Marine.  — ■  Petit  livre  relié  en  parchemin  jaune^ 
délivré  gratuitement  au  marin  à  son  entrée  au  service  et 
FaccompagnaUt  partout.  Il  contient  de  la  page  2  à  la 
page  04  une  notice  dont  la  connaissance  est  nécessaire 
au  matelot,  le  renseignant  sur  les  règlements  divers  le 
concernant  au  point  de  vue  :  engagement,  inscription  ma- 
ritime, avaUcement,  solde,  retraite,  etc.  De  la  page  6S  à 
90,  un  extrait  du  registi-e  matricule  du  rôle  de  le vée^  filia- 
tion, services  antérieurs,  instruction  élémentaire.  De  la 
page  91  à  143,  le  cohipte  courant  de  la  solde  et  de  Tha- 
billemeùt,  établissant  la  situation  de  l'homme  dans  tous 
les  cas.  Enfin  qoand  il  quitte  le  service  et  entre  dans  la 
réserve,  il  est  ajouté  au  livret  un  fascicule  particulier. 

¥.  Droit.  —  Livret  d'ouvrier.  —  Le  livret  obligatoire 
des  ouvï'iers  atait  été  établi  par  les  lettres  patentes  du 
12  sept;  1781,  art.  4.  Oublié  pendant  la  Révolution^  il  fut 
restauré  sous  le  Consulat  par  la  loi  du  22  germinal  an  XI 
(art.  13  et  13),  mais  cette  loi  se  borna  à  posei*  le  principe; 
les  détails  furent  réglés  par  un  arrêté  consulaire  du  9  i'rimaire 
an  XiL  Le  livret  était  délivré  à  Paris  par  le  préfet  de  police, 
à  Lyon  par  le  préfet  du  Rhône,  ailleurs  par  les  maires.  En 
tête  du  livret  on  inscrivait  les  noms,  âge,  profession,  lieu 
de  naissance  et  signalement  de  l'ouvrier.  Chaque  patron 
successif  y  mentionnait  ensuite  les  dates  d'entrée  et  de 
sortie  dàUs  son  atelier,  avec  quelques  autres  mentions  ac- 
cessoires, telles  que  les  avances  de  salaires.  Aucune  anno- 
tation, favorable  ou  défavorable  à  l'ouvrier,  ne  pouvait  y 
être  insbritô. 

Le  livret  avait  un  double  caractère,  à  la  fois  politique 
et  civiL  D'une  part,  il  permettait  à  la  police  d'exercer  une 
sorveillince  sur  les  ouvriers;  les  lettres  patentes  de  1781 
l'avaient  imaginé  comme  un  moyen  «d'entretenir  la  subor- 
dination parmi  les  ouvriers  manufacturiers  ».  Le  patron 
devait  le  faire  viser  dans  les  vingt-quatre  heures  par  le 
commissaire  de  police  après  avoir  embauché  un  ouvrier,  et 
l'ouvriei'  qui  voyageait  sans  livret  pouvait  être  arrêté 
comme  vagabond  (arrêté  de  frimaire,  art.  3).  Ce  fut  sur- 
tout ce  côté  policier  du  livret  qui  le  rendit  impopulaire  et 
qui  devint  la  cause  la  plus  active  de  sa  ruine. 

D'autre  part,  le  livret  avait  un  rôle  à  jouer  dans  îe 
contrat  de  travail  entre  patrons  et  ouvriers.  D'abord,  il 
pouvait  servir  de  preuve  de  l'engagement  de  l'ouvrier.  A 
vrai  dire,  il  ne  constatait  aucune  des  clauses  particulières 
du  contrat,  comme  le  taux  du  salaire  ou  les  conditions  du 
travail  :  patrons  et  ouvriers  ont  d'excellentes  raisons  pour 
ne  pas  faire  connaître  aux  tiers  ces  détails.  Cependant, 
malgré  son  laconisme,  le  livret  apparaissait  comme  un 
écrit  d'une  forme  extraordinaire,  utilisable  comme  preuve 
d*un  contrat. 

Cette  première  utilité  6n  livret  n'était  que  secondaire. 
Son  effet  principal  dans  les  relations  entre  patrons  et  ou- 
vriers était  dû  au  système  des  congés  d'acquit.  D'après 
la  loi  de  germinal,  qui  n'avait  fait  que  renouveler  sur  ce 
point  les  prescriptions  de  1781,  aucun  patron  ne  pouvait 
embaucher  un  nouvel  ouvrier  si  celui-ci  n'était  pas  porteur 
d'un  certificat  constatant  qu'il  avait  rempli  ses  engagements 
ehèz  son  précédent  patron  ;  ce  certificat  devait  être  inscrit 


sur  le  livret.  Il  y  avait  là  un  moyeu  de  contrainte  très 
énergique  contre  l'ouvrier  ;  on  le  prenait  par  la  famine  ; 
tous  les  ateliers  devaient  lui  être  fermés.  Toutefois  le 
congé  d'acquit  ti'aurait  pas  été  efficace  à  lui  seul,  à  cause 
de  la  brève  durée  des  engagements,  l'ouvrier  étant  libre 
de  rompre  le  contrat  en  quelques  jours  (V.  Louage  m  ser- 
vices). En  combinant  le  congé  d'acquit  avec  àe^  avances 
sur  le  salaire,  on  réussissait  à  retenir  l'ouvrier  indéfini- 
ment. Souvent  à  court  d'argent,  l'ouvrier  se  faisait  re-^ 
mettre  des  acomptes  ;  or,  d'après  l'art.  7  de  Parrêté  de 
frimaire,  il  devait  al(jrs  acquitter  sa  dette  «  par  son  tra- 
vail».  C'était  une  dérogation  extrêmement  remarquable 
aux  principes  générau|:  du  droit,  d'ap^-ès  lesquels  le  débi- 
teur tenu  d'une  obligation  de  faire  i^e  peut  jamais  être 
obligéàexécutersonobjiigationen  nature  (G.  civ.  art.  1142)  ; 
il  doit  être  condamné  seulement  à  des  dommages-intérêts 
en  argent.  Ajoutez  à  cela  que  le  liVret  était  déposé  entre 
les  mains  du  patron  fû  avait  ainsi  toute  facilité  pour  y 
inscrire  les  avances  faites  et  pour  i^efusér  la  restitution  du 
livret,  tant  que  l'ouvrier  îi*était  pas  pbéré.  C'était  le 
droit  de  détention  d^  livret,  t)ans  certaines  villes  indus- 
trielles, les  patroSfîs  abusaient  systématiquement  de  ce  pro- 
cédé. En  iW^  ÇMoniiçur  du  22  maL  p.  1379),  le 
comte  Beugnot  signalait  à  la  Chambre  des  pairs  1q  cas 
d'ouvrières  en  dentelles  <{m  gagïiiÊiiént  0  ifr.  40  par  Jour 
et  qui  avaient  reçu  des  avances  de  300  % 

La  loi  du  8  mai  l§5f ,  relativement  libérale,  mit  fin 
aux  abus  par  une  double  mesure  s  1**  elle  limita  à  30  fr. 
le  montant  des  avances  qui  pourraient  être  inscrites  sur 
le  livret  ;  2<*  elle  décida  que  le  livret  ne  pourrait  plus  être 
retenu  par  le  patron  et^  devkit  être  toujours  restitué  à 
l'ouvrier  qui  voulait  partir  « 

Malheureusement  l'excès  du  mal  avait  produit  ses  effets 
ordinaires.  Les  ouvriers  fee  dispensaient  du  livret  et  beaU" 
coup  de  patrons  ne  l'exigeaient  plus.  Le  livret  tombait  peu 
à  peu  en  désuétude.  Il  y  avait  bien  une  sanction  dans  la 
loi  de  germinal  :  l'ancien  patron  avait  le  droit  de  deman- 
der des  ddmmages-intérêtS  k  celui  qui  avait  embauché 
l'ouvrier  non  pourvu  de  son  certificat  4^acquit;  mais  de 
très  bonne  hçure  lés  patrons  avi^ient  renoncé  à  se  pour- 
suivre l'un  l'autre  pour  fiette  cause. 

La  loi  du  22  juin  1854  essaya  de  rendre  la  vie  à  cette 
institution  mourante»  Les  contraventions  à  la  loi,  notam- 
ment de  la  part  de  l'ouvrier  qui  se  laissait  embaucher  sans 
livret,  étaient  punies  de  peines  de  simple  fiolice,  amende  et 
prison.  On  s'aperçut  bientôt:  qu'on  blessait  par  là  le  senti- 
ment général^  et  les  parquets  reçurent  l'ordre  de  s'abstenir 
de  toute  poursuite J  Par  certains  côtés,  (^étte  même  loi  était 
cependant  favorable^  à  l'Ouvrier;  ainsi  elle  ordonnait  que  le 
livret  ne  serait  plus  déposé  entre  les  mains  du  patron;  il 
devait  toujours  rester  m%  maiiis  de  son  titulaire. 

Un  peu  plus  tard^  l'Empire  accomplissant  son  évolution 
libérale  fit  préparer  un  projet  de  loi  pour  F  abolition  du 
livret  en  1868.  Ce  projet,  approuvé  en  1869  dans  une 
séance  du  conseil  d'Etat  que  présida  l'empereur  en  per- 
sonne, n'eut  pas  le  temjis  d'aboutir  ;  mais  la  question  fut 
reprise  en  1881  par  1*  Dautresme,  et  la  loi  du  2  juil. 
1890  supprima  le  livret  obligatoire  des  ouvriers,  ne  lais- 
sant subsister  que  certains  livrets  spéciaux  en  usage  dans 
l'industrie  lyonnaise.  Les  patrons  ont  vu  disparaître  sans 
trop  de  regrets  leurs  anciennes  garanties;  l'expérience  leur 
avait  appris  qu'il  y_  a  souvent  plus  d'inconvénients  que 
d'avantages  à  retenir  uii  ouvrier  malgré  M  à  l'atelier. 
Les  ouvrier^  ont  été  ravis  de  se  voir  omdollement  déchar- 
gés d'une  obligation  dont  la  loi  de  1884,  loi  de  défiance, 
avait  de  nouveau  accentiié  le  caractère  policier.  Cependant 
l'institution  du  livret  avait  du  bon  :-  ce  petit  carnet  per- 
manent, où  étaient  inscrits  les  noms  des  patrons  successifs 
et  les  dates'  des  engagements,  devenait  un  titre  et  une 
recommanda^tion  ponr  les  ouvriers  sérieux,  qui  restent 
longtemps  dàhs  la  n|ême  maison.  En  186^  et  en  1890,  il 
fut  questioÉ  d'orgabisèr  uii  livret  facultatifs  ayant  un 
caractère  purement  privé  et  ne  pouvant  pas  servir  de 


LIVRET  --  LIXIVIATION 


^  372 


contrôle  à  la  police.  Cette  idée  n'a  pas  été  adoptée,  mais  rien 
n'empêche  les  particuliers  de  créer  d'eux-mêmes  c^  genre 
de  livret,  la  loi  de  1890  disant  que  le  contrat  de  louage 
de  travail  se  constate  «  dans  les  formes  qu'il  convient  aux 
parties  d'adopter».  Marcel  Plmiol. 

VL  Finances.  —  Livret  de  caisse  d'épargne  (V.  Caisse 
d'épargne). 

VIL  Chemins  de  fer.  —  Livret  kilométrique  (Y.  Bil- 
let). 

BiBL.  :  Droit.  —  Gomel,  De  la.  Supj^ression  des  livrets 
d'ouvriers^  dans  Journal  des  Economistes,  1882.  —  Marc 
Sauzet,  le  Livret  obligatoire  des  ouvriers^  dans  Remie 
critique  de  législation^  1890. 

LIVRON.  Com.  du  dép.  de  la  Drômc,  arr.  de  Valence, 
cant.  deLoriol;  4,070  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  P.-L.-M., 
ligne  de  Lyon  à  Avignon,  embranchements  sur  La  Voulte- 
sur-Rhône  et  sur  Veynes.  Vins  estimés  de  Brezen  et  de 
La  Rolière.  Moulinages  de  soie  et  fileries  de  cocons.  Fa- 
brique d'instruments  agricoles  ;  scierie  de  marbre  ;  tanne- 
ries ;  tuileries  et  briqueteries.  Ruines  de  l'ancien  château 
féodal  et  restes  de  fortifications.  En  déc,  4574,  l'armée 
royale  commandée  par  le  maréchal  de  Bellegarde,  vint 
assiéger  dans  Livron  les  protestants  qui  s'y  étaient  enfer- 
més ;  Henri  Ilî  vint  l'y  rejoindre  et  fut  contraint  de  lever  le 
siège  après  avoir  deux  fois  tenté  l'assaut, 

LlVROI^.  Com,  du  dép.  des  Bassès-Py rénées,  arr*  de 
Pau,  cant.  de  Pontacq  ;  371  hab. 

LIVRY.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr,  de  Bayeux, 
cant.  de  Caumont  ;  4,440  hab. 

Lî  VRY«  Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  de  Châlons-sur- 
Marae,  cant.  de  Suippes;  244  hab. 

Lf  VRY.  Com.  du  dép.  de  la  Nièvre,  arr,  de  Nevers,  cant. 
de  Saint-Pierre-le-Moutier  ;  4,609  hab. 

LIVRY.  Com,  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.  et  cant. 
de  Melon  ;  234  hab. 

LIVRY  {Liberiacum),  Com.  du  dép.  de  Seine~et-Oise, 
arr.  de  Pontoise,  cant.  du  Raincy.  Stat.  du  chem.  de  fer 
de  l'Est  (ligne  de  Bondy  à  Sevran)  ;  3,238  hab.  Lieu  connu 
surtout  par  son  abbaye  fondée  en  4486,  et  où  vint  sou- 
vent M^^  de  Sévigné,  lorsque  son  ami  Fabbé  de  Coulanges 
en  était  abbé  commendataire.  C'est  aussi  sur  le  territoire 
de  cette  paroisse  qu'avait  été  construit  au  xvi®  siècle  le 
célèbre  château  du  Raincy  (V.  ce  nom). 

BiBL.  :  Lebeuf,  Hist.  du  diocèse  de  Paris,  t.  IL  pp.  584- 
98  de  redit,  de  1888. 

LÎVRY  (Charles,  marquis  de),  auteur  dramatique  fran- 
çais, né  en  4802,  mort  en  4867.  Il  servit  dans  la  garde 
royale.  Il  s'est  fait  un  nom  au  théâtre  par  dçs  comédies  et 
des  vaudevilles  pleins  de  verve  qu'il  donna  presque  tous 
sous  son  prénom  de  «  Charles  »,  en  collaboration  avec  Ga- 
briel, Villeneuve,  Rochefort,  Massoïi,  de  Leuven  et  autres. 
Citons  :  aux  Variétés,  les  Osâmes  (4827)  ;  l'Ecole  de  nata- 
tion (4828);  r Audience  du  juge  de  paix  (4829),  etc.  ; 
au  Palais-Royal,  Rabelais  ou  le  Curé  de  Meudon  (4834)  ; 
Scaramouche  (4834);  le  Bateau  de  blanchisseuses 
(4832);  la  Fille  de  Dominique  (4833),  oii  Déjazet  obtint 
un  de  ses  plus  brillants  succès  dans  le  rôle  de  Catherine 
Biancolelli;  Mademoiselle  Dangeville  (4838),  etc. 

LIVRY  (Emma),  danseuse  française,  née  vers  4840, 
morte  à  Neuilly  (Seine)  le  26  Juil.  4863.  Fille  d'une  dan- 
seuse distinguée,  M^^^  Emarot,  qui  avait  appartenu  à  l'Opéra, 
elle  reçut  des  leçons  de  Petipa  et  débuta  elle-même  à  ce 
théâtre  de  la  façon  la  plus  brillante,  en  nov.  1858,  dans 
la  Sylphide,  Bientôt  elle  créait  avec  beaucoup  de  succès 
le  rôle  principal  d'un  ballet  nouveau,  le  Papillon^  et  tout 
faisait  présager  en  elle  un  sujet  de  premier  ordre,  destiné 
à  une  carrière  exceptionnelle,  lorsqu'un  accident  terrible, 
qui  émut  tout  Paris,  vint  terminer  cette  carrière  de  la 
façon  la  plus  dramatique.  Un  soir,  à  une  répétition  géné- 
rale de  la  Muette  de  Portici,  dont  on  préparait  une 
reprise,  M^^^  Emma  Livry  s'étant,  en  dansant,  trop  appro- 
chée de  la  rampe,  vit  le  feu  prendre  à  ses  jupes  ;  elle  fut 
horriblement  brûlée  avant  que  Ton  pût  la  secourir  et  mourut 
après  une  agonie  de  huit  mois.  A.  P. 


LIWARCH-HEN  (V.  Lywarch-hen). 

LIX  (Antoinette),  écrivain  français,  née  à  Golmar  le 
34  mai  1839.  Fille  d'un  ancien  grenadier  à  cheval,  elle 
fut  élevée  sous  des  habits  masculins  et  exercée  à  tous  les 
exercices  dés  jeunes  gens.  Elle  entra  comme  lieutenant  dans 
une  compagnie  franche  pendant  la  guerre  de  4870  et  prit 
part  aux  combats  de  l'armée  de  la  Loire  (6  oct.).  Elle  fut  ré- 
compensée de  sa  valeur  par  une  médaille  d'or  (janv.  4872) 
et  ua  bureau  de  poste.  Elle  a  depuis  cette  époque  traduit 
divers  ouvrages,  en  particulier  Johany  Ludlow  (1879). 
M^^®  Lix  a  publié  encore  un  volume  de  souvenirs  alsaciens 
sous  le  titre  de  Tout  pour  la  patrie,  Ph.  B. 

LIX/C.  Valets  de  l'armée  jouant  le  rôle  de  cantiniers  et 
de  soldats  du  train  à  la  suite  des  logions  romaines.  On  ap- 
pellerait plutôt  calones  les  soldats  du  train  et  lixœ  les  can- 
tiniers (Festus,  au  mot  Calones;  Caesar,  BelL  GalL,  VI, 
35;  Liv.,  XXI,  63;  XXIII,  46  et  XXVII,  48;  Nonius,aux 
mots  Elixum  et  Lixarum;  Végèce,  III,  6  etpassim). 

LIXE  (Lixus)  (Entom.).  Genre  d'Insectes  Coléoptères, 
famille  des  Gurculionidès,  fondé  par  Fabricius  pour  des 
Charançons  de  la  tribu  des  Cléoniués,  remarquables  par 
leur  corps  très  allongé,  cylindrique,  recouvert  d'une  prui- 
nosité  fauve  ou  rougeâtre.  Les  Lixus  se  caractérisent  par  : 
rostre  très  long  avec  sillons  antennaires  prolongés  en  des- 
sous ;  yeux  ovalaires  ;  pas  d'écusson  ;  hanches  des  pattes 
antérieures  très  courtes.  Les  nombreuses  espèces  connues, 
distribuées  par  tout  le  globe,  sont  abondantes  surtout  dans 
la  région  circamédiîerranéenne  oix  on  en  compte  plus  de 
cent.  Elles  se  développent  dans  diverses  plantes  dont  les 
tiges  abritent  et  nourrissent  leurs  larves.  On  accusait  jadis 
une  espèce  commune,  remarquable  par  ses  élytres  diver- 
gentes à  V extrémité  (Lixus  paraplecticus  Linu,),  de  para- 
lyser les  chevaux  qui  l'avalaient  en  broutant  VOEnanihe 
aquatica^  plante  des  marais  sur  laquelle  ce  Charançon  vit 
à  tous  ses  états.  M.  M. 

LIXHEIM  {Linkesheim,  4473).  Com.  de  la  Lorraine 
allemande,  arr.  de  Sarrebourg,  cant.  de  Phalsbourg  ; 
735  hab.  Brasserie;  fabrique  de  gants.  Originairement 
Lixheim  était  un  prieuré  de  bénédictins  fondé  en  1442  et 
transformé  en  abbaye  au  xiv®  siècle,  que  les  religieux  aban- 
donnèrent vers  le  milieu  du  xvi^  siècle  et  que  le  pape 
Clément  III  céda  en  4602  à  Frédéric  V,  prince  palatin. 
Celui-ci,  en  1608,  y  fit  construire  une  ville  fortifiée,  desti- 
née à  servir  de  refuge  aux  protestants  expulsés  des  pays 
voisins.  Mais  déjà  en  4627,  Frédéric,  dépouillé  de  ses  Etats, 
dut  vendre  la  ville  au  duc  Henri  II  de  Lorraine  qui  la  donna 
en  apanage  à  la  princesse  Henriette,  épouse  de  Louis  de 
Guise,  prince  de  Phalsbourg.  Pour  combattre  le  protestan- 
tisme, Henriette  appela  des  pères  de  l'Oratoire  et  des  tier- 
celins;  mais  ils  ne  réussirent  pas  à  l'extirper  complètement. 
Les  fortifications  furent  rasées  pendant  la  guerre  de  Trente 
ans.  Lixheim  porte  :  d'or  au  lion  de  gueules,  couro7iné 
de  même,  la  queue  passée  en  sautoir,  et  tenant  entre 
ses  pattes  trois  roses  feuillées,  tigées  au  naturel. 

BiBL.  :  D.  FiscHEE,  Die  ehemalige  Abtei  und  die  Stadt 
Lixheim  ;  Mulhouse,  1866.  —  Herm.  Kuhn,  l'Ancienne 
Abbaye  de  Lixheim;  Nancy,  1868. 

LIXIÈRES.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr. 
de  Nancy,  cant.  de  Nomeny  ;  284  hab. 

LIXIVIATION  (Techn.).  Lavage  à  froid  ou  à  chaud, soit 
des  cendres,  soit  d'autres  substances  en  poudre,  pour  en 
extraire  les  sels  alcalins  ou  généralement  les  principes  so- 
lubles.  Les  liquides  dissolvants  employés  généralement 
sont  l'eau,  l'alcool,  l'éther,  les  carbures  d'hydrogène.  La 
lixiviation  se  fait  par  filtration  du  liquide  à  travers  la  sub- 
stance réduite  en  poudre  plus  ou  moins  grossière  et  dis- 
posée sur  une  claie  en  couche  plus  ou  moins  épaisse,  dans 
un  baquet  ou  dans  des  vases  spéciaux  percés  d'une  ouver- 
ture à  la  partie  inférieure,  à  demi  obstruée  par  quelques 
fragments  de  la  substance,  ou  fermée  par  un  bouchon  de 
paille.  On  verse  dessus  le  liquide  qui  filtre  à  travers  la 
substance  et  s'écoule  au  dehors.  On  le  remplace  au  fur  et 
à  mesure  par  du  liquide  nouveau,  jusqu'à  épaissisement  de 


^  373 


LmVIATION  -  LIZÏO 


la  matière.  Où  opère  à  chaud  lorsqu'on  veut  extraire  tous 
les  principes isolubl es  avec  le  dissolvant  employé.  On  opère 
à  froid  si  l'oti  ne  veut  dissoudre  que  certains  prinéipes  peu 
solublès  et  laisser  les  autres.  Lorsque  les  principes  à  dis- 
soudï^e  né  cèdent  que  très  lentement  à  l'action  du  dissol- 
vant, oîiltieit  fermée  Touverture  inférieure  du  vase,  et  on 
laisse  lé  tiquMô  séjourner  un  certain  temps  en  contact  avec 
la  substaïice  avant  de  la  faire  écouler.  Dans  Tinduslde,  on 
pratique  en  ^rand  la  lixiviation  pour  enlever  à  des  cendres 
les  sels  alcalins  qu'elles  contiennent  et  faire  servir  les 
eaux  mères  à  la  préparation  de  la  soude  artificielle,  de  la 
potasse,  du  salpêtre,  de  l'alun,  du  sulfate  de  fer,  etc.  En 
pharmacie,  la  lixiviation  est  employée  dans  la  préparation 
des  extraits,  des  teintures,  des  vins  médicinaux,  etc.  L'opé- 
ration du  déplacemient  est  une  véritable  lixiviation.  La  pré- 
paration du  café  à  Faide  de  filtres  appropriés  est  une  sorte 
de  lixiviation  par  déplacement.  Quand  le  dissolvant  est  vo- 
latil et  d'Un  prix  assez  élevé,  comme  l'alcool  et  Téther,  la 
lixiviation  se  fait  en  vase  clos,  pour  éviter  la  déperdition 
du  liquide  par  évaporation.  Les  lavages  méthodiques,  em- 
ployés d2|ns  le  but  d'épuiser  complètement  la  matière  de 
ses  principes  splubles,  sont  des  lixiviations  et  des  déplace- 
ments successif,  s*opérant  dans  des  vases  placés  à  la  suite 
les  uns  Ides  autres  et  où  un  liquide  non  saturé,  en  sortant 
d'un  premier  vase,  se  sature  en  passant  dans  un  deuxième, 
dans  un  troisième,  etc.  L.  Knab. 

LIXNAW  (Baron)  (V.  Fitzmaurice). 

Lïl{ii${Lixos  colonia).  Ancienne  ville  de  la  Maurétanie 
Tingitaiie  dont  les  ruinés  couvrent  de  nos  jours  la  colline 
boisée  de  Tchemmich,  à  environ  4  kil.  à  l'E.  de  la  ville  de 
Larache.  Ce  fut  d'abord  un  simple  comptoir  phénicien  des- 
tiné au  commerce  avec  les  naturels  de  cette  partie  de 
l'Afrique,  les  ancêtres  des  Berbères  qui  forment  encore  de 
nos  jours  le  fond  de  la  population  marocaine,  puis  l'éta- 
blissement dont  la  prospérité  reposait  sur  l'admirable  si- 
tuation stratégique  devint  une  des  plus  riches  colonies  pu- 
niques, ne  le  cédant  ensuite  qu'à  Garthage  et  à  Gadès.  La 
ville  était  assise  sur  la  colline  située  en  face  d'une  des 
bouches  que  forme  le  Loukkos  dans  ses  méandres  avant 
son  embouchure  dans  l'Océan.  Les  navires  antiques  trou- 
vèrent en  tout  temps  un  abri  dans  cet  estuaire;  ils  venaient 
mouiller  jusqu'au  bas  de  la  colline,  en  même  temps  que 
les  détours  du  fleuve  couvraient  la  place  et  l'empêchaient 
d'être  aisément  accessible  par  terre  ;  en  sonmio  elle  occu- 
pait une  sorte  de  presqu'île  dont  deux  des  côtés  étaient 
protégés  par  les  courbes  que  ce  cours  d'eau  dessinait  dans 
la  plaine.  Lixos  se  divisait  en  deux  parties  distinctes  :  la 
ville  haute,  située  sur  le  plateau  très  élevé  que  forme  le 
massif  septentrional  de  la  eolline,  et  la  ville  proprement 
dite  dont  on  retrouve  les  vestiges  sur  les  penîes  qui  font 
face  au  N.-E.  et  au  S.  ;  il  exista  aussi  au  N.  de  la  colline 
et  sur  les  bords  du  fleuve  un  faubourg  assez  considérable. 
La  plus  grande  partie  de  Taire  de  la  cité  antique  offre  un 
épais  fourré  de  caroubiers,  de  myrtes,  de  lentisques  et 
d'oliviers  sauvages  centenaires,  qu'un  lacis  de  ronces  et 
de  lianes  achève  de  rendre  impénétrable.  Burllms  est  le 
premier  Européen  qui  nous  ait  laissé  une  description  de 
Tchemmich,  puis  Tissot  de  4  87 1  à  1 876  y  vint  à  plusieurs 
reprises  et  en  établit  une  esquisse  topograpbique;  enfin, 
en  1888  et  en  4889,  des  fouilles  étendues  et  importantes 
ainsi  qu'un  lever  à  grande  échelle  y  furent  entrepris  par 
M.  de  La  Marlinière.  Les  objets  et  inscrij)Uons  recueillies 
sont  à  Paris  an  musée  du  Louvre.  Une  partie  des  antiques 
murailles  de  l'acropole  subsistent  encore,  conservant  le  ca- 
ractère de  la  construction  cyclopéenne  des  enceintes  de 
Barrias,  d'Eryx  et  de  Motya.  A  l'époque  romaine,  la 
ville  s  étendit  davantage;  ce  fut  sous  le  règne  de  Claude 
qu'elle  parut  atteindre  sa  plus  grande  prospérité,  puis 
enfin,  à  l'époque  byzantine,  elle  fut  évidemment,  à  en  juger 
par  les  remaniements  considérables  observés  dans  les  sub~ 
structions  mises  à  jour,  un  des  points  où  la  domination  du 
Bas-Empire  subsista  le  plus  longtemps.  On  appliquera  à 
Tchemmich  ce  que  Renan  disait  de  Tyr  :  «  C'est  la  ruine 


d'une  ville  bâtie  sur  des  ruines .  »  Quant  à  l'occupation 
arabe,  elle  y  fut  restreinte  et  de  courte  durée^  car  la  ville 
fut  Saccagée  et  brûlée  par  les  chrétiens  simultanément  avec 
Larache  en  1291;  Lés  monnaies  de  Lixùs  et  aussi  celles  de 
Lemès  dans  lesquelles  il  est  facile  de  retrouver  celles  de 
Tchemmich,  ont  été  étudiées  par  MùUer  dans  sa  Numis- 
matique de  r ancienne  Afrique;  Tissot  a  fait  une  remar- 
quable étude  descriptive  de  l'ensemble  des  ruines  dans  les 
Mémoires  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres 
(1878),  enfin,  M.  de  La  Martinière  a  publié  le  résultat  de 
ses  recherches  dans  le  Bulletin  archéologique  du  Comité 
des  travaux  historiques  du  ministère  de  l'instruction  pu- 
blique (1890).  H.~P.  deLaM. 

LIXY.  Corn,  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  de  Sens,  cant.  de 
Pont-sur- Yonne  ;  426  hab. 

LIZAC.  Com.  du  dép.  du  Tarn-et-Garonne,  arr.  et  cant. 
de  Moissao;  577  hab. 

LIZARD  (Gap)  (V.  Grande-Bretagne). 

LIZAR6ARATE  (Pedro  de),  architecte  espagnol,  origi- 
naire des  provinces  basques,  mort  à  Tolède  en  1629.  Il 
exerça  en  1609  l'emploi  d'aparejador  à  l'Alcazar  de  Ma- 
drid, au  Pardo  et  à  Aranjuez.  En  1613,  il  était  à  Tolède 
où,  sous  la  direction  de  Monegro,  il  surveillait  les  travaux 
de  construction  de  l'Alcazar,  En  1620,  il  passa  à  FEscurial 
sous  les  ordres  de  Juan-Baptista  Oescencio,  surintendant 
général  ;  il  dirigeait  alors  l'extraction  des  marbres  et  l'ap- 
pareil des  matériaux  destinés  à  la  construction  du  Panthéon 
des  rois.  P.  L. 

LIZERAY.  Com.  du  dép.  de  l'Indre,  arr.  et  cant.  (N.) 
d'Issoudun  ;  325  hab. 

LIZET  (Pierre),  premier  président  au  parlement  de  Pa- 
ris, né  à  Salers  (Cantal),  mort  le  7  juin  1554,  Il  était  avocat 
au  parlement  de  Paris  en  1509  et  fut  nommé  successivement 
conseiller,  puis  avocat  général  à  la  même  cour.  Ce  fut  comme 
avocat  général  qu'il  défendit  avec  beaucoup  d'éloquence  les 
droits  du  roi  et  de  la  couronne  dans  le  procès  que  Louise  de 
Savoie  intenta  en  1521  à  Charles  de  Bourbon,  connétable 
de  France.  François  I®^'  le  choisit  en  1529  pour  remplir 
la  charge  de  premier  président,  qu'il  conserva  durant  vingt 
ans.  Comme  tel  il  s'attira  la  haine  de  Théodore  de  Bèze, 
contre  lequel  il  avait  prononcé  une  condamnation.  Bèze  le 
ridiculisa  sous  le  nom  de  Benoît  Passavant  dans  un  libelle 
intitulé  Epistola  m^gistri  Éenedicti  Passavanti{i^ot^). 
Le  cardinal  de  Lorraine,  irrité  de  ce  que  Lizet  avait  fait 
refuser  dans  le  parlement  le  titre  de  prince  à  ceux  de  sa 
maison,  l'obhgea  à  ëe  démettre  de  ses  fonctions  en  1550. 
Le  roi  nonima  l'ancien  président  abbé  de  Saint- Victor,  pour 
lui  donner  de  quoi  vivre.  En  1532,  Lizet  avait  fondé  l'hôtel- 
Dieu  de  Salers,  auquel  il  avait  constitué  de  son  vivant  une 
rente  importante,  P.  be  Vaissière. 

BiBL.  :  De  Larféuil,  Etudes  sur  Pierre  Lizet,  1845.  — 
Blanchaï^d,  Eloges  de  tous  les  premiers  présidents  da 
Parlement,  de  Puris^  1645,  in-fol.  — ■  Cpiabrol,  Coutume 
d'Auvergrie.  --  De  Thou,  Histoires.  —  Dèuibier'-du-Châ- 
TELET,  Dictionnaire  historique  et  statistique  du  Canirii, 
au  mot  Salers. 

LlZIEfi  (Agric).  Le  lizier,  très  employé  eu  Suisse, 
surtout  pour  la  fertilisation  des  prairies  et  pâturages,  n'est 
autre  chose  qu'un  mélange  d'urines  diverses  qui  s'écoule 
des  fumiers,  et  que  l'on  recueille  dans  des  citernes  conve- 
nablement disposées.  On  lui  donne  le  nom  de  purin  (V.  ce 
mot)  dans  les  parties  de  la  France  qui  en  font  usage. 

LiZI  ÈRES  {Eglisières).  Com.  du  dép.  de  la  Creuse,  arr. 
de  Guéret,  cant.  du  Grand-Bourg-de-Salagnat  ;  742  hab. 
L'église  a  été  bâtie  ^n  1493  par  le  chapitre  de  Limoges  et 
érigée  en  paroisse  distincte.  Lizières  dépendait  aupara- 
vant de  la  paroisse  du  Grand-Bourg-de-Salagnat.  Château 
du  XV®  siècle.  Ant.  T.. 

LIZINE.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Besançon, 
cant.  d'Amancey  ;  205  hab. 

LIZINES.  Com.  du  dép,  de  Seine-et-Marne,  arr.  de  Pro- 
vins, canti  de  Donùemarie  ;  125  hab. 

LlZlO.  Com.  du  dép.  du  Morbihan,  arr.  de  Ploërmel, 
cànt.  de  Malestroit  |  1,078  hab. 


Li2l6-^&RMO  |LeMmo),  f©ète  ^t  littérateur  sMlien,  né 
à  Mesàne  le  iâ  aw.  dêST.  1  «e  fit  remarquer  lée  h&iim 
heure  pai?  Fêlégance  de  ses  preiHiers  écrits.  Oa  eite  sur^- 
toutdeiuiî  Armalena^  Rimembran%e{iS$5);  Carmi 
(4864');  Canti  seelii  delpopolo  sicilmno  posti  in  versi 
iîaliani  (4867)  ;  Tocehi  d^arpa  (4878)  ;  des  traductions 
de  la  Bible,  les  discours  et  des  conférences.  Il  a  été  suc- 
cessivement proviseur  provincial  des  études  à  Catane,  à 
Caltanisetta  et  à  Catanzaro.  Pii.  B, 

LIZOLLE  (La).  Com.  du  dép.  de  FÂUier,  arr.  de  Gan- 
nat,  cant.  d'Ebreuii;  4,020  hab. 

L1Z08.  Gora.  du  dép.  des  Hautes^Pyrénées,  arr.  de 
Tarbes,  cant.  dePouyastruc;  140  bab. 

LIZY.  Com.  du  dép.  de  FAisne,  arr.  de  Laon,  cant. 
d'Anizy-Ie-Château;  242  hab. 

LIZY-suR-OuRca.  Ch,-L  de  cant.  du  dép.  de  Seine-et- 
Marne,  arr.  de  Meaux  ;  4,749  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  de 
l'Est,  ligne  de  Paris  à  Reims.  Fonderies  de  nickel.  Sucreries. 

LiZZABO  (Guido),  sculpteur  italien  du  xvi®  siècle.  Sa 
seule  oeuvre  connue  est  la  Décollation  de  saint  Içan-Bap- 
tiste,  bas-relief  de  bronze  au  Baptistère  de  Padoue.  On  a 
voulu,  sans  preuves,  en  faire  le  père  du  sculpteur  padouan 
Tizianodel  Minio,  un  des  bons  élèves  de  Jacopo  Sansovino. 

LIZZIA  {Lizzia  Forb.)  (ZooL).  Genre  d'Hydroméduses 
Tubulaires,  de  la  famille  des  Eudendridse,  caractérisé  par 
des  colonies  ramifiées,  rampantes,  dont  les  polypes  n'offrent 
qu'un  cycle  de  tentacules  autour  d'une  trompe  saillante. 
Les  Méduses  libres  présentent  des  tentacules  interradiaux 
ou  touffes  de  tentacules  entre  les  groupes  de  tentacules 
radiaux.  — ■  Espèces  principales  :  L,  octopunctata  Forb., 
de  Norvège,  et  L.  grata  Ag.,  de  la  baie  de  Massachusetts. 

LJODÂHATT  (V.  Forhybdalag). 

LJÔSVETNINGA-Sagâ  ou  HiSTOBlA  ^svainënstom. 
Récit  des  hauts  faits  de  Thorgeir  entre  autres  et  de  ses 
fils.  Thorgeir  était  godé  (V.  ce  mot)  du  pays  de  Ljésvattn, 
territoire  et  lac  d'Islande  ;  il  fut  chargé  vers  Fan  4000  par 
l'assemblée  populaire  (allting)  de  juger  entre  les  chrétiens 
et  les  païens,  et  décida  que  les  Islandais  devaient  adopter 
le  christianisme.  Th.  C. 

LJUN6GREN  (Gustaf-Hâkan-Jordan),  historien  et  cri- 
tique suédois,  né  à  Lund  le  0  mars  1823.  Il  fit  ses  études 
dans  sa  ville  natale  et  y  fut  reçu  docteur  en  4844.  Trois 
ans  plus  tard,  il  fut  appelé  à  l'université  comme  professeur 
agrégé  d'esthétique  à  la  suite  d'une  dissertation  sur  la 
Èédée  d'Euripide  comparée  à  V Othello  de  Shakespeare, 
Il  fit  ensuite  un  assez  long  voyage  d'étude  en  France  et  en 
Allemagne  et,  à  son  retour,  fut  nommé  professepr  d'alle- 
mand à  l'université  (4850);  il  le  resta  jusqu'en  4B59,  date 
de  sa  nomination  à  la  chaire  d'esthétique  et  d'histoire 
littéraire  qu'il  occupa  pendant  trente  ans  (4889).  H  a  été 
recteur  de  l'université  de  4875  à  4885  et  fait  depuis 
4885  partie  de  Facadémie  suédoise,  qui,  en  l$56  déjà, 
avait  honoré  du  grand  prix  sa  Comparaison  entré  Ehrens- 
vœrd  et  Winckelmann,  comme  esthéticiens,  S!on  œuvre 
principale  est  V Histoire  des  lettres  en  Suède  après  la 
mort  de  Gustave  UI  (Svenska  vitterhetens  hâfder  efter 
Gustaf  III  :  s  dôd),  encore  inachevée  et  qui  a  coi;nmencé  à 
paraître  dès  4873  ;  c'est  là  un  travail  d'une  haijite  valeur 
qui,  dépassant  de  beaucoup  tout  ce  qui  a  été  éèrit  anté- 
rieurement sur  la  matière  même  par  Atterbom  ou  Malm- 
strœm,  place  JLjunggren  à  la  tête  des  historiens  (ie  la  litté- 
rature de  son  pays.  Les  autres  et  très  nombreux  travaux 
du  savant  professeur  de  Lund  ont  jeté  un  jour  nouveau 
sur  bien  des  périodes  ou  des  points  encore  obsciïrs  de 
l'histoire  littéraire  de  Suède  ;  tels  sont  :  le  Drame  suédois 
jusqu'à  la  fin  du  xvii®  siècle  (4864);  tes  Ebîtres  de 
Bellman  et  de  Fredman  (1867);  Opuscule^  (Smârre 
skrifter,  4872-84);  Histoire  de  r Académie  'suédoise, 
il^e-iSSe  (1886,  2  vol.),  etc.  Il  faut  ajouter  jaux  écrits 
publiés  en  volumes  des  articles  divers  (sur  Sjœherg, 
Frese,  etc.),  qui  ont  paru  dans  les  Comptes  rendus  de 
V' Académie  suédoise  (Handlingar),  dans  des  programmes 
universitaires  ou  dans  des  vmm.  En  dehors  dtt  domaine 


374  -- 

de  l'histoire  littéraire  proprement  dite,  l,junggren  a  kê 
imprimer  un  Exposé  des  principaux  systèmes  d'esthér 
tique  (4856-60;  2^  éd.,  4869-83)  et  a  écrit  le  texte  âm 
SIX  volumes  des  Châteaux  de  Scanie  (4852-63),   Th,  Q. 

LJUN60  Thomasson,  écrivain  finnois,  né  à  Limingo  à 
une  date  inconnue,  mort  à  Nykoeping  en  4644.  Pasteur  à 
PyhaejoM  en  4576,  à  Salo  en  4584  et  à  KalajoW  en  459^, 
il  est  connu  surtout  par  sa  traduction  en  finnois  des  loi$ 
suédoises  ;  cette  traduction,  approuvée  par  Charles  1%.  de 
Suède,  ne  fut  cependant  publiée  (sauf  une  feuille  imprimée 
déjà  en  4610)  qu'en  4852  par  les  soins  de  la  Société  scien^ 
tifique  de  Finlande.  Pendant  la  guerre  des  maillotins  en 
Finlande  (Klubbe-Kriget),  Ljungo  Thomasson  prit  parti 
pour  les  paysans;  il  a  laissé  de  cette  guerre  un  récit  publié 
dans  les  Urkunder  de  Grœnblad.  Th.  C. 

LJUNG8TEDT  (Aurora-Lovisa,  née  Hjort)^  roman- 
cière suédoise,  connue  sous  le  nom  de  Claude  Gérard, 
née  à  Karlskrona  le  2  sept.  4821.  Elle  passa  son  enfance 
et  sa  jeunesse  en  Ostrogothie,  dans  une  belle  propriété,  au 
milieu  d'une  nature  sauvage  et  romantique,  oti  son  imagir 
nation  se  développa  librement.  En  4846,  elle  épousa  un 
chef  de  bureau  de  l'administration  des  prisons  et,  dès  les 
années  qui  suivirent  son  mariage,  publia  dans  les  journaux 
le  Soir  et  Bore,  sous  divers  pseudonymes,  des  nouvelles 
et  récits  qui  eurent  du  succès.  A  partir  de  4857,  elle 
écrivit  sous  le  nom  d'un  personnage  de  roman  d'Eugène 
Sue  (Claude  Gérard  dans  Martin)  et  réussit  assez  bien  jus- 
qu'en 4870  à  tenir  caché  son  nom  véritable,  ceiqui  con- 
tribua sans  doute  à  augmenter  la  vogue  de  ses  romans,  ofi 
l'on  rencontre  à  côté  d'une  observation  souvent  très  exacte 
les  aventures  les  plus  invraisemblables  :  rapt  d'enfants, 
enlèvements,  etc.  Voici  les  titres  de  ses  œuvres  les  plus 
connues,  dont  plusieurs  ont  paru  en  feuilletons  dans  divers 
journaux  de  Stockholm  :  Flâneries  et  Rêveries  (1857)  ; 
Histoires  d'un  chasseur  (4864)  ;  Enigmes  psycholo- 
giques (4869)  ;  V Album  de  l'oncle  Benjamin  (4870); 
l'ypes  modernes  (4872);  la  Vie  de  tous  les  jours 
(1877),  etc.  Les  OEuvres  de  Claude  Gérard  ont  été  publiées 
en  9  vol.  (4872-82).  Th.  C.  ' 

LJUSNE-Elf.  Fleuve  du  N.  de  la  Suède  qui  naît  au  S. 
du  Helagsfjell  sur  la  frontière  de  Norvège,  traverse  le  Her- 
jeâdal  et  le  Helsingland.  Sa  vallée  est  extrêmement  pitto- 
resque ;  il  forme  de  nombreux  lacs  séparés  par  des  rapides 
et  des  cascades.  Il  finit  près  de  Sœderhamn  dans  le  golfe 
de  Botnie  son  cours  de  400  kîL  Son  bassin  mesure 
20,000  kil.q. 

LLAGONNE(La).  Com.  du  dép.  des  Pyrénées-^Orien- 
taies,  arr.  de  Prades,  cant,  deMontlouis;  444  hab^ 

L  LA  MAS  (Francisco),  peintre  espagnol.  Il  fut  chargé 
au  commencement  du  xviii®  siècle  de  décorer  à  fresque  la 
voûte  du  passage  qui  relie,  à  FEscuriàl,  les  cloîtres  du 
rez-de-chaussée.  Comme  Luca  Giordano  qu'il  a  }a  préoc-- 
cupation  d'imiter,  LIamas  s'est  abandonné  dans  cette  déco- 
ration à  un  goût  excessif  pour  le  mouvement,  la  manière 
et  le  fracas.  Autour  de  la  Sainte  Trinité,  motif  principal 
de  la  fresque,  il  a  entassé  les  saints  docteurs,  les  philor^ 
sophes  célèbres  de  l'antiquité  et  tout  un  monde  d'allégories 
figurant  les  sciences,  les  éléments,  les  vices,  les  vertus,  etc. 
La  médiocrité  de  cet  ouvrage  n'a  d'égale  que  celle  des 
peintiïres  exécutées  par  le  même  artiste  dans  un  ermitage 
situé  près  de  Talavera  et  à  la  chapelle  de  saint  Segundo 
dans  la  cathédrale  d'Avila.  P.  L. 

LLANBERRIS.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Caernarvon 
(pays  de  Galles),  au  pied  septentrional  du  Snowdon,  sur 
l'Ogwen;  3,000  hab.  Mines  de  cuivre;  à  6  kil.  S.-^E.  est 
le  col  de  Llanberris  au  N.  de  la  montagne  dans  un  site  très 
pittoresque  avec  les  lacs  ou  Uyn  Péris  et  Padarn,  etc. 

LLANBRYNMAIR.  Village  d'Angleterre,  comté  de  Mont- 
gomery  (pays  de  Galles),  sur  le  chem.  de  fer  de  Shrewsbury 
à  Machynnlleth.  Mines  de  plomb,  nombreux  monuments 
mégalithiques. 

LLANDAFF»  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Glamorgan 
(pays/le  Galles),  sur  le  Taff,  h  3  ML  de  Gardiff  ;  2,000  hab. 


^375  - 


LLÂNDAFF  «^  LLORENfE 


Atidea  évèehé  foïidé  au  ^^  sièole.  Belle jatWdrala  gatWque 
du  xm^  siècle,  restaurée  en  486i» 

LUNDILO-PAwn.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Caer- 
marthen  (pays  de  Galles),  sur  le  Towy;  6,000  hab.  Mines 
de  houille  et  de  fer  ;  tanneries^  flanelles.  Beaux  paysages, 
belles  ruines. 

LLANDOVERY.  Ville  d'Ana^leterre,  comté  de  Caermar» 
then  (pays  de  Galles),  sur  le  Brane,  afïl.  du  Towy;  beaux 
paysages,  château  ruiné. 

LIAUDUDNO.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Caernarvon 
(pays  de  Galles)  à  Tembouchure  du  Conway,  sur  îa  langue 
de  terre  reliant  à  la  terre  le  promontoire  d'Ormes  head 
(230  m.)  ;  5,000  hab.  Station  balnéaire  très  fréquentée. 
Cromlech  ;  mines  de  cuivre  d'Ormes  head.  Elle  a  été  fondée 
en  '1848. 

L,LâNDWROG.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Caernarvon 
(pays  de  Galles),  sur  le  détroit  de  Menai.  Cuivre,  ardoises. 

LLANELLY,  Nom  de  deux  villes  anglaises  du  pays  de 
Galles  :  4»  Comté  de  Brecknort,  sur  l'Usk;  7,000  hab. 
Houille,  fer.  —  2*>  Comté  de  Caermarthen,  sur  la  baie  de 
Burry  ;  20,000  hab.  Port  de  cabotage  assez  prospère 
(commerce,  4  millions  de  fr.).  Mines  de  houille;  fonderies 
de  fer  et  de  cuivre. 

LLANES.  Ville  maritime  d'Espagne,  prov.  des  Asturies; 
1,500  hab.  Cabotage. 

LLANGOLLEN-Trajan.  Ville  d'Angleterre,  comté  de 
Denbigh  (pays  de  Galles),  sur  la  Dee;  6,000  hab.  Houille, 
fer,  forges,  draps,  flanelle.  Vieille  église  de  Saint-Gollen, 
vieux  pont  de  quatre  arches  ogivales  sur  la  Dee,  ruines 
du  Castell  Binas  Bra  (camp  celtique)  et  de  l'abbaye  de 
Valle  Crucis^  sécularisée  en  1538.  Curieux  monument 
dit  Pilier  d'Eliseg. 

LLANIDL.0E8.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Montgomery 
(pays  de  Galles),  sur  le  haut  Severn;  5,000  hab.  Très 
vieille  église.  Plomb,  laines,  flanelle. 

LLANOS.  Ce  nom  désigne,  dans  les  pays  de  langue  espa- 
gnole, de  vastes  savanes  ou  plaines  sans  arbres.  Les  plus 
importantes  sont  celles  du  N.  de  l'Amérique  du  Sud,  parti- 
culièrement du  bassin  de  FOrénoque  (V.  Amérique  du 
Sud,  Brésil,  Colombie,  Guyane,  Venezuela). 

Lîano  estacado  {Staked  plain).  —Vaste  désert  pier- 
reux de  rO.  du  Texas  (V.  ce  mot  et  Etats-Unïs),  d'une  ait. 
de  1,000  à  1,400  m.  ïl  s'abaisse  en  [)ente  douce  à  l'E.  et 
au  S.,  à  pic  sur  le  rio  Pecos  et  la  rivière  Canadienne  à 
rO.  'et  au  N.  Son  nom  lui  vient  des  poteaux  (stakes)  qui 
signalent  les  quelques  trous  où  se  trouve  de  l'eau. 

tlanps  de  Manzo.  —  Bégion  centrale  du  Gran  Chaco 
(V.  Ce  mot),  entre  le  Vermejo  et  le  Pilcomayo,  affl.  dr. 
du  Paraguay.  Le  nom  de  ces  llanos  vient  de  celui  du  capi- 
taine Manzo  :  les  chapitres  de  Santa-Cruz  et  de  Chuqui- 
saca  lui  avaient  concédé  ces  terres  pour  la  colonisation. 

LLANOS  (Los).  Ville  de  la  côte  0.  de  l'île  Palma  (des 
Canaries);  6,000  hab.  Soieries,  poteries. 

LLANOS  Y  Valdés  (Sébastian  de),  peintre  espagnol. 
Elève  de  Herrera  le  Vieux ,  il  travailla  à  Séville  durant 
la  majeure  partie  du  xvii®  siècle.  Il  fut  blessé  à  la  suite 
d'un  duel  qu'il  eut  avec  Alonso  Cano.  Ayant  pris  une 
grande  part  en  1660  à  la  création  de  l'Académie  de  pein- 
ture dont  Murillo  était  président,  Llanos  occupa  dans 
l'administration  de  cet  établissement  les  fonctions  de  vice- 
président,  puis  de  président  à  la  suite  de  la  démission  de 
Valdés  LeaL  II  déploya  beaucoup  de  zèle  et  d'intelligence 
dans  ces  diverses  charges  et  contribua  largement  de  ses 
deniers  à  soutenir  l'Académie.  Ses  principaux  ouvrages  sont  : 
à  Séville,  une  Vierge  du  rosaire,  entourée  d'un  chœur 
d'anges,  avec,  à  ses  genoux,  déjeunes  étudiants,  qui  se  trouve 
dans  l'église  Saint-Thomas  et  à  Madrid,  aux  Récollets,  une 
Madeleine  repentante^  Ses  tableaux  de  chevalet  étaient 
recherchés  des  connaisseurs,  et  les  collections  particulières 
à  Séville  en  conservaient  encore  des  spécimens  remar- 
quables au  commencement  du  siècle.  P.  L, 

LL  AN  QUI  HUE.  Province  maritime  du  Chili  méridional; 
20,260  IdL  q,;  78,820  hab.  Comprise  entre  Fîle  de  Ghi- 


loé  au  S.,  la  prov.  de  Valdivia  ou  N.,  elle  s'étend  de  la 
mer  |i  la  Cordillère  •  Elle  doit  son  nom.  au  beau  lac 
Llanqnihue  (585  Idl.  q,),  au  pied  du  volcan  d'Osorno 
(2,2S7  m.).  On  y  trouve  une  dizaine  d'autres  grands  lacs 
allongés  dans  les  vallées  des  Andes.  Le  S.  est  découpé  par 
des  fjprds.  Dans  le  golfe  de  Reloncavi  est  l'excellent  havre 
de  Puerto  Montt.  Les  forêts  vierges  sont  magnifiques,  le 
sol  fertile  en  céréales,  le  climat  sain  quoique  humide.  Le 
chof-ileu  est  Puerto  Montt.  La  province  se  divise  en  trois 
départements  :  Llanquihue,  Carelmapu,  Osornp.  Les  gens  de 
Chiloé  et  les  immigrants  allemands  sont  assez  nombreux. 

L  LAN  RWST,  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Denblgh  (pays 
de  Galles),  à  28  kil  O.-S.-O.  de  Denbigh,  sur  le  Convsray; 
5,247  hab.  Stat.  du  chemin  de  fer  de  Holyhead  à  Caer- 
narvop.  Bonneterie.  Eglise  du  xv®  siècle.  A  quelque  dis- 
tance de  la  ville  s'élève  le  superbe  château  de  Carreg-y- 
Gwaloh. 

LLANSAMLET.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Glamorgan 
(pays  de  Galles),  sur  le  Tarve;  9,000  hab.  Houille,  cuivre, 
onderies  de  zinc  et  d'étain. 

LLATA.  Ville  du  Pérou,  dép.  et  à  80  kil.  N.-O.  de  Hua» 
naco,  près  du  Marafion,  à  3,428  m.  d'alt.;  2,400  hab. 
Ruines  de  fortifications  élevées  par  les  Incas  pour  comman» 
der  la  vallée  du  fleuve.  Mines  d'or. 

LLAURO.  Com.  dp  dép„  des  Pyrénées-Orientales,  arr.  de 
Perpignan,  cant.  deThuir;  350  hab. 

LLERA  Zembrano  (Alonso  de),  peintre  espagnol  du 
xvii*'  siècle.  Son  nom  se  trouve  sur  un  reçu  daté  de  1639 
et  conservé  aux  archives  des  Indes,  mentionnant  que  la 
somme  de  4 ,400  ré2(.ux  lui  a  été  payée  pour  la  peinture  de 
bannières  destinées  aux  vaisseaux  de  la  flotte,  ainsi  que 
pour  l'exécution  de  figures  religieuses  pour  les  oratoires  de 
ces  mêmes  vaisseaux,  P.  L» 

LLERENA.  Ville  d'Espagne,  ch.-L  de  district  de  la 
prov.  de  Badajoz  (Estrémadure),  dans  une  vallée  de  la 
sierra  Morena;  6,000  hab.  Un  chem.  de  fer  la  relie  à 
Mérida.  Elle  exporte  des  grains,  de  la  lame^  de  la  soie. 
C'est  Vméetim  ÏÏegina  Turdulorum. 

LLIVIÂ.  Bourgade  espagnole  de  la  prov.  de  Girone  (Ca- 
talogne), enclavée  dans  le  territoire  français.  Cette  enclave 
de  i  2  kil.  q,  fut  copservée  par  l'Espagne  après  le  traité 
des  Pyrénées,  sous  prétexte  que  celui-ci  stipulait  seulement 
la  cession  de  trente-trois  villages  de  la  Cerdagne,  alors 
que  Llivja  avait  rang  de  ville.  Ruines  d'un  château  démoli 
par  Louis  XL  Llivisi  est  l'ancienne  ville  romaine  de  Julia 
Livia  et  ftit  capitale  de  la  Ceretana  Juliana  (Cerdagne). 

LLO.  (5om.  du  ciép.  des  Pyrénées-Orientales,  arr,  de 
Prades,  cant.  de  SaijlagoUse;  431  hab.  Amiante.  Filons  de 
cuivre.  Sources  therûiales.  Fontaine  intermittente  deCayella. 
Ruines  d'to  donjon!  féodal  stir  le  rocher  de  Saint-Félice. 

LLOBï^EGAT  (ancien  Rubricatus).  Fleuve  côtier  d'Es- 
pagne, pî^ov.  de  B^rcelone^  qui  descend  du  col  de  Tosa 
dans  la  sierra  de  C^di,  éoule  vers  le  S.,  longe  le  Mont- 
serrât,  reçoit  à  droite  le  Cardoner  et  le  Noya,  à  gauche  le 
Mariés,  leGavarresâetle  Calder,  et  se  jette  dans  la  Médi- 
terranée ai  6  IdL  S.li  de  Barcelone.  Il  a  150  kil.  de  long; 
il  n'est  pas  navigable;  ses  eaux  assez  abondantes  sont  uti- 
lisées pour  l'irrigation.  ■—  Un  autre  Llobregat,  au  N.  de 
la  prov.  de  Gironé,  est  affluent  du  Muga. 

LLORÉNS  (Cristobal),  peintre  espagnol,  que  l'on  croit 
avoir  été  élève  de  Jfuan  de  Joanès.  Des  peintures  de  lui, 
datées  de  1597,  d'dn  bon  dessin  et  d'un  excellent  coloris, 
subsistaient  encore  au  commencement  du  siècle.  Elles  for- 
maient les  deux  retables  des  chapelles  de  Saint-Sébaslien 
et  de  Saittte-Marie-HIadeleiriie  dans  l'église  du  couvent  de 
Saint-Miéhel-des-Rojs-hors-des-Murs  de  Valence.     P.  L. 

LLO RENTE  (Bernard  German  de)  (V.  Germân). 

LLORI^NTÊ  ou  LOBINTE  (Félix),  peintre  espagnol, 
né  à  Valehce  ien  1712,,  moï't  à  Valence  en  1787.  Il  eut 
pour  maître  Evaristb  Muilozi^  D'abord  peintre  de  portraits, 
il  s'adonhà  eiisuite  à  la  peinture  d'histoire.  En  1754,  il  se 
présentait  dotant  l'Académie  établie  à  Valence,  avec  une 
compositibn  empruntée  à  là.  fable  de  Télémaque,  Il  fut 


LLORENTE  —  LLOYD 


mè 


nommé  en  i  777  membre  de  TAcadémie  de  San  Carlos,  et 
l'Inquisition  le  choisissait  comme  censeur  des  ouvrages  de 
peinture.  Quelques-uns  de  ses  tableaux  subsistent  dans 
réglise  de  Saint-Augustin  où  ils  forment  les  retables  des 
chapelles  de  Notre-Dame  de  la  Soledàd  et  de  Saint-I^icoias 
Tolentino.  On  voit  aussi  une  Pieta,  copiée  d'après  un  ori- 
ginal de  Ribalta,  dans  l'église  de  Saïi  Juan  del  Mercado. 

LLORENTE  (Juan-Antonio),  historien  espagnol,  né  à 
Rincon  del  Soto,  près  de  Calahorra  (Aragon),  le  30  mars 
4756,  mort  à  Madrid  le  5  févr.  1823.  Elève  de  l'univer- 
sité de  Saragosse,  il  fut  ordonné  prêtre  en  1779,  devint 
en  1752  vicaire  général  à  Calahorra,  et  secrétaire  général 
du  tribunal  de  l'Inquisition  en  1789.  Un  projet  de  réforme 
à  introduire  dans  cette  institution,  qu'il  élabora  en  i  794 
et  qui  n'aboutit  pas  par  suite  de  la  chute  du  ministère 
libéral  de  Jovellanos  (1798),  lui  valut  plus  tard  d'être  ré- 
voqué de  ses  fonctions.  Sa  disgrâce  ne  prit  fin  qu'en  1806, 
où  il  fut  nommé  chanoine  de  l'église  de  Tolède,  puis  chan- 
celier de  l'université  de  cette  ville.  En  1808,  il  se  rendit  à 
Baronne  par  ordre  de  Murât  pour  prendre  part  à  l'élabo- 
ration d'une  nouvelle  constitution  pour  l'Espagne.  Après 
l'abolition  du  Saint-Office  en  1809,  il  fut  chargé  d'en  exa- 
miner les  archives  et  aussi  d'assurer  l'exécution  du  décret 
supprimant  les  ordres  monastiques  ;  enfin,  il  devint  direc- 
teur général  des  biens  nationaux,  puis  dispensateur  des 
aumônes  royales.  Il  suivit  le  roi  Joseph  en  France  et  ^e 
fixa  à  Paris,  d'où  il  fut  expulsé  en  1822,  après  la  publi- 
cation de  ses  Portraits  politiques  des  papes  (2  vol.). 
Son  ouvrage  principal  est  sa  Historia  critica  de  la  in- 
quisicion  de  Espana  (Madrid  [Paris] ,  1822,  i  0  vol;  in-1 2  ; 
trad.  en  franc,  par  A.  Pelher;  Paris,  1817-18,  4  vol. 
in-8),  précieux  au  point  de  vue  documentaire.  Parmi  ses 
autres  écrits,  nous  citerons  :  Noticias  historicas  de  las 
très  provincias  -vascongadas  (Madrid,  1806-8,  5  vol. 
in-4);  Memorias  para  la  historia  de  la  revolucion 
espanola  (Paris,  1814-16, 3  vol. in-8;  trad.  franc.,  1815- 
19),  sous  l'anagramme  de  Nellerto  ;  son  autobiographie  : 
Noticia  biograflca  (Paris,  1818,  in-1 2);  enfin  ses  Obser- 
vations critiques  sur  le  Gil  Blas  de  Lcsage,  où  il  soutint 
que  ce  roman  avait  été  tiré  du  Bachelier  de  Salamanque 
d'Ant.  de  Solis,  alors  inédit.  Ce  travail  a  été  publié  en  ré- 
ponse au  comte  de  Neufchâteau,  dans  deux  rédactions  dif- 
férentes :  d'abord  en  espagnol  (Madrid,  1822,  pet.  in-8), 
puis  en  français  (Paris,  1822,  in-8).  Il  était  membre  de 
l'Académie  de  l'histoire.  Sa  biographie  complète  a  été  don- 
née parR.  Buron,  dans  son  Ûompendio  dé  la  Historia 
critica  de  la  inquisicion  de  Espana  (Paris,  1823,  2  vol. 
in-12;  en  franc.,  1823).  G.  Pawlowskj. 

LLOYD.  Edward  Lloyd,  propriétaire  d'un  café  de 
la  Cité  de  Londres  à  la  fin  du  xvn®  siècle,  fohda  pour  Fusage 
de  ses  clients  un  journal  hebdomadaire  dit  commerce, 
Lloyd's  News  (1696).  Ses  tendances  politiques  le  firent 
supprimer.  Il  reparut  en  1726  sous  le  titré  de  luloyd's 
List,  Il  était  consacré  surtout  à  la  navigation  et  plus  par- 
ticulièrement aux  assurances  maritimes.  On  sait  que  les 
cafés  étaient  alors  le  lieu  de  réunion  des  gens  d'affaires; 
celles  des  assurances  maritimes  se  co;n(^enirèrent  dans  le 
café  Lloyd,  si  bien  qu'il  se  forma  une  société  qui  prit  le 
nom  de  New  Lloyd;  en  1771  elle  ^'établit  sur  le  côté 
oriental  de  la  Bourse.  Elle  a  reçu  en  1871  dés  droits  cor- 
poratifs :  elle  publie  un  journal,  Shipping  àhd  mercantile 
Gazette  and  Lloyd's  List,  qui  renferme  des  nouvelles  de 
tous  les  ports  du  monde.  Chaque  semaine  paraît  un  index 
qui  mentionne  les  dates  de  voyage  et  dés  renseignements 
concernant  les  navires  engagés  dans  les  vojrages  trans- 
atlantiques. En  1834,  la  société  a  créé  uni  institut  nau- 
tique :  Lloyd'' s  Register  of  british  anà  forêiên  shipping. 
-r-  A  l'image  de  celui-ci,  s'est  fondé  àlRostocIi^  en  1868, 
le  Germanische  Lloyd,  transféré  depuis  à  Berlin.  Il 
existe  encore  un  Lloyd  français  à  Pari^,  russe  à  Saint- 
Pétersbourg,  américain,  rhénan  et  v^esipfi^lîen  à  Mùnchen- 
Gladbach.  Ce  nom  a  été  adopté  également  pSii*  des  copipagnies 
de  navigation  :  le  Norddeutsche  lloydM^is^èm  (1857) 


qui  dessert  la  mer  du  Nord,  l'Angleterre,  l'Amérique  du  Nord 
et  du  Sud  ;  VOEsterreichisch^Ungarische  Lloyd  de  Trieste 
(1836),  d'abord  simple  compagnie  d'assurances  (1833),  qui 
dessert  l'Adriatique,  la  Méditerranée  orientale  et  l'océan 
Indien,  et  va  jusqu'à  Hong-Kong.  A.-M.  B. 

LLOYD  (David),  écrivain  anglais,  né  à  Berthhvyd  (Mont- 
gomeryshire)  en  1597,  mort  à  Ruthin  (Denbighshire)  le 
7  sept.  1 663.  Il  était  entré  dans  les  ordres  ;  emprisonné  par  le 
Long  Parlement,  il  recouvra  ses  biens  à  la  Restauration.  Son 
livre,  Legend  of  Captain  Jones  (Londres,  1631,  in4),  eut 
de  nombreuses  éditions  ;  c'est  une  histoire  fantastique  et  bur- 
lesque qui  jouit  encore  d'une  grande  popularité.       R.  S. 

LLOYD  (William),  prélat  anglais,  né  à  Tilehurst  le 
18  août  1627,  mort  à  Hartlebury  ( Worcestershire  )  le 
30  août  1717,  Ordonné  prêtre  en  1656,  il  devint  aumônier 
du  roi  en  1666.  Il  fut  nommé  grand  aumônier  de  la  prin- 
cesse Marie  lors  de  son  mariage  avec  Guillaume  d'Orange 
(1677).  Le  3  oct.  1680,  il  reçut  l'évêché  de  Saint-Asaph. 
Le  roi  ayant  ordonné  le  4  mai  1688  que  la  seconde  décla- 
ration d'Indulgence  fût  envoyée  dans  tous  les  diocèses, 
Lloyd,  dont  les  tendances  étaient  fortement  puritaines,  se 
réunit  à  plusieurs  évêques  et  signa  une  pétition  pour  le 
rappel  de  cet  ordre  ;  emprisonnés,  ils  furent  acquittés  le 
29  juin.  Partisan  dévoué  de  la  Révolution,  il  assista  au 
couronnement  de  Guillaume  d'Orange  et  de  Marie  et  devint 
leur  grand  aumônier.  Il  fut  promu  au  siège  épiscopal  de  Lich- 
field  et  Coventry  en  1695  et  à  celui  de  Worcesteren  1700. 
Il  aida  Burnet  dans  :  The  History  of^  the  Reformation 
of  the  Church  of  England,  et  Wilkins  dans  An  Essay 
towards  a  Real  Character  and  a  Philosophical  Lan- 
guage  (Londres,  1688,  in-foL).  Il  traduisit  du  grec  The 
Life,  Martyr dom  and  Miracles  of  Saint-George^  et  pu- 
bha  anonymement  A  Seasonable  Discourse,  shewing  the 
necessiiy  of  maintaining  the  Established  Religion  in 
opposition  to  Popery  (LonàvQS,  1673,  in-4)  et  Papists 
no  Catholiks^  and  Popery  no  Christianity  (Londres, 
1677);  An  Historical  Account  of  Church  Government, 
as  it  was  in  Great  Britain  and  Ireland,  when  they  jirst 
received  the  Christian  Religion  (Londres,  1684,  in-8). 

LLOYD  (David),  écrivain  anglais,  né  à  Pant  Mawr  (Me- 
rionethshire)  le  28  sept.  1635,  mort  à  Pant  Mawr  le 
16  févr.  1692.  Il  était  entré  dans  les  ordres  en  1658  ;  à 
sa  mort,  il  était  curé  de  Llanddulas  (Denbighshire).  Ses 
principaux  ouvrages  sont  :  The  Statesmen  and  Favourites 
of  England  since  the  Reformation  (Londres,  1665  et 
1670,  in-8);  Modem  Policy  (Londres,  1660,  in-8); 
True  Portraicture  of  his  Sacred  Majesty  Charles  the  H 
(Londres,  1 660, 3  vol.  in-8)  ;  The  Worthies  of  the  World, 
abrégé  de  Plutarque  (Londres,  1665,  in-8);i  Treatise  of 
Modération  (1674).  R.  S. 

LLOYD  (Henri-Humphrey-Evans),  écrivain  anglais,  né 
vers  1720,  mort  àlluy  (Belgique)  le  19  juin  1783.  Il  prit 
part  à  la  bataille  de  Fontenoy  (11  mai  1745)  dans  l'armée 
écossaise.  En  1747,  il  était  dans  l'armée  française  et  se 
distinguait  au  siège  de  Berg-op-Zoom  ;  il  devint  lieutenant- 
colonel  et  servit  ensuite  en  Autriche  et  en  Russie.  Il  a 
écrit  :  History  ofthe  war  betweenthe  Empress  ofGer- 
many  and  her  Allies,  qui  fut  traduite  en  allemand  (Lon- 
dres, 1782,  2  vol.)  et  A  Political  and  Military  Rhap- 
sody  on  the  Defence  of  Great  Britain  (Londres,  1779) 
qui  eut  de  nombreuses  éditions  et  traductions.      R.  S. 

LLOYD  (Robert),  poète  anglais,  né  à  Westminster  en 
1733,  mort  le  15  déc.  1764.  Grand  ami  de  Churchill,  il 
publia  :  The  Actor  (Londres,  1760,  in-4),  anonyme;  The 
Tears  and  Triumphs  of  Parnassus  (1760,  in-4);  An 
Epistle  to  Charles  Churchill,  author  of  the  Rosciad 
(Londres,  1761,  in-4);  Arcadia,  or  the  Shepherd's  Wed- 
ding,  pastorale  dramatique  qui  fut  représentée  à  Drury 
Lane  en  1761;  The  Death  of  Adam,  tragédie  tirée  de 
Klopstock  (Londres,  1763,  in-12),  anonyme;  The  Capri- 
cious  Lovers,  opéra-comique  (Londres,  1764);  sa  traduc- 
tion des  contes  moraux  de  Marmontel  (Londres,  1764, 
3  vol.  in-12)  obtint  plusieurs  éditions*  R.  S* 


377  — 


LLOYD  »=^  LOANGÔ 


LLOYD  (Bartholomew),  savant  anglais,  né  à  New  Ross 
(comté  de  Wexford)  le  5  févr.  1772,  mort  à  Dublin  le 
24  nov.  1837.  Il  fit  ses  études  et  prit  ses  degrés  au  Tri- 
nity  Collège  de  Dublin,  entra  dans  les  ordres,  professa  les 
mathématiques  (1813),  puis  la  physique  (1822)  au  Tri- 
nity  Collège,  et  devint,  proviseur  de  ce  célèbre  établis- 
sement, qu'il  pourvut  d'un  observatoire  magnétique.  Il  fut 
président  de  la  Royal  Irish  Academy  et  de  la  British  Asso- 
ciation, dont  il  avkit  été  l'un  des  fondateurs.  Il  a  publié, 
outre  beaucoup  de  mémoires  et  de  notes  :  Treatise  on 
Anaiykc  Geomet)  y  (Londres,  1 81 9) ;  Discourses  (Londres, 
1822);  Treatise  on  Mechanical  Philosophy  (Dublin, 
1826),  etc.  L.  S. 

BiBL.  :  Dublin  Univers.  Magaz.,  t.  XI,  pp.  111-121. 

I  LOYD  (Charles),  poète  anglais,  né  à  Birmingham  le 
12  févr.  1775,  mort  à  ChaîUot,  près  de  Paris,  le  16  janv. 
1839.  Ami  de  Coleridge  et  de  Lamb  avec  qui  il  collabora.  On 
l'a  comparé  à  Rousseau  pour  son  talent  descriptif  et  son  grand 
amour  de  la  nature,  mais  son  style  est  souvent  très  îaible 
et  ses  vers  dénués  de  toute  harmonie.  Il  traduisit  les  Mé-" 
tamovphoses  d'Ovide,  les  œuvres  d'Alfieri,  et  écrivit  de 
nombreux  poèmes  :  ï!^ugœ  Canorœ  (1821);  Desuliory 
Thoughts  in  London,  and  other  Poems  (1 822);  Poe^ 
iicalEssays  on  the  Charader  of  Pope  (1822).    R.  S. 

LLOYD  (Humphrey),  physicien  anglais,  né  à  Dublin  le 
16  avr.  1800,  mort  à  Dublin  le  17  janv.  1 881 ,  fils  de  Bar- 
tholomew  Lloyd .  II  succéda  à  son  père  en  1831  comme  pro- 
fesseur de  physique  au  ïrinity  Collège  et  en  1838  comme 
directeur  de  l'observatoire  de  cet  établissement,  dont  il 
do\int  proviseur  en  1867.  Comme  son  père  également,  il 
fut  président  de  la  Royal  Irish  Academy  et  de  la  British 
Association.  Il  était  membre,  en  outre,  de  la  Société  royale 
de  Londres.  Il  est  l'auteur  de  remarquables  travaux  sur  le 
magnétisme  terrestre  et  sur  l'optique.  On  lui  doit  notam- 
ment une  méthode,  fondée  sur  l'emploi  d'un  phénomène 
d'influence,  pour  la  mesure  de  l'inclinaison  à  l'aide  du 
théodolite  magnétique,  et  un  ingénieux  appareil  pour  l'étude 
expérimentale  de  la  double  réfraction  conique.  Outre  des 
mémoires  insérés  dans  les  recueils  de  diverses  académies, 
il  a  publié  :  A  Treatise  op  Light  and  vision  (Londres, 
1831,  in-8);  Eléments  ofOptics  (Londres^  1850,  in-8; 
2«  éd.,  1.869);  Elementary  Treatise  on  thé  Wave  Theory 
of  Light  (Londres,  1857,  in-8;  3«  éd.,  1873)  ;  Magne- 
ticaland  Meteorological  Observations  (Lphdres,  1865- 
69,  2  vol.  in-4)  ;  A  Treatise  on  Magnetîèm  (Londres, 
1874,  in-8);  Miscellaneous  Papers  (Londres,  1878, 
in-8),  etc.  L.  S. 

LLOYD  (Charles-Dalton-Clifibrd),  homme  politique  an- 
glais, né  à  Portsmouth  le  13  janv.  18i4,mort  à  Erzeroum 
S  Arménie)  le  7  juin  1891.  D'abord  inspecteur  général 
e  la  police  en  Birmanie,  il  fut  nommé,  en  1874,  magis- 
trat résident  du  comté  de  Down  en  Irlande,  et  gouverna 
avec  une  graiide  énergie.  En  1883,  Lloyd  entra  au  ser- 
vice du  khédive  d'Egypte  et  devint  sous-secrétaire  d'Etat 
à  l'intérieur;  mais,  ayant  mécontenté  par  ses  réformes 
les  autorités  égyptiennes  et  même  anglaises,  il  dut  dé- 
missionner en  mai  1884.  Il  fut  nommé  consul  au  Kour- 
distan  le  15  sept.  1889.  lia  écrit  :  Ireland  under  the  Land 
League;  a  narrative  ofpersonal  Expériences  (Londres, 
1892,  in-8). 

LLOYD  (Marie  Jolly,  dite),  actrice  française.  Elle  fit 
ses  études  aii  Conservatoire  et  débuta  à  la  Comédie-Fran- 
çaise le  23  févr.  1863,  dans  le  rôle  de  Célimène  du  Mi- 
santhrope, oti  tout  d'abord  sa  beauté  fit  sensation. 
M^^^  Lloyd  tint  avec  une  certaine  distinction  l'emploi  des 
grandes  coquettes,  qu'elle  échangea  peu  à  peu  plus  tard 
pour  celui  des  rôles  marqués  et  des  mères  nobles.  On  la  vit 
alors  dans  Philaminte  des  Femmes  savantes,  dans  la  Reine 
à'Hamlet^  dans  la  marquise  de  Villemer,  dans  Jocaste 
à'Œdipe  roi,  etc.  Cette  artiste  estimable,  qui  avait  été 
reçue  sociétaire  le  1^^  janv.  1881,  a  pris  sa  retraite  en 
1892.  M^^®  Lloyd  a  épousé  un  peintre,  M.  Vibert. 

LLUCH.  Célèbre  pèlerinage  (de  la  Vierge)  de  l'île  de 


Majorque  (Baléares),  à  525  m.  dialt.  au  N.  d'Inca.  Hos- 
pice. Magnifiques  gorges  du  Pareis. 

LLUCHMAYOR.  Ville  de  l'île  de  Majorque  (Baléares), à 
24  kil.  S.rE.  de  Palma;  9,000  hab.  Tissage  de  laine.  Au- 
dessus  s'élève  le  puig  de  Runda  couronné  par  trois  cha- 
pelles très  fréquentées  des  pèlerins. 

L  L  U  G  l  A  (François-Xavier  de) ,  homme  politique  français, 
né  à  Perpignan  (Pyrénées-Orientales)  le  2  déc.  1752,  mort 
à  Paris  le  25  mai  1794.  Procureur  syndic  du  tiers  état  à 
l'assemblée  provinciale  du  Roussillon,  il  fut  élu,  le  23  mai 
1790,  procureur  général  syndic  du  dép.  des  Pyrénées- 
Orientales,  et,  le  30  août  1791,  député  de  ce  même  dépar- 
tement à  l'Assemblée  législative.  Il  s'affilia  aux  Girondins, 
devint  maire  de  Perpignan  en  179^  et  montra  la  plus  ferme 
attitude  envers  les  Espagnols  qui  menaçaient  nos  frontières. 

LLULLAILLÂCO.  Volcan  des  Andes  (6,173  m.),  à  la 
frontière  du  Chili  et  de  Bolivie,  par  24^32'  lat.  S.,  domi- 
nant la  saline  de  Punta  Negra. 

LLUPIA.  Corn,  du  dép.  des  Pyrénées-Orientales,  arr. 
de  Perpignan,  cant.  de  Thuir  ;  308  hab. 

LLYWELYN,  prince  de  Galles  (V.  cet  art.,  t.  XVIII, 
pp.  397  et  suiv.). 

LOA.  Fleuve  du  Chili  qui  formait  jadis  la  frontière  entre 
le  Pérou  et  la  Bolivie  ;  il  coule  au  N.  du  désert  d'Atacama 
et  n'a  presque  pas  d'eau. 

LOANDA.  YiWe  capitale  du  pays  d'Angola  et  des  pro- 
vinces de  la  Guinée  méridionale  portugaise,  située  au  fond 
d'une  baie  que  couvil'e  une  île  sablonneuse;  20,000  hab. 
environ.  Trois  forts,  d'origine  très  ancienne,  la  défendent 
du  côté  de  la  mer.  La  ville  se  divise  en  deux  parties,  la 
ville  haute  et  la  ville  basse  ;  elle  a  une  cour  d'appel  et  est 
le  si^ge  d'un  évêché.  Le  port  est  bien  abrité,  mais  ne  cesse 
de  s'envaser.  On  ne  trouve  aujourd'hui  dans  le  fond  de  la 
baie  que  des  profondeurs  de  1  ou  2  m.  et  le  mouillage  n'a 
plus  lieu  qu'à  2  kil.  de  la  terre.  Le  climat  a  une  grande 
réputation  d'insalubrité.  B*  RomRE. 

LOANGO.  Pays  de  la  côte  occidentale  de  l'Afrique  équa- 
toriale.  Oh  désigne  sôus  ce  nom  la  partie  basse  du  versant 
maritime  de  la  chaîne  appelée  par  les  Portugais  serra  do 
Cristal  dont  les  contreforts  sont  distants  de  50  à  65  kil. 
de  la  côte.  Le  Loàngo  est  compris  entre  l'embouchure  du 
Congo  et  les  anciennes  limites  du  Gabon.  La  région  litto- 
rale est  formée  c|e  dépôts  d'alluvions,  derrière  lesquels  ap- 
paraissent des  terrains  tertiaires,  des  masses  de  latérite, 
quartjzite,  de  grfe  quartzeux,  etc.;  la  ligne  dés  côtes  est 
échatlcrée  par  jîtaces  et  présente  les  baies'  de  Càbinda  et  de 
Loango.  Au  delk  de  la  côte  le  pays  s'élève  leStitement  en 
longties  terrasses  que  traversent  de  nombreuses  rivières, 
dont  |[a  principale  est  le  Quillou.  Les  monts  schisteux  de 
l'E;  s^intrévêtus  defoi'êts  vierges.  La  végétation  est  des  plus 
variées  :  parni^  ces  végétaux  les  plus  remarquables  on  peut 
citer  le  baobab,  le  palmier  à  vin,  le  palmier  à  huile,  le 
palniîer  éventail,  le  cotonnier,  le  papyrus,  le  manguier,  le 
papsijrer,  l'oranger  et  le  citronnier.  Les  indigènes  cultivent 
l'ara^hidei  le  tàb^c,  le  manioc,  la  canne  à  smfe.  La  faune 
est  rèpi^ésentée  par  l'hipiiopotame,  le  chimpanzé,  le  gorille, 
le  crocodille  ;  lés  serpents  sont  communs  et  dangereux. 
Les  ^Mîg^nes  de  Loahgo  so^t  bien  faits,  assez  grands  »  ont 
la  pé^u  |d'un  bt'un  vailîable  et  le  crâne  fort  épais,  très  doli- 
chocéphales, Souvent'  bat*btis.  Ils  s'appellent  eux-mêmes 
Bafi!pte\  Ils  cr<^ient  aux  fétiches,  n'obéissent  pas  à  un  pou- 
voir ceiitral  et  sont  dispersés  dans  de  petits  villages.  Par 
suite  jiès  traitas  dé  1885'  entre  la  France,  le  Portugal  et 
l'Association  internationale  africaine,  le  Loango  a  été  par- 
tagé entre  le  Portugal,  la  France  et  l'Etat  du  Congo.  Il 
est  combrîs  dàî^s  la  zone  de  liberté  commerciale  du  bas- 
sin du  Congo.  —■  L'ancien  royaume  de  Loango  dépendait 
du  grand  empiré  dii  Congo;  il  s'en  affranchit  au  xvi^  siècle 
et  tomba  é^  iiîfebldtiOh  après  1750.  La  ville  de  Loango, 
qui  élit  jadis  iSjOOO  hab., ^st  réduite  aux  factoreries  eu- 
ropéehûes;         |  D^'  Rouire. 

BiBL.  :  GûsbpeLdt,  Falkenstein,    etc..  Die  deutsche 
Loango  expédition  iSlS-lô;  Leipzig,  1879-82,  'à  voL 


LOANGO  »-"  LOBATTO 


378 


LO A N  fîO-LucE  (V.  TcHiLOÂNGo) . 

LOANGO  A.  Rivière  de  la  région  centrale  de  l'Afrique 
australe,  affluent  gauche  du  moyen  Zambèze.  Sa  source  est 
sur  le  versant  méridional  des  montagnes  qui  forment  le 
partage  des  eaux  du  Zambèze  et  du  haut  Congo,  au  mont 
Ichitané,  entre  le  lac  Nyassa  et  le  lac  Bangouélo. 

LOANO.  Port  d'Italie,  sur  le  golfe  de  Gènes,  à8  kil.  N.- 
E.  d'Alhenga,  port  de  cabotage,  climat  insalubre  à  cause 
des  marécages  voisins;  3,97T  hab.  Un  couvent  (mont  Car-' 
mel)  et  une  église  à  coupole  dodéoagonale,  tous  deux  bâtis 
par  les  Doria,  sont  les  deux  seules  curiosités  de  la  ville. 
Enceinte  bastionnée.  Victoire  des  Français  sur  les  Austro- 
Sardes  le  23  nov.  4795. 

LOARTE  (Alexandre),  peintre  espagnol,  élève  du  Greco, 
et  qui  travaillait  à  Tolède  au  commencement  du  xvii®  siècle. 
A  la  date  de  4622,  il  exécutait  pour  le  réfectoire  du  cou- 
vent des  Minime^  une  grande  toit^  :  le  Miracle  des  pains 
et  des  poissons,  dont 'on  s'accordait  à  louer  le  beau  colo- 
ris vénitien.  Loarte  peignait  excellemment  la  nature  morte, 
et  Cean  Bermudez  signale  de  lui  deux  peintures  existant  de 
son  temps  dans  les  collections  Yargas  et  Marte  et  repré- 
sentant l'une  du  gibier,  l'autre  des  poules  et  des  poussins, 

LOASA  {Loasa  Adans.)  (Bot,).  Genre  de  Loasacées,  ca- 
ractérisé par  le  réceptacle  tubuleux,  logeant  l'ovaire  infère 
et  portant  sur  les  bords  5  sépales,  5  pétales,  cucullés  ou 
sacciformes,  imbriqués,  parfois  connivents  en  corolle  cam- 
panuliforme.  Il  y  a  3-5  placentas  pariétaux,  multiovulés.  Le 
fruit  s'ouvre  par  5-10  valves.  Les  fleurs  sont  axillaires  ou 
latérales,  souvent  disposées  en  grappes  ou  en  cymes  plus 
ou  moins  composées.  On  cultive  dans  nos  jardins  botaniques 
les  Loasa,  tous  originaires  des  régions  chaudes  de  l'Amé- 
rique. D^  L.  Hn. 

LOASACÉES  {Loosacece  LindL,  Loaseœ  Juss,)  (Bot.). 
Famille  de  plantes  Dicotylédones,  assez  voisine  des  Cucur- 
bitacées,  composée  d'herbes  dressées  ou  volubiles,  souvent 
couvertes  de  soies  brûlantes,  à  feuilles  simples  opposées 
ou  alternes,  sans  stipules.  Les  fleurs  sont  hermaphrodites, 
régulières;  la  corolle  en  général  est  dialypétale,  penta- 
mère  ou  tétramère,  à  préfloraison  valvaire;  les  étamipes, 
très  nombreuses,  sont  superposées  aux  pétales  par  groupes 
alternant  avec  des  groupes  de  staminodes.  L'ovaire  est 
infère,  uniloculaire,  h,  placentation  pariétale;  les  ovules 
sont  nombreux,  pendants,  anatropes.  Le  fruit,  tantôt  cap- 
sulaire,  droit  (Loasa),  ou  tordu  en  hélice  (Ca;op/wni), 
tantôt  bacciforme  (Klapvothia),  renferme  dés  graines 
nombreuses,  à  embryon  droit  occupant  l'axe  d'un  albumen 
charnu.  Les  genres  principaux  sont  :ioas<z  Adans,,  Cajo- 
phora  Presl.,  Blumenbackia  ^QhTSià.^Mentzelia  L^,  Bar- 
tonia  Sm>,  eto,  D'' L.  ÎIn. 

LOAYSA  (Garcia  de),  homme  d'Etat  et  cardinail  espa- 
gnol, né  à  Talavera  (Gastille)  vers  1479,  mort  à  Madrid 
le  24  avr.  1546.  Religieux  dominicain  en  1495,  il  fut  succes- 
sivement professeur^  régent  des  études,  recteur,  prieur 
des  couvents  d'Avila  et  de  Valladolid,  provincial  d'EJspagne 
et  général  de  son  ordre.  Deventi  confesseur  de  Charles- 
Quint,  puis  évoque  d'Osma,  il  fut  membre  du  conseil  privé 
puis  président  du  conseildes  Indes,  pieyé  au  carditialat  on 
1530,  il  reçut  la  même  année  d'abord  l'évêchéde  Siguenza, 
puis  Farchevêché  de  Séville.  Politiçiù^  avisé,  ij  avait  con- 
seillé la  mise  en  liberté  sans  condition; de  François  p^'.  Son 
importante  correspondance  avec  fiharles-Quint,  trouvée  aux 
archives  d'Etat  à  Simancas  par  G.  Heine,  a  été  pblié  par  fui 
avec  une  traduction  (Briéfe;  Berlin,  1848,  in-8),  puis  réé- 
ditée  dans  le  t.  XIV  (1849)  de  la  Colecçioti  de  dpcumenlos 
ineditos  para  la  histor\a  de  Espafia.  G,  P-i. 

LO  B  A  N  0  V-RosTO vsKY  (Dmitri-Ivanpvitch,  prince) ,  gé- 
néral russe,  né  en  1758,  mort  en  1838.  Il  accompagna 
Potemkine  dans  la  campagne  de  Grimée  et  fut  blessé  au 
siège  d'Otchakov  (1738). Il  servit  ensuite  sous  les  ordres 
de  Souvorov  et  fut  de  nouveau  blessé  au  siège  d'îsmaïl.  Il 
gagna  le  titre  de  brigadier  dans  la  campagne  de  Pologne. 
Il  reçut  en  1806  le  commandement  d'une  division  et  fut 
chargé  de  négocier  la  paix  de  Tilsit  avec  Napoléon,  U  devint 


en  1868  gouverneur  militaire  de  S^int-rPéteribojiyg  et 
en  1810  gouverneur  général  des  provinces  de  Livpnie» 
Ehstonie  et  Courlande.  Il  prit  part  à  l'organisation  de  la 
défense  nationale  en  1813,  De  1817  à  1827,  il  h%  mimiv^ 
de  la  justice, 

LOBANOV-RosTovsKY  ou  LABANOFF  de  Rostov 
(Alexandre-ïakovlevitch,  prince),  bibliophile  russe,  né  en 
1788,  mort  à  Saint-Pétersbourg  en  1866.  Il  servit  d'abord 
dans  l'armée  et  se  retira  avec  le  grade  de  général-major. 
Il  avait  rassemblé  une  admirable  collection^ de  livres  et  de 
portraits  et  fut  membre  delà  Société  des  bibliophiles fran- 
çais.  Passionné  pour  la  mémoire  de  Marie  Stuart,  il  lui  a 
consacré  un  certain  nombre  d'ouvrages  écrits  en  français 
et  qui  sont  encore  aujourd'hui  consultés  avec  intérêt  : 
Notice  sur  la  collection  des  portraits  de  Marie  Stuart, 
précédée  d'un  résumé  chronologique  (Paris,  1860, 
2®  éd.)  ;  Lettres  inédites  de  Marie  Stuart  (Paris,  1839); 
Lettres,  Instructions  et  Mémoires  de  Marie  Stuart 
(Paris^  1844).  On  doit  encore  au  prince  Lobanov  :  Recueil 
de  pièces  historiques  sur  la  reine  Anne,  épouse  de 
Henri  I^  (Paris,  1825);  Lettre  à  M.  le  Rédacteur  du 
Globe  au  sujet  de  la  prétendue  ambassade  en  Russie 
de  Charles  de  Talleyrand  (id,,  1827)  et  un  catalogue 
des  Cartes  de  sa  bibliothèque  (î(i.,  1833), 

LOBANOV-RosTOvsEY  (Alexis-Borisovitch,  prince),  di- 
plomate russe,  né  le  30  déc,  1825.  D'une  des  plus  vieilles 
familles  princières  de  Russie,  il  fit  ses  éludes  à  Saint- 
Pétersbourg  et  entra  au  ministère  des  affaires  étrangères 
(1844).  Secrétaire  à  Berlin  (1850),  il  devint  en  1856  con- 
seiller d'ambassade  à  Constantinople,  puis  de  1859  à  1863 
ambassadeur  de  Russie  dans  cette  ville.  Il  quitta  le  service 
diplomatique  en  1863,  après  avoir  enleyé  la  femme  d'un 
secrétaire  d'ambassade  français  qu'il  ne  pouvait  épouser, 
vécut  à  Nice  jusqu'à  la  mort  de  sa  maîtresse  (1866),  rentra 
en  Russie,  devint  gouverneur  de  la  province  d'Orel  (1866), 
puis  fut  adjoint  au  ministre  de  l'intérieur;  il  rentra  dans 
la  diplomatie  en  1877,  et  représenta  tour  à  tour  la  Russie 
à  Constantinople  (1878),  à  Londres  (1879)  et  à  Vienne 
(1882).  En  1895,  il  prit  îa  succession  de  Mt  de  Giers  an 
mmistère  des  affaires  étrangères. 

LOBATCHEFSKY  (Nico(ai-Ivanovitch),  mathématicien 
russe,!  né  à  Nijnl-Novgorod  en  1793,  mort  a  Kasan  le 
24  févr.  1856.  Fils  d'un  paysan,  il  fut  élevé  à  Kasan  oti 
dès  1811  il  donnait  des  répétitions  de  mathématiques,  Pro- 
fesseur adjoint  à  l'université  en  1814,  il  devint  titulaire 
en  1816  et  occupa  la  chaire  de  mathématiques  pendant 
quarante  ans,  tout  en  faisant  parfois  des  cours  de  physique 
et  d'astronomie.  Pendant  dix-neuf  ans,  il  f«t  recteur  de 
l'université*  Il  a  publié  en  russe  divers  articles  dans  les  Mé- 
moires de  Kasan,  notamment  sur  l'éclipsé  du  soleil  du  8  juin 
1842  ;  en  allemand  :  Leber  die  Principien  der  Géométrie 
(Kasan,  1829-30);  Untersuchungen  %ur  Théorie  der 
Parallelinien  (Berlin,  1840).  Son  ouvrage  capital  et  le 
plus  célèbre  est  sa  Pangéométrie  ou  Précis  de  géométrie 
fondée  sur  une  théorie  générale  et  rigoureuse  des  pa- 
rallèles (Kasan,  1855).  Il  a  enfin  fourni  au  Journal  de 
Crelle  des  mémoires  sur  la  géométrie  imaginaire  (1837) 
et  sur  là  probabilité  des  résultats  àoyens  d'observations 
répétées.  Lobatchefsky  doit  être  considéré  comme  l'un  des 
plus  grands  génies  mathématiques  qu'ait  produits  la  Russie. 
Un  monument  lui  a  été  élevé,  grâce  à  une  souscription 
provoquée  par  M.  Vassiliev,  président! de  la  Société  physico- 
mathématique  de  Kasan,  Souscription  à  laquelle  ont  pris 
part  les  mathématiciens  du  monde  entier. 

LOBATTO  (Rehuel),  mathématicien  hollandais,  né  à 
Amsterdam  le  6  juin  1797.  Il  fut  d'abord  attaché  au  ser- 
vice des  poids  et  mesures  (1827-42),  puis  professa  les 
mathématiques  transcendantes  à  l'Académie  des  ingénieurs 
de  Delft.  Il  était  membre  de  l'Institut  néerlandais  et  de 
l'Académie  des  sciences  d'Amsterdam.  Outre  d'importants 
et  nombreux  mémoires  d'analyse  et  de  géométrie,  parus 
dans  les  recueils  de  ces  sociétés,  dans  le  Journal  de  Crelle 
et  de  ïiouville,  il  a  publié  %  Recherches  sur  la  somma-- 


,.^  379  - 


LôBATTo  ^^-  mmm 


Mon  de,  quelques  séries  irigonométriqueSf  en  frànç. 
(Amsterdam,  4827,  in4);  Recherches  sur  la  disfdnction 
des  racines  réelles  et  imaginaires  dans  les  équations 
Unémres^  en.  franc.  (Amsterdam,  4843,  iîi-4)  ;  Leçons 
d'algèbre  supérieure^  m  holi,  (Amsterdam,  1845,  in-8)  ; 
Leçons  de  calcul  différentiel  et  intégral^  en  holl. 
(Amsterdam,  i85Sl,  2  vol  in-8),  etc.  L.  S. 

L08AU.  Ile  du  Danube,  à  12  kil.  en  aval  de  Vienne. 
El!e  a  Joué  un  rôle  considérable  dans  les  opérations  mili- 
taires de  Napoléon  au  mois  de  mai  1809,  notamment  lors 
de  la  bataille  d'Essling.  C'est  à  cette  occasion  que  le  général 
Georges  Mouton  fut  fait  comte  de  Lobau. 

LOBAU  (Georges  Mouton,  comte  de)  (V.  Mouton). 

LOBAWA(alL  Lœbau).  Ville  de  Prusse,  district  de  Ma- 
rienwerder  (Prusse  occidentale),  sur  la  Sandella  ;  5,000  hab. 
Château;  couvent  de  bernardins  (sécularisé  en  1820).  Elle 
reçu  une  charte  urbaine  en  1270. 

LOB B ES.  Ville  de  Belgique,  prov.  de  ïïainaut,  arr.  de 
Thuin,  sur  la  Sambre  ;  3^000  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer 
de  Cologne  à  Paris.  Exploitations  de  carrières;  savonneries, 
clouteries.  On  y  voit  les  ruines  de  l'ancienne  et  célèbre 
abbaye  de  Lobbes,  fondée  au  vii^  siècle  par  saint  Lande- 
lin,  et  qui  devint  une  des  plus  opulentes  de  la  Belgique. 
Elle  fut  incendiée  par  les  Français  en  1794,        E.  H. 

BiBL,  :  J.  Vos,  Lobbes,  son  abbaye  et  son  chapitre; 
Louvain,  1865,  2  vol.  in-8. 

LOBE.  L  Anatomie  (V.  Encéphale,  Cerveau,  Oreille). 

11.  Architecture.  —  Fragments  d'arcs  curvilignes  fai- 
sant comme  une  découpure  souvent  ornée  de  fleurons  le 
long  de  l'encadrement  d'une  baie  ou  formant  des  compar- 
timents enchevêtrés  les  uns  dans  les  autres  à  l'intérieur 
de  cette  baie.  Ce  mode  de  décoration  a  été  très  employé  au 
moyen  âge  aussi  bien  en  Occident  pendant  les  diverses 
périodes  du  style  gothique  qu'en  Oriebt  dans  lés  divers 
styles  musulmans.  Dans  les  églises,  le  fenestrage  des 
grandes  baies  offre  souvent  des  meneaux  s'élançant  verti- 
calement jusqu'à  la  naissance  de  l'Ogive  fermant  la  baie 
et,  à  partir  de  cette  naissance,  ces  meneaux  se  terminent 
en  courbes  formant  des  rosaces  composées  dô  lobes  et  ana- 
logues à  celles  qui  décorent  la  pahie  siipérieure  des  por- 
tails de  ces  églises.  Charles  Lucas. 

LOBE  (Johann-Christian),  écrivain  musical  allemand, 
né  à  Weimar  le  30  mai  1797,  mort  à  Leipzig  le  27  juil. 
1881.  Médiocre  compositetir,  il  est  répute  pour  ses  ou- 
vrages théoriques  :  Lehrbuch  der  musifcdisehen  Éom- 
position  (Leipzig,  1850-67,  4  vol.  ;  5^  édi  par  Kret|:sch" 
mar,  1884  et  suiv.);  Katechismus  der  Musik  (^2®' éd., 
1883),  etc. 

LOBECK  (Christian-Âugust),  philologue  allemand,  né  à 
Naumbourg  le  5  juin  1781,  mort  à  Kœnigsberg  le  25  août 
1860.  Il  professa  à  Wittenberg  (1802)  et  à  l'université  de 
Kœnigsberg  (1814).  Parmi  ses  écrits  qui  ont  fait  progres- 
ser l'étude  de  la  grammaire  gi*ecque,  nous  citerons  :  Pfiry- 
nichi  sophistœ  ecldg(Ë  nominum  et  verborum  attico- 
rum  (Leipzig,  1820)  ;  Paralipomena  grammaiicœ 
grœcce  (1837,  2  vol.);  Pathologice  sermonis  grœci 
prolegomena  (1843);  Rhematicon  sive  verborum  grœ- 
corum  et  nominum,  vefbalimn  technologia  (Kœnigsberg, 
1840);  Pathologiœ  linguœ  grœcœ  elementa  (1858-62, 
2  vol.),  une  excellente  édition  de  VAjax  de  Sopllocle 
(1810;  3^  éd.,  Berlin,  1866);  ènân  son  Aglaophamus 
seude  theologioemysticoe  Grœcorumcausis  (Kœnigstierg, 
1829,  2  vol.),  encore  précieux  pour  l'étude  des  Mystères 
(V.  ce  mot)  et  de  l'orphisme.  A,41.  B. 

BiBL.  :  FRïEDL^NDEBt,  MUteîlutig&n  âU8  Lobeùks  BHef- 
wec/ise?,*  Leipzig,  1861. 

L08ESRA  (Vasco  de)^  romancier  portugais,  né  à  Porto 
vers  i365,  mort  à  140S.  Il  s'attacha  à  la  fortune  du  futur 
Jean  P^  et  fut  armé  chevalier  par  ce  souverain  peu  de 
temps  avant  la  célèbre  bataille  d'Aljubarotta  (J383).  Il  est 
certainement  l'auteur  cl^une  rédaction  en  portugais,  ou 
plutôt  en  dialecte  galicien,  du  célèbre  roman  de  chevajerie 
Amadisde  Gaule  (V.  ce  mot)^  dont  la  vogue  fut  si  grande. 
L'original  de  cette  rédaction^  qui  n'a  jamais  été  publiée^ 


se  trouvait  à  la  fin  du  xvi®  siècle  dans  îa  bibliothèque  des 
ducs  d'Aveiro  à  Lisbonne,  où  l'on  croit  qu'il  périt  dans 
l'incendie  de  1753.  A  Son  défaut,  une  discussion  passionnée 
s'engagea  sur  la  question  de  savoir  si  l'œuvre  de  Lobeira 
constituait  le  prototype  de  ce  roman,  ou  s'il  n'y  a  pas  eu 
une  rédaction  antérieure,  en  espagnol,  imitée  des  trouvères 
français  et  dont  celle  de  Garcia  Oraonez  deMontalvo  (V.  ce 
nom),  écrite  vers  1465,  ne  serait  qu^un  remaniement  litté- 
raire. La  plus  ancienne  édition  imprimée  de  celle-ci,  décou- 
verte seulement  en  1871 ,  est  celle  de  Saragosse  (1508)  4  Les 
arguments  en  faveur  de  l'origine  espagnole  du  roman  à'Ama- 
dis  ne  sont  pas  absolument  convaincants,  de  sorte  que  la 
question  reste  encoie  quverte       "         G.  Pawlowskï. 

^  lQBtl\I^CÈES(LobeliaceœL)  (Bot.).  Groupe  de  plantes 
Dicotylédones,  dont  on  a  fait  longtemps  une  famille  distincte, 
quoique  très  voisine  des  Càmpanulacées.  Bâillon  {Hist. 
des  PI,  t.  VIII,  328,  US)  les  rattache  à  cette  dernière 
famille  dont  elles  ne  forment  plus  (ju'une  série,  celle  des 
Lobéliées,  caractérisée  comme  il  suit  :  «  Fleurs  irrégu- 
lières, parfois  résupinéeé.  Corolle  val vaire,  gamopétale  ou 
dialybétale.  Etaînines  insérées  sur  le  réceptacle  ou  Sur  la 
corolle,^  a  anthèipes  souvent  tmies  en  tube  par  les  bords. 
Ovaire  infèrô  ou  en  partie  sdpère,  à  deux  loges  multiovu- 
lées  ou  uniloculaires,  à  deux  |)lacentas  pariétaux.  Fruit  sec 
ou  charnui  Feuilles  pUs  souvent  alternes,  fleurs  solitaires, 
axillaires  ou  à  grappes  terminales.  »  B""  L.  Hn. 

LOBÉLIE.  l.  Botanique.  -—  (Lobelia  L.).  Genre  de 
plantes  Dicotylédones,!  tyf)e  du  groupe  des  Lobéliées,  carac- 
térisé par  JeS  fleurs  irregulières,  hermaphrodites  et  résu- 
pinées;  le  réceptacle  concave  portant  nn  gynécée  en  partie 
infère^  un  calice  gamosépale  à  5  divisions  presque  égales 
et  une  corolle  gamopétale  pentamère,  ordinairement  allon- 
gée é  tubulèuse,  irré^ulière  |  le  tube  est  d'ordinaire  fendu 
jusqu'à  la  base  du  côtéi  antérieur  ;  le  limbe  forme  2  lèvres, 
l'antérieure  composée  de  2  lobés^  la  postérieure  de  3  lobes  ; 
5  étamines  alternent  avied  les  lobes  de  la  corolle  sur  laquelle 
elles  ne  s'insèrent  pas  ,*  iesartthères  biloculaires,  introrses, 
sont  très  souvent  réunies  en  ufle  sorte  de  tube  qui  entoure 
le  stylci  L'ovaire  est  surmonté  d'un  style  à  extrémité  stig- 
matiqùe  plus  où  moins  bilobée  ou  déprimée  en  forme  de 
sàc;  il  se  compose  d'oi^dinair0  dé  2  loges  renfermant  cha- 
cune dans  son  angle  in- 
terne un  grés  placenta 
chargé  d'^tin  tiotiibre  in- 
défini d'ovules  anatro*- 
pes.  Le  fruit  est  une 
capsule  loculicî4e  â  dé- 
Mscence  souvent  incom- 
plète. Les  grftineè,  nom- 
breuses, renferment  un 
albumen  charnu .  dont 
Taxe  est  occupé  par  un 
embryon  à  cotylédons 
courts.  —  Les  Lobélies 
sont  des  herbes  àn^ 
nuellés  ou  vivaces,  à 
feuilles  siniples,  à  in- 
florescence en  grappe 
ou  en  épi,  gorgées  d'un 
sUc  laiteux,  acre  et  caus- 
tique ;  elles  sont  répiin- 
dues  surtout  dans  les 
régions  chaudes  du 
globe,  particulièrement 

dans  r4Hîérique  éqùinoxîale.  --^  Le  L,  urens  L.,  espèce 
européehne>  assëx  commune  dans  les  marais  tourbeux  du 
centre  et  de  l'O.  de  U  France,  est  réputée  toxique.  Le  L.  car- 
dïndlisl  hfy  répàiïdu  dans  les  contrées  méridionales  de 
rAméridue  du  MM,  est  fréquemment  cultivé  en  Europe 
cémnie  plarlte  d'ornement.  Le  L.  syphilitica  L.,  qu'on 
trouve  dans  les  forêts  marécageuses  de  l'Amérique  septen- 
trionale, ^0|)uîs  la  Nouvellô-Orléans  et  la  Caroline  jusqu'au 
Ganadajdoit  son  ï^om  à  ses  prétendues  propriétés  anti^ 


Lobélie. 


LOBÉLÏË  -^  LOBKOWIÏZ 


^  380 


syphilitiques.  Enfin,  le  L  inflata  L.,  commun  aux  Etats- 
Unis,  dans  les  champs  et  sur  les  bords  des  roules,  est  le 
plus  usité  en  médecine;  c'est  Vindian  tobacco  des  Amé- 
ricains et  Vasthmawood  ou  emetic  wood  des  Anglais.  Les 
espèces  de  FAmérique  équinoxiale  jouissent  de  propriétés 
analogues.  D"^  L.  Hn. 

IL  Thérapeutique.  —  La  Lohélie  enflée  {Lobelia 
inflata)  a  seule  pénétré  dans  la  thérapeutique  européenne 
au  détriment  peut-être  du  Lobelia  urens  de  nos  cam- 
pagnes. Elle  est  très  active,  vénéneuse  à  petite  do^e,  vomi- 
tive et  cathartique  aux  doses  moyennes,  et  ses  propriétés 
se  rapprochent  de  celles  du  tabac.  Aux  doses  de  08*'25 
à  2  gr.,  les  feuilles  donnent  de  la  sécheresse  au  pharynx, 
de  l'irrégularité  des  battements  du  cœur,  de  la  céphalée 
avec  tendance  au  sommeil,  de  la  dilatation  pupillaire,  des 
nausées  avec  hypersécrétion  bronchique  et  crises  sudorales. 
La  lobélie  paralyse  les  nerfs  moteurs  en  respectant  le 
muscle  ainsi  que  les  nerfs  sensitifs.  Sa  principale  indica- 
tion est  la  dyspnée,  en  particulier  celle  des  asthmatiques. 
Dans  l'asthme  cardiaque,  elle  calme  les  crises  de  suffo- 
cation et  en  prévient  momentanément  le  retour.  Barra- 
lier  l'a  employée  contre  la  dyspnée  des  phtisiques.  On  la 
prescrit  sous  forme  de  teinture,  à  la  dose  de  %  gr.  par 
jour,  chez  les  asthmatiques,  seule  ou  associée,  comme  l'a 
recommandé  Dujardin-Beaumetz,  à  l'iodure  de  potassium.  Le 
sulfate  de  lobéhne,  pris  en  injection  hypodermique,  excite 
comme  l'apomorphine  et  provoque  le  vomissement.  —  Le 
Lobelia  syphilitica  a  été  surnommé  au  Canada  le  mercure 
végétal  :  il  n'a  d'autre  propriété  sur  la  syphilis  que  celle  de 
tous  les  purgatifs  et  dépuratifs.  —  Le  Lobelia  Deiisseana 
est  employé  au  Mexique  comme  expectorant.  Crescentio  a 
récemment  recommandé  sa  racine  contre  la  pneumonie,  la 
bronchite,  la  toux  et  la  dyspnée.   .       D^  R.  Blondel. 

LOBÉLINE  (Ghira.).  La  lobéhne  a  été  découverte  par 
W.  Bastick  dans  les  îmilies  an  lobelia  inflata;  son  étude 
a  été  reprise  depuis  par  Lewis.  Elle  forme  une  substance 
jaune  présentant  la  consistance  du  miel;  l'eau,  l'alcool, 
l'éther  et  la  plupart  des  principaux  dissolvants  organiques 
la  dissolvent  en  quantité  considérable.  Les  alcalis  et  les 
acides  décomposent  la  lobéline  et  donnent  des  sucres  à  la 
suite  d'une  ébuUition  prolongée.  La  lobéhne  forme  dés  sels 
bien  cristallisés.  C.  M. 

LOBENIBA.  Pays  de  l'Afrique  équatoriale  compris  entre 
les  lacs  Tanganyika,  Nyassa,  Moéro  et  Bangouélo, 

LOBERA  ouIlOBÉBA  deAyilâ  (Luis),  médecin  espa- 
gnol du  XVI**  siècle.  Il  pratiqua  d'abord  son  art  à  Ariza , 
puis  devint  le  premier  médecin  de  Charlest-Quint^  qu'il 
suivit  dans  tous  ses  voyages.  Il  a  publié  entre  autres  : 
Remedios  de  cuerpos  humanos,,,  (Alcalâ  de  Henarès, 
1542,  in-fol.  ;  dans  le  premier  livre  est  intercalé  un  cha- 
pitre de  Guy  de  GhauUac)  :  Libro  de  las  çuatro  infer- 
medades  cortesanas,.,  (Tolède, 4544, in-fol.;  trad.ital., 
Venise,  d558,  in-8),  ouvrage  renfermant  un  chapitre  re- 
marquable sur  la  syphilis.  D''  L.  Hn. 

LOB  IN  (Jules-Léopold) ,  peintre  verrier  français,  né  à 
Tours  en  4837.  Son  père,  Lucien-Léopold  Lobin,  élève  d'Hip- 
polyte  Flandrin  et  de  Steuben  (i  844-64) ,  avait;  fondé  à  Tours 
une  manufacture  de  vitraux  d'où  sont  sortis  de  nombreux 
travaux  destinés  aux  églises  et  des  sujets  représentant  des 
scènes  historiques  ou  épisodiques.  Il  fut  remplacé  à  sa  mort 
par  son  fils,  Jules-Léopold,  qui  donna  une  plus  grande  exten- 
sion à  la  manufacture  de  la  rue  des  Ursulines,  à  Tours.  Pen- 
dant une  période  de  près  de  trente  années,  il  n'a  cessé  de  pro- 
duire des  verrières  nombreuses  pour  les  églises  de  La  Flèche, 
du  Sacré-Cœur  àlssoudun,  deMontargis,  de  Saint-Servan 
à  Saint-Malo,  d'Angoulême,  de  Châteaurenault,  de  Sens- 
Beaujeu(Cher),  de  Saint-Sauveur  de  Renneg,  delà  cathé- 
drale de  Bourges,  de  Saint-Etienne  de  Chinon,  de  Saint- 
Aignan  à  Orléans,  de  Notre-Dame  à  Châteauronx.  La  plupart 
de  ses  compositions  ont  figuré  aux  expositions  annuelles  des 
beaux-arts  (4859-84)-  La  clientèle  de  M.  Lobin  se  recrute 
principalement  dans  les  églises  et  dans  les  maisons  reli- 
gieuses du  centre  de  la  France  qui  a  voisinent  Tours  a 


LOBIN  EAU  (Guy-Alexis,  dom),  émdit  et  historien  fran- 
çais, reHgieux  de  la  congrégation  de  Saint-Maur,  né  à 
Rennes  en  4666,  mort  à  l'abbaye  de  Saint-Jacut,  près  de 
Saint-Malo,  le  3  juin  4727.  Bénédictin  à  dix-sept  ans,  il 
séjourna  longtemps  à  Paris  et  ne  passa  dans  sa  province 
que  la  fin  de  sa  laborieuse  existence.  Outre  divers  mé- 
moires, il  a  publié  :  Histoire  de  Bretagne  composée  sur 
les  titres  et  les  auteurs  originaux  depuis  Vannée  458 
^jusqu'en  Vannée  i532...  (Paris  [Rennes],  4707,  2  vol. 
in-fol.  ;  cette  histoire  avait  été  commencée  parle  P.  Legal- 
lois)  ;  Histoire  des  saints  de  la  province  de  Bretagne.,, 
(Paris  [Rennes],  4723,  2  vol.  in-fol.  et  4724,  in-fol.)  ;  les 
trois  derniers  volumes  (preuves)  de  VHistoire  de  la  ville 
de  Paris,  composée  par  D.  Michel  Félibien,,,  (Paris, 
4725,  5  vol.  in-fol.).  Du  grec,  il  a  traduit  le  théâtre 
d'Aristophane  (inédit)  et  les  Ruses  de  guerre  de  Polyen 
(Paris,  4739-43,2  vol.  in-42);  et  de  l'espagnol,  l'Histoire 
des  deux  conquêtes  de  T Espagne  par  les  Maures,  etc., 
de  Miguel  de  Luna  (Paris,  4708,  in-42).  H.  Monin. 
LO BIPÈDE  (Ornith.)  (V.  Phalàrope). 
LOBITES  (Paléont.)  (V.  Arcestes). 
LOBITO.  Baie  de  la  côte  0.  d'Afrique,  par  42o20nat. 
S.,  dans  la  colonie  portugaise.  Presque  invisible  au  large, 
elle  fut  découverte  en  4840.  C'est  un  excellent  mouillage, 
mais  totalement  privé  d'eau  douce. 

LOBKOWIÏZ  (en  {chèque  Lob kovice).  Grande  famille 
de  Bohême.  D'abord  dénommée  Ujezd,  elle  prit  auxv^  siècle 
le  nom  du  village  de  Lobkovice.  Elle  se  divisa  en  branches 
de  Popel  et  de  Hassenstein  (éteinte  en  1789);  de  la  pre- 
mière sont  issues  les  branches  de  Bilin  (éteinte  en  4722) 
et  Chlumetz,  qui  reçut  de  Maximihen  II  la  dignité  prin- 
cière.  Ses  membres  les  plus  remarquables  ont  été  : 

Nicolas  qui  acheta  en  4409  le  château  de  Lobkovice  et 
fut  grand  greffier  du  royaume  de  Bohême* 

Jean  de  Hasistein  de  Lobkowitz,  né  en  4450,  mort  en 
4517.  Il  joua  un  certain  rôle  politique  et  fit  un  pèlerinage 
en  Terre  sainte.  Il  a  laissé  deux  ouvrages  :  Voyage  à  Jé- 
rusalem en  i49S  (publié  en  4834  par  Gelakovsky);  Note 
sur  r  éducation  pour  mon  fils  Jaroslav  (publié  à  Prague, 
4796  et  4854). 

BohuslaV'Hasnleinski,  frère  du  précédent,  né  en  4462, 
mort  en  4540,  fut  un  humaniste  fort  distingué.  Il  fonda 
dans  son  château  de  Hasistein  une  bibliothèque  considé-- 
rable  et  pubHa  de  remarquables  poésies. 

Georges-Popel,  grand  juge  du  royaume  et  grand  maître 
de  la  cour,  conspira  contre  l'empereur  qui  le  fit  décapiter 
en  4606. 

Zdenek'VotjechM^  de  4599 à  1648,  grand  chancelier 
du  royaume  de  Bohême.  Il  mourut  en  4626. 

Vasclav-Eusebe,  prince  de  Lobkovitz  (branche  de  Chlu- 
metz),  né  le  20  juin  1609,  mort  à  Roudnia  (Kaudwitz)  le 
22  avr.  4677,  servit  dans  la  guerre  de  Trente  ans,  devint 
feld-maréchal  en  4647,  négocia  l'élection  impériale  deLéo- 
pold  P^  (4658)  dont  il  devint  ministre  à  la  chute  d'Auer- 
sperg  (4669).  Il  prit  modèle  sur  Louis  XIV,  étouffa  dans  le 
sang  l'insurrection  hongroise  de  4670  et  voulut  abohr  la 
constitution  hongroise.  Ses  sympathies  pour  la  France  le 
firent  accuser  de  haute  trahison  (43  oct.  4673)  et  interner 
à  Roudnia. 

Jean-Georges-Christian,  né  le  40  août  4686,  mort  à 
Vienne  le  4  oct.  4755,  fut  gouverneur  de  Sicile  (4732)  où 
il  signa  la  capitulation  de  Messine  (1733),  puis  de  Tran- 
sylvanie (4739).  Il  commandait  en  4742,  en  Bohême,  un 
corps  qui  fut  battu  par  de  Broglie  et  Belle-ïsle.  Renforcé 
par  le  prince  Charles,  il  rejeta  les  Français  au  delà  de  la 
Mohlava  et  assiégea  Belle-Isle  dans  Prague;  mais  il  ne  put 
empêcher  sa  retraite  sur  Eger.  Il  passa  en  Itahe  et  reprit 
Rimini  aux  Espagnols  (4743). 

Auguste-Longm,  né  le  45  mars  4797,  mort  à  Vienne 
le  47  mars  4842,  fut  gouverneur  de  Galicie  (4826-32) 
organisa  la  Monnaie  de  Vienne. 

BiBi-  :  Cor  NOVA,  Der  Grosse  Bœhme  Bohuslaw  Lob- 
homiz;  Pragae^l808, 


383  - 


KALB  —  KALERGÏS 


BiBL.  :  Kapp,  Lehen  des  amerika.nischen  Gênerais  von 
Kalb  ;  Stuttgart,  1862  ;  trad.  angl.,  New  York,  1884. 

KALB  (M"^),  actrice  française.  Elève  de  Monrose  au 
Conservatoire,  elle  quitta  Técole  pour  entrer  au  Vaudeville, 
où  elle  débuta  le  21  nov.  1876,  dans  les  Mariages  riches. 
Après  cinq  années  passées  à  ce  théâtre,  elle  fut  engagée  à 
la  Comédie-Française,  où  elle  parut  pour  la  première  fois 
le  21  jànv.  1882,  dans  le  Demi-Monde.  Active  et  intel- 
ligente, W^^  Kalb  eut  bientôt  pris  pied  dans  le  réper- 
toire et  se  distingua  dans  l'emploi  des  soubrettes  alertes  et 
délurées.  Après  douze  années  passées  comme  pension- 
naire à  la  Comédie-Française,  M^^^  Kalb  a  été  nommée 
sociétaire  à  partir  du  1^^  janv,  1894. 

KALBARGAou  GOULBOURGA. Ville  de  Hnde,  Etat  du 
Nizam,  près  du  Bhiraa,  sur  le  chemin  de  fer  de  Bombay  à 
Madras.  Ancienne  capitale  du  royaume  musulman  du  Dekhan 
(1347-1435),  elle  renferme  quelques-uns  des  chefs-d'(euvre 
de  Tarchitecture  musulmane  de  l'Inde  ;  une  superbe  mos- 
quée, des  mausolées,  des  tombeaux,  une  citadelle. 

KALBE-an-der-Saale.  Ville  de  Prusse,  district  de  Mag- 
debourg,  sur  la  Saale;  12,000  hab.  (avec  les  faubourgs). 
Filature  de  laine,  toiles,  papeterie,  etc. 

KALCKREUTH  (Friedrich-Adolf,  comte  de),  généralprus- 
sien,  né  à  Sotterhausen,  près  de  Sangerhausen,  le  21  févr. 
4737,  mortà  Berlin  le^O  juin  1818.  Entré  dans  les  gardes 
du  corps  en  1752,  élevé  à  la  française,  il  devint  aide  de 
camp  du  prince  Henri  (1758)  et  l'amant  de  sa  femme.  Il  se 
distingua  à  la  bataille  de  Freiberg  (1762),  et  Frédéric  II 
le  nomma  major.  En  1786,  il  fut  créé  comte  et,  en  1787, 
nommé  lieutenant  général.  Il  prit  part  aux  campagnes 
contre  la  France  (1792-94),  commanda  les  troupes  de 
Poméranie  (1795)  et  fut  promu  général  de  cavalerie.  Dans 
la  campagne  d'ïéna,  il  commandait  la  réserve  qui  ne  fut 
pas  engagée  et  dirigea  la  retraite  ;  il  commandait  à  Dantzig 
et  obtint  une  capitulation  honorable  (26  mai  4807),  ce 
qui  lui  valut  le  grade  de  feld-maréchal.  Il  signa  l'amnistie 
de  Tilsit  avec  Berthier  (25  juin)  et  la  convention  du 
12  juil.  1807.  Il  finit  sa  vie  comme  gouverneur  de  Berlin 
(1810-18).  Très  brave  et  habile,  il  était  orgueilleux  et 
malveillant  dans  ses  jugements.  —  Son  fils  Friedrich^  né 
le  15  mars  1790,  a  publié  des  poésies  dramatiques  (4824, 
2  vol.)  etles  Dictées  du  feld-maréchal  Kalckreuth  (Pa- 
ris, 4844). 

KALCKREUTH  (Stanislas,  comte  de),  peintre  allemand, 
né  à  Kosmin  (Posnanie)  le  24  déc.  4824,  mort  à  Munich 
en  4894.  Il  s'était  senti  tout  d'abord  attiré  par  le  métier 
militaire.  Cinq  ans  durant  il  servit  comme  lieutenant  dans 
le  i^^  régiment  de  la  garde;  mais,  dès  qu'il  put  se  libérer, 
il  le  fit  et  se  donna  tout  entier  à  l'art.  Entré  dans  l'atelier 
de  Krause,  à  Berlin,  il  le  quitta  bientôt  pour  suivre,  à  l'Aca- 
démie de  Dusseldorf,  les  leçons  du  paysagiste  Schirmer, 
connu  pour  ses  vues  d'Italie  et  de  Palestine.  Ses  années 
d'apprentissage  terminées,  il  revint  se  fixer  à  Berlin,  où  il 
établit  assez  rapidement  sa  réputation  par  une  brillante  série 
de  tableaux  dont  il  avait  emprunté  les  sujets  aux  paysages 
du  Tirol  et  de  la  Suisse,  de  la  Styrie,  des  Pyrénées,  de  la 
Savoie.  Il  traita  les  grands  aspects  de  la  montagne,  et  tout 
particulièrement  les  effets  de  lumière  qui  s'y  remarquent 
avec  une  virtuosité  qui  le  fit  distinguer  et  combler  de  faveurs 
par  Frédéric-Guillaume  IV.  Ses  principaux  travaux  repré- 
sentent des  vues  de  Suisse,  des  Pyrénées,  des  bords  du  Rhin. 
Quelques-unes  figurent  à  la  galerie  nationale  de  Berlin.  Vers 
4860,  on  lui  offrit  à  Weimar  la  direction  de  l'Ecole  des 
beaux-arts  qui  venait  d'être  fondée.  Il  accepta  et  resta 
jusqu'en  4876  à  la  tête  de  cet  établissement. —  Son  fils,  le 
comte  Léopold  de  Kalckreuth,  qui  est  peintre  aussi,  mais 
dans  une  note  essentiellement  moderne,  s'exerce  avec  un 
égal  succès  dans  le  paysage,  le  genre  et  le  portrait. 
'  KALCKSTEIN.  Famille  de  Prusse  qui  fut  à  la  tête  de 
l'opposition  contre  la  maison  de  Brandebourg.  Cette  lutte 
et  la  fin  tragique  de  Christian- Ludivig  (4672)  sont  racon- 
tées dans  l'article  consacré  au  grand  électeur  Frédéric- 
Guillaume, 


KALÉ.  Village  du  Soudan  français,  sur  la  rive  gauche 
duBakhoy,  à  24  kil.  E.  de  Bafoulabé  ;  c'est  le  chef-lieu 
du  Makadougou. 

KALEB,  fils  de  Jéphunné,  de  la  tribu  de  Juda,  Fun 
des  explorateurs  envoyés  de  Kadès  en  Chanaan  avec  Josué 
(Osée),  est  le  seul,  avec  ce  dernier,  des  Israélites  sortis 
d'Egypte  qui  ait  le  privilège  d'entrer  dans  la  terre  pro- 
mise. Il  se  distingue  par  ses  exploits  et  reçoit  en  récom- 
pense la  possession  de  la  ville  de  Hébron.  (iuand  on  y 
regarde  de  plus  près,  on  voit  que  Kaleb  désigne  tout  sim- 
plement un  clan  d'origine  édomite  ou  iduméenne  fixé  en 
Judée.  Ce  fait,  quand  on  y  réfléchit,  n'a  rien  d'extraordi- 
naire, car  il  est  visible  que  le  S.  de  la  Palestine  conte- 
nait un  mélange  de  populations  Israélites,  édomites,  ama- 
lécites,  etc.  Kaleb  est  expressément  donné  par  plusieurs 
textes  comme  un  Cenézéen  ou  Qenizzite^  et  les  Cenézéens 
étaient  une  branche  des  Edomites.  En  d'autres  termes,  les 
écrivains  bibliques  accordent  que  le  chef-lieu  de  la  tribu 
de  Juda  et  sa  banlieue  étaient  occupés  par  une  population 
non  israélite,  par  le  clan  des  Qenizzites  et,  comme  dans 
tous  les  cas  où  la  règle  de  la  dévolution  exclusive  du  pays 
de  Chanaan  aux  descendants  de  Jacob  se  trouve  violée,  ils 
cherchent  à  justifier  cette  dérogation  par  des  circonstances 
d'une  nature  exceptionnelle  (V.  dans  nos  Essais  bibliques, 
4891,  pp.  254  à  257).  M.  Vernes. 

KALEH  SouLTANiEH.  Ville  de  la  Turquie  d'Asie,  ch.-l. 
d'un  sandjak  des  villages  de  Constantinople,  sur  les  Dar- 
danelles, à  32  kil  S.-S.-O.  de  Gallipoli;  8,000  hab.  On 
l'appelle  d'ordinaire  Château  des  Dardanelles.  Les  navires  y 
attendent  l'autorisation  d'entrer  dans  la  mer  de  Marmara. 

KALÉIDOPOLARISCOPE  (Phys.).  Appareil  imaginé 
par  Pétrina  pour  reconnaître  de  petites  quantités  de  lumière 
polarisée  dans  la  lumière  naturelle.  Il  se  compose  d'un 
kaléidoscope  (V.  ce  mot)  muni,  du  côté  où  l'on  regarde, 
d'un  analyseur.  Les  objets  colorés  qui  se  trouvent  d'ordi- 
naire dans  un  kaléidoscope  sont  remplacés  par  des  lames 
minces  de  mica.  Si  l'appareil  reçoit  de  la  lumière  même 
très  faiblement  polarisée,  cette  lumière  va  traverser  ces 
lamelles  et  donner  après  le  passage  dans  l'analyseur  des 
colorations  faibles  que  l'on  apercevra  d'autant  plus  facile- 
ment qu'elles  seront  différentes  pour  les  diverses  lames, 
qu'elles  pourront  par  conséquent  se  faire  opposition  et 
qu'enfin  elles  changeront  rapidement  quand  on  tournera 
l'appareil  sur  lui-même.  A.  Joannis. 

KALÉI DOSCOPE  (Phys.).  Appareil  composé  de  deux  mi- 
roirs plans  faisant  entre  eux  un  angle  de  60°.  Ces  deux 
miroirs  ont  la  forme  de  rectangles  allongés  ;  ils  se  touchent 
par  un  de  leurs  plus  longs  bords.  Ces  deux  miroirs  sont 
enfermés  dans  un  tube  cylindrique  parallèlement  à  son 
axe.  A  une  des  extrémités  de  ce  tube  se  trouvent  placés 
entre  deux  lames  de  verre  divers  objets  colorés,  fragments 
de  verre,  plumes,  etc.  A  l'autre  extrémité  se  trouve  un 
œilleton  où  l'on  place  l'œil.  Cet  appareil  utilise  les  réflexions 
multiples  que  produisent  ces  deux  miroirs.  Entre  eux  l'œil 
aperçoit  un  secteur  de  60<*  où  sont  les  objets  que  l'on  re- 
garde ;  de  part  et  d'autre  de  ce  secteur  l'œil  aperçoit  des 
images  de  ce  secteur  produite  par  l'un,  par  l'autre  ou  par 
le  concours  simultané  des  deux  images  ;  ces  images  sont 
au  nombre  de  cinq  qui  occupent  avec  le  secteur  ou  directe- 
ment toute  la  surface  d'un  cercle.  On  sait  que  l'image 
d'un  objet  donnée  par  un  miroir  plan  est  symétrique  de 
l'objet  par  rapport  au  miroir.  On  apercevra  donc  une 
image  présentant  trois  axes  de  symétrie  inclinés  à  60*^.  Si 
pendant  que  l'œil  regarde  dans  l'instrument,  on  fait  tour- 
ner lentement  le  cylindre  autour  de  son  axe,  les  petits 
objets  placés  entre  les  deux  lames  changeront  de  place  ; 
l'ensemble  vu  par  l'œil  changera  aussi  tout  en  restant  sy- 
métrique par  rapport  à  trois  axes.  On  peut  projeter  sur 
un  écran  le  phénomène  du  kaléidoscope.         A.  Joannis. 

KALENDES  (V.  Calendes). 

KALERGÏS  (Dimitri),  général  et  homme  d'Etat  grec,  né 
dans  l'île  de  Candie  en  1803,  mort  à  Athènes  le  M  avr. 
4867.  Après  avoir  étudié  la  médecine  à  Vienne,  il  prit  une 


KALERGIS  —  KALEVALA 


—  384  — 


part  brillante  à  la  guerre  de  l'indépendance  hellénique,  de- 
vint aide  de  camp  de  Fabvier,  puis  de  Capo  d'Istria,  fut, 
en  4843,  un  des  principaux  chefs  de  l'insurrection  qui 
obligea  le  roi  Othon  à  renvoyer  ses  conseillers  allemands, 
fut  nommé  gouverneur  d'Athènes,  mais  dut  quitter  la  Grèce 
après  la  chute  du  ministère  Mavrocordato  (1845)  et  alla 
passer  plusieurs  années  à  Londres,  oii  il  se  lia  d'amitié 
avec  le  prince  Louis-Napoléon  Bonaparte.  En  mars  1848, 
il  tenta  sur  les  côtes  de  Grèce  une  descente  qui  ne  réussit 
pas,  fut  arrêté,  relâché  peu  après  et  se  tint  tranquille  jus- 
qu'au moment  oii  Mavrocordato,  rappelé  aux  affaires,  lui 
confia  le  portefeuille  de  la  guerre  (1854).  Peu  aimé  du  roi 
Otton  et  surtout  de  la  reine  Amélie,  il  ne  tarda  pas  à  être 
écarté  du  pouvoir  (1855),  mais  il  eut  encore  assez  d'in- 
fluence pour  se  faire  nommer  ministre  plénipotentiaire  à 
Paris  (1861)  et  à  ce  titre  il  eut  une  part  assez  importante 
aux  négociations  qui  suivirent  la  chute  de  la  dynastie  bava- 
roise et  amenèrent  l'avènement  de  Georges  de  Danemarck 
(1862-1863).  A.  Debidour. 

KALEROUN  (V.  Coleroun). 

KALERVO  (Mythol.  finnoise).  Dans  les  vieux  chants 
finnois,  on  donne  le  nom  de  Kalervo  à  Kaleva,  quand  ce- 
lui-ci est  envisagé  comme  père  de  KuUervo. 

KALEVA  (Mythol.  finnoise).  Géant,  père  des  héros 
qui  habitent  le  Kalevala.  Son  nom,  d'après  Donner 
{Suomi,  1866),  vient  de  la  racine  Kal,  qui  signifie  tonner, 
briller.  Kaleva  serait  donc  :  le  «  brillant  »,  le  «  tonnant  », 
un  «  dieu  de  lumière  »,  comme  Jumala,  dont  cependant  il 
n'a  pas  l'importance.  Comparetti  pense  que  Kaleva  signifie 
plutôt  :  la  terre  des  rochers ,  le  pays  des  montagnes 
pierreuses.  Le  sol  des  contrées  du  Nord,  sol  de  cailloux 
et  de  bruyères,  serait  personnifié  en  Kaleva,  ce  qui  ex- 
plique que  souvent  ce  nom  désigne  le  pays  lui-même.  On 
appelle  Kaleva  aussi  Osmo  ou  Osmovi,  c.-à-d.  pas  petit  ou 
très  grand,  géant.  Th.  C. 

BiBL.  ;  Comparetti,  Der  Kalewala  ;  Halle,  1892,  p.  189, 
in-8. 

KALEVALA  (Epopée  finnoise).  Au  commencement  de  ce 
siècle,  quelques  savants  et  littérateurs  finlandais  prirent 
plaisir  à  rassembler  un  grand  nombre  de  poésies  populaires 
finnoises.  Le  plus  ardent  de  ces  collectionneurs  fut  Lônnrot, 
fils  d'humbles  paysans  et  médecin  de  son  état.  En  1834, 
il  présenta  à  la  Société  de  littérature  finnoise  un  recueil 
qui  contenait  seize  runes  (runo)  ou  poèmes  finnois,  for- 
mant un  total  de  cinq  à  six  mille  vers.  L'année  suivante, 
il  ajouta  seize  nouvelles  runes  à  sa  première  collection  et 
publia  aux  frais  de  la  Société  cette  épopée  qui  comptait 
maintenant  plus  de  douze  mille  vers,  sous  le  titre  de  : 
Kalevala  ou  les  Runes  caréliennes  de  l'antiquité  fin- 
noise, La  première  édition  (500  exemplaires),  malgré  un 
succès  très  vif,  mit  des  années  à  s'écouler,  mais  Lônnrot 
ne  se  découragea  pas  et,  dès  1847,  il  prépara  une  seconde 
édition,  publiée  en  1849,  plus  complète  encore  que  la  pre- 
mière et  qui  comptait  cinquante  runes,  c.-à-d.  huit  à  dix 
mille  vers  nouveaux.  Depuis  lors,  les  éditions  finnoises  du 
Kalevala  se  sont  multipliées  ;  on  en  a  fait  des  extraits  à 
l'usage  des  écoles  ;  on  l'a  traduit  en  suédois,  en  allemand, 
en  hongrois,  en  russe,  en  anglais  et  en  français  (par  Léou- 
zon-Leduc  dès  1845,  sur  la  première  édition,  puis,  en 
1866,  sur  la  deuxième). 

L'œuvre  de  Lônnrot  était  digne  de  ce  succès,  et  le  méde- 
cin finlandais  avait  bien  mérité  de  ses  compatriotes.  Pen- 
dant de  longues  années,  au  milieu  de  difficultés  sans 
nombre,  il  avait  parcouru  toute  la  Finlande  jusqu'aux  pro- 
vinces russes,  vivant  avec  les  paysans,  triomphant,  à  force 
de  bienveillance  et  de  simphcité  de  manières,  de  leur  ré- 
serve et  parfois  de  leur  hostiUté,  notant  avec  soin  les 
poèmes  récités  à  la  veillée,  par  des  chanteurs  (laulaja, 
runoja)  qui,  à  cheval  sur  un  banc,  en  face  l'un  de  l'autre, 
se  tenant  aux  poignets  et  se  balançant  en  avant  et  en 
arrière,  récitaient  alternativement  leurs  strophes,  toutes 
d'un  mètre  unique  et  de  contenu  souvent  analogue,  le 
dernier  chanteur  reprenant  en  d'autres  termes  ce  qu'a  dit 


le  premier  et  y  ajoutant  quelque  trait  nouveau,  repris  à 
son  tour  par  son  compagnon.  Ce  que  disaient  les  poèmes 
de  ces  paysans  ?  C'étaient  la  formation  du  ciel  et  de  la  terre 
et  la  naissance  de  Vâinâmôinen,  le  chantre  éternel,  ou  les 
incantations  et  les  formules  par  lesquelles  l'homme  supé- 
rieur (le  Schamane)  dompte  les  éléments,  triomphe  de  ses 
ennemis,  guérit  les  maux  et  ferme  les  plaies  (malédiction 
contre  le  fer,  cause  de  la  blessure),  ou  encore  des  préceptes 
sur  les  devoirs  des  époux  (conseils  à  la  fille  de  Pohjola), 
des  idylles  tristes  (la  mort  d' A ino),  des  événements  tra- 
giques (les  amours  et  la  mort  de  Kullervo)  ou  enfin  les 
luttes  de  héros  qui  combattent  plutôt  par  des  moyens  ma- 
giques que  les  armes  à  la  main. 

Tous  ces  poèmes,  si  divers  de  provenance  et  d'âge  sur- 
tout, les  uns  remontant  à  la  plus  haute  antiquité,  d'autres 
datant  de  l'introduction  du  christianisme  en  Finlande, 
Lônnrot  les  médita  avec  amour  et,  grâce  à  la  forme  du 
vers  (vers  de  huit  syllabes,  alhtérés)  commune  à  tous,  — 
qui  en  faisait  déjà  l'unité  extérieure,  —  grâce  au  retour 
fréquent  des  mêmes  héros,  —  qui  en  faisait  comme  l'unité 
intérieure,  —  il  réussit  à  les  grouper  de  telle  façon  qu'ils 
fussent  liés  les  uns  aux  autres  et  que  le  rapport  entre  eux 
(forcé  parfois)  parût  assez  clair  et  fît  illusion  au  lecteur 
sur  l'unité  du  poème.  Aède  lui-même  et  diascévaste,  il  se 
permit,  et  à  meilleur  droit,  ce  que  se  permettaient  les  aèdes 
rustiques  qui  lui  avaient  livré  ces  chants,  et  il  les  modifia 
à  l'occasion,  non  en  y  introduisant  des  éléments  étrangers, 
mais  par  des  combinaisons  nouvelles  et  par  l'intercalation 
de  tel  ou  tel  fragment  cpisodique,  tiré  d'une  autre  rune. 
Trop  poète  et  trop  amoureux  de  son  sujet  pour  se  résoudre 
à  ne  donner  à  ses  compatriotes  que  des  documents  d'une 
lecture  fatigante,  il  était,  d'autre  part,  trop  savant  et  trop 
consciencieux  pour  altérer  les  récits  populaires  de  façon  à 
en  diminuer  l'authenticité  et  la  valeur  mythologique.  Il 
n'était  pas  et,  venu  trop  tard,  il  ne  pouvait  être  un  Homère  ; 
il  n'a  pas  voulu  être  un  Macpherson,  et  ne  s'est  pas  sou- 
cié de  donner  un  recueil  analogue  à  l'Edda,  par  exemple, 
qui  jamais  (la  langue  en  fût-elle  moderne)  ne  sera  pour 
les  Scandinaves  une  épopée  nationale,  comme  l'est  le  Kale- 
vala pour  les  habitants  de  la  Finlande. 

Le  contenu  du  Kalevala  est  déjà  indiqué  par  ce  qui  pré- 
cède; aussi  bien  il  est  dilficile  de  donner  une  analyse 
exacte  d'une  épopée  oti  abondent  les  épisodes  et  les  mor- 
ceaux purement  lyriques  ou  didactiques.  On  y  reconnaît 
cependant  assez  bien  deux  parties.  La  première  a  pour 
sujet  la  conquête  de  la  jolie  fille  de  Pohjola  (le  Nord,  la 
Laponie),  «  gloire  de  la  terre,  parure  de  l'onde...  resplen- 
dissante dans  ses  vêtements  blancs  »,  par  trois  héros  du 
pays  de  Kaleva  (la  Finlande  ?).  Ces  héros  sont  :  le  vieux 
Wdinâmôinen^  le  chantre  divin  qui  personnifie  la  poésie 
finnoise,  llmarinen,  l'habile  forgeron  du  Sampo,  sorte 
de  palladium  convoité  de  tous,  et  Lemminkàinen,  le 
joyeux  séducteur,  auquel  ne  résistent  ni  femmes  ni  jeunes 
filles.  Ilmarinen,  grâce  à  l'aide  magique  de  la  fille  de  Poh- 
jola, l'emporte  sur  ses  rivaux  et  l'on  célèbre  des  noces 
magnifiques,  où  Wâinâmôinen  chante  pour  la  première  fois 
l'origine  de  la  bière,  «  l'illustre  boisson  née  du  houblon, 
venue  au  monde  avec  le  concours  de  l'eau  et  de  la  flamme 
ardente  ».  La  seconde  partie  est  consacrée  à  la  recherche 
du  Sampo,  resté  à  Pohjola  après  le  mariage  d'Ilmarinen. 
Les  trois  anciens  rivaux  s'unissent  en  cette  expédition. 
Après  bien  des  luttes,  où  triomphe  Wâinâmôinen,  grâce  à 
sa  puissance  magique  et  au  charme  des  chants  qu'il  dit  en 
s'accompagnant  du  mélodieux  Kantele,  les  héros  du  Kale- 
vala s'emparent  du  Sampo  et  s'enfuient  sur  la  mer  ;  mais 
la  «  mère  de  famille  »  de  Pohjola,  transformée  en  aigle, 
les  rejoint  et  le  Sampo  se  brise,  tandis  qu'elle  veut  s'en 
emparer.  Elle  ne  peut  en  rapporter  qu'un  fragment  à 
Pohjola  ;  de  là,  la  pauvreté  de  son  pays. 

La  dernière  rune  (arrangée  complètement  par  Lônnrot) 
nous  raconte  lu  très  poétique  histoire  de  la  vierge  Marjetta 
(Marie)  dont  l'enfant  miraculeux  doit  effacer  tous  les  hé- 
ros qui  l'ont  précédé.   Devant  lui  se  retire  le  vieux  VVâi- 


nâmôinen  :  il  s'en  va  au  loin  sur  la  haute  mer  «  à  travers 
les  flots  orageux,  mais  il  laisse  son  beau  kantele,  son  ins- 
trument mélodieux,  à  la  Finlande,  il  laisse  à  son  peuple 
ses  runes  sublimes  pour  sa  joie  éternelle». 

Les  mérites  littéraires  de  cette  poésie  toute  populaire, 
toute  de  paysans,  où  Ton  ne  rencontre  ni  reines  ni  cheva- 
liers, sont  très  réels  malgré  la  bizarrerie  des  détails  et 
l'incohérence  que  révèle  une  lecture  attentive.  Certes,  il 
ne  faut  pas  chercher  là,  la  beauté,  pour  ainsi  dire  plastique, 
des  poèmes  de  l'antiquité.  Ces  peuples  du  Nord  n'ont  pas 
su  voir  comme  ceux  du  Midi,  mais  leur  imagination,  pour 
singulière,  grotesque  même  qu'elle  puisse  être,  est  riche, 
et  l'expression  des  sentiments  est ,  chez  eux ,  souvent 
exquise.  On  trouve  dans  le  Kalevala,  et  de  façon  à  attirer 
l'attention  de  ceux  qui  aiment  la  poésie,  de  touchants 
épisodes,  comme  celui  de  la  charmante  Aïno  qui  ne  peut 
se  résoudre  à  épouser  le  vieux  Wâinâmôinen  (runes  3  et 
4),  des  épisodes  tragiques,  comme  celui  de  Kullervo,  qui 
se  tue  à  l'endroit  où  s'est  suicidée  la  sœur  qu'il  a  aimée 
sans  la  connaître  (runes  31  à  36),  des  chansons  pleines  de 
charme  en  leur  mélancolie  et  dignes  d'inspirer  des  musi- 
ciens autres  que  les  Finlandais.  Au  point  de  vue  de  la 
mythologie  finnoise  et  comparée  la  valeur  de  ce  poème  est 
indiscutable.  Th.  Cart. 

BiBL.  :  Editions  :  Kalevala^  laikha  Wanhoja  Karjalan 
Riinoja.  ;  Helsingissâ,  1835,  2  vol.  in-12;  Kalevala^  etc., 
1849, 1866,  etc. 

Traductions  :  en  suédois  par  Lônnrot  (Helsingfors, 
1835-36)  ;  par  Gastrén  (Helsingfors,  1841)  ;  par  Collan 
(Helsingfors,  1864-68)  ;  en  allemand  par  Schiefner  (Hel- 
singfors, 1852)  ;  par  H.  Paul  (Helsingfors,  1885)  ;  en  an- 
Ëlais  par  Crawford  (New  York,  1889)  ;  en  français  par 
eouzon-Leduc,  dans  la  Finlande  (Paris,  1815,  2  vol.)  ; 
puis  sous  le  titre  :  le  Kalevala^  en  1867  et  en  1879  (Paris, 
in-8  de  508  p. 

Etudes  critiques  :  Geffroy,  la  Finlande  et  le  Kale- 
vala, dans  Revue  des  Deux  Mondes,  15  janv.  1871.  — 
Palmén,  l'Œuvre  demi- séculaire  de  la  Société  de  littéra- 
ture finnoise  ;  Paris,  1882.—  C.*:sAR,Das  finnische  Volks 
Epos  Kalevala  ;  Stuttgart,  1862.  — Grimm,  Kleinere  Schrif- 
ien;  Berlin,  1866,  vol.  IL—  Tettau,  Ueber  die  epischen 
Dichtungen  der  finn.  Vœlker  besonders  die  Kalevala  ; 
Erfurt,  1873.  —  Gook,  The  Kalevala,  dans  Contemporary 
Review,  1885.  —  Clodd,  The  Kalevala;  Knowledge,  Lon- 
dres, 1885.  —  Lang,  Kalevala:  Kustom  andmyth;  Londres, 

1885.  —  J.  Krohn,  Kalevala  Sludier^    Finsk   Tidshrift, 

1886,  etc.  —  Enfin  le  très  important  ouvraj^çe  de  Domenico 
CoMPARETTi,  Der  Kalewala  oder  die  traditionelle  Poésie 
der  Finnen  ;  Halle,  1892,  in-8  de  337  pp.),  et  de  nombreux 
travaux  en  finnois  publiés  séparément  ou  dans  des  revues. 

KALEVI  POEG,  filsdeKalev  ou  Kaleva,  et  principal  héros 
des  poèmes  de  TEhstonie .  Ces  poèmes  ont  été  publiés  par 
Kreuzwald,  avec  une  très  médiocre  traduction  allemande  de 
Reinthal,  à  Dorpat  (4857  à  1861).  Kreuzwald  a  détruit 
tous  les  papiers  qui  lui  avaient  servi  à  établir  Tépopée  de 
Kalevi  Poeg  et,  comme  il  en  avait  usé  très  librement  avec  les 
matériaux  qu'il  avait  à  sa  disposition,  il  est  impossible  de 
mettre  le  Kalevi  Poeg  au  même  rang  que  le  Kalevala  et  de  le 
considérer  comme  un  produit  national.  Le  Kalevi  Poeg  compte 
vingt  chants  et  environ  vingt  mille  vers,  semblables  à  ceux 
du  Kalevala,  octosyllabes  et  allitérés.  Le  fils  de  Kalev  est 
un  bon  géant  qui  délivre  sa  mère  des  prétendants  qui  l'en- 
tourent. Mais  celle-ci,  frappée  de  la  foudre,  est  changée  en 
rocher.  Son  fils  se  met  à  sa  recherche  et,  après  de  nom- 
breuses aventures,  arrive  sur  une  île,  où  il  rencontre  une 
jeune  fille  qu'il  aime,  mais  qui  se  jette  à  la  mer  en  appre- 
nant qui  il  est.  De  retour  en  son  pays,  il  succède  à  son 
père.  Il  descend  plus  tard  aux  enfers,  s'en  va  en  Laponie, 
retourne  aux  enfers,  vainc  le  diable,  mais  se  retire  devant 
des  hommes  de  fer  qui  viennent  de  la  Scandinavie.  Il  meurt, 
mais  il  reviendra  un  jour.  Th.  Cart. 

BiBL.  ;  Kalevi  Poeg...  ;  Kuopio,  1862.  —  Verhandl.,  der 
gelehrt.  ehstn.  Gese'Uschaft;  Dorpat,  1857-61.  —  Schief- 
ner et  WiEDErjANN,  Bericht  ûber  Kreuz'walds  Kalevi  Poeg 
dans  Bullel.  de  l'Acad,  de  Saint-Pétersbourg,  1860,  II.  — 
Schiefner,  Ueber  die  ehstn.  Sage  v.  Kalevi  Poeg, dans  Mé- 
langes russes,  IV.  —  Schott,  Die  ehstn.  Sage  v.  Kalevi 
Poeg,  dans  Abhandl.  d.  Acad.  d.  Wissensch.  ;  Berlin,  1862. 

KALFF  (Willem),  peintre  hollandais,  né  à  Amsterdam 
probablement  en  1622,  mort  à  Amsterdam  le  1^^  août  1693. 
Elève  d'Hendrick  Pot,  Kalff  vécut  à  Amsterdam  et  peignit 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XXL 


'>^S  -  KALEVALA  -  KÂLÎ 

des  tableaux  d'histoire  jusqu'à  la  mort  de  son  maître 
(1656);  mais,  à  partir  de  ce  moment,  il  ne  peignit  plus 
que  des  fleurs,  des  fruits  et  des  natures  mortes,  et  il  y 
trouva  sa  réputation  ;  on  l'a  appelé  le  peintre  des  cuisines. 
Il  fit  une  grande  étude  des  fruits  et  des  coquillages,  et  il 
s'appliqua  beaucoup  à  la  peinture  des  métaux.  Il  était 
recherché  de  son  temps  et  comme  homme  et  comme  artiste. 
Son  morceau  le  plus  célèbre  se  trouve  dans  une  collection 
particulière  à  Leyde  :  Vases  de  marbre  et  melon  coupé 
en  deux;  Natures  mortes,  à  Dresde  (1661),  à  Francfort 
(1613),  à  Weimar(1680),  à  l'Ermitage  de  Saint-Péters- 
bourg, à  Darmstadt,  à  Gotha,  à  Stuttgart,  à  Karlsruhe, 
au  Metropolitan  Muséum  et  à  l'Historical  Society  de  New 
York;  une  Cuisine,  à  Lyon  (1659);  un  Intérieur  de 
cuisine  rustique,  à  Montpellier;  une  Nature  morte,  à 
Amsterdam,  achetée  25  florins  en  1821  ;  au  Louvre,  Inté- 
rieur d'une  chaumière,  provenant  de  la  collection  de 
Boucher  et  acquis  à  sa  vente  en  1771  pour  600  livres. 
Plusieurs  tableaux  de  Kalff"  ont  été  gravés  par  F.  Basan  : 
Bénédicité  hollandais.  Batteuse  de  beurre. 

KALGAN.  Nom  mongol  de  la  ville  qui  s'appelle  en  chi- 
nois Tchang-kia-keou.  Kalgan  se  rattache  administrative- 
ment  à  la  préfecture  de  Siuen-hoa-fou,  dans  la  province  de 
Pe-tche-li  ;  elle  est  située  au  pied  de  la  Grande  Muraille 
extérieure  qui  la  séjpare  des  vastes  plaines  mongoles  ;  la 
grande  route  de  Péking  à  Ourga  et  à  Kiakta  y  passe.  On 
lui  donne  de  70,000  à  200,000  hab.  en  partie  musulmans, 
mais  presque  tous  Chinois.  L'art.  13  du  traité  de  Saint- 
Pétersbourg  (24  févr.  1881)  autorise,  à  titre  exceptionnel, 
les  marchands  russes  à  s'établir  à  Kalgan,  quoiqu'il  n'y 
ait  pas  de  consulat  de  leur  nationalité  dans  la  cité;  les 
négociants  qui  ont  profité  de  cette  permission  s'occupent 
principalement  du  commerce  du  thé  qu'on  exporte  en  Si- 
bérie sous  la  forme  de  briques  comprimées.        Ed.  C. 

KALGOUIEV  (Kolguev).  Ile  de  l'océan  Glacial,  dépen- 
dant de  la  Russie,  gouv.  d'Arkhangelsk;  à  120  kil.  N.-E. 
de  la  presqu'île  de  Kanin;  elle  mesure  3,496  kil.  q.  Ses 
rochers  couverts  de  toundras  sont  peu  accidentés.  Le  sol 
ne  dégèle  en  été  qu'à  une  profondeur  de  60  centim.  La 
flore  compte  110  espèces  dont  les  principales  sont  le  Coch- 
learia  oblongifolia,  des  airelles,  des  ronces  dont  les  fruits 
ne  peuvent  mûrir,  des  saules  rampants,  etc.  La  population 
se  compose  d'une  centaine  de  Samoyèdes.  En  1767,  on  y 
établit  70  raskolniks  qui  moururent  de  froid.  On  y  chasse 
en  été  les  oiseaux  et  les  animaux  à  fourrures  ;  on  exploite 
le  guano  sur  la  côte. 

KALI  (Chim.)  (V.  Soude). 

KÂLI  (proprement  Kâlî,  la  Noire).  Ce  mot,  qui  désigne 
dans  les  Védas  l'une  des  sept  langues  d'Agni,  est  devenu 
dans  le  système  brahmanique  l'un  des  noms  de  Devl  (V.  ce 
nom),  l'épouse  de  Siva,  sous  sa  forme  farouche.  Comme 
telle,  Kâli  se  confond  souvent  avecDourgâ,  autre  forme  ter- 
rible de  la  même  déesse.  Elle  est  ordinairement  représentée 
sous  la  forme  d'une  femme  noire,  à  l'aspect  hideux,  aux 
seins  pendants,  à  la  langue  tirée,  dégouttante  de  sang,  en- 
cerclée de  serpents,  enguirlandée  de  crânes  :  de  ses  deux 
mains  gauches  elle  tient  un  cimeterre  et  une  tête  coupée, 
des  deux  autres  elle  fait  le  geste  qui  rassure  et  celui  qui 
exauce.  C'est  la  figure  la  plus  extraordinaire  du  Panthéon 
hindou  et  en  même  temps  une  des  plus  populaires,  sur- 
tout au  Bengale.  D'après  certains  étymologistes ,  c'est 
elle  qui  aurait  donné  son  nom  à  Calcutta  (en  bengali  Kâli- 
katta).  Elle  a  également  un  temple  près  de  Nasik,  réputé 
dans  le  pays  mahratte.  Mais  son  sanctuaire  le  plus  célèbre 
est  dans  les  Vindhyas  (d'où  son  nom  de  Vindhyavâsinî, 
l'habitante  des  Vindhyas) ,  à  l'endroit  où  ces  montagnes 
se  rapprochent  du  Gange,  aux  environs  de  Mirzapour. 
Le  sang  y  coule  toujours  devant  l'image  de  la  déesse. 
Jadis  on  lui  faisait  des  sacrifices  humains.  Un  poème  prâ- 
crit  du  vni^  siècle,  le  Gaiklavaho,  nous  décrit  ce  même 
temple  :  entouré  d'essaims  d'abeilles,  hanté  de  chacals, 
surmonté  de  rouges  bannières,  sa  porte  ornée  de  clo- 
chettes et  ses  cours  intérieures  étaient  journellement  inon- 

25 


KALI  —  KALINA 


—  386  — 


dées  de  sang  humain  ;  autour  se  tenait  un  marché  de 
chair  humaine  pour  servir  d'offrande  à  la  déesse  :  on  lui 
offrait  aussi  des  chevaux.  Si  jamais  culte  indien  semble 
d'origine  aborigène,  c'est  bien  celui-là.  Le  temple  se  trou- 
vait dans  le  pays  des  Savaras,  sauvages  à  peine  vêtus  de 
quelques  feuilles,  et  le  poème  nous  montre  les  femmes  des 
tribus  environnantes  s'empressant  autour  des  victimes  qu'on 
sacrifie.  Les  contes  insistent  sur  les  dangers  autant  que 
sur  les  mérites  du  pèlerinage  et  sont  pleins  de  récits  de 
caravanes  pillées  par  les  Savaras  ou  les  Bhils  et  de  prison- 
niers gardés  pour  être  offerts  en  sacrifice  à  Kâli.  Les  pèle- 
rins chinois  nous  racontent  des  histoires  du  même  genre  : 
rappelons  par  exemple  l'histoire  de  ces  pirates  du  Gange 
qui  voulaient  sacrifier  ainsi  Hiouen-tsang  et  qu'il  aurait 
convertis  (trad.  Stan.  Julien,  I,  p.  447).  De  nos  jours, 
c'est  encore  au  nom  de  Kâli  que  la  sanglaufe  confrérie  des 
Thags  prétendait  immoler  ses  victimes.  Son  culte  est  tou- 
jours répandu  dans  les  basses  classes,  particulièrement  au 
Bengale,  et  c'est  lui  qui  sert  de  prétexte  aux  rites  tan- 
triques  les  plus  extravagants  et  les  plus  licencieux.  Sa  fête 
principale  s'appelle  au  Bengale  le  Dourga-Pouja  :  ce  sont 
les  saturnales  de  l'équinoxe  d'automne  :  on  y  célèbre  par- 
ticuhèrement  sa  victoire,  sous  la  forme  de  Dourgâ,  sur  le 
démon  Nahicha,  moitié  homme  et  moitié  buffle.  Une  autre 
fête  se  tient  le  jour  de  la  nouvelle  lune  du  mois  de  Sra- 
vana  (juil.-aoïît)  pour  propitier  les  huit  (ou  soixante-quatre) 
yoginis  (magiciennes  ou  sorcières)  qui  servent  de  cortège 
à  KâH.  A.  FoucHÉ. 

KALIAZIN  ou  KALJASIN.  Ville  de  Russie,  gouv.  de 
Tver,  ch.-l.  de  district,  au  confluent  de  la  Jabnia^et  de  la 
Volga;  5,500  hab.  Grande  foire  au  8  sept,  (laines).  — 
Le  djstrict  a  3,000  kil.  q.  et  près  de  420,000  hab. 

KÂLI  DA8A  (proprement  Kdli-dâsa,  serviteur  de  Kàli),  le 
plus  célèbre  des  poètes  hindous  de  l'époque  classique.  La 
tradition  le  fait  vivre  à  la  cour  de  Vikramâditya  d'Oujjayinî 
au  i*^*"  siècle  avant  notre  ère  :  il  ne  saurait  être  en  tout  cas 
postérieur  au  début  du  vii^  siècle  ap.  J.-G.  :  on  incline  généra- 
lement à  le  placer  dans  la  première  moitié  du  vi®.  Des  légendes 
se  sont  chargées  d'expliquer  son  nom  :  d'abord  bouvier,  de- 
venu parla  vengeance  d'un  ministre  l'époux  d'une  orgueil- 
leuse princesse,  il  aurait  dû  l'éveil  soudain  de  son  génie  à 
la  déesse  Kâli.  Il  serait  mort,  tué  par  l'une  de  ses  maîtresses 
qui  voulait  s'assurer  la  récompense  promise  par  le  roi  à 
quiconque  terminerait  une  stance  commencée  par  lui,  ce 
qui  n'avait  été  qu'un  jeu  pour  le  poète.  Il  doit  sa  réputa- 
tion en  Europe  à  son  drame  de  Sakountalâ,  révélé  par 
W.  Jones  à  la  fin  du  siècle  dernier  et  qui  excita  à  si  haut 
point  l'admiration  de  Gœthe  (traduit  par  M.  Bergaigne  en 
coUab.  avec  M.  P.  Lehugeur,  Paris,  4884).  On  a  encore  de 
lui  deux  autres  pièces  de  théâtre  :  une  comédie  de  harem, 
Mâlavikâ  et  Agnimitra^  et  Vikramorvasî  (titre  qu'on 
a  traduit  par  «  le  Héros  et  le  Nymphe  »)  qui  met  en  scène 
une  des  plus  anciennes  légendes  de  l'Inde,  l'histoire  des 
amours  du  roi  Pouroûravas  et  de  l'Apsaras  Ourvasî.  On 
attribue  encore  à  Kàlidasa  deux  poèmes  épiqies,  l'un  en 
49  chants  sur  la  race  de  Raghou  (Raghu-vamça),  l'autre 
en  46  chants  sur  la  naissance  du  dieu  de  la  guerre  [Ku- 
mara-sambhava),  et  une  élégie  amoureuse,  le  Megha- 
diita  ou  le  Nuage  messager,  où  un  génie  exilé  confie  à  un 
nuage  un  message  d'amour  pour  sa  bien-aimée.  L'attri- 
bution du  Ritusamhâra  (la  Ronde  des  saisons)  et  du 
Nalodaya  (la  Restauration  du  roi  Nala)  est  plus  douteuse. 
Citons  enfin  un  ouvrage  de  prosodie,  le  Çrutabodha.  Les 
critiques  européens  s'accordent  à  reconnaître  dans  Kàli- 
dasa la  grâce  des  images  et  la  délicatesse  des  sentiments  ; 
surtout  ils  le  louent  d'avoir  su,  mieux  qu'aucun  poète 
indien  de  l'époque  classique,  se  préserver  de  l'affectation 
et  du  mauvais  goût.  D'après  un  dicton  courant  parmi 
les  pandits,  la  qualité  pour  laquelle  il  est  le  plus  prisé 
dans  l'Inde  serait  le  bonheur  extraordinaire  de  ses  com- 
paraisons. Ses  œuvres  ont  été  traduites  en  français  par 
fauche.  A.  Foucué. 

BiBL.  :  S.  Lévi,  le  Théâtre  indien;  Paris,  1890, 


KALI  DE  (Theodor),  sculpteur  allemand,  né  à  Kœnigs- 
hûtte  (Haute-Silésie)  le  8  févr.  4804,  mort  le  26  août 
4863.  Fils  d'un  inspecteur  de  forges,  il  commença  par 
travailler  à  la  fonderie  de  fer  de  Gleiwilz,  puis  il  entra 
dans  l'atelier  de  Schadow,  à  Berlin,  et  acheva  de  se  for- 
mer dans  celui  de  Rauch.  Il  s'est  attaché  de  préférence  à 
la  reproduction  de  la  nature  animale,  témoin  son  Lion 
mourant,  du  monument  de  Scharnhornst  (église  des  Inva- 
lides, à  Berlin),  ses  deux  Cerfs  au  repos,  et  son  groupe 
de  bronze  de  l'Enfant  au  Cygne,  à  Charlottenbourg. 
Après  un  voyage  en  Italie,  où  Michel-Ange  et  la  Benais- 
sance  le  soUicitèrent  plus  que  les  antiques,  il  exécuta,  en 
marbre  de  Carrare,  sa  fameuse  Bacchante  sur  une  pan- 
thère (Galerie  nationale  de  Berlin),  puis  la  statue  colos- 
sale du  ministre  von  Reden,  à  Kœnigshûtte,  V Enfant 
aux  prises  avec  un  bouc,  et  la  Madone  à  l'Enfant,  sa 
dernière  œuvre.  Il  avait  fait  également,  pour  Frédéric- 
Guillaume  III,  un  grand  soubassement  où  étaient  repré- 
sentées en  relief  les  huit  Provinces  de  la  Prusse. 

KALÎLA  ET  DiMNA.  Recueil  de  fables  d'origine  hindoue, 
s'emboîtant  les  unes  dans  les  autres.  Le  narrateur  est  le 
philosophe  Pidpay  ;  il  donne  à  un  roi  des  préceptes  moraux 
qu'il  appuie  par  des  exemples.  Les  personnages  des  fables 
sont  des  animaux,  mais  ces  animaux  ont  une  vie  tout  hu- 
maine. Bentey  remarque  là  l'influence  de  la  croyance  en  la 
métempsycose.  Il  est  certain,  en  effet,  que  ce  Hvre  nous 
vient  des  Indes.  On  retrouve  des  traces  de  son  origine  dans 
la  Pantchatantra  et  le  Mahâbhârata,  Les  auteurs  orien- 
taux racontent  que  le  roi  de  Perse  Nouchirèvân,  sur  les  in- 
dications de  son  fameux  vizir  Bouzourdjmêhir,  envoya  le 
médecin  Barzoûyeh  dans  l'Inde  pour  se  procurer  un  exem- 
plaire de  cet  ouvrage.  Barzoûyeh  réussit  et  le  traduisit  en 
pehlevi  vers  l'année  570  de  J.-C.  Deux  siècles  plus  tard  à 
peine,  Abd  Allah  ibn  Al-Mouqaffâ,  musulman,  fils  d'un 
sectateur  de  Zoroastre,  traduisit  en  arabe  la  version  pehle- 
vie,  non  sans  y  faire  entrer  beaucoup  d'éléments  arabes. 
Le  livre  de  Kalîla  et  Dimna  eut  dès  lors  un  succès  gran- 
dissant. Il  passa  en  plusieurs  langues.  Les  versions  persanes 
les  plus  célèbres  sont  VEnuâri-Souhaylî  de  Hoseïn  Vaïz 
Kàchéfi,  Vlydri  Ddnich  d'Aboû'l-Fazl.  Une  version  grecque 
de  Simon  ben  Seth,  datant  de  4  080  à  peu  près,  fut  traduite 
en  italien  cinq  cents  ans  plus  tard.  Jean  de  Capoue,  juif 
converti  au  christianisme,  fit  passer  en  latin  une  vieille 
version  hébraïque  vers  4270,  sous  le  titre  de  Directo- 
rium  humanœ  vitœ.  Raymond  de  Béziers  fit  une  tra- 
duction latine  d'une  version  espagnole  et  la  dédia  à  la  reine 
Jeanne  de  Navarre  en  4313.  Dès  lors,  le  livre  de  Kalîla 
et  Dimna  passa  dans  toutes  les  langues  de  l'Occident. 

BiBL.  :  Silvestre  de  Sacy,  Cailla  et  Dimna  ou  Fables 
de  Bidpai  en  arabe,  précédées  d'un  mémoire  sur  Vorigine 
de  ce  livre  et  sur  les  diverses  traductions  qui  en  ont  été 
faites  dans  IVrient  ;  Paris,  1816,  in-4.  —  Le  Rév.  Wyn- 
DHAM  Knatchbull,  Kalîla  and  Dimna,  or  ihe  Fables  of 
Bidpai,  translated  from  the arable;  Oxford,  1819.  —  Holm- 
BOE,  Calila  itnd  Dimna,  eine  Reihe  moralischer  und  poli- 
tischer  Fabeln  des  Philosophen  Bidpai  ;  Christiania,  1882. 

—  GuiDi,  Sludii  sul  testo  arabo  del  libro  di  Calila  e  Dimna, 

—  Keith-Falconer,  Kalilah  and  Dimnah,  or  the  Fa- 
bles of  Bidpai,  being  an  account  of  their  literary  history, 
-with  an  Englisfi  translation  of  the  Inter  Syriac  version  of 
the  same,  and  notes  ;  Cambridge,  1885. 

KALINA  (Mathias),  chevalier  de  Jœthenstein,  savant 
tchèque,  né  à  Budejovice  en  477^2,  mort  en  4848.  Il  fut 
avocat  et  secrétaire  de  la  Société  royale  des  sciences  de 
Prague,  et  rédigea  de  4838  à  4846  un  journal  d'agricul- 
ture. On  lui  doit  en  outre  un  important  travail  sur  les 
Lieux  de  sacrifices  et  les  Cimetières  des  tchèques  païens 
(Prague,  4838)  et  des  Notices  sur  les  écrivains  et  sa- 
vants tchèques  (Prague,  4818-27,  3  vol.).        L.  L. 

KALINA  (Jaroslav),  poète  tchèque,  né  à  Hajda  en  4846, 
mort  à  Prague  en  4847.  Après  avoir  étudié  le  droit,  il  se 
consacra  entièrement  à  la  httérature.  Il  mena  une  vie  mi- 
sérable et  mourut  à  l'hôpital.  Certaines  de  ses  poésies  eurent 
un  grand  succès.  L'une  d'entre  elles,  Ksaft,  «  le  Testa- 
ment »,  fut  vendue  à  40,000  exemplaires.  Dispersées  dans 
divers  recueils,  elles  furent  réunies  après  la  mort  de  Pau- 


—  387  - 


KALINA  -  KÂLKBRENNER 


teur  (Prague,  1852,  V^  éd.  ;  ^"^  dans  h  Bibliothèijue 
nationale  de  Kober,  Prague,  4874).  Elles  sont  d'un  style 
fort  inégal  ;  mais  elles  attestent  un  réel  talent.  Ses  ballades 
sont  particulièrement  remarquables.  L.  L. 

KALINADI.  Rivière  de  rM(l^(V.  ce  mot,  t.  XX,  p.  672). 

KALINCAK  (Janko),  littérateur  slovaque,  né  dans  leN. 
de  la  Hongrie  en  4822,  mort  en  487 1 .  Il  débuta  fort  jeune 
dans  la  littérature  slovaque,  et  termina  ses  études  à  Halle. 
Après  avoir  enseigné  quelque  temps  la  philosophie,  il  devint 
directeur  du  gymnase  évangélique  de  Teschen.  Il  a  écrit 
des  poésies,  des  nouvelles  historiques  inspirées  par  celles 
de  Czajkowski  (V.  ce  nom),  dirigé  un  recueil,  ràigle^eic. 
BiBL.  :  J.  Vlcek,  Histoire  de  la  littérature  slovaque  (en 
slovaque)  ;  Saint-Martin,   1890. 

KALINKA  (Valérien),  historien  et  publiciste  polonais, 
né  en  4826,  mort  en  4886.  Il  rédigea  avec  M.  Julian 
Klaczko  les  Ephëmërides  polonaises  (Wiadomosei  Polskie) 
(Paris,  4857-60,  en  poL,  depuis  traduites  en  français). 
Ce  journal  propageait  les  opinions  modérées  du  parti  con- 
servateur de  l'émigration  polonaise  (hôtel  Lambert).  En 
4868,  Kalinka  publia  :  les  Dernières  Années  de  Stanislas 
Auguste  (en  pol.  ;  4787).  Cet  ouvrage  a  été  couronné 
par  la  Société  historique  et  littéraire  polonaise  à  Paris.  En 
1868,  il  entra  dans  Tordre  des  FF.  résurrectionistes. 
Envoyé  en  Galicie,  il  commença  en  1877  son  grand  ou- 
vrage, la  Grande  Diète  (Sejm  Czteroletni),  dont  il  publia 
un  Volume  en  4880.  C'est  une  étude  magistrale  des  graves 
événements  politiques  dont  la  Pologne  fut  le  théâtre  (1 788- 
92).  Elle  ne  fut  pas  terminée.  Kalinka  consacra  les  der- 
nières années  de  sa  vie  à  une  œuvre  religieuse  et  politique  : 
il  fonda  à  Lemberg  l'internat  pour  les  jeunes  Ruthènes 
uniates.  On  lui  doit  encore  :  la  Galicie  et  Cracovie  sous 
la  domiîiation  d'Autriche  (Paris,  4833;  en  pol.);  Vie 
du  général  Chlapowski  (Cracovie,  4884;  en  pol.). 

BiBL.  :  Comte  Stanislas  Tarnowski,  rA65éy.KaU?i/ea; 
Cracovie,  1887. 

KALINOWSKI  (Martin),  général  polonais  du  xvii^  siècle. 
Après  avoir  fait  ses  études  à  Louvain,  il  entra  dans  l'ar- 
mée, combattit  les  Moscovites,  les  Tatares,  les  Cosaques,  et 
se  distingua  notamment  à  la  bataille  de  Berestetchko.  Il  fut 
tué  en  combattant  contre  les  Cosaques  à  Batog  (4652). 

KALIO  ou  BEHOSY.  Peuplade  sauvage  du  centre  de 
Madagascar,  dans  les  monts  Baliama,  à  l'E.  du  plateau  cen- 
tral. Ce  sont  des  noirs  qui  vivent  dans  les  bois  et  semblent 
descendre  des  aborigènes  de  l'île. 

KALI0U8  ou  KELIOUB.  Ville  d'Egypte,  ch.-l.  de  pro- 
vince, à  4  kil.  rive  droite  du  Nil,  47  kil.  N.  du  Caire; 
c'est  l'ancienne  Héliopolis  (V.  ce  mot). 

KALIR  ou  KALIRl  (Eléazar  ben),  poète  hébreu  du 
vm^  siècle,  né  à  Kiriat-Séfer.  On  ne  connaît  exactement  ni 
la  date  de  sa  naissance  ni  celle  de  sa  mort.  Il  fut  un  des 
premiers  et  un  des  plus  remarquables  de  cette  série  de 
poètes  juifs  appelés  païtanim  (de  Tcoirixriç)  qui,  familia- 
risés avec  la  versification  arabe,  en  ont  introduit,  dans  la 
poésie  hébraïque,  les  principales  règles,  notamment  la  di- 
vision en  vers  de  longueur  fixe,  la  rime  et  l'acrostiche.  Cetie 
poésie  hébraïque  est  devenue  avec  Kalir  ce  qu'on  a  appelé 
la  poésie  synagogale  ou  néo-hébraïque  et  dont  les  chants 
désignés  sous  le  nom  de  Piyyoutim  ont  pris,  dans  les 
offices  religieux,  la  place  des  prédications  haggadiques. 
Kalir  a  été  un  des  plus  féconds  de  son  école.  Il  a  laissé 
cent  cinquante  chants  liturgiques.  Au  point  de  vue  lit- 
téraire, son  œuvre  n'a  qu'une  médiocre  valeur.  Le  style 
en  est  obscur  et  les  images  forcées.  Mais  ces  défauts  n'em- 
pêchèrent pas  les  poésies  de  Kalir  de  pénétrer  dans  la  litur- 
gie de  toutes  les  communautés  de  France,  d'Allemagne  et 
d'Italie,  ni  sa  réputation  de  grandir  démesurément.  Son 
nom  devint  l'objet  d'une  vénération  enthousiaste,  et  la  lé- 
gende, se  donnant  à  son  sujet  libre  carrière,  alla  jusqu'à 
attribuer  à  son  inspiration  poétique  une  origine  surnatu- 
relle. S.  Debré. 

BiBL.  :  Frankel,  Monatsschriff,  année  1859,  p.  437.  — 
Gr/etz,  Geschichle  des  Juden,  V,  cii.  vi. 

KALI-SINDH  (V.  Sindhnoir). 


KALfSZ.  Ville  delà  Pologne  russe,  ch.-l.  du  gouverne- 
ment de  ce  nom,  sur  la  Prosna,  affluent  gauche  de  la 
Wartha;  20,000  hab.  Vieilles  églises,  belles  proiï^^nades; 
cuirs,  draps;  foires  importantes.  C'est  une  des  plus  an- 
ciennes villes  de  Pologne,  qu'on  identifie  avec  Kalésia, 
ville  suève  citée  par  Ptolémée  ;  on  a  trouvé  beaucoup  d'an- 
tiquités aux  environs  (un  beau  bronze  grec)  ;  le  long  de 
la  PrOsnasont  de  nombreux  tumuli.  Le  29  oct.  4706,  le 
roi  Auguste  y  défit  le  général  suédois  Mardefeld,  ce  qui  lui 
rendit  ses  Etats.  Le  43  févr.  4843,  Alexandre  1^^  y  con- 
clut un  traité  d'aUiance  avec  le  roi  de  Prusse,  et  c'est  de 
Kalisz  qu'ils  lancèrent  leur  manifeste  aux  Allemands 
(25  mars  4843). 

Le  gouvernement  de  Kalisz  a  44,374  kil.  q.  et  884,798 
hab.,  soit  78  par  kil.  q.  (en  4894).  Il  s'étend  entre  la  Prusse 
au  N.  et  à  rO.,  les  gouvernements  de  Varsovie  au  N.-E.  et  au 
S.,  dePiotrkov  au  S.-E.  C'est  une  plaine  parcourue  parla 
Wartha  et  ses  affluents  Vida vka,  Ner,  Prosna,  celle-ci  for- 
mant frontière.  Le  sol,  tantôt  sablonneux,  tantôt  alluvial, 
(au  N.),  est  fertile  et  bien  cultivé.  Les  catholiques  repré- 
sentent les  4/5  de  la  population,  les  protestants,  juifs,  or- 
thodoxes et  musulmans,  forment  le  reste.  Sa  population 
est  essentiellement  agricole.  Elle  possède  70,000  chevaux, 
430,000  bœufs,  240,000  moutons,  480,000  pores.  On 
compte  environ  600  fabriques  occupant  7,000  ouvriers. 
Le  commerce  est  aux  mains  des  juiîs  et  se  fait  en  grande 
partie  dans  les  260  foires  annuelles.  Le  gouvernement  se 
divise  en  huit  districts  :  Kalisz,  Kolo,  Konin,  Leczyca,  Sje- 
radz,  Slupzy,  Turek,  Wielun.  A.-M.  B. 

KALIX-Elf.  Fleuve  de  Suède,  prov,  de  Norbotten, 
400  kil.  ;  bassin  de  20,300  kil.  q.  Il  sort  au  pied  de  l'Ivars- 
ienex,  des  lacs  de  Pajtasjaur  et  Kalasjorvi,  reçoit  le  Koï- 
tom-elf,  un  bras  du  Torneâ-elf  le  toranto-elf,  l'Angesâ 
et  finit  dans  le  golfe  de  Botnie. 

KÂLI-YOUGA  {Age  de  Kdlï),  du  nom  du  démon  Kàli 
en  qui  se  personnifie  l'esprit  du  mal  et  de  la  mauvaise 
chance  au  jeu  :  âge  de  fer  de  la  mythologie  hindoue,  c'est 
celui  que  nous  traversons  en  ce  moment.  Il  a  commencé 
en  l'an  3404  de  notre  ère,  quand  Krichna  est  remonté  au 
ciel  :  il  doit  durer  432,000  années  humaines  (V.  Youga). 
KALK.  Ville  de  Prusse,  district  de  Cologne,  à  TE.  de 
Deutz;  42,000  hab.  C'est  une  cité  industrielle  fondée  en 
4845;  fonderies,  forges,  hauts  fourneaux,  fabriques  de  ma- 
chines, de  produits  chimiques,  de  dynamite,  de  poteries,  etc. 
KALKAR  (Johann-Stephan  von)  (V.  Calcar). 
KALKBRENNER  (Christian),  musicien  allemand,  né  à 
Minden  (Hanovre)  le  22  sept.  4755,  mort  à  Paris  le 
40  août  1806.  Attaché  successivement  à  la  musique  du 
landgrave  de  Hesse,  à  celle  de  la  reine  de  Prusse,  à  Ber- 
lin, puis  du  prince  Henri  de  Prusse,  à  Rheinsberg,  il  vint 
se  fixer  à  Paris  vers  4796  et  fut  nommé  chef  du  chant  à 
l'Opéra.  Avec  Lachnith  il  attacha  son  nom  au  détestable 
arrangement  du  Don  Juan  de  Mozart,  joué  à  l'Opéra  en 
dSOo,  et  aux  pastiches  intitulés  Saill  et  la  Prise  de  Jé- 
richo, jouées  au  même  théâtre  et  fabriquées  avec  des 
morceaux  de  plusieurs  auteurs.  Ses  propres  compositions, 
sonates,  romances,  opéras  allemands  et  français,  eurent 
peu  de  succès  et  n'en  méritaient  point.  Comme  littérateur, 
il  a  publié  :  Théorie  der  Tonsetzkunst  (Berlin,  4789); 
Kurzer  Abriss  der  Geschichte  der  Tonkunst  (Berlin, 
4792);  Histoire  de  la  musique  (Paris,  4802,  2  vol.),  ou- 
vrage plus  que  médiocre  ;  et  enfin  une  mauvaise  et  incom- 
plète traduction  du  Traité  d'harmonie  de  Fr.-X.  Richter 
(Paris,  4084).  M.  Br. 

KALKBRENNER  (Friedrich- Wilhelm-Michael),  pianiste 
et  compositeur  allemand,  fils  du  précédent,  né  à  Cassel  en 
4784,  mort  à  Enghien-les-Bains  le  40  juin  4849. 11  com- 
mença son  éducation  musicale  en  Italie,  entra  en  4798  au 
Conservatoire  de  Paris,  y  obtint  en  4801  deux  premiers 
prix  de  piano  et  d'harmonie,  et  se  perfectionna  à  Vienne 
en  étudiant  le  style  d'exécution  de  Clementi.  Revenu  à 
Paris  en  1806,  il  s'y  fit  une  situation  brillante  par  son 
talent  de  virtuose  et  de  professeur,  et  trouva  les  mêmes 


KALKBRENNER  —  KALMA 


—  388  - 


succès  à  Londres,  où  il  vécut  de  J814  à  1823.  Il  s'y  as- 
socia à  Logier  pour  l'établissement  de  cours  de  musique 
selon  la  méthode  du  «  chiroplaste  » .  Après  un  long  voyage 
de  concerts  en  Allemagne,  il  se  fixa  à  Paris,  et  s'associa 
à  Camille  Pleyel  pour  l'exploitation  de  la  célèbre  fabrique 
de  pianos  qui  porte  ce  nom.  Ses  compositions,  au  nombre 
d'environ  420,  consistent  en  concertos,  sonates,  études, 
fantaisies  et  morceaux  d'ensemble  pour  le  piano,  plus  un 
Traité  d'harmonie  du  pianiste  (Paris,  1849,  in-fol.). 
BiBL.  :  L.  BoiviN,  Kalkbrenner^  s.  1.  n.  d.,  in-8,  extr.  de 
la  Revue  générale  biographique^  politique  et  littéraire^  1842. 

KÂLKI.  Avatar  (V.  ce  mot)  à  venir  de  Vichnou  :  on 
peut  l'appeler  le  Messie  du  brahmanisme.  A  la  fin  du 
kali-youga  (V.  ce  mot),  il  apparaîtra  tel  qu'il  est  repré- 
senté, blanc,  sur  un  cheval  blanc,  et  l'épée  à  la  main  pour 
mettre  un  terme  aux  maux  et  aux  vices  de  cet  âge  et  inau- 
gurer un  nouveau  cycle  de  quatre  yougas . 

KALL  (Abraham),  historien  danois,  né  à  Copenhague 
en  1743,  mort  en  1821.  Son  père,  orientaliste  de  valeur, 
lui  fit  donner  une  excellente  instruction.  Bibliothécaire  de 
l'université  dès  1765,  il  remplit  ces  fonctions  jusqu'en  1780. 
Il  fut  nommé  alors  professeur  d'histoire.  En  1811,  il  était 
conseiller  d'Etat.  Son  Histoire  universelle  (Verdens  his- 
toria),  publiée  en  1776,  est  restée  pendant  longtemps  en 
usage  dans  les  écoles  du  Danemark. 

KALLANDSÔ  ou  OVALDINGSO.  Ile  méridionale  du  lac 
Wener  (Suède);  64  kil.  q.;  2,000  hab.  (com.  d'Otter- 
stad)  ;  château  de  Lâckô. 

KALLAY  (Benjamin  de),  homme  d'Etat  hongrois,  né  dans 
le  comitat  de  Szabolcs  le  22  déc.  1839.  Membre  de  la  Diète 
hongroise  en  1867,  il  prit  rang  dans  la  fraction  conserva- 
trice du  parti  Deak.  En  1869,  M.  de  Beust  le  nomma  consul 
général  de  Belgrade.  Ces  fonctions,  qu'il  conserva  pendant 
six  ans,  le  mirent  à  même  d'étudier  à  fond,  par  de  fré- 
quentes explorations,  non  seulement  la  Serbie,  mais  la 
Bosnie.  De  retour  à  Budapest  en  1875,  il  occupa  de  nou- 
veau un  siège  de  député  et  fonda  le  journal  conservateur, 
Kelet  népe  (Peuple  de  l'Orient).  En  même  temps  il  impri- 
mait son  ouvrage  capital,  fruit  de  ses  recherches,  l'His- 
toire des  Serbes  (1876),  que  M.  Schwicker traduisit  du 
magyar  en  allemand  l'année  suivante.  En  1878,  M.  de 
Kallay  fut  ministre  plénipotentiaire,  membre,  pour  l'Autri- 
che, de  la  commission  internationale  de  la  Roumélie  orien- 
tale. Chef  de  section  au  ministère  des  affaires  étrangères 
(1879),  il  fit  en  1881  l'intérim  de  ce  ministère  à  la 
mort  du  comte  Haymerle.  En  1882,  il  devint  ministre 
des  finances  dans  le  ministère  commun  aux  deux  moitiés  de 
la  monarchie,  et  administrateur  de  la  Bosnie  et  de  l'Her- 
zégovine, provinces  oti  il  fit  beaucoup  de  réformes.  Outre 
son  ouvrage  essentiel  cité  plus  haut,  on  doit  à  M .  de  Kal- 
lay :  la  Politique  orientale  de  la  Russie  (1877);  la 
Situation  de  la  Hongrie  relativement  à  rOrient,  et 
une  traduction  de  Essay  on  Liberty  de  Stuart  Mill. 

KALLENBACH  (Georg-Gottfried),  architecte  et  dessina- 
teur allemand,  né  à  Gaudenz  en  1805,  mort  à  Bamberg  en 
1865.  Après  avoir  d'abord  étudié  le  droit,  il  se  tourna 
vers  l'art  et  parcourut  toute  l'Allemagne,  eu  quête  de  ma- 
tériaux pour  son  grand  ouvrage,  Recueil  de  modèles 
d'architecture^  qui  occupa  sa  vie  entière  et  qui  fut  acheté 
par  le  nouveau  musée  de  Berlin.  On  lui  doit,  en  outre, 
une  suite  de  planches  chronologiques  sur  V Ancienne 
Architecture  allemande  (1847);  un  Album  de  l'art  au 
moyen  âge,  et,  en  collaboration  avec  Jacq.  Schmitt,  V Ar- 
chitecture chrétienne  en  Occident. 

KALLENBACH  (Joseph),  savant  polonais,  né  à  Kamie- 
niec  Podolski  (Russie  méridionale)  le  24  nov.  1861.  Il  fit 
ses  études  universitaires  à  Cracovie,  Leipzig,  Munich  et 
Paris.  Il  débuta  par  les  traductions  de  Lucrèce  et  de  Pro- 
perce (1881)  et,  après  avoir  obtenu  le  grade  de  docteur 
en  philosophie  à  l'université  de  Cracovie,  en  1884,  il  se 
voua  à  l'étude  de  l'histoire  de  la  littérature  polonaise.  En 
1887,  il  fut  reçu  par  l'université  de  Cracovie  comme  pro- 
fesseur   agrégé  (privat-docent)  de  littérature  polonaise. 


En  1889,  ilfutnommé,  parle  gouvernement  du  canton  de 
Fribourg  (Suisse),  professeur  ordinaire  de  littérature  slave 
à  l'université  de  Fribourg.  L'Académie  des  sciences  de 
Cracovie  l'a  élu  membre  correspondant  le  9  mai  1893.  Il 
a  pubHé  :  Etude  sur  les  élégies  latines  de  Jean  Kocha- 
nowski  (en  pol.,  Comptes  rendus  de  VAcad,  des  sciences 
de  Cracovie;  Cracovie,  i882,  vol.  X);  le  Congé  des  am- 
bassadeurs grecs  de  J,  Kochanowski  {id.,  18^3)  ;  la 
Quatrième  Partie  des  Dziady  de  A .  Mickiewicz  (Cra- 
covie, 1887,  en  prose)  ;  V Improvisation  de  Konrad 
(3®  partie  des  Dziady;  Lemberg,  189 1  )  ;  les  Humanistes 
polonais  (Fribourg,  1892);  Castus  Joseph  de  Simon 
Simonides  et  ses  modèles  (Cracovie,  Acad.  des  sciences, 
1893)  et  une  édition  critique  ne  varietur  des  Dziady 
de  A.  Mickiewicz  (Lemberg,  1895).  L.  L. 

KALLENBERG.  Château  d'Allemagne,  au  haut  d'une 
colline  de  475  m.  d'alt.,  auN.-E.  de  Cobourg  ;  c'est  la  ré- 
sidence préférée  des  ducs  de  Cobourg,  depuis  qu'Ernest  I^^ 
l'a  fait  restaurer  par  Herdelofl'. 

KALLENBERG  (Anders-Hanssen),  paysagiste  et  peintre 
d'animaux,  né  en  Scanie  en  1834.  Il  n'étudia  que  tard  à 
Stockholm  et  séjourna  pendant  des  années  à  Dusseldorf  et 
à  Berlin.  Le  musée  national  de  Stockholm  possède  un  grand 
nombre  de  ses  peintures  :  Maison  de  paysans  en  Skanie, 
Chaumière  en  Bleding^  etc. 

KALLIWODA  (Jean-Venceslas),  compositeur  tchèque, 
né  à  Prague  le  21  mars  1800,  mort  à  Karlsruhe  le  3  déc. 
1866.  Elève  de  Pixis  au  Conservatoire  de  Prague,  il  passa 
presque  toute  sa  vie  à  Donaueschingen,  où  il  dirigeait  la 
musique  particulière  du  prince  de  Furstenberg.  ifa  écrit 
7  symphonies,  13  ouvertures  et  de  nombreux  concertos, 
qui  ont  été  publiés  à  Leipzig.  Le  total  de  son  œuvre  dépasse 
150  compositions,  tant  instrumentales  que  vocales,  qui 
ont  eu  de  la  réputation  en  Allemagne.  Kalliwoda  n'a  écrit 
qu'un  seul  opéra,  Blanda,  joué  à  Prague  en  1847.  — 
Son  fils,  Wilhelm,  né  à  Donaueschingen  le  19  juil.  1827, 
mort  à  Karlsruhe  le  8  sept.  1893,  se  fixa  à  Karlsruhe  en 
1853  comme  maître  de  chapelle  et  chef  d'orchestre  et 
prit  sa  retraite  de  ces  fonctions  en  1875.  Il  a  publié  des 
œuvres  de  piano,  des  lieder  et  une  symphonie. 

KALM  (Per),  naturaUste  suédois,  né  à  Angermanie  en 
mars  1716,  mort  le  16  nov.  1779.  Kalm  étudia  tout  d'abord 
la  théologie  à  Abo,  mais  son  penchant  pour  les  sciences 
naturelles  était  si  marqué  que  ses  maîtres  eux-mêmes  l'en- 
gagèrent à  abandonner  la  théologie  pour  la  botanique.  Il 
fut  recommandé  au  baron  Sten  Cari  Bjelke  qui  le  prit  chez 
lui,  et  aux  frais  duquel  il  fit  ses  premiers  voyages  scienti- 
fiques dans  le  S.  de  la  Finlande  d'abord  (1740),  puis, 
l'année  suivante,  dans  diverses  provinces  de  la  Suède.  C'est 
alors  qu'il  rencontra  Linné  et  qu'il  s'inscrivit  à  Upsal  par- 
mi ses  auditeurs.  En  1745,  avant  qu'il  eiît  conquis  ses  der- 
niers titres  académiques,  il  fut  nommé  membre  de  l'Acadé- 
mie des  sciences  et  en  1747  on  l'appela/omme  professeur 
d'histoire  naturelle  à  l'université  d'Abo.  Cependant  le 
baron  Bjelke  ayant  proposé  à  l'Académie  des  sciences,  d'ac- 
cord avec  Linné,  d'envoyer  dans  l'Amérique  du  Nord  un 
savant  suédois  pour  recueillir  dans  ce  pays  les  plantes  non 
encore  connues  ou  qui  pourraient  être  utilement  transplan- 
tées en  Suède,  on  chargea  Kalm  de  cette  mission.  Il  partit 
en  automne  1747  et  prolongea  son  séjour  en  Amérique  jus- 
qu'en 1751,  réunissant  un  nombre  considérable  d'obser- 
vations consignées  dans  son  ouvrage  intitulé  Un  Voyage 
dans  l'Amérique  du  Nord  {En  resa  till  JSorra  Ame- 
rika).  De  cet  ouvrage,  les  trois  premiers  volumes  seuls 
ont  paru  ;  les  quatre  autres  volumes,  restés  à  l'état  de 
manuscrits  et  légués  par  le  savant  à  son  successeur  à  Abo, 
brûlèrent  dans  l'incendie  de  l'université.  Une  lettre  de  Kalm 
à  Franklin  sur  les  chutes  du  Niagara,  rendue  publique  et 
traduite  en  plusieurs  langues,  avait  fait  connaître  le  nom 
du  savant  suédois  dans  toute  l'Europe.  Kalm  fonda  le  jar- 
din botanique  d'Âbo  ;  il  y  cultivait  un  grand  nombre  de 
plantes  rapportées  d'Amérique.  Th.  Cart. 

KALM  A  (Mythol.  finnoise).  Ce  mot  signifie  proprement 


389  - 


KALMA 


KÂLNOKY 


la  «  pâleur  de  la  mort  ».  Kalma  est  un  esprit  malin  (sy- 
nonyme de  Hiisi  et  de  Tuoni),  qui  règne  sur  les  habitants 
des  tombeaux.  Ceux-ci,  en  effet,  selon  certaines  traditions 
finnoises,  revivent  d'une  autre  vie,  errent  dans  les  cam- 
pagnes, visitent  les  vivants  et,  trop  souvent,  leur  font  du 
mal.  Ils  sont  tous  soumis  à  Kalma. 

KALMAR  (Union  de)  (V.  Calmar). 

KALMIA,  I.  Botanique.  —  (Kalmia  L.).  Genre  d'Erica- 
cées,  du  groupe  des  Rhodorées,  de  la  série  des  Kalmiées 
(Bâillon).  Les  fleurs  sont  régulières,  pentamères,  la  corolle 
hypocratérimorphe  ou  campanulée  à  dix  étamineshypogynes 
pourvues  d'une  anthère  introrse  à  deux  loges.  L'ovaire  est 
libre,  à  cinq  loges  opposées  aux  pétales.  Le  fruit  est  une 
capsule  septicide,  les  graines  sont  albuminées.  Les  Kalmia 
sont  des  arbustes  à  fleurs  axillaires  ou  à  grappes  terminales, 
originaires  de  l'Amérique  du  Nord  et  de  Cuba.  Les  quatre  ou 
cinq  espèces  connues,  K.  latifolia  L.,  K,  angustifolia 
L.  et  K,  glauca  Ait.,  etc.,  sont  cultivées  comme  plantes 
d'ornement.  —  Les  étamines  des  Kalmia  présentent  cette 
particularité  curieuse  qu'au  moment  de  la  pollinisation 
elles  se  détachent  par  un  mouvement  brusque  de  la  co- 
rolle, à  laquelle  elles  adhèrent  par  leurs  anthères,  pour 
lancer  le  pollen  et  se  rassembler  autour  du  gynécée.  Les 
Kalmia  paraissent  doués  de  propriétés  vénéneuses. 

II.  Horticulture.  — Les  jolis  buissons  de  ce  genre  se 
cultivent  en  pot  ou  en  pleine  terre  de  bruyère  fraîche,  à  mi- 
ombre.  On  les  multiplie  de  boutures  et  mieux  de  graines. 
Le  semis,  fait  en  terre  de  bruyère  sableuse,  est  très  légè- 
rement recouvert  de  terre  fine. 

KALMOUKS  (on  dit  aussi  Kalmyks),  Peuple  de  race 
mongole,  habitant  par  groupes  isolés  dans  la  Dzoungarie, 
dans  certaines  régions  de  la  Mongolie  et  du  Tibet,  ainsi 
que  dans  le  S.-E.  de  la  Russie.  Par  leur  type  physique  et 
par  leur  langue,  les  Kalmouks  se  distinguent  si  peu  des 
Mongols  proprement  dits,  qu'on  les  appelle  aussi  Mongols 
occidentaux.  Mais  eux-mêmes  se  donnent  le  nom  à'Euleut 
ou  Eleuthes  et  se  divisent  eu  quatre  grandes  tribus:  Tor- 
gotes,  Khochotes,  Dzoungars  ou  Tchoross  et  Derbètes. 
Les  fragments  de  ces  tribus  sont  dispersés  un  peu  au  hasard 
des  guerres  et  des  migration  s  sur  l'immense  espace  qui  s'étend 
de  la  Sibérie  à  Lhassa  et  du  lac  Koukou-nor  aux  bords  de  la 
Yolga  et  du  Don.  Trois  groupes  compacts  se  dessinent  ce- 
pendant :  les  Kalmouks  de  la  Volga  (dans  le  gouvernement 
d'Astrakhan)  et  du  Don  (dans  le  gouvernement  de  Stavro- 
pol)  ;  les  «  Torgotes  »  de  la  Dzoungarie  et  leurs  voisins  les 
Derbètes  de  la  Mongolie  occidentale,  entre  l'Altaï  et  le  Tian- 
chan  ;  enfin  les  «  Euleuts  »  du  pays  de  l'Alachan  (Mon- 
golie méridionale)  et  de  la  province  du  Koukou-nor,  ainsi 
que  des  régions  avoisinantesdu  Tibet.  On  trouve  aussi  des 
groupes  isolés  de  Kalmouks  dans  le  Turkestan  oriental,  dans 
la  province  de  Semirietchensk  (du  Turkestan  russe),  dans 
le  Zaïdam  (premier  gradin  du  plateau  du  Tibet)  et  même 
au  voisinage  de  Lhassa.  Le  nombre  total  des  Kalmouks 
doit  s'élever  à  1  million  d'individus  environ. 

Le  type  mongol  est  bien  prononcé  chez  les  Kalmouks, 
qui  n'ont  pas  subi  de  trop  nombreux  mélanges  avec  les 
tribus  turques,  iraniennes  ou  ariennes.  Ils  sont  en  géné- 
ral d'une  taille  au-dessous  de  la  moyenne  (d'^GS);  leur 
tête  est  légèrement  arrondie,  sous-brachycéphale  (indice 
céphalique  83  en  moyenne  chez  le  vivant)  ;  les  cheveux 
sont  noirs  et  droits  ;  la  barbe  et  les  moustaches  peu  four- 
nies ;  la  peau  d'un  jaune  pâle  ou  brunâtre  ;  les  pommettes 
saillantes,  les  yeux  peu  fendus,  bridés  à  l'angle  interne, 
parfois  obliques,  la  paupière  supérieure  retournée  en  de- 
dans ;  le  nez  fin,  petit,  saillant  ou  écrasé  ;  la  bouche  petite, 
La  poitrine  est  large  ;  les  jambes  sont  courtes  par  rapport  au 
tronc  et  un  peu  recourbées  par  suite  de  l'habitude  de  pla- 
cer les  enfants,  dès  leur  naissance,  à  califourchon  sur  une 
sorte  de  selle  située  au  fond  du  berceau. 

La  plupart  des  Kalmouks  sont  des  nomades-pasteurs 
typiques.  Le  bétail,  chameaux,  moutons,  chèvres,  chevaux, 
leur  fournit  non  seulement  la  nourriture  (lait  et  viande), 
la  matière  première  pour  la  préparation  de  vêtements  et 


la  construction  de  demeures  (laine  et  feutre),  mais  encore 
les  moyens  de  transport  et  le  chauffage  (bouses  ou  fumier 
séché).  Les  Kalmouks  habitent  des  tentes  en  feutre  que  l'on 
peut  construire  ou  démonter  en  une  heure  ;  chaque  tente  est 
occupée  par  une  famille  et  sert  d'unité  pour  la  percep- 
tion de  l'impôt  en  Chine  comme  en  Russie.  Plusieurs  tentes 
constituent  un  aïmak  et  plusieurs  aïmaks  forment  un  oulous 
ou  khochoun  (bannière),  administré  par  un  prince  (van 
ou  noïon),  sous  la  surveillance  des  employés  russes  ou  chi- 
nois, suivant  les  localités.  La  vie  nomade  a  fait  des  Kal- 
mouks un  peuple  insouciant,  gai,  honnête,  indolent  et  pa- 
resseux. La  condition  de  la  femme  est  meilleure  chez  eux 
que  dans  d'autres  tribus  demi-civilisées  ;  le  mariage  se 
conclut  moyennant  une  petite  redevance  (kalym)  chez  les 
Kalmouks  volgaïques,  sans  cette  redevance  chez  les  Tor- 
gotes de  la  Dzoungarie. 

La  langue  kalmouk  appartient  à  la  famille  des  idiomes 
agglutinatifs  ;  c'est  une  branche  du  mongol  ;  elle  s'écrit  avec 
des  caractères  particuliers,  semblables  à  l'écriture  mongole 
et  dérivés  du  syriaque. 

Les  Kalmouks  sont  bouddhistes-lamaïtes  de  la  secte  des 
«  bonnets  jaunes  », fondée  en  1537  parTsonkhavaou  Tsoung- 
ka-pa.  Le  lamaïsme  leur  fut  prêché  vers  le  commence- 
ment du  XVII®  siècle  (V.  Bouddhisme).  Mais  à  côté  du  boud- 
dhisme, les  Kalmouks  ont  gardé  encore  la  plupart  de  leurs 
anciennes  pratiques  chamanistes.  En  dehors  de  leurs  voyages 
annuels  à  travers  les  territoires  délimités  que  possède 
chaque  tribu  ou  bannière  (khochoun  ou  oulous),  les  Kal- 
mouks ont  exécuté  de  nombreuses  migrations  en  masse, 
dont  l'histoire  n'a  enregistré  que  quelques-unes  postérieures 
au  xv«  siècle.  La  tribu  des  Khochotes  émigra  de  sa  patrie 
primitive,  l'Ala-chon  et  le  Koukou-nor,  vers  la  Dzounga- 
rie au  milieu  du  xv®  siècle  et  s'avança  jusque  dans  la  haute 
vallée  de  l'Irtych  ;  puis  une  partie  de  cette  tribu  entra  au  ser- 
vice de  Dalaï-Lama  et  s'établit  dans  le  Tibet  méridional.  Les 
Torgotes  ont  quitté  leur  pays,  la  Dzoungarie,  en  1 6i  6,  se  por- 
tèrent vers  les  steppes  kirghiz  et  le  Turkestan  occidental  et 
arrivèrenten  1656  surlesbordsdela  Volga.  Au  sièclesuivant, 
en  1771,  ils  s'enfuirent  de  la  Russie  et  ayant  accompli  le 
fameux  exode^  tant  de  fois  décrit  par  les  auteurs  euro- 
péens et  chinois,  revinrent  dans  leur  pays  d'origine,  la 
Dzoungarie.  Les  Tchoross  ou  Dzoungars  n'ont  occupé  le 
pays  auquel  ils  donnèrent  leur  nom  qu'après  mainte  péré- 
grination à  travers  la  Mongolie  occidentale.  Seuls  parmi 
les  tribus  kalmouks  ils  ont  réussi  à  fonder  un  Etat  plus  ou 
moins  puissant,  qui  dura  près  d'un  siècle  et  qui  avait  atteint 
l'apogée  de  sa  gloire  sous  le  khan  Goldan  ;  celui-ci  con- 
quit même  le  Turkestan  oriental  en  1678,  mais  sa  puis- 
sance se  brisa  dans  le  choc  avec  les  armées  chinoises  quelques 
années  plus  tard.  J.  Deniker. 

BiBL.  :  Pallas,  Sammlungen  hîstorischer  Nachrichten 
uherdie  MongolischeVœlkerschaften;  Saint-Pétersbourg, 
1776-1801,  2  vol.  in4.  ~  Bergmann,  Nomadische  Streife- 
reienunterdenKalmeuken;R\g&^  1804,4vol.  in-16.  — Kos- 
TENKov,  Renseignements  sur  les  Kalm,ouks...  dan  s  le  gou- 
vernement d  Astrakhan  ;  Saint-Pétersbourg,  1870,  in-è  (en 
russe).  —  HowoRTH,  TheHistory  ofthe  Mongols;  Londres, 
1877,  t.  I,  in-8.  —  Deniker,  Etude  sur  les  Kalmouks,  dans 
Revue  d'anthropologie,  2«  sér.,  t.  VI,  1883  et  t.  VII,  1884.  — 
A.  IvANOvsKY,  les  Mongols  Torgosutes  ;  Izviestia  ou  Bul- 
letin de  la  Soc.  des  amis  des  se.  nat,  de  Moscou^  1893, 
LXXI,  in-4  (en  russe).  —  Pour  plus  de  détails,  V.  l'art. 
Mongols. 

KALN 0 KY  (Gustave,  comte  de), homme  d'Etat  autrichien, 
né  à  Lettowitz  (Moravie)  le  29  déc.  1832.  Après  d'impor- 
tants services  diplomatiques  à  Munich,  à  Berlin  et  à  Londres, 
il  fut  nommé  en  1871  ministre  plénipotentiaire  à  Rome,  d'où 
il  passa  au  même  titre  à  Copenhague  en  1874.  Ambassa- 
deur à  Saint-Pétersbourg  le  17  févr.  1880,  il  fut,  l'année 
suivante,  par  suite  de  la  mort  de  Hay merle,  appelé  au 
poste  de  ministre  des  affaires  étrangères  de  l'empire  austro^ 
hongrois.  Il  commença  par  resserrer  Talliance  que  le  comte 
Andrassy  et  M.  de  Bismarck  avaient  établie  en  1879  entre 
les  cours  de  Vienne  et  de  Berlin.  Il  répondit  d'autre  part 
favorablement  aux  avances  du  gouvernement  russe,  qui, 
menacé  par  le  nihilisme,  croyait  devoir  se  rapprocher  de 


KÂLNOKY 


KAIAVARYA 


390 


rAUemagne  et  de  rAutriche-Hongrie.  De  là  l'entrevue  des 
trois  empereurs  à  Skierniewice  et  l'entente  qui  s'ensuivit 
(sept.  d884).  Mais  l'hostilité  latente  qui  existait  depuis 
longtemps  et  surtout  depuis  le  congrès  de  Berlin  entre  les 
cabinets  de  Vienne  et  de  Saint-Pétersbourg  ne  tarda  pas 
à  éclater,  par  l'effet  des  événements  de  Bulgarie  (4885). 
Après  le  renversement  d'Alexandre  de  Battenberg,  qui  fut 
l'œuvre  de  la  Russie  (août-sept.  1886),  l'Autriche  favorisa 
de  toutes  ses  forces  le  prince  Ferdinand  de  Saxe-Cobourg 
qui,  malgré  l'opposition  du  tsar  et  du  sultan,  monta  sur  le 
trône  à  Sofia  (août  1887),  et  elle  est  parvenue  jusqu'à 
présent  à  l'y  maintenir.  Par  contre,  en  Serbie,  oii  le  roi 
Milan,  après  sa  défaite  de  Slivnitza,  avait  été  soutenu  par 
la  cour  de  Vienne  (nov.  1885),  Tinfluence  russe  prit  le 
dessus  en  mars  4889,  époque  où  Milan  dut  abdiquer  et 
fut  remplacé  par  son  fils  Alexandre.  —  D'un  autre  côté, 
le  comte  de  Kalnoky  fut  un  des  principaux  auteurs  de  la 
triple  alliance  conclue  en  4883  entre  l'Allemagne,  l'Au- 
triche-Hongrie  et  l'Italie,  pacte  qui,  après  avoir  été  renou- 
velé pour  quatre  ans  en  1887,  le  fut  encore  pour  six  ans 
le  28  juin  1894.  A.  Debidour. 

KÂLOCSÂ.  Ville  de  Hongrie,  comitat  de  Pest,  près  du 
Danube;  16,000  hab.  Archevêché  (évcché  fondé  en  1000 
et  transformé  en  1135  par  Bêla  II).  Belle  cathédrale  du 
xvïii®  siècle  ;  palais  archiépiscopal.  Plusieurs  couvents. 

BiBL.  :  SiMONYï,  la  Ville  deKulocsa  et  ses  environs^  dans 
Bull.  Soc.  hongr.  de  gfeogf?'.,  1882, 

KALOFER.  Ville  de  Bulgarie,  située  sur  la  Toundja,  au 
pied  des  Balkans  ;  4,000  hab.  Elle  fut  détruite  par  les 
Turcs  en  1877.  Fabrication  d'étoffes  de  laine. 

KALOUGA.  Ville  de  la  Russie,  ch.-l.  du  gouvernement 
de  ce  nom,  sur  la  rive  gauche  de  l'Oka,  au  confluent  de  la 
ïatchenka;  40,640  hab.  Elle  a  une  trentaine  d'éghses.  C'est 
un  centre  industriel,  surtout  pour  la  préparation  des  cuirs 
et  des  fourrures  ;  librairies  et  imprimeries;  gâteaux  célèbres 
dont  la  vente  dépasse  1  miUion  de  roubles.  Nombreux  éta- 
blissements d'instruction.  Manufacture  publique  de  poudre. 
Kalouga  existait  en  4389,  mais  a  trois  fois  changé  de  place 
le  long  de  ses  rivières. 

Le  gouvernement  de  Kalouga  a  30,929  kil.  q.  et 
1 ,244,018  hab.,  soit40hab.  par  kil.  q.  (en  1891).  11  appar- 
tient à  la  Grande-Russie  et  est  compris  entre  le  gouverne- 
ment de  Moscou  auN.  etN.-E.,  ToulaàTE.,  Orel  au  S.  et 
Smolenskàl'O.  C'est  une  plaine  fertile  et  bien  cultivée,  d'un 
sol  sablonneux  ou  argilo-sableux.  Les  terres  labourées  oc- 
cupent 44  <^/o,  les  prairies  et  pâturages  18  ^/o,  les  bois 
32  ^/o,  les  surfaces  incultes  6  °/o  de  la  surface  totale.  Au 
N.,  on  trouve  le  terrain  jurassique;  le  reste  appartient  à 
la  formation  carbonifère.  Les  mines  de  houille  rendent  peu. 
On  extrait  beaucoup  de  fer  qui  est  traité  à  Perm,  du  soufre, 
de  l'argile,  de  la  pierre  a  bâtir;  il  y  a  des  eaux  sulfureuses 
à  Kramsk  et  Likhvin.  La  température  moyenne  est  de+ 1 7°, 
mais  il  gèle  de  fin  novembre  à  mars.  Dans  la  faune  on  cite 
le  rossignol  de  Kalouga.  On  cultive  surtout  le  seigle, 
l'avoine  et  les  pommes  de  terre.  Le  bétail  se  monte  à  en- 
viron 300.000chevaux,  320,000bœufs,  350,000  moutons, 
plus  de  200,000  porcs.  L'industrie  occupe  12, 000  ouvriers 
dans  350  fabriques:  papeteries,  corroiries,  distilleries,  hui- 
leries, fabriques  d'allumettes,  de  machines.  —  Le  gouver- 
nement se  divise  en  onze  cercles  :  Kalouga,  Malo-Iaros- 
lavetz,  Borovsk,  Médyn,  Mossalsk,  Mechtchovsk,  Jisdra, 
Kozelsk,  Likhvin,  Peremouichl,  Taroussa.      A.-M.  B. 

KALOUSEK  (Joseph),  historien  et  publiciste  tchèque, 
né  à  Vamberk  (Bohême)  en  1838.  Il  fit  ses  études  à  Prague, 
prit  le  titre  de  docteur  en  philosophie  et  collabora  à  divers 
journaux.  Il  étudia  particulièrement  le  droit  politique  de 
la  Bohême  et  pubha,  en  1870,  un  essai  intitulé  Einige 
Grûndlagen  des  bœhmischen  Staatsrechtes  (Prague). 
II  remania  et  compléta  ce  travail  dans  un  ouvrage  en  langue 
tchèque  :  le  Droit  politique  du  royaume  de  Bohême 
(Prague,  1871  ;  2^  éd.,  1872).  Il  est  devenu  professeur 
d'histoire  à  l'université  de  Prague.  On  lui  doit  encore  di- 
vers ouvrages  historiques;  notamment  :  De  Hegni  Bohe-v 


miœ  mappa  historica  commeyitatio  (Prague,  4876),  des 
Cartes  historiques  du  royaume  de  Bohême^  une  His- 
toire de  la  Société  royale  des  sciences  de  Prague  (en 
allemand  et  en  tchèque),  le  septième  et  huitième  volume 
de  VArchiv  Cesky,  commencé  par  Palacky  (1887-89)  et 
de  nombreux  mémoires  dans  les  recueils  historiques.  L.  L. 

KALPA.  Terme  de  la  chronologie  hindoue.  Pour  les 
Brahmanes,  un  kalpa  est  égal  à  un  jour  et  une  nuit  de 
Brahmâ  et  ne  contient  pas  moins  de  deux  mille  cycles  de 
quatre  yougas  (V.  ce  mot),  soit  8,640,000,000  années 
humaines.  A  la  fin  de  la  première  moitié  de  cette  période 
a  lieu  une  destruction  du  monde  :  Brahmâ  s'endort  pour 
ne  se  réveiller  et  créer  à  nouveau  le  monde  qu'au  bout  de 
la  seconde  moitié.  Les  bouddhistes  donnent  du  kalpa  un 
compte  un  peu  différent  (V.  les  notes  de  Burnouf  à  la 
suite  de  sa  traduction  du  Lotus  de  la  Bonne  Loi). 

KALPAS  (V.  BouDDmsME). 

KALPL  Ville  de  l'Inde  anglaise,  prov.  du  N.-O.,  sur  la 
Djemna  ;  15,000  hab.  ;  fabrique  desucre  candi,  papier  re- 
nommé dans  l'Inde  entière  ;  commerce  de  coton.  Les  vastes 
ruines  de  l'ancienne  cité  fondée  vers  le  iv^  siècle  renfer- 
ment de  beaux  monuments.  Le  23  mai  1858,  le  général 
Rose  défit  à  Kalpi  les  armées  de  la  Rani  de  Djansi  et  du 
nabab  de  Banda. 

KALRAAT  (Abraham  Van),  peintre  de  fleurs  hollandais, 
né  à  Dordrecht  le  7  oct.  1643,  mort  en  1699.  Fils  d'un 
sculpteur,  il  fit  de  la  sculpture  tant  que  son  père  vécut. 
Mais,  à  la  mort  de  celui-ci,  il  quitta  ébauchoirs  et  mar- 
teaux et  peignit  avec  succès  des  fleurs  et  des  fruits. 

KALRAAT  (Barend  Van),  paysagiste  hollandais,  frère  du 
précédent,  né  à  Dordrecht  le  28  août  1650,  mort  en  1724. 
II  étudia  le  dessin  avec  son  frère  et  la  peinture  avec  Albert 
Cuyp,  qu'il  imita  d'abord.  Puis  il  vécut  sur  les  bords  du 
Rhin  et  travailla  avec  le  maître  paysagiste  du  Rhin,  Her- 
man  Saft-Leven  ;  il  peignit  là  la  plupart  de  ses  œuvres, 
des  paysages  avec  des  animaux.  La  galerie  Liechtenstein, 
à  Vienne,  a  de  lui  un  Paysage  de  montagne. 

KALSADl  (Aboul-Hassan  Ali  ben  Mohammed  A1-),  ma- 
thématicien de  Grenade,  mort  en  1477  ou  en  1486.  II  a 
composé  sur  le  Talkhys  (V.  ce  mot)  dlbn  Albannâ  un  com- 
njentaire  dont  Wœpecke  a  donné  un  court  extrait  (Journal 
asiatique^  1863).  Le  même  orientaliste  a  traduit  égale- 
ment [Atti  de'  nuovi  Lincei^  1859)  un  Traité  d'arith- 
métique d'Alkalsadi,  qui  comprend  quatre  livres,  sur  les 
nombres  entiers,  sur  les  fractions,  sur  l'extraction  des 
racines, sur  l'invention  des  inconnues.  On  y  trouve  quelques 
symboles  algébriques,  ce  qu^  est  une  exception  dans  les 
écrits  mathématiques  arabes  ;  des  procédés  d'approximation 
des  racines  qui  paraissent  originaux  ;  enfin,  on  y  voit  ma- 
nier des  algorilhmes  particuliers  pour  les  fractions;  ainsi  : 

5  13  14  5X3X4  5    3    4 

pour  ^ — ir—z-,  ou  encore  ^ — -= — ^  pour 


8|7|5 


8     7 


8X7X5' 

1  L  1 

ce  qui  correspond  à  nos  fractions  continues  ascendantes. 
Au  reste,  ces  algorithmes  particuliers,  que  connaissait  Léo- 
nard de  Pise,  sont  beaucoup  plus  anciens  qu'Aïkalsadi.  T. 

KALTBAD(V.  RiGi). 

KALUSZ.  Ville  de  Galicie,  chef-lieu  de  cercle;  8,000 
hab.  Cette  ville  était  le  siège  d'une  starostie.  Elle  possède 
des  sources  salines. 

KALW  ou  CALW,  Ville  du  Wurttemberg,  cercle  de  la 
Forêt-Noire,  sur  le  Nagold  ;  5,000  hab.  Cotonnades,  lai- 
nages, toiles  ;  commerce  actif.  Sur  un  pont,  chapelle  Saint- 
Nicolas,  bâtie  vers  1400  (restaurée).  —  Les  comtes  de  Kalw 
(éteints  en  1262),  étaient  une  des  principales  familles  de 
Souabe.  La  ville  fut  brûlée  par  J.  de  Werth  en  1634  e,t 
par  Mêlas  en  1692.  A  2  kil.  sont  les  ruines  de  l'abbaye  de 
Hirschau. 

KALWARYA.  Villede  la  Pologne  russe,  gouvernement  de 
Suwalki,  sur  la  Szezupa,  affluent  gauche  du  Niémen  î 


391  - 


KALWARYA  —  KAMENETS 


12,000  hab.,  aux  deux  tiers  juifs;  épingles,  toiles,  fla- 
nelles, cuirs,  chapeaux,  peignes. 

KALYAN  (V.  Calliân). 

KALYMNO.  Ile  de  l'Archipel  (Turquie  d'Asie)  entre 
Lero  et  Ko;  48,000  hab.  Sol  montagneux.  Le  sommet  le 
plus  élevé  a  686  m.  Le  littoral  est  très  découpé.  Les  terres 
basses  sont  fertiles,  mais  les  montagnes  absolument  arides. 
Ports  de  Kalymno,  Vathy,  Katzouni,  Linari.  Pèche  des 
éponges. 

KAM  A.  Rivière  de  Russie,  affluent  de  gauche  de  la  Volga 
(V.  Russie  et  Volga). 

KÂMâ.  Le  dieu  hindou  du  désir  :  première  manifestation 
de  l'être  dans  le  liig  Veda  (X,  129),  il  est  devenu  dans 
les  pourânas  le  dieu  de  l'amour  sensuel,  le  Manmatha,  le 
«  tourmenteur  »  des  âmes.  D'ordinaire  on  le  donne  comme 
fils  de  Lakchtmî  et  de  Vichnou.  Son  épouse  est  Ratî,  la 
déesse  de  la  volupté.  Une  légende  célèbre  le  fait  réduire  en 
cendres  par  un  regard  de  l'œil  frontal  de  Siva,  qu'il  cher- 
chait à  troubler  au  milieu  de  ses  austérités  :  de  là  lui  se- 
rait venu  son  nom  à'Ananga  (celui  qui  n'a  pas  de  corps). 
Jeune  et  beau,  il  est  le  seigneur  des  Apsaras  ou  nymphes 
célestes.  «  Armé  de  fleurs  »,  il  porte  un  arc  et  des  flèches 
fleuries.  Jeté  à  la  mer,  étant  enfant,  par  un  démon  ja- 
loux, il  fut  avalé  par  un  monstre  marin  (makara)  ;  c'est 
pour  cela  qu'il  porte  un  makara  comme  emblème  sur  sa 
bannière  rouge.  Sa  monture  est  un  perroquet.  Les  boud- 
dhistes l'identifient  souvent  avec  Màra,  leur  Satan  :  c'est 
ainsi  que  dans  une  fresque  d'Ajantâ  qui  représente  la 
«  Tentation  »  du  Bouddha,  on  aperçoit  Mâra,  jeune  et 
beau,  l'arc  à  la  main,  justement  sous  les  traits  que  nous 
venons  d'attribuer  à  Kâma.  Le  Kâma-dhâtou  ou  monde 
des  désirs,  l'un  des  trois  mondes  des  bouddhistes,  est  le 
monde  inférieur  sur  lequel  règne  Mâra.        A.  FoucnÉ. 

KAMACITE  (V.  Fer  météorique). 

KAMAKOURA.  Ville  maritime  du  Japon,  ken  de  Kana- 
gava,  prov.  de  Sagami,  sur  la  baie  do  ce  nom,  à  17  kil. 
S.  de  Yokohama  ;  6,500  hab.  Ce  fut  la  capitale  du  sho- 
goun Yoritomo  et  de  ses  successeurs  ;  en  1333,  elle  fut 
détruite  et  remplacée  par  Yeddo.  Les  ruines  de  ses  palais, 
de  ses  cent  temples,  de  ses  tombeaux  attestent  son  ancienne 
splendeur.  Au  N.  est  la  statue  colossale  de  Daïbouts,  grand 
bouddha  en  bronze  de  13  m.  de  haut. 

KAIVIALA.  Poudre  rouge  légère  fournie  par  l'enveloppe 
des  fruits  du  Mallotus  philippinensis  J.  MulL,  Rottlera 
tinctoria  Roxb.).  On  l'obtient  dans  l'Inde  en  secouant  ou 
râpant  ces  fruits,  et  elle  est  mélangée  de  morceaux  d'écorce 
et  de  feuilles.  Le  kamala  est  formé  essentiellement  de 
résine  et  de  rottlérine  (C'-^^H^^O^).  On  l'emploie  à  teindre 
la  soie  en  orange  foncé.  On  l'a  préconisé  comme  vermi- 
fuge, de  préférence  au  kousso  parce  qu'il  s'absorbe  plus 
aisément.  Le  ivaras  ou  faux  safran  des  Arabes  (poudre 
violet  foncé)  a  des  propriétés  analogues. 

KAMARAN.  Ilot  de  la  mer  Rouge  (V.  Camaran). 

KAMARYT  (Joseph- Vlastimil) ,  écrivain  tchèque,  né  à 
Velesin,  près  de  Budejovice,  en  1797,  mort  à  Tabor  en 
1833.  Il  se  consacra  à  la  carrière  ecclésiastique.  Il  publia 
des  Poésies  diverses  (Prague,  1822)  ;  un  recueil  de  Can- 
tiques populaires  (Prague,  1831-32,  2  vol.),  de  Para- 
boles en  vers  (Prague,  1834  ;  2^  éd.,  1845).  Très  lié  avec 
Celakovsky,  il  entretint  avec  lui  une  correspondance  fort 
intéressante  pour  l'histoire  de  la  renaissance  littéraire  et 
du  mouvement  slave  en  Bohême.  Elle  a  été  publiée  dans  la 
Correspondance  de  Celakovsky  (Sebranei Listy  ;  Prague, 
1865).  L.  L. 

KAMASSIN  ou  KAMÂTCHINZL  Peuplade  de  la  Sibérie 
méridionale,  parlant  un  dialecte  spécial  de  la  langue  turque 
orientale  et  faisant  partie,  avec  les  Koïbales,  les  Sagaïs,  les 
Beltires,  etc.,  du  groupe  des  «  Tatars  d'Abakan  ».Mais 
leur  habitat  n'est  pas,  comme  l'indiquerait  ce  dernier  nom, 
la  vallée  de  la  rivière  Abakan.  Ils  sont  disséminés  au  con- 
traire dans  les  régions  arrosées  par  les  affluents  de  droite 
du  léniséi,  le  Kan  et  la  Biia.  Leur  type  physique  rappelle 


les  léniséiens  et,  à  côté  du  dialecte  turc,  beaucoup  de  Ka- 
massins  parlaient  jusqu'à  ces  derniers  temps  une  langue 
d'origine  samoyède.  On  peut  les  regarder  comme  des  léni- 
séiens, peut-être  les  descendants  des  Arines  et  des  Kottes, 
turquisés  ou  russifiés.  Quelques  familles  kamassin  ont  em- 
brassé la  religion  gréco-russe  et  sont  devenus  agricul- 
teurs. Mais  la  plupart  sont  des  nomades  chasseurs  et  gar- 
dent leurs  croyances  chamanistes.  J.  Deniker. 

KAIVlBANGAN.Ile  de  la  côte  S.  de  Java,  près  de  Band- 
joumas  ;  20  kil.  de  long,  4  kil.  de  large.  De  formation  vol- 
canique, elle  possède  de  magnifiques  fleurs,  dont  le  Raffle- 
sia  qui  manque  à  Java,  et  un  rongeur,  Pteromys  elegans, 
qui  manque  aussi  à  la  grande  ile. 

KAMBL!  (Melchior),  fondeur  et  ciseleur  suisse,  né  à 
Zurich  en  1713,  mort  en  1787.  Successivement  menuisier, 
orfèvre  et  ornemaniste,  il  s'étaWità  Berlin  en  1745  et  entra 
au  service  du  roi  Frédéric  le  Grand,  qui  lui  fit  exécuter  les 
mosaïques  de  ses  châteaux.  Comme  orfèvre,  on  cite  de  lui 
des  pièces  en  argent  massif  envoyées  en  1762  au  sultan  de 
Constantinople  par  la  cour  de  Prusse.  Elles  passent  pour  ses 
chefs-d'œuvre. 

KAM B II  (Léonard-Guillaume),  écrivain  suisse,  né  à  Zu- 
rich le  25  janv.  1829.  Il  étudia  la  théologie  à  Zurich  et 
Berlin,  fut  consacré  en  1850,  et  exerça  le  ministère  pasto- 
ral à  Wetzikon,  Illnar,  Horgen  et  Saint-Gall  (1885).  Il  est 
un  des  chefs  du  libéralisme  protestant  et  un  de  ses  écrivains 
les  plus  distingués.  La  question  ouvrière  l'a  particulièrement 
préoccupé  et  il  a  été  un  des  initiateurs  de  la  loi  suisse 
sur  les  fabriques.  Les  Idées  sociales  du  christianisme, 
la  Propriété  et  l'Evangile,  la  Mission  des  femmes  dans 
les  luttes  sociales  et  religieuses;  Liberté  et  Piété  ;  le 
Christianisme  libéral,  tels  sont  les  titres  de  ses  écrits  les 
plus  connus. 

KAMECKE  (Otto-Werner-Henning  von),  peintre  alle- 
mand, né  à  Stolp  (Poméranie)  le  2  févr.  1829.  D'abord 
capitaine  au  service  de  Prusse,  il  alla  étudier  la  nature 
à  Rome  et  entra  à  l'Ecole  d'art  de  Weimar,  oti  il  eut  pour 
maîtres  Bœcklin,  Michaelis  et  Kalckreuth.  De  nouveaux 
voyages  en  Tirol,  en  Suisse  et  dans  l'Italie  du  Nord  ache- 
vèrent de  former  son  talent  de  paysagiste,  qui  s'affirma  dès 
lors  par  des  œuvres  aussi  remarquables  au  point  de  vue 
de  la  composition  que  du  coloris  :  Site  près  de  Berchtes- 
gaden,  le  Kœnigssee,  le  Lac  des  Quatre-Cantons,  le 
Wetterhorn,  Site  de  Thuringe,  la  Wengernalp,  Cam-' 
pagne  romaine.  Paysage  de  glacier,  Glacier  des  Bois., 
Du  Haut  du  Bernina-Pass,  VUrirothstock,  Site  du  lac 
de  Garde,  Route  du  Gothard*  Il  a  peint  et  gravé  aussi 
des  natures  mortes  pleines  de  caractère  et  de  sève. 

KAM  EH  AMENA  l^'-'V,  rois  des  îles  Sandwich  (V.  Sand- 
wich). 

Ordre  de  Kamehameha.  —  Créé  au  royaume  d'Havaï  le 
4  août  1865,  par  le  roi  Kamehameha  V;  il  le  destina  â 
récompenser  les  belles  actions 
et  tous  les  genres  de  mérite.  Les 
membres  sont  divisés  en  trois 
classes;  leur  nombre,  hmité, 
est  de  10  grands-croix,  30  com- 
mandeurs, 50  chevaliers.  Les 
étrangers,  en  nombre  illimité, 
peuvent  recevoir  l'ordre.  Ruban 
rouge  liséré  de  blanc  pour  les 
grands-croix;  formé  de  quatre 
raies  rouges  alternées  de  trois 
blanches  pour  les  commandeurs 
et  les  chevaliers. 

KAMENETS-PoDOLSK  ou 
KAMINIEC.  Ville  de  Russie, 
ch.-l.  du  gouvernement  de  Po- 
dolie,  dans  une  presqu'île  rocheuse,  enveloppée  par  le 
Smotrich,  affluent  gauche  du  Dniestr;  40,000  hab.,  dont 
moitié  de  juifs.  Cathédrale  du  xiv^  siècle.  A  côté  de  la  ville 
est  l'ancienne  forteresse  (démantelée  en  1813),  avec  ses 
murailles  et  ses  tours.  Evéchés  catholique  et  catholique- 


Ordre  de  Kamehameha. 


KAMENETS  -  KAMINISTIQUIA 


--  39^2 


grec.  Les  juifs  de  la  ville  font  la  contrebande.  Les  Armé- 
niens, jadis  nombreux,  ont  presque  disparu.  Détruite  en 
4240  par  les  Mongols  de  Batou,  elle  fut  occupée  par  les 
Turcs  de  d672  à  1699,  annexée  à  la  Russie  en  1795.  Le 
22  oct.  1633,  les  Polonais  y  vainquirent  les  Turcs;  le 
17  déc.  1653  y  fut  signé  un  traité  entre  la  Pologne  et  la 
Turquie. 

KAMENGRAD.  Ville  de  Bosnie,  cercle  deBihacs,  sur  la 
Sanna,  au  confluent  avec  la  Dubrava  ;  mines  de  fer  et  d'ar- 
gent ;  fonderies  de  fer,  usines  métallurgiques. 

KAMENICA.  Ville  de  Croatie,  sur  la  rive  droite  du  Da- 
nube, près  de  Petervarad  ;  4,000  hab.  (Serbes)  ;  château. 
KAM  ENKA.  Nom  de  plusieurs  rivières  de  Russie  ;  1<*  af- 
fluent du  Dniestr  ;  2°  affluent  droit  du  Dniepr  ;  3°  affluent 
gauche  de  la  Voltchia  (affluent  de  la  Samara  qui  tombe  dans 
le  Dniepr)  ;  4°  affluent  de  Tlngoul,  tributaire  du  Boug 
(affluent  du  Dniepr)  ;  5**  affluent  gauche  de  l'Aïdar,  tribu- 
taire du  Donetz  ;  6°  affluent  du  Sok  (tributaire  de  la  Volga). 
—  Sur  chacune  on  trouve  une  petite  ville  du  même  nom  ; 
citons  encore  deux  autres  villes  qui  le  portent  :  dans  le 
gouvernement  de  Kiev,  sur  le  Tiasmin,  5,000  hab., 
sucreries,  distillerie;  et  dans  le  gouvernement  delaketeri- 
noslav, surla  rive  gauche  du  Dniepr;  7,000  hab. 

KAMENSKY  (Fedor-Fedovitch),  sculpteur  russe,  né 
près  de  Saint-Pétersbourg  en  1838.  Il  entra,  en  1852,  à 
FAcadémie  des  beaux-arts  de  Saint-Pétersbourg  où  ses  pre- 
miers essais  le  firent  remarquer.  11  alla  se  perfectionner  à 
Fétranger  et  reçut  le  titre  d'artiste  académique.  Ses  œuvres 
sont  remarquables  par  Fintensité  de  la  vie  et  le  réalisme. 
On  signale  particulièrement  :  l(f.  Veuve  et  f  Enfant^  le 
Premier  Pas  (appartient  à  l'empereur  de  Russie),  une 
Tête  de  Vénus^  la  Jeune  Fille  aux  champignons^  etc. 

KA  M  ES  (Henri  Home,  lord) ,  écrivain  écossais,  né  à  Kames 
(Berwickshire)  en  1696,  mort  à  Edimbourg  le 27  déc.  1782. 
Entré  dans  le  barreau,  il  exerça  la  profession  d'avocat  à  Edim- 
bourg et  devint  par  la  suite  lord  du  suprême  tribunal 
d'Ecosse.  D'un  caractère  indépendant,  il  prit  une  part  ac- 
tive au  mouvement  philosophique  qui  passionnait  alors  tous 
les  esprits  élevés,  et,  par  la  renommée  et  le  respect  dont  il 
jouissait,  groupa  autour  de  lui  les  plus  grands  penseurs  de 
son  temps.  Son  œuvre  philosophique  est  considérable.  Je 
me  bornerai  à  citer  :  Essays  on  the  Principles  ofMora- 
lity  and  Natural  Religion  (4751),  où  il  nie  le  libre  ar- 
bitre dans  les  actions  humaines  et  admet  la  doctrine  de  la 
fatalité;  Introduction  to  the  art  of  Thinking  (1764). 
Dans  Eléments  of  criticism  (1762),  il  recommande  la 
psychologie  dans  les  œuvres  d'imagination,  système  suivi 
de  nos  jours  par  les  écrivains  dignes  de  ce  nom,  mais  il  ne 
fait  nulle  dilférence  entre  le  beau  et  Futile.  «  Ce  qui  est 
utile,  affirme-t-il,  est  toujours  beau,  et  ce  qui  est  beau  est 
naturellement  utile.  »  Dans  Fart  dramatique,  il  attaque, 
comme  Fa  fait  depuis  l'école  romantique,  la  règle  des  trois 
unités,  se  contentant  de  celle  d'action.  Lord  Kames,  on  le 
voit,  est  un  précurseur.  Outre  des  esquisses  sur  V Histoire 
de  l'homme,  sur  V Education^  sur  V Agronomie,  il  écrivit 
un  grand  nombre  d'ouvrages  de  jurisprudence.  H.  France. 
KAMI  (V.  Japon,  §  Religion). 
KAMICH I  (Ornith.). Les  Kamichis (Pakm^c^^a  L.)  sont 
des  oiseaux  de  forte  taille  et  de  formes  massives  qui  vivent 
au  Brésil,  à  la  Guyane  et  en  Colombie.  Avec  leur  petite  tête, 
leur  bec  court,  un  peu  crochu  et  recouvert  à  la  base  par  une 
membrane,  leur  corps  épais,  leurs  ailes  arrondies  et  leurs 
pattes  robustes,  ils  ressemblent  plutôt  aux  Gallinacés 
qu'aux  Echassiers  parmi  lesquels  on  les  rangeait  naguère, 
et  cependant  ils  offrent  dans  leur  organisation  intérieure 
certames  affinités  avec  les  Agamis,  les  Râles  et  les  Poules 
d'eau,  tout  en  se  distinguant  par  certaines  particularités 
qu'on  retrouve  aussi  chez  les  Chaunas(V.  ce  mot).  Aussi 
quelques  naturalistes  ont-ils  proposé  récemment  de  placer 
les  Kamichis  et  les  Chaunas  non  pas  seulement  dans  une 
famille  de  l'ordre  des  Echassiers  (Palamedeidœ),  mais 
dans  un  ordre  distinct. 


Kamichi  cornu. 


On  ne  connaît  qu'une  seule  espèce  de  Kamichi,  le  Ka- 
michi cornu  (Palamedea  cornuta  L.),  ainsi  nommé  parce 
qu'il  porte  sur  le  devant  de  la  tête,  en  arrière  du  bec,  un 
appendice  corné  qui  paraît  représenter  la  plaque  frontale 
des  Poules  d'eau  et  des  Poules  sultanes.  C'est  un  oiseau  de 
la  grosseur  d'un  Dindon,  mais  plus  haut  sur  pattes  et  re- 
vêtu,  à    l'âge 
adulte,  d'une  li- 
vrée grise,  tirant 
au  brun  noirâtre 
sur  la  poitrine, 
le  dos  et  la  queue, 
passant  au  blanc 
pur  sur  le  ven- 
tre et  rehaussée 
par  du  vert  mé- 
tallique sur  les 
couvertures  des 
ailes.  Les  plu- 
mes  de  la  tête 
et  du    cou  ont 
un    aspect    ve- 
louté, très  agréa- 
ble à  Fœil,  les 
pattes  sont  gri- 
ses,   les   yeux 
d'un  jaune  oran- 
gé, le  bec  bru- 
nâtre, et  la  corne  frontale  d'un  gris  blanchâtre.  A  leur  partie 
antérieure,  au  niveau  du  poignet,  les  ailes  sont  armées  d'un 
double  éperon  corné  constituant  une  arme  dangereuse  dont 
les  mâles  font  usage  dans  les  combats  qu'ils  se  livrent 
pendant  la  saison  des  amours.  En  d'autres  temps  les  Ka- 
michis sont  des  oiseaux  d'humeur  paisible,  qui  s'appri- 
voisent aisément  et  qui,  mis  dans  une  basse-cour  ou  dans 
une  volière  avec  d'autres  volatiles,  ne  cherchent  nullement 
à  les  inquiéter.  Ce  n'est  guère   qu'à  l'égard  des  chiens 
qu'ils  manifestent  des  dispositions  hostiles.  Ils  courent  ra- 
pidement et  volent  à  la  façon  des  Cathartes  ou  Urubus, 
Dans  leur  pays  natal  ils  se  trouvent  exclusivement  dans 
les  forêts  humides,  au  bord  des  cours  d'eau,  et,  d'après 
le  prince  de  Wied,  se  nourrissent  surtout  de  feuilles  et  de 
graines  de  plantes  aquatiques.  Ils  aiment  à  se  percher  sur 
les  arbres  élevés,  au  feuillage  touffu,  où  leur  présence  est 
révélée  par  un  cri  singulier  que  l'on  a  essayé  de  traduire 
par  les  syllabes  vi-hou  plusieurs  fois  répétées.     E.  Oust. 
BiBL.  :  G.-H.    Gray   et    Mitchell,    Gênera   of  Birds, 
1839-44,  t.  III,  pi.   IGO.  —  Brehm,  Vie  des  animaux,  éd. 
franc.,  Oiseaux,  par  Z.  Gerbe. 

KAM  !  CM  KIR.  Ville  de  Russie,  gouvernement  de  Saratov, 
sur  une  rivière  de  ce  nom  (affl.  g.  de  la  Kodada)  ;  5,000  hab. 
KAMI  EN  S  Kl  (Mathias),  compositeur  polonais,  né  à 
OEdenbourg  (Hongrie)  le  13  oct.  1734,  mort  à  Varsovie 
le  25  janv.  1821.  Après  avoir  été  attaché  pendant  plusieurs 
années  à  la  musique  d'un  seigneur  autrichien,  il  se  fixa  à 
Varsovie  comme  professeur  de  musique.  A  la  demande  du 
roi  Stanislas-Auguste,  qui  désirait  voir  se  fonder  une 
école  nationale  d'opéra,  Fabbé  Bohomolec  avait  écrit  un 
livret  en  langue  polonaise,  la  Misère  consolée.  Kamienski 
le  mit  en  musique,  et  il  fut  représenté  en  1778  à  Varsovie 
par  des  chanteurs  nationaux.  L'exemple  de  Kamienski  fut 
imité  par  d'autres  compositeurs,  et  lui-même  écrivit  dans 
les  années  suivantes  cinq  autre  opéras  polonais,  tous  joués 
à  Varsovie  avec  un  très  vif  succès.  Kamienski  a  composé 
en  outre  deux  opéras  allemands  non  représentés,  quelques 
messes  et  morceaux  religieux,  des  polonaises  pour  le  piano 
et  une  cantate  pour  l'inauguration  de  la  statue  de  Sobieski 
exécutée  dans  le  palais  de  Lazienski,  en  1792.  M.  Br. 
BiBL.:  SowiNSKi,  les  Musiciens  polonais,  pp.  289-292. 
KA  M I  ES  B  E  RG.  Mont  de  la  colonie  du  Cap,  sur  la  côte  0. , 
dans  le  pays  des  Namaquas  ;  son  plus  haut  pic  est  le  Wel- 
come  (1,564  m.),  au  N.  duquel  est  la  colonie  wesleyenne 
de  Kamiesberg  ou  Lilyfontein. 

KAMINISTIQUIA.  Bivière  du  Canada,  affluent  du  lac 


Supérieur  ;  elle  sort  du  lac  du  Chien  (500  kil.  q.),  ali- 
menté par  la  rivière  du  Chien,  se  précipite  par  six  cascades 
dans  le  Petit-Lac  du  Chien,  reçoit  la  Matawin  et  le  Pois- 
son-Blanc (White  Fish  river)  et  se  jette  dans  le  lac  par 
un  delta  bourbeux,  près  de  Fort  William,  après  un  cours 
de  110  kil.  Sa  vallée  est  suivie  par  le  chemin  de  fer  trans- 
continental canadien. 

KAMINSKl  (Jean-Népomucène),  écrivain  et  acteur  polo- 
nais, né  à  Kutkorz  (Galicie)  en  4777,  mort  à  Lwôw  (Lem- 
berg)  en  485o.  Il  créa  le  théâtre  polonais  de  Lwôw, 
écrivit  et  traduisit  environ  80  pièces.  Parmi  ses  pièces 
originales,  on  cite  :  Cracoviens  et  Montagnards,  les 
Hobereaux^  Twardowski^  les  Princes  de  Mawvie,  No- 
vembre, la  Grande  Inquisition.  On  lui  doit  aussi  des 
poésies  :  Sonnets  (Lwow,  4827)  ;  la  Galicienne  (id., 
4835).  Il  rédigea  la  Gazeta  Livowska, 

KAMMANE.  Ville  du  Soudan,  dans  le  Sokoto,  prov.  de 
Zanfara  ;  tissage  et  teinture  de  coton. 

KAMMAVÂTCHÂ  (on  dit  aussi  Kammouva).  Livre  pâli 
renfermant  le  formulaire  employé  pour  la  réception  des 
moines  bouddhistes  du  Sud  (Ceylan  et  Indo-Chine).  Les 
Birmans  ont  coutume  de  le  copier  sur  des  feuilles  de  palmier 
ou  des  lamelles  de  bois  (mesurant  de  0'^54  à  0'^\^>8  sur 
0"*40  à  0'^43)  couvertes  d'un  vernis,  en  grands  et  larges 
caractères,  qui  sont  une  variété  de  l'écriture  birmane  dite 
carrée,  tracés  avec  de  la  laque  sur  un  fond  doré  et  orne- 
menté. Ces  copies  de  luxe  sont  toujours  incomplètes  et  ne 
renferment  que  le  commencement  de  l'ouvrage.  On  en 
trouve  des  spécimens  dans  plusieurs  grandes  bibliothèques 
publiques,  comme  la  Bibliothèque  nationale  à  Paris,  le 
British  Muséum  à  Londres,  etc.  L.  Feer. 

BiBL.  :  Symes,  Embassy  to  Ava  (trad.  franc,  par  Cas- 
tera,  Paris,  1803).— Burnouf  et  Lassen,  Essai  sur  le  Pâli. 

KAMMECKER  (Martin),  érudit  et  bibliophile  suédois, 
né  dans  la  paroisse  de  Simtuna  en  4698,  mort  à  Visby 
en  4757.  En  4722  il  prit  le  grade  de  filosofie  magister 
et  fit  en  4724,  pour  compléter  ses  études  théologiques,  un 
voyage  à  travers  le  Danemark,  l'Allemagne,  la  France, 
l'Angleterre  et  la  Hollande.  A  son  retour,  en  d729,  il  fut 
appelé  comme  professeur  adjoint  à  l'université  d'Upsal  et 
fit,  sur  la  constitution  de  la  Suède,  un  cours  remarquable 
qui  attirait  de  nombreux  étrangers.  De  4734  à  1745,  il 
enseigna  principalement  la  théologie,  puis  fut  nommé  su- 
rintendant à  Gotland.  Sa  bibliothèque  considérable  avait 
contribué  à  étendre  sa  renommée. 

KAMMERSEE.  Lac  d'Autriche  (V.  Attersee). 

KAMMIN.  Ville  d'Allemagne  (V.  Cammin). 

KAMOLONDO.  Cours  d'eau  du  bassin  supérieur  du 
Congo,  formé  d'un  chapelet  de  lacs  qui  se  déversent  dans 
le  Loualaba,  vers  6«  lat.  S.  (V.  Congo). 

KAMOS  (V.  Chamos). 

KAMP.  Rivière  d'Autriche,  affluent  gauche  du  Danube; 
435  kil.  de  long.  Formée  par  la  jonction  de  la  Grande  et 
de  la  Petite-Kamp,  elle  arrose,  dans  la  Basse-Autriche, 
une  vallée  très  pittoresque. 

KAM PEU K  (François-Cyrille),  écrivain  tchèque,  né  à 
Sirenoven  4805.  Il  devint  médecin  et  publia  un  certain 
nombre  d'écrits  où  il  s'efforçait  d'établir  l'unité  linguistique 
du  tchèque  et  du  slovaque,  notamment  :  la  Beauté  de  la 
langue  tchèque-slovaque  (Prague,  4846)  ;  r Orthographe 
tchèque,  etc. 

KAMP  EN.  Ville  des  Pays-Bas,  prov.  d'Over-Yssel,  sur 
la  rive  gauche  de  FYssel;  20,000  hab.  Située  dans  une 
contrée  très  basse,  près  du  Zuyderzée,  elle  est  entourée  de 
fossés  et  de  jardins.  Son  port  fluvial  est  très  fréquenté  ; 
depuis  qu'on  a  amélioré  l'embouchure  del'Yssel,  qui  s'était 
ensablée,  il  a  repris  l'importance  qu'il  eut  au  temps  de  la 
Hanse,  à  laquelle  appartenait  Kampen.  Elle  a  de  beaux 
monuments  ;  vieilles  portes,  deux  églises  du  xiv®  siècle, 
hôtel  de  ville  de  style  Renaissance,  etc.  Elle  fut  prise  en 
1578  par  les  Hollandais  ;  en  4672  par  les  Français. 

KAMPEN  (Jacob  Van),  anabaptiste  hollandais,  né  à 
Ysselmonde  vers  4490,  mort  à  Amsterdam  en  4535.  Il 


393  -  KAMINISTIQUIA  ^  KAMTCHATKA 

s'attacha  à  la  fortune  de  Jean  de  Leyde  (V.  ce  nom)  et 
fut  nommé  par  le  prophète  évéque  d'Amsterdam.  Arrivé 
dans  cette  ville,  il  recruta  de  nombreux  prosélytes  dans  les 
classes  populaires,  mais  les  magistrats  le  firent  arrêter  et 
mettre  à  mort. 

BiBL.  :  De  Hoop-Scheffer,  Histoire  de  la  R(^ forme  dans 
les  Pays-Bas  du  Nord  jusqu'en  1531  (en  holl.)  :  Amster- 
dam, 1873,  2  vol.  in-8. 

KAMPEN  (Jacob  Van),  architecte  hollandais  (V.  Cam- 
pen). 

KAM  P EN  (Nicolas-Godefroid  Van),  historien  et  littérateur 
hollandais,  né  à  Haarlem  le  45  mai  4776,  mort  à  Leyde  le 
45  mars  4839.  Fils  d'un  jardinier,  il  exerça  d'abord  le  métier 
paternel,  devint  ensuite  commis  dans  une  librairie  et  acquit 
seul  une  instruction  étendue.  Il  entra  alors  à  la  rédaction 
du  Leidsche  Courant  et  fut  appelé  en  4815  à  occuper  à 
l'université  de  Leyde  la  chaire  des  langues  anglaise  et  alle- 
mande; il  enseigna  ensuite  à  Amsterdam  la  Uttérature 
néerlandaise  et  l'histoire  nationale.  En  même  temps,  il 
publiait  de  nombreux  ouvrages  d'histoire  et  de  littérature, 
où  il  faisait  preuve  d'une  vaste  érudition  et  d'un  amour 
sincère  de  la  vérité  ;  on  les  consulte  encore  utilement 
aujourd'hui.  En  voici  les  principaux  :  Histoire  de  la  litté- 
rature néerlandaise  (dans  le  t.  III  de  la  Literœrge- 
schichte  d'Eichhorn,  4812)  ;  Essai  sur  les  faits  prin- 
cipaux de  rhistoire  de  VEurope,  depuis  la  paix 
d'Amiens  jusqu'au  traité  de  Paris  (en  holl.;  Leyde, 
4844,  2  vol.  in-8)  ;  Histoire  de  la  domination  fran- 
çaise en  Europe  {id.,  Delft,  4815-23,  8  vol.  in-8); 
Description  géographique  et  mlitique  du  royaume  des 
Pays-Bas  (id.,  Haarlem,  4846,  in-8);  Histoire  des 
sciences  et  des  lettres  néerlaridaises,  depuis  les  ori- 
gines jusqu'au  xïx^  siècle  (id.,  La  Haye,  4821-26,  3  vol, 
in-8)  ;  Histoire  de  V influence  néerlandaise  hors  de 
l'Europe  (id.,  Haarlem,  4834-33,  3  vol.  in-8);  Histoire 
de  l'Europe  de  i8i5  à  i830  {id.,  4832,  in-8).    E.  H. 

BiBL.  :  MûLLER,  Biographie  de  N.-G.  Van  Kampen  ; 
Haarlem,  1840,  in-8. 

KAM  PERDU  IN.  Village  maritime  des  Pays-Bas,  prov. 
de  Hollande  septentrionale,  dans  les  dunes,  entre  Alkmar 
et  le  Helder  ;  en  face,  l'amiral  anglais  Duncan  défit  la 
flotte  franco-hollandaise  le  41  oct.  4797,  ce  qui  lui  valut 
le  titre  de  vicomte  de  Camper doivn, 

KAMPTZ  (Karl-Albert-Christoph-Heinrich  de),  homme 
d'Etat  prussien,  né  à  Schwerin  le  46  sept.  4769,  mort  à 
Berlin  le  3  nov.  4849.  H  commença  sa  carrière  à  la  chan- 
cellerie de  Mecklembourg-Strelitz  (4790),  passa  au  service 
de  la  Prusse  (4804)  ;  ifeut  à  partir  de  4842  la  direction 
de  la  police,  en  4824  celle  de  l'instruction  publique;  à 
partir  de  4830  et  officiellement  de  4832  jusqu'à  4842,  il 
fut  ministre  de  la  justice.  Ce  fut  un  travailleur  acharné, 
animé  de  l'esprit  réactionnaire  et  passionné  pour  la  com- 
pression du  libéralisme  dans  les  universités.  On  peut  citer 
son  Kodex  der  Gendarmerie  (Berlin,  4845),  plusieurs 
ouvrages  sur  la  législation  mecklembourgeoise,  ses  Jahr- 
bilcher  fur  die  preussische  Gesetzebung  (1844-40, 
54  vol.)  ;  Annalen  der  preussischen  innern  Staatswer- 
ivaltung  (4847-39,  23  vol.)  ;  Die  Provinxdal und Staais- 
rechtein  der  preussischen  Monarchie  (4826-28,3  vol.). 

KAMTCHADALES  (V.  Kamtchatka). 

KAMTCHATKA.  Presqu'île  de  Sibérie,  dans  la  province 
du  littoral  (Primorskaïa),  située  entre  la  mer  de  Behring 
et  celle  d'Okhotsk.  Sa  superficie,  270,500  kil.  q.,  égale 
presque  celle  de  la  moitié  de  la  France  ;  mais  sur  ce  vaste 
espace  on  ne  trouve  que  6,509  hab. 

C'est  un  pays  montagneux.  La  vaste  vallée  longitudi- 
nale du  fleuve  Kamtchatka,  prolongée  au  N.  par  celle  de 
son  affluent  la  Yélovka,  communiquant  au  S.  par  un  seuil 
peu  élevé  (400  m.)  avec  la  vallée  de  la  Bystraya,  coupe 
la  presqu'île  en  deux  portions  montagneuses.  A  i'O.,  c'est 
la  chaîne  dite  principale,  formée  de  roches  cristallines 
avec  quelques  volcans  éteints  ;  à  l'E.,  au  contraire,  c'est  un 
chapelet  de  volcans,  pour  la  plupart  actifs,  qui  suit  la  cour- 
bure des  côtes.  Ces  volcans  sont  le  prolongement  de  la 


KAMTCHATKA  —  KANAGAVA 


39  î 


chaîne  insulaire  des  Kouriles.  Le  plus  élevé,  appelé  Kliout- 
chevskaya  Sopka^  dépasse  4,800  m.  de  hauteur,  c.-à-d. 
est  presque  aussi  élevé  que  le  mont  Blanc.  Fréquemment, 
il  vomit  de  la  lave  ;  la  plus  terrible  éruption  eut  lieu  en  1 848. 
Parmi  les  autres  volcans  actifs,  le  Ckevilioutch  est  un  des 
plus  actifs.  La  chaîne  principale  ou  occidentale  ne  contient 
que  quelques  volcans  éteints;  elle  est  formée  de  schistes, 
de  granité  et  de  lignite  dans  le  Sud,  de  grès  tertiaires  (mio- 
cène) et  de  roches  éruptives  dans  le  Nord.  La  limite  entre 
ces  deux  formations  est  marquée  par  le  yolcau  Itchinskaya 
Sopka,  point  culminant  de  toute  la  péninsule  (5,160  m. 
d'alt.  d'après  Erman),  Les  rivières  sont  nombreuses;  leur 
volume  s'accroît  démesurément  au  printemps,  mais  en  été 
plusieurs  sont  presque  à  sec.  Toutes  sont  très  poissonneuses. 
Outre  celles  que  nous  avons  déjà  mentionnées,  il  faut  noter 
VApatcha.  Il  y  a  plusieurs  sources  chaudes  dans  le  pays. 

La  côte  orientale  est  très  découpée  ;  on  y  trouve  plu- 
sieurs baies  et  havres  naturels,  parmi  lesquels  la  baie  de 
l'Avatcha  ne  le  cède  en  rien  à  Rio  de  Janeiro  et  à  San 
Francisco  par  la  beauté  de  son  site  ;  son  havre,  au  fond  du- 
quel se  trouve  Petropavlovsk,  chef-lieu  du  pays,  pourrait 
abriter  la  flotte  russe  entière.  La  côte  0.  est  plutôt  plate 
et  uniforme.  Le  chmat  du  pays  est  moins  rude  que  celui  de 
la  Sibérie  orientale;  en  hiver,  la  température  moyenne  est 
de  —  45<*  et  s'abaisse  rarement  jusqu'à  —  &  ou  35°  ; 
en  été,  le  thermomètre  marque  12^  en  moyenne  et  monte 
parfois  jusqu'à  22^.  L'hiver  est  long  et  le  sol  est  souvent 
couvert  de  neige,  depuis  la  fin  de  septembre  jusqu'au  com- 
mencement de  juin. 

Le  Kamtchatka  est  un  pays  de  forêts  ;  le  bouleau  {Betula 
Ermani)  et  l'aune  sont  les  espèces  prédominantes  ;  les 
essences  résineuses  sont  plus  rares.  Ces  forêts  alternent 
avec  des  broussailles  formées  par  la  Filipendula  Kam- 
tchatka^ où  le  voyageur  rencontre  des  myriades  de  mou- 
cherons. La  plante  caractéristique  de  la  côte  0.  est  l'an- 
gélique.  Le  monde  animal  qui  fournit  ici  la  nourriture 
principale  à  l'homme  est  bien  représenté  :  les  moutons  (Oî'25 
Argalï)^  les  rennes,  les  martres,  les  renards  remplissent 
les  forêts.  Ces  animaux  deviennent  de  plus  en  plus  rares 
et  aujourd'hui  on  ne  chasse  plus  dans  le  pays  que  les  lem- 
mingues,  les  lièvres  et  les  ours;  ces  derniers  sont  particu- 
lièrement nombreux.  Les  chiens  de  mer,  les  otaries,  les 
baleines  se  montrent  au  voisinage  des  côtes.  Les  rivières 
abondent  en  poissons  (surtout  du  genre  Salmo)  ;  les  rep- 
tiles ne  sont  guère  représentés  au  Kamtchatka. 

Au  point  de  vue  administratif,  le  Kamtchatka  constitue 
jusqu'au  59^  30'  de  lat.  N.  «  le  district  de  Petropavlovsk  », 
gouverné  par  un  fonctionnaire  (Ispravnik),  qui  réside  à 
Petropavlovsk,  unique  ville  de  la  région,  si  l'on  peut  don- 
ner le  nom  de  «  ville  »  à  une  agglomération  de  66  mai- 
sons, et  dont  la  population  s'élève  à  peine  à  350  hab. 

La  population  du  district  et  par  conséquent  de  toute 
la  péninsule  s'élevait  en  4885  à  6,509  individus,  dont 
2,269  Russes,  3,559  Kamtchadales,  405  Koriaks,  271  Toun- 
gouz-Lamoutes  et  65  Aléoutes.  Les  Russes  et  les  Kam- 
tchadales sont  sédentaires,  le  reste  de  la  population  est 
nomade.  Les  Russes  habitent  la  ville  de  Petropavlovsk, 
ses  quatre  faubourgs  et  une  dizaine  de  villages,  répartis  le 
long  des  principaux  cours  d'eau  ;  les  Kamtchadales  vivent 
dans  quarante-sept  villages,  surtout  sur  la  côteE.  Les  La- 
moutes  et  les  Koriaks  nomadisent  en  été  dans  les  monta- 
gnes de  la  partie  septentrionale  de  la  presqu'île  et  ne  des- 
cendent vers  les  côtes  qu'en  été.  Les  Aléoutes  sont  groupés 
aux  environs  du  cap  hime  {Jeltyi  Mys),  près  de  l'extré- 
mité méridionale  du  Kamtchatka.  Il  y  2i  aussi  quelques 
Kouriles  au  cap  Lopatka.  La  population  indigène  a  diminué 
en  nombre  ;  du  moins,  c'est  ce  qui  ressort  delà  comparaison 
du  recensement  de  1879  et  de  celui  de  1885  :  la  diminution 
annuelle  moyenne  est  de  0,2  <^/o.  D'autre  part,  en  1771, 
on  comptait  8,200  indigènes  au  Kamtchatka,  tandis  qu'au- 
jourd'hui ils  ne  sont  plus  que  4,235;  la  diminution  an- 
nuelle ressort  à  0,3  °lo. 

Les  Kamtchadales,  dont  le  type  rappelle  la  race  mongole, 


sont  plus  ou  moins  russifiés  aujourd'hui.  Ils  s'habillent  à 
la  russe,  construisent  leurs  «  izba  »  à  la  manière  des  pay- 
sans russes,  etc.  Ils  ont  aussi  complètement  abandonné 
leur  langue  primitive,  que  l'on  ne  peut  rattacher  à  aucune 
des  familles  linguistiques  actuellement  connues,  et  parlent 
un  russe  fort  corrrompu  ;  comme,  d'autre  part,  les  colons 
russes  n'hésitent  point  à  estropier  leur  idiome  slave  pour 
se  faire  comprendre  des  indigènes,  il  en  résulte  qu'au  Kam- 
tchatka on  entend  un  parler  tout  à  fait  spécial  dans  lequel 
on  aurait  de  la  peine  à  découvrir  des  analogies  avec  le  russe 
littéraire.  Cependant  il  existe  dans  le  pays  5  écoles  primaires 
comptant  en  tout  une  centaine  d'élèves.  Tous  les  Kamtcha- 
dales appartiennent  nominalement  à  la  religion  grecque  or- 
thodoxe, mais,  au  fond,  ils  restent  chamanistes  comme  ils 
l'étaient  avant  la  conquête  russe.  Ils  croient  encore  aux 
esprits  dont  le  Koutka  est  le  principal,  et  racontent  volon- 
tiers les  vieilles  légendes  se  rapportant  à  la  création  du 
monde  à  leurs  ancêtres,  etc.  La  plupart  de  ces  légendes 
portent  le  même  caractère  obscène  que  l'on  remarquait  ja- 
dis aussi  dans  les  danses  et  les  chants  des  Kamtchadales. 
La  plupart  des  habitants  du  Kamtchatka  vivent  de  la  chasse 
et  de  la  pêche  ;  aussi  la  nourriture  principale  est-elle  d'ori- 
gine animale  :  poisson,  phoque  et  différent  gibier,  surtout 
l'ours;  mais  les  animaux  deviennent  de  plus  en  plus  rares 
et  les  habitants  ne  font  aucun  effort  pour  s'occuper  d'agri- 
culture. Il  est  vrai  aussi  que  le  climat,  tout  en  n'étant  pas 
trop  rigoureux,  n'est  pas  cependant  propice  à  la  culture 
des  céréales.  Ce  qui  réussit  le  mieux,  c'est  l'avoine  et  le 
chanvre  ;  ce  dernier  tend  à  remplacer  l'ortie,  employée  en- 
core généralement  pour  fabriquer  les  filets  de  pèche. 

Les  aventuriers  russes  ont  découvert  le  Kamtchatka  vers 
1648,  mais  ce  n'est  qu'en  1697  que  le  cosaque  Atlassov 
reconnut  et  soumit  le  pays.  Le  Kamtchatka  fut  définitivement 
incorporé  à  l'empire  des  tsars  en  1706.  La  première  explo- 
ration de  la  péninsule  fut  faite  par  Kracheninnikov  et  Stel- 
1er  (1736-70)  et  la  relation  de  leur  voyage  peut  être  con- 
sultée avec  fruit  encore  aujourd'hui.  Après  la  fermeture 
du  port  de  Petropovlovsk  (en  1856),  le  Kamtchatka  a  perdu 
le  peu  d'importance  qu'il  avait  et  aujourd'hui  c'est  peut-être 
l'un  des  coins  les  plus  oubliés  du  globe.       J.  Deniker. 

BiBL.  :  Kracheninnikov,  Description  du  Kamtchatka^ 
trad.  du  russe;  Paris,  1767,  2  vol.  in-12.  —  E.  de  Lesseps, 
Journal  duvov^gc  du  Kamtchatka  en  France  ;  Paris,  1790, 
2  voI.in-8.  —  K.-V.  Dittmar,  Reisen  und  Aufenthalt  in 
Kamtschatka  in  denJahren  1851-55;  Saint-Pétersbourg, 
1890,  t.  I,  in-8.  —  Guillemart,  The  Cruise  of  the  «  Mar- 
chesa  »  to  Kamtshaika^  etc.  ;  Londres,  1886,  in-8.  —  Res- 
siNE,  les  Indigènes  du  littoral  russe  du  Pacificiue,  dans 
Bulletin  de  la  Société  russe  de  géographie  ;  Saint-Péters- 
bourg, 1888,  p.  121. 

KAMTCHIK.  Fleuve  de  Bulgarie  (l'ancien  Panysos), 
formé  par  l'union  de  la  Deli-Karatchik  (Kamtchik  sauvage) 
et  de  l'Akili-Kamtchik  (Kamtchik  douce),  qui  descendent 
la  première  du  S.,  la  seconde  du  N.  du  Balkan  ;  il  finit  au 
S.  de  Varna. 

KAMYCH  (Baie).  Baie  de  la  pointe  du  S.-O.  de  la 
Crimée  où  s'abrita  la  flotte  française  durant  le  siège  de 
Sébastopol  ;  elle  a  3,200  m.  de  long,  850  m.  de  large  à 
l'entrée  et  21  m.  de  profondeur. 

KAIVIYCHIN  ou  KAMOUICHIN.  Ville  de  Russie,  gouver- 
nement de  Saratov,  ch.-l.  de  cercle,  au  confluent  de  la 
Kamychenka  et  de  la  Volga  ;  14,000  hab.  Commerce  de 
blé  et  de  sel.  Le  cercle  de  Kamychin  est  très  fertile  ;  il 
mesure  11,223  kil.  q.  et  compte  220,000  hab.,  dont 
80,000  Allemands,  descendants  d'une  cinquantaine  de  co- 
lonies établies  à  la  fin  du  xviii®  siècle. 

K AN.  Mesure  hollandaise  de  liquides  qui  équivaut  au 
litre. 

KAN.  Rivière  de  Sibérie,  affluent  droit  du  léniséi,  gou- 
vernement de  léniséisk  ;  530  kil.  de  long  ;  elle  est  navi- 
gable. 

KAN  A.  Système  d'écriture  usité  au  Japon  (V.  ce  mot, 
t.  XXI,  p.  38). 

KANAGAVA.  Ville  maritime  du  Japon,  ch.~L  de  ken, 
sur  la  côte  S.-E.  de  Nippon;  11,000  hab.  C'est  là  que  fut 


39o 


KANAGAVA  -.  KANEM 


signé  entre  le  commodore  Perry  et  le  taïkonn  le  traité  du 
34  mars  4854  qui  ouvrit  le  Japon  aux  Européens.  En 
4838,  ce  fut  un  port  ouvert  aux  Européens  ;  bientôt  on  y 
substitua  Yokohama,  qui  est  de  Fautre  côté  de  la  même 
baie. 

KANA-HARA.  Colonie  japonaise  de  Corée,  à  côté  du 
port  de  Fousan  ;  fondée  en  vertu  du  traité  du  26  févr. 
4876,  elle  est  très  prospère  et  fait  un  commerce  actif  avec 
Nagasaki;  exportation  de  riz,  importation  d'objets  fabri- 
qués. 

KANAKAMOUNI  (le  Solitaire  dV),  deuxième  Bouddha 
du  Bhadra-Kalpa.  Sa  résidence  ordinaire  était  SobhavatI 
où  régnait  le  roi  Sobha,  son  protecteur.  De  son  temps,  la 
vie  avait  une  durée  de  30,000  ans  ;  la  durée  de  sa  période 
fut  de  40,000  ans.  Il  succéda  à  Krakoutchanda  et  céda  la 
place  à  Kâsyapa. 

BiBL.  :  CsoMA  de  Kôros,  Analyse  du  Kandjour. —  Abel 
Rèmusat,  Foe  Koue  ki.  —  Spence  Hardy,  A  Manual  of 
Budhîsm. 

KANAKS  (V.  Can\ûues). 

KANARA  (V.  Drayidiennes  [Langues]). 

KANARIS  (Constantin)  (V.  Canaris). 

KANAVAT.  Localité  de  Syrie,  dans  le  Haouran,  oii  sont 
d'importantes  ruines  romaines. 

KANAVELIG  (Pierre,  en  italien  Canavelli)^  poètecroate, 
né  dans  Tîle  de  Korcula  au  xvii®  siècle,  mort  au  commen- 
cement du  xviii®.  Il  vécut  à  Raguse  et  y  devint  sénateur. 
Il  a  écrit  des  poésies  lyriques  et  satiriques,  des  épopées 
sur  la  Vie  de  saint  Juan  Ursin^  évêque  de  Trogir  (Trau), 
sur  la  Délivrance  de  Vienne^  un  drame  sur  la  Passion. 
Ces  œuvres  sont  restées  inédites,  sauf  le  poème  sur  Saint 
Jmti,  publié  à  Osiek  (Essek)  en  4848,  et  un  poème  sur  le 
Tremblement  de  terre  de  Raguse  y  qui  a  eu  plusieurs  édi- 
tions. L.  L. 

KANAWHA.  Rivière  des  Etats-Unis,  affluent  gauche  de 
rOhio.  Elle  est  forinée  par  le  New  river  et  le  Greenbrier^ 
qui  viennent  de  points  diamétralement  opposés  et  adopte 
une  direction  perpendiculaire  à  celle  de  ces  deux  rivières. 
On  admet  que  la  branche  mère  est  la  New  river,  née  dans 
les  Iron  mountains  de  la  Caroline  du  Nord  ;  elle  passe  en 
Virginie,  franchissant  les  chaînons  parallèles  des  AUe- 
ghannys  par  une  étroite  vallée  où  se  succèdent  les  cascades, 
les  rapides,  et  mène  un  canon  de  îoO  kil.  de  long,  4,000  m. 
de  large  et  400  à  500  m.  de  haut,  au  bout'duquel  elle 
s'unit  au  Greenbrier.  Le  Kanawha  et  le  New  river  parcou- 
rent un  bassin  houiller  magnifique  (V.  Etats-Unis).  Le 
Kanawha  mesure  (à  partir  de  la  source  du  New  river) 
650  kil.  dont  450  sont  navigables.  Son  bassin  n'a  que 
20,000  kil.  q.  —  On  lui  donne  le  nom  de  Grande  Ka- 
nawha pour  la  distinguer  de  la  Petite  Kanawha^  autre 
affluent  gauche  de  l'Ohio,  qui  naît  à  l'O.  des  Alleghannys, 
parcourt  î280  kil.  dans  des  gorges  étroites  au  milieu  du 
bassin  houiller.  A.-M.B. 

KANAZAWA.  Ville  du  Japon,  ch.-l.  du  ken  d'Isikava,  au 
centre  de  Nippon,  dans  la  prov.  de  Kaga,  entre  le  Sai- 
gawa  et  l'Asano-gawa,  à  8  kil.  de  la  mer  ;  93,534  hab. 
Célèbres  bronzes  ciselés,  porcelaines  peintes  et  soieries. 

KAN  DAH AR.  Ville  d'Afghanistan,  par  34^  37'  de  lat.  N. 
et  63^  8'  de  long.  E.,au  milieu  d'un  pays  très  fertile,  ar- 
rosé par  le  Tarnaq  et  l'Erghand  Ab;  50,000  hab.  Elle 
présente  l'aspect  d'un  parallélogramme,  et  ses  maisons  de 
briques  rouges,  aux  toits  en  terrasse  et  surmontés  de  dômes, 
sont  distribuées  en  quatre  grandes  artères  qui  se  partagent 
au  centre,  où  sont  quatre  superbes  bazars.  Munie  d'un 
rempart  en  terre  garni  de  tours  et  d'un  fossé,  la  ville  oc- 
cupe une  forte  position  stratégique  à  l'entrée  de  toutes  les 
routes  qui  pénètrent  dans  le  Pendjab  et  le  Sind.  Elle  fut 
fondée  par  Ahmed  Chah  (dont  on  peut  voir  le  tombeau)  en 
4  747  à  côté  de  deux  villes  dont  l'une,  élevée  par  Hosein 
Chah,  occupait  sans  doute  l'emplacementd'Alexandria,  bâtie 
par  Alexandre  en  330  av.  J.-C,  et  l'autre,  Nâdirabâd, 
était  l'œuvre  de  Nôdir  Chah.  Les  Anglais  ont  occupé  Kan- 


dahar  de  4839  à  4842,  et  en  4878 .  Capitale  de  la  province 
de  Kandahar,  elle  relève  de  l'émir  de  Caboul.   Arthur  Guy. 

KANDALAKCHA.  Golfe  de  la  mer  Blanche  (V.  ce  mot). 

KANDAVOU.  Une  des  îles  Viti  ou  Fidji;  535  kil.  q. 
(V.  Vm). 

KANDECH.  District  de  Tlnda  anglaise,  présidence  de 
Bombay,  au  S.  des  monts  Satpoura,  entre  le  Berar  à  l'E. 
et  le  Guzerate  à  l'O.,  dans  la  vallée  moyenne  de  la  Tapti  ; 
26,  319  kil.  q.,  4,300,000  hab.  environ  ;  ch-l.  Dhoulian. 
La  plaine,  bien  cultivée,  est  habitée  par  les  Mahrattes,  les 
forêts  de  la  montagne  par  les  Bhils  et  d'autres  demi-sau- 
vages. Le  Kandech  forma  un  royaume  indépendant  conquis 
par  les  Mongols. 

KANDELIA  (Kandelia  W^.  et  Arn.)  (Bot.).  Genre  de 
Rhizophoracées,  très  voisin  des  Rhizophora  (V.  ce  mot). 
Les  fleurs  sont  5,  6-mères,  les  étamines  en  nombre  indéfini, 
l'ovaire  6-ovulé.  On  rencontre  dans  l'Inde  orientale  le  K. 
Rheedii  W.  et  Arn.  (Rhizophora  Kayidel  L.),  petit  arbre 
à  feuilles  opposées  et  à  cymes  axillaires  paueiflores. 

KANDER.  Rivière  de  Suisse,  cant.  de  Berne.  Elle  sort 
d'un  glacier  des  Alpes  bernoises,  traverse  les  vallées  de 
Gasteren  et  de  Frutigen,  et  se  jette  dans  le  lac  de  Thoune. 
Elle  formait  précédemment  un  affluent  de  FAar  au-dessous 
de  la  ville  de  Thoune.  Mais  comme  elle  l'encombrait  des 
dépôts  qu'elle  amène  des  Alpes  et  causait  de  grandes  inon- 
dations, on  la  dirigea  dans  le  lac  au  moyen  d'une  galerie 
artificielle. 

KANDERSTEG.  Hameau  de  Suisse,  cant.  de  Berne,  sur  la 
rive  droite  de  la  Kander  ;  là  commence  le  passage  de  1^ 
Gemmi  (V.  ce  mol). 

KANOY.  Poids  usité  dan?  l'Inde  anglaise;  il  vaut  à  Pon- 
dichéry  234^^963  ;  à  Ceylan,  il  ne  pèse  que  S^ô'^sS  ou 
237^^82,  On  le  divise  en  20  maunds  ou  tolam.  Comme  me- 
sure de  grains  à  Bombay,  il  ne  vaut  que  462'^âo68. 

KANDY.  Ville  de  l'île  de  Ceylan,  au  bord  d'un  petit  lac, 
à  4i6  m.  d'alt.,  reliée  par  un  chemin  de  fer  à  Colombo 
(à  445  kil.  au  S.-O.).  Quartier  européen.  Célèbre  temple 
où  l'on  gardait  la  dent  du  Bouddha,  détruite  par  les  Por- 
tugais; ancien  palais  des  rois  cinghalais  ;  à  6  kil.,  jardin 
botanique  de  Peradénia.  Fondée  vers  le  xiv^  siècle,  Kandy 
devint  la  capitale  de  File  en  4592.  Les  Portugais  la  pri-» 
rent  en  4796,  mais  la  reperdirent  neuf  mois  après.  Les 
Anglais  s'en  emparèrent  le  20  févr.  4803,  en  furent 
chassés  le  23  juin  et  n'en  furent  maîtres  que  le  49  févr. 
4845,  après  la  capture  du  roi. 

KANE  (Elisha-Kent),  explorateur  américain,  né  à  Phila- 
delphie le  3  févr.  4  820,  mort  à  La  Havane  le  4  6  févr.  4  857 . 
Après  avoir  fait  des  études  d'ingénieur,  il  s'occupa  de  mé- 
decine et  en  4840  fut  nommé  à  Fhôpital  de  Philadelphie. 
En  4843,  il  devint  médecin  de  la  frégate  Brandywine  et 
visita  l'Inde,  Bornéo,  Sumatra,  les  Phihppines,  etc.  En 
48i6,  il  fit  un  voyage  sur  les  côtes  N.  et  0.  d'Afrique  et 
visita  le  Dahomey.  En  4850-52,  il  accompagna  comme 
médecin  l'expédition  au  pôle  Nord  organisée  à  la  recherche 
de  Franklin.  Une  seconde  expédition  au  pôle  sur  le  navire 
VAdvanee  partit  de  New  York  le  30  mai  4853,  et  après 
un  long  et  dangereux  voyage  revint  à  New  York  en  oct. 
1855.  Kane  pubha  le  récit  de  ces  deux  expéditions  dans 
Narrative  of  the  Expédition  in  Search  of  Sir  John 
Franklin  (4854)  et  Second  Grinnell  Expédition  in 
Search  of  Sir  John  Franklin  (4856).  Ces  voyages  si 
pénibles  avaient  complètement  ruiné  sa  santé  et  il  n'y  sur- 
vécut que  peu  de  temps.  Ph.  B. 

BiBL.:  Elder,  Life  of  D^  Elisha-Kent  Kane;  Philadel- 
phie, 1857. 

KÂN  EM,  Pays  du  Soudan  centrai,  au  N.  et  au  N.-E.  du 
lac  Tchad;  70  à  80,000  kil.  q.;  400,000  hab.  Au  N.-E., 
c'est  une  plaine  sablonneuse  dont  les  fonds  sont  revêtus  de 
bois  épais  ;  au  S.-E.  s'étendent  des  vallées  très  fertiles. 
La  capitale  est  Mao.  Le  Kânem,  qui  dépend  aujourd'hui  du 
Bornon  (V.  ce  mot)  eut  jadis  une  grande  importance  poli- 
tique. Ses  sultans,  propagateurs  de  l'islamisme,  à  partir  du 
jci®  siècle,  étendirent  leur  domination  jusq.u*au  Fezzan  et  h 


KANEM  —  KANG-Hl 


—  396 


la  Nubie.  Au  xiv®  siècle,  le  Bornou  s'affranchit,  et  au  xvi® 
il  subordonna  le  Kânem  que  lui  disputa  le  Ouadaï. 
Bibl:  Nachtigal,  Sahara,  et  Soudan;  Paris,  1881. 
KANER  (V.  Canner). 

KANEV.  Ville  de  Russie,  gouvernement  de  Kiev,  ch.-l. 
de  district,  sur  la  rive  droite  du  Dniepr,  au  confluent  de  la 
Kanevka  ;  9,000  hab.  Elle  a  joué  un  grand  rôle  dans 
rhistoire  des  Cosaques.  Le  cercle,  qui  enferme  de  vastes 
sucreries  et  distilleries,  fournit  beaucoup  de  bois  de  cons- 
truction ;  il  a  3,020  kil.  q. 

KANGERTHIALUSTOK  ou  GEORGE.  Fleuve  du  La- 
brador (V.  ce  mot),  long  de  580  kil.,  qui  se  jette  dans 
la  baie  du  Sud  ou  d'Oungava  (mer  d'Hudson). 

KANG-Hl,  le  second  des  empereurs  de  la  dynastie 
mandchoue  Tsing  actuellement  régnante  en  Chine.  Kang- 
hi  signifie  «  inaltérable  prospérité  »  et  n'est  proprement 
que  le  nom  de  la  période  d'années  (1662-1722)  pendant 
laquelle  régna  ce  souverain  dont  le  nom  de  temple  {miao- 
hao)  est  Cheng-tsou  (le  saint  aïeul)  et  dont  le  nom  pos- 
thume (che-hao)  est  Jen-hoang-ti  (l'excellent  empereur); 
mais  les  Européens  ont  pris  l'habitude  de  désigner  ce 
prince  lui-même  par  le  nom  de  Kang-hi;  la  même  re- 
marque s'applique  à  tous  les  empereurs  de  la  dynastie 
Tsing  qu'on  appelle  communément  du  nom  des  années  où 
ils  occupèrent  le  trône  (V.  Kien-long,  Kia-king,  etc.). 
Le  père  de  Kang-hi,  Choen-tche,  est  le  premier  conqué- 
rant mandchou  qui  ait  pu  pénétrer  àPéking(1644);  aussi, 
bien  que  ses  prédécesseurs  soient  les  vrais  auteurs  de  son 
élévation  et  qu'ils  aient  été  considérés  comme  des  empe- 
reurs après  leur  mort,  il  est  légitime  de  s'arrêter  à  lui 
comme  au  chef  de  la  dynastie,  et  de  tenir  par  conséquent 
Kang-hi  pour  le  second  des  empereurs  Tsing  (et  non  le 
huitième,  ainsi  que  le  disent  les  hstes  chinoises). 

A  son  avènement,  Kang-hi  n'avait  que  huit  ans;  le 
pouvoir  fut  donc  remis  à  quatre  régents  qui  gouvernèrent 
en  son  nom.  Un  de  leurs  premiers  actes  fut  d'expulser  les 
eunuques  dont  l'autorité  était  devenue  trop  grande  au  pa- 
lais. Dès  l'âge  de  treize  ans,  le  jeune  empereur  profita  de 
la  mort  de  Soei,  le  plus  âgé  des  régents,  pour  prendre  en 
main  les  rênes  du  gouvernement;  afin  de  bien  montrer 
qu'il  entendait  être  dorénavant  maître  absolu,  il  fit  peu 
après  mettre  en  accusation  un  des  régents  qui  s'était  rendu 
coupable  de  quelques  abus  et  le  condamna  à  mort  lui  et 
huit  de  ses  fils.  Au  moment  où  Kang-hi  fut  investi  du  pou- 
voir suprême,  la  Chine  tout  entière  lui  était  soumise  en  appa- 
rence ;  mais,  dans  les  provinces  du  Sud,  l'obéissance  n'était 
que  nominale.  En  effet,  pour  récompenser  les  services  de  trois 
généraux  chinois  qui  avaient  favorisé  leur  triomphe,  les 
Mandchous  leur  avaient  laissé  prendre  une  situation  presque 
indépendante  :  Keng  Ki-meou  était  roi  du  Fou-kien; 
Chang  Ko-hi,  avec  le  titre  de  prince  pacificateur  du  Sud, 
résidait  à  Canton  ;  enfin  le  plus  puissant  de  tous.  Ou  San- 
koei,  surnommé  le  prince  pacificateur  de  l'Ouest,  résidait 
dans  le  Yun-nan.  D'autre  part,  grâce  aux  troubles  qui 
avaient  accompagné  la  chute  de  la  dynastie  Ming,  un  aven- 
turier surnommé  Koxinga  (son  nom  véritable  était  Tcheng 
Tcheng-kong;  Koxinga  est  la  prononciation  en  dialecte 
d*Amoy  de  Kouo-sing-yé  =  celui  qui  a  pour  nom  de  famille 
le  nom  de  famille  du  souverain)  s'était  fait  le  roi  des  mers 
sur  toute  la  côte  du  Fou-kien;  il  s'était  d'abord  établi  à 
Amoy,  puis  avait  jeté  ses  vues  sur  l'île  de  Formose  d'où 
il  avait  délogé  les  Hollandais  en  févr.  1662;  il  mourut  cette 
même  année,  mais  il  laissait  tout  son  pouvoir  à  son  fils, 
Tcheng-king,  qui  se  trouva  ainsi  maître  de  Formose. 

L'empereur  sentait  que  son  autorité  avait  besoin  d'être 
raffermie  dans  le  S.  de  ses  Etats.  Pour  la  mieux  marquer, 
il  invita  en  1672  Ou  San-koei  à  venir  lui  rendre  hommage; 
ce  puissant  vassal  refusa  d'obéir;  bien  plus,  son  fils,  qui 
résidait  à  Péking  où  il  se  trouvait  retenu  comme  otage, 
fomenta  un  complot  pour  s'emparer  de  la  ville  et  pour  en 
chasser  les  Mandchous  ;  mais  son  projet  fut  découvert  et 
lui-même  mis  à  mort  (1672).  Ou  San-koei  se  révolta  ou- 
vertement :  il  commença  par  remporter  quelques  avantages; 


cependant  la  patience  des  armées  impériales  vint  à  bout 
de  son  impétuosité  et,  lorsqu'il  mourut,  en  1677,  la  partie 
était  perdue  pour  lui.  Ou  Che-fan,  son  petit-fils,  se  vit 
assiéger  dans  Yun-nan-fou  pendant  deux  mois  et  se  pen- 
dit de  désespoir.  Ainsi  finit  une  rébellion  qui  avait  d'abord 
semblé  pouvoir  ébranler  les  bases  mêmes  de  la  dynastie 
mandchoue. 

Le  roi  de  Canton,  Chang  Ko-hi,  n'avait  pas  fait  cause 
commune  avec  Ou  San-koei  ;  mais,  à  sa  mort  survenue  en 
1676,  son  fils,  Chang  Tche-sin,  profita  de  la  situation 
troublée  pour  se  déclarer  indépendant  ;  toutefois,  il  se  sou- 
mit dès  l'année  1677.  En  1680,  il  commit  quelque  nou- 
velle faute  pour  laquelle  il  fut  dégradé  et  condamné  à  se 
donner  la  mort. 

Quant  à  Keng  Tsing-tchong,  qui  avait  succédé  en  1671 
à  son  père  Keng  Ki-meou  comme  roi  du  Fou-kien,  il  s'unit 
en  1674  à  Ou  San-koei  et  appela  en  outre  à  son  aide  le 
roi  de  Formose,  Tcheng-king;  mais  celui-ci,  dès  son  arri- 
vée dans  le  Fou-kien,  entra  en  lutte  avec  son  allié,  et,  au 
lieu  de  le  secourir,  le  combattit.  Les  impériaux  profitèrent 
de  ces  désunions  pour  envahir  le  Fou-kien  et  pour  gagner 
le  roi  qui  devint  dès  lors  leur  plus  fidèle  partisan.  Tcheng- 
king  perdit  graduellement  toutes  les  possessions  qu'il  avait 
sur  le  continent  et  se  réfugia  à  Formose  où  il  mourut  en 
1681.  Son  fils,  Tcheng  Ko-choang,  dut  en  1683  se  sou- 
mettre aux  Mandchous  qui  l'internèrent  à  Péking  et  reprirent 
pied  dans  l'île.  Kang-hi  n'eut  plus  alors  aucun  ennemi  à 
redouter  dans  toutes  les  provinces  du  Sud. 

C'est  l'Occident  qui  devait  maintenant  lui  donner  des 
inquiétudes.  Galdan-Bokochtou,  qui  avait  succédé  en  1665 
à  son  père,  Erdeni  Baatur-kong-taichi  et  était  devenu  chef 
des  Eleuthes,  n'avait  pas  tardé  à  étendre  son  autorité  sur 
toutes  les  régions  qu'arrosent  l'Irtych  Noir  et  l'Ili;  il  se 
donna  le  titre  de  roi  des  Dzoungars  et  son  empire  fut  connu 
sous  le  nom  de  Dzoungarie;  en  1678,  il  envahit  la  Kach- 
garie  et  réunit  cette  contrée  à  ses  Etats.  Lorsque  Galdan 
voulut  porter  ses  armes  vers  l'Ouest,  les  Mongols  Kalkhas 
implorèrent  l'appui  de  la  Chine;  en  outre,  son  neveu, 
Tsevan  Rabdan,  se  révolta  contre  lui  et  se  réclama  de 
Kang-hi  ;  les  armées  impériales  marchèrent  contre  Galdan 
et,  après  de  longues  campagnes  où  le  pays  fut  mis  à  feu  et 
à  sang,  le  chef  dzoungar,  traqué  comme  une  bête  fauve, 
finit  par  s'empoisonner  (1696).  Tsevan  Rabdan  remplaça 
son  oncle  et  régna  à  la  fois  sur  tout  le  Turkestan  oriental 
et  sur  Samarkande;  il  fut  un  voisin  très  turbulent  pour 
les  Chinois,  mais  Kang-hi  ne  jugea  pas  opportun  d'entrer 
en  guerre  ouverte  avec  lui. 

Les  violentes  secousses  qui  avaient  ébranlé  toute  la 
Dzoungarie  amenèrent  peu  de  temps  après  une  scission 
dans  sa  population.  Les  Toiirgouts,  qui  étaient  une  des 
quatre  «ligues  »  (oirat)des  Eleuthes,  quittèrent  en  1703 
leur  patrie  et  émigrèrent  vers  l'Ouest;  ils  obtinrent  du 
tsar  Pierre  le  Grand  l'autorisation  de  s'établir  entre  l'Emba 
et  la  Volga.  En  1712,  Kang-hi  leur  envoya  une  ambas- 
sade ;  le  récit  de  cette  mission  a  été  fait  par  un  certain 
Tou-li-chen,  dans  un  ouvrage  intitulé  lyeou  lou  qui  a  été 
traduit  en  1821  par  sir  G.'Staunton  (V.  Cordier,  Biblio- 
graphie^ col.  263).  Les  Tourgouts  ne  rentrèrent  en  Dzoun- 
garie que  soixante  ans  plus  tard,  sous  le  règne  de  l'empe- 
reur Kien-long  (V.  ce  mot). 

En  1719  et  1720,  Kang-hi  envoya  son  quatorzième  fils 
à  la  tête  d'une  armée  pour  faire  reconnaître  son  autorité 
aux  peuplades  de  la  région  du  Koukou-nor  et  du  Tibet. 

Relations  avec  les  Européens.  —  La  Compagnie  des 
Indes  néerlandaises  envoya  à  deux  reprises  des  ambassades 
à  Kang-hi;  l'une  (1663-64)  fut  celle  de  Jean  van  Cam- 
pen  et  Constantin  Nobel;  l'autre  (1666)  fut  celle  de  Peter 
von  Hoorn.  En  1667,  le  vice-roi  de  Goa  fit  partir  de  même 
un  ambassadeur  pour  Péking  au  nom  d'Alphonse  VI,  roi 
de  Portugal.  Aucune  de  ces  missions  n'eut  le  succès  qu'on 
en  espérait;  l'empereur  accepta  les  présents  qu'elles  appor- 
taient comme  un  tribut  qui  lui  était  dû  et  ne  voulut  en- 
tendre à  aucune  de  leurs  demandes.  —  La  Russie  eut 


--  397  — 


KANG-HI  —  KANGOUROU 


avec  la  Chine  des  relations  diplomatiques  suivies  de  plus 
d'effet  :  elle  n'envoya  pas  moins  de  quatre  ambassades  à 
Kang-hi  :  Nicolas  Spatar  Miloscu  en  167o-76  (V.  étude 
de  M.  Emile  Picot  dans  les  Mélanges  orientaux  publiés 
par  l'Ecole  des  langues  orientales  en  1883,  pp.  433-492), 
Golovin  en  1688,  Isbrandides  en  1693-9o,  enfin  Ismaïlov 
et  Lange  en  1720-22.  Les  questions  que  le  tsar  avait  à 
débattre  avec  le  Fils  du  Ciel  étaient  complexes  et  nom- 
breuses; la  frontière  entre  leurs  deux  pays  était  mal  dé- 
finie et  cette  incertitude  donnait  lieu  à  des  conflits  à  main 
armée  qui  nuisaient  aux  rapports  commerciaux.  Sans  tran- 
cher entièrement  la  question  de  délimitation  qui  ne  fut 
résolue  que  par  le  traité  de  Kiachta  (20  août  1727),  Kang- 
hi  envoya  du  moins  en  1688-89  des  plénipotentiaires, 
accompagnés  des  pères  jésuites  Gerbillon  et  Pereira  qui  leur 
servaient  d'interprètes,  conclure  à  Nertchinsk  ou  Niptchou 
(i.1  août  1689)  avec  les  représentants  du  tsar  Pierre  le 
Grand  un  traité  aux  termes  duquel  la  petite  rivière  Kerbi- 
chi,  les  monts  Hing-ngan  et  la  rivière  Ergon,  affluent  du 
fleuve  Amour,  traceraient  la  démarcation  entre  les  deux 
empires  :  la  citadelle  de  Yaksa  (Ya-k'o-sa^  Albazin),  sur 
l'Amour,  serait  livrée  aux  Chinois  qui  la  détruiraient,  — 
Les  Anglais  n'entretinrent  pas  de  rapports  officiels  avec 
Kang-hi  ;  la  Compagnie  des  Indes  orientales  se  contenta 
de  fonder  des  comptoirs  à  Amoy  et  à  Fou-tcheou,  et,  en 
1684,  de  s'établir  à  Canton,  malgré  riiostiUté  des  Portu- 
gais. —  Louis  XtV  de  même  ne  se  fit  représenter  par  au- 
cun ministre  auprès  de  Kang-hi  ;  il  se  borna  à  lui  écrire 
une  lettre  dans  le  style  qui  était  alors  d'usage  entre  les 
souverains  européens  ;  il  préparait  cependant  déjà  l'action 
de  la  France  en  Chine  par  les  missionnaires  catholiques 
qu'il  y  envoyait  ;  c'est  ici  le  Ueu  d'indiquer  quel  fut  leur 
rôle. 

Kang-hi  appréciait  fort,  à  cause  de  leur  connaissance  en 
mathématiques,  les  pères  jésuites  dont  l'établissement  à 
Péking  datait  de  la  fin  de  la  dynastie  précédente.  Il  aimait 
à  les  avoir  auprès  de  lui.  En  1682  et  1683,  il  emmena 
avec  lui  le  P.  Verbiest  a  de  grandes  chasses  qu'il  fit  dans  la 
Tartarie  orientale  et  dans  la  Tartarie  occidentale  (les  très 
curieuses  lettres  que  le  P.  Verbiest  écrivit  en  latin  pour 
raconter  ces  expéditions  se  trouvent  reproduites  en  fran- 
çais dans  l'Histoire  des  deux  conquérants  tartares,  du 
P.  Joseph  d'Orléans,  pp.  208-273).  Puis,  considérant  que 
le  P.  Verbiest  était  déjà  vieux  et  qu'il  n'aurait  plus  après 
sa  mort  que  deux  «  mathématiciens  »,  les  PP.  Pereira  et 
Grimaldi,  il  envoya  ce  dernier  lui  en  chercher  d'autres  en 
Europe;  le  P.  Grimaldi  ramena  du  Siam,  où  ils  avaient 
accompagné  l'ambassadeur  de  Louis  XIV,  M.  de  Chaumont, 
les  cinq  jésuites  français  :  Bouvet,  Gerbillon,  Le  Comte, 
Visdelou  et  de  Fontaney  ;  ils  arrivèrent  à  Péking  le  8  févr. 
1688.  Le  P.  Gerbillon  sut  gagner  tout  particulièrement 
les  bonnes  grâces  de  l'empereur  ;  peu  de  mois  après  son 
installation  à  Péking,  lui  et  le  P.  Pereira  furent,  comme 
on  Fa  vu  plus  haut,  envoyés  à  Nertchinsk  pour  négocier 
avec  les  Russes  ;  dans  cinq  autres  occasions,  le  P.  Gerbillon 
accompagna  l'empereur  aux  grandes  chasses  ou  expéditions 
militaires  qu'il  faisait  en  Tartarie.  C'est  au  crédit  de  ce 
religieux  qu'on  doit  le  fameux  édit  de  tolérance  (22  mars 
1692)  par  lequel  Kang-hi  autorisa  l'exercice  public  de  la 
religion  chrétienne. 

Vers  la  fin  du  règne  de  Fempereur  et  sur  son  ordre,  les 
jésuites  menèrent  à  bien  l'entreprise  immense  de  dresser 
des  cartes  de  tout  l'empire.  Ce  travail  fut  confié  aux  pères 
Bouvet,  Régis,  Jartoux,  Fridelli,  Cardoso,  Bonjour,  de 
Tartre,  Mailla  et  Henderer  ;  ils  entrèrent  en  campagne  en 
1708,  et  les  pères  FrideUi  et  Régis  ne  revinrent  du  Koei- 
tcheou  et  du  Hou-koang  que  le  1®^  janv.  1717.  L'œuvre 
terminée  fut  présentée  à  l'empereur  en  1718.  Ce  sont  les 
cartes  des  jésuites  qui  ont  servi  de  base  à  l'atlas  de  d'An- 
ville  et  dont  les  indications  sont  encore  aujourd'hui  sui- 
vies par  les  géographes  européens  pour  la  plupart  des  loca- 
lités de  l'intérieur  de  la  Chine. 

Le  crédit  que  s'étaient  acquis  les  jésuites  par  leur 


science  était  considérable  et  autorisait  les  plus  grandes 
espérances,  lorsque  la  malheureuse  question  des  rites  vint 
singulièrement  amoindrir  leur  situation.  Sans  entrer  dans 
les  détails  de  cette  question  très  compliquée,  il  nous  suf- 
fira dédire  que  les  jésuites  de  Péking  avaient  cru  pouvoir 
identifier  Dieu  avec  le  Tien  (ciel)  ou  Chang-ti  (empereur 
d'en  haut)  adoré  par  l'empereur,  et  accepter  certaines  céré- 
monies reUgieuses  chinoises.  C'était  là,  dirent  leurs  enne- 
mis, une  compromission  fâcheuse  avec  le  paganisme.  L'af- 
faire fut  portée  à  la  cour  de  Rome  et  une  commission 
spéciale  fut  chargée  de  l'examiner.  Sur  le  rapport  de  cette 
commission,  le  pape  Clément  XI  donna  tort  aux  jésuites 
et,  par  un  décret  du  20  nov.  1704,  il  décida  que  les  mots 
Tien  et  Chang-ti  devraient  être  dorénavant  prohibés  et 
que  la  seule  appellation  par  laquelle  on  traduirait  le  nom 
de  Dieu  serait  celle  de  Tien-tchoUj  maître  du  ciel.  Le 
pape  envoya  à  Péking  en  1705  M^^  de  Conon  et  en  1720 
Mê^  Mezzabarba  pour  exposer  ses  vues  à  Kang-hi  ;  mais 
les  deux  légats  furent  l'un  et  l'autre  fort  mal  reçus  par 
l'empereur  qui  méprisait  ces  subtilités  théologiques.  Lin- 
transigeance  de  la  cour  de  Rome  fit  perdre  aux  mission- 
naires le  terrain  qu'ils  avaient  gagné  en  un  siècle  d'efforts 
et  prépara  les  persécutions  qui  devaient  se  déchaîner 
contre  le  christianisme  sous  le  règne  de  Yong-tcheng,  suc- 
cesseur de  Kang-hi. 

Kang-hi  mourut  le  20  déc.  1722  des  suites  d'un  refroi- 
dissement qu'il  avait  pris  à  la  chasse.  Son  règne  de  soixante 
et  un  ans  coïncida  presque  avec  celui  de  Louis  XIV  et  fut 
également  glorieux  ;  aussi  les  écrivains  du  xviii®  siècle  se 
sont-ils  souvent  plu  à  les  mettre  en  parallèle  et  ont-ils 
appelé  Kang-hi  le  Louis  XIV  de  la  Chine.    Ed.  Chavannes. 

BiBL.  :  Le  P.  Bouvet,  Portrait  historique  de  l'empereur 
de  la  Chine,  1697.  —  Le  P.  Joseph  d'Orléams,  Histoire 
des  deux  conquérants  tartares^  1688.  —  Du  Halde,  Des- 
cription de  la  Chine.  —  De  Mailla,  Histoire  de  la  Chine^ 
t.  aL  —  Abel  RÉMUSAT,  article  Khang-hiy  dans  la  Bio- 
graphie universelle.  —  Kang-hi  est  l'auteur  des  seize 
maximes  qui  furent  commentées  par  son  successeur  Yong- 
tchent^  et  qui  sont  connues  sous  le  nom  de  Saint  Edit  (cf. 
la  traduction  anglaise  de  Milne,  la  traduction  française 
de  M.  PiRY  et  l'étude  de  M.  Legge,  intitulée  Impérial 
Confucianism,  dans  la  China  Review,  vol.  VI,  pp.  147,  223, 
299,  363).  —  On  trouvera  dans  les  Mémoires  concernant 
les  Chinois  (t.  IV)  la  traduction  des  Observations  de  phy- 
sique et  d'histoire  naturelle  de  l'empereur  Kang-hi.,  et 
(t.  IK)  la  traduction  des  Instructions  sublimes  de  Cheng 
Tzu  Quogen  Hoang-ti  {Kang-hi).  Kang-hi  a  encouragé 
ou  ordonné  la  publication  de  plusieurs  ouvrages  considé- 
rables :  le  Pei  wen  yun  fou,  le  Kang-hi  tse  tien,  etc.,  sur 
lesquels  W.-F.  Mayers  a  écrit  une  excellente  étude  sous 
le  titre  de  :  Bibliography  o(  the  Chinese  Impérial  collec- 
tions of  literature.,  dans  China  Review.  vol.  VI,  pp.  213  et 
285. 

KANGLA  Nama(CoI)  (V.  Himalaya). 

KANGOUROU.  I.  Zoologie.  —  (Macr(?/?W5).  Genre  de 

Mammifères  Marsupiaux  (V.  Didelphes)  créé  par  Shaw 

(4790)  et  devenu  le  type  de  la  famille  des  Macropodidœ 

qui  présente  les  caractères  suivants.  —  Formule  dentaire  : 

.  8       i  (ouO)    _..   2       4 


X2 


V  0 

__d8oul6 
~"      46 


pm 


m.  7 


=  32  ou  34  dents. 


Les  incisives  sont  pointues  et  coupantes,  celles  de  la  mâ- 
choire inférieure  proclives,  comme  chez  les  Rongeurs,  et 
en  forme  de  ciseau;  l'avant-dernière  prémolaire  tombe  avec 
les  quatre  molaires  de  lait  qui  ont  la  forme  d'arrière-mo- 
laires et  persistent  longtemps  ;  les  arrière-molaires  sont 
larges,  présentant  des  sillons  transverses  ou  des  tubercules 
émoussés  ;  la  canine  supérieure,  quand  elle  existe,  est  ru- 
dimen taire  et  caduque.  Les  prémolaires  et  les  molaires 
éprouvent  un  mouvement  d'arrière  en  avant  dans  la  mâ- 
choire (rappelant  ce  qui  se  passe  chez  les  éléphants),  à 
mesure  que  Fanimal  avance  en  âge  :  ce  fait  est  surtout 
marqué  sur  les  grandes  espèces.  La  plupart  des  représen- 
tants de  cette  famille  ont  les  pattes  postérieures  beaucoup 
plus  développées  que  les  antérieures  et  propres  au  saut. 
Les  pattes  antérieures  ont  cinq  doigts  ;  les  pattes  posté- 
rieures sont  du  type  syndactyle,  c.-à-d.  à  quatrième  doigt 


KANGOUROU 


-  398 


très  développé,  tandis  que  le  pouce  manque  ;  le  cinquième 
doigt  (ou  doigt  externe)  est  le  plus  développé  après  le  qua- 
trième, les  deuxième  et  troisième  (internes)  sont  atrophiés, 
ne  montrant  au  dehors  que  deux  petites  griffes  qui  servent 


Macropus  ruficollis  (crâne). 

à  l'animal  pour  se  gratter  ou  peigner  son  pelage,  mais  dont 
les  doigts,  cachés  sous  la  peau,  ne  portent  plus  sur  le  sol. 
La  (|ueue  est  longue,  forte,  poilue,  rarement  préhensile; 
l'estomac  est  multiple.  La  poche  marsupiale  est  grande  et 
s'ouvre  en  avant. 

Les  Kangourous,  tous  propres  à  la  région  australienne, 
sont  des  Marsupiaux  herbivores  qui  remplacent  dans  cette 
région  les  Ruminants  et  les  autres  Ongulés.  La  dispropor- 
tion existant  entre  leurs  pattes  antérieures  et  postérieures 
et  qui  leur  impose  une  progression  bipède^  est  appropriée 
à  la  structure  du  désert  australien  qui  présente  une  suite 
ininterrompue  de  plis  de  terrain  et  de  collines  qu'il  faut 
sans  cesse  monter  ou  descendre  :  le  saut,  qui  remplace  la 
course  chez  ces  animaux,  est  favorable  à  la  montée  comme 
à  la  descente  et  leur  assure  l'avantage  sur  un  cheval  lancé  au 
galop.  Ils  font  ainsi  des  bonds  énormes  en  s'aidant  de  leur 
forte  queue  qu'ils  tiennent  dirigée  horizontalement  comme 
un  gouvernail.  Au  repos,  il  s'appuient  dessus  comme  sur 
un  troisième  pied,  redressant  la  partie  antérieure  du  corps, 
ce  qui  leur  permet  de  veiller  à  leur  sûreté  au  milieu  des 
plaines  ondulées  et  couvertes  d'herbes  et  de  buissons  qu'ils 
habitent.  La  tète  est  allongée,  munie  de  longues  oreilles, 
rappelant  celle  d'une  biche  ou  d'une  antilope. 

L'estomac  est  grand,  muni  de  nombreuses  poches  reliées 
entre  elles  par  une  bande  longitudinale  de  tissu  musculaire, 
disposition  qui  rappelle  celle  du  caecum  de  l'homme  :  l'in- 
testin est  long  et  le  caecum  lui-môme  bien  développé.  Les 
glandes  mammaires,  au  nombre  de  quatre,  sont  cachées 
dans  la  poche  qui  donne  asile  aux  petits  dès  leur  naissance  : 
à  ce  moment,  ceux  du  Kangourou  géant  ont  à  peine  un 
pouce  de  long  :  ils  s'attachent  fortement  aux  mamelles 
dont  la  tétine  pénètre  jusque  dans  leur  arrière-gorge,  et  le 
lait  leur  est  injecté  directement  dans  l'estomac  par  la  con- 
traction des  muscles  des  parois  de  l'abdomen.  Ils  croissent 
rapidement  et  sortent  bientôt  de  la  poche,  mais  pour  y  ren- 
trer au  moindre  danger  et  se  faire  transporter  par  leur  mère  : 
on  voit  de  jeunes  Kangourous,  déjà  gros  comme  un  che- 
vreau, rechercher  encore  cet  asile  pour  dormir,  et  laissant 
dehors,  faute  de  place,  leur  tête  et  leurs  longues  pattes 
postérieures  :  on  les  voit  même  brouter  dans  cette  position 
en  même  temps  que  la  mère. 

Tous  les  Kangourous  sont  exclusivement  phytophages,  se 
nourrissant  d'herbes  ou  d'autres  végétaux  :  les  petites 
espèces  se  nourrissent  aussi  de  racines.  Ce  sont  des  ani- 
maux très  timides,  ne  cherchant  leur  salut  que  dans  la 
fuite  ;  mais,  lorsqu'ils  sont  forcés  et  acculés,  ils  se  défendent 
fort  bien  contre  les  chiens,  les  étreignant  avec  leurs  pattes 
antérieures  armées  d'ongles  recourbés  et  leur  ouvrant  le 
ventre  avec  l'ongle  pointu  de  leurs  pattes  postérieures,  pen- 
dant qu'ils  s'appuient  sur  leur  robuste  queue  ;  l'homme 
lui-même  doit  se  méfier  de  ces  blessures.  Les  Kangourous 
forment  parfois  des  bandes  nombreuses  qui  émigrent 
comme  les  antilopes  de  l'Afrique  australe.  Ils  constituaient 


autrefois  le  principal  gibier  et  la  principale  nourriture  des 
aborigènes  de  la  Nouvelle-Hollande  et  des  colons  de  ce 
pays;  ceux-ci  leur  ont  toujours  fait  une  chasse  active 
comme  sport  plein  d'attrait  et  dans  l'intention  de  leur  subs- 
tituer les  bœufs  et  les  moutons  domestiques  importés  de  la 
métropole.  Malgré  cette  destruction  systématique,  il  semble 
que  leur  nombre,  loin  de  diminuer,  ait  augmenté,  au  moins 
dans  certains  districts,  ce  que  l'on  attribue  à  la  disparition 
de  leurs  principaux  ennemis,  les  indigènes  et  le  Dingo  ou 
Chien  sauvage,  que  l'on  tue  partout  sans  pitié  à  cause  du 
tort  qu'il  fait  aux  troupeaux. 

Il  existe  de  nombreuses  espèces  de  Kangourous  dont  la 
taille  varie  de  celle  d'un  fort  mouton  à  celle  d'un  jeune 
lapin.  Quelques  espèces  habitent  la  Nouvelle-Guinée  et  les 
îles  voisines  (Arou)  qui  appartiennent  à  la  région  austra- 
lienne. La  famille  se  subdivise  en  trois  sous-familles  qui  sont  : 
1^  les  Mapropodinœ  ou  vrais  Kangourous,  comprenant 
quarante-cinq  espèces  réparties  dans  les  genres  Macropus, 
Petrogale,  Onychogale,  Lagorchestes,^ Dorcopsis,  Den- 
drolagus  et  Lagostrophus ;  2«  les  Potoroïnœ  ou  Kan- 
gourous-Rats, et  30  les  Hypsiprymnodontinœ. 

Les  Kangourous  proprement  dits  (genre  Macropus)  com- 
prennent les  plus  grandes  espèces  du  groupe  et  présentent 
les  caractères   dentaires  que  nous  avons  indiqués.  Leur 


Kangourou-Rat  (crâne). 

muffle  est  nu^  leurs  oreilles  grandes,  les  poils  du  dos  ordi- 
nairement couchés  en  arrière  ;  l'ongle  du  quatrième  doigt 
des  pattes  de  derrière  est  très  long;  la  queue  est  épaisse, 
conique,  uniformément  poilue.  Ce  sont  les  vrais  Kanga- 
vous  on  Wallabies  des  colons  australiens,  dont  quelques- 
uns  atteignent  la  taille  d'un  homme  lorsqu'ils  se  dressent 
sur  leur  train  de  derrière.  On  en  connaît  vingt-trois 
espèces  réparties  en  trois  groupes  et  répandues  sur 
le  continent  australien  et  la  Nouvelle-Guinée  jusqu'aux 
Moluques.  Le  premier  groupe  comprend  le  Kangourou 
GÉANT  {Macropus  gigas),  type  du  genre  et  la  plus  grande 
espèce  vivante  ;  il  habite  les  plaines  découvertes  de  l'Aus- 
tralie orientale  et  de  la  Tasmanie  :  il  est  d'un  gris  brun 
assez  foncé  :  c'est  l'espèce  que  l'on  voit  le  plus  communé- 
ment en  Europe  et  que  l'on  a  exhibée  dans  des  cirques 
sous  le  nom  de  «  Kangourou  boxeur  ».  Ce  que  nous  avons 
dit  des  mœurs  des  Kangourous  se  rapporte  plus  particuliè- 
rement à  cette  espèce.  Les  Macropus  rufus,  M.  antilopi- 
nus  et  M.  robustus  en  sont  voisins  et  habitent  les  mon- 
tagnes rocheuses  de  l'Australie.  Le  second  groupe  comprend 
des  espèces  un  peu  moins  grandes  et  de  couleur  plus  claire  : 
elles  habitent  les  forêts  et  les  taillis  et  on  leur  applique 
plus  particulièrement  le  nom  de  Wallabies  {M.  rufi- 
collis, M.  ualabatus,  M,  Parryi,  M,  agilis,  etc.).  Le 
troisième  groupe  comprend  des  espèces  plus  petites,  com- 
parables aux  Lièvres  et  aux  Lapins,  et  dont  quelques-unes 
s'étendent  au  N.  jusqu'aux  îles  Arou,  à  la  Nouvelle-Guinée 
et  à  la  Nouvelle-Bretagne  :  tel  est  le  M.  brachyurus 
remarquable  par  sa  queue  et  ses  oreilles  courtes,  et  le  Mi 
thelidis  dont  le  pelage  est  élégamment  zébré  sur  le  dos. 
Le  genre  Pétrogale  comprend  des  espèces  de  taille 
moyenne,  à  ongle  des  pieds  de  derrière  très  court,  à  queue 
plus  grêle  que  les  vrais  Kangourous  et  terminée  par  un  pin- 
ceau de  poils.  On  en  connaît  six  espèces  qui  habitent  les 
régions  rocheuses  et  se  cachent  dans  les  cavernes  :   elles 


sautent  avec  Pagilité  de  nos  chamois  (P.  penicillata,  P. 
xanthopus^  P,  lateralis^  P.  concinna^  P.  hrachyotis^ 
P.  inornata),  —  Les  Onychogales  ont  le  muffle  poilu, 
Tongle  du  quatrième  doigt  des  pieds  de  derrière  long, 
comprimé,  pointu,  la  queue  terminée  par  un  tubercule 
corné  en  forme  d'éperon.  On  en  connaît  trois  espèces  iO> 
lanata,  0.  frenata^  etc.).  —  Les  Lagorghestes  ouKan- 
gourous-Lièvres  sont  plus  petits,  à  queue  courte  et  dépour- 
vue d'éperon.  Comme  les  précédents,  ils  habitent  les  collines 
rocheuses  et  couvertes  d'herbes,  sautant  et  courant  avec 
une  grande  agilité  et  se  creusant  un  gîte  semblable  à  celui 
du  Lièvre  (L.  leporoïdes^  L.  hirsutus  et  L.  consmcilla- 
tus).  On  ne  les  trouve  c[\iQ  sur  le  continent  australien.  — 
Les  DoRcopsis  ont  les  pattes  postérieures  moins  dispropor- 
tionnées que  les  précédents,  le  muffle  nu,  les  oreilles  petites, 
la  queue  nue  à  son  extrémité,  les  poils  du  dos  en  partie 


—  399  --  KANGOUROU 

dirigés  en  avant  :  leurs  canines  sont  bien  développées.  On 
en  connaît  trois  espèces  de  la  Nouvelle-Guinée  :  le  type  (D . 
Mulleri)  forme  le  passage  au  genre  Dendrotague^  tandis 
que  le  D.  Macleayi  rattache  le  genre  aux  vrais  Kangourous. 
—  Les  Dendrolagues  ont  les  pattes  antérieures  sensible- 
ment aussi  fortes  que  les  postérieures,  le  museau  gros,  les 
poils  du  dos  dirigés  en  avant.  Aux  pattes  postérieures,  les 
ongles  des  quatrième  et  cinquième  doigts  sont  recourbés 
comme  aux  pattes  antérieures  et  non  droits  ;  les  deuxième 
et  troisième  sont  relativement  bien  développés  ;  la 
queue  est  longue  et  touffue.  Il  y  a  une  petite  canine.  L'or- 
ganisation indique  des  mœurs  différentes  de  celles  des  autres 
kangourous,  et,  en  effet,  les  quatre  espèces  qui  habitent 
la  Nouvelle-Guinée  et  le  N.  du  Queensland  vivent  sur  les 
arbres  des  forêts  subtropicales,  grimpant  aux  branches  et 
ne  sautant  pas  sur  le  sol  :  elles  se  nourrissent  d'écorces,  de 


Kangourou  géant. 


feuilles  et  de  fruits.  Ces  mœurs  les  rapprochent  des  Pha- 
langers  (D.  ursinus^  D,  inustus  de  Nouvelle-Guinée  et 
D.  Lumholtzi  du  Queensland).  —  Un  dernier  genre  {La- 
gostrophus  Thomas)  ne  comprend  qu'une  espèce  (L. 
fasciatus)  ou  Kangourou  a  bandes  de  l'Australie  occiden- 
tale, qui  est  de  petite  taille  avec  les  pattes  postérieures 
couvertes  de  longs  poils  épineux  qui  cachent  les  ongles,  et 
une  dentition  assez  différente  de  celle  des  vrais  Kangou- 
rous. 

Les  Kangourous-Raîs  ou  Potorous^  Potoroïnœ  ou 
Hypsipryminœ^  sont  des  petites  espèces  à  forme  de  Ron- 
geurs et  dont  la  dentition  est  très  particulière.  Les  inci- 
sives supérieures  sont  d'inégale  longueur,  la  première  paire 
étant  longue,  étroite,  recourbée  et  dépassant  les  suivantes; 
la  canine  supérieure  est  persistante;  l'unique  paire  de  pré- 
molaires aux  deux  mâchoires  est  d'une  forme  tout  à  fait 
caractéristique  ;  ces  dents  sont  grandes,  allongées,  à 
couronne  comprimée,  coupante,  sillonnée  en  dehors  et  en 
dedans  de  stries  verticales  simulant  les  dents  d'un  peigne; 
les  molaires  ont  une  couronne  carrée  à  quatre  tubercules, 
la  quatrième  est  plus  petite  que  les  autres  et  souvent  rudi- 


mentaire.  Les  pattes  antérieures  sont  grêles  avec  les  trois 
doigts  médians  plus  développés  que  les  autres  et  terminés 
par  des  ongles  longs,  comprimés  et  un  peu  recourbés  :  les 
pattes  postérieures  comme  chez  Macropus,  La  taille  ne 
dépasse  pas  celle  d'un  lapin.  Ces  animaux  habitent  l'Aus- 
tralie et  la  Tasmanie,  se  nourrissant  d'herbes,  de  feuilles 
et  de  racines  qu'ils  déterrent  à  l'aide  de  leurs  pattes  anté- 
rieures. Ils  sont  nocturnes.  On  en  connaît  neuf  espèces 
réparties  en  quatre  genres  :  Potorous  (ou  Hypsiprymnus)^ 
à  tête  longue,  à  tarses  courts  et  à  muffle  nu  (P.  tridac- 
tylus^  P.  Gilberti  et  P.  platyops).  —  Bettongia  à  tête 
grosse  et  courte,  à  tarses  allongés,  à  queue  plus  ou  moins 
préhensible,  les  poils  du  dessus  formant  une  espèce  de 
crête  :  celte  queue  leur  sert  à  porter  des  touffes  d'herbes 
dans  leur  terrier  (6.  penicillata,  B.  cuniculus,  B,  Gai- 
mardi,  B.  Lesueuri),  —  Caloprymnus  (Thomas),  sem- 
blable au  genre  précédent,  mais  à  museau  court  et  conique, 
à  queue  grêle,  couverte  de  poils  courts  et  sans  crête  {C, 
campestris  du  S,  de  l'Australie).  —  /Epyprymnus  (Gar- 
rod),  à  museau  en  partie  poilu,  à  tarses  longs  (J?.  ruf es- 
cens)  . 


KANGOUROU  —  KANITZ 


—  400  — 


Les  Hypsiprymnodoniinœ,  représentés  par  le  seul  genre 
HypsiPRYMNODOîii  (Ramsay),  sont  des  animaux  de  très  petite 
taille  formant  la  transition  des  Kangourous  aux  Phalangers. 
Les  pattes  postérieures  sont  munies  d'un  pouce  opposable  ; 
les  ongles  sont  petits,  faibles  et  subégaux.  La  queue  est 
nue  et  écailleuse.  Les  quatre  prémolaires  sont  tordues  obli- 
quement comme  celles  des  Phalangers  :  les  autres  dents 
ressemblent  à  celles  des  Potorous.  L'unique  espèce  (H. 
moschatus  ou  Pleopus  nuclicaudatus  d'Owen)  est  de 
l'Australie  Nord-Est. 

II.  Paléontologie.  —  On  trouve  dans  les  couches  qua- 
ternaires de  l'Australie  des  restes  de  Kangourous  indiquant 
des  animaux  d'une  taille  supérieure  à  celle  du  Macropus 
giganteus.  Tels  sont  les  M.  titan^  M,  robustus^  M.  altus, 
et  M.  Cooperi  qui  appartiennent  au  même  groupe;  le  M. 
brehiis^  du  groupe  des  Wallabies,  avait  un  crâne  de 
30  centim.  de  long  :  M,  rœchus  et  M.  anak  étaient  plus 
petits.  On  a  formé  des  genres  à  part  (Pachysiagon,  Ste- 
nomerus,  etc.),  pour  d'autres  espèces  dont  plusieurs  sont 
de  forte  taille,  comme  Sthenurus  atlas,  Procoptodon 
goliath  et  Palorchestes  azael  (Owen).  Ce  dernier,  dont 
le  crâne  a  plus  de  40  centim.  de  long,  devait  atteindre  la 
taille  des  plus  forts  chevaux.  Le  genre  Trielis  (De  Vis) 
est  voisin  d' Hypsiprymnodon,  dont  il  diffère  par  la  pré- 
sence d'une  petite  canine  à  la  mâchoire  inférieure,  et  qui 
le  rapproche,  encore  plus  que  ce  dernier  genre,  des  Pha- 
langers (V.   DlDELPHES).  E.  TrOUESSART. 

BiBL.  :  J.  GouLD,  Mammaîs  of  Australia,  1863.  —  O. 
Thomas,  Catalogue  of  Marsupiala  and  Monotremata  in 
the  BritisJi  Muséum,  1888.  —  H.  Owen,  On  Extinct  Mam- 
mals  of  Australia,  dans  Philos.  Transactions^  1874-77. 

KANGOUROU  (île).  Ile  de  la  côte  S.  de  l'Australie,  à 
l'entrée  du  golfe  de  Saint-Vincent  ;  séparée  delà  péninsule 
d'ilindmarsh  par  le  passage  Rackstairs  et  de  celle  d'York 
par  le  détroit  de  l'Investigator,  elle  est  longue  de  140  kil. 
de  l'E.  à  rO.,  avec  une  largeur  maxima  de  55  kil.,  la  su- 
perficie étant  de  4,350  kil.  q.  Découverte  en  4802  par 
Flinders,  qui  lui  donna  son  nom  à  cause  de  son  abondance 
en  troupeaux  de  kangourous,  elle  forme  le  comté  de  Car- 
narvon  ;  ses  côtes  sont  rectilignes,  à  l'exception  près  de  la 
péninsule  Macdonneil  à  l'E.  L'île  a  moins  de  400  hab.  ; 
sol  aride  et  sablonneux  ;  collines  de  grès  comprenant  le 
mont  Torrens.  La  capitale  est  Kingscote,  au  N.,  avec  un 
bon  ancrage. 

KANGRA.  Ville  de  l'Inde  anglaise,  prov.  de  Djalandar 
(Pendjab),  sur  la  Rânganga,  affluent  du  Rias  ;  7,000  hab. 
Dominée  par  un  roc  qui  porte  sa  citadelle,  elle  fut  à  peu 
près  imprenable  avant  les  progrès  de  l'artillerie  ;  c'était  la 
capitale  d'une  principauté  hindoue.  Elle  est  en  décadence, 
remplacée  par  Dharmsala.  —  Le  district  deKangra  s'étend 
sur  les  vallées  méridionales  de  l'Himalaya  jusqu'à  la  fron- 
tière, comprenant  les  pays  de  Koulou,Lahoul  et  Spiti,  soit 
3i3,278  kil.  q.  On  y  cultive  le  thé. 

KAN  H  ERl.  Endroit  célèbre  par  ses  grottes,  situé  dans  l'île 
de  Salsette,  près  de  Rombay  (Inde).  Ces  grottes  contiennent 
des  monuments  de  diverses  époques  et  notamment  des  ins- 
criptions en  pehlvi  écrit  en  lignes  verticales.  Anquetil-Du- 
perron  est  le  premier  qui  ait  visité  ces  grottes  en  4760,  mais 
il  prenait  les  inscriptions  pour  du  mongol.  Elles  ont  été 
déchiffrées  depuis  par  E.-W.West  qui  les  a  publiées  en 
4866  et  en  4880.  Ces  inscriptions  sont  datées  et  portent 
les  noms  des  Parsis  qui  visitaient  les  grottes  entre  356  et 
390  de  l'ère  de  Yezdegerd  (988  à  4022  de  J.-C.)  ;  elles 
doivent  être  lues  de  haut  en  bas  et  de  droite  à  gauche.  Les 
caractères,  quoique  antérieurs  de  trois  siècles  au  plus  an- 
cien manuscrit  connu  en  Europe  (de  4323),  sont  à  peu 
près  les  mêmes.  Il  existe  aussi  à  Cottayam,  sur  la  côte  de 
Malabar,  d'autres  inscriptions  pehlvies  qui  sont  à  la  suite 
d'une  charte  octroyée  au  ix®  siècle  par  les  souverains  de 
rinde  à  la  colonie  chrétienne,  et  qui  renferment  les  noms 
des  témoins  qui  ont  signé  en  pehlvi.  Les  inscriptions  de 
Kanheri  et  celles  de  Cottayam  sont  les  seuls  spécimens  con- 
nus du  pehlvi  des  ix*^  et  x®  siècles.  E.  Dr. 
BiBL.  :  E.-W.  West,  dans  le  Journ.  of  Asiatic  Soc.  Bom- 


Monnaie  d'or  de  Kanichka. 


bay,  1865,  et  dans  le  journal  imprimé  en  gouzerati  intitulé 
Zavloshii  Abhias.—IndianAntiquaruMm.—  WKUG,  Essay 
on  the  Pahlavi,  1870. 

KANH-HOA.  Ville  de  l'Annam,  ch.-l.  delà  prov.  de  ce 
nom,  à  500  kil.  S.  de  Hué  et  45  kil.  de  la  mer.  —  La 
province  comprise  entre  celle  de  Fouyen  au  N.  et  Binh- 
thuan  au  S.  est  une  bande  côtière  très  étroite  :  il  y  a  à 
peine  45  kil.  de  la  crête  montagneuse  à  la  mer.  Elle  a 
430  kil.  de  long  du  cap  Varéla  au  N.  à  la  baie  de  Kang 
au  S.  C'est  un  pays  pauvre  (V.  Annam). 

KANICHKA  (il  faut  lire  sur  les  monnaies  Kanechki 
et  non  Kanerki,  comme  l'a  prouvé  M.  A.  Stein),  roi 
indo-scythe  de 
la  Bactriane  et 
de  l'Inde  du 
Nord  (V.  Bac- 
triane, t.  IV, 
p.  4J9,  col.  2) 
et  protecteur 
du  Bouddhisme 
(V.  ce  mot, 
t.  VH,  p.  589, 
col.  2).  Il  faut  d'ailleurs  signaler  l'éclectisme  de  ses  opinions 
rehgieuses  si  nous  devons  en  croire  le  revers  de  ses  médailles 
où  apparaît  non  seulement  le  Bouddha  (Boudo),  mais  des 
divinités  grecques  comme  Hélios,  iraniennes  comme  Milhra, 
brahmaniques  comme  Okcho  qu'on  identifie  avec  Si  va,  et 
d'autres  encore  que  leurs  noms  barbares  font  croire  scy- 
thiques.  Notons  enfin  que  la  fixation  de  son  sacre  à  l'an  78-9 
ap.  J.-C.  (début  de  l'ère  Çaka)  n'est  qu'une  brillante  con- 
jecture et  qu'il  semble  avoir  plutôt  vécu  dans  la  première 
moitié  du  i®"^  siècle. 

BiBL.  :  P.  Gardner,  The  Coins  of  the  ç/reek  and  Scythic 
hinqs  ofBactria  and India  in  the  British Muséum;  Londres, 
1886,  pi.  XXVI. 

KANIEWSKI  (Jean-Xavier),  peintre  polonais,  né  en  Vo- 
lynie  en  4809^  mort  en  4869.  Il  étudia  à  l'Académie  des 
beaux-arts  de  Pétersbourg  et  fut  envoyé  en  Italie.  Il  devint 
membre  de  l'Académie  des  beaux-arts  de  Pétersbourg  et  en 
4845  directeur  de  l'Ecole  des  beaux-arts  de  Varsovie.  On 
cite  parmi  ses  principaux  tableaux  :  le  Pape  disant  sa 
messe  à  Saint-Pierre,  le  Christ  ressuscitant  le  fils  de 
la  veuve  de  Naïm,  un  portrait  de  Grégoire  XIII,  Sam- 
son  et  Dalila,  des  copies  de  Raphaël,  etc. 

KAN  IN.  Presqu'île  de  la  Russie,  sur  l'océan  Glacial 
arctique,  entre  la  mer  Blanche  à  l'O.  et  le  golfe  Tcheskaia 
à  TE.,  continuant  les  hauteurs  de  Timan.  De  structure 
rocheuse,  elle  est  formée  au  N.  par  des  schistes  cristal- 
lins, au  S.  par  des  sédiments  jurassiques,  et  recouverte  de 
toundras  séparés  par  des  collines  sablonneuses  et  de  petits 
lacs.  Son  extrémité  septentrionale  est  le  cap  Kanin  ou  Ton- 
koi-nos.  Ce  fut  une  île  et  récemment  encore  le  lac  Parous- 
noie  à  la  racine  s'épanchait  par  la  Tchija  et  la  Tioucha 
dans  les  deux  mers,  l'isolant  du  continent  par  un  canal 
navigable,  aujourd'hui  obstrué.  La  presqu'île  Kanin  a 
40,430  kil.  q.  et  compte  environ  2,000  hab.,  presque  tous 
Sanioyèdes;  l'été  ils  vivent  au  N.,  l'hiver  dans  trois  vil- 
lages au  S.  L'été  on  chasse  le  phoque  (Phoca  cristata),  le 
veau  marin,  etc.  La  presqu'île  Kanin  fait  partie  du  gouver- 
nement d'Arkhangelsk,  district  de  Mezen.       A.-M.  B. 

KANITZ  (Moravie)  (V.  Konice). 

KANITZ  (Philippe-Félix),  ethnographe  et  archéologue 
hongrois,  né  à  Budapest  le  2  août  1 8i29.  Il  fit  des  études 
approfondies  sur  l'histoire  de  l'art  et  la  géographie  à  Vienne, 
à  Munich,  à  Dresde,  à  Leipzig,  les  compléta  par  des  voyages 
en  Allemagne,  en  Belgique,  en  France,  en  Italie.  Des  excur- 
sions en  Dalmatie,  en  Herzégovine,  en  Monténégro  (4858), 
furent  le  point  de  départ  des  travaux  auxquels  il  consacra 
toute  sa  vie  et  qui  établirent  sa  réputation.  Il  refit,  avec 
des  difficultés  inouïes  et  en  courant  de  sérieux  dangers 
parmi  les  Tcherkesses  et  les  seigneurs  de  la  montagne,  la 
carte  de  presque  toute  la  Bulgarie  actuelle,  qui  n'était  jus- 
qu'à lui  qu'un  tissu  d'erreurs.  Mais  il  est  surtout  célèbre 
par  l'exploration  géographique  et  ethnographique  des  Bal- 


—  401  — 


KÂNITZ  -  KANOLD 


kans  dont  iPdonna  les  résultats  dans  son  remarquable  ou- 
vrage :  Donau-Bulgarien  und  der  Balkan  (Leipzig,  i  875- 
79,  3  Yol.  ;  nouv.  éd.,  '1882),  traduit  en  français  (Paris, 
1881,  gr.  in-8),  accompagné  d'une  carte  qui  fut  reproduite 
par  Tétat-major  russe,  servit  de  base  aux  opérations  de 
l'armée  du  tsar  et  qui  fut  employée  au  congrès  de  Berlin 
de  1878  pour  la  délimitation  des  frontières  serbo-turco- 
bulgares.  Kanitz  reprit  ses  tournées  dans  les  Ballvans  en 
1887-89,  mais  en  les  consacrant,  cette  fois,  à  la  recherche 
des  monuments  antiques.  L'Académie  de  Vienne  a  publié  en 
1892  les  premiers  résultats  de  ces  nouveaux  voyages  : 
Etudes  romaines  en  Serbie.  Entre  temps,  Kanitz  avait 
fondé  la  Société  anthropologique  de  Vienne  (1871), 
avait  rempli  les  fonctions  de  curateur  du  musée  oriental  de 
Vienne  (1874),  avait  organisé  la  section  anthropologique 
autrichienne  de  l'Exposition  universelle  de  Paris  (1878), 
avait  présidé  le  congrès  anthropologique  de  Moscou  (1879), 
avait  reçu  le  titre  de  conseiller  royal  et  avait  refusé,  pour 
se  livrer  tout  entier  à  ses  études  de  prédilection,  plusieurs 
hauts  emplois  otiiciels.  Citons  encore  de  lui  :  Ser biens 
byzantinische  Monumente  (Vienne,  1862)  ;  Beise  in 
Sûdserbien  und  Nordbulgarien  (1868);  Serbien,  his- 
torisch-ethnographische  Reisestudien  (Leipzig,  1868)  ; 
Katechismus  der  Ornamentik  (1877,  2^  éd.).     R.  S. 

KANIZSA-Nagy,  c.-à-d.  la  Grande  Kanizsâ.  VilledeHon- 
grie,  située  dans  le  comitat  de  Zala.  C'est  aussi  le  nom  du 
cours  d'eau  sur  lequel  elle  est  bâtie,  petit  affluent  de  la 
Zala,  et  par  suite  tributaire  du  lac  Balaton.  Depuis  1880, 
Nagy-Kanizsa  foruie  une  seule  et  même  commune  avec  Kis- 
Kanizsa  (la  petite),  village  très  inférieur  que  l'on  en  distin- 
guait autrefois.  C'est  une  des  places  de  commerce  agricole 
les  plus  importantes  de  cette  contrée  marécageuse.  La  po- 
pulation est  de  21,234 hab.  (en  1890).  Les  'Magyars  sont 
en  grande  majorité  ;  la  minorité  allemande  ou  juive  est 
cependant  notable.  E.  S. 

Il  existe  deux  autres  villes  du  même  nom  :  la  Vieille 
Kanisza,  sur  la  rive  droite  de  la  Tisza,  comitat  de  Bacs- 
Bodrog  ;  14,000  hab.,  Magyars  et  Serbes;  grand  marché 
agricole.  —  Kanisza-Tœrœk  ou  la  Turque^  comitat  de 
Torontal,  3,300  hab.,  séparée  de  la  précédente  par  la  Tisza. 
BiBL.:  HoRVATH,  Histotre  de  Kanisza  (en  hongrois),  1862. 

KANKAKEE.  Rivière  des  Etats-Unis,  affluent  de  l'Illinois, 
160  kil.,  par  moitié  dans  les  Etats  à'Indiana  et  à' Illinois 
(V.  ces  mots).  Elle  donne  son  nom  à  une  ville  de  l'Illinois; 
6,000  hab.,  en  partie  Canadiens  français.  Grandes  carrières. 

KANKAN.  Ville  du  Soudan  français,  sur  le  Milo,  affluent 
droit  du  Niger,  par  10*^  lat.  N.,  ville  principale  du  Baté- 
dougou  (V.  Soudan  français).  Les  Anglais  de  Sierra  Leone 
s'y  approvisionnaient  d'esclaves. 

KANKAR  (Mines)  (V.  Inde,  t.  XX,  p.  684). 

KAN  KARE.  Village  du  Soudan  français,  sur  le  Sangarani, 
affluent  droit  du  Niger,  à  100  kil.  de  Bamakou  ;  marché 
principal  du  Baya  (V.  Soudan  français). 

KANKER.  Petite  principauté  de  l'Inde  centrale,  entre  le 
Raïpour  au  N.  et  le  Bastar  au  S.  ;  2,600  kil.  q.  ;  40,000 
hab.  environ,  en  majorité  de  race  gond. 

KAN KH AL  Ville  de  l'Inde  anglaise,  prov.  du  N.-O., 
district  de  Meerut  (Mirât),  sur  la  rive  droite  du  Gange  ; 
5,000  hab.  tous  brahmanes.  Elle  fait  partie  du  groupe  de 
Ilardvar  et  renferme  le  temple  de  Dakchivara. 

KANKREDJ  ou  TARA.  Principauté  de  l'Inde,  région  du 
Guzerate,  comprise  entre  celles  de  Pâlanpour  au  N.,  Râ- 
danpour  au  S.  et  du  Gaikovar  à  TE.;  1,213  kil.  q.  ; 
40,000  hab.  environ.  Le  prince  est  un  radjpoute,  vassal  du 
Gaikovar,  et  réside  à  Tara.  La  population  est  formée  sur- 
tout de  Mes. 

KANKRIN  (Georg)  (V.  Cancrjne). 

KANNADA  (V.  Dravidiennes  [Langues]). 

KANO.  Ville  du  Japon,  ken  de  Ghifou,  prov.  de  Mino, 
au  centre  de  Nippon,  près  de  la  baie  d'Ovari  ;  5,000  hab. 

KANO.  Ville  du  Soudan  central,  dans  le  Sokoto;  c'est  le 
centre  commercial  du  Soudan.  Elle  fabrique  et  teint  des 
cotonnades  et  des  vêtements  de  luxe  (tuniques  noires,  san- 
grande  encyclopédie.  —  XXI. 


dales),  des  cuirs  (sacoches  appelées  djebaïr),  de  la  quin- 
caillerie, articles  très  appréciés  dans  toute  l'Afrique  centrale  ; 
les  esclaves,  les  noix  de  gouro,  le  sarrasin,  le  cuivre,  le  sel,  le 
natrou  provenant  des  contrées  voisines  s'y  échangent.  Le 
trafic  se  fait  surtout  avec  le  Bornou  et  le  Fezzan,  d'oti  on 
réexporte  les  cotonnades  de  Kano  jusqu'à  Tombouctou.  Les 
produits  européens  y  pénètrent  également.  —  La  ville  s'est 
formée  au  xvii®  siècle,  au  pied  du  rocher  Data.  Conquise 
par  les  Foulah  musulmans,  elle  hérita  de  la  prospérité  de 
Katsena,  après  qu'ils  eurent  soumis  le  Haoussa.  Elle  est 
enveloppée  d'une  enceinte  en  terre  de  30  kil.  de  tour,  per- 
cée de  quatorze  portes  ;  mais  le  S.-O.  seulement  de  cet  en- 
clos est  habité.  On  estime  la  population  à  30,000  âmes. 

—  La  prov.  de  Kano  compte  environ  300,000  hab.  sur 
28,000  kil.  q.;  elle  est  riche  et  fertile. 

KANOBINouKANNÔBiN.Nom  d'un  couvent  de  la  vallée 
du  Kadicha,  à  25  kil.  S.-E.  de  Tripoli  de  Syrie,  sur  les  hau- 
teurs du  Liban.  Il  fut,  dit-on,  fondé  par  Théodose  le  Grand 
(379-395)  et  construit  en  partie  dans  le  roc  vif.  Au 
Vil*'  siècle,  Jean  Maroun,  devenu  patriarche,  y  établit  sa 
résidence  et,  organisant  la  résistance  de  ses  ouailles  contre 
l'invasion  arabe,  il  constitua  ainsi  une  sorte  de  petite  na- 
tion qui  prit  le  nom  de  Maronites.  Depuis  le  xv^  siècle, 
Kanobin  a  toujours  été  le  siège  d'un  patriarcat  dont  les  titu- 
laires portent  invariablement  les  noms  de  Pierre  ou  de  Paul. 

KANODJ,KANOUJ,KANUJ,KUNAUJ,etc.  Une  des  plus 
anciennes  villes  de  l'Inde,  située  sur  la  rive  occidentale  du 
Kàli-nadi,  petit  affluent  du  Gange,  autrefois  sur  le  Gange 
lui-même,  dont  le  cours  s'est  détourné  de  16  kil.  vers 
le  N.-E.  Elle  est  mentionnée  dans  Ptolémée  sous  la  forme 
Kavoyt^rj.  Le  nom  indigène  est  Kanyakoubdja,  en  chinois 
Ki-jao-i  et  Kie-jo-kio-che  chez  les  voyageurs  Fa-hien  et 
Hiouen-tsang  qui  la  visitèrent  en  405  et  en  640.  Elle 
eut  une  grande  importance  pendant  les  six  premiers 
siècles  de  notre  ère,  et  différentes  dynasties  y  ont  régné 
successivement,  dont  la  principale  est  celle  des  Gouptas 
qui  y  avaient  fixé  une  de  leurs  résidences  royales.  Au 
vii^  siècle  elle  faisait  partie  du  domaine  de  Sri  Harsha. 
En  733,  Yaçovarman,  roi  de  Kanodj,  est  défait  par  Lalitâ- 
ditya,  roi  du  Cachemire,  qui  s'empare  de  tout  le  pays  de 
Kanodj.  Cette  ville  est  mentionnée  dans  tous  les  anciens 
poèmes  de  l'Inde  et  elle  joue  un  grand  rôle  dans  toutes  les 
histoires  et  les  épopées.  Son  étendue  devait  être  considérable 
(près  de  48  kil.  q.),  si  on  en  juge  par  les  ruines  de  son 
mur  d'enceinte.  En  1018  la  ville  fut  prise  et  pillée  par 
Mahmoud  le  Ghaznévide  et  en  1194  par  Mohammed  Ghouri. 

—  C'est  là  que  Houmayoun  fut  battu  par  Sher  Chah  en  1540 
et  obligé  de  s'enfuir  de  l'Inde.  A  partir  de  cette  époque  la 
ville  de  Kanodj  disparaît  de  l'histoire;  il  ne  reste  plus  au- 
jourd'hui que  des  ruines  de  l'ancienne  cité  :  elles  sont  sur- 
tout de  l'époque  musulmane.  La  ville  moderne  fondée  au 
xii®  siècle  sous  le  nom  de  Bari,  mais  qui  a  repris  plus  tard 
son  nom  ancien,  est  élevée  sur  des  monticules  et  au  bord 
des  ravins  ;  elle  a  une  apparence  misérable.  La  population 
s'élevait  à  17,000  âmes  en  1881,  dont  10,000  Hindous  et 
7,000  musulmans  ou  bouddhistes.  Elle  est  le  chef-lieu 
d'un  district  ou  tashil  de  Faroukhabad  (prov .  du  N.-O.), 
lequel  contient  lui-même  une  population  de  117,000  hab.', 
dont  97,700  Hindous  et  près  de  20,000  mahométans! 
— •  Kanodj  a  été  un  centre  fécond  en  antiquités  in- 
diennes. Lors  des  premières  fouilles  qui  furent  faites  en 
1826  par  Tod,  Masson,  Prinsep  et  autres,  Kanodj  et  Ma- 
nikyala  furent  les  villes  où  l'on  trouva  le  plus  de  monnaies 
de  rinde  ancienne,  d'où  le  nom  de  kanauj  coins  que 
Prinsep  donnait  à  diverses  séries  de  monnaies  non  encore 
déchiffrées,  telles  que  celle  des  Indo-Scythes  et  des  Gouptas 
auxquellesondonnaitalorsune  très  haute  antiquité.  E.  Dr. 

BnîL.:  W.  IIUiNTER,  Imp.  Gazetteer  of  India,  1886,  t.VII. 
KANOLD  (Johann),  médecin  allemand,  né  à  Breslau  le 
15  déc.  1679,  mort  à  Breslau  le  15  nov.  1729.  Il  fut 
élève  de  Stahl  et  s'occupa  avec  distinction  d'épidèmiolot^ie . 
Outre  divers  ouvrages  sur  les  épizooties,  l'épidémiolo- 
gie,  etc.,  il  a  publié  :  Einige  medicor,  Sendschreiben 

26 


KANOLD  —  KANSAS 


402  — 


von  (1er  in  Preussen  1708...  grassirten  Pest  (Biosba. 
4711,  1715). 

KANORl  (V.  BoRNou  [Ethnogr.]). 

KANOUJ  (V.  Kânodj). 

KANOUiVl  ((iàiiori).  instrument  de  musique  oriental, 
analogue  à  la  cithare.  11  dérive  du  canon  monocorde  des 
anciens,  auquel  on  a  ajouté  d'autres  cordes. 

KANOURH.  Village  tibétain,  situé  dans  la  vallée  supé- 
rieure du  Sutledj.  On  y  fabrique  des  étoffes  de  Nankin,  li 
doit  sa  notoriété  à  un  monastère  iamaïque  où  Csoma  de 
Koros  trouva  une  si  riche  bibliothèque  et  tant  d'excel- 
lents matériaux  pour  ses  études  qu'il  s'y  enferma  d'août 
18^27  à  octobre  1830.  il  y  reçut  en  août  1830  la  visite  de 
Victor  Jacquemont  que  ses  explorations  de  naturaliste 
avaient  amené  dans  ces  parages.  L.  Feer. 

BiBL.  :  Tbéod.  Duka,  Life  and  works  of  Csoma  de  K6- 
rôs;  Londres,  lb85,  in-8.  —  Victor  Jacquemont,  Corresp. 

KANOUN.  Tiré  du  grec  xavo^y,  ce  mot  a  passé  dans  la 
langue  arabe  et,  en  Algérie,  il  sert  surtout  à  désigner  une 
sorte  de  laiii  mdiquanl  les  amendes  que  doivent  {^ayer  les 
Kabyles  quand  ils  contreviennent  à  leur  loi  pénale,  a  leur 
loi  civile  ou  même  simplement  aux  prescriptions  de  la  cou- 
tume ou  de  l'usage  local.  En  pays  kabyle,  chaque  fraction 
de  tribu,  chaque  village  souvent  a  son  kanoun  particuher 
qui  diffère  plus  ou  moins  de  celui  du  village  voisin.  Quel- 
quelois  le  kanoun  contient  certaines  prescriptions  qui  for- 
ment dérogation  à  la  coutume  générale  et  qui  cependant  ne 
sont  point  susceptibles  de  provoquer  le  payement  d'une 
amende.  En  l'absence  d'écriture  nationale,  les  Kabyles 
n'ont  pas  toujours  tixé  par  écrit  le  texte  de  leurs  kanouns; 
bien  souvent  ils  les  ont  laissés  conliés  à  la  mémoire  des 
aqal  ou  notables,  et  c'estce  qui  explique  pourquoi  ils  sont, 
dans  bien  des  cas,  devenus  incomplets  ou  se  sont  altérés 
profondément  à  peu  d'années  de  distance.  Les  principaux 
kanouns  kabyles  ont  été  publiés  par  MM.  llanoteau  et  Le- 
tourneux  dans  leur  ouvrage  intitulé  la  Kabylie  (Paris, 
1873,  3  vol.  in-8, 1''^  éd.).  0.  IJoudas. 

KANÛURI.  Peuple  du  Bornou  (V.  ce  mot). 
KANPOUR  ou  CAWNPORE  (V.  Khanpour). 
KANSAS.  Rivière  des  Etats-Unis,  afll.  dr.  du  Missouri; 
elle  est  formée  par  l'union  du  Kepubhcan  Fork  au  N.  et 
du  Smoky  llill  Fork  au  S.  ;  le  premier  (800  kil.)  naît 
dans  l'Etat  de  Colorado,  passe  dans  le  S,  de  celui  de  Ne- 
braska  et  entre  dans  celui  de  Kansas  où  il  s'unit  à  Fort 
iiiiey  au  Smoky  IhU  Fork  (000  kiL);  celui-ci,  né  dans  le 
Colorado,  passe  aux  forts  Wallace,  iiuys  et  ilarkei',  à  Junc- 
t:on  City  et  reçoit  à  gauche  le  Salomon  (4o0kil.)  et  le  Sa- 
liiie  nver  (^50  kil.).  Le  Kansas  proprement  dit  a  ^00  kil. 
ci  arrose  Topcka,  Lawrence  et  ivansas  city  avant  de  se 
jc;cr  dans  le  Missouri  à  'il"i  m.  d'ait.  après  avoir  reçu  à 
gauche  le  Big  blue  (300  kiL).  Le  bassin  du  Kansas  à 
1 10,000  kil.  q.  ;  mais  ce  sont  des  steppes  qui  donnent  peu 
d'eau  aux  rivières;  elles  sont  presque  à  sec  en  été 
(V,  Etats-Unis  et  Kansas  [EtatJ). 

KANSAS.  Etat  de  la  région  centrale  des  Etats-Unis  de 
l'Amérique  du  Nord  ;  i21^2,378  kil.  q.;  1,4:27,096  hab. 
Sauf  au  N.-E.  où  la  frontière  suit  le  Missouri,  elle  est 
marquée  par  des  lignes  géométriques  ;  37*^  et  40^  lat.  N., 
9(i*^  20^  et  104«  20  long.  0.,  formant  un  parallélogramme 
qui  mesure  à  peu  près  334  kil.  du  S.  au  N.  et  030  kil.  de 
LE.  à  l'O.  Le  Kansas,  compris  entre  le  Territoire  indien  au 
S. ,  le  Colorado  à  l'O. ,  le  Nebraska  au  N. ,  le  Missouri  à  l'E. , 
est  au  centre  des  Etats-Unis.  C'est  pour  l'étendue  le  11® 
Etat,  pour  la  population  le  19^,  pour  la  date  d'admission 
dans  l'Union  le  21«. 

Le  territoire  de  i'Eiât  appartient  entièrement  à  la  Prairie 
(V.  Etats-Unis);  il  est  ondulé  et  en  pente  sensible  (1  "^50 
par  kil.  à  l'O.,  0,60  à  l'E.),  ayant  1,100  m.  d  ait.  à  la 
irontière  du  Colorado,  200  le  long  du  Missouri.  La  région 
orientale,  où  se  groupe  presque  toute  la  population,  est 
couverte  de  vastes  champs  de  froment,  mais  ou  sorgho,  et  on 
a  planté  beaucoup  d'arbres  dans  les  vallées.  —  Les  cours 


d'eau  so  partagent  entre  le  bassin  à\i  Kansas  au  N.  (V.  ci- 
dessus)  et  celui  de  VArkansas  (V.  ce  mot)  au  S.  ;  ce  der- 
nier n'a  même  pas  de  lit  bien  défini  et  encombre  une  im- 
mense dépression  de  ses  eaux  et  de  ses  bancs  de  sable, 
surtout  en  été  après  la  fonte  des  neiges.  —  Le  sol  appartient 
au  terrain  carbonifère  à  l'E.,  secondaire  au  centre,  ter- 
tiaire aux  angles  N.-O.  et  S.-O.  Le  climat  est  continental, 
de  plus  en  plus  sec  à  mesure  qu'on  avance  vers  l'O.  ;  la 
chute  d'eau  est  de  0,823  à  l'E.,  0,623  au  centre,  0,400  à 
l'O.;  elle  atteint  1,200  à  Leavenworth.  Les  vents  domi- 
nants sont  ceux  du  S.-O.  et  du  S.  L'hiver  est  très  froid, 
mais  court,  l'été  très  chaud. 

L'agriculture  est  l'occupation  essentielle;  en  1880,  les 
champs  occupaient  4,246,000  hect.  On  cultive  surtout  le 
mais,  puis  le  froment  (en  1885,  ces  cultures  occupaient 
2,705,000  hect.  produisant  72  millions  d'hectol.),  puis 
l'avoine,  les  pommes  de  terre,  légumineuses,  le  tabac.  Les 
forêts  n'occupent  que  5  "/o  de  la  superiicie  totale.  La  ri- 
chesse en  bétail  est  énorme.  En  1880,  le  Kansas  avait 
431,000  chevaux,  65,000  mulets  et  ânes,  1,450,000 
bètes  à  cornes,  500,000  moutons,  1,800,000  porcs.  Ces 
chiffres  ont  doublé.  Les  principales  industries  sont  la  meu- 
nerie et  les  conserves  de  viande.  Oe  1860  a  1880,  la  valeur 
du  bétail  et  des  récoltes  a  vingtuplé.  Les  richesses  minières 
sont  assez  grandes  :  houille,  plomb  et  zinc. 

Le  Kansas  se  divise  en  104  comtés,  dont  plusieurs 
n'existent  que  sur  le  papier.  La  capitale  est  Topeka  ;  les 
principales  villes  sont  ensuite  Leavenworth,  Atchison, 
Lawrence,  Wyandotte,  Emporia,  Wychita,  Fort  Scott, 
Ottawa,  Parsons,  etc.  Sur  la  population  totale,  on  compte 
environ  50,000  gens  de  couleur  et  une  proportion  de  10  ^/^ 
d'immigrants  étrangers,  chiffre  relativement  faible  ;  en 
outre,  quelques  centaines  d'Indiens  dans  la  Prairie.  L'ins- 
truction publique  est  très  développée.  La  population  scolaire 
atteignait  en  1883-84  le  chiffre  de  303,600  enfants  sur 
une  population  de  1,200,000  âmes.  Il  existe  à  Lawrence 
une  université  d'Etat.  —  La  constitution  actuelle  remonte 
pour  ses  dispositions  essentielles  à  1859  ;  elle  comporte  un 
bénat  de  40  membres  élus  pour  quatre  ans,  et  une 
Ciiambre  de  125,  élus  pour  deux  ans.  Le  gouverneur  et 
les  fonctionnaires  sont  élus  par  le  peuple  pour  deux  ans  ; 
les  juges  le  sont  pour  quatre  et  les  juges  supérieurs  pour 
SIX.  La  devise  de  l'Etat,  justifiée  par  son  histoire,  es\.:Ad 
asiraper  aspera, 

Bien  que  récemment  entré  dans  l'Union,  le  Kansas  a 
déjà  joue  un  rôle  historique  considérable,  il  faisait  partie 
de  la  Louisiane,  cédée  par  la  France  aux  Etats-Unis  en 
1803.  La  convention  de  Missouri  en  1820  édita  que  dans 
ce  territoire  lesclavage  ne  pourrait  être  introduit  au  N. 
du  36"  30  lat.  N.  Lorsqu'on  organisa  en  territoires  le 
Kansas  et  le  Nebraska  (mai  1854),  on  déclara  que  cette 
loi  n'y  serait  pas  imposée.  On  laissait  aux  habitants  le 
choix.  Le  Kansas  devint  aloi's  le  champ  de  bataille  des 
esclavagistes  et  abolitionnistes.  Les  Etats  du  Nord  installè- 
rent à  leurs  irais  des  milliers  d'immigrants  dans  le  Kansas  ; 
les  Missouriens  en  expédièrent  de  leur  coté,  amenant  leurs 
esclaves.  Aux  premières  élections  de  1854  et  1855,  des 
bandes  armées,  venues  du  Missouri,  remplirent  les  urnes 
de  leurs  bulletins  ;  la  guerre  civile  lut  déchaînée,  les  villes 
naissantes  saccagées  et  brûlées  ;  les  bandes  abohtionnistes 
de  John  Brown  furent  battues  ;  à  la  constitution  dite  de 
Topeka  (1855),  les  esclavagistes  opposèrent  celle  de  Le- 
compton  (1857).  Cependant  les  électeurs  la  rejetèrent  plu- 
sieurs fois.  Le  gouvernement  fédéral  intervint  successive- 
ment contre  les  deux  partis.  Finalement,  en  1859,  la 
législature  vota  une  constitution  prohibant  l'esclavage,  et 
le  peuple  la  ratitia  le  4  oct.  1859  par  10,421  voix  contre 
5,530.  Le  Congrès  fédéral  admit  alors  le  Kansas  au  rang 
d'Etat,  mais  le  Sénat  le  refusa  d'abord,  et  l'admission  n'eut 
lieu  qu'à  la  session  suivante,  le  30  janv.  1861.  Dans  la 
guerre  de  la  Sécession,  le  Kansas  prêta  le  plus  actif  concours 
aux  abolitionnistes,  fournit  plus  de  20,000  soldats,  17  ré- 
giments blancs,  2  de  noirs,  2  d'Indiens,  li  eut  la  première 


i03 


KANSAS  —  KANT 


compagnie  de  nègres  et  le  premier  officier  noir  ;  le  premier 
député  noir  dans  sa  législature. 

KANSAS  City.  Ville  des  Etats-Unis,  Etatde  Missouri,  en 
aval  du  confluent  du  Kansas;  132,7 16  hab.  Elle  comprend 
la  ville  basse,  bâtie  d'abord,  avec  ses  rues  tortueuses  et 
boueuses,  ses  maisons  de  bois  et  ses  immenses  marchés  aux 
bestiaux  et  abattoirs;  la  ville  haute,  au  S.,  avec  ses  larges 
rues  rectilignes,  ses  maisons  bourgeoises,  ses  hôtels, 
églises,  écoles.  Kansas  City  ne  fut  qu'un  village  jusqu'au 
jour  où  le  chemin  de  fer  du  Pacifique  y  passa  (1865). 
Aussitôt  ce  devint  l'entrepôt  du  commerce  entre  les  an- 
ciens Etats  et  le  Far  West.  Ses  chemins  de  fer  rayonnent 
dans  tous  les  sens.  De  4,000  hab.  en  1860,  la  population 
monta  à  32,000  en  1870,  55,000  en  1880,  132,716 
en  1890. 

KAN-SOU.  Une  des  dix-huit  provinces  de  la  Chine 
propre;  325,000 kil.q.;  9,300,000  hab.  (d'ap.  VAlm.  de 
Gotha  de  1894.  LeKan-sou  est  borné  au  N.  par  la  Grande 
Muraille  qui  le  sépare  de  la  Mongolie  intérieure,  puis  parle 
Dzassaktou-khanat  et  par  le  district  de  Kour-kara-ousou  :  à 
ro.  par  les  districts  de  îlarachar  et  de  Koukou-nor  ;  au 
S.  par  le  district  de  Koukou-nor  et  la  province  de  5^- 
tch*oan\  à  l'E.  par  la  province  de  Chen-siet  la  Mongohe. 
Le  désert  de  Gobi,  qui  s'étend  à  l'O.  de  la  passe  de  Kia- 
yu-koan,  divise  le  Kan-sou  en  deux  parties  entièrement 
différentes,  l'une  où  la  population  est  chinoise  et  séden- 
taire, l'autre  oii  elle  est  mongole  et  nomade.  Le  Kan-sou 
n'a  été  détaché  du  Chcn-si  et  érigé  en  province  distincte 
que  sous  le  règne  de  Kieu-long  (1736-1795)  ;  il  a  con- 
servé même  de  nos  jours  quelques  liens  administratifs  avec 
le  Chen-si,  car  il  forme  avec  lui  la  vice-royauté  de  Ghen- 
kan.  Le  nom  de  Kan-sou  a  été  tiré  des  noms  réunis  des 
deux  villes  de  Kan-tcheou  et  de  Sou-tcheou  ;  aucune  de 
ces  deux  cités  cependant  n'est  la  capitale  de  la  province  ; 
ce  rang  appartient  à  la  ville  de  Lan-tcheou  (V,  ce  mot). 
Le  Kan-sou  comprend  quinze  préfectures  de  première  et 
de  seconde  classe  ;  ce  sont  celles  de  Lan-tcheou,  Ping- 
leang,  Kong-tchang,  King-yang,  Ning-hia,  Si-ning, 
Leang-tcheou,  Kan-tcheou,  Tchen-si  {Uarkoul)^  King- 
tcheou,  Kié-tcheou,  Tsin-tcheou,  Sou-tcheou,  Ngan-si- 
tcheou  et  Té-hoa-tclieou.  E.  Chavannes. 

BiisL.  :  S.  Wells  Williams,  Topography  of  ihe  pro- 
vince of  Kansuli^  dans  Ctiin.  Repository,  vol.  XIX,  pp.  551 
et  siiiv.  —  RiCHTHOFEN,  China,  vol.  II,  ch.  xiii. 

KANSK.  Ville  de  Sibérie,  gouvernement  do  léniséisk, 
ch.-l.  de  cercle,  sur  la  rive  gauche  du  Kan  ;  4,000  hab. 
Salines,  commerce  de  pelleteries.  Elle  est  sur  la  grande 
route  de  la  Sibérie  du  S.  —  Le  cercle  a  83^063  kil.  q. 

KANT  (Immanuel),  philosophe  allemand,  né  à  Kœnig- 
sbergle  22avr.  1724,  mort  à  Kœnigsbergle  12  févr.  1804. 
La  philosophie  de  Kant  est  l'un  des  faits  les  plus  consi- 
dérables de  l'histoire  de  l'esprit  humain.  Selon  le  célèbre 
historien  de  la  philosophie  moderne,  Kuno  Fischer,  elle 
ne  représente  rien  moins  qu'une  révolution  analogue  à 
celle  qu'accomplit  Socrate,  quand  il  rappela  l'homme  de 
l'étude  du  monde  à  l'étude  de  soi  :  elle  donne  en  effet  pour 
tâche  à  l'esprit  humain,  non  plus  de  trouver  les  principes 
de  l'être  et  de  se  former  une  conception  de  l'univers,  mais 
de  rechercher  les  conditions  de  la  connaissance,  l'origine 
et  la  valeur  des  éléments  de  nos  représentations.  Tout  ré- 
cemment encore  Windelband  écrivait  que  le  rationalisme 
de  Kant  est  la  concentration  en  une  unité  vivante  de  tous 
les  principes  moteurs  de  la  pensée  moderne.  Et  il  est  cer- 
tain tout  d'abord  que  la  philosophie  de  Kant  préside  au 
développement  de  la  philosophie  allemande.  De  Fichte  ou 
de  Schelling  à  Wundt  ou  à  kiehl,  il  n'est  point  de  philo- 
sophe allemand  qui  ne  continue  ou  n'élabore  les  idées 
kantiennes.  En  dehors  de  l'Allemagne,  le  kantisme  exerce 
une  intluencede  plus  en  plus  forte,  à  mesure  qu'il  est  mieux 
connu.  Réfuté  par  les  uns,  accueilli  par  les  autres,  il  est 
un  des  facteurs  essentiels  de  la  pensée  philosophique.  Chez 
nous,  en  particulier,  au  vif  intérêt  historique  dont  il  est  l'objet 
se  joint  plus  que  jamais  un  intérêt  théorique  :  non  seulement 


il  existe  un  néo-criticisme  français  qui  est  très  prospère, 
mais  il  ne  paraît  guère  de  dissertation  philosophique  où  ne 
soit  discuté  le  point  de  vue  de  Kant  ;  et  son  influence  se 
fait  sentir  jusque  dans  les  domaines  de  la  littérature  et  de 
la  vie  sociale.  Exposer  le  véritable  caractère  d'une  doctrine 
ainsi  mêlée  aux  spéculations  présentes  est  chose  difficile  ;  le 
plus  sûr  sera  de  faire  abstraction  des  divers  développements 
qu'elle  a  pu  recevoir,  et  de  s'en  tenir  à  une  scrupuleuse 
analyse  des  propres  écrits  du  philosophe. 

L  Biographie.  —  (Sources  :  la  correspondance  de  Kant  ; 
la  '2^  partie  du  t.  XI  de  l'édit.  Rosenkranz  et  Schubert  des 
œuvres  de  Kant,  Kuno  Fischer,  Gesch.d.  n.  PhiL,  t.  111.) 
Kant  est  un  contemporain  de  Frédéric  11  et  de  la  Révolu- 
tion française.  Ses  principaux  ouvrages  parurent  de  1770 
à  1797.  Il  goûta  plus  les  triomphes  du  droit  que  ceux  de 
la  force,  mais  il  ne  consentit  jamais  à  séparer  la  liberté  de 
Tordre  et  de  la  disci{)line.  Le  milieu  moral  où  sa  pensée 
s'est  développée  consista,  d'une  part  dans  le  piétisme,  de 
l'autre  dans  la  philosophie  du  xvni®  siècle.  Le  piétisme, 
opposé  au  protestantisme  théologique  et  abstrait,  mettait 
la  pratique  au-dessus  du  dogme,  exaltait  le  sentiment,  la 
dévotion,  la  piété  intérieure,  l'interprétation  individuelle 
des  Ecritures.  La  philosophie  du  xviii®  siècle,  la  philosophie 
des  lumières,  selon  le  nom  qu'elle  porte  en  Allemagne,  en- 
seigne que  tous  les  maux  dont  souffre  rhumanité  résultent 
de  l'ignorance  et  de  l'asservissement  qui  en  résulte,  et  que 
le  progrès  des  lumières  procure  nécessairement  le  bonheur 
avec  l'affranchissement. 

La  vie  de  Kant  se  divise  assez  naturellement  en  trois  pé- 
riodes, qui  correspondent  aux  phases  de  son  développement 
philosophique:  1"  la  jeunesse,  de  17^24  à  1755,  époque  des 
études  et  des  premiers  essais;  2^  le  stage  comme  privat- 
docent,  de  1755  à  1770,  époque  dos  travaux  antécritiques  ; 
3«  le  professorat,  de  1770  à  1797,  époque  des  travaux  cri- 
tiques et  du  développement  doctrinal. 

1.  Immanuel  Kant  naquît  à  Kœnigsbergle  22  avr.  1724. 
Cette  ville,  où  devait  presque  sans  interruption  s'écouler 
toute  sa  vie,  était  le  centre  d'un  commerce  considérable  ; 
Juifs,  Polonais,  Anglais,  Hollandais  y  affluaient  :  le  philo- 
sophe y  trouva  matière  à  observations  psychologiques  et 
morales.  Kœnigsberg,  ville  d'université,  était,  en  outre, 
le  centre  de  la  vie  intellectuelle  et  politique  du  duché  de 
Prusse.  La  famille  de  Kant  était  d'origine  écossaise.  Son 
nom  s'écrivait  Cant,  et  c'est  lui-môme  qui  en  changea  l'or- 
thographe, parce  qu'en  allemand  Cant  se  prononce  tsant. 
Le  père  de  Kant  était  sellier.  C'était  un  homme  de  mœurs 
rigides,  qui  resta  pauvre.  Sa  mère,  Anna-Regina  Reuter, 
était,  nous  dit-il,  très  intelligente,  avait  le  cœur  haut  place 
et,  foncièrement  piétiste,  entendait  la  religion  d'une  ma- 
nière sérieuse  et  intime,  sans  mélange  de  inysticisme  ou  de 
fanatisme.  Kant  fut  le  quatrième  enfant  de  cette  famille, 
qui  en  compta  onze.  La  gravité,  le  respect  des  choses  mo- 
rales et  religieuses  présidèrent  à  son  éducation.  Il  reçut 
docilement  cette  influence  et  en  conserva  le  plus  vif  et  le 
plus  reconnaissant  souvenir. 

A  l'âge  de  neuf  ans  il  entra  au  collège  Frédéric,  dirigé  par 
Schulz,  professeur  ordinaire  de  théologie  à  l'université  de 
Kœnigsberg.  Schulz  fut  le  premier  maître  de  Kant .  Ardent 
piétiste,  il  imprégnait  tout  l'enseignement  de  son  esprit.  Kant 
apprit,  auprès  de  lui,  à  mettre  la  piété  intime  de  l'âme  au- 
dessus  du  raisonnement,  la  pratique  au-dessus  du  dogme.  On 
remarque  qu'il  a  toujours  parlé  avec  respect  et  reconnaissance 
de  ses  maîtres  piétistes.  Est-ce  le  philosophe,  est-ce  l'an- 
cien piétiste  qui  écrit  en  1782,  dans  l'épitaphe  du  pasteur 
Lilienthal  qui  avait  marié  ses  parents  :  Was  uns  zu  thun 
gebûhrt,  des  sind  ivir  nur  gewiss  (ce  que  nous  devons 
faire,  voilà  la  seule  chose  dont  nous  soyons  certains)  ? 

Kant  passa  sept  années  au  collège  Frédéric.  Il  s'y  pas- 
sionna notamment  pour  le  latin  et  pour  le  stoïcisme  romain, 
en  qui  il  trouvait  la  religion  de  la  discipline.  Jusqu'à  la  fin 
de  sa  vie  il  répéta,  comme  une  devise,  les  vers  do  Juvénal  : 

Summum  crede  nefas  animam  prœferre  pudori 
Etproptervitam  vivendi  perdere  causas. 


KANT 


404  — 


En  1740,  âgé  de  dix-sept  ans,  il  entra  à  l'université  de 
Kœnigsberg,  dans  le  dessein  d'y  étudier  la  théologie.  Il 
songeait  alors  à  devenir  pasteur,  mais  ne  persista  pas  dans 
cette  pensée.  Il  commença  par  suivre  le  cours  de  Martin 
Knutzen,  professeur  de  mathématiques  et  de  philosophie  : 
Knulzen  fut  son  deuxième  maître.  Lui  aussi  était  piétiste. 
En  philosophie,  quoique  disciple  de  Wolf,  il  combattait  le 
dualisme,  et  revenait  à  la  pure  doctrine  de  Leibniz,  sui- 
vant laquelle  la  force  représentative  et  la  force  motrice 
participent  l'une  de  l'autre  et  se  supposent  réciproque- 
ment. A  Knutzen,  Kant  dut  de  connaître  les  œuvres  de  New- 
ton, que  l'on  peut  appeler  son  troisième  et  peut-être  son 
principal  maître.  Le  newtonisme  fut  pour  Kant  la  preuve 
expérimentale  de  la  possibilité  d'une  science  à  priori  de  la 
nature.  11  se  proposera  d'expliquer  cette  possibilité,  et,  par 
là,  d'être  lui-même  le  Newton  de  la  métaphysique.  Knutzen 
contribue  à  tourner  Kant  de  la  théologie  vers  la  philoso- 
phie. Et  peu  à  peu  du  piétisme  Kant  écarte  l'orthodoxie 
rigoureuse  pour  n'en  retenir  que  la  rigidité  morale. 

Ne  pouvant  vivre  du  produit  de  ses  leçons,  Kant  se  fit 
précepteur  (1746).  Il  le  demeura  neuf  ans.  Cette  fonction 
le  mit  en  rapport  avec  les  étrangers  et  la  noblesse.  Il  prit 
un  goût  très  vif  pour  la  politique  et  les  littératures  étran- 
gères. Il  fréquenta  le  monde  et  tint  à  y  faire  figure  d'hon- 
nête homme.  Cette  première  période  de  son  existence  se 
termine  par  la  publication  anonyme  de  sa  Physique  univer- 
selle et  théorie  du  ciel  (1755),  ouvrage  qui  prélude  à  la 
théorie  de  Laplace  sur  la  formation  des  astres. 

2.  Ayant  obtenu  la  «  promotion»  grâce  à  une  dissertation 
sur  le  feu,  et  1'  «  habilitation  »  par  une  dissertation  sur 
les  principes  premiers  de  la  connaissance  métaphysique,  il 
fut  nommé  privat-docent.  Il  professa  les  mathématiques, 
la  physique,  la  théorie  des  fortifications,  la  pyrotechnie,  la 
logique,  la  morale  et  l'encyclopédie  philosophique.  Son  en- 
seignement était  très  vivant.  Sur  chaque  matière  il  parlait 
comme  un  homme  spécial.  Il  eut  un  grand  succès.  Entre 
1760  et  1769  il  étendit  encore  le  cercle  de  ses  cours  et  y 
comprit  la  théologie  naturelle,  l'anthropolof^ie,  la  critique 
des  preuves  de  l'existence  de  Dieu,  la  doctrine  du  beau  et 
du  sublime.  Ici  se  place  l'influence  de  Rousseau,  dont  les 
principaux  ouvrages  paraissaient  alors  et  faisaient  grand 
bruit.  Kant  lut  Rousseau  avidement,  et,  dans  son  com- 
merce, se  passionna  pour  les  questions  morales,  pour  la 
lutte  contre  les  préjugés,  pour  le  retour  à  la  nature  et  à  la 
raison.  Il  apprit  de  Rousseau,  nous  dit-il,  à  ne  pas  mépriser 
les  inclinations  naturelles  de  l'homme.  La  science  physique 
à  priori  comme  fait,  voilà  ce  qu'il  avait  trouvé  chez  New- 
ton ;  la  moralité  comme  fait,  voilà  ce  que  Rousseau  lui  fit 
voir.  Et  il  se  proposa  d'analyser  ces  faits. 

Pour  approfondir  les  questions  morales  il  lut  les  mora- 
listes anglais  :  Shaftesbury,  Hutcheson,  Hume.  Rientôt, 
vers  1762,  il  connut,  de  ce  dernier,  non  plus  seulement 
les  théories  morales,  mais  les  théories  métaphysiques.  Cette 
initiation  fut  un  moment  décisif  dans  le  développement  de 
sa  pensée.  «  Ce  fut  Hume,  dit-il,  qui  le  premier  inter- 
rompit mon  assoupissement  dogmatique  et  donna  à  mes 
recherches,  dans  le  champ  de  la  philosophie  spéculative, 
une  direction  toute  nouvelle.  »  H  est  vrai  qu'il  ajoute 
aussitôt  :  «  Je  n'avais  garde,  sans  doute,  d'accepter  ses 
conclusions.  »  Le  scepticisme  de  Hume  était  à  ses  yeux 
suflisamment  réfuté  par  la  réalité  de  la  détermination  mo- 
rale. Il  s'agissait  pour  lui  de  faire  droit  aux  critiques  de 
Hume  sans  aboutir  à  ses  co^aclusions,  de  se  frayer  un  pas- 
sage entre  le  scepticisme  et  le  dogmatisme,  comme  entre 
Charybde  et  Scylla.  Une  faible  indication  qu'il  trouve 
dans  Locke  (liv.  IV,  ch.  m,  §§  9  et  suiv.)  fut  le  point  de 
départ  de  sa  théorie.  Ainsi  l'influence  de  Hume,  qui  fut, 
certes,  très  importante,  consista  surtout  pour  Kant  dans 
un  avertissement,  dans  une  excitation  à  réfléchir.  Rien  ne 
prouve  que  Kant  ait  eu  sa  phase  de  scepticisme;  en  re- 
vanche, c'est  pour  pouvoir  échapper  au  scepticisme  qu'il 
chercha  une  position  en  dehors  du  dogmatisme  tradition- 
nel. Peut-être  son  idéalisme  transcendantal  s'inspira-t-il  de 


la  doctrine  de  Leibniz,  enfin  révélée  dans  sa  pureté  par  la 
publication  des  Nouveaux  Essais  (1765).  Leibniz  en- 
seigne, en  eff'et,  comment  on  peut  maintenir  l'innéité,  tout 
en  considérant  l'expérience  coanne  indispensable  à  la  for- 
mation de  la  connaissance.  Mais  les  formes  et  les  caté- 
gories de  Kant  sont  tout  autre  chose  que  les  virtualités 
leibnitiennes. 

3.  Pour  devenir  professeur  ordinaire,  Kant  écrivit  et  sou- 
tint une  dissertation  sur  la  forme  et  les  principes  du  monde 
sensible  et  du  monde  intelligible.  Il  fut  nommé  à  l'univer- 
sité de  Kœnigsberg  par  Frédéric  II,  avec  un  traitement  de 
400  thalers  (1,500  fr.).  H  refusa  dans  la  suite  toutes  les 
propositions  qui  lui  furent  faites.  Il  n'enseigna  plus  désor- 
mais que  la  logique  et  la  métaphysique,  dans  son  cours  pu- 
blic, et  le  droit  naturel,  la  morale,  la  théologie  naturelle, 
l'anthropologie  et  la  géographie  physique  dans  ses  cours 
privés.  Il  fut  un  remarquable  professeur  :  il  n'apprenait 
pas  à  ses  élèves  la  philosophie,  il  leur  apprenait  à  philo- 
sopher. Son  enseignement  était  simple,  lucide  et  atta- 
chant; il  réservait  la  terminologie  spéciale  et  les  déductions 
abstruses  pour  les  livres,  destinés  aux  savants.  Sur  les 
sujets  moraux,  il  parlait  avec  chaleur  et  conviction,  il  avait 
une  éloquence  mâle,  qui  subjuguait  les  âmes. 

Le  problème  de  la  critique  ne  tarde  pas  à  l'absorber. 
Comment  peut  s'expliquer  l'accord  d'idées  à  priori  avec  des 
choses  existant  en  dehors  de  nous?  Il  crut  d'abord  que 
quelques  mois  lui  suffiraient  pour  résoudre  cette  question  :  il 
y  employa  douze  ans.  Encore  ne  donna-t-il  que  quatre  ou 
cinq  mois  à  la  rédaction,  de  peur  d'être  entraîné  à  de  trop 
longs  délais.  Ce  fut  au  commencement  de  1781,  à  Riga, 
que  parut  la  Critique  de  la  raison  pure,  V m  des  chefs- 
d'œuvre  de  l'esprit  humain.  Kant  avait  cinquante-sept 
ans.  L'originalité  et  la  portée  de  son  ouvrage  ne  turent  pas 
comprises  dès  l'abord.  On  ne  voulut  voir  en  lui  qu'un  rê- 
veur platonicien,  ou  un  idéaliste  cartésien  ;  Hamann  l'ap- 
pelle un  Hume  prussien.  Kant  s'explique  avec  insistance 
dans  un  opuscule  intitulé  Prolégomènes  à  toute  méta- 
physique future  visant  à  se  présenter  comme  science 
(1783),  ainsi  que  dans  la  préface  à  la  seconde  édition  de 
la  Critique  (1787).  Et  sûr,  quant  à  lui,  de  son  principe, 
il  s'applique  de  plus  en  plus  exclusivement  à  en  développer 
les  conséquences,  à  achever  son  œuvre  critique  et  à  éta- 
blir sur  cette  base  une  doctrine  complète  de  philosophie 
spéculative  et  morale.  De  1785  à  1797  paraissent  les  ou- 
vrages consacrés  à  cette  tâche.  L'opinion,  cependant,  lui 
devenait  de  plus  en  plus  favorable.  En  1790,  le  jeune 
Fichte  lui  adresse  ses  Aphorismes  sur  la  religion  et  le 
déisme,  avec  une  lettre  enthousiaste.  Schiller  étudie  l'es- 
thétique de  Kant  et  la  fait  étudier  à  Gœthe.  J.-P.  Richter 
écrit  que  Kant  n'est  pas  une  lumière  du  monde,  mais  tout 
un  système  de  soleils  éclatants.  Kant  est  commenté  aux 
Pays-Ras  et  en  Angleterre.  En  France  on  traduit  sa  disser- 
tation sur  la  paix  éternelle,  parue  en  1795. 

De  la  part  du  gouvernement,  Kant  rencontra  estime  et 
protection.  Une  seule  fois  il  faillit  être  empêché  dans  l'ex- 
position de  ses  doctrines.  Ce  fut  lorsqu'il  écrivit  sur  les 
matières  religieuses.  H  envoya  à  la  Bévue  mensuelle  de 
Berlin,  en  1792,  un  article  sur  le  mal  radical  dans  la 
nature  humaine.  Le  conseil  de  censure  en  autorisa  l'im- 
pression. Mais  un  second  article,  sur  la  lutte  du  bon  et  du 
mauvais  principe,  ne  fut  pas  admis.  Or,  Kant  devait  encore 
en  publier  deux.  Condamné  par  le  conseil,  il  s'adressa  à  la 
faculté  de  théologie,  laquelle  accorda  l'imprimatur.  Les 
quatre  dissertations  parurent  sous  le  titre  :  la  Beligion 
daîis  les  limites  de  la  pure  raison  (1793).  L'ouvrage 
eut  un  succès  qui  alarma  le  gouvernement;  et,  le  1«^  oct. 
1794,  le  ministre  adressa  à  Kant  une  lettre  où  il  lui  deman- 
dait des  explications  et  lui  enjoignait  de  s'abstenir  désor- 
mais d'écrire  sur  la  religion.  Kant  se  soumit,  extérieure- 
ment du  moins.  Il  s'engagea  par  écrit  à  ne  plus  enseigner 
ou  écrire  sur  la  religion  «  en  tant  que  fidèle  sujet  de  Sa 
Majesté  royale  ».  Le  roi  mort  (1797),  il  se  tint  pour  dé- 
gagé de  sa  parole. 


iOo  - 


KANT 


D'ailleurs,  il  ne  fut  plus  inquiété  par  le  gouvernement, 
malgré  sa  sympathie  pour  la  Révolution  française.  Cette 
sympathie  est  un  trait  de  sa  physionomie  morale.  Il  voyait 
dans  la  Révolution  Teffort  pour  fonder  sur  la  raison  l'or- 
ganisation des  sociétés  humaines.  Même  après  4794,  il 
persévéra  dans  ses  convictions  politiques,  tout  en  déses- 
pérant de  voir  les  choses  tourner  à  bien  en  France.  Jus- 
qu'à la  fin  il  crut  à  la  justice,  à  la  valeur  pratique  de  la 
théorie,  au  droit  comme  principe,  à  la  paix  éternelle  comme 
fin  de  la  politique.  Derrière  les  disputes  des  personnes, 
îl  voyait  le  conflit  de  l'histoire  et  de  la  philosophie,  du 
positif  et  du  rationnel,  et  il  comptait  sur  le  triomphe  de 
la  raison. 

Dès  l'année  1790,  sa  puissance  intellectuelle  s'était  affai- 
blie. En  1797,  il  quitta  sa  chaire.  Il  travaillait  pourtant 
encore;  il  travailla  jusqu'à  la  fin  à  un  ouvrage  dont  il  es- 
pérait faire  son  chef-d'œuvre,  et  où  il  voulait  exposer  le 
passage  de  la  métaphysique  de  la  science  de  la  nature  à 
la  physique.  Cet  ouvrage,  resté  inachevé,  était  perdu  :  il  a 
été  retrouvé  récemment.  La  dernière  année  de  Kant  fut 
marquée  par  une  décadence  croissante.  Il  mourut  le  12  févr. 
1804.  Son  dernier  mot  fut  :  Es  ist  giit  (c'est  bien).  Ses 
obsèques  eurent  heu  au  milieu  des  hommages  d'une  admi- 
ration universelle.  Son  corps  fut  enterré  sous  les  arcades 
de  la  cathédrale  de  Kœnigsberg.  Plusieurs  statues  lui 
furent  élevées,  dont  la  plus  célèbre  est  celle  de  Rauch,  à 
Kœnigsberg.  —  C'était  un  homme  de  petite  taille,  haut  de 
5  pieds  à  peine,  les  os  et  les  muscles  peu  développés, 
la  poitrine  plate  et  presque  concave,  l'articulation  de 
l'épaule  et  du  bras  droit  légèrement  déboîtée;  le  front 
haut,  avec  de  beaux  yeux  bleus.  Sa  tête  fut  moulée  par 
Rnorr;  ses  restes  ont  été  exhumés  en  1880  (V.  Bes- 
seîhagen,  Die  Grabstœtte  Kants,  Kœnigsberg,  1880). 

Kant  n'a  vécu  que  pour  la  philosophie.  Il  ne  remplit 
aucune  fonction  politique,  il  ne  se  maria  point.  Mais  il  ne 
croyait  pas  pouvoir  être  philosophe  sans  être  en  même 
temps  homme.  Il  voulait  être  en  contact  avec  les  réalités 
avant  de  chercher  à  les  comprendre  et  à  les  régler.  Et 
dans  ses  plus  hautes  aspirations  il  se  gardait  de  franchir  les 
limites  de  notre  monde.  Son  objet  est  d'y  vivre  par  prin- 
cipes. Il  se  fait  lui-même  ses  principes,  mais  il  les  fait 
absolus,  et  il  y  obéit.  Le  fonds  où  se  concilient  pour  lui 
la  loi  et  l'indépendance,  c'est  la  raison.  Il  veut  juger  et  se 
conduire  par  elle.  En  politique,  il  professe  le  libéralisme, 
mais  il  ne  saurait  séparer  la  liberté  del'onire,  et  respecte  en 
conscience  le pouvoir  établi.  En  religion,  il  est  rationaliste, 
mais  il  maintient  l'esprit  du  christianisme  et  apprécie  les 
services  des  religions  positives.  En  philosophie,  il  attaque 
le  dogmatisme,  mais  il  repousse  le  scepticisme.  En  morale, 
il  écarte  toute  loi  extérieure,  mais  pour  se  soumettre  à 
un  commandement  interne  plus  sévère  que  ce  qu'il  re- 
jette. Hardiesse  en  matière  de  spéculation,  respect  dans 
l'ordre  des  faits  et  de  la  pratique  :  telle  est  la  marque  de 
son  esprit. 

Kant  fut  un  penseur  plus  qu'un  écrivain.  Quelques-uns 
de  ses  premiers  ouvrages  comme  les  Observations  sur  le 
beau  et  le  sublime  ou  encore  la  méthodologie  de  la  Cri- 
tique de  la  raison  pure^  d'une  manière  générale  les  par  - 
ties  où  il  exprime  ses  convictions  morales,  ont  de  l'aisance, 
de  l'agrément  ou  de  la  vigueur.  Mais  dans  l'analyse  méta- 
physique son  style  est  compliqué,  laborieux,  redondant,  et 
souvent  d'autant  plus  obscur  que  l'auteur  s'est  plus  tra- 
vaillé pour  être  clair.  L'œuvre  de  Kant  est  une  pensée  qui 
cherche  sa  forme.  Plus  achevée,  eût-elle  autant  excité  les 
intelligences  ? 

Voici  la  liste  chronologique  des  principaux  ouvrages  de 
Kant,  lesquels  sont,  pour  la  plupart,  écrits  en  allemand  : 

Pensées  sur  la  véritable  estimation  des  forces  vives, 
et  examen  des  démonstrations  de  Leibniz  et  autres 
mécaniciens  relatives  à  cette  question  (1747).  Kant  y 
concilie  les  doctrines  de  Descartes  et  de  Leibniz  sur  la 
mesure  do  la  force  d'un  corps  en  mouvement.  —  La  Terre 
a-t-elle  subi  quelques  modifications  dans  son  mouvement 


de  rotation  depuis  son  origine?  (article  de  revue,  1754). 
Kant  établit,  en  s'appuyant  sur  les  principes  de  Newton, 
que  la  vitesse  a  dû  diminuer.  —  La  Terre  vieillit-elle?  Re- 
cherche faite  au  point  de  vue  physique  (article,  1 754).  — 
Histoire  universelle  de  la  nature  et  théorie  du  ciel,  oii 
il  est  traité  du  système  et  de  l'origine  mécanique  de 
l'Univers  d'après  les  principes  de  Newton  (1755),  cé- 
lèbre ouvrage  qui  parut  anonyme,  avec  une  dédicace  à  Fré- 
déric II,  et  qui  prélude  à  l'Exposition  du  système  du 
monde,  publiée  par  Laplace  en  1796.  —  Résumé  des  mé- 
ditations sur  lefeu^  1 755  (en  latin).  La  chaleur,  comme  la 
lumière,  est  un  mouvement  vibratoire  de  l'éther. —  Nouvelle 
Explication  des  premiers  principes  de  la  connaissance 
métaphysique  (1755),  thèse  en  latin  pour  obtenir  le  droit 
d'être  privat-docent.  Il  y  est  traité  des  principes  de  con- 
tradiction et  de  raison  déterminante.  —  Trois  dissertations 
Sur  les  Tremblements  de  terre  survenus  en  i755  à 
Quito  et  à  Lisbonne.  —  Monadologie  physique  (1756), 
thèse  latine  ;  Kant  la  soutint  en  vue  d'une  présentation 
pour  un  professorat  extraordinaire,  présentation  qui  n'eut 
pas  lieu.  La  monade  leibnitienne  y  est  transformée  en  atome 
physique.  —  Sur  la  Théorie  des  vents  (1756),expHcation 
exacte  des  vents  périodiques.  —  Conception  nouvelle  du 
mouvement  et  du  repos  (1758).  —  Quelques  Considéra- 
tions  sur  V optimisme  (1759).  Kant  y  professe  que  tout 
est  bon,  rapporté  à  l'ensemble  des  choses.  Dans  la  fin  de 
sa  vie  il  renia  cet  ouvrage  leibnitien.  —  La  Fausse  Subtilité 
des  quatre  figures  sy [logistiques  (1762).  Seule  la  pre- 
mière figure  est  pure  et  primitive.  —  Tentative  d'intro- 
duire dans  la  philosophie  le  coîicept  des  quantités  né- 
gatives (1768).  L'opposition  réelle,  dans  laquelle  les  deux 
termes  sont  en  eux-mêmes  également  positifs,  est  irréduc- 
tible à  l'opposition  logique,  où  l'un  des  deux  termes  est  le 
contradictoire  de  l'autre.  —  L'Unique  Fondement  possible 
d'une  démonstration  de  l'existence  de  Dieu  (1763). 
Le  possible,  considéré,  non  dans  sa  forme,  mais  dans  sa 
matière  ou  ses  data^  suppose  l'existence  et,  finalement, 
l'existence  d'un  être  nécessaire.  —  Etude  sur  l'évidence 
des  principes  de  la  théologie  naturelle  et  de  la  mo- 
rale (1764),  ouvrage  composé  en  vue  d'un  concours  qu'a- 
vait ouvert  l'Académie  de  Berlin.  Kant  n'obtint  que  l'ac- 
cessit :  le  prix  fut  donné  à  Mendelssohn.  Kant  oppose, 
comme  Mendelssohn  d'ailleurs,  la  philosophie  aux  mathé- 
matiques, et  conclut  que  la  méthode  de  celles-ci  ne  convient 
pas  à  celle-là. — Observations  sur  le  sentiment  du  beau  et 
du  sublime  (1764),  œuvre  de  critique  et  de  moraliste.  — 
Programme  des  cours  pour  le  semestre  d'hiver  1765- 
66.  L'éducation  des  facultés  de  l'esprit  doit  précéder  l'ac- 
quisition de  la  science.  Dans  cet  opuscule  se  manifestent  des 
préoccupations  critiques.  —  Les  Rêves  d'un  visionnaire 
éclaircis  par  les  rêves  de  la  métaphysique  (1766,  ano- 
nyme). Cet  ouvrage  fut  composé  à  propos  des  visions  de 
Swedenborg.  Kant  y  veut  être  léger  et  sceptique,  à  la  ma- 
nière de  Voltaire.  La  seule  différence  entre  l'illuminisme  et 
la  métaphysique,  c'est  que  le  premier  est  le  rêve  du  senti- 
ment, tandis  que  la  seconde  est  le  rêve  de  la  raison  :  ceci 
ne  vaut  guère  plus  que  cela.  Ne  prétendons  pas  à  con- 
naître l'inconnaissable.  —  Du  Fondement  de  la  différence 
des  régions  dans  l'espace  (1768).  C'est  la  réfutation  de 
la  théorie  leibnitienne  de  l'espace.  Il  est  nécessaire,  selon 
Kant,  d'admettre  un  espace  absolu  universel. — De  la  Forme 
des  principes  du  monde  sensible  et  du  monde  intelli- 
gible (1770),  dissertation  en  latin  écrite  par  Kant  pour 
acquérir  le  droit  d'être  nommé  professeur  ordinaire  de  lo- 
gique et  de  métaphysique.  Kant  rompt  avec  le  dogmatisme 
en  ce  qui  concerne  la  connaissance  sensible,  non  encore  en 
ce  qui  concerne  la  connaissance  intelligible.  —  Lettres  à 
Marcus  Berx,,  de  1770  à  1781.  Kant  cherche  une  situation 
intermédiaire  entre  l'idéalisme  et  le  réalisme.  —  Des  Dif- 
férentes Races  humaines.  Les  races  sont  des  variétés  de- 
venues stables.  Une  véritable  histoire  des  êtres  naturels 
ramènerait  sans  doute  beaucoup  de  prétendues  espèces  à 
de  simples  races  issues  d'une  espèce  commune.  —  Critique 


KANT 


406  — 


de  la  raison  pure  (4781).  Une  connaissance  théorique 
suppose  à  la  fois  intuition  et  liaison  nécessaire.  La  pre- 
mière condition  n'étant  réalisable  pour  nous  qu'à  propos 
des  choses  sensibles,  celles-ci  sont  les  seules   que  nous 
puissions  connaître  théoriquement.  Seconde  édition  de  la 
Critique  (1787).  C'est  une  question  très  controversée  de 
savoir  si  les  changements  que  présente  cette  seconde  édi- 
tion portent  sur  le  fond  ou  seulement  sur  la  forme.  Rosen- 
kranz,  Schopenhauer,  Kuno    Fischer  tiennent  pour  une 
modification  profonde,  tendant  à  rétabhr  la  chose  en  soi, 
qu'avait  abolie,  selon  eux,  la  première  édition.  Selon  le 
témoignage  de  Kant,  la  seconde  édition  fait  simplement 
ressortir  le  côté  réaliste  de  la  doctrine,  méconnu  par  cer- 
tains lecteurs.  L'affirmation  de  Kant  se  soutient  très  bien. 
La  première  édition  n'aboHssait  pas  la  chose  en  soi,  mais 
la  connaissance  théorique  de  la  chose  en  soi,  ce  qui  est 
très  différent.  —  Prolégomènes  à  toute  métaphysique 
future  visant  à  se  présenter  comme  science  (1783).  Ce 
court  ouvrage  donne  une  exposition  analytique  de  la  doc- 
trine, et  dissipe  les  méprises  qui  s'étaient  produites  au  sujet 
de  la  première  édition  delà  Critique.  —  Conception  d'une 
histoire   universelle  au  point  de  vue  cosmopolitique 
(article  de  revue,  1 784). — Réponse  à  la  question  :  Qu'est- 
ce  que  les  lumières?  (article  de  revue,  1784).  Les  lu- 
mières, dit  Kant,  c'est  l'émancipation  de  l'intelligence.  — 
Compte  rendu  de  l'ouvrage  de  llerder  intitulé  :  Idées 
concernant  la  philosophie  de  l'histoire  de  rhumanité 
(article  de  revue,  1785).  Kant  y  repousse  la  doctrine  de 
l'unité  essentielle  de  la  nature  et  de  la  liberté.  —  Etablis- 
semejit  de  la  métaphysique  des  mœurs  (1785;  4^^  éd., 
1797).  Kant  y  détermine  et  y  assure  le  principe  fonda- 
mental de  la  moralité.  —  Principes  métaphysiques  de  la 
science  de  la  nature  (1786;  3''  éd.,  1800).  C'est  l'éta- 
blissement des  axiomes  de  la  physique  pure.  —  Conjectures 
sur  le  commencement  de   lliistoire    de  rhumanité 
(1 786). — De  la  Médecine  corporelle  en  tant  qu'elle  res- 
sortit à  la  philosophie,  discours  en  latin  (1786  ou  1788). 
—  De  l'Emploi  des  principes  théologiques  en  philosophie 
(article,  1788).  —  Critique  de  la  raison  pratique  (\  788  ; 
6^  éd.,  1827).  C'est  la  détermination  de  la  nature  de  la  loi 
morale  et  du  genre  d'adhésion  qui  convient  aux  principes 
praùqaes.— Critique  de  la  faculté  déjuger  (1790  ;  3^  éd., 
1799).  Kant  y  traite  du  fondement  et  de  la  valeur  des  no- 
tions du  beau  et  de  la  finalité.  —  Sur  Vllluminisme  et  les 
remèdes  à  y  opposer  (ildO),  dissertation  écrite  à  propos 
deCagliostro.  —  Sur  l'Echec  de  toutes  les  tentatives  des 
philosophes  en  matière  dethéodicée  (1791). —  La  Reli- 
gion dans  les  limites  de  ta  pure  raison  (1793;  2^  éd., 
1791).  C'est  la  déduction  ou  légitimation  de  la  religion. 
Cela  seul  y  est  fondé,  qui  se  rapporte  à  la  morale.  Il  faut 
tendre  à  rendre  la  religion  purement  rationnelle.  —  Sur  le 
Lieu  commun  ;  cela  est  bon  en  théorie,  mais  ne  vaut 
rien  dans  la  pratique  (article  de  revue,  1793).  Kant  y 
rejette  cet  aphorisme,  non  seulement  en  ce  qui  concerne  la 
moralité,  mais  encore  en  ce  qui  concerne  le  droit  politique 
et  le  droit  des  gens. —  De  l'Influence  de  la  lune  sur  le 
temps  (article,  1794).  —  De  la  Paix  éternelle.  Essai 
philosophique  (1795).  Kant  place  dans  la  paix  éternelle 
le  but  du  développement  historique  de  l'humanité,  et  cela, 
non  en  vertu  du  sentiment,  mais  en  vertu  de  l'idée  de  jus- 
tice. —  Principes  métaphysiques  de  la  théorie  du  droit 
(1797;  2^  éd.,   1798).  C'est  la  théorie  du  droit  ou  de 
la  légalité,  telle  qu'elle  se  déduit  de  la  critique  de  la  rai- 
son pratique.  Principes  métaphysiques  de  la  tliéorie 
de  la  vertu  (1797;  2^  éd.,  1803).  C'est  la  théorie  de  la 
moralité,  telle  également  qu'elle  suit  de  la  critique.   Ces 
deux  écrits  ensemble  portent  le  titre  de  Métaphysique  des 
7nœurs.  —  La  Dispute  des  facultés  (ouvrage  auquel  est 
joint  un  article  de  1797  :  Sur  la  Puissance  qu'a  l'esprit 
de  se  rendre  maître  de  ses  sentiments  maladijs  par  sa 
seule  volonté  (1798).  C'est  le  conflit  de  la  faculté  de  phi- 
losophie, représentant  la  vérité  rationnelle,  avec  les  trois 
autres,  théolo^^ie,  droit  et  médecine,  qui  représentent  les  dis-    i 


oiplines  positives.  —  A^ithropologie  traitée  au  point  de 
vue  pragmatique  (1798;  2«  éd.,  1800).  L'anthropologie 
pi  agmati(|ue  est  l'art  de  tirer  parti  des  hommes  en  vue  de  ses 
propres  fins.  —  Logique,  ouvrage  de  Kant  publié  par  Jâsche 
(1800);—  Géographie  physique,  ouvrage  de  Kant  publié 
par  Rink  (1802-3).  —  Sur  la  Pédagogie,  ouvrage  publié 
par  Link  (1803).  Ce  sont  des  observations  tirées  d'un  cours 
fait  plusieurs  fois  par  Kant  sur  ce  sujet.  —  Passage  des 
principes  métaphysiques  de  la  science  de  la  nature  à  la 
physique,  ouvrage  resté  inachevé,  écrit  entre  1783  et 
1803,  publié  d'abord  par  Reicke  de  1882  à  1884,  dans  les 
Altpreussische  Monatschriften,  puis,  plus  complètement, 
par  Albrecht  Krause  (1888).  C'est  le  progrès  de  la  déduc- 
tion allant  de  la  métaphysique  de  la  nature  matérielle  à  la 
physique  expérimentale  considérée  comme  science,  c.-à-d. 
comme  système.—  Réflexions  de  Kant  sur  la  philosophie 
critique,  publiées  par  Benno  Erdmann  (1882-8i).  — ■ 
Lettres.  Elles  ne  sont  guère  qu'au  nombre  de  100,  dont 

19  adressées  à  Marcus  Herz. 

IL  La  période  ANiÉcRrriQUE.  —  (Sources  :  les  ouvrages 
compris  entre  1747  et  1770  inclusivement.)  Kant  écrit  le 

20  août  1777  que  ses  recherches,  jadis  spéciales  et  frag- 
mentaires, ont  pris  enfin  une  forme  systématique  et  l'ont 
conduit  à  l'idée  du  tout.  Le  développement  de  la  pensée 
kantienne  présente  donc  en  premier  lieu  une  longue  pé- 
riode de  formation,  pendant  laquelle  des  travaux  de  na- 
ture diverse  sont  d'abord  entrepris  pour  eux-mêmes  sans 
préoccupation  de  vue  d'ensemble,  puis  confrontés  les  uns 
avec  les  autres  à  un  point  de  vue  philosophique.  Ainsi 
Kant,  dans  le  progrès  de  sa  réflexion,  va  des  parties  au 
tout.  Son  idée  maîtresse  se  forme  [)ar  synthèse.  Cette  pre- 
mière période  s'étend  jusqu'à  l'époque  de  l'élaboration  de 
la  critique,  c.-à-d.  jusqu'à  l'année  1770  inclusivement. 

Le  point  de  départ  de  la  pensée  kantienne,  c'est,  d'une 
part,  un  fonds  de  croyances  chrétiennes  et  plus  spéciale- 
ment piétistes,  la  foi  au  devoir,  le  culte  de  l'intention  mo- 
rale, la  conviction  de  la  supériorité  de  la  pratique  sur  la 
dogmatique  ;  de  l'autre,  un  sens  très  v'iî  et  très  pur  de  la 
science,  la  résolution  de  ne  se  régler,  en  ce  qui  concerne 
la  connaissance  de  la  nature,  que  sur  l'évidence  de  l'ex- 
périence et  des  raisonnements  mathématiques.  Dès  lors, 
c'est  la  question  des  rapports  de  la  science  et  de  la  religion 
qui  va  s'agiter  dans  l'esprit  de  Kant,  et  cela,  après  que  reli- 
gion et  science  s'y  seront  développées  indépendamment  F  une 
de  l'autre,  chacune  selon  la  méthode  qui  lui  est  propre. 

Pendant  la  période  antécritîque,  Kant  médite  tour  à  tour 
sur  les  différents  objets  que  lui  présentent  ses  études  ou 
les  circonstances. 

Il  est  d'abord  leibnitio-wolfien  (1747-55),  mais  avec 
une  tendance  à  accentuer  la  différence  du  mathématique  et 
du  réel. 

Bientôt,  avec  Newton,  il  spécule  sur  le  mécanisme  cé- 
leste (1751-63).  Comme  lui,  il  ne  fera  usage  que  de 
l'expérience  alliée  aux  mathématiques.  Mais  Newton  n'a 
pas  posé  le  problème  de  l'origine.  Kant  croit  que  la  mé- 
thode qui  a  pu  établir  le  système  peut  de  ce  système  même 
remonter  à  la  genèse  :  les  forces  qui  conservent  doivent 
être  aussi  celles  qui  ont  créé.  Et  il  entreprend  de  tracer 
l'histoire,  non  seulement  possible,  mais  effective,  de  la  for- 
mation du  monde.  A  l'origine  était  une  matière  élémentaire 
hoinogène,  mue  par  des  forces  d'attraction  et  de  répulsion, 
un  chaos  gazeux.  Cette  matière  était  maintenue  à  l'état  de 
ténuité  extrême  par  une  température  très  élevée.  Sous  l'in- 
fluence des  forces  qu'il  renferme,  ce  chaos  est  animé,  dans 
son  ensemble,  d'un  mouvement  rotatoire.  Par  le  seul  effet 
de  ces  conditions  physiques,  l'homogène  va  se  différencier. 
La  rotation  détermine  la  formation  de  nébuleuses,  animées 
elles-mêmes  d'un  mouvement  de  rotation.  A  leur  tour,  ces 
nébuleuses,  par  l'effet  de  la  force  centrifuge,  donnent  nais- 
sance à  des  anneaux,  lesquels  représentent  les  orbites  des 
planètes  à  venir.  Puis  les  anneaux  se  brisent  et  se  ras- 
semblent en  planètes.  De  la  même  manière  se  forment  les 
satellites.  La  valeur  scientifique  de  cette  théorie  est  recon- 


m  - 


KANT 


nue  aujourd'hui  même  par  des  hommes  tels  que  Ilehnholtz 
{Mémoire  sur  la  eomcrvatlon  de  la  foixe,  d847)  et 
Faye  (Ueviw  scientifique,  1881).  Elle  est  née  de  consi- 
dérations purement  scientifiques.  Mais  tout  de  suite  Kant  la 
confronte  avec  la  religion.  La  religion,  dit-il,  n'a  rien  à 
craindre  d'une  doctrine  qui,  si  elle  écarte  la  finalité  extrin- 
sèque et  accidentelle,  telle  qu'on  la  rencontre  dans  les  oeuvres 
des  hommes,  implique  une  finalité  essentielle  et  féconde, 
seule  vraiment  digne  de  Dieu.  D'ailleurs,  qui  pourra  jamais 
dire  :  «  Donnez-moi  de  la  matière  et  du  mouvement,  et  je 
ferai  une  chenille  »  ?  La  vie,  à  tout  le  moins,  surpasse  in- 
vinciblement le  mécanisme,  et  atteste  Dieu. 

A  la  suite  de  Wolff,  Kant  étudie  les  rapports  du  possible 
et  de  l'existence  (1755).  Le  premier  se  détermine  d'après 
le  principe  de  contradiction,  le  second  d'après  le  principe 
de  raison  déterminante,  irréductible  au  précédent.  La  rai- 
son déterminante  est,  ou  antérieuremeut  déterminante  et 
raison  d'existence,  ou  conséquemment  déterminante  et 
raison  de  connaissance.  Seule,  la  raison  antérieurement 
déterminante  fournit  la  science  complète.  De  ces  principes 
Kant  déduit  l'impossibilité  d'expliquer,  soit  le  changement, 
soit  la  connexion  actuelle  des  substances,  par  la  seule  ana- 
lyse de  leur  essence  propre.  Tout  rapport  entre  les  subs- 
tances doit  survenir  du  dehors.  La  succession  a  ainsi  son 
fondement  dans  une  action  externe  qui  constitue  la  réalité 
du  monde,  et  la  coexistence  dans  une  connexion  extrin- 
sèque, qui  implique  l'existence  de  Dibu.  C'est  ainsi  qu'en 
spéculant  sur  la  métaphysique  de  Wolff,  Kant  aboutit  à  une 
déduction  du  newtonisme.  Son  système,  en  ce  moment,  est 
un  mécanisme  réaliste  suspendu  à  une  théologie  naturelle. 

Traitant  avec  ses  contemporains  des  rapports  delà  phi- 
losophie et  des  mathématiques  (1756-64),  Kant  n'admet, 
ni  que  les  concepts  des  mathématiciens,  divisibilité  à  l'in- 
fini, plein  absolu,  mécanisme  exclusif  de  toute  notion  de 
force,  soient  intelligibles  pour  l'entendement,  ni  que  ces 
concepts  soient  vides  et  sans  valeur  réelle.  Sujet  de  scan- 
dale pour  la  logique,  la  mathématique  n'en  est  pas  moins  la 
clef  de  la  science  de  la  nature.  Newton  en  a  fourni  la 
preuve.  Il  faut  concilier  les  mathématiques  et  la  philoso- 
phie traîiscendantale,  non  les  sacrifier  l'une  à  l'autre.  Or,  si 
l'on  analyse  les  conditions  de  la  spéculation  mathématique 
et  de  la  spéculation  philosophique,  on  trouve  que  des  deux 
côtés  l'objet  est  une  synthèse,  mais  que  là  il  est  construit 
par  l'esprit,  tandis  qu'ici  il  lui  est  donné.  Dès  lors  la  mé- 
thode qui  convient  à  l'une  ne  peut  réussir  dans  l'autre. 
On  traitera  mathématiquement  de  tout  ce  qui  est  gran- 
deur; mais,  pour  connaître  les  qualités  et  les  existences, 
on  emploiera,  avec  Newton,  l'expérience  et  la  systémati- 
sation métaphysique.  Il  y  a  deux  certitudes,  deux  vues  sur 
la  nature  :  celle  de  la  démonstration  mathématique  et 
celle  de  rexpérience.  Parties  de  points  opposés,  ces  deux 
connaissances  ne  peuvent  se  rejoindre. 

A  l'instigation  de  l'esthéticien  Baumgarten,  des  Anglais 
et  de  Rousseau,  Kant  s'essaye  sur  les  questions  de  goût  et 
de  morale  (1763-1766).  Sa  méthode  consiste  à  prendre 
pour  point  de  départ  l'observation  impartiale  de  la  nature 
humaine.  Nous  devons,  dit-il,  aller  de  ce  qui  est  à  ce  qui 
doit  être.  Mais  son  observation,  malgré  qu'il  en  ait,  se 
mélange  d'analvse  métaphysique.  Dans  le  donné  il  décou- 
vrira de  l'absolu.  Ce  qu'il  pense  devoir  observer,  ce  sont 
moins  les  idées  et  les  choses  que  les  mouvements  internes 
de  la  sensibilité.  A  ce  point  de  vue  il  est  conduit  à  distin- 
guer profondément  le  beau  et  le  sublime.  Cette  distinction 
introduira  la  lumière  et  la  précision  dans  les  choses  de  la 
littérature  et  de  Fart.  Ainsi,  il  appartient  à  la  tragédie 
d'être  sublime,  à  la  comédie  d'être  belle.  La  distinction 
s'apphque  aussi  aux  choses  morales.  La  vraie  vertu  est 
sublime;  les  bonnes  qualités  :  bon  cœur,  sens  de  l'hon- 
neur, pudeur,  ne  sont  que  bellos.  La  source  de  la  vertu, 
c'est  le  sentiment  de  la  beauté  et  de  la  dignité  de  la  na- 
ture humaine,  pris  comme  motif  d'action.  Ce  principe  doit 
être  entendu  en  un  sens  formel  :  il  consis!e  esseutielle- 
nient  en  une  règle  obh'gatoire.  Ce  principe,  en  outre,  est 


indémontrable,  et  il  est  bon  qu'il  en  soit  ainsi.  La  Provi- 
dence n'a  pas  voulu  que  les  connaissances  indispensables 
à  notre  félicité  dépendissent  de  raisonnements  subi  ils  :  elle 
les  a  confiés  au  bon  sens  naturel. 

La  prétention  qu'affichait  Swedenborg  de  communiquer 
directement  avec  les  esprits  est  pour  Kant  l'occasion  d'exa- 
miner ce  que  vaut  la  métaphysique,  en  tant  qu'elle  aussi 
affirme  la  possibilité  d'existences  suprasensibles  (1763- 
1766),  La  métaphysique  semble  trouver  dans  les  faits  affir- 
més par  l'illuminisme  une  confirmation  inattendue.  Elle  se 
justifie,  peut-on  dire,  par  la  théorie  qu'elle  en  fournit, 
comme  le  newtonisme  par  sa  systématisation  des  lois  expé- 
rimentales du  mouvement.  Le  malheur,  c'est  que  l'illumi- 
nisme s'expli(|ue  d'une  manière  bien  plus  simple  et  satisfai- 
sante, comme  une  hallucination  causée  par  certains  troubles 
de  l'organisme.  Ne  se  pourrait-il  pas,  dès  lors,  que  la 
métaphysique  eût  une  origine  analogue?  Ne  serait-elle  pas 
une  simple  hallucination  de  l'entendement,  doublant  d'une 
apparente  existence  logique  les  fantômes  de  l'hallucination 
sensible?  Gardons-nous,  toutefois,  de  conclure  à  Fentière 
vanité  de  la  métaphysique.  Elle  met  dans  la  balance  l'es- 
poir d'une  vie  future,  et  nous  ne  saurions  vouloir  que  ce 
poids  restât  sans  action  sur  notre  esprit.  Ce  que  nous 
savons,  c'est  que  nous  ne  pouvons  rien  attendre  de  Fexpé- 
rience  qui  soit  de  nature  à  confirmer  nos  croyances  mo- 
rales et  religieuses.  Mais  ces  croyances  n'ont  nul  besoin 
de  confirmation  expérimentale  :  elles  veulent  et  doivent 
être  libres.  Ce  qui  suit  de  notre  examen,  c'est  la  néces- 
sité de  donner  de  la  métaphysique  une  définition  nouvelle, 
laquelle,  certes,  favorise  la  pratique  autant  qu'elle  s'im- 
pose à  la  théorie  :  la  métaphysique  est  la  science  des  limites 
de  la  raison  humaine. 

A  la  suite  de  Leibniz,  Kant  étudie  la  nature  de  l'espace 
et  du  temps  (1768-70).  Plusieurs  faits  d'expérience, 
parmi  lesquels  l'existence  réelle  de  figures  symétriques, 
prouvent  que  Fespace  des  géomètres  n'est  pas  une  simple 
conséquence  des  rapports  de  situation  des  choses,  mais  le 
fondement  même  de  la  possibilité  de  ces  rapports.  La  réa- 
lité de  l'espace  absolu  étant  ainsi  étabhe,  Kant  se  demande 
comment  Fespace  est  possible,  c.-à-d.  concevable  sans  con- 
tradiction. L'espace  et  le  temps  sont  connus  à  priori,  et  en 
môme  temps  sont  des  intuitions.  Comment  accorder  ces 
deux  caractères?  Le  seul  moyen,  c'est  de  voir  dans  l'espace 
et  dans  le  temps  les  conditions  imposées  à  Fesprit  humain 
par  sa  nature  même,  pour  la  perception  des  objets  sensi- 
bles. L'espace  et  le  temps  ne  concernent  pas  les  choses 
telles  qu'elles  sont  en  soi,  mais  telles  seulement  qu'elles 
apparaissent  à  notre  sensibilité.  L'idée  critique  est  éclose; 
Kant  toutefois  ne  l'applique  encore  qu'à  la  connaissance 
sensible  ou  mathématique. 

C'est  sous  l'influence  de  Hume  que  devait  enfin  se  con- 
centrer et  se  fixer  une  réflexion,  jusqu'ici  distribuée  sur 
tant  d'objets  divers  (1762-80).  La  dialectique  de  Hume 
fit  sur  l'esprit  de  Kant  une  telle  impression,  qu'il  ne  son- 
gea bientôt  plus  qu'à  résoudre  les  difficultés  soulevées  par 
Fillustre  empiriste  ;  et  dans  cet  effort  se  dégagea  sa  véri- 
table originalité,  s'épanouit  l'idée  qui  devait  être  l'âme  de 
sa  philosophie.  Kant  a  de  bonne  heure  spéculé  sur  la  re- 
lation de  causalité  :  il  a  promptement  vu  ce  qu'il  y  avait 
d'étrange  dans  une  liaison  qui  ne  saurait  être  analytique, 
et  qui  pourtant  est  nécessaire.  Mais  il  ne  songeait  pas  à  en 
critiquer  la  légitimité.  Hume  vint  l'éveiller  de  sa  quiétude 
dogmatique,  en  lui  criant  qu'étranger  à  la  raison,  formé 
par  la  seule  imagination  à  l'occasion  d'une  simple  habitude 
sous  l'influence  d'un  instinct  obscur,  le  concept  de  cau- 
salité ne  saurait  avoir  d'objet  en  dehors  de  nous.  Kant  refuse 
de  suivre  Hume  dans  les  déductions  que  celui-ci  prétendait 
fonder  sur  son  analvse.  Que  deviendrait,  en  effet,  la  liberté 
de  la.volonté,  condition  de  la  détermination  morale,  s'il  n'exis- 
tait pour  nous  que  des  phénomènes;  et  que  deviendrait  la 
science  elle-même,  recherche  de  liaisons  nécessaires,  si  la 
causalité  n'était  qu'une  liaison  contingente?  Pour  Kant,  la 
science  et  la  morale  nous  sont  données,  avecles  caractères 


KANT 


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qui  leur  sont  propres  :  à  la  philosophie  il  appartient  d'en 
expliquer  la  possibilité  ou  les  conditions,  non  d'en  discuter 
la  légitimité.  La  thèse  de  Hume  fut  ainsi,  pour  Kant,  non 
une  doctrine,  mais  un  problème  et  un  point  de  départ. 
Comment  se  iait-il  qu'un  rapport  dont  les  termes  sont  hé- 
térogènes soit  en  même  temps  nécessaire,  valable  pour  les 
choses  ?  Telle  se  posait  la  question  à  étudier.  Il  s'agissait 
d'abord  de  s'assurer  que  le  principe  de  causalité  ne  procé- 
dait pas  de  l'expérience,  car  alors  la  nécessité  en  eût  été 
radicalement  inintelligible.  Mais  ayant  remarqué  que  beau- 
coup d'autres  concepts,  tels  que  ceux  de  substance,  d'ac- 
tion réciproque,  etc.,  sont  dans  le  même  cas  que  celui  de 
Hume,  et  ayant  réussi  à  déterminer  exactement  le  nombre 
de  ces  concepts  au  moyen  d'un  seul  principe,  chose  im- 
possible pour  des  concepts  d'expérience,  Kant  tint  désor- 
mais pour  établi  que  le  concept  de  cause  peut  être  formé  à 
priori.  Est-il  concevable,  cependant,  qu'il  existe  des  concepts 
à  la  fois  à  priori  et  synthétiques?  Ne  sont-ce  pas  là  deux  ca- 
ractères incompatibles?  Hume  l'a  cru,  et  il  a  quitté  la  partie 
là-dessus,  renvoyant  la  causalité  à  l'expérience.  Mais  c'est 
qu'il  partageait  une  erreur  de  son  temps  sur  un  point  ca- 
pital lié  à  la  question,  sur  la  nature  des  jugements  mathé- 
matiques. Il  tenait  ces  jugements  pour  analytiques  et  les 
mettait  hors  de  cause.  Le  vrai,  c'est  qu'ils  sont  synthé- 
tiques ;  et,  comme  leur  caractère  de  nécessité  et  d'aprio- 
risme  est  incontestable  et  incontesté,  ils  offrent  un  exemple 
de  la  réunion  effective, dans  notre  connaissance,  de  l'aprio- 
risme  et  de  la  liaison  synthétique.  Rien  donc  n'empêche  que 
le  jugement  de  causalité  ne  soit  à  la  fois  synthétique  et 
nécessaire.  Toutefois  ce  n'est  pas  assez  qu'il  soit  nécessaire 
au  sens  oti  le  sont  les  jugements  mathématiques.  Néces- 
saire, ici,  veut  dire  :  applicable  à  priori  aux  choses  réelles. 
Comment  cela  est-il  possible?  Si  les  objets  étaient  produits 
par  l'entendement,  ou  les  idées  par  les  objets,  l'accord  des 
concepts  et  des  choses  ne  présenterait  pas  de  difficulté; 
mais  il  n'en  est  pas  ainsi  :  l'esprit  et  les  choses  sont  deux 
mondes  distincts.  D'où  pourra  donc  venir,  pour  l'esprit, 
le  droit  de  dicter  des  lois  aux  choses  ?  Ce  droit  lui  vient, 
répond  Kant,  des  conditions  mêmes  de  l'expérience,  tant 
interne  qu'externe  :  il  n'est  pas  d'autre  explication  pos- 
sible. Cette  vue,  d'où  naîtra  la  déduction  transcendantale, 
est  le  terme  de  la  marche  régressive  qu'a  provoquée  la  cri- 
tique de  Hume.  Avec  elle  est  donnée  la  formule  de  la 
critique  de  Kant  et  l'idée  maîtresse  du  système  qu'il  va 
maintenant  construire. 

III.  La  Critique.  —  (Sources  :  Critique  de  la  raison 
pure;  Prolégomènes  ;  Etablissement  de  la  métaphy- 
sique des  mœurs;  Critique  de  la  raison  pratique;  Cri- 
tique de  la  faculté  de  juger,) 

A.  La  critique  kantienne  de  la  raison  pure  est  propre- 
ment une  théorie  de  la  science.  Comme  Newton  a  cherché 
le  principe  du  système  des  corps  célestes,  ainsi  Kant  cherche 
\  le  principe  du  système  de  nos  connaissances.  La  science 
est  donnée,  comme  l'univers  est  donné  :  la  philosophie  ne 
se  demande  pas  si  elle  est  possible,  mais  comment  elle  est 
possible,  c.-à-d.  concevable  sans  contradiction.  La  science 
consiste  dans  deux  disciplines,  les  mathématiques  et  la 
physique,  et  dans  l'union  de  ces  deux  disciplines  :  il  s'agit 
de  rendre  compte  de  ces  faits.  Les  mathématiques  se  com- 
posent de  jugements  synthétiques  à  priori,  c.-à-d.  de  ju- 
gements où  le  sujet  est  lié  à  priori  à  un  prédicat  qui  n'y 
est  pas  contenu.  Il  en  est  de  même  de  la  physique  ;  et, 
depuis  Newton,  la  certitude  de  cette  dernière,  qui  traite 
des  choses  elles-mêmes,  ne  le  cède  en  rien  à  celle  des  ma- 
thématiques, qui  ne  traitent  que  des  rapports  de  grandeur. 
Comment  ces  caractères  sont-ils  intelligibles,  d'où  pro- 
cèdent-ils, et  qu'est-ce  que  la  science,  considérée  dans  ses 
principes  générateurs  ?  Résoudre  ces  questions,  tel  est  le 
mobile  des  recherches  de  Kant.  C'est  à  la  philosophie  qu'il 
appartient  d'instituer  ces  recherches.  Or  le  principe  invio- 
lable qu'elle  fournit  en  cette  matière  est  le  suivant  :  toutes 
nos  connaissantes  ont  leur  point  de  départ  dans  l'expé- 
rience. Il  s'agit  de  savoir  si  de  ce  principe  se  peut  déduire 


la  théorie  de  la  science,  telle  qu'elle  nous  est  donnée  ?  Le 
problème  se  ramène  à  la  question  suivante  :  Qu'est-ce  que 
l'expérience  ?  Est-elle  une  unité  irréductible,  ou  l'analyse 
y  peut-elle  discerner  des  éléments  divers  ?  Parmi  ces  élé- 
ments, en  est-il  d'à  priori?  Ces  éléments  à  priori  rendront- 
ils  compte,  et  en  quel  sens,  de  la  nécessité  propre  aux 
jugements  de  la  science? 

Dans  l'expérience,  un  objet  nous  est  premièrement  donné, 
secondement  pensé.  Comment  cela  est-il  possible  ?  Pour 
qu'un  objet  nous  soit  donné,  il  faut  qu'il  se  présente  à 
nous  dans  l'espace  et  dans  le  temps.  Les  notions  d'espace 
et  de  temps  nous  sont-elles  fournies  par  l'expérience?  Non, 
car,  avant  toute  expérience,  nous  savons  que  les  objets  qui 
nous  seront  donnés  le  seront  dans  l'espace  et  dans  le  temps. 
Ce  sont  donc  des  éléments  à  priori.  De  quelle  nature? 
Sont-ce  des  concepts?  Non,  car  l'espace  et  le  temps  sont 
des  objets  unS,  homogènes  et  infinis,  caractères  opposés  à 
ceux  que  présentent  les  objets  des  concepts.  L'espace  et  le 
temps  sont  des  substrats  des  choses  et  des  objets  d'intui- 
tion. Sont-ils  donc  des  réalités  suprasensibles  situées  en 
dehors  de  nous?  Non,  car  la  conception  de  deux  non-êtres 
infinis  comme  substances  est  impossible.  La  représentation 
de  l'espace  et  du  temps  ne  peut  être,  en  définitive,  qu'une 
intuition  portant  sur  la  forme  de  notre  sensibilité  même. 
L'espace  et  le  temps  sont  notre  manière  de  voir  les  choses. 
Mais,  s'il  en  est  ainsi,  nos  idées  de  lieu  et  de  durée  ne 
sont-elles  pas  purement  subjectives  ?Que  va  devenir,  dans 
une  telle  doctrine,  la  vérité  des  mathématiques.  L'objec- 
tion est  mal  fondée,  car,  en  réalité,  c'est  dans  les  théo- 
ries dogmatiques,  isolant  le  sensible  du  mathématique,  que 
l'accord  de  l'un  avec  l'antre  est  indémontrable?  Entendue 
selon  sa  vraie  nature,  comme  un  système  de  jugements 
synthétiques  à  priori,  la  mathématique  est  justifiée,  du  mo- 
ment où  les  objets  ne  peuvent  nous  aftécter  qu'en  se  sou- 
mettant aux  lois  de  l'espace  et  du  temps.  Sans  doute  nous 
ne  pouvons  dire  que  les  choses  possèdent,  en  elles-mêmes, 
des  manières  d'être  que  nous  ne  nous  expliquons  que  comme 
formes  de  notre  facultés  de  sentir.  Mais  nous  savons  que 
tout  objet  de  notre  sensibilité  sera  conforme  à  la  mathé- 
matique, ce  qui  suffit  à  assurer  l'objectivité  de  cette  science. 
Idéalité  transcendentale,  réalité  empirique,  tels  sont  les 
deux  caractères  de  l'espace  et  du  temps.  Ils  expliquent  et 
déterminent  la  possibilité  des  mathématiques. 

Mais  il  ne  suffit  pas  qu'un  objet  soit  donné,  il  faut  en 
outre  qu'il  soit  pensé.  La  pensée  suppose-t-elle  des  élé- 
ments à  priori  ?  Elle  consiste  à  établir  entre  deux  termes 
un  rapport  objectif  de  sujet  à  prédicat,  c.-à-d.  à  affirmer 
l'un  de  l'autre  comme  lui  appartenant  réellement  et  néces- 
sairement. C'est  ce  qui  a  lieu,  par  exemple,  quand  nous 
disons  qu'une  chose  est  la  cause  ou  la  substance  d'une 
autre.  Une  telle  liaison  ne  peut  être  fournie  par  l'expé- 
rience, qui  ne  donne  rien  de  nécessaire.  Quant  à  la  logique 
telle  qu'elle  est  conçue  depuis  Aristote,  elle  fournit  bien 
des  liaisons  nécessaires,  mais  elle  est  impuissante  à  déter- 
miner un  terme  vis-à-vis  de  l'autre  comme  sujet  réel.  Il 
y  a  dans  toute  déclaration  relative  à  l'existence  quelque 
chose  qui  dépasse  la  logique.  Affirmer  d'un  objet  qu'il  est 
cause,  c'est  franchir  les  limites  de  son  concept.  D'autre 
part,  nous  n'avons  pas  cette  intuition  intellectuelle  du  tout, 
qui  permettrait  d'en  découvrir  les  parties  par  analyse.  Nous 
allons  des  parties  au  tout  par  voie  discursive.  De  quel  prin- 
cipe dépendent  donc  les  difiérents  rapports  qui  constituent 
la  pensée  ?  En  dehors  de  ceux  que  nous  avons  dû  rejeter  il 
ne  reste  que  l'entendement  lui-même  ou  faculté  de  juger. 
De  même  que  les  relations  de  grandeur  ne  sont,  au  fond, 
que  les  formes  de  notre  sensibilité,  de  même  les  relations 
qualitatives  des  choses  ne  peuvent  être  que  les  catégories 
de  notre  entendement.  S'il  en  est  ainsi,  la  fonction  logique 
de  l'entendement  nous  permet  de  découvrir  et  de  systéma- 
tiser tous  les  concepts  qui  président  aux  jugements  d'exis- 
tence .  Car  des  deux  côtés  il  s'agit  pour  l'entendement  d'uni- 
fier. Seule  la  portée  de  l'unification  diffère.  La  table  des 
modes  de  l'unification  logique  fournit  ainsi  le  modèle  de  la 


409  - 


KANT 


table  des  catégories.  Voici  la  première  :  i^  Quantité  :  pro- 
positions universelles,  particulières,  individuelles  ;  2*  Qua- 
lité :  propositions  affirmatives,  négatives,  indéterminées  ; 
3*^  Relation  :  propositions  catégoriques,  hypothétiques, 
disjonctives  ;  4°  Modalité  :  propositions  problématiques , 
assertoriques,  apodictiques.  —  Voici  la  seconde  :  i^  Quan- 
tité :  unité,  multiplicité,  universalité;  2®  Qualité  :  réa- 
lité, négation,  limitation;  3<*  Relation  :  inhérence  et  sub- 
sistance ,    causalité  et  dépendance ,    action  réciproque  ; 
4°  Modalité  :  possibilité  ou  impossibilité,  existence  ou  non- 
existence,  nécessité  ou  contingence.  Tel  est  le  système  des 
concepts  à  Taide  desquels  nous  unissons  nos  représenta- 
tions des  choses.  Ces  concepts  n'étant  que  les  modes  d'ac- 
tion de  notre  entendement  sont,  en  eux-mêmes,  vides  de 
tout  contenu.  Ils  ne  peuvent  trouver  leur  emploi  que  si  une 
matière  leur  est  fournie  ;  et  la  seule  matière  dont  nous  dis- 
posions est  l'intuition  sensible.  Les  concepts  n'ont-ils  donc 
qu'une  valeur  subjective  ;  et,  tandis  que  l'esthétique  trans- 
cendentale  ou  analyse  de  la  sensibilité  a  pu  conclure  à  un 
réalisme  mathématique,  l'analyse  de  l'entendement  ou  lo- 
gique trancendantale  devra-t-elle  s'en  tenir  à  cet  idéalisme 
logique  qui  résout  les  choses  en  modes  de  la  pensée?  Ici  se 
place  la  fameuse  déduction  transcendantaîe,  dont  l'objet  est 
d'établir  la  valeur  objective  des  catégories,  c.-à-d.  la  possi- 
bilité d'obtenir,  au  moyen  des  catégories  telles  qu'elles  ont 
été  définies,  la  connaissance,  non  seulement  de  notre  ma- 
nière de  penser,  mais  des  choses  elles-mêmes.  Cette  possibi- 
lité sera  démontrée,  si  l'on  peut  prouver  que  les  catégories 
sont  elles-mêmes  la  condition  de  l'existence  de  réalités  à 
notre  point  de  vue.  Les  catégories  s'appliquent  aux  choses, 
si  les  choses,  pour  nous,  ne  sont  possibles  que  par  elles. 
Or,  selon  notre  condition,  pour  qu'il  y  ait  connaissance 
d'une  chose,  il  faut  qu'il  y  ait  distinction  d'un  sujet  et 
d'un  objet.  Le  «  je  pense  »  doit  pouvoir  accompagner  toutes 
nos  représentations.  Mais,  pour  qu'une  telle  distinction 
soit  possible,  il  faut  qu'il  existe  entre  les  deux  termes  un 
rapport  analogue  à  celui  des  quantités  positives  et  néga- 
tives des  mathématiciens,  un  rapport  d'opposition  sur  un 
terrain  commun.  Le  sujet  étant  une  action  unifiante,  il  faut 
que  l'objet  soit  un  multiple  unifié.  C'est  donc  par  le  fait 
d'être  unifiées,  et  d'être  unifiées  pour  le  sujet,  que  des 
choses  peuvent  être  données  comme  objet.  Or,  comment  cette 
condition  pourrait-elle  être  remplie,  si  le  multiple  n'était 
pas  unifié  par  le  sujet  lui-môme?  Sans  doute  la  conscience 
empirique  ne  perçoit  pas  cette  formation  de  l'objet.  L'opé- 
ration a  lieu  dans  la  région  profonde  del'aperceplion  trans- 
cendentale;  et  quand  se  pose  le  moi  particulier,  il  trouve  de- 
vant lui  l'objet  tout  formé  etle  prend  pour  une  chose  brute. 
Mais  cette  chose  est  l'œuvre  de  la  pensée,  et  c'est  pourquoi 
la  pensée,  en  chacun  de  nous,  y  retrouve  ses  lois.  Les 
catégories  s'appliquent    donc  nécessairement  aux  choses 
elles-mêmes  en  tant  qu'il  en  existe  pour  nous,  et  ainsi 
elles  ont  une  valeur  objective.  D'autre  part,  comme  les 
seules  intuitions  dont  notre  entendement  dispose  pour  en 
former  des  objets  sont  nos  intuitions  sensibles,  et  comme 
celles-ci  ne  représentent  pas  les  choses  en  soi,  mais  seule- 
ment les  exigences  de  notre  sensibilité,  c'est  une  suite  de 
notre  condition  que  notre  connaissance,  même  intellec- 
tuelle, ne  puisse  atteindre  à  l'absolu,  mais  reste  enfermée 
dans  le  monde  de  l'expérience.  Réalisme  empirique,  idéa- 
lisme transcendantal  demeurent  termes  associés  et  corréla- 
tifs. Par  là  même,  en  revanche,  une  place  se  trouve  réser- 
vée pour  le  suprasensible  lui-même.  En  efl'et,  le  concept  de 
chose  en  soi,  en  même  temps  qu'il  est  hmitatif  des  préten- 
tions de  notre  science,  nous  permet  de  concevoir  un  monde 
autre  que  celui  que  nous  connaissons,  susceptible,  par 
suite,  d'être  affranchi  des  conditions  de  notre  connaissance, 
notamment  de  la  liaison  nécessaire  qui  s'oppose  à  la  hberté. 
Au  phénomène,  il  nous  est  permis  de  superposer  le  noumène. 
En  cette  doctrine  consiste  essentiellement  la  révolution 
philosophique  opérée  par  Kant.  Au  lieu  d'admettre,  con- 
formément aux  apparences,  que  la  pensée  gravite  autour 
des  choses,  Kant,  nouveau  Copernic,  fait  graviter  les  choses 


autour  de  la  pensée.  De  ce  point  de  vue,  dit-il,  le  désordre 
et  l'inexplicable  font  place  à  l'ordre  et  à  l'intelligible.  L'ac- 
cord des  lois  de  la  nature  avec  les  lois  de  notre  esprit  n'est 
plus  un  problème  ou  un  objet  de  foi  :  c'est  une  vérité  scien- 
tifiquement démontrée.  Et  cette  révolution,  qui  garantit  la 
valeur  objective  de  la  science,  n'est  pas  moins  propice  à  la 
morale,  laquelle,  dans  le  champ  ouvert  par  la  critique,  peut 
se  développer  sans  entraves,  suivant  les  lois  qui  lui  sont 
propres.  «  Ce  n'était  qu'en  abolissant  le  savoir,  dit  Kant  à 
propos  de  la  prétendue  science  du  suprasensible,  que  je 
pouvais  faire  une  place  à  la  croyance.  » 

Cependant  il  ne  suffit  pas  d'établir  que,  pour  être  pensés 
et  devenir  objets,  les  éléments  divers  de  l'intuition  doivent 
être  rangés  sous  les  concepts  de  l'entendement.  Comment 
le  concept,  qui  est  l'un  et  l'universel,  s'unira-t-il  au  phé- 
nomène, qui  est  le  divers  et  le  particulier  ?  Comment  se- 
rons-nous déterminés  à  appliquer  à  l'intuition  telle  catégorie 
plutôt  que  telle  autre  ?  Un  moyen  terme  est  nécessaire.  Ce 
moyen  terme  est  fourni  par  une  faculté  intermédiaire  entre 
l'entendement  et  la  sensibilité  :  l'imagination.  Dans  la 
forme  du  sens  interne,  c.-à-d.  dans  l'intuition  temporelle, 
l'imagination  trace  à  priori  des  cadres  où  peuvent  entrer 
les  phénomènes  et  qui  indiquent  la  catégorie  sous  laquelle 
ils  doivent  être  rangés.  Kant  appelle  ces  cadres  schèmes 
des  concepts  de  l'entendement  pur.  Chaque  catégorie  a  son 
schème.  Ainsi  celui  de  la  quantité  est  le  nombre,  celui  de 
la  substance  est  la  permanence  du  réel  dans  le  temps,  celui 
de  la  causalité  est  la  succession  régulière  des  phénomènes. 
La  vue  d'une  telle  succession,  par  exemple,  est  pour  nous 
le  signal  de  l'emploi  de  la  catégorie  de  cause. 

Les  schèmes,  toutefois,  ne  suffisent  pas  encore  à  objec- 
tiver les  phénomènes,  parce  qu'ils  ne  font  que  provoquer 
l'emploi  d'une  catégorie  donnée,  sans  en  donner  la  justifica- 
tion. Mais  ils  rendent  possibles  des  jugements  synthétiques  à 
priori  qui  achèveront  l'élimination  du  subjectif.  Ces  juge- 
ments sont  les  principes  de  l'entendement  pur.  L'entende- 
ment les  forme  à  priori  en  déterminant  les  conditions  d'un 
emploi  objectif  des  schèmes.  Tels  sont  :  le  principe  de  la 
quantité  :  «  Toutes  les  intuitions  sont  des  grandeurs  exten- 
sives  »  ;  le  principe  de  la  qualité  :  «  Dans  tous  les  phéno- 
mènes la  sensation,  ainsi  que  le  réel  qui  y  correspond  dans 
Tobjet,  a  une  grandeur  intensive,  un  degré.  »  Le  principe 
de  la  relation  est  le  suivant  :  «  Tous  les  phénomènes  ont  une 
liaison  nécessaire  dans  le  temps  »  ;  le  principe  delà  moda- 
lité indique  en  quel  sens  une  chose  doit  s'accorder  avec  les 
conditions  de  l'expérience  pour  être  possible,  réelle  ou 
nécessaire.  La  démonstration  de  ces  principes  consiste  à 
montrer  que,  sans  eux,  la  signification  des  scbèmes  reste 
indéterminée,  et  que  le  sensible  ne  peut  être  fixé,  objecli\é 
que  par  l'intellectuel.  C'est  ainsi  que  la  succession,  par 
exemple,  loin  qu'elle  fonde  la  causalité,  ne  peut  elle-même 
être  considérée  comme  objective  que  si  elle  repose  sur  la 
causalité. 

Arrivé  à  ce  point,  Kant  est  en  mesure  d'accompHr  la 
seconde  des  deux  tâches  qu'il  s'était  imposées  et  qui  était 
de  justifier  la  physique  et  son  alliance  avec  les  mathéma- 
tiques. Les  deux  premiers  principes,  dits  mathématiques, 
fondent  l'application  de  la  mathématique  à  la  science  de  la 
nature.  Les  deux  autres,  appelés  dynamiques,  fondent  les 
lois  physiques  proprement  dites.  Dans  leur  ensemble,  les 
principes  de  l'entendement  pur  constituent  les  premiers 
linéaments  de  la  philosophie  naturelle.  Cette  théorie,  en 
même  temps  qu'elle  était  la  justification  métaphysique  de  la 
science  newtonienne,  fut  le  point  de  départ  de  la  spécula- 
tion qui,  sous  le  nom  de  philosophie  de  la  nature,  brilla, 
avec  Schelling,  d'un  éclat  dangereux. 

Kant  a  jusqu'ici  analysé  la  sensibilité  et  l'entendement. 
Reste  la  raison  proprement  dite.  L'objet  de  cette  faculté 
est  l'unification  complète  de  la  connaissance.  Ses  syllo- 
gismes supposent  un  inconditionné  comme  point  de  départ, 
La  raison  est  ainsi  la  faculté  des  idées,  ou  concepts  de  la 
synthèse  totale  des  conditions.  Il  est  certain,  d'après  ce  qui 
i   précède,  que  les  idées  de  la  raison  n'ont  pas  d'objet.  Dépas- 


KANT 


—  410  — 


sant  l'expérience  possible,  elles  ne  peuvent  être  que  des 
principes  régulateurs,  non  constitutifs,  de  la  connaissance. 
Mais  l'illusion  qui  nous  fait  croire  à  leur  objectivité  est  natu- 
relle, comme  celle  de  l'homme  qui  croit  la  lune  plus  grosse 
à  son  lever  qu'à  son  passage  au  méridien.  Il  ne  suffit  pas, 
pour  la  faire  cesser,  de  démontrer  la  fausseté  de  notre  opi- 
nion, il  faut  en  découvrir  la  source  :  il  faut  démontrer 
qu'en  ce  domaine,  contrairement  à  ce  qui  a  lieu  quand  il 
s'agit  d'objets  d'expérience  possible,  il  est  entièrement  illé- 
gitime de  passer  du  logique  au  réel  ;  il  faut  dénoncer  la  dia- 
lectique qui  se  cache  au  fond  de  la  métaphysique.  La  raison 
croit  pouvoir  édifier  :  4«  une  psychologie  rationnelle,  sur  l'idée 
de  l'âme-substance;  2^  une  cosmologie  rationnelle,  sur 
l'idée  du  monde  comme  réalité  absolue  ;  3<*  une  théologie 
rationnelle,  sur  l'idée  de  Dieu  comme  fondement  absolu  de 
la  possibilité  de  l'être  en  général.  Mais  dans  chacun  de  ces 
domaines,  elle  s'abuse  sur  sa  puissance.  Quand  elle  conclut 
de  la  réalité  de  l'être  pensant  à  l'existence  d'un  sujet 
absolu,  elle  passe  illégitimement  d'une  unité  de  forme  à 
une  unité  substantielle,  et  commet  un  paralogisme.  Lors- 
qu'elle essaye  de  déterminer  l'existence  absolue  qu'elle  attri- 
bue au  monde,  elle  s'engage  dans  des  antinomies  insurmon- 
tables. Elle  prouve,  en  eifet,  avec  une  égale  rigueur,  par 
l'absurdité  de  la  contradictoire,  que  le  monde  a  des  limites, 
et  qu'il  n'en  a  pas;  qu'il  est  composé  de  parties  simples,  et 
qu'il  est  divisé  à  l'infini  ;  que  la  liberté  existe  *  et  qu'il  n'est 
rien  de  libre;  qu'il  y  a  un  être  nécessaire,  et  qu'il  n'existe 
que  des  êtres  contingents.  Le  fait  même  de  ces  antinomies 
prouve  l'illégitimité  du  point  de  vue  qui  leur  donne  nais- 
sance, c.-à-d.  de  la  supposition  d'un  monde  existant  en 
SOI.  Dans  les  deux  premières  antinomies,  thèse  et  anti- 
thèse sont  également  fausses.  Dans  les  deux  dernières, 
elles  deviennent  vraies  l'une  et  l'autre,  si  l'on  recourt  à 
cette  distinction  du  phénomène  et  du  noumène,  qu'a  pro- 
voquée l'analyse  de  l'entendement.  Le  libre  et  l'absolu 
sont  possibles  dans  le  monde  des  noumènes,  tandis  que  la 
causalité  naturelle  et  la  contingence  se  rapportent  à  l'ordre 
des  phénomènes.  Quand  enfin  la  raison  spécule  sur  l'être 
parfait,  elle  ne  fait  qu'ériger  gratuitement  en  réalité,  en 
substance,  en  personne,  l'idéal  en  qui  elle  rassemble 
toutes  les  manières  d'être  des  choses  finies.  Aussi  les 
raisonnements  qu'elle  forme  pour  démontrer  l'existence 
de  cette  personne  suprême  ne  se  soutiennent-ils  pas. 
L'argument  ontologique,  sur  lequel  reposent  tous  les  autres, 
suppose  à  tort  que  l'existence  est  un  prédicat  que  l'analyse 
peut  tirer  d'un  concept  :  l'existence  est  la  position  d'une 
chose  hors  de  la  pensée,  et  demeure  invinciblement  inac- 
cessible à  l'analyse.  L'argument  cosmologique  ajoute  à 
cette  erreur  l'alïirmation  d'une  cause  première  au  nom  du 
principe  de  causalité,  lequel  précisément,  dans  la  mesure 
où  il  est  garanti,  exclut  la  possibilité  d'une  première  cause. 
Enfin  l'argument  physico-théologique  ou  des  causes  finales 
ajoute  aux  vices  des  deux  premiers  la  fausse  assimilation 
du  monde  à  une  œuvre  humaine  et  le  passage  arbitraire 
d'un  Dieu  architecte  à  un  Dieu  créateur  et  parfait.  La  cause 
générale  de  cette  dialectique  de  notre  raison,  c'est  la  dis- 
position naturelle  à  croire  que  les  conditions  de  notre  pen- 
sée sont  aussi  les  conditions  de  l'être,  que  les  lois  de  notre 
connaissance  sont  les  lois  de  la  réalité.  Seule,  la  critique 
peut  dissiper  cette  illusion;  or  la  nécessité  de  la  cri- 
tique ne  ressort  que  des  conséquences  de  cette  illusion 
même.  Les  idées  ne  correspondent  à  rien  de  réel  :  elles 
n'en  sont  pas  moins  utiles,  comme  principes  excitateurs  et 
régulateurs.  Elles  nous  défendent  de  nous  reposer  dans  la 
recherche  des  causes.  Nous  ne  pouvons  commencer  par 
Dieu,  nous  devons  y  tendre. 

Ainsi  se  trouve  constituée  la  critique,  oii  Kant  voit  le 
terme  de  l'éducation  de  la  raison.  L'esprit  humain  a  dé- 
buté et  a  dû  débuter  par  le  dogmatisme,  ou  croyance 
aveugle  à  l'existence  absolue  des  objets  de  nos  pensées  : 
le  leibnitio-wolffianisme  en  est  l'expression  achevée.  Puis 
est  venu  le  scepticisme,  excellemment  représenté  par 
îlume^  qui,  des  vices  du  dogmatisme,  conclut  à  l'impossi- 


bilité de  connaître  la  réalité,  à  la  subjectivité  pure  de  la 
connaissance.  Mais  le  scepticisme  n'est  qu'un  avertissement 
de  se  défier  du  dogmatisme.  La  critique,  ou  science  de  notre 
ignorance,  nous  interdit  de  spéculer  sur  la  nature  des  choses 
telles  qu'elles  sont  en  elles-mêmes  ;  mais,  par  contre,  elle 
soustrait  l'expérience  à  l'imagination  et  au  sens  individuel, 
pour  en  faire  un  objet  commun  à  toutes  les  intelligences 
humaines,  réel  par  conséquent  et  substantiel  pour  nous.  Et 
en  même  temps  la  critique  affranchit  l'être  en  soi  du  fatum 
que  la  présomption  de  l'entendement  faisait  peser  sur  lui  : 
elle  rend  concevable  un  monde  oii  régneraient  sans  partage 
la  liberté  et  les  lois  morales  :  double  utilité,  tant  pratique 
que  spéculative,  qui  atteste  l'accord  providentiel  de  nos 
besoins  avec  nos  moyens  de  connaître. 

B.  La  critique  de  la  raison  pure  a  expliqué  la  possibilité 
de  la  science  :  il  s'agit  maintenant  d'expliquer  dans  le 
même  esprit  la  possibilité  de  la  morale.  Nous  ne  cherchons 
pas  si  la  morale  est  possible,  puisqu'elle  est,  mais  sur 
quoi  elle  repose,  et  quelle  en  est  la  signification.  Ici  encore 
une  saine  philosophie  ne  peut  admettre  d'autre  point  de 
départ  de  la  connaissance  que  l'expérience,  mais  il  est 
nécessaire  d'analyser  l'expérience. 

L'idée  générale  fournie  à  cet  égard  par  la  raison  com- 
mune est  le  concept  de  bonne  volonté.  Ce  concept  est-il 
tout  empirique?  Quand  on  l'examine,  on  y  trouve  impli- 
quée l'idée  d'une  loi  qui  doit  être  observée  pour  elle-même, 
sans  nul  égard  aux  conséquences  que  pourront  entraîner 
les  actions  qu'elle  commande.  Cette  loi  n'est  pas  un  impé- 
ratif hypothétique  dépendant  de  telle  ou  telle  fin  à  atteindre  : 
c'est  un  impératif  catégorique.  Elle  ne  se  peut  formuler 
qu'en  ces  termes  :  agis  de  telle  sorte  que  tu  puisses  vou- 
loir que  la  maxime  de  ton  action  soit  érigée  en  loi  univer- 
selle. Or  un  tel  principe  ne  procède  pas  de  l'expérience, 
mais  est  connu  à  priori.  Pouvons-nous  en  découvrir  la 
source?  Si  l'on  cherche  à  quelles  conditions  un  principe 
pratique  peut  être  pour  nous  universellement  obligatoire, 
on  trouvera  qu'il  ne  doit  supposer  aucun  objet  ou  matière 
comme  mobile  de  la  volonté.  En  effet,  étant  donné  nos 
facultés,  il  n'y  a  d'autres  objets  pour  nous  que  les  objets 
empiriques  :  la  seule  matière  dont  nous  disposions  dans 
l'ordre  pratique  est  le  plaisir  ou  satisfaction  de  l'amour  de 
soi  ;  et  le  plaisir  ne  peut  fournir  un  principe  universel  et 
obligatoire.  Seule,  l'intention  de  notre  volonté  dépend  en- 
tièrement de  nous  et  remplit  les  conditions  requises.  La 
loi  est  donc  un  principe  purement  formel,  qui  ne  suppose 
autre  chose  qu'elle-même  et  une  volonté  libre  pour  l'ac- 
complir. Elle  a  sa  racine  dans  l'autonomie  de  la  volonté. 
Mais  par  là  même  n'est-elle  pas  illusoire  ?  Détachée  des 
choses  et  ramenée  au  sujet,  n'est-elle  pas  purement  subjec- 
tive? Pourrons-nous  échapper  à  l'idéalisme  dans  l'ordre  pra- 
tique, comme  nous  y  avons  échappé  dans  l'ordre  théorique? 
Déduire  la  loi  morale  des  conditions  de  l'expérience  est  chose 
impossible,  puisque  tout  objet  de  l'expérience  doit  être 
écarté  de  la  détermination  morale  ;  mais,  par  contre,  la  loi 
morale  fonde  elle-même  une  déduction  de  la  liberté.  Si  je 
dois,  c'est  que  je  puis.  Or  la  raison  spéculative,  si  elle  a 
dû  s'interdire  de  connaître  la  liberté,  ne  l'en  a  pas  moins 
admise  comme  possible,  même  théoriquement  ;  et  ainsi  la 
loi  morale  a  un  point  d'attache  dans  la  réalité  des  choses 
telle  qu'elle  est  théoriquement  connue,  à  savoir  dans  cette 
région  de  l'existence  qui  ne  peut  être  qu'universelle  et 
absolue.  Si  la  loi  morale  est  la  ratio  cognoscendi  de  la 
liberté,  celle-ci  fournit  à  celle-là  sa  ratio  essendi. 

Mais  jusqu'ici  nous  n'avons  atteint  qu'un  principe,  une 
loi  formelle.  Or  la  morale  nous  offre  en  outre  des  con- 
cepts, dont  les  deux  principaux  sont  ceux  du  bien  et  du 
mal.  Pourrons-nous  arriver  à  nous  rendre  compte  de  ces 
concepts?  Il  s'agit,  après  avoir  éliminé  toute  matière  em- 
])irique,  de  tirer  une  matière  nouvelle  d'un  principe  posé 
comme  purement  formel.  La  marche  qu'il  nous  faut  suivre 
est  en  apparence  paradoxale.  N'est-ce  pas  le  devoir  qui  se 
déduit  du  bien,  et  non  le  bien  qui  se  détermine  par  le  de- 
voir? Les  anciens,  dans  leur  recherche  du  souverain  bien, 


Ui 


KANT 


ont  suivi  la  promièrc  niclhodc,  la  mélliotle  dogmatique  : 
mais,  bon  gré  mal  gré,  ils  en  sont  venus  à  foncier  la  mo- 
rale sur  des  données  empiriques.  Du  bien  l'on  ne  peut 
tirer  le  devoir,  si  déjà  ce  bien  n'est  le  bien  moral,  et  il 
n'est  tel  que  si  déjà  on  y  a  mis  le  devoir  qu'on  en  veut 
déduire.  Au  contraire,  l'on  peut,  par  le  devoir,  déterminer 
le  bien  ;  on  peut,  pour  la  loi,  trouver  un  objet  dans  le 
monde  sensible  lui-même,  le  seul  dont  nous  disposions  ;  car 
le  monde  sensible,  loin  de  répugner  à  l'universalité  qui 
caractérise  la  loi  morale,  est  lui-même  soumis  à  des  lois 
universelles.  Le  bien,  c'est  la  réalisation,  dans  le  monde 
sensible,  d'une  forme  d'universalité  qui  puisse  être  le 
symbole  de  la  raison  pratique.  Kant,  par  cette  doctrine, 
repousse  le  mysticisme  autant  que  l'empirisme.  Si  le  prin- 
cipe de  la  détermination  doit  être  puisé  dans  le  monde 
des  noumènes,  c'est  dans  le  monde  des  phénomènes  que  se 
réalisera  et  s'exercera  la  moralité.  Et  le  principe  même  de 
la  détermination  ne  restera  pas  sans  rapport  avec  la  na- 
ture. Il  existe  un  sentiment  qui  est  dans  la  nature  et  qui 
en  même  temps  la  dépasse,  c'est  le  respect,  affection  que 
suscite  ridée  de  la  loi  dans  une  aine  douée  de  penchants 
sensibles  en  même  temps  que  de  raison.  Le  respect  est  le 
mobile  moral.  L'inclination  qu'il  enveloppe,  et  qui  vient  de 
la  volonté,  ne  fait  nul  tort  à  la  pratique  désintéressée  du 
devoir. 

Ainsi  se  trouve  expliquée  et  définie  la  morale  donnée, 
dans  tous  les  éléments  qu'elle  renferme  :  mobiles,  con- 
cepts, principes.  Ici  encore  il  a  suifi  de  remonter  de 
l'expérience  à  ses  conditions,  pour  expliquer  ce  qu'il  y  a 
d'absolu  dans  nos  connaissances  sans  déroger  au  principe 
de  la  philosophie  moderne. 

Et  non  seulement  la  critique  assure  ainsi  les  fondements 
de  la  morale  ;  mais,  du  point  même  où  l'a  menée  cette  re- 
cherche, elle  découvre  la  source  et  la  raison  des  croyances 
religieuses.  La  raison  commande  l'entier  accomplissement 
du  devoir,  et  exige  l'union  de  la  vertu  et  du  bonheur. 
Comment  la  réalisation  d'un  tel  objet  est-elle  possible?  La 
nécessité  de  répondre  à  cette  question  nous  conduit  à  des 
propositions  théoriques  non  démontrables  comme  telles, 
mais  liées  inséparablement  à  des  vérités  pratiques  d'un  ca- 
ractère absolu.  Kant  appelle  ces  propositions  des  postulats. 
Il  en  établit  trois  :  1"  La  liberté  :  elle  est  nécessaire  pour  que 
l'iiomme  puisse  se  déterminer,  en  dehors  de  tout  attrait 
sensible,  d'après  les  lois  d'un  monde  purement  intelligible. 
Sans  doute  elle  n'intervient  pas  dans  le  cours  des  phéno- 
mènes, lesquels  cesseraient  d'être  objets  d'expérience  si  la 
causalité  y  était  violée.  Mais  elle  est  pleine  et  entière  dans  le 
monde  des  noumènes,  où  elle  fonde  la  personnalité,  où  elle 
crée  en  chacun  de  nous  un  caractère  intelligible,  dont  notre 
caractère  empirique  est  le  symbole.  '^'^  L'immortalité  :  elle 
est  nécessaire  pour  que  puisse  se  réaliser  le  progrès  indé- 
fini, sans  lequel  la  parlait e  adaptation  de  notre  volonté  à 
la  loi  morale  demeure  inconcevable,  'à^  Dieu  :  il  est  né- 
cessaire pour  établir,  entre  la  moralité  et  le  bonheur,  cet 
accord  que  la  raison  exige,  et  dont  ni  l'une  ni  l'autre  ne 
contient  le  principe.  La  morale  conduit  de  la  sorte  à  la  re- 
ligion, non  comme  à  une  science  théorique  expliquant  la 
nature  des  choses,  mais  comme  à  la  connaissance  de  nos 
devoirs  en  tant  que  commandements  divins. 

C'est  ainsi  que  la  critique,  en  poursuivant  sa  marche,  ré- 
tablit peu  à  peu  toutes  les  existences  suprasensibles  qu'elle 
avait  renversées.  En  cela  se  contredit-elle?  En  aucune 
façon  ;  car  elle  ne  les  prend  plus  dans  le  même  sens.  La  cri- 
tique de  la  raison  pure  a  montré  que  de  tels  objets  ne  sont 
pas  connaissables  théoriquement,  c.-à-d.  à  l'aide  d'intuitions 
qui  les  déterminent.  Ce  résultat  subsiste.  Mais  la  critique 
de  la  raison  pure  ne  nous  interdisait  pas,  elle  nous  per- 
mettait au  contraire  de  coikevoir  des  objets  supérieurs  à 
l'expérience.  D'autre  part,  la  critique  de  la  raison  pratique 
ne  nous  dévoile  en  aucune  façon  le  monde  que  nous  fer- 
mait la  critique  de  la  raison  pure,  mais  elle  nous  présente 
comme  liés  au  devoir  les  objets  sur  lesquels  ne  pouvait  se 
prononcer  la  raison  théorique.  Elle  nous  amène  à  dire,  non   ' 


pas  :  il  est  certain  qu'il  y  a  un  Dieu  et  une  immortalité, 
mais  bien  :  je  veux  qu'il  y  ait  un  Dieu,  je  veux  que  mon 
être  soit,  par  un  cAté,  libre  et  immortel.  C'est  là,  non  une 
science,  mais  une  croyance  rationnelle,  pure,  pratique. 
Nous  ne  pouvons  ni  voir  l'objet,  ni  le  déduire  de  ce  que 
nous  voyons,  nous  ne  pouvons  que  le  concevoir.  Heureuse 
impuissance  !  Car  si  nous  étions  en  possession  de  la  faculté 
qui  nous  manque,  au  lieu  du  devoir  qui  trempe  et  ennoblit 
notre  volonté.  Dieu  et  Téternité,  avec  leur  majesté  redou- 
table, seraient  constamment  devant  nos  yeux,  et,  par  la 
crainte  dont  ils  nous  frapperaient,  nous  réduiraient  à 
l'état  de  marionnetes,  gesticulant  à  propos,  mais  privées  de 
vie  et  de  valeur  morale.  La  sagesse  mystérieuse  par  laquelle 
nous  existons  n'est  pas  moins  admirable  dans  les  dons 
qu'elle  nous  a  refusés  que  dans  ceux  qu'elle  nous  a  faits. 

C.  La  critique  a  pu  rendre  compte  de  l'existence  de  la 
science  et  de  la  morale.  Pour  épuiser  les  divers  ordres  de 
nos  connaissances,  il  reste  à  exarniner  les  notions  de  goût 
et  de  finalité.  L'expérience  pourra-t-elle  en  fournir  le 
principe  et  la  mesure  ?  La  donnée  expérimentale  qui  est 
ici  on  jeu  est  le  jugement,  non  plus  le  jugement  déter- 
minant, qui  va  du  général  au  particulier,  mais  le  juge- 
ment réfléchissant,  qui  va  du  particulier  au  général.  Ce 
jugement  est  celui  qui  affirme,  dans  la  nature,  l'existence, 
non  plus  seulement  de  lois  en  général,  mais  de  telles  lois 
en  particulier.  ïl  requiert  un  principe  spécial,  qui  ne  peut 
être  que  le  suivant  :  de  même  que  les  lois  universelles  de 
la  nature  ont  leur  fondement  dans  notre  entendement,  qui 
les  prescrit  à  la  nature,  de  même,  en  ce  qui  concerne  les 
lois  empiriques  et  particulières,  tout  se  passe  comme  si  ces 
lois  avaient  été  également  dictées  par  un  entendement,  se 
proposant  de  rendre  intelligible  et  objectif  le  détail  même 
des  phénomènes.  Cette  raison  des  lois  particulières  peut 
être  cherchée,  soit  dans  l'accord  des  choses  avec  notre  fa- 
culté de  connaître,  c.-à-d.  dans  le  beau,  soit  dans  l'ac- 
cord des  choses  avec  elles-mêmes,  c.-à-d.  dans  la  finalité. 

L'appréciation  du  beau  ne  saurait  s'expHquer  par  la 
seule  sensation,  comme  le  veut  l'Anglais  Burke.  Le  beau 
n'est  pas  l'agréable  :  il  est  désintéressé,  il  est  l'objet  d'un 
véritable  jugement.  Mais  elle  ne  s'explique  pas  non  plus 
par  la  seule  raison,  comme  le  veut  le  wollïien  Baumgarten. 
Le  beau  n'est  pas  le  parfait  :  il  ne  réside  que  dans  la  forme 
de  l'objet,  non  dans  sa  matière  ;  et,  s'il  plaît,  c'est  sans 
y  viser,  par  une  sorte  de  finalité  sans  fin  :  en  un  mot,  il 
participe  du  sentiment.  Formé  à  priori  et  en  même  temps 
subjectif,  où  le  jugement  de  goût  peut-il  prendre  sa  source? 
Il  n'est  ex{)licable'que  comme  opération  d'un  sens  commun 
esthétique,  ou  faculté  de  percevoir  un  accord  entre  notre 
kmliè  sensible  de  connaître  et  noire  faculté  intellectuelle. 
Sont  beaux  les  objets  en  présence  desquels  notre  imagina- 
tion se  trouve  d'elle-même  satisfaire  notre  entendement.  Le 
beau  est  le  sentiment  d'un  jeu  de  nos  facultés,  analogue  au 
jeu  visible,  où  l'observation  spontanée  d'une  règle  libre- 
ment posée  n'entrave  en  rien  le  libre  essor  de  l'activité.  Le 
beau,  par  suite,  ne  réside  qu'en  nous  ;  il  n'a  d'autre  source 
et  d'autre  règle  que  le  sens  spécial  en  qui  se  rencontrent 
la  sensibilité  et  l'entendement.  Du  beau  proprement  dit, 
que  nous  venons  d'analyser,  il  faut  distinguer  le  sublime, 
comme  une  autre  espèce  du  même  genre.  Tandis  que  l'ob- 
jet beau  est  la  réalisation  sensible  adéquate  de  l'idée, 
l'objet  sublime  est  la  défaite  de  l'imagination,  s'épuisant 
en  vains  efforts  pour  représenter  une  idée  qui  la  surpasse. 
De  rinfini  il  n'y  a  point  d'images,  mais  seulement  des  sym- 
boles. Le  fonds  du  sublime  comme  du  beau  ne  peut  donc  être 
que  notre  nature  suprasensible,  en  même  temps  que  le  be- 
soin d'un  accord  entre  cette  nature  et  notre  nature  sen- 
sible. Mais  le  résultat  de  cette  analyse  n'est-il  pas  de  dé- 
nier au  jugement  de  goût  toute  valeur  objective?  Il  en  serait 
ainsi,  si  l'objectivité  du  beau  devait  consister  pour  nous 
en  une  propriété  des  choses  en  soi  ;  mais  une  telle  objec- 
tivité est  une  chimère.  Le  sens  du  goût  que  nous  avons 
dégagé  a  une  portée  objective,  en  tant  que  lui  seul  rend 
intelligible  le  caractère  de  beauté  que  nous  attribuons 


KANT 


—  412 


aux  objets,  et  en  tant  que  ce  sens  même  doit  être  consi- 
déré comme  identique  en  tous  les  êtres  formés  d'une  sen- 
sibilité et  d'un  entendement  discursif.  L'universalité  de  la 
faculté  suffit  à  fonder  l'objectivité  de  l'opération. 

Que  si  maintenant  nous  considérons  les  choses  de  goût 
et  spécialement  l'art,  dont  l'existence  nous  est  donnée, 
notre  doctrine  en  fournira  la  théorie.  L'art  est  un  produit 
de  l'intelligence,  et  doit  paraître  un  produit  de  la  nature  ; 
il  a  un  but  et  doit  sembler  n'en  pas  avoir;  il  observe  les 
règles  ponctuellement,  et  il  les  observe  sans  marquer  d'ef- 
fort. Tous  ces  caractères  s'expliquent,  du  moment  qu'il  y 
a  en  l'homme  une  faculté  oii  l'entendement,  qui  pense  et 
qui  règle,  coïncide  avec  l'imagination,  qui  voit,  sent  et 
invente.  La  source  du  génie  est  découverte  dans  l'essence 
générale  de  l'homme.  Et  l'on  voit  en  même  temps  com- 
ment les  arts  sont  d'autant  plus  élevés  que  leur  objet  est 
plus  humain. 

L'idéalité  du  beau  est  d'ailleurs  le  seul  point  de  vue  qui 
permettre  de  résoudre  l'antinomie  à  laquelle  donne  lieu  le 
jugement  de  goût.  On  discute  sur  le  beau,  et  pourtant  l'on 
ne  peut  en  i-endre  compte  par  démonstration.  Cela  serait 
incompréhensible,  si  le  beau  appartenait  aux  choses  en  soi. 
Mais  d'autre  part  le  beau  ne  saurait  être,  comme  l'espace 
et  le  temps,  enfermé  dans  le  monde  sensible.  On  discute, 
parce  que  dans  le  beau  est  impliqué  un  concept,  à  vrai  dire 
indéterminé  :  le  concept  du  fonds  suprasensible  des  phé- 
nomènes. Le  beau  est  le  symbole  du  bien  moral,  et  c'est 
vers  ce  bien  qu'obscurément  nous  dirige  le  goût. 

Le  second  principe  des  lois  naturelles  particulières 
se  tire  de  la  finalité.  Existe-t-il  véritablement  des  har- 
monies que  ne  puisse  expliquer  le  mécanisme,  ou  sys- 
tème des  causes  et  des  eftets?  Partout  où  la  finalité  n'est 
qu'extérieure  et  ne  consiste  que  dans  l'utilité  d'un  être 
à  l'égard  d'un  autre,  l'explication  mécanique  suffît,  car  il 
s'en  faut  de  beaucoup  que  cette  harmonie  àes  différents 
êtres  soit  la  règle  dans  la  nature.  Mais  il  existe  un  cas  où  la 
finalité,  étant  interne,  ne  peut  plus  èire  expliquée  par  les 
hasards  du  mécanisme  :  c'est  celui  des  êtres  organisés. 
Le  vivant  se  produit  lui-même,  et  comme  espèce  et  comme 
individu;  elles  parties  y  sont  conditionnées  par  l'ensemble 
même  qui  doit  en  résulter.  L'effet  y  est  cause  de  sa  cause, 
la  cause  y  est  effet  de  son  effet.  Une  telle  relation  dépasse 
le  mécanisme,  un  tel  être  est  fin  en  même  temps  que  pro- 
duit de  la  nature.  Mais  comment  cela  est-il  concevable? 
En  vain  le  dogmatisme  essaye- t-il  de  répondre,  soit  par 
l'hylozoïsme  qui  fait  la  nature  intelligente,  soit  par  le 
théisme,  qui  insère  l'action  de  l'intelligence  dans  le  cours 
des  phénomènes  :  le  premier  prête  à  la  matière  des  qua- 
lités qui  répugnent  à  son  essence,  le  second  prétend  vaine- 
ment pénétrer  les  desseins  de  Dieu.  L'organisation,  finalité 
interne,  n'est  pas  connaissable  dans  sa  cause.  La  finalité, 
pour  nous,  ne  peut  être  qu'idéale  :  c'est  notre  manière  de 
considérer  une  certaine  classe  de  phénomènes.  Une  telle 
doctrine  est-elle  un  résultat  purement  négatif?  En  aucune 
façon.  C'est  déjà  savoir  quelque  chose  de  la  nature  que  de 
connaître  qu'en  certains  de  ses  produits  elle  nous  est  incon- 
naissable. Soit  dans  sa  portée  restrictive,  soit  dans  sa 
portée  positive,  ce  principe  nous  instruit.  Il  n'est  pas  cons- 
titutif, mais  il  est  régulateur.  A  ce  titre  il  sert  la  science. 
S'il  ne  rend  pas  plus  intelligible  la  production  des  choses, 
il  fournit  des  anticipations  qui  aident  à  trouver  les  lois  par- 
ticulières de  la  nature.  Il  allume  des  phares  dans  l'infini. 
En  ce  qui  concerne  la  métaphysique,  une  telle  conception 
de  la  finalité  permet  seule  d'échapper  à  l'antinomie  tradi- 
tionnelle du  mécanisme  et  de  la  téléologie.  Sur  le  terrain 
de  l'être  en  soi  où  les  deux  systèmes  sont  placés,  ni  le 
premier  ne  peut  expliquer  ce  qu'il  appelle  l'illusion  de  la 
finalité,  ni  le  second  ne  peut  prouver  que  son  explication 
transcendante  est  nécessaire.  Le  principe  des  causes  finales, 
au  contraire,  devient  inattaquable,  du  moment  où  il  n'est 
qu'un  point  de  vue  sur  les  choses.  Et  il  ouvre  à  notre  con- 
ception, sinon  à  notre  connaissance,  une  perspective  sur 
l'absolu  lui-même.  Comment  en  effet  arrivons-nous  à  poser 


l'idée  d'une  fin  comme  cause  d'un  phénomène?  L'impossi- 
bilité où  nous  sommes  de  déduire  le  particulier  de  l'uni- 
versel vient  de  ce  qu'en  nous  l'entendement  et  l'intuition 
sont  séparés  :  nos  concepts  sont  vides,  et  nos  intuitions 
sont  impuissantes  à  se  lier  en  lois.  Comment  donc  affirmer 
l'existence  de  lois  particulières?  Le  problème  se  résout  de 
la  manière  suivante.  Nous  concevons  que  la  difficulté  qui 
nous  arrête  n'existerait  pas  pour  un  esprit  en  qui  l'enten- 
dement ne  ferait  qu'un  avec  la  sensibilité,  pour  un  enten- 
dement intuitif.  Un  tel  esprit,  au  lieu  d'aller  des  parties 
au  tout,  comme  notre  entendement  discursif,  et  de  voir, 
par  suite,  dans  le  tout,  un  résultat  contingent,  irait  du 
tout  aux  parties  et,  d'emblée,  verrait  celles-ci  dans  leur 
connexion  nécessaire.  Pour  lui  mécanisme  et  finalité  coïn- 
cideraient. Or,  l'idée  d'une  telle  intelligence  une  fois  conçue, 
notre  entendement,  pour  s'en  rapprocher  à  sa  manière, 
substitue  au  tout  l'idée  du  tout,  et  pose  cette  idée  avant 
ses  intuitions,  comme  cause  des  rapports  spéciaux  qui  les 
unissent.  A  l'emploi  de  la  notion  de  fin  est  ainsi  liée  la 
conception  d'un  entendement  intuitif,  comme  fondement 
possible  dans  l'absolu  de  l'ensemble  des  harmonies  de  la 
nature. 

Cette  déduction  dujugementtéléologique  détermine  l'usage 
que  nous  en  devons  faire.  4^  En  ce  qui  concerne  l'explication 
des  phénomènes  de  la  nature,  nous  avons  le  droit  de  nous 
placer  le  plus  possible  au  point  de  vue  mécanique,  mais  nous 
ne  pouvons  le  faire  partout  avec  un  égal  succès.  Le  fait  delà 
vie  nous  oppose  un  obstacle  invmcible.  Nous  ne  saurions 
nous  représenter  que  de  la  matière  inorganique  puissent 
sortir  des  corps  vivants.  Sans  doute,  il  n'est  pas  inconce- 
vable que  d'une  commune  matière  primitivement  organisée 
tous  les  corps  vivants  soient  issus  par  des  changements 
purement  mécaniques.  Au  mécanisme,  en  ce  sens,  appar- 
tiendrait l'explication  des  choses,  à  la  téléologie  l'origine. 
Et,  de  fait,  la  comparaison  des  formes  organiques  permet 
de  conjecturer  la  parenté  de  tous  les  vivants  et  laisse  espérer, 
si  faiblement  que  ce  soit,  qu'il  sera  possible  de  les  ramener 
à  une  origine  commune.  On  pourrait  alors  se  représenter  la 
matrice  de  la  terre  comme  engendrant  d'abord  des  créatures 
mal  appropriées  à  leurs  conditions  d'existence,  puis  ces 
créatures  comme  se  perfectionnant  de  génération  en  géné- 
ration, jusqu'à  ce  qu'enfin  la  créatrice,"figée,  ossifiée,'  bor- 
nât ses  productions  à  un  certain  nombre  d'espèces  nette- 
ment définies,  désormais  immuables.  C'est  là  une  hardie  et 
brillante  hypothèse  de  la  raison  ;  mais  outre  que,  jusqu'ici, 
l'expérience  ne  semble  guère  l'autoriser,  elle  n'exclurait 
nullement,  elle  réclamerait  la  vie  primordiale  de  la  matrice 
universelle.  ^"^  En  ce  qui  concerne  la  conception  générale  du 
monde,  nous  avons  le  droit  d'achever  par  la  pensée  l'uni- 
fication à  laquelle  tendent  les  concepts  téléologiques,  pourvu 
que  nous  placions  cette  fin  suprême  en  dehors  des  phéno- 
mènes sensibles.  Et  comme  cette  fin  ne  peut  être  qu'un 
être  ayant  en  lui-même  l'objet  de  son  activité,  par  consé- 
quent capable  de  poser  des  fins  et  de  se  servir  de  la  nature 
comme  d'un  moyen,  l'homme  seul,  non  sans  doute  en  tant 
que  partie  de  la^nature,  mais  en  tant  qu'intelligence  et  vo- 
lonté, peut  être  la  fin  de  l'univers.  Il  ne  faut  pas,  avec  Rous- 
seau, demandera  la  nature  la  satisfaction  de  nos  penchants, 
le  bonheur  :  elle  n'est  point  faite  pour  nous  le  procurer  et  nous 
trahira.  Mais  elle  ne  trompera  pas  l'attente  de  celui  qui,  par 
elle,  s'efforce  de  réaliser  le  bien  moral.  3^  Enfin,  pour  ce  qui 
est  de  la  conception  de  Dieu  comme  principe  de  la  finalité, 
ce  n'est  pas  en  vain  que,  de  tout  temps,  les  hommes  ont 
été  touchés  de  l'argument  des  causes  finales.  Cet  argument 
exprime  excellemment  l'impression  de  l'homme  à  la  vue  de 
l'ordre  de  la  nature  :  l'aspiration  vers  quelque  chose  qui  la 
dépasse.  Il  n'en  faut  parler  qu'avec  respect,  car  il  est  l'ar- 
gument le  plus  persuasif,  le  plus  populaire,  le  plus  efficace 
de  tous.  Mais,  pour  qu'il  soit  vraiment  solide  et  salutaire, 
il  faut  qu'il  soit  entendu  dans  son  véritable  sens.  Ce  n'est 
pas  comme  architecte  que  Dieu  nous  est  révélé  par  le  monde, 
mais  comme  condition  d'un  accord  de  la  nature  avec  la 
moralité.  En  cherchant  quels  attributs  il  doit  posséder  pour 


—  413  — 


KANT 


pouvoir  remplir  ce  rôle,  nous  nous  formons  une  théologie 
morale  qui  nous  conduit  à  une  religion  morale  elle-même. 

IV.  La.  Doctrine.  —  La  critique  n'est  pas  l'abolition  de 
la  métaphysique,  c'est  Tintroduction  à  la  métaphysique 
comme  science.  Dans  la  réalisation  du  plan  qu'elle  trace, 
la  méthode  à  suivre  est  celle  qu'a  inaugurée  l'illustre  Wolff. 
On  sait  que  la  logique  transcendantale  ne  brise  pas  les 
cadres  de  la  logique  générale  :  elle  les  remplit.  La  raison 
humaine  est  législatrice  de  deux  manières  :  par  son  enten- 
dement dans  le  domaine  de  la  nature,  par  sa  volonté  dans 
le  domaine  de  la  liberté.  D'où  l'idée  d'une  double  méta- 
physique :  celle  de  la  nature  et  celle  des  mœurs.  Il  n'y  en 
a  pas  d'autre. 

A.  Métaphysique  de  la  science  de  la  nature.  (Sources: 
Principes  métaphysiques  de  la  science  de  la  nature  ; 
Passage  des  principes  métaphysiques  de  la  science 
de  la  nature  à  la  physique,)  Seule  durable,  la  matière 
corporelle  peut  seule  donner  lieu  à  une  métaphysique. 
Celle-ci  cherche  tout  d'abord,  parmi  les  données  sen- 
sibles ou  propriétés  de  la  matière,  un  objet  auquel  soient 
applicables  les  lois  synthétiques  de  l'entendement.  Elle  le 
trouve  dans  le  mouvement.  Cet  unique  emprunt  une  fois 
fait  à  l'expérience,  la  métaphysique  poursuit  sa  marche  en 
procédant  a  priori.  Déterminé  selon  la  seule  notion  de 
quantité,  le  mouvement  n'est  qu'une  grandeur  dans  le  temps 
et  l'espace  :  il  n'implique  pas  encore  de  cause  de  produc- 
tion ou  de  modification.  Il  donne  lieu  en  ce  sens  à  la  pho- 
ronomie,  que  nous  appelons  aujourd'hui  cinématique.  Déter- 
miné, en  outre,  suivant  la  notion  de  qualité,  il  enveloppe  une 
grandeur  intensive  ou  force,  comme  cause  de  son  existence 
et  de  nos  affections  sensibles.  La  théorie  de  la  force  est  la 
dynamique  :  c'est  la  pièce  essentielle  de  cette  partie  de  la 
métaphysique  kantienne.  11  faut  admettre  autant  de  forces 
simples  qu'il  est  nécessaire  pour  distinguer  les  mouvements 
sur  une  ligne  droite,  par  conséquent  une  force  de  répul- 
sion et  une  force  d'attraction.  De  la  première  résulte  la 
divisibilité  à  l'infini,  de  la  seconde  une  limitation  de  la  pre- 
mière. Ces  deux  forces  sont  solidaires  :  la  solidité,  que  les 
newtoniens  se  sont  vus  obligés  d'ajouter  à  l'attraction,  à 
moins  d'être  une  qualité  occulte,  suppose  une  force  répul- 
sive. La  matière  résulte  de  leur  équilibre.  Déterminée  par 
la  notion  de  relation,  la  matière  se  revêt  des  propriétés 
qu'étudie  la  mécanique  proprement  dite.  A  ce  point  de  vue, 
Kant  étabht  la  loi  de  la  persistance  de  la  substance  maté- 
rielle, la  loi  de  l'inertie,  la  loi  de  l'action  et  de  la  réaction. 
Enfin,  en  ce  qui  concerne  la  modalité,  il  s'agit  de  savoir 
quelles  sont  les  règles  que  suit  notre  esprit  quand  il  dis- 
tingue le  mouvement  possible,  réel  ou  nécessaire  :  c'est 
la  phénoménologie.  Le  mouvement  rectiligne  n'est  que  pos- 
sible, et  appartient  à  la  phoronomie  ;  le  mouvement  curvi- 
ligne est  réel  et  appartient  à  la  dynamique  ;  le  mouvement 
conçu  comme  communiqué  par  un  moteur  à  un  mobile  est 
déterminé  nécessairement  quant  à  l'existence  et  à  la  vitesse, 
et  appartient  à  la  mécanique. 

De  ces  principes  métaphysiques  Kant  a  tenté  de  passer 
à  la  physique  elle-même,  La  physique  serait  constituée 
comme  science,  si  l'on  parvenait  à  déterminer  a  priori 
les  forces  qui  produisent  la  sensation.  Or,  il  résulte  de  la 
critique  que  ces  forces,  étant  liées  à  la  vie  de  l'esprit, 
doivent  être,  en  définitive,  de  la  nature  de  l'esprit.  Elles 
ne  peuvent  être  que  l'action  exercée  sur  notre  moi  empirique 
par  notre  spontanéité,  c.-à-d.  par  notre  entendement.  Et 
c'est  parce  que  cette  action  est  transcendantale  que,  cher- 
chant à  nous  représenter  la  cause  de  nos  sensations, 
nous  imaginons  des  choses  situées  dans  l'espace.  Dès 
lors,  le  principe  de  la  déduction  des  espèces  matérielles  est 
entre  no  s  mains  :  il  n'est  autre  que  le  principe  des  fonc- 
tions du  sujet.  C'est  en  ce  sens  que  Kant  entreprend,  à  la 
lumière  des  catégories,  la  déduction  des  différentes  espèces 
de  forces,  de  la  matière  première  ou  éther,  des  bases  ou 
matières  spécifiques.  Et  vraisemblablement,  il  en  serait  venu 
à  une  déduction  rationnelle  du  système  du  monde  lui-même, 
tel  que  l'avait  constitué  Newton. 


B.  Métaphysique  des  mœurs.  (Sources  :  Principes  mé- 
taphysiques de  la  théorie  du  droit  ;  De  la  paix  perpé- 
tuelle; Principes  métaphysiques  de  la  théorie  de  la 
vertu.)  Dans  l'ordre  moral  comme  dans  l'ordre  physique, 
la  méthode  a  pour  tâche  de  ranger  les  conditions  empiriques 
données  sous  les  lois  de  la  raison,  et  de  déduire  par  là  le 
système  complet  des  lois  fondamentales.  La  législation 
morale  a  un  double  objet  :  l'action  et  son  mobile.  L'accord 
de  l'action  avec  la  loi  est  la  légalité,  l'accord  du  mobile  la 
moralité.  De  cette  distinction  résulte  la  division  de  la  mé- 
taphysique des  mœurs  en  théorie  du  droit  et  théorie  de 
la  vertu. 

Le  droit  est  l'ensemble  des  conditions  universellement 
requises  pour  que  le  libre  arbitre  de  chacun  se  concilie 
avec  celui  des  autres.  Le  libre  arbitre  extérieur  est  respec- 
table, parce  qu'il  est  la  forme  de  la  liberté  morale,  celle- 
ci  ne  se  réalisant  que  par  l'action  et  l'action  impliquant 
un  rapport  à  quelque  chose  d'extérieur.  Ainsi,  le  droit 
est  distinct,  mais  dépendant  de  la  morale.  Au  déve- 
loppement de  la  théorie  du  droit  président  deux  principes 
essentiels  :  i**  le  droit  repose  exclusivement  sur  la  nature 
suprasensible  de  l'homme  en  tant  qu'elle  est  manifestée 
dans  le  temps,  c.-à-d.  sur  la  dignité  personnelle  ;  2^*  la 
contrainte  légale  est  légitime,  en  tant  qu'elle  est  nécessaire 
pour  supprimer  les  obstacles  qu'une  volonté  peut  opposer 
arbitrairement  au  développement  des  autres.  Les  consé- 
quences de  ces  principes  sont  les  suivantes. 

En  ce  qui  concerne  le  droit  privé,  il  appartient  nécessai- 
rement à  tout  homme  de  disposer  de  la  part  de  liberté  com- 
patible avec  la  Uberté  des  autres  hommes.  Mais  il  ne  peut 
s'agir  ici  que  de  la  liberté  considérée  dans  son  existence 
extérieure.  Cette  existence  est  ce  qu'on  appelle  la  posses- 
sion. Il  y  a  donc  autant  d'espèces  de  droits  qu'il  y  a  d'es- 
[)èces  de  possessions,  La  première  porte  sur  les  choses,  et 
donne  lieu  au  droit  réel.  Ce  droit  n'est  pas  un  rapport  entre 
le  propriétaire  et  la  chose,  mais  un  rapport  entre  des  per- 
sonnes. Comment  la  réalisation  en  peut-elle  être  légitime? 
D'une  part,  la  possession  en  commun  est  le  droit  primitif  ; 
d'autre  part,  le  fait  donné  est  la  propriété  individuelle. 
11  y  aurait  là  une  antinomie  insoluble,  si  l'on  tenait  la  pos- 
session en  commun  pour  un  fait  qui  a  existé  historique- 
ment. Mais  ce  n'est  pas  un  fait,  c'est  le  commandement  de 
la  raison.  Le  fait  actuel  ne  va  donc  pas  contre  une  réali- 
sation préalable  de  la  justice.  Il  est,  jusqu'à  nouvel  ordre, 
la  seule  réalisation  effective  du  principe  qui  attribue  les 
choses  aux  personnes.  Il  n'en  doit  pas  moins  être  sanc- 
tionné par  un  contrat  entre  les  volontés,  pour  devenir  juri- 
dique :  toute  appropriation,  dans  l'état  de  nature,  n'est 
que  provisoire.  La  seconde  espèce  de  possession  porte  sur 
les  actions  des  personnes,  et  donne  lieu  au  droit  person- 
nel. Ce  droit  se  réalise  par  le  contrat,  dont  la  valeur  ré- 
side dans  la  stabilité  et  la  simultanéité  des  volontés  supra- 
sensibles.  La  troisième  espèce  de  possession  porte  sur  les 
personnes  elles-mêmes,  et  donne  lieu  au  droit  personnel 
réel.  Le  domaine  en  est  la  famille.  Comment  une  personne 
peut--elle  devenir  une  chose  ?  11  y  aurait  là  une  contradic- 
tion intolérable,  si  le  possesseur  de  la  personne  ne  resti- 
tuait à  celle-ci  sa  dignité  en  se  donnant  de  son  côté,  en 
rétablissant  par  un  acte  de  liberté  l'ordre  moral  menacé 
par  la  nature.  C'est  ainsi  que  le  mariage  est  le  seul  rapport 
légitime  des  sexes,  parce  que,  seul,  il  sauve  la  dignité  de 
la  femme. 

En  ce  qui  concerne  le  droit  public  ou  civil,  Kant  pose  en 
principe  que,  l'état  de  nature  des  hommes  étant  la  guerre, 
il  est  nécessaire  de  constituer  une  société  civile  pour  rendre 
possible  un  régime  de  droit.  Les  lois  qui  créent  un  tel  ré- 
gime se  divisent  en  droit  politique,  droit  des  gens  et  droit 
cosmopolitique.  Le  droit  politique  repose  exclusivement  sur 
l'idée  de  justice.  La  souveraineté  appartient  primitivement 
au  peuple,  et  l'Etat  ne  peut  résulter  que  d'un  contrat  par 
lequel  les  hommes  abandonnent  leur  liberté  naturelle  pour 
la  retrouver  intacte  dans  un  régime  légal.  Mais  ce  contrat 
n'est  pas  un  fait  historique,  c'est  une  idée  de  la  raison  : 


KANT 


—  414  — 


c'est  le  point  de  vue  auquel  doivent  se  placer,  pour  l'ac- 
complissement de  leurs4âches  respectives,  le  législateur  et 
les  citoyens.  Par  suite,  on  doit  obéir  au  pouvoir  sans  en 
scruter  l'origine.  Si  vicieuse  que  soit  une  forme  sociale, 
elle  n'est  pas  une  déchéance  d'un  primordial  état  de  jus- 
tice :  elle  est  le  degré  de  réalité  qu'a  pu  atteindre  dans  le 
temps  l'idée  du  droit.  Il  est  légitime  de  raméliorer  par  voie 
de  réforme,  non  de  la  bouleverser  par  voie  de  révo- 
lution. Si  tel  est  son  principe,  l'Etat  a  pour  mission  de 
garantir  les  droits  naturels  de  l'homme.  Il  ne  s'occupera 
des  mœurs  qu'en  tant  qu'elles  intéressent  l'ordre  public.  Il 
respectera  les  croyances  religieuses,  njais  s'opposera  à  une 
influence  politique  des  églises.  11  a  le  droit  d'abolir  les  pri- 
vilèges qui  ne  sont  que  des  faits  sans  fondement  rationnel. 
La  réalisation  de  l'idée  de  l'Etat  exige  la  division  du  pou- 
voir en  législatif,  exécutif  et  judiciaire.  Le  législatif  est  le 
principal.  Il  doit  être  la  pleine  et  entière  expression  de  la 
volonté  collective.  Le  gouvernement  est  plus  ou  moins  des- 
potique, selon  la  mesure  où  il  s'écarte  du  système  repré- 
sentatif. La  république,  forme  rationnelle  idéale,  est  un 
gouvernement  représentatif  dans  ses  trois  pouvoirs.  Dans 
la  pratique,  liant,  en  dévoué  sujet  de  Frédéric  il,  admet 
une  autocratie  se  conformant,  grâce  à  la  générosité  du  prince, 
aux  principes  philosophiques  du  droit.  Toujours  appuyé  sur 
l'idée  de  justice,  Kant  fonde  le  droit  pénal,  non  surl'ulihté, 
mais  sur  la  rémunération  ;  et  il  défend  la  peine  de  mort 
contre  la  sensiblerie  de  Beccaria.  —  Le  droit  des  gens 
étend  aux  Etats,  sauf  certaines  modiiications,  les  relations 
que  le  droit  public  établit  entre  les  individus.  Leur  con- 
dition primitive  n'est  pas  un  régime  de  droit,  c'est  la  guerre. 
Pour  qu'il  se  crée  entre  eux  des  rapports  juridiques,  il  faut 
qu'ils  forment  et  entretiennent,  d'après  l'idée  d'un  contrat 
originaire,  une  aUiance  ou  fédération,  par  laquelle  ils  s'en- 
gagent à  ne  pas  s'immiscer  dans  les  discordes  intérieures 
les  uns  des  autres,  et  à  se  protéger  mutuellement  contre  les 
attaques  extérieures.  —  Enfin,  le  droit  cosmopolitique 
assure  à  chaque  homme  la  faculté  d'entrer  en  communica- 
tion avec  tous.  Les  nations  doivent  laisser  accès  aux  étran- 
gers. La  colonisation  est  un  droit  ;  toutefois,  elle  ne  doit 
violer  aucun  droit  acquis  :  il  n'est  pas  permis  d'être  injuste, 
fût-ce  pour  étendre  le  domaine  de  la  justice. 

Le  droit  s'approche  indétiniment  de  la  morale,  il  n'y 
peut  atteindre.  11  exige  que  la  règle  de  nos  actions  exté- 
rieures puisse  être  érigée  en  loi  universelle  :  la  morale  pro- 
fesse la  même  exigence  en  ce  qui  concerne  la  maxime  même, 
le  principe  interne  de  nos  actions.  Les  devoirs  de  vertu  dif- 
fèrent ainsi  des  devoirs  de  droit,  et  par  l'objet,  en  ce  qu'ils 
déterminent  l'intention  et  non  l'acte,  tandis  que  les  devoirs 
de  droit  déterminent  l'acte  et  non  l'intention,  ce  qu'on 
exprime  en  disant  que  ceux-ci  sont  stricts  et  les  autres 
larges  ;  et  par  le  motif,  en  ce  que  le  sujet  se  les  impose 
lui-même,  tandis  que  les  devoirs  de  droit  sont  imposés  par 
une  contrainte  extérieure.  Quelles  sont  les  fins  qui  sont  en 
même  temps  des  devoirs?  Il  n'en  peut  exister  que  deux  :  la 
perfection  propre  et  le  bonheur  des  autres.  Vis-à-vis  de  moi, 
je  dois  avoir  en  vue  la  perfection,  non  le  bonheur  ;  vis-à- 
vis  d'autrui,  je  dois  me  proposer  le  bonheur,  non  la  per- 
fection. En  ellèt,  ni  je  ne  puis  me  rendre  heureux,  ni  je  ne 
puis  faire  l'œuvre  de  la  volonté  des  autres.  En  revanche,  la 
détermination  de  ma  volonté  me  concerne,  et,  de  même,  la 
condition  des  autres  hommes.  Le  détail  des  devoirs  ne  com- 
prendra rien  qui  se  rapporte  à  la  famille  ou  à  l'Etat.  Kant 
ne  voit  dans  ces  communautés  que  des  relations  juridiques  : 
il  a  donc  épuisé  ce  qui  les  concerne,  dans  la  théorie  du  droit. 
La  morale  sera  essentiellement  individuelle  et  sociale.  Nous 
n'avons  de  devoirs  qu'envers  nous-mêmes  et  envers  les  autres 
hommes.  Car  nous  ne  pouvons  être  obligés  qu'envers  des 
personnes  qui  soient  pour  nous  objets  d'expérience  ;  et  l'une 
ou  l'autre  de  ces  deux  conditions  fait  défaut  chez  les  êtres 
supérieurs  ou  inférieurs  à  nous.  Le  respect  de  la  dignité  hu- 
maine, en  soi  et  dans  les  autres,  tel  est  le  devoir  par  excel- 
lence. Ce  devoir  n'admet  ni  conditions  ni  tempérament  :  il  est 
absolu  et  immuable.  Quant  à  l'amour  du  prochain  et  aux  sen- 


timents bienveillants  en  général,  ils  ne  peuvent  être  l'objot 
d'un  devoir  qu'en  tant  qu'il  s'agit  de  la  bienveillance  active 
et  non  de  la  sympathie  de  complaisance  ou  amour  patholo- 
gique. De  ces  principes  découlent  des  maximes  telles  que  les 
suivantes  :  Ne  laissez  personne  fouler  aux  pieds  votre  droit 
impunément.  Ne  faites  point  de  dette  sans  fournir  caution. 
Le  mensonge,  soit  extérieur,  soit  surtout  intérieur,  est  un 
suicide  moral.  La  bassesse  est  indigne  de  l'homme  ;  celui 
qui  rampe  comme  un  ver  ne  peut  se  plaindre  si  on  l'écrase. 
La  violation  du  devoir  d'amour  n'est  qu'un  péché,  celle  des 
devoirs  de  respect  est  un  vice,  car  ici  l'homme  est  offensé, 
là  il  ne  l'est  pas.  La  gymnastique  morale  n'est  pas  une 
mortitication,  c'est  la  volonté  s' exerçant  à  maîtriser  les  pen- 
chants, de  manière  à  n'en  être  pas  gênée,  et  goûtant,  joyeuse, 
sa  liberté  reconquise. 

C.  Religion.  (Sources  :  La  religion  dans  les  limiles 
de  la  pure  raison,)  k.  la  suite  de  la  métaphysique  des 
mœurs  vient  naturellement  la  religion,  non  connue  sup- 
posée, mais  comme  appelée  par  la  morale.  La  religion 
consiste  à  envisager  les  lois  morales  comme  si  elles  étaient 
des  commandements  divins.  Elle  ne  peut  augmenter  notre 
connaissance,  soit  de  Dieu,  sou  de  la  nature;  iiïh  n'y  doit 
pas  viser  :  son  seul  objet  est  d'accroître  l'ascendant  de  la 
loi  morale  sur  la  volonté. 

Ainsi  entendue,  elle  est  sanctionnée  par  la  raison.  Mais 
les  religions  positives  ajoutent  à  la  loi  et  aux  postulats  mo- 
raux des  éléments  traditionnels  et  statutaires  :  il  nous  im- 
porte de  savoir  dans  quelle  mesure  cette  partie  additionnelle 
peut  être  légitimée  parla  raison.  Si  nous  considérons  la  reli- 
gion chrétienne,  forme  excellente  delà  religion,  nous  y  ren- 
controns quatre  idées  essentielles:  celle  du  péché  originel, 
celle  du  Christ,  celle  de  LEghse  et  celle  du  culte.  Quelle 
est  la  valeur  de  ces  idées  ?  P  Le  dogme  du  péché  originel 
recèle  une  vérité  philosophique,  il  y  a  en  nous  deux  carac- 
tères :  le  caractère  empirique  et  le  caractère  intelligible. 
Les  vices  de  Fun,  en  attestant  une  pente  innée  vers  le  mal, 
dénotent  une  faute  radicale  de  l'autre.  Cette  faute  consiste 
à  renverser  l'ordre  qui  doit  régler  les  rapports  de  la  sen- 
sibihté  et  de  la  raison,  et  à  mettre  celle-ci  au  service  de 
celle-là.  La  moralité,  pour  la  personne  qui  a  commis  cette 
faute,  ne  peut  plus  être  qu'une  conversion,  une  nouvelle 
naissance,  ainsi  que  l'indique  la  théologie  chrétienne.  En 
ce  sens,  le  dogme  est  justihe.  ^i«  L'idée  du  Christ,  elle  aussi, 
est  reçue  par  la  critique,  si  par  le  Christ  nous  entendons 
l'idéal  de  la  personne  humaine.  Cet  idéal  descend  du  ciel 
sur  la  terre,  non  sans  doute  historiquement,  mais  en  ce  sens 
qu'appartenant  au  monde  intelligible,  il  se  manifeste  dans 
le  monde  sensible.  Cet  idéal  nous  rachète,  car,  tandis  que 
le  châtiment  concernaii  l'homme  coupable,  c'est  l'homme 
converti  par  la  conception  de  l'idéal,  le  nouvel  homme,  qui 
lutte  et  souffre  pour  détacher  l'ancien  du  mal.  Le  bon  se 
charge  des  péchés  du  méchant  et  le  représente  devant  le 
juge.  ii'^L'Eghse,  elle  aussi,  est  reconnue  par  la  raison,  en 
tant  qu'elle  est  une  association  dont  les  membres  se  forti- 
fient mutuellement  dans  la  pratique  du  devoir,  et  par 
l'exemple,  et  par  la  déclaration  d'une  commune  conviction 
morale.  En  elle-même  ,  elle  est  une,  comme  la  foi  ration- 
nelle ;  mais  la  faiblesse  humaine  veut  qu'à  la  foi  ration- 
nelle s'ajoutent,  pour  la  rendre  sensible,  des  dogmes  his- 
toriques, prétendant  à  une  origine  divine.  De  là  une 
multiplicité  d'églises  et  l'antagonisme  des  orthodoxes  et  des 
hérétiques.  L'histoire  de  FEgiise  n'a  d'autre  matière  que  la 
lutte  de  la  foi  rationnelle  et  de  la  foi  positive  ;  et  le  terme 
où  elle  marche  est  l'effacement  de  celle-ci  devant  celle-là. 
40  Enfin,  le  culte  lui-même  est  chose  rationnelle,  pourvu 
qu'on  le  place  dans  l'intention  morale  et  dans  la  réalisation 
de  cette  intention.  Tout  ce  que  l'homme  croit  pouvoir  ajouter 
à  la  vertu  pour  honorer  Dieu  n'est  que  faux  culte  et  pra- 
tique vaine.  La  valeur  illusoire  attribuée  à  ce  faux  culte  a 
pour  conséquence  la  déj)endance  du  laïque  à  l'égard  de 
FEglise  et  tous  les  maux  qui  naissent  de  cette  dépendance, 
tels  que  l'hypocrisie  et  le  fanatisme.  La  foi  que  commande 
l'Eglise  a  pour  objet  véritable  de  se  rendre  elle-même  su- 


—  415 


perflue.  Cette  foi  a  été  nécessaire  comme  véhicule  et  demeure 
utile  tant  que  l'iiumanité  est  mineure.  Mais,  quand  sonne 
pour  les  hommes  riieure  de  la  majorité,  la  lisière  des  tra- 
ditions n'est  plus  qu'une  chaîne.  L'ecclésiastique  lui-même 
qui,  comme  ministre  de  la  religion,  est  lié  aux  symboles, 
a,  comme  savant,  le  droit  d'examiner  les  dogmes  :  décréter 
l'immutabilité  de  la  foi  statutaire  serait  un  attentât  contre 
la  nature  humaine. 

D.  Applications.  (Sources  :  1°  Ouvrages  relatifs  aux 
races  humaines,  à  la  géographie  physique,  etc.,  de  1775, 
1885,  1788, 1802-03;  ouvrages  relatifs  au  progrès  mo- 
ral, de  1784, 1785, 1786,  1793, 1795,  1798.  2^>  Sur  la 
Pédagogie  ;  la  Dispule  des  facultés.)  Le  souci  constant 
de  liant  est  d'arriver  à  rejoindre  la  réalité  concrète  et  la 
pratique.  Puisés  par  l'analyse  métaphysique  dans  le  donné 
lui-même,  ses  principes  doivent,  rationnellement,  recons- 
tituer et  gouverner  le  donné.  Dans  l'ordre  matériel,  il  a 
cherché  le  passage  de  la  métaphysique  à  la  physique  ;  de 
même,  dans  l'ordre  moral,  il  redescend  de  l'idée  à  l'action. 

1.  L'histoire  de  riiumanité  est  à  cet  égard  son  prin- 
cipal thème,  11  se  propose,  non  d'en  décrire,  mais  d'eu 
déduire  les  principales  phases.  11  distingue  l'histoire  natu- 
relle et  l'histoire  morale  de  l'homme.  Ceile-ci  a  son  com- 
mencement dans  celle-là. 

En  ce  qui  concerne  l'histoire  naturelle,  Kant  traite  de  la 
question  des  races.  Y  a-t-il  entre  les  races  humaines  une 
séparation  telle  que  l'une  d'entre  elles  ait  le  droit  de  reven- 
diquer pour  elle  seule  la  dignité  d'homme  et  de  réduire  les 
autres  en  esclavage  ?  La  question  se  résout  par  la  considé- 
ration de  l'origine.  Entre  les  hommes  de  toutes  les  races 
la  fécondation  est  possible,  donc  ils  ont  une  môme  origine 
et  ne  forment  qu'une  espèce.  Les  races  sont  des  variétés 
stables,  inaltérables  au  mélange  et  à  la  transplantation- 
Elles  se  sont  différenciées  par  voie  d'adaptation  aux  condi. 
lions  climatériques  ;  comme  il  y  a  quatre  climats,  ainsi  il 
y  a  quatre  races  :  la  blanche,  la  jaune,  la  noire  et  la 
rouge.  Les  causes  extérieures  ont  joué  dans  la  formation  de 
ces  races  un  rôle  indispensable,  mais  elles  n'eussent  pu,  à 
elles  seules,  produire  des  changements  stables  ;  elles  n'ont 
fait  que  développer  les  dispositions  internes  de  l'espèce.  La 
vraie  cause  des  races,  c'est  l'aptitude  de  l'homme  à  s'adap- 
ter aux  conditions  extérieures.  Contre  les  attaques  de  G. 
Forster,  qui  veut  expliquer  la  vie  par  les  seules  causes 
géologiques,  Kant  soutient,  dès  17:^8,  la  nécessité  d'un 
principe  spécial  immatériel,  comme  seul  conforme  aux  exi- 
gences de  la  critique.  C'est  abandonner  le  lil  conducteur  de 
Lexpérience  que  d'attribuer  à  la  matière  une  faculté  d'or- 
ganisation que  l'observation  n'y  saurait  découvrir.  Sans 
doute,  l'explication  de  Forster  n'est  ni  absurde  ni  impos- 
siblcj  mais  elle  dépasse  nos  moyens  de  connaître.  Nous  ne 
saisissons  de  tinalité  (|u'en  nous,  dans  notre  production 
consciente  :  rien  ne  nous  autorise  à  admettre  dans  une 
chose  inconsciente  la  faculté  d'agir  en  vue  d'une  fin.  Nous 
ne  savons  ce  qui  cause  la  vie,  mais  nous  l'expliquons,  nous, 
par  la  iinalite  :  tel  est  le  point  de  vue  de  la  critique. 

Tandis  que  l'histoire  naturelle  de  l'homme  remonte  à  son 
origine,  l'histoire  morale  considère  sa  lin.  Dans  l'idée  de 
celte  iln  la  philosophie  de  l'histoire  trouve  son  principe, 
comme  la  philosophie  naturelle  dans  l'idée  d'attraction.  Or 
le  développement  de  la  raison,  qui  estl'essence  de  l'homme, 
ne  peut  tendre  qu'à  l'établissemeut  d'un  régime  de  liberté, 
c.-à-d.  à  la  réalisation  de  la  justice.  Ce  sont  donc  les 
phases  de  la  réahsation  de  la  justice  que  l'historien  doit 
retrouver  dans  les  faits. 

L'histoire  commence  à  l'heure  où.  l'homme  devient  un 
être  moral,  c.-à-d.  à  l'heure  où,  au  heu  d'agir  par  instinct, 
il  agit  par  volonté.  Son  état  primitif  était  i'mnocence,  sou 
séjour  le  paradis.  Il  ne  faisait  qu'un  avec  la  nature,  où  sa 
volonté  était  ensevelie.  L'éveil  de  cette  volonté  se  mani- 
feste par  un  désir  de  domination,  par  un  acte  d'orgueil, 
par  une  rébellion  contre  la  nature  qui  l'enserre.  Le  péché 
originel  est  la  première  démarche  de  la  liberté.  Dès  lors 
commence  pour  l'homme  une  vie  nouvelle.  Pour  dominer 


KANT 

la  nature,  il  lui  faut  travailler.  Du  travail  naissent  la  dis- 
corde, la  société,  la  propriété,  l'inégahté  civile»  A  l'état  de 
nature  a  succédé  la  civilisation.  Que  vaut  cette  condition 
nouvelle?  Si  l'activité  humaine  n'avait  d'autre  fui  que  le 
bonheur  individuel,  Rousseau  aurait  raison  de  rêver  le  re- 
tour au  paradis  de  l'innocence.  Mais  ce  que  veut  l'homme, 
c'est  être  libre,  et  la  liberté  ne  se  trouve  que  dans  l'accord 
désintéressé  des  volontés  sur  le  terrain  de  la  raison.  Or  la 
civilisation,  conflit  des  volontés,  est  l'aniécédent  nécessaire 
de  leur  réunion.  Le  règne  de  la  justice,  où  se  crée  l'har- 
monie morale,  est  la  troisième  phase  de  l'histoire  uni- 
verselle. 

Pour  réaliser  ce  progrès  de  la  liberté,  la  volonté  n'est 
pas  abandonnée  à  elle-même.  Elle  est  aidée  par  la  nature  ; 
et,  pour  cette  raison,  le  progrès  est  constant  et  a  le  carac- 
tère d'une  loi  naturelle.  Loi  bienfaisante,  loi  nécessaire  : 
car  si  l'homme  devait  croire  que  ses  oeuvres  périssent  tout 
entières  avec  lui,  comment  pourrait-il  nourrir  un  sérieux 
désir  de  travailler  au  bien  de  l'humanité  ?  La  nature  excite 
l'homme  à  sortir  de  la  nature,  et  aiguillonne  sa  liberté. 
C'est  une  artiste,  c'est  une  providence,  qui,  du  mal,  sait 
tirer  le  bien.  Elle  fait  les  hommes  égoïstes  et  violents,  et 
la  violence  engendre  la  guerre  :  mais  la  guerre  provoque 
la  création  d'un  régime  juridique.  Elle  sépare  les  hommes 
par  des  différences  de  constitution,  de  langue,  de  religion  : 
mais  ces  différences  rendent  impossible  une  domination 
universelle.  Pendant  que  le  mal  succombe,  tôt  ou  tard,  à 
la  contradiction  qu'il  recèle,  le  bien  qu'y  substitue  la  rai- 
son, une  fois  pose,  se  maintient  et  s'accroît,  grâce  à  son 
accord  avec  lui-même.  Car  la  logique  est  la  suprême  force. 
L'homme  veut  l'union  d'abord,  et  il  se  croit  sage  ;  mais  la 
nature  sait  mieux  que  lui  ce  qui  lui  convient  :  elle  veut  la 
guerre. 

Le  premier  objet  de  cette  collaboration  de  la  nature  et 
de  la  volonté,  c'est  l'établissement  de  l'Etat  rationnel, 
combinaison  de  la  hberté  et  de  la  légalité.  Le  second  objet, 
c'est  l'établissement  d'un  conseil  amphictyonique  des  peu- 
ples, assurant  le  maintien  de  la  paix.  Sans  une  telle  insti- 
tution, l'humanité  ne  peut  marcher  à  sa  fin.  La  guerre  est 
un  retour  à  l'état  de  nature.  Dans  l'idéal  de  la  raison  est 
enveloppée  l'idée  de  la  paix  éternelle.  Si  cet  objet  n'est 
pas  réalisable,  Rousseau  n'a  pas  tort  de  prêcher  le  retour 
à  l'état  sauvage.  Mieux  vaut  la  barbarie  que  la  culture 
sans  la  morahté. 

Mais  n'est-ce  pas  là  une  conception  purement  théo- 
rique ?  L'homme  réel  entrera-t-il  dans  ces  vues  /  Hobbes 
n'a-t-il  pas  démontré  que  l'homme  réel  n'est  mû  que  par 
des  intérêts,  non  par  des  idées  ?  11  faut  repousser  bien  loin 
une  telle  doctrine,  il  ne  faut  pas  laisser  croire  que  ce  qui  est 
bon  en  théorie  puisse  jamais  être  impossible  ou  mauvais 
dans  la  pratique.  Ce  qui,  effectivement,  n'est  pas  pratique, 
c'est  le  despotisme  que  Hobbes  confère  aux  souverains,  et 
la  rébellion  qu'il  admet  chez  les  sujets.  Certes,  les  inté- 
rêts, dans  l'Etat,  doivent  avoir  leur  place,  mais  s'ensuit-il 
que  les  principes  doivent  être  exclus  ?  Ne  peut-on  être  à  la 
lois  prudent  comme  le  serpent  et  simple  comme  la  colombe? 
Pour  qui  se  garde  de  l'idéahsme  aussi  bien  que  de  l'empi- 
risme, le  réel  et  l'idéal,  loin  de  s'exclure,  s'appellent,  et  la 
pohtique  cesse  d'être  incompatible  avec  la  morale.  Il  existe 
un  moyen  pratique  de  mettre  la  première  en  accord  avec 
la  seconde,  c'est  la  publicité.  Quiconque  croit  être  utile  à 
son  pays  doit  la  chercher  :  or  cela  seul  la  supporte,  qui  est 
conforme  à  la  justice.  L'universalité,  ici  comme  partout,  est 
le  point  de  contact  du  réel  et  du  rationnel,  la  forme  de  la 
vérité. 

Quelle  est,  d'après  cette  théorie,  la  phase  de  son  histoire 
où  se  trouve  actuellement  l'espèce  humaine  ?  Cette  phase 
est  celle  des  lumières.  Ce  qui  la  caractérise,  c'est  l'éman- 
cipation de  l'intelligence.  L'homme,  réfléchissant  sur  lui- 
même,  a  constaté  une  contradiction  entre  sa  nature  raison- 
n  ible  et  sa  situation  de  mineur  :  il  fait  effort  pour  affran- 
chir sa  raison.  Sapere  aude,  telle  est  la  devise.  Quant  au 
moyen  de  réaliser  le  progrès  des  lumières,  ce  ne  saurait 


KANT 


—  446 


être  le  bouleversement  des  institutions  politiques,  la  révo- 
lution, laquelle  ne  fait  guère  que  substituer  de  nouveaux 
préjugés  aux  anciens.  Il  n'appartient  qu'à  la  réflexion  per- 
sonnelle de  faire  un  homme  vraiment  éclairé.  La  condition 
du  progrès  des  lumières  est  ainsi  la  liberté  de  penser  et 
de  publier  sa  pensée.  Comment  cette  liberté  se  conciliera- 
t-elle  avec  les  droits  de  l'Etat  ?  Il  faut  à  cet  égard  distin- 
guer en  chaque  homme  le  citoyen  d'une  communauté  res- 
treinte et  le  citoyen  du  monde.  Dans  ses  rapports  avec  les 
membresde  sa  communauté,  l'homme  est  tenu  de  se  soumettre 
aux  statuts  qui  la  régissent;  mais,  comme  citoyen  du  monde, 
il  reste  libre.  A  ce  titre,  en  effet,  il  parle  du  haut  de  la  raison, 
pour  l'universalité  des  êtres  raisonnables,  tandis  que,  comme 
citoyen  d'un  Etat,  il  borne  son  action  à  un  espace  et  à  un 
temps  particuliers.  Ce  n'est  qu'en  s'identifiant  avec  l'uni- 
versel que  la  volonté  conquiert  la  liberté.  Chaque  citoyen 
donc  sans  résister  payera  l'impôt,  mais  conservera  le  droit 
de  le  discuter.  Le  professeur  respectera,  comme  fonction- 
naire, les  symboles  reçus  dans  son  pays  ;  mais,  comme 
savant,  il  aura  droit  de  critique  sur  toute  doctrine.  Par  ces 
principes  sont  nettement  définis  les  droits  des  législateurs 
comme  des  citoyens. 

C'est  ainsi  que,  tout  en  maintenant  d'un  bout  à  l'autre 
l'accord  de  la  nature  et  de  la  hberté  dans  Thistoiie  morale 
de  l'homme,  Kant  n'a  garde  de  faire  résulter  le  progrès 
d'un  simple  développement  des  puissances  naturelles.  La 
théorie  leibnitienne  de  Herder  est,  selon  lui,  radicalement 
fausse.  Dans  la  nature  réside  le  moyen  ;  mais  la  fin,  source 
du  progrès,  ne  peut  venir  que  de  la  raison  morale  supé- 
rieure à  la  nature.  C'est  pourquoi  l'idéal  moral  ne  pourra 
jamais  être  exprimé  par  l'individu  comme  tel.  Il  ne  saurait 
trouver  sa  représentation  que  dans  le  tout  de  l'humanité. 
L'histoire  vraie  est  nécessairement  universelle.  Certes  l'in- 
dividu est  une  réahté,  mais  il  y  a  dans  le  tout  quelque 
chose  qui  le  dépasse,  et  ce  n'est  que  dans  son  union  avec 
le  tout  qu'il  peut  atteindre  à  la  hberté. 

2.  Non  content  d'exposer  ses  vues  générales  sur  les  fins 
de  l'activité  humaine,  Kant  arrive,  sur  certains  points,  à 
rejoindre  la  pratique  proprement  dite.  Telles  sont  ses  idées 
sur  l'éducation  et  sur  l'enseignement  universitaire. 

L'éducation,  telle  qu'elle  existe,  ne  saurait  le  satisfaire. 
Elle  néglige  la  volonté,  et  elle  dresse  et  surcharge  l'intel- 
ligence, au  lieu  de  la  former  à  la  réflexion.  Une  réforme 
radicale  est  ici  nécessaire.  Les  théories  pédagogiques  de 
Rousseau,  les  tentatives  pratiques  de  Basedow  viennent  à 
point  pour  nourrir  sa  critique.  Il  se  passionne  pour  les 
idées  de  ces  novateurs,  et  réclame,  comme  condition  indis- 
pensable de  la  réforme,  l'organisation  d'écoles  normales. 
Mais,  sur  ce  terrain  encore,  il  reste  lui-même,  subor- 
donnant toute  prescription  aux  fins  morales.  !<>  Le  corps, 
enseigne-t-il,  doit  être  exercé  et  endurci,  soumis  à  une  dis- 
cipline qui  en  fasse  l'auxiUaire  puissant  et  docile  de  l'esprit. 
Que  l'enfant  se  développe  en  liberté,  mais  qu'il  apprenne 
à  mesurer  ses  mouvements  :  on  ne  saurait  de  trop  bonne 
heure  s'habituer  à  vivre  selon  des  règles.  2**  En  ce  qui 
concerne  l'inteHigence,  une  saine  éducation  éveille  et  dirige 
les  facultés,  plus  qu'elle  ne  meuble  la  mémoire.  Il  y  a  deux 
exercices  des  facultés:  l'un  qui  est  libre,  c'est  le  jeu; 
l'autre  qui  est  imposé,  c'est  le  travail.  Ce  dernier  est  obh- 
gatoire  en  lui-même  et  ne  saurait,  dans  l'enseignement, 
être  remplacé  par  le  premier.  La  faculté  d'intuition  doit 
être  formée  avant  l'entendement.  Tout  enseignement  sera 
donc,  d'abord  intuitif,  représentatif,  technique.  On  com- 
mencera par  la  géographie.  En  tant  qu'il  visera  à  cultiver 
l'entendement,  l'enseignement  sera  socratique  et  catéché- 
tique.  Il  ira  au  fond  des  choses  et  rendra  l'élève  vraiment 
maître  de  ses  connaissances.  Une  intelligence  ferme  est  la 
condition  d'une  volonté  libre.  S^  La  formation  de  la  person- 
nalité morale  est  la  fin  de  la  pédagogie.  L'éducation  y  est 
nécessaire,  car  la  vertu  n'est  pas  innée.  Cette  éducation 
comprend  l'enseignement  et  la  pratique  morale.  L'ensei- 
gnement moral  est  catéchétique.  Démonstration  de  lois 
obligatoires,  il  procède  par  principes,  non  par  exemples  :  si 


ceux-ci  interviennent,  ce  n'est  que  pour  faire  voir  que  les 
principes  sont  applicables.  Kant  a  écrit  un  fragment  de 
catéchisme  moral  :  Télève,  solhcité  par  des  questions,  y 
trouve  par  lui-même  les  concepts  moraux.  La  pratique'ou 
ascétique  morale  ne  peut  créer  la  moralité,  laquelle  doit 
venir  de  nous,  mais  elle  produit  dans  l'homme  les  disposi- 
tions qui  la  favorisent.  Elle  tend  à  l'endurcissement,  caria 
mollesse  est  contraire  à  la  vertu.  Loin  d'abolir  la  volonté 
elle  la  fortifie.  Elle  nous  rend  maîtres  de  nous-même,  con- 
tents et  joyeux.  L'éducation  morale  tend  à  développer 
l'aversion  intérieure  pour  le  mal,  l'estime  de  soi  et  la  di- 
gnité, l'empire  de  la  raison  sur  les  sens.  Elle  ne  récom- 
pense pas,  mais  elle  punit.  Elle  n'humilie  point,  de  peur 
de  donner  à  l'enfant  le  mépris  de  soi-même,  sauf  toutefois 
lorsque  l'enfant  a  commis  la  faute  qui  effectivement  dégrade 
rhomme,  à  savoir  le  mensonge.  Elle  met  en  avant,  en 
toutes  choses,  le  mobile  moral,  la  loi  même  du  devoir 
sûre  que  ce  mobile,  présenté  dans  sa  pureté,  sera  plus  fort 
que  toutes  les  excitations  matérielles,  toutes  les  assurances 
de  profit  ou  de  détriment. 

De  la  pédagogie  on  peut  rapprocher  la  question  de  l'en- 
seignement universitaire.  Sur  ce  point  encore  la  critique 
apporte  des  lumières  nouvelles.  Une  Université  se  compose 
de  quatre  Facultés:  Théologie,  Droit,  Médecine,  dites  Facultés 
supérieures,  et  Philosophie,  dite  Faculté  inférieure.  Entre 
les  trois  premières  et  la  quatrième  un  conflit  s'élève  natu- 
rellement. L'objet  de  celle-ci,  en  effet,  ne  diffère  pas  des 
objets  de  celles-là,  mais  l'une  étudie  à  un  point  de  vue 
universel  et  théorique  ce  que  les  autres  étudient  à  un  point 
de  vue  spécial  et  immédiatement  pratique.  De  là  une  jalousie 
et  une  rivalité.  Chacune  des  deux  parties,  ayant  droit  sur 
l'ensemble  des  choses,  repousse  l'autre  comme  usurpatrice. 
Le  titre  de  supérieures  que  portent  les  trois  premières 
Facultés  n'est  rien  moins  que  la  supériorité  attiibuée  par  la 
tradition  au  positif  sur  le  rationnel.  Cette  hiérarchie  est-elle 
justitiée?l°  Entre  théologiens  et  philosophes,  le  conflit  porte 
sur  l'usage  à  faire  de  l'Ecriture  sainte.  La  critique  ne  nie 
pas  la  légitimité  et  l'utilité  du  véhicule  sensible  de  la  vérité 
religieuse,  mais  elle  revendique  pour  la  raison  le  droit  de 
distinguer,  dans  l'Ecriture,  le  fonds  moral  et  éternel,  et 
l'enveloppe  sensible  faite  de  récits  et  de  circonstances  contin- 
gentes. Comprendre  les  Ecritures,  c'est  les  interpréter  en  un 
sens  moral.  La  théologie  ne  saurait  condamner  ce  mode  d'in- 
terprétation, car  elle  le  suppose.  Comment  distingue-t-elle, 
en  effet,  la  vraie  révélation  de  la  fausse,  sinon  par  l'idée  de 
Dieu?  Comment  peut-elle,  dans  le  détail,  maintenir  le  carac- 
tère divin  des  textes  consacrés,  sinon  en  faisant  fréquemment 
usage  de  l'interprétation  morale  allégorique?  2°  Entre  philo- 
sophes et  jurisconsultes,  le  conflit  porte  sur  le  respect  des 
lois:  la  critique  démontre  que  la  légalité  est  bien  fondée,  et 
par  suite  elle  condamne  l'esprit  révolutionnaire.  Mais  elle 
revendique  aussi  le  droit  d'examiner  les  lois  existantes.  Ce 
droit,  qui  peut  le  lui  refuser?  Les  jurisconsultes,  pour 
atteindre  à  leurs  fins  pratiques,  ont  besoin  de  savoir  si 
l'humanhé  rétrograde,  avance,  ou  demeure  stationnaire. 
Or  cette  question  ne  peut  être  résolue  empiriquement  :  elle 
concerne  la  raison.  Et  la  raison  y  répond,  en  postulant  le 
progrès  indéfini  au  nom  de  la  loi  morale.  Mais  peut-être  le 
commandement  n'est-il  qu'une  idée  irréahsable  ?  Guidée 
par  la  raison,  l'expérience  lève  le  doute.  Il  existe,  sous 
nos  yeux  mêmes,  un  point  de  coïncidence  de  la  raison  et 
de  l'histoire.  Il  y  a  un  fait  qui  est  une  idée.  Ce  fait,  c'est 
la  Révolution  française.  Quoi  qu'il  advienne  de  cette  entre- 
prise, écrit  Kant  en  1798,  qu'elle  réussisse  ou  qu'elle 
échoue,  elle  excite  chez  tous  les  .-j  éclateurs,  par  l'objet 
qu'elle  poursuit,  une  sympathie  voisine  de  l'enthousiasme: 
or  le  pur  idéal  moral  est  seul  capable  d'affecter  ainsi  l'âme 
de  l'homme.  La  Révolution  est  l'effort  pour  créer  l'Etat 
rationnel,  c'est  l'éternel  descendu  dans  le  temps.  Un  tel 
phénomène,  quand  une  fois  il  s'est  produit,  ne  s'oublie 
plus.  8^  Entre  philosophes  et  médecins,  la  question  est  de 
savoir  si  l'art  de  guérir  ne  repose  que  sur  l'expérience,  et 
si  la  raison  n'y  a  aucune  part.  Or  la  critique  démontre  que 


417  — 


KANT 


la  raison  peut  être  volonté  et  que  la  volonté  a  un  rapport 
avec  les  phénomènes.  La  raison  doit  donc,  elle  aussi,  pos- 
séder une  vertu  curative.  Et  en  effet  l'homme  peut  beau- 
coup, par  la  seule  énergie  de  sa  volonté,  pour  modifier  son 
état  physique.  Kant  allègue  ici  son  expérience  personnelle. 
Il  sait,  au  moyen  de  la  force  morale,  se  garder  de  l'hypo- 
cliondrie,  maîtriser  même  des  états  spasmodiques.  Si,  le 
mal  venu,  la  volonté  est  insuffisante,  elle  peut  beaucoup 
pour  le  prévenir  et  pour  entretenir  la  santé.  Elle  en  est  la 
condition  première.  Loin  donc  que  la  raison  soit  jamais  la 
servante  de  Texpérionce,  c'est  celle-ci  qui  partout  emprunte 
à  la  raison  sa  vérité  et  sa  possibilité. 

V.  Influence  de  Kant.  —  Dans  le  champ  occupé  par 
les  philosophies  leibnitio-wolffîennes,  anglaise,  Irançaise, 
populaire,  ainsi  que  par  les  sciences  positives  de  jour  en 
jour  plus  florissantes,  la  philosophie  kantienne  eut  peine  à 
se  frayer  une  place  :  Kant  ne  s'était  pas  exagéré  l'étrange 
nouveauté  de  son  œuvre.  Elle  fut  accueillie  d'abord  à  ïéna, 
pour  de  là  se  répandre  en  Allemagne  et  dans  le  monde 
entier.  Or  ce  n'est  pas  seulement  la  spéculation  métaphy- 
sique qui  en  fut  comme  renouvelée  :  la  plupart  des  bran- 
ches de  l'activité  intellectuelle  en  ressentirent  l'influence. 

En  Allemagne,  l'histoire  du  kantisme  est  une  pièce  capi- 
tale de  l'histoire  générale  des  idées  et  des  sciences.  Parmi 
les  adversaires  qu'il  rencontre  tout  d'abord,  il  y  a  Heu  de 
citer  :  Selle  et  Weishaupt ,  disciples  de  Locke  ;  Feder , 
Garve,  Tiedemann,  éclectiques  ;  Platner,  Mendelssohn,  Ni- 
colai,  Meiners,  représentants  de  la  philosophie  populaire; 
Ernst  Schulze,  sceptique;  Jacobi,  philosophe  delà  croyance, 
et,  près  de  lui,  Hamann  ;  lïerder,  concihateur  de  la  nature 
et  de  l'histoire.  Le  principal  reproche  adressé  à  Kant,  c'est 
que  l'affection  ou  action  des  choses  sur  la  sensibilité,  sup- 
posée par  son  système,  y  est  rendue  impossible  par  Faboli- 
îion  de  tout  lien  causal  entre  les  choses  en  soi  et  le  sujet 
sentant.  Entre  les  disciples  immédiats  de  Kant,  on  remarque 
Schultz,  K.-L.  Reinhold,  W.~T.  Krug,  Pries,  qui  essaye 
de  fonder  la  critique  psychologiquement,  Salomon  Maimon, 
qui  déduit  de  la  conscience  la  matière  ainsi  que  la  forme 
de  nos  représentations  et  supprime  ainsi  la  chose  en  soi, 
J,-S.  Beck,  BardiU. 

Soit  par  développement,  soit  par  combinaison  avec  des 
éléments  étrangers,  le  kantisme  a  donné  naissance  à  tout 
un  ensemble  de  grands  systèmes.  Les  philosophies  de 
Fichte,  Schelling  et  Hegel  sont  comme  les  étapes  d'une  ré- 
flexion suivie  sur  les  problèmes  qu'il  suscite.  L'idéalisme 
subjectif  de  Fichte  déduit  le  moi  théorique  du  moi  pratique 
considéré  comme  primitivement  inconscient,  et  rend  ainsi 
inutile  le  concept  de  chose  en  soi.  Schelling  se  refuse  à 
appeler  moi  ce  principe  premier  de  Fichte,  qui  en  réalité 
n'est  ni  sujet  ni  objet  :  le  principe  est  pour  lui  l'absolue 
identité,  non  moins  supérieure  au  moi  qu'au  non-moi,  iden- 
tité c[ui  se  réalise  d'abord  comme  nature,  ensuite  comme 
esprit  :  son  système  est  l'idéalisme  objectif.  Hegel  fonde, 
définit  et  développe  méthodiquement  le  principe  de  ce 
nouvel  idéalisme.  L'absolu  ne  peut  être  absolue  identité  ; 
autrement  il  serait  immobile.  Il  faut  qu'il  soit  esprit.  Son 
mouvement  est  son  effort  méthodique  pour  lever  les  con- 
tradictions sans  cesse  renaissantes  que  la  réflexion  découvre 
au  sein  de  sa  nature.  La  dialectique  du  philosophe  s'aban- 
donne au  mouvement  objectif  du  concept,  et  engendre 
ainsi  successivement  la  logique,  la  philosophie  de  la  na- 
ture et  la  philosophie  de  l'esprit.  L'idéalisme  est  devenu 
absolu. 

En  dehors  de  ce  développement  en  quelque  sorte  orga- 
nique, plusieurs  systèmes  allemands  sont  nés  d'une  fusion 
du  kantisme  avec  d'autres  doctrines.  Schleiermacher,  alliant 
à  Kant  Spinoza,  Platon  et  le  christianisme,  rapproche  l'être 
de  la  pensée,  et  fait  de  l'espace,  du  temps  et  de  la  causa- 
lité les  formes  des  choses  comme  de  la  connaissance.  Dieu 
devient  l'unité  de  l'univers.  Le  bien  suprême,  unité  du 
réel  et  de  l'idéal,  est  substitué,  en  morale,  au  principe  pu- 
rement formel  de  Kant.  Herbart  dépend,  et  de  Kant,  et 
des  Eléates,  de  Platon  et  de  Leibniz.  Avec  Kant  il  voit 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.   —  XXL 


dans  la  philosophie  la  critique  de  l'expérience.  Mais  la 
chose  en  soi,  selon  lui,  n'est  pas  inaccessible.  Elle  se  dégage, 
si  des  données  de  l'expérience  on  élimine  tous  les  éléments 
contradictoires,  par  conséquent  subjectifs,  qui  s'y  ren- 
contrent. Elle  consiste  en  une  pluralité  d'êtres  simples  sans 
relation  entre  eux  :  c'est  de  nous  que  viennent  les  rapports 
et  le  devenir.  Avec  Kant,  Scliopenhauer  restreint  aux  phé- 
nomènes l'espace,  le  temps  et  la  causalité.  Mais  au  lieu  de 
tenir  pour  inconnaissable  la  réalité  indépendante  de  notre 
représentation,  il  la  place  dans  la  volonté,  comme  donnée 
par  la  perception  interne. 

Cependant  les  difficultés  inhérentes  à  ces  différents  sys- 
tèmes, en  particulier  la  prétention  folle,  affichée  par  l'idéa- 
lisme absolu,  de  construire  dans  le  détail  les  lois  de  la 
nature,  discréditaient  bientôt  tous  ces  développements 
et  transformations  du  kantisme.  On  estima  que  la  pensée 
de  Kant  avait  été  faussée  par  ses  continuateurs  et  qu'il  y 
avait  lieu  de  reprendre  les  choses  au  point  où  le  maître 
lui-même  les  avait  laissées.  Revenir  à  Kant  :  tel  est, 
notamment  depuis  une  célèbre  leçon  d'Ed.  Zeller  sur  la 
théorie  de  la  connaissance,  publiée  en  1862,  le  mot 
d'ordre  d'une  école  importante  de  philosophes  dits  néo- 
kantiens. Ils  se  proposent,  soit  de  défendre  les  propres 
principes  de  Kant,  soit  de  les  développer,  sans  égard  aux 
grands  systèmes  métaphysiques  qui  en  sont  issus,  d'une 
manière  rigoureusement  conforme  à  l'esprit  de  notre 
temps.  Les  principaux  sont:  A  Lange,  H.  Cohen,  0. 
Liebmann,  Bonna  Meyer,  Fr.  Paulsen,  Albr.  Krause, 
Aug.  Stadler,  Aloys  Riehi,  Windelband,  Fritz  Schultze. 
La  plupart  d'entre  eux,  avec  Lange,  s'attachent  surtout  à  la 
distinction  de  la  connaissance  et  de  la  croyance,  corespon- 
dant  à  celle  des  phénomènes  et  des  choses  en  soi,  en  tant 
que  cette  distinction  garantit,  en  la  limitant,  la  possibilité 
de  la  science.  La  philosophie  doit  être  une  théorie  de  la 
connaissance,  non  une  conception  du  monde.  Les  choses 
morales  peuvent  être  objet  de  foi,  non  de  science.  Sauf  de 
rares  exceptions,  parmi  lesquelles  on  peut  citer  Paulsen, 
ces  philosophes  relèguent  au  second  plan  ou  mê?ne  laissent 
de  côté  la  partie  morale  et  religieuse  de  l'œuvre  de  Kant, 
pour  en  faire  ressortir  la  partie  critique  et  antimétaphy- 
sique. 

En  dehors  de  la  philosophie,  le  kantisme  a  longtemps 
en  Allemagne  marqué  de  son  empreinte  la  plupart  des  dis- 
ciplines intellectuelles.  C'est  à  la  suite  de  Kant  que  Schiller 
spécule  philosophiquement  sur  l'esthétique,  cherchant  à 
définir  les  rapports  de  la  beauté  avec  la  nature  et  la  mo- 
ralité. En  théologie,  Kant  est  l'initiateur  d'un  rationa- 
lisme moral  qui  fut  longtemps  prédominant.  De  nos  jours 
même  le  théologien  Ritschl  revient  à  Kant  en  s'élevant 
contre  la  fantaisie  métaphysique  qui  prétend  connaître  le 
suprasensible.  En  jurisprudence,  les  théories  kantiennes 
de  droit  naturel  se  retrouvent,  comme  idées  directrices 
chez  Hufeland,  Schmalz,  K.  H.  Gros,  Anselme  Feuerbach, 
Rehberg,  Zachariœ.  Dans  les  sciences,  le  kantisme  a  exercé 
des  influences  diverses,  selon  la  manière  dont  il  a  été 
compris.  D'une  interprétation  radicalement  idéahste,  à 
vrai  dire  répudiée  par  Kant,  est  issue  la  célèbre  philoso- 
phie delà  nature,  laquelle,  ramenant  entièrement  la  matière 
à  la  pensée  inconsciente,  ose  déduire  les  phases  de  son  dé- 
veloppement des  lois  de  formation  de  la  conscience  elle-même. 
En  revanche,  la  théorie  kantienne  de  l'expérience,  comme 
source  unique  de  la  connaissance,  est  accueillie  par  nombre 
de  savants  modernes,  en  quête  d'une  justification  ration- 
nelle de  leur  méthode.  Dans  les  mathématiques,  le  point 
de  vue  kantien  est  caractérisé  par  l'admission  de  principes 
synthétiques  à  priori,  ou  principes  rationnels  extralo- 
giques, et  en  particulier  par  la  négation  de  l'espace  méta- 
géométrique  des  leibniliens  comme  objet  d'intuition  possible. 
Dans  la  psycho-physiologie  des  sens,  le  nativisme  de  Joh. 
Mailer,  qui  maintient,  contre  l'empirisme,  le  caractère 
primitif  de  la  représentation  d'espace,  se  réclame  de  l'es- 
thétique transcendantale.  Enfin,  jusque  dans  la  vie  politique 
'^'^  ''Allemagne,  le  kantisme  occupe  une  place  importante. 

27 


de 


KANT 


-  418  - 


Il  représente  cette  idée,  que  la  raison,  sur  ce  terrain  même, 
demeure  la  norme  véritable,  et  qu'elle  commande  à  l'homme 
d'agir  sous  l'idée  universelle  de  devoir  et  d'humanité  : 
doctrine  hautement  philosophique,  qui  devait  bientôt,  sous 
l'influence  des  circonstances,  reculer  devant  celle  du  droit 
historique  et  de  l'idéal  exclusivement  national. 

Dans  les  pays  autres  que  l'Allemagne,  l'influence  de  la 
philosophie  de  Kant,  plus  tardive  et  moins  profonde,  est 
encore  considérable.  Dès  4773,  Kant  est  apprécié  à  Stras- 
bourg. En  4796  on  commence  à  traduire  ses  ouvrages  en 
français;  en  1799  Degérando  expose  son  système.  M^°  de 
Staël  parle  avec  enthousiasme  de  celui  qu'elle  considère 
comme  un  apôtre  du  spiritualisme  de  sentiment.  En  1818, 
V.  Cousin  professe  sur  la  morale  de  Kant  ;  en  1820,  il 
expose  la  critique  de  la  raison  pure.  Sa  propre  théorie  de  la 
raison  doit  plus  d'un  trait  à  l'influence  de  Kant.  Après  avoir 
été  ainsi  utilisée  en  vue  de  doctrines  fondées  sur  d'autres 
principes,  telles  que  l'éclectisme,  le  positivisme,  la  morale 
indépendante,  le  kantisme  a  été  étudié  et  développé  pour 
lui-même,  notamment  par  MM.  Renouvier,  P.  Janet,  La- 
chelier,  Pillon.  MM.  Renouvier  et  Pillon,  auxquels  s'est 
joint  M.  Dauriac,  soutiennent,  sous  le  nom  de  criticisme 
(V.  ce  mot),  une  doctrine  qui,  à  l'inverse  du  néo-kantisme 
allemand,  fait  ressortir  l'excellence  de  la  morale  kantienne. 
Ils  subordonnent  directement  la  raison  théorique  à  la  raison 
pratique  en  considérant  la  volonté  comme  le  principe  pre- 
mier de  toute  certitude  ;  de  plus,  abolissant  le  noumène, 
ils  érigent  les  lois  naturelles  en  réalité  dernière  et  mé- 
nagent, dans  la  suite  même  des  phénomènes,  une  place  à 
l'initiative  de  la  liberté.  C'est  encore  en  s'inspirant  de  Kant 
que  M.  Secrétan,  de  Lausanne,  limite  les  droits  de  la  science 
et  élève  au-dessus  d'elle  la  croyance  à  la  liberté.  Sous  des 
formes  et  à  des  degrés  divers,  le  kantisme  se  retrouve, 
aujourd'hui  même,  dans  la  plupart  des  doctrines  qui  s'ef- 
forcent à  concilier,  sans  compromission,  la  science  et  la 
morale. 

En  Angleterre,  l'influence  de  Kant  s'est  fait  sentir  no- 
tamment sur  Hamilton  et  les  agnostiques.  C'est  en  combi- 
nant la  doctrine  de  Kant  avec  celle  de  Reid  que  Hamilton 
établit  rimpossibiUté  d'une  représentation  de  l'absolu  pour 
un  esprit  borné  à  la  connaissance  expérimentale,  et,  par 
suite,  la  relativité  de  toute  connaissance  humaine.  De 
même  l'agnosticisme  de  Spencer,  s'il  dépend  du  positi- 
visme, doit  beaucoup  aux  antinomies  kantiennes.  Dans  le 
domaine  de  la  psychologie,  l'école  évolutioniste  se  donne 
pour  la  conciliatrice  de  i'apriorisme  kantien  avec  l'empi- 
risme de  Locke.  De  nos  jours,  Kant  est  scrupuleusement 
étudié  pour  lui-même.  Max  Millier,  dans  la  traduction  de 
la  Critique  de  la  raison  pure  qu'il  a  publiée  en  1881, 
déclare  que  cette  œuvre  est  un  monument  arien  aussi  pré- 
cieux que  les  Védas,  et  qu'en  tout  temps  il  pourra  être 
permis  de  la  critiquer,  non  de  l'ignorer. 

En  Italie,  la  Critique  de  la  raison  pure  a  été  traduite 
en  1821-22  ;  aujourd'hui  même  la  critique  kantienne  y 
est  savamment  représentée  ou  étudiée  par  Carlo  Cantoni 
et  Feîice  Jocco  ;  en  Espagne,  José  del  Perojo  a  récemment 
(1883)  traduit  la  Critique  de  la  raison  pure. 

Quel  fut,  à  regarder  les  choses  d'un  point  de  vue  gé- 
néral, le  rôle  historique  de  Kant,  et  quel  est  le  rapport  de 
sa  philosophie  avec  les  spéculations  actuelles  ?  Le  dessein 
de  Kant  fut  analogue  à  celui  de  Socrate  et  à  celui  de  Des- 
cartes. Socrate  s'est  proposé  de  montrer  que  la  pratique, 
même  prise  pour  fin  de  l'activité  humaine,  ne  saurait  exclure 
la  science,  parce  qu'en  réahté  elle  la  suppose.  Descartes  con- 
sent que  l'on  débute  par  le  doute  universel  :  ce  doute 
n'abolit  pas  la  certitude,  il  la  fonde.  Kant,  à  son  tour, 
proclame  que  l'expérience  est  le  point  de  départ  de  toutes 
nos  connaissances.  S'ensuit-il  que  la  raison  ne  soit  qu'un 
mot?  Nullement,  car  l'expérienee  repose  sur  la  raison.  Et 
dans  le  développement  même  de  la  doctrine,  l'analogie  se 
poursuit.  Déduite  de  la  pratique,  la  science  de  Socrate  est 
bornée  à  la  morale  et  aux  objets  qui  y  sont  liés.  La  certi- 
tude cartésienne  ne  va  tout  d'abord  qu'à  la  pensée,  condi- 


tion du  doute  ;  et,  si  elle  rétablit  les  objets  qu'avait  ren- 
versés le  doute,  c'est  en  tant  seulement  qu'ils  peuvent 
se  relier  à  la  pensée.  De  même,  la  critique  kantienne  ne 
laisse  subsister,  des  notions  à  priori,  que  ce  qui  est  re- 
quis pour  l'expérience,  et  fait,  de  la  possibilité  de  cette 
dernière,  la  norme  de  l'usage  entier  de  la  raison  pure. 
Et,  comme  ses  prédécesseurs,  Kant  estime  que,  par  sa 
méthode,  il  fonde,  loin  de  détruire.  La  science,  bornée 
du  côté  des  choses  en  soi,  possède  la  certitude  dans  son 
domaine.  Devant  le  réalisme  empirique  l'idéalisme  s'éva- 
nouit. Ce  n'est  pas  tout,  et  un  résultat  plus  précieux  en- 
core va  jaillir  de  la  critique.  La  même  déduction  qui  fonde 
la  science  permet  à  la  morale  de  se  constituer  à  côté  d'elle, 
sans  risquer  de  lui  porter  ombrage.  Il  est  vrai  que  la  mo- 
rale devra,  elle  aussi,  accepter  une  limitation.  Elle  devra 
reposer  sur  un  principe  exclusivement  formel,  sur  la  pure 
notion  du  devoir.  Mais,  ici  encore,  la  critique  ne  restreint 
que  pour  garantir.  La  morale  peut  être  absolue  et  demeu- 
rer pratique,  si  elle  n'a  d'autre  objet  que  les  détermina- 
tions de  la  volonté  libre.  L'antinomie  insoluble  du  mys- 
ticisme et  de  l'eudémonisme  disparait  dans  le  système  de 
l'autonomie  rationnelle.  Et  ainsi  c'est  la  raison,  qui,  d'un 
bout  à  l'autre  de  la  philosophie  de  Kant,  crée  comme  elle 
détruit,  fournit  des  principes  pour  remplacer  ceux  qu'elle  a 
dissous.  Déjà  chez  Descartes  elle  a  fourni  l'évidence  intel- 
lectuelle comme  substitut  interne  des  marques  extérieures 
de  vérité.  Avec  Kant  elle  fait  l'inventaire  de  son  contenu, 
et  trouve,  dans  sa  constitution  même,  tous  les  principes 
nécessaires  à  la  science  et  à  la  morale.  Sans  doute  elle  ne 
se  suffit  pas,  et  l'absolu  la  dépasse.  Sa  science,  par  suite, 
est  relative,  et  sa  morale  bornée  à  un  progrès  sans  fin. 
Elle  n'en  offre  pas  moins  à  l'homme  toutes  les  ressources 
dont  il  a  besoin  pour  réafiser  l'idéal  de  l'homme.  Elle  est 
l'indépendance,  et  elle  est  la  loi.  Si  telles  sont  les  parties 
essentielles  du  kantisme,  cette  philosophie  se  place  au  terme 
du  développement  rationahste  qui  a  commencé  avec  Des- 
cartes. La  raison,  chez  Kant,  pousse  aussi  loin  que  possible, 
et  son  renoncement  à  saisir  l'être  absolu,  et  son  effort  pour 
suppléer,  par  les  principes  qu'elle  trouve  en  soi,  à  l'intui- 
tion qui  lui  manque.  Un  pas  de  plus,  soit  dans^un  sens, 
soit  dans  l'autre,  et  le  rationalisme  va  se  perdre,  soit  dans 
le  scepticisme,  soit  dans  l'idéalisme.  Kant  a  prétemiu,  tout 
en  s'enfermant  dans  le  monde  du  temps,  trouver  au  sein 
de  la  raison,  qui  en  fait  partie,  le  moyen  d'ériger  ce  monde 
en  symbole  de  l'éternité. 

Telle  est  la  signification  historique  de  son  œuvre  ;  envi- 
sagée au  point  de  vue  théorique,  elle  présente,  actuellement 
encore,  un  intérêt  capital.  1**  Sous  l'influence  des  sciences 
positives  autant  que  de  la  philosophie,  l'esprit  humain  se 
demande  plus  que  jamais  dans  quel  rapport  nous  nous  trou- 
vons avec  la  réalité  des  choses,  et  s'il  nous  est  possible 
de  la  connaître.  Or,  c'est  à  cette  question  que  répond 
l'idéalisme  transcendental.  Au  delà  des  phénomènes,  selon 
le  kantisme,  nous  pouvons  encore  saisir  les  lois  de  la  pen- 
sée qui  les  conditionnent,  et  constituer  la  philosophie 
comme  théorie  de  la  connaissance  ;  mais,  quant  à  nous 
former  une  théorie  ontologique  de  l'univers,  ainsi  que 
faisaient  les  anciens,  c'est  une  ambition  à  laquelle  il  nous 
faut  renoncer  :  solution  nette  et  de  grave  conséquence, 
qui  trouve  plus  d'un  point  d'appui  dans  la  science  actuelle. 
2°  D'autre  part,  le  progrès  des  sciences  positives,  en  étendue 
comme  en  certitude,  nous  amène  à  nous  demander  si  du  moins 
tout  ce  qui  intéresse  l'homme  ne  peut  pas  être  traité  suivant 
la  méthode  de  ces  sciences,  et  si  la  morale  elle-même  n'y 
peut  pas  être  assimilée.  A  cette  question  Kant  répond  par 
son  rigoureux  dualisme,  limitant  la  science  pour  la  fonder, 
et  établissant  la  morale  dans  le  domaine  ouvert  par  cette 
limitation  même.  Or  ni  la  souveraineté  de  la  science  dans 
l'ordre  pratique,  ni  l'impossibilité  théorique  de  la  liberté 
no  sont,  aujourd'hui  même,  assez  clairement  démontrées 
pour  qu'on  puisse  rejeter  dans  le  passé  la  solution  kan- 
tienne. 3^  En  ce  qui  concerne  la  philosophie  de  la  science,  le 
kantisme  s'attache  précisément  aux  problèmes  qui  de  plus 


en  plus  obsèdent  l'esprit  moderne.  Comment  l'expérience, 
à  elle  seule,  peut-elle  fournir  la  certitude,  comment  la 
connaissance  d'une  loi  peut-elle  être  expérimentale  ?  Aris- 
tote  enseignait  que  le  général,  en  tant  qu'il  est  connu  par 
la  seule  expérience,  comporte  nécessairement  des  excep- 
tions, et  qu'une  connaissance  purement  intellectuelle  peut 
seule  posséder  une  valeur  universelle.  Et  cette  doctrine  est 
demeurée  jusqu'à  nos  jours  la  doctrine  classique.  Déjà  pour- 
tant Descartes  avait  déclaré  qu'il  existe  une  science  des 
phénomènes,  que  ce  qui  passe  peut  être  réduit  en  essence 
immuable  ;  et  la  science,  dans  son  progrès,  a  de  plus  en  plus 
ignoré  l'objection  d'Aristote.  De  quel  droit,  pourtant,  re- 
poussons-nous une  doctrine  qui  semblait  l'évidence  même  ? 
Comment,  en  quel  sens,  un  fait  peut-il  être  une  loi?  Cette 
question,  Kant  l'a  acceptée  telle  que  la  pose  la  science  mo- 
derne ;  et  sa  doctrine  des  formes  et  des  catégories  a  pour 
objet  de  la  résoudre.  Solution  profonde,  que  ne  saurait 
éluder  quiconque  persiste  à  vouloir  uuir,  sans  contradic- 
tion, l'expérience  avec  la  certitude.  4^  Enfin  la  morale 
kantienne  est  loin  de  nous  être  devenue  étrangère.  iNous 
sommes  aujourd'hui,  vis-à-vis  de  l'action,  dans  une  situa- 
tion analogue  à  celle  où  nous  place  la  science  vis-à-vis  de 
l'être.  Nous  n'admettons  que  les  faits,  et  nous  ne  pou- 
vons renoncer  à  la  certitude,  à  la  loi,  à  la  croyance  au  devoir. 
Nous  voulons  écarter  tout  motif  d'agir  qui  serait  tiré  de 
l'idée  d'un  monde  suprasensible,  et  néanmoins  nous  vou- 
lons maintenir  une  morale  absolue, une  doctrine  d'obligation. 
Ne  sommes-nous  pas,  dès  lors,  comme  pré|)arés  à  appré- 
cier une  philosophie  qui  précisément  fait  sortir  le  devoir  des 
entrailles  de  l'expérience,  et  se  garde  du  mysticisme  aussi 
bien  que  de  l'utilitarisme?  Et  si,  dans  les  questions  so- 
ciales, religieuses  et  politiques,  nous  sommes  troublés  par 
le  conflit  de  l'histoire  et  de  la  raison,  de  ce  qui  est  et  de 
ce  qui  doit  être,  de  la  forme  et  de  l'idée,  du  fait  et  du 
droit,  de  l'idéal  national  et  de  l'idéal  humain,  ne  nous 
retrouvons- no  us  point  en  cela  sur  le  terrain  même  où 
était  situé  Kant,  lorsqu"il  étudiait  les  rapports  delà  théo- 
rie et  de  la  pratique  et  conciliait  la  nécessité  de  la  nature 
avec  la  souveraineté  de  la  raison  dans  sa  doctrine  du  pro- 
grès moral?  Ce  n'est  donc  pas  en  vain  que  Kant  a  fait 
effort  pour  se  placer,  tant  dans  l'ordre  de  l'action  que 
dans  l'ordre  de  la  connaissance,  à  ce  point  de  vue  de  l'uni- 
versel à  la  fois  réel  et  idéal, qui  est  le  point  de  vue  de  la 
raison  :  sa  doctrine  en  a  reçu  un  caractère  à  la  fois  élevé 
et  positif,  qui  ne  saurait  se  rencontrer,  ni  dans  les  simples 
généralisations  de  l'expérience,  ni  dans  les  rêves  de  l'ima- 
gination. Elle  n'est  pas  le  reflet  d'une  époque,  ni  même 
l'expression  de  la  pensée  d'un  peuple  :  elle  appartient  à 
l'humanité.  Emile  Boutroux. 

BiBL.:  Les  œuvres  de  Kant.  —  Editions  récentes,  com- 
mentaires et  traductions  :  /.  Kants  ssemmtliche  Werke^  pu- 
bliés par  Karl  Rosenkranz  et  Friedr.-Wilh.  Schubert; 
Leipzig,  1838-42,  12  voL  —  /.  Kants  sasmmtliche  Werke, 
in  chronolog.  Reihenfolge,  publiés  par  G,  Hartenstein  ; 
Leipzig,  1867-69,  B'^oL—  Les  diverses  catégories  d'ouvrages, 
publiées  séparément  par  J.-H.  von  Kircii'mann,  dans  la  Phi- 
los. Bihliotheh^  1868-78.  -—  Les  ouvrages  les  plus  impor- 
tants, publiés  par  Kehrbach,  dans  VUniversal-Blbliottiek; 
Leipzig  (excellentes  éditions).  —  Kants  Krit.  d.  re'inen 
Vernunft.  Nachtrœge.  Aus  Kants  Nachlass  tirsg.  von 
B.  Erdmann  ;  Kiel,  1881.  -—  Hans  V aihi^gkk^  Kommentar 
zu  Kanis  Krit.  d.  r.  V.;  Stuttgart,  1881,  1«''  vol.^—  Kants 
Prolegomena.,  publiés  par  B.  Erdmann  avec  une  impor- 
tante introduction  -,  Leipzig,  1878.  —Ecrits  d'Emil  Arnoldt, 
H.  Vaihinger,  sur  les  Proleg..,  1879  et  suiv.  —  G.  Dumesnil, 
De  Tractatu  Kantii  pmdagogico  ;  Paris,  1892.  —  Traduc- 
tions françaises:  Cint.  de  la  raison  pure:  Tissot,  1861, 
3«  édit.  ;  Barni,  ISm.—Prolég.  :  Tissot,  1865  ;  Brunschvieg, 
Chambert,  etc.  ;  Paris,  1891.  —  Fondements  de  la  met. 
des  mœurs  et  critique  de  la  raison  prat.:  Barni,  1848.  — 
Crit.  de  la  raison  prat.  :  Picavet,  1888  (avec  un  avant- 
propos  sur  la  philosophie  de  Kant  en  France,  de  1773  à 
1814).  —  Elém.  met.  de  la  se.  de  la  nat.:  Andler  et  Cha- 
vannes,  1891.  —  Met.  des  mœurs  et  écrits  connexes  : 
Tissot,  1830,  1837;  Barni,  1853,  1855.  —  Observ.  sur  le 
sentiment  du  beau  et  du  stiblim,e  :  Payer  Imhoff  ;  Paris, 
1796  ;  Barni,  1846.  —  La  Religion  dans  les  limites  de  la 
raison:  Trullard,  1841;  Lortet,  1842.  —  Logique:  Tis- 
sot, 1840.  —  Pédagogie  :  trad.  Barni,  avec  commentaire 
par  Thamin,  1886. —  Traductions  anglaises:  Crit.  of  pure 
reason:  Max   Mûlleu  ;  Londres,  1881,  2  vol.—  Crït.   of 


~  419  -  RANf 

practical  reason,  etc.  :  Abbott  ;  Londres,  1883,  3«  éd  -- 
Proleg  and.  met.  foundations  of  nat.  science  :  Ern.  Bel- 
fort  Bax  ;  Londres,  1883. 

Kant  et  le  kantisme  en  génlîral.  —  Villers,  Philoso^ 
?^K^-?  cfe  Aani;  Metz,  1801.  -  Vict.  Cousin,  Leçons  sur  la 
Phîl.  de  Kant,  faites  en  1820  ;  Paris,  1864, 4«  éd.  —  Ch.  de  Ré- 
musat.  Essais  de  philosophie,  1836,  1841.  —  Willm,  Hist, 
de  la  philos,  allem.  dep.  Kant  jusqu'à  Hegel;  Paris,  1846- 
49.  —  Erdmann,  Grundr.  d.  Gesch.  d.  Philos.,  1818,  3'^  éd. 
7^  ^^Vfnr^^K^^^'^-'  ^^  Scepticisme:  JEnésidème,  Pascal, 
Kant,  1865.  —  Ueberweg,  Grundriss  der  Gesch,  d.  Philos.] 
39  part.  —  Kuno  Fischer,  Gesch.  d.  n.  Philos.,  t.  IlL  -^ 
Kenouvier  et  Pillon,  passim.  —  Desdouits,  la  Philoso- 
phie de  Kant  d'après  les  trois  critiques,  1876.  —  Ed.  Zel- 
LER,  Gesch.  d.  deutschen  Philos,  seit  Leibniz,  1875,  2«  éd. 
—  RiEHL,  Der  philos.  Kriticismus  u.  seine  Bedeutunq  fur 
die  positive  Wissenschaft  ;  Leipzig,  1876,  t.  L  —  Alf  We- 
BER,  Hist.  de  la  philos.,  1886,  4«  éd.  —  Windelband,  Gesch 
d.neuern  Philos.;  Leipzig,  1880.  —Fouillée,  Hist.  de  la 
phil.,  1875.  —  Janet  et  Séailles,  Hist.  de  laphil.,  1887.  — 
ft;a^^^-iV^M?^W^^  ^^^  Pfiilosophy  of  Kant;  Edimbourg, 

lV?—7i!}Ky^^^^^^^^  ^^a^^'  ISS'-^-  -  C.  Cantonne. Kant; 
Milan,  1883-84,  3  vol. 

La  biographie.  —  Kuno  Fischer,  op.  c.  —  Arnoldt 
Ka^itnach  K.  Fischefs  neuer  Darstellung  ;  Kœn'msherfr] 
1882.  —  D.  NoLEN,  les  Maîtres  de  Kant  (Alf.  Schulz, 
Knutzen,  Newton, Rousseau),  dans  là Rev. philos.,  1879-80. 

La  PERIODE  antecritique.  —  NoLEN,  la  Crit.  de  Kantetla 
mélaph.  de  Leibn.;  Paris,  1875.  —  Paulsen,  Versuch  einer 
Entwickelungsgesch.  d.  kant.  Erkenntnisstheorie ;  Leipzicr 
Wh  "~  R-^E^^L'  ^P-  cit.  —  K.  D1ETERICH,  Die  hantische 
Philosophie  in  ihrer  inneren  Entwickelungsgeschichte, 
2  parties  ;  Fribourg-en-Brisgau,  1885.  —  Thiele,  Die  Phi-- 
losophie  Kants  nach  ihrem  systemat.  Zusammenhanq  u. 
ihr.  log.  hist.  Entwickelung,  1882,'  1887,  L 

La  CRITIQUE.  —  1"  Crit.  de  la  raison  pure:  Trendelen- 
BURG,C/e5.  eine  Lûchein Kants  Beweis  v.d.ausschliessen- 
den  SubjectivitiU  des  Raumesu.  derZeit,  etc.,  dans  les  Hist. 
Beitr.  zur  Philos.,  1867,  III.  —  Cari  Gœring,  System,  d.  kr. 
Philos.;  Leipzig,  1874-75.  —  Mamiami,  Délia  Psicologia  di 
Kant;  Roma,  1878.  —  J.-B.  Meyer,  KanVs  Psychologie; 
Berhn,  1870.  —  B.  Erdmann, Kan^s  Kriticismus  in  d.  ersten 
u.  i.  d.  zweit.  Aufl.  d.  K.  d.  r.  V.;  Leipzig,  1878.  —  Alb. 
Krause,  Kant  u.  Helmholtz  ûb.  d.  Urspr.  u.  d.  Bedeutung 
der  Raumanschauung  und  der  geometrischen  Axiome; 
Lahr,  1878.  —  J.  Volkelt,  L  Kant's  E rkenntniss théorie  ; 
Lei,  zig,  1880.  —  FeLce  Tocco,  L'Analitica  transcenden- 
ia^e,etc.,  dans  la  Fi^os.defieScMo/e  lia/., 1880.— Alb. Krause, 
PopuUire  Darstellung  von  J.  Kant's  Krit.  d.  r.  V.  ;  Lahr, 
1882,   2"  éd.  —  Kurd   Lasswitz,  Die  Lehre  Kant's  v.  d. 


i^erlin,  1885,  2«  éd.  —  Konr.  Dietrjch,  Die  hantische  Phi- 
losophie in  ihrer  inneren  Entwickelungsgesch;  Fribourg 
et  Tubingue,  1885.—  Ed.-V.  H  irtmann,  Kritische  Grund- 
legung  des  transcendentalen  Realismus  ;  BtrLn,  1885,  3«  éd. 
—G.  Milhaud,  Essai  sur  les  condit.  et  les  limites  de  la 
certitude  logique,  1894.  —  2°  Crit.  de  la  raison  pra- 
tique :  Johanne  ;  Witte,  Beitrsege  zum  Verstœndniss 
Kant's;  Berlin,  1874.  —  liermann  Cohen,  Kants  Begrûn- 
dung  der  Ethik;  Berlin,  1877.  —  Ed.  Zeller,  Ueb.  das 
kant.  Moralprincip  u.  d.  Gegensatz  formater  u.  mate- 
rialer  Moralprincipien,  dans  les  Abhdlgg.  d.  Ah.  d.  W.; 
Berlin,  1880.  —  J.  Kreye.bûhl,  Die  ethische  Freiheit  bel 
Kant,  dans  les  Philos.  Monatsh.,  1882.  — Fouillée,  Critique 
des  systèmes  de  morale  contemporains,  1883.—  Gerhard, 
Kants  Lehre  v.  d.  Freiheit,  dans  les  Philos.  M onats h., 188Q, 
—  H.  Spencer,  la  Morale  de  Kant,  dans  la  Rev.  philos.,  1888, 
XXVI.  —  Alfred  Hegler,  Die  Psychologie  in  Kants  Ethik; 
Fribourg-en-Brisg..u,1891.  -  3"  Crit.  du  jugement  :  Herm. 
LoTZE,  Gesch.  d.  Wiss.  in  DeutschL;  Mllk  hen,  1868, 
vol.  VIL  —  Aug.  feT  dl  r,  Kant's  Teleologie  u.  ihre 
erkenntnisstheoretische  Bedeutung;  Berlin,  1874.— H.  Fen- 
NER,  Die  jEsthetik  Kant's;  Biitzow,  1875.  —  Arth.  Rich- 
TRR,Kant  als  JEslhetiker,  dans  le  Zeitschr.  f.  Phil.  u.  phiL 
Krit.,  1876.  —  J.iNET,  les  Causes  finales,  1877.  —  J.  Palm, 
Vergleichende  Darstellung  von  KanVs  u.  Schiller's  Be- 
stimmungen  ûb.  das  Wesen  des  Schœnen  ;  léna,  1878.  — 
Adam,  Essai  sur  le  jugement  esthétique,  1885. 

La  doctrine.  —  1«  Reuschle,  K.  u.  d.  Naturmssensch, 
dâns\aDeutsch.Vierteljahreschr.,l8m.—A.STADL.ER,dâns 
les  Philos.  Monatsh.,  1879-80.  —  A.  Stadler,  Kants  Théorie 
d.  Materie;  L-ipzig,  1883.  —  P.  Tannery,  la  Théorie  delà, 
mat.  d'après  Kant,  dans  la  Rev.  philos.,  1885.  —  Andler, 
Introduction  à  la  trad.  franc,  des  Prem.  Princ.  met.  de  la 
Se.  de  la  nat.,  par  Andler  et  Chavannes,  1891.  —  Arthur 
Drews,  Kants  Natur philosophie  als  Grundlage  seines  Sys- 
tems; Berlin,  1894.  —  2"  C.-V.  Frïcker,  Zu  Kants  Rechts- 
philos.  ;  Leipzig,  1885.  —  J.  Jaurès,  De  Primis  Socialismi 
germanici  lineamentis  apud  Lutherum,  Kant,  Fichte  et 
Hegel,  1891.  —  3°  Pidl.  Bridel,  la  Philos,  de  la  relig.  de 
Kant,  1876.  —  u.  Pfeiderer,  Die  Religion,  ihr  Wesen  u. 
ihre  Gesch.  ;  Leipzig,  1878,  2«  éd.  —  Nolen,  la  Crit.  de  Kant 
et  la  religion,  dans  la  Rev.  philos.,  1880.  —  O.  Pfeiderer, 
Religionsphilos.;  Berlin,  1883,  vol.  I,  2«  éd.  —  Bernh.  Pûn- 
JER,  Gesch.  d.  chrisll.  Religionsphil.  seit  d.  Re formation  ; 


KANT  —  KAO-TSONG 


—  420  ~ 


Braunschweig,  1883.  —  4°  Arth.  Richter,  Kanis  Ansich- 
tenûb.  ErziehungsL;  Halberst.,  1865.— W.  Hollenbach, 
Darstell.  ii.  BeurtheiL  d.  Piidag.  Kant's  ;  léna,  1881. 

Influence  de Kant.  —  K.  Rosenkranz,  dans  le  12^  vol.  de 
l'édit,  Rosenkr.  et  Scimb.  —  Kuno  Fischer,  Akademische 
Reden;  Stuttgart,  1862.  ~  Riehl,  op.  c.  —  Windelhand, 
op.  c.  —  Paulsen,  Was  uns  Kant  sein  kann  ?  dans  la  Vier- 
teljahreschr.  f.  wissenschaftl.  Phil.^  1881.—  Ducros,  Scho- 
penhauer,  1883.  —  Lévy-Bruiil,  V Allemagne  depuis  Leib- 
niz, 1890. 

KANTARA  (El-)  (V.  El-Kantara)» 
KANTARA  (El-).  Village  de  Tunisie,  au  S.  de  Hlede 
Djerba  ;  belles  ruines  de  Fancienne  Meninx. 

KAN-TCHEOU-Fou.  Ville  de  la  province  chinoise  de 
Kan-sou,  située  par  39°  OV  de  lat.  et  98«  36^  de  long.  E. 
Marco  Polo  a  séjourné  un  an  à  Kan-tcheou,  qu'il  appelle 
Canipicion  et  qui  est,  dit-il,  la  capitale  de  toute  la  province 
de  Tangout. 

KANTCHINDSHANGA  (V.  Himalaya). 

KANTECKI  (Clément),  essayiste  polonais,  né  en  1851, 
mort  eu  1885.  On  lui  doit  plusieurs  monographies  histo- 
riques :  Vie  de  Charles  Szajnocha  (en  pol.  ;  Varsovie, 
4878)  ;  Vie  de  Joseph  Korzeniowski  (en  pol.;  Lemberg, 
1879);  Stanislas  Poniatowski,  père  de  Stanislas  Au- 
guste, roi  de  Pologne  (en  pol.  ;  Posen,  1880,  2  vol.)  ; 
Emprunt  7iapolitain  (Varsovie,  1881)  :  c'est  l'histoire 
des  sommes  énormes  prêtées  par  Bona  Sforza,  femme  de 
Sigismond  P^,  à  Philippe  II  d'Espagne.  J.  K. 

KANTELE.  Sorte  de  harpe  ou  zither,  en  usage  chez  les 
Finnois  ;  il  avait  primitivement  5  cordes,  mais  en  a  aujour- 
d'hui de  8  à  16.  On  le  pose  à  plat  sur  la  table  ou  les  ge- 
noux et  on  le  fait  vibrer  des  deux  mains.  Les  premiers  kan- 
iele  consistaient  en  une  planche  épaisse  de  bouleau,  creusée 
du  côté  opposé  aux  cordes,  la  table  sur  laquelle  on  la  pla- 
çait servant  de  fond.  L'origine  merveilleuse  du  kantele  est 
contée  dans  le  Kalevala  :  Wainamôinen  le  fabrique  avec 
les  os  d'un  monstre  marin  ;  lui  seul  était  capable  d'en  jouer. 
L'ayant  perdu,  il  en  fit  un  nouveau  avec  du  bois  de  bou- 
leau et  prit  pour  cordes  les  cheveux  «  d'une  belle  vierge 
qui  attendait  son  fiancé  ».  Dès  qu'il  en  joue,  toute  la  na- 
ture est  émue  :  «  Les  bocages  s'éveillent  à  la  joie,  les  champs 
s'ouvrent  à  l'allégresse,  les  fleurs  sont  transportées  d'amour 
et  leurs  jeunes  tiges  s'inclinent  gracieusement.  »  Th.  C. 
BiBL.  :  Porthan,  De  Poes.  fennica,  op.  sélect.  III.  — 
Retzius,  Finnland,  Schilderungen,  etc. 

KANTELETAR.  Recueil  de  poésies  finnoises,  publié  par 
Lonnrot  en  1840.  Le  Kanteletar  contient  environ  six  cents 
poésies  (20,000  vers).  Il  est  divisé  en  trois  parties:  la 
première  contient  des  chants  de  noces,  des  berceuses,  des 
pastorales,  des  fables  ;  la  deuxième,  des  chansons  de  jeunes 
filles,  des  chants  d'amour,  des  chants  patriotiques  ;  la  troi- 
sième, des  chants  de  nature  épique  qui  n'ont  pas  trouvé 
place  dans  le  Kalevala  et  quelques  chants  historiques. 
Lonnrot  a  intercalé  dans  sa  préface  quelques  chants  mo- 
dernes. Le  caractère  de  la  plupart  de  ces  poésies  est  une 
mélancolie  douce  :  ce  sont  le  souci  et  la  solitude  qui  inspi- 
rent le  poète  finnois.  Th.  C. 

BiBL.  :  Kanteletar,  taikka  Soumen  Kansan  vanhoja  lau- 
lujaja  virsiâ;  Helsinglbrs,  1840,  1864,  1887.  —  Lonnrot, 
Finsha  folhstingens  Karaktnr,  Fosierlfindskt  Album  III; 
Helsinglbrs,  1847.  —  H.  Paul,  Kantelatar,dieVolhslyrik 
der  Finnen  in's  Deulscfw  ùbertragen;  Helsincfors,  1882. 

KANTEMIR  (V.  Cantemir). 

KANTISME  (V.  Kant  et  Criticisme). 

KANTORA.  Canton  du  N.  du  Fouta-Djalon,  le  long  de 
la  Gambie  ;  ancien  Etat  nègre  dévasté  en  1879,  annexé  à 
la  France  en  juil.  1881. 

KANTOUR  (El-)  (V.  El-Kantour). 

KANUM  (V.  Kanoum). 

KANZLER  (Hermann),  général  allemand  au  service  du 
saint-siège,  né  à  Bade  en  1822,  mort  à  Rome  le  5  janv. 
1888.  Ancien  élève  de  l'école  militaire  de  Bade,  il  entra 
dès  1845  dans  l'armée  du  pape,  se  fit  remarquer  au  siège 
de  Vienne  pendant  la  campagne  de  1848  et  à  Bologne  pen- 
dant celle  de  1849,  devint  colonel  en  1859  et  seconda 
énergiquement  l'année  suivante  Lamoricière,  qui  le  fit  nom- 
mer général  de  brigade.  Appelé  au  poste  de  pro-ministre 


des  armes  et  de  commandant  en  chef  des  troupes  pontifi- 
cales, il  ne  put  empêcher  l'occupation  de  Rome  par  l'armée 
italienne  (20  sept.  1870).  Dès  lors  il  n'eut  plus  de  fonc- 
tions réelles  à  remplir.  Mais  il  demeura  au  Vatican  jusqu'à 
la  mort  do  Pie  IX  (4878).  Léon  Xïll  lui  conféra  en  1886 
le  titre  de  baron.  A.  Debidour. 

KAO,  empereur  chinois  (V.  Hia). 

KAO-BANG.  Ville  du  Tonkin  septentrional,  ch.,-l.  de 
prov.,  près  de  la  frontière  chinoise.  La  province  monta- 
gneuse et  boisée  formait  jadis,  avec  celle  de  Lang-son,  le 
royaume  de  Chou-khang  ou  Cincanghe  (V.  Tonkin). 

KAO  KO.  District  du  pays  des  Damaras  (V.  ce  mot),  le 
long  de  l'océan  Atlantique,  du  cap  Frio  à  la  baie  Walfish. 

KAOLIN  (V,  Argile  et  Céramioue). 

KAO-TAO  (lies  des  Pirates).  Archipel  d'îlots  calcaires 
du  golfe  du  Tonkin,  qui  sert  de  repaire  aux  pirates. 

BiBL.:  Excursions  et  reconnaissances,  publiées  par  le 
gouv.  de  Cochinchine,  t.  III. 

KAO  TONG-KIA,  dont  l'appellation  est  Tse-tcheng, 
auteur  dramatique  chinois  qui  vivait  à  la  fin  du  xiv®  siècle, 
sous  la  dynastie  Ming.  La  pièce  de  théâtre  qui  a  rendu 
son  nom  célèbre  est  le  P'i  pa  ki  ou  «  histoire  d'un  luth  ». 
Elle  a  été  traduite  en  français  par  M.  Bazin  en  1841.  Kao 
Tong-kia  est  le  huitième  des  dix  écrivains  célèbres  {ts'ai 
tse)  de  la  Chine  moderne. 

KAO-TSONG,  c.-à-d.  l'aïeul  élevé.  Nom  de  temple  (mzao 
hao)  décerné  après  leur  mort  à  plusieurs  empereurs  de  la 
Chine  : 

1^  Tang  Kao-tsong,  troisième  empereur  de  la  dynastie 
T'ang,  succéda,  en  l'an  650  ap.  J.-C,  à  son  père  Tai- 
tsong,  dont  il  était  le  neuvième  fils.  Sa  pohtique  extérieure 
fut  très  glorieuse  ;  il  dirigea  de  nombreuses  campagnes 
contre  les  Turcs,  et,  en  657,  son  général  Sou  Ting-fang 
remporta  une  grande  victoire  sur  Cha-po-lo,  khan  des 
Turcs  occidentaux.  En  660,  ce  même  général  attaqua  le 
royaume  coréen  de  Pe-tsi  contre  lequel  le  royaume  égale- 
ment coréen  de  Sin-lo  avait  demandé  l'appui  des  Chinois  ; 
le  royaume  de  Pe-tsi  fut  entièrement  soumis  et  on  y  établit 
des  fonctionnaires  impériaux.  En  662,  Kao-tsong  chercha 
à  faire  reconnaître  Firouz,  fils  de  Yzdigerd  lïl,.  comme  roi 
de  la  Perse,  mais  il  vit  ses  propositions  repoussées  par  les 
Arabes.  En  668,  les  troupes  impériales  assiégèrent  et  pri- 
rent Ping-jang,  capitale  du  Kao-li,  le  seul  des  trois  Etats 
coréens  qui  n'eût  pas  encore  reconnu  la  suprématie  de  la 
Chine.  Il  n'y  eut  guère  qu'un  Etat  qui  tint  tête  avec  succès 
aux  armes  de  Kao-tsong,  ce  fut  celui  des  Tou-fan  ou  Tibé- 
tains ;  en  662,  ce  peuple  guerrier  envahit  toute  la  région 
du  Koukou-nor  qui  avait  été  jusque-là  le  siège  de  la  domi- 
nation des  Tou-yu-hoen  et  en  671  le  roi  des  Tou-yu- 
hoen  dut  se  réfugier  en  Chine  avec  les  débris  de  sa  tribu, 
qui  n'eut  plus  dès  lors  d'existence  indépendante.  Sous  le 
règne  de  Kao-tsong,  il  y  eut  de  fréquents  rapports  entre 
la  Chine  et  l'Inde,  grâce  aux  religieux  bouddhiques  dont 
le  plus  célèbre  est  I-tsing  ;  il  semble  même  que  la  politique 
chinoise  se  soit  ingérée  dans  les  affaires  de  l'Inde  à  cette 
époque,  puisque  nous  savons  qu'après  la  mort  (vers  655) 
da  roi  du  Magadha,  Ctlâditya,  Fambassadeur  chinois,  Wang 
ïliuen-tse,  appuyé  par  une  armée  de  Tibétains  et  de 
Népalais,  combattit  et  fit  prisonnier  l'usurpateur  Arjouna. 
Autant  le  règne  de  Kao-tsong  est  brillant  au  dehors,  au- 
tant il  est  sombre  au  dedans  ;  dès  l'année  654,  l'empereur 
avait  pris  au  nombre  de  ses  femmes  une  concubine  de  son 
père,  la  reine  Ou  ;  cette  femme  ambitieuse  ne  recula  de- 
vant aucun  crime  pour  supplanter  l'impératrice  légitime, 
faire  dégrader  l'héritier  présomptif  et  donner  le  trône  à 
son  propre  fils  ;  tous  les  grands  fonctionnaires  qui  blâmè- 
rent sa  conduite  furent  mis  à  mort.  L'empereur  Kao-tsong 
mourut  en  l'an  683. 

2*^  Song  Kao-tsong,  premier  empereur  de  la  dynastie 
des  Song  méridionaux.  Kao-tsong  monta  sur  le  trône  en 
1127  ap.  J.-G.  La  capitale  des" Song,  Pien-leang  (auj. 
Kai-fong-fou),  avait  été  prise  l'année  précédente  par  les 
Tartares  Kin  (V.  ce  mot),  et  le  frère  de  Kao-tsong,  Kin- 


421  — 


KAO-TSONG 


K A PELLE 


tsong,  neuvième  empereur  de  Ja  dynastie  Song,  avait  été 
emmené  prisonnier.  Kao-tsong  se  réfugia  sur  les  bords 
du  Yang-tse-kiang,  à  Kiang  ning,  et  sa  dynastie  prit 
dès  lors  le  nom  de  Song  méridionaux.  En  1038,  il 
transféra  sa  capitale  à  Lin-ngan  (auj.  sous-préfecture  de 
Lin-ngan,  préfecture  do  llang-tcheou,  prov.  de  Tche- 
kiang).  Le  règne  de  Kao-tsong  se  passa  à  batailler  contre 
les  Kin,  et  la  lutte  se  soutint  avec  des  avantages  à  peu  près 
égaux  jusqu'au  jour  où  un  certain  Tsin-koei  conseilla  à 
l'empereur  de  renvoyer  son  meilleur  général  Yo  Fei  et  de 
traiter  avec  les  Kin  ;  le  résultat  des  négociations  avec  les 
Tartares  fut  désastreux,  car  Kao-tsong  dut  se  reconnaître 
vassal  des  Kin  et  leur  concéder  tout  le  territoire  situé  au 
N.  du  Yang-tse,  à  l'exception  de  deux  petits  districts.  En 
1162,  âgé  de  quatre-vingt-un  ans,  il  abdiqua  en  faveur  de 
son  fils,  l'empereur  Hiao-tsong. 

3^  Kao4sou  est  aussi  le  nom  de  l'empereur  Kien-long 
(V.  ce  mot),  de  la  dynastie  Tsing.        Ed.  Cuavaîjnes. 

KAO-TSOU,  c.-à-d.  V ancêtre  élevé  Nom  de  temple 
{^miao  hao)  décerné  après  leur  mort  à  plusieurs  empereurs 
chinois  qui  tous  sont  des  fondateurs  de  dynastie  : 

\^HmiKao-tsou(-\\%^îiv.L-{^,),m  Kao-tsou,  le  fonda- 
teur de  la  dynastie  des  premiers  Han  (206  av.  J.-C.-24  ap. 
J.-C);  son  nom  de  famille  était  Lieou  fit  son  nom  personnel 
Pang;  il  était  originaire  du  village  doPei  (aujourd'hui  sous- 
préfecture  dePei,  dépendant  de  la  préfecture  de  Siu-tcheou, 
province  de  Kiaiig-sou),  et,  lorsque,  en  209  av.  J.-C,  la 
révolte  éclata  sur  plusieurs  points  de  l'empire  contre  le 
second  souverain  de  la  dynastie  Tsin,  Eul  Che  hoangti,  il 
se  mit  lui-même  à  la  tête  d'une  bande  de  mécontents  et 
s'arrogea  le  titre  de  due  dePei;  il  reconnut  l'autorité  du 
roi  Hoai,dupaysdeTchou(Tc/iou/foaz  ivaîig)  et  c'est  en 
son  nom  qu'il  pénétra  le  premier  (206  av.  J.-C.)  à  Hien- 
yang  (auj.  Si-ngan-fou^  prov.  de  Chen-si),  caoitale  des 
Tsin  ;  il  fut  récompensé  de  cet  exploit  par  le  titre  de  roi 
de  Han.  Peu  de  temps  après,  un  autre  aventurier,  Hiang- 
Yu,  fit  assassiner  le  roi  de  Tchou  afin  de  s'emparer  lui- 
même  du  titre  impérial  qui  avait  été  décerné  à  ce  roi  après 
l'extinction  des  Tsin  ;  Lieou  Pang  reprit  alors  les  armes  et 
disputa  à  Hiang  Yu  le  pouvoir  suprême;  il  n'avait  pas  les 
talents  militaires  de  son  rival  et  fut  battu  en  plus  de  cin- 
quante rencontres;  mais  il  sut  profiter  de  toutes  les  fautes 
que  lui  faisait  commettre  son  caractère  eoiporté  ;  il  déta- 
cha peu  à  peu  de  lui  ses  partisans,  et,  après  cinq  années 
d'une  lutte  acharnée,  il  parvint  à  cerner  et  à  tuer  Iliang 
Yu  qui  mourut  après  avoir  fait  des  prodiges  de  valeur 
(201  av.J.-G.).LieouPangdevint,  à  la  suite  de  ce  triomphe, 
le  maître  de  toute  la  Chine  et  donna  à  la  dynastie  qu'il 
fondait  le  nom  de  son  ancien  royaume  de  Han  ;  il  eut  en- 
core à  lutter  contre  plusieurs  rebelles  qui  ne  voulaient  pas 
se  soumettre  à  lui,  et  c'est  à  la  suite  d'une  blessure  reçue 
en  combattant  contre  eux  qu'il  mourut  en  lOo  av.  J.-C. 
La  dynastie  dont  il  est  le  premier  souverain  est  une  des 
plus  glorieuses  qui  aient  jamais  régné  en  Chine  (V.  Han). 

2<^  Song  Kao-tsou  (f  422  ap.  J.-C),  ou  Kao-tsou,  le 
fondateur  de  la  dynastie  des  premiers  Song  (420-477  ap. 
J.-C);  son  nom  de  famille  était  Lieou  et  son  nom  person- 
nel Yu;  à  l'origine  il  était  un  simple  fabricant  de  sandales 
en  paille;  mais,  étant  entré  dans  l'armée,  il  ne  tarda  pas 
à  atteindre  des  grades  élevés  qu'il  justifia  par  sa  brillante 
campagne  (401  ap.  J.-C)  contre  le  rebelle  Soen  Ngen.  En 
446,  il  fut  nommé  premier  ministre,  et  son  influence  devint 
toute-puissante  à  la  cour  de  l'empereur  Ngan,  de  la  dynastie 
Tsin;  en  418,  il  fit  mettre  à  mort  ce  souverain  dont  la 
présence  gênait  encore  son  ambition,  et  le  remplaça  par 
l'empereur  Kong;  ce  fantôme  de  maître  lui  étant  bientôt 
importun,  il  força  l'empereur  Kong  à  abdiquer  en  420  et 
prit  pour  lui  le  titre  de  Fils  du  Ciel.  Il  mourut  en  422, 
âgé  de  soixante-sept  ans.  Outre  son  nom  de  temple  {miao 
hao)  de  Kao-tsou,  le  premier  empereur  de  la  dynastie 
Song  porte  aussi  le  nom  posthume  (che  hao)  de  Ou-H, 
c.-à-d.  l'empereur  guerrier. 

3°  Tang  Kao-tsou  (vit  de  564  à  635  ap.  J.-C),  ou 


Kao-tsou,  le  fondateur  delà  dynastie  Tang  (618-905  ap. 
J.-C).  Son  nom  de  farnille  était  Li  et  son  nom  personnel 
Yîieîi,  Il  était  duc  du  royaume  de  Tang  (  Tang  kouo 
kong)  au  temps  de  l'empereur  Yang,  de  la  dynastie  Soei. 
Ce  souverain  s'étant  fait  détester  par  ses  débauches,  plu- 
sieurs de  ses  sujets  se  révoltèrent  contre  lui  et  le  détrô- 
nèrent (616  ap.  J.-C);  le  principal  chef  des  rebelles  était 
Li  Che-min,  second  fils  de  Li  Yuen  ;  Li  Che-min  maintint 
encore  deux  ans  sur  le  trône  des  descendants  de  la  dy- 
nastie Soei,  mais,  en  618,  il  proclama  son  père  empereur. 
Li  Yuen  régna  de  618  jusqu'en  626,  époque  à  laquelle  il 
abdiqua  en  faveur  de  ce  fils  auquel  il  devait  son  élévation, 
Li  Yuen  ne  mourut  qu'en  635,  âgé  de  soixante-deux  ans  ; 
il  put  ainsi  assister  aux  premières  années  du  règne  glo- 
rieux de  Li  Che-min,  qui  est  plus  connu  sous  son  nom  de 
temple  de  Tai-tsong. 

¥  Hcou  Tsin  Kao-tsou  (f  942  ap.  J.-C),  ou  Kao-tsou, 
fondateur  de  la  dynastie  des  Tsin  postérieurs  (936-45). 
Son  nom  de  famille  était  Che  et  son  nom  personnel  King- 
Tang,  H  était  gendre  de  l'empereur  Hing-tsong,  de  la 
dynastie  des  Tang  postérieurs,  et  gouverneur  de  la  province 
de  Ho-tong;  en  933,  Ming-tsong  mourut  et  son  fils,  l'em- 
pereur Min,  lui  succéda;  mais  il  fut  assassiné  dès  l'an- 
née suivante  par  son  frère,  le  roi  de  Lou.  Che  King-tang 
alors  se  révolta  contre  l'usurpateur  ;  grâce  à  l'appui  des 
Khitans  (V.  ce  mot),  il  remporta  la  victoire  et  substitua 
à  la  dynastie  des  Tang  postérieurs  une  dynastie  nouvelle, 
celle  des  Tsin  postérieurs;  elle  ne  fut  pas  d'ailleurs  de 
longue  durée,  car,  après  la  mort  de  Kao-tsou,  son  neveu,  le 
roi  de  Tsi  qui  lui  succéda,  ne  jouit  que  pendant  trois  ans 
à  peine  d'un  pouvoir  éphémère  et  contesté. 

S*'  Eeou  Han  Kao-tsou  (f  948)  ou  Kao-tsou,  fonda- 
teur de  la  dynastie  des  Han  postérieurs.  Son  nom  de  fa- 
mille était  Lieou;  aussi  se  prétendait-il  descendant  de 
Lieou  Pang.  le  premier  souverain  de  la  première  dynastie 
Han  (V.  plus  haut);  son  nom  personnel  était  Tche-yuen. 
Il  avait  été  général  au  temps  de  Kao-tsou,  de  la  dynastie 
des  Tsin  postérieurs  ;  lorsque  cette  dynastie  eut  péri  sous 
les  attaques  des  Ki-tan,  il  se  déclara  lui-même  empereur, 
en  947,11  remporta  de  grands  succès  sur  les  Ki-tan,  mais 
mourut  dès  l'année  948.  Son  fils,  l'empereur  Yn,  n'eut 
pas  sa  valeur  et  fut  détrôné  après  trois  ans  de  règne.  Cette 
dynastie  n'a  donc  duré  que  quatre  ans  (947-50),  quoique 
l'empereur  Kao-tsou  eût  coutume  de  compter  les  années  de 
son  règne  en  commençant  dès  l'année  936.    Ed.  Chavânnes. 

KAÔUAÏ.  L'une  des  îles  Sandwich  (V.  ce  mot). 

KAOUAR.  Grande  oasis  toubou,  sur  la  route  du  Fezzan 
au  Bornou,à  environ  un  mois  de  marche  deMourzouk.  Elle 
forme  une  vallée  dirigée  du  N.  au  S.  et  séparée  du  désert 
par  une  chaîne  de  montagnes  à  pic  du  côté  de  TE.,  tandis 
qu'à  l'O.  elle  a  pour  limite  un  bourrelet  à  peine  sensible. 
La  présence  de  l'eau  à  1  m.  au-dessous  du  sol  permettrait 
de  retirer  des  produits  réguliers  de  la  culture,  mais  la 
population,  exposée  aux  attaques  des  pillards,  se  borne  à 
entretenir  quelques  palmiers  dont  les  dattes  forment  avec 
le  sel,  que  l'on  retire  de  lacs  salés,  la  principale  ressource 
du  pays.  L'oasis  de  Kaouar  a  une  longueur  d'environ 
80  kil.  sur  8  ou  10  kil.  de  largeur;  elle  renferme  onze 
villages  ou  bourgs  dont  les  principaux  sont  :  Dirki,  rési- 
dence du  souverain  ;  Anaï,  Anikoumma,  Digomani,Schim- 
medrou,  etc.  Les  habitants,  au  nombre  d'environ  6,000, 
appartiennent  en  partie  à  la  race  des  Tedâ  et  en  partie  à 
la  race  bornouane.  Ils  sont  gouvernés  par  un  prince  indé- 
pendant ;  mais,  au  point  de  vue  religieux,  ils  sont  dans 
une  dépendance  très  étroite  des  Senousis  qui  ont  un  éta- 
blissement fort  important  à  Schimmedrou.    0.  Houdas. 

KAOUCHIT-KALA.  Capitale  de  l'oasis  de  Merv  (V.  ce 
mot). 

KAOULI-M  EU  N.  Village  de  Chine,  prov.  de  Liao-toung, 
sur  un  tributaire  du  Yalou,  près  de  la  poj'te  de  Corée 
(douane  frontière). 

KAPELA  (Monts)  (V.  Karst). 

KAPELLE  (Jan  Van)  (V.  Capelle). 


KAPELLER  —  KAPP 


4>22  — 


Ordre  de  Kapiolani 
le  Grand. 


KAPELLER  (Joseph- Auton) ,  peintre  et  graveur  autri- 
chien, né  à  Imst  (Tirol)  en  1760,  mort  en  4806.  Elève  de 
Zeiler,  à  Fieiite,  puis  de  Fiiger,  à  Vienne,  il  séjourna 
d'abord  à  Imst  et  à  Innsbruck,  puis,  de  retour  à  Vienne, 
il  y  fonda,  avec  D.  Holer,  un  comptoir  d'art  et  d'industrie. 
On  a  de  lui  :  le  Faune  dormant,  des  portraits  du  Gé^ié- 
ral  Loudon  et  de  Kosciusko,  des  Costumes  tiroliens 
(aquarelle),  gravés  par  Warnberger. 

KAPILA,  célèbre  sage  mythique  hindou,  fondateur  de  la 
philosophie  Sânkhya  (V.  ce  mot).  D'après  une  légende  très 
répandue  dans  l'Inde  et  rapportée 
par  le  Piâmayâna,  c'est  lui  qui, 
dérangé  dans  sa  méditation  par  les 
mille  fils  du  roi  Sagara,  d'un  re- 
gard les  aurait  réduits  en  cendres. 
KAPIOLANI  LE  Grand  (Ordre 
de).  Fondé  au  royaume  d'Havai  le 
30  août  1880,  par  leroiKalakaua, 
en  l'honneur  de  son  ancêtre  Kapio- 
lani le  Grand.  Il  le  destina  à  la 
récompense  du  mérite  exceptionnel, 
du  talent  et  du  génie  dans  les 
sciences  et  lesarts,  et  des  services 
rendus  à  l'Etat  et  au  roi.  Six  classes 
de  membres  :  grands-croix,  hauts 
grands  officiers,  grands  officiers, 
commandeurs,  officiers  et  cheva- 
liers, et  deux  classes  de  médaillés  ;  il  est  accessible  aux 
étrangers.  Ruban  jaune  bordé  de  blanc,  rouge  et  bleu 
(sans  l'insigne,  ruban  à  quatre  bandes  rouges  alternées  de 
quatre  bandes  jaunes). 

KAPLINSKi'  (Léon),  peintre  polonais,  né  à  Lisow  en 
4826,  mort  à  Miloslaw  en  1873.  Après  avoir  étudié 
d'abord  le  droit  à  Varsovie,  puis  la  philosophie  à  Rreslau, 
il  participa,  en  1846,  au  mouvement  insurrectionnel  dans  le 
grand-duché  de  Posen.  Il  vint  se  fixer  en  1830  à  Paris, 
où  il  s'adonna  exclusivement  à  la  peinture,  sous  la  di- 
rection d'Ary  Scheffer.  Tout  en  s'inspirant  de  la  manière 
un  peu  froide  de  son  maître,  Kaplinski  choisissait  de  préfé- 
rence des  sujets  polonais  pour  ses  tableaux.  Il  exposa 
successivement  pendant  plusieurs  années  au  Salon,  oii 
ses  œuvres  ne  passèrent  jamais  inaperçues.  Sa  Défense  de 
Czenstochowa^  son  Wernyhora,  son  Wojski  (d'après 
Messire  Thadée,  de  Mickiewicz) ,  enfin  la  Noblesse  et  le 
Peuple  sont  des  œuvres  de  haute  inspiration.  Kaplinski  a 
fait  aussi  d'excellents  portraits,  parmi  lesquels  ceux  du 
comte  Jean  Dzialynski  et  du  poète  Bohdan  Zaleski, 
méritent  une  mention  à  part.  Il  a,  en  outre,  donné  d'assez 
nombreux  articles  dans  des  revues  périodiques  et  publié 
quelques  poésies  qui  ne  sont  pas  sans  mérite.  F.  Trawinski. 
KAPN I  K-Bànya.  Bourg  de  Hongrie,  comitat  de  Szathmâr. 
C'est  un  centre  minier  pour  l'extraction  du  minerai  d'or, 
d'argent  et  de  plomb.  Ses  2,600  hab.,  Magyars  ou  Alle- 
mands, sont  pour  la  plupart  occupés  au  travail  des  mines. 
KAPNIST  (Vasili-Vasiliévitch) ,  écrivain  russe,  né  à 
Oboukhovka  en  1743,  mort  à  Oboukhovka  en  1823.  Il  ap- 
partenait à  une  famille  d'origine  italienne.  Il  entra  fort 
jeune  dans  l'armée  et  devint  officier  dès  1775.  11  se  lia 
avec  Derjavine  et  Khemnitzer  qui  l'encouragèrent  dans  ses 
essais  littéraires.  En  1777,  il  quitta  le  service  militaire  et 
se  retira  à  la  campagne.  0  se  fit  connaître  de  bonne  heure 
par  des  poésies  légères,  des  odes,  des  satires  qui  obtinrent 
du  succès.  Son  œuvre  principale  est  une  comédie  en  vers, 
la  Chicane,  qui  fut  jouée  et  imprimée  en  1798.  L'auteur 
y  met  en  scène  des  magistrats  prévaricateurs.  La  Chicane 
obtint  un  grand  succès  ;  quelques-uns  de  ses  vers  sont 
passés  en  proverbes.  Elle  a  été  fréquemment  réimprimée 
(dern.  éd.,  Pétersbourg  [1888],  s.  d.).  Elle  avait  été 
d'abord  interdite  et  ne  fut  jouée  que  sur  l'autorisation 
formelle  de  Pierre  P^.  Elle  a  été  traduite  en  français  par 
M.  Legrelle  (Gand,  1886).  Cette  traduction  est  précédée 
d'une  notice  fort  détaillée  sur  l'auteur.  Une  édition  com- 
plète des  œuvres  de  Kapnist  a  paru  à  Saint-Pétersbourg 


(1849).  Ses  poésies  ont  été  réimprimées  par  M.  Vengerov 
dans  le  recueil  Pwusskaïa  Poesia  {id.,  1894).     L.  L. 

KAPODISTRIAS  (V.  Capo  d'Istria). 

KÂPOLNA.  Village  de  Hongrie,  comitat  de  Ileves.  Le 
général  autrichien  SchUck  y  livra  bataille  à  l'armée  révo- 
lutionnaire de  Dembinsky  et  de  Gœrgei,  les  26  et  27  févr. 
1849. 

KAPOS.  Rivière  de  Hongrie,  qui  se  jette  dans  le  Sârviz, 
au  S.  du  lac  Balaton.  Redoutable  par  ses  inondations,  ce 
cours  d'eau  a  rendu  nécessaire  le  canal  Kapos,  qui  fut 
entrepris  en  1813  et  qui  atteignit  une  longueur  de  109  kil. 
Au  point  de  départ  de  ce  canal  s'élève  le  gros  bourg  rural 
de  Kaposvâr,  qui  a  près  de  10,000  hab.,  occupés  pour  la 
plupart  à  la  culture  de  la  vigne  et  du  tabac. 

KAPOSI  (Moriz-Kohn),  dermatologiste  hongrois  con- 
temporain, né  à  Kaposvâr  le  23  oct.  1837.  Nommé  pro- 
fesseur à  Vienne  en  1875,  il  prit  en  1879  la  direction 
de  la  clinique  dermatologique  de  cette  capitale.  Il  est 
l'auteur  d'ouvrages  remarquables  sur  la  syphilis,  les  ma- 
ladies de  la  peau,  etc.  Citons:  Traité  des  maladies  de  la 
peau,  comprenant  les  exanthèmes  aigus,  trad.  de  l'ail, 
par  Doyon  (Paris,  1869-78,  2  vol.  in-8,  tiré  du  Handbuch 
de  Virchow)  ;  Leçons  sur  le  mal  de  la  peau,  trad.  par 
Besnier  et  Doyon  (Paris,  1881,  2  vol.  in-8)  ;  Pathol.  et 
iraitem.  des  maladies  de  la  peau,  trad.  par  Besnier  et 
Doyon  (2^  éd.  fr.  ;  Paris,  1891,  2  vol.  gr.  in-8;  paru  en 
ail.  pour  la  première  fois  en  1879).  D^  L.  Hn. 

KAPOSVÂR  (V.  Kapos). 

KAPOUAS.  Fleuve  de  l'O.  de  Bornéo,long  de  600  kil., 
grossi  du  Melavi;  il  passe  à  Tayang  et  finit  par  un  large 
delta.  —  Un  autre  fleuve  du  même  nom,  le  Kapouax  Moii- 
rong,  long  de  400  kil.,  arrose  le  S.  de  l'île. 

KAPOUDAGH.  Péninsule  située  sur  la  côte  méridionale 
de  la  mer  de  Marmara,  province  de  Khodavendikiar  (Tur- 
quie d'Asie).  Elle  est  rattachée  au  continent  par  un  isthme 
sablonneux,  large  de  1  kil.  et  qui  sépare  la  baie  du  Pa- 
normo  de  celle  d'Artaki.  Les  ruines  de  Cyzique  sont  à  la 
racine  de  l'isthme.  Carrières  de  marbre. 

KAPOURTALA.  Ville  de  l'Inde,  capitale  d'une  princi- 
pauté sikh  du  Pendjab,  sur  la  rive  gauche  du  Bias  ; 
1,605  kil.  q.  ;  300,000  hab.  ;  le  radjah  possède,  en  outre, 
deux  fiefs  dans  l'Aoudh,  le  Baondi  et  le  Bithaoli 
(2,200  kil.  q.),  que  les  Anglais  lui  donnèrent  en  récom- 
pense de  ses  services  dans  la  guerre  des  Cipayes. 

KAPOUSTINE  (Michel-Nicolaévitch) ,  jurisconsulte  et 
administrateur  russe,  né  en  1830.  Il  fit  ses  études  à  l'uni- 
versité de  Moscou  où  il  devint  ensuite  professeur.  11  fut 
ensuite  directeur  du  lycée  juridique  de  laroslavl,  puis  cura- 
teur du  cercle  universitaire  de  Dorpat  et  plus  tard  de  Pé- 
tersbourg. Il  a  publié,  entre  autres  écrits  :  Rapports  diplo- 
matiques avec  l'Occident  jusqu'au  xvii^  siècle  (Moscou, 
1852);  Revue  des  matières  du  Droit  international 
{id,,  1856);  Dogmatique  juridique  (Moscou,  1868); 
Coup  d'œil  sur  Vétat  de  la  science  politique  en  Europe 
(id,,  1859);  Histoire  du  droit  (laroslavl,  1872);  le 
droit  international  {id,,  1873),  etc. 

KAPP  (Christian),  philosophe  allemand,  né  à  Baireuth 
en  1798,  mort  à  Heidelberg  en  1874.  Il  fut,  à  Berfin, 
l'élève  des  théologiens  de  Wette,  Néander,  Schleiermacher, 
des  philosophes  Bœckh,  Solger,  Hegel.  Privat-docent  en 
1823,  il  fut,  l'année  suivante,  nommé  professeur  extraor- 
dinaire à  Erlangen.  Il  voyagea  en  Italie  en  1825,  en  France 
en  1829  et  abandonna  l'enseignement  pour  fonder  une 
revue  de  vulgarisation,  VAthene  (18 £2).  En  1833,  un 
riche  mariage  lui  permit  de  se  retirer  à  Heidelberg  où  il 
fut  nommé  professeur  honoraire  en  1839,  ordinaire  en 
18i0,  et  où  il  enseigna  avec  un  grand  succès.  Suspect  de 
radicalisme  et  envié  par  ses  collègues,  il  se  retira  après 
avoir  lancé  contre  Schelling,  «  le  Cagliostro  du  xix^  siècle  », 
un  pamphlet  anonyme,  mais  qui  laissait  transparaître  l'au- 
teur. Député  à  la  Chambre  de  Bade  (1845-49)  et  au  Par- 
lement de  Francfort  (1848),  il  resta  ensuite  dans  sa  belle 
résidence  de  Heidelberg.  Sa  philosophie  consistait  à  conci- 


—  4^23 


KAPP  —  KARABE 


lier  Fichte  et  Hegel.  En  1839,  son  ami  Feuerbach  disait 
de  lui  dans  les  Hallische  Jahrbûcher  :  «  Entre  tous  les 
jeunes  penseurs,  Kapp  a  le  mérite  d'avoir  montré  la  haute 
destination  de  la  science,  conçue  comme  une  puissance 
réformatrice  du  monde,  et  d'avoir  voulu  trouver  en  elle  le 
vrai  remède  aux  maux  du  présent.  »  Ses  principaux  ou- 
vrages sont  :  Christus  und  die  Weltgeschichte^  oder 
SokraUs  und  die  Wissenschaft  (iS^S  ;  anonyme);  Ei7î- 
leitung  in  die  Philosophie  (4825)  ;  Bas  concrète  Allge- 
meine  der  Weltgeschichte  (1826)  ;  la  revue  VAthene 
et  surtout  son  livre  moitié  scientifique,  moitié  littéraire  sur 
V  Italie.  C-EL. 

KAPP  (Friedrich),  historien  allemand,  né  à  Hamm  le 
13  avr.  4824,  mort  à  Berlin  le  27  oct.  4884.  Il  prit  part 
à  l'insurrection  de  sept.  4848  a  Francfort,  s'enfuit  à  Paris 
et  à  New  York,  oii  il  fut  avocat  de  4850  à  4870,  revint 
à  Berlin,  fut  élu  député  au  Reichstag  et  à  la  Chambre 
prussienne,  appartint  aux  groupes  national-libéral,  séces- 
sionniste et  progressiste.  Il  a  écrit  de  nombreux  ouvrages 
sur  les  Allemands  aux  Etats-Unis;  biographies  de  Steuben 
(Berhn,  4858);  J.  Kalb  (4862)  ;  Vollmann  (1880)  ;  Der 
Soldatenhandel  der  deutschen  Filrsten  nach  Amerika 
(4864)  ;  Gesch.  der  deutschen  Einwanderung  in  Ame- 
rica (4868)  ;  Die  Deutschen  im  Staat  New  York  wœh- 
rend  des  i8*^^  Jahrh.  (New  York,  d884),  etc.;  ce  sont 
des  ouvrages  d'une  érudition  solide.  Il  a  laissé  inachevée 
une  Gesch.  des  deutschen  Buchhandels  (Leipzisj,  4886, 
1. 1).  A.-M.  B. 

BiBL.  :  Bunsen,  F.  Kapp  ;  Berlin,  1885. 

KAPP  El  NE  Van  de  Copello  (Jean),  homme  politique 
hollandais,  né  à  La  Haye  en  4822.  Il  fut  élu,  en  4862, 
membre  de  la  seconde  Chambre  des  Etats  généraux  et  y 
devint  bientôt,  grâce  à  son  éloquence  et  à  son  activité,  un 
des  principaux  chefs  du  parti  libéral.  A  la  chute  du  minis- 
tère Heemskerk,  en  4876,  Kappeine  fut  chargé  par  Guil- 
laume III  (V.  ce  nom)  de  constituer  un  nouveau  cabinet, 
et  il  prit  pour  lui  le  portefeuille  de  l'intérieur  ;  toutefois, 
il  succomba  au  bout  de  trois  ans  sur  la  question  scolaire. 
Il  a  acquis  une  grande  réputation  comme  juriste  et  a  publié 
des  dissertations  très  remarquables  dans  les  revues  Themis 
et  Bydragen  voor  Vaderlandsche  Geschiedenis  en 
oudheidkunde.  E.  H. 

KAPPEL  Village  suisse  (V.  Cappel). 

KAPPER  (Siegfried),  poète  et  écrivain  tchèque  et  alle- 
mand, d'origine  Israélite,  né  à  Smichov  (Bohême)  le  48  mars 
4824,  mort  àPise  le  7  juin  4879.  Il  embrassa  d'abord  la 
carrière  médicale  et  pratiqua  notamment  à  Karlovac  (Croa- 
tie). Mais  ses  goûts  le  portaient  vers  la  littérature.  Pendant 
la  diète  de  Kromézise  (Kremsier)  et  la  campagne  de  Hongrie, 
il  fut  correspondant  d'un  journal  de  Prague.  Il  voyagea  dans 
la  péninsule  balkanique,  en  Italie,  en  Allemagne,  exerça  la 
médecine  en  Bohême  et  finit  par  s'établir  en  Italie.  Il  a 
publié  en  allemand  plusieurs  ouvrages  relatifs  aux  littéra- 
tures slaves:  Slawische  Melodien  (4844);  Filrsi  Lazar 
(4854,  2^  éd.;  Leipzig,  4853);  Die  Serbische  Bewe- 
gung  in  Sild-Ungarn^  Christen  und  Tûrken  (Leipzig, 
4854)  ;  Die  Gesœnge  der  Serben  (Leipzig,  4852,  2  vol.)  ; 
Die  Handschriften  von  Grûnberg  und  Kœniginhof 
(Prague,  4859)  ;  Das  Bœhmerland  {id.^  4864).  Il  a  aussi 
publié  en  langue  tchèque  des  traductions  ou  des  imitations 
de  chants  et  contes  serbes  et  des  poésies  originales.  L.  L. 

KAPPIS  (Albert),  peintre  allemand  contemporain,  né 
dans  le  Wurttemberg.  Auteur  de  paysages  et  de  scènes  de 
genre  estimés,  tels  que  l'Eté^  Scène  de  village  en  Souabe, 
Souvenir  de  la  Forêt-Noire^  la  Moisson,  Vendange 
dans  la  vallée  du  Neckar^  Marché  au  poisson.  Depuis 
4880,  il  a  quitté  Munich  pour  se  fixer  à  Stuttgart  comme 
professeur  à  l'Ecole  des  beaux-arts. 

KAPSALI.  Village  de  Grèce,  ch.-l.  de  l'île  de  Cerigo, 
sur  un  roc  escarpé  ;  mauvais  mouillage  ;  vieux  château  du 
moyen  âge. 

KA  PS  BERGER  (Jean-Jérôme  von),  musicien  allemand, 
mort  vers  4650.  Originaire  d'une  famille  noble,  il  vécut 


en  Italie,  et  surtout  à  Rome,  où  il  trouva  un  protecteur 
en  la  personne  du  pape  Urbain  VIII.  Virtuose  habile  sur 
le  luth,  le  théorbe  et  le  chitarrone,  Kapsberger  ne  man-- 
quait  pas  de  talent  comme  compositeur,  mais  il  était  en 
même  temps  un  véritable  charlatan,  vaniteux  à  l'excès, 
saisissant  tous  les  moyens  de  se  faire  valoir,  imprimant 
en  tête  de  chacun  de  ses  ouvrages,  avec  d'immenses  ar- 
moiries, des  recueils  de  vers  hyperboliques  à  sa  propre 
louange,  et  allant  jusqu'à  prétendre  remplacer  par  ses 
morceaux  religieux  le  répertoire  palestrinien  à  la  chapelle 
pontificale.  Il  a  publié  de  4604  à  4633  plusieurs  livres 
de  pièces  en  tablature  de  luth  ou  de  chitarrone,  des  ma- 
drigaux, villanelles,  arie  passeggiate,  cantates,  messes, 
motets  et  litanies,  à  une  ou  plusieurs  voix,  des  danses, 
caprices  et  symphonies  instrumentales,  un  oratorio  de  la 
Nativité  et  un  autre  intitulé  Apotheosis  seu  consecratio 
SS.  Ignatii  et  Francisci-Xaveri^  composé  pour  les  jé- 
suites, à  l'occasion  de  la  canonisation  de  ces  deux  saints 
par  Grégoire  XV  en  4622.  M.  Br. 

KAPTCHAK  ou  KIPTCHAK.  Nom  de  tribu  et  de  nation 
qui  se  rencontre  très  fréquemment  dans  l'histoire  des  peu- 
ples turcs.  On  le  retrouve  encore  aujourd'hui  dans  la  déno- 
mination de  certains  clans  ou  tribus,  parmi  les  Kirghiz,  les 
Euzbegs  de  Boukhara  et  du  Ferghana,  ainsi  que  parmi  les 
Turkomans  de  la  Transcaspienne .  Autant  que  l'on  puisse 
en  juger  d'après  la  terminologie  embrouillée  et  l'histoire 
confuse  des  tribus  turques,  les  Kaptchaks  furent  une  des 
tribus  de  la  nation  des  Ogouz-Ouïgours  qui  fondèrent  vers  le 
v^  siècle  ap.  J.-C.  l'Etat  de  Kao-Kiu,  dont  l'emplacement  doit 
être  cherché  dans  le  pays  actuel  des  Soyotes  au  S.  des  monts 
Sayans.  De  là  les  Kaptchaks  se  portèrent  vers  les  steppes  si- 
tués au  N.  du  lac  Balkhach  oii  ils  ont  constitué  le  noyau  de 
la  nation  de  Kankli  ou  Kankali.  S'avançant  ensuite  plus  à 
rO.,  ils  pénétrèrent  en  Europe  vers  le  ix®  siècle  et  occupèrent 
les  steppes  qui  s'étendent  à  l'E.  et  à  l'O.  de  la  Volga.  Il  est  fort 
probable  qu'ils  se  mêlèrent  ensuite  avec  les  Komanes  ou 
Comanes  (les  Polovtsi  des  annalistes  russes),  peuplade  appa- 
rentée aux  Petchénègues.  Quoi  qu'il  en  soit,  une  portion 
des  Kaptchaks,  restée  en  Asie,  fit  partie  au  xii®  siècle  de  la 
grande  armée  de  Djengis  Khan  et  c'est  le  petit-neveu  du 
grand  conquérant,  appelé  Baty  Khan,  qui  fonda  le  royaume 
du  «  Grand  Kaptchak  »  plus  connu  sous  le  nom  de  Horde 
d'Or  (V.  ce  mot). 

KAPUNDA.  Ville  d'Australie  méridionale,  à  77  kil.  N.- 
N.-E.  d'Adélaïde  à  laquelle  un  chemin  de  fer  la  relie;  on 
a  découvert  en  4843  dans  son  voisinage  des  mines  de  cuivres 
fructueusement  exploitées  jusqu'en  4879.  Actuellement  im- 
portantes carrières  de  marbre. 

KARA.  I.  Fleuve.  —  Fleuve  de  la  Russie,  tributaire  de 
l'océan  Glacial  arctique;  long  de  266  kil.,  il  naît  au  N. 
des  monts  Oural,  du  côté  asiatique,  et  forme  la  limite 
conventionnelle  entre  l'Europe  et  l'Asie.  Grossi  de  la 
Silova,  il  devient  navigable  et  tombe  dans  la  mer  de  Kara, 

II.  Mer  (V.  Asie,  t.  IV,  p.  94). 

KARA-Amid  (V.  Diârbékir). 

KARABACEK  (V.  Karâbatchek). 

KARABAGH.  Province  du  Caucase  russe,  canton  méri- 
dional du  gouvernement  de  lélisavetpol,  riverain  de  l'Aras. 
C'est  une  région  montagneuse  (V.  Caucase)  qui  forma  une 
principauté  arménienne,  puis  turque  ;  les  khans  résidaient 
à  Choucha.  Le  dernier  Mechti  Kouli  fut  chassé  en  4822  et 
les  Russes  annexèrent  le  Karabagh. 

KARABATCHEK  (Joseph),  orientaliste  autrichien,  né  en 
4846.  Professeur  d'histoire  des  pays  d'Orient  à  l'univer- 
sité de  Vienne  (Autriche),  il  est  l'auteur  de  :  Beitrœge  zur 
Geschichte  der  Mazjoditen  (Leipzig,  4874);  Die  per- 
sische  Nadelmalerei  Susandschird^  ein  Beitrag  zur 
Entwickelungsgeschichte  der  Tapisserie  de  haute  lisse 
{id.^  4881)  ;  Der  Papyrus fund  von  Elfaijiim  (Vienne, 

4882)  ;  Die  Theodor  Grafschen  Funde  in  JEgypten  {id., 

4883)  ;  Katalog  der  Theodor  Grafschen  Funde  in 
JEgypten  {id.,  4883). 

KARABÉ  (Sirop  de)  (Pharm.),  Sirop  opiacé  très  employé 


KARABE  —  KARAGASS  —  4^24  ~ 

autrefois,  contenant  de  l'esprit  de  succin  (Karabé),  Voici 
sa  composition  : 

Sirop  d'opium 400 

Esprit  de  succin 0  gr.  50 

D'après  les  idées  médicales  du  temps,  l'esprit  de  succin 
rendait  ce  sirop  ccphalique  et  antispasmodique .  On  n'em- 
ploie plus  guère  aujourd'hui,  comme  calmant,  que  le  sirop 
diacode  ou  de  pavot  blanc.  E.  Bourgoin. 

KARA-BOGDAN  (V.  Bogdanie  et  Moldavie). 

KARA-BOGAZ.  Golfe  de  la  mer  Caspienne  (V.  ce  mot 
et  Asie). 

KARA-BOGHAZ,  Ancien  lac  desséché  de  Bulgarie,  à  l'O. 
du  confluent  du  Vid  et  du  Danube.  Quelques  petits  étangs 
en  marquent  la  place. 

KARABOUSSAR.  Ville  de  Turquie  d'Asie,  à  94  kil.  E.- 
S.-E  de  Konieh,  au  pied  du  Karadja-dagh.  Un  petit  lac 
salé  du  même  nom  a  au  centre  une  butte  circulaire  très 
curieuse,  d'origine  volcanique. 

KARACHAR-KOUL  ou  BAGRATCH.  Lac  du  Turkestan 
chinois,  à  100  kil.  N.  du  Tarim,  entre  les  monts  Kouroug- 
tag  et  Khaïdou-tag  ;  65  kil.  de  long,  25  kil.  de  large  ;  il 
est  alimenté  par  le  Khaïdou-gol  et  se  déverse  par  l'inter- 
médiaire de  marécages  et  de'petits  lacs  dans  le  Khaïdin- 
koua,  affluent  du  Tarim.  Sur  le  Khaïdou-gol  est  la  ville  de 
Karachar^  ruinée  par  l'insurrection  des  Dounganes. 

KARA-DARIA.  Rivière  du  Turkestan  russe,  aftluent  de 
gauche  du  Syr-Daria,  qu'elle  rejoint  près  de  la  ville  de 
Namangan;  en  amont  de  ce  confluent,  le  Syr-Daria  porte 
le  nom  deNarya.  Elle  prend  sa  source  sous  le  nom  de  Var 
dans  les  avant-monts  de  Thian-chan,  situés  dans  le  S.-E. 
du  Ferghana,  reçoit  à  droite  le  Kara-Kouldja  et  le  Yang  et 
se  trouve  réunie  par  de  nombreux  canaux  artificiels  aux 
autres  affluents  de  gauche  du  Syr-Daria  qui  se  trouvent 
plus  à  l'O.  On  donne  aussi  le  nom  de  Kara-Daria  à  un 
des  bras  du  cours  inférieur  du  fleuve  Zaravchan  (V.  ce 
mot).  J.  Deniker. 

KARADJA-Dagh.  Chaîne  de  montagnes  du  Kurdistan, 
entre  le  Tigre  occidental  et  la  rive  gauche  de  l'Euphrate. 
Un  col  de  800  m.  la  sépare  du  Mehra-Dagh,  contrefort 
avancé  du  Taurus.  C'est  un  massif  de  basalte  noir  coupé 
par  des  cluses  profondes. 

KAR^DJA-Dagh  (Bulgarie)  (V.  Tchernagora). 

KARADJA  FoKiA.  Ville  de  Turquie  d'Asie,  vilayet  d'Aï- 
din,  à  45  kil.  N.-N.-O.  de  Smyrne;  7,000  hab.  Vastes 
marais  salants.  Ruines  antiques  de  Phocée  (V.  ce  mot). 

KARADJITCH  (Stéfanovitch  Vouk),  littérateur  serbe,  né 
à  Trchitch  (Serbie)  le  7  nov.  1787,  mort  à  Vienne  le 
7  févr.  1864.  Ses  parents,  quoique  pauvres,  l'envoyèrent 
étudier  aux  monastères  de  Loznitsa  et  de  Tronoch.  Au 
bout  de  quelques  mois,  Karadjitch,  faute  d'argent,  dut  re- 
gagner son  village  natal  et  se  fit  berger.  Il  s'efforçait  de 
ne  pas  oublier  ce  qu'il  avait  déjà  appris,  lisant  les  livres 
qui  lui  tombaient  sous  la  main,  fabriquant  de  l'encre  avec 
de  la  poudre  délayée  dans  l'eau.  En  1804,  il  prit  part  à 
l'insurrection  contre  les  Turcs  en  qualité  de  secrétaire  d'un 
des  voiévodes  de  Karageorges.  En  1806,  son  protecteur 
ayant  été  tué,  il  se  rendit  à  Karlovic  (Karlowitz)  et  y  reprit 
ses  études.  En  4807,  il  rentra  en  Serbie  et  servit  de  nou- 
veau l'insurrection.  En  4808,  il  suivit  pendant  quelque 
temps  les  cours  de  la  grande  Ecole  de  Belgrade,  qui 
venait  d'être  fondée.  Ensuite  des  fatigues  qu'il  avait 
éprouvées  pendant  la  guerre  et  des  privations  qu'il  s'im- 
posait pour  s'instruire,  il  tomba  gravement  malade  et  se 
rendit  en  Autriche  pour  se  faire  soigner.  Les  médecins  ne 
purent  le  guérir  complètement;  il  resta  boiteux.  En  4810, 
on  le  retrouve  à  Belgrade,  maître  à  l'école  primaire.  De 
484â  à  4843,  il  devint  successivement  secrétaire  du  Sé- 
nat serbe,  chef  du  district  de  Brza  Palanka  et  fut  chargé 
de  plusieurs  missions  politiques  par  Karageorges.  En  4843, 
après  la  répression  de  l'insurrection,  il  se  réfugia  à 
Vienne.  Soutenu  et  conseillé  par  Kopitar  (V.  ce  nom),  il 
entreprit  les  deux  grandes  œuvres  de  sa  vie  :  la  réforme 
de  la  langue  serbe,  la  publication  des  Poésies  populaires 


serbes.  En  4844,  il  imprima  un  petit  Piecueil  de  chants 
populaires  slavo-serbes  et  une  Grammaire  de  la  langue 
serbe.  En  4845,  il  se  rendit  en  Syrmie,  au  monastère  do 
Chichatovats,  où  il  commença  la  rédaclion  de  son  diction- 
naire de  la  langue  serbe,  tout  en  recueillant  des  lèvres  des 
goiizlars  (V.  Guzla)  les  chants  célébrant  la  gloire  de 
l'ancienne  Serbie.  A  la  fin  de  la  mémo  année,  il  fit  paraître 
un  second  recueil  de  ces  Chants  populaires.  En  4818,  il 
impvimdi  son  Serbischdeutsch  lateinisches  Wœrterbuch, 
qui  est  resté  classique.  En  4819,  il  visita  la  Russie  ;  en 
4820,  il  séjourna  quelque  temps  en  Serbie,  à  Kragouïévats. 
Rentré  à  Vienne,  il  prépara  une  deuxième  édition,  considé- 
rablement augmentée,  de  ses  Chants  nationaux;  mais  la 
censure  autrichienne,  hostile  au  mouvement  littéraire  et 
politique  des  Slaves  méridionaux,  refusa  de  laisser  paraître 
cette  nouvelle  édition.  Karadjitch  se  rendit  à  Leipziç^,  ou 
il  la  publia  (4823-24,  4  vol.).  En  4826,  4827  et  4828,  il 
édita  à  Vienne  une  revue  littéraire  serbe,  VEtoiie  du  ma- 
tin. En  4828,  le  prince  Miloch  le  rappela  en  Serbie  pour 
prendre  part  aux  travaux  de  la  commission  chargée  d'éla- 
borer un  code.  En  4830,  il  fut  nommé  président  du  cercle 
'de  Belgrade.  En  4834,  il  donna  sa  démission  et  quitta  la 
principauté  pour  se  fixer  définitivement  à  Vienne  où  il 
s'était  marié.  En  4833,  il  fit  un  nouveau  voyage  en  Rus- 
sie ;  en  4834,  il  visita  la  Dalmatie  et  séjourna  quelque  temps 
au  Monténégro. 

Outre  les  ouvrages  déjà  cités  les  principales  publications 
de  Karadjitch  sont  :  Récits  nationaux  serbes  (Vienne, 
4821);  Miloch  Obrénovitch,  prince  de  Serbie  (Pest, 
4828);  Chants  nationaux  serbes  (Pest,  1833);  Pro- 
verbes nationaux  serbes  (Tsétinié,  4836);  Traduction 
serbe  du  Nouveau  Testament  (Vienne,  4847);  Trésor 
pour  Vhistoire,  la  langue  et  les  mœurs  des  Serbes  des 
trois  rites  (Vienne,  4849);  Lexicon  serbico-germanico- 
latinum,  2«  éd.,  considérablement  augmentée  (Vienne, 
1852)  ;  Récits  nationaux  serbes  (Vienne,  4853)  ;  le  Sénat 
serbe  sous  Karageorges  (Vienne,  4860);  Chants  natio- 
naux serbes  de  l'Herzégovine  (Vienne,  4866)  ;  Vie  et 
mœurs  du  peuple  serbe  (Vienne,  4867);  Dictionnaire 
allemand-serbe  (Vienne,  4872),  etc.  Jusqu'à  l'époque  où 
parut  Karadjitch,  les  Serbes  écrivaient  soit  en  slavon,  soit 
dans  une  langue  hybride,  mélangée  de  serbe  et  de  slavon. 
Il  affranchit  définitivement  l'idiome  national  et  appela  sur 
lui  l'attention  des  littérateurs  plus  illustres,  notamment  de 
Jacob  Grimm  qui  traduisit  sa  grammaire  serbe,  de  Vater, 
de  Gœthe.  Les  chants  qu'il  avait  recueillis  furent  traduits 
dans  toutes  les  langues  de  l'Europe  (en  allemand  par  Talvj , 
Gehrard,  Kapper,  en  italien  par  Carrara,  en  anglais  par 
Bowring,  en  français  par  M"^®  Elisa  Voïart,  d'après  l'édi- 
tion allemande  et  plus  tard  par  Dozon).  —  En  4888,  on  a 
célébré  à  Belgrade  le  centenaire  de  Karadjitch.  Depuis 
quelques  années  une  réimpression  de  ses  œuvres  princi- 
pales a  été  entreprise  à  Belgrade,  aux  frais  du  gouverne- 
ment serbe.  Le  premier  volume  des  Chants  populaires  a 
paru  en  4891.  Karadjitch  est  quelquefois  désigné  sous  le 
nom  de  Vouk.  L.  Léger. 

BiBL.  :  PYPi?iE,  Histoire  des  littératures  slaves,  traduit 
par  M.  Denis;  Paris,  1878,  t.  I.  —  Jovan  Bochkovitch, 
L'Anniversaire  de  Vouk  {en  serbe);  Belgrade.  1888.  —  Kou- 
LAKovsKY,  Vouk  Karadjitch  (en  russe)  ;  Moscou,  1882. 

KARAGASS.  Peuplade  de  la  Sibérie  méridionale,  parlant 
un  dialecte  turc-oriental  très  rapproché  de  l'ancienne 
langue  ouïgoure.  Ils  habitent  au  S.  de  la  portion  de  la 
grande  route  sibérienne  ou  «  trakt  »  qui  est  située  entre 
Kansk  à  l'O.  et  Balagansk  à  l'E.,  dans  les  vallées  des 
fleuves  Tagoul,  Birioussa,  Ouda  et  Oka.  Ils  ne  diffèrent  en 
rien,  ni  comme  costume  ni  comme  mœurs,  des  autres 
«  Tatars  »  de  la  Sibérie  méridionale.  Ils  sont  en  partie 
agriculteurs,  en  partie  nomades  chasseurs  ou  éleveurs  de 
rennes.  En  4851,  ils  étaient  au  nombre  de  540;  actuelle- 
ment ce  chiffre  a  dû  plutôt  diminuer,  car  le  nombre  de 
Karagass  qui  se  russifient  tous  les  ans  dépasse  celui  des 
naissances.  Carsten  a  publié  un  dictionnaire  et  une  gram- 
maire de  leur  langue  (Saint-Pétersbourg,  4858).  J.  Deniker. 


—  425  — 


KARAGEA  —  KARAGEORGÉVITCH 


KARAGEA  (Jean),  prince  de  Valachie  (1812-19).  Il  fut 
pendant  son  règne  le  partisan  de  la  Sainte-Alliance  :  il 
demandait  des  conseils  sur  les  affaires  politiques  au  che- 
valier de  Gentz  que  lui  avait  recommandé  Metternich.  La 
peste,  des  impôts  excessifs,  les  dévastations  des  Turcs  ré- 
voltés à  Ostrov  ruinèrent  le  pays.  Il  s'enfuit  pour  sauver 
sa  personne  et  ses  trésors  à  la  veille  de  la  prise  d'armes 
de  métairie,  dans  laquelle  il  s'était  compromis  (V.  Rou- 
manie). Il  mourut  en  Italie.  —  Sa  fdle,  Ralou,  se  distingua 
en  fondant  un  théâtre  (grec).  N.  J. 

BiBL.  :  Dépêches  inédites  du  chevalier  de  Gentz.  — 
Mac-Mighael,  Travels.  —  Xénopol,  Hist.  des  Roumains 
(en  roumain),  V. 

KARAGEORGES  ou  TSERNI  Georges  (Georges le  Noir) 
Pétrovitch,  fondateur  de  l'indépendance  serbe,  né  à  Vit- 
chevtsi  (Serbie)  en  1732,  assassiné  à  lasénitsa  (Serbie)  le 
24  juil.  1817.  Il  fut  berger  dans  son  enfance.  Déjà  marié, 
il  tua  un  Turc  qui  avait  malmené  son  troupeau  et  s'enfuit 
en  Syrmie,  emmenant  sa  femme,  son  père  et  sa  mère.  Son 
père  ayant  refusé  de  le  suivre  jusqu'au  bout  dans  sa  fuite, 
il  le  tua,  craignant  d'être  dénoncé  aux  Turcs.  Il  installa 
les  siens  au  monastère  de  Krouchévo,  où  il  occupa  lui- 
même  un  emploi  de  garde-forestier.  Deux  ans  plus  tard,  il 
s'enrôla  dans  l'armée  autrichienne,  ne  tarda  pas  à  déserter 
et  repassa  furtivement  en  Serbie.  Il  y  devint  haïdouk.  En- 
rôlé de  force  dans  l'armée  autrichienne  durant  la  guerre 
de  l'Autriche  contre  la  Porte  (1788-91),  il  prit  part  à  plu- 
sieurs campagnes  en  qualité  de  sous-officiev.  Après  la  paix 
de  Sistov,  il  s'établit  à  Topol  (Serbie).  En  1796,  il  fit  pu- 
bliquement amende  honorable,  dans  une  église,  pour  le 
meurtre  de  son  père.  La  Porte  ayant  voulu  à  cette  époque 
mettre  fin  aux  désordres  commis  par  ses  janissaires  rebelles 
de  Serbie,  Karageorges  servit,  avec  nombre  de  ses  compa- 
triotes, dans  l'armée  du  sultan  commandée  par  le  pacha  de 
Belgrade.  En  1803,  ce  dernier  fut  saisi  et  étranglé  parles 
^'anissaires.  Karageorges  redevint  alors  haïdouk. 

Le  l®"*  févr.  1804,  il  fut  proclamé  chef  des  insurgés 
serbes  à  Orachats.  La  même  année,  il  assiégea  Belgrade, 
secondé,  sur  l'ordre  de  la  Porte,  par  Békir,  pacha  de  Bos- 
nie. Les  chefs  des  janissaires  rebelles,  serrés  de  près,  s'en- 
fuirent de  la  forteresse,  mais  ils  furent  rejoints  près  d'Or- 
sova  et  décapités.  Ce  succès  ne  suffit  pas  aux  Serbes  qui 
sollicitèrent  l'appui  de  la  Russie  et  demandèrent  en  même 
temps  à  la  Porte  de  reconnaître  leur  autonomie  (contre  paye- 
ment d'un  tribut,  et  de  consentir  à  l'occupation  simultanée 
des  forteresses  par  des  troupes  turques  et  des  soldats  serbes. 
Tout  en  négociant,  Karageorges  ne  resta  pas  inactif:  en 
1805,  les  Serbes  étaient  devenus  maîtres  de  tout  le  pays, 
sauf  Belgrade.  La  Porte,  irritée,  ordonna  au  pacha  deNÎch 
d'entrer  en  Serbie  et  de  désarmer  les  indigènes.  Le  pacha 
obéit  ;  il  fut  battu  près  de  lagodina.  (Quelques  mois  plus 
tard  la  Skoupchtina,  réunie  à  Semendria,  proclama  défini- 
tivement Karageorges  comme  chef  de  la  nation  serbe,  en 
lui  adjoignant  un  conseil  (Sénat)  pour  Tadministration  des 
affaires.  En  1806,  la  Serbie  fut  envahie  à  l'O.  par  Bé- 
kir, pacha  de  Bosnie,  et  au  Sud  par  Ibrahim,  pacha  do  Scu- 
tari.  Karageorges  battit  à  plusieurs  reprises  ses  deux  adver- 
saires et  renoua,  sans  succès  d'ailleurs,  ses  négociations  avec 
Constantinople.  En  1807,  il  s'empara  de' Belgrade.  Au 
mois  d'août  de  la  même  année,  la  Turquie  conclut  avec  les 
Russes  un  armistice  dont  bénéficièrent  les  Serbes.  Les 
hostilités  reprirent  en  1809.  Traversant  la  Vieille -Serbie 
pour  rejoindre  les  Monténégrins,  Karageorges  assiégea 
Novibazar  et  tenta  une  diversion  en  Herzégovine  ;  mais  il 
fut  rappelé  par  les  défaites  que  les  Turcs  infligèrent  à  ses 
lieutenants  divisés  entre  eux.  L'intervention  d'un  corps 
d'armée  russe  en  Bulgarie  sauva  la  situation.  En  1810, 
Karageorges  remporta  de  nouveaux  succès  qui  le  mirent 
en  mesure  d'affermir  son  autorité  contestée  par  plusieurs 
voiévodes.  En  1811,  la  Porte  lui  fit  des  ouvertures  paci- 
fiques qu'il  rejeta,  refusant  de  traiter  sans  les  Russes.  Mais 
ces  derniers,  menacés  par  Napoléon  P^,  conclurent  le 
traité  de  Bucarest  (1812),  en  stipulant  en  faveur  des  Serbes 


certaines  clauses  que  les  Turcs  laissèrent  à  l'état  de  lettre 
morte. 

Abandonnés  à  eux-mêmes,  les  Serbes  proposèrent  à 
Constantinople  des  conditions  fort  modérées  (conservation 
de  leurs  armes,  défense  aux  Turcs,  sauf  ceux  chargés  de 
la  garde  des  forteresses,  de  rentrer  en  Serbie).  La  Porte 
refusa.  En  ^1813,  la  Serbie  fut  envahie  à  TE.,  au  S.  et 
à  rO.,  par  des  forces  écrasantes  auxquelles  Karageorges, 
que  paralysaient  l'opposition  d'un  certain  nombre  de  voié- 
vodes et  la  désunion  de  l'armée  serbe,  ne  parvint  pas  à 
opposer  une  résistance  suffisante.  Il  s'enfuit  de  Belgrade  à 
Semlin  le  l®''  oct.  1813,  sans  avoir  hasardé  une  seule  ba- 
taille pour  la  défense  des  conquêtes  faites  depuis  1804. 
(Quelques  jours  après,  les  armées  envahissantes,  malgré 
l'héroïsme  de  quelques  corps  isolés  de  troupes  serbes,  occu 
paient  toute  la  Serbie.  Contraint  par  les  autorités  autri- 
chiennes de  s'éloigner  de  la  frontière,  Karageorges  s'étabht 
enfin  dans  la  ville  de  Khotine  (Bessarabie),  où  il  s'affilia  à 
métairie  grecque.  En  juil.  1817,  il  rentra  furtivement  en 
Serbie  pour  soulever  ses  compatriotes  contre  la  Turquie  et 
se  présenta  au  chef  serbe  de  Semendria,  Vouïtsa  Voulitché- 
vitch,  un  de  ses  anciens  lieutenants.  Ce  dernier  le  fit  se 
cacher  dans  une  métairie  du  voisinage,  à  lasénitsa,  et  signala 
son  arrivée  aux  autorités  turques  et  serbes  de  Belgrade. 
Obéissant  à  un  ordre  venu  de  Belgrade,  Vouïtsa  fit  assas- 
siner son  hôte  dans  la  nuit  du  24  au  2t^  juil.  1817.  Dans 
sa  lutte  contre  les  Turcs  et  dans  la  réorganisation  de  son 
pays,  Karageorges,  sans  égard  même  pour  ses  proches, 
déploya  une  énergie  extrême,  allant  jusqu'à  la  cruauté. 
C'est  ainsi  qu'il  fit  pendre  sous  ses  yeux,  et  sans  juge- 
ment, son  frère  unique  Marinko,  coupable  du  viol  d'une 
jeune  fille.  Dans  sa  vie  privée,  il  conserva  toujours  les  ha- 
bitudes du  paysan  serbe,  consacrant  aux  travaux  agricoles 
les  loisirs  que  lui  laissaient  les  afi'aires  de  l'Etat.    A.  Giron. 

BiBL.  :  Karadjitch,  le  Sénat  serbe  sous  Karageorges  ; 
Vienne,  1860.  —  Ranke^  Histoire  de  la  Serbie  et  de  la  révo- 
lution serbe;  Berlin,  1829.  —  Saint-René  Taillandier, 
la  Serbie,  Karageorges  et  Milosch  ;  Paris,  1871.  --  Milit- 
CHF.viTCH,  Biographie  des  Serbes  célèbres  des  temps  mo- 
dernes ;  Belgrade,  1888. 

KARAGEORGÉVITCH  (Alexandre),  prince  de  Serbie,  né 
à  Topol  (Serbie)  le  29  sept.  1806,  mort  à  Temesvar  (Hon- 
grie) le  22  avr.  1883,  fils  du  précédent.  Il  quitta  la  Serbie 
en  1813.  Après  la  mort  de  son  père,  il  entra  dans  Tannée 
russe,  oùil  parvint  jusqu'au  gradede  capitaine  d'état-major. 
Il  revint  en  Serbie  en  1839,  avec  l'autorisation  du  prince 
Michel.  En  1840,  il  fut  nommé  membre  du  tribunal  de 
Belgrade;  en  1841,  il  devint  lieutenant  dans  l'armée  serbe 
et  aide  de  camp  du  prince  régnant.  A  la  suite  des  troubles 
de  Voutchitch,  il  fut  proclamé  prince  de  Serbie  (11  sept. 
1842)  et  reconnu  par  la  Porte  le  15  juin  1843,  malgré 
l'opposition  de  la  Russie. 

Pour  se  dérober  aux  influences  russes  et  autrichiennes, 
le  nouveau  prince  prit  son  point  d'appui  à  Constantinople 
et  s'appliqua  à  améliorer  la  situation  économique  de  la 
principauté,  en  encourageant  l'industrie  et  le  commerce, 
en  organisant  l'instruction  publique.  En  1848,  il  laissa 
recruter  en  Serbie  des  corps  de  volontaires  qui  partici- 
pèrent à  la  répression  de  l'insurrection  hongroise.  En 
1853,  lors  delà  guerre  russo-turque,  il  observa  une  stricte 
neutralité,  malgré  les  efforts  du  parti  nationaliste  qui  ré- 
clamait une  prise  d'armes  contre  la  Porte.  En  1854,  il  fit 
promulguer  le  code  civil  de  la  principauté.  En  1856,  le 
traité  de  Paris  enleva  aux  Russes  le  protectorat  de  la 
Serbie.  Cependant  Karageorgévitch  s'était  aliéné  les  sym- 
pathies du  parti  nationaliste  par  son  attitude  passive  envers 
la  Porte.  En  1857,  il  parvint  à  déjouer  une  vaste  conspi- 
ration dirigée  contre  lui  ;  mais  ses  adversaires  ne  désar- 
mèrent pas  malgré  des  mesures  sévères  qu'il  sut  tempérer 
par  des  concessions.  Il  fut  déposé  le  21  déc.  1858.  A 
partir  de  cette  époque,  il  vécut  dans  ses  terres  de  Hongrie 
et  de  Roumanie.  Accusé  d'avoir  trempé  dans  l'assassinat  du 
prince  Michel  Obrénovitch  (1868),  il  fut  condamné  par  le 
tribunal  de  Belgrade,  comme  instigateur  de  ce  crime,  à  vingt 


KARAGEORGEVITCH  —  KARAMAN 


426  -- 


années  d'emprisonnement.  L'Autriche  refusa  son  extradi- 
tion, mais  le  fit  passer  en  jugement  à  Pest.  Il  fut  acquitté, 
pour  manque  de  preuves,  par  les  tribunaux  hongrois  (1 870). 
Il  laissa  en  mourant  de  nombreuses  et  importantes  dona- 
tions pour  l'avancement  des  sciences  dans  les  pays  de 
langue  serbe.  A.  Giron. 

KARAGEORGEVITCH  (Pierre),  fils  du  précédent,  né  en 
1846.  En  1883,  il  a  épousé  une  fille  du  prince  du  Mon- 
ténégro, la  princesse  Zorka. 

KARAGHINSK.  Ville  maritime  de  Sibérie,  prov.  du 
Littoral,  sur  l'isthme  du  Kamtchatka.  En  face  sont  les 
deux  îles  Karaghiinski^  dont  la  principale,  au  S.,  a 
117  kil.  de  long  sur  35  de  large  et  1,582  kil.  q. 

KARAGŒZouGHIAL.  Jeu  scénique  très  goûté  des  Turcs 
Osmanlis,  leur  amusement  favori  durant  le  mois  du  Ra- 
madan. Derrière  une  toile  transparente,  on  fait  mouvoir 
des  marionnettes  en  leur  prêtant  des  gestes  et  des  paroles 
plaisantes  et  obscènes, 

KARAGOLA.  Ville  de  l'Inde,  prov.  de  Baghalpour  (Bé- 
rar),  sur  la  rive  gauche  du  Gange,  au  débouché  d'une 
ancienne  route  vers  Dardjiling  ;  foire  considérable. 

KARAGOUÉ.  Pays  de  l'Afrique  centrale,  à  l'O.  du  lac 
Kéroué  (Victoria)  ;  au  pied  du  Mfoumbiro  se  déroulent  de 
magnifiques  prairies  et  des  bois  giboyeux  ;  on  y  trouve  des 
eaux  thermales,  du  cuivre  et  du  sel.  Les  habitants  sont  au 
nombre  d'environ  15,000  ;  la  race  dominante  semble  pa- 
rente des  Gallas.  La  ville  principale  est  Kafouro.  Le  prince 
est  vassal  de  l'empereur  d'Ouganda. 

KARA-HISSAR.  Villes  turques  (V.  Afioum  et  Chaein). 

KARAÏSKAKIS  (Georges),  capitaine  grec,  né  à  Agrapha 
(Grèce)  en  1782,  mort  près  d'Athènes  le  5  mai  1827. 
Très  lié  depuis  sa  jeunesse  avec  Capo  d'Istria,  il  se  fit 
remarquer  dès  le  commencement  de  la  guerre  de  l'indé- 
pendance hellénique  par  sa  bravoure,  son  énergie,  son  ha- 
bileté stratégique,  mais  aussi  par  son  ambition  et  sa  tur- 
bulence. Après  avoir  préservé  une  fois  Missolonghi  (1823), 
il  ne  put  l'empêcher  de  tomber  au  pouvoir  des  Turcs  en 
avr.  1826.  Chargé  du  commandement  de  la  Roumélie,  il 
contraria  les  opérations  de  Fabvier  (V.  ce  nom),  ce  qui 
amena  la  défaite  de  Chaïdari.  Au  congrès  de  Trézène,  il 
fut  un  des  plus  chauds  partisans  de  Capo  d'Istria,  qu'il 
réussit  à  faire  nommer  président  de  la  Grèce  (avr.  1827). 
Peu  après,  il  fut  blessé  à  mort  près  du  Pirée  (4  mai)  en 
attaquant  l'armée  turque  qui  bloquait  depuis  longtemps 
l'Acropole  d'Athènes.  A.  Debidour. 

KARAÏTES.  Secte  juive  (V.  Câraïtes). 

KARAJAN  (Theodor-Georg  von),  savant  autrichien,  né  à 
Vienne  le  22  janv.1810,  mort  à  Vienne  le  28  avr.  1873.  Il 
était  d'origine  grecque.  Il  étudia  à  Vienne  et  entra  aux  ar- 
chives du  département  des  finances  et  plus  tard  à  la  Biblio- 
thèque impériale.  Il  s'intéressa  de  bonne  heure  aux  antiquités 
germaniques  et  collabora  à  diversrecueils  scientifiques.  En 
1839,  il  publia  à  Heidelberg  le  poème  Von  den  sibenSlâ- 
fœren  et  donna  un  recueil  fort  curieux  Friihlingsgabe 
fur  Freunde  œlterer  Literatur  (Vienne,  1839),  réim- 
primé à  Leipzig  en  1842,  sous  ce  titre:  Der  Schatzgrœ- 
ter,  Beitrœge  fur  œliere  deutsche  Literatur.  Il  fut  l'un 
des  premiers  membres  de  l'Académie  de  Vienne  fondée 
en  1847  et  devint,  en  1850,  professeur  de  littérature  ger- 
manique à  l'université  de  cette  ville  ;  mais,  n'étant  pas  ca- 
tholique, il  dut  donner  sa  démission  l'année  suivante.  En 
1854,  il-  rentra  à  la  Bibliothèque  impériale  dont  il  devint 
conservateur  et  sous-directeur.  En  1866,  il  fut  président 
de  l'Académie.  En  dehors  des  ouvrages  ci-dessus  indiqués, 
Karajan  a  publié  :  Michael  Behaims  Buch  von  den  Wie- 
nern  (Vienne,  1843)  et  Zehn  Gedichte  zur  GeschicMe 
OEsterreichs  und  Ungarns  {id.,  1849);  Seifried  Hel- 
bling  (Leipzig,  1843);  Deutsche  Sprachde7ikmale  des 
i2  Jahrhunderts  (Vienne,  1846)  ;  Wolfgang  Schmehls 
Lobspruch  der  Stad  Wien  (id.,  1849);  Mittelhoch- 
deutsche  Grammatik  (id.,  1850);  Abraham  a  sancta 
Clara  (id,,  1867),  etc.  —  Son  fils  Marc-Theodor^  né  à 


Vienne  en  1833,  est  devenu  professeur  à  l'université  de 
Graz.  Il  apublié  notamment  un  mémoire:  Uber  die  Hand- 
schriften  der  Scholien  zur  Odyssée  (Vienne,  1857). 

KARAKou  KÉRAK.  Bourg  de  Syrie,  autrefois  ville  im- 
portante et  capitale  des  Moabites  {Khâraka),  construit  sur 
un  rocher  au  pied  duquel  coule  le  ouadî  Karak,  tributaire 
de  la  mer  Morte.  Deux  constructions  massives  occupent  les 
coins  du  N.-O.  et  du  S.-O.  :  le  château  de  Bîbars  et  une 
citadelle  construite  vers  1130  par  le  roi  Foulques  d'An- 
jou. Karak  fait  partie  du  vilayet  de  Damas.  Elle  compte 
8,000  hab.  (1,800  chrétiens)  à  l'état  nomade.      A.  Guy. 

KARAKACH.  Rivière  du  Turkestan  chinois,  affluent 
gauche  du  Khotan-daria  ;  née  au  N.  du  col  de  Dehra-kom 
(monts  Karakoroum),  il  se  précipite  par  des  gorges  sinueuses 
et  des  défilés  profondément  encaissés,  longe  le  S.  des  monts 
Kouen-loun,  par  la  belle  vallée  de  Sariki  (sources  ther- 
males) et  franchissant  le  défilé  de  Chah-i-doula  (3,640  m.), 
entre  dans  la  plaine  de  Khotan  où  il  arrose  Karakach^ 
ville  de  5,000  hab.,  et  finit  en  aval  de  Khotan. 

KARAKAL  ou  KASKAL.  Ville  de  l'Inde,  présidence  de 
Madras,  à  40  kil.  N.  de  Mangalore;  3,500  hab.  Beaux 
monuments  élevés  par  les  Djaïnas,  dont  c'est  une  ville  sa- 
crée. 

KARAKAL  Ville  de  Roumanie,  ch.-l.  du  district  de  Ro- 
manatzi;  9,000  hab.  Le  30  mai  1854,  les  Turcs  y  défi- 
rent les  Russes. 

KARA-KALPAKS.  Peuplade  du  Turkestan  russe,  canton- 
née en  groupe  compact  dans  la  province  de  Syr-Daria  et 
disséminée  aussi  dans  d'autres  portions  de  ce  pays,  le  long 
des  rives  du  bas  Amou-Daria,  par  exemple,  dans  le 
Ferghana  et  la  vallée  du  Zerafchan.  Leur  nombre  est  di- 
versement évalué  de  4,000  à  100,000  suivant  que  les  sta- 
tistiques officielles  les  confondent  ou  non  avec  les  Kirghiz 
dont  ils  parlent  la  langue.  D'ailleurs,  même  comme  type 
physique,  ils  tiennent  le  milieu  entre  les  Kirghiz  et  les  Tur- 
comans.  Ce  sont  des  hommes  grands,  à  face  large  et  plate. 
Leur  nom  signifie  «  bonnet  noir  »,  par  allusion  à  leur 
haute  coiffure  en  peau  de  mouton.  Les  Kara-Kalpaks  sont 
doux  et  paisibles;  ils  s'occupent  presque  exclusivement 
de  l'élève  du  bétail  et  vivent  dans  les  tentes.   J.Deniker. 

KARAKOROUM  (Monts)  (V.  Aste). 

KARAKOROUM  ou  KARA-KHEEM.  Ancienne  capitale  de 
l'empire  mongol  de  Djengis  Khan  (V.  ce  nom  et  Mon- 
gols). Fondée  par  lui  dans  la  période  d'assimilation  avec 
les  Turcs,  elle  fut  abandonnée  par  ses  successeurs,  quand 
la  Chine  devint  le  centre  de  leur  empire.  Ses  ruines  exis- 
tent dans  le  pays  des  Khalkas  à  8  kil.  de  l'Orkhou,  par 
45«  lat.  N. 

KARA-KOUL.Nom  de  plusieurs  lacs  saumâtres  de  l'Asie. 
Le  plus  grand  de  ces  lacs  se  trouve  dans  le  Turkestan  russe, 
sur  le  plateau  de  Pamir,  au  S.  de  la  chaîne  de  Transalaï, 
par  39°  lat.  N.,  à  3,920  m.  d'alt.  Il  occupe  une  superfi- 
cie de  300  kil.  q.  Une  grande  île,  située  jadis  au  milieu  du 
lac,  est  rattachée  aujourd'hui  à  sa  rive  septentrionale  par 
une  langue  de  sable.  —  Un  autre  lac,  moins  important,  appelé 
petit  Kara-Koul  se  trouve  au  N.-O.  du  pic  de  Moustagh, 
sur  le  rebord  oriental  du  Pamir,  faisant  partie  du  Turkes- 
tan chinois.  — Enfin,  un  troisième  lac  Kara-Koul  se  trouve 
dans  la  province  de  Syr-Daria,  au  milieu  du  steppe  de 
Mouyoun-Koum.  C'est  le  reste  d'un  vaste  marécage  qui 
couvrait  jadis  plus  d'un  millier  de  kil.  q.         J.  Deniker. 

KARA-KOUM  (V.Asie,  t.  IV,  p.  102,  et  Turkestan). 

KARAKOYOULOU.  Dynastie  de  Perse  (V.  ce  mot). 

KARAMAN.  Ville  de  Turquie  d'Asie,  vilayet  de  Konieh, 
à  57  kil.  S.-E.  de  cette  ville,  sur  le  Gounderer-Sou, 
affluent  de  la  Ak-Gheul,  à  1,261  m.  d'alt.;  8,000  hab. 
Fabriques  d'étoffes  de  coton.  Belles  mosquées  (V.  Kara- 
manie). 

KARAMAN  (Mathieu),  théologien  dalmate,  né  au  com- 
mencement au  xiii^  siècle,  mort  en  1771.  En  1732,  il  fut 
j  envoyé  en  Russie  comme  missionnaire  apostolique  et  fut 
'   chargé  par  la  cour  de  Rome  de  reviser  les  missels  slavons  ; 


—  427 


KARAMAN  —  KARASOU 


il  y  introduisit  de  nombreux  russismes  et  sa  revision  fut  en 
général  assez  mal  accueillie  par  le  clergé.  L.  L. 

KARAMANIE.  Contrée  de  l'Asie  Mineure,  correspondant 
auli\'adeKoma  et  aux  anciennes  provinces  de  Lycaoniejsaii- 
rie,  Cataonie  et  à  une  partie  de  la  Cappadoce.  Ce  nom  peut 
d'ailleurs  être  étendu  atout  levilayet  deKonieh.  Ilestdû, 
comme  celui  de  la  ville  de  Karaman,  l'ancienne  Laranda, 
à  une  dynastie  turque  qui  y  forma  au  xiv*'  et  au  xv®  siècle 
un  Etat  considérable.  Son  origine  est  contemporaine  de 
celle  des  Osmanlis,  et  Karaman  se  disait  descendant  des 
Seldjoucides  ;  c'est  vers  4300  qu'il  fonda  son  empire.  La 
dynastie  fondée  par  lui  eut  six  autres  monarques.  Elle  fut 
en  rivalité  avec  celle  des  Osmanlis  pendant  trois  quarts 
de  siècle.  Ala-ad-din  fut  défait  à  Konieh  (1386)  par 
Mourad  P'',  Beau-frère  de  Bayézid,  il  fut  dépouillé  par  lui 
d'une  partie,  puis  de  la  totalité  de  ses  Etats,  après  la 
bataille  d'Aadjaï  (1390).  Lui-même  ou  ses  fils  firent  appel 
à  Timour-leng.  L'abaissement  des  Osmanlis  les  releva. 
Méhémet  combattit  Mohammed  P*"  et  brûla  Brousse  (1413); 
il  fut,  vaincu.  Karaman-oglou  enleva  Tarse  aux  sultans 
d'Egypte,  mais  la  reperdit  ainsi  que  sa  capitale  (1419)  et 
périt  en  combattant  les  Osmanlis  (1429).  Entre  leurs  re- 
doutables voisins  du  Nord  et  du  Sud  les  Karamaniens  se 
maintinrent  par  une  alternative  de  soumissions,  de  rébel- 
lions, d'alliances  avec  les  chrétiens.  Ibrahim,  fils  de  Méhé- 
met, lutta  contre  Mourad  II,  son  beau-frère,  qui  lui  par- 
donna, en  1431  et  en  1441.  Mohammed  II  fit  de  même 
en  1451.  Après  la  mort  d'Ibrahim,  deux  de  ses  six  fils  se 
disputèrent  la  Karamanie.Pir-hamed  l'emporta,  avec  l'appui 
de  Mohammed  II,  sur  son  aîné  Ichak  appuyé  par  la  Perse. 
Mais,  en  1467,  son  protecteur  annexa  ses  Etats  et  y  plaça 
son  fils  Moustafa  comme  vice-roi.  Le  prince  dépossédé  fut 
interné  à  Constantinople  et  y  mourut  en  1482. 

KARA  MUSTA FA,  grand  vizir  ottoman,  mort  à  Belgrade 
le  25  déc.  1683.  Fils  d'un  spahi,  il  fut  élevé  par  Moham- 
med Kœprili  dont  il  devint  le  gendre.  Il  se  distingua  en 
Crète  (1667-69),  succéda  comme  grand  vizir  à  son  beau- 
frère  Ahmed  Kœprili.  Fastueux  et  cruel,  il  était  peu 
capable.  Il  fit  la  guerre  à  la  Pologne,  cerna  Sobieski  sur 
le  Dniestr,  mais  lui  accorda  la  paix  (1680).  Marié  à  une 
fille  de  Mohammed  IV,  il  fut  chargé  de  soutenir  en  Hon- 
grie Tœkœly,  le  roi  vassal  des  Turcs  (1682).  11  vint 
mettre  le  siège  devant  Vienne  avec  une  armée  considé- 
rable. Le  siège  dura  de  juil.  à  sept,  i  683  ;  Kara  Mustafa 
retarda  l'assaut  pour  ne  pas  partager  le  butin  avec  ses 
soldats.  Il  laissa  le  temps  à  l'armée  de  secours  d'arriver 
et  fut  complètement  défait  au  Kahlenberg  le  12  sept.  Il 
s'enfuit  en  Hongrie,  rejeta  la  responsabilité  du  désastre 
sur  Ibrahim  pacha,  de  Bude,  qu'il  fit  décapiter.  Mais  une 
nouvelle  défaite  à  Parkany  (9  oct.  1683)  et  la  perte  de 
Gran  décidèrent  sa  perte.  Le  sultan  le  fit  étrangler. 

KARAiVIZINE  (Nicolas-Mikhaïlovitch),  célèbre  historien 
russe,  né  à  Mikhaïlovka  (gouvernement  de  Kazan)  le 
1^"^  sept.  1766,  mort  à  Pétersbourg  le  22  mai  1826.  Ses 
ancêtres  étaient  des  princes  tatares  ;  son  père,  comman- 
dant en  retraite,  l'éleva  avec  le  plus  grand  soin.  La  lec- 
ture de  romans  français  développa  en  lui  une  imagination 
ardente  et  une  grande  sensibilité.  Il  acheva  ses  études  à  la 
pension  Schaden,  à  Moscou.  A  quinze  ans,  ses  classes  ter- 
minées, il  entra  dans  l'armée  ;  il  la  quitta  après  la  mort  de 
son  père  pour  s'adonner  entièrement  à  la  littérature.  H  dé- 
buta par  des  traductions  de  l'allemand  et  du  français  :  la 
Jambe  de  bois  de  Gessner,  Emilia  Galotti  de  Lessing, 
Jules  César^  d'après  la  traduction  française  de  Letour- 
neur,  etc.  En  1789,  il  entreprit  un  voyage  à  l'étranger  afin 
«  de  compléter  son  éducation  et  de  se  rendre  compte  de  la 
position  et  de  l'influence  des  écrivains  en  Europe  »  ;  il  par- 
courut l'Allemagne,  la  Suisse,  la  France  et  l'Angleterre  et 
publia  ses  impressions  dans  les  Lettres  d'un  voyageur 
riisse^  livre  qui  eut  un  succès  considérable,  ruina  à  jamais 
l'école  pseudo-classique  et  fut  bientôt  accepté  par  tout  le 
monde,  comme  le  modèle  de  la  langue  et  du  style.  De  re- 
tour en  Russie  en  1791,  Karamzine  avait  fondé  le  Journal 


de  Moscou,  où  il  pubha  une  foule  de  nouvelles  et  de  tra- 
ductions :  la  Pauvre  Lise^  Nathalie,  la  Fille  de  Boyar, 
la  Henriade  de  Voltaire,  le  Roland  furieux  de  l'Arioste, 
le  Voyage  d'Anacharsis  de  Barthélémy,  Clarisse  de  Ri- 
chardson,  etc.,  puis  il  édita  divers  recueils  de  poésies, 
nouvelles  et  traductions  :  Aglaé,  le  Panthéon  des  écri- 
vains étrangers,  le  Panthéon  des  écrivains  russes,  etc. 
En  1802,  il  fonda  une  revue,  le  Messager  de  r Europe, 
puis  s'adonna  aux  questions  historiques  ;  il  publia  l'Eloge 
historique  de  Catherine  et  des  biographies  de  person- 
nages célèbres.  Nommé  historiographe  de  la  cour  en  1803, 
il  se  mit  à  étudier  les  manuscrits  des  monastères  et  les 
archives;  présenté  au  tsar  Alexandre  en  1810,  il  lui  lut 
son  Mémoire  sur  Vancienne  et  la  nouvelle  Russie,  En 
1812,  sa  bibhothèque  brûla  dans  l'incendie  de  Moscou  et 
c'est  à  peine  s'il  put  sauver  les  manuscrits  de  sa  grande 
histoire  de  l'empire  russe.  En  1815,  huit  volumes  étaient 
achevés  et  le  tsar  donna  60,000  roubles  pour  l'impression 
(1816-1818).  En  vingt-cinq  jours  3,000  exemplaires  furent 
écoulés.  «  L'impression  fui  grande,  écrit  Pouchkine,  et  toute 
la  société,  même  les  femmes  du  monde,  se  mit  à  lire 
l'histoire  de  la  patrie,  jusque-là  inconnue  ;  Karamzine  pa- 
raissait avoir  découvert  la  vieille  Russie,  comme  Colomb 
avait  découvert  l'Amérique.  »  L'ouvrage  strictement  con- 
servateur, véritable  glorification  et  justification  de  lauto- 
cratie,  plut  beaucoup  à  Alexandre  qui  fit  de  Karamzine  son 
conseiller  et  son  ami  ;  ce  fut  l'historien  qui  dissuada  le  tsar 
de  restaurer  le  royaume  de  Pologne,  dans  son  Opinion  d'un 
citoyen  russe  (1819).  La  mort  du  souverain  frappa  beau- 
coup Karamzine,  dont  la  santé  était  déjà  chancelante  ;  les 
médecins  l'engageaient  à  partir  pour  l'Italie  ;  Nicolas  avait  mis 
à  sa  disposition  une  frégate  et  l'avait  doté  de  50,000  roubles 
de  pension,  lorsque  la  mort  Patteignit  subitement  (1826). 
Karamzine  est  avec  Lomonosov  le  créateur  de  la  prose  russe  ; 
il  ouvre  la  voie  aux  écrivains  du  xix^  siècle.  Ses  oeuvres 
principales  furent  traduites  dans  toutes  les  langues  de 
l'Europe  ;  la  meilleure  traduction  de  son  histoire  est  celle 
de  Saint-Thomas,  Jauffretet  Divoff  (Paris,  1818-26).  Ont 
été  encore  traduits  en  français  :  Marpha  ou  Novgorod 
conquise,  traduction  de  J.-B.-P.  (Moscou,  1804,  réim- 
primée à  Genève,  1885);  le  Sensible  et  rindijférent, 
trad.  Arsène  Khvostov  (Pétersbourg,  1866)  ;  la  Pauvre 
Lise  (Paris,  1808,  et  Kazan,  1818)  ;  Lettres  d'un  voya- 
geur russe,  par  Legrelle  (Paris,  1886).  M.  M. 

BiBL.  :  PoGODiNE,  Biographie  de  Karamzine;  Moscou, 
1865.  —  PoLEvoï,  Histoire  de  la  littérature  7'usse,  2^  éd. 
—  L.  Léger,  la  Littérature  russe,  Paris,  1893. 

KARANGOTAK.  Ville  du  Turkestan  chinois,  sur  le  Kho- 
tan-daria,  au  N.  du  col  de  Naïa-khan  (monts  Kouen-Ioun, 
5,672  m.)  ;  elle  est  à  2,662  m.  d'alt.  et  compte  10,000 
hab.  dispersés  en  plusieurs  groupes. 

KARANGOULI  ou  CARANGOULl.  Ville  de  Plnde,  prési- 
dence de  Madras,  sur  le  chem.  de  fer  de  Madras  à  Pondi- 
chéry  ;  3,000  hab.  Ce  fut  une  des  places  fortes  principales 
du  Carnatic  au  xviii^  siècle  ;  occupée  par  les  Anglais  de 
1755  à  1757,  conquise  par  les  Français,  qui  la  reper- 
dirent en  1759,  peu  avant  le  désastr^e  de  Vandivach. 

KARANSEBES  (V.  Carânsebes). 

KARAS.  Rivière  de  Hongrie,  appelée  quelquefois  Krass(5. 
Elle  prend  sa  source  au  mont  Szevenik,  traverse  les  hau- 
teurs du  Banat  et  se  jette  dans  le  Danube  près  de  Uj  Pa- 
lanka,  après  un  cours  de  113  kil.  La  pente  est  trop 
rapide  pour  permettre  la  navigation. 

KARASOU.  Nom  moderne  donné  par  les  Turcs  au  Nes~ 
tus,  au  Strymon  et  au  Mêlas  des  anciens  (V.  ces  noms). 

KARASOU-Bazar.  Ville  de  Russie,  gouvernement  de 
Tauride,  au  pied  d'une  falaise,  le  long  du  Karasou,  petit 
fleuve  côtier;  11,000  hab.  Entourée' de  beaux  jardins, 
pittoresque  avec  ses  vingt-quatre  mosquées  et  minarets  et 
son  Tach-khan,  sorte  de'  château  entouré  d'une  muraille  de 
13  m.  de  haut,  elle  est  en  pleine  décadence.  Son  com- 
merce, fait  surtout  par  des  Arméniens,  porte  sur  la  laine, 
le  cuir,  les  manteaux  en  poil  de  chameau  {bourkas),  le 


KARASOU  —  KARAVANKAS 


—  428 


vin,  les  fruits,  le  tabac,  etc.  C'est  une  ville  très  ancienne 
qui  eut,  sous  les  Génois,  une  grande  prospérité.  Conquise 
par  les  Tataresau  xy® siècle,  parles  Russes  auxYin®,  elle 
fut  de  1779  à  1784  la  capitale  de  la  Crimée  russe. 

KARASOUK.  Rivière  de  Sibérie,  qui  se  perd  dans  le 
steppe  avant  d'atteindre  l'Irtych;  elle  a  480  kil.  de  long 
dans  le  gouvernement  de  Tomsk. 

KARASOUTZAS  (Jean),  poète  néo-grec,  né  à  Smyrne  le 
9  juil.  1824,  suicidé  le  3  avr.  1873.  Professeur  aux 
lycées  de  Nauplie,  puis  d'Athènes,  il  a  publié  des  poésies 
de  style  châtié  et  de  sentiment  très  patriotique,  dont 
l'énergie  n'exclut  pas  la  grâce.  Les  premières  parurent  dès 
1839  et  1840  :  Lyra  et  Musa  thelaluza;  puis  vinrent  : 
Eothinai  melodiai  {Chants  du  matins  en  1846)  ;  Poie- 
tikon  apaithioma  (Anthologie  métique^  1849);  Bar- 
bitos  (1860)  ;  Kleonike  (1868). 

KARAT  (V.  Carat). 

KARA-TAB.  Rivière  du  Turkestan  russe,  affluent  du  lac 
Balkach  ;  320  kil.,  elle  vient  de  l'Alataou  dzoungare 
(V.  Asie). 

KARA-TAOU.  Chaîne  de  montagnes  du  Turkestan  russe, 
ramification  extrême  vers  FO.  duThian-chan.  Elle  est  di- 
rigée du  S.-E.  au  N.-O.  entre  le  bassin  du  Syr-Daria  et 
celui  de  la  rivière  Tchou.  Son  point  culminant  dépasse  à 
peine  2,100  m.  de  hauteur.  On  y  trouve  quelques  gise- 
ments de  houille,  de  plomb  argentifère  et  de  minerai  de  fer. 

KARATAS  [Karatas  Adans.)  (Bot.).  Genre  de  Bromélia- 
cées, voisin  des  xAcacias,dontil  se  distingue  parles  sépales 
longs  et  étroits  et  l'inflorescence  en  sorte  de  capitule  ter- 
minal et  serré,  sessile  entre  les  Feuilles  supérieures,  sou- 
vent rouges  {nidularium)  qui  font  involucre  ;  les  fruits 
sont  oblongs  et  charnus.  Le  K.  Plumieri  Ed.  Morr.  (Bro- 
melia  Pinguin)  est  cultivé  en  Europe.  Les  Karatas  four- 
nissent des  fibres  textiles  et  la  moelle  des  tiges  s'emploie 
sous  le  nom  de  toi  en  guise  d'amadou.  Ils  sont  encore 
doués  de  propriétés  purgatives.  D''  L.  Hn. 

KARATASSOS,  patriote  grec,  né  à  Dobra  (Macédoine) 
en  1766,  mort  à  Naupacte  le  21  janv.  1830.  Armatole 
dans  la  Macédoine  méridionale  (1790-1821),  il  s'insurgea 
ouvertement  en  1822  contre  les  Turcs,  soutint  dans  Nausa 
un  siège  où  périt  son  fils  aîné,  se  fit  jour  avec  deux  autres 
vers  Missolonghi,  et  se  distingua  les  années  suivantes  à 
Peta,  en  Eubée,  à  Skiathos,  à  Schomolaka,  aux  Thermo- 
pyles.  —  Son  fils,  Demetrius  Tsiamis^  né  en  1798, 
mort  à  Belgrade  en  1861,  partagea  ses  épreuves  et  ses 
exploits,  fut  à  la  tète  des  insurrections  macédoniennes  de 
1841  et  1834,  puis  gouverneur  d'ArgoHde  (1836). 

BiBL.  :  Philippides,  Biogr.  {des  deux  Karatassos)  ; 
Athènes,  1879. 

KARATCHEV.  Ville  deRussie,  gouvernement  d'Orel,  sur 
le  Snejet,  affluent  gauche  de  la  Desna;  12,000  hab.  Hui- 
leries, cordages;  marché  agricole  (chanvre,  céréales,  etc.). 

KARATÉGHIN.  Principauté  vassale  du  khanat  de  Bou- 
kharie,  sous  le  protectorat  russe.  Elle  est  située  au  N.-O. 
du  plateau  de  Pamir,  entre  la  province  russe  de  Ferghana 
au  N.,  la  principauté  de  Darvaz  au  S.  et  celle  de  Hissar  à 
l'O.  Elle  occupe  une  superficie  de  21,300  kil.  q.  environ, 
et  l'on  y  comptait,  en  1884,  à  peu  près  600,000  hab.,  ré- 
partis en  312  «  kichlaks  »  ou  villages.  La  capitale  est  la 
petite  ville  à'Obi-Harm,  sur  le  Sourghab.  Le  Karatéghin  est 
un  pays  montagneux  de  2,000  m.  d'élévation  moyenne,  tra- 
versée dans  toute  sa  longueur  par  la  vallée  du  Sourghab  ou 
Ouakch,  aftïuent  de  droite  de  l'Amou-Daria.  C'est  dans  cette 
vallée,  région  la  moins  élevée  du  pays,  que  se  presse  la  po- 
pulation formée  en  grande  partie  de  Galtchas  ou  Iraniens 
restés  assez  purs  comme  race  à  cause  de  leur  isolement. 
En  effet,  les  montagnes  qui  entourent  le  Karatéghin,  et 
sur  les  pentes  desquelles  nomadisent  quelques  Kirghiz 
(13,000  en  tout),  ont  une  telle  hauteur  que  les  passes  les 
moins  élevées  se  trouvent  à  3,600  ou  4,000  m.  au-dessus 
du  niveau  de  l'Océan.  Aussi  toutes  les  coirununications 
avec  les  pays  voisins  sont-elles  interrompues  pendant  l'hi- 
ver (qui  dure  du  13  sept,  au  1^^  mai),  quand  la  neige,  très 


abondante,  obstrue  tous  les  cols.  L'été  est  court,  mais  assez 
chaud  (température  moyenne,  16  à  20°),  tandis  qu'en  hiver 
le  froid  dépasse  souvent  33*^  au-dessous  de  0. 

La  végétation  forestière  est  assez  pauvre  ;  le  bouleau, 
l'érable,  V  «  artcha  »  (sorte  de  genévrier),  le  pommier 
sauvage  se  rencontrent,  dispersés  de-ci  de-là,  sans  jamais 
former  de  bois  ni  même  de  bosquets.  Par  contre,  les 
pentes  des  montagnes  sont  couvertes  de  riches  prairies 
et  de  pâturages  qui  suffisent  non  seulement  aux  animaux 
domestiques  du  pays,  mais  attirent  encore  les  pâtres  des 
pays  voisins  (Darvaz,  Hissar),  qui  y  amènent  leurs  troupeaux 
de  moutons,  de  chèvres,  de  bœufs,  de  chevaux.  Aussi  le  Ka- 
ratéghin est-il  un  marché  important  de  bestiaux  où  viennent 
s'approvisionner  les  marchands  de  Boukharaet  de  Samar- 
kand. Parmi  les  animaux  sauvages,  le  tigre.  Tours,  le 
loup,  le  renard,  l'argali  (sorte  de  mouflon),  les  marmottes, 
les  sanghers  et  les  lièvres  sont  très  nombreux.  Isolé 
par  ses  montagnes,  le  Karatéghin  n'a  pour  ainsi  dire  pas 
participé  à  l'histoire  politique  des  nations  de  l'Asie  cen- 
trale. Aucun  des  grands  conquérants  n'a  pénétré  dans  ses 
défilés  à  travers  lesquels  les  tribus  iraniennes  ont  peuplé 
dans  les  temps  préhistoriques  la  haute  vallée,  apportant 
avec  eux  la  religion  de  Zoroastre.  iVussi  les  Karatéghinois 
sont-ils  les  représentants  les  plus  purs  du  type  iranien  ;  ils 
sont  d'une  taille  au-dessus  de  la  moyenne,  bien  pris,  élancés 
et  gracieux  ;  ils  ont  le  teint  basané.  Une  chevelure  abon- 
dante, noire  ou  châtain,  encadre  leur  visage  expressif  au 
nez  busqué.  Les  femmes  sont  parfois  très  belles.  La  langue 
des  indigènes  du  Karatéghin  se  rapproche  de  l'ancien  per- 
san beaucoup  plus  que  les  autres  idiomes  iraniens  actuels. 

Depuis  des  temps  immémoriaux  ces  montagnards,  gouver- 
nés par  des  chefs  élus  (chah),  étaient  indépendants.  Mais 
des  querelles  intestines  ont  tellement  affaibli  la  cohésion 
politique  dans  le  pays  que  l'émir  de  Boukhara  n'a  eu  au- 
cune peine  à  y  établir  sa  domination.  Depuis  1868,  le 
Karatéghin  fut  déclaré  vassal  de  l'émir  et  par  cela  même 
rentra  plus  tard  dans  la  sphère  de  l'influence  russe  en 
Asie  centrale. 

L'occupation  principale  des  habitants  est  l'agriculture  ; 
on  cultive  surtout  le  blé,  l'orge,  les  arbres  fruitiers,  etc. 
Les  Kirghiz,  récemment  immigrés  dans  le  pays,  élèvent  le 
bétail.  Dans  certains  endroits  on  exploite  les  gisements 
aurifères.  Le  tribut  annuel  payé  à  l'émir  de  Boukhara  est 
de  300,000  roubles  (environ  730,000  fr.).  Le  prince  de 
Karatéghin  est  un  souverain  presque  absolu;  le  pays  est 
divisé,  au  point  de  vue  administratif,  en  neuf  districts 
(amlakdar)  gouvernés  par  des  favoris  du  susdit  prince. 

J.  Deniker. 

BiBL.  :  KossiAKOF,  Notes  of  a  Journey  in  Karatéghin 
and  Darwaz  (trad.  du  russe),  dans  Proceedings  de  la  Soc. 
géogr.  de  Londres,  1880,  p.  32. 

KARATHEODORY  (Alexandre)  ou  ISKENDER  Pacha, 
homme  d'Etat  ottoman,  né  à  Constantinople  le  20  juil.  1833. 
Il  fit  à  Constantinople  et  à  Paris  des  études  brillantes  et  entra 
dans  la  diplomatie.  Après  avoir  occupé  divers  postes  dans 
les  principales  capitales  d'Europe,  il  fut  appelé  au  minis- 
tère des  affaires  étrangères  par  AoH  Pacha.  Sous-secrétaire 
d'Etat  en  1876,  élevé  au  titre  de  pacha  en  1878,  il  fut 
plénipotentiaire  de  la  Turquie  au  Congrès  de  Berlin.  11 
traita  ensuite  avec  l'Autriche  la  question  de  l'occupation  de 
la  Bosnie,  devint  gouverneur  de  Crête  et  (4  déc.  1878) 
ministre  des  affaires  étrangères.  Il  fut  créé,  en  1883, 
prince  de  Samos. 

KARATY6INE  (Vasili-Andreevitch),  célèbre  acteur  russe, 
né  en  1802,  mort  en  1853.  Il  excellait  dans  les  rôles  tra- 
giques et  a  traduit  un  certain  nombre  de  pièces  étrangères. 
—  Son  frère,  Pierre- Andreevitch,  né  en  1803,  mort  en 
1879,  fut  un  comique  de  premier  ordre.  Il  a  fait  jouer 
plusieurs  vaudevilles.  —  A  lexandra-Michaïlovîia  li^àra- 
tygina,  femme  de  l'acteur  tragique,  joua  à  Pétersbours:,  de 
1823  à  1843  :  elle  interpréta  surtout  les  rôles  de  Molière. 
f!- KARAVANKAS  ou  KARAWANKEN.  Montagnes  de  l'Au- 
triche, rameau  oriental  des  Alpes  Carniques  (V.  Alpes),  qui 


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KARAVANKAS  —  KARGER 


s'étendent  de  l'O.à  l'E.,  entre  la  Drave  et  la  Save,  du  val 
du  Gailitzbach  (route  ducoldeTarvis)  à  celui  du  Mirsling, 
formant  un  massif  ininterrompu  de  dOO  kil.  de  long;  le 
plus  haut  pic  est  le  Grintonz  (2,558  m,)  ;  au  centre  du 
Karavankas  passe  par  le  col  de  Loibl  (i,27o  m.)  la  route 
de  Laibach  à  Klagenfurt.  Ce  massif  calcaire  rosé,  profon- 
dément déchiqueté  et  très  escarpé  au  N.,  a  un  aspect  im- 
posant. 

BiBL.  :  Jaune,  Fûhrer  durch  die  Karawanken;  Vienne, 
1882. 

KARAVASSARAS.  Bourg  de  Grèce,  nome  d'Acarnanie  et 
Etolie,  ch.-l.  de  l'éparchie  du  Valtos,  sur  une  baie  au 
S.-E.  du  golfe  d'Arka  ;  il  fut  fondé  par  Ali  Pacha  qui  y 
transplanta  la  population  d'Ambracie. 

KARAVELOV  (Liouben),  écrivain  et  patriote  bulgare,  né  à 
Koprivchtitsa  (Bulgarie  du  Sud,  ancienne  Roumélie  orien- 
tale) en  1834,  mort  à  Rouslchouk  le  H  févr.  4879.  Il  fit  ses 
études  à  Philippopoli  et  à  Moscou.  Ilpubh'a  dans  cette  ville, 
en  4861,  un  Recueil  des  coutumes  populaires  bulgares^ 
puis  il  se  rendit  en  Serbie  où  il  collabora  à  divers  recueils, 
et  à  Bucarest  où  il  publia  le  journal  la  Liberté,  Après 
l'affranchissement  de  sa  patrie,  Karavelov  s'établit  en  Bul- 
garie. C'était  un  écrivain  pittoresque  et  l'un  des  créateurs 
de  la  prose  bulgare.  Ses  œuvres  complètes  ont  été  réunies 
par  sa  veuve  (Roustchouk,  4887,  8  vol.).  Elles  com- 
prennent des  nouvelles,  des  récits  et  un  volume  de  poésies. 

Pierre  (Petko)  Karavelov,  frère  du  précédent,  homme 
d'Etat  bulgare,  né  à  Kalofer  en  4840.  Il  fit  ses  études  en 
Russie  et  y  vécut  longtemps  comme  professeurlibre.  Revenu 
en  Bulgarie  après  l'affranchissement  de  sapatrie,  il  fut  nommé 
en  1879  vice-président  de  l'assemblée  nationale  de  Trnovo. 
Il  devint  ensuite  président  du  premier  Sobranié,  puis  en 
4880  ministre  des  finances  et  le  28  nov.  de  la  même  année 
président  du  conseil.  Le  47  avr.  4881,  il  céda  la  place  au 
général  russe  Ehrenroth.Il  entra  alors  dans  l'opposition  où 
il  joua  un  rôle  considérable.  Il  reprit  en  4884  la  présidence 
du  conseil  ;  c'est  sous  son  ministère  que  s'opéra  l'union 
de  la  Roumélie  orientale  avec  la  Bulgarie  (V.  Bulgarie, 
t.VIfl,  p.405).Quand  le  prince  Alexandre  fut  enlevé  par  un 
groupe  de  conspirateurs,  Karavelov  exerça  provisoirement 
la  régence,  et  quand  le  prince  quitta  définitivement  la  Bul- 
garie il  nomma  trois  régents  :  Karavelov,  Stamboulov  et 
Moutkourov.  Il  quitta  le  pouvoir  lors  de  l'avènement  du 
prince  Ferdinand  et  rentra  dans  l'opposition.  A  la  suite  du 
complot  du  major  Panitsa,  il  fut  compris  dans  un  procès 
pohtique  et  condamné  à  cinq  ans  de  prison.  Il  fut  amnistié 
en  4895.  L.  Léger. 

KARAZINE  (Nicûlas-Nicolaévitch),  écrivain  et  artiste 
russe,  né  dans  le  gouvernement  de  Khapkov  en  4842.  Il 
servit  dans  l'armée  jusqu'en  4874  et  prit  part  aux  expé- 
ditions des  Russes  dans  l'Asie  centrale.  Rentré  dans  la 
vie  civile,  il  se  consacra  à  la  littérature  et  à  l'art.  Il  exé- 
cuta par  l'ordre  de  l'empereur  des  tableaux  représentant 
des  épisodes  des  guerres  d'Asie.  L'un  des  fondateurs  de  la 
Société  des  aquarellistes  de  Péiersbourg,  il  a  pris  une  part 
importante  aux  expositions  de  cette  société.  lia  illustré  un 
certain  nombre  d'ouvrages,  notamment  le  Voyage  du  tsa- 
révitch en  Orient  (éd.  franc.  Paris,  4893).  Comme 
écrivain  il  a  publié  des  récits  de  voyages,  des  romans  :  les 
Pays  lointains  (Saint-Pétersbourg,  4875);  la  Course 
après  la  fortune  [id,,  4876);  Andron  Golouan  (id., 
4882);  la  Tigresse  (Moscou,  4882);  l^Ours  à  deux 
pattes  (Saint-Pétersbourg,  4886);  D'Orenbourg  à  Tach- 
kend  (id.,  4886),  etc. 

KARCHI  ou  NACKCHEB.  Ville  de  la  Boukharie,  chef-lieu 
de  district,  à  150  kil.  S.-E.  de  Boukhara,  sur  la  rivière 
Kachka  ou  Karchi  ;  25,000  hab.  C'est  la  deuxième  ville  du 
khanat,  aussi  bien  par  le  nombre  des  habitants  que  par  son 
commerce.  Elle  possède  de  nombreuses  fabriques  d'armes, 
de  couteaux,  d'ustensiles  en  métal,  etc.  Bien  bâtie, 
avec  des  rues  pavées,  elle  a  9  kil.  de  tour.  Une  citadelle 
la  domine.  La  campagne  environnante  est  bien  cultivée, 
surtout  en  tabac.  C'est  à  une  dizaine  de  kilomètres  à  l'O. 


de  Karchi  que  se  trouvait  Zendji-Saraï,  résidence  favorite 
de  Tamerlan.  A  une  époque  plus  rapprochée  de  nous,  un 
des  khans  euzbegs  fit  construire  près  de  cette  cité  un 
palais  autour  duquel  se  forma  la  ville  actuelle  de  Karchi. 
KARCH I  (Abou  Bekr  Mohammed  ibn  Al-Hoçein  A1-),  ma- 
thématicien arabe  du  xi«  siècle.  Il  dédia,  entre  4040et  4045, 
au  vizir  de  Bagdad,  Abou-Ghàhb,  deux  ouvrages  :  leKâfi- 
fil-hisab  (V.  ce  mot)  sur  l'arithmétique,  et  le  Fakhri  sur 
l'algèbre.  Wœpcke  (Paris,  4853)  a  donné  des  extraits  im- 
portants de  ce  dernier  ouvrage.  Al-Karchi  appartient  à  une 
école  qui  se  rattache  à  la  tradition  grecque  et  s'oppose  à 
une  école  rivale,  celle  de  son  contemporain  Al-Nasavi,  la- 
quelle, au  contraire,  adopte  de  préférence  les  méthodes  de 
l'Inde.  —  Le  Fakhri  contient  deux  parties  :  la  première 
enseigne,  d'après  les  principes  de  Diophante,  les  règles  pour 
la  solution  des  équations  déterminées  et  indéterminées  du 
premier  et  du  second  degré  ;  la  seconde  renferme  un  choix 
de  problèmes.  Il  donne  la  sommation  des  carrés  et  cubes 
des  nombres  entiers,  et  présente  les  démonstrations  sous 
forme  géométrique.  Enfin,  on  n'y  trouve  pas  de  symboles 
algébriques.  T. 

KARDEC  (RivAiL,  dit  Allan-)  (V.  Rivail). 

KARDITZA.  Ville  de  Grèce,  nome  de  Thessalie,  ch.-l. 
d'une  éparchie,  rive  gauche  du  Kalendji  ;  5,000  hab.  (le 
double  pour  la  commune  entière).  L'éparchie  compte  plus 
de  60,000  hab.  répartis  en  treize  dèmes. 

KARDORFF  (Wilhehm  de),  homme  politique  allemand, 
né  à  Neustrelitz  le  8  janv.  1828.  Un  des  chefs  du  parti 
de  l'empire  (conservateurs  libres)  au  Reichstag  ;  promoteur 
du  système  protectionniste,  il  le  réclama  dans  son  livre  : 
Gegen  den  Strom  (4875)  et  créa  pour  le  soutenir 
r  «  Union  centrale  des  industriels  allemands  ». 

KARÉLIENS  (V.  Caréliens  et  Finnois). 

KAREMA.  Station  de  l'Etat  du  Congo,  à  l'E.  du  lac  Tan- 
ganika,  par  6°  49'  lat.  S.  et  28°  44'  long.  E. 

KAREN.  Peuple  montagnard  de  l'Indo-Chine  occidentale, 
dont  les  différentes  tribus  sont  répandues  dans  le  Tenasse- 
rim,  le  N.-O.  du  Siam  et  dans  la  Birmanie.  D'une  façon  géné- 
rale, ce  peuple  est  divisé  en  trois  grandes  tribus  :  les  Sgaous, 
les  Pghos  et  les  Bghaï  ce  qui  veut  dire  «  blancs  »,  «  noirs  » 
et  «  rouges  »,  sobriquets  tirés  probablement  de  la  cou- 
leur des  vêtements.  Ces  tribus,  à  leur  tour,  se  subdivisent 
en  un  grand  nombre  de  clans.  Les  Kyengs  ou  Chins  des 
montagnes  de  l'Arrakan  ne  sont  autre  chose  que  des  Ka- 
rens  mélangés  aux  Birmans.  Pris  en  masse,  les  Karens 
sont  d'une  taille  au-dessous  de  la  moyenne  (4^64, 
d'après  Mason)  et  offrent  des  traits  intermédiaires  entre 
ceux  des  Malais  et  des  Laotiens  Ils  prétendent  être  venus 
du  Yun-nan  dans  la  région  qu'ils  habitent,  vers  le  v®  siècle 
de  l'ère  vulgaire.  Depuis  la  conquête  de  la  Birmanie  parles 
Anglais,  les  Karens  quittent  de  plus  en  plus  la  région 
montagneuse,  leur  habitat  primitif,  et  vont  s'établir  dans 
la  plaine  en  agriculteurs.  Néanmoins  ils  évitent,  comme 
par  le  passé,  le  contact  avec  les  Européens,  tout  en  se 
comportant  comme  de  loyaux  sujets  britanniques.  Sur 
4  million  de  Karens,  il  y  en  a  environ  400,000  qui  pro- 
fessent le  bouddhisme  et  à  peu  près  autant  qui  ont  embrassé 
soit  le  catholicisme,  soit  le  protestantisme.  Le  reste  se  con- 
tente de  ses  anciennes  croyances  animistes.  J.Deniker. 
BiBL.:  MrsMASOîi,  Civihzing Mountain Menor...  Mission 
among  the  Karens  ;  Londres,  1862;  et  autres  ouvrages  de 
cet  auteur,  ainsi  que  Sméaton,  The  Loyal  Karen  of  Bur- 
ma ;  Londres,  1886. 

KAREU  (Xavier)  (V.  Brzozowski  [Thaddée]). 

KARGALIK.  Villedu  Turkestan  chinois,  à  60  kil.  S.  de 
Yarkand,  au  croisement  des  routes  de  Khotan,  Leh  et  Tach- 
kourgan,  4,470  m.  d'alt.  ;  40,000  hab.  Fabrication  de 
vêtements  (kham).  Ancienne  forteresse. 

KAHGER  (Karl),  peintre  autrichien,  né  à  Vienne  le 
30  janv.  4848.  Elève  d'Engerth,  ses  premiers  tableaux, 
Bahnhofscene  (4873,  musée  du  Belvédère),  Der  Graben 
in  Wien,  eurent  un  vif  succès  et  lui  valurent  de  nom- 
breuses commandes  de  la  cour  impériale.  Karger  a  aussi 
donné  beaucoup  de  dessins,  d'aquarelles,  etc.  On  admire 


KARGER  —  KARLSBAD 


—  m 


surtout  son  sentiment  de  la  vie  moderne  et  l'expression  vi- 
^^ante  et  caractéristique  qu'il  sait  donner  aux  nombreuses 
figures  de  ses  tableaux. 

KARGOPOL.  Ville  de  Russie,  gouvernement  d'Olonetz, 
ch,-l.  de  district  sur  l'Ouéga,  au  N.  du  lac  Latcha  ; 
2,500  hab.  Dix-neuf  églises,  préparation  et  commerce  de 
fourrures,  surtout  de  peaux  d'écureuils.  Ville  très  ancienne, 
jadis  capitale  d'une  principauté.  —  Le  district  a  23,000 
kil.  q.  ;  très  boisé  et  semé  de  lacs,  il  n'a  que  3  hab.  par 
kil.  q. 

KARI  (Art  cul.).  Condiment  employé  en  guise  de  mou- 
tarde (V.  Condiment).  C'est  un  mélange  de  piment  (125  gr.), 
racine  de  curcuma  (100  gr.),  poivre  blanc  (15  gr.),  mus- 
cade (4  gr.),  girofle  (2  gr.)  finement  pulvérisé.  On  conserve 
cette  poudre  dans  des  flacons  bien  bouchés  ou  incorporée 
à  du  vinaigre. 

KARIBCHEBoRNOU.  Cap  du  Bosphore,  sur  la  côte  d'Eu- 
rope, à  25  kil.  N.-N.-E.  de  Constantinople.  A  ce  point 
le  Bosphore  s'élargit  considérablement.  Courants  violents. 

KARIEEV  (Nicolas-Ivanovitch) ,  historien  russe,  né  à 
Moscou  en  1850.  Il  est  devenu  en  1879  professeur  d'his- 
toire à  l'université  russe  de  Varsovie  ;  en  1 889  il  a  été 
nommé  à  celle  de  Saint-Pétersbourg.  Ses  principaux  tra- 
vaux sont  :  les  Paysans  français  et  la  question  agraire 
en  France  àia  fin  du  xv®  siècle  (Moscou,  1879);  Ques- 
tions fondamentales  de  la  philosophie  de  l'histoire 
(Moscou,  1883;  2°  éd.,  1887);  l'Evolution  littéraire 
en  Occident  (Voronèje,  1886);  la  Chute  de  la  Po- 
logne dans  la  littérature  historique  (Saint-Pétersbourg, 
1888);  et  divers  ouvrages  sur  la  Pologne  ;  le  Rôle  deja 
personnalité  dans  r histoire  (Moscou,  188î^),  etc.  Il  a 
contribué  à  la  fondation  de  la  Société  historique  de  Saint- 
Pétersbourg  et  publie  (en  russe)  une  revue  historique. 

KARIKAL.  Ville  de  l'Inde  française,  sur  la  côte  de  Co- 
romandel,  à  l'embouchure  du  Caveri.  Ce  fut  une  place  forte 
importante,  aujourd'hui  démantelée.  Elle  est  peu  peuplée, 
mais  ch.-l.  d'un  établissement  français  de  135  kil.  q., 
comptant  70,526  hab.  (en  1891).  Le  sol  est  très  fertile  et 
le  commerce  assez  actif  (7  à  8  millions  de  fr.)  ;  on  fabrique 
et  exporte  des  cotonnades  et  des  mousselines. 

BiBL.  :  D-*  GoDiiNEAu,  Etude  de  L'établissement  de  Kari- 
kal;  Paris,  1857,  in-8,  avec  cartes. 

KARIIVIATA  (Iles)  (V.  Carimata). 

KARI  MON  (Iles)  (V.  Carimon). 

KARIN  Mansdotter,  reine  de  Suède  (V.  Catherine). 

KARITH  ou  KERITH.  Sans  doute  l'un  des  torrents  de 
la  rive  gauche  (orientale  du  Jourdain),  qui  est  mentionné 
dans  la  légende  du  prophète  Ehe.  L'on  ne  saurait  déter- 
miner duquel  des  affluents  du  Jourdain  il  s'agit.  L'auteur, 
pour  faire  ressortir  l'intensité  de  la  sécheresse,  aurait-il 
voulu  désigner  un  gros  cours  d'eau,  tel  que  le  Yarmouk?  — 
On  a  assimilé  aussi  le  Karith,  sur  les  bords  duquel  séjourna 
Elie,  au  ouadi  El-Kilt  qui  arrose  Jéricho. 

KARJALAISET.  Nom  propre  finnois,  synonyme  de  Caré- 
lien  (V.  ce  mot). 

KARKENNAH  (V.  Kerkennah). 

KARKHI  (Al-)  (V.  KARcm). 

KARLA  (Lac  de).  Lac  de  Thessalie,  au  pied  du  Mavro- 
Vouai,  entre  l'Ossa,  le  Pélion  et  le  Karadagh;  78  kil.  q. 
Il  se  déverse  dans  le  Salamvryas.  Il  est  renommé  comme 
très  poissonneux  ;  c'est  l'ancien  lac  Bœbeis. 

KARLL  Localité  de  l'Inde  anglaise,  présidence  de  Bom- 
bay, district  de  Ponana,  près  de  Khandala.  Colline  de  grès 
où  est  creusé  à  771  m.  d'alt.  un  magnifique  temple  boud- 
dhiste (V.  Inde). 

KARLIN  (en  allemand  Karolinenthaï) ,T\\\q  de  Bohême; 
18,000  hab.  Cette  ville  est  en  réahté  un  faubourg  de  Prague 
auquel  elle  est  rattachée  par  un  tramvy^ay.  C'est  un  chef- 
lieu  de  cercle.  Karlin  est  une  ville  industrielle  fort  impor- 
tante. Elle  possède  de  nombreuses  usines  (machines,  pro- 
duits chimiques,  sucres,  tissus,  etc.). 

KARLIN  S  Kl  (François),  astronome  polonais,  né  à  Cra- 
covie  en  1830.  Élève  de  l'université  de  cette  ville,  il  a  été 


attaché  aux  observatoires  de  Cracovie  et  de  Prague  et  est 
devenu  professeur  à  l'université  jagellone,  directeur  de 
l'observatoire  de  Cracovie  et  membre  de  l'Académie  de  cette 
ville.  Il  a  écrit  en  allemand,  en  polonais  et  en  latin  de  nom- 
breux essais  sur  la  science  astronomique. 

KARLOUG-Tag.  Extrémité  orientale  des  monts  Thian- 
chan  (V.Asie),  dans  la  Mongolie  occidentale. 

KARLOUKOVO.  Village  de  Bulgarie,  au-dessus  d'un  dé- 
filé creusé  par  l'Isker  ;  ruines  d'anciens  camps  ou  châteaux 
romains,  byzantins,  etc. 

KARLOVAC  (Croatie)  (V.  Kârlstadt). 

KARLOVASSL  Ville  de  l'île  de  Samos  (Turquie  d'Asie), 
sur  la  côte  septentrionale  ;  4, 430  hab.  Ch.-l.  d'un  sandjak. 
Vin  muscat, 

KARLOVIC  (V.  Karlowitz). 

KARLOVO.  Ville  de  Bulgarie,  située  au  pied  des  Bal- 
kans, sur  la  Stura  Ruka;  8^000  hab.  Fabriques  d'essence 
d€  rose  et  de  passementerie. 

KARLOWICZ  (Jean),  savant  polonais,  né  à  Suborto- 
vitcha  (Lithuanie)  en  1836.  Il  fit  ses  études  à  Wilna  et 
à  Moscou  et  les  acheva  en  Allemagne.  Il  prit  à  Berlin  le 
titre  de  docteur  en  philosophie.  Il  avait  étudié  la  musique 
au  conservatoire  de  Bruxelles.  Ses  principaux  travaux 
sont  :  De  Boleslaï  primo  bello  Kioviensi  (Berlin,  1866), 
la  Légende  du  Juif  errant  (Varsovie,  1873);  Mélusme 
et  la  reine  Wanda  (id.,  1876);  Mémoire  sur  f  influence 
des  langues  orientales  sur  la  langue  polonaise  {Lewde, 
1884);  la  Chaumière  polonaise  (étude  de  linguistique  et 
d'archéologie;  Varsovie,  188i).Ila  fondé  en  1887  à  Var- 
sovie la  revue  Wisla  (la  Vistule),  particulièrement  con- 
sacrée à  l'étude  de  la  géographie  et  du  folklore  de  la  Po- 
logne et  des  pays  slaves.  Il  est  l'un  des  directeurs  de  la 
grande  Encyclopédie  polonaise  illustrée.  Il  a  collaboré  en 
outre  à  un  grand  nombre  de  recueils  scientifiques  polonais, 
à  VArchiv  filr  Slavische  Philologie,  etc.  L.  L. 

KARLOWITZ  (en  crod^iQ  Karlouic).  Ville  de  Croatie, 
comitat  de  Syrmie,  sur  la  rive  droite  du  Danube,  siège  du 
patriarche  serbe;  5,000  hab.  Ses  vins  sont  renommés. 
Karlowitz  est  surtout  célèbre  par  le  traité  qui  porte  son 
nom  et  qui  y  fut  conclu  le  26  janv.  1699  entre  l'Autriche, 
la  Pologne,  la  Russie  et  Venise  d'une  part  et  la  Porte  de 
l'autre.  Par  ce  traité  la  Porte  renonçait  à  ses  prétentions 
sur  la  Transylvanie  et  évacuait  la  Hongrie  où  elle  ne  gar- 
dait plus  qu'un  petit  terroire  entre  le  Tisza  et  la  Maros. 
La  Russie  gardait  Azov  ;  la  Pologne  rentrait  en  possession 
de  la  Podohe  et  de  l'Ukraine,  Venise  gardait  la  Morée  jus- 
qu'à l'isthme;  Leucade  et  Egine,  six  places  fortes  de 
Dalmatie,  et  les  îles  de  l'Archipel  qu'elle  possédait  avant 
la  guerre,  mais  rendait  Lépante  et  Preveza. 

KARLSBAD.  Ville  d'Autriche,  au  N.-O,  de  la  Bohème, 
sur  la  Tepl,  près  de  son  confluent  avec  l'Eger,  à  374  m. 
d'alt.  ;  11,000  hab.  Une  des  principales  stations  balnéaires 
de  l'Europe.  Elle  est  située  dans  une  profonde  vallée  très 
pittoresque  entre  des  monts  boisés  auxquels  s'accrochent 
les  maisons  auxquelles  ne  suffisent  pas  les  trois  étroits  val- 
lons du  fond.  La  rue  élégante  est  VAlte  Wiese^  à  gauche 
de  la  Tepl,  bordée  par  un  bazar  et  séparée  par  la  rivière  de 
la  'Neue  Wiese,  La  ville  et  les  environs  fabriquent  beau- 
coup de  porcelaine,  de  verrerie,  broderies  et  dentelles.  Les 
thermes  sont  fréquentés  depuis  le  xiv^  siècle.  Il  y  vient 
annuellement  30,000  personnes.  La  ville  remonte  à  l'em- 
pereur Charles  IV  qui  y  guérit  les  blessures  reçues  à  Crécy 
et  bâtit  un  château;  en  1370  fut  délivrée  une  charte  ur- 
baine. Joseph  I®''  déclara  Karlsbad  ville  libre.  Le  premier 
hospice  fut  édifié  en  1531  ;  celui  de  Miihlbrunn,  en  1762, 
par  Marie-Thérèse.  Lord  Ogiivie,  comte  de  Findlater,  at- 
tira à  Karlsbad  ses  compatriotes  et  embellit  la  ville. 

Conférences  de  Karlsbad.  —  Une  conférence  ou  con- 
grès tenu  à  Karlsbad  par  les  ministres  allemands,  du  6  au 
31  août  1819,  prépara  des  résolutions  votées  par  la  Diète 
fédérale  le  20  sept.  Leur  objet  était  de  réprimer  le  mouve- 
ment libéral  dans  les  universités  par  une  surveillance  des 
professeurs  et  des  élèves,  de  restreindre  la  liberté  de  la 


presse  en  soumettant  à  la  censure  tout  écrit  de  moins  de 
vingt  feuilles  d^impression,  d'annuler  l'art.  13  de  la  cons- 
titution fédérale,  lequel  promettait  aux  peuples  des  consti- 
tutions locales.  L'effet  de  ces  décisions  fut  considérable  sur 
la  politique  allemande.  Le  2  avr.  1848,  la  Diète  fédérale 
les  abolit  (V.  Allemagne  [Histoire]).  A. -M.  B. 

Eaux  minérales.  —  Hyperthermales ,  polymétallites , 
carboniques  fortes  (Rotureau),  leur  composition  varie  se- 
lon les  sources  qui  sont  très  nombreuses  ;  citons  le  Spru- 
del,  le  Schlossbrunnen,  le  Marktbrunnen,  le  Mùhlbrunnen, 
le  Theresienbrunnen,  le  Kaiserbrunnen,  tous  riches  en  sul- 
fate de  soude  (2,3  à  2,4  p.  4,000),  Les  eaux  se  prennent 
à  l'intérieur  ainsi  qu'en  bains,  bains  de  vapeur,  douches, 
bains  de  boue,  etc.  Elles  sont  utiles  surtout  dans  les  ma- 
ladies des  voies  digestives  et  de  leurs  annexes,  des  voies 
urinaires,  des  organes  génitaux  de  la  femme,  des  organes 
de  la  respiration  et  de  la  circulation  dans  le  rhumatisme, 
la  goutte,  l'obésité,  le  diabète  sucré,  les  fièvres  intermit- 
tentes, la  maladie  d'Addison,  les  névralgies,  les  empoi- 
sonnements métalliques,  etc.  D^  L.  Hn. 

BiBL.  :  Alavacek,  Kartsbad  in  geschichtlicher  medi- 
zinisctier  und  topographischer  Beziehung.  —  Prœkl, 
Gesch.  der  Stadt  Kàrlsbad,  1883.  —  Javorski,  Wirkun- 
gen  des  Karlsbader  Thermahvassers  ;  Leipzig,  1885.  — 
^GiDi,  Ausdem  Jahr  1819  ;  2°  éd.,  Hambourg,  1861, 

KARLSBURG  (V.  Karoly-Fejérvar) . 

KARLSHAMN  (V.  Carlshamn). 

KARLSKRONA  (Suède)  (V.  Carlscrona). 

KARLSRUHE.  Capitale  du  grand-duché  de  Bade  et  du 
cercle  du  même  nom,  à  8  kil.  du  Rhin,  418  m.  d'alt,  ; 
73,684  hab.  C'est  la  plus  jeune  ville  d'Allemagne.  Elle  doit 
son  origine  à  un  caprice  du  margrave  Karl-Wilhelm  ;  mé- 
content de  sa"  capitale  Durlach  et  épris  de  solitude,  il  se 
fit  bâtir  un  pavillon  de  chasse  dans  le  Hardtwald  (4745)  ; 
sur  un  plan  géométrique  furent  tracées  trente-deux  allées 
rayonnant  autour.  Quatre  ans  après,  on  comptait  2,000  hab. 
le  long  de  ces  avenues  ;  le  margrave  n'autorisait  que  des 
maisons  en  bois.  En  1751,  son  successeur,  Karl-Friedrich, 
bâtit  le  château  actuel.  La  ville  comptait  43,727  hab.  en 
4843.  Elle  eut  l'initiative  de  l'insurrection  de  4848  et  de 
la  contre-révolution  de  4849,  —  Karlsruhe  a  conservé  l'as- 
pect artificiel  de  son  origine.  La  vieille  ville  forme  un  éven- 
tail dont  les  rues,  représentant  les  branches,  convergent 
vers  la  place  du  Château.  Les  chalets  en  bois  à  un  étage 
ont  disparu  pour  la  plupart.  Dans  la  ville  neuve,  on  a 
renoncé  à  la  disposition  en  éventail  ;  mais  ce  quartier  aussi 
est  très  régulier  ;  son  élégance  moderne  est  due  à  l'archi- 
tecte Weinbrenner  et  à  ses  élèves.  Le  château,  bâti  de  4154 
à  4756  en  style  français,  est  monumental  ;  on  y  remarque 
le  Bleiturm  et  la  salle  de  Marbre.  Derrière  s'étend  un  beau 
parc  avec  jets  d'eau  et  statues.  On  peut  encore  citer  dans 
la  ville  le  palais  du  margrave,  œuvre  de  Weinbrenner,  le 
palais  législatif,  le  théâtre  et  le  musée  bâtis  par  Hubsch, 
l'hôtel  de  ville,  le  vaste  palais  des  expositions,  etc.  — 
Karlsruhe  est  le  chef-lieu  du  XIV^  corps  d'armée.  Les  ca- 
tholiques forment  les  2/5  de  la  population.  L'industrie  est 
assez  développée  :  bronze,  argenterie,  machines,  cuirs  et 
meubles  de  luxe,  tapis,  parfumerie,  cigares,  etc. 

KARLSTADT.  Ville  d'AUemaune,  royaume  de  Bavière, 
cercle  de  Franconie  inférieure,  à  droite  du  Main  ;  2,400  hab. 
Eglise  gothique. 

KARLSTAD  (Suède)  (V.  Carlstad). 

KARLSTADT  (en  croate  Karlovac,  en  magyare  Kdro- 
lyvdros).  Ville  de  Croatie  (comitat  d'Agram)  ;  6,000  hab. 
Elle  est  située  sur  la  Kulpa  et  le  chemin  de  fer  d'Agram  à 
Fiume,  et  est  le  siège  d'un  évêché  orthodoxe.  Ce  fut  jadis 
le  centre  commercial  de  ces  régions. 

KARLSTADT  (Andréas  (V.  Carlstâdt). 

KARLSTADT  (Johann)  (V.  Draconités). 

KARLSTEIN.  Château  de  Bohême,  situé  à  quelques  kilo- 
mètres du  S.-O.  de  Prague,  près  de  Beroun,surlalignede 
Prague  à  Furth.  Il  a  été  fondé  par  Charles  IV  en  4348  et 
construit  par  Mathias  d'Arras.  Il  devait  servir  à  garder 
les  joyaux  de  la  couronne,  les  archives  les  plus  précieuses 


—  -431   ~  KARLSBAD  —  KARNAK 

et  des  reliques.  Il  renfermait  deux  églises  et  deux  chapelles. 
La  garde  en  était  confiée  à  un  burgrave  spécial.  Par  respect 
pour  les  reliques  l'empereur  avait  défendu  qu'aucune  femme 
passât  la  nuit  dans  le  château,  et  construisit  aux  environs 
pour  l'impératrice  un  château  moins  important  appelé  Kar- 
îik.  Pendant  les  guerres  des  hussites,  les  Pragois  assié- 
gèrent vainement  Karlstein  en  4422.  En  4541,  après  l'in- 
cendie qui  détruisit  les  tabulée  regni^  le  château  reçut  un 
exemplaire  des  tabules  nouvelles  ;  l'autre  exemplaire  était 
déposé  à  Prague.  Rodolphe  II  fit  restaurer  Karlstein  avec 
magnificence.  Son  importance  déclina  à  partir  du  règne  de 
Ferdinand  II  qui  fit  transporter  à  Prague  les  insignes  et 
les  documents  dont  le  château  était  dépositaire.  Il  souf- 
frit beaucoup  pendant  la  guerre  de  Trente  ans  ;  les  églises 
furent  dépouillées  de  leurs  ornements.  Charles  IV  avait 
étabh  auprès  du  château  un  chapitre  qui  fut  dissous.  Il  y 
a  cependant  encore  aujourd'hui  un  doyen  de  Karlstein. 
Malgré  Fabandon  où  il  est  resté  depuis  deux  siècles,  le  châ- 
teau est  encore  un  des  monuments  les  plus  remarquables 
de  la  Bohême.  L.  L. 

BiBL.  :  MiKOVEC,  Die  hœnigllche  Burg  Karlstein;  Ve- 
nise, 1858. 

KARLSTEN  (Arvid),  graveur  en  médailles,  né  dans  le 
Vermland  en  4647,  mort  à  Stockholm  en  4718.  Il  mon- 
tra dès  son  enfance  un  goût  très  vif  pour  les  arts  plas- 
tiques. Grâce  à  des  amis  influents,  il  vint  bientôt  à  Stoc- 
kholm où  il  entra  à  la  Monnaie  comme  graveur.  En  4868, 
ses  protecteurs  l'envoyèrent  à  l'étranger.  Il  séjourna  long- 
temps en  France,  puis  passa  en  Angleterre,  où  il  fut  l'élève 
du  Français  Rœthier.  Rappelé  en  Suède  lors  du  couronne- 
ment* de  Charles  XI,  en  4672,  il  attira  rapidement  Fatten- 
tion  sur  lui  par  la  beauté  de  ses  médailles  et,  bientôt,  grâce 
à  son  talent,  mais  aussi,  semble-t-il,  grâce  aux  intrigues 
de  quelques  amis  tels  que  l'assesseur  Cronstrôm  et  autres, 
il  remplaça  comme  graveur  du  roi  l'Allemand  Meybush,  qui 
dut  quitter  le  pays.  En  4692,  il  fut  anobh,  mais  ne  modifia 
pas  son  nom.  —  On  loue  chez  lui  la  douceur  du  trait  qui 
ne  va  pas  sans  une  certaine  mollesse  et  la  ressemblance  des 
figures.  Après  sa  mort,  sa  riche  collection  de  médailles  fut 
mise  en  loterie,  en  mai  4749.  Th.  C. 

BiBL.  :  Gahms  Samlingar,  Om  Konstnarei\  vol.  I. 

KARIVIAKOULI.  Village samoyède  delà  Nouvelle-Zemble, 
sur  la  baie  Moller  (à  l'O.  de  Fîle  du  Sud),  à  l'embouchure 
de  la  Karmakoulka  ;  bon  port. 

KÂRMARSCH  (Karl),  savant  allemand,  né  à  Vienne  le 
47  oct.  4803,  mort  à  Hanovre  le  24  mars  4879.  Directeur 
de  l'Ecole  polytechnique  de  Hanovre  (4830-75),  il  a  publié 
un  célèbre  manuel  de  technologie  :  Haridbuch  der  mecha- 
nischen  Technologie  (Hanovre,  4837-44,  2  vol. ;  5^ éd.  par 
Hartig,  4875-76)  ;  parmi  ses  autres  ouvrages,  on  peut 
citer  :  Technisches  Wœrterbuch  (avec  Heeren,  Prague, 
4843-44,  3  vol.  ;  3^  éd.  par  Kick  et  Gintl,  4875  etsuiv.); 
Gewerbliches  Fragenbuch  (Stuttgart,  4867-72, 5  fasc); 
Gesch.  de?'  Technologie  (Munich,  4872),  5  vol.  de  sup- 
plément à  rencyclopéctie  technologique  de  Prechtl,  etc. 

BiBL.  :  K.   Karmarsch,  ein  Lebensbild  ;  Hanovre,  1880. 

KARMATES  (V.  Carmath). 

KARNABÂD  ou  KARIN-Abad.  Ville  de  Bulgarie  (district 
de  Roustchouk),  à  45  kil.  O.-N.-O.de  Bourgas,  à  220  m. 
d'alt.,  sur  un  plateau  qui  s'appuie  aux  contreforts  des  Bal- 
kans ;  5,000  hab.  Fabriques  de  drap  brun  et  de  mou- 
choirs à  fleurs  bigarrées.  Capitale  d'une  principauté  bul- 
gare au  xiii®  siècle. 

KARNâC  (Morbihan)  (V.  Carnac). 

KARNAK.  Les  noms  arabes  Karnak  et  Louqsor  dési- 
gnent l'ensemble  des  ruines  de  Thèbes,  disséminées  sur  la 
rive  droite  du  iNil.  Karnak  embrasse  dans  ses  quatre  en- 
ceintes de  briques  jusqu'à  onze  temples  de  différentes 
grandeurs  consacrés  pour  la  plupart  à  la  triade  thébaine, 
c.-k-d.à  Ammon,  Maut  et  Khons  ;  c'est  une  immense  réu- 
nion de  constructions  auxquelles  à  peu  près  tous  les  pha- 
raons, depuis  la  XIÏ®  dynastie  jusqu'aux  Ptolémées,  soit 
pendant  une  période  de  près  de  trois  mille  ans,  ont  apporté 
chacun,  je  ne  dirai  pas  sa  pierre,  mais  son  monument. 


KARNAK  —  KAROUiN 

Aussi  est-ce  un  étonnant  ensemble  d'édifices  qui  rayonnent 
de  tous  les  côtés,  entassement  inouï  de  constructions,  énor- 
mités  architecturales  sans  analogues  au  monde  et  qui  deman- 
dent une  demi-journée  pour  être  parcourues  à  cheval.  Un 
temple  se  compose  d'ordinaire  d'un  sanctuaire  précédé  d'une 
salle  à  colonnes,  devant  laquelle  s'ouvre  une  cour  à  laquelle 
on  accède  par  le  pylône  d'entrée.  A  ce  noyau  primitif  et 


482  -. 


normal  les  rois  de  la  XVIIl^  dynastie  ajoutèrent  deux  py- 
lônes, puis  ceux  de  la  XIX«  un  pylône  plus  imposant  encore 
et  cette  prodigieuse  salle  hypostyle  aux  134  colonnes, 
grosses  chacune  comme  la  colonne  Vendôme.  Au  pylône 
qui  donnait  accès  dans  cette  salle,  les  rois  de  la  XXIP  dy- 
nastie annexèrent  une  grande  cour  englobant  un  temple 
complet  précédemment  édifié  par  Ramsès  IH  et  un  autre 


Ruines  de  Karnak. 


plus  petit  de  Séti  IL  Enfin  cette  grande  cour,  œuvre  de  la 
XXÏI«  dynastie,  fut  fermée  par  un  pylône  dû  aux  Ptolé- 
mées.  Tous  ces  édifices  se  développaient  dans  l'axe  du 
sanctuaire  primitif,  c.-à-d.  de  l'E.  vers  rO.,mais  à  l'époque 
de  la  XVÏII*^  dynastie  on  eut  l'idée  de  relier  Karnak  à 
Louqsor  au  moyen  d'une  succession  de  cours  et  de  pylônes 
se  dirigeant  vers  le  S.,  soit  perpendiculairement  à^  l'axe 
du  plan  primitif,  et  partant  à  peu  près  entre  le  pylône  de 
Thoutmès  I^**  et  celui  d'Aménophis  III.  Le  dernier  des  py- 
lônes versle  S.  était  précédé  d'une  allée  d'un  millier  de  sphinx 
à  tête  de  bélier  sur  un  espace  d'une  demi-lieue,  allée  qui 
conduisait  à  l'entrée  du  temple  de  Louqsor.  Parallèlement 
au  dernier  des  pylônes  que  je  viens  de  mentionner,  mais 
plus  loin  dans  la  direction  de  TO.,  s'élevait  un  autre  py- 
lône donnant  accès  au  temple  de  Khons.  Paul  Pierret. 
BiBL.  ;  V.  Egypte.  —  Mariette,  Karnak;  Paris^  1875, 
avec  56  pi. 

KARNAOULou  KARNAL.  Ville  de  l'Inde  anglaise,  prov. 
de  Delhi,  rive  droite  de  la  Djemna  ;  30,000  hab.  Belle 
mosquée.  C'est  une  des  plus  vieilles  cités  de  l'Inde  arienne. 
Chef-lieu  d'un  district  de  6,091  kil.  q. 

KARNATIK.  Ancien  pays  de  l'Inde  (V.  Carnatic). 

KARNOUL  ou  KURNOUL.  Ville  de  l'Inde  anglaise,  ré- 
sidence de  Madras,  rive  droite  du  Toungabhadi-a,  affluent 
droit  du  Krichna;  26,000  hab.  Beaux  mausolées  musul- 
mans. Chef-lieu  d'un  district  de  18,000  kil.  q. 

KARNOVITCH  (Eugène-Petrovitch),  écrivain  russe,  né 
en  1822.  Apres  avoir  servi  dans  l'enseignement  et  l'admi- 
nistration, il  s'établit  à  Pétersbourg  en  1859  et  se  consa- 
cra entièrement  à  la  littérature.  Il  a  collaboré  à  un  grand 
nombre  de  journaux  et  de  revues  et  publié  notamment  la 
Question  juive  en  Russie  (Saint-Pétersbourg,  1864); 
Personnages  remarquables  ou  énigmatiques  du  xviii® 
et  du  xix^  siècle  (id.,  1864);  les  Grandes  Fortimesen 
Russie  [id, ,  1  b85)  ;  /<?  Tsarévitch  Constantin  Pavlov itch. 
Récits  historiques  (zc^.,1884);  les  Noms  de  famille  en 
Russie  {id,,ii%^)',  Nouvelles  historiques  (id,,  1887); 
la  Dentelle  de  la  cour  (id.,  1887). 

KARNS-Cny.  Bourg  des  Etats-Unis,  Pennsylvanie,  aux 
sources  de  l'Alleghanny ,  dans  le  centre  des  mines  de  pétrole. 

KARO.  Ile  de  Grèce,  l'une  des  Cyclades,  entre  Naxos  et 
Amorgos;  16  kil.  q.;  à  3  kil.  au  S.  est  Anlikaro. 

KAROK.  Tribu  indienne  de  la  Californie,  aux  limites  de 
rOregon,  dans  la  vallée  du  Klamath. 
BiBL.:  Po\\ERS,  TribesofCalifornia;  Washington,  1877 

KAROLATH-Beuthen  (V.  Carolath). 

KÂROLY  (Nagy).  Bourg  de  Hongrie,  ch.-l.  du  comitat 


de  Szathmâr  ;  12,500  hab.  partagés  entre  les  nationalités 
magyare,  allemande,  roumaine,  ruthène,  entre  les  églises 
catholique,  grecque,  luthérienne,  réformée.  Il  y  a  aussi 
beaucoup  de  juifs.  Le  commerce  du  blé  et  du  bétail  y 
donne  lieu  à  des  foires  renommées.  La  grandefamille  des 
Kârolyi  a  son  château  patrimonial  dans  le  voisinage. 

KAROLY-'Fejérvâr  (en  allemand  Karlsburg,\n  latin 
Alba  Julia,  nom  d'où  proviennent  et  l'autre  désignation 
magyare  de  Gyula-Fejérvdr,  et  l'autre  traduction  allemande 
de  Weisse7ikirg).Yi[[e6e  Transylvanie,  sur  la  rive  droite 
du  Maros.  On  distingue  la  ville  même  et  la  forteresse  qui 
la  domine.  La  ville  a  7,500  hab..  Roumains,  Magyars  ou 
Allemands,  occupés  surtout  à  l'élève  du  bétail  ou  à  la  cul- 
ture du  blé  et  de  la  vigne.  Elle  est  la  résidence  del'évêque 
catholique-romain  de  Transylvanie.  La  cathédrale  renferme 
des  tombeaux  de  la  famille  des  Hunyade  et  de  princes  du 
pays.  La  forteresse  doit  son  nom  à  l'empereur  Charles  VI, 
qui  la  fit  construire  en  1715,  sur  les  plans  du  prince  Eu- 
gène de  Savoie.  E.  S. 

KÂROLYI  (Aloys, comte),  diplomate  austro-hongrois,  né 
à  Vienne  le  8  ooût  1825.  Issu  d'une  noble  famille  magyare 
élevée  en  1712  à  la  dignité  comtale,  descendant  de  deux  feld- 
maréchaux  qui  avaient  combattu,  l'un,  le  comte  Alexandre, 
dans  la  guerre  de  la  succession  d'Espagne ,  l'autre,  le 
comte  Antoine,  dans  la  guerre  de  Sept  ans,  le  jeune  Aloys 
Karolyi  débuta  comme  attaché  d'ambassade  à  Berlin  dès 
1845.  Chargé  d'affaires  à  Athènes  en  1851,  puis  secrétaire 
d'ambassade  à  Londres,  il  reçut,  vers  la  fin  de  l'année 
1858,  une  mission  auprès  du  tsar  pour  lui  demander  son 
appui  contre  Napoléon  III  et  Victor-Emmanuel.  Ambassa- 
deur à  Berlin,  il  eut  à  discuter  avec  la  Prusse  victorieuse 
les  préliminaires  de  la  paix  de  Prague  (1866).  Pendant  sa 
seconde  ambassade  en  Prusse  (1871-78),  il  figura  au  con- 
grès de  Berlin.  Sa  carrière  active  se  termina  par  une  longue 
ambassade  à  Londres  (1878-88).  L.  L. 

KARON.  Tribu  du  N.-O.  de  la  Nouvelle-Guinée  (V.  ce 
mot),  que  Raffray  rattache  aux  Négritos. 

BioL.  :  Raffray,  Voy.  en  Nouvelle -Guinée,  dans  le  Tour 
dwMoncfe,  XXXVII,  1879. 

KAROND  ou  KALÂHANDI.  Principauté  de  l'Inde  cen- 
trale ;  9,700  kil.  q.;  150,000  hab.  Au  S.-E.  du  plat,  de 
Tchattigarch,  à  l'O.  des  Ghates  orientales,  aux  sources  de 
rindravati.  La  capitale  est  Djounagada  où  réside  le  radjah, 
Radjpout  tributaire  de  l'Angleterre  ;  près  de  la  moitié  des 
habitants  sont  des  Khonds. 

KAROO  ou  KARROU  (V.  Cap). 

KAROUN.  Fleuve  de  la  Perse  qui  prend  sa  source  dans 


les  monts  Zarda  (Zarda  Kouh),  chez  les  Laris  et  les  Bakh- 
tiaris,  traverse  toute  la  Susiane  ou  Khouzistan,  d'abord 
de  TE.  à  TO.  sur  un  parcours  de  près  de  200  kil., 
puis  du  N.  au  S.,  et  se  déverse  sur  la  rive  gauche  du 
Chatt-el-Arab,  en  aval  de  Bassora,  près  de  la  ville  de  Mo- 
hammeta,  après  un  nouveau  parcours  d'environ  250  kil. 

—  D'après  les  traditions  et  aussi  d'après  l'état  géolo- 
gique des  bouches  du  Chatt-el-Arab,  il  est  probable  que 
le  Karoun,  comme  le  Tigre  etl'Euphrate  et  peut-être  aussi 
comme  la  Kerkha,  se  jetait  autrefois  séparément  dans  le 
golfe  Persique.  Son  ancien  lit  s'est  encore  conservé  sous  le 
nom  de  Bahm-é-chir.  Le  Bahm-é-chir  se  subdivisait  lui- 
même  en  deux  branches  qui  subsistaient  encore  au  siècle 
dernier;  l'une  d'elles  s'appelait  Kobban  et  était  à  25  kil. 
de  la  première.  Depuis  environ  une  cinquantaine  d'années, 
il  n'y  a  plus  que  le  Bahm-é-chir  proprement  dit.  Actuelle- 
ment le  Karoun  est  rattaché  au  Chatt-el-Arab  par  un  canal 
artificiel,  le  Haffar,  de  5  kil.,  conduisant  à  Mohammera. 

—  Karoun  est  une  appellation  moderne  ;  les  Bakhtiaris 
l'appellent  Kouran.  Il  correspond  à  VEulaeus  des  Grecs 
et  des  Romains,  au  Nahar  Û-laï  des  tables  d'Assourba- 
nipal,  au  Ubel  ulaï  de  Daniel,  qui  plaçait  à  tort  la  ville 
de  Suse  sur  le  Karoun,  tandis  que  cette  ville  est  en  réalité 
sur  le  Chaour  (V.  Suse).  Les  deux  principaux  affluents  du 
Karoun  sont  la  rivière  de  Dizfoul  et  le  Chaour.  Ce  dernier 
a  été  confondu  par  les  géographes  grecs  avec  l'Euteus. 
Pline  mentionne  plusieurs  cours  d'eau  comme  le  Brixias, 
PAsylus,  TAdunas,  qui  auraient  été  des  affluents  de  FEu- 
laeus,  mais  ces  rivières  ont  sans  doute  disparu  dans  les 
sables  ou  changé  de  cours,  et  leurs  noms  •modernes  sont 
inconnus. 

Un  autre  fleuve  que  Ton  a  confondu  aussi  quelquefois 
avec  l'Eulseus  est  l'Hadypnus  (de  Pline),  dont  ie  nom  mo- 
derne est  Djerrahi,  qui  prend  sa  source  aussi  en  Elymée, 
mais  qui  se  jette  directement  dans  le  golfe  Persique  à  l'E. 
du  Bham-é-chir  et  à  FO.  du  Zohreh  (ancien  Oroatis) 
qui  forme  aujourd'hui,  comme  au  temps  de  Pline,  la  sépa- 
ration entre  le  Fars  et  le  Khouzistan.  —  Au  dire  de  Strabon 
l'eau  de  FEulaeus  passait  pour  plus  légère  que  l'eau  des 
autres  fleuves,  et  les  rois  de  Perse  n'en  buvaient  pas  d'autre  ; 
elle  est  en  tout  cas  beaucoup  plus  froide  que  celle  du  Tigre 
et  de  l'Euphrate  ;  les  voyageurs  modernes  ont  constaté 
qu'il  y  avait  une  différence  de  près  de  10°,  —  Dans  ces 
dernières  années  le  fleuve  a  été  ouvert  à  la  navigation  et 
au  commerce  britannique,  grâce  à  la  diplomatie  persévé- 
rante de  l'Angleterre.  E.  Diiouin. 

BiB)..  :  C.-A.  DK  BoDE,  Traaels  in  Lurlstan  and  Arabis- 
tan;  Londres,  1845,  2  vol.  in-8.  —  La  yard,  Description  of 
Khuzistan^  1846.  —  K.  Loftus,  Travels  and  researches  in 
Ctialdaea  and  Susia?ia,  1857.  —  Houtum  Sgiilinder,  A 
Journey  in  South-Western  Persia,  1877-78.  —  W.-F.  Ains- 
woRTH,  The  River  Karun,  1889,  in-8. 

KARPATES.  Grand  massif  montagneux  de  l'Europe  cen- 
trale, qui  se  développe  en  arc  de  cercle  entre  le  bassin 
moyen  du  Danube  et  la  plaine  de  l'Europe  orientale  (bas- 
sins de  FOder,  de  la  Vistule,  du  Dniestr  et  du  Bas-Da- 
nube). Cet  arc  de  cercle  de  1,200  kil.  enveloppe  la  plaine 
de  Hongrie  et  le  plateau  de  Transylvanie,  les  séparant  de 
l'Autriche  propre,  de  la  Moravie,  de  la  Galicie,  de  la  Rou- 
manie. Il  s'étend  depuis  la  région  de  Presbourg  sur  le  Da- 
nube, jusqu'à  celle  d'Orsova  sur  le  même  fleuve. 

Les  Karpates  sont  le  plus  important  système  montagneux 
de  l'Europe  centrale  après  celui  des  Alpes.  Ils  égalent 
presque  Fétendue  de  ce  dernier.  Selon  qu'on  y  comprend 
seulement  la  haute  montagne  proprement  dite,  ou  qu'on 
tient  compte  des  dépendances  (plateau  transylvain,  p.  ex.), 
on  évalue  leur  superficie  de  93,000  à  245,000  kil.  q.  La 
largeur  du  massif  varie  de  70  à  370  kil.,  mais  se  réduit  à 
une  douzaine  aux  premiers  contreforts  voisins  de  Presbourg. 
Les  plus  grandes  largeurs  et  les  plus  grandes  altitudes  se 
trouvent  dans  les  parties  occidentale  (massif  du  Tatra)  et 
orientale  (hautes  terres  de  Transylvanie).  Les  Karpates 
sont  très  isolés,  plongeant  à  peu  près  partout  sur  des 
plaines.  Vers  Presbourg  et  vers  Gran,  ils  font  vis-à-vis  aux 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —   XXI. 


—  433  —  KAROUN  —  KARPATES 

dernières  ramifications  des  Alpes  (monts  de  la  Leitha  et 
Bakonywald).  Au  S.,  ils  rejoignent  celles  des  Balkans; 
en  chacun  de  ces  points,  le  Danube  s'est  creusé  un  défilé. 
Enfin,  au  N.-O.,  ils  confinent  aux  monts  Sudètes,  dont  les 
sépare  seulement  la  dépression  où  naît  FOder.  Ils  forment 
entre  les  bassins  du  Danube  au  S.,  de  FOder  et  de  la  Vis- 
tule au  N.,  une  partie  de  la  grande  ligne  de  partage  des 
eaux  de  l'Europe  entre  la  Méditerranée  et  la  mer  Noire 
d'une  part,  la  mer  Baltique  et  l'Atlantique  de  l'autre.  Ce- 
pendant la  plus  grande  partie  du  massif  appartient  au  pre- 
mier de  ces  bassins. 

L'unité  des  Karpates  n'existe  qu'au  point  de  vue  de  la 
géographie  ;  elle  est  un  peu  factice,  car  en  réalité  on 
groupe  sous  ce  nom  des  régions  géologiques  et  orogra- 
phiques fort  distinctes  et  qui  ont  bien  des  points  communs 
avec  celles  des  Alpes  (V.  Autriche,  §  Géologie).  On  peut 
diviser  les  Karpates  en  trois  parties;  deux  puissants  mas- 
sifsauN.-O.  et  au  S.-E.,  reliés  par  une  chaîne  intermé- 
diaire :  d**  le  Karpate  occidental;  2° le Karpate  oriental  ou 
Karpate  boisé  (  Waldgebirge)  ;  3°  le  massif  de  Transylvanie. 

Le  Karpate  occidental  s'étend  depuis  le  Danube  jus- 
qu'aux vallées  de  la  Poprad  et  de  la  Tofda  ;  le  Karpate 
boisé  ou  oriental  de  cette  dépression  aux  vallées  de  la 
Bystrica  (Bistritz)  et  du  Visso  (affluent  de  la  Tisza  supé- 
rieure) ;  le  massif  de  la  Transylvanie,  de  cette  double 
vallée  jusqu'au  Danube. 

Le  Karpate  occidental  forme  un  vaste  massif  essentiel- 
lement formé  par  le  massif  du  Tatra  ou  Karpate  central, 
duquel  beaucoup  de  géographes  distinguent  le  Karpate  oc- 
cidental proprement  dit,  alignement  extérieur  qui  entoure 
l'autre.  Leur  constitution  géologique  diffère.  Le  plus  simple 
est  d'indiquer  les  différentes  chaînes  qu'on  groupe  sous  cette 
appellation  de  massif  occidental.  —  En  premier  lieu  le  Pe- 
tit Karpate,  dominant  le  défilé  du  Danube  qu'on  appelle 
Porte  de  Hongrie,  entre  Hainburg,  Theben  et  Presbourg  ; 
ses  plus  hauts  sommets  sont  le  Rachsturm  (740  m.)  et  le 
Bradlo  (815  m.).  —  II  se  continue  au  N.  de  laMiava  entre 
le  Vag  (Waag)  qui  les  sépare  du  Karpate  central  et  la 
March  (Morava)  par  le  Belagora  ou  montagne  Blanche, 
qui  doit  ce  nom  à  la  blancheur  de  ses  rocs  dolomitiques  ; 
là  sont  la  Javorina  (967  m.),  le  col  de  Lisza  (ch.  de  fer), 
la  Wysoka  (1,020  m.),  le  Javornik  (857  m.).AuN.-0.  de 
cette  chaîne,  au  N.  du  Waag,  est  celle  des  Bieskides  ou 
Beskides,  que  le  col  de  Jablunka  (601  m.)  divise  en  Bies- 
kides occidentales  et  orientales.  Les  premières  renferment 
le  Bieskid  (947  m.),  le  Magurka  (1,153  m.),  le  Smerk 
(1,339  m.),  leKnicin  (1,253m.), le  Radhost(l,135  m.), 
la  Lissa  Gora  (1,320  m.)  et  la  Barania.  A  l'E.  du  col  de 
Jablunka,  par  où  passe  le  chemin  de  fer  d'Oderbergà  Kos- 
chau,  qui  relie  la  Silésie  et  la  Hongrie,  les  Bieskides  orien- 
tales forment  le  rebord  extérieur  enveloppant  le  grand 
massif  du  Tatra  dont  les  séparent  les  vallées  de  FArva  et 
du  Dunajec  ;  elles  s'étendent  du  col  de  Jablunka  à  la  vallée 
de  la  Poprad  (affluent  du  Dunajec)  ;  on  y  remarque  le  Pilsko 
(1,557  m.),  le  Babia  Gora  (1,725  m.),  le  Lubjenberg 
(1,264  m.).  On  peut  regarder  comme  leur  limite  le  dé- 
filé de  Leluchov  par  lequel  passe  de  Tarnov  à  Eperies  le 
chemin  de  fer  qui  joint  les  vallées  de  la  Poprad  et  du  Her- 
nad  ;  on  y  comprend  la  montagne  située  à  l'E.  du  Hernad 
entre  cette  rivière  et  la  Topla  (Tapola)  au-dessus  de  Bart- 
feld.  —  A  l'intérieur  du  demi-cercle  décrit  par  la  rangée 
extérieure  du  Karpate  occidental  est  le  puissant  massif 
du  Karpate  central  qui  couvre  le  N,-0.  de  la  Hongrie  de- 
puis le  Vag  (Waag)  jusqu'à  la  Topla,  du  Danube  jusqu'au 
Dunajec,  sur  une  longueur  de  250  kil.  et  une  largeur  de 
190  kil.  (non  compris  la  chaîne  que  nous  venons  de  dé- 
crire) . 

La  masse  principale  est  au  N.,  dominant  la  vallée  du 
Vag  supérieur  de  ses  chaînons  parallèles  ou  rayonnant  en 
éventail.  On  y  distingue,  au  centre  de  chaînons  secondaires, 
le  Haut-Tatra,  qui  dresse  ses  murailles  de  gneiss  et  de 
granit  à  1,900  m.  au-dessus  des  vallées  environnantes; 
long  de  60  kil.,  large  de  15  à  25  kil.,  à  peine  entaillé  par 

28 


KARPATES 


»-  434  — 


de  profondes  gorges,  il  a  un  aspect  imposant,  bien  que 
ses  dômes  ou  ses  arêtes  ne  soient  revêtues  d'aucun  glacier. 
Leur  beauté  sauvage  est  due  en  partie  à  cinquante-huit 
petits  lacs,  qu'on  appelle  les  «  yeux  de  la  mer  »  (Morske 
Oka);  leurs  eaux,  bleu  foncé  ou  vertes,  sont  souvent  ge- 
lées jusqu'en  juillet,  car  ils  sont  à  des  ait.  de  4,400  à 
2,025  m.  Ces  lacs  offrent  un  aspect  romantique,  dormant 
au  milieu  de  chaos  pierreux,  sans  arbres  ni  végétation,  au 
pied  de  falaises  rocheuses  ou  au  fond  d'entonnoirs.  Les 
sources  sont  rares.  Les  principaux  sommets  du  Tatra  sont  : 
le  Rohacz  (2,225  m.),  dolomitique  à  l'O.  ;  au  centre,  le 
Grand-Krivan  (2,500  m.),  granitique  comme  le  Gerlach- 
falva  ou  Gerlsdorf  (2,659  m.),  à  l'E.,  le  point  culminant 
du  massif  et  de  tous  les  Karpates  ;  au  N.-E.  de  celui-ci 
est  le  Lomnicz  (2,639  m.),  qui  l'égale  presque;  on  peut 
encore  citer  la  Tour  de  l'Eisthal  (2,628  m.),  le  Visoka 
(2,535  m.)  ou  Tatra  proprement  dit,  les  pics  de  Schla- 
gendorf  (2,478  m.)  et  Ksesmark  (2,534  m.),  etc.  Parmi 
les  lacs  les  plus  célèbres  sont  :  les  cinq  lacs  au  pied  de 
l'Eisthal,  le  lac  Vert,  à  1,558  m.,  ou  pied  du  mont  Lom- 
nicz et  le  lac  des  Poissons,  le  plus  grand  (35  hect.,  60  m. 
de  profondeur),  d'où  sort  la  Bialka  (affluent  du  Dunajec). 
Le  Tatra  qui  est  le  plus  central  des  grands  massifs  monta- 
gneux de  l'Europe,  joue  un  assez  grand  rôle  dans  son  cli- 
mat et  son  hydrographie  ;  au  N.,  il  arrête  les  vents  glacés 
de  la  plaine  et  de  l'Océan  polaire  ;  au  S.,  les  vents  tempérés 
du  midi.  Le  contraste  est  saisissant  entre  ses  deux  versants. 

A  rO.  du  Haut-Tatra  sont  les  monts  calcaires  de  la 
Magura  de  l'Arva  ;  à  l'E.  la  Magura  de  Szepes,  granitique 
et  calcaire,  formant  une  «  Suisse  hongroise  ». 

Dans  les  premiers  on  remarque  les  dômes  boisés  du  Pe- 
tit-Fatra,  où  culmine  le  Petit  Krivan  (4,667  m.).  —  Au 
S.  du  Haut-Tatra  s'étend  un  alignement  parallèle,  celui 
du  Tatra  inférieur  ou  Petit-Tatra  (Nizna  Tatra),  séparé  du 
premier  par  la  vallée  du  Vag  et  borné  au  S.  par  celle  du 
Gran.  Le  calcaire  y  recouvre  un  noyau  cristallin;  les 
principaux  sommets  sont  le  Djumbirou  Gyomber  (2,043  m.) 
et  le  Kralova  hola  ou  Kœnigsalm  (4,940  m.),  revêtu  de 
forêts  et  de  belles  prairies.  A  l'O.,  il  est  séparé  par  le  col 
de  Sturec  (ch.  de  fer)  du  Grand-Fatra  (4,776  m.)  et  du 
Krizna  (4,572  m.).  Ceux-ci  se  rattachent  par  delà  la  val- 
lée du  Turocz  aux  montagnes  comprises  entre  le  cours 
inférieur  du  Gran  et  du  Vag,  des  deux  côtés  du  val  de  la 
Nyitra  :  au  N.  de  celle-ci  sont  le  Velkaluka,  le  Klak  ou 
Nahenstein  (4,333  m.),  entre  le  Gran  et  le  Nyitra  les  monts 
de  Nyitra  avec  le  Ptacnik  (4,343  m.),  le  Zabor  (4,344  m.)  ; 
entre  la  Nyitra  et  le  Vag,  les  monts  d'inovce  ou  Innovecz 
et  de  Freistadl:  avec  le  Vapec,  l'inovce  (4,054  m.),  le  Ja- 
vorina,  le  Rokos,  etc.  Au  S.  du  Petit-Tatra,  entre  le  Gran 
et  ripoly,  s'élèvent  les  monts  de  Zolajom  ou  Sohl  avec  la 
Polana  (4,445  m.),  puis  une  vaste  région  volcanique  ; 
parmi  ces  monts  formés  surtout  de  trachyte  et  de  tuf  tra~ 
chytique,  on  remarque  le  mont  Osztroski  ou  Ostrovsky 
(4,445  m.)  et  le  Sitno  (4,030  m,).  Cette  région  est  très 
riche  en  gisements  métalliques,  particulièrement  autour  de 
Selmecz  (Schemnitz),  et  les  Allemands  lui  ont  donné  le 
nom  d'Erzgebirge  (Monts  Métalliques)  de  Hongrie,  que 
l'on  étend  quelquefois,  à  tort,  à  tout  l'ensemble  du  massif 
du  Karpate  occidental.  —  Au  S.-E.  et  à  l'E.  des  Tatra 
sont  les  hauteurs  de  Gœmœr  et  de  Szepes,  principalement 
calcaires,  remarquables  par  leurs  richesses  métalliques  et 
leurs  grottes  glaciaires  ou  à  stalactites  de  Szadelœ,  Szilicze, 
Aggtelek,  etc.).  Leurs  monts  principaux  sont  le  Fabova 
hola  (4,444  m.)  et  le  Revacka  hola  (4,394  m.),  le  Volo- 
vec,  le  Bicres,  et  au  N.-O.  d'Eperies  le  Visoka  hola;  le 
plus  septentrional  est  le  Repizko  (4,250  m.).  Ils  se  pro- 
longent vers  l'E.,  par  les  monts  de  Torna  (Tegarn,  I{ac- 
sik,  etc.).  Le  Karpate  occidental  dépasse  la  vallée  du 
Hernad,  car  au  delà  de  celle-ci  la  région  jusqu'au  Tapoly 
et  à  la  Tisza  est  encore  très  accidentée  par  les  soulève- 
ments trachytiques  de  l'Regyalja  ;  au  N.  de  ceux-ci,  vers 
Eperies,  sont  les  monts  Sovar  (1,083  m.);  au  S.  l'He- 
gyalja  proprement  dit  (508  m.)  porte  les  fameux  vignobles 


de  Tokai.  —  La  partie  méridionale  du  massif  du  Karpate 
occidental  forme  entre  l'Ipoly  et  la  Zagyva  les  monts  de 
Nograd  ou  Neograd,  en  majeure  partie"^  trachytiques  ;  le 
principal  sommet  est  le  Hideg-Hegy,  mais  il  faut  citer  aussi 
ceux  qui  dominent  le  défilé  du  Danube  autour  de  Visegrad. 
A  l'E.  de  la  Zagyva,  à  l'O.  d'Eger  (Erlau)  s'élèvent  les  pit- 
toresques monts  Matra  (4,009  m.)  dont  les  cônes  trachy- 
tiques dominent  la  plaine  hongroise  ;  on  y  remarque  le 
montDasko.  Au  N.-E.  d'Eger,  entre  cette  ville  elle  Sajo, 
se  trouvent  les  monts  Bikk,  formés  de  grauwacke  et  re- 
vêtus d'épaisses  forêts. 

Le  Karpate  boisé  ou  oriental  est  un  prolongement 
sud-oriental  des  Bieskides,  adossé  aux  hautes  terres  de  la 
Galicie  et  de  la  Bukovine,  qui  relie  le  massif  du  Karpate 
occidental  à  celui  du  Karpate  méridional  ou  quadrilatère 
de  Transylvanie.  On  désigne  parfois  cette  chaîne  sous  le 
nom  de  Matra.  Elle  est  relativement  basse,  ayant  à  peine 
le  caractère  montagneux  ;  elle  est  constituée  par  une  série 
de  courts  chaînons  parallèles  formés  de  flysch  et  de  ter- 
rains crétacés.  On  y  remarque  le  Strib  (4,044  m.),  le 
Rawka  (1,303  m.),' le  Halicz  (4,335  m.)  ;  en  avant,  se 
trouve,  au-dessus  d'Ungvar,  le  Dyil  (4,074  m.)  ;  du  côté 
de  la  Galicie  est  le  mont  Szymaniec  (4,432  m.);  à  l'O. 
de  ces  sommets  la  vallée  de  la  Leborcza  ouvre  un  premier 
passage  (ch.  de  fer)  donnant  accès  par  le  col  de  Duklava 
dans  la  vallée  du  San  (au  N.).  Mais  le  principal  passage 
s'ouvre  par  le  col  de  Vereczke,  vers  les  sources  de  la 
Stryi,  entre  sa  vallée  et  celle  de  la  Latorcza  au  S.  En  ce 
point,  la  route  de  Stryi  (Galicie,  565  m.  d'alt.)  à  Munkacs 
(Hongrie,  452  m.)  franchit  le  faîte  à  l'ait,  de  670  m. 
Cette  dépression  a  été  la  grande  route  d'invasion  par  la- 
quelle ont  pénétré  dans  la  plaine  danubienne  les  conqué- 
rants de  la  plaine  septentrionale  et  orientale.  Elle  a  privé 
les  occupants  successifs  des  fertiles  districts  de  la  Tisza  et 
du  Danube  de  la  sécurité  que  semblait  leur  assurer  le  rem- 
part des  Karpates.  Au  S.-E.  des  sources  de  la  Stryi,  les 
hauteurs  se  relèvent  rapidement  et  reprennent  le  caractère 
montagneux  ;  aux  chaînons  crétacés  se  mêlent  quelques 
monts  volcaniques.  Les  sommets  majeurs  sont  le  Popa- 
dia  (1,742  m.),  le  Sewola  (4,848  m.),  le  Duboczanka 
(4,757  m.).  Aux  sources  de  la  Tisza  noire,  le  col  de 
Kœrœsmezœ  ne  s'abaisse  qu'à  4,037  m.  Il  est  dominé  par 
le  Czernahora  (2,042  m.  et  2,058  m.  du  mont  Howerla); 
citons  encore  le  Rusky,  la  Bistra  (4,814  m.),  le  Pop  Ivan 
(4 ,925  m.),le  Dzumalau  (4 ,853  m.),  le  Farcheu  (4 ,964  m.). 
Au  S.  de  la  chaîne  principale  s'élèvent,  au-dessus  de  la 
vallée  de  la  Tisza,  des  avant-monts  trachytiques  qui  attei- 
gnent 4,058  m.  au  mont  Varlo. 

Le  massif  de  Transylvanie  forme  un  quadrilatère 
assez  régulier  enveloppant  une  haute  plaine  ou  plateau 
tertiaire  de  ses  roches  cristallines,  paîéozoïques,  volca- 
niques, jurassiques  et  crétacées.  A  FE.  s'étend  la  plaine 
alluviale  de  la  Moldavie;  au  S.,  la  plaine  alluviale  de 
laValachie;  à  FO.,  la  plaine  alluviale  de  la  Hongrie; 
à  l'angle  septentrional,  les  terrains  crétacés  et  volca- 
niques des  Karpates  ;  à  l'angle  S.-O.,  les  contreforts  des 
massifs  balkaniques.  En  somme,  la  Transylvanie  se  pré- 
sente comme  une  sorte  de  citadelle  qui,  sur  les  neuf 
dixièmes  de  son  pourtour,  domine  de  vastes  plaines. 
—■  La  chaîne  septentrionale,  entre  les  vallées  du  Szamos 
et  de  la  Tisza,  comprend  les  monts  Rodna  à  partir  du 
col  de  Borgo-Prund  (4,496  m.);  leurs  pics  majeurs 
sont  le  Pietrosu  (2,305  m.)  et  l'Ineu  ou  Kuhhorn 
(2,284  m.),  formé  de  micaschistes.  A  l'O.,  ils  se  conti- 
nuent par  les  monts  Lapos  avec  le  Cziblesiu  (4,842  m.)  et 
le  Gutin  (4,434  m.).  —  Le  rempart  occidental  est  médio- 
crement élevé  et  rompu  en  plusieurs  endroits  par  les  ri- 
vières qui  emportent  les  eaux  de  la  haute  plaine  transyl- 
vaine :  le  Szamos,  les  trois  Kœrœs,  le  Maros.  Nous  trouvons 
donc  là  une  série  de  petits  massifs  ou  de  chaînons  distincts  : 
monts  de  Bukk  ou  Kraszna  (794  m.  au  Varatyek)  ;  monts 
de  Rez  au  N.  du  Kœrœs  rapide  avec  le  Desunoiului 
(986  m.)  ;  entre  le  Kœrœs  rapide  et  le  Kœrœs  noir  sont 


le  Vlegyasza  (1,847  m.),  les  monts  Bihar,  dont  les  cal- 
caires, creusés  de  grottes  nombreuses,  sont  dominés  par 
le  granitique  Kukurbeta  (1,850  m.)  ;  à  l'O.  de  ceux-ci, 
entre  le  Kœrœs  noir  et  blanc,  sont  les  monts  calcaires  de 
Kodru  (1,120  m.  au  mont  Piesu)  ;  à  FE.,  le  Balamireasa 
mesure  1,630  m.  ;  dans  les  monts  Aramyos,  le  Muntzele 
Mare  a  1,838  m.  ;  les  monts  Métallifères  doivent  leur 
célébrité  à  leurs  filons  aurifères  ;  on  y  remarque  le  Vulkan 
(934  m.),  le  Dimboj  (1,368  m.);  près  de  Zalatbna,  les 
merveilleuses  colonnades  basaltiques  à  4,  6  ou  8  pans 
du  mont  Detunata  (1,186  m.);  le  long  de  la  Maros,  le 
Harto atteint  1,046  m.,  et  plus  à  FO.,  î'Hegyes  (806  m.) 
domine  la  plaine  historique  de  Vilagos.  Au  S.  de  la  Maros, 
nous  trouvons  les  monts  Ruschi  ou  Ruszka  (1 ,360  m.)  qui 
se  rattachent  à  la  chaîne  méridionale  par  le  Burda  Piatra, 
près  de  la  Porte  de  Fer  ;  à  FO.  sont  les  hauteurs  du  Banat. 
Les  principales  routes,  desservies  aujourd'hui  par  des  voies 
ferrées,  entre  la  Hongrie  et  la  Transylvanie,  remontent 
les  vallées  du  Kœrœs  rapide  (de  Nagyvarad  ou  Groswar- 
dein  à  Koloszvar  ou  Klausenburg)  et  de  la  Maros  (d'Arad 
à  De  va  et  Gyula  Fehervar  ou  Karlsburg)  ;  une  autre  re- 
monte la  vallée  de  la  Ternes  par  Lugos  et  gagne  la  Porte 
de  Fer  ;  à  FO.  de  celle-ci  sont  les  monts  Stretinye 
(1,226  m.)  qui  complètent  la  rangée  occidentale  des  monts 
de  Transylvanie  et  dominent  le  coude  méridional  du  Da- 
nube (gorges  de  Kazan),  près  de  Milanovac.  —  Les  deux 
chaînes  que  nous  venons  de  décrire  isolent  de  la  Hongrie 
le  plateau  de  Transylvanie  dont  l'altitude  varie  de  300  à 
500  m.  ;  elles  n'appartiennent  pas  à  la  ligne  de  faîte  à 
laquelle  les  géographes  réservent  le  nom  de  Karpates. 
Celle-ci  comprend  les  côtés  oriental  et  méridional  du  qua- 
drilatère. Au  S.  du  val  de  la  Bystrica  (Bistritz),  nous  ren- 
controns les  monts  Gyœrgyœ  avec  lePietrosul(2,407  m.), 
les  monts  Csik  avec  le  volcan  de  Budœs  ;  les  monts 
Bereczek  avec  le  Lakocz  (1,764  m.).  Les  principaux  cols 
sont  ceux  de  Tœlgyes,  Gyimes,  Uz  et  Oitoz.  A  FO.  de  ce 
rempart  oriental  courent  parallèlement  les  chaînons  des 
monts  Gœrgeny  (avec  le  Mezœhavas,  1,777  m.),  Hargita 
('1,796  m.)  et  Barot  (avec  le  Kukukhegy  (540  m.).  C'est 
la  continuation  de  ces  avant-monts  volcaniques  que  nous 
avons  signalés  depuis  la  vallée  du  Hernad. 

Le  côté  méridional  du  quadrilatère  transylvain  est  formé 
par  les  Alpes  de  Transylvanie,  la  partie  la  plus  sauvage  et 
la  plus  escarpée,  mais  aussi  la  plus  étroite  de  ces  mon- 
tagnes. Elles  égalent  à  peu  près  l'altitude  du  Tatra  et 
comme  lui  sont  formées  de  schistes  cristallins  parfois  sur- 
montés de  granité.  Les  monts  Burza  atteignent  1,985  m. 
au  Czukas;  à  l'O.  du  défilé  (ch.  de  fer)  qui  relie  Brasso 
(Kronstadt)  à  Ploiesti  par  la  vallée  de  la  Jalomitsa,  com- 
mence le  socle  des  roches  cristallines  dont  Fait,  dépasse 
i  ,500  m.  et  que  les  pics  domin  ;nt  de  600  à  900  m.  ;  les 
Allemands  l'appellent  Burzenland;  les  principaux  som- 
mets sont  Fàpre  Kœnigstein  (2,243  m.),  le  Bucsecs 
(2,519  m.)  ;  puis  viennent  les  monts  de  Fogaras  avec  le 
Verfu-Urli  (2,471  m.),  le  Vune.ara  (2,515  m.)  etleNegvi 
(2,530  m.),  point  culminant  lu  massif  de  Transylvanie. 
A  FO.,  FOltu  ou  Aluta  a  creasé  le  profond  défilé  de  la 
Tour  Rouge  (352  m.)  qui  aboutit  à  Nagy  Szeben  (Her- 
mannstadt).  Puis  viennent  le  Cibin,  le  Mandra  (2,520  m.), 
leSklavoi,le  col  de  Vulkan  (944m),leReticzat(2,506m.), 
le  Gugu  (2,294  m.),  FIsvorut  (1,994  m.),  bastion  sûd- 
occidental  de  la  Transylvanie  ;  des  chaînons  de  gneiss,  de 
calcaires  jurassiques  et  crétacés  se  prolongent  vers  le  S. 
jusqu'au  Danube,  qui  s'est  frayé  une  route  au  travers  par 
la  Porte  de  Fer. 

La  géologie  des  Karpates  indique  clairement  les  carac- 
tères essentiels  de  ce  curieux  système  de  montagnes.  Les 
deux  grands  massifs  de  FO.  et  du  S.-E.  sont  formés  de 
noyaux  cristallms  constituant  les  plus  hautes  parties  ;  les 
gneiss  et  schistes  y  sont  associés  au  granité.  Au-dessus  se 
sont  déposés,  dans  le  Karpate  occidental,  des  sédiments 
mésozoïques,  à  partir  du  verrucano,  couche  inférieure  des 
grès  bigarrés,  avec  leurs   conglomérats,  leurs  grès   et 


—  435  —  KARPATES 

schistes  rosés,  le  muschelkalk  et  toutes  les  couches  du 
keuper  alpin,  jusqu'au  lias.  Au-dessus,  une  puissante  assise 
de  jurassique  supérieur,  puis  les  terrains  crétacés  repré- 
sentés soit  parleurs  couches  inférieures  (grèsnéocomiens, 
calcaire,  gault  argileux  et  sableux),  soit  par  leurs  couches 
supérieures  (calcaires  à  hippurites  et  terrains  de  Gosau). 
Au-dessus  s'étendent  les  bancs  nummulitiques,  puis  le 
flysch  représenté  surtout  par  le  grès  des  Karpates  (V.  Au- 
triche, §  Géologie^  etFLYSCH). —  Dans  le  Karpate  boisé, 
nous  ne  trouvons  plus  de  terrains  cristallins  ni  de  sédi- 
ments anciens.  La  montagne  est  formée  de  sédiments  cré- 
tacés, grès  et  dépôts  nummulitiques  très  uniformes,  surtout 
dans  le  rempart  extérieur,  mais  surmonté  parfois  de  ro- 
chers corail iaires.  Vers  les  sources  de  la  Tisza  et  le  Czer- 
nahora  reparaissent  les  schistes  cristallins  qu'on  voit 
jusqu'aux  sources  de  FAluta  ;  ils  constituent  ensuite  les 
Alpes  de  Transylvanie  à  partir  de  Brasso  (Kronstadt)  et, 
associés  au  granité  et  aux  roches  paléozoïques,  méso- 
zoïques, jurassiques  et  volcaniques,  les  chaînons  occiden- 
taux de  la  Transylvanie.  Les  terrains  éruptifs  ont  un  grand 
développement  dans  toutes  les  régions  des  Karpates.  Ils  se 
rencontrent  à  l'intérieur  du  cercle.  Les  formations  les  plus 
étendues  sont  le  granité  associé  aux  schistes  cristallins,  le 
gabbro  et  la  serpentine  associé  aux  terrains  paléozoïques 
ou  de  transition  ;  la  mélaphyre,  associée  au  verrucano,  et 
surtout  les  trachytes  (andésite,  quartz  trachytique,  obsi- 
dienne, etc.),  enfin  les  basaltes.  Les  sources  minérales 
ont  déposé  dans  l'époque  tertiaire  de  puissants  lits  de  tuf 
et  de  silex. 

En  résumé,  la  formation  caractéristique  des  Karpates 
est  le  fiysch  ;  la  courbe  si  prononcée  décrite  parle  système 
depuis  Presbourg  jusqu'à  la  Porte  de  Fer  est,  dans  toute 
son  étendue  (sauf  quelques  kil.  aux  deux  extrémités),  dessi- 
née par  le  flysch  et  par  des  sédiments  crétacés;  ce  sont  eux 
qui  font  l'unité  des  Karpates.  Ils  enveloppent,  à  FO.  et  au 
S.-E.,  deux  puissants  massifs  où  se  rencontrent  des  roches 
de  tout  âge.  A  l'intérieur  de  l'arc  de  cercle  décrit  par  le 
flysch,  de  vastes  cantons  sont  recouverts  de  terrains  érup- 
tifs. Les  deux  grands  massifs  du  Karpate  occidental  ou  du 
Tatra  et  du  quadrilatère  de  Transylvanie  sont  indépendants 
l'un  de  l'autre,  malgré  des  analogies  considérables  ;  mais 
ils  sont  l'un  et  Fautre  compris  à  l'intérieur  d'une  enceinte 
constituée  par  les  chaînes  crétacées  et  le  flysch.  Ce  ruban 
dont  la  largeur  varie  de  130  kil.  au  N.  du  Tatra,  à  une 
dizaine  de  kil.  au  S.  du  défilé  de  Vulkan,  s'étend  sur  les 
hautes  terres  de  la  Galicie,  de  la  Bukovine,  de  la  Rouma- 
nie. C'est  à  lui  que  convient  spécialement  le  nom  de  Kar- 
pates étendu  aux  massifs  de  roches  plus  anciennes  et  aux 
avant-monts  volcaniques  qu'il  entoure  et  réunit  en  un  vaste 
système  orographique.  Il  nous  reste  à  compléter  ce  bref 
exposé  géologique  par  quelques  indications  sur  les  carac- 
téristiques extérieures  et  les  productions  des  diff'érents  sols. 
Les  grès  sont  généralement  boisés,  les  calcaires  creusés  de 
belles  cavernes  glaciaires  ou  à  stalactites  dans  les  monts  de 
Gœmœr,  de  Bihar,  de  Szepes  ;  citons  encore  la  grotte  de 
Veterani,  dans  le  Banat,  et  la  grotte  sulfureuse  du  mont 
Budœs.  Les  roches  éruptives  sont  accompagnées  de  filons 
métalliques  qui  sont  une  des  richesses  de  la  Hongrie,  en 
particulier  dans  le  massif  occidental  et  en  Transylvanie  ; 
les  Karpates  sont  le  massif  montagneux  d'Europe  qui  recèle 
le  plus  de  richesses  métalliques  (V.  Autriche  et  Hongrie). 
Les  filons  de  toute  nature  abondent  dans  les  terrains  cristal- 
lins. L'or  et  l'argent  se  trouvent  dans  les  trachytes  verts  ;  le 
pétrole  dans  les  grès  crétacés  de  Galicie  et  les  sédiments  ter- 
tiaires néogènes  de  Transylvanie,  riches  aussi  en  sel  gemme. 
L'opale,  Falun  se  trouvent  au  voisinage  des  tufs  et  silex 
tertiaires,  de  même  que  de  nombreuses  sources  minérales. 

La  disposition  concentrique  des  chaînons  des  Karpates 
ne  laisse  pas  de  place  à  de  grandes  vallées  longitudinales 
comme  celles  des  Alpes.  La  plupart  des  vallées^sont  donc 
transversales.  Sur  le  versant  extérieur  (septentrional  et 
oriental),  elles  sont  courtes,  débouchant  vite  dans  la  plaine; 
sur  le  versant  intérieur  (Hongrie),  elles  s'élargissent  entre 


KARPATES  ~  KARR 


—  436  — 


les  chaînons  intérieurs  avant  d'arriver  à  la  vaste  plaine 
alluviale.  La  ligne  de  partage  des  eaux  coïncide  avec  le 
faîte  des  grès  crétacés,  sauf  au  Tatra,  où  le  Dunajec  et  la 
Poprad  ont  rompu  cet  alignement.  Les  eaux  des  Karpates 
vont  en  majorité  au  Danube,  qui  recueille  celles  de  tout  le 
versant  intérieur  et  aussi  celles  du  versant  extérieur  occi- 
dental par  la  Morava  et  oriental  par  le  Pruth,  le  Sereth  et 
les  divers  affluents  de  son  bassin  inférieur.  Les  eaux  de  la 
zone  centrale  du  versant  extérieur  vont  un  peu  à  l'Oder, 
mais  surtout  à  la  Vistule  et  au  Dniestr,  les  fleuves  de  la 
Galicie.  Nous  avons  cité  les  vallées  de  leurs  principaux  af~ 
fïuents  :  Dunajec,  San,  Stryi.  Les  Alpes  de  Transylvanie 
ne  forment  pas  une  ligne  de  partage  des  eaux,  et  celles  de 
la  cuvette  transylvaine  se  partagent  entre  l'Aluta  et  le  Si! 
au  S.,  la  Maros,  les  Kœrœs,  le  Szanios  auN.  et  à  l'O.  Le 
massif  occidental  est  découpé  par  six  vallées  importantes, 
celles  du  Vag,  de  la  Nyitra,  du  Gran,  de  Plpoly,  du  Sajo  et 
du  Hernad  ;  au  N.  du  massif  transylvain  est  celle  de  la  Tisza, 
qui  côtoie  le  pied  oriental  du  Karpate  boisé.—  Les  principaux 
passages  ont  été  signalés  dans  la  description  de  la  chaîne. 

Même  dans  le  Tatra  et  les  Alpes  de  Transylvanie,  les 
Karpates  n'ont  pas  la  physionomie  de  grande  montagne. 
Nulle  part  les  neiges  ne  persistent  toute  l'année  et  n'ont 
créé  de  glaciers.  La  chute  d'eau  n'atteint  au  pied  des  plus 
hautes  chaînes  que  850  à  900  millim.  par  an;  au  S.-O., 
elle  est  de  617  millim.  La  température  moyenne  est  de 
4-6**  sur  le  versant  septentrional,  +9<*,6  dans  les  vallées 
occidentales,  +9<*et  +10°  en  Transylvanie;  ces  chiffres 
se  rapportent  à  une  ait.  de  350  à  400  m. 

La  région  des  Karpates  est  essentiellement  forestière, 
mais  on  y  trouve  des  flores  très  variées,  depuis  les  coteaux 
revêtus  de  vignes  jusqu'aux  cimes  où  croissent  les  plantes 
alpestres,  notamment  l'edelweiss.  L'arbre  le  plus  répandu 
est  le  hêtre  qui  s'élève  à  900  m.  sur  le  versant  septentrio- 
nal, à  1,400  m.  au  S.-E.;  il  y  est  associé  à  beaucoup  de 
représentants  de  la  flore  orientale.  Au-dessus  s'étendent  les 
forêts  de  sapins  ;  puis  (entre  4 ,450  et  i  ,770  m.  au  N.)  les 
taillis  de  pins  nains,  de  genévriers  et  d'aulnes  ;  le  rhodo- 
dendron manque.  Les  prés  montent  jusqu'à  2,085  m.  sur 
le  Tatra;  au  delà,  le  rocher  n'est  plus  revêtu  que  de 
mousses,  de  lichens,  auxquels  se  joignent  la  renoncule  ar- 
gentée et  la  Gentiana  frigida.  Les  grandes  forêts  du  Kar- 
pate boisé  et  du  Tatra  abritent  encore  beaucoup  d'ours,  de 
loups  et  de  loups-cerviers.  Le  chamois  est  rare. 

La  population  des  Karpates  appartient  principalement 
aux  races  slave  et  roumaine  ;  au  second  rang  viennent  les 
Magyars,  puis  les  Allemands.  Les  Roumains  dominent  dans 
le  massif  transylvain  où  se  sont  intercalés,  au  S.-E.,  des 
Szeklers  et  des  Saxons.  Le  Karpate  occidental  est  occupé 
par  les  Slovaques,  Hornyaks,  Polaks,  Gorales  ;  le  Karpate 
boisé  par  des  Ruthènes.  Les  Magyars  se  sont  établis  au 
bas  des  vallées  intérieures.  Les  Allemands  ont  leurs  co- 
lonies surtout  dans  les  districts  miniers  des  comitats  de 
Hont,  Szepes  et  de  Transylvanie  (V.  Autriche  et  Hongrie). 
—  Pour  la  géographie  économique,  V.  aussi  les  art.  Au- 
triche et  Hongrie.  A. -M.  B. 

BiBL.  :  Hekscii,  Illustnerter  Fûhrer  diirch  die  Karpa- 
then  ;  Vienne,  1881.  —  Scherner,  Tatrafûhrer  ;  Breslau, 
1875-76,  2  vol.  ;  éd.  abrégée,  1881.  —  Kolbenheyer,  Die 
Hoiie  Tatra  ;  Teschen,  1884,  6«  éd.  —  Siegmeth,  Kasohaii 
und  die  ungarischen  Ostkarpathen  ;  Kassa  (Kaschau), 
1886.  —  Wahlenberg,  Flora  Carpatfiica.  —  Les  publica- 
tions des  sociétés  des  Karpates  de  Kassa  et  Nagy-Szeben 
(Hermannstadt),  di  la  Société  galicienne  du  Tatrajj  et  la 
Carte  orohydrographique  au  750,000*  en  six  feuilles  ; 
Vienne,  1886.  —  V.  aussi  labibl.  des  art.  Autriche,  Hon- 
grie, Roumanie,  etc. 

KARPATHO  (Ile)  (V.  Carpathos). 

KARPÉNISL  Ville  de  Grèce,  ch.-l.  de  l'éparchie  d'Eu- 
rytanie,  nome  d'Akarnanie-et-Etolie,  à  64  kil.  N.-N.-E.  de 
Missolonghi,  au  pied  du  Velouki  (2,319  m.),  sur  une  ri- 
vière du  même  nom  qui  est  tributaire  de  l'Aspropotamo  ; 
2,000  hab.  C'est  là  que  fut  tué  Marco  Botzari  (1823)  en 
enlevant,  avec  350  Souliotes,  un  camp  turc  défendu  par 
4,500  hommes. 


KARPINSKI  (François),  poète  polonais,  né  àHoloskow, 
près  de  Stanislawow  (Galicie  actuelle),  le  4  oct.  1741,  mort  à 
Chorowszczyzna  (Lithuanie)  le  4  sept.  1825.  Il  fit  ses  études 
à  Stanislawow  et  à  Lwow,  commença  la  théologie,  mais  n'eut 
pas  le  courage  de  l'achever.  Il  essaya  ensuite  la  carrière 
d'avocat  et  l'abandonna  pour  aller  étudier  les  sciences  na- 
turelles à  Vienne.  Il  servit  comme  secrétaire  ou  gouverneur 
dans  les  familles  Czartoryski,  Sanguszko  et  Radziwill. 
Après  avoir  vécu  quelque  temps  à  Varsovie,  il  finit  par 
s'établir  en  Lithuanie  où  il  mena  la  vie  d'un  gentilhomme 
forestier.  Il  avait  débuté  dans  la  littérature  en  1781  par 
un  volume  de  Divertissements  en  vers  et  en  prose.  La 
première  édition  complète  de  ses  œuvres  parut  en  1866  à 
Varsovie,  la  dernière  à  Cracovie  en  1882.  Elles  sont  remar- 
quables par  la  simplicité  et  le  sentiment  religieux  ;  quelques- 
unes  sont  devenues  populaires.  On  estime  surtout  ses  idylles, 
les  chants  religieux,  les  poésies  politiques,  notamment  les 
Plaintes  du  Sarmate  où  l'auteur  déplore  la  triste  desti- 
née de  son  pays.  «Karpinski,  a  ditMickiewicz,  estle  dernier 
poète  de  la  vieille  Pologne,  »  Outre  ses  œuvres  poétiques, 
Karpinski  a  écrit  quelques  essais  en  prose,  notamment  des 
Souvenirs  (publiés  à  Poznan  en  1844  et  réimprimés  dans 
l'édition  de  1862).  L.  L. 

BiBL.  :  Notice  de  Prochnicki;  Lwôw,  1876.  —  Zlota 
Przedza  poetov^i  prosaikow;  Varsovie,  1887.  —  Mickie- 
Avicz,  les  Slaves,  t.  III. 

KARPOWICZ  (Michel),  prédicateur  polonais,  né  dans  le 
palatinat  de  Brest-Litovsk  en  1744,  mort  à  Vilnaen  1804. 
11  se  fit  remarquer  par  son  éloquence  à  la  Diète  dite  de 
Quatre  ans.  Ses  Sermons  ont  été  publiés  après  sa  mort  (Var- 
sovie, 1807  et  suiv.,  11  vol.). 

KARR  (Jean-Baptiste-Alphonse),  littérateur  français,  né 
à  Paris  le  24  nov.  1808,  mort  à  Saint-Raphaél  (Var)  le 
29  sept.  1890.  Fils  d'un  pianiste  distingué  et  petit-fils  d'un 
humaniste  qui  avait  pris  une  part  active  à  la  préparation 
des  éditions  classiques  des  Deux-Ponts,  il  fit  de  brillantes 
études  au  collège  Bourbon,  mais  dut  y  accepter,  pour  vivre, 
une  place  de  répétiteur  avant  d'y  être  chargé  d'une  classe 
de  cinquième.  Son  premier  roman,  Sous  les  Tilleuls  (1822, 
2  vol,  in-6),  où  il  est  facile  de  reconnaître  des  réminis- 
cences toutes  personnelles,  fut  d'abord  écrit  en  vers  et 
même,  lorsque  sur  les  conseils  de  Bohain,  directeur  du 
Figaro,  il  l'eut  mis  en  prose,  il  garda  quelques  traces  de  sa 
première  forme.  Encouragé  par  le  succès,  Alphonse  Karr 
donna  toute  une  série  de  romans  et  de  nouvelles  empreints 
à  la  fois  de  sentimentalisme  et  d'humour  et  très  goiîtés  du 
public  :  Une  Heure  trop  lard  (1833,  in-8)  ;  Fa  dièze 
(1834,  in-8)  ;  Vendredi  soir  (1835,  in-8);  le  Chemin  le 
plus  court  (1836,  2  vol.  in-8);  Ei?ierley  (1838);  Ge- 
neviève (1838,  2  vol.  in-8)  ;  Clotilde  (1839)  ;  Am  Rau- 
chen  (1842,  in-8),  etc.  Vers  la  même  époque,  il  passa 
plusieurs  saisons  sur  les  côtes  normandes,  surtout  à  Etretat 
et  à  Sainte-Adresse,  et  contribua  pour  une  large  part  à  ré- 
pandre parmi  les  artistes  et  les  gens  de  lettres  le  goût  de 
ces  sortes  de  villégiatures  jusqu'alors  à  peu  près  ignorées. 
Au  mois  de  nov.  1839,  il  fonda  les  Guêpes,  petites  bro- 
chures mensuelles  dont  il  fut,  ou  peu  s'en  faut,  l'unique 
rédacteur  et  où  il  put  librement  donner  carrière  à  sa  verve 
satirique  comme  aux  confidences  variées  dont,  en  tout 
temps,  il  se  montra  prodigue  :  l'un  de  ses  «  bourdonne- 
m(?nts  »  lui  attira  de  la  part  de  W^^  Louise  Colet  une 
tentative  de  représailles  à  main  armée.  C'est  encore  dans 
les  Guêpes  qu'il  mit  en  circulation  quelques-uns  des  pa- 
radoxes ou,  pour  parler  exactement,  quelques-uns  des 
«  truismes  »  qui  ont  le  plus  contribué  à  sa  réputation 
d'homme  d'esprit,  tels  que  :  «  La  propriété  littéraire  est 
une  propriété  »,  ou  bien  encore  :  1^  La  peine  de  mort  est 
abolie  ;  2"*  Que  messieurs  les  assassins  commencent .  » 

La  révolution  de  1848  interrompit  les  Guêpes.  Can- 
didat malheureux  pour  la  Constituante,  dans  la  Seine- 
Inférieure,  Alphonse  Karr  publia  le  Livre  des  cent  vérités 
(1848,  in-8),  et  fonda  le  Journal,  feuille  politique  des- 
tinée à  soutenir  la  politique  de  Cavaignac  et  qui  ne  sur- 


—  437 


KARR  -  KARST 


vécut  pas  à  la  dictature  provisoire  de  son  inspirateur. 
En  4  852,  il  reprit  au  Siècle  sqs«  bourdonnements  »  avant 
de  les  réunir  sous  le  titre  collectif  de  Mélanges  philoso- 
phiques que  portent  les  volumes  suivants  :  Une  Poignée 
de  vérités;  Trois  Cents  Pages  et  Menus  Propos.  Un  peu 
après  l'annexion  de  Nice,  Alphonse  Karr  était  venu  s'y  fixer 
et  y  entreprendre  un  commerce  de  fleurs  dont  il  essaya 
de  tirer  un  parti  plus  ou  moins  lucratif.  Sa  production 
littéraire  ne  s'était  point  ralentie,  mais  l'attention  publique 
s'était  portée  ailleurs.  Deux  incursions  dramatiques,  la 
Pénélope  normande  (Comédie-Française,  1860),  pièce  en 
cinq  actes,  tirée  d'un  de  ses  romans  et  les  Roses  jaunes 
{id.,  1866),  comédie  en  un  acte,  ne  tinrent  pas  longtemps 
non  plus  l'affiche.  De  cette  seconde  période  datent  de  nou- 
velles séries  de  Guêpes,  publiées,  soit  isolément,  soit  dans 
V Opinion  nationale  et  le  Figaro,  ainsi  que  de  très  nom- 
breux recueils  de  même  nature  :  les  Dents  du  Dragon 
(1869,  in-18)  ;  la  Promenade  des  A7iglais('\SlA',  in-18); 
Plus  ça  change...  (1875,  in-18)  ;  Plus  c'est  la  même 
chose  (1 875,  in-'l  8)  ;  le  Credo  du  jardinier  (1 875,  in- 18)  ; 
Notes  de  voyage  d'un  casaniei^' {iSll ,  in-18)  ;  Grains 
de  bon  sens  (1880,  in-18)  ;  Pendant  la  pluie  (1880, 
in-i8)  ;  A  VEncre  verte  (1881,  in-18)  ;  Au  Soleil  (1883, 
in-18)  ;  la  Soupe  aux  cailloux  (1884,  in-18)  ;  le  Règne 
des  champignons  (1885,  in-18)  ;  le  Pot  aux  roses 
(1887,  in-18).  Citons  à  part  l'Esprit  d'Alphonse  Karr 
(1877,  in-18),  extrait  par  lui-même  de  ses  propres  œuvres 
et  le  Livre  de  bord  (1879,  4  vol.  in-18),  souvenirs  per- 
sonnels où  il  épancha  une  dernière  fois  ses  rancunes  et  ses 
désillusions.  —  L'une  de  ses  filles,  W^^  Thérèse-Alphonse 
Karr,  née  à  Paris  en  1835,  a  publié  un  certain  nombre  de 
traductions  de  l'allemand,  de  romans  moraux  et  de  petits 
livres  de  propagande  catholique.  M,  Tx. 

KARREE  Berge.  Montagnes  de  l'Afrique  australe,  colonie 
du  Cap,  970  nf.  d'alt.  C'est  une  partie  de  la  chaîne  qui 
sépare  le  bassin  du  fleuve  Orange  des  bassins  côtiers.  Elle 
est  traversée,  au  N.  de  Beaufort,  par  le  chemin  de  fer  de 
Capetown  à  Kimberley. 

KARS.  Ville  de  l'empire  russe,  ch.-l.  d'un  gouvernement 
formé  dans  l'Arménie  russe,  sur  l'Arpa-lchaï  ou  Kars- 
tchaï,  affluent  gauche  de  l'Aras,  dans  la  haute  plaine  où 
naît  cette  grande  rivière,  à  l'E.  du  Soghanly-dagh  ;  7  à 
8,000  hab.,  non  compris  la  garnison  de  5,000  hab.  C'est 
une  place  forte  d'une  grande  importance  stratégique,  parce 
qu'elle  barre  la  route  d'Alexandropol  à  Erzeroum  et  com- 
mande les  plateaux  entre  le  Kour,  le  Tchorouk,  l'Aras  et 
l'Euphrate  supérieurs.  La  ville  est  bâtie  dans  une  boucle 
de  TArpa-tchaï,  au  pied  d'un  rocher  basaltique  également 
entouré  par  la  rivière,  et  que  couronne  la  citadelle.  La 
ville  et  le  château  crénelé  sont  bâtis  en  lave.  Les  collines 
environnantes  ont  été  couvertes  de  onze  forts,  d'un  péri- 
mètre total  de  18  kil.  —  Kars  est  citée  par  Ptolémée  sous 
le  nom  de  Khorsa  (arménien  Garouts,  puis  Ghars)  ;  ce 
fut  de  928  à  961  la  résidence  des  rois  Bagratides  d'Ar- 
ménie, puis  d'une  principauté  appartenant  à  une  branche 
de  cette  famille  ;  les  Grecs  la  conquirent,  mais  aussitôt 
elle  leur  fut  enlevée  par  les  Turcs  Seldjoucides.  Les  Mongols 
la  prirent  au  xni*^  siècle,  Timour-leng  la  détruisit  en  1387; 
les  Turcs  en  restèrent  maîtres,  malgré  les  efforts  des  Per- 
sans, à  partir  du  règne  de  Mourad  III  (1546).  Ils  la  for- 
tifièrent vers  1580. ^Le  31  mai  1744,  ils  y  furent  vaincus 
par  les  Persans,  le  l*^*"  juil.  1828  par  les  Russes  de  Pas- 
kievitch,  qui  emportèrent  la  ville  le  5  juil.  et  la  citadelle 
le  10  juil.  En  1855,  Kars  subit  un  siège  mémorable; 
l'Anglais  Williams  et  le  Hongrois  Kmety  (Ismaël  Pacha)  en 
avaient  accru  les  fortifications.  Après  un  long  siège,  Mou- 
raviev  donna  l'assaut  et  fut  repoussé  avec  pertes  ;  toute- 
fois, la  famine  et  les  épidémies  forcèrent  Willianisà  rendre 
la  ville  le  27  nov.  En  1877,  les  Russes  mirent  le  siège 
devant  Kars  en  mai,  furent  obligés  de  le  lever  en  juillet, 
revinrent  en  novembre,  et,  dans  la  nuit  du  17  au  18,  un 
assaut  favorisé  par  des  trahisons  leur  livra  la  place.  Le 
traité  de  Berlin  la  leur  laissa  ainsi  que  le  district.  —  Le 


gouvernement  de  Kars,  au  S.-O.  du  Caucase  russe,  com- 
prend les  territoires  cédés  par  la  Turquie  à  la  Russie  en 
1878,  soit  les  anciens  sandjaks  de  Tchaldyr  et  Kars.  Il 
comprend  18,647  kil.  q.  et  237,114  hab.  Il  se  divise  en 
districts  ou  cercles  de  Tachta,  Ardahan,  01  ti  (avec  Kars), 
Kaghisman,  Churaghel  et  Saruchad  (avec  Tchaldyr).  C'est 
un  pays  montagneux  parcouru  par  des  chaînes  parallèles  ; 
les  défilés  de  l'E.  ont  2,400  m.  d'alt.  Il  y  a  beaucoup  de 
forêts  et  de  pâturages  (200,000  bœufs,  300,000  moutons 
et  chèvres).  La  flore  est  méridionale  ;  la  vigne  croît  jus- 
qu'à 1,000  m.  L'agriculture  est  paralysée,  malgré  la  fer- 
lité  du  sol,  par  le  manque  de  routes.  La  population  paraît 
être  en  majorité  de  race  géorgienne  ;  mais  la  langue  turque 
avait  beaucoup  gagné  jusqu'à  l'époque  de  la  conquête  russe. 
On  trouve  aussi  d'autres  races  :  kurde,  grecque,  russe, 
turcomane,  etc.  Les  musulmans  forment  la  moitié  de  la 
population.  «Les  antiques  capitales  arméniennes  Ani  et  Ero- 
vantchad  étaient  dans  ce  territoire.  A.-M.  B. 

KARSGH  (Anna-Luise),  dite  la  Karschin,  femme  de  let- 
tres allemande,  née  à  Meierhof  Hammer,  près  de  Schwiebus 
(Brandebourg),  le  1^^  déc.  1722,  morte  le  12  oct.  1791. 
Fille  d'un  aubergiste,  elle  fut  bergère,  épousa  un  tisseur 
de  Schwiebus  du  nom  d'Hirsekorn  et  divorça  au  bout  de 
onze  années  pour  se  remarier  avec  Karsch,  un  tailleur 
ivrogne.  Ses  poésies  improvisées  la  firent  remarquer  du 
baron  de  Kottwitz,  qui  l'amena  à  Berlin  (1761)  et  la  pré- 
senta à  la  société  littéraire.  Elle  vécut  dès  lors  à  Berlin, 
Halberstadt  et  Magdebourg,  des  subsides  de  ses  protecteurs 
qu'elle  ne  cessait  d'importuner  de  ses  demandes  pécu- 
'  niaires.  Ses  premières  poésies  ont  de  la  fantaisie  et  révè- 
lent une  vive  imagination  ;  les  dernières  sont  de  fades 
platitudes  de  courtisan.  —  Sa  fille,  Karoline-Luise  de 
Klencke  (1754-1812),  édita  les  poésies  de  sa  mère  avec 
biographie  (Berlin,  1796,  2^  éd.)  et  fut  poète  elle-même. 
La  petite-fille  de  celle-ci,  Helmina  de  Chézy,  se  fit  éga- 
lement un  nom  dans  les  lettres. 

BiBL.  :  KoHVT^  Die  deutsche  Sappho,  A.-L.  Karschin; 
Dresde,   1887. 

KARSOUN  ou  KORSOUN.  Ville  de  Russie,  gouverne- 
ment de  Simbirsk,  ch.-l.  de  district,  sur  le  Barych,  au 
confluent  de  la  Karsounka  ;  4,000  hab.  —  Le  distinct  a 
7,835  kil.  q.  et  plus  de  200,000  hab.  L'industrie  y  est 
répandue  dans  presque  tous  les  villages. 

KARST  (croate  Kras,  ital.  Carso,  lat.  Carusavius). 
Région  naturelle  du  S.  de  l'Autriche,  au  N.-E.  de  la  mer 
Adriatique,  Le  nom  désigne  spécialement  un  massif  cal- 
caire qui  domine  le  golfe  de  Trieste  ;  mais  il  a  été  étendu 
à  toute  la  région  voisine,  à  cause  de  la  similitude  de  la 
constitution  géologique  et  des  caractères  orographiques. 
Nous  décrirons  sommairement  les  plateaux  et  montagnes 
auxquels  on  applique  ce  nom  de  Karst  ;  puis  nous  indique- 
rons la  nature  du  sol  et  les  phénomènes  géologiques  dont 
ils  fournissent  un  type  particulier,  bien  étudié  et  très  inté- 
ressant. 

Le  Karst  proprement  dit  s'étend  du  N.-O.  au  S.-E. 
depuis  l'Isongo  jusqu'au  golfe  de  Fiume  ou  de  Quarnero, 
bordant  le  golfe  de  Trieste  et  la  racine  de  la  péninsule 
de  l'Istrie;  c'est  un  plateau  calcaire  de  82  kil.  de  long, 
d'environ  24  kil.  de  large,  d'une  ait.  de  400  à  500  m. 
Sa  terrasse  domine  de  350  m.  environ  le  golfe  de  Trieste; 
l'altitude  s'élève  vers  le  S.-E,,  et  le  point  culminant,  le  Sia, 
à  l'angle  dn  golfe  de  Fiume,  mesure  1,270  m.;  au  centre, 
le  Slounik  en  a  1,024  (à  l'E.  duch.  de  fer  qui  desserties 
ports  d'Istrie).  Au  S.  du  Karst  se  rattache  le  plateau  de 
Tchitchen  qui  occupe  la  partie  septentrionale  de  ITstrie  et 
atteint  1,394  m.  au  monte  Maggiore  ;  ce  plateau  se  conti- 
nue dans  les  îles  Veglia  (540  m.  d'alt.),  Cherso  (mont 
Syss,  637  m.),  etc.;  l'orientation  des  chaînons  crétacés 
reste  sensiblement  la  même  dans  l'archipel  dalmate.  —  Le 
Karst  est  séparé  des  Alpes  Juliennes  par  le  val  du  Wippach 
(Wipbach),  des  plateaux  de  l'intérieur  par  ceux  de  laPoik 
(Piuka)  et  de  la  Reka.  Mais  ces  plateaux,  de  structure  et 
de  physionomie  analogue,  quoique  les  terrains  plus  anciens 


KARST  —  KARSTEN 


438 


(jurassique,  trias)  y  soient  plus  souvent  à  jour  et  que  la 
surface  soit  encore  partiellement  boisée,  ont  été  rattachés 
au  groupe  géographique  du  Karst  ;  beaucoup  d'écrivains  les 
regardent  comme  représentant  le  Karst  septentrional.  Ils 
comprennent  trois  parties  :  le  Tarnovanenvald  à  l'O., 
entre  Flsonzo,  l'idria  et  le  Wippach  ;  le  point  culminant  est 
le  Mrsavez (4,406  m.);  h Birnbaiimerwald,  au  S-E.  du 
précédent,  entre  l'idria  et  laPoik,avecleNanos  (\  ,299m.); 
la  Puika  Planifia,  entre  la  Poik,  la  Reka  et  le  lac  de  Zirk- 
nitz  avec  le  Javornik  (1,260  m.).  Un  peu  à  l'E.  s'élève  le 
Schneeberg  (4,796  m.).  —  Une  nouvelle  extension  du 
terme  de  Karst  l'a  fait  appliquer  aux  hauteurs  de  la  Marche 
Wende  ou  Carniole  orientale,  entre  la  Koulpa  et  la  Save  ; 
les  principales  sontleGutenfeld,  le  Hornwald  (montHorn- 
bulh,  4,099  m.)  et  plus  au  N.-E.,  entre  la  Koulpa  et  la 
Gurk,  les  monts  des  Uskoks  (Uscoques)  oii  le  Saint-Gera 
atteint  i  ,481  m.  —  D'autre  part,  le  nom  de  'Karst  libur- 
nien  a  été  proposé  pour  désigner  le  plateau  de  la  Croatie 
méridionale,  entre  la  Koulpa,  l'Una  et  la  mer  Adriatique. 
Ce  plateau,  formé  de  trias,  de  calcaires  jurassiques  et  cré- 
tacés, est  très  accidenté  ;  on  y  remarque  au  N.,  le  long  du 
ch.  de  fer  de  Fiume  à  Karlovça  et  Agram,  le  mont  Bilto- 
ray  (4,378  m.);  plus  au  S.,  le  Risnjak  (4,526  m.).  De 
la  Koulpa  à  l'Una  s'allonge  la  chaîne  des  monts  Kapela 
ou  Capella  ;  Grande-Kapela  au  N.,  Petite-Kapela  au  S.,  au 
N.  de  la  Grande  s'élève  le  Bielolasitza  (4,532  m.);  à  l'E., 
le  chaînon  du  Klek  (4,482  m.)  ;  la  Petite-Kapela  a  pour 
sommets  le  Seliskiv  Urn  (4,280  m.),  le  Mala  Goritza 
(4,482  m.)  et  le  Pacenovac  (J  ,207  m.).  Les  monts  Kapela 
sont  continués  dans  la  même  direction  (du  N.-O.  au  S.-E.) 
par  le  chaînon  de Plisevica  (4,649  m.),  le Kuk  (1,609  m.), 
le  Kremen  (4,592  m.),  le  Bukoviv  (4,400  m.),  jusqu'aux 
sources  de  l'Una,  au  delà  desquelles  commencent  les  Alpes 
Dinariques  dont  il  a  été  parlé  ailleurs  (V.  Balkans  [Pénin- 
sule des]  et  Dinariques).  En  ce  point  d'ailleurs  convergent 
la  ligne  de  faîte  intérieure  de  la  Liburnie  et  son  arête  exté- 
rieure. Celle-ci  forme  le  long  du  rivage  dalmate  un  mince 
bourrelet  crétacé,  de  même  nature  que  le  liarst  istriote  et 
qu'on  appelle  Velehit  ou  Vellcbic;  les  sommets  principaux 
sont  de  ce  côté  le  Plisevica  (4,651  m.),leRainac(4,699m.) 
et  plus  au  S.,  vers  la  presqu'île  de  Zara  ou  des  Morlaques, 
le  Yakanslav  (1,756  m.),  le  Sveto  Brdo  (4,750  m.)  et  le 
Crnopac  (1,403  m.).  La  grande  route  de  Dalmatie  vers 
Obrovac  franchit  le  faîte  à  4,000  m.  Entre  ces  deux  chaînes 
calcaires  sont  les  dépressions  d'Ogulm,  Ottochatz,  Gospitz 
et  Korenitza  ;  la  dernière  est  la  plus  haute  (658  m.) .  A  l'E. 
dul^apela,  entre  l'Una  et  la  Koulpa,  est  un  dédale  de  collines 
boisées  dont  une  seule  dépasse  600  m. 

Le  Karst  offre  le  type  des  plateaux  calcaires  où  domi- 
nent les  formations  crétacées  et  nummulitiques.  Il  se  pré- 
sente sous  l'aspect  d'un  désert  pierreux,  gris  blanchâtre, 
destitué  de  végétation.  Il  n'a  cet  aspect  que  depuis  le  dé- 
boisement commencé  par  les  Romains  et  consommé  par  les 
Vénitiens.  Le  plateau  n'a  pas  une  surface  unie  ;  il  est  sur- 
monté de  hauteurs  isolées  ou  de  chaînons,  profondément 
déchiré  et  troué,  offrant  à  l'œil  des  arêtes  rocheuses,  sau- 
vages, des  chaos  de  pierres,  des  cavités  plus  ou  moins 
larges  qui  le  perforent  comme  un  crible.  On  a  comparé  ces 
trous  aux  alvéoles  d'un  gâteau  d'abeilles.  Celles  du  plateau 
supérieur  sont  tantôt  comblées  par  des  alluvions,  tantôt 
béantes.  Les  terrasses  successives  sont  séparées  par  des 
collines  de  sables  éocènes.  Les  vallons  sont  profonds,  en- 
caissés entre  des  rochers  qui  les  dominent  souvent  de  300 
à  500  m.  Les  eaux  courantes  qui  les  arrosent  sortent  d'une 
grotte  et  bientôt  s'enfoncent  dans  une  autre,  à  moins  que 
l'issue  étant  obstruée,  ils  ne  s'épanchent  en  marais  ou  lacs. 
En  effet,  ces  vallons  sont  clos  de  toutes  parts,  sans  écou- 
lement visible  vers  la  mer.  Les  ruisseaux  et  rivières  ont  un 
cours  en  grande  partie  souterrain.  Les  plus  célèbres  sont 
la  Poik  (V.  ce  mot)  ou  Pinka,  qui  reparaît  sous  les  noms 
d'Unz,  puis  de  Laibach  ;  la  Ïemenitz-Pretclma  et  la  Reka 
qui  rejailht  à  37  kil.  de  sa  disparition  sous  le  nom  de  Ti- 
mave  (V.  ce  mot).  Le  plus  célèbre  lac  est  celui  de  Zzr- 


knitz  (V.  ce  mot),  duquel  on  peut  rapprocher  les  treize  lacs 
de  Plitvica  (Croatie).  Les  grottes  sont  innombrables  ;  beau- 
coup sont  peuplées  de  pigeons  et  en  reçoivent  leur  nom.  La 
plus  fameuse  est  celle  à'Adelsberg  (V.  ce  mot)  ;  citons 
encore  celles  de  la  Poik,  de  la  Reka,  les  cinq  grottes  de 
Lueg,  celles  de  Corgnale,  de  Planina,  etc. 

Les  phénomènes  du  Karst,  qui  est  le  type  le  plus  carac- 
téristique des  plateaux  calcaires,  ont  donné  lieu  à  des  études 
remarquables.  Mojsisovics  en  fait  remonter  l'origine  à  des 
plissements  qui  auraient  troublé  le  travail  de  creusement 
des  vallées.  Les  vallons  clos  du  Karst  seraient  des  vallées 
d'érosion  dont  le  débouché  a  été  barré.  Les  eaux  accumu- 
lées en  lacs  ont  dissous  les  calcaires  et  se  sont  frayé  une 
route  à  travers  les  fonds.  Elles  ont  creusé  des  lits  souter- 
rains ;  les  assises  superjacentes  étant  minées  se  sont  effon- 
drées. La  surface  du  plateau  a  été  également  attaquée  par 
Faction  chimique  des  eaux,  et,  partout  où  celles-ci  séjour- 
naient, elles  ont  creusé  un  trou,  une  sorte  de  puisard  na- 
turel, où  elles  s'enfonçaient.  Ces  trous  sont  dus  à  des  ac- 
tions indépendantes  de  celles  qui  ont  produit  les  grandes 
cavernes  et  les  grands  affaissements,  bien  qu'elles'^y  aient 
concouru.  Les  résidus  de  la  dissolution  du  calcaire  donnent 
la  «  terre  rouge  »  (terra  rossa)  argileuse  ferrugineuse 
qui  se  dépose  au  fond  des  trous  et  des  concavités  et  y  per- 
met des  cultures  et  même  la  croissance  de  forêts,  quand 
elle  est  suffisamment  humide.  On  donne  le  nom  de  dolines 
aux  cavités  résultant  de  l'affaissement  du  sol  miné  par- 
dessous  ;  celui  de  poljes  aux  fonds  tapissés  de  terre  rouge 
et  dont  les  champs  {dolac  ou  ogradas)  sont  abrités  par 
les  parois  qui  les  encaissent. 

Les  phénomènes  du  Karst  se  reproduisent  dans  tous  les 
terrains  analogues  de  la  bande  crétncée  et  nummulitique 
qui  longe,  à  l'E.,  la  mer  Adriatique,  Karst  liburnien,  Alpes 
Dinariques,  Monténégro,  Albanie,  Grèce  (V.  les  art.  Bal- 
kans [Péninsule  des]  et  Grèce). 

Dans  les  régions  auxquelles  on  étend  le  nom  de  Karst, 
jusqu'à  risonzo,  la  Save  et  l'Una,  cette  physionomie  est 
moins  prononcée  que  dans  le  véritable  Karst  (istriote)  ; 
car  dans  ces  régions  le  calcaire  jurassique  et  le  trias  sont 
largement  représentés.  Le  Velebit,  qui,  vu  de  la  mer, 
semble  un  amas  de  cendres,  est  boisé  sur  le  versant  inté- 
rieur. Le  Kapela  conserve  une  partie  de  ses  bois  ;  nous 
avons  parlé  de  ceux  du  Karst  septentrional.  Le  climat  du 
Karst  est  rude,  en  raison  de  son  altitude  ;  le  vent  domi- 
nant est  le  bora,  vent  froid  du  N.-E.;  les  pluies  tombent 
au  printemps  et  à  l'automne.  sA.-M.  B. 

BiBL.  :  ScHMiEDL,  Zicv  Hxhlenkunde  der  Karstes; 
Vienne,  1854,  av.  atlas,  —  Wessely,  Das  Karslgebiet; 
Agram,  1877.  —  Mojsisovics,  Zur  Géologie  der  Karsters- 
chernungen,  dans  Zeitschrift  des  Deulschen  und  Œster. 
Alpenvereins,  1880.  —  Reyer,  Studien  ûber  das  Karstre- 
lief,  dans  Mitt.  der  Geogr.  Gesellschaft  ;  Vienne,  1881.  — 
Martel,  les  Abîmes;  Paris,  1894. 

KARSTEN  (Wenceslaus-Johann-Gustav),  mathématicien 
allemand,  né  à  Neu-Branden bourg  (Mecklembourg-Strelitz) 
le  15  déc.  i732,  mort  à  Halle 'le  -17  avr.  4787.  Privat- 
docent  (t  755),  puis  professeur  de  logique  (4758)  à  l'uni- 
versité de  Bostock,  il  passa,  en  4760,  comme  professeur 
de  mathématiques  et  de  physique  à  l'université  de  Butzow, 
puis,  en  4778,  à  celle  de  Halle.  Sa  réputation  fut  très 
grande  de  son  temps.  Il  a  laissé  une  vingtaine  d'ouvrages 
dont  la  plupart  ne  sont  que  d'exposition,  et  une  demi- 
douzaine  de  mémoires  dans  les  recueils  de  Munich  et  de 
Haarlem. 

KA  RSTEN  (Franz-Christian-Lorenz),  agronomeallemand, 
né  à  Pohnsdorf  (Mecklembourg)  le  3  avr.  4754,  mort  à 
Neueuwerden,  près  Bostock,  le  28  févr.  4829,  frère  du 
précédent.  Il  fut  professeur  à  Butzow  (4773)  et  Bostock 
(4789).  L'un  des  premiers  en  Allemagne,  il  chercha  à 
donner  à  l'économie  rurale  des  bases  vraiment  scientifiques; 
en  1798,  il  fonda  avec  Schlitz  et  autres  la  Société  agro- 
nomique de  Rostock,  dont  l'influence  lut  énorme  dans 
son  pays.  Karsten  a  publié  un  grand  nombre  d'ouvrages 
sur  l'économie  rurale.  D^  L.  Hn. 


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KARSTEN  -  KASBAH 


KARSTEN  (Karl-Johann-Bernhard),  géologue  allemand, 
né  à  Biitzow  le  26  nov.  1768,  mort  à  Schœneberg,  près 
de  Berlin,  le  22  août  18o3,  neveu  de  Wenceslaus  (V.  ci- 
dessus).  Il  fut  administrateur  des  mines  de  Silésie,  fit  des 
cours  à  Breslau  et,  en  1849,  devint  conseiller  intime  au 
ministère  de  Tintérieurà  Berlin.  Karsten  fit  faire  des  pro- 
grès immenses  à  la  métallurgie  en  Allemagne.  Il  a  publié 
de  4816  à  4847,  de  nombreux  ouvrages  sur  cette  matière  : 
Handbuch  der  Eisenhûttenkunde  (Berlin,  4834-32, 
5  vol.);  System  der  Métallurgie  (4841,  o  vol.,  3^-  éd.)  ; 
Handbuch  der  Salinenkunde  (4846,  2  vol.),  etc.,  et 
fondé  un  recueil  spécial  {Arcfiiv  fi'ir  Minéralogie,  etc., 
1818-54,  46  vol.). 

KARSTEN  (Hermann),  mathématicien  et  astronome 
allemand,  fils  du  précédent,  né  à  Breslau  le  3  sept.  4809, 
mort  à  Reinerz  (Silésie)  le  26  août  4877.  Il  fut,  à  partir 
de  4832,  professeur  de  mathématiques  et  de  minéralogie  à 
l'université  de  Rostock  et  à  partir  de  4854  directeur  de 
l'Ecole  navale.  Savant  distingué  et  très  populaire,  il  a 
laissé,  outre  de  nombreuses  observations  astronomiques 
insérées  dans  les  Astronomische  Nachrichten  :  Beitrag 
%ur  Berichtigimg  der  Sterblichkeitstafeln  (Rostock, 
4845,  in-8)  ;  Lehrbuch  der  Kr y stallo graphie  (Leipzig, 
4864).  Il  a,  d'autre  part,  publié  chaque  année,  de  4840 
à  4854,  un  Kleiner  astronomischer  Almanach  très 
apprécié  des  marins.  L.  S. 

KARSTEN  (Hermann),  naturaliste  et  voyageur  allemand, 
né  à  Stralsund  le  6  nov.  4817.  Après  avoir  été  reçu  privat- 
docent  de  botanique  à  Berlin,  il  fit  de  4848  à  1856  un 
voyage  au  Venezuela,  à  la  Nouvelle-Grenade  et  à  l'Equa- 
teur et,  à  son  retour,  fonda  à  Berlin  un  laboratoire  phy- 
siologique, passa  en  4868  à  Vienne  comme  professeur  de 
botanique,  puis,  en  1872,  se  retira  en  Suisse.  Il  s'est  beau- 
coup occupé  de  la  physiologie  de  la  cellule  végétale.  Ses 
ouvrages  sont  nombreux  et  remarquables.  Citons  seule- 
ment :  Florœ  Cohimbice.,.  specimina  selecta  (Berlin, 
4857-69,  2  vol.,  avec 200  pi.  coloriées)  ;  Deutsche  Flora, 
pharmazeutisch-medicinische-Botanik  (Berlin,  4883). 

KARSTEN  (Gustav),  physicien  et  homme  politique  alle- 
mand, frère  du  précédent,  né  à  Berlin  le  24  nov.  4820. 
Reçu  agrégé  à  Berlin  en  1845  et  nommé  en  4848  profes- 
seur de  physique  et  de  minéralogie  à  l'université  de  Kiel, 
il  s'est  beaucoup  occupé  depuis  4859  de  la  question  des 
poids  et  mesures,  et  il  a  proposé,  en  vue  de  leur  unifica- 
tion, d'importantes  réformes,  qui,  élaborées  pour  le  Hols- 
tein,  ont  été  ensuite  appliquées  dans  tout  l'Empire.  En 
4867,  il  a  été  élu  membre  de  la  Chambre  des  députés 
prussienne,  et  il  est  depuis  4877  membre  du  Reichstag, 
où  il  siège  parmi  les  progressistes.  Outre  quelques  opus- 
cules relatifs  à  la  réforme  des  poids  et  mesures  et  de  nom- 
breux mémoires,  notes  et  articles  parus  dans  divers  recueils 
spéciaux,  il  a  publié:  Untersuchungen  ilber  des  Ver- 
halten  der  Auflœsungen  des  reinen  Kochsalzes  in 
Wasseï'' (Berlin,  4846);  Lehrgang  der  mechan.  Na- 
tiirlehre  (Kiel,  4854-53,  3  vol.)  ;  Denkschrift  ilber  deii 
grossen  norddeiUschen  Kanal  (Kiel,  4  864-65,  2  vol.); 
Beitrcege  zur  Landeskunde  der  Herzogtûmer  Schlesioig 
und  Holstein  (Berlin,  4869-72,  2  vol.)  ;  Bemerkungen 
ilber  die  Elektricitœt  des  Gewitters,  etc.  (Kiel,  1879; 
3«  éd.,  4880),  etc.  Il  a  édité  avec  W.  Beetz,  de  4847  à 
4853,  une  revue  intitulée  Fortschrilte  der  Physik.  Il  a 
été  directeur  et  collaborateur  de  VAllgemeine  Encyklo- 
pœdie  der  Physik  (Leipzig,  4856  et  suiv.).  Il  a  pris  part 
enfin  à  la  rédaction  des  rapports  et  procès-verbaux  de  la 
commission  d'études  de  la  mer  du  Nord.  L.  S. 

KARSTEN  (Peter-Adolf),botanistefinlandais,  né  en  1834. 
Après  d'excellentes  études  à  llelsingfors,  il  fut  nommé  en 
1864  professeur  à  ITnstitut  agronomique  de  Mustiala.  Il 
a  publié  une  série  d'études  très  appréciées  sur  les  cham- 
pignons de  la  Finlande,  de  la  Scandinavie  et  de  la  Russie  : 
Monographiapezicarum Fenniœ(\S6S) ;  Mycologiafen- 
nica  (1874-79)  ;  Fungi  Fenniœ  exsiccati,  etc. 

KARSTÉNÎTE(V.  Anhydrite). 


KARTALIE,  KARTVEL  ou  KARTHLL  Nom  national  de 

la  Géorgie  (V.  ce  mot  et  Caucase). 

KARtHÉVÉLIENS(V.  Caucase). 

KARTSEV  (Alexandre-Petrovitch),  général  russe,  né  vers 
4845,  mort  en  4875.  Il  se  distingua  au  Caucase  et  fut  pro- 
fesseur de  tactique  à  l'Académie  militaire.  Il  a  laissé  un 
certain  nombre  d'ouvrages  fort  estimés  :  Tactique  (Saint- 
Pétersbourg,  4855)  ;  la  Campagne  de  1812,  (id.,  4855)  ; 
la  Guerre  du  Nord  en  1812  (id.,  4854,  etc.. 

KARYÈS.  Ville  de  Turquie  d'Europe,  dans  la  péninsule 
du  Otagion  Oros  (mont  Athos)  ;  2,050  hab.  (V.  Athos). 

KARYOKl  N  ESE,  Phénomènes  morphologiques  qui  accom- 
pagnent la  division  indirecte  des  cellules,  dont  nous  ratta- 
cherons l'étude  à  celle  du  protoplasma  (V.  ce  mot). 

KARYSTO.  Ville  de  Grèce,  à  l'extrémité  méridionale  de 
l'île  d'Eubée,  à  75  kil.  S.-S.-E.  de  Koumi  ou  Kymi,  au 
pied  du  mont  Ocha  (4.475  m.),  ch.-l.  d'une  éparchie; 
4,278  hab.  Evêché  orthodoxe.  La  vieille  ville  occupe  une 
roche  escarpée  ;  elle  a  été  abandonnée  pour  les  faubourgs. 
Quelques  ruines  antiques.  Plaine  bien  cultivée.  Miel  re- 
nommé. Près  de  là,  carrières  de  marbre  cipolin  vert.  C'est 
l'ancienne  Carystos,  célèbre  dès  le  temps  d'Homère  :  c'est 
sur  le  mont  Ocha  qu'on  trouve  les  plus  belles  ruines  de 
l'Eubée,  un  temple  (cyclopéen)  remontant  à  la  plus  haute 
antiquité;  de  là,  on  découvre  un  magnifique  panorama 
sur  l'Eubée,  l'Attique  et  les  Cyclades. 

BiBL.  :  Girard,  Mémoire  sur  l'Eubée.  —  Hhangabé, 
Mémoire  sur  les  jparties  méridionales  de  l'Eubée,  dans 
Mémoires  de  l'Académie  des  inscriptions,  1853. 

KARYTŒNA  (autrefois  Brenthé,  pms  Gorty7îœ).  Ville 
de  Grèce,  ch.-l.  de  l'éparchie  de  Gortynia  (nome  d'Ar- 
cadie),  à  30  kil.  0.  de  Tripolitza,  près  de  la  rive  droite  de 
l'Alphée  ;  4,405  hab.  Imposant  château  féodal  qui  a  appar- 
tenu aux  Brienne,  puis  aux  Colocotroni.  C'est  de  là  que  par- 
tent les  voyageurs  pour  faire  l'excursion  du  mont  Lycée. 
Du  château,  la  vue  s'étend  sur  un  vaste  panorama.  A  40  kil., 
ruines  de  Gortys  (temple  d'Asklepios)  et  acropole. 

BiBL.  :  Beulé,  Etudes  sur  le  Peloponèse.  —  Delacou- 
LONCHE,  Mémoire  sur  VArcadie.  •—  Haussoullier,  Grèce 
continentale^  304. 

KARZAZ  ou  KERZAZ.  Oasis  du  Sahara,  au  S.  du  Maroc, 
sur  l'oued  Saoura,  à  environ  240  m.  d'alt.  C*est  une  sorte 
de  ville  neutre  sur  le  passage  du  Touat  aux  oasis  maro- 
caines et  algériennes,  une  ville  ouverte,  protégée  seulement 
par  l'influence  de  ses  marabouts.  Les  rehgieux,  appelés 
Kerzazia  ou  Ahmammedin,  appartiennent  à  un  ordre  fondé 
au  xvi®  siècle  par  Si  Ahmed  ou  Moussa,  et  s'occupent  sur- 
tout de  protéger  les  ksouriens  ou  habitants  des  villages 
contre  les  nomades.  Bien  qu'ils  aient  donné  asile  aux  Sidi- 
Cheikh  révoltés  contre  nous,  leur  attitude  à  notre  égard  a 
toujours  été  correcte.  Bs  ont  une  grande  influence  au  Ma- 
roc méridional,  au  Sahara  et  dans  le  Sud  oranais.  La  ville, 
avec  une  importante  zaouïa  et  2,000  hab.,  a  été  visitée  par 
G.  Bohlfs  en  4864.  E.  Cat. 

KASBAH.  Mot  arabe  qui  signifie  citadelle  et  sert  à  dési- 
gner les  parties  fortes  et  élevées  des  villes  ;  il  entre  aussi 
dans  la  composition  du  nom  d'un  grand  nombre  de  locali- 
tés des  pays  berbères.  Citons  :  en  Tunisie,  El  Kasbah  ou 
Henchir  Kasbah,  site  de  ruines  romaines,  sur  l'oued  Melian, 
à  50  kil.  S.-S.-O.  de  Tunis,  l'ancienne  Thuburbo  majus  ; 
en  Algérie,  Kasba  Mazouna  (V.  Mazouna)  ;  au  Maroc, 
Kasba,  non  loin  de  l'Océan,  entre  R'bat  et  Casablanca  ; 
Kasba  Cherki,  dans  la  province  de  R'arb,  à  40  kil.  E.-S.-E. 
de  Casablanca  ;  Kasba  béni  Miskin,  dans  la  tribu  du 
même  nom,  sur  la  route  de  R'bat  à  Maroc;  Kasba  béni 
Mellal,  ville  importante  de  la  tribu  du  même  nom,  chef- 
lieu  de  la  province  du  Tedla  ;  Kasba  des  AU  Bba,  à  50  kil. 
au  N.-E.  de  la  précédente  ;  Kasba  Oudaïa,  à  25  kil.  àl'O. 
de  Maroc  ;  Kasba  el  M'zoudi,  sur  une  des  routes  de  Maroc 
à  Mogador.  Cette  dénomination  est  surtout  répandue  dans 
les  régions  du  Gourara,  du  Touat  et  du  Tidikelt  (Sahara 
algérien)  ;  Kasbet  Baba-Ali  (Touat,  district  de  Timmi)  ; 
Kasbet  Sid  el  Madhi  bou  Chenouf,  Kasbet  Mouleî  Ah- 
med, Kasbet  Oiild  Sidi  Ahmed,  Kasbet  Abazou,  Kasbe 


KASBAH  ~  KASTAMOUNI 


~  440  — 


el  Merabtin,  groupe  de  cinq  ksours  du  district  de  Timmi, 
avec  200  à  300  hab.  ;  Kasba  Djedida,  au  même  district, 
avec  oOO  hab.  et  12,000  palmiers  ;  Kasba  Ouled  el  Hadj 
el  Mamoun  (Touat,  district  de  Tamentit),  300  hab., 
15,000  palmiers  ;  Kasba  el  Atsamena  (Touat,  district  de 
Bou-Taddi),  300  hab.,  7,000  palmiers;  Kasbetel  Harrar 
(Touat,  district  de  Tasfaout  Fenorhin),  3o0  hab.,  16,000 
palmiers;  Kasbet  Djedida  (Touat,  district  d'inzegmir), 
600  hab.,  2o,000  palmiers  ;  9  ksours  du  district  de  Sah, 
ou  Touat,  avec  3,000  hab.  et  200,000  palmiers  ;  un  grand 
nombre  dans  le  Tidikelt,  parmi  lesquelles  il  faut  mention- 
ner Kasbet  Oulad  bou  Gouda,  où  réside  le  chef  du  district 
d'In-Salah,  notre  ennemi  acharné  et  le  représentant  de 
Tordre  des  Senoussi,  dans  le  Sahara  occidental.  E.  Cat. 
KASBAÏT.  Site  de  ruines  de  l'Algérie,  dép.  de  Cons- 
tantine,  à  mi-chemin  (18  kil.)  entre  Sétif  et  Djemila,  l'an- 
cienne Cuicul.  Lorsque  les  Romains  occupèrent  dans  ce 
pays  âpre  et  montagneux  les  deux  villes  indigènes  de  Sitifi 
et  de  Cuicul,  ils  fondèrent  à  mi-chemin,  sur  un  mamelon,  la 
station  de  Mons.  C'est  celle  dont  on  voit  les  ruines  assez 
importantes  à  Kasbaït.  La  ville  dut  être  un  marché  agri- 
cole, car  six  inscriptions,  trouvées  dans  les  ruines,  mon- 
trent que  le  culte  le  plus  répandu  était  celui  de  Saturne, 
le  dieu  de  l'agriculture.  E.  Cât. 

KASBIN.  Ville  de  Perse  (V.  Kazvîn). 
KASGHAU  (en  magyar  Kasso)»  Ville  importante  de  la 
Haute-Hongrie  et  ch.-l.  du  comitat  d'Abauj-Torna.  Ses 
32,203  hab.  (1890)  ont  une  industrie  florissante  consis- 
tant principalement  en  raflineries,  en  papeteries,  en  fa- 
briques de  draps,  en  tabacs,  en  cuir,  en  vinaigre.  C'est  la 
principale  place  pour  le  commerce  entre  la  Hongrie  et  la 
Galicie.  Les  étabhssements  d'instruction  publique,  à  tous 
les  degrés,  sont  nombreux.  La  cathédrale  catholique  de 
Kaschau,  belle  église  gothique  de  la  fin  du  xiii^  siècle,  est 
l'œuvre  de  l'architecte  français  Villard  de  Honnecour. 

KASCHMANN  (Joseph),  chanteur  dramatique  autrichien, 
né  dans  l'Istrie  vers  1848.  Il  étudia  d'abord  le  droit,  puis 
la  musique  ;  en  possession  d'une  superbe  voix  de  baryton 
il  travailla  pour  le  théâtre  et  se  rendit  à  Milan  pour  y 
parfaire  son  éducation  vocale.  H  aborda  la  scène  en  1876 
en  chantant,  au  théâtre  royal  de  Turin,  la  Traviata,  qui 
lui  valut  aussitôt  un  brillant  succès.  Rengagé  l'année  sui- 
vante au  même  théâtre,  il  s'y  montra  dans  Ruy  Blas, 
Lohengrin,  I  Puritani,  passa  de  Turin  à  Milan,  à  Naples, 
à  Madrid,  à  Lisbonne,  puis  alla  faire  une  grande  tournée 
aux  Etats-Unis  d'Amérique,  où  il  excita  un  véritable  enthou- 
siasme. Doué  d'un  physique  superbe,  d'une  voix  puissante  et 
généreuse,  avec  cela  chanteur  remarquable  et  comédien  in- 
telligent, se  distinguant  par  un  rare  sentiment  drama- 
tique, M.  Kaschmann  abordait  avec  succès  tous  les  grands 
rôles  du  répertoire,  et  se  faisait  applaudir  tour  à  tour  dans 
Bon  Carlos,  Hamlet,  V Africaine,  Rigoletto,  I  Lituani, 
Otello,  aussi  bien  que  dans  les  grands  drames  wagnériens. 
Il  est  justement  considéré  aujourd'hui  comme  l'un  des 
plus  grands  chanteurs  scéniques  de  ce  temps  et  comme 
un  artiste  accompli  sous  tous  les  rapports.  A.  P. 

KASELOWSKY  (August-Theodor),  peintre  allemand,  né 
à  Potsdam  le  26  avr.  1810.  Elève  de  W.  Hensel,  à  l'Aca- 
démie de  Berlin,  il  obtint  en  1836  le  grand  prix  pour  ses 
Deux  Bergers  jouant  de  la  flûte,  alla  ensuite  à  Paris 
étudier  sous  Léon  Cogniet,  puis,  après  une  série  de  voyages 
en  Italie,  en  Espagne,  en  Grèce,  en  Turquie,  en  Angle- 
terre, il  fut  nommé  professeur  à  l'Ecole  des  beaux-arts  de 
Berlin.  Outre  sa  toile  précitée  et  sa  Suzanne,  faite  à 
Rome  sur  commande  pour  le  roi  de  Prusse  Frédéric-Guil- 
laume IV,  nous  citerons  de  lui  :  Mise  au  tombeau  (1 860,  à 
Sans-Souci)  ;  le  Christ  au  mont  des  Oliviers  (église  Saint- 
André,  à  Berlin)  ;  Baptême  et  Résurrection  du  Christ 
(église  Saint-Etienne,  à  Gartz-sur-Oder);  des  fresques  (E/i> 
et  Ezéchiel)  dans  la  chapelle  du  Château,  et,  dans  la  salle 
de  Niobé,  au  nouveau  musée  de  Berlin,  le  Christ  bé- 
nissant les  petits  enfants,  et  divers  tableaux  d'autel  et 
mythologiques,  peints  par  lui  dans  ces  derniers  temps. 


KASIMIR,  rois  de  Pologne  (V.  Kazimir). 
KASIMIR  (Saint)  (V.  Kazimir). 
KASKASKIA.  Rivière  de  l'Etat  d'Illinois  (V.  ce  mot). 
—  Ville  sur  la  rive  droite  de  cette  rivière,  faubourg  de 
Chester;  c'est  la  plus  ancienne  cité  de  l'Ouest  américain, 
fondée  par  les  Français  en  1673,  capitale  de  l'Etat  jus- 
qu'en 1818. 

KASO  (en  turc  Tchoban  adassi)A\e  de  la  Turquie  d'Asie, 
près  de  Carpathos;  20  kil.  du  S,-0.  au  N.-E.  sur  5  kil.  de 
large;  8,500  hab.  (Grecs  orthodoxes).  Elle  forme  un  caza 
du  sandjak  de  Rhodes.  Les  habitants  (d'origine  albanaise) 
sont  des  marins  renommés, 

KASONGO,  Royaume  africain  (V.  Ouroua). 
KASR.  Nom  arabe  qui  veut  dire  ville  fortifiée  ou  châ- 
teau ;  la  forme  usitée  en  Algérie  est  ksar.  Parmi  les  loca- 
lités égyptiennes  ainsi  dénommées,  on  peut  citer  :  El  Kasr, 
ville  de  la  Petite-Oasis;  3,500  hab.  Ruines  romaines.  — 
El  Kasr-es-Saiad,  village  de  la  Haute-Egypte,  dans  une 
île  du  Nil,  à  55  kil.  0.  de  Keneh;  grottes  sépulcrales.  — 
Kasr-Kéroun,  localité  du  Fayoum,  au  S.  du  lac  Birket-el- 
Keroun  ;  ruines  d'un  temple  égyptien  et  d'un  temple 
romain. 

KASSABA.  Ville  de  Turquie  d'Asie,  chef-lieu  d'un  caza 
du  sandjak  de  Saroukhan  ou  Magnésie  (dans  le  vilayet  de 
Smyrne),  à  93  kil.  N.-E.  de  Smyrne,  dans  la  vallée  du 
Guediz-Tchaï  (Hermus);  13,000  hab.  Culture  du  tabac  et  du 
coton.  La  compagnie  Smyrna  and  Cassaba  a  obtenu,  en 
1863,  la  concession  d'un  chemin  de  fer  reliant  Smyrne  à 
Kassaba.  Le  gouvernement  ottoman  a  cédé,  en  outre,  en 
1878,  à  cette  compagnie  l'exploitation  du  chemin  de  fer  de 
Kassaba  à  Alacheir  qu'il  avait  fait  construire  de  1873  à 
1878.  Ces  deux  lignes,  dont  la  situation  est  prospère, 
doiventêtre  prochainement  vendues,  au  prix  de  1 ,410,000 1. 
st.,  à  la  compagnie  qui  va  se  constituer  pour  utiliser  les 
concessions  faites  en  1891  parle  gouvernement  ottoman  à 
M.  Nagelmacker,  des  lignes  :  Alacheir-Karahissar  etPan- 
derma-Konieh-Karahissar.  L.  Del. 

KASSABA.  Ville  de  Turquie  d'Asie,  sandjak  d'Adalia,  à 
30  kil.  de  Castelloryzo.  Ruines  lyciennes  importantes. 

KASSABA.  Ville  de  Turquie  d'Asie,  sandjak  de  Konieh, 
à  25  kil.  de  Karaman.  Hautes  murailles  et  belles  portes 
d'architecture  sarrazine. 

KASSAÏ.  Rivière  du  Congo  (V.  ce  mot). 

KASSALA.  Ville  de  Nubie,  ancien  ch.-l.  de  la  province 
égyptienne  de  Tara  ou  Taka,  sur  le  Khor-el-Gach,  afiluent 
de  l'Atbara.  C'est  une  importante  place  forte  et  un  entre- 
pôt commercial  entre  les  pays  du  Nil  et  l'Abyssinie  ;  à  côté 
est  Hatime,  également  fortifiée.  La  population  était  de 
8,000  âmes  en  1880;  elle  a  été  fort  réduite  par  les  guerres 
mahdistes.  En  1894,  les  Italiens  l'ont  occupée. 

KASSALl  ou  KIKONDJA.  Lac  de  l'Afrique  centrale, 
Etat  du  Congo,  par  8''  lat.  S.,  sur  le  cours  du  Loualaba 
(V.  Congo).  Au  N.-E.  est  le  bourg  de  Kikondja. 

KASSAN.  Ville  duTurkestan,  province  de  Ferghana,  sur 
le  Kassan-sour,  affluent  du  Sir-Daria  ;  10,000  hab.  Très 
ancienne,  elle  a  un  bazar  très  fréquenté,  un  vieux  château, 
une  belle  mosquée;  auprès  est  le  cimetière  de  Sadpir  avec 
tombes  à  ex-voto  arabes. 

KASSAN DRA  (V.  Chalcidique) . 

KASSEL.  Ville  d'Allemagne  (V.  Cassel). 

KASSIMABAD.  Ville  de  Perse,  prov.  de  Khorassan,  au 
N.-O.  de  Méched,  près  de  la  source  du  Kachaf-roud,  affl . 
g.  de  l'Héri-roud.  Population  kurde;  élevage  de  chameaux 
renommés.  Au  N.  sont  les  ruines  de  Tous  (V.  ce  mot). 
—  Une  autre  Kassimabad  se  trouve  au  bord  de  la  Cas- 
pienne dans  le  Mazanderan,  à  la  limite  du  Ghilan. 

KASSI POUR.  Ville  de  l'Inde,  prov.  du  N.-O.,  ch.-l. 
du  district  de  Téraï,  dans  le  Rohilkand  ;  15,000  hab.  Co- 
tonnades ;  entrepôt  commercial  ;  lieu  de  pèlerinage  brahma- 
nique. 

KASSO  (V.  Kaschau). 

KASSONGO  (Afrique)  (V.  Ouroua). 

KASTAMOUNI.  Ville  de  la  Turquie  d'Asie,  ch.-l.  du 


444  — 


KASTAMOUNI  —  KASYAPA 


vilayet  de  ce  nom,  sur  le  Gheuk-Irmak,  affl.  g.  du  Kizil- 
Irmak,  à  850  m.  d'alt.;  40,000  hab.,en  majorité  Turcs. 
Elle  est  bâtie  dans  un  fond  de  vallée  comme  son  faubourg 
à'Hissar  Ardi,  Les  principaux  monuments  sont  le  château 
byzantin,  de  l'époque  des  Comnènes,  et  les  mosquées.  Les 
rues  sont  tortueuses  et  malpropres.  La  ville  est  malsaine  ; 
l'industrie  du  cuivre,  jadis  très  considérable,  a  décru,  mais 
Kastamouni  garde  de  grandes  tanneries  et  des  teintureries; 
elle  fait  des  cotonnades  et  des  lainages.  —  Ce  fut  après 
les  Comnènes  la  capitale  d'une  principauté  turque  que  les 
Osmanlis  ne  purent  supprimer  qu'après  la  chute  de  l'em- 
pire byzantin. 

Le  vilayet  de  Kastamouni  a  53,659  kil.  q.  et 
900,000  hab.  environ,  presque  tous  Turcs  et  musulmans. 
Il  correspond  à  l'ancienne  Paphlagonie,  entre  les  vilayets 
d'Angora  au  S.,  de  Sivas  et  de  Trébizonde  à  FE.,  s'éfen- 
dant  le  long  de  la  mer  Noire,  du  Sakaria  au  Kizil-ïrmak. 
Il  se  divise  en  quatre  sandjaks  :  Boli,  Kastamouni,  Kian- 
kari,  Sinope. 

KASTEL  (Caslellum  Trajani).  Ville  d'Allemagne, 
grand-duché  de  Hesse,  prov.  de  Hesse  rhénane  ;  rive  droite 
du  Rhin  ;  8,000  hab.  C'est  un  faubourg  de  Mayence,  sa 
tête  de  pont  sur  la  rive  droite  du  Rhin  (V.  Mayence). 

KASTIR.  Ville  de  Grèce  (V.  Hermtone). 

KASTNER  (Abraham-Gotthelf),  poète  et  mathématicien 
allemand,  né  à  Leipzig  le  27  sept.  1719,  mort  à  Gœttingue 
le  20  juin  1800.  Professeur  aux  universités  de  Leipzig 
(1789)  et  Gœttingue  (1756),  il  a  laissé  de  bons  ouvrages 
de  mathématiques  parmi  lesquels  nous  citerons:  Anfangs- 
grunde  der  Mathematik  (Gœttingue,  1758-69,  4  vol.  ; 
6^ éd.,  4800)  ;  Gesch.  der  Mathematik  (Gœttingue,  1796- 
1800,  4  vol.).  Il  doit  sa  réputation  à  ses  poésies  épigram- 
matiques  {Sinngedichte)  publiées  sans  son  aveu  à  Gies- 
sen  en  1781,  placées  ensuite  dans  ses  Vermischte  Schrif- 
ten  (Altenburg,  1783).  On  a  publié  une  édition  complète 
de  ses  œuvres  littéraires  (Berlin,  1841,  4  vol.). 

KASTNER  (Karl-Wilhelm-Gottlob),  chimiste  et  physi- 
cien allemand,  né  à  Greifenberg  (Poméranie)  le  31  oct. 
1783,  mort  à  Erlangen  le  13  juil.  1857.  D'abord  élève  en 
pharmacie,  il  se  fit  recevoir  en  1805  docteur  en  médecine 
et  professa  la  chimie  aux  universités  de  Heidelberg  (1805- 
12),  de  Halle  (1812-18),  de  Bonn  (1818-21)  et  d'Erlan- 
gen  (1821-57).  Il  a  beaucoup  contribué  par  ses  travaux  et 
par  ses  écrits  aux  progrès  de  la  chimie  et  des  arts  indus- 
triels. Les  principaux  de  ses  ouvrages  ont  pour  titres  : 
Grundriss  der  Chemie  (Heidelberg,  1807,  in-8)  ;  Griiri- 
driss  der  Experimentalphysik  (Heidelberg,  1809-10, 
2  vol.  in-8  ;  2^  éd.,  1820-22)  ;  Chemisches  Handwœr- 
terbuch  (Halle,  1813,  2  vol.  in-8);  Grundzilge  der 
Physik  und  Chemie  (Bonn,  1821,  in-8;  2®  éd.,  Nurem- 
berg, 1832-33);  Handbuch  der  Météorologie  {Évhngen, 
1823-30,  3  vol.  in-8);  Théorie  der  Polytechnochemie 
(Eisenach,  1827-29,  2  vol.  in-8);  Handbuch  der  an- 
gewandten  Natur lehre '  (Sintigain,  1835-49,  in-8).  Il  a 
en  outre  fondé  et  dirigé  trois  excellents  recueils  :  Deutsche 
Gewerbsfreuîid  (Halle,  1815-24);  Archiv  fur  die  ge- 
sammte  Naturlehre  (Nuremberg,  1824-29)  ;  Archiv  filr 
Chemie  und  Météorologie  (Heidelberg,  1830-35).  Il  y  a 
publié,  ainsi  que  dans  le  Journal  de  Trommsdorff,  dans 
celui  de  Schweigger,  dans  le  Magazin  de  Voigt  et  dans 
ÏEncyklopœdie  d'Ersch  et  Gruber,  un  nombre  considé- 
rable de  mémoires  et  d'articles  de  chimie,  de  physique  et 
de  minéralogie.  L.  S. 

KASTNER  (Jean-Georges),  compositeur  et  écrivain  mu- 
sical français,  né  à  Strasbourg  le  9  mars  1810,  mort  à 
Paris  le  19  déc.  1867.  Destine  par  sa  famille  à  la  théo- 
logie, il  suivit  les  cours  du  séminaire  protestant  de  Stras- 
bourg, tout  en  poursuivant  l'étude  de  la  musique,  vers  la- 
quelle le  portaient  son  inclination  et  ses  facultés.  En  1832, 
il  abandonna  la  théologie  pour  se  consacrer  à  l'art.  Le 
succès  d'un  opéra  allemand  qu'il  fit  représenter  en  i  835 
à  Strasbourg  détermina  le  conseil  de  cette  ville  à  lui  ac- 
corder une  subvention  pour  se  rendre  à  Paris.  Il  s'y  pro- 


duisit avec  plus  d'avantage  comme  théoricien  que  comme 
compositeur.  Tandis  que  ses  opéras  la  Maschera  (1841), 
le  Derîiier  Roi  deJuda  (1844),  ses  romances,  ses  chœurs, 
ses  compositions  instrumentales,  ne  le  plaçaient  point  à 
un  rang  élevé  parmi  les  maîtres  de  l'école  française,  ses 
ouvrages  de  théorie  et  de  littérature  musicales  lui  acqué- 
raient une  renommée  aussi  brillante  que  solide.  Voici  ses 
principaux  ouvrages  :  Traité  d'instrumentation  (Paris, 
1837;  2®  éd.,  s.d.;  suppL,  1844),  le  premier  ouvrage  de 
ce  genre  paru  en  France  ;  Grammaire  musicale  (1840)  ; 
Théorie  abrégée  du  contrepoint  et  de  la  fugue  (1841)  ; 
Méthode  élémentaire  d'harmonie  appliquée  au  piano 
(1842);  des  Méthodes  pour  un  grand  nombre  d'instru- 
ments, notamment  pour  le  saxophone  et  pour  les  timbales 
(1845);  Manuel  général  de  musique  militaire  (1848)  ; 
les  Danses  des  morts  (1852),  un  de  ses  plus  intéressants 
et  plus  savants  ouvrages  ;  les  Chants  de  la  vie  (1854)  ; 
les  Chants  de  l'armée  française,  précédés  d'un  Essai 
historique  sur  les  chan  ts  militaires  des  Français  (1 855) ; 
les  Voix  de  Paris,  essai  d'une  histoire  littéraire  et 
musicale  des  cris  populaires  (1857)  ;  Parémiologie  mu- 
sicale de  la  langue  française,  suivie  de  la  Saint-Julien 
des  ménétriers,  symphonie  (1866).  Comme  les  titres 
l'indiquent,  Kastner  joignait  à  chacun  de  ses  derniers  ou- 
vrages une  grande  composition  musicale  ;  ces  partitions 
souvent  considérables  n'ont  pas  été  exécutées.  —  Kastner 
fut  élu  académicien  libre  en  1859  (Académie  des  beaux- 
arts).  Sa  bibliothèque  musicale  a  passé  au  Conservatoire  de 
Paris.  M"^®  V^e  Kastner  a  légué,  en  mémoire  de  son  mari, 
à  l'Institut  de  France,  une  somme  destinée  à  la  fondation 
d'un  prix  pour  des  ouvrages  de  littérature  musicale.  M.  Br. 
BiBL.  :  H.  Ltjdwig,  J.-G.  Kastner;  Leipzig,  1886,  3  vol. 

KASTNER  (Georges -Frédéric-Eugène),  physicien  et 
musicien  français,  né  à  Strasbourg  le  10  août  1852,  mort 
à  Bonn  le  6  avr.  1882,  fils  du  précédent.  Il  s'est  dis- 
tingué par  la  construction  du  pyrophone,  petit  orgue  dont 
les  tuyaux  étaient  mis  en  vibration  par  des  jets  de  gaz 
enflammé.  C'était  la  réalisation  des  principes  émis  par  di- 
vers physiciens,  depuis  Ghladni  et  Faraday  jusqu'à  Ter- 
quem.  Kastner  présenta  son  instrument  à  l'Académie  des 
sciences  et  le  fit  entendre  dans  des  concerts  à  Paris,  à 
Londres  et  en  Allemagne.  Il  a  publié  :  Théorie  des  vibra- 
lions  et  coyisidérations  sur  l'électricité  (?ms,  1873); 
lePyrophone,  flammes  chantantes  (Paris,  1876,  4®  éd.). 

KASTORIA.  Ville  de  la  Turquie  d'Asie  (Macédoine), 
dans  le  sandjak  de  Monastir,  sur  une  presqu'île  qui  s'avance 
sur  la  rive  occidentale  du  lac  du  même  nom  ;  8,000  hab. 
Autrefois  Celetron.  Ruines  d'une  enceinte  byzantine.  Le 
lac,  vaste  de  5,080  hect.,  est  presque  circulaire;  il  a  envi- 
ron 9  kil.  de  diamètre;  Use  déverse  dans  un  affluent  de 
l'Indje-Karasou.  Il  est  séparé  par  une  plaine  de  15  kil.  de 
la  base  des  monts Grammos  (1462  m.),  vers  l'O.  ;  à  TE., 
il  baigne  le  pied  d'une  prolongation  méridionale  du  Sou- 
kha-Gora,  Ses  rives  sont  bordées  de  villages  qui  offrent  un 
coup  d'œil  pittoresque. 

KASTRITZA.  Village  d'Albanie,  sur  la  rive  méridionale 
du  lac  de  Janina.  Ruines  de  Dodone.  Les  gouffres  ou  Ka- 
tavothra  de  Kaslritza  servent  de  décharge  à  la  partie 
méridionale  du  lac  de  Janina.  Du  moulin  du  Katavothra, 
on  a  une  très  belle  vue  sur  Janina,  ses  dômes,  ses  minarets 
et  son  château,  et  sur  le  Mitzékeli. 

KÂSYAPA  (pâli  Kassapa).  Nom  indien  de  plusieurs  per- 
sonnages, dont  quelques-uns  sont  purement  mythiques. 

1°  lUsYAPA,  fils  deMarîtehi,  le  premier  des  Pradjàpatis 
(seigneurs  des  créatures),  considéré  comme  le  créateur  des 
dieux  et  des  démons  leurs  ennemis,  et  de  tous  les  êtres. 
Il  eut  pour  épouses  treize  des  filles  de  Dakcha  et  deux 
filles  de  Brahmâ,  Vinatâ  qu'il  rendit  mère  de  Arouna  (co- 
cher du  Soleil,  Aurore)  et  de  Garouda  (roi  des  oiseaux, 
monture  de  Vichnou),  —  et  Kadroii  dont  naquirent  mille 
serpents  adversaires  de  Garouda. 

2«  Kâsyapa  (Bouddha),  le  troisième  du  Bhadra-Khalpa, 
successeur  de  Kanakamouni  et  prédécesseur  du  Bouddha 


KASYAPA  ~  KATGHIN 


actuel  Sâkyamouni.  De  son  temps  la  durée  de  la  vie  était 
de  20,000  ans,  il  résidait  habituellement  à  Bénarès,  sous 
la  protection  du  roi  Krïkt  (imaginaire  comme  lui).  La  durée 
de  sa  doctrine  a  été  de  70,000  ans. 

3*^  KAsYÂPA  (Atchala),  «  Tlnébranlable  »,  brahmane  con- 
verti par  le  Bouddha  Sâkyamouni,  et  qui  devint  Arhat. 

4^  Kâsyapa  (Mahâ),  «le  Grand»,  autre  brahmane,  de- 
venu disciple  de  Sâkvamouni,  et  le  premier  de  ceux  qui 
lui  survécurent.  Il  enseignait  de  préférence  les  Dhoutas  ou 
exercices  pratiques  pour  la  répression  des  passions.  Le 
Bouddha  l'avait  désigné  comme  son  successeur  ;  aussi, 
après  la  mort  du  maître,  il  fut  mis  à  la  tète  de  la  confrérie 
et  présida  les  réunions  qui  se  tinrent  dans  la  grotte  de 
Sattapani,  près  de  Râdjagrïha,  et  qu'on  appelle  le  «  pre- 
mier concile  »  bouddhique.  Il  dirigea,  par  ses  interroga- 
tions, la  récitation  de  la  Discipline  (Vinaya)  et  de  la  doc- 
trine ou  loi  (Dharma),  Oupali  répondant  pour  la  première, 
Ananda  pour  la  seconde.  Il  contribua  à  l'affermissement 
de  l'œuvre  de  Sâkyamouni  en  engageant  le  roi  Ajâtasatron 
à  prendre  la  date  de  la  mort  du  Bouddha,  le  Nirvana,  pour 
point  de  départ  d'une  ère  nouvelle.  Après  avoir  été  pendant 
quarante-cinq  ans  le  chef  de  la  confrérie  ou  son  premier 
patriarche,  il  mourut  dans  son  ermitage  de  Roukkouta- 
pâda,  près  de  Râdjagrïha,  laissant  à  Ananda  la  direction 
de  l'œuvre.  —  Lors  du  premier  schisme,  l'école  des  Mahâ- 
sanghikas  le  prit  pour  patron  et  s'intitula  Kasyapiya  (qui 
tient  pour  Kâsyapa  ou  dérive  de  lui).  On  lui  attribue  le 
recueil  de  VAbhidharma  qui  est  d'un  temps  bien  posté- 
rieur. 

5*^  KAsYAPA,  un  des  docteurs  envoyés  par  Asoka  pour  la 
conversion  des  pays  voisins  de  l'Inde,  accompagna  Ma- 
dhyama  dans  la  région  de  l'Himalaya. 

6°KAsYAPA(Pourana),  «  l'AccompU».  Un  des  adversaires 
du  Bouddha  ;  toujours  cité  le  premier  des  six  Tirthikas  qui 
combattirent  Gautama.  Celui-ci  lui  reprochait  de  nier  la 
cause  de  la  souillure  et  de  la  purification  des  êtres.  Tou- 
jours vaincu,  il  se  noya,  de  rage,  dans  le  Gange,  parce 
qu'il  n'avait  pas  réussi  à  faire  des  prodiges  tels  que  ceux 
du  Bouddha.  L.  Feer. 

BiBL.  :  CsoMA  de  Kôrôs,  Analyse  du  Kandjour.  — 
Sp.  Hardy,  A  Manual  of  Budhism,  — Eug.  Burnouf,  In- 
trod.  à  VHist.  du  Bouddhisme  indien. 

KASZEWSKI  (Casimir),  littérateur  polonais,  né  à  Var- 
sovie en  1825.  Il  a  rempli  diverses  fonctions  administra- 
tives, collaboré  à  la  Bibliothèque  de  Varsovie,  au  Recueil 
Klosy  et  pubUé  des  traductions  fort  estimées  des  auteurs 
classiques  ou  des  écrivains  français  contemporains  (Hugo, 
Coppée,  Au2[ier,  etc.).  ^ 

KÂTANCSICH  ou  KATANCIC  (Mathieu-Pierre),  archéo- 
logue croate,  né  àValpovo  (Slavonie)  en  4750,  mortàBude 
en  4825.  Il  entra  dans  l'ordre  des  franciscains,  fut  or- 
donné prêtre  en  47T5  et  enseigna  dans  les  gymnases  d'Esik 
(Essek)  et  d'Agram.  En  4796,  il  devint  professeur  et  bi- 
bliothécaire. Ses  travaux  ont  surtout  pour  objet  l'archéo- 
logie et  la  géographie  des  pays  hongrois.  Les  principaux 
sont  :  Dissertaiio  de  columnamilliariaad  Eszekumre' 
perta  (Osék,  4784  et  4792);  Friwtus  autumnales  in 
jiigis  Parnassi  Pannonici  lecti  (Agram,  4791)  ;  Spéci- 
men philologiœ  et  geographiœ  Pannoniorum  (id,, 
4795)  ;  Tentamen  publicum  de  numismatica  (Pesth, 
4797);  De  Istro  ejusque  adcolis  commentatio  (Bude, 
4798)  ;  Jos,  Ekkel  elementa  numismatica  (id.,  4799); 
Orbis  antiquus  e  tabula  itineraria  Theodosii  (id.,  4824- 
4825,  2  vol.)  ;  Istri  adcolarum  Illyrici  nominis  Geo- 
graphia  epigraphica  (id.,  4825).  L,  L. 

KATAR.  Province  de  l'Arabie  orientale  occupant  la  grande 
presqu'île  terminée  par  le  cap  Reken  qui  s'avance  vers  le 
milieu  du  golfe  Persique.  Le  sol  est  formé  d'une  série  de 
chaînes  de  montagnes  de  peu  d'élévation  ;  il  est  sec  et  aride 
sans  cependant  être  aussi  infertile  que  celui  des  parties  qui 
avoisinent  le  Katar  au  S.  et  à  l'O.  (Quelques  jardms  arrosés 
artificiellement  à  l'aide  de  l'eau  des  puits  entourent  les 
villes  et  les  villages  qui  tirent  leurs  principales  ressources 


de  la  pêche  des  perles.  C'est  en  effet  au  milieu  des  îles  ou 
îlots  qui  couvrent  en  cet  endroit  la  mer  de  tous  côtés  que 
l'on  trouve  les  perles  les  plus  belles  et  les  plus  abondantes. 
La  plus  grande  de  ces  îles  est  celle  de  Zabara  à  l'extrémité 
N.  de  la  presqu'île.  Très  exposés  aux  incursions  des  no- 
mades, les  habitants  de  Katar  ont  dû  pour  s'en  défendre 
entourer  leurs  villes  et  villages  de  hautes  murailles  derrière 
lesquelles  ils  trouvent  un  abri  assuré.  Quoique  très  sec,  le 
climat  est  néanmoins  malsain  à  cause  sans  doute  du  mé- 
lange des  eaux  marines  avec  celles  de  sources  d'eau  douce 
qui  jaillissent  du  milieu  delà  mer  et  forment  des  marécages 
dans  les  parties  basses  du  rivage.  Nominalement  le  Katar 
relève  du  sultan  de  l'Oman  ;  en  réalité  il  est  à  peu  près 
indépendant.  Les  villes  principales  sont  Bedaa  (6,000  hab.), 
chef-Heu  de  la  province,  Wokrah  (5,000  hab.),  Douhah  et 
Zabara. 

KATAVOTHRA.  4«  Géologie  (V.  Grèce);  2°  Ancien 
mont  OEta  (V.  Grèce). 

KATCH.  Etat  de  l'Inde  (V.  Guzerate). 

KATCHÂYANA  (V.  KatyAyâna). 

KATCHENOVSKY(Michel-Trofimovitch),  historien  russe, 
né  en  4775,  mort  en  4842.  Après  avoir  fait  ses  études  à 
Kharkov,  il  devint  professeur  à  l'université  de  Moscou  où 
il  enseigna  successivement  l'esthétique,  l'histoire  russe  et 
l'histoire  des  Slaves.  Il  rédigea  pendant  de  langues  années 
le  Messager  d'Europe,  C'est  l'un  des  chefs  de  l'école  scep- 
tique en  matière  d'histoire  russe  ;  il  s'attaqua  vivement  à 
l'école  de  Karamzine  ;  ses  conclusions  n'ont  pas  été  confir- 
mées par  les  progrès  de  la  science  historique  ;  elles  furent 
vivement  combattues  par  Pogodine.  Outre  de  nombreux  ar- 
ticles dans  sa  revue,  Katchenovsky  a  publi-é  à  part  deux 
dissertations;  l'une  Sur  les  Monnaies  de  cow\  l'autre 
sur  la  Rouskaïa  Pravida  ^Moscou,  4849). 

KATCHI-Gandava.  Province  du  Béloutchistân,  confinant 
au  district  hindou  de  Chikarpour.  C'est  une  plaine  d'envi- 
ron 23,000  kil.  q.,  formée  d'alluvions  abondantes,  mais 
qui  n'est  arrosée  que  par  des  torrents  à  sec  pendant  de  longs 
mois.  La  rivière  la  plus  importante  est  la  Nâri,  issue  du 
plateau  afghan  et  débouchant  sur  le  territoire  de  Gatchi 
Gandava  par  une  gorge  immense  que  traverse  un  chemin 
de  fer  stratégique  anglais.  A  l'O.  de  là  s'ouvre  la  fameuse 
nasse  de  Bolan,  où  coule  la  rivière  de  Bolan,  et  que  défend 
la  ville  de  Kwatah,  occupée  par  les  Anglais  depuis  4870. 
Il  règne  dans  le  Katchi-Gandava  une  chaleur  torride,  due 
surtout  au  djoulo,  vent  d'été  aux  effluves  brûlantes.  La  po- 
pulation est  d'environ  400,000  âmes  ;  ce  sont  des  Djât 
musulmans  (V.  ée  mot)  qui  sont  en  majorité  et  des  tribus 
de  Rind  et  de  Brahoui  (V.  Béloutchistân).  La  ville  princi- 
pale est  Gandava,  qui  a  5,000  hab.  ;  on  peut  encore  citer 
Dadar,  qui  est  à  l'entrée  du  défilé  de  Bolan.      A.  Guy. 

KATCH  IN  ou  KATC  H INTSI.  Peuplade  de  la  Sibérie  mé- 
ridionale, d'origine  samoyède  ou  éniséienne,  parlant  un 
des  dialectes  de  la  langue  turque.  Elle  habite  dans  le 
district  de  Minoussinsk  (gouv.  d'Eniseï),  surtout  dans 
la  vallée  d'Abakan,  affluent  gauche  du  Eniseï.  Aussi  les 
Russes  confondent-ils  cette  peuplade  avec  d'autres,  sous  le 
nom  commun  de  Tatars  d'Abakan*  Vers  l'année  4849  on 
estimait  leur  nombre  à  9,436  individus,  mais  les  derniers 
recensements  n'en  accusent  que  7,000.  Les  Katchins  sont 
des  chasseurs  nomades  et  habitent  des  «  yourtes  »  en 
écorce,  en  feutre,  et  paifois  en  bois  (alors  la  yourte  a  la 
forme  octogonale).  Il  y  a  encore  quelques  agriculteurs 
parmi  eux.  Très  sales,  ils  s'habillent  d'une  chemise  de  toile 
et  d'un  pantalon  de  drap  ;  ils  ne  quittent  ces  vêtements 
que  lorsqu'ils  sont  complètement  usés.  Les  coutumes  de 
mariage  comportent  le  rapt  de  la  fiancée,  la  rançon  ou 
Kalym,  la  lutte  entre  les  camarades  du  fiancé  et  les  parents 
de  la  future,  etc.  L'usage  veut  aussi  qu'après  le  mariage  le 
père  du  marié  et  son  frère  aîné  ne  voient  plus  la  jeune 
femme  et  ne  se  mettent  pas  dans  certaines  parties  de  la 
yourte  des  nouveaux  mariés  ;  de  son  coté,  la  jeune  femme 
évite  de  rencontrer  ou  de  servir  ses  parents.  Convertis 
nominalement  au  christianisme,  les  Katchins  continuent  à 


—  443 


K4TCHIN  -  K4T0NA 


pratiquer  leurs  anciennes  croyances  chamanistes.  Ils  enter- 
rent leurs  morts  sur  des  collines  élevées  et  immolent  par- 
fois un  cheval  sur  leur  tombe,  qui  est  marquée  ensuite 
par  une  butte  de  pierres.  Les  Chamans  ne  sont  pas  enter- 
rés, mais  exposés  sur  une  haute  plate-forme,  soutenue  par 
quatre  arbres  (coutume  répandue  depuis  les  Sayanes  jus- 
qu'à Tembouchure  de  la  Lena),  ou  bien  ils  sont  attachés  à 
un  arbre.  J.  Deniker. 

BiBL.  :  Strumpell,  Ueher  die  Katschinzen  in  Sud- 
Sibérien,  dans  Mittheilungen  de  la  Soc.  Géogr.  de  Leip- 
zig, 1875.  —  Karatanov  et  Popov,  les  Tatars  Katchins, 
dans  Bull.  Soc.  russe  de  géogr.  ;  Saint-Pétersbourg,  1884, 
p.  589  (en  russe). 

KATE  (Lambert  Ten),  philologue  hollandais,  né  à  Ams- 
terdam en  1674,  mort  à  Amsterdam  en  4731.  Il  fut  de 
bonne  heure  un  polyglotte  distingué  et  publia  des  travaux 
importants  sur  la  langue  néerlandaise  dont  il  fixa,  peut-on 
dire,  la  grammaire  et  la  syntaxe.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  Etudes  S2ir  les  affinités  de  la  langue  néerlan- 
daise avec  les  dialectes  gothiques  (en  holL,  Amsterdam, 
1710,  in-4)  ;  Introduction  à  la  connaissance  de  la 
langue  hollandaise  {id,,  1723,  2  vol.  in-4).    E.  H. 

BiBL.  :  Van  Kampen,  Histoire  de  la  littérature  néerlan- 
daise (en  holl.);  Haarlem,  1821-26,  3  vol.  in-8. 

KATE  (Jean-Jacques-Louis  Ten),  poète  hollandais,  né  à 
La  Haye  en  1819.  Il  étudia  la  théologie  à  Utrecht  et  devint 
pasteur,  d'abord  aux  iles  Marquises  et  ensuite  à  Amster- 
dam. Dès  Fâge  de  dix  ans,  il  avait  publié  un  premier 
recueil  de  poésies  pleines  de  naïveté  et  de  grâce,  Plus  tard, 
il  composa  des  poésies  légères  qui  brillent  à  la  fois  par 
l'inspiration,  l'élégance  et  l'harmonie.  Parmi  ses  œuvres 
les  plus  populaires,  nous  citerons  :  Feuilles  et  flenrs 
(Botterdam,  1839,  in-8),  et  la  Création  (id.,  1866, 
in-8).  Ses  œuvres  complètes  ont  été  publiées  à  Leyde  en 
1867-72,  en  8  vol.  in-8.  E.  H. 

KATE  (Herman-Frederik-Carel  Ten),  peintre  de  genre 
hollandais,  né  à  La  Haye  le  16  févr.  1822,  mort  à  la  fin 
de  mars  1891.  Il  fut,  à  Amsterdam,  élève  de  Cornelis 
Krusemann,  puis  il  vint  passer  un  an  à  Paris  et  retourna 
dans  son  pays  (1849).  Après  un  premier  tableau  histo- 
rique, les  Prisonniers  calvinistes  sous  Louis  Xf  F,  il  se 
consacra  à  la  peinture  de  genre  et  peignit  des  toiles  bien 
observées  et  habilement  composées.  Membre  honoraire  de 
l'Académie  de  Rotterdam  en  18o6,  Kate  a  quelquefois  exposé 
à  nos  Salons  :  la  Discussion  politique  et  les  Fêtes  cham- 
pêtres à  l'Exposition  de  1855;  au  Salon  de  1857,  les 
Pêcheurs  de  Marken^  qui  sont  au  musée  de  Bordeaux;  à 
l'Exposition  de  1878,  la  Pointe  de  l'épée  et  la  Pointe 
du  pinceau,  et  des  aquarelles.  Le  musée  d'Amsterdam  a 
de  lui  r Antichambre^  qui  a  été  achetée  1,300  florins  en 
1867. 

KATER  (Henry),  mathématicien  anglais,  né  à  Bristol  le 
16  avr.  1777,  mort  à  Londres  le  26  avr.  1835.  Il  com- 
mença l'étude  du  droit,  puis  s'engagea  (1 794y  et  partit  pour 
les  Indes,  où  stationnait  alors  son  régiment  et  où  il  effec- 
tua de  nombreux  relevés  trigonométriques.  Il  en  revint  en 
1808  avec  le  grade  do  lieutenant.  Bientôt  promu  capitaine, 
il  démissionna  en  1814  et  ne  s'occupa  plus  dès  lors  que  de 
recherches  scientifiques.  En  1815,  il  fut  élu  membre  de  la 
Société  royale  de  Londres  et,  en  1819,  correspondant  de 
l'Académie  des  sciences  de  Paris.  Ses  plus  remarquables 
travaux  ont  porté  sur  la  comparaison  des  télescopes  de 
Cassegrain  et  de  Gregory  (Philosophical  Transactions, 
1813-14),  sur  le  meilleur  acier  à  employer  pour  les  ai- 
guilles des  boussoles  et  sur  la  meilleure  forme  à  leur  donner 
(id.^  1821),  sur  la  détermination  de  la  longueur  du  pen- 
dule qui  bat  la  seconde  à  Londres  (id.,  1818-19),  sur 
l'évaluation  en  mètre  des  mesures  anglaises  {id.,  1818- 
21).  Il  trouva  que  le  mètre  est  égal  à  39,37079  pouces 
du  yard  anglais  (un  yard  =  36  pouces)  et  qu'un  pouce  cube 
d'eau  distillée  pèse  252,^58  grains  troy  (une  livre  =r: 
5,760  grains).  A  la  suite  de  ces  expériences,  il  fut  chargé 
par  le  gouvernement  russe  de  la  construction  de  ses  éta- 
lons. On  doit  encore  au  capitaine  Kater  une  méthode  pour 


la  détermination  des  longitudes  au  moyen  des  échpses  de 
lune  et  un  instrument  qui  a  rendu  de  grands  services  à 
l'astronomie  pratique,  le  Floating  collimator.  Il  a  publié 
à  part:  A  Treatise  on  Mechanics,  en  collaboration  avec 
Lardner  (Londres,  1830,  2''  éd.,  in-8),  excellent  ouvrage, 
qui  forme  un  des  volumes  de  la  Cyclopœdia  de  Lardner  et 
qui  a  été  traduit  en  français  par  A.  Cournot  (Paris,  1834), 
en  allemand  par  Kossman;  An  Account  of  the  construc- 
tion and  vérification  of  certain  standards  of  linear 
measures  (Londres,  1832,  in-4),  etc.  L.  S. 

KATHAY  ou  CATHAY.  Nom  par  lequel  les  voyageurs  et 
les  historiens  du  moyen  âge  désignent  la  Chine.  Cette  dé- 
nomination est  une  corruption  du  mot  Khitan  (V.  ce  mot). 
Les  Russes  appellent  aujourd'hui  encore  Kitaï  le  Céleste 
Empire. 

KATHÉNOTHÉISME  (V.  Inde,  t.  XX,  p.  697). 

KATHIAWAR  ou  KATTIVAR  (V.  Guzerate). 

KATIB-TcHÉLÉBi  (V.  Hadji-Khâlfah  et  Inde,  t.  XX, 
pp.  671-672). 

KATIF  (El-).  Ville  d'Arabie,  sur  le  golfe  Persique,  au 
fond  d'une  petite  baie,  au  N.-O.  des  îles  Bahreïn,  chef-heu 
d'un  sandjak  du  vilayet  de  Bagdad  ;  6,000  hab.  Grands 
jardins  de  dattiers.  Le  port,  qui  fut  autrefois  célèbre,  a 
été  envahi  par  la  vase  et  n'est  plus  accessible  qu'à  de  pe- 
tites barques.  El-Katif,  qui  fut,  au  ix®  et  au  x^  siècle,  la 
capitale  des  Karmathes,  a  été  enlevée  en  1871  par  les 
Turcs  aux  Ouahabites.  Pêcheries  de  perles. 

KATKOV  (Michel  Nikiforovitch),  publiciste  russe,  né  à 
Moscou  en  1818,  mort  à  Znamenskoe  le  20juiL  1887. 
Il  fit  ses  études  à  Moscou  et  les  acheva  en  Allemagne.  En 
1843,  il  prit  le  titre  de  magister  (licencié)  à  l'université  de 
Moscou  avec  une  thèse  de  philologie  slave  et  fut  chargé 
d'enseigner  la  philosophie.  En  1850,  il  fut  mis  à  la  tête  de 
la  Gazette  de  Moscou  qui  était  alors  publiée  par  l'univer- 
sité. En  1853,  il  fit  paraître  un  ouvrage  sur  V Ancienne 
Philosophie  grecque.  En  1856,  il  fonda  la  Revue  russe 
qui  existe  encore  aujourd'hui.  Il  continua  à  s'occuper  de 
questions  pédagogiques  et  créa  avec  son  ami  et  collabora- 
teur Leontiev  le  lycée  classique  du  Tsarévitch  Nicolas.  Sous 
sa  direction  la  Gazette  de  Moscou  devint  l'un  des  organes 
les  plus  importants  de  la  presse  européenne  ;  elle  incarna 
les  idées  du  parti  vieux  russe  et  fit  une  guerre  acharnée 
au  libéralisme  ;  elle  prêcha  l'éducation  classique,  la  russi- 
fication des  anciennes  provinces  polonaises  et  des  provinces 
baitiques,  combattit  les  écrivains  suspects  de  sympathie 
pour  ridée  occidentale.  Elle  exerça  une  incontestable  in- 
fluence sur  l'opinion  pubhque  et  la  représenta  dans  cer- 
taines circonstances.  L'ordre  de  Saint-Vladimir  récom- 
pensa vers  la  fin  de  sa  vie  les  services  de  celui  qui  était 
devenu  en  quelque  sorte  le  publiciste  national,  qui  «  pendant 
de  longues  années  avait  consacré  toutes  ses  forces  à  faire 
pénétrer  dans  les  esprits  la  notion  claire  des  vrais  principes 
de  la  vie  poHtique  en  Russie  ».  L.  L. 

BiBL.  :  Neviedensky,  Kaikov  et  son  temps;  Saint-Pé- 
tersbourf?,  1888.  —  Leroy-Beaulieu,  la  France,  la  Rus- 
sie et  l'Europe;  Paris,  1888. 

KATONA  (Etienne),  historien  hongrois,  né  en  1732, 
mort  en  1811.  Entré  dans  l'ordre  des  jésuites,  il  enseigna 
dans  plusieurs  écoles,  notamment  à  l'université  de  Tyrnau. 
Lorsque  Joseph  II  exigea  l'emploi  de  la  langue  allemande 
dans  l'enseignement,  Katona  se  démit  de  sa  chaire,  et  de- 
vint bibliothécaire  de  l'archevêché  de  Kalocsa.  Ses  travaux 
diplomatiques,  continués  lorsqu'il  fut  devenu  abbé  du  mo- 
nastère de  Bodrog,  aboutirent  à  un  immense  monument, 
ÏHistoria  critica  regum  Hungariœ{^^  ^'oL),  collection 
dont  l'impression  dura  près  de  quarante  ans  (1778-1817) . 

KATONA  (Joseph),  dramaturge  hongrois,  né  à  Kecske 
met  en  1792,  mort  à  Kecskemét  en  1830.  D'abord  juriste, 
il  se  consacra  de  bonne  heure  au  "théâtre  national,  qu'il 
devait  enrichir  de  sa  tragédie  la  plus  célèbre.  Après  quel- 
ques essais  mspirés  des  poètes  allemands  et  sans  grande 
originalité,  il  eut  l'heureuse  inspiration  de  composer  son 
Bdnk  Ban,  dont  le  succès  ultérieur  n'a  jamais  été  dépassé 


KATONA  —  KATZENELNBOGEN 


^  444 


sur  la  scène  hongroise.  Composée  dès  1815,  mais  mo- 
mentanément interdite  par  la  censure  théâtrale  autri- 
chienne, la  pièce  fut  imprimée  à  Pest  en  18^21.  Katona 
est  aussi  l'auteur  de  poésies  et  d'un  essai  historique  sur 
sa  ville  natale.  Parmi  les  nombreux  critiques  qui  se  sont 
occupés  de  Bd7îk  Bdn^  citons  MM.  Gyulai  et  Heinrich. 
Les  œuvres  de  Katona  ont  été  réunies  en  3  vol.  par 
M.  Abati  {Budapest,  4880). 

KATONA  (Louis),  philologue  hongrois,  né  à  Vâcz  en 
iS6^,  professeur  à  Budapest.  Il  a  publié  en  allemand  : 
Finnische  Mœrchen  et  Zur  Litteratur  und  Charakte- 
ristik  des  magyarischen  Folk-lore  (Berlin,  1887),  et 
collaboré  aux  Ethnologische  Mittheilungen  aus  Ungarn. 
Il  a  fait  aussi  des  études  en  langue  magyare  sur  Voland 
le  Forgeron  et  sur  Molière.  Enfin  il  a  composé  un  essai 
sur  les  patois  créoles  français,  et  traduit  en  français  la 
grammaire  tsigane  de  l'archiduc  Joseph. 

KATOUN  (V.  Monténégro). 

KATRINE.  Lac  d'Ecosse  (comté  de  Perth),  à  8  kil.  E. 
du  lochLomond,  de  3  kil.  de  longueur  sur  3  kil.  de  lar- 
geur, avec  une  superficie  de  1,200  hect.  (plus  grande  pro- 
fondeur :  146  m.).  Un  aqueduc  amène  à  Glasgow  une  partie 
de  ses  eaux,  depuis  1859  (V.  Glasgow).  Il  est  question  du 
loch  Katrine  dans  la  Dame  du  lac  de  Walter  Scott. 

KATS  (Jacob)  (V.  Cats). 

KATSCHER.  Ville  de  Prusse,  district  d'Oppeln  (Silésie), 
sur  la  Troja  ;  4,000  hab.  Tissage.  Elle  dépend  de  Tévèché 
autrichien  d'Olmutz. 

KATSENA.  Ville  du  Soudan  central,  capitale  d'une  pro- 
vince du  même  nom,  aujourd'hui  annexée  au  Sokoto  ; 
8,000  hab.  Elle  en  a  compté  100,000  et  fut  une  des 
grandes  cités  des  Haoussas  ;  depuis  sa  conquête  par  les 
Foulbé,  ©lie  a  déchu.  On  y  fabrique  des  cotonnades  et  des 
cuirs.  —  La  province  de  Katsena  a  environ  30,000  kiL  q. 
et  300,000  hab.  ;  c'est  la  province  septentrionale  du  Sokoto, 
plaine  ondulée,  bien  arrosée  et  très  fertile.  Ce  fut  jadis  un 
Etat  indépendant,  et  les  incursions  des  Haoussas,  restés 
libres,  l'ont  en  grande  partie  ruinée  ;  cependant  Barth  y 
comptait  encore  cinquante  bourgs  de  plus  de  4,000  âmes. 

KATTAK  ou  CUTTAK.  Ville  de  l'Inde  anglaise,  prési- 
dence du  Bengale,  ch.-l.  d'un  district  de  la  province 
d'Orissa,  sur  le  Mahanadi  ;  45,000  hab.  Fondée  en  953 
par  un  roi  hindou,  elle  fut  prise  par  les  Anglais  le  8  oct. 
1803  ;  sa  citadelle  (fort  Barabati)  est  en  ruine.  —  Le 
district  a  9,109  kil.  q.  et  environ  200  hab.  par  kil.  q. 

Kattak  mehals.  —  Un  groupe  de  dix-huit  princi- 
pautés hindoues,  situées  au  S.-O.  et  à  l'O.  de  Kattak,  ont 
passé  sous  la  suzeraineté  britannique  après  la  prise  de  la 
ville;  elles  occupent  39-,333  kil.  q.,  peuplés  d'environ 
1,500,000  hab.,  dans  les  montagnes  qui  dominent  la 
plaine  (mont  Malayaghiri,  1,187  m.).  Leurs  rajahs  con- 
servèrent jusqu'au  milieu  du  xix®  siècle  une  quasi-indépen- 
dance; quelques-uns  continuèrent  les  sacrifices  humains 
jusqu'en  1836.  Aujourd'hui,  ces  rajahs  ne  sont  que  des 
fonctionnaires  anglais. 

BiBL.  :  Dalton,  Descriptive  Ethnology  of  Bengale  ;  Cal- 
cutta, 1872. 

KATTE  (Hans-Hermann  de),  né  le  28  févr.  1708,  dé- 
capité à  Custrin  le  6  nov.  1730.  Cet  ami  infortuné  de 
Frédéric  II  était  fils  du  général  (ensuite  feld-maréchal) 
Katte  et  d'une  fille  du  comte  de  Wartensleben,  ministre 
de  la  guerre  de  Frédéric  l^^.  Son  grand-père  l'éleva  à  la 
française.  Après  avoir  voyagé,  Katte  revint  à  Berlin  comme 
lieutenant  des  gendarmes  de  la  garde  ;  ses  dissipations  et 
son  insubordination  étaient  notoires  et  exaspéraient  d'au- 
tant plus  le  roi  Frédéric-Guillaume  que  le  prince  royal  se 
liait  d'une  amitié  intime  avec  lui.  Katte  complota  avec 
Frédéric  la  fuite  du  prince  ;  une  lettre  de  celui-ci  fut 
interceptée,  le  lieutenant  arrêté  le  2  nov.  1730,  condamné 
à  mort  par  le  roi  et  exécuté.  Frédéric  II,  devenu  roi, 
donna  le  titre  de  comte  au  père  de  son  ami. 

BiBL.  :  Lavisse,  la  Jeunesse  du  grand  Frédéric;  Paris, 
1893. 

KATTE6AT  (V.  Cattégat). 


KATTOWITZ.  Ville  de  Prusse,  district  d'Oppeln  (Silé- 
sie), sur  le  Rawabach;  16,000  hab.  Fonderies  de  bronze 
et  de  fer,  scieries,  etc.  Cité  industrielle  qui  se  développe 
rapidement. 

KATTY  (Métr.)  (V.  Catty). 

KATWYK.  Village  des  Pays-Bas,  province  de  Hollande 
méridionale,  sur  la  mer  du  Nord,  à  l'embouchure  du  canal 
qui  y  conduit  les  eaux  du  Vieux-Rhin  à  travers  les  dunes  ; 
7,000  hab.  Trois  rangées  d'écluses  avec  4,  8  et  10  portes 
préservent  le  canal  de  l'invasion  de  la  marée  et  retiennent 
les  eaux  dans  de  vastes  bassins  de  chasse.  Ces  travaux  furent 
exécutés  par  Conrad,  sous  la  domination  française,  à  partir 
de  1807,  complétés  en  1841.  —  Katwyk  est  un  bain  de 
mer  assez  fréquenté.  Auprès  se  voient  sous  l'eau  les  ruines 
d'un  camp  romain  {Huis  te  Britten)  pour  la  dernière  fois 
émergé  en  1696. 

KATYÂYANA  (forme  pâlie  Katchâyana).  I.  Disciple  du 
Bouddha,  exalté  pour  l'intrépidité  avec  laquelle  il  enseignait 
la  loi.  Envoyé  par  son  maître  pour  convertir  le  roi  et  le 
peuple  de  Oudyayana  (Oudjéin),  il  réussit  dans  cette  mis- 
sion. Lors  du  schisme  (bien  postérieur  à  sa  mort),  l'école 
des  Sthaviras  se  réclama  de  lui  et  le  prit  pour  patron. 

IL  Katchâyana  est  le  nom  donné  à  l'auteur  des  Soûlras 
ou  aphorismes  qui,  avec  le  commentaire,  constituent  la 
grammaire  de  la  langue  pâlie  la  plus  réputée,  grammaire 
dont  M.  E.  Senart  a  pubUé  le  texte  pâli  avec  traduction 
française  dans  h  Journal  asiatique  en  1872.  L.  Feer. 

KATZBACH.  Rivière  de  Prusse,  affluent  gauche  de  l'Oder, 
en  Silésie.  Elle  descend  360  m.  durant  un  cours  de  98  kil.  ; 
c'est  donc  presque  un  torrent,  avec  peu  d'eau  en  été.  Elle 
reçoit  à  gauche  la  Schnelle  Deichsel^  à  droite  la  Wutende 
Neisse, 

Bataille  de  la  Katzbach.  —  La  bataille  de  la  Katzbach 
fut  gagnée  le  26  août  1813  par  Bliicher  sur  Macdonald. 
L'armée  de  Silésie  formée  du  1^"*  corps  d'armée  prussien 
(York)  et  de  deux  corps  russes  (Langeron  et  Sacken)  avait 
reculé  derrière  la  Katzbach  pour  éviter  la  bataille  contre 
les  forces  supérieures  de  Napoléon.  Apprenant  son  retour 
à  Dresde,  Blùcher  résolut  d'attaquer  Macdonald  qui  s'avan- 
çait imprudemment  pour  passer  la  rivière  ;  Sacken  forma 
son  aile  droite  vers  Liegnitz,  York  le  centre  à  droite  de  la 
Wutende  Neisse,  Langeron  la  gauche  à  gauche  de  cette  ri- 
vière. Bliicher  laissa  les  Français  commencer  le  passage  de 
la  Katzbach  et  l'occupation  du  plateau,  puis  attaqua  avec 
toutes  ses  forces  la  fraction  de  leur  armée  qui  était  en  haut, 
la  jetant  dans  le  vallon  de  la  Wutende  Neisse .  Une  pluie 
diluvienne  tombait,  qui  gonfla  les  torrents  et  acheva  la 
déroute  des  Français  dont  beaucoup  se  noyèrent.  La  pour- 
suite ne  commença  que  le  lendemain.  Le  29  août,  la  divi- 
sion Puthod  fut  battue  à  Plagwitz,  et  le  l^''  sept,  les  avant- 
gardes  prusso-russes  arrivaient  à  la  Neisse  de  Lusace.  La 
Silésie  était  entièrement  perdue  pour  Napoléon.  Les  alliés 
accusèrent  une  perte  de  3,400  hommes  ;  les  Français  en 
auraient  perdu  près  de  30,000  dont  18,000  prisonniers, 
avec  103  canons,  2  aigles,  3  généraux.  —  Dans  les  mêmes 
parages,  près  de  Liegnitz,  à  Wahistadt,  avait  été  livrée,  en 
1241,  la  bataille  gagnée  par  les  Mongols.  Le  titre  donné  à 
Bliicher  en  1414  fut  celui  de  prince  de  Wahistadt. 

KATZENELNBOGEN  (Cattimelibocus,  Melibocus  des 
Cattes  ou  Chattes).  Ancien  comté  allemand,  situé  sur  le  Rhin 
et  le  Main.  Ony  distingue  le  comté  supérieur  (1,1 00  kil.  q.), 
appartenant  à  la  Hesse  et  cojnprenant  Darmstadt,  et  le 
comté  inférieur  (468  kil.  q.),  qui  appartient  à  la  Prusse 
et  dont  le  ch.-l.  est  Saint-Goar.  Le  village  de  Katzeneln- 
bogen  (1,200  hab.)  appartient  au  district  de  Wiesbaden; 
il  a  un  vieux  château.  Celui  de  JSeukatzenelbogen  fut 
édifié  à  la  fin  du  xiv^  siècle  sur  un  rocher  qui  domine 
Saint-Goar,  et  détruit  en  1806.  —  Les  comtes  de  Kat- 
zenelnbogen  descendent  de  Henri  P^  (1096-02);  de  1245 
à  1403,  ils  se  scindèrent  en  branche  ancienne  et  nouvelle  ; 
la  seconde  hérita  de  la  première,  mais  s'éteignit  en  1479; 
ses  biens  furent  portés  à  la  Hesse  par  le  mariage  d'Anne 
de  Katzenelnbogen  avec  le  landgrave  Henri  III  de  Hesse. 


—  445 


KATZENELNBOGEN  -  KÂULBACH 


Dans  les  partages  ultérieurs,  le  comté  supérieur  fut  attri- 
bué à  la  Hesse-Darmstadt,  le  comté  inférieur  à  la  Hesse- 
Nassau  et  annexé  à  la  Prusse  en  1866  (V.  Hesse). 

KAUFBEUREN.  Ville  de  Bavière,  prov.de  Souabe,  sur  la 
Wertach  ;  7,000  hab.  Filature  et  tissage  du  coton,  litho- 
graphie, fabrication  de  machines  agricoles,  etc.  Pèlerinage 
célèbre.  Ancienne  ville  libre  de  1286  à  1803. 

BiBL.  :  DieReichstadt  Kaufbeuren;  Munich,  1870. 

KAUFFMANN  (Hugo),  peintre  allemand,  né  à  Hambourg 
le  7  août  1844.  Il  étudia  d'abord  à  l'Institut  de  Stîfidel,  à 
Francfort,  sous  Joseph  Becker,  puis  à  Dusseldorf.  Obligé 
en  1870  de  quitter  Paris,  oii  il  se  trouvait  depuis  un  an 
et  demi,  il  alla  s'établir  à  Munich.  Parmi  ses  scènes  de 
la  vie  humaine  et  du  monde  animal,  très  individualisées, 
et  d'un  coloris  harmonieux,  nous  citerons  :  Chevaux  à 
V abreuvoir^  Chargement  de  bois  à  la  forât,  le  Maître 
vient!  Scène  d'auberge^  Vente  à  l'encan  (1873,  une  de 
ses  œuvres  principales),  Départ  pour  la  chasse^  Trafic 
de  chevaux,  la  Pluie  et  le  beau  temps,  Altercation  au 
sortir  de  l'école,  le  Chevau-léger  jaloux,  Musiciens 
ambulants  (1876),  Etudes  de  têtes  du  peuple,  Men- 
diants italiens,  et,  entre  autres  bons  dessins  a  la  plume, 
Petits  Bourgeois  et  Vagabonds, 

KAUFMANN  (Mont).  Lepic  le  plus  élevé  du  Trans  Alaï. 
Fedtchenko,  qui  lui  a  donné  le  nom  du  gouverneur  du  Tur- 
kestan,  en  a  évalué  la  hauteur  à  7,500  m.  C'est  une  pyra- 
mide d'une  blancheur  sans  tache. 

KAUFIVIANN  (Nicolas),  mathématicien  du  xvii®  siècle 
(V.  Mercâtor). 

KAUFMANN  (Angelika),  femme  peintre  allemande,  née 
à  Schwarzenberg,  près  de  Bregenz,  le  30  oct.  i  741 ,  morte  à 
Rome  le  5  nov.  1807.  Elève  de  son  père,  le  ^ûvàvÇ)  Johann- 
Joseph  Kaut'mann,  elle  fut  envoyée  par  lui  à  Côme,  puis 
à  Milan  où  elle  fit  le  portrait  du  duc  et  de  la  duchesse  de 
Modène,  revint  en  Allemagne  décorer  l'église  de  son  vil- 
lage et  le  château  du  comte  de  Montfort,  retourna  à  Flo- 
rence (1763),  puis  à  Rome  où  elle  fut  l'élève  de  Winckel- 
mann,  se  rendit  en  Angleterre  (1765)  et  s'établit  à  Londres. 
Elle  peignit  alors  la  Mère  des  Gracques,  le  Sacrifice  de 
Messaline,  VEritrevue  d'Edgar  et  Elfried,  donna  à 
Klopstock  un  tableau  sentimental,  Samma  an  Benonnis 
Grab,  qui  fut  très  goûté,  de  même  que  son  Amour  et 
Psyché.  Elle  était  très  à  la  mode  à  Londres  ;  mais  son 
mariage  secret  avec  le  faux  comte  de  Horn  (cassé  quand 
l'imposteur  fut  démasqué)  la  ruina  et  la  déconsidéra.  Elle 
épousa  ensuite  le  peintre  Antonio  Zuchi  et  retourna  en 
Italie  (1781).  Elle  fit  à  Venise  la  conquête  du  futur  tsar 
Paul  l^'^,  se  rendit  à  Naples  et  finit  sa  vie  à  Rome  où  elle 
tint  un  salon  dont  Gœthe  a  beaucoup  parlé.  Elle  peignit 
alors  le  Retour  d'Arminius  vainqueur,  les  Funérailles 
de  Pallas  par  Enée.  Le  musée  de  Berlin  possède  son  por- 
trait par  elle-même  en  costume  carnavalesque,  mi-Flore, 
mi-Bacchante,  mi-Muse  ;  on  cite  aussi  sa  Vestale  (musée 
de  Dresde).  Elle  a  gravé  plusieurs  de  ses  tableaux.  Cette 
peinture  douceâtre,  dont  le  dessin  et  le  coloris  laissent  fort 
à  désirer,  a  tout  à  fait  perdu  sa  vogue. 
BiBL.  :  Wessely,  dans  Kanst  und  Kûnstler  de  Dohme. 

KAUFIVIANN.  Famille  de  mécaniciens  et  facteurs  d'ins- 
truments de  musique  allemands.  Le  chef  de  la  famille  fut 
Johann-Gottfried,  né  à  Siegmar  (Saxe)  Je  14avr.  1751, 
mort  à  Francfort-sur-le-Main  le  10  avr.  1818.  Seul, 
puis  assisté  de  son  fils  Friedrich  Kaufmann  (né  à  Dresde 
le  5  févr.  1785,  mort  à  Dresde  le  1^^  déc.  1866),  il  in- 
venta des  horloges  avec  jeux  de  flûte  et  de  harpe,  et  de 
nouveaux  instruments  appelés  bellonéon,  chordaulodion  et 
harmonicorde.  Ce  dernier  surtout  fut  remarqué.  Kaufmann 
fils  construisit  seul  une  trompette  automate  qui  excita  en 
son  temps  une  vive  admiration.  —  Friedrich-Theodor, 
fils  de  Friedrich,  né  à  Dresde  en  1812,  mort  à  Dresde  en 
1872,  fut  l'inventeur  de  l'orchestrion,  dont  il  construisit 
les  premiers  modèles  en  1851,  et  qui  se  répandit  en  Alle- 
magne dans  les  brasseries  et  jardins  pubhcs  pour  remplacer 
tant  bien  que  mal  un  petit  orchestre. 


KAUFMANN  (Christoph),  médecin  allemand,  né  à  Win- 
terthur  le  14  août  1753,  mort  à  Besthelsdorf  le  21  mars 
1795.  Apôtre  de  la  pédagogie  de  Basedow,  il  excita  l'ad- 
miration de  Lavater,  qui  en  fit  un  de  ses  grands  hommes,  et 
eut  un  moment  de  grande  vogue  en  Allemagne  ;  il  disait 
ne  pas  dormir,  vivait  de  lait  et  de  végétaux,  faisait  des 
cures  miraculeuses,  racontait  ses  exploits  dans  un  autre 
monde,  etc.  Gœthe  l'a  persiflé,  le  prenant  pour  modèle  de 
son  Satyros. 
BiBL.  :  DuNTZER,  Ctivistoph  Kaufmann;  Leipzig,  1882. 

KAUFMANN  (Constantin-Petrovitch),  général  russe,  né  à 
Mordani  en  1818,  mortàTachkentenl882.  H  débuta  dans 
la  carrière  militaire  au  Caucase,  se  fit  remarquer  en  1855 
au  siège  de  Kars,  devint  général-major  en  1857,  en  1865 
gouverneur  général  de  Vilna  et  en  1867  gouverneur  géné- 
ral du  Turkestan.  Il  dirigea  l'expédition  contre  l'émir  de 
Bokhara,  et  s'empara  de  Samarkande  (20  juin  1868).  Il 
conçut  le  plan  d'assurer  à  la  Russie  la  possession  de  l'Asie 
centrale  et  il  le  réalisa.  En  1873  il  s'empara  de  Khiva  et 
obUgea  le  khan  à  se  reconnaître  vassal  de  l'empereur.  Deux 
ans  après,  il  occupa  lekhanat  de  Khokand,  reçut  le  titre  de 
gouverneur  général  du  Turkestan  et  organisa  l'administra- 
tion des  provinces  qu'il  avait  soumises  à  l'empire  russe. 

KAUFMANN  (Alexander),  poète  allemand,  né  à  Bonn  le 
15  mai  1821,  archiviste  des  princes  de  Lœwensteinà  Wer- 
theim.  Ses  poésies  sont  gracieuses  et  gaies,  très  goûtées 
des  Rhénans  :  Gedichte  (Dusseldorf,  1852)  ;  Mainsagen 
(Ascliaffenburg,  1 853  ;  les  sources  ont  été  pubhées 
en  4862)  ;  Unter  denBeben  (Berlin,  1871).  —  Sa  femme 
Mathilde,  née  Binder,  à  Nuremberg  le  5  déc.  1835,  est 
également  poète.  Elle  publia,  sous  le  pseudonyme  d'ima?'a 
George,  Blilten  der  Nacht  (Leipzig,  1856),  puis  Mytho- 
^^r;;^  (1858),  recueil  de  légendes,  en  commun  avec  son 
maître  Daumer  et  Kaufmann  qu'elle  avait  épousé  en  1857  ; 
citons  encore  ses  romans  :  Clara  i)laitland(Cologno,\S60); 
Auf  deutschem  Boden  (Wurzbourg,  1877),  etc. 

KAUFMANN  (Richard  de),  économiste  allemand,  né  à 
Cologne  le  29  mars  1850.  Professeur  à  l'Ecole  agronomique 
de  Berlin  (1879),  à  l'Ecole  technique  d'Aix-la-Chapelle 
(1879),  puis  à  l'Université  de  Berlin  (1883).  Il  a  écrit  : 
Die  Zacker industrie  (Berlin,  iSlS);Die  Vertretung  der 
wirtschaft lichen  Interessen  Europas  in  den  Staaten 
(1879)  ;  l'Association  douanière  de  l'Europe  centrale 
(Paris,  1 880)  ;  Die  Fina7izen  Frankreichs (Leipziff ,  1 882  : 
trad.fr.,  1884),  etc. 

KAULBACH  (Wilhelm),  peintre  allemand,  né  à  Arol- 
sen,  dans  la  principauté  de  Waldeck,  le  15  oct.  1805, 
mort  à  Munich  le  7  avr.  1874.  Son  père,  qui  était  or- 
fèvre, lui  donna  les  premières  leçons  de  dessin  et  l'envoya 
dès  l'âge  de  seize  ans  à  l'Académie  de  Dusseldorf,  où  il 
travailla  sous  la  direction  de  Mosler  et  du  fameux  Corné- 
lius. En  1825  Kaulbach  suivit  ce  dernier  à  Munich,  et  dès 
son  arrivée  fut  chargé  par  le  roi  Louis  de  travaux  im- 
portants :  il  peignit  sur  le  plafond  de  l'Odéon  une  fresque 
représentant  Apollon  et  les  Muses,  sous  les  arcades  du 
jardin  royal  [Hofgarten),  dilférentes  compositions  allégo- 
riques, entre  autres  les  figures  colossales  des  Dieux  ma- 
rins et  la  Bavaria,  enfin  dans  la  salle  de  danse  du  palais 
Maximilien  (Maximilianeum),  seize  compositions  tirées 
du  Mythe  d'Eros  et  de  Psyché,  Quand  le  roi  Louis 
entreprit  de  décorer  la  nouvelle  résidence  qu'il  s'était  fait 
construire  d'un  vaste  cycle  de  peintures  empruntées  aux 
poètes  de  tous  les  temps,  depuis  la  Grèce  antique  jus- 
qu'à l'Allemagne  contemporaime,  il  chargea  Kaulbach  d'il- 
lustrer Klopstock,  Gœthe  et  Wieland  :  le  peintre  exécuta 
dans  la  salle  du  trône  12  tableaux  empruntés  à  la  lé- 
gende d'Hermann  telle  que  l'a  racontée  Klopstock,  dans  la 
chambre  voisine  18  compositions  tirées  de  Wieland,  et 
dans  la  chambre  à  coucher  du  roi  42  petits  panneaux 
dont  les  sujets  sont  pris  aux  poésies  lyriques  de  Goethe. 
Deux  tableaux  qu'il  entreprit  en  même  temps  étendirent 
tout  à  coup  sa  célébrité  et  le  firent  proclamer  partout  le 
premier  peintre  d'Allemagne.  L'un  est  le  Combat  des  Huns 


KÂULBAGH  ~-  KAULBARS 


—  446 


et  des  Romains  fantômes,  que  le  conseiller  yon  Klenze 
lui  commanda  :  il  fut  longtemps  admiré  par  les  artistes 
allemands  à  l'état  de  carton,  et  ce  n'est  qu^en  4837  que 
Kaulbach  le  peignit  à  Fhuile  pour  le  comte  Raczinsky  :  ce 
tableau  a  beaucoup  poussé  au  noir  et  est  aujourd'hui^  peu 
près  ruiné.  L'autre  est  la  Maison  des  fous  (18:29  ;  gale- 
rie Raczinsky  à  Berlin),  dont  il  avait  eu  la  première  idée  à 
Dusseldorf,  en  visitant  l'asile  d'aliénés,  où  on  l'avait  prié 
de  peindre  quelques  anges  dans  la  chapelle.  Les  critiques 
comme  Goerres  y  saluèrent  l'œuvre  d'un  penseur  et  d'un 
chercheur  qui  avait  pris  à  tâche  de  réunir  sur  sa  toile  toutes 
les  variétés  de  folie  ;  la  gravure  de  Henri  Merz  répandit 
l'œuvre  dans  l'Europe  entière,  où  elle  fut  alors  universelle- 
ment admirée.  Enl  845,  Kaulbach  fut  chargé  d'une  entreprise 
colossale  :  il  s'agissait  de  peindre  pour  l'escalier  du  nouveau 
musée  de  Berlin  six  grandes  fresques,  résumant  l'histoire  de 
la  civilisation,  cette  Kulturg esc liichte  j^our  h([iie\lii  depuis 
Hegel  l'Allemagne  se  passionnait  ;  le  peintre  se  mit  à  l'œuvre 
avec  ardeur,  et,  en  1853,  tous  les  cartons  furent  prêts  et 
aussitôt  gravés.  C'est  un  ensemble  puissant  et  bizarre,  où 
un  peuple  de  figures  est  rassemblé  et  un  vaste  système  de 
symboles  et  d'allusions  mis  en  œuvre  pour  synthétiser  les 
grandes  époques  de  l'histoire  humaine  :  la  Tour  de  Babel, 
Homère  amenant  aux  Grecs  les  dieux  dlonie,  la  Des- 
truction de  Jérusalem  (répétition  d'un  carton  exécuté  en 
d838,  et  conservé  à  la  Neuere  Pinacothek  de  Munich), 
la  Bataille  des  Huns  (variante  de  la  composition  peinte 
vingt-cinq  ans  auparavant),   V Arrivée  de  Godefroi  de 
Bouillon  devant  Jérusalem^  l'Age  de  la  Réforme,  Les 
collections   et   les  palais    allemands  contiennent  encore 
d'autres  grandes  œuvres  historiques  et  symboliques  de  ce 
travailleur  infatigable  ;  on  peut  citer  dans  la  galerie  Rac- 
zinsky un  carton  delà  Bataille  des  Saxons  (4834),  la 
Saga  (1852)  ;  à  la  villa  Rosenstem,  près  de  Stuttgart,  la 
Délivrance  du  Saint-Sépulcre  par  les  Croisés,  le  Christ 
aux  Limbes;  au   Maximilianeum,    à  Munich,   Charle- 
magne  et  Witikind,  la  Mort  de  César  et  la  Bataille 
de  Salamine,  dont  une  esquisse  se  trouve  au  musée  de 
Stuttgart  :  au  musée  germanique  de  Nuremberg,  l'Empe- 
reur Otton  U  entrant  dans  le  tombeau  de  Charle- 
magne. 

L'œuvre  de  Kaulbach  est  plutôt  celle  d'un  philosophe 
que  celle  d'un  peintre.  Se  souvenant  toujours  des  fameux 
conseils  de  Cornélius  aux  élèves  de  l'Académie  de  Mu- 
nich :  «  Lisez-moi  de  bons  poètes,  Homère,  Shakespeare, 
Gœthe,  sans  oublier  la  Bible  »,  il  s'est  moins  appliqué  à 
trouver  l'harmonie  des  compositions  et  la  beauté  des  formes 
que  la  complexité  des  sujets  à  traiter  et  la  profondeur  des 
idées  à  traduire.  Aussi  ses  œuvres,  nées  des  livres,  sont- 
elles  obscures  et  déconcertantes  pour  le  spectateur  ;  il  leur 
faut  des  exphcations  et  des  scolies  comme  pour  un  texte 
trop  plein  de  choses,  et  Kaulbach  le  comprenait  si  bien  que 
lui-même  faisait  distribuer  aux  curieux  qui  venaient  voir 
sa  Destruction  de  Jérusalem  un  commentaire  qu'il  avait 
écrit  et  fait  imprimer.  A  mesure  qu'il  vieiUit,  il  s'attacha 
de  plus  en  plus  à  faire  des  théories  plutôt  que  des  tableaux, 
et  des  cartons  plutôt  que  des  peintures.  H  en  vint  même,  de 
l'aveu  de  ses  plus  fidèles  admirateurs  d'Allemagne,  à  sa- 
crifier complètement  la  pureté  du  dessin  et  à  incarner  des 
symboles  obscurs  dans  des  formes  abstraites  et  sans  vie. 
La  peinture  à  thèse,  si  curieusement  appelée  Tendenzma- 
lerei,  finit  par  n'être  plus  que  la  traduction  en  langage 
figuré  d'une  brochure  {Programmalerei),  Aussi  est-il  na- 
turel que  Kaulbach  ait  fait  beaucoup  de  dessins  pour  illus- 
trer des  poètes  :  il  en  est  de  fort  beaux  dans  Faust,  les 
pièces  de  Schiller,  de  Shakespeare  ;  beaucoup  ont  été 
soit  gravés,  soit  photographiés  pour  des  éditions. 

En  cherchant  à  exprimer  par  le  pinceau  ou  le  crayon  les 
idées  de  sa  génération,  Kaulbach  fut  naturellement  con- 
duit à  attaquer  les  idées  opposées.  Aussi,  à  côté  de  ses 
œuvres  épiques  et  philosophiques,  faut-il  faire  une  place  à 
ses  œuvres  satiriques.  Pour  des  peintures  comme  le  Peter 
Arbues  (collection  Stewart,  à  New  York)  et  le  Saint  Mi- 


chel allemand,  échos  des  querelles  religieuses,  pour  des 
dessins  comme  ceux  de  Reinecke  Fuchsde  Gœthe,  les  Al- 
lemands ont  voulu  en  faire  un  rival  d'Hogarth  dont  il  n'a 
été  que  l'imitateur  assez  lourd.  On  pourrait  aussi  trouver, 
dans  son  Renard  et  les  animaux  qui  l'entourent  un  sou- 
venir des  Scènes  de  la  vie  des  animaux,  que  Granville 
avait  l'ait  paraître  dès  1842.  Il  en  vint,  par  une  consé- 
quence aussi  logique  que  singulière,  à  composer  de  grandes 
fresques  satiriques.  Ainsi  il  fournit  pour  la  décoration  de 
la  Neuere  Pinacothek  de  Munich  dix-neuf  esquisses  qui 
furent  exécutées  en  grand  par  ses  élèves  Nelson  et  Barth 
sur  les  murs  extérieurs  du  monument.  Les  fresques  elles- 
mêmes  sont  déjà  ruinées  et  à  peu  près  invisibles,  mais  les 
esquisses  à  l'huile  sont  conservées  dans  le  musée  même; 
elles  chaulent  la  victoire  du  Romantisme  sur  la  Perruque 
{Zopfj,  et  rien  n'est  plus  curieux  pour  l'histoire  des  idées 
au  temps  de  Louis  L^^,  que  de  voir  les  champions  de  l'art 
nouveau,  Kaulbach  en  tète,  s'avancer  vers  l'ennemi,  mon- 
tés sur  Pégase  et  guidés  par  Minerve,  pour  délivrer  les 
trois  Grâces...  Kaulbach  a  laissé  quelques  portraits,  d'une 
tenue  sévère  et  noble,  entre  autres  son  propre  portrait,  en 
costume  de  bal  masqué,  conservé  au  Musée  germanique  de 
Nuremberg.  Il  fut  comblé  d'honneurs  :  en  1837,  il  fut 
nommé  peintre  de  la  cour  par  Louis  P^  ;  en  1849,  il  de- 
vint directeur  de  l'Académie  de  Munich  et  peu  de  temps 
après  il  fut  anobli.  E.  Bertaux. 

Son  ^h  Hermann,  né  à  Munich  le  26  juil.  1846,  élève 
de  Karl  Piloty,  s'est  fait  connaître  à  la  fois  par  des  toiles 
de  genre  et  des  scènes  historiques,  où  le  principal  est  parfois 
sacrifié  à  l'accessoire,  et  parmi  lesquelles  nous  citerons  : 
LudwigXIin  Péronne  (1869);  Mozarfs  lelzte  Tage 
(4873),  œuvre  d'un  effet  saisissant,  qui  se  trouve  à  Lon- 
dres, chez  M.  Duncan  ;  Hansel  und  Greiel  bei  der  Hexe^ 
d'après  les  contes  de  Grimm  ;  Sébastian  Bach  bei  Frie- 
drich Il  (4875);  Lucrezia  Borgia  tanzt  vor  ihrem 
Vater  (4882),  etc.  —  Un  second  fils  de  W.  Kaulbach, 
Friedrich-August,  né  à  Hanovre  le  2  juin  1850,  élève  de 
Diez,  a  succédé  à  Piloty  à  la  tête  de  l'Académie  de  Munich.  Co- 
loriste remarquable,  il  a  surtout  peint  des  portraits  et  des 
tableaux  de  genre,  imitant  la  Renaissance  allemande,  puis 
les  Hollandais  :  Matterf rende;  Die  Lautars  pielerin;  Der 
Spazieryang  ;  Irœumerei;  Maitag  (4880,  musée  de 
Lresde);  portraits  de  sa  sœur  (4884);  de  \^  Princesse 
Gis^/^  (4886),  etc. 

BiBL.  :  Comte  Raczinsky,  Histoire  de  l'art  moderne  en 
Allemagne;  Paris,  1839-41,  3  vol.  in-4  et  atlas  in  fol. — 
R.  MuTHER,  Geschichte  der  Malerei  im  XIX  Jahrhun- 
dert;2^  livr.,  iMunich,  1892-94,  6  livr.  in-4.  —  Kunstblatt, 
1834.  —  Kunsthronlk,  t.  VII.  —  Zeitscfirift  fur  hildende 
Kunst,  1. 1,  V,  XL—  The  Art  Journal,  1856. 

KÂU  LBACH  (Friedrich),  peintre  allemand,  né  à  Arolsen 
le  8  juil.  4822,  cousin  du  précédent.  Il  se  destina  d'abord 
à  la  sculpture,  puis  l'exemple  de  son  illustre  cousin  l'en- 
gagea à  apprendre  la  peinture  :  Wilhelm  lui-même  fut  son 
maître.  La  composition  la  plus  connue  de  Friedrich  Kaul- 
bach représente  Adamet  Eve  devant  le  corps  d'AbeL 
11  s'est  surtout  d'ailleurs  consacré  au  portrait  ;  il  est  établi 
à  Munich. 

KAU  LBÂRS  (Alexandre,  baron  de),  général  russe,  né  à 
Saint-Pétersbourg  en  4814.  Il  débuta  dans  la  carrière  mi- 
litaire comme  officier  d'état-major  et  fut  envoyé  en  Asie. 
Il  explora  les  monts  Tian-chan,  et  découvrit  les  sources  du 
Naryn.  En  4872,  il  fut  envoyé  à  Kachgar  pour  négocier 
avec  ïakoub  Beg  ;  en  4873,  il  visita  le  delta  duDaria.  De- 
venu colonel,  il  fut  envoyé  en  Bulgarie  ;  le  prince  xilexandre 
le  prit  comme  ministre  de  la  guerre  en  4882  ;  il  dut  quitter 
ce  poste  en  4883  à  la  suite  des  protestations  du  parti  na- 
tional et  retourna  en  Russie  où  il  fut  promu  général.  Il  a 
collaboré  aux  Mémoires  de  la  Société  de  géographie  de 
Saint-Pétersbourg.  —  Son  frère,  Nicolas,  né  en  4842,  sui- 
vit également  la  carrière  militaire,  servit  pendant  la  guerre 
contre  les  Russes,  reçut  le  grade  de  colonel  et  fut  nommé 
attaché  mihtaire  à  Vienne  (4884).  En  4886,  il  fut  envoyé 
en  Bulgarie  pour  rétablir  dans  ce  pays  l'influence  russe  qui 


447 


KAULBARS  -  KàVANAGH 


périclitait,  mais  il  ne  put  y  réussir.  Rappelé  de  Vienne  en 
4887,  il  fut  nommé  gouverneur  de  la  Finlande.  On  lui  doit 
d'excellents  travaux  géographiques, 

KAUNITZ  (Wenzel- Anton),  prince  de  Kaunitz-Riet- 
berg,  homme  d'Etat  autrichien,  né  à  Vienne  le  2  févr.  1711, 
mort  le  27  juin  1 794.  Issu  d'une  illustre  et  riche  famille 
de  Moravie,  fils  du  comte  Maximilien--Ulri<îh  Kaunitz  et  de 
la  comtesse  Maria-Ernestine|Rietberg,  dont  il  ajouta  le 
nom  au  sien,  il  fut  destiné  à  l'Eglise  étant  le  plus  jeune  de 
cinq  enfants  ;  la  mort  de  ses  frères  aînés  changea  sa  car- 
rière ;  il  fit  dans  sa  jeunesse  de  longs  voyages  pour  son 
instruction  à  travers  l'Europe,  fut  nommé  conseiller  aulique 
par  l'empereur  Charles  VI,  remplit  avec  succès  d'impor- 
tantes missions  diplomatiques  auprès  du  pape  ^1741) 
et  auprès  du  roi  de  Sardaigne  (1742),  fut  quelque  temps 
par  intérim  gouverneur  des  Pays-Bas  autrichiens  (1744), 
prit  une  part  considérable  aux  négociations  d'Aix-la-Cha- 
pelle (1747-1748)  et  prépara  fort  habilement  pendant 
son  ambassade  en  France  (1750-1752)  l'alliance  des 
deux  cours  de  Vienne  et  de  Versailles,  qui  fut  rendue  pu- 
blique en  1756  et  qui  dura  jusqu'à  la  Révolution.  Nommé 
par  Marie-Thérèse,  qui  avait  en  lui  une  confiance  illimitée, 
chancelier  de  cour  et  d'Etat  (1752),  il  fut  pendant  qua- 
rante années  le  principal  moteur  de  la  monarchie  autri- 
chienne, dont  l'histoire,  pendant  cette  période,  se  confond 
presque  entièrement  avec  la  sienne.  Son  crédit  baissa,  il 
est  vrai,  quelque  peu  après  la  mort  de  sa  protectrice  (17 80), 
sous  le  règne  de  Joseph  II  aux  réformes  duquel  il  participa, 
et  fut  moindre  encore  sous  le  règne  de  Léopold  II.  L'âge 
et  la  maladie  obligèrent  le  prince  de  Kaunitz  à  rentrer  dans 
la  vie  privée  à  l'avènement  de  François  II  (1792).  Il  avait 
été  créé  prince  d'Empire  en  1764.  Il  affectait  pour  toutes 
les  modes  françaises  une  prédilection  qui  agaçait  les  Vien- 
nois. Il  était  admirateur  déclaré  des  littérateurs  et  philo- 
sophes français.  C'était  un  homme  très  actif  et  laborieux, 
fidèle,  loyal,  affable  avec  les  inférieurs,  ami  déclaré  des  arts. 

La  branche  morave  des  Kaunitz,  à  laquelle  il  appartenait, 
s'éteignit  en  1848;  la  branche  bohème  qui  remonte  à  1617 
et  porte  le  titre  de  comte,  existe  encore. 

BiBL.  :  HoR.MAYR,  dâïis Œstevr-Plutarch^t.  VI.  — V.bibl. 
des  art.  Joseph  II  et  Marie-Thérèse. 

KAUPERT  (Gustav),  sculpteur  allemand,  né  à  Cassel 
le  4  ayr.  1819.  Il  étudia  d'abord  dans  sa  ville  natale,  puis 
à  Munich  sous  Schwanthaler.  Après  avoir  débuté  par  un 
Tueur  de  lions,  il  alla  à  Rome,  où  il  exécuta  son  groupe 
de  Faune  et  Bacchante,  un  Massacre  des  bmocents, 
couronné  par  l'Académie  de  Saint-Luc,  et  fit  pour  l'Amé- 
ricain Grawford  le  monument  de  Washington.  Parmi  ses 
œuvres  ultérieures,  citons  la  statue  colossale  de  f  Amé- 
rique, le  frontispice  du  Gapitole  de  Washmgton,  une  Pé- 
nélope, Amour  maternel  (villa  Cornélius,  à  Bade), 
Suzanne  au  bain,  une  Lorélei,  pleine  de  caractère,  le 
monument  funéraire  Ange  consolant  une  jeune  femme 
(Cassel),  une  Victoire  pour  l'arc  de  triomphe  de  Franc- 
tort  (1871);  un  buste  colossal  de  Bœrne  (id.),  la  liesse 
(lion  endormi)  terrassée  par  Napoléon  (Cassel,  1874); 
le  buste  de  Karl  Gutzkow  (1879);  Christ  et  Apôtres 
pour  la  basilique  de  Trêves.  Kaupert  est,  depuis  1887, 
professeur  à  l'Institut  de  Stsedel,  à  Francfort-sur-le-Main. 

KAURI(V.CAum). 

KAIIRIN  (Jens-Mathias-Pram),  théologien  norvégien,  né 
en  1804,  mort  en  1863.  Professeur  d'homilétique  à  l'uni- 
versité de  Christiania,  il  abandonna  bientôt  le  professorat 
pour  la  carrière  pastorale.  En  1858,  il  fut  nommé  évêque 
du  diocèse  de  Bergen.  Il  travailla  activement  à  une  nou- 
velle version  de  la  Bible  en  norvégien,  et  a  laissé  un  ou- 
vrage intitulé  :  les  Livres  symboliques  de  l'Eglise  nor-^ 
végienne  publiés  dans  leur  texte  original  (1854). 

BiBL.  :  M.-B.  Landstadt,  série  d'articles  dans  Luth. 
Kirketid,,  I,  II  et  III. 

KAUSLER  (Franz  de),  écrivain  militaire  allemand,  né  à 
Stuttgart  le  28  févr.  1794,  mort  à  Karlsruhe  le  10  déc. 
1848.  Officier  d'artillerie  wurttembergeois  (1811-42),  pro- 
fesseur à  l'Ecole  militaire  de  Stuttgart,  retraité  au  grade 


de  colonel,  il  a  écrit  :  Versuch  einer  Kriegsgeschichte  aller 
Vœlker  und  Zeiten  (Ulm,  1826-30,  4  vol.),  composé  un 
bon  Atlas  der  merkwUrdigen  Schlachten,  Treffen  mid 
Belagerungen  (210  planches  (1831-38);  Napoléons 
Grundsœtze  (1828);  Die  Kriege  von  il 92  bis  i8i5 
(avec  Wœrl,  Fribourg,  1840-42,  28  livr.)  ;  Das  Lebender 
Prinzen  Eugen  von  Savoyen (Friboarg,  1838-39,2  vol.). 

KAUTZ  (Jules),  économiste  nongrois,  né  àRaab  en  1829. 
Etudiant  de  Pest,  puis  de  Leipzig,  il  est  devenu  en  1 863 
professeur  d'économie  pohtique  à  l'université  de  Budapest. 
Député  de  1865  à  1882,  il  a  été  appelé  en  1882  à  la  sous- 
direction  de  la  Banque  austro-hongroise.  A  part  les  ser- 
vices qu'il  a  rendus,  sur  les  questions  de  finances,  lors  de 
l'établissement  du  dualisme,  M.  Kautz  occupe  une  place 
importante  dans  la  littérature  des  sciences  économiques, 
avec  les  travaux  suivants,  publiés  en  langue  magyare  : 
Manuel  d'économie  politique  (Pest,  1861);  [développe- 
ment des  idées  économiques  en  Hongrie  (Pest,  1868, 
trad.  allem.  de  Schiller,  1876);  Système  d'économie 
nationale  et  de  finances  (1875);  Traité  de  la  scieiice 
politique  (1879). 

KAUTZCH  (Emil-Friedrich),  théologien  protestant  alle- 
mand, né  à  Plauen  le  4  sept.  1841.  Professeur  aux  uni- 
versités de  Leipzig  (1869),  Bâle  (1872),  Tubingue  (1880), 
il  a  publié  :  De  Veteris  Testamenti  locis  a  Paulo  apostolo 
allegatis  (1869)  ;  J.  Buxtorfderœltere(iS19) ;  Gramm, 
der  Biblisch-Aramœischen  (1884),  etc. 

KAVA.  Boisson  enivrante  en  usage  dans  toute  la  Poly- 
nésie et  dans  une  partie  de  la  Mélanèsie  où  elle  a  été  impor- 
tée tout  récemment.  Voici  comment  on  prépare  cette  bois- 
son :  une  vingtaine  de  jeunes  femmes  et  de  jeunes  filles  se 
placent  autour  d'une  grande  tasse  en  bois  et  partagent 
entre  elles  l'énorme  racine  d' une  pipéracée  appelée  kava  ou 
ava  (Piper  methysticum)  (V.  Poivre).  Chacune  des 
femmes  prend  alors  des  petits  morceaux  de  cette  racine, 
les  mâche  plus  ou  moins  longtemps  et  crache  l'espèce  de 
bouilHe  ainsi  obtenue  dans  Pécuelle.  On  y  ajoute  ensuite 
de  l'eau  et  on  laisse  le  liquide  en  repos.  La  fermentation 
ne  tarde  pas  à  se  produire  (par  suite  probablement  de 
l'action  du  ferment  de  la  saHve  sur  le  jus)  et  alors  les 
hommes  viennent  boire  la  liqueur  ainsi  obtenue  en  se  ser- 
vant de  verres  en  bambou  ou  de  sortes  de  cruches  formées 
en  feuille  de  pisang  pliée  d'une  certaine  façon.  L'ivresse 
produite  par  le  kava  n'est  pas  très  forte  et  ne  peut  être 
comparée  à  celle  qui  se  manifeste  à  la  suite  des  excès 
alcooliques.  L'usage  de  kava  tend  à  disparaître  de  plus  en 
plus,  à  mesure  que  les  Polynésiens  s'adonnent  à  la  con- 
sommation de  l'alcool  et  du  tabac.  J.  Deniker. 

BiBL.  :  Lewin,  Ueber  Piper  methysticum  ;  Berlin,  1886. 
KAVAJE  (V.  CâvojA). 

KAVAL.A.  Ville  de  Turquie  d'Europe  (Macédoine),  à 
24  kil.  S.-S.-E.  de  Drama,  sur  une  baie  de  la  mer  Egée, 
sandjak  de  Salonique,  en  face  de  Thasos  et  au  pied  du  Pan- 
gei  ;  5,000  hab.  Plage  de  sable  ;  la  rade  est  mal  protégée  ; 
néanmoins  c'est  une  échelle  très  fréquentée.  Grand  com- 
merce de  céréales,  de  tabac,  de  soie  brute  et  de  sésame. 
Autrefois  Neapolis,  à  13  kil.  des  ruines  de  Philippes,  dont 
c'était  le  port.  Le  nom  de  Kavala  rappelle  un  important 
relai  de  poste.  Au  moyen  âge,  elle  reçut  ce  nom  des  Latins  ; 
son  nom  byzantin  était  Christopolis.  Abandonnée  au 
XIV®  siècle,  elle  reçut  au  xvi^  une  colonie  de  juifs.  Patrie 
de  Méhémet-Ali.  Ruines  d'un  aqueduc  génois. 

BiBL.  :  Heuzey,  Mission  de  Macédoine. 
KAVANAGH  (Julia),  femme  auteur  anglaise,  née  à 
Thurles  en  1824,  morte  àiNice  le  28  oct.  1877.  Elle  vécut 
une  dizaine  d'années  à  Paris  et,  de  retour  à  Londres  en 
1844,  débuta  dans  la  littérature  en  donnant  des  nouvelles 
aux  revues.  Elle  a  laissé  un  grand  nombre  de  contes  et  de 
romans  bien  écrits,  qui  ont  eu  du  succès  et  dont  les  plus 
connus  sont:  The  Three  Paths  (1847);  Madeleine [iS^S)  ; 
Woman  in  France  during  the  eighteenth  Century 
(1850,  2  vol.  in-S)  ;  Nathalie  (1850,  3  vol.);  Daisy 
Burns  (1853,  3  vol.  in-8),  trad.  en  français,  sous  le  titre 


KAVANAGH  —  KAYSER  —  448  — 

de  Tuteur  et  Pupille  (Paris,  d860)  ;  Queen  Mab  (1863, 
3  vol.);  Z)om(l858,  3  vol.);  Two  Lilies  (1877,  3  vol.); 
Forget-me-7iots  (1878,  3  vol,  in-8),  etc.  Citons  encore 
dans  un  autre  genre,  French  Women  ofLetters  (1862), 
esquisses  biographiques,  et  A  Summer  and  Winter  in  the 
two  Sicilies  (1858,  2  vol.).  R.  S. 

KAVARDA.  Ville  de  l'Inde  centrale,  capitale  d'une  prin- 
cipauté du  Gondvana;  7,000  hab.  Le  grand  prêtre  des 
Kabir  Panthi  y  réside.  La  principauté  occupe  dans  le 
bassin  de  la  Mahanadi  2,297  kil.  q.  peuplés  d'environ 
80,000  hab. 

KAVATSL  Province  du  Japon,  au  S.  de  Nippon,  région 
du  Go-Kinaï,  dans  le  fou  d'Osaka.  Elle  correspond  à  la 
plaine  de  la  banlieue  d'Osaka  et  a  environ  300,000  hab. 

KAVELINE  (Constantin- Dm itrievitch),  publiciste  russe, 
né  à  Saint-Pétersbourg  en  1808,  mort  en  1885.  Il  fit  ses 
études  à  l'université  de  Moscou  et  occupa  la  chaire  de  droit 
civil  à  l'université  de  cette  ville  et  plus  tard  à  celle  de 
Saint-Pétersbourg.  Il  fut  chargé  d'enseigner  la  législation  au 
grand-duc  Nicolas  Alexandrovitch  et  fut  conseiller  légiste 
du  ministère  des  finances.  Il  fut  envoyé  en  mission  en  France 
et  en  Allemagne  pour  étudier  l'organisation  de  l'enseigne- 
ment supérieur.  Il  a  pubhé  un  grand  nombre  de  travaux 
relatifs  aux  sciences  juridiques.  Un  certain  nombre  d'entre 
eux  ont  été  réunis  :  OEuvres  de  M.  Kaveline  (Moscou, 
1859,  4  vol.).  On  lui  doit  encore.  Problèmes  dQ  psycho- 
logie (vSaint-Pétersbourg,  1872);  la  Philosophie  de  Va 
priori  (id.,  1875);  la  Question  des  paysans  {id., 
1882);  etc. 

KAVERI.  Fleuve  ôeVInde  (V.  ce  mot,  t.  XX,  p.  672). 

KAVIAR  (V.  Caviar). 

KAW.  Coonnune  de  la  Guyane  française,  sur  la  rivière 
de  ce  nom,  à  20  kil.  de  la  mer;  son  territoire  s'étend  des 
plaines  noyées  du  rivage  jusqu'aux  collines  ou  monts  de 
Kaw,  sur  589  kil.  q.  peuplés  de  500  colons  environ  et  de 
150  à  200  coolies  indiens  ou  noirs. 

KAWL  Mont  de  Java  (V.  ce  mot,  t.  XXÏ,  p.  67). 

KAWI  (V.  Java  [Langue]). 

KAY.  Village  de  Prusse,  près  de  Zullichau  (Brandebourg). 
Le  23  juil.  1759,  le  général  Soltikovy  battit  les  Prussiens 
deWedell  et  leur  fit  perdre  8,000  hommes. 

KAY  (John),  poète  anglais  connu  sous  le  nom  latinisé  de 
Caius  (dit  Senior  ou  l'Ancien)  pour  le  distinguer  du  sui- 
vant; poète  lauréat  d'Edouard  IV,  il  traduisit  V Histoire 
du  siège  de  Rhodes. 

KAY,  KAYE  ou  KEY  (John),  connu  sous  le  nom  de  Caius 
Junior,  médecin  et  philologue  anglais,  né  à  Norwich  le 
6  oct.  1510,  mort  à  Londres  le  29  juil.  1573.  Il  étudia 
à  Padoue  et  à  Bologne  et  fut  appelé  par  Henri  VIII  à  une 
chaire  d'anatomie  à  Londres.  Il  fut  le  médecin  des  reines 
Marie  et  Elisabeth  et  présida  le  collège  dés  médecins.  On 
lui  doit  d'avoir  provoqué  la  publication  de  divers  classiques 
grecs  et  latins,  Galien,  Celse,  Scribonius  Largus,  etc.  Il 
reconstitua  à  ses  frais,  à  l'université  de  Cambridge,  l'an- 
cien collège  Gonville,  qui  prit  le  nom  de  collège  Caius 
(1557).  D^  L.  Hn. 

KAY  (Adrien-Thomas),  peintre  flamand  (V.  Cay). 

KAY  (John),  artiste  écossais,  né  en  1742,  mort  en  1830. 
Fils  d'un  maçon,  ayant  pris  l'état  de  barbier,  il  s'adonna 
sans  maître  au  dessin  et  fit  d'abord  de  la  miniature.  Ses 
oeuvres  en  ce  genre  sont  d'un  art  naïf  et  fort,  d'une  indi- 
vidualité prononcée,  avec  le  fini  minutieux  des  primitifs, 
et  un  sentiment  réaliste  versant  dans  l'accentuation  du 
trait  trivial  ou  grotesque.  Aussi  tourna-t-il  à  la  carica- 
ture, et  il  y  réussit  si  bien  qu'il  s'attira  la  bastonnade  et 
des  désagréments  avec  la  justice.  Il  a  aussi  gravé  à  la 
pointe  sèche  plus  de  900  planches,  représentant  des  types 
populaires,  qu'il  exposait  et  vendait  dans  sa  boutique. 

KAY  (Joseph),  économiste  anglais,  né  à  Salford  (Lan- 
cashire)  le  27  févr.  1821,  mort  près  deDorking  (Surrey) 
le  9  oct.  18/8.  Avocat  à  Londres  (1848),  juge  à  la  cour 
des  ïlundred  de  Salford  (1862),  conseiller  de  la  reine  (1869), 
il  est  connu  par  une  série  d'ouvrages  sur  la  condition  des 


pauvres,  pour  laquelle  il  avait  recueilli  des  documents  en 
France,  en  Suisse,  en  Allemagne,  en  Autriche,  en  Hollande. 
Citons  :  The  Education  of  the  Poor  in  England  and 
Eiirope  (Londres,  1846)  ;  The  Social  Condition  of  the 
People  in  England  and  Europe  (1850,  2  vol.)  ;  The 
Condition  and  éducation  of  Poor  Children  in  English 
and  in  German  Jowns  (Manchester,  1853)  ;  Free  Trade 
in  Land  (1879)  et  un  traité  de  jurisprudence  :  The  Law 
relating  to  Shipmasters  and  Seamen  (Londres,  1875, 
2  vol.).  R.  S. 

KAY  (James-Taylor),  littérateur  anglais,  né  à  Man- 
chester en  1840.  Il  est  actuellement  (1895)  bibliothécaire 
d'un  des  collèges  de  cette  ville.  On  lui  doit  un  grand  nombre 
d'ouvrages  d'érudition. 

KAY-Shuttleworth  (Sir  James-Philipps),  pédagogue 
anglais,  né  à  Rochdale  (Lancashire)  le  20  juil.  1804-,  mort 
à  Londres  le  26  mai  1877.  D'abord  employé  de  banque, 
il  se  décida  à  vingt  et  un  ans  à  étudier  la  médecine,  fit 
des  études  extrêmement  brillantes  à  l'université  d'Edim- 
bourg et,  reçu  docteur  en  1827,  devint  rapidement  un  des 
praticiens  les  plus  renommés  de  Manchester.  Les  questions 
sociales  avaient  pour  lui  un  vif  attrait.  11  écrivit:  The  Mo- 
ral and  Physical  Condition  of  the  working  classes 
(Manchester,  1882),  qui  amena  des  réformes  importantes 
dans  les  manufactures  de  coton  ;  Thoughts  and  Sugges- 
tions on  certain  social  problems  (Londres,  1873),  etc., 
mais  il  est  surtout  connu  comme  le  fondateur  du  système 
d'éducation  populaire  encore  en  vigueur  en  Angleterre.  Il 
fonda,  en  1839,  à  Battersea,  la  première  école  normale 
d'instituteurs  qu'il  dirigea  lui-même  au  début,  écrivant  sur 
la  matière  un  grand  nombre  de  traités  parmi  lesquels  nous 
citerons:  Public  Education  (Londres,  1853,  in-8)  et 
Four  Periods  of  public  Education  (1862,  in-8).  Parmi 
ses  autres  ouvrages  mentionnons  :  The  Physiology,  pa- 
thology  and  treatment  of  asphyxia  (Londres,  1834)  ; 
desjiouvelles  :  [Scarsdale  (1860,  3  vol.);  Ribblesdale 
(1874,  3  vol.),  etc.  En  récompense  des  services  qu'il  avait 
rendus  à  l'enseignement,  il  fut  créé  baronnet  le  22  déc. 
1849.  R.  S, 

KAYANS  (V.  RoRNÉo  [Anthrop.]) 

KAYE  (Sir  John- William),  historien  militaire  anglais, 
né  à  Londres  en  1814,  mort  à  Forest  Hill  en  1876.  Il  fit 
ses  études  au  collège  miUtaire  d'Addiscombe  et  fut  envoyé 
aux  Indes  en  1832  comme  cadet  dans  l'artillerie  du  Ben- 
gale. En  1841,  il  donna  sa  démission,  fonda,  trois  ans  plus 
tard,  la  Revue  de  Calcutta,  publia  un  roman.  Long  En- 
gagements, et  revint  en  Angleterre  en  1856,  pour  entrer 
dans  l'administration  de  la  Compagnie  des  Indes,  puis  suc- 
céder à  John  Stuart  Mill  comme  secrétaire  politique  du 
même  département,  poste  qu'il  occupa  jusqu'en  1874. 
L'œuvre  de  Kaye  est  des  plus  volumineuses.  Voici  le  titre 
de  ses  principaux  ouvrages  :  History  of  the  War  in 
Afghanistan  (2  vol.);  Memoirs  of  the  services  of  the 
Bengal  artillery,  etc.  Mais  son  livre  le  plus  important  est 
The  History  of  the  Sepoy  War  (3  vol.),  continué  par  le 
colonel  G.-R.  Malleson,  qui  compléta  l'ouvrage  en  6  vol., 
sous  le  titre  :  Kaye  and  Malleson' s  History  ofthe  Indian 
mutiny  (1890).  En  1867,  Kaye  avait  publié  :  Lives  of 
Indian  officers,  réédité  en  1 889,  et  paru  d'abord  dans  une 
revue  sous  le  titre  de  Indian  Heroes.  H.  F. 

KAY  ELI.  Ville  de  l'île  Bourou,  archipel  des  Moluques, 
sur  une  baie  du  rivage  oriental.  Fort  néerlandais,  résidence 
du  contrôleur  de  l'île.  Port  franc,  mais  peu  commerçant. 

KAY  ES.  Poste  français  du  Sénégal  (V.  Cayes). 

KAYSER  (Ludwig),  philologue  allemand,  né  à  lleidel- 
berg  le  3  févr.  1808,  mort  à  Heidelberg  le  5  mai  1872.  Il 
étudia,  puis  professa  (1833-72)  à  l'université  de  Heidel- 
berg. Ses  travaux  ont  surtout  porté  sur  Philostrate  dont 
il  a  donné  une  édition  (Zurich,  1844-46,  3  vol.  ;  2^  éd., 
1853),  complétée  ultérieurement  (P/izïcsitra^f  opéra  auc- 
tiora,^  1870-71,  2  vol.),  et  sur  Cicéron,  dont  il  donna 
une  édition  d'ensemble  en  5  vol.,  avec  Baiter  (Leipzig, 
1860  et  suiv.). 


—  449  - 


KAYSER  -  KÂZAN 


KAYSER  (Karl- Johan-Henrik),  statisticien  et  économiste 
danois,  né  à  Copenhague  en  1811,  mort  en  1870.  Kayser 
avait  fait  des  études  de  médecine  et  exerçait  son  art  à  l'hô- 
pital de  Frédéric  depuis  18421,  lorsque,  à  la  suite  de  tra- 
vaux remarqués,  il  fut  nommé,  en  1848,  professeur  de 
statistique  à  l'université  de  Copenhague.  Membre  du  Par- 
lement, il  fut  plusieurs  fois  rapporteur  du  budget.  Il  a  pu- 
blié un  ouvrage  important  sur  V Organisation  du  travail^ 
exposé  des  principes  de  l'économie  politique. 

KAYSERSBERG  (Keisersperg ,  1226;  Cœsarismons, 
i6i0;  Mont-Libre  sous  la  première  République).  Ch.-l. 
de  cant,  de  la  Haute-Alsace,  arr.  de  Ribeauvillé,  sur  la 
Weiss  et  la  ligne  de  tramway  de  Colmar  à  Lapoutroie  ; 
2,738  hab.  Filatures  et  tissages  de  coton,  moulins,  scie- 
ries, brasseries  ;  vignobles  ;  vins  de  paille  ;  hospice  ;  église 
paroissiale  du  xv^  siècle,  avec  portail  et  le  transept  du 
xu^  siècle  ;  hôtel  de  ville  de  la  dernière  période  de  l'art 
gothique  avec  portail  en  style  Renaissance  ;  restes  impor- 
tants des  anciennes  fortifications.  La  ville  est  dominée  par 
un  château,  mentionné  dès  1226,  construit  par  VVoelfelin, 
préfet  impérial.  Ce  château,  qui  souvent  servait  de  rési- 
dence aux  empereurs  d'Allemagne,  fut  fortement  endom- 
magé en  1525  parles  paysans  révoltés,  et  abandonné  après 
la  guerre  de  Trente  ans.  Il  en  subsiste  encore  un  puissant 
donjon  du  xii^  siècle  ainsi  qu'une  imposante  enceinte  de 
murs  crénelés  de  la  même  époque.  La  ville  de  Kaysersberg 
fut  réunie  à  la  France  par  le  traité  de  Westphalie.  A  2  kil. 
au  N.-O.  de  Kaysersberg,  Alspach  (Alwisbach,  1130; 
Alospach^  1184),  où  existait  autrefois  une  célèbre  abbaye 
de  bénédictins,  dont  il  ne  reste  que  des  ruines.       L.  W. 

BiBt.  :  Straub,  S/a^is^ÎQue  monum.des  cant.  deRibeaii' 
ville  et  de  Kayssrsherg ;  Strasbourg,  1860.  —  A.  Erich- 
soN,  le  Protestantisme  à  Kaysersberg  ;  Strasbourg,  1871. 

KAZAN.  Ville  de  Bulgarie  (V.  Kotel). 

KAZAN.  L  Ville.  —  Ville  de  Russie,  chef-lieu  du  gou- 
vernement de  même  nom,  située  sur  la  Kazanka,  afffuent 
gauche  de  la  Volga,  à  5  kil.  de  ce  dernier  fleuve; 
135,577  hab.  (1889).  La  plus  belle  partie  de  la  ville  est 
bâtie  sur  une  colline  dont  la  pente  descend  rapidement  vers 
la  plaine  de  la  Volga,  où  se  trouve  le  monument  élevé  à 
la  gloire  des  guerriers  russes  tués  à  la  prise  de  la  cita- 
delle de  Kazan,  en  1552.  Un  tramway  réunit  la  ville,  à 
travers  cette  plaine,  aux  embarcadères  des  bateaux  à  va- 
peur de  la  Volga.  C'est  là  aussi,  près  du  lac  Koban,  que 
se  trouve  le  quartier  des  Tatars  avec  ses  minarets  pointus 
et  ses  mosquées  qui  lui  donnent  un  aspect  oriental.  Les 
Tatars  forment  encore  le  quart  de  la  population  de  la 
cité,  dont  ils  ont  été  jadis  les  maîtres.  Un  seul  monu- 
ment, rappelant  leur  ancienne  gloire,  reste  dans  la  ville  : 
c'est  la  tour  de  Sounbieka.  Kazan  possède  une  univer- 
sité avec  bibliothèque,  laboratoires,  cliniques,  etc.  ;  une 
académie  ecclésiastique;  deux  lycées  de  garçons,  deux 
lycées  de  jeunes  filles,  une  imprimerie  pour  les  langues 
orientales,  un  théâtre,  etc.  Il  y  a  aussi  un  grand  nombre 
d'établissements  industriels  :  tanneries,  savonneries,  dis- 
tilleries, teintureries,  fabriques  d'armes,  de  tissus,  etc. 
Mais  c'est  surtout  par  son  commerce  que  Kazan  tient  une 
des  premières  places  parmi  les  grandes  villes  de  la  Russie. 
Sa  position  entre  la  Sibérie,  la  Russie  centrale  et  le  bassin 
de  la  Caspienne  lui  assurait  un  rôle  commercial  de  pre- 
mier ordre  jusqu'à  ces  derniers  temps.  Mais  ce  rôle  est 
aujourd'hui  amoindri  par  suite  de  la  construction  du  che- 
min de  fer  Petrovsk-Vladikavkaz  ;  celui-ci  va  drainer  une 
partie  du  trafic  asiatique  qui  se  faisait  jadis  par  la  Volga. 
L'importance  commerciale  de  Kazan  diminuera  encore  da- 
vantage avec  l'achèvement  du  grand  Transsibérien.  Néan- 
moins le  mouvement  commercial  annuel  de  la  ville  se  chiffre 
encore  aujourd'hui  par  200  millions  de  fr.  environ. 

Kazan  fut  fondée  en  1257  par  Sayan,  fils  de  Baty,  khan 
du  Kaptchak,  à  une  quinzaine  ou  à  une  trentaine  de  kilo- 
mètres au  N.~E.  do  l'emplacement  actuel  de  la  ville.  Ce 
premier  établissement  fut  détrait  en  1391  par  le  grand- 
duc  de  Russie,  Vasih  Dmitrievitch,  et  les  habitants  se  ré- 

GRÂNDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XXL 


fugièrent  dans  la  direction  de  la  Volga.  C'est  sur  les  bords 
de  ce  fleuve  que  fut  fondée  en  1437  la  capitale  du  khan 
de  la  Horde  d'Or,  noyau  de  la  ville  actuelle.  La  nouvelle 
cité  devint  prospère  et  florissante  ;  elle  avait  alors  la  même 
situation  qu'occupe  aujourd'hui  Nijni-Novgorod,  comme 
marché  intermédiaire  entre  la  Russie  et  l'Asie.  Emportée 
d'assaut  en  1552,  par  les  Russes,  la  ville  fut  peuplée 
d'abord  par  les  déportés,  puis  par  des  immigrants  libres. 
Elle  a  eu  beaucoup  à  souffrir  de  plusieurs  incendies  dans 
la  période  de  1842  à  1859. 

IL  Province.  —  La  province  ou  gouvernement  de  Kazan 
est  bornée  au  N.  par  le  gouvernement  de  Viatka,  à  l'E.  par 
celui  d'Oufa,  au  S.  par  ceux  de  Samara  et  de  Simbirsk,  à 
rO.  par  le  gouvernement  deNijegorod;  superficie,  63,716 
kil.q.;  population,  2,162,339  hab.  (recensement  de  1887). 
Le  pays  est  assez  plat,  sauf  dans  l'Ouest,  sur  la  rive  droite 
de  la  Volga,  où  l'on  aperçoit  des  falaises  s'élevant  à  plus 
de  100  m.  au-dessus  du  niveau  du  fleuve.  Il  est  traversé 
du  N.-O.  au  S.-E  par  la  Volga  et  de  l'E.  à  l'O.  par  son 
affluent  de  gauche,  le  Kama.  Le  premier  de  ces  fleuves  re- 
çoit dans  les  limites  delà  province  le  Kazanka,  le  Sviaga,  le 
Soura,  et  plusieurs  autres  affluents  navigables.  Sauf  les  dé- 
pôts alluvionnaires  quaternaires  de  la  rive  gauche  de  la  Volga 
et  de  la  rive  droite  du  Kama,  sauf  aussi  un  point  à  l'extré- 
mité occidentale  de  la  province,  constitué  par  les  dépôts 
du  jurassique  supérieur,  la  totalité  du  territoire  de  Kazan 
appartient  aux  terrains  permiens,  recouverts  sur  une 
grande  étendue  par  les  marnes  bigarrées,  les  argiles  et  les 
calcaires  que  les  géologues  russes  rapportent  au  terrain 
permo-triassique.  Au  S.  de  la  ville  de  Kazan  et  de  la  vallée 
du  Kama,  on  voit  ces  couches  recouvertes  à  leur  tour  par  les 
dépôts  quaternaires  maritimes  de  la  transgression  Caspienne. 
C'est  la  dernière  limite  vers  le  N.  de  ces  dépôts.  Le  sol  est 
argilo-sableux,  recouvert  d'une  couche  épaisse  d'humus  noir 
{tchernoziom).  Les  forêts  couvrent  plus  de  la  moitié  du 
gouvernement  ;  elles  sont  surtout  épaisses  dans  la  région 
marécageuse  du  Nord  où  une  exploitation  effrénée  à  la- 
quelle on  se  livre  depuis  quelques  années  ne  tardera  pas  à  les 
exterminer.  Le  reste  des  terres  est  pris  presque  en  entier 
par  les  cultures  :  seigle,  orge,  froment,  sarrasin,  lin,  chan- 
vre. Il  y  a  peu  de  prairies,  mais  on  élève  néanmoins  beau- 
coup d'animaux  domestiques  :  moutons,  bœufs,  chèvres, 
chevaux.  Le  climat  est  assez  rigoureux  ;  la  moyenne  an- 
nuelle de  température  de  la  ville  de  Kazan  est  de  4-  2<'5; 
celle  de  l'hiver  est  de  —  1°  et  celle  de  l'été  +  18*'.  Les 
industries  principales  sont  :  l'abatage  des  arbres,  la  récolte 
du  goudron  et  des  résines,  la  fabrication  des  ustensiles  en 
bois,  la  préparation  du  charbon  de  bois,  la  filature  et  le 
tissage  du  lin,  du  chanvre,  etc.  On  compte  par  centaines 
les  distilleries,  les  brasseries,  les  savonneries,  les  tanne- 
ries, etc.  ;  il  existe  aussi  dans  la  province  plusieurs  fila- 
tures, fabriques  de  draps  et  cotonnades,  de  machines  à 
vapeur  et  de  produits  chimiques,  ainsi  que  des  verreries, 
des  fonderies,  des  hauts  fourneaux,  etc.  Le  commerce 
est  très  actif,  surtout  à  Kazan  et  le  long  de  la  Volga  où  le 
mouvement  des  ports  occupe  plus  de  15,000  hommes.  On 
exporte  principalement  l'alcool,  les  graines,  les  cuirs,  le 
miel,  la  cire,  le  bois  de  chauffage  et  de  construction  ;  l'im- 
portation consiste  surtout  en  sel,  vin,  sucre,  étoffes,  etc. 

La  population  se  compose  pour  une  moitié  de  Russes, 
et  pour  une  autre  moitié  de  Tatares,  de  Tchouvaches,  de 
Meehteheriak,  de  Tcheremisses,  Mordva  et  Votiaks.  Le  gou- 
vernement est  partagé  en  douze  districts  :  Kazan,  Tsarevo- 
kokchaïsk,  Kozmodémiansk,  Tchéboksary,  ladrin,  Tsivilsk, 
Sviajsk,  Tétiouchi,  Laïchev,  Mamadych,  Tchistopol  et  Spassk. 
Le  pays  qui  forme  aujourd'hui  le  gouvernement  de  Ka- 
zan s'appelait  jadis  Rulgarie  et  fut  peuplé  par  les  Rulgares, 
dont  une  partie  émigra  au  v^  et  au  vi^  siècle  vers  le  bas 
Danube,  à  peu  près  dans  la  région  constituant  aujour- 
d'hui l'Etat  bulgare.  Les  Rulgares  volgaïques  étaient  pro- 
bablement une  population  turque  apparentée  aux  Kapt- 
chaks  ou  aux  Khazares.  Vers  le  x®  siècle ,  ils  se  sont 
convertis  à  l'islamisme  ;  leurs  chefs  prirent  le  nom  d'émirs; 

29 


K4ZAN  -  KAZIMIR 


-450- 


Tun  d'eux  fit  construire  la  ville  de  Bolgary,  dont  on  voit 
encore  les  ruines  sur  la  rive  gauche  de  la  Volga,  un  peu  en 
aval  du  confluent  du  Kama.  Cette  ville  fut  détruite  par  les 
hordes  mongoles  de  Djengis-khan  (1232)  et  bientôt 
tout  le  royaume  bulgare  fit  partie  de  l'Etat  kaptchak  (V.  ce 
mot)  ou  la  Horde  d'Or,  dont  un  des  khans  fonda  la  ville 
de  Kazan.  A  l'époque  du  démembrement  de  l'Etat  kapt- 
chak (xiv®  et  xv^  siècles),  cette  ville  devint  la  capitale  du 
khanat  de  Kazan  qui  exista  près  d'un  siècle,  de  1441  à 
1552,  date  à  laquelle  il  fut  conquis  par  le  tsar  Ivan  le 
Terrible.  La  région  fut  organisée  en  province  en  1714  par 
Pierre  le  Grand  et  transformée  en  gouvernement  avec  ses 
limites  actuelles,  en  1 781 ,  par  Catherine  IL  J.  Deniker  . 
BiBL.  :  Bajénov,  Histoire  de  Kazan;  Kazan,  1847,  en 
3  parties,  in-8  (en  russe).—  Bulletin  de  la  Société  d'archéo- 
logie^ d'histoire  et  d'ethnographie  auprès  de  l'université 
de  Kazan,  1879-94,  t.  I.  à  X. 

KAZAN  LYK.  Ville  de  Bulgarie,  située  à  3  kil.  au  N.  de 
la  Tomedja,  dans  un  pays  fort  riche  et  fort  pittoresque; 
10,000  hab.  (dont  environ  1,500  Turcs).  Grand  com- 
merce d'huile  de  roses. 

KAZEM  Beg  (Mirza-Alexandre),  orientaliste  contempo- 
rain, né  àRecht  (Perse)  le  22  juil.  1802.  Il  étudia  à  fond 
les  sciences  musulmanes.  Il  se  convertit  au  christianisme 
en  1821 .  Six  ans  après,  il  fut  nommé  professeur  de  langues 
orientales  à  Kazan,  puis  en  1849,  il  reçut  la  chaire  de  lit- 
térature persane  à  l'université  de  Saint-Pétersbourg.  La 
liste  de  ses  ouvrages  est  considérable.  Parmi  les  princi- 
paux, il  faut  citer  :  l'Histoire  des  Khans  de  Crimée  de 
i466  à  il 87,  en  turc  (Kazan,  1832)  ;  Grammaire  de 
langue  turc-tatare  (Ks(ZB.n,  1839;  Leipzig,  1848);  Con- 
cordance du  Coran  (Saint-Pétersbourg,  1859);  Aperçu 
de  la  mythologie  des  Persans,  en  russe  (1848)  ;  Bâb  et 
les  Bâbis,  en  russe  (Saint-Pétersbourg,  1865),  traduit  en 
français  [Journal  asiatique,  1866),  etc.         A.  Guy. 

KAZEROUN.  Ville  de  Perse,  province  du  Fârs,  par 
29°  30Mat.  N.  et  49°  19Mong.  E.,  dans  les  montagnes 
du  Tengsîr;  8,000  hab.  Elle  est  arrosée  par  un  affluent 
de  droite  du  Sefid  Roùd.  Le  sol  produit  le  tabac,  1  orange, 
le  citron,  le  limon,  une  sorte  de  datte  appelée  djîlân.  La 
ville  a  déchu  de  son  importance.  Elle  est  très  ancienne, 
fondée  par  Firoûz,  fils  de  Yezdedjird  et  agrandie  parQobad, 
fils  de  Firoûz.  On  trouve  au  N.,  à  environ  30  kil.,  les 
ruines  de  la  ville  dn  roi  Châpour  (Sapor)  où  l'on  admire 
de  gigantesques  bas-reliefs  racontant  les  prouesses  du  roi. 
KAZIKOUMOUKH  ou  LAK.  Tribudes  te^/iz^/îs  dansle 
Daghestan  central.  (V.  Caucase,  t.  IX,  p.  833). 

KAZIWIIERZ.  Ville  de  la  Pologne  russe,  gouvernement 
de  Lublin;  2,600  hab.  Cette  ville  était  autrefois  fort 
importante  au  point  de  vue  du  commerce  des  grains.  On 
l'appelait  le  petit  Danzig.  Elle  conserve  encore  quelques 
monuments  intéressants. 

KAZIMIR  (Saint),  saint  polonais,  né  en  1458,  mort  en 
1484,  fils  du  roi  Kazimir  Jagellon.  En  1471,  il  fut  élu  au 
trône  de  Hongrie  par  un  certain  nombre  de  magnats,  mais 
la  majorité  lui  préféra  Mathias  Corvin.  Il  se  retira  à  Vilna 
où  il  s'adonna  aux  pratiques  ascétiques.  Il  fut  canonisé  en 
1520.  On  célèbre  sa  fête  le  4  mars.  L.  L. 

KAZIMIR  l'^''  (en  polonais  Kazimierz),  prince  de  Po- 
logne, mort  en  1058,  fils  de  Mieszko  II  et  de  Ryxa.  Son 
histoire  est  assez  obscure.  On  ignore  la  date  de  sa  nais- 
sance ;  il  fut  d'abord  exilé,  rentra  en  Pologne  en  l'an  1040, 
restaura  le  christianisme  menacé,  épousa  une  princesse 
russe,  Maria  Dobrognieva,  fille  de  Vladimir  le  Grand,  vain- 
quit le  prince  de  Mazovie  Maslav  et  incorpora  ses  Etats  à 
la  Pologne  (1047).  En  1057  il  enleva  aux  Tchèques  la 
ville  de  Breslau.  On  l'a  surnommé  Kazimir  le  Restau- 
rateur, D'après  certaines  traditions,  pendant  son  exil,  il 
aurait  été  moine  à  Cluny.  L.  L. 

BiBL.  :  V.  les  ouvrages  cités  par  Bobrzynski,  Hist.  de 
Pologne  (en  pol.);  Varsovie,  1887,  t.  I,  ch.  iv,  2^  éd. 

KAZIMIR  11,  dit  le  Juste,  prince  de  Cracovie,  né  en 
1131,  mort  en  1194.  Il  était  fils  de  Boleslav  III  à  la  Bouche 
torse  et  fut  d'abord  prince  de  Mazovie,  de  Sandomir  et  de 


Cujavie.  Il  lutta  contre  Mieszko  III.  Kazimir  lui  enleva  Cra- 
covie  et  Gniezno  et  fut  reconnu  comme  chef  de  la  dynastie 
des  Piasts  par  la  diète  de  Lenczyca  (1177).  Il  passa  presque 
tout  son  règne  à  combattre  Mieszko  qui  en  1191  faillit  lui 
reprendre  Cracovie.  L.  L, 

KAZIMIR  III,  dit  le  Grand,  roi  de  Pologne,  fils  de 
Wladyslaw  Lokietek,  né  à  Kowel  (Cujavie)  en  1310, 
mort  à  Cracovie  en  1370.  Il  succéda  à  son  père.  Il  avait 
passé  une  partie  de  sa  jeunesse  à  la  cour  de  son  beau- 
trère,  le  roi  de  Hongrie,  Charles-Robert  d'Anjou,  et  avait 
été  en  contact  avec  une  civilisation  supérieure  à  celle 
de  son  pays.  La  situation  de  la  Pologne  était  difficile  ; 
elle  était  menacée  par  les  chevaliers  teutoniques  qui  déte- 
naient une  partie  des  terres  polonaises;  les  rois  de  Bohême 
revendiquaient  la  couronne  de  Pologne.  Kazimir  conclut  en 
1336  le  traité  de  Plock  avec  Jean  de  Luxembourg,  et  en 
échange  de  sa  renonciation  il  lui  abandonna  la  suzeraineté 
de  la  Silésie  et  de  la  principauté  de  Plock.  Il  s'assura 
l'amitié  de  la  Hongrie  et  céda  la  Poméranie  aux  chevaliers 
teutoniques  qui,  en  revanche,  renoncèrent  à  la  Cujavie  et 
au  pays  de  Dobrzyn.  C'étaient  là  de  pénibles  sacrifices.  En 
revanche,  Kazimir  entra  en  possession  de  la  Russie  Rouge 
(1341)  qui  fut  unie  à  la  Pologne  par  l'Union  personnelle. 
Il  détacha  cette  province  de  la  suprématie  spirituelle  de  la 
Russie  en  faisant  donner  à  l'évêque  de  Galicie  le  titre  de 
métropolitain,  institua  un  archevêque  catholique  à  Galitch 
(Halicz)  et  des  évêques  à  Premysl,  Vladimir  et  Chelm. 

A  rmtérieur,  Kazimir  développa  le  commerce.  Il  proté- 
gea les  juifs  et  les  Allemands  qui  fondèrent  de  nombreuses 
colonies.  Il  améliora  la  condition  des  classes  agricoles  et 
mérita  d'être  surnommé  hroides  Paysans,  De  nombreuses 
écoles  furent  ouvertes  par  les  soins  du  clergé.  En  1364, 
Kazimir  fonda  à  Cracovie  une  université  constituée  sur  le 
modèle  de  celle  de  Bologne,  et  qui  fut  après  celle  de  Prague 
la  seconde  en  date  de  l'Europe  centrale.  La  Pologne  prit 
en  Europe  une  situation  considérable.  En  1356,  le  duc  de 
Mazovie,  Ziemowit,  consentit  à  rendre  hommage  à  Kazimir. 
En  1363,  l'empereur  Charles  IV  vint  à  Cracovie,  s'y  ren- 
contra avec  les  rois  de  Danemark  et  de  Chypre,  le  duc  de 
Bavière,  les  princes  de  Silésie  et  de  Mazovie  et  le  prince 
poméranien  de  Stettin,  Bogislav,  dont  l'empereur  épousa  la 
fille.  Des  fêtes  splendides  furent  données  à  cette  occasion. 
Kazimir  réforma  l'administration,  créa  des  postes  de 
trésorier,  de  chancelier  et  de  maréchal  du  roi  pour  sur- 
veiller les  finances,  la  chancellerie  et  la  police,  établit  des 
starostes  dépendant  du  souverain  et  chargés  de  commander 
la  force  armée.  11  réprima  sévèrement  toute  tentative  de 
résistance  à  son  autorité.  En  1349,  il  fit  noyer  dans  la 
Vistule  le  chanoine  Baryka  qui  avait  osé  lui  résister.  En 
1360,  il  condamna  à  mourir  de  faim  le  palatin  de  Poznanie, 
Mathieu  Borkowicz,  qui  s'était  insurgé  contre  lui  et  avait 
organisé  la  première  confédération  connue  dans  l'histoire 
de  Pologne;  tout  en  respectant  l'autonomie  des  villes,  il 
surveilla  les  colonies  allemandes,  interdit  les  appels  trop 
fréquents  au  tribunal  de  Magdebourg  et  établit  un  tribunal 
spécial  à  Cracovie.  Il  pubha  des  statuts  spéciaux  pour  la 
Grande-Pologne  et  la  Petite-Pologne,  Il  augmenta  les  forces 
militaires  en  obligeant  tous  les  Etats  nobles,  clergé,  bour- 
geoisie à  fournir  des  soldats.  Jusqu'alors  le  clergé  et  les 
villes  étaient  dispensés  de  cette  charge.  La  Pologne  dut  à 
cette  heureuse  réforme  les  succès  qu'elle  remporta  au  siècle 
suivant.  Kazimir  avait  été  marié  trois  fois  :  1°  à  Aldona, 
fille  de  Gedymin  ;  2°  à  Adélaïde,  fille  de  Henri  H,  landgrave 
de  Hesse;  3^  à  Hedwige-Elisabeth,  fille  d'un  prince  silé- 
sien.  Parmi  ses  maîtresses  qui  furent  nombreuses,  on  cite 
la  Tchèque  Rokycana  et  la  Juive  Esterka.  Les  historiens 
polonais  lui  ont  décerné  le  surnom  de  Grand.  La  dvnastie 
des  Piasts  s'éteignit  avec  lui.  L.  L. 

BiBL.  :  FiNKEL,  Bibliographie  de  l'histoire  de  Pologne, 
et  les  auteurs  cités  par  Bobrzynski,  Histoire  de  Poloqne 
(en  pol.);  Cracovie,  1887,  t.  I.  ^ 

KAZIMIR  Jagellon  ou  KAZIMIR  IV,  roi  de  Pologne,  fils 
de  Wladyslaw  Jagellon  et  de  Sofie  de  Kiev,  né  en  1427, 


481 


KAZIMIR  -  KAZVÎPÎ 


mort  à  Crodno  en  4492.  Il  avait  été  appelé  du  vivant  de 
son  père  au  trône  grand-ducal  de  Lithuanie.  A  la  mort  de 
Wladyslaw  (4444),  la  diète  réunie  à  Sieradz  lui  conféra 
la  couronne  en  Pologne.  Il  fut  couronné  en  1447;  les 
Polonais  voulaient  l'obliger  à  détacher  de  la  Lithuanie  la 
Podolie  et  la  Voljnie  pour  annexer  ces  provinces  à  la  cou- 
ronne. Le  nouveau  roi  se  refusa  énergiquement  à  cette 
concession  et  tint  en  échec  le  vieux  cardinal  Zbigniew 
Obresnicki  qui  s'efforçait  de  restreindre  l'autorité  royale. 
Son  règne  fut  d'ailleurs  une  longue  lutte  contre  les  pré- 
tentions des  magnats,  un  long  effort  pour  affranchir  le 
clergé  polonais  de  la  suprématie  de  la  cour  de  Rome,  s*as- 
surer  la  collation  des  bénéfices  et  la  nomination  des  évoques, 
concilier  les  intérêts  opposés  de  la  Pologne  et  de  la  Li- 
thuanie. Il  fut  néanmoins  marqué  par  des  succès  éclatants. 
Après  une  guerre  assez  longue  contre  les  chevaliers  teuto- 
niques,  il  leur  enleva  Marienbourg  et  Chojnica  et  les  obli- 
gea à  demander  la  paix.  Un  traité,  signé  en  4 461  àThorn, 
mit  la  Pologne  en  possession  de  la  Poméranie,  des  pro- 
vinces de  Chelm  et  de  Michalow,  de  Marienbourg,  d'Eb- 
bling,  de  Sztum,  de  la  Warmie,  et  l'ordre  resté  en  posses- 
sion de  la  Prusse  occidentale  reconnut  la  suzeraineté  de  la 
Pologne.  La  Pologne  acquit  l'embouchure  de  la  Vistule  et 
l'accès  de  la  Baltique  qui  lui  assura  d'importants  débouchés 
pour  son  commerce.  Malheureusement,  Kazimir  Jagellon 
ne  sut  pas  s'opposer  aux  progrès  de  Ja  puissance  mosco- 
vite. A  l'intérieur,  il  fit  œuvre  de  législateur  ;  il  publia  le 
statut  dit  de  Nieszawa  qui  confirma  les  privilèges  de  la 
petite  noblesse,  restreignit  les  libertés  des  villes  et  des 
juifs  et  reconnut  la  compétence  des  diétines.  Il  acquit  par 
suite  de  négociations  ou  grâce  à  l'extinction  de  dynasties 
provinciales  la  principauté  d'Osviecira  et  celle  de  Rawa, 
Gostynin  et  Sochaczew. 

Il  réussit  à  faire  reconnaître  son  fils  Wladyslaw  comme 
héritier  du  trône  de  Bohème,  nnposa  à  Etienne,  hospodar 
de  Moldavie,  la  suzeraineté  de  la  Pologne  et  fit  accepter 
cette  suzeraineté  par  le  sultan.  Sous  son  règne,  la  civili- 
sation occidentale  se  développa  en  Pologne  ;  il  appela  à  Cra- 
covie  l'humaniste  Konrad  Celtes  et  fit  élever  ses  fils  par 
l'Italien  Callimaque  Buonacorsi  (V.  ce  nom).  Dlugosz 
écrivit  les  Annales  polonaises;  l'imprimerie  fut  introduite 
à  Cracovie.  Kazimir  Jagellon  laissa  cinq  fils  :  Wladyslaw, 
qui  fut  roi  de  Bohême  et  de  Hongrie  ;  Jean- Albert, 
Alexandre  et  Sigismond,  qui,  tous  trois,  lui  succédèrent, 
et  Frédéric,  qui  fut  primat  du  royaume.  L.  L. 

BiBL.  :  Consulter  BoBRZYNSKi  et  P'inkel. 

KAZI M I R  V  ou  J  EAN-Kasimir  Vasâ,  roi  de  Pologne,  né  en 
4609,  mort  à  Nevers  en  4672,  fils  de  Sigismond  lïl  et 
de  Constance  d'Autriche.  Il  eut  une  jeunesse  assez  aven- 
tureuse :  pendant  un  voyage  en  France,  il  avait  été  arrêté 
par  Richelieu  et  gardé  deux  ans  prisonnier.  Après  avoir 
été  rendu  à  la  liberté,  il  s'était  retiré  à  Rome,  était  entré 
dans  l'ordre  des  jésuites  et  avait  reçu  le  chapeau  de  car- 
dinal. Il  fut  brusquement  rappelé  en  Pologne  par  la  mort 
de  Wladyslaw  IV.  La  République  ne  pouvant  être  gouver- 
née par  un  prêtre,  Jean-Kazimir  se  fit  relever  de  ses  vœux 
et  épousa  sa  belle-sœur  Marie-Louise.  Son  règne  com- 
mençait sous  les  plus  fâcheux  auspices.  Bohdan  Chmiel- 
nicki  avait  déchaîné  contre  les  Cosaques  une  révolution  tout 
ensemble  religieuse  et  sociale. En  4649,  les  Polonais  furent 
vaincus  à  Zbaraj  et  Zborov.  En  4654,  Jean-Kazimir  en 
personne  défit  les  Cosaques  à  Berestetchko,  reprit  Kiev  ;  mais 
l'année  suivante  les  Polonais  se  laissèrent  battre  devant 
Batog,  et  le  roi  assiégé  dans  le  camp  de  Jvanets  dut  négo- 
cier avec  les  Tatares  pour  se  dégager.  Les  Cosaques  deman- 
daient une  autonomie  à  peu  près  absolue.  Ils  n'acceptèrent 
point  les  compromis  que  la  Pologne  leur  offrait  et  en  4654 
ils  se  mirent  sous  la  protection  de  la  Russie.  Les  Mosco- 
vites s'emparèrent  de  Smolensk  (1654)  et  même  deVilna. 
Ce  fut  dans  ces  circonstances  difficiles  que  fut  introduit  en 
Pologne  le  principe  du  liberum  veto  (1652).  C'était  l'anar- 
chie organisée.  Mîdheureux  dans  sa  lutte  contre  les  Co- 
saques, Jean-Kazimir  vit  bientôt  la  Pologne  envahie  par  les 


Suédois.  Héritier  d'un  Vasa,  il  revendiquait  la  couronne 
de  Suède  et  protesta  en  4564  contre  l'avènement  de 
Charles-Gustave.  Ce  prince  pénétra  en  Pologne,  en  décla- 
rant qu'il  faisait  uniquement  la  guerre  à  Jean-Kazimir  : 
beaucoup  de  magnats  se  déclarèrent  pour  Charles-Gustave! 
Il  s'empara  de  Varsovie  et  de  Cracovie.  Jean-Kazimir  dut 
quitter  le  royaume  et  se  retirer  à  Glogau  en  Silésie.  Sa. 
cause  semblait  perdue  ;  mais  les  excès  des  Suédois  luthé- 
riens finirent  par  provoquer  une  réaction  tout  ensemble 
rehgieuse  et  patriotique.  Le  couvent  de  Czenstochowa  re- 
poussa les  assauts  des  Suédois  ;  une  confédération  se  forma 
à  Tyszowce.  Jean  Kazimir  rentra  enGalicie.  Le  4®'*mai,  à 
Lwéw,  il  mit  solennellement  la  Pologne  sous  la  protection 
de  la  Vierge  et  fit  vœu  d'améliorer  la  condition  des  pay- 
sans dont  les  misères  attiraient  la  colère  de  Dieu  sur  le 
pays.  L'Autriche  s'allia  au  roi  de  Pologne,  obligea  les  Sué- 
dois à  évacuer  Cracovie.  La  Pologne  était  en  outre  attaquée 
par  le  Brandebourg,  la  Russie,  la" Transylvanie.  L'Autriche 
négocia  avec  le  grand  électeur  le  traité  de  Wehlau 
(24  sept.  4657)  qui  l'obhgeait  à  évacuer  la  Warmie.  En 
retour,  le  roi  de  Pologne  lui  concédait  la  pleine  souverai- 
neté de  la  Prusse  ducale.  Libre  de  ce  côté,  Jean-Kazimir 
put  agir  plus  énergiquement  contre  la  Suède.  Czarniecki 
poursuivit  l'ennemi  jusqu'en  Danemark.  Par  la  paix  d'Oliva, 
signée  en  1860,  Jean-Kazimir  renonça  à  la  couronne  de 
Suède;  les  Suédois  évacuaient  la  Pologne  et  lui  restituaient 
la  Courlande.  Après  la  mort  de  Chmielnicki,  la  Pologne  né- 
gocia avec  les  Cosaques.  Mais  elle  ne  put  reconquérir  la  rive 
gauche  du  Dniepr  qui  resta  rattachée  à  la  Moscovie.  Jean- 
Kazimir,  qui  n'avait  pu  prévenir  cette  funeste  défection,  es- 
saya en  vain  d'améliorer  la  condition  des  paysans  et  de 
réformer  la  constitution.  A  la  diète  de  4664,  il  fit  entendre 
des  paroles  douloureusement  prophétiques  et  annonça  le 
partage  qui  devait  avoir  heu  un  siècle  plus  tard.  Une 
guerre  civile  éclata,  un  magnat  ambitieux,  Georges  Lubo- 
mirski,  faillit  jouer  auprès  du  roi  le  rôle  d'un  Cromwell.  La 
Russie  profita  de  ces  misères  intérieures.  Le  traité  d'An- 
drousovo  conclu  en  4667  lui  laissa  Smolensk,  la  Séverie, 
Tchernigov,  l'Ukraine  sur  la  rive  droite  du  Dniepr  et  Kiev. 
En  somme,  malgré  des  succès  partiels,  malgré  les  exploits 
et  la  vaillance  d'un  Czarniecki,  d'unKordecki,  d'unSapieha. 
le  règne  de  Jean-Kazimir  ne  fut  qu'une  longue  série  de 
calamités.  Il  ne  trouvait  d'appui  nulle  part.  On  le  tournait 
en  dérision;  les  initiales  de  son  nom  I.-C.  R.  (Johannes- 
Cazimirus  Rex)  étaient  ainsi  interprétées  :  Initium  Cala- 
mitatum  RegnL  En  4667,  il  perdit  son  épouse  Marie- 
Louise.  Le  dégoût  du  pouvoir  le  prit  ;  il  abdiqua  la  couronne 
et  se  retira  en  Flandre.  Louis  XIV  lui  assigna  l'abbaye  de 
Saint-Germain-des-Prés  et  de  Saint-Martin  de  Nevers.  Il 
mourut  à  Nevers.  Un  monument  lui  a  été  élevé  dans  l'église 
Saint-Germain-des-Prés.  L.  L. 

KAZINC2Y  (François),  écrivain  hongrois,  né  à  Er-Sem- 
lyén  (comitat  de  Bihar)  le  27oct.  n59,  mort  àSzéphalom 
le  25  août  4831.  Déjà,  sous  le  règne  de  Joseph  II,  il  tra- 
duisait en  magyar  les  poètes  allemands,  pendant  qu'il  exer- 
çait une  charge  d'inspecteur  des  écoles.  Privé  de  cette  place 
en  4795  parce  qu'il  était  protestant,  il  prit  quelque  part  à  la 
conspiration  mal  définie  de  Martinovics,  fut  arrêté,  condamné 
à  mort,  peine  commuée  en  celle  du  carcere  dura,  enfin  gracié 
en  \  804 .  Son  activité  fut  dès  lors  purement  littéraire,  mais 
non  moins  utile  à  la  vie  nationale,  car  c'est  Kazinczy  qui, 
par  ses  hardis  néologismes  créa  vraiment  la  langue  ma- 
gyare moderne,  et  qui  soutint  cette  cause  dans  ses  écrits 
et  sa  vaste  correspondance.  Ses  poésies,  qui  par  elles- 
mêmes  ne  sont  pas  de  premier  ordre,  ont  été  réunies  ré-- 
cemment  (Budapest,  4879).  —  Son  neveu,  Gabriel  Ka- 
zinczy, né  en  4848,  mort  en  4864,  a  dignement  continué 
la  gloire  de  son  nom,  comme  patriote,  comme  publiciste 
politique  et  comme  traducteur  de  Molière.  E.  S. 

BiBL.  :  SciiwiCKER,   Gesch.  der  ungar.  Literatur. 

KAZVÎN  ou  QAZVÎN  (var./te/?m).  Ville  de  Perse,  chef- 
Heu  de  district  de  la  prov.  de  l'Iraq  Adjemî,  au  pied  de  la 
chaîne  du  Khamseh  (monts  de  l'Elbourz),  sur  la  route 


KAZVIN  —  KEATS  —  452 

de  Téhéran  à  Tebrîz  ;  40,000  hab.  Quelques  monuments 
sont  remarquables  :  on  cite  une  mosquée  carrée,  revêtue 
d'émaux  bleus  à  ramages  et  à  arabesques  blancs,  orangés 
et  noirs,  l'ancien  palais  desSoûlîs,  dont  Kazvîn  était  la  ca- 
pitale, de  vastes  cimetières  témoignant  de  l'étendue  consi- 
dérable occupée  jadis  par  la  ville.  Le  commerce  est  actif; 
il  a  surtout  pour  objet  les  étoffes  de  soie,  brocarts,  velours, 
les  cotonnades,  les  tapis  fabriqués  dans  le  pays  même,  le 
riz  des  bords  de  la  Caspienne.  Les  auteurs  orientaux  disent 
que  Kazvîn  fut  fondée  par  Châpour  P^'  ;  mais  oïi  a  cru  l'iden- 
tifier avec  la  Scabina  de  Ptolémée.  Embellie  par  Haroun- 
er-Rechid,  qui  construisit  la  grande  mosquée,  elle  fut  dé- 
mantelée par  les  Mongols  (1223).  Elle  repoussa  les  Afghans 
en  4723  et  détermina  leur  expulsion  de  la  Perse  (V.  ce 
mot).  Sa  population  de  Turcs,  Kurdes  et  llliats  est  très 
beUiqueuse. 

KAZYM.  Revière  de  Silésie,  affl.  dr.  de  l'Ob,  gouv.  de 
Tobolsk;  sortie  du  lac  Tormlor,  elle  traverse  300  kil.  de 
toundras  et  finit  en  amont  de  Bérézov. 

KAZYR.  Rivière  de  Sibérie,  qui  forme  le  Touba,  aftl. 
dr.  du  Eniséi,  gouv.  d'Eniséisk;  elle  naît  dans  les  monts 
Sayansk  et  parcourt  215  kil.  dans  une  plaine  fertile. 

KEAN  (Edmund),  célèbre  acteur  anglais,  né  à  Londres 
le  4  nov.  1787,  mortà  Richmondle  15  mai  1833.  Fils  de 
miss  Carey  et  d'Aaron  Kean,  il  fut  mousse.  Il  s'engagea 
ensuite  dans  des  troupes  de  comédiens  ambulants.  En  1814, 
il  entra  au  théâtre  de  Drury  Lane  et  remporta  d'éclatants 
succès  dans  les  pièces  de  Shakespeare.  Ses  tournées  en 
Ecosse,  en  Irlande,  aux  Etats-Unis  (1820-21,  moins  la  se- 
conde fois,  1825-26),  à  Paris  (1 818  et  1828),  furent  triom- 
phales. Usé  par  les  excès,  il  mourut  à  peu  près  fou.  Ses 
principaux  rôles  furent  Shylock,  Richard  IIÏ,  Othello,  Mac- 
beth, Hamlet,  lago  ;  c'était  le  tragédien  selon  le  goût  des 
romantiques,  poussant  à  l'excès  les  caractères  et  en  mettant 
surtout  en  relief  les  violences.  Alex.  Dumas  en  a  fait  le 
héros  d'un  drame. 

BiBL.  :  Hawkins, Li/e  of  Ed.  Kean; Londres,  1869,2  vol. 

KEAN  (Charles),  acteur  anglais,  né  à  Waterford  (Ir- 
lande) le  18  janv.  1811,  mort  à  Liverpool  le  22  janv. 
1868,  fils  du  précédent.  Il  fit  ses  études  à  Eton,  débuta 
sans  succès  à  Drury  Lane  (  1 827),  joua  obscurément  en  pro- 
vince. Sa  renommée  commença  aux  Etats-Unis  (1830-33), 
où  il  retourna  plusieurs  fois  (1839,  1846,  1861,  1866). 
En  1833,  il  fut  engagé  à  Covent  Garden  et  succéda  à  la 
gloire  paternelle  dans  les  rôles  de  Shakespeare,  surtout  dans 
celui  d'Hamlet.  Il  dirigea  le  théâtre  Princess  de  1850  à 
1859,  et  fit  une  grande  tournée  en  Australie  (1863-66). 

Sa  femme,  née  Ellen  Tree  (1805-80),  avait  eu  aussi  de 
grands  succès  scéniques,  surtout  à  Covent  Garden  où  elle  dé- 
buta en  1823  et  à  Drury  Lane.  Elle  épousa  Kean  en  1842 
et  quitta  le  théâtre  après  sa  mort.  Ses  principaux  rôles 
étaient  Béatrice,  Rosalinde,  Portia,  Viola. 

BiBL.  :  J.-W.  CoLE,  Life  of  Ch.  Kean;  Londres,  1859. 

KEAN  E  (Lord  John) ,  général  anglais,  né  le  6  févr.  1781, 
mort  à  Rurton  Lodge  (Hampshire)  le  26  août  1844.  Après 
avoir  servi  notamment  en  Egypte  comme  aide  de  camp  de 
lord  Cavan,  en  Espagne  dans  l'armée  de  Wellington,  en 
Amérique  sous  Cochrane  où  il  se  distingua  et  fut  blessé  à 
l'attaque  de  la  Nouvelle-Orléans  (8  janv.  1815),  à  la  Ja- 
maïque (1823-30), il  fut  promu  lieutenant  général  (22juil. 
1830)  et  nommé  commandant  en  chef  à  Rombay  en  1833. 
Il  commanda  avec  Henry  Fane  l'armée  de  l'Indus  (1838), 
fit  seul  campagne  dans  l'Afghanistan  en  1839  et  s'empara 
le  23  juil.  de  la  fameuse  forteresse  de  Ghuznee,  dont  l'oc- 
cupation amena  à  bref  délai  celle  de  Caboul  (7  août).  Ré- 
compensé par  la  pairie  (19  déc.)  et  une  pension  de 
2,000  livres,  il  n'exerça  plus  à  partir  de  cette  date  de 
commandement  actif.  R.  S. 

KEARNY  (Stephan-Watts),  officier  américain,  né  à  Ne- 
wark  (New  Jersey)  le  30  août  1794,  mort  à  Saint-Louis 
le  31  oct.  1848.  Entré  au  service  en  1812,  il  était  géné- 
ral de  brigade  en  1846,  commanda  dans  la  guerre  du 
Mexique  l'armée  de  l'Ouest  qui  partit  du  fort  Rent  et  con- 


quit le  Nouveau-Mexique,  puis  la  Californie  ;  il  se  distin- 
gua dans  les  batailles  de  San  Pascual,  San  Gabriel  et  Mesa. 

vSon  neveu,  Philips  né  à  New  York  le  2  juin  1815,  tué 
à  Chantilly  (Virginie)  le  1®^  sept.  1862,  entra  au  service  en 
1837,  fut  envoyé  en  France  à  l'Ecole  de  cavalerie  de  Sau- 
mur  et  servit  dans  les  chasseurs  en  Algérie.  Rentré  aux 
Etats-Unis,  il  devint  aide  de  camp  du  général  Scott  qu'il  con- 
duisit à  la  Vera  Cruz,  et  perdit  son  bras  gauche  à  l'attaque 
de  Mexico,  Il  revint 'en  France,  servit  comme  volontaire 
dans  la  guerre  d'Italie.  (Juand  éclata  la  guerre  de  la  Séces- 
sion, il  entra  dans  l'armée  fédérale,  reçut  le  commande- 
ment d'une  brigade,  puis  d'une  division,  se  distingua  aux 
batailles  de  William sburgh,  Seven  Pines,  Fraziers  Farm  et 
surtout  à  la  seconde  bataille  de  RuU's  Run  et  fut  tué  dans 
une  reconnaissance  auprès  de  Chantilly. 

KEARSLEY.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Lancastre,  à 
côté  de  Farnworth,  sur  l'irwell  et  la  Tonge;  8,000  hab. 
Papeteries,  cotonnades. 

KEARY  (Annie),  femme  auteur  anglaise,  née  près  de 
Wetherby  (Yorkshire)  le  3  mars  1825,  morte  à  East- 
bourne  le  3  mars  1879.  Douée  d'une  brillante  imagina- 
tion et  de  remarquables  facultés  d'observation,  elle  a  laissé 
un  grand  nombre  de  romans,  dont  les  plus  connus  sont  : 
Janets'  Home  (1863)  ;  Clemency  Franklyn  (1866)  ; 
Castle  Daly  (1875),  nouvelle  irlandaise  considérée  comme 
son  chef-d'œuvre  ;  A  York  and  a  Lancaster  Rose  (1876)  ; 
A  DouHing  Heart  {\S19),  roman  remarquable  qui  fut  ter- 
miné par  Mrs.  Macquoid.  R.  S. 

KEAS  (V.  Céos). 

KEATE  (George),  écrivain  anglais,  né  en  1729,  mort  en 
1797.  Il  étudia  le  droit,  résida  à  Genève,  où  il  connut 
Voltaire,  et  voyagea  en  Italie.  Artiste,  archéologue,  natu- 
raliste et  poète,  il  exposait  à  la  Société  des  Artistes  et  à 
l'Académie  royale,  et  il  a  laissé  des  essais  en  prose,  des 
relations  de  voyage  et  de  nombreuses  poésies  dont  la  plu- 
part ont  été  réunies  en  deux  volumes,  sous  le  titre  de 
Poetical  Works  (1781). 

KEATING  (Geoifrey),  écrivain  irlandais,  né  vers  1570, 
mort  vers  1644.  Prêtre  catholique,  les  détails  de  sa  vie 
sont  peu  connus  ;  mais  il  a  laissé  des  poésies  et  des  traités 
religieux  en  langue  irlandaise,  et  surtout  une  histoire  de 
l'Irlande  depuis  les  premiers  temps  jusqu'à  l'invasion  an- 
glaise :  Foras  Feasa  ar  Eirinn. 

KEATIN  G  (Maurice-Ragenal-Saint-Leger),  colonel  et  écri- 
vain anglais,  mort  en  1835.  iVyant  accompagné,  en  1784, 
le  consul  général  George  Payne  en  France  et  au  Maroc,  il 
publia  Travels  in  Europe  and  Africa  (1816).  On  lui 
doit  aussi  un  ouvrage  sur  l'optique  et  The  True  History 
of  the  Conquest  of  Mexico,  traduite  de  l'espagnol  de 
Bernai  Diaz  del  Castillo  (1800). 

KEATS  (John),  poète  anglais,  né  à  Moorfield,  près  de 
Londres,  le  29  oct.  1795,  mort  à  Rome  le  23  févr.  1821 . 
Après  s'être  essayé  en  un  poème,  Lines  in  Imitation 
of  Spencer,  qui  passa  inaperçu,  il  attira  sur  lui  l'atten- 
tion publique  par  jê/^^(l^m^■ow(  18 18),  roman  poétique  d'une 
imagination  aussi  riche  que  déréglée.  La  Quarterly  Heview 
et  le  Blackwoods  Magazine  critiquèrent  acerbement 
le  jeune  poète  qui,  tenant  compte  des  critiques,  donna 
bientôt  un  troisième  volume,  Taies  andPoems  (1820),  qui 
le  mit  au  premier  rang  des  poètes  anglais.  C'est  dans  ce 
volume  qu'est  contenu  cet  admirable  Hyperion  dont  Byron 
a  dit  qu'il  avait  été  inspiré  par  les  Titans  et  qu'il  était 
d'un  subhme  égal  à  celui  d'Eschyle.  C'est  surtout  dans  les 
sujets  mythologiques  ou  du  moyen  âge  que  le  talent  de 
Keats  brille  de  son  plus  vif  éclat.  Rien  n'égale  dans  la  lit- 
térature de  la  Grande-Bretagne,  en  couleur  et  en  mélodie, 
VOde  au  Rossignol,  VOde  à  Pan  et  VUrne  grecque.  The 
Eve  of  S.  Agnes  est  un  modèle  du  genre  romantique.  Les 
ravages  d'une  maladie  héréditaire,  la  phtisie,  aggravés  par 
une  passion  malheureuse,  l'emportèrent  à  vingt-six  ans, 
à  Rome,  où  il  repose  à  côté  du  poète  Shelley.  R.  Moncktar 
Milnes  a  publié  ses  œuvres  inédites  :  Life,  Letters  and 


Literary  Remams  of  Keais  (1848).  On  a  dit  de  Keats  qu'il 
était  l'André  Ghénier  de  l'Angleterre.     Hector  Frange. 

KE8AB.  Plat  turc;  c'est  un  rôti  d'agneau  assaisonné 
d'oignons,  de  poivre  et  de  riz.  Une  variante  consiste  à 
découper  la  viande  en  petits  morceaux  qu'on  frotte  de 
sel  et  de  poivre  et  qu'on  rôtit  ensuite  sur  des  charbons 
ardents. 

KEBABO.  Oasis  du  Sahara  oriental,  dans  la  partie 
appelée  désert  Libyque,  la  plus  méridionale  du  groupe  de 
Koufra,  à  900  kil.  au  S.  de  Benghazi,  à  i  ,350  kil.  au  S.-E. 
de  Tripoli.  C'est  la  plus  étendue  du  groupe,  la  plus  fertile, 
la  seule  qui  ait  des  villages  occupés  d'une  façon  perma- 
nente, tels  que  El  Djof,  de  fondation  récente,  avec 
300  hab.,  et  Zaouyet  el  Istat,  où  se  trouve  une  impor- 
tante zaouïa  de  Senoussi  (V.  Koufra).  E.  Cat. 

KEBBL  Ville  du  Soudan,  dans  le  royaume  et  à  47  kil. 
0.  de  Gando;  9,000  hab.  Elle  a  été  rebâtie  à  quelqu3 
distance  de  l'ancienne  cité  fondée  au  xvi®  siècle  par  la 
dynastie  Kanta  et  qui  fut  alors  capitale  d'un  grand  Etat  ; 
les  Foulah  la  ruinèrent  en  1806.  Laprov.  de  Kebbi  a  été 
enlevée  au  Sokoto  par  le  Gando  ;  elle  est  très  fertile. 

KEBDANA.  Grande  tribu  du  Maroc,  d'origine  berbère, 
et  qui  a  conservé  la  langue  berbère  et  berbérise  les  noms 
arabes.  Elle  occupe  toute  la  région  comprise  entre  la  mer 
Méditerranée  au  N.,  la  plaine  de  Bou  Areg  à  l'O.  et 
le  cours  de  la  Moulouïa  à  TE.  et  au  S.  La  plus  grande 
partie  du  territoire  du  Kebdana  est  couverte  par  un  massif 
montagneux.  Dans  la  partie  Nord-Est,  seulement  entre  la 
mer  et  la  Moulouïa,  la  montagne  s'abaisse  et  forme  une 
plaine  basse  où  se  trouve  le  point  dit  Bordj  el  Bachir,  en  face 
des  îles  Zaffarines.  Les  Kebdana  ne  comptent  pas  dans  le 
Rif  ;  ils  sont  rangés  dans  le  Garet.  Ils  se  divisent  en  six 
grandes  fractions  ou  seulement  en  quatre  suivant  Duvey- 
rier.  Toute  la  tribu  est  placée  sous  le  commandement  d'un 
caïd  investi  par  le  sultan,  mais  qui  n'y  jouit  pas  d'une 
grande  autorité.  La  population  totale  des  Kebdana  est  éva- 
luée à  41,000  âmes;  on  estime  qu'ils  peuvent  réunir  2,500 
fusils  à  tir  rapide  et  150  cavaliers.  Les  Kebdana  sont  une 
des  tribus  que  les  Espagnols  de  Melila  ont  le  plus  fréquem- 
ment à  combattre.  H.-M.-P.  de  La  Mârtinière. 

KEBHSENNOOF  (Archéol.  égypt.).  L'un  des  quatre 
génies  funéraires  chargés  de  la  garde  des  viscères  que  l'on 
embaumait  séparément  dans  les  vases  appelés  canapés. 
Kebhsennouf,  à  tête  d'épervier,  veillait  sur  le  foie  et  la  vé- 
sicule biliaire. 

KEBILLI  ou  KBILLL  Petite  ville  de  la  Tunisie  méridio- 
nale, à  1 11  kil.  S.  de  Gafsa,  dans  le  district  du  Nefzaoua 
(contrôle  civil  de  Tozeur)  ;  1 ,200  hab.  Située  près  du  chott 
Djerid,  elle  a  une  belle  forêt  de  dattiers,  arrosée  parles  cinq 
sources  de  Ras-el-Aïn.  Elle  est  entourée  d'une  enceinte 
percée  de  cinq  portes  et  était  jadis  la  ville  la  plus  impor- 
tante du  Nefzaoua  ;  mais,  il  y  a  une  vingtaine  d'années, 
s' étant  révoltée  contre  le  bey  de  Tunis,  elle  fut  en  partie 
détruite  et  ne  s'est  pas  encore  complètement  relevée. 

KEBLE  (John),  poète  et  écrivain  religieux  anglais,  né  à 
Fairford  (Gloucestershire)  le  25  avr.  1792,  mort  à  Bour- 
nemouth  le  24  mars  1866.  Fils  d'un  pasteur,  il  entra  dans 
les  ordres  à  sa  sortie  de  l'université  d'Oxford,  puis,  après 
quelques  années  passées  dans  l'enseignement,  fut  nommé 
recteur  en  1827.  The  Christian  War,  recueil  de  pensées 
en  vers  pour  les  dimanches  et  fêtes,  obtint  un  grand  succès 
dans  le  monde  où  l'on  chante  des  hymnes  et  lui  valut  la 
chaire  de  poésie  dans  un  des  collèges  d'Oxford  (1831).  Il 
fut  un  des  collaborateurs  de  Pusey  et  de  Newman  dans  la 
publication  de  leur  Library  of  Fathers  of  the  holy  Ca- 
tholic  Church  et,  par  conséquent,  un  des  fondateurs  du 
mouvement  puseyste.  Il  publia,  en  outre,  Lyra  înnocen  ■ 
tium  (1846),  des  Sermons  et  une  Fi<?derévêqueWilson, 
prélat  de  Sodor  et  Man.  Keble  est,  en  Angleterre,  mis  au 
premier  rang  des  poètes  religieux.        Hector  France. 

KEBTÔ  (Haute-Egypte)  (V.  Coptos). 

KÉCHAB    Chander  Sen  (V.  Brahmoïsme). 

KECHIN.  Ville  et  havre  de  l'Arabie  méridionale,  pro- 


453  —  KEATS  --  KEENE 

vince  du  Hadramaut,  situé  par  15«  26''  de  lat.  N.,  un  peu 
à  rO.  du  cap  Fartak.  A  l'époque  où  le  chef  de  cette  localité 
possédait  l'île  de  Socotora,  Kechin  avait  une  certaine  im- 
portance commerciale  qu'elle  a  perdue  depuis.  Son  port 
peu  profond  est  abrité  des  vents  d'O. 

KECHMISH  (Vitic).  Le  kechmish  est  un  cépage  origi- 
naire d'Orient  où  il  est  cultivé  pour  la  fabrication  des  vins 
fameux  de  Schiras  dans  la  Perse  et  de  l'Erivan.  En  Eu- 
rope, il  est  uniquement  cultivé  comme  raisin  de  table. 
C'est  un  excellent  cépage  à  fruits  relativement  précoces, 
de  couleur  ambrée,  à  chair  ferme,  sucrée  et  relevée  par  une 
saveur  agréable. 

KECSKEMÉT.  Ville  de  Hongrie,  comitat  de  Pest  ; 
49,600  hab.  (1890),  presque  tous  Magyars,  vivant  pour 
la  plupart  de  la  culture  des  céréales,  de  la  vigne,  des 
fruits,  surtout  de  l'élève  du  bétail.  Les  foires  périodiques 
de  Kecskemét  sont  très  fréquentées.  Malgré  le  caractère 
rural  de  cette  agglomération,  l'enseignement  y  est  très 
soigné  dans  de  nombreuses  écoles  de  tout  ordre 

KEDAH  ou  MOUANG-Saï.  Principauté  de  la  presqu'île 
de  Malacca,  vassale  du  Siam  ;  elle  s'étend  au  S.  du  Sijor, 
au  N.  du  Pérak,  à  l'E.  de  la  prov.  de  Wellesley,  à  FO.  du 
Kalantan,  du  Patani  et  du  Taloung,  entre  5°  et  7°  lat.  N. 
On  y  compte  environ  60,000  hab..  Malais  et  Siamois.  C'est 
un  pays  bien  arrosé  et  couvert  de  forêts.  La  capitale  est 
Kedah  (8,000  hab.),  sur  la  côte  0.  de  la  presqu'île. 

KEDARNATH  (V.  Himalaya). 

KEDER  (Nicolas),  antiquaire  suédois,  né  à  Stockholm, 
en  1659,  mort  en  1735.  Après  avoir  voyagé  dans  divers 
pays  de  l'Europe,  il  fut  chargé  par  le  roi' Charles  XI  de 
classer  les  médailles  de  la  collection  royale,  de  composer 
des  devises  et  des  inscriptions  pour  les  médailles  et  les  je- 
tons que  le  roi  faisait  frapper.  Il  fut  anobli  en  1719.  Ami 
intime  d'Elias  Brenner,  il  se  chargea,  à  la  mort  de  ce  der- 
nier, de  donner  une  nouvelle  édition  de  son  excellent  Thé- 
saurus numorum  sueo-gothicorum  (Stockholm,  1731, 
in-4)  ;  dans  une  autre  de  ses  publications  intitulée  JSum- 
mus  aureus  Othinum  exhibens  (1722)  Keder  prétendit 
attribuer  une  monnaie  à  Odin  lui-même.  Son  autobiogra- 
phie fut  insérée  dans  les  Acta  litteraria  Sueciœ  (1747). 

KÉDÈS  (Palestine)  (V.  Kkms). 

KEDIRI.  Ville  de  Java,  ch.-l.  de  résidence  à  TE.  de  l'île, 
rive  droite  du  Kali  Brantas;  belles  ruines  de  palais, 
temples,  etc.  —  La  résidence  s'étend  sur  le  rivage  septen- 
trional; elle  a  6,762  kil.  q.  et  environ  900,000  hab. 

KEDJ.  Oasis  du  Béloutchistan,  capitale  du  Mekran,  dans 
la  vallée  supérieure  du  Decht-Kohr,  à  120  kil.  du  Goua- 
dar.  C'est  un  groupe  de  villages  avec  plusieurs  forts,  dont 
le  principal  sert  de  résidence  au  naïb,  délégué  du  khan  de 
Kelat.   * 

KEDOU.  Résidence  du  centre  de  Java,  la  seule  qui  ne 
touche  pas  à  la  mer;  2,048  kil.  q.  ;  800,000  hab.  environ. 
Elle  est  située  entre  les  résidences  de  Samarang  au  N., 
Sourakarta  à  E.,  Djojokarta  au  S.,  Baguelen  à  FO.,  dans 
le  bassin  supérieur  du  Progo.  C'est,  entre  de  hautes  mon- 
tagnes, une  des  plus  belles  parties  de  l'île  et  des  plus  fer- 
tiles. Le  ch.-l.  estMagelang.  Dans  le  Kedou  sont  les  ruines 
de  Bourou-Boudor. 

KEEL.  Mesure  anglaise  employée  pour  la  houille;  elle 
vaut  à  peu  près  2  i  tonnes  et  se  divise  en  8  chaldrons. 

KEELING  (lies)  ou  des  Cocos.  Archipel  coralliaire  de 
l'Océan  Indien,  au  S.-O.  du  détroit  de  la  Sonde,  par  12° 
lat.  S.  et  94°  long.  E.  Ce  sont  des  atolls  dont  l'ensemble 
n'a  pas  plus  de  22  kil.  q.  La  population  est  de  400  hab. 
Malais,  Javanais,  etc.  L'Angleterre  a  annexé  ces  îlots. 

KEENE.  Ville  des  Etats-Unis,  New  Hampshire,  sur 
l'Ashuelet  ;  7,000  hab. 

KEENE  (Sir  Benjamin),  diplomate  anglais,  né  à  King's 
Linn  (Norfolk)  en  1697,  mort  à  Madrid  le  15  déc.  175'7. 
Consul  (1724),  puis  (1727)  ministre  plénipotentiaire  à 
Madrid,  il  y  conclut  le  traité  de  Séville  (nov.  1729)  créant 
une  ligue  défensive  entre  l'Angleterre,  la  France  et  l'Es- 
pagne. Mais  dix  ans  après,  la  guerre  ayant  éclaté  entre 


KEENE  —  KEEPSÂKE 


—  454  -- 


l'Angleterre  et  l'Espagne,  il  fut  rappelé.  Très  appuyé  par 
Horace  Walpole  qui  prisait  fort  ses  talents  diplomatiques, 
il  représenta  Maldon  au  Parlement  (1739-40),  puis 
Westloe  (1741-47).  Envoyé  extraordinaire  en  Portugal 
(1746)  pour  traiter  la  paix  avec  l'Espagne,  il  reprit  son 
poste  de  Madrid  en  1748.  En  1750,  il  conclut  un  traité  de 
commerce  avec  l'Espagne.  Fort  malade,  il  réclama  son 
rappel  en  1757;  mais,  sur  les  instances  pressantes  dePitt, 
il  demeura  en  fonctions  pour  essayer  d'obtenir  l'alliance  de 
l'Espagne  contre  la  France,  fût-ce  au  prix  de  la  rétro- 
cession de  Gibraltar  et  des  établissements  de  la  baie  de 
Mexico  ;  il  mourut  au  cours  des  négociations.        R.  S. 

KEEPSAKE.  Ce  mot  anglais,  qui  signifie  proprement 
chose  donnée  pour  être  gardée  en  soitvenir^  s'applique 
d'une  façon  spéciale  à  ces  livres-albums  où  de  fines  gra- 
vures sur  acier  illustrent  tantôt  des  morceaux  (prose  ou 
poésie)  de  tons  et  d'auteurs  variés,  tantôt  des  descriptions 
topographiques  entremêlées  d'anecdotes,  et  qui  furent  si  à  la  . 
mode,  comme  cadeaux  de  Noël  et  de  jour  de  l'an,  entre 
1822  et  1850.  On  en  va  chercher  l'origine,  d'ordinaire, 
dans  les  Taschenbûcher  allemands.  Il  est  certain  qu'il  y 
a  eu,  en  fait  de  Taschenbuch  et  de  Taschen-Kalender, 
des  volumes  curieusement  illustrés  par  Chodowiecki  dès  la 
fin  du  siècle  dernier.  Mais  ce  n'était,  après  tout,  que  des  al- 
manachs,  et  les  almanachs  illustrés,  étrennes  poétiques  ou 
chantantes,  ne  sont  pas  rares  en  France  à  cette  époque-là. 
Quoi  qu'il  en  soit,  les  livres  de  présent,  recueils  annuels 
et  illustrés  de  miscellanées  littéraires,  que  les  éditeurs  an- 
glais se  mirent  à  publier  après  1820,  présentèrent,  dès  le 
début,  une  exécution  bien  supérieure  et  un  caractère  dif- 
férent. Ce  n'est  vraiment  qu'après  que  la  vogue  pour  ces 
livres  se  fût  répandue  en  France  et  en  Amérique  que  les 
Taschenbûcher  se  transformèrent  et  prirent,  assez  lour- 
dement d'ailleurs,  l'allure  des  keepsakes.  Comparez,  par 
exemple,  le  Vergissmeinnicht  de  1818  (Leipzig),  ou  le 
Leipxdger  Taschenbuch  pour  1812,  ou  encore  le  Ta- 
schenbuch fur  edle  Weiberund  Mœdchen  de  1804  (Karls- 
ruhe),  avec  le  Helena  de  1839  (Bunzlau)  et  le  Cyanen  de 
18i0  (Vienne  et  Leipzig)  ;  comparez  même  VUrania  des 
premières  années  —  cette  publication  remonte  à  1805  — 
avec  VUrania  de  1836  (Leipzig),  et  vous  comprendrez  l'in- 
fluence exercée  par  les  publications  anglaises  sur  les  «  livres 
de  poche  »  allemands,  sans  que  ceux-ci  cessent,  néanmoins, 
d'être  inférieurs  à  celles-là. 

Le  keepsake  est  un  volume  dont  le  format  varie  de  rin-4 
au  petit  in-16,  doré  sur  tranches,  imprimé  avec  soin  en 
beaux  caractères  sur  un  bon  papier  qui  n'est  que  rarement 
atteint  des  piqûres  et  taches  de  rousseur  dont  tant  de  livres 
de  luxe  imprimés  à  cette  époque  sont  lamentablement  se- 
més ;  il  est  généralement  pourvu,  avant  le  frontispice  et  le 
titre  gravé,  d'un  feuillet  orné  d'une  guirlande  de  fleurs 
ou  d'attributs  divers,  au  milieu  duquel  un  espace  est  ré- 
servé pour  que  le  donateur  y  inscrive  le  nom  de  la  per- 
sonne à  qui  le  souvenir  est  offert  :  c'est  le  présentation 
plate ^  ou  cartouche  de  dédicace.  Enfin,  et  surtout,  il  est 
illustré  d'un  nombre  variable  de  fines  gravures  sur  acier, 
où,  malgré  le  conventionnel  et  le  léché  de  la  facture  et  le 
sentimentalisme  de  l'inspiration,  éclate  souvent  un  très  vif 
sentiment  d'art,  et  qui  ont  encore  un  singulier  charme  de 
fraîcheur  et  d'élégance  pour  nos  yeux  blasés  par  toutes  les 
sauces  de  l'eau-forte  et  par  les  prestigieux  effets  des  pro- 
cédés photographiques. 

Extérieurement,  le  keepsake  est  protégé  par  un  carton- 
nage qu'habille  d'ordinaire  une  moire  ou  un  satin  de  cou- 
leur éclatante,  rouge  ou  verte,  plus  rarement  bleue.  La 
percaline,  la  basane  avec  gaufrures  et  ornements  à  froid  ou 
dorés,  les  peaux  chagrinées,  ou  maroquinées  même,  et  le 
velours  estampé  partagent,  avec  la  soie,  le  privilège  de 
recouvrir  ces  aimables  recueils,  suivant  la  fantaisie  et 
le  goût  de  l'éditeur,  suivant  aussi  les  habitudes  de  dépense 
de  la  clientèle  à  laquelle  tel  ou  tel  keepsake  s'adresse 
plus  particulièrement.  Quelques-uns  se  vendaient  dans  des 
étuis  fort  dorés  eux-mêmes,  tout  comme  VAlmanach  de 


la  Cour  et  de  la  Ville,  ou  VAlmanach  dédié  aux 
dames.  C'étaient  vraiment  des  publications  de  grand  luxe. 
La  seconde  année  de  The  Keepsake,  qu'on  peut  prendre 
pour  type  du  genre,  et  qui,  fondé  en  1828  par  Frederic- 
Mansel  Reynolds,  durait  encore  en  1819,  coûta  11 ,000  gui- 
nées  à  son  éditeur.  The  Amulet,  que  dirigeait  S.-C.  Hall, 
avertit  les  acheteurs  de  son  cinquième  volume  (1830)  que 
la  gravure  d'une  des  illustrations  qu'il  contient,  le  Ménes- 
trel deChamouni,  a  coûté  145  guinées,  et  celle  du  Cruci- 
fiement 180.  Les  artistes  dont  on  gravait  les  œuvres  étaient, 
en  outre,  des  maîtres  anciens  :  J.  Stephanoff,  E.  Goodall, 
A.  etCh.Heath,  Corbould,  Th.  Lawrence,  Stothard,  Smirke, 
Westall,  Turner,  Landseer,  Chalon,  Bonnington,  Cater- 
mole,  Redgrave,  Devéria,  Eugène  Lami,  Louis  David, 
W.  Daniell,  Th.  Allom,  R.  Seymour,  J.  Leech,  G.  Cruik- 
shank,  pour  ne  citer  que  les  plus  connus.  Les  graveurs 
s'appelaient  Goodyear  Engleheart,  Freebairn,  Rolls,  les 
Finden,  les  Heath,  Thomson,  Wilmore,  Westwood,  J.- 
H.  Watt,  J.  Redway,  J.  Fisher,  J.  Cousen,  W.  Rad- 
clyffe,  J.  Carter,  J.-C^.  Armytage,  W.-H.  Mote,  etc.  Toute 
une  phalange  d'écrivains  s'étaient  fait  une  spécialité  de  la 
littérature  de  keepsake  :  nouvelles  sentimentales,  vers 
de  société,  élégies,  odes,  récits  poétiques,  anecdotes  histo- 
riques, fragments  de  biographie,  portraits,  physiologies, 
courts  essays  littéraires  et  moraux.  Les  author esses  y 
étaient  en  grand  nombre,  et  les  noms  de  quelques-unes  ne 
sont  pas  encore  oubliés,  telles  :  Lœtitia-Elizabeth  Landon, 
dont  les  trois  initiales  apparurent  longtemps  à  la  page  de 
titre  du  plus  luxueux  de  ces  livres-albums,  le  Fisher's 
Drawing-Room  Scrap  Book,  qu'elle  dirigea  jusqu'en  i  846, 
pour  le  passer  à  Mrs.  Norton,  la  gloire  des  salons  d'alors; 
Mrs.  Hemans,  poète  distingué,  qui  affirmait  virilement  le  pou- 
voir des  énergies  de  Fâme  dans  la  lutte  contre  l'adversité  ; 
lady  Emmeline-Stuart  Wortley,  élégante,  élégiaque  et  mo- 
notone; Mrs.  S.-C.  Hall,  qui,  pendant  que  son  mari  pu- 
bliait The  Amulet  et  The  Book  of  Gems,  dirigeait  elle- 
même  un  Juvénile  Forget  me  not,  auquel  le  Juvénile 
Forget  me  not  du  grand  éditeur  d'art  Ackermann  faisait 
une  rude  concurrence  ;  Agnes  Strickland,  Mary  Howitt, 
miss  Mitford,  Mrs.  Opie,Mrs.  Barbauld,  dojit  un  livre  d'édu- 
cation qu'elle  fit  avec  le  D''  Aikin,  Evenings  at  Home,  a 
gardé  le  nom  populaire;  la  célèbre  comtesse  de  Blessington, 
directrice  à  la  fois  du  Keepsake  et  du  Book  of  Beauty  de 
l'éditeur  C.  Heath,  et  une  des  premières  révélatrices  de 
Byron  intime.  Enfin  Elizabeth  Browning  elle-même,  lors- 
qu'elle était  encore  miss  Barrett,  laissa  dans  plusieurs  de 
ces  recueils  sa  marque  de  grand  poète,  tendre  et  élevé. 

Parmi  les  hommes,  les  écrivains  de  valeur  et  de  réputa- 
tion ne  manquent  pas  :  Alaric  Watts,  J.-K.  Hervey,  l'au- 
teur du  Coîivict  Ship,  poème  resté  célèbre;  E.-L.  Bulwer, 
romancier  illustre,  qui  fut  le  premier  lord  Lytton  ;  Bryan- 
Waller  Procter,  plus  connu  sous  le  nom  de  Barry  Corn- 
wall  ;  des  hommes  d'Etat  comme  lord  Russell,  lord  Mor- 
peth,  Disraeli,  Savage  Landor,  «  poète  à  l'usage  des  poètes 
et  moraliste  à  l'usage  des  philosophes  »,  comme  le  dit  un 
critique  anglais  ;  lord  Houghton,  James  Hogg,  le  berger  d'Et- 
trick,  qui  put  un  instant  se  croire  un  nouveau  Burns  ;  Robert 
Southey,  poète  lauréat  ;  Leitch  Ritchie,  Horace  Smith,  Dou- 
glas Jerrold,  Sheridan  Knowles,  Praed,  T.  Roscoe,  J.  Mont- 
gomery,  lord  Holland  qui,  dans  le  Keepsake  de  1836,  fit 
ce  tour  de  force  d'écrire  un  morceau  de  trois  pages,  pré- 
cédé de  quatre  vers  latins  en  guise  d'épigraphe,  et  dont 
tous  les  mots  ne  contiennent  que  la  voyelle  e  à  l'exclusion 
de  toute  autre.  On  trouve  même,  dans  ces  pages  oubliées,  des 
noms  comme  ceux  de  Dickens,  de  Shelley,de  Ruskin.Tout 
se  réunissait  pour  donner  du  prix  à  ces  livres  de  présent,  et 
pour  justifier  la  mode  qui  les  avait  si  chaudement  adoptés. 
De  là,  chez  les  éditeurs  et  rédacteurs  ordinaires,  un  en- 
thousiasme et  un  orgueil,  assez  légitimes  après  tout,  mais 
dont  l'expression  naïve  ne  laisse  pas  d'être  amusante  C'est 
ainsi  que  l'humoriste  Th.  Hood,  devenu  directeur  de  The 
G5m(1829),  disait  crânement  dans  sa  préface  :  «  Accou- 
tumé à  ne  faire  de  sélection  que  dans  mon  portefeuiHe,  je 


ne  puis  deviner  ce  que  je  serai  comme  compilateur  des 
écrits  des  autres  ;  mais  j'ai  fait  de  mon  mieux  pour  m'as- 
surer  une  bonne  parade  à  la  foire  de  la  publicité,  en  enga- 
geant autour  de  moi  autant  de  géants  littéraires  que  j'ai  pu, 
et  en  prenant  soin  de  n'enrôler  personne  qui  ne  dépasse,  au 
moins  d'une  tête,  la  médiocrité.»  «  Si  les  publications  de 
cette  nature  continuent  comme  elles  ont  commencé,  écrit  un 
anonyme  dans  l'article  de  début  ànKeepsake,  dès  18"28, 
nous  atteindrons  bientôt  le  millénium  des  souvenirs.  Au 
lieu  de  gravures,  il  nous  faudra  des  tableaux  par  les  plus 
grands  maîtres  ;  pour  papier,  nous  aurons  du  vélin  ;  nos 
reliures  seront  en  opale  et  en  améthyste,  et  personne  ne 
pourra  nous  lire  qu'en  une  salle  luxueuse  ou  sous  un  ber- 
ceau de  roses.  » 

Quoique  Th.  Roscoe  déclare,  dans  le  Winter  Wreath 
de  4830,  que  «  l'imagination  se  refuse  à  se  figurer  rien 
au  delà  de  leur  actuelle  perfection  »,  les  keepsakes  n'at- 
teignirent pas  tout  à  fait  cet  idéal;  mais  certains  livres  de 
luxe  ne  le  réalisent-ils  pas  aujourd'hui? 

L'échange  des  modes  est  trop  constant  d'une  rive  de  la 
Manche  à  l'autre  pour  que  les  libraires  de  France  n'aient 
pas,  de  bonne  heure,  offert  à  leur  clientèle  fashionable 
des  volumes  d'étrennes  à  l'instar  des  «  Souvenirs  »  anglais. 
La  première  publication  périodique  française  qu'on  puisse 
faire  rentrer  dans  la  catégorie  des  Keepsakes  ou  Annuals 
ne  fut  pas,  cependant,  directement  inspirée  par  eux.  C'est 
une  Miscellanée  annuelle  purement  française,  aussi  bien 
pour  le  texte  que  pour  l'illustration,  laquelle  se  réduit,  dans 
les  premiers  volumes  du  moins,  à  une  seule  figure  mise  en 
frontispice.  Les  Annales  romantiques^  recueil  de  mor- 
ceaux choisis  de  littérature  contemporaine,  remontent 
à  18^25.  Elles  étaient  publiées  par  Urbain  Canel  en  petits 
volumes  in~12.  Presque  tous  les  noms  du  monde  littéraire 
d'alors  y  défilent.  Cependant,  en  1834,  les  Annales  ro- 
mantiques qui,  depuis  d829,  étaient  aux  mains  de  Louis 
Janet,  étaient  devenues  un  véritable  keepsake,  illustré  de 
huit  «  gravures  anglaises  »  empruntées  aux  publications 
d'Ackermann. 

Nos  littérateurs  fournissaient  aux  keepsakes  anglais  de 
nombreux  sujets  d'adaptation  et,  parfois,  des  articles  com- 
plets tantôt  traduits,  tantôt  insérés  en  français.  Un  «  Mons. 
Frédéric  Degeorge  »  donnait,  au  sixième  volume  du  Friend- 
ship's  Offehng  (1829),  une  sorte  de  nouvelle  intitulée 
la  Fiancée  de  Marques ;\q  Literary  Souvenir,  de  1825, 
a  un  article  sur  le  cimetière  du  Père-Lachaise,  et  une 
étude,  On  Autographs,  à  propos  d'un  livre  français  récem- 
ment paru  :  rArt  de  juger  du  caractère  des  hommes 
sur  leur  écriture  ;  sous  le  titre  :  The  Deserted  Château, 
Front  the  French,  sans  nom  d'auteur  ni  de  traducteur,  le 
Keepsake  de  4835  reproduit  quelques  pages  de  la  Grande 
Bretêche  de  Balzac;  le  même  recueil  publie  en  4845  une 
étude  d'Eugène  Sue  sur  Un  Ouvrier  poète,  Savinien  La- 
pointe,  et  les  Deux  Jumelles,  du  vicomte  d'Arlincourt  ; 
l'année  4846  contient  U7i  Mariage,  par  E.  Sue;  le Heath's 
Picturesque  Annual  for  1839  consiste  tout  entier  en  une 
traduction  du  Versailles  il  y  a  cent  ans,  de  Jules  Janin, 
par  Leitch  Ritchie  ;  il  est  dédié  par  l'éditeur  à  Bis  Majesty 
Louis-Philippe,  King  of  the  French;  ceux  de  4843  et 
de  4844  ne  sont  aussi  que  des  adaptations  de  :  Un  Hiver  à 
Paris  et  de  l'Eté  à  Paris,  du  même  Jules  Janin;  enfin  les 
Fisher  publiaient  (4834-36)  en  anglais  et  en  français  le 
Gage  d'amitié  ou  Northern  Tourist  (3  vol.  in-4). 

Pour  consommer  l'alliance,  les  éditeurs  français  emprun- 
taient à  leurs  confrères  anglais  presque  toutes  leurs  gra- 
vures, que  Louis  Janet  et  d'autres  ne  craignaient  pas  de 
donner  pour  inédites,  et  qui  servaient  parfois  à  illustrer 
trois  ou  quatre  keepsakes  différents. 

Ces  publications,  plus  oubliées  qu'elles  ne  le  méritent, 
contiennent,  avec  des  productions  de  presque  tous  les  auteurs 
illustres  de  notre  siècle,  une  quantité  de  portraits,  de  vues 
pittoresques,  de  scènes  d'intérieur  qui  intéressent  Thisto- 
rien,  le  topographe,  le  moraliste,  et  qui  sont  un  véritable 
trésor  pour  l'iconophile.  Aujourd'hui,  les  keepsakes,  ces 


—  455  —  KEEPSAKE  -  KEHL 

livres-albums  romantiques,  ont  fait  leur  temps,  comme  le 
romantisme  même.  On  en  trouverait  pourtant  le  souvenir 
dans  plus  d'une  publication  contemporaine  de  natures  fort 
diverses.  C'est  ainsi  que  le  poète  normand  Gustave  Leva- 
yasseur  a  fait  paraître  à  Amiens,  en  4870,  un  recueil 
intitulé  Scrap-Book,  et  que  des  livres  libertins,  clandes- 
tinement mis  en  vente  à  Londres,  prennent  encore  de  nos 
jours  des  titres  de  keepsakes,  comme  The  Pearl  Christ- 
mas  Annual  for  iSSi  et  The  Erotic  Casket  Gift  Book 
for  i8S2.  B.-H.  Gausseron. 

BiBL.  :  Outre  les  keepsakes  eux-mêmes,  on  peut  con- 
sulter sur  ce  sujet;  un  article  de  Westland  Marston, 
dans  le  Livre  du  10  mai  1884,  2«  partie,  p.  802  ,•  les  Books 
of  Beauty,pa.T  le  comte  G.  de  Contades,  et  les  Keepsakes 
et  Annuaires  illustrés  de  Vépoque  romantique  en  Angle- 
terre et  en  France,  par  B.-H.  Gausseron,  dans  les  An- 
nales littéraires  des  Bibliophiles  contemporains  pour  1890  ; 
By-Waifs  in  Book-Land,  par  W.  Davenport  Adams  ; 
Londres,  Elliot  Stock,  1888. 

KEEWATIN.  Territoire  situé  au  N.-O.  du  Canada,  dans 
les  bassins  de  la  Severn,  du  Nelson,  du  Churchill,  à  PO.  de 
la  mer  d'Hudson,  à  l'E.  du  lac  Winnipeg,  au  N.  du  Mani- 
toba  (V.  Canada).  —  Une  localité  de  ce  nom  est  située  sur 
le  lac  des  Bois  au  point  où  le  Winnipeg  en  sort. 

KEF.  Ville  maritime  de  Nubie,  sur  la  mer  Rouge,  en 
face  de  l'île  de  Souakim  (V.  ce  mot). 

KEF  (Le).  Ville  de  Tunisie,  ch.-l.  de  cercle,  dans  le  bas- 
sin de  la  Medjerda,  sur  le  chemin  de  fer  de  Tunis  en  Algé- 
rie. Enceinte  bastionnée;  belle  source;  beaux  jardins; 
fabrique  de  burnous.  C'est  l'ancienne  Sicca  Veneria. 

KEF-el-Akdar  ou  le  Rocher  Vert.  Montagne  d'Algé- 
rie, au  S.-E.  de  Médéa  et  au  S,-0,  d'Aumale,  d'une  ait. 
de  4,464  m.;  elle  a  souvent  servi  de  refuge  aux  tribus 
berbères  qui  se  refusaient  à  subir  la  domination  étrangère  ; 
au  X®  siècle,  il  s'y  était  formé  un  petit  Etat  sanhadja  indé- 
pendant, dont  la  capitale,  Achir,  a  laissé  quelques  ruines. 

KEFERSTEIN  (Christian),  géologue  allemand,  né  à 
Halle  le  20  janv.  4784,  mort  le  26  août  4866.  Il  s'occupa 
de  droit,  d'archéologie  et  surtout  de  géologie.  Ouvrages 
principaux  :  Teutschland,  geognostich-geologisch  dar- 
gestellt  (Weimar,  4824-34,  7  vol.),  avec  une  carte  géo- 
logique de  toute  l'Allemagne  (4821),  la  première  qui  ait 
été  pubhée;  Naturgeschichte  des  Erdkœrpers  (Leipzig, 
4834,  2  vol.);  Ansichten  ûber  die  Keltischen  Aller- 
thûmer  (Halle,  4846-54,  3  vol.).  D^  L.  Hn. 

KEFFI*  Noms  de  plusieurs  villes  du  Soudan  :  Keffi-abd- 
es-Senga,  dans  le  vSokoto,  province  de  Zariya  (Saria),  sur 
un  affluent  de  la  Bénoué  ;  30,000  hab.  C'est  un  grand 
marché  qui  remplace  Yakoba.  La  ville  est  entourée  d'un 
mur  de  pierre,  formée  de  huttes  rondes  ou  carrées,  habitées 
par  des  musulmans  Foulbés  ou  Haoussas  et  des  Afos  païens. 
Le  commerce  de  l'ivoire  y  est  prospère.  La  ville  est  gou- 
vernée par  un  prince  tributaire  du  gouverneur  du  Zariya. 
—  Keffl-n''  Raouta,  Ville  du  Sokoto,  camp  fortifié  qui 
couvre  Yakoba  au  N.  et  est  distant  de  48  kil.  de  cette 
capitale. 

KEFFING.  Ilots  de  l'archipel  des  Moluques,  à  la  pointe 
S.-E.  de  Céram. 

KEFT  (Haute-Egvpte)  (V.  Coptos). 

KEGEN  ou  TCHARYN.  Rivière  du  Turkestan  russe, 
province  de  Semirétchensk,  affluent  gauche  de  l'Ili,  qui  des- 
cend de  l'Ak-Bourtach  vers  FO.,  sous  le  nom  de  Tchal- 
kody-sou,  reçoit  le  Karkara  et  traverse  les  monts  Kouou- 
louk-taou  par  les  profonds  et  sinistres  défilés  d'Aktagoï 
où  le  rejoignent  les  trois  Merkes.  Il  arrose  ensuite  la 
plaine  et  finit  près  du  fort  de  Telek. 

KÉGON.  Secte  religieuse  du  Japon  (V.  ce  mot,  t.  XXÏ, 
p.  27). 

KEHL,  Ville  d'Allemagne,  grand-duché  de  Bade,  cercle 
d'Offenbourg,  sur  la  rive  droite  du  Rhin  et  sur  la  Kinzig; 
5,000  hab.  (avec  le  bourg  voisin).  Kehl  fait  vis-à-vis  à 
Strasbourg  et  se  trouve  au  débouché  du  pont  de  bateaux 
et  du  pont  du  chemin  de  fer  (303  m.  de  long).  Cette  situa- 
tion fait  son  importance.  En  4 678,  le  général  Mongelas  s'en 
empara;  en  4683,  Vauban  le  fortifia;  mais,  à  la  paix  de 


KEHL  -  KEILHAU 


—  456 


Ryswyk,  on  le  rendit  à  l'empire  d'Allemagne  en  l'attribuant 
au  margrave  de  Bade.  Les  Français  s'en  emparèrent  en 


1703,  1733,  1793  et  1796,  rétablirent  en  1808  des  for- 
tifications qui  furent  rasées  à  la  paix.  Actuellement  Kehl 


Pont  de  Kehi. 


est  compris  dans  le  périmètre  des  fortifications  de  Stras- 
bourg dont  trois  forts  sont  sur  le  sol  badois. 

KEHREN  (Joseph),  peintre  allemand,  né  à  Hiilchrath 
le  30  mai  4817,  mort  à  Dusseldorf  le  24  mai  1880.  Elève 
de  l'Académie  de  Dusseldorf,  il  peignit  d'abord  des  ban- 
nières d'église,  puis,  en  collaboration  avec  Stilke,  il  tra- 
vailla aux  fresques  de  la  chapelle  de  Stolzenfels;  avec 
Mûller,  à  celles  de  l'église  Apollinaris,  à  Remagen  ;  avec 
Alfred  Rethel,  aux  Scènes  de  la  vie  de  Charlemagne  à 
l'hôtel  de  ville  d'Aix-la-Chapelle,  ouvrage  qu'il  acheva  après 
la  mort  de  Rethel,  sur  les  plans  de  celui-ci.  Il  peignit  éga- 
lement d'après  Rethel  la  Justice  de  la  Salle  des  assises 
de  Marienwerder  et,  avec  Commans,  dans  le  séminaire  de 
Mœrs,  une  vaste  frise  représentant  à  fresque  toute  l'histoire 
jusqu'au  couronnement  de  Guillaume  P^  à  Versailles.  Parmi 
ses  tableaux  d'autel,  nous  citerons  :  Sainte  Agnès  (chapelle 
du  château  du  comte  Trips),  le  Christ  enseignant  Pierre 
à  Emmaûs  (église  de  Glottan),  le  Bon  Berger,  la 
Mère  de  douleurs^  etc.  Son  atelier  a  été  brûlé,  avec  toutes 
les  études  qu'il  contenait,  lors  de  l'incendie  de  l'Académie 
de  Dusseldorf,  le  19  mars  4872. 

KEHRER  (Ferdinand-Adolph),  accoucheur  allemand,  né 
à  Guntersblum  (Hesse)  le  46  févr.  1837.  D'abord  profes- 
seur d'accouchements  à  Giessen,  il  passa  en  1881  à  Hei- 
delberg  avec  le  même  titre.  Il  publia,  entre  autres  :  Lehr- 
buch  der  Geburtshilfe  (Giessen,  1880). 

KEl  ou  KAI  et  GREAT  KEl.  Fleuve  de  l'Afrique  aus- 
trale. Il  prend  naissance,  avec  ses  branches  mères,  sur  le 
versant  S.  des  Stormberge,  à  2,000  m.  d'alt.  environ.  Les 
plus  importants  des  coursd'eau  qui  le  forment  sont  :  le  Black 
Kei,  le  White  Kei,  l'Indwe.  le  Tsoma.  La  Kei  et  l'Indwe 
séparaient  de  la  colonie  du  Cap,  à  l'E.,  la  Cafrerie  propre 
ou  les  districts  transkéiens.  Un  ^rand  pont,  mi-partie  en 
fer,  sur  la  Kei,  a  favorisé  l'annexion.  Les  hautes  vallées  du 
bassin  de  ce  fleuve  sont  riches  et  pittoresques,  les  régions 
inférieures  sont  rocheuses  et  arides.  Il  se  jette  dans  l'océan 
Indien,  un  peu  au  N.  du  cap  Morgan,  par  une  embou- 
chure ensablée  ;  son  cours  est  d'environ  200  kil. 

KEl.  Archipel  de  la  Malaisie  qu'on  rattache  aux  Mo- 
luques;  il  comprend  quatre  îles  à  l'O.  des  îles  Arou  : 
Grande-Kei  (682  kil.  q.),  Petite-Kei  (328  kil.  q.),  Kei 
Doulan  (4  25  kil.  q.),  ï)oulan  Laout  (25  kil.  q.),  plus  les 
quatre  Kei  Tenimber  au  S.  et  une  vingtaine  de  petits  îlots 
autour  et  à  l'O.  des  précédents  ;  en  tout  1,214  kil.  q.  La 
population  (Malais  et  Alfourous)  compte  24,000  hab.,  dont 
45,000  dans  la  Grande-Kei;  dans  celle-ci  un  tiers  sont  mu- 


sulmans. Le  rajah  réside  à  Doulan,  à  l'O.  de  Kei  Doulan 
et  dépend  du  résident  néerlandais  d'Amboine.  Les  habi- 
tants sont  excellents  marins  et  constructeurs  de  barques. 
KEI6HLEY.  Ville  d'Angleterre,  comté  d'York,  dans  la 
vallée  de  l'Air;  30,000  hab.  Filatures  et  tissage  de  coton; 
fabrication  de  machines. 

KEIGHTLEY  (Thomas),  écrivain  anglais,  né  en  1789, 
mort  à  Erith  (Kent)  le  4  nov.  4  872.  Il  est  surtout  connu 
par  sa  Fairy  Mythology  (1828,  2  vol.)  et  ses  Taies  and 
popular  Fictions,  their  resemblancesandtransmissions 
from  country  to  country  (4834),  qui  sont  des  contribu- 
tions de  valeur  à  l'histoire  des  traditions  populaires.  II 
donna  aussi  un  certain  nombre  de  manuels  d'histoire,  des 
éditions  classiques  et  quelques  études  littéraires  estimées  : 
Notes  on  ihe  Bucolics  and  Georgics  of  Virgil  (Londres, 
4846,  in-8)  ;  Account  of  the  Life,  opinions  and  writ- 
ings  of  John  Mitton  (4855);  Shakespeare  Expositor 
(1867),  etc.  R.  S. 

KEIL  (Ernst),  libraire  allemand,  né  à  Langensalza  le 
6  déc.  4846,  mort  à  Leipzig  le  23  mars  4878.  Il  créa  la 
revue  libérale  D^r  Leuchtturm  (iS^6)  qui  fut  supprimée 
lors  de  la  réaction  et  lui  valut  neuf  mois  de  prison  (4854). 
Il  fonda  ensuite  la  Gartenlaube  (1853)  dont  le  succès  fut 
colossal. 

KEIL  (Heinrich),  philologue  allemand,  né  à  Gressow, 
près  de  Wismar,  le  25  mai  1 822,  professeur  aux  universités 
d'Erlangen  (1859)  et  de  Halle  (1869).  Il  a  publié  de  re- 
marquables éditions  critiques  des  Grammatici  latini 
(Leipzig,  1856-80,  7  vol.)  et  des  lettres  de  Pline  le  Jeune 
(4870),  et  un  Corpus  scriptorum  rei  rusticœ  (Caton, 
Varron,  etc.,  1822  et  suiv.). 

KEILHAU  (Baltazar-Mathias),  géologue  norvégien,  né  à 
Birid,  près  de  Christiania,  le  2  nov.  1797,  mort  à  Chris- 
tiania le  l^Manv.  4858.  11  fut  lecteur  (1826-34),  puis 
professeur  (1834-57)  de  minéralogie  à  l'université  de  Chris- 
tiania. Il  a  exploré  au  point  de  vue  géognostique  les  ré- 
gions les  moins  connues  de  la  Norvège  et  a  rapporté  de  ces 
voyages  de  précieuses  observations  qu'il  a  consignées  dans  : 
Reise  i  Ost-og  Vest-Finmarken  samt  til  Beeren-Eiland 
og  Spitzbergen  (Christiania,  4831)  et  Gaea  Norvegica 
(en  ail.,  Christiania,  1838-44-50,  3  p.  in-foL).  On  lui  doit 
encore  :  Darstellung  der  Vber  gangs  formation  in  Norwe- 
gen  (Leipzig,  1826,  in-8)  et  une  trentaine  de  mémoires 
originaux  épars  dans  le  Magazin  for  Naturvidenskaberne 
(1823-48)  et  dans  les  Anfialende  Poggendorff  (4  825-28). 
BiBL.  :  B.-M.  Keilhau,  Selbstbiographie ;  Christiania, 


—  457  — 


KEJLHAU  —  KEITH 


1857.  —  Catalogue  of  scientific  papers  de  la  Société  royale  ; 
Londres,  1869,  t.  III. 

KEILL(John),  mathématicien  et  astronome  anglais,  né 
à  Edimbourg  le  1®'  déc.  1671,  mort  à  Oxford  le  34  août 
1721.  Professeur  de  physique  (1700),  puis  d'astronomie 
(1712)  à  l'université  d'Oxford,  membre  delà  Société  royale 
de  Londres  (1701),  déchiffreur  (decipkerer)  de  la  reine 
Anne  et  du  roi  Georges  (1712-16),  il  s'employa  l'un  des 
premiers  à  défendre  et  à  propager  les  théories  de  Newton, 
donna  sous  le  titre  :  Introductio  ad  veram  physicam 
(Oxford,  1701,  in-8,  nombr.  édit.  ;  trad.  angl.,  Londres, 
1736),  une  excellente  introduction  aux  Principia  de  l'il- 
lustre mathématicien  et  prit  vivement  son  parti  dans  plu- 
sieurs controverses,  notamment  dans  la  dispute  qu'il  eut 
avec  Leibniz  au  sujet  de  la  priorité  de  l'invention  du  cal- 
cul intlnitésimal.  Outre  le  livre  déjà  signalé  et  des  mémoires 
parus  dans  les  Philosophical  Transactions,  L  Keill  a  pu- 
blié: Examen  in  theoriam  telluris  a  Burnetio  editam 
(Oxford,  1698,  in-B);  Introductio  ad  veram  Astrono- 
miam  (Londres,  1718,  in-8;  trad.  angl.,  1742),  etc. Ses 
principaux  écrits  ont  été  réunis  dans  une  édition  posthume 
(Milan,  1742).  —  Son  frère,  iames  (1673-1719),  mé- 
decin à  Northampton,  a  laissé  quelques  ouvrages  d'anato- 
mie  fort  curieux.  L.  S. 

KEILOSTOMA  (Paléont.)  (V.  Rissoa). 

KEIM  (Théodore),  théologien  allemand,  né  à  Stuttgart 
le  17  déc.  1825,  mort  à  Giessenle  17  nov.  1878.  Il  devint 
professeur  de  théologie  à  Zurich  en  1860,  et  à  Giessen  en 
1873,  et  se  voua  tout  spécialement  à  l'étude  des  origines 
du  christianisme.  Il  appartient  à  l'école  critique,  mais  avec 
une  nuance  religieuse  assez  accentuée.  Sa  Vie  de  Jésus  eut 
un  grand  retentissement  et  fut  fort  discutée.  Il  publia  deux 
volumes  de  sermons,  des  monographies  sur  l'histoire  de 
son  pays  ;  mais  ses  principaux  ouvrages  sont  :  Der  Ge- 
schichtliche  Christus  (1866,  3«  éd.)  ;  Geschichte  Jesu 
von  Nazara  (1867-72,  3  vol.)  ;  Geschichte  Jesu  nach 
den  Ergebnissen  heutiger  Wissenschaft  filr  weitere 
Kreise  ûbersichtlich  erzhlt  (1875,  2«  éd.). 

KEIRINCX  ou  KERRINCK  ou  KIERINGS  (Alexander), 
paysagiste  hollandais,  né  à  Utrechten  1590,  mort  à  Ams- 
terdam en  1646,  ou  d'après  d'autres  auteurs  né  à  Anvers 
le  22  janv.  1600,  mort  à  Amsterdam  en  1652.  Cette 
discordance  provient  sans  doute  de  l'existence  de  deux  Kei- 
rincx;  celui  qu'on  trouve  en  1619  inscrit  à  la  gilde  de 
Saint-Luc,  et  qui  entra  en  1625  au  service  de  Charles  P'", 
serait  le  second  ;  le  premier  resterait  bien  un  paysagiste 
hollandais  de  qui  le  nom  serait  réellement  Keirinck  qu'on 
peut  voir  signé  sur  un  tableau  de  Munich,  Bois  de  chênes, 
daté  de  1631.  On  trouve  encore  des  paysages  de  Keirincx 
à  Rotterdam  (1630),  à  Darmstadt,  à  Brunswick,  à  Stock- 
holm, à  Copenhague,  à  l'Ermitage  de  Saint-Pétersbourg, 
à  la  galerie  Liechtenstein  à  Vienne  ;  un  Paysage  avec  une 
Fuite  en  Egypte  à  Bâle,  une  Forêt  (1629)  à  La  Haye,  un 
Paysage  de  montagne  et  un  Paysage  de  vallée  k  Cologne, 
les  Ruines  d'un  temple  à  Leipzig,  la  Création  du  Monde 
au  musée  de  Rennes.  Pœlenburg  peignait  les  figures  de  ses 
tableaux.  Etienne  Bricon. 

KEISAR  (Guillaume  de),  peintre  flamand,  né  à  Anvers 
vers  1647,  mort  vers  1693.  Keisar  était  joaillier,  et  il 
quitta  son  métier  pour  peindre  :  il  a  peint  surtout  des  su- 
jets religieux.  Appelé  en  Angleterre,  il  y  fit  une  Sainte 
Catherine  pour  la  chapelle  de  Somerset  House  ;  mais  la 
révolution  de  1688  troubla  toutes  ses  espérances  :  il 
s'adonna  alors  à  l'alchimie  et  aux  recherches  obsédantes 
de  la  pierre  philosophale.  Une  fille  de  Keisar  a  été  peintre 
de  portraits.  E.  Br. 

KEISER  (Reinhard),  compositeur  allemand,  né  à  Teu- 
cherne,  près  de  Weissenfels  (Saxe),  le  10  janv.  1674,  mort 
à  Hambourg  le  12  sept.  1739.  Il  écrivit  en  1692  un  opéra 
allemand,  Basilius,  et  en  1695  une  pastorale,  IsmènCy 
qui  furent  représentés  à  la  cour  de  Brunswick- Wolfen- 
biittel,  et  marquèrent  la  naissance  de  l'opéra  national  alle- 
mand. Keiser  alla  faire  jouer  son  Basilius  à  Hambourg 


en  1694.  Le  succès  de  cet  ouvrage  le  détermina  à  se  fixer 
peu  de  temps  après  à  Hambourg,  oti  il  donna  de  nombreux 
opéras  allemands.  Keiser  quitta  Hambourg  pour  aller  habi- 
ter Stuttgart,  puis  Copenhague.  Revenu  à  Hambourg,  il 
y  fut  nommé  en  1728  cantor  de  la  cathédrale,  seul  poste 
officiel  qu'il  ait  occupé.  D'après  Mattheson,  Keiser  donna  en 
quarante  ans  à  Hambourg  116  opéras;  la  plupart  de  ces 
ouvrages  sont  perdus.  Outre  ses  opéras,  Keiser  a  composé 
de  nombreux  airs  et  morceaux  détachés  dont  très  peu 
furent  imprimés  de  son  vivant  ;  la  bibliothèque  de  Berlin  en 
possède  un  nombre  important  en  manuscrit.  M.  Lindner  a 
publié  neuf  fragments  d'opéras  de  Keiser  dans  son  livre 
intitulé  Die  erste  stehende  deutsche  Oper  (Berlin,  1855)  ; 
la  partition  de  Topera  Der  Lœcherliche  Prinz  Jodelet 
a  été  publiée  en  1892-94  par  la  Gesellschaft  fur  Mu- 
sikforschung .  Keiser  est  regardé  comme  le  créateur  de 
l'opéra  allemand.  Avec  le  mérite  d'une  facilité  extraordi- 
naire, il  avait  d'heureux  dons  mélodiques,  et  fut  avec 
Haîndel  le  plus  remarquable  compositeur  de  l'Opéra  de 
Hambourg,  à  une  époque  oti  ce  théâtre  tenait  le  premier 
rang  dans  l'art  allemand. 
BiBL.  :  F.-A.  VoiGT,  Reinhard  Keiser;  Leipzig,  1890,  in-8. 

KEISKAIVIMA.  Fleuve  côtier  de  la  colonie  du  Cap  qui 
descend  des  monts  Amatola,  reçoit  la  rivière  d'Alice  et  finit 
àHamburg;  il  arrose  une  vallée  fertile  (V.  Cap). 

KEITH.  Ville  d'Ecosse,  comté  de  Banfl",  sur  la  rive 
gauche  de  Flsla,  à  144  m.  d'alt.  Stat.  du  chem.  de  fer 
d'Aberdeen  à  Elgin  ;  8,245  hab.  Fabriques  de  toile. 

KEITH.  Famille  de  la  noblesse  écossaise  connue  à  partir 
de  la  seconde  moitié  du  xu®  siècle  ;  elle  prit  son  nom  du 
fief  de  Keith  (Lothian  oriental)  auquel  était  attaché  l'of- 
fice de  maréchal  du  roi.  En  1305,  Robert  Keith  était  un 
des  principaux  partisans  d'Edouard  I^*"  d'Angleterre,  puis 
se  ralliait  à  Bruce  et  s'illustrait  à  la  bataille  de  Barmock- 
burn.  Il  acquit  ainsi  de  vastes  terres  dans  le  comté  d'Aber- 
deen. La  famille  Keith  acquit  ensuite  des  domaines  dans 
le  comté  de  Kincardine  par  un  mariage  avec  l'héritière  des 
Fraser;  elle  y  fixa  sa  résidence  dans  un  château  bâti  sur 
le  roc  insulaire  de  Dunnottar.  En  1458,  sir  William  Keith 
fut  créé  comte  Marischal.  On  trouvera  à  ce  mot  l'histoire 
ultérieure  de  la  famille.  Parmi  les  cadets,  qui  sont  connus 
sous  le  nom  de  Keith,  il  faut  citer  le  maréchal  Keith 
(V.  ci-après),  frère  du  dixième  etdernier  comte  Marischal. 
La  descendance  mâle  de  leur  famille  s'éteignit  avec  ce  der- 
nier en  1778.  Le  titre  fut  alors  transféré  aux  Elphin- 
stone  (V.  ce  mot);  la  sœur  du  dernier  comte,  Mar?/,  avait 
épousé  en  1711  le  comte  de  Wigton,  et  la  fille  issue  de  ce 
mariage,  Clémentine,  épousa  le  comte  Charles  Elphin- 
stone,  dixième  du  nom  ;  en  1797,  un  des  fils  de  celui-ci, 
George,  fut  créé  lord  Keith  de  Stonehaven  Marischal,  dans 
la  pairie  irlandaise,  puis  lord  Keith  de  Banteath  (1803) 
dans  la  pairie  du  Royaume-Uni. 

KEITH  (James-Francis-Edward,  le  maréchal),  né  près 
de  Peterhead  le  11  juin  1696,  mort  à  Hochkirch  le  14  oct. 
1758.  Fils  de  William,  neuvième  comte  Marischal,  et  de 
lady  Maria  Drummond,  comtesse  de  Perth,  il  reçut  une 
très  forte  et  très  brillante  instruction  sous  la  direction  de 
Robert  Keith,  évêque  de  Fife,  puis  du  poète  jacobite  Wil- 
liam Meston.  Inféodé  de  naissance  à  la  cause  des  Stuarts, 
il  entra  avec  ardeur  en  1715  dans  l'insurrection  du  comte 
de  Mar  et  proclama  Jacques  VIII  à  Edimbourg.  Il  combattit 
bravement  à  Sheriffmuir  et  après  la  déroute  finale  des  Ja- 
cobitcs  put  gagner  le  continent.  Il  poursuivit  à  Paris  ses 
études  et  les  abandonna  de  nouveau  en  1719  pour  partici- 
per à  l'expédition  d'Alberonidans  les  Highlands.  La  défaite 
de  Glenshiel(lO  juin)  le  contraignit  à  passer  en  Hollande. 
Il  entra  au  service  de  l'Espagne  qui  lui  conféra  le  grade  de 
colond,  prit  part  au  siège  de  Gibraltar  (1726-27),  puis 
s'en  fut  en  Russie.  Fort  bien  accueilli  par  l'impératrice 
Anne  qui  le  nomma  lieutenant-colonel  de  ses  gardes  du 
corps  (1730),  il  devint  inspecteur  de  l'armée  de  la  Volga  et 
Don  (1732),  et,  lors  de  la  guerre  de  la  succession  de  Po- 
logne (1733-35),  commanda  en  second  sous  Lascy  et  amena 


KE[TH  —  KEKULE  —  ^ 

l'armée  russe  jusqu'au  Rhin.  Avec  le  grade  de  général 
d'infanterie,  il  prit  une  part  tout  aussi  importante  à  la 
guerre  contre  la  Turquie  (1736).  Blessé  très  grièvement 
à  Otchakov,  Keith  pour  rétablir  sa  santé  suivit  son  frère  le 
comte  Marischal  à  Berlin,  à  Paris,  à  Londres,  partout  ac- 
cueilli avec  empressement  par  les  souverains.  De  retour  en 
Russie  en  1740,  il  fut  nommé  gouverneur  général  de 
l'Ukraine  où  il  se  distingua  par  une  administration  des  plus 
habiles.  La  guerre  avec  la  Suède  (1741-43)  lui  fournit  de 
nouvelles  occasions  de  déployer  ses  incomparables  talents 
militaires.  Il  s'empara  de  Willmannstrand  (3  sept.),  con- 
traignit toute  une  armée  à  se  rendre  à  Helsingfors,  prit 
possession  des  îles  Aland.  C'est  alors  qu'il  tomba  éperdu- 
ment  amoureux  d'une  de  ses  prisonnières  suédoises,  Eva 
Merthens,  dont  il  fit  sa  maîtresse  et  dont  il  eut  plusieurs 
enfants.  En  1744,  il  fut  ambassadeur  à  Stockholm.  Elisa- 
beth lui  témoigna  d'abord  beaucoup  de  confiance,  le  nom- 
ma maréchal.  Mais  circonvenue  par  les  intrigues  de  Bes- 
tuchev  et  de  l'ambassadeur  anglais  lord  Hyndford,  elle  finit 
par  lui  retirer  peu  à  peu  tous  ses  emplois.  Dégoûté  des 
procédés  de  la  cour  de  Russie,  menacé  même  d'un  exil  en 
Sibérie,  Keith  vint  offrir  ses  services  à  Frédéric  II.  Le  roi 
de  Prusse  se  connaissait  en  hommes.  Keith  fut  nommé 
d'emblée  feld-maréchal  (18  sept.  1747),  puis  gouverneur 
de  Berlin  (1749).  Il  eut  au  début  de  la  guerre  de  Sept  ans 
(1756)  une  part  considérable  :  la  victoire  de  Lobositz  est  son 
œuvre  ;  il  dirigea  les  opérations  devant  Prague,  la  défense 
de  Leipzig,  remporta  la  victoire  de  Rossbach,  dirigea  le 
siège  d'Olmutz  (1758),  couvrit  la  retraite  de  l'armée  prus- 
sienne et  périt  sur  le  champ  de  bataille  d 'Hochkirch  après  avoir 
repoussé  trois  fois  les  Autrichiens.  Frédéric  fit  transporter 
son  corps  à  Berlin  :  une  statue  en  marbre  fut  élevée  au 
maréchal  Keith  sur  la  Wilhelmplatz  (1786)  ;  elle  a  été  trans- 
férée en  1857  à  l'Académie  des  cadets,  tandis  qu'une  re- 
production en  bronze  prenait  sa  place.  Depuis  1889,  un 
régiment  de  Silésie  porte  le  nom  de  Keith.  Il  a  laissé  un 
fragment  d'autobiographie,  publié  à  Berlin  en  1789,  d'où 
on  a  tiré  probablement  :  A  Succint  Account  of  the  per- 
son^  the  way  of  liuing  and  of  the  Court  of  the  King  of 
Prussia  translated  from  a  curious  mss,  of  the  late 
field-marshal  Keith  (Londres,  1759,  in-4).  R.  S. 

BiBL.  :  Henderson,  Memoirs  of  the  life  and  actions  of 
J.  Keith;  Londres,  1759,  in-8.  —  Formey,  Eloge  de  Keith  ; 
Berlin, -1760,  in-8.  — Buchan,  Historical  Account  of  the  fa- 
mily  of  Keith;  Peterhead,  1820.  —  Varnhagen  von  Ense, 
Leben  des  Feldsmarschalls  Keith  ;  Berlin,  1844,  in-8.  — 
Memoir  of  marshal  Keith  by  a  Peterheadian;  Peterhead, 
1869.  —  Pagzynski-Tenczyn,  Leben  des  Feldsmarschalls 
Keith  ;  Berlin,  1889.  —  Hindes  Groome,  Vie,  dans  D.  of 
national  Biography  ;  Londres,  1892,  t.  XXX. 

KEITH  (Sir  Robert-Murray),  général  et  diplomate  an- 
glais, né  le  20  sept.  47;-}0,  mort  à  Hammersmith  le  21  juin 
1795.  Entré  dans  l'armée  en  1746,  il  servit  dans  le  régi- 
ment écossais  à  la  solde  de  la  Hollande,  puis  combattit  en 
Allemagne,  notamment  à  Minden  (1759),  où  il  fut  remar- 
qué par  le  prince  Ferdinand  de  Brunswick.  De  retour  en 
Angleterre  en  1763,  il  fut  nommé  ministre  à  la  cour  de 
Saxe  en  1769,  envoyé  extraordinaire  à  Copenhague  en 
1771,  ministre  plénipotentiaire  à  Vienne  de  1772  à  1792. 
Il  a  laissé  un  recueil  de  poésies  :  The  Caledoniad  (Lon- 
dres, 1773,  3  vol.  in-12). 

KEITH  (George  Keith  Elphinstone,  vicomte),  célèbre 
amiral  anglais,  né  à  Elphinstone  le  7  janv.  1746,  mort 
à  Tulliallan  le  10  mars  1823.  Entré  dans  la  marine  en  1761 , 
il  servit  brillamment  dans  la  guerre  d'Amérique  et  dans 
la  Méditerranée.  Membre  du  Parlement  pour  le  Dumbar- 
tonshire  dès  1780,  pour  le  Stirlingshire  dès  1790,  il  ne 
reprit  du  service  actif  qu'au  début  de  la  guerre  contre  la 
France  en  1793.  Il  commanda  le  fort  de  Lamalgue  après 
la  prise  de  possession  de  Toulon  et  n'y  put  tenir  contre 
Bonaparte.  Promu  contre-amiral  en  1794,  il  fut  chargé  du 
commandement  de  l'expédition  du  Cap  (1795).  Il  s'empara 
de  cette  colonie  hollandaise  (capitulation  de  Cape  Town, 
17  sept.  1795),  pendant  que  l'amiral  Rainier  prenait  Cey- 
lan.  Les  Hollandais  essayèrent  de  revenir  au  Cap,  mais 


Keith  déjoua  facilement  toutes  leurs  tentatives  (1796).  A 
son  retour  en  Angleterre  (1797),  il  fut  accueilli  avec  en- 
thousiasme et  créé  baron  Keith  de  Stonehaven  Marischal 
(7  mars).  Après  avoir  réprimé  la  rébellion  de  Sheerness, 
il  croisa  dans  la  Manche,  puis  fut  envoyé  avec  lord  Saint- 
Vincent  à  Cadix.  Il  s'empara  de  Minorque.  En  1 800,  il 
fut  chargé  d'appuyer  par  mer  les  Autrichiens  en  Italie.  Il 
bombarda  Gênes  où  Masséna  dut  capituler  (5  juin),  mais 
d'où  la  victoire  de  Marengo  le  chassa  bientôt.  Il  eut  de 
vives  difficultés  dans  le  règlement  des  affaires  d'Egypte, 
ayant  refusé  d'abord  de  reconnaître  la  convention  d'El- 
Arish,  signée  entre  Kleber  et  Sidney  Smith,  ce  qui  fit  ac- 
cuser de  mauvaise  foi  le  gouvernement  anglais.  Avec  Aber- 
cromby,  il  concerta  une  descente  à  Cadix,  à  laquelle  s'opposa 
énergiquement  le  gouverneur  de  cette  place  (oct.  1800)  ; 
il  put  du  moins  empêcher  la  jonction  des  flottes  française 
et  espagnole.  Le  2  sept.  1801,  il  signait  la  capitulation 
d'Alexandrie  qui  mettait  fin  à  l'occupation  française  en 
Egypte.  Il  reçut  les  remerciements  solennels  du  Parlement, 
la  pairie,  toutes  sortes  de  faveurs  et  de  présents.  Il  reprit 
la  mer  en  1803  et  éprouva  en  1807  un  grave  échec  à  la 
défense  de  Kœnigsberg.  Le  12  déc.  1808,  il  épousa  Hester- 
Maria  Thrale,  fille  de  l'amie  de  Samuel  Johnson  (V.  ce 
nom).  Commandant  en  chef  delà  flotte  delaManche  en  1812. 
Après  Waterloo,  c'est  lui  qui  fut  chargé  de  notifier  à  Na- 
poléon l'accord  des  puissances  (Angleterre,  Prusse,  Au- 
triche, Russie),  relatif  à  son  internement  à  Sainte-Hélène 
(4  août  1815)  et  contre  lequel  l'empereur  protesta  vio- 
lemment. Keith  demeura  ensuite  dans  la  vie  privée.  D'un 
premier  mariage  il  avait  eu  une  fille,  Marguerite,  qui 
épousa  en  1817,  contre  sa  volonté,  le  comte  de  Flahaut 
(V.  ce  nom),  aide  de  camp  de  Napoléon.  R.  S. 

BiBL.  :  Allardyce,  Life  of  admirai  lord  Keith;  Londres, 
1882. 

KEITH  (Alexander),  théologien  écossais,  né  à  Keit  Hall 
en  1791,  mort  en  1880.  Après  avoir  fait  ses  études  à  Ma- 
rischal Collège,  à  Aberdeen,  il  entra  dans  la  carrière  ecclé- 
siastique en  1816.  Il  se  mit  au  service  de  l'Eglise  natio- 
nale dont  il  resta  pasteur  jusqu'en  1843.  Il  suivit  alors  le 
mouvement  séparatiste  provoqué  par  le  docteur  Chalmers, 
sous  la  dénomination  d'Eglise  libre  (V.  Chalmers).  Keith 
est  un  écrivain  très  fécond  auquel  on  doit  de  nombreux 
traités  théologiques,  dont  quelques-uns,  traduits  en  plusieurs 
langues,  sont  devenus  classiques  en  Angleterre,  notamment: 
Evidences  of  the  truth  ofthe  Christian  religion  derived 
from  the  literal  fulfilment  of  prophecy(i8^'^).  Il  con- 
vient de  citer  encore  :  The  Harmony  of  prophecy  (1851); 
The  History  and  destiny  ofthe  world  and  of  the  church 
according  to  Scripture  (1861).  A  la  suite  d'un  voyage 
en  Orient,  il  pubha  un  de  ses  meilleurs  ouvrages  :  A  Nar- 
rative of  the  mission  to  the  Jews.  Sa  manière  d'inter- 
préter les  écritures  lui  permettait  de  voir  dans  les  pro- 
phètes d'Israël  maint  passage  se  rapportant  à  l'histoire 
contemporaine.  Aussi  publia-t-il,  vers  1878,  des  articles 
remarqués  sur  les  prophètes  concernant  l'empire  russe  et 
l'empire  turc. 

KEJSTUT,  prince  Uthuanien  (V.  Kieistoutt). 

KEKRI  (Mythol.  finnoise).  Divinité  sylvestre  qui  veille 
sur  les  troupeaux.  A  la  fin  de  l'été  on  célébrait  une  grande 
fête  en  son  honneur  et,  aujourd'hui  encore,  dans  toute  la 
Finlande,  la  Toussaint  porte  le  nom  de  Kekri  et  est  fêtée 
pendant  plusieurs  jours. 

KÉKULÉ  (Friedrich-August),  chimiste  allemand,  né  à 
Darmstadt  le  7  sept.  1829.  lia  fait  ses  études  à  Heidel- 
berg,  où  il  a  été  de  1856  à  1858  privat-docent  de  chimie, 
puis  a  professé  pendant  huit  ans  la  chimie  à  l'université  de 
G  and.  En  1865,  il  a  été  nommé  professeur  de  chimie  à 
l'université  de  Bonn  et  directeur  de  l'institut  chimique  de 
cette  ville.  Savant  très  distingué,  M.  Kékulé  est  surtout 
connu  par  ses  hypothèses  de  la  tétratomicité  du  car- 
bone et  de  la  saturation  réciproque  des  éléments,  qui  ont 
fait  faire  à  la  nouvelle  théorie  atomique  le  pas  décisif 
(V.  Atomicité,  Atomique  [Théorie],  Chimie,  t.  XI,  pp.  75 


et  76).  On  lui  doit  aussi  les  formules  à  chaîne  ouverte  et 
à  chaîne  fermée  employées  dans  la  notation  atomique  pour 
représenter  les  composés  organiques,  notamment  la  formule 
hexagonale  de  la  benzine,  qu'il  a  proposée  en  4866.  Outre 
de  nombreux  mémoires  parus  dans  les  Annalen  de  Liebig 
et  autres  recueils  spéciaux,  il  a  publié  :  Lehrbiwh  des  orga- 
nischenC hernie  oder  der  Chemie  der  Kohlenstoffverbin- 
dungen,  en  collaboration  avec  A  nschiitz  et  Schultz(Erlangen, 
4859-67,  3  vol.  in-8)  ;  Chemie  der  Benzolderivate  oder 
der  ar orna tischen  Substanzen,  en  collaboration  avec  Wal- 
lach  (Stuttgart,  4867-87,  3  vol.  in-8);  Die  Principien 
des  hœheren  Unterrichts  und  die  Reform  der  Gymna- 
sien  (Bonn,  4878,  in-8);  Tableaux  servant  à  l'analyse 
chimique^  en  collaboration  avec  Wallach  (trad.  français 
par  J.  Krutwig,  Paris,  2^ éd.,  4888,  2  vol.  in-8),  etc.  lia 
été  avec  Cantor,  Eisenlohr  et  Lewinstein,  l'un  des  rédac- 
teurs de  la  Kritische  Zeitschrift  fur  Chemie^  Physik 
und  Mathematik  (Erlangen,  4858  et  suiv.).         L.  S. 

KÉKULÉ  (Reinhard),  archéologue  allemand,  néà  Darm- 
stadt  le  6  mars  4839,  professeur  à  l'université  de  Bonn 
(4870).  Parmi  ses  publications,  nous  citerons  :  Eebe 
(4867)  ;  die  Balustrade  des  Tempels  der  Athena  Nike 
(4869  ;  éd.  avec  pi. ,  4881)  ;  Dz^  antiken  Bildiuerke  im 
Theseion  (4869)  ;  Ûeber  die  Enstehung  der  Gœtter- 
ideale  der  Griechischen  Kunst  (Stuttgart,  4877);  Zur 
Deutung  und  Zeitbestimmung  des  Laokoon  (1883)  et 
de  grandes  collections  de  monuments  figurés;  Griechische 
Thonfiguren  aus  Tanagra  (1878)  ;  Die  antiken  Terra- 
kotten^  1. 1,  Ponipéi {ai\ecRohàen,  4880),  t.  Il,  Sizilien 
(4884). 

KEL  Mot  touareg  qui  signifie  «  les  gens  de  ».  Il  entre 
dans  la  composition  d'un  grand  nombre  de  noms  de  tribus 
(V.  Touareg). 

K ELAN  G.  Ile  de  l'archipel  des  Moluques,  entre  Ceram 
et  Manipa  ;  12  kil.  de  long  sur  8  de  large. 

KELAT.  Ville  du  Béloutchistân,  bâtie  par  29o  de  lat.  N. 
et  64*^  20'  de  long.  E.,  à  2,057  m.  d'alt.,  sur  un  plateau 
formé  par  le  Koùhi-Moùrân,  dans  la  vallée  supérieure  du 
Gandava.  Elle  domine  les  routes  de  l'Inde,  de  la  Perse,  de 
TAfghanistân  et  de  la  mer.  Le  climat  est  très  rude  et  les 
vents  du  N.  y  soufflent  avec  violence.  La  ville  compte 
15,000  hab.  environ,  Balouches,  Persans,  Djâts,  agricul- 
teurs et  commerçants  hindous;  ils  sont  sunnites.  Kelat 
est  la  capitale  officielle  du  Béloutchistân  (V.  ce  mot). 

KELâT-Atok.  Oasis  du  Turkestan  russe,  à  l'E.  du  pays 
des  Turcomans  Akhal-Tekke,  sur  le  chemin  de  fer  de  la 
Caspienne  à  Samarcande. 

KELAT-1-Ghildji  (ou  Ghilzâï).  Forteresse  de  l'Afgha- 
nistan central,  sur  le  Tarnak,  sous-affluent  du  Helmend,  à 
4,762  m.  d'alt.  Elle  a  une  grande  importance  stratégique. 

KELAT-i-Nâdir  (La  forteresse  de  Nâdir-Châh).  Petite 
ville  du  Khorasân  j^Perse),  bâtie  sur  le  plateau  du  même 
nom,  dans  les  derniers  contreforts  du  Damen-i-Koûh,  aux 
confins  du  plateau  de  l'Iran  et  du  désert  de  Kara-Qoum. 
Ce  fort,  solidement  assis  sur  un  roc  long  d'une  trentaine 
de  kil,  et  large  de  40,  est  muni  d'une  garnison  persane 
pour  maintenir  les  Turcs;  on  compte,  en  outre,  25,000hab. 
La  ville  est  un  chef-lieu  de  district. 

KELBIAH.  Lac  de  la  Tunisie  centrale,  auN.-O.  deKai- 
rouan,  que  M.  Rouire  identifie  avec  le  lac  Triton  (V.  ce 
mot  et  Tunisie). 

KELDERMANN  ou  KELDERMANS  (Les).  Famille  d'ar- 
chitectes des  Pays-Bas  aux  xv®  et  xvi®  siècles.  Les  plus 
anciennement  connus.  Bombant  1®^  et  son  fils  Andries, 
vivaient  au  commencement  du  xv®  siècle,  mais  le  plus 
célèbre  fut  Anthonis  qui  fit  élever,  en  4454,  la  tour 
de  l'église  de  Lievensmonster,  à  Zieriksee,  les  hôtels  de 
ville  de  Middlebourg  et  de  Veere  et  qui  travailla  à  Téglise 
de  cette  ville.  C'est  aussi  Anthonis  qui  est  cité,  avec  ses 
frères  Dominique  ou  Mathé  et  Rombaut  11,  au  nombre 
des  premiers  constructeurs  du  Broodhuys  ou  maison  du 
Pain,  aujourd'hui  la  maison  du  Roi,  transformée  en  musée 


459  -  KÉKULÉ  -  KELHEIM 

communal,  sur  la  grande  place,  en  face  de  l'hôtel  de  ville, 
à  Bruxelles.  Dominique  Keldermans  fut  architecte  de  la 
ville  de  Louvain  et  Rombaut  II  se  distingua  surtout  comme 
ingénieur  militaire  au  service  de  l'empereur  Charles-Quint, 
lequel  le  charojea  de  construire  le  fort  de  Vredenburg,  près 
d'Utrecht,  en  4529.  Charles  Lucas. 

KELEK.  Sorte  de  radeau  dont  se  sont  servis  de  toute  an- 
tiquité les  habitants  des  bords  du  Tigre  et  de  l'Euphrate 
pour  naviguer  sur  ces  deux  grands  fleuves.  Les  bas-reliefs 
assyriens  représentent  des  soldats  à  cheval  sur  une  outre 
de  peau  de  bouc  flottant  sur  l'eau  et  traversant  ainsi  les 
rivières.  Encore  aujourd'hui,  l'instrument  de  naviga- 
tion usité  en  Orient  est  le  kelek,  composé  d'un  carré  de 
perches  auxquelles  sont  attachées  des  outres  gonflées  d'air, 
et  surmonté  de  traverses  formant  plancher.  A  l'arrière, 
une  petite  hutte  couverte  en  feutre  sert  d'abri  ;  à  l'avant, 
des  bateliers  munis  de  grandes  et  fortes  rames  dirigent  ce 
radeau.  On  dit  «  un  kelek  de  tant  d'outrés  »  pour  désigner 
le  tonnage.  Les  radeaux  se  forment  dans  le  haut  du  fleuve 
qui  descendent  jusqu'à  ce  qu'il  ne  soit  plus  navigable.  A  son 
point  d'arrêt,  le  kelek  est  défait  et  les  outres  dégonflées 
remontent  à  dos  de  mulets  jusqu'à  leur  lieu  d'origine  dans 
le  haut  Tigre  ou  le  haut  Euphrate.  Le  kelek  est  également 
employé  par  les  Tartares  sur  les  fleuves  de  l'Asie  centrale. 
L'origine  de  ce  mot  est  arabe  ;  le  mot  assyrien  était  dou- 
chou,  E.  Drouin. 

KELETI  (Charles),  statisticien  et  économiste  hongrois, 
néà  Presbourgle48juil.  4833,  mort  à  Budapest  le  29  juin 
4892.  Il  combattit,  à  quinze  ans,  dans  les  rangs  des  honvéds, 
pour  l'indépendance  de  son  pays  (4848-49),  puis  s'occupa 
d'agriculture  et  entra  en  1 867  dans  l'administration  hon- 
groise. Devenu  en  4872  chef  du  bureau  de  statistique  de 
Bude,  qu'il  venait  d'organiser  lui-même,  il  se  plaça  tout  de 
suite  au  premier  rang  des  statisticiens,  tant  par  ses  publi- 
cations que  par  la  part  considérable  qu'il  prit  aux  travaux 
des  grands  congrès  internationaux.  Il  était  membre  de 
l'Académie  des  sciences  et  professeur  libre  de  l'université 
de  Budapest.  Les  principaux  de  ses  ouvrages,  presque  tous 
en  langue  magyare,  ont  pour  titres  :  Impôt  foncier  et 
cadastre  (Pest,  4868);  Notre  Patrie  et  salangrie  (id., 
4871);  la  ifow^m  (Budapest,  4873;  trad.  franc.);  Ma- 
nuel de  statistique  pratique  (id.^  4875)  ;  Rapport  sur 
Vétat  de  V agriculture  en  Hongrie^  en  franc,  {id.,  4878)  ; 
le  Recensement  deISSO  en  Hongrie  (id.,  4882,  2  vol.)  ; 
Etat  de  la  Hongrie  en  Europe  {id.,  4885)  ;  Etat  éco- 
nomique de  la  péninsule  des  Balkans  (id,,  4885)  ; 
Rapport  officiel  de  V exposition  de  Budapest  (id,,  4886, 
4  vol.).  L.  S. 

KELETI  (Gustave),  paysagiste  et  critique  d'art  hongrois, 
né  à  Presbourg  en  4834.  Il  a  étudié  le  droit  à  Pest  et  à 
Vienne,  puis  la  peinture  à  Munich.  Ses  paysages  les  plus 
importants  se  voient  au  musée  national  de  Budapest.  A  la 
suite  d'une  mission  dont  il  fut  chargé  par  son  gouverne- 
ment en  4869,  il  fit  un  rapport  sur  l'enseignement  des 
beaux-arts  et  des  arts  industriels  à  l'étranger.  Mettant  ses 
observations  en  pratique,  il  a  fondé  en  4874  l'école  natio- 
nale de  dessin,  et  en  1880  l'école  des  arts  industriels, 
qu'il  dirige. 

KELEYA.  Ville  du  Soudan  français,  rive  droite  du  Fan- 
doubé,  à  400  kil.  S.  de  Bamakou. 

KELH  EIM.  Ville  de  Bavière,  province  de  Basse-Bavière, 
au  confluent  du  Danube  et  de  l'Altmuhl  ;  3,200  hab.  Châ- 
teau; belle  église  gothique.  Carrières  de  pierre  et  de  grès. 
~  Kelheim  fut,  dès  843,  le  chef -lieu  d'un  district,  le 
Kelsgau.  Les  ducs  de  Bavière  y  résidèrent  au  xii®  siècle 
et  au  xiii®  jusqu'en  4231.  Le  roi  Louis  P^  a  fait  élever  à 
l'O.,  sur  le  Michselsberg,  un  édifice  commémoratif  de  la 
guerre  de  4813-45,  rotonde  de  66  m.  de  haut  sur  une 
terrasse  à  trois  étages,  somptueusement  décorée  de  mar- 
bres et  de  bronzes. 

BiBL.  :  Stoll,  Gesch.  der  Stadt  Kelheim  ;  Landshut, 
1867. —  Du  même,  Die  Befreihungshalle ;  Ratisbonne,  1884, 
6»  éd. 


KELLBERG  —  KELLER 


—  460  — 


KELLBERG.  Village  de  Bavière,  province  de  Basse-Ba- 
vière, à  6  kil.  N.-E.  de  Passau  ;  vieille  église.  Source  mi- 
nérale acidulée  ferrugineuse  (température +  10°). 

KELLEN  (Jean-Philippe  Vander),  graveur  et  écrivain 
hollandais,  né  à  Utrecht  le  9  juil.  483i .  Elève  de  son  père, 
le  graveur  David  Van  der  Kellen,  graveur  de  la  Monnaie 
d'Utrecht  (1852),  il  a  publié  :  le  Peintre-graveur  hol- 
landais et  flamand  (Utrecht,  1866);  Catalogue  d'es- 
tampes de  la  collection  deRidder  (1874),  etc. 

KELLER  (Martin)  (V.  Cellarius). 

KELLER  (Les),  fondeurs  suisses  du  xvii®  siècle,  dont  le 
plus  connu  est  Jean-Balthasar^  né  à  Zurich  en  1638, 
mort  en  1702.  Très  habile  orfèvre  et  ciseleur,  il  fut  appelé 
à  Paris  par  son  frère,  Jean- Jacques,  qui  lui  communiqua  les 
secrets  de  la  fonderie  des  métaux.  Jean-Balthasar  devint 
inspecteur  de  la  fonderie  de  TArsenal,  et  dirigea  la  fonte  de 
la  plupart  des  statues  en  bronze  des  jardins  de  Versailles. 
Avec  son  frère  il  fit  en  1674  la  statue  équestre  de  Louis  XIV 
qui  fut  érigée  en  1715  à  Lyon  sur  la  place  Bellecour.  Il 
coula  ensuite  d'un  seul  jet,  ce  qui  ne  s'était  jamais  fait 
jusqu'alors  dans  de  telles  dimensions,  la  statue  de  Louis  XIV 
de  Girardon  qui  fut  érigée  en  1699  sur  la  place  Vendôme, 
et  que  la  Révolution  renversa.  On  doit  aux  deux  frères  un 
Mé^mozr^  justificatif  paru  en  1694  etrelatif  à  leurs  travaux 
de  fonderie  de  canons. 

KELLER  (Anton-Leodegar),  homme  d'Etat  suisse,  né  à 
Lucerne  en  1673,  mort  en  1752.  Devenu  chancelier  de 
Lucerne,  il  fut  envoyé  en  1715  en  France  pour  traiter  de 
l'alliance  entre  ce  royaume  et  la  Suisse.  En  1725,  il  eut 
une  grande  part  dans  la  rupture  entre  la  république  de  Lu- 
cerne et  le  saint-siège,  rupture  provoquée  par  l'autorité 
civile  qui  revendiquait  le  droit  de  déposer  et  de  nommer  les 
curés  sans  le  préavis  de  l'autorité  ecclésiastique.  Une  tran- 
saction termina  le  conflit  en  1727.  Deux  ans  avant  sa  mort, 
Relier  avait  abandonné  toutes  ses  fonctions  officielles. 

KELLER  (Ferdinand),  archéologue  suisse,  né  au  château 
de  Marthalen  (cant.  de  Zurich)  le  24  déc.  1800,  mort  à 
Zurich  le  21  juil.  1881.  Il  étudia  à  Paris  (1826),  fut  pré- 
cepteur en  Angleterre,  professa  à  l'Institut  technique  de 
Zurich  et  se  fit  un  nom  dans  l'archéologie  préhistorique  en 
découvrant  les  premières  palafittes  sur  le  lac  de  Zurich 
(1853)  et  en  expliquant  l'importance  de  ces  habitations 
lacustres  préhistoriques.  Il  a  fondé  la  Société  des  anti- 
quaires de  Zurich. 

BiBL.  :  Meyer  de  Knonau,  Lebensabriss  von  F.  Keller  : 
Zurich,  1882. 

KELLER  (François -Antoine- Edouard),  hydrographe 
français,  né  à  Wissembourg  (Alsace)  le  30oct.  1803,  mort 
en  avr.  1874.  A  sa  sortie  de  l'Ecole  polytechnique  (1823), 
il  entra  dans  le  corps  des  ingénieurs  hydrographes  et  de- 
vint ingénieur  de  première  classe  en  1848.  On  lui  doit, 
outre  des  mémoires  parus  dans  les  Annales  hydrogra- 
phiques, quelques  bons  ouvrages  :  Exposé  du  régime  des 
courants  observés  depuis  le  x\i^  siècle  jusqu'à  nos  jours 
dans  la  Manche  et  la  mer  d'Allemagne  (Paris,  1855, 
in-8);  Canal  de  Nicaragua  (Paris,  1859,  in-8)  ;  Des  Ou- 
ragans, tornados,  typhons  et  tempêtes  (Paris,  1861, 
in-8),  etc.  L.  S. 

KELLER  (Augustin^,  homme  d'Etat  suisse,  néà  Sarmens- 
torf  (Argovie)  le  lO'nov.  1805,  mort  le  8  janv.  1883. 
Fils  de  paysans,  l'aîné  de  onze  enfants,  il  eut  une  jeunesse 
assez  difficile.  Elève  de  Zschokke  et  de  Girard,  il  devint 
un  pédagogue  distingué.  Radical  convaincu  et  militant, 
membre  du  grand  conseil  d'Argovie  depuis  1835,  ce  fut 
lui  qui  demanda  la  suppression  de  tous  les  couvents  argo- 
viens.  «  Les  couvents  »,  disait-il,  et  cette  parole  eut  une 
grande  influence  politique,  «  sont  le  foyer  de  l'agitation, 
la  cause  de  tout  le  mal;  où  les  moines  pullulent,  il  ne  croît 
pas  d'herbe.  »  C'est  de  cette  question  que  devait  naître  la 
guerre  du  Sonderbund  et  la  Suisse  moderne.  Keller  fit  partie 
de  l'Assemblée  fédérale  dès  1848.  Pendant  quarante  et  un 
ans  il  a  été  de  toutes  les  luttes  politiques  fédérales.  Lan- 


dammann  de  son  canton,  chef  du  Kulturkampf  de  1873,  il 
a  exercé  une  immense  influence.  Un  monument  lui  a  été 
élevé  en  1889  sur  une  des  promenades  d'Aarau.    E.  Kuhne. 

KELLER  (Joseph  von),  graveur  allemand,  né  à  Linz- 
sur-Rhin  le  31  mars  1811,  mort  à  Dusseldorf  le  30  mai 
1873.  Après  avoir  débuté  dans  cette  dernière  ville,  sous 
la  direction  de  Hûbner,  par  Roland  délivrant  la  prin- 
cesse Isabelle,  et  Théologie  et  Philosophie,  d'après  les 
fresques  peintes  par  Hermann  et  Gœtzenberger  dans  l'aula 
de  l'université,  il  alla,  en  1838,  à  Paris,  étudier  sous  Des- 
noyer et  Forster,  et  devint  en  1839  professeur  de  gravure 
à  l'Académie  de  Dusseldorf.  Nous  citerons  de  lui  :  la  Sainte- 
Trinité  et  surtout  la  Dispute,  d'après  Raphaël  ;  Mater 
dolorosa,  d'après  Deger,  le  Christ  au  tombeau,  d'après 
Ary  Scheffer,  et,  en  1870-71,  la  Madone  de  la  chapelle 
Sixtine,  son  deuxième  chef-d'œuvre.  Appelé  en  Angleterre 
pour  y  faire  le  portrait  du  prince  Albert,  il  entreprit,  à  son 
retour,  de  reproduire  pour  le  musée  de  Kensington  les 
seize  dessins  originaux  de  Raphaël  qui  se  trouvent  aux 
Gobelins  d'Arras  ;  mais  il  ne  put  achever  que  la  première 
feuille  de  ce  travail. 

KELLER  (Heinrich-Adelbert  de),  philologue  allemand, 
né  à  Pleidelsheim  le  5  juil.  1812,  mort  le  13  mars  1883. 
Elève  d'Uhland,  il  compléta  ses  études  à  Paris  et  enseigna 
les  littératures  romane  et  germanique  k  l'université  de  Tu- 
bingue  (1835)  dont  il  fut  bibliothécaire  jusqu'en  1850.  Il 
a  publié  :  Li  Romans  des  sept  sages  (Tubin^^ue,  1836)  ; 
Altfranzœsische  sagen  (1876,  3®  éd.),  "une  édition 
complète  des  romans  de  Cervantes  (avec  Notter,  Stutt- 
gart, 1838-42, 12  vol.);  Gesta  Romanorum  (1842);  Li 
Romans ^  dou  Chevalier  au  leon  (1841)  ;  Romvart 
(Mannheim,  1844)  produit  de  ses  recherches  dans  les 
bibliothèques  de  Rome  et  de  Venise  ;  une  traduction  de 
Shakespeare  (avec  Rapp,  Stuttgart,  1 843-46)  ;  Altdeutsche 
Gedichte  (Tubingue,  1846)  ;  Altegute  Schwœnke  (Reïl- 
bronnJ876,2®éd.);  Italienischer  Novellenschatz  (Leip- 
z'g,  1851-52,  6  vol.),  etc.  Il  a  publié  dans  la  collection  du 
Literarischer  Verein  qu'il  présidait  depuis  1849  :  Sim- 
p/icmimws (1854-62, 4  vol.)  ;  Ayrers  Z)ram^^^ (1864-65, 
5  vol.);  Hans  Sachs  (1870-81,  13  vol.). 

Son  fils,  Otto,  né  à  Tubingue  le  20  mai  1838,  profes- 
seur aux  universités  de  Fribourg  (i  872)  et  de  Graz  (1 876), 
a  publié:  Untersuchungen ûber  die  Gesch.  der  griech. 
Fabel (1862)  ;  Epilegomenazu  Horaz  (1879-80,  3 livr.), 
Der  saturnische  Vers  als  rhythmisch  erwiesen  (Prague, 
1883-86),  une  édition  critique  d'Horace  (avec  Volder, 
1864-70,  2  vol.),  une  édition  des  Rerum  naturalium 
scriptores  grœci  minores  (1877  et  suiv.),  etc. 

KELLER  (Gottfried),  poète  et  romancier  de  la  Suisse 
allemande,  né  à  Zurich  le  19  juil.  1819,  mort  à  Zurich  le 
15  juil.  1890.  Son  père,  modeste  maître  tourneur,  étant 
mort  dès  1824,  l'éducation  de  Keller  fut  assez  décousue, 
malgré  les  sacrifices  que  s'imposa  sa  mère  ;  et  lorsqu'en 
1834,  il  fut  renvoyé,  comme  le  meneur  supposé  d'une 
rébellion,  de  l'école  industrielle  qu'il  fréquentait,  il  dut 
travailler  tout  seul  à  compléter  ses  connaissances,  «  non  sans 
jeter  des  regards  attristés,  à  travers  les  grilles  closes,  dans 
le  riche  jardin  oti  mûrissent  les  jeunes  intelligences».  Use 
destinait  à  la  peinture,  se  prépara  par  un  apprentissage  de 
hasard  à  Tart  du  paysage,  puis  se  rendit  à  Munich,  où  il 
passa  deux  ans  (1840-42),  menant  une  existence  précaire, 
et  sans  faire  beaucoup  de  progrès.  De  retour  à  Zurich,  il 
délaissa  peu  à  peu  la  peinture  pour  les  haras .  et  les  évé- 
nements de  1843  (lutte  de  Sonderbund)  éveillèrent  décidé- 
ment sa  verve  poétique.  Lié  avec  plusieurs  réfugiés  poli- 
tiques, Freiligrath  entre  autres,  il  dut  à  l'un  d'eux,  Follen, 
la  publication  de  ses  premières  poésies  (dans  le  Deutsches 
Taschenbuch,  1845;  plus  tard  Gedichte,  1846),  qui  dé- 
fendent les  droits  de  la  liberté  et  de  la  libre  pensée,  où 
chantent,  sur  un  ton  très  personnel,  la  Nature  et  l'Amour. 
En  1848,  une  bourse  de  la  ville  de  Zurich  devait  permettre 
à  Keller  un  voyage  en  Orient  ;  pour  s'y  préparer,  il  alla 
étudier  à  l'université  de  Heidelberg  ;   mais  il  renonça  bien 


vite  aux  voyages  et  se  décida  à  parfaire  son  instruction  en 
Allemagne,  où  il  resta  jusqu'en  4855.  C'est  durant  ce 
séjour  qu'il  écrivit  son  roman  autobiographique,  Der  grûne 
Eeinrich^  qui  trouva  à  son  apparition  (1855)  l'estime 
de  quelques  délicats,  mais  dont  la  composition  bizarre  lui 
attira  de  vives  critiques.  Keller  voulait  clore  par  cet  ouvrage 
une  période  de  production  subjective  dont  il  était  las,  et  à 
laquelle  appartiennent  encore  des  poésies  (iV^w^r^  Gedichte, 
4851).  Le  théâtre  surtout  l'attirait,  et  à  Berlin,  oii  il  passa 
cinq  ans  (1850-55),  il  étudia  la  littérature  dramatique  avec 
une  pénétration  et  une  finesse  de  jugement  dont  témoignent 
ses  lettres  à  son  ami  Hettner.  Toutefois,  sa  production  dra- 
matique se  borne  à  quelques  scénarios  et  à  un  fragment 
de  drame,  Thérèse,  publié  avec  ses  œuvres  posthumes.  Ce 
fut  néanmoins  une  époque  décisive  dans  la  vie  de  Keller 
que  ces  années  d'indigence  et  de  labeur:  plusieurs  nou- 
velles et  le  plan  primitif  de  quelques  œuvres  postérieures 
datent  de  ce  temps  (Leute  von  Seldwyla,  4856,  i^^  re- 
cueil). Keller,  de  retour  à  Zurich,  où  nous  trouvons 
parmi  ses  relations  Herwegh,  Wagner,  Lassalle,  Vischer, 
fut  nommé  en  4861  chancelier  cantonal  de  Zurich  ;  et 
ces  fonctions,  qu'il  remplit  consciencieusement  jusqu'en 
4876,  si  elles  rendirent  peut-être  plus  intermittentes 
les  productions  d'un  talent  peu  prodigue,  assurèrent  du 
moins  au  poète  une  certaine  aisance  et  donnèrent  à  sa 
vie  un  élément  de  stabilité  et  de  dignité  qui  lui  manquait  à 
ce  moment.  Il  publia  successivement;  Sieben  Legen- 
den  (18T2);  deuxième  recueil  des  Leute  von  Seklwyla 
(1874)  ;  Zûrieher  Novellen  (1878),  remaniement  de 
Der  grûne  Heinrich{\S19-S0);  Das  Sinngedicht  (1881); 
Martin  Salander  (188b),  et  un  certain  nombre  de  poésies 
de  circonstance.  En  1889  paraissait  la  première  édition 
de  ses  Œuvres  complètes  (Berhn,  10  vol.).  Y  ajouter  un 
vol.  de  Nachgelassene  Aufsœtze  und  Dichtungen  (1893) 
et  un  choix  de  lettres  et  d'opuscules  inédits,  reliés  par  une 
très  complète  biographie  de  Keller  en  cours  de  publication 
(Jakob  Baechtold,  G.  IVs  Leben,  seine  Briefe  und  Tage- 
bûcher,  2  vol.  parus  en  1894). 

Le  domaine  où  Keller  excelle,  c'est  la  nouvelle,  avec 
une  intrigue  peu  compliquée  et  un  petit  nombre  de  person- 
nages pris,  le  plus  souvent,  à  la  vie  de  tous  les  jours.  Son 
originalité  consiste  en  une  alliance  très  particulière  de  ro- 
mantisme dans  certains  motifs,  certains  procédés  et  certains 
caractères,  et  d'un  réalisme  intense  dans  l'exécution,  dans 
le  détail,  dans  la  manière  d'animer  ses  personnages  et 
d'évoquer  le  milieu  où  ils  se  meuvent.  Jamais  il  ne  quitte 
tout  à  fait  le  sol  de  la  réalité,  comme  Jean-Paul,  à  qui  on 
l'a  souvent  comparé  et  dont  l'humour  n'est  pas  sans  ana- 
logie avec  le  sien.  Sa  conception  vigoureuse  et  saine  de  la 
vie  et  des  hommes,  la  sûreté  de  son  talent  de  narration  et 
de  description,  et  sa  langue  admirablement  franche,  colorée 
et  primesautière  lui  assurent  une  place  parmi  les  premiers 
conteurs  de  la  littérature.  F.  Baldensperger. 

BiBL. -.Brenning,  G.K.  nach  seinem  Leben  und  Dichten, 
1892.  —  0.  Braiim,  g.  iC.,  1883.  -  Fr.  Manthner,  Von 
Keller  zu  Zola,  1887.—  Ad.  Frey,  Erinnerungen  an  G.  K., 
1892.—  Saitschik, Meisier  dei^  sckweizerischen  Dicfitung, 
1894.  —  J.  Baechtold,  cité  plus  haut;  et  de  nombreux  ar- 
ticles de  revues  de  Vischer,  W.  Scherer,  Auerbach, 
Spielhagen,  etc.  —V.  aussi  un  art.  de  Bourdeau,  dans  la 
Revue  des  Deux  Mondes  (15  févr.  1885),  et  quelques  tra- 
ductions de  Nouvelles  de  Keller  dans  la  Revue  suisse,  la 
Revue  germanique,  la  Revue  des  Deux  Mondes. 

KELLER  (Emile,  comte),  homme  politique  français,  né 
à  Belfort  le  8  oct.  1828.  Reçu  élève  de  l'Ecole  polytech- 
nique en  1846,  il  démissionna  pour  se  livrer  à  l'étude  de 
l'histoire  et  de  la  philosophie  religieuse.  Patronné  par  l'Em- 
pire, il  se  présenta  sans  succès  à  une  élection  législative 
partielle  dans  le  Haut-Rhin  en  1858.  Plus  heureux  le 
26  mars  1859,  il  siégea  d'abord  dans  la  majorité,  mais  ses 
convictions  catholiques  le  portèrent  à  combattre  le  gouver- 
nement dont  la  politique  italienne  n'était  pas  de  nature  à 
le  satisfaire.  Aussi  ne  fut-il  pas  réélu  le  1^^  juin  1863. 
Candidat  de  l'Union  libérale,  il  prit  sa  revanche  le  24  mai 
1869.  Il  participa  à  la  guerre  franco-allemande  comme 


461  —  KELLER 

commandant  de  volontaires.  Elu  représentant  du  Haut- 
Rhin  à  l'Assemblée  nationale  le  8  févr.  1871,  il  prononça 
contre  l'annexion  de  l'Alsace-Lorraine,  le  i^^  mars,  un 
discours  qui  fit  sensation,  et  après  la  signature  de  la  paix, 
se  retira  avec  toute  la  représentation  d'Alsace-Lorraine. 
Représentant  de  Belfort  le  2  juil.  1871,  il  siégea  à  droite, 
appuya  ardemment  la  politique  du  cabinet  de  Broglie  et 
prit  une  part  importante  aux  débats.  Le  20  févr.  1876,  il 
il  était  élu  député  de  Belfort,  après  avoir  renoncé  à  siéger 
au  Sénat.  Partisan  du  Seize-Mai,  il  fut  réélu  comme  can- 
didat officiel  le  14  oct.  1877.  Il  combattit  avec  énergie  les 
lois  scolaires  et  échoua  aux  élections  de  1881.  Réélu  en 
1885,  il  continua  à  attaquer  les  cabinets  républicains  avec 
une  éloquence  passionnée.  Il  ne  se  représenta  pas  en  4889. 
On  a  de  lui  :  Influence  pacifique  de  la  charité  chré- 
tienne sur  la  Société  moderne  (Paris,  1856,  in-8)  ;  His- 
toire de  France  (1858,  2  vol.  in-12);  V Encyclique  et 
les  libertés  de  r Eglise  gallicane  (1860,  in-8)  ;  les  Bud- 
gets (1864,  in-8);  V  Encyclique  et  les  principes  de  1189 
(1865,  in-8)  ;  Dix  Années  de  déficit  (1869,  in-8)  ;  le 
Général  de  Lamoricière  (1873,  2  vol.  in-8)  ;  les  Con- 
grégations religieuses  en  France  (1880,  gr.  in-8). 

KELLER  (Gérard),  écrivain  néerlandais,  né  à  Gouda 
en  1829.  Keller  a  publié  des  réeits  de  voyages  et  des  nou- 
velles, dont  quelques-unes  ont  été  traduites  en  allemand. 
Il  a  rédigé  la  Kunstkronik  pendant  plusieurs  années;  il 
s'est  fait  connaître  aussi  par  des  œuvres  dramatiques,  la 
Fille  de  Barbier,  et  par  des  ouvrages  pour  la  jeunesse. 
Citons  :  Un  Eté  dans  le  Nord  (1861);  Un  Eté  dans  le 
Sud  (1861);  le  Siège  de  Paris  (1871);  la  Famille  du 
Précepteur,  etc. 

KELLER  (Johan-Kristofer-Erik),  philanthrope  danois, né 
à  Copenhague  en  1830,  mort  en  1884.  H  s'occupa  tout 
particulièrement  de  l'éducation  et  de  l'instruction  des 
sourds-muets;  il  a  publié  plusieurs  livres  à  leur  usage  et 
a  dirigé  divers  journaux  pour  sourds-muets,  aveugles  et 
idiots  (Nordisk  blade  for  dôfstumme,  Nordisk  tidskrift 
for  blinde-  dôustumme-  og  idiotskoler). 

KELLER  (Franz),  plus  connu  sous  le  nom  de  K,  Leu- 
zinger,  ingénieur  et  céramiste  allemand,  néàMannheim  le 
30  août  1835,  mort  à  Munich  le  19  juil.  1890.  Il  fit  ses 
études  à  l'Ecole  polytechnique  de  Karlsruhe,  puis  partit 
avec  son  père  pour  le  Brésil,  oii  ils  construisirent  des 
routes  et  dont  ils  visitèrent  plusieurs  régions  encore  mal 
connues.  A  son  retour  en  Allemagne  (1870),  il  écrivit  la  re- 
lation de  la  dernière  de  ces  explorations  sous  le  titre  :  Vom 
Amazonas  und  Madeira  (Stuttgart,  1874).  Il  ne  s'oc- 
cupa plus  guère  ensuite  que  d'applications  des  beaux-arts 
à  l'industrie  et  dirigea  successivement  les  écoles  de  travaux 
manuels  pour  jeunes  filles  de  Karlsruhe  et  de  Hambourg. 
Puis  il  vint  se  fixer  à  Stuttgart  (1879).  Ses  travaux  céra- 
miques lui  valurent  plusieurs  médailles  aux  expositions  de 
Paris  (1878),  de  Stuttgart  (1881),  et  contribuèrent  pour 
une  grande  part  au  relèvement  de  l'industrie  de  la  po- 
terie artistique  dans  plusieurs  localités  de  la  Suisse  et  du 
Wurttemberg  :  à  Heimberg,  près  de  Thun,  à  Villingen,  etc. 

KELLER  (Ferdinand),  peintre  allemand,  né  à  Karlsruhe 
le  5  août  1842.  Après  avoir  fait,  à  seize  ans,  avec  son  père 
un  voyage  au  Brésil,  il  entra  en  1862  à  l'Ecole  des  beaux- 
arts  de  sa  ville  natale,  où  il  eut  pour  maître  Canon.  Ses 
œuvres  de  début,  deux  paysages  inspirés  de  la  nature  tropi- 
cale et  de  ses  premières  pérégrinations.  Forêt  vierge.  Baie 
de  Bio  de  Janeiro,  furent  suivies  de  tableaux  de  genre  et 
d'histoire  :  P^^^o?^  messager,  C Alchimiste,  Mort  de  Phi- 
lippe II,  Néron  et  Vincendie  de  Rome,  Mise  au  tom- 
beau, Victoire  du  margrave  Louis-Guillaume  de  Bade  à 
Salankemen  en  1691  (Karlsruhe),  Héro  et  Léandre 
1 880,  Dusseldorf).  Keller  s'est  aussi  essayé  dans  la  fresque  : 
Annonciation  (1870,  église  des  Jésuites  à  Heidelberg),  et 
dans  le  portrait  :  Grand-Duc  de  Bade,  Gustav  zu  Put- 
litz.  Il  est  depuis  1880  directeur  de  l'école  d'art  de  Karls- 
ruhe. 

KELLER  VON  Steinbock  (Frédéric-Louis),  jurisconsulte 


KELLER  -  KELLERMANN  — 

et  homme  politique  suisse,  né  à  Zurich  le  17  oct.  4799, 
mort  à  Berlin  en  1860.  Il  étudia  le  droit  à  Berlin  et  Gœt- 
tingue  où  il  fut  reçu  docteur  en  18t^2.  Professeur  de  droit 
civil  à  Zurich  dès  1825,  membre  et  président  du  grand 
conseil  de  ce  canton,  député  à  la  Diète  fédérale,  la  révolu- 
tion de  1839  le  priva  si  bien  de  son  influence  qu'il  accepta 
bientôt  une  chaire  de  droit  aux  universités  de  Halle,  puis 
de  Berlin  (1847).  Il  y  remplaça  Puchta,  le  successeur  de 
Savigny.  En  Allemagne,  il  exerça  aussi  un  rôle  politique, 
député  à  la  seconde  Chambre  de  Prusse,  comme  au  Parle- 
ment d'Erfert  (1850).  Son  ouvrage  capital  paru  à  Leipzig 
en  1 852  concerne  la  Procédure  civile  des  Romains. 

KELLERHOVEN  (Moritz),  peintre  et  aquafortiste  alle- 
mand, né  à  Altenrath  (Berg)  en  1758,  mort  à  Munich  en 
1830.  Après  avoir  étudié  à  Dusseldorf  sous  Krahe,  puis  à 
Anvers,  il  alla  à  Vienne  et  en  Itahe,  devint  en  1784  peintre 
de  la  cour  de  Bavière,  et  en  1808  professeur  à  l'Académie 
des  arts  plastiques  de  Munich.  On  a  de  lui  quelques  tableaux 
de  genre  dans  le  goût  néerlandais,  et  surtout  des  portraits 
à  Thuile,  tels  que  ceux  de  Maximilien  I^^  de  Bavière, 
de  Gustave- Adolphe  et  de  sa  femme  la  Reine  de  Suède^ 
du  grand-duc  Charles  d'Autriche,  de  l'archevêque  de  Mu- 
nich von  GebsatteL  Parmi  ses  gravures  à  l'eau-forte  nous 
citerons  :  les  portraits  des  acteurs  Marchand  et  Lam- 
brecht,  du  peintre  Dillis,  son  propre  portrait,  et  les  Quatre 
Apôtres,  d'après  Albert  Durer. 

KELLERMANN  (François-Christophe  de),  ducde  Valmy, 
maréchal  de  France,  né  à  Strasbourg  le  28  mai  1735, 
mort  à  Paris  le  23  sept.  1820.  Sa  famille,  dont  le  nom 
s'écrivait  primitivement  Keltermann,  était  originaire  de 
la  Saxe.  Etablie  à  Strasbourg  au  commencement  du  xvij® 
siècle,  elle  s'y  était  enrichie  dans  le  commerce  et  avait 
obtenu  la  noblesse.  En  1750  le  futur  maréchal,  alors  âgé 
de  quinze  ans,  fut  admis  comme  cadet  dans  le  régiment  de 
Lowendhal.  De  là  il  passa  en  qualité  d'enseigne  au  Royal- 
Bavière  (1753),  puis  devint  successivement  lieutenant  aux 
Volontaires  d'Alsace  (1756),  capitaine  en  second  aux  dra- 
gons (1758),  capitaine  aux  Volontaires  de  Dauphiné  (1759). 
Il  servit  en  Allemagne  dans  ces  trois  derniers  emplois  du- 
rant la  guerre  de  Sept  ans  et  s'y  distingua  aux  affaires 
de  Bergen,  d'Orsten,  de  Mer,  de  Friedberg.  Après  la  paix 
de  1763  il  fut  versé  avec  son  grade  dans  la  légion  de 
Conflans.  Louis  XV  en  1765  l'envoya  en  Pologne  remplir 
une  mission  secrète  ;  il  l'y  envoya  de  nouveau  en  1 770 
avec  M.  de  Vioménil,  qui,  suivi  de  quelques  volontaires, 
allait  seconder  la  résistance  des  Polonais  aux  tentatives  de 
partage  de  leur  pays.  A  son  retour  en  France  en  1772 
Kellermann  fut  nommé  lieutenant-colonel.  Major  aux  hus- 
sards de  Conflans  en  1779,  commandant  en  second  du 
colonel-général  de  la  même  arme  en  1780,  brigadier  en 
1784,  il  ne  tarda  pas  à  être  promu  maréchal  de  camp 
(1788).  La  Révolution  éclata  sur  ces  entrefaites.  Il  se 
montra  chaud  partisan  des  idées  nouvelles.  Aussi  s'empressa- 
t-on  de  lui  confier  le  commandement  de  l'Alsace,  dès  que 
les  émigrés  commencèrent  à  former  dans  la  vallée  du  Rhin 
des  rassemblements  menaçants  pour  la  sécurité  de  la  fron- 
tière. Il  y  était  à  portée  de  prévenir  leurs  entreprises. 
Après  deux  ans  passés  dans  ce  pays  il  reçut  en  mars  1792 
le  brevet  de  lieutenant  général.  Un  mois  plus  tard  la 
France  déclarait  la  guerre  à  l'Empire.  Les  circonstances 
allaient  faire  de  Kellermann,  obscur  jusque-là,  un  général 
célèbre  dans  le  monde  entier. 

Dès  le  début  des  hostilités  on  le  chargea  de  couvrir  l'Alsace 
avec  un  petit  corps  pompeusement  dénommé  armée  de  la 
Sarre,  Dans  les  premiers  jours  du  mois  d'août  il  réunit 
à  ce  commandement  celui  de  Varmée  du  Rhin,  puis  le 
28  du  même  mois  celui  de  Varmée  du  Centre  :  en  tout 
22,000  hommes.  A  ce  moment  la  situation  de  la  France 
était  devenue  des  plus  critiques.  Le  roi  venait  d'être  mis 
au  Temple,  La  Fayette  avait  abandonné  ses  troupes,  et 
l'armée  de  la  coalition  conduite  par  le  duc  de  Brunswick 
arrivait  sur  la  Meuse,  où  pas  un  soldat  ne  se  trouvait  pour 
lui  barrer  la  route  de  Paris.  C'est  alors  que  Dumouriez, 


quittant  la  frontière  du  Nord,  se  porta  en  toute  hâte  sur 
l'Argonne  dans  l'espérance  de  pouvoir  encore  y  arrêter  les 
ennemis.  Kellermann  reçut  aussitôt  l'ordre  de  le  rejoindre. 
Parti  de  Metz  le  4  sept.,  il  descendit  vers  Châlons  par  un 
long  détour,  en  traversant  Bar  et  Vitry.  Enfin  le  19  au  soir 
il  rallia  Dumouriez  aux  environs  de  Sainte-Menehould.  11 
arrivait  à  point  nommé  :  une  bataille  était  imminente.  Effec- 
tivement le  lendemain  matin  il  était  attaqué  en  avant  de 
Valmy  par  toute  l'armée  prussienne.  On  sait  comment  il  lui 
tint  tète  et  quelles  furent  les  conséquences  de  ce  premier 
succès  des  armes  de  la  Révolution.  Les  épisodes  du  com- 
bat, pas  plus  que  les  événements  du  reste  de  la  campagne, 
ne  sauraient  être  retracés  ici.  On  en  trouvera  d'ailleurs  le 
récit  à  une  autre  place  (V.  Argonne  [Campagne  de  1'],  Du- 
mouriez, Valmy).  Kellermann  n'était  pour  rien  dans  la 
conception  stratégique  qui  aboutit  à  la  journée  de  Valmy. 
Tout  le  mérite  en  revenait  à  Dumouriez,  à  Servan,  à  Thou- 
venot.  Mais  il  avait  contribué  à  la  faire  réussir,  et  à  l'heure 
décisive  il  s'était  montré  digne  de  conduire  les  troupes 
dont  la  ferme  attitude  avait  sauvé  la  France  et  la  liberté. 
C'était  assez  pour  sa  gloire.  Son  nom  dès  lors  devenait  in- 
séparable du  grand  événement  dont  Gœthe  disait  le  soir 
même,  qu'il  ouvrait  «  une  nouvelle  ère  dans  l'histoire  du 
monde». 

La  suite  de  la  carrière  de  Kellermann  offre  peu  d'intérêt. 
Après  avoir  reconduit  les  coaHsés  en  retraite  jusqu'au  delà 
de  la  frontière,  il  fut  appelé  en  déc.  1792  au  commande- 
ment de  l'armée  des  Alpes.  Là  il  eut  à  garantir  la  Savoie 
récemment  conquise  contre  les  attaques  des  Piémontais  et 
à  organiser  le  sièje  de  Lyon.  Cette  ville  se  rendit  le  8  oct. 
1793.  Quelques  jours  plus  tard  Kellermann  était  destitué 
sans  motif  plausible  (18  oct.),  puis  incarcéré.  Au  bout  de 
treize  mois  de  détention,  il  obtint  non  sans  peine  de  passer 
en  jugement.  Il  fut  acquitté  (nov.  1794).  On  le  renvoya  im- 
médiatement à  l'armée  des  Alpes  (févr.  1795),  oti  ses 
qualités  de  chef  paternel  et  consciencieux  l'avaient  fait 
aimer  des  troupes  ainsi  que  des  populations  de  la  Savoie. 
Il  y  resta  jusqu'au  printemps  de  1797.  A  ce  moment  son 
armée  fondue  avec  celle  d'Italie  passa  sous  les  ordres  de 
Bonaparte,  Ce  fut  la  fin  de  sa  carrière  active.  Il  n'avait 
encore  à  cette  date  que  soixante-deux  ans  ;  mais  d'autres 
généraux  s'étaient  formés  qui  laissaient  loin  derrière  eux 
les  militaires  de  son  âge  instruits  à  la  vieille  école.  Ce- 
pendant on  honorait  toujours  en  lui  le  premier  soldat 
victorieux  de  la  Révolution,  et  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie  le 
souvenir  de  Valmy  le  protégea. 

Après  le  18  brumaire  Bonaparte  lui  réserva  un  siège 
au  Sénat  conservateur.  Après  l'établissement  de  l'Empire 
il  le  choisit  pour  l'un  des  quatre  maréchaux  honoraires  ; 
plus  tard  il  lui  donna  le  titre  de  duc  de  Valmy,  la  séna- 
torie  de  Colmar  et  la  terre  de  Johannesberg  dans  le  Rhin- 
gau.  Il  l'employa  même  aux  armées,  mais  seulement  dans 
les  formations  de  seconde  ligne  :  corps  de  réserve  du  Rhin 
(1805-1807),  d'Espagne  (1808),  de  l'Elbe  (1809),  delà 
Meuse  inférieure  (  18 10),  du  Rhin  pour  la  seconde  fois  (1812- 
1813).  Après  les  événements  de  181 4  Kellermann  fut  nommé 
à  la  Chambre  des  pairs,  où  il  siégea  jusqu'à  sa  mort  parmi 
les  membres  libéraux.  Ch.  Grandjean. 

BiBL,  :  J ,-G.-P.  DE  Salve,  Fragments  historiques  sur 
M.  le  maréchal  de  Kellermann;  Paris,  1807.  —  De  Boti- 
Doux,  Esquisse  de  la  carrière  militaire  de  F.-C.  de  Kel- 
lermann, duc  de  Valmy...  rédigée  sur  les  notes  de  M.  le 
maréchal;  Paris,  1817,  in-8. 

KELLERMANN  (François-Etienne  de),  duc  de  Valmy, 
fils  du  précédent,  général  français,  né  à  Metz  en  1770, 
mort  le  2  juin  1835.  Après  avoir  servi  un  moment 
aux  hussards  colonel-général,  il  quitta  l'armée  pour  la 
diplomatie  en  1791  et  passa  aux  Etats-Unis  comme  se- 
crétaire de  légation.  Les  événements  l'ayant  rappelé  en 
France  au  début  de  1793,  il  reprit  aussitôt  l'uniforme  et 
rejoignit  l'armée  des  Alpes.  Là,  en  dépit  de  quelques  mé- 
saventures que  lui  valut  la  destitution  de  son  père,  il  avança 
rapidement.  Au  commencement  de  1796  il  était  chef  de 
brigade.  Il  prit  part  en  cette  qualité  à  la  campagne  d'Ita- 


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KELLERMANN  -  KëLLOREN 


lie.  Bonaparte  le  remarqua  et  le  fit  nommer  général  de 
brigade  pour  sa  conduite  à  la  bataille  du  Tagliamento 
(1797).Keilermann  à  cette  époque  n'avait  pas  encore  vingt- 
sept  ans.  Dans  les  années  qui  suivirent,  on  l'employa  à 
l'armée  de  Rome  sous  Macdonald  (1798),  puis  à  celle  de 
Naples  sous  Championnet  (1798-99).  En  1800  le  premier 
consul  l'appela  à  l'armée  de  réserve  pour  y  commander  une 
brigade  de  dragons.  La  journée  de  Marengo  lui  fournit 
Foccasion  d'un  triomphe  :  ce  fut  lui  qui  vers  le  soir,  au 
moment  où  Desaix  entrait  en  ligne,  dirigea  la  charge  fa- 
meuse dont  le  succès  détermina  la  déroute  des  Autrichiens. 
Trois  semaines  après  il  était  promu  divisionnaire  (5  juil. 
1800).  Il  demeura  à  l'armée  d'Italie  jusqu'en  1801,  passa 
ensuite  à  celle  de  Hanovre  en  1803,  à  la  grande  armée  en 
1805,  enfin  à  l'armée  de  Portugal  en  1807.  Il  y  comman- 
dait l'une  des  divisions  de  Junot.  Chargé,  après  l'insuccès 
de  l'expédition,  de  négocier  la  capitulation  de  Cintra,  il  fut 
assez  habile  pour  tromper  Welhngton  et  obtenir  de  lui  des 
conditions  inespérées  (23  août  18U8).  Un  mois  plus  tard, 
il  reparaissait  à  l'armée  d'Espagne  dans  les  rangs  de  la- 
quelle il  servit  jusqu'en  1810,  livrant  entre  temps  le  fabu- 
leux combat  de  Termes,  l'un  des  plus  extraordinaires 
exploits  de  cavalerie  dont  l'histoire  fasse  mention  (28  nov. 
1809).  Une  maladie  grave  Tempècha  de  rejoindre  la  grande 
armée  en  1812,  au  moment  où  elle  pénétrait  en  Russie. 
Mais  il  prit  sa  revanche  en  1813  à  Lutzen,  à  Bautzen,  à 
Wachau,et  en  1814  à  Mormant  et  à  Saint-Dizier.  La  pre- 
mière Restauration  le  traita  avec  faveur.  Il  n'en  adhéra  pas 
moins  à  Napoléon  lors  du  retour  de  l'ile  d'Elbe  et  accepta 
le  commandement  du  3^  corps  de  cavalerie  dans  l'armée 
que  l'empereur  conduisit  en  Belgique.  Ce  fut  sa  dernière 
campagne.  Le  16  juin  1815,  aux  Quatre-Bras,  ses  cuiras- 
siers fournirent  contre  l'armée  anglaise  une  charge  restée 
légendaire,  qui  eût  déterminé  la  retraite  de  Wellington,  si 
Ney  avait  eu  assez  de  forces  pour  la  soutenir.  Kellermann 
faillit  y  perdre  la  vie:  renversé,  piétiné,  il  eut  la  présence 
d'esprit  de  s'accrocher  aux  chevaux  de  deux  de  ses  soldats 
qui  l'emportèrent  ainsi  suspendu  hors  de  la  mêlée.  Le  sur- 
lendemain, il  était  blessé  à  Waterloo  à  la  tête  de  ses  esca- 
drons. Au  retour  de  Louis  XVllI  il  fut  disgracié.  Il  recueillit 
néanmoins  en  1820  le  siège  que  la  mort  de  son  père  laissait 
vacant  à  la  Chambre  haute.  Mais  il  se  montra  toujours  fort 
animé  contre  la  Restauration  et  en  1830  il  acclama  l'un 
des  premiers  la  chute  de  Charles  X.  Kellermann  a  été  l'un 
des  plus  grands  généraux  de  cavalerie  des  armées  de  l'Em- 
pire. Il  était  comme  homme  de  guerre  infiniment  supérieur 
à  son  père,  dont  la  renommée,  loin  d'aider  à  la  sienne,  l'a 
au  contraire  éclipsée.  Napoléon  l'aimait  peu,  mais  il  lui  a  tou- 
jours rendu  justice.  Il  y  avait  eu  entre  eux  des  froissements 
d'amour-propre.  Kellermann  revendiquait  à  tout  propos 
l'honneur  d'avoir  décidé  la  victoire  de  Marengo  ;  il  s'en  at- 
tribuait tout  le  mérite,  prétention  un  peu  excessive  et  qui 
devait  forcément  déplaire  au  maître.  Cette  prétention  donna 
lieu,  lors  de  la  publication  des  mémoires  du  duc  de  Rovigo, 
à  une  polémique  retentissante.  Kellermann  y  prit  part  en 
publiant  deux  opuscules  qu'on  peut  encore  aujourd'hui  con- 
sulter avec  intérêt  :  Réfutation  de  M.  le  duc  de  Rouigo 
ou  Vérité  sur  la  bataille  de  Marengo  (Paris,  1828, 
in-8)  ;  Deuxième  et  dernière  Réplique  dhm  ami  de  la 
vérité  à  M,  le  duc  de  Rouigo  (Paris,  1828,  in-8).  Ch.  G. 
KELLERMANN  (François-Christophe -Edmond  de),  duc 
de  Yalmy,  fils  du  précédent,  homme  politique  français,  né 
à  Paris  le  21  avr.  1802,  mort  le  2  oct.  1868.  Admis  dans 
la  carrière  diplomatique  en  1824,  en  qualité  d'attaché 
d'ambassade,  il  fut  employé  successivement  à  Constan- 
tinople  (1825),  en  Grèce  (1828-30),  au  ministère  des 
affaires  étrangères  (1830-31),  enfin  en  Suisse  comme 
chargé  d'affaires  (1831-33).  S'étant  fait  mettre  ensuite 
en  disponibilité  il  s'occupa  de  politique  ;  mais,  à  la  diffé- 
rence de  son  père  qui  professait  des  opinions  libérales  très 
accentuées,  il  inclina  vers  les  doctrines  légitimistes.  Après 
avoir  collaboré  quelque  temps  au  Rénovateur  et  à  la  Quo- 
tidienne^ organes  des  royahstes  purs,  il  entra  à  la  Chambre 


en  1838  comme  député  de  la  Haute-Garonne  et  y  prit 
place  à  l'extrême  droite.  Ses  électeurs  le  réélirenten  1839, 
puis  en  1842.  Il  se  posa  dès  lors  en  champion  du  légiti- 
misme  intransigeant,  attaquant  à  outrance  le  ministère 
Guizot  et  s'en  prennant  au  besoin  au  roi  lui-même.  En 
1843  il  fut  l'un  des  députés  qui  se  rendirent  à  Londres 
pour  saluer  le  comte  de  Chambord.  La  Chambre  ayant  voté 
à  la  suite  de  cette  manifestation  la  fameuse  adresse  à^  flé- 
trissure du  26  janv.  1844,  le  duc  de  Valmy  démissionna 
avec  tapage,  se  fit  réélire  et  recommença  de  plus  belle  sa 
guerre  contre  le  gouvernement  de  Juillet.  Mais  lors  des 
élections  générales  de  1 846  ses  électeurs  ayant  paru  peu 
disposés  à  lui  confier  un  nouveau  mandat,  il  renonça  à  la 
vie  parlementaire  pour  se  consacrer  à  des  travaux  de  po- 
litique et  d'histoire.  On  a  de  lui  :  la  Question  d'Orient 
(1840,  in-8)  ;  Coup  d'œil  sur  les  rapports  de  la  France 
avec  l'Europe (iSU.'m-^)  ;  Pie IX  (1848,  ïn-S); Etude 
sur  la  législation  de  la  Russie  et  de  la  France  en  ma- 
tière de  religion  (Paris,  1848,  in-8)  ;  De  la  Force  et  du 
droit  de  la  force  (1850,  in-8);  Réponse  à  des  questions 
que  chacun  se  fait  (1851,  in-8);  Histoire  de  la  cam- 
pagne de  iSOO  (1854,  in-8)  ;  l'Eglise  et  VEtat  au 
xix®  siècle  (1861,  in-8)  ;  le  Génie  des  peuples  dans  les 
arts  (1867,  in-8);  la  Turquie  et  l'Europe  en  i867 
(1867,  in-8).  Ch.  Grandjean. 

KELLERMANN  (Christian-Laurids),  violoncelliste  da- 
nois, né  en  1817,  mort  à  Copenhague  en  1866.  Il  fit  ses 
études  au  conservatoire  de  Vienne  et  obtint,  tout  jeune, 
d'éclatants  succès  en  Allemagne,  en  Suède,  en  Russie  et 
en  Italie.  Ses  compositions  pour  violoncelle  n*ont  pas  une 
très  grande  importance. 

KELLETT  (Sir  Henry),  amiral  anglais,  né  à  Clonabody 
(Irlande)  le  2  nov.  1806,  mort  à  Clonabody  le  1«^  mars 
1875.  Entré  dans  la  marine  en  1822,  il  servit  dans  l'Inde, 
sur  la  côte  d'Afrique,  et  lors  de  la  guerre  de  Chine  prit 
une  part  importante  aux  opérations  de  la  rivière  de  Canton 
et  du  Yang-tse-kiang.  Mais  il  est  plus  connu  pour  sa 
participation  aux  expéditions  dans  le  détroit  de  Bering 
à  la  recherche  de  Franklin  (1848-50  et  1852).  Com- 
modore à  la  Jamaïque  (1855-59),  il  fut  promu  vice-amiral 
en  1868.  R.  S. 

KELLEY  (Edward),  alchimiste  anglais,  né  en  1555, 
mort  en  1595.  Apprenti  pharmacien,  il  tenta  différents 
métiers  plus  ou  moins  avouables,  et  fut  essorillé  à  Lan- 
castre  comme  faussaire  ou  comme  faux  monnayeur.  Il  de- 
vint ensuite  le  disciple  du  D^  Dee,  avec  lequel  il  parcourut 
l'Europe,  muant  le  mercure  en  or  pour  les  personnes 
crédules  auxquelles  ils  soutiraient  de  l'argent.  L'irrégula- 
rité de  sa  conduite  amena  une  rupture  entre  le  D'^  Dee  et 
lui,  mais  il  n'en  continua  pas  moins  à  exploiter  la  pierre 
philosophale  et  l'élixir  de  longue  vie.  Il  mourut  assez  jeune, 
en  tentant  de  s'évader  de  la  prison  où  l'empereur  d'Alle- 
magne Rodolphe  l'avait  fait  enfermer.  Le  Theatrum  Che- 
micum  Britannicum  d'Ashmole  contient  deux  poèmes 
de  Kelley.  On  a  aussi  de  lui  des  Fragmenta  (Geismar, 
1647),  des  Epîtres,  et  deux  traités  De  Lapide  Philoso- 
phorum  (Hambourg,  1676).  B.-H.  G. 

KELLGREN  (Johan-Henrik),  poète  suédois,  né  à  Floby 
(Vestergothie)  en  1751,  mort  le  19  avr.  1795.  Kellgren 
est,  avec  Leopold,  le  plus  important  des  écrivains  de  l'époque 
de  Gustave  HI;  il  occupe,  dans  l'ensemble  de  la  littérature 
de  son  pays,  une  grande  place  par  l'élégance,  plutôt  que 
par  la  fertilité  de  son  imagination,  par  le  charme  et  la 
netteté  de  son  style,  par  la  grande  variété  de  sa  production. 
Il  a,  comme  Gustave  HI,  comme  Leopold,  subi  l'influence 
du  xviu®  siècle  français  ;  mais,  plus  qu'eux,  peut-être,  il  a 
su  rester  original,  et  une  partie  au  moins  de  ses  œuvres  n'a 
pas  vieilli.  —  Kellgren  était  le  fils  d'un  pasteur  ;  il  étudia 
d'abord  à  Skara,  puis  fut  envoyé  à  l'université  d'Âbo  à 
l'âge  de  dix-sept  ans;  en  1771  déjà,  il  fut  nommé  ma- 
gister  docens  à  l'université.  Mais  la  minutie  de  la  science 
d'alors  et  la  pédanterie  des  études  académiques  ne  conve- 
naient guère  à  un  jeune  homme  qui  s'était  bientôt  fait  un 


KELLGREN  —  KKLLOWIEN 


—  464  — 


renom  de  bel  esprit.  Aussi,  lassé  de  la  vie  qu'il  menait,  il 
se  rendit  en  Suède  pour  y  chercher  une  existence,  un 
milieu  qui  lui  convînt  davantage.  On  lui  offrit  à  Stockholm, 
dans  la  famille  du  comte  Meijerfelt,  une  place  de  précep 
teur  qu'il  accepta  avec  empressement  :  c'était  l'entrée  dans 
un  monde  plein  d'attrait  pour  lui.  Il  eut  l'occasion  de  ren- 
contrer, dans  le  salon  de  cette  maison,  les  beautés  les  plus 
fêtées,  les  hommes  les  plus  célèbres  de  la  société  de  Stock- 
holm ;  il  y  entendit  discuter,  en  des  conversations  où  une 
liberté  extrême  s'unissait  à  une  frivoHté  élégante  et  à  un 
scepticisme  railleur,  les  questions  graves  ou  légères  qui 
préoccupaient,  à  la  fin  du  siècle  passé,  l'aristocratie  intel- 
lectuelle et  l'aristocratie  de  naissance.  Les  nombreuses 
poésies  de  Kellgren  qui  datent  de  ce  temps  sont  sur  le  ton 
d'une  causerie  aimable  et  enjouée,  très  spirituelle,  en  un 
style  légèrement  rococo,  et  font  naturellement  songer  à 
certaines  toiles  de  Watteau  (i  Baechus  et  à  l'Amour, 
Mes  Rires,  A  Rosalie,  etc.).  En  1778,  Kellgren  devenait 
un  correspondant  remarqué  et  bientôt  populaire  du  Stock- 
holmsposten,  où  il  combattait  en  faveur  de  la  raison  et 
de  la  liberté  de  la  pensée  contre  la  superstition  et  l'into- 
lérance. Deux  ans  plus  tard,  Gustave  III,  qui  s'intéressait 
au  jeune  poète  et  au  spirituel  critique,  le  nomma  son 
bibliothécaire,  puis  son  secrétaire  particulier.  C'est  sous 
les  auspices  de  ce  prince,  ami  des  lettres,  que  Kellgren 
fonda,  en  4782,  la  Société  pour  l'améhoration  de  la 
langue  suédoise.  Il  écrivait  en  ce  même  temps  et  les  années 
suivantes,  soit  seul,  soit  en  collaboration  avec  le  roi,  — qui 
fournissait  volontiers  le  plan  de  la  pièce  ou  les  scènes  à 
mettre  en  vers,  —  des  drames  et  des  opéras  qui  le  pla- 
cèrent aussitôt  au  rang  des  auteurs  dramatiques  les  plus 
distingués  {Enée  à  Carthage,    en  1782;    Christine^ 
en  4785  ;  Gustave  Vasa,  en  1786;  Gustave- Adolphe  et 
Ebba  Brahe,  en  1788;  Olympie,  traduite  de  Voltaire, 
en  1792).  Nommé  en  1786  membre  de  l'Académie  sué- 
doise, fondée  par  le  roi,  le  sort  le  désigna  comme  premier 
président  de  cette  assemblée.  —  Avec  les  années,  son  génie 
devenait  de  plus  en  plus  noble  et  sérieux  :  sans  avoir  rien 
perdu  de  son  esprit,  Kellgren  était  plus  profond  et,  malgré 
tout  le  charme  de  ses  premières  poésies,  ce  sont  ses  der- 
nières, telles  que  les  Ennemis  de  la  lumière^  la  Nou- 
velle Création,  Christine,  etc.,  qui,  surtout,  lui  ont 
conservé  la  faveur  de  la  postérité.  Une  de  ses  poésies  co- 
miques, la  Vie  de  Dumbom  (le  Sot),  imitée  de  la  chanson 
de  La  Palice,  est  restée  très  populaire  en  Suède.  On  relit 
encore  ses  nombreux  articles  de  critique  avec  profit  et 
intérêt.  Kellgren  mourut  à  quarante-quatre  ans  après  une 
longue  maladie  :  en  lui  la  Suède  perdait  un  vrai  poète  et 
un  noble  citoyen.  Th.  Cart. 

BiBL.  :  NiLS  V.  RosENSTEiiV,  biogr.  en  tête  des  Œuvres. 

—  Stenhammar,  discours  prononcé  à  TAcad.  suéd.,  le 
14  mars  1798.  —  Bôttiger,  Kellgren,  dans  Annales  de 
l'Acad.  suéd.,  vol.  45.  —  Fryxell,  Kellgren,  dans  Lilte- 
rârt  Album  IL  —  Svenska  Parnassen  III  ;  Stockholm, 
1890.  —  Geffroy,  Revue  des  Deux  Mondes,  l»-- janv.  1852. 

—  Marmier,  LUtérature  Scandinave. 

KELLGREN  (Abraham-Herman-August),  professeur  fin- 
landais, né  à  Kuopio  en  1822,  mort  à  Helsingfors  en 
1856.  Il  prit  une  part  active  au  mouvement  en  faveur  de 
la  littérature  finnoise,  vers  le  milieu  de  ce  siècle,  (^lollabo- 
rateur  à  l'Anthologie  finnoise  et  à  plusieurs  publications 
analogues,  secrétaire  de  la  Société  de  littérature  finnoise, 
de  1845  à  1846,  il  abandonna  cependant  ces  études  spé- 
ciales pour  de  plus  vastes  recherches  dans  le  domaine  de 
la  philologie  comparée.  En  1847,  il  publia  à  Berlin  une 
dissertation  importante  sous  le  titre  de  :  Die  Grundzûge 
der  finnischen  Sprache  mit  besonderer  Rûcksicht  auf 
den  ural-altaïschen  Sprachstamm.  Il  enseigna  le  sans- 
crit et  la  philologie  comparée  à  Helsingfors  à  partir  de  1849 
et  fit  paraître  à  de  courts  intervalles  de  nombreux  tra- 
vaux sur  la  mythologie,  la  littérature  et  les  langues  orien- 
tales :  Mythus  de  ovo  mundano  Indorungue  de  eo  no- 
titia  (1849);  Nal  et  Damayanti  (tvaid,  suéd.,  1851-53); 
Om   affix-pronomen  i  arabiskan,    persiskan,    etc.; 


Grammatik  der  osmanischen  Sprache  von  Fuad  Efendi 
und  Gâvdât  Efendi  (1855),  etc.  Th.  Cart. 

KELLIA  (Malac.)  (V.  Kellya). 

KELLIE  (Thomas  Erskfne,  comte  de)  (V.  Erskine). 

KELLNER  (V.  Cellarius). 

KELLNER  (Les).  Famille  de  musiciens  allemands,  dont 
le  chef  fut  Johann-Peter,  né  à  Grafenroda  (Thuringe)  le 
24  sept.  1705,  mort  vers  1785.  Il  fut  un  très  bon  orga- 
niste et  publia  des  préludes,  fugues  et  chorals  pour 
le  clavecin  et  l'orgue.  —  Son  fils,  Johann-Christof,  né 
à  Grafenroda  le  15  août  1736,  mort  à  Cassel  en  1803, 
fut  organiste  de  la  cour  à  Cassel  et  pubha  sept  concertos 
de  piano,  des  sonates,  fugues  et  trios  pour  le  clavecin 
et  l'orgue,  ainsi  qu'un  traité  :  Grundriss  des  Général- 
basses,  plusieurs  fois  réimprimé  depuis  1783.  — Ernst- 
August,  descendant  de  Johann-Peter,  et  fils  d'un  violo- 
niste au  service  de  la  reine  d'Angleterre,  était  né  à  Wind- 
sor le26janv.  1792,  et  mourut  à  Londres  le  18juil. 
1839.  Il  se  fit  entendre  en  public  comme  pianiste  depuis 
l'âge  de  cinq  ans,  passa  pour  un  enfant  prodige,  devint 
par  la  suite  un  bon  chanteur  et  organiste,  et  après  de 
nombreux  succès  en  Europe  se  fixa  à  Londres  comme  or- 
ganiste de  la  chapelle  bavaroise.  M.  Br. 

BiBL.  :  R.  CuLL,  Case  of  preciosus  musical  talent, 
being  a  notice  ofthe  laie  Ern.  Aua.  Kellner,  etc.  ;  Londres, 
1839,  in-8. 

KELLNER  (Johann-Jacob),  peintre  sur  verre  allemand, 
né  à  Nuremberg  le  19  déc.  1788,  mort  le  20  déc.  1873. 
Après  avoir  eu  pour  maîtres  Gabier  et  Klinger,  il  entra  à 
la  fabrique  de  porcelaine  de  Bruckberg,  puis,  de  retour  à 
Nuremberg,  il  peignit  d'abord  des  armoiries,  une  Madone 
d'après  un  dessin  d'Heidelofif,  et  un  Tournoi  de  chevaliers. 
Il  fit  ensuite  trois  des  vitraux  de  l'église  Saint-Laurent  de 
Nuremberg,  un  vitrail  de  l'église  de  Rothweil,  nn  autre 
destiné  à  Belem  (Portugal).  —  Ses  quatre  fils  ont  été  égale- 
ment des  peintres  verriers.  Georg-Konrad,nëen  1811,  a 
exécuté  des  décorations  de  fenêtres  à  l'hôpital  de  Rothen- 
burg,  à  réglise  de  Viersen  (district  de  Dusseldorf),  sans 
campter  d'autres  ouvrages  du  même  genre  pour  Paris, 
Vienne  et  l'Angleterre.  Johann-Stephan,  né  en  1842,  a 
fait  des  vitraux  pour  Neustrelitz  ;  Gustav-Hermann,  né 
en  1814,  et  Gurz-Michael,  né  en  1825,  ont  collaboré  aux 
travaux  de  leur  père. 

KELLNER  (Lorenz),  pédagogue  allemand,  né  à  Heili- 
genstadt  le  28  févr.  1811.  Professeur  au  séminaire  catho- 
lique de  cette  ville,  puis  à  Marienwerder  (1848)  et  Trêves. 
Ses  ouvrages  scolaires  ont  fait  époque  par  leur  retour  à  la 
simplicité  du  langage  usuel  ;  le  plus  répandu  fut  Prak- 
tischer  Lehrgang  fur  den  deutschen  Sprachunterricht 
(Erfurt,  1837-40, 4  parties)  ;  citons  encore  Zur  Pedagogik 
der  Schuleunddes  iîaws^^ (Essen,  1 850 ;  1883,  ll^éd.), 
et  Kurze  Gesch.  der  Erziehung  und  der  Unterrichts 
(Fribourg,  1885,  8«  éd.). 

KELLOG  (Clara-Louise),  cantatrice  scénique  améri- 
caine, née  à  Sumter  (Caroline  du  Sud)  en  1848,  morte  en 
1888.  Les  premières  tentatives  de  cette  artiste  furent  loin 
d'être  heureuses.  Par  deux  fois,  en  1860,  elle  débuta  à 
TAcadémie  de  musique  de  New  York  sans  aucun  succès  ; 
enfin,  en  1864,  elle  reparut  à  ce  théâtre  dans  Marguerite 
de  Faust,  et  cette  fois  avec  un  tel  succès  que  ses  compa- 
triotes la  proclamèrent  aussitôt  l'une  des  plus  grandes 
cantatrices  de  son  temps.  Elle  voulut  alors  se  faire 
connaître  en  Europe,  partit  pour  Londres  et  fut  engagée 
au  théâtre  de  la  Reine,  où  elle  débuta  en  4867,  d'abord 
dans  Martha,  puis  dans  Zerline  de  Don  Juan.  Douée 
d'une  voix  charmante,  claire,  pure,  étendue  et  flexible, 
vocalisant  avec  agilité,  avec  cela  comédienne  aimable,  in- 
telligente et  pleine  d'agrément,  miss  Kellog  vit  se  conti- 
nuer, en  Angleterre,  les  succès  qu'elle  avait  obtenus  dans 
sa  patrie.  En  1869  elle  retourna  en  Amérique  et  continua 
de  se  faire  applaudir  dans  la  plupart  des  villes  importantes 
de  la  grande  république. 

KELLOWIEN  (Géol.)  (V.  Callovien). 


KELLS.  Ville  d'Irlande,  comté  de  Meath,  sur  le  Black- 
water  ;  2,800  hab.  C'est  une  vieille  ville.  A  côté  s'élève  sur 
le  Lloyd  hill  (129  m.),  une  tour  ronde  de  32  m.  de  haut 
qu'on  appelait  Kenlis. 

KELLY  (John),  littérateur  anglais,  né  vers  1680,  mort 
à  Hornsey  le  16  juil.  1751.  Il  débuta  dans  le  journalisme, 
puis  obtint  du  succès  au  théâtre  avec  :  Tke  Married  Philo- 
sopher (i  732,  in-8),  comédie  jouée  à  Lincoln's-inn-Fields  ; 
Timon  in  Love  (1733,  in-8),  comédie  représentée  à  Drury 
Lane;  The  Fall  of  Bob  (1736,  in-12);  The  Levée  (1741, 
in-8),  etc.  Il  a  laissé  encore  quelques  traductions  du  fran- 
çais, entre  autres  celle  des  Aventures  de  Télémaque  de 
Fénelon(1743).  R.  S. 

KELLY  (George),  jacobite  anglais,  né  dans  le  Gonnaught 
en  1688,  mort  à  une  date  inconnue.  Ordonné  diacre  en 
1706,  il  fut  contraint  de  se  réfugier  en  France  en  1708 
pour  avoir  prononcé  un  sermon  en  faveur  du  prétendant. 
Il  fit  fortune  dans  les  affaires  du  Mississippi,  et  fut  employé 
activement  par  Atterbury  dans  sa  correspondance  avec  le 
prétendant.  Arrêté  au  cours  d'un  de  ses  voyages  à  Lon- 
dres (1722),  il  fut  jugé  et  condamné  à  un  emprisonnement 
perpétuel.  Il  fut  enfermé  à  la  Tour  d'où  il  réussit  à  s'éva- 
der le  26  oct.  1736.  On  ignore  ce  qu'il  devint  ensuite.  Il 
a  laissé  une  traduction  des  Mémoires  de  Castelnau  (1724) 
et  d'autres  traductions  du  français.  R.  S. 

KELLY  (Hugh),  littérateur  anglais,  né  à  Killarney  en 
1739,  mort  à  Londres  le  3  févr.  ^77.  Fils  d'un  cabare- 
tier  de  Dublin,  qui  avait  une  clientèle  de  comédiens,  il  prit 
de  bonne  heure  du  goût  aux  choses  du  théâtre,  vint  à 
Londres  où  il  vécut  de  copies  dans  l'étude  d'un  attorney. 
Bientôt  il  collabora  à  quelques  journaux,  écrivit  des  pam- 
phlets politiques  dont  l'un,  A  Vindication  of  Mr,  PiWs 
administration  (1761),  fut  remarqué  par  Ghesterfield,  pu- 
blia un  roman,  Memoirs  of  a  Magdalen  (Londres,  1767, 
2  vol.  in-8),  qui  eut  du  succès  et  fut  traduit  en  français 
par  Colleville  sous  le  titre  de  les  Dangers  d'un  tête  à  tête 
(Paris,  1800).  Rédacteur  en  chef  du  Public  Ledger,  il  se 
fit  une  réputation  de  critique  dramatique,  et  dans  un 
pamphlet  qui  fit  beaucoup  de  bruit,  Thespis  (Londres, 
1766),  attaqua  plus  que  vivement  les  acteurs  de  Drury  Lane. 
Garrick,  qu'il  avait  ménagé,  l'engagea  à  écrire  pour  la 
scène.  False  Delicacy,  sa  première  comédie,  jouée  à  Drury 
Lane  en  1768,  fut  accueillie  avec  un  véritable  enthou- 
siasme. Dix  mille  exemplaires  de  la  brochure  s'enlevèrent 
en  quelques  mois.  Traduite  en  allemand,  en  portugais, 
en  français  (par  M™®  Riccoboni),  elle  obtint  partout  le 
même  succès.  La  seconde,  A  Word  to  the  wise  (1770)  ne 
put  être  jouée  à  Londres  à  cause  d'une  cabale  montée 
contre  Kelly,  mais  elle  fut  bien  accueillie  en  province.  Une 
tragédie,  Clementina  (1771),  ne  tint  pas  longtemps  l'af- 
fiche à  Lovent  Garden.  Mais  A  School  for  wives  (1773) 
retrouva  presque  le  succès  de  False  Delicacg.  Kelly  re- 
nonça au  théâtre  et  en  1774  s'inscrivit  au  barreau.  Il 
n'y  réussit  pas,  se  mit  à  boire  et  mourut  misérable.  Citons 
encore  de  lui  :  The  Piomance  of  an  Hour{\llA'),  comé- 
die; 'The  Man  of  lieason  (1776),  comédie;  on  a  donné 
un  recueil  de  ses  Œuvres  (Londres,  1778,  in-4)  avec 
sa  biographie  et  son  portrait  par  Ilugh  Hamilton.     R.  S. 

KELLY  (John),  philologue  anglais,' né  à  Douglas  (lie  de 
Man)  le  l^'^  nov.  1750,  mort  à'Copford  le  12  nov.  1809. 
Entré  dans  les  ordres  en  1776,  il  devint  recteur  de  Cop- 
ford  en  1807.  Il  est  connu  par  ses  travaux  sur  les  langues 
gaélique  et  celtique.  Citons  :  A  Practical  Grammar  of  the 
ancient  Gaelic  (Londres,  1840)  ;  A  Triglot  Dictio7iary 
of  the  Celtic  language  (1807-08).  R.  S. 

KELLYA  (Malac).  Genre  de  Mollusques  Lamellibranches, 
créé  par  Turton  en  1822.  Coquille  petite,  subéquilatérale, 
plus  ou  moins  orbiculaire  ;  charnière  sur  la  valve  droite  ; 
une  dent  cardinale  antérieure,  une  postérieure  divergente, 
et  une  latérale  postérieure,  éloignée,  sur  la  valve  gauche  ; 
deux  cardinales  rapprochées,  une  postérieure  divergente  et 
une  latérale  postérieure.  Type  :  /{.  siiborbicularis  Mon- 
taigu  ;  habitat  :  les  mers  du  Nord. 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.   —  XXI. 


-  ^6^  -  KELLS  -  KELTMA 

KÉLOÏDE  (Méd.).  Les  kéloïdes  ou  chéloïdes  sont  des 
néoplasmes  cutanés  qui  se  développent  soit  sur  des  cica- 
trices récentes  ou  anciennes,  kéloïdes  cicatricielles  ou 
fausses  kéloïdes,  soit  sans  lésion  préexistante,  kéloïdes  dites 
spontanées,  kéloïdes  vraies.  Elles  représentent  des  tumeurs 
dures,  saillantes,  de  couleur  rosée  ou  rougeâtre,  généra- 
lement peu  volumineuses  et  de  forme  extrêmement  variable. 
Parfois  ce  sont  des  bosselures  arrondies  et  lisses,  bien  limi- 
tées ;  plus  souvent  on  observe  des  tractus  s'irradiant  irré- 
gulièrement autour  du  point  d'origine  et  offrant  ainsi  u?! 
aspect  qu'on  a  comparé  à  celui  de  certaines  productions 
cancéreuses.  Au  point  de  vue  histologique,  il  s'agit  d'une 
hyperplasie  conjonctive,  dont  les  parties  anciennes  ont  la 
structure  du  tissu  de  cicatrice,  tandis  que  les  portions  plus 
jeunes  et  les  points  d'accroissement  placés  à  la  périphérie 
sont  constitués  par  un  tissu  embryoplastique  ou  fibro-plas- 
tique,  avec  un  réseaw  vasculaire  assez  riche,  tant  sanguin 
que  lymphatique.  Les  caractères  anatomiques  sur  lesquels 
on  s'est  fondé  pour  établir  une  distinction  entre  les  vraies 
et  les  fausses  kéloïdes,  et  même  entre  ces  dernières  et  les 
cicatrices  hypertrophiques,  sont  assez  peu  concluants. 
L'intégrité  relative  du  corps  papillaire  et  des  formations 
épidermiques  dans  la  kéloïde  spontanée  tient  plutôt  à  l'ab- 
sence d'altérations  cicatricielles  antérieures  à  l'affection  qui 
nous  occupe.  La  spontanéité  vraisemblablement  n'est  qu'ap- 
parente, et  il  est  à  supposer  qu'on  pourrait  relever  dans  la 
majorité  des  cas  quelque  lésion  souvent  insignifiante,  une 
piqûre,  une  irritation  locale  mécanique  ou  chimique,  une 
pustule  d'acné,  etc. 

Les  kéloïdes  sont  fréquemment  le  siège  de  picotements, 
de  douleurs  spontanées  ou  provoquées.  Leur  évolution  est 
lente  et,  sous  le  rapport  du  pronostic,  la  distinction  entre 
les  kéloïdes  nettement  cicatricielles  et  les  autres  demeure 
justifiée.  Les  premières,  en  effet,  rétrogradent  volontiers  et 
disparaissent  au  bout  d'un  temps  plus  ou  moins  long.  Cette 
terminaison  est  rare  au  contraire  pour  les  kéloïdes  sponta- 
nées qui  envahissent  peu  à  peu  la  peau  saine,  récidivent 
après  ablation  et  se  montrent  sur  différents  points  du  corps 
à  la  suite  des  irritations  les  plus  légères.  Tel  est  parfois 
le  cas  chez  les  scrofuleux,  les  syphilitiques  et  surtout  chez 
certains  sujets  particulièrement  prédisposés  (diathèse  fibro- 
plastique,  Bazin). 

Parmi  les  nombreux  traitements  mis  en  usage,  l'électro- 
lyse  répétée  durant  des  mois,  les  scarifications,  les  appli- 
cations d'emplâtre  de  Vigo  paraissent  avoir  donné  les  ré- 
sultats les  moins  défavorables.  G.  Herrmann 

KÉLOTOMIE  (V.  Hernie). 

KÉ-L0UN6  (V.  Kélung). 

KELSIEV  (Vasili-Ivanovitch),  publiciste  russe,  né  à 
Saint-Pétersbourg  en  1833,  mort  à  Saint-Pétersbourg  en 
1872.  Après  avoir  fait  ses  études  à  Moscou,  il  prit  part  à 
des  agitations  politiques  et  émigra.  Il  vécut  tour  à  tour  en 
Angleterre,  en  Autriche,  en  Turquie.  A  Londres,  il  colla- 
bora au  Kolokol  et  fit  paraître  un  recueil  de  documents 
relatifs  aux  sectes  russes.  En  1867,  il  obtint  l'autorisation 
de  rentrer  en  Russie  et  publia  Choses  vécues  et  pensées 
(Saint-Pétersbourg,  1868);  la  Galicie  et  la  Moldavie 
(id.,  1868),  Moscou  et  Tver  (te?.,  1871);  Sous  Pierre 
leGra7id(id.,iSn). 

KELSO.  Ville  d'Ecosse,  comté  de  Roxburgh,  à  17  kil. 
N.-N.-E.  de  Jedburgh,  sur  la  rive  gauche  du  Tweed; 
6,347  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Berwick  à  Glasgow. 
Ruines  d'une  célèbre  abbaye  du  xii«  siècle  et  de  l'ancien 
château  de  Roxburgh. 

KELTERBORN  (Rodolphe),  écrivain  suisse,  né  à  Bâie 
le  7  juin  1843.  Il  étudia  les  lettres  et  les  sciences  natu- 
relles et  devint  professeur  dans  une  école  technique.  En 
même  temps  il  est  un  poète,  un  nouvelliste  et  un  drama- 
turge considéré.  Citons  de  lui  de  nombreuses  nouvelles  hu- 
moristiques, des  drames  :  Hans  Holbein,  Sur  l'Alpe,  Elias 
Ewigmeier,  Fleurs  de  Lotus;  une  idylle,  Joseph  et 
Gretchen,  etc. 

KELTMA.  Nom  de  deux  rivières  de  Russie  qui  prennent 

30 


KELTMA  -  KEMBLE 


466 


leurs  sources  dans  des  marais  voisins,  au  N."  du  gouv.  de 
Perm  :  la  Keltma  septentrionale  (160  kil.,  bassin  de 
5,750  kil.  q.)  arrose  le  gouv.  de  Vologda  et  se  jette  dans 
la  Vytchegda,  une  des  branches  de  la  Dvina  du  Nord  ;  la 
Keltma  méridionale  (185  kil.,  bassin  de  4,560  kil.  q.), 
commence  sous  le  nom  de  Djouritja  et  se  jette  dans  la 
Kama.  Les  deux  Keltma  sont  reliées  par  le  canal  Cathe- 
rine ou  Sievéro  lekatérinskii,  creusé  en  1786-1807,  qui 
unit  les  bassins  de  la  Dvina  et  de  la  Volga. 

KELTY  (Mary-Ann),  femme  auteur  anglaise,  née  à  Cam- 
bridge en  1789,  morte  à  Peckham  le  8' janv.  ^873.  Elle 
débuta  par  une  nouvelle,  The  Favourite  of  Nature  (Lon- 
dres, 1821^  in-8),  qui  obtint  du  succès  et  fut  traduite  en 
français  sous  le  nom  à'Eliza  Rivers  (1803).  Musicienne 
accomplie,  miss  Kelty  eut  à  Cambridge  un  salon  littéraire 
et  artistique  renommé.  A  la  mort  de  ses  parents  survenue 
en  1852,  elle  quitta  le  monde  et  se  confina  dans  les  exer- 
cices d'une  rigide  piété.  Citons  encore  d'elle  :  The  Cata- 
combs  (1822,  in-8);  Time  of  Trial  (iSAO,  in-8);  Early 
Days  in  the  Society  of  Friends  (1830,  in-12);  Ma^nma 
and  Mary  (1840,  in--12);  Memoirs  ofthe  lives  and  pro- 
secutions  of  primitive  Quakers  (1844,  in-42);  Visil- 
ing  my  relations  (1851,  in-8);  The  Real  and  the  Reau 
Idéal  (1860,  in-8);  The  Solace  of  a  Solitaire  (1869, 
in-8).  R.  S. 

KÉLUNG.PortàrextrêmeN.  de  Fîle  de  Formose(Y.ce 
mot)  ;  10,000  hab.  ;  important  par  la  proximité  de  gise- 
ments houillers. 

BiBL.:  Imbault-Huard,  vile  Formose  ;  Paris,  1893.  — 
Garnot,  Expéd.  française  de  Formose  ;  Paris,  1894,  in-8. 

KELVIN.  Rivière  d'Ecosse,  affl.  de  la  Clyde  à  Glasgow 
(V.  ce  mot). 

KELVIN  (Lord)  (V.  Thomson  [W.]). 

KEM.  Ancien  nom  de  V Egypte  (y.  ce  mot  et  Alchimie). 

KEM.  Fleuve  de  Russie,  gouv.  d'Arkhangelsk;  il  naît 
à  la  frontière  de  Finlande  sous  le  nom  de  Pichto,  dans  des 
marais,  traverse  le  lac  Koutno,  reçoit  le  Tchirkakoum, 
passe  à  Kem  et  se  jette  dans  la  mer  Blanche,  au  fond  du 
golfe  Onega,  après  un  cours  de  430  kil.,  dont  15  navi- 
gables. Le  bassin  a  plus  de  19,000  kil.  q. 

KEM.  Rivière  de  Sibérie,  affl.  g.  de  l'Eniséi,  gouv.  d'Eni- 
seisk,  finit  à  12  kil.  en  aval  de  la  ville  de  ce'^nom  ;  elle 
a  plus  de  200  kil. 

KEM.  Ville  de  Russie,  gouv.  d'Arkhangelsk,  sur  le  Kem  ; 
2,000  hab.  Ancienne  colonie  de  Novgorod,  entrepôt  com- 
mercial de  la  contrée.  C'est  le  ch.-L  d'un  vaste  district 
presque  désert. 

KEMA  ou  KIEHNA.  Rivière  de  Russie,  qui  finit  au  lac 
Bielo-Ozero  ou  Blanc  (gouv.  de  Novgorod);  elle  a  un  cours 
de  170  kil.,  sort  du  lac  Soundo  et  forme  le  lac  Kémo 
(48  kil.  q.)  ;  elle  est  navigable  sur  20  kil. 

KEMAK.  Ville  de  Turquie  d'Asie,  vilayet  et  sandjak 
d'I'lrzeroum,  sur  un  promontoire  dominant  la  rive  gauche 
de  l'Euphrate  occidental  ou  Kara~sou  ;  4,000  hab.  C'est 
dans  cette  ville,  jadis  imprenable  par  l'escalade,  que  les 
rois  arméniens  du  commencement  de  l'ère  chrétienne  avaient 
leurs  plus  beaux  temples,  leurs  trésors,  leur  prison  d'Etat, 
leurs  tombeaux.  Le  contraste  des  jardins  verdoyants  et  de 
la  roche^nue  donne  un  aspect  saisissant  à  Kemak. 

KEMÂL  Bey,  écrivain  turc,  né  en  1842,  mort  en  1890. 
Il  aborda  tous  les  genres  de  littérature:  poésie,  roman, 
drame,  journalisme.  D'une  culture  intellectuelle  très  grande, 
surtout  instruit  des  choses  européennes,  il  dut  à  l'exagéra- 
tion de  ses  idées  d'être  envoyé  en  exil  par  le  sultan  Abd 
ul  Azîz.  Il  séjourna  particulièrement  à  Londres  où  il  pu- 
bliait un  journal  turc  intitulé  Eourriet  (la  Liberté).  Son 
exil  fut  levé  plus  tard  ;  il  rentra  complètement  en  grâce  et 
mourut  gouverneur  de  l'île  de  Chio.  Il  faut  citer  parmi  ses 
romans  :  Djazmî,  Ali  Rey  ;  parmi  ses  drames  :  Djelâl  ed 
Dîn  Kharezm  Chah,  Vatan  yahod  Silistria  (la  Patrie 
ou  Silistroa).  Ses  articles  du  journal  Ibret  et  ses  lettres 
sont  très  goûtés  en  Turquie  à  l'heure  actuelle. 

KEMAL  ED  DîN  Abou'l-Kâsim  Omar  ibn  Ahmed,  surnommé 


Ibn  el  Adim,  né  en  1192,  mort  au  Caire  en  1262.  Il  fut 
qâdî  'l-qoudât  (cadî  des  cadîs)  de  la  ville  d'Alep.  Il  fut 
l'auteur  de  deux  ouvrages  d'une  grande  valeur  :  un  dic- 
tionnaire biographique  des  grands  hommes  qui  vécurent  à 
Alep,  et  une  histoire  de  cette  ville  intitulée  Zoubdat  el 
Halab  fî  târikh  Halab.  L'histoire  commence  à  la  con- 
quête d'Alep  par  les  troupes  musulmanes  et  se  termine  à 
lannée  641  de  l'hégire  (1243).  En  1260,  les  Tatares 
s'emparèrent  de  la  ville  et  forcèrent  Kemal  ed  Dîn  à  émi- 
grer  au  Caire.  Le  manuscrit  de  son  histoire  d'Alep  n'a  pas 
été  jusqu'ici  publié  complètement.  M.  Freytag  a  donné  des 
Selecta  ex  historia  Halebi  (Paris,  1819).       A.  Guy. 

KEMAL  Pâchâ  Zadeh  (Chams  ed  Dîn  Ahmed),  polygraphe 
et  poète  turc,  né  à  Andrinople  vers  la  fin  du  xv^  siècle.  Il 
eut  une  courte  carrière  militaire  pendant  laquelle  il  fit  la 
campagne  de  Lépante  avec  le  sultan  Bayézid.  A  son  retour, 
il  suivit  les  leçons  du  «  Collège  des  traditions  »  (Dâr  el 
hadîs)  d'Andrinople.  Il  fut  ensuite  professeur  dans  difië- 
rents  collèges  de  cette  ville  et  reçut  plus  tard  le  titre  de 
Kazi  askier  (juge  d'armée)  d'Anatolie.  Comme  tel  il  ac- 
compagna le  sultan  Sélim  dans  sa  conquête  de  l'Egypte. 
Puis  il  subit  une  disgrâce,  mais  il  fut  nommé  cheikh  ul 
islam  par  le  sultan  Soliman.  Ses  ouvrages  sont  très  nom- 
breux. On  cite  des  annales  ottomanes  en  langue  turque, 
une  imitation  du  Gulistân  de  Sâdi  :  le  Nigaristân,  en 
langue  persane,  et  surtout  le  fameux  poème  de  Yoûsoufu 
Zuléikha  (Joseph  et  Zouléikha,  la  femme  de  Putiphar).  Il 
écrivit  plusieurs  traités  juridiques,  des  commentaires  de 
différents  auteurs,  et  l'ouvrage  intitulé  Mohâdj  Namé,  re- 
lation de  la  campagne  de  Mohacz  faite  par  le  sultan  Soli- 
man contre  les  Hongrois.  Le  texte  turc  et  une  traduction 
française  ont  été  publiés  par  M.  Pavet  de  Courteille  (Paris, 
4859).  A.  Guy. 

KEMARAT  ou  KEMMERAT.  Ville  du  Siam,  ch.-I.  de 
province  du  Laos,  rive  droite  du  Mékong,  dans  une  plaine 
marécageuse  et  saline. 

KEM'ÀS  (Zool.)  (V.  Chèvre). 

KEMBLE  (John-Philip),  acteur  anglais,  né  en  1757, 
mort  à  Lausanne  en  1823.  R  était  le  second  enfant  et  l'aîné 
des  fils  de  Roger  Kembie,  le  chef  de  cette  famille  qui  a  occupé 
une  si  grande  place  sur  la  scène  et  dans  la  littérature  anglaises. 
Encore  enfant,  il  débuta  dans  la  troupe  de  son  père,  étu- 
dia un  instant  pour  être  prêtre  et  finit  son  éducation  au 
collège  anglais  de  Douai,  où  se  développa  au  plus  haut 
point  chez  lui  la  mémoire,  cet  instrument  merveilleux  grâce 
auquel  tant  d'hommes  de  talent  ont  pu  donner  l'illusion  du 
génie.  Reçu  dans  la  troupe  de  Chamberlain,  il  débuta  à 
Wolyerhampton  le  8  janv.  1776,  et  dès  lors  poursuivit  sa 
carrière  d'acteur  tragique,  mêlée  de  succès  et  de  revers,  et, 
dans  les  commencements,  plus  souvent  sifflé  qu'applaudi. 
Mais  son  application  au  travail  et  la  persistance  de  sa  vo- 
lonté triomphèrent,  et,  à  sa  première  apparition  à  Londres, 
sur  le  théâtre  de  Drury  Lane  (sept.  1783),  dans  le  rôle  de 
lîamlet,  l'ardeur  avec  laquelle  il  fut  discuté  prouva  bien 
qu'on  n'avait  point  aifaire  à  une  médiocrité.  A  partir  de  ce 
moment,  sa  réputation  ne  fit  que  croître,  en  dépit  des 
cabales  montées  par  des  rivaux  ou  des  inimitiés  que  la 
nature  agressive  de  son  tempérament  entier  lui  attiraient. 
En  1788,  il  prit  la  direction  du  théâtre  de  Drury  Lane,  et 
se  fit  l'initiateur  d'une  réforme  dans  les  costumes  analogue 
à  celle  que  Talma  introduisait  en  France.  Les  deux  grands 
acteurs  se  connurent  en  1802,  pendant  un  voyage  que 
Kembie  f.t  en  France,  et  Talma  fut  de  ceux  qui  l'applaudirent 
le  plus  chaleureusement  lors  de  sa  représentation  d'adieu 
dans  Coriolan.k  CoventGarden,le23  juin  1817.  Kembie, 
amoureux  de  son  art,  qu'il  étudiait  assidûment  dans  toutes 
ses  branches,  ne  dédaignait  pas  les  rôles  comiques,  et 
Charles  Lamb  le  trouvait  incomparable  dans  les  pièces  de 
Congreve  et  de  Wycherley.  On  compte  que,  pendant  les  dix- 
neuf  ans  qu'il  resta  à  Drury  Lane,  il  créa  plus  de  120  per- 
sonnages. On  lui  reprochait  une  certaine  affectation  et  un 
débit  trop  pompeux.  Comme  écrivain,  il  produisit  des  pro- 
logues, des  pièces  de  théâtre  qui  n'ont  pas  été  imprimées, 


-»  407  — 


KEMBi.E  --  KEiMEUN 


et  un  recueil  de  Fugitive  Pièces  (York,  1780);  mais  tout 
son  mérite  est  ailleurs.  Il  passa  ses  dernières  années  tantôt 
à  Toulouse,  tantôt  à  Rome,  tantôt  à  Lausanne.       B.-H.  G. 

KEMBLE  (Maria-Theresa) ,  actrice  anglaise,  née  à 
Vienne  en  1774,  morte  à  Chertsey  (Surrey)  en  1838.  Elle 
était  à  peine  âgée  de  six  ans  que  son  père,  George  de 
Camp,  alias  de  Fleury,  Femmena  en  Angleterre,  où  elle 
parut  en  Cupidon,  dans  un  ballet  de  Novcrre,  à  l'Opéra. 
Elle  remporta  ses  véritables  premiers  succès  au  théâtre  de 
Haymarket,  en  1792.  En  1806,  elle  épousa  Charles  Kemble, 
dont  le  frère,  John-Phihp,  l'avait  peu  auparavant  pour- 
suivie de  proposilions  outrageantes,  s'emportant  même  à 
des  violences  qu'elle  dut  repousser  et  pour  lesquelles  il  fit 
des  excuses  publiques.  Ce  mariage  l'altacha  pour  le  reste 
de  sa  carrière  au  théâtre  de  Covent  Garden.  Elle  excellait 
dans  les  rôles  de  soubrette  ;  mais  elle  eut  le  tort  de  ne  pas 
savoir  vieillir  et  de  vouloir  jusqu'au  bout  jouer  des  per- 
sonnages dont  la  jeunesse  ne  convenait  plus  à  sa  figure. 
Elle  est  l'auteur  de  quelques  comédies  qui  ne  manquent  pas 
d'esprit,  comme  Smiles  and  Tears  et  The  Day  after  the 
Wedding.  B.-H.  G. 

KEMBLE  (Charles),  acteur  anglais,  né  en  1775,  mort 
en  1854.  Le  plus  jeune  des  quatre  fils  de  Roger  Kemble, 
il  fut  élevé,  comme  son  frère  John-Phdip,  au  collège  anglais 
de  Douai,  et  entra  d'abord  dans  l'administration  des  postes. 
Mais,  malgré  les  conseils  de  son  aîné,  il  s'engagea  bientôt 
dans  la  carrière  dramatique,  et  après  un  an  ou  deux  de 
pérégrinations  en  province,  où  il  apprit  péniblement  le  mé- 
tier, il  débuta  à  Drury  Lane  en  179  i.  Travailleur  acharné, 
toujours  en  quête  du  mieux,  il  vit  sa  réputation  grandir,  et 
après  un  repos  que  le  soin  de  sa  santé  lui  imposa  et  pen- 
dant lequel  il  visita  Vienne  et  Saint-Pétersbourg,  son  frère 
fut  heureux  de  le  prendre  avec  lui  à  Covent  Garden,  où  il 
rencontra  Marie-Thérèse  de  Camp^  qu'il  épousa  peu  après 
(V.  ci-dessus).  Devenu  directeur  du  théâtre  en  182^2,  il  eut 
à  lutter  contre  les  plus  grandes  difficultés  d'argent,  et  il 
ne  dut  d'éviter  une  catastrophe  qu'au  succès  de  sa  fille, 
miss  Fanny  Kemble,  plus  tard  Mrs.  Butler.  En  1832,  il  fit 
avec  elle  une  tournée  en  Amérique,  où  ils  furent  accueillis 
avec  enthousiasme,  et  au  cours  de  laquelle  miss  Kemble  se 
maria.  Il  parut  pour  la  dernière  fois  sur  la  scène  en  I8i0. 
En  1844,  il  fit  une  série  de  conférences  publiques  sur  Shake- 
speare. La  surdité  dont  il  était  affecté  depuis  longtemps 
devint  complète  vers  la  fin  de  sa  vie.  Charles  Kemble  jouait 
avec  une  égale  conscience  les  rôles  tragiques  et  les  rôles 
comiques,  déployait  dans  les  uns  comme  dans  les  autres 
des  qualités  de  premier  ordre.  Lui  et  son  frère  ont  créé 
une  école  d'artistes  qui  n'est  pas  encore  éteinte  et  qui  porte 
leur  nom.  Il  est  un  de  ceux  qui,  par  l'honorabilité  de  leur 
caractère  et  par  leur  talent,  se  sont  fait  une  place  à  part 
dans  l'histoire  du  théâtre  anglais.  B.-H.  G. 

KEM  BLE  (John-Mitchel),  philologue  et  historien  anglais, 
né  à  Londres  le  2  avr.  1807,  mort  à  Dublin  le  27  mars 
1857,  fils  aîné  du  précédent.  Après  avoir  étudié  le  droit, 
il  se  consacra  à  des  recherches  sur  la  littérature  anglo- 
saxonne,  voyagea  en  Allemagne,  puis  en  Espagne,  et  enfin 
ouvrit  un  cours  de  philologie  anglo-saxonne  à  Cambridge. 
Sa  réputation  date  du  jour  où  il  publia  une  chronique 
rimée  du  x®  siècle,  intitulée  Poem  of  Beawulf  (Londres, 
1832,  in-8;  2^  éd.,  1837)  ;  on  lui  doit  en  outre  de  nom- 
breux écrits,  notamment  :  First  llistory  of  the  En- 
glish  language  or  Anglo-saxon  period  (Cambridge, 
1834,  in-8);  Ueber  die  Stamintafel  der  Westsachsen 
(Munich,  1830,  in-8),  ouvrage  dédié  à  Jacob  (irimm;  .1 
Fe)o  Hisiorical  Picmarks  upon  thr  siipposed,  ÀnUqv.iljj 
of  Church  Pâtes [i^'àQ^  in-8);  Codex  diploniaticus  œvi 
Saxe» md  (1839-48,  6  vol.  in-8),  ouvrage  important  ren- 
fermant plus  de  1,400  documents  nouveaux,  publié  aux 
frais  de  l'English  Historical  Society;  The  Saxons  in 
England  (1849,  2  vol.  in-8;  nouv.  éd.  par  G  Birch  en 
1876);  State  Papers  a?id  correspondence  illustrative 
of  the  State  of  Ëuîvpe,  from  the  Révolution  to  the 
accessioyi  of  the  house  of  Hanover  (1857,  in-8)  ;  llom'- 


Ferales,  description  d'antiquités  préhistoriques,  ouvrage 
posthume  publié  par  les  soins  de  R.-G.  Latham  et  A.-W. 
Franks,  en  1863. 

KEMBLE  (Francesca-Anne,  dite  Fanny),  actrice  an- 
glaise, née  en  1809.  Fille  de  Charles  Kemble  et  nièce  de 
Mrs.  Siddons,cUe  embrassa  la  carrière  théâtrale  de  sa  famille 
et,  en  1829,  débuta  à  Londres  dans  Pioméo  et  Juliette 
avec  grand  succès.  Au  cours  d'une  tournée  en  Amérique, 
elle  abandonna  le  théâtre  pour  épouser  un  riche  Philadel- 
phien,  M.  Butler,  dont  elle  se  sépara  dans  la  suite.  Elle 
n'est  pas  remontée  sur  les  planches  et  a  donné  des  conté- 
rences  à  Londres,  à  Paris  et  aux  Etats-Unis,  où  elle  est 
fixée.  Elle  écrit  aussi  en  vers  et  en  prose. 

KEMELL  (Klas-Johan),  écrivain  finnois,  né  en  1805, 
mort  en  1833.  H  a  donné,  dans  sa  langue  maternelle,  plu- 
sieurs traductions  remarquables,  entre  autres  celle  de 
V Imitation  de  Jésus-Christ,  Ce  travail  exerça  une  grande 
influence  dans  le  pays,  tant  à  cause  de  la  pureté  du  style 
finnois,  qu'à  cause  du  sujet  religieux,  le  mysticisme  étant 
alors  très  en  faveur  en  Finlande. 

KEIVIÉNY  (Jean),  prince  de  Transylvanie  et  écrivain  hon- 
grois, né  en  1607  à  Bùkœs,  mort  en  1662  sur  le  champ 
de  bataille  de  Nagy-Szœllœs.  Bethlen  Gabor  l'admit  au 
nombre  de  ses  pages  dès  1622,  et  l'emplova  tout  jeune 
encore  à  des  missions  diplomatiques.  Partisan  de  Georges  1^=^' 
Râkéczy,  il  Faida  à  obtenir  la  paix  de  Linz.  Sous  Georges  H 
il  fit  de  brillantes  campagnes,  mais  en  1657  il  tomba  au 
pouvoir  des  Tatars  de  Crimée.  En  1661  il  succéda  à 
Georges  II  comme  prince  de  Transylvanie,  mais  les  Turcs 
alliés  d'Abafi  le  battirent  et  le  tuèrent.  L'historien  Szalay 
a  publié  en  1856  l'intéressante  Autobiographie  àQ  Ke- 
mény. 

KEMÉNY  (Sigismond,  baron),  romancier  et  publiciste 
hongrois,  né  à  Magyar-Kapud  en  J816,  mort  à  Puszta- 
Kamarâs  en  1875,  Son  activité  comme  journaliste  s'exerça 
d'abord  en  Transylvanie  (1840-1842),  où  il  rédigea  le 
Magyar  Hiradôen  même  temps  qu'il  dirigeait  l'opposition 
dans  la  Diète  provinciale.  Retiré  dans  ses' terres  en  1842, 
il  fonda  sa  réputation  de  romancier  par  son  Paul  Gyulai 
(1846),  forte  étude  du  caractère  de  l'homme  politique. 
Bientôt  il  se  rendit  à  Pest  pour  collaborer  au  Pesti  lîir- 
lap.  Membre  de  l'Assemblée  de  I8L8,  il  composa  après 
la  catastrophe  deux  petits  ouvrages  intitulés  :  Après  la 
Révolution,  Encore  un  Mot  après  la  Révolution  (Pest, 
1850  et  1851),  ainsi  que  deux  études  sur  Vesselényi  et 
Széchenyi.  Rédacteur  depuis  1861  du  Pesti  Naplô,  organe 
du  parti  Deâk,  il  mérita  par  sa  vigueur  dans'la  modéra- 
tion le  titre  de  «  roi  des  journalistes  magyars  ».  Les  romans 
qu'il  écrivit  depuis  1850  sont  de  deux  sortes  :  la  Veuve 
et  sa  fille,  les  Fanatiques,  les  Temps  sauvages  sont, 
comme  Paul  Gyulai,  des  pages  vraiment  historiques, puisées 
dans  de  sérieuses  recherches  comme  dans  une  riche  ima- 
gination ;  les  Abîmes  du  cœur,  Homme  et  femme, 
Amour  et  Vanité,  sont  de  profonds  romans  psychologiques. 
M.  Oecethy,  entre  autres  critiques,  a  bien  étudié  le  talent 
de  Kemény,  E.  S. 

BiBi..  :  SciîwiGKER,  Geschichie  derungar.  Litleratur. 

KEIVII.  Fleuve  de  Finlande,  dans  la  Laponie,  naît  au  S. 
du  lac  Enaré,  dans  les  collines  de  Suola  Selka,  reçoit  le 
Luirojoki,  forme  le  lac  Kemitrœsk  (144  kil.  q.),  où  se 
jettent  le  ILT.smœ  et  le  K()yk()nen,  contourne  les  collines 
de  Kivalo,  reçoit  le  Raudan  et  l'Ounas  et  se  jette  dans  le 
golfe  de  Botnie.  Il  parcourt  408  kil.  et  draine  un  bussin 
de  53,000  kil.  q. 

KEPs/ÎMEL  (Mont).  Colline  située  en  Heîoiquo,  à  6  kiL 
O^-N.-O.  de  Messines  (Flandre  occidentale).  Elle  n'a  que 
154  m.  d'alt.,  mais  comme  elle  se  trouve  complètement 
isolée  au  milieu  de  la  plaine  flamande,  elle  paraît  beaucoup 
plus  élevée.  Au  sommet  du  Kemmel  on  découvre  un  pano- 
rama grandiose  qui  s'étend  sur  les  deux  Flandres  etledép. 
du  Nord. 

KEWMERN.  Ville  do  Russie,  gouvernement  de  Livonie, 
à  6  kil,  du  golfe  de  Riga.  Station  balnéaire  très  fréquentée 


KEMMERN  —  KEMPTEN 


468 


à  cause  de  ses  eaux  sulfureuses  (+  6°)  employées  contre 

les  rhumatismes,  la  scrolule,  la  syphilis,  les  hémorroïdes. 

BiBL.  :  HoLST,  Das  Schwefelbad  Kemmern  ;  Riga,  1880. 

KEMP  (Terre  de).  Région  antarctique,  à  l'E.  de  la 
Terre  d'Enderby,  sous  le  cercle  polaire,  vers  58°  long.  E.  ; 
elle  fut  découverte  en  1863. 

KEMP  (George-Meekle),  architecte  écossais,  né  àMoor- 
foot  (Mid-Lothian)  le  25  mai  1795,  mort  à  Edimbourg  le 
6  mars  1844.  D'abord  berger  comme  son  père,  puis  habile 
ouvrier  charpentier,  Kemp  fut  mis  à  même  de  développer 
ses  dispositions  naturelles  pour  le  dessin  par  des  leçons  de 
perspective  et  par  l'étude  des  monuments  gothiques  dont  il 
fit  de  nombreux  relevés,  tant  en  Ecosse  et  en  Angleterre 
qu'en  France  et  dans  les  Pays-Bas.  Un  remarquable  mo- 
dèle en  beis  encore  existant  et  qu'il  fit  pour  compléter  les 
dessins  d'un  palais  projeté  par  W.  Burn  pour  le  duc  de 
Buccleuch,  commença  la  réputation  de  cet  artiste  qui  con- 
tribua brillamment  à  la  publication  intitulée  Old  Glasgow 
dans  laquelle  il  donna  de  nombreux  dessins  d'anciens  édi- 
fices religieux.  Il  étudia  ensuite  une  restauration  d'ensemble 
de  la  cathédrale  d'Edimbourg,  étude  qui  n'eut  pas  de  suite  ; 
mais  il  obtint  successivement  le  3®,  puis  le  1^^  prix  dans 
les  concours  ouverts  en  1836  et  1838  pour  l'édification 
d'un  monument  commémoratif  de  Walter  Scott  et  de  ses 
œuvres  dans  Prince's  Street  à  Edimbourg,  monument  de 
plus  de  60  m.  de  hauteur,  décoré  de  nombreuses  statues 
et  dont  Kemp  dirigea  la  construction  jusqu'en  1844,  époque 
à  laquelle  il  se  noya  accidentellement  dans  le  canal  d'Edim- 
bourg. Charles  Lucas, 

KEMPE  (Anders),  alchimiste  et  médecin  suédois,  né  en 
Vestergothie  en  1622,  mort  à  Altona  en  1688  ou  1689. 
D'abord  officier  d'artillerie,  il  quitta  le  service  en  1664 
et  s'établit  à  Trondhjem,  où  —  ayant  étudié  l'alchimie  au 
régiment  —  il  se  mit  à  exercer  la  médecine.  Ses  divers 
ouvrages  et,  sans  doute  aussi,  les  médicaments  qu'il  inven- 
tait et  confectionnait,  lui  valurent  bientôt  une  grande  re- 
nommée et  quelques  persécutions.  Déjà  célèbre,  il  alla  s'éta- 
blir à  Hambourg  (1675),  où  il  espérait  être  moins  inquiété 
qu'en  son  pays.  Il  y  vécut  plusieurs  années  tranquille, 
publiant  beaucoup  en  suédois  et  surtout  en  allemand, 
lorsque,  en  1688,  un  ouvrage  intitulé  hraëls  erfreuliche 
Botschaft,  dédié  à  un  riche  juif,  fut  jugé  contenir  des  pro- 
positions hérétiques  et  le  fît  exiler  de  la  ville.  Il  se  retira 
à  Altona  où  il  mourut  bientôt.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  Probalorium  Theologiciim  (Amsterdam,  1664); 
Harmonia  Fidei  etReligionis  (Amsterdam,  1671);  Die 
Sprachen  des  Paradieses  (1688),  où  il  cherche  à  prou- 
ver que  le  suédois  était  la  langue  du  Paradis.  —  Son  fils, 
Johan,  né  en  1655,  mort  à  une  date  inconnue,  s'acquit 
une  grande  réputation  en  Suède  comme  médecin.     Th.  G. 

KÈMPE  (Axel),  professeur  et  érudit  finlandais,  né  en 
1623,  mort  à  Âbo  le  4  janv.  1682.  En  1650,  après  avoir 
pris  ses  grades  à  l'universjté  d'Âbo,  il  fut  nommé  biblio- 
thécaire de  l'Académie  d'Abo,  puis,  quelques  années  plus 
tard,  professeur  adjoint  de  politique  et  d'histoire  à  Funi- 
vorsité  de  cette  même  ville.  Sa  Philosophia  moralis  siue 
ethica,  qui  parut  en  1656,  obtint  un  grand  succès,  ainsi 
que  les  dissertations  qu'il  pubha  pour  y  faire  suite.  L'évêque 
GezeUus  reprocha  à  Kempe  de  «  divulguer»  la  constitution 
du  gouvernement.  Traduit  en  jugement,  Kempe  fut  acquitté, 
mais  le  chancelier  décida  que  de  pareils  travaux  ne  seraient 
plus  publiés  sans  autorisation  royale.  Th.  G. 

KEIVIPE  (Anna-Elisa)  (V.  Bray  [Mrs.]). 

KEMPELEN  (Wolfgang  de),  mécanicien  autrichien,  né 
à  Presbourg  le  23  janv.  1734,  mort  à  Vienne  le  26  mars 
1804.  il  inventa  en  1769  un  automate  joueur  d'échecs 
(derrière  lequel  se  cachait  un  homme)  qui  eut  le  plus  vif 
succès  dans  toute  l'Europe  ;  il  est  décrit  dans  le  Leipziger 
Magaxdn  fur  Naturkunde  de  1784,  et  fut  brûlé  à  Phila- 
delphie en  1854.  Kempelen  fabriqua  ensuite  une  machine 
à  parler  (1788)  et  publia  :  Mechanismus  der  mensch- 
licheii  Sprache  (Vienne,  1791,  av.  27  pi.). 

KEMPEN.  Ville  de  Prusse,  district  de  Dusseldorf  (Prov. 


rhénane),  nœud  de  plusieurs  voies  ferrées  ;  6,000  hab. 
Patrie  de  Thomas  a  Kempis,  Le  17  janv.  1642,  les 
Franco-Hessois  de  Guébriant  y  défirent  les  Impériaux  de 
Lamboy. 

KEMPEN  ou  KEMPNO.  Ville  de  Prusse,  province  et 
district  de  Poznan,  sur  le  Niesjob,  affluent  de  la  Prosna  ; 
6,000  hab.  Elle  fut  fondée  en  1661  par  des  protestants 
allemands. 

KEMPEN EER  (Pieter  de)  (V.  Gampana  [Pedro]). 

KEMPEN FELT  (Richard),  amiral  anglais,  né  à  West- 
minster en  1718,  mort  en  mer  le  29  août  1782.  Entré 
jeune  dans  la  marine,  il  servit  surtout  aux  Indes  et  parti- 
cipa à  la  prise  de  Portobello.  En  1780,  il  était  contre-ami- 
ral. Chargé  en  1781  d'attaquer  une  escadre  française  com- 
mandée par  de  Guiches,  il  la  rencontra  dans  les  parages 
d'Ouessant,  s  empara,  grâce  à  unemanœuvre  des  plus  habiles, 
d'une  vingtaine  de  vaisseaux  et  contraignit  le  reste  à  se 
réfugier  à  Brest  (12  déc).  Ce  fut  le  plus  brillant  fait  de 
guerre  de  toute  la  campagne.  Kempenfelt  reprit  la  mer  en 
avr.  1782  et  reçut  l'ordre  de  ravitailler  Gibraltar.  Le 
Royal-George  sur  lequel  il  avait  arboré  son  pavillon  som- 
bra corps  et  biens  avec  huit  cents  hommes  d'équipage  et  de 
passagers.  Kempenfelt  a  laissé  tout  un  code  de  signaux  en 
grand  progrès  sur  l'ancien  système  et  un  recueil  de  poésies  : 
Original  Hymns  and  poems  publié  en  1777  sous  le  pseu- 
donyme de  Philotheorus.  R.  S. 

KEM  PENSKŒLD  (Samuel),  érudit  suédois,  né  à  OErebro 
en  1599,  mort  en  1670.  Après  avoir  rempli  plusieurs 
charges  dans  l'enseignement  public,  il  fut  anobli  en  1647 
et  changea  alors  son  nom  de  Kempe  en  celui  de  Kempens- 
kold.  Il  fut  nommé  deux  ans  plus  tard  secrétaire  de  la 
maison  de  la  noblesse.  Il  doit  sa  réputation  principalement 
à  un  ouvrage  sur  Gustave  P^,  intitulé  Historiée  serenis- 
simi  et  potentissimi  Principis  ac  domini  Gustavi 
Primi...  libri  F,  dialogistica  forma  in  usum  studiosœ 
juventutis  (Strengnesiae,  1648,  petit  in-32;  1^^  éd.  en 
1629).  Th.  G. 

KEMPER  (Jean-Melchior),  jurisconsulte  hollandais,  né 
à  Amsterdam  en  1776,  mort  à  Amsterdam  en  1824.  Il 
professa  le  droit  naturel,  le  droit  civil  et  le  droit  des  gens 
successivement  aux  universités  de  Harderwyck,  d'Amster- 
dam et  de  Leyde.  Ennemi  déterminé  de  la  France,  il  fut  un 
des  promoteurs  du  soulèvement  de  1813.  Après  l'avène- 
ment de  Guillaume  P^,  Kemper  fut  anobli,  appelé  au  con- 
seil d'Etat,  nommé  recteur  de  l'université  de  Leyde,  et 
chargé  d'organiserl  es  établissements  d'instruction  publique 
du  nouveau  royaume.  En  même  temps  il  était  envoyé  aux 
Etats  généraux  par  les  électeurs  de  la  Hollande  septen- 
trionale. Il  joua  un  rôle  brillant  dans  cette  assemblée,  pré- 
para et  fit  voter  les  principalesl  ois  organiques,  et  obtint  à 
diverses  reprises  des  succès  oratoires  retentissants.  Il  avait 
publié  un  gi  and  nombre  d'ouvrages  remarquables  dont  voici 
les  principaux  :  le  Code  criminel  du  royaume  de  Hol- 
lande comparé  au  droit  romain  et  à  Vanciendroit  néer- 
landais (en  holL,  Amsterdam,  1809,  in-8)  ;  Etudes  sur 
le  temps  présent  (id.,  La  Haye,  1816,  in-8)  ;  Histoire 
du  nouveau  code  civil  hollaridais  (id.,  La  Haye,  1820- 
21,  3  vol.  in-8).  Ses  Discours  ont  été  réunis  et  publiés 
par  J.  de  Bosch-Kemper  (Amsterdam,  1835,  3  vol.  in-8). 

BiBL.  :  SiEGENBEEiv,  Memovia  Kemperi;  Leyde,  1824, 
in-8.  —  Du  même.  Histoire  de  l'université  de  Leyde  [en 
hoU.]  ;  Leyde,  1829-32,  3  voL  in-8. 

KEM  PIS  (Thomas  a)  (V.  Thomas). 

KEIVIPT.  Lac  du  Canada,  province  de  Québec,  entre  47 
et  48^  lat.  N.  H  porte  le  nom  d'un  gouverneur  du  Canada 
(1828-30). 

KEMPTEN.  Ville  d'Allemagne,  royaume  de  Bavière, 
province  de  Souabe,  sur  Villei;  15,000  hab.  Cotonnades, 
bonneterie,  papeterie,  commerce  de  denrées  agricoles.  Cette 
ville,  qui  existait  à  l'époque  romaine  sous  le  nom  de  Cam- 
hodumwi,  fut  le  siège  d'une  célèbre  abbaye  bénédictine, 
fondée  par  Hiidegarde,  troisième  femme  de  Charlemagne, 
en  773.  Les  abbés  devinrent  princes  d'Empire  en  1360. 


469  — 


KEMPTEN  —  KENIENS 


Ils  possédaient  les  districts  actuels  d'Obergiinzburg  et  Grse- 
nenbach.  Autour  de  Tabbaye  se  forma  sur  la  hauteur  une 
ville,  dite  «  ville  neuve  »,  qui  entra  en  conflit  avec  la 
«  vieille  ville  »  de  la  vallée.  Celle-ci,  reconnue  ville  libre 
en  1289,  aâTiiiée  à  la  ligue  souabe,  embrassa  la  Réforme 
en  4527.  Dans  la  guerre  de  Trente  ans,  les  Impériaux 
s'emparèrent  de  Kempten  en  1633  et  1634,  la  reperdirent 
en  1646.  Les  Français  la  prirent  en  4703;  le  47  sept. 
4796,  ils  y  combattirent  les  Autrichiens.  En  4803,  la  ville 
et  l'abbaye  furent  annexées  à  la  Bavière. 

KEMTCHIK.  Rivière  de  l'empire  chinois,  à  l'O.  de  la 
Mongolie,  affluent  gauche  de  l'Oulou-Kem,  qui  prend  en 
aval  de  son  confluent  le  nom  d'Eniséi.  Son  bassin  est 
presque  désert. 

KEN,  KAYAN  ou  KARNAVATI  {Karnas  des  Grecs). 
Rivière  de  l'Inde,  affluent  droit  de  la  Djemna,  nait  au  N. 
des  monts  Vindhyas,  traverse  les  monts  Bander  par  un 
pittoresque  défilé,  les  longe  jusqu'au  confluent  du  Sonar, 
descend  les  Ghats  de  Panna  et  arrose  le  BundelKhand.  Elle 
a  370  kil.  de  long  ;  son  débit  varie  de  84  à  44,000  m.  c. 
par  seconde. 

KEN  (Thomas),  prélat  anglais,  né  dans  le  Hertfordshire 
en  juil.  4637,  mort  à  Longleal  le  49  mars  4744.  Entré 
dans  les  ordres  en  4664  ou  4662,  il  fut  attaché  à  la  mai- 
son de  la  princesse  d'Orange,  mais  déplut  à  Guillaume  et 
accompagna  lord  Darmouth  à  Tanger.  Revenu  en  Angle- 
terre, il  se  fit  une  grande  réputation  de  prédicateur  et  de- 
vint, en  1684,  évêque  de  Bath  et  Wells.  Il  assista  Charles  II 
à  son  lit  de  mort  et  lui  conseilla  d'éloigner  la  duchesse  de 
Portsmoulh.  Jacques  II  lui  témoigna  un  grand  respect. 
Ken  n'était  pas  pourtant  un  évêque  de  cour.  Très  rigide  et 
très  bienfaisant,  il  dépensait  en  aumônes  les  maigres  revenus 
de  son  siège.  En  4687,  un  sermon  qu'il  prononça  devant 
la  princesse  Anne  contribua  au  renversement  du  parti  pa- 
piste. Il  fit  une  opposition  tenace  aux  déclarations  d'indul- 
gence (4688),  s'associa  à  la  campagne  des  «  Sept  Evêques  », 
et  fut  envoyé  à  la  Tour.  Délivré  par  la  révolution,  il  ne 
voulut  pourtant  pas  reconnaître  Guillaume  d'Orange,  et 
fut  privé  de  son  siège  épiscopal  en  avr.  4691.  Malgré  les 
instances  de  la  reine  Anne,  il  refusa  de  le  reprendre  en 
4702.  Il  a  laissé  de  nombreux  ouvrages  de  théologie,  des 
sermons,  etc.,  recueillis  en  partie  par  Hawkins  en  4713, 
par  Round  en  4838,  par  Benham  en  4889,  et  4  volumes 
de  poésies  publiés  par  Hawkins  en  1724.  Macaulay  écrit 
de  lui  :  «  C'était  un  homme  de  talent  et  de  grande  science, 
d'une  vive  sensibilité  et  d'une  vertu  sans  tache.  Ses  ou- 
vrages de  longue  haleine  sont  oubhés,  mais  ses  hymnes  du 
matin  et  du  soir  sont  encore  récitées  chaque  jour  dans 
des  milliers  de  familles  ».  R.  S. 

BiBL.  :  Hawkins,  Short  Account  of  Ken's  life^  1713.  — 
BowLES,  Life  of  Ken^  1830,  2  vol.  —  Anderdon,  Life  of 
Ken,  1851-51,  2  vol.—  Plumptre,  Life  of  Ken,  1888,  2  vol. 

KEN  AÏ.  Presqu'île  de  l'Alaska,  entre  les  bras  de  mer 
de  Cook  et  Prince- William.  Il  y  existe  un  fort. 

KEN  AÏ  ou  THNAINA.  Peuple  de  Peaux -Rouges  de 
l'Alaska;  ils  se  rapprochent  des  A thabascas  formant  la 
transition  avec  les  Hyperboréens  (Esquimaux  et  autres). 
Leur  langue  se  rattache  au  groupe  athabasca.  Ils  vivent 
de  chasse.  On  en  compte  de  40  à  20,000.  Ils  pratiquent 
l'exogamie,  la  crémation  ou  la  dessiccation  des  cadavres, 
se  tatouent.  Leurs  tribus  les  plus  importantes  sont  :  les 
Kai-Youkhotana  ou  Ingalik,  riverains  du  Youkou  et  du 
Kuskowin  supérieur  ;  les  Natchekoutchin  ou  Gens  de 
Large;  elles  Atna ou  Yellow-Knifes^  riverains  de  l'Atna 
ou  Rivière  du  Cuivre  (V.  Alaska). 

BiBL.  :  Radlow,  dans  Bulletin  de  l'Académie  de  Saint- 
Pétersbourg.  —  Petrov,  Report  on  the  population  of 
Alaska,  1880. 

KENAMOU.  Fleuve  de  Labrador  parsemé  de  rapides  et 
de  lacs  qui  coule  vers  le  N.  et  finit  dans  le  golfe  Harailton. 

KENATSA.  Petite  ville  du  Maroc,  entre  le  territoire  des 
Oulad  Djeriret  celui  des  Douï  Menia,  non  loin  des  sources 
du  même  nom  dans  la  région  qui  sépare  le  Sud  oranais  des 
oasis  du  Tafilalet.  Kenatsa  est  bâtie  au  milieu  d'une  petite 


mer  de  sables  et  à  la  base  d'un  plateau  isolé  ;  on  y  voit  une 
zaouïa  de  l'ordre  de  Sidi  Mohammet  bou  Zian  qui  date  du 
XI®  siècle  et  qui  est  célèbre  au  loin. 

KENDAL  ou  Kl RKBY-in-Kendal.  Ville  d'Angleterre, 
comté  de  Westmoreland,  sur  la  rive  droite  du  Ken,  stat.  du 
chem.  de  fer  de  Lancaster  à  Windermere ;  23,832  hab. 
Bonneterie  ;  draps.  —  C'est  une  ville  ancienne,  avec  une 
belle  église  du  xiii*^  siècle,  dans  une  contrée  charmante. 

KENDALL  (George- Wilkins),  journahste  américain,  né 
en  4807,  mort  en  1867.  Il  a  publié  sur  les  conflits  entre 
les  Etats-Unis  et  le  Mexique  d'intéressants  récits  :  JSarra- 
tive  of  the  Texan  Santa-Fe  expédition  (4844,  2  vol. 
in-I2);  et  The  War  between  the  United  States  and 
Mexico  {\^f>i,  in-foL). 

KEN D RICK  (Joseph),  statuaire  anglais  du  xix°  siècle. 
Elève  de  l'Académie  royale,  il  a  exposé  jusqu'en  4829.  On 
connaît  de  lui  des  monuments  à  Saint-Paul,  des  bustes  et 
des  groupes  en  marbre,  notamment  Adam  et  Eve  pleu- 
rant sur  le  corps  d'àhel. 

KEN  D  RICK  (Émma-Eléonore),  miniaturiste  anglaise,  née 
en  1788,  morte  en  1874,  fille  du  précédent.  De  4844  à 
4840,  elle  exposa  régulièrement  à  l'Académie  royale,  et  en 
4834  fut  nommée  miniaturiste  ordinaire  du  roi.  Elle  a  aussi 
fait  de  l'aquarelle  et  écrit  un  livre  technique. 

KENEALY  (Edward-Vaughan-lIyde),  politicien  et  écri- 
vain anglais,- né  à  Cork  le  2  juil.  4849,  mort  à  Londres 
le  46  avr.  4880.  Membre  du  barreau  irlandais  dès  4840, 
du  barreau  anglais  en  4847,  il  devint  conseiller  de  la  reine 
en  1868,  et  acquit  une  grande  réputation  en  plaidant  les 
causes  politiques,  celle  entre  autres  à^^  fenians.  Il  s'em- 
porta à  de  telles  violences  de  langage  qu'en  4874  il  se  fit 
rayer  de  la  liste  des  avocats.  Il  fonda  alors  la  Magna 
Ckarta  Association  et  réussit  à  se  faire  élire  au  Parlement 
par  Stoke  en  4875.  Il  a  laissé  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages parmi  lesquels  :  Brallaghan  or  the  Deipnoso- 
phists  (4845)  ;  Gœthe  (4850);  trois  volumes  de  vers  (4875- 
79),  etc.  R.  S. 

KENEGHEZ.  Tribu  de  la  Boukharie,  de  la  race  des 
Uzbegs,  soumise  par  les  Russes  en  1 868  ;  elle  habite  le 
pays  de  Chehri-Sebz  et  se  divise  en  cinq  clans  :  Abakhly, 
Atchamaïly,  Kaïrasaly,  Tarakli,  Tchekhout. 

KEN  EH  ou  KINNEH.  Ville  de  la  Haute-Egypte,  ch.-l. 
de  district,  à  droite  du  Nil,  au  N.  des  ruines  de  Thèbes; 
46,000  hab.,  en  grande  partie  Coptes  et  Grecs.  Ses  dattes, 
ses  poteries,  ses  danseuses  sont  renommées.  Elle  commerce 
par  Kosseir  avec  l'Arabie  et  l'Inde. 

KENIA  (Mont).  Mont  isolé  de  l'Afrique  orientale,  à  0*^40' 
lat.  S.  et  400  kil.  de  la  côte;  5,500  m.  d'alt.  environ. 
Découvert  par  Krapf  (4849),  il  fut  exploré  par  Thomson 
(1883). 

KENIEKA.  Pays  du  Soudan  français,  au  N.  du  Niger,  à 
FE.  du  Kaarta  ;  compris  dans  l'empire  de  Sego,  il  se  plaça 
sous  le  protectorat  français  en  4882.  Le  centre  principal 
est  Mourdia. 

KÉNIENS,  KÉNITES,  CINÉENS.  On  signale  la  pré- 
sence, en  plusieurs  points  de  la  Palestine  ancienne,  de 
groupes  de  populations  dénommés  Kéniens,  et  l'on  asstire 
que  c'étaient  les  descendants  de  la  famille  madianite,  oîi 
Moïse  avait  pris  femme.  Un  de  ces  groupes  résidait  dans 
la  partie  méridionale  du  territoire  de  Juda,  un  autre  à  l'ex- 
trême Nord  du  pays.  On  justifie  leur  présence  sur  le  terri- 
toire dévolu  à  Israël  par  des  services  exceptionnels  que  les 
Kéniens  auraient  rendus  à  Israël  lors  de  la  traversée  au 
désert.  Le  groupe  méridional  est  mentionné  à  plusieurs 
reprises  dans  les  livres  historiques  ;  Saiil  donne  des  ordres 
spéciaux  pour  qu'ils  soient  épargnés  lors  d'une  expédition 
dirigée  contre  les  Amalécites,  leurs  voisins  ;  David  gagne 
la  faveur  de  leurs  chefs  en  leur  distribuant  une  partie  du 
butin  fait  sur  ces  mêmes  Amalécites.  C'est  à  une  femme 
appartenant  aux  Kéniens  du  Nord  que  revient  l'honneur  de 
mettre  à  mort  le  redoutable  Sisara.  —  Les  Kénites  ou 
membres  de  la  tribu  de  Kain  sont  donc  un  groupe  de  po- 
pulation non-israélite,  probablement  madianite,  originaire 


KÉNÏENS  -  KENNEDY 


-  470  — 


du  désert  syro-arabe  ou  de  la  péninsule  sinaïtique,  qui  se 
fit  sa  place  au  milieu  des  Hébreux.  M,  Vernes, 

BiBL.  :  Vernes,  Essais  bibliques,  1891,  pp.  252-254  et 
261-262. 

RENIERA.  Ville  du  Soudan  français,  sur  le  Soussa, 
affl.  de  dr.  du  Dioliba(Niger),à  d30  kil.  S.  de  Baraakou. 
En  févr,  4883,  elle  fut  brûlée  par  Samory  que  le  colonel 
Borgnis-Desbordes  défit  ensuite. 

KEN  IG  (Joseph),  publiciste  polonais,  né  à  Plock  en  i  822. 
Après  avoir  débuté  dans  l'enseignement,  il  devint  collabo- 
rateur à  la  Gazette  de  Varsovie  et  se  fit  surtout  remar- 
quer par  des  articles  de  critique  et  d'esthétique.  Il  devint, 
en  1873,  directeur  de  la  Gazette  de  Varsovie.  —  Sa  femme, 
Salomée  Kenig,  née  Palinska  (1831--73),  fut  une  actrice 
distinguée  et  tint  pendant  une  vingtaine  d'années  les  pre- 
miers rôles  du  théâtre  de  Varsovie. 

KENILWORTH.  Village  d'Angleterre,  comté  de  War- 
wick,  à  7  kil.  du  chef-lieu.  ;  6,092  Iiab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  d'Oxford  à  Coventry.  Tanneries,  produits  chimiques. 
—  Ruines  d'un  château  célèbre,  fondé  sous  Henri  l^^  par 
son  trésorier  G.  de  Clinton,  possédé  par  Simon  de  Mont- 
fort  dont  les  adhérents  y  résistèrent  six  mois  après  sa  mort  ; 
Edouard  II  y  fut  quelque  temps  prisonnier;  Edouard  111 
le  donna  à  Jean  de  Gand,  Elisabeth  au  comte  de  Leicester 
qui  lui  ofTrit  dans  ce  château  des  fêtes  magnifiques  (1575); 
il  fut  démoli  par  les  soldats  de  Cromwell.  Walter  Scott  l'a 
popularisé. 

KEN  MARE,  Baie  de  l'extrémité  S.-O.  de  VIrlande 
(V.  ce  mot,  t.  XX,  p.  946). 

KEN  IVIO RE.  Village  d'Ecosse,  comté  de  Perth,  à  40  kil. 
du  chef-lieu,  avec  un  territoire  de  plus  de  26,000  hcct., 
en  grande  partie  boisés;  1,710  hab.  Château  de  Tay- 
mouth. 

KENNAWAY-DouGLAS  (V.  Douglas  [Robert]). 

KEN NEBEC.  Fleuve  des  Etats-Unis  (Maine),  qui  se  jette 
dans  la  baie  du  même  nom  ;  il  sort  du  lac  Moosehead  et 
parcourt  260  kil.,  dont  120  navigables.  La  glace  la  ferme 
du  15  déc.  au  1®^  avr. 

KENNEDY,  comtes  de  Cassillis.  Ancienne  famille  écos- 
saise qui  descend  de  Duncan,  comte  de  Carrick  (1228).  Le 
premier  comte  fut  David  Kennedy  (1510),  qui  mourut  à 
Flodden  (9  sept.  1513).  —  Le  second,  Gilbert,^  ambas- 
sadeur en  Angleterre  en  1516,  fut  tour  à  tour  allié  et  ad- 
versaire d'Arran  et  d'Angus  ;  il  fut  un  des  quatre  nobles 
qui  eurent  la  garde  de  Jacques  V,  enfant. —  Le  quatrième, 
Gilbert  (1541-76),  qu'on  appelait  communément  «  le  roi 
de  Carrick  »,  fut  un  chaud  partisan  de  Marie  Stuart.  Il 
est  célèbre  par  ses  exactions  et  ses  cruautés  dont  W.  Scott 
a  tiré  parti  dans  luaniioe.  —  Le  sixième,  John  (1595- 
1668),  presbytérien  rigide,  prit  une  part  prépondérante  à 
l'opposition  contre  la  politique  religieuse  de  Charles  P^ 
(1638).  Pourtant  il  refusa  de  s'entendre  avec  Cromwell 
qui  confisqua  ses  biens.  Charles  II  le  nomma  lord  justice 
gênerai  en  1649.  On  a  faussement  identifié  sa  l'emme 
Jeanne  Hamilton  avec  la  Gypsy  Laddie,  dont  les  aventures 
foat  l'objet  de  tant  de  ballades  (Finlay,  Kirkpatrick,  Sharpe, 
R.  Chambers,  etc.).  —  Le  septième  comte  John  (1646- 
1701),  membre  du  parti  patriote  qui  combattit  le  gouver- 
nement de  Lauderdale,  devint  en  1689  conseiller  privé 
de  Guillaume  d'Orange  et  lord  de  la  Trésorerie.    R.  S. 

BiBJL.  :  Historical  Account  of  the  noble  family  of  Ken- 
nedy ;  Edimbourg,  1849. 

KEN  N  EQY  (John),  numismatiste  anglais  du  xvm^  siècle, 
mort  en  1760.  Il  habita  Smyrne  la  plus  grande  partie  de 
sa  vie,  recueillant  avec  passion  les  monnaies  grecques  et 
romaines-  Sa  riche  collection  fut  vendue  à  Londres  le  8  et 
9  mai  1760  et  achetée  en  grande  partie  par  le  Musée  bri- 
tannique; 256  monnaies  de  Carausius  et  89  d'AUectus, 
acquises  par  Webb,  sont  maintenant  dans  le  musée  Hunter, 
à  (:i^lasgow.  Kennedy  a  publié  les  ouvrages  suivants  :  A 
Dissertation  upon  Oriuna  (1751 ,  in -4)  ;  Further 
Observations  on  Carausius  and  Oriuna  (1756,  in-4); 
A  Letter  toD^  Stukeley^  sur  le  même  sujet  (1759,  in-4)  ; 


Numismata  selectiora,  dans  les  Litt,  Anecdota  (t.  Il 
283).  E.  Bâbelon.    ' 

KENNEDY  (Grâce),  femme  auteur  anglaise,  née  à  Pin- 
more  (Ayrshire)  en  1782,  morte  à  Edimbourg  le  28  févr. 
1825.  Elle  est  connue  surtout  par  un  roman,  Father  Clé- 
ment (1823),  qui  atteignit  rapidement  sa  douzième  édition 
et  fut  traduit  dans  presque  toutes  les  langues  européennes. 
Citons  encore  '.Profession  is  notprinciple{;{%^^\  8^ éd., 
1855)  ;  Jessy  Allan  (J853,  12^  éd.)  ;  Aima  Ross  the  or- 
phan  of  Waterloo  (1852,  10^  éd.).  Ses  OEuvres  com- 
plètes ont  été  données  à  Edimbourg  (1827,  6  vol.  in-12) 
et  réimprimées  en  1 836  à  Bruxelles.  Une  traduction  alle- 
mande de  ses  OJ^uvres  choisies  parut  à  Bielefeld  en  1 844 
(2  vol.  in-8).  R.  S. 

KENNEDY  (Sir  James  Shâw-)  (V.  Shaw-Kennedy). 

KENNEDY  (John-Pendleton),  écrivain  américain,  né  à 
Baltimore  le  25  oct.  1795,  mort  à  Newport  (Rhode  Island) 
le  18  août  1870.  Avocat  à  Baltimore  (1816),  il  pubhaavec 
son  ami  P.  Hoffmann  Cruse  une  revue  de  prose  et  vers, 
The  Jled  Book  (1818-20),  Trois  de  ses  romans  eurent  de 
vifs  succès  :  Swallow  Barn  (1832),  description  de  la  vie 
de  planteur  en  Virginie;  Horseshoe  Robinson  (1835)  ;  R^ob 
of  theBoivl  (1838),  légende  du  Maryîand.  11  s'attacha  au 
parti  whig,  fut  élu  au  Congrès  de  1838  à  1845  ;  choisi  par 
Fdlmore  comme  secrétaire  d'Etat  pour  la  marine  (1852), 
il  seconda  l'expédition  de  Perry  au  Japon,  se  retira  l'année 
suivante  pour  se  consacrer  aux  affaires.  Il  publia  une  bio- 
graphie de  ^.  Wirt  (1849,  2  vol.).  On  a  réuni  ses  Poli- 
tical  and  officiai  Paper  s  (1872). 

BiBL.  :  Inkermann,  Life  of  J.  Pendleton;  New  York, 

1871. 

KENNEDY  (John-Pitt),  ingénieur  mihtaire  anglais,  né 
à  Donagh  le  8  mai  1796,  mort  à  Londres  le  28  juin  1879. 
Après  avoir  passé  par  l'Académie  militaire  de  Woolwich, 
il  entra  en  1815  dans  le  corps  du  génie.  Lorsque  Charles 
Napier  devint  résident  de  Céphalonie  (1822),  Kennedy  fut 
nommé  directeur  des  travaux  publics  et  dota  l'Ile  de  routes, 
de  quais,  de  marchés.  En  1831,  il  se  dévoua  tout  entier  à  la 
réforme  des  détestables  systèmes  de  culture  en  usage  en 
Irlande,  fonda  une  ferme  modèle,  des  écoles  profession- 
nelles pour  les  fermiers  et  nommé  en  1837  inspecteur  gé- 
néral du  département  de  l'instruction  pubhque  d'Irlande, 
imagina  un  plan  d'enseignement  agricole,  qui  devait  com- 
prendre une  école  nationale,  des  écoles  du  second  degré 
dans  chaque  province,  des  écoles  du  3^  degré  dans  chaque 
comté,  des  écoles  du  4<^  degré  dans  chaque  baronnie  et  des 
écoles  du  5<^  degré  annexées  à  toutes  les  écoles  primaires. 
Ce  plan  fut  fort  mal  accueilli  par  l'administration  et  Ken- 
nedy démissionna.  Napier  défendit  ses  vues  dans  son  Essay 
addressed  to  irish  absentées  in  thè  State  of  Jreland, 
En  1843,  Kennedy  fut  nommé  secrétaire  de  la  «  commis- 
sion du  Devon  »,  qui  fit  une  vaste  enquête  sur  la  situation 
foncière  de  l'Irlande  et  pubha  cinq  énormes  in-folios  pleins 
de  renseignements  précieux.  Au  printemps  de  1848,  il  fut 
chargé,  sur  sa  demande,  de  la  défense  de  Dublin  où  se  pro- 
duisait un  commencement  de  révolution  qui  avorta,  grâce 
aux  sages  mesures  qu'il  sut  prendre  à  temps.  Napier,  de- 
venu commandant  en  chef  de  l'Inde,  le  réclama  pour  se- 
crétaire mihtaire  (1849).  Kennedy  construisit  la  grande 
route  stratégique  de  Simla  au  Tibet,  qui  porte  encore  son 
nom.  Il  dut,  en  1852,  revenir  en  Angleterre  pour  raison 
de  santé.  Il  fut  promu  lieulenant-colonel  en  1853.  Il  a 
laissé  de  nombreux  ouvrages  parmi  lesquels  nous  citerons  : 
ïreland  iranquilized  without  soldiers  and  enrichcd 
tvithout  English  Capital (l.oudres,  1835,  in-8);  Régu- 
lations for  promoting  agricultural  instruction  and 
agricultural  employement  (1835,  in-8)  ;  Road  making 
in  the  Hills  (Agra,  1850,  in-8);  Finances,  military 
occupation^  governement  and  industrial  develop- 
ment  0/1/1^^(1853-58,  2  vol.  in-8)  ;  National  Défen- 
sive Measnres  (Londres,  1860,  in-8);  British  Home  and 
colonial  Empire  (1865-69,  2  vol.  in-foL).  R.  S. 

KENNEDY    (Patrick),  écrivain  irlandais^  né  dans  le 


471  -  KENNEDY  —  KENNICOTT 


comté  de  Wexford  en  1801,  mort  à  Dublin  le  28  mars 
1873.  Libraire  à  Dublin,  il  est  connu  par  ses  études 
approfondies  sur  les  traditions  populaires  et  l'archéologie 
irlandaises.  Son  principal  ouvrage  est  Legendary  Fictions 
of  the  irish  Celts  (1866,  nouv.  éd.,  1892),  qu'il  recueillit 
lui-même  de  la  bouche  des  conteurs  populaires.  Citons  en- 
core :  The  Banks  of  the  Boro  (1867),  chronique  du  comté 
de  Wexford;  Evenings  in  the  Diijfrey  (1869);  The 
Bar  die  Stories  of  Ireland  (1871)  elLegends  of  mount 
Leimier  (1835),  publié  sous  le  pseudonyme  d'Harrv 
Whitney.  R.  S.  *' 

KENNEDY  (William-Denholm),  peintre  écossais,  né  en 
1813,  mort  en  1865.  11  étudia  d'abord  à  Edimbourg,  puis 
à  Londres,  et  obtint  de  l'iVcadémie  royale  utie  bourse  de 
voyage.  Après  un  séjour  de  deux  années  en  Italie,  d'où  il 
rapporta  beaucoup  de  copies  et  d'études,  il  s'établit  à  Lon- 
dres, où  jusqu'à  sa  mort  il  exposa  assidûment  dans  tous  les 
genres,  il  a  surtout  réussi  le  paysage  italien  classique.  Avec 
une  palette  riche,  une  facture  large,  une  belle  ordonnance, 
il  manque  d'originalité  et  de  caractère.  Il  ne  tint  pas  ses 
promesses  de  jeunesse  et  finit  dans  la  pauvreté  et  l'oubli. 

KENNEDYA.  l.  BoiANiauE.  —  Genre  de  Légumineuses, 
du  groupe  des  Phaséolées,  comprenant  une  douzaine  d'herbes 
vivaces  ou  sulFrutescentes,  dressées  ou  grimpantes,  toutes 
originaires  de  l'Australie.  Elles  sont  caractérisées  par  les 
lobesN  calicinaux  séparés  jusqu'à  la  base,  sauf  les  deux  su- 
périeurs ;  par  la  carène  en  général  égale  aux  ailes  ou  plus 
longue,  et  l'étendard  dépourvu  d'appendices  ou  seulement 
légèrement  infléchi  sur  ses  bords  à  la  base  ;  enfin,  par  les 
graines  arillées.  D"^  L.  Hn. 

IL  Horticulture.  —  Les  Kennedyase  cultivent  comme 
plantes  grimpantes  dans  les  serres  froides  ou  tempérées  en 
pleine  terre  et  aussi  en  pots,  mais  avec  moins  de  succès. 
Sous  le  climat  de  l'oranger  ils  viennent  en  plein  air.  On 
les  multiplie  de  graines  et  de  boutures.  G.  B, 

KEN  NET.  Rivière  d'Angleterre,  affl.  de  la  Tamise  (V. 
Grande-Bretagne). 

KENNETT  (White),  prélat  anglais,  né  à  Douvres  le 
10  août  1660,  mort  à  Westminster  le  19  déc.  1728.  Il 
étudiait  encore  à  Oxford  lorsqu'il  publia  un  pamphlet  ano- 
nyme A  Le t ter  from  a  Student  at  Oxford  to  a  friend 
in  the  country,  concerning  the  approaching  Partia- 
ment  (1681)  qui  excita  l'indignation  des  whigs  et  faiUit 
lui  attirer  des  poursuites.  La  dissolution  de  ce  même  Par- 
lement lui  inspira  une  seconde  satire  qui  fit  grand  bruit  : 
A  Poem  on  his  majesty's  dissolving  the  late  Partia- 
ment  (1681).  Kennett  entra  dans  les  ordres  en  1684,  se 
distingua  parla  violence  de  ses  prédications  contre  le  papisme 
et  appuya  avec  ardeur  la  révolution  de  1688.  Puis  aban- 
donnant la  politique  pour  l'érudition,  il  donna  ses  Par.o- 
chial  Antiquities  (Oxford,  1695,  in4)  qui  établirent  sa 
réputation.  En  1701,  il  prit  une  grande  part  à  la  fameube 
controverse  avec  Atterbury  sur  les  droits  de  convocation, 
publia  une  vive  attaque  contre  le  règne  de  Charles  P^  : 
A  Compassionate  Enquiry  into  the  causes  of  the  Civil 
War  (Londres,  1704,  in-4)  qui  fit  sensation,  écrivit 
contre  les  moines  et  le  clergé  catholique  The  Case  of  Im- 
propriations  (1704)  qui  lui  valut  plus  tard  le  poste  de 
chapelain  ordinaire  du  roi.  Avec  sa  bouillante  intransi- 
geance, il  s'attaqua  en  1709  à  Sa^heverell,  puis  refusa  de 
signer  une  adresse  de  congratulation  du  clergé  à  la  reine  en 
1710,  ce  qui  lui  créa  nombre  d'ennemis.  On  le  représenta 
sous  les  traits  de  Judas.  Rien  ne  le  troublait;  il  demeurait 
bien  en  cour,  malgré  toutes  les  intrigues  et  il  fut  nommé 
évoque  de  Peterborough  en  1718.  Outre  une  infinité  de  ser- 
mons, il  a  laissé  :  Compleat  Ilistory  of  England  (Londres, 
1706,  in-foL)  ;  Register  and  Chroîiicle  ecclesiastical 
and  civil  (1728,  in-fol.),  important  recueil  de  documents, 
qui  sont  les  plus  connus  de  ses  ouvrages.  Citons  encore  : 
Remarks  on  the  life  of  Henry  Cornish  (1699,  in- 4)  ; 
Ecclesiastical  Synods  (1701,  in-8)  ;  The  Christian 
Scholar  (1708;  21«  éd.,  1836,  in-12);  The  Wisdom  of 
looking  Backwards  (1715,  in-8),  etc.  De  nombreux  ma- 


nuscrits de  Kennett  figurent  au  British  Muséum  (Lansdowne 
Collection,  935-1041).  R.  S. 

BiBL.  :  W.  Newton,  Life  of  Kennett  ;  Londres ,  1730  » 
in-8.  —  J.  Sharpe,  Short  Remarhs  on  some  passages  in 
the  life  of  Dr.  Kennett;  Londres,  1730,  in-8. 

KENNETT  (Basil),  littérateur  anglais,  né  à  Postling 
(Kent)  en  1674,  mort  à  O]?ford  en  1714.  Frère  du  pré- 
cédent, qui  prit  soin  de  son  éducation,  il  entra  dans  les 
ordres  et  fut  nommé,  en  1706,  chapelain  d'une  facto- 
rerie anglaise  à  Leqhovn.  Sa  mauvaise  santé  et  les  tra- 
cas que  lui  suscitait  l'Inquisition  l'obligèrent  à  retourner 
en  Angleterre,  s'arrétant  en  Italie  et  en  France,  où  il  so 
fit  une  riche  collection  de  curiosités  artistiques  et  litté* 
raires.  Revenu  à  Oxford,  il  y  mourut.  Oti  doit  à  Kennett 
un  savant  ouvrage  sur  les  antiquités  romaines  :  Romœ 
antiquœ  notitia  (1696),  précédé  de  deux  Essays  sur  l'édu- 
cation chez  les  Romains  ;  de  plus,  The  Lives  and  charac- 
ter  s  of  the  ancient  Grœcian  Poets  (1697),  et  nombre  de 
livres  et  d'opuscules  religieux,  outre  plusieurs  traductions 
du  français. 

KENNEY  (James),  auteur  dramatique  anglais,  né  en 
Irlande  en  1780,  mort  le  25  juil.  1849.  Commis  de  banque, 
il  manifesta  de  bonne  heure  du  goût  pour  le  théâtre  en 
écrivant  une  farce,  Raisingùithe  Wind^  représentée  avec 
succès  à  Go  vent  Garden  en  1803,  et  reprise  souvent  de- 
puis. Il  eut  une  carrière  brillante,  et  nombre  de  ses  pièces 
sont  demeurées  au  répertoire,  notamment  :  Sweethearts 
and  Wives  (iS'i'd)  ;  Spring  and  Autumn  (1827)  ;  The 
Illustrious  Stranger(iHi>,l).  Mentionnons  encore  :  False 
Alarms  (1807),  opéra-comique,  musique  de  Broham  et 
M.  P.  King;  Etlen  Rosenberg  (1807),  mélodrame;  The 
World  (1808),  comédie  ;  Love,  Law  and  Physic  (1812), 
farce;  The  Sicilian  Vespers  (1840),  tragédie.     R.  S. 

KENNEY  (Charles-Lamb),  publiciste  anglais,  né  à  Bel- 
levue  (Seine-et-Oise)  le  29  avr.  1821,  mort  à  Kensington 
le  25  août  1881,  fils  du  précédent.  D'abord  employé  des 
postes,  il  débuta  à  dix-neuf  ans  dans  le  journalisme  comme 
reporter  du  Times.  Inscrit  au  barreau  en  1856,  il  deve- 
nait à  la  même  époque  secrétaire  de  M.  de  Lesseps  et  con- 
tribuait au  succès  du  canal  de  Suez,  combattu  par  lord 
Palmerston,  en  écrivant  The  Gates  of  the  East  (1857),  qui 
retourna  complètement  l'opinion  publique.  Puis  il  se  brouilla 
avec  M.  de  Lesseps  et  entra  au  Standard  (1858).  Très 
répandu  dans  le  monde  littéraire,  ami  de  Thackeray  et  de 
Dickens,  Ivenney  fut  un  des  hommes  les  plus  en  vue  de  son 
temps.  Il  acclimata  à  Londres  l'opéra  bouffe  et  écrivit  le 
livret  de  la  Grande-Duchesse  de  Gerolstein^  de  la  Prin- 
cesse de  Trébizonde^  de  la  Belle  Hélène^  etc.  Citons 
()armi  ses  nombreux  ouvrages  :  Mr.  Phelps  and  the  cri- 
tics  of  his  Correspondence  {iS64f)  ;  Wanted  Husbands 
(1867)  ;  Valeritine  and  Orson,  (1867),  pantomime;  Our 
Autumn  Manœuvres  (1871),  farce;  Maid  of  honour 
(1876),  comédie;  une  traduction  de  la  Correspondance 
de  H.  de  Balzac  (1878)  ;  plusieurs  livrets  d'opéras,  des 
chansons  dont  beaucoup  sont  populaires,  entre  autres, 
The  Vagabond  (1871)  ;  Ever  my  Queen  (1866),  etc. 

KENNGOTT  (Gustav-Adolf),  minéralogiste  allemand, 
né  à  Breslaule6  janv.  1818.  Après  avoir  enseigné  à  Pres- 
bourg  et  à  Vienne,  il  passa  en  1856  à  Zurich  comme  pro- 
fesseur au  Polytechnikum  et  l'année  suivante  à  l'université. 
Il  a  pubhé  d'excellents  traités  de  cristallographie,  de 
minéralogie  et  de  pétrographie,  notamment  Lehrbuch  der 
Minéralogie  (1851;  éd.  abrégée,  1857,  souv.  rééd.); 
1^0  Kristallformennetze  (Prague,  1884;  souv.  rééd.), 
et  avec  Lasaulx  un  Dictionnaire  de  minéralogie,  géo- 
logie, etc.  (Breslau,  1882-86,  2  vol.).  D»*  L.  Un. 

KENNICOTT  (Benjamin),  hébraïsant  anglais,  né  à  Tot- 
nes  (Devonshire)  le  4  avr.  1718,  mort  à  Oxford  le  18  sept. 
1783.  Fellow  de  l'université  d'Oxford  dès  1747,  il  fut 
nommé  conservateur  de  la  bibliothèque  de  Radliffe  en 
1767  et  chanoine  de  Christ  Church  en  1770.  Dans  son 
Velus  Testam.  hebr.cum  var.  lectionibus  (Oxford,  1776- 
1780,  2  t.   in-fol.)   il  a  collationné   615   manuscrits,, 


KENNICOTT  -.  KENT 


-  472 


52  éditions  de  la  Bible  ainsi  que  le  Talmud  pour  établir 
un  texte  critique  de  l'Ancien  Testament. 

KENNINGTON  (V.  Londres). 

KÉNOMÉRIE  (Chim.).  M.  Berthelot  a  donné  le  nom  de 
kénomérie  à  Visomérie  (V.  ce  mot)  particulière  présentée  par 
des  composés  de  même  fonction  chimique  lorsqu'ils  pro- 
viennent de  générateurs  idenjjques  et  possèdent  en  même 
temps  des  capacités  de  saturation  diiférentes.  Le  camphène, 
VPE^^,  eîle  terpilène,  C^^  lï^^,  présentent  un  exemple  frap- 
pant de  ce  genre  d'isomérie.  Le  térébenthène,  C"^^H^*^,  peut 
se  combiner  avec  l'acide  chlorhydrique  et  donner,  suivant 
les  conditions,  deux  chlorhydrates  distincts,  un  monochlo- 
rhydrate,  C^OH^^  HGl,  etun  dichlorhydrate,  C^^HiG  2HC1.  Le 
monochlorhydrate  se  décompose  dans  des  conditions  conve- 
nables avec  perte  de  l'acide  chlorhydrique  et  production  d'un 
carbure  cristallisé,  le  camphène,  Ç}^  H^^,  susceptible  de  régé- 
nérer le  monochlorhydrate,  C^^  H^®  (HCl),  par  l'action  directe 
de  l'acide  ;  ce  même  carbure  peut  engendrer  toute  une  série 
de  composés  par  l'addition  d'une  molécule  d'eau,  de  divers 
acides,  etc.,  un  bromhvdrate,  C^^H^^(HBr),  un  hvdratc, 
le  bornéol,  C^^  ^iQ  (h^ O^),  un  acétate,  C^o  H^^'  (C^  H'^  0^). 
Le  dichlorhydrate  de  térébenthène  fournit,  dans  les  mêmes 
conditions,  un  autre  carbure,  C^^H^®,  le  terpilène,  auquel 
répond  une  autre  série  formée  par  addition  de  deux  molé- 
cules d'eau,  d'acides,  le  dichlorhydrate  primitif  avec  l'acide 
chlorhydrique,  C^o  H*^  (2HCI),  un  hydrate,  G^o  H^«  (^H^ 0'^) , 
undiacétate,  C20H^/5(2C4H4  04). 

L'étude  termochimique  comparée  du  camphène  et  du  ci- 
trène,  carbure  analogue  au  terpilène,  a  montré  que  ces 
deux  isomères  possèdent  sensiblement  la  même  chaleur  de 
combustion  et  qu'ils  mettent  en  jeu  la  même  quantité 
d'énergie  pour  s'unir  aune  molécule  d'acide  chlorhydrique  : 

C^^^H^^crist.  +  BClgaz  =  C^OH*^  HCl  crist.  +  "Li^^^l, 

Camphène. 
C^o  H^e liq,  _|. 2HC1  gaz  zz:  C*o  H^^ 2HCI  crist.  +  40«^i2  = 

Citrène.  20°^^  ^  X  2. 

On  doit  donc  considérer  les  deux  carbures,  camphène  et  ter- 
pilène, comme  deux  systèmes  également  stables  puisque  leur 
formation  à  partir  de  leur  générateur  commun,  le  térében- 
thène, correspond  au  même  travail  accompli.  M.  Berthelot 
a  étendu  la  notion  de  kénomérie  aux  corps  simples  ;  il  en. 
visage  certains  états  allotropiques  du  soufre,  du  sili- 
cium, etc.,  comme  rentrant  dans  la  classe  des  kénomères. 
BiBL.  :  Berthelot,  Leçons  sur  Visomérie  ;  Paris,  1866*_ 

KENOSHA.  Ville  des  Etats-Unis,  Wisconsin,  sur  le'lac 
Michigan,  à  50  kil.  S.  de  Milwaukee  ;  6,000  hab.  Bon 
port;  exportation  de  céréales.  Fonderies,  tanneries,  bras- 
series, etc. 

KEN 0 US.  Nom  des  indigènes  de  Nubie  septentrionale, 
plus  connus  sous  celui  de  Barabras  (V.  ce  mot). 

KENOZERO.  Lac  de  Bussie,  gouv.  d'Olonetz,  100  kil. 
q.,  21  kil.  de  long,  12  de  large  ;  alimenté  par  l'Ôundouja 
qui  vient  du  lac  Oundo,  il  se  déverse  par  la  Kéna  (37  kil.) 
dans  le  lac  Onega. 

KENRICK  (William),  littérateur  anglais,  né  vers  1725, 
mort  à  Londres  le  10  juin  1779.  Vrai  type  de  l'homme 
de  lettres  de  la  pire  espèce,  avide  de  notoriété  et  envieux 
de  toute  supériorité,  il  a  beaucoup  écrit  et  attaqué  la  plu- 
part de  ses  contemporains,  entre  autres  Johnson,  Fielding, 
Garrick,  John  Hill.  Citons  :  The  Town  (Londres,  1748, 
in-4);  Epistles  to  Lorenzo  (1756,  in-8);  des  traductions 
de  la  Nouvelle  Héloïse  (1761)  et  de  VEmile  (1763)  do 
Rousseau  ;  des  comédies  comme  Jhe  Widowed  Wife(il61), 
et  The  Duellist  (1773);  Poems  (1768,  in-8);  Free 
Thoughts  on  séduction,  adultery  and  divorce  (1775). 
Il  fonda  en  1775  la  London  Heview.  R.  S. 

KENRICK  (Francis-Patrick),  prélat  américain,  né  à 
Dublin  le  3  déc.  1797,  mort  à  Baltimore  le  8  juil.  1863. 
Il  fit  ses  études  à  Rome  (1815),  fut  envoyé  en  Amérique 
pour  diriger  le  sémmaire  de  Baltimore  (1821-30),  devint 
administrateur  (1830),  puis  titulaire  (1842)  de  l'évêché  de 
Philadelphie,  archevêque  de  Baltimore  (1851)  ;  le  pape  le 
délégua  pour  présider  le  premier  concile  desj  Etats-Unis 


(Baltimore,  mai  1852),  lui  conféra  la  primatie  dans  ce 
pays,  n  avait  une  grande  autorité  morale  dont  il  usa  pour 
essayer  d'empêcher  la  guerre  de  la  Sécession  et  d'assurer 
l'obéissance  au  pouvoir  fédéral.  Ses  principaux  écrits  sont  : 
Theologia  dogmatica  (Philadelphie,  1839-40,  4  vol.  in-8; 
2^  éd.  revisée,  '1858,  3  vol.)  ;  Theologia  moralisiVMdL- 
delphie,  184i-43,  3  vol.).  -—  Son  frère,  Peter -Richard, 
né  à  Dublin  en  1806,  fut  son  coadjuteur  et  devint  évêque 
de  Saint-Louis  (1843)  ;  son  siège  fut  promu  au  rang  d'ar- 
chevêché en  1847.  Il  combattit  au  concile  du  Vatican  la 
déclaration  d'infaillibihté  du  pape,  mais  l'accepta  ensuite. 
Son  principal  ouvrage  est  Anglican  ordinations, 

KENSAL  Green.  Faubourg  du  N.-O.  de  Londres  {S,  ce 
mot). 

KENSETT*  (John-Frederick),  peintre  américain,  né  en 
1818,  mort  en  1872.  D'abord  graveur,  il  étudia  la  pein- 
ture à  Londres,  Rome  et  Naples,  s'adonna  au  paysage  et 
voyagea  au  pays  du  Rhin,  en  Suisse,  dans  la  région  des 
lacs  d'Italie,  puis  s'établit  à  New  York.  Il  a  contribué  à  la 
décoration  du  Capitole  de  Washington. 

KENSINGTON  (V.  Londres). 

KENT  (Iles).  Ilots  de  TE.  du  détroit  de  Bass,  entre  l'Aus- 
tralie et  l'île  Flinders;  le  principal  est  Deal,  long  de  8  kil. 

KENT.  Comté  maritime  d'Angleterre,  à  l'angle  S.-E. 
de  la  Grande-Bretagne;  4,028  kil.  q.  ;  1,142,281  hab. 
(en  1891).  Il  confine,  à  l'E.,  au  Pas-de-Calais  et  à  la  mer 
du  Nord  ;  au  N.,  à  l'estuaire  de  la  Tamise  et  à  ce  fleuve 
qui  le  séparent  de  l'Essex;  à  l'O.,  au  comté  de  Surrey  ;  au 
S.,  à  celui  de  Sussex.  C'est  un  pays  ondulé,  fertile,  avec 
deux  rangs  de  collines  crétacées  (Downs,  Ragstone),  sé- 
parées par  la  plaine  de  Ilolmsdale  ;  au  S.  est  le  Weald 
(V.  Grande-Bretagne).  Les  côtes  sont  marécageuses.  Les 
cours  d'eau  sont  :  la  Tamise  et  ses  affluents  le  Darent  et 
le  Ravensbourne,  la  Medway,  la  Stour.  L'angle  oriental 
forme  l'île  de  Thanet.  Maigre  les  bancs  de  sable  du  large, 
les  côtes  du  Kent  abritent  plusieurs  ports  qui  furent  jadis 
les  plus  importants  de  l'île  :  Douvres,  Folkestone,  Rams- 
gate,  Margate,  Gravesend,  etc.  Ce  comté  est  essentielle- 
ment agricole.  Il  approvisionne  Londres  de  légumes,  pro- 
duit aussi  des  céréales,  des  fruits  (cerises,  pommes,  etc.), 
du  houblon.  De  la  superficie,  36  %  sont  labourés,  36  % 
en  prairies,  8  7o  ^n  bois.  On  élève  beaucoup  de  moutons 
sur  les  collines,  de  gros  bétail  dans  les  marais  de  la  côte  : 
25,000  chevaux,  80,000  bœufs,  un  million  de  moutons, 
65,000  porcs.  Les  principales  villes  sont  Canterbury,  Ro- 
chester,  Greenwich,  Maidstone,  Chatham.  Le  ch^f-lieu  est 
Maidstone.  Le  comté  conserve  son  antique  division  en  cinq 
districts  (lathes)  ;  plusieurs  parties  ont  leur  autonomie  et 
sont  indépendantes  des  autorités  du  comté  ;  ce  sont  Can- 
terbury, Rochester,  Maidstone,  les  Cinque  Ports  (V.  cet 
art.)  et  le  marais  de  Romney. 

Le  Kent  a  joué  un  rôle  considérable  aux  origines  de  l'his- 
toire anglaise  ;  c'est  là  que  débarquèrent  les  Romains,  puis 
les  Saxons.  Il  forma  un  royaume  séparé  au  temps  de  l'hep- 
tarchie.  Les  gens  du  Kent  opposèrent  une  énergique  résis- 
tance aux  Normands.  Ils  se  soulevèrent  plus  tard  avec  Wat 
Tyler,  avec  John  Cade  et  sir  Thomas  Wyatt  (V.  ces  noms). 

Le  titre  de  comte  de  Kent  fut  porté  par  un  fils  d'E- 
douard P^,  Edmond,  qui  concourut  à  détrôner  son  frère 
Edouard  II  (1325),  mais  fut  exécuté  pour  haute  trahison 
(21  mars  1330),  pour  avoir,  avec  son  frère,  le  comte  de 
Norfolk,  tenté  de  renverser  Isabelle  et  Mortimer.  —  La 
famille  Grey  (V.  ce  nom)  reçut  en  1465  le  titre  du  comté 
de  Kent,  transformé  en  marquisat  (1706),  puis  en  duché 
(1710).  Il  redevint  vacant  en  1740.  —  Il  fut  attribué  en- 
suite au  quatrième  fils  de  Georges  III  (V.  ci-après).  Le  titre 
de  duc  de  Kent  appartient  depuis  1866  au  prince  Alfred, 
duc  d'Edimbourg.  A. -M.  B. 

BiBL.  :  Vevan,  Handbook  to  the  country  ofKent  ;  Lon- 
dres, 1882,  4e  éd. 

KENT  (Thomas  de),  écrivain  duxiii®  siècle,  appartenant 
plutôt  à  la  littérature  franco-normande  qu'à  la  littérature 
anglaise.  Tous  les  poètes  de  cette  époque  puisent,  en  effet, 


—  473 


KENT  —  KENTUCKY 


leurs  inspirations  dans  nos  romans  de  chevalerie,  nos  fa- 
bliaux et  les  chants  de  nos  troubadours  et  de  nos  trouvères. 
C'est,  sans  nul  doute,  à  cette  source  que  Thomas  de  Kent 
tira  son  Roman  (T Alexandre  et  aussi  The  Geste  of 
Kyng  Hovn,  fatras  oublié  aujourd'hui.     Hector  France. 

KENT  (Elisabeth,  comtesse  de)  (V.  Grey). 

KENT  (William),  architecte  et  peintre  anglais,  né  dans 
le  comté  d'York  en  1685,  mort  à  Burhngton  le  i2avr.  1748. 
Apprenti  peintre  en  voitures,  illit  ensuite  des  études  artis- 
tiques qu'il  alla  compléter  à  Rome.  Fort  médiocre  dans  le 
portrait  et  l'histoire,  il  réussit  mieux  dans  la  peinture  dé- 
corative et  exécuta  beaucoup  de  plafonds  ingénieusement 
composés,  mais  d'un  sentiment  banal  et  d'une  facture 
lâchée.  Ses  illustrations  des  fables  de  Gay,  des  poèmes  de 
Spenser  et  de  Pope  sont  faibles.  Plus  heureux  comme  archi- 
tecte, il  a  donné  les  plans  de  nombreux  édifices  pubUcs  et 
hôtels  particuliers  de  Londres,  notamment  les  Horse  Guards 
et  Devonshire  House.  Son  plus  grand  mérite  est  d'avoir  créé 
le  jardin  anglais.  Ses  plus  fameuses  créations  furent  les 
jardins  de  Kensington  (pour  la  reine  Caroline)  et  de  Cla- 
remont.  Sorte  de  Le  Brun  au  petit  pied,  il  était  l'arbitre 
du  goût  de  son  temps,  dessinant  des  mobiliers,  des  costumes, 
à  quoi  il  acquit  une  fortune  considérable;  il  fut  aussi 
investi  des  fonctions  de  «  maître  peintre,  architecte,  char- 
pentier et  conservateur  des  tableaux  de  la  couronne  ». 
On  voit  de  lui,  à  Hampton  Court,  le  Mariage  de  Henry  V. 

KENT  (James),  célèbre  jurisconsulte  américain,  né  à  Phi- 
lippi  (New  York)  le  31  juil.  1763,  mort  à  New-York  le 
12  déc.  1847.  Ami  d'Hamilton  et  de  Jay,  il  fut  nommé 
juge  a  la  cour  suprême  de  l'Etat  de  New  York  (1798)  et 
en  devint  chancelier  en  1814.  Sa  science  juridique  fait  en- 
core autorité,  et  ses  Commentaries .  on  American  laiv 
(New  York,  1826-30,  4  vol.  ;  13«  éd.  parC.-M.  Barnes, 
Boston,  1884)  sont  la  base  de  la  jurisprudence.  Le  style 
et  l'érudition  historique  en  sont  aussi  admirés  que  l'am- 
pleur du  plan  et  la  précision  du  détail. 
BiBL.  :  J.  DuER,  Life  of  J.  Kent;  New  York,  1848. 

KENT  (Edward-Augustus,  duc  de),  fils  de  Georges  III  et 
de  la  reine  Charlotte,  née  à  Buckingham  House  le  2  nov. 
1767,  mort  à  Sidmouth  le  23  janv.  1820.  Encore  sous 
la  tutelle  du  baron  Wangenheim  qui  dirigeait  son  éduca- 
tion à  Luxembourg,  Hanovre  et  Genève  (1785-89),  il  fit 
des  dettes  énormes.  Son  père  l'envoya  à  Gibraltar  où  il 
prit  le  commandement  du  7^  de  ligne.  Il  se  fit  tellement 
détester  qu'on  dut  le  déplacer  au  Canada  (1791).  Il  se 
battit  bravement  à  la  Martinique  en  1784.  De  retour  en 
Angleterre  en  1798,  il  fut  créé  duc  de  Kent  etStrathern, 
comte  de  Dublin  et  promu  général  (1799).  Nommé  en 
1882  gouverneur  de  Gibraltar,  il  y  fut  accueilli  par  une 
révolte  et  bientôt  rappelé.  Il  s'occupa  dès  lors  de  politique, 
appuya  l'émancipation  des  catholiques,  mais  dut  en  1815 
se  retirer  à  Bruxelles  pour  échapper  à  ses  créanciers.  En 
1818,  il  épousa  Victoire-Marie- Louise,  fille  du  prince  hé- 
réditaire de  Saxe-Cobourg  (née  le  17  août  1786,  morte  le 
16  mars  1861)  et  veuve  du  prince  Charles  de  Leiningen- 
Dachsburg-Hardenburg,  dont  il  eut,  le  24  mai  1819, 
Alexandnna- Victoria,  reine  actuelle  d'Angleterre.  La 
duchesse  de  Kent  se  voua  à  l'éducation  de  sa  fille,  renon- 
çant à  la  tutelle  de  son  fils.  En  1825,  on  lui  décerna  le 
titre  éventuel  de  régente  de  Grande-Bretagne.        R.  S. 

BiBL.  :   Neal,  Life  of  E.  duhe  of  Kent;  Londres,  1850. 

KENT  (William-Charles-Mark),  poète  et  écrivain  anglais, 
né  à  Londres  en  1823.  Il  collabora  à  un  grand  nombre  de 
journaux  et  revues,  entre  autres  :  Encyclopœdia  Britan- 
nica, Westminster  Beview,  Athenœum,  Dublin  Beview, 
Blackwood's  Magazine,  Household  Words.  Il  dirigea,  en 
outre,  le  Weekly  Begister,  le  Catholic  Standard,  le 
Sun;  publia  en  poésie  :  Aletheia  or  the  Doom  ofMytho- 
logy  (1850)  ;  Dreamland,  or  Poets  in  their  Haunts 
(1862);  Longfellow  in  England,  etc.  ;  en  prose  :  The 
Vision  of  Cagliostro  (1863);  Catholicity  in  the  Dark 
Ages;  Footprints  on  the  Boad  (1864)  ;  Charles  Dickens 
as  a  Beader  (1872);  un  Dictionnaire  mythologique; 


sous  le  pseudonyme  de  Mark  Rochester,  The  Derby  Mi- 
nistry,  et  sous  celui  de  A  Templar,  The  Gladstone  Go- 
vernment. H.  France. 

KENTÉL  Massif  montagneux  de  l'empire  chinois,  au  N. 
de  la  Mongolie,  d'où  rayonnent  :  vers  le  N.-E.  les  monts  Ja- 
blonovyi,  vers  le  N.-O.le  Mangataï,  vers  l'O.  le  Gountou, 
vers  le  S.  l'Altan  Oulougoui,  vers  TE.  le  Doutouloun.  Le 
massif  central  est  couvert  de  forêts  de  pins.  Au  S.  d'Ourga 
est  le  mont  Khan-Oula,  où  la  tradition  place  le  tombeau 
de  Djengis  Khan.  A  l'O.  de  cette  ville  sont  des  plateaux 
de  900  à  1,300  m.  d'alt.  avec  des  lacs  salés.  Du  Kentéi 
descendent  l'Onou,  branche-mère  de  l'Amour,  et  la  Tola, 
affl.  de  l'Orkhon. 

KENTROPHYLLUM  (Kentrophyllum  Neck.)  (Bot.). 
Genre  déplantes  de  la  famille  des  Composées  et  du  groupe 
des  Carduacées.  L'espèce  type,  /{.  lanatum  DC.  {Carthamus 
lanatusL.),  est  une  herbe  annuelle,  dont  la  tige  raide, 
dressée,  très  feuillue,  rameuse  au  sommet,  porte  des  feuilles 
coriaces,  visqueuses,  pennatipartites,  à  segments  lancéolés, 
épineux.  Les  calathides  très  grosses,  ovoïdes,  oblongues, 
solitaires  au  sommet  de  la  tige  et  des  rameaux,  à  fleurs 
jaunes,  ont  leur  involucre  formé  de  folioles  imbriquées,  les 
extérieures  pennatilobées-épineuses,  les  intérieures  lan- 
céolées, terminées  par  un  appendice  scarieux  ;  le  réceptacle 
est  hérissé  de  paillettes  courtes,  sétacées;  les  achaines 
obovés,  rugueux  au  sommet,  sont  jaunâtres,  tachés  de  noir. 
Cette  espèce  est  assez  commune  dans  les  lieux  incultes  et 
sur  le  bord  des  chemins  dans  les  régions  tempérées. 

KENT'S  HoLE.  Grotte  d'Angleterre,  comté  de  Devon, 
à  1  kil.  E.  de  Torquay.  Station  célèbre  d'objets  et  d'osse- 
ments préhistoriques  ;  la  faune  fossile  de  cette  grotte  ne 
comprend  pas  moins  de  quarante-cinq  espèces  ;  on  y  a 
trouvé  dès  1825  des  silex  travaillés. 

KENTS  IsLANDs.  Presqu'île  des  Etats-Unis,  dans  le  Ma- 
ryland,  sur  la  baie  Chesapeake  ;  c'est  là  que  débarquèrent 
les  premiers  colons  du  Maryland  en  1631. 

KENTUCKY.  L'un  des  Etats-Unis  de  l'Amérique  du  Nord, 
situé  entre  36«  30'  et  39«  6'  lat.  N.,  84°  22'  et  92^ 
long.  0.;  104,632  kil.  q.,  1,858,635  hab.  (en  1891). 
C'est  le  33^  pour  l'étendue,  le  11®  pour  la  population,  le 
15®  pour  la  date  d'admission  dans  PUnion.  Il  confine  au  N. 
à  rillinois,  Plndiana  et  l'Ohio  dont  le  sépare  le  cours  de 
l'Ohio  ;  à  l'E.  à  la  Virginie  occidentale  et  à  la  Virginie  dont 
le  séparent  le  Big  Sandy  et  les  monts  Cumberland;  au  S. 
le  Tennessee  ;  à  l'O.  le  Missouri  dont  le  sépare  le  cours  du 
Mississippi.  Le  relief  et  l'aspect  du  sol  sont  très  variés. 
A  l'E.,  les  contreforts  des  Alleghanys  s'élèvent  à  800  m.  ; 
au  centre  sont  des  collines  de  calcaire  bleu  revêtues  de  blue 
grass;3i\i  pied,  du  côté  de  l'Ohio,  est  une  plaine  alluviale 
extrêmement  riche;  à  l'O.,  entre  les  rivières  Cumberland 
et  Green,  s'étendent  les  barrens,  steppes  qui  ressemblent 
à  la  prairie  du  N.  de  l'Ohio,  mais  sont  parsemées  de  col- 
lines rondes  boisées  de  chênes;  elles  forment  de  bons 
pâturages  qui  sont  de  plus  en  plus  mis  en  valeur.  Les 
couches  des  terrains  sédimentaires  sont  presque  absolu- 
ment horizontales  ;  au  centre  sont  les  calcaires  siluriens  et 
dévoniens,  à  TE.  le  bassin  carbonifère  des  Alleghanys 
avec  ses  magnifiques  calcaires  coralliaires  creusés  de  vastes 
grottes  dont  celle  du  Mammouth  {Mammoths  cave)  est  la 
plus  grande  du  monde  ;  à  l'O.  le  bassin  carbonifère  do 
rniinois  et  de  l'Indiana  (V.  Etats-Unis).  On  trouve  dans 
les  dépressions  du  calcaire  des  marais  salins  (licks)  où 
vivaient  les  élans,  les  cerfs,  les  buffles  et  jadis  les  masto- 
dontes, mammouths,  mégalonyx,  dont  on  retrouve  là  les 
ossements  fossiles.  Il  existe  aussi  des  sources  salines.  Les 
minerais  ferrugineux  abondent  au  N.-E.  de  l'Etat,  dans  un 
bassin  qui  a  24  kil.  de  large  et  50  kil.  de  long  au  S.  de 
FOhio  (80  au  N.  de  la  rivière)  ;  il  fournit  surtout  de  l'hé- 
matite brune.  Le  Kentucky  est  bien  irrigué;  le  Mississippi 
le  longe  pendant  128  kil.,  l'Ohio  pendant  960;  presque 
toutes  les  eaux  aboutissent  à  FOhio  :  deux  de  ses  affluents 
appartiennent  entièrement  à  FEtat,  le  Kentucky  qui  descend 
des  monts  Cumberland,  formé  par  trois  bras  qui  s'unissent 


KENTUCKY  -  KENYON 


474  — 


à  Proctor  et  coule  vers  le  N.-O.,  sauf  un  coude  de  30  kil. 
vers  le  S.-O.  ;  il  parcourt  420  kil.  et  est  navigable  pour 
les  steamers  pendant  dOO  kil.,  pour  les  bateaux  pen- 
dant 260.  Il  passe  à  Frankfort.  Sa  vallée  est  d'une  beauté 
romantique  ;  la  rivière  coule  entre  deux  murailles  perpen- 
diculaires de  calcaire.  Le  Green  river  appartient  aussi 
complètement  à  l'Etat;  il  coule  vers  l'O.,  le  N.-O.  et  le  N., 
reçoit  le  Big  Barren  ;  il  parcourt  près  de  500  kil.  et  est 
navigable  sur  presque  toute  son  étendue,  malgré  des  ra- 
pides à  80  kil.  de  l'embouchure.  A  FE.  de  ces  cours  d'eau 
sont  le  Licking  et  le  Big  Sandy  qui  vient  de  Virginie  ;  à 
rO.  le  Cumberland  qui  passe  à  Burkesville  et  Nashvilie,  le 
Tennessee  qui  parcourt  110  kil.  dans  l'Etat;  tous  deux 
traversent  l'O.  du  Kentuckycty  sont  navigables  dans  tout 
leur  parcours. 

Le  climat  est  tempéré  et  sain  ;  la  moyenne  est  -4-12*^,5, 
les  extrêmes  sont  -4-  38^  et  —  10*^.  L'hiver  dure  de  la  fin 
de  novembre  aux  premiers  jours  d'avril  ;  il  est  doux  et  plu- 
vieux ;  l'été  et  l'automne  ont  généralement  un  ciel  serein  ; 
c'est  une  saison  sèche,  où  prévaut  le  vent  du  S.-O. 

La  population  est  assez  dense  et  s'accroît  rapidement. 
En  1790,  elle  était  de  73,077  personnes  dont  G 1 ,1 33  blancs  ; 
en  1820  de  564,317  dont  434,644  blancs;  en  1830  de 
982,405  dont  761,413  blancs:  en  1880  de  1,648,690 
dont  1,377,239  blancs  ;  en  1890  de  1,858,635. 

La  proportion  des  immigrants  européens  est  faible, 
moins  de  4  %.  Le  Kentucky  a  été  peuplé  surtout  par  des 
Virginiens.  Ses  habitants  sont  des  fermiers  énergiques  et 
loyaux,  très  hospitaliers,  chasseurs  passionnés.  Les  gens 
de  couleur  sont  tenus  à  l'écart  et  fort  ignorants.  Même 
parmi  les  blancs  un  cinquième  ne  savent  pas  lire. 

Le  Kentucky  est  essentiellement  agricole.  Les  forêts 
occupent  encore  le  tiers  de  la  superficie  :  l'orme,  le  chêne. 
le  hiekory,  le  tulipier,  le  châtaignier,  l'érable  à  sucre  sont 
les  principales  essences;  il  n'y  a  presque  pas  d'arbres 
verts.  Les  cultures  les  plus  développées  sont  le  maïs  et  le 
blé  ;  le  tabac  est  une  des  grandes  richesses  du  pays  ;  le 
Kentucky  produit  45  ^/o  de  la  récolte  des  Etats-Unis  ;  il  a 
produit  longtemps  plus  de  la  moitié  du  chanvre  et  du  lin. 
Il  possède  beaucoup  de  bétail  :  450,000  chevaux, 
140,000  ânes  ou  mulets,  1  milhon  de  bœufs,  2  millions 
et  demi  de  porcs,  1  million  de  moutons.  L'entraînement 
du  trotteur  y  a  été  porté  à  la  perfection.  On  produit  beau- 
coup de  miel  et  de  cire,  de  mélasse  de  sorgho,  de  sucre 
d'érable.  L'étendue  d'une  ferme  dépasse  rarement  200  hect. 
et  est  rarement  inférieure  à  une  dizaine  d'hect.  —  Les 
richesses  minières  sont  la  houille,  le  fer,  le  plomb,  un  peu 
de  pétrole  et  de  sel.  —  L'industrie  est  en  progrès  rapide  : 
fers,  aciers,  machines,  cigares,  eau-de-vie.  Elle  n'est  con- 
sidérable qu'à  Louisville,  la  grande  ville  de  l'Etat.  Le  ré- 
seau très  étendu  des  voies  navigables  complète  celui  des 
voies  ferrées  (4,000  kil.  env.);  la  flotte  locale  comporte 
environ  20, 000  tonnes. —  Après  Louisville  (161, i  29  hab.), 
les  principales  villes  sont  :  Frankfort,  la  capitale  Lexing- 
ton,  dans  l'intérieur,  Covington  et  Newport  sur  l'Ohio, 
des  deux  côtes  du  Licking,  en  face  de  Cincinnati,  Henderson 
et  Paducah  sur  l'Ohio,  Maysville,  Paris,  Ovvensbaro,  etc. 

Le  Kentucky  est  divisé  en  116  comtés.  La  constitution 
date  de  juin  1850.  Elle  donne  le  droit  de  vote  à  tout 
citoyen  mâle  de  vingt  et  un  ans,  qui  habite  l'Etat  depuis 
deux  ans,  le  comté  depuis  un  an,  le  district  depuis  soixante 
jours.  Le  vote  a  lieu  le  premier  lundi  d'août,  de  vive  voix 
(sauf  pour  le  Congrès).  La  législature  comprend  un  Sénat 
de  38  membres  (âgés  de  trente  ans  au  moins)  élus  pour 
quatre  ans  et  renouvelés  par  moitié,  et  une  Chambre  de 
100  députés  (âgés  de  vingt-quatre  ans)  élus  pour  deux 
ans.  La  durée  normale  des  sessions  (biennales)  est  de 
60  jours  à  partir  du  premier  lundi  de  décembre.  Le  pou- 
voir exécutif  appartient  à  un  gouverneur  élu  pour  quatre 
ans,  résidant  dans  l'Etat  depuis  six  ans  et  âgé  d'au  moins 
trente-cinq  ans.  Son  veto  est  annulé  par  la  simple  majo- 
rité des  deux  Chambres.  Les  juges  sont  élus  par  le  peuple, 
Les  finances  ont  été  bien  gérées.  Le  budget  de  l'Etat  est 


de  20  millions  de  fr.  environ,  sa  dette  de  8  millions  et 
demi  (en  1890).  —  11  existe  une  université  d'Etat  avec 
plus  de  2,000  étudiants. 

Histoire.  —  L'origine  du  nom  de  Kentucky  est  obscure  ; 
les  uns  l'attribuent  au  nom  indien  (Ksen-tuch-kee)  d'un 
grand  roseau  (Arundinaria  macrosperma)  qui  couvre 
de  vastes  espaces  ;  les  autres  à  un  nom  qui  signifierait 
«fleuve  sanglant  »  par  allusion  aux  combats  entre  Indiens  et 
blancs  sur  les  rives  de  la  rivière  Kentucky.  Celle-ci  ne  fut 
relevée  qu'en  1754.  En  1767,  le  métis  Finley  explora  le 
pays.  Il  y  amena  de  la  Carohne  du  Nord,  en  1769, 
Daniel  Boon;  mais  l'expédition  fut  massacrée  par  les  Peaux 
Rouges,  et  Boone  échappa  seul.  En  1770,  le  colonel  J.  Knox 
de  la  Virginie  explora  les  rives  du  Cumberland  et  du  Green 
river.  En  1774,  J.  Harrods  s'étabht  à  Harrodsburg  ;  en 
1775,  Boone  bâtit  le  fort  de  Boonesborough.  Les  Indiens, 
dont  on  envahissait  les  territoires  de  chasse,  résistèrent. 
Par  l'entremise  de  Boone,  le  colonel  Henderson  acheta  aux 
Cherokies  le  territoire  du  Kentucky  (1775).  La  colonie  de 
Virginie  refusa  de  reconnaître  ce  pacte  et  ne  lui  concéda 
que  80,000  hect.  à  l'embouchure  du  Green  river.  Le  Ken- 
tucky fut  alors  organisé  en  comté  virginien  (1776),  puis 
en  district  (1783).  Les  colons,  perpétuellement  menacés 
par  les  Indiens,  qui  leur  infligèrent  un  désastre  en  1781, 
n'étant  pas  défendus  par  l'Etat  de  Virginie,  décidèrent  de 
se  constituer  à  part.  Leurs  assemblées,  tenues  à  Banville 
en  1784,  1785  et  1786,  le  demandèrent,  et  la  chose  fut 
votée  par  les  Virginiens.  La  réalisation  traîna  en  longueur, 
et  l'Espagne  négocia  avec  les  gens  du  Kentucky  pour  les 
décider  à  se  proclamer  indépendants,  spéculant  sur  leur 
crainte  de  perdre  la  libre  navigation  du  Mississippi.  En 
1790,  le  congrès  fédéral  les  reconnut  territoire  distinct 
et  le  l^'*  juin  1792  le  Kentucky  fut  admis  dans  l'Union.  Il 
avait  alors  75,000  hab.  La  guerre  contre  les  Peaux-Rouges 
continua  et  finit  vers  1830,  après  que  presque  tous  eurent 
été  exterminés,  refoulés  au  S.  ou  au  delà  du  Mississippi. 
En  1812,  le  Kentucky  fournit  7,000  soldats  contre  les 
Anglais.  Au  moment  de  la  guerre  de  la  Sécession,  il  décida 
de  rester  neutre.  Ses  opinions  étaient  esclavagistes  (Lin- 
coln n'avait  eu  que  1,364  voix  sur  146,216  votants), 
mais  il  était  opposé  à  la  rupture  de  l'Union.  Les  fédéra- 
listes armèrent.  Les  confédérés  envahirent  alors  l'Etat  et 
s'y  fortifièrent;  ils  firent  élire  un  gouverneur.  L'ar- 
mée fédérale  vainquit  à  Millsprings  en  janv.  1862;  mais 
Bragg  s'empara  de  Louisville  en  oct.  ;  le  Kentucky  fut 
troublé  par  des  incursions  des  belligérants  jusqu'en  1865. 
Il  se  prononça  énergiquement  contre  le  vote  des  noirs.  Le 
kiiklux-clan  (V.  ce  mot)  y  eut  une  action  considérable. 
Mais  l'ordre  se  rétablit,  les  troubles  n'ayant  pas  enrayé 
les  progrès  économiques.  A.-M.  B. 

KENYON  (Lord  Lloyd),  célèbre  magistrat  anglais,  né  à 
Gredington  le  5  oct.  1732,  mort  à  Bath  le  4  avr.  1802. 
Membre  du  Parlement  pour  Hindou  (1780),  chief  justice 
du  Banc  du  Roi  (1788),  maître  des  rôles  (1784),  il  fut 
un  ami  de  Georges  III,  un  conseiller  de  Pitt  et  de  Thur- 
low.  Les  causes  les  plus  importantes  de  l'époque  pas- 
sèrent entre  ses  mains  ( Warren  Hastings,  Impey,  Frost,  etc.). 
Hautain  et  cassant,  il  ne  fut  rien  moins  que  populaire.  La 
commission  des  manuscrits  historiques  a  récemment  (1894) 
publié  les  Papiers  de  la  famille  Kenyon  qui  renferment 
des  documents  et  une  correspondance  des  plus  curieux. 

BiBL.  :  G. -T.  Kenyon,  Life  of  L.  Kenyon;  Londres,  1873. 

KENYON  (John),  poète  anglais,  né  à  la  Jamaïque  en 
1784,  mort  à  Cowes  en  1856.  La  mort  de  ses  parents, 
survenue  pendant  qu'il  achevait  son  éducation  en  Angle- 
terre, le  laissa  de  bonne  heure  maître  d'une  grande  for- 
tune, dont  il  fit  toujours  le  plus  noble  usage.  Il  était  lié 
avec  les  écrivains  les  plus  distingués  de  son  temps  :  Barry 
Cornwall,  Savage  Landor,  Robert  Southey,  etc.  Mrs,  Elisa- 
beth Browning  lui  dédia  son  poème  à'Aurora  Leigh^  et 
il  légua  10,000  livres  sterling  au  grand  poète  qu'elle  avait 
épousé.  H  a  laissé  des  productions  médiocres  :  A  Rhyned 
Plea^for  Tolérance  (1833)  ;  Poems  (1838);  A  Day  at 


Tivoli  (4849);  mais  son  goût  pour  les  lettres  et  sa  libé- 
ralité intelligente  suffisent  à  sauver  son  nom  de  l'oubli. 

KENZINGEN.  Ville  d'Allemagne,  grand-duché  de  Bade, 
cercle  de  Fribourg,  sur  i'Enz  ;  2,500  hab.  Carrières  de 
grès  ;  fabrication  de  parapluies,  de  cigares,  etc.  Auprès 
est  la  station  thermale  de  Kirnhalden. 

KEOGH  (William-Nicholas),  magistrat  irlandais,  né  en 
4817,  mort  à  Bingen-sur-le-Khin  en  4878.  Après  s'être 
distingué  comme  avocat,  et  avoir  publié,  avec  M.  J.  Barry, 
A  Treatise  of  the  High  Court  of  Chancery  in  Jreland 
('1840),il  fut  envoyé  au  Parlement,  comme  conservateur  et 
catholique,  parles  électeurs  d'Athlone.  Il  prit  une  part  ac- 
tive à  la  fondation,  à  Dublin,  de  la  «  Catholic  Défense  As- 
sociation», en  4854.  Tour  à  tour  soliciter  gênerai,  attor- 
ney  gênerai,  et  juge  à  la  cour  des  «  Gommons  Pleas  » 
d'Irlande,  il  acquit  une  grande  réputation  d'éloquence  et 
de  justice;  mais  il  fut  en  butte  aux  attaques  du  parti  du 
Home  Rule  auquel  il  ne  s'était  point  rallié.     B.-H.  G. 

KEOKUK.  Ville  des  Etats-Unis,  lowa;  45,000  hab. Sa 
situation,  au  pied  des  derniers  rapides  du  Mississippi,  où 
s'arrête  la  navigation  des  grands  vapeurs,  et  à  l'embou- 
chure de  la  rivière  Des  Moines,  lui  vaut  une  certaine  impor- 
tance commerciale  ;  elle  est  bâtie  au  pied  et  sur  le  sommet 
d'une  falaise  de  50  m.  de  haut.  Minoteries,  fonderies, 
machines.  Ecole  de  médecine  fondée  en  4849. 

KEON  (Miles-Gerald),  littérateur  anglais,  né  en  Irlande 
le  20  févr.  4824,  mort  àBermude  le  3  juin  4875.  Secré- 
taire colonial  à  Bermude  à  partir  de  4859.  Après  de  bril- 
lantes études,  il  débuta  par  un  pamphet,  The  Irish  Révolu- 
tion  (Dublin,  4843),  et  une  apologie  des  jésuites  (4845) 
qui  firent  quelque  bruit  et  déchaînèrent  toute  une  contro- 
verse. Brillant  journaliste,  Keon  a  laissé  des  romans  et  des 
études  littéraires  et  historiques  qui  ont  de  la  valeur.  Citons  : 
The  Late  Struggles  of  Abd-el-Kader  and  the  campaign 
oflsly  (4845);  The  Life  of  St  Alexis {iWl) ',  Harding 
the money-spinner  (iS19,  3  vol.);  Dion  and  theSybÙs 
(4866,2  vol.  in-8).  R.  S. 

KÉPHAS  ou  CÉPHAS.Nom  araméen  de  l'un  des  apôtres 
de  Jésus,  auquel  l'usage  substitua  le  nom  grec  de  Pétros, 
l^ierre;  Képhas  en  araméen  veut  dire  Pierre  (V.  ce  nom). 

KEPHIR  (V.  Fermentation,  t.  XVII,  p.  284). 

KÉPI  ou  KÉPY.  Le  shako  ayant  été  jugé  trop  lourd 
pour  les  troupes  opérant  en  Algérie,  on  a  été  amené  à  leur 
en  distribuer  un  diminutif,  complété  par  un  couvre-nuque. 
C'est  une  sorte  de  casquette  en  drap,  avec  visière  en  cuir, 
dont  la  forme  a  subi  de  nombreuses  modifications.  D'abord 
uniquement  destiné  aux  troupes  de  nos  colonies,  ce  genre 
de  coiffure  n'a  pas  tardé  à  être  adopté  comme  coiffure  de 
petite  tenue.  Mais,  après  la  campagne  de  4870-74,  le 
shako,  supprime  en  principe  pour  les  troupes' à  pied,  a  été 
remplacé  par  le  képi.  Chaque  homme  en  reçoit  deux  : 
4°  pour  la  glande  tenue  et  la  tenue  du  jour,  un  képi 
pourvu  d'une  coiffe  rigide  et  disposé  de  manière  à  pouvoir 
recevoir  une  plaque  et  un  pompon,  permettant  de  donner 
à  cet  effet  un  aspect  plus  coquet  et  plus  mihtaire  ;  2^  pour 
la  petite  tenue  et  les  manœuvres,  un  képi  dépourvu  de 
la  coiffe  rigide  et  de  tout  accessoire,  pouvant  par  suite 
être  placé  sous  la  patelette  du  sac.  Les  képis  des  officiers 
reçoivent  un  nombre  de  galons  d'or  ou  d'argent  permet- 
tant de  distinguer  les  grades,  puis,  pour  la  grande  tenue 
et  la  tenue  de  service,  une  plaque,  un  pompon  et  une  ai- 
grette. —  Le  képi  est  une  coiffure  légère,  commode, 
s'adaptant  bien  à  la  tête;  mais  il  ne  donne  pas  satisfaction 
à  tous  les  desiderata  ;  on  lui  reproche  do  ne  pas  être  assez 
martial,  de  no  pas  protéger  la  nuque  contre  les  intempéries 
et  les  coups  de  sabre. 

KEPLER  oii  KÊPPLER(Johannes),  astronome  allemand, 
né  à  Weil  (Wurttemberg)  le  27  déc.  4574,  mort  à  Ratis- 
bonne  le  45  nov.  (nouv.  st.)  4630.  On  connaît  aujour- 
d'hui d'une  façon  à  peu  près  certaine  le  lieu  de  sa  nais- 
sance, dont  trois  localités  voisines,  Weil,  Leonberg  et 
Magstatt,  se  sont  longtemps  disputé  l'honneur,  mais  que 


—  475  —  KEiNYON  —  KEPLER 

les  travaux  récents  d'érudits  allemands  placent  presque 
incontestablement  à  Weil.  On  sait  aussi  qu'il  fut  l'aîné  de 
trois  garçons  et  d'une  fille  et  qu'il  vint  au  monde  avant  terme 
(seplemmestris  sum^  écrit-il  dans  une  de  ses  lettres),  cir- 
constance à  laquelle  il  dut  une  constitution  chétive  et  une 
vue  faible,  peu  appropriée  aux  observations  astronomiques. 
Il  est  enfin  hors  de  doute  qu'il  eut  une  enfance  peu  heu- 
reuse et  très  négligée  entre  une  mère  de  caractère  violent 
et  d'éducation  grossière,  Katharina  Guldenmann,  laquelle 
lui  préférait  ses  jeunes  frères,  et  un  père  d'humeur  vaga- 
bonde, Heinrich  Kepler,  qui,  fils  d'un  bourgmestre  de  Weil 
et  successivement  soldat  (4 572-75), puis  aubergiste (4579- 
83),  abandonna  finalement  femme  etenfanls  pour  s'enrôler 
de  nouveau  et  ne  plus  reparaître.  Mais  il  est  faux  qu'il 
ait  alors  été  recueilli  et  ensuite  guidé  dans  ses  études, 
comme  le  racontent  la  plupart  de  ses  biographes,  par  le 
pasteur  J.  Bender,  son  beau-frère  :  il  n'avait  qu'une 
sœur,  Marghareta,  née  en  4584,  et  elle  se  maria  seule- 
ment en  4608.  En  réalité,  il  fut  mis  à  six  ans  à  l'école  de 
Leonberg,  en  fut  retiré  à  huit  ans,  aida  ses  parents  de 
4580  à  4582  dans  leur  auberge  et  aux  champs,  puis  re- 
tourna à  l'école  et  fut  admis  gratuitement,  en  4584,  au 
séminaire  d'ildelberg,  d'où  il  passa  en  4586  à  celui  de 
Maulbronn.  Reçu  bachelier  en  4588,  il  alla,  l'année  sui- 
vante, étudier  la  théologie  à  Tubingue  et  y  prit  en  4594 
le  degré  de  maître  es  arts.  Mais  éloigné  de  la  carrière 
pastorale  par  ses  opinions  indépendantes,  il  se  mit  à  fré- 
quenter les  cours  de  mathématiques  de  Msestlin,  qui  l'ini- 
tia aux  sciences  exactes  et  qui  lui  inculqua  les  doctrines 
de  Copernic.  En  4594.  il  fut  nommé  professeur  de  mathé- 
matiques à  Gratz,  en  Styrie.  Il  était  en  même  temps  chargé 
de  la  rédaction  de  Talmanach  et  il  publia  en  4595  un  pre- 
mier calendrier  d'après  la  réforme  grégorienne.  Bientôt 
chassé  de  Styrie,  ainsi  que  tous  ses  collègues  de  religion 
prolestante,  il  accepta  l'offre  de  Tycho  Brahe,  qui,  inté- 
ressé parla  lecture  de  son  Prodromus{\.  ci-dessous),  paru 
en  4596,  lui  avait  proposé  à  plusieurs  reprises  de  l'asso- 
cier, avec  de  bons  appointements,  à  la  confection  de  ses 
Tables  rudolphines^  et,  en  4  600,  ayant  hâtivement  vendu 
les  biens  de  sa  femme,  il  se  rendit  auprès  de  lui,  à  Prague. 
L'accord  ne  régna  pas  longtemps  entre  les  deux  illustres 
astronomes.  Tycho  Brahe  était  hautain  et  arrogant,  quoique 
bienveillant  au  fond,  Kepler  irascible  et  surtout  aigri.  De 
plus,  il  fallait  que  la  femme  du  second  tirât  au  premier 
les  florins  un  à  un.  La  mort  de  Tycho  Brahe,  survenue  en 
4604,  prévint  une  rupture  complète  et  Kepler  lui  succéda 
comme  astronome  de  l'empereur  Rodolphe  II.  Il  conserva 
la  môme  fonction,  d'abord  auprès  de  l'empereur  Mathias 
(4  642-49),  qui  le  nomma  en  outre  mathématicien  de  la 
lîaute-Autriche,  avec  résidence  à  Linz,  et  qui  l'emmena  en 
461 3  à  la  diète  de  Ratisbonne  pour  y  défendre  le  calendrier 
grégorien,  puis  auprès  de  Ferdinand  II,  qui  remplaça  Ma- 
thias, en  4649,  sur  le  trône  impérial.  Mais  les  trois  sou- 
verains le  payèrent  plus  mal  encore  que  Tycho  Brahe  et, 
en  4628,  le  duc  de  Wallenstein  s'étant  engagé  à  prendre 
à  sa  charge,  s'il  entrait  à  son  service,  les  42,000  florins 
qui  lui  étaient  dus,  il  quitta  Linz,  où  il  était  d'ailleurs  en 
butte  aux  persécutions  des  jésuites,  et  il  vint  résider  à 
Sagan,  en  Silésie.  Lorsqu'il  fut  installé,  le  duc  de  Wal- 
lenstein lui  proposa,  au  lieu  de  la  somme  promise,  une 
place  de  professeur  à  Rostock.  Il  refusa  et,  à  bout  de  res- 
sources et  de  patience,  à  peu  près  réduit  qu'il  était,  depuis 
un  quart  de  siècle,  en  dépit  de  ses  hautes  situations  offi- 
cielles, à  vivre  du  produit  de  petits  almanachs  composés 
pour  des  libraires  ou  d'horoscopes  tirés  à  des  gens  de  cour, 
il  résolut  d'aller  présenter  lui-môme  ses  doléances  à  la 
diète  de  Ratisbonne.  Epuisé  par  la  fatigue  et  la  misère,  il 
fut  pris  de  fièvre  en  arrivant  et  mourut  six  jours  après 
(4630). 

D'autres  chagrins  que  les  embarras  pécuniaires  et  que 
les  persécutions  religieuses  avaient  torturé  son  existence. 
En  4597,  il  s'était  marié  avec  une  jeune  veuve  de  famille 
noble,  Barbara  Muller  von  Mùhleck,  qui,  fière  et  acrimo- 


KEPLER 


-  476  — 


nieuse,  avait  exigé  que  lui-même  produisît,  coûte  que  coûte, 
des  parchemins,  et  qui  lui  donna  cinq  enfants,  mais  non 
le  bonheur.  Elle  devint  folle  et  elle  mourut  en  4641,  sui- 
vie de  près  dons  la  tombe  par  trois  des  enfants.  D'une  se- 
conde femme,  Susanna  Reutlinger,  épousée  à  Linz  en  4643, 
il  en  eut  sept  autres,  qui  vécurent  peu.  Il  eut  enfin  la 
douleur  de  voir  jeter  en  prison,  comme  sorcière,  sa  mère, 
Katharina  Guldenmahn,  qui  s'était  fait  à  Leonberg  de  nom- 
breux ennemis.  Oubliant  combien  elle  avait  été  dure  pour 
lui,  il  accourut  de  Linz,  en  4620,  pour  la  défendre,  mais 
il  ne  réussit  qu'à  lui  éviter  la  torture  et  elle  mourut  dans 
un  cachot  en  4622.  Quant  à  ses  deux  frères,  Christoph 
et  Heinrichf  l'un  ouvrier  fondeur  et  l'autre  soldat,  ils  ne 
valaient  guère  mieux  au  moral  que  leur  mère  et  ils  s'étaient 
désintéressés  de  son  procès.  La  seule  consolation  qui  restât, 
parmi  tant  d'amertumes,  à  Johannes  Kepler,  fut  de  con- 
server quelques  amis  dévoués,  entre  autres  Msestlin,  son 
ancien  maître,  et  surtout  Bernegger,  professeur  d'histoire 
à  l'université  de  Strasbourg,  auprès  duquel  il  avait  l'in- 
tention d'aller  s'établir  s'il  réussissait  dans  sa  suprême 
démarche  et  qui  reporta  sur  ses  deux  enfants,  Ludwig 
(V.  le  suivant)  et  Susanna,  mariée  en  4630  au  professeur 
de  mathématiques  J.  Bartsch,  l'affection  profonde  qu'il 
avait  pour  le  père.  Leur  correspondance  a  été  publiée,  et 
elle  est  des  plus  intéressantes  pour  l'appréciation  de 
l'œuvre  de  Kepler  aussi  bien  que  pour  la  reconstitution  de 
sa  vie. 

L'auteur  des  trois  lois  immortelles  qui  résument  si 
admirablement  l'harmonie  des  mondes  occupe,  dans  l'his- 
toire de  la  science,  une  place  tout  exceptionnelle.  Avide  de 
vérité  et  doué  d'un  riche  génie,  il  avait  résolu,  dès  ses 
premières  recherches,  de  déchiffrer  l'énigme  de  la  nature. 
Avec  une  sagacité  merveilleuse,  avec  une  opiniâtre  persé- 
vérance et,  en  même  temps,  avec  une  modestie  qui  n'avait 
d'égale  que  sa  sincérité,  il  fit,  défit  et  refit  sans  relâche 
hypothèses  et  démonstrations,  jusqu'à  ce  qu'il  eût  atteint 
la  perfection,  ne  se  laissant  en  aucune  occasion  aveugler 
par  l'orgueil  et  n'hésitant  jamais  à  sacrifier  l'idée  de  la 
veille,  quelque  peine  qu'elle  lui  eût  coûtée.  La  genèse  de 
ses  prodigieuses  découvertes,  bases  de  l'astronomie  mo- 
derne, offre  à  cet  égard  un  exemple  édifiant  de  bonne  foi 
et  de  désintéressement  scientifiques.  Malheureusement,  à 
côté  de  conceptions  grandioses,  d'idées  sublimes,  de  déduc- 
tions qui  étonnent  par  leur  originalité  et  par  leur  profon- 
deur, ses  écrits,  du  reste  mal  ordonnés  et  diffus,  con- 
tiennent des  élucubrations  puériles,  constituant  souvent 
d'impardonnables  erreurs,  voire  même  de  grossières  aber- 
rations de  l'esprit.  Ainsi,  il  vient  de  formuler  une  des  lois 
fondamentales  de  la  physique  céleste,  il  la  soumet  au  rai- 
sonnement et  aux  calculs  les  plus  rigoureux,  et,  quelques 
lignes  plus  loin,  il  se  contente  des  motifs  les  moins  plau- 
sibles pour  justifier  sa  croyance  absolue  à  une  opinion 
fausse,  entremêlant  le  tout  de  divagations  astrologiques, 
de  prédictions  baroques,  à  peine  dignes  de  Mathieu  Laens- 
berg,  et  de  considérations  sur  les  rapports  de  la  musique 
avec  l'harmonie  des  cieux.  On  a  prétendu  que  cet  assem- 
blage de  vérités  et  d'erreurs  était  voulu,  que  celles-ci 
étaient  destinées,  dans  la  pensée  de  Kepler,  à  faire  passer 
plus  aisément  celles-là  et  qu'il  avait  tout  simplement  sa- 
crifié aux  préjugés  de  son  temps  dans  l'intérêt  même  de  la 
science.  Il  s'en  serait  même  expliqué  dans  un  passage  assez 
ambigu  d'un  de  ses  Hvres.  On  a  aussi  essayé  d'imputer  les 
vices  de  son  œuvre  à  son  éducation  première,  à  l'influence 
de  ses  études  théologiques  et  des  doctrines  encore  commu- 
nément enseignées  dans  les  écoles,  à  sa  situation  misérable, 
qui  le  contraignait  à  composer  à  la  hâte  de  nombreux 
ouvrages  pour  les  vendre  ensuite  et  à  faire  profession  de 
lire  dans  les  astres  et  de  tirer  des  horoscopes,  enfin  au 
trouble  qu'apportaient  dans  son  travail  ses  chagrins  do- 
mestiques et  les  persécutions  dont  il  était  victime.  Quoi 
qu'il  en  soit,  jamais  découvertes  ne  furent  plus  exclusive- 
ment personnelles  ni  plus  fécondes  que  les  siennes.^A  cause 
même  du  flot  d'extravagances  dans  lequel  elles  se  trouvent 


noyées,  elles  passèrent,  il  est  vrai,  à  peu  près  inaperçues 
de  ses  contemporains,  et  Galilée  lui-même  n'y  fait  nulle 
part  allusion.  Mais  Newton  en  comprit  toute  la  valeur  et 
elles  lui  fournirent  la  base  de  la  découverte  du  principe 
de  la  gravitation  universelle,  que  Kepler  avait  du  reste 
entrevu. 

Le  premier  ouvrage  astronomique  de  J.  Kepler  fut  écrit 
à  vingt-quatre  ans  et  imprimé  par  les  soins  de  Msestlin, 
sous  le  titre  :  Proclromus  dissertationum  cosmographi- 
canim,  continens  mysterium  cosmographicum  de  ad- 
mirabiliproportione  cœlestium  orhium,  etc.  (Tubingue, 
1596,  in-8).  L'auteur,  partisan  déclaré  du  système  de 
Copernic,  s'y  propose  d'établir  qu'il  existe  une  relation 
entre  les  distances  des  planètes  au  soleil  et  les  cinq  polyè- 
dres réguliers.  Et  voici  comme  il  y  parvient.  A  une  sphère 
de  rayon  égal  à  celui  de  l'orbite  de  Mercure,  il  circonscrit 
un  octaèdre  et  à  cet  octaèdre  une  sphère.  Elle  se  trouve 
avoir  un  rayon  égal  à  celui  de  l'orbite  de  Vénus.  A  cette 
seconde  sphère,  il  circonscrit  un  icosaèdre  et  à  cet  icosaèdre 
une  troisième  sphère.  Elle  a,  à  son  tour,  un  rayon  égal  à 
celui  de  la  Terre.  Puis  viennent  un  dodécaèdre  pour  Mars, 
un  tétraèdre  pour  Jupiter  et  enfin  un  carré,  auquel  il  cir- 
conscrit une  sixième  sphère,  qui  est  justement  de  même 
rayon  que  celui  de  l'orbite  de  Saturne.  A  côté  de  cette 
conception  chimérique,  qu'excuse  son  ignorance  du  nombre 
et  des  distances  réelles  des  planètes,  Kepler  a  émis,  dans 
le  même  hvre,  plusieurs  idées  excellentes,  dont  quelques- 
unes  semblent  des  prophéties.  Ainsi  il  raconte  qu'il  a  un 
instant  supposé  l'existence  de  deux  planètes  invisibles, 
l'une  entre  Mercure  et  Vénus,  l'autre  entre  Mars  et  Ju- 
piter. Il  fait  aussi  connaître  qu'il  a  cherché,  mais  sans 
pouvoir  la  découvrir,  une  loi  niathémathique  qui  reliât  la 
durée  des  révolutions  des  planètes  à  la  grandeur  de  leurs 
orbes.  Il  se  livre  enfin  à  d'intéressantes  critiques  sur  le 
système  de  Copernic,  qu'il  appuie,  dans  sa  généralité,  par 
de  bonnes  raisons,  mais  dont  il  signale  quelques  erreurs 
de  détail  révélées  par  ses  calculs.  Il  envoya  un  exemplaire 
de  son  Prodromus  à  Tycho  Brahe,  qui  le  complimenta 
tout  en  lui  conseillant  de  renoncer  aux  vaines  spéculations 
pour  s'en  tenir  aux  observations.  Le  jeune  astronome  tint 
heureusement  peu  de  compte  de  ce  conseil  (il  avait, 
d'ailleurs,  nous  l'avons  dit,  une  très  mauvaise  vue)  et,  pas 
la  suite,  il  se  servit  même  presque  exclusivement  pour  ses 
travaux  des  propres  observations  de  l'astronome  danois. 

Les  premières  années  de  son  séjour  à  Prague  furent  surtout 
consacrées  aux  Tables  rudolphines  (V.  Brahe). C'est  néan- 
moins de  cette  époque  que  date  la  découverte  de  ses  deux 
premières  lois.  Les  circonstances  qui  ont  précédé  et  entouré 
cet  événement  sont  longuement  relatées  dans  son  Astro- 
nomia  nova  àiitoXdy7]To;,  seu  physica  cœlestis  tradita 
commentariis  de  motibus  slellœ  Martis,  etc.  (Heidel- 
berg,  4609,  in-foL).  Mars  avait  tout  de  suite  captivé  son 
attention  comme  la  planète  la  plus  propre  à  lui  révéler  les 
secrets  de  l'astronomie.  Il  en  possédait  du  reste  de  nom- 
breuses observations  recueillies  par  Tycho  Brahe.  Il  s'atta- 
cha à  bien  déterminer  ses  positions  successives,  constata 
que,  sauf  erreurs  d'observations  inadmissibles  (il  existait 
des  différences  en  longitude  de  8  et  9  minutes),  son  orbite 
ne  pouvait  être  circulaire  et  trouva  tout  d'abord,  après  de 
longs  et  pénibles  détours,  que  «  le  rayon  vecteur  héfiocen- 
trique  de  la  planète  décrit  autour  du  soleil  des  aires  pro- 
portionnelles aux  unités  du  temps  ».  C'était  la  loi  des 
aires,  qui  est  souvent  désignée  sous  le  nom  de  seconde 
loi  de  Kepler,  bien  qu'elle  soit  la  première  dans  l'ordre 
chronologique,  et  que  l'on  énonce  généralement  ainsi: 
Chaque  planète  se  meut  autour  du  soleil  dans  une 
orbite  plane  et  le  rayon  vecteur  mené  du  soleil  à  la 
planète  décrit  des  aires  égales  en  des  temps  égaux. 
Quant  à  la  forme  exacte  de  l'orbite,  il  crut  primitivement 
que  c'était  un  ovale  aplati  dans  le  sens  latéral  au  diamètre 
qui  va  de  l'apogée  au  périgée,  puis  il  acquit  la  conviction 
que  c'était  une  ellipse,  et  il  formula  sa  première  loi,  —  la 
seconde  dans  l'ordre  chronologique,  —  la  loi  des  ellipses: 


477  — 


KEPLER 


La  courbe  décrite  par  chaque  planète  est  une  ellipse 
dont  le  soleil  occupe  un  des  foyers.  C'est  dans  cette 
même  Astronomia  nova.,  son  ouvrage  capital,  que  Kepler 
nous  fait  entrevoir  la  loi  de  la  gravitation  universelle.  Il  y 
explique,  en  effet,  à  propos  de  la  pesanteur  et  de  l'attrac- 
tion terrestre,  que  deux  corps  voisins  et  hors  de  la  sphère 
d'attraction  d'un  troisième  corps  de  même  nature  s'attire- 
raient en  raison  directe  de  leurs  masses  et  que,  si  la 
Lune  et  la  Terre  n'étaient  pas  retenues  dans  leurs  orbites 
respectives  par  «  quelque  force  vitale  ou  autre  »,  elles  se 
précipiteraient  l'une  sur  l'autre.  Il  s'efforce,  un  peu  plus 
loin,  d'établir  un  rapprochement  entre  la  pesanteur  ter- 
restre et  la  force  d'attraction  que  le  soleil  exerce  sur  les 
planètes.  Mais  il  se  laisse  égarer  par  une  analogie  supposée 
entre  l'attraction  universelle  et  l'attraction  magnétique  et 
il  ne  fait  que  toucher  la  vérité  sans  la  saisir.  Il  établit,  par 
contre,  en  principe,  que  le  mouvement  d'un  corps  est  na- 
turellement rectiligne  et  ne  dévie  que  sous  l'influence  d'une 
cause  étrangère.  Il  attribue  enfin  les  marées  à  l'attraction 
lunaire  et  il  parle  le  premier  de  la  rotation  du  soleil  au- 
tour de  son  axe. 

Sa  troisième  loi,  celle  de  la  proportionnalité  des  carrés 
des  révolutions  aux  cubes  des  distances,  ne  fut  définitive- 
ment découverte  que  le  15  mai  1648,  vingt-deux  ans  après 
qu'il  s'était  posé  le  problème  dans  son  Prodvomus  disser- 
tatiomim  (V.  ci-dessus).  Ainsi  que  pour  les  deux  pre- 
mières, il  a  conté  lui-même  ses  laborieuses  recherches,  ses 
nombreux  déboires  et  son  enthousiasme  final.  Le  livre,  que 
gâte,  comme  toujours,  un  fatras  de  divagations  de  toute 
soj'te,  est  intitulé  Harmonices  mundi  lihri  V  (Linz, 
1619,  in-foL).  La  loi  des  révolutions^  est  nettement 
définie  :  «  Proportio  quae  est  inter  binorum  quorumcumque 
planetarum  tempera  periodica  est  praicise  sesquialtera  pro- 
portionis  mediarum  distantiarum,  id  est  orbium  cœles- 
tium.  »  On  l'énonce  communément  en  ces  termes:  Les 
carrés  des  révolutions  des  planètes  autour  du  soleil 
sont  entre  eux  comme  les  cubes  de  leurs  moyennes 
distances  à  cet  astre. 

Les  autres  travaux  de  Kepler  ont  trait  notamment  à 
l'optique,  à  la  pesanteur  de  l'air,  aux  éclipses,  aux  co- 
mètes. Son  premier  ouvrage  sur  la  lumière  a  pour  titre  : 
Ad  Vitellionem  paralipomena ,  quibus  astronomiœ 
parsoptica  traditur,  etc.  (Francfort,  1604,  in-4).  Il  con- 
tient une  très  bonne  table  des  réfractions  astronomiques, 
une  théorie  toute  neuve  et  fort  exacte  de  la  vision,  une 
théorie  de  l'irradiation.  Kepler  y  affirme  en  outre,  le  pre- 
mier, la  pesanteur  de  l'air.  Dans  son  Diopirice  (Augs- 
bourg,  1611,  in-4),  il  propose,  le  premier  également,  de 
composer  des  lunettes  au  moyen  de  l'accouplement  de  deux 
lentilles  convexes  et  il  crée  ainsi  la  lunette  astronomique. 
Une  mention  spéciale  est  due  aussi  à  son  Epitome  astro- 
nomiœ copernicance  (Linz,  1618-22,  2  vol.  in-4).  Il  y 
attribue  les  taches  du  soleil  à  des  nuages  qui  s'élèvent  de 
son  sein  et  il  donne  à  cet  astre  une  photosphère,  qui,  du- 
rant ses  éclipses  totales,  forme  le  cercle  lumineux  qui  borde 
la  Lune.  Quant  à  son  traité  sur  les  comètes  :  De  Conielis 
libelli  très  (Augsbourg,  1619,  in-4),  tout  en  renfermant 
d'excellentes  choses,  il  fourmille  d'erreurs.  C'est  ainsi  qu'il 
fait  mouvoir  ces  astres  en  ligne  directe  et  qu'il  attribue 
leur  queue  à  des  parcelles  de  leur  noyau  entraînées  par  les 
rayons  du  soleil.  Par  contre,  il  proclame  la  possibilité  de  la 
séparation  d'une  comète  en  deux  fragments  suivant  désor- 
mais des  routes  différentes. 

L'illustre  astronome  s'est  enfin  assuré  une  place  parmi 
les  grands  géomètres  par  deux  ouvrages  de  mathématiques 
fort  remarquables,  l'un  :  Chilias  logarithmorum  adtoti- 
dem  numéros  rotundos  (Marbourg,  1624-25,  2  vol. 
in~4),  qui  est  le  premier  essai  de  vulgarisation  des  loga- 
rithmes, l'autre  :  Nova  stereometria  doliorum  vinario- 
rvm  (Linz,  1615,  in-4),  dans  lequel  il  se  propose  de 
résoudre  complètement  le  problème,  déjà  abordé  par  Archi- 
mède,  an  jaugeage  des  tonneaux,  c.-à-d.  de  la  cubature 
des  solides  engendrés  par  les  coniques   tournant  autour 


d'axes  contenus  dans  leurs  plans,  et  qui  prépare  Tavène- 
ment  du  calcul  infinitésimal,  en  même  temps  qu'il  pose  les 
jalons  de  la  méthode  de  Maximis  et  minimis.  Ses  Har- 
monices mundi  (V.  ci-dessus)  marquent  également  dans 
l'histoire  de  la  géométrie.  «  On  y  trouve,  dit  M.  Chastes, 
la  notion  analytique  unissant  la  théorie  des  polygones  étoi- 
les, qui  du  reste  y  est  traitée  à  fond,  à  celle  des  polygones 
des  anciens.  » 

Outre  les  ouvrages  déjà  cités,  Johannes  Kepler  a  publié  : 
Kalender  nach  der  Gregorianischen  Rechnung  (Gratz, 
1595);  Nova  dissertatiuhcula  de  fundamentisastrolo- 
giœ  certioribiis  (Prague,  1602,  in-4);  Stella  nova  in 
pede  Serpentarii  (Prague,  1606,  in-4);  Phœnomenon 
singulare  seu  Mercurius  in  Sole  visus  (Leipzig,  1609, 
in-4)  ;  Narralio  de  observatis  a  se  quatuor  Jovis  satel- 
litibus  erronibus  {¥r'àgm,  1610,  in-4)  ;  Slrena  seu  de 
nive  sexangula  (Francfort,  4611,  in-4)  ;  De  Vero  Anno, 
quœ  Dei  jilius  in  utero  virginis  Mariœ  assumsit 
(Francfort,  4612,  in-4);  Ëphemerides  novœ  motuum 
cœlcstium  (Linz,  4616,  in-4)  ;  Apologia  pro  suo  opère 
Harmonices  Mundi  (Francfort,  4624,  in-fol.)  ;  Tabulœ 
Hudolphinçe  totius  astronomicœ  scientiœ  a  -Tychone 
Braheo  primum  conceptœ  continuatœ  et  absolutœ  a 
J.  Kepplero  (Ulm,  4627,  in-fol);  De  Raris  Mirisque 
anni  I6Si,  phœnomenis  Veneriset  Mercurii  in  Solem, 
éditépar  son  gendre,  J.Bartsch  (Leipzig,  4629,  in-4);  Som- 
nium  seu  opus  posthumum  de  astronomia  sublunari, 
éditépar  son  fils,  L.  Kepler  (Francfort,  1634,  in-4);  J.  Kep- 
pleri  et  J.  Bai^tsckii  Tabulœ  manuales  (Sagan,  1631). 
Quant  à  ses  manuscrits,  dont  beaucoup  étaient  inédits,  ils 
avaient  été  achetés  pour  100  florins  dans  la  succession 
d'Hevelius,  qui  les  tenait  de  son  ïihLudwig(\.  l'art,  sui- 
vant), par  le  mathématicien  M. -G.  Hansch.  Celui-ci  en 
publia  un  premier  volume  (Francfort,  1718),  mais,  réduit 
à  la  misère,  il  les  donna  en  nantissement  d'une  dette.  Ils 
furent  plus  tard  rachetés  par  les  soins  de  Murr  (1770), 
puis  de  Catherine  II  (4774).  De  nos  jours,  une  édition  com- 
plète des  œuvres  de  Kepler,  comprenant  sa  correspondance 
et  accompagnée  d'une  consciencieuse  biographie,  a  été  don- 
née par  le  docteur  Ch.  Frisch  sous  le  titre  :  Joannis 
Kepleri  opéra  om'nia  (Francfort,  4858-74,  8  vol.  in-8). 

Kepler  fut  enterré  dans  le  cimetière  protestant  de 
Saint-Pierre,  à  Ratisbonne,  non  loin  de  l'emplacement  ac- 
tuel de  la  gare  centrale.  Il  ne  reste  aucun  vestige  de  son 
tombeau  et  l'on  ignore  si  l'épitaphe  qu'il  s'était  lui-même 
composée  y  était  gravée  : 

Mensus  eram  cœlos,  nunc  terrœ  metior  umbras  ; 
Mens  cœlestis  erat,  corporis  umbra  jacet. 

En  4808,  un  monument  en  marbre  lui  a  été  élevé  par 
les  soins  du  prince  Charles  de  Dalberg  dans  le  jardin  bota- 
nique de  Ratisbonne.  Depuis  4870,  sa  statue  en  bronze, 
due  à  Kreling,  se  dresse  sur  une  place  de  Weil.  Son  por- 
trait original,  que  son  ami  Bernegger  avait  donné  à  la 
bibliothèque  de  Strasbourg,  y  a  été  brûlé  pendant  le  bom- 
bardement de  1870.  "  Léon  Sacnet. 

Lois  de  Kepler  (V.  ci-dessus  et  l'art.  Astronomie, 
t.  IV,  pp.  378-379). 

Problème  de  Kepler  (V.  Anomalie,  t.  II,  p.  402). 

BiBL.  :  J.  Keppleri  et  M.  Berneggeri  epistolse  mutuœ; 
Strasbourg,  1672,  in-lE.  —  Ulr.  Junius,  De  Joh.  Kepplero; 
Leipzig,  1710,  in-4. —M.-G.  Hansch,  Epistolœ  mutuœ  J. 
Kepleri  aliorumque;  Leipzig,  1717.  —  C.-F.  Stœndlin, 
Narralio  de  Joh.  Keppleri  theologia,  et  religione  ;  Gœt- 
tingue,  1794.  in-4.— Kâstner,  Geschichte  der  Malhematik^ 
IV,  pp.  276-387;  Gœttingue,  1800.  —  T.alande,  Bibliogra- 
phie astronomique,  p.  368  ;  Paris,  1803,  in-4.  —  Breits- 
CHWERT,  Joh.  Kepp le f  s  Leben  und  Wirken  ;  Stuttgart, 
1831.  —-  M.  CiiASLES,  Aperçu  historique  sur  l'origine  des 
méthodes  en  géométrie,  p.  484;  Bruxelles,  1837,  in-4.  — 
Brewster,  Life  of  Galileo,  Tycho  de  Brahe  and  Kepler  ; 
Londres,  1841.  -  J.-B.  Biox,  Traité  d'astronomie,  3«  éd.; 
Paris,  1844-47,  t.  IV  et  V.—  G.  Libri,  art.  du  Journal  des 
Savants,  1847,  pp.  367,  433  et  466.  —  Apelt,  J.  Kepler's 
aslronomische  Weltansicht  ;  Leipzig,  1849.  —  Arago, 
Notices  biographiques  ;  Paris,  1855,  t.  111  (éd.  Barralj.  — 
0.  Struve,  Beitrag  zur  Feststellung  des  Verhœltnisses 
von  Kepler  zu  Wallenstein  ;  Saint-Pétersbourg,  1860.  — 
W.  FoRSTER,  J.  Kepler  und  die  Harmonie  der  Spharen; 


KEPLER  —  KERAÏTES 


—  478 


Berlin,  1862.  —  J.  Bertrand,  Notice  sur  la  vie  et  les  tra- 
vaux de  Kepler,  lue  à  l'Académie  des  Sciences  le  28  déc. 
1863  (t.  XXXV,  2«  série,  pp.  849-886).—  Du  même,  les  Fon- 
dateurs de  l'astronomie  moderne  ;  Paris,  1865,  in-8.  — 
Gruner,  Keplefs  wahrer  Gebui^tsort;  Stuttgard,  1866.  —- 
Rkitlinger,  îneumann  et  Grunder,  Johannes  Kepler  ; 
Stuttgard,  1868. —  K^eusciile,  Kepler  und  die  Astronomie  ; 
Francfort-sur-M.,  1871.  —  Gôbel,  Ueber  Kepler's  astron. 
Anschauungen  und  Forschungen  ;  Halle,  1871.  —  il. 
WoLF,  Johannes  Kepler  und  Jobst  Bûrgi;  Zurich,  1872.— 
HafneR,  Tycho  Brahe  und  J .  Kepler  in  Prag  ;  Prague, 
1872.  —  W.  Fœrster,  J.  Kepler,  eine  Festrede  ;  Beiîin, 
1872.  —F.  Hœfer,  Histoire  de  V  astronomie;  Paris,  1873, 
in-12,  pp.  341-369,  —  H.  Wolf,  Geschichte  der  Astrono- 
mie ;  Munich,  1877,  pp.  281-310.  —  Billwieler,  Kepler 
als  Reformator  der  Astronomie  ;  Zurich,  1877.  —  F.  Hœ- 
fer, Histoire  des  mathématiques;  Paris,  1879^  pp.  369- 
371,  2«  éd.,  in-12.  —  Poggendorff,  Geschichte  der  Phy- 
sik;  Leipzig,  1879,  pp.  153-178.— Brocard,  la  Météorologie 
de  Kepler  ;  Grenoble,  1879-81.  —  V.  aussi  l'introduction 
des  Opéra  omnia  (édit.  Frisch). 

KEPLER  (Ludwig),  médecin  allemand,  fils  du  précédent, 
né  à  Prague  le  21  déc.  1607,  mort  à  Kœnigsberg  le 
23  sept.  4663.  Il  étudia  d'abord  la  philosophie  à  Vienne, 
puis  la  médecine  à  Strasbourg,  et  exerça  à  Kœnigsberg  de 
1635  jusqu'à  sa  mort.  Il  a  laissé  plusieurs  ouvrages  de 
médecine  :  Liber  Galeni  de  symptomalum  Caussis  se- 
cundis  (Strasbourg,  4631,  in-4);  De  Incuba  (Kœnigs- 
berg, 1643,  in-4),  etc.  Il  a  en  outre  édité  le  Somnmm 
de  son  père.  L.  S, 

KEPPEL  (Arnold-Josse  Van),  comte  d'Albemarle,  mar- 
quis de  Bury,  général  hollandais,  né  en  Gueldre  en  1669, 
mort  à  La  Haye  en  1718.  Il  contrioua  à  la  défaite  des 
Français  à  Malplaquet.  Pendant  la  guerre  de  la  succession 
d'Espagne,  il  s'empara  de  Mortagne,  mais  fut  fait  prisonnier 
à  la  bataille  deDenain.ll  suivit  Guillaume  IIÏ  en  Angleterre 
et  reçut  la  pairie  et  la  Jarretière  avec  les  titres  de  comte 
d'Albemarle  et  de  marquis  de  Bury.  Il  rentra  en  Hollande 
comme  lieutenant-gouverneur  et  y  reçut  Pierre  le  Grand  à 
son  deuxième  voyage. 

KEPPEL  (William-Anne),  comte  d'Albemarle,  général 
anglais,  né  à  Whitehall  le  5  juin  1702,  mort  à  Paris  le 
22  déc.  1754.  Aide  de  camp  du  roi  (1727),  gouverneur 
de  Virginie  (1737),  il  fit  partie  avec  le  grade  de  général 
de  l'état-major  de  l'armée  de  Flandre  (1742),  combattit 
brillamment  à  Dettingen  et  à  Fontenoy,  puis  à  Culloden  où 
il  commandait  la  première  ligne  de  l'armée  de  Gumberland. 
En  1748,  il  fut  nommé  ambassadeur  extraordinaire  à  Paris 
où  il  remplit  une  autre  mission  en  1754.  R.  S. 

KEPPEL  (George),  comte  d'Albemarle,  général  anglais, 
né  le  8  avr.  1724,  mort  le  13  oct.  1772.  Aide  de  camp  et 
favori  du  duc  de  Gumberland,  il  l'accompagna  en  Flandre 
et  faillit  être  tué  à  Culloden.  Il  portait  alors  le  nom  de  lord 
Bury.  Aide  de  camp  du  roi,  il  représenta  longtemps  Chi- 
chester  au  Parlement.  En  1762,  il  fut  chargé  de  la  con- 
quête de  la  Havane  qui  était  chose  accomplie  le  30  juil.  Il 
y  commit  des  exactions  et  des  abus  de  pouvoir  qui  le  firent 
rappeler  (4763).  R.  S. 

KEPPEL  (Augustus),  célèbre  amiral  anglais,  né  le 
25  avr.  1725,  mort  le  2  oct.  1786.  Entré  dans  la  marine 
en  1735,  il  participa  à  la  fameuse  expédition  du  commo- 
dore  Anson  (V.  ce  nom).  Commodore  en  4752,  il  fit  une 
campagne  contre  les  corsaires  barbaresques,  commanda 
Pexpédition  contre  les  établissements  de  Corée  en  1758,  prit 
une  part  importante  à  la  bataille  de  Quiberou  (1759)  où 
il  coula  le  7/i^'.5é^^,  s'empara  de  Belle-Isle  en  1761 ,  assista 
efficacement  son  frère  George  (V.  ci- dessus)  dans  la  con- 
quête de  La  Havane,  ce  qui  lui  valut  le  grade  de  contre- 
amiral  (1762).  A  partir  de  1765,  il  s'occupa  passionnément 
de  politique  et  prit  dans  l'opposition  une  attitude  qui  nuisit 
fort  à  son  avancement.  Pourtant,  en  1778,  il  fut  promu 
amiral  et  chargé  du  commandement  en  chef  de  la  grande 
flotte  réunie  contre  la  France.  Le  47  juin,  il  soutint  un 
combat  acharné  contre  La  Clocheterie  qu'il  força  à  retour- 
ner à  Brest;  les  23-27  juiL,  il  livrait  au  comte  d'Orvil- 
liers  une  grande  bataille  dans  les  parages  d'Ouessant  qui 
demeura  indécise.  Keppel  fut  traduit  devant  une  cour  mar- 
tiale à  Portsmouth  et  acquitté  (41  févr.  1779).  Il  en  garda 


unj  haine  farouche  à  l'amirauté  et,  représentant  de  Wind- 
sor au  Parlement,  il  ne  manqua  plus  une  occasion  de  cri- 
tiquer la  mauvaise  gestion  de  la  marine.  A  la  chute  du 
cabinet  North  (1782),  il  fut  nommé  premier  lord  de  l'ami- 
rauté et  créé  vicomte  Keppel  et  baron  Elden.  11  garda  ces 
fonctions  dans  le  ministère  de  coalition  jusqu'à  l'avènement 
de  Pitt  (18  oct.  1783).  II  demeura  depuis  lors  dans  ia  vie 
privée.  On  a  plusieurs  portraits  de  lui  par  Reynolds.  R.  S. 

BiBL.iThs.  K¥.VY'\ih,Lifeof  A.viscomd  Keppel;  Londres, 
1842,  2  vol.  in-8.  —  Procès  de  Vamiral  Keppel;  Amster- 
dam, 1769,  in-8. 

KEPPEL  (George -Thomas),  homme  politique  anglais 
(V.  Albemârle  [Comte  d'J). 

KEPPEL(Sir  Henry),  marin  anglais,  né  le  14  juin  1809, 
frère  du  sixième  comte  d'Albemarle  (V.  ce  nom).  Entré  au 
service  en  1832,  il  participa  à  l'expédition  de  Chine  (i  842), 
fit  campagne  contre  les  pirates  de  Bornéo,  et  fut  promu 
amiral  en  1877.  Il  a  écrit:  The  Expédition  to  Bor?ieo 
(Londres,  1846,  2  vol.  in-8,  2«éd.);  A  Visit  to  theîn- 
dian  Archipelago  (1853,  2  vol.  in-8).  R.  S. 

KER,  comte  de  Roxburgh  (V.  ce  nom). 

KER  DE  Kerslând  (John),  agent  secret  anglais,  né  le 
8  août  1673,  mort  à  Londres  le  8  juil.  1726.  D'une  an- 
cienne famille  noble  d'Ecosse,  mais  criblé  de  dettes,  il  entra 
au  service  de  la  police  politique  et  créa  toute  une  agence 
secrète  en  Ecosse  pour  surveiller  les  Jacobites.  Il  remplit 
aussi  plusieurs  missions  à  l'étranger,  notamment  à  Vienne 
(1713)  et  à  Hanovre  (1714)  et  se  trouva  en  relations  avec 
Leibniz.  H  mourut  à  la  prison  pour  dettes.  Il  a  laissé  des 
Mémoires  (Londres,  1726,  3  vol.  in-8)  fort  intéressants 
qui  ont  été  traduits  en  français  (Amsterdam,  1726-28, 
3  vol.)  et  en  allemand  (Hambourg,  1734,  in-4).    R.  S. 

KÉRAITES.  Peuplade  de  race  mongole  qui  habitait  à 
l'origine  près  des  sources  de  l'Amour;  les  Khitans  (V.  ce 
mot)  les  refoulèrent  à  PO.  et  ils  occupèrent  la  région  com- 
prise entre  le  haut  cours  de  FOrkhon  et  le  sommet  de  la 
grande  boucle  que  fait  vers  le  N.  le  Hoang-ho;  la  région 
qui  se  trouve  en  dehors  et  en  dedans  de  cette  boucle  est 
le  pays  des  Ordos  ;  c'est  le  Tendue  de  Marco  Polo,  le  Tozan 
d'Odoric  de  Pordenone.  A  la  fin  du  xii'^  siècle,  le  roi  des 
Kéraïtes  s'appelait  Touli,  d'après  les  historiens  chinois,  et 
Togroul,  d'après  les  Persans.  Marco  Polo  lui  donne  le  nom 
de  Une  Cham  et  l'identifie  avec  le  célèbre  prêtre  Jean  qui 
joue  un  si  grand  rôle  dans  les  récits  des  voyageurs  du 
moyen  âge  en  Asie.  Une  Cham  est  une  déformation  ortho- 
graphique de  Wang  khan  (luang  est  le  mot  chinois  qui 
signifie  roi).  Touli,s'étant  vu  déposséder  par  son  oncle  Gour- 
khan,  vint  chercher  refuge  auprès  du  khan  mongol  Yissou- 
gai;  grâce  à  son  appui,  il  reprit  le  pouvoir  dans  son  pays  ; 
plusieurs  années  plus  tard,  il  dut  fuir  de  nouveau  devant 
une  rébellion  et  comme  Yissougai  était  mort,  c'est  à  son  fils, 
Témoutchin  (qui  devait  être  plus  tard  Djengis  Khan),  qu'il 
demanda  secours  ;  c'est  par  lui  qu'il  fut  restauré  une  se- 
conde fois  sur  son  trône  (1196  ap.  J.-C).  Témoutchin  et 
TouU  furent  pendant  quelque  temps  de  fidèles  alliés  et  di- 
rigèrent des  expéditions  victorieuses  contre  la  tribu  des 
Naimans.  En  1202,  cependant,  le  fils  de  Touli  projeta  de 
tuer  Témoutchin  ;  ses  intentions  furent  découvertes  et  la 
guerre  éclata  entre  les  Kéraïtes  et  les  Mongols.  En  1203, 
Touli  fut  battu  près  des  monts  Tchetcher-Ondour,  entre 
les  rivières  Toula  et  Keroulen  ;  il  s'enfuit  et  fut  assassiné 
sur  le  territoire  des  Naïmans;  à  partir  de  ce  moment,  la 
tribu  kéraïte  tomba  sous  le  joug  mongol  et  perdit  toute  im- 
portance. 

Par  une  singularité  très  digne  de  remarque,  les  Kéraïtes 
étaient  chrétiens.  Assemani,  citant  l'historien  chrétien 
Aboulfaradje,  dit  qu'en  l'an  1007,  le  patriarche  de  Bag- 
dad reçut  une  lettre  d'Ebed-Yechou,  métropolitain  de  Merv, 
dans  le  Khorassan,qui  racontait  la  conversion  miraculeuse 
du  roi  des  Chériths  (Kéraïtes)  ;  ce  roi,  disait-il,  l'avait  in- 
vité à  se  rendre  auprès  de  lui  ou  à  lui  envoyer  un  prêtre 
qui  pût  lui  conférer  le  baptême  et  assurait  que  200,000 
individus  étaient  prêts  à   suivre  son   exemple.  C'est  le 


christianisme  des  Kéraïtes  qui  a  donné  naissance  aux  lé- 
gendes relatives  au  prêtre  Jean,  le  grand  souverain  chré- 
tien qui  règne  dans  l'Asie  orientale.  La  nièce  du  khan, 
khéraïte  Touli,  Sorhahtani,  qui  épousa  le  fils  de  Djengis 
Khan  et  fut  la  mère  de  Koubilaï  Khan,  était  certainement 
chrétienne,  car  nous  apprenons  par  les  historiens  chinois 
que  son  image  fut  placée  après  sa  mort  dans  le  «  temple 
de  la  croix  »  {che  Ue  se),  dans  le  Kan-sou  (Palladius, 
Traces  of  christ,  in  Mongolia  and  China  in  the  iS  ^^ 
century,  Chinese  Recorder,  vol.  Vî,  p.  104).      Ed.  Ch. 

.  BiBL.  :  D'Ohsson,  Histoire  des  Mongols,  t.  I,  pp,  47-83.  — 
Klaproth,  Journal  asiatique,  sér.  1,  t.  IX,  pp.  299-306.  — 
PauthieR;  le  Pays  de  Tanduc  elles  descendants  duprôtre 
Jean.  —  Col.  Y v le,  Cathay  and  the  way  thither^pp.xGYiu, 
147,  175,  179,  200,  317. 

KÉRAK  (V.  Karâk). 

KERALIO  (Louis-Félix  Guynement  de),  littérateur  fran- 
çais, né  à  Rennes  le  17  sept.  1731,  mort  à  Grosley  le 
10  déc.  1793.  Major  au  régiment  d'Aquitaine,  il  devint  eu 
1769  professeur  de  tactique  à  l'Ecole  militaire  et  fut  élu 
en  1780  membre  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres.  Citons  de  lui  :  les  Penchants  de  la  nature  (Paris, 
1769,  in-12);  Recherches  sur  les  principes  généraux 
de  la  tactique  (1 769,  in-i2)  ;  Histoire  de  la  guerre  entre 
la  Russie  et  la  Turquie  (Amsterdam,  1773,  in-4;  trad. 
en  allemand,  1777-78,  in-8)  ;  Histoire  de  la  guerre  des 
Ricsses  et  des  Impériaux  contre  les  Turcs  {Mil,  2  vol; 
in-12;  traduit  en  allemand,  Leipzig,  1778,  2  vol.  in-8). 

—  Sa  femme,  Marie-Françoise  Abeille,  a  laissé  une  tra- 
duction estimée  des  Fables  de  Gay  (1759,  in~12)  et  des 
romans,  comme  les  Succès  d'un  fat  (1762,  2  vol.  in-12). 

—  Son  frère,  Agathon  de  Keralio  (1734-88),  inspecteur 
des  écoles  royales  militaires,  maréchal  de  camp  (1780),  lit 
l'éducation  militaire  de  Maxirailien-Joseph  de  Bavière  et 
distingua  Bonaparte  à  Brienne.  — Sa  fille,  Louise- Félicité, 
née  à 'Paris  le  25  août  1758,  morte  à  Bruxelles  en  1821, 
épousa  en  1791  Robert,  rédacteur  au  Mercure  national 
(où  elle  écrivait  elle-même),  qui  fut  député  de  Paris  à  la 
Convention.  Elle  est  l'auteur  d'un  grand  nombre  de  romans, 
de  mémoires,  de  poésies,  parmi  lesquels  nous  citerons  :  His- 
toire d'Elisabeth  (Pau,  1787-88,  5  vol.  in-8)  ;  Collection 
des  meilleurs  envisages  français  composés  par  les 
femmes  (1186-89,  14  vol.  in-8)  ;  les  Crimes  desreines 
de  Fra7ice  (1793,  in-8)  ;  Amélie  et  Caroline  (1808, 
5  vol.  in-12),  etc.  M™°  Roland  a  beaucoup  parlé  d'elle  dans 
ses  Mémoires,  R.  S. 

KERAMA.  Ilots  de  l'archipel  japonais  des  îles  Riou-kiou, 
àl'O.  de  la  pointe  S.  d'Okinava. 

KERANIOU  (Olivier-Alexis-René-Marie  Le  Roy  de), 
publiciste  français,  né  en  1828.  Capitaine  au  long  cours, 
puis  attaché  aux  travaux  du  port  de  Brest.  Citons  de  lui  : 
les  Potins,  poèmes  (1842,  in-8);  Avenir  du  commerce 
et  des  ports  français  (1857,  in-8)  ;  Avertir  de  Vadmi- 
nistralio7i  des  Postes  en  France  et  en  Espagne  (1863, 
in-8);  Libération  du  territoire  (1872,  in-8);  la  Dé- 
fense de  Brest  et  de  ses  abords  (1873,  in-8),  etc.  Il  a 
posé  plusieurs  fois,  sans  succès,  sa  candidature  à  l'Acadé- 
mie française. 

KERANIOU  (Ange-Bon-Marie  Le  Roy  de),  littérateur 
français,  né  le  4  mai  1829,  mort  en  1872,  frère  du  pré- 
cédent. Clerc  de  notaire.  Il  est  l'auteur  de  plusieurs  pièces 
de  théâtre  qui  ont  eu  du  succès,  entre  autres  :  Noblesse 
oblige  (Odéon,  1859),  comédie  en  cinq  actes  ;  Jmnnt?  qui 
pleure  et  Jeanne  qui  rit  (Gymnase,  1860),  comédie  en 
quatre  actes  ;  de  nombreux  romans,  comme  les  Valets  de 
grandes  maisons  (1860,  in-12);  les  Maris  garçons  (1862, 
in-12)  ;  Un  Secret  de  jeune  fille  (1865,  in-12),  etc. 

KÉRÂOLL  Ville  de  l'Inde  centrale,  capitale  d'une  princi- 
pauté du  Radjpoutana,  sur  le  Pantchna,  sous-affl.  de  la 
Djemna  ;  30,000  hab.  La  ville  qui  remonte  au  xiv^^  siècle 
est  enveloppée  d'une  enceinte  à  tours  et  portes  monumen- 
tales ;  elle  renferme  un  beon  palais  du  xv^  siècle  et  des 
temples  et  maisons  d'une  béue  architecture.  —  La  princi- 


479  —  KÉRAÏTES  ~  KÉRATRY 

paulé  (3,260  kil.  q.,  160,000  hab.)  esta  l'E.  du  Radjpou- 
tana, touchant  au  S,  au  Scindia,  à  PO.  au  Djeipour. 

KERARMA.  Tribu  de  l'E.  du  Maroc  qui  habite  sur  l'ouad 
Za  et  sur  la  route  d'Oudjda  à  Fez.  Cette  partie  de  la  vallée 
de  Pouad  Za  porte  le  nom  de  Blad  Kerarma.  La  tribu  est 
soumise  au  sultan  et  son  cheikh  réside  près  de  l'ancienne 
kasba  de  Taourirt.  Le  territoire  de  Kerarma  est  compris 
entre  le  confluent  de  la  Moulouïa  et  Pouad  Za.  Les  Kerarma 
parlent  l'arabe.  H.-M.-P.  de  La  Mârtinière. 

KERAS  (V.  Coiffure,  t.  XI,  p.  855). 
KERASOUNT  (var.  Kerassunde,  Kirésunde).  Petit  port 
du  vilâyet  et  sandjak  de  Trébizohde  (Turquie  d'Asie).  Le 
Tchal-dâgh  envoie  mourir  ses  dernières  pentes  derrière  la 
ville  et  contribue  ainsi  à  lui  donner  un  climat  tempéré.  La 
population  s'élève  à  8,400  hab.,  dont  4,000  Grecs  et  un 
millier  d'Arméniens.  Les  noisettes  font  la  richesse  de  Ke- 
rasount,  qui  a  pourtant  donné  son  nom  à  la  cerise.  L'an- 
cienne colonie  grecque  de  Kerasos  {située  à  vrai  dire  dans 
la  vallée  de  Kérasoun-Déré)  est  la  ville  d'où  Lucullus  apporta 
à  Rome  les  premiers  plants  de  cerisiers.  Il  reste  des  ruines 
de  l'ancien  quai. 

KÉRATINE.  Substance  organique  renfermée  dans  la 
corne,  l'épiderme,  les  ongles  et  les  poils  ;  elle  est  inso- 
luble dans  la  potasse,  à  l'inverse  de  toutes  les  substances 
organiques. 

KERATOCÈLE  (Ophtalra.).  A  la  suite  d'ulcères  chro- 
niques, d'abcès  ou  de  sphacèles  de  la  cornée,  ayant  entamé 
les  couches  superficielles  de  la  membrane,  il  se  produit  une 
poussée  de  l'humeur  aqueuse  qui  fait  saillir  à  travers  la  perte 
do  substance,  sous  forme  de  hernie,  une  petite  portion  des 
couches  profondes.  C'est  la  kératocele,  accident  des  plus 
graves  qui  annonce  que  la  perforation  est  imminente.  Atten- 
dre que  celle-ci  se  produise  spontanément,  c'est  risquer  la 
perte  totale  de  l'œil.  La  mince  pellicule  qui  sert  de  barrière 
à  l'humeur  aqueuse  venant,  en  eifet,  à  céder  sous  la  pous- 
sée continue,  se  déchire,  en  se  rompant,  s'ouvre  très  lar- 
gement et  laisse  échapper  un  flot  de  liquide  qui  entraine 
l'iris  et  quelquefois  le  cristallin.  Dans  les  ophtalmies  puru- 
lentes des  nouveau-nés,  il  est  indispensable  de  prendre 
les  précautions  les  plus  minutieuses,  si  on  a  des  raisons 
de  croire  à  l'imminence  de  la  perforation,  La  pks  petite 
pression  sur  le  globe  de  Pœil  dans  le  mouvement  d'écartc- 
ment  des  paupières,  un  éternuement,  un  accès  de  toux, 
un  effort  peuvent  amener  une  brusque  déchirure  et  l'issue 
du  cristallin.  Pour  éviter  le  désastre,  on  perfore  doucement 
avec  un  bistouri  étroit  ou  un  stylet  aigu  la  petite  vésicule 
saillante  ;  et  l'humeur  aqueuse  "s 'étant  écoulée  lentement, 
on  applique  un  bandeau  compressif,  de  façon  à  maintenir 
et  solidifier  la  plaie  qui  ne  tarde  pas  à  se  cicatriser,  à 
moins  de  nouvelles  complications.  D'^  Ad.  Pjéchaud. 
KÉRATOCONE  (Ophtalm.)  (V.  Staphylome). 
KÉRATOÏOE  (Géom.)  (V.  Cératoïde). 
KÉRATOTOME  (Ophtalm.).  Couteau  de  forme  triangu- 
laire usité  dans  l'opération  dite  kératotomie  ou  incision  de 
la  cornée.  La  kératotomie  est  pratiquée  surtout  dans  la 
méthode  de  Daviel  :  extraction  à  lambeau  du  cristallin 
(V.  Cataracte).  Elle  est  supérieure  ou  inférieure,  sui- 
vant qu'on  veuille  enlever  le  cristallin  par  le  haut  ou  par 
le  bas,  et  dans  l'un  et  l'autre  cas  elle  embrasse  à  peu  de 
chose  près  la  moitié  du  segment  de  la  cornée. 

KÉRATRY  (Auguste-Hilarion,  comte  de),  écrivain  et 
homme  politique  français,  né  à  Rennes  le  28  déc.  1769, 
mort  à  Port-Marly  (Seine-et-Oise)  le  7  nov.  1859.  Issu 
d'une  famille  noble,  qui  le  destinait  à  la  magistrature,  il 
adopta  les  principes  de  la  Révolution,  mais  fut  incarcéré 
deux  fois  pendant  la  Terreur  et,  jusqu'aux  premières  années 
de  la  Restauration^  vécut  retiré  dans  une  terre  qu'il  possé- 
dait près  de  Quimper.  Il  paraissait  alors  préoccupé  surtout 
de  travaux  littéraires  et  philosophiques.  C'est  ainsi  qu'il 
publia  successivement  :  Contes  et  Idylles  (1791,  in-12)  ; 
le  Voyage  de  vingt-qiialre  heures  (1800,  in-12)  ;  Lusus 
et  Cydippe,  ou  les  Voisins  d'Arcadie,  poème   (1801, 


kérâtry 


—  480  — 


2  vol.  in-48);  Mon  Habit  mordoré,  ou  Joseph  et  son 
maître  (1802,  2  vol.  in-42);  Ruth  et  Noémi,  ou  les 
Deux  Veuves,  poème  (1811,  in-18)  ;  De  V Existence  de 
Dieu  et  de  V  immortalité  de  Vârne  (1815,  m-12)  ;  Induc- 
tions morales  et  physiologiques  (1817,  m-12);  Lettres 
sur  le  Salon  de  i8i9  (1820,  m-8).  A  l'époque  où  il 
écrivait  ces  derniers  ouvrages,  Kératry  était  déjà  entré 
dans  la  vie  politique.  Nommé  en  1815  conseiller  de  préfec- 
ture à  Quimper,  il  venait  d'être  envoyé,  le  26  oct.  1818, 
par  le  dép.  du  Finistère  à  la  Chambre  des  députés,  où, 
après  s'être  associé  par  de  vigoureux  discours  à  la  poli- 
tique des  doctrinaires,  il  se  rapprocha  bientôt  des  libé- 
raux, dont  il  devint  un  des  chefs  les  plus  populaires.  Il 
combattit  très  vivement  en  1820  les  lois  d'exception,  la  loi 
du  double  vote  et  publia  coup  sur  coup  plusieurs  brochures 
d'opposition  qui  eurent  un  grand  retentissement  :  De  l'As- 
sociation de  bienfaisance  formée  par  cinquante-quatre 
députés  des  départements  en  faveur  des  prévenus  et  de 
leurs  familles,  en  réponse  aux  journaux  de  Vultra- 
cisme  (d820,  in-8)  ;  Réflexions  soumises  au  roi  et  aux 
Chambres  sur  le  moment  présent  (4  820,  in~8)  ;  De  la 
Séance  du  i5janv,  i820  et  de  Vinfluence  que  peuvent 
avoir  les  projets  du  ministère  sur  les  destinées  de 
l'Etat  (1820,  in-S);  Documents  pour  servir  à  V  histoire 
de  France  en  1820  (1820  in-8)  ;  Lettres  à  M,  le  baron 
Mounier  sur  la  censure;  Lettre  de  J.-J,  Rousseau  à 
M.  le  comte  de  Girardin  sur  la  destitution  de  ce  der- 
nier ;  Réflexions  sur  l'état  du  christianisme  en 
France  (1820,  in-8):  la  France  telle  qu'on  Va  faite 
(1821, in-8);  De  l'Organisation  municipale  en  France 
et  du  projet  présenté  aux  Chambres  (1821,  in-8). 

Réélu  en  1822,  le  comte  de  Kératry  se  signala  encore 
par  ses  attaques  contre  l'expédition  d'Espagne,  contre 
l'impôt  du  sel,  contre  le  privilège  des  jeux  et  de  la  lote- 
rie, etc.  Il  n'obtint  pas,  en  1824,  le  renouvellement  de 
son  mandat.  Mais  en  1827,  peu  après  le  procès  qui  lui  fut 
intenté  pour  un  article  très  vif  publié  dans  le  Courrier 
français  contre  le  ministère  Vilièle,  il  fut  envoyé  au  Pa- 
lais-Bourbon à  la  fois  par  les  deux  collèges  de  Brest  et  des 
Sabies-d'OIonne.  Il  opta  pour  ce  dernier,  qui  le  réélut  dès 
lors  fidèlement  jusqu'en  1837.  Il  reprit,  naturellement,  sa 
place  dans  l'opposition,  vota  l'adresse  des  221  et  signa,  le 
27  juil.  4830,  une  protestation  contre  les  ordonnances 
inconstitutionnelles  de  Charles  X.  Il  mX  une  bonne  part  à 
l'établissement  de  la  monarchie  de  Juillet.  Aussi  Louis-Phi- 
lippe le  nomma-t-il  conseiller  d'Etat  dès  4  830.  A  partir  de 
cette  époque,  Kératry,  sans  renier  la  doctrine  constitu- 
tionnelle, s'attacha  résolument  à  combattre  par  ses  discours 
et  par  ses  votes  le  parti  avancé.  Les  services  qu'il  rendit  à 
la  nouvelle  royauté  lui  valurent  d'être  appelé  le  3  oct.  1837 
à  la  Chambre  des  pairs,  où  il  soutint  de  toutes  ses  forces, 
jusqu'en  1848,  la  politique  dite  de  la  résistance. 

Les  préoccupations  parlementaires  ne  lui  firent  négliger 
ni  avant  ni  après  4830  les  travaux  littéraires  pour  les- 
quels il  avait  montré  de  tout  temps  une  si  vive  prédilection. 
Critique  d'art,  romancier,  poète,  ])hilosophe,  poiémiste,  il 
touchait  à  tout,  mais,  il  faut  le  dire,  n'excellait  en  rien. 
Citons  parmi  les  ouvrages  qu'il  composa  pendant  cette  par- 
tie de  sa  vie  :  Du  Beau  dans  les  arts  d'imitation  (1822, 
3  vol.  in-18)  ;  Examen  philosophique  des  considéra- 
lions  sur  le  sentiment  du  sublime  et  du  beau,  d'Eni. 
Kant  (1823,  in-8)  ;  le  Guide  de  V artiste  et  de  l' ama- 
teur {iS^^,  in-12);  le  Dernier  des  Beaumanoir  ou  la 
Tour  d'Helven  (1824,  4  vol.  in-12)  ;  Du  Culte  en  géné- 
ral et  de  son  état  particulièrement  en  France  (1825, 
in-8);  Frédéric  Styndall  ou  la  Fatale  Année  (1827- 
1828,  5  vol.  in-12)  ;  Quelques  Pensées;  mon  ami  Less- 
mann  (1832,  in-18);  Du  Mariage  des  prêtres  catho- 
liques suivant  la  proposition  de  M.  Portalis  (4833, 
in-8)  ;  Saphir  a  ou  Paris  et  Rome  sous  l'Empire  (1835, 
3  vol.  in-8)  ;  la  Baronne  de  Kerleya  ou  une  Famille 
bretonne  à  Paris  (1836,  2  vol.  in~8)  ;  Questions  à 
l'ordre  du  jour  (1837,  in-8)  ;  Opinion  de  M.  de  Kératry 


et  de  la  commission  spéciale  de  surveillance  près  des 
théâtres  royaux  sur  les  subventions  théâtrales  (1837, 
in-4)  ;  Une  Fin  de  siècle  ou  huit  ans  (4  840,  2  vol.  in-8). 
—  M.  de  Kératry  protesta  contre  la  révolution  de  Février 
en  se  démettant  avec  éclat  de  sa  place  au  conseil  d'Etat. 
Envoyé  en  1849  par  le  Finistère  à  l'Assemblée  légis- 
lative, _  qu'il  présida  quelques  jours  comme  doyen  d'âge, 
il  se  signala  par  son  animosité  contre  la  République,  vota 
d'ordinaire  avec  la  droite,  combattit  la  politique  de  l'Ely- 
sée et  rentra  dans  la  vie  privée  après  le  coup  d'Etat  du 
2  déc.  1854.  Sa  verte  vieillesse  lui  permit  encore  d'écrire 
à  quatre-vingt-cinq  ans  un  dernier  roman,  Clarisse,  qui 
parut  en  1854.  a.  Debidour. 

KERATRY  (Emile, comte  de),  homme  politique  etpubli- 
ciste  français,  né  à  Paris  le  20  mars  1832,  fils  du  précé- 
dent. A  vingt-deux  ans,  il  s'engagea  dans  un  régiment  de 
cavalerie,  fit  la  campagne  de  Crimée  et  fut  nommé  sous- 
lieutenant  en  1859.  Le  service  mihtaire  ne  l'empêcha  pas 
de  rechercher  les  succès  littéraires.  Il  avait  déjà  publié 
plusieurs  pièces  de  théâtre  (A  bon  chat  bon  rat,  comé- 
die en  un  acte,  1856;  la  Toile  de  Pénélope,  proverbe  en 
un  acte,  1856;  la  Guerre  des  blasons,  comédie  en  trois 
actes,  1860;  la  Vie  de  club,  drame  en  cinq  actes,  1862), 
lorsqu'il  fut  envoyé  au  Mexique,  où  il  fit  partie  comme 
capitaine  de  la  contre-guérilla  du  colonel  Dupin  et  fut  at- 
taché comme  officier  d'ordonnance  au  maréchal  Bazaine. 
Démissionnaire  en  janv.  1865,  il  rentra  en  France  et  se 
donna  pour  tâche  de  dévoiler  dans  la  Revue  contempo- 
raine, puis  dans  la  Revue  moderne,  dont  il  devint  le  di- 
recteur, les  dessous  d'une  expédition  désastreuse,  dont  l'in- 
succès couvrait  à  ce  moment  l'Empire  de  confusion.  Ses 
hardies  révélations,  contenues  dans  trois  volumes  qui  pa- 
rurent en  1867  {la  Contre-guérilla;  la  Créance  Jecker; 
l'Elévation  et  la  chute  de  Maximilien)  attirèrent  sur  lui 
l'attention  publique.  Aussi,  malgré  les  efforts  de  l'admi- 
nistration, fut-il  envoyé  au  Corps  législatif  par  la  deuxième 
circonscription  du  Finistère  lors  des  élections  générales  de 
1869.Commedéputé,  M.  de  Kératry  s'associa  d'abordà  l'in- 
terpellation des  116,  menaça  le  gouvernement,  s'il  ne  réu- 
nissait pas  le  Corps  législatif  (alors  prorogé)  dans  les  délais 
légaux,  d'une  manifestation  à  laquelle  il  finit  par  renoncer 
et,  au  cours  de  la  session  de  1870,  combattit  très  vive- 
ment le  ministère  Ollivier.  Il  se  montra  pourtant  partisan 
résolu  de  la  guerre  en  juillet  de  la  même  année.  Mais  après 
Reichshoffen,  il  demanda  (11  août)  que  le  maréchal  Lebœuf 
comparût  devant  la  Chambre  et  que  neuf  députés  fussent 
adjoints  au  comité  de  défense.  Appelé  à  la  préfecture  de 
police  par  le  gouvernement  de  la  Défense  nationale  (4  sept.), 
il  en  demanda  peu  après  la  suppression,  démissionna,  par- 
tit en  ballon  pour  la  province  (44  oct.),  remplit  sans  suc- 
cès une  mission  diplomatique  en  Espagne  et  fut  à  son  re- 
tour nommé  général  de  division  à  litre  auxiliaire.  Chargé 
d'organiser  le  camp  de  Conlie,  il  ne  tarda  pas  à  renoncer  à 
cette  tâche  et  se  sépara  bruyamment  de  Gambetta  (27  nov.). 
Après  la  guerre,  Thiers  l'appela  à  la  préfecture  de  la  Baute- 
(iaronne  (20  mars  1874),  ou  il  étouffa  le  mouvement  com- 
munyliste,  puis  àcelle  des  Bouclies-du-Rhône  (15  nov.  1 871  ). 
Dans  ces. deux  postes,  M.  de  Kératry  fit  preuve  de  beaucoup 
d'énergie  sans  doute,  mais  ne  montra  ni  le  sang-froid,  ni 
le  tact,  ni  la  modération  de  langage  qui  sont  toujours  né- 
cessaires à  un  préfet,  mais  qui  l'étaient  particuhèrement  à 
cette  époque,  vu  les  circonstances  et  l'état  des  esprits.  Très 
vivement  attaqué  par  les  journaux  républicains  et  ne  se 
trouvant  pas  assez  soutenu  par  le  gouvernement,  il  résigna 
son  emploi  le  4  août  1872.  Entré  peu  après  dans  la  rédac- 
tion du  journal  le  Soir,  il  brigua  sans  succès,  comme  ré- 
publicain conservateur,  en  févr.  1875,  un  mandat  législa- 
tif dans  le  dép.  de  Seine-et-Oise.  Il  ne  fut  pas  plus  heu- 
reux dans  le  IX^  arrondissement  de  Paris  lors  des  élections 
générales  du  20  août  1884.  Depuis,  il  a  fondé  (en  4883) 
le  journal  la  Monarchie  constitutionnelle,  qui  a  peu  vécu. 
—  Les  derniers  ouvrages  de  M.  de  Kératrv  sont  :  le  Quatre 
Septembre  (4872,  in-8);  l'Armée  de  Bretagne,  1810- 


li  (4874,  in-8)  ;  Mourad  F,  prince^  sultan.^  prisonnier 
d'Etat  (1878,  in-8)  ;  Bas-fonds  et  sommets  (4878,  m-8); 
A  Travers  le  passée  souvenirs  militaires (iSSl^in-S), 

KERBELA.  Ville  de  la  Turquie  d'Asie,  vilayet  de  Bagdad, 
ch.-L  de  liva,  àl'O.de  FEuphrate;  45,000  hab.  Elle  doit 
son  importance  au  tombeau  d'Hoseïn  et  à  son  caractère 
de  cité  sainte  des  musulmans  chiites  ;  le  pèlerinage  annuel, 
comparable  à  celui  de  La  Mecque,  y  amène  420,000  visi- 
teurs. On  apporte  des  corps  de  la  Perse  et  de  l'Inde  pour 
les  ensevelir  à  Kerbela. 

KERBOGA,  prince  turc  de  Mossoul;  il  s'établit  en  ren- 
versant les  fils  de  Muslim  l'Oukellide,  Ali  et  Mohammed. 
Il  est  connu  par  son  intervention  contre  la  première  croi- 
sade ;  sur  l'appel  du  sultan  seldjoucide  Barkijarok,  il  vint 
secourir  Antioche  ;  s'étant  attardé  au  siège  d'Edesse,  il 
arriva  après  la  prise  de  la  ville  de  FOronte,  y  bloqua  les 
croisés,  mais  fut  défait  par  eux  (28  juin  4098).  11  mourut 
peu  après. 

KERBORS.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Lannion,  cant.  de  Lézardrieux  ;  912  hab. 

KERBOUGHART  (Bouchard  de)  (V.  Bouchard). 

KERCADO  (V.  Carcado). 

KERCHOVE  Van  der  Varent  (Joseph,  vicomte  de),  mé- 
decin belge,  né  à  Nuth  en  1789,  mort  à  Malines  en  4867. 
Il  suivit  comme  chirurgien  les  armées  de  l'Empire  en  Rus- 
sie, en  Allemagne  et  en  France.  Il  entra  ensuite  au  service 
des  Pays-Bas  et  devint  chef  du  service  de  santé  militaire 
de  la  place  d'Anvers.  Il  publia  de  nombreux  ouvrages  très 
remarqués  des  spécialistes.  En  voici  les  principaux  :  His- 
toire des  maladies  observées  à  la  grande  armée  fran- 
çaise pendant  la  campagne  de  Russie  et  d'Allemagne 
(Maastricht,  4844,  in-8)  ;  ce  travail  fut  souvent  réédité  et 
traduit  en  hollandais,  en  allemand  et  en  italien.  — Son  fils 
Eugène,  né  à  Anvers  en  4847,  mort  à  Malines  en  4890, 
entra  dans  la  diplomatie,  et,  après  avoir  été  chargé  d'af- 
faires de  Belgique  à  Constantinople,  devint  ministre  de 
Turquie  à  Bruxelles.  Il  fut  un  des  principaux  organisateurs 
des  congrès  catholiques  de  Malines  (V.  Ducpétiaux)  et  dé- 
fendit les  principes  du  catholicisme  libéral  avec  un  réel 
talent.  Il  devint  ensuite  membre  de  la  Chambre  des  repré- 
sentants et  bourgmestre  de  Malines.  E.  H. 

KERCHOVEN  (Jean  Van  den),  plus  connu  sous  le 
nom  de  Polyander,  théologien  protestant,  né  à  Metz  en 
4568,  mort  à  Leyde  en  4646.  Il  fut  à  Genève  l'élève  pré- 
féré de  Th.  de  Bèze  et  de  Chandieu.  Il  devint  ensuite  pas- 
teur à  Dordrecht,  et,  à  la  mort  d'Arminius,  il  lui  succéda 
dans  sa  chaire  de  théologie  à  Leyde.  Il  acquit  une  réputa- 
tion universelle  de  profonde  science  et  d'extrême  droiture. 
C'est  lui  qui  rédigea  les  canons  du  fameux  synode  de  Dor- 
drecht de  4618-49  et  fut  chargé  par  les  Etats  généraux  de 
Hollande  de  revoir  la  traduction  néerlandaise  de  la  Bible. 
Il  publia  un  grand  nombre  d'ouvrages  de  théologie  qui  font 
autorité  dans  l'Eglise  calviniste.  En  voici  les  principaux  : 
Harmonia  locorum  S.  Scripturœ  (Dordrecht,  4599, 
in-8)  ;  Contre  Vinvocation  des  saints  (id.,  4807,  in-5); 
Contre  l'adoration  des  reliques  (id.^  4644,  in-8);  Res- 
ponsio  ad  sophismata  i.  Cocheletii  dodoris  surbon- 
nistœ  {id.^  4640,  in-8)  (le  P.  Cochelct  répondit  parle  Cœ- 
meteriumCalvini);  Explicatio  somœ  prophetce  (Leyàe, 
4625,  in-4).  E.  H. 

BiBL.  :  Spanheim,  Oratio  funehris  in  excessum  Pot.  a 
Kerchoven;  Leyde,  1646,  in-foL  —  Paquot,  Mémoires  pour 
servii'  à  l'histoire  littéraire  des  Paijs-Bas  ;  Louvain,  1765, 
3  vol.  in-fol. 

KERCKHOVE  (Josef  Van  den),  peintre  flamand,  né  à 
Bruges  vers  4667,  mort  à  Bruges  le  8  août  4724.  Elève 
d'Erasme  Quellynle  père,  il  peignit  des  sujets  religieux,  des 
scènes  d'histoire  et  des  portraits,  voyagea  en  France  et 
travailla  assez  longtemps  à  Paris,  puis  rentra  à  Bruges  où  il 
fonda  en  4749  l'Académie  des  beaux-arts  avec  Marc  Du- 
venede,  J.-B.  Erregouts  et  Josse  Aerschoot.  On  voit  de 
lui,  à  Ostende:  le  Martyre  de  saint  Laurent,  à  l'église 
des  Sœurs  noires,  et  le  plafond  de  la  maison  de  ville  repré- 
sentant l'Assemblée  des  dieux ;k  Bruges:  lesOEuvresde 


GRANDE   ENCYCLOPEDIE. 


XXL 


^B4  —  KÉRATRY  —  KÈRES 

miséricorde,  à  l'église  cathédrale  de  Saint-Sauveur,  Sainte 
Catherine  de  Sienne  (4746)  à  FAcadémie,  la  Circonci- 
sion, à  l'église  des  Carmes,  la  Résurrection,  à  la  chapelle 
de  la  Boucherie.  Kerckhove  a  peint  encore  quinze  tableaux 
de  la  Vie  de  Notre- Seigneur,  qui  sont  à  l'église  des  Jaco- 
bins. Il  affectionnait  dans  ses  tableaux  les  fonds  d'archi- 
tecture. E.  Bricon. 

KERCKHOVE  (Fritz  Van),  enfant  prodige,  né  à  Bruges 
en  4862,  mort  à  Bruges  le  42  avr.  4873.  A  l'âge  de  sept 
ans,  il  peignait  déjà  des  paysages.  Plus  de  trois  cents  de  ces 
compositions  ont  circulé  en  Europe  sous  son  nom.  Il  con- 
vient sans  doute  de  faire  des  réserves  sur  l'authenticité  plus 
encore  que  sur  la  valeur  d'une  telle  production. 

KERCKHOVEN  (Pierre-François Van) ,  poète  belge,  né  à 
iinvers  le  40  nov.  4848,  mort  à  Anvers  le  4^^  août  4857. 
Il  étudia  d'abord  la  médecine  à  Bologne,  puis  revint 
Anvers  occuper  les  modestes  fonctions  de  chef  de  bureau 
à  l'hôtel  de  ville.  Il  consacra  ses  loisirs  au  culte  des 
lettres  flamandes  et,  de  4840  à  4857,  il  publia  soixante- 
quatorze  ouvrages,  récits,  nouvelles,  romans,  poèmes, 
drames  et  vaudevilles.  Il  appartient  à  Fécole  réaliste,  et  la 
plupart  de  ses  œuvres  sont  empreintes  d'un  caractère  vrai- 
ment populaire,  à  la  manière  de  Cats  et  de  Maerlant  ; 
ses  pièces  ont  une  haute  portée  morale  et  plusieurs  d'entre 
elles  figurent  encore  aujourd'hui  avec  succès  au  répertoire. 
Nous  citerons  comme  particulièrement  remarquables  : 
l'Ivrogne  (1854),  àrmie;  ISoble  et  Paysan  (4867),  comé- 
die; le  Commis(iH3)  etDaniel  (4845),  romans  ;  Charles 
le  Téméraire  (4845)  et  Jacques  Va7i  Artevelde  (1845), 
poèmes  lyriques.  Les  œuvres  complètes  de  Van  Kerckhoven 
ont  été  publiées  à  Anvers  de  4869  à  4873  en  43  vol.  in-42. 

KERCKRIN6  (Theodorus),  médecin  allemand,  né  à  Ham- 
bourg en  4640,  mort  à  Hambourg  en  4693.  Il  exerça  la 
médecine  à  Amsterdam  et  dans  sa  ville  natale.  Kerckring  a 
bien  décrit,  sinon  découvert,  les  valvules  conniventes  de 
l'intestin,  les  vasa  vasorum  (des  chevaux),  les  valvules 
des  veines  et  Fostéogenèse  chez  l'embryon  humain.  Il  a 
publié  :  Spicileqium  anatomicum  (Amsterdam,  4670- 
.73),  etc.  Ses  Opéra  omnia  parurent  à  Leyde  en  4747  et 
4729  (2«et  3«éd.).  D^  L.  Hn. 

KERDÂSEH.  Bourg  de  Haute-Egypte,  prov.  d'Esneh, 
à  50  kil.  S.  d'Assouan,  r.  g.  du  Nil  ;  ruines  d'un  joli 
temple. 

KERDREL,(Audren  de)  (V.  Audren). 

KEREK6YÂRT0  (Arpâd),  historien  hongrois,  néen4848 
à  Jâszberény.  Employé,  puis  avocat,  il  est  devenu  en  4864 
professeur  d'histoire  nationale  à  l'université  de  Budapest. 
On  a  de  lui  une  Histoire  de  la  civilisation  en  Hongrie 
(Pest,  4859-65)  ;  un  Manuel  d'histoire  de  Hongrie  (Pest, 
4866-74)  ;  les  Jours  mémorables  de  la  Hongrie  (4882), 
et  une  étude  sur  le  Comte  Etienne  Széchenyi  (4883),  le 
tout  en  langue  magyare. 

KERELI  ou  BEÎCHER-Gheul  (Lac  de).  Lac  de  Turquie 
d'Asie,  prov.  de  Konieh,  à  4,451  m.  d'alt.  Long  de  60 kil. 
et  large  de  45,  il  a  pour  déversoir  le  Kisadj,  qui  se  perd 
dans  le  gouffre  autrefois  occupé  par  le  lac  Soghlou  et  qui 
a  disparu  presque  soudainement. 

KEREN.  Ville  d'Abyssinie,  pays  des  Bogos,  dans  la  vallée 
de  FAïnsaba,  à  4,250  m.  d'alt.  Située  à  425  kil.  0.  de 
Massaoua,  elle  fut  occupée  par  les  Egyptiens,  les  Abyssins, 
puis  les  Italiens. 

KERENSK.  Ville  de  Russie,  gouvernement  de  Penza,  sur 
la  Kerenka;  44,000  hab. 

KÈRES  (Myth.  gr.).  Démons  de  la  mythologie  grecque, 
qui  présidaient  à  la  mort  violente  ;  on  se  les  figurait  comme 
des  divinités  féminines  parcourant  les  champs  de  bataille 
pour  s'emparer  des  morts,  souvent  aussi  comme  des  vam- 
pires buvant  le  sang.  Dans  les  poèmes  homériques,  la  Ker 
est  à  peine  peisonnifiée  ;  c'est  un  génie  de  la  mort  attaché 
à  chaque  humain.  Dans  les  poèmes  hésiodiques  (Théogonie, 
Aspis,  etc.),  les  Kères,  filles  de  la  Nuit  et  sœurs  du  dieu 
de  la  Mort,  sont  associées  aux  Mœres  (ou  Parques).  En 
Attique,  elles  ont  tenu  une  grande  place  dans  la  religion 

34 


KÈRES  -  KERGORLAY 


~  482 


populaire  ;  les  poètes  tragiques  en  ont  fait  les  exécuteurs 
de  la  justice  vengeresse  des  dieux,  les  confondant  avec  les 
Erinyes.  Leur  personnalité  fut  toujours  peu  accusée  et, 
chez  les  écrivains,  généralement  symbolique. 

KERÉTHlENSetPELÉTHlENS.Désignationdes  troupes 
qui  formaient  la  garde  du  corps  de  David.  Il  s'agit  sans 
doute  de  mercenaires  d'origine  philistine,  le  premier  de  ces 
noms  désignant  un  canton  de  la  Philistie  voisin  du  désert 
(plutôt  que  des  Cretois,  comme  on  l'admet  trop  aisément 
d'après  une  combinaison  risquée),  le  second  n'étant  qu'une 
variante  de  celui  des  Philistins.  M.  Vernes. 

KERETJ.  Lac  de  Russie,  gouvernement  d'Arkhangelsk, 
district  de  Kern  ;  il  mesure  404  kil.  q.  et  se  déverse  dans 
la  mer  Blanche,  par  le  fleuve  Kéretj  (52  kil.)  ;  on  y  trouve 
de  belles  perles. 

KERFEUNTEUN.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  et 
cant.  de  Quimper;  3,087  hab. 

KERFOT.  Com.  du  dèp.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Saint-Brieuc,  cant.  de  Paimpol  ;  738  hab. 

KERFOURN.  Com.  du  dép.  du  Morbihan,  arr.  et  cant. 
de  Pontivy  ;  942  hab. 

KERGARADEC  (Jean-Alexandre  Le  Jumeau  de), médecin 
accoucheur  français,  né  à  Quimperle  41  sept.  1788,  mort 
à  Paris  le  6  févr.  1877.  Il  a  fait  ses  études  médicales  à 
Paris.  Docteur  en  médecine  en  1809,  il  est  surtout  connu 
par  son  Mémoire  sur  r auscultation  appliquée  à  l'étude 
de  la  grossesse  (1822)  ;  et  celui  Du  Devoir  de  pratiquer 
V opération  césarienne  après  la  mort  de  la  mère  (1861). 
Il  a  collaboré  d'une  manière  active  au  Dictionnaire  des 
sciences  médicales^  aux  Transactions  médicales  ^kV  En- 
cyclopédie méthodique.  Il  jouissait  d'une  grande  noto- 
riété due  à  l'honorabilité  de  son  caractère,  et  il  fut  quelques 
années  recteur  de  l'académie  du  Morbihan.  Nommé  membre 
de  l'Académie  de  médecine  dès  1823.    D'^  A.  Dureau. 

KERGARIOU  DE  La  Grandville  (Joseph-François-René- 
Marie- Pierre,  comte  de),  homme  politique  français,  né  à 
Lannion  le  25  févr.  1779,  mort  à  Portrieux  le  45  juin 
1849.  Comte  de  l'Empire  (14  févr.  1810),  sous  préfet  du 
Havre  (24  juil.  1811),  préfet  d'Indre-et-Loire  {%  déc. 
1811),  puis  préfet  du  Bas-Rhin  (1814),  de  Seine-Inférieure 
(1815),  il  entra  ensuite  au  conseil  d'Etat.  Le  13  nov,  1820 
il  fut  élu  député  des  Côtes-du-Nord,  et  créé  pair  de  France 
le  5  nov.  1827,  Cette  création  fut  annulée  par  le  gouver- 
nement de  Juillet.  —  Un  comte  de  Kergariou,  de  la  même 
famille,  Henri-Bertrand-Marie,  né  le  26  déc.  1807, 
mort  à  Versailles  le  9  oct.  1878,  fut  représentant  d'Ille- 
et- Vilaine  à  l'Assemblée  nationale  de  1871  à  J876  et  fut 
élu  sénateur  du  même  département  le  30  janv.  1876.  Il 
était  légitimiste.  —  Charles- Marie  de  Kergariou,  né  à 
Ploubezre  le  8  août  1846,  élu  député  des  Côtes-du-Nord 
le  4  oct.  1885,  s'inscrivit  à  l'union  des  droites,  appuya  le 
boulangisme  et  fut  réélu  en  1889  et  1893. 

KËRGLOFF.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  Châ- 
teaulin,  cant.  de  Carhaix;  1,267  hab. 

KERGOMARD  (Pauline  Reclus,  dame  Duplessis-),  née 
en  1838  à  Bordeaux,  où  son  père  était  venu  se  fixer  comme 
instituteur,  puis  inspecteur  primaire,  après  avoir  achevé 
ses  études  de  théologie  à  la  faculté  de  Montauban.  De  douze 
à  quinze  ans,  elle  l'ut  en  pension  à  Orthez  chez  sa  tante, 
la  mère  des  Reclus  célèbres.  C'était,  dit-elle,  «  une  insti- 
tution à  la  Pestalozzi,  sans  emploi  du  temps,  sans  pro- 
gramme, mais  où  l'on  recevait,  par-ci  par-là,  des  leçons 
inoubliables  ».  De  quinze  à  dix-huit  ans,. elle  fut  élève  de 
l'école  normale  de  Bordeaux,  qui  était  en  tout  l'opposé  de 
l'institution  d'Orthez.  Il  n'y  avait  de  vie  que  dans  Fécole 
annexe  (une  école  de  300  enfants),  où  la  jeune  institutrice 
passa  le  meilleur  de  son  temps,  remplaçant  volontiers  ses 
compagnes,  qui  n'étaient  pas  éloignées  —  déjà  à  cette 
époque  —  de  regarder  comme  perdues  les  heures  passées 
au  milieu  des  enfants.  Rentrée  chez  son  père,  elle  donna 
des  leçons  particulières  durant  quatre  années,  tout  en  con- 
tinuant à  étudier  sous  la  direction  du  pasteur  Pellissier, 
ami  de  sa  famille.  Elle  vint  à  Paris  en  1860,  s'y  maria 


en  1863,  donna  des  leçons,  fit  des  cours,  eut  des  pension- 
naires, jusqu'au  jour  où  Jules  Ferry,  ministre,  la  nomma 
inspectrice  générale  des  écoles  maternelles  (1879).  Elue 
en  1886  membre  du  conseil  supérieur  de  l'instruction  pu- 
blique par  les  délégués  de  l'enseignement  primaire,  elle 
donna  sa  démission  en  1890  pour  taire  ses  électeurs  juges 
entre  elle  et  ceux  qui  lui  reprochaient  d'avoir  critiqué  dans 
la  presse  le  corps  des  inspecteurs  primaires;  réélue,  elle 
conserva  jusqu'en  1892  cette  fonction,  la  plus  haute  à  la- 
quelle une  femme  ait  encore  été  appelée  par  le  suffrage. 
Son  échec  en  1892  fut  dû  au  mécontentement  qu'elle  avait 
soulevé  parmi  les  hommes  en  revendiquant  pour  les  femmes 
l'inspection  des  écoles  de  filles.  L'égalité  intellectuelle  et 
morale  des  deux  sexes,  telle  est,  en  effet,  la  croyance  do- 
minante qui  a  inspiré  les  écrits  et  l'activité  pratique  de 
jjlme  Kergomard.  De  concert  avec  son  amie  M"^®  de  Bar- 
rau,  elle  a  fondé  en  1886  l'Union  pour  le  sauvetage  de 
l'enfance,  œuvre  d'initiative  privée,  d'initiative  féminine, 
devenue  en  peu  d'années  une  des  plus  considérables  du 
temps.  Outre  un  grand  nombre  d'articles  sur  l'éducation 
et  la  condition  des  femmes,  dans  les  journaux  quotidiens, 
elle  a  écrit  :  les  Biens  de  la  Terre  (1879,  in-8);  Un 
Sauvetage (iHl 9^  in-18)  ;  Galerie  enfantine  des  hommes 
illustres  (1879,  in-18)  ;  V Amiral  Coligny  (1881,  in-32)  ; 
Histoire  de  France  pour  les  petits  enfants  (1 883,  in-18)  ; 
r  Education  maternelle  dans  V  école  (1886,  in-18)  ; 
Cinq  Images  expliquées  (1890,  in-16)  ;  la  Rédaction  au 
certificat  d'études  primaires.,  en  collaboration  avec 
M.  R.  Leblanc  (1893,  in-t8).  Elle  collabore  activement  à 
Mon  Journal;  elle  a  fondé  et  rédige  V  Ami  de  V  Enfance., 
où  elle  donne  d'intéressants  préceptes  ponr  l'éducation  et 
l'enseignement  dans  les  écoles  maternelles.  H.  M. 

KERGORLAY  (GabrieLLouis-Marie,  comte  de),  homme 
politique  français,  né  à  Paris  le  11  déc.  1766,  mort  à  Pa- 
ris le  24  mars  1830.  Issu  d'une  vieille  famille  de  Bretagne 
qui  était  alliée  à  la  maison  de  Bourbon,  il  servit  comme 
officier  de  cavalerie  avant  1789,  resta  fidèle  à  la  cause 
royaliste  pendant  la  Révolution  et  l'Empire,  fut  député  de 
la  Manche  de  1820  à  1827  et,  appelé  à  la  Chambre  des 
pairs  à  cette  dernière  date,  vota  constamment  avec  la  droite 
au  Luxembourg,  comme  il  avait  fait  au  Palais-Bourbon. 

KERGORLAY  (Louis-Florian-Paul,  comte  de),  homme 
politique  français,  né  le  26  avr.  1769,  mort  à  Paris  le 
13  juin  1856,  frère  du  précédent.  Officier  de  cavalerie  avant 
1789,  il  émigra  pendant  la  Révolution,  servit  quelque 
temps  dans  l'armée  de  Condé,  rentra  en  France  sous  le 
Consulat,  refusa  de  servir  l'Empire  et  pendant  les  Cent- 
Jours  lança  contre  Napoléon  une  brochure  retentissante, 
qui  lui  attira  des  poursuites.  Après  la  seconde  Restaura- 
tion, il  siégea  comme  député  de  l'Oise  à  la  Chambre  in- 
trouvable où  il  se  fit  remarquer  par  l'ardeur  de  ses  re- 
vendications ultra-royalistes.  Non  réélu  en  1816,  il  reparut 
au  Palais-Bourbon  en  1820,  grâce  à  la  loi  du  double  vote. 
Son  zèle  légitimiste  lui  valut  d'être  appelé  en  1823  à  la 
Chambre  des  pairs,  où  il  ne  cessa  de  se  signaler  par  son 
dévouement  à  la  dynastie.  Condamné  à  six  mois  de  prison 
après  la  révolution  de  1830  pour  la  violente  protestation 
qu'il  avait  publiée  dans  la  Quotidienne  et  dans  la  Gazette 
de  France  contre  la  royauté  de  Louis-Philippe,  il  prit  part 
à  divers  complots  contre  la  monarchie  de  Juillet,  qu'il  com- 
battit énergiquement  dans  les  journaux  de  son  parti,  com- 
parut plusieurs  fois  en  cour  d'assises  et  fut  encore  frappé 
en  1836  de  quatre  mois  de  prison  et  de  2,000  fr.  d'amende. 
On  a  de  cet  ardent  polémiste  :  Des  Lois  existantes  et  du 
décret  du  9  mai  1815  (Paris,  1815,  in-8);  Dw  Droit  de 
pétition  (Paris,  1819,  in-8);  Réponse  à  un  libelle  ca- 
lomnieux inséré  contre  M.  de  Kergorlay  au  Moniteur 
du  9  mai  1882  (1832,  in-8);  Lettres  à  M.  le  ministre 
de  la  guerre,  président  du  conseil  des  ministres ([S'63, 
in- 8)  ;  Discours  prononcé  devant  la  cour  d'assises  de  la 
Seine,  le  13  février  1834  (1834,  in-8);  Fragment  his- 
torique (1842,  in-8),  etc.  A.  Debidour. 
KERGORLAY  (Jean-Florian-Hervé,  comte  de),  homme 


—  483  — 


KERGORLAY  -  KERGUÉLEN 


politique  français,  fils  du  comte  Gabriel-Louis-Marie,  né  à 
Paris  le  23  mai  1803,  mort  à  Paris  le  29  déc.  4873.  Il  se 
fit  connaître  sous  la  monarchie  de  Juillet  comme  agronome 
dans  le  dép.  de  la  Manche,  entra  dans  la  vie  politique  comme 
membre  du  conseil  général  de  ce  département  après  la  ré- 
volution de  Février,  se  rallia  au  parti  impériahste  après  le 
coup  d'Etat  du  2  décembre,  fut,  à  titre  de  candidat  of- 
ficiel, élu  deux  fois  député  par  la  circonscription  de  Saint- 
Lô  (1852-57)  et  siégea  jusqu'en  4863  au  Corps  législatif 
dans  les  rangs  dociles  de  la  majorité.  On  a  de  lui,  outre  un 
certain  nombre  de  publications  agronomiques,  une  Etude 
littéraire  sur  Alexis  de  Tocqueville,  publiée  en  4861. 

KERGORLAY  (Louis-Gabriel-Gésar,  comte  de),  homme 
politique  français,  né  à  Paris  le  28  août  4804,  mort  à  I^os- 
seuse(Oise)  le  4®^  mars  4  880,  frère  du  précédent.  Après  avoir 
passé  par  l'Ecole  polytechnique  (4824),  il  servit  quelque 
temps  dans  l'artillerie,  fit Texpèdition  d'Alger  (1830),  donna 
sa  démission  après  la  révolution  de  Juillet,  contribua,  en 
4832,  au  débarquejnent  de  la  duchesse  de  Berry  en  Pro- 
vence, s'occupa  ensuite,  tant  sous  la  nouvelle  royauté  que 
sous  la  seconde  République  et  sous  le  second  Empire,  d'af- 
faires industrielles,  et  fut  envoyé,  le  8  févr.  4874,  par  le 
dép.  de  l'Oise,  à  l'Assemblée  nationale,  où  il  s'associa  cons- 
tamment aux  votes  du  parti  légitimiste.    A.  Debidour. 

KERGORLAY  (Henri-Ernest-Marie-Pierre,  comte  de), 
homme  politique  français,  néà  Paris  le  44  sept.  4847.  Au- 
diteur au  conseil  d'Etat  en  4869,  il  fitla  campagne  de  4870- 
74  comme  lieutenant  dans  un  bataillon  de  mobiles  du  Cal- 
vados, rentra  au  conseil  d'Etat  après  la  guerre,  et  se  fixa, 
par  suite  de  son  mariage  (1873),  dans  la  Haute-Loire,  où  il 
acquit  bientôt  une  certaine  influence  politique.  Meinbre  du 
conseil  général  de  ce  département  depuis  4875,  il  fut,  en 
4884,  élu  député  par  la  seconde  circonscription  du  Puy, 
prit  personnellement  part  aux  débats  relatifs  aux  monls-de- 
piété,  aux  chemins  de  fer,  etc.,  et  vota  d'ordinaire  avec  la 
minorité  antirépublicaine  de  la  Chambre.  Le  scrutin  de 
liste  ne  lui  fut  pas  favorable  en  4885.  Mais  les  électeurs 
du  Puy  le  renvoyèrent  au  Palais-Bourbon  en  4888  et  il  y 
siégea^  dans  les  rangs  du  même  parti,  jusqu'en  4893. 

KERGRIST.  Com.  du  dép.  du  Morbihan,  arr.  de  Pon- 
tivy,  cant.  de  Cléguérec;  4,246  hab. 

KERGRIST-MoËLou.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord, 
arr,  de  Guingamp,  cant.  de  Rostrcnen  ;  2,564  hab. 

KERGUÉLEN  (Terre  de)  ou  ÎLE  de  la  Désolation. 
Océan  Indien.  Le  premier  nom  est  celui  du  marin  français, 
le  lieutenant  de  vaisseau  de  Kerguélen,  qui  la  découvrit 
le  43  févr.  4772  et  en  prit  virtuellement  possession  pour 
la  France;  le  second  lui  fut  donné  par  Cook,  qui  la  visita 
en  déc.  4776;  cette  dernière  dénomination  avait  déjà  été 
appliquée  à  une  île  magellaaique  :  elle  est,  ici,  bien  justifiée 
par  l'aspect  du  pays,  rocheux,  aride,  en  partie  couvert  de 
neige,  inhabité.  La  terre  de  Kerguélen  est  en  réalité  un 
archipel,  formé  d'une  grande  île  autour  de  laquelle  se 
groupent  430  îlots  et  460  roches  émergées,  ay^nt  à  cet 
égard  de  Fanalogie  avec  la  Terre  de  Feu.  Cet  archipel  est 
compris  entre  lat.  S.  48^^  25'  et  490  50'  et  long.  E.  65^^  58' 
et  67"*  58'.  L'île  principale  a  la  forme  d'une  équerre,  le 
côté  occidental,  du  mont  Table  (au  N.)  au  cap  Bourbon 
(au  S.),  ayant  120  kil.,  et  le  côté  méridional  ayant, 
avec  une  direction  O.-S.-O.  à  E.-N.-E.,  440  kil.,  du 
cap  Bourbon  au  cap  Digby.  Elle  est  extrêmement  décou- 
pée, et  des  presqu'îles  et  îles  retnplissent  surtout  son 
angle,  ouvert  au  N.-E.  On  lui  attribue  une  superficie  de 
3,700  kil.  q.  et  un  développement  du  littoral  énorme, 
1,426  kil.  Sur  la  côte  orientale  se  trouvent  une  grande 
quantité  d'échancrures  sous  forme  de  fiords  et  des  havres 
bien  abrités.  Si  on  la  parcourt  en  partant  du  N.,  on 
trouve  d'abord  le  port  Christmas,  le  mieux  connu,  s'ou- 
vrant  entre  le  cap  Français  et  la  pointe  Arche;  puis  la 
profonde  baie  de  Cumberland,  mouillage  bien  plus  sûr  que 
le  port  Christmas  ;  la  baie  Blanche,  au  fond  de  laquelle  est 
celle  du  Centre  ;  la  rivière  London,  sorte  de  canal  entre 
deux  îles  allongées,  dont  la  seconde  ou  du  prince  Adalbert 


se  continue  par  l'île  Howe;  la  baie  Rhodes;  la  péninsule 
Bismarck,  elle-même  très  déchiquetée  et  où  est  le  port  Pal- 
liser;  la  baie  Whale;  le  port  Winter  ;  l'île  du  Port;  la  baie 
Hdlsborough;  la  baie  Accessible.  Sur  la  côte  S.,  on  voit, 
après  le  cap  Digby,  la  baie  Shoal  Water;  la  presqu'île 
Prince  de  Galles,  le  Royal  Sound,  portion  orientale  d'un 
golfe  parsemé  d'une  multitude  d'îles  et  fermé  en  partie  par 
une  longue  presqu'île  recourbée  en  arc,  où  l'on  voit  le  port 
Greenland,  les  caps  George  et  Challenger  ;  la  baie  Swains; 
un  golfe  avec  les  baies  Table  et  Sprightly,  au  fond.  La  côte 
occidentale,  plus  unie,  montre  au-dessus  du  cap  Bourbon 
une  large  échancrure,  au  fond  de  laquelle  est  la  baie  Young- 
Williams,  et  que  ferme  au  N.  l'île  de  l'Ouest,  séparée  par 
le  détroit  Marianne  et  terminée  par  le  cap  Louis,  le  plus 
occidental.  Au  N.-O.  de  la  grande  terre  se  trouvent  les  îles 
Cloudy,  qui  en  sont  séparées  par  le  large  chenal  Dangereux. 

Les  îles  Kerguélen  sont  formées  de  chaînes  de  mon- 
tagnes enchevêtrées,  laissant  entre  elles  d'étroits  ravins 
aux  parois  accores  ;  les  unes  consistant  en  terrasses  super- 
posées, les  autres  offrant  des  sommets  escarpés,  ou  coniques, 
ou  plus  rarement  arrondis.  Au  N.  le  mont  Table  a  410  m.; 
à  l'Ë.,  le  mont  Richard,  1,220  m.  ;  vers  l'extrémité  E.  de 
la  branche  méridionale  sont  groupés  plusieurs  monts  éle- 
vés :  mont  Crozier,  de  990  m.  ;  mont  Castle,  de  670  m. ,  etc. 
Sur  la  côte  S.,  le  mont  Wiville-Thomson,  963  m.;  Cros- 
bie,  610  m.;  Tizard,  879  m.;  Evans,  793  m.;  Maclean, 
640  m.  ;  et  le  plus  haut  de  tous,  le  mont  Ross,  1,865  m. 
Les  plus  élevés  sont  constamment  revêtus  de  neige;  il  est 
aussi  des  névés  et  des  glaciers,  ceux  de  la  côte  0.  sont 
considérables  et  descendent  jusqu'à  la  mer.  —  Les  îles 
Kerguélen  reposent  sur  un  banc  sous-marin  ;  elles  sont  de 
form.ation  volcanique,  des  cratères  éteints  terminent  les 
sommets  de  forme  conique,  des  foyers  actifs  paraissent  exis- 
ter encore.  La  roche  dominante  est  le  basalte,  le  plus  sou- 
vent prismatique.  On  trouve  du  bois  fossilisé,  des  combus- 
tibles peut-être  utilisables,  anthracite,  charbon,  intercalé 
dans  les  roches  ignées,  lignites,  et  aussi  de  la  tourbe,  des 
sources  de  pétrole.  Il  y  a  des  gîtes  métallifères,  de  cuivre 
notamment.  On  n'a  pas  signalé  dans  l'île  de  cours  d'eau 
importants,  mais  seulement  de  nombreux  torrents  au  fond 
des  étroites  vallées  et  des  lacs  d'eau  douce  peu  étendus 
même  au  bord  du  rivage. 

La  température  est  modérément  basse,  la  moyenne  an- 
nuelle est  de  4**;  l'hiver  et  l'été  diffèrent  très  peu  sous  ce 
rapport.  La  pluie,  la  neige  sont  presque  continuelles.  Les 
vents  régnants  sont  de  la  partie  0.,  ce  qui  explique  l'avan- 
tage des  havres  de  la  côte  orientale,  dirigés  à  l'opposé;  ils 
soufflent  fréquemment  en  tempête.  La  flore  est  très  pauvre 
(150  espèces), de  caractère  antarctique;  les  phanérogames 
ne  se  montrent  que  sur  le  littoral,  consistant,  entre  autres 
(18  phanérogames,  Hooker),  en  des  plaques  de  graminées  et 
dans  une  crucifère  précieuse  comme  aliment,  le  chou  de 
Kerguélen  (Pringlea  mitiscorbutica).  La  faune  terrestre 
est  pauvre  aussi  ;  ni  batraciens,  ni  mammifères,  ni  reptiles  ; 
les  quelques  espèces  d'insectes  qu'on  y  a  vus  sont  dépour- 
vus d'ailes;  les  oiseaux  de  mer  sont  nombreux.  Sur  le  rivage 
se  rassemblent  des  multitudes  de  pingouins  ;  on  remarque 
l'espèce  pingouin  royal.  Dans  la  mer,  qui  est  poissonneuse, 
il  existe  nombre  d'amphibies,  mais  les  phoques  à  fourrure 
sont  devenus  rares,  et  les  baleines,  poursuivies,  se  sont 
retirées  plus  au  S. 

Malgré  le  tableau  désavantageux  que  tous  les  naviga- 
teurs en  ces  régions  ont  présenté  des  îles  Kerguélen,  il  y  a 
lieu  de  se  demander  si  l'on  peut  en  tirer  parti.  Or,  tel  est 
l'avis  du  contre-amiral  français  Layrle,  qui,  les  comparant 
aux  Maloumes,  pense  qu'elles  permettraient  l'élève  des  mou- 
tons et  qu'elles  pourraient  devenir  habitables.  Récemment 
(34  juil.  4893),  l'Etat  a  concédé  à  un  particulier,  M.  Bos- 
sière,  le  droit  d'exploiter  ce  territoire  durant  cinquante  ans  ; 
la  chasse  spéciale  des  loups  marins  et  des  éléphants  de  mer 
lui  est  réservée.  On  ne  mentionne  pas  l'élève  des  moutons. 

Depuis  les  navigateurs  Kerguélen  et  Cook,  d'autres  ma- 
rms  ont  visité  cet  archipel  :  Robert  Rhodes,  commandant 


KERGUÉLEN  -  KERJÉGU 


—  484  — 


le  Hillsboroug^  en  1799;  sir  James  Clark  Ross,  comman- 
dant des  navires  Erebus  et  Terror^  et  accompagné  du  bo- 
taniste Hooker,  en  4840;  des  pécheurs  de  phoques  et  des 
baleiniers,  notamment  le  capitaine  de  la  Favorite ;\e  Chal- 
lenger^ commandé  par  sir  Nares,  de  4873  à  4876  ;  la  mis- 
sion scientifique  allemande  pour  l'observation  du  passage 
de  Vénus  du  9  déc.  4874,  avec  le  navire  la  Gazelle,  com- 
mandant baron  von  Schleinitz.  La  prise  de  possession  offi- 
cielle de  Kerguélen  a  été  faite  le  2  janv.  4892  par  les 
officiers  français  de  VEure,  commandée  par  le  capitaine 
de  frégate  Lieutard.  Ch.  Delavaud. 

BiBL.  :  Ajouter  aux  relations  des  explorateurs  ci-des- 
sus :  STVDKR^Geographische  Gesselschaft  in  Bern,  27  cet. 
1881.  —  Amiral  Layrle,  Kerguélen^  dans  Notices  colon,  à 
l'occasion  de  VExposit.  d'Anvers,  1885,  et  dans  Atlas  co- 
lonial de  Mager  ;  Paris.  —  Lieutard,  Mission  aux  îles 
Kerguélen^  Saint-Paul  et  Amsterdam;  dans  Ann.  hydro- 
graphe^ année  1893,  t.  XV,  p.  246.  —  Vélain,  Communica- 
tion faite  à  la  Société  de  Géogr.,  assemblée  générale  du 
21  avr.  1893.  —  A.  Petit,  Produci.  natiir.  des  îles  Ker- 
guélen, dans  Rev.  géogr.,  juin  1894. 

KERGUÉLEN-TRÉMAREcCïves-Joseph  de),  marin  fran- 
çais, né  à  Quimper  en  4734,  mort  en  mars  4797.  Bien  que 
Kerguélen  ait  appartenu  à  la  marine  militaire  et  pris  une 
part  honorable  aux  grandes  luttes  maritimes  de  la  seconde 
moitié  du  xvui^  siècle,  ce  n'est  guère  que  comme  explorateur 
qu'il  est  connu.  En  4774,  étant  alors  lieutenant  de  vaisseau 
et  s'étânt  déjà  signalé  au  cours  de  plusieurs  voyages  de  dé- 
couvertes, il  fut  chargé  par  l'administration  de  la  marine 
de  se  rendre  dans  la  mer  des  Indes  avec  la  corvette  le  Ber- 
ner, pour  reconnaître  un  vaste  continent  qu'on  supposait 
exister  aux  environs  du  pôle  austral,  à  quelques  centaines 
de  lieues  au  S.-E.  de  l'Afrique.  Arrivé  à  l'île  de  France, 
Kerguélen  y  laissa  son  bâtiment,  mauvais  marcheur,  équipa 
les  deux  flûtes  la  Fortune  et  le  Gros-Ventre  et  se  dirigea 
vers  les  parages  qu'on  lui  avait  désignés.  Le  4  8  févr.  4772 
il  découvrit  en  effet,  dans  le  voisinage  du  50®  degré  de  lat.  S. 
et  du  67^  degré  de  longit.  E.  de  Paris,  des  terres  inconnues 
des  navigateurs,  auxquelles  il  donna  son  nom.  Après  les 
avoir  relevées  sommairement,  il  en  prit  possession  au  nom 
du  roi.  Lorsqu'il  revint  en  France,  il  annonça  avec  tapage 
qu'il  avait  trouvé  le  continent  cherché,  et  Louis  XV  s'em- 
pressa de  l'en  récompenser  en  le  nommant  capitaine  de 
vaisseau  (4773).  Mais  sa  découverte  fut  contestée. 

Dans  un  second  voyage,  accompli  de  4773  à  4774  avec 
V  Oiseau  et  le  Dauphin,  il  compléta  ses  premières  recher- 
ches, relevant  environ  80  lieues  de  côtes,  mais  sans  par- 
venir à  déterminer  si  les  terres  découvertes  formaient  un 
groupe  d'îles  ou  au  contraire  se  prolongeaient  jusqu'au 
pôle.  Cette  nouvelle  mission  lui  valut,  au  retour,  des  dé- 
boires plus  graves  encore  que  la  première.  Non  seulement 
on  mit  en  doute  pour  la  seconde  fois  les  résultats  qu'il  ap- 
portait, mais  on  l'accusa  de  divers  méfaits,  entre  autres 
d'avoir  abandonné  en  mer  un  canot  avec  son  équipage.  Cette 
dernière  accusation  était  probablement  fondée,  car  il  fut 
condamné  par  un  conseil  de  guerre  et  emprisonné  au  châ- 
teau de  Saumur  (4774).  Louis  XVI  l'en  fit  sortir,  lui  donna 
des  commandements  et  même  le  chargea  de  publier  le  récit 
de  ses  deux  explorations.  L'ouvrage  parut  sous  le  titre  :  Re- 
lation de  deux  voyages  dans  les  mers  australes  faits  de 
illO  à  niA  (Paris,  4782,  in-8).  Dans  l'intervalle  on 
avait  fini  par  se  convaincre  que  les  terres  aperçues  par 
Kerguélen  n'étaient  qu'un  archipel.  Cook,  en  effet,  après  y 
avoir  atterri  en  déc.  4776,  avait  réussi  à  les  contourner  par 
le  Sud .  La  réalité  de  la  découverte  accompHe  par  le  navi- 
gateur français  n'était  donc  plus  douteuse.  Néanmoins  on 
continua  à  la  discuter,  si  bien  que  le  gouvernement  crut 
devoir  faire  détruire  la  publication  qui  la  racontait  :  il  n'en 
subsiste  plus  que  quelques  exemplaires.  Pendant  la  Révo- 
lution, Kerguélen  devint  contre-amiral.  Mais  il  fut  peu  em- 
ployé à  la  mer  et  se  consacra  à  des  travaux  sur  la  marine. 
Outre  l'ouvrage  précité,  on  a  de  lui  :  Relation  d'un 
voyage  dans  la  mer  du  Nord,  aux  côtes  dis  lande,  de 
Groenland,.,  fait  en  il 61  et  i768  (Amsterdam,  Leipzig 
et  Bouillon,  4772,  in-4)  ;  Relation  des  combats  et  des 


événements  de  la  guerre  maritime  de  il! S  entre  la 
France  et  V Angleterre  (Paris,  4796,  in-8),  suivi  de  Pré- 
cis de  la  guerre  présente  et  des  causes  de  la  destruc- 
tion de  la  marine  et  des  moyens  d'y  remédier,  publié 
à  part  (Paris,  an  IX,  in-8)  (V.  Kerguélen  [lies]).  Ch.  G. 
KERHALLET  (Charles-Marie  PmuppES  de),  marin  et 
savant  français,  né  à  Rennes  le  47  sept.  4809,  mort  à 
Paris  en  4863.  Admis  à  l'Ecole  navale  en  4825,  aspirant 
en  4827,  enseigne  en  4832,  il  fit  dans  la  marine  une  ho- 
norable carrière  qui  le  conduisit  au  grade  de  capitaine  de 
vaisseau  (8  mars  4854).  Mais  c'est  surtout  par  ses  travaux 
scientifiques  qu'il  est  connu.  D'importantes  études  sur  l'hy- 
drographie et  la  géographie  maritimes  ayant  appelé  de  bonne 
heure  l'attention  sur  lui,  on  l'attacha  au  Dépôt  des  cartes 
de  la  marine,  où  pendant  de  longues  années  il  travailla  à 
la  rédaction  des  instructions  nautiques  publiées  pour  le 
service  de  la  flotte.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Des- 
cription nautique  de  la  côte  occidentale  d'Afrique 
(4849,  in-8)  ;  Considérations  générales  sur  l'océan  At- 
lantique (4851,  in-8);  Description  de  V archipel  des 
Açores  (4851,  in-8);  Manuel  de  la  navigation  à  la 
côte  occidentale  d'Afrique  (4854-52, 3  vol.  in-8);  Con- 
sidérations générales  sur  V océan  Indien  (4852,  in-8); 
Considérations  générales  sur  V océan  Pacifique  (4852, 
in-8)  ;  Manuel  de  la  navigation  dans  le  détroit  de  Gi- 
braltar (4858,  in-8);  Description  nautique  de  Madère 
et  des  Canaries  (4858,  in-8)  ;  Description  nautique  des 
îles  du  Cap-Vert  (4858,  in-8)  ;  Manuel  de  la  navigation 
dans  la  mer  des  Antilles  et  le  golfe  du  Mexique  (4863, 
2  vol.  in-8;  2«éd.,  iS69)  ;  Guide  du  marin  (4863,  2vol. 
in-8).  Ch.  G. 

BiBL.  :  Notice  sur  les  ouvrages  et  les  services  de  M.  de 
Kerhallet,  capitaine  de  vaisseau;  Paris,  1861,  in-4. 

KÉRIBINA  (V.  RoRNOu). 

KERINIBA,  QUÉRlMBÀou  ASOUÉTADA.  Ilots  de  la 
côte  E.  d'Afrique,  entre  le  cap  Delgado  et  la  baie  dePomba. 
C'est  une  chaîne  d'une  trentaine  d'îlots  coralliaires  se  dé- 
veloppant sur  une  longueur  de  250  kil. 

KERINIA.  Petit  port  de  l'île  de  Chypre,  situé  à  l'E.  du 
cap  Kormatcliiti  et  qui  dessert  la  ville  de  Lefkosia.  Il  donne 
son  nom  à  un  district  de  peu  d'étendue  qui  occupe  la  partie 
septentrionale  de  File. 

KERISOUET  (Ernest-Louis-Marie  Carré-)  (V.  Carré- 
Kerisouet). 

KERITY.  Corn,  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Saint-Rrieuc,  cant.  de  Paimpol,  près  de  la  Manche  ;  2,370 
hab.  Minoterie.  Sur  le  territoire  de  la  commune,  ruines 
de  l'abbaye  de  Beauport  (V.  ce  mot). 

KERIVOULA  (Zool.)  (V.  Vespertilion). 

KERJEGU  (François-Félix-Aimé  MoNjARET  de),  homme 
politique  français,  né  à  Moncontour  le  22  juil.  4784,  mort 
à  Saint-Rrieuc  le  12  janv.  4863.  Commerçant  en  toiles,  il 
fut  élu  député  des  Côtes-du-Nord  le  25  févr.  4824  contre 
Royer-Collard.  Réélu  en  4827,  il  rentra  dans  la  vie  privée 
à  Favènement  du  gouvernement  de  Juillet.  —  Son  fils, 
François-Marie-Jacques,  né  à  Moncontour  le  4®^  mars 
4809,  mort  à  Paris  le  4  2  févr.  4882,  fut  député  du  Finistère 
au  Corps  législatif  de  1869  à  4870  et  siégea  dans  le  tiers- 
parti.  Représentant  du  même  département  à  l'Assemblée 
nationale  (4  874),  il  fut  élu  par  elle  sénateur  le  30  janv.  4876. 
Membre  de  la  droite,  il  appuya  le  gouvernement  du  46  mai. 
—  Son  frère,  Jules-Marie- Auguste,  né  à  Moncontour  le 
6  oct.  4846,  mort  à  Paris  le  23  mars  4880,  élève  de 
l'Ecole  navale,  fit  les  campagnes  de  la  Raltique,  de  Chine,  de 
Cochinchine  et  fut  promu  contre-amiral  le  9  sept.  4872. 
Elu  représentant  des  Côtes-du-Nord  à  l'Assemblée  natio- 
nale (4875),  grâce  à  une  pression  administrative  qui  donna 
lieu  à  des  débats  animés  dans  l'Assemblée,  il  siégea  à  l'ex- 
trême droite  et  devint  sénateur  des  Côtes  du  Nord  le 
30  janv.  \%1Q.  —- Louis-Marie-Constant,  frère  dec  pré- 
cédents, né  à  Moncontour  le  25  juin  4842,  mort  à  Rrest 
le  44  avr.  4880,  s'occupa  avec  succès  d'agriculture.  Dé- 
puté de  Rrest  le  20  févr.  4876,  il  siégea  à  droite,  appuya 


—  485 


KEHJEGU  —  KERLÉREC 


vivement  le  gouvernement  du  46  mai  et  fut  réélu  le 
14  oct.  1877  comme  candidat  officiel.  Il  fut  remplacé  le 
6  juin  1880  par  Mgr  Freppel. —  James-Marie- Antoine, 
né  à  Trevarez-Saint-Goazec  le  27  févr.  1846,  fils  de  Fran- 
çois-Marie, entra  dans  la  diplomatie.  Secrétaire  d'ambas- 
sade, attaché  à  la  mission  de  M.  de  Saint-Vallier  au  quartier 
général  allemand  (1873),  chargé  d'affaires  en  Serbie  (1875), 
secrétaire  à  Berne  (1877),  il  fut  mis  en  disponibilité  sur  sa 
demande  en  1878.  Il  fut  élu  député  de  Quimperléen  1889 
et  réélu  en  1893.  Républicain  modéré,  il  s'est  surtout  oc- 
cupé des  questions  relatives  à  la  marine  et  aux  finances, 
sur  lesquelles  il  a  donné  des  rapports  importants. 

KERK  (en  italien  Veglia,  anciennement  Curicta).  Ile 
de  l'Adriatique,  dans  le  golfe  de  Quarnero.  Au  point  de  vue 
administratif,  elle  appartient  à  la  province  d'Istrie  et 
compte  18,000  hab.  Le  chef-lieu  est  le  bourg  de  Veglia; 
1,500  hab. 
BiBL.  :  CuBioH,  Notizie  sull'isola  di  Veglia.. 

KERKA  ou  KRKA.  Fleuve  côtier  de  Dalmatie  qui  sort 
des  Alpes  Dinariques,  descend  à  la  mer  Adriatique  par  im 
lit  profondément  creusé  dans  le  calcaire  en  formant  plu- 
sieurs cascades  ;  il  reçoit  la  Cikola,  arrose  Kistanje,  Scar- 
dona  et  finit  à  Sebenico. 

KERKAPOLY  (Charles),  homme  d'Etat  et  écrivain  hon- 
grois, né  à  Szent-Gal  en  1824.  Après  ses  études  de  droit, 
il  prit  part  à  la  révolution  de  1848,  et  devint  ensuite  pro- 
fesseur à  l'école  de  droit  de  Papa.  En  1868  ii  fut  appelé 
à  l'université  de  Pest  comme  professeur  de  sciences  poli- 
tiques. Depuis  1863  il  siégeait  à  la  Diète,  et  il  continua 
jusqu'en  1878  à  mener  de  front  sa  carrière  politique  et  sa 
carrière  professorale.  Il  occupa  le  ministère  des  finances 
de  1870  à  1873.  C'est  pendant  la  période  précédente  qu'il 
publia  ses  ouvrages  en  langue  magyare  :  Histoire  univer- 
selle spéculative  (1860))  ;  Constitution  ecclésiastique 
protestante  (1860);  Mes  Travaux  de  pub liciste  (1869). 

KERKENNAH.lles  de  Tunisie  (V.  Cercinâ). 

KERKHA  (turc  Karasoa,  l'ancien  Choaspes).  Rivière 
du  S.-O.  de  la  Perse,  affl.  g.  du  Chatt-el-Arab  ;  600  kil. 
de  long.  Elle  naît  sous  le  nom  de  Gamas  au  S.  du  massif 
de  l'Elvend  (prov.  de  l'Irak- Ad jémi),  coule  vers  le  N.-O. 
(par  Bouroudjird)  jusqu'aux  environs  de  Nehavend,  puis 
vers  rO.  par  Firouzabad  (prov.  de  Kurdistan),  s'infléchit 
vers  le  S.-E.  entre  les  monts  du  Louristan  et  Pouchti-Koh 
(Zagros),  après  avoir  reçu  près  des  ruines  de  Roudbar 
un  gros  affluent  du  Kurdistan  turc,  reçoit  à  gauche  le 
Kechgan,  rivière  de  Khoremmabad,  passe  du  Louristan 
dans  le  Khouzistan  où  elle  entre  en  plaine,  laisse  à  l'E. 
les  ruines  de  Suse  et  va  finir  son  cours  en  Turquie  (Irak- 
Arabi),  à  quelques  kilomètres  en  aval  du  confluent  de 
l'Euphrate  et  du  Tigre. 

KERKHERDERE'  (Gérard-Jean),  historien  et  littérateur 
belge,  né  à  Hulsberg  en  1677,  mort  à  Louvain  en  1738. 
11  devint  professeur  au  collège  des  Trois-Langues  de  Lou- 
vain, et  historiographe  de  l'empereur  Joseph  P^.  Ker- 
kherdere  se  livra  à  de  vastes  études  sur  les  rapports  de 
l'histoire  sacrée  et  de  l'histoire  profane;  il  fit  preuve  dans 
ses  nombreux  livres  de  plus  d'érudition  que  de  jugement 
critique.  Ses  traités  de  philologie  ont  une  valeur  plus 
grande.  Il  composa  aussi  des  poésies  latines  très  agréables 
dans  la  manière  d'Ovide.  Les  principaux  ouvrages  de  Ker- 
kherdere  sont  :  Grammatica  latina  (Louvain,  1706,  in- 
12);  Prodromus  Danielicus,  sive  novi  conatus  histo- 
rici  critici  (id.,  1708,  in-12)  ;  Monarchia  Romœ  pa- 
ganœ  (id.,  1747,  in-8)  ;  De  Situ  Paradisi  terrestri  {id,, 
1731,in-12).  E.H. 

BiBL.  :  F.  NÈvE,  Mémoire  historique  et  littéraire  sur  le 
collège  des  Trois-Langues  à  l'université  de  Louvain^  dans 
Ménî.  de  TA cad.  roy.  de Be^fyiqiie, coll.  in-4;XXVÏlI,  1856. 

KERKOUK.  Ville  de  Turquie  d'Asie  (Kurdistan),  ch.-l. 
du  sandjak  de  Chehrizor  (vilayet  de  Mossoul),  à  90  kil.  0. 
de  Souleïmanieh  ;  15,000  hab.  C'est  la  cité  la  plus  consi- 
dérable du  Bas -Kurdistan.  Beaux  jardins.  Bazars  bien 
fournis.  Commerce  de  noix  de  galle,  de  sel  et  de  naphte. 
Cultures  de  céréales.  On  y  montre  le  tombeau  des  «  en- 


fants de  la  fournaise  ».  Archevêque  chaldéen.  Eglise  du 
temps  de  Constantin.  C'est  l'antique  Corcura.  —  Le  sand- 
jak, qui  comprend  6  cazas^  a  89,000  hab.      L.  Del. 
BiBL.  :  ViTAL-CuiNET,  II,  847-865. 

KERKYRA  (V,  Corfou). 

KERL  ou  KERLL(Johann-Gaspar),or:Janiste  et  compo- 
siteur allemand,  né  à  Gaimersheim  (Bavière)  en  1628., 
mort  à  Munich  le  13  févr.  1693.  Elève  de  Valentini  à 
Vienne,  il  fut  envoyé  à  Rome  par  l'empereur  Ferdinand  IM 
et  y  étudia  sous  Carissimi  et  Frescobaldi.  De  1656  à  1673,, 
il  occupa  le  poste  de  maître  de  chapelle  de  la  cour  à  Mu- 
nich. Kerl  était  un  excellent  organiste.  Il  a  publié  pour 
son  instrument  un  livre  de  Modulatio  organica  super 
Magnificat  (1686),  et  pour  les  voix  un  recueil  de  Sacra', 
cantiones  (1669),  et  deux  livres  de  messes  (1669).  On 
connaît  de  lui  en  manuscrit  des  pièces  de  clavecin,  un  He- 
quiem  à  cinq  voix,  des  fragments  de  messes  et  une  Missa 
nigra,  ainsi  dénommée  parce  que  dans  sa  notation  n'en- 
trent que  des  notes  noires.  M.  Br. 

KERL  (Georg-Heinrich-Bruno),  métallurgiste  allemand, 
né  à  Andreasberg,  dans  le  llarz supérieur,  le  ^4  mars  1824. 
Elève  de  l'Ecole  des  mines  de  Klausthal,  il  est  devenu  pro- 
fesseur de  chimie  et  de  métallurgie  de  cet  établissement 
(1846),  puis  de  l'Académie  des  mines  de  Berlin  (1867). 
11  a  occupé  en  outre  de  hautes  fonctions  dans  radministra- 
tion  des  mines.  Il  est  l'auteur  de  nombreux  et  iraportantiî 
ouvrages  relatifs  à  la  métallurgie  et  à  l'art  des  mines  ;  nou!5 
citerons  seulement  :  dieoberharzer  Eûttenprozess  (Klaus- 
thaj,  1852;  1^  éd.,  1860)  ;  Der  Oberharz  (Klausthal, 
1852);  Die  Rammelshergschen  HUttenprozess  (lihns- 
thaï,  1854  ;  2^  éd.,  1861)  ;  Der  Communion-Unterharz 
(Freiberg,  1853)  ;  Handbuch  der  metallurgischen  Eilt- 
tenkunde  (Freiberg,  1855-56,  4  vol.  ;  2^  éd.,  1861-65)  ; 
Anleitunq  zum  Studium  der  harzer  Uiittenprozesse 
(Klausthal,  1857);  Metallurgische  Probierkunst  (Leip- 
zig,_1882,  2«  éd.);  Handbuch  der  Eisenhiittenkunde 
(Leipzig,  \  875)  ;  Grundriss  der  Eisenpr obier kunst  (Leip- 
zig, 1875)  ;  Probierbuch  (Leipzig,  1880).  Il  a  été  en  outre 
l'un  des  principaux  collaborateurs  de  V Encyclopédie  chi- 
mique  de  Muspratt  et  de  la  Berg-und  Huttenmœnnis- 
chen  Zeitung  (années  1859  et  suiv.).  L.  S. 

KERLE  (Jacques  de),  prêtre  et  compositeur  néerlandais, 
né  à  Ypres,  mort  vers  1583.  Après  avoir  été  en  1565 
maître  de  musique  de  l'église  Saint-Martin  à  Ypres,  puis 
maître  de  chœur  et  chanoine  à  Cambrai,  il  entra  au  ser- 
vice du  cardinal  prince-évèque  d'Augsbourg,  l'accompagna 
à  Rome  où  il  séjourna  plusieurs  années,  et  revint  avec  lui 
à  Augsbourg.  Ses  oeuvres  consistent  en  trois  livres  de 
messes  (1562,  1576  et  1583),  cinq  livres  de  motets,  un 
livre  de  madrigaux  tirés  du  Trionfo  <i'/lmor^  de  Pétrarque 
(1570),  une  prière  pour  l'heureuse  issue  du  concile  de 
Trente  (1569),  etc.  M.  Br. 

KERLÉREC  (Louis  Billouârt,  chevalier  de),  marin  et 
administrateur  français,  né  à  Quimper  en  1704,  mort  en 
1770.  Entré  fort  jeune  dans  la  marine,  il  se  signala  contre 
les  Anglais  pendant  la  guerre  maritime  de  1745-48  et  de- 
vint capitaine  de  vaisseau  en  1751.  L'année  suivante  il 
était  nommé  gouverneur  général  de  la  Louisiane.  Cette 
colonie  en  était  encore  à  ses  débuts  :  depuis  soixante  ans 
qu'elle  existait,  la  métropole  n'avait  presque  rien  fait  pour 
en  tirer  parti.  Kerlérec,  le  premier,  entreprit  de  la  déve- 
lopper. Il  y  attira  des  habitants,  encouragea  des  cultures 
nouvelles,  canne,  indigo,  mûrier,  coton.  Surtout  il  la  mit  à 
l'abri,  au  moyen  d'une  ligne  de  postes  et  de  forts,  des  con- 
tinuelles attaques  des  colons  anglais  qui  cherchaient  sans 
cesse  à  pénétrer  dans  la  vallée  du  Mississippi,  afin  de  cou- 
per aux  établissements  français  toute  communication  avec  le 
Canada.  Il  avait  même  conçu  le  projet  de  former  une  marine 
de  guerre  pour  protéger  le  commerce  de  la  Louisiane  avec 
les  Antilles,  et,  dans  ce  but  il  commençait  à  construire  uia 
vaisseau  de  74,  lorsque  le  renouvellement  de  la  guerre  ma- 
ritime avec  les  Anglais  vint  compromettre  toute  son  oeuvre. 
Pendant  cinq  années  (1757-62),  la  colonie  fut  comme  en' 


KERLÉREG  —  KERMÈS 


—  486  — 


état  de  blocus,  ne  pouvant  communiquer  ni  avec  les  Antilles 
ni  avec  la  France.  En  même  temps  elle  était  assaillie  sur 
vingt  points  différents  par  les  colons  anglais  de  Tlllinois,  de 
rOhio,  du  Tennesse.  Kerlérec  fit  face  à  tout.  Mais  en  4762, 
quand  les  hostilités  prirent  fin,  le  pays  était  ruiné.  Pour  se 
soutenir  au  milieu  de  cette  crise,  le  gouverneur  avait  dû 
recourir  à  des  expédients  financiers  parfois  regrettables.  Les 
habitants  s'en  plaignirent  à  Louis  XV.  Celui-ci,  que  la  Loui- 
siane n'intéressait  plus,  puisqu'il  venait  de  la  céder  à  l'Es- 
pagne par  une  convention  annexe  au  traité  de  Paris,  sacrifia 
Kerlérec  sans  égard  pour  ses  services.  Rentré  en  France  en 
4763,  le  malheureux  officier  se  vit  disgracié  et  exilé. 

KERLOUAN.Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  Brest, 
cant.  de  Lesneven;  2,772  hab. 

KERM  ADEC.Ilots  volcaniques  du  Grand  Océan,  à  740  kil. 
N.-E.  de  la  Nouvelle-Zélande,  entre  29M6'et  34^28Mat. 
S.,  par  479^  long.  E.  Ils  ont  55  kil.  q.  ;  les  principaux 
sont  Raoul  ou  Sunday,  Macaulay  et  Gurtis.  La  végétation 
est  néo-zélandaise  ;  il  n'y  a  d'autres  animaux  que  le  rat  et 
quelques  oiseaux.  Ils  paraissent  avoir  été  autrefois  une 
étape  des  migrations  entre  la  Nouvelle-Zélande  et  les  îles 
Tonga.  Actuellement,  ils  sont  inhabités;  depuis  4886,  ils 
sont  anglais  et  dépendent  de  la  Nouvelle-Zélande. 

KERMAINGANT  (Mathurin-François),  ingénieur  fran- 
çais, inspecteur  général  des  ponts  et  chaussées,  né  à  Tré- 
guier  le  29  janv.  4779,  mort  à  Paris  le  47  juilL  4856, 
Il  a  été  attaché  au  canal  du  Midi  et  plus  tard  a  construit 
des  ponts  dans  la  région  de  Lyon.  En  4822-23,  il  a  étu- 
dié pour  une  compagnie  un  projet  de  canal  latéral  au 
Rhône;  rentré  à  l'Etat,  il  fit  exécuter  le  quai  d'Albret  et 
la  digue  des  Brotteaux,  à  Lyon.  Appelé  au  conseil  général 
des  ponts  et  chaussées,  il  y  rendit  de  grands  services  à 
l'époque  des  études  relatives  au  réseau  des  chemins  de 
fer.  On  a  de  lui,  dans  les  Annales  de  son  corps  :  Comp- 
teur de  ponts  à  bascule  (4833,  1. 1);  Machines  à  diva- 
guer (4836,  t.  ï);  Courbes  des  chemins  de  fer  (4840, 
1. 1)  ;  un  mémoire  publié  en  4837  sur  le  projet  du  chemin 
de  fer  de  Lyon  à  Marseille;  en  4  842,  avec  Fèvre,  un  rap- 
port sur  l'emploi  des  rails  dans  les  terrassements  de  che- 
mins de  fer.  —  Son  neveu,  inspecteur  général  des  ponts 
et  chaussées,  est  mort  en  1867.  M. -G.  L. 

KERMAN.  Seigneurie  de  Bretagne  (V.  Garman). 

KERMAN.  Province  perse  (V.  Kirman). 

KERMANCHACH  ou  KARMASIN  (V.  Kirmanchah). 

KERMARIA-SuLARD.  Gom.  du  dép.  des  Gôtes-du-Nord, 
arr.  de  Lannion,  cant.  de  Perros-Guirec;  797  hab. 
,  KERMENGUY  (Emile  Gillart,  vicomte  de) ,  homme  po- 
litique français,  né  à  Saint-Pol-de-Léon  le  4®^  déc.  4840 
Grand  propriétaire  breton,  il  fut  élu  député  du  Finistère  à 
l'Assemblée  nationale  le  8  févr.  4874.  Légitimiste  ardent, 
il  fit  partie  des  «  chevau-légers  »  et  combattit  les  lois 
constitutionnelles.  Réélu  député  le  20  févr.  4876,  il  ap- 
puya le  gouvernement  du  4  6  mai.  Réélu  en 4877, en 4884, 
en  4889,  en  4893,  il  combattit  tous  les  cabinets  républi- 
cains et  fut  partisan  du  boulangisme. 

KERWIÈS.I.  Technologie.  —  On  donne  ce  nom  au  corps 
desséché  de  plusieurs  insectes  du  genre  Coccus  qui  comme  le 
Coccus  cacti  ou  la  cochenille,  sont  ou  ont  été  autrefois  em- 
ployés comme  matières  tinctoriales  rouges  (V.  Gochenille, 
t.  XI,  p.  763).  Le  kermès  du  chêne,  désigné  aussi  sous  les 
noms  de  kermès  animal  ou  végétal,  de  graine  d'écarlate,  de 
cochenille  de  chêne,  est  le  corps  desséché  de  la  femelle  du 
Coccus  ilicis,  insecte  qui  vit  sur  les  tiges  et  les  feuilles  d'une 
variété  de  chêne  vert  à  feuilles  piquantes,  Quercus  cocci- 
fera,  n'atteignant  jamais  plus  de  4  m.  à  4 "^50  de  hauteur 
et  croissant  abondamment  dans  le  midi  de  la  France,  en 
Espagne,  en  Italie  et  dans  l'archipel  grec,  principalement  à 
Candie,  au  Maroc,  ainsi  que  dans  les  provinces  d'Oran  et 
d'Alger.  Le  Coccus  ilicis  vit  et  se  développe  comme  la  co- 
chenille :  au  printemps,  la  femelle  fécondée  se  fixe  sur  les 
branches  et  les  feuilles  du  Quercus  coccifera  ;  elle  se 
gonfle  bientôt,  se  couvre  d  un  duvet  blanc  et  dépose  ses 
œufs  sur  lesquels  elle  meurt  ;  au  mois  d'avril,  elle  a  acquis 


le  volume  d'un  pois,  son  corps  s'est  arrondi,  le  duvet  a  dis- 
paru et  a  été  remplacé  par  une  poussière  blanchâtre.  On 
fait  la  récolte  avant  l'éclosion  des  œufs,  du  milieu  de  mai 
au  miheu  de  juin  ;  cette  opération  est  effectuée  le  matin, 
avant  que  le  soleil  ait  chassé  la  rosée,  par  des  femmes  et 
des  enfants  qui  détachent  l'insecte  avec  leurs  ongles.  Dans 
l'ile  de  Gandie,  où  le  kermès  prend  le  nom  de  Coccus  ba- 
phia,  la  récolte  est  faite  par  les  pâtres  et  l^^s  enfants  qui, 
à  cet  effet,  repoussent  les  feuilles  à  l'aide  d  une  fourchette 
qu'ils  tiennent  de  la  main  gauche,  et  coupent  avec  une  fau- 
cille les  jeunes  pousses  sur  lesquelles  le  kermès  est  fixé. 
Aussitôt  après  la  récolte,  on  expose  les  insectes  à  la  vapeur 
du  vinaigre  pendant  une  demi-heure  et  on  les  fait  sécher 
au  soleil  sur  des  toiles.  Le  produit  ainsi  obtenu  se  présente 
sous  forme  de  grains  brunâtres  et  d'une  saveur  acre  et 
piquante  ;  ils  sont  arrondis,  lisses  et  luisants  et  à  peu  près 
de  la  grosseur  d'un  pois. 

Le  principe  colorant  du  kermès  serait,  d'après  Lassaigne, 
identique  avec  l'acide  carminique  de  la  cochenille  ;  son 
extrait  aqueux  est  coloré  en  brun  jaunâtre  par  les  acides, 
en  violet  ou  rouge  cramoisi  par  les  alcalis,  en  noir  par  le 
sulfate  de  fer,  en  rouge  de  sang  par  l'alun,  en  vert  olive 
par  le  sulfate  de  cuivre  et  la  crème  de  tartre,  en  jaune 
cannelle  par  le  sel  d'étain,  et  la  crème  de  tartre.  Le  ker- 
mès qui,  avant  l'introduction  de  la  cochenille  en  Europe, 
était  l'objet  d'un  commerce  très  important,  n'est  plus  au- 
jourd'hui que  très  peu  employé  ;  actuellement,  on  ne  s'en 
sert  que  pour  obtenir  sur  laine  ou  sur  soie  certaines  nuances 
pour  lesquelles  il  est  indispensable  :  ainsi,  par  exemple, 
les  calottes  turques  de  couleur  rouge  pourpre,  nommées 
fez  ou  tarbouchs,  sont  presque  toutes  teintes  avec  le  ker- 
mès. En  Italie,  on  prépare  avec  le  kermès  une  liqueur  de 
table  très  renommée,  sous  le  nom  d'alkermès.  Le  kermès 
était  aussi  très  employé  autrefois  en  pharmacie  ;  aujour- 
d'hui, il  est  inusité.  Suivant  Girardin,  on  distingue  sur- 
tout deux  variétés  de  kermès  :  celui  de  Provence  et  celui 
d'Espagne.  Le  kermès  de  Provence  donne,  lorsqu'on  l'écrase, 
une  poussière  rouge  ;  il  fait  pâte  dans  le  mortier  et  ne  peut 
être  facilement  tamisé  ;  le  kermès  d'Espagne,  en  grains  secs 
et  plats,  ne  donne  que  peu  de  poussière  et  se  tamise  aisé- 
ment. Le  premier  est  plus  riche  en  couleur  et  d'un  prix 
plus  élevé  ;  on  le  mélange  souvent  avec  le  second.  Le  ker- 
mès de  Pologne  offre  les  mêmes  propriétés  que  le  kermès 
du  chêne;  c'est  le  corps  desséché  du  Coccus  polonicas qui 
était  récolté  autrefois  en  Pologne  et  en  Allemagne  sur  les 
racines  des  Scier anthus  perennis  et  annuus.  Ge  kermès, 
d'un  rouge  pourpre  violacé  et  de  la  grosseur  d'un  grain  de 
poivre,  n'est  plus  employé.  Au  kermès  proprement  dit  se 
rattachent  encore  les  espèces  suivantes  de  Coccus  :  le  Coc- 
cus fragariœ^  qui  vit  sur  les  racines  du  fraisier  de  Sibé- 
rie; le  Coccus  uva  ursi^  recueilli  en  Russie  sur  \Wrctos- 
taphylos  uva  ursi  ;  sa  grosseur  est  double  de  celle  du 
kermès  de  Pologne  ;  le  Coccus  fabœ^  découvert  par  Guérin- 
Menne ville  en  4834  dans  le  S.  de  la  France,  sur  les  fèves 
(  Vicia  faba)  et  plus  tard  sur  diverses  espèces  de  chardons 
et  autres  plantes  sauvages  et  cultivées.  Enfin,  suivant  A.  Vée, 
on  trouve  au  Ganada,  sur  VAbies  nigra,  un  insecte  dont 
les  ailes  renferment  une  grande  quantité  d'un  pigment  rouge 
écarlate,  analogue  à  celui  de  la  cochenille.  L.  K. 

IL  Ghimie.  —  Le  kermès  minéral  est  du  sulfure  d'an- 
timoine amorphe,  retenant  une  petite  quantité  de  sulfure 
alcaUn,  et  contenant  à  l'état  de  mélange  des  proportions 
variables  de  protoxyde  d'antimoine  libre  ou  combiné  à  un 
alcali,  notamment  de  l'antimonite  de  sodium.  Il  a  été  dé- 
couvert au  xvii^  siècle  par  Glauber  et  son  mode  de  pré- 
paration a  été  livré  à  La  Ligerie,  chirurgien  de  Paris.  Ge 
dernier  vendit  son  secret  au  gouvernement,  en  4720. 

Pour  le  préparer,  on  suit  le  procédé  de  Gluzel  : 
Sulfure  d'antimoine  finement  pulv.  40  gr. 

Garbonate  de  soude  cristallisé...         225  — 
Eau  de  rivière 2 .  oOO  — 

L'eau  étant  portée  à  l'ébullition  pour  chasser  l'air,  on 
ajoute  les  deux  sels  et  on  continue  l'ébullition  pendant  un 


_  487  - 


KERMES  —  KERN 


quart  d'heure  (Mehu).  On  filtre  bouillant  et  on  reçoit  le 
liquide  dans  des  terrines  en  grès  entourées  d'eau  chaude. 
Par  le  refroidissement,  la  liqueur  se  trouble  et  laisse  dé- 
poser un  précipité  brun  qu'on  lave  à  l'eau  froide  et  qu'on 
fait  sécher  dans  une  étuve  modérément  chauffée.  On  passe 
au  tamis  de  soie  n°  160  et  on  conserve  le  produit  dans  des 
flacons  très  secs,  à  l'abri  de  l'air  et  de  la  lumière.  Poudre 
d'un  rouge  brun,  veloutée,  inodore,  insipide,  insoluble 
dans  l'eau.  Les  kermès  obtenus  avec  les  alcalis  caustiques, 
par  ébullition  ou  par  fusion,  comme  dans  les  procédés  de 
Piderit  et  de  Berzelius,  doivent  être  rejetés  de  l'usage  mé- 
dical. Le  kermès  de  Cluzel  entre  dans  la  confection  des 
tablettes  de  kermès.  E.  Bourgoin. 

IlL  Thérapeutique.  —  Le  kermès  est  d'un  usage  jour- 
nalier en  médecine  comme  stimulant,  émétique,  diaphoré- 
tique,  altérant,  béchique  et  expectorant,  à  la  dose  de  5  à 
30  centigr.  A  dose  plus  élevée,  il  est  vomitif;  à  dose 
encore  plus  forte,  il  est  employé  avec  succès  comme  contre- 
stimulant  dans  le  traitement  de  la  pneumonie  aiguë.  Mal- 
heureusement, la  composition  du  kermès  est  variable,  par- 
tant ses  effets  ne  sont  pas  toujours  identiques.  Aussi 
préfère-t-on  quelquefois  donner  à  sa  place  de  l'émétique 
à  dose  convenable,  parce  que  c'est  un  composé  chimique 
bien  défini.  —  Le  kermès  se  prescrit  en  loochs,  en  po- 
tions ou  juleps,  où  il  est  tenu  en  suspension  par  la  gomme, 
ou  sous  forme  de  pastilles  à  4  centigr.         D'^  L.  Hn. 

KERMESSE.  Nom  donné  en  Belgique,  en  Hollande  et 
dans  la  Flandre  française  à  des  fêtes  qui  se  célèbrent  dans 
chaque  commune  une  fois  par  an  avec  de  grandes  réjouis- 
sances. A  l'origine,  les  kermesses  avaient  un  caractère 
exclusivement  religieux;  c'était  la  fête  patronale  du  saint 
de  la  paroisse,  ou  l'anniversaire  de  la  consécration  de 
l'éghse  (en  pays  wallon  on  dit  encore  aujourd'hui,  au  lieu 
de  kermesse,  ducasse^  corruption  de  dédicace).  Cependant 
les  réjouissances  profanes  ne  tardèrent  pas  à  dominer,  et, 
dès  le  moyen  âge,  on  constate  que  les  kermesses  donnent 
lieu  à  toutes  sortes  d'excès  de  table  et  de  cabaret.  Au 
XVI®  siècle  la  licence  était  extrême,  à  tel  point  que  Charles- 
Quint  interdit,  sous  des  peines  sévères,  de  faire  durer  les  fêtes 
plus  d'un  jour;  mais  l'édit  de  1581  ne  tarda  pas  à  tomber 
en  désuétude.  En  1786,  Joseph  II,  constatant  que  les  ker- 
messes étaient  pour  la  classe  ouvrière  une  source  de  dé- 
penses considérables,  fixa  la  célébration  de  toutes  les  fêtes 
paroissiales  au  même  jour.  De  cette  manière,  pensait-il,  la 
dépense  ne  se  ferait  qu'une  fois  et  l'on  ne  verrait  plus  les 
ouvriers  se  rendre  à  toutes  les  kermesses  des  localités  en- 
vironnantes, commettant  des  désordres  et  gaspillant  leur 
salaire.  Cette  mesure,  plus  que  tous  les  autres  décrets  de 
réforme,  valut  à  l'empereur  une  impopularité  extrême;  le 
peuple  tenait  bien  plus  à  ses  plaisirs  qu'à  ses  anciennes  ins- 
titutions. Le  clergé  sut  habilement  profiter  de  ce  mécon- 
tentement, et  bientôt  la  révolution  brabançonne  éclata.  De 
nos  jours  les  kermesses  sont  encore  célébrées  avec  beau- 
coup de  faste  ;  on  organise  des  festivals  de  musi  que,  des 
concours  de  tirs  et  jeux,  et,  durant  plusieurs  jours,  la 
commune  est  en  liesse.  Dans  certaines  villes,  il  y  a  des 
processions  fameuses,  à  Mons,  à  Anvers,  à  Tournai,  etc. 
KERMOROCH.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr. 
de  Guingamp,  caïft.  de  Bégard;  5"29  hab. 

KERMOYSAN  (Tugdual  de),  dit  Le  Bourgeois,  ingénieur 
militaire  français,  mort  en  août  1430.  Né  en  Bretagne, 
il  s'attacha  au  connétable  de  Richement  et  le  suivit  dans 
presque  toutes  ses  expéditions.  II  se  distingua  surtout  à  la 
défense  d'Orléans  et  à  la  prise  de  Jargeau  (1429),  à  Saint- 
Denis  (1435),  aux  sièges  deMontereau  (1437),  de  Meaux 
(1439),  de  Pontoise  (1441),  à  la  délivrance  de  Dieppe 
(1443)  et  dans  la  campagne  de  Normandie  (1449-nO).  Il 
fut  capitaine  de  Saint-Germain-en-Laye,  de  Janville,  de 
Pierrefonds,  écuyer  d'écurie  du  roi.  En  1447,  il  accom- 
pagna Dunois  dans  son  ambassade  en  Angleterre.  Habile  à 
diriger  les  travaux  d'attaque,  il  fut  plusieurs  fois  le  colla- 
borateur des  frères  Bureau,  par  exemple  aux  sièges  de 
Montereau  (1437),  de  Caen  (1450)  et  de  Cherbourg.  Il 


fut  tué  devant  cette  place.  Il  avait  épousé  Marie  de  Ga- 
rancière  qui  lui  avait  apporté  de  grands  biens.  Il  signait 
Le  Bourgeois  de  Kermoysan,  tout  au  long.         E.  C. 

BiBL.  :  Les  chroniqueurs  du  temps  surtout,  Gruel  (éd. 
A.  Le  Vavasseur,  pp.  70,  99)  et  M.  d'EscoucHY  (éd.  de 
Beaucourt,  II,  522,  lîl,  260.  —  D.  Morice,  Hist.  de  Bre* 
iagne.  —  De  Beaucourt,  Hist.  de  Charles  Vil,  VI,  558.— 
E.  CosNEAu,  le  Connét.  de  Richemont,  p.  685.  —  Pièces 
orig.,  voL  1608,  dossier  37,149  à  la  BibL  nat. 

KERN.  Rivière  des  Etats-Unis  (V.  Californie). 
KERN   (Jacques-Conrad),  homme  d'Etat  et  diplomate 
suisse,  né  à  Berligen  (Thurgovie)  le  11  juin  1808,  mort  à 
Zurich  le  14  avr.  1888.  Il  fit  ses  études  au  gymnase  de 
Zurich,  aux  universités  de  Bâle,  Heidelberg  et  Paris.  Docteur 
en  droit  à  Heidelberg  en  1830,  il  revint'  en  Suisse  où  ses 
concitoyens  de  Thurgovie  l'envoyèrent  bientôt  les  représen- 
ter à  la  Diète  fédérale.  En  même  temps  il  présidait  le  con- 
seil de  l'instruction  publique  de  son  canton  et  coopérait  à  la 
rédaction  des  lois  civiles  et  pénales.  Kern  représentait  le 
cant.  de  Thurgovie  à  la  Diète,  lorsqu'en  1838  la  France 
demanda  l'expulsion  de  Louis-Napoléon,  citoyen  thurgo- 
vien  de  la  com.  de  Salenstein  depuis  le  18  avr.  1832. 
On  sait  que  la  Suisse  refusa  cette  expulsion  malgré  les 
troupes  massées  sur  sa  frontière  et  que  Louis-Napoléon  pré- 
féra s'éloigner  pour  ne  pas  attirer  la  guerre  sur  sa  nouvelle 
patrie.  Kern  joua  un  grand  rôle  à  la  Diète  dans  l'affaire  du 
Sonderbund  en  1847.  Il  fut  chargé  des  dernières  tenta- 
tives de  conciliation  auprès  de  la  Ligue  et,  après  la  chute 
de  Lucerne,  de  représenter  la  Confédération  dans  ce  canton 
jusqu'à  ce  qu'un  nouveau  gouvernement  fût  établi.  Kern 
prit  une   large  part  à  l'élaboration    de  la  constitution 
fédérale  de  1848.  Envoyé  en  mission  provisoire  à  Vienne, 
comme  chargé  d'affaires  en  1848,  il  y  assista  à  l'émeute  du 
7  oct.  et  à  l'assassinat  du  ministre  de  la  guerre,  M.  de 
Latour.  Lorsque  furent  nommés  les  fonctionnaires  créés  par 
la  constitution  de  1848,  Kern  devint  président  du  tribunal 
fédéral,  puis  en  1 854  président  du  conseil  de  l'Ecole  poly- 
technique fédérale,  à  la  création  de  cette  école,  qui  devint 
rapidement  florissante.  Lors  de  l'insurrection  royaliste  de 
Neuchâtel,  en  1856,  il  fut  envoyé  en  mission  extraordi- 
naire à  Paris  lors  de  la  médiation  de  Napoléon  III.  Ce  con- 
flit amena  l'indépendance  complète  de  la  principauté  de 
Neuchâtel  et  la  renonciation  totale  de  la  Prusse.  Kern  avait 
fait  preuve  de  beaucoup  d'habileté  diplomatique  dans  la 
solution  de  la  question  de  Neuchâtel  ;  aussi  les  autorités 
fédérales  l'appelèrent-elles  dès  4857  à  représenter  la  Suisse 
à  Paris.  Il  y  resta  vingt-cinq  ans  et  ne  démissionna  le  20  nov, 
1882  que  lorsque  ses  forces  lui  interdirent  de  continuer 
ses  fonctions.  Le  conflit  relatif  à  la  vallée  des  Dappes,  ré- 
glé après  un  demi-siècle;  la  question  de  la  Savoie  neutra- 
lisée, les  démarches  faites  pour  éviter  la  guerre  de  1870, 
son  intervention  pendant  le  bombardement  de  Paris  comme 
doyen  du  corps  diplomatique,  les  négociations  relatives 
aux  traités  franco-suisses,  sont  les  principaux  faits  de  sa 
carrière  diplomatique.  Après  sa  retraite,  il  reçut  de  nom- 
breuses marques  de  sympathie  du  gouvernement  français. 
Ses  dernières  années  se  sont  passées  à  Zurich.  E.  Kuhne. 

KERN  (lïermann),  pédagogue  allemand,  né  à  Juterbogk 
le  12  sept.  1823.  Professeur,  puis  directeur  de  divers 
gymnases  et  écoles  réelles,  à  Halle,  Cobourg,  Midheim, 
Berlin,  disciple  de  Herbart,  il  a  publié  Die  Realschule  und 
die  Konzentration  des  Unterrickts  (Miilheira,  1863)  ; 
Grundriss  der  Pœdagogik  (Berlin,  1873;  4®  éd., 
1887),  etc. 

KERN  (Jean-Henri- Gaspard),  orientahste  hollandais,  né 
à  Java  le  6  avr.  1833.  Elève  de  Weber  à  BerUn  (1855-57), 
il  devint  professeur  de  sanscrit  au  collège  de  Bénarès  en 
1863,  puis  en  1865  à  l'université  de  Leyde.  II  collabora 
au  grand  dictionnaire  sanscrit  de  Saint-Pétersbourg.  Son 
activité  s'est  surtout  exercée  dans  le  domaine  du  sanscrit 
et  des  langues  malaises,  ce  qui  ne  l'a  pas  empêché  de 
donner  des  travaux  sur  la  loi  salique  et  le  dialecte  des 
Francs  Saliens.  Il  a  publié  de  très  nombreux  mémoires 
sur  des  inscriptions  et  des  ouvrages  Javanais  ou  Kawis, 


KERN 


KEMILIS 


parus  surtout  dans  la  Tijdschrift  voor  Indische  taal- 
land-en  volkenkunde.  Parmi  ses  travaux  d'indianiste, 
citons  surtout  :  la  Brihat-  Samhitâ^  de  Varâhamihira 
(Calcutta,  1865;  trad.  angl.  dans  le  Journ.  of  the  R.  As. 
Soc),  divers  mémoires  sur  les  inscriptions  d'Asoka  et 
V Histoire  du  Bouddhisme  indien  (Haarlem,  1881-83, 
2  vol.),  l'ouvrage  le  plus  complet  sur  la  matière  et  qui  fait 
autorité  (trad.  en  ail.  par  Jacobi;  Leipzig,  i  882-84,  2  vol.). 
Esprit  surtout  mathématique,  il  a  appliqué  ses  connais- 
sances astronomiques  à  l'étude  des  faits  historiques  et  re- 
ligieux ;  on  peut  l'accuser  d'être  trop  porté  aux  systèmes, 
sans  que  d'ailleurs  ce  penchant  nuise  à  la  largeur  et  à  la 
sûreté  de  son  information.  A.  Foucher. 

KERN  (Theodor-Gotthart,  chevalier  de),  historien  alle- 
mand, né  à  Bruneck  (Pustherthab)  le  5  mai  1836,  mort  à 
Veytaux,  sur  le  lac  de  Genève,  le  18  nov.  1873.  Profes- 
seur à  l'université  de  Fribourg  (1866),  il  est  connu  par  une 
excellente  édition  des  Chroniques  de  Nuremberg  (5  vol.). 

KERN  BAH  (Georges),  poète  roumain,  né  à  Botuschani 
en  1863.  11  publia  des  vers  d'une  belle  tournure  anacréon- 
tique  dans  le  Contemporain,  la  Nouvelle  Revue ^  etc.  Il 
les  a  réunis  en  volume  (1894).  On  y  trouve  quelquefois 
des  morceaux  dignes  non  seulement  d'Anacréon,  mais  de 
Heine,  par  leur  finesse  satirique,  ainsi  que  de  bonnes  pièces 
descriptives.  N.  J. 

BiBL.  :  Le  Combat,  journal  roumain,  août  1890. 

KERNELL  (Per-Ulrik),  écrivain  suédois,  né  à  Linkô- 
ping  en  1797,  mort  à  Erlangen  en  1824.  Sa  beauté,  son 
caractère  aimable,  l'art  avec  lequel  il  disait  les  chansons 
de  Bellman  lui  valurent  dans  la  société  suédoise  la  répu- 
tation d'un  homme  de  grand  avenir,  réputation  méritée, 
si  l'on  en  juge  par  les  lettres  qu'il  écrivit  à  ses  amis,  pen- 
dant un  long  voyage  qu'il  fit,  inutilement,  dans  le  S.  de 
l'Europe,  pour  rétablir  sa  santé.  Ces  lettres,  recueillies 
par  ses  amis,  parurent  sous  le  titre  de  :  Anteckningar 
(notes)  under  en  resa  i  det  Sydliga  Europa  et  eurent 
promptement  plusieurs  éditions.  Th.  C. 

KERNER  (Georg),  né  à  Ludwigsburg  le  9  avr.  1770, 
mort  à  Hambourg  le  7  avr.  1812,  une  des  curieuses 
figures  de  l'époque  révolutionnaire.  Libéral  fervent,  ce 
Wurttembergeois  vint  à  Paris  à  la  fin  de  1791,  y  vécut 
jusqu'en  sept.  1795,  accompagna  K,-F.  Reinhard  (Y.  ce 
nom)  en  qualité  de  secrétaire  à  Hambourg,  Florence,  Paris, 
Berne,  faisant  une  incessante  propagande  en  faveur  de  la 
République  française.  H  refusa  de  se  rallier  à  Bonaparte, 
se  retira  en  1801  et  vécut  comme  médecin  à  Hambourg, 
où  il  mourut,  désespéré  de  la  banqueroute  de  son  idéal. 
Son  frère  a  retracé  sa  biographie  dans  Bilderbuch  aus 
meiner  Knahenzeit. 

BiBL.  :  WoHLWiLL,  Geovg  Kerner;  Hambourg,  1886. 

KERNER  (Andreas-Justinus),  poète  allemand,  né  à  Lud- 
wigsburg le  18  sept.  1786,  mort  à  Weinsberg  le  21  fév. 
1862,  frère  du  précédent.  Etudiant  en  médecine  à  Tubingue 
(1804),  il  s'y  lia  avec  Uhland  et  Schwab,  voyagea  à  par- 
tir de  1809,  puis  exerça  la  médecine  à  Wildbad.  Ses  poé- 
tiques récits  de  voyage,  Reiseschatten  von  dem  Schat- 
tenspieler  Lux  (Heidelberg,  1811),  sont  son  œuvre  la 
plus  originale,  d'une  fantaisie  et  d'un  humour  extraordi- 
naires ;  il  a  inséré  de  délicieuses  chansons  et  poésies  di- 
verses dans  le  Poetisches  Almanach  (1812)  et  h  Deutsche 
Dichterwald  (1813),  auxquels  collaboraient  Uhland, 
Schwab,  Eichendorff,  K.  Mayer,  etc.  H  pubha  ensuite  Ro- 
mantische  Dichtungen  (Karlsruhe,  1817).  Transféré 
comme  médecin  à  Weinsberg  (1818),  il  s'adonna  à  l'étude 
du  magnétisme  animal  et  finit  par  croire  à  l'intervention 
des  esprits  dans  les  affaires  humaines.  Ses  ouvrages,  dans 
cet  ordre  d'idées,  sont  :  Gesch.  zweier  Somnambulen 
(1824)  ;  Die  Seherin  von  Prevorst  (Stuttgart,  1829, 
2  vol.  ;  5^  éd.,  1877)  ;  Blœttern  aus  Prevorst  (avec  Es- 
chenmayer,  1831-39,  12  livr,,  continué  sous  le  titre  de 
Magikon,  1842-53,  5  vol.)  ;  Gesch,  Besessener  neuerer 
Zeit  (Karlsruhe,  1834  ;  2®  éd.,  1835)  ;  Eine  Erscheinung 
aus  dem  Nachtsgebiet  der  Natur  (1836);  Nachricht 


von  dem  Vorkommen  des  Besessenseins  (1836).  Par 
moments,  Kerner  se  ressaisissait  et  raillait  lui-même  avec 
une  verve  extrême  ces  superstitions  dans  son  drame,  Der 
Bœrenhœuter  im  Salzhade  (Stuttgart/!  837)  .Devenu  à  peu 
près  aveugle,  il  renonça  à  la  médecine  et  vécut  de  petites 
pensions  que  lui  servirent  les  rois  de  Bavière  et  de  Wurt- 
temberg.  Les  dernières  œuvres  littéraires  de  Kerner  sont  : 
Gedichte  von  /.  Lœmmerer  (Gmund,  1820),  la  collec- 
tion de  ses  Lyrische  Gedichte  (1854,  5^  éd.)  ;  Dichtun- 
gen (1834  ;  3«  éd.,  1841 , 2  vol.)  ;  Bilderbuch  aus  meiner 
Knabenzeit  (Brunswick,  1849);  Letzter  Blumenstrauss 
(1852);  Wmterbliiten  (1859).  Kerner  se  mit,  comme 
Uhland,  à  l'école  de  la  poésie  populaire,  et  ses  pastiches 
sont  souvent  impossibles  à  distinguer  des  vrais  lieds.  Ce- 
pendant, d'une  manière  générale,  sa  poésie  est  plus  mélan- 
cohque  et  sérieuse  que  ses  modèles.  H  a  un  goût  très  mar- 
qué pour  le  fantastique  et  la  sentimentalité  nuageuse.  La 
forme  est  brève,  condensée,  avec  des  images  saisissantes, 
du  trait  et  souvent  de  l'esprit.  On  a  publié  deux  volumes 
de  poésies  choisies  de  Kerner  (Stuttgart,  1878). 

Son  fils,  Theobald,  néà  Gaildorf  le  14 juin  1817,  exerça 
la  médecine  à  Weinsberg,  s'adonna  au  magnétisme  animal 
et  publia,  outre  son  Galvanismus  und  Magnetismus  als 
Heilskraft  (Cannstadt,  1858,  4^  éd.),  plusieurs  volumes 
de  poésies  et  de  nouvelles.  A. -M.  B. 

BiBL.  :  Marie  Niethammer  (sa  fille),  J.  Kerners  Jugend- 
fie5e;Stuttgart,  1877. —Reinhard,  J.  Kerner;  Tubihgue, 
1886,  2o  éd.  —  K.  Mayer,  Uhland,  seine  Freunde,  etc.  : 
Stuttgart,  1867.  —  Du  Prel,  J.  Kerner  und  die  Seherin 
von  Prevorst  ;  Leipzig,  1886. 

KERNER  (Anton),  chevalier  de  Marilaun,  botaniste  au- 
trichien, né  au  château  de  Mautern  (Basse-Autriche)  le 
12  nov.  1831 .  Professeur  à  l'université  d'Innsbruck  (1 860), 
puis  directeur  du  jardin  botanique  de  Vienne  (1878),  il 
s'est  fait  connaître  par  l'exploration  botanique  de  la  Hon- 
grie dont  il  consigna  les  résultats  dans  Pflanzenleben  der 
Donaulœnde  (Innsbruck,  1863)  et  Vegetationsverhcelt- 
nisse  des  mittlern  und  œstlichen  Ungarns  und  Sie- 
benburgen  (1875  et  suiv.)  ;  il  mit  à  la  mode  la  culture 
des  plantes  alpestres  {Die  Kultur  der  Alpenpflanzen, 
1864),  détermina  la  limite  de  végétation  de  plus  d'un  mil- 
lier de  plantes  {Die  obern  Grœnzen  der  Holzpflanzen 
in  den  OEsterreichischen  Alpen,  dans  OEster  Revue, 
1863-67),  traça  le  modèle  d'un  jardin  botanique  {Die 
botanischen  Gœrten,  1874).  Citons  encore  parmi  ses  nom- 
breuses publications  :  Das  Pflanzenleben  (Leipzig,  1887, 
2  vol.).  Il  a  été  anobli  en  1877. 

KERN  EVE  L.  Corn,  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  Quim- 
perlé,  cant.  de  Bannalec  ;  2,476  hab. 

KERNEVENOY  ou  KERNOVONOY.  Ancienne  famille  de 
Bretagne,  dont  le  nom  s'est,  au  xvi«  siècle,  altéré  par  la 
prononciation  en  celui  de  Carnavalet.  Il  existe  une  repré- 
sentation du  sceau  de  cette  famille,  daté  de  1372,  dans 
l'Histoire  de  Bretagne  de  dom  Morice  (t.  II,  p.  579).  Le 
personnage  qui  illustra  le  plus  son  nom  est  François  de 
Carnavalet,  qui  fut  gouverneur  du  duc  d'Anjou,  ■—  depuis 
Henri  III,  —  chevalier  de  l'ordre  du  roi,  et  enfin  gou- 
verneur du  Bourbonnais  et  du  Forez.  H  avait  épousé, 
en  1566,  Françoise  de  La  Baume,  et  mourut  à  Paris  le 
29  juin  1571  ;  on  voyait  encore,  au  commencement  de  ce 
siècle,  dans  l'église  Saint-Germain-l'Auxerrois,  son  épi- 
taphe  rédigée  en  termes  très  élogieux  par  son  ami  PhiHppe 
Huraultde  Cheverny.  François  de  Carnavalet  avait  souvent 
manifesté  l'intention  d'acquérir  l'hôtel  que  le  président  des 
Ligneris  s'était  fait  construire  par  Pierre  Lescot  et  Jean 
Goujon.  Sa  veuve  réaHsa  son  désir  en  1578,  et  depuis 
lors  cet  hôtel  prit  le  nom,  qu'il  n'a  pas  perdu,  d'hôtel 
Carnavalet  (V.  ce  raot).  F.  Bournon. 

BiBL.  :  Le  P.  Anselme,  t.  VI,  p.  509;  t.  VII,  p.  49,  et 
les  ouvrages  sur  l'hôtel  Carnavalet  indiqués  à  la  biblio- 
graphie de  ce  mot.  La  Bibliothèque  de  la  Ville  de  Paris 
possède  un  dossier  manuscrit  sur  les  différents  posses- 
seurs de  riiôtel  et  notamment  les  Keriievenoy. 

KERN I LIS.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  Brest, 
cant.  de  Plabennec  ;  850  hab. 


489 


KERNOUÈS  ~  KERRIA 


KERNOUÈS.  Corn,  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  Brest, 
cant.  de  Lesneven  ;  3,284  hab. 

KERNS.ViUagedeSuisse,cant.d'Unterwald;  2,364  hab. 
Contrée  fertile  et  pittoresque.  L'église  offre  quelques  curio- 
sités artistiques. 

KERODON  (Zool.)  (V.  Cobaye). 

KÉROLD  (V.  Céron). 

KÉ  ROT  A  Kl  S  (Alchimie).  La  kérotakis  a  été  empruntée 
par  les  alchimistes  aux  peintres  anciens,  qui  peignaient  à 
rencaustique,  et  y  mélangeaient  leurs  couleurs,  avec  le 
concours  d'une  douce  chaleur.  Les  appareils  à  kérotakis 
jouent  un  grand  rôle  chez  les  alchimistes  grecs  et  sont 
figurés  avec  des  variantes  de  formes  diverses  dans  les  ma- 
nuscrits. L'opération  qui  s'y  exécutait  porte  le  nom  de  cero- 
sis  ou  ceratio  :  elle  consistait  à  tâcher  d'imprégner  de 
certains  principes  colorants  les  métaux,  en  les  ramollissant, 
soit  directement,  soit  avec  le  concours  du  mercure,  ou  du 
soufre,  ou  du  sulfure  d'arsenic. 

Aux  débuts,  on  opérait  simplement  sur  la  palette  des 
peintres  ;  mais  il  fallut  bientôt  la  pourvoir  de  deux  appa- 
reils accessoires  :  l'un  destiné  à  réchauffer  les  mixtures 
(bain-marie,  bains  de  sal)le,  de  cendre  ou  analogues); 
l'autre,  à  condenser  les  vapeurs  que  l'on  voulait  retenir. 
C'était  d'abord  une  coupe  ou  tasse  renversée  servant  de 
couvercle,  et  dont  la  forme,  modifiée  graduellement,  est 
devenue  le  ballon  ou  fiole  actuelle  :  le  mot  grec  lui-même 
a  pris  peu  à  peu  ce  sens  nouveau  dans  les  textes  alchi- 
miques. D'après  certaines  descriptions,  il  semble  que  la 
lame  métallique  n'ait  pas  seulement  servi  de  support  aux 
produits  que  l'on  faisait  réagir  entre  eux  et  sur  les  va- 
peurs sublimées  d'en  bas;  mais  cette  lame  éprouvait, dans 
sa  propre  matière,  la  transformation  produite  par  les  fon- 
dants et  par  les  vapeurs.  On  plaça  ensuite  au-dessous 
un  récipient  pour  recevoir  les  matières  liquéfiées,  parfois 
même  avec  interposition  d'un  crible.  Les  matières  fondues 
tombant  dans  ce  récipient,  échauffé  lui-même,  se  subli- 
maient en  partie  et  retournaient  attaquer  de  nouveau  la 
matière  placée  sur  la  palette  :  de  là  le  nom  à'écrevisse 
(appareil  rétrograde)  donné  à  quelques-uns  de  ces  engins. 
Mais  on  finit  par  supprimer  la  palette  dans  ces  appareils  et 
il  resta  l'aludel,  instrument  de  digestion  et  sublimation,  qui 
figure  seul  chez  les  alchimistes  latins.     M.  Berthelot. 

^BiBL.  :  Berthelot,  Introduction  à  la  chimie  des  an- 
ciens et  du  moyen  âge,  pp.  142  et  suiv. 

KÉROUAL  ou  KÉROUALLE  (Louise-Renée  de),  du- 
chesse de  Portsmouth  et  d'Aubigny,  née  près  de  Brest  en 
1649,  morte  à  Paris  le  14  nov.  1734.  Fille  de  Guillaume 
de  Penancoet,  elle  fut  demoiselle  d'honneur  d'Henriette  d'An- 
gleterre, qu'elle  accompagna  en  Angleterre  lors  de  la  négo- 
ciation pour  l'alliance  de  Douvres.  La  beauté  de  W^^  de 
Kérouai  fit  impression  sur  Charles  II,  qui  la  nomma  dame 
d'honneur  de  la  reine  Catherine.  Ce  fut  à  Euston,  chez 
lady  Arlington,  qu'elle  devint  la  maîtresse  en  titre  ;  peu 
après  (oct.  1671),  Charles  II  déclarait  la  guerre  à  la 
Hollande  ;  M^^^  de  Kérouai  n'oubliait  pas  ce  qu'elle  devait 
au  roi  de  France.  Le  29  juil.  de  la  même  année,  elle 
donna  le  jour  à  un  fils,  Charles  de  Lennox,  créé  duc  de 
Richmond  en  1673.  Créée  duchesse  de  Portsmouth  par 
Charles  II,  la  favorite  reçut  de  Louis  XIV,  en  1674,  le  fief 
d'Aubigny  en  Berry.  L'influence  de  la  duchesse  s'exerça 
tout  d'abord  contre  Buckingham,  dont  elle  obtint  la  dis- 
grâce ;  malgré  quelques  infidélités  du  roi,  Kérouai  restait 
toute-puissante.  La  duchesse  était,  d'ailleurs,  fort  mal  vue 
par  la  nation  britannique  ;  au  moment  des  troubles  contre 
les  papistes,  elle  fut  violemment  prise  à  partie  dans  les  deux 
Chambres;  en  1679,  le  Parlement  demanda  son  renvoi.  On 
lui  reprochait  de  représenter  l'influence  française  ;  on  repro- 
chait au  roi  les  prodigalités  qu'il  faisait  pour  sa  maîtresse- 
Sa  pension  avait  été  portée  à  1  million  de  fr.  et  les  cadeaux 
qu'elle  recevait  représentaient  bien  davantage.  Après  la 
mort  du  roi,  elle  resta  à  Whitehall  jusqu'en  1688,  puis 
vint  en  France  et  se  fixa  dans  sa  terre  d'Aubigny,  où  elle 
connut  les  embarras  pécuniaires.  En  1718,  le  régent  porta 


sa  pension  à  20,000  livres  en  souvenir  des  services  rendus 
à  la  France.  Le  duc  de  Richmond,  son  fils,  était  mort 
en  1728. 
BiBL.  :  FoRNERON,  Louise  de  Kéroualle^  1886. 
KEROULEN.  Rivière  de  l'empire  chinois,  en  Mongolie, 
qui  naît  au  S.  des  monts  Kentei,  coule  vers  le  S.,  puis  à 
partir  du  lac  Khasilim  vers  leN.-E.,  au  N.  du  plateau  de 
Gobi  et  aboutit  après  1 ,000  kil.  au  lac  Dalaï  ou  Kouloun  ; 
celui-ci  est  réuni  par  un  canal  naturel  au  Khaïlar,  lequel 
en  aval  de  ce  confluent  prend  le  nom  d'Argoun  et  va  former 
le  fleuve  Amour  (V.  ce  mot).  On  a  longtemps  regardé  la 
Keroulen  comme  une  des  sources  de  l'Amour. 

BiBL.  :  Radde,  Berichte  ûber  Reisoi  im  Sûden  von 
Ostsibirien  ;  Saint-Pétersbourg,  1861,  au  t.  XXIII  des  Bei- 
trœge  zur  Kenntniss  des  Russischen  Reiches. 

KERPERT.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Guingamp,  cant.  de  Saint-Nicolas-du-Pelem  ;  1,165  hab. 
KERR  (Phénomène  de)  (Phys.).  Quand  on  soumet  un  corps 
isolant  solide  ou  liquide  à  l'électrisation,  il  devient  biré- 
fringent d'une  manière  lente  s'il  est  solide,  immédiatement 
s'il  est  liquide.  Pour  observer  ce  phénomène  avec  le  verre 
par  exemple,  on  prend  une  lame  de  verre  épaisse  que  l'on 
perce  dans  son  axe,  parallèlement  aux  grandes  faces  de  la 
lame,  de  deux  trous  cylindriques  situés  sur  le  prolonge- 
ment l'un  de  l'autre  et  de  façon  que  leurs  extrémités  lais- 
sent entre  elles  une  épaisseur  de  quelques  millimètres  de 
verre.  Dans  ces  trous  on  introduit  deux  tiges  métalliques 
que  l'on  met  en  communication  avec  les  deux  bornes  d'une 
bobine  de  Ruhmkorft* par  l'intermédiaire  d'un  excitateur  entre 
les  branches  duquel  jaillissent  des  étincelles  (de  15  centim. 
dans  les  expériences  de  Kerr).  Ces  dispositions  prises  on 
place  la  lame  entre  un  polarisateur  et  un  analyseur,  de 
façon  que  la  ligne  des  tiges  métalliques  fasse  un  angle  de 
45^  avec  le  plan  de  polarisation  du  polariseur  ;  on  met  en- 
suite l'analyseur  à  l'extinction.  Si  l'on  fait  alors  fonctionner 
la  bobine  Ruhmkortf  on  constate  après  deux  secondes  que 
la  lumière  reparaît  dans  le  champ  de  l'analyseur  faible 
d'abord  et  arrive  en  30''^ environ  à  son  éclat  maximum  qu'elle 
garde  ensuite.  On  ne  peut  faire  disparaître  cette  lumière  en 
tournant  l'analyseur,  ce  n'est  donc  pas  un  phénomène  de 
polarisation  rotatoire.  Mais  si  l'on  place  une  lame  de  verre 
entre  le  polariseur  et  l'analyseur  et  qu'on  exerce  dessus 
une  traction  dans  une  direction  faisant  un  angle  de  45» 
avec  l'analyseur,  on  amène  l'extinction.  L'action  électrique 
produite  sur  le  verre  est  donc  analogue  à  une  compression 
exercée  dans  la  direction  des  tiges  métalliques.  Quand  on 
fait  cesser  l'action  de  la  bobine,  la  lumière  disparaît  rapi- 
dement d'abord,  puis  lentement.  Avec  les  liquides  on  opère 
d'une  façon  analogue  en  les  plaçant  dans  une  auge  et  en 
y  plongeant  deux  fils  conducteurs.  On  observe  que  la  lu- 
mière reparaît  par  intermittences  ;  elle  disparaît  à  chaque 
étincelle  de  l'interrupteur.  Kerr  a  trouvé  que  la  différence 
de  marche  des  deux  rayons  ordinaire  et  extraordinaire  va- 
riait proportionnellement  au  carré  de  l'intensité  du  champ 
électrique  ou,  ce  qui  revient  au  même,  proportionnellement 
à  l'attraction  qui  s'exerce  entre  les  conducteurs  qui  limitent 
le  champ.  Pour  certains  liquides  on  fait  disparaître  la  lu- 
mière par  une  compression  au  lieu  d'une  traction  effectuée 
sur  la  lame  de  verre  dont  nous  avons  parlé.  Certains  liquides 
ne  produisent  pas  ce  phénomène.  A.  Joannis. 

KERR,  comtes  et  marquis  de  Lothian  (V.  ce  mot). 
KERRATA.  Village  d'Algérie,  dép.  de  Constantine,  arr. 
de  Bougie,  créé  sur  le  territoire  de  la  tribu  des  Kerrata 
ou  Beni-Felkaï.  Les  habitants  sont  au  nombre  de  250  Eu- 
ropéens et  quelques  indigènes  ;  ils  cultivent  l'olivier,  un 
peu  de  céréales  et  élèvent  des  bestiaux.  C'est  le  ch.-l.  de 
la  commune  mixte  des  Amouchas  qui  a  36,096  hab.  dont 
576  Français.  Le  village  de  Kerrata  se  trouve  à  l'entrée  du 
merveilleux  défilé  du  Châbet-el-Akhra  (V.  ce  mot). 

KERRIA  (^<?maDG.)  (Bot.).  Genre  de  Rosacées-Spirées, 
à  fleurs  pentamères,  à  étamines  en  nombre  indéfini.  Les  car- 
pelles, généralement  au  nombre  de  cinq,  sont  libres  et  ren- 
ferment un  ovule  descendant,  à  micropyle  extérieur.  Le 


KERRIA  —  KERSAINT 


—  490  — 


K,  japonica,  delà  Chine  et  du  Japon,  est  cultivé  dans  nos 
jardins  sous  le  nom  impropre  de  Corchorus. 

KERRICK  (Le  révérend  Thomas),  né  en  1747,  mort  en 
1828  à  Cambridge,  où  il  était  bibliothécaire  de  l'Université. 
Faisant  de  l'art  en  amateur,  il  a  dessiné  de  nombreux 
portraits  au  fusain  et  à  la  sanguine,  et  aussi  gravé  à  Feau- 
tbrte  des  vues  de  monuments. 

KERRICX  (Guillaume),  sculpteur  flamand,  né  à  Ter- 
monde  en  1652,  mort  en  1719.  Elève  d'Artus  Quellyn  le 
Jeune.  Le  musée  d'Anvers  a  de  lui  un  buste  en  marbre  de 
Maximilien- Emmanuel  de  Bavière,  gouverneur  des  Pays- 
Bas  espagnols. 

KERRICX  (Guillaume-Ignace),  peintre  flamand,  fils  du 
précédent,  né  à  Anvers,  baptisé  le  22  avr.  1682,  mort  en 
1745.  Kerricx  a  peint  des  sujets  religieux.  On  voit  de  lui 
au  musée  d'Anvers  :  Saint  Luc,  la  Pdque  en  Egypte, 
r Agneau  de  Dieu  adoré  par  les  vieillards  de  P Apoca- 
lypse, 

KERRY.  Comté  d'Irlande,  prov.  de  Munster,  à  l'angle 
S.-O.  de  Tile,  entre  l'estuaire  du  Shannon  au  N.,  les  comtés 
de  Limericketde  Corkàl'E.;  4,799  kiL  q.,  179,136  hab. 
C'est  la  région  la  plus  pittoresque  de  l'île  (V.  Irlande). 
Les  champs  occupent  14  «/o,  les  prés  48  °/o,  les  bois 
11/2  7o  de  la  sur  face  totale.  Il  y  existe  environ  15, 000  che- 
vaux, 200,000  bœufs,  80,000  moutons,  50,000  porcs. 
La  population  est  presque  exclusivement  catholique;  la 
moitié  parle  encore  la  langue  celtique.  Elle  vit  de  pêche  et 
d'agriculture.  Le  ch.-l.  est  Tralee. 
Cap  Kerry  (V.  Irlande). 
Monts  Kerry  (V.  Irlande). 
KERRY  (Lord)  (V.  Fitzmaurice). 
KERSAINT  (Gui-François  DE  Coetnempren,  comte  de), 
marin  fi'ançais,  né  au  manoir  de  Kersaint,  dans  le  pays  de 
Léon,  en  Bretagne,  en  1707,  mort  en  mer  le  21  nov.  1 759. 
Il  appartenait  à  une  ancienne  famille  qui  avait  compté  des 
croisés  parmi  ses  membres.  Il  était  entré  dans  la  marine 
en  1722.  Le  21  oct.  1757,  il  se  défendit  avec  succès  près 
des  Caïques  contre  des  navires  anglais  de  force  supérieure 
aux  siens.  Il  fut  moins  heureux  lors  du  désastreux  combat 
de  Quiberon,  le  21  nov.  1759;  le  Thésée  qu'il  comman- 
dait fut  englouti,  et  Kersaint  y  trouva  la  mort  ainsi  que 
presque  tout  son  équipage. 
BiBL.  :  Levot,  Biographie  bretonne,  1852-57,  2  vol.  in-8. 
KERSAINT  (Armand-Guy-Simon  de  Coetnempren,  comte 
de),  marin  et  homme  politique  français,  né  à  Paris  le  29  juil. 
1742,  décapité  à  Paris  le  4déc.  1793.  Fils  du  précédent, 
il  entra  dans  la  marine  comme  garde  en  1755  et  fut  promu 
enseigne  de  vaisseau  en  1757  pour  la  valeur  qu'il  déploya 
aux  côtés  de  son  père  sur  V Intrépide  le  21  oct.  Capitaine  de 
vaisseau  et  chevalier  de  Saint-Louis  en  1778,  Kersaint  com- 
manda, en  1782,  une  expédition  en  Guyane  et  s'empara 
de  Démérary,  Esséquibo  et  Berbice.  Doué  d'un  esprit  très 
vif,  il  embrassa  avec  ardeur  les  idées  nouvelles  et  publia, 
en  1789,  un  opuscule  intitulé  le  Bon  Sens,  où  il  attaqua 
les  privilèges  et  l'existence  des  ordres  de  la  noblesse  et  du 
clergé.  Consulté  par  le  comité  de  marine  de  l'Assemblée 
constituante,  Kersaint  présenta,  en  nov.  1789,  un  plan  de 
reconstitution  de  la  marine,  qui  ne  fut  pas  accepté.  Il  fit 
partie  de  rassemblée  électorale  de  1790,  qui  le  nomma 
administrateur  du  département  de  Paris  le  4  janv.  1791, 
et  de  celle  de  1791,  qui  le  nomma  quatrième  député  sup- 
pléant de  Paris  à  l'Assemblée  législative  le  4  oct.  1791.  Il 
entra  dans  cette  Assemblée  le  2  avr.  1792  en  remplacement 
d'Augustin  Monneron,  démissionnaire.  Dès  lors  Kersaint, 
soit  par  la  plume,  soit  par  la  parole,  s'efforça  de  faire  in- 
troduire dans  la  marine  les  réformes  qu'il  avait  proposées 
en  vain  à  l'Assemblée  constituante.  L'activité  déployée  par 
Kersaint  au  service  des  idées  nouvelles  était  considérable  ; 
bientôt  il  fit  remonter  au  roi  la  responsabilité  des  dangers 
de  la  patrie  et,  le  23  juil.,  il  dénonça  la  trahison  du  pou- 
voir exécutif  et  prononça  le  mot  de  déchéance.  Le  10  août 
1792,  il  vota  la  déchéance  de  Louis  XVI,  et  après  avoir 
été  chargé  par  ses  collègues  d'aller  inviter  les  citoyens  à 


l'ordre  et  à  la  paix,  il  fut  désigné  par  l'un  des  douze  com- 
missaires envoyés  aux  armées  par  l'Assemblée.  Il  partit 
avec  Antonelle  et  Peraldy  pour  l'armée  du  Centre,  com- 
mandée par  La  Fayette  et,  après  avoir  visité  le  camp  de 
Soissons  et  Reims  et  reçu  un  accueil  enthousiaste,  il  fut 
arrêté  avec  ses  collègues  à  Sedan  le  14  au  soir  par  la  mu- 
nicipalité de  cette  ville.  Remis  en  Hberté  le  20,  il  continua 
sa  tournée  dans  les  Ardennes,  puis  rentra  à  Paris  et,  le 
27  août,  rendit  compte  à  l'Assemblée  de  sa  mission.  Le 
3  sept.,  Kersaint  fit  voter  la  création  d'un  Bulletin  offi- 
ciel, qui  fut,  sous  le  nom  de  Bulletin  de  la  Convention 
nationale,  pubhé  jusqu'en  janv.  1795.  Réélu  député  à  la 
Convention  nationale  par  le  dép.   de  Seine-et-Oise  le 
14  sept.  1792,  il  entra  dans  le  comité  diplomatique  ;  le  18, 
il  fut  élu  secrétaire  avec  Danton,  Gensonné  et  Barbaroux. 
Toujours  préoccupé  de  la  défense  nationale,  Kersaint  pré- 
senta,   le  20  oct.  1792,  un  projet  pour  décerner  des 
récompenses  aux  soldats  et  à  l'armée  ;  le  26,  il  dénonça 
l'anarchie  de  l'administration  parisienne;  le  3  déc,  on  lut 
à  la  tribune  des  lettres  trouvées  dans  l'armoire  de  fer  et 
où  se  trouvait  le  nom  de  Kersaint  ;   celui-ci  se  disculpa, 
dans  la  séance  du  lendemain.  Le  19  déc,  il  réclama  l'ar- 
mement de  vaisseaux  de  guerre  et  il  fit  ajourner  jusqu'après 
le  jugement  de  Louis  Capet  l'exécution  du  décret  rendu 
contre  les  Bourbons.  Le  1®^  janv.   1793,  Kersaint,  qui 
venait  d'être  nommé  vice-amiral,  présenta,  au  nom  du  co- 
mité diplomatique,  un  important  rapport  sur  la  conduite 
du  gouvernement  anglais  et  sur  les  mesures  à  prendre 
pour  augmenter  nos  forces  navales.  Il  proposa,  en  termi- 
nant, l'établissement  d'un  comité  de  défense  générale. 
L'assemblée  décréta  aussitôt  la  création  de  ce  comité,  qui 
devait  devenir  si  fameux  sous  le  nom  de  comité  de  Salut 
public.  Kersaint  fut  désigné  par  le  comité  diplomatique 
pour  faire  partie  du  nouveau  comité  qui,  dans  sa  première 
séance  du  4  janv.,  lui  décerna  la  présidence.  Le  11  janv., 
il  présenta  et  fit  adopter  son  projet  de  décret  sur  la  ma- 
rine. Adversaire  de  la  Commune  de  Paris,  ami  des  Giron- 
dins, Kersaint  se  prononça,  dans  le  procès  de  Louis  ATI, 
pour  l'appel  au  peuple  (15  janv.)  et  pour  la  réclusion  jus- 
qu'à la  paix  (16  janv.)  Le  18  janv.,  au  moment  où  on 
allait  proclamer  le  résultat  du  scrutin  sur  la  peine  à  infliger 
au  roi,  il  renouvela  son  vote  et  ajouta  :  «  Je  veux  épargner 
un  crime  aux  assassins,  en  me  dépouillant  moi-même  de  mon 
inviolabilité  ;  je  donne  ma  démission  et  je  dépose  les  motifs 
de  cette  résolution  entre  les  mains  du  président.  »  Il  ne 
prit  pas  part  au  vote  sur  le  sursis.  Le  20  janv.,  on  lut  à  la 
tribune  de  la  Convention  sa  lettre  de  démission,  où  il  décla- 
rait qu'il  ne  pouvait  supporter  la  honte  de  s'asseoir  à  côté  des 
hommes  de  sang  et  d'être  le  collègue  des  panégyristes  et 
des  promoteurs  des  massacres  de  Septembre.  La  Convention 
manda  Kersaint  à  sa  barre  pour  entendre  ses  explications. 
Le  22  janv., celui-ci  se  présenta  devant  l'assemblée  et,  loin 
de  se  rétracter,  renouvela  ses  attaques  spécialement  contre 
Marat  et  se  retira,  en  alléguant  l'état  de  sa  santé.  (Juoique 
désormais  étranger  à  la  vie  publique,  ses  amis  le  portèrent 
comme  candidat  au  ministère  de  la  marine,  le  18  févr., 
contre  Monge,  qui  fut  élu.  Kersaint  était,  depuis  le  31  janv., 
établi  à  Ville-d'Avray.  Le  9  mai,  il  demanda  un  passeport 
pour  se  rendre  à  Romilly  (Eure)  où  l'appelaient  les  intérêts 
qu'il  avait  dans  les  fonderies  de  cette  ville.  De  retour  à 
Yille-d'Avray  le  30  juin,  il  écrivit  au  ministre  de  la  marine 
pour  demander  s'il  était  porté  sur  les  états  de  la  marine. 
Le  conseil  exécutif  lui  fit  répondre,  le  5  juil.  1793,  que, 
par  sa  démission  de  représentant,  il  s'était  lui-même  exclu 
de  tout  emploi  et  qu'il  ne  pouvait  pas  être  admis  à  Phon- 
neur  de  servir  la  République.  Le  23  sept.,  le  comité  de 
Sèvres,  apprenant  la  présence  de  Kersaint  à  Ville-d'Avray, 
fit  procéder  à  son  arrestation.  Le  2  oct.,  il  fut  enfermé  à 
r  Abbaye  et  le  1^^  déc.  transféré  à  la  Conciergerie.  Tra- 
duit devant  le  tribunal  révolutionnaire  le  lendemain,  il  fut 
interrogé.  Après  avoir  entendu  comme  témoins  les  députés 
Laurent  Le  Cointre,  Danton,  Léonard  Bourdon  et  Fabre 
d'Eglantine,  Fouquier-Tinville  prononça  un  réquisitoire 


—  491  - 


KERSAINT  -  KERSANTON 


contre  Kersaint,  qui  fut  condamné  à  mort  le  4  déc.  pour 
avoir  sciemment  et  méchamment  avili  la  représentation 
nationale  et  provoqué  le  rétablissement  de  la  royauté  en 
France.  Il  fut  exécuté  le  même  jour. 

Kersaint  a  publié  quelques  ouvrages  dont  voici  les  prin- 
cipaux :  le  Bon  Sens  (1789)  ;  le  Rubicon  (1789)  ;  Con- 
sidérations sur  la  foire  publique  et  IHnstituiion  des 
gardes  nationales  (1789)  ;  Institutions  navales  (1789)  ; 
Lettres  à  Mirabeau  ci  l'occasion  de  l'élection  du  direc- 
toire du  département  de  Paris  (1791);  Moyens  pré- 
sentés à  l'Assemblée  nationale  pour  rétablir  la  paix  et 
V ordre  dans  les  colonies  (1792).    Etienne  Charavay. 

BiBL.  :  Archives  nationales,  W  300,  n"  297.  —  Moni- 
teur. —■  P.  Levot,  Biographie  bretonne.  —  Aulard, 
Actes  du  Comité  de  Salut  public.  —  Uu  même,  la  Société 
des  Jacobins.  ~  Etienne  Charavay,  Assemblée  électorale 
de  Paris  en  1190  et  en  1191. 

KERSAINT  (Guy-Pierre  de  Coetnempren,  comte  de), 
marin  français,  frère  du  précédent,  né  à  Brest  en  1747, 
mort  à  Suresnes  en  1822.  Admis  dans  la  marine  à 
l'âge  de  quinze  ans  (1763),  il  prit  part  à  la  guerre 
d'Amérique  comme  lieutenant  de  vaisseau,  puis  comme  ca- 
pitaine de  frégate,  et  devint  capitaine  de  vaisseau  en  1786. 
L'année  suivante  Louis  XVI  l'envoya  en  Cochimhine  rem- 
plir une  mission  politique  et  militaire,  qui  se  rattachait 
aux  projets  d'occupation  de  ce  pays  et  à  l'application  du 
traité  récemment  conclu  avec  l'empereur  Gia-Long.  Ker- 
saint revint  en  France  au  moment  oti  la  Révolution  com- 
mençait. Il  ne  partageait  aucunement  les  opinions  de  son 
frère  ;  aussi  se  prononça-t-il  avec  force  contre  les  idées 
nouvelles.  Peu  après  il  émigra  (1790).  Son  exil  dura 
treize  ans.  Enfin  en  1803,  ayant  été  autorisé  à  rentrer  en 
France,  il  put  se  faire  rayer  de  la  liste  des  émigrés.  Le 
premier  consul,  qui  cherchait  alors  à  reconstituer  la  ma- 
rine, lui  rendit  même  son  ancien  grade,  le  nomma  officier 
de  la  Légion  d'honneur  et  l'employa  pendant  plusieurs  an- 
nées à  la  direction  des  travaux  de  défense  de  l'Escaut. 
Kersaint  y  rendit  de  tels  services  qu'en  1811  on  lui  confia 
la  préfecture  maritime  d'Anvers.  Après  avoir  occupé  ce 
poste  jusqu'à  la  fin  de  l'Empire,  il  devint  en  1815  préfet 
de  la  Meurthe.  L'année  suivante  il  prit  sa  retraite.  Ch.  G. 

KERSANTITE.  L'association  granitique  de  l'oligoclase 
avec  le  mica  noir  donne  naissance  à  des  roches  d'épanche- 
ment  très  tenaces  qui  ont  reçu  le  nom  de  kersantites,  de 
ce  fait  que  leur  meilleur  type  s'observe  en  Bretagne,  dans 
la  rade  de  Brest,  à  Kersanton  (V.  ci-après).  Le  pyroxène 


Distribution  de  la  iiersantite  aux  environs  de  Kersanton 
(d'après  Ch.  Barrois).  --***,  kersantite  ;  -  -  -,  porphyrite 
micacée; ////,  porphyre  quartzifère  ;  j  [  |  i  i, failles. — 
Dévonien  :  d^  grès  de  Gahard;  d^,  grauwacke  de  Néhou; 
d^,  schistesde  Porsguen.H.  Hôpital-Camfrout.  — Echelle 
1/80000. 

(augite),  l'amphibole  (hornblende),  l'orthose,  un  spinelle 
avec  du  fer  oxydulé  y  apparaissent  à  l'état  d'éléments 
accessoires  ;  il  en  est  de  même  pour  du  quartz  granulitique 
ou  pegmatoïde  qui  ne  s'observe  guère  que  sur  les  salbandes 
des  épais  filons,  par  suite  de  modifications  endomorphes 
subies,  par  la  roche,  dans  la  zone  de  contact.  La  calcite, 
très  fréquente  dans  la  roche  même  et  surtout  dans  les 


vacuoles  des  salbandes  araygdalaires  où  elle  prend  une 
forme  perlée  en  s'accompagnant  de  calcédoine  et  de  chlo- 
rite,  apparaît  ensuite  comme  un  produit  franchement  secon- 
daire résultant  d'une  circulation  postérieure  d'eaux  ther- 
males minéralisées.  Normalement,  la  kersantite  peut  être 
ensuite  C(insidérée  comme  une  des  roches  les  plus  riches 
en  apatite.  Quant  à  la  façon  dont  se  distribuent  tous  ces 
éléments,  elle  est  ainsi  réglée  : 

I.  Magnétite,  spinelle,  apatite,  orthose,  oligoclase  domi- 
nant, mica  noir,  hornblende  ou  augite. 
II.  Quartz  récent  souvent  pegmatoïde,  calcite,  mica  blanc, 
épidote,  chlorite. 

Les  variétés  présentées  par  la  kersantite  sont  basées  sur 
la  prédominance  marquée,  en  certains  points,  de  l'un  ou 
l'autre  des  éléments  accessoires.  L'amphibole,  par  exemple, 
apparaît  très  abondante  dans  le  filon  historique  de  Ker- 
santon, et,  dans  l'ensemble  des  kersantites  bretonnes,  le 
pyroxène  est  toujours  rare,  tandis  que  l'inverse  se  produit 
dans  les  Vosges  oîi  ces  roches,  très  répandues  et  figurant 
au  nombre  des  émissions  carbonifères,  sont  le  plus  souvent 
remarquablement  riches  en  pyroxène  et  très  appauvries  en 
apatite.  Dans  la  même  région,  les  kersantites,  qui  s'élèvent 
au  travers  du  granité  à  amphibole,  à  Sainte-Marie-aux- 
Mines,  représentent  des  types  francs  dépourvus  de  quartz 
aussi  bien  que  de  calcite.  Enfin,  en  Saxe,  à  Plauen,  des 
variétés  fort  intéressantes,  plus  basiques,  renferment  avec 
beaucoup  d'augite  de  l'olivine  et  du  fer  chromé.  Les  ker- 
santites sont  également  fréquentes  dans  le  Nassau,  le 
Harz,  la  Haute-Autriche,  les  Asturies.  Ch.  Vélain. 

BiBL.  :  ZicKKNDRATH,  Dcr  Kcrsantit  in  Langenschwal- 
bach  in  Nassau;  Wurzboutg,  1875.  —  Michel  Levy  et 
DouviLLÉ,  Sur  le  Kersanton.,  dans  Bull.  Soc.  géologique 
de  France,  1876,  t.  V,  p.  51,3»  sér.  —  Zirkel,  Die  Zusam- 
mensetzung  des  Kersantons,  Ber.  d.  Kgl.  Sœchs.  Ges. 
Wiss.,  21  juil.  1875.  —  Ch.  Barrois,  Sur  le  Kersanton  de 
Bretagne,  dans  Ann.de  la  Société  géologique  du  Nord^ 
1887,  t.  XIV,  p.  36;  Bull,  de  la  Soc.  qéol.  de  France,  1887, 
t.  XIV,  p.  702.  —  H.  RosENBuscii,  Mik.  Physiog,  der 
Gesteine,  1889,  p.  242. 

KERSANTON.  Dans  le  N.-O.  du  Finistère  et  spéciale- 
ment autour  de  la  rade  de  Brest,  on  exploite,  depuis  des 
siècles,  sous  le  nom  de  kersanton,  une  pierre  très  tenace, 
d'un  vert  sombre  ou  grisâtre,  que  son  grand  degré  de 
résistance  aux  altérations  exercées  par  les  agents  atmos- 
phériques a,  de  tout  temps,  fait  rechercher  pour  la  sta- 
tuaire. C'est,  en  particulier,  dans  la  commune  de  Loperhet, 
sur  la  rade  de  Brest,  un  puissant  filon  traversant  oblique- 
mont  la  rivière  de  Daoulas  à  son  embouchure,  du  hameau 
de  Kersanton  à  la  pointe  de  Rosmelec,  qui  a  valu  à  cette 
roche  tout  à  la  fois  son  nom  et  sa  grande  renommée.  Des 
carrières  aujourd'hui  abandonnées  de  Kersanton,  sont 
sorties,  en  effet,  la  plupart  des  vieilles  sculptures  des 
calvaires  bretons.  Actuellement,  les  principales  exploita- 
tions sont  transportées  plus  au  N.,  dans  de  grands  fais- 
ceaux de  filons  constitués  par  cette  roche  au  travers  des 
schistes  et  quartzites  dévoniens  du  Faou,  de  Logonna  et 
surtout  de  l'Hôpital-Camfrout. 

Les  recherches  pour  fixer  la  composition  minéralogique 
de  cette  pierre  qui  compte,  en  Bretagne,  parmi  les  plus  esti- 
mées, sont  multiples  et  remontent  à  une  date  éloignée.  Dès 
i  798,  Cambry  (  Voyage  dans  le  Finistère;  Paris,  an  VII, 
p.  247)  y  a  signalé  la  présence  du  quartz,  de  l'amphibole, 
du  mica  noir  et  de  la  calcite  se  traduisant  par  une  légère 
effervescence  avec  les  acides  ;  plus  récemment,  M.  Zirkel 
{Die  Zusammensetzung  des  Kersantons,  Ber,  d.  KgL 
Sœchs.  Ges.  Wiss.,  21  juil.  4875),  puis  MM.  Michel  Lévy 
et  Douvillé  (Sur  le  Kersanton,  Bull.  Soc.  géoL  de 
France,  4876,  t.  V,  p.  54,  3®  série)  l'ont  décrite  comme 
essentiellement  constituée  par  une  association  granitoïde  de 
feldspath  Iriclinique  et  de  mica  noir.  M.  Ch.  Barrois  est 
ensuite  le  premier  qui  ait  montré  (Annales  de  la  Société 
géolog.  du  Nord,  4887,  t.  XIV,  p.  34)  que  les  roches 
de  la  rade  de  Brest,  exploitées  sous  ce  nom  de  kersan- 
ton, se  répartissaient  en  deux  groupes  :  l'un  à  structure 
grenue  auquel  revient  le  nom  de  kersantite,  l'autre  à 


KERSANTON  -  KERVELEGAN 


492 


texture  trachytoïde  et  devant  se  ranger  parmi  les  por- 
phyrites  micacés  (V.  Kersantite).  Ch.  Vélain. 

KERSAUSIE  (Joachim-René-Théophile  Gutllârd  de), 
politicien  français,  né  à  Guingamp  le  13  nov.  4798,  mort 
le  24  août  4874.  Entré  dans  l'armée  en  4815,  il  fit  la 
campaone  d'Espagne.  Il  commandait  à  Pontivy  avec  le  grade 
de  capitaine  au  moment  de  la  publication  des  fameuses  or- 
donnances du  26  juil.  1830.  Il  souleva  son  régiment  et 
marcha  sur  Paris  ;  mais,  d'opinions  par  trop  radicales  pour 
l'époque,  il  fut  destitué  à  la  fin  de  Tannée.  Dès  1823,  Ker- 
sausie  avait  été  affilié  au  carbonarisme  ;  de  1830  à  1834, 
la  propagande  libérale  qu'il  fait  l'entraîne  dans  tous  les 
procès  politiques  et  il  est  tour  à  tour  emprisonné  et  acquitté 
par  le  jury.  Condamné  enfin  à  la  déportation,  comme 
membre  du  comité  de  la  Société  des  droits  de  l'homme,  il 
subit  une  détention  de  trois  ans  à  Doullens  et  à  Brest.  Dé- 
livré par  l'amnistie  du  8  mai  1837,  il  crut  prudent  de  pas- 
ser deux  ans  à  l'étranger.  De  retour  à  Paris  après  la 
révolution  de  1848,  il  figura  dans  les  journées  du  15  mai 
1848  (V.  Mai)  et  du  13  juin  1849  (V.  Juin).  Condamné 
à  la  déportation  par  contumace  par  la  haute  cour  de  Ver- 
sailles (15  nov.),  il  passa  à  l'étranger. 

KERSSEBOOM  (Wilhelm),  statisticien  hollandais,  né  à 
Oudewater  (Sud-Hollande)  en  1691,  mort  à  La  Haye  le 
1®^  sept.  1771.  Il  occupa  diverses  fonctions  dans  l'admi- 
nistration des  finances  et  fut  secrétaire  du  service  des  postes. 
Les  nombreux  documents  statistiques  qu'il  a  réunis  et  les 
calculs  de  toutes  sortes  auxquels  il  s'est  livré  ont  été  long- 
temps utilisés  par  les  auteurs  ayant  à  traiter  des  questions 
de  vitalité,  de  survie,  etc.,  notamment  par  Voltaire,  pour 
l'art,  il^^  du  Dictionnaire  philosophique^  par  les  rédac- 
teurs de  V Encyclopédie,  pour  l'art.  Vie^  par  Duvillard, 
par  Euler,  etc.  Il  a  lui-même  pubhé  à  La  Haye,  sur  les 
rentes  viagères  et  sur  la  statistique  démographique,  une 
dizaine  d'intéressantes  dissertations  ;  l'une  d'elles,  Tweede 
verhandeling  bevestigende  de  proeve  om  te  weeten  de 
probable  meenigte  desvolks,  etc.  (La  Haye,  1742,  in-4), 
contient  sa  fameuse  table  de  survie.  Il  a  laissé  en  outre, 
en  manuscrits,  de  nombreuses  notes  et  une  volumineuse 
correspondance  conservées  avec  soin  dans  les  archives  de 
La  Haye.  L.  S. 

BiBL.  :  P.-F.-X.-T.  Heuschling,  Notice  sur  la  vie  et  les 
ouvrages  de  GuilL  Kerssehoom  ;  Bruxelles,  1857,  in-8. 

KERSTEN  (Pierre),  publiciste  belge,  ne  à  Maastricht  en 
1789,  mort  à  Liège  en  1865.  Il  fut  d'abord  professeur  à 
l'Athénée  de  Maastricht,  puis,  en  1821,  il  fut  appelé  à 
diriger  le  Courrier  de  la  Meuse,  un  des  organes  les  plus 
importants  du  parti  catholique.  Il  contribua  pour  une  forte 
part  à  la  conclusion  de  l'union  entre  les  catholiques  et  les 
libéraux  qui  fut  le  point  de  départ  de  la  révolution  de  1830. 
Il  ne  désirait  cependant  qu'une  séparation  administrative 
des  deux  pays.  Après  la  révolution,  il  déclara  que,  s'il  avait 
pu  en  prévoir  le  résultat,  il  aurait  brisé  sa  plume.  En 
1834,  il  fonda  le  Journal  historique  et  litéraire,  revue 
mensuelle  où  parurent  de  remarquables  études  de  philo- 
sophie, de  littérature,  d'histoire  et  de  politique.  Kersten  y 
combattit  vigoureusement  les  idées  de  de  Bonald  et  de  La- 
mennais et  réunit  ses  principaux  articles  dans  un  ouvrage 
intitulé  Essai  sur  V activité  du  principe  pensant  con- 
sidérée dans  Vinstitution  du  langage  (Paris,  1851-63, 
3  vol.  in-8).  Il  y  défend  la  théorie  des  idées  innées  avec 
beaucoup  d'érudition,  de  logique  et  de  clarté.      E.  H. 

KERT  ou  KOURT.  Petite  dynastie  qui  a  régné  à  Hérat 
de  1245  à  1389,  et  qui  était  vassale  des  Mongols  du 
Djagataï.  Les  princes  étaient  d'origine  ghouride.  Voici  leur 
liste:  Shems  eddin,  1245;  Rokn  eddin,  1278;  Fakhr 
eddin,  1285;  Ghaïats  eddin,  1308;  Shems eddinH,  1328; 
Hâfiz,  1329;  Muïz  eddin  Housseïn,  1331  ;  Ghaïats  eddin 
Pir  Ali,  1370,  renversé  par  Timour,  1389.         E.  Dr. 

BiBL.  :  Barbier  de  Meynard,  Chronique  d'Hérat,  1861. 
—  S.  Lane^PooLE,  Mohammedan  Dynasties,  1894. 

KERTBENY  (Claude-Marie  Benkert,  dit),  écrivain  alle- 
mand voué  à  la  littérature  hongroise,  né  en  1824,  mort  à 
Budapest  en  1882.  Il  a  beaucoup  voyagé  et  a  composé  quel- 


ques études  personnelles  ;  mais  ce  qui  recommande  son  nom, 
c'est  qu'il  a  fait  passer  les  auteurs  magyars,  Petœfi,  Arany, 
Jékai,  etc.,  dans  la  langue  allemande,  et  par  conséquent  les 
a  rendus  accessibles  à  tout  lecteur  instruit. 

KERTCH.  Ville  de  Russie,  gouvernement  de  Tauride,  à 
l'angle  oriental  de  la  Crimée,  sur  le  détroit  de  Kerch  ou 
d'ïénikalé;  25,000  hab.,  avec  îénikalé,  sa  voisine.  Elle 
doit  son  importance  à  sa  situation.  Le  détroit  de  Rertch, 
ancien  Bosphore  cimmérien,  unit  la  mer  d'Azov  à  la  mer 
Noire.  H  a  42  kil.  de  long,  une  largeur  de  4  à  40  kil.  ; 
mais  sa  profondeur  est  réduite  par  endroits  à  4"^20,  ce  qui 
gêne  la  navigation.  Au  point  le  plus  étroit,  le  détroit  res- 
serré entre  la  pointe  de  Joujnaia  Kassa  et  des  îlots  et  bancs 
de  sable  ne  laisse  qu'un  étroit  chenal  le  long  duquel  on  a 
élevé  des  fortifications  formidables.  Elles  dominent  la  mer 
de  85  m.  et,  sur  une  longueur  de  3  kil.,  des  batteries  sont 
accumulées,  croisant  leurs  feux  sur  tous  les  points  ;  les 
casemates  sont  à  l'épreuve  du  bombardement  ;  du  côté  de 
la  terre,  une  haute  muraille  les  abrite.  Les  principaux  ou- 
vrages sont  les  forts  de  Pavlovskoï  et  Alexandrovskoï.  A 
4  kil.  au  N.  est  la  ville  de  Kertch,  autour  d'une  petite 
baie  fermée  par  un  barrage  que  défendent  des  batteries 
flottantes.  La  vieille  citadelle  turque  de  forme  circulaire  a 
été  conservée  et  améliorée.  La  ville  est  neuve,  entièrement 
en  pierre,  avec  des  rues  rayonnant  autour  d'une  place 
polygonale  ;  elle  a  été  entièrement  rebâtie  après  la  guerre 
de  Crimée,  au  cours  de  laquelle  les  alliés  l'avaient  prise  et 
complètement  rasée  (11-14  juin  1855).  EHe  a  11  églises 
grecques,  6  mosquées  ou  synagogues,  de  nombreuses  écoles, 
un  musée  où  se  conservent  une  partie  des  résultats  des 
fouilles  opérées  au  voisinage,  etc.  Son  commerce  ne  s'est 
pas  relevé  depuis  1855.  Auparavant,  il  était  considérable 
à  cause  de  l'entrepôt  de  douanes  et  de  la  quarantaine  ren- 
due obligatoire  pour  tous  les  navires  entrant  dans  la  mer 
d'Azov  par  une  ordonnnance  de  1833  qui  ruina  le  port  de 
Taganrog.  Actuellement,  l'importation  est  insignifiante, 
l'exportation  s'élève  à  7  ou  8  millions  de  fr.  Kertch  occupe 
l'emplacement  de  l'antique  cité  de  Panticapée  ou  Bosporos 
(plus  tard  Pandico,  Vospro,  Vespero).  colonie  milésienne 
qui  fut  la  capitale  du  royaume  du  Bosphore  (V.  ce  mot) . 
Au  moyen  âge,  elle  perdit  son  importance.  Les  Génois  la 
possédèrent  jusqu'en  1475  ;  elle  fut  alors  occupée  par  les 
Turcs  et  devint  l'entrepôt  du  commerce  de  la  Crimée  orien- 
tale entre  les  Tatars  et  les  Grecs  et  Arméniens.  En  1771, 
les  Russes  la  conquirent,  et  le  traité  de  Koutchouk-Kai- 
nardji  la  leur  céda.  Catherine  II  s'efforça  d'en  faire  un 
grand  port  de  commerce  et  de  guerre.  Les  environs  sont 
très  riches  en  objets  archéologiques  :  catacombes,  tumuli 
funéraires  (kourgans)  ;  les  principaux  sont  ceux  de  Koul- 
Oba  et  Altoun-Oba.  Les  principales  trouvailles  ont  été  trans- 
portées au  musée  de  l'Ermitage.  Au  voisinage  de  Kertch 
sont  des  sources  de  naphte  et  des  solfatares.  A. -M.  B. 
BiBL.  :  Antiquités  du  Bosphore  cimmérien;  Saint-Pé- 
tersbourg, 1844,  2  gr.  vol.  in-8  et  1  vol.  de  pi.  —  Macpher- 
SON,  Antiquities  of  Kertch  ;  Londres,  1857.  —  L.  Ste- 
PHANi,  Die  Alterlhûmer  von  Kertch  ;  Saint-Pétersbourg, 
1880. 

KERVÉGUEN  (Marie-Aimé-Philippe-Auguste  Le  Coat 
de),  homme  politique  français,  né  à  Toulon  le  17  nov.  1811, 
mort  à  Madrid  le  8  août  1868.  Négociant  à  Toulon  où  il  se 
distingua  avant  le  coup  d'Etat  du  2  décembre  par  ses  opi- 
nions bonapartistes,  il  fut  élu  député  du  Var  le  29  févr. 
1852  avec  l'appui  du  gouvernement  et  successivement  réélu 
en  1857  et  1863.  Il  est  célèbre  parla  campagne  acharnée 
qu'il  fit  dans  l'Assemblée  contre  la  presse,  réclamant  pour 
elle  une  législation  draconienne  et  dénonçant  en  1867  les 
principaux  journaux  de  Paris  comme  ayant  reçu  des  sub- 
sides du  prince  de  Bismarck.  Ces  allégations  apportées  à  la 
tribune  le  10  déc.  furent  soumises  à  un  jury  d'honneur 
(MM.  d'Andelarre,  Jules  Favre,  Martel  et  Marie)  qui  les 
déclara  sans  fondement. 

KERVELEGAN  (Augustin-Bernard-François  Le  Goazre 
de),  homme  politique  français,  né  à  Quimper  le  17  sept. 
1748,  mort  à  Toulgoetle24  févr.  1825.  Docteur  en  droit 


493  -~ 


KERVELEGAN  —  KESSELS 


de  la  faculté  de  Rennes,  il  devint  avocat  au  présidial  de 
Quimper,  puis  sénéchal  et  maire  de  Quimper.  Député  de  la 
sénéchaussée  de  sa  ville  natale  aux  Etats  généraux,  il  y  fit 
partie  du  comité  d'aliénation  des  biens  nationaux.  Après 
la  séparation  de  l'Assemblée  constituante,  il  devint  prési- 
dent du  tribunal  de  Quimper,  fut  élu,  par  le  dép.  du  Finis- 
tère, représentant  à  la  Convention,  et  y  vota  pour  la  déten- 
tion de  Louis  XVI.  Membre  de  la  commission  des  Douze, 
il  se  vit  décréter  d'arrestation  le  2  juin  1793,  parvint  à 
se  sauver  et  fut  mis  hors  la  loi.  Rentré  à  la  Convention  en 
Tan  m,  il  fit  partie  du  comité  de  sûreté  générale  et  fut 
blessé  lors  de  l'insurrection  de  prairial.  Après  la  session, 
il  passa  au  conseil  des  Anciens,  siégea  ensuite  au  conseil 
des  Cinq-Cents,  entra  après  le  coup  d'Etat  de  brumaire  au 
Corps  législatif,  où  il  resta  jusqu'au  20  mars  1815.  Il  se 
retira  alors  à  Toulgoet,  dont  il  fut  le  maire  jusqu'à  sa 
mort.  A.  KusciNSKi. 

KERVIGNAC.Com.  du  dép.  du  Morbihan,  arr.  de  Lo- 
rient,  cant.  de  Port-Louis  ;  2,650  hab. 

KERVILLE  (Cadeau  de)  (V.  Gadeau  de  Kerville). 

KERVYN  de  Lettenhove  (Constantin-Bruno,  baron), 
homme  politique  et  historien  belge,  né  à  Saint-Michel-lez- 
Bruges  en  1817,  mort  à  Saint-Michel  en  1891.  Il  entra 
de  bonne  heure  dans  la  vie  politique,  et  prit  rang  parmi 
les  catholiques  constitutionnels.  Il  fut  élu  en  1861  membre 
de  la  Chambre  des  représentants  par  l'arr.  d'Eecloo,  et 
intervint  fréquemment  dans  les  débats  parlementaires,  sur- 
tout dans  les  discussions  relatives  aux  relations  extérieures 
et  aux  questions  d'enseignement.  Lorsque  les  catholiques 
eurent  conquis  le  pouvoir  en  1870,  Kervyn  reçut  le  por- 
tefeuille de  Fintérieur  dans  le  cabinet  d'Anethan.  Mais  il 
commit  la  faute  de  nommer  gouverneur  du  Limbourg  P. 
de  Decker  (V.  ce  nom)  qui  s'était  compromis  dans  les 
affaires  du  banqueroutier  Langmnd-Dumonceau  (V.  ce 
nom).  Des  troubles  éclatèrent  à  Bruxelles,  et  le  cabinet 
dut  se  retirer.  Depuis  ce  moment,  Kervyn,  tout  en  restant 
membre  de  la  Chambre,  abandonna  peu  à  peu  la  politique 
active  pour  se  consacrer  tout  entier  aux  études  historiques. 
Il  s'était  depuis  longtemps  acquis  dans  ce  domaine  une 
grande  notoriété  et,  dés  1856,  l'Académie  française  avait 
couronné  son  Etude  sur  les  chroniques  de  Froissart. 
Possédant  une  érudition  prodigieuse,  fouillant  avec  une  té- 
nacité rare  les  bibliothèques  et  les  archives  des  principaux 
pays  de  l'Europe,  Kervyn  produisit  un  nombre  vraiment 
extraordinaire  d'ouvrages  originaux,  modifiant  sur  bien 
des  points  les  opinions  reçues,  écrits  dans  un  style  grave 
et  châtié,  mais  péchant  par  l'emphase.  Il  faut  dire  cepen- 
dant que  ces  livres,  remarquables  à  tant  de  titres,  pré- 
sentent de  graves  défauts.  Ses  deux  œuvres  capitales,  les 
Huguenots  Qi  les  Gw<?w^  (Bruges,  1883-85,  6  vol.  in-8) 
et  Marie  Stuart  (Paris,  1889,  2  vol.  in-8)  semblent 
écrites  non  par  un  historien  de  nos  jours,  jugeant  avec  une 
critique  précise  les  faits  et  les  hommes  d'une  époque  déjà 
lointaine,  mais  par  un  contemporain  du  xvi^  siècle,  lancé 
au  plus  fort  de  la  mêlée  politique  et  religieuse.  Ce  sont  des 
livres  passionnés,  des  plaidoyers  partiaux  au  delà  de  toute 
expression.  L'auteur  accueille  avec  une  joie  peu  dissimulée 
et  une  confiance  excessive  tous  les  témoignages,  toutes  les 
rumeurs,  tous  les  rapports  suspects  des  diplomates  de 
bas  étage  et  des  espions  les  plus  infimes,  pourvu  qu'ils 
noircissent  Guillaume  d'Orange,  Marnix  de  Sainte-Alde- 
gonde  et  Elisabeth  d'Angleterre,  ou  qu'ils  glorifient  Phi- 
lippe II  et  Marie-Stuart.  C'est  à  tel  point  que  l'hibtorien 
hollandais  Robert  Fruin,  dont  l'impartialité  sereine  est  bien 
connue,  reconnaissant  la  valeur  des  documents  découverts 
par  Kervyn,  regrette  qu'il  ne  se  soit  pas  borné  à  les  publier 
sans  commentaires.  La  liste  complète  des  écrits  de  Kervyn 
se  trouve  dans  les  Notices  biographiques  et  bibliogra- 
phiques de  l'Académie  de  Belgique  (Bruxelles,  1887, 
in-12);elle  compte  plus  de  cent  numéros.  En  voici  les  plus 
importants  en  dehors  de  ceux  cités  plus  haut  :  Histoire  de 
Flandre  (Bruxelles,  1847-50,  6  vol.  in-8,  rééd.  Bruges, 
1853,  4  vol.  in-8;  ibid.,  1874,  4  vol.  in-8);  OEuvres 


de  G.  Chastellain  (Bruxelles,  4863-66,  8  vol.  in-8); 
Lettres  et  négociations  de  Ph,  de  Commines  (id.,  1 867, 
2  vol.  in-8)  ;  OEuvres  de  Jean  Froissart  avec  les  va- 
riantes des  divers  manuscrits  {id.,  1867-77,  25  vol. 
in-8)  ;  Chroniques  relatives  à  l'histoire  de  la  Belgique 
sous  la  domiîiation  des  ducs  de  Bourgogne  (id.,  1870- 
77,  3  vol.  in-4);  Relations  de  la  Belgique  et  de  l'An- 
gleterre sous  le  règne  de  Philippe  II  {id,,  1882-91, 
10  vol.  in-4).  E.  Hubert. 

KÉRYM  Khan,  roi  de  Perse  (1750-79),  né  en  1699, 
mort  le  2  mars  1779.  11  se  distingua  sous  les  ordres  de 
Nadir  Chah,  et  dans  l'anarchie  qui  suivit  sa  mort  se  fit 
reconnaître  administrateur  de  la  Perse  occidentale  avec  Chi- 
raz  pour  capitale  (V.  Perse,  §  Histoire). 

KERZAZ.  Petit  ksar  du  Sahara,  situé  dans  la  vallée  de 
Touad  Saoura,  siège  d'une  confrérie  religieuse  dont  l'in- 
fluence est  considérable  dans  tout  le  Sahara  orano-maro- 
cain.  Les  marabouts  de  Kerzaz  s'occupent  de  protéger  le 
mouvement  dei  caravanes  du  Maroc,  du  Tafilalet  vers  le 
Gourara  et  le  Te  mt,  car  leur  résidence  est  un  lieu  d'étape 
nécessaire  pour  It ,  voyageurs. 

KESCH.  Mont  des  Alpes,  dans  le  massif  de  TAlbula 
(cant.  des  Grisons),  haut  de  3,417  m.  ;  il  est  situé  entre 
les  cols  d'Albula  et  de  Scaletta.  L'ascension  se  fait  de 
Madulein  en  cinq  heures. 

KESMARK.  Vieille  ville  libre  royale  de  Hongrie,  dans  le 
comitat  de  Szepes  (Zips).  Un  peu  déchue  de  son  ancienne 
grandeur,  elle  ne  compte  plus  que  4,500  hab.,  Allemands 
ou  Slovaques,  qui  vivent  d'industries  textiles  assez  floris- 
santes. Plusieurs  monuments  importants  ont  été  conservés  : 
l'église  catholique  en  style  gothique,  l'église  protestante 
construite  en  bois  au  xvii®  siècle,  l'hôtel  de  ville  et  la  for- 
teresse de  Tœkœli. 

KESSEL-Loo.  Corn,  de  Belgique,  prov.  de  Brabant, 
arr.  de  Louvain,  surlaDyle;  6,500  hab.  Exploitations 
agricoles,  fabriques  de  matériel  de  chemin  de  fer.  On  y 
voit  l'église  de  l'ancienne  abbaye  bénédictine  de  Vlierbeek 
fondée  en  1125. 

KESSEL  (Hieronymus  Van),  portraitiste  et  peintre  de 
natures  mortes  flamand,  né  à  Anvers  vers  1580,  mort  vers 
1635.  Elève  de  Cornelis  Floris,  il  a  beaucoup  travaillé 
en  Allemagne,  à  Francfort  en  1606,  puis  à  Augsbourg; 
en  1609,  il  est  à  Strasbourg  où  il  fait  le  portrait  de  l'ar- 
chiduc Léopold  d'Autriche;  il  arrive  à  Cologne  en  1615  et 
il  y  reste  jusqu'après  1620.  En  1622,  il  est  reçu  membre  de 
la  gilde  de  Saint-Luc.  Le  Germanisches  Muséum  de  Nurem- 
berg a  de  lui  un  Groupe  de  famille,  et  le  musée  de  Co- 
logne six  portraits.  H.  Van  Kessel  a  peint  des  animaux  dans 
les  tableaux  de  Breughel  de  Velours. 

KESSEL  (Jan  Van),  l'Aîné,  peintre  flamand,  né  à  An- 
vers en  1626,  mort  à  Anvers  entre  1678  et  1679,  fils  du 
précédent.  Elève  de  Simon  de  Vos  et  de  Jan  Breughel  le 
Jeune.  Il  peignit  surtout  des  fleurs,  des  plantes,  des  oi- 
seaux, etc.,  avec  une  rare  finesse  et  un  brillant  coloris. 

KESSEL  (Jan  Van),  le  Jeune ^  peintre  flamand,  né  à 
Anvers  en  1644,  mort  à  Madrid  en  1708.  Il  se  fixa  en  Es- 
pagne 011  il  devint  peintre  de  la  cour,  grâce  à  son  talent 
de  portraitiste. 

KESSEL  (Ferdinand  Van),  peintre  flamand,  né  à  Anvers 
en  1648,  mort  à  Breda  en  1710.  Fils  de  Jan  l'Aîné,  il 
imita  avec  succès  sa  manière.  Devenu  peintre  attitré  de 
Jean  Sobieski,  roi  de  Pologne,  il  exécuta  pour  lui  les 
Quatre  Eléments  et  les  Quatre  Parties  du  monde,  toiles 
fort  appréciées,  mais  qui  périrent  dans  un  incendie.  Il  les 
refit  sur  une  plus  grande  échelle.  Il  travailla  aussi  pour 
Guillaume  III,  prince  d'Orange  et  roi  d'Angleterre.    G.  P-i. 

KESSELS  (Matthias),  sculpteur  néerlandais,  né  à  Maas- 
tricht le  20  mai  1784,  mort  à  Rome  le  3  mars  1836. 
D'abord  apprenti  orfèvre,  il  vint  apprendre  le  dessin  à 
Paris,  et  resta  ensuite  à  Saint-Pétersbourg  de  1806  à 
1814,  se  livrant  à  sculpter  et  à  modeler  en  argent  et  en 
cire.  De  retour  à  Paris,  il  fréquenta  l'atelier  de  Girodet, 
puis  celui  de  Thorvaldsen  à  Rome,  oii  il  exécuta  deux  bustes  : 


KESSELS  —  KETMIE 


—  494  — 


le  Jour  et  la  Nuit^  qui  fixèrent  l'attention  sur  lui.  Lau- 
réat et  prix  de  sculpture  au  concours  Canova  avec  un  Saint 
Sébastien,  il  eut  une  vogue  durable.  On  lui  doit  plusieurs 
excellentes  statues  de  Discoboles,  et  surtout  de  beaux 
bustes,  bas-reliefs  ou  groupes  de  sujets  religieux.  G.  P-i. 
KESSELSDORF.  Village  d'Allemagne,  royaume  de  Saxe, 
district  de  Dresde.  Le  45  déc.  1745,  les  Prussiens,  com- 
mandés par  le  prince  Léopold  de  Dessau,  y  défirent  les 
Austro-Saxons  commandés  par  le  feld-maréchal  Rutowski 
(V.  Frédéric  II). 

KESSERA.  Ville  de  la  Tunisie  centrale,  sur  la  route 
stratégique  du  Kef  à  Kairouan,  à  90  kil.  de  la  première 
de  ces  villes  et  à  85  kil.  de  la  seconde.  La  petite  ville  a 
des  sources  excellentes,  des  jardins  d'oliviers  et  une  po- 
pulation de  2,500  hab.  environ.  Elle  est  située  sur  la  cor- 
niche d'un  plateau  pierreux  ou  hamada,  auquel  elle  a  donné 
son  nom.  La  hamada  de  Kessera  est  une  des  régions  les  plus 
curieuses  de  la  Tunisie.  Son  assise  supérieure  est  une 
énorme  dalle  de  25  kil. ,  limitée  de  tous  côtés  par  de  véri- 
tables falaises  et  porte  dans  une  dépression  une  sebkhra. 
Des  points  les  plus  élevés  on  a  une  vue  très  étendue, 
notamment  sur  toute  la  plaine  de  Kairouan.      E.  Cat. 

KESSLER  (Johann),  réformateur  suisse  et  chroniqueur, 
né  vers  1502,  mort  en  1574.  Originaire  du  cant.  deSairit- 
Gall,  il  alla  à  Wittenberg  étudier  la  théologie  avec  Luther 
et  Melanchthon,  dont  il  répandit  les  doctrmes  à  son  retour 
en  Suisse.  Sa  Chronique  de  Saint-Gall  donne  des  détails 
sur  la  vie  privée  des  réformateurs  de  cette  ville.  On  lui 
doit  la  Bibliotheca  Sangallensis,  publiée  dans  les  Scrip- 
tores  Rerum  allemannicarum  de  Goldast. 
KESTER6AT  (Jean  de)  (V.  Enghien  [Jean  d']). 
KESTNER  (Georges-Marie-Joseph-(^harles),  industriel  el 
homme  pohtique  français,  né  à  Thann  le  30  juin  180.H, 
mort  à  Thann  le  12.  août  4870.  Petit-fils  de  Kestner,  ami 
de  Gœthe  et  de  Charlotte  Kestner,  née  Buff'  (Y.  ce  nom), 
il  continua  la  direction  de  l'usine  de  produits  chimiques 
fondée  à  Thann  en  4846  par  son  père  (mort  en  4846)  et 
lui  donna  un  grand  développement,  fournissant  toutes  les 
teintureries  de  l'Alsace.  Très  aimé  de  ses  ouvriers,   pour 
lesquels  il  fonda  une  série  d'institutions,  et  fort  populaire 
dans  la  région  du  Haut-Rhin,  il  fut  élu  représentant  de  ce 
département  à  l'Assemblée  constituante  le  23  avr.  4848.  Il 
s'y  occupa  beaucoup  des  questions  commerciales  et  ouvrières 
et  réélu  à  la  Législative  le  40  mars  4850,  il  vota  contre 
les  menées  bonapartistes  et  protesta  contre  le  coup  d'Etat 
du  2  décembre.  Arrêté  et  bientôt  remis  en  liberté,  il  se  pré- 
senta sans  succès  contre  le  candidat  officiel  aux  élections 
du  29  févr.  1852  pour  le  Corps  législatif.  On  lui  doit, 
entre  autres  découvertes,  celle  de  l'acide  paratartrique.  — 
Son  gendre,  M.  Scheurer-Kestner  (V.  ce  nom),  lui  succéda 
à  la  tête  de  l'établissement  industriel  de  Thann. 
KESTRE  (Antiq.)  (V.  Fronde). 
KESWICK.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Cumberland, 
sur  le  lac  Derwentwater,  au  pied  duSkiddaw;  3,500  hab. 
KESZTHELY.  Ville  de  Hongrie,  comitat  de  Zala,  sur  le 
lac  Balaton  ;  5,500  hab.  Château,  trois  couvents,  école 
agronomique  ;  pêcheries  importantes  ;  vins  réputés. 

KET.  Rivière  de  Sibérie,  affluent  droit  de  l'Ob,  qui  naît 
au  S.  d'Eniséisk,  coule  vers  l'O.  et  finit  près  deNarym.  Il 
a  4,400  kil.  de  long  dont  4,020  navigables.  Un  canal  le 
relie  à  l'Eniséi.  Il  reçoit,  à  droite,  la  PaïdouL,hina,  la  Li- 
sitsa,  la  Tchourbigha,  la  Lomovskaïa,  émissaire  du  lac 
Bolchoié.  Sa  vallée  servit  de  voie  de  pénétration  aux  con- 
quérants cosaques  de  la  Sibérie. 

KETA  ou  QUETTA.  Comptoir  d'Afrique,  sur  la   Côte 
des  Esclaves  (V.  cet  art.)  ;  5,000  hab.  Il  remplace  le  fort 
danois  de  Prindseussteen  et  dépend  de  la  colonie  anglaise 
de  la  Côte  d'Or. 
KETCH  (Mar.)  (V.  Caiche). 

KETE6HYAZA.  Ville  de  Hongrie,  comitat  de  Békés; 
3,500  hab.  Nœud  des  voies  ferrées  de  Csaba  à  Arad,  de 
Kis-Jenœ  et  de  Mezœhegyes. 

KET  EL  (Cornelis),  peintre  et  architecte  hollandais,  né 


à  Gouda  le  48  mars  4548,  enterré  à  Amsterdam  dans  l'an- 
cienne église  le  8  août  4646.  Pendant  un  an  (4565),  il  fut 
à^Delft  élève  d'Antoine  de  Montfort,  dit  Blocklandt.  En 
4566,  il  vint  en  France  travailler  à  Pans  et  à  Fontaine- 
bleau. En  4573,  il  va  en  Angleterre  et  il  y  peint  beaucoup 
de  portraits  de  cour;  en  4578,  celui  de  la  Reine  Elisabeth, 
Il  revient  en  4584  à  Amsterdam,  où  il  peint  avec  grand 
succès  des  portraits  et  des  groupes  d'arquebusiers,' Vers 
4599,  Ketel  se  mit  à  peindre  sans  pinceaux,  avec  les  doigts  ; 
plus  tard  même  il  peignit  avec  les  pieds.  Ses  tableaux  sont 
rares  ;  on  voit  au  musée  d'Amsterdam  :  le  portrait  de  Jacob 
Bas  Claesz,  bourgmestre  d'Amsterdam,  et  le  portrait  de 
GrietjCodde,  son  épouse;  la  Compagnie  d'arbalétriers 
du  capitaine  Dirk  Rosecrans  (4588)  et  une  Réunion 
de  gardes  civiques  (4596).  H  y  a  dans  la  collection  de 
M.  Gevers  à  Amsterdam  deux  très  beaux  portraits  de  Ketel. 
Celui-ci  avait  peint  aussi  pour  la  Confrérie  de  l'Arc  Jésus- 
Christ  et  les  Douze  Apôtres,  où  il  avait  représenté  les 
artistes  célèbres  de  son  temps.  E.  Bricon. 

KETHULLE  (François  de  L\),  seie^neur  de  Rijhove,  agi- 
tateur belge,  né  à  Wondelgem-lez-Gand  vers 4534,  mort  à 
Utrecht  en  4585.  Etant  grand  bailli  de  Termonde,  il  entra 
dans  la  pohtique  en  4576,  et,  avec  Hembyze(N,  ce  nom), 
il  se  mit  à  la  tète  de  la  faction  anticatholique  et  se  jeta 
dans  la  lutte  avec  une  extrême  violence.  Il  ne  possédait  ni 
les  qualités  de  l'homme  d'Etat  ni  celles  de  général  d'armée  ; 
au  début  de  sa  carrière,  il  était  avide,  peu  scrupuleux,  bru- 
tal jusqu'à  la  cruauté.  Il  fit  arrêter  et  jeter  en  prison  un 
grand  nombre  de  seigneurs  catholiques  en  dépit  de  l'in- 
violabihlé  que  leur  assurait  leur  qualité  de  membres  des 
Etats  généraux,  puis  il  fit  pendre  sans  jugement  le  con- 
seiller Hessels  et  le  bailli  de  Visch.  Quelques  mois  après 
cette  odieuse  exécution,  de  La  Kethulle,  qui  avait  com- 
mis tant  d'excès  contre  les  catholiques,  changea  brus- 
quement d'attitude,  se  rangea  parmi  les  hommes  modérés 
qui  reconnaissaient  pour  chef  le  Taciturne,  contribua  à 
faire  admettre  à  Gand  la  Paix  de  Religion,  en  déc.  4578, 
et  combattit  avec  un  admirable  dévouement  et  une  rare 
constance  pour  l'indépendance  nationale  et  la  liberté  reli- 
gieuse, luttant  à  la  fois  contre  l'intransigeance  des  ultra- 
calymistes  et  la  trahison  des  Malcontents  (V.  ce  nom).  Il 
résista  énergiquement  jusqu'au  dernier  jour  de  sa  vie, 
malgré  les  succès  de  Farnèse,  et  mourut  ruiné  par  sa  fidé- 
lité à  la  cause  nationale.  E.  H. 

BiBL.  :  Les  historiens  des  troubles  du  xvp  siècle  aux 
Pays-Bas. —  Fredericq  et  Van  der  Linden,  Biographie 
.^^Jf^l-^'^^^l^^  dans  la  Biographie  nationale  de  Bêlgi((ue. 
KETl  ou  KHETTl.  Ville  maritime  de  l'Inde  anglaise, 
présidence  de  Bombay,  province  de  Sindh,  sur  une  branche 
orientale  du  delta  de  ITndus  ;  2,500  hab.  ;  c'est  le  prin- 
cipal port  de  la  région  après  Karatchi. 

KETIB.  Terme  de  grammaire  hébraïque,  très  fréquem- 
ment employé  dans  l'explication  des  textes  bibliques.  Ketib, 
c.-à-d.  ce  qui  est  écrit,  désigne  le  mot  tel  qu'il  est  donné 
par  le  texte  traditionnel,  et  Keri  ce  qu'on  doit  lire  (plus 
exactement  Qeré)  indique  les  leçons  ou  corrections  pro- 
posées par  les  Masorèthes  et  auxquelles  l'officiant  est  in- 
vité à  se  conformer  dans  la  lecture  sacrée. 

KETMIE.  I.  Botanique.  —  (Hibiscus  L.).  Genre  de  Mal- 
vacées,  type  de  la  série  des  Hibiscées  (Bâillon),  et  dont  les 
fleurs  rappellent  celles  des  Mauves,  quant  au  périanthe  et 
à  l'androcée  ;  il  y  a  un  calicule,  un  calice  valvaire,  une 
corolle  gamopétale  à  la  base,  des  étamines  monadelphes; 
l'ovaire  est  à  5  loges  alternipétales,  multiovulées,  sur- 
monté d'un  style  à  5  branches  stigmatifères  ;  le  fruit  est 
une  capsule  loculicide  ;  les  graines  renferment  un  embryon 
épais,  replié  sur  lui-même,  avec  un  peu  d'albumen  muqueux 
dans  les  replis.  Les  Ketmies  sont  des  arbres,  des  arbris- 
sejiux  ou  des  herbes,  à  feuilles  alternes  ;  on  en  connaît 
d  50  espèces  répandues  dans  les  régions  chaudes  du  globe. 
Elles  sont  presque  toutes  mucilagineuses.  —  Mention- 
nons VH.  Syriacus  L.  ou  Mauve  en  arbre,  dont  le  liber 
sert  à  faire  du  papier;  1'^.  trionum,  cultivé  comme 
plante  d'ornement  et  servant  à  préparer  un  sirop  émoi- 


495  - 


KETMIE  —  KETUPA 


lient  et  pectoral  ;  VH.  ficulneus  (Abelmoschus  flcul- 
neus  W.  et  Arn.),  dont  les  graines  sont  comestibles  ; 
VH.  Rosa  sinensis  L.,  riche  en  tanin,  usité  à  Tahiti  contre 
les  ophtalmies  et  en  Chine  pour  teindre  les  sourcils  ;  17/. 
tiliaceus  L.,  dont  les  fleurs  sont  apéritiveset  le  liber  sert 
à  faire  des  liens;  VIL  suratensis  dont  les  feuilles  sont 
toniques  et  servent  à  teindre  en  rouge.  Un  grand  nombre 
d'autres  espèces  sont  employées  comme  textiles  (V.  Hibis- 
cus [Techn.])  ou  comme  mucilagineuses.       D*"  L.  Hn. 

II.  Horticulture.  — Oncultiveen  plein  air,  sur  les  plates- 
bandes,  une  ketmie  annuelle  (Hibiscus  irionum  L.)  que 
l'on  sème  en  place  au  printemps  ou  encore  sur  couche  et 
que  l'on  plante  en  mai.  Les  ketmies  en  arbre  comme 
H.roseus  Thor.,  H.  militaris  Cav.,  H.palustris  L., 
conviennent  aux  jardins  paysagers.  Elles  aiment  une  terre 
douce,  profonde.  Une  autre  espèce,  arbuste  de  quelques 
mètres  de  hauteur,  à  rameaux  dressés,  H.  syriacus  L., 
se  cultive  en  caisse  ou  en  pleine  terre,  foutes  ces  plantes, 
remarquables  par  la  beauté  et  l'abondance  de  leurs  fleurs, 
sont  d'une  culture  facile.  On  les  multiplie  de  graines  se- 
mées en  terrines  au  printemps.  Les  jeunes  plants  sont 
abrités  durant  les  premiers  hivers.  Citons  encore  H,  Rosa 
siîiensis  L.  et  H.  esculentus  L.  Le  premier  est  un  ar- 
buste très  ornemental,  fleurissant  presque  toute  l'année, 
de  serre  tempérée  pendant  l'hiver,  rustique  dans  le  Midi. 
On  le  cultive  en  pleine  terre  ou  bien  en  pot  et  en  terre  de 
bruyère.  La  multiplication  se  tait  de  boutures  herbacées 
sur  couche  chaude.  Le  second,  recherché  pour  ses  fruits 
comestibles  dans  les  pays  chauds,  connus  sous  le  nom  de 
Gombo^  se  sème  sur  couche  vers  la  fin  de  l'hiver.  On  le 
met  en  place  en  mai.  G.  Boyer. 

m.  Economie  domestique.  —  On  cultive  la  ketmie  aux 
Antilles,  en  Algérie,  etc.,  pour  ses  fruits  que  l'on  mange 
verts  coupés  par  tranches  et  assaisonnés  comme  les  petits 
pois  nouveaux.  On  l'a  proposé  en  France  comme  un  succé- 
dané du  café.  C'est  un  ahment  sain,  léger,  qui  convient 
surtout  aux  convalescents. 
KÉTONE  (V.  Acétone). 

KETOUBIWI,  c.-à-d.  Ecrits,  d'après  le  grec,  Hagio- 
graj)hes,  terme  hébreu  qui  désigne  la  troisième  et  dernière 
partie  du  recueil  des  livres  sacrés  du  judaïsme,  autrement 
dit  de  la  Bible  hébraïque  (V.  Bible), 

KETRZYNSKI  (Adalbert),  historien  polonais,  né  dans 
le  duché  de  Posen  en  d838.  Directeur  du  musée  national 
d'Ossohnski  à  Léopol  (Galicie),  il  se  consacra  de  bonne 
heure  à  l'histoire  de  Pologne.  Ses  recherches  se  portèrent 
d'abord  sur  le  passé  de  la  Prusse  occidentale  (royale).  Il 
publia  une  étude  historique  :  Sur  la  Nationalité  polo- 
naise dans  la  Prusse  occidentale  sous  l'ordre  teuto- 
nique  (Cracovie,  1874;  en  pol.)  ;  la  Population  polo- 
naise dans  la  Prusse  autrefois  teutonique  (Léopol, 
4882).  Il  prit  part  aux  travaux  historiques  de  l'Académie 
des  sciences  depuis  sa  fondation  (1873).  C'est  à  lui  qu'on 
doit  l'édition  de  la  plus  grande  partie  des  documents  histo- 
riques polonais  publiés  dans  les  Monumenta  Poloniœ 
Historica  (vol.  III,  Léopol,  1878;  vol.  IV,  Léopol,  1884, 
pp.  1-142,  206-500,  662-796;  vol.  V,  Léopol,  1888, 
pp.  419-443,  585-840,  861-1012,  in-4).  On  lui  doit 
encore:  Catalogus  codicum  manuscriptorum  Biblio- 
thecce  Ossolianœ  Leopoliensis  (Léopol,  1881-90,3  vol.), 
et  des  Etudes  sur  les  documents  du  xn^  siècle  (Cra- 
covie, Acad.  des  se,  1891).  Joseph  Kâllenbach. 

KETTELER  (Gotthard  de),  grand  maître  de  l'ordre  des 
Porte-Glaives,  mort  le  17  mai  1587.  Entré  dans  l'ordre 
en  1540,  il  le  sécularisa,  profitant  de  sa  conversion  au 
protestantisme.  Menacé  par  les  Russes,  il  se  plaça  sous  le 
protectorat  polonais  (1559),  céda  la  Livonie  au  roi  Sigis- 
mond  II  Auguste  et  conserva  à  titre  d'archiduché  vassal 
de  la  Pologne  la  Courlande  et  le  Semigalle  (1561).  Il 
épousa  Anne  de  Mecklembourg  (1566)  ;  leurs  descendants 
conservèrent  la  Courlande  jusqu'en  1737.  Cette  lignée 
s'éteignit  au  début  du  xix®  siècle,  mais  il  subsiste  en 
Westphalie  deux  autres  branches  des  Ketteler,  l'une  pro- 


testante et  l'autre  catholique  à  laquelle  appartient  le  fa- 
meux évêque  (V.  ci-dessous). 

KETTELER  (Wilhelm-Emmanuel,  baron  de),  évêque  de 
Mayence,  né  à  Harkoiten  (Westphalie)  le  25  déc.  i8ll 
mort  à  Burghausen  (Bavière)  le  13  juil.  1877.  H  a  été  le 
prélat  allemand  le  plus  militant  de  la  seconde  moitié  du 
XIX®  siècle.  11  était  référendaire  à  Munster,  quand  le  con- 
flit autour  de  l'archevêché  de  Cologne  (1837)  le  fit  entrer 
dans  le  clergé  :  il  résolut  de  se  consacrer  entièrement  à  la 
cause  de  l'autonomie  de  l'Eglise  en  face  de  l'Etat.  En  1848, 
il  commença  de  se  faire  remarquer,  au  Parlement  de  Franc- 
tort,  parmi  les  ultramontains,  par  la  rapidité  et  la  netteté  de 
son  jugement  autant  que  par  son  talent  oratoire.  Un  bref  du 
7  déc.  1849  le  nomma  évêque  de  Mayence  au  mépris  du 
droit  canonique  suivant  lequel  le  professeur  Léop.  Schmid 
de  Giessen  avait  été  régulièrement  élu.  Aussitôt  M^^  de 
Ketteler  défendit  la  fréquentation  de  la  faculté  de  Giessen 
aux  théologiens  de  son  diocèse  et,  en  1851,  il  créa  le  sémi- 
naire de  Mayence  pour  y  dresser  son  clergé.  La  ville  épis- 
copale  devint  ainsi  la  métropole  du  jésuittsme  en  Allema- 
gne ;  dans  son  diocèse  dominait,  selon  l'expression  de  ses 
administrés,  «  un  régime  à  la  cosaque  »  ;  le  ministère 
Dalwigk,où  il  avait  la  haute  main, l'aidait  au  besoin.  Après 
1860,  il  se  mit  à  la  question  sociale.  La  brochure  Die  Ar^ 
beiterfrage  und  das  Christenthum  (Mayence,   1863), 
dans  laquelle  l'évèque  paraphrase  Lassalle,  eut  tout  le  reten- 
tissement d'un  manifeste  venant  de  haut  et  fut  le  point  de 
départ  de  l'organisation  du  socialisme  catholique,  dont 
Ms^  de  Ketteler  ne  céda  la  direction  à  son  chanoine  Mou- 
fang  que  quand  les  conflits  avec  le  nouvel  Empire  absor- 
bèrent tous  ses  efforts.  Avant  cela,  la  question  de  l'infail- 
libilité papale  avait  mis  sa  dextérité  diplomatique  à  une  rude 
épreuve.  Favorable  au  concile,  suivant  une  brochure  de 
1869,  il  entra  dans  l'opposition  à  la  conférence  desévê- 
ques  allemands  à  Fulda  —  où,  du  reste,  il  fit  accepter  aux 
evéques  réunis  le  patronage  du  parti  socialiste  ultramon- 
tain  (christlich'Sozial)  —  et  y  demeura  jusqu'au  moment 
du  vote  final,  avant  lequel  il  quitta  Home  ;  ses  manœuvres 
ambiguës  avaient  fait  naître  dès  longtemps  des  soupçons 
dans  l'esprit  de  ses  collègues  antiinfailhbihstes.  Nul  ne  fut 
ensuite  plus  dur  aux  vieux-catholiques.  L'issue  de  la  guerre 
de  1866  avait  déjoué  les  plans  de  l'évèque  de  Mayence; 
l'Empire  de  1871  trouva  en  lui  un  adversaire  décidé  et 
redoutable.  Pour  le  combattre,  Mgr  de  Ketteler  enrôla  les 
paysans  westphaliens,  poussés  déjà  par  lui  dans  l'agitation 
sociale.  H  ne  \it  pas  la  fin  du  Kullurkampf  qui  avait 
affaibli  son  action  officielle  dans  son  diocèse  par  un  chan- 
gement de  ministère.  Il  mourut  au  retour  d'un  de  ses  nom* 
breux  voyages  à  Rome,  où  il  était  allé  s'entendre  avec  les 
évêques  prussiens  destitués,  en  vue  d'une  nouvelle  cam- 
pagne. H  n'a  publié  qu'une  quarantaine  de  brochures  de 
circonstance.  F.-II.  K. 

BiBL.  :  F.-W.-F.  NiPPOLD,  CharakterbilddesFrhn  W.-E 
von  Ketteler  und  seiner  Wirksamkeit,  dans  les  Deutsch- 
Evang.  nlœttern;  Halle,  1878,  t.  III,  pp.  145  et  suiv.,  839  et 
suiv.  et  385  et  suiv.  (on  y  trouvera  une  bibliographie  com- 
plète des  écrits  de  Ketteler).  ~  E.  de  Laveleye,  ie  Socia- 
lisme contemporain;  Paris,  1888,  pp.  136  à  167, 4<'  éd. 

KETUPA  (Ornith.).  Parmi  les  Rapaces  nocturnes,  les 
Keliipa  (iQsson,  Traité  d'ornithologie,  1831,  p.  114), 
tout  en  ressemblant  aux  Grands-Ducs  par  leurs  formes  gé- 
nérales, parleur  plumage  et  par  leur  tète  ornée  d'aigrettes, 
se  distinguent  facilement  par  leurs  tarses  généralement  dé- 
nudés et  par  leurs  doigts  garnis  en  dessous  de  spicules  ana- 
logues à  celles  qu'on  observe  chez  les  Balbuzards  (V.  ce 
mot).  Hs  se  trouvent  dans  l'Asie  continentale  et  insulaire, 
en  Palestine,  dans  l'Inde,  à  Ceylan,  dans  l'Indo-Chine,  à 
Malacca,  dans  les  îles  de  la  Sonde  et  dans  la  Chine  méri- 
dionale. On  en  connaît  trois  espèces  :  Ketupa  ceylo-^ 
nensis  Gm.,  F,  flavipes  et  F,  javanensis  Less.  Les  Ke- 
tupas  vivent  dans  les  forêts,  dans  les  jongles,  dans  les 
jardins  des  contrées  boisées  et  se  tiennent  cachés  au  milieu 
de  fourrés  durant  toute  la  journée.  Après  le  coucher  du  so- 
leil, ils  sortent  de  leurs  retraites  et  se  rapprochent  des  cours 


KETUPA  —  KEY 


—  496  — 


d'eau  et  des  étangs  pour  chercher  leur  nourriture  qui  con- 
siste surtout  en  poissons  et  en  crustacés.  Les  spicules  dont 
leurs  doigts  sont  munis  leur  servent  sans  doute,  comme 
aux  Balbuzards,  à  maintenir  entre  leurs  serres  des  proies 
dont  le  corps  est  couvert  d'une  carapace  lisse  ou  d'écaillés 
glissantes.  Ces  Rapaces  déposent  leurs  œufs  dans  des  troncs 
d'arbres  creux  ou  dans  des  anfractuosités  de  rochers. 
Leur   cri  est  une  sorte  de  gémissement  ou  d'aboiement 

sourd.  E.  OUSTALET. 

BiBL.  :  Sharpe,  Cat  B.Brit.  Mus.^  1875,  t.  II,  p.  4. 

KEUCHENIUS  (Robert),  philologue  hollandais,  né  à 
Arnhem  en  1636,  mort  à  Arnhem  en  4673.  Après  avoir 
été  pendant  plusieurs  années  professeur  d'éloquence  et 
d'histoire  à  \  Ecole  illustre  d'Amsterdam,  il  quitta  la  Hol- 
lande, et  habita  successivement  le  Palatinat  et  la  France  ; 
Louis  XIV  lui  donna  une  gratification  de  300  livres  pour 
son  poème  Gallia  triumphans  (Amsterdam,  1663,  in-8, 
rééd.  à  Paris  en  1670,  in-4).  Keuchenius  avait  publié  de 
nombreux  et  savants  commentaires  des  auteurs  latins  clas- 
siques; son  édition  de  Cornélius  Nepos  (Leyde,  1658, 
in-8;  est  surtout  remarquable.  E.  H. 

KEUIC.  Localité  du  Yucatan  à  34  kil.  0.  de  Tekax,  où 
sont  des  ruines  avec  des  peintures  bien  conservées. 

BiBL.  :  Stephen,  Incidents  of  travel  in  Yucatan  ;  New 
York,  1848,  2  vol. 

KEULEN  (V.  Ceulen). 

KEULEN  (Jean  Van),  géographe  hollandais,  né  vers 
16o0,  mort  en  1705.  Il  est  l'auteur  d'un  atlas  maritime 
de  très  haute  valeur,  qui  comprend  160  cartes  in-fol.  : 
Atlas  des  mers  (en  holl.  ;  Amsterdam,  1687,  rééd.  1728, 
4  vol.  in-fol.). 

KEUPER  ou  Marnes  irisées.  Nom  donné  en  géologie 
aux  couches  supérieures  du  système  triasique  de  l'Europe 
centrale  (V.  Trias). 

KEURUSELKA.  Lac  de  Finlande,  gouv.  de  Wasa  et 
Tavastéhus;  160  kil.  q.  ;  il  s'écoule  par  le  Kumo. 

KEVELAER.  Ville  de  Prusse,  district  de  Dusseldorf, 
près  de  Niers  ;  4,000  hab.  Une  image  miraculeuse  de  la 
Vierge,  exposée  depuis  i642,  y  attire  de  nombreux  pèle- 
rins ;  l'année  du  jubilé  (1842),  il  en  vint  180,000. 

KEVERBER6  de  Kessel  (Charles-Joseph,  baron  de), 
administrateur  belge,  né  à  Halen  en  1768,  mort  à  La 
Haye  en  1 841 .  Sous  l'Empire,  il  fut  successivement  préfet 
de  plusieurs  départements,  et,  sous  le  roi  Guillaume,  gou- 
verneur de  province  et  conseiller  d'Etat.  La  révolution  de 
1830  mit  fin  à  sa  vie  publique.  Il  s'occupa  surtout  d'études 
d'économie  politique,  de  statistique  et  de  législation  et  pu- 
blia des  ouvrages  importants  dont  plusieurs  sont  encore 
utilement  consultés  aujourd'hui.  En  voici  les  principaux  : 
Réflexions  sur  la  loi  fondamentale  du  royaume  des 
Pays-Bas  (Glèves,  1815,  in-4);  Du  Royaume  des  Pays- 
Bas  (La  Haye,  1834,  2  vol.  in-8). 

KEW.  Village  d'Angleterre,  comté  de  Surrey,  à  1 1  kil.  0. 
de  Londres,  sur  la  rive  droite  de  la  Tamise  ;  1 ,850  hab. 
S'tat.  (Kew  gardons,  Kew  bridge)  du  chem.  de  fer  de  Lon- 
dres à  Reading.  —  Château  royal,  résidence  favorite  de 
Georges  III.  Jardin  botanique  de  30  hect.  (avec  pépinière 
de  llO  hect.),  avec  des  collections  et  des  serres  uniques 
au  monde  ;  fondé  au  xviii®  siècle  par  le  prince  de  Galles, 
acquis  par  l'Etat  en  1840,  il  a  été  organisé  par  Hooker. 
BiBL.  :  Hooker,  Guide  to  the  Royal  Botanic  Gardens  at 
Ke-w;  Londres,  1847.  —Du  même.  Guide  to  the  Musemn 
of'Kew,  1855. 

KEWEENAVIEN.  Nom  donné  par  les  géologues  améri- 
cains à  l'étage  supérieur  du  système  précambrien  (V.  ce 
mot). 

KEWEENAW.  Presqu'île  du  lac  Supérieur,  Etat  de  Mi- 
chigan  ;  formée  de  roches  siluriennes  et  dévoniennes,  elle 
a  150  kil.  de  long  et  renferme  le  lac  Portage  de  30  kil. 
de  tour  qui  isole  son  extrémité.  La  chaîne  centrale  {Mine- 
rai Ranges),  qui  ne  dépasse  pas  ce  lac,  a  500  m.  de  haut  et 
est  très  riche  en  cuivre.  —  A  l'E.  de  la  presqu'île  s'étend 
la  baie  du  même  nom  limitée  de  l'autre  côté  par  la  pres- 
qu'île de  Point  Abbay, 


KEXÉL  (Olof),  écrivain  suédois,  né  à  Kalmar  en  1748, 
mort  à  Stockholm  en  1796.  Ses  débuts  dans  la  littérature 
furent  une  excellente  traduction  en  suédois  de  :  l'Eloge 
de  Daguesseau  par  Thomas  (1768)  ;  mais  quelques  bro- 
chures et  les  premiers  numéros  d'une  petite  revue  hebdo- 
madaire (Hatlen,  «  le  Chapeau  »)  qu'il  publia  ensuite, 
lui  attirèrent  des  difficultés  avec  la  justice  et  il  jugea  bon 
de  s'éloigner  du  pays  pendant  quelques  années  (1770-73). 
A  son  retour,  il  fut  nommé  régisseur  au  théâtre  royal, 
puis,  en  1779,  secrétaire  delà  direction  des  spectacles 
royaux  et  enfin,  l'année  de  sa  mort,  secrétaire  de  la  loterie 
royale.  C'était  un  joyeux  compagnon  de  l'école  de  Bellman 
dont  il  était,  avec  Eallman  (Karl-Israel),  le  meilleur  ami 
et  un  fidèle  camarade.  Ses  œuvres  très  nombreuses  con- 
sistent, outre  la  publication  de  VAlmanach  du  théâtre 
royal  (1781-89),  en  écrits  satiriques,  en  poèmes  légers, 
en  chansons,  en  un  grand  roman  historique,  Zalameski, 
qu'il  donne  comme  une  traduction  de  plusieurs  langues, 
enfin  en  comédies  dont  la  plupart  ne  sont  que  des  imitations 
ou  même  des  traductions,  du  français  principalement,  ar- 
rangées au  goût  et  aux  mœurs  des  Suédois  {Kapten  Puff 
ou  le  Fanfaron^  d'après  Boissy  :  le  Babillard),  Il  est 
resté  célèbre  comme  fondateur  de  la  société  «Par  Bricole», 
qui  vit  encore  aujourd'hui  et  dont  il  fut,  jusqu'à  sa  mort, 
le  maître  général  des  cérémonies.  Th.  C. 

BiBL.  :   Svenska  Parnassen;   Stockholm,  1891,  vol.  IV. 

KEXLER  (Simon),  mathématicien  suédois,  né  à  Kexle 
(OErebro)  le  29  déc.  1602,  mort  à  Abo  le  29  mars  1669. 
Il  visita  les  principales  universités  de  la  Hollande  et  de 
l'Allemagne,  en  rapporta  de  profondes  connaissances  et  pro- 
fessa successivement  au  gymnase  de  Strengnœs  (1634),  aux 
universités  d'Upsal  (1635)  et  d'Âbo  (1640).  Il  a  grande- 
ment contribué  au  développement  que  prirent  en  Suède,  au 
milieu  du  xvii^  siècle,  les  études  mathématiques.  Il  a  écrit 
de  nombreux  traités,  longtemps  classiques:  De  Planorum 
et  sphœricorum  triangulorum  solutione  (Abo,  1649, 
2  vol.  in-12)  ;  Arithmetica^  triplex  (Abo,  1658)  ;  Trac- 
tatus  brevis  de  tempore  (Abo,  1661,  in-4),  etc.  L.  S. 
.  BiBL.  :  M.  MiLTOPJius,  Oralio  funebris  in  Kexlerum  ; 
Abo,  1669,  in-4. 

KEXHOLM.  Place  forte  de  Finlande,  dans  une  île  du 
lac  Ladoga,  à  l'embouchure  du  Wuoxen  ;  1,200  hab.  Elle 
fut  fondée  en  1295.  La  famille  de  Pougatchev  y  a  été  em- 
prisonnée. 

KEY  (Willem),  peintre  flamand,  né  à  Breda  en  1520, 
mort  à  Anvers  le  5  juin  1568.  Il  fut  à  Liège  l'élève  de 
Lambert  Lombard  et  le  camarade  de  Frans  FÎoris.  Peintre 
d'histoire  et  surtout  peintre  de  portraits,  Key  habita  An- 
vers et  fit  partie  en  1542  de  la  gilde  de  Saint-Luc.  Il  pei- 
gnit à  Bruxelles  le  portrait  du  Cardinal  Granvelle  qui  est 
au  musée  d'Anvers;  il  peignit  aussi  celui  du  Duc  d'Albe, 
mais  il  mourut  de  le  peindre  :  on  raconte,  en  effet,  que  le  duc 
d'Albe,  tandis  qu'il  posait  devant  lui,  s'entretint  avec  ses 
conseillers  de  la  perte  d'Egmont  et  que  le  peintre  en  fut 
tellement  impressionné  qu'il  en  tomba  malade  et  qu'il  mou- 
rut le  jour  même  de  l'exécution  d'Egmont  et  de  de  Horn; 
on  dit  aussi  qu'il  mourut  de  la  seule  frayeur  que  lui  causa 
la  vue  du  duc  d'Albe.  Key  avait  peint  pour  la  maison  de 
ville  d'Anvers  un  grand  tableau  (qui  périt  dans  l'incendie 
de  1576)  représentant  les  magistrats  de  la  ville.  Il  reste 
peu  de  tableaux  de  cet  artiste.  On  voit  de  lui  une  Mise  au 
tombeau  à  la  galerie  Six  à  Amsterdam  ;  un  portrait  de 
Gilles  Mostaert  à  Vienne,  et  à  Anvers  les  portraits  des 
Fondateurs  de  la  chapelle  des  maîtres  selliers  d'Anvers, 

KEY  (Adrien-Thomas),  peintre  flamand,  neveu  et  élève 
du  précédent,  né  vers  1544,  mort  vers  1590.  Sa  vie  n'est 
pas  connue.  Le  musée  d'Anvers  possède  de  lui  le  portrait 
de  Gilles  de  Smidt  et  de  sept  de  ses  enfants  et  le  portrait 
de  Marie  de  Deckere  et  d'une  de  ses  filles.  Sur  le  revers 
de  ces  deux  portraits  est  peinte  une  Cène;  le  musée  de 
Berlin,  deux  volets  de  triptyque  représentant  les  Dona- 
teurs priant  avec  leurs  patrons, 

KEY  (Lieven  de),  architecte  des  Pays-Bas  espagnols,  né 


497  - 


KEY  -  KEYSER 


à  Gand  vers  1560,  mort  à  Haarlem  le  27  juil.  1627.  Cet 
architecte  passa  une  partie  de  sa  jeunesse  à  Londres  oU  il 
épousa  une  de  ses  compatriotes  en  1585  et  revint  se  fixer 
en  1592  à  Haarlem  où  il  construisit  la  Jorisdocle  et  fut 
nommé  lapicide  ou  architecte  de  la  ville.  On  lui  doit  à 
Haarlem  de  nombreux  édifices  dont  le  Stadtwaag,  la  mai- 
son Oudemann  et  quelques  autres  habitations  privées, 
l'abattoir,  la  Marethor  et  enfin  le  clocher  de  l'église 
Sainte- Anne.  Key  donna  aussi  de  1594  à  1596  les  plans 
de  l'hôtel  de  ville  et  du  palais  de  la  Diète,  à  Leyde. 

KEY  (Charles-Aston),  chirurgien  anglais,  né  à  Londres 
vers  1795,  mort  à  Londres  le  23  août  1849.  Elève  d'Ast- 
ley  Cooper,  il  fit  avec  lui  un  cours  d'anatomie  à  l'hôpital 
Saint-Thomas,  puis  avec  Morgan  un  cours  de  chirurgie  à 
Guy's  Hospital.  Son  principal  ouvrage  est  :  A  Sfwrt  Treatise 
on  the  Section  ofthe  prostate  gland  in  lithotomy  {Lon- 
dres, 1824,  in-4,  4  pi.).  D''  L.  Hn. 

KEY  (Karl-Fredrik-Edvin-Emil),  homme  politique  sué- 
dois, né  en  1822,  mort  en  1892.  Soit  par  ses  nom- 
breuses publications,  soit  par  ses  travaux  à  la  Chambre 
des  députés,  Key  a  joué  un  rôle  important  comme  un  des 
chefs  du  parti  agraire.  En  1883,  il  fut  nommé  directeur 
des  postes  de  Helsingborg  et  renonça  à  son  mandat  de 
député.  Plusieurs  de  ses  écrits  très  populaires  ont  paru 
sous  le  pseudonyme  de  Broder  Svensk  (Frère  suédois). 
—  Sa  fille,  Ellen,  a  publié  des  études  très  remarquées 
sur  les  femmes  illustres  et  sur  les  écrivains  contemporains. 
Elle  s'est  fait  connaître  aussi  comme  conférencière  à  l'Ins- 
titut des  ouvriers,  à  Stockholm.  Th.  C. 

KEY  (Ernst-Axel-Henrik),  professeur  de  médecine  et 
homme  politique  suédois,  né  à  Flisby  le  25  oct.  1832,  cou- 
sin du  précédent.  Les  recherches  de  ce  savant  sur  le  sys- 
tème nerveux  lui  ont  valu  une  réputation  européenne,  et 
l'Académie  des  sciences  de  France  lui  a  décerné  le  prix 
Monthyon,  pour  un  important  ouvrage,  publié  en  alle- 
mand, en  collaboration  avec  G.  Retzius,  sous  le  titre  de  : 
Studien  in  der  Anatomie  des  Nervensystems  und  des 
Bindegewebes  (1875).  Les  travaux  de  Key  dans  les  divers 
domaines  de  la  médecine  sont  extrêmement  nombreux  et 
ont  été  publiés  en  grande  partie,  soit  dans  les  Archives 
de  Virchow,  dont  il  a  été  l'élève,  soit  surtout  dans  les 
archives  de  la  médecine  (Mediciniskt  Archiv)  et  dans  les 
archives  de  médecine  du  Nord  {Nordiskt  mediciniskt  Ar- 
kiv),  dont  il  est  le  principal  rédacteur.  L'activité  de  Key 
ne  se  borne  pas  à  son  professorat  à  Stockholm  et  à  sa  col- 
laboration aux  travaux  des  diverses  sociétés  scientifi(jues 
Scandinaves  ou  étrangères,  il  occupe  dans  la  vie  publique 
de  son  pays  une  place  importante  par  son  influence  à  la 
Chambre  des  députés  où  il  s'est  distingué  par  ses  opinions 
libérales  et  par  l'intérêt  qu'il  a  toujours  porté  aux  ques- 
tions d'enseignement.  —  Son  fils  Helmer  Key,  professeur 
agrégé  à  l'université  d'Upsal,  a  publié  en  suédois  des  tra- 
ductions d'ouvrages  dramatiques  étrangers  :  un  drame 
romantique  en  vers,  Francesca  da  Rimini  (1893),  et  une 
étude  très  complète  et  remarquable  sur  Alessandro  Man- 
zoni  (Stockholm,  1894).  Th.  C. 

KEYLHAU  (Eberhart),  peintre  danois,  né  à  Helsingôr 
en  1624,  mort  à  Rome  en  1687.  Elève  de  Rembrandt  à 
Amsterdam,  il  quitta  son  maître  au  bout  de  quelques  an- 
nées pour  se  rendre  en  Italie.  En  route,  il  s'arrêta  trois 
mois  à  Mayence  et  peignit  pour  l'église  des  Capucins  une 
Assomption,  A  Venise,  il  entra  en  relations  avec  le  comte 
Savorgnano,  qui  lui  confia  des  travaux  importants.  C'est 
alors  qu'il  reçut  le  surnom  de  Monsu  Beruardo,  sous  le- 
quel il  est  surtout  connu.  A  Ravenne,  il  exécuta  un  por- 
trait de  la  reine  Christine  de  Suède.  Arrivé  à  Rome, 
il  tomba  gravement  malade  et,  de  luthérien  qu'il  était,  se 
fit  catholique.  Il  a  composé  un  nombre  considérable  de 
tableaux  de  genre  ou  d'histoire  :  Servante  allumant  une 
chandelle;  Servante  épluchant  de  la  salade;  Saint 
Dominique  en  extase  ;  les  Douze  Apôtres,  pour  des 
missionnaires  aux  Indes,  etc.  Th.  C. 

KEYS  ou  CAYESde  Floride.  Archipel  coralliaire  qui 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —  XXL 


s'étend  à  l'E.  et  au  S.  de  la  presqu'île  de  Floride,  formant 
un  arc  de  cercle  parfaitement  régulier  de  350  kil.  de  loni^, 
entre  24°  38'  et  25«  45'  lat.  N.,  82°  30'  et  85M6aong. 
0.,  au  N.  du  détroit  de  Floride,  fermé  au  S.  par  les  îles 
Bahamas  et  Cuba.  Cet  alignement  forme  une  sorte  de  mu- 
raille longée  par  le  gulf  stream  et  au-devant  de  laquelle  se 
développe  une  chaîne  parallèle  de  riffs  ou  écueils  sous- 
marins,  numérotés  de  A  à  0  en  allant  de  l'O.  à  l'E.  ; 
entre  les  deux  est  un  chenal  navigable  de  8  à  10  kil.  de 
large,  de  9  à  12  m.  de  fond.  Au  cap  de  Floride  se  ratta- 
chent les  deux  alignements  des  riffs  et  des  keys.  Les  prin- 
cipaux de  ceux-ci  sont  Virginia,  qui  touche  au  continent; 
Biscayne,  dont  la  pointe  méridionale  est  le  cap  de  Floride  ; 
Elliot,  Long  Key  ou  Key  Largo,  long  de  25  kil.;  les  Vac- 
cas  à  45  kil.  du  continent  (cap  Sable);  les  Fine  islands 
(Sugar  loaf,  Kreg  West,  etc.),  les  Marquesas,  et  à  50  kil. 
plus  à  rO .  les  Tortugas  (Garden  avec  le  fort  Jefferson, 
Loggerhead,  etc.).  Ces  îles  sont  les  fragments  d'une  sorte 
de  muraille  ;  elles  sont  longues,  basses  et  très  étroites  ; 
leur  largeur  varie  de  300  à  3,000  m.,  leur  hauteur  ne 
dépasse  guère  4  m.  ;  elles  sont  séparées  par  des  bras  de 
mer  sans  profondeur.  Elles  sont  couvertes  de  palétuviers, 
lauriers,  cocotiers,  palmites,  pins,  chênes  verts  ;  dans 
leurs  eaux  pullulent  les  tortues  vertes,  les  éponges,  etc. 
Les  riffs  rendent  ces  parages  très  dangereux  pour  les  na- 
vires, surtout  vers  l'E.  Les  cayes  ont  été  formés  par  le 
gulf  stream  qui  rejette  à  l'intérieur  tous  les  débris  et 
finira  par  combler  l'intervalle  entre  eux  et  la  Floride  ;  la 
chaîne  des  riffs  se  transformera  en  cayes  par  la  même 
cause.  La  température  moyenne  est  à  Key  West  de-h  24**,5 
pour  l'année  (hiver -h  21°,  été  -h 28°)  ;  la  chute  d'eau  est 
de  1  m.  par  an.  A.-M.  B. 

KEYSER  (Hendrik de),  architecte  et  sculpteur  hollandais, 
né  à  Utrecht  le  15  mai  1567,  mort  à  Amsterdam  le  15  mai 
1621.  Elève  de  Cornelis  Bloemart  d'Utrecht  et  ayant  com- 
plété ses  études  à  Paris,  Keyser  se  fixa,  en  1591,  à  Ams- 
terdam o(i  il  fit  restaurer,  construire  et  décorer  de  nombreux 
édifices,  le  plus  souvent  avec  le  concours  de  Dankerts  de 
Ry  ;  les  principaux  d'entre  eux  sont  les  suivants  :  la  Cour 
et  la  Bourse  des  Indes  orientales,  l'Arsenal,  la  maison 
Voorburgwal,  la  porte  de  Haarlem,  le  palais  de  Nicolaas 
Sohier  (aujourd'hui  l'Ecole  du  commerce)  et  de  nom- 
breuses tours  datant  pour  la  plupart  du  moyen  âge.  On 
doit  aussi  à  cet  architecte  qui,  d'abord  fidèle  au  vieux 
style  hollandais,  s'inspira  par  la  suite  de  l'architecture  dite 
classique  jusque  dans  certaines  de  ses  exagérations,  la 
façade  de  l'église  de  Hoorn,  l'hôtel  de  ville  de  Delft  et  le 
monument  national  des  princes  d'Orange  dans  l'église  de 
cette  ville,  la  porte  du  Port,  à  Dordrecht,  etc.,  tous  édi- 
fice publiés  ainsi  que  ceux  d'Amsterdam  dans  VArchitec- 
tura  moderna  de  Bray  (Amsterdam,  1631,  in-fol.).  — 
Son  fils,  Pierre,  fut  architecte  et  sculpteur  de  la  ville 
d'Amsterdam.  Il  est  l'auteur  présumé  du  monument  de 
l'amiral  Tromp  dans  la  vieille  église  de  Delft  et  de  celui  de 
Guillaume-Louis  de  Nassau  à  Leeuwarden.         Ch.  L. 

KEYSER  (Théodore  ou  Thomas  de),  peintre  hollandais, 
né  à  Amsterdam  vers  1596,  enterré  à  Amsterdam  le  7  juin 
1667.  On  ne  sait  rien  de  l'existence  de  ce  grand  peintre  : 
il  précéda  sans  doute  de  quelques  années  Rembrandt  dans 
son  œuvre,  et  exerça  peut-être  une  influence  sur  lui.  Il 
était  le  fils  ou  le  neveu  d'Hendrik  de  Keyser,  et  on  croit 
qu'il  fut  l'élève  de  Cornelis  Van  der  Voort.  Il  peignait  à 
Amsterdam  de  1619  à  1667,  et  ses  quelques  tableaux 
connus  font  de  lui  un  des  meilleurs  maîtres  de  la  Hollande. 
Son  chef-d'œuvre,  V Assemblée  des  bourgmestres  d* Ams- 
terdam à  l'arrivée  de  Marie  de  Médias  en  i638,  dont 
Suyderhoef  a  fait  une  gravure  célèbre,  est  au  musée  de  La 
Haye,  ainsi  qu'un  Portrait  de  magistrat  (1631).  Le  musée 
d'Amsterdam  possède  de  lui  la  Leçon  d'anatomie  du  doc- 
teur Sebastiaen  de  Vrij  (1619),  son  premier  tableau 
connu  ;  une  Réunion  de  gardes  civiques  et  plusieurs  por- 
traits, entre  autres  celui  deV Amiral  Hein  et  celui  de  Picher 
Schout  ;  le  musée  de  Berlin  :  Une  Peinture  de  famille  ; 

32 


KEYSER  —  KHABAROVKA  —  498 

la  Pinacothèque  de  Munich  :  Une  Vieille  Femme  assise 
et  un  jeune  homme  debout  qui  lui  rend  des  comptes 
(1650);  le  musée  Stœdel  de  Francfort  :  un  portrait  de 
Cavalier  avec  deux  lévriers  ;  les  musées  de  Gotha,  de 
Darm3tadt,de  Copenhague,  de  TErmitage,  la  galerie  Liech- 
tenstein à  V^ienne  et  la  collection  Steingracht  à  Amsterdam 
ont  des  portraits  du  maître.  E.  Bricon. 

KEYSER  (Henrik),  imprimeur  suédois,  lieu  et  date  de 
naissance  inconnus,  mort  à  Stockholm  en  4663  (?).  En 
4625,  Gustave-Adolphe,  dans  l'armée  duquel  le  jeune  im- 
primeur était  soldat,  lui  fit,  dit-on,  présent  d'une  imprimerie 
prise  en  Livonie  ou  en  Courlande,  en  lui  imposant  la  con- 
dition de  s'établir  à  Stockholm.  Dès  4635,  il  prend  le  titre 
d'imprimeur  du  roi  et  publie  entre  autres  une  traduction 
de  la  Bible  (dite  de  la  reine  Christine^  4646)  et  un  dx- 
morïsil  {Vapenboken^  4658),  dont  les  planches  et  l'exécu- 
tion typographique  sont  remarquables.  —  Son  fils  Henri 
lui  succéda  et  fut  également  un  imprimeur  de  mérite. 

BiBL.  :  Klemming,  Svensk  Boktryckerihist^  1883. 

KEYSER  (Jakob-Rudolf),  historien  norvégien,  né  à 
Christiania  le  4®^  janv.  4803,  mort  le  8  oct.  4864.  Pro- 
fesseur à  l'université  de  Christiania,  il  publia  un  très 
grand  nombre  d'ouvrages  d'une  importance  capitale  sur 
l'histoire  de  son  pays  et  fonda  le  musée  d'antiquités  Scan- 
dinaves de  l'université.  Ses  œuvres,  qui  se  distinguent 
par  la  somme  des  recherches  et  la  sûreté  des  informations, 
ont  été  publiées  en  partie  par  son  successeur  et  ami 
0.  Rygh.  Voici  les  principales  :  Histoire  de  V Eglise  nor- 
végienne sous  le  catholicisme  ;  Histoire  de  la  Norvège 
jusqu'en  i687  ;  Ecrits  posthumes  (contenant  des  études 
sur  l'origine  et  la  religion  des  Normands,  Om  Nordmœn- 
denes  Herkomst).  Th.  C. 

KEYSER  (Nicaise  de),  peintre  belge,  né  à  Santvliet,  près 
d'Anvers,  le  26  août  4843,  mort  à  Anvers  le  46  juil.  4887. 
Fils  d'un  paysan,  avant  d'être  peintre  il  fut  berger.  Il 
vint  à  Anvers  faire  ses  études  à  l'Académie,  dont  il  devait 
plus  tard  devenir  directeur  (4855).  Il  suivit  les  leçons  de 
Van  Bree  et  de  Jacob  Jacobs.  11  voyagea  en  France,  en 
Italie,  en  Allemagne  et  en  Angleterre.  Il  a  peint  des  sujets 
religieux,  des  scènes  d'histoire  et  des  portraits.  Sa  pre- 
mière œuvre  (1 834)  fut  un  Chiist  en  croix  pour  l'église 
catholique  de  Manchester  ;  plus  tard,  il  peignit  la  Bataille 
de  Worringen  (4839)  pour  le  palais  de  la  Nation,  à 
Bruxelles.  Plusieurs  de  ses  tableaux  appartiennent  au  roi 
des  Belges,  tels  :  Sainte  Elisabeth  faisant  l'aumône 
(4854)  et  les  Derniers  Moments  de  Weber  (4858).  N. 
de  Keyser  a  peint  pour  le  vestibule  du  musée  d'Anvers 
une  série  de  toiles  représentant  l'Histoire  des  arts  à 
Anvers,  et  on  voit  de  lui,  à  l'intérieur  du  musée,  outre 
son  portrait,  Charles-Quint  après  la  prise  de  Tunis 
délivrant  les  esclaves  chrétiens j  et  le  portrait  de  la  Ba- 
ronne Baut  de  Rasmon.  Au  musée  de  Cologne,  une  réduc- 
tion de  la  Bataille  de  Worringen  achetée  4,605  marks 
en  1884;  au  musée  de  Courtrai,  la  Bataille  de  Courtrai 
(4836). 

BiBL.  :  HymanS;  Vie  et  travaux  de  N.  de  Keyser  ; 
Bruxelles,  1889. 

KEYSER  (Karl-Johan-Jakob)^  chimiste  suédois,  né  en 
Ostergothie  en  4824.  De  4854  à  4857,  professeur  de  chi- 
mie, de  physique  et  de  géognosie  à  l'Institut  agronomique 
d'Ultuna  ;  depuis  4857,  professeur  à  Norrkôping.  Il  a  pu- 
blié de  nombreux  ouvrages  sur  la  chimie,  entre  autres  un 
Cours  de  chimie  organique  et  un  Cours  sur  les  tra- 
vaux de  laboratoire. 

KEYSER  (E.),  sculpteur  américain  contemporain, né  en 
4850.  Elève  de  l'Académie  de  Munich,  puis  de  Wolff  à 
Berlin,  où  il  a  remporté  un  prix  pour  une  Psyché.  Il  a  eu 
un  atelier  à  Rome.  On  cite  de  lui  un  Page  jouant,  en 
bronze. 

KEYSERE  (Arend  m)  (V,  De  Keysere). 

KEYSERLIN6  (Hermann-Karl,  baron  de),  diplomate 
russe,  né  en  Courlande  en  4696,  mort  à  Varsovie  en  4764. 
11  entra  au  service  de  la  Russie  en  4730;  nommé  ambas- 


sadeur à  Varsovie,  il  contribua  à  l'élection  d'Auguste  III 
et  à  la  formation  d'un  parti  russe  en  Pologne.  Il  fut  en- 
suite envoyé  à  Francfort  et  à  Vienne  et  négocia  l'al- 
liance de  l'Autriche  et  de  la  Russie.  Il  revint  à  Var- 
sovie en  4763,  soutint  le  parti  des  Czartoryski  et  l'élection 
de  Poniatowski.  Il  prononça  à  cette  occasion  devant  la  diète 
un  discours  latin  qui  a  été  imprimé  (Oratio  ad  rempubli- 
cam...  in  comitiis  electionis,  4764). — Son  fils,  Henri- 
Christian,  né  à  Lesten  en  4727,  mort  à  Kœnigsberg  en 
4787,  servit  successivement  la  Saxe,  la  Pologne  et  la  Rus- 
sie. On  lui  doit  quelques  opuscules  politiques. 

KEYSERLING  (Alexandre,  comte),  explorateur  russe, 
né  à  Kabillen  (Courlande)  le  28  août  4845,  mort  à  Dor- 
pat  le  25  mai  4894.  Il  prit  part  aux  explorations  de 
Meyendorff,  Murchison  et  Verneuil  dans  la  Russie  d'Eu- 
rope, en  publia  les  résultats  {Russia  and  the  Ural,  Lon- 
dres, 4845),  de  même  que  ceux  de  son  voyage  avec  Krii- 
senstern  en  4843  (Wissenschaftliche  Beobachtungen 
auf  einer  Reise  in  das  Petchoraland  (Saint-Pétersbourg, 
4846). 

KEY  WEST.  Ville  maritime  des  Etats-Unis  (Floride), 
dans  un  îlot  du  détroit  de  Floride;  J 5,000  hab.  Port  de 
guerre  important,  fondé  en  4822  et  protégé  par  les  200  ca- 
nons du  fortTaylor.  Pêcheries  d'épongés,  de  tortues  vertes  ; 
nombreuses  fabriques  de  cigares  et  de  cigarettes  ;  confise- 
ries. Le  commerce  atteint  5  à  6  millions  de  fr.  L'industrie 
des  sauveteurs  est  très  lucrative  dans  ces  parages  où  se 
perdent  50  navires  par  an.- On  fait  aussi  la  contrebande 
avec  Cuba. 

KEZDI-Vasarhely.  Ville  de  Hongrie,  comitat  de  Ha- 
romszék  (Transylvanie).  Ses  5,000  hab.  sont  pour  la  plu- 
part des  Szeklers  calvinistes,  qui  vivent  de  petites  indus- 
tries (distillerie,  tissage,  cordonnerie,  etc.)  ou  de  l'élève 
du  bétail.  Les  cloches  de  Kezdi-Vasârhely  ont  été  fondues 
en  4848  pour  fournir  des  canons  aux  armées  de  l'Indé- 
pendance. Cette  ville  fut  un  des  boulevards  des  magyars 
contre  les  troupes  impériales  et  les  volontaires  roumains 
durant  la  guerre  de  4848-49. 

KHABAROV  (Erofeï-Pavlovitch),  l'un  des  conquérants 
de  la  Sibérie,  né  à  Oustioug.  En  1636,  il  s'établit  à  Eni- 
séisk  et  créa  des  salines.  En  4649,  il  demanda  au  voié- 
vode  ou  gouverneur  d'Irkoutsk  la  permission  d'aller,  à  ses 
risques  et  périls,  conquérir  les  pays  du  bassin  du  fleuve 
Amour.  En  4654,  il  s'empara  d'Albasine  et  de  quelques 
autres  localités  et  construisit  la  forteresse  d'Atchir.  Mais, 
n'ayant  à  sa  disposition  que  des  forces  insuffisantes,  il  dut 
réclamer  du  secours  à  Moscou  et  céder  la  place  à  l'en- 
voyé du  tsar,  Zinoviev.  A  son  retour,  le  tsar  lui  conféra  le 
titre  de  fils  de  boïar  et  le  chargea  d'une  mission  officielle 
en  Sibérie. 

KHABAROVKA.  Ville  de  Sibérie,  chef-lieu  de  la  prov. 
du  Littoral  (Primorskaïa),  au  confluent  du  fleuve  Amour  et 
de  l'Oussouri;  2,500  hab.  (en  4888).  Elle  se  dresse  sur  une 
triple  colline,  à  65  m.  au-dessus  du  niveau  du  fleuve  Amour 
qui  a  près  de  3  kil.  de  largeur,  et  occupe  une  position  stra- 
tégique et  commerciale  importante  à  la  rencontre  des  fron- 
tières de  Sibérie,  de  Mongolie  et  de  Mandchourie.  On  y 
trouve  des  chantiers  de  la  Compagnie  de  navigation  sur 
l'Amour,  plusieurs  écoles  et  un  jardin  botanique.  Ce  der- 
nier est  situé  sur  une  falaise  du  haut  de  laquelle  on  découvre 
un  superbe  panorama  du  fleuve  Amour,  et  où  se  trouve  le 
monument  du  général  Mouraviev,  fondateur  de  la  puissance 
russe  dans  ces  parages.  Le  commerce  a  surtout  pour  objet 
les  fourrures,  qui  sont  expédiées  en  Russie  par  les  mar- 
chands chinois  établis  dans  la  ville.  Khabarovka  est  mis 
en  communication  tous  les  quinze  jours  pendant  la  belle 
saison  (avril-octobre)  par  des  bateaux  à  vapeur  avec 
Strétensk  et  Nikolaevsk,  et  toutes  les  semaines  avec  le  lac 
Hanka  par  l'Oussouri.  La  ligne  ferrée  de  Vladivostok  au 
lac  Hanka  rejoindra  Khabarovka  en  4896.  —  La  ville  a 
été  fondée  en  4648  par  le  cosaque  Khabarov  (V.  ci-des- 
sus). Elle  n'a  le  rang  officiel  de  chef- lieu  que  depuis 


499  — 


KHABAROYKA  —  KHAÏRPOUR 


1880;  on  y  transféra  alors  les  bureaux  qui  se  trouvaient 
à  Nikolaevsk,  J.  Deniker. 

KHABIS.  Ville  de  Perse,  prov.  de  Kirman,  au  N.  du 
Sir  Koh;  4,000  hab. 

KHACHNA.  Grande  tribu  arabe  d'Algérie  qui  habite  la 
Mitidja  orientale  et  les  collines  qui  la  bordent  au  S.-E. 
(Bou-Zegza,  Bou-Sima),  sur  les  deux  rives  de  la  Hamise 
et  sur  celles  du  Boudouaou  supérieur.  Cette  tribu  occupait 
un  territoire  de  60,000  hect.  et  comptait  plus  de  25,000 
individus.  Elle  est  aujourd'hui  démembrée  et  répartie 
entre  diverses  communes  de  plein  exercice.  C'est  sur  son 
territoire  qu'ont  été  créés  les  centres  européens  d'Arba- 
tache,  de  Saint-Pierre,  Saint-Paul,  de  l'Arba,  de  Rivet,  etc. 

KHADJITCH  (lovan),  littérateur  serbe,  connu  égale- 
ment sous  le  pseudonyme  de  Svétitch  Miloch,  né  à  Zom- 
bor  (Hongrie)  le  20  sept.  1799,  mort  à  Neusatz  (Hongrie) 
le  5  mai  1869.  Après  s'être  fait  recevoir  docteur  en  droit 
à  Pest  en  1826,  il  remplit  diverses  fonctions  officielles  en 
Hongrie.  Appelé  en  Serbie  en  1837  par  le  prince  Miloch, 
il  y  collabora  à  la  rédaction  du  code  civil  serbe,  qui  fut  pro- 
mulgué en  1845.  De  1847  à  1854,  il  reprit  du  service  au- 
près du  gouvernement  autrichien.  Ses  principales  œuvres 
littéraires  sont  :  une  collection  de  chants  originaux  serbes 
publiée  en  1855  et  un  second  recueil  des  mêmes  chants 
parus  en  1858,  sans  parler  de  traductions  du  latin  et  de 
l'allemand.  H  dirigea  en  outre,  de  1839  à  1861,1a  publi- 
cation de  plusieurs  revues.  En  1826,  il  avait  fondé  à  Pest 
la  Srpska  Matitsa  (Ruche  serbe),  association  littéraire 
encore  prospère  aujourd'hui,  qui  a  rendu  d'importants 
services  à  la  cause  de  la  nationalité  serbe.  Khadjitch  est 
encore  connu  par  l'opposition  qu'il  fit,  sans  succès  d'ailleurs, 
aux  réformes  rationnelles  de  la  langue  serbe  qu'avait  pro- 
posées Karadjitch. 

KH^RON  I  A.  Village  de  Grèce,  nome  d'Attique  et  Béotie, 
à  6  kil.  de  Livadia,  dans  la  vallée  de  Mavronero  (Céphise); 
2,500  hab.  Ruines  de  l'antique  Chéronée  (V.  ce  mot). 

KHAFRA  ou  CHEPHREN,  le  Souphis  lï  de  Manéthon, 
pharaon  de  la  IV®  dynastie,  dont  les  monuments  ne  nous 
apprennent  rien,  sinon  qu'il  est  l'auteur  de  l'une  des  trois 
grandes  pyramides  de  Gizeh.  Le  musée  du  Louvre  possède 
le  moulage  de  sa  statue  découverte  par  Mariette  au  fond 
d'un  puits  du  temple  du  Grand  Sphinx.  C'est  un  morceau 
de  sculpture  d'un  grand  caractère. 

KHAGAN  ou  NÂÏNSOUKH.  Vallée  de  l'Himalaya  occi- 
dental, province  de  Péchaver,  au  pied  du  pic  de  Khagan 
(5,172  m.).  Elle  a  95  kil.  du  N.  au  S.  et  25  kil.  de  large; 
le  Kounhar  qui  l'arrose  en  sort  par  un  défilé  profondément 
encaissé  pour  se  jeter  dans  le  Djilam.  Cette  vallée  est  la 
plus  septentrionale  des  possessions  directes  de  l'Inde  an- 
glaise. 

KHAÏBARou  KH  El  BAR.  Ville  de  l'Arabie  centrale,  pro- 
vince de  Chômer,  à  l'O.  du  djebel  Adja,  à  170  kil.  N.  de 
Médine;  3,000  hab.  Elle  occupe  une  oasis  riche  en  dattiers 
autour  d'un  roc  basaltique  qui  porte  la  citadelle.  Ce  fut 
au  temps  de  Mohammed  le  centre  d'une  principauté  juive 
qui  eut  alors  un  rôle  considérable. 

KHAÏBER  ou  KHAÏBAR.  Célèbre  défilé  qui  relie  l'Afgha- 
nistan à  l'Inde  (Caboul  au  Pendjab);  l'ait,  n'est  que  de 
1,011  m.  Le  défilé  suit  les  lits  de  deux  torrents  qui  en 
descendent  l'un  vers  le  N.,  l'autre  vers  le  S.-E.;  il  a 
53  kil.  de  long  depuis  Dakha  à  l'O.  (421  m.  d'alt.),  jus- 
qu'à Djamroud  à  l'E.  (501  m.  d'alt.);  très  étroit  du  côté 
oriental  (100  à  200  m.  de  large),  il  n'a  au  centre  que  10 
à  12  m.  de  large  entre  deux  murs  rocheux  de  400  m.;  il 
s'élargit  aux  approches  du  débouché  oriental.  Inondé  dans 
la  saison  des  pluies  (aux  deux  solstices),  il  est  impraticable 
à  l'artillerie;  les  Anglais  suivent  une  route  à  15  kil.  au 
N.  — •  Le  défilé  de  Khaïber  a  une  importance  historique  ; 
c'est  la  route  classique  des  invasions  de  l'Iran  dans  l'Inde; 
en  particulier  celle  des  conquérants  musulmans  :  Mahmoud 
le  Gaznévide,  Baber,  Akbar,  Nadir  Chah,  Ahmed.  Les  An- 
glais le  franchirent  en  1839  et  y  éprouvèrent  de  terribles 
pertes  durant  leur  retraite  de  1842.  Ils  se  le  firent  céder 


par  le  traité  de  1879  et  l'ont  abandonné  aux  tribus  voi- 
sines des  Afridis. 

KHAICHAN,  khan  mongol  qui  régna  sur  la  Chine  de 
1308  à  1311  ap  .J.-C.  Son  titre  posthume  est,  en  chinois, 
Ou-tsong;  il  fut  proclamé  khan  sous  le  nom  mongol  de 
Koulouk Khan. Son  prédécesseur,  Temour  ((EldjaïtouKhan, 
ou  Tcheng  tsong),  était  mort  sans  enfants  :  Khaïchan  était 
le  fils  aîné  de  Tarma-bala,  lequel  était  lui-même  frère  ca- 
det de  Temour,  fils  de  Tchingkim  et  petit-fils  de  Kou- 
bilaï  Khan  ;  il  parvint  à  monter  sur  le  trône  malgré  les  in- 
trigues de  Boulougan,  veuve  de  Temour,  qui  aurait  voulu 
faire  nommer  Ananda,  petit-fils  de  Koubilaï  Khan,  et  mal- 
gré sa  propre  mère  qui  aurait  préféré  que  le  pouvoir  re- 
vînt à  son  second  fils,  Ayour-bali-batra.  Il  se  fit  proclamer 
à  Karakoroum,  vainquit  et  fit  périr  Ananda,  proclamé 
d'abord  à  Péking.  Le  règne  de  Khaïchan  n'offre  rien  de 
remarquable;  il  était  fort  attaché  au  bouddhisme,  et  c'est 
sur  son  ordre  que  le  lama  Tchoigji  Odszer  traduisit  en 
mongol  plusieurs  ouvrages  bouddhiques.  Khaïchan  fit  aussi 
traduire  du  chinois  le  hiao  king  ou  livre  de  la  piété 
filiale.  Il  mourut  à  trente  et  un  ans  et  eut  pour  successeur 
son  frère  cadet,  Ayour-bali-batra,  qui  prit  le  titre  de 
Bouyantou  Khan.  Ed.  Ghavannes. 

BiBL.  :  D'Ohsson,  Histoire  des  Mongols,  livre  III, 
chap.  VI. 

KHAÏDOU-GoL.  Rivière  du  Turkestan  chinois,  affluent 
gauche  du  Tarim,  qui  naît  dans  le  Thian-chan,  à  3,250  m. 
d'alt.,  coule  vers  l'O.  dans  la  montagne,  en  sort  pour 
tourner  au  S.-E.  et  former  le  lac  Karachar-koul  ou  Ba- 
gratch,  franchir  les  monts  Kousouk-tagh  par  un  défilé 
d'une  grande  importance  stratégique,  passer  à  Kourla  et 
s'unir  au  Tarim  par  deux  bras,  à  762  m.  d'alt.  Il  porte 
successivement  les  noms  de  Baga-Jouldous,  Khaïdou-gol 
et  Koutché-daria  ou  Khaïchin-koua, 

KHAÏFA  (V.  Caïffa). 

KHAILAR.  Rivière  de  Mongolie,  qui  représente  le  cours 
supérieur  de  VArgoun  et  prend  ce  nom  après  son  confluent 
avec  le  Dalai-goL  Dans  son  cours  supérieur,  près  du 
Grand  Khingan  d'où  il  sort,  il  porte  le  nom  de  Kouldour* 

KHAÏR-Addin  (V.  Barberousse). 

KHAÏR  Bey,  premier  pacha  turc  de  l'Egypte  (1517-22), 
mort  le  9  oct.  1522.  Ce  mamelouk  circassïen,  né  à  Sam- 
soun,  devint  le  favori  des  sultans  d'Egypte  qui  l'envoyè- 
rent comme  ambassadeur  auprès  de  Bayézid  (1497-98),  le 
firent  gouverneur  d'Alep,  puis  vice-roi  de  Syrie  (1504-05). 
Sa  trahison  décida  la  défaite  de  son  maître  Qansouh  et  la 
victoire  de  Sélim  P''  à  la  bataille  d'Alep.  Il  en  fut  récom- 
pensé par  le  pachalik  d'Egypte,  mais  le  sultan  lui  interdit 
de  sortir  de  la  citadelle  du  Caire.  Il  exerça  une  tyrannie 
impitoyable. 

KHÀÏRABAD  ou  KHYRABAD.  Ville  de  l'Inde  anglaise, 
province  du  N.-O.,  à  8  kil.  S.-E.  de  Sitapour,  dans  l'an- 
cien royaume  d'Aoudh  ;  16,000  hab.,  40  mosquées, 
30  temples  hindous.  —  Une  autre  ville  du  même  nom 
existe  sur  la  rive  droite  de  l'Indus,  en  face  d'Attok  (Pend- 
jab). —  Une  troisième,  dans  le  Turkestan  afghan,  à  45  kil. 
N.  de  Maïmené,  sur  le  Nari. 

KHAÏRAGARH.  Principauté  de  l'Inde  centrale,  dans  le 
Gondvana,  sur  le  plateau  de  Tchattigarsh,  bassin  du  Seou 
(affl.  de  la  Mahanadi);  2,435  kil.  q.;  140,000  hab.  en- 
viron. 

KHAÏRPOUR  ou  KHYRPOOR.  Principauté  musulmane 
de  rinde  anglaise,  dans  le  Sindh,  sur  la  rive  gauche  de 
l'Indus,  entre  le  fleuve  et  le  désert  de  Thurr  (Thar)  ; 
15,822  kil.  q.;  140,000  hab.  environ.  Entre  l'Indus  et 
la  Narra,  plaine  bien  cultivée  ;  le  reste  est  un  désert  par- 
semé de  collines  de  sable.  L'E.  est  peuplé  de  Radjpoutes, 
rO.  de  Djats  musulmans  ou  hindouistes.  Le  prince  ou  mir 
est  vassal,  mais  non  tributaire  de  l'Angleterre.  Il  appar- 
tient au  clan  baloutche  des  Talpour. 

11  existe  dans  l'Inde  plusieurs  petites  villes  de  ce  nom. 
La  principale  est  la  capitale  de  la  principauté,  à  24  kil. 
rive  gauche  de  l'Indus,  dans  une  plaine  marécageuse  ; 


KHAÏRPOUR  —  KHALIFAT  -^  500  — 

7,000  hab.  Etoffes  brodées,  bijoux  d'or,  armes  de  luxe. 
—  Une  autre  est  dans  le  Pendjab,  province  de  Moultan, 
rive  droite  du  Pandjnab;  4,000  hab.  Commerce  de  laine, 
coton,  grains;  tête  de  ligne  de  caravanes  qui  traversent 
le  désert  de  Thurr.  —  Citons  encore  trois  autres  bourgs 
du  Sindh,  district  de  Chikarpour. 

KHAÏV4N  ou  KHEIVAN.  Ville  d'Arabie,  province  du 
Yémen,  sur  la  route  de  La  Mecque  à  Sana,  à  150  kil.  de 
la  dernière  ville  ;  ancienne  capitale  des  rois  himyarites  ; 
ruines  de  leurs  palais  (V.  Yémen). 

KHÂKÂNI,  poète  persan,  né  à  Gendjeh  (moderne  Elisa- 
bethpol,  Caucase)  en  4106,  mort  à  Tebriz  vers  H 90.  Ses 
noms  étaient  Afzal  eddin  Hakaïkï,  et  il  fut  surnommé 
Khâkâni  par  son  maître  en  poésie.  Son  père,  Ali,  était  un 
simple  menuisier  et  sa  mère  une  esclave  d'origine  grecque. 
Abandonné  par  ses  parents,  il  fut  recueilli  par  son  oncle 
Mirza  Kafi  qui  resta  son  bienfaiteur.  Après  la  mort  de  ce 
dernier,  en  1130,  il  épousa  la  fille  du  poète  Aboul-Oula  qui 
fut  d'abord  son  maître  et  contre  lequel  il  écrivit  plus  tard 
des  satires.  Khâkâni  a  vécu  à  la  cour  des  rois  chervanides  du 
Caucase;  il  fit  néanmoins  plusieurs  voyages  et  visita  succes- 
sivement la  Perse,  le  Khorassan  et  l'Arabie.  Rentré  dans  sa 
patrie  vers  1160,  il  tomba  en  disgrâce,  et  le  sultan  Akhistan 
le  fit  enfermer  dans  le  château  fort  de  Chabran,  près  de 
Bakou,  où  il  resta  plusieurs  années.  Plus  tard,  ayant  perdu 
sa  femme  et  son  unique  fils,  il  écrivit  des  élégies  où  il  ra- 
conte ses  malheurs.  Comme  l'a  dit  son  historien,  «  Khâkâni 
est  une  des  figures  les  plus  brillantes  du  Parnasse  iranien. 
Contemporain  des  héros  des  premières  croisades,  il  nous  a 
laissé  une  peinture  exacte  de  plusieurs  scènes  de  la  vie 
intime  de  son  époque,  dont  on  chercherait  en  vain  la  trace 
dans  les  chroniques  contemporaines.  »         E.  Drouin. 

BiBL.  :  Khanikof,  Mém.  sur  Khâcânî,  dans  le  Journal 
asiatique^  1864. 

KHALED  ou  KHALLAD  (Oued).  Rivière  de  Tunisie,  née 
au  S,-E.  d'El  Kef,  dans  le  pays  montueux  des  Ouled  Ayar; 
elle  traverse  ensuite  la  plaine  de  Sers,  passe  dans  une  vallée 
pittoresque,  resserrée  souvent  en  gorges,  coule  du  S.  au 
N.,  passe  près  de  Dougga  et  va  se  jeter  dans  la  Medjerdah, 
à  rO.  de  Testeur.  Son  cours  est  d'environ  120  kil.  et 
dans  son  bassin  il  y  a  de  nombreuses  ruines  de  cités  ro- 
maines. E.  Cat. 

KHALED,  célèbre  disciple  de  Mohammed,  né  en  582, 
mort  à  Emèseen  641.  C'est  un  des  héros  de  l'islamisme. 
Du  clan  des  Koraïchites,  il  prit  d'abord  parti  contre  le 
Prophète  et  décida  sa  défaite  à  Ohod.  Il  se  convertit  en 
629  avec  Amr  et  fut  envoyé  par  Mohammed  en  Syrie  ;  il  y 
vainquit  les  Grecs  à  Monta  et  gagna  le  surnom  d'Epée  de 
Dieu,  Il  commanda  l'aile  droite  dans  la  marche  sur  La 
Mecque.  Abou-Bekr  le  chargea  de  conquérir  l'Irak  (633), 
puis  l'appela  en  Syrie.  Général  en  chef,  Khaled  enleva 
Bostra,  Palmyre,  assiégea  Damas  qu'il  prit,  après  avoir 
dispersé  l'armée  grecque.  Il  ne  laissa  aux  vaincus  que  trois 
jours  pour  leur  retraite,  puis  se  mit  à  leur  poursuite  et 
les  massacra  (634).  Le  khalife  Omar  le  destitua.  Il  con- 
tinua cependant  de  combattre  en  Syrie  sous  les  ordres 
de  son  successeur,  et  cette  magnanimité  mit  le  comble  à 
sa  gloire. 

KHALED  BEN  Yezîd  ben  Moâouïa  ou  CALID,  prince 
koraïchite,  de  la  famille  des  Omeyyades,  mort  en  708. 
Il  prétendit  au  khalifat,  sans  succès,  et  devint  un  des 
premiers  promoteurs  de  la  culture  scientifique  chez  les 
Arabes.  Il  fit  traduire  des  livres  de  médecine,  d'astrologie  et 
d'alchimie,  et  son  nom  est  prononcé  à  ce  titre  à  la  fin  du  livre 
arabe  de  Cratès,  publié  dans  le  troisième  volume  de  ma 
Chimie  au  moyen  âge*  Mohammed  ben  Ishaq,  dans  le 
Kitab  al  Fihrist^  lui  attribue  divers  ouvrages  d'alchimie. 
Deux  de  ces  ouvrages  auraient  été  traduits  en  latin  vers  le 
xii<^  siècle  :  du  moins  il  existe  deux  traités  alchimiques  la- 
tins qui  portent  son  nom,  le  Liber  trium  verborum  et  le 
Liber  secretorum  artis.  Calid  y  est  donné  comme  disciple 
de  Marianos  (Morienus  des  Latins),  moine  syrien  qui  aurait 
vécu  au  temps  d'Héraclius.  Les  ouvrages  réels  ou  préten- 


dus de  Calid  et  de  Morienus  sont  souvent  cités  au  moyen 
âge.  M.  Berthelot. 

KHALFALLA  ou  KRALFALLA.  Localité  de  l'Algérie,  sur 
les  Hauts-Plateaux  de  la  prov.  d'Oran,  près  du  point  cul- 
minant delà  voie  ferrée  qui  de  Saïda  va  vers  le  S.  (1 ,  150  m.); 
de  là  on  descend  vers  les  Chotts.  Il  n'y  a  que  quelques 
masures  à  côté  de  la  gare,  mais  lors  de  la  récolte  de  l'alfa 
c'est  le  point  de  concentration  des  ballots  qu'on  envoie  de 
là  à  Arzeu  et  il  y  a  alors  une  grande  animation.     E.  Cat. 

KHALFOUN  (V.  Beni-Khalfoun). 

KHALIFAT.  On  distingue  dans  l'histoire  des  peuples 
musulmans  trois  monarchies  spirituelles  connues  sous  le 
nom  de  khalifat  et  ayant  régné  simultanément  à  partir  du 
X®  siècle  de  notre  ère  :  1«  le  khalifat  d'Orient  ou  de  Mé- 
dine,  Damas  et  Bagdad  (632-1258);  2Me  khalifat  d' Oc- 
cident ou  de  Cordoue  (755-1031)  (V.  Espagne);  3^  le 
khalifat  fâtimite  (909-1171)  (V.  Egypte).  Le  premier, 
dont  l'historique  fait  l'objet  du  présent  article,  comprend 
trois  périodes  politiques  complètement  distinctes  :  1^  celle 
des  khalifes  orthodoxes^  dits  aussi  parfaits  ou  légi- 
times  ;  2<»  celle  des  khalifes  omeyyades  ;  S*'  celle  des  kha- 
lifes abhâsides, 

l.  Khalifes  orthodoxes  (El-Khoulafâ  er-Rachîdoûn) 
(632-661  ).  --La  mort  du  prophète  Mohammed  (8  juin  632), 
qui  ne  laissait  pas  de  postérité  mâle  et  n'avait  pas  solen- 
nellement désigné  son  successeur,  faillit  renverser  tout 
l'édifice  social  péniblement  élevé  au  prix  de  vingt  années 
d'efforts.  Le  choix  des  Ashâb  ou  compagnons  du'Prophète 
se  porta  sur  son  beau-père  Aboù  Bekr  (632-634)  qui  prit 
le  titre  de  «  vicaire  de  l'envoyé  de  Dieu  »,  khalifat  rasoûl 
Allah.  La  guerre  sainte  fut  aussitôt  proclamée,  et  les  Arabes 
se  ruèrent  à  la  conquête  du  monde.  L'Orient,  du  reste, 
présentait  une  proie  facile  :  les  deux  empires  rivaux  des 
Grecs  et  des  Perses,  épuisés  par  une  lutte  séculaire,  affaiblis 
par  les  factions  politiques,  étaient  en  outre  divisés  par  des 
sectes  religieuses  dont  l'esprit  était  favorable  à  l'islamisme. 
Khâlid,  Amrou  ibn  El-As,  Aboù  Obeïda,  etc.,  généraux  du 
khalife,  firent  des  conquêtes  rapides  dans  la  Chaldée  et  la 
Syrie.  Sous  Omar  ibn  El-Khattàb  (634-644),  la  triple 
bataille  de  Qâdisîya  et  celle  de  Néhâvend  amenèrent  la 
chute  de  l'empire  des  Perses  ;  la  prise  de  Memphis  et 
d'Alexandrie  rendit  les  Arabes  maîtres  de  l'Egypte,  de  la 
Nubie  et  de  la  Cyrénaïque.  Le  règne  du  faible  Olhmân  ibn 
Affân  (644-656),  qui  vit  l'empire  arabe  reculer  ses  fron- 
tières jusqu'à  la  Caspienne  et  Flndus,  vit  aussi  éclore  la  pre- 
mière guerre  civile.  La  lutte  entre  Hâchimites  et  Omeyyades, 
les  deux  familles  rivales  qui  constituaient  à  La  Mecque  et  à 
Médine  l'aristocratie  de  naissance  et  l'aristocratie  de  for- 
tune, partagea  le  monde  musulman  en  plusieurs  camps  ré- 
clamant la  déchéance  d'Othmân  devenu  impopulaire  et  se 
mettant  sous  la  bannière,  qui  d*Ali,  gendre  et  fils  adoptif  du 
Prophète,  trois  fois  évincé  d'un  pouvoir  qu'il  considérait 
comme  son  héritage,  qui  de  Zobeïr,  qui  de  Talha.  Ali  ibn 
Abi  Tâlib,  après  l'assassinat  d'Othmân,  parvint  enfin  au 
khalifat  (656-661).  De  son  côté  se  groupèrent  ceux  qui 
avaient  conservé  l'enthousiasme  reUgieux  et  le  désintéres- 
sement des  premiers  temps.  Du  côté  de  Moâwiya,  son 
rival,  qui  était  arrière-petit-nls  d'Omeyya,  accoururent  les 
Qoreïchites,  ivres  d'une  ambition  que  le  Prophète  avait  long- 
temps comprimée  et  dont  l'orthodoxie  était  fort  sujette  à 
caution.  Moâwiya  souleva  la  Syrie  et  se  fit  élire  khalife 
à  Danias.  Ce  fut  le  signal  d'une  lutte  épique  et  sauvage 
qui  prit  fin  le  jour  où  Ali  tomba  sous  le  poignard  d'un  sec- 
taire khâridjite. 

II.  Khalifes  Omeyyades  (661-750).  — La  mort  de  celui 
que  les  Arabes  surnommèrent  «  le  lion  d'AUâh  »  consacra  le 
triomphe  du  parti  omeyyade.  Dès  lors,  l'Eglise  musulmane 
se  partagea  par  un  schisme  éclatant  en  deux  grandes  sectes  : 
chiites,  partisans  d'Ali,  et  sunnites  orthodoxes,  dont  le 
temps  n'a  pas  éteint  la  haine  réciproque.  Moâwiya  (661 -680), 
homme  de  génie  et  d'intrigue,  dépouilla  Médine  de  son 
titre  de  métropole  au  bénéfice  de  Damas,  s'appuya  sur  les 
Bédouins  et  les  Syriens,  rendit  le  khalifat  héréditaire  dans 


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LOLME  —  LOMBAIRE 


entra  au  coBseil  des  Deux-Cents.  Son  principal  ouvrage,  qui 
a  eu  cinq  éditions  françaises  à  Amsterdam,  Genève  et  Pa- 
ris et  un  grand  nombre  d'éditions  anglaises,  est  intitulé 
la  Constitution  de  f  Angleterre,  ou  l'Etat  du  gouver- 
nement anglais,  comparé  à  la  fois  avec  la  forme  ré- 
publicaine et  avec  les  autres  monarchies  de  VÈùrppe 
(Amsterdam,  \  774).  Citons  encore  parmi  sek  œuvres  écrites 
en  anglais  ;  The  History  of  the  Flagellants  (Londres, 
1777).  E.  K. 

LOLR/IO  (Giovanni-Paolo),  peintre  italien,  né  à  Bër- 
game,  mort  après  1595.  Oh  connaît  de  liîi  un  tableau 
d'autel  de  1587,  représentant  Saint  Roch  et  saint  Sé- 
bastien^ dans  l'église  Santa  Maria  Maggiore,  à  Bergatoe, 
et  une  Madone  signée  au  musée  de  Berlin.     . 

LOLO.  Groupe  de  peuplades  du  S.-O.  delà  Chine,  prov. 
du  Sse-lchouen,  du  Kouei-tchéou  et  du  Yunnan  ;  ils  n'y 
subsistent  plus  qu'à  l'état  de  tribus  isolées  dans  les  mon- 
tagnes, notamment  dans  celles  du  taliang-chan  et  au  N,~E. 
de  la  ville  de  Yunman-fou.  On  a  indiqué  aux  art.  Asie 
(t.  IV,  p.  121)  et  Chine  (t.  Xï,  p.  90)  leur  position  eth^ 
nographique.  Eux-mêmes  se  qualifient  d'autochtones  (tou- 
kia).  On  les  divise  en  Hei  (noirs)  et  Pei  (blancs),  ce  qui 
est  une  division  politique,  mais  non  ethnique,  les  premiers 
étant  plus  civilisés  et  disposés  à  se  soumettra  aux  Chinois. 
Les  Lolo  sont  grands,  vigoureux,  à  teinte  tbncée,  larges 
épaules,  muscles  en  relief,  visage  ovale,  à  profil  droit,  oez 
droit,  parfois  busqué,  yeux  horiz()ntaux  proibhdéipent  en- 
foncés dans  l'orbite,  fronlj  droit  à  bosses  acçuséeé,  barbe 
noire  frisée,  assez  abondante,  menton  assez  large  et  proé- 
minent; les  femmes  sont;  grandes  et  fortes,  avec  la  tàîllè 
très  marquée,  le  teint  plus  clair  que  les  hommes  ;  elles 
travaillent  aux  champs,  sont  gaies,  coquettes,  nullement 
timides;  la  coiffure  varie  selon 'qu'^H^s  sont  filles,  épouses, 
mères.  JEUes  ont  une  grande  place  dans  la  société  ;  sauif  les 
chefs,  les  Lolo  sont  monogames.  Ils  ont  uiie  écifiture  spéciale. 

BiBL.  :  Voyages  de  Fr.  Garnier,  Duppis,  RqChbr, 
CoLBORNE,  Baber,  Colqhoun,  etc.  —  V.  la  bibl.  des  art. 
Asie,  Chine  et  Miao-tse. 

LOM«  Nom  de  deux  affluents  4e  droite  du  Danube,  en 
Bulgarie.  —  Le  Lom  oriental  est  formé  par  la  réunion 
du  Lom  blanc  (Ak  Lom  ou  Bie^i  lom)  et  (lu  Lom  noir 
(Kara  Lom  ou  Tser7îi  Lom)  qui  descendent  dii  versant 
N.  du  Balkan.  ïl  se  jette  dans  le  Danube  après  lih  cpiirs 
de  25  kil.  dans  la  direction  du  S.tÈ.au  N.-O.  •—  LeXow 
occidental^  VAlmeus  des  anciens,  descend  du  massif  du 
Sveti  Nikolas  et  tombe  dans  le  panube  près  de  Lom  Pa- 
lanka,  au-dessous  de  Widdin. 

LOi  Pâlanka.  Ville  de  JOiulgarie,  ch.-l.  de  district,  sur 
la  rive  droite  du  Danube,  au  confluent  du  Lom  occidental; 
7,000  hab.  Station  imporknte  de  bateaux  à  vapeur,  en- 
trepôt du  commerce  de  iaciilgarie  du  Ni-d. 

LOi  A  (Monts).  Chaîne  de  hauteui's  de  l'Afrique  occi- 
dentale qui  sépare,  d'après  les  derniers  traités  (40  août 
4889), la  colonie  de  Sierra-Leone  de  nos  possessions  fran- 
çaises du  Soudan.  Une  de  ces  hauteurs,  à  Tembi-Counda, 
donne  naissance  aux  sources  do  Niger, 

LO MAGNE  (Leomania).  Ancien  pays  de  France,  ayant 
titre  de  vicomte,  qui  forme  une  partie  des  dép.  actuels 
du  Gers,  de  la  Haute-Garonne  et  de  Tarn-et-Garonne. 
Le  chef-lieu  était  Lectoure,  qui  devint  la  capitale  des 
comtes  d'Armagnac,  lorsque  ces, princes  furent  maîtres 
du  pays.  Dès  le  xii®  siècle,  la  Lomagne  fut  unie  à  la  vi- 
comte d'Auvillar.  Au  siècle  dernier,  le  pays  formait  une 
élection  dépendant  de  la  généralité  d'Auch,  et,  au  point  de 
vue  judiciaire,  était  dans  le  ressort  du  parlement  de  Tou- 
louse. Au  point  de  vue  ecclésiastique,  Farchiprètr^  de  Lo- 
magne était  un  des  quatre  archiprêtrés  du  diocèse  de 
Lectoure  ;  il  comprenait  dans  son  ressort  52  églises  ps^- 
roissiales  ou  annexes,  dontMauroux  était  le  chef-lieu.  Une 
faible  partie  de  la  Lomagne,  dont  Lavit  était  la  vi|le  prin- 
cipale, dépendait  du  diocèse  de  Montauban. 

Histoire.  —  Au  temps  de  César,  la  Lomagne  était  habi- 
tée par  les  Lactorates  ;  sous  Ètonorius,  elle  fit  partie  de  la 


Novempopiildhie  ;  de  là  doriiination  roinaine,  elle  passa  sous 
celle  dbs  Visigoths  et  finit  par  dépendre  du  duché  de  Gas- 
cogne. Yei^s  1960,  là;  Lomagne  eut  des  vicomtes  particuliers; 
Odoat  ^,st  le  kemifer  dont  on  ait  mention  ;  il  fut  père  de 
RaynicJtidj-Arnaud,  vicomte  de  Lomagne  éti  990,  qui  eut 
pour  fils  Arnaud,  vicomte  en  4044,  Celui-ci  eut  pour  fils  et 
successeur  Aéiâud  II,  qui  ne  laissa  qd'une  fille.  Après  lui, 
ontroUN'é  pdiir  vicomtes  Odon  P^  oii  Eudes  Vers  4065, 
Vesiaiï  (44(1$)  et  Eudes  H  (443748).  Ce  dernier  ne  laissa 
que  dedx  Aies  de'  sa  femme  Adélaïde;  l'ainée,  nomniéë 
Azejiri^,  ^oi%  la  vièomté  de  Lomàgné  daris  la  maison  d'Ar- 
mâ^nâc,  jlai^  èOti  hiariâge  vers  4435  avec  Géraud,  comte 
d'At'mijgîîiic^' et  edt  de  ce  det'nier  deux  fils  :  le  Second, 
Othbtti  fiit  yièomte|  de  Lomagne  après  son  aïéill  maternel. 
Othbii  W,  Vjiddmté  ile  Lojtïiâghe  eh  4448,  se  déthit  dé  sa 
vico:thté  éii  m^iir  dé  son  fils  aîné,  Vesian,  en  4480.  Ve- 
siah  14  (44é0-4^â|)  eut  pour  sùëbéssedrs  Othoil  II,  puis 
Arhaud-Othbîi^  que  sa  seconde  femme,  Marié  ilë  Sauve, 
rendît  '0rQ  clé  YéSiân,  trbisièîne  du  noni,  hïOrt  sans  posté- 
rité éd  p8i),  et  dé  Philippe,  devenue  par  la  itibrt  de  son 
frère  viccimte^se  de  Lomagne  et  d'Auvillar  ;  elle  étdît 
fen^ilne  d'IIè}ié:Tale|rrarid,  comte  de  Périgord,  auqiiél  eUe 
fit  donatitih  dé  ses  terres  en  4^86.  Celui-ci  céda  la  vicomte 
de  tomsigile:  à  Philippe  le  Bel  qiii  en  fit  don  eîi  4305  à 
Arriaud-GÉifcië  de  Goth;  la  petite- iille  dé  ce  déMer,  Ré- 
gine dé  Gé^li,  la  laissa  jiar  testament  en  lâ^i5  à  hàh  11, 
cdfiTO  :d*Alm^^rîâc,  son  iiiari,  qui  M  ibéuriit,  avec  là  vicomte 
d'AiiVill^rJ  a  ses  démàinès.  Depuis,  la  Lomàgrîè  fit  pàkie 
ihtégràhtëjld  comté rd'Arihagnàc  ;  les  aîîiés  de  la  ifàmille  pv~ 
iètêfit  le  titfe  de  yfcomiés  d^  Lomagne.  H.  Courtèàujlt. 
Ë^L.  :  èiiAzôT  db  Nàktigny,  Abrégé  de  la  génêaiogie 
desvi0omtè&de  Lf^magne;  Paris,  1757,  in-12.  —  D.  V^ts- 
SEîTB,  '•■Bi&'.l^àfrë  de  jLangf^èctoc,  passira..  —  Da;ux,  Mûtes 
hîstorlqu&,i>  sur  Vafchiprêtré  de  Lomagne.  dans  la  Revue 
de  Gfi^co^M  l  Auch,  188Ô,  t.  XXVIJ,  in-8.  ' 

liQIfllf  1^  JElivièifé  du  ^on^o  (V.  ce  mot). 

LOWaS  Êajas.  f*etit  village  dti  Chili  septentrional  qui 
ne  {doit  s^|n  îriaportanc^  qu'à  Ses  mines;  êOO  hab.  Il  se 
trouve  daïis  l^  prtivince  d'Ataeamà,  daris  des  montâmes 
de  t252  in,  <^'alt.  ;  il  ék  à,  5$  kil.  S.-E.  de  Go|^iapo  et 
fait  partie  de  e^e  départeiiient.  Onze  ihiiiës  d'argent  l'én- 
toujfent  (CJamien,  l)iana,  Jàrellbn,  èt(c.),  produisaiit  près 
de  2,000  tonilés  de;  minçai.  | 

lOmktZÙ  (Giovanni-Paolo)^  peintre  et  littérateur  ita- 
lien; ne  là  Milan  en  4538,  mért  en  4588.  Elève  de  Gari- 
den:^i|0  Peii-ràri  (dont  iletait  petit-èlréle  neveu)  et  de  J.-B. 
délia  Cérva,  il!  a  i^ànt  ttfiètp^re  de  Melchisédech  dans 
l'église  de§  Roi^chetfpi  (à  l'huile^  sur  raiir),  une  Piété  dans 
Fégiise  dçs  Capucîhs,  ^  MilaïKj  une  fresque  burlesque 
(Nourriture  dfi  caf'ême)  daiis  le  réfectoire  de  Saint-Au- 
gustin, à  ïflaisatnce,  etc.  On  io^^  là  hardiesse  du  dessin,  là 
vivacité  dii  éolbris.  Devenu  ayeligle  à  trente-trois  ans,  il 
rédigea  des  traifés  théoriques  doiit  la  vogue  fut  considérable: 
îrattap  deltarte  dellà  pilt^ra  (Milan,  d584);  îdea 
del  tempio  delta  pittura  (4^^p),  etc. 

BïBL.  :  èuALANDij  Éefnorië,  \originali  di  belle  arti,  — 
FioRiLLo,  BiéL  de  h  peinturé  italienne. 

LOMBAIRE  (Région)  (Anat,).  La  région  lombaire  ou 
région  des  Idnibes  èdrrésppïiid  ^ur  le  s(}uëlette  mx  cinq  ver- 
tèbres lombaires.  Elle  est  întei-Médiairé  aux  régions  dorsale 
et  sacrée  âsdis^  Je  sens  longltudipal,  lîitet'médiaire  aux  ré- 
gions latérales  de  l'àbdonjién  dâijs  le  sens  trarisversàl.  Cooime 
limites,  oh  |lëiit  llli  àccoï^dèi»i  éh  haut,  là  douzième  côte; 
en  bâSi  la  nioi^ié  Jd^terieure  de  la  crête  iliaque  ;  latérale- 
ment, soit,  avec  Bl^ndiii,  lé  béi^d  externe  dd  muscle  sacro- 
lombaire,  soit,  avec  Tilljidx,  lé  bord  postérieur  du  muscle 
graiid  bblifîi(e  de  f'ilibdoïïliën.  tés  deux  réglons,  dboite  et 
gauche^  réuâîés  sù:r!|lali|iië  médlaîie,  pedvènt  être  envisa- 
gées c(|mïne,drie  réiiëh  impàiï'l,  médiane  et  symétrique, 
étendue  eiiijmohdéur  de,  là  |)ë|u  au  péritoine. 

La  ferme  de  ceit'ô  ,ré|ioti  m  la  suivante:  sur  la  ligne 
médiarie,  uné^  goût tf ère  étroite  |d  fond  de  laquelle  on  sent 
la  crête  formée  par  les  àpophysfë  épiiieuses  des  vertèbres 


LOMBAltlE  —  LOMBARD 

des  lombes  ;  sur  les  côtés,  deux  saillies  arrondies  formées 
par  la  masse  commune  des  muscles  spinaux  ;  en  dehors  de 
ces  saillies,  un  méplat  correspondant  au  bord  externe  du 
muscle  carré  des  lombes.  Comme  forme  générale,  elle  est 
concave  de  haut  en  bas,  convexe  de  dehors  en  dedans.  La 
concavité  forme  la  cambrure  des  reins;  elle  est  en  relation 
directe  avec  la  courbure  lombaire  de  la  èolonne  vertébrale 
et  varie  avec  les  races,  les  individus  et  le  sexe.  La  région 
lombaire  a  une  structure  complexe.  Elle  comprend'  les 
couches  suivantes,  de  la  superficie  k  la  profondeur  :  4*^  la 
peau,  épaisse  et  peu  mobile,  douée  d'une  sensibilité  relati- 
vement restreinte  ;  21^  le  tissu  cellulo-graisseux  sous-culahé, 
dense  et  peu  chargé  de  graisse  ;  3«  f  aponévrose  lombaire, 
lame  fibreuse  nacrée  et  très  épaisse,  de  fori^ie  losahgique, 
s'attachant  sur  la  crête  des  vertèbres  lombaires,  et  donnant 
insertion  par  ses  bords  supérieurs  aux  fibres  du  muscle 
grand  dorsal,  par  ses  bords  inférieurs  aux  fibres  du  grand 
fessier,  et  de  plus  aux  aponévroses  du  petit  dentelp  infé- 
rieur, du  petit  oblique  et  du  feuillet  superficiel  du  trans- 
verse de  l'abdomen;  entre  cette  apon^vro^e,  le  bord  pos- 
térieur du  muscle  grand  dorsal,  et  la  crête  iliaque  est  un 
petit  espace  triangulaire,  où  la  pfiroi  abdoniinale  est  affai- 
blie ;  c'est  le  triangle  de  J.~L.  Petit,  par  lequel  se  fait  la 
hernie  lombaire  ;  4^  la  masse  musculaire  sacro-lombaire, 
origine  des  muscles  spinaux,  insérée  à  ra|)onévrose  lom- 
baire et  au  squelette  environnant;  5*^  les  apophyses  trans- 
verses des  vertèbres  lombaires,  réunies  entre  elles  par  les 
muscles  intertransversaires  et  prolongées  en  dehors  par  une 
lame  fibreuse  qui  s'attache  à  leur  somrnet  et  proVient  du 
feuillet  superficiel  ou  postérieur  de  Tapcihévfose  démuselé 
Iransverse  de  Fabdomen;  6**  le  muscle  carré  des  lombes, 
inséré  en  haut  à  la  douziènje  côte  et  en  bas  à  la  crête 
iliaque,  et  le  ligament  ilio-lombaire  étendu  de  l'apophyse 
transverse  de  la  cinquième  vertébré  lombaire  au  tiers  pos- 
térieur de  la  crête  iliaque  ;  7^  un  mince  feuillet  iibreux, 
l'aponévrose  profonde  ou  antérieure  du  miiscle  transverse, 
qui  s'attache  au  corps  des  vertèbres,  au  niveau  de  }a  base 
des  apophyses  transverses;  8^  le  rein  daUsla  rmïtik  supé- 
rieure de  la  région,  le  côlon  lombaire  dans  la  moitié  infé- 
rieure ;  le  rein  est  entouré  d'une  atmosphère  graisseuse 
(capsule  cellulo-adipeuse  du  rein)  ;  9^  le  péritoine. 

Vaisseaux  et  nerfs  lombaires.  -—  Les  artères  lom- 
baires^ au  nombre  de  quatre  à  cinq  de  chaque  côté,  nais- 
sent des  parties  latérales  de  Faorté  abdominale  et  continuent 
la  série  des  intercostales.  Elles  ont  un  rameau  dom-spinal 
et  un  rameau  ventral  qui  irrigue  les  paroi^  abdominales 
en  s'anastomosant  avec  lépigastrique,  la  mammaire  interne, 
l'ilio-lombaire  et  la  sous-cutanée  abdominale. 

Les  veines  lombaires  correspondent  aux  artères  lom- 
baires et  se  jettent  dans  la  veine  cave  inférieure,  en  com- 
muniquant d'ordinaire  par  un  canal  avec  la  veine  azygos 
en  haut,  la  veine  ilio-lombaîre  en  bas.  A  gauche,  elles 
passent  derrière  l'aorte. 

Les  vaisseaux  lymphatiques  de  la  région  lombaire  sont 
superficiels  et  profonds  ;  les  premiers  se  rendent  aux  gan- 
glions de  Faine,  les  seconds  aux  ganglions  lombaires.  Ces 
derniers  constituent  une  chaîne  qui  avoisihe  l'aorte  et  la 
veine  cave  inférieure. 

Les  nerfs  lombaires^  au  nombre  de  cinq,  continuent 
la  série  métamérique  des  nerfs  spinaux.  Le  premier  passe 
entre  les  deux  premières  vertèbres  lombaires,  le  dernier 
entre  la  dernière  vertèbre  lombaire  et  le  sacrum. 

Le  plexus  lombaire^  plexus  nerveux  situé  dans  l'épais- 
seur même  du  muscle  psoas,  est  formé  par  l'anastomose 
des  branches  antérieures  des  quatre  premiers  nerfs  lom- 
baires. Le  premier  nerf  reçoit  une  anastoniose  du  dernier 
nerf  dorsal,  tandis  que  le  dernier,  réuni  ^  une  partie  du 
quatrième,  se  jette  dans  le  plexus  sacré  sous  le  nom  de 
nerf  lombo-sacré.  Chaque  nerf  lombaire  reçoit  enfin  une 
branche  des  deux  ganglions  àyk  grand  sympathique  les  plus 
voisins.  Le  plexus  lombaire  fournit  quatre  branches  colla- 
térales destinées  aux  téguments  et  aux  muscles  de  Fabdo- 
men, à  la  peau  des  organes  génitaux,  de  la  fesse  et  de  la   j 


500  ~- 

région  antéro-éxterne  de  la  cuisse  {nerf  grand  abdù- 
mino-génital,  nerf  petit  abdomino-génital,  nerf  fé- 
morO'-cutané,nerfgénilO'Crural)y  et  trois  branches 
terminales  destinées  aux  muscles  psoas-iliaque  et  obtura- 
teur externe,  à  tous  les  muscles  des  régions  antérieure  et 
interne  de  la  cuisse  et  à  la  peau  des^régions  interne  et 
antérieure  de  la  cuisse,  antérieure  du  genou,  interne  delà 
jambe  et  du  pied  {nerf  crural,  nerf  obturateur). 

Carré  lombaire.  îfîuscle  de  la  paroi  postérieure  de  Fab- 
domen [ilio-costal  de  Chaussier)  ;  il  est  expirateur.  — 
Citerne  lombaire  ou  de  Pecquet  (V.  Lymphatique).  — 
Côlon  lombaire  (V.  Côlon).  —  Vertèbres  lombaires 
(V.  Vertèbre).  —  Renflement  lombaire  (V.  Moelle  épi- 
niére).  —  Névralgie  lombaire.  Névralgie  occupant  le 
trajet  des  nerfs  du  plexus  lombaire.        Ch.  Debierre. 

LOMBARD.  Gom.  dudép.  du  Doubs,arr.  de  Besançon, 
cant.  de  Quingey  ;  209  hab. 

LOMBARD.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Lons-le- 
Saunier,  cant.  de  Sellières;  2'70  hab. 

LOMBARD  (Lambert),  peintre  et  architecte  flamand, 
né  à  Liège  en  1506,  mort  à  Liège  en  avr.  1566.  Elève 
d'Arnould  de  Beér  et  à  Middelbourg  de  Jan  Gossaert,  il  fut 
protégé  par  Févêque  de  Liège,  Erard  de  La  larck,  qui  l'en- 
voya à  Rome  d'où  il  revint  en  \  539.  D'une  famille  de 
banquiers  itahens,  il  paraît  cependant  n  avoir  jamais  été 
riche,  bien  qu'il  se  soit  formé  une  très  belle  collection 
d'antiques  qui  à  sa  mort  fut  achetée  par  Feinpèreur  Ro- 
dolphe pour  le  cabinet  de  Vienne.  Lambert  Lombard  était 
très  versé  dans  les  sciences  mathématiques  et  il  avait  une 
grande  réputation  comme  poète  latin.  Il  voyagea  en  France 
où  il  dessina  avec  un  grand  goût  du  pittoresque  beaucoup 
de  croquis  de  châteaux  en  ruine,  et  en  Italie  où  il  subit 
l'influence  nouvelle.  Il  rapporta  à  Liège  le  goût  de  la 
Renaissance  et  il  forma  à  son  école  Hubert  Goltzius,  Franz 
Floris,  Willem  Key.  Aujourd'hui  ses  tableaux  sont  rares. 
On  voit  de  lui  :  à  Liège,  les  Israélites  s'apprêtant  à 
sacrifier  V agneau  pascal;  à  Bruxelles,  les  Calamités 
humaines,  deux  volets  avec  un  fond  de  Rome  ;  à  Vienne, 
r Adoration  des  Bergers;  à  Berlin,  une  Madone;  à 
Hanovre,  Résurrection  de  Lazare  ;  à  Florence,  Descente 
de  croix;  et,  dans  une  collection  particulière  à  Bruxelles, 
la  Pêche  miraculeuse,  et  de  nombreux  dessins.  Balthasar 
Bos  a  gravé  plusieurs  de  ses  œuvres  :  la  Gène  (155i); 
Moïse  frappant  le  rocher,  Esther  et  Âssuérùs,  Comme 
architecte,  Lambert  Lombard  avait  aussi  grandement  pro- 
fité de  son  séjour  en  Italie,  et  il  construisit  en  Flandre 
d'importants  monuments  dans  le  style  de  la  Renaissance, 
tels  le  portail  de  Saint- Jacques  (1558)  à  Liège.  —  Ha 
été  confondu  par  Sandrart  avec  Lambert  Suavius,  qui  fut 
son  beau-frère,  qui  a  gravé  une  Charité  de  lui  et  de 
qui  Fon  voit  au  musée  de  Naples  un  Jésus  au  calvaire. 
On  l'a  quelquefois  confondu  aussi  avec  Lambert  Suter- 
înan.  Etienne  Bricon. 

BiBL.  :  Dominique  Lampsonius,  Lamberti  Lombardi 
apud  Eburones  pictoris  celeherrimivita;  Bruges,  1565.  — • 
C.  Van  Mander,  le  Livre  des  peintres,  trad.  Hymans, 
l.l.  — Etude  sur  Lambert  Lombard,  peintre  liégeois;  Liège, 
1858.  —  Isaac  Bullart^  A  cadémie  des  sciences  et  des  arts, 
t.  IL  —  Aug.  ScHOY,  les  Grands  Architectes  de  la  Renais- 
sance aux  Pays-Bas  :  Lambert  Lombard;  Bruxelles,  1876. 

LOMBARD  (Claude-Antoine),  chirurgien  militaire  fran- 
çais, né  à  Dole  en  d741,  mort  à  Paris  le  d5  avr.  1841. 
Il  se  fit  conférer  la  maîtrise  à'Besançon,  puis  revint  à  Dole 
comme  chirurgien  en  chef  des  hôpitaux  civils  et  militaires 
et,  après  avoir  servi  dans  les  armées,  vint  à  Strasbourg 
comme  médecin  en  chef  de  Fhépital  militaire.  Parmi  ses 
nombreuses  publications,  citons:  Cours  de  chirurgie 
pratique  sur  les  maladies  vénériennes  (Strasbourg, 
1790,  2  vol.  in~8);  Clinique  chirurgicale  des  plaies 
faites  par  armes  à  feu,  etc.  (Lyon,  Strasbourg  et  Paris, 
1804,  in-8),  etc.  D-*  L.  Hn. 

LOMBARD  (Charles-Pierre),  apiculteur  français,  né  en 
1 743,  mort  en  1 824.  Ancien  procureur  au  parlement  de  Pa- 
ris, il  collabora  de  1790  à  1792  à  des  journaux  royalistes, 


503  — 


KHALIFAT 


sur  lui  et  sur  sa  descendance  toutes  les  responsabilités  du 
pouvoir  temporel.  Reconnu  par  le  khalife  comme  sultan 
suprême,  proclamé  souverain  de  FOrient  et  de  l'Occident, 
roi  des  Persans  et  des  Arabes,  Toghrul  se  trouve  dès  lors 
investi  de  l'omnipotence  absolue.  Ce  qui  avait  constitué  à 
l'origine  l'empire  abbâside  est  devenu  l'empire  seldjoucide, 
dont  l'unique  chef,  le  souverain  temporel,  est  le  Turc  Togh- 
rul (f  4063).  El~Qâïm  jouit  paisiblement  du  khalifat  sous 
la  tutelle  des  glorieux  successeurs  de  ce  conquérant,  Alp 
Arslân  et  Malik  Chah  qui  se  firent  les  continuateurs  éclai- 
rés de  la  civilisation  arabe  en  leurs  capitales  de  Merv  et 
Nichabour. 

El-Moqtadi  (1075-1094)  dut  à  la  puissance  de  Malik 
Chah  l'honneur  de  recouvrer  sur  les  villes  saintes  la  supré- 
matie spirituelle  dont  les  Abbâsides  avaient  été  dépouillés 
un  siècle  auparavant  par  les  Fâtimites.  El-Mostadhir 
(1094-1118)  régnait  sous  Bakiaroq  (f  1104),  quand 
Jérusalem  tomba  aux  mains  de  Godefroi  de  Bouillon.  Bag- 
dad fut  plongée  dans  la  consternation.  Mais,  pour  répondre 
à  un  événement  aussi  grave,  que  pouvait  faire  le  pontife 
impuissant  dont  la  misssion  consistait  à  officier  à  la  mos- 
quée dans  le  plus  humble  appareil?  On  peut  dire  que,  à 
partir  de  la  première  croisade,  le  khalifat  d'Orient  n'a 
plus  d'histoire,  la  métropole  de  l'Islam  étant  trop  éloignée 
du  vaste  champ  de  bataille  où  se  déroule  le  duel  entre 
musulmans  et  Francs.  Les  princes  syriens  et  égyptiens 
resteront  seuls  en  contact  avec  les  infidèles  dont  les  pro- 
grès seront  singulièrement  favorisés  par  le  schisme  qui 
divise  Abbâsides  et  Fâtimites  et  la  lutte  fratricide  engagée 
entre  les  princes  de  la  famille  de  Seldjouq  et  bientôt  après 
entre  les  sultans  Ayyoûbites  (1171-1250).  Dans  Tannée 
où  meurt  El-Mostadhir,  Mohammed  l^'*,  successeur  de 
Barkiaroq,  s'empare  de  Bagdad  par  trahison.  El-Mostar- 
chid  (1118-35),  prince  brave  et  intelligent,  eût  pu,  en 
des  temps  plus  prospères,  faire  revivre  la  gloire  de  ses 
ancêtres;  mais  il  était  trop  tard.  Ayant  voulu  s'affranchir 
de  la  tutelle  seldjoucide,  il  fut  vaincu  et  détrôné.  Er- 
Râchid  (1135-36)  eut  la  même  ambition  et  le  même 
sort. 

El-Moktafi  (1136-60)  profita  cependant  des  courageuses 
tentatives  de  ses  prédécesseurs  pour  rendre  au  khalifat 
son  ancienne  indépendance.  A  la  faveur  des  dissensions 
qui  désolaient  le  vaste  empire  seldjoucide,  il  se  posa  ou- 
vertement comme  prince  souverain  au  temporel  et  au  spi- 
rituel, triompha  des  attaques  dirigées  contre  Bagdad,  et 
réussit  à  se  faire  reconnaître  au  delà  des  murs  de  Bagdad,  en 
Irâq-Arabi.  C'est  tout  ce  qu'il  pouvait  faire.  Il  en  fut 
ainsi,  grâce  à  ce  prince,  jusqu'à  la  chute  du  khaUfat,  et  les 
six  derniers  khalifes  n'eurent  pas  la  honte  de  laisser  à 
d'autres  le  soin  du  gouvernement.  Ils  purent  par  eux-mêmes, 
et  suivant  leur  caractère,  protéger  dans  leur  petit  Etat  le 
commerce  et  l'industrie,  les  lettres  et  les  sciences,  s'inspi- 
rant  des  grands  noms  d'El-Mansoûr,  de  Hâroûn  et  d'El-Mâ- 
moûn,  sans  que  nul  n'entreprît  de  censurer  leur  conduite. 
Bagdad  resta  de  la  sorte  la  muette  spectatrice  des  révo- 
lutions qui  agitèrent  les  grands  Etats  musulmans  fondés 
sur  son  ancien  domaine.  En  1171,  la  dynastie  rivale  des 
Fâtimites,  renversée  par  le  Kurde  Saladin,  fit  place  en 
Egypte  à  la  dynastie  des  Ayyoûbites.  Cette  révolution  eut 
un  heureux  résultat  pour  El-Mostadi  (1170-80),  succes- 
seur d'El-Mostandjid  (1160-70),  dont  l'orthodoxe  Saladin 
s'empressa  de  faire  proclamer  le  nom  dans  toutes  les  mos- 
quées de  son  empire. 

Le  long  règne  d'En-Nâsir  (1180-1225)  vit  enfin  le 
démembrement  et  la  ruine  de  l'empire  élevé  par  Toghrul 
Beg  :  ce  fut  l'œuvre  des  Ayyoûbites,  des  chahs  du  Khâ- 
rizm,  puis  des  Tatars-Mongols.  Pressé  dans  sa  capitale  par 
le  châhduKhârizm,  Mohammed  ibn  Takach,  le  khalife  ne 
dut  son  salut  qu'à  la  terreur  qu'inspira  tout  à  coup  l'ap- 
proche d'un  nouveau  conquérant,  plus  terrible  que  les 
premiers.  Djengis  Khân,  déjà  maître  de  la  Chine  septen- 
trionale et  de  la  Tatarie,  lançait  ses  hordes  sauvages  à  la 
conquête  du  monde  civilisé.  Bagdad,  menacée  par  ses  lieu- 


tenants à  deux  reprises,  sous  Ed-Dhâhir  (4225-26)  et 
El-Mostansir  (1226-42),  succomba  à  la  troisième.  Son 
petit' fils  Houlagou,  khân  des  Mongols  de  Perse,  avait  ré- 
solu l'anéantissement  du  pontificat  abbâside  et  depuis  quel- 
que temps  déjà  entretenait  des  intelligences  dans  Bagdad 
avec  le  propre  vizir  du  khalife  El-Mostasim  (1242-58). 
Grâce  à  ce  traître  nommé  Alqamî,  le  khalife,  dont  il  avait 
su  capter  la  confiance,  ne  songea  même  pas  à  résister.  Il 
voulut  négocier,  ce  fut  en  vain.  Le  5  févr.  1258,  Bagdad 
fut  emportée  d'assaut  et  saccagée  sept  jours  durant  par 
150,000  Mongols  ivres  de  sang  et  de  carnage.  Le  malheu- 
reux khalife  fut  chargé  de  fer  et  étranglé.  En  lui  s'étei- 
gnit le  khalifat  d'Orient  qui  avait  duré,  depuis  la  mort  du 
Prophète,  626  ans  et  était  demeuré  508  ans  aux  mains 
des  fils  d'Abbâs. 

La  dynastie  abbâside,  cependant,  devait  se  perpétuer 
pendant  encore  280  ans.  Un  fils  du  khalife  Ed-Dhâhir, 
échappé  au  fer  des  Mongols,  alla  chercher  un  asile  à  la 
cour  des  sultans  mamlouks  d'Egypte.  Soultân-Bibars  (1260- 
77)  l'accueillit  et  le  fit  proclamer  khaUfe  sous  le  nom  d'El- 
Mostansir.  Ses  successeurs,  au  nombre  de  seize,  héritèrent 
de  ce  titre  illusoire  et,  comme  lui,  restèrent  en  Egypte 
sans  influence.  Cette  ombre  de  souveraineté  subsista  jus- 
qu'à la  conquête  de  l'Egypte  par  les  Turcs,  en  1517.  Sé- 
lim  l^^  s'empara  de  la  puissance  sacerdotale  des  khalifes 
et  la  légua  à  sa  descendance  entre  les  mains  de  laquelle  elle 
s'est  conservée  jusqu'à  nos  jours. 

Institutions  du  khalifat.  —  Pendant  la  première  pé- 
riode du  khalifat,  la  plus  courte  et  la  plus  glorieuse,  les 
musulmans,  se  montrant  dignes  de  la  cause  qu'ils  avaient 
à  soutenir,  mirent  au  service  du  Dieu  de  Mohammed  les 
plus  mâles  vertus,  une  activité  et  un  courage  guerrier 
indomptables.  Ce  fut  le  beau  temps  de  l'islamisme.  L'auto- 
rité souveraine,  transmise  par  voie  d'élection  et  non  par 
droit  de  succession,  appartenait  en  principe  au  peuple,  et 
le  khalife,  porté  par  les  suffrages  de  ses  concitoyens  à  un 
rang  qui  lui  concédait  le  pouvoir  temporel  et  spirituel, 
n'était  en  réalité  que  primus  inter  pares.  Abou  Bekr, 
Omar,  Othmân  et  Ali,  soumis  à  la  loi  commune,  n'ayant 
d'autorité  que  celle  qu'ils  tiraient  du  Coran  ou  de  la  Sounna 
(coutume,  tradition),  nous  apparaissent  comme  les  pa- 
triarches des  temps  bibliques  ou  les  magistrats  populaires 
de  l'ancienne  Rome.  Dès  cette  époque,  toutefois,  le  titre 
de  khalife  impliquait  ceux  de  pontife  {imam),  de  roi 
(malik)  et  de  juge  (qâdî).  Mais  l'empire  étant  venu  à 
s'étendre  dans  les  proportions  que  l'on  sait,  le  khalife  se 
vit  forcé  de  déléguer  certains  de  ses  pouvoirs  à  des  agents 
{oummâl,  sing.  âmîl)  chargés  de  le  représenter  dans  les 
provinces.  Quant  aux  revenus  de  l'Etat  qui  entraient  dans 
le  trésor  public  (beït  el-rnâl),  ils  se  composaient  :  1<*  de 
la  dîme  ou  taxe  des  pauvres  (zakat)  que  redevait  tout 
musulman  ;  2^  du  quint  (khoums)  prélevé  sur  le  butin  de 
guerre;  3^  de  l'impôt  foncier  (kharadj),  dont  seuls  étaient 
frappés  les  raïya  ou  sujets  non  musulmans  ;  4°  de  la 
contribution  personnelle  ou  capitation  (djizya)»  La  contri- 
bution personnelle  des  rayas  juifs  ou  chrétiens  était  an- 
nuellement de  4  dinars  pour  les  riches  et  de  2  pour  les 
pauvres.  Mais,  outre  cette  contribution  en  numéraire,  les 
peuples  conquis  avaient  à  opérer  des  prestations  en  nature 
destinées  à  l'entretien  des  troupes  musulmanes.  L'impôt 
foncier  était  calculé  d'après  la  nature  et  la  fertilité  des 
terres  possédées  parles  vaincus.  Enfin  le  zakât  s'appliquait 
à  trois  sortes  de  biens-fonds  :  1°  les  terres  vagues  mises 
en  culture  par  les  musulmans  ;  2**  les  terres  dont  les  pos- 
sesseurs étaient  convertis  à  l'islamisme  sans  y  avoir  été 
contraints  par  la  force  des  armes  ;  3°  les  terres  prises  sur 
les  infidèles  et  possédées  à  titre  de  butin. 

La  comptabilité  des  sommes  parfois  considérables  qui 
résultaient  des  impôts  nécessita  dès  le  règne  d'Omar  la 
création  d'un  bureau  spécial  dont  ce  khalife  emprunta  l'or- 
ganisation aux  Persans  et  qui  conserva  son  nom  persan  de 
dîwân,  terme  qui  s'étendit  ensuite  à  tous  les  services 
administratifs  et  passa  de  l'arabe  dans  les  langues  néo- 


KHALIFAT 


-  504  - 


latines  {dogana,  aduana,  douane)»  Les  Arabes  d'alors, 
qui  se  contentaient  d'être  de  brillants  improvisateurs  et 
d'intrépides  guerriers,  étaient  si  inexpérimentés  en  matière 
d'administration  qu'ils  confièrent  le  soin  de  tenir  les  re- 
sistres du  dîwân  à  des  Persans,  à  des  Grecs  et  à  des 
Coptes.  —  Le  khalife  administrait  comme  il  l'entendait  les 
deniers  de  l'Etat  et  les  affectait  aux  besoins  de  la  guerre, 
aux  travaux  publics,  au  soutien  des  pauvres,  enfin  à  la 
répartition  d'une  dotation  annuelle  à  laquelle  avait  droit 
dans  le  principe  tout  vrai  croyant  et  dont  la  fixation  pro- 
portionnelle remonte  à  Omar.  C'est  ainsi  que  l'épouse  favo- 
rite du  Prophète,  Aïcha,  reçut  un  douaire  annuel,  sorte  de 
liste  civile,  de  12,000  dirhems  ;  les  autres  veuves  de 
Mohammed  n'en  touchèrent  que  10,000.  Les  Hâckimites, 
c.-à-d.  les  membres  de  la  famille  du  Prophète,  furent 
inscrits  pour  la  même  somme.  Les  Mohâdjir  et  les  Ansâr 
ou  premiers  Mecquois  et  Médinois  qui  avaient  embrassé 
rislâm  obtinrent  5,000  dirhems.  Pour  tout  le  reste  des 
musulmans  majeurs,  la  dotation  variait  de  4,000  à  300  di- 
rhems. Il  est  curieux  de  constater  que,  dès  l'origine,  dans 
cette  république  toute  démocratique,  il  y  eut  une  classe  de 
privilégiés.  Ces  premières  institutions  politiques  par  les- 
quelles fut  régie  la  communauté  musulmane,  œuvre  en  très 
grande  partie  d'Omar,  restèrent,  en  somme,  à  l'état  rudi- 
mentaire.  Elles  s'appuyaient  sur  les  premières  dispositions 
prises  par  le  Prophète  et  consignées  dans  l'imparfait  code 
religieux,  civil  et  militaire  qu'il  avait  légué  à  son  peuple, 
c.-à-d.  le  Coran. 

Avec  l'avènement  de  la  dynastie  qui  succède  au  khalifat 
«  partait»,  le  mécanisme  de  l'Etat  se  modifie  et  ira  toujours 
se  compliquant.  Les  gouverneurs  de  province,  à  mesure  que 
l'empire  arabe  recule  ses  limites,  sont  investis  de  pouvoirs 
plus  étendus  ;  ils  s'adjoignent  des  lieutenants  (naqib)  qu'ils 
ont  le  droit  de  nommer  eux-mêmes.  Par  contre,  le  khalife 
distrait  de  leurs  attributions  les  fonctions  de  qâdî  etd'mam 
pour  les  confier  à  des  titulaires  spéciaux  directement 
nommés  par  lui.  Les  innovations  les  plus  importantes  sont 
l'œuvre  de  Moâwiya  et  d'Abd  el-Malik.  Et,  d'abord,  le 
système  du  pouvoir  est  complètement  transformé  :  d'électif 
et  populaire  qu'il  était  auparavant,  il  est  changé,  dès  661 , 
en  héréditaire  et  absolu.  Moâwiya  copie  l'étiquette  des 
souverains  étrangers,  et  surtout  des  rois  sassanides.  Il  se 
fait  construire  un  riche  palais  à  Damas  ;  il  a  des  chambel- 
lans (hâdjib)  ;  il  donne  audience  sur  un  trône,  mais,  pour 
ceci,  il  s'est  cru  obligé  d'en  demander  l'autorisation  au 
peuple  en  prétextant  de  son  excessive  obésité,  A  la  mos- 
quée, c'est  au  fond  d'une  maqsoûra,  espèce  de  loge  grillée, 
qu'il  assiste  aux  offices,  l'attentat  khâridjite  dont  il  fut 
victime  lui  ayant  inspiré  certaines  mesures  de  prudence, 
comme  de  se  faire  escorter,  quand  il  sort,  d'une  garde  du 
corps  {chorta)  qui  veille  constamment  sur  sa  personne. 
Ses  successeurs  n'ont  pas  moins  que  lui  le  goût  du  luxe 
et  du  cérémonial  ;  ils  ont  une  cour  brillante  somptueuse- 
ment vêtue  à  la  syrienne,  composée  de  la  nombreuse  chen- 
tèle  qoreïchite  que  la  politique  et  l'attrait  du  nouveau  a 
poussée  hors  du  Hidjaz:  émirs  de  tout  rang,  rudes  hommes 
de  guerre  que  gagnent  les  douceurs  inaccoutumées  de  la 
civilisation  naissante,  rapsodes  et  bardes  bédouins  accourus 
du  désert  et  étonnés  de  se  retrouver  dans  un  milieu  vrai- 
ment arabe  rappelant  les  cours  des  princes  de  Hira  et  de 
Ghassan... 

Moâwiya  fut  le  premier  à  créer  une  chancellerie  où  tous 
les  actes  émanant  du  pouvoir  central  furent  enregistrés, 
de  façon  qu'une  fois  expédiés  ils  ne  pussent  être  falsifiés 
ni  contestés  dans  leur  authenticité  ;  ce  fut  le  dîwan  el- 
akhtâm  ou  «  bureau  des  sceaux  ».  Il  s'occupa  également 
d'assurer  la  rapidité  des  communications  en  instituant  la 
poste  par  courriers,  telle  qu'elle  existait  chez  les  Persans; 
des  relais  de  chevaux  ou  de  chameaux  furent  établis  entre 
les  chefs-lieux  des  différents  gouvernements  et  la  capitale 
de  l'empire.  Cette  poste  reçut  le  nom  de  barîd,  mot  d'ori- 
gine persane  (comp.  :  syr.  pered^  lat.  veredus,  ail.  pferd). 
Cette  institution  fut  améliorée  et  développée  par  Abd  el- 


Malik  qui  ne  la  réserva  plus  seulement  aux  courriers  de 
l'Etat,  mais  en  étendit  l'usage  au  transport  des  voyageurs. 
C'est  ce  khalife  qui  est  le  fondateur  du  système  monétaire 
musulman  ;  le  premier  il  fit  frapper  des  monnaies  d'or  et 
d'argent  à  légendes  exclusivement  arabes  où  il  est  grossiè- 
rement représenté  coiffé  d'une  tiare  et  ceint  d'un  glaive 
(696).  Jusque-là  on  s'était  servi  de  monnaies  bilingues,  où 
le  grec,  le  pehlvi,  l'himyarite  même  se  mêlaient  à  l'arabe, 
monnaies  frappées  au  coin  d'Omar,  du  général  Khâlid  (?) 
et  de  Moâwiya,  bien  qu'à  l'effigie  d'un  Khosroès  ou  d'un 
César,  avec  au  revers  Vatechgâh  (pyrée)  ou  le  symbole 
chrétien,  byzantines  pour  l'or  et  le  cuivre,  sassanides  pour 
l'argent.  Par  une  mesure  politique  qui  n'est  pas  sans  ana- 
logie avec  la  précédente,  Abd  el-Malik  décréta  l'emploi 
exclusif  de  la  langue  arabe  dans  la  rédaction  des  actes 
administratifs  au  lieu  du  persan,  du  copte  et  du  grec. 
L'Etat  fut  enfin  redevable  au  cinquième  khalife  omeyyade 
de  l'institution  d'une  cour  de  cassation  (nadhar  el-madhâ- 
lim)  pour  connaître  des  jugements  rendus  par  le  qâdî  et 
contre  lesquels  les  intéressés  portaient  plainte.  Les  séances 
de  cette  cour  furent  présidées  par  le  khalife  en  personne 
jusqu'en  870,  époque  à  laquelle  celui-ci  céda  sa  place  à  un 
juge  spécial. 

Sous  Hâroùn  er-Rachîd,  l'organisation  de  l'Etat  est 
achevée,  les  bases  de  l'administration  se  trouvent  consoli- 
dées pour  plusieurs  siècles.  Le  siège  de  l'empire  est  trans- 
féré dans  les  plaines  qui  ont  vu  les  grands  empires  de 
l'antiquité  ;  les  khalifes  ne  résident  plus  à  Médine  ou  à 
Damas,  mais  en  plein  Iraq,  à  quelques  lieues  de  Ctésiphon, 
l'ancienne  capitale  perse,  car  la  domination  passe  aux 
peuples  du  Khorasân,  de  la  Perse  et  de  la  Chaldée,  dont  la 
révolution  de  750  est  l'œuvre  tout  entière  et  qui  sauront 
en  profiter.  Bagdad,  la  «  ville  du  Salut  »,  peuplée  de 
800,000  âmes,  devient  la  maîtresse  du  monde.  Les  kha- 
lifes deviennent  des  souverains  absolus,  despotiques,  craints 
et  vénérés  jusqu'à  l'adoration.  Ils  s'entourent  d'étrangers, 
principalement  de  Persans,  et  tiennent  les  Arabes  en  mince 
estime.  A  l'imitation  des  anciens  rois  de  Perse,  les  Abbâ- 
sides  se  déchargent  du  poids  des  affaires  sur  des  premiers 
ministres  appelés  vizirs  (vézirs)  (d'après  la  rac.  wazara, 
«  porter  un  fardeau  »).  Ces  hauts  fonctionnaires  sont  dépen- 
dants ou  absolus.  Dépendants,  ils  exécutent  simplement  les 
ordres  du  souverain.  Absolus,  ils  se  substituent  à  lui  et 
exercent  tout  le  pouvoir  d'un  khalife,  sauf  qu'ils  ne  peuvent, 
en  théorie  du  moins,  désigner  de  successeur  au  souverain 
régnant.  Ils  ne  sont  donc  responsables  que  vis-à-vis  du  kha- 
life. Cette  nouvelle  institution  du  vizirat  ne  fut  pas  la 
moindre  cause  de  la  décadence  du  khalifat  d'Orient  ;  car, 
peu  à  peu,  les  Abbâsides  se  déshabituèrent  de  l'exercice  du 
pouvoir  et  perdirent  toute  influence  directe  sur  leurs  sujets. 
—  Le  khalife  est  censé  tenir  ses  pouvoirs  du  choix  libre 
de  la  majorité  des  musulmans  ;  mais,  une  fois  qu'il  a  reçu 
leur  serment  de  fidélité  (beïa)^  il  devient  leur  maître  ab- 
solu, jouissant  sur  tous  du  droit  de  vie  et  de  mort.  Les 
devoirs  du  prince  à  l'égard  de  l'Etat  sont  analogues  à  ceux 
du  bon  père  de  famille  ;  les  sujets  lui  doivent  en  retour 
obéissance  et  assistance;  que  s'il  manque  à  ses  devoirs, 
la  rébellion  devient  légitime.  Voilà  pour  le  temporel.  En 
tant  que  chef  spirituel,  le  khalife  est  juge  suprême  dans 
les  questions  du  dogme.  Sa  décision  est  sans  appel  au  tri- 
bunal d'inquisition  établi  sous  El-Mâmoûn  contre  les  pro- 
grès croissants  de  la  libre  pensée,  du  communisme  et  du 
déisme  personnifié. 

Les  préfets  sont  nommés  par  le  khalife  ou  le  vizir  aux- 
quels ils  doivent  juridiquement  et  exclusivement  compte  de 
leurs  actes  ;  ils  gouvernent  leurs  provinces  en  rois  vassaux. 
Les  généraux  sont  nommés  de  la  même  façon.  En  temps 
de  guerre,  ceux-ci  sont  investis  de  pouvoirs  très  étendus, 
comme  de  conclure  des  traités,  de  rendre  la  justice  et  de 
partager  le  butin  ;  les  grades  sont  conférés  par  eux-mêmes. 
Un  arîf  commande  dix  hommes,  un  khalîfa  en  commande 
cinquante,  un  naqib  cent,  un  qâïd^  mille,  un  émîr  dix 
mille.  L'armée  se  compose  de  volontaires  irréguliers  et  de 


-  505  - 


KHALIFAT  —  KHALIFE 


troupes  régulières  à  la  solde  de  l'Etat.  Lorsqu'il  s'agit  d'une 
guerre  locale,  les  généraux  sont  nommés  par  les  préfets. 
En  réalité,  ceux-ci  disposent  de  la  force  militaire,  de  même 
yu'ils  disposent  des  finances;  ils  appliquent  le  produit  des 
impositions  d'abord  aux  besoins  locaux  et  n'en  envoient 
que  le  surcroît  au  chef  du  gouvernement.  Cet  arrange- 
ment, il  est  vrai,  n'est  pas  sans  porter  ombrage  à  l'auto- 
rité centrale  ;  mais  il  est  trop  favorable  aux  administrés 
pour  qu'on  y  puisse  toucher  sans  danger.  On  se  contente 
de  changer  fréquemment  de  préfets,  pour  les  empêcher  de 
se  rendre  indépendants.  —  La  justice  est  rendue  par  des 
qâdi  relevant  de  juges  principaux  ou  qâdî  l-^qoudât.  Des 
officiers  ministériels  leur  sont  adjoints  :  notaires  (c/iaMrf), 
clercs  {amîn)  et  substituts  (nâïb). 

Afin  de  surveiller  les  agissements  non  seulement  des 
Alides,  qui  sont  les  ennemis  du  régime  actuel,  mais  les 
membres  de  la  famille  régnante,  le  khalife  ou  ses  repré- 
sentants nomment  dans  les  différentes  provinces  des  agents 
de  police  secrète  qui  sont  chargés,  en  outre,  de  tenir  un 
registre  des  naissances  et  des  morts  au  fur  et  à  mesure 
qu'elles  se  produisent  parmi  les  descendants  du  Prophète, 
Ceux-ci,  Alides  et  Abbâsides,  constituent  la  noblesse  mu- 
sulmane. —  L'instruction  supérieure  est  donnée  dans  les 
mosquées-cathédrales  {djâmi)  par  les  oulamâ^  en  atten- 
dant la  fondation  par  Nizâm  el-Moulk,  vizir  du  Seldjoucide 
Malik  Chah,  des  deux  universités  (madrasa)  de  Nicha  pour 
et  de  Bagdad  en  1009  et  1019;  l'enseignement  secondaire 
près  des  mosquées  (masdjid)  et  l'enseignement  primaire 
dans  les  kouttâb. 

Sous  les  Abbâsides,  les  services  administratifs  sont  très 
compliqués  ;  on  peut  les  réduire  à  ceux-ci  :  1°  dîwan 
el'ihtisâb,  administration  des  poids  et  mesures  comprenant 
en  outre  l'inspection  des  marchés  et  de  la  voirie  et  la  po- 
lice des  mœurs;  2^  diivân  el-barîd^  administration  des 
postes  et  relais;  3°  dîwân  er-rasâïl^  bureau  de  la  cor- 
respondance; 4''  dîwân  el-akhlûm^  ministère  des  sceaux, 
où  se  concentrent  l'expédition  et  la  réception  des  pièces 
officielles  ;  5°  dîwân  et4auqî,  bureau  de  l'enregistrement 
desdites  pièces  et  du  sceau  impérial  ;  6°  dîwân  el- 
kharadj,  ministère  des  finances;  7°  diwân  zimâm  en- 
nafaqât,  bureau  des  dépenses;  8<»  dîwân  ez-zimâm^ 
cour  des  comptes  ;  9°  dîwân  ed-deïa,  administration  des 
domaines  de  l'Etat,  bureau  du  cadastre;  10<*  diwân  el- 
d/'ound,  ministère  de  la  guerre;  11**  diwân  el-mawâlî 
wal-ghilmân,  administration  des  affranchis  et  des  esclaves 
du  khalife. 

Vie  économique.  —  Hommes  à  l'esprit  aventureux, 
aux  gotîts  peu  sédentaires,  pèlerins  ne  transigeant  pas 
avec  le  devoir,  commerçants  âpres  au  gain,  tels  sont 
et  tels  furent  de  tous  temps  les  Arabes.  C'est  parce  qu'ils 
furent  de  grands  voyageurs  qu'ils  furent  de  grands  géo- 
graphes. A  une  époque  où  rExtréme-Orient  était  à  peine 
soupçonné  de  l'Europe,  où  l'Afrique,  en  dehors  de  quelques 
côtes,  était  inconnue,  les  musulmans  et  particulièrement 
les  Arabes  étaient  en  relation  commerciale  avec  l'Inde, 
Java,  la  Chine,  l'intérieur  de  l'Afrique  et  les  parties  les 
moins  explorées  de  l'Europe,  comme  la  Russie,  la  Suède  et 
le  Danemark.  C'est  qu'en  effet  l'étendue  de  l'empire  des 
khalifes,  les  richesses  de  son  sol,  la  variété  des  climats,  la 
population,  l'état  policé  des  provinces,  ont  dû  nécessaire- 
ment exciter  la  spéculation  mercantile.  Un  simple  coup 
d'œil  sur  la  carte  fait  juger  des  points  éloignés  mis  en  con- 
tact par  un  centre  commun  de  religion,  de  politique  et  d'af- 
faires. On  trouvera  exposé  à  l'art.  Commerce  (t.  XII,  p.  61) 
la  nomenclature  des  produits  manufacturés  ou  naturels  qui 
faisaient,  au  moyen  âge,  l'objet  du  trafic  musulman,  les 
principales  routes  suivies,  etc.  Les  raisons  qui  mirent  fin 
aux  grandes  pérégrinations  des  musulmans  à  travers  le 
monde  sont  d'ordre  purement  politique.  La  découverte  du 
cap  de  Bonne-Espérance  porta  un  coup  fatal  au  commerce 
maritime  que  les  Arabes  entretenaient  avec  l'Inde,  la  Chine 
et  la  côte  orientale  de  l'Afrique.  Puis  vinrent  les  grandes 
invasions  mongoles  sous  Djengis  Khan  et  Timour,  qui  rui- 


nèrent le  commerce  qui  se  faisait  par  les  routes  de  l'Asie 
centrale.  La  conquête  de  l'Egypte  par  SeHm  P^  (1517)  fit, 
en  outre,  passer  tout  la  commerce  de  la  Méditerranée  entre 
les  mains  des  armateurs  génois,  pisans  et  vénitiens.  D'autre 
part,  les  relations  de  l'Orient  musulman  avec  le  N.  de 
l'Europe  furent  complètement  suspendues  dès  le  xi®  siècle, 
à  la  suite  du  déplacement  des  Bulgares  et  des  troubles  po- 
litiques de  la  Russie. 

Littérature  (V.  Arabe). 

Religion,  Droit,  Famille  (V.  Islamisme). 

Sciences  (V.  Alchimie,  Algèbre,  Astrologie,  Mathéma- 
tiques, Médecine  et  Philosophie). 

Arts  (V.  Architecture,  Arabesque,  Peinture,  Mu- 
sique). P.  Ravaisse. 

BiBL.  :  Les  sources  de  Thistoire  du  khalifat  sont  les 
chroniques  arabes  d'ÏBN  el-Athîr,  de  Tabari,  d'ABOU  l- 

FlDA,    (ilBN   KhALDOUN,  de  DlYARBEKRI,  CtC.  —  A.  BeBEL, 

Die  Mohammedanische-Arabische  KuUurperiode  ;  Stutt- 
gart, 1844.  ■—  N.  Desvergers,  l'Arabie,  dans  Univ.  pilt.  ; 
Paris,  1847.  —  G.  Diercks,  Die  Araber  im  Mittelalter,  und 
ihr  Einfluss  auf  die  Cullur  Europa's  ;  Leipzig,  1882.  — 
A.  DuNN,  The  Rise  and  decay  of  ihe  rule  of  Islam  ;  Lon- 
dres, 1877.  —  P.  Vattier,  l'Histoire  mahométane  ou  les 
Quarante-Neuf  Chalifes  du  Macme;  Paris,  1657.— Flugel, 
Die  Geschichte  der  Araber  bis  aufden  Sturz  des  Chalifats 
von  Bagdad;  Dresde,  1832,  3  vol.;  Leipzig,  1838-40.— 
W.Irving,  Mahomet  and  his  successors;  New  York,  1849, 

2  vol.  -—  Kazimirski,  Civilisation  musulmane;  observa- 
tions historiques  et  critiques  sur  le  mahométisme,  dans  les 
Livres  sacrés  de  l'Orient  dePAUTHiER;  Paris,  1840, pp.  463- 
538.  —  Von  Kremer,  Culturgeschichte  des  Orients  unter 
den  Chalifen;  Vienne,  1875-77,  2  vol.  —  Du  même,  Ge- 
schichte des  herrschenden  Ideen  des  Islams  ;  Leipzig,  1868. 

—  G.  Le  Bon,  la  Civilisation  des  Arabes  ;  Paris,  1884.  — 
De  Marigny,  Histoire  des  Arabes  sous  te  gouvernement 
des  khalifes;  Paris,  1750,  4  voî.  ~  Du  même,  Histoire  des 
révolutions  de  l'empire  des  Arabes;  Paris,  1750.  —  Mills, 
A  History  of  Mohammedanism  ;  Londres,  1818.  —  A.  Mûl- 
LER,  Der  Islam  im  Morgen-und  Abend  land;  Berlin,  1885. 

—  MuiR,  The  Early  C alip hâte  ;  Londres,  1883.  — Oelsner, 
Des  Effets  de  la  religion  de  Mohammed, pendant  les  trois 
premiers  siècles  de  sa  fondation,  sur  Vesprit^  les  m.œurs 
et  le  gouvernement  des  peuples  chez  lesquels  cette  religion 
s'est  établie;  Paris,  1810.  —  Osborn,  Islam  under  the  Kha- 
lifs  of  Bagdad  ;  Londres,  1878,  2  vol.  —  Pocock,  Historia 
compendiosH  dynastiarum  orientalium  ;  Oxford,  1663.  — 
Du  même.  Spécimen  historiœ  Arabum  ;  Oxford,  1650.  — 
Price,  Chronologicat  Retrospect,  or  Memoirs  of  the  prin- 
cipal events  of  Mohammedan   History  ;  Londres,    1811, 

3  vol.  —  Sedillot,  Histoire  des  Arabes;  Paris,  1877,  2  vol. 

—  Zotenberg,  Chronique  de  Tabari;  Nogent-le-Rotrou, 
1874,  4  vol.  —  G.  Weil,  Geschichte  der  Chalifen  ;  Mann- 
heim,  1846, 1848, 1851,  3  vol.  —  Du  môme,  Geschichte  des 
Abbassidenchalifals  in  Egypten;  Stuttgart,  1860-62,  2  vol. 

—  Du  même,  Geschichte  der  islamitischen  Vœlher  von 
Mohammed  bis  zur  Zeit  des  Sultan  Selim;  Stuttgart,  1866. 

—  A.  GiLMAN,  The  Saracens  from  theearliest  times  to  the 
fall  of  Bagdad;  Londres,  1887.  —  Barrau,  Histoire  poli- 
tique des  peuples  musulmans  ;  Paris,  1842,  2  vol.  —  St. 
GuYARD,  la  Civilisationmusulmane  ;  Paris,  ISSi.  —  D'HER- 
BELOT,  Bibliothèque  orientale  ;  Paris,  1697. 

KHALIFE  ou  CALIFE.  Titre  des  souverains  qui  exer- 
cèrent, après  la  mort  du  prophète  Mohammed,  le  pouvoir 
spirituel  et  temporel.  En  arabe,  khalîfa,  a  le  sens  de 
«  successeur,  remplaçant,  lieutenant  ».  Le  nom  de  la 
dignité  est  khilâfa,  «  Les  lois  émanées  de  Dieu,  dit  Ib.. 
Khaldoun,  imposent  au  souverain  l'obligation  de  porter  les 
hommes  à  observer  ce  qu'elles  prescrivent  relativement  à 
leurs  intérêts  dans  ce  monde  et  dans  l'autre  ;  pour  faire 
exécuter  cette  prescription,  il  faut  un  prophète,  ou  un 
homme  qui  tienne  la  place  d'un  prophète,  c.-à-d.  un  kha- 
life. »  (Prolégomènes,  I,  p.  386.)  Le  khalife,  chef  su- 
prême de  la  communauté  musulmane,  porte  également  le 
titre  dHmâm  (V.  ce  mot)  et  celui  d'émir  el-Moûminin^ 
c.-à-d.  commandeur  des  croyants.  Les  qualités  requises 
pour  pouvoir  exercer  le  khalifat  sont  :  le  savoir,  la  pro- 
bité, la  pleine  possession  de  ses  qualités  intellectuelles  et 
physiques.  Avant  tout,  une  des  premières  conditions  d'éli- 
gibilité est  d'appartenir  à  la  tribu  de  Qoreïch,  d'où  était 
issu  le  Prophète.  Cette  dernière  condition  fut  exactement 
remplie  dans  le  khalifat  d'Orient  pendant  toute  sa  durée, 
de  632  à  4517.  Les  devoirs  du  khalife  consistent  à  main- 
tenir dans  leur  intégrité  les  principes  religieux,  à  rendre 
fidèlement  la  justice,  à  défendre  le  territoire  musulman  et 


KHALIFE  -  KHAN 


-  506  - 


à  y  assurer  la  sécurité,  à  reculer  les  bornes  de  l'empire,  à 
dépenser  les  revenus  de  l'impôt  conformément  à  la  loi.  Le 
titre  de  souverain  pontife  de  l'islamisme  est  aujourd'hui 
l'apanage  des  sultans  ottomans  qui.  Turcs  de  race,  ne  des- 
cendent pas  de  l'Arabe  Qoreïch.  P.  Ravaisse. 

KHALIL  (Sidi),  le  plus  célèbre  jurisconsulte  musulman 
de  la  doctrine  malékite.  On  n'a  que  d'assez  vagues  rensei- 
gnements sur  sa  personne  ;  tout  ce  que  l'on  sait,  c'est  qu'il 
était  fils  d'Ishaq  ben  Mousa,  qu'il  portait  le  surnom  d'El- 
Djondi,  parce  qu'il  appartenait  à  l'armée  et  qu'il  vécut  au 
Caire  où  il  partagea  son  temps  entre  l'enseignement  du 
droit  et  l'accomplissement  de  ses  devoirs  militaires.  La  date 
de  sa  mort  n'est  pas  bien  certaine;  on  la  fixe  généralement 
à  l'année  4374.  Sidi  Khalil  a  publié  un  excellent  commen- 
taire d'Ibn  El-Hadjeb,  mais  l'ouvrage  qui  a  rendu  son  nom 
immortel  parmi  les  populations  musulmanes  de  l'Afrique, 
c'est  le  Mokfitaçar,  Sous  ce  titre,  qui  signifie  Abrégé, 
l'auteur  a  réuni  avec  une  concision  extraordinaire  toutes 
les  prescriptions  législatives  propres  au  rite  malékite.  Ce 
code  serait  à  peu  près  incompréhensible  s'il  n'avait  été 
développé  et  expliqué  par  de  nombreux  commentateurs,  et 
ce  qui  a  fait  sa  réputation,  c'est,  d'une  part,  qu'il  contient 
toutes  les  dispositions  relatives  à  la  jurisprudence  religieuse 
et  à  la  jurisprudence  civile,  et,  d'autre  part,  qu'il  peut  être 
aisément  appris  par  cœur.  On  assure  que  Sidi  Khalil  n'avait 
pas  achevé,  avant  sa  mort,  la  rédaction  de  son  Mokhtaçar 
et  que  l'ouvrage  fut  complété  par  ses  disciples  à  l'aide  des 
notes  laissées  par  le  maître.  La  Société  asiatique  de  Paris  a 
publié  le  texte  arabe  du  Mokhtaçar  sous  ce  titre  :  Précis 
de  jurisprudence  musulmane  suivant  le  rite  malékite 
(Paris,  4855).  Une  traduction  complète  de  cet  ouvrage  a 
été  donnée  par  le  D**  Perron  dans  VExploration  scienti- 
fique de  r Algérie  (Paris,  4848-5!2,  t.  X  à  XV  et  4  vol.  de 
tables).  Une  nouvelle  traduction  de  la  jurisprudence  civile 
a  été  publiée  avec  le  texte  arabe  par  N.  Seignette  :  Code 
musulman  par  Khalil  (Constantine,  4878).      0.  H. 

KHALIL  Ben  Chalin,  écrivain  arabe  du  xv*^  siècle  ;  gou- 
verneur d'Alexandrie,  puis  vizir,  il  rédigea  sur  l'Egypte  un 
livre  intitulé  Zobdad  Kaschef  al  memalek  (4424). 

KHALIL  Pacha,  grand  vizir  de  Mourad  II  et  de  Mo- 
hammed U  (V.  ces  noms),  exécuté  en  4453.  Il  décida  le 
premier  à  reprendre  le  pouvoir  en  4442  ;  corrompu  par  les 
Byzantins,  il  retarda  et  contraria  le  siège  de  Constanti- 
nople  ;  Mohammed  II  le  fit  exécuter  après  la  prise  de  la 
ville 

KHALKAS(V.  Mongolie). 

KHALLAD  ou  KHALED.  Rivière  de  Tunisie  (V.  ce 
mot). 

KHAM.  Province  orientale  du  Tibet  (V.  ce  mot). 

KHAMA  ou  RA1VIAN60UATA.  Royaume  de  l'Afrique, 
entre  la  rive  droite  du  Zambèze  et  la  rive  gauche  du  Lim- 
popo  ;  le  chef  résidait  à  Chochong,  sur  un  affluent  gauche 
du  Limpopo.  La  population  était  formée  de  Betchouanas 
Bakalaharis. 

KHAM>C  Dâbàn.  Montsdela  Sibérie, province  de  Trans- 
baïkalie,  entre  le  S.  du  lac  Baïkal  et  la  Selenga;  4,800  à 
2,000  m. 

KHAM  BAS.  Peuplade  tibétaine,  à  l'E.  du  plateau  de 
Khatchi,  où  dominent  les  moines  mendiants  (V.  Tibet). 

KHAMGAON  ou  KAMGAON.  Ville  de  l'Inde  centrale, 
province  de  Bérar,  au  N.  desmontsd'Adjanta;  40,000  hab. 
Marché  des  cotons  du  Bérar. 

KHAMI,  Peuplade  de  l'Inde  anglaise,  province  d'Arakan, 
dans  la  vallée  supérieure  de  l'Akyab.  Ils  sont  de  race  bir- 
mane ;  bons  agriculteurs  (tabac,  sésame,  coton)  ;  ils  ont 
gardé  leur  religion  indigène. 

KHAM  IL  (V.  Hami). 

KHAM  PAS.  Tribu  tibétaine  de  la  province  de  Guari- 
Khorsoum,  originaire  de  la  province  de  Kham  ;  ils  ne  por- 
tent point  de  barbe  et  seulement  une  tresse  de  cheveux  ; 
leur  langue  est  tibétaine,  mais  se  rapproche  du  turc.  Ils 
sont  bouddhistes;  ils  pratiquent  le  brigandage. 

KHAMSIN,  C'est  le  nom  que  l'on  donne  en  Egypte  au 


vent  sec  et  chaud  qui  souffle  du  S.,  par  intermittences,  mais 
durant  une  période  de  cinquante  jours  (en  arabe,  khamsin 
signifie  cinquante)  qui  commence  vers  Pâques  et  finit  à  la 
Pentecôte.  L'air  surchauffé  sur  les  parties  désertiques  du 
sol  arrive  chargé  de  parcelles  de  sable  dont  la  poussière 
impalpable  remplit  l'atmosphère  et  lui  donne  des  reflets 
rougeâtres  d'une  apparence  sinistre.  En  général,  le  kham- 
sin souffle  par  période  de  trois  jours,  la  seconde  journée 
étant  toujours  la  plus  pénible.  Les  hommes,  les  animaux 
et  les  plantes  ressentent  un  effet  analogue  à  celui  que  pro- 
duit le  voisinage  d'un  incendie,  mais  cependant  ce  vent  n'est 
point  malsain  et  les  plantes  seules  perdent  pour  quelque 
temps  une  partie  de  leur  vigueur.  Le  khamsin  ne  règne 
pas  seulement  en  Egypte  ;  il  existe  aussi  en  Arabie  et  en 
Syrie  où  il  porte  le  nom  de  simoun  (altération  de  l'arabe 
semoum,  empoisonné)  tandis  qu'en  Algérie  on  l'appelle 
sirocco,  guebli  et  chili.  0.  Houdas. 

KHAMTI  ou  KAMPTI.  Tribu  de  la  vallée  moyenne  du 
Brahmapoutra  et  de  la  vallée  supérieure  de  l'iravadi, 
branche  septentrionale  de  la  race  des  Chân  ou  Thaï 
(V.  Asie,  t.  IV,  p.  422,  et  Birmanie,  t.  VI,  p.  946), 
croisée  avec  les  Birmans  et  les  gens  de  l'Assam.  Ils  ont  le 
teint  foncé  et  ressemblent  aux  Chinois.  Très  pacifiques, 
habiles  industriels  et  commerçants,  ils  sont  les  mieux 
doués  des  Châns  ;  ils  professent  la  religion  bouddhiste. 

BiBL.  :  Lepper,  T/ie  Sm(7po  and  Kampti  coûntry^  dans 
Proceed.  Asiat.  Soc.  of  Bengal,  1882-83.  ~  V.  Proceed. 
Roy.  Geogr.  Soc,  1869-70,  t.  XIV;  1876-77,  t.  XXI.  —  Dal- 
TON,  Ethnology  of  Bengal;  Calcutta,  1872. 

KHAN  (V.  Caravansérail). 

KHÂN,  KHAQÂN.  Mots  qui  servent  à  désigner  les  sou- 
verains d'origine  tatare  chez  les  Orientaux.  Le  mot  de 
khaqân  (khakan,  chagan,  qagan,  etc.)  est  le  plus  ancien. 
On  a  vu  à  l'art.  Jou-Jouen  que  ce  fut  Touloun,  chef  de  ce 
peuple,  qui,  le  premier,  vers  402  de  J.-C,  échangea  le  titre 
de  shen-yu  porté  jusqu'à  lors  par  ses  prédécesseurs, 
contre  celui  de  khaqân  (en  Chine  kho-han,  «  premier 
han»?)  qui  avait  le  sens  d'«  empereur  ».  Le  titre  de 
khaqân  fut  successivement  adopté  par  tous  les  souverains 
et  dominateurs  de  l'Asie  centrale  et  déjà  très  probablement 
par  les  Ephthalites,  de  425  à  555.  La  plus  ancienne  men- 
tion qu'on  en  trouve  chez  les  historiens  occidentaux  date 
du  vi^  siècle.  Elle  se  trouve  dans  Grégoire  de  Tours,  sous 
la  forme  Chaganus  appliquée  au  chef  des  Huns,  lors  de 
ses  rapports  avec  Sigebert,  roi  d'Austrasie,  en  560.  Ce  Cha- 
ganus était  Baïan,  chef  des  Avares.  On  sait  en  effet  que  les 
Avares  étaient  des  débris  des  Jou-Jouen  ou  des  Ephthalites 
et  qu'ils  apparaissent  en  Europe,  et  d'abord  à  Constanti- 
nople,  en  557.  Les  historiens  byzantins  en  parlant  du  roi 
des  Avares  le  désignent  toujours  par  l'expression  ^ayavoç 
et  x^ayav  (ce  qui  nous  donne,  comme  le  latin  chaganus,  la 
vraie  prononciation  du  vi^  siècle,  khagan  et  non  khakan). 
Lorsque  les  Turcs  entrent  à  leur  tour  en  scène  après  la 
destruction  des  Ephthalites,  ils  envoient  des  ambassades  à 
la  cour  de  Byzance.  Dans  une  lettre  adressée  à  Maurice 
Tibère,  en  598,  le  souverain  turc  prend  le  titre  de 
«  khagan,  grand  chef  des  sept  nations,  seigneur  des  sept 
climats  du  monde  »  (Theophylacte  Simocatta,  éd.  de  Bonn, 
p.  282),  Le  même  souverain  (Moho  Chapolo  d'après  les 
Chinois),  en  585,  avait  envoyé  à  l'empereur  de  la  Chine 
un  message  dans  lequel  il  prenait  le  titre  de  «  khohan  de 
l'empire  des  grands  Tou-kioué,  institué  par  le  ciel  ».  L'his- 
torien arménien  Moïse  de  Khorène  emploie  l'expression 
grand  khakân  (vezourk  khakan),  à  propos  d'un  prince 
des  barbares  de  l'Orient  (Yue-tchi),  contemporain  d'Ar- 
déchir  Babekan,  vers  230  de  J.-C,  ce  qui  a  pu  faire  croire 
à  saint  Martin  que  le  titre  de  khaqân  était  usité  en  Ta- 
tarie bien  avant  l'an  402.  Mais  l'expression  dont  s'est  servi 
Moïse  est  un  anachronisme,  en  admettant  même  que,  en 
470,  à  l'époque  où  vivait  cet  historien,  le  titre  de  khaqân, 
fût  déjà  connu,  car  il  ne  pouvait  pas  s'appliquer  aux  Yue- 
tchi.  Les  historiens  et  poètes  musulmans  se  servent 
toujours  du  mot  khaqân  (jamais  khân)  pour  désigner  les 
souverains  des  peuples  tatares  (Ephthalites  et  Turcs)  qui 


—  507 


KHAN  —  KHANEDANl 


ont  été  en  rapport  avec  les  Sassanides.  Firdousi  l'applique 
même  à  l'empereur  de  la  Chine  qu'il  appelle  tantôt  le 
khaqan  de  la  Chine,  le  khaqân  du  Tibet,  tantôt  le  Fag- 
four  (V.  ce  mot).  Lorsque  les  Khazares  entrent  en  rapport 
avec  Constantinople  et  les  Russes,  leurs  chefs  ont  aussi  le 
titre  de  khagàn  (V.  Constantin  Porphyrogénète  qui  écrivait 
vers  945). 

En  Asie,  en  dehors  de  l'historien  chinois  du  vi®  siècle, 
qui  a  relaté  le  fait  de  Touloun,  nous  n'avons  pas  de  mention 
certaine  de  l'existence  du  titre  de  khaqàn,  avant  la  décou- 
verte toute  récente  (1889)  des  stèles  des  années  733,  735 
et  784  mentionnant  le  kho-han  des  Turcs  Tou-kioue. 
La  stèle  bilingue  (runique  et  chinoise)  de  733  a  été  érigée 
en  l'honneur  du  prince  turc  Gheuk-teghin,  fils  du  kho-han 
(khaqân)  Koutlouk  et  frère  du  kho-han  Pit-kia  Me-ki-lien. 
La  stèle  de  735  (runique  et  chinoise)  a  été  dédiée  à  la  mé- 
moire de  Me-ki-lien  lui-même,  et  la  stèle  de  784  en  l'hon- 
neur du  kho-kan  des  Ouigours,  Toun  Moko  Tarkan  Pek. 
Après  la  destruction  de  l'empire  des  Tou-kioue  par  les 
Ouïgours  en  744,  les  souverains  ouïgours  prennent  le 
titre  de  tengri  khaqân,  «  khaqân  céleste  »,  que  l'on  trouve 
également  chez  les  empereurs  de  la  Chine  d'origine  turque 
{tien  kho-han).  Nous  possédons  la  liste  des  khaqâns  des 
Jou-Jouen  depuis  402,  et  celle  des  Turcs  depuis  Tou-men, 
le  premier  de  leurs  rois,  en  545.  C'est  à  tort  que  Sta- 
nislas Julien,  dans  des  documents  sur  les  Tou-kioue  (1864), 
a  traduit  le  mot  chinois  kho-han  par  khan  au  lieu  de 
khaqân  ;  ce  dernier  titre  convient  mieux  au  chef  suprême 
de  toute  la  nation  turque  qui  s'étendait  de  la  Sibérie  au 
Turkestan.  Le  mot  de  khân  était  le  titre  des  chefs  subal- 
ternes soumis  au  khaqân  ;  mais,  en  fait,  plus  d'un  prince 
vassal,  pour  peu  qu'il  commandât  lui-même  à  plusieurs 
tribus,  dut  se  parer  du  titre  de  khaqân.  En  tout  cas,  c'est 
cette  dernière  expression  seule  que  l'on  trouve  toujours 
employée  avant  le  xii®  siècle,  pour  désigner  dans  toute 
l'Asie  tatare  le  souverain  suprême  des  Turcs  Tou-kioue, 
des  Ouïgours,  des  Mongols,  des  Chinois  eux-mêmes  et  des 
Mandchous.  Sur  leurs  monnaies  les  Mongols  se  servent  de 
la  forme  kâân  (dont  l'étymologie  est  inconnue)  et  qui  a 
aussi  le  sens  de  khaqân,  par  opposition  à  khân,  égale- 
ment employé  dans  leurs  légendes.  Le  «  grand  khan  »  de 
Marco-Polo  est  le  «  grand  khaqân  et  non  le  «  grand 
khân  ».  Cela  prouve  que  l'expression  (ou  la  prononciation) 
kâân  était  usitée  chez  les  Mongols  du  temps  d'Oktai,  de 
Mangou,  de  Koubilaï  et  des  autres  successeurs  de  Djengis 
Khan.  Cependant  l'ancienne  forme  khaqân  est  encore  em- 
ployée sur  les  monnaies  dans  les  légendes  en  mongol,  et  par 
Arghoun  dans  sa  lettre  à  Philippe  le  Bel.  Dans  Tinscrip- 
tion  pa-sse-pa  de  1314,  le  mot  est  transcrit  kha-han;  il 
est  d'ailleurs  resté  dans  la  langue  mongole,  comme  en 
turc,  sous  la  forme  khaqân. 

L'expression  de  khân  (en  chinois  han),  qui  signifie 
simplement  «  seigneur  »  ne  se  rencontre  dans  l'histoire  qu'à 
partir  du  xi®  siècle,  mais  ce  titre,  d'origine  tatare  comme 
celui  de  khaqân,  est  mentionné  par  les  historiens  chinois 
qui  nous  apprennent  que  c'était  le  titre  royal  que  prenaient 
les  Tobat  depuis  une  très  haute  antiquité.  Lin-Han,  un  de 
ces  souverains  qui  régnait  dans  le  N.  de  la  Mongolie  au 
m®  siècle,  était  le  67^  roi  avec  l'épithète  de  han.  Un  autre 
chef  de  la  même  nation,  Ili-Han  régnait  en  312.  Quelques 
chefs  des  Jou-Jouen,  par  exemple  Hoto-Han,  tué  en  385, 
portaient  également  ce  titre.  On  en  trouve  encore  la  trace 
dans  l'expression  chinoise  ma-ha-han,  «  le  grand  han  »,  et 
par  abréviation  ma-ha,  mo-ho,  «  le  grand  »,  devenu  chez 
les  Turcs  et  Ouïgours  Mo-ho  (d'après  Visdelou).  Ainsi  le 
mot  de  khân  a  dû  exister  dans  les  protocoles  turcs  et 
ouïgours  en  même  temps  que  khaqân,  dont  il  n'est  ni 
l'équivalent  ni  le  dérivé  comme  on  l'a  cru.  Si  l'on  excepte 
les  noms  propres  Zamergan,  Bou  Khan  transmis  par  les 
Byzantins  et  qui  contiennent  peut-être  le  mol  khân,  on  peut 
dire  que  ce  mot  n'est  connu  des  historiens  européens  que 
par  l'arrivée  des  Turcs  Seljoucides  en  1037,  et  il  est  sur- 
tout employé  par  les  Mongols  sur  leurs  monnaies  :  Ileks, 


Djoudjides,  khâns  de  la  Horde  d'or,  khâns  du  Kaptchak, 
khâns  de  Crimée,  khâns  du  Djagataï,  etc.  Chez  un  certain: 
nombre  des  princes  mongols  dont  le  plus  célèbre  est  Djengis 
Khan,  ce  titre  faisait  partie  du  nom  propre. 

Les  sultans  de  Constantinople  ont  adopté  les  deux  titres 
impériaux  khân  et  khaqân,  dès  leurs  premières  monnaies. 
Bayezid  I^%  Mohammed  I^"^  ont  déjà  le  titre  de  khân,  outre 
celui  de  sultan  (ce  dernier  a  aussi  le  titre  de  khagân,  d'après 
la  prononciation  ancienne)  ;  la  formule  «  khaqân  des  deux 
mers»,  encore  usitée  aujourd'hui  chez  les  Ottomans,  date  de 
Mourad  III  (1575).  Les  rois  Pathans  de  l'Inde  et  les  grands 
Mongols  ont  sur  leurs  monnaies  «  khân  illustre,  khaqân 
sublime  ».  Djehan  Gir  avait  pris  le  titre  de  khân  khanân, 
«  khân  des  khâns  ». 

Les  dérivés  de  khân  sont  :  ilkhân  (seigneur  des  pays  ou 
des  peuples),  titre  adopté  par  les  Mongols  delà  Perse;  tar- 
khân  dont  le  sens  est  inconnu,  mais  qui  désignait  un  prince 
subalterne  (on  trouve  déjà  le  mot  mentionné  dans  l'écrivain 
byzantin  Menander  (vi^  siècle),  et  sur  quelques  monnaies 
indo-sassanides);  gourkan  (en  chinois  go-han),  dont  le  sens 
d'après  Rashid  eddin  serait  «  seigneur  universel  »,  titre 
pris  par  Tamerlan  et  quelques-uns  de  ses  successeurs, 
comme  Ouloug  Beg  ;  on  rencontre  aussi  irkhân  chez  les 
géographes  arabes,  comme  nom  du  chef  de  certaines  tribus 
turques  ;  ilekhan  pour  ilek-khân,  «  seigneur  souverain  », 
titre  de  certains  princes  turcs  et  ouïgours  qui  a  donné  son 
nom  à  une  dynastie  (V.  ïlf.k). 

Les  chroniqueurs  du  moyen  âge  emploient  aussi  le  mot 
carchan  qui  pourrait  signifier  le  «  khân  noir  »  ;  dans  les 
chroniques  slaves  on  trouve  aussi  l'expression  oulou-chan, 
«  le  noble  khân  »,  appliquée  aux  chefs  mongols. 

Les  épouses  des  khâns  portaient  le  titre  de  khatoun  que 
l'on  trouve  souvent  dans  l'histoire.  Les  femmes  tatares 
régnaient  quelquefois  après  la  mort  de  leurs  maris  ;  «  elles 
jouissent  chez  les  Turcs  et  les  Tatars,  dit  Ibn  Batoutah, 
d'un  sort  très  heureux  ;  lorsqu'ils  écrivent  un  ordre,  ils  y 
insèrent  ces  mots  :  par  ordre  du  sultan  et  de  la  khatoun  ». 
L'antiquité  nous  a  conservé  les  noms  de  quelques  reines 
Scythes,  comme  Tomyris,  Sparethra,  Zarina,  Amagé  ;  nous 
avons  au  moyen  âge  la  reine  Boarex,  la  khatoun  Toura- 
kina  (1241-46),  1a  reine  houlagide  Satibeg  en  1331, 
la  Baghdad  Khatoun,  femme  d'Abou-Saïd,  des  Houlagides 
(1335).  On  rencontre  quelquefois,  mais  rarement,  la  forme 
khakatoun  qui  est  plus  proche  de  khaqân.  En  turc  osmanli, 
khatoun  a  le  sens  de  «  princesse,  femme  distinguée  »  ou 
simplement  «  dame  »,  E.  Drouin. 

BiBL.  :  CoLEBRooKE,  Ou  Impérial  Tilles,  1877.  —  T.  de 
Lacouperie,  Khan,  khakan  and  olher  lilles,  1888.  —  Kla- 
PROTH,  Sur  le  Titre  de  Gourkhan,  1828. 

KHAN  AT.  Division  territoriale  (V.  Khan). 

KHAN  DALA.  Ville  de  l'Inde  anglaise,  présid.  de  Bombay, 
sur  le  ch.  de  fer  de  Bombay,  à  Pouna,  à  540  m.  d'alt.; 
villégiature  des  négociants  de  Bombay.  Auprès  sont  les 
temples  de  Karli(y.  ce  mot). 

KHANDOUA.  Ville  de  l'Inde  centrale,  prov.  de  Nerbada, 
sur  le  ch.  de  fer  de  Bombay  à  Allahabad  ;  45,000  hab. 
Belles  ruines  d'édifices  djainas. 

KHANDPARA  ou  KHANDAPADA.  Principauté  de  l'Inde, 
prov.  d'Orissa,  dans  le  groupe  d'Etats  du  Kattak,  au  S.  de 
la  Mahanadi;  632  kil.  q.;  plus  de  60,000  hab.  La  ville  de 
Kantilo  (6,000  hab.)  est  plus  importante  que  la  capitale 
Khandpara. 

KH  AN ÉDANI-AL-OsMAN  (Ordre  de).  Fondé  en  Turquie, 
en  1893,  par  le  sultan  qui  le  destina  à  lui-même,  aux  mem- 
bres de  la  famille  impériale,  aux  souverains  étrangers,  aux 
membres  de  leurs  familles  et  aux  hauts  dignitaires  otto- 
mans. L'insigne  est  porté  au  cou,  suspendu  à  une  chaîne 
en  or  dont  chaque  anneau  émaillé  de  blanc  porte  une  cou- 
ronne avec  l'étoile  et  le  croissant.  —  Un  ordre  analogue,  du 
même  nom,  avec  insigne  plus  petit  et  plusieurs  classes, 
est  destiné  aux  fonctionnaires  et  aux  personnes  ayant  prouvé 
leur  dévouement  au  sultan.  La  décoration  se  porte  au  cou 
par  un  ruban  à  deux  couleurs.  G.  de  G. 


KHANFOUSSA  —  KHARKOV 


508  — 


KHANFOUSSA.  Montagne  du  Sahara  algérien,  à  50  kil. 
environ  au  S.-E.  de  Temassinine,  sur  la  route  qui  mène 
de  ce  point  à  ïdeles,  dans  le  Hoggar,  à  une  ait.  de 
583  m.  Elle  domine  la  plaine  sablonneuse  d*environ  220  m. 
et  est  la  première  roche  qui  annonce  Tentrée  dans  la  vallée 
de  righarghar.  Le  grès  dévonien  qui  la  compose  est  à 
grain  très  fin  :  noirci  par  l'action  du  soleil  à  la  surface,  il 
fait  paraître  la  montagne  très  noire,  vue  de  loin  :  à  l'inté- 
rieur il  est  gris,  teinté  de  rouge.  Dans  les  ravins  qui  sil- 
lonnent les  flancs  du  Khanfoussa,  il  y  a  des  gommiers  et 
des  mouflons.  E.  Càt. 

KHANG-Hi(V.Kang-Hi). 

KHANGA(V.  Kheneg). 

KHANGA  Sidi-Nadji  ou  Gorge  de  Sidi-Nadji.  Village 
d'Algérie,  prov.  de  Constantine,  dans  la  com.  indigène  de 
Biskra,  à  85  kil.  E.-S.-E.  de  cette  ville,  au  pied  du  djebel 
Chechar,  près  d'un  défilé  par  où  l'oued  El-Arab  débouche 
des  montagnes  dans  la  plaine  saharienne,  à  254  m.  d'alt. 
Cette  bourgade  exclusivement  arabe,  qui  compte  700  hab. 
et  possède  de  beaux  jardins  de  dattiers,  a  été  fondée  par 
Sidi-Embarek  au  commencement  du  xvii^  siècle.  Elle  est 
assez  bien  construite  et  prospère.  Il  y  a  une  mosquée  re- 
marquable avec  une  koubba  sous  laquelle  repose  Sidi-Em- 
barek  mort  en  4614  et  une  zaouïa  dont  le  chef  est  vénéré 
dans  une  bonne  partie  du  Sahara,  dans  les  Ziban  et  chez 
les  Nemenchas.  E.  Cat. 

KHANOU.  Ville  de  Perse,  prov.  de  Laristan,  à  150  kil. 
N.-E.  de  Bender  Abbas  ;  5,000  hab.;  elle  est  peuplée  de 
serfs  du  gouverneur  héréditaire. 

KHANPOUR  ou  CAWNPORE.  Grande  ville  de  l'Inde 
anglaise,  prov.  du  N.-O.,  r.  dr.  du  Gange;  488,712  hab. 
C'est  un  grand  marché  de  céréales,  une  ville  industrielle 
(cotonnades,  cuirs,  etc.).  Elle  fut,  lors  de  l'insurrection 
des  Cipayes  (4857),  le  théâtre  du  massacre  des  prisonniers 
anglais  par  Nana-Sahib  (V.  Inde).  C'est  une  des  princi- 
pales places  fortes  de  l'Inde  avec  une  forte  garnison. 

BiBL.  :  Trevelyan,  Cawnpore  ;  Londres,  1886,  4«  éd. 

KHAPOUR.  Ville  de  la  Turquie  d'Asie,  sandjak  de 
Diarbékir,  à  36  kil.  de  Kharpout,  dans  le  bassin  supé- 
rieur du  Tigre  occidental,  à  4,039  m.  d'alt.,  sur  une  col- 
line qui  domine  la  vallée  de  250  m.  Aux  environs,  mines 
de  cuivre  du  Magharat.  Des  ouvriers  grecs,  arméniens  et 
turcs  fondent  en  partie  le  minerai  sur  place.  Naguère, 
presque  tous  les  Orientaux  s'approvisionnaient  d'ustensiles 
en  cuivre  battu  de  Khapour. 

KHARACÈNE(V.  Mésène). 

KHARADJ  (V.  Capitation  et  Impôts  arabes,  t.  XX, 
p.6l0). 

KHARAN.Prov.  du  Béloulchistan  (Y .  ce  mot). 

KHARDJEH  (Ouah  el-).  Oasis  égyptienne  du  désert  de 
Libye  appelée  aussi  Grande  Oasis  ou  Oasis  de  Tkèbes,  Elle 
occupe  une  dépression  qui  s'étend  entre  24<*  35''  et  25°o5' 
lat.  N.,  de  460  à  480  kil.  0.  du  Nil.  Elle  a  420  kil.  de 
long  du  N.  au  S.,  est  à  une  ait.  de  50  à  75  m.,  inférieure 
de  près  de  400  m.  au  niveau  du  plateau.  Les  groupes  de 
dattiers  y  sont  très  clairsemés  autour  des  puijts.  L'oasis 
compte  6  à  7,000  hab.  dont  3,500  à  Khardjeh  (l'antique 
Ibis,  beau  temple  d'Ammon  construit  sous  Darius  ;  à  7  kil. 
N.-O.,  nécropole)  et  4,400  à  Béris  au  S. 

BiBL.  :  RoHLF,  Erforschung  der  Libyschen  Wùste  et 
Drei  Monale  in  der  Libyschen  Wûste;  Cassel,  1875.  — 
ScHWEiNFURT,  NoHce SUT  laGvande  Oasis,  dans  Bull.  Soc. 
de  Qéogr.  de  Paris,  iuin  1874. 

KHAREDJ,  KHARAG  ou  KARAK.  Ile  coralliaire  du  golfe 
Persique,  prov.  du  Farsistan,  à  55  kil.  N.-O.  de  Bou- 
chir  ;  5  kil.  q..  4,000  hab.  Les  Hollandais  l'occupèrent 
de  4748  à  4765,  puis  les  Anglais  l'occupèrent  à  deux 
reprises  (4765,  4840)  pour  chasser  les  pirates  du  golfe. 

KHAREDJ ITES  (V.  Kharidjites). 

KHAREZM  (V.  Khiva). 

KHARIDJITES  (en  arabe  Ehawâridj,  c.-à-d.  les  sor- 
tants, les  hérétiques).  Secte  musulmane  parue  parmi  les 
populations  du  Bas-Irâk,  entre  Côufa  et  Bassora,  à  la  suite 
de  la  contestation  entre  Ali  et  Moâv\rïa,  au  sujet  du  khalifat, 


qui  se  termina  à  l'avantage  du  dernier.  (îuelques-uns  des 
partisans  d'Ali  se  séparèrent  de  leur  chef  et  se  révoltèrent 
contre  lui  lorsqu'ils  apprirent  le  résultat  défavorable  de 
l'arbitrage  qu'ils  avaient  été  les  plus  ardents  à  lui  imposer 
à  cette  occasion.  Les  excès  de  tout  genre  qu'ils  ne  tardèrent 
pas  à  commettre  envers  ceux  qui  ne  partageaient  pas  leurs 
opinions  obligèrent  Ali  à  les  réduire  par  les  armes  après 
de  vaines  tentatives  de  conciliation.  Ils  furent  battus  et 
exterminés,  sauf  un  petit  nombre  qui  échappa,  à  Nahra- 
wan,  au  S.  de  Bagdad,  où  ils  s'étaient  réunis  autour 
d'Abd  Allah  ibnWahb  (658  ap.  J.-C).  Opposés  aux  Chiites, 
les  Kharidjites  déclaraient  qu'il  était  préférable  qu'il  n'y  eût 
pas  de  souverain  (imam)  ;  que  si  cependant  il  en  fallait  un, 
il  était  indifférent  qu'il  fût  koreïchite  ou  nabatéen,  homme 
libre  ou  esclave,  pourvu  qu'il  fût  juste  et  observât  les  lois 
religieuses.  Ils  admettaient  la  prédestination  d'une  façon 
si  absolue  que  Dieu  devenait  le  seul  auteur  de  tout  mal 
comme  de  tout  bien.  Leur  morale  était  très  sévère,  leur 
orthodoxie  très  rigide  et  très  attachée  à  la  lettre  du  Coran 
et  de  la  Sounna  ;  ils  mettaient  le  péché  grave  sur  la  même 
ligne  que  l'infidélité,  enseignant  que  le  pécheur  n'est  plus 
moumin  (croyant)  ;  si  le  souverain  offense  par  une  faute 
grave  la  loi  religieuse,  il  devient  infidèle,  déchoit,  doit  être 
déposé  et  mis  à  mort. 

Bien  que  comptant  des  personnages  de  marque  tels  que 
le  poète  Imrân  ibn  Hittàn,  ce  mouvement  fut  surtout  une 
sorte  de  protestation  des  peuples  de  l'Irak  contre  la  no- 
blesse arabe  du  Hidjâz  dont  l'hypocrisie,  l'avidité  et  l'ambi- 
tion étaient  peu  conformes  à  l'esprit  de  renoncement  de 
l'islamisme  ;  les  Kharidjites  prêchaient  l'égalité  et  la  fra- 
ternité et  voulaient  un  gouvernement  démocratique  avec  un 
chef  électif.  Malgré  la  sanglante  défaite  de  Nahrawân,  la 
secte  continua  à  se  propager  ;  Ali  périt  assassiné  par  le 
Khâridjite  Ibn  Moldjam  (664  ap.  J.-C).  Pendant  quelques 
années,  ils  se  tinrent  tranquilles  ;  mais  les  persécutions 
exercées  contre  eux  les  amenèrent  à  se  révolter  de  nouveau 
dans  la  province  d'El-Ahwâz,  sous  la  conduite  de  Nâfi  ibn 
Al-Azrak.  Mohalleb  ibn  Abî  Sofra,  envoyé  contre  eux,  ne 
put  les  soumettre  ei  les  disperser  qu'après  une  guerre 
acharnée  de  dix-neuf  ans,  sous  les  derniers  Omeyyades. 
A  partir  de  ce  moment,  leur  histoire  ne  présente  aucun 
fait  saillant.  Les  Kharidjites  formèrent  plusieurs  fractions  : 
les  Hârôurites,  originaires  de  la  ville  de  Hârôura  ;  les  Azra- 
kites,  compagnons  de  Nâfi  ibn  Al-Azrak  ;  les  Ibâdites,  ainsi 
appelés  d'Abd  Allah  ibn  Ibâd  qui,  sous  le  règne  de  Merwân 
(744-749),  propagea  la  doctrine  dans  l'Oman;  elle  y 
domine  encore  aujourd'hui,  ainsi  que  dans  le  S.  de  la  Tu- 
nisie et  de  l'Algérie  (Djerîd,  Mzâb)  qui  reçut  à  cette  époque 
des  émissaires.  La  secte  des  Ouahâbites,  parue  en  Arabie, 
vers  4750  ap.  J.-C,  semble  n'être  sur  beaucoup  de  points 
qu'une  renaissance  des  Kharidjites.  L.  Leriche. 

BiBL.  :  Brunnow,  Die  Charidschiten;  Leyde,  1884. 
KHARKI  ou  KHALKIA.  Groupe  d'îlots    de  la  Turquie 
d'Asie,  à  rO.  de  Rhodes;  20  kil.  q.  Les  principaux  sont 
Kharki  et  Limn^iona, 

KHARKOV.  Ville  de  la  Russie  d'Europe,  chef-lieu  du 
gouvernement  du  même  nom,  sur  les  rivières  Kharkov, 
Lopan,  Netetcha  et  Gnilopiat,  et  les  chemins  de  fer  Odessa- 
Moscou  et  Libau-Azov,à  4 ,400  kil.  S.-S.-E.  de  Saint-Péters- 
bourg; 488,500  hab.  Archevêché,  tribunaux,  université 
depuis  4805,  comptant  plus  de  90  professeurs  et  environ 
i  ,800  étudiants,  institut  polytechnique,  école  vétérinaire, 
lycées,  écoles  de  jeunes  filles,  plusieurs  étabUssements  scien- 
tifiques et  sociétés  savantes.  Grâce  à  sa  situation  géogra- 
phique entre  le  bassin  de  Dniepr  et  celui  du  Don  et  à 
l'intersection  des  grandes  routes,  elle  présente  un  centre 
commercial  très  important  non  seulement  pour  les  produits 
locaux,  mais  comme  lieu  d'échange  des  marchandises  du 
N.  et  du  S.  de  la  Russie.  Elle  a  quatre  grandes  foires 
annuellement,  dont  la  principale  est  Krechtchenskata,  au 
mois  de  janvier,  où  le  mouvement  des  affaires  s'élève  jus- 
qu'à 40Ô  millions  de  fr.  L'industrie  locale  produit  beau- 
coup de  toiles,  de  savons,  de  bougies,  de  feutres,  d'alcools, 


—  509  - 


KHARKOV  —  KHAZARES 


de  sucres  et  de  tabacs.  Située  d'une  manière  assez  pitto- 
resque, cette  ville  n'a  pas  de  monuments  et  d'édifices 
remarquables  ;  l'architecture  de  ses  églises  et  l'aspect  de 
ses  nombreux  magasins  rappellent  un  peu  Moscou,  tandis 
que  le  reste  ne  se  distingue  pas  d'autres  villes  de  la  Petite- 
Russie.  L'inconvénient  le  plus  sensible  de  cette  ville,  c'est 
le  manque  d'eau  potable.  Fondée  en  1650  par  les  Cosaques 
Zaporogues  comme  un  simple  hameau,  Kharkov  fut  trans- 
formé ensuite  en  forteresse  contre  les  invasions  tatares  ; 
en  1765,  elle  devint  le  chef-lieu  du  gouvernement  des  Slo- 
bodes  d'Ukraine  (Slobodsko-oukraïnskaïa).L3i  fondation 
du  Collegium^  transformé  plus  tard  en  université,  la  mit 
pour  plusieurs  dizaines  d'années  à  la  tète  du  mouvement 
intellectuel  de  l'Ukraine  et  contribua  beaucoup  au  réveil 
des  études  slaves  en  Russie. 

Le  gouvernement  de  Kharkov  (anc.  gouv.  des  Slobodes 
d'Ukraine)  est  situé  entre  ceux  de  Koursk  et  de  Voronèje 
au  N.,  du  pays  des  Cosaques  du  Don  à  l'E.,  d'Ekateri- 
noslav  au  S.  et  de  Poltava  à  TO.;  il  occupe  54,495  kil.  q., 
2,465,668  hab.  (en  1891).  Un  long  plateau  assez  élevé  le 
divise  en  deux  parties  :  celle  du  N.-O.  et  celle  du  S.-E.;  la 
première  appartient  au  bassin  du  Dniepr  et  la  seconde  à  celui 
du  Don.  Toutes  les  deux  présentent  chacune  une  plaine  on- 
dulée s'élevant  graduellement  vers  le  plateau  transversal  et 
interrompue  par  les  vallées  des  rivières.  Par  conséquent, 
toute  la  surface  du  gouvernement  de  Kharkov  est  ouverte 
aux  vents  et  a  le  climat  très  sec  et  chaud  pendant  l'été,  ce 
qui  lui  donne  déjà,  dans  une  certaine  mesure,  le  caractère 
de  steppes.  Le  sol,  très  fertile  dans  les  districts  du  Nord, 
devient  sablonneux  et  même  riche  en  sel  dans  ceux  du  Sud. 
La  production  des  blés,  l'élevage  du  bétail,  l'apiculture,  la 
fabrication  des  tabacs,  des  sucres  et  d'alcools  sont  très  im- 
portants, ainsi  que  les  manufactures  de  draps  et  de  tapis.  La 
plus  grande  partie  de  la  propriété  foncière  (85  ^/o)  appar- 
tient à  la  noblesse  qui  forme  25  ^/o  de  toute  la  population, 
tandis  que  les  paysans  formant  la  moitié  de  celle-ci  (50°/o) 
ne  possèdent  que  6,6  °/o  du  soi.  Le  gouvernement  de  Khar- 
kov se  divise  en  onze  districts  :  Kharkov,  Soumy,  Lebedine, 
Akhtyrka,  Bohodoukhov,  Valky,  Zmiév,  Izioum,  Voltchansk, 
KoupiansketStarobielsk.  Th.  Volkov. 

BiBL.  :  Bagaleï,  Matériaux  pour  l'histoire  de  la  coloni- 
sation, etc.,  des  limites  de  la  Moscovie  ;  Kharkov,  1886.  — 
Du  même.  Histoire  de  la  colonisation^  etc.  ;  Moscou,  1887. 

—  Lebedev,  Histoire  du  Collegium  de  Kharkov  ;  Moscou, 
1885.. —  Danilevskv,  Oukraïnskaïa  starina  (Antiquité  de 
rUkraine);  Kharkov,  18%.--  Matériaux  pour  la  statistique 
du  gouvernement  de  Kharkov  (publ.  par  le  Conseil  de 
Zemstvo),  1881-86.  ~  Oustinov,  la  Littérature  sur  le  gouv, 
de  Kharkov  ;  Kharkov,  1852.  —  Tchirikov,  Indicateur  des 
livres  et  brochures  publiés  à  Kharkov  de  1805  à  1819; 
Kharkovsky  Sbornik {Recueil  de  Kharkov  {lSSl-9i,  8  vol.); 
Mémoires  de  la  Société  d'hisloii^e  et  de  philologie  de 
Kharkov,  1890-94,  6  vol. 

KHARPOUT  ou  MAMOURATel-Aziz.  Ville  de  Turquie 
d'Asie,  ch.-l,  d'un  sandjak  du  vilayet  de  Mamourat-el-Aziz, 
à  95  kil.  de  Diarbekir,  à  1,450  m.  d'alt.,  sur  une  colline 
escarpée,  dominant  la  rive  gauche  du  Mourad-Tchaï  (branche 
orientale  de  l'Euphrate);  20,000  hab.  (dont  12,000  mu- 
sulmans). Plaine  très  fertile  et  bien  cultivée.  Fruits.  «  Col- 
lège d'Arménie  »,  dirigé  par  des  missionnaires  américains. 

—  C'a  été,  jusqu'en  1876,  le  ch.4.  du  vilayet  qui  a  pris 
son  nom  actuel  à  cette  époque,  en  même  temps  que  le  chef- 
lieu  en  a  été  transféré  à  Mezré,  résidence  préférée  du  gou- 
verneur depuis  1834.  —  Le  sandjak  a  295,000  hab.,  dont 
139,000  musulmans,  20,000  Kurdes,  45,000  Armé- 
niens, etc.  Le  caza  a  109,000  hab.  Tapis  renommés. 

KHARTOUM.  Ville  d'Afrique,  ancien  ch.-l.  du  Soudan 
égyptien,  dans  l'angle  formé  par  le  confluent  du  Nil  blanc 
et  du  Nil  bleu.  Fondée  en  1821  par  les  Egyptiens,  elle 
avait  environ  50,000  hab.  lorsqu'elle  tomba  au  pouvoir 
des  mahdistes  après  un  siège  soutenu  par  Gordon  (V.  ce 
nom).  Sa  position  paraît  lui  assurer  un  grand  avenir. 
Actuellement  elle  paraît  supplantée  par  son  faubourg 
d^Omdurman  (V.  ce  mot). 

KHAS.  Nom  sous  lequel  les  Siamois  désignent  des  tri- 
bus sauvages  fort  diverses  qui  sont  éparpillées  en  Indo- 


Chine  et  paraissent  les  débris  d'habitants  primitifs  du  S.-E. 
de  l'Asie;  les  uns  sont  dolichocéphales,  d'autres  brachycé- 
phales. 

BiBL.  :  Harmand,  les  Races  indo-chinoises,  dans  Mé- 
moire de  la  Société  d'anthropologie,  1882. 

KHASSIA  au  COSSYAH.  Région  montagneuse  de  l'As- 
sam,  entre  le  Brahmapoutra  et  la  Sourma.  Elle  forme  avec 
le  Djaïntia  un  district  de  16,000  kil.  q.  et  180,000  hab. 
Le  ch.--l.  est  Sylhet  (V.  Assam). 

Les  indigènes  sont  divisés  entre  vingt-cinq  petits  Etats 
gouvernés  par  des  chefs  électifs.  Leur  langue  n'a  pu  être 
rapprochée  d'aucune  autre.  Ils  n'ont  pas  d'écriture  ni  de 
littérature.  Ils  brûlent  les  morts  et  enterrent  les  cendres 
sous  des  dolmens.  Ils  observent  la  parenté  en  ligne  fémi- 
nine (V.  Famille). 

KHASSO.  Ancien  Etat  des  rives  du  haut  Sénégal,  autour 
de  Médine,  entre  le  Kaarta  au  N.,  le  Bambouk  au  S.  Jadis 
puissant,  il  fut  démembré  par  les  Bambaras  et  accepta  de 
bonne  heure  le  protectorat  français.  Les  Khassonkés  pas- 
sent pour  une  branche  des  Soninkés  croisés  avec  les  Maures 
et  les  Foulahs.  On  les  subdivise  en  Guidimakas^  sur  la 
rive  droite  du  Sénégal,  et  Gadiagas  sur  la  rive  gauche. 

KHATAK.  Tribu  de  l'Afghanistan,  aux  limites  des  dis- 
tricts indiens  de  Pécha  ver  et  Kohat.  Elle  compte  100,000  per- 
sonnes environ  et  est  à  peu  près  autonome  sous  le  protec- 
torat britannique.  Les  monts  Khatak,  qui  forment  l'E. 
du  Sefid-koh,  sont  très  riches  en  mines  de  sel  dont  le  gou- 
vernement anglais  a  le  monopole. 

KHATAN6A.  Fleuve  de  Sibérie,  gouvernement  d'Eni- 
séisk,  qui  se  jette  dans  l'océan  Glacial  arctique  après  un 
cours  de  750  kil.  Il  est  formé  par  le  kotono  et  le  Moniero, 
reçoit  à  gauche  la  Khéta  et  se  jette  dans  une  baie  qui  reçoit 
son  nom.  Il  sert  de  limite  entre  les  Tongouses  et  les 
Iakoutes. 

KHATAULL  Ville  de  l'Inde  anglaise,province  du  N.-O., 
sur  le  chemin  de  fer  de  Delhi  à  Lahore;  6,000  hab.  Mar- 
che  de  fpppiles 

KHATCHl.  Province  du  Tibet  (V.  ce  nom). 

KHATMANDOU,  KATHMANDOU  ou  CATMANDOU. 
Ville  de  l'Inde,  capitale  du  Népal,  à  gauche  du  Vichnou- 
mati,  à  1,340  m.  d'alt.;  50,000  hab.  dont  12,000  sol- 
dats. Palais  du  maharadjah,  formé  d'édifices  d'époque  et 
de  style  différents  ;  nombreux  temples  à  toits  de  bronze 
ou  de  cuivre  doré.  La  ville  remonterait  au  viii®  siècle. 

KHAYA  (Khaya  A.  Juss.)  (Bot.).  Genre  de  plantes  de  la 
famille  des  Méliacées,  tribu  des  Swiéténiées.  L'unique  espèce, 
K.  senegalensis  A,  Juss,  (Swietenia  senegalensis  Desrx) 
est  un'grand  arbre  à  feuilles  paripinnées,  à  fleurs  tétramères 
avec  un  androcée  formé  de  huit  étamines  et  un  ovaire  qua- 
driloculaire  qui  devient  à  la  maturité  une  capsule  renfer- 
mant des  graines  comprimées  et  albuminées.  Cet  arbre  est 
originaire  de  la  Sénégambie  ;  son  bois,  importé  en  Europe 
sous  le  nom  à' Acajou  du  Sénégal,  est  employé  pour  la 
fabrication  de  meubles  de  luxe.  Son  écorce,  fébrifuge,  est 
connue  sous  le  nom  de  Quinquina  du  Sénégal  ou  de  Caïl- 
cedra  (V.  ce  mot).  D»"  L.  Hn. 

KHAZARES.  Ancien  peuple  de  race  turque  établi  aux 
premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne  entre  la  mer  Caspienne 
et  de  la  mer  Noire.  Au  vii®siècle,  les  Khazares  s'avancèrent 
à  l'O.,  soumirent  les  Bulgares  orientaux,  occupèrent  la 
Crimée  et  Kiev.  Ils  fondèrent  un  empire  qui  s'étendait  du 
Boug  et  du  Dniepr  jusqu'au  fleuve  Oural,  et  au  N.  jusqu'à 
la  moyenne  Volga,  à  l'Oka  et  aux  sources  du  Donetz  ;  les 
peuples  slaves  de  ces  contrées  reconnurent  leur  suprématie 
(V.  Russie).  Au  vin®  siècle,  les  Khazares  se  convertirent 
au  judaïsme  (V.  Juif,  t.  XXI,  p.  264).  Leurs  capitales 
étaient  Itil  (Astrakhan)  et  Semender  ;  la  forteresse  de  Sar- 
tel  les  couvrait  du  côté  des  Petchénègues.  Leur  souverain 
portait  le  titre  de  khagân  (V.  Khân)  et  était  assisté  d'un 
beg,  général  en  chef;  le  noyau  de  l'armée  permanente  des 
12,000  Larssiei  se  composait  de  mercenaires,  la  plupart 
musulmans.  Les  Khazares  faisaient  le  commerce  avec  l'Eu- 
rope centrale^  l'empire  byzantin,  l'Asie  centrale,  la  Perse 


KHAZARES  —  KBERBA 


—  510  — 


et  même  l'Inde  (V.  Commerce).  Leur  empire  fut  détruit 
par  les  Russes;  Sviatoslav  les  écrasa  en  965,  prit  Sarkel, 
pilla  Itil  et  Semender.  En  4016,  les  Khazares  réduits  à  la 
Crimée  furent  achevés  par  la  coalition  des  Grecs  et  des 
Russes  sous  Motislav  (fils  de  Vladimir).  A.-M.  B. 

BiBL.  :  Frjîihn,  Excerpta,  de  Chasaris;  Saint-Péters- 
bourg, 1821.  —  Du  même,  Ibn-Fozlan^  1823.  —  Harkavv, 
dans  Russ.  Revue^  1875  et  1877. 

KHAZNADAR  ou  KHAZNADJl.  Ces  deux  mots,  l'un  à 
terminaison  persane,  l'autre  à  terminaison  turque,  sisjnifient 
également  trésorier,  et  proviennent  du  mot  arabe  :  khazna, 
«  trésor  ».  Le  fonctionnaire  qui  portait  ce  titre  en  Tunisie, 
et  en  Algérie  avant  la  conquête,  était  une  sorte  de  ministre 
des  finances.  Il  avait  pour  mission  de  centraliser  dans  ses 
caisses  les  divers  revenus  du  gouvernement  et  d'assurer  le 
service  des  dépenses  en  fournissant  toutes  les  sommes 
nécessaires.  Ce  rôle,  très  important  et  tout  de  confiance, 
assurait  au  titulaire  de  cette  charge  une  grande  influence 
dans  la  direction  des  afi'aires.  La  forme  Khaznadji  était 
employée  en  Algérie,  celle  de  Khaznadar  en  Tunisie. 

KHEDIVE  (V.  Egypte). 

KHEIDER  ou  KHREIDER  (Le).  Village  d'Algérie, 
dép.  d'Oran,  arr.  de  Mascara,  commune  mixte  de  Saïda, 
sur  le  bord  septentrional  du  chott  Gharbi,  à  100  kil.  au  S. 
de  Saïda,  sur  le  chemin  de  fer  qui  ira  bientôt  de  la  côte  à 
Figuig  et  qui  s'arrête  en  ce  moment  (  1 895)  très  loin  au  S.,  à 
Aïn-Sefra.  En  4881,  ce  n'était  qu'un  point  d'eau  que  le 
passage  des  caravanes  transformait  souvent  en  cloaque  nau- 
séabond. Le  29  juil.  de  cette  année,  le  Parlement  ayant 
autorisé  le  ministre  de  la  guerre  à  prolonger  vers  le  S.  le 
chemin  de  fer  des  Hauts-Plateaux  qui  s'arrêtait  alors  à 
Modzbah,  Le  Kheider  prit  une  grande  importance  ;  on  y 
établit  un  camp  permanent  pour  le  4^'  bataillon  d'Afrique, 
une  redoute,  un  poste  de  télégraphie  optique,  une  gare. 
Le  premier  train  y  arrivait  le  27  sept.  4881.  En  même 
temps  la  localité  s'est  transformée  ;  par  le  travail  des 
zéphirs,  les  sources  ont  été  soigneusement  aménagées, 
réunies  dans  un  bassin  entouré  de  murs  et  ombragé  de 
saules,  le  sol  irrigué,  planté  d'acacias,  d'ormes,  de  peu- 
pliers et  une  véritable  oasis  y  a  été  créée.  On  y  projette 
une  colonie  de  54  feux  et  quelques  industriels  et  marchands 
européens  s'y  sont  établis.  E.  Cat. 

KHELMOS  (Mont)  (V.  Grèce,  t.  XIX,  p.  275). 

KHEMISSA  ou  KHREMISSA.  Localité  de  l'Algérie, 
dép.  de  Constantine,  à  26  kil.  S.-O.  de  Soukh-Ahras, 
dans  une  région  montagneuse,  boisée,  riche  en  eau  et 
non  loin  des  sources  de  la  Medjerda.  Sur  une  série  de 
collines  formant  amphithéâtre,  on  trouve  les  ruines  éten- 
dues et  curieuses  d'une  importante  ville  romaine,  Thubiir- 
sicum  Numidarum ;  ruines  d'un  théâtre,  d'un  forum,  de 
thermes,  d'un  palais  du  procurateur,  d'un  arc  de  triomphe, 
d'une  basilique  chrétienne,  de  murs  d'enceinte,  statues  et 
inscriptions.  E.  Cat. 

KHEWINITZER  ou  CHEMNITZER  (Ivan-Ivanovitch), 
fabuliste  russe,  né  dans  le  gouvernement  d'Astrakhan  en 
4745,  mort  à  Smyrne  en  4784.  Il  était  fils  d'un  médecin 
allemand  de  Chemnitz  (Saxe)  qui  avait  pris  du  service 
dans  l'armée  russe  sous  Pierre  le  Grand  ;  il  étudia  d'abord 
la  médecine,  mais  il  ne  put  surmonter  son  aversion  pour 
l'anatomie  et  entra  dans  l'armée  dont  il  sortit  en  4767, 
après  plusieurs  campagnes,  avec  le  grade  de  lieutenant.  Il 
passa  ensuite  au  service  des  mines,  puis  partit  bientôt  à 
l'étranger  avec  son  protecteur  Soïmonov  et  son  ami  Lvov  ; 
ils  visitèrent  l'Allemagne,  la  Hollande  et  la  France.  A  son 
retour,  son  protecteur  ayant  quitté  le  service,  il  fut  obligé 
d'accepter  le  poste  de  consul  à  Smyrne,  où  une  sombre 
mélancolie  hâta  sa  mort.  Soumarokov  et  les  autres 
fabulistes  ses  devanciers  n'avaient  guère  écrit  que  des  sa- 
tires, Khemnitzer  fut  le  premier  qui  créa  le  genre  véritable 
de  la  fable  russe.  Il  traduisit  et  imita  La  Fontaine  et  sur- 
tout Gellert,  mais  sut  aussi  rester  original  et  composa 
soixante  fables  empreintes  d'une  bonhomie,  d'une  simplicité 
et  d'un  caractère  national  qui  les  font  aimer  du  peuple 


russe.  Sa  langue  n'est  pas  indigne  de  celle  de  Krylov  et  il 
peut  être  appelé  le  Florian  de  la  Russie.  Le  meilleure  édi- 
tion de  ses  œuvres  est  celle  de  Ponomarev  (Moscou,  4836). 
Ses  fables  sont  constamment  réimprimées.  Les  Fables  et 
Contes  de  Khemnitzer  ont  été  traduits  par  Masclet  (Moscou, 
1830).  L.  L. 

KHENCHELA.  Village  d'Algérie,  dép.  de  Constantine, 
arr.  de  Batna,  à  450  kil.  S.-S.-E.  de  Constantine,  au 
point  de  convergence  de  plusieurs  vallées  fertiles,  qui  com- 
mande la  partie  N.-E.  de  l'Aurès.  C'est  le  centre  de  deux 
circonscriptions  administratives,  d'une  commune  mixte  de 
l'arr.  de  Batna  (499,000  hect.  avec  47,226  hab.,  dont 
480  Français  et  448  Européens),  et  d'une  commune  indi- 
gène de  la  subdivision  militaire  de  Batna  (433,000  hect., 
s'étendant  jusqu'à  la  frontière  tunisienne  et  comprenant  les 
tribus  du  djebel  Chechar  avec  4 9, 4 04  hab.,  tous  indigènes). 
Grâce  à  son  heureuse  position,  le  petit  centre  français 
qu'on  y  a  établi  a  rapidement  prospéré  et  serait  déjà  une 
ville  s'il  était  relié  au  reste  du  département  par  une  voie 
ferrée;  il  y  a  d'importants  marchés  pour  les  bestiaux,  le 
blé,  Forge,  le  maïs.  H  y  avait  là  une  ville  assez  grande  à 
l'époque  romaine,  Mascula,  et,  aux  environs,  tout  le  pays 
est  couvert  de  ruines  dont  quelques-unes  sont  très  im- 
portantes. E.  Cat. 

KHENEG.  Ce  mot,  qui  signifie  gorge  ou  défilé,  se  ren- 
contre fréquemment  dans  la 'toponymie  arabe  :  quelquefois 
il  est  employé  sous  la  forme  du  nom  d'unité  Khanga.  Citons 
parmi  les  localités  appelées  Kheneg,  outre  celle  qui  est  do- 
minée par  les  ruines  de  Tiddis  (V.  ce  mot),  près  de  Constan- 
tine :  le  Kheneg  Azir,  lieu  d'étape  sur  la  r.  g.  de  Foued 
Abiod,  à  50  kil.  au  N.  de  Géryville  (prov.  d'Ôran),  avec 
un  caravansérail  et  un  puits:  Kheneg-es-Souk,  à  90  kil. 
au  S.  de  Frenda,  sur  l'oued  Sidi-Nasseur:  Kheneg-el- 
Melh,  au  N.  de  Tadjrouna,  sur  la  route  d'Oran  à  Ouargla, 
défilé  long  de  46  kil.  et  qui  n'est  autre  que  le  lit  d'une  rivière 
desséchée  :  c'est  un  des  rares  passages  qui  conduisent  de 
la  province  d'Oran  dans  le  grand  Sahara  ;  il  est  fréquente 
par  les  tribus  nomades  qui  y  viennent  en  outre  chercher 
du  sel.  Il  est  célébré  par  des  légendes  sahariennes  et  passe 
pour  la  demeure  de  djenoun  ou  esprits.  E.  Cat. 

KHENENSOU  (V.  Héracléopolis) . 

KHÉOPS  (V.  Khoufou). 

KHEPHREN(V.  Khâfra). 

KHERASKOV  (Mikhaïl-Matviéiévitch),  poète  russe,  né 
dans  le  gouvernement  de  Poltava  en  4733,  mort  à  Moscou 
en  1806.  Il  descendait  d'une  famille  de  boïars  de  Vala- 
chie.  Il  fut  élevé  dans  le  corps  des  cadets  de  l'armée  et, 
après  avoir  servi  quelque  temps,  fut  nommé  assesseur  à 
l'université  de  Moscou  au  moment  de  sa  fondation  (4755). 
C'est  là  qu'il  passa  la  plus  grande  partie  de  sa  vie,  tour  à 
tour  directeur  de  la  typographie,  directeur  de  Funiversité 
et  enfin  curateur,  s'adonnant  à  la  littérature  et  surtout  à  la 
poésie.  Il  fonda  un  cercle  littéraire,  édita  des  journaux, 
s'occupa  de  pédagogie;  en  4783,  il  fut  nommé  membre  de 
l'Académie  russe  qui  couronna  sa  tragédie  Zoreïda  et  Ros- 
tislav.  Son  autorité  littéraire  était  très  grande  ;  on  l'avait 
surnommé  le  «  staroste  »  de  la  littérature  russe.  H  mou- 
rut entouré  de  la  considération  universelle,  laissant  une  ré- 
putation d'écrivain  de  talent  et  d'excellent  critique.  Son 
œuvre  la  plus  connue  est  son  épopée  sur  la  prise  de  Kazan, 
la  Rossiade,  qui  célèbre  la  délivrance  de  la  Russie  du  joug 
des  Tatares  de  la  Horde  d'Or.  Il  faut  citer  encore  son 
poème  Vladimir  où  il  chante  le  baptême  de  saint  Vladimir 
de  Kiev.  Kheraskov  avait  écrit  des  tragédies,  des  fables, 
des  nouvelles,  des  poésies  diverses,  aujourd'hui  à  peu  près 
oubliées.  Ses  œuvres  réunies  à  Moscou  (4796)  forment 
42  volumes  ;  quelques  poésies  oût  été  traduites  en  français, 
entre  autres  la  Bataille  de  Tschesmé,  M.  M. 

BiBL.  :  LoNGiNOv  et  Bartenev,    dans  Russky  Arkivi 
1873  et  1879. 

KHERBA  ou  KHERBET.  Ce  mot  arabe,  qui  signifie 
ruine,  se  rencontre  fréquemment  dans  les  noms  de  lieux 
algériens  ;  la  forme  berbère  est  akhérib.  On  peut  citer, 


5ê9  -™- 


LONDE  -  LoNbjaKs 


ses  idées  dans  :  Nouveaux  Eléments  d'hygiène..,  (Paris, 
4827, 1837,  1847,  2  vol.  in-8).  En  1831,  il  alla  étudier 
le  choléra  en  Pologne,  comme  président  d'une  commission 
spéciale.  Peu  après,  il  publia  :  De  rMthrite  et  de  ses 
principales  variétés  (Paris,  1833,  iiii-S).     D'^  L.  Hn. 

LONDERSEEL  ou  LONDERZEEL  CU.  de  Belgique, 
proY.  de  Brabant,  arr.  de  Bruxelles;  4,t00  hab.  Stat.  du 
chem.  de  fer  d'Ostende  à  Cologne.  Distilleries,  fabriques 
d^huile,  grand  commerce  agricole. 

LONDERSEEL  (Assuérus  Van),  peiiatreet  graveur  hol- 
landais, né  à  Amsterdam  vers  1550,  mort  après  1599. 
On  lui  doit  de  bons  paysages,  mais  il  est  surtout  conûu 
comme  un  excellent  graveur  sur  bois,  ce  dont  témoignent 
les  illustrations,  d'après  les  dessins  de  P.  Van  der  Borcht, 
du  Nouveau  Testament  (Anvers,  1^73,  in-16),  des 
Voyages  en  Turquie  de  Nie.  de  Nicolay  (Anvers,  1577, 
pet.  in-i),  et  une  série  d'estampes. 

LONDERèEEL  (Jans  Van),  graveur  flamand,  né  à 
Bruges  en  4582.  Elève  de  Nie.  de  Brùyn,  il  burina  avec 
talent  une  centaine  d'estampes,  sujets  bibliques  et  paysages, 
d'après  H.  Arts,  Winckenboons  et  G.  de  Conincxloo,  ainsi 
que  le  portrait  du  célèbre  Birck  Coornhert^  d'après  C.  Cor- 
nelisz.  G.  P-i. 

LONDESBOROUGH  (V.  Denison  [Albert]). 

LONDISNY.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  de 
Ruffec,  cant.  de  Villefagnan;  517  hab. 

L0NDIN1ÈRE8.  Ch.4.  de  cant.  du  dép.  de  la  Seine- 
Inférieure,  arr.  de  Neufchâtel,  sur  l'Elaulne;  1,125  hab. 
Moulins,  Eglise  des  xvi®  et  xvji®  siècles.  Au  hameau  de 
Boissay,  église  de  la  Renaissance  dans  le  portail  de  laquelle 
figurent  le  huste  de  François  P'"  et  deux  salamandres. 

LONDONl(V,  Londres). 

LONDON.  Ville  diï  Cansfda,  prov.  d'Ontario,  au  con- 
fluent de  FEastern  et  du  Northern  Thames;  25,000  hab. 
Belles  rues  et  maisons,  Western  Université.  Raffineries  de 
pétrole  ;  minoteries,  etc.  Source  sulfureuse. 

LONDONdERRY.  Ville.  -^  Ville  d'Irlande,  ch.-l.  du 
comté  de  ce  nom,  dans  une  situation  pittoresque,  sur  le 
Foyle  qui  la  sépare  de  son  faubourg  de  Waterside  et  lui 
sert  de  port  ;  29,000  hab.  Elle  est  enveloppée  d'une  en- 
ceinte bastionnée.  Cathédrale  protestante  d'aspect  imposant. 
Evéchés  protestant  et  catholique.  Tannerie,  tissage  du  lin, 
chemiserie,  distillerie,  brasserie,  constructions  navales. 
L'exportation  est  insignifiante  ;  Fimpoi'tation  se  monte  à 
nne  douzaine  de  millions  de  francs.  Fondée  en  1612  par 
les  douze  corporations  de  la  Cité  de  Londres  auxquelles 
Jacques  P^  avait  donné  ce  terrain,  elle  fut  lé  boulevard 
de  la  domination  anglaise.  En  1689,  eUe  soijitint  contre 
Jacques  II  un  siège  de  407  jours,  que  rappelle  une  co- 
lonne commémorative. 

Comté.  — -  Le  comté  de  Derry,  devenu  Londonderry,  est 
situé  au  N.  de  l'Irlande,  dans  la  prov.  d'Ulster,  sur  l'Océan, 
entre  le  lough  Foyle  et  le  Bann  ;  il  mesure  2,114  kil.  q. 
et  compte  152,009  hab.  (en  1891);  les  catholiques  repré- 
sentent environ  44  **/o  du  total.  Le  comté  eSt  divisé  par 
les  collines  de  Carntogher  (541  m.  au  White  mountain), 
prolongées  à  l'O.  par  le  Sperrin  (583  m.  au  Sawel).  A 
FE.  de  ces  hauteurs  coule  le  Bann,  à  l'O.,  le  Roe,  le  Fau- 
ghan,  le  Foyle.  Les  collines  sont  sauvages,  lés  Vallées  fer- 
tiles. Les  champs  occupent  3i  ^/q,  les  pâturages  49  ^jo^  les 
bois  1  **/<),  les  bruyères  et  tourbières  16  "/o  de  l'étendue 
totale.  On  n'exploite  pas  le  fer  assez  abondant.    A.-M.  B. 

LONDONDERRY  (Marquis  de)  (V.  Stewarï). 

LONDONDERRY  (Comtes  de)  (V.  Ridgeway). 

LONDONDERRY  (Henry-Robert  Stewart,  marquis  de) 
(V.  Castleraegh). 

LO  N  DO  N 1 0  (Francesco) ,  peintre  et  graveur  italien,  né  à 
Milan  en  1723,  mort  en  1783.  Il  apprit  la  peinture  dans  sa 
ville  natale  avec  Ferdinando  Porta  ;  ses  tableaux  sont  des 
paysages  avec  personnages  et  animaux.  Ce  ne  fut  qu'enl  769, 
lors  d'un  voyage  à  Naples,  qu'il  apprit  la  gravure  à  l'eau- 
forte,  avec  Benigno  Bdssi.  Ses  estampes,  qui  représentent 
comme  ses  tableaux  des  scènes  champêtres,  souvent  sur 


papier  bleu  avec  des  rehauts  blancs  au  pinceau,  sont  exé- 
cutées av^c  finesse  et  avec  esprit  et  fort  recherchées.  Elles 
ont  été  publiées  par  suites  de  6,  10,  12  ou  16  feuilles,  ou 
séparémeiit  ;  oia  en^  connaît  en  tout  quatre-vingt-quatorze. 

LONDÔS  (Andjfé),  général  grec,  né  à  Vostizza,  suicidé 
à  Athènes  en  oct.j  1846.  Il  se  distingua  dans  la  g^ierrede 
l'indépendance  à  partir  de  1821,  combattit  Condouriotis 
en  ^824,  fut  ministre  de  la  guerre  en  1843  dans  jte  cabi- 
net Metaxtis  et  de  Fintérieur  en  1844  dans  le  cabinet 
Mavrocoii'dfito.      ' 

LONDrttS  (anglais London).  Généralités.  —  Capitale 
de  l'Angl^téi*re  et  du  Royaume-Uni  de  Grande-Bretagne 
et  d'Irlande i  i'ésîdénce  de  la  reine,  siège  du  Parleinent,  des 
ministèï'és  et  des;  grands  corps  de  l'Etat,  située  sur  les 
deul  rives  de  la  Tamise  à  environ  90  kil.  de  la  mer  du 
Nord.  Le  poitit central,  la  cathédrale  Saint-Paul,  est  situé 
par  W*0W  IM.  N.  et  2«25'  long.  0.  de  Paris.  Elle 
s'étend  sUr  j^Uatre  comtés,  Middlesex,  Essex,  Surrey  et 
Kent.  Cette  ■ville! colossale,  qui  est  de  beaucoup  la  plus 
grande  kggldméràtion  humaine  de  la  terre,  n  a  pas  de 
limites  précises;  celles-ci  varient  selon  les  administrations 
qu'on  erivisagé  :  j^olièe^  état  citil,  travaux  publicd,  circohs- 
criptionS  éleqtèi'ales,  etc.  Nous  les  examinerions  |)ltis  loin. 
On  admet  coteiïiunément  les  limites  du  registre  général 
des  listes  dé  décès  définies  par  les  Bills  of  Mortality , 
Ceci  donne  à;  Londres  305  kil.  q.  (un  peu  plus  du  qua- 
druple delà  bj)ei:'ficie  de  Paris)  dont  127  dans  le  çonito 
de  Middl0§ex',  91  dans  le  Surrey,  87  dans  le  Kent.  La 
ville  a  26  kill  de  FE.  à  FO.,  19  kil.  du  N.  au  S. 

Elle  est  bâtie  ides  deux  côtés  de  la  Tamise  au  centre 
d'un  bassin  t^rtiafire,  mt  le  terrain  appelé  ai'gile  de  Loîi- 
dres  (Londok  cM|/)'  ^^^^  celui-ci  a  été  recouvert  par  les 
sables  et  les  gra^^^ers  du  fleuve  (jadis  plus  considérable)  ; 
ceux-ci  s' èténdenï  à  environ  3  kil.  sur  chacune  des  rives  ; 
mais  en  pîiiSietirg  endroits  se  trouvent  sur  les  rivages  des 
dépôts  alluvlaiix  àvoisinant  des  terrasses  ou  digues  artifi- 
cielles où  iiàlurelle^.  Les  alluvîons  forment  au  S.  du  fleuve 
le  sol  des  mtais  Idesséchés  où  est  construit  le  quartier  de 
Southwarki;  au  É,  celui;  du  quartier  de  Westminster,  les 
rives  d0  là  Léa,  depuis  Stèke  Newington  (faubourgs  de  Strat- 
ford,Bô\v,|W|e^tham,  Pkistow;  e(c.)etFîle  des  Chiens  (/5/<? 
of  Pogs)  dlessinéei  par  des  travaux:  d'art  en  face  de  Green- 
wiqh.  Leslsîibles  et  graviers  s'étendent  ensuite  jus<ju'au 
parc  de  Battra  au  S.-J-O.;  Regénts  park  au  N.-O.,  Vic- 
toria park  au  N.-jE.  ;  la  terre  à  briques  occupe  de  vastes 
surfaces  etttrb  Viètoria  park  et  Stôke  Newington,  à  Cheap- 
sidè  (dans  là  Cité),  Fareham  et  Battersea;  Fargile  de 
Londres  s 'étend  ftu  N.  du  fleùvé  à  partir  des  jardins  de 
Kensingtôn,  jUSqd'à  Irlington,  puis  au  N.  de  Highbury  et 
Stoke  Ne'W^inllion;  au  S.  du  fleuve,  au  delà  d'une  ligne 
irrégulîèré  passant  par  Wandsworth,  Clapham,  Camber- 
vv'^ell,  Deptford.  Les  assises  tertiaires  inférieures  émergent 
un  peu  au  delà,  à'Creeùwich,  Dulwich,  Lewisham,  Black- 
heath  (sablés  de  Ihanet,  couches  de  Wolwich,  Reading  et 
Blackh^ath)  ;  enfipi  le  sous-sol  calcaire  qui  forme  le  fond 
du  bassin  géologique  d^  Londres  et  le  principal  niveau 
d'eàu  sdutérréine  n'est  visible  qu'à  Grcenwich .  On  s'explique 
ainsi  que,  bâtie  sur  le  sable  et  l'argile,  Londres  soit  cons- 
truite eh  bHques. 

Climat.  ^  Le  climat  est  humide^  mais  sain,  surtout 
depuis  que  l'établissement  d'une  vaste  canalisation  sou- 
terraine a  nettoyé  le  sol;  la  mortalité  a  beaucoup  décru 
depuis  Fachètement  de  ce  réseau  d'égouts.  La  tempéra- 
ture moyenne  annuelle  est  de  +  10^,25,  équivalente  à 
celle  de  Paris;  en  hiver  la  moyenne  est  de  4-  3^,6;  en 
été  de  +  16°,6,  On  ne  voit  que  bien  rarement  de  la 
glace  sur  la  Tamise;  la  neige  même  est  peu  commune.  La 
pluie  se  répartit  à  peu  près  également  entre  les  quatre 
saisons;  la  chute  d'eau  totale  est  de  634  millim.  par  an. 
Mais  le  climat  est  gâté  par  les  fameux  brouillards  de 
Londres,  brotiillards  jaunes  qui,  s'élevant  de  la  Tamise, 
absorbent  les!  fumées  de  la  ville  qui  les  colorent  et  em- 
pruntent aux  gaz  une  odeur  particulièrement  désagréable. 


Topographie.-— 'RiELiEF  bu  sol.— Le  relief  primitif  du 
soi  iofiidoïiien  a  été  fort  altéré  au  cours  des  siècles  par  les 
travaux  humains  ;  cependant  on  peut  le  retrouver.  La  ville 
occupe  la  vallée  de  la  Tamise  qui  serpente  à  travers  une 
plaiïie  marécageuse  et  i^eçoit  du  N.  la  Lea.  Jadis  le  fleuve 
s'ép^ndait  sur  les  bas-fonds  entre  Lambeth  et  Limeliouse, 
errant  à  travers  les  marécages  où  s'élève  le  quartier  actdel 
de.Southwark:  ceux-ci  s'étendaient  au  Si  jusqu'au  pied  des 
collines  du   Surrey  qui  se  développent  de  Clapham  à 
Greenwich;  les  principales  sont  Brixton  hill,  Tuise  Ml, 
Herne  hill,  Champion  hill,  Denmark  hill,  Biackheâth;  en 
arrière  de  cette  première  rangée,  la  colline  de  ëydenh^ni 
atteint  412  m.  —  Au  N.  de  la  Tamise  le  sol  est  pi  fis  acci- 
denté, et  Ton  ne  retrouve  de  vastes  marais  qu'à  i%  de  |a 
Lea  et  dans  la  région  de  l'île  des  Chiens  où  se  cpnfpiidpient 
autrefois  les  eaux  du  fleuve  et  de  son  aifflueni  Une  ligrie 
de  collines  se  développe  au  N.-O,,  atteignant  îm  n}.  à 
Haiîfipstead,  129  à  Highgate,  46  à  Highbdry. .  Eritr^  ces 
hauteurs  et  la  Tamise,  on  discerne  encore  î'erjipîace-- 
ment  de  plusieurs  monticules.  La  ville  primitive,  la  Cité 
actuelle,  fut  édifiée  sur  un  de  ces  monticules,  donil'ègljse 
Saint  Paul  occupe  le  sommet  et  que  coupait  jadis  le  rkm 
de  Walbrook;  au  N.  et  à  l'E.  de  ce  renflement  était  une 
fondrière  dont  le  nom  du  quartier  actuel  de  Finsbury 
évoque  le  souvenir.  A  l'Ë.,  le  ruisseau  dît  Fleet  river  des- 
cendait des  bruyères  de  Hampstead  vers  le  S.»E.  par 
Kings  cross  et  Clerkeuwetl,  prenant  dans  sa  partie  iiifé-  i 
rieure  le  nom  de  Holebourne  ou  Hollowburn,  à  cause  (Je  | 
l'escarpement  de  ses  bords.  A  l'O.  de  ce  ruisseau  utie 
auirè  élévation  un  peu  plus  accusée  comprend  les  districts 
des  inns  of  Court,  de  Bloomsbury  et  Sol^o,  se  prolongeant 
par  Marylebone  jusqu'à,  la  colline  de  tyburn  à|'0.  (presae 


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S v^iss  cottage)  que  bornait  le  bas-lbi^d  de  Westbourne;  au 
S.  et  à  rO.  de  ces  hauteurs  s'étendait  jusqu'au,  fleuvieja 
dépression  marécageuse  où  se  sont  çoUstifuits  les  (juar^iefs 
de  Westminster,  Pimlico,  Çbelsea  et  Kénsijîgtoîi.  A  |i'().  d0  ces 
fonds,  le  terrain  Se  relève  fermant  lesçollfees  fie iNoijiiig!  h|il 
(à  l'O.  de  Eensïngton),  Primrose  liill  (au  fN.  de,liôgbn^s 
park),  autrefois  occupée^  i  par  une  forêt,  qui  étaient  mteriné~ 
diaires  entre  les  monticules  des  bords  4®  IsjTamïse  ^tl^s  l^ap^ 
teurs  les  plus  considérables  du  N.  (iïampsie4d  et  ttig^ngate). 
Les  différents  quartiers.  —  ta  ville  de  LpndréSî  a  polir 
noyau  la  Cité  qui  feu  occupe  encore  aujourd'hui  le  centre. 
Elle  est  située  au  N.  de  la  Tamise,  le  long  de  son  Coucie 
septentrional;  elle  a  une  superfléie  de  2l09  hect.i  auiojir 
se  développeîit  les  autres  quartiers,  enveloppés  eux-meUi^e^ 
par  une  ceinture  de  faubourgs  mêlés  <l'«ne  quantité,  de 
jardins  publics  et  privés.  La  Cité  est  je  coeur  du  vaste  Lojfi'- 
dres,  le  centre  du  grand  Commercé  qui  y  rfévelop^é  pen^ 
dant  la  journée  une  activité  ineomparsible.  Les  quartiers,  ^ 
l'Est,  qu'on  réunit  sous  rappellationd'E^st  eod,  s(j)iït  éeax 
du  travail,  le  port, le  loï^g  du  flé(|f  e  et  lés  usines,  "t^^x  de 
rOue|t,  du  West  end,  sputijceux  dél'anstbcratie,  dunionde 
politique  et  de  l'éiéganée.i  Au  §.,  de>  la;Taaiisé  ^ont  dps 
quartiers  ouvriers  et  niaujifacturiers.  |)^s  anciens  bourgs 
parlementaires,  |ept  étaient  au  N.  dii  flejiye  et  tr(^is,^u  1. 
Nous  décrironis  la  ville  en i suivant  l'ordilé  de  ces, dix  ré- 
gions, et  en  indiquant  tous  les  quartiers  et  fajubourgs^  ta 
première  est  la  Cité  sur  laquelle  npdsr^vieridronèpltis  en 
détail  tout  à  l'heure.  —  A  l'E.  de  la  Git^,  le  long  deia  Ta- 
mise, s'étendent,  à  partir  de  la  Toiir,  le^  rues  de  ;  ïpwef 
Hamlets;  on  y  distingue,  sur  le  ÏÏedvevdans  une  sQïfte  de 
boucle,  le  quartier  du  Wapping^  0elui  des  mariti-s  par 
excellence,  et,  du  côté  de  Tintérieur,  les  {bouges  de  White 
chapel^  le  quartier  de  la  misère  et  de  la  prostitution,  en 
grande  partie  peuplé  d'AUemands,  travaillant  dans  les  raf- 
fineries de  sucre  de  Gooimans  fie^d  au?:  limités  de  la 
Cité.  Dans  Whitechapel  s'entasseni  8,000  iliàisôns,  enfile 
lesquelles  serpentent  des  allées  tortueuses,  d(?s  coui^s  sans 
jour,  où  croupissent  des  mares  fétides;  les  ppintSi  les  pllis 
saillants  sont,  de  ce  côté,  la  riie  des  Boucheys,  auski  sap- 
glante  et  malpropre  qu'au  moyen  âge,  eij,  datts  le  Hounds- 
ditch,  la  partie  contiguë  delà  Cité iquartiôr  juif), la  foire 


aux  ciillïons  (Rag  fair).  En  se  rapprochant  de  la  Led,  on 
trouve  les  quartiers  de  Stephey,  Mile  end,  Old  town, 
BoWyBromley,  Umekouse,  Poptar et Blackwall,  au  S. 
desquels  se  dével6p{)ent  les  bassiqs  et  les  dbcks  de  Tile  des 
Chiens  (îsfe  of  Dogs),  --  Au  N.  de  la  région  de  Tower 
Hamlets  est  celle  dGftackney  (jui  en  a  été  séparée  en  1867  ; 
elle  rayonne  à  parMr  de  la  Cité  jusqu'à  la  Lea  ;  ses  principaux 
quartiers  sont  :  côntigu  à,  la  Cité,  Spîtalftelds  oii  les  émi- 
grés français  protestants  installèrent  l'industrie  de  la  soie  ; 
m^  Shoreditcfi,  Èethnal  green^  peuple  de  tisserands 
irlandais  et  renfermàjit  encore  bien  des  maisons  en  planches, 
et  Globe  town,  (t^'egayë  lé  voisinage  dé  Victoria  park,  qui 
sépare  le  quartier  ^'Oldfôrd  de  ceux  de  Bachwy  et 
mokneywick;  au  i^.^0.  de  ceux-ci  sont  ceux  de  Uornerton, 
Ckptonet  ShacMèmll;  plus  loin  encore,  Stanford  hill 
et  Tottenham  ;  à  l'D;  de  Bethnàl  green  et  de  lïackney,  ceux 
de  Baguer ^tone  et  àe  Dalsïone,  —  A  l'E.  de  là  Lea,  les 
laubourgs  de  Plaistçw,  West  hàm,  Stratford,  Leijton, 
Waltkapis  tôwn  rie  ^oht  pas  encore  confondus  avec  l'a^- 
gloméràtion  centrale,  —  La  région  à^  Finsbury  Qémmmce 
au  N.  de  la  itioitiè  ipécidentale  dé  la  Cité;  on  y  trouve  les 
quartiers  dé  Boxton,  Clerkemvell,  peuplé  de  iiîjoutiers, 
d'horlogers,  de  mécaniciens,  mais  dont  les  ruelles 'ignd blés 
sont  eneore  îin  dès  repaires  de  la  misère  et  du  vice;  Kings 
cross,  PentohviUey]fslingto?i,  CahonHry,  ad  pied  de  la 
colline  à'Higkbury ;  à  TÈ,  de  celle-ci,  ÏUngslmd  et  Stoke 
Newingto^i,  contigu  à Clapton  ;  ad  N.-Ô.  d'Highbury  s'étend 
Holloway^  dominé  à  l'O.  par  là  Hauteur  de  Éighgate.  ~~ 
La  région  de  Marylebone  est  celle  de  Régents  ,j)ark,  qu'éii- 
tourentjes  .maisons  )n  on  umen  taies  d'York,  Cuiiiberlarîd  et 
Cornwàll  térràce.  Les  résidëncesi  prihcières  de  ce  quartier 
bâties  au  début  du  x^f  siècle,  diit  été  abandonnées  dépuis 
à  la  petite  boiir|eo^s|e.  Cèpendàiit  les  environs  de  Caven- 
disb  square  Gontmii8i|it  de  loger  les  célébrités  médicales, 
quelques  légistes .  et  ^tos  uégdciants.  tetie  région  de  Ma- 
rylebone empriihte  son  nom  a  là  gradde  rue  qui  longe  le 
S.  d^  parc;  oh  y  rattaché  à  l'E.  decélui-ci  Saint  Paneras; 
auN.-E.,  Camden  tçm,  Kentish  fown;  m^.,Saversiock 
hill  ad  pipà  h  h  colline  de  Hainpâtead  ;i  au  N.-O. ,  N'imrose 
hill,  Pqrtland  tôwn^  Behi^e  parle,  Éilburn;  k\%.Sf(int 
Joknswqod,  à ve<^  sçs  villas  dé  petits  négociants,  auxquelles 
le  monde  galant  dispute  l^i  place,  et  Je  vaàe  quartier  de 
PaddingUn,  pr0lon|é  à  TO.  p^r  Westpourne  àkmsal 
gr^en;  au S.-O.  ^ipBaysmU^  et Éotting  KM; m  S.  du 
parc  est  le  quartier  proprement  c^it  de  Marylebone,  séparé 
de  la  Cité  par  celui  de  BlôQ:msI)îiry  éi  de  Ëyde  park  par 
rélégant  quartier  neuf  de  Typiimial  Ce  coin  de  Soho  et 
Leicester  square  est  le  quartieij  étràiîger,  peuplé  de  Fran- 
çais, dé  Belges,  d'Mliens,  de  Polonais,  4'AUeKpands.  ~ 
La  tkgmxiÀQ  Westminster,  qui  est  la  partie  la  plus  élé- 
gante de  LondAs,  e^t  séparée  de  la  précédeiite  par  Oxford 
Street  e|  ses  pt'olonielnents  jusqu'aux  jardins  dé  Kèiisingtoh 
et  s'étend  à  l'O.  jusqu'à  Sloane  stréet  et  ^^  VMiVé.  de 
Chelseâ;  elle  entouré  d'admirables  parcs  dont  les  pelouses 
otles  pièces  d'eau  s'étendeiit  presque  du  fleuve  à  la  ban» 
lieue  :  Saint  Jatoes  park,  Green  park,  Buckingham'  palace, 
iiyde  park,  Kensin^tori  gardens.  Le  long  de  la  Cité  se 
trouve  d'abord  le  quartier  judiciaire  {Uns  ofCourï);  puis, 
au  voisinage  de  ChàHng  cross  et  de.Trafalgar  sqiiare  qui 
constituent  lé  centre  dp  West  end,  le  quahier  des  clubs, 
Saint  lameè;  les  affaires,  et  la  misère  ont  envahi  celui  de 
Saint  Giles  auprès  d^  Leiées ter  square  ;  il  contraste  avec 
l'élégance  de  cejix  de  May  fair,  ;des  environs  de  Grosvenor 
square  et  de  Belgravia  ^u  S.deHyde  park.  Les  riches 
habitants  de  Belgravia,  quartier  sileiicieux  aux  larges  rues 
et  aux,  maisons  splennelles,  donnent  du  travail  et  sont 
nouï^ris  par  une  ceinture  de  qjiartiers  commerçants.  Au 
S.  de  Green  park  est  celui  de  Pmlico  qui  va  jusqu'à 
la  Tamise,  -r  La  région  de  Chels^a  est  au  S.  de  la 
précédente^  embrassant,  outre  Ùlielseft,  riverain  du  fleuve, 
Brùmpton  au  S.  i&Ey àepB.rk,  Kemïngtoh  au  vS.-O.  des 
jardins,  dé  ce  itorn;  au  S.  de  ceux-ci,  WciUiam  gfeen ; 
plus  lom,  dans  un  coude  méridional  ie  la  Tamise,  Fulham; 


513  — 


KHITANS  —  KHIVA 


1218  par  les  Mongols  dont  Tenvahissante  suprématie  sup- 
prima définitivement  l'empire  khitan. 
i^..4.Pour  suivre  jusqu'au  bout  les  destinées  des  Khitans,  il 
faut  rappeler  que,  même  après  la  conquête  mongole,  on  les 
voit  reparaître  une  fois  encore.  Un  officier  du  dernier  khan 
du  Kara  Khitai,  un  nommé  Borac  iïadjib,  tenta  la  fortune  à 
main  armée  ;  il  s'empara  de  la  ville  de  Kévachir  (ou  Bar- 
dasir)  et  se  fit  reconnaître  sultan  de  toute  la  province  perse 
deKirman.  Ses  descendants  héritèrent  de  son  trône  pendant 
quatre-vingt-six  ans  ;  ils  furent  nommés  Kara  Khitaïens, 
comme  la  race  d'où  ils  étaient  issus.  Ils  s'éteignirent  en 
l'an  1309.  Ed.  Chavannes. 

BiBL.  :  ViSDELou,  Supplément  à  la  Bibliothèque  orientale 
de  d'Herbelot.  —  Le  P.  Hyacinthe,  Description  de  la 
Mongolie  {en  russe),  S*»  partie.  —  H.-C.  Gabelentz,  Ge- 
schichie  der  grossen  Liao  (cette  traduction  de  la  l""»  partie 
du  Leao  c/ie  n'a  été  publiée  qu'en  1877  par  Gabelentz). 
—  W.  ScuoTT,Kitai  und  Karakitai^  Abhand.  der  Kœnig. 
Akad.  d.  Wiss.;  Berlin,  1879.  —  John  Ross,  Corea, 
pp.  197-229.  —  Bretschneider,  Mediaeval  Researches^ 
vol.  I,  pp.  208-235.  —  H. -H.  Howorth,  The  Khitai  or  Khi- 
tans, dans  Journal  of  the  Roy.  As.  Soc.  N.  S.,  vol.  Xlll, 
pp.  121-182  ;  The  Kara  Khitai  (id.,  vol.  VIII,  pp.  262-'290). 

KHITROVO  ou  HITROVO  (Bogdan-Matviéiévitch), 
homme  d'Etat  russe,  mort  en  1680.  Il  prit  part  aux 
expéditions  contre  la  Pologne  et  aux  négociations  diploma- 
tiques et  fut  nommé  boïar  en  1668. —  Un  autre  Khitrovo, 
appelé  Jakob-Timo/ieevitch^  apparaît  à  la  même  époque  : 
il  fut  voiévode  de  Kazan,  combattit  les  Polonais  et  les  Ta- 
tares  de  Crimée  et  mourut  en  1676. 

KHIVA.  Ville  du  Turkestan  russe,  capitale  du  khanat 
protégé  du  même  nom,  à  750  kil.  0.  de  Tachkent,  sur 
le  Polvan-Abad,  canal  dérivé  de  l'Amou-daria,  à  30  kil. 
de  la  rive  gauche  du  fleuve;  41  « 23^ lat.  N.,58<»4''  long.  E. 
de  Paris,  à  84  m.  d'alt.;  6,000  à  10,000  hab.  La  ville 
est  entourée  d'une  muraille  ovale  en  pisé  et  renferme 
encore  à  l'intérieur  une  citadelle,  oti  réside  le  khan  de 
Khiva,  dans  un  palais  en  briques  vernies,  et  oti  se  trou- 
vent également  les  principales  mosquées  et  les  plus  riches 
caravansérails,  bâtis  en  briques  et  non  en  pisé  comme 
le  reste  de  la  ville.  La  plus  belle  mosquée  abrite  la  tombe 
de  saint  Polvan  ou  Pehlivan,  patron'  de  Khiva.  La  partie 
occidentale  de  la  ville  n'est  qu'un  immense  jardin.  Les 
habitants,  Euzbegs  et  Sartes,  font  un  peu  de  commerce, 
surtout  de  coton  que  l'on  cultive  aux  environs  et  que  l'on 
expédie  par  bateau  à  vapeur  jusqu'à  Tchardjoui,  station 
de  chemin  de  fer  transcaspien.  L'industrie  locale  comprend 
la  fabrication  de  soieries  assez  médiocres  et  de  beaux  tapis 
très  estimés  dans  tout  le  Turkestan.  La  ville  a  été  prise 
presque  sans  coup  férir  par  les  Russes  en  1873.      J,  D. 
Khanat  de  Khiva.  —  Géographie.  —  Le  khanat  de 
Khiva,  appelé  aussi  Kharezm  ou  Ourgendj,  est  un  Etat 
du  Turkestan,  vassal  de  la  Russie,  qui  occupe  une  oasis 
sur  le  cours  inférieur  de  l'Amou-daria,  au  S.  de  la  mer 
d'Aral.  Il  est  compris  entre  les  provinces  russes  de  TAmou- 
daria  au  N.,  de  Transcaspie  au  S.  et  à  l'O.  ;  vers  le  S.-E., 
il  confine  au  khanat  de  Bokhara.  La  frontière  suit  la  rive 
gauche  de  l'Amou-daria  depuis  Mechekli  jusqu'à  la  pointe 
du  delta,  puis  la  branche  occidentale  de  ce  delta,  dénom- 
mée Taldik,  le  rivage  de  la  mer  d'Aral  jusqu'au  mont  Our- 
gon,  le  bord  du  golfe  desséché  d'Aïboughir,  les  lacs  Sara- 
Kamich,  puis  une  ligne  idéale  tirée  de  ces  lacs  au  S.  du 
bourg  de  Pitniak,  à  peu  près  selon  le  42°  20'  lat.  N.  En 
réalité,  les  frontières  occidentale  et  méridionale,  à  tra- 
vers le  désert  de  Kara-koum,  ne  sont  pas  définies.  La  su- 
perficie du  khanat  est  d'environ  60,000  kil.  q.  L'oasis 
proprement  dite  de  Khiva  en  couvre  13,500  ;  le  reste  est 
formé  de  déserts  ou  de  steppes  ;  avant  la  conquête  russe, 
on  y  rattachait  le  district  de  l'Amou-daria  au  N.  du  fleuve, 
et  le  Kara-koum,  ce  qui    faisait   un   total   d'environ 
150,000  kil.  q.  Le  Kharezm,  dont  le  nom  est  synonyme 
de  Pays-Bas,  est  une  création  de  l'Amou-daria,  une  sorte 
de  petite  Egypte.  Les  terres  cultivables  sont  irriguées  par 
une  multitude  de  canaux  qui  distribuent  les  eaux  du  fleuve 
jusqu'à  100  et  même  150  kil.  de  son  lit.  (^e  système  d'ir- 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —    XXL 


rigations,  assez  primitif,  sera  peut-être  régularisé  par  un 
ou  plusieurs  barrages  à  établir  sur  le  fleuve;  en  quelques 
points,  on  a  creusé  des  étangs  artificiels  qui  servent  de 
réservoirs.  Mais  la  vallée  n'est  pas  encaissée  comme  celle 
du  Nil  entre  des  hauteurs  cfui  limitent  l'inondation;  elle 
peut  donc  être  tantôt  excessive  et  dévastatrice,  tantôt  in- 
suflisante  ;  selon  les  pluies  tombées  dans  la  montagne  (Hin- 
dou-kouh  et  Pamir),  elle  agrandit  ou  restreint  d'un  quart 
la  surface  des  cultures.  Le  delta  est  trop  souvent  noyé  et 
trop  marécageux  ;  d'ailleurs,  il  n'appartient  plus  au  kha- 
nat. Celui-ci  a  ses  bonnes  terres  en  amont  du  delta,  dans 
la  zone  irriguée.  Les  principales  dérivations  de  l'Amou- 
daria  sont  :  le  Palvanabad  qui  arrose  les  oasis  de  Khiva, 
Bagat,  Khazarasp  ;  le  Khazabad;  le  Chakabad  et  son  dé- 
rivé le  Daoudan,  qui  arrosent  les  oasis  de  Chahabad,  Am- 
bar,  Tachaous,  Iliali  ;  le  larmich,  le  Kilichniasbaï,  le 
Laoudan  qui  arrose  l'oasis  de  Kounia-Ourgendj.  —  L'an- 
cien lit  de  l  Amou-daria  (Oxus),  l'Ouzboï,  n'a  plus  d'eau 
que  par  intermittence  ;  le  Kounia-daria  en  roule  parfois 
pendant  quelques  semaines,  mais  ne  dépasse  pas  les  lacs 
Sari-Kamich.  Cependant  même  au  delà  l'eau  se  trouve  sous 
terre,  dans  cet  ancien  fleuve  desséché,  mais  elle  est  sau- 
mâtre;  d'une  manière  générale,  l'eau  des  puits  du  khanat 
n'est  guère  potable.  —  Le  désert  est  sablonneux  et  stérile, 
sauf  quelques  îlots  de  verdure.  On  y  remarque  des  collines 
Taïghyr  et  Monghyr  au  S.-O.  de  Kounia-Ourgendj,  le  pla- 
teau de  Tousglup,  etc.  La  végétation  est  représentée  par  des 
buissons  de  Robinia  pygmea.  On  trouve  des  débris  de 
forêts,  qui  témoignent  d'un  état  de  choses  jadis  plus  favo- 
rable. —  Le  climat  est  continental,  été  chaud,  hiver  rigou- 
reux, mais  bref  ;  pluies  rares,  même  en  automne.  Les  vents 
de  l'E.  et  du  S.-E.  rafraîchissent  l'air  en  été  ;  ceux  du 
S.-O.  apportent  du  sable  du  désert  en  automne  et  en  hiver. 
Il  gèle  de  novembre  à  février  ;  l'Amou-daria  est  obstrué 
durant  près  de  deux  mois. 

On  cultive  surtout  le  blé,  l'orge,  le  millet  (tchighin),  le 
riz,  les  pois,  les  lentilles,  les  melons,  la  pastèque,  le  tabac, 
le  sésame,  le  coton,  le  chanvre,  le  pavot,  la  vigne  et  de 
nombreux  arbres  fruitiers.  Les  principaux  animaux  sau- 
vages sont  le  loup,  le  renard,  le  chacal,  le  cerf,  l'antilope 
(djeiran),  l'aigle  et  l'épervier  qu'on  dresse  à  la  chasse. 
Les  chevaux  sont  de  deux  races  principales  :  l'argamak  des 
Turcomans,  très  apprécié,  et  le  petit  cheval  khirgiz,  ce 
dernier  chétif  ;  le  dromadaire  est  l'animal  le  plus  répandu 
comme  bête  de  charge  ;  on  distingue  deux  variétés,  le  nar 
et  l'irkek  ;  l'âne  est  assez  rare,  le  bœuf  petit,  les  moutons 
(à  queue  grasse)  sont  très  nombreux. 

La  population  est  évaluée  à  environ  700,000  âmes,  dont 
350,000  pour  l'oasis,  qui  aurait  22  hab.  par  kil.  q.,  et  à  peu 
près  autant  pour  le  reste  du  territoire  qui  aurait  7  hab.  par 
kil.  q.  Ces  chiffres  sont  approximatifs  ;  certains  auteurs  rédui- 
sent le  total  à  500,000  âmes;  d'autres  l'élèventà  1  million, 
mais  en  y  comprenant  les  territoires  cédés  aux  Russes  en 
1873.  La  population  se  divise  en  deux  groupes  nettement 
tranchés,  les  nomades  et  les  sédentaires,  les  Touraniens  ou 
Turcs  et  les  Iraniens.  L'élément  sédentaire  comprend  les 
Tadjiks^  d'origine  iranienne,  parlant  un  dialecte  persan  ; 
on  les  désigne  sous  le  nom  de  Sartes  ou  Tat  ;  ils  forment 
la  majorité  de  la  classe  agricole  et  commerçante  ;  depuis 
la  fin  du  siècle  dernier,  ils  ont  repris  le  dessus  sur  les 
conquérants  et  ils  occupent  les  places  les  plus  importantes. 
Certains  ont  adopté  la  langue  turque.  Les  P^r5^5,  esclaves 
ou  descendants  d'esclaves  enlevés  dans  des  razzias,  étaient 
nombreux  avant  la  conquête  ;  les  Russes  en  ont  libéré  des 
milliers.  —  Les  Euzbegs^  d'origine  turque,  sont  mélangés 
aux  Iraniens  ;  ils  forment  l'élément  dominant,  la  classe 
guerrière  ;  le  khan  est  de  leur  race.  On  les  rattache  aux 
Ouïgours  et  on  les  fait  arriver  vers  la  fin  du  xv®  siècle;  ils 
sont  presque  complètement  sédentaires,  cultivant  la  terre  ; 
cependant  en  été  ils  vivent  sous  la  tente  au  milieu  de  leurs 
troupeaux.  Des  quatre  tribus  euzbegs,  celle  de  Koungrad, 
à  laquelle  appartient  la  famille  du  khan,  est  demeurée  à 
peu  près  pastorale  et  nomade  ;  celle  des  Ouïgours  a  été 

33 


KHI  VA  ~  514 

à  peu  près  exterminée.  —  Les  Turcomans  ou  Turk- 
mènes forment  la  grande  majorité  de'ila  population  nomade. 
Ils  ne  reconnaissaient  quenominalemenila  souveraineté  du 
khan  de  Khiva  avant  la  conquête  russe.  On  évalue  leur 
nombre  dans  les  limites  actuelles  du  khanat  à  200,000. 
En  été,  ils  errent  dans  les  steppes  de  l'Oust-oust  ;  en 
hiver,  ils  se  cantonnent  dans  des  habitats  déterminés  selon 
les  tribus  :  les  lomoudes  (Bairam-Ali)  entre  le  Khazabad 
et  le  Laoudan  ;  les  Alilis,  de  même  ;  les  Tchoiidors  entre 
Kounia-Ourgendj  et  Khodjeili';  les  Emralis  à  Ihali  ;  les 
Aias  sur  la  rive  droite  (russe)  de  FAmou-daria.  Ce  sont 
les  cinq  principaux  clans  ;  ajoutez  quelques  milliers  de 
Goklans,  qui  habitent  auprès  des  lomoudes  ;  ceux-ci  sont 
les  plus  nombreux.  Les  Turcomans  vivaient  jadis  non  seu- 
lement des  produits  de  leurs  troupeaux,  mais  aussi  de 
brigandage.  Les  Russes  ont  mis  un  terme  à  leurs  rapines. 
Leurs  femmes  fabriquent  des  tapis  renommés.  Leur  régime 
est  patriarcal;  l'autorité  appartient  aux  «  anciens  »  {aksa- 
kal).  —  Les  Karakalpaks^  au  nombre  d'environ  5,000, 
vivent  aux  environs  de  la  mer  d'Aral,  vers  Koungrad, 
Khodjeili,  Kiptchak  ;  beaucoup  sont  devenus  à  demi  séden- 
taires comme  les  Euzbegs  ;  ils  sont  moins  belliqueux  que 
ceux-ci,  qui  les  opprimèrent  souvent.  Aux  environs  du  lac 
Sari-Kamich  vivent  quelques  milliers  de  Kirghiz. 

Le  gouvernement  est  un  despotisme  héréditaire  ;  mais  le 
khan,  contrôlé  par  le  résident  russe,  ne  peut  plus  en  abuser 
cruellement  comme  autrefois.  Il  a  dû  se  reconnaître 
«  l'humble  serviteur  de  l'empereur  de  toutes  les  Russies  », 
concéder  aux  Russes  la  libre  navigation  du  fleuve,  des 
terrains  pour  leurs  entrepôts,  s'engager  à  leur  payer 
2,200,000  roubles,  pour  lesquelles  ils  ont  hypothèque  sur 
son  pays.  En  principe,  il  est  maître  du  sol.  Il  gouverne 
avec  l'aide  de  conseillers  euzbegs,  les  ataliks;  d'un  ministre 
sarte,  le  mehter;  d'un  chef  spirituel,  le  nakib^  etc.  Le 
revenu  annuel  est  d'environ  400,000  roubles.  Les  Turco- 
mans ne  payent  aucune  taxe.  Les  impôts  sont  pour  un  tiers; 
l'impôt  foncier  payé  en  nature  ;  une  capitation  payée  par 
famille  et  des  taxes  sur  le  commerce.  -—  La  monnaie  locale 
a  pour  base  le  tilla  d'or  qui  vaut  un  peu  plus  de  49  fr.  50  ; 
il  se  divise  en  44  abasside  2  tianie  (tenga),  en  argent;  le 
tenga  (démonétisé  en  4895)  se  divise  en  40  puis  de  cuivre. 
On  emploie  aussi  les  monnaies  russes,  persanes  et  bokha- 
riennes  et  les  ducats  hollandais.  —  L'unité  de  poids  est  le 
hatman  de  40  sihr;  il  vaut  48  livres  russes,  soit  W^^%. 
—  Nous  avons  indiqué  les  principaux  produits  agricoles. 
L'industrie  est  faible  :  poterie,  tapis,  cotonnades,  soieries. 
Le  commerce  a  pour  principaux  objets  les  grains,  les 
peaux  de  mouton,  la  soie,  le  coton.  Le  khanat  n'a  pas  de 
routes  entretenues,  mais  de  simples  pistes,  -r-  Les  princi- 
pales localités  sont  la  capitale  Khiva  et  lani-Ourgendj 
(3,000  hab.)  qui  a  éclipsé  Kounia-Ourgendj^  capitale  du 
Kharezm  avant  l'invasion  des  Eugbegs  ;  citons  ensuite  Kha- 
zasp,  Khanki,  Gourlen,  Koungrad,  KhodjeiU,  liiali,  Chaha- 
bad,  Khazabad,  etc. 

Histoire.  —  Le  Kharezm,  Kharizm,  Khowareszm  ou 
Choarism  porte  ce  nom  depuis  l'antiquité.  Au  iv^  siècle 
av.  J.-C,  Hérodote  cite  les  Ghoarismiens  dans  la  46«  sa- 
trapie de  l'empire  des  Perses,  avec  les  Sogdiens,  les 
Parthes  et  les  Ariens.  Ils  figuraient  dans  l'armée  de  Xerxès 
sous  les  ordres  de  leur  prince.  Quand  Alexandre  conquit 
la  Sogdiane,  Pharasmane,  roi  des  Chovarismiens,  vint  à 
Zariaspa  lui  faire  hommage.  On  cite  ce  peuple,  classé  parmi 
les  Scythes  (V.  ce  mot),  avec  les  Sogdiens,  les  Dahes,  les 
Massagètes  ;  il  semble  que  ce  fussent  déjà  des  cavaliers 
nomades,  dominant  l'oasis  riveraine  de  l'Oxus  (Amou- 
daria).  Hécatée  avait  parlé  de  leur  cité  de  Chorasmia.  La 
région  comprise  entre  l'Oxus  ou  Djihon  (Gihon),  la  mer 
Caspienne  et  le  N.  de  la  Perse  eut  d'ailleurs  une  histoire 
commune,  disputée  entre  Iraniens  et  Touraniens,  agricul- 
teurs sédentaires  et  pasteurs  nomades.  Les  Parthes,  les 
Perses,  les  occupants  successifs  de  la  Bactriane  se  la 
disputèrent,  perpétuellement  menacés  par  les  peuples  du 
Turkestan  (V.  ces  mots).  Au  vi^  siècle,  le  khagan  des 


Turcs  était  maître  du  Kharezm.  Les  Arabes  le  conquirent 
à  la  fin  du  vu«  siècle.  Merv,  Meched,  Nichapour  furent 
alors  de  brillants  centres  de  civilisation.  Le  Kharezm  se 
constitua  en  unité  pohtique  au  xi^  siècle,  lors  de  l'afiaisse- 
ment  du  khalifat  (V.  ce  mot).  Il  avait  été  conquis  dans 
la  première  moitié  du  siècle  par  les  Turcs  Seldjoucides.  A 
la  fin,  Anouchtekin,  esclave  d'un  échanson  de  la  cour,  lui 
succéda  et  reçut  le  gouvernement  du  Kharezm.  Son  fils, 
Mohammed  Kothbeddin,  lui  succéda;  il  profita  des  troubles 
du  règne  de  Barkijarok  pour  s'implanter  solidement  avec 
le  titre  de  chah  ;  il  s'attacha  la  population  et  tint  une  cour 
brillante.  Son  fils  Aziz  se  détacha  tout  à  fait  des  Seldjt)u- 
cides  et  se  rendit  indépendant  du  sultan  Sandjar,  dont  la 
ruine  acheva  d'assurer  son  indépendance. 

Les  guerres  civiles  des  Seldjoucides  permirent  à  Aziz  et 
à  son  fils  Il-Arslan  (mort  en  4472)  de  s'agrandir  et  de 
s'emparer  de  presque  tout  l'Iran.  Les  guerres  civiles  des 
deux  fils  d'Il-Arslan,  Alaeddin  Takach  et  Mohammed  Sul- 
lanchah  enrayèrent  ces  progrès.  Au  bout  de  vingt  ans,  le 
premier  l'emporta  et  reprit  les  conquêtes.  Il  vainquit  les 
atabecks  (administrateurs)  qui  supplantaient  les  Seldjou- 
cides, s'empara  des  prov.  de  Rei,  Aderbaïdjan,  Hamadan, 
Ispahan  et  mit  fin  à  la  domination  des  Seldjoucides  en  Perse. 
Le  fils  de  Takach,  Mohammed  Kothbeddin  (1206-4220),  fut 
le  dernier  et  le  plus  grand  des  princes  kharezmiens,  amis 
éclairés  des  lettres  et  des  arts.  Son  empire  s'étendait  du 
Sir-daria  au  golfe  Persique,  sur  presque  toute  la  Perse  et 
la  moitié  de  l'Afghanistan.  Habile  et  brave,  il  pourchassa 
les  Assassins  (V.  ce  mot)  qui  avaient  poignardé  son  vizir, 
puis  se  tourna  contre  les  Ghourides  (V.   ce  nom)  qui 
appuyaient  son  neveu  révolté.  H  mit  fin  à  cette  dynastie  et 
se  trouva  maître  du  pays  jusqu'à  l'Indus  et  du  centre  de 
l'ancien  empire  des  Ghaznévides.  H  invita  alors  le  khalife 
de  Bagdad  à  lui  octroyer  les  mêmes  titres  et  droits  qu'aux 
Bouydes  et  aux  Seldjoucides.  Alnasir  refusa  de  confier  sa 
personne  et  sa  capitale  au  protecteur  des  chiites  de  Perse. 
Mohammed  réunit  alors  une  assemblée  d'ulémas  qui  pro- 
clamèrent commandeur  des  croyants  un  descendant  d'Ali, 
l'imam  Ala  Almoulk  de  Tirmed  et  le  fit  reconnaître  dans 
ses  Etats.  Mohammed  s'avança  vers  l'O.,  vainquit  l'atabek 
de  Fars  et  l'Euzbeg  d'Aderbaïdjan,  défenseurs  d'Alnasir 
(4247).  Vainement  ce  dernier  voulut  le  fléchir.  H  ne  fut 
sauvé  que  par  un  hiver  précoce  qui  fit  périr  dans  les  mon- 
tagnes l'armée  kharezmienne  harcelée  par  les  Kurdes  et 
les  Turcs.  Mohammed  rassembla  une  autre  armée  dans  la 
Transoxiane;  mais,  à  ce  moment,  il  entra  en  conflit  avec  un 
autre  fondateur  d'empire,  Djengis  Khan.  H  eut  l'impru- 
dence de  refuser  satisfaction  pour  le  meurtre  de  quelques 
marchands  tatares.  Quandl'armée  mongole  parut  sur  l'Iaxarte 
(Sir-daria),  le  Kharezmien  n'osa  risquer  son  empire  en  une 
bataille.  11  mit  de  fortes  garnisons  dans  ses  places  fortes, 
Tachkend,  Bokhara,  Khodjend,  Otras,  Samarcande,  etc., 
espérant  user  l'élan  des  nomades  de  l'Asie  centrale.  Mais  les 
généraux  de  Djengis  prirent  les  villes  une  à  une.  Le  chah, 
qui  concentrait  ses  forces  à  l'E.  de  son  empire,  y  fut  bientôt 
traqué  ;  Balkh,  Merv,  Hérat,  Nichapour  furent  emportées 
et  saccagées.  Suivi  à  la  piste,  il  s'enfuit  dans  le  Mazendé- 
ran,  puis  dans  un  îlot  de  la  mer  Caspienne  (Abeskoun)  où 
il  mourut,  après  avoir  appris  la  capture  de  sa  famille,  le 
massacre  de  ses  fils  dont  deux  seulement  survécurent,  Dje- 
laleddin  Mankberni  et  Tatar  Chah.  Le  premier  était  un  héros 
qui  opposa  aux  Mongols  une  résistance  désespérée.  La  Perse 
avait  été  dévastée  comme  la  Transoxiane  et  la  férocité  des 
vainqueurs  y  ruina  la  brillante  civilisation  du  khalifat.  Djelal- 
eddin  sortit  des  déserts  du  Mekran,  rassembla  à  Ispahan 
ses  partisans  et  s'établit  dans  les  montagnes  du  Caucase 
et  de  la  Perse  septentrionale  (Géorgie  et  A'clerbaïdjan)  d'où 
il  guerroya  contre  les  hordes  mongoles  et  les  princes  seld- 
joucides .  Son  centre  était  la  forteresse  d'ichlat.  Après  une 
vie  d'aventures  glorieuses,  il  fut  vaincu  et  assassiné  dans 
sa  fuite  par  un  Kurde  (août  4234).  Les  débris  des  troupes 
kharezmiennes  passèrent  en  Syrie  où  elles  se  rendirent 
redoutables  aux  chrétiens. 


815 


KHIVA  ~  KHODJA 


Le  Kharezm  suivit,  avec  la  Perse,  la  destinée  de  l'em- 
pire des  Mongols  (V.  ces  mots).  Définitivement  conquises 
par  Houlagou,  ces  régions  furent  soumises  jusqu'en  1346 
à  ses  descendants  (V.  Houlagides).  Ces  Mongols  furent 
bientôt  absorbés  par  l'élément  persan»  Mais,  en  4372,  Ho- 
sein  Sofi  entra  en  lutte  avec  Timour  ;  ce  fut  une  terrible 
revanche  des  races  turques.  Timour,  parti  de  Bokhara, 
prit  Ket,  capitale  de  son  adversaire,  et  imposa  la  paix  à 
son  frère  et  successeur  ïousouf  dans  Ourgendj  (4372).  Ce 
ne  fut  qu'à  la  cinquième  campagne  (4388)  que  le  Kharezm 
fut  définitivement  soumis  ;  le  vainqueur  procéda  alors  à  la 
reconstruction  des  cités  détruites.  Sous  ses  successeurs,  le 
Kharezm  eut  un  siècle  de  bien-être  tranquille.  En  4484, 
la  Perse  l'annexa.  Mais  les  Khiviens  étaient  maintenant  de 
fidèles  sunnites  (orthodoxes),  réfractaires  à  la  domination 
des  chiites.  Ils  appelèrent  contre  eux  un  Turc,  Ilban,  qui 
chassa  les  Persans  ;  ce  fut  le  premier  khan  du  peuple  des 
Euzbegs  qui  depuis  est  demeuré  maître  du  pays  (4542). 
Au  XVII®  siècle,  les  I^harezmiens  entrent  en  relations 
avec  les  Russes,  les  successeurs  des  Khazares  et  des  Mon- 
gols, au  N.  de  la  mer  Noire.  Les  relations  s'établirent  par 
l'intermédiaire  des  Cosaques  et  de  leurs  atamans,  Netchaï 
et  Chemaï.  Plus  tard,  le  khan  de  Khiva  Chanias  pria  Pierre 
le  Grand  de  l'accepter  pour  vassal.  Un  ukase  du  30  juin 
(ancien  style)   1700  fit  droit  à  ce  désir.  L'investiture  fut 
donnée  à  Arab  Mohammed,  son  successeur  (4703).  Une 
ambassade  khivienne  se  rendit  à  Pétersbourg  (1744);  le 
prince  Bekovitch  Tcherkaski  se  rendit  à  Khiva,  mais  un 
revirement  avait  eu  lieu  et  son  expédition  échoua.  Son  es- 
corte fut  massacrée  et  il  fut  écorché  vif  (4747).  Au  miheu 
du  XVIII®  siècle,  des  Kirghiz  de  la  Petite  Horde  se  rendirent 
maîtres  de  Khiva  et  le  restèrent  jusqu'en  4792,  où  ils 
furent  expulsés  par  un  Euzbeg,  Mehemed  Emin  Inag,  fon- 
dateur delà  dynastie  actuelle.  Ses  successeurs,  Isakar-Khan 
(4800-04),  Mehemed  Rehim  (4804-26),  Aliahkouli  Khan 
(4826-41),  guerroyèrent  contre  les  khans  de  Bokhara,  les 
Turcomans  lamoudes  et  les  Karakalpaks.  Le  dernier  rem- 
porta un  grand  succès  contre  les  Russes.  En  4839,  l'expé- 
dition du  général  Pérovski,  motivée  par  les  querelles  des 
Kirghiz  (sujets  russes)  et  des  Euzbegs,  ne  put  franchir  le 
désert;  de  ses  4,443  hommes  (accompagnés  de  40,000  cha- 
meaux), le  quart  périrent,  et  il  ne  ramena  guère  que  le 
tiers  de  ses  forces  à  Orenbourg.  Une  nouvelle  tentative  de 
Pérovsky  en  4853-54  échoua  également,  bien  qu'il  eût  pu 
pénétrer  jusqu'à  l'oasis  de  Khiva.  Rehimkouli  Khan  (4841- 
43),    Mehemed  Emin  Khan  (1843-55),    Abdullah  Khan 
(4855-56),  Kautlory  Mourad  Khan  (4856),  Seid  Mehe- 
med Khan  (4856-68),  régnèrent  ensuite,  sans  que  nul  in- 
cident se  détache  dans  leurs  guerres  contre  Bokhara,  la 
Perse  et  les  Turcomans.  Rehim  Khan,  fils  de  Seid  Mehemed, 
accentua  encore  l'hostilité  envers  la  Russie,  ne  cessant 
d'exciter  contre  elle  les  Kirghiz,  refusant  de  mettre  un 
terme  aux  razzias  de  ses  nomades  en  territoire  russe  et  de 
rendre  les  sujets  du  tsar  faits  prisonniers. 

Une  expédition  décisive  fut  alors  entreprise.  Le  général 
Kaufmann,  gouverneur  du  Turkestan,  la  fit  avec  42,000 
hommes  par  trois  routes  à  la  fois,  venant  de  Tachkend, 
d'Orenbourg  et  des  bords  delà  Caspienne.  Les  Khiviens  fu- 
rent battus  à  Blandyk  le  20  mai,  le  khan  s'enfuit  et  sa 
capitale  fut  occupée.  Il  dut  se  soumettre  à  la  merci  du  tsar. 
Celui-ci  le  rétablit,  mais  en  lui  adjoignant  un  conseil  de 
trois  Russes  et  trois  Khiviens  et  en  soumettant  à  la  rati- 
fication du  général  Kaufmann  les  décisions  Importantes. 
L'esclavage  fut  aboli,  3,000  Persans  renvoyés  dans  leurs 
foyers.  Les  Turkmènes  continuèrent  la  résistance,  refusant 
de  payer  la  contribution  de  guerre  de  300,000  roubles  qui 
leur  avait  été  imposée.  Le  général  Golovatchev  les  réduisit.  Le 
traité  définitif  de  protectorat  a  été  signé  le  42  août  entre 
la  Russie  et  le  khan  de  Khiva.  Celui-ci  dut  céder  toutes 
ses  possessions  de  la  rive  droite  de  l'Amou-daria  et  du 
delta  jusqu'au  Taldik  ;  la  frontière  occidentale  fut  fixée  au 
lit  de  rOuzboï.  Le  khan  s'engagea  à  payer  en  vingt  an- 
nuités une  indemnité  de  guerre  de  2,200,000  roubles. 


Les  sujets  russes  peuvent  commercer  dans  le  khanat  sans 
être  assujettis  à  d'autres  taxes  que  les  indigènes.  A. --M.  B. 

BiBL.  :  L'état-major  russe  a  publié  en  1873  une  carte  du 
Jdianat  de  Khiva  au  550,000".  —  Mouraviev,  Voyage  en 
Turcomame  et  à  Khiva  ;  Paris,  1873.  —  Danilevski,  Des- 
cription du  khanat  de  Khiva;  Saint-Pétersbourg,  1843, 
en  russe.  —  Khanikov,  les  Documents  sur  le  khanat  de 
Khiva  (avec  bibliographie),  dans  BulL  Soc.  géogr.,  1878.— 
V  AMBERY.Reise in  Mittelasien  ;  Leipzig,  1873.—  E.  Schmidt, 
Die  Expédition  gegen  Chiva  im  Jahre  1813  ;  Saint-Péters- 
bourg, 1874.  —  J.-A.  Mac  Gahan,  The  Campaigmng  on 
the  Oxus  and  the  fait  a f  Khiva;  Londres,  1874.  —  Stumm, 
Aus  Chiva  Berichte,  1873.  —  Du  même,  Der  russische 
Feldzug  iiach  Chiva;  Berlin,  1875,  t.  I.  —  Delaire,  Notes 
sur  le  Khiva,  1876-77.  —  X.  Marmier,  les  Russes  à  Khiva, 
1879.  —  Lansdell,  Russian  Central  Asia  ;  Londres, 
1885,  2  vol.  —  MosER,  A  travers  VAsie  centrale  ;  Paris, 
1886. 

KHIZR  (V.  Barberousse). 

KHLESL  (Melchior)  ou  KLESEL,  homme  d'Etat  autri- 
chien, né  à  Vienne  en  iDo2,  mort  à  Vienne  le  i8  sept. 
4630.  Fils  d'un  pâtissier,  converti  au  catholicisme  par  les 
jésuites,  il  fut  leur  élève,  entra  dans  les  ordres,  devint 
chancelier  de  l'université  de  Vienne,  prédicateur  de  la 
cour  ('lo82),  évêque  de  Vienne  (1598).  Il  déploya  un  grand 
zèle  contre  les  protestants  et  releva  le  catholicisme  en  Au- 
triche. Chancelier  de  l'archiduc  Mathias  (i  599),  il  gouverna 
en  son  nom.  En  1606,  il  provoqua  la  ligue  des  archiducs 
contre  l'empereur  Rodolphe.  En  1615,  il  reçut  le  chapeau 
de  cardinal.  En  161 8,  il  s'opposait  à  la  guerre  de  Bohême  ; 
l'archiduc  Ferdinand  le  fit  enlever  le  20  juin  et  enfermer 
au  château  d'Ambras  (Tirol)  ;  le  pape  le  réclama  et  le  fit 
relâcher  en  1622  ;  il  rentra  en  Autriche  en  1629.  Hammer- 
Purgstall  a  publié  sa  correspondance  (Vienne,  1847-51, 
4  vol.). 
BiBL.  :  Kerschbaumer,  Kardinal  Klesel  ;  Vienne,  1865. 
KHIVIELNITZKY(V.  Chmielnicki). 
KHMER(Archéol.)(V.  Cambodge). 
KHfVlOU.  Peuplade  sauvage  du  Laos  septentrional,  pro- 
bablement antérieure  aux  Laotiens,  analogue  aux  Khas 
(V.  ce  mot  et  Laos). 

KHNOUM.  Divinité  égyptienne  (appelée  oar  les  Grecs 
Cneph,  Chnoumis,  Chnouphis)  adorée  dans  l'île  d'Eléphan- 
tine,  dans  le  S.  de  la  Thébaïde  et  dans  les  villes  d'Ethiopie. 
A  Esné  (Latopolis),  Khnoum,  représenté  sous  la  forme  d'un 
bélier  entre  les  cornes  duquel  se  dresse  l'urœus,  est  appelé 
Khnoum-Ra,  et  quelques-unes  de  ses  légendes  l'associent  à 
des  dieux  solaires.  11  est  en  effet  une  des  personnifications 
du  dieu  primordial  se  manifestant  dans  le  soleil.  L'antiquité 
de  son  culte  est  prouvée  par  l'association  de  son  nom  avec 
celui  de  Chéops  dans  les  cartouches  de  ce  pharaon  de  la 
IV^  dynastie.  Sous  la  Xll«  dynastie  on  le  voit  uni  à  la  déesse 
lleka  ;  plus  tard,  il  est  accompagné  des  déesses  Sati  et 
Anouké.  —  Khnoum  représente  l'Esprit  divin,  inséparable 
de  l'Eau  primordiale  et  créateur  du  monde.  Il  figure  sous  la 
forme  du  bélier,  parce  que  le  bélier  est  l'hiéroglyphe  du 
mot  Esprit,  et  il  est  souvent  identifié  avec  le  dieu  Noun  qui 
personnifie  Feau  primordiale.  Les  monuments  nous  le  mon- 
trent façonnant  sur  un  tour  à  potier  une  figure  d'homme 
ou  l'œuf  mystérieux  d'où  la  légende  faisait  sortir  le  genre 
humain  et  la  nature  entière.  La  toute-puissance  de  l'esprit 
divin  s'étant  incorporée  dans  le  soleil,  Khnoum  est  en 
même  temps  un  dieu  solaire  ainsi  que  l'attestent  les  insi- 
gnes qui  ornent  ses  statues.  P.  Pierret. 

KHOBAR  ou  TCHÂOBÂR.  Ville  maritime  du  Bélout- 
chistan,  sur  une  baie  qui  est  un  excellent  port;  elle  dépend 
du  sultan  de  Mascate.  Station  du  télégraphe  anglo-indien. 
KHODAVENDIDJAR.  Vilayet  de  la  Turquie  d'Asie,  au 
N.-O.  de  l'Asie  Mineure,  entre  la  mer  Egée  à  l'O.,  la  mer 
de  Marmara  au  N.,  les  vilayets  de  Kastamouni  au  N.-E. , 
Angora  à  TE.,  Konieh  au  S.-E.,  Àïdin  au  S.-O.  ; 
74,880  kil.  q.  et  environ  un  million  d'habitants  dont  4/5 
Turcs,  Musulmans,  le  reste  Grecs  et  Arméniens.  Le  ch.-l. 
est  Brousse.  Le  vilayet  se  divise  en  quatre  sandjaks  :  Ka- 
rassi,  Brousse,  Kutahieh,  Karahissar. 

KHODJA.  Ce  mot  persan,  qui  signifie  maître,  notable, 


KHODJA  —  KHOMIAKOV 


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s'emploie  en  Algérie  pour  désigner  tout  secrétaire  arabe 
d'un  personnage  ou  d'une  administration.  Avant  la  con- 
quête française,  la  plupart  des  fonctionnaires,  en  dehors 
de  ceux  du  clergé  et  de  la  magistrature,  étaient  complète- 
ment illettrés  ;  aussi  avaient-ils  besoin  d'un  khodja  pour  lire 
ou  rédiger  leur  correspondance.  Depuis  la  conquête,  cet 
office  a  dû  être  créé  également  auprès  de  toutes  les  admi- 
nistrations qui  étaient  en  rapports  directs  avec  les  indi- 
gènes; c'est  ainsi  qu'il  y  eut  des  khodjas  dans  tous  les 
bureaux  arabes  civils  ou  militaires,  dans  les  commissariats 
civils,  etc.  Aujourd'hui  on  n'en  rencontre  plus  que  dans 
les  communes  mixtes  et  dans  les  bureaux  arabes  militaires, 
où  ils  sont  chargés  de  rédiger  tous  les  documents  qui  doi- 
vent être  libellés  en  langue  arabe.  Dans  nos  consulats  du 
Maroc  on  appelle  ces  modestes  auxiliaires  des  thaleb.  En 
Orient,  le  mot  khodja  est  le  titre  que  donnent  les  musulmans 
aux  négociants  chrétiens  et  remplace  alors  notre  mot  «  mon- 
sieur ».  0.  HOUDAS. 

KHODJA-Saleh.  Village  du  khanat  de  Bokhara,  r.  g. 
de  l'Amou-daria,  sur  la  route  de  Balkh  ;  c'est  là  que  siégea 
en  1886  la  commission  anglo-russe  pour  la  délimitation 
de  la  frontière  afghane. 

KHODJA-TcHAi  (autrefois  Graniqué),  Fleuve  de  Tur- 
quie d'Asie,  tributaire  de  la  mer  de  Marmara.  Il  est  formé 
par  plusieurs  branches,  coule  d'abord  vers  le  N.-E.,  puis 
tourne  au  N.-O.  et  forme  un  petit  delta  avant  de  gagner 
la  mer.  Il  grossit  considérablement  après  de  fortes  pluies 
ou  lors  de  la  fonte  des  neiges. 

KHODJEND.  Ville  du  Turkestan  russe,  sur  la  r.  g.  du 
Sir-daria,  au  confluent  du  Khodja-Bakargan,  à  256  m.  d'ait., 
ch.-l.  d'un  cercle  de  la  prov.  du  Sir-daria;  34,800  hab. 
La  ville  se  divise  en  deux  quartiers  ;  le  quartier  indigène 
au  S.,  des  deux  côtés  du  Khodja-Bakargan  ;  le  quartier 
russe  au  N.,  entre  le  premier  et  le  fleuve.  Elle  est  entourée 
d'une  double  muraille  percée  de  huit  portes  et  d'un  déve- 
loppement de  12  kil.  La  citadelle  s'élève  sur  une  butte 
artificielle  de  30  m.  de  haut.  La  population  se  compose  sur- 
tout de  Tadjiks  musulmans,  puis  d'Euzbegs  et  de  Russes. 
Elle  est  entourée  de  jardins,  mais  manque  d'eau  en  été 
quand  le  Khodja-Bakargan  se  dessèche,  l'escarpement  des 
berges  du  Sir-daria  en  rendant  l'usage  difficile.  Le  climat 
estival  est  malsain  pour  les  Européens.  Khodjend  renferme 
plus  de  200  mosquées,  25  médrésés,  40  écoles,  un  vaste 
bazar.  La  plus  belle  mosquée  est  celle  d'Hazret-Raba,  édi- 
fiée au  début  du  xviii^  siècle.  L'Industrie  dominante  est 
celle  des  soieries. 

Khodjend  passe  pour  être  la  plus  vieille  ville  de  l'Asie 
centrale.  Elle  forma  généralement  une  principauté  à  demi 
autonome,  comprenant  Djisak  et  Oura  Tjoubé  ;  ses  begs 
reprenaient  leur  indépendance  quand  s'affaiblissaient  les 
empires  voisins  (V.  Turkestan).  Au  xviii®  siècle,  le  beg 
euzbeg  Ak-bouta  fortifia  à  nouveau  et  embellit  la  ville.  Son 
successeur  Chadman  bâtit  le  Goulbak,  palais  des  princes. 
Au  commencement  duxix®  siècle,  le  khan  de  Khokand,  Alim, 
s'empara  de  Khodjend.  La  ville  fut  ensuite  disputée  entre 
ses  successeurs  et  les  Bokhariens.  Le  5  juin  1865,  les 
Russes  en  prirent  possession. 

Le  district  de  Khodjend  a  22,800  kil.  q.  et  plus  de 
250,000  hab.  '  *  A.-M.  B. 

KHOl  (V.  Choi). 

KHOI-Sandjak.  Ville  de  la  Turquie  d'Asie,  vilayet  de 
ilossoul,  r.  dr.  du  petit  Zab  ;  10,000  hab. 

KHOKAND  ou  KOKAN.  Ville  du  Turkestan  russe,  prov, 
du  Ferghana,  sur  le  Karasou,  afïl.  du  Sir-daria,  à  400  m. 
d'alt.  ;  54,043  hab.  C'est  la  cité  la  mieux  aménagée  de 
l'Asie  centrale:  belles  et  larges  rues,  vastes  places,  le  bazar 
le  plus  riche  du  Turkestan,  entrepôt  commercial  le  plus 
important  du  Touran  (V.  Asie).  Le  château  bâti  pour  Khou- 
daiar,  le  dernier  khan  de  Khokand,  est  beau  et  bien  décoré 
de  peintures  sur  bois,  bois  sculptés,  briques  émaillées.  La 
ville  produit  des  soieries,  des  bijoux,  des  cuivres  repous- 
sés, etc. 


Khokand  a  été  jusqu'en  1876  la  capitale  d'un  khanat. 
Le  Ferghana  (V.  ce  mot)  avait  suivi  les  destinées  du  Tur- 
kestan, soumis  aux  Mongols,  incorporé  à  l'empire  de 
Timour;  en  1511,  la  défaite  de  Baber  par  Obeidullah  le 
fit  passer  sous  la  domination  des  souverains  de  Bokhara 
(V.  ce  mot).  Khokand  recouvra  son  indépendance  après  la 
chute  des  Cheibanides,  la  conserva  au  temps  des  Achtar- 
chanides,  mais  fut  attaquée  par  la  dynastie  de  Mangit. 
L'émir  Naasoum  et  son  petit-fils  Masrullah  essayèrent  de 
conquérir  Khokand  où  Mehemed  Ali  se  défendit  vigoureu- 
sement. A  partir  de  1841,  la  guerre  fut  continuelle  et  ne 
finit  que  par  l'intervention  des  Russes.  Khoudaïar,  qui  avait 
transféré  sa  résidence  à  Samarcande,  sévit  enlever  par  les 
Russes  Turkestan,  Tchemkend,  Tachkend  (1864).  L'émir 
de  Bokhara  vint  à  la  rescousse  et  installa  Khoudaïar  dans 
l'E.  du  Ferghana.  Mais  il  fut  battu  par  les  Russes  à  Jird- 
char  (20  mai  1866)  et  contraint  de  leur  céder  la  vallée  du 
Sir-daria  à  partir  de  Mehrem  et  de  leur  payer  une  indem- 
nité de  guerre.  Vassal  du  tsar,  il  ne  conserva  que  l'admi- 
nistration intérieure  du  khanat.  Ses  exactions  provoquèrent 
une  révolte  et  il  s'enfuit  sur  le  territoire  russe  (4875). 
Son  fils  Nasreddin,  élevé  à  sa  place,  attaqua  les  Russes  ; 
ceux-ci  le  battirent  à  Telian,  prirent  Machram  et  Khokand  ; 
il  fut  obligé  de  leur  céder  la  rive  droite  du  Sir-daria 
jusqu'au  Naryn.  La  population  continua  de  résister  ;  Abd- 
ur-Rahman,  qui  avait  élevé  Nasreddin,  fit  proclamer  khan 
Poulat  Beg  ;  mais  tous  deux  furent  pris  à  Andidjan  (20  janv. 
1876)  et  Nasreddin  restauré  par  les  Russes.  Mais  il 
redevint  le  jouet  du  parti  national  et  le  3  mars  le  tsar  en 
finit  en  décrétant  l'annexion  du  khanat  de  Khokand  au 
gouvernement  général  du  Turkestan,  dont  il  forma  la  prov. 
de  Ferghana.  A.-M.  B. 

BiBL.  :  Vambéry,  Geschichte  Bohharas  ;  Stuttgart, 
1872.  —  Du  même,  Relse  nach  Mittelasien,  1873.  —  Krah- 
MER,  Die  Eroherungen  der  Russen  in  Mittelasien^  dans 
Grenzboten,  1877.  —  Nalivkin,  Histoire  du  khanat  de 
Khokand  ;  trad.  franc,  par  Dozon  ;  Paris,  1889.  —  V.  aussi 
Ferghana  et  Turkestan. 
KHOLIVl  (V.  Chelm). 

KHOLMOGORY.  Bourg  de  Russie,  gouv.  d'Arkhangelsk, 
ch.-l.  de  district  de  la  r.  g.  de  la  Dvina  du  Nord,  en  aval 
du  confluent  de  la  Pinega;  d, 200 hab.  Elle  eut  ses  jours  de 
splendeur  au  temps  où,  sous  le  nom  à'Holmgrad,  elle 
était  l'entrepôt  du  commerce  de  l'Orient  et  de  l'Occident 
par  la  Biarmie  (V.  ce  mot  et  Russie).  Elle  a  été  ruinée 
par  la  fondation  delà  Nouvelle-Kholmohory,  aujourd'hui 
Arkhangelsk  (V.  ce  nom). 

KHOLIVl  S  KY  (Daniel-Dmitriévitch),  général  russe,  mort 
en  1493.  Il  battit  les  Tatares  en  1468  et  prit  part  en 
1469  à  l'expédition  contre  Kazan.  En  1471,  il  battit  les 
Novgorodiens.  En  1473,  il  obligea  le  grand  maître  des 
chevaliers  teutoniques  à  conclure  la  paix  avec  les  habi- 
tants de  Pskov.  Il  se  distingua  encore  dans  des  expédi- 
tions contre  les  Tatares  de  Crimée  et  de  Kazan.  Il  avait 
épousé  une  fille  d'Ivan  III. 

KHOWIER  ou  HOIVIER.  Mesure  de  capacité  usitée  chez 
les  Hébreux.  Elle  se  divisait  en  dix  éphas,  et  Vépha,  à  son 
tour,  en  dix  ^omers  ou  orner  s.  Pour  donner  une  idée  ap- 
proximative de  ces  mesures,  nous  rappellerons  que  la 
quantité  de  manne  attribuée  journellement  à  chaque  Israé- 
lite lors  de  la  traversée  du  désert  était  de  un  ^omer  et  que,  pour 
exprimer  avec  quelle  avidité  les  Hébreux  se  jetèrent  sur  les 
cailles  que  la  divinité  accorda  à  leurs  murmures,  on  pré- 
tend que  celui  qui  en  avait  ramassé  le  moins  en  avait  dix 
khomers,  soit  mille  fois  plus  que  la  ration  régulière  et 
suffisante  de  manne.  L'évaluation  exacte  de  ces  mesures 
reste  très  incertaine.  Pour  asseoir  les  idées  davantage,  on 
peut  rapprocher  Vépha  de  notre  boisseau  (12  litres  V2) 
ou  du  décalitre,  le  ^omer  du  litre  et  le  khomer  de  l'hecto- 
litre. Dix  khomers  de  cailles  auraient  fait  environ  \  m.  c. 
KHOMIAKOV  (Alexis-Stépanovitch),  écrivain  russe,  né 
à  Moscou  en  1804,  mort  en  1866.  Il  servit  d'abord  dans 
l'armée  et  prit  part  à  la  campagne  contrôles  Turcs  (1828- 
40).  Il  se  retira  à  Moscou  et  écrivit  un  certain  nombre 


déparent  cet  ensemble  :  le  grotesque  bronze  qu'on  appelle 
Achille^  m  piteux  Byrdn,  une  vilaine  flèche  gothique  de 
55  m*  de  haut  abritant  la  statue  dorée  du  Prince  Albert. 
Aux  Tsif  et  3fyiu^  siècles,  Hyde  park  fut  le  rendez-vous 
favori  des  duellistes;  au  xix%  les  meetings  populaires  en  ont 
forcé  la  porte  et  y  déroulent  de  temps  à  autre  leurs  for- 
midable^  processions.  A  FO.  s'étendent  les  jardins  de  Ken- 
sington,  séparés  du  .parc  par  une  grille  et  un  fossé.  Ils 
occupent  l|4  hect.,  le  jardin  propre  du  palais  ayant  été 
agïjandi  sous  Georges  II  de  près  de  420  hect.  enlevés  à 
Hy^e  park  ;  leurs  plantations  sont  plus  drues  que  celles  du 
parc,  et  les  arbres  sont  de  toute  beauté. 

Au  N.  de  Marylebone,^  Relents  park  s*étend  sur 
191  hect.  empruntés  à  l'ancien  parc  deMarylebone  où  l'on 
chassait  au  temps  d'Elisabeth;  il  fut  aménagé  sous  Georges  llï 
parle  prince  régent  qui  voulait  s'y  bâtir  un  palais,  et  des- 
siné par  Nash.  Il  renferme  le  Jardin  botanique,  la  ménage- 
rie delà  Société  zoologique  et  quelques  villas  particulières. 
Au  S.~E.  est  un  beau  lac  en  Y,  entouré  de  beaux  bois. 
Délaissé  par  la  haute  société,  Régents  park  est  abandonné 
aux  prédicateurs  en  plein  vent.  Au  N.,  il  touche  à  la  col- 
line de  70.  m,  couronnée  par  le  Joli  parc  de  Primrose  hili 
(28  hect.).  —  Les  autres  parcs  de  Londres  sont  :  au  S., 
ceux  de  Battersea  (72  hect.)  aménagé  de  1852  à  1858, 
au  bord  de  la  Tamise,  avec  de  vastes  pelouses  pour  les  jeux 
(cricket,  etc.),  un  jardin  tropical  ;  de  Kennington  (10  hect.), 
de  Southwark  (25  hect.),  de  Greenwich  (70  hect.)  ren- 
fermant le  célèbre  Observatoire  ;  —  à  FE.  de  la  yille,  on 
a  créé  en  1842,  agrandi  en  1872,  le  Victoria  park 
(120  hect.)  ;  aux  limites  de  la  ville  est  celui  de  West  ham 
(32  hect.)  ;  une  propriété  privée  a  fourni  le  terrain  du 
Finsbury  park  (41  hect.)  du  côté  septentrional.  —  On 
peut  encore  ajouter  à  cette  liste  les  jardins  des  quais  de  la 
Tamise  et  ceux  du  Temple,  et  sur  la  lisière  de  Londres  un 
certain  nombre  d'anciens  pâturages  communaux  qui  ont 
été  sauvegardés  :  Hampstead  heath  au  N.-O.,  Clapham 
common  au  S.-E.,  Black  heath  au  S.  de  Greenwich,  etc. 
On  a  aussi  transformé  en  jardins  plusieurs  anciens  cime- 
tières .  Tous  lés  parcs  renferment  des  emplacements  réser- 
vés aux  jeux  athlétiques  ;  plusieurs  des  bains. 

Monuments.  — ■  Malgré  son  antiquité  et  sa  prodigieuse 
richesse,  Londres  ne  renferme  pas  beaucoup  de  monuments 
d'une  réelle  valeur  artistique.  Les  souvenirs  du  passé  ont 
été  effacés,  à  mesure  qu'ils  gênaient  la  vie  du  présent,  ou 
dévorés  par  les  incendies.  La  Cité  avait  été  sept  fois  brûlée 
avant  la  catastrophe  de  1666  qui  consuma  89  églises  et 
13,000  maisons.  De  l'époque  romaine,  il  ne  reste  que  des 
vestiges  insignifiants.  L'enceinte  bâtie  en  306  est  visible 
dans  la  rue  London  Wall  près  de  Saint  Alphage,  à  Biom- 
field  Street,  Saint  Martin's  court  et  au  S.  de  Ludgate  Mil; 
on  a  encastré  en  face  de  la  station  de  Cannon  street,  dans 
le  mur  de  Saint  Swithin,  une  pierre  miliaire,  dite  London 
stone  ;  une  piscine  romaine  subsiste  dans  le  Strand.  De 
la  cité  anglo-saxonne  brûlée  en  851  et  886,  rien  ne  reste. 
Les  principaux  monuments  du  moyen  âge  sont  la  Tour  et 
l'abbaye  de  Westminster. 

La  Tour  de  Londres  est  située  sur  une  butte  au  bord 
de  la  Tamise,  au  S.-E.  de  la  Cité.  Elle  fut  construite  par 
Guillaume  le  Conquérant  pour  servir  de  citadelle  et  de 
palais  royal  ;  ce  fut  ensuite  une  prison  d'Etat  ;  actuelle- 
ment, elle  sert  de  caserne  et  d'arsenal.  Le  dernier  roi  qui 
l'habita  fui  Jacques  I^'  dont  la  ménagerie  de  lions  fut  con- 
servée jusqu'en  1834.  Les  gardiens  de  la  Tour  portent 
encore  la  casaque  et  le  chapeau  des  yeomen  de  la  garde 
de  Henri  VU!  et  des  pantalons  bleu  foncé  à  liséré  rouge  ; 
leur  surnom  de  beefeaters  est  une  corruption  du  mot  buf- 
fletier.  Parmi  les  plus  fameux  prisonniers  politiques  de  la 
Tour,  il  faut  citer  le  premier  Févêque  de  Durham  en  1100, 
le  dernier,  sir  F,  Burdett  en  1820,  et  dans  Fintervalle  les 
enfants  d'Edouard  IV,  le  roi  de  France  Jean,  Charles  d'Or- 
léans, Thomas  Morus,^  Anne  de  Boleyn,  Catherine  Howard, 
reines  d'Angleterre,  Jane  Grey,  la  grande  Elisabeth,  Raleigh, 
Bacon,  Straffôrd^  Jeffreys,  les  jacbbiîes  écossais,  etc. 


=-  515  -^  LONDEES 

La  tour  Blanche  fut  construite  par  Guillaume  le  Con- 
quérant à  la  place  d'une  partie  dès  murs  de  la  Cité  empor- 
tés par  une  inondation  de  la  Tamise  ;  commencée  en  1()78, 


Vieox  plan  de  la  Tour. 

elle  fut  achevée  en  1098  sous  Guillaume  le  Roux  qui  y 
ajouta  la  tour  c|e  Saint  Thomas  et  la  porte  du  Traître.  Elle 
fut  agrandie  d'autres  édifices,  notamment  par  Henri  lII 
qui  y  résida  souvent  j  elle  decupe  actuellement  un  peu  plus 
de  5  hect.,  entjourés  d'une  déuble  ligne  de  fortifications  et 
d'un  fossé  creusé  en  1190.  Derrière  cette  double  enceinte 
sont  plusieurs  t|)urs  que  doiin|ne  l'énorme  masse  carrée  de 
la  tour  BlàncheU'vec  ses  art?^  et  ses  fenêtres  de  style  nor- 
mand et  les  (|uatré  tourelles  à  clochetons  pointus  qui 
flanquent  ses  a|igles.  La  ch!a|)elle  Saint  John  à  l'intérieur 
est  un  délifcat  spécimen  d'àr(^l|itectiire  normande.  C'est  dans 
la  grande  cour,!  sur  Ta  b;Utt|e  dite  Tower  hill,  qu'avaient 
lieu  les  esécutitiïis  capitales^  on  ensevelissait  les  corps  dans 
la  chapelle  de  Saint  Pièrr^  in  Y(ncula.  Aujourd'hui  on 
conserve  à  la  Tour  lefe  joj^aux  de  la  couronne,  les  trophées 
de  Waterloo,  de  belles  collections  d'armes  et  d'instruments 
de  torture. 

Parmi  les  autres  tours,  celles  qui  évoquent  des  souve- 
nirs historiques  sont  :  la  tour  Beauchamp,  du  xiii®  siècle, 
où  furent  enfermés  les  deux  Warwick;  la  tour  Sanglanle 
où  furent  étouffés  les  enfants  d'Edouard  lY;  la  Brick 
tower,  prison  de  Jane  Grey  ;  la  Record  tow^er  où  furent 
les  archives.  Les  appartements  royaux  qu'habita  Anne  de 
Boleyn  ont  été  démolis  en  1688.  La  nouvelle  caserne  a 
remplacé  la  prison. 

V abbaye  de  Westminster^  où  l'on  couronne  les  sou- 
verains d'Angleterre  depuis  le  roi  Harold,  occupe  l'empla- 
cement d'une  chapelle  bâtie  par  Siebert  en  l'honneur  de 
saint  Pierre  sur  une  butte  émergeant  d'un  marais  rive- 
rain du  fleuve.  Le  roi  Edouard  y  bâtit  vers  980  une  grande 
église  que  les  Danois  démolirent  et  qu'Edouard  le  Confes- 
seur remplaça  par  une  abbaye  et  une  église  en  style  nor- 
mand achevées  en  106S  et  dont  il  ne  reste  que  le  côté  mé- 
ridional du  cloître,  les  substructions  du  réfectoire  et  le 
ciborium  au  S.  de  l'abbaye.  Le  nom  de  Westminster,  mo- 
nastère occidental,;  la  distingue  de  Saint  Paul  quelquefois 
appelé  Eastminster.  I^a  reconstruction  fut  entreprise  sous 
Henri  111  en  1220;  il  fit  te  chœur  et  les  transepts,  et  une 
chapelle  de  la  Vierge  jdémolie  depuis.  Edouard  I®^  acheva 
l'édifice  (1307),  mai^  Henri  Vît  le  remania;  une  grande 
partie  de  la  nef  et  de  spn  extrémité  occidentale,  le  doyenué, 
la  chambre  de  Jérusalem,  une  partie  du  cloître  datent  de 
ce  roi;  les  deux  tour^  inachevées  de  la  façade  occideutaic 
furent  refaites  par  WNn  au  xvm^  siècle.  La  forme  géné- 
rale est  celle  d'une  croix  latine,,  longue  de  161°*5,  large 
de  61^^86  aux  transepts,  haute  de  31  "^08  dans  la  nef  cen- 
trale; la  tour  qui  d^^^ait  s'élever  au  centre  des  transepts 
n'a  pas  été  continuée.!  Saiif  les  tours  (hautes  de  Q%^&)  de 
Wren  qui  sont  une  fâcheuse  combinaison  des  style  gothique 
et  grec  et  qiii  jurent  !^vec:  l'élégance  et  la  finesse  du  reste 
de  l'édifice,  celui-ci  e^t  magnifique,  surtout  à  Fintérieur; 
les  proportipns  sont, ^oigneusen^ent  calculées;  la  hauteur 


LONDRES 


•^  510  — 


des  vaisseaux,  des  fenêtres  et  des  diverses  parties  est  tou- 
jours triple  de  hiiv  largeur  ;  ainsi  la  nef  centrale  a  lO'^âô 
de  large  et  31^^08  de  haut;  cependant  les  deux  branches 
de  la  croix  sont  de  largeur  inégale,  et  l'abside  est  prolongée 
par  la  chapelle  de  Henri  VII,  dont  l'addition  donne  aux  deux 
parties  de  la  nef  la  même  longueur.  La  nef,  dont  les  pro- 
portions accusent  la  hauteur,  est  soutenue  par  des  faisceaux 
de  colonnes,  au-dessus  desquelles  sont  le  triforium  et  une 
rangée  de  fenêtres.  L'édifice  est  encombré  de  statiies  et  de 
monuments  de  styles  variés  dont  l'effet  est  peu  esthétique, 


Abbaye  de  Westminster. 

en  raison  de  la  médiocrité  de  la  plupart.  Les  boiseries  du 
chœur,  l'autel,  l'orgue  sont  modernes.  Derrière  l'autel  est 
la  chapelle  d'Edouard  le  Confesseur  avec  son  tombeau  et 
ceux  des  rois  Henri  III,  Edouard  P^,  Eléonore,  Philippa, 
Richard  II  et  sa  femme,  Henri  V,  etc.  Une  vieille  mosaïque 
de  4269  forme  le  pavé.  On  y  voit  aussi  le  trône  du  cou- 
ronnement des  rois  d'Angleterre,  et  la  pierre  de  Scone  sur 
laquelle  on  couronnait  ceux  d'Ecosse.  Le  chœur  où  se  cé- 
lèbre la  cérémonie  du  couronnement  royal  est  un  beau 
modèle  de  la  primitive  architecture  gothique  avec  des  déco- 
rations ajoutées  au  xiv^  siècle.  L'abside  est  entourée  d'une 
couronne  de  chapelles,  parmi  lesquelles  celle  de  Henri  Vlï 
forme  comme  une  petite  église;  c'est  un  chef-d'œuvre  du 
gothique  de  transition  (1503-22),  véritable  orfèvrerie  ou 
dentelle  de  pierre;  la  nef  est  portée  par  une  double  ran- 
gée de  colonnes  dont  les  bases  sont  masquées  par  les  stalles 
des  Chevaliers  de  l'ordre  du  Bain  ;  le  toit  est  fouillé  avec 
un  art  extrême  ;  trente-trois  fenêtres  éclairant  cette  cha- 
pelle. Dans  sa  nef  centrale  est  le  tombeau  de  Henri  VII  en- 
touré d'un  merveilleux  grillage;  dans  lés  bas  côtés,  ceux 
de  Marie  Stuart  et  d'Elisabeth.  Parmi  les  autres,  il  faut 
ciler  cel)[es  de  Saint  Benoît,  Saint  Edmond,  Saint  Nicolas, 
Saint  Jean,  Saint  Michel,  Saint  André.  La  célébrité  de 
l'abbayé  de  W^estminster  tient  en  grande  partie  à  l'usage 
qui  y  accumule  les  sépultures  des  grands  hommes  britan- 
niques; la  quantité  en  est  énorme,  et  nous  n'en  pouvons 
donner  ici  la  liste  ;  malheureusement  la  plupart  des  tom- 
beaux sont  de  mince  valeur  artistique;  on  peut  noter  à 
divers  titres,  dans  le  chœur  ceux  de  Siebertj  roi  d'Essex; 
d'Anne  de  Clèves,  d'Edmond  Crouchback,  comté  de  Lei- 
cester;  dans  le  transept  septentrional  reposent  les  hommes 
d'Etat  et  les  généraux,  Pitt  et  Fox,  côte  à  côte  ;  leS  acteurs 
Kemble  et  M"*®  Siddons,  ïe  éhimiste  Davy,  Canning,  Castle- 


reagh,  Grattan,  Palmerston,  Peel,  Warren  Hastings,  lord 
Mansfield  (dônl  Flaxman  a  sculpté  le  beau  monument)  ; 
dans  la  nef,  Herschel,  Nevi^ton,  Livingstone,  Lyéll,  Con- 
greve,  Wordsworth,  Ben  Jonson,  lord  Holland,  etc.  ;  dans 
le  transept  méridional  est  le  coin  des  poètes  où  dorment 
Ghaucer,  Spenser,  Gray,  Dryden,  Shadwell,  Hsendel,  Uslc- 
pherson,  Goldsmith,  Sheridan,  S.  Johnson,  Addison,  Ma- 
eaulay,  Garrjck,  Thackeray,  Dickens,  Gay,  Thomson,  Sou- 
they;  un  cénotaphe  a  été  élevé  à  Shakespeare;  un  buste  à 
Mifton;  dans  les  chapelles  sont  les  tombeaux  de  nobles 
seigneurs,  moins  connus,  mais  souvent  mieux  sculptés; 
ceux  de  sir  Francis  Vere  et  de  lady  Nightingale,  œuvres  de 
Roubiliac,  de  la  duchesse  de  Somerset,  fenînie  du  Protec- 
teur, de  Guillaume  de  Valence,  etc.  Les  cloîtres  attenant 
à  l'église  ont  été  restaurés  soigneusement;  ott  y  trouve  la 
vieille  chambre  du  Pyx  (ciborium)  où  dans  une  cassette 
figurent  les  exemplaires  de  toutes  les  monnaies  frappées  en 
Angleterre.  De  la  nef  oii  accède  par  un  passage  au  Cha- 
pitre, construction  octogone  dont  un  pilori  central  en 
marbre  supporte  le  toit;  il  date  de  1250  et  a  été  restauré 
en  1866.  On  y  célèbre  l'office  divin  le  dimanche.  West- 
minster qui  fut  un  évêché  n'est  plus  qu'un  doyenné,  mais 
le  doyen,  nommé  par  la  couronne,  est  autonome.  C'est  dans 
cet  édifice  du  doyenné  ou  chapitre  que  siégea  d*abord  la 
Chambre  des  communes,  transférée  ultérieurement  dans  la 
chapelle  Saint  Etienne.  La  chambre  de  Jérusalem,  bâtie  de 
1370  à  1386,  vit  naître  Edouard  V  et  mourir  Henri  IV. 
L'abbaye  était  jadis  lieu  d'asile  et  offrit  deux  fois  un  re- 
fuge à  la  femme  d'Edouard  IV.  Les  autres  épisodes  de  son 
histoire  sont  la  mêlée  sanglante  qui  marqua  le  couronne- 
ment de  Guillaume  le  Conquérant,  le  massacre  des  juifs  à 
celui  de  Richard  Cœur  de  Lion  (1189),  la  fondation  du 
doyenné  par  Elisabeth,  l'expulsion  de  la  reine  Caroline  au 
sacre  de  Georges  IV  (1821).  Au  xvii«  et  au  xviii^  siècle, 
l'abbaye  de  Westminster  était  tombée  dans  un  grand  dé- 
labrement qui  motiva  de  nombreuses  restaurations  au 
xix*^  siècle. 

L'église  de  Saint  Paul,  cathédrale  de  Londres,  est  le 
troisième  des  grands  monuments  de  la  capitale,  chef-d'œuvre 
de  sir  Christopher  Wren.  De  nulle  part  on  n'en  peut  avoir 
une  vue  d'ensemble,  à  cause  des  maisons  qui  l'enveloppent 


Cathédrale  de  Saint  Paul. 

et  de  l'étroitesse  des  rues.  La  cathédrale  remplace  une 
église  bâtie  par  Etheibert  en  610,  brûlée  en  1087,  rebâtie 
en  style  normand  en  quarante  ans  ;  on  y  ajouta  un  chœur 
gothique  (1240),  une  tour  (achevée  en  1315)  ;  elle  avait 
alors  720  pieds  de  long,  130  de  large,  un  clocher  de 
320  pieds.  En  1561,  elle  fut  foudroyée  et  incendiée;  res- 
taurée par  Inigo  Jones  ^  elle  brûla  en  1666.  La  croix  de 
Saint  Paul,  située  à  l'angle  N.-E.,  disparut  en  1643  et  fut 
remplacée  par  une  fontaine  ;  en  cet  endroit  eurent  lieu  de 
grandes  controverses  religieuses,  furent  prêches  des  ser- 
mons devant  la  cour  et  promulguées  des  bulles  pontificales. 
L'église  actuelle  de  Saint  Paul  fut  construite  de  1675  à 


-  549 


KHORSABAD  -  KHOSREV 


ornée  de  belles  rosaces  bleues  et  blanches  sur  tout  le  pour- 
tour du  cintre.  Huit  lions  gigantesques  en  bronze  ornaient 
ces  portes,  mais  on  n'a  pas  trouvé  trace  de  ces  monuments. 
Des  tours  s'élevaient  à  certaines  distances  dans  le  pourtour 
du  mur  de  6,790  m.  de  longueur,  qui  est  conservé  dans 
toute  son  étendue  dans  une  circonvallation  continue,  s'éle- 
vant  encore  à  plusieurs  mètres. 

Cette  grande  enceinte  n'eut  jamais  le  temps  de  se  rem- 
plir, ainsi  que  l'avait  désiré  son  fondateur.  Le  palais 
superbe  qu'il  édifia  s'élevait  au  milieu  du  côté  N.-O.  du 
mur,  et  dépassait  le  pourtour  en  saillie.  Il  est  possible  que 
la  façade  principale  fut  garantie  par  un  mur,  aujourd'hui 
disparu.  La  superficie  du  palais  de  Sargon  était  de  9  hect. 
60  ares,  ou  40  grandes  mesures;  il  formait  un  octogone 
irrégulier,  à  angles  droits  rentrants,  composé  de  deux  rec- 
tangles superposés. 

A  la  partie  supérieure  près  du  mur  et  saillant  en  dehors  de 
l'enceinte  était  la  porte  sculpturale,  formée  d'une  vingtaine 
de  salles  ornées  de  sculptures  et  de  bas-reliefs  qui  tapis- 
saient les  murs.  Les  murs  très  épais  étaient  bâtis  de  pisé; 
des  taureaux  en  marbre  s'élevaient  aux  portes  des  salles 
destinées  aux  grandes  cérémonies  royales.  Les  frises  au- 
dessus  des  bas-reliefs  étaient  couvertes  de  textes  cunéi- 
formes très  développés  qui  racontent  les  exploits  de  Sar- 
gon et  nous  font  connaître  l'histoire  du  règne  de  ce  grand 
monarque.  Ces  documents  s'étalaient  sur  toute  la  longueur 
des  salles,  et  étaient  partagés  en  colonnes  d'une  largeur 
inégale,  au  nombre  de  lignes  toujours  constant  pour  la 
même  salle.  Le  spectateur  entrait  par  une  porte,  tournait 
à  gauche,  commençait  à  lire  le  récit  qu'il  devait  suivre  par 
tous  les  recoins  de  la  salle,  toujours  avançant  vers  la 
droite,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  fait  le  tour  de  la  salle,  et  trouvait 
la  fin  du  texte  à  la  porte  même  où  il  était  entré,  vis-à-vis 
du  commencement. 

Les  bas-reliefs  qui  ornaient  ces  salles  représentent  le 
roi  dans  toute  son  activité,  comme  juge,  guerrier  et  con- 
quérant; ils  représentent  les  batailles  avec  leurs  péripéties, 
les  combats  dans  les  fleuves,  les  assauts  des  forteresses, 
la  prise  des  villes  et  le  partage  du  butin,  la  punition, 
souvent  cruelle,  des  rebelles  et  des  ennemis.  Le  style  de 
cette  sculpture  est  celle  d'un  art  simple,  sévère  et  châtié  : 
l'exécution  représente  celle  de  la  meilleure  période  de  l'art 
assyrien.  Les  statues  comme  celles  des  lions  et  taureaux 
à  face  humaine;  des  héros,  Gilgamès,  sont  imposants  et 
d'un  caractère  vrai  :  les  détails  sont  soignés,  sans  exagé- 
ration, comme  on  le  voit  dans  la  sculpture  des  succes- 
seurs de  Sargon. 

Derrière  cette  partie  du  palais  monumental  s'étalait, 
sur  un  espace  bien  plus  considérable  la  vraie  demeure  du 
monarque,  de  ses  femmes,  enfants  et  serviteurs.  Cette 
partie  contenait  plus  de  deux  cents  chambres  que  Place 
a  pu  déblayer.  Ce  palais  contenait  aussi  le  harem  et  c'était 
probablement  là  où  cet  explorateur  trouva  une  peinture 
de  fresque  longue  de  5  m.,  bien  conservée  alors,  mais 
mallieureuseni^nt  non  transportable.  Dans  une  des  cham- 
bres qui  peut-être  contenaient  des  archives,  on  trouva 
une  caisse  en  marbre  dont  le  couvercle  portait  une 
inscription  :  à  l'intérieur  on  trouva  six  tablettes,  en  or, 
en  argent,  en  bronze,  magnésite  (carbonate  de  magnésie, 
selon  M.  Berthelot),  plomb  et  basalte,  qui  contenaient  des 
inscriptions  relatant  la  fondation  de  la  ville,  du  palais  et 
des  temples.  L'architecture  de  cette  partie  du  palais  est 
des  plus  simples;  tout  au  plus  des  pihers  à  angles  ren- 
trants adoucissent  l'uniformité  des  parois.  Quelques  grandes 
cours  réunissaient  à  l'intérieur  la  population  de  ces  lieux. 
Des  jardins  encouraient  de  plusieurs  côtés  les  bâtiments. 

A  l'O.  du  palais  se  trouvait  une  grande  tour  à  étages 
superposés,  probablement  construite  pour  l'observation  des 
astres.  La  base  carrée  du  massif  inférieur  compte  43  m. 
ou  80  coudées  assyriennes.  Beaucoup  de  temples  étaient, 
au  dire  de  Sargon,  édifiés  par  ce  monarque  en  honneur  des 
dieux  principaux  ;  on  n'en  a  pas  trouvé  trace,  à  moins  que 
quelques  parties  du  palais  n'aient  été  consacrées  à  des  usages 


religieux.  En  tout  cas,  Place  trouva  des  statues  de  dieux, 
et  ce  sont  peut-être  les  emplacements  des  trouvailles  qui, 
autrefois,  formaient  les  réduits  sacrés.  On  le  voit,  le  sen- 
timent religieux  dominait  tout  ;  les  cérémonies  célébrées 
étaient  très  nombreuses.  L'une  d'elles,  effectuée  lors  de  la 
fondation,  consistait  en  ce  que  le  peuple  jetât,  pour  conju- 
rer le  mauvais  œil,  des  bijoux  de  toute  sorte  dans  le  sable 
fin  sur  lequel  les  statues  colossales  des  taureaux  étaient 
placées.  On  a  trouvé  ces  couches  de  sable  très  fin  seule- 
ment après  l'enlèvement  des  colosses  de  marbre  ;  on  y  a 
découvert  des  cylindres,  des  cachets,  des  bijoux  en  or  et 
en  argent,  et  surtout  une  cornaline  élégamment  polie  avec 
un  nom  phénicien,  Abd-Baal,  qui  fournit  un  indice  précieux 
pour  la  fixation  des  époques  de  l'épigraphie  phénicienne. 

On  n'a  pas  encore  fouillé  le  vaste  emplacement  que  ren- 
fermait la  circonvallation  de  la  ville  dans  laquelle  on  éleva 
peu  de  tumulus. 

Telle  est,  en  résumé,  la  configuration  de  cette  ville  et 
celle  d'un  palais  d'un  nouveau  modèle  de  Sargon.  Il  est 
curieux  d'entendre,  comme  conclusion,  les  considérations 
qu'il  dépose  dans  ces  textes,  surtout  sur  les  barils  en  ar- 
gile, dont  dix-sept  furent  trouvées  par  Place  dans  un  recoin 
de  son  habitation  privée,  mais  dont  la  plupart  a  sombré 
dans  le  Tigre  lors  du  désastre  qui  a  englouti  une  grande 
partie  des  fouilles  françaises  en  août  4855. 

Voici  la  traduction  du  texte  sur  or,  conservé  au  Louvre  : 

«  Palais  de  Sargon,  mandataire  de  Bel,  lieutenant 
d'Assour,  le  roi  puissant,  roi  des  légions,  roi  d'Assyrie, 
qui  régna  depuis  le  lever  jusqu'au  coucher  dans  les  quatre 
régions  célestes.  Il  constitua  des  satrapes  dans  les  pays. 

«  En  un  temps,  je  bâtis  d'après  mon  bon  plaisir,  dans 
le  pays  qui  avoisine  les  montagnes,  près  de  Ninive,  une 
ville  que  j'ai  nommée  Dour  Sarkin.  J'ai  distribué,  dans 
son  intérieur,  des  temples  à  Ea,  Ninip,  Janus,  Anu  et  Sa- 
mas  ;  quant  aux  sculptures  dédiées  à  leurs  grandes  divi- 
nités, Ea,  qui  surveille  tous  les  édifices,  les  fit  faire  et  le 
peuple  éleva  des  autels. 

«  Je  construisis  des  salles  ea  ivoire,  en  santal,  enébène, 
en  cèdre,  en  tamaris,  en  pin,  en  cyprès  et  en  pista- 
chier. 

«  Je  fis  un  escalier  tournant  dans  l'intérieur  des  portes 
et  je  posai,  dans  sa  partie  supérieure,  des  soUves  de  pin 
et  de  cyprès. 

«  Sur  des  tablettes  en  or,  en  argent,  en  bronze,  en 
plomb,  en  magnésite,  en  marbre  et  en  basalte,  j'ai  écrit 
la  gloire  de  mon  nom  et  je  les  ai  mises  dans  les  fondations. 

«  Celui  qui  altère  les  œuvres  de  ma  main,  qui  dépouille 
mon  trésor,  qu'Assur,  le  grand  seigneur,  détruise  en  ce 
pays  son  nom  et  sa  race.  » 

L'invocation  qui  se  trouve  très  succinctement  exprimée 
ici  est  plus  largement  développée  dans  d'autres  documents. 
Cette  invocation  à  la  terreur  contre  ceux  qui  détruisirent 
l'œuvre  de  Sargon  n'a  pas  eu  d'application.  Le  fils  de  Sen- 
nachérib  s'installa  à  Ninive  et  l'œuvre  du  roi  fut  abandonnée. 
Elle  méritait  un  meilleur  sort  :  la  ville  du  Castel  de  Sar- 
gon est  le  premier  exemple  d'une  création  personnelle  et 
individuelle  exécutée  d'après  des  principes  réformateurs  et 
nouveaux,  comme  l'avait  été  à  la  même  époque  Ecbatane, 
et  comme  plusieurs  furent  fondées,  Constantinople  et  Saint- 
Pétersbourg.  Cet  ensemble  uniforme,  fait  d'une  seule  pièce, 
est  digne  de  notre  admiration  et  de  notre  reconnaissance, 
car  la  découverte  de  ce  palais  et  de  cette  ville  délaissées  a 
été  l'origine  de  la  science  de  l'assyriologie,  et  c'est  de  la 
découverte  de  la  fondation  de  Sargon  que  date  la  fondation 
de  la  science  nouvelle,  si  féconde  en  résultats  et  si  grosse 
en  révélations  futures.  J.  Oppert. 

BiRL.  :  Botta,  Monument  de  Ninive,  3  vol.  in-fol.  — 
Plage,  Ninioe  et  l'Assyrie,  3  vol.  in-fol.  ~  Oppert,  les 
Inscriptions  de  Dour-Sarkayan  ;  Paris,  1870.  —  V.  aussi 
la  bibl.  de  Fart.  Assyrie. 

KHOS  (V.  KHAsetLAos). 

KHOSREV,  Une  des  formes  arméniennes  de  Khosroès 
(V.  ce  nom). 

KHOSREV,  homme  d'Etat  turc,  mort  le  26  févr,  4855. 


KHOSREV  —  KHOSROÈS 


—  520 


Fils  d'un  esclave  abkhose  de  Tamiral  Koutchouk-Hosein,  il 
fut  affranchi  et  devint  pacha  d'Egypte  (1804).  Il  nomma 
Mehemet  Ali  kaïmakan  et  fut  bientôt  expulsé  par  lui.  En 
1822,  il  était  grand  amiral  ;  c'est  lui  qui  s'empara  d'Jpsara 
(1824),  mais  fut  battu  à  Andros  (1825).  Il  appuya  Mah- 
moud n  dans  ses  réformes,  fit  noyer  tous  les  janissaires 
de  la  flotte.  Il  devint  le  personnage  dirigeant  de  l'empire 
ottoman.  Nommé  séraskier  (ministre  de  la  guerre),  il  réor- 
ganisa l'armée  avec  Taide  d'instructeurs  prussiens.  En 
4838,  il  devint  grand  vizir,  mais  Abd-ul-Medjid  le  desti- 
tua (1840),  l'accusant  de  complicité  dans  des  mouvements 
insurrectionnels.  Exilé  à  Rodosto,  il  redevint  ministre  sans 
portefeuille  en  1846  et  mourut  dans  sa  villa  du  Bosphore. 

KHOSROÈS,  KHOSROU,CHOSROÈS.Noffide plusieurs 
souverains  de  la  Perse  et  de  l'Arménie.  Les  formes  perses 
données  par  es  monnaies  sont  Khosrou,  Khosrouï,  Khos- 
roud;  le  sens  est  incertain.  Les  Arméniens  ont  transcrit  ce 
mot  par  Osroe  et  Khosrov,  suivant  les  époques,  les  Grecs 
par  Xo<jpor|Ç  ;  mais  on  trouve  chez  certains  auteurs  des 
formes  très  altérées,  comme  Osroès,  Osdroès,0sthroès,  Kou- 
saros,  Cosdroôs,  Oxyroès  (Lucien). En  arabe  ce  nom  propre 
est  rendu  par  Kesra  qui  a  été  porté  par  plusieurs  princes 
musulmans  du  moyen  âge  ;  mais  on  trouve  plus  souvent  la 
forme  perse,  comme  :  Khosrou  Melek,  Khosrou  Chah  chez 
les  Ghaznévides,  Kai  Khosrou  chez  les  Seldjoucides,  etc. 
Nous  ne  nous  occuperons  dans  les  articles  suivants  que 
des  souverains  qui  sont  connus  dans  nos  histoires  sous  le 
nom  de  Khosroès.  E.  Drouin. 

KHOSROÈS  l'Arsagide,  roi  parthe  de  la  dynastie  ar- 
sacide  (107-131  ap.  J.-C).  Son  vrai  nom  paraît  être  Osroes; 
c'est  ainsi  que  le  désignent  Dion  et  les  divers  auteurs  clas- 
siques. On  a  vu  au  mot  Edesse  que  le  nom  asiatique  de  cette 
ville,  Osroë,  et  de  la  contrée,  Osroène^  provenait  vraisembla- 
blement du  nom  du  satrape  Osroès.  Cette  forme  a  donc  existé 
à  côté  de  Khosroès  et  il  est  possible  que  celle-ci  soit  plus  mo- 
derne et  ne  remonte  qu'à  la  fin  des  Sassanides.  Khosroès 
ou  Osroès  était  frère  de  Pacore  II  et  il  lui  succéda.  Sa  chro- 
nologie est  difficile  à  établir,  attendu  que  ses  monnaies, 
quoique  datées,  ne  portent  que  le  nom  d'Arsace,  D'après 
P.  Gardner  il  régna  de  107  (110  suiv.  Gotschmid)  à  131. 
Il  employa  une  grande  partie  de  son  règne  à  lutter  contre 
ses  compétiteurs  au  trône  et  à  défendre  ses  Etats  contre 
les  prétentions  de  l'empire  romain.  La  guerre  éclata  avec 
Rome  à  propos  de  l'Arménie  :  Khosroès  ayant  dépos- 
sédé Exedarès,  roi  de  ce  pays,  soutenu  par  les  Romains 
pour  donner  la  couronne  à  son  propre  frère  Parthamasirus, 
envoya  des  ambassadeurs  à  Trajan  pour  obtenir  l'investi- 
ture en  faveur  de  ce  dernier.  Trajan  qui  était  à  Athènes  re- 
fusa de  les  recevoir  et  déclara  la  guerre  aux  Parthes.  Il 
traversa  l'Asie  Mineure  et  pénétra  en  Arménie  (en  114); 
le  pays  fut  conquis  et  déclaré  province  romaine.  Parthama- 
sirus fut  lue.  Trajan  s'empara  ensuite  d'Edesse  dont  il  dé- 
trôna le  roi  Abgar  VII,  et  de  la  Mésopotamie.  Ctésiphon, 
la  capitale  des  Arsacides,  fut  prise  après  un  siège.  Khosroès 
s'enfuit,  laissant  sa  fille  et  toutes  ses  richesses  aux  mains 
de  l'ennemi.  Trajan  réunit  son  armée  et  des  députations 
des  divers  peuples  parthes  dans  une  grande  plaine  voisine 
de  la  ville,  et,  en  leur  présence,  il  proclama  Parthamaspatès, 
fils  d'Exedarès,  roi  des  Parthes.  Cet  événement  est  consa- 
cré par  une  médaille  de  Trajan  avec  la  légende  REX  PAR- 
THIS  DATUS.  On  sait  que  l'empereur  romain  s'empara 
ensuite  de  tout  le  cours  de  l'Euphrate  et  du  Tigre  jusqu'à 
la  mer;  mais  Khosroès  put  ressaisir  ses  Etats.  Les  Parthes 
se  soulevèrent,  et  l'armée  romaine,  après  avoir  échoué 
devant  Hatra,  dut  se  replier  en  déroute.  Après  la  mort 
de  Trajan  (117)  Khosroès  fit  la  paix  avec  Adrien  qui  du 
reste  abandonna  toutes  les  conquêtes  faites  par  Trajan  au 
delà  de  l'Euphrate,  fleuve  qui  devint  la  limite  entre  les 
deux  empires.  Plus  tard,  en  130,  Khosroès  obtint  de  l'em- 
pereur romain  la  mise  en  liberté  de  sa  fille  et  la  restitution 
du  trône  d'or  des  Parthes  qui  avaient  été  pris  lors  du  siège 
de  Ctésiphon.  Khosroès  eut  pendant  son  règne  deux  compé- 
titeurs :  un  Meherdates  (peut-être  le  Mithridate  dont  on  a 


des  monnaies  à  légendes  araméennes),  frère  d'Orodès,et  Vo- 
logèse.  Ce  dernier  qui  ne  régna  d'abord  que  dans  les  pro- 
vinces de  FE.  de  l'Iran,  réunit  toutes  les  provinces  parthes 
sous  son  sceptre  à  la  mort  de  Khosroès  (131);  il  régna  ensuite 
sous  le  nom  de  Vologèse  lïl  jusqu'en  158.     E.  Drouin. 

BiBL.  :  LoNGPÉRiER,  Mém.  sur  la  Chronol.  des  rois 
parthes  arsacides,  1853,  in-4.  —  P.  Gardner,  Parthian 
Coinage^  1877,  in-4.  —  Gutschmid,  Geschichte  Irans^  1888. 
—   S piEGK'L.Er anische  Alterthumsk.^  1878,  t.  III,  p.  171. 

KHOSROÈS  l^"^  LE  Grand,  roi  de  Perse  (531-579),  de 
la  dynastie  des  Sassanides,  fils  de  Kobad  et  d'une  princesse 
ephthalite,  né  vers  498-99,  mort  en  579.  Quoique  plus 
jeune  que  ses  frères,  il  fut  associé  à  l'empire  et  désigné 
comme  successeur  par  Kobad  dès  l'an  513  (ainsi  qu'en 
fait  foi  une  médaille  d'or  frappée  à  cette  occasion  et  ré- 
cemment découverte),  mais  il  ne  succéda  en  réalité  qu'à 
la  mort  de  ce  dernier  en  531.  Les  mages  ayant  fait 
quelques  difficultés  pour  le  reconnaître,  il  fit  périr  ses 
frères  et  un  certain  nombre  de  nobles  (Procope).  Les 
auteurs  orientaux,  pehlvis,  arabes,  persans  et  syriaques 
le  citent  comme  le  modèle  des  rois  et  le  comparent  à 
Salomon  et  à  Alexandre.  Il  prit  de  son  vivant  le  titre  de 
Anoushirvan,  ISouchirvan^  nom  sous  lequel  il  est  surtout 
connu  (en  pehlvi,  Anuchirubân,  «  à  l'âme  immortelle  »). 
Au  moment  de  son  accession  au  trône,  la  Perse  était  depuis 
longtemps  engagée  dans  une  guerre  contre  l'empire  byzantin, 
«  l'ennemi  héréditaire  »,  et  en  même  temps  contre  les  Huns 
ephthalites  qui  ravageaient  l'Iran  oriental  ;  mais  le  pays 
était  épuisé  par  ces  guerres  et  l'entretien  d'une  nombreuse 
armée  sur  les  frontières.  Nouchirvan  fit  la  paix  avec  Justi- 
nien  et  profita  de  cette  trêve  pour  faiï?e  des  réformes  inté- 
rieures ;  il  réorganisa  les  finances,  fit  refaire  le  cadastre 
afin  d'arriver  à  une  meilleure  répartition  des  impôts  (Ta- 
bari)  et  rétablit  la  discipline  dans  l'armée.  Il  s'attaqua  en- 
suite à  la  doctrine  de  Mazdak,  hérésiarque  qui  avait  été  sou- 
tenu par  Kobad,  et  il  poursuivit  ses  sectateurs  ;  le  plus 
grand  nombre  fut  mis  à  mort  et  leurs  biens  confisqués.  Les 
frontières  du  N.-E.  et  du  N.-O.  de  la  Perse  étaient  ou- 
vertes aux  irruptions  des  Ephthalites  d'un  côté  et  des  Huns 
du  Caucase  de  l'autre  ;  Khosroès  visita  lui  -même  les  fron- 
tières et  fit  construire  des  forteresses  dans  les  défilés  de 
Derbend,  le  long  de  la  mer  Caspienne,  à  Sari,  à  Gourgan 
et  à  Amol,  sur  le  fleuve  Oxus,  dont  le  cours  formait  la 
limite  avec  les  Tatares.  C'est  à  cette  époque  qu'il  facilita 
la  fondation  du  petit  royaume  des  Chervanides  (V.  ce  mot) 
pour  protéger  la  frontière  du  Caucase. 

En  l'an  539,  Khosroès  reçut  des  ambassadeurs  de  la  part 
de  Vitigès,  roi  des  Goths,  qui  l'engageaient  à  déclarer  la 
guerre  à  Justinien  ;  les  Arméniens,  de  leur  côté,  deman- 
daient à  être  affranchis  du  joug  des  Ryzantins.  Khosroès, 
cédant  à  ces  sollicitations,  entra  sur  le  territoire  de  l'Em- 
pire avec  une  puissante  armée  et  s'empara  de  la  Syrie.  An- 
tioche  fut  pris  et  pillé,  les  habitants  furent  transf)ortés  en 
Babylonie  et  établis  dans  une  ville  qui  fut  fondée  sous  le 
nom  d'Antioche  de  Khosroès  (  Weh  Antiokh  Khosrou,  Rou- 
miah  des  Arabes,  dont  l'emplacement  est  inconnu)  en  540. 
L'année  suivante,  il  pénétra  dans  la  Lazique  et  en  chassa 
les  Romains  ;  la  guerre  continua  ainsi  pendant  dix  ans  avec 
Justinien,  dans  le  Caucase,  l'Arménie  et  la  Mésopotamie. 
Les  sièges  de  Petra  d'Ibérie  et  d'Edesse  sont  célèbres.  Des 
préliminaires  de  paix  furent  entamés  entre  les  deux  em- 
pires et  le  traité  ne  fut  signé  qu'en  563,  tout  à  l'avantage 
des  Perses.  Dans  cet  intervalle,  Khosroès  avait  tourné  ses 
armes  vers  l'Iran  oriental  et  s'était  rendu  maître  du  Kabou- 
listan,  du  Segistan  et  du  Tokharistan  (Afghanistan  actuel) 
jusqu'à  riaxarte;  mais  il  rencontra  les  Turcs  qui  venaient 
d'apparaître  sur  le  bord  de  ce  fleuve.  Grâce  à  leur  concours, 
il  détruisit  la  puissance  des  Ephthalites  (V.  ce  mot)  qui 
régnaient  dans  la  Transoxiane  depuis  plus  de  cent  ans  (555); 
à  la  suite  de  cet  événement,  il  épousa  la  fille  de  Zingibou 
Mokan,  le  khaqân  des  Turcs  (V.  dans  Tabari  et  Firdousi 
le  récit  très  curieux  de  ce  mariage  dont  naquit  Hormis- 
das  IV).  Le  nom  de  cette  princesse  était  Fakem  ou  Falegh 
d'après  Masoudi,  Kaiem  d'après  les  historiens  arméniens. 


-  521  — 


KHOSRÔÈS 


Mais  cette  amitié  ne  fut  pas  de  longue  durée  :  les  Turcs 
recherchèrent  l'alliance  des  Byzantins.  En  558,  Askel(Yse- 
,  kikolo  des  Chinois) ,  un  des  khaqâns  des  Turcs  Tou  Kioue, 
envoya  une  ambassade  à  Constantinople  pour  détourner 
l'empereur  de  faire  alliance  avec  les  Avares.  En  569,  Zin- 
gibou  (que  les  auteurs  byzantins  appellent  Dizaboul)  envoie 
de  son  côté,  auprès  de  Justin  II,  une  mission  dont  le  chef 
était  Maniakh.  Les  historiens  contemporains  nous  ont  laissé 
le  souvenir  de  ces  relations  diplomatiques  qui  ont  existé 
entre  Constantinople  et  les  Turcs  et  notamment  du  voyage 
de  Zémarque  en  Asie  centrale,  tant  au  point  de  \ue  du  com- 
merce de  la  soie  dont  les  Perses  voulaient  conserver  le  mo- 
nopole que  contre  Khosroès  (574),  mais  celui-ci  triompha 
de  ses  ennemis  :  les  Turcs  furent  battus  sur  les  bords  de 
l'Oxus  par  le  prince  héritier  Hormisdas,  qui  leur  imposa 
un  traité;  en  même  temps,  l'armée  coalisée  des  Byzantins, 
des  Arméniens,  des  Ibériens,  des  Mosches,  des  Alains  et 
des  Lazes  fut  défaite  en  plusieurs  campagnes  successives 
par  Bahrani  Tchoubin,  général  des  armées  perses  (568-74). 
Une  trêve  de  trois  ans  fut  alors  conclue  ;  mais,  dès  576, 
Justin  ayant  refusé  de  payer  le  tribut,  les  hostilités  recom- 
mencèrent, cet  tefois  à  l'avantage  des  Byzantins  qui  rem- 
portèrent une  grande  victoire  près  de  Mélitène  sur  les  Perses  ; 
ils  les  poursuivirent  jusqu'au  delà  du  Tigre  et  sur  les  bords 
de  la  mer  Caspienne,  et  pénétrèrent  même  en  Hyrcanie. 
Khosroès  proposa  la  paix  à  l'empereur  Tibère  II  qui  avait 
succédé  en  578  à  Justin  II,  mais  après  une  courte  suspen- 
sion d'armes,  les  hostilités  recommencèrent  en  Mésopota- 
mie et  ne  cessèrent  que  l'année  suivante,  par  la  mort  de 
Khosroès  (579). 

En  dehors  des  guerres  avec  Byzance,  il  faut  citer  parmi 
les  principaux  événements  du  règne  de  Khosroès  :  la  révolte 
de  l'un  de  ses  fils,  Anôshazâd  («  le  fils  de  l'Immortel  », 
Avaaco^aSoç  deProcope),  qui  avait  tenté  de  s'emparer  du 
trône  et  qui  fut  tué  dans  une  bataille  (560)  ;  la  guerre 
contre  les  Homérites  ou  Himyarites  du  "Yémen,  qui  étaient 
les  alliés  des  Byzantins  et  avec  lesquels  Justinien  avait  créé 
des  relations  au  point  de  vue  du  commerce  de  la  mer  Rouge 
et  de  l'océan  Indien.  Les  historiens  (grecs,  syriaques, 
arabes)  sont  très  peu  précis  et  souvent  contradictoires  sur 
ces  événements.  Il  est  certain  toutefois  que  Khosroès  se 
rendit  maître  du  S.  de  l'Arabie  vers  576  et  que  le  Yémen 
tomba  sous  la  dépendance  de  la  Perse  et  resta  gouverné  par 
des  princes  persans  jusqu'à  640.  D'après  les  auteurs  mu- 
sulmans, Khosroès  alla  jusque  dans  l'Inde  où  il  fut  accueilli 
triomphalement  à  Moultân  ;  il  revint  en  Perse  par  le  Mekrân 
et  le  pays  des  Beloutchi.  C'est  à  la  suite  de  ce  voyage  qu'il 
reçut  d'un  raja  (que  le  Modjmel  appelle  Dâbshelin)  de  nom- 
breux présents,  parmi  lesquels  de  la  soie,  du  satin  et  un  jeu 
d'échecs  (tchatrandj)  sur  l'origine  duquel  Firdousi  donne 
de  curieux  détails  ;  en  même  temps,  Bouzourdjmir,  con- 
seiller intime  du  Nouchirvân,  inventa  en  Perse  le  jeu  de 
trictrac  (nard).  De  son  côté,  Nouchirvân  envoya  dans 
l'Inde  un  mobed  nommé  Barzouï  qui  rapporta  de  cette  con- 
trée le  fameux  livre  de  contes,  Kalila  et  Dimna^  qui  fut 
de  suite  traduit  du  sanscrit  en  pehlvi  et  plus  tard  en  arabe 
et  dans  plusieurs  autres  langues.  Dans  de  nombreuses  ver- 
sions que  l'on  possède  de  ce  livre  célèbre,  le  nom  de  Anou- 
chirvân  a  été  altéré  en  Xirben,  Nixhuen,  Anastres  Kasri,  etc. 
(V.  l'éd.  latine  de  J.  Derenbourg).  Les  auteurs  orientaux 
prêtent  à  Nouchirvân  une  série  de  discours,  de  lettres  et  de 
sentences  sur  la  morale  et  la  politique.  La  littérature  pehl- 
vie  a  même  conservé  le  texte  d'un  prétendu  testament  reli- 
gieux de  ce  roi  (l'original  pehlvi  a  été  publié  avec  une  tra- 
duction anglaise  en  1887  par  M.  Casartelli).  Enfin,  dans  un 
discours  attribué  à  Khosroès,  Barhebrœus  fait  de  ce  sou- 
verain un  chrétien  attirant  les  chrétiens  à  sa  cour  et  pro- 
tégeant à  la  fois  le  christianisme  et  le  zoroastrisme.  Il  est 
intéressant  de  mentionner  aussi  les  lettres  que  le  faghfour 
de  la  Chine  et  le  roi  de  l'Inde  ont  adressées  à  Nouchirvân 
ainsi  que  les  présents  merveilleux  qu'ils  lui  envoyaient 
(Masoudi,  Mirkhond,  Firdousi). 
Numismatique. —  On  possède  une  série  complète  des  mon- 


naies d'argent  de  Khosroès  P"*  avec  mention  des  années  de 
règne  depuis  l'an  I  jusqu'à  l'an  XLVIII  ;  elles  portent  sim- 
plement pour  légende  Khusrui  afzu,  «  que  K,  vive  !  » 


Monnaie  d'argent  de  Khosroès  I*"",  Anouchirvân,  frappée 
Tan  43  du  règne. 

avec,  au  revers,  le  nom  de  l'atelier  monétaire  et  la  date.  Il 
existe  au  musée  de  l'Ermitage  une  très  belle  médaille  en  or 
où  le  souverain  est  représenté  de  face,  le  nom  est  écrit 
Khusrudi  et  la  date  est  de  l'an  XXXIV  du  règne.  D'après 
M.  de  Longpérier,  la  belle  coupe  en  cristal  gravé  et  orné 
de  pierres  précieuses  qui  est  au  Cabinet  de  France,  est  de 
l'époque  de  Khosroès  P"*.  E.  Drouin. 

BiBL.  :  Lebeau,  Hist.  du  Bas-Empire,  éd.  Saint-Martin, 
t.  VIII,  IX  et  X.  —  Les  auteurs  byzantins  et  orientaux, 
notamment  Firdousi,  Liure  des  JRois,Strad.  Mohl,t.  VI,  et 
Tabari,  trad.  Noeldeke  et  Zotenberg.  —  Spiegel,  Eran, 
Aller thumshunde^  t.  III,  1878.  —  Les  historiens  armé- 
niens, dans  les  Recueils  de  V,  Langlois  et  de  Brosset.— 
Rehatsek,  Chrislianily  in  Ihe  Persian  Dominion^  1877. 

KHOSROÈS  II  Parviz,  «\e?msmt  »  (Khosroii  Aber- 
viz  des  Arabes),  roi  de  Perse  (590-728),  fils  d'Hor- 
misdas  IV  qu'il  fit  périr  et  auquel  il  succéda  en  590  à 
la  suite  d'une  révolution;  mais  il  eut  à  compter,  dès 
son  arrivée  au  trône,  avec  le  rebelle  Bahram  Tchoubin 
(V.  ce  mot),  général  des  armées  devenu  puissant  à  la 
suite  de  ses  victoires  et  qui  s'était  fait  proclamer  roi  de 
Perse.  Khosroès  lui  adressa  un  ultimatum  dont  le  texte 
curieux  nous  a  été  conservé  par  l'historien  Simocatta, 
mais  il  fut  obligé  de  s'enfuir  en  Mésopotamie,  poursuivi 
par  les  troupes  de  Bahram  et  il  ne  fut  sauvé  que  par  le 
dévouement  de  son  oncle  Bindoïé.  Il  se  retira  sur  le  terri- 
toire byzantin,  à  Edesse,  puis  à  Circésium  sur  l'Eu- 
phrate  et  demanda  sa  protection  à  l'empereur  Maurice 
Tibère,  promettant  de  lui  céder  l'Arménie  et  les  fameuses 
citadelles,  objet  de  tant  de  luttes  sous  Nouchirvân  et  sous 
Hormisdas  :  Dara  et  Martyropolis.  Ses  propositions  furent 
acceptées  malgré  les  efforts  des  envoyés  de  Bahram.  Mau- 
rice lui  donna  (Masoudi,  II,  220)  deux  millions  de  pièces 
d'or  et  une  armée  de  cent  mille  cavaliers  commandée  par 
l'Arménien  Narsès.  Khosroès  put  de  son  côté  rassembler 
des  troupes  à  Nisibe  et  en  Arménie  sous  le  commandement 
de  Mebodès  ;  il  se  porta  à  la  rencontre  de  Bahram  et  lui 
infligea  une  sanglante  défaite  à  Ganzak.  Bahram  put 
s'échapper  le  long  du  S.  de  la  mer  Caspienne  et  se  réfugia 
chez  les  Turcs  où  il  commença  sa  vie  d'aventures  roma- 
nesques qui  ont  défrayé  les  légendes  persanes  (594). 
A  peine  débarrassé  de  ce  rival,  Khosroès  eut  encore  à  se 
défendre  contre  les  prétentions  de  son  oncle  Bestam(\.  ce 
mot)  qui  chercha  à  le  détrôner  et  qui  parvint  à  se  faire 
reconnaître  et  à  se  maintenir  roi  dans  le  Khorassan  jus- 
qu'en 597. 

Du  côté  de  l'empire  byzantin,  Khosroès  resta  le  fidèle  allié 
de  son  protecteur,  dont  il  épousa  la  fille,  la  princesse  Ma- 
rie ;  mais,  en  602,  Phocas  ayant  usurpé  le  trône  de  Byzance 
après  avoir  fait  massacrer  Maurice  et  toute  la  famille  impé- 
riale, Khosroès  fut  obhgé  de  reprendre  les  armes.  La  guerre 
éclata  et,  pendant  plus  de  vingt  ans,  ne  fut  plus  qu'une 
longue  suite  de  dévastations  et  de  pillage  dont  l'Arménie 
et  les  villes  de  Dara,  Edesse,  Hiérapolis  furent  les  vic- 
times. Après  la  mort  de  Phocas,  en  610,  la  guerre  continua 
en  Syrie  et  jusqu'en  Egypte.  Le  général  Chahrbaràz,  gendre 
de  Khosroès,  se  rendit  maître  de  Jérusalem  dont  il  emmena 
les  habitants  en  captivité  ;  le  bois  de  la  vraie  croix  fut  en- 


KHÛSROÈS 


522 


levé  (644).  11  pénétra  ensuite  en  Egypte,  prit  Alexandrie, 
et  son  armée  se  répandit  jusqu'en  Nubie.  L'occupation  perse 
dura  près  de  trois  ans  (615-618)  (c'est  à  cette  période  qu'ap- 
partiennent les  papyrus  pehlvis  trouvés  au  Fayoum  en 
4882).  Chahrbarâz  repassa  en  Asie,  fit  le  siège  de  Chalcé- 
doine  et,  pendant  quatre  ans,  parcourut  toutes  les  provinces 
orientales  de  l'empire  byzantin  sans  rencontrer  de  résis- 
tance. Mais  en  622  Héraclius  prit  sa  revanche,  et,  après 
avoir  battu  les  Perses  sur  les  frontières  de  la  Petite- Armé- 
nie, il  ravagea  l'Atropatène,  la  Médie  et  l'Albanie.  Chahr- 
barâz fut  de  nouveau  défait  en  625.  Khosroès  forma  alors 
trois  nouvelles  armées  dont  l'une  devait  faire  sa  jonction 
par  mer  à  Byzance  avec  les  Avares  et  les  Bulgares,  mais 
ces  armées  furent  successivement  détruites  par  Héraclius 
qui  franchit  le  Tigre  et  arriva  jusqu'à  Dastagerd,  une  des 
résidences  royales  qui  fut  prise  et  pillée.  Khosroès  se 
réfugia  en  Susiane  avec  ses  femmes,  sa  famille  et  ses  tré- 
sors et  il  envoya  à  son  général  qui  était  resté  en  Asie  Mi- 
neure l'ordre  de  venir  à  son  secours.  Le  message  fut  inter- 
cepté par  Héraclius,  et  Chahrbarâz  ne  put  venir  en  temps 
utile.  Khosroès  fit  alors  une  nouvelle  levée  de  troupes  dont 
il  confia  le  commandement  àGournadaspe  (628)  ;  mais  l'un 
des  fils  du  roi,  Kobad  Cliiroïé,  se  révolta,  et  les  deux  chefs 
d'armée,  Gournadaspe  et  Chahrbarâz,  se  joignirent  à  lui. 
Khosroès  fut  déposé  et  jeté  en  prison.  D'après  Tabari, 
cette  fin  lui  avait  été  prédite  par  le  Prophète.  Ayant  reçu 
une  lettre  de  Mohammed  qui  l'engageait  à  embrasser  l'isla- 
misme, Khosroès  déchira  cette  lettre  et  traita  avec  mépris 
le  messager  Abdallah  ben  Hodafah.  En  apprenant  ce  fait, 
Mohammed  s'écria  :  «  H  a  déchiré  son  royaume.  »  Khosroès 
écrivit  alors  au  gouverneur  persan  du  Yémen  pour  lui  don- 
ner l'ordre  de  s'emparer  du  Prophète,  mais  c'est  sur  ces 
entrefaites  qu'il  fut  détrôné. 

La  fin  de  Khosroès  H  est  racontée  en  détails  par  les 
historiens  orientaux.  D'après  Tabari,  que  la  plupart  des 
auteurs  ont  copié,  Chiroïé  envoya  à  son  père,  en  prison 
dans  le  château  de  Makhourch  (Masoudi,  VH,  298),  une 
série  de  messagers  lui  demandant  compte  de  ses  actions,  et 
le  vieux  roi  répondait  chaque  fois  en  repassant  les  princi- 
paux événements  de  son  règne  et  en  cherchant  à  justifier 
ses  actes  comme  les  meurtres  dont  on  l'accusait,  ce  qui 
nous  donne  l'occasion  de  connaître  bien  des  détails  d'ad- 
ministration intérieure  qui,  sans  cela,  seraient  restés  igno- 
rés. Finalement,  après  tous  ces  interrogatoires,  il  fut  assas- 
siné sur  l'ordre  de  son  fils  (févr.  628)  par  un  nommé 
Mir-Hormuzd  que  Chiroïé  fit  ensuite  périr  à  son  tour. 
Khosroès  laissait  plusieurs  femmes,  entre  autres  la  fameuse 
Chirin  et  Gourd ieh,  la  sœur  de  Bahram,  toutes  deux  célè- 
bres dans  la  poésie  orientale,  et  de  nombreux  enfants  (17 
ou  19  suivant  les  auteurs)  que  Chiroïé  fit  tous  massacrer 
afin  d'éviter  toute  compétition  au  trône  ;  deux  de  ses  sœurs, 
Borân  et  Azermidokht,  nées  comme  lui  de  la  princesse 
Marie,  furent  seules  respectées.  De  même  que  Khosroès  F"* 
est  resté  célèbre  par  son  amour  pour  les  sciences  et  sa  sa- 
gesse, de  même  son  petit-fils  le  fut  pour  son  luxe,  ses  ri- 
chesses et  ses  nombreux  trésors  situés  dans  plusieurs  villes 
et  qui  consistaient  dans  l'amoncellement  de  pièces  de  mon- 
naie, de  lingots  et  de  pierres  précieuses;  il  possédait  aussi 
plus  de  mille  éléphants  blancs  de  haute  taille.  Les  auteurs 
persans  se  complaisent  dans  la  description  de  tous  ces 
objets  éblouissants. 

Khosroès  Parviz  est-il  allé  dans  l'Inde?  Les  auteurs  sont 
muets  sur  ce  point.  Firdousi  seul  dit  qu'il  recevait  des  tri- 
buts de  la  Chine  et  de  l'Inde  ;  d'après  les  annales  chinoises 
il  envoya  une  ambassade  au  Fils  du  Ciel  en  617.  La  ques- 
tion du  voyage  dans  l'Inde  a  été  posée  et  résolue  dans  le 
sens  affirmatif  par  Fergusson  dans  sa  description  des  fres- 
ques de  la  grotte  d'Ajanta,  près  de  Bombay  (Journ.  asiat. 
du  Bengale,  4879).  Une  de  ces  fresques  représente  le  roi 
assis,  revêtu  du  cosiumesassanide,  ayant  à  sa  droite  Chirin, 
son  épouse  préférée  ;  sur  une  autre  fresque  est  un  roi  de 
l'Inde,  peut  être  Pulukesha-Parameça,  roi  du  Maharastra, 
contemporain  de  Parviz,  recevant  des  ambassadeurs  per- 


sans. Il  existe  en  outre  au  musée  de  Vienne  (Autriche)  une 
monnaie  d'argent  à  deux  bustes  représentant  à  l'avers  Khos- 
roès Parviz  de  face  et  au  revers  une  divinité  indienne,  peut- 
être  le  dieu  soleil  (Aditya)  qui  avait  un  temple  très  cé- 
lèbre à  Moultàn.  Cette  pièce  datée  de  l'an  XXXVI  du  règne 
a  été  très  vraisemblablement  frappée  dans  l'Inde  à  la  suite 
d'un  voyage  de  Parviz  au  temple  d' Aditya  (V.  fig.  ci- 
dessous).  Enfin  les  premiers  historiens  musulmans,  comme 
le  Tchatch-nâmeh,  Masoudi,  Ferishta,  qui  ont  raconté  la 
conquête  des  provinces  de  l'indus  et  du  Sindh  par  les  Arabes, 
mentionnent  un  roi  Nimrouz  qui  aurait  été  vainqueur  du 
râi  de  Kaboul,  Sahasi,  vers  l'an  595.  Ces  diverses  considé- 
rations militent  en  faveur  de  l'hypothèse  d'un  ou  de  plu- 
sieurs voyages  ou  expéditions  de  Khosroès  II  de  l'autre  côté 
de  rindus. 

Comme  pour  Nouchirvân,  on  possède  la  série  monétaire 
de  toutes  les  années  du  règne  de  Parviz  de  l'an  I  à 
l'an  XXXVIII.  Le  type  de  ces  monnaies,  avec  le  mot  Khos- 


Médaille  d'argent  de  Khosroès  II  Parviz,  avec  le  dieu  so- 
laire Aditya  au  i^,  frappée  dans  l'Inde,  Fan  36  du  règne. 

roui,  a  été  adopté  par  les  gouverneurs  arabes  pour  les  mon- 
naies qu'ils  ont  fait  frapper  en  Perse,  jusqu'à  la  fin  du 
vii^  siècle.  E.  Drouin. 

BiBL.  :  V.  Khosroès  I«»*, 

KHOSROÈS  \^''  (Khorov),  dit  le  Grand  {vezerg),  roi 
d'Arménie,  fils  de  Varghash  ou  Vagharsh  auquel  il  succéda 
en  498  ap.  J.-C.  (214  d'après  l'historien  Te  amitch).  Va- 
gharsh avait  été  tué  au  delà  du  Caucase,  dans  une  bataille 
contre  les  Huns  et  les  Alains  ;  Khosroès  soumit  ces  barbares 
et  fortifia  les  défilés  de  Djor  et  de  Derbend  pour  protéger 
l'Arménie  contre  leurs  invasions.  En  225,  Ardéchir  Babe- 
kân  fonde  en  Perse  la  dynastie  sassanide  ;  tous  les  malkâ 
ou  rois  parthes  sont  successivement  battus  et  tués  par  Ar- 
déchir qui  prit  alors  le  titre  de  «  roi  des  rois  »  {malkân 
malkâ),  Khosroès  donna  asile  aux  princes  arsacides, 
leva  même  des  troupes  pour  venger  le  dernier  souverain, 
Ardevân  le  Pehlvi  (Artaban  VI)  ;  il  essaya  en  même  temps 
de  soulever  la  Bactriane  dont  les  gouverneurs  étaient  de  la 
famille  arsacide  (V.  dans  Agathange  le  récit  de  son  am- 
bassade), mais  ce  fut  sans  succès.  Aidé  des  Romains  qui, 
sous  Alexandre  Sévère,  s'avançaient  sur  les  bords  de  l'Eu- 
phrate,  il  espérait  renverser  Ardéchir,  mais  les  deux  ar- 
mées romaine  et  arménienne  furent  détruites,  et  Khosroès 
fut  assassiné  peu  après  en  239,  à  Khalkhal,  au  N.  de 
l'Araxe,  par  un  de  ses  parents,  Anag,  qu'il  avait  recueilli 
et  qui  était  vendu  au  roi  de  Perse.  Les  Arméniens, 
irrités  de  cette  trahison,  massacrèrent  Anag  et  toute  sa 
famille  sauf  deux  de  ses  fils  dont  l'un  devint  plus  tard 
Grégoire  l'Illuminateur.  L'armée  perse  entra  en  Arménie  ; 
Tiridate,  fils  de  Khosroès,  encore  enfant,  fut  envoyé  à  Rome. 
L'Arménie  resta  sans  roi  légitime  de  239  à  259,  date  de 
l'avènement  de  Tiridate  ou  Dertad. 

KHOSROÈS  II  (Kotac),  dit  le  Petit,  roi  d'Arménie 
(314-325),  fils  de  Tiridate  H  le  Grand.  Ce  règne  tut  em- 
ployé à  repousser  les  invasions  des  Huns,  des  Massagètes, 
des  Alanis  qui,  à  plusieurs  reprises,  et  à  l'instigation  du  roi 
des  Perses,  avaient  envahi  l'Arménie.  Sanesan,  chef  des 
Huns,  que  Moïse  de  Khorène  appelle  Sanadrug,  fut  vaincu 
et  tué,  et  les  Barbares  repassèrent  le  Caucase.  Khosroès  II 
eut  pour  successeur  son  fils  Diran  II. 


523  - 


KHOSROÈS  -  KHOVANSKY 


KHOSROES  III,  roi  d'Arménie  (387-415).  Lors  du 
partage  qui  eut  lieu  en  387  entre  les  Romains  et  les 
Perses,  Arshag  IV,  qui  était  roi  d'Arménie  depuis  383, 
fut  conservé  comme  souverain  de  la  partie  occidentale  du 
royaume  sous  la  suzeraineté  de  Constantinople,  et  Sapor  III 
confia  la  partie  du  royaume  qui  lui  était  échue  à  Khosroès, 
issu  d'une  branche  collatérale  des  Arsacides,  et  lui  donna 
.en  mariage  sa  sœur  Zervandokht.  Peu  de  temps  après, 
Khosroès  ayant  manifesté  des  idées  d'indépendance,  Sapor 
le  fit  déposer  et  l'envoya  prisonnier  dans  le  château  de 
l'Oubli,  enSusiane,  où  il  resta  vingt-deux  ans  (392-414). 
Après  cette  longue  captivité,  il  fut  rendu  à  la  liberté  et 
rentra  en  Arménie  où  il  succéda  à  Vramshapouh,  mis  à  sa 
place  en  392.  Il  mourut  en  415  et  eut  pour  successeur  Sha- 
pouh,filsde  tesdegard  I^'',  des  Sassanides.        E.Drouin. 

BiBL.  :  Agathange,  Moïse  dp:  Khoren,  Zenob  de  Glag, 
Faustus  DE  Byzance,  La/are  de  Pharbe,  dans  la  Collec- 
tion des  Histor.  d'Arménie  de  V.  Langlois  (V.  Arménie). 

KHOSROU.  Nom  des  deux  derniers  sn\i2im  ghazné vides 
(V.  ce  mot). 

KHOSROU  Melik,  sultan  d'Egypte  (V.  ce  mot). 

KHOTAN  ou  KHOTEN.  Province  du  Tiirkestan  chinois 
(V.  ce  mot),  qui  emprunte  le  nom  de  la  ville  cV litchi  ou  Kho~ 
tan.  Celle-ci  est  une  ville  de  40,000  âmes,  située  sur  le 
Khotanclaria^  affluent  droit  du  Tarim,  à  la  limite  du  désert 
de  Takla  makan,  à  l'E.  de  la  grande  route  de  caravanes  de 
Kachgar  à  l'Inde  (V.  Asie).  Fabrication  et  commerce  de 
soieries,  de  lainages,  de  feutres,  de  tapis,  etc.  ;  exportation 
de  jade.  Ce  fut  la  capitale  d'un  khanat  indépendant  (V.  Tur- 
kestan). 

BiBL.  :  RÉMUSAT,  Histoire  de  la  ville  de  Khoten.  — 
Klaproth,  Histoire  de  la  ville  de  Khoten,  dane  Mél.  rela- 
tifs à  l'Asie,  t.  II,  pp.  281-301.  —  J.-H.  Wathen,  Notices 
of  Chinese  Tartary  and  Khoten^  dans  Chinese  Repository^ 
vol.  XII,  pp.  236-237.  —  W.-H.  Johnson,  Report  on  his 
journey  to  llchi  the  capital  of  Khotan,  in  Chinese  Tartary^ 
dans  Journ.  Roy.  Geog.  Soc,  1866,  vol.  XXXVII,  pp.  1-7. 

KHOTBA.  Sorte  de  prône  qui  se  dit  dans  chaque  grande 
mosquée  à  l'issue  de  la  grande  prière  du  vendredi.  A 
l'origine,  c'était  le  khalife  lui-même  qui,  dans  une  courte 
invocation,  appelait  les  bénédictions  du  ciel  sur  sa  propre 
personne  et  sur  celle  du  Prophète.  Cet  usage  s'est  main- 
tenu, mais  en  se  modifiant  légèrement  :  le  souverain,  qui 
était  d'abord  de  plain-pied  avec  les  fidèles,  s'est  placé  au 
haut  d'une  chaire  pour  prononcer  son  invocation,  puis  il  a 
souvent  renoncé  à  la  faire  lui-même,  laissant  ce  soin  à  un 
délégué  appelé  khâtib.  Il  est  admis  que  l'on  ne  doit  pro- 
noncer dans  la  khotba  d'autre  nom  que  celui  du  souverain 
spirituel  de  l'Islam,  et  le  plus  souvent  cette  règle  a  été 
suivie.  Cependant,  à  diverses  reprises,  on  a  contrevenu  à 
ce  principe  :  tout  prince  musulman  indépendant  s'est  cru 
autorisé  à  ne  mentionner  que  son  propre  nom  dans  la 
khotba,  et  c'est  même  à  ce  signe  qu'on  a  pu  reconnaître 
qu'il  se  déclarait  libre  de  tout  lien  de  vassalité.  Parfois, 
encore,  le  monarque  ajoute  son  nom  à  celui  du  chef  spiri- 
tuel, dont  il  admet  ainsi  la  suzeraineté  nominale,  tout  en 
lui  déniant  une  autorité  réelle.  Le  droit  de  frapper  monnaie 
et  celui  de  se  nommer  dans  la  khotba  ont  toujours  été  con- 
sidérés, en  pays  musulman,  comme  les  attributs  essentiels 
de  l'autorité  souveraine.  0.  Houdas. 

KHOTIN,  CHOCIIVI  ou  CHOTYN.  Ville  de  Russie,  pro- 
vince de  Bessarabie,  ch.-l.  de  district,  rive  droite  du 
Dniestr,  sur  la  frontière  de  Galicie  ;  20,000  hab.  Ce  fut 
la  plus  septentrionale  des  colonies  génoises,  puis  la  place 
forte  des  Turcs,  en  face  de  Kamenetz-Podolski.  La  citadelle 
génoise,  bâtie  au  xiii«  siècle,  subsiste  à  côté  de  la  ville. 
Khotin  a  joué  un  grand  rôle  dans  les  guerres  entre  Turcs, 
Polonais,  Russes,  Autrichiens.  Les  rois  polonais,  Vladys- 
lav  IV  et  Jean  Sobieski,  y  défirent  les  Russes  en  i62f  et 
4673  ;  le  général  autrichien  Munnich  les  y  vainquit  aussi 
le  28  août  1739  ;  les  Russes  y  furent  battus  le  30  oct. 
1768,  mais  prirent  la  ville  l'année  suivante.  En  4788,  elle 
fut  prise  par  les  Autrichiens,  en  4806  par  les  Russes, 
auxquels  la  paix  de  Bucharest  la  laissa  (1842). 

KHOUANS  (V.  Confréries  musulmanes). 


KHOUFOU,  le  Chéops  d'Hérodote  et  le  Souphis  de  Ma- 
néthon,  pharaon  de  la  IV^  dynastie.  C'est  en  son  hon;ieur 
que  fut  élevée  la  plus  grande  des  pyramides  de  Gizeh. 
L'histoire  de  son  régne  nous  est  inconnue. 

KHOULM  ou  TACHKOURGAN.  Ville  du  Turkestan 
afghan,  sur  la  rivière  de  ce  nom  et  la  route  de  Balkh  à 
Koundouz  ;  10,000  hab.  La  ville  moderne  est  à  8  kil.  des 
ruines  de  l'ancienne,  au  milieu  de  vastes  jardins.  Com- 
merce de  peaux.  Ce  fut  la  capitale  d'une  principauté  con- 
quise par  les  Afghans  vers  4860  ;  cette  province  a  environ 
300,000  hab. 

KHOUNZAK.  Ville  du  Caucase  russe,  province  de  Da- 
ghestan, sur  un  promontoire  rocheux,  à  440  kil.  N.-E. 
de  Derbent  ;  ancienne  capitale  du  khan  des  Avars  ;  fort 
russe. 

KHOURDJA.  Ville  de  l'Inde  anglaise,  prov.  du  Nord- 
Ouest,  sur  lechemin  de  fer  d'Allahabadà  Delhi  ;  30,000 Iiab. 
Grand  marché  agricole.  Beau  temple  djaina. 

KHOURIAN  MouRiAN.  Iles  delà  côte  S.  d'Arabie,  entre 
les  caps  Hassik  et  Chirbédat.  On  compte  trois  îles  et  quatre 
îlots,  mesurant  ensemble  55  kil.  q.  Ces  îles  sont  rocheuses, 
très  élevées,  peuplées  par  les  Béni  Ghabah  qui  parlent  un 
dialecte  particulier.  Les  anciens  les  appelaient  îles  Zéno- 
bieïmes . 

KHOURKHA  ou  MOUTANHO.  Rivière  de  l'empire  chi- 
nois (Mandchourie),  affluent  droit  de  la  Soungari  ;  né  près 
des  monts  Chan-Alin,  sous  le  nom  de  Lefoiitchi,  il  prend 
ensuite  celui  de  Tjouldoud-khoun,  puis  de  Moutanho,  après 
avoir  formé  le  lac  Birtin,  arrose  Ningouta  et  finit  près  de 
Sansing. 

KHOURKHOU.  Montagnes  de  l'empire  chinois,  au  S.  de 
la  Mongolie,  formant  le  prolongement  oriental  du  maiisif 
de  l'Altaï  qui  le  relie  aux  monts  In-chan;  elles  dominent 
de  300  m.  le  désert  de  Gobi,  ont  à  peine  40  kil.  de  large. 
Elles  sont  formées  de  schistes,  de  syénite  et  de  porphvre. 

KHOUTOU.  Pays  de  l'Afrique  orientale,  à  400  kif.  0. 
de  la  côte  de  Zanzibar,  au  N.  de  la  Kingani. 

KHOUWAL  (V.  Ghawazi). 

KHOUZOU  ou  HAZOU.  Ville  de  Turquie  d'Asie,  vilayet 
de  Diarbékir,  sur  le  Yézidjana,  affluent  gauche  du  Tigre. 
Château  ;  pèlerinage  arménien. 

KHOUZISTAN  ou  ARABISTAN.  Géographie,  —  Pro- 
vince du  S.-O.  de  la  Perse,  sur  le  golfe  Persique,  corres- 
pondant à  l'ancienne  Susiane  ;  100,000  kil.  q.  Le 
Khouzistan  est  compris  entre  le  Farsistan  et  l'Irak- 
Adjémi  à  l'E.,  le  Louristan  au  N.,  l'Irak-Arabi  (Turquie) 
à  i'O.,  la  mer  au  S.  Le  N.~E.  est  montagneux,  le  S.-O. 
occupé  par  la  plaine  basse  du  Chatt-el-Arab  ;  entre  les 
deux  est  une  zone  de  collines,  admirablement  arrosée  et 
très  fertile.  Les  principaux  cours  d'eau  sont  la  Kerkha  et 
le  Karoun,  affluent  du  Chatt-el-Arab,  puis  le  Djerahi  et  le 
Tab  Hindiyan  ou  Zobreh.  La  population  est  formée  de 
Leurs  dans  la  montagne,  d'Arabes  dans  la  plaine  ;  les 
premiers  se  divisent  en  quatre  tribus  (Feili,  Bakhlyari, 
Kouhghélu,  Mammasenni)  ;  les  seconds  en  deux  (Beni- 
Lam,  Tchab).  Les  principales  villes  sont  le  ch.-l.  Chouster, 
puis  Dizfoul,  Ahouaz,  Babahan,  Mohammera.     A. -M.  B. 

Histoire  (V.  Elam,  Susiane  et  Perse). 
BiBL.  :  Layard,  Description  of  the  prov.  of  Khuzists.n^ 
dans  Bull.  Soc.  géogr.  de  Londres,  1846,  t.  XVI.  —  A.  j^e 
BoDE,  Travels  in  Luristan  and  Arabisian:  Londres,  1845, 
2  vol. 

KHOVANSKY  (Ivan-Andréevitch),  prince  russe  qui  vivait 
aux  XVI®  et  xvii®  siècles.  Il  prit  part  aux  guerres  de  la  pé- 
riode dite  des  troubles,  commanda  la  ville  de  Riazan  et 
lutta  contre  les  Polonais.  —  Un  autre  Ivan-Andréevitch 
vivait  dans  la  seconde  moitié  du  xvii®  siècle.  Il  dirigeait  le 
service  des  mousquetaires  (Strieltsy).  Sa  popularité  le  ren- 
dit suspect  à  la  tsarine  Sofie.  On  l'accusa  d'aspirer  au 
trône  pour  son  fils  André.  Tous  deux  furent  décapités  le 
47  sept.  4582. 

KHOVANSKY  ( Alexis- Andréevitch),  savant  russe  con- 
temporain. Il  a  fondé  en  4864  une  revue  intitulée  Mé- 
moires philologiques.  Ce  recueil  publié  à  Voronèje  a 


KHOVANSKI  —  KIA-KING 


—  524 


rendu  de  grands  services.  En  1888  a  paru  un  index  gé- 
néral des  articles  parus  depuis  la  fondation.  M.  Khovansky 
a  collaboré  assidûment  à  ce  recueil. 

KHOVARISWII  (Abou-Djafar  Mohammed  ibnMousa  Al-), 
mathématicien  arabe  du  ix®  siècle,  dont  le  nom  ethnique 
(du  Khovarcsm)  est  l'origine  du  mot  algorithme,  parce 
que  ce  sont  ses  ouvrages  qui,  traduits  au  xi^  siècle  par 
Adelhard  de  Bath  et  Gérard  de  Crémone,  ont  fait  connaître 
les  procédés  de  calcul  avec  les  chiffres  modernes.  La  tra- 
duction latine  de  l'arithmétique  de  Mohammed  forme  le 
premier  des  Trattati  d'aritmetica,  publiés  par  le  prince 
Boncompagni.  L'algèbre,  rédigée  auparavant,  a  été  publiée 
en  arabe  avec  une  traduction  anglaise  par  Bosen  (Londres, 
4831).  Mohammed,  qui  vivaitàlacourdukhalifeAlmamoun, 
a  également  traduit  vers  720  le  Siddkanta  de  Brahma- 
goupta,  ouvrage  astronomique  {Sindhind  des  Arabes),  et 
composé  des  tables  astronomiques  qui  ont  été  célèbres  en 
Orient,  et  qu'Adelhard  de  Bath  fit  connaître  en  Occident. 
Les  écrits  d'Alkhovarismi  ont  ainsi  exercé  une  grande  in- 
fluence ;  ils  méritent,  par  leur  clarté  et  leur  méthode,  la 
réputation  dont  ils  ont  joui.  La  tradition  de  la  science 
grecque  s'y  trouve,  au  reste,  mélangée  avec  les  emprunts 
aux  ouvrages  hindous,  de  même  qu'en  astronomie,  en  dehors 
de  VAlmageste  et  du  Sindhind,  Mohammed  paraît  avoir 
utilisé  des  travaux  dus  aux  Perses.  T. 

KHOZARS  (V.  Khazares). 

KHOZDAR.  Ville  du  Beloutchistan,  province  de  Djela- 
van,  à  1,150  m.  d'alt.,  dans  une  vallée  des  monts  Brahoui  ; 
2,500  hab.  Ancien  ch.-l.  de  la  province,  à  un  carrefour 
de  routes  (Soumiani  à  Kelat  et  de  l'Inde  au  Mekran)  ;  cita- 
delle avec  garnison  anglaise.  A  l'O.,  anciennes  mines  de 
plomb  et  d'antimoine  de  Sékran. 

KHRISTITCH  (Philippe)  (V.  Chrisïitch). 

KHROUB  ou  KHROUBS  (Le).  Village  d'Algérie,  dép. 
et  arr.  de  Constantine,  à  16  kil.  S.  de  Constantine,  sur 
une  colline  dominant  le  Bou-Merzoug,  une  des  branches 
duRummel,  à  625  m.  d'alt.  ;  chef-lieu  d'une  com.  de  plein 
exercice  de  9,340  hab.  dont  436  Français  et  200  Euro- 
péens. Village  annexe  de  El-Haria.  Il  doit  son  nom,  à  ce 
qu'il  semble  et  qui  paraît  être  en  réalité  Khouroub,  c.-à-d. 
masures ,  décombres ,  à  quelques  ruines  romaines  sur 
l'emplacement  desquelles  il  a  été  élevé.  Le  pays  alentour 
est  riche  en  bestiaux,  en  cultures  maraîchères  et  de  céréales. 
Le  village  a  surtout  prospéré  parce  qu'il  est  le  point  de 
raccordement  des  lignes  ferrées  de  l'Est-Algérien  et  de 
Bône-Guelma  ;  il  s'y  tient  chaque  vendredi  un  marché  aux 
bestiaux  qui  est  un  des  plus  importants  de  l'Algérie. 

KHROUMIRS.  Tribu  tunisienne  (V.  KroumÎrs). 

KHSOOU  (V.  Xoïs). 

KHVALINSK.  Ville  de  Russie,  gouvernement  de  Sara- 
tov,  rive  droite  de  la  Volga;  20,000  hab.  Port  fluvial; 
marché  agricole. 

KH  VA  LIS  ES.  Ancien  peuple  de  la  Russie,  habitant 
du  côté  de  la  mer  Caspienne,  que  les  chroniques  appellent 
mer  Khvalisienne.  Les  Khvalises  sont  considérés  comme  un 
peuple  impur,  c.-à-d.  de  race  touranienne.  Ils  ont  disparu 
de  bonne  heure.  Leur  nom  paraît  se  retrouver  dans  celui 
de  la  ville  de  Khvalynsk  (gouvernement  de  Saratov). 

K  H  VOLS  ON  (Daniel),  orientaliste  russe,  né  à  Vilna  le 
10  déc.  1820.  D'originejuive,  il  étudia  à  Breslau  (1820), 
Vienne  (1847),  Saint-Pétersbourg  (1850),  se  convertit  au 
christianisme  (1855),  devint  professeur  à  l'université  et  à 
l'académie  religieuse  (1858).  Il  a  publié  :  Die  Ssabier  und 
das  Ssabismus  (Saint-Pétersbourg,  1856,  2  vol.);  Die 
Ueberreste  der  altbabylonischen  Litteratur  in  ara- 
bischen  Uebersetzungen  (1859)  ;  Accusations  portées 
au  moyen  âge  contre  les  Juifs  (en  russe,  1861)  ;  Die  se- 
mitischen  Vœlker  (Berlin,  1872)  ;  la  Cène  et  la  Mort 
du  Christ  {en  russe, k'^éà.,  1880)  ;  Corpus  inscriptionum 
hebraicarum  (de  Crimée,  1882);  les  inscriptions  funé- 
raires syriennes  de  Ssemiretchié  (1886),  etc. 

KHVOSTCHlNSKAlA(Nadechda-Dmitrisevna)(V.KRES- 


KHVOSTOV  (Dmitri-Nicolaiévitch,  comte),  poète  russe, 
né  en  1757,  mort  à  Saint-Pétersbourg  en  1835.  Il  servit 
dans  l'armée  de  Souvorov  et  reçut  du  roi  de  Sardaigne  le 
titre  de  comte.  De  1804  à  1806,  il  dirigea  un  recueil,  l'Ami 
de  f  instruction.  Outre  des  traductions  de  Racine  et  Boi- 
leau,  il  a  publié  des  Impressions  de  voyage  et  des  Poé- 
sies (Saint-Pétersbourg,  1817-18,  V^  éd.  ;  1821-27, 
4  vol.,  2*^  éd.).  Quelques-unes  d'entre  elles,  qui  célèbrent 
les  triomphes  des  armées  russes,  furent  traduites  en  fran- 
çais, en  anglais  et  en  allemand  (V.  catalogue  des  Russica 
de  la  Bibliothèque  impériale  de  Saint-Pétersbourg  ;  Saint- 
Pétersbourg,  1873). 

KHYENG,  KAKYEN  ou  TCHING.  Peuplade  sauvage  de  la 
Birmanieiy .  ce  mot,  t.  VI,  p. 916,  et  Asie,  t. IV,  p.  122). 

Kl,  empereur  chinois  (V.  Hia). 

KIACHTA.  Bourgade  de  Russie,  située  à  la  frontière  du 
Céleste-Empire,  non  loin  de  la  rive  droite  de  laSelenga. 
Kiachta  est  contiguë  à  la  ville  chinoise  de  Mai-mai-tchen  ; 
elle  tire  son  importance  du  fait  qu'elle  est  le  point  où  pé- 
nètre dans  le  territoire  russe  la  grande  route  qui,  venant 
de  Péking,  traverse  la  Mongolie  en  passant  par  Kalgan  et 
Ourga  ;  la  majeure  partie  du  commerce  entre  la  Russie  et 
la  Chine  suit  cette  voie.  Au  mois  d'août  1892,  une  conven- 
tion conclue  entre  le  comte  Cassini,  ministre  de  Russie  à 
Péking,  et  le  Tao-tai  Cheng,  directeur  des  télégraphes 
chinois,  a  stipulé  que  la  Chine  et  la  Russie  devraient  être 
réunies  télégraphiquement  sur  trois  points  de  la  frontière; 
de  ces  trois  jonctions,  celle  de  Kiachta  sera  la  dernière, 
mais  elle  devra  être  faite  au  plus  tard  dans  un  délai  de  cinq 
ans  à  dater  de  la  signature  de  la  convention.         Ed.  Cii. 

Kl A~H  I N  6-Fou.  Ville  de  Chine,  prov.  de  Tché-kiang,  sur 
un  canal  à  45  kil.  S.-E.  du  lac  Taï-hou.  Belle  ville  sillon- 
née de  canaux  et  ornée  de  galeries  couvertes,  portiques,  arcs 
de  triomphe.  Un  des  centres  de  la  fabrication  et  du  com- 
merce de  la  soie. 

KlAl'-TcHÉou.  Ville  de  Chine,  au  S.  de  la  prov.  de  Chan- 
si,  à  25  kil.  du  dernier  coude  du  Hoang-ho,  près  du  lac 
Sou-tsou  ou  Sao-tchi.  Importante  place  de  commerce. 

KIAJNA  (Despina),  princesse  roumaine,  fille  du  prince 
de  Moldavie,  Pierre  Rarech,  et  de  sa  femme  Hélène.  Elle 
épousa  le  prince  de  Valachie,  Mircea  Ciobanul  et  con- 
duisit les  affaires  de  ce  pays  pendant  les  règnes  de  ses 
fils,  Pierre  le  Boiteux  et  Alexandre,  et  de  son  petit-fils, 
Mihnea.  Elle  mourut  vers  l'année  1580.  Femme  d'une 
extraordinaire  énergie,  elle  prit  part  à  des  combats  et 
n'égala  que  par  sa  corruption  sa  persévérance  et  son  dis- 
cernement politique.  M.  A.-J.  Odobescu  a  écrit  une  nou- 
velle historique  :  la  Princesse  Kiajna,  N.  J. 

BiBL.  :  A.-D.  Xenopcil,  Hist.  des  Roumains,  en  rou- 
main, II  et  III. 

KIAKHTA  (V.  Kiachta). 

K1A-KIAN6  ou  TCHAN6.  Rivière  de  Chine  qui  traverse 
du  S.  au  N.  la  prov.  de  Kiang-si  et  se  jette  dans  le  lac 
Poyang  ;  elle  passe  à  Kan-tchéou,  Ki-ngan  et  Nan-tchang, 
reçoit  à  gauche  le  Tchang,  le  Loui-choui,  le  Tcho-kiang, 
le  Sieou-ho  ;  à  droite,  le  Mei-kiang  et  le  Tonng-kiang. 
Navigable  dans  toute  sa  longueur,  elle  fournit  la  grande 
voie  transversale  N.-E.  du  bassin  du  Yang-tse-kiang. 

KIA-KING, cinquième  empereur (1796-1 820) de  la  dynas- 
tie mandchoue  des  Tsing  actuellement  régnante  en  Chine. 
Il  était  fils  de  l'empereur  Kien-longqui  abdiqua  en  sa  faveur 
le  8  févr.  i796  et  continua  à  lui  donner  ses  conseils  jus- 
qu'à sa  mort  en  1799.  Le  règne  de  Kia-king  est  fort  peu 
glorieux  ;  ce  souverain,  adonné  à  la  boisson,  ne  fit  rien 
pour  augmenter  le  prestige  de  la  Chine  à  l'extérieur  ;  au 
dedans,  il  ne  sut  ni  établir  fermement  son  autorité,  ni  ga- 
gner le  cœur  de  ses  sujets.  De  1802  à  1809,  les  côtes  du 
Fou-kien,  du  Koang-tong  et  du  Tche-kiang  furent  désolées 
par  des  pirates  dont  les  principaux  étaient  le  fameux  Tsai 
Kien,  qui  se  donnait  le  titre  de  roi  au  prestige  guerrier 
{Wei  ou  2vang),  et  Tchou  Pen,  qui  s'appelait  le  roi  du 
Sud  des  mers  (Hai  nan  wang)  ;  ce  ne  fut  qu'à  grand'peine 
que  les  autorités  chinoises  parvinrent  à  mettre  fin  à  leurs 


déprédations.  En  i  8 14,  un  complot  se  trama  contre  l'em- 
pereur dans  les  trois  provinces  deTche-li,  Ho-nan  et  Chan. 
long  ;  la  société  secrète  du  Nénufar  blanc  (pe  lien  kiao) 
en  était,  dit-on,  l'instigatrice;  le  seizième  jour  du  neuvième 
mois,  les  conjurés  s'introduisirent  par  ruse  dans  l'intérieur 
même  du  palais  ;  l'empereur  se  trouvait  absent,  car  il  était 
allé  à  Moukden  visiter  les  tombes  de  ses  ancêtres.  Son  second 
fils,  Mien-ning,  qui  devait  être  plus  tard  l'empereur  Tao- 
koang,  se  mit  à  la  tête  des  eunuques  et  des  gardes  restés 
fidèles  à  son  père,  et,  par  son  énergie,  réussit  à  repousser 
les  assaillants.  Dans  les  provinces,  la  répression  fut  longue 
et  ce  ne  fut  que  l'année  suivante,  en  4845,  que  le  général 
Yang  Fang  soumit  les  derniers  rebelles.  En  1816,  le  gou- 
vernement anglais  envoya  auprès  de  Kia-king  lord  Amherst 
pour  le  complimenter  sur  la  fin  de  l'insurrection  et  pour 
lui  expliquer  les  motifs  de  l'intervention  britannique  dans  le 
Népal  ;  l'ambassadeur  étranger  quitta  Péking  sans  avoir 
été  reçu  par  l'empereur  parce  qu'il  avait  refusé  de  se  sou- 
mettre au  cérémonial  humiliant  qu'on  voulait  lui  imposer. 
Kia-king  mourut  le  2  sept.  1820.  Ed.  Ch. 

KIA-LING.  Rivière  de  Chine,  affluent  gauche  du  Yang- 
tse-kiang,  qui  sort  des  monts  Tsing-ling,  traverse  le  S.-U. 
du  Chen-si  et  l'O.  du  Sse-tchouen,  où  il  reçoit  le  Hé-choui 
et  finitàTchoung-king.  Navigable  dans  tout  le  Sse-tchouen, 
il  crée  une  route  entre  les  bassins  du  Yang-tse-kiang  et 
du  Hoang-ho. 

KlAMA.  Ville  maritime  d'Australie  (Nouvelle-Galles  du 
Sud),  comté  de  Camden,  3,000  hab.  (8,100  pour  tout  le 
district)  ;  à  146  kil.  de  Sydney,  où  conduit  le  chemin  de 
fer.  Production  de  lait  et  de  beurre. 

KIAWIA.  Ville  du  Soudan  (Borgou),  au  confluent  de  la 
Bénoué  et  du  Kouara;  30,000  hab.  Etablissement  an- 
glais. 

KIANG-KA  ou  MERKAM.  Ville  du  Tibet  oriental,  prov. 
deKham,  bassin  du  Yang-tse-kiang.  Résident  chinois. 

KIANG-NAN.  Une  des  quinze  provinces  de  la  Chine 
propre  au  temps  des  Ming.  Sous  le  règne  de  l'empereur 
Kang-hi  (1662-1722),  elle  a  été  divisée  en  deux  et  a  formé 
les  provinces  de  Ngan-hoei  et  de  Kiang-sou.  De  nos  jours, 
on  donne  aussi  le  nom  de  Kiang-nan  à  la  vice-royauté 
constituée  par  la  réunion  des  trois  provinces  de  Kiang-si, 
Kiang-sou  et  Ngan-hoei. 

KIANG-NAN  ou  KAO-KANG-MIAO.  Ville  de  Chine,  prov. 
de  Kiang-sou,  à  5  kil.  en  amont  de  Chang-hai,  rive  gauche 
du  Hoang.  Arsenal  créé  en  1867  ;  grand  chantier  de  cons- 
tructions navales,  fonderie  de  projectiles,  manufactures 
d'armes. 

KIANG-NING  ou  NANKING.  Ville  chinoise  située  sur  la 
rive  S.  du  Yang-tse-kiang  et  à  210  kil.  de  son  embou- 
chure. Kiang-ning  a  été  la  résidence  des  empereurs  de 
plusieurs  petites  dynasties  qui  régnèrent  sur  une  partie  de 
la  Chine  ;  c'est  ainsi  qu'elle  fut  la  capitale  du  royaume  d'Où 
(222-277),  puis  celle  des  Tsin  orientaux  (317-419),  des  Tsi 
(479-301)  et  des  Leang  (502-536).  L'empereur  Hong-ou 
(1368-98),  fondateur  de  la  dynastie  Ming,  était  originaire  de 
cette  ville,  et  c'est  pourquoi  il  en  fit  sa  capitale.  C'était  alors 
la  ville  la  pkis  peuplée  du  monde.  Elle  resta  le  siège  du  gou- 
vernement des  Ming  jusqu'en  1409,  époque  à  laquelle  l'em- 
pereur Yong-lo  alla  s'établir  à  Péking;  Kiang-ning  conserva 
cependant  son  nom  de  Nanking  qui  signifie  capitale  du  Sud. 
Cette  ville  fut  assiégée  par  les  troupes  britanniques  en 
1842  ;  c'est  sous  ses  murs  que  le  plénipotentiaire  anglais, 
sir  Henry  Pottinger,  conclut  avec  le  commissaire  impérial 
M  Yng  (V.  ce  mot)  le  traité  de  Nanking  signé  le  29  août 
1842.  Le  19  mars  1853,  Nanking  fut  pris  par  les  rebelles 
Tai  ping  et  leur  chef  y  établit  sa  cour  ;  cette  cité  resta 
un  des  derniers  boulevards  de  l'insurrection;  mais  enfin,  le 
19  juil.  1864,  les  troupes  impériales,  commandées  par 
Tseng  Kouo-fan,  s'en  emparèrent.  Les  horreurs  de  la  guerre 
civile  ont  porté  une  grave  atteinte  à  la  prospérité  de  Nan- 
king ;  elles  ont  aussi  détruit  quelques-uns  de  ses  plus  beaux 
monuments,  entre  autres  la  célèbre  tour  de  porcelaine  que 
nous  avons  reproduite  à  l'art.  Céramique  (t.  IX,  p.  1192)  et 


525  —  KIA-KING  —  KIANG-SOU 

dont  la  construction,  commencée  par  l'empereur^Yong- le  en 
1411 ,  ne  fut  terminée  qu'en  1430  (V.  la  description  de  cette 
tour  dans  les  Mémoires  sur  l'état  présent  de  la  Chine  par 
le  P.  Louis  le  Comte,  3®  lettre  :  Cf.  Chinese  Repository, 
vol.  I,  p.  257,  et  XllI,  p.  261).  Le  plus  intéressant  peut- 
être  des  monuments  qui  aient  subsisté  à  Nanking,  ou  pour 
parler  plus  exactement,  dans  ses  environs  immédiats,  est 
la  sépulture  de  l'empereur  Hong-ou  (1398)  ;  cette  sépul- 
ture est  fort  semblable  à  celles  où  sont  enterrés  les  autres 
empereurs  Ming,  au  N.  de  Péking.  Nanking  ou,  comme 
disent  les  Chinois,  la  préfecture  de  Kiang-ning,  est  la  capi- 
tale de  la  province  de  Kiang-sou.  La  ville  se  relève  raiDi- 
dement  parce  qu'elle  est  demeurée  le  centre  intellectuel  et 
artistique  de  la  Chine.  Chaque  année,  12,000  candidats 
y  viennent  subir  les  examens.  Il  s'y  trouve  de  grandes 
bibliothèques  et  des  imprimeries  à  la  chinoise  et  à  l'eu- 
ropéenne. On  y  fabrique  de  beaux  satins  et  les  cotonnades 
connues  sous  le  nom  de  Nankin.  Ed.  Ch. 

KlANG-SL  L'une  des  dix-huit  provinces  de  la  Chine 
propre.  Elle  est  limitée  au  N.  par  le  Hou-pe  et  le  Ngan- 
hoei  dont  on  peut  dire  qu'elle  est  séparée  par  le  Yang-tse- 
kiang,  quoiqu'une  bande  du  territoire  sur  la  rive  gauche 
du  fleuve  soit  rattachée  au  Kiang-si;  à  l'E.,  cette  province 
touche  au  Ngan-hoei,  au  Tche-kiang  et  surtout  au  Fou- 
kien  ;  la  limite  entre  le  Fou-kien  et  le  Kiang-si  est  mar- 
quée par  une  rangée  de  hauteurs  dont  la  partie  la  plus 
connue  porte  le  nom  de  montagnes  Ou-i  ou  Bohea  ;  au  S., 
le  Kiang-si  est  isolé  du  Koang-tong  par  la  chaîne  élevée  des 
Mei-ling  ;  à  l'O.,  il  est  limitrophe  du  Hou-nan  et  du  Houpe. 
Superficie,  180,000  kil.  q.  ;  population,  24  millions  d'hab. 
environ.  Son  principal  cours  d'eau  est  la  rivière  Kan  ;  elle  se 
jette  dans  le  vaste  lac  Po-yang,  qui  est  compris  tout  entier 
dans  cette  province.  Au  point  de  vue  administratif,  le  Kiang-si 
est  divisé  en  quatre  circuits  (tao)  qui  comprennent  14  pré- 
fectures et  79  sous-préfectures.  Dans  le  premier  circuit  se 
trouvent  les  préfectures  de  Koang-sin,  Jao-tcheou,  Kieoj- 
kiang  et  Nan-kang  ;  dans  le  second  circuit,  les  préfec- 
tures de  Nan-tchang,  Fou-tcheou  et  Kien-tchang;  dans 
le  troisième  circuit,  les  préfectures  de  Joei-tcheou,  Yuen- 
tclieou  et  Lin-kiang  ;  dans  le  quatrième  circuit,  les  préfec- 
tures de  Kan-tcheou,  Nan-ngan,  Ki-ngan  et  la  préfecture 
secondaire  de  Ning-tou.  La  préfecture  de  Nan-tchang  est 
la  capitale  de  la  province.  La  préfecture  de  Kieou-kiang 
est  un  port  du  Yang-tse  ouvert  au  commerce  étranger  depuis 
1861.  Le  Kiang-si  est  rattaché  aux  provinces  de  Kiang- 
sou  et  de  Ngan-hoei  pour  former  la  vice-royauté  des  deiix 
Kiang  ou  de  Kiang-nan . 

Les  routes  qui  traversent  cette  province  ont  été  parcou- 
rues et  décrites  par  Marco  Polo,  par  les  envoyés  hollan- 
dais (Petrusde  Goyer  et  Jacobus  de  Keyser)  en  1656,  par 
l'ambassade  anglaise  (lord  Macartney)  en  1792,  et,  dans 
notre  siècle,  par  le  P.  Hue,  Davis,  M  il  ne,  etc.  Les  habi- 
tants du  Kiang-si  sont  très  portés  vers  l'étude  des  lettres  : 
aux  examens  du  second  degré,  104  places  leur  sont  réser- 
vées ;  cette  province  est  ainsi  la  plus  favorisée  de  toutes, 
après  celle  de  Tche-h,  pour  laquelle  il  existe  229  places 
de  licenciés.  La  culture  intellectuelle  est,  d'ailleurs,  fort 
ancienne  dans  le  Kiang-si,  qui  peut  se  vanter  d'avoir 
donné  le  jour  à  plusieurs  lettrés  illustres  ;  les  plus 
célèbres  sont  le  critique  et  homme  d'Etat  Wang  ngan-clie 
(1021-86),  le  poète  Hoang  Ting-kien  (1045-1105),  l'en- 
cyclopédiste Ma  Toan-Iin  (mort  vers  1325)  et  surtout  le 
philosophe  Tchou  Hi  (1130-1200). —Le  Kiang-si  ne  compte 
pas  moins  de  huit  manufactures  officielles  de  porcelaine 
dont  la  plus  renommée  est  celle  de  King-té  tchen  (V.  (3e 
mot).  Ed.  Cha VANNES. 

BiBL.  :  E.-C.  Bridgmann,  Topography  of  and  Kiang-si^ 
dans  Chinese  Repository,  vol,  XI,  pp.  375  et  suiv.  — 
H.  KopscH,  Geogmphical  Notes  on  the  province  of  Kiang- 
si,  dans  China  Review,  vol.  VI,  pp.  115-120,  191-195,  259- 
264,  316-322  et  vol.  VII,  pp.  47-51,  98-103. 

KIANG-SOU.  L'une  des  dix-huit  provinces  delà  Chine 
propre.  Elle  est  bornée  au  N.  par  le  Chan-tong  ;  à  l'E. 
par  la  mer,  au  S.  par  le  Tche-kiang,  à  l'O.  par  leNgan- 


K[ANG-SOU  —  KICHM 


M6  — 


hoei  et  le  Ho-nan.  Son  nom  est  formé  de  la  réunion  des 
deux  premiers  mots  qui  constituent  les  noms  des  deux  pré- 
fecturesde  Kiang-ning  et  de  Sou-tcheou.  kiang-ning{\,  ce 
mot)  est  la  capitale  de  cette  province  qui  a  400,000  kil.  q. 
et  comptait  21,408,930  hab.  en  4887.  Le  Kiang-sou  a 
deux  de  ses  ports  ouverts  au  commerce  étranger  ;  ce  sont 
ceux  de  Chang-haï,  sur  le  Wang-pou,  à  peu  de  distance 
de  Tembouchure  du  Yang-tse,  et  Tchen-kiang  sur  le  Yang- 
tse.  Le  Kian^-sou  est  une  des  provinces  les  plus  riches  et 
les  plus  fertiles  de  la  Chine  ;  ses  principales  productions 
sont  la  soie,  le  coton  et  le  chanvre  d'ortie. 

KIANG-TCHÉOU  (V.  Kioungtchéou). 

KlANG-TCHOUEN.  Ville  de  Chine,  prov.  de  Yunnan, 
entre  les  lacs  Hin-you  et  Fou-hien.  Le  premier,  qui  reçoit 
souvent  le  nom  de  la  ville,  a  36  kil.  de  tour  et  se  déverse 
dans  le  second,  beaucoup  plus  vaste,  qui  confine  à  la  ville 
de  Tchin-kiang  (V.  ce  mot). 

KIÂNKARI  ou  KANGHERL  Ville  de  Turquie  d'Asie,  chef- 
lieu  d'un  sandjak  du  vilayet  de  Kastamouni,  sur  un 
affluent  du  Kizil-Irmak,  a  895  m.  d'alt.  49,000  hab.  ; 
Commerce  de  laine.  Mines  de  sel  gemme.  Le  sandjak  est 
une  région  montagneuse,  dont  la  partie  orientale  est  oc- 
cupée par  la  vallée  du  Kizil-Irmak.  Il  confine  aux  sand- 
jaks  de  Kastamouni  et  de  Bolon  et  au  viiayet  d'Angora. 

KlANTOJŒRVIouKlANDO.LacdeFinlande,surrUlea, 
463  kil.  q. 

KIAO-Ho.  Rivière  de  Chine,  prov.  de  Chan-toung,  à  la 
racine  de  la  presqu'île  formant  avec  un  canal  et  le  Kou-ho 
une  voie  navigable  entre  la  mer  Jaune  et  le  Petchili,  voie 
connue  sous  le  nom  de  Kiao-laï-ho^  unissant  les  cités  de 
Kiao-tchéou  et  Laï-tchéou  ;  il  n'y  passe  que  des  barques  ; 
l'empereur  Kang-si  avait  entrepris  de  l'approfondir. 

Kl  AO-TcHÉou.  Ville  de  Chine,  prov.  de  Chaii-toung,  entre 
le  lac  Pene-hou  et  le  golfe  du  Petchili;  "200,000  hab.  A 
8  kil.  est  son  port  Ta-poh-fou,  ensablé.  L'ouverture  de  Tclié- 
fou  au  commerce  européen  a  diminué  celui  de  Kiao-tchéou. 

Kl  A  SE-TAO,  général  chinois  exécré  par  l'histoire  pour 
sa  conduite  lâche  et  trompeuse,  mort  en  4276  ap.  J.-C. 
Battu  par  les  Mongols,  il  conclut  avec  eux  de  son  autorité 
privée  un  traité  {\  2o9)  par  lequel  il  engageait  sa  patrie 
à  leur  payer  un  tribut  annuel  et  à  s'avouer  leur  vassale  ; 
il  fit  croire  à  l'empereur  Li-tsong,  de  la  dynastie  Song, 
qu'il  avait  remporté  les  plus  grands  succès.  Il  continua  à 
tenir  ainsi  dans  l'ignorance  des  vrais  événements  l'empe- 
reur Tou-tsong  (4265-75)  et  l'empereur  Kong-tsong  (1 275- 
76)  jusqu'au  jour  où  la  grande  défaite  que  les  Mongols  lui 
firent  essuyer  près  de  Ou-hou  en  4275,  rendit  irrémé- 
diable la  perte  de  la  dynastie  Song. 

KlA-SIEN.  Ville  de  Chine,  prov.  de  Ho-nan,  à  430  kil. 
S.  de  Haï-foung.  Monuments  antiques. 

KIATA.  Ville  de  Chine,  prov.  de  Sse-tchouen,  sur  le 
Mékong  (Lan-tsan-kiang),  jadis  tibétaine.  Riches  salines. 

KIA-TING-Fou.  Ville  de  Chine,  prov.  du  Sse-tchouen, 
sur  le  Min,  au  confluent  du  Fou,  du  Ya  et  du  Toung  ; 
25,000  bal).  Entrepôt  central  de  la  cire  blanche  (peïîa) 
produite  par  la  cochenille  dans  les  campagnes  de  Ning- 
yuen.  Commerce  de  bois  et  de  soie. 

KIA-YING.  Ville  de  Chine,  prov.  de  Kouang-toung,  sur 
le  Meï-kiang,  affl.  dr.  du  Han-kiang.  Mines  de  cuivre, 
d'argent,  de  fer,  d'étain. 

KIA-YOU-KCHOUAN.  Ville  de  Chine,  prov.  deKansou, 
près  du  défilé  de  ce  nom  [Porte  de  jade)  et  de  l'extré- 
mité 0.  de  la  Grande  Muraille.  Importante  place  militaire 
Isur  la  grande  voie  de  Lan-tchéou  à  Hami  et  Khotan  reliant 
la  Chine  au  Turkestan  (V.  ce  mot). 

KIBITKA.  Ce  mot  dérivé  du  turc  klbit^  désigne  en  russe 
tantôt  une  voiture  longue  et  couverte,  tantôt  les  tentes  en 
feutre  des  peuples  nomades. 

KIBLA.  C'est  sous  ce  nom  que  les  musulmans  désignent 
le  point  de  l'horizon  vers  lequel  ils  doivent  tourner  leur 
visage  quand  ils  font  la  prière.  Durant  les  premiers  temps 
de  llslamisme,  le  temple  de  Jérusalem  servait  de  kibla, 
mais  bientôt  Mohammed  décida  qu'il  fallait  prendre  dan<î  ce 


but  le  temple  de  la  Kâaba  de  La  Mecque.  Dans  toutes  les  mos- 
quées, la  kibla  est  indiquée  par  le  mihrab,  sorte  de  niche 
devant  laquelle  se  tient  l'imàm  qui  dirige  l'office.  A  mesure 
que  l'on  s'éloigne  de  La  Mecque,  la  kibla  devient  de  plus  en 
plus  difficile  à  déterminer  et,  pour  y  arriver,  les  Arabes 
doivent  faire  appel  à  la  science  de  leurs  plus  habiles  astro- 
nomes qui  marquent  assez  souvent  sa  direction  sur  les  ca- 
drans solaires  horizontaux  destinés  à  régler  les  moments 
canoniques  des  prières.  Le  changement  apporté  à  l'orien- 
tation des  fidèles  durant  la  prière  a  eu  une  telle  impor- 
tance que  le  Coran  lui  a  consacré  les  versets  438-445  du 
chap.  11.        ^  0.  HouDAs. 

KIBOKOUÉ.  Pays  de  l'Afrique  centrale,  dans  les  bas- 
sins supérieurs  du  Kassaï  (affl.  du  Congo)  et  de  la  Liba 
(affl.  du  Zambèze)  ;  on  lui  attribue  27,500  kil.  q.  et 
750,000  hab. 

Kl  CHAN,  homme  d'Etat  chinois.  Avant  d'avoir  quarante 
ans,  il  fut  nommé  vice-roi  du  Se-tchouen,  et,  peu  après, 
en  4830  ou  4834,  vice-roi  du  Tche-li.  Ce  fut  en  cette  qua- 
lité qu'il  eut  en  4844  une  entrevue  à  l'embouchure  du 
Pei-ho  avec  l'amiral  G.  EUiot  et  le  capitaine  Eiliot,  qui 
venaient  demander  réparation  pour  les  dommages  causés 
aux  marchands  anglais  par  les  autorités  de  Canton.  Afin 
que  Ki  Chan  pût  continuer  plus  facilement  les  négociations 
avec  les  plénipotentiaires  étrangers,  l'empereur  le  nomma 
vice-roi  des  deux  Kouang,  en  remplacement  de  Lin  Tso-Siu  ; 
au  conimencement  de  l'année  4842,  Ki  Chan  conclut  avec 
le  capitaine  EUiot  une  convention  aux  termes  de  laquelle 
l'île  de  Hong-Kong  serait  cédée  à  l'Angleterre,  une  indem- 
nité de  6  millions  de  dollars  lui  serait  payée  et  le  com- 
merce recommencerait  immédiatement  à  Canton.  Ces  con- 
cessions parurent  trop  considérables  à  la  cour  de  Péking 
qui  ne  prévoyait  pas  qu'elle  serait  obligée  quelques  mois 
plus  tard  d'accepter  des  conditions  plus  dures  encore  ;  Ki 
Chan  fut  dégradé  et  en\oyé,  chargé  de  chaînes,  à  la  capi- 
tale. En  4843,  il  rentra  en  grâce  et  fut  nommé  comman- 
dant des  troupes  en  garnison  à  Jehol  ;  mais  cette  place  était 
loin  d'avoir  l'importance  des  postes  qu'il  avait  occupés  au- 
paravant, et,  à  partir  de  ce  moment,  il  ne  joua  plus  aucun 
rôle  dans  l'histoire  contemporaine  de  la  Chine.       Ed.  Ch. 

BiBL.  :  Ghinese  Repository,  voL  X,  p.  235  \  vol.  XII,  p.  331. 

KIGHENEV  (V.  Kichinev). 

KICHEN-GANGA  (V.  Krichnà-Ga.nga). 

KiGHENGARH.  Ville  de  Plnde,  capitale  d'une  princi- 
pauté du  Radjpoutana,  sur  la  route  d'Ajmir  à  Agra  ; 
45,000  hab.  Elevée  sur  une  haute  colline,  sa  double  en- 
ceinte et  sa  citadelle  en  firent  jadis  une  importante  place 
forte.  Elle  renferme  de  belles  ruines,  vestiges  de  sa  gran- 
deur passée,  hd. principauté  (4,875  kil.  5,, 440,000 hab.) . 
fut  détachée  du  Marvar  par  le  roi  Oudei  Singh,  qui  la  donna 
en  apanage  à  son  fils  Kichen  (4744), 

KICHINEV  ou  KIGHENEV  (roumain /fmmf^î^,  autre- 
fois Rossovlachie),  Ville  de  la  Russie,  ch.-l.  de  la  pro- 
vince de  Bessarabie,  sur  le  Byk,  affluent  droit  du  Dniestr; 
447,408  hab.  Elle  comprend  une  ville  haute  sur  une  colline 
dominant  de  440  m.  la  ville  basse  sur  la  rive  droite  de  la 
rivière  (ait.  82  m.)  et  sept  faubourgs.  Elle  renferme 
48  églises  orthodoxes,  32  synagogues  ou  chapelles  juives, 
4  prison  monumentale.  C'est  une  grande  cité  industrielle 
et  un  entrepôt  commercial  important  (blés,  cuirs,  laines, 
eaux-de-vie,  etc.).  Elle  est  entourée  de  jardins  cultivés  par 
des  Bulgares. 

KIGHM,  KISSINI,  DJICHIVI  ou  TAVI  LA  H.  Ile  de  la  côte 
S.  de  Perse,  province  du  Laristan,  au  N.  du  détroit  d'Or- 
muz  ;  longue  de  440  kil.,  large  de  20,  elle  a  4,333  kil.  q.  ; 
à  l'E.  est  Fîle  de  Larch  ;  au  N.-E.,  l'île  d'Ormuz  ;  le  dé- 
troit, qui  la  sépare  du  continent,  a  une  largeur  de  2  à 
40  kil.  C'est  un  rocher  salin  sans  eau  ni  végétation,  sauf 
quelques  petits  jardins.  Beaucoup  de  ses  45,000  hab.,  de 
race  arabe,  passent  l'été  sur  le  continent.  A  l'E.  est  la 
ville  de  Kichm  (5,000  hab.);  à  l'O.,  Bassidor  où  les 
Anglais  avaient  tenté  de  s'établir;  au  N.,  Lafit;  au  S. 
Salouk    ources  de  naphte). 


-  r>27 


KICHTAVAR  —  ÈIEL 


KICHTAVAR,  KIGHTWAR  ou  KISTAVAR.  Ville  de 
rinde,  ch.-l.  d'une  province  du  Cachemire,  sur  la  rive 
gauche  du  Tchinab  (affl.  g.  de  l'Indus).  Ce  fut  la  capitale 
d'une  principauté  vassale  du  Ladak,  conquise  par  les  Sikhs 
au  début  du  siècle,  au  pied  du  7}i07it  Kiclitavar  (5,065  m.). 

KIGINSKI  (Pie),  homme  d'Etat  polonais,  né  àSlawkow 
en  ^75*2,  mort  à  Varsovie  en  4828.  Il  fut  secrétaire  du  roi 
Stanislas-Auguste  et  chef  de  sa  chancellerie.  Il  joua  un  rôle 
considérable  à  la  diète  dite  diète  de  quatre  ans.  Il  a  pubhé 
divers  ouvrages,  notamment  un  recueil  de  ses  Discours.  — 
Bruno  Kicinski,  fils  du  précédent,  né  en  4796,  mort 
en  4844,  rédigea  plusieurs  journaux  polonais  et  publia  de 
nombreuses  traductions  et  un  recueil  de  poésies  (Varso- 
vie, 4840). 

KICK  (Jan),  peintre  de  genre  hollandais  du  xvu*^  siècle. 
Sa  biographie  n'est  pas  connue.  Il  peignit  entre  4640  et 
4650  des  tableaux  dans  la  manière  de  Dirk  Hais  et  de  Jacob 
Duck.  On  voit  de  lui  au  musée  de  Berlin  des  Soldats. 
L'ancienne  collection  Hope  à  Londres  renfermait  des  Tra- 
vailleurs attaqués  par  des  bandits. 

KICK  (Cornelis),  frère  du  précédent,  peintre  de  fleurs 
hollandais,  né  à  Amsterdam  en  4635,  mort  à  Amsterdam 
en  4675.  11  fut  d'abord  un  peintre  habile  de  portraits, 
puis  tout  à  coup  il  voulut  rivaliser  avec  David  de  Heem  et 
il  peignit  des  fleurs  d'une  facture  très  finie  et  qui  se  ven- 
daient fort  cher.  CorneHs  Kick  était  d'un  naturel  paresseux, 
et  ayant  épousé  la  fille  d'un  riche  administrateur,  M^^®  Spa- 
roog,  qui  lui  apportait  entre  autres  dots  un  jardin  de  fleurs 
rares,  il  se  prit  de  passion  pour  Thorticulture  et  cessa  de 
les  peindre.  Ses  tableaux  sont  assez  recherchés  en  Hollande  ; 
ils  sont  inconnus  en  France. 

KICKAPOO.  Peuplade  de  Peaux-Rouges  des  Etats-Unis, 
jadis  établis  sur  le  Mississippi  avec  les  Foxes^  entre  40"  et 
45<*  lat.  N.,  confinés  (avec  les  Oiitganis)  depuis  4849  dans 
le  Kansas  et  devenus  bons  agriculteurs.  —  Ce  nom  est 
conservé  par  un  affluent  droit  de  l'Illinois  et  une  rivière  de 
400  kil.,  affluent  droit  du  Wisconsin,  par  des  bourgs  du 
Kansas  (r.  dr.  du  Missouri,  à  70  kil.  N.-O.  de  Topeka; 
3,000  hab.),  du  Territoire  Indien  (r.  dr.  de  la  rivière 
Canadienne,  à  200  kil.  0.  de  Talilequah),  du  Wisconsin 
(sur  la  rivière  du  même  nom,  à  412  kil.  N.-O.  de  Madison). 

KIGKHAM  (Charles-Joseph),  publiciste  irlandais,  né  à 
Mullinahone  en  4826,  mort  près  de  Dublin  le  24  août 
4882.  Fenian  actif  et  déterminé,  membre  du  conseil  exé- 
cutif suprême,  collaborateur  de  Vlrish  People,  il  fut 
arrêté  à  Dubhn  le  44  nov.  4865  et  condamné  à  quatorze 
ans  de  travaux  forcés.  Ses  amis  politiques  le  firent  passer 
pour  un  martyr.  On  a  de  lui  :  Poems  Sketches  and  nar- 
ratives illustrative  of  Irish  life  (4870);  Sally  Cava- 
nagh  (4869),  nouvelle  qu'il  écrivit  en  prison  ;  The  Homes 
of  Tipperary  (4879);  For  the  Old  Land  (4886),  etc. 

KIGKIj  général  polonais,  né  en  4789,  mort  en  4834.  Il 
entra  dans  l'armée  en  4809  et  se  distingua  dans  la  cam- 
pagne de  Russie  ;  il  fut  blessé  à  Leipzig.  Après  la  consti- 
tution du  royaume  de  Pologne,  il  fut  aide  de  camp  du  grand- 
duc  Constantin.  Il  prit  part  à  la  révolution  de  4830,  devint 
général  et  fut  tué  à  la  bataille  d'Ostrolenka  (6  mai  4834). 

KIGKX  (Jean),  naturaliste  belge,  né  à  Bruxelles  en  4775, 
mort  à  Bruxefles  en  4834.  Membre  de  l'Académie  et  pro- 
fesseur de  botanique  à  l'école  de  Bruxelles,  il  publia  de 
nombreux  travaux  dont  le  principal  est  la  Flora  Briixel- 
lensis  (Bruxelles,  4842,  in-8)  qui  fait  encore  autorité  au- 
jourd'hui. —  Son  fils,  appelé  comme  lui  Jean,  né  à  Bruxelles 
en  4803,  mort  à  Bruxelles  en  4864,  occupa  une  chaire  de 
botanique,  d'abord  à  Bruxelles,  puis  à  Gand.  C'était  un  pro- 
fesseur remarquable  et  un  observateur  poussant  l'exacti- 
tude jusqu'au  scrupule.  Il  s'occupa  surtout  de  la  cryptoga- 
mie.  Ses  deux  œuvres  principales  sont  :  Recherches  pour 
servir  à  la  flore  cryptogamique  des  Flandres  (Bruxelles, 
4844-55, 5  vol.  in-4)  ;  Flore  cryptogamique  des  Flandres 
(Gand,  4867,  2  vol.  in-8).  —  Le  fils  de  ce  dernier,  Jean- 
Jacques,  né  à  Gand  en  4842,  mort  à  Gand  en  4  887,  avait 
succédé  à  son  père  dans  la  chaire  de  botanique  en  4  864 .  E.  H . 


KIGKXELLA  (Bot.).  Genre  de  Mucédinées  parasites,  à 
filaments  durcis,  issus  d'un  mycélium  régulièrement  cloi- 
sonné et  portant  à  leur  sommet  une  couronne  d'appendices 
sporophores,  fusiformes,  à  légère  courbure  et  un  peu  inflé- 
chie en  dedans.  Ces  appendices  sporophores  ont  l'aspect 
de  baguettes  appuyées  les  unes  sur  les  autres  dans  les  ra- 
meaux jeunes.  A  maturité,  ils  se  rabattent  au  dehors  et 
portent  alors  les  spores  à  leur  face  inférieure.  Ces  spores 
sont  hyalines,  elliptiques.  Au  lieu  d'appendices  sporophores, 
l'extrémité  des  rameaux  mycéliens  peut  porter  des  chlamy- 
dospores  sphériques,  à  enveloppe  épaisse  et  incolore.  Cer- 
tains auteurs  semblent  admettre  des  périthèces  en  continuité 
avec  le  mycélium  de  la  forme  mucédinienne.  Leur  présence 
a  déterminé  MM.  Van  Tieghem  et  Le  Monnier  à  rapprocher 
le  genre  des  Ascomycètes,  et  Saccardo  en  fait  très  nette- 
ment l'état  conidial  d'une  Sphériacée.  Ces  périthèces,  blancs, 
globuleux  et  sans  astioles,  se  voient  dans  l'espèce  la  plus 
connue  du  genre,  sur  la  vase  des  égouts,  les  crottes  de  rats 
et  autres  excréments.  Henri  Fournier. 

KIDARA,  KIDARITES  (V.  Huns). 

KIDARNATH  ou  KEDARNATH.  Localité  de  l'Inde  sep- 
tentrionale, à  3,600  m.  d'alt.,  sur  un  affluent  de  l'Alak- 
nanda,  branche  mère  du  Gange,  au  pied  du  mont  Kidar- 
nath  (6,943  m.).  Un  temple  brahmanique  y  attire  chaque 
année  une  foule  de  pèlerins. 

KlDARPOURouKIDDERPOUR.FaubourgsdeCalcutta, 
rive  gauche  de  l'Hougli.  Bassins  de  rado-ub,  ancien  chan- 
tier de  constructions  navales  de  la  Compagnie  des  Indes. 

KIDDERMINSTER.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Wor- 
cester,  à  22  kil.  N.  du  chef-lieu,  sur  le  Stour,  aftluentdu 
Severn,  35,205  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Worcester 
à  Dudley.  En  communication,  par  canal,  avec  Liverpool, 
Hull  et  Bristol.  Grandes  fabriques  de  tapis. 

KlDDERIVlINSTERou  KEDERMYSTER  (Richard),  his- 
torien et  théologien  anglais,  né  vers  4460,  dans  le  comté  de 
Gloucester,  mort  vers  4531.  Il  entra  dans  l'ordre  des  bé- 
nédictins et  fut  professeur  au  Gloucester  Collège,  à  Oxford, 
puis  abbé  du  monastère  de  Winchcombe.  en  4487.  En  454  2, 
Henri  VIH  l'envoya,  à  cause  de  son  talent  d'orateur,  au  con- 
cile de  Latran  convoqué  par  le  pape  Jules  H  ;  il  prit  part 
ensuite  aux  troubles  religieux  de  PAngleterre,  prononça 
en  4545,  à  Saint-Paul  de  Londres,  un  discours  qui  eut  un 
grand  retentissement  et  publia  divers  écrits  catholiques 
notamment  :  Tractatus  contra  doctrinam  M,  Lutheri 
(4524);  on  lui  doit  aussi  :  A  Compendiim  of  the  Rule 
ofSt  Benedict.  La  bibliothèque  Bodléienne,  à  Oxford,  pos- 
sède un  important  manuscrit  de  ce  savant,  qui  renferme 
une  Vie  de  saint  Patrick  et  V Histoire  du  monastère  de 
Winchcombe. 

K!É,  empereur  chinois  (V.  Hia). 

KiEDERICH  (Paul- Joseph),  peintre  allemand,  né  à  Co- 
logne le  45  sept.  4809  (ou  4810),  mort  à  Dusseldorf  le 
4  avr.  4850.  Après  avoir  étudié  d'abord  dans  sa  ville  na- 
tale, il  vint  en  4832  à  l'Académie  de  Dusseldorf.  H  s'est 
adonné  au  genre  historique  et  au  portrait.  Nous  citerons 
parmi  ses  œuvres  :  Mort  du  grand  maître  de  Malte  La 
Valette  (musée  de  Berlin),  V Empereur  Frédéric  II et  son 
chancelierPeter  de  Vincis  (Stuttgart),  la  Reine  Margue- 
rite  pleurant  devant  la  tête  du  duc  de  Suffolk,  le  Peintre 
mort  (où  l'artiste  s'est  représenté  lui-même),  Charles-Quint 
à  Saint-Yust,  portraits  des  ducs  de  Bourgogne  Philippe 
le  Bon  et  Charles  le  Téméraire,  et  de  l'empereur  Maxi- 
'^ilien.  E.  Gourdaulï. 

KIEISTOUT,  prince  lithuanien,  né  en  4297,  mort 
en  4382.  Il  était  fils  de  Gedymin  et  païen  comme  lui,  il 
hérita  d'une  partie  de  la  Lithuanie,  guerroya  contre  les 
Polonais  et  les  chevaliers  teutoniques  et  contre  son  neveu 
Jagellon.  Fait  prisonnier  par  lui,  il  fut  étranglé  à  Vilna. 

Kl  EL  (autrefois  Thom  Kyle).  Ville  de  Prusse,  prov.  de 
Slesvig-Holstein,  dans  le  Holstein  oriental,  au  fond  et  du 
côté  0.  d'un  golfe  de  la  mer  Baltique  ;  70,455  hab.  (en 
4894).  C'est  le  grand  port  de  guerre  de  l'Allemagne  ;  il 


KIEL  —  KlElN-LONG 


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s'est  rapidement  développé,  puisque  la  population  n'était  en 
1864  que  de  18,693  hab.  La  ville  a  annexé  successivement 
les  faubourgs  de  Brunswick,  Gaarden  et  Ellerbeck.  Lâvieille 
ville  (Aitstadt),  entourée  d'une  lagune,  est  d'aspect  assez 
triste  ;  au  S.,  au  N.  et  à  i'O.,  sont  les  quartiers  neufs  avec 
de  larges  rues  et  de  grands  édifices  publics,  écoles,  uni- 
versité, musées,  etc.  ;  Brunswick  est  au  N.-E.,  Eller- 
beck  de  l'autre  côté  du  golfe,  ainsi  que  Gaarden  où  se  trouve 
le  grand  établissement  de  Hornheim  ;  plus  au  N.,  sont  les 
stations  balnéaires  de  Diisternbrook  et  Bellevue. 

Le  golfe  de  Kiel,  profond  de  15  kil.,  forme  le  meilleur 
abri  de  la  flotte  allemande  ;  au  N.-O.  aboutit  à  Holtenau 
le  canal  de  l'Eider,  le  reliant  à  la  mer  du  Nord  ;  l'entrée 
est  défendue  par  la  forteresse  de  Friedrichsort  et  le  fort 
de  Falckenstein  qui  croisent  leurs  feux  avec  les  forts  de 
Labœ  et  Mœltenort,  sur  la  rive  orientale  du  golfe.  Les 
grands  chantiers  de  la  marine  sont  entre  Ellerbeck  et  Gaar- 
den. Il  existe  à  Kiel  une  école  et  une  académie  navale,  des 
écoles  de  mécaniciens,  de  pilotes,  de  torpilleurs. 

Kiel  reçut  en  1 242  le  privilège  de  ville  sur  le  modèle 
de  Lubeck,  sous  le  nom  de  Civitas  ïïolsatiœ,  et  entra  dans 
la  Hanse  en  1284.  Il  s'y  tenait  une  grande  foire  du  6  janv. 
au  2  févr.  (réduite  aujourd'hui  à  douze  jours),  qui  fut  le 
grand  marché  du  Slesvig-Holstein.  En  1665,  le  duc  Chris- 
tian-Albert fonda  l'université.  Kiel  fut,  de  1721  à  1773,  la 
capitale  du  grand-duché  de  Holstein-Gottorp.  Le  14  janv. 
1814,  la  paix  de  Kiel  fit  perdre  au  roi  de  Danemark  la 
Norvège  et  Helgoland.  Le  24  mars  1848  commença  à  Kiel 
l'insurrection  des  duchés.  La  Prusse  ayant  acquis  la  ville 
définitivement  en  1866,  en  fit  son  grand  port  militaire. 

BiBL.  :  PRAHL,  Chronik  der  Stadt  Kiel;  Kiel,  1855.  — 
Seelig  et  Ohnmann,  Ostholstein  ;  Hambourg,  1884,  8''  éd. 

KIEL  (Corneille)  Van  Kiel,  ou  Kiltâan,  ou  Ktlianus, 
philologue  belge,  né  à  Dulfel  en  1528,  mort  à  Anvers  en 
1607.  Il  fut,  pendant  plus  d'un  demi-siècle,  correcteur 
chez  Plantin  à  Anvers  ;  lui-même  composa  des  traités  de 
philologie,  de  géographie  et  d'histoire,  qui  lui  acquirent 
une  réputation  européenne.  Voici  le  titre  de  ses  œuvres  les 
plus  importantes  :  Etymologicum  teutonicœ  linguœ,  sive 
Dictionarium  teutonico-latinum  (Anvers,  1574,  in-8  ; 
souvent  rééd.  ;  la  meilleure  éd.  est  celle  de  G.  Van  Hasselt; 
Anvers,  1777,  2  vol.in-4)  ;  Description  de  tous  les  Pays- 
Bas  (îrad.  en  tlam.  de  l'ouvrage  de  Guicciardini  ;  Anvers, 
1578,  in-fol.  ;  rééd.,  Amsterdam,  1612,  in-foL).  E.  H. 
BiBL.  :  Halbertsma,  Kilianus  (en  flara.)  ;  Bruges,  1863, 
in-8.  --  Genard,  Esquisse  biographique  de  C.  Kiliaan  (en 
flam.);  Anvers,  1874,  in-8. 

KIELCE  (V.  Kjelzy). 

KIELDRECHT.  Com.  de  Belgique,  prov.  de  la  Flandre- 
Orientale,  arr.  de  Saint-Nicolas,  près  de  l'Escaut,  X^{q  de 
ligne  d'un  chemin  de  fer  vers  Saint-Nicolas  ;  4,000  hab. 
Grandes  exploitations  agricoles. 

Kl  ELER  (Laura),  romancière  norvégienne,  née  àTromsô 
en  1849.  Après  avoir  séjourné  à  Christiania,  à  Copenhague, 
à  Stockholm  et  à  Dresde,  où  elle  vécut  dans  la  maison  d'Ib- 
sen, elle  vint  s'étabUr  à  Copenhague  et  épousa,  en  1873, 
un  }»rofesseur  à  l'école  de  Hillerôd,  M.  V.  Kieler.  Son 
premier  roman,  qui  porte  le  titre  :  les  Filles  de  Brand 
[Brands  dôttre)^  est  inspiré  par  le  drame  d'Ibsen.  Ses 
derniers  ouvrages  dépeignent  la  vie  des  frontières  de  la 
Scandinavie  et  de  la  Laponie,et  empruntent  à  l'originahté 
du  sujet  un  intérêt  tout  particulier  :  André  fra  Kauto- 
keino  (1879);  Laurekas  Korhoinen  (1881),  etc. 

KIELHORN  (François),  indianiste  allemand,  né  à  Osna- 
bruck  en  1840.  Elève  de  Benfey,  de  Stenzler  et  de  VS^e- 
ber,  collaborateur  de  Monier  Williams  à  Oxford,  ancien 
professeur  de  sanscrit  au  collège  dePouna,  il  professe  ac- 
tuellement (1895)  àl'université  de  Gœttingue.  On  lui  doit  un 
excellent  manuel  pour  l'étude  du  sanscrit.  Il  s'est  longtemps 
spécialisé  dans  les  études  grammaticales  et  a  publié  plu- 
sieurs textes  dont  le  plus  important  est  le  Mahâbhâshya 
de  PatafijaU  (Bombay,  1880-85).  Il  s'est  tourné  depuis 
vers  les  études  chronologiques  et  a  fait  paraître  sur  ces 


questions  divers  mémoires,  surtout  dans  Vlndian  Anti- 
quary.  A.  Foucher. 

KIELLAND  (V.  Kjelland). 

KIELLERUP  (Theodor-Julius),  peintre  danois,  né  à 
Copenhague  en  1818,  mort  à  Munich  en  1850.  Il  a  passé 
la  plus  grande  partie  de  sa  vie  dans  cette  ville  et  s'est  fait 
une  réputation  surtout  comme  animalier.  On  cite  de  lui 
entre  autres  :  Un  Sanglier  attaqué  par  des  chiens, 

KIELLMAN-GoRANSON  (Julius-Axel),  romancier  suédois, 
né  au  château  de  Gripsholm  en  1811,  mort  à  Upsala  en 
1869.  Pasteur  à  Stockholm,  puis  à  la  campagne,  il  se  fit 
connaître  d'abord  par  des  poésies  (^marr^  âzfcr,  1839), 
puis  par  des  nouvelles  et  des  romans,  qui  bientôt  devinren  t 
très  populaires  quoique  leur  mérite,  comme  œuvres  d'ob- 
servation OU'  comme  œuvres  littéraires,  soit  assez  médiocre. 
Plusieurs  de  ses  livres  ont  paru  sous  le  pseudonyme  de 
Nepornuk  ou  de  Norna  Gdst.  Parmi  les  meilleurs  on 
peut  citer  les  Chants  de  Gethsemané  (poésies)  ;  Noir 
sur  BlanCj  Petites  Aventures  suédoises  et  un  recueil 
àe  Nouvelles.  Th.  C. 

KIELMEYER  (Karl-Friedrich),  naturaliste  allemand,  né 
à  Bebenhausen,  près  de  Tubingue,  le  22  oct.  1765,  mort 
à  Stuttgart  le  24  sept.  1844.  Il  fut  professeur  d'anatomie 
comparée  et  de  physiologie  à  Gœttingue,  puis  professeur 
de  chimie  et  de  botanique  à  Tubingue,  enfin  en  1816 
devint  directeur  des  collections  artistiques  et  scientifiques 
de  Stuttgart.  Il  a  publié  des  ouvrages  estimés  sur  l'histoire 
naturelle  ;  ses  biographes  lui  attribuent  une  grande  in- 
fluence sur  les  théories  de  Cuvier,   dont  il  était  l'ami. 

KIENER  (Christian-Henry),  homme  politique  français, 
né  à  Hunawihr  (Haut-Rhin)  le  i6  nov.  i 807.  Filateur,  maire 
d'Epinal  (1867),  il  fut  élu  sénateur  des  Vosges,  où  il  s'était 
fixé  après  l'annexion  de  l'Alsace-Lorraine,  le  8  janv.  1882. 
Il  appuya  la  pohtique  opportuniste,  combattit  le  boulan- 
gisme  et  fut  réélu  le  4  janv.  1891. 

KlENG-KEl-To.Prov.  de  Corée,  ayant  pour  ch-l.  Séoul; 
700,000  hab.  (V.  Corée  et  la  carte  du  Japon). 

KIENG-SANG-To.  Prov.  de  Corée,  au  S.  du  royaume  ; 
ch.-l.  Taï-kou;  2,100,000  hab.  (V.  Corée  et  la  carte  du 
Japon). 

Kl  EN -LONG,  quatrième  des  empereurs  de  la  dynastie 
mandchoue  Tsing,  actuellement  régnante  en  Chine,  né  en 
1709,  mort  le  7  févr.  1799.  H  succéda  en  1735  à  son  père 
Yong-tcheng  dont  il  était  le  fils  aîné.  Les  premiers  temps  de 
son  règne  furent  paisibles,  mais  vers  1753  les  événements 
qui  se  passaient  dans  l'Asie  centrale  l'obligèrent  à  mettre 
en  mouvement  ses  armées.  En  1745,  le  khan  des  Eleuthes, 
(territoire  d'Ili),  Kaldan,  était  mort  en  laissant  le  trône  à 
son  fils,  Atchan  ;  celui-ci  commit  faute  sur  faute  ;  une  ré- 
bellion éclata  contre  lui  :  il  fut  attaqué  et  tué  parle  lama 
Torgui,  qui  prétendit  s'arroger  le  pouvoir  ;  l'usurpateur 
ne  jouit  pas  longtemps  de  son  triomphe  ;  le  troisième  fils 
de  Kaldan,  Tsevan  Ta-che,  marcha  contre  lui  et  le  fit  périr, 
mais  il  trouva  lui-même  la  mort  dans  la  bataille.  Deux 
nouveaux  prétendants,  Davadji  (Ta-wa-tsi)  et  Amoursana, 
se  disputèrent  le  trône.  Amoursana  vint  en  1754  implorer 
le  secours  de  Kien-long  ;  grâce  à  l'appui  des  troupes  im- 
périales, il  battit  son  rival,  qui  fut  emmené  prisonnier  à 
Péking  ;  mais,  au  lieu  de  mettre  à  mort  Davadji,  Kien- 
long  le  reçut  en  le  comblant  d'honneurs  ;  son  intention  était 
de  se  servir  de  lui  contre  Amoursana  lui-même  au  cas  où 
celui-ci  deviendrait  trop  puissant.  Amoursana  prévint  les 
projets  de  l'empereur  en  se  révoltant  ;  pendant  toute  l'an- 
née 1756,  il  ne  remporta  guère  que  des  succès;  mais,  en 
1757,  les  généraux  Tchao-hoei  et  Fou-té  le  poursuivirent 
sans  relâche  et  le  forcèrent  à  se  retirer  chez  les  Ilassacks, 
puis  en  Russie,  à  Tobolsk,  où  il  mourut  de  la  petite  vérole. 
Les  Chinois  réclamèrent  son  corps  ;  le  tsar  refusa  de  le  leur 
livrer  et  se  contenta  de  le  faire  montrer  aux  envoyés  im 
périaux.  Les  troubles  de  l'Ili  eurent  leur  contre-coup  dans 
le  Turkestan  ;  à  Yarkand  régnait  Boronitou  ;  à  Kachgar, 
c'était  son  frère  Kodzidchan  ;  ils  étaient  connus  sous  le 
nom  de  grand  et  de  petit  Kodja  (ou  Hotchom).  En  1756, 


—  529  - 


K[EN-LONG  —  KIEPERT 


lorsque  Amoursana  paraissait  victorieux,  ils  embrassèrent 
sa  cause  et  coururent  sus  aux  soldats  chinois;  mais,  après 
la  destruction  du  royaume  des  Eleuthes,  les  généraux  de 
Kien-long  envahirent  le  Turkestan  ;  le  grand  Kodja  périt 
en  combattant  ;  quant  au  petit  Kodja,  il  fut  livré  aux  Chi- 
nois par  le  sultan  du  Badakchan  auprès  duquel  il  s'était 
réfugié  (iTo9).  Toutes  les  cités  mahométanes  du  Turkes- 
tan tombèrent  ainsi  sous  le  joug  chinois.  (Ces  campagnes 
ont  été  célébrées  par  Kien-long  lui-même,  et  le  P.  Amiot  a 
traduit  les  vers  impériaux  :  Mém.  concernant  les  Chi- 
nois^ 1. 1,  pp.  525  et  suiv.) 

En  1764,  Yong-tsi-ya,  chef  d'une  tribu  qui  se  trouvait 
aux  confins  de  la  Birmanie  et  de  la  Chine,  attaqua  le  roi  de 
Birmanie  et  le  détrôna  ;  le  vice-roi  du  Yun-nan  et  du  Kouei- 
tcheou  soutint  les  chefs  locaux  qui  voulurent  résister  à 
cette  usurpation  ;  mais,  comme  il  n'essuyait  que  des  revers, 
Kien-long  envoya  en  i  767  le  général  Ming  Joei  diriger  les 
opérations  de  guerre  ;  Ming  Joei  fut  battu  et  tué  en  1767  ; 
Fou  Heng,  qui  le  remplaça,  remporta  en  1768,  sur  les  bords 
de  la  Salouen,  une  victoire  à  la  suite  de  laquelle  les  Bir- 
mans se  reconnurent  tributaires  de  la  Chine.  En  1771,  la 
nation  des  Tourgouths  qui,  du  temps  de  Ka7ig-hi  (V.  ce 
nom),  avait  émigré  en  Russie,  revint  dans  le  district  d'Ili 
et  demanda  à  l'empereur  de  la  prendre  sous  sa  protec- 
tion ;  50,000  familles,  soit  300,000  personnes,  arrivèrent 
ainsi  en  1771  ;  elles  furent  suivies  de  30,000  autres 
familles  en  1772.  Kien-long  accueillit  avec  joie  ces  en- 
fants prodigues  qui  lui  donnaient  la  preuve  éclatante  du 
prestige  qu'il  exerçait  au  dehors  et  il  composa  lui-même  à 
cette  occasion  un  récit  destiné  à  commémorer  l'événement 
(V.  la  traduction  de  ce  récit  par  le  P.  Amiot,  Mém.  con- 
cernant  les  Chinois,  t.  I,  pp.  401  et  suiv.). 

En  1775,  eut  lieu  la  réduction  des  Miao-tse  ;  s'il  fallait 
en  croire  la  relation  du  P.  Amiot  {Mém,  concernant  les 
Chinois,  t.  III,  p.  387),  qui  reflète  les  sentiments  de  la 
cour  chinoise,  cette  expédition  aurait  été  une  des  plus  glo- 
rieuses du  règne  de  Kien-long.  Mais  les  Miao-tse  n'étaient 
que  quelques  centaines  de  malheureux  montagnards  abori- 
gènes ;  ils  n'occupaient  pas  des  provinces  entières,  car  ils 
étaient  confinés  dans  deux  petits  cantons  du  Se-tchouen, 
appelés  le  Ta  kin  tchoan,  et  le  Siao  kin  tchoan  ;  le  Ta 
kin  tchoan  ou  Grande  rivière  d'Or  se  trouvait  sur  le  cours 
supérieur  de  la  rivière  Ta-tou.  La  ville  principale,  Le-ou- 
wei,  était  située  à  environ  31^  de  lat.  N.  et  100*^  25'  de 
long.  E.  ;  le  Siao  Kin  tchoan  ou  Petite  rivière  d'Or  était 
un  peu  plus  à  l'E.,  sur  un  affluent  de  gauche  de  la  rivière 
Ta-tou.  C'est  là  que  le  général  A-koei  traqua  sans  relâche 
les  infortunés  Miao-tse,  qui  finirent  par  être  exterminés  ; 
leurs  chefs,  transportés  à  Péking,  périrent  dans  d'affreux 
supplices. 

En  1787,  des  troubles  éclatèrent  en  Indo-Chine;  le  roi 
d'Annam,  Le  Chiên-tong,  fut  chassé  par  son  ministre  Ngu- 
yèn  Hué  et  vint  se  réfugier  en  Chine.  Sur  l'ordre  deKieng- 
long,  le  vice-roi  du  Kouang-toung,SoenChe-i,  pénétra  à  la 
tête  d'une  armée  dans  le  Tonkin  et  réintégra  Le  Chiên-tong 
à  Hanoï  ;  il  projetait  une  expédition  contre  Hué  ;  Nguyèn 
ne  lui  en  laissa  pas  le  temps  ;  au  moment  du  jour  de  l'an 
(fin  janv.  1789),  il  arriva  devant  Hanoï  avec  des  forces 
considérables  et  en  chassa  les  Chinois  après  leur  avoir  in- 
fligé de  grandes  pertes.  L'empereur  dissimula  sa  déconfi- 
ture ;  il  reconnut  que  le  ciel  avait  résolu  la  perte  des  Le 
et  conféra  solennellement  l'investiture  au  fondateur  de  la 
nouvelle  dynastie  annamite  des  Nguyên.  Au  mois  de  sept. 
1793,  l'empereur  reçut  à  Jéhol  la  fameuse  ambassade  de 
lord  Macartney  :  la  relation  de  cette  ambassade  a  été  écrite 
par  sir  George  Staunton. 

Kien-long  avait  fait  le  serment  que,  s'il  avait  le  bonheur 
de  régner  comme  son  aïeul  Kang-hi  pendant  un  cycle  en- 
tier de  soixante  ans,  il  abdiquerait  aussitôt  après  ;  c'est  ce 
qu'il  fit  le  8  févr.  1796  ;  il  laissa  le  pouvoir  à  son  filsKia- 
king  qu'il  aida  de  ses  conseils  jusqu'à  sa  mort.  Kien-long 
a  eu  la  réputation,  non  seulement  d'un  grand  politique, 
mais  aussi  d'un  excellent  lettré  :  outre  les  pièces  litté- 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XXI. 


raires  qu'il  écrivit  pour  rappeler  ses  exploits  contre  les 
Eleuthes  et  les  Miao-tse  et  pour  commémorer  le  retour  des 
Tourgouths  dans  son  empire,  il  composa  un  grand  nombre 
de  poésies  ;  le  P.  Amiot  a  traduit  ses  vers  sur  le  thé  et  so;i 
éloge  de  la  ville  de  Moukden  qui  fut  imprimé  en  trente- 
deux  sortes  de  caractères  chinois  et  trente -deux  de 
caractères  mandchous  ;  la  traduction  de  cet  éloge  fut 
publiée  à  Paris  en  1770,  et  c'est  après  l'avoir  lue  que 
Voltaire  adressa  à  Kien-long  une  de  ses  épîtres.  Cet  em- 
pereur ne  se  contenta  pas  de  cultiver  les  lettres  par  délas- 
sement ;  il  encouragea  plusieurs  grandes  publications  tellei? 
que  l'édition  des  vingt-quatre  historiens  canoniques,  celhî 
du  Tong  kien  kang  mou,  le  grand  catalogue  de  la  biblio- 
thèque du  palais  {se  kou  tsiiien  chou  tsong  mou),  etc. 
En  tête  du  premier  volume  des  Mémoires  concernant  les 
Chinois  par  les  missionnaires  de  Péking,  on  trouvera  un 
beau  portrait  de  Kien-long.  Ed.  Cha vannes. 

BiBL.  :  De  Mailla,  Hist.  de  la  Chine,  t.  XI.  ~  A.  Ré- 
MUSAT,  Nouv.  Mél.  as.,  t.  lî,  pp.  45-60.—  Imbault-IIuart., 
Journ.  as.,  7«  série,  t.  XI,  pp.  131-178;  8«  série,  t.  XIV. 
pp.  494  et  suiv.  —  E.-H.  Parker,  Campaigns  ofKanghi. 
Yung-cheng  and  Kien-lung,  dans  China  Review,  vol.  XVI. 
pp.  105-118,  276-285,  321-336,  340-348. 

KIEN-TCHANG.  Rivière  de  Chine,  province  de  Ssé- 
tchouen,  affluent  gauche  du  Yaloung  (une  des  branches 
mères  du  Yang-tse-kiang)  ;  elle  coule  vers  le  S.,  passe  à 
Ning-youen-fou. 

KIÉNTHAL.Valléedela  Suisse,  cant.  de  Berne,  entre 
la  vallée  de  Lauterbrunnen  et  celle  de  la  Kander;  elle 
s'ouvre  au  village  de  Kien  et  aboutit  à  un  glacier  des  Alpes 
bernoises. 

KIENZHEIIVI  {Coneshaim,  785).  Corn,  de  la  Haute- 
Alsace,  arr.  de  Ribeau ville,  cant.  de  Kaysersberg,  sur  la 
Weiss  ;  841  hab.  Vins  blancs  estimés  ;  hospice  ;  église 
paroissiale  gothique  du  xv^  avec  des  parties  du  xni®  siècle; 
église  de  Sainte-Régule,  lieu  de  pèlerinage  ;  anciennes  for- 
tifications avec  une  tour  ronde  et  une  porte  du  xiii«  siècle  ; 
château,  autrefois  résidence  des  comtes  de  Lupfen. 

BiBL.  :  ScHOEPFLiN.  A/s.  HL,  II,  passim.  —  B.  Buchin- 
GER,  De  Ecclesia  S.  Regulae  Kiensheim  ;  Porrentruy, 
1662.  —  Rev.  d'Als.,  1859,  i91.—  BulL  de  la  Soc.  des  mon 
hist.  'd'Als.,  l'«  sér.,  t.  III,  p.  107;  2«  sér.,  t.  III,  p.  130. 

KlEOU-TciiANG  (Les  neuf  sections).  Titre  du  plus  ancien 
ouvrage  arithmétique  qui  aurait  été  écrit  en  chinois;  il 
remonterait  à  Cheou-li,  inventeur  du  svan-pan  (V.  ce  mot) 
et  ministre  de  l'empereur  Houang-ti,  inventeur  de  l'écri- 
ture (vers  2637  av.  J.-C).  Ce  titre  est  resté  traditionnel 
pour  désigner  l'arithmétique,  et  est,  par  suite,  porté  par 
un  grand  nombre  d'ouvrages  de  diverses  époques,  dont  le 
plus  ancien  paraît  avoir  été  rédigé  un  siècle  avant  notre 
ère.  L'auteur,  Tchang-tsang,  se  donne  toutefois  comme 
rééditant,  avec  corrections,  un  ancien  livre,  souvent  com- 
menté, mais  devenu  très  rare.  L'ensemble  comprend  246  pro- 
blèmes numériques,  dont  un  grand  nombre  concernent  les 
mesures  géométriques.  Les  règles  indiquées  (par  exemple 
pour  la  mesure  du  cercle)  sont  souvent  très  différentes,  évi- 
demment de  provenances  et  de  dates  diverses. 

BiRL.  :  BiERNATSKi,  Jouvnal  de  Crelle,  1859.  -—  Mat- 
THiESEN,  Algebra. 

KIEPERÎ  (Heinrich),  célèbre  géographe  allemand,  né 
à  Berlin  le  31  juil.  1818.  Sa  réputation  date  de  son  Atlas 
von  Hellas  (Berlin,  1840-46,  24  feuilles  ;  nouv.  éd., 
1871)  et  de  ses  cartes  pour  la  Palestine  de  Robinson  et 
Smith  (Halle,  1841).  De  1837  à  1842,  il  prépara  sur  place 
une  admirable  carte  d'Asie  Mineure  en  6  feuilles  (Berlin, 
1843-45)  ;  de  1845  à  1852,  il  eut  la  direction  technique 
de  l'Institut  géographique  de  Weimar;  il  professa  à  l'uni- 
versité de  Berlin  à  partir  de  1854.  Parmi  les  centaines  de 
cartes  dressées  par  Kiepert,  il  faut  citer  son  Atlas  univer- 
sel (40  feuilles,  1857-61;  2«  éd.  augm.,  1881  et  suiv.) 
et  son  Atlas  antiquus  (1885,  lO^  éd.).  H  a  de  plus  pu- 
blié un  Lehj'buch  der  alten  Géographie  (1878).  Ses 
œuvres  sont  remarquables  par  l'exactitude  des  transcrip- 
tions, et,  pour  Farchéologie  classique,  elles  n'ont  guère  été 
approchées. 

Son  fils  Richard  Kiepert,  né  à  Weimar  le  13  sept.  1846, 

34 


KIEPERT  —  KIEV 


—  BBO  - 


a  collaboré  avec  son  père  et  succédé  à  Andrée  en  1873  à 
la  direction  àaGlobus  (revue  géogr.  et  ethn.). 

Triangles,  angle,  hyperbole,  parabole  de  Kiepert. 
—  Les  triangles  de  Kiepert  ont  pour  sommets  les  trois 
triangles  isoscèles  semblables  BGA^  CAB^,  ABC'  construits 
sur  les  côtés  d'un  triangle  de  référence  ABC.  L'angle  à  la 
base  6  de  ces  triangles  isoscèles  est  l'angle  de  Kiepert.  Les 
trois  droites  AA',  BB',  CC  concourent  en  un  même  point  M 
dont  le  lieu,  quand  G  varie,  est  Fhyperbole  de  Kiepert; 
cette  hyperbole  équilatère  est  circonscrite  au  triangle  ABC 
et  passe  par  le  centre  de  gravité.  Son  équation  en  coordon- 
nées normales  est  S  (b'^  —  e^)  bc  xy=:  0.  La  parabole  de 
Kiepert  est  l'enveloppe  des  axes  d'homologie  du  triangle  de 
référence  avec  les  triangles  de  Kiepert  ;  elle  a  pour  équa- 
tion en  coordonnées  barycentriques  S  sf(b^  —  c^)  a  r=  0. 

KIERKEGAARD  (Peter-Kristian),  théologien  danois,  né 
à  Hillerôd  en  4805,  mort  en  4888.  Il  fut  pendant  plusieurs 
années  professeur  de  théologie  à  l'université  de  Copenhague, 
puis  pasteur  dans  l'île  de  Seejand  et  enfin,  en  1856,  il  fut 
nommé  évêque  du  diocèse  d'Alborg.  Kierkegaard  était  un 
orateur  de  premier  ordre  et  a  laissé  de  nombreux  écrits 
théoiogiques,  dans  lesquels  il  défend  en  général  les  opi- 
nions de  Nicolai  Grundtvig  (V.  ce  nom).  Th.  C. 

KIERKEGAARD  (Sœren-Aabye),  philosophe  danois,  né 
à  Copenhague  en  4813,  mort  le  44  nov.  4855.  Théologien 
peu  orthodoxe,  penseur  et  écrivain  original  jusqu'à  être 
bizarre,  mais  d'un  incontestable  génie,  il  a  exercé  une  in- 
fluence considérable  sur  les  philosophes  et  sur  les  écrivains 
de  son  pays.  Il  déclarait  qu'il  existait  un  infranchissable 
abîme  entre  la  science  et  la  foi  et,  en  une  langue  imagée 
et  paradoxale,  mais  d'une  vigueur  de  dialectique  singulière, 
il  prêchait  le  renoncement  au  monde  :  une  conception  pure- 
ment esthétique  de  la  vie,  d'après  lui,  conduit  fatalement 
à  une  égoïste  recherche  de  la  jouissance  ;  une  conception 
purement  morale  (ethiske)  est  sans  base  ni  sanction  ;  seule 
îa  conception  religieuse  et  chrétienne^  c.-à-d.  l'individu 
isolé  en  face  de  Dieu,  peut  se  défendre;  et  c'est  avec  ar- 
deur qu'il  l'a  défendue  dans  ses  nombreux  écrits,  dont  il 
publia  le  plus  grand  nombre  sous  divers  pseudonymes  :  Victor 
Eremita,  Hilarius  Bokbinder,  Frater  Taciturnus^  etc. 
Parmi  ses  ouvrages  les  plus  marquants  il  faut  citer  :  Ou 
bien  —  ou  bien?  (Enten-Eller?),  Station  ssur  le  chemin 
de  la  vie.  Coupable?  non  Coupable?  (Skyldig?  Me  skyl- 
dig?)  l'Apprentissage  du  christianisme^  etc.       Th.  C. 

BiBL.  :  A,  BAiRTiiOLï),  s.  Kierkegaard,  eine  Verfasser 
Existenz.  1873.  —  Du  même,  Noten  z%i  S.  Kierkegaard  Le- 
bensqeschichte^  1876.  —  G.  Brandes,  S.  Kierkegaard  (en 
danois),  1877.  —  V.  Rudin,  S.  Kierkegaards  person  och 
^ôrfattereskap^  1883.  —  B.  Jeanîsine,  S.  Kierkegaard,  dans 
Nouvelle  Revue,  1893. 

KlERSouKlESER  (Pieter),  peintre  de  genre  hollandais, 
né  à  Graeneveld,  près  de  Meppel,  dans  la  Drenthe,  le  5  janv. 
4807.  Il  s'est  fixé  à  Amsterdam.  Comme  son  maître Douwe 
de  Hoop,  il  a  peint  des  intérieurs  et  il  les  a  peints  avec 
une  recherche  constante  d'effets  de  lumière  à  la  manière 
de  quelques  peintres  hollandais  de  la  fin  du  xvn^  siècle. 
Il  a  envoyé  aux  expositions  universelles  de  4855  et  de 
1867  divers  tableaux  parmi  lesquels  :  Dame  sortant  le 
soir  de  chez  elle  avec  une  lanterne,  Intérieur  de  mai- 
son^ Dame  lisant  une  lettre.  M.  Kiers  est  membre  de 
l'Académie  des  beaux-arts  d'Amsterdam.  —  Son  fils,  Geor- 
ges-Laurent, est  peintre  de  marine. 

KIERULF  (Otto-Richard),  homme  politique  norvégien, 
né  à  Christiania  en  4825.  Jusqu'en  4874,  il  consacra  tout 
son  temps  à  l'armée,  où  il  était  arrivé  au  grade  de  lieute- 
nant-colonel. A  cette  époque,  il  fut  nommé  ministre  d'Etat 
pour  la  Norvège  à  Stockholm  ;  mais  il  se  retira,  en  4884, 
à  la  suite  de  conflits  entre  le  gouvernement  norvégien  et  la 
majorité  de  la  Chambre  et  accepta  les  fonctions  d'intendant 
de  l'arsenal  d'artillerie.  H  a  été  longtemps  l'un  des  princi- 
paux rédacteurs  du  Journal  militaire. 

Kl  ES  (Johann),  astronome  allemand,  né  à  Tubingue  le 
44  sept.  4743,  mort  à  Tubingue  le  29  juil.  4784.  A  Ber- 


Mn,  où  il  prit  part,  en  4751,  aux  observations  faites  par 
Lalande  (V.  ce  nom)  en  vue  de  la  détermination  de  la  pa- 
rallaxe de  la  lune,  il  fut,  de  4742  à  4754,  professeur  de 
mathématiques  à  l'université  et  astronome  de  l'Observatoire. 
Il  occupa  ensuite  une  chaire  à  l'université  et  au  Collegium 
illustre  de  Tubingue.  il  a,  l'un  des  premiers,  propagé  en 
Allemagne  les  découvertes  de  Newton,  auxquelles  ila'con- 
sacré  deux  de  ses  meilleurs  ouvrages  :  De  Viribus  cen- 
tralibus  (Tubingue,  4758,  in-4)  ;  De  Lege  gravitatis  (Tu- 
bingue, 4773,  in-4).  Il  est  aussi  l'auteur  d'un  intéressant 
travail  sur  les  influences  lunaires  :  De  Influxu  Lunœ  in 
partes  terrœ  mobiles  (Tubingue,  4769,  in-4).  Ses  autres 
écrits,  très  nombreux,  et  tous  en  latin  ou  en  français,  ont 
également  trait  à  l'astronomie.  L.  S. 

BiBL.  :  M^DLER,  Geschichte  der  Himmelskunde,  t.  11, 
pp.  418  et  551. 

KIESER  (Dietrich-Georg),  médecin  philosophe  allemand, 
né  à  Harburg  (Hanovre)  le  24  août  4799,  mort  à  léna  le 
44  oct.  4862.  Il  fut  professeur  de  médecine  à  léna,  puis 
(4814-45)  servit  dans  l'armée,  dirigea  une  clinique  mé- 
dico-chirurgicale et  ophtalmologique  de  4834  à  4847,  puis 
une  cUnique  psychiatrique.  Il  acquit  une  grande  réputation 
comme  médecin  aliéniste  ;  mais,  en  sa  quahté  de  fervent 
adhérent  de  la  philosophie  naturelle,  versa  dans  mainte 
erreur.  Ses  ouvrages  les  plus  importants  sont  :  System 
der  Medizin  (Halle,  4847-49,  2  vol.);  Elemente  der 
Psychiatrik  (Breslau,  1855).  D^  L.  Hn. 

KIÉSÉRITE  (Miner.).  Sulfate  de  magnésie  naturel  et 
hydraté,  qui  se  présente  sous  forme  de'masses  blanches 
peu  solubles  dans  l'eau.  La  formule  est  MgO,  SO^,  H^O^. 
On  le  trouve  à  Stassfurt  et  il  sert  à  préparer  les  sels  de 
magnésie. 

KIESËWETTER  (Johann-Gottfried-Karl-Christian),  phi- 
losophe allemand,  né  en  4766,  mort  à  Berlin  en  4819.  Il 
fut,  depuis  4792,  professeur  de  logique  et  de  philosophie 
au  Medicinisch-chirurgisches  Collegium  de  cette  ville.  On 
doit  le  compter  parmi  les  plus  zélés  disciples  et  défenseurs 
de  la  philosophie  de  Kant.  Il  est  vrai  qu'il  la  comprend 
d'une  manière  particulière,  comme  une  doctrine  éminem- 
ment raisonnable  et  morale.  B  fut  le  philosophe  à  la  mode 
de  Berlin,  et  se  donna  lui-même  le  titre  de  «  docteur  pour 
tout  le  monde  »  et  de  «  professeur  de  sagesse  mondaine  ». 
Ses  principaux  écrits  sont:  Ueber  den  ersten  Grundsatz 
der  Moralphilosophie  (1788-90,  2  part.)  ;  Grundriss 
der  reinen  allgemeinen  Logik,  nach  Kanfschen 
Grundsœtzen  (4894,  2  part.);  Prûfung  der  Herder- 
schen  Metakritik  zur  Kritik  der  reinen  Vernimft  (1 799- 
4800,  3  part.)  ;  Fassliche  Darstellung  der  Erfah- 
rungsseelenlehre  (4806).  L'ouvrage  le  plus  important 
est  :  Versuch  einer  fasslichen  Darstellung  der  wich- 
tigsten  Wahrheiten  der  neuen  Philosophie  fur  Unan- 
geiveihte  (4795).  C-el. 

BiBL.  :  RosENKRANz,  Œuvves  de  Kant,  XII,  294-296.  — 
C.-G.  Flittner,  Vie  de  Kiesewetter,  dans  la  2^  éd.  de 
Darstellung  der  wichtigsten,  etc.,  1824. 

K1ESSLIN6  (Johann-Adolf-Paul),  peintre  allemand,  né 
à  Breslau  en  4  836.  Elève  de  Schnorrà  l'Académie  de  Dresde, 
où  il  fut  remarqué  en  4856  pour  son  Ulysse  reconnu  par 
sa  nourrice,  il  acheva  de  se  former  en  Italie,  à  Anvers  et 
à  Paris.  Parmi  ses  œuvres,  mythologiques  ou  allégoriques, 
que  rend  parfois  singulières  le  mélange  voulu  de  l'antique 
et  du  moderne,  nous  citerons  :  Vénus  et  Adonis,  Enlè  - 
vement  d'Hylas,  Rapt  d'Europe,  Dithyrambe,  Triomphe 
de  V Amour.  On  lui  doit  aussi  quelques  portraits  pleins 
de  vie.  Ses  derniers  travaux,  des  peintures  murales  au  châ- 
teau Albert  à  Meissen,  représentent  divers  épisodes  de  la 
vie  de  Bœttclier. 

KIEV  {Kijow  en  polonais  ;  Riovia  en  latin  ;  Kioaba  de 
Const.  Porphyrogénète;  Kouyaba  des  Arabes;  Man-Ker- 
maîî  des  Tatares).  Ville  et  place  forte  de  la  Bussie  d'Europe, 
chef-lieu  du  gouvernement  de  Kiev,  sur  le  Dniepr,  à 
4,060  kil.  S.  de  Saint-Pétersbourg;  480,324  hab.  Siège 
du  métropolitain;  résidence  du  gouverneur  général;  tribu- 
naux civils  et  militaires  ;  administrations  des  chemins  de 


^  834  - 


KIEV 


fer  occidentaux,  de  la  navigation  du  Dniepr,  etc.  Située 
d'une  manière  très  pittoresque  sur  les  collines  de  la  rive 
droite  du  Dniepr,  Kiev  est  divisée  par  de  profonds  ravins 
en  quatre  parties  qui  forment  comme  quatre  villes  séparées, 
ayant  chacune  son  histoire  et  sa  physionomie  particu- 
lière :  le  Podol  (la  ville  basse),  sur  la  plaine  avoisinant 
le  fleuve  et  le  port  de  Kiev,  est  la  ville  du  commerce  et 
de  l'industrie,  cité  d'autrefois,  ancien  siège  de  la  muni- 
cipahté,  des  écoles,  etc.  ;  le  Vieux-Kiev  est  la  ville  admi- 
nistrative, ancien  bourg,  demeure  des  princes  dans  l'an- 
tiquité et  centre  principal  des  bureaux  du  gouvernement 
et  des  tribunaux  à  présent  ;  Petchersk  (la  ville  des 
cryptes),  au  sommet  de  la  colline  dominant  les  autres  et 
entourée  des  fortifications  avec  la  célèbre  Lavra  au  miheu, 
est  la  ville  religieuse  et  militaire  ;  la  partie  septentrionale 
de  la  colline  de  Petchersk,  séparée  du  Vieux-Kiev  par  la 
rue  principale  de  la  ville  Krechtchatik  et  toute  noyée  dans 
les  vastes  jardins,  porte  le  nom  de  Lipki  (les  tilleuls)  ; 
elle  est  peuplée  exclusivement  par  l'aristocratie  et  la  haute 
bureaucratie;  Novoïé  Stroïénié  (Bâtiments nouveaux),  sur 
la  coihne,  au  sommet  de  laquelle  s'élève  l'édifice  rouge  de 
l'Université,  représente  une  ville  moderne,  cité  de  la  science, 
quartier  latin  de  Kiev,  où  sont  concentrées  presque  toutes 
les  écoles,  Kiev  occupe  un  espace  d'environ  50  kd.  q. 

Les  principales  églises  sont  :  la  cathédrale  Sainte-So- 
phie construite  par  le  grand-duc  Jaroslav  P^  au  xii^  siècle, 
sur  le  modèle  de  Sainte-Sophie  de  Constantinople.  Sur  les 


Mosaïque  de  Péglise  Sainte-Sophie,  à  Kiev. 

parties  conservées  de  ses  murs,  on  peut  voir  encore  les 
mosaïques,  représentant  la  sainte  Vierge  et  les  apôtres  et 
des  fresques  très  intéressantes  ;  l'église  de  la  Dîme  érigée 
sur  les  anciens  fondements  de  temple  du  même  nom,  cons- 
truit par  saint  Vladimir;  l'église  Saint-André,  en  beau 
style  de  la  Renaissance,  dressée  d'après  le  plan  de  Rastrelli 
sur  une  hauteur  d'oii  se  développe  une  vue  splendide  sur 
la  ville  basse  et  le  pays  au  delà  de  Dniepr  ;  la  cathédrale 
Saint-Vladimir,  non  loin  de  l'Université,  a  été  achevée 
tout  récemment  et  décorée  par  les  meilleurs  artistes  russes. 
Parmi  les  nombreux  couvents  la  première  place  appartient 
à  la  Lavra,  le  plus  ancien  monastère  de  la  Russie,  célèbre 
par  ses  catacombes  (ou  cryptes),  où  reposent  les  reliques 
de  plus  de  trois  cents  saints.  Ces  petchéry  sont  pour  la 
plupart  d'anciennes  cavernes,  creusées  par  la  population 


préhistorique  des  bords  du  Dniepr  dans  le  gisement  de  grès 
kaoliné  tertiaire  et  utilisées  plus  tard  par  les  moines  du 
xi^  et  du  xn^  siècle.  Ce  sont  ces  catacombes  qui  ont  donné 
à  Kiev  la  réputation  de  ville  sainte  par  excellence  et  qui 
attirent  chaque  année  plus  de  trois  cent  mille  pèlerins  des 
contrées  les  plus  lointaines  de  toute  la  Russie  ;  le  couvent 
de  la  Confrérie  à  Podol,  dont  une  partie  du  bâtiment  et 
l'église  furent  construits  par  l'hetman  Mazeppa,  abrite 
depuis  plusieurs  siècles  l'académie  théologique  de  Kiev 
(V.  MoGiLà),  la  plus  ancienne  école  supérieure  de  la  Russie  ; 
le  couvent  de  Saint-Michel  renfermant  les  reliques  de 
sainte  Barbe  ;  le  monastère  de  Vydoubetzky,  au-dessous  de 
la  Lavra,  construit,  dit-on,  sur  la  même  place  où  l'idole  de 
Peroun  (V.  ce  mot),  jetée  dans  l'eau  par  ordre  de  saint 
Vladimir,  accosta  la  berge  du  Dniepr,  etc.  L'un  des  monu- 
ments les  plus  anciens  de  la  Russie  est  la  ruine  de  h  Porte 
d'or,  en  briques  carrées  et  très  plates  ;  elle  était  surmontée 
jadis  d'une  chapelle  à  coupole  dorée  et  présentait  l'entrée 
principale  de  l'enceinte  du  bourg  kiévien,  dont  les  derniers 
vestiges  n'ont  disparu  que  tout  récemment.  La  place  devant 
la  cathédrale  Sainte-Sophie  est  ornée  d'une  belle  statue 
équestre  de  Bogdan  Chmielnicky,  hetman  de  l'Ukraine;  la 
ville  possède  encore  quelques  statues  moins  remarquables  : 
celles  de  l'empereur  Nicolas  et  de  saint  Vladimir,  et  une 
colonne  érigée  en  mémoire  du  baptême  des  Russes  en  988. 
Deux  ponts  magnifiques  franchissent  le  Dniepr  près  de 
Kiev  :  chacun  a  plus  d'un  kil.  de  longueur.  Les  pro- 
menades principales  sont  le  jardin  botanique,  le  jardin  de 
ville,  le  square  de  l'Université,  celui  d'Alexandre,  etc. 
Parmi  les  édifices  publics,  les  plus  remarquables  sont  :  le 
Palais  impérial,  FHôtelde  ville,  l'Université,  etc.  L'Univer- 
sité de  Saint-Vladimir,  fondée  en  d835,  pour  remplacer 
l'Académie  de  Vilna  et  le  lycée  de  Kreménetz,  possède  des 
laboratoires,  des  cliniques,  des  collections  (musée  des  mé- 
dailles, des  antiquités  préhistoriques,  de  zoologie,  de  mi- 
néralogie, etc.),  une  très  riche  bibliothèque  et  compte  plus 
de  iOO  professeurs  et  environ  2,000  étudiants.  Dans  le 
même  quartier  se  trouvent  les  observatoires  météorolo- 
gique et  astronomique,  l'amphithéâtre  d'anatomie,  l'école 
de  chimie,  etc.  L'Académie  de  théologie  a  aussi  un  grand 
musée  des  antiquités  chrétiennes  et  profanes.  Kiev  possède 
encore  7  lycées  de  jeunes  gens,  plusieurs  écoles  militaires, 
3  lycées  de  jeunes  filles,  l'Institut  de  jeunes  filles  nobles, 
écoles  ecclésiastiques,  école  de  peinture,  conservatoire  de 
musique,  plusieurs  sociétés  savantes.  Au  point  de  vue  du 
commerce  et  de  l'industrie,  Kiev  n'a  pas  beaucoup  d'impor- 
tance, quoiqu'elle  ait  une  Bourse,  plusieurs  banques  et 
qu'elle  soit  le  centre  de  l'industrie  sucrière  développée  sur- 
tout dans  la  Russie  du  S.  Sa  foire  annuelle  {kontrakty), 
SI  célèbre  jadis,  n'attire  plus  beaucoup  de  commerçants. 
^  Située  au  miheu  du  bassin  du  Dniepr  et  des  pays  slaves, 
Kiev,  «  la  mère  des  villes  russes  »  selon  les  chroniques, 
fut  prédestinée,  pour  ainsi  dire,  pour  devenir  un  grand 
centre  politique  et  intellectuel.  Suivant  la  légende,  elle  fut 
fondée  par  trois  frères  légendaires,  Kii,  Schtchek  et  Kho- 
riv,  et  leur  sœur  Lybed.  Elle  existait  déjà  dès  le  v«  siècle, 
et  payait  le  tribut  aux  Khazares;  plus  tard,  elle  devint  le 
chef-heu  d'un  pays  indépendant  et  fut  en  relations  avec 
la  Dyzance.  Oleg  qui  s'en  empara  au  xi«  siècle,  en  fit,  dit-on 
la  capitale  de  toute  la  Russie;  Sviatoslav  et  saint  Vladimir, 
ayant  soumis  les  peuples  voisins  slaves,  donnèrent  à  Kiev 
la  prépondérance  politique  et  militaire.  Saint  Vladimir  y 
introduisit  officiellement  le  christianisme,  qui  y  avait  péné- 
tré depuis  longtemps  déjà  de  Constantinople;  le  grand 
prince  laroslav  publia  le  premier  code  (1028),  y  fonda  des 
écoles  et  une  bibliothèque.  En  1086  fut  établie  à  Kiev  une 
école  de  jeunes  filles,  la  première  en  Europe.  Depuis  la 
mort  de  ce  souverain  et  le  congrès  des  princes  à  Lioubetch 
(1077),  Kiev  resta  pendant  plusieurs  siècles  le  centre  de 
la  confédération  des  principautés  slavo-russes.  Mais  plus 
tard,  quand  la  colonisation  slave  vers  le  N.-E.  se  développa 
et  que  le  centre  de  gravité  du  monde  russe  se  reporta 
vers  l'Orient,  les  princes  de  Souzdal  commencèrent  à  traiter 


KIEV 


—  532  — 


Kiev  comme  un  pays  étranger  :  Georges  de  Souzdal  devint 
grand-duc  de  Kiev,  non  par  élection,  comme  c'était  l'usage, 
mais  par  la  force  (1149).  Son  fils  André,  après  avoir 
détruit  la  ville  en  1171,  transporta  la  capitale  à  Vladimir, 
en  conservant  le  titre  de  grand-duc,  qui  appartenait  jadis 
aux  princes  de  Kiev.  Réduite  au  rang  d'une  ville  secon- 
daire et  détruite  par  Batou  Khan  en  1240,  Kiev  appar- 
tint à  la  principauté  de  Galicie  ;  en  1362,  elle  fut  prise  par 
Olgerd  de  Lithuanie.  Soumise  à  la  Pologne  depuis  la  diète 
de  Lublin  (1569)  et  ruinée  encore  une  fois  par  les  Ta- 
tares  de  Crimée  en  1584,  Kiev  fut  privée  de  sa  prépon- 
dérance politique.  En  1615,  Halchka  Loztchina  y  fonda  une 
confrérie  religieuse  et  des  écoles;  en  1633,  Pierre  Mogila 
y  créa  l'Académie  théologique.  En  1649,  l'Académie  de 
Kiev  envoya  ses  savants  en  Moscovie  pour  y  fonder  une 


école  supérieure.  Par  le  traité  de  Pereïaslav  (1654),  Kiev 
avec  toute  la  Petite-Russie  se  mit  sous  le  protectorat  des 
tsars  de  Moscovie  ;  en  1701,  Pierre  P*"  confirma  les  privi- 
lèges de  l'Académie  de  Kiev,  et,  en  1706,  il  fonda  la  for- 
teresse de  cette  ville.  Après  la  chute  définitive  de  l'indé- 
pendance politique  delà  Petite-Russie  en  1775-82,  Kiev 
devint  le  chef-lieu  de  la  province  du  même  nom,  trans- 
formée en  1796  en  simple  gouvernement.  La  fondation  de 
l'Université  en  1834  ranima  cette  ancienne  capitale  de  la 
Russie  et  lui  rendit  son  importance  de  centre  intellectuel 
et  littéraire  de  l'Ukraine. 

Le  gouvernement  de  Kiev  est  situé  entre  ceux  de  Minsk 
au  N. ,  de  Tchernigov  et  de Poltava  à  l'E. ,  de  Kherson  au  S. , 
de  Podolie  et  de  Volynie  à  UO.,  surla  rive  droite  du  Dniepr.  Il 
occupe  50,999  kil.  q.  Les  contreforts  des  Karpates,  connus 


Cathédrale  Sainte-Sophie,  à  Kiev. 


sous  le  nom  de  monts  d'Avratyne,  entrent  dans  le  gouverne- 
ment de  Kiev  non  loin  de  Berdy tchev,  passent  dans  la  partie 
S.-O.  jusqu'à  la  rivière  Tiasmyn,  et  sortent  pour  se  perdre 
dans  le  gouvernement  de  Kherson.  Ces  collines,  qui  ne  dépas- 
sent pas  300  m.  de  hauteur,  séparent  le  bassin  de  Boug  de 
celui  de  Dniepr.  La  surface  du  gouvernement  de  Kiev  est  peu 
ondulée,  quelquefois  plate  et  inclinée  vers  l'E.,  de  sorte  que 
toutes  les  rivières  (les  plus  remarquables  sont  Flrpen,  la 
Stougna,  la  Ros,  le  Tiasmyn,  la  Rastavilza,  etc.),  coulent 
de  ro.  à  l'E.  et  affluent  dans  le  Dniepr.  Les  lacs  et  les  ma- 
rais sont  peu  nombreux.  Le  sol,  composé  de  terre  noire 
au  S.  et  d'argile  et  de  sable  au  N.,  est  très  fertile.  La  partie 
septentrionale  du  gouvernement  de  Kiev  a  conservé  jusqu'à 
présent  une  quantité  assez  considérable  de  forêts,  de  sapins 
et  de  chênes,  et  porte  le  nom  de  Poliésié  (c.-à-d.  «  pays 
boisé  »)  ;  dans  la  partie  centrale  abondent  de  vastes  prairies 
qui  se  transforment  dans  la  partie  méridionale  en  vrais 


steppes.  Le  climat  est  continental  et  assez  tempéré  :  la  tem- 
pérature moyenne  est  —  4,12°  en  hiver  et  +  15,03o  en 
été.  Parmi  les  produits  agricoles,  les  plus  importants  sont  : 
le  seigle,  le  blé,  la  betterave,  le  bétail.  Les  fabriques  de 
sucres  très  nombreuses  dominent  dans  l'industrie  ;  elles 
appartiennent  pour  la  plupart  à  des  sociétés  d'actionnaires  et 
produisent  annuellement  plus  de  200  millions  de  kilogr.  La 
production  des  alcools  est  aussi  très  importante.  Les  pro- 
duits minéraux  les  plus  remarquables  sont  le  labrador  dont 
les  gisements  très  riches  se  trouvent  près  de  Kamennyi- 
Brod,  la  terre  de  faïence  dans  le  distr.  de  Kiev,  le  fer,  les 
lignites,  les  phosphorites,  etc.  La  plupart  des  propriétés  fon- 
cières appartient  aux  seigneurs  polonais;  le  commerce  et  le 
crédit  sont  presque  exclusivement  dans  les  mains  des  juifs. 
Le  gouvernement  de  Kiev  compte  3,139,937  hab.,  dont 
83  «/o  de  Petits-Russiens,  13  «/o  de  Juifs,  1,57  %  de  Polo- 
nais, 0,86  %  de  Grands-Russiens,  0,55  7o  d'Allemands,  etc. 


533 


KIEV  --  KILIDJ 


Il  se  divise  en  42  districts  :  Kiev,  Berdytchev,  Vassiikov, 

Kanev,  Zvenigorodka,  Lipovetz,  Radomysl,  Skvira,  Tara- 

chtcha,  Ouman,  Tcherkassy  et  T*îhigirine.      Th.  Volkov. 

BiBL.  :  Chronique  dite  de  Nestor,  trad.  par  L.  Léger. 

—  Synopsis  de  Giesel,  Paterikon,  ou  les  vies  des  saints 
de  Kiev  (en  slav.).  —  Tiethmar,  Chronique.  —  Kalno- 
FOÏSKi,  Description  de  Kiev.  —  Zakrevsky,  Description 
de  Kiev.  —  Foundoukley,  Aperçu  de  Kiev  au  point  de 
vue  archéologique;  Kiev,  1847  (en  russe).  —  Hultkowsky, 
Slov^nik  geograficzny  (en  pol.).  —  Eugène  (le  métropol.), 
Description  historique  de  la  Lavra  de  Kiev  ;  —  Antono- 
viTCH,  Kiev  aux  xrv-xve  siècles  (en  russe).  —  Mémoires  de 
la  section  de  S.  0.  de  la  Soc.  imp.  russe  de  géographie, 
2  vol.  {iS1i-15).— Recensement  de  lapopulation  de  Kiev,  1874. 

—  Plusieurs  articles  dans  les  revues  historiques  :  Kievskaïa 
Starina  (Antiquités  de  Kiev),  1883-1894,  et  Lectures  dans 
la  Société  historique  du  Nestor  l'Annaliste.,  1879-1891.  — 
Zakhartchenko,  Kiev  autrefois  et  aujourd'hui:,  Kiev, 
1890,  etc.  —  FouN  doukle y,  Descriptions  des  gouvernements 
de  la  circonscription  scolaire  de  Kiev.  —  uu  môme,  Des- 
cription statistique  et  nnilitaire  du  gouvernement  de  Kiev., 
1848.  —  TcHOUBiNSKY,  Almanach  des  Provinces  de  Sud- 
Ouest.,  1872.  —  Mœller,  Relse  von  Volynien  nach  Cher- 
son^  1802.  —  Blasius,  Reise  im  europ.  Russland.  —  Se- 
menov,  Diction,  géogr.  de  la  Russie.  —  BALiiNSKi  et  Li- 
piNSKi,  Starozytna  Polska,  etc.  —  Léger,  Etudes  slaves, 
1875.  Mémoires  de  la  Soc.  des  Naturalistes  de  Kiev,  1871-94. 

—  Carte  géologique  du  gouv.  de  Kiev.,  1879. 

KM.  Province  maritime  du  Japon,  à  la  pointe  S.  de 
Nippon,  ken  de  Vakayama  ;  700,000  hab.  Les  principales 
villes  sont  Vakayama,  Youasa,  Tanabé,  Singou  ;  à  l'É.  de 
la  première  est  la  montagne  sacrée  de  Koyasan,  avec 
370  temples  ou  couvents  bouddhiques,  des  monuments 
commémoratifs  de  toutes  les  familles  princières,  de  mer- 
veilleux objets  d'art  ;  cette  montagne  est  boisée  de  koya- 
makis;  ce  magnifique  conifère  {Skiadopitys  verticillata) 
est  le  plus  bel  arbre  du  Japon. 

Kll,  personnage  légendaire  de  l'histoire  de  Russie  ;  les 
chroniques  racontent  qu'il  régnait  —  à  une  époque  indé- 
terminée —  sur  les  Polianes  païens  et  qu'il  fonda  la  ville 
de  Kiev.  Elles  mentionnent  les  noms  de  ses  deux  frères 
Stchek  et  Khoriv  et  de  sa  sœur  Lybed. 

KlKlMORAou  MORA,  personnage  du  folklore  slave  ;  il 
symbolise  le  cauchemar  qui  tourmente  les  dormeurs  ;  les 
Moras  sont  l'objet  dans  les  pays  slaves  d'une  foule  de  su- 
perstitions. 

BiBL.  :  Mahal,  Esquisse  de  la  mythologie  slave  (en 
tchèque)  ;  Prague,  1891. 

Kl KKERT  (Albert),  amiral  hollandais,  né  à  Vlieland  en 
1762,  mort  à  Curaçao  en  1819.  Il  entra  de  bonne  heure 
dans  la  marine  et  se  distingua  en  1779  à  la  bataille  de 
Doggersbank.  Il  réprima  ensuite  l'insurrection  des  nègres 
à  Curaçao.  Devenu  vice-amiral  en  1808,  il  embrassa  avec 
ardeur  la  cause  nationale  en  1813  et  contraignit  les  Fran- 
çais à  évacuer  Dordrecht.  Guillaume  ï®^  le  récompensa  en 
lui  donnant  le  gouvernement  de  Curaçao. 

BiBL  :  H.  BosscHA,  Histoire  du  soulèvement  de  i8î3 
(en  holl.);  Amsterdam,  1814-17,  2  vol.  in-8. 

Kl  LA-BAR.  Ville  de  l'Afghanistan,  capitale  de  la  prin- 
cipauté du,  Chougnan,  à  l'O.  du  Pamir,  rive  gauche  de 
l'Amou-daria,  en  face  le  confluent  du  Soutchan  ;  10,000hab. 
Citadelle.  Importante  position  stratégique. 

Kl  LA-OU AMAR.  Ville  de  l'Afghanistan,  capitale  de  la 
principauté  de  Rochau,  vassale  du  Chougnan,  sur  TAmou- 
daria,  à  10  kil.  en  aval  du  confluent  du  Mourghab.  Cita- 
delle où  réside  Tété  le  prince  de  Chougnan. 

KILAOUEAou  KILAUEA.  Volcan  deHle  Hawaï (V. Sand- 
wich [Iles]). 

Kl  LA-PAN  DJ  A.  Ville  de  l'Afghanistan,  capitale  du 
Ouakhan.  Deux  forts  et  trois  tours  sur  le  Pandj  (Amou- 
daria  supérieur). 

KILBARRY.  Localité  d'Irlande,  province  de  Leinster, 
comté  de  Longford,  près  du  lac  Forbes  (Shannon),  Ruines 
de  trois  églises. 

KILDARE.  Ville.  —  Ville  d'Irlande,  ch.-l.  du  comté 
de  ce  nom  (prov.  de  Leinster),  sur  le  chemin  de  fer  de 
Dublin  à  Galway  ;  i  ,200  hab.  Tour  ronde  de  40  m.  Ruines 
de  plusieurs  églises  et  d'un  château  du  xvi®  siècle,  ancien 
couvent  de  Sainte-Bridget. 

Comté.  —  Comté  de  la  province  de  Leinster,  entre  ceux 


de  Carlow  au  S.,  Wicklow  et  Dublin  à  l'E.,  Meath  auN., 
Queen  et  King  à  FO.  ;  1,693  kil.  q.  ;  70,206  hab.  Plaine 
ondulée  dont  les  collines  de  vieux  grès  rouge  dépassent 
à  peine  200  m.  et  sont  entourées  de  vastes  tourbières  au 
N.  et  au  centre.  La  Boyne  y  naît,  le  Barrow  et  le  LifFey 
le  traversent.  Les  champs  occupent  le  quart  du  sol,  les 
pâturages  les  deux  tiers. 

KILDARE  (Comtes  de)  (V.  Fitzgerald). 

KILDARE  (John  Fitzhthomâs)  (V.  Fitzthomas). 

Kl  LOIN  (Comtes  de)  (V.  Douglas). 

KILGEEVER.  Com.  d'Irlande,  comté  de  Mayo,  province 
de  Connaught,  sur  la  baie  de  Clew;  5,920  hab. 

Kl  LIA  ou  cm  LIE.  Ville  de  Russie,  province  de  Bessa- 
rabie, au  N.  de  la  branche  N.  du  delta  du  Danube,  qui  en 
prend  le  nom  (V.  Danube)  ;  6,000  hab.  C'est  l'ancienne 
colonie  grecque  à'AchUlea. 

KILIAN  (Monts).  Montagnes  du  Kouen-loun  occidental, 
séparées  de  la  chaîne  principale  par  la  vallée  du  Karakach 
et  le  col  de  Koulik.  Elle  a  de  5,500  à  6,000  m.  avec  deux 
cols,  Kilian  (5,250  m.)  et  Sandehou  (5,067  m.).  —  Le 
Kilian-daria  en  descend  au  N.  et  se  perd  dans  le  désert 
de  Gobi  dans  la  direction  du  lac  léchil-koul  ;  il  arrose  la 
ville  de  Kilian  (à  125kil.S.-E.d'Yarkand  ;  5,000  hab.). 

KILIAN  (Saint),  missionnaire  en  Thuringe, mort  vers  la 
fin  du  vn®  siècle.  Des  diverses  légendes  rédigées  du  ix^  au 
XII®  siècle  sur  cet  apôtre  celtique,  on  peut  retenir  ceci  : 
Kilian  ou  Kyllena  avait  quitté  l'Irlande  avec  une  troupe 
apostolique,  vers  le  dernier  tiers  du  vu®  siècle  ;  il  s'était 
arrêté  dans  la  Franconie  orientale,  y  avait  développé  quel- 
ques germes  de  christianisme  et  périt  à  Wurzbourg  parce 
qu'il  blâmait  le  mariage  (incestueux?)  du  duc  Gozbert. 

KILIAN.  Famille  augsbourgeoise,  qui  a  fourni  toute  une 
série  de  graveurs  au  burin  pendant  deux  siècles.  Lukas, 
né  en  1579,  mort  en  1637,  fils  d'un  orfèvre  et  élève  du 
graveur  D.  Custos,  travailla  longtemps  à  Venise  et  grava 
dans  la  manière  de  Goltzius  et  de  Sadler.  On  a  de  lui  de 
nombreuses  estampes  d'après  des  maîtres  italiens  et  une 
série  de  bons  portraits.  —  Wolfgang^  né  en  1581,  mort 
en  1662,  frère  du  précédent,  le  suivit  en  Italie  et  s'adonna 
plus  spécialement  à  l'interprétation  des  œuvres  des  maîtres 
vénitiens.  Il  grava  aussi  des  portraits.  —  Philipp,  né  en 
1628,  mort  en  1693,  fils  et  élève  du 'précédent,  burina 
des  portraits  très  estimés.  —  Bartholomœus,  né  en  1630, 
mort  en  1696,  frère  du  précédent,  d'abord  élève  de  son 
père,  puis  de  Mérian  à  Francfort,  enfin  de  Poilly  à  Paris, 
fut  le  plus  habile  graveur  de  cette  famille.  On  lui  doit 
plusieurs  centaines  d'estampes,  surtout  des  portraits  de 
ses  compatriotes,  parmi  lesquels  on  cite  celui  de  l'empe- 
reur Joseph  i*^  à  cheval,  formant  seize  planches  gr.  in-fol. 

—  Georg,  né  en  1683,  mort  en  1 755,  petit-fils  de  Philipp 
et  élève  de  Fischer,  fut  un  très  bon  peintre  de  portraits, 
excellent  pastelliste  et  graveur  en  manière  noire  et  au  burin, 

—  Georg-Christoph,  né  en  1709,  mort  en  1781,  fils  et 
élève  du  précédent,  exécuta  à  l'eau-forte,  au  burin  et  en 
manière  noire  plus  de  cent  de  portraits  de  savants  et 
d'artistes,  ainsi  que  des  sujets  d'histoire.  Grand  iconophile, 
il  laissa  en  manuscrit  des  biographies  d'artistes  célèbres. 

—  Philipp -Andréas,  né  en  1714,  mort  en  1759,  frère  du 
précédent,  élève  de  Friedrich  et  de  Preisler,  étudia  ensuite 
son  arfc  dans  les  Pays-Bas  et  devint  graveur  de  la  cour  de 
Saxe.  Parmi  ses  estampes,  sujets  de  sainteté  ou  portraits, 
on  cite  un  recueil  de  130  pi.  :  Picturce  Veteris  et  Novi 
Testamenti.,  d'après  les  maîtres  les  plus  célèbres,  ainsi 
que  V  Histoire  des  Médicis^  d'après  les  fresques  de  Fran- 
ceschini(10  pL).  G.  P-i. 

KILIAN  (Hermann-Friedrich),  accoucheur  allemand,  né 
à  Leipzig  le  5  févr.  1800,  mort  à  Liebenstein  le  7  août 
1863.  Il  fut  nommé  en  1821  professeur  de  physiologie  et 
de  pathologie  à  l'Académie  de  médecine  de  Pétersbourg,  et 
en  1 828  passa  à  Bonn  comme  professeur  d'accouchements. 
Il  a  publié  de  1826  à  1856  un  grand  nombre  d'ouvrages 
sur  l'obstétrique,  la  gynécologie,  etc.  D^  L.  Hn. 

KILIDJ-Arslân  (V.  Turcs  Seldjoucides). 


KILIF  —  KILMAÏNE 


534  ^ 


KILIF  ou  KÉLIF.  Ville  du  Turkestan,  khanat  de  Bo- 
khara,  à  300  kil.  S.-E.  de  cette  ville,  rive  droite  de 
l'Amou-daria  ;  c'est  une  place  forte  gardant  un  défilé  du 
fleuve  sur  la  frontière  afghane  et  la  route  de  Bokhara  à 
Maïniéné  ;  la  navigation  à  vapeur  du  fleuve  s'y  arrête, 

KILIWIA-NDJARO.Mont  volcanique  de  FAfrique  orien- 
tale, par  B^e'  lat.  S.,  35^3'  long.  E.,  au  S.  du  mont 
Kénia  ;  il  a  deux  sommets  atteignant,  celui  de  FO.  5,746  m. , 
celui  de  TE.  4,944  m. 

BiBL.  :  Thomson,  Through  the  Masai  Country^  dans 
Proceed.  Roy.  Geogr.Soc.  de  Londres,  1884,  t.  VI. 

KILINSKI  (Jean),  patriote  polonais,  né  à  Trzemeszno 
(duché  de  Posen)  en  i  760,  mort  à  Varsovie  le  28  janv. 
4819.  Il  s'établit  à  Varsovie  comme  cordonnier  en  4780 
et  devint  bientôt  très  populaire  à  la  cour  et  dans  la  ville. 
Il  joua  un  rôle  important  dans  les  événements  de  l'année 
1794  qui  ont  décidé  du  sort  de  la  Pologne.  En  apprenant 
la  victoire  des  Polonais  sur  les  Russes  à  Raclawice,  il 
excita  la  bourgeoisie  de  Varsovie  gui  commença  une  lutte 
terrible  avec  les  Russes  dans  la  capitale  (jeudi  saint,  17  avr. 
4794).  Ce  combat  héroïque  dura  trois  jours  et  trois  nuits. 
Les  Russes  perdirent  environ  7,000  hommes,  et  le  général  en 
chef  Igelstrom,  ministre  plénipotentiaire  de  l'impératrice 
Catherine,  dut  s'enfuir  dans  le  camp  prussien  établi  près 
de  Varsovie.  Kilinski,  nommé  colonel  du  20®  régiment,  se 
distingua  ensuite  pendant  le  siège  de  Varsovie,  et  mit  les 
Prussiens  en  déroute.  Après  la  prise  de  Varsovie,  il  fut 
prisonnier  des  Russes,  qui  l'emmenèrent  à  Saint-Péters- 
bourg. Gracié,  il  rentra  à  Varsovie  et  reprit  son  métier  de 
cordonnier.  Jean  Kilinski  écrivit  ses  Mémoires  qu'il  dédia 
à  J.-U.  Niemcewicz.  Il  mourut  aimé  et  vénéré  par  ses 
compatriotes.  —  Son  fils  François  fut  nommé  officier 
dans  la  garde  de  Napoléon  P^  (chevau-légers). 

BiBL.:  K.-Wl.  WoYciCKi,  Biographie  de  J.  Kilinski^ 
dans  la  Collection  des  Mémoires  dit  xviii»  siècle  ;  Po- 
sen, 1860.  —■  Le  Cimetière  de  Powazki,  près  de  Varsovie 
(en  polonais);  Varsovie,  1856-60,  t.  II  et  III.  —  Wo- 
LowsKi,  Etudes  sur  la  Pologne;  Paris,  1864. 

KILJANDER  (Karl-Mârten),  écrivain  finnois,  né  dans 
le  district  deKuopio  en  1817.  D'un  pays  où  l'on  parle  pu- 
rement le  finnois,  il  fut  un  des  premiers  à  se  servir  avec 
élégance  de  sa  langue  maternelle.  Il  a  traduit  un  très  grand 
nombre  de  poésies  suédoises  de  Stagnelius,  de  Nicander 
et  surtout  de  Runeberg.  En  4877,  il  fut  nommé  docteur 
honoraire  de  l'université  d'Upsal. 

KILKENNY.  Ville.  —  Ville  d'Irlande,  ch.-l.  du  comté 
de  ce  nom,  sur  le  Nore,  affluent  droit  du  Barrow  ; 
42,000  hab.  Château  sur  un  rocher  ;  cathédrale  Sainte- 
Kenny  (du  xn®  siècle,  mais  restaurée).  Ruines  d'un  grand 
nombre  d'églises  et  couvents  ;  collège  où  furent  élevés 
Berkeley  et  Swift,  collège  Saint-Kyan  en  style  gothique  ; 
ruines  de  l'abbaye  d'ir /s Mo wti.  La  population  était  double 
au  xviii®  siècle  de  ce  qu'elle  est  maintenant.  La  ruine  des 
manufactures  de  laine  a  entraîné  la  déchéance  de  Kilkenny, 

Comté.  —  Comté  d'Irlande,  province  de  Leinster.  Com- 
pris entre  ceux  de  Queen  au  N.,  Tipperary  à  l'O.,  Water- 
ford  au  S.,  Wexford  et  Carlow  à  l'E.  ;  2,063  kil.  q.  ; 
99,534  hab.  Dans  le  S.-O.,  on  parle  encore  la  langue 
erse  ;  au  N.  et  au  S.  sont  des  collines,  au  centre  une 
plaine  ondulée.  Les  champs  occupent  moins  du  tiers,  les 
pâturages  les  deux  tiers  de  la  superficie  totale.  Carrières 
de  beau  marbre  noir, 

KILKERRAN  (Charles  Dalrymple)  (V.  Fergusson). 

Kl  LLALA.  Ville  et  port  de  mer  d'Irlande,  comté  de  Mayo, 
province  de  Connaught  ;  4,830 hab.  Eglise  ancienne.  C'est 
là  que  les  Français  débarquèrent  en  4798. 

KILLARNEY.  Ville  d'Irlande,  comté  de  Kerry,  province 
de  Munster  ;  9,655  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Cork  à 
Tralee.  Près  de  cette  ville,  en  partie  composée  d'hôtels 
à  l'usage  des  touristes,  se  trouvent  trois  petits  lacs  qui 
communiquent  entre  eux,  les  célèbres  lacs  de  Killarney 
(V.  Irlande,  t.  XX,  p.  949).  Belle  végétation  alentour, 
notamment  sur  les  pentes  des  montagnes  qui  bordent  les 
lacs  à  l'E.  et  à  l'O. 


KILLEM.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Dunkerque, 
cant.  de  Hondschotte  ;  4,446  hab. 

KILLERY.  Golfe  de  la  côte  0.  d'Irlande  (V.  ce  mot, 
t.  XX,  p.  945). 

KILLIGREW  (Sir  Henry),  diplomate  anglais,  mort  en 
4603.  Membre  du  Parlement  pour  Launceston  (4553),  il 
favorisa  la  fuite  de  P.  Carew  et  fut  lui-même  exilé.  Rap- 
pelé à  Londres  à  l'avènement  d'Elisabeth,  il  fut  chargé 
par  elle  de  nombreuses  missions  diplomatiques,  notamment 
auprès  de  Marie  Stuart.  Il  fut  ambassadeur  en  Allemagne, 
en  France,  aux  Pays-Bas.  Sa  correspondance  diplomatique, 
très  volumineuse,  est  au  British  Muséum  et  au  Record 
Office.  On  a  imprimé  de  lui  dans  la  collection  de  L.  Howard  : 
A  Remembrance  of  H.  Killigreiv  Mirnies  in  H,  31, 
Service.  R.  s. 

KILLIGREW  (Sir  William),  auteur  dramatique  anglais, 
né  à  Hanworthen  4606,  mort  en  4695.  Membre  du  Par- 
lement pour  Penryn  (46<28),  il  occupa  plusieurs  emplois  à 
la  cour,  notamment  celui  de  vice-chambellan  de  la  reine. 
H  a  laissé  de  nombreuses  pièces  de  théâtre  qui  ont  eu  du 
succès  en  leur  temps,  entre  autres  la  comédie  de  Pandora 
(1664,  in-8)  ;  les  tragi-comédies  de  Selindra  (4665, 
in-8),  d'Ormasdes  (4665,  in-8);  The  Siège  of  Urbin 
(4666,  in-foL).  R.  s. 

KILLIGREW  (Thomas),  auteur  dramatique  anglais,  né 
à  Londres  le  7  févr.,1642,  mort  à  Whitehall  le  19  mars 
1683,  frère  du  précédent.  Page  et  favori  de  Charles  P' de- 
puis 4633  jusqu'à  la  mort  de  ce  prince,  il  fut  en  égale  fa- 
veur auprès  de  Charles  IL  C'était  un  causeur  très  brillant 
et  très  spirituel.  Résident  à  Venise  en  4651,  il  y  commit 
tant  de  scandaleuses  débauches  qu'on  dut  le  rappeler  en 
1652.  H  voyagea  en  Italie,  en  Espagne,  en  France,  et  de 
retour  à  Londres,  à  la  Restauration,  devint  chambellan  de 
la  reine.  Il  obtint  le  privilège  de  former  deux  compagnies 
d'acteurs  qui  passèrent  par  la  suite  au  service  du  roi,  et 
fonda  le  théâtre  qui  devint  Drury  Lane  et  qui  porta  primi- 
tivement le  nom  de  Théâtre  royal.  Il  eut  d'âpres  démêlés 
avec  Davenant,  directeur  d'une  autre  troupe.  H  fut  enterré 
à  Westminster.  Ses  œuvres  ont  été  publiées  sous  le  titre 
de  Comédies  and  Tragédies  (Londres,  1664,  in-fol.). 
Elles  comprennent  onze  pièces  de  théâtre  dont  les  plus  con- 
nues sont:  TheParson's  wedding,  comédie  jouée  en  1664 
à  Drury  Lane  ;  Cicilia  and  Clorinda,  Claracilla,  The 
Prisoners,  Bellamira,  tragi-comédies.  —  Son  fils,  Thomas 
(1657-1719),  gentilhomme  delà  chambre  de  Georges  II, 
prince  de  Galles,  a  laissé  aussi  quelques  comédies,^  entre 
autres  Chit-Chat  (1719,  in-8),  qui  obtint  un  grand  succès 
à  Drury  Lane.  R.  S, 

KILLIGREW  (Anne),  célèbre  femme  auteur  anglaise, 
née  à  Londres  en  1660,  morte  le  16  juin  1685.  Fille  du 
chapelain  du  duc  d'York,  elle  devint  fille  d'honneur  de 
Marie  de  Modène.  «  Grâce  pour  la  beauté.  Muse  pour 
l'esprit  >>  (Wood),  elle  a  laissé  des  poésies,  des  peintures, 
des  dessins  qui  firent  regretter  sa  mort  prématurée.  Citons  : 
Po^m5  (Londres,  1686,  in-4).  R.  S. 

KILLINITE  (Miner.).  Silicate  d'alumine  lithinifère,  très 
voisin  du  triphane  ou  spodumène,  en  cristaux  prismatiques, 
rhomboïdaux,  obliques^  d'unedensité  de  3,13,d'unedureté 
de  6,5  à  7.  Elle  s'emploie  comme  tous  les  feldspaths  et  peut 
servir  pour  la  fabrication  de  la  porcelaine  et  des  émaux. 

KILMAÏNE  (Charles-Edouard),  général  français,  né  à 
Dublin  (Irlande)  le]  19  oct.  1751,  mort  à  Paris  le  11  déc, 
1799,  n  entra  au  régiment  Royal-Dragons  en  1774  et 
devint  adjudant  dans  les  volontaires  étrangers  de  la  ma- 
rine en  sept.  1778.  L'année  suivante,  il  fit  en  cette  qua- 
lité la  campagne  du  Sénégal,  fut  promu  sous-lieutenant  et 
de  4  780  à  4  783  guerroya  en  Amérique  ;  lieutenant  en  4  786, 
capitaine  en  4788,1a  Révolution  le  fit  lieutenant-colonel 
le  23  nov.  4792,  colonel  le  26  janv.  4793  et  général  de 
brigade  le  8  mars  suivant.  Attaché  à  l'armée  du  Nord  et 
des  Ardennes,  il  y  déploya  la  plus  grande  valeur  et  rem- 
plaça Dampierre  qm  avait  été  blessé  à  mort  (8  mai).  Kil- 
maine,  promu  général  de  division  le  45  mai  4793,  servit 


535  - 


KÏLMAINE  —  KIMBERLEIY 


sous  les  ordres  de  Gustine,  nommé  général  en  chef,  et 
lorsque  celui-ci,  suspect,  fut  mandé  à  Paris,  c'est  encore 
à  Kilmaine  qu'on  confia  le  commandement  provisoire  des 
armées  du  Nord  et  des  Ardennes,  le  4  juil.  Mais  il  devint 
à  son  tour  suspect  aux  commissaires  de  la  Convention,  à 
cause  de  son  origine  et  de  ses  relations  anglaises,  et  il  fut 
suspendu  de  ses  fonctions  le  4  août.  Rappelé  à  l'activité, 
il  fut,  le  13  juin  1795,  chargé  du  commandement  de  l'ar- 
mée des  Alpes  et  d'Italie.  L'année  suivante,  il  se  couvrit  de 
gloire  en  Italie  sous  les  ordres  de  Bonaparte  devant  Peschiera 
(30  mai  1796),  à  Castiglione  (5  août)  et  à  Mantoue  (2  févr. 
1797).  Kilmaine,  nommé  commandant  de  la  Lombardie, 
fut  appelé,  le  23  déc.  1797,  au  commandement  de  la  ca- 
valerie de  l'armée  d'Angleterre  et  devint,  le  25  mars  1798, 
général  en  chef  par  intérim  de  celte  armée.  Il  était  en 
congé  à  Paris  quand  il  mourut  prématurément,  laissant  la 
réputation  d'un  des  meilleurs  généraux  de  cavalerie  de  la 
République.  Etienne  Cha.ravay, 

BiBL.  :  Archives  de  la  guerre.  —  Etienne  Ciiaravay, 
Correspondance  de  Garnot,  t.  II. 

KILMARNOCK.  Ville  d'Ecosse,  comté  d'Ayr,  à  18kil. 
N.-N.-E.  du  chef-lieu;  25,865  hab.  Stat.  du  chem.  de 
her  d'Ayr  à  Glasgow.  Fabriques  d'étoffes  de  laine  et  de 

aussures.  Fromages  renommés 

KILOGRAMME  (V.  Système  métrique)  > 

KIL06RAMMÈTRE.  C'est  l'unité  pratique  de  travail 
adoptée.  C'est  le  travail  qui  correspond  à  l'élévation  d'un 
kilogramme  à  1  m.  de  hauteur.  L'unité  de  travail  dans  le 
système  C.  G.  S.  est  l'erg  qui  est  le  travail  d'une  force 
égale  à  un  dyne  déplaçant  le  corps  d'un  centimètre  dans 
la  direction  de  la  force.  Or  la  dyne  valant  1/981  gr.,  le 
gramme  vaut  981  dynes  et  le  kilogramme  981,000  dynes. 
Par  conséquent  le  travail  correspondant  à  1  kilogr.  élevé  à 
1  centim.  de  haut  vaudra  981 ,000  ergs  et  si  on  élève  à 
1  m.  le  travail  correspondant  au  kilogrammètre  vaudra 
100  fois  plus,  c.-à-d.  98,100,000  ergs  ou  98,1  megergs, 
le  megerg  valant  un  million  d'ergs.  A.  Joannis. 

KILOMÈTRE  (V.  Système  métrique). 

Kl  LOUA  (V.  Chirva). 

KILOUARON  ou  KILWAREE.  Ilot  de  l'archipel  des  Mo- 
luques  (V.  ce  mot),  banc  de  sable  au  centre  de  récifs 
coralliaires  formant  un  excellent  mouillage  ;  belles  sources. 
Les  maisons  sont  bâties  sur  pilotis.  Marché  commercial  où 
s'échangent  les  produits  de  la  Nouvelle-Guinée,  de  Bali, 
Célèbes,  Singapour,  etc.  (écaille,  perles,  trépang,  muscade, 
opium,  riz,  sagou,  toiles  anglaises,  etc). 

KILOWATT  (Electr.).  Le  kilowatt  vaut  1,000  wats; 
c'est  le  multiple  10^  de  l'unité  électrique  de  puissance  qui 
est  le  watt.  Nous  rappellerons  que  la  puissance  est  le  taux 
d'accomplissement  du  travail.  L'unité  mécanique  pratique 
de  puissance  qui  n'a  pas  de  nom  est  de  1  kilogrammètre 
par  seconde,  mais  il  y  a  une  unité  industrielle,  le  cheval- 
vapeur  qui  vaut  75  kilogrammètres  par  seconde,  et  une 
autre,  le  poncelet,  qui  vaut  1 00  kilogrammètres  par  seconde. 
Le  watt,  unité  des  électriciens,  est  aussi  un  volt-ampère. 
Les  relations  entre  ces  quantités  sont  celles-ci  :  1  watt  =: 
1/9,81  kilogrammètre  par  seconde  ;  1  kilowatt  =:  1,36 
cheval-vapeur  ;  1  cheval-vapeur  =  736  watts.    L.  K. 

KILPATRICK.  Nom  de  deux  villes  d'Ecosse,  comté  de 
Dumbarton,  sur  le  canal  du  Forth,  distants  de  6  kil.  :  Old 
ofi  West  Kilpatrick;  6,000  hab.  Chantiers  de  construc- 
tions navales  ;  New  ou  East  Kilpatrick  ;  5,000  hab. 
Cotonnades,  teintureries,  impressions  sur  étoffes. 

KILRUSH.  Ville  d'Irlande,  province  de  Munster,  comté 
de  Clare,  sur  une  baie  de  l'estuaire  du  Shannon  ;  4,000  hab. 
Plage  balnéaire  de  Kilkee,  Toiles,  flanelles. 

KILSYTH.  Ville  d'Ecosse,  comté  de  Stirling,  sur  le  canal 
du  Forth;  6,000  hab.  Mines  de  houille  et  de  fer;  coton- 
nades. PJn  1645,  Montrosey  vainquit  les  presbytériens. 

KILTCHIPOUR.  Principauté  radjpoute  de  l'Inde,  dans 
le  Mal  va,  au  N.  du  Kali-Sindh  (affluent  du  Tchambal,  qui 
va  à  la  Djemna)  ;  528  kil.  q.  ;  40,000  hab. 

KILWARDEBY  (Robert  ou  Robertus  de  Valle-Verbi), 


philosophe  scolastique  anglais,  mortà  Viterbe  en  1279.  Il 
fit  ses  études  à  Oxford,  vint  à  Paris  se  faire  recevoir  maître 
es  arts  et  entra  dans  l'ordre  des  dominicains.  En  1272, 
il  fut  fait  archevêque  de  Canterbury  et  en  1277  cardinal- 
archevêque  de  Porto.  Ses  ouvrages  sont  tous  restés  manus- 
crits. Ils  lui  avaient  acquis  de  son  vivant  une  grande  répu- 
tation de  logicien.  Les  principaux  sont  :  Tractatus  de 
ortu  seientiarum  (bibl.  Bodléienne)  ;  De  Divisione  phi- 
losophice  (ancienne  Sorbonne,  Oxford,  Bruges)  ;  Com- 
mentaires des  Topiques,  de  VOrganon  (bibl.  National?, 
Paris)  ;  Libri  vigenti  quatuor  pertinentes  ad  logicam 
et  philosophiam  (bibl.  de  Cambridge).  C-el. 

KILWINNING.  Ville  d'Ecosse,  sur  le  Lugton,  à  3  kiL 
de  l'estuaire  de  la  Clyde;  3,500  hab.  Stat.  du  chemin 
de  fer  ae  Glasgow  à  Ayr.  Mines  de  houille  ;  forges  ; 
mousselines  brodées.  Château  d'Eglinton,  Ruines  d'une 
abbaye  consacrée  à  saint  Winning,  qui  fut  une  des  plus 
riches  d'Ecosse,  mais  a  été  détruite  à  la  Réforme.  Une 
tradition  y  rattache  les  origines  de  la  franc-maçonnerie 
(V.  cet  art.,  t.  XVII,  p.  1184).  Sa  loge  est  regardée  comme 
la  première  du  rite  écossais. 

KIMAK.  Ville  de  Perse,  province  duSéistan,  sur  le  Hil- 
mend.  Ruines  d'un  temple  guèbre  ;  citadelle. 

KIMBALL  (Richard-Burleigh),  romancier  et  publicisie 
américain,  né  à  Plainfield  (New  Hampshire)  en  1816.  Après 
avoir  voyagé  en  Europe,  il  s'établit  avocat  à  Waterforcl, 
puis  à  New  York.  Il  a  donné  beaucoup  d'articles  au 
Knickerbocker  et  à  d'autres  périodiques.  11  a  aussi  publié 
plusieurs  ouvrages,  parmi  lesquels  on  peut  citer  :  Cuba 
and  the  Cubans  (1850);  Romance  of  Student  Life 
abroad  (1853);  în  the  Tropics  (1863);  Henry  Power ^\ 
Ranker  (1868)  ;  To-day^  a  Romance  (1870)  et  Emilie 
(1872).  B.-II.  G. 

KIMBER  (Isaae),  littérateur  anglais,  né  à  W^antage 
(Berkshire)  le  1^^"  déc.  1692,  mort  en  1755.  Ministre  bap- 
tiste.  Il  fonda  en  1728  le  Morning  Chronicle  qui  parut 
jusqu'en  1732.  Il  est  l'auteur  d'un  grand  nombre  d'ou- 
vrages, entre  autres  The  Life  of  Oliver  Cromwell  (Londres, 
1724,  in-8),  qui  eut  six  éditions  successives  et  fut  tra- 
duit en  français  en  1725.  —  Son  fils  Edivard  (1719-69) 
est  l'auteur  d'un  roman,  The  Life  and  adventures  of  Joe 
Thompson  (1750,  2  vol.  in-12)  qui  a  eu  un  grand  succèiï 
et  a  été  traduit  en  français  en  1762,  et  de  divers  travaux 
généalogiques,  entre  autres  :  The  Peerage  of  England 
(1766,  m-12);  The  Peerage  of  Scotland(il61,  in-8):; 
The  Peerage  of  Ireland  (1768,  in-8)  ;  The  Extinct  Pee- 
rage of  England  (1769,  in-12).  R.  S. 

KIMBERLEY,  Ville  de  la  colonie  du  Cap,  chef-lieu  de 
la  division  de  même  nom,  province  du  Griqualand-Wesù 
(V.  ce  mot),  à  850  kil.  N.-E.  de  Capetown  et  près  de  la 
frontière  de  l'Etat  libre  d'Orange,  à  une  trentaine  de  kil, 
au  S.-E.  du  Vaal,  qui  entoure,  sur  sa  rive  gauche,  le 
district  au  N.  et  à  l'O.  et  par  son  affluent  le  Modder,  au 
S.;  ait.  1,235  m.;  population  28,643  hab.,  dont  la 
moitié  environ  est  de  race  blanche,  et  en  grande  par- 
tie flottante.  Kimberley  n'était,  il  y  a  vingt-trois  ans,  en 
1871,  qu'une  ferme,  de  l'Etat  libre  d'Orange,  nommée 
Vooruitzig,  appartenant  à  un  Boër  du  nom  de  De  Béer, 
quand  on  y  découvrit,  au  commencement  de  l'année,  puis 
en  juillet,  les  deux  plus  riches  gisements  de  diamants  (V. 
Diamant,  t.  XIV,  p.  430),  parmi  les  fouilles  sèches  (dry 
diggings),  d'où  les  dénominations  de  «  Old  De  Beers  », 
puis  de  «  De  Beer's  New  Rush  »  ou  «  Colesberg  Kopje  », 
celle-ci  étant  due  à  l'auteur  de  cette  dernière  découverte, 
M.  Rawstorne,  de  Colesberg.  Peu  après,  la  ville  naissante 
reçut  le  nom  de  Kimberley.  Bâtie  à  la  hâte,  en  quelques 
semaines,  Kimberley,  au  commencement,  put  être  surnom- 
mée une  «  ville  de  fer-blanc  »  (tin  town),  mais  elle  ne 
tarda  pas  à  devenir  une  grande  cité,  qui  rivalise  aujour- 
d'hui avec  Capetown  et  Port  Elizabeth.  C'est  qu'elle  est  le 
centre  de  l'exploitation  actuelle  des  diamants.  Elle  est  en 
relation  par  voie  ferrée  :  1°  avec  Capetown  (1,041  kil.)  ; 
la  ligne  se  prolonge  jusqu'à  Vriburg  (Bechuanaland)  et 


KIMBERLEY  —  KIMERÏDGIEN 


-  536  - 


bientôt  ira  par  Mafeking  jusqu'à  Fort  Salisbury  (Machona- 
land)  ;  2°  avec  Port  Elizabeth  et  avec  Pretoria  ;  3^  avec 
East-London.  La  ville,  placée  sur  un  plateau  jadis  aride, 
est  actuellement  pourvue  d'une  eau  abondante,  par  une 
dérivation  du  Vaal.  Elle  est  éclairée  à  la  lumière  électrique. 
Kimberley  possède  un  outillage  de  machines  considérable  et 
des  ressources  industrielles  propres  :  biscuits,  conserves, 
fer-blanc,  wagons,  chariots.  Air  sec  et  salubre  ;  aux  en- 
virons, pâturages  de  bœufs.  Ch.  Del. 

BiBL.  :  Noble,  Cape  of  Good  Hope  ;  Capetown,  1886.  — 
The  Colonial  Year  Book  ;  Londres.  —  Ed.  Foa,  Notes  sur 
l'Afrique  du  Sud,  dans  Revue  de  V Afrique  du  15  nov. 
1891  ;  Emigrant's  Information  Office  Handbooks  ;  Londres. 

—  Combes,  le  Mouvement  africain  en  1892;  Paris,  1893. — 
L'Afrique  explorée  et  civilisée^  févr.  et  juin  1893;  Genève. 

—  Journal  la  Politique  coloniale,  n°  du  25  nov.;1893. 

KIMBERLEY  (John  Wodehouse,  comte  de),  homme  po- 
litique anglais,  né  à  Londres  le  7  janv.  4826.  Député  lieu- 
tenant de  Norfolk  (1847),  il  fut  sous-secrétaire  d'Etat  aux 
affaires  étrangères  de  4852  à  4856,  ministre plénipotentaire 
à  Saint-Pétersbourg  de  1856  à  4858,  lord  lieutenant  d'Ir- 
lande de  4864  à  4866  et  fut  créé  comte  en  4866.  Lord 
du  sceau  privé  en  4868,  il  devint  secrétaire  d'Etal  pour 
les  colonies  dans  le  ministère  Gladstone  de  4870  à  4874  et 
de  nouveau  en  4880,  4886  et  4892.  Il  occupa  en  même 
temps  les  charges  de  secrétaire  d'Etat  pour  l'Inde  et  de 
président  du  conseil.  Il  a  pris  le  portefeuille  des  affaires 
étrangères  dans  le  cabinet  Rosebery  du  5  mars  1894. 

Kl  M  BER LITE  (Miner.).  Dans  le  groupe  despéridotites, 
c.-à-d.  des  roches  granitoïdes  basiques,  sans  feldspath,  où 
domine  le  péridot,  de  nombreuses  variétés  sont  basées  sur  la 
nature  des  bisilicates  ferro-magnésiens  ou  des  minerais 
associés  à  Tolivinë.  C'est  ainsi  que  la  kimberlite,  signalée 
pour  la  première  fois  dans  les  gîtes  diamantifères  du  Cap,  où 
cette  roche  se  trouve  en  relation  avec  les  brèches  ophitiques 
serpentineuses  qui  renferment  le  minéral  précieux,  n'est 
autre  qu'une  péridotite  augitique  grenue,  elle-même  en 
partie  serpentinisée,  et  par  suite  une  forme  granitoide  de 
la  roche  mère  du  diamant  au  Cap  (V.  Péridotite). 

Kl  M  cm.  Famille  de  savants  juifs  de  Narbonne.  Joseph 
est  l'auteur  de  la  première  grammaire  hébraïque  publiée 
dans  les  pays  chrétiens  (entre  4450  et  H 70)  et  de  plu- 
sieurs traductions.  —  Son  fils  Mois^  publia  également  une 
grammaire,  Liber  viarum.  linguœ  sanctœ  (Paris,  4520; 
trad.  par  Seb.  Munster;  Bâle,  1534,  avec  commentaire 
d'Elie  Levita  et  note  de  Lempereur  ;  Paris,  4634)  et  des 
poésies  religieuses.  —  David,  dit  Rdak,  né  à  Narbonne 
vers  4460,  mort  à  Narbonne  en  4240,  autre  fils  de  Joseph, 
est  le  plus  célèbre;  il  a  écrit  des  commentaires  de  la  Ge- 
nèse, des  Chroniques,  des  Prophètes,  des  Psaumes,  une 
grammaire  (Mzc/t/o/;  Venise,  4545;  Furth,  4793);  un 
dictionnaire  hébraïque  (Sefer  haschoraschim  ;  Naples, 
4490;  Venise,  4529  et  4552;  rééd.  par  Lebrecht  et 
Biesenthal;  Berlin,  4838-48),  etc. 

BiBL.  :  Renan,  les  Rabbins  juifs^  dans  Hist.  litt.  de  la 
France.—  Bâcher,  J.   Kimchi   et   Aboulmalid  ;  Paris, 
883.  —  Tauber,  David  Kimchi  als  Grammatiher;  Bres- 
iau,  1867. 

KIMÉRIDGIEN  ou  KIMMÉRIDGIEN  ou  KIMMÉRI- 
DIEN.  Nom  donné  par  les  géologues  à  l'un  des  étages  du 
système  jurassique.  Le  nom  de  kimméridgien  a  été  donné 
par  d'Orbigny  en  4849  à  un  étage  dont  le  type  était  le 
«  kimeridge  clay  »,  argile  qui  affleure  dans  la  baie  de 
Kimeridge,  dans  le  Dorsetshire.  L'orthographe  de  kimé- 
ridgien  doit  être  préférée  à  l'orthographe  habituelle,  qui 
écrit  kimméridgien  ou  kimméridien.  Certains  auteurs  ont 
donné  à  l'étage  kiméridgien  une  extension  plus  considé- 
rable que  celle  qui  correspond  à  la  définition  de  d'Orbigny, 
en  y  comprenant  les  couches  qui  constituent  aujourd'hui  le 
séquanien.  On  distinguait  alors  dans  le  kiméridgien  les 
sous-étages  astartien,  ptérocérien  et  virgulien.  On  y 
a  même  quelquefois  fait  rentrer  l'étage  portlandien.  Tel 
qu'il  est  actuellement  compris,  le  kiméridgien  est  Pavant- 
dernier  étage  jurassique  ;  il  fait  suite  au  séquanien  et  pré- 


cède le  portlandien.  Il  correspond  aux  assises  que  l'on  a 
désignées  sous  les  noms  de  ptérocérien  et  de  virgulien, 
d'après  deux  fossiles  qui  se  rencontrent  très  fréquemment 
à  deux  niveaux  successifs  dans  le  bassin  anglo-parisien  et 
dans  le  Jura,  le  Pterocera  Oceanl,  un  Gastropode,  et 
VOstrea  virgiUa,  un  Lamellibranche.  Mais,  en  général, 
la  distribution  de  ces  deux  espèces  n'a  rien  de  constant  et 
il  vaut  mieux  se  servir,  pour  établir  des  niveaux  paléon- 
tologiques  dans  le  kiméridgien,  des  Ammonites,  dont  la 
distribution  dans  le  temps  est  beaucoup  plus  régulière. 

Si  l'on  prend  comme  point  de  départ  de  l'étude  du  kimé- 
ridgien le  bassin  de  Paris  où,  grâce  aux  travaux  de 
MM.  Pellat,  Tombeck,  de  Loriol,  l'étage  est  mieux  connu 
que  partout  ailleurs,  on  obtient  les  subdivisions  suivantes, 
qui  paraissent  pouvoir  s'appliquer  également  au  Jura,  à 
l'Angleterre,  au  N.  de  l'Allemagne  : 

4°  Zone  à  Perisphinctes  Cymodoce; 
2°  Zone  supérieure  : 

a.  Sous-zone  à  Aspidoceras  orthoceras  ; 

b.  Sous-zone  à  Aspidoceras  Caletanum; 

c.  Sous-zone  à  Pieinecheia  pseudomutabilis,  à  Aspi- 
doceras Lallierianum,  et  à  Perisphinctes  Erinus. 

La  sous-zone  a  pourrait  être  avec  autant  de  raison 
rangée  dans  la  zone  inférieure. 

Les  falaises  de  la  Hève,  au  N.  du  Havre,  constituent 
une  locahté  classique  pour  l'étude  du  kiméridgien.  On  y 
observe  des  calcaires  marneux  gris  extrêmement  riches  en 
fossiles  d'une  admirable  conservation,  parmi  lesquels  il  faut 
citer  :  Perisphinctes  decipiens.,  Per.  Cymodoce^  Ptero- 
cera Ponti,  Pter.  Oceani,  Ostrea  solitaria^  Trigonia 
papillata,  Tr.  muricata^  Pholadomya  Protei^  Ceromya 
excentrica^  Zeilleria  humeralis,  Pygurus  Royeri.  Au- 
dessus  viennent  des  argiles  à  Aspidoceras  orthoceras, 
A.  Lallierianum,  A.  longispinum^  couronnées  par  des 
lumachelles  à' Ostrea  virgula.  —  Des  faciès  identiques  se 
trouvent  en  Angleterre,  surtout  bien  développés  dans  le 
Dorsetshire,  dans  l'Oxfordshire,  dans  le  Lincolnshire.  Les 
ossements  de  reptiles  y  sont  particulièrement  abondants. 

Dans  le  Boulonnais  s'intercalent  à  plusieurs  niveaux  des 
couches  sableuses,  attestant  le  voisinage  d'un  rivage. 

Dans  l'E.  du  bassin  de  Paris  et  dans  le  Jura  septen- 
trional, le  kiméridgien  est  surtout  représenté  par  des  cal- 
caires plus  ou  moins  marneux,  contenant  les  mêmes  faunes 
qu'en  Normandie.  Dans  le  Jura  méridional,  le  kiméridgien 
prend  souvent  le  faciès  oolithique  et  présente  même  des 
intercalations  de  calcaires  coralligènes.  Les  célèbres  récifs 
de  Valfin  se  trouvent  dans  la  partie  inférieure  de  l'étage  et 
correspondent  à  l'ancien  ptérocérien  ;  à  Montépile  et  à 
Oyonnax  (Ain),  on  connaît  également  des  intercalations  de 
dépôts  coralligènes  dans  le  virgulien.  —  A  La  Rochelle, 
une  formation  corallienne  correspond  à  la  base  du  ptéro- 
cérien, par  conséquent  au  même  niveau  qu'à  Valfin. 

Ces  intercalations,  dans  le  kiméridgien  du  Jura  méri- 
dional et  de  la  Charente,  indiquent  déjà  l'influence  de 
courants  chauds  venant  des  régions  équatoriales  (V.  Juras- 
sique) ;  elles  manquent  entièrement  dans  le  bassin  anglo- 
parisien,  où  pourtant  il  existait  des  formations  coralHgènes 
à  l'époque  rauracienne  et,  dans  le  S.  du  bassin,  à  l'époque 
séquanienne.  Le  bassin  anglo-parisien,  le  Jura  septen- 
trional, le  N.  de  l'Allemagne  étaient  incontestablement,  à 
l'époque  kiméridgienne,  sous  l'influence  de  courants  froids; 
la  faune  de  ces  régions  a  des  rapports  très  intimes  avec 
celle  du  kiméridgien  de  la  Russie  centrale. 

Dans  les  environs  de  Moscou,  des  argiles  schisteuses 
micacées  contiennent  des  fossiles  caractéristiques  du  kimé- 
ridgien, entre  autres  Reineckeia  pseudomutabilis,  mais 
il  est  difficile  de  séparer  ici  le  rauracien,  le  séquanien  et  le 
kiméridgien.  A  Simbirsk,  sur  la  basse  Volga,  par  contre,  on 
distingue  parfaitement  les  deux  zones  du  kiméridgien,  et 
M.  Pavlow  y  a  trouvé  un  grand  nombre  d'espèces  de  l'Eu- 
rope occidentale,  parmi  lesquelles  prédominent  plusieurs 
formes  d'Ammonites  du  genre  Reineckeia, 


537  - 


KÏMEMDGIEN  -  KÏN 


Dans  les  régions  de  l'Europe  qui  présentent  le  type 
méditerranéen  du  système  jurassique,  il  est  extrêmement 
difficile  de  délimiter  l'étage  kiméridgien  et,  dans  l'état 
actuel  de  nos  connaissances,  il  est  à  peu  près  impossible 
d'établir  un  parallélisme  rigoureux  entre  les  zones  kimé- 
ridgiennes  du  Nord  et  les  couches  qui  paraissent  leur  cor- 
respondre dans  le  Midi.  Ces  couches,  souvent  désignées 
sous  le  nom  de  «  couches  à  Aspidoceras  acanthicum  », 
sont  d'ordinaire  divisées,  depuis  les  travaux  classiques  de 
Neumayr,  en  deux  zones  :  1  «  la  zone  à  Oppelia  tenuilo- 
bata  ;  2**  la  zone  à  Reineckeia  pseudomutabilis^  mais  il 
est  possible  que  la  zone  inférieure,  qui  repose  sur  des 
couches  à  Perispfiinctes  Achilles,  corresponde  en  partie 
au  séquanien  des  régions  septentrionales,  comme  l'indique- 
rait la  présence,  dans  le  séquanien  du  Boulonnais,  du 
Perisphinctes  Lothari  et  d'autres  Ammonites  caractéris- 
tiques de  la  zone  à  Oppelia  tenuilobata  du  Midi.  D'autre 
part,  il  est  possible  que  la  base  de  la  zone  à  Oppelia 
lithographica^  qui  fait  suite  à  la  zone  supérieure  et  que 
l'on  range  déjà  dans  le  tithonique,  doive  être  considérée 
comme  synchronique  d'une  partie  du  virgulien  du  Nord. 
Dans  ce  cas,  le  changement  de  faune  correspondant  à  la 
limite  du  kiméridgien  et  du  porlandien  ne  se  serait  pas 
produit  en  même  temps  dans  les  mers  du  N.  et  de  l'O.  de 
l'Europe  et  dans  celles  des  régions  méditerranéennes.  Ce- 
pendant, dans  le  bassin  du  Rhône,  Reineckeia  pseudo- 
mutabilis^  R.  Eudoxus  et  d'autres  formes  du  virgulien 
du  Nord  se  rencontrent  à  un  niveau  inférieur  aux  couches 
qui  contiennent  les  premiers  représentants  du  groupe  de 
V Oppelia  lithographica  et  dans  lesquelles  M.  Paquier  a 
trouvé,  près  de  Grenoble,  un  échantillon  à'Holcostepha- 
nus  Mus  d'Orb.,  espèce  caractéristique  du  portlandien 
inférieur  du  bassin  anglo-parisien. 

Dans  toute  la  région  qui  s'étend  du  Languedoc  à  la  Ga- 
licie,  en  passant  par  les  chaînes  subalpines,  le  versant 
suisse  du  Jura,  le  Randen,  la  Souabe,  la  Franconie,  le  bord 
méridional  du  massif  de  Bohême,  la  zone  à  Oppelia  tenui- 
lobata^ le  Jura  blanc  y  de  Quenstedt,  est  représentée,  en 
général,  par  des  calcaires  marneux  bien  stratifiés,  tandis 
que  la  zone  à  Reineckeia  pseudomutabilis^  le  Jura  blanc 
8  de  Quenstedt,  est  à  l'état  de  calcaires  massifs  souvent 
siliceux,  riches  en  spongiaires. 

Parmi  les  nombreuses  Ammonites  caractéristiques  de  la 
zone  à  Oppelia  tenuilobata^  on  peut  citer  les  suivantes  : 
Oppelia  tenuilobata^  0.  Weinlandi^Neumayiiacompsa^ 
Perisphinctes  Lothari,  P.  Gûntheri,  Sutneria  Galar, 
Aspidoceras  iphicerum  ;  dans  la  zone  à  Reineckeia  pseu- 
domutabilis,  on  doit  signaler,  outre  cette  espèce  :  Rei- 
neckeia Eudoxus,  Perisphinctes  Eumelus,  Waagenia 
Beckeri.  Quand  s'introduit  le  faciès  à  spongiaires,  les 
Rynchonelles  et  les  Térébratules  deviennent  extrêmement 
abondantes. 

Dans  les  Alpes  orientales,  dans  les  Karpates,  en  Sicile, 
le  kiméridgien  est  le  plus  souvent  représenté  par  des  cal- 
caires rouges  à  Ammonites,  qui  sont  intimement  liés  par 
leur  faune  aux  calcaires  de  même  nature  caractérisés  par 
Pygope  diphya,  qui  constituent  le  tithonique  inférieur. 
Dans  les  régions  méditerranéennes,  les  Phylloceras  et  les 
Simoceras,  très  rares  dans  l'Allemagne  du  Sud,  plus 
communs  dans  la  bassin  du  Rhône,  deviennent  prépondé- 
rants parmi  les  Ammonites. 

Le  kiméridgien  est  encore  fort  mal  connu  en  dehors  de 
l'Europe.  Emile  Haug. 

KI-MIN6.  Ville  de  Chine,  province  de  Petchili,  sur  le 
Yang-ho,  affl.  gauche  du  San-kan-ho,  sur  la  route  de 
Péking  à  Kalgan;  station  centrale  de  la  poste  pour  la 
Chine  septentrionale.  Mines  de  houille;  bon  vin  blanc. 

KIMOLOS.  Ile  de  l'Archipel,  au  N.-E.  de  Milo,  dans 
l'éparchie  grecque  de  Milo  ;  42  kil.  q.,  2,300  hab. 
Mines  de  soufre.  Les  mines  d'argent,  célèbres  au  moyen 
âge,  sont  aujourd'hui  épuisées.  Sol  rocheux  ;  on  recueille 
une  argile  blanche  et  grasse,  la  terre  cimolée^  employée 
par  les  foulons.  Tombeaux  phéniciens.  Capitale  :  Kimolos, 


au  S.-O.  de  l'île  (1,125  hab.).  L'île  était  connue  au  moyen 
âge  sous  le  nom  de  VArgentière, 

KIMP0LUN6  (V.  Câmpulung). 

KIMRA.  Ville  de  Russie,  gouvernement  de  Tver; 
3,000  hab.  Cordonnerie.  En  1807  et  1812,  elle  équipa  de 
chaussures  une  grande  partie  de  l'armée  russe. 

KIM-TOU-Ho  ou  RIVIÈRE  Noire.  Rivière  du  Tonkin, 
affl.  droit  du  fleuve  Rouge  (V.  Tonkin). 

KIN.  Nom  d'une  dynastie  de  race  tongouse  qui  régna  sur 
le  N.  de  la  Chine  pendant  un  siècle  environ,  de  1115  à  1234 
ap.  J.-C.  Le  peuple  d'où  sortit  cette  dynastie  est  appelé  les 
Jou-tchen  (ou  Niu-tchen)  par  les  écrivains  chinois,  les 
Tchourtchés  par  les  auteurs  persans  et  arabes;  les  lieux  qui 
furent  son  berceau  se  trouvent  en  Mandchourie,  au  N.  de  la 
Longue  Montagne  Bhnche  (Tchang  pé  chan),  on  prennent 
leur  source  la  rivière  Yalou  à  l'O.,  la  rivière  Tiumen  à  l'E. 
et  la  Soungari  au  N.  Au  temps  de  la  dynastie  Leao  (V.  Khi- 
tan),  les  Jou-tchen  étaient  distingués  en  deux  catégories, 
les  sauvages  et  les  soumis.  Les  Jou-tchen  soumis  étaient 
ceux  qui  occupaient  le  royaume  de  Po-hai  {Leao-tong)  ; 
les  Jou-tchen  sauvages  vaguaient  dans  la  Mandchourie 
orientale,  depuis  lesTrontières  de  la  Corée  jusqu'à  l'Amour. 
Ce  sont  ces  derniers  qui,  au  commencement  du  xii®  siècle, 
s'élancèrent,  conduits  par  un  chef  habile,  Agouta,  à  l'as- 
saut de  l'empire  des  Leao. 

Agouta  était  né  en  1068;  dès  son  avènement,  en  l'an 
1113,  il  refusa  de  rendre  hommage  comme  l'avaient  fait 
tous  ses  prédécesseurs,  à  l'empereur  khitan  ;  le  premier 
jour  de  l'année  1115,  il  prit  lui-même  le  titre  d'empereur 
et  donna  à  la  dynastie  qu'il  fondait  ainsi  le  nom  d'Aisin 
ou,  en  chinois,  Kin,  qui  signifie  «  or  »;  il  justifia  cette 
appellation  en  disant  :  «  Les  Khitans  ont  attribué  à  leur 
dynastie  le  nom  de  Leao,  ce  qui  signifie  de  l'acier  de  très 
fine  trempe  ;  ils  pensaient,  en  agissant  ainsi,  affirmer  que 
leur  dynastie  serait  aussi  durable  que  l'acier  ;  mais  quelque 
durable  qu'il  soit,  Tacier  est  sujet  à  se  rouiller.  R  n'y  a 
que  l'or,  parmi  les  métaux,  qui  soit  impérissable.  »  La 
guerre  ouverte  ne  tarda  pas  à  éclater  entre  Agouta  et  les 
Khitans  ;  le  nouvel  empereur,  Kin,  fut  vainqueur  en  plus 
d'une  rencontre  ;  mais  il  ne  parvint  pas  à  déposséder  com- 
plètement ses  rivaux  et  mourut  en  4123  en  chargeant  son 
fils  Ukimai  de  terminer  son  œuvre.  Il  fut  canonisé  sous 
le  nom  de  Tai-tsou. 

Ukimai  soumit  l'empire  Hia  ou  Tangout,  puis  acheva 
la  ruine  de  la  dynastie  Leao  en  faisant  prisonnier,  en  1124, 
le  dernier  empereur  Yelu  Yen-hi.  Il  déclara  ensuite  la  guerre 
à  l'empire  proprement  chinois  des  Song  dont  la  capitale 
était  Pien-leang  (auj.  Kai  fong  fou,  au'S.  du  Koang  ho)  ; 
il  s'empara  de  cette  ville  et  emmena  captif  l'empereur  Kin 
tsong  en  déc.  1126.  A  la  suite  de  cette  victoire,  les  Kin 
refoulèrent  les  Song  dans  le  Sud,  et  les  rivières  Han  et  Hoai 
furent  la  limite  des  deux  empires. 

Les  Kin  possédaient  le  Tche-li,  le  Chan-si,  la  partie  N. 
du  Chen-si,  le  Chan-tong  et  le  Honan  ;  ils  avaient  leur 
capitale  à  Péking  qui  était  pour  eux  la  capitale  du  centre, 
Tchong  tou  ou  Tchong  king.  Leurs  quatre  autres  résidences 
impériales  étaient  :  Si-king,  c.-à-d.  la  capitale  de  l'Ouest, 
ou  Ta-tong  fou,  dans  le  Chan-si;  Ton  king,  c.-à-d.  la  ca- 
pitale de  l'Est,  ou  Leao-yang  tcheou,  dans  le  Leao-tong  ; 
Nan-king,  c.-à-d.  la  capitale  du  Sud,  ou  Pien-leang  (auj. 
Kai- fong  fou  dans  le  Ho-nan)  ;  enfin  Pe-king,  c.-à-d.  la 
capitale  du  Nord,  ou  Ta-ting  fou  (cette  ville  était  située 
dans  la  partie  nord  du  Tche-li,  sur  la  rivière  Loha,  au  S. 
de  l'aile  droite  des  Mongols  Kartchins).  On  voit  que  l'empire 
des  Kin  occupait  en  Chine  une  étendue  beaucoup  plus  con- 
sidérable que  celle  qu'avait  eue  l'empire  khitan  ;  en  revanche 
il  était  enfermé  dans  des  limites  bien  plus  restreintes  en 
dehors  de  la  Chine  propre,  car  il  ne  possédait  guère  que  le 
Leao-tong  et  la  Mandchourie.  Les  Naïmans  et  les  Kara  Khi- 
tans étaient  tout-puissants  dans  l'Ouest,  et,  en  Mongolie, 
commençait  à  s'élever  la  nation  mongole  qui  devait,  dans 
un  avenir  rapproché,  faire  table  rase  de  toutes  les  domi- 
nations rivales.  Ce  fut  dès  le  commencement  du  xia^  siècle 


KÏN  —  KINDA 


538 


que  les  Kin  commencèrent  à  souffrir  des  atlaques  mongoles; 
ils  luttèrent  jusqu'en  d234,  époque  à  laquelle  ils  dispa- 
rurent écrasés  par  les  forces  réunies  de  l'empereur  Song  et 
du  khan  mongol  Ogotai. 

La  liste  des  empereurs  de  la  dynastie  Kin  est  la  suivante  : 
Tai-tsou  (lid 5-2^2)  ;  Tai-tsong  (11 23-34);  Hitsong  (113o- 
48);  Hai-ling  wang  (1149-60);  Che  tsong  (1161-89); 
Tchang-tsong  (1190-1208);  Wei-chao  wang  (1209-12); 
Siuen  tsong' (1213-23)  ;  Ngai  tsong  (1224-33);  Mo-ti 
(1234). 

La  langue  et  l'écriture  jou-tchen  ont  donné  lieu  à  un 
certain  nombre  de  recherches  intéressantes.  Langlès  (Al- 
phabet mandchou^  pp.  38-39,  3®  éd.)  a  dressé  une  liste 
des  mots  jou-tchen  avec  les  mots  mandchous  correspon- 
dants et  a  prouvé  l'identité  de  ces  deux  langages  ;  cette  dé- 
monstration a  été  faite  aussi  par  A.  Wylie  dans  sa  préface 
à  la  traduction  du  Tsing  xven  ki  mong.  Les  Mandchous 
actuels  se  déclarent  d'ailleurs  eux-mêmes  les  descendants 
des  Kin.  M.  de  Harlez  a,  il  est  vrai,  combattu  cette  ma- 
nière de  voir,  mais  ses  arguments  ne  paraissent  pas  irré- 
futables. Quant  à  l'écriture,  les  Jou-tchen  n'en  avaient  aucune 
avant  que  leurs  chefs  eussent  pris  le  titre  d'empereur. 
Agouta,  en  11 4  9,  nomma  une  commission  composée  de  Ouyé, 
Moulianho  et  Kouchen  pour  inventer  une  écriture  tirée  du 
chinois,  sur  le  même  principe  que  l'écriture  khitane.  En 
1138,  l'empereur  Hi  tsong  proposa  un  système  simplifié 
qui  fut  appelé  les  petits  caractères  jou-tchen,  par  opposi- 
tion aux  grands  caractères  jou-tchen  qui  étaient  ceux 
d'Agouta  ;  les  petits  caractères  jou-tchen  furent  mis  offi- 
ciellement en  usage  à  partir  de  4145.  On  possède  une  ins- 
cription en  petits  caractères  jou-tchen,  c'est  celle  dite  de 
Yentai  (Devéria  :  Examen  de  la  stèle  de  Yen-tai,  dans 
Revue  de  V Extrême  Orient,  1. 1,  pp.  173-185)  ;  il  est  à 
espérer  qu'on  pourra  prochainement  la  déchiffrer  en  partie, 
grâce  au  vocabulaire  jou-tchen  qui  se  trouve  dans  le  lîoa 
i  i  yu  de  la  Bibliothèque  de  Berhn  et  qui  sera  publié  par 
M.  le  D^  Grube.  Deux  autres  textes  lapidaires  sont  désignés 
par  les  épigraphistes  chinois  comme  étant  écrits  en  jou- 
tchen.  Ce  sont  l'inscription  de  Salican  (Wylie,  On  an 
Ancient  Inscription  in  the  jSeu-chih  language,  dans 
Journal  of  the  Royal  Asiatic  Society,  N.  5.,  vol.  XVII, 
p.  331)  et  une  partie  de  l'inscription  hexalingue  de  Kiu 
yong  koan  (Wylie,  On  an  Ancient  Ruddhist  Inscrip- 
tion at  Keu-yung  kwan,  dans  Journal  of  the  Royal  Asia- 
tic Society,  N.  S,,  vol.  V,  part.  1,1870);  mais  ces  deux 
textes  n'ont  rien  de  commun  ni  entre  eux,  ni  avec  l'ins- 
cription de  Yen-tai,  et  c'est  pourquoi  on  ne  saurait  accepter 
sans  réserves  l'affirmation  des  savants  chinois.      Ed.  Ch. 

BiBL.  :  C.  d'Ohsson,  Histoire  des  Mongols,  vol.  I,  chap. 
IV.  —  Wylie,  préface  à  la  traduction  du  Tsing  wen  ki 
mong.  —  De  Harlez,  Histoire  de  Vempire  d'or  (Aisin 
gurun)  ;  suduri  bithei,  traduit  du  manuscrit  1122  de  Paris  ; 
Maisonneuve,  1886.  —  De  Harlez,  Niu-tchis  et  Mand- 
chous; rapports  d'origine  et  de  langage:  Maisonneuve, 
1888.  ~  J.  Ross,  History  ofCorea,  pp.  231-260.—  H.-H.  Ho- 
woRTH,  The  Kin  or  Golden  Tatars,  dans  Journal  of  the 
Royal  Asiatic  Society,  N,  S.,  vol.  IX,  pp.  243-290. 

KINAÏ  (Alaska)  (V.  Kenaï). 

KIN B ERG  (Johan-Gustav-Hjalmar),  zoologiste  suédois, 
né  en  1820.  Professeur  à  l'institut  vétérinaire  de  Stock- 
holm, il  a  publié  un  important  ouvrage  :  Animalia  annu- 
lata  (1857-73),  de  nombreuses  monographies:  Linné  et 
la  science  vétérinaire  (en  suédois,  1892)  ;  Eddas  Natur 
historia  (1880),  et  a  collaboré  aux  principaux  journaux 
vétérinaires  de  la  Suède. 

KINBURN.  Village  de  Russie,  province  de  Tauride,  sur 
la  flèche  sablonneuse  qui  sépare  de  la  mer  Noire  le  liman 
du  Dniepr;  c'est  une  ancienne  forteresse  turque  (Kili-Bour- 
nou)  acquise  par  les  Russes  en  1774,  prise  par  les  Anglo- 
Français  en  1855,  rasée  en  1860.  Elle  avait  peut-être  rem- 
placé la  colonie  grecque  de  Cereinite, 

KINCARDINE.  Ville.  —  Ville  d'Ecosse,  comté  de  ce 
nom,  au  N.  de  l'estuaire  du  Forth;  1,400  hab.  Ruines  du 
château  de  Tullialan, 

Comté.  —  Comté  maritime  du  N.-E.  de  l'Ecosse,  entre 


ceux  d'Aberdeen  au  N.,  Forfar  à  l'O.  et  au  S.  ;  993  kil. 
q.  ;  35,465  hab.  On  l'appelait  autrefois  TheMearns,  nom 
réservé  aujourd'hui  à  sa  plaine  du  S.-E.,  qui  prolonge  la 
dépression  du  Strathmore.  Les  champs  occupaient  un  peu 
moins  de  la  moitié  de  la  surface  totale.  La  pêche  est  une 
ressource  considérable.  Le  ch.-l.  du  comté  est  Stonehaven. 
Le  comté  s'étend  de  la  mer  du  Nord  à  l'arête  des  monts  Gram- 
pians  ;  la  bande  côtière  infertile  est  séparée  par  une  rangée 
de  collines  de  la  plaine  de  Mearns  (vieux  grès  rouge)  auN,-0. 
de  laquelle  s'élèvent  les  roches  siluriennes  et  granitiques  des 
Grampians  ;  le  mont  Battock  à  l'angle  0.  s'élève  à  748  m. 
—  Les  champs  occupent  46  *^/o;  les  bois  11  %.  On  compte 
environ  26,000  bœufs  et  30,000  moutons. 

KIN-CHA-KiÂNG,  c.-à-d.  le  fleuve  au  sable  d'or,  est  le 
nom  que  les  Chinois  donnent  au  cours  supérieur  du  Yang- 
tse,  à  partir  de  Siut-cheou  fou,  dans  le  Se-tchouen.  A  par- 
ler strictement  cependant,  ce  nom  ne  doit  s'appliquer  qu'à 
la  partie  tibétaine  du  cours  de  ce  fleuve. 

KIND  (Johann-Friedrich),  littérateur  allemand,  né  à 
Leipzig  le  4  mars  1768,  mort  à  Dresde  le  25  juin  1843. 
Romantique,  il  eut  de  grands  succès  qu'on  ne  s'explique 
plus  aujourd'hui.  Ses  principaux  romans  sont  :  Natalia 
(ZuUichau,  1802-04,  3  vol.);  Leben  und  Liebe  Rynos 
und  seiner  Schwester  Minona  (1805,  2  vol.);  Malven 
(1805,  2  vol.);  Tulpen  (1806-10,  7  vol.);  Die  Harfe 
{iSUA{),Syoiy, Llndenblûten(i8i9,4!\oL),etc.De  ses 
œuvres  dramatiques  réunies  en  4  vol.  (Leipzig,  1821-27), 
il  faut  citer  :  Wilhelm  der  Eroberer,  Van  Dycks  Landle- 
ben,  et  surtout  ses  livrets  d'opéra  :  Das  Nachtlager  von 
Granada  (musique  de  Kreutzner),  Der  Holzdieb  (mus.  de 
Marschner),  Freischûtz  (mus.  de  Weber).  Ses  poésies 
ont  été  publiées  en  1805  (5  vol.)  et  rééditées  de  1817  à 
1825. 

KIND  (Karl-Theodor),  philologue  allemand,  né  à  Leip- 
zig le  7  oct.  1799,  mort  à  Leipzig  le  7  déc.  1868.  Il  a 
beaucoup  fait  pour  l'étude  du  néo-grec  en  publiant;  Neu- 
griechische  Volkslieder,  avec  trad.  (1827  et  1849);  le 
Panorama  de  Sutsos  (avec  notes,  1835);  une  chrestoma- 
thie  (1835),  des  anthologies  (1844  et  1861),  un  diction- 
naire grec-allemand  (1841),  une  Gesch.  der  Griech,  Ré- 
volution (1833,  2  vol.),  etc. 

KINDA.  La  tribu  arabe  qui  portait  ce  nom  était  origi- 
naire du  Hadramaut  et  exerça  son  influence  sur  une  partie 
de  cette  contrée.  Au  v^  siècle  de  notre  ère  une  fraction  du 
Kinda  alla  s'établir  à  Haumat-Djandel,  sur  les  confins  du 
désert  de  Syrie,  et  l'un  de  ses  chefs,  Hodjr,  surnommé  Akil 
el-Morâr,  y  fonda  une  petite  dynastie.  Pendant  les  vingt 
années  qu'il  régna  (460-480),  Hodjr  soumit  à  son  auto- 
rité les  tribus  maaddiques  qui  l'entouraient  et  sut  se  faire 
aimer  de  ses  nouveaux  sujets.  Son  fils,  Amr  el-Maksour 
(480-495),  ayant  mécontenté  les  tribus  tpaaddiques,  celles- 
ci  se  soulevèrent  contre  lui  et  se  rendirent  indépendantes 
pendant  une  quinzaine  d'années.  Ce  fut  sous  son  règne  que 
commença  la  lutte  célèbre  connue  chez  les  Arabes  sous  le 
nom  de  guerre  de  Rasous  et  à  laquelle  se  livrèrent  durant 
quarante\ns  les  tribus  de  Bakr  et  de  Taghlib.  Après  la 
mort  d'Amr,  tué  dans  un  combat  contre  le  prince  Ghas- 
sanide,  Harits  Abou-Chammir,  ce  fut  son  fils  Harits  qui  lui 
succéda  (495-524).  Harits  ramena  sous  son  obéissance  les 
tribus  maaddiques  qui  s'étaient  révoltées  contre  son  père  et 
fit  de  nombreuses  incursions  sur  les  territoires  appartenant 
alors  aux  Romains  et  aux  Perses.  L'empereur  Anastase 
dut  conclure  un  traité  avec  lui  pour  se  mettre  à  l'abri  de 
ses  attaques,  et  le  roi  de  Perse,  Cobâd,  ne  réussit  à  faire 
respecter  ses  frontières  qu'en  lui  cédant  le  royaume  de 
Hira.  Mais,  en  523,  Harits  fut  contraint  d'abandonner  cette 
nouvelle  possession  et  peu  après  il  mourait,  tué  dans  un 
combat,  suivant  les  uns,  étouffé  par  une  indigestion,  suivant 
d'autres.  De  son  vivant,  il  avait  partagé  ses  Etats  entre  ses 
fils  Hodjr,  Chourahbil,  Selama,  Madikarib  et  Abdallah,  qui 
perdirent  successivement  leurs  provinces  (524-530).  C'est 
à  la  tribu  de  Kinda  qu'appartenait  le  célèbre  poète  Imroul- 
qaïs  ;  à  la  mort  de  son  père,  Hodjr,  fils  de  Harits,  tué  par  les 


539  — 


KINDA  -  KING 


Benou  Asad,  Imroulqaïs  essaya  de  conserveries  Etats  de  son 
père  et  de  venger  sa  mort  ;  mais,  abandonné  de  ses  troupes, 
il  erra  de  tribu  en  tribu  sans  réussir  à  obtenir  les  secours 
dont  il  avait  besoin  et  Ton  sait  qu'il  mourut  à  Ancyre  (An- 
gora) d'une  maladie  provoquée,  dit-on,  par  le  port  d'un 
manteau  empoisonné  dont  l'empereur  Justinien  l'aurait  re- 
vêtu pour  venger  le  déshonneur  de  sa  fille.  Une  branche 
cadette  des  Kinda  a  également  régné,  mais  sur  une  partie  du 
Hadramaut.  Les  princes  qui  l'ont  représentée  sont  :  Djabala, 
Moaw^ia,  Madikarib,  Kaïs  et  El-Achaats  qui  se  convertit  à 
l'islamisme  avec  tous  ses  sujets  en  634 .        0.  Houdas. 

BiBL.  :  Caussin  de  Perceval,  Essai  sur  l'histoire  des 
Arabes;  Paris;  1847. 

KINDERMANN  (Johann-Erasmus),  organiste  allemand, 
né  à  Nuremberg  le  29  mars  4616,  mort  à  Nuremberg  le 
44  avr.  4655.  Il  tint  l'orgue  de  l'église  Saint -Egide  dans 
sa  ville  natale,  s'y  fit  une  grande  réputation  de  virtuose, 
et  publia  de  4643  à  4652  plusieurs  importants  recueils 
de  musique  religieuse  vocale  et  instrumentale. 

KINDERMANN  (Jean-Chrétien),  littérateur  et  historien 
hollandais,  né  à  Amsterdam  en  4804,  mort  à  Utrecht  en 
4876.  Il  devint  pasteur  et  composa  des  ouvrages  d'apo- 
logétique religieuse  et  des  livres  d'histoire  pleins  d'éru- 
dition et  de  sens  critique.  Ses  travaux  les  plus  importants 
sont  :  Histoire  de  la  chute  delà  Rochelle  en  i627  (en 
holl.,  Bois-le-Duc,  4853;  rééd.  Arnhem, 4864, 2  vol.  in-8)  ; 
les  Démêlés  d' Utrecht  avec  Borne  au  temps  de  Pierre 
Codde  (id.,  Utrecht,  4873,  2  vol.  in-8). 

BiBL.  :  J.-P.  DE  Keyser,  Etude  sur  la  vie  et  les  travaux 
de  J.-C.  Kindermann  (en  holl.)  ;  Utrecht,  1878. 

KINDERMANS  (Jean-Baptiste),  peintre  belge  contem- 
porain, né  vers  4805.  Paysagiste  distingué,  il  s'est  attaché 
principalement  à  reproduire  les  sites  de  son  pays  natal, 
dans  leur  poésie  un  peu  froide  et  brumeuse.  On  cite  comme 
ses  meilleures  toiles  :  l'Ermitage  de  la  Tour  du  Pré^ 
Sur  la  Meuse,  une  Vue  des  environs  de  Bruxelles  et 
une  Vue  de  la  vallée  de  VEmblève, 

Kl  NEC  H  MA.  Ville  de  Russie,  gouvernement  de  Kostroma, 
rive  droite  de  la  Volga,  au  confluent  de  la  Kinechmka  ; 
5,000  hab.  Bon  port  fluvial  où  aboutit  un  ch,  de  fer  de 
Moscou.  Toiles,  cotonnades,  produits  chimiques,  imageries. 

KINEL.  Rivière  de  Russie,  gouvernement  de  Samara, 
aflluent  droit  de  la  Samara  ;  320  kil.  de  long.  Elle  reçoit  le 
Kineltchik  (450 kil.).  Au  confluent  est  Kinel-tcherskaia ; 
7,000  hab. 

KINÉSITHÉRAPIE  (V.  Cinésithérâpie). 

KING  (Ile).  Ile  située  au  S.  de  TAustralie,  au  milieu 
du  détroit  de  Bass  ;  60  kil.  de  long  du  N.  au  S.,  25  kil. 
de  large,  4,423  kil.  q.  Elle  est  entourée  de  récifs  dange- 
reux. Elle  dépend  de  la  Tasmanie. 

KING.  Ile  de  la  Colombie  britannique,  par  52°  lat.  N.; 
60  kil.  de  long  sur  45  kil.  de  large. 

KING  {Kings  County).  Comté  d'Irlande,  province  de 
Leinster,  entre  ceux  de  Kildare  à  TE.,  Queen  au  S.,  Tip- 
perary  au  S.-O.,  Galway  et  Roscommon  à  l'O.,  West 
Meath  au  N.  ;  4,999  kil.  q.,  72,852  hab.  Une  grande 
partie  est  couverte  de  tourbières  ;  la  moitié  du  sol  appar- 
tient aux  pâturages,  moins  du  quart  aux  champs.  Le  chef- 
lieu  est  Tullamore  ;  la  principale  ^ville  Parsonstown.  C'est 
en  4557  que  la  reine  Marie  donna  son  nom  actuel  à  ce 
comté  qui  s'appelait  auparavant  Western  Glenmalery, 

KING.  Livres  classiques  de  la  Chine  (V.  Chine,  t.  XI, 
pp.  94,444,446). 

KING  (Henry),  théologien  et  prélat  anglais,  né  en 4592, 
mort  en  4669.  Il  se  fit  de  bonne  heure  une  réputation  de 
prédicateur  éloquent,  fut  un  instant  soupçonné  de  s'être 
converti  au  catholicisme  et  réfuta  la  calomnie  en  un  re- 
tentissant sermon  prononcé  à  Saint-Paul  (4624).  En  4644, 
il  se  vit  appelé  au  siège  épiscopal  de  Chichester.  Outre 
ses  sermons  et  ses  écrits  purement  théologiques,  King  com- 
posa plusieurs  élégies,  non  sans  mérite,  éparses  dans  les 
recueils  du  temps,  et  réunies  en  4657  en  un  volume 
Po^ws,  in-8).  Une  éàitionmoàerae des Poems  and  Psalms 


de  King  a  été  donnée  en  4843,  avec  une  remarquahle 
étude  biographique  par  Hannah.  B.-H.  G. 

KING  (Edward),  littérateur  anglais,  né  en  Irlande  en 
4612,  mort  en  mer  le  40  août  4637.  Ami  deMilton,  qui 
lui  a  consacré  une  belle  élégie,  Lycidas,  il  périt  dans  un 
naufrage  au  cours  d'une  traversée  de  Chester  en  Irlande. 
Il  a  laissé  des  poésies  (publiées  par  Nichols  dans  Collection 
of  Poems)  qui  font  regretter  sa  mort  prématurée. 

KING  (Gregory),  dessinateur  et  enlumineur  anglais,  né 
en  4648,  mort  en  4742.  Assistant  du  héraut  d'armes  de 
la  couronne,  il  exécuta  de  nombreux  travaux  héraldiques, 
transcrivant  et  reproduisant  des  armoiries  découvertes 
dans  les  vieux  châteaux,  composant  des  arbres  généalo- 
giques, copiant  et  enluminant  sur  vélin  des  chartes  et 
autres  documents  de  famille.  Il  collabora,  pour  la  partie 
graphique,  à  divers  ouvrages  de  blason  et  de  géographie, 
et  dessma  un  jeu  de  cartes  avec  les  armes  de  la  haute 
noblesse  anglaise. 

KING  (William),  prélat  anglican,  théologien  et  contro- 
versiste,  né  en  Irlande  en  4650,  mort  en  4729.  Après 
avoir  fait  de  bonnes  études  à  Trinity  Collège,  à  Dublin,  il 
entra  dans  la  carrièue  ecclésiastique.  Successivement  mi- 
nistre dans  la  capitale  de  KIrlande,  puis  doyen,  il  fut  élevé 
au  siège  épiscopal  de  Derry  (4690)  et  finalement  nommé 
archevêque  de  Dublin.  Il  se  signala  dans  toute  sa  carrière 
par  un  zèle  protestant  très  ardent  dans  un  pays  très  catho- 
lique et  à  une  époque  oti  les  passions  religieuses  étaient 
très  vives.  Il  n'est  pas  étonnant  qu'il  ait  obtenu  les  faveurs 
du  gouvernement  anglais.  On  lui  doit  quelques  ouvrages 
de  controverse  et  de  théologie  philosophique.  Parmi  les 
premiers  citons  :  The  State  ofthe  Protestants  inlreland 
under  the  late  King  James  (4694),  et  Discourse  con- 
cerning  the  inventions  of  men  in  the  worship  of  God. 
Des  seconds,  le  plus  remarquable  est  son  traité  De  Origine 
mali,  tentative  de  réconcilier  l'existence  du  mal  avec  l'idée 
d'un  Dieu  bon  et  tout-puissant,  sujet  abordé  plus  tard  par 
Leibniz  et  Bayle.  On  lui  doit  aussi  un  sermon  sur  la  pre- 
science divine  et  la  liberté  de  l'homme.  Divine  Prédesti- 
nation and  foreknowledge  consistent  vnth  the  free- 
dom  ofman's  will  (4709), 

KING  (William),  littérateur  anglais,  né  en  4663,  mort 
e  25  déc.  4742.  Avocat  à  Londres,  il  devint  en  4704 
juge  à  la  cour  de  l'amirauté  d'Irlande.  Ami  de  Swift  et 
Gay,  parent  de  Clarendon  et  de  Rochester,  il  était  très  ré- 
pandu dans  le  monde.  Il  eut  une  polémique  retentissante 
avec  Bentley.  Un  des  premiers  collaborateurs  de  la  feuille 
conservatrice  The  Examiîier  (4  71i)),  King  a  beaucoup  écrit 
et  souvent  avec  humour  et  une  pointe  de  sarcasme.  Citons 
de  lui:  yl  Journey  to  London  in  the  year  1698  (4698)  ; 
Dialogues  of  the  Dead  (4695)  ;  Mully  of  Mountown 
(4704);  Miscellanies  (4705),  un  fort  piquant  Art  of 
Cookery  (4708)  ;  The  Art  of  Love  (4709)  ;  ses  amusants  : 
Useful  Transactions  in  Philosophy  and  other  sort 
of  Learning  (4709)  ;  Historical  Account  of  the  hea- 
then  Gods  and  Heroes  (4740)  ;  Buflnus  or  the  favou- 
n^^  (4741),  violent  pamphlet  contre  Marlborough,  etc. 
J.  Nichols  a  donné  une  excellente  édition  de  ses  œuvres  : 
Original  Works  of  W.  King  (Londres,  4776,  3  vol.). 

KING  (Peter),  baron d'Ockham,  chancelier  anglais,  né  à 
Exeter  en  4669,  mort  à  Ockham  le  22  juil.  4734,  fils  de 
Jérôme  King  et  d'Anne  Locke,  cousine  du  philosophe.  En 
4694,  il  publiait  un  traité  :  AnEnquiry  into  the  consti- 
tution ofthe  primitive  Church  (Londres,  in-42),  qui  at- 
tira l'attention  de  Locke  qui  conseilla  à  son  père  de  l'en- 
voyer à  l'université  de  Leyde  où  il  passa  trois  ans.  Avocat 
au  barreau  de  Londres  en  4698,  il  acquit  une  réputation 
considérable  et  fut  élu  comme  Hbéral  à  la  Chambre  des 
communes  en  4704  par  Beeralston.  Il  eut  bientôt  une  in- 
fluence très  grande  sur  l'assemblée.  En  même  temps  il  fai- 
sait dans  la  magistrature  une  carrière  brillante,  était  créé 
pair  avec  le  titre  de  baron  d'Ockham  le  28  mai  4725  et 
était  nommé  lord  chancelier.  Son  portrait,  par  Daniel  de 
Coning,  figure  à  la  National  Gallery.  King  a  laissé  quelques 


KlNG  —  KING  GEORGE 


540 


ouvrages,  entre  autres:  History  of  the  Apostles'Creed 
(1702),  plusieurs  fois  réimprimé  et  traduit  en  latin.  — 
Un  de  ses  descendants,  Peter  King,  septième  baron,  né  le 
31  août  1776,  mort  le  4  juin  1833,  publia  des  Thoughts 
on  the  Restriction  ofpayments  in  specie  at  the  Banks 
ofEngland  and  Ireland  (Londres,  1803,  in-8),  qui  est 
un  traité  d'économie  politique  demeuré  classique  et  qui 
produisit  à  son  apparition  une  véritable  sensation.  Le  gou- 
vernement, pour  réagir  contre  son  influence,  dut  demander 
au  Parlement  le  vote  de  loi  imposant  le  cours  légal  des  bil- 
lets de  banque.  King,  libérai  avancé,  attaqua  vivement 
les  lois  sur  les  céréales  et  réclama  l'émancipation  des  ca- 
tholiques. Citons  encore  de  lui  :  The  Life  of  John  Locke 
(Londres,  1829,  in-4,  nombr.  éd.,  entre  autres  1838, 
in-8)  et  A  Short  History  of  the  Job  of  Jobs  (Londres, 
1866,  in-8).  — Son  fils,  Peter-John- Locke,  néàOckham 
le  25  janv.  1811,  mort  le  12  nov.  1885,  membre  libéral 
de  la  Chambre  des  communes  de  4847  à  1874,  causa  la 
chute  du  cabinet  Russell  (20  févr.  1851),  en  présentant 
son  County  Franchise  Bill,  H  a  laissé  deux  écrits,  entre 
autres  :  Injustice  of  the  law  of  succession  (Londres, 
1855,  3«  éd.).  R.S. 

KING  (William), écrivain  anglais,  néàStepney  (Middle- 
sex)  le  16  mars  1685,  mort  le  30  déc.  1763.  Principal  de 
Sainte-Mary  flall  (Oxford),  secrétaire  du  comte  d'Arran, 
il  a  laissé  un  grand  nombre  de  savants  écrits  en  latin  et 
de  pamphlets  jacobites.  Il  est  plus  connu  par  une  satire  qui 
frappa  Swift  d'admiration,  The  Toast  (Dublin,  1732  ; 
Londres,  1736),  dans  laquelle  il  attaqua  avec  une  violence 
passionnée  plusieurs  personnes  de  l'aristocratie,  entre 
autres  la  comtesse  de  Newburgh,  et  par  ses  intéressants 
mémoires  :  Political  and  Literary  Anecdotes  ofhis  own 
iimes  (Londres,  1818,  in-8).  R.  S. 

KING  (Thomas),  acteur  anglais,  né  à  Londres  le  28  août 
1730,  mort  à  Londres  le  11  déc.  1805.  Il  débuta  en  1748 
à  Drury  Lane  dans  le  Boi  Lear  et  acquit  bientôt  une  re- 
nommée considérable.  Il  fit  près  de  quatre-vingts  créations 
sur  cette  scène  où  il  remporta  des  triomphes.  Après  avoir 
dirigé  quelques  théâtres,  il  succéda  à  Garrick  à  Drury 
Lane.  Il  a  laissé  plusieurs  pièces,  entre  autres  :  Love  at 
first  Sight  (1763)  ;  Wifs  Last  Stake  (1769),  adaptation 
du  Légataire  de  Regnard,  etc.  Il  abandonna  la  direction 
de  Drury  Lane  en  1 785  et  reparut  sur  la  scène.  R.  S. 
KING  (Le  Révére^nd  John-Glen),  archéologue  anglais,  né 
en  1731,  mort  en  1787.  Chapelain  d'une  factorerie  bri- 
tannique à  Saint-Pétersbourg,  il  s'adonna  à  des  travaux 
d'archéologie  et  d'érudition  sur  l'EgHse  orthodoxe.  Pendant 
un  certain  temps  conservateur  des  médailles  de  l'impéra- 
trice Catherine,  il  quitta  la  Russie  pour  revenir  dans  son 
pays  natal  où  on  le  pourvut  d'un  bénéfice,  et  où  il  publia 
divers  ouvrages  estimés. 

KING  (Rufus),  homme  d'Etat  américain,  né  à  Scarbo- 
rough  (Maine)  en  1755,  mort  à  Jamaica  (Long  Island)  le 
29  avr.  1827.  Il  proposa  au  Congrès,  en  1784,  l'aboHtion 
totale  et  immédiate  de  l'esclavage,  devint  sénateur  pour 
l'Etat  de  New  York  (1786)  et  l'un  des  chefs  du  parti  fédé- 
raliste, puis  ministre  plénipotentiaire  auprès  de  la  Grande- 
Rretagne  (1796-1804);  sa  correspondance  diplomatique 
atteste  une  perspicacité  extraordinaire.  Rappelé  à  la  chute 
de  son  parti,  il  rentra  au  Sénat  en  1813  et  y  fit  régler 
l'aliénation  des  terres  publiques,  selon  le  procédé  de  vente 
à  bas  prix  qui  a  beaucoup  contribué  à  la  fortune  des  Etats- 
Unis.  Il  combattit  avec  acharnement  le  compromis  du  Mis- 
souri, fut  encore  quelques  mois  ministre  en  Angleterre 
(sous  J.-Q.  Adams),  et  acheva  sa  vie  dans  la  retraite 
(V.  Etats-Unis,  §  Histoire), 

KING  (Sir  Richard),  amiral  anglais,  né  en  1774,  mort 
le  5  août  1834.  Fils  de  Richard  King  (1730-1806),  ami- 
ral qui  servit  avec  distinction  pendant  les  campagnes  de 
1762  à  1782  et  fut  gouverneur  de  Terre-Neuve  (1793- 
94),  il  entra  fort  jeune  dans  la  marine  et  accomplit  de  nom- 
breux exploits  dans  la  Manche  de  1797  à  1802  ;  il  s'em- 
para notamment  (7  janv.  1797)  de  la  Ville  de  Lorient, 


de  la  Dédaigneuse  (26  janv.  1801)  et  participa  à  la  bataille 
de  Trafalgar  (1805),  où  il  contraignit  les  vaisseaux  FA 
Argonauta  et  le  Berwick  à  amener  pavillon.  Commandant 
en  chef  aux  Indes  (1816-20),  il  fut  promu  vice-amiral  en 
1821.  —  Son  fils,  George-Saint- Vincent-Duckworth 
King,  servit  dans  la  mer  Noire,  pendant  la  guerre  de  Rus- 
sie (1854-55)  et  commanda  en  second  la  brigade  navale 
au  siège  de  Sébastopol.  Il  fut  ensuite  commandant  en  chef 
en  Chine  (1863-67)  et  fut  promu  amiral  en  1875.  Il  mou- 
rut le  18  août  1891.  R.  S. 

KING  (William-Rufus),  homme  d'Etat  américain,  né  à 
Sampson  (Caroline  du  Nord)  le  6  avr.  1786,  mort  à  Dallas 
(Alabama)  le  18  avr.  1853.  Elu  au  Congrès  en  1810,  il 
suivit  Cîay  et  Calhoun,  fut  secrétaire  de  légation  à  Naples 
et  Saint-Pétersbourg  (1816-18),  sénateur  pour  l'Alabama 
(1819-44)  du  parti  démocrate,  ministre  plénipotentiaire  en 
France  (1844-46),  où  il  empêcha  une  protestation  contre 
l'annexion  du  Texas,  réélu  sénateur  en  1848,  puis  prési- 
dent du  Sénat  (1850)  et  vice-président  des  Etats-Unis  (1 852) 
sous  la  présidence  de  Pierce. 

KING  (Phihp-Parker),  amiral  anglais,  né  dans  l'île  de 
Norfolk  le  13  déc.  1793,  mort  à  Sidney  en  févr.  1856. 
Entré  dans  la  marine  en  1807,  il  fut  employé,  à  partir  de 
1817,  au  relevé  de  la  côte  d'Australie,  auquel  il  travailla 
pendant  cinq  ans.  Nommé  membre  de  la  Royal  Society 
(1824),  il  entreprit  en  1825  le  relevé  de  la  côte  S.  de 
l'Amérique  du  Sud,  du  rio  de  la  Plata  à  la  Terre  de  Feu. 
Ce  travail  lui  valut  une  grande  renommée.  Promu  contre- 
amiral  en  1855,  il  avait  depuis  longtemps  quitté  le  service 
actif  et  s'était  établi  à  Sidney  où  il  s'occupait  passionné- 
ment d'agriculture  et  de  colonisation.  Citons  de  lui  :  Nar- 
rative ofthe  Survey  ofthe  intertropical  and  western 
Coastsof  Australia  (Londres,  1727, 2  vol. in-8)  ;  Voyages 
of  the  Adventure  and  Beagle  (1839,  in-8,  t.  I).    R,  S. 

KING  (Edward),  vicomte  Kingsborough  (V.  ce  nom). 

KING  (Richard),  explorateur  anglais,  né  vers  1811, 
mort  à  Londres  le  4  févr.  1876.  Médecin  attaché  à  l'ex- 
pédition de  G.  Back,  à  la  recherche  du  capitaine  Ross 
(1833-35),  d'où  il  rapporta  d'importantes  observations  de 
botanique  et  de  météorologie,  il  fut  un  des  premiers  fon- 
dateurs de  l'Ethnological  Society  (1842).  Il  fit  encore  par- 
tie, en  1850,  de  l'expédition  àla  recherche  de  Franklin.  Ci- 
tons de  lui  :  Narrative  of  Journey  to  the  shore  of  the 
Arctic  Océan  (LonàvQ^,  1836,  2  vol.  in-8)  ;  The  Franklin 
Expédition  from  first  to  last  (1855)  ;  The  Physical  and 
Intellectual  Character  and  industrial  arts  of  the  Es- 
quimaux (1844);  The  Natives  of  Vancouver' s  Island 
and  British  Columbia  (1869)  ;  The  Manx  of  the  Isle 
ofUan  (1870)  ;  The  Laplanders  (1871).  R.  S. 

KING  (Charles-William),  archéologue  anglais,  né  à 
Newport  le  5  sept.  1818,  mort  à  Londres  le  25  mars 
1888.  Il  avait  réuni  une  importante  collection  de  gemmes 
et  de  camées  antiques  qu'il  vendit  en  1878  et  qui  appar- 
tient aujourd'hui  au  Metropolitan  Muséum  of  Art  de  New 
York.  Il  est  l'auteur  d'ouvrages  spéciaux  dont  les  principaux 
sont  :  Antique  Gems  (Londres,  1860,  in-8);  The  Natu- 
ral  History  of  precious  stones  and  gems  (1865,  in-8)  ; 
Antique  Gems  and  Rings  (1872,  2  vol.  in-8).    R.  S. 

KINGA  ou  CUNÉGONDE,  reine  de  Pologne,  née  en 
1224,  morte  en  1292.  Elle  était  fille  de  Bêla  IV,  roi  de 
Hongrie.  Elle  épousa  en  1239  Boleslav  le  Chaste.  Après  sa 
mort  (1279),  elle  fonda  un  monastère  de  clarisses  où 
elle  passa  les  dernières  années  de  sa  vie.  Elle  fut  canonisée 
par  l'Eglise  romaine  qui  célèbre  sa  fête  le24juil. 

KIN6ANI.  Fleuve  de  l'Afrique  orientale,  qui  débouche 
en  face  de  Zanzibar,  à  5  kil.  N,  de  Bagamoyo.  il  descend 
des  monts  Mkambakou. 

KING-CHARLES  (Zool.).  (V.  Chien,  t.  XI,  p.  13). 

KINGENA  (Paléont.)  (V.  Térébratule) . 

KING  GEORGE(Baie).  Baie  duS.-0.de  l'Australie, colo- 
nie d'Australie  occidentale,  par  35^  6';  c'est  un  magnifique 
havre  naturel  ouvert  vers  TE.,  et  au  N.-O.  duquel  se  trouve 
Albany;  elle  fut  découverte  par  Flinders  (1801). 


—  541  — 


KING  GEORGE  —  KINGSTON 


KING^GEORGE  River.  Nom  donné  par  les  Anglais  à  la 
Manissa  ou  Komati,  dans  la  baie  de  Delagoa. 

KINGLAKE  (Alexander-William),  homme  politique  et 
écrivain  anglais,  né  à  Wilton  House,  près  de  Taunton, 
en  1812,  mort  à  Londres  le  2  janv.  1891.  Fils  d'un 
banquier  qui  était  en  même  temps  soliciter,  il  fit  ses  études 
à  Eton,  et,  à  sa  sortie  de  l'université  de  Cambridge, 
se  fit  recevoir  avocat.  Ayant  entrepris  un  voyage  en 
Orient,  il  en  rapporta,  sous  le  titre  à'Eothen,  un  volume 
d'impressions  écrites  d'un  style  vif  et  pittoresque  dans  la 
manière  humoristique  du  Voyage  sentimental  de  Sterne, 
qui  obtint  la  faveur  du  public  et  fut  presque  aussitôt  tra- 
duit dans  toutes  les  langues  de  l'Europe.  Il  reprit  néan- 
moins sa  profession  au  barreau  de  Londres,  collaborant 
entre  temps  à  la  Quarterly  Revieiv  et  à  VEncyclopœdia 
Britannica.  S'intéressant  surtout  à  l'histoire  militaire,  il 
accompagna  à  Alger,  en  1845,  dans  ses  expéditions,  Saint- 
Arnaud  qu'il  devait  retrouver  plus  tard  en  Crimée,  où  il 
fit  la  campagne  en  qualité  de  correspondant.  Après  la  guerre 
d'Orient,  il  écrivit,  à  l'aide  des  papiers  et  des  documents 
que  lui  avait  laissés  lord  Raglan,  ce  livre  qui  lui  donna  tous 
les  titres  à  la  renommée,  Invasion  of  the  Crimea  (\  863- 
87,  8  vol.).  Il  était  entré  au  Parlement  en  1857,  et  fit  une 
virulente  campagne  contre  l'empire  français  et  l'annexion 
de  la  Savoie  et  du  comté  de  Nice.  Dans  son  histoire  de  la 
guerre  de  Crimée,  les  portraits  qu'il  trace  des  généraux  sont 
admirablement  dépeints.  Napoléon  III  n'y  est  pas  ménagé  ; 
aussi  la  traduction  française  qu'en  donna  à  Bruxelles  M.  Kar- 
cher  fut-elle  interdite  pendant  la  durée  de  l'Empire.  Un  cha- 
pitre même,  intitulé  Histoire  du  deux-Décembre^  en  fut 
extrait  et  tiré  à  part.  Citons,  comme  autres  ouvrages  de  Kin- 
glake,  The  Mediterranean  a  French  Lake  (1845)  et  Ma- 
dame de  Lafayette  (1872).  Hector  France. 

KINGO  (Thomas),  poète  religieux  danois,  né  dans  l'île 
de  Seeland  en  1634,  mort  en  1703.  Son  père,  d'origine 
écossaise,  lui  fit  étudier  la  théologie  :  à  vingt-huit  ans  Tho- 
mas Kingo  était  chapelain  ;  quelques  années  plus  tard,  il 
était  pasteur  à  Slangerup,  son  village  natal,  et  à  quarante- 
trois  ans,  il  était  évêque  de  Fionie.  Le  roi  Christian  V, 
frappé  de  la  beauté  de  ses  poésies  religieuses  et  de  ses 
cantiques,  lui  accorda,  en  1683,  des  lettres  de  noblesse. 
Les  œuvres  poétiques  de  Kingo  sont  très  diverses,  mais  sa 
poésie  profane  a  tous  les  défauts  de  l'époque  :  lourdeur, 
affectation  et  emphase  ;  ses  psaumes,  en  revanche,  sont  fort 
beaux  et  d'une  élévation  de  pensées,  d'une  ampleur  de  style 
que  le  Danemark  ne  connaissait  point  encore  et,  dans  ce 
domaine  du  moins,  n'a  guère  retrouvée.  Les  plus  remar- 
quables de  ses  cantiques  et  ceux  qui  sont  encore  les  plus 
populaires  se  trouvent  dans  le  Recueil  de  cantiques  (Aan- 
deligtSjungekor,  1689).  "   Th.  C. 

KlNGSIsLAND  (V.  Ktng  [Ile]). 

KINGSBOROUGH  (Edward  King,  vicomte),  érudit  an- 
glais, né  en  1795,  mort  à  Dublin  en  1837.  Membre  du  Parle- 
ment pour  le  comté  de  Cork  de  1820  à  1826,  il  laissa  son 
siège  à  son  frère  cadet  Robert  et  se  voua  à  l'étude  des  anti- 
quités américaines.  Le  résultat  de  ces  études  fut  la  publica- 
tion de  9  vol.  in-fol.  et  de  60  pages  d'un  10^  volume  resté 
à  l'état  de  projet,  sous  le  titre  général  de  Antiquiiies  of 
Mexico^  SiMec  de  nombreuses  reproductions  des  monuments 
de  la  civilisation  mexicaine,  que  l'auteur  attribue  à  des 
colons  juifs  (1830-48).  Il  dépensa  dans  ce  somptueux  ou- 
vrage plus  de  32,000  livres  sterling,  et,  comme  il  ne  pou- 
vait plus  payer  son  marchand  de  papier,  celui-ci  le  fit 
mettre  à  la  prison  pour  dettes  de  Dublin,  où  il  mourut. 

KINGSLEY  (Charles),  écrivain  anglais,  né  à  Holne,  près 
de  Dartmoor(Devonshire),  le  12  juin  1819,  mort  à  Eversley 
le  23  janv.  1875.  Fils  d'un  pasteur,  il  montra  la  plus  éton- 
nante précocité,  écrivant,  assure-t-on,  des  sermons  et  des 
poésies  à  l'âge  de  quatre  ans.  Après  avoir  achevé  ses  études 
universitaires,  il  entra  dans  les  ordres  malgré  les  doutes 
religieux  qui  le  tourmentaient,  et  fut  nommé  cwra^^d'Evers- 
ley,  dans  le  Hampshire  (1842).  En  1844,  il  épousa  miss 
Grenfell,  qu'il  aimait  depuis  plusieurs  années,  et  dontl'in- 


fiuence  bienfaisante  s'était  plus  d'une  fois  exercée  sur  son 
esprit  inquiet.  Intimement  lié  avec  Maurice,  Froude,  Lud- 
low,  Thomas  Hughes,  il  professa  pendant  un  an  la  litté- 
rature anglaise  à  Queen's  Collège,  qui  venait  d'être  fondé 
avec  Maurice  pour  président,  et  fut,  comme  celui-ci,  un  des 
plus  ardents  champions  du  «  socialisme  chrétien  ».  Un  grand 
nombrede  brochures,  des  romans  hardis  comme  Yeast,  Alton 
Locke,  Hypatia,  WestwardHo!,  des  poésies  remarquables, 
des  livres  à  la  fois  scientifiques  et  littéraires,  comme  Glau- 
eus,  Town  Tkeology,  des  sermons,  des  conférences  et  des 
discours  retentissants,  d'innombrables  articles  sur  les  su- 
jets les  plus  variés  dans  les  magazines  et  les  revues,  fini- 
rent, malgré  les  inimitiés  et  les  persécutions,  par  mettre 
le  grand  talent  et  le  noble  esprit  de  Kingsley  au-dessus  de 
toute  atteinte,  et  par  lui  conquérir  de  haute  lutte  la  place 
qu'il  méritait.  Nommé  professeur  d'histoire  moderne  à  Cam- 
bridge (1859),  il  ne  réussit  que  médiocrement  dans  un  en- 
seignement auquel  ses  études  ordinaires  ne  le  préparaient 
peut-être  pas  suffisamment.  Sa  veuve  lui  consacra  une  pu- 
blication posthume  :  Ch,  Kingsley,  his  letters  and  me- 
moirs  of  his  life  (1876,  2  vol.).  B.-H.  G. 

KINGSLEY  (George-Henry),  littérateur  anglais,  né  à 
Rarnack  le  14  févr.  1827,  mort  à  Cambridge  le  5  févr. 
1892.  Médecin  renommé,  il  avait  inauguré  comme  moyen 
de  traitement  pour  toutes  sortes  de  maladies  les  voyages  à 
l'étranger,  et,  pratiquant  lui-même  sa  méthode,  il  parcou- 
rut le  monde  entier.  Très  brillant  causeur,  écrivain  humo- 
ristique, il  a  laissé  des  récits  de  voyages  qui  ont  eu  grand 
succès,  entre  autres  :  South  Sea  Bubhles  (Londres,  1872, 
in-8,  5^  éd.,  1873j;  A  Gossip  on  a  Sutherland  Ilill- 
side  (1861,  in-8).  R.  s. 

KINGSLEY  (Henry),  Uttérateur  anglais,  né:à  Rarnack 
le  2  janv.  1830,  mort  lo  24  mai  1876,  frère "du  précé- 
dent. Après  un  séjour  infructueux  aux  champs  d'or  d'Aus- 
trahe,  il  publia  sur  les  mœurs  des  mineurs  un>oman  qui 
eut  un  succès  énorme,  The  Recollections  of  Geojfrey 
Hamlyn  (Londres,  1859,  3  vol.).  Persistant  dans  cette 
voie,  il  donna  Ravenshoe  (1862,  3  vol.)  ;  The  Hillyars 
and  Burtons  (1865,  3  vol.)  ;  Mademoiselle  Mathilde 
(1868);  Valentin  (1872);  The  Grange  Garden  (1876, 
3  vol.),  qui  furent  également  remarqués.  Correspondant 
de  VEdinburgh  Daily  Review,  il  assista  à  la  bataille  de 
Sedan  (1«^  sept.  1870),  dont  il  a  parlé  dans  son  roman  de 
Valentin.  r   § 

KING'S  LYNN  (V.  Lynn  Régis).  '    ' 

KINGSMILL  (lies)  (V.  Gilbert  [Iles]). 
KING'S  NORTON.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Wor- 
cester,  à  32  kil.  N.-E.  du  chef-lieu;  34,070  hab.  Stat. 
du  chem.  de  Rirmingham  à  Worcester.  Fabrique  d'armes 
KINGSTON  ou  PORT-CAROLINE.  Ville  d'Australie! 
colonie  de  l'Australie  méridionale,  au  S.-E.  de  la  baie  En- 
counler  ;  excellent  port  au  N.-^S.  du  cap  Bernouilli  ou 
Jaffa  ;  un  chemin  de  fer  la  relie  à  la  colonie  de  Victoria. 

KINGSTON.  Ville  d'Australie,  colonie  du  Queensland, 
jadis  nommée  Oakey  creek;  elle  est  dans  la  presqu'île 
d'York,  sur  la  rivière  Palmer,  affluent  dr.  du  Mitchell. 
Elle  compte  6,200  hab.  dont  5,000  Chinois.  C'est  le  centre 
d'exploitations  d'à llu viens  aurifères. 

KINGSTON.  Ville  d'Australie,  colonie  de  Victoria,  comté 
de  Talbot,  sur  le  chemin  de  fer  de  Balïaarat,  à  148  kil. 
N.-O.  de  Melbourne  ;  très  salubre,  à  510  m.  d'alt.,  sur  le 
versant  N.  de  Forest-Hill  ;  région  riche  et  favorable  aux 
cultures.  Mines  d'or  exploitées  depuis  1877. 

KINGSTON.  Ville  du  Canada,  prov.  d'Ontario,  sur  la 
rive  N.  du  Saint-Laurent,  à  sa  sortie  du  lac  Ontario  et  au 
confluent  du  Cataraqui;  14,091  hab.  Evêchés  catholique 
et  anglican;  université  fondée  en  1847,  collège  catholique 
(Regiopolis),  académie  militaire  ;  fabriques  de  machines, 
de  pianos,  constructions  navales,  distilleries,  brasseries! 
Grand  port  fluvial  possédant  une  flotte  d'un  déplacement 
de  30,000  tonnes  ;  mouvement  de  la  navigation,  1,500,000 
tonnes.  Le  canal  Rideau  (200  kil.)  la  relie  à  Ottawa. 
C'est  une  place  forte  importante,  avec  ses  forts  Frontenac 


KINGSTON  —  KlNKEL 


-  S42  - 


(ancien  fort  Cataraqui)  et  Henry.  Fortifiée  par  Frontenac 
(1673),  elle  fut  la  capitale  du  Canada  jusqu'en  1843. 

KINGSTON.  Ville  des  Etats-Unis  (New  York),  rive 
droite  de  FHudson,  au  débouché  du  canal  de  la  Delaware 
à  riludson  ;  20,000  hab.  Le  faubourg  de  Rondojitlm  sert 
de  port.  C'est  un  grand  marché  agricole  et  centre  d'expé- 
dition de  pierres  de  taille  et  de  ciment  hydraulique.  Fondée 
en  1663  par  les  Hollandais,  la  première  constitution  de 
New  York  y  fut  adoptée. 

Kl  N  GSTO  N .  Ville  des  Etats-Unis  (Rhode  Island)  ;  i  0,000 
hab.  Comprend  Nortli  et  South  Kingston.  Lainages,  co- 
tonnades, métallurgie. 

KINGSTON.  Ville  de  la  Jamaïque,  capitale  de  cette  co- 
lonie anglaise,  au  S.  de  l'île,  sur  la  baie  Hunt;  38,568 
hab.  C'est  le  grand  port  de  la  Jamaïque  (V.  ce  mot),  au 
tond  d'une  lagune  que  sépare  de  la  mer  la  langue  de  terre 
des  Palissades  (16  kil.  de  long)  et  dont  les  forts  de  Port- 
Royal  gardent  l'entrée.  Fondée  en  1693,  après  le  trem- 
blement de  terre  qui  détruisit  Port-Royal,  elle  aune  grande 
importance  commerciale.  La  ville  s'étage  le  long  d'une  col- 
line ;  sauf  quelques  édifices  publics,  les  maisons  n'ont  qu'un 
étage.  Evèché  anglican. 

KINGSTON.  Ville  de  File  Saint-Vincent,  capitale  de 
cette  colonie  anglaise,  sur  la  côte  S.-O.  ;  6,000  hab.  Beau 
port.  Elle  fut  rasée  par  le  cyclone  du  10  ocl.  1780. 

KINGSTON-on-Thames.  Ville  d'Angleterre,  comté  de 
Surrey,  à  16  kil.  S.-O.  de  Londres  (Charing-Cross),  sur  la 
r.  dr.  de  la  Tamise,  au  confluent  de  l'Ewel  ;  20,000  hab., 
50,000  avec  Surbiton  et  New  Kingston,  Stat.  du  chem. 
de  fer  de  Londres  à  Southampton.  On  y  montre  la  pierre 
qui  servait,  dit-on,  de  trône  aux  anciens  rois  du  Wessex. 

KINGSTON-upon-Hull  (V.  Hull). 

KINGSTON  (Richard),  pamphlétaire  anglais  du  xviii^ 
siècle.  Ministre  de  Saint-James  (1665),  chapelain  ordinaire 
de  Charles  H  (1682),  il  est  connu  par  les  controverses 
virulentes  qu'il  soutint  contre  M.  Smith  (V.  ce  nom),  contre 
J.  Freind  et  autres  et  qui  lui  valurent  en  1708  d'être 
arrêté  par  ordre  de  la  Chambre  des  lords.  On  ne  saurait 
citer  ici  tous  ses  pamphlets  politiques.  Mentionnons  les  plus 
connus  :  Pilulœ  pestilentiales  (1665),  sermon  prêché  à 
Saint-Paul  de  Londres  ;  A  True  Ris  tory  of  the  several 
designs  and  conspirâmes  against  H.  M.  sacred  person 
from  1668  to  1691  (Londres,  1 698)  ;  Tyranny  detected 
and  the  late  révolution  justified  (1699);  Impudence, 
lying  and  forger  y  detected  andchastized  (1700)  ;  Apo- 
phtegma  curiosa  (1708).  R.  S. 

KINGSTON  (Duchesse  de)  (V.  Chudleîgh  [Elizabeth]). 

KINGSTON  (William-Henry-Giles),  littérateur  anglais, 
né  à  Londres  le  28  févr.  1814,  mort  près  de  Londres  le 
2  août  1880.  Fils  d'un  commerçant  établi  à  Porto,  il 
écrivit  sur  le  Portugal  des  articles  qui  amenèrent  la  con- 
clusion du  traité  de  commerce  entre  ce  pays  et  l'Angle- 
terre en  1842.  11  est  l'auteur  de  très  nombreux  romans 
dont  les  plus  connus  sont  :  Peter  the  Whaler  (1851)  ; 
The  Cruise  of  the  Frolic  (1860)  ;  The  Three  Midship- 
men  (1873)  ;  My  Travels  in  many  Lands  (1862)  ;  Jovi- 
man  ^1877),  etc.  R.  S. 

KINGSTOWN.  Ville  d'Irlande,  comté  de  Dublin,  sur  la 
rive  S.-O.  de  la  baie  ;  18,585  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer 
de  Dublin  à  Wicklow.  Port  d'attache  des  bateaux  à  vapeur 
qui  vont  à  Liverpool  et  à  Holyhead. 

KING-TCHtOU.  Nom  de  plusieurs  villes  de  Chine  ;  les 
principales  sont  :  1^  Prov.  de  Hou-pe,  r.  g.  du  Yang-tse- 
kiang,  place  forte.  —  2°  Prov.  de  Kan-sou,  à  dr.  duïing- 
ho,  affl.  g.  du  Hoei-ho  (affl.  du  Hoang-ho),  au  N.  des 
monts  Lung-tchan.  —  3<»  Prov.  de  Liao-toung  (Mand- 
chourie),  au  N.  du  golfe  de  Liao-toung,  au  milieu  de  dunes. 
Mauvais  port  ;  entrepôt  du  commerce  de  la  Mandchourie 
avec  le  Petchili. 

KING-TE  TCHEN.  Ville  de  Chine,  province  de  Kiang- 
si,  sur  le  Tchang-kiang,  affl.  dr.  du  Yo-ngan,  tribu- 
taire du  lac  Po-yang.  King-té  tchen  s'appelait  autrefois 
Nan-tchang  ;  mais,  sous  la  dynastie  Song,  pendant  la  pé- 


riode kmg-té  (1004-07),  on  y  fonda  une  manufacture 
pour  fabriquer  des  objets  en  porcelaine  destinés  à  l'empe- 
reur ;  de  là  vint  le  nom  de  King-té  tchen,  qui  signifie  «  bourg 
de  la  période  king-té  ».  Cette  manufacture  a  gardé  jusqu'à 
nos  jours  une  grande  réputation.  Une  histoire  des  porce- 
laines de  King-té  tchen,  publiée  en  1815  par  Tcheng  Tino-- 
koej,  a  été  traduite  en  français  par  Stanislas  Julien,  e^n 
'1856,  sous  le  titre:  Histoire  et  fabrication  de  la  por- 
celaine chinoise.he  P.  d'Entrecolles  a  visité  King-té  tchen 
en  1717  et  en  a  laissé  une  intéressante  description  [Lettres 
édifiantes,  recueil  Xiï,  pp.  261  et  suiv.).  Ce  district  eut, 
dit-on,  au  xyui^  siècle,  plus  de  500  fabriques  et  d'un  million 
d'habitants.  Son  importance  a  beaucoup  diminué.   Ed.  Ch. 

BiBL.  :  Scott,  Com,mercial  Report,  1879,  et  l'art.  Por- 
celaine. 

KIN6-TI.  Nom  posthume  décerné  à  plusieurs  empereurs 
chinois:  1^  Han-hing-ti  (i^6-Ui  av.  J.-C.)  (V.  Han). 
—  2«  Kvng-ti,  roi  du  pays  d'Où,  à  l'époque  des  trois 
royaumes  ;  il  régna  de  258  à  263  ap.  J.-C.  —  3<>  King-ti, 
empereur  de  la  dynastie  Ming.  Son  nom  de  temple  (m.iao 
hao)  est  Tai  tsong.  H  était  monté  sur  le  trône  à  la  fin 
de  l'année  1449,  au  moment  où  son  frère  aîné,  l'empereur 
Yng-tsong,  avait  été  fait  prisonnier  par  les  Mongols  Wa-la 
ou  Oirats  ;  l'année  1450  fut  donc  la  première  de  son  règne. 
Yng4song  fut  relâché  par  les  Mongols  le  huitième  mois  de 
1  année  1450,  mais  Kmg-ti  refusa  de  lui  rendre  ses  Etats. 
Cependant,  en  1457,  Yng-tsong  profita  d'une  grave  ma- 
ladie de  son  frère  pour  reprendre  le  pouvoir.  King-ti  mou- 
rut dès  le  second  mois  de  l'année  1457. 

Kl  N  G-WI LLI  AM'S  Land  (V.  Guillaume  [Terre  du  Roi-l). 
KING-WILLIAM'S  Town.  Ville  de  la  colonie  du  Cap, 
prov.  de  l'Est,  sur  la  r.  g.  deBuffalo  River;  7,193  hab. 
(en  1891).  Centre  commercial,  intermédiaire  du  trafic  avec 
les  districts  de  l'intérieur  et  avec  les  régions  orientales. 
m  !^[^""^^-  ^^^^®  ^e  Chine,  prov.  de  Tche-kiang,  sur  le 
Mekhi.  Jambons  renommés,  pruneaux,  eau-de-vie  de  riz. 
KINKAJOU  (Zool.)  (V.  Coati). 
KINKEL  (Gottfried),  littérateur  allemand,  né  à  Ober- 
kassel,  près  de  Bonn,  le  11  août  1815,  mort  à  Zurich  le 
13  nov.  1882.  Fils  d'un  pasteur,  il  fit  des  études  théolo- 
giques; l'influence  de  Geibel  et  de  sa  femme  (V.  ci-après) 
développa  son  talent  poétique.  Ses  vers  (Gedichte,  Stutt- 
gart, 1843  ;  7«  éd.,  1872)  et  surtout  son  poème  Otto  der 
oc/ife  eurent  un  grand  succès  (Stuttgart,  1843  ;  56^  éd., 
1881).  Son  mariage  provoqua  sa  destitution  de  sa  place  de 
prédicateur  à  Cologne.  Il  écrivit  alors  de  délicieux  récits 
poétiques,  Der  Grobschmied  von  Antwerpen  et  Margret, 
puis  se  jeta  dans  l'agitation  pohtique.  Républicain  militant, 
il  prit  une  part  active  aux  combats  de  mai  et  juin  1849, 
fut  condamné  à  la  prison  perpétuelle;  détenu  à  Naugard' 
puis  à  Spandau,  son  admirateur  Karl  Schurz  le  fit  évader 
(nov.  1850).  Réfugié  à  Londres,  il  y  vécut  de  leçons  et 
conterences,  s'y  remaria;  en  avr.  1866,  il  fut  nommé 
professeur  d'archéologie  au  Polytechnicum  de  Zurich,  publia 
les  versions  complètes  de  ses  poèmes  (1868  et  1872)  Ta- 
nagra,  idylle  (Brunswick,  1883)  et  plusieurs  ouvraoes  sur 
1  histoire  de  l'art. 

Sa  première  femme,  Johanna,  née  Mockel,  née  à  Bonn 
le  8  juil.  1810,  morte  à  Londres  le  15  nov.  1858,  catho- 
lique séparée  de  son  premier  mari  le  libraire  Mathieux, 
puis  divorcée  après  sa  conversion  au  protestantisme,  l'épousa 
le  22  mai  d843.  Elle  avait  un  grand  talent  musical,  une 
imagination  très  vive  et  une  psychologie  très  affinée  qui 
se  reflètent  dans  les  Erzœhlungen  (1849;  3«  éd.,  1883) 
écrites  avec  son  mari,  dans  son  roman  Hans  Ibeles  in 
London  (Stuttgart,  1860,  2  vol.)  et  dans  ses  composi- 
tions musicales  {Vogelkantate,  etc.). 

Leur  fils  Gottfried,  né  à  Poppelsdorf  le  11  juil.  1844 
conservateur  du  musée  des  estampes  à  Zurich,  a  pubhé  : 
Euripides  und  die  bildende  Kunst  (Berhn,  1872)  ;  Kunst 
und  Kultur  im  alten  Italien  vorder  Herrschaft  der 
Rœmer  (Bâle,  1878)  ;  Die  Kulturzustœnde  der  Restau- 
rationsepoche  in  England  (Heidelberg,  1882),  etc. 


KINKÊLIN  (Georges-David-Hermann),  pédagogue  et  sta- 
tisticien suisse,  né  à  Berne  le  14  nov.  4832.  Il  étudia  les 
mathématiques  et  les  sciences  naturelles  à  Zurich  et  Mu- 
nich, les  enseigna  à  Aarbourg,  à  Berne,  )  uis  à  Bâle  où  il 
est,  depuis  4860,  professeur  à  TEcole  technique  supérieure. 
Il  est  en  même  temps  professeur  de  mathématiques  à  l'Uni- 
versité. Il  fait  partie  depuis  longtemps  du  grand  conseil  de 
Bâle  dont  il  a  été  président,  et,  depuis  1890,  il  siège  au 
conseil  national  comme  député  radical  de  Bâle-Yille.  Il  a 
été  réélu  en  4893.  Ses  publications  statistiques  —  M.  Kin- 
kelin  a  présidé  la  Société  suisse  de  statistique  —  concernent 
surtout  les  sociétés  de  secours  mutuels  et  l'enseignement. 
On  lui  doit  aussi  un  Précis  de  géométrie.         E.  K. 

KINKER  (Jean),  philosophe  et  poète  hollandais,  né  à 
Meisliist  en  4764,  mort  à  Amsterdam  en  4845.  Grand  ad- 
mirateur de  Napoléon,  il  fut  cruellement  désillusionné  par 
l'annexion  de  la  Hollande  à  la  France,  et,  en  1814,  il  sa- 
lua avec  enthousiasme  la  création  du  nouveau  royaume  des 
Pays-Bas.  A  cette  époque,  indépendamment  de  ses  travaux 
sur  Kant  et  sur  la  morale,  il  avait  déjà  composé  des  drames 
allégoriques,  traduit  en  vers  hollandais  plusieurs  poèmes  de 
Schiller  et  la  Création  de  Haydn,  et  publié  sur  la  musique 
des  anciens  Grecs  des  études  très  originales.  Appelé  à  oc- 
cuper une  chaire  à  l'université  de  Liège  en  1817,  Kinker 
y  professa  avec  éclat  le  cours  de  littérature,  et  mit  tous 
ses  efforts  à  cimenter  l'union  des  provinces  wallonnes  avec 
la  Hollande  en  propageant  la  connaissance  de  la  langue 
néerlandaise  dans  les  provinces  méridionales  des  Pays-Bas. 
La  révolution  de  1830  brisa  sa  carrière  académique.  Il  re- 
tourna en  Hollande  et  y  passa  ses  dernières  années  dans 
la  retraite.  C'était  un  esprit  supérieur,  un  penseur  cons- 
ciencieux et  sincère,  un  poète  enthousiaste  et  charmant.  La 
liste  complète  des  nombreux  ouvrages  de  Kinker  se  trouve 
dans  Le  Roy  (Liber  Memoralis  de  l'université  de  Liège ^ 
pp.  384-390).  En  voici  les  principaux  :  Ckani  séculaire 
en  Vhonneur  du  xix*^  siècle  (en  holL,  Utrecht,  1801, 
in-8)  ;  Essai  sur  la  critique  de  la  Raison  pure  de  Kant 
(Amsterdam,  1801,  in-8);  la  Création  de  Haydn  tra- 
duite en  vers  hollandais  {id.,  1803,  in-8)  ;  les  Tem- 
pliers, tragédie  (en  holl.  ;  Utrecht,  1805,  in-8);  Théorie 
philosophique  générale  du  langage  (id.,  1820,  in-8); 
Etudes  philosophiques  sur  le  Beau  (id.,  1824,  in-4). 
On  a  pubhé  après  sa  mort  :  le  Dualisme  de  la  raison 
humaine  ou  le  criticisme  de  Kant^  amélioré  sous  le 
rapport  de  la  raison  pure  et  rendu  complet  sous  celui 
de  la  raison  pratique  (Amsterdam,  I8o2,  2  vol.  in-8). 

BiBj..  :  Van  Hall,  Biographie  de  Kinker  (en  holl.); 
Amsterdam,  1850,  in-8. 

KIN-KI-PAO.  Ville  de  Chine,  prov.  de  Kan-sou,  sur  la 
r.  dr.  du  Hoang-ho,  près  de  la  Grande  Muraille,  à  46  kil. 
S.  de  Ning-hia  ;  place  forte  des  musulmans  qui  résista 
longtemps  lors  de  leur  insurrection. 

BiBL.:  RicuTHOFEN,The  Rébellion  in  Shensi  ând  Kansu. 

KINNAIRD  (Carnegie  de)  (V.  Carnegie). 

KINNAIRD  (Barons).  Ancienne  famille  écossaise,  origi- 
naire du  comté  de  Perth  et  qui  prétend  descendre  de  Guil- 
laume le  Lion.  Ses  membres  les  plus  remarquables  sont  : 

George-Patrick,  mort  le  29  déc.  1089,  ami  intime  de 
Monck  et  l'un  des  agents  les  plus  actifs  de  la  Bestauration 
de  Charles  IL  II  reçut  le  titre  de  baron  en  1682. 

Douglas-James-William,  né  le  26  févr.  1788,  mort 
à  Londres  le  12  mars  1830,  ami  de  Byron,  fut  avec  lui 
un  des  directeurs  du  théâtre  de  Drury  Lane.  Il  fut  un  des 
conseillers  d'affaires  du  grand  poète  et  à  sa  mort  insista 
pour  la  destruction  de  ses  Mémoires. 

George~William-Fox,  né  le  14  avr.  1807,  mort  le 
8  janv.  1878,  s'occupa  fort  d'entreprises  philanthropiques 
et,  lié  avec  Bicardo,  Cobden,  Bright,  prit  une  part  considé- 
rable à  l'agitation  contre  les  lois  sur  les  céréales.  Il  se 
plaisait  à  recueillir  et  à  assister  les  réfugiés  polonais  ;  Maz- 
zini  et  Garibaldi  furent  en  excellents  termes  avec  lui. 

Arthur-Fitzgerald,  né  le  8  juil.  1814,  mort  à  Londres 
le  26  avr.  4887,  entra  d'abord  dans  la  diplomatie,  puis 


-  ^^3  -  KINKELIN  --  KINOGAMI 

s'associa  dans  une  importante  maison  de  banque.  Membre 
libéral  de  la  Chambre  des  communes,  il  fut  lui  aussi  un 
philanthrope  très  populaire.  Il  a  laissé  quelques  écrits  : 
Bengal  (1857)  ;  Nine  Months  in  the  United  States 
(1863),  etc.  —  Sa  femme,  Mary-Jane  Hoare  (1816-88),  a 
fondé  une  infinité  d'institutions  charitables  pour  les  femmes 
et  les  jeunes  filles.  R   s. 

KINNEDER  (William  Erskine,  lord)  (V.  Erskine).  ' 
^  KINNESRIN  (ancienne  Chalets).  Ville  de  Syrie,  aujour- 
d'hui ruinée,  dans  la  plaine  marécageuse  où  vient  se 
perdre  le  Koueïk,  après  avoir  arrosé  Alep,  à  environ  15  kil. 
au  S.  de  cette  ville.  Jusqu'au  ix*'  siècle  de  notre  ère,  pros- 
père et  bien  peuplée,  elle  fut  une  des  cinq  principales 
villes  (djond)  de  la  Syrie.  Mais  le  voisinage  d'Alep  et  les 
guerres  incessantes  avec  les  Grecs  ne  tardèrent  pas  à  amener 
sa  décadence,  et  à  l'époque  d'Ibn  Batouta  elle  n'était  déjà 
plus  qu'un  amas  de  ruines.  Dans  ses  environs  se  trouvait 
le  couvent  de  Saint-Simon  (Deir  Siraaân)  où  mourut  le 
khalife  Omar  ibn  Abd  el  Azîz  (729  ap.  J.-C).  L.  Leriche. 

KINNOULL  (Comtes  de).  Ancienne  famille  anglaise  d'où 
est  sortie  la  branche  des  comtes  d'Errol.  Ses  membres  les 
plus  importants  sont  : 

Sir  George  Hay,  premier  comte  de  Kinnoull,  né  en  1572, 
mort  à  Londres  le  16  déc.  1634.  Il  fut  lord  haut  chance- 
lier d'Ecosse  (1622)  et  créé  comte  le  25  mai  1633.  — 
GeorgCy  septième  comte,  mort  le  28  juil.  1758.  Arrêté 
à  Londres  en  1715  pour  avoir  favorisé  la  rébellion  jaco- 
bite,  il  fut  encore  compromis  en  1722  dans  la  conspiration 
de  Richard  Layer  (V.  ce  nom).  l\  fut  ambassadeur  à 
Constantmople  de  1729  à  1737.  —  Thomas,  fils  du  pré- 
cédent, né  en  1710,  mort  le  27  déc.  1787;  membre 
de  la  Chambre  des  communes  depuis  1741,  il  y  jouit 
d'une  certaine  influence  quoiqu'il  fût  un  détestable  ora- 
teur. Lord  de  la  trésorerie  (1754),  il  négocia  d'impor- 
tantes affaires  financières.  Très  répandu  dans  le  monde 
littéraire,,ami  de  Gray  et  de  Pope,  il  fit  partie  en  1758  du 
cabinet  NWcastle  comme  chancelier  du  duché  de  Lan- 
castre.  En  1759,  il  fut  ambassadeur  à  Lisbonne  où  il 
arrangea  le  différend  survenu  à  la  suite  de  la  violation  par 
l'amiral  Boscawen  de  la  neutndité  du  Portugal.        R.  S. 

Kl  NO.  I.  HiSTomE  naturelle.  —  Le  kino  est  un  suc 
desséché  provenant  de  plusieurs  plantes  de  la  tribu 
des  Ptérocarpées  :  le  Pterocarpus  crinaceus  donne  le 
kino  d'Afrique  ou  de  Gambie,  le  Pterocarpus  Draco 
fournissait  autrefois  le  kino  de  la  terre  ferme  et  de  la 
Guadeloupe;  le  Pterocarpus  indiens  donnait  le  kino 
de  Moulmein;  le  Pterocarpus  marsupium,  le  plus 
exploité  actuellement,  fournit  le  kino  de  Malabar.  H  faut 
ajouter  qu'un  certain  nombre  de  résines  sont  importées  sous 
le  nom  de  kino.  Le  kino  dans  le  Pterocarpus  se  présente 
sous  forme  d'une  substance  colorée  en  rouge  brun  dans  les 
diverses  parties  du  rameau,  feuilles,  écorces,  bois.  C'est  une 
substance  rougeàtre,  de  saveur  astringente,  légèrement 
amère.  Sa  composition  chimique  est  analogue  à  celle  du 
cachou;  par  distillation  sèche,  il  donne  de  la'pyrocatéchine 
et,  quand  on  la  fait  fondre  avec  des  alcalis  énergiques,  po- 
tasse ou  soude,  de  l'acide  pyrocatéchique  et  de  la 
phloroglucine.  Le  kino  est  en  partie  soluble  dans  Peau, 
presque  entièrement  soluble  dans  l'alcool.  Il  renferme 
surtout  du  tanin  et  son  emploi  en  thérapeutique  repose 
sur  les  propriétés  du  tanin.  C'est  un  astringent  qui,  pris 
à  la  dose  de  1  gr.  en  trois  à  quatre  fois  dans  les  vingt-quatre 
heures,  a  été  recommandé  dans  la  dysenterie.  Comme  usage 
externe,  il  a  été  préconisé  comme  succédané,  mais  plus  actif, 
du  ratanhia  (4  à  8  gr.  par  litre).  Sa  valeur  spécifique 
contre  la  blennorragie  n'existe  évidemment  pas.    D^  P.  L. 

IL   CîHMiE  L\DUSTRIELLE  (V.  BrUN,  t.   VIII,  p.  234). 

KIN06AML  Lac  du  Canada,  province  de  Québec,  paral- 
lèle au  Saguenay,  long  de  40  kil.,  large  de  800  à  3,500 m., 
profond  de  300  m.  ;  il  est  formé  par  le  Chicontimi  et  se 
déverse  par  trois  rivières  ;  le  Kinogamichich,  qui  rejaillit 
après  un  bref  cours  souterrain  pour  former  le  lac  du  même 
nom  (14  kil.  de  long,  400  m.  de  large),  le  Chicontimi,  et  la 


KINOGAMÏ  -  KIOËRBOË 

rivière  des  Sables,  affluent  du  Saguenay.  Les  bords  du  lac 
Kinogami  sont  des  plus  pittoresques. 

Un  autre  lac  du  même  nom  se  trouve  au  N.  du  lac  Su- 
périeur ;  il  a  88  kil.  de  long  sur  2  kil.  de  large,  et  se  dé- 
verse par  la  rivière  Anglaise  dans  l'Albany,  tributaire  de  la 
mer  d'Hudson  (baie  James). 

Kl  NON  (Paul-Eugène-Ma rie),  jurisconsulte  français,  né 
à  Paris  le  20  févr.  4854.  Il  fit  ses  études  de  droit  et 
s'inscrivit  au  barreau  de  Paris  en  1879;  depuis  cette 
époque,  il  a  partagé  son  temps  entre  la  plaidoirie  et  la 
consultation.  Il  a  publié  une  thèse  sur  r Action  en  nul- 
lité, un  Essai  sur  Berryer  et  une  Logique  universelle 
(1893),  outre  un  grand  nombre  d'articles  de  journaux  et 
de  revues.  Ph.  B. 

Kl  N  ROSS.  Ville.  —  Ville  d'Ecosse,  chef-lieu  du  comté 
de  ce  nom,  sur  le  looch  Leven,  à  l'embouchure  du  Queich  ; 
2,000  hab. 

Comté.  —  Comté  d'Ecosse,  entre  ceux  de  Perth  et  de 
Fife;  188  kil,  q.  ;  7,330  hab.  Jolies  collines  autour  du 
loch  Leven  ;  riches  pâturages  à  bœufs  et  moutons. 

KINSALE  (Geantail),  Ville  maritime  d'Irlande,  comté 
de  Cork,  à  l'embouchure  du  Bandon  ;  5,500  hab.  Vieilles 
maisons  espagnoles,  attestant  l'importance  du  commerce 
fait  avec  l'Espagne  de  1381  à  1601.  Ruines  du  château 
des  Courcy. 

KINSBER6EN  (Jean-Henri  Van),  comte  de  Doggers- 
bank,  amiral  hollandais,  né  à  Doesburg  le  i^^  mai  1735, 
mort  à  Apeldoorn  le  22  mai  1819.  Après  avoir  fait  son  ap- 
prentissage dans  la  marine  hollandaise,  il  passa  en  1770  au 
service  de  la  Russie  comme  chef  d'escadre.  En  1773,  il  força 
les  Dardanelles,  battit  complètement  la  flotte  turque  dans  la 
mer  Noire  et  coula  le  vaisseau  amiral.  Bien  que  comblé  d'hon- 
neurs par  Catherine,  Kinsbergen  rentra  dans  sa  patrie,  et 
fut  chargé  par  le  prince  d'Orange  de  plusieurs  missions  di- 
plomatiques importantes;  il  négocia  notamment  la  paix  avec 
le  sultan  du  Maroc  et  le  dey  d'Alger.  Il  prit  ensuite  une 
part  active  à  la  guerre  contre  l'Angleterre,  et  conquit  à  la 
bataille  navale  de  Doggersbank  le  grade  de  contre-amiral. 
Peu  de  temps  après,  il  repoussa  les  premières  attaques  de 
Dumouriez  et  fut  appelé  au  commandement  en  chef  de  la 
marine.  Destitué  par  le  gouvernement  républicain,  Kins- 
bergen entra  au  service  du  Danemark,  mais,  en  1806,  il 
se  retira  à  Apeldoorn.  Le  roi  Louis  chercha  à  se  l'attacher 
et  lui  conféra  les  titres  de  maréchal  et  de  comte  de  Dog- 
gersbank, mais  l'amiral  ne  consentit  pas  à  quitter  sa  re- 
traite. En  1811,  Napoléon  le  nomma  sénateur  de  l'Empire 
et  grand-croix  de  la  Légion  d'honneur.  Lorsque  la  dynas- 
tie des  Nassau  eut  été  restaurée,  Kinsberger  reçut  le  grade 
d'amiral  et  la  grand'croix  de  Tordre  mih taire  de  Guillaume. 
Les  ouvrages  publiés  par  l'éminent  amiral  sont  nombreux 
et  importants.  En  voici  les  principaux  :  la  Tactique  na- 
vale (en  holL;  Amsterdam,  1784,  in-8);  Description  de 
r  Archipel  au  point  de  vue  militaire  et  maritime  (id.^ 
1794,  in-8);  le  Livre  des  signaux  {id.,  1797,  in-fol., 
rééd.,  1808);  Introduction  à  la  science  de  la  guerre 
navale  (id.,  1798,  in-8).  E.  Hubert. 

KINSKY.  Grande  famille  de  Bohême;  ses  membres  por- 
tent les  uns  le  titre  de  prince,  les  autres  celui  de  comte. 
Elle  s'appelait  primitivement  Vchynsky  (d'un  village  de 
Vchynice).  Ses  origines  remontent  authentiquement  jusqu'à 
Jean  Dlask  de  Vchynice,  un  des  chefs  du  parti  utraquiàte 
au  début  du  xvi*^  siècle.  Sa  famille  conserva  la  même  atti- 
tude. Au  XVII®  siècle,  Vacslav  Kinsky  fut  chambellan  du 
grand-duc  Mathias  et  grand  veneur  du  royaume  de  Bohême. 

—  Guillaume,  marié  à  la  fille  de  Terzka,  confident  de 
Wailenstein,  qui  lui  fit  donner  le  titre  de  comte  (1628),  fut 
tué  avec  son  chef  à  Eger  le  25  févr.  1634  ;  il  avait  conduit 
les  négociations  avec  Feuquières  (V.  Wallenstein).  La 
plus  grande  partie  des  biens  de  Kinsky  furent  confisqués. 

—  François- Ulrich  Kinsky,  né  en  1634,  mort  en  d699, 
joua  un  rôle  considérable  comme  diplomate,  en  Pologne,  au  | 
congrès  de  Nimègue,  etc.,  et  il  fut  chancelier  du  royaume   j 
de  Bohème.  —  Vacslc^H'-Norbert,  né  en  1642,  mort  en 


544  — 

1719,  fut  aussi  chancelier  du  royaume.  C'est  de  lui  que 
descendent  les  deux  branches  de  la  famille  ;  son  fils  aîné, 
François-Ferdinand  (1678-1741),  est  l'ancêtre  de  la 
branche  comtale;  le  prince  Etienne- Guillaume  (f  1749) 
reçut  le  titre  de  prince;  ses  descendants  héritèrent  de 
ceux  de  son  frère  cadet,  Philippe-Joseph  (1700-1749), 
chancelier  du  royaume  (1 738),  autonomiste  obstiné,  quoique 
dévoué  à  Marie-Thérèse,  habile  financier.  —  François- 
Joseph,  comte  Kinsky,  né  à  Prague  en  1739,  mort  à  Vienne 
le  9  juin  1805,  fut  directeur  de  l'Académie  militaire  de 
Neustadt  et  servit  dans  les  guerres  contre  la  Prusse,  la  Tur- 
quie et  la  France.  Ami  des  lettres,  il  publia  un  certain 
nombre  d'ouvrages  militaires  (Vienne,  1806-25.6  vol,)  et 
légua  sa  riche  bibliothèque  à  l'université  de  Prague.  On  lui 
doit  un  curieux  ouvrage,  Erinnerungen  eines  Bœhmen 
iiher  einen  wichtigen  Gegenstand  (Prague,  1774),  où  il 
plaide  en  faveur  de  la  langue  tchèque.  Un  monument  lui  a 
été  élevé  en  1829  à  l'Académie  de  Neustadt.  —  Rodolphe, 
né  en  1802,  mort  en  1836,  fut  un  des  promoteurs  de  la 
Renaissance  tchèque  et  fut  le  premier  créateur  de  la  Ma- 
tice  ceska, 

BiBL.  ;  FoLKMANN,  Die  gefarslele  Linie  des  Geschlechtes 
Kinsky;  l^rague,  IS%1.  —  Grœftiches  Taschenbuch,  éd.  de 

1872. 

KINSOEN  (François),  peintre  belge,  né  à  Bruges  en 
1771,  mort  à  Bruges  en  1839.  Il  vint  faire  ses  études  à 
Paris,  fort  jeune  encore,  et  y  passa  la  plus  grande  partie 
de  sa  vie.  On  lui  doit  quelques  tableaux  d'histoire  et  sur- 
tout des  portraits,  estimés  pour  leur  coloris  vigoureux  et 
juste. 

Kl  NIA.  Ville  de  la  presqu'île  de  Malacca,  principauté  de 
Pérak,  sur  la  rive  droite  d'une  rivière  du  même  nom,  af- 
fluent gauche  du  Sounghi-Pérak,  dans  la  région  des  mines 
d'étain. 

Kl  NTC  H I N  D  J I N  6  A.  Cime  de  l'Himalaya  méridional  entre 
le  Népal  et  le  Sikkim  ;  8,581  m.  (V.  Asie  et  Himalaya). 

KINTYRE  (V.  Cantyre  et  Ecosse). 

KINZIG.  Rivière  du  grand-duché  de  Bade,  affluent  droit 
du  Rhin  ;  née  dans  la  Forêt-Noire,  près  de  Lossburg,  elle 
reçoit  à  gauche  la  Schiltach  et  la  Gutach,  à  droite  le  Wol- 
fach,  passe  à  Haslach,  à  OfFenburg  où  elle  entre  en  plaine, 
reçoit  à  gauche  la  Schutter  et  termine  à  Hehl  son  cours  de 
112  kil. 

KINZIG.  Rivière  de  Prusse,  province  de  Hesse-Nassau, 
affluent  droit  du  Main,  coule  vers  le  S.-E.,  entre  en  plaine 
à  Gelnhausen  et  finit  à  Hanau  ;  elle  a  82  kil.  de  long. 

KINZIGITE  (Miner.).  Roche  grenatifère  régulièrement 
interstratifiée  dans  les  schistes  cristallins  primitifs,  en  par- 
ticuher  dans  la  zone  des  micaschistes  à  minéraux  de  l'étage 
supérieur  où  on  l'observe  disposée  en  amas  lenticulaires 
résultant  de  la  concentration  sur  place  de  grenats  bruns 
manganésifères  associés  au  mica  magnésien,'^  à  l'oligoclase 
et  à  la  fibrolite, 

KINZUA.  Rivière  des  Etats-Unis  (Pennsylvanie),  affluent 
gauche  de  l'Alleghanny,  que  le  chem.  de  fer  New  York- 
Erié  franchit  par  un  viaduc  de  92  m.  de  haut  et  626  de 
long. 

KIŒRBŒ  (Karl-Fredrik),  peintre  animalier  danois,  né 
à  Kristiansfeld  le  l^''  juin  1799,  mort  à  Dijon  le  2  janv. 
1876.  Destiné  d'abord  au  commerce,  il  renonça,  après  di- 
vers séjours  en  Hollande,  à  Altona  et  à  Hambourg,  à  une 
carrière  qui  ne  lui  plaisait  point  et  revint  à  Stockholm  où 
un  oncle  dirigea  ses  études  de  dessin  et  lui  fit  apprendre 
l'anatomie  animale.  11  entra  ensuite  comme  trompette  dans 
la  cavalerie  où  il  obtint,  en  1837,  le  grade  de  capitaine. 
Mais  bientôt  il  donna  sa  démission  pour  se  vouer  tout 
entier  à  un  art  qu'il  avait  continué  à  cultiver  avec  passion 
au  régiment.  En  1840,  il  vint  s'établir  définitivement  à  Pa- 
ris où  il  ne  tarda  pas  à  obtenir  des  succès  au  Salon  annuel. 
Son  Hallali  de  cerf  (1844),  son  Renard  pris  au  piège 
(1846)  et  surtout  son  Inondation  qui  représente  un  chien 
de  Terre-Neuve  sur  le  toit  de  sa  niche  emportée  par  les 
flots  (1850,  musée  de  Lille),  furent  immédiatement  très 


—  r>45  — 


KI(EHB(E  —  KIPPIS 


populaires  et  ont  été  reproduits  nombre  de  fois  par  la  litho- 
graphie. En  4854,  Kiœrbœ  fut  chargé  du  portrait  équestre 
de  Napoléon  IIL  Pendant  plusieurs  années,  sa  production 
fut  régulière  et  presque  toujours  remarquable.  Il  s'était 
établi  à  Monlretout  près  de  Paris  où  il  menait  une  vie  tran- 
quille et  retirée,  tout  entier  à  son  art.  La  guerre  de  4870- 
74 ,  pendant  laquelle  son  atelier  fut  détruit,  bouleversa  sa 
vie,  il  se  retira  à  Dijon  chez  sa  belle-fille,  et  y  vécut  les 
dernières  années  de  sa  vie.  Th.  C. 

KIOKO.  Peuplade  nègre  de  l'Afrique  centrale,  Etat  de 
Monata  Yamvo  (V.  Congo).  Ils  sont  venus  des  sources  du 
Couango,  sur  les  bords  du  Kassaï.  Ils  bâtissent  leurs  villages 
dans  les  forêts,  sont  laborieux,  mais  pillards,  bons  forge- 
rons et  bons  chasseurs,  éleveurs  d'abeilles,  de  chèvres  et 
de  poules,  récoltent  la  gomme,  et  s'avancent  vers  le  N.  à 
mesure  qu'ils  ont  dévasté  les  forêts  de  gommiers.  Ils  sont 
répartis  en  village,  chacun  sous  un  chef  ;  les  chefs  de  vil- 
lages sont  subordonnés  à  des  chefs  de  districts  ou  mouas, 
tributaires  du  Mouata-Yamvo. 

KIOS,  GIO  ou  GEMLIK.  Ville  maritime  de  Turquie 
d'Asie,  vilayet  de  Khodaven-didjar,  sur  la  mer  de  Marmara, 
à  Pembouchure  de  l'Indjir-liman  ;  7,000  hab.  Chantiers  de 
la  marine  officielle;  commerce  de  soie,  coton,  olives  ;  rési- 
dence de  l'archevêque  de  Nicée.  Ce  fut  une  colonie  milé- 
sienne  dont  on  attribuait  la  fondation  à  HérakIès  qui  s'y 
serait  attardé  après  l'enlèvement  d'Hylas  par  les  Nymphes  ; 
elle  porta  plus  tard  le  nom  de  Prusias, 

KIOSQUE.  I.  Architecture.  —  Mot  d'origine  orientale 
désignant  un  petit  édifice,  polygonal  ou  circulaire,  de  cons- 
truction légère,  élevé  en  bois  ou  en  fer  sur  un  soubassement 
de  pierre  ou  de  brique,  et  le  plus  souvent  isolé  dans  un  jar- 
din ou  une  promenade  publique  dans  lesquels  les  kiosques 
servent  de  pavillons  de  plaisance  ou  d'estrade  couverte  re- 
cevant un  orchestre.  On  donne  aussi  ce  nom  de  kiosque 
aux  petits  abris  où  se  tiennent  les  marchands  de  journaux 
et  de  menus  objets  sur  la  voie  publique  et  dans  les  expo- 
sitions. Ch.  L. 

II.  Marine.  —  Petites  constructions  légères,  élevées 
sur  le  pont  des  bâtiments,  sur  les  passerelles  principale- 
ment, affectant  en  général  la  forme  de  petits  pavillons,  qui 
servent  d'abri,  pour  les  cartes  marines,  pour  la  timone- 
rie, pour  les  hommes  de  barre  et  pour  le  commandant 
quand  il  veut  séjourner  longtemps  sur  la  passerelle.  A  bord 
des  cuirassés,  on  appelle,  par  extension,  kiosque  du  com- 
mandant, le  petit  réduit  blindé  où  il  se  tient  pendant  le 
combat.  C'est  là  qu'est  concentrée  la  vie  du  navire  etqu'abou- 
tissent  porte-voix,  téléphones,  fils  éleciriques  d'inflamma- 
tion de  la  batterie,  transmetteur  d'ordres  pour  la  machine, 
que  se  trouve  la  roue  du  Farcotdu  gouvernail  à  vapeur,  etc., 
en  un  mot,  tout  ce  qui  sert  à  faire  connaître  la  volonté  et 
les  ordres  du  chef  dans  toutes  les  parties  du  bâtiment. 

KIOTO  ou  MIAKO.  Ville  du  Japon,  province  de  Yama- 
shiro,  chef-lieu  du  fou  de  Sa\kio,rive  droite  du  Kamo-gava 
(affluent  du  Yado-gava),  à  46  kil.  0.  du  lac  Biva,  au  pied 
du  Hiyé-san  (825  m.),  à  42  m.  d'alt.  ;  308,266  hab.  C'est 
l'ancienne  capitale  du  Japon,  abandonnée  par  le  mikado  en 
4868,  dont  le  nom  officiel  est  Saïkio,  capitale  de  l'Ouest, 
C'est  une  jolie  ville  bâtie  en  parallélogramme  entre  le  Kamo- 
gava  et  le  Katsoura-gava  ;  les  rivières  sont  de  larges  lits 
de  galets,  entre  lesquels  serpentent  de  minces  filets  d'eau  ; 
à  6  kil.  au  S.  se  trouve  sur  le  Yodo-gava  le  port  fluvial 
de  Fousimi^  relié  à  Osaka  par  des  services  réguliers.  Les 
rues  de  Kioto  sont  régulières,  orientées  du  N.  au  S.  et  de 
l'E.  à  rO.,  se  croisant  à  angle  droit,  les  maisons  basses  ; 
on  y  compte  945  temples  (en  4690,  on  en  comptait  plus 
de  6,000),  dont  quelques-uns  fort  beaux  et  vénérés.  Au 
N.-E.  est  le  Gozi^  Daïri  ou  Ktnri,  ancien  palais  des  mi- 
kados, fort  simple;  à  l'O.  le  Nizien  ou  Siro,  château  des 
shogouns,  entouré  de  fossés,  reconstruit  et  admirablement 
décoré  par  Taïko-sama.  A  l'E.  (rive  gauche  du  Kamo-gava), 
le  quartier  de  Ohion  avec  ses  maisons  de  thé.  La  beauté  des 
femmes  de  Kioto  est  célèbre  au  Japon.  La  ville  n'a  plus 
guère  que  le  tiers  de  la  population  qu'elle  comptait  à  la  fin 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —   XXI. 


du  xvii«  siècle  ;  sa  déchéance  politique  lui  a  porté  un  coup 
terrible  ;  cependant  elle  conserve  une  grande  importance 
industrielle  et  commerciale,  grâce  à  ses  tissus  de  soie,  à  ses 
brocarts,  à  ses  broderies,  à  ses  laques,  à  ses  émaux,  à  ses 
bronzes,  à  ses  faïences  du  faubourg  d'Avata,  de.  la  famille 
Rakon,  des  manufactures  GoyoetKiyomidzon,  aux  porce- 
laines Eirakou  (or  sur  fond  rouge),  à  l'excellent  thé  (Oudzi) 
de  ses  environs.  C'est  une  des  cités  saintes  des  Shintos,  quoi- 
qu'ils n'y  comptent  plus  que  93  sanctuaires  (au  lieu  de 
2,127  en  1690,  d'après  Ksempfer).  Son  dialecte  est  le  plus 
pur,  la  langue  httéraire  du  Japon.  A. -M.  B. 

BiBL.  :  V.  Japon. 

KIOTOME  (Chir.).  Canule  d'argent  aplatie,  de  43  à 
45  cent.,  terminée  à  son  extrémité  par  une  échancrure 
latérale  dans  laquelle  est  reçue  la  partie  à  sectionner 
(amygdales,  brides  accidentelles  de  la  vessie  et  du  rectum). 
Tenant  l'instrument  avec  le  pouce,  on  n'a  qu'à  pousser 
uue  lame  mobile,  logée  dans  la  canule,  pour  faire  aller 
l'instrument  et  obtenir  le  résultat  désiré.  D*"  Car. 

KIOU-Fou  ou  KU-Fao.  Ville  de  Chine,  province  de  Chan- 
tojing,  sur  le  Si-ho,  près  du  mont  sacré  de  Taï-chan  ; 
25,000  hab.  C'est  la  patrie  de  Confucius,  le  lieu  de  son 
tombeau  et  le  séjour  du  chef  de  sa  famille,  qui  est  l'objet 
d'une  vénération  religieuse. 

KIOU-KIANG.  Ville  de  Chine,  province  deKiang-si,  entre 
le  lac  Po-yang  et  le  Yang-tse-kiang  ;  elle  avait  800,000  hab. 
avant  l'insurrection  des  Taï-ping,  53,000  en  4893.  C'est 
un  des  ports  ouverts  aux  étrangers  depuis  486i.  Le  com- 
merce porte  surtout  sur  le  thé  et  l'opium  ;  le  climat  est 
chaud,  mais  salubre. 

KIOUNG-TCHÉOU.  Ville  de  Chine,  province  du  Ssé- 
tchouen,  sur  un  affluent  dr.  du  Min  ou  Si-ho;  50,000  hab. 
(descendants  d'immigrants  du  Fo-kien).  Elle  fournit  le  pa- 
pier le  meilleur  de  la  Chine. 

KIOUNG-TCHÉOU-Fou.  Préfecture  et  capitale  de  l'ffe 
chinoise  de  Haï-nan  (V.  ce  mot).  Cette  ville  a  été  déclarée 
ouverte  au  commerce  étranger  par  le  traité  de  Tien-tsin, 
en  1858,  mais  les  autorités  chinoises  se  sont  opposées  long- 
temps à  ce  que  les  Européens  s'y  établissent;  ce  n'est  que 
le  4^»'  avril  4876  que  le  port  de  Hoihow  (en  langue  man- 
darine :  Ilai-keou),  qui  est  à  3  milles  et  demi  de  Kioung- 
tchéou,  fut  ouvert  en  fait  à  nos  négociants.  Ceux-ci  ne  sont 
d'ailleurs  venus  qu'en  fort  petit  nombre.  En  4892,  les  im- 
portations étrangères  ont  atteint  une  valeur  de  864 , 749  taëls  ; 
les  importations  indigènes,  une  valeur  de  237,318  taëls; 
les  exportations,  une  valeur  de  4,001,865  taëls.  Les  im- 
portations étrangères  consistent  surtout  en  toiles  de  coton 
et  en  pétrole  ;  les  principaux  objets  d'exportation  sont  les 
œufs,  les  porcs,  le  tabac  en  feuilles,  le  sucre.       Ed.  Cu. 

Kl  OU-SI  OU.  Une  des  grandes  îles  du  Japon  (V.  ce  mot). 

KIPÂOUA.  Rivière  du  Canada,  province  de  Québec,  qui 
traverse  de  vastes  forêts,  forme  le  lac  Kipaoua(240  kil.  q.) 
et  se  jette  dans  ^Otta^Ya  au  lac  Temiscamineue  :  elle  a 
200  kil.  de  long. 

KIPIN  ou  KOPHEN  (V.  Bactriane). 

KIPPING  (Heinrich),  écrivain  et  archéologue  allemand, 
né  à  Rostock  en  4623,  mort  à  Brème  le  16  févr.  4678. 
D'abord  magister  à  Wittenber^  et  ayant  déjà  le  grade  de 
maître  en  philosophie,  il  fut  pris  et  enrôlé  de  force  par  les 
Suédois,  puis  libéré  par  le  baron  Erskeyn,  qui  fit  de  lui 
son  bibliothécaire.  Il  devint  ensuite  sous-directeur  du  gym- 
nase de  Brème.  A  la  fois  philologue,  théologien,  philosophe 
et  orientaliste,  il  a  publié  de  nombreux  ouvrages,  tant  sur 
les  antiquités  romaines  (Recensus  novus  et  methodicus 
antiquitatum  romanorum,  8  éd.)  que  sur  les  questions 
d'histoire  ecclésiastique,  de  langue,  de  droit  et  d'exégèse 
{InstituUoncs  politicœ  methodicœ,  Brème  et  Francfort, 
in-4«;  Instilutmies  ethicœ,  Instituliones  physicœ,  me- 
thodus  nova  juris  publici,  De  Lingua  hellenica  et  de 
characteribus  novis,  Brème). 

KIPPIS  (Andrew),  littérateur  anglais,  né  à  Nottingham 
en  4725,  mort  en  4795.  Ministre  non-conformiste  à  West- 
minster, un  des  membres  les  plus  éminents  de  la  secte,  il 

35 


KIPPIS  —  KIR-GHEHR 


—  546  — 


a  laissé  de  nombreux  ouvrages  de  théologie  et  de  littéra- 
ture. Il  est  surtout  connu  pour  avoir  entrepris  la  seconde 
édition  de  la  Biograpkia  Britannica  dont  il  publia  cinq 
volumes  (Londres,  4778-93,  in-foL).  Citons  de  lui  : 
A  Vindication  of  the  protestant  disenling  ministers 
(Londres,  4772,  in-8) ,  Life  of  Captain  James  Cook 
(4788,  in-4;  trad.  en  français  par  Castéra,  Paris,  4789, 
2  vol.  in-8)  ;  Lifeof  the  first  earl  of  Shafteshury  (4790, 
in-4), etc.  R.  S. 

KIPPOURIIVI  (Yom)  (V.  Hébreu,  t.  XÏX,  p.  982). 

KIPTCHÂK  (V.  Kaptchak). 

KIR.  Nom  d'une  région  difficile  à  déterminer,  où,  d'après 
la  Bible,  Tiglat-Phalasar  déporta  les  Syriens.  Dans  un  pas- 
sage d'Amos,  ce  pays  est  représenté  comme  le  lieu  d'ori- 
gine des  Syriens.  On  a  proposé  de  trouver  Kir  dans  la  ré- 
gion du  Caucase;  il  vaut  mieux  chercher  au  delà  du  Tigre, 
près  d'Elam  (Elymaïde). 

KIRÂLY  (Paul),  archéologue  hongrois,  né  à  Rev-Ko- 
mâromi  en  4853.  Professeur  et  directeur  du  musée  archéo- 
logique à  Deva,  il  a  dirigé  les  fouilles  de  Vârhely,  l'an- 
cienne Sarmizegethusa,  qu'il  a  fait  connaître,  ainsi  que  le 
culte  de  Mithra  en  Transylvanie,  par  des  monographies  pu- 
bliées sous  les  auspices  de  l'Académie  hongroise.  Il  a  publié 
aussi  dans  le  Haut  Szemle  des  études  sur  Metternich  et 
sur  la  Serbie. 

KIRÂLY  DE  Dada  (Paul),  géographe  hongrois,  né  en 
4844.  Professeur  à  Budapest,  il  a  été  chargé  de  la  rédac- 
tion française  du  Bultetin  de  la  Société  de  géographie, 
et  dans  une  série  d'ouvrages  dont  quelques-uns  sont  des 
adaptations  de  Reclus,  il  a  donné  un  exposé  complet  de  la 
géographie  nationale  comme  des  éléments  de  la  géographie 
universelle. 

KIRALYHAGO.  Mont  de  Hongrie,  dans  le  massif  du 
Kraszna,  entre  le  Kœrœs  rapide  et  Szamos;  589  m.  d'alt. 

Kl  RATAS.  Dans  la  littérature  sanscrite,  c'est  le  nom  d'une 
tribu  forestière  et  montagnarde  de  l'Hindouslan  oriental. 
Le  Rdmâyana  les  décrit  comme  des  hommes-tigres,  man- 
geurs de  poisson  cru.  Un  épisode  célèbre  du  Mahâbhârata, 
repris  ensuite  par  le  poète  Bhâravi,  fait  battre  le  dieu 
Siva,  sous  le  déguisement  d'un  Kirâta,  avec  le  héros  Ar- 
jouna.  Il  s'agit  évidemment  d'une  tribu  aborigène.  Ce  sont 
peut-être  les  Cirradhœ  que  les  historiens  classiques  pla- 
cent sur  la  côte  de  Coromandel. 

KIRBERG  (Otto),  peintre  allemand,  né  à  Elberfeld  le 
46  mai  4850.  Elève  de  Sohn  à  Dusseldorf,  il  a  retracé  en 
d'excellents  tableaux  de  genre  la  vie  des  pêcheurs  néer- 
landais :  Das  Opfer  der  See  (4876,  musée  de  Berlin)  ; 
Sorgenvolle  Stunden  (4880);  Hollœndische  Kirmeszene 
(1883),  etc. 

KIRBY  (Joshua),  dessinateur  anglais,  né  dans  le  comté 
de  Suffolken  4746,  mort  à  Kew  en  4774.  Eils  d'un  maître 
d'école  dont  l'album  de  vues  topographiques,  le  Voyageur 
en  Suffblk,  avec  notices,  ne  manque  pas  de  valeur,  il  con- 
tinua l'œuvre  paternelle  en  s'attachant  aux  monuments,  et 
grava  lui-même  une  partie  de  ses  planches.  Gainsborough, 
qui  était  son  ami,  le  poussa  vers  le  paysage.  Il  fit  un  cours 
de  perspective  linéaire  à  l'Académie  de  Saint-Martin's 
Lane,  puis  fut  professeur  de  dessin  d'architecture  du 
prince  de  Galles  et  conservateur  du  palais  royal  de  Kew, 
dont  il  a  laissé  des  vues.  ~  Son  fils,  William^  fut  aussi 
artiste. 

KIRBY  (William),  naturaliste  anglais,  né  à  Wittnesham 
(Suffolk)  le  49  sept.  4759,  mort  à  Barham  (SufFolk)  le 
4  juil.  4850.  Il  était  pasteur  à  Barnham.  On  lui  doit  :  Mono- 
graphia  apium  Angliœ  (Ipswich,  4802,  2  vol.)  ;  Intro- 
duciioîi  to  entomology^  avec  Spence  (Londres,  4815-26, 
4  vol,  in-8).  D^  L.  Hn. 

KIRCH  (Gottfried),  astronome  allemand,  né  à  Guben 
(Lusace)  le  48  déc.  4639,  mort  à  Berlin  le  25  juil.  4740. 
H  fut  d'abord  l'élève  d'Hévélius,  à  Dantzig,  puis  il  résida 
dans  plusieurs  villes  d'Allemagne,  vivant  de  la  confection 
de  calendriers  fort  goûtés  du  public  (1667  et  suiv.).  Des 
Ephemeriden^  qu'il  fit  paraître  pour  la  première  fois  à 


Leipzig  en  4681,  obtinrent  également  un  très  grand  suc- 
cès et,  en  4700,  il  fut  appelé  par  Frédéric  P^  à  Berlin, 
où  il  devint  astronome  de  la  nouvelle  Académie  des  sciences, 
puis  directeur  de  l'Observatoire  (4706).  Il  est  l'auteur  d'im- 
portants travaux  sur  les  comètes,  sur  les  nébuleuses,  sur 
les  étoiles  variables,  sur  la  mesure  des  planètes,  etc.  Il 
découvrit,  à  Cobourg,  le  44  nov.  4660,  la  comète  pério- 
dique de  Newton.  Outre  ses  Ephemeriden  (4684-4702) 
et  de  nombreux  mémoires  insérés  dans  les  Philosophical 
Transactions,  dans  les  Acta  eruditorum  et  dans  les 
Miscellanea  Berolinensia,  il  a  publié  :  Wundersten  am 
Halse  des  Wallfisches  (Leipzig,  4678,  in-4)  ;  Calen- 
darium  christianum,  judaicum  et  turcicum  (Nurem- 
berg, 4685  et  suiv.),  etc.  —  H  fut  beaucoup  aidé  dans  ses 
observations  et  dans  la  rédaction  de  ses  Ephemeriden 
par  sa  seconde  femme,  Maria-Margaretha  Winkelmann 
(4678-4720),  qui  découvrit  la  comète  de  4702  et  qui  pu- 
blia personnellement  quelques  opuscules  sur  des  conjonc- 
tions de  planètes,  ainsi  que  plusieurs  almanachs. 

Leur  fils,  Christfried  (1694-4740),  devint,  comme  son 
père,  astronome  de  l'Académie  de  Berlin  et  directeur  de 
l'Observatoire  de  cette  ville  (4717).  Il  fut  nommé,  en  outre, 
en  1723,  correspondant  de  l'Académie  des  sciences  de  Pa- 
ris. C'était  à  la  fois  un  érudit  et  un  savant.  H  a  publié  une 
grande  quantité  de  mémoires  et  de  notes  et  un  ouvrage 
considérable  :  Observationes  aslronomicœ  selectiores  in 
observatorio  regio  Berolinensi  habitœ,  etc.  (Berlin,  4730, 
in-4),  qui  contient  notamment  des  éclaircissements  sur  la 
chronologie  des  Tartares  et  des  Mongols.  Il  a  continué  les 
Ephemerideîi  et  le  Calendarium  de  son  père.  Ses  trois 
sœurs,  principalement  Christine  (4696-4782),  l'aidèrent 
dans  ses  observations  et  ses  calculs.  L.  S. 

BiBL.  :  BoDE,  Astronomisches  Jahrbuch,  1816,  pp.  111- 
114. 

KIRCH  BACH  (IIugo-Ewald,  comte  de),  général  prus- 
sien, né  à  Neumarkt  (Silésie)  le  23  mai  4809.  Elève  des 
écoles  des  cadets  de  Kulm  et  Berlin,  il  avança  lentement,  se 
distingua  dans  la  campagne  de  Bohême  (4866)  où  il  com- 
mandait la  40^  division  d'infanterie,  reçut  en  4870  le 
commandement  du  5^  corps,  eut  une  part  aux  victoires  de 
Wissembourg,  Reischshofen  et  Sedan  où  il  occupa  la  route 
de  Mézières,  compléta  l'investissement  de  Paris  par  l'occu- 
pation de  Versailles  qu'il  couvrit  durant  tout  le  siège,  diri- 
gea notamment  la  bataille  de  Buzenval.  H  fut  anobli  en 
1 880  quand  il  prit  sa  retraite, 

KIRCHBERG.  Nom  de  plusieurs  villes  d'Allemagne  : 
4°  dans  le  district  de  Coblentz  ;  4,400  hab.  La  plus  vieille 
ville  du  Hunsrùck  (4249).  —  2«  En  Saxe,  cercle  de  Zwi- 
ckau;  7,000  hab.  Filatures,  toiles,  lainages.  —  3°  En 
Wurttemberg,  cercle  de  Jagst,  château  et  collections  du 
prince  de  Hohenlohe.  —  4<*  En  Wurttemberg,  cercle  du 
Danube,  sur  l'iller,  ch.-l.  d'une  seigneurie  des  Fugger. 

KÎRCHBERG.  Village  de  Suisse,  cant.  de  Berne,  sur  la 
rivière  Emme;  1,512  hab.  Jolie  situation  sur  une  émi- 
nence;  tissage  de  coton. 

KIRCHBÉRG-AM-V^ALD.  Village  d'Autriche,  prov.  de 
Basse-Autriche,  sur  la  Thaya;  château  où  résida  longtemps 
le  roi  de  France  Charles  X. 

KIRCHBERGER  (Nicolas-Antoine),  baron  de Libiestorf, 
pubiiciste  suisse,  né  à  Berne  le  13  janv.  4739,  mort  en 
4800.  Devenu  militaire  au  service  étranger,  en  garnison  à 
Maastricht,  il  s'occupa  de  philosophie  et  entretint  des  rela- 
tions avec  Bernoulli,  J.-J.  Rousseau  et  plusieurs  philo- 
sophes mystiques.  Rentré  au  pays,  devenu  membre  du  con- 
seil souverain  de  Berne,  il  continua  ses  travaux,  écrivit 
une  Histoire  de  la  vertu  helvétique  {M\e,  4765),  et  tra- 
duisit les  ouvrages  de  Jacob  Boehme  (V.  ce  nom). 

KIR-CHEHRou  KIR-CHÉIR.  Ville  de  Turquie  d'Asie, 
à  76  kil.  N.-O.  de  Kaisarieh,  chef-lieu  d'un  sandjak  du 
vilayet  d'Angora,  dans  une  vallée  latérale  du  Kizil-Irmak  ; 
8,500  hab.  On  y  fabrique  beaucoup  de  ta^ùs  ou  portières 
de  Kararaanie  en  laine  rose.  C'est  dans  cette  ville  qu'on 
fait  les  sedjadês  les  plus  fins  et  les  plus  appréciés  (20  à 


40  fr.  la  pièce)  ;  mosquée  seldjoucide.  Vue  des  collines, 
cette  ville  qui  a  17  kil.  de  long  et  5  de  large  apparaît  comme 
un  immense  jardin  oii  les  maisons  sont  éparpillées, 
BiBL.  :  ViTAL-CuiNET,  I,  323-343. 

KIRCHENTAG  (V.  Diète  ecclésiastique). 

KIRCHER  (Le  P.  Athanasius),  savant  et  philologue  al- 
lemand, né  à  Geisa,  près  de  Fulda,  le  2  mai  4602,  mort  à 
Rome  le  28  noY.  1680.  Elève  des  jésuites,  il  entra  en 
1618  dans  leur  ordre,  passa  les  années  qui  suivirent, 
comme  étudiant  et  comme  répétiteur,  dans  leurs  collèges 
de  Munster,  de  Cologne,  de  Coblentz,  de  Mayence,  tut 
nommé  en  1630  professeur  de  philosophie,  de  mathéma- 
tiques et  de  langues  orientales  à  Wurzbourg,  s'enfuit  en 
1631  à  l'approche  des  troupes  de  Gustave-Adolphe,  qui 
avaient  envahi  la  Bavière,  puis  quitta  tout  à  fait  l' Alle- 
magne et  vint  chercher  un  refuge  à  Avignon  (1633-35). 
De  là  il  se  rendit  à  Rome,  où  il  fut  pendant  huit  ans  pro- 
fesseur de  mathématiques  au  CoUegio  Romano  (163343). 
Il  consacra  presque  exclusivement  le  reste  de  sa  vie  à  des 
travaux  de  linguistique  et  d'archéologie.  Homme  d'un  vaste 
savoir  et  d'une  brillante  imagination,  mais  superficiel,  pré- 
somptueux et  crédule,  le  père  Kircher  manquait,  pour  mé- 
riter la  grande  célébrité  dont  il  jouit  parmi  ses  contemporains, 
de  deux  qualités  essentielles  que  ne  pouvaient  malheureu- 
sement remplacer  ni  sa  remarquable  puissance  de  travail, 
ni  sa  prodigieuse  mémoire  :  le  jugement  et  le  sens  critique. 
Il  voulut  en  outre  trop  embrasser,  et  ses  nombreux  ouvrages, 
qui  traitent  tour  à  tour  de  magnétisme,  d'optique,  de  gno- 
monique,  d'acoustique,  de  musique,  d'astronomie,  de  mé- 
canique, d'arithmétique,  d'histoire  naturelle,  de  médecine, 
de  philosophie,  de  théologie,  de  philologie,  de  pasigraphie, 
d'archéologie,  d'histoire,  de  géographie,  voire  même  de 
prestidigitation  et  de  magie,  n'eurent  jamais,  malgré  leur 
vif  succès,  qu'assez  peu  de  valeur  intrinsèque.  Tout  au 
plus  y  trouve-t-on  quelques  savantes  dissertations  sur  la 
musique  des  anciens,  sur  la  nature  et  la  propagation  du 
son,  sur  les  miroirs  d'Archimède,  sur  le  Latium,  et  de  pré- 
cieux documents  pour  l'étude  des  écritures  copte  et  chi- 
noise, qu'il  a  l'un  des  premiers  tenté  de  déchiffrer.  Comme 
ils  n'offrent  plus  guère  en  tous  cas  qu'un  intérêt  de  curio- 
sité, nous  nous  borneronsà  donner  les  titres  des  plus  impor- 
tants. —  I.  Ouvrages  scientifiques  :  A^^s  magnesia{WixrZ' 
bourg,  1631,  in-4,  très  rare)  ;  Spécula  Melitensis 
encyclica  (Messine,  1638,  in-i2,  très  rare)  ;  Magnes  sive  de 
arte  mag7ietica {Kome,  1641,  in-4;  3^  éd.,  16o4,in-foi.)  ; 
Ars  magna  lucis  et  umbrœ (Rome,  1646,  in-fol.  ;  2®  éd., 
Amsterdam,  1671)  ;  Musurgia  uniuersalis  (Rome,  1650, 
2  vol.  in-fol.  ;  2®  éd.,  Amsterdam,  1662)  ;  Mundussub- 
terraneus  (Amsterdam,  1664,  2  vol.  in-fol.;  3®  éd., 
1678);  Magneticum  naturœ  regnum  (Rome,  1667, 
in-4)  ;  Phonurgia  nova  de  prodigiosis  senorum  efjec- 
tibus  (Campidona,  1673,  in-fol.;  trad.  allem.,  1684); 
Tariffa  Kircheriana^  sorte  de  barème  (Rome,  1679,  in-8). 
—  IL  Ouvrages  de  philologie,  d'archéologie  et  de  théo- 
logie :  Prodromus  coptus  sive  œgyptiacus  (Rome,  1636, 
in-4)  ;  Lingua  œgypliaca  restituta {Rome ,  1644,  in-4); 
OEdipus  œgyptiacus^  son  oeuvre  la  plus  considérable 
(Rome,  1652-54,  4  vol.  in-fol.)  ;  Polygraphia,  essai  de 
pasigraphie  (Rome,  1663,  in-fol,,  rare;  2*^  éd.,  Amster- 
dam, 1680)  ;  China  monumentis  illustrata  (Amsterdam, 
1667,  in-fol.  ;  trad,  franc,  par  d'Alquié,  1670);  Latium, 
id  est  Latii  tum  veteris  tum  novi  descriptio  (Rome, 
1669,  in-fol.;  2^  éd.,  Amsterdam,  1671);  Arca  Noe 
(Amsterdam,  1675,  in-fol.);  Turris  Babel  (Amsterdam, 
1678,  in-fol.)  ;  Epistolarum  fasciculus,  recueil  pos- 
thume publié  par  J.-A.  Langenmantel  (Augsbourg,  1684, 
in-8).  Il  a  inventé  plusieurs  instruments  et  machines,  entre 
autres  un  arithmomètre,  un  pantomètre,  un  orgue  mathé- 
matique,—  ces  deux  derniers  décrits  par  le  P.  Schott,  — 
et  peut-être  aussi  la  lanterne  magique.  Il  avait  réuni  à 
Rome  l'un  des  plus  riches  cabinets  de  physique,  d'histoire 
naturelle  et  d'antiquités,  le  Muséum  Kircherianum,  qui 
est  depuis  1870  la  propriété  de  l'Etat.      Léon  Sagnet. 


-  547  --  KIR-CHEHR  -  KlRCHHOFf^ 

BiBL.  :  Autobiographie  dans  VEpislolamm  fasciculus 
(V.  ci-dessus).  — J. -S.  Kestler  ,Phijsiologia  Kircheriana. ; 
Amsterdam,  11)80,  in-foi.  —  J.  de  Sepi,  Romani  Colle- 
giiMusœu7n;  Amsterdam,  1678,  in-fol.  ~  Le  P.  Buo- 
NANNi,  Musdeum  Kircherianum  ;  Home,  1709,  in-fol.  — 
J,-A.  Battara,  id.;  Rome,  1773,  in-foL 

Kl  RCH  H  El  M-unter-Teck.  Village  d'Allemagne,  royaume 
de  Wurttemberg,  cercle  du  Danube,  au  N.-O.  du  Rauho 
Alb,  au  pied  d'un  château  ruiné;  7,000  hab.  Grands  mar- 
chés agricoles,  surtout  pour  la  laine  (16,000  quintaux  par 
an);  filatures  de  laines;  cotonnades,  damas,  etc. 

Kl  RCH  HO  FF  (Théophile-Sigismond-Constantin),  chi- 
miste russe,  né  à  Teterov  le  4  févr,  (nouv.  st.)  1764,  mort 
à  Saint-Pétersbourg  le  4  févr.  (nouv.  st.)  1833.  Il  fut  di- 
recteur de  la  pharmacie  centrale  de  Saint-Pétersbourg  et 
membre  de  l'Académie  des  sciences  de  cette  ville.  Il  trouva 
en  1797  un  procédé  pour  la  production  du  cinabre  (sul- 
fure de  "mercure)  par  voie  humide  (Annalen  de  Crell, 
1797, 1,  480).  Il  eut  l'idée,  le  premier,  en  1811,  d'extraire 
la  glucose  de  la  fécule  de  pomme  de  terre  (Nord.  Blœtter, 
de  Scherer,  1817, 1,  134)  et  il  imagina,  pour  sa  prépara- 
tion industrielle,  le  traitement  par  l'acide  sulfurique  dilué 
qui  a  été  presque  exclusivement  employé  jusque  dans  ces 
derniers  temps  (V.  Glucose,  t.XVIII,  pp.  1095  et  1098). 
On  lui  doit  aussi  l'analyse  du  sulfate  de  baryte  par  voie 
humide.  Ses  écrits  ne  comprennent  guère  que  des  mémoires 
en  allemand,  insérés  dans  le  recueil  de  Scherer.    L.  S. 

KIRCHHOFF  (Gustav-Robert),  physicien  allemand,  né 
à  Kœnigsberg  le  12  mars  1824,  mort  à  lîerlin  le  7  oct. 
1887.  Il  fut  successivement  privat-docent  à  l'université  de 
Berlin,  professeur  à  Breslau  de  1850  à  1854,  professeur 
de  physique  à  Heidelberg  (1854-74),  puis  à  partir  de  ce 
moment  professeur  à  Berlin.  On  doit  à  Kirchhoff  des  dé- 
couvertes de  premier  ordre  parmi  lesquelles  il  convient 
de  citer  d'une  façon  toute  spéciale  son  étude  sur  le  spectre 
solaire  et  sur  l'analyse  spectrale.  Ses  divers  mémoires,  à 
l'exception  de  quelques-uns  publiés  depuis,  se  trouvent 
réunis  dans  un  volume  qui  a  paru  à  Leipzig  en  1882, 
Gesammelte  Abhandliingen  von  Kirchhoff.  îl  avait  pu- 
blié, dès  1862,  son  fameux  ouvrage,  Untersiichungen  ûber 
das  Sonnenspectrum,  et  des  leçons  de  mécanique  pro- 
fessées à  Heidelberg  et  à  Berlin,  Vorlesungen  ûber  Ma- 
thematische  Physik.  Ses  remarquables  travaux  ont  porté 
pour  la  plupart  sur  des  questions  de  physique  mathéma- 
tique. En  électricité,  on  lui  doit  une  généralisation  de  la  loi 
d'Ohm,  des  étudessurla  distribution  de  l'électricité  sur  deux 
corps  en  présence,  et  sur  la  décharge  de  la  bouteille  de  Leyde, 
une  détermination  de  la  constante  des  courants  d'induc- 
tion, 11  a  publié  divers  mémoires  sur  l'élasticité  des  corps 
dont  les  deux  derniers  datent  de  1884. 

Son  étude  mathématique  et  expérimentale  de  la  radia- 
tion faite  entre  1857  et  1860  eut  un  retentissement  con- 
sidérable ;  il  explique  la  présence  dans  le  spectre  solaire 
des  raies  noires  observées  en  1802  pour  la  première  fois 
par  AYoUaston  et  retrouvées  par  Fraunhofer  en  1817;  il 
montre  comment  on  doit  interpréter  la  coïncidence  des 
raies  noires  de  ce  spectre  et  des  raies  brillantes  des  spectres 
des  métaux,  coïncidence  entrevue  parBrewster  et  Angstrom  ; 
il  en  déduit  une  théorie  sur  la  constitution  du  soleil  et 
reconnaît  en  dressant  des  cartes  spectrales  de  la  lumière 
solaire  que  cet  astre  contient  la  plupart  des  métaux  que 
nous  connaissons  sur  la  terre  ;  il  étend  d'ailleurs  celte 
étude  à  d'autres  astres  et  donne  sur  la  nature  des  maté- 
riaux qui  les  constituent  des  renseignements  précis  et 
absolument  inespérés  ;  aussi  cette  découverte  a-t-elle  excité 
une  grande  admiration  :  après  avoir  avec  Nev^ton  pesé  les 
planètes,  après  avoir  mesuré  leurs  volumes,  on  arrivait  avec 
Kirchhoff  à  connaître  les  éléments  chimiques  qui  s'y  trouvent. 
Les  études  que  Kirchhoff  entreprit  avec  Bunsen  sur  l'analyse 
spectrale  ont  rendu  les  plus  grands  services  aux  chimistes 
qui  cherchent  des  éléments  nouveaux.  Tous  ceux  qui  ont 
été  découverts  depuis  cette  époque  l'ont  été  grâce  aux 
procédés  de  l'analyse  spectrale.  Kirchhoff  et  Bunsen,  du 
reste,  ont  montré,  dès  le  début,  la  fécondité  de  la  nouvelle 


KIRCHHOFF  —  KIRGHIS 


—  548  — 


méthode  en  découvrant  deux  nouveaux  métaux,  le  rubi- 
dium et  le  césium.  Depuis  on  a  appliqué  Fanalyse  spectrale 
non  seulement  à  l'étude  des  éléments,  mais  encore  à  l'étude 
de  composés  très  divers  (p.  ex.,  recherche  de  l'oxyde  decar- 
bonedansle  sang).  La  découverte  de  l'analyse  spectrale  cons- 
titue le  plus  beau  titre  de  gloire  de  Kirchhoff.  A.  Joannis. 
Lois  DE  KmcHHOFF  (V.  Courant). 
KIRCHHOFF  (Adolf),  philologue  allemand,  né  à  Berlin 
le  6  janv.  4826.  11  professa  au  gymnase  de  Joachimsthal 
(1846-65),  puis  à  l'université  de  Berlin.  C'est  un  des  phi- 
lologues et  des  épigraphistes  les  plus  renommés  de  l'Eu- 
rope. Ses  principaux  travaux  de  philologie  grecque  sont  : 
Die  Homerische  Odyssée  (édition  complète,  Berlin,  1879); 
Die  Abfassungszeit  des  Herodotischen  Geschichstswerks 
(1868  ;  2^  éd.,  1878);  des  éditions  critiques  de  Plotin  (Leip- 
zig, 1836,  2  vol.),  Euripide  (1867-68,  3  vol.),  d'Eschyle 
(1880)  et  de  la  République  des  Athéniens  de  Xénophon 
(1874;  2^  éd.,  1881). Parmi  ses  travaux  épigraphiques  il 
faut  indiquer:  Die  umbrischen  Sprachdenkmœler (Si\ec 
Aufrecht,  Berhn,  1849-51,  2  vol.);  Bas  Stadtrecht  von 
Bantia  (1852);  Das  gotische  Runenalpkabet  (1852)  et 
Die  frœnkischen  Bunen  (1855,  dans  le  Zt.  fur  deut- 
sehes  Altertum  de  Haupt).  Dans  le  Corpus  inscriptionum 
grœcarum^  il  a  fourni  pour  le  t.  I®^  les  inscriptions  an- 
térieures à  Euclide  ;  pour  le  t.  IV  les  inscriptions  chré- 
tiennes; enfin  il  a  écrit  :  Sludien  %ur  Gesch,  des  griech. 
Alphabets  (1868;  4«  éd.,  1887). 

Ses  frères,  Albrecht,  né  en  1827,  et  Otto,  sont  libraires 
à  Leipzig  ;  le  premier  a  publié  :  Beitrœge  %ur  Gesch. 
des  deutschen  Buchhandels  (1851  -53);  Die  Handschrif- 
tenhœndler  des  Mittelalten  (1853  et  1855);  Die  Ent- 
ivickelung  des  Buchhandels  in  Leipzig  (Jusque  vers  le 
milieu  du  xvi«  siècle)  (1886),  etc.  A. -M.  B. 

KIRCHMAIER  (Georg-Kaspar),  chimiste  et  érudit  alle- 
mand, né  à  Uffenheim  (Franconie)  le  29  juiL  1635,  mort 
à  Wittenberg  le  28  sept.  1700.  11  fit  ses  études  à  l'uni- 
versité de  cette  dernière  ville  et  y  fut  longtemps  profes- 
seur d'éloquence.  Il  avait  la  double  réputation  d'un  savant 
distingué  et  d'un  philologue  très  instruit.  On  lui  doit  no- 
tamment d'importants  travaux  sur  le  phosphore  (ce  qui  lui 
valut  le  surnom  de  Phosphorus)^  sur  la  métallurgie  et  l'art 
des  mines,  sur  la  minéralogie,  sur  les  langues  celtique, 
slave  et  orientales.  Il  s'occupa  aussi  beaucoup  de  numis- 
matique. Il  aurait  découvert  la  gravure  sur  verre  au  fluo- 
rure (1679).  Ses  ouvrages,  au  nombre  de  cent  cinquante, 
traitent  de  presque  toutes  les  branches  des  connaissances 
humaines.  Nous  ne  citerons  que  les  principaux  :  Disser- 
tatio  pro  hypothesi  Tychonica  (ontra  dogma  Coperni- 
canum  (Wittenberg,  1658,  in-4);  De  Lexicis  et  lexico- 
graphis  (id.^  1662,  m-A)  ;  Noctiluca  constans,  etc.  {id., 
1676,  in-4)  ;  De  Phosphoro  {id.,  1680,  in-4)  ;  De  Lingua 
scytho-celiicâ  et  gothicd{id,,  1686);  Insiitutiones  me- 
tallicœ  (id.,  1687,  in-4)  ;  Métal lomorphosis  {id.,  1693, 
in-4)  ;  De  Origine  linguœ  Slavonicœ  (id.^  1697,  in-4)  ; 
Constantinus magnus  {id,^  1698,  in-4);  De  Calendis 
calendarioque  Romanum  veterum{id.^  1700).  L.  S. 
BiBL.  :  C.-S.  ScuuRTZFLEiCH,  Programma  in  funere 
G,-C.  Kirchniaieri ;  Wittenberg,  1700,  in-fol.  —Pour  la 
list -^  de  ses  nombr  ouvr,,  V.  le  Gelehrtenlexicon  de  Jœ- 
CHER  et  le  suppl.  de  Roternnind, 

KIRCHMANN  (  Julius  de) ,  jurisconsulte  et  philosophe  alle- 
mand, né  à  Schafst8edt,près  de  Mersebourg,  le  5  nov.1802, 
mort  à  Berlin  le  20  oct.  1884.  Il  étudia  le  droit  à  Leipzig 
et  à  Halle,  fut  nommé,  en  1846,  procureur  près  le  tribunal 
criminel  de  Berlin,  en  1848  élu  à  l'Assemblée  nationale, 
rentra  ensuite  dans  la  magistrature,  en  1863  fut  envoyé  à  la 
Chambre  par  les  électeurs  de  Breslau,  reprit  ses  fonctions 
de  conseiller  et  fut  révoqué  en  1 866  pour  avoir  proposé  une 
solution  immorale  de  la  question  sociale.  Sa  doctrine  philo- 
sophique est  un  réalisme.  Le  contenu  immédiat  de  la  science 
est  l'être,  qu'il  faut  chercher  dans  la  perception.  Une  per- 
ception est  vraie  lorsqu'elle  n'est  contredite  ni  par  elle-même 
ni  par  d'autres.  Les  principaux  ouvrages  de  Kirchmann  sont  : 
Die  Werlosigkeit  der  Jurisprudenz  als  Wissenschaft 


(1848);  Die  Philosophie  des  Wissens  (Berlin,  1864); 
Ueber  Unsterblichkeit  (1865);  Msthetik  auf  realisti- 
scher  Grundlage  (1868);  Principien  des  Realismus 
(Leipzig,  1875). Il  fut  aussi  l'éditeur  de  \^  Bibliothèque 
philosophique  (Leipzig,  1868-83,  313  livr.),  où  il  pu- 
blia une  remarquable  édition  de  Kant  avec  commentaires  en 
8  vol.  C-EL. 

BiBL.  :  Lasson  et  Meineke,  J.  Kirchmann  als  Philo- 
soph;  Halle,  1885. 

KIRDJALL  Village  et  ancien  arrondissement  de  la  Rou- 
mélie  orientale,  dans  le  Bhodope.  Ce  district  dont  la  popu- 
lation était  pour  la  plus  grande  partie  composée  de  Po- 
maks  (Bulgares  musulmans),  fut  replacé  sous  l'autorité 
directe  de  la  Turquie,  en  même  temps  qu'une  partie  de 
l'arr.  de  Bouptchos,  à  la  suite  de  l'arrangement  du  5  avr. 
1886  par  lequel  la  Porte  reconnaissait  l'union  personnelle 
de  la  Bulgarie  et  de  la  Roumélie. 

KIRDJALIS.  Brigands  qui,  à  la  fin  du  xvni^  siècle  et 
au  commencement  du  xix%  ravagèrent  la  Thrace  et  la 
Bulgarie.  Leurs  troupes  étaient  formées  principalement  de 
soldats  turcs  déserteurs  ou  hcenciés  à  la  suite  des  traités  de 
Svichtov  (1791)  et  de  Jassi  (1792),  mais  elles  admettaient 
aussi  des  hommes  de  toute  race  et  de  toute  rehgion.  Bien 
montés  et  bien  armés,  les  Kirdjalis  s'attaquaient  aux  villes 
qu'ils  pillaient  et. livraient  aux  flammes.  Des  localités  im- 
portantes de  la  Thrace,  telles  que  Koprivchtitsa  et  Pana- 
guiourichte,  furent  détruites  par  eux.  La  plupart  des  Kird- 
jalis se  mirent  au  service  de  Pasvan-Oglon  qui,  en  1794, 
s'était  rendu  indépendant  à  Yidin  où  il  résista  jusqu'en 
1803  aux  armées  impériales  qu'il  batlit  à  plusieurs  re- 
prises. En  1804,  un  certain  nombre  d'entre  eux  allèrent 
se  joindre  aux  dahis  pour  combattre  l'insurrection  serbe. 

K I R  EN  S  K.  Ville  de  Sibérie,  gouv.  dlrkoutsk,  au  confluent 
de  la  Kirenga  et  de  la  Lena  ;  820  hab.  Le  district  de  Ki- 
rensk  (467,619  kil.,  40,000  hab.)  appartient  à  la  zone  des 
forêts  ;  pas  de  culture.  Ligne  de  bateaux  à  vapeur  allant 
à  Irkoutsk.  Les  habitants  sont  presque  tous  Iakoutes  et 
Toungouses. 

BiBL.  :  Iadrintsev,  la  Sibérie  comme  colonie  (en  russe), 
Saint-Pétersbourg,  1892.  ~  De  Vladivostok  à  l'Oural  (en 
russe),  1891. 

KIRGENER  (Joseph),  général  français,  né  à  Paris  le 
8  oct.  1766,  mort  à  Markersdorf  le  22  mai  1813.  Il  fut 
nommé  lieutenant  du  génie  à  l'armée  du  Nord  en  1793,  prit 
part  au  siège  de  Charleroi  et  au  siège  de  Maastricht,  fut  promu 
chef  de  bataillon  en  1794,  fut  blessé  à  Quiberon,  se  dis- 
tingua à  Marengo  et  obtint  le  grade  de  colonel  en  1800.  Il 
se  distingua  à  Austerlitz  et  y  Vut  nommé  général  de  bri- 
gade. Il  fut  créé  baron  en  1807,  après  s'être  distingué  au 
siège  de  Dantzig.  Il  fut  nommé,  en  1810,  commandant  du 
génie  de  la  garde  impériale  et  reçut,  au  commencement  de 
1813,  le  grade  de  général  de  division.       Paul  Marin. 

KIRGHIS.  Peuple  nomade,  de  race  turque,  qui  habite 
les  steppes  de  l'Asie  centrale.  Son  domaine  s'étend  sur  le 
S.-O.  de  la  plaine  sibérienne  et  le  N.  de  la  plaine  toura- 
nienne  (V.  Asie)  et  embrasse  près  de  3  millions  de  kil.  q., 
depuis  la  mer  Caspienne  et  la  Volga  à  PO.  jusqu'aux  monts 
Alatau  Tarbagatai  et  Tian-chan  à  l'E.  (méridien  de 
Kouldja)  ;  du  Kouen-loun  occidental  et  du  cours  supérieur 
de  l'Amou-daria  au  S.  jusqu'au  Tobol  et  à  l'Irtych  au  N. 
Leur  nombre  est  diversement  évalué  ;  il  paraît  atteindre 
3  minions  et  demi,  dont  les  trois  quarts  pour  les  Kirghis 
de  l'O.  ou  Kazaks  et  le  quart  pour  ceux  de  l'E.  ou  Bou- 
routs.  Le  peuple  kirghis  se  divise  en  effet  en  deux  rameaux 
bien  distincts  :  !«  les  Kirghis 'noirs  {Kara  Kirghis,  ap- 
pelés Kirghis  Dikokammenije  par  les  Busses,  Bourout 
par  les  Kalmouks  et  les  Chinois  ;  ce  sont  ceux  qui  habi- 
tent dans  les  monts  Thian-chafi  ;  —  2«  les  Kirghis  Kazaks, 
qui  occupent  tout  le  reste  de  l'aire  que  nous  avons  décrite. 
Ce  nom  de  Kazaks  est  le  véritable  nom  de  ce  peuple,  et 
les  Chinois,  les  Turcs,  les  Mongols  ne  connaissent  que 
celui-là  (Ilazaki,  Qazak,  Kaïzak  ou  Chazak);  c'est  le  même 
que  celui  de  Cosacjues.  Quant  au  nom  de  Kirghis,  mot  turc 
qui  équivaut  à  brigand,  il  semble  avoir  été  d'abord  appli- 


549  — 


KIRGHIS 


que  aux  Bourouts  et  étendu  ensuite  aux  Kazaks.  La  langue 
des  Kirghis  est  complètement  turque,  avec  à  peine  quelques 
mots  mongols,  persans  et  arabes.  Cependant  le  sang  paraît 
assez  mélangé  ;  l'élément  turc  primitif  se  serait  modifié 
par  des  croisements  avec  les  Mongols  (Kalmouks,  Dzoun- 
gares,  etc.)  auxquels  aujourd'hui  encore  ils  prennent  des 
îemmes.  La  face  est  moins  plate  et  plus  allongée  que  celle 
des  purs  Mongols,  la  pommette  moins  saillante,  la  lèvre 
plus  épaisse,  Tœil  rarement  bridé,  la  barbe  assez  déve- 
loppée ;  cependant  leurs  petits  yeux  noirs,  la  faiblesse  du 
système  pileux  et  les  traits  que  nous  venons  de  citer,  bien 
qu'affaiblis,  distinguent  les  Kirghis  des  Turcs  purs  (V.  Races 
humaines).  Leur  type  n'est  pas  d'ailleurs  uniforme  et  l'on 
rencontre  divers  intermédiaires  entre  les  caractères  phy- 
siques des  Turcs,  qui  dominent,  et  ceux  des  Mongols. 
Leur  teint  est  plus  foncé  que  celui  des  Européens,  brun 
jaunâtre,  leur  taille  inférieure  à  la  nôtre,  mais  ils  sont 
fortement  charpentés  et  très  vigoureux. 

i*^  Kirghis  Kazaks.  -—  Les  Kirghis  Kazaks  se  divisent 
en  trois  hordes  ou  centenies  :  la  Grande  Horde^  Oulou- 
djous  (ou  youz)  ;  la  Moyenne  Horde,  Ourta-djous;  la 
Petite  Horde^  Ritchi-djous.  La  Grande  Horde  habite  le 
S.  de  la  province  de  Ssemiretchensk  (districts  de  Verni i  et 
Tokmak),  une  partie  de  la  province  du  Sir-daria  (districts 
de  Tchemkend,  Aoulié-Aka,  Djisak,  Kourama,  la  Dzoun- 
garie  occidentale  et  le  pays  d'Ili  (Kouldja).  La  Moyenne 
Horde  habite  le  N.  de  la  province  de  Ssemiretchensk  (dis- 
tricts de  Kopal  et  Sergiopol)  et  de  la  province  de  Sir-daria 
(districts  deTachkend  etPérovsk).  La  Petite  Horde  habite 
le  reste  du  steppe,  au  N.  et  à  l'O.  des  autres.  On  y  rat- 
tache la  Horde  intérieure  ou  Boukéi  qui  parcourt  le 
steppe  européen  entre  Oural  et  Volga  (gouv.  d'As- 
trakhan). La  Petite  Horde  est  de  beaucoup  la  plus  nom- 
breuse, comprenant  la  moitié  du  total  et  progressant  plus 
rapidement  à  cause  de  son  contact  avec  les  Russes.  La 
Moyenne  Horde  comprend  environ  le  quart  du  total,  la 
Grande  Horde  le  sixième,  la  Horde  intérieure  un  peu  plus 
de  100,000  âmes. 

Les  Kirghis  sont  essentiellement  nomades;  cependant 
l'influence  russe  amène  peu  à  peu  à  l'agriculture  les  Kazaks. 
Cette  profession  n'est  plus  méprisée  comme  jadis.  On  récolte 
de  l'orge,  de  l'avoine,  du  millet,  destinés  au  bétail  autant 
qu'aux  hommes.  Les  troupeaux  sont  encore  la  grande  ri- 
chesse et  la  ressource  primordiale.  Les  chevaux  sont  d'une 
race  excellente,  portant  admirablement  le  poids.  On  en 
compte  une  dizame  de  millions  ;  certains  riches  en  possèdent 
plus  de  5,000.  Le  nombre  des  bœufs  dépasse  2  millions, 
celui  des  moutons  iO  millions,  et  des  riches  ont  des  trou- 
peaux de  20,000  moutons.  Les  chameaux  sont  nombreux 
dans  le  S.  Le  Kirghis  vit  à  cheval,  héritier  des  anciens 
Scythes  et  des  populations  de  ces  parages  qui  paraissent 
avoir  introduit  la  cavalerie  dans  noire  civilisation.  Bien 
qu'ils  n'aient  pas  régularisé  la  production  du  lait,  il  leur 
fournit  la  base  de  l'alimentation.  Ils  boivent  du  koumis 
(V.  ce  mot).,  oùlelaitdejumentsemélangedelait  de  vache, 
de  brebis  et  de  chèvre  ;  de  Vaïran,  lait  caillé  coupé  d'eau  ; 
du  thé  importé  de  Chine;  ils  le  mélangent  de  beurre  et 
degraisoC.  Ils  mangent  du  fromage  de  vache  et  de  brebis 
(iremtchik),âes  crêpes,  de  la  viande  de  mouton  cuite  avec 
du  sel  ou  grillée,  de  la  viande  de  cheval,  avec  du  pain.  Les 
Kirghis  habitent  leurs  tentes  iourtes  ou  kibitkas;  ces 
tentes  de  feutre,  soigneusement  aménagées,  ont  2  m.  de 
haut  sans  la  pointe  et  de  7  à  9  m.  de  diamètre  ;  elles  sont 
portées  par  des  piquets  croisés.  Celles  des  riches  sont  plus 
vastes  et  en  feutre  blanc,  celle  des  chefs  recouvertes  de 
drap  rouge.  Les  tentes  sont  groupées  en  villages,  de  pré- 
férence au  voisinage  des  cours  d'eau  ;  les  tribus  agricoles 
continuent  ordinairement  de  vivre  sous  la  tente  ;  les  ca- 
banes et  les  tanières  creusées  dans  la  terre  le  long  du  Sir- 
daria  sont  l'exception  et  servent  plutôt  de  magasins  que 
d'habitations. 

L'homme  sort  le  matin  avec  les  troupeaux  ;  la  femme 
fait  le  ti^avail  du  ménage  ;  elle  confectionne  le  feutre,  file 


et  tisse.  Les  Kirghis  sont  peu  industrieux,  à  peine  forge- 
rons et  selliers.  Ils  sont  dès  Tenfance  cavaliers  accomplis, 
les  femmes  montant  à  califourchon  comme  les  hommes. 
Ceux-ci  chassent  en  hiver  et  tirent  fort  bien.  Ils  dressent  à 
les  aider  des  faucons,  des  vautours  et  même  des  aigles.  Ib 
adorent  le  tabac  à  priser.  Ces  pasteurs  sont  très  sobres  et 
très  honnêtes,  intelligents,  francs,  hospitaliers,  moralement 
très  supérieurs  aux  Sartesou  Tadjiks,  habitants  sédentaires 
du  Turkeslan. 

«  Les  gens  aisés  portent  de  beaux  hechmet,  espèce 
de  jaquette,  et  des  pardessus  de  kfialat,  longues  et  ampleu 
robes  richement  brodées.  Ils  couvrent  leur  tète  de  petites 
casquettes  appelées  takia;  chez  les  pauvres  elles  sont 
en  cuir;  chez  les  riches  brodées  et  soutachées  d'argent 
et  de  pierreries.  Les  pantalons,  assez  courts,  sont  en 
cuir  jaune  ou  noir  (soutachés  chez  les  riches).  Ils  portenil 
de  grosses  bottes  en  hiver  et  une  espèce  de  pantoufle  en 
été.  En  hiver,  ils  mettent  des  fourrures  en  peau  de  renard 
et  se  coiffent  d'un  bonnet  pointu  à  larges  oreillons  qui  les 
garantit  bien  du  froid  et  du  vent.  En  été,  ils  portent  des 
chapeaux  pointus  en  feutre  semblables  à  ceux  des  Chinois  : 
ces  chapeaux  sont  blancs  avec  des  bords  en  couleur.  Les; 
femmes  portent  des  pantalons  et  pardessus  une  ample  robe 
en  coton.  Elles  se  chaussent  avec  des  bottes  comme  les 
hommes  (chez  les  riches,  ces  bottes  sont  en  couleur).  Les 
femmes  riches  ont  des  robes  en  kanaous  (petite  soie  du 
Turkestan),  brodées  et  soutachées.  Les  femmes  pauvres 
portent  sur  la  tête  une  espèce  de  turban  blanc  ;  les  riches, 
un  bonnet  carré,  souvent  à  pointe  (comme  on  représente 
les  magiciennes),  enveloppé  d'un  voile  blanc  à  franges  d'or. 
Elles  portent  au  cou,  à  la  fermeture  du  vêtement,  une  es- 
pèce d'amulette  en  argent,  en  forme  de  gland,  que  leur 
mari  leur  donne  le  jour  du  mariage.  Les  femmes  riches  ont 
des  colliers  et  des  bracelets  en  argent.  Les  enfants  por- 
tent pour  tout  vêtement,  en  été,  une  longue  et  large  che- 
mise en  couleur;  en  hiver,  une  pelisse  pardessus.  »  (Uj- 
faivy,  le  Syr-daria  et  le  Zarafcfian.)  Les  femmes  écartent 
les  oreilles  des  enfants  en  jeune  âge,  afin  qu'ils  entendent 
mieux.  Elles  vieillissent  rapidement,  mais  sont  bien  faites 
et  assez  agréables,  malgré  leur  figure  plate,  ayant  des  dents 
et  des  yeux  très  beaux. 

Les  Kirghis  sont  musulmans  sunnites,  mais  de  nom  seu- 
lement. L'influence  des  mollahs  tient  à  ce  que  les  Russes, 
prenant  à  la  lettre  la  religion  officielle,  lui  ont  donné  une 
importance  qu'elle  n'avait  pas.  Avant  leur  domination,  il 
n'existait  pas  une  mosquée  dans  le  steppe,  et  nul  ne  s'in- 
quiétait des  prières  du  Coran,  Aujourd'hui,  les  marchands  et 
les  dignitaires  sont  musulmans  de  fait.  Le  reste  du  peuple  s'en 
tient  à  ses  croyances  chamanistes:  crainte  extrême  du  mauvais 
œil,  offrandes  aux  esprits;  les  buissons,  les  pieux,  et,  quand 
il  en  existe,  les  arbres,  sont  couverts  d'ex-voto.  Tout  est 
présage,  fentes  des  os  pendant  la  cuisson,  nuance  et  hau- 
teur de  la  flamme,  la  moindre  rencontre  (V.  Divination).  Le 
culte  des  morts  a  un  grand  développement;  les  cérémonies 
du  deuil  se  renouvellent  durant  quarante  jours,  puis,  au  cen- 
tième, à  la  fin  de  la  première  et  de  la  neuvième  année.  Les 
collines  sont  couvertes  de  buttes  funéraires  ou  kourganes, 
sur  lesquelles  s'amoncellent  les  offrandes,  vivres,  vêtements, 
argent,  armes.  La  polygamie  est  admise,  mais  comme  le 
I  mariage  se  fait  par  achat  (V.  Famille),  le  prix  à  payer  (ka- 
;  lym)  ne  permet  qu'aux  riches  d'avoir  plusieurs  femmes. 
i  11  n'y  a  aucune  différence  sociale  entre  les  pauvres  et  les 
\  riches.  On  distingue  une  classe  noble  de  gens  à  os  blancs, 
du  peuple  de  gens  à  os  noirs  ;  mais  cette  distinction  ne 
confère  aux  premiers  aucun  privilège  politique.  Ils  se  disent 
descendants  do  Djengis  Khan  ;  les  Russes  leur  donnent  le 
titre  de  sultans.  Le  groupement  politique  se  fait  par  fa- 
milles ou  tentes,  par  clans  {aouï)  composés  de  30  à  200 
tentes;  un  certain  nombre  d'aouls  forment  un  volostoccu.- 
pant  un  certain  terrain  de  pâturage.  Les  chefs  sont  les 
anciens  (aksakals)  et  des  juges  ou  arbitres  élus  {biis),  les- 
quels résolvent  les  litiges  selon  la  coutume  ;  les  procès 
entre  Kirghis  et  Russes  sont  soumis  aux  autorités  russes. 


KIRGHIS  —  KIRIA 


—  550 


Les  chefs  des  volosts  sont  élus  pour  trois  ans.  La  vendetta, 
Tusage  de  la  composition  (prix  du  sang,  koun),  du  serment 
collectif  des  parents,  du  serment  devant  le  tombeau  d'un 
ancêtre  indiquent  un  état  social  comparable  à  celui  des  Ger- 
mains du  lY^  siècle. 

Chaque  clan  a  son  cri  particulier  qui  lui  sert  de  signe 
de  reconnaissance.  L'impôt  est  une  capitation  (iassak)  ;  il 
est  de  3  roubles  à  3  1/2  par  tente  et  par  an  ;  les  marchands 
payent  une  taxe  de  2  4/2  ^j^  de  la  valeur  des  importations 
et  des  exportations.  Le  commerce  est  assez  important,  les 
Kazaks  étant  les  intermédiaires  des  caravanes  entre  la  Rus- 
sie et  l'Asie  centrale.  Ils  vendent  les  peaux,  la  laine,  la 
graisse  de  leurs  troupeaux,  les  sels  de  leurs  salines  ;  ils 
achètent  des  ustensiles,  des  étoffes  et  des  grains.  La  plu- 
part des  commerçants  sont  des  Tatares  qui  tiennent  bou- 
tique dans  leur  tente  ;  ils  sont  mélangés  aux  Kirghis. 

L'importance  de  l'élément  kirghis  tend  à  augmenter.  Des 
colons  russes  et  cosaques  se  sont  établis  autour  des  forts, 
placés  aux  lieux  de  réunion  et  de  marché  ;  d'autres  enve- 
loppent le  steppe  auN.  et  même  au  S.,  sur  l'Ichim,  sur  le 
Sir-daria,  et  à  l'intérieur  vers  Kopal  et  Vernoié.  Mais, 
d'autre  part,  presque  tous  les  bergers  dans  les  villages 
russes,  jusqu'à  Biisk  et  Kouznetzk,  sur  FOb  et  le  Tom  su- 
périeurs, sont  de  race  kirghise  ;  la  récolte  du  foin,  les 
travaux  des  mines  d'or  sont  faits  par  des  Kirghis  ;  les  parents 
restent  nomades,  mais  leurs  enfants  nés  hors  du  steppe  s'ha- 
billent à  la  russe,  laissent  croître  leurs  cheveux,  adoptent 
souvent  le  christianisme  et  la  vie  agricole  sédentaire.  Les 
Cosaques,  leurs  voisins,  par  réciprocité,  adoptent  le  vête- 
ment et  jusqu'à  la  langue  des  Kirghis.  On  appelle  Djatak- 
k'ir  les  Kirghis  sédentaires  russifiés  ;  ils  sont  nombreux 
dans  toutes  les  villes  et  fermes  de  la  Sibérie  occidentale, 
parlent  russe  et  évitent  de  marier  leurs  filles  à  leurs  frères 
du  steppe.  Ils  ont  beaucoup  de  goût  pour  le  commerce 
et  se  mettent  à  l'école  des  Tatares  ;  les  Kirghis  tatarisés 
sont  appelés  Tchala-Ka%ak(ûQm\-lid^'Ldk). 

2^  Kara-Kirghis.  —  Les  Kirghis  noirs,  que  les  Russes 
appellent  «  Kirghis  sauvages  des  montagnes  »,  et  les  Kal- 
mouks,  Bourouts,  habitent  l'O.  du  massif  des  Thian-chàn 
et  se  rencontrent  dans  la  Mongolie  occidentale  oii  un  lac 
conserve  leur  nom  (V.  Asie).  Ils  sont  regardés  par  certains 
auteurs  comme  les  véritables  Kirghis  ;  ils  ont  moins  subi 
que  les  Kazaks  l'influence  de  la  civilisation.  Ils  sont  belli- 
queux et  pillards  dès  l'âge  de  quinze  ans,  nomades,  mais 
s'adonnent  aussi  habilement  à  l'agriculture  à  l'aide  d'irriga- 
tions .  La  base  de  leur  nourriture  est  la  viande  de  mouton  ; 
ils  ne  mangent  de  cheval  que  dans  les  fêtes  et  dédaignent  la 
viande  de  bœuf.  Ils  s'enivrent  volontiers.  Les  femmes  filent 
et  tissent  la  laine,  préparent  le  feutre  ;  mais  presque  tous 
les  objets  fabriqués  sont  procurés  par  voie  d'échange.  Les 
Kara  Kirghis  s'habillent  de  laine  blanche  avec  des  bottes 
de  cuir.  Ils  ne  sont  musulmans  que  de  nom  ;  les  prêtres 
ont  encore  moins  d'influence  que  chez  les  Kazaks.  L'éga- 
lité sociale  est  absolue,  même  du  maître  au  serviteur. 
Ils  se  divisent  en  deux  branches  :  celle  de  droite.  On, 
comprend  sept  tribus  :  Bogou,  Sayaz,  Sari-Baghichtch,  Son- 
Baghichtch,  Solyé  ou  Soultou,  Tcherik,  Basindz  ;  celle  de 
gauche,  Sol,  en  comprend  quatre  :  Koutchi  ou  Koktché, 
Sorou,  Moundouz,  Kintaï  ouKitaï.  Les  tribus  des  Sol  s'éten- 
dent à  l'O.  des  Thian-chan,  entre  le  Pamir  et  le  bassin  du 
Tchou  ;  les  On  occupent  les  deux  côtés  du  massif  des  Thian- 
chan  ;  leurs  trois  premières  tribus  vivent  sur  territoire 
russe,  de  même  qu'une  grande  partie  des  Sol.  On  évalue 
le  nombre  des  Kara  Kirghis  à  850,000  dont  200,000  su- 
jets russes.  Leurs  tribus  se  subdivisent  en  clans  (sept),  et 
ceux-ci  en  aouls.  Leurs  chefs  (manap)  ont  une  autorité 
considérable.  Les  Russes  n'interviennent  pas  dans  leur  ad- 
ministration intérieure,  ne  leur  font  pas  payer  d'impôt  ;  ils 
se  contentent  de  corvées  de  transports  et  de  guides. 

Histoire  des  Kirghis.  —  Les  origines  des  Kirghis  sont 
assez  obscures  ;  ils  paraissent  descendre  des  Kien-kouen  ou 
Hakkas  des  auteurs  chinois  ;  ce  peuple  était  établi  dans  fes 
monts  Sayanksetle  bassin  supérieur  de  l'Iéniséi,  Le  nom  de 


Hakka  a  été  identifié  avec  celui  des  Saces  (Sakhas)  qui  occu- 
paient il  y  a  plus  de  2000  ans  les  mêmes  steppes  du  Touran 
septentrional.  On  l'a  également  rapproché  de  celui  des 
Yakoutes,  rameau  septentrional  de  la  race  turque  (V.  Asie). 
Ce  seraient  les  Dzoungares  qui  auraient  refoulé  vers  l'O.  les 
Kirghis.  Cette  filiation  paraît  établie  pour  les  Kara  Kirghis 
ou  Bourouts;  elle  a  été  discutée  pour  les  Kazaks.  On  a 
soutenu  qu'ils  proviendraient  des  steppes  ponto-caspiens. 
Le  seul  fait  positif,  c'est  qu'au  xvi®  siècle  ils  habitaient  le 
long  de  l'Ob  et  de  l'Irtych,  au  N.  de  l'Altaï;  c'est  à  la  fin 
de  ce  siècle  qu'ils  se  divisèrent  en  trois  hordes.  Ils  offri- 
rent de  se  soumettre  à  Pierre  le  Grand  ;  il  refusa,  et  bientôt, 
pour  abriter  la  Sibérie  contre  les  incursions  des  nomades 
du  steppe,  on  construisit  une  ligne  de  forts  jusqu'à 
Oust  Kamenogorsk,  sur  l'Irtych  (4725).  En  4733,  la  Pe- 
tite et  la  Moyenne  Horde  se  soumirent  volontairement  à  la 
tsarine  Anne.  Mais  la  soumission  ne  devint  effective  qu'à 
la  mort  du  khan  Ali  (1781),  sous  son  successeur  Vali.  De 
plus  en  plus  les  Kirghis  Kazaks  s'étendaient,  prenant  la 
place  laissée  vide  par  les  Kalmouks  orientaux  que  les  Chi- 
nois exterminaient  après  avoir  détruit  l'empire  dzoungare; 
la  Grande  Horde  s'y  établit.  Une  fraction  de  la  Petite 
Horde,  sous  son  khan  Boukei,  dont  elle  garde  le  nom,  prit 
vers  4797  la  place  laissée  vide  entre  l'Oural  et  la  Volga 
par  l'émigration  des  Kalmouks  Torgots.  Les  Russes,  que  la 
nécessité  de  mettre  un  terme  à  leurs  incursions  obhgeait  à 
assujettir  les  Kirghis  Kazaks,  ne  les  plièrent  que  lentement 
à  leur  domination.  Ils  avaient  commis  de  lourdes  erreurs; 
confondant  les  Kirghis  avec  les  Tatares,  ils  leur  écrivaient 
en  langue  tatare;  ils  faisaient  passer  au  premier  plan  les 
prêtres  musulmans,  leur  bâtissant  des  mosquées;  si  bien 
que  de  l'Asie  centrale  accoururent  des  mollahs,  ennemis 
des  chrétiens.  En  4820,  on  adopta  un  plan  méthodique; 
aux  points  où  se  tenaient  les  marchés,  les  Russes  bâtirent 
des  forts  et  installèrent  des  colonies  de  Cosaques;  ce  sys- 
tème réussit  sur  l'Irtych  et  fut  appliqué  au  steppe  d'Oren- 
bourg  à  partir  de  4835;  vers  4844  la  soumission  était 
effective;  les  insurrections  de  Kenissara  Kasimov  (1846)  et 
d'Iched  Kontebars  (4858)  furent  aisément  réprimées.  Ce- 
pendant la  sécurité  ne  pouvait  être  complète  tant  que  les 
ennemis  des  Russes  trouvaient  asile  dans  les  khanats  mu- 
sulmans du  Turkestan  ;  il  fallut  envelopper  le  steppe  par 
le  Sud  (campagne  de  4864,  occupation  de  Tchemkend, 
organisation  du  gouvernement  général  du  Turkestan).  Les 
Kharezmiens  excitèrent  encore  "des  soulèvements  en  4869 
vers  Ouralsk,  et  en  4870  (blocus  de  Novo  Alexandre vsk). 
La  chute  de  Khiva  (4873)  a  consommé  la  soumission  des 
steppes.  Ceux-ci  ont  été  organisés  en  4882  en  un  gou- 
vernement général  des  steppes  comprenant  les  gouver- 
nements d'Akmolinsk,  Semipalatinsk ,  Ssemiretchinsk , 
Tourgaïsk  et  Ouralsk  (V.  Sibérie).  A. -M.  B. 

BiBL.  :  Pallas,  Observations  sur  les  Kirghiz,  1769;  trad. 
franc.,  1803,  t.  II.  —  Gœbel,  Reise  in  die  Steppe  der  Kir- 
ghisen;  Dorpat,  1837.  —  Baer  et  Helmersen,  Beitrœge 
zur  Kenntniss  des  riissischen  Reiches,  1841-43,  t.  V  et  VI. 
—  Levciiink,  Description  des  hordes  et  des  steppes  des 
Kirghiz  Kazaks;  trad.  franc.,  Paris,  1840.  —  Kœppen  et 
Stein,  dans  Mittti.  de  Petermann,  1858.  —  Radlov,  dans 
Mitth.  de  Petermann,  1864.  —  Du  même,  Aus  Sibirien; 
Leipzig,  1884,  t.  I.  —  Du  même,  Kirgisiscïie  Mundarten; 
Saint-Pétersbourg,  1870.  —  Du  même,  Der  Dialekt  der 
Karakirgisen,  1886.  —  Atkinson,  Oriental  and  'western 
Sibiria  ,'* Londres,  1857.  —  Sghott,  Ueber  die  echten  Kir- 
gisen;  Berlin,  1864.  —  Zaleski,  la  Vie  des  steppes  kir- 
ghizes;  Paris,  1865.  —  Venukov,  les  Frontières  de  la 
Russie  d'Asie  (russe),  1874.  —  Andréev,  la  Horde  moyenne, 
dans  Bull,  de  la  Soc.  de  géogr.  de  Saint-Pétersbourg, 
1875.  —  FiNscii,  Reise  nach  Westsibirlen,  1879.  —  Ch.  de 
Ujfalvy,  Expédition  française  en  Russie,  Sibérie  et  dans 
le  Turkestan,  1878-79,  2  voL  —  Radomtsev,  Excursion 
dans  le  steppe  kirghis  (russe);  Saint-Pétersbourg,  1877. — 
Majev,  le  Haut  Amou-daria  (russe),  1879. — La  Justice  kir- 
ghis, dans  Revue  orientale  (russe),  1884.  —  Lansdell, 
Russian  Centralasia,  1885.  — Jadrinzev,  la  Sibérie,  1886. 

KIRlAouKARlA.Ville  du  Turkestan chinois,à  460  kil.E. 
de  Khotan,  sur  le  Kiria-daria,  rivière  descendue  du  Kouen- 
loun  ;  45,000  hab.  Belle  oasis;  riches'gisements  aurifères  ré- 
gulièrement exploités;  commerce  avec  Khotan  et  Cachemire. 


Kl  RI  LOV.  Ville  de  Russie,  au  N.-E.  du  gouvernement  de 
Novgorod,  près  du  confluent  de  la  Porozovitza  et  de  la 
Chexna  (affluent  de  la  Volga)  ;  5,000  liab.  Célèbre  couvent 
de  Saint-Cyrille  avec  double  enceinte  et  23  tours.  Bâti  en 
4398,  ce  couvent  a  de  belles  archives;  il  servit  de  lieu 
d'exil  à  de  grands  personnages  ;  Ivan  le  Terrible  voulut  s'y 
retirer.  11  a  repoussé  en  1612  et  1013  les  attaques  des 
Lithuaniens. 

Kl  RITG H  EN.  Collines  de  Bulgarie,  entre  le  Lom  et  le 
Kamtchik,  où  les  Turcs  se  fortifièrent  pendant  la  guerre  de 
1877;  Mehemet  Ali  y  brava  plusieurs  mois  les  efforts  des 
Russes  et  leur  infligea  en  août  de  fortes  pertes. 

KIRK  (Thomas),  peintre  et  graveur  anglais,  mort  jeune 
en  1797.  Elève  deCosway,  il  déploya  dans  le  genre  histo- 
rique de  remarquables  qualités  de  vigueur  et  d'imagination. 
Sa  première  œuvre  exposée  à  l'Académie  royale  fut,  en 
1785,  Vénus  présentant  V Amour  à  Calypso^  et  les 
dernières,  en  1796  :  le  Soir,  Rêve.  Il  exécuta  aussi  d'élé- 
gantes miniatures  et  d'excellentes  vignettes,  dont  un  cer- 
tain nombre  gravées  de  sa  main,  d'un  burin  robuste.  La 
phtisie  mit  fin  prématurément  à  une  carrière  qui  promet- 
tait d'être  brillante. 

KIRK  (Thomas),  sculpteur  irlandais,  né  à  Cork  en  1784, 
mort  en  1845.  Il  fit  ses  études  à  Dublin,  oti  il  commença 
à  exposer  en  1810,  et  fut  en  1823  un  des  fondateurs  de 
l'Académie  royale  hibernique.  Il  envoya  aussi  de  ses  œuvres 
à  l'Académie  royale  de  Londres.  Son  Orpheline  et  son 
Jeune  Voleur  de  chiens  sont  populaires  en  Irlande.  Dublin 
a  de  lui  la  statue  colossale  de  Nelson  au  sommet  de  la 
colonne  de  O'Connell  Street,  celles  de  George  IV  et  de 
Wellington  et  des  bustes  à  l'Université.  Au  Palais  de  justice 
de  Londonderry  :  les  figures  de  la  Justice  et  de  la  Clé- 
mence;  à  l'hôpital  de  Greenwich  :  V Amiral  Sidney 
Smith,  A.  de  B, 

KIRKALL  (Edv\^ard),  graveur  anglais,  né  à  Sheffield 
entre  1695  et  1700,  mort  en  1754.  Fils  d'un  serrurier, 
il  apprit  le  dessin  et  vint  à  Londres  exécuter  pour  les 
libraires  des  encadrements,  ornements,  culs-de-lampe, 
lettrines.  D'après  les  initiales  dont  elles  sont  signées,  on 
le  croit  l'auteur  des  planches  d'une  bonne  édition  de 
Térence.  Il  illustra  de  gravures  sur  cuivre  divers  ouvrages, 
reproduisit  dix-sept  sujets  de  Van  de  Velde  et  grava  à 
l'aquatinte  les  huit  cartons  de  Raphaël.  Plus  ouvrier  qu'ar- 
tiste, il  doit  surfout  son  renom  à  l'ingénieux  procédé  par 
lequel  il  combina  l'eau-forte  avec  la  manière  noire,  les 
planches  étant  gravées  partie  sur  bois,  partie  sur  cuivre. 
Dans  ce  genre,  il  publia  en  1722  par  souscription,  un 
album  de  douze  planches.  A.  de  B. 

KIRKCALDY.  Ville  d'Ecosse,  comté  de  Fife,  sur  la 
rive  N.-O.  du  firth  of  Forth;  25,000  hab.  (avec  son  fau- 
bourg de  Dysart).  Stat.  du  chem.  de  fer  d'Anstrutter  à 
Burntisland.  Tissages,  blanchisseries,  fonderies,  construc- 
tions navales.  Bains  de  mer  fréquentés.  Patrie  d'Adam 
Smith. 

KIRKCALDY  de  Grange  (Sir  William),  homme  d'Etat 
écossais,  mort  le  3  août  1573.  Il  prit  une  part  importante 
au  complot  contre  la  vie  du  cardinal  Beaton  et  assista  à  son 
assassinat  (1546).  Fait  prisonnier  par  les  Français  et 
enfermé  au  Mont-Saint-Michel,  il  réussit  à  s'évader  et  à 
gagner  l'Angleterre  où  Edouard  VI  lui  fit  une  pension  et 
lui  confia  plusieurs  missions  secrètes,  notamment  à  Biois 
en  1551.  A  l'avènement  de  Marie,  il  s'engagea  au  service 
de  la  France  et  devint  grand  favori  de  Henri  IL  11  retourna 
en  Ecosse  en  1557  et  y  mena  une  vie  fort  agitée.  Après 
avoir  gagné  la  bataille  de  Corrichie,  il  s'opposa  au  mariage 
de  Marie  Stuart  avec  Darnley,  prit  part  au  complot  contre 
Rizzio  et  rendit  d'importants  services  au  parti  protestant. 
C'est  à  lui  que  se  rendit  Marie  Stuart.  Nommé  gouverneur 
d'Edimbourg,  Kirkcaldy,  en  1569,  passa  tout  à  coup  dans 
le  parti  de  la  reine  et  fut  confirmé  dans  cette  attitude  par 
l'assassinat  du  régent  (20  janv.  1570).  Il  mit  Edimbourg 
en  état  de  défense  et  dans  une  tentative  faite  par  lui  pour 
enlever  les  chefs  de  la  cause  du  roi,  le  régent  Lennox  fut 


—  551  --  KIRÏLOV   -  KIRKOR 

tué.  Finalement,  il  fut  assiégé  par  des  forces  tellement 
supérieures  qu'il  dut  se  rendre  (3  juin  1573).  Elisabeth 
le  fit  pendre.  H.  S. 

KIRKCUDBRIGHT.  Ville.  —  Ville  d'Ecosse,  chef-lieu 
du  comté  et  sur  la  baie  de  ce  nom,  à  l'embouchure  de  la 
Dee  ;  3,500  hab.  Belle  église  ;  ruines  du  château  des  Mac- 
lellan  et  de  l'abbaye  de  Dundrennan. 

Comté.  —  Ce  comté  du  S,-0.  de  FEcosse,  appelé  aussi 
Ëast-Galloway,  a  2,324  kil.q.  et  42,290  hab.  Il  s'étend 
du  golfe  de  Solway  aux  comté  d'Ayr  au  N.,  de  Dumfries  à 
l'E.,  de  Wigtown  au  S.-O.  Les  collines  déboisées,  entre- 
coupées de  marais,  occupent  la  plus  grande  partie  du  sol. 
Les  champs  labourés  ne  représentent  que  20  ^/o  de  la  super 
ficie  ;  la  richesse  principale  est  le  mouton  (360,000)  ;  on 
compte  aussi  45,000  bœ.ufs,  beaucoup  d'abeilles.  Le  chef- 
lieu  est  Kircudbright.  L'histoire  se  confond  avec  celle  du 
Galloway, 
BiBL.  •' Mackerlte,  Uist.  of  Galloway^  1870-78. 

KIRKE  (Percy),  général  anglais,  né  vers  1646,  mort  à 
Bruxelles  le  31  oct.  1691.  Après  avoir  servi  en  France,  et 
pris  part  aux  campagnes  du  Rhin  sousTurenne  et  Luxem- 
bourg, il  devint  gouverneur  de  Tanger  en  1682.  11  avait 
précédemment  été  chargé  d'une  ambassade  à  Mequinez  et 
à  Fez  dont  il  a  laissé  une  relation  curieuse,  publiée  dans 
Latest  Accounts  from  Fez  (Londres,  1683).  Colonel  du 
trop  fameux  régiment  des  Agneaux  (Kirke's  Lambsj,  il 
revint  avec  lui  en  Angleterre  en  1684,  combattit  avec  lui 
à  Sedgmoor  (6  juil.  1685)  et  fut  chargé  par  Faversham 
du  commandement  de  l'Ouest.  Il  se  rendit  célèbre  par  ses 
cruautés,  notamment  à  son  entrée  à  Bridgewater,  où  il  fit 
pendre  sans  jugement  des  centaines  de  personnes.  Rappelé 
à  cause  de  ses  exactions  et  de  ses  scandaleuses  débauches 
(10  août  1685),  il  fut  remplacé  par  Jeffrey  (V.  ce  nom), 
qui  conserva  pour  escorte  les  Agneaux  pendant  les  assises 
sanglantes.  Kirke,  mal  vu  de  Jacques  II,  parce  qu'il  avait 
refusé  d'abjurer  le  protestantisme,  fut  emprisonné  à  Londres 
et  devint  un  des  partisans  les  plus  chauds  de  Guillaume 
d'Orange  qui  le  nomma  général  le  8  nov.  1688,  puis  gou- 
verneur de  Londonderry.  Promu  lieutenant  général  le  25  déc. 
1690,  il  fut  envoyé  en  Flandre  au  commencement  de  1691 
et  V  fit  campagne  jusqu'à  sa  mort  subite  à  Bruxelles.    R.  S. 

KIRKHOVEN  (Catherine)  (V.  Stanhope  [LadvJ). 

Kl  RKILLINTOCH.  Ville  d'Ecosse,  à  cheval  sur  les  comtés 
de  Lanark  et  Dumbarton  ;  9,000  hab.  Mines  de  houille, 
carrières,  cotonnades,  etc. 

KIRK  Kl  LISSÉ  (c.-à-d.  les  quarante  églises).  Ville  de 
Turquie  d'Europe,  à  53  kil.  et  dans  le  sandjak  d'Andri- 
nople,  à  240  m.  d'alt.,  près  du  Soutrou,  affluent  de 
l'Erkéné  ;  16,000  hab.  Commerce  de  beurre,  de  fromages 
et  de  confitures  renommées.  La  ville  est  bâtie  en  amphi- 
théâtre sur  deux  collines  et  dans  le  vallon  qui  les  sépare. 

KIRKLAND  (Caroline-Matilda),  femme  de  lettres  améri- 
caine, née  à  New  York  en  1801,  morte  à  New  York  en 
1864.  Elle  était  la  fille  d'un  libraire,  Samuel  Santsbury, 
et  avait  épousé  un  professeur  de  Hamilton  Collège.  Ses 
écrits  contiennent  d'intéressants  tableaux  de  la  vie  améri- 
caine; les  principaux  sont  :  A  Neiu  Jlome  {iS39);  For  est 
Life  (1842);  Western  Cleari7igs  {iS^Q),  et  des  impres- 
sions de  vovage  sous  ce  titre  :  îîolidays  Ahroad  (1848). 

KIRKNERIA  (Paléont.  vég.)  (V.  Thinnfeldia). 

KIRKOR  (Adam-Honoré),  connu  dans  la  littérature  po- 
lonaise aussi  sous  le  pseudonyme  Jean  de  Sliwin,  archéo- 
logue polonais,  né  en  1818,  mort  à  Cracovie  le  23  nov. 
\  886.  Il  se  voua  presque  entièrement  à  l'archéologie  et 
examina  environ  mille  tumuli.  Pendant  son  long  séjour  à 
Wilna,  il  rédigea  différentes  revues  littéraires  et  archéo- 
logiques. Il  fut  nommé  (1860)  rédacteur  du  journal  officiel 
(KuryerLitewski),  paraissant  à  Wilna.  En  1873,  il  s'établit 
à  Cracovie  comme  membre  de  la  commission  archéologique 
et  anthropologique  de  l'Académie  des  sciences.  Dans  les 
publications  de  cette  commission  archéologique  (Zbior 
wiadomosci  do  antropologii  krajowej,  t.  I-VIII),  Kirkor 
écrivit  une  série  de  comptes  rendus  sur  ses  recherches 


KIRKOR  -   KIRWAN 


552 


archéologiques.  Ses  œuvres  pr-incipales  sont  :  Promenades 
à  Wilna  (en  pol.  ;  Wilna,  1856)  ;  De  la  Littérature  des 
nations  sœurs  slaves  (en  pol.  ;  Cracovie,  1874)  ;  la 
Pokucie^  au  point  de  vue  archéologique  (en  pol.)  ;  Comptes 
rendus  de  la  section  historique  de  V Académie  des 
sciences  à  Cracovie  (Cracovie,  1876,  t.  V).  J.  K. 

KIRKWALL.  Ville  d'Ecosse,  ch-L  du  comté  des  Orcades 
(Orkney),  dans  Tîle  Pomona,  avec  un  bon  port,  relié  par 
des  services  réguliers  à  Leilh  et  à  Aberdeen;  4,800  hab. 
Vieille  ville,  avec  une  cathédrale  (Saint-Magnus)  en  style 
normand  du  xii^  siècle,  analogue  à  celle  de  Trondhjem. 
Ruines  du  palais  des  comtes  des  Orcades  (xm®  siècle). 

Kl RKWOOD  (Samuel),  homme  politique  américain,  né 
à  Hartford  (Maryland)  le  20  déc.  1813.  D'abord  avocat  à 
Richland  (Ohio),il  fut  deux  fois  élu  gouverneur  de  l'Etat 
dlowa,  et  deux  fois  sénateur  fédéral  (1866  et  1876),  mi- 
nistre de  l'intérieur  sous  Garfield  (1880-85). 

Kl  RKWOOD  (Daniel),  astronome  américain,  né  à  Bra- 
denbaugh  (Maryland)  le  27  sept.  1814,  D'abord  principal 
dans  plusieurs  établissements  d'instruction,  il  est  entré 
comme  professeur  de  mathématiques  au  collège  du  Dela- 
ware  en  1851  et  à  l'université  de  l'ïndiana  en  1856.  lia 
été  élu  en  1851  membre  de  V American  philosophical 
Society,  Il  a  tenté  de  reconstituer  avec  les  astéroïdes  con- 
nus la  planète  brisée  dont  ils  sont  considérés  comme  les 
fragments;  il  a  même  assigné  à  celle-ci  un  diamètre  qui 
surpasserait  de  beaucoup  celui  de  Mars.  Outre  de  nom- 
breux mémoires  et  notes  épars  dans  les  Monthly  Notices 
oftheRoy.  Astron.  Soc,  dans  le  Journal  de  Siliiman, 
dans  le  Sidereal  Messenger  et  dans  divers  autres  recueils 
spéciaux,  il  a  publié  ;  Meteoric  Astronomy  (Philadelphie, 
1867,  'm-i^);Comets  and  Meteors  (Philadelphie,  1873, 
in-12);  7ke  Asteroids  (Philadelphie,  1 887,  in-1 2).  L.S. 

KIRMAN  ou  KERMAN.  Ville.  —  Ville  forte  de  Perse, 
l'ancienne  Caramania,  ch.-l.  de  la  prov.  de  Kirman  ; 
40,000  hab.,  au  pied  d'un  château  ruiné;  les  ruines  de 
l'ancienne  ville  sont  au  S.  Située  à  PO.  d'une  fertile  plaine 
à  blé,  elle  renferme  de  vastes  bazars,  fabrique  des  châles 
fins  (chèvre  et  soie),  des  tapis,  des  broderies,  des  lainages, 
des  soieries.  La  population  est  très  mélangée  (Tadjiks, 
Guèbres,  Hindous,  iVrméniens,  Kurdes,  Lares,  Juifs,  etc.). 

Province.  •—  Province  du  S.  de  la  Perse;  250,000 
kil.  q.  ;  600,000  hab.  Le  Kirman  est  compris  entre  le  Be- 
loulchistan  à  l'E..  le  désert  de  Lout  qui  le  sépare  du  Kho- 
raçan  et  de  l'Irak  Adjemi  au  N.,  le  Farsistan  et  le  Laristan 
à  l'O.,  le  golfe  Persique  au  S.  ;  c'est  la  Caramanie, 
Kar mania  ou  Germania  des  anciens.  On  en  a  récemment 
détaché  Yezd  et  le  Laristan.  Elle  a  620  kil.  du  N.  au  S., 
560  kil.  de  LE.  à  l'O.  Mais  la  plus  grande  partie  appar- 
tient au  désert  ;  le  liséré  côtier  et  quelques  vallées  arro- 
sées sont  fertiles.  Le  Kirman  est  très  mal  connu.  Il  se  divise 
en  vingt-trois  districts.  Les  principales  villes  sont  Kirman, 
Bender-Abbas,  Khabis,  Began,  Krouk,  Koum,  Khanou, 
Bam.  A. -M.  B. 

KIRMANCHAH.  Ville  de  Perse,  ch.-l.  delà  prov.  d'Ar- 
dilan,  sur  le  Kerna,  affluent  du  Gamas  (Kherka)  ;  20,000 
hab.  Elle  est  bâtie  sur  les  gradins  d'une  colline.  Située  sur 
la  grande  route  de  l'Iran  à  la  Mésopotamie  et  à  la  Babylo- 
nie,  elle  a  été  fondée  par  les  Sassanides.  Elle  eut  une 
grande  prospérité  du  temps  d'Ali-Mirza,  comme  capitale  du 
Kurdistan,  alors  presque  autonome.  Ses  fabriques  d'armes 
et  de  tapis  ont  disparu. 

KIRWIISSON  (Edouard-François),  chirurgien  français, 
né  à  Paris  le  18  juil.  1848.  Il  a  fait  ses  études  médicales 
à  Paris.  Docteur  en  médecine  en  1879,  chirurgien  des 
hôpitaux  en  1881,  il  a  été  nommé  agrégé  de  la  faculté  au 
concours  de  1883.  Nous  citerons  de  lui  :  De  V Anémie 
consécutive  aux  hémorragies  traumatiques  et  de  son 
influence  sur  la  marche  des  blessures  (1880)  ;  Des 
Modifications  modernes  de  la  lithotritie  (1883)  ;  De 
l'Influence  du  traumatisme  sur  le  développement  des 
kystes  hydatiques  (1883)  ;  Du  Mal  perforant  chez  les 
diabétiques  (1885);  Maladies  de  la  tête  et  du  rachis 


(2®  vol.  du  Manuel  de  pathologie  externe,  àitàes  quatre 
agrégés,  2^  éd.,  1888).  D^  A.  Dureau. 

Kl  RN.  Ville  de  Prusse,  district  de  Coblentz,  sur  la  Nahe  ; 
5,000  hab. 

KIRNBERGER  (Johann-Philipp),  compositeur  et  théori- 
cien musical  allemand,  né  à  Saalfeld  (Thuringe)  le  24  avr. 
1721,  mort  à  Berlin  le  26  ou  27  juil.  1783.  Elève  de 
J.-P.  Kellner,  de  Gerber  père  et  de  J.-S.  Bach,  il  remplit 
de  1741  à  1750  divers  emplois  musicaux  en  Allemagne 
et  en  Pologne,  entra  en  1751  comme  violoniste  à  la  cha- 
pelle royale  à  Berlin  et  devint  en  1754  maître  de  chapelle 
et  professeur  de  la  princesse  Anna-Amélie  de  Prusse.  Ses 
nombreuses  compositions  instrumentales  et  vocales  sont 
oubliées  aujourd'hui,  mais  sa  réputation  est  assurée  par 
ses  ouvrages  théoriques  dont  le  plus  célèbre  a  pour  titre 
Die  Kunst  des  reinen  Satzes  (1774-79,  2  vol.).  Par 
son  premier  écrit,  Konstruktion  der  g leichschwebenden 
Temperatur  (1760),  Kirnberger  avait  pris  rang  dans  la 
question  de  la  gamme  tempérée.  Il  publia  par  la  suite  : 
Die  wahren  Grundsœtze  zum  Gebrauch  der  Harmonie 
(1773);  Grundsœtze  des  Generalbasses  (1781);  Ge- 
danken  ûber  die  verschiedenen  Lehrarten  der  Kompo- 
sition(ilS^)  ;  Anleitung  zur  Singkomposition  (1782). 
Kirnberger  collabora  à  la  Théorie  der  schœnen  Kunste, 
de  Sulzer,  et  fut  l'éditeur  de  plusieurs  œuvres  de  Hasler 
et  de  Graun.  M.  Br. 

KIRNIK.  Montagne  aurifère  de  Transylvanie,  près  de 
Verespatak.  Curieuses  ruines  romaines. 

KIRRWEILER.  Village  d'Allemagne,  Palatinat  rhénan 
(Bavière),  sur  le  ch.  de  fer  de  Wissembourg  à  Neustadt. 
Combat  de  cavalerie  entre  Bliicher  et  Desaix  (23  mai  1794). 

KIRSANOV.  Ville  de  Russie,  gouvernement  deTambov, 
ch.-l.  de  district,  sur  la  Vorona,  affluent  du  Khoper  (affluent 
du  Don)  ;  8,000  hab. 

KIRSCH  (V.  Eau-de-vie). 

KIRSCHNER  (Aloysia),  dite  Ossip  Schubin,  femme  de 
lettres,  née  à  Prague  le  17  juin  1854.  Elle  imite  et  les 
romanciers  français  et  Tourguénev  dans  la  peinture  du 
demi-monde,  de  la  société  cosmopolite,  où  elle  déploie  une 
grande  pénétration  et  un  réalisme  qui  n'exclut  pas  le  maniéré. 
On  peut  citer  parmi  ses  romans  :  Ehre  (Dresde,  1 882)  ; 
Uîiteruns  (Berlin,  1884,  2  vol.)  ;  Gloria  victis  (1885, 
3  vol.)  ;  Erlachhof  (Stuttgart,  1887,  2  vol.),  etc. 

KIRSTEYN  (Jean)  (V.  Cerazyn). 

KIRSTI  (Mythol.  finnoise).  Divinité  des  maladies  et  une 
des  filles  de  Tuoni.  On  l'appelait  aussi  Kiputyttô,  et  c'est 
sous  ce  nom  qu'on  l'invoquait  en  général  pour  chasser  les 
maladies. 

KIRUNAVARA.  Montagne  de  fer  magnétique  de  la  Suède, 
lœn  de  Norbotten,  entre  le  Kalix  et  le  Torneâ,  en  face  du 
mont  Luosavara  ;  le  minerai  renferme  70  7o  de  fer. 

KIRVI.  Ville  de  l'Inde  anglaise,  prov.  du  N.-O.  (Allaha- 
bad),  sur  un  affluent  droit  de  la  Djemna  ;  4,000  hab.  Beaux 
temples  hindous,  particulièrement  le  Ganech  bagh.  Les 
Anglais  y  confinèrent  en  1829  l'héritier  des  Peichvâs  et, 
après  la  défaite  de  l'insurrrection  de  1857,  se  disputèrent 
son  trésor. 

KIRVIRAÏ  ou  TROBRIAND  (Iles).  Archipel  situé  au 
S.-O.  de  la  Nouvelle-Guinée;  440  kil.  q.  ;  il  fut  exploré 
par  Moresby  en  1873. 

KIRWAN  (Richard),  chimiste  anglais,  né  à  Cloughbal- 
lymore  (comté  de  Galway)  le  1®^  août  1735,  mort  à  Dublin 
le  22  juin  1812.  Il  fit  d'abord  son  droit  et  fut  quelque 
temps  avocat  (1766-68).  Puis  il  se  passionna  pour  les 
sciences  et,  possesseur  d'une  grande  fortune,  s'adonna  en 
toute  liberté  à  leur  étude.  Il  devint  membre  de  la  Société 
royale  de  Londres,  qui  lui  décerna  en  1781  la  médaille 
Copley,  président  de  la  Royal  Irish  Academy,  correspon- 
dant de  r Académie  des  sciences  de  Paris  (1808).  Ses  tra- 
vaux, qui  ont  porté  sur  la  chimie,  la  minéralogie,  la  géo- 
logie et  la  météorologie,  ne  manquent  ni  d'intérêt,  ni  de 
valeur,  et  il  est  l'un  des  savants  qui  ont  le  plus  contribué 


553  - 


KIRWAN  —  KISS 


à  fonder  l'analyse  chimique  par  voie  humide.  Il  a  consigné 
les  résultats  de  ses  re^îberches  dans  de  nombreux  mémoires 
publiés  par  les  Philosophical  Transactions  et  par  les 
Transactions  of  the  Irish  Academy  et  dans  quelques 
ouvrages  parus  à  part:  Eléments  of  Minera  logy  (Londres, 
1784,  in-8;  2^  éd.,  1794-96  ;  trad.  franc,  et  allem.); 
An  Estimate  of  the  température  of  différent  latitudes 
(Londres,  1787,  in-8)  ;  Essay  on  phlogiston  and  tfie 
constitution ofacids  (Londres,  1787,  in-8;  trad.  franc, 
par  M^^  Lavoisier,  Paris,  1788,  in-8),  livre  dans  lequel 
l'auteur  s'efforce  de  concilier  la  théorie  du  phlogistique  avec 
les  découvertes  modernes  et  qui  est  accompagné,  dans 
l'édition  française,  d'intéressantes  notes  critiques  de  Guy  ton 
de  Morveau,  de  Lavoisier,  de  Laplace,  deMonge,  deBer- 
thollet  et  de  Fourcroy;  An  Essay  ofthe  analysis  of  mi- 
nerai waters  (Londres,  1799,  in-8,)  ;  Geological  Essay  s 
(Londres,  1799,  in-8),  etc.  On  lui  doit  en  outre  quelques 
écrits  philosophiques  assez  médiocres,  entre  autres  un  traité 
de  logique  (1809,  2  vol.).  Une  société  scientifique  de  Du- 
blin porte  son  nom.  L.  S. 

Kl  S  (Jean),  poète  hongrois,  né  à  Soprony  en  1770, 
mort  à  Soprony  en  1846.  Pasteur  de  plusieurs  paroisses 
successivement  et  en  dernier  lieu  de  sa  ville  natale,  il  tra- 
vailla toute  sa  vie  à  des  traductions  et  à  des  poésies  qui, 
sans  grande  vigueur  lyrique,  ne  manquent  pas  de  valeur 
philosophique  et  morale.  On  trouvera  dans  Toldy  l'im- 
mense liste  de  ses  publications.  E.  S. 

BiBL.  :  Toldy,  A  Magyar  Kœltészet  Kézikœnyve.  — 
ScHwicKER,  Geschichte  der  ungarischen  Litteratur. 

KIS  (V.  Kiss). 

Kl  S  AÏS!  PI  ou  BIG  Rivek.  Fleuve  du  Labrador,  qui  se 
jette  à  l'E.  de  la  baie  James.  Il  arrose  de  belles  plaines. 

KISBER.  Bourg  de  Hongrie,  comitat  de  Komarom; 
2,000  hab.  Célèbre  haras. 

BiBL.  :  Brûckner,  Gesch.  der  Staatsgestûts  zu  Kisber; 
"  Vienne,  1886. 

KISEL  ou  KISIEL  (Adam),  homme  d'Etat  polonais 
du  xvii®  siècle,  mort  en  1653.  Il  était  d'origine  russe 
et  n'appartenait  pas  à  la  religion  catholique,  mais  il  était 
dévoué  à  la  Pologne.  Il  fut  castellan  de  Tchernigov  et  do 
Kiev,  puis  palatin  de  Kiev.  Il  s'efforça  de  maintenir  les 
Cosaques  dans  l'obéissance,  mais  il  ne  put  y  réussir. 

KISFALUDY  (Alexandre),  poète  hongrois,  né  à  Siimeg 
le  27  sept.  1772,  mort  le  28  oct.  1844.  Entré  de  bonne 
heure  dans  la  garde  hongroise,  il  apprit  le  français  et  l'ita-- 
lien,  et  commença  à  éprouver  un  goût  très  vif  pour  la  poésie 
italienne.  Incorporé  ensuite  dans  les  hussards  et  envoyé  en 
Italie,  il  fut  fait  prisonnier  (1796)  et  heureusement  pour  lui 
envoyé  en  France,  près  de  la  fontaine  de  Vaucluse.  Là,  il 
se  pénétra  du  génie  de  Pétrarque,  qui  contribua  beaucoup  à 
lui  inspirer  son  premier  ouvrage,  les  Amours  de  Himfy. 
C'est  en  1801  que  Kisfaludy,  retiré  pacifiquement  dans  son 
domaine,  publia  la  première  partie  de  ce  recueil,  dont  le 
succès  fut  immense.  La  Hongrie  aristocratique  salua  en  lui 
son  lyrique  national,  comme  la  Hongrie  populaire  venait 
de  saluer  le  sien  en  Csokonai.  La  seconde  partie  des  Amours 
de  Himfy,  les  amours  heureux  par  opposition  aux  amours 
malheureux  de  la  première  partie,  fut  publiée  en  1807. 
En  1809,  Kisfaludy  prit  une  grande  part,  comme  militaire 
et  surtout  comme  poète  dramatique  et  lyrique,  au  soulè- 
vement national  contre  Napoléon.  Ensuite  il  se  remit  au 
travail  et  continua  ses  Récits  magyars  du  vieux  temps, 
série  de  petits  poèmes  commencés  avant  la  guerre  et  dont 
la  plupart  furent  publiés  en  1822  et  en  1838  :  Csobdncz, 
Somlé  et  d'autres  petites  épopées  à  la  fois  amoureuses  et 
patriotiques,  dont  l'influence  ne  le  cède  guère  à  celle  du 
poème  de  sa  jeunesse.  Ses  tragédies,  Hunyade,  Ladis- 
las,  etc.,  restent  bien  inférieures.  Il  n'eut  pas  le  temps  de 
terminer  ses  Chants  du  Cygne,  Ses  œuvres  ont  été  réu- 
nies par  F.  Toldy  (Pest,  1847,  6  vol.),  auxquelles  s'ajou- 
tent les  œuvres  inédites  (1870,  4  vol.).  Dans  l'ensemble 
de  son  œuvre,  Alexandre  Kisfaludy  l'emporte  de  beaucoup 
sur  tous  les  poètes  magyars  qui  l'avaient  précédé.     E.  S. 


BiBL.  :  ScHwiGKER,  GescMchte  der  ungarischen  Littera- 
tur. —  Edouard  Sayous,  Histoire  des  Hongrois  et  de  leur 
littérature  politique  de  1190  à.  1815. 

KISFALUDY  (Charles),  poète  hongrois,  frère  du  précé- 
dent, né  à  Tét  le  5  févr.  1 788,  mort  le  21  no  v.  1830.  Il  entra 
très  jeune  dans  l'armée  autrichienne,  et  en  sortit  en  181 1. 
Dès  1 812,  il  donnait  un  premier  essai  tragique,  les  Tatares 
en  Hongrie;  puis  il  passa  quelques  années,  tantôt  en  ré- 
sidence à  Vienne  où  il  cultivait  la  peinture  en  même  temps 
que  la  poésie,  tantôt  en  voyage  dans  l'Europe  occidentale 
et  méridionale.  Etabli  à  Pest  depuis  1817,  il  obtint  un 
grand  succès  avec  ses  tragédies  intitulées  le  Siège  de  Bel- 
grade (1819),  Stibor  (même  année),  pièces  qui  furent 
bientôt  traduites  en  allemand.  Dès  lors,  Charles  Kisfaludy 
joua  pendant  ses  dix  dernières  années  un  rôle  doublement 
prépondérant  à  la  tête  de  la  jeune  littérature  magyare. 
Pendant  que  le  recueil  de  V Aurore  donnait,  à  partir  de 
■1822,  les  œuvres  lyriques  du  poète  et  de  ses  amis,  les 
œuvres  tragiques  ou  comiques,  Irène,  Mathieu  Csdk,  les 
Merveilles,  etc.,  se  succédaient  rapidement.  Il  fut  le  véri- 
table fondateur  de  la  littérature  dramatique  magyare  dans 
ce  siècle.  Ses  oeuvres  complètes  ont  été  publiées  par 
Toldy  (Ofen,  1831,10  vol.;  5«  édit.,  Pest,  1859,8  vol.). 
La  mort  prématurée  de  Charles  Kisfaludy  n'empêcha  pas 
son  influence  de  continuer,  et,  dès  1836,  sa  mémoire  parut 
digne  de  présider  à  l'activité  littéraire  de  la  nation.  La 
Société  Kisfaludy  prit  naissance  ;  elle  ne  cessa  de  se  déve- 
lopper pour  la  mise  en  lumière  et  la  glorification  de  la 
muse  magyare.  Elle  a  soutenu  de  jeunes  efforts,  encouragé 
des  talents  déjà  mûrs,  par  ses  récompenses  et  ses  publica- 
tions. Elle  comprend  cinquante  membres  du  dehors  et  dix 
correspondants  étrangers,  traducteurs  d'œuvres  hongroises 
en  langues  étrangères.  E.  S. 

BiBL.  :  ScHwicKER,  Geschickte  der  ungarischen  Litte- 
ratur. —  Toldy,  A  Magyar  Kœltészet  Kézikœnyve. 

KISLICHY  (V.  KvÂs). 

KISO-Gavâ.  Fleuve  du  Japon,  au  centre  de  l'île  de  Nip- 
pon, qui  naît  près  du  Mi-také  et  aboutit  à  la  baie  d'Ovari 
(océan  Pacifique)  après  un  cours  de  250  kil.  ;  il  reçoit  le 
Hida-gava  (150  kd.)  et  parcourt  de  belles  gorges  basal- 
tiques. 

KISON.  Fleuve  delà  Palestine,  qui  traverse  la  plaine  de 
Jezrahel  (ou  Esdrelon),  pour  se  jeter  dans  le  golfe  de  Plo- 
lémaïs  (ou  Saint-Jean-d'Acre).  C'est  la  région  la  mieux  do- 
tée de  la  Palestine  ;  mais  c'est,  en  même  temps,  celle  dont 
la  possession  devait  exciter  le  plus  volontiers  la  convoitise 
des  puissances  voisines.  Par  la  vallée  du  Kison  passe  la 
route  conduisant  d'Egypte  en  Syrie  (Damas)  ;  on  peut  par 
elle  accéder  au  Jourdain  sans  avoir  à  franchir  des  hauteurs. 
Les  environs  du  Kison  (turc  Nahr-el-Mukatta)  ont  été 
le  théâtre,  tant  aux  temps  anciens  qu'aux  temps  modernes, 
de  batailles  décisives  ;  l'Asie  et  l'Egypte  s'y  sont  heurtées 
à  plusieurs  reprises.  Le  Kison  marque  une  séparation  na- 
turelle entre  le  massif  montagneux  d'Ephraïm-Juda  et  la 
montagne  de  Nephtali,  commele  Jourdain  entre  le  pays  de 
Chanaan  proprement  dit  et  la  région  transjordanique  (Ga- 
laad,  Pérée).  Il  est  possible  que,  à  une  époque  reculée,  les 
eaux  du  bassin  du  Jourdain,  soumises  depuis  les  temps 
historiques  à  une  évaporation  intense  qu'explique  la  pré- 
sence des  hautes  parois  rocheuses  qui  bordent  la  vallée  sur 
la  rive  orientale  et  sur  une  partie  de  sa  rive  occidentale, 
aient  trouvé  une  issue  du  côté  de  la  mer  par  le  Nahr-Dja- 
loud,  qui  passe  à  Beïsan  (Scythopolis),  et  la  vallée  du  Kison 
entre  Jezrahel  (Zerin)  et  Sunem  (Solam).    M.  Vernes. 

KISS  (Ernest),  baron  d'Elemer  et  Ittebe,  général  hon- 
grois, né  à  Temesvâr  en  1800,  fusillé  à  Arad  le  6  oct. 
1849.  Colonel  de  hussards  lors  de  la  révolution,  son  adhé- 
sion au  gouvernement  national  lui  valut  sa  nomination  de 
général  commandant  de  corps  d'armée.  H  fut  employé 
contre  les  Serbes  du  Banat.  En  1849,  entraîné  dans  les 
derniers  désastres  et  dans  la  capitulation  de  Vilâgos,  il  fut 
condamné  à  mort  par  un  conseil  de  guerre. 

KISS  (August),  sculpteur  allemand,  né  à  Paprotzan 
(Haute-Silésie)  le  11  oct.  1802,  mort  à  Berlin  le  24  mars 


KISS  -  KÏSTER 


-  554 


i865.  Destiné  d'abord  à  la  carrière  des  forges,  il  entra  en 
1822  à  l'Académie  de  Berlin,  puis,  successivement,  dans 
l'atelier  de  Rauch  et  dans  celui  de  Tieck.  A  ses  premiers 
travaux,  des  groupes  allégoriques  exécutés  pour  le  nouvel 
Entrepôt  de  Berlin,  succédèrent,  à  partir  de  4839,  V Ama- 
zone à  cheval  combattant  contre  un  tigre  (marbre  au 
musée  de  Munich  ;  bronze  au  musée  de  Berlin),  deux  sta- 
tues de  Frédéric- Guillaume  11  (Potsdam  et  Kœnigsberg), 
celle  de  Frédéric  le  Grande  à  Breslau,  le  monument  du 
Duc  Léopold  d'Anhalt,  à  Dessau,  deux  Saint  Georges 
terrassant  le  dragon  (Babelsberg  et  Berlin),  les  statues 
de  Winterfeld  et  de  Schverin,  la  Chasse  au  Renard, 
le  groupe  la  Foi,  l'Espérance  et  la  Charité  (Berlin),  le 
Garde  du  corps  et  le  Cuirassier  (Charlottenbourg),  le 
Sermon  sur  la  montagne  (Potsdam). 

KISSÉLEV  (Paul-Dmitriévitch,  comte),  général  et  di- 
plomate russe,  né  à  Moscou  en  1788,  mort  à  Paris  le 
26  nov.  1863.  Issu  d'une  famille  noble,  il  entra  dès  sa 
première  jeunesse  aux  chevaliers-gardes,  se  fit  remarquer 
par  sa  bravoure  à  Eylau,  à  Friedland,  à  la  Moskowa  et 
devint,  en  1814,  aide  de  camp  de  l'empereur  Alexandre  F'' 
qui,  deux  ans  plus  tard,  le  nomma  chef  d'état-major  de 
l'armée  commandée  par  Wittgenstein  et,  en  1823,  l'ap- 
pela près  de  lui  comme  aide  de  camp  général.  Son  atti- 
tude pendant  les  troubles  dont  Saint-Pétersbourg  fut  le 
théâtre  à  l'avènement  de  Nicolas  I«^  (1825)  lui  valut  la  fa- 
veur de  ce  souverain.  Kissélev  prit  une  part  très  active  à  la 
guerre  contre  les  Turcs  sur  le  Danube  en  1828  et  1829 
et,  après  le  traité  d'Andrinople,  fut  chargé  du  gouverne- 
ment civil  et  militaire  de  la  Moldavie  et  de  la  Valachie.  Il 
ne  quitta  ces  deux  provinces  (1 834)  qu'après  leur  avoir 
donné  de  toutes  pièces  par  le  Règlement  organique  une 
administration  nouvelle  qui  était  pour  elle  un  inappréciable 
bienfait.  Rentré  en  Russie,  appelé  au  conseil  supérieur  de 
l'Empire,  il  fut,  en  1837,  nommé  ministre  des  domaines 
impériaux,  élevé  plus  tard  au  rang  de  comte  et  placé  à  la 
tête  de  la  5®  section  delà  chancellerie  privée  du  tsar.  Am- 
bassadeur en  France  après  le  traité  de  Paris  (4856),  il 
concourut  en  1 858  aux  conférences  pour  la  réorganisation 
des  principautés  danubiennes  et  se  retira  des  affaires,  pour 
raison  de  santé,  en  déc.  1862.  A.  Dp:btdour. 

KISSÉLEV  (Nicolas,  comte),  diplomate  russe,  frère  du 
précédent,  né  en  1800,  mort  à  Florence  le  7  déc.  1869. 
Il  débuta  comme  secrétaire  d'ambassade  à  Berlin,  puis  à 
Paris  (1829),  suivit  Pozzo  di  Borgo  à  Londres  comme  con- 
seiller d'ambassade  (1838),  revint  peu  après  au  même  titre 
en  France  (1839)  sous  le  comte  Palhen,  y  resta  comme 
chargé  d'affaires  de  Russie  après  le  départ  de  ce  dernier 
(1841),  fut,  après  la  révolution  de  1848,  accrédité  auprès 
de  Louis-Napoléon  comme  ministre  plénipotentiaire  et  ne 
quitta  son  poste  que  le  4  févr.  1854,  au  moment  de  la  rup- 
ture diplomatique  qui  amena  la  guerre  de  Crimée.  Envoyé 
deux  ans  plus  tard  en  Italie  comme  ministre  plénipoten- 
tiaire auprès  des  cours  de  Rome  et  de  Florence,  il  ména- 
gea un  rapprochement  entre  son  gouvernement  et  le  saint- 
siège  au  sujet  des  affaires  de  Pologne.       A.  Debidour. 

KISSER.  Ile  de  l'archipel  de  la  Sonde  (Malaisie),  au 
N.-E.  de  Timor;  154  kil.  q.;  7,000  hab.  Elle  dépend  de 
la  résidence  d'Amboine  ;  à  côté  de  la  population  indigène, 
vivent  à  Kotta  Lama  les  descendants  de  soldats  néerlandais, 
français  et  allemands  restés  chrétiens,  mais  parlant  le  ma- 
lais, en  ayant  adopté  lesmœurs  (polygamie,  par  exemple) 
et  faisant  cultiver  par  des  esclaves.  L'ancien  nom  de  l'île 
est  Jetawawa.  Les  Néerlandais  y  établirent  en  1665  deux 
forts  aujourd'hui  abandonnés.  Le  ch.-l.  est  Delftshaven. 

Kl  SSINGEN.Villed'Allemagne,  royaume  deBavière,  pro- 
vince de  Basse-Franconie,  dans  la  vallée  de  la  Saale  fran- 
conienne, aflfl.  droit  du  Main  ;  4,000  hab.  Ses  eaux,  connues 
dès  le  ix^  siècle,  attirent  chaque  année  15,000  baigneurs. 
Le  plus  célèbre  est  Bismarck  qui  faillit  y  être  assassiné  par 
Kullmann  le  13  juil.  1874.  —  Le  10  juil.  1866  fut  livrée 
à  Kissingen  une  bataille  entre  Bavarois  et  Prussiens  ;  ceux- 
ci  l'emportèrent  péniblement. 


Eaux  minérales.  —  Elles  sont  «  athermales  ou  protho- 
therraales,  chlorurées  fortes  ou  moyennes,  bromo-iodurées, 
ferrugineuses  faibles  ou  carboniques  fortes  »  (Rotureau). 
ïl  y  a  cinq  sources  dont  deux  sont  aux  salines  mêmes,  trois 
dans  la  ville.  Les  eaux  de  Kissingen  se  prennent  en  bois- 
son (surtout  Rakoczyet  Pandur),  bains,  douches  d'eau,  de 
vapeur,  d  acide  carbonique,  inhalations,  bains  de  boue. 
Elles  sont  surtout  utiles  dans  les  dyspepsies,  la  constipa- 
tion, les  hémorroïdes,  la  scrofule,  le  lymphatisme,  l'obé- 
sité, le  catarrhe  bronchique,  la  goutte,  le  rhumatisme,  les 
névralgies,  etc.  D'^  L.  Hn. 

KISSLING  (Léopold),  sculpteur  allemand,  né  à  Schœne- 
born  en  1770,  mort  à  Vienne  en  1827.  D'abord  menuisier, 
il  étudia  la  sculpture  sous  Schrott,  puis  à  l'Académie  de 
Vienne.  Ses  premières  œuvres,  Germanicus  et  Achille 
pleurant  sur  les  cendres  de  Patrocle,  lui  valurent  d'aller 
comme  pensionnaire  à  Rome,  où  son  groupe  de  Mars, 
Vénus  et  l'Amour  (1810,  Belvédère)  lui  attira  l'intérêt 
de  Canova,  et  où  ensuite  il  exécuta  son  magnifique  Génie 
des  Beaux-Arts.  De  retour  à  Vienne,  et  devenu  sculpteur 
de  la  cour,  il  fit  le  tombeau  du  ministre  Cobenzl,  celui  de 
l'orientaliste  Hammer^  et  le  buste  en  marbre  de  V Empe- 
reur François  I^^.  E.  Gourdault. 

Kl  SI  (Nicolas-Chrétien),  théologien  et  historien  hollan- 
dais, né  à  Zalt-Bommel  en  1793,  mort  à  Leyde  en  1859. 
En  1823,  il  fut  appelé  à  professer  l'histoire  ecclésiastique 
à  l'université  de  Leyde  et  il  occupa  cette  chaire  avec  beau- 
coup de  distinction  jusqu'à  sa  mort.  Il  publia  un  grand 
nombre  d'ouvrages  pleins  d'érudition  et  d'esprit  critique  et 
fonda,  en  collaboration  avec  le  professeur  H.-J.  Royaards, 
l'importante  revue  intitulée  Archives  pour  r Histoire  re- 
ligieuse des  Pays-Bas  (en  holl.,  Leyde,  1829-59).  Ses 
travaux  les  plus  importants  sont  FEglise  et  l'Histoire 
(en  holl.,  Haarlem,  1830,  2  vol.  in-8;  rééd.,  Leyde, 
1832);  le  Retour  des  Vaudois  en  1 689-90  (id.,  Leyde, 
1846,  in-8);  Esquisse  historique  sur  V université  de 
Leyde  (id.,  1850,  in-8);  Histoire  du  Presbytérianisme 
(zVL,  1855,  in-8).  E.  H. 

BiBL.  :  KoENEN,  Bibliographie  de  N.-C.  Kist  (en  holl.)  ; 
Amsterdam,  1859,  in-12. 

KIST  (Florent-Corneille),  musicien  hollandais,  né  à 
Arnhem  le  28  janv.  1796,  mort  à  Utrecht  le  23  mars 
1873.  Fixé  à  La  Haye  comme  médecin,  il  prit  une  grande 
part  à  l'organisation  des  sociétés  musicales  et  des  concerts 
en  Hollande,  et  abandonna  bientôt  la  médecine  pour  se 
consacrer  tout  entier  à  la  musique.  Il  fonda  en  1844  à 
Utrecht  le  journal  musical  Cœcilia,  organisa  en  cette  ville 
des  concerts  pubhcs  et  des  concerts  d'amateurs,  composa 
quelques  morceaux  de  chant,  traduisit  en  hollandais  l'his- 
toire de  la  musique  de  Brendel,  et  publia  une  brochure 
sur  l'état  de  la  musique  dans  les  églises  protestantes  en 
Hollande  (1840),  une  biographie  de  Roland  de  Lassus 
(1841)  et  de  très  nombreux  articles  dans  les  vingt  pre- 
mières années  du  journal  Cœcilia,  M.  Br. 

KISTER  (Georges,  baron),  général  français,  né  à  Sarre- 
guemines  le  26  janv.  1755,  mort  le  24  déc.  1832.  Il  fit  la 
première  partie  de  sa  carrière  aux  armées  de  la  Moselle  et  du 
Rhin  (1792-96)  où  il  devint  chef  de  bataillon.  Il  servit  ensuite 
en  Allemagne  pendant  la  campagne  de  1796  et  se  signala 
dans  différentes  affaires  d'arrière-garde  lorsque  Moreau  dut 
accomplir  sa  fameuse  retraite  à  travers  la  Forêt-Noire.  L'an- 
née suivante  Kister  passa  à  l'armée  d'Itahe  avec  le  grade 
de  chef  de  brigade.  Promu  général  en  1798,  il  reçut  à  l'ou- 
verture de  la  campagne  de  1799  contre  les  Austro-Russes 
le  commandement  d'une  brigade  à  la  tête  de  laquelle  il 
combattit  vaillamment  dans  la  malheureuse  journée  de 
Cassano  (27  avr.).  Des  blessures  graves  qu'il  reçut  à  cette 
bataille  le  tinrent  quelques  mois  éloigné  du  service;  mais 
quand  Bonaparte  organisa  l'armée  de  réserve  avec  la- 
quelle il  devait  délivrer  l'ItaUe,  Kister  obtint  d'en  faire 
partie  en  qualité  de  commandant  d'une  brigade  de  la  divi- 
sion Turreau  (1800).  Sous  l'Empire  il  fut  constamment 
employé;  toutefois,  on  lui  réserva  de  préférence  des  com- 


-  555  - 


KfSTER 


Kl  YNG 


mandements  territoriaux.  C'est  ainsi  notamment  qu'il 
exerça  pendant  plusieurs  années  les  fonctions  de  gouver- 
neur général  du  pays  de  Fulde,  puis  celle  de  commandant 
de  la  Seine-Inférieure.  Par  lettres  patentes  du  28  juin 
4808  il  fut  créé  baron  de  l'Empire.  En  1842  il  prit  pré- 
maturément sa  retraite.  Ch.  G. 

KISTNA.  Fleuve  de  l'Inde  (V.  Krichna). 

KISTNA.  Rivière  de  Vhide  (V.  ce  mot,  t.  XX,p.  672). 

KIS-USJSZALLAS.  Ville  de  Hongrie,  comitat  de  Jasz 
(lazygie),  ch.  de  fer  de  Czegled  à  Debreczin;  44,000  hab. 

KISVARDA.  Ville  de  Hongrie,  comitat  de  Szabolcs; 
5,000  hab. 

KITA.  Fort  de  la  colonie  française  du  Sénégal,  à  22  kil. 
du  Rakhoy  et  4,250  kil.  S.-E.  de  Saint-Louis,  sur  une 
montagne  de  grès.  C'est  la  plus  forte  place  du  Sénégal 
(V.  ce  mot),  un  marché  important  et  un  sanatorium. 

KITA-Gami-Gava.  Fleuve  du  Japon  (V.  ce  mot, 
t.  XXi,  p.  21). 

KITAIBELIA  (Kitaibelia  W .)  (Bot.).  Genre  de  Malva- 
cées,  très  voisin  des  Malope  (V.  ce  mot)  dont  il  se  distingue 
par  le  calicule  formé  de  six  à  neuf  folioles  unies  à  leur 
base.  Le  K,  vitifolia  W.  est  cultivé  dans  nos  jardins  bo- 
taniques. Sa  corolle,  blanche  et  tordue,  est  celle  d'une 
Mauve. 

Kl-TAN  (V.  Kbitans). 

KiTCHMENGA.  Rivière  de  Russie,  gouvernement  de  Vo- 
logda,  affl.  gauche  du  loug  (bassin  delà  Dvina  du  Nord); 
200  kil.  de  long. 

KITOWICZ  (André),  historien  et  publiciste  polonais,  né 
en  4728,  mort  en  1804.  Il  passa  sa  jeunesse  aux  cours  des 
magnats,  prit  part  à  la  confédération  de  Bar  ;  dans  sa 
quarante-troisième  année,  dégoûté  des  intrigues  et  des 
misères  de  son  parti  politique,  il  se  retira  au  séminaire 
des  piaristes.  On  ignore  les  détails  de  sa  vie  comme  reli- 
gieux. Très  âgé,  en  1799,  il  signait  comme  chanoine  de 
Kalisz  son  testament,  où  il  s'occupe  de  ses  deux  manus- 
crits, dont  l'un  contenait  les  mœurs  en  Pologne,  et  l'autre 
l'histoire  de  son  pays.  Il  continua  cependant  à  écrire  ses 
mémoires  jusqu'à  sa  mort.  Kitowicz  nous  a  laissé  dans  son 
œuvre  le  meilleur  tableau  des  mœurs  polonaises  au  xviii®  siè- 
cle. Les  diètes,  les  réunions  publiques,  les  fêtes  nationales, 
les  mets  et  les  costumes,  tout  le  côté  pittoresque  do  la  vie 
nationale  est  fidèlement  représenté.  11  exalta  le  règne 
d'Auguste  III,  admira  la  liberté  absolue  de  la  noblesse  et 
il  ne  comprit  pas  l'importance  des  réformes  et  de  la  consti- 
tution du  3  mai.  La  meilleure  édition  de  son  œuvre  est 
celle  de  W.  Zawadzki:  Mémoires  de  Vabhé  A,  Kitoiuicz 
(en  pol.,  Léopol,  1882,  3  vol.);  la  Descnplion  des 
mœurs  et  coutumes  sous  Auguste  III  {id.,  2  vol.). 
AVojcicki  mentionne  encore  un  travail  de  Kitowicz  :  Ta- 
bleau statistique  de  la  Pologne  (1790).  On  ne  sait  pas 
si  le  manuscrit  de  ce  travail  existe  encore.  J.  K. 

Kl  TSE  (c.-à-d.  le  vicomte  de  Ki).  Titre  d'un  per- 
sonnage qui  passe  pour  avoir  vécu  vers  le  milieu  du  xu®  siècle 
avant  notre  ère,  à  une  époque  où  l'histoire  de  Chine  n'offre 
pas  encore  beaucoup  de  certitude.  Ki  tse  était  sujet  de 
Tcheou  Sin,  le  dernier  souverain  de  la  dynastie  Yn  ;  indi- 
gné des  crimes  de  ce  tyran,  il  lui  fit  des  remontrances  et 
fut  jeté  en  prison  ;  quand  le  roi  Ou  eut  battu  et  tué  Tcheou 
Sin,  il  rendit  la  liberté  à  Ki  tse.  Mais  celui-ci  déclara  qu'il 
devait  rester  fidèle  à  la  dynastie  Yn  et  que  le  roi  Ou,  fon- 
dateur de  la  dynastie  Tcheou,  ne  pouvait  être  pour  lui  le 
souverain  légitime;  il  quitta  donc  la  cour  du  roi  Ou  et  alla 
s'établir,  dit-on,  en  Corée  ;  il  est  regardé  comme  le  pre- 
mier ancêtre  des  chefs  coréens.  Ed.  Ch. 

KITTENDORF  (Johan-Adolf),  lithographe  danois,  né  à 
Copenhague  en  1820.  Son  grand  ouvrage  d'environ 
120  planches,  mûiulë  Billeder  efter  danske  malere^  fait 
bien  connaître  l'évolution  de  la  peinture  danoise  en  notre 
siècle.  Depuis  1855,  Kittendorf  est  professeur  à  l'Acadé- 
mie des  beaux-arts  de  Copenhague. 

KITTL  (Jean-Frédéric),  musicien  tchèque,  né  à  Vorlik 
en  4809,  mort  en  4866.  Il  étudia  la  musique  à  Prague  et 


fut  élève  de  Tomaschek.  A  partir  de  4836,  il  fit  exécuter 
dans  les  concerts  des  compositions  symphoniques  qui  lui 
valurent  des  succès  considérables.  En  4843,  il  fut  nommé 
directeur  du  Conservatoire  de  Prague.  On  lui  doit  plusieurs 
opéras  :  Bianca  und  Giuseppe,  Waldblume,  Die  Bilders- 
lûrmer,  une  symphonie  de  la  chasse  (lagdsymphonie),  de 
nombreux  morceaux  pour  la  voix  et  le  piano,  une  messe,  etc. 

KITTO  (John),  littérateur  anglais,  né  à  Plymouth  le 
4  déc.  4804,  mort  à  Cannstadt  le  25  nov.  4854.  Après 
avoir  fait  un  peu  tous  les  métiers,  il  entra  dans  la  Société 
des  missions  d'Islington  qui  l'envoya  à  Malte,  puis  en 
Perse.  Il  a  laissé  de  très  remarquables  ouvrages  parmi 
lesquels:  The Lost  Sensés  (Londres,  1845),  scènes  delà 
vie  des  aveugles  et  des  sourds-muets  ;  The  Pictorial  Bible 
(1835-38,  4  vol.  in-4);  Pictorial  Ilistory  a f  Palestine 
and  the  Holy  Land  (1840)  ;  Essays  and  Letters 
(1825)  ;  Uncle  Olivefs  Travels  in  Persia  (1838, 2  vol.); 
Thoughts  among  flowers  (1843)  ;  The  Court  and  peuple 
of  Persia,  The  Tartar  Tribes  (1846-49),  etc.      R.  S. 

KITTOCINCLA  (Ornith.).  Legenre  Kittocincla  de  Gould 
(Proceed.  ZooL  Soc,  1836,  p.  7),  dont  le  nom  a  été  modifié 
plus  tard  en  Cittocincla,  comprend  plusieurs  espèces  de  Pas- 
sereaux de  l'Inde,  de  Plndo-Chine  et  de  Malaisie  qui  ont  un 
peu  la  physionomie  de  nos  Traquets,  avec  une  queue  beau- 
coup plus  longue  et  formée  de  pennes  étagées,  et  un  plu- 
mage noir  rehaussé  de  blanc  sur  les  ailes  et  la  queue. 
L'espèce  la  plus  anciennement  décrite  de  ce  groupe  est  la 
Kittocincla  tricolor  V.  ou  macroura  Gm.  qui  a  été  ap- 
pelée Gobe-Mouche  à  longue  queue  de  Gingi  par  Sonne- 
rat  (V.  hîd.  orient.,  1786,  1.  H,  p.  196)  et  Merle  tri- 
colore à  longue  queue  par  Levaillant  {Ois.d'Afr,,  1802, 
t.  III,  p.  114).  Elle  est  très  commune  dans  les  jongles  de 
l'Inde  méridionale.  Les  indigènes  qui  la  connaissent  sous 
le  nom  de  Shama  lui  font  une  chasse  très  active.  Le 
Shama,  en  effet,  comme  tous  ses  congénères,  est  doué  d'une 
voix  admirable  et,  à  ce  titre,  il  est  particulièrement  re- 
cherché comme  oiseau  de  volière.  C'est  surtout  le  soir,  im- 
médiatement après  le  coucher  du  soleil,  qu'il  fait  entendre 
son  chant,  comparable  à  celui  du  Rossignol. 

Les  Kittocincla,  qui  ont  de  grandes  affinités  avec  les 
Copsychus  de  Madagascar  et  des  Seychelles,  ont  été  ratta- 
chés par  M.  Sharpe  (Cat.  Birds  Brit.  Mus.,  1883, 
t.  VII,  p.  85)  à  la  grande  famille  des  Timéliidés.    E.  Oust. 

KITZBUHEL.  Ville  du  Tirol  septentrional,  située  sur  un 
affl.  du  Chiemsee,  à  737  m.  d'alt.  ;  2,000  hab.  Elle  pos- 
sède une  source  d'eau  ferrugineuse  et  donne  son  nom  à 
un  groupe  des  Alpes.  Ce  massif,  compris  entre  l'Inn  et  la 
Salzach  supérieure,  est  dominé  par  le  G  eierkopf  (2,786  m.). 
BiBL.  :  VoRDERMAYR,  KUzbûhel  und  Umqebung  ;  Salz- 
bourg,  1886. 

KITZEN.  Village  de  Prusse,  district  de  Magdebourg, 
près  duquel  le  corps  franc  de  Lutzow  fut  exterminé  par  les 
Franco-Wurttembergeois  (17  juin  1813). 

KITZINGEN.  Ville  de  Ravière,  prov.  de  Franconie  infé- 
rieure, sur  le  Main  ;  7,500  hab.  Rière  renommée. 

KIUPRULI.  Famille  de  vizirs  ottomans  (V.  Kqeprili). 

KIUSTENDIL(V.Kustendyl). 

KIUSTENDJÉ(V.  Kustendjé). 

Kl  VI  (Alexis).  Pseudonyme  de  l'écrivain  finnois  i.  Sten- 
vall. 

KIWI  se  H  VON  RoTTERAu  (Frauz),  médecin  tchèque,  né  à 
Klattau  (Rohême)  le  30  avr.  1814,  mort  à  Prague  le  24  oct. 
1852.  Il  fut  docent  de  gynécologie  à  Prague  (1842),  puis 
en  1845  devint  professeur  d'accouchements  à  Wurzbourg 
et  en  4850  à  Prague.  Il  peut  être  considéré  comme  le  créa- 
teur de  la  gynécologie  allemande.  Ouvrages  principaux  : 
Vortr,  liber  sper.  Pathologie  und  Thérapie  der  Krajik- 
heiten  des  weiblichen  Geschlechtes  (Prague,  1851-55, 
3  vol.  in-8);  Beitr.  %ur  fiehurtskunde  (Wurzbourg, 
1844-48,  in-8),  D^L.  Hn. 

Kl  YNG,  célèbre  homme  d'Etat  chinois.  Après  avoir  été 
en  1835  président  du  ministère  des  finances  et  contrôleur 
du  clan  impérial,  il  fut  envoyé  en  1842  à  Canton  comme 


Kl  YNG  —  KJELLAND 


~  556  - 


commissaire  extraordinaire  afin  de  traiter  avec  les  Anglai<$^ 
il  joua  un  grand  rôle  dans  les  négociations  qui  amenèrent 
la  ratification  du  traité  de  Nanking;  en  1843,  ce  fut  lui 
qui  signa  le  traité  supplémentaire  du  8  oct.  dont  une  clause 
stipulait  l'admission  de  tous  les  étrangers  dans  les  cinq  ports 
ouverts  sur  le  même  pied  que  les  Anglais.  En  1844,  Ki 
Yng  traita  avec  le  plénipotentiaire  américain,  M.  Cushing, 
et  signa  le  traité  de  Wanghia,  du  3  juil.  ;  le  23  oct.  4844, 
il  conclut  avec  le  ministre  français,  M.  de  Lagrené,  le 
traité  de  Whampoa.  Sur  les  instances  de  M.  de  Lagrené, 
il  adressa  le  28  déc.  1844  un  mémoire  au  trône  pour  de- 
mander que  les  Chinois  chrétiens  ne  fussent  pas  considérés 
comme  des  criminels;  sa  requête  fut  approuvée  par  l'em- 
pereur qui  promulgua  le  20  févr.  1846  un  édit  de  tolé- 
rance. Ki  Yng  resta  vice-roi  du  Kouang-si  et  du  Kouang- 
tong  jusqu'en  janv.  1848;  c'est  la  partie  la  plus  glorieuse 
de  sa  vie.  En  1848,  il  revint  à  la  capitale  où,  après  avoir 
joui  quelque  temps  d'un  grand  crédit,  il  tomba  soudain  en 
disgrâce,  et  fut  dégradé,  en  même  temps  que  le  célèbre 
Mou-tchang-a,  par  un  décret  en  date  du  21  nov.  1851. 
Lors  de  l'expédition  franco-anglaise  de  1858,  il  tenta  un 
coup  de  tête  en  prétendant  négocier  de  son  autorité  propre 
avec  lord  Elgin  à  Tien-tsin  ;  il  échoua,  et,  à  son  retour  à 
Péking,  un  édit  impérial  l'obligea  à  s'empoisonner  pour 
éviter  d'être  exécuté  en  pubhc.  Ed.  Chavannes. 

BiBL.  :  C.  Lavallée,  Revue  des  Deux  Mondes,  15  déc. 
1859.  —  Chinese  Repository,  vol.  XX,  pp.  49-51. 

KI-YUEN,  empereur  chinois  (V.  Han). 

KIZIL.  Ce  mot,  qui  signifie  «  songe  »  en  langue  turque, 
entre  dans  la  composition  de  beaucoup-  de  noms  asiatiques. 

Le  surnom  de  Kizil-bach  ou  têtes  rouges  a  été  donné 
ironiquement  aux  Persans  chiites  par  les  musulmans  sun- 
nites, à  cause  de  la  coiffure  rouge  des  troupes  des  Séfis; 
il  fut  appliqué  spécialement  à  des  tribus  turkmènes  parmi 
lesquelles  celle  des  Kadjars  (actuellement  régnante  en 
Perse)  .Les  Kizil-bach  venus  en  Afghanistan  avec  Nadir  Chah, 
font  partie  de  la  classe  bourgeoise  et  administrative.  Enfin, 
dans  l'Arménie  et  l'Asie  Mineure,  ce  nom  est  donné  à  des 
sectaires  de  race  kurde  ou  turkmène  (400,000  environ) 
qui  vivent  sur  l'Euphrate  moyen,  le  Mourad  et  le  haut 
Kizil-Irmak  ;  ce  sont  les  héritiers  religieux  des  Mazdéens. 

KIZI  L-Arslân  (V.  Turcs  Seldjoucides). 

KIZlL-ART(Mont.)  (V.  Pamir). 

KIZIL-Arvat.  Forteresse  du  territoire  turkmène  des 
Akhal-Tekké,  prov.  russe  transcaspienne,  sur  la  voie  fer- 
rée. Ce  fut  quelque  temps  la  tête  de  ligne  des  Russes. 

KIZIL-Kak.  Lac  sans  écoulement  de  Sibérie,  gouv.  et  à 
300  kil.  N.-E.  d'Akmolinsk;  234  kil.  q. 

KIZlL-KouM.  Désert  du  Turkestan  russe,  entre  le  Sir 
et  l'Amou-daria,  le  Kara-taou  et  la  mer  d'Aral;  600  kiL 
del'E.  àl'O.,  350  kil.  duN.au  S. 

KJAERSCHOU  (Frederik-Christian),  paysagiste  danois, 
né  à  Copenhague  en  1805.  Après  avoir  remporté  plusieurs 
prix  dans  son  pays,  il  voyagea  à  l'étranger  et  séjourna 
principalement  à  Munich  et  dans  le  TiroL  A  son  retour, 
il  ne  tarda  pas  à  être  nommé  membre  de  l'Académie  des 
beaux-arts  (1844).  Le  musée  royal  de  Copenhague  contient 
un  grand  nombre  de  ses  œuvres. 

KJARTAN.  Nom  propre  islandais.  Parmi  ceux  qui  por- 
tèrent ce  nom,  le  plus  marquant  est  Kjartan  Olofsson, 
héros  célèbre,  qui  se  fit  baptiser  en  Norvège  en  998,  et 
eut  pour  parrain  Olof  Tryggvesson.  ïl  est  connu  surtout  par 
son  amour  malheureux  pour  Gudrun  Osvifsdotter,  qui  le  fit 
assommer  un  jour  par  son  mari. 

KJELD,  saint  danois,  né  à  Venning,  près  de  Randers, 
au  commencement  du  xii^  siècle,  mort  à  Viborg  en  1150, 
canonisé  par  le  pape  en  1188.  Chanoine  à  Viborg  en  1130, 
il  s'adonna  pendant  plusieurs  années  à  l'enseignement  ;  il 
prit  part  à  Lund  aux  négociations  de  paix  entre  le  roi  Sven 
Grathe  et  son  concurrent  Knut  Magnusson,  et  peu  après 
fut  assassiné,  à  ce  que  rapporte  une  légende,  pendant  qu'il 
était  en  prière  dans  la  chapelle  d'un  couvent.  Il  était  con- 
sidéré comme  un  saint  par  le  peuple  bien  avant  sa  canoni- 


sation ;  ses  ossements  ont  été  conservés  dans  l'église  de 
Viborg  jusqu'à  l'incendie  de  celle-ci,  en  1726. 

KJELDRUP  (Anton-Edward),  peintre  danois,  né  à  Ha- 
derslev  en  1826,  mort  en  1869.  Il  occupe  une  place  im- 
portante dans  l'école  paysagiste  danoise  moderne,  malgré 
la  brièveté  de  sa  vie.  Il  avait  fait  ses  études  à  Copenhague 
et  à  Munich  ;  de  nombreux  voyages  avaient  achevé  de  mûrir 
son  talent. 

KJELLAND  ou  KIELLAND  (Alexander-Lange),  auteur 
norvégien,  né  à  Stavanger  le  8  févr.  1849.  Après  avoir  fait 
son  droit  et  voyagea  l'étranger  (Paris,  1877-78),  il  acheta 
une  briqueterie  à  Malde,  près  de  Stavanger,  et  la  dirigea 
jusqu'en  1881.  Il  vint  alors  s'établir  à  Copenhague,  mais 
n'y  resta  que  deux  ans  et  rentra  en  1883  en  Norvège.  Il 
est  actuellement  (1895)  bourgmestrede  Stavanger  et  dirige, 
depuis  1885,  un  des  journaux  de  l'endroit  (5tom/i^^?ML'i5). 
Kjelland  est  un  des  chefs  de  l'école  réaliste  norvégienne, 
et  s'il  n'est  pas  le  plus  populaire,  —  la  distinction  même 
de  son  talent  pouvant  nuire  à  son  succès  auprès  de  la 
foule,  —  il  est  certainement  un  des  auteurs  les  plus  es- 
timés du  public  lettré  et  l'un  de  ceux  qui  exercent  la  plus 
sensible  influence  sur  les  jeunes  écrivains  de  son  pays  et 
même  de  l'étranger.  Une  partie  de  ses  œuvres  ont  été 
traduites  en  allemand,  et  une  revue  française  a  publié 
Else,  une  de  ses  meilleures  nouvelles.  Kjelland  a  pris 
dans  son  pays  une  position  très  nette  :  il  est  radical 
et  homme  du  monde.  Homme  du  monde,  il  l'est  par  son 
cosmopolitisme,  par  son  désir  de  faire  pénétrer  en  Norvège 
la  culture  européenne  et  par  la  délicatesse  avec  laquelle  il 
traite  les  plus  humbles  sujets  ;  il  est  radical  par  ses  idées 
sur  l'organisation  de  la  société,  sur  le  mariage  et  sur 
l'éducation.  Ce  qui  l'a  révolté,  dans  le  milieu  où  il  a  passé 
son  enfance,  c'est  l'oppression  exercée  par  un  clergé  aux 
vues  étroites,  très  rigoureux  et  puissant  partout,  surtout 
dans  l'œuvre  de  l'éducation  :  la  disciphne,  le  catéchisme, 
les  études,  tout  contribue  à  briser  la  volonté,  à  faire  du 
jeune  homme  une  pure  machine,  et  cette  œuvre  néfaste  la 
société  la  continue  et  l'achève.  —  Quelque  pessimistes  que 
soient  ces  idées,  les  nouvelles  et  les  romans  de  Kjelland 
ne  sont  pas  moins  d'une  lecture  attrayante.  «  Une  veine 
de  fraîcheur  gracieuse  court  en  son  œuvre,  où  transparaît, 
sous  le  scepticisme  acquis  d'une  culture  cosmopolite,  l'in- 
génuité, chez  lui  attrayante,  du  cœur  national.  »  (Bernar- 
dini.)  Les  descriptions  de  Kjelland  sont  gracieuses  ou  frap- 
pantes en  leur  sobriété  ;  ce  qu'il  note,  ce  sont  les  fines 
nuances;  aussi,  mieux  que  d'autres,  il  donne  l'impression 
du  «  fugitif  ».  De  là  la  tristesse  qui  se  dégage  de  ses  nou- 
velles même  des  moins  mélancohques.  En  d'autres  nouvelles 
et  en  la  plupart,  le  fond  de  l'histoire  est  triste.  C'est  le  «  souci 
humain  »  qui  inspire  le  romancier,  le  souci  qui  seul, 
«  comme  le  lierre  (pour  lui  emprunter  une  image),  reste 
toujours  frais  hiver  comme  été  »  ;  c'est  l'indignation 
contre  les  abus  de  notre  société  moderne,  contre  l'omni- 
potence du  clergé  établi,  qui  rend  sa  satire  plus  vigoureuse. 
Kjelland  a  subi  surtout,  serable-t-il,  deux  influences  litté- 
raires: celle  d'Ibsen,  qui  prend  tout  au  sérieux,  et  celle  de 
Heine,  qui  semble  rire  de  tout.  Et  peut-être  cela  contribue- 
t-il  à  rendre  son  œuvre  moins  aisée  à  goûter  d'abord.  Néan- 
moins c'est  un  des  écrivains  de  la  Norvège  moderne  qu'il  y 
aurait  le  plus  d'intérêt  à  faire  connaître  par  des  traductions. 
Ses  œuvres  comprennent  deux  volumes  de  nouvelles 
(1879,  1880);  des  romans:  Garman  et  Worse  (1886)  ; 
les  Travailleurs  (Arbeidsfolk,  1881);  Else  (1881); 
Capitaine  Worse  (1882);  Poison  (Gift,  1883);  For- 
tune (1884);  Neige  (Snee)  ;  enfin  des  drames,  plus 
spirituels  peut-être  que  dramatiques  ;  Trois  Couples  (Tre 
par,  1886);  le  Tuteur  de  Betty  (Betty's  Formynder, 
1887)  et  le  Professeur  (1888),  dans  lesquels  il  s'attaque 
au  mariage  tel  que  le  fait  notre  société  moderne. 

Th.  Cârt. 

BiBL.  :  Revue  bleue,  1891,  vol.  XLVIII,  traduction  de 
Else.  —  ScHWEiTZER,  Geschichte  der  shandinavischen 
Liiferaiitr,1889.— RoLFSEN,  Nordiske  Digfere.— Brandes, 


-  557 


KJELLAND  -  KLACZKO 


Kjelland.  —  BimNARDimJa Littérature  Scandinave;  Paris, 
1894.  —  Traduction  des  Nouvelles,  etc. y  dans  la  collection 
Reclam  (en  ail.). 

KJELLANDER  (Ernst-Jonas-Fredrik),  philosophe  et 
poète  suédois,  né  à  Valla  en  1812,  mort  à  Buon  Convento 
(Toscane)  le  18  juin  1835.  Après  de  brillantes  études  qui, 
à  vingt-deux  ans  déjà,  l'avaient  fait  nommer  professeur 
agrégé  d'histoire  à  l'université  d'Upsal,  il  entreprit  un 
voyage  en  Italie  pour  compléter  ses  études,  mais  il  n'en 
revint  pas.  vSes  œuvres  poétiques  et  philosophiques,  où  l'in- 
fluence de  la  théosophie  de  Baader  est  très  sensible,  ont 
été  publiées  par  un  ami  sous  le  titre  de  Souvenirs  (Min- 
nenaf  Ernst  J.~F,  Kjellander). 

KJELLBERG  (Nils-Gustaf),  médecin  aliéniste  suédois, 
né  dans  le  Vermlanden  1827,  mort  à  Upsal  en  1894.  En 
1856,  il  avait  été  nommé  médecin  en  chef  de  l'hôpital  cen- 
tral des  aliénés,  qui  se  trouve  près  d'Upsal,  et  avait  été 
chargé,  peu  après,  de  l'enseignement  de  la  psychiatrie 
à  l'université.  En  relation  suivie  avec  les  aliénistes  de 
France  et  d'Allemagne,  d'un  abord  particulièrement  ai- 
mable, prenant  volontiers  part  aux  travaux  des  congrès 
internationaux,  Kjellberg  s'était  fait  une  réputation  qui  dé- 
passait les  frontières  de  la  Suède,  il  a  laissé  des  travaux 
importants  sur  les  maladies  mentales  (Om  sinnessjukdo- 
marnes  stadier,  etc.).  —  Son  frère  Adolf  (1829-84), 
médecin  en  chef  de  l'asile  pour  l'enfance  de  Stockholm, 
était  un  des  principaux  rédacteurs  des  Archives  de  méde- 
cine suédoises.  Th.  C. 

KJELLBERG  (Johannes-Frithjof),  sculpteur  suédois, 
né  à  Jônkôping  le  5  févr.  1836,  mort  en  1885.  En  1859, 
il  obtint  à  Stockholm  la  médaille  royale  et  une  bourse  de 
voyage.  Après  un  court  séjour  à  Copenhague  et  à  Berlin, 
il  vint  à  Paris  où  il  passa  deux  années.  C'est  là  qu'il  exé- 
cuta sa  statue,  le  Père  blessé,  et  la  frise,  Gamins  qui 
jouent  à  saut-de-mouton.  En  1862,  il  se  rendit  à  Rome 
et  composa,  sous  l'influence  de  la  sculpture  antique,  le 
Faune  jouant  avec  son  jeune  frère,  A  son  retour  à 
Stockholm  (1868),  il  fut  élu  membre  de  l'Académie  des 
beaux-arts  et,  en  1873,  succéda  à  son  maître  Molin,  comme 
professeur  de  dessin  à  l'Académie.  La  statue  de  Linné ^ 
qui  se  trouve  près  de  la  Bibliothèque  royale  à  Stockholm, 
est  de  lui.  On  lui  doit  un  nombre  considérable  dégroupes, 
de  statues,  de  bustes  et  de  médaillons.  Th.  C. 

BiBL.  :  K.  Warburg,  Fran  var  Konstverld;  Stockholm, 
1881. 

KJELLBERG  (Agnès),  artiste  statuaire,  née  en  Suède  le 
20  nov.  1869.  M""^  de  Frumerie-Kjellberg  a  fait  de  bril- 
lantes études  à  l'Académie  des  beaux-arts  à  Stockholm,  où 
elle  obtenait,  en  1890,  une  première  médaille  pour  une 
Scène  du  déluge  (statue)  et,  l'année  suivante,  le  grand 
prix  de  Rome,  pour  sa  statue  ;  Jouissa7ice.  Elle  a  obtenu 
aussi  des  récompenses  au  Salon  de  Paris  avec  une  statue 
de  sa  sœur  Aima  (1893)  et  un  groupe,  V Amour  et 
rHymen(\SU).  Th.  C. 

KJELLMAN  (Franz-Reinhold),  botaniste  suédois,  né  le 
4  nov.  1840.  Professeur  à  l'université  d'Upsal  et  doyen 
de  la  faculté  de  philosophie,  il  a  accompagné  Nordenskold 
dans  son  voyage  dans  les  mers  polaires  et  a  rapporté  de 
nombreuses  études  sur  la  végétation  dans  l'extrême  Nord. 
Son  travail  le  plus  important,  Norra  Ishafvets  algflora, 
se  trouve  dans  les  Observations  scientifiques  de  l'expé- 
dition de  la  Véga.  Il  fait  partie  de  FAcadémie  des  sciences 
de  Stockholm  depuis  1881.  Th.  C. 

KJELZY  (en  polonais  Kielce).  Ville  de  la  Pologne  russe, 
ch.-l.  de  gouv.,  située  sur  le  ch.  de  fer  d'Ivangorod  à 
Dombrovno  dans  un  cirque  de  collines  ;  10,000  hab. 
Evèché  catholique.  Mines  de  cuivre  très  importantes  au 
xvi^  siècle;  sucre,  métallurgie,  quincaillerie.  Elle  fut  fon- 
dée vers  1 173  par  l'évèque  Gédéon  de  Cracovie.  —  Le  gouv. 
de  Kjelzy  a  10,092  kil.  q.  et  737,633  hab.  Récemment 
détaché  de  celui  de  Radom,  qui  le  hmite  au  N.  et  à  l'E.,  il 
touche  au  S.  à  la  Galicie,  à  l'O.  au  gouv.  de  Petrokov. 
C'est  un  pays  accidenté  par  les  contreforts  des  Karpates. 
Près  de  500,000  hect.  sont  labourés;  l'horticulture  est 


florissante.  Mines  de  fer,  de  zinc,  de  soufre,  de  plomb,  de 
houille.  Importante  production  industrielle.  Il  se  divise  en 
7  cercles:  lendrchevo,  Kjelzy,  Miechov,  Olkouch, Pintchov 
Stobnica,  Vlochova.  A.-M.B.    ' 

KJ  ERU  LF  (Halfdan),  compositeur  norvégien,  né  à  Chris- 
tiania le  15  sept.  1815,  mort  le  11  août  1868.  Expédition- 
naire au  département  des  finances,  il  abandonna  bientôt 
son  modeste  emploi  pour  s'adonner  tout  entier  à  l'étude  de 
la  musique  vers  laquelle  il  se  sentait  irrésistiblement  en- 
traîné. Ce  n'est  qu'en  1847  cependant  qu'il  put  compléter 
ses  études  musicales  sous  la  direction  d'Arnold.  En  1850, 
il  obtint  une  bourse  de  voyage  et  se  rendit  à  Leipzig,  où 
il  fut  l'élève  de  Richter  et  où  il  subit  fortement  l'influence 
de  l'école  romantique,  représentée  par  Mendelssohn  et  Schu- 
mann.  De  retour  à  Christiania,  il  donna  des  leçons  de  mu- 
sique et  dirigea  plusieurs  concerts.  C'est  pour  un  quatuor 
d'hommes  formé  par  lui  qu'il  composa  ses  œuvres  bien 
connues  :  la  Sérénade  près  du  rivage  et  le  délicieux 
Cortège  de  la  fiancée  à  H ar danger,  qui,  chanté  par  les 
étudiants  d'Upsal,  remporta  le  prix  à  l'exposition  de  Paris 
en  1867.  .  jj^^  q 

t  ,^h^^'ô''v^^'^'  9^^;^^'  article  dans  Musikalisches  Wochen- 
ùiau,  187/.  —  A.  Gronvold,  Norske  Musikere^  1883. 

KJERULF  (Theodor),  géologue  norvégien,  né  à  Chris- 
tiama  en  1825,  mort  en  1888.  11  fitune  partie  desesétudes 
en  Allemagne  et  a  enseigné  la  géologie  à  l'université  de  sa 
ville  natale.  Il  est  le  fondateur  de  l'Institut  géologique  de 
Christiania.  Il  a  publié  quelques-uns  de  ses  ouvrages  en 
allemand  (Das  Kristiania  Silurbecken,  1855  ;  Ueber  die 
Kennzeichen  der  Stratifikation,  1 877);  la  plupart  cepen- 
dant, et  ils  sont  très  nombreux,  ont  paru  en  danois.  Kje- 
rulf  était  non  seulement  un  savant,  mais  aussi  un  poète 
distingué  :  il  a  laissé  deux  volumes  de  vers  très  goûtés  du 
pubhc  Scandinave  :  Digte  (poésies)  et  Digtkrans  (Cou- 
ronne poétique).  Th.  C. 
BiBL.  :  RoLFSEN,  Norske  Diytere;  Bergen,  1886. 

KJŒKKEN-Maddings.  Amas  de  débris  de  cuisine  des 
hommes  de  l'âge  de  pierre  ;  ils  ont  été  d'abord  étudiés  par 
Steenstrup  et  Worsaaî  sur  les  côtes  danoises  du  Catté^at 
et  de  la  Baltique;  ils  y  forment  des  tertres  de  2  à  3  m. 
de  haut.,  composés  d'écaillés  d'huîtres,  coquilles  de  pois- 
sons, de  colimaçons,  débris  d'écrevisses,  de  crabes,  os  de 
poissons,  de  chiens  de  mer,  de  cerfs,  de  sangliers,  de 
loups,  d'aurochs,  d'ours,  de  divers  oiseaux,  etc.  On  yare- 
trouvédes  ustensiles  d'os,  de  corne,  de  poterie,  des  pierres 
d'àtres,  des  haches  de  pierre  taillée  d'un  type  spécial.  On  a 
signalé  et  étudié  depuis  vingt  ans  des  Kjœkken-maddinss  en 
Ecosse,  dans  l'Amérique  du  Sud,  etc. 

BiBL.  :  Steenstrup,  Sur  les  Kjœkken-maddings  de 
Vâge  de  pierre  ;  Copenhague,  1872.  ^ 

KJŒLEN  (Monts)  (V.  Scandijvavie). 

KJŒPI NG  (Nils-Matson),  voyageur  suédois,  né  à  Kopine 
vers  1030,  mort  vers  1667.  Il  quitta  la  Hollande  comme 
matelot  en  1647  et  fit  son  tour  du  monde.  Il  en  puMia  le 
récit  sous  une  forme  souvent  amusante  et  exacte  en  général 
malgré  de  très  douteuses  anecdotes  (  Voyage  à  tra  vers  l'A  sie] 
l'Afrique  et  maints  autres  royaumes  païens,  etc,,  1667' 
en  suédois).  ' 

■  KLACZKO  (Julien),  écrivain  polonais,  d'origine  israéhte, 
ne  à  Vilna  le  6  nov.  1828.  Il  débuta  par  des  poésies: 
Mon  Premier  Sacrifice  (1839);  Dodajim  Violœ,  Syl- 
loge  hebraicorum  carminumatque  narrationum  (1 842) . 
Il  fut  en  Allemagne  l'élève  de  Gervinus,  se  fixa  à  Paris 
en  1849  et  devint  en  France  collaborateur  assidu  de  la 
Revue  des  Deux  Mondes  sur  des  questions  de  politique 
de  diplomatie,  d'histoire  et  de  critique.  Il  avait  dirigé 
pendant  deux  ans  (en  pol.)  (1858-60)  les  Nouvelles  po- 
lonaises, revue  hebdomadaire,  et  publia  ensuite  Annales 
polonaises  (Paris,  1865,  4  vol.).  Ses  principaux  ouvrages 
en  français  sont  :  Etudes  de  diplomatie  contemporaine 
(1866)  ;  les  Préliminaires  de  Sadova  (4869);  les  Deux 
Chaîicehers  (Gortchakov  et  Bismarck)  (1876);  Cause- 
ries florentines  (4880).  Il  a  été  pendant  quelque  temps 
député  à  la  Diète  galicienne  et  directeur  au  ministère  des 


ËLACZKO  -  KLAPROTH 


affaires  étrangères  de  Vienne  dans  le  cabinet  de  M.  de  Beust. 
Il  est  correspondant  do  l'Académie  des  sciences  morales  et 
politiques  depuis  1887.  F.  Trawinski. 

K  LAD  NO.  Ville  de  Bohème,  cercle  de  Pologne,  sur  le 
ch.  de  fer  de  Prague  à  Teplitz  ;  18,000  hab.  Vieille  église. 
Située  au  milieu  d'un  grand  bassin  houilier  et  d'impor- 
tantes mines  de  fer,  elle  se  développe  rapidement. 

KLADOVO.  Village  de  Serbie,  sur  le  Danube,  près  des 
Portes  de  fer  et  des  rumes  du  Pont  de  Trajan  (forteresse 
romaine  d'Egeta),  Ce  fut  à  l'époque  des  Turcs  une  des 
cinq  places  occupées  par  eux.  11  y  a  encore  une  petite  gar- 
nison serbe  dans  le  fort  de  Fetislœm  qui  commande  le 
Danube. 

KLADRUB.  Village  de  Bohème,  sur  l'Elbe,  près  de  Par- 
dubitz.  Célèbre  haras. 

KLADSKO  (Prusse)  (V.  Glatz). 

KLAEBO  (Jon),  poète  norvégien,  né  à  Gleia  en  4839, 
mort  en  1874.  Plusieurs  de  ses  écrits,  parsemés  dans  di- 
verses revues,  ont  paru  sous  le  pseudonyme  de  Filodemos 
Pederseno  (F.  P.)  ou  de  Stuediosus  Gleinensis  (S.  G.); 
la  plupart  sont  en  dialecte,  tels  que  :  Tvo  dagar  i  JSord- 
land  (Deux  Jours  dans  le  Norrland);  TU  Jol  (Pour 
Noël),  etc.  Ce  sont  cependant  surtout  ses  poésies  lyriques, 
soit  en  dialecte,  soit  dans  la  langue  littéraire,  qui  l'ont  fait 
connaître  au  grand  public.  Quelques-unes  de  ses  poésies 
sont  exquises  :  TU  minmor  (A  ma  mère);  Den  draumen 
min  (Mon  rêve),  etc.  Th.  C. 

KLAFTER.  Mesure  allemande  de  longueur,  équivalant  à 
la  brasse  de  6  pieds  (env.  1"™90).  On  en  a  tiré  une  mesure 
de  volume  pour  jauger  le  bois  qui  vaut  108  pieds  cubes 
eu  Prusse  (3^^339)  ;  en  Autriche  (3^^4115)  ;  la  moitié  du 
stoss.  Enfin,  en  Autriche,  le  klafter  carré,  mesure  de  su- 
perficie, vaut  36  pieds  carrés,  le  1600*^  du  joch. 

KLAG  EN  FU  RI  (en  slovène  Celovec).T\\\Q  d'Autriche,  ca- 
pitale du  duché  de  Carinthie;  19, 756  hab.  (au  31  déc.  1890). 
Beaucoup  sont  employés  aux  manufactures  de  tabac,  de 
blauc  de  céruse,  de  draps,  de  cuirs  et  de  machines.  L'ait, 
est  de  450  m.  ;  le  voisinage  des  monts  de  Satnitz  et 
Wertersee  auquel  la  réunit  un  canal  donnent  au  séjour  de 
cette  ville  l'intérêt  du  pittoresque  alpestre.  Le  plan  est  à 
peu  près  un  carré  régulier:  les  rues  sont  larges;  les  places 
sont  embellies  de  statues  ou  de  monuments  commémoratifs. 
Parmi  les  monuments,  on  peut  citer:  Fégiise  de  Saint-Gilles, 
haute  de  88  m.  ;  le  palais  des  Etats  de  Carinthie  (1594), 
renfermant  les  armes  de  la  noblesse  régionale  ;  le  palais 
du  prince-évêque,  etc.  De  nombreux  établissements  distri- 
buentl'instruction classique,  surtout  l'instruction  technique. 
Les  sociétés  savantes  et  les  collections  qu'elles  ont  formées 
ont  une  valeur  considérable.  Près  de  la  ville  se  trouve  le 
Zollfeld,  emplacement  de  la  romaine  Virunum,  où  plus  tard 
chaque  nouveau  duc  de  Carinthie  prêtait  serment.  (Juant 
aux  anciennes  fortifications,  détruites  par  les  Français  en 
1809,  une  promenade  les  remplace  aujourd'hui.     E.  S. 

K  LA  MATH.  Rivière  des  Etats-Unis  (Oregon  et  Cali- 
fornie), qui  sort  du  lac  de  ce  nom  (422  kil.  q.),  reçoit  les 
eaux  du  lac  Silver,  amenées  par  le  Sprague  (150  kil.),  et 
du  marais  de  Klamath,  traverse  la  chaîne  des  Cascades  et 
se  jette  dans  l'océan  Pacifique  après  un  cours  de  350  kil. 
(bassin,  36,000  kil.  q.).  Au  S.  estle  lac  Klamath  inférieur, 
sans  écoulement  vers  la  mer. 

KLAPKA  (Georges),  général  hongrois,  né  à  Temesvâr  le 
7  avr.  1820,  mort  à  Budapest  le  17  mai  1892.  Lorsque 
éclata  la  révolution  de  1848,  il  venait  de  donner  sa  démis- 
sion de  lieutenant  en  chef  d'un  régiment-frontière  et  se  dis- 
posait à  voyager.  Le  patriotisme  le  retint  :  il  se  mit  à  la 
disposition  du  ministère  Batthyânyi  et  reçut  d'abord  une 
mission  en  Transylvanie,  pour  obtenir,  ce  à  quoi  il  réussit, 
l'adhésion  des  Szeklers  à  la  cause  nationale.  Ensuite,  capi- 
taine de  honvéds,  il  servit  contrôles  Serbes  dans  l'armée  du 
général  Kiss,  dont  il  devint  le  chef  d'état-major.  La  démis- 
sion de  Meszaros,  vaincu  à  Kaschau  le 4  janv.  1 849,  ouvrit  à 
Klapka  le  chemin  de  la  gloire.  Kossuth  le  nomma  au  com- 
mandement vacant  et  n'eut  pas  à  s'en  repentir,  car  le  nou- 


veau général,  aussi  solide  qu'ardent,  défendit  la  ligne  de 
la  Tisza,  permit  ainsi  au  gouvernement  de  s'établir  à  De- 
breczin.  La  longue  bataille  de  Kâpolva  (26-28  févr.)  ne 
fut  pas  gagnée,  mais  Klapka  prit  bientôt  sa  revanche  dans 
la  brillante  campagne  d'avril,  qui  fut  en  grande  partie 
son  œuvre  :  les  victoires  dTsaszeg,  de  Nagysarlo,  de  Co- 
morn  (Komarom),  chassèrent  l'arm'ée  autrichienne  de  Win- 
dischgraîtz. 

La  déchéance  des  Habsbourg  ayant  été  proclamée  à  De- 
breczin,  Klapka  parut  tout  désigné  pour  le  portefeuille  de 
la  guerre.  Dans  ce  poste  qu'il  occupa  d'une  façon  transi- 
toire, il  se  trouva  pris  de  la  façon  la  plus  pénible  entre 
les  deux  grands  chefs,  l'un  militaire,  l'autre  civil,  dont  la 
mésintelligence  croissait,  Kossuth  et  Gœrgey.  Avec  Kossuth 
il  aurait  voulu  élargir  le  champ  des  opérations,  tandis  que 
Gœrgey  croyait  nécessaire  de  reprendre  Bude  et  réussissait 
dans  cette  entreprise.  Renonçant  dès  lors  au  ministère, 
Klapka  prit  le  commandement  de  la  forte  place  de  Komarom, 
qui  allait  immortaliser  son  nom.  On  lui  a  reproché  cepen- 
dant de  n'avoir  pas  pris  assez  vivement  parti  de  manière 
à  forcer  Gœrgey  d'obéir,  et  ensuite  de  s'être  trop  longtemps 
borné  à  la  défensive.  Quoi  qu'il  en  soit,  depuis  le  3  août 
jusqu'au  27  sept.,  sa  conduite  fut  merveilleuse.  D'abord  il 
repoussa  si  heureusement  l'armée  assiégeante  qu'il  parais- 
sait le  maître  de  la  situation  ;  puis,  quand  fut  arrivée  la 
nouvelle  de  la  capitulation  de  Vilâgos,  il  résolut  de  lutter 
seul  jusqu'au  bout.  Rien  ne  l'effraya  :  ni  les  dissensions 
intestines  du  corps  d'officiers,  ni  les  tentatives  de  corrup- 
tion, ni  les  tentatives  d'assassinat,  ni  l'insanité  apparente 
d'une  telle  obstination,  qui  exaspérait  l'Europe  absolutiste 
pendant  qu'elle  enthousiasmait  l'Europe  libérale.  Finale- 
ment une  convention  fut  conclue,  qui  garantissait  la  vie  et 
la  liberté  aux  défenseurs  de  Komarom. 

Le  jeune  et  glorieux  exilé  vécut  à  Londres,  en  Italie  et 
s'établit  finalement  à  Genève,  oîi  il  fut  même  naturalisé. 
Bkis  jamais  il  ne  perdit  de  vue  l'indépendance  hongroise. 
Chaque  guerre  européenne  lui  paraissait  une  occasion  de 
la  faire  triompher.  En  1854,  il  se  rendit  à  Constantinople, 
mais  revint  bientôt  en  Suisse.  La  guerre  d'Italie  de  1859 
allait  lui  fournir  une  meilleure  occasion,  mais  elle  dura 
trop  peu  de  temps.  Klapka  aimait  encore  mieux  attendre 
que  de  donner  un  coup  d'épée  dans  l'eau,  et  c'est  malgré 
lui  que  Garibaldi,  en  1862,  appela  les  Hongrois  aux  armes. 
Enfin  1866  ouvrait  véritablement  une  voie  nouvelle  aux 
revendications  magyares.  Général  au  service  de  la  Prusse, 
Klapka  organisa  une  légion  de  honvéds.  Si,  cette  fois  en- 
core, les  hostilités  s'interrompirent  brusquement,  le  résul- 
tat n'en  fut  pas  moins  de  lui  rouvrir  l'accès  de  sa  patrie. 
Ses  vingt-cinq  dernières  années  ne  furent  pas  aussi  heu- 
reuses qu'il  aurait  pu  l'espérer.  Ni  à  Constantinople  où  il 
aurait  voulu  réorganiser  l'armée  turque  en  1877,  ni  dans 
les  entreprises  de  chemins  de  fer,  ni  à  la  Diète  même,  il 
n'eut  grand  succès.  Son  nom  n'en  est  pas  moins  un  des 
plus  grands  de  l'histoire  hongroise.  On  a  de  lui  :  Memoiren 
(Leipzig,  1850);  Der  Nationalkrieg  in  Ungarn  und 
Siebenbûrgen  (Leipzig,  1851,  2  vol.)  ;  la  GueîTe  d'Orient 
en  i85S  et  i854  (Genève,  1855)  ;  Aus  meinen  Erin- 
nerungen  (Zurich,  1887).  E.  Sayous. 

KLAPROTH  (Martin-Heinrich),  chimiste  allemand,  né 
à  Wernigerode  le  1^''  déc.  1743,  mort  à  Berhn  le  l®**  janv. 
1817.  Il  fut  d'abord  pharmacien,  puis  professa  la  chimie 
à  l'académie  d'artillerie  (1787)  et  à  la  nouvelle  université 
de  Berlin  (1810).  11  avait  été  élu  en  1788  membre  de 
l'Académie  des  sciences  de  Berlin  et  en  1804  associé  étran- 
ger de  celle  de  Paris.  L'un  des  premiers  propagateurs,  en 
Allemagne,  des  doctrines  de  Lavoisier,  il  a  beaucoup  con- 
tribué aux  progrès  de  la  chimie,  surtout  de  la  chimie 
minérale.  Entre  autres  travaux  originaux,  on  lui  doit  :  la 
découverte  de  la  zircone,  de  l'uranium,  du  titane;  l'étude 
des  propriétés  du  tellure,  de  la  strontiane  (qu'il  a  différen- 
ciée nettement  de  la  baryte),  du  chrome,  ducJrium;  l'ana- 
lyse d'une  quantité  considérable  de  substances  minérales 
encore  mal  connues.  Son  principal  ouvrage  a  pour  titre  : 


—  859  - 


KLAPROTH  —  KLEBEtl 


Beitrœge  %ur  chemischenKenntniss  der  Mineralkœrper 
(Berlin  et  Stettin,  479o-1815,  6  vol.  in-8;  trad.  franc, 
par  Tassaert,  Paris,  4807). C'est  un  recueil  de  ses  princi- 
paux mémoires.  Les  autres  sont  disséminés  dans  les  Schrif- 
ten  der  berlin.  Gesellschaft  natur  forsch.  Freimde, 
dans  les  Chemische  Annalen  de  Crell,  dans  le  Berliner 
Jahrbuch  der  Pharmacie,  dans  les  Denkschriften  de 
Facadémie  de  Berlin,  etc.  11  a  encore  publié  :  Chemisches 
Wœrterbiich^  m  collab.  avec  Wolff  (Berlin,  4807-10, 
5  vol.  in-8;  trad.  franc,  par  Bouillon-Lagrange  etVogel, 
Paris,  4844)  ;  ChemiscJie  Abhandlungen,  second  recueil 
de  mémoires  (Berlin,  1815,  in-8).  11  a  donné  enfin  une  édi- 
tion remaniée  de  VHandbuch  der  Chemie  de  Gren.    L.  S. 

KLAPROTH  (Jules-Henri),  orientaliste  allemand,  fils 
du  précédent,  né  à  Berlin  le  44  oct.4783,  mort  à  Paris  le 
27  août  4835.  11  commença  de  bonne  heure  l'étude  des 
langues  orientales  et  en  particulier  du  chinois  (4797). 
Après  avoir  pris  ses  grades  à  Halle  et  à  Dresde,  il  partit 
pour  Saint-Pétersbourg  en  4804,  accompagna  le  comte  Po- 
rocki,  ambassadeur  à  Peking,  où  il  se  dirigea  par  la  Sibérie 
qu'il  visita  en  détail,  étudiant  les  langues  tatares  et  mon- 
goles. N'ayant  pu  pénétrer  en  Chine  par  suite  de  forma- 
lités administratives,  il  retourna  à  Pétersbourg  en  4807. 
Peu  après  il  partit  pour  le  Caucase  où  il  séjourna  deux  ans. 
De  retour  à  Pétersbourg  il  publia  une  série  de  Mémoires 
et  rentra  à  Berlin  en  4844.  H  voyagea  ensuite  on  Italie 
et  vint  en  France  en  4843.  Le  roi  de  Prusse  lui  conféra 
en  4816  le  titre  de  professeur  des  langues  et  de  la  littéra- 
ture de  l'Asie  avec  un  traitement  qui  lui  permit  de  vivre  à 
Tabri  du  besoin  et  avec  l'autorisation  de  rester  en  France. 
A  partir  de  cette  époque,  Klaproth  ne  quitta  plus  Paris  et 
pubha  en  français  une  série  de  mémoires  et  d'ouvrages 
importants  qui  le  mirent  au  premier  rang  des  orientalistes 
avec  Abel  Rémusat,  Chézy,  S.  de  Sacy  et  autres.  Il  était 
un  des  fondateurs  de  la  Société  asiatique  de  Paris  (4822). 
Ses  ouvrages  sont  très  nombreux.  Nous  citerons  seule- 
ment :  Asiatisches  Magazin  (Weimar,  4802),  contenant 
des  articles  sur  le  mandchou,  le  chinois  et  les  inscriptions 
babyloniennnes  (qui  venaient  d'être  découvertes);  Archives 
de  littérakire,  d'histoire  et  de  linguistique  de  l'Asie 
(Saint-Pétersbourg,  4810,  in-4);  Inscription  chinoise 
de  Yu  (Berlin,  4844,  in-4);  Mémoire  sur  la  langue  des 
Ouïgours  (Berlin,  4842,  in-8);  Voyage  au  Caucase  et 
en  Géorgie  (Berlin,  4844,  2  vol.  in-8);  Supplément  au 
Dictionnaire  chinois  de  Glemona  (Paris,  4819,in-fol.); 
Catalogue  des  Hures  et  manuscrits  chinois  et  mand- 
chous de  la  Bibliothèque  de  Berliîi  (Paris,  4822,  in- 
foL);  Asia  Polyglotta  avec  atlas  (Paris,  4823,  in-foL); 
Tableaux  historiques  de  l'Asie  avec  atlas  (Paris,  4826, 
in-foL);  Mémoires  relatifs  à  l' Asie  {Pavis,  4828,  3  vol. 
in-8);  Vocabulaire  et  grammaire  de  la  langue  géor- 
gienne (Paris,  4827,  in-8);  Tableau  historique du 

Caucase  (Paris,  4828,  in-8).  Il  a  fourni  en  outre  de  nom- 
breux mémoires  dans  les  revues  et  notamment  dans  le 
Journal  asiatique  et  a  édité  plusieurs  ouvrages.  Il  a  enfin 
dressé  plusieurs  cartes  qui  ont  été  publiées  après  sa  mort  : 
carte  de  l'Asie  centrale  d'après  les  livres  chinois  (4835), 
carte  de  la  Mongolie  (4833  et  4839),  etc.     E.  Drouin. 

BiBL.  :  Landresse,  Notice  nécrologique,  dans  le  Jour- 
nal asiatique,  1835. 

KLAPROTHINE  (V.  Lazulite). 

KLAR-Elf.  Rivière  de  Scandinavie,  qui  sort  du  lac 
Fsemund  (670  m.  d'alt.,  202  kil.  q.),  en  Norvège,  prov.  de 
Hamar,  sur  la  frontière  suédoise,  porte  successivement 
les  noms  de  Glœt,  Fœmund  et  Tryssil,  passe  en  Suède, 
traverse  le  Wermland  et  se  jette  dans  le  lac  Wetter,  près 
de  Carlstad,  par  deux  bras  qui  forment  l'île  de  Thingvalla. 
C'est  un  véritable  torrent  accidenté  par  une  série  de  ra- 
pides vers  le  60^  lat,  N.  ;  il  a  350  kil.,  dont  430  en 
Norvège  ;  son  bassin  mesure  43,700  kil.  q. 

KLARER  (Walter),  réformateur  suisse,  né  à  Hundwyl 
(Appenzell,  Rhodes  extérieures)  en  4499,  mort  en  4567.  Il 
exerça  le  ministère  évangéhque  en  dernier  lieu  à  Urnœsch 


et  à  Hundwyl.  Il  a  laissé  en  manuscrit  une  Chronique 
d'Appenzell  et  une  Histoire  de  la  Réformation  dans  le 
pays  d'AppenzelL 

KLASS  (Karl-Christian),  peintre  allemand,  né  à  Dresde 
en  4747,  mort  en  4793.  D'abord  élève  de  Mietzch,  puis  de 
Hutin,  il  étudia  ensuite  plusieurs  annéees  sous  Casanova, 
qu'il  accompagna  en  4772  en  Italie.  Inspecteur  du  cabinet 
des  estampes  à  Dresde  (4777),  puis  membre  de  l'Académie, 
il  s'adonna  au  genre  historique.  Un  des  meilleurs  tableaux 
de  cet  artiste,  chez  qui  le  dessin  vaut  mieux  que  la  cou- 
leur, est  la  Mort  dEmilia  Galotti. 

KLASS  (Friedrich-Christian),  peintre  et  graveur  alle- 
mand, frère  du  précédent,  né  à  Dresde  en  4752,  mort  en 
4827.  Après  s'être  formé  par  l'étude  de  la  nature,  aidée 
des  conseils  de  Casanova,  il  alla  à  Rome  en  4789,  et  devint 
ensuite  professeur  et  membre  de  l'Académie  de  Dresde. 
Il  s'est  inspiré  préférablement  de  Salvator  Rosa  et  de 
Dietrich.  On  a  de  lui  deux  vues  de  la  Forêt  de  Villers- 
Cotterets,  et  beaucoup  de  paysages  sur  cuivre,  avec  figures 
et  bétail,  pris  surtout  de  la  région  saxonne. 

KLATOVY  (ail. Klattau).  Ville  du  S.-O.  de  la  Bohême; 
9,000  hab.  Hôtel  de  ville  du  xvi"^  siècle  ;  château  ;  belle 
église   Lingerie,  machines. 

KLAUBAGE  (V.  Atelier,  §  Mines), 

KLAUBER  (Ignaz-Sebastian) ,  graveur  allemand,  né  à 
Augsbourg  en  4754,  mort  à  Saint-Pétersbourg  en  1820. 
Fils  de  Johann-Baptist  (4744-74)  et  neveu  de  Joseph 
Klauber  (4740-68),  deux  graveurs  associés  qui  produisi- 
rent en  commun  nombre  d'estampes  de  sainteté,  il  travailla 
à  Rome,  puis  à  Paris  dans  le  célèbre  atelier  de  Wille  et 
acquit  une  grande  renommée  comme  graveur  de  portraits. 
Membre  de  l'Académie  en  4787,  il  quitta  la  France  au  mo- 
ment de  !a  Révolution,  se  fixa  d'abord  en  Allemagne,  puis 
à  Saint-Pétersbourg  (4796),  où  il  devint  directeur  de  l'Ecole 
impériale  de  gravure.  Parmi  ses  nombreux  travaux  de  bu- 
rin, on  remarque  les  portraits  du  sculpteur  Allegrain, 
d'après  J.-S.  Duplessis,  et  du  peintre  Carie  Van  Loo, 
d'après  Pierre  Le  Sueur  ;  les  illustrations  des  œuvres  de 
Wieland  et  les  figures  mythologiques  d'après  les  pierres 
gravées  du  cabinet  du  roi  de  Prusse.  G.  P-i. 

KLAUS  (Von  der  Flue)  (V.  Flue  [Nicolas  dej). 

K  LA  US  EN.  Col  des  Alpes  suisses,  dans  le  cant.  d'Uri, 
d'où  il  conduit  dans  le  cant.  de  Glaris.  Ce  passage,  qui 
sert  aujourd'liui  aux  piétons  seulement  et  qui  offre  de  fort 
jolis  points  de  vue,  va  être  remplacé  par  une  bonne  route, 
que  les  cantons  intéressés  construisent  avec  l'aide  de  la 
Confédération. 

KLAUSENBURG  (V.  Kolozvàr). 

KLAUSTHAL.  Ville  de  Prusse,  district  d'Hildesheim, 
dans  le  Harz  supérieur  ;  9,000  hab.  Importante  exploitation 
minière  (V.  Harz). 

KLAUZAL  (Gabriel),  homme  d'Etat  hongrois,  né  à  Pest 
en  4804,  mort  en  4866.  Député  à  la  Diète  depuis  4843  et 
ami  de  François  Deâk,  il  reçut  dans  le  premier  ministère 
hongrois  de  4848  le  portefeuille  de  Pagriculture  et  du 
commerce.  Après  de  longues  années  de  retraite,  il  reparut 
à  la  diète  de  1864. 

K  LÉ  BER.  Village  d'Algérie,  dép.  et  arr.d'Oran,  à34kil. 
N.-E.  d'Oran,  au  pied  du  djebel  Orouze,  à  470  m.  d'alt., 
corn,  de  plein  exercice  de  624  hab.,  dont  230  Français, 
308  Espagnols  et  le  reste  d'indigènes.  H  a  longtemps  été 
privé  d'eau,  ce  qui  l'avait  fait  appeler  la  Colonie  de  la 
soif.  Aujourd'hui  il  est  prospère,  a  d'excellents  vignobles 
et  des  champs  de  céréales.  iVlentour  on  a  exploité  diverses 
minières  de  fer  et  des  carrières  de  marbres  de  toute  beauté 
que  prisaient  beaucoup  les  Romains. 

KLEBER  (Jean-Baptiste),  général  français,  né  à  Stras- 
bourg le  9  mars  4753,  assassiné  au  Caire  (Egypte)  le 
'l  !■  juin  4800.  Fils  d'un  maçon,  orphelin  de  bonne  heure, 
il  dut  son  éducation  à  un  curé,  son  parent,  et  vint  étudier 
l'architecture  à  Paris  sous  la  direction  de  Chalgrin  en  4  772. 
De  retour  à  Strasbourg  en  4775,  il  fut  emmené  à  Munich 


KLEBER 


—  560 


par  deux  gentilshommes  allemands,  dont  il  avait  pris  la 
défense  dans  un  café,  et  fut  admis  à  l'Ecole  militaire  de 
cette  ville.  Il  entra  dans  le  régiment  de  Kaunitz  comme 
cadet  le  l^'*  oct.  1777  et  devint  enseigne  le  19  nov.  sui- 
vant et  sous-lieutenant  le  i^^  avr.  1779.  Ne  prévoyant  pas 
d'avenir  pour  lui,  parce  qu'il  n'appartenait  pas  à  la  no- 
blesse, Kleber  donna  sa  démission  le  22  févr.  4785  et 
revint  en  Alsace,  où  il  obtint  la  place  d'inspecteur  des 
bâtiments  publics  de  Belfort.  Il  dirigea,  comme  architecte, 
la  construction  du  château  de  Granvillars  et  de  l'hôpital  de 
Thann.    La  Révolution  lui  rouvrit  la  carrière  militaire. 
Enrôlé  en  juil.  1789  dans  la  garde  nationale,  il  fut  nommé, 
le  8  janv.  1792,  adjudant-major  au  4®  bataillon  des  vo- 
lontaires du  Haut-Rhin  et  élu  lieutenant-colonel  en  second 
le  20  mai  suivant.  Attaché  à  l'armée  du  Rhin,  il  reçut 
l'ordre,  le  28  mars  1793,  de  rentrer  dans  Mayence  et  fut 
promu  chef  de  brigade,  le  l'^'^  avr.,  par  les  représentants 
Reubell  et  Merlin  de  Thionville.  l\  se  distingua  pendant  le 
siège  par  sa  bravoure  et  ses  talents  et  dirigea  de  nom- 
breuses sorties  iusqu'à  la  capitulation  de  Mayence  (23  juil. 
1793).  Il  partagea  la  disgrâce  de  ses  chefs,  fut  arrêté  et 
conduit  à  Paris,  mais  bientôt  mis  en  liberté.  Nommé  gé- 
néral de  brigade  le  17  août  1793,  il  fut  envoyé  à  l'armée 
des  côtes  de  La  Rochelle  sous  les  ordres  de  Rossignol. 
Placé  à  Pavant-garde  des  Mayençais,  il  débuta  par  un 
combat   malheureux  à  Torfou  le  19  sept.  1793  et  fut 
blessé  d'une  balle  à  Pépaule  en  sauvant  sa  colonne.  Le  30, 
il  prit  sa  revanche  à  Saint-Symphorien.  Kleber  passa  à 
l'armée  de  l'Ouest  le  1^^  oct.  et  battit  les  rebelles,  le  15, 
à  La  Tremblaie  et  le  17  à  Cholet.  Ces  brillants  succès  lui 
valurent  le  1 7  oct.  le  grade  de  général  de  division.  A  la 
fin  du  même  mois,  il  refusa  le  commandement  en  chef  en 
remplacement  de  L'Echelle  et  se  contenta  de  celui  de  la 
1^®  division  (5  nov.).  Destitué  le  27  nov.,  il  fut  maintenu 
dans  son  poste  par  Carrier.  Il  battit  les  Vendéens,  avec 
Marceau,  au  Mans,  les  12  et  13  déc,  et  à  Savenay  le  23. 
Il  resta  ensuite  quelque  temps  inactif,  mais  il  fut  envoyé 
à  l'armée  des  Ardennes  le  28  avr.  1794.  Le  24  mai,  il 
remporta  un  succès  signalé  à  Merbes-le-Château,  puis  passa 
à  Parmée  de  Sambre-et-Meuse  le  13  juin,  sous  les  ordres 
de  Jourdan.  Dès  lors,  Kleber  se  montre  aussi  habile  que 
brave,  et  la  gloire  de  cette  campagne  lui  revient  en  partie. 
Le  16  juin,  il  décida  le  succès  du  combat  de  Charleroi 
et,  le  26,  il  contribua  puissamment  à  la  victoire  de  Fleu- 
rus.  Il  passa  à  Parmée  du  Rhin  le  23  nov.  et,  durant  le  rude 
hiver  de  1791,  il  dirigea  le  siège  de  Mayence.  En  mars  1795, 
il  refusa  le  commandement  de  Parmée  de  Sambre-et-Meuse, 
mais,  malgré  ses  répugnances,  il  dut,  le  2  avr.,  prendre 
par  intérim  celui  de  Parmée  du  Rhin,  en  remplacement  du 
général  Michaud,  blessé,  et  y  joindre,  le  10,  celui  de  Par- 
mée de  la  Moselle.  Dès  l'arrivée  de  Pichegru,  le  16,  il 
cessa  ses  fonctions  et  revint  à  Parmée  de  Sambre-et-Meuse. 
Il  passa  le  Rhin  le  6  sept.  1795  et  continua  l'investisse- 
ment de  Mayence  ;  rappelé  par  son  chef,  il  voulut  repasser 
le  fleuve  le  1 1  oct.  et  trouva  le  pont  de  Neuwied  incendié 
par  suite  d'un  ordre  donné  par  Marceau  et  mal  exécuté. 
Il  consola  son  jeune  ami,  qui  était  au  désespoir,  et  tint  tète 
victorieusement  aux  Autrichiens  jusqu'à  ce  que  ce  pont 
fût  rétabli  et  lui  permît  d'effectuer  le  passage  (13  oct.). 
Le  8  déc.  1795,  Kleber  reçut  le  commandement  de  Stras- 
bourg, sa  ville  natale.  Du  19  au  28  févr.  1796,  il  exerça 
par  intérim  les  fonctions  de  général  en  chef  de  l'armée  de 
Sambre-et-Meuse.  Le  23  mai,  il  fut  placé  à  la  tête  de  Paile 
gauche  de  cette  armée,  avec  laquelle  il  allait  acquérir  une 
gloire  nouvelle.  Le  1^"^  juin,  il  battit  les  ennemis  à  Ucke- 
rath  et  le  4  à  Altenkirchen.  Rappelé  par  Jourdan  et  atta- 
qué par  le  général  autrichien  Kray  le  19  juin  à  Uckerath, 
il  le  repoussa  et  continua  sa  retraite.  Il  remporta  des  succès 
à  Offheim  (7  juil.),  à  Ober-Merl  (9  juil.)  et  à  Friedberg 
(10  juil.),  et  il  s'empara  de  Francfort  le  16  juil.  Le  31, 
il  remplaça  provisoirement  dans  le  commandement  de  Par- 
mée Jourdan  malade,  et  en  cette  qualité,  le  4  août,  il  s'em- 
para de  Bamberg  et  le  7,  il  culbuta  les  impériaux  à  Forch- 


heim.  Le  12  oct.  1796,  Kleber  refusa  de  nouveau  le  poste 
de  général  en  chef  auquel  le  Directoire  l'avait  nommé  ; 
le  28  nov.,  il  offrit  sa  démission  et  fut  encore  chargé  de 
l'intérim  du  commandement  le  14  déc.  Enfin,  sa  démis- 
sion ayant  été  acceptée  le  26,  il  quitta  Parmée  Je  2  févr. 

1797,  passa  par  Strasbourg  et  alla  jouir  dans  une  petite 
maison  de  Chaillot,  près  de  Paris,  d'un  repos  bien  mérité. 
Il  s'occupait  de  rédiger  ses  Mémoires  quand  le  12  janv. 

1798,  il  fut  appelé  à  commander  une  des  divisions  de  Par- 
mée d'Angleterre.  Kleber  accompagna  Bonaparte  en  Egypte 
(mai  1798).  A  peine  débarqué,  le  2  juil.  1798,  il  dirigea 
l'attaque  d'Alexandrie.  N'écoutant  que  son  courage,  il 
gravit  la  brèche  avec  ses  soldats  et  tomba  frappé  d'une 
balle  à  la  tête.  La  gravité  de  cette  blessure  l'empêcha  de 
prendre  une  part  active  aux  premières  opérations  militaires 
et  il  dut  se  contenter  du  commandement  de  la  ville  et  de 
la  prov.  d'Alexandrie.  L'état  de  sa  santé  et  les  ennuis  de 
sa  situation  sédentaire  lui  firent  demander  à  rentrer  en 
France  (sept.  1798),  mais  Bonaparte,  qui  ne  voulait  pas  se 
priver  d'un  si  précieux  lieutenant,  l'appela  au  Caire  et  le 
persuada  de  rester  près  de  lui  (22  oct.).  C'est  à  lui  qu'il 
confia  le  commandement  de  cette  ville  pendant  son  absence 
(24  déc.  1798  au  7  janv.  1799),  et  enfin  il  l'emmena 
dans  son  expédition  de  Syrie.  Kleber  se  montra  digne  de 
sa  haute  réputation  ;  il  marcha  sur  Jaffa  le  28  févr .'l 799, 
occupa  Caïffa  au  pied  du  Mont-Carmel  le  17  mars,  puis 
rejoignit  Junot  à  Nazareth  le  10  avr.  Le  16  du  même 
mois,  il  fut  attaqué  au  Mont-Thabor  par  les  Mamelucks 
et  remporta  une  des  plus  glorieuses  victoires  de  la  cam- 
pagne. Quand  on  leva  le  siège  de  Saint-Jean  d'Acre,  il 
eut  la  tâche  ingrate  de  couvrir  la  retraite  avec  sa  divi- 
sion, n  rentra  à  Damiette  par  le  lac  de  Menzaleh.  Appelé 
pour  coopérer  aux  opérations  militaires,  il  arriva  trop 
tard,  le  25  juil.,  pour  prendre  part  à  la  bataille  d'Abou- 
kir  et  il  rentra  à  Damiette  le  4  août.  Quand  Bonaparte 
abandonna  son  armée  secrètement  pour  rentrer  en  France, 
il  désigna  comme  son  successeur  Kleber  (21  août  1799). 
Celui-ci,  averti  par  une  lettre,  laissa  exhaler  l'indignation 
qu'il  ressentait  de  la  conduite  de  son  ancien  chef,  mais 
il  n'en  assuma  pas  moins  la  charge  du  commandement, 
que  Bonaparte,  devenu  premier  consul,  lui  confirma  par 
un  brevet  en  date  du  15  nov.  1799.  Kleber,  découragé, 
menacé  par  un  ennemi  toujours  plus  nombreux  et  jaloux 
de  conserver  son  armée  à  la  France,  négocia  Pévacuation 
de  l'Egypte  avec  les  Anglais.  Le  24  janv.  1800,  il  signa 
avec  l'amiral  Sidney  Smith  la  convention  d'El-Arich,  mais, 
au  moment  où  il  allait  quitter  Le  Caire,  il  reçut  dePamiral 
Keith  une  lettre  Pinformant  que  le  gouvernement  britan- 
nique ne  ratifiait  la  convention  que  si  Parmée  française 
mettait  bas  les  armes  et  se  rendait  prisonnière  de  guerre. 
Ce  manque  de  foi  rendit  à  Kleber  toute  son  énergie.  11  fit 
publier  aussitôt  la  lettre  de  l'amiral  anglais  et  n'y  ajouta 
que  ces  mots  désormais  historiques  :  «  Soldats,  on  ne  ré- 
pond à  une  telle  lettre  que  par  des  victoires  ;  préparez-vous 

à  combattre.  »  Puis  il  marcha  contre  les  Turcs  et  les  battit 
complètement  à  Héliopolis  le  20  mars  1800.  Après  cette 
glorieuse  réponse  à  ses  ennemis,  Kleber  s'assura  par  un 
traité  l'alliance  de  Mourad  Bey,  notre  plus  habile  adver- 
saire (15  avr.),  et  reprit  Le  Caire,  où  avait  éclaté  une  in- 
surrection (25  avr.).  Il  mettait  tous  ses  soins  à  consolider 
la  situation  de  son  armée  et  à  assurer  la  conquête  de  l'Egypte 
quand  un  événement  imprévu  termina  sa  carrière.  Etabli 
à  Gizeh,  il  vint,  le  14  juin  1800,  déjeuner  au  Caire  chez 
le  général  Damas,  son  ami  et  son  chef  d'état-major.  Il  sor- 
tait de  la  maison  quand  un  jeune  fanatique,  nommé  So- 
leyman,  le  frappa  de  six  coups  de  poignard.  Kleber  tomba 
et  mourut  presque  sur-le-champ.  Le  même  jour,  son  com- 
pagnon d'armes  Desaix  périssait  glorieusement  dans  la 
plaine  de  Marengo.  La  mort  de  Kleber  fut  un  grand  mal- 
heur pour  la  France  et  pour  son  armée  ;  elle  priva  la  patrie 
d'un  de  ses  plus  illustres  défenseurs  et  amena  la  perte  de 
l'Egypte.  Kleber  était  de  haute  stature,  avait  une  figure 
imposante  et  une  voix  douce  ou  grave,  suivant  les  circons- 


tances.  Ses  camarades  disaient  que  c'était  le  Dieu  Mars 
en  uniforme,  et  Bonaparte  s'écriait  :  «  Rien  n'est  beau 
comme  Kleber  un  jour  de  combat.  »  La  postérité  a  gardé 
fidèlement  la  mémoire  d'un  des  plus  grands  capitaines  de 
la  Révolution,  à  côté  de  ses  émules  de  gloire,  Hoche,  Mar- 
ceau, Desaix  et  Jouberl.  En  juin  1801"  les  restes  de  Fil- 
lustre  guerrier  furent  ramenés  en  France  par  le  général 
Belliard  et  déposés  au  château  d'If,  d'où  ils  furent  trans- 
portés, en  4818,  à  Strasbourg.  Kleber  reposa  désormais 
dans  un  caveau  construit  au  milieu  de  la  place  d'Armes  et 
sur  lequel  ses  compatriotes  lui  érigèrent  une  statue  en 
bronze,  inaugurée  le  14  juin  1840,  date  anniversaire  de  sa 
mort.  Etienne  Cha^râvây. 

BiBL.  :  Archives  de  la  guerre.  —  A.  Chuquet,  Mayence. 

—  Savary,  Guerres  des  Vendéens  et  des  Chouans.  —  Mé- 
moires pour  servir  à  l'histoire  de  la  campagne  de  1196. 

—  Las-Cases,  Mémorial  de  Sainte-Hélène.  —  Général 
Pajol,  Kleber.  —  Jacques  Charavay,  les  Généraux  morts 
pour  la  patrie. 

KLEBS  (Erwin),  médeciH  allemand  contemporain,  né 
à  Kœnigsberg  le  6  févr.  1834.  Il  fut  professeur  d'ana- 
tomie  pathologique  à  Berlin  depuis  1866,  puis  à  Wurz- 
bourg  (187^2),  à  Prague  (1873)  et  à  Zurich  (1882).  Ses 
travaux  sur  l'anatomie  pathologique  et  la  parasitologie 
sont  universellement  connus.  Son  ouvrage  le  plus  impor- 
tant est  :  Handbuch  derpathol.  Anatomie  {Bevïm^  1867- 
80).  On  lui  doit  aussi  :  Allgem.  Pathologie  (léna,  1887)  ; 
Die  causale  Behandlung  der  Tuberculose  (Hambourg, 
1894,  in-8). 

KLEBSIELLA  (Microb.).  Genre  de  Bactériaeées  (V.  ce 
mot)  créé  par  ïrevisan  (1885)  et  qui  a  pour  synonyme 
Mycothece  Hansgirg  (1888).  Les  caractères  sont  :  bacilles 
droits,  cylindriques,  avec  les  extrémités  arrondies,  ou  fusi- 
formes  (lancéolées),  non  articulés,  transparents,  très  rare- 
ment mobiles,  à  plasma  uniformément  distribué,  se  pré- 
sentant quelquefois  sous  forme  de  filaments,  de  chapelets 
ou  de  cocci,  mais  toujours  enveloppés  d'une  capsule  muco- 
membraneuse.  Les  spores  (endospores)  se  développent  dans 
les  bacilles.  —  Ce  genre,  nombreux  en  espèces,  renferme 
plusieurs  espèces,  pathogènes  pour  l'homme  et  les  animaux, 
décrites  sous  le  nom  vulgaire  de  Diplococcus.  Tels  sont 
Klebsiella  salivaris  Trev.,  le  Microbe  de  la  salive  de 
Pasteur,  le  Pneumoco(jue  de  Frœnkel  et  de  Talamon,  con- 
sidéré comme  le  microbe  spécifique  de  la  pneumonie  (V. 
ce  mot)  chez  l'homme.  —  Kl.  Friedlœnderi,  qui  se  ren- 
contre aussi  dans  cette  maladie,  n'est  pas  considéré  comme 
spécifique.  —  KL  rhinoscleromatis  est  considéré  comme 
l'agent  spécifique  du  rhinosclérome  (Frisch).  D'autres  es-- 
pèces  sont  saprophytes,  zymogènes  {Kl.  indigogejia  Trev. 
ou  Bacillus  indigogenus  Alvarez)  ou  vivent  dans  l'air, 
dans  la  terre  et  dans  l'eau.  E.  Trouessârt. 

KLEEMANN  (Christian-Friedrich-Karl),  peintre  et  natu- 
raliste allemand,  né  à  Altorf  (près  de  Nuremberg)  en  1735, 
mort  le  2  janv.  1789.  Il  s'était  déjà  fait  une  réputation 
comme  portraitiste,  quand  il  devint  le  gendre  du  natura- 
liste Ra^sel  de  Rosenhof,  dont  il  compléta  et  continua  les 
ouvrages  sur  les  insectes,  en  les  illustrant  de  planches  très 
bien  dessinées.  Il  publia  en  outre  un  Traité  de  la  nature 
et  des  propriétés  du  hanneton  (1770),  et  exécuta  les 
planches  du  Catalogue  systématique  des  Coté  opter  es  .>  àe 
Voet.  —  Ses  quatre  frères,  Christian- Niklaus^  Johann- 
Konrad,  Johann- Jakob.,  Johann- Wolf g ang,  învent  &es 
élèves  et  collaborateurs,  ainsi  que  sa  femme.  Le  dernier, 
mort  en  1782  à  Berne,  a  peint,  outre  des  portraits,  des 
vues  remarquables  des  Alpes  suisses.      E.  Gourdault. 

KLEIN  (Ernst-Ferdinand),  juriste  allemand,  né  à  Bres- 
lau  le  3  sept.  1743,  mort  à  Berlin  le  18  mars  1810.  Un 
des  principaux  rédacteurs  des  codes  prussiens  de  la  fin  du 
xvni^  siècle,  en  particulier  du  code  pénal,  directeur  de 
l'université  de  Halle  (1791-1800),  il  a  publié:  Abhand- 
lungen  iiber  Gegenstœnde  der  Gesetzgebimg  und 
Hechtsgelehrsamkeit  (Leipzig,  1779-80,  3  vol.);  Anna- 
len  der  Gesetzgebung  und  Rechtsgelehrsamkeit  in  de?i 
preussischen  Staatcn  (Berlin,  1788-1809,  26  vol.)  ; 

GRANDE    ENCYCLOPÉUIE.    —    XXI. 


^61  —  KLEBER  —  KLEIN 

Grundsœtze  des  gemeinen  deutschen  und  preussische^i 
Rechts  (Halle,  1796)  ;  System  des  preuss.  Zivilrechts 
(1801  ;  rééd.  par  Rœnne,  1830,  2  vol.),  etc. 

KLEIN  (Dominique-Louis- Antoine),  général  français,  né 
à  Blamont  (Meurthe)  en  1761,  mort  en  1845.  Il  se  dis- 
tingua à  Jemappes,  prit  part  aux  guerres  de  la  Révolu- 
tion, notamment  oux  campagnes  de  l'armée  du  Rhin,  fut 
nommé  général  de  division  en  1799  et  exerça  les  fonctions 
de  chef  d'état-major  de  Masséna  à  la  bataille  de  Zurich. 
H  prit  une  part  glorieuse  à  la  campagne  de  Prusse  en 
1806  et  1807,  particulièrement  à  la  bataille  d'Evlau.  Il 
prit  sa  retraite  en  1808  et  fut  nommé  alors  sénateur  et 
comte  de  l'Empire.  Sous  la  Restauration,  il  fut  nommé 
membre  de  la  Chambre  des  pairs,  où  il  siégea  jusqu'à  sa 
«îiort.  Paul  Marin. 

KLEIN  (Georg-Michel) ,  philosophe  allemand,  né  à 
Alitzheim  (Bavière)  en  1776,  mortà  Wurzbourgen  1820. 
Il  fut  recteur  et  professeur  aux  gymnases  de  Regensbourg, 
Wurzbourg,  Bamberg,  enfin  professeur  de  philosophie  à 
Wurzbourg.  Disciple  fidèle  de  Schelling,  il  se  contente 
d'abord  d'exposer  la  philosophie  de  r«  identité  »;  puis  il 
cherche  à  la  justifier  du  reproche  de  panthéisme  qu'on  lui 
fait  au  nom  de  la  morale  et  de  la  religion,  et  à  la  rattacher 
à  la  doctrine  de  Kant  sur  Dieu,  la  liberté  et  l'immortafité. 
Les  principaux  ouvrages  de  Klein  sont  :  Beitrœge  %um 
Studium  der  Philosophie  al  Wissenschaft  des  AU 
(Wurzbourg,  1805)  ;  Verstandeslelire  (Bamberg,  1810)  ; 
Auschauungs  und  Denklehre  (Bamberg  et  Wurzbourg, 
1818);  Versuch  die  Ethik  als  Wissenschaft  %u  be- 
grûnden  (Rudolstadt,  1811)  ;  Darstellung  der  philoso- 
phischen  Religions-und  Sittenlehre  (Bamberg  et  Wurz- 
bourg, 1818).  C-EL. 

KLEIN  (Johann-Adam),  peintre,  dessinateur  et  graveur 
allemand,  né  à  Nuremberg  le  24  nov.  1792,  mort  à  Mu- 
nich le  21  mai  1875.  Formé  à  l'étude  du  cheval  par  Gabier, 
Van  de  Velde,  Roos  et  Dujardin,  il  alla  en  1811  à  Vienne, 
où,  tout  en  dessinant  sur  le  vif  des  costumes  populaires  et 
des  types  de  soldats,  il  exécuta  des  esquisses  à  la  gouache 
et  grava  un  certain  nombre  de  tableaux.  Il  se  mit  ensuite 
à  la  peinture  à  l'huile,  et,  après  un  voyage  en  Italie,  se 
fixa  à  Munich.  Parmi  ses  tableaux  à  l'huile,  nous  citerons: 
Convoi  de  bateaux  sur  le  Danube,  Scène  de  foire  à 
Berchtesgaden,  Halte  devant  une  osteria  à  Tivoli,  Atte- 
lage de  bœufs  dans  la  campagne  romaine,  Cosaques 
du  DoUy  Vieille  Marchande  d'almanachs,  une  Porte  de 
Nuremberg.  Une  édition  complète  de  ses  gravures  a  paru 
en  1844-48  à  Nuremberg. 

KLEIN  (Julius-Leopold),écrivainallemand,néà  Miskolcz 
(Hongrie)  en  1810,  mort  à  Berlin  le  2  août  1876.  Né  de 
parents  juifs,  il  se  convertit  au  catholicisme,  fit  ses  études 
médicales  à  Berlin,  s'adonna  à  la  critique  théâtrale,  écrivit 
des  drames  imités  de  Shakespeare,  qui  n'eurent  aucun 
succès,  et  publia  une  grande  Gesch.  des  Dramas  (Leipzig, 
1865-76,  13  vol.;  tables,  1886);  ses  Dramatische 
Werken  ont  été  réunies  (1871-72,  7  vol.). 

KLEIN  (Johann-Evangelist),  peintre  autrichien,  né  à 
Vienne  en  1823.  Elève  de  Fûhrichà  l'Académie  de  Vienne, 
il  alla  ensuite  quelque  temps  à  Venise,  puis  se  mit  à 
étudier  les  fresques  byzantines  dans  un  cloître  de  la  Buko- 
vine  ainsi  qu'au  dôme  de  Gurk  en  Carinthie,  et  la  pein- 
ture sur  verre  à  Klosterneuburg,  à  Saint-Etienne  de  Vienne 
et  à  Cracovie.  Parmi  ses  œuvres,  où  se  remarque  un  sen- 
timent profond  du  moyen  âge,  nous  citerons  des  cartons  de 
fresques  pour  la  chapelle  épiscopale  de  Cernowitz  et  pour 
Sainte-Marie-du-Capitole  à  Cologne,  et  des  cartons  de  vi- 
traux pour  Saint-Antoine  de  Padoue,  Saint-Etienne  de 
Vienne,  Kempten,  Munster,  Linz,  etc. 

KLEIN  (Kristian-Sophus),  homme  politique  danois,  né 
à  Copenhague  le  17  août  1824.  H  lut,  en  1848,  secrétaire 
à  l'Assemblée  constituante  danoise  ;  en  1854  il  est  nommé 
assesseur  à  Viborg,  et  en  1858  est  élu  à  la  Chambre,  où 
son  éloquence  et  ses  hautes  qualités  intellectuelles  lui  assu- 
rèrent bientôt  une  grande  influence.  H  accompagna  le  roi 


KLEIN  ~  KLE[ST 


562  — 


en  Islande,  en  qualité  de  ministre,  après  avoir  travaillé  à 
la  nouvelle  constitution  donnée  à  cette  île  en  4874.  Il  est 
un  des  chefs  du  parti  libéral  modéré. 

KLEIN  (Hermann- Joseph),  astronome  allemand,  né  à 
Cologne  le  11  sept.  4842.  D'abord  dans  la  librairie,  il  a 
étudié  assez  tard  les  mathématiques  et  l'astronomie  et  s'est 
fait  construire  à  Cologne  un  observatoire  particulier.  Il 
est  surtout  connu  par  ses  études  très  consciencieuses  de 
la  surface  de  la  lune.  Il  est  directeur  de  la  revue  d'astro- 
nomie populaire  Sirius  et  de  la  Zeitschrift  fur  Astro- 
nomie fondée  par  Heis.  Il  a  publié  à  part  :  Anleitung 
zur  Durchmusterung  des  Rimmels  (Brunswick,  4880), 
et  il  a  traduit  en  allemand  plusieurs  ouvrages  étrangers  de 
sélénographie.  L.  S. 

KLEIN  (Félix),  mathématicien  allemand,  né  à  Dussel- 
dorf  le  25  avr.  4849.  Il  a  été  nommé  à  vingt-trois  ans 
(4872)  professeur  ordinaire  de  mathématiques  à  l'univer- 
sité d'Erlangen.  Il  est  passé  de  là  à  l'Ecole  polytechnique 
de  Munich  (4875),  puis  aux  universités  de  Leipzig  (4880) 
et  de  Gœttingue  (4886).  Ses  travaux,  très  appréciés  des 
géomètres,  ont  spécialement  porté  sur  les  fonctions  modu- 
laires et  hyperelliptiques,  sur  la  résolution  des  équations 
des  cinquième,  sixième  et  septième  degrés,  sur  les  équa- 
tions diiférentielles,  sur  la  géométrie  imaginaire  et  sur  la 
géométrie  riemannienne,  qu'il  a  respectivement  qualifiées 
d'hyperbolique  et  d'eUiptiçîue.  Il  en  a  consigné  les  résultats 
dans  de  nombreux  mémoires  insérés  pour  la  plupart  dans 
les  Mathematische  Annalen^  que,  depuis  4875,  il  rédige 
avec  A.  Mayer.  Il  a  en  outre  donné  à  part  :  Ueber  Rie- 
mann's  Théorie  der  algebraischen  Funktionen  und 
ihrer  Intégrale  {Lé^ûg,  4884)  ;  Vorlesungen  ûber  das 
Ifwsaeder  und  die  Auflœsung  der  Gleichungen  vom  fûnf- 
ten  Grade  (Leipzig,  4884).  L.  S. 

KLEINÉEN,KLElNÉENNE.On  appelle  groupes  kleinéens 
les  groupes  discontinus  formés  de  substitutions  de  la  forme 

%^  =z  -^ — -,   a,   b,  a\   b\    étant  quelconques.  Ces 

groupes  ont  été  étudiés  par  M.  Poincaré  qui  a  étudié  les 
fonctions  kleinéennes  qui  restent  invariables  quand  on 
effectue  sur  la  variable  les  substitutions  d'un  groupe  klei- 
néen. 

BiBL.  ;  Poincaré.  —  Les  premiers  volumes  des  Acta  ma- 
thematica,  de  M.  Mittag-Leffler. 

KLEIN  EH  (Oskar),  peintre  finlandais,  né  à  Helsingfors 
en  4846.  Elève  de  Gude,  professeur  à  Karlsruhe,  il  a 
peint  exclusivement,  ou  à  peu  près,  des  marines:  Côtes  de 
Bretagne^  Côtes  de  Finlande^  etc. 

KLÈINIA  (Kleinia  Haw)  (Bot.)  (V.  Senecio). 

KLEINMICHEL  ('Pierre-Andrée vitch ,  comte) ,  général 
russe,  né  en  Ehstonie  en  4793,  mort  à  Saint-Pétersbourg 
le  45  févr.  4869.  Il  fit  les  campagnes  de  4842-44,  devint 
aide  de  camp  de  l'empereur  (4832),  dirigea  la  reconstruc- 
tion du  Palais  d'été,  fut  créé  comte,  nommé  général  d'in- 
fanterie (4842),  ministre  de  la  guerre  et  presque  aussitôt 
surintendant  des  travaux  publics.  Son  incapacité,  son  hos- 
tilité pour  les  chemins  de  fer  et  pour  les  intérêts  civils  le 
firent  congédier  dès  l'avènement  d'Alexandre  II. 

KLEIST  (Ewald-Georg  de),  physicien  allemand,  né  vers 
4700,  mort  le  41  déc.  1748.  On  sait  seulement  qu'il  fut 
doyen  du  chapitre  de  Cammin,  en  Poméranie  (4  722-47), 
puis  président  du  tribunal  de  Kœslin,  et  qu'il  faisait  partie  de 
l'Académie  des  sciences  de  Berlin.  Il  découvrit,  le  44  oct. 
4745,  quelques  mois  avant  Cunœus,  élève  de  Musschen- 
broek,  qu'on  cite  partout  comme  l'inventeur,  le  conden- 
sateur d'électricité  connu  généralement  sous  le  nom  de 
bouteille  de  Leyde,  mais  appelé  aussi  en  Allemagne  bou- 
teille de  Kleist.  Ce  fut,  du  reste,  dans  les  mêmes  circons- 
tances que  Cunœus.  Il  tenait  dans  une  main  un  verre  d'eau, 
où  plongeait  un  grand  clou  ;  ayant  approché  le  clou  d'une 
machine  électrique  et  ayant  voulu,  un  instant  après,  le 
retirer  avec  l'autre  main,  il  reçut,  à  son  grand  effroi,  une 
violente  décharge.  Il  fit  part  de  sa  découverte  dès  le  4  nov. 
au  D'*  Liebertruhn,  qui  la  communiqua  à  [l'Académie  de 


Berlin,  et  le  28  nov.  au  pasteur  Swietlicki,  qui  en  donna 
connaissance  à  la  Société  des  sciences  de  Dantzig.  On  n'a 
de  lui  aucun  écrit.  L.  S. 

BiBL.  :  Krûger,  Geschichte  derErde;  Halle,  1746.— 
J.-D.  TiTius,  De  Electrici  experimenti  lugdunensis  in- 
ventore  primo  ;  Wittenberg,  1771.  —  Poggendorff,  Ge- 
schichte der  Physik  ;  Leipzig,  1879. 

KLEIST  (Ewald-Christian  de),  poète  allemand,  né  sur 
le  domaine  de  Zeblin,  près  de  Kœslin  (Poméranie)  le  7  mars 
1715,  mort  à  Francfort-sur-l'Oder  le  24  août  4759.  Il 
servit  dans  l'armée  danoise  de  4736  à  4740,  puis  dans 
l'armée  prussienne  ;  chef  de  bataillon,  il  mourut  des  suites 
des  blessures  reçues  à  la  bataille  de  Kunnersdorf.  Il  s'adonna 
à  la  poésie  sous  l'influence  de  Gleim  et  de  Ramier  qu'il 
connut  en  4749.11  a  surtout  écrit  des  poésies  descriptives 
que  l'heureux  choix  des  images,  l'élégante  correction  du 
style,  un  vif  sentiment  de  la  nature  font  encore  lire.  La 
plus  classique  est  :  Der  Fnlhling  (4749).  Ramier  a  pu- 
blié ses  œuvres  complètes  (Berlin,  1762,  2  vol.),  mais  il 
les  avait  retouchées  ;  Kœrte  a  donné  une  édition  fidèle 
(Berlin,  4803,  2  vol.)  ;  Sauer  y  a  joint  sa  correspondance 
(1884,  3  vol.). 
BiBL.  :  EiNBEGK,  E.-C.  von  Kleist^  1861. 
KLEIST  (Friedrich-Heinrich-Ferdinand-Emil) ,  comte  de 
NollendorfF,  général  prussien,  né  à  Berlin  le  9  avr.  4762, 
mort  à  Berlin  le  47  févr.  4823.  Page  du  prince  Henri 
(1774),  promu  officier  en  4  778,  il  devint  aide  de  camp  du 
roi  (1803)  ;  c'est  lui  qui  porta  à  Napoléon  la  réponse  aux 
propositions  de  paix  faites  par  le  général  Bertrand  ;  com- 
mandant de  Berlin  (4809),  il  reçut  en  4843  le  commande- 
ment du  2^  corps  qui  opéra  en  Bohême  ;  c'est  lui  qui  eut, 
après  la  défaite  de  Dresde,  l'audace  de  se  jeter  sur  les 
derrières  de  Vandamme  entré  en  Bohême  ;  il  tourna  par 
Nollendorf  le  corps  français,  décida  sa  défaite  et  sa  capture 
à  Kulm  (30  août  4813).  Il  en  fut  récompensé  par  le  titre 
de  comte  de  Nollendorf.  Il  commandait  l'aile  gauche  de 
l'armée  de  Bohême  à  la  bataille  de  Leipzig,  fit  le  siège 
d'Erfurt,  suivit  l'armée  de  Silésie  dans  la  campagne  de 
1814,  oii  il  se  distingua  à  Laon  ;  après  la  capitulation  de 
Paris,  il  fut  envoyé  par  les  monarques  alliés  auprès  de 
Louis  XVIII  en  Angleterre.  L'altération  de  sa  santé  l'em- 
pêcha de  prendre  part  à  la  campagne  de  1845.  Il  prit  sa 
retraite  au  grade  de  feld-maréchal  en  4824. 

KLEIST  (Heinrich  de),  célèbre  poète  allemand,  né  à 
Francfort-sur-l'Oder  le  48  oct.  4 777,  suicidé  près  de  Pots- 
dam  le  24  nov.  4844.  C'est  le  plus  génial  des  romantiques 
allemands.  Parent  du  poète  Ew^ald  Kleist  (V.  ci-dessus),  il 
était  fils  d'un  officier  prussien;  orphelin  de  bonne  heure, 
il  entra  à  l'Ecole  des  cadets,  se  dégoûta  de  la  carrière  mi- 
litaire et  obtint  l'autorisation  d'étudier  à  l'université  de  sa 
ville  natale(4799-4800);  il  s'y  fiança  à  la  fille  du  général 
de  Zenger.  N'ayant  pu  apaiser  son  inquiétude  d'esprit  par 
l'étude,  il  se  mit  à  voyager,  séjourna  longtemps  à  Paris, 
travaillant  à  une  tragédiQ  (Robert  Gwàmrà),  qu'il  renonça 
à  finir  ;  une  autre,  Die  Familie  Schroffenstein,  eut  du 
succès  ;  malade  de  corps  et  d'esprit,  il  rentra  en  Prusse 
où  la  reine  Louise  lui  procura  une  place  dans  les  domaines 
à  Kœnigsberg  (4804).  Il  entreprit  alors  des  œuvres  moins 
vastes,  des  nouvelles  :  Die  Marquise  von  0,  Das  Erdbeben 
in  Chile,  une  adaptation  de  V Amphitryon  de  Molière,  une 
comédie  en  un  acte  (Der  zerbrochene  Krug),  remar- 
quable par  l'intensité  des  caractères  et  la  vigueur  comique  ; 
L'etFondrement  de  l'Etat  prussien  révolutionna  ce  génie 
maladif  qui  n'avait  pas  encore  trouvé  sa  voie.  Il  perdit  sa 
place,  et,  fait  prisonnier  à  Berlin,  fut  interné  quelques  mois 
au  fort  de  Joux  (4807).  Il  y  écrivit  deux  nouvelles  (Dz^ 
Verlobung  auf  San  Domingo,  Michael  Kohlhaas)  et  sa 
tragédie  de  Perdhesilea  (Tubingue,  4808)  où  il  exprima 
la  puissance  et  l'amertume  de  ses  passions  et  de  ses  dé- 
ceptions, traduites  avec  une  extrême  vigueur  plastique  dans 
l'amour  de  la  reine  des  Amazones  pour  Achille.  Rentré  en 
Allemagne,  il  se  fixa  à  Dresde,  où  il  rédigea  avec  Ad.  Mul- 
1er  une  revue  mensuelle  (Phœbus)  et  fonda  une  librairie 
qui,  au  lieu  de  la  fortune  espérée,  lui  procura  des  dettes. 


563 


KLEIST  -  KLEPTES 


Il  y  acheva  les  œuvres  commencées  au  fort  de  Joux,  com- 
posa un  drame  chevaleresque,  Das  Kœthchen  von  Heil^ 
bronn  (Berlin,  1810)  qui  consacra  sa  réputation;  Fin- 
vraisemblance  et  le  fantastique  s'y  allient  aux  sentiments 
les  plus  intimes  exprimés  sous  la  forme  la  plus  vivante  et 
sincère  jusqu'à  la  naïveté.  C'est  encore  à  Dresde  que  Kleist 
écrivit  Die  Hermannscklacht,  drame  patriotique  où  il 
exprime  la  fureur  contre  la  domination  étrangère,  le  mé- 
pris pour  ses  contemporains  et  la  soif  d'indépendance.  Il 
quitta  Dresde  au  printemps  de  1809,  pour  se  rendre  en 
Autriche  ;  il  ne  prit  cependant  pas  part  à  la  guerre  ;  la  dé- 
faite de  Wagram  l'abattit  et  ajourna  à  plusieurs  années  la 
publication  de  son  appel,  Ger mania  an  seine  Kinder. 
Désespéré,  il  rentra  à  Berlin,  rédigea  avec  son  ami  Ad. 
Muller  un  petit  journal  {Eerliner  Abendblœtter)  et  com- 
posa des  poésies  d'une  sombre  mélancolie;  de  cette  époque 
date  aussi  le  plus  parfait  de  ses  drames  :  Prinz  Friedrich 
von  Homburg,  allégorie  patriotique  où  il  s'est  peint  sous 
les  traits  du  prince  Frédéric.  Il  ne  put  le  faire  représenter. 
Il  se  lia  vers  cette  époque  avec  M.^"^  Henriette  Vogel;  elle 
était  atteinte  d'une  maladie  mortelle  ;  les  deux  amants  vou- 
lurent mourir  ensemble;  sur  les  bords  du  Wansee,  Kleist 
tua  sa  maîtresse  d'un  coup  de  pistolet  et  se  tua  sur  son 
corps.  Le  génie  de  Kleist  ne  fut  apprécié  qu'une  dizaine 
d'années  après  sa  mort  ;  Gervinus  reconnut  en  lui  le  plus 
grand  des  poètes  romantiques  de  l'Allemagne  ;  ses  drames 
se  sont  maintenus  à  la  scène.  Ses  œuvres  complètes  furent 
publiées  par  L.  Tieck  (Berlin,  1826,  3  vol.;  rééd.  par 
J.  Schmidt,  4874),  puis  par  Kurz  (1872),  Wilbrandt 
(1879),  Grisebach  (1884),  Zolling  (1884);  il  faut  ajouter 
les  Politische  Schrifte  édités  par  Kœpke  (Berlin,  1872) 
et  les  lettres  publiées  par  E.  de  Bulow  (1848),  Koberstein 
(lettres  à  sa  sœur  Ulrique,  1860),  Zolling  (séjour  de  Kleist 
en  Suisse,  1881),  etBiedermann  (lettres  à  sa  fiancée,  1 883). 
BiBL.  :  Wilbrandt,  H.  von  Kleist;  Nordiingue,  1863.  — 
Brahm,  h.  von  Kleist;  Berlin,  1884. 

KLEITOS  (Clitus),  héros  grec,  fils  de  Mentios,  qu'Eos 
(Aurore),  séduite  par  sa  beauté,  enleva  (Odyssée,  XV,  249). 

KLEITZ  (Charles),  ingénieur  français,  né  à  Schlestadt 
(Bas-Rhin)  le  29  janv.  1808,  mort  à  Paris  le  21  mai 
1886.  Il  était  en  dernier  lieu  inspecteur  général  des  ponts 
et  chaussées  de  première  classe,  retraité  en  1878  par  li- 
mite d'âge.  Kleitz  a  été  l'un  des  ingénieurs  les  plus  actifs 
et  les  plus  savants  de  notre  temps  ;  il  a  publié  dans  les 
Annales  de  son  corps  :  Murs  de  soutènement  (1844)  ; 
Mouvement  des  locomotives  (1848);  Nombre  de  passa- 
gers à  admettre  sur  les  bateaux  à  vapeur  (1867)  ;  Des 
Attributions  de  r autorité  judiciaire  en  matière  de  dé- 
limitation des  cours  d'eau  (1874)  ;  Stabilité  des  poutres 
continues  (1877)  ;  Théorie  du  mouvement  non  perma- 
nent des  liquides  (1877)  ;  Stabilité  desponts  métalliques 
(1877);  Transport  des  déblais  (note  sur  la  méthode  de 
M.  Lalanne;  1880);  Note  sur  la  théorie  de  l'écoulement 
par  déversoir  (1885).  —  En  1873,  Kleitz  a  publié  sépa- 
rément une  Etude  sur  les  forces  moléculaires  ;  on  lui 
doit  également  des  Mémoires  sur  le  Rhône,  autographiés 
ou  restés  manuscrits.  C'est  dans  ces  mémoires  qu'il  faut 
chercher  des  renseignements  sur  les  inondations  du  Rhône, 
si  l'on  veut  en  faire  une  étude  sérieuse.  Mais  ce  qui  res- 
tera surtout  de  Kleitz,  c'est  sa  Théorie  du  mouvement 
non  permanent  des  liquides,  précédemment  citée  (1877); 
elle  porte  en  sous-titre  :  Application  à  la  propagation 
des  crues  de  rivières^  ce  qui  correspond  à  la  partie  neuve 
de  cette  étude  hors  ligne.  On  en  trouvera  de  larges  extraits 
dans  V Hydraulique,  ouvrage  de  M.  Flamant  faisant  par- 
tie de  V Encyclopédie  des  travaux  publics.    M.-C.  L. 

KLEK.  Baie  de  la  mer  Adriatique  en  face  de  l'île  de  Sa- 
bioncello.  Après  avoir  longtemps  appartenu  à  la  Dalmatie, 
elle  avait  été  cédée  à  la  Porte  par  le  traité  de  Karlowitz  et 
lui  assurait  le  libre  accès  de  l'Adriatique.  Au  N,  de  cette 
baie  s'élève  le  village  de  Kiek  qui  lui  donne  son  nom. 

KLEK.  Rocher  calcaire  de  Croatie  (1,182  m.  d'alt.), 
dans  le  massif  du  Grand  Kapela  (V.  Karst). 


KLEMMING  (Gustav-Edvard),  érudit  et  bibliographe 
suédois,  né  à  Stockholm  en  1823,  mort  en  1893.  Nommé 
à  la  Bibliothèque  royale  de  Stockholm  (1846),  il  publiade 
nombreux  textes  suédois  anciens  et  inédits  pour  le  compte 
de  la  Société  des  anciens  textes  suédois  (Svenska  forns- 
krift-sâllskapet).  En  1877,  Kiemming  fut  nommé  biblio- 
thécaire en  chef  de  la  bibliothèque  royale,  réorganisée  et 
installée  dans  des  bâtiments  nouveaux,  dont  il  avait  lui- 
même  dressé  les  plans  de  distribution  intérieure.  Sa 
publication  de  textes  suédois  du  moyen  âge  compte  une 
trentaine  de  volumes  in-8,  avec  planches,  reproductions 
phototypiques  et  tables,  remarquablement  édités  (Flores 
och  Bla7izeflor  (iSU);  Hertig  Fredrik  af  Normaîidie 
(1853);  Heliga  Brigittas  uppenbarelser  (1857-62); 
Brigitta-literatur  (1883),  etc.  Il  a  publié  aussi  entre 
autres  une  excellente  Bibliographie  de  la  littérature 
dramatique  suédoise  (des  origines  à  1875),  et  un  très  bel 
ouvrage  sur  r  Histoire  de  l'imprimerie  en  Suède,  en^col- 
laboration  avec  Nordin  (Stockholm,  1883).         Th.  C. 

KLENGEL  (Johann-Christian),  peintre  et  graveur  alle- 
mand, né  à  Kesselsdorf,  près  de  Dresde,  le  5  mai  1751, 
mort  à  Dresde  le  19  déc.  1824.  Après  avoir  étudié  sous 
Dietrich,  à  l'Académie  de  Dresde  et  visité  l'Italie,  il  devint 
professeur  à  l'Académie.  Comme  peintre,  il  a  surtout  excellé 
dans  le  paysage  et  le  genre  :  Sites  montagneux  et  fores- 
tiers de  la  Bohème  et  de  la  Saxe,  Pâtisserie  dans  une 
ferme;  Soir  et  matin,  Daphnis  et  C/i/o^ (galerie de  Chris- 
tiania). Comme  graveur,  il  a  moins  d'originalité  et  de  fer- 
meté. Il  a  publié  (1812),  douze  feuilles  d'études  paysages. 

KLENZE  (Léo  de),  célèbre  architecte  allemand,  né  près 
de  llildesheim  le  29  févr.  1784,  mort  à  Munich  le  26  janv. 
1864.  D'abord  élève  de  l'académie  Carolinum  à  Brunswick 
et  de  l'architecte  Schinkel  à  Berlin,  Klenze  termina  ses 
études  à  Paris  sous  la  direction  de  Durand,  de  Percier  et  du 
peintre-décorateur  Bourgeois  ;  il  voyagea  ensuite  en  An- 
gleterre et  en  Italie.  De  1805  à  1813,  il  fut  architecte  du 
roi  de  Westphalie,  Jérôme-Napoléon,  à  Cassel;  mais  c'est 
surtout  à  Munich  où,  depuis  1815,  il  fut  l'architecte  du 
prince  héréditaire  devenu  plus  tard  le  roi  Louis  P^  de 
Bavière,  que  Klenze  fit  élever  de  nombreux  et  intéressants 
édifices  parmi  lesquels  :  la  Glyptolhèque,  l'Odéon,  le  «  Hof- 
garten  »,  le  palais  du  prince  de  Leuchtenberg  et  celui  du 
prince  Maximilien,  la  Pinacothèque  (1826),  l'église  de  la 
Cour  et  l'église  de  Tous  les  Saints,  les  écuries  royales,  le 
«  Kœnigsbau  »  ou  aile  méridionale  du  palais  royal  et  la  salle 
des  Fêtes  de  ce  même  palais,  constructions  rappelant  la  pre- 
mière le  palais  Pitti  et  la  seconde  la  Renaissance  de  Palla- 
dio, enfin,  mais  dans  le  style  grec  antique,  les  Propylées  de 
Munich,  la  «  Ruhmeshalle  >>  ou  salle  de  la  Gloire  et  le  Wal- 
halla,  temple  dorique  orné  de  statues  et  de  bustes  des  Alle- 
mands célèbres,  à  Ratisbonne.  On  doit  encore  à  Klenze 
plusieurs  projets  en  partie  exécutés  pour  les  villes  d'Athènes 
et  de  Saint-Pétersbourg.  Cet  architecte  a  publié  de  nom- 
breux mémoires  sur  les  temples  anciens  et  le  mode  de 
construction  des  édifices  chrétiens,  des  Aphorismes  sur  un 
voyage  en  Grèce,  ses  projets  d'architecture  sous  le  titre  de 
Architectonische  Entwfirfe,  et  une  monographie  du 
Walhalla.  Charles  Lucas. 

KLENZE  (Klemens-August-Karl),  jurisconsulte  alle- 
mand, né  à  Heissum,  près  de  llildesheim,  le  22  déc.  1795, 
mort  le  15  juil.  1838.  Il  fut  nommé  en  1826  professeur 
de  droit  à  l'université  de  Berlin.  Les  ouvrages  de  Klenze  se 
font  remarquer  par  une  érudition  sûre  et  étendue.  Les 
plus  importants  sont  relatifs  au  droit  romain:  Lehrbuch 
der  Geschichte  des  rœmischen  Rechts  (Berlin,  1827 
et  1835,  in-8)  ;  Das  Familienrecht  der  cognaten  und 
afflnen  (Berlin,  1828,  in-8).  Il  a  écrit  aussi  :  Lehrbuch 
des  gemeinen  Strafrechts  (Berlin,  1833,  in-8)  ;  Lehr- 
buch des  Strafverfahreiis  (Berlin,  1836,  in-8)  ;  Insti-- 
tiitio  Gregoriani  (Berlin,  1838,  in-8),  etc. 

KLEPTES.  Nom  donné  aux  chefs  et  aux  guerriers  mon- 
tagnards de  la  Grèce  septentrionale  et  de'l'Epire  qui  se 
maintinrent  indépendants  en  fait  de  Tautorité  turque.  Le 


KLEPTES  —  KLIMRATH 


-  564 


nom  de  Klephte  veut  dire  brigand  ;  celui  ôi^Armatole^  qui 
en  devint  synonyme,  fut  appliqué  d'abord  à  ceux  qui 
avaient  obtenu  une  commission  de  la  Porte  ottomane.  Celle- 
ci  accorda  successivement  à  beaucoup  l'autorisation  d'en- 
tretenir une  troupe  armée,  octroyée  d'abord  aux  gens 
d'Agrapha.  Les  Armatoles  entretinrent  une  véritable  anar- 
chie dans  toute  cette  région,  surtout  à  partir  du  xvii®  siècle, 
obligeant  les  pachas  à  les  subventionner  et  rançonnnant 
les  agriculteurs  de  la  plaine.  Ils  étaient  principalement 
d'origine  albanaise.  Lorsque  l'hétairie  prépara  l'insurrection 
de  la  Grèce,  elle  s'adressa  aux  Klephtes,  qui  disposaient 
d'environ  42,000  combattants.  Ils  jouèrent  un  grand  rôle 
dans  la  guerre  de  l'indépendance  ;  les  plus  célèbres  furent 
Botzaris,  Karatassos,  Odysseus,  Kaltzodemos,  Kondoiannis, 
Karaïskakis,  Eustrates,  Zongas,  Sapbakas,  Panuryas,  etc. 
(V.  Grèce,  t.  XIX,  p.  293  et  pp.  320-321). 

KLEPTOMANIE  (Méd.).  D'après  une  doctrine  qui, 
depuis  Esquirol,  a  compté  de  nombreux  partisans,  il  exis- 
terait certaines  formes  de  folie  subordonnées  à  la  nature 
de  tel  ou  tel  acte  délirant  commis  par  les  malades.  Ces 
actes,  qualifiés  de  monomanies,  constitueraient  autant 
d'espèces  morbides  ayant  chacune  sa  place  à  part  dans  le 
cadre  nosologique  :  telles  seraient  la  monomanie  du  vol  ou 
kleptomanie^  la  monomanie  incendiaire  ou  pyromanie, 
la  dipsomanie  (V.  ce  mot),  les  monomanies  homicide, 
suicide,  etc.  L'erreur  de  cette  théorie  est  devenue  ma- 
nifeste ;  il  est  aujourd'hui  démontré  que  ces  prétendues 
entités  morbides  ne  jouent  qu'un  rôle  symptomatique,  et 
qu'on  peut  les  observer  dans  le  cours  des  affections  men- 
tales les  plus  diverses  (vésanies  pures,  fohes  toxiques  et 
organiques,  psycho-névroses).  En  ce  qui  concerne  la  manie 
du  vol,  la  seule  qui  doive  nous  occuper  ici,  elle  est  fré- 
quente chez  les  paralytiques  généraux,  les  déments  simples, 
les  épileptiques,  les  hystériques.  Mais  c'est  à  l'état  de 
manifestation  épisodique  de  la  dégénérescence  intellectuelle 
qu'elle  revêt  (ainsi  que  les  autres  monomanies)  le  carac- 
tère saillant  qui  a  fait  croire  à  sa  spécificité.  Les  condi- 
tions dans  lesquelles  se  produit  la  kleptomanie,  chez  les 
dégénérés,  sont  d'ailleurs  variables.  Dans  certains  cas,  elle 
reconnaît  pour  cause  déterminante  la  satisfaction  de  mauvais 
penchants,  de  tendances  instinctivement  perverses:  l'imhé- 
cillité  et  la  folie  morale  en  fournissent  des  exemples.  Non 
moins  souvent,  elle  résulte,  au  contraire,  d'un  besoin  per(;u 
et  réprouvé  par  la  conscience  du  malade,  d'une  impulsion 
involontaire,  irrésistible,  et  l'acte  délictueux  s'accomplit  en 
dehors  de  tout  mobile  intéressé.  Parmi  ces  kleptomanes,  les 
uns  s'emparent  de  tout  ce  qui  leur  tombe  sous  la  main, 
collectionnent  les  choses  les  plus  disparates  ;  d'autres  ne 
s'approprient  que  des  objets  de  leur  choix.  «  J'ai  connu, 
dit  Marc,  un  médecin  instruit  dont  la  manie  consistait  à 
voler  uniquement  des  couverts  de  table.  »  Le  même  au- 
teur rapporte  les  faits  suivants  :  un  employé  du  gouverne- 
ment avait  la  singulière  habitude  de  ne  voler  que  des 
ustensiles  de  ménage  ;  il  loua  deux  chambres  pour  les  y 
déposer  :  il  ne  les  vendait  point  et  n'en  faisait  aucun  usage. 
—  Victor- Amédée,  roi  de  Sardaigne,  dérobait  partout  des 
objets  de  peu  d'importance.  —  Un  gentilhomme  fort  riche 
ne  pouvait  s'empêcher  de  voler  de  temps  en  temps,  mais 
chaque  fois  il  restituait  ce  qu'il  avait  soustrait.  —  Voici 
deux  autres  cas  empruntés  à  Bergmann  (d'après  Trélat)  : 
le  gouverneur  d'un  prince  héritier  était  obligé  de  fouiller 
les  poches  de  son  élève  pour  en  retirer  les  objets  de  toute 
sorte  que  celui-ci  avait  dérobés  au  cours  de  ses  visites.  — 
Un  jeune  kleptomane,  à  qui  son  confesseur  avait  imposé  le 
devoir  de  résister  à  la  tentation  du  vol,  était  tombé  de  ce 
fait  dans  une  tristesse  profonde  ;  on  lui  permit  alors  de  se 
livrer  à  son  penchant,  à  condition  de  restituer  les  objets 
qu'il  prendrait  ;  comme  premier  essai,  il  vola  pendant  la 
messe  la  montre  de  son  confesseur,  mais,  fidèle  à  son 
engagement,  il  la  lui  rendit  après  la  cérémonie.  On  pour- 
rait muUipUer  les  exemples  de  ce  genre. 

L'appréciation  médico-légale  de  la  kleptomanie  comporte 
une  double  question  de  diagnostic  :  le  vol  incriminé  offre 


t-il  les  caractères  d'un  phénomène  morbide  ?  A  quelle 
espèce  pathologique  faut-il  rattacher  ce  dernier  ?  Faciles  à 
résoudre  lorsqu'il  s'agit  d'imbéciles  ou  de  déments,  ces 
questions  deviennent  plus  discutables  en  présence  d'inculpés 
dont  le  trouble  psychique  n'exclut  ni  la  préméditation,  ni 
l'intelligence,  ni  la  conscience.  Il  est  vrai  que  ces  formes 
de  l'aliénation  mentale  sont  assez  connues  pour  qu'il  soit 
toujours  possible  de  prouver  la  réalité  de  l'état  maladif 
(V.  Dégénérés).  D'"  Saury. 

BiBL.  :  Marc,  De  la  Folie,  1840,  t.  IL  —Trélat,  la  Folie 
lucide,  1861.  —  Lasègue,  le  Vol  aux  étalages,  dans  Ar- 
chives générales  de  médecine,  févr.  1880. 

KLESEL  (Melchior)  (V.  Khlesl). 

KLETTENBER6  (Susanne-Katharina  de),  femme  de 
lettres  allemande,  née  à  Francfort-sur-le-Main  le  19déc. 
4723,  morte  le  16  déc.  1774.  Amie  de  la  mèrede  Gœthe, 
elle  eut  une  grande  influence  sur  l'enfance  de  celui-ci,  par 
ses  idées  piétistes  et  son  goût  de  l'alchimie.  Gœthe  a  tracé 
son  portrait  dans  Wilhelm  Meister  (Bekenntnisse  einer 
Schœnen  Seele). 

BiBL.  :  r_.APPENBERG,  Reliquîen  des  Fr.  von  Klettenberg  ; 
Hambourg,  1849.  —  PJiilemon,  éd.  par  Delitzsch  ;  3°  éd., 
Gotha,  1877. 

KLETTGAU.  Pays  de  Suisse,  cant.  de  Schafthouse,  situé 
au  N.  du  Rhin  et  qui  s'avance  vers  la  Forêt-Noire  ;  il  est 
fertile,  très  bien  cultivé  et  contient  plusieurs  grands  villages. 

KLEVENFELDT  (Terkel),  historien  danois,  né  à  Copen- 
hague en  47dO,  mort  en  4777.  Il  se  nommait  primitive- 
ment Kleye  et  ne  prit  le  nom  de  Klevenfeldt  que  lorsqu'il 
fut  anobli  en  4747.  Ses  Etudes  généalogiques  et  héral- 
diques fort  importantes,  ainsi  que  les  documents  considé- 
rables qu'il  avait  recueillis  sur  l'Histoire  de  la  noblesse 
danoise,  sont  conservés  aux  Archives  secrètes  de  Copen- 
hague. 

KLl  AZMA.  Rivière  de  la  Russie  centrale,  affluent  gauche 
de  rOka,  630  kil.  de  long  ;  bassin  de  39,360  kil.  q.  Elle 
naît  au  N.-O.  de  Moscou,  coule  vers  le  S.-E.,  le  N.-E.  et 
le  S.-E.,  arrose  Pokrov,  Vladimir,  Kovrov  où  elle  devient 
navigable,  finit  à  Gorbatov.  Elle  reçoit  à  gauche  la  Teza. 

KLICKI  (Stanislas),  général  polonais,  né' en  4770,  mort 
à  Rome  en  4847.  Il  servit  en  4794  et  entra  dans  les  lé- 
gions polonaises  ;  il  se  distingua  en  Espagne  et  en  Russie. 
Lors  de  la  reconstitution  du  royaume  de  Pologne,  il  devint 
général  de  division.  Pendant  l'insurrection  polonaise  de 
4830-31,  il  eut  un  instant  le  commandement  suprême. 
Après  la  fin  de  la  révolution,  il  se  relira  à  Fétranger. 

KLiCPERA  (Vacslav),  écrivain  tchèque,  né  à  Chlumec 
(Bohême)  en  4792,  mort  à  Prague  en  4859.  Après  avoir 
étudié  à  Prague,  il  devint  professeur  au  gymnase  de  Kra- 
love-Hradec  (Kœniggrsetz),  puis  à  Prague.  Il  a  écrit  un 
grand  nombre  de  pièces  de  théâtre  dont  quelques-unes  furent 
populaires.  On  cite  notamment  une  tragédie,  SobeslavA^^irmi 
les  comédies:  Rohovin  à  quatre  pattes,  le  Chapeau  en- 
chanté, VEpée  de  Zizka,  le  Menteur,  la  Comédie  sur 
le  pont.  Plusieurs  des  pièces  de  Klicpera  ont  été  traduites 
en  allemand.  On  lui  doit  également  des  nouvelles  (Tocnik, 
Vitek  Vilkovic),  des  poésies  patriotiques,  etc.  C'est  un 
écrivain  pittoresque,  mais  d'un  style  parfois  un  peu  brutal. 
Ses  œuvres  complètes  parurent  à  Prague  en  4864. 

KLIMOVA.  Ville  de  Russie,  gouvernement  de  Tcherni- 
gov  ;  6,000  hab.  Fondée  par  les  Raskolniks  au  xvin^  siècle, 
elle  est  la  résidence  de  leur  autorité  centrale. 

KLIIVIRATH  (Henri),  jurisconsulte  français,  né  à  Stras- 
bourg le  4«r  févr.  4807,  mort  à  Paris  le  34  août  4837. 
Klimrath  a  eu  le  mérite,  dans  sa  trop  courte  carrière,  de 
chercher  à  relierJ'histoire  du  droit  à  l'histoire  générale,  et 
il  a  produit  d'importants  ouvrages  dont  les  principaux 
sont  :  Essai  sur  l'étude  historique  du  droit  et  son 
utilité  pour  V interprétation  du  code  civil  (Strasbourg, 
4833,  in-8  ;  thèse)  ;  Mémoire  sur  les  monuments  iné- 
dits de  l'histoire  du  droit  français  au  moyen  âge 
(Strasbourg  et  Paris,  4835,  in-8)  ;  Mémoire  sur  tes  Olim 
et  sur  le  Parlement  (Paris,  4837,  in-8)  ;  Etude  sur  les 
coutumes,  avec  carte  (Paris,  4838,  in-8).  G.  R. 


—  565  ■— 


KLiN  —  KLINKENBERG 


KLIN.  Ville  de  Russie,  gouvernement  de  Moscou,  sur  la 
Sestra,  affluent  droit  de  la  Volga  et  le  chemin  de  fer  de  Mos- 
cou à  Saint-Pétersbourg;  7,000  hab.  Cotonnades.  Ch.-l. 
de  district.  Ancien  fief  de  la  famille  des  Romanov. 

KLINCKOWSTRÔM.  Nom  d'une  ancienne  famille  sué- 
doise, originaire  de  Brandebourg,  d'où  elle  avait  passé, 
environ  en  1300,  en  Poméranie  (nom  primitif:  Klinckow). 
Plusieurs  Klinckowstrôm  se  sont  illustrés,  soit  à  l'armée, 
soit  dans  des  fonctions  civiles.  L'un,  Mrl-Ber7ihard, 
était  le  fidèle  compagnon  de  Charles  XII;  l'autre,  Leonhard 
(1685-1759),  favorisa  à  la  cour  de  Suède  les  intérêts  du 
gouvernement  français,  qui  lui  servait  une  pension  ;  un 
autre,  enfin,  Axel- Leonhard  (1775-/<839),  officier  de  ma- 
rine, membre  de  l'Académie  militaire,  a  publié,  en  4824, 
un  ouvrage  intitulé  Lettres  sur  tes  Etats-Unis,  écrites 
pendant  un  voyage  en  Amérique  (1818-4820).  Le  fils 
de  ce  dernier,  Riidolf-Mauritz,  soldat,  homme  politique 
et  écrivain,  né  à  Graneborg  en  481 6,  fit  ses  études  à  l'école 
militaire  de  Kariberg  et  parvint  rapidement  aux  grades 
supérieurs.  En  4854,  il  était  adjudant  du  roi  Oscar  P'';  il 
rempht  aussi  les  fonctions  de  chef  d'état-major,  puis  de  1 859 
à  4865  celles  d'attaché  militaire  à  Vienne.  Depuis  4877, 
membre  de  la  Chambre  haute,  il  y  a  déployé  une  grande 
activité  et  s'est  montré  un  défenseur  énergique  des'^droits 
protecteurs.  Ses  écrits  sur  l'art  militaire  et  sur  réconoinio 
rurale  sont  très  nombreux  et  très  estimés  en  Suède.  11  a 
publié  en  outre  des  études  sur  le  comte  Axel  de  Fersen, 
dont  Tune  en  français  :  le  Comte  de  Fersen  et  la  cour 
de  France  (Paris,  4878,  2  vol.).  Th.  C. 

KLINGEMANN  (Ernst-August-Friedrich),  auteur  dra- 
matique allemand,  né  à  Brunswick  le  34  août  4777,  mort 
à  Brunswick  le  25  janv,  4834.  Mari  d'une  actrice,  il 
obtint  de  grands  succès  au  théâtre,  grâce  à  l'heui^eux 
choix  des  sujets,  l'habileté  de  la  composition,  la  fantai- 
sie ;  ses  drames  semblent  maintenant  superficiels  et  mal 
écrits.  Les  plus  connus  furent  :  Heinrich  der  Lœive, 
Martin  Luther^  Cromwell,  Deutsche  Treue,  Kolumbiis, 
Faust j  etc.  Ils  ont  été  réunis  {Theater,  1809-20,  3  vol.  ; 
Dramatische  Werke,  4817-48,  2  vol.). 

KLINGENSTIERNA  (Samuel),  mathématicien  suédois, 
né  à  ToUefors,  près  de  Linkiœping,  le  4  8  août  4698,  mort 
à  Stockholm  le  26  oct.  4765.  Après  avoir  étudié  le  droit 
à  Upsal  et  débuté  dans  des  fonctions  administratives,  il 
s'adonna  aux  mathématiques,  entreprit  un  voyage  de  trois 
ans  en  Allemagne,  en  Suisse,  en  France  et  en  Angleterre 
pour  perfectionner  son  instruction,  obtint,  en  4728,  une 
chaire  de  mathématiques  à  l'université  d' Upsal,  l'occupa 
vingt  ans  et  fut  ensuite  chargé  de  l'éducation  du  prince  hé- 
ritier. Il  passa  ses  dernières  années  dans  la  retraite.  L'Aca- 
démie des  sciences  de  Stockholm  le  comptait  parmi  ses  mem- 
bres depuis  sa  fondation  (4739).  Ses  travaux  les  plus 
remarquables  concernent  l'optique  et  aboutirent  à  la  décou- 
verte des  lunettes  achromatiques.  Son  Tentamen  de  défi- 
niendis  et  corrige^idis  aberrationibus  (4762)  fut  cou- 
ronné par  l'Académie  de  Saint-Pétersbourg.  Il  a  laissé  une 
dizaine  d'autres  volumes  sur  l'aberration  des  étoiles,  la  ma- 
chine pneumatique,  l'électricité,  le  magnétisme,  ainsi  que 
sur  des  sujets  de  philosophie,  d'après  la  doctrine  de  Wolf 
(les  notions  universelles,  les  erreurs,  l'espace)  ;  une  ving- 
taine de  mémoires  ont  été  insérés  dans  les  Philos.  Trans., 
les  Act.  Litt.  Suec,  les  Act,  Soc.  Ups.^  le  Recueil  de 
l'Académie  des  sciences  de  Stockholm  (ces  derniers  en 
suédois).  Ils  concernent  le  calcul  intégral  et  divers  pro- 
blèmes de  mécanique  et  d'optique.  T. 

KLINGENTHAL  (V.  Boersch). 

KLINGER  (Friedrich-MaximiHan  de),  poète  allemand, 
ne  à  Francfort-sur-le-Main  en  févr.  4752,  mort  à  Saint- 
Pétersbourg  le  25  févr.  4834.  Orphelin  de  bonne  heure, 
il  eut  une  jeunesse  difficile  et  laborieuse,  se  lia  avec  Goethe 
qu'il  accompagna  à  Zurich  (4775),  fut  secrétaire  de  la 
troupe  dramatique  Seiler  (4776),  lieutenant  dans  l'armée 
autrichienne  et  entra  en  4  780  au  service  de  la  Russie. 
Anobli,  il  devint  chambellan  du  grand-duc  Paul,  l'accom- 


pagna dans  son  voyage  à  travers  l'Europe,  fut  nommé  di- 
recteur de  l'Ecole  des  cadets  de  Saint-Pétersbourg  (4785), 
épousa  une  fille  naturelle  de  l'impératrice  Catherine.  Dans 
le  drame  où  périt  Paul  I*^**,  il  observa  une  attitude  expec- 
tante.  Alexandre  \^^  le  mit  à  la  tète  de  Padministratioii 
militaire.  De  4844  à  4847,  il  fut  curateur  de  l'université 
de  Dorpat;  en  4830,  il  prit  sa  retraite.  Ses  œuvres  dra- 
matiques attestent  une  verve  exubérante  qui  porte  à 
l'extrême  les  défauts  du  romantisme  ;  c'est  à  son  drame, 
Sturm  und  Drang  (4775),  que  les  Allemands  ont  em- 
prunté l'appellation  par  laquelle  ils  désignent  toute  cette 
période  de  leur  histoire  littéraire  ;  citons  encore  :  Die 
Z'ivillinge,  qui  obtint  le  prix  réservé  à  la  meilleure  pièce 
sur  le  fratricide;  Konradin,  Simsone  Grimaldo,  Der 
Gilnstting,  Medea  in  Koriiith,  Medea  auf  dem  Kauka- 
sus^  Damokles;  quelques  comédies  :  Die  Spieler,  Der 
Sckwur,  Die  zwei  Freundinnen.  Ses  œuvres  dramatiques 
ont  été  réunies  en  Theater  (Leipzig,  4786-87,  4  vol.)  e1 
Neues  Theater  (4790,  2  vol.).  Aujourd'hui  on  apprécie 
davantage  ses  romans,  à  tendances  réalistes  et  philoso- 
phiques. Klinger  était  un  disciple  fanatique  de  Rousseau, 
dont  V Emile  était  son  livre  de  chevet.  Ses  principaux 
romans  sont:  Faust  (Saint-Pétersbourg,  1794);  Gesch, 
Giafars  des  Barmeciden  (1792);  Gesch.  Rafaels  de 
Affuilas  (47!K-))  ;  Reiscn  vor  der  Siudllut  (4795);  Ik) 
Faust  der  Morgenlœnder  (1797);  Gesch.  eines  Deul- 
schen  der  neuesten  7Ant  (4798),  et  surtout  D^r  Welt- 
mann  imd  der  Dichter  (4798),  série  de  dialogues  d'une 
psychologie  très  fine  sur  l'antithèse  du  monde  réel  et  du 
monde  idéal.  Il  a  publié  une  collection  de  ses  meilleurs 
romans  (Krrnigsberg,  4809-45,  42  vol.  ;  rééd.  Stuttgart, 
4  842)  ;  on  en'a  fait  une  autre  en  8  vol.  (4878-80). 

BiBL.:  Erdmann,  KHrigers  dramatische  Dichtungen  ; 
Kœniiïsberpr,  1877.  —  M.  'Hieger,  Klmger  in  der  Sturm 
und  Drangperiode  (avec  de  nombreuses  lettres)  ;  Darni- 
stadt,  1880. 

KLINGSOR  DE  Hongrie,  minnesinger  légendaire  qui 
figure  dans  le  combat  de  la  Wartburgen  qualité  d'arbitre. 
Dans  le  Parsifal  de  Wolfram  d'Eschenbach,  ce  nom  est 
celui  d'un  duc  de  Capoue,  eunuque  et  magicien. 

KLIN6SP0R.  Nom  d'une  ancienne  famille  suédoise, 
originaire  du  S.  de  rAllemagne  d'où  elle  avait  passé  en 
Livonie  au  xiii*^  siècle.  Le  plus  célèbre  des  Klingspor  est 
Vilhelm  Maurits  (4744-4844)  qui  servit  dans  les  régi- 
ments français  pendant  la  guerre  de  Sept  ans.  A  son  retour 
en  Suède,  il  rendit  de  grands  services  dans  l'organisation 
de  Farmée  et  fut,  en  4788,  nommé  intendant  général  de 
l'armée  en  Finlande.  Il  se  montra  en  cette  circonstance  à 
la  hauteur  de  sa  tache,  mais,  en  4808,  promu  général  en 
chef,  il  ne  fit  preuve  que  de  peu  d'énergie  dans  la  lutte 
contre  les  troupes  russes  et,  à  son  retour,  fut  mis  en  congé. 
Après  la  déposition  de  Gustave  IV,  il  fut  élu  membre  du 
conseil  de  régence.  En  4840,  gouverneur  général  de  Stoc- 
kholm, il  ne  sut  pas  empêcher  le  meurtre  de  Fersen,  fut 
disgracié  de  nouveau  et  se  retira  de  la  vie  publique  défini- 
tivement. Son  frère,  Fredik-Filip  (4764-4832),  gouver- 
neur du  château  royal  à  Stockholm,  qu'il  contribua  à  em- 
bellir, était  un  collectionneur  distingué.  C'est  à  la  même 
famille  qu'appartient  Karl-Arvid  Klingspor,  héraldiste  du 
royaume  (riksheraldiker),  né  en  4829.  Il  s'est  occupé 
tout  spécialement  de  l'histoire  de  la  noblesse  et  a  publié  en 
suédois,  seul  ou  en  collaboration  avec  R.  Schlegel,  un 
grand  nombre  d'ouvrages  de  science  héraldique  :  Armo- 
riai suédois  (4867-4878)  ;  Héraldique  suédoise  (1874)  ; 
Domaines  seigneuriaux  de  rUpla^id  (4877-84);  Bal- 
iisches  Waffénbuch,  i884),  etc.  Th.  C. 

KLIN  KEN  BERG  (Dirk),  astronome  hollandais,  né  à 
Haarlem  le  45  nov.  4709,  mort  à  La  Haye  le  3  mai  4799. 
Il  fut  durant  quarante  années  secrétaire  du  gouvernement 
hollandais.  Il  était  membre  de  la  Société  hollandaise  des 
sciences.  Il  a  découvert  la  comète  de  4757  et  a  publié, 
sur  divers  sujets  d'astronomie,  d'intéressants  travaux  dans 
les  Verhandelingen  van  Maatschappije  der  Weeten- 
schavpen  te  Haarlem  (1755-62),  dans  les  Philosophical 


KLINKENBERG  —  KLONOWICZ 


S66  -- 


Transactions  (1758),  dans  les  Verhandelingen  van  het 
Bataaf,  Genootschap  der  Wijsbegeerte  te  Rotterdam 
(d 774-83),  etc.  L.  S. 

BiBL.  :  J.-S.  Batllv,  Hisl.  de  VAstron.  mod.;  Paris, 
1785,  t.  III,  p.  132.  —  J.-H.  M^DLER,  Geschichte  der  Him- 
melskunde  ;  Brunswick,  1873,  t.  I,  p.  488. 

KLINKERFUES  (Ernst-Friedrich-Wilhelm),  astronome 
allemand,  né  à  Hofgeismar  (Hesse)  le  29  mars  4827, 
mort  à  Gœttingue  le  28  janv.  4884.  D'abord  apprenti  géo- 
mètre, puis  initié  par  Gerling  et  Gauss  à  l'astronomie,  il 
entra  en  1851,  comme  assistant,  à  l'observatoire  de  Gœt- 
tingue, y  fut  nommé  astronome  en  1855  et  en  devint  direc- 
teur en  1868.  11  était  en  outre,  depuis  1863,  professeur 
à  Tuniversité.  Il  se  tua.  On  lui  doit  d'importants  travaux, 
qui  ont  plus  particulièrement  porté  sur  les  comètes  et  sur 
les  planètes  et  dont  il  a  publié  les  résultats  dans  les  Astro- 
nomische  Nachrichten  (t.  XXX  et  suiv.).  Il  a  person- 
nellement découvert  plusieurs  comètes  :  1853,  III  ;  1854, 
J,  m  et  IV;  1855,  II;  4857,  V,  4872.  Cette  dernière, 
qui  porte  son  nom,  a  été  prise  un  instant  pour  un  troisième 
fragment  de  celle  de  Biela.  Il  s'est,  vers  la  fin  de  sa  vie, 
beaucoup  occupé  de  météorologie.  Il  a  écrit  un  livre  très 
répandu  :  Theoretische  Astronomie  (Brunswick,  4872). 
Il  a  inventé  un  hygromètre  à  deux  fils  et  un  allume-gaz 
automatique.  L.  S. 

BiBL.  :  Ann.  du  Bur.  des  longit.^  1877,  pj).  203  et  suiv. 

KLINT  (Jonas-Petri),  chroniqueur  suédois,  date  de  nais- 
sance inconnue,  mort  à  Stenby  en  4608.  Prêtre  de  cam- 
pagne, il  écrivit  une  suite  à  la  Chronique  épiscopale  de 
Linkôping.  Une  partie  de  ses  manuscrits  sont  conservés, 
soit  à  la  bibliothèque  royale  de  Stockholm,  soit  à  la  biblio- 
thèque de  l'évèché  de  Linkôping. 

KLINT  (Gustaf  af),  marin  et  cartographe  suédois,  né  à 
Karlskrona  en  4771,  mort  en  4840.  Fils  de  marin,  il 
montra  tout  jeune  des  dispositions  remarquables  pour  les 
sciences  géographiques  et,  à  seize  ans  déjà,  était  profes- 
seur adjoint  à  l'Ecole  navale  de  Karlskrona.  En  4790,  il 
fut  nommé  capitaine  de  vaisseau  pour  le  récompenser  des 
services  qu'il  avait  rendus  pendant  la  giierre  de  4788-90. 
De  4792-1807,  il  fut  professeur  à  l'Ecole  militaire  de 
Karlberg,  puis  reprit  du  service  dans  la  flotte,  passa  contre- 
amiral  en  4844  et  vice-amiral  en  4825.  Il  consacra  les 
dernières  années  de  sa  vie  à  établir  V Atlas  maritime 
de  la  Suède  (Sveriges  Sjôatlas),  ouvrage  considérable  et 
actuellement  encore  d'une  grande  valeur.  En  1846,  il  avait 
publié  une  description  des  côtes  de  la  Baltique  {Beschrei- 
bung  von  den  Kilsten  an  der  Ostsee  und  dem  Finnis- 
chen  Meerbusen;  Stockholm,  1816,  in-4).  —  Son  frère 
et  ses  neveux  se  sont  distingués,  à  des  titres  divers,  dans 
la  marine  suédoise.  Th.  G. 

KLINT  (Alex-IIenrik),  philologue  suédois,  né  en  Smâ- 
land  le  23  févr.  4842,  actuellement  (4895)  professeur  à 
Stockholm.  Il  s'est  occupé  tout  spécialement  de  philologie 
française.  En  4869,  il  présentait  comme  thèse  de  doctorat 
à  l'université  d'Upsal  une  Etude  sur  le  miracle  de  Théo- 
phile^ de  Rutebeuf.  Il  a  publié  depuis  un  grand  nombre 
de  travaux  sur  la  grammaire  française  et  un  dictionnaire 
très  complet  de  notre  langue  (Fransk-Svensk  Ordbok; 
Stockholm,  1893).  Il  déploie  une  très  grande  activité  pour 
la  propagation  de  la  langue  française  en  Suède  par  des 
cours  populaires  en  français.  Th.  G. 

KLIOUTCHEVSK.  Volcan  colossal  del'E,  du  Kamtchatka, 
par  56«  8'  lat.  N.  et  158«  15'  long.  E.  ;  4,800  m.  d'alt. 
Sa  base  a  330  kil.  de  tour.  Il  est  encore  en  activité  et  a  eu 
des  éruptions  en  4727-31,  4736,  4854. 

KLIPDAZ(Zool.)  (V.  Daman). 

KLIPPFELL  (Henri),  historien  français,  né  à  Neuville  en 
4832,  mort  à  Besançon  en  1873.  Professeur  d'histoire  au 
lycée  de  Metz,  il  devint  examinateur  d'admission  à  l'Ecole 
de  Saint-Cyr.  Citons  parmi  ses  ouvrages  :  Metz,  du  x^  au 
xn^  siècle  (Bmxelhs,  4867,  in-8)  ;  le  Colloque  de  Poissy 
(4867,  in-4  2)  ;  Etude  sur  l'origine  et  les  caractères  de 
la  révolution  communale  dans  les  cités  épiscomles  ro- 
manes de  l'Empire  germanique  (Strasbourg,  4  809,  in-8) . 


KLISSOURA.  Village  d'Albanie,  à  l'entrée  supérieure 
d'un  long  et  profond  défilé  creusé  par  la  Voioussa. 

KLOCKHOFF  (Daniel),  poète  et  écrivain  suédois,  né 
en  1840,  mort  en  4867.  Disciple  de  Bostrom,  il  s'efforça 
de  donner  à  l'esthétique  une  base  plus  sohde  que  ne  le 
fait  le  panthéisme.  Il  publia,  en  4864,  une  dissertation 
fort  remarquée  sur  V Esthétique  panthéiste  et  l'année 
suivante  une  étude  Sur  le  Tragique  (Om  det  tragiska). 
Dans  un  travail  sur  la  peine  de  mort,  il  s'efforce  d'en  dé- 
montrer l'illégitimité.  Ses  Poésies  lyriques  sont  d'une 
grande  pureté  de  style  et  de  sentiments.  Ses  Ecrits  pos- 
thumes ont  été  publiés  par  le  poète  C.-D.  af  Wirsén  avec 
une  introduction. 

KLŒBER  (Friedrich-August  de),  peintre  allemand,  né 
à  Breslau  le  24  août  4793,  mort  à  Berlin  le  34  déc.  1864. 
Il  étudia  d'abord  l'architecture  dans  sa  ville  natale,  puis  la 
peinture  à  l'Académie  de  Berlin.  Après  4813,  il  alla  à 
Paris,  ensuite  à  Vienne,  où  il  fit  le  portrait  de  5^^^/ioi;^n, 
le  meilleur  qu'on  ait  de  ce  compositeur,  puisa  Berlin,  où  il 
travailla  à  la  décoration  du  Nouveau  Théâtre,  et,  en  1821, 
en  Italie,  où  il  exécuta  son  Persée  et  Andromède  et  sa 
Toilette  de  Vénus,  Devenu,  à  son  retour,  professeur  à 
l'Académie  de  Berlin,  il  produisit  une  série  d'œuvres  char- 
mantes de  composition  et  de  dessin  :  Bouquetière  grecque^ 
Bacchus  abreuvant  la  panthère^  Sakountala,  la  Mois- 
son, Huon>  parmi  les  pâtres,  Psyché  réveillée  par 
r Amour, ^  et  surtout  l'Amour  lançant  des  flèches.  Il  dé- 
cora aussi  à  fresque  le  palais  de  marbre  de  Potsdam,  la 
Salle  blanche  à  Berlin,  la  Bourse,  la  villa  von  der  Heidt 
et  la  villa  Krœcker  à  Hambourg. 

KLŒDEN  (Karl-Friedrich  von),  savant  et  érudit  alle- 
mand, né  à  Berlin  le  24  mai  4786,  mort  à  Berlin  le  9  janv. 
4856.  D'une  vieille  famille  noble  de  la  marche  de  Brande- 
bourg, il  fut  longtemps  apprenti  orfèvre,  apprit  ainsi  la 
gravure,  dressa  ensuite  des  cartes  et  acheva  fort  tard  ses 
études,  tout  en  donnant  des  leçons.  Il  devint  directeur  de 
l'Ecole  normale  de  Potsdam  (4817-24),  puis  de  la  nouvelle 
Ecole  des  mines  de  Berlin  (1824-55).  Ses  connaissances 
scientifiques  égalaient  son  érudition  et  il  a  écrit  de  remar- 
quables monographies  sur  la  minéralogie  aussi  bien  que 
sur  l'histoire  et  la  géographie  du  Brandebourg  et  de  quelques 
autres  pays.  11  est  aussi  l'auteur  de  grandes  cartes  oro- 
graphiques et  hydrographiques  de  l'Europe,  de  précis  d'as- 
tronomie, d'un  nombre  considérable  de  petits  livres  de 
vulgarisation  scientifique  et  d'une  foule  d'articles  de  dic- 
tionnaires et  de  revues.  Voici  les  titres  de  ses  principaux 
ouvrages  :  Landeskunde  von  Palœstina  (BerWn,  1846); 
Grundlinien  zu  einer  neuen  Théorie  der  Erdgestaltung 
(Berlin,  4823  ;  2«  éd.  ;  4829)  ;  Beitrœge  zur  mineral- 
und  geogn.  Kenntniss  der  Mark  Brandenburg  (Berlin, 
4828-37)  ;  Die  V er st einer ung en  der  Mark  Branden- 
burg (Berhn,  4834)  ;  Bie  Quitzew's  und  ihre  Zeit,  son 
œuvre  la  plus  importante  (Berlin,  1836-37,  4  vol.); 
Feber  die  Entstehung,  das  Aller  und  die  friiheste 
Geschichte  der  Stœdte  Berlin  und  Kœln  (Berlin,  4839)  ; 
Diplomatische  Geschichte  des  Markgrafen  Waldemar 
von  Brandenburg  (Berlin,  4844-46,  4  vol.);  Der  Ster- 
nenhimmel  (Weimar,  4848);  Das  Planetensy stem  der 
Sonne  (WeimsiV,  4850);  Geschichte  einer  altmœrkischen 
Familie,  histoire  de  sa  propre  famille  (Berlin,  4854); 
Jugenderinnerungen  von  K.-F.  v,  Klœden,  autobiogra- 
phie publiée  par  son  petit-fils  Max  Jâhns  (Leipzig,  4874). 
Il  avait  réuni  une  bibliothèque  de  46,000  vol.  et  de  riches 
collections  d'histoire  naturelle.  —  Son  fils,  Gustav-Adolph, 
professeur  à  l'Ecole  des  mines  de  Berlin,  est  l'auteur  de 
travaux  géographiques  très  estimés.  L.  S. 

KLŒKER  d'Ehrenstrahl  (V.  Ehrenstrahl). 

KLOFA  JoKULL  (V.  Islande,  t.  XX,  p.  4009). 

KLONOWICZ  (Sébastien-Fabien),  en  latin  Acernus, 
poète  néo-latin  et  polonais,  né  à  Sulmierzyce  (palatinat 
de  Kalisch)  vers  l'an  4545,  mort  à  Lublin  le  29  août  4602. 
Issu  d'une  riche  famille  bourgeoise,  il  fipit  ses  études  à 
Cracovie  et  se  rendit  à  Léopol,  où  il  resta  jusqu'à  4580 


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KLONOWICZ  —  KLOPSTOCK 


comme  employé  aux  bureaux  de  l'hôtel  de  ville.  Devenu 
bourgeois  de  Lublin,  il  fut  nommé  échevin  de  cette  ville  en 
1583.  Il  composa  plusieurs  poèmes  en  latin  et  en  polonais. 
Son  chef-d'œuvre  est  Roxolania  (Cracovie,  1584),  descrip- 
tion poétique  de  la  Russie  Rouge  (Galicie).  Un  autre  poème 
didactique,  Victoria  Deorum  (Cracovie,  1587  [1596?]), 
renferme  de  jolis  passages,  mais  il  fatigue  par  ses  dimensions 
(44  chapitres,  683  pages,  in-8)  et  ses  digressions.  Parmi  ses 
poèmes  polonais  se  distinguent:  Flis  (le  Marinier)  (1595), 
description  d'un  transport  de  grains  par  la  Vistule  jusqu'à 
Dantzig  ;  la  Bourse  de  Judas  (Worek  Judaszow)  (Cracovie, 
1600),  poème  satyrique  contre  l'avarice.  J.  K. 

BiBL.  :  A.  MiERZYNSKi,  De  Vita  moribus  scriptisque 
latinis  S.  F.  Acerni;  Berlin,  1857.  —  Ehrenberg,  S.-F. 
Klonowlcz^  sa,  place  dans  la  littérature  polonaise  (en  poL), 
dans  Bibliothèque  de  Varsovie^  1889,  t.  IV. 

KLO P F  (Onno),  historien  allemand,  né  à  Leer  (Frise 
orientale)  le  9  oct.  1822.  Professeur  à  Hanovre,  il  entra 
dans  l'intimité  du  roi  Georges  V  dont  il  fut  le  zélé  défen- 
seur; ennemi  mortel  de  la  Prusse,  il  devint  ultramontain 
et  se  convertit  au  catholicisme.  Il  avait  été  chargé  d'une 
édition  des  œuvres  de  Leibniz,  dont  11  vol.  parurent  jus- 
qu'en 1884;  il  ne  put  l'achever,  parce  qu'on  lui  interdit 
l'accès  aux  archives  de  Hanovre.  Outre  de  nombreuses 
brochures  de  polémique  guelfe,  il  a  publié  Gesch.  Ostfries- 
lands  (Hanovre,  1854-58,  3  vol.);  Friedrich  U  und  die 
deutsche  Nation  (1860)  ;  une  biographie  apologétique  de 
Tilly  (1861 , 2  vol.);  Der  Fali  der  Stiiarts  (Vienne,  1875- 
86,  13  vol.). 

KLOPSTOCK  (Friedrich-Gottlieb), poète  allemand,  né  à 
Quedlinbourg  le  2  juil.  1724,  mort  à  Hambourg  le  14  mars 
1803.  Il  fut  le  premier  en  date  des  grands  écrivains  de 
la  période  classique  allemande.  La  petite  ville  de  Quedlin- 
bourg est  située  sur  la  lisière  orientale  du  Harz,  dans  une 
région  où  le  foyer  des  légendes  germaniques  ne  s'est  jamais 
éteint.  Aussi  Klopstock  se  vantera-t-il  d'appartenir  à  la 
race  des  Hermann,  des  Henri  l'Oiseleur  et  des  Luther,  et  son 
imagination  se  plaira  aux  images  guerrières  ;  il  y  aura 
toujours  deux  hommes  en  lui,  un  prêtre  du  Très-Haut,  et 
un  franc  Germain,  d'humeur  indépendante  et  altière,  de 
cœur  naïf  et  loyal.  De  la  nature,  il  a  reçu  quelques-uns  des 
dons  du  grand  poète,  le  goût  passionné  des  idées  hautes, 
une  belle  sensibilité,  une  imagination  vive,  enthousiaste, 
mais  peu  variée  et  de  peu  d'énergie  créatrice,  bref  un  génie 
surtout  lyrique,  une  aptitude  décidée,  presque  exclusive,  à 
s'élever  dans  la  région  du  sentiment  pur  et  à  n'en  pas  des- 
cendre. —  A  sa  famille  et  à  ses  maîtres,  à  son  entourage,  à 
son  temps,  il  doit  peu  et  des  choses  de  si  peu  de  prix  que  ce 
qu'il  en  a  fait  ou  plutôt  ce  qu'il  y  a  substitué  suffira  juste- 
ment pour  le  classer  parmi  les  hommes  prodigieux.  D'abord 
une  langue  exténuée  par  une  longue  imitation  de  la  nôtre, 
paralysée  par  les  habitudes  de  correction  timide  qu'elle  avait 
contractées  sous  la  férule  de  maîtres  sans  esprit,  pour  qui 
la  poésie  n'était  qu'un  métier  oii  il  était  bon  de  s'exercer, 
soit  pour  instruire  et  édifier  ses  semblables,  soit  pour  les 
amuser  ;  langue  terne,  exsangue  et  gauche,  pauvre  de  mots, 
dénuée  de  tout  élément  rythmique,  de  tours  oratoires  et 
de  beautés  musicales;  puis,  autour  de  lui,  rien  que  des 
habitudes  d'esprit  misérables;  une  piété  sans  énergie, 
fadement  babillarde  et  sentimentale,  enfermant  l'esprit  et 
le  cœur  dans  un  étroit  horizon  de  petits  devoirs  ;  une  so- 
ciété de  maîtres  d'école  et  de  pasteurs,  honnêtes  fonction- 
naires, gravement  occupés  de  riens  et  de  leur  salut,  par- 
faitement heureux,  du  reste,  et  satisfaits  d'eux-mêmes. 
«  Epoque  diffuse,  fade  et  nulle,  a  dit  Gœthe,  où  la  platitude 
se  donnait  libre  carrière.  »  La  patrie  n'était  alors  qu'un 
nom,  la  nation  une  aspiration  ;  point  de  vie  publique  ou 
sociale  :  point  d'agitations  fécondes  ;  toutes  les  passions 
condamnées;  à  peine  quelques  colères  littéraires  de  pé- 
dants s'injuriant,  les  uns  se  réclamant  de  la  France,  et 
disant  :  «  Tout  est  fait  !  »,  les  autres,  de  l'Angleterre,  et 
répondant  :  «Tout  est  à  faire  !  ».  Tel  est  le  temps  d'où  sur- 
git Klopstock.  —  Elevé  par  une  mère  pieuse  et  par  un  père 
d'humeur  fière,  égalitaire  et  républicaine,  il  fait  de  bonnes 


études  classiques  à  l'école  saxonne  de  Pforta  (1 739-45).  C'est 
là  qu'il  se  trace  le  programme  de  sa  vie  tout  entière,  et 
son  génie  suffira  au  labeur  qu'il  s'est  imposé.  Voici  com- 
ment il  a  raisonné  :  «  Le  génie  allemand,  s'est-il  dit,  ces- 
sera de  provoquer  les  railleries  des  autres  peuples  s'il  crée 
enfin  des  œuvres  rivales  des  plus  grandes,  c.-à-d.  une 
épopée,  des  drames  et  des  odes,  et  une  langue  poétique, 
apte  à  prendre  les  tons  de  tous  les  genres  ;  mais,  avant  tout, 
une  épopée,  le  summum  opus,  »  Il  créera  donc,  lui,  cette 
épopée  !  Quel  héros  chantera-t-il  ?  «  Qui  oserait  dire  qu'un 
héros  céleste  ne  l'emporte  pas  sur  un  héros  terrestre? 
Dieu,  par  conséquent,  le  fondateur  de  notre  religion,  notre 
Sauveur,  s'il  voulait  bien  inspirer  un  poète  et  lui  dicter 
l'épopée  de  la  vraie  religion,  ne  laisserait  plus  au  génie 
humain  l'espoir  d'aller  au  delà.  »  Une  Messiade^  tel  sera 
son  sujet,  sujet  parfait,  sans  rival,  d'une  excellence  intrin- 
sèque égale  à  celle  de  la  divinité.  —  Ce  raisonnement  prodi- 
gieusement naïf,  Klopstock  le  développa  devant  ses  maîtres 
dans  un  discours  latin  qu'il  tint  à  sa  sortie  de  l'école,  et  déjà 
il  était  à  l'œuvre.  A  léna,  où  il  passe  quelques  mois  (1745), 
à  Leipzig,  où  il  séjourne  deux  ans  (1746-48),  ce  n'est  pas 
la  théologie  dont  il  avait  vaguement  songé  à  faire  un  jour 
profession,  mais  son  poème  qui  l'absorbe  ;  et  au  printemps 
de  l'année  1748,  le  poème  Der  Messias  apparaît,  ou  plu- 
tôt il  commence  à  paraître  ;  car  aux  trois  chants  publiés  en 
ce  moment,  suivis  en  1751  de  deux,  puis  de  cinq  autres 
en  1755,  vinrent  se  joindre  encore  dix  chants,  cinq  en 
1768  et  cinq  en  1772.  —  «  L'Idéal  s'était  réfugié  du  monde 
dans  la  religion  »,  a  dit  Gœthe.  Klopstock  fut  ici  le  poète 
de  cet  idéal.  Le  monde  qui  l'entourait  ne  lui  offrant  de  toutes 
parts  que  le  spectacle  de  la  plus  désespérante  platitude, 
il  se  réfugia  dans  le  ciel  ;  il  prit  pour  domaine  la  région 
du  merveilleux  et  pour  mode  habituel  le  sublime  sentimen- 
tal. Il  créa  de  toutes  pièces,  pour  traduire  son  inspiration, 
une  prosodie  nouvelle,  à  l'image  des  mètres  héroïques 
classiques,  mais  indépendante,  et  une  langue  nombreuse, 
de  grande  aUure,  d'un  essor  hardi,  toujours  fière  et  noble. 
«  La  langue  que  j'ai  créée,  dit-il,  et  la  religion,  la  rehgion 
majestueuse  et  sublime,  ont  érigé  mon  monument,  et  il  se 
raille  du  temps  !  »  Ce  monument  colossal  de  20,000  hexa- 
mètres est  entouré  de  monuments  plus  modestes,  car  le 
jeune  poète  a  voulu  donner  à  sa  patrie  une  littérature  com- 
plète. Il  a  donc  composé  trois  drames  rehgieux  :  Der  Tod 
Adams  (1757),  Salomo  (1764),  David  (1772);  trois 
drames  germaniques  ou  bardits  :  Eermayms  Schlacht 
(1769),  Hermann  und  die  Fûrsten  (1784),  Hermanns 
Tod  (1787).  Puis,  tout  en  avançant  dans  la  vie  et  tenant, 
pour  ainsi  dire,  à  jour  l'histoire  de  son  cœur,  il  a  chanté, 
dans  des  élégies,  des  odes,  des  hymnes,  au  nombre  de  plus 
de  200,  tantôt  ses  amis  et  V Amitié^  tantôt  VAmour^  et  sa 
cousine  Fanny,  ou  sa  femme,  Marguerite  Moller  (Meta),  qu'il 
avait  épousée  à  Hambourg  en  1754,  et  qu'il  perdit  en 
1758  ;  puis  la  Nature  ;  puis  la  Langue  allemande  ;  enfin 
THumanité,  la  Liberté,  la  Fraternité,  la  Révolution;  sans 
compter  des  chants  d'église,  des  épigrammes,  des  disserta- 
tions prosodiques,  des  dialogues  grammaticaux,  un  plan 
d'académie,  Z)f^  Gelehrtenrepublik  (1774),  travaux  secon- 
daires, il  est  vrai,  mais  où  il  mettait  toute  son  âme, 
agissant  toujours  en  homme  qui,  pontife  du  Très-Haut 
d'une  part,  et  d'autre  part  interprète  des  sentiments  supé- 
rieurs de  l'humanité,  ne  devait  jamais  prononcer  de  pa- 
roles vaines.  —  Parfaitement  sûr  donc  d'avoir  payé  à  Dieu, 
à  sa  patrie  et  à  l'humanité  la  dette  que  lui  avait  imposée  son 
génie,  et  voyant  tous  ses  contemporains  lui  témoigner  la  vé- 
nération à  laquelle  il  croyait  avoir  droit,  il  vécut  heureux, 
et  la  fortune  ne  fit  rien  pour  troubler  sa  sérénité  idyllique. 
Très  rares  furent  les  douleurs  qu'elle  lui  envoya.  La  plus 
cuisante  ne  fut  pas  la  mort  de  sa  douce  et  tendre  Meta, 
mais  l'indifférence  de  sa  cousine  Fanny  (Sophie-Marie 
Schmidt),  dans  le  voisinage  de  laquelle  il  vécut  deux  ans  à 
Langensalza  (1748-50).  Il  lui  adressa  vainement  des  élé- 
gies pathétiques  ;  elle  resta  sourde  aux  appels  réitérés  de 
son  éloquence  pieusement  erotique,  indifférente  même  à  la 


KLOPSTOCK  —  KLOTZ 


—  568  — 


menace  qu'il  lui  fit  d'abandonner  son  poème  si  elle  ne 
prenait  pitié  de  sa  douleur.  Les  jeunes  filles  pleurèrent  ; 
l'Allemagne  pieuse  trembla  ;  profondément  humilié,  le  poète 
partit  pour  Zurich  (1754),  où  l'appelait  le  chantre  de  Noé, 
le  vieux  Bodraer.  Là,  un  accès  de  fièvre  anacréontique  dis- 
sipa ses  langueurs  élégiaques.  —  Les  années  de  son  âge  mûr 
(1752!-70)  s'écoulèrent  presque  tout  entières  à  la  cour  de 
Danemark,  où  l'avait  appelé  la  munificence  de  Frédéric  V. 
Ce  protecteur  mort,  Klopstock  résida  désormais  à  Hambourg, 
sauf  de  rares  voyages  (à  la  cour  de  Bade,  en  particulier, 
d'où  il  rapporta  une  petite  pension  [1774-75]).  Il  vivait  au 
loyer  d'une  nièce  de  Meta,  M"^^  de  Winthem,  qu'il  épousa  en 
4  79i .  Tout  ce  que  Hambourg  recevait  de  princes  et  d'illus- 
tres étrangers  venait  s'incliner  devant  le  vieux  poète  tou- 
jours accueillant,  bon  et  simple.  Il  s'éteignit  le  44  mars 
4803,  et  fut  inhumé  près  de  Meta,  au  cimetière  d'Ottensen. 
Hambourg  lui  fit  de  royales  funérailles  que  les  consuls  et 
les  ambassadeurs  étrangers  de  toutes  les  puissances  de 
l'Europe  honorèrent  de  leur  présence.  —  Aujourd'hui  en- 
core, Klopstock  est  un  grand  nom.  Il  n'est  rien  de  plus. 
Pourquoi  ?  Schiller  l'a  dit  :  «  Parce  que  sa  muse  suprater- 
restre  et  incorporelle  a  tout  spiritualisé  !  »  11  eût  fallu, 
avec  la  langue  splendide  qu'il  créait,  créer  aussi  des  corps 
poétiques,  c.-à-d.  peindre  des  passions  et  des  caractères 
et  les  mettre  aux  prises,  en  un  mot  imiter  la  nature^ 
qui,  en  tout  ce  qu'elle  fait,  travaille  sur  un  plan  précis 
et  clair,  ramenant  à  la  simplicité  les  éléments  et  les  forces 
les  plus  variées.  Lui,  renonçant  de  parti  pris  à  demander 
à  la  terre  et  à  l'homme  le  fonds  de  sa  poésie,  il  ne  trou- 
vait plus  à  mettre  en  oeuvre  que  ses  pensées  et  ses  senti- 
ments, ayant  pour  objets  d'autres  pensées  et  d'autres  sen- 
timents ;  il  était  donc  en  dehors  de  la  poésie.  Aussi  n'a- 
t-il  pas  réussi  à  créer  des  actions  poétiques;  réduit  aux 
divers  modes  de  la  méditation  élégiaque,  il  n'a  pas  pu 
non  plus  soumettre  ses  ampUfications  à  un  plan  néces- 
saire. Aussi  son  poème  n'est-il  pas  composé;  la  plupart 
de  ses  odes  n'ont  pas  de  plan,  et  ses  prétendus  drames 
ne  sont  que  des  méditations  dialoguées.  Pour  bien  carac- 
tériser son  œuvre,  il  faut  emprunter  un  mot  aux  phi- 
losophes et  dire  :  Klopstock  a  créé  des  choses  en  soU  c.-à-d. 
des  principes  de  vie,  des  mouvements  spirituels,  une  at- 
mosphère, un  fluide  poétiques,  des  modes,  des  facultés, 
des  rythmes  et  une  musique  poétiques,  un  vocabulaire,  une 
syntaxe  ;  bref,  une  âme  poétique  ;  une  poésie,  non  !  Cepen- 
dant, puisqu'il  y  a  de  sa  langue,  de  sa  création  et  de  son  âme 
dans  tous  ceux,  grands  ou  petits,  qui  vinrent  après  lui,  et 
au  plus  intime  même  de  l'âme  nationale,  car — quel  Allemand 
n'est  un  peu  Klopstock  !  —  il  est  certain  que  nulle  révolution 
du  goût  national  ne  diminuera  la  reconnaissance  due  à  ses 
mérites,  ni  le  respect  dû  à  son  génie.         Ed.  Bailly. 

BiBL.  :  Klopstocks  Werhe  (éd.  revue  par  le  poète); 
Leipzig,  1798-1817.  —  Parmi  les  anciennes  éditions  des 
odes,  à  signaler  :  Klopstocks  Oden;  Hambourg,  1771, 
76  pièces;  éd. revue  par  le  poète.  —  Klopstocks  Oden,  éd. 
Vetterlein  ;  Leipzig,  1827.  —  Ed.  Gruber  ;  Leipzig,  1881. 
—  Ed.  DûNTZER  ;  Leipzig,  1868.  —  Parmi  les  travaux  mo- 
dernes :  Klopstocks  Oden  {Leipziger  Période),  par  W.-J. 
Pawel  ;  Vienne,  1880.  —  R.  HamÎïl,  Klopstocks  Werke, 
collection  Kiirschner,  34,  35,  37,  39  ;  la  préface  est  un  tra- 
vail considérable.  — Ed.  Boxberger,  collection  Hempel, 
6  vol.  —  Ed.-Fr.  Muncker  ;  Stuttgart,  1893,  4  vol.  —  Tra- 
ductions françaises  du  Messie  :  le  Messie,  dix  chants  ; 
Paris,  1769.  —  Trad.  Petit -Pierre  ;  Neuchâtel ,  1795, 
2  vol. —  Trad.  Kurzrock  ;  Paris,  an  X.  —  Trad.  d'HoR- 
rer  ;  Paris,  1825,  3  vol.  —  Trad.  Liebhaber;  Paris,  1828, 
2  vol.  —  Trad.  Carlovitz  (M"™"  de)  ;  Paris,  1810.  —  La 
Mort  d'Adam  a  été  traduite  quatre  fois;  la.  Bataille  d'Her- 
mann,  deux  fois.—  Pour  les  traductions  des  odes,  V.  notre 
Essai  sur  Klopstock,  pp.  446,  447.  —  Etudes  biographi- 
ques, littéraires,  historiques  sur  Klopstock  :  Kritische 
Briefe. ..^\on  ,Ioh.  D.  A.  Janozki;  Dresde,  1745.  —  Cramer, 
Klopstock  in  Fragmenten...;  Hambourg,  1777-78,  et  Klop- 
stock, Er  und  ûber  ihn.,  5  parties  ;  Hambourg,  Leipzig;, 
Altona,  1780,  1792.  — F.- A.  Cropi^,  Hambiirgischos  Schvift- 
stelterlexicon  (l'art.  Klopstock  est  très  riche). — W.Wa- 
CKERNAGEL,  Geschichlc  des  d.  Hexameters  und  Pentame- 
ters  bis  auf  Klopstock  ;  Berlin,  1831.  —  Mœrikofer,  Klop- 
stock in  Zurich  im  Jahre  1150-51;  Zurich,  1851.  —  Fr. 
Pfeiffer,  Gœthe  und  Klopstock;  Leipzig,  1812.  —  Dun- 
tzer,  Erteuferwngfen...,  1866.  —  E.  Sghmidt,  Beitrœge  zur 


Kenntniss  der  Klopstochschen  Jugendlyrik  ;  Strasbourg, 
1880.  —  Fr.  Muncker,  Lessings  persœnliches  und  littera- 
risch.es  Verhœltniss  zu  Klopstock;  Francfort-sur-le-Main, 
1880.  —  0.  Lyon,  GœthesVerhœltnisszu Klopstock;  Leipzig;, 
1882.  —  Fr.  Muncker  Friedrich-Gottlieb  KlopUock,  Ge- 
schichte  seines  Lebens  und  seiner  Schriften  ;  Stuttgart, 
1888,  2  vol.  in-8  (ouvrage  important  et  digne  de  Klopstock). 
—  Ed.  Bailly,  BUude  sur  la  vie  et  les  œuvres  de  Klop- 
stock ;  Paris,  1889,  in-8.  —  Correspondances  :  Klopstock  und 
seine  Freunde...  Briefwechsel  der  Famille  Kl...  hgg.  v. 
Klamer  Sghmidt;  Halberstadt,1810.  — Lappenberg, Bï'ie/e 
von  und  an  Klopstock  ;  Brunswick,  1867. 
KLOSENER  (Fristche)  (V.  Closener). 
KLOSS  (Georg-Franz-Burkhard),  historien  allemand,  né 
à  Francfort-sur-le-Main  le  31  juil.  1787,  mort  à  Francfort 
le  10  févr.  1834.  Ses  études  ont  renouvelé  l'histoire  de  la 
franc-maçonnerie  (V.  cet  art.). 
KLOSTERCAMP  (V.  Clostercàmp). 
KLOSTERMANN  (V.  Clostermann). 
KL0STERNEUBUR6.  Ville  d'Autriche,  prov.  de  Basse- 
Autriche,  r.  dr.  du  Danube  et  à  10  kil.  en  amont  de  Vienne  ; 
7,400  hab.,  dont  un  grand  nombre  sont  vignerons.  Institut 
d'œnologie  et  de  pomologie,  tribunal,  dépôt  du  train  et 
établissement  d'aliénés.  Les  ruines  pittoresques  d'une  for- 
teresse du  moyen  âge  embellissent  la  ville  Jhaute.  Le  prin- 
cipal monument  est  l'abbaye  fondée  au  xii®  siècle,  par  un 
margrave  de  la  maison  de  Babenberg,  Léopold  le  Saint. 
Les  bâtiments  actuels,  construits  pour  la  plupart  sous 
Charles  VI,  renferment  un  escalier  célèbre  et  une  biblio- 
thèque riche  de  1,150  incunables,  de  30,000  vol.  et  de 
1,550  manuscrits.  L'église  est  riche  en  tableaux  et  en 
curiosités  de  toute  sorte.  E.  S. 

KLOSTERS.  Village  de  Suisse,  cant.  des  Grisons,  dans  la 
partie  supérieure  de  la  vallée  de  la  Landquart;  1,529  hab. 
Situation  magnifique,  sur  un  haut  plateau  couvert  de  belles 
prairies. 

KLOTEN.  Village  de  Suisse,  cant.  de  Zurich  ;  1 ,385  hab. 
On  a  découvert  dans  cette  localité  des  antiquités  romaines 
intéressantes.  Kloten  fut  pendant  trois  mois  le  quartier 
général  de  l'archiduc  Charles  en  1799. 

KLOTZ  (Les).  Famille  de  luthiers  tiroliens  fixée  à  Mit- 
tenwald  (Bavière)  et  successivement  représentée  par  Ma- 
thias  Klotz  ,  qui  construisait  ses  violons  de  1660  à  1696; 
par  ses  fils  Sebastien  et  Joseph,  et  par  ses  descendants 
au  xviii^  siècle,  Georges,  Charles,  Michel  et  Egide.  Un 
grand  nombre  de  violons  des  Klotz  circulent  sous  l'éti- 
quette de  Stainer,  soit  que  la  fraude  émane  des  constructeurs 
eux-mêmes,  ou  des  marchands  d'instruments  de  musique. 
KLOTZ  (Christian-Adolf),  philologue  allemand ,  né  à  Bi- 
chosswerda  le  13  nov.  1738,  mort  à  Halle  le  31  déc.  1771 . 
Professeur  de  philosophie  à  l'université  de  Gœttingue  (176!2), 
puis  d'éloquence  à  celle  de  Halle  (1765),  il  exerça  une 
grande  action;  ses  vers  latins  {Opuscula  poetica,  1766), 
et  ses  dissertations  latines  {Opuscula  philologica  et  ora- 
toria,  1772),  étaient  très  admirés.  11  en  conçut  un  or- 
gueil excessif  et  engagea  d'âpres  polémiques  avec  Lessing. 
KLOTZ  (Matthias),  peintre  alsacien,  né  à  Strasbourg 
en  1748,  mort  à  Munich  en  1821.  Tour  à  tour  élève  de 
Haldenwanger,  de  Guibal  et  de  Scotti,  il  s'est  fait  connaître 
par  des  travaux  décoratifs,  notamment  au  théâtre  de  la 
Cour  à  Munich,  et  par  la  publication  d'un  Traité  des  cou- 
leurs, 

KLOTZ  (Gaspar),  peintre  allemand,  né  à  Mannheim 
en  1773,  mort  vers  1854,  fils  du  précédent.  Elève  de  son 
père,  puis  de  Borner,  il  devint  en  1794  peintre  de  la  cour 
de  l'électeur  Charles-Théodore  et  ensuite  du  roi  Maximi- 
lien  ¥^  de  Bavière.  Il  s'adonna  surtout  à  la  miniature  et 
au  portrait.  On  lui  doit  l'invention  d'un  instrument,  grâce 
auquel  tout  objet,  à  n'importe  quelle  distance,  peut  être 
perçu  dans  sa  grandeur  naturelle.  — Son  fils  aîné,  August, 
né  à  Augsbourg  en  1808,  mort  à  Munich  en  1863,  a 
peint  des  sujets  d'histoire  sacrée,  entre  autres  le  Christ 
chez  il/mé',  des  tableaux  de  genre  et  des  portraits  minia- 
tures. Son  second  fils,  Karl  (1810-34),  fut  peintre  aussi 
et  mourut  en  Grèce.  E.  Gourdault. 

KLOTZ  (Reinhold),  philologue  allemand,  né  à  Stolberg 


569- 


KLOTZ  —  KNABL 


dans  l'Erzgebirge,  le  43  mars  1807,  raort  à  Kleinzscho- 
cher,  près  de  Leipzig,  le  10  août  1870.  Professeur  à  Tuni- 
versité  de  Leipzig  (1835),  il  a  publié  les  œuvres  de  Clé- 
ment d'Alexandrie  (1831-34,  4  vol.),  continué  l'édition 
d'Euripide  de  Pflugk,  donné  une  édition  complète  de  Cicé- 
ron  (1831-56,  11  vol.;  2<^  éd.,  1863-72),  un  excellent 
remaniement  du  Liber  de  grœcœ  linguœ  particulis  de 
Devarius  (1835-42,  2  vol.),  un  dictionnaire  latin  (avec 
Liibker  et  Hudemann,  i  847-57,  2  vol.  ;  5«  éd.,  1874),  etc. 
KLÛBER  (Johann-Ludwig),  publiciste  allemand,  né  à 
Tann,  près  deFulda,  le  lO'nov.  1762,  mort  à  Francfort- 
sur-le-Main  le  16  févr.  1837.  Professeur  de  droit  à  Er- 
langen  (1786),  puis  à  lleidelberg  (1807),  il  séjourna  à 
Vienne  au  moment  du  congrès  et  publia  Akten  der  Wie- 
ner Kongr esses  in  den  Jahren  Î8I4-  und  i8I5  (Er- 
langen,  1815-19);  il  a  publié  à  part  une  édition  plus 
complète  des  actes  relatifs  à  l'Allemagne,  Quellensamm- 
lung  zu  dem  œffentlichen  Redite  der  Deutsehen  Blindes 
(1830;  suppl.,  1833).  Il  y  faut  joindre  lUebersicht  der 
diplom.  Verhandlungen  des  Wiener  Kong resses  {Fvmc- 
fort,  3  vol.);  OEffentliche  ïlechte  des  Deutsehen  Bumles 
und   der   Bundesstaaten  (1817;   4*^  éd.,  1840,  par 
Morstadt)  ;  Droit  des  gens  moderne  de  l'Europe  (Stutt- 
gart, 1819,  2  voL;  2«  éd.  ail.  par  Morstadt,  1851).  Son 
ami  Hardenberg  le  fit  entrer  au  service  de  la  Prusse  (1 81 7) 
et  l'emmena  au  congrès  d'Aix-la-Chapelle,  mais,  après  la 
mort  de  son  ami,  Kliiber  fut  obligé  de  donner  sa  démission. 
KLÙGEL  (Georg-Simon),  mathématicien  allemand,  né  à 
Hambourg  le  19  août  1739,  mort  à  Halle  le  4  août  1812. 
Elève  de  Ksestner  à  Goettingue,  il  devint  professeur  de  ina- 
thématiques  à  l'université  d'Helmstàdt  (1767-87),  puis  à 
celle  de  Halle.  On  lui  doit  une  Encyclopœdie  der  gemein- 
nûtzigsten  /{^mi^nm^ (Berlin,  1782-84,  3  vol.;  2*^  éd., 
1792-94;  suppl.  par  Muller  et  Uenner)  et  un  important 
Mathematisches  Wœrterbnch  (Leipzig,  1803-8,3  vol.), 
continué  par  Mollweide  et  Grunert  (1823-36,  4  vol.). 
Ses  autres  ouvrages  sont  :  Analytisehe  Trigonométrie 
(Brunswick,   1770);   Von  der  besten  Einrichtung  der 
Feuerspritzen  (Berlin,   1774)  ;    Analytisehe  Dioptrik 
(Leipzig,  1777);  Geometrische  Entwickelimg  der  ste- 
reogr.  Projection  (Berlin,   1788),  etc.  H  a  publié  en 
outre  de  nombreux  mémoires  de  mathématiques  et  d'as- 
tronomie disséminés  dans  divers  recueils,  principalement 
dans  V Astronomisches  Jahrbuch  de  Bode.  L.  S. 

KLUIT  (Adrien),  publiciste  et  littérateur  hollandais,  né 
à  Dordrecht  en  1735,  mort  à  Leyde  en  1807.  Professeur  à 
l'université  de  Leyde,  il  fut  révoqué  pour  avoir  soutenu 
les  idées  de  la  Bévolution  française,  mais  fut  renommé  en 
1802  professeur  de  statistique.  Il  périt  victime  de  la  fa- 
meuse explosion  de  Leyde  (V.  ce  mot).  Kluit  avait  acquis 
une  grande  réputation  comme  poète,  comme  historien  et 
comme  juriste.  Voici  les  principaux  de  ses  ouvrages  :  Cons- 
pectus  historiée  criticœ  comitatus  Hollandiœ  et  Zelan- 
diœ  (Utrecht,  1773)  ;  Historia  fœderum  Belgii  (Leyde, 
1790-91,  3  vol.  in-8);  Histoire  de  la  Constitution  des 
Pays-Bas  jusqu'en  i795  (Amsterdam,  1805,  5  vol.  in-8). 
BiBL.  :  ScHRANT,  Etudesur  Kluit  et  ses  écrits  (en  holl.)' 
Leyde,  1846,  in-8. 

KLUMPP  (Friedrich-\Yilhelm) ,  pédagogue  allemand, 
né  au  couvent  de  Reichenbach,  dans  la  Forêt-Noire,  le 
30  avr.  1790,  mort  le  12  juil.  1868.  Professeur  de  gym- 
nase à  Stuttgart,  il  soutint  que  l'instruction  doit  être  don- 
née exclusivement  dans  la  langue  maternelle  jusqu'à  dix 
ans  ;  que,  de  dix  à  quatorze  ans,  elle  doit  être  la  même  pour 
ceux  qui  recevront  la  culture  classique  ou  la  culture  mo- 
derne (Realschule),  la  bifurcation  n'ayant  lieu  qu'ensuite. 
Ses  théories  développées  dans  DieGelehrteSchulen  (Stutt- 
gart, 1829-30,  2  vol.)  firent  grande  impression";  le  roi 
lui  organisa  dans  son  château  de  Stetten  une  école  oiiil 
put  les  appliquer;  il  en  rabattit  pour  se  rapprocher  de  la 
tradition  admise  ;  ses  plans  furent  suivis  dans  le  Wurttem- 
berg  depuis  lors. 

klUN')  publiciste  et  géographe  autrichien,  né  à  Lubla- 


nia  (Laibach)  en  1833,  mort  à  Karlsbad  en  1875.  Il  fit  ses 
études  en  Italie  et  rédigea  en  1849  la  Laibacher  Zeitung, 
Il  devint  ensuite  professeur  en  Suisse,  puis  à  Zara,  enfin 
à  l'Académie  commerciale  de  Vienne.  Il  fut  membre  de  la 
Diète  de  Carniole  et  du  Beichsrat  autrichien.  On  lui  doit 
entre  autres  ouvrages  :  Handelsgeographie  (Vienne, 
1860)  ;  Geographischer  Leitfaden  (Vienne,  1861-64)  ; 
Atlas  zur  Industrie  und  Handelsgeographie  (Leipzig, 
1853)  ;  Vergleichende  Statistik  des  Welthandels,  Il  a 
rédigé  VArchiv  filr  die  Landsgeschichte  von  Krain 
(Laibach,  1852-54)  et  le  Diplomatarium  Carniolicum 
(id,,  1855).  L.  L. 

KLÙPFEL  (Karl-August) ,  historien  allemand,  né  à 
Darmsheim,  près  de  Stuttgart,  le8avr.  1810.  Bibliothécaire 
de  l'université  de  Tubingue  (1841),  auteur  d'une  Gesch. 
der  deutsehen  Einheilsbestrebungen  ÎS4S-1Î  (Berlin, 
1872-73,2  vol.),  d'une  histoire  de  l'université  de  Tubin- 
gue (1848,  complétée  en  1877),  etc.,  il  a  publié  avec 
G.  Schwab  et  continue  le  Wegweiser  durchdie  Littera- 
tur  der  Deutsehen  (4^éd.,  1870  ;  3  suppl.  jusqu'en  1879). 
KM  ET.  Ce  mot  très  usité  dans  les  langues  slaves  paraît 
signifier  primitivement  un  chef  de  famille  ou  d'exploita- 
tion agricole.  En  tchèque  et  en  polonais,  il  a  pris  au  moyen 
âge  le  sens  de  paysan.  En  Bohème,  il  désigne  aussi  au 
moyen  âge  des  jurés.  En  ancien  russe,  le  kmet  est  un  per- 
sonnage'considérable,  un  magnat.  En  Serbie,  le  kmet  est  un 
notable  paysan.  Au  Monténégro,  c'est  un  juge  arbitre.  En 
Bulgarie,  îe  kmet  est  le  maire  d'une  commune.  L'étymo- 
logie  du  mot  est  inconnue.  L.  L. 

KMETY  (Georges),  général  hongrois,  né  à  Pokoragy 
(comitat  de  Gœmœr)  en  1810,  mort  à  Londres  le  25  avr. 
1865.  Il  était  capitaine  lors  de  l'insurrection  de  1849  ;  il 
avança  rapidement,  et  Gœrgey  lui  confia  une  division  ; 
coupé  de  l'armée  du  Haut-Danube  en  juin  1849,  il  fit  sa 
jonction  avec  Perczel  et  écrasa  l'armée  du  ban.  Après  le 
désastre  de  Temesvâr,  il  se  réfugia  en  Turquie,  se  conver- 
tit à  l'islamisme  et  prit  le  nom  d'Ismaïl  Pacha.  C'est  lui 
qui  dirigea  la  célèbre  défense  de  Kars;  quand  la  famine 
rendit  Ta  chute  de  la  place  inévitable,  il  transmit  le  com- 
mandement à  Williams  et  se  retira  à  Erzeroum.  Il  devint 
gouverneur  du  vilayet  de  Kastamouni.  Il  a  publié  :  A  Nar- 
rative of  the  défense  of  Kars  (Londres,  1856). 

KNAB  (Ferdinand),  peintre  d'architecture  allemand,  né  à 
Wurzbourg  le  12  juin  1834.  Successivement  élève  de  Hei- 
deloff,  de  Kamberg  et  de  Piloty,  il  a  décoré  le  jardin  d'hiver 
du  roi  à  Munich  et  sa  villa  de  Linderliof.  Parmi  ses  ta- 
bleaux, remarquables  par  l'ordonnancement  de  motifs  ar- 
chîtectoniques  dans  un  cadre  poétique,  nous  citerons  :  Une 
Cour  à  Nuremberg,  Une  Cour  à  Florence,  Ruines  ro- 
maines, Tombeau  dans  VAgro  romano,  Château  en 
mine  de  la  Renaissance  (1866),  Cour  de  cloître  à 
Brunyien^  Thermes  romains^  etc. 

KNAB  (Louis),  ingénieur  civil  français,  né  à  Paris  le 
22  nov.  1850.  Sorti 'de  l'Ecole  centrale  des  arts  et  manu- 
factures en  1873,  il  a  fait  son  apprentissage  de  métallur- 
giste aux  usines  du  Creusot  qu'il  a  quittées  au  bout  de 
cinq  ans  pour  construire  dans  l'Est  et  mettre  en  marche 
des  hauts  fourneaux  à  grande  production,  utiUsant  les  mi- 
nerais oolithiques  phosphoreux  de  Meurthe-et  Moselle,  dont 
les  gisements  ont  pris  une  importance  considérable  depuis 
la  découverte  de  la  déphosphoration  en  aciérie.  Répétiteur 
de  métallurgie  à  l'Ecole  centrale,  il  a  publié  divers  ou- 
vrages intéressant  l'industrie  :  Fabrication  et  emplois 
industriels  de  /W^r  (1889),  couronné  par  la  Société 
d'encouragement  pour  l'industrie  nationale  ;  Traité  demé- 
tallurgie  des  métaux  autres  que  le  fer  (1891)  ;  Traité 
des  alliages  et  des  dé p(%s  métalliques  (1892).  Collabo- 
rateur de  la  Grande  Encyclopédie^  il  y  traite  des  articles 
concernant  les  mines,  la  métallurgie  et  la  technologie. 

KNABL  (Joseph),  scculpteur  autrichien,  né  à  Fliess  le 
17  juil.  1819,  mort  à  Munich  le  3  nov.  1 881 .  Elève  de  Franz 
Renn  à  Imst,  puis  d'Entress  et  de  Sickinger,  il  s'est  sur- 
tout attaché  à  revivifier  la  vieille  architecture  de  bois. 


KNABL  ~  KNECHT 


570  — 


Parmi  les  œuvres  de  cet  artiste,  qui  devint  professeur  de 
modelage  à  l'Académie  de  Munich,  nous  citerons  :  Bap- 
tême du  Christ,  pour  Mergentheim,  des  statues  de  saints 
pour  le  dôme  d'Augsbourg  ;  le  groupe  Christ  et  Apôtres 
pour  Welden  ;  V Adoration  des  Mages  pour  la  chapelle 
princière  de  Vael  ;  deux  statues  de  la  Vierge  (pour  lord 
Acton  et  la  chapelle  de  Seifried  à  Augsbourg),  et  d'autres 
sculptures  à  Mariaberg,  à  Passau  et  à  Munich. 

KN^ERED.  Ville  de  Suède,  Isen  de  Halland;  2,600  hab. 
Sa  situation  à  la  frontière  suédo-danoise  on  fit  souvent  le 
théâtre  de  négociations  ;  des  traités  y  furent  conclus  en 
4258,  4571,  4575,  4580. 

KNAPP  (Johann),  peintre  autrichien,  né  à  Vienne  en 
4  778,  mort  à  Schœnbrunn  en  1833.  Elève  de  Drechsler 
à  l'Académie  de  Vienne,  il  a  surtout  excellé  dans  la  repro- 
duction des  fleurs,  des  fruits  et  des  animaux.  On  peut  voir 
au  musée  botanique  de  la  cour  sa  Flora  alpina,  énorme 
bouquet  de  fleurs  choisies  de  toutes  les  parties  du  monde. 

KNAPP  (Samuel -Lorenzo),  écrivain  américain,  né  à 
Newburyport  (Massachusetts)  en  4783,  mort  à  Hopkinton 
en  4838.  Il  fut  colonel  d'un  régiment  delà  milice  dans  la 
guerre  de  1842.  Il  dirigea  plusieurs  journaux  à  Boston, 
et  exerça  ensuite  la  profession  d'avocat  à  New  York.  On 
a  de  lui,  entre  autres  ouvrages  :  Travels  of  Ali  Bey  in 
North  America  (4848);  Biographical  Sketches  of  Emi- 
nent  Laïuyers,  Statesmen  and  Men  ofLeiters  (4824); 
Sketches  of  Public  Characters  (4830);  American  Bio- 
graghyim^),  B.-H.  G. 

KNAPSKl  (Georges),  lexicographe  polonais,  né  en  Ma- 
zovie  en  1564,  mort  à  Cracovie  en  1638.  Il  entra  en  1538 
dans  l'ordre  des  jésuites,  et  enseigna  ensuite  dans  les  col- 
lèges des  Pères  les  mathématiques  et  la  rhétorique.  Dans 
sa  carrière  pédagogique,  il  avait  compris  l'importance  d'un 
bon  dictionnaire  polonais -latin  et  il  entreprit  de  combler 
cette  lacune.  Après  un  travail  assidu  d'une  vingtaine  d'an- 
nées, il  commença  à  publier  ses  dictionnaires  en  1624.  Il 
divisa  son  travail  en  trois  parties.  La  première  porte  le 
titre  :  Thésaurus  polono-latino-grœcus^  seu  promp- 
tuarium  linguœ  latinœ  et  grœcœ  Polonorum  usui 
accommodatum..,  (Cracovie,  4624,  4644,  4643,  in-fol.  ; 
très  rare);  Thesauri  polono-latino-grœci  tomus  II, 
latino-polonicus  (Cracovie,  4626,  1643,4652);  The- 
sauri... tomus  IIU  coniinens  adagia  polonica  (Cra- 
covie, 4632,  in-4),  recueil  de  proverbes  polonais,  traduits 
en  grec  et  latin.  Il  a  omis  les  proverbes  historiques  ou 
peu  décents,  en  se  bornant  à  rassembler  les  proverbes 
philosophiques  ou  ceux  qui  ont  rapport  aux  mœurs. 'Ce 
troisième  volume  n'a  pas  été  réimprimé.  On  en  rédigea  un 
extrait  sous  le  titre  :  Idiotismi  polonici  (Posen,'4753, 
in-4 2).  L  K. 

KNAPTON  (George),  peintre  anglais,  né  à  Londres  en 
4698,  mort  en  4778.  Elève  de  Richardson.  Il  se  trouvait  en 
Italie  au  moment  de  la  découverte  d'Herculanum  et  publia 
un  ouvrage  sur  ce  sujet.  Parmi  ses  portraits,  assez  mé- 
diocres, le  plus  important  est  celui  de  la  Princesse  de 
Galles,  mère  de  Georges  III,  entourée  de  ses  quatre  fils  et 
de  ses  quatre  filles,  avec  sur  ses  genoux  son  enfant  pos- 
thume, et  dans  le  fond  Tefligie  en  pied  de  feu  son  époux 
(à  Hampton  Court) .  Il  y  a  dans  ce  pompeux  ouvrage  plus 
de  facture  que  d'art.  Knapton  grava  aussi  les  anciens 
maîtres.  Il  était  inspecteur  royal  des  galeries  de  Kensing- 
ton.  —  Son  frère  Charles,  mort  en  4760,  fut  aqua-fortiste 
de  quelque  mérite. 

KNARE?BOROUGH.  Ville  d'Angleterre,  comté  d'York, 
à  26  kil.  O.-N.-O.  de  la  ville  d'York,  dans  le  ^Vest  Ri- 
ding,  sur  le  Nidd,  affluent  de  l'Ouse;  48,525  hab.  Stat. 
du  chem.  de  fer  d'York  à  Harrogate.  Fabriques  de  toiles. 
Knaresborough,  dans  une  vallée  pittoresque,  est  une  ville 
de  plaisance.  Ruines  d'un  ancien  château. 

KNATCHBULL-tîuGESSON  (Sir  Edward),  écrivain  et 
homme  politique  anglais,  né  à  Mersham-Hatch  (Kent)  en 
4829.  Comme  homme  pohtique,  il  représenta  à  la  Chambre 


des  communes  l'opinion  libérale  d'un  des  boroughs  du 
Kent  et  remplit  sous  les  ministères  whigs  les  fonctions 
de  sous-secrétaire  d'Etat  à  l'intérieur  et  aux  colonies  jus- 
qu'en 4874,  à  la  chute  de  Gladstone.  Comme  écrivain,  il 
publia  nombre  de  livres  destinés  à  l'entance  :  Stories  for 
my  children;  Crackers  fort  Christmm  ;  Moonshine  ; 
Taies  at  Tea-Time  ;  Queer  Folk  ;  Whispers  from  Fai- 
ryland  ;  Biver  Legends  or  Biver  Thames  and  Father 
Bhine  ;  Uncle  John' s  Stories,  etc. 

KNAUS  (Ludwig),  peintre  allemand,  né  à  Wiesbaden 
le  5  oct.  4829.  Elève  de  K.  Sohn  et  Schadow  (à  Dus- 
seldorf),  il  se  consacra  de  suite  à  la  représentation  de 
scènes  de  la  vie  populaire  ;  ses  premiers  tableaux  ont  encore 
la  lourdeur  et  le  sombre  coloris  de.Pécole  de  Dusseldorf  ; 
les  principaux  sont  :  Ber  Bauerntanz  (4  850)  ;  Die  Spieler 
(4854 ,  musée  de  Dusseldorf,  réplique  au  musée  de  Leipzig)  ; 
Der  Bienenvater  (4851);  Aller  Schiltzt  vor  Torheit 
nicht  (4854);  bas  Leichenbegœngniss  in  Walde 
(4854);  Die  Grœfln  Helfenstein  bittetum  Schonung 
ihres  Gatten  (1852);  Der  Taschendieb  in  dem  Jakr- 
markt  {iS^^).  —  Knaus  se  rendit  alors  à  Paris  où  il 
perfectionna  sa  manière  et  produisit  plusieurs  de  ses  chefs- 
d'œuvre  (4852-60).  Il  s'établit  à  Berlin  de  4864  à 
4866  et  y  produisit  :  Die  Wochenstube,  Der  Taschen- 
spieler,  Durchlaucht  auf  Beisen,  Der  Schusterjunge 
und  der  Leiermann.  De  4866  à  4874,  il  revient  à  Dus- 
seldorf et  produit  Z)asiirmc^^r/'^5i  (1869,  musée  de  Berlin), 
Das  Leichenbegœngniss  in  einem  hessischen  Dorf 
(4871);  Das  Gœnsemœdelien(iS1^);  In  tausend  Aeng- 
sten(\mi)',  Die  Geschwister  (4872);  Die  Berathung 
Hauensteiner  Bauern  (1 873)  ;  ces  œuvres  joignent  à  fa 
vigueur  du  dessin  et  de  la  couleur,  la  naïveté  sincère  de 
l'expression  et  une  grande  adresse  à  caractériser  les  sen- 
timents les  plus  variés,  avec  cette  pointe  d'humour  qui 
est  caractéristique  du  talent  de  Knaus.  Il  perdit  de  son 
naturel  lorsqu'il  fut  appelé  à  diriger  un  atelier  à  l'Acadé- 
mie des  arts  de  Berlin  (1874)  ;  ses  œuvres  suivantes  at- 
testent du  maniérisme,  un  effort  vers  la  plaisanterie  : 
Die  heilige  Familie  (1876)  ;  Die  Wirtshausszene  auf 
schlechten  Wegen  (1876);  Das  ividerspenstige  Modell 
(1877);  Salomonische  Weisheit  (1878);  Hinter  den 
Kulissen  (1880,  musée  de  Dresde)  ;  Die  Bacchantin, 
Das  gehetzte  Wild,  Fin  Fœrsterheim  (1886).  Il  faut 
citer  parmi  ses  portraits,  d'une  expression  très  fine,  ceux 
de  Helmholtz  et  de  Mommsen  (musée  de  Berlin).  Il 
a  également  décoré  des  intérieurs,  imitant  les  célèbres 
tableaux  de  Watteau  (de  Potsdam).  La  plupart  de  ses 
œuvres  ont  été  gravées  et  photographiées  et  sont  popu- 
laires. A.-M.  B. 

KNEBEL  (Karl-Ludwig  de),  poète  allemand,  né  au  châ- 
teau de  Vallerstein  (Franconie)  le  30  nov.  1744,  mort  à 
léna  le  23  févr.  1834.  Officier  prussien  de  1764  à  1774,  il 
se  lia  avec  Ramier,  Nicolaï,  M.  Mendelssohn,  etc.,  puis 
devint  pensionnaire  de  la  cour  de  Weimar  où  il  fit  partie 
du  cercle  des  grands  écrivains  allemands,  Gœthe,  Herder, 
Schiller,  et  devint  l'ami  intime  de  Wieland.  Ses  poésies 
sont  de  forme  très  achevée  ;  elles  sont  renfermées  en  un  vo- 
lume d'hymnes.,  élégies,  etc.  ;  il  a  publié  une  belle  tra- 
duction du  poème  de  Lucrèce  (1821,  2  vol.)  et  celles  des 
Elégies  de  Properce  et  du  Saûlà'Alûm.  Ses  œuvres  com- 
plètes ]ont  été  pubhées  par  Mundt,  avec  sa  biographie  et 
sa  correspondance  (Leipzig,  4835,  3  vol.). 

KNECHT  (Justin-Henri),  organiste  et  compositeur  alle- 
mand, né  à  Biberach  (Wurttemberg)  le  30  sept.  1752, 
mort  à  Biberach  le  44  déc.  1847.  Il  passa  presque  toute 
sa  vie  à  Biberach  comme  organiste,  sauf  deux  ans  (4807- 
09)  à  Stuttgart  comme  maître  de  chapelle.  Sa  renommée 
de  virtuose  était  très  grande.  Il  a  écrit  de  nombreuses 
compositions  pour  l'orgue  et  le  clavecin,  des  psaumes, 
messes,  Te  Deum,  etc.,  et  une  symphonie  intitulée  Ta- 
bleau de  la  nature,  sur  un  programme  identique  à  celui 
que  Beethoven  donna  plus  tard  à  sa  symphonie  pastorale. 
Knecht  a  publié  plusieurs  ouvrages  théoriques,  notam- 


571  - 


KNECHT  -  KNIÂZNIN 


ment:    Volstœndigse   Orgelschule  (1795-98,  3  part.; 
trad.  franc,  par  J.-P.-E.  Martini).  M.  Br. 

BrsL.  :  E.  Kauffmann,  J.-H.   Knecht  ;  Tubingue,  1892. 

KNECHTE  (Mines).  Lanières  qui  servent  à  descendre 
les  mineurs.  Les  knechtes  des  mines  de  Schemnitz  sont 
formés  de  lanières  de  cuir  dont  l'une  sert  de  siège  et  l'autre 
de  dossier  ;  on  garde  les  mains  libres  en  se  renversant  sur 
ce  dossier  et  attachant  la  lampe  sous  le  siège.  Le  mineur 
pénètre  encore  dans  certains  puits  assis  sur  un  bâton  ou 
dans  une  boucle  du  câble  dont  il  tient  entre  les  mains  la 
partie  verticale.  Depuis  longtemps,  on  se  sert  d'un  câble 
pour  descendre  les  hommes  au  fond  des  puits  dans  les  con- 
ditions les  plus  diverses.  L.  K. 

KNELLER,  ou  plutôt  KNILLER  (Gottfried  ou  sir  God- 
frey),  célèbre  portraitiste  germano-anglais,  né  à  Lubeck 
le  8  août  4648,  mort  à  Londres  le  7  nov.  1723.  Issu 
d'une  famille  ancienne  et  destiné  à  la  carrière  des  armes, 
il  fut  envoyé  à  Leyde  pour  y  apprendre  les  sciences  ma- 
thématiques et  militaires.  Mais  saisi  par  la  passion  de  l'art, 
il  se  mit  à  étudier  la  peinture  d'abord  dans  l'atelier  de 
Rembrandt,  puis  dans  celui  de  Ferdinand  Bol,  à  Amster- 
dam. En  1672,  il  se  rendit  en  [talie  et  devint  élève  de  Carlo 
Maratta.  Peintre  d'histoire  d'abord,  il  ne  tarda  pas  à  se 
vouer  exclusivement  au  portrait,  et  parvint  dans  ce  genre 
à  une  grande  célébrité.  Arrivé  en  Angleterre  vers  1676, 
il  gagna  les  faveurs  de  Charles  If,  qui  le  nomma  son  peintre 
attitré,  charge  qu'il  conserva  sous  les  quatre  régnés  sui- 
vants. Il  reçut  le  titre  de  baronnet  en  1715.  Vanté  par  tous 
les  poètes  du  temps,  il  méritait  ses  éloges  et  l'engouement 
de  ses  contemporains,  par  des  qualités  sérieuses,  emprun- 
tées à  une  large  imitation  de  la  manière  de  Van  Dyck . 
Dessinateur  correct,  coloriste  excellent,  mais  compositeur 
par  trop  fastueux,  il  sacrifia  souvent  la  simplicité  et  le  ca- 
ractère à  l'effet.  Il  avait  l'habitude  de  flatter  ses  modèles 
jusqu'à  l'excès,  sans  que  personne  s'en  plaignît.  Son  œuvre 
est  considérable  :  tous  les  membres  de  la  maison  d'Angle- 
terre et  tous  les  personnages  de  marque  ont  posé  devant  lui. 

11  fit  aussi  les  portraits  de  Louis  XIV  et  de  la  famille  royale. 
Plus  de  trois  cents  de  ses  toiles  ont  été  reproduites  par  Ja 
gravure,  et  un  monument  à  l'abbaye  de  Westminster  con- 
sacre sa  mémoire.  G.  Pawlowski. 

BiBL.  :  AcKERMANN,  Der  Portrœmaler  sir  Godfrey  KniU 
ler  im  Verhœltniss  zur  Kunstbildung  sedner  Zeit  ;  Lubeck, 
1845. 

KNEPPELHOUT  (Jean),  écrivain  néerlandais,  né  à 
Leyde  le  8  janv.  1814.  Il  publia,  sous  le  pseudonyme  de 
Klikspariy  des  scènes  de  la  vie  des  étudiants  qui  sont  en- 
core aujourd'hui  populaires  :  Studententypen  (1841), 
Studentenleven  (1844).  Le  succès  en  fut  énorme  et  excita 
une  attente  à  laquelle  ne  répondirent  pas  les  ouvrages  ulté- 
rieurs de  l'auteur  (essais  biographiques  et  littéraires,  récits 
de  voyages,  etc.),  malgré  ses  mérites  d'observateur  sagace 
et  de  philosophe.  Il  a  réuni  ses  œuvres  en  12  vol.  (Levde, 
4861-75). 

KNER  (Budoll),  zoologue  autrichien,  né  à  Linz  le 
24  août  1810,  mort  à  Vienne  le  27  oct.  1869.  Professeur 
à  Lemberg  (1841)  et  Vienne  (1849),  il  fut  un  ichtyo- 
logue  de  grand  mérite  par  ses  travaux  sur  la  faune  du 
Brésil,  et  son  grand  ouvrage  Die  Sûsswasserfische  der 
œsterreichischen  Monarchie  {awcEeckely  Leipzig,  1838), 
ses  études  sur  les  pêches  de  la  Novara^  son  ouvrage  sur 
lesGanoïdes  (Vienne,  1867).  Il  s'est  aussi  occupé  de  l'ar- 
chéologie de  l'âge  de  pierre. 

KNÊSEBECK  (Karl-Friedrich  de),  maréchal  prussien, 
né  à  Karwe,  près  de  New-Ruppin,le  5mail768,  mort  le 

12  janv.  1848.  D'une  vieille  famille  brandehourgeoise,  il 
entra  au  service  en  1782,  était  major  en  1806  et  empêcha 
le  roi  d'être  fait  prisonnier  après  léna.  Attaché  à  Fétat-major 
russe,  il  donna  le  plan  de  la  bataille  de  Pultusk  (26  déc. 
1806).  A  partir  de  1809,  il  était  partisan  de  l'alliance 
française  ;  il  fut  envoyé  à  l'empereur  Alexandre  en  janv, 
1812  pour  lui  persuader  de  céder  à  Napoléon.  En  1813, 
il  était  lieutenant  général  et  premier  aide  de  camp  du  roi 
et  eut  une  grande  part  aux  plans  de  campagne  de  1813 


et  1814  ;  il  donna  des  conseils  de  prudence,  pondérant  l'au- 
dace de  Blûcher  et  Gneisenau.  C'est  lui  qui  fit  interrompre 
la  bataille  de  Bautzen  (21  mai)  et  négocia  à  Vienne  durant 
l'armistice.  En  1831,  il  commandait  l'armée  d'observation 
de  la  frontière  polcmaise.  Il  s'est  vanté  à  tort  d'avoir  éla- 
boré le  plan  de  campagne  de  1812.  Il  a  écrit  des  poésies 
militaires,  dont  l'une  (Lob  des  Krieyes,  1805)  eut  un  vif 
succès. 

BiBL.  :  DuNCKER,  Die  Mission  der  Obersten  von  dem 
Knesebeck,  1876,  dans  Abhandlungen  zur  preuss.  Gesch. 
—  Lehmann,  Knesebeck  und  Schœn,  1876. 

KNESSELAERE.  Com.  de  Belgique,  prov.de  Flandre 
orientale,  arr.  de  Gand,  sur  le  canal  de  Gand  à  Bruges; 
4,000  hab.  Importantes  exploitations  agricoles,  fabriques 
de  toiles  à  voiles. 

KNIAJEVATS.Ville  de  Serbie,  chef-lieu  de  cercle,  située 
sur  le  Sverhtski  Timok,  au  miheu  d'une  vallée  réputée 
pour  ses  crus;  3,500  hab.  Elle  fut  successivement  appelée, 
avant  1859,  des  noms  de  Timotchka  Palanka  et  de  Gour- 
gousovats.  Les  Turcs  l'incendièrent  en  1876  ;  elle  a  été 
depuis  reconstruite.  Dans  le  voisinage,  on  retrouve  les  ves- 
tiges d'une  cité  romaine,  Timatochium. 

KNIÂJNINE  (Iakov-Borissovitch),  poète  russe,  né  à 
Pskov  en  1742,  mort  à  Saint-Pétersbourg  en  1791.  Après 
avoir  servi  au  collège  des  affaires  étrangères  et  dans  l'ar- 
mée, il  fut  professeur  de  littérature  russe  au  corps  des 
cadets  et  membre  de  l'Académie  russe.  Il  collabora  en  cette 
qualité  au  Dictionnaire  russe  de  l'Académie.  Il  a  écrit 
des  tragédies  (Didon,  Roslav,  laropolk,  Vladimir)  dans 
lesquelles  il  s'est  surtout  efforcé  d'imiter  Corneille  ;  des 
comédies  (les  Originaux,  le  Vantard),  des  odes,  des 
épîtres,  etc.  Sa  tragédie  de  Vadim,  écrite  en  1789  et 
publiée  en  1793  par  la  princesse  Dachkov,  fut  jugée 
dangereuse  et  détruite  par  l'ordre  de  Catherine  IL  Kniaj- 
lîine  appartient  à  l'école  pseudo-classique  et  manque  d'ori- 
ginahté.  Il  a  traduit  un  certain  nombre  d'ouvrages  français, 
notamment  des  tragédies  de  Corneille  et  la  Henriade.  Ses 
œuvres  furent  réunies  du  vivant  de  Fauteur  (Saint-Pé- 
tersbourg, 1787,  4  vol.);  elles  ont  été  plusieurs  fois  réim- 
primées, notamment  par  Smirdine  (1847-42,  2  vol.)  et 
plus  récemment  par  Vengerov  dans  la  Poésie  russe  (Saint- 
Pétersbourg,  1894).  L.  L. 

KNiAZIEWlCZ  (Charles),  général  polonais,  né  près  de 
Mitau  (Courlande),  mort  à  Paris  le  10  mai  1843.  Il  reçut 
son  éducation  militaire  dans  le  corps  des  cadets  à  Varsovie. 
Après  s'être  distingué  dans  la  guerre  de  l'Indépendance  en 
1794,  sous  Kosciuszko,  il  se  retira  dans  les  environs  de 
Lublin.  En  1797,  il  entra  au  service  de  la  France  et 
Bonaparte  lui  donna  le  commandement  de  la  1""®  légion 
polonaise.  Il  obtint  avec  sa  légion  des  succès  en  Italie, 
puis  à  Bergem,  Bornheim,  Hohenlinden,  etc.  Après  la  paix 
de  Lunéville,  les  légions  polonaises  disparurent  malgré  les 
efforts  de  Kniaziewicz,  qui  en  garda  rancune  à  Napoléon. 
Il  rentra  en  Pologne  et  se  fit  agriculteur  en  Volynie.  En 

1810  il  se  maria,  mais  il  perdit  bientôt  sa  femme.  En 

1811  il  prit  du  service  sous  les  ordres  du  prince  Joseph 
Poniatowski  et  eut  le  commandement  de  la  XVP  division 
de  la  grande  armée.  Après  la  chute  de  Napoléon,  il  se 
fixa  à  Dresde,  ensuite  à  Paris,  où  il  resta  au  milieu  des 
émigrés  polonais  qui  le  vénéraient.  Il  fut  enterré  à  Mont- 
morency, auprès  de  Niemcevicz.  J.  K. 

BiBL.  :  J.  Drzewiegki,  Mémoires  (en  poL);  Cracovie, 
1891.  —  Lettres  des  Polonais  éminents  (en  pol.);  Cracovie, 
1831. 

KN I AZN I N  (François-Dionyse),  poète  polonais,  né  à  Wi- 
tebsk  en  1750,  mort  à  Konska  Wola  le  25  août  1807.  Il 
fit  ses  études  chez  les  jésuites  et  entra  quelque  temps  dans 
le  noviciat  de  cet  ordre.  Devenu  plus  tard  secrétaire  du 
prince  Adam  Czartoryski,  il  passa  vingt  années  à  Pulawy, 
dans  la  famille  du  prince,  écri\ant  des  poésies  lyriques, 
des  drames  et  beaucoup  de  vers  de  circonstance.  Poète  de 
second  ordre,  il  fut  en  Pologne  un  précurseur  du  roman- 
tisme. Il  a  traduit  des  fables  de  La  Fontaine,  et  composé  des 
pièces  telles  que  Mère  Spartiate  (drame)  ;  Thémistocle 


KNIAZNIN  —  KNIGHT 


—  57^2 


(tragédie);  Tziganes  (opéra);  Hector  (tragédie).  Les  dé- 
sastres politiques,  la  défaite  de  Maciejowice,  troublèrent  son 
esprit.  Il  vécut  onze  ans  dans  cet  état,  entouré  des  soins 
dévoués  de  son  ami,  le  poète  Zablocki.  La  meilleure  édition  de 
ses  œuvres  parut  à  Varsovie  en  1828  en  7  vol.       J.  K. 

BiBL.  :  F. -S.  Dmochowski,  Notice  sur  la  vie  et  V œuvre 
de  Kniaznin^  l'introduction  du  l®''  vol.  de  Tédition  de  1828 
(en  pol.).  —  Aër  (A.  Rzazfavski),  le  Premier  Poète  ro- 
mantique (en  pol.),  Przegiad  Polski,  1882. 

KNICKERBOCKER.  Sobriquet  des  gens  de  New  York, 
visant  primitivement  les  Hollandais  qui  ont  fondé  la  ville. 

KNIEBIS  (Mont).  Massif  de  la  Forêt-Noire,  aux  limites 
de  Bade  et  du  Wurttemberg  ;  965  m.  d'alt.  au  Rossbuhl  ; 
sources  du  Wolf,  affl.de la Kinzi g,  de  la  Murg,derAcher  et 
du  Rench,  affl.  du  Rhin;  route  stratégique  avec  d'anciennes 
fortifications  érigées  en  4704  contre  les  Français  ;  stations 
balnéaires  de  Rippoldsau,  Antogast,  Griesbach,  Petersthal 
et  Freiersbach. 

KNIEP  (Christoph-Heinrich) ,  peintre  et  dessinateur  alle- 
mand, né  à  Hildesheim  en  1748,  mort  à  Naples  le  9  juil. 
1825.  Il  fréquenta  l'école  de  Hanovre,  travailla  tour  à  tour 
comme  portraitiste  à  Hambourg,  à  Cassel,  à  Lubeck,  à 
Berlin,  alla  ensuite  en  Italie,  accompagna  Gœthe  en  Sicile, 
et,  revenu  à  Naples,  y  devint  professeur  et  conseiller  à 
l'Académie  des  beaux-arts.  Comme  paysagiste  et  dessina- 
teur, il  excelle  dans  la  science  des  détails,  le  rendu  des 
monts  lointains  et  vaporeux,  mais  son  feuille  manque  un 
peu  de  variété. 

KNIES  (Karl-Gustav-Adolf),  économiste  allemand,  né 
à  Marbourg  en  1821.  Il  professa  à  Schafthouse  (Suisse),  à 
Fribourg  (Bade).  Elu  député  à  la  Chambre  badoise  (1862), 
il  devint  directeur  de  l'enseignement  et  s'efforça  de  le  laïciser; 
en  1865  il  dut  se  retirer  et  fut  nommé  professeur  à  l'uni- 
versité de  Heidelberg.  Il  est  célèbre  par  un  livre  paru  en  1 853, 
Die  politische  OEkonomie  vom  geschichtlichen  Stand- 
punkte  (2^  éd.,  1883),  où,  l'un  des  premiers,  il  pose  les 
fondements  de  la  méthode  historique  dans  la  science  sociale 
(V.  EcoNOMi?:  politique)  ;  parmi  ses  autres  ouvrages,  il 
faut  citer  Geld  und  Kredit  (Berlin,  1873-76,  3  vol.  ; 
2^  éd.,  1886  et  suiv.). 

KN IG6E  (Adolf-Franz-Heinrich,  baron  de),  écrivain  al- 
lemand, néàBredenbeck,  près  de  Hanovre,  lel6oct.  1752, 
mort  à  Brème  le  6  mai  1796.  Il  mena  une  vie  errante  entre 
les  petites  cours  allemandes,  s'efforçant,  à  partir  de  1780, 
de  propager  l'illuminisme  (V.  Franc-Maçonnerie)  dont  il 
publia  une  apologie  sous  le  nom  de  Philo  (1788);  ses 
maximes,  Ueber  den  Umgang  mit  den  Menschen  (1788  ; 
16^  éd.,  1878),  indiquent  une  profonde  science  de  la  vie, 
aboutissant  à  l'égoïsme;  ses  romans  sont  médiocres.  On  a 
publié  les  œuvres  de  Knigge  (Hanovre,  1804-6, 12  vol.); 
Klencke  y  a  ajouté  des  lettres  et  papiers  divers  (1853). 
BiBL.  :  Gœdeke,  A.  von  Knigge;  Hanovre,  1844. 

KNIGGE  (Albert-Otto),  peintre  allemand,  né  à  BerHii  le 
14  déc.  1835,  étudia  d'abord  à  Weimar,  puis  dans  l'ate- 
lier de  Couture  à  Paris.  Parmi  ses  œuvres,  où  le  chaud 
coloris  des  Vénitiens  s'allie  à  une  exacte  ordonnance,  nous 
citerons  :  un  tableau  d'autel  pour  l'église  de  l'hôpital 
Sainte- Elisabeth  (Berlin)  ;  la  Loreley  (Breslau)  ;  Joseph 
d'Arimathie  présentant  à  Marie  la  couronne  d'épines^ 
et  de  bons  portraits. 

KNIGHT.  Titre  anglais  équivalant  à  chevalier  et  qui 
confère  le  prédicat  de  sir, 

KNIGHT  (Richard-Payne),  archéologue  anglais,  né  en 
1750,  mort  à  Londres  le  23  avr.  1824.  Membre  du  Par- 
lement pour  Leominster  (1780)  et  pour  Ludlow  (1784- 
1806),  il  appuya  la  politique  de  Fox.  Conservateur  du 
British  Muséum  à  partir  de  1814,  il  légua  à  cet  établis- 
sement une  très  riche  collection  d'antiques  qu'il  avait 
formée,  il  a  laissé  de  nombreux  ouvrages.  Citons  :  An 
Account  of  the  remains  of  the  whorship  of  Priapus 
(Londres,  1786,  in-4)  ;  Analytical  Enquiry  into  the 
principles  of  Taste  (1805,  in-8)  ;  Spécimens  of  an- 
cient  sculpture  (1809-35,  2  vol.  in-fol.)  et  divers  écrits 
philologiques.  R.  S. 


KNIGHT  (Thomas),  acteur  et  auteur  dramatique  anglais, 
mort  le  4  févr.  1 820.  D'une  bonne  famille  du  Dorset,  il 
débuta  en  1782  à  York  dans  le  rôle  de  Lothario  et  devint 
rapidement  célèbre.  En  1795,  il  entrait  à  Covent  Garden, 
où  il  créa  avec  succès  une  infinité  de  rôles.  Il  prit  en  1803 
la  direction  du  théâtre  de  Liverpool.  Il  a  laissé  diverses 
pièces,  entre  autres  :  Thelyphthora  or  the  blessings  of 
two  wiues  at  once  (1783);  Ho7iest  Thieves  (1797); 
Turnpike  Gâte  {il 99).  En  1787,  il  avait  épousé  Mar- 
garet  Farren  qui  fut  aussi  une  bonne  actrice.       R.  S. 

KNIGHT  (Ellis-Cornelia),  femme  auteur  anglaise,  née 
en  1757,  morte  à  Paris  le  17  déc.  1837.  Fille  de  l'amiral 
Joseph  Knight,  fort  répandue  dans  le  monde  littéraire  de 
l'époque  et  liée  notamment  avec  les  Reynolds,  avec  Samuel 
Johnson  et  avec  Nelson,  elle  entra  en'^'1813  dans  la  mai- 
son de  la  princesse  Charlotte  de  Galles  et  fut  mêlée  à  toutes 
les  intrigues  de  la  cour  d'Angleterre.  Elle  a  laissé  une 
Autobiographie  (1861)  qui  est  un  document  important 
pour  l'histoire  du  temps.  Citons  encore  d'elle  :  Dinarbas 
(1790),  sorte  de  supplément  au  Hasselas  de  Johnson  ; 
Flaminius  (1792)  ;  Sir  Guy  de  Lusignan  (1833)  ; 
Description  of  Latium  or  La  Campagna  di  Koma 
(1805,  in-4),  son  chef-d'œuvre.  R.  S. 

KNIGHT  (Henry-Gally),  écrivain  anglais,  né  le  2  déc. 
1786,  mort  à  Londres  le  9  févr.  1846.  Après  avoir  dé- 
buté par  des  essais  littéraires  et  des  poésies,  tels  que  : 
Ilderim  (1816,  in-8),  Phrosyne  (1817,  in-8),  Eastern 
Sketches  (1830,  in-8,  3^  éd.),  il  s'adonna  à  l'étude  de 
l'architecture  et  écrivit  des  ouvrages  théoriques  de  grande 
valeur,  entre  autres  :  An  Architectural  Tour  iii  Nor- 
mandy  (1836,  in-12),  trad.  en  français  (Caen,  1838, 
in-8);  The  Normans  in  Sicily  (1838,  in-12  ;  trad.  en 
français,  1839,  in-8,  et  en  allemand,  1841,  in-8);  Sara- 
cenic  and  Norman  Remains  (1840,  in-fol.)  ;  TheEccle- 
siastical  Architecture  of  Italy  (1842-44,  2  vol.  in-fol.). 
Il  représenta  diverses  circonscriptions  à  la  Chambre  des 
communes  de  1828  à  sa  mort.  R.  S. 

KNIGHT  (Henriette)  (V.  Luxborough  [Lady]), 

KNIGHT  (Charles),  littérateur  anglais,  né  en  1791, 
mort  à  Addlestone  le  9  mars  1873.  Fils  d'un  libraire  de 
Windsor,  libraire  lui-même,  journaliste,  auteur  drama- 
tique, il  fonda  entre  autres  périodiques  le  Knighfs  Quar- 
terly  Magazineon  écrivirentMacaulay,  Malden,  deQuincey, 
Hill  ;  le  Penny  Magazine  (1832-45)  ;  la  Penny  Cyclo- 
pœdia  (1833-44),  qui  tirèrent  jusqu'à  200,000  exem- 
plaires; la  série  des  Weekly  ro/?tm^5,  rapidement  populaire 
grâce  à  la  contribution  d'Henriette  Martineau,  de  Lewes, 
de  Mrs  Jameson,  etc.  ;  The  English  Cyclopœdia  (1853- 
61),  etc.  Malgré  son  esprit  d'entreprise,  il  ne  fit  pas  for- 
tune. Il  a  laissé  de  nombreux  écrits  parmi  lesquels  nous 
cit(;rons  :  The  Ménageries  (1828)  ;  Results  ofmachinery 
(1831)  ;  Capital  and  labour  (1831);  Studies  of  Sha- 
kespere  (1849);  Passages  of  a  Workincf  life  (1864- 
65)  ;  Shadows  ofthe  old  Booksellers  (1867).     R.  S. 

KNIGHT  (John-Prescott),  peintre  anglais,. né  dans  le 
comté  de  Stafford  en  1803,  mort  à  Londres  en  1881. 
Elève  de  l'Académie  royale,  dont  il  devint  membre  en 
1844,  secrétaire  en  1847,  et  où  il  professa  la  perspective 
de  '1849  à  1860.  Il  a  traité  l'histoire.  Exposition  univer- 
selle de  Paris  de  1855  :  la  Prédication  de  John  Knox. 

KNIGHT  (William),  écrivain  anglais,  né  à  Hardington 
(Berwickshire)  en  1836.  Après  avoir  terminé  son  éducation 
à  Edimbourg,  il  se  livra  à  l'étude  de  la  philosophie  et  de 
l'économie  politique,  et  publia  différents  ouvrages  qui  lui 
valurent,  en  1876,  la  chaire  de  ces  sciences  à  l'université 
de  Saint-Andrews,  puis  en  1888,  à  celle  de  Londres,  le 
poste  d'examinateur  qu'il  occupe  encore  aujourd'hui.  Voici 
la  liste  de  ses  publications  :  Poems  from  the  dawn  of 
English  Literature  to  the  year  1699  (1863)  ;  Collo- 
quia  Peripatetica  (1870),  qui  eut  cinq  éditions  ;  Philo- 
sophical  Classicsfor  Eîiglish  Readers  (1877-89, 14  vol.); 
The  English  Lake  as  interpreted  in  the  Poems  of 
Wo7'dsworth  (1878)  ;  Poetical  Works  of  Wordsworth 


-  573  - 


KNTGHT  --  KNOBELSDORFF 


(1880-89,  8  vol.);  Transactions  of  the  Wordsworth 
Society  (1880-88)  ;  Sélections  from  Wordsworth  (1888); 
Wordsworthiana  (1889)  ;  Life  of  Wordstvortk  (1889, 
3  vol.),  etc.  H.  F. 

KNIGHT  (Daniel-Ridgway),  peintre  américain  contem- 
porain, né  à  Philadelphie.  Elève  de  l'Ecole  des  beaux-arts 
de  Paris,  de  Gleyre  et  de  Meissonnier,  il  expose  à  Paris 
et  à  New  York,  depuis  1870,  des  sujets  d'histoire  et  de 
genre,  des  paysages,  des  scènes  rustiques  et  populaires  d'un 
sentiment  délicat,  d'un  style  élevé,  d'un  caractère  person- 
nel et  d'une  excellente  facture.  Sa  première  œuvre  ayant 
attiré  [l'attention  était,  au  Salon  de  1871  :  Othello  chez 
Brahantio. 

KNILLE  (Otto),  peintre  allemand,  né  à  Osnabriick  le 
10  sept.  1832.  Elève  de  K.  Sohn,  Th.  Hildebrandt  et  Scha- 
dow  à  Dusseldorf,  de  Couture  à  Paris,  il  décora,  à  partir  de 
1865,  le  château  de  Marienburg  (près  de  Nodstemmen)  de 
scènes  empruntées  aux  légendes  thuringiennes,  remporta 
un  grand  succès  avec  un  tableau  à  Thuile,  de  style  ro- 
mantique et  d'un  coloris  éclatant,  Tannhœuser  und  Vertus 
(1873,  musée  de  Berlin),  fut  nommé  professeur  à  l'Académie 
des  arts  de  Berlin  (1875-84),  et  décora  l'escalier  de  la  bi- 
bliothèque de  l'Université  de  quatre  grandes  compositions 
très  admirées  :  Jugenderziehung  im  Altertum  (Athènes), 
Die  scholastische  Wissenschaft  (Paris),  Die  Humanis- 
ten  und  Reformatoren  (Wittenberg),  Die  neuklassiker 
Deutschlands  (Weimar).  Il  a  écrit  :  Grûbeleien  eines 
Malers  ilber  seine  Kunst  (Berlin,  1887). 

KNILLER  (V.  Kneller). 

KNIN.  Ville  de  Dalmatie,  sur  la  Kerka,  au  pied  d'une 
citadelle  bâtie  au  xvi^  siècle  par  les  Hongrois  et  qui  eut 
une  grande  importance  jusqu'au  début  de  ce  siècle.  Mar- 
ché important. 

KN I P  (Josephus-Augustus) ,  paysagiste  et  peintre  de  fleurs 
hollandais,  né  à  Tilburg  le  3  août  1777,  mort  à  Bois-le- 
Duc  le  1^^  oct.  1847.  Elève  de  son  père  Nicolas-Frederik 
Knip,  peintre  de  fleurs  (1742-1809),  il  vint  à  Paris 
en  1801  et  il  y  suivit  les  leçons  de  Spaendonck,  et  en 
1808  il  recevait  une  pension  de  Louis -Napoléon,  roi 
de  Hollande.  Plus  tard,  il  voyagea  en  Italie  et  revint  en 
Hollande  en  1813;  en  1823,  il  peignait  des  portraits 
à  Paris.  Il  retourna  enfin  en  1827  à  Amsterdam  où  il  se 
mit  à  peindre  des  animaux.  On  voit  des  paysages  de 
lui  à  Rotterdam,  et  à  Amsterdam  :  Paysage  italien 
(1818)  acheté  en  1818  à  l'exposition  d'Amsterdam 
600  florins.  Membre  de  l'Académie  d'Amsterdam.  Knip 
est  le  père  de  M°*^  Henriette  Ronner,  le  peintre  des  chats 
(V.  Ronner). 

KNIP  (Henriette-Gertrude),  peintre  de  fleurs,  sœur  du 
précédent,  née  à  Tillmrg  en  1783,  morte  à  Haarlem  en 
1842.  Elle  vint  à  Paris  avec  son  frère  et  fut  comme  lui 
élève  de  Spaendonck  et  aussi  de  Van  Dael.  Elle  a  exposé  à 
Paris,  entre  autres  fois  au  Salon  de  1819.  Elle  travailla 
surtout  à  Haarlem,  la  ville  des  grands  horticulteurs  du  pays, 
chez  qui  elle  allait  chercher  ses  modèles  et  peindre. 

KNIPHAUSENou  KNYPHAUSEN.  Village  d'Allemagne, 
grand-duché  d'Oldenbourg,  ch.-l.  d'une  seigneurie  minus- 
cule, enclavée  dans  celle  de  Jever,  appartenant  à  une  fa- 
mille frisonne  qui  la  céda  en  1624  à  l'Oldenbourg  ;  en  1733 
un  mariage  la  fit  passer  à  la  famille  de  Bentinck;  elle 
garda  jusqu'en  1854  une  demi-souveraineté  et  après  un 
long  procès  fut  réunie  à  l'Oldenbourg. 

KNIPPERDOLLING  (Bernard),  sectaire  anabaptiste, 
natif  de  Munster,  mort  à  Munster  en  1536.  Expulsé  de 
sa  ville  natale,  il  y  revint  en  1533  et  prit  part  au  mou- 
vement anabaptiste  et  à  la  constitution  du  royaume  théo- 
cratique  de  Jean  de  Leyde,  dont  il  fut  le  bras  droit  et  l'exé- 
cuteur des  hautes  œuvres.  Il  partagea  son  sort  après  la 
prise  de  la  ville  ;  après  avoir  été  exposé  dans  une  cage  de 
fer,  il  périt  dans  de  cruels  supplices. 

Bibl.:Ranke,  Deutsche  Geschichte  im  Zeitalter  der  Re- 
forination^  1881.  —  V.  aussi  les  art.  Anabaptistes  et 
Jean  de  Leyde  pour  le  supplément  de  la  bibliographie. 


KNIPPING  (Erwin-Rudolph-Theobald),  météorologiste 
allemand,  né  à  Clèvesle  27  avr.  1844.  Engagé,  à  sa  sortie 
du  gymnase,  dans  la  marine  marchande,  il  s'est,  après  quel- 
ques années  de  navigation,  fixé  au  Japon,  et  il  est  devenu 
professeur  à  l'université  de  Tokio  (1871-76),  examinateur 
des  capitaines  au  long  cours  (1876-81).  Il  fait  partie  de- 
puis 1882  du  bureau  central  météorologique  de  Tokio,  où 
il  a  établi  en  1883  un  service  d'annonce  du  temps.  Il  a 
publié,  à  partir  de  1876,  dans  les  Mittheilungen  der 
Deutsehen  Gesellschaft  fur  Natur  und  Volkerkunde 
Ostasiens  (Tokio),  dans  les  Annalen  der  Hydrographie 
(Berlin),  dans  les  Mittheilungen  de  Petermann  (Gotha) 
et  dans  plusieurs  autres  journaux  et  recueils  japonais  et 
européens,  de  nombreuses  observations  météorologiques 
concernant  le  Japon  et  de  très  intéressantes  études  sur  la 
topographie  de  ce  pays  qu'il  a  exploré  et  mesuré,  sur  ses 
tremblements  de  terre,  ses  typhons,  etc.  On  lui  doit  aussi 
une  Library  Map  of  Japan  au  1/1115800  (Londres, 
4879).  ^  ^  ^  ^     g^ 

KN  ITC  H  AN  !  N  E  (Etienne) ,  homme  d'Etat  serbe,  né  à  Kni- 
tcha  (Serbie)  le  27  févr.  1807,  mort  à  Belgrade  le  26  mai 
1855.  En  1835,  il  entra  au  service  du  prince  Miloch.  En 
1840,  il  adhéra  au  parti  de  Voutchitch  et  fut  banni.  Rap- 
pelé en  1842,  il  devint  conseiller  d'Etat.  H  se  démit  de  ses 
fonctions  en  1848  et  passa  en  Hongrie  où,  à  la  tête  do 
12,000  volontaires  serbes,  il  combattit  l'insurrection  hon- 
groise. Il  fit  sa  jonction  avec  Bobalitch  à  Bratzchevgaj 
(Banat),  mais  fut  battu  par  Kiss  et  rejeté  au  delà  de  la 
Tisza.  Rappelé  ensuite  en  Serbie,  par  son  gouvernement 
(févr.  1849),  on  lui  conféra  le  rang  de  voiévode,  le  plus 
haut  grade  alors  existant  dans  l'armée  serbe.  Il  fut  mi- 
nistre de  la  guerre  et  président  du  conseil  (en  1854). 

KNiySKJŒRODDE.  Cap  le  plus  septentrional  de  l'Eu- 
rope, situé  dans  l'île  Magerœ  ;  à  l'O.  du  cap  Nord,  il  le  dé- 
passe de  près  d'un  kil.  vers  le  N. ,  mais,  étant  bas  et  peu 
visible  de  loin,  a  passé  longtemps  inaperçu  à  côté  du  roc  voi- 
sin qui  domine  la  mer  de'  300  m.  H  est  situé  par  71<*  10' 
45^''  lat.  N. 
BiBL.  :  Broch,  le  Roy.  de  Norvège^  1883. 

KNOB  (Hermann),  architecte  allemand,  né  à  Niesse 
(Lippe-Detmold)  en  1655,  mort  à  Brunswick  le  23  déc. 
1735.  Après  avoir  pratiqué  la  menuiserie,  Knob  fut,  à  la 
suite  d'un  voyage  fait  en  France  et  en  Italie  en  compagnie 
du  duc  Antoine-Ulrich  de  Brunswick,  nommé  en  1704 
architecte  du  duché  ei  y  fit  élever  de  nombreux  édifices 
dont  l'église  prolestante  de  la  garnison  et  la  bibliothèque 
à  Wolfenbùttel,  le  tribunal  à  Brunswick,  les  châteaux  de 
Hudensburg  et  le  château  de  Salzdahlen,  ce  Versailles 
ou  plutôt  ceMarly  du  Brunswick,  que  fit  démolir  le  roi  Jé- 
rôme de  Westphalie  en  1811  ;  Knob  fit  encore  reconstruire 
le  château  de  Wolfenbiittel  et  dessina  plusieurs  résidences 
privées  dans  cette  ville  et  à  Brunswick.       Charles  LrcAs. 

KNOB  EL  (Karl-August),  théologien  allemand,  né  à 
Tzschecheln  le  7  août  1807,  mort  à  Giessen  le  25  mai  1 863. 
Il  professa  la  théologie  et  spécialement  l'exégèse  de  l'An- 
cien Testament  à  Breslau  depuis  1831 ,  et  à  Giessen  à  par- 
tir de  1836.  H  appartient  à  l'école  rationaliste.  Ses  prin- 
cipaux ouvrages  furent  des  commentaires  :  Koheleth  (1836); 
Jesaias  (1861,  3«  éd.)  ;  Genesis  (1860, 2*^  éd.);  Exodus 
und  Leviticus  (1858)  ;  Numeri^  Deuteronomium  und 
Josua  (1861);  Die  Volkertafel  der  Genesis  {:im^). 

KNOBELSDORFF  (llans-Georg-Wenceslaus,  baron  de), 
architecte  allemand,  né  à  Kuckschaedel  en  Lusace  (Saxe) 
le  17  févr.  1697,  mort  à  Berlin  le  16  sept.  1753. 
Après  avoir  servi  comme  officier  jusqu'à  l'âge  de  trente- 
trois  ans,  Knobelsdorff  étudia  l'architecture  auprès  de  Wei- 
demann,  Kemmeter  et  de  Wangenheim,  fit  un  long  voyage 
en  France  et  en  Italie  et  gagna  la  faveur  du  prince  héré- 
ditaire de  Prusse,  Frédéric  qui,  lors  de  son  avènement  à 
la  couronne,  le  nomma  surintendant  de  tous  les  châteaux, 
maisons  et  jardins  royaux  et  directeur  en  chef  de  toutes 
les  constructions  royales.  On  doit  à  cet  architecte,  qui 
s'inspira  surtout  du  style  rocaille  pour  faire  décorer  à  l'aide 


KNOBELSDORFF  -  KNOLLES 


574 


d'artistes  soavent  français  les  intérieurs  des  édifices  dont 
il  dessinait  les  façades  en  style  classique,  les  œuvres  sui- 
vantes :  rOpéra  de  Berlin,  le  château  de  Charlottenburg  et 
une  aile  du  château  de  Mon  Bijou,  le  château  et  une  partie  de 
la  ville  dePotsdam,  le  château  de  Sans-Souci,  etc.  Knobels- 
dorff  fit  aussi  dessiner,  à  l'imitation  du  parc  de  Versailles, 
le  parc  de  Potsdam  et  la  promenade  appelée  Thiergarten  ; 
mais  à  la  suite  de  froissements  avec  le  roi  de  Prusse,  qui 
trouvait  l'architecture  extérieure  de  Knobelsdorfftrop  sévère, 
ce  dernier  entra  au  service  du  prince  Léopold-Maximilien 
de  Bavière  pour  lequel  il  commença  en  4  748  la  recons- 
truction de  Dessau  achevée  en  1777  par  Erdmansdorlï*. 

KNOBLAUCH  (Eduard),  architecte  allemand,  né  à 
Berlin  le  25  mai  1801,  mort  à  Berlin  le  29  mai  1869. 
Elève  de  Schinkel,  il  a  construit  beaucoup  des  maisons  du 
nouveau  Berlin  dans  les  quartiers  élégants  de  l'O.  ;  ses 
chefs-d'œuvre  sont  l'hôtel  de  l'ambassade  russe,  «  Sous 
les  Tilleuls  »,  et  la  nouvelle  synagogue  en  style  mauresque 
(1866). 

KNOCKMEAKDOWN  (V.  Irlande,  t.  XX,  p.  948). 
KNŒS  (Anders-Olofsson),  théologien  suédois,  né  à  Ma- 
rienstad  en  1721,  mort  en  1799.  A  vingt-deux  ans,  Knœs 
publia  à  Upsal  une  thèse  :  De  Principiis  et  nexu  religio- 
nis  revelatœ  et  naturalisa  qui  souleva  une  vive  opposi- 
tion de  la  part  de  la  faculté  et  fit  connaître  jusqu'en  Alle- 
magne le  nom  du  jeune  «  filosofie  magister  ».  Dans  ce 
travail  Knœs  avait  soutenu,  avec  une  très  grande  énergie, 
les  théories  du  philosophe  allemand  Wolf  ;  il  se  détacha 
cependant  graduellement  de  la  philosophie  théorique  pour 
un  christianisme  essentiellement  pratique  et,  en  1747,  se 
fit  consacrer  pasteur.  Cela  ne  l'empêcha  pas  de  se  pré- 
senter par  la  suite  deux  fois,  mais  en  vain,  aux  fonctions 
de  professeur  de  théologie  à  l'université  d'Upsal.  Il  était,  à 
sa  mort,  pasteur  à  Skara.  Ses  œuvres  principales  sont  : 
Jnstitutiones  theologiœ  practicœ  (il6H)  ;  Compendium 
theologiœ  practicœ  (1773)  ;  Lettres  à  N.  N.  sur  la  re- 
ligion et  la  vraie  morale  (en  suédois,  1784). 

KNŒS  (Olof- Andersen),  bibliophile  et  historien  suédois, 
né  près  de  Skara  en  1756,  mort  en  1804.  Fils  du  précé- 
dent, il  fit  ses  études  de  philosophie  à  Upsal  et,  après  soii 
examen  de  candidat,  fut  nommé  sous-bibliothécaire  à  Stock- 
holm. Par  la  suite,  appelé  comme  professeur  adjoint  à 
Puniversité  d'Upsal,  il  ne  réussit  pas,  malgré  ses  très  réels 
mérites,  à  se  faire  élire  professeur  titulaire;  candidat 
aux  fonctions  de  vice-bibliothécaire  de  l'université,  il  n'eut 
pas  plus  de  succès.  Découragé,  il  se  fit  nommer  professeur 
de  grec  au  lycée  de  Skara.  Ses  ouvrages  sont  très  nom- 
breux. Parmi  les  plus  importants  il  faut  citer  :  Historiola 
literariapoetarum  Vestrogothiœ  latinorum  (l776-9t))  ; 
Historia  academiœ  Upsaliensis  (1783-95)  ;  Reperto- 
rium  Sueciœ  biograpfiicum,  etc.  Il  est  en  outre  un  des 
fondateurs  de  la  Société  suédoise  d'histoire.        Th.  C. 

KNŒS  (Gustaf),  orientaliste  et  théologien  suédois,  né  à 
Skara  en  1773,  mort  en  1828.  Frère  du  précédent,  il  eut 
plus  de  bonheur  que  lui  dans  sa  carrière  académique  et  fut 
professeur  de  langues  orientales  à  l'université.  Avec  son 
frère,  il  publia  une  traduction  des  poésies  d' 0^5 mn  et,  sans 
collaborateur,  une  Chrestomatia  syriaca  (Gœttingue, 
1 807)  et  une  étude,  De  Lingua  Sabœorum,  Mais  ce  qui  le  fit 
surtout  connaître  ce  sont  deux  opuscules  en  suédois,  où  il 
se  révèle  ardent  svedenborgien  :  Dialogue  avec  moi-même 
sur  le  Monde  y  les  Hommes  et  Dieu  (1824)  et  Essai 
d'explication  de  quelques  questions  importantes  ([S'il). 
KNŒS  (Thecla-Levina-Andrietta),  fille  du  précédent, 
poète  et  romancière  suédoise,  née  à  Upsal  en  1815,  morte 
aliénée  à  l'hôpital  de  Vexiô  en  1880.  En  1851,  elle  gagna 
le  grand  prix  de  poésie  de  l'Académie  suédoise,  avec  un 
poème  sur  Ragnar  Lodbrok.  Elle  publia  ensuite  plusieurs 
recueils  de  poésies  et  de  nouvelles:  T7'èfle  à  quatre 
feuilles (Pyrsàplingen), Muguets  (Konvaljerna), etc.  Après 
sa  mort,  la  comtesse  A.  Hamilton  a  publié  d'elle  des  Notes 
(1881)  très  intéressantes. 

KNŒS  (Olof-Wilhelm),  helléniste  suédois,  né  en  1838. 


Professeur  à  Upsal,  il  a  publié  un  excellent  Manuel  d'ar- 
chéologie grecque,  des  éditions  de  classiques  fort  estimées, 
et  plusieurs  Etudes  sur  la  langue  grecque.  —  Son  frère 
Theodor  (1849-78)  est  l'auteur  d'un  très  intéressant  ou- 
vrage sur  la  Corse  intitulé  Skildringar  (descriptions), 
Frân  Korsika.  Th.  C. 

KNOLL  (Konrad),  sculpteur  allemand,  né  àBergzabern 
(Palatinat)  le  9  sept.  1829.  Il  étudia  tour  à  tour  à  Karls- 
ruhe,  à  Stuttgart,  à  Munich,  et  devint  professeur  au  Poly- 
technicum  de  cette  dernière  ville.  Il  fut  un  des  artistes  qui 
collaborèrent  à  la  restauration  de  la  Wartbourg.  Sa  pre- 
mière grande  œuvre.  Bouclier^  avec  un  cycle  de  bas-reliefs 
tirés  de  la  légende  àaTannhœuser,  fut  suivie  d'une  Coupe 
pour  l'association  des  étudiants  d'Iéna,  d'une  Sapho  en 
marbre  pour  le  roi  Louis  II,  du  Wolfram  d'Eschenbach, 
de  la  Fontaine  au  poissoîi  de  Munich,  des  figures  de 
bronze  de  Henri  le  Lion  et  de  Louis  de  Bavière  (id.),  de 
la  statue  de  Palm  (Braunau),  du  buste  de  l'historien 
Hœusser  (Heidelberg),  de  la  fontaine  de  Ltither  (Eisendich) , 
Parmi  ses  derniers  travaux,  nous  citerons  :  le  buste  co- 
lossal de  Beethoven,  le  monument  du  poète  Melchior  Meyr 
pour  Nordlingen,  et  le  buste  de  l'Empereur  d  Allemagne 
pour  Eberfeld. 

KNOLLER  (Martin),  peintre  autrichien,  né  à  Steinach 
(Tirol)  en  1728,  mort  à  Milan  en  1804.  Emmené  à  Vienne 
par  Troger,  qui  avait  deviné  son  talent  naissant,  il  y  eut, 
en  1753,  le  grand  prix  pour  son  Tobie  fermant  les  yeux 
de  son  père.  L'année  suivante,  il  alla  à  Borne,  où  il 
changea  sa  manière,  puis  (1756)  à  Milan,  où  il  devint 
peintre  de  la  cour,  professeur  à  l'Académie,  et  fut  anobli 
par  Marie-Thérèse  pour  une  copie  d'après  Baphaël.  Parmi 
ses  meilleures  œuvres,  nous  citerons:  des  fresques  au 
cloître  d'Ettal  (Tirol),  à  celui  de  Gries,  à  l'église  de  Vol- 
ders,  Apothéose  d'Albert  le  Grand  (Milan)";  Moïse  fai- 
sant Jaillir  l'eau  du  rocher  (Varese);  Ascension  de 
Marie,  Naissance  du  Christ  (Meran)  ;  Résurrection  du 
Christ,  et  Purification  (Neresheim). 

KNOLLES  (Sir  Bobert),  capitaine  anglais,  mort  en 
1407.  Originaire  du  Cheshire,  de  bonne  famille,  il  servit 
d'abord  sous  sir  Thomas  Dagworth  au  siège  de  La  Boche- 
Derrien,  en  juil.  1346.  Il  était  déjà  chevalier  en  1351, 
quand  il  prit  part  au  fameux  combat  des  Trente.  Après  avoir 
servi  plusieurs  années  en  Bretagne,  il  amena  300  hommes 
et  500  archers,  en  1356,  pour  aider  Henry  de  Lancastre 
à  ravager  la  Normandie.  En  1357,  il  assista  au  siège  de 
Bennes  et  battit  les  Français  devant  Honfleur.  Il  avait  dès 
lors  organisé  sa  «  grande  Compagnie  »,  à  la  tête  de  laquelle 
il  ravagea  méthodiquement,  pendant  longtemps,  la  Nor- 
mandie et  la  vallée  de  la  Loire  sous  son  propre  drapeau. 
Le  10  mars  1359,  il  s'empara  de  la  ville  d'Auxerre,  dont 
il  tira  une  rançon  énorme  ;  la  même  année,  il  parla,  dit- 
on,  d'aller  chercher  le  pape  dans  Avignon,  et  il  fit  Du 
Guesclin  prisonnier,  en  Bretagne.  Jean  de  Montfort  n'eut 
pas  de  capitaine  plus  affidé  que  lui  dans  sa  lutte  contre 
Charles  de  Blois  ;  on  le  trouve  en  sept.  1364  au  siège  d'Au- 
ray,  et  il  contribua  grandement  au  gain  de  la  bataille 
d'Auray  (29  sept.),  où  Charles  de  Blois  fut  tué.  De  Jean 
de  Montfort,  il  reçut  en  récompense  les  seigneuries  de  Der- 
val  et  de  Bougé.  En  1367,  il  accompagna  le  prince  Noir 
dans  son  ex  pédition  au  delà  des  Pyrénées  et  se  battit  très 
bien  à  Najara  (3  avr.).  Ses  campagnes  de  1363  et  de 
1370  en  Aquitaine  et  en  Poitou  furent  assez  heureuses. 
Il  était  à  Derval  quand  Edouard  III  lui  offrit  le  comman- 
dement d'une  armée  d'invasion,  forte  de  1,500  hommes 
d'armes  et  de  4,000  archers,  qui  partit  en  effet  de  Calais 
sous  ses  ordres  le  22  juil.  1370.  Il  pilla  les  faubourgs 
d'Arras,  fit  des  démonstrations  devant  Beims  et  Paris, 
sans  réussir  à  décider  les  Français  au  combat.  Cependant 
la  discipline  de  son  armée  laissant  à  désirer,  les  jeunes  sei- 
gneurs qui  s'y  trouvaient  ne  cachaient  pas  leur  mépris  pour 
l'aventurier,  le  «  vieux  bandit  »  qui  leur  avait  été  donné 
comme  chef;  ils  se  firent  battre  par  Du  Guesclin  à  Pont- 
vallain  (4  déc),  et  KnoUes,  réduit  à  l'impuissance,  re- 


-.  575- 


KNOLLES  -  KNOMING 


tourna  à  Derval.  Cet  échec  diminua  la  situation  de  Knolies 
en  Angleterre,  mais  le  «  sire  de  Dervai  »  demeura  en  Bre- 
tagne l'homme  de  confiance  de  Jean  de  Montfort  ;  il  réus- 
sit, en  1373,  à  faire  lever  à  Du  Guesclin  le  siège  de  Der- 
val. On  le  trouva  ensuite  guerroyant  en  Aquitaine  (1374), 
contre  les  Espagnols  (1377),  avec Texpédition  de  Thomas, 
comte  de  Buckingham,  qui  fit  en  1380  une  promenade  mi- 
litaire, de  Calais  par  la  Champagne  et  la  vallée  de  la  Loire, 
en  Bretagne.  En  avr.  1381,  il  était  de  retour  en  Anglo- 
terre.  Il  aida  Richard  II  à  réprimer  la  rébelhon  de  Wat 
Tyler.  Après  cela,  il  vécut  dans  le  retraite,  soit  à  Londres, 
soit  à  Sculthorpe,  en  Norfolk.  11  avait  amassé  une  fortune 
énorme  et  prêta  fréquemment  de  l'argent  à  Richard  II . 
Avec  ses  rivaux  en  brigandage,  sir  John  Hawkwood  et  sir 
Hugh  de  Calveley,  il  fonda  un  hôpital  anglais  à  Rome. 
Une  Knolies  Almeshouse^  (ja'ilîonàsik  Pontefract,  existe 
encore  aujourd'hui.  —  Marié  avant  1360,  Robert  Knolies 
n'a  pas  laissé  d'enfants  légitimes.  —  Son  nom,  que  les 
Anglais  écrivaient  Knolies,  Knowles  ou  Knollys,  est  défi- 
guré, dans  les  écrits  français,  en  Canole  ou  Canolles.    L. 

KNOLIES  (Richard),  historien  anglais,  né  vers  1;550, 
mort  avant  juil.  1610.  Fellow  de  Lincoln  Collège,  à  Ox- 
ford, il  fut  invité,  après  1371,  par  sir  Peter  Manwood,  à 
prendre  la  direction  de  l'école  secondaire  de  Sandwich 
(Kent).  On  ne  sait  rien  de  plus  sur  sa  vie.  Knolies  est  connu 
comme  l'auteur  d'une  Gêner  ail  Historié  of  the  Turkes 
from  the  first  beginning  ofthatNatio7i  (Londres,  1603, 
in-foL),  sans  valeur  historique,  mais  qui  passe  pour  bien 
écrite;  cet  ouvrage  fut  souvent  réédité  au  xvn^  siècle  ;  la 
dernière  édition,  revue  et  augmentée,  parut  de  1687  à  1700, 
en  3  vol.  in-foL,  par  les  soins  de  sir  Paul  Rycaut.  Sou- 
they,  Hallam,  ont  fait  l'éloge  du  livre  de  Knolies.  Byron, 
peu  de  temps  avant  sa  mort,  écrivait  :  Old  Knolies  ivas 
one  of  the  first  books  that  gave  me  pleasure  when  a 
child;  and  I  believe,..  it  gave  perhaps  the  oriental 
colouring  which  is  observed  in  my  poetry.  Knolies  a 
publié  une  traduction  en  anglais  de  la  République  de  Bo- 
din  (1606),  et  traduit  la  Britannia  de  Camden.      L. 

KNOLLYS  (bir  Francis),  homme  d'Etat  anglais,  né  vers 
1514,  mort  le  19  juil.  1596.  Elu  membre  de  la  Chambre 
des  communes  en  1542  par  Horsham,  et  protestant  zélé,  il 
fit  une  violente  opposition  au  gouvernement  à  Favènement 
de  Marie  et  crut  prudent  de  passer  en  Allemagne.  Il  avait 
été  déjà  en  relations  des  plus  étroites  avec  Elisabeth.  Aussi 
lorsqu'elle  monta  sur  le  trône,  le  nomma-t-elle  vice-cham- 
bellan de  sa  maison  (1558).  Réélu  député  par  le  comté 
d'Oxford  en  1572,  il  le  représenta  jusqu'à  sa  mort  ;  il  oc- 
cupa, grâce  à  son  amitié  avec  la  reine,  de  hautes  fonctions, 
et,  avec  une  grande  indépendance  de  caractère,  lui  donna 
souvent  des  conseils  qui  étaient  loin  de  lui  plaire.  Il  fut 
chargé  en  1568  de  la  tâche  délicate  de  surveiller  Marie 
Stuart  à  Carlisle,  puis  à  Bolton.  Excédé  de  ses  responsabi- 
lités, il  réclama  à  plusieurs  reprises  son  rappel,  mais  en 
vain,  jusqu'au  jour  où  Marie  fut  conduite  àTutbury  (1571). 
Il  figura  dans  les  procès  du  jésuite  Campion,  de  Parry,  de 
Babington  et  dans  celui  de  Marie  Stuart  (1586).  Il  réclama 
au  Parlement  et  au  conseil  privé  l'exécution  immédiate  de 
la  reine  (1587).  En  même  temps,  il  s'occupait  passionné- 
ment de  polémique  religieuse  et  écrivit  même  un  volume 
sur  V Usurpation  op  Papal  bishops  (Londres,  1608,  in-8). 
Une  partie  de  sa  correspondance  a  été  publiée  par  Wright 
dans  son  ouvrage  sur  la  reine  Elisabeth.  —  Son  fils,  Wil- 
liam (1547-1632),  fut  créé  comte  de  Banbury  par 
Charles  P^  le  18  août  1626.  R.  S. 

BiBL.  :  Naunton,  Queen  Elizabeth's  Favourites.  —  Pe- 
digree of  the  family  of  Knollys,  1810. 

KNOLLYS  (Sir  Williams-Thomas),  général  anglais,  né 
le  i^^  août  1797,  mort  à  Westminster  le  23  juin  1883. 
Après  avoir  fait  les  campagnes  d'Espagne,  il  était  en  1850 
parvenu  au  grade  de  colonel  lorsqu'il  fut  désigné  pour  faire 
l'instruction  militaire  du  prince  Albert  qui  le  fit  nommer 
major  général  en  1854.  En  1855,  Knollys  fut  envoyé  à 
Paris  pour  étudier  notre  système  d'intendance;  puis  il  fut 


chargé  d'organiser  le  camp  d'expérience  et  d'instruction 
d'Aldershot  et  reçut  enfin  (1862)  le  poste  de  confiance  de 
trésorier  de  la  maison  du  prince  de  Galles  qu'il  occupa  pen- 
dant quinze  ans.  On  a  de  lui  :  Some  Remarks  on  the 
claim  to  the  Earldom  of  Banbury  (Londres,  1835, 
in-8)  et  A  Journal  of  the  Russian  campaign  of  i8i2 
(1852,  in-8),  traduit  de  l'ouvrage  du  duc  de  Fezensac. 

KNOOP  (Guillaume-Jean),  général  hollandais,  né  à  De- 
venter  en  1811.  Il  a  publié  un  grand  nombre  d'ouvrages 
d'histoire  militaire  très  appréciés  ;  ils  ont  été  réunis  sous  le 
tftre:  Etudes  militaires  et  historiques  (en  holL,  Schie- 
dam,  1862-68,  8  vol.  in-8).  Son  travail  sur  la  Révolu- 
tion belge  de  i830  {id.,  La  Haye,  1886.  in-8)  a  donné 
lieu  à  de  vives  polémiques  (V.  Eenens). 

KNOP  (Johann),  chimiste  et  naturaliste  allemand,  né  à 
Alternau,  dans  le  Harz,  le  28  juin  1817.  Il  a  été  profes- 
seur d'histoire  naturelle,  puis  de  chimie,  à  Leipzig.  On  lui 
doit  de  nombreux  travaux  de  chimie  organique  et  de  physio 
logie  végétale,  dont  il  a  publié  les  résultats  dans  la  Phar- 
maceutische  Centralblatt^  devenue  la  Chemische  Cen- 
tralblatt  et  fondée  par  lui  en  18i8.  Ces  travaux  ont  porté 
notamment  sur  le  phosphore,  le  brome  et  leurs  composés, 
sur  les  poids  spécifiques  du  gaz  et  de  la  vapeur  d'eau,  sur 
la  respiration  des  plantes.  Il  a  été  aidé  dans  ses  recherches 
par  son  frère  cadet,  Adolphe  né  en  1828,  professeur  de 
minéralogie  à  l'université  de  Giessen.  L.  S. 

KNORR  (Georg-Wolfgang) ,  graveur  et  dessinateur  alle- 
mand, né  à  Nuremberg  le  30  déc.  1705,  mort  le  17  sept. 
1761.  Elève  du  graveur  Leonhard  Blanc,  il  publia  d'abord 
des  vues  de  la  région  nurembergeoise  dessinées  par  Dietsch, 
des  Dialogues  des  morts  entre  Albert  Durer  et  Raphaël 
d'Urbin,  une  Histoire  générale  des  artistes,  puis  des  ou- 
vrages scientifiques  :  Thésaurus  rei  herbariœ  horten- 
sisque  ufiiversalis  (Nuremberg,  1750,  in-fol.)  ;  Monu- 
mentonim  et  aliarum  quce  ad  sepulcra  veterum  per- 
tinent rerum,  avec  Wilhelm  Stôr  (id.,  1753)  ;  Recueil 
de  monuments  {id,^  1768-78, 5  vol.  in-fol.)  ;  les  Délices 
des  yeux  et  de  l'esprit  ou  Collection  générale  des  co- 
quillages de  la  mer  (3  vol.  in-4)  ;  Deliciœ  naturœ 
selectœ  (1766-77);  les  Délices  physiques  choisies 
(1769-76,  2  vol.). 

KNORR  (Hugo),  peintre  allemand,  né  à  Kœnigsberg 
en  1834.  Il  étudia  à  l'Académie  de  cette  ville,  acheva  de  se 
former  sous  Behrendsen,  et  devint  en  1873  professeur  au 
Polytechnicum  de  Karisruhe.  Parmi  ses  œuvres,  nous  cite 
rons  :  Après  et  Avant  la  tempête.  Ronde  de  Sorcières  au 
Brocken,  Glacier  de  Norvège,  Fiord  Hardanger,  la 
Saga  de  Frithiof,  Ce  que  la  lune  éclaire,  le  Roi  Hiver* 
Ses  derniers  tableaux  sont  inspirés  des  monts  de  la  Bavière. 

KNORRIA  {Knorria  Sternb.)  (Paléont.  végét.).  Genre 
de  Lépidodendrées,  représenté  par  des  espèces  assez  nom- 
breuses dans  les  couches  inférieures  du  terrain  carbonifère, 
notamment  dans  le  culm  de  la  Silésie,  du  Harz,  etc.  Le 
K.  imbricata  a  été  trouvé  en  Nassau,  dans  les  Vosges,  en 
Westphalie  et  en  Silésie  ;  le  K.  Ba^/^m/î-a  appartient  au  vieux 
grès  rouge  d'Irlande.  —  On  rencontre  généralement  le  Knor- 
ria sous  la  forme  de  gros  troncs  qui  se  bifurquent  plusieurs 
fois  vers  le  haut.  Lorsque  l'écorce  est  conservée,  on  y  re- 
marque des  cicatrices  losangiques  allongées;  lorsqu'elle 
manque,  la  surface  des  troncs  présente  une  série  de  saillies 
imbriquées  qui  sont  d'origine  sous-corticale  plutôt  que  fo- 
liaire, comme  le  veulent  quelques  paléontologistes.  D"^  L.  Hn. 

KNORRING  (Frans-Peter  von),  prêtre  et  écrivain  fin- 
landais, né  à  Kumo  en  1792,  mort  en  1835.  Professeur 
pendant  plusieurs  années  à  l'Ecole  de  guerre,  Jl  mourut 
pasteur  de  la  paroisse  de  Finstrom,  dans  l'île  d'Aland.  Son 
plus  important  ouvrage  est  une  étude  sur  la  Finlande, 
Gamla  Finland  eller  det  fordna  Wiborska  gouverne- 
mentet  (Âbo,  1833,  in-18,avec  statistiques  et  tables). 

KNORRING  (Sofia-Margareta  de), romancière  suédoise, 
née  à  Grâfsnâs  en  1797,  morte  en  1848.  Elle  était  fille 
du  lieutenant-colonel  de  Zelow  et  épousa,  à  vingt-trois 
ans,  un  de  ses  cousins,  major  dans  l'armée  suédoise.  Elle 


KNORRING  —  KNOX 


576 


eut,  en  18:^7,  une  congestion  pulmonaire,  dont  elle  ne  se 
remit  jamais  tout  à  fait,  et  elle  passa  le  reste  de  son  exis- 
tence en  grande  partie  dans  sa  chambre  de  malade.  Elle 
composa  son  premier  roman,  les  Cousins  (trad.  en  franc, 
par  M"^°  du  Pugel),  vers  1832,  pour  distraire  et  consoler 
une  sœur  qui  avait  perdu  coup  sur  coup  son  mari  et  son 
enfant;  ce  roman,  elle  le  publia  sans  se  nommer,  après 
avoir  longtemps  résisté  aux  instances  de  ses  amis,  en  1834, 
pour  pouvoir  faire  à  son  mari  un  présent  qu'elle  savait 
devoir  lui  être  agréable.  L'auteur  des  Cousins  (c'est  sous 
ce  nom  que  parurent  tous  ses  ouvrages)  était  une  nature 
généreuse,  noble  et  délicate.  Ses  romans,  d'un  style  simple 
et  élégant,  d'une  psychologie  fine,  d'une  lecture  attrayante, 
dépeignent  surtout  la  société  aristocratique,  où  vivait  la 
romancière.  Elle  a  prouvé  cependant,  dans  ses  dernières 
œuvres,  qu'elle  comprenait  aussi  les  classes  plus  humbles 
de  la  société,  surtout  les  paysans.  Outre  les  Cousins,  il 
faut  citer:  les  Amis  (1835);  Aœel,  les  Illusions  (1836), 
des  Esquisses  (1841),  et  enfin  des  Souvenirs,  publiés 
après  la  mort  de  l'auteur  (1861).  Plusieurs  de  ces  ouvrages 
ont  été  traduits  en  allemand  et  en  anglais.         Th.  C. 

KNORTZ  (Karl),  écrivain  allemand,  né  à  Garbenheim, 
près  de  Wetzlar,  le  28  août  1841 .  Etabli  depuis  1863  aux 
Etats-Unis  (à  New  York  depuis  1882),  il  défend  les  inté- 
rêts allemands.  Parmi  ses  œuvres,  nous  citerons  :  Mœrchen 
und  Sagen  der  nordamerikanisehen  Indianer  (léna, 
4871);  Amerikanische  Skizzen  (4876);  Longfellow 
(1879);  Aus  den  Wigwam,  légendes  indiennes  (1880)  ; 
Kapital  und  Arbeitin  Amerika  (1881);  Amerikanische 
Lebensbilder  (1884)  ;  Modem  American  Lyrics  (avec 
Dickmann,  1880),  etc. 

KNOUT.  Châtiment  corporel  usité  autrefois  en  Russie. 
Le  mot  knout  veut  tout  simplement  dire  fouet  et  est  em- 
prunté au  Scandinave  (norse  knutr  ;  comparez  l'anglais  knot, 
nœud).  Le  knout  se  composait  de  lanières  de  cuir  termi- 
nées par  des  boules  de  métal.  Une  centaine  de  coups  suffi- 
sait pour  donner  la  mort.  Ce  mode  de  supplice  jouait  un 
grand  rôle  dans  l'ancienne  Russie  et  avait  été  officiellement 
consacré  par  VOulejinie  ou  code  d'Alexis  Mikhailovitch 
(xvn^  siècle).  Il  a  été  supprimé  en  1845  et  remplacé  par 
le  fouet  simple  {plet),  qui  a  été  lui-même  aboli  en  1863. 

KNOWLES  (Robert)  (V,  Knolles). 

KNOWLES  (Sir  Charles),  amiral  anglais,  né  vers  1697, 
mort  à  Londres  le  9  déc.  1777.  Entré  au  service  en  1718, 
il  se  distingua  sous  les  ordres  de  l'amiral  Vernon  à  Porto 
Rello,  à  la  prise  de  Chagres  dont  il  fut  nommé  gouverneur 
(1739)  et  participa  en  4741  à  l'expédition  de  Carthagène, 
Il  publia  alors  anonymement  un  pamphlet  très  violent 
contre  l'armée  :  An  Accou7it  of  the  expédition  to  Car- 
thagena  (1743,  in-8),  qui  fit  un  bruit  énorme.  Il  dirigea 
une  attaque  malheureuse  contre  La  Guayra  (18  févr. 
4743)  et  Porto  Cabello  (15  avr.).  Nommé  contre-amiral 
et  commandant  en  chef  à  la  Jamaïque  en  1747,  Knowles 
s'emparait  de  Port-Louis  le  8  mars  4748,  mais  échouait 
à  Santiago  le  5  avr.,  et  le  1^^  oct.  livrait  un  grand  com- 
bat à  la  flotte  espagnole  d'où  il  sortit  vainqueur,  mais  fort 
endommagé.  Traduit  devant  une  cour  martiale,  il  fut  con- 
damné à  la  réprimande.  Il  redevint  gouverneur  de  la  Ja- 
maïque en  1752.  Il  y  exerça  sans  ménagement  les  droits 
de  la  métropole,  transportant,  malgré  de  vives  récrimina- 
tions, le  siège  du  gouvernement  à  Kingston  et  fut  rappelé 
en  1756.  Il  commanda  en  second  l'expédition  contre  Roche- 
fort  qui  tourna  à  la  confusion  des  Anglais.  Violemment 
attaqué,  il  se  défendit  en  publiant  :  The  Conduct  of  admi- 
rai Knowles  (4757).  Amiral  en  4760,  il  remplit  de  4770 
à  4774  des  fonctions  administratives  dans  l'état-major 
russe.  R.  S. 

KNOWLES  (James-Sheridan),  auteur  dramatique  an- 
glais, né  à  Cork  le  12  mai  4  784,  mort  le  30  nov.  4862. 
Il  eut  de  bonne  heure  du  goût  pour  le  théâtre,  et  à  dix  ans 
il  composait  une  ballade,  The  Welch  Harper,  qui  est  restée 
populaire.  Après  de  nombreux  avatars  (enseigne,  étudiant 
en  médecine,  acteur,  instituteur),  écrivant  des  pièces  de 


théâtre  jouées  en  province,  il  devint  tout  à  coup  célèbre 
après  la  représentation  à  Covent  Garden  (4820)  d'une  tra- 
gédie, Virginius,  qui  eut  un  grand  succès.  Rientôt  sa 
réputation  était  faite  et  il  fut  un  des  auteurs  dramatiques 
les  plus  populaires  de  son  temps.  Citons  de  lui  :  Caius 
Gracchus  (1815,  tragédie)  ;  The  Beggafs  daughter 
(1828)  ;  The  Love  Chase  (1837)  ;  Old  Maids  (4841), 
comédies;  des  poésies:  Fugitive  Pièces  (1818);  Léo  or 
the  Gipsy  (4840)  ;  Brian  Boroihme  (4841)  ;  des  nou- 
velles :  Taies  and  Novelettes  (1832-43);  des  Lectures 
on  dramatic  literature  (1820-50),  etc.  R.  S. 

BiBL.:  R.-B.  Knowles,  Life  of  J.-S.  K.;  Londres,  1872. 
KNOX  (John),  réformateur  écossais,  né  à  Giflordgate 
(Haddington)  en  4505,  mort  le  24  nov.  4572.  Après  avoir 
étudié  à  l'école  de  Haddington,  il  fut  immatriculé  en  4522 
à  l'université  de  Glasgow,  où  il  entendit  les  leçons  de  John 
Major.  Entré  dans  les  ordres  sacrés,  il  exerça  ensuite  la 
profession  de  notaire  apostolique  à  Haddington.  Mais  c'est 
à  partir  de  4  544  seulement  que  son  autobiographie  fait 
connaître  sa  carrière.  Ayant  adopté  les  principes  de  la  Ré- 
forme, il  abandonna  la  prêtrise  et  le  notariat  pour  devenir 
précepteur  des  enfants  de  Hugh  Douglas  of  Longniddry  et 
du  fils  du  laird  de  Ormiston.  Là,  il  fut  mis  en  relation  avec 
le  luthérien  Wishart,  qui,  fuyant  la  persécution,  avait 
trouvé  un  asile  dans  le  LothianI  On  sait  qne  Wishart,  cap- 
turé par  Bothwell  à  Ormiston,  fut  brûlé  comme  hérétique  à 
Saint-Andrews  (4«r  mars  4546)  et  que,  le  29  mai,  le  car- 
dinal Reaton  fut  assassiné  par  les  amis  de  Wishart.  Knox, 
assiégé  avec  les  meurtriers  dans  le  château  de  Saint-An- 
drews, y  prêcha  si  bien  qu'il  fut  choisi  comme  ministre  et 
prédicateur.  Pris  en  juil.  4547  par  la  régente  et  les  Fran- 
çais, il  fut  embarqué  sur  les  galères  françaises,  où  il  passa 
(à  Fécamp,  Rouen  et  Nantes)  plusieurs  mois.  Edouard  VI 
obtint,  en  févr.  4549,  sa  mise  en  liberté,  et  il  fut  envoyé 
par  le  conseil  privé  à  Berwick,  sur  la  frontière  d'Ecosse, 
où  il  prêcha  deux  ans.  Puis  il  officia  à  Newcastle,  avec 
le  titre  de  chapelain  royal.  Il  prêcha  devant  le  roi,  et  re- 
fusa, dit-on,  l'évêché  de  Rochester  et  une  cure  à  Londres, 
parce  que  la  discipline  de  l'Eglise  anglicane  ne  lui  parais- 
sait pas  assez  éloignée  de  celle  de  l'Eglise  de  Rome.  A  l'avè- 
nement de  Marie  Tudor,  il  s'enfuit  à  Dieppe.  H  était  alors 
marié  à  Marjory,  fille  de  Richard  Bowes  of  Streatlam 
Castle,  dont  il  avait  connu  la  mère  à  Rerwick;  comme  Mrs. 
Bowes,  d'un  tempérament  mystique  et  mélancolique,  aban- 
donna son  mari  pour  suivre  son  beau-fils  dans  l'exil,  on  ne 
laissa  pas  de  jaser.  An  printemps  de  4554,  il  fut  présenté 
à  Calvin,  à  Genève.  Les  réfugiés  anglais  de  Francfort-sur- 
le-Main  l'appelèrent  comme  pasteur,  mais  l'excès  de  son 
puritanisme  choqua  la  majorité  d'entre  eux,  et,  après  de 
désagréables  débats  entre  knoxiens  et  coxiens  (partisans 
du  Dr.  Richard  Cox),  il  fut  expulsé  de  Francfort.  En  nov. 
4555,  il  reparut  à  Berwick  :  la  Réformation  avait  fait  de 
grands  progrès  dans  son  pays  natal  ;  il  put  prêcher  à  Edim- 
bourg, dans  la  maison  de  James  Sym,  à  Dan ,  dans  le 
West  Lothian,  dans  l'Ayrshire,  partout  accueilli  avec  en- 
thousiasme parla  petite  noblesse  et  les  bourgeois  ;  il  écrivit 
en  4556  sa  fameuse  Letter  to  the  queen  dowager,  que 
le  comte  de  Glencairn  présenta  à  Marie  de  Guise.  A  la  fiin 
de  l'été  4556,  il  était  de  retour  à  Genève,  où  il  prit  la  di- 
rection de  la  congrégation  anglaise  et  entra  dans  l'intimité 
de  Calvin.  On  le  voit  en  4557  prêcher  non  seulement  à 
Genève,  mais  à  Dieppe  et  à  La  Rochelle.  Il  se  garda  bien, 
cette  année-là,  de  retourner  en  Ecosse,  malgré  l'invi- 
tation pressante  des  comtes  d'Argyll,  de  Lorne,  de  Glen- 
cairn, etc.  ;  peut-être  eût-il  partage  le  sort  de  Walter  Milne 
gui  fut  alors  martyrisé  par  la  réaction  catholique.  En  4558, 
il  ne  publia  pas  moins  de  six  tracts,  à  Genève,  sur  les  affaires 
d'Ecosse;  l'un  d'eux,  The  First  Blast  of  the  trumpet 
against  the  monstrous  régiment  of  ivomen  est  une 
violente  invective  contre  les  femmes  qui  se  mêlent  de  gou- 
verner ;  Knox  pensait,  en  l'écrivant,  à  Marie  Tudor,  Ca- 
therine de  Médicis,  Marie  de  Guise,  si  hostiles  à  la  Réfor- 
mation, mais  il  n'avait  pas  prévu  Tavènement  d'Elisabeth 


—  577  — 


KNOX  -  KNUD 


(17  nov.  1558),  d'une  femme,  protectrice  des  réformés. 
Elisabeth  fut  cruellement  offensée  par  l'inopportune  trom- 
pette de  Knox,  et  son  attitude  à  l'égard  de  la  Réformation 
écossaise  s'en  ressentit  toujours.  Knox  quitta  Genève  en 
janv.  1559.  Il  prêcha  à  Perth,  à  Saint- Andrews,  et  ses 
auditeurs  démolirent  les  monastères  ;  la  «Congrégation  »  le 
suivit  en  armes  à  Edimbourg,  à  Stirling.  Encouragé  par 
l'adhésion  d'un  grand  nombre  de  nobles  et  par  l'espoir  des 
secours  de  l'Angleterre,  alarmé,  d'autre  part,  par  les  ren- 
forts envoyés  de  France  à  Marie  de  Guise,  il  fit  prendre  à 
la  «  Convention  »  d'Edimbourg,  le  21  oct.  1559,  la  ré- 
solution radicale  de  déposer  la  régente.  D'abord  battus 
devant  Leith,  les  réformés  obtinrent  enfin  l'appui  d'une 
flotte  anglaise  (traité  de  Berwick,  27  févr.  1560),  Le  Par- 
lement d'août  1560  adopta  solennellement  la  confession  de 
foi  préparée  par  Knox,  et  punit  de  mort  la  célébration  de 
la  messe.  Knox  rédigea  aussi  le  Fù^st  Boofc  of  discipline 
qui  organisa  l'Eglise  d'Ecosse  suivant  le  type  calviniste, 
et  le  Book  of  common  Order,  qui,  jusqu'au  temps  de 
Charles  P^,  tint  en  Ecosse  la  place  du  Book  of  common 
Frayer,  Il  publia  vers  le  même  temps  à  Genève  son  Trea- 
tise  on  Prédestination,  la  seule  de  ses  œuvres  qui  soit 
vraiment  d'un  théologien.  Après  la  mort  de  la  régente  et 
l'avènement  de  Marie  Stuart,  la  question  se  posa  de  savoir 
si  la  reine  serait  autorisée  à  entendre  la  messe  dans  sa  cha- 
pelle particulière.  Knox,  toujours  intransigeant,  était  hos- 
tile à  ce  compromis  :  «  Je  crains  plus,  disait-il,  une  messe 
que  dix  mille  hommes.  »  Toutefois,  il  dut  céder.  Pendant 
les  années  suivantes,  sa  situation  en  Ecosse  fût  celle  d'une 
sorte  de  dictateur  populaire  :  il  jouissait  d'une  maison  et 
de  200  marcs  de  rente  ;  la  reine  le  faisait  appeler  pour  le 
prier  de  réconcilier  le  comte  d'Argyll  avec  sa  femme,  ou  de 
se  relâcher  de  sa  sévérité  contre  les  catholiques;  un  jour, 
elle  pleura  devant  lui  ;  il  avait  déclaré  que  la  reine  ne  se 
marierait  point  avec  un  papiste  :  «  Pourquoi,  dit  Marie, 
vous  mêlez-vous  de  mon  mariage  ?  Qu'êtes-vous  dans  cet 
Etat?  »  —  «  Un  sujet,  répondit  Knox,  dont  Dieu  a  fait 
un  citoyen  profitable  de  ce  royaume.  Je  n'aime  pas  à  voir 
pleurer  les  créatures  de  Dieu  ;  je  pouvais  à  peine  suppor- 
ter les  larmes  de  mes  enfants,  quand  je  les  fouettais  ;  mais 
j'aime  mieux  voir  couler  des  larmes  royales  que  de  faire 
tort  à  la  république  par  mon  silence.  »  Mis  à  la  porte,  il 
avertit,  en  partant,  les  filles  d'honneur  que  leurs  beaux 
atours  ne  leur  serviraient  de  rien  contre  la  mort.  —  En 
1564,  Knox,  veuf  depuis  quelques  années,  se  remaria,  à 
cinquante-neuf  ans,  avec  Margaret  Stewart,  fille  de  lord 
Ochiltree,  âgée  de  seize  ans.  Quoique  peu  favorable  à  l'union 
de  Marie  avec  Darnley,  il  ne  s'y  opposa  pas.  Mais,  le 
19  août  1565,  prêchant  à  Saint-Giles  d'Edimbourg  devant 
le  jeune  roi,  il  fit  allusion  au  châtiment  subi  par  Achab 
pour  n'avoir  point  corrigé  l'idolâtrie  de  Jézabel  ;  il  publia 
ce  sermon  ;  et  le  roi  et  la  reine,  qui  avaient  voulu  lui  in- 
terdire la  prédication,  durent  quitter  Edimbourg.  On  ne 
sait  pas  bien  quel  rôle  Knox  a  joué  pendant  le  Round  about 
Raid  et  au  moment  du  meurtre  de  Rizzio.  Il  était  en  An- 
gleterre au  moment  du  meurtre  de  Darnley,  mais  il  revint 
après  la  fuite  de  Bothwell,  et  prêcha  le  sermon  au  cou- 
ronnement du  roi  Jacques  (29  juil.  1567).  Le  régent  Mur- 
ray  était  lié  avec  Knox  ;  celui-ci  fut  tout-puissant  pendant 
sa  régence  ;  la  vieillesse  était  venue,  sans  abattre  sa  vi- 
gueur :  «  Si  vous  ne  frappez  pas  à  la  racine,  écrivait-il  le 
2  janv.  1570  à  Cecil,  les  branches  mortes  reverdiront.  » 
Il  conseillait  en  ces  termes  l'exécution  de  Marie  Stuart  à 
la  veille  de  l'assassinat  de  Murray  (23  janv.).  Pendant  les 
régences  de  Lennox  et  de  Mar,  son  influence  politique  dé- 
crut, mais  il  continua  à  diriger  souverainement  l'Eglise  pres- 
bytérienne. Il  prêcha  jusqu'à  son  dernier  jour  avec  sa  véhé- 
mence accoutumée.  Le  régent  Morton  assista  à  ses  funérailles. 
—  Knox  eut  de  son  premier  mariage  deux  fils  qui  furent  fel- 
lowsde  Saint-John's  Collège,  à  Cambridge,  et  moururent 
sans  postérité  ;  de  sa  seconde  femme,  trois  filles,  dont  l'une, 
Elisabeth^  épousa  John  Welsh,  ministre  d'Ayr.  —  Après 
sa  mort,  son  secrétaire  Bannatyne  mit  en  ordre  le  manus- 

GRÂNDE   ENCYCLOPÉDIE.   —   XXI, 


critde  son  Histvryof  the  Re formation  of  the  Religioun 
within  the  Reaime  of  Scotland,  achevée  dès  1564.  Cet 
ouvrage,  le  principal  monument  de  la  prose  écossaise,  fut 
imprimé  en  partie  à  Londres  en  1584;  Buchanan  en  pu- 
blia une  édition  complète  en  1664  (Londres,  in-foL);  il  a 
été  réédité  parmi  les  œuvres  complètes  de  Knox  par  David 
Ldiing  (Knox' s  Works;  Edimbourg,  1864,  6  vol.  in-8). 
■—  Knox,  médiocre  théologien,  qui  ne  savait  pas  l'hébreu, 
fut  un  homme  d'action;  il  disait  que  sa  vocation  était 
d'«  enseigner  de  vive  voix  en  ces  temps  corrompus,  non  de 
composer  des  livres  pour  les  âges  à  venir  ».  On  l'a  com- 
paré à  0.  Cromwell  ;  mais  s'il  ressemble  au  héros  anglais  par 
l'indomptable  volonté,  il  eut  plus  d'éloquence,  moins  d'am- 
bition mondaine.  Puritain  étroit  et  dur,  il  a  modelé  l'Ecosse 
à  son  image,  celle  des  prophètes  bibliques.  Ch.-V.  Langlois. 
.nâ"^ir-  ;  Thomas  Maccrie,  Life  of  Knox;  Edimbourg, 
1872,  7«  éd.  —  Fr.  Brandes,  John  Knox;  Elberfeld,  1862, 
in-8.  ~  ^neas  Mackay,  dans  le  Dictionary  of  national 
biograpky,  XXXI,  pp.  308-328. 

KNOX  (Robert),  voyageur  anglais,  né  vers  1640,  mort 
à  Londres  en  1720.  Retenu  prisonnier  à  Ceylan,  oti  l'avait 
jeté  une  tempête,  il  ne  réussit  à  s'échapper  qu'après  plus 
de  dix-neuf  ans  de  captivité.  Il  a  laissé  une  intéressante 
relation  :  An  Historical  Relation  of  thelsland  ofCeylon 
(Londres,  1681,  in-foL),  qui  est  le  premier  ouvrage*  im- 
primé en  anglais  sur  cette  île.  Elle  a  été  souvent  réimprimée 
et  traduite  en  hollandais  (1692),  en  français  (Amsterdam, 
1693,  2  vol.  in-12),  en  allemand  (1747).  R.  S. 

KNOX  (John),  écrivain  écossais,  né  en  1720,  mort  près 
d'Edimbourg  le  1^^  août  1790.  Libraire  à  Londres,  il  se 
consacra,  après  fortune  faite,  au  développement  des  pêche- 
ries et  des  manufactures  de  l'Ecosse.  Il  a  laissé  :  A  View 
ofthe  British Empire,  more  especially  Scotland(;ilU\ 
5«  éd.,  1785,  2  vol.);  Observations  on  the  Northern 
Fisheries  (1786);  A  Tour  through  the  Highlands  of 
Scotland  and  the  Hebride  Mes  (1787),  traduction  en 
français  par  Mandat  (Paris,  1790,  2  vol.).  R.  S. 

KNOX  (Vicesimus),  écrivain  anglais,  né  à  Newington 
Grcen  (Middlesex)  le  8  déc.  1752,  mort  à  Tunbridge  le 
6  sept.  1821.  Directeur  de  l'école  de  Tunbridge  (1812), 
il  était  entré  dans  les  ordres  vers  1777  et  jouissait  d'nne 
grande  renommée  de  prédicateur.  Admirateur  passionné  de 
S.  Johnson  dont  il  a  essayé  d'imiter  le  style,  il  a  écrit  une 
infinité  d'ouvrages  qui  ont  eu  un  succès  considérable.  Ci- 
tons :  Essays  moral  and  literary  (Londres,  1778-79, 

2  vol.  in-8)  ;  Libéral  Education  (1781,  in-8  •  10«  éd 
1789,  2  vol.  in-8)  ;  Elégant  Extracts  (1783,   in-4  ; 
10*  éd.,  1816,  2  vol.  in-8)  ;  Winter  Evenings  (1788, 

3  vol.  in-12,  qu'on  réimprimait  encore  en  1823)  ;  The 
Spiritof  Despotism  (1795;  11^  éd.,  1837,  in-8),  etc. 
Ses  OEuvres  complètes  ont  été  données  en  1824.    R.  S. 

KNOX  (William),  poète  écossais,  né  à  Firth  le  17  août 
1789,  mort  à  Edimbourg  le  12  nov.  1825.  De  mœurs 
crapuleuses,  il  eut  pourtant  d'illustres  amitiés  :  Walter 
Scott,  Wilson,  etc.  Citons  de  lui  :  The  Lonely  Hearth 
(181 8)  ;  The  Songs  of  Israël  (1824)  ;  The  Haro  of  Sion 
(182^).  ^ 

KNOX  (IsaCRAiG)(V.  Craig). 

KNOX  VI  LIE.  Ville  des  Etats-Unis  (Tennessee),  sur  l'Hols- 
ton  ;  10,000  hab.  Université  fondée  en  4807.  Verrerie. 
Entrepôt  du  commerce  de  la  zone  montagneuse  de  l'Etat 
avec  New  York  et  Nouvelle-Orléans.  Capitale  du  Tennessee 
de  li96  à  1817. 

KNUD  Lavard,  c.-à-d.  le  seigneur  {anal  lord),mme 
danois,  ne  à  Roskilde  en  1091  (?),  mort  en  1131.  Il  était 
le  fils  d'Erik  Eiegod  et  le  neveu  du  roi  régnant,  Niels 
Celui-ci  le  nomma  gouverneur  du  Sudjutland  pour  com- 
battre les  Vendes  Obotrites.  Après  avoir  vaincu  leur  roi 
Henri,  il  se  lia  avec  lui  d'une  façon  si  intime  qu'à  sa  mort 
soutenu  par  l'empereur  Lothaire,  il  lui  succéda  comme  roi 
des  Obotrites.  Sa  popularité  devint  bientôt  telle  que  le  roi 
Niels  conçut  des  appréhensions  et  le  laissa  peut-être  assas- 
siner ;  ce  qui  est  certain,  c'est  que  l'un  des  meurtriers  était 

37 


Mm  —  KOBAD 

MagDQs,  le  propre  fils  de  Niels.  Une  source  jaillit,  dit-on, 
à  Tendroit  où  Knud  avait  péri.  Tii.  C. 

BiBL.  :   Allen,  Histoire   du    Danemark,  traduite  par 
-b.  Beauvois  ;  Copenhague,  1879. 

KNUDSEN  (Hans-Kristian),  acteur  danois,  né  en  4763, 
mort  en  1816.  Dès  ses  débuts,  il  obtint  de  grands  succès 
de  scène,  surtout  dans  les  rôles  comiques  et  comme  chan- 
teur. Il  était  un  patriote  ardent:  avant  le  combat  du  2  avr. 
1 801 ,  il  réussit  à  exciter  par  ses  chants  l'enthousiasme 
guerrier  de  ses  compatriotes  ;  sa  conduite  dévouée  et  cou- 
rageuse, pendant  le  bombardement  de  Copenhague,  en  1807, 
lui  assura  la  reconnaissance  des  habitants  de  la  ville.  Ses 
funérailles  prouvèrent  combien  il  avait  su  gagner  l'admi- 
ration et  Testime  de  tous.  Th.  C. 

KNUDSEN  (Knud),  philologue  norvégien,  né  en  1812. 
Il  s'est  efforcé  de  restituer  à  la\ngue  norvégienne  son  ca- 
ractère propre  et  d'en  éliminer  les  éléments  étrangers  ;  il 
veut  que  le  norvégien  soit  purement  norvégien.  Son  principal 
ouvrage  à  côté  de  très  nombreuses  études  de  pédagogie  et  de 
grammaire  norvégienne,  est  un  grand  vocabulaire  intitulé 
Unorsk  og  Norsk  (non  norvégien  et  norvégien,  1881). 
,Ç  KNUPFER  ou  KNUFER  (Nikolaus),  peintre  allemand, 
né  à  Leipzig  en  1603,  mort  à  Utrecht  après  1646.  Elève 
d'Emmanuel  Nysse  à  Leipzig,  et  d'Abraham  Bloemaert  à 
Utrecht,  il  s'établit  dans  cette  dernière  ville  en  1630  et 
devint  un  maître  dans  le  genre  hollandais.  Parmi  ses  ta- 
bleaux (scènes  d'histoire  et  d'intérieur),  remarquables  par 
la  vigueur  du  coloris,  et  qu'on  retrouve  à  Brunswick,  à 
Cassel,  à  Dresde,  à  Copenhague,  nous  citerons  :  Solon 
devant  Crésus,  Saint  Paul  enchaîné  devant  Festus, 
Concert  de  famille^  Fête  de  la  Saint- Jean  à  Leipzig. 
Il  a  eu  pour  élèves  Jean  Steen  et  Arie  de  Vois. 

K  N  Û  S  E  L  (Melchior-Martin-Joseph) ,  homme  d'Etat  suisse, 
né  à  Lucerne  en  1813,  mort  à  Lucerne  le  14  janv,  1889. 
Il  fit  son  droit  en  Allemagne.  Dès  1840  il  entra  dans  la 
magistrature  lucernoise  comme  juge,  puis  comme  procureur 
général.  En  1852,  il  est  conseiller  d'Etat  du  cant.  de  Lu- 
cerne; en  1854,  conseiller  national  et  dès  1855  conseiller 
fédéral,  soit  membre  du  gouvernement  central  de  la  Confé- 
dération. Il  a  été  président  de  la  Confédération  en  1861  et 
en  1866.  Jusqu'en  1875,  année  où  il  prit  sa  retraite,  il 
occupa  tous  les  départements,  sauf  les  postes  et  le  militaire. 
En  1881,  il  ne  fut  pas  réélu  au  conseil  national  et  se  retira 
alors  définitivement  de  la  vie  publique.  Il  faisait  partie  de 
la  gauche  modérée.  E.  Kuhne. 

KN  UST  (Heinrich-Friedrich),  canoniste,  né  àLinden  (Ha- 
novre) en  1807,  mort  en  1841.  OEuvres  principales  :  De 
Fontibus  et  consilio  pseudo-Isidori  collectionis  (Gœt- 
tingue,  1832,  in-8);  De  Benedicti  levitœ  collectione 
capitularium  (Francfort,  1836,  in-8). 
KNUT,  rois  de  Danemark  (V.  Canut). 
KNUT  Eriksson,  roi  de  Suède,  date  de  naissance  in- 
certaine, mort  à  Eriksberg  en  Vestrogothie  en  1196  (?). 
C'était  le  fils  d'Erik  le  Saint  ;  il  eut  à  soutenir  plusieurs 
luttes  avant  de  monter  sur  le  trône  paternel  et  dut  passer 
quelques  années  en  Norvège  comme  fugitif.  En  1167,  il 
reprit  l'avantage  sur  son  compétiteur,  le  roi  Charles  Sver- 
kersson,  qui  périt  dans  la  lutte  ;  après  avoir  défait  encore 
Kol  et  Burislev,  chefs  du  parti  des  Sverker,  il  put  succéder 
à  son  père  en  1668.  Il  eut  à  lutter,  pendant  un  règne  de 
plus  de  vingt-cinq  ans,  contre  les  pirates  de  la  Baltique, 
qui  faisaient  de  fréquentes  incursions  dans  son  pays.  Un 
des  principaux  événements  de  son  règne  est  le  traité  de 
commerce  qu'il  conclut  avec  le  duc  Henri  de  Saxe.  A  sa 
mort,  il  laissa  quatre  fils,  dont  l'un,  Erik,  lui  succéda 
comme  roi  de  Suède.  Th.  C, 

KNYCHIN.  Ville  de  Russie,  gouvernement  de  Grodno, 
sur  le  ch.  de  fer  de  Brest-Litovsk  à  Graievo;  5,000  hab. 
Toiles  ;  draps.  Ce  fut  la  résidence  favorite  du  roi  de  Po- 
logne Sigismond-Auguste  qui  y  créa  un  superbe  haras.  Ce 
fut  aussi  le  foyer  du  calvinisme  en  Pologne  et  en  Lithua- 
nie.  Les  guerres  contre  la  Suède  la  ruinèrent. 

KNYFF  (Alfred  de),  peintre  belge  contemporain,  né  à 


578  - 

Bruxelles  en  1829,  mort  en  1885.  Cet  artiste  s'est  adonné 
au  paysage  ;  il  a  pemt  des  vues  de  la  forêt  de  Fontainebleau 
(Souvenir  de  Chennevières,  etc.),  un  Coucher  de  soleil 
dans  la  Campine,  Lande  écossaise,  le  Village  de  Clair- 
vaux,  Villers-Cotterets,  Prairies  de  Lagrange,  Em- 
bouchure de  la  Meuse. 

KNYSNA  (Riv.)  (V.  Cap  [Colonie  du],  t.  IX,  p.  148). 
KNYTLINGASAGA,  c.-à-d.  saga  des  descendants  de 
Knut.  C'est  l'histoire  des  rois  du  Danemark,  de  Harald 
Gormsson  (940)  jusqu'à  1186  environ.  Cette  saga,  dont  la 
vie  de  Knut  le  Saint  forme  le  centre,  semble  avoir  été 
composée  vers  1250.  L'auteur  en  est  probablement  Olof 
Tordsson  Hvita-skald,  neveu  du  célèbre  Snorve  Sturlas- 
son.  Elle  est  publiée  dans  la  collection  intitulée  Forn- 
manna  sôgur  (vol.  XI).  xh    C 

KO  (île)  (V.  Cos). 

KOALA  (Phascol  arctos)  (Zool.).  Genre  de  Mammifères 
Didelphes  appartenant  à  la  famille  des  Phalangers  (V.  ce 
mot)  dans  laquelle  il  forme  une  sous-famille  caractérisée 
par  l'absence  de  prémolaires  rudimentaires  en  avant  de 
l'unique  prémolaire  supérieure.  Il  existe  des  abajoues.  L'es- 
tomac est  muni  d'une  glande  cardiaque  ;  le  cœcum  est  très 
long,  renflé  et  muni  de  replis  nombreux.  Le  genre  qui 
compose  à  lui  seul  cette  famille  présente  la  formule  dentaire 
suivante  : 

.31  14 

1.  j,  c,  g,  pm.  -,  m.  I  X  2  =  30  dents. 

Les  incisives  antérieures  sontgrandes,  ayant  la  disposition 
de  celles  des  Rongeurs  et  particulièrement  des  Lièvres,  les 
deuxième  et  troisième  paires  supérieures  étant  petites;  la  ca- 
nine est  très  faible,  séparée  des  prémolaires.  Les  molaires  ont 
une  couronne  carrée  à  quatre  tubercules.  Les  pattes  anté- 
rieures ont  cinq  doigts  réunis  en  deux  groupes,  les  deux 
internes  opposables  aux  trois  autres,  tous  munis  d'ongles 
recourbés  et  comprimés.  Les  pattes  postérieures  ont  le 
pouce  inséré  très  en  arrière,  très  grand  et  opposable,  le 
second  et  le  troisième  doigt  soudés  et  plus  petits  que  les 
deux  externes.  Pas   de  queue  visible  à  l'extérieur.  Les 
oreilles  sont  moyennes,  arrondies,  touffues.  Le  pelage  est 
épais  et  mou.  La  seule  espèce  vivante,  le  Koala  ursïn 
{Phascolarctos  ciiiereus)  ou  VOurs  indigène  des  colons 
australiens,  est  un  animal  à  formes  trapues,  à  museau  court 
et  à  XkiQ  arrondie,  atteignant  70  centim.  de  long.  Son  pe- 
lage est  grisâtre.  Il  habite  le  S.-E.  de  l'Australie  où  il  vit 
sur  les  arbres  à  la  manière  des  ours,  grimpant  facilement 
à  Faide  de  ses  griffes  aiguës.  Il  se  cache  dans  le  tronc 
creux  des  Eucalyptus,  dont  il  dévore  les  bourgeons  et  les 
jeunes  pousses,  ne  descendant  à  terre  que  pendant  la  nuit. 
—  Des  débris  fossiles  trouvés  dans  le  quaternaire  d'Aus- 
tralie indique  l'existence  antérieure  d'une  espèce  de  plus 
grande  taille  que  l'on  a  distinguée  génériquement  sous  le 
nom  de  Koalemus  (V.  Didelphes).  '     E.  Trouessart. 

KOANG-OU-TI.  Nom  posthume  du  premier  empereur  de 
la  dynastie  des  seconds  llan  ou  Han orientaux;  il  régna  de 
l'an  25  à  l'an  57  ap.  J.-C.  Son  nom  de  famille  était  Lieou 
et  son  nom  personnel  Sieou,  Il  était  membre  de  cette  famille 
Lieou  de  laquelle  étaient  sortis  tous  les  souverains  de  la 
première  dynastie  Han.  En  l'an  23  ap.  J.-C,  l'usurpateur 
Wang-Mang  avait  été  renversé  du  trône  et  les  partisans  de 
la  famille  Lieou  avaient  nommé  empereur  un  certain  Lieou 
Hiuen-tchoen  ;  mais  ce  souverain  se  montra  incapable  et, 
au  bout  de  deux  ans,  Lieou  Sieou  le  supplanta.  Koang- 
ou-ti  ne  tarda  pas  à  vaincre  les  derniers  rebelles  dont  le 
plus  dangereux,  Wei  Hiao,  mourut  en  Fan  34,  Son  règne 
fut  rendu  glorieux  par  la  belle  campagne  du  général  Ma- 
Yuan  au  Tonking. 

KOBAD  [«^.  La  vraie  orthographe  est  Kavât  (avesta, 
Kavâta;  gr.,  KaSaSiQç).  Roi  de  la  dynastie  sassanide  de 
Perse,  fils  de  Péroze  ou  Firouz,  né  vers  468.  Lors  de  la 
malheureuse  expédition  de  ce  dernier  chez  les  Ephîha- 
lites,  en  484,  Kobad  tomba  au  pouvoir  du  vainqueur.  Rentré 
en  Perse  après  la  paix,  en  485,  pendant  le  règne  de  Balash, 


-  S?9- 


ÎCOBAÎ)  -  KOBËLL 


qui  avait  succédé  à  Firouz,  il  retourna  chez  les  Ephthalites 
où  il  fit  un  nouveau  séjour  de  trois  ans.  Après  la  mort  de 
Balash,  son  oncle,  il  fut  rappelé  et  monta  sur  le  trône  en 
488;  mais,  ayant  adopté  les  doctrines  de  l'hérésiarque 
Mazdaq  (dont  il  épousa  la  fille  Sambyce)  et  qui  prêchait  la 
communauté  des  femmes,  il  fut  déposé  par  les  mages  (498) 
et  enfermé  dans  le  château  de  l'Oubli  en  Susiane  (V.  Pro- 
cope,  Agathias  et  Tabari)  d'où  il  s'échappa  pour  se  réfugier 
une  troisième  fois  chez  les  Ephthalites.  Il  obtint  en  mariage 
la  fille  du  khaqân  et  une  armée  qui  lui  permit  de  reprendre 
possession  de  son  trône.  Djamasp,  qui  avait  été  mis  à  sa 
place,  fut  jeté  en  prison.  C'est  alors  que  commence  le  second 
règne  (502)  de  Kobad. 

Dès  le  début  de  cette  seconde  période,  Kobad  se  trouve 
aux  prises  avec  les  mêmes  Ephthalites,  auxquels  il  ne  put 
payer  la  récompense  promise,  et  avec  l'empereur  Anastase 
qui  refusa  de  lui  prêter  la  somme.  Kobad  entra  à  l'impro- 
viste  dans  l'iVrménie  romaine  et  s'empara,  après  un  long 
siège,  de  Théodosiopolis  (Erzeroum)  etd'Amida,  mais  il  rendit 
peu  après  cette  dernière  place  contre  le  payement,  par  Anas- 
tase, de  1,000  livres  en  poids  d'or.  Il  se  tourna  alors  contre 
les  Ephthalites  avec  lesquels  il  fut  en  guerre  pendant  près 
de  dix  ans  (503-512)  ;  nous  n'avons  à  ce  sujet  qu'une 
indication  sommaire  faite  par  les  historiens  byzantins,  les 
auteurs  orientaux  ne  nous  ayant  laissé  aucun  détail.  En 
515,  les  Huns  Sabirs  du  Caucase,  dont  le  chef  était  Ziligdès 
ou  Zilgibis,  firent  de  leur  côté  irruption  sur  le  territoire 
perse  qui  s'étendait  jusqu'aux  défilés  de  Derbend  ;  Kobad 
les  repoussa  de  l'autre  côté  du  Caucase.  En  518,  l'empe- 
reur Anastase  mourut  et  eut  pour  successeur  Justin  P^. 
C'est  à  ce  dernier  que  Kobad  s'adressa  pour  faire  recon- 
naître et  adopter  comme  successeur  légitime  au  trône  de 
Perse,  Khosroès,  le  plus  jeune  des  enfants  de  Kobad,  qui 
n'était  pas  l'héritier  présomptif.  Justin  consulta  le  Sénat, 
fit  traîner  les  négociations  et  finalement  refusa  (520-523). 
Ce  refus  fut  la  cause  d'une  nouvelle  guerre  :  les  troupes 
perses,  sous  la  conduite  de  Boès,  s'emparèrent  de  l'Ibérie  et 
d'une  partie  de  la  Lazique  (525)  pendant  que  BéUsaire  était 
battu  en  Persarménie  (526)  et  à  Nisibis  (528)  ;  mais, 
l'année  suivante,  l'armée  romaine,  renforcée  de  corps  de 
Cadusiens,  de  Massagètes,  de  Hérules  sous  le  commande- 
ment de  Bélisaire  et  d'ilermogènes,  infligea  une  sanglante 
défaite  aux  Perses  ;  tout  le  corps  dit  «  corps  des  immortels  » 
fut  massacré  (529).  Kobad  rassembla  une  nouvelle  armée 
qui  remporta  quelques  avantages,  mais  sa  mort  amena  la 
fin  des  hostilités  (531  ) . 

Kobad  entretint  des  relations  diplomatiques  avec  les  Eph- 
thalites et  les  puissances  de  la  Îlaute-Asie.  Les  Annales 
chinoises  nous  ont  conservé  le  texte  d'une  lettre  envoyée 
par  lui  à  l'empereur  de  la  Chine  en  518.  En  voici  le  texte 
d'après  la  traduction  de  Pauthier  :  «  Au  fils  du  Ciel,  sou- 
verain du  grand  royaume,  que  le  ciel  a  fait  naître  et  qu'il 
a  placé  là  où  le  soleil  se  lève  pour  régner  éterneUement  sur 
l'empire  des  Han,  le  roi  du  Royaume  de  Po-ssé  (Perse) 
Kiu-ho-'îo  (Kobad)  offre  respectueusement,  mille,  dix  mille 
fois  hommage  à  S.  M.  impériale,  en  la  priant  de  les  agréer.  » 
Kobad  avait  fondé  de  nooibreuses  villes  qu'il  peuplait  en 
partie  avec  des  prisonniers  de  guérite.  Le  Modjmel,  ïabari 
etllamza  en  ont  donné  la  liste;  on  peut  citer  Ilolvân,  Kazc- 
roun  et,  sur  l'Oxus,  Termed. 

Les  monnaies  d'argent  de  Kobad  sont  très  nombreuses  ; 
celles  du  premier  règne  ne  portent  aucune  date.  C'est  seu- 
lement depuis  sa  restauration  que  l'on  a  la  série  des  dates 
de  l'an  XIIl  à  l'an  XLIII  (501  à  531).  On  ne  connaît  qu'une 
seule  médaille  d'or  de  ce  prince;  elle  a  été  publiée  en 
1893.  E.  Drouin. 

BiBL.  :  Les  historiens  byzantins,  notamment  Procope, 

yeBello  Persico^  et  les  historiens  orientaux,  FiRnousi,  Ta- 

E.  Drouin,  Une  Médaille  d'or  de 

(V.  CniROÏÉ). 

KOBANG.  Ancienne  monnaie  japonaise,  composée  d'or 
et  d'argent,  en  proportion  variable,  le  poids  total  du  ko- 
b  ang  diminuant  continuellement  depuis  l'origine  jusqu'à  la 


Del 

BARI,  MiRKHOND.    etC 

Kohad,  1893, 
KOBAD  I 


période  récente,  tandis  que  la  proportion  d'argent  aug- 
mentait ;  les  kobangs  frappés  en  1858-66,  pour  un  poids 
total  de  38^32,  contenaient  le' 38  d'argent,  tandis  que 
ceux  frappés  au  commencement  du  xvii®  siècle,  pour  un 
poids  total  delTsï'Tô,  ne  contenaient  que  2b"''43  d'argent. 
La  valeur  du  kobang  a  varié  de  50  fr.  environ  à  6  fr.  50. 

KOBDAS  (V.  CoBDAs). 

KGB  DO  (mongol  Chommo,  forteresse).  Ville  de  l'empire 
chinois,  capitale  d'un  gouvernement  de  la  Mongolie  occiden- 
tale, près  du  lac  de  Kobdo  ou  Kara-ousy  et  du  Bouiantou 
ou  fleuve  de  Kobdo  qui  vient  des  monts  Alatau  et  finit 
dans  ce  lac.  Comme  toutes  les  places  chinoises  de  la  fron- 
tière, Kobdo  comprend  une  cité  militaire  et  une  cité  mar- 
chande {maïmatchin)  ;  la  forteresse  carrée,  mais  dont  les 
hauts  remparts  tombent  en  ruine,  renferme  une  petite 
garnison  et  les  autorités  chinoises  ;  elle  est  contiguô  à  un 
grand  parc.  La  cité  commerciale  comprend  deux  longues 
rues  qu'une  troisième  coupe  à  angle  droit  ;  la  première  ren- 
ferme environ  70  hôtels  des  grands  négociants  ;  les  autres 
n'ont  que  des  boutiques.  Aux  extrémités  sont  trois  temples  ; 
au  dehors  un  quatrième  dans  l'enceinte  murée  du  riche  cou- 
vent des  lamas.  La  ville  n'a  qu'un  millier  d'habitants  chi- 
nois sédentaires,  mais  autour  se  dressent  les  tentes  de 
nombreux  pasteurs  kalmouks  et  mongols  khalkas  ;  en  été 
il  y  vient  aussi  beaucoup  de  Kirghis.  La  Russie  a  un  consul 
à  Kobdo,  dont  l'importance  commerciale  augmente  rapide- 
ment. Sur  l'arrondissement  ou  gouvernement  de  Kobdo, 
V.  Mongolie.  —  On  appelle  plateau  de  Kobdo  l'angle  oc- 
cidental de  la  Mongolie  entre  l'Altaï  au  S.  et  le  Tanny-ola 
ou  Tannou  auN.,  avec  les  bassins  fermés  des  lacs  Oubsa- 
nor,  Kirghiz-nor,  Dourga-nor,  Kara-oussou  (de  Kobdo),  etc. 
(V.  Asie). 

KOBÉ  (Japon)  (V.  Hiogo). 

KOBÉLIAKI.  Ville  de  Russie,  gouvernement  de  Poltava, 
au  confluent  de  la  Kobéliatchka  et  de  la  Vorskla,  affluent 
gauche  du  Dniepr,  sur  le  eh.  de  fer  de  Kharkov  à  Elisa- 
bethgrad;  15,000  hab.  Toiles,  lainages.  Grande  foire  (au 
jour  de  la  Trinité).  Auprès  est  le  village  de  Perevolotchna, 
où  l'armée  suédoise  mit  bas  les  armes  après  le  désastre  de 
Poltava.  —  Le  district  de  Kobeliaki,  au  S.  du  gouverne- 
ment, a  3,557  kil.  q. 

KO  BELL  (Ferdinand),  peintre  de  paysages  et  graveur 
allemand,  né  à  Mannheim  le  7  juin  1740,  mort  à  Munich 
le  l^""  févr.  1799.  Son  père  était  conseiller  de  l'électeur 
palatin  et  il  lui  fit  faire  des  études  de  droit  à  Heidelberg; 
mais  le  prince  Charles-Théodore  ayant  vu  un  paysage  de 
lui  favorisa  son  goût  de  la  peinture.  Kobell  prit  d'abord  à 
Mannheim  des  leçons  de  Peter  Verschafî'elt,  puis  il  reçut 
du  prince  une  pension  pour  venir  terminer  ses  études  d'art 
à  Paris,  où  il  arriva  en  1768.  A  son  retour  dans  le  Palati- 
nat,  il  fut  nommé  peintre  de  la  cour  et  en  1793  il  devint 
directeur  de  la  Galerie  de  Munich.  Les  musées  de  Karlsruhe, 
de  Darmstadt,  d'Aschaffenburg,  de  Stuttgart  et  d'Augs- 
bourg  ont  des  paysages  de  lui.  Mais  Kobell  a  surtout  gravé 
et  avec  succès  de  nombreux  paysages  et  fêtes  champêtres. 
Ses  eaux-fortes  ont  été  réunies  par  Frauenholz  (Nurem- 
berg, 1809)  et  par  Rugler  (Stuttgart,  1842).  Un  catalogue 
de  ses  estampes  a  été  dressé  par  Stengel  (Nuremberg, 
1822).  Etienne  P)Ricon. 

KOBELL  (Franz),  peintre  et  dessinateur  allemand,  frère 
du  précédent,  né  à  Mannheim  le  23  nov.  1749,  mort  à 
Munich  le  14  janv.  1822.  Il  fut  envoyé  par  son  tuteur 
comme  apprenti  chez  un  commerçant  de  Mayence  et  il  y 
resta  quatre  ans  faisant  à  ses  heures  perdues  àes  paysages 
et  des  dessins  d'architecture.  Ennuyé  du  commerce,  il  re- 
vint à  Mannheim  ;  il  y  profita  comme  son  frère  des  libé- 
ralités de  Charles-Théodore  et  grâce  à  elles  il  put  passer 
neuf  ans  en  Italie,  de  1776  à  1785.  Revenu  d'Italie,  il  ha- 
bita toujours  Munich  et  fut  nommé  peintre  de  la  cour  en 
1796.  On  voit  quelques-uns  de  ses  paysages  à  Munich  et 
à  Weimar,  mais  Franz  Kobell  a  surtout  laissé  des  dessins 
à  la  plume  dont  le  nombre  est  évalué  à  plus  de  dh  mille. 
KOBELL  (Hendrik),  peintre  et  dessinateur  hollandais, 


KOBELL  —  KOBERSTEIN 


—  580  - 


né  à  Rotterdam  en  1751,  mort  à  Rotterdam  en  1782. 
Destiné  au  commerce,  il  le  quitta  pour  la  peinture.  Il  a 
beaucoup  voyagé  en  Angleterre  et  y  a  peint  des  marines 
qui  sont  estimées;  il  a  laissé  un  grand  nombre  de  croquis, 
li  fut  nommé  membre  de  l'Académie  d'Amsterdam  en  1770. 
Fokke,  Sallieth  et  Brookshaw  ont  gravé  plusieurs  de  ses 
tableaux  ;  lui-même  en  a  gravé  quelques-uns. 

KO  BELL  (Wilhelm),  paysagiste  et  peintre  de  batailles 
allemand,  fils  et  élève  de  Ferdinand  Kobell,  né  à  Munn- 
heim  le  6  avr.  1766,  mort  à  Munich  le  15  juil.  1855.  Il 
voyagea  d'abord  en  Italie  vers  1780,  puis  il  se  prit  à  étu- 
dier, surtout  à  Dusseldorf,  l'œuvre  de  Wouwerman.  Pro- 
fesseur de  l'Académie  de  Munich  en  1808,  membre  de 
l'Académie  de  Berlin  en  1791  et  de  celle  de  Vienne  en 
1808,  il  fit  des  séjours  à  Paris  et  à  Vienne  en  1809  et  en 
1810.  Il  avait  peint  d'abord  des  paysages  et  des  animaux  ; 
mais  plus  tard  il  peignit  surtout  des  batailles.  Ses  tableaux 
sont  à  la  nouvelle  Pinacothèque  de  Munich  (Prise  d'Ulm), 
à  Berlin,  à  Karlsruhe,  à  Francfort,  à  Leipzig,  à  Weimar  et 
à  Darmstadt.  W.  Kobell  a  aussi  gravé  des  vues  de  Munich, 
des  vues  romaines,  et  des  animaux  et  des  paysages  d'après 
Berghem,  Wouwerman  et  RuisdaeL 

KOBELL  (Jan),  peintre  d'animaux  et  graveur  hoUan- 
dais,  fils  de  Hendrick,  né  à  Delfshaven,  près  de  Rotterdam, 
en  1779,  mort  à  Amsterdam  le  23  sept.  1814.  Elève  de 
Van  der  Wall,  il  étudia  beaucoup  l'œuvre  de  Paul  Potter. 
Il  eut  une  médaille  d'or  au  Salon  du  Louvre  en  1812.  On 
voit  des  tableaux  de  lui  au  musée  d'Amsterdam  :  Paysage 
en  Gueldre,  Paysage  avec  bétail  (1804),  Bœufs  dans 
la  prairie  (1806)  ;  et  aussi  au  musée  de  Rotterdam. 

KOBELL  (Jan),  paysagiste  et  peintre  d'animaux  hol- 
landais, né  à  Rotterdam  le  18  avr.  1800,  mort  à  Rotter- 
dam le  8  nov.  1838.  Son  père,  qui  était  graveur,  était  le 
frère  d'Hendrik  Kobell.  Elève  de  l'Académie  de  Rotterdam. 
Au  musée  d'Amsterdam  :  Paysage  avec  des  vaches. 

KOBELL  (Franz-WoUgang  von),  minéralogiste  et  poète 
allemand,  né  à  Munich  le  19  juil.  1803,  mort  à  Munich  le 
11  nov.  1882.  Petit-fils  du  paysagiste  Ferdinand  Kobell 
(V.  ci-dessus)  et  fils  de  Franz  von  Kobell,  homme  d'Etat  bava- 
rois (1779-1850),  il  étudia  la  chimie  et  la  minéralogie  à 
Landshut  (1820-23)  et  fut  nommé  en  1826  professeur  de 
minéralogie  à  l'université  de  Munich,  en  1856  conservateur 
en  chef  de  la  collection  minéralogique,  dont  il  était,  depuis 
1823,  conservateur  adjoint.  Il  faisait  partie  de  l'Académie 
des  sciences  de  Munich  (1 842),  de  celle  de  Saint-Pétersbourg 
(1849)  et  d'une  vingtaine  d'autres  sociétés  savantes.  Il  a 
grandement  contribué  aux  progrès  de  la  minéralogie  par  son 
enseignement,  par  ses  méthodes  nouvelles  d'analyse  miné- 
rale et  par  ses  propres  découvertes  qui  embrassent  un 
nombre  considérable  d'espèces  ignorées  ou  mal  connues  avant 
lui.  Il  s'est  aussi  beaucoup  occupé  de  cristallographie,  de 
morphologie  et  de  pétrographie.  Il  a  inventé  le  stauroscope 
(1855),  pour  l'étude  optique  des  cristaux,  et  un  électroscope 
très  sensible  (1863).  On  lui  doit  également  la  découverte 
de  la  galvanographie  (V.  ce  mot),  procédé  galvanique  de 
gravure  sur  cuivre  qu'il  trouva  en  voulant  répéter  les 
récentes  expériences  galvanoplastiques  de  Jacobi,  dont  le 
duc  de  Leuchtenberg  venait  de  lui  donner  connaissance. 
Il  a  pubhé  dans  les  A^ueigen  et  les  Sitzungsberichten 
de  l'Académie  de  Munich,  dans  les  Archiv  de  Kastner, 
dans  les  Annalen  de  Poggendorff,  dans  le  Journal  d'Erd- 
mann,  etc.,  plusieurs  centaines  de  mémoires  originaux  et 
de  notes.  Il  a,  en  outre,  donné  à  part  :  Charakteristik 
der  Mineralien  (Nuremberg,  1830-31,  2  vol.  in-8);  Ta- 
feln  zur  Bestimmung  der  Mineralien  mittelst  che- 
mische  Ver suche (Munich,  1833,  in-8;  12®  éd.,  1881), 
excellent  manuel  de  laboratoire,  qui  a  été  traduit  en  sept 
langues;  Lehrbuch  der  Minéralogie  (Nuremberg,  1838; 
5®  éd.,  Leipzig,  1878);  Die  Galvanographie  (Unnich, 
1842,  in-4  ;  2^  éd.  1846)  ;  Skizzen  aus  dem  Steinreiche 
(Munich,  1850,  in-8)  ;  Die  Mineralnamen  (Munich,  1853, 
in-8)  ;  Geschichte  der  Minéralogie  (Munich,  1864),  ou- 
vrage qui  forme  le  second  volume  de  la  grande  Geschichte 


der  Wissenschaften  in  Deutschland,  etc.  Il  s'est  acquis, 
d'autre  part,  une  grande  notoriété  comme  poète,  principa- 
lement par  des  mélodies  populaires  en  dialectes  bavarois  et 
palatin,  chansons  à  boire  et  lieder  d'amour,  d'un  charme 
naïf  et  d'une  saveur  rustique,  dont  quelques-uns  ont  été 
mis  en  musique  par  Abt,  Gumbert,  Gunz,  etc.  :  Gedichte 
in  oberbayr.  Mundart  (1842  ;  9«  éd.,  1882);  Gedichte 
in  pfœlz.  Mundart  (1844;  6«  éd.,  1876).  A  citer  encore 
les  recueils  et  poèmes  suivants  :  Schnadahûpfln  und 
Sprûchln  (1847;  2«  éd.,  1852);  Uochdeutsche  Ge-- 
dichte  (1852)  ;  Der  Hansl  vo' Finsterwald.  Der  schwarzi 
Veitl.  Sliramner-Besei ({%m\  2«  éd.,  1876)  ;  Die  Ur- 
zeit  der  Erde  (1856)  ;  Fàlzische  Geschichte  (1863),  etc. 
Il  a  écrit  enfin  quelques  livres  de  chasse  :  Wildanger- 
Skizzen  aus  dem  Gebiete  der  Jagd  und  ihrer  Ges- 
chichte (Stuttgart,  1859)  ;  Jagdliche  Erinnerungen 
(Munich,  1876),  etc.  Léon  Sagnet. 

BiBL.  :  L.  von  Kobell,  Franz  von  Kobell  ;  Munich,  188 J. 
—  V.,  pour  la  liste  complète  de  ses  écrits  scientif.,  VAlma- 
nach  der  baier.  Akad.,  1875  et  1878,  et,  pour  ses  publ.  litt., 
le  Dichterlexicon  de  Briimmer,  I,  451,  et  le  Schriftsteller- 
lexicon  de  BormaiUler,  p.  392. 

KOBER  (Ïgnace-Léopold),  éditeur  tchèque,  né  à  Prague 
en  1825,  mort  à  Janske  Lazné  en  1866.  Après  avoir  ïait 
à  Vienne  des  études  incomplètes,  il  fut  d'abord  apprenti 
serrurier,  puis  colporteur  de  librairie.  En  1852,  il  fonda 
une  petite  librairie  à  Tabor,  puis  s'établit  à  Prague,  y  créa 
une  maison  d'édition  et  une  imprimerie.  Comme  éditeur, 
il  a  rendu  à  la  littérature  tchèque  les  plus  grands  services. 
H  a  publié  la  première  Grande  Encyclopédie  tchèque,  les 
Antiquités  de  Mikovec,  la  Chronique  tchèque  morave 
de  Zap,  et  une  Bibliothèque  nationale  qui  renferme  les 
œuvres  des  écrivains  les  plus  distingués.  Sa  veuve,  plus 
tard,  et  son  fils  ont  maintenu  à  sa  librairie  la  situation 
importante  qu'elle  a  su  conquérir  non  seulement  en  Bohème, 
mais  dans  tous  les  pays  slaves.  L.  L, 

K0BER6ER  ou  K0BUR6ER  (Anthoni),  libraire  alle- 
mand de  Nuremberg,  mort  le  3  oct.  1513.  D'une  vieille 
famille  de  la  ville,  il  y  organisa,  vers  1470,  une  imprime- 
rie et  une  hbrairie  qui  furent  les  plus  importantes  de  l'Al- 
lemagne. Il  avait  24  presses  et  plus  de  100  typographes, 
correcteurs,  etc.  ;  il  faisait  aussi  imprimer  à  Bâle  et  à  Lyon 
ses  in-folios,  perfectionna  les  caractères  gothiques  ;  ses 
ouvrages,  dont  on  connaît  276,  sont  parmi  les  incuna- 
bles les  plus  beaux  et  indestructibles  ;  pour  les  illustrer, 
Koberger  appela  les  meilleurs  graveurs  sur  bois  ;  on  cite 
sa  Bible  illustrée  (1483),  ses  12  autres  éditions  de  la  Bible, 
le  Buch  der  Chroniken  de  Schedel  (1493),  auquel  tra- 
vailla A.  Diirer,  alors  apprenti.  Principalement  éditeur  de 
scolastiques,  Koberger  vendait  en  Allemagne,  aux  Pays- 
Bas,  en  France,  Suisse,  Italie,  Hongrie,  Pologne,  ayant 
des  succursales  à  Paris  et  à  Ofen  (Budapest),  des  comp- 
toirs dans  toutes  les  grandes  villes.  La  prospérité  de  cette 
maison  fut  ébranlée  par  la  Réforme  ;  elle  repoussa  les  dé- 
marches de  Luther  et  dut  se  borner  à  l'humanisme. 

BiBL.  :  O.  Hase,  Die  Koberger;  Leipzig,  1885,  2«  éd. 

KOBERSTEIN  (Karl-August),  écrivain  allemand,  né  à 
Riigenwalde  (Poméranie)  le  10  janv.  1797,  mort  le  8  mars 
1870  à  l'école  de  Schulpforta,  où  il  professait  depuis 
1824.  Ses  principaux  livres  sont  :  Laut  und  Flexions- 
lehre  der  mittelhochdeutschen  und  neuhochdeutschen 
Lehre  (Halle,  1862;  4«  édit.  par  Schade,  1878),  et  sur- 
tout Gesch,  der  deutschen  Nationallitteratur,  d'abord 
simple  manuel(l827),quifut,  dans  la  4«édit  (1847-66), 
transformé  en  une  histoire  générale  de  premier  ordre  pour 
l'étendue  et  la  précision  des  connaissances  et  l'objectivité 
de  l'exposé  ;  la  5«  édit.  fut  donnée  par  K.  Bartsch  (Leip- 
zig, 1872-75,  5  vol.). 

Son  fils  Karl,  né  à  Schulpforta  le  15  févr.  1836,  a  été 
acteur  de  1856  à  1883  (depuis  1862  au  théâtre  de  la 
cour,  à  Dresde)  ;  il  a  écrit  des  tragédies  [Florian  Geyer, 
1863;  Eric  XIV,  1869),  et  une  comédie  (Was  Gott 
zusammenfrigt  das  soll  der  Mann  nichtscheiden, 
1872),  qui  furent  très  goûtées. 


—  581  — 


KOBES  —  KOCH 


KOBES  (Cari)  (V.  Cardell). 

KOBLENZ  (V.  CoBLENTz). 

KOBOLD.  Nom  donné  en  Allemagne  aux  esprits  fami- 
liers des  maisons  qui  s'amusent  à  jouer  des  tours  aux 
hommes;  c'est  le  même  mot  que  le  français  ^o^^/m.  Vers 
l'époque  moderne,  il  fut  appliqué  spécialement  aux  nains 
localisés  dans  les  mines. 

KOBOLT  (Miner.).  Arsenic  impur,  désigné  aussi  sous  le 
nom  de  poudre  à  mouches,  d'arsenic  noir  ;  il  est  en  croûtes, 
d'un  gris  noir,  contenant  souvent  de  8  à  40  %  de  sulfure; 
son  éclat  est  métallique  ;  sa  densité  3,6  ;  il  s'évapore  à  180° 
et  fond  en  vase  clos.  On  s'en  sert  pour  fabriquer  des  mi- 
roirs de  télescopes  en  l'alliant  au  cuivre  et  à  l'étain  ;  pour 
donner  de  la  dureté  au  plomb  de  chasse.  Il  a  servi  pendant 
un  certain  temps  à  faciliter  le  travail  du  platine,  en  for- 
mant avec  ce  métal  un  alhage  assez  fusible.  Sa  combustion 
dans  l'oxygène  donne  une  lumière  bleue,  connue  sous  le 
nom  de  feu  indien,  et  que  l'on  emploie  parfois  la  nuit  pour 
les  travaux  de  triangulation. 

KO  BRIN.  Ville  de  Russie,  chef-lieu  de  district  du  gou- 
vernement de  Grodno,  au  confluent  de  la  Kobrinka  et  de  la 
Moukovtsa,  affluent  du  Boug  occidental  ;  10,000  hab. 
Marché  agricole.  Le  27  juil.  1812,  le  général  russe  Tor- 
masov  y  vainquit  et  prit  les  3,000  Saxons  de  Klengel.  — 
Le  district  a  5,000  kil.q. 

KOBT.  Nom  égyptien  de  Coptos  (V.  ce  mot). 

KOÇA-Nag  ou  VICHNOU-Pao.  Lac  du  Cachemire,  d'où 
sort  le  Véchao,  aftluent  du  Djélan,  à  3,66L)  m.  d'alt.  ;  il  a 
une  cinquantaine  d'hectares;  regardé  comme  sacré  par  les 
Hindous,  il  est  un  de  leurs  lieux  de  pèlerinage. 

KOCAB  (Astron.).  Nom  de  l'étoile  de  seconde  grandeur 
p  Petite  Ourse,  dont  les  coordonnées  de  la  position  moyenne 
pour  1895  sont,  d'après  la  Connaissance  des  Temps  : 
M~U^M'^0%6i  ;  P  =1 15«24'56''^5. 

KOCEÏLA,  chef  de  la  tribu  berbère  des  Aureba,  qui  régna 
sur  une  partie  du  Maghreb  de  681  à  686.  Vers  l'an  675, 
au  moment  où  Oqba  venait  d'être  rappelé  par  le  khalife 
Moawia,  les  Berbères,  ayant  à  leur  tête  Koceïla,  tentèrent 
de  chasser  les  envahisseurs  arabes  qui  venaient  de  s'im- 
planter dans  leur  pays.  Dinar,  le  successeur  d'Oqba,  réussit 
à  maintenir  les  musulmans  dans  leurs  positions  ;  puis  il  vain- 
quit Koceïla,  l'oMigea  à  embrasser  l'islamisme  et  l'emmena 
à  sa  suite  dans  une  demi-captivité.  Quand  Oqba  fut  rétabli 
dans  son  commandement,  il  conserva  Koceïla  auprès  de  lui 
comme  une  sorte  d'otage,  et  l'on  raconte  qu'un  jour,  à  la 
suite  de  ses  succès,  il  voulut  humilier  le  chef  berbère  en 
lui  enjoignant  d'égorger  lui-même  un  mouton.  Koceïla  obéit 
à  l'ordre  qui  lui  avait  été  donné  ;  mais  il  jura  de  venger 
cet  afl'ront  et,  suivant  une  coutume  de  son  pays,  pour  bien 
marquer  ses  projets  haineux,  il  passa,  sans  rien  dire,  sa 
main  pleine  de  sang  sur  sa  barbe.  Puis,  usant  des  in- 
telligences qu'il  avait  conservées  avec  ses  compatriotes,  il 
profita  d'un  moment  où  Oqba  s'était  séparé  du  gros  de  son 
armée  pour  le  faire  attaquer  et  tuer  à  Teliouda  (681).  Le 
désarroi  que  produisit  cet  événement  parmi^  les  Arabes 
permit  à  Koceïla  de  s'échapper,  de  réunir  ses' alliés  et  de 
s'emparer  de  Kaïrouan,  où  il  régna  durant  cinq  années, 
après  avoir  lui  et  les  siens  abjuré  l'islamisme.  En  688, 
Zoheir,  qui  venait  de  recevoir  des  renforts,  marcha  sur 
Kaïrouan  ;  Koceïla  abandonna  sa  capitale  pour  se  réfugier 
à  Mems,  dans  un  camp  retranché.  Zoheïr  l'y  poursuivit  et 
le  vainquit  dans  une  grande  bataille  où  Koceïla  trouva  la 
mort  (686).  0.  Houdas. 

KOCÉIR,  KOSSÉIR  ou  QOCÉIR.  Ville  maritime 
d'Egypte,  sur  la  mer  Rouge,  au  débouché  du  petit  oued 
Ambagin  ;  1,500  hab.  Médiocre  mouillage,  derrière  un 
récif  madréporique  ;  vieille  citadelle.  Son  transit,  jadis  con- 
sidérable, a  été  supprimé  par  le  percement  de  l'isthme  de 
Suez. 

KOCH  (El-).  Village  de  la  Turquie  d'Asie,  aux  environs 
de  Mossoul,  dans  la  haute  vallée  du  grand  Zab,  affluent  du 
Tigre.  C'a  été  la  résidence,  à  plusieurs  reprises,  des  pa- 


triarches chaldéens  de  Mossoul  (1,000  hab.).  Prétendu 
tombeau  du  prophète  Nahum  et  de  sa  sœur  Sara.  A  2  kil. 
de  là,  couvent  de  Rabban-Hormouz. 

KOCH  (Christophe-Gudlaume  de),  historien  et  homme 
politique  français,  né  à  Bouxwiller  le  9  mai  1737,  mort 
à  Strasbourg  le  25  oct.  1813.  Il  fut  élu  à  la  Législative 
de  1791,  emprisonné  sous  la  Terreur;  rallié  au  Consulat, 
il  fut  tribun.  Il  a  publié  :  Tableau  des  Révolutions  de 
l'Europe  (anonyme)  (Lausanne,  1771 ,  in-8  ;  l'édition  dé- 
finitive en  3  vol.  a  paru  en  1807  à  Paris)  ;  Tables  généa- 
logiques des  maisons  souveraines  du  sud  et  de  V ouest 
de  r Europe  (Strasbourg,  1782,  in-4);  Abrégé  de  V his- 
toire des  traités  de  paix,  depuis  la  paix  de  Westphalie 
(Bâle,  1797,  4  vol.  in-8)  ;  Aperçu  rapide  de  la  position 
de  la  France  a  l'époque  de  la  prétejidue  coalition  des 
souverains  de  V Europe  contre  la  Constitution  du 
26  avr.  il9i  (Strasbourg,  1791,  in-8) .  Il  a  aussi  donné  à 
l'Institut  (section  des  sciences  morales  et  poHtiques)  des 
mémoires,  insérés  en  1803,  sur  divers  points  de  l'histoire 
d'Alsace. 

KOCH  (Heinrich-Christof),  musicographe  allemand,  né  à 
Rudolstadt  le  10  oct.  1749,  mort  à  Rudolstadt  le  12  mars 
1816.  Ses  études  musicales  se  firent  dans  sa  ville  natale, 
où  il  passa  toute  sa  vie,  partageant  sa  paisible  existence 
entre  les  études  théoriques  et  les  fonctions  de  violoniste 
dans  la  musique  du  prince  de  Schwarzbourg-Rudolstadt. 
Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Versuch  einer  Anleitu7ig 
ziir  Composition  (Rudolstadt  et  Leipzig,  1782-83,  3  part. 
in-8);  Musikalisches  Lexikon  (Francfort,  1802:  2^  éd., 
1817  ;  nouv.  édit.  refondue  et  augm.  par  Arrey  von  Dom- 
mer,  1865;  édit.  abr.,  1807  et  1828)  ;  Handbuch  bei  dem 
Studium  der  [lar moitié  {lA^iig,  1811,  in-4).  Koch  a 
collaboré  aux  gazettes  musicales  de  Leipzig  et  de  Spire. 

KOCH  (Joseph-Anton),  peintre  et  graveur  autrichien,  né 
à  Obergiebein  (Tirol)  le  27  juil.  1768,  mort  à  Rome  le 
12  janv.  1839.  D'abord  simple  pâtre,  il  entra  en  1785  à 
l'Académie  de  Karlsruhe,  puis,  rebuté  par  les  mauvais 
traitements,  s'enfuit  à  Bâle  et  de  là,  à  pied,  en  Italie,  où, 
sous  l'influence  de  Carstens  et  de  Wscchter,  il  se  tourna 
vers  le  paysage  historique  et  héroïque,  genre  dans  lequel 
il  devint  un  maître.  Voici  ses  principales  œuvres  :  gra- 
vures pour  Ossiaji,  eaux- fortes  pour  les  Argonautes  de 
Carstens,  Serment  des  républicains  à  Millesimo  (1797); 
illustrations  pour  Dante,  Hylas,  Polyphème,  Nausicaa, 
Apollon,  Délivrance  du  Tirol  par  André  Hofer,  Cloître 
Saint" François,  à  Civitella,  Tivoli,  Olevano  ;  fresques 
de  la  villa  Massimi  à  Rome,  etc.  On  lui  doit  aussi  plusieurs 
écrits  :  Pensées  sur  la  peinture  ancienne  et  moderne, 
et  l'écrit  humoristique  :  Chronique  de  fart  moderne  ou 
Soupe  à  la  Rumford,  accommodée  par  Joseph-Antoine, 
cuisinier  à  Rome  (Karlsruhe,  1834). 

KOCH  (Wilhelm -Daniel-Joseph),  botaniste  allemand, 
né  à  Kusel  (Deux-Ponts)  le  5  mars  1771,  mort  à  Erlangen 
le  14  nov.  1849.  D'abord  médecin  à  Kaiserslautern,  il 
devint  en  1824  professeur  de  botanique  à  l'université  d 'Er- 
langen. Son  meilleur  ouvrage  est  :  Synopsis  florœ  Ger- 
manicœ  et  Helveticœ  (Francfort,  1835-37,  et  autres 
édit.  lat.  et  allem.). 

KOCH  (Jean -Baptiste -Frédéric),  général  et  écrivain 
français,  né  à  Nancy  en  1782,  mort  en  1861,  Il  entra  en 
1800  dans  la  garde  consulaire,  fit  la  campagne  de  Marengo 
et  celle  d'Austerlitz,  suivit  le  roi  Joseph  à  Naples  en  1806 
et  en  Espagne  en  1 808  ;  il  fut  nommé  chef  de  bataillon  en 
1811.  Il  fit,  en  1813,  la  campagne  de  Saxe,  où  il  servit 
d'aide  de  camp  à  Jomini.  Il  fut  nommé,  en  1820,  profes- 
seur d'art  militaire  à  l'Ecole  d'état-major,  fut  promu  lieu- 
tenant-colonel en  1834,  colonel  en  1836  et  maréchal  de 
camp  en  1841.  Koch  a  publié  de  nombreux  ouvrages  mili- 
taires, entre  autres  les  Mémoires  pour  servir  à  l'his- 
toire de  la  campagne  de  i8i4  (Paris,  1819,  2  vol., 
avec  atlas)  et  les  Mémoires  de  Masséna  (Paris,  1819, 
4  vol.  in-8,  avec  atlas).  On  cite  avec  éloges  sa  traduction  des 
Principes  de  stratégie  de  l'archiduc  Charles  (Paris,  181 7, 


KOCH  —  KOCHANSKi 


—  S82  - 


3  vol.  in-8)  et  sa  collaboration  à  VHisioire  des  guerres 
de  la  Révolution  (Paris,  4819,  5  vol.  m-8)  de  Jomini. 

KOCH  (Christian-Friedrich),  juriste  allemand,  né  à 
Mohrin  (Brandebourg)  le  9  févr.  4798,  mort  à  Neisselc 
24  janv.  4872.  Il  fit  sa  carrière  dans  la  magistrature  jus- 
qu'en 4854.  Elève  de  Savigius,  ses  ouvrages  eurent  une 
influence  sur  la  jurisprudence  prussienne  où  ils  firent  pré- 
valoir la  méthode  historique  ;  nous  citerons  :  Versuch 
einer  systematischen  Darstellung  der  Lehre  vom  Be- 
sitz  nach  preussischem  Recht  (1826;  2^  éd.,  4839); 
Bas  Recht  der  Forderungen  nach  gemeinen  und  preus- 
sischen  Rechte  (Breslau,  4836-43,  3  vol.  ;  2«  éd.,  4858- 
59)  ;  Lehrbuch  des  preussischen  gemeinen  Privat- 
rechts  (4845,  2  vol.;  3«  éd.,  4858-59);  Preussens 
Rechtsverfassung^  plan  de  réformes  (1843-44);  Bas 
preussische  Zivilprozessrecht  (4847  et  suiv-,  2  vol.  sou- 
vent réédités).  Il  publia  sur  les  nouvelles  lois  prussiennes 
des  commentaires  très  complets:  Prozessordnung  (4854  ; 
6^  éd.,  4871)  ;  Allgemeines  Landrecht  (4852-55,  4  vol.  ; 
8®  éd.,  4883  et  suiv.)  ;  Formularbuch  filr  instrumen- 
tierende  Gerichtspersonen  und  Notarien  (4844  ;  8^  éd., 
1870),  etc. 
BiBL.  :  Behrend,  C.-F.  Koch  ;  Berlin,  1872. 
KOCH  (Peter-Christian),  homme  politique  danois,  né 
en  1807,  mort  en  4880.  En  4838,  muni  du  privilège 
royal,  il  publia  un  journal  hebdomadaire,  le  Danevirke^ 
qui  fut  vivement  pris  à  partie  par  les  fonctionnaires  du 
Slesvig-Holstein  et  par  leurs  partisans,  mais  n'en  exerça 
qu'une  plus  grande  influence  sur  les  populations  danoises 
du  N,  du  Slesvig.  Lors  du  soulèvement  de  4848,  il  se 
retira  en  Danemark  où  il  continua  à  publier  pendant  quel- 
ques années  encore  son  journal  ou  d'autres  feuilles  pério- 
diques. Ayant  eu  quelques  difficultés  avec  les  autorités 
danoises,  il  vint  s'étabhr  à  Copenhague,  où  il  vécut  du 
métier  de  photographe, 

KOCH  (Eduard-Émil),  né  au  château  de  Solitude, près  de 
Stuttgart,le  30  janv. 4809, mortàStuttgartle27avr. 4874. 
Pasteur,  il  se  fit  connaître  par  une  Gesch,  des  Kirchenbeds 
und  Kirchengesangs  (Stuttgart,  4866-76,  8  vol.). 

KOCH  (Kari-Heinrich-Emil),  botaniste  allemand,  né  à 
Ettersberg,  près  de  Weimar,  le  6  juin  4809,  mort  à 
Berlin  le  25  mai  4879.  De  4836  à  4847,  il  fit  divers 
voyages  en  Russie  et  en  Orient.  Il  se  fixa  alors  à  Berlin 
où  il  fut  nommé  peu  après  professeur  extraordinaire  de 
botanique,  secrétaire  général  de  la  Société  d'horticulture, 
fonda  l'Académie  d'économie  rurale  de  Berlin  et  y  devint 
professeur  de  botanique.  Ouvrages  principaux  :  Wande- 
rungen  im  Oriente {Weimdir^  4846-47,  3  vol.),  et  autres 
relations  de  voyages  ;  Beitr.  zu  einer  Flora  des  Orients 
(Halle  et  Berlin,  4848-54);  Dendrologie  (Erlangen, 
4869-72,  2  vol.)  et  autres  ouvrages  d'horticulture. 

KOCH  (Robert),  médecin  allemand  contemporain,  né  à 
Klausthal  le  44  déc.  4843.  Il  étudia  à  Gœttingue,  fut 
assistant  à  l'hôpital  général  de  Hambourg,  puis  exerça  la 
médecine  successivement  à  Langenhagen  (Ilanovre)  et  à 
Rackwitz  (Posen),  enfin  fut  médecin  pensionné  de  district 
à  Wollsteïn  (4872-80).  C'est  à  cette  époque  qu'il  com- 
mença ses  recherches  bactériologiques  sur  la  septicémie  et 
le  charbon.  Il  passa  ensuite  à  Berlin  comme  membre  du 
comité  d'hygiène  publique.  C'est  en  4882  qu'il  découvrit 
le  bacille  de'ia  tuberculose,  puis  en  4883  il  dirigea  la  com- 
mission envoyée  en  Egypte  et  dans  les  Indes  pour  étu- 
dier le  choléra  et  découvrit  le  bacille  en  virgule.  A  son 
retour  en  Allemagne  (4884),  il  reçut  une  dotation  de 
400,000  marks,  fut  envoyé  en  France  pour  y  observer  le 
choléra,  enfin  fut  nommé  en  4885  professeur  ordinaire  à 
la  faculté  de  médecine  de  Berlin  et  directeur  de  l'Institut 
d'hygiène .  Outre  divers  ouvrages  sur  ses  études  de  prédi- 
lection, il  a  donné  un  grand  nombre  de  mémoires  aux 
Mittheilungen  aus  dem  Kaiser L  Gesimdheitsamte,  Tout 
le  monde  connaît  ses  tentatives  de  guérison  de  la  tubercu- 
lose au  moyen  de  la  tuberculine  (V.  ce  mot  et  Tubercu- 
lose). D^  L.  Hn. 


KOCHANOWSKI  (Jean),  àiijean  de  Çzarnolas^  poète 
polonais,  né  à  Sycvn  en  4530,  mort  à  f^ublin  le  22  août 
4584.  A  l'âge  de  dix -sept  ans,  il  quitta  la  Pologne  pour  se 
rendre  en  Allemagne,  en  Italie  et  en  France.  Il  s'arrêta 
assez  longtemps  à  Padoue,  puis  aussi  à  Bologne,  à  Venise, 
à  Rome,  se  ha  d'amitié  avec  les  frères  Aide,  avec  le  savant 
Sigonius.  Attiré  par  la  gloire  de  Ronsard,  il  se  rendit  à 
Paris.  C'est  de  là  que  Kochanowski  envoya  sa  première 
poésie  commençant  par  ces  mots  :  «  Dieu,  que  veux-tu  de 
nous  pour  tes  miséricordes.  »  Cet  hymne,  d'une  inspira- 
tion magnifique,  écrit  dans  une  langue  incomparable,  fut 
lu  à  la  Diète  de  Sandomir,  où  il  fit  si  grand  effet  que  Nico- 
las Rey,  un  des  premiers  écrivains  polonais  de  l'époque, 
s'avoua  vaincu  et  résolut  de  ne  plus  écrire  qu'en  prose. 
Revenu  dans  sooipays,  Kochanowski  ne  tarda  pas  à  obte- 
nir le  poste  de  secrétaire  du  roi  Sigismond-Auguste,  mais 
il  cultiva  en  même  temps  les  Muses.  Préoccupé  des  desti- 
nées de  son  pays,  il  lui  donna  des  conseils,  le  gourmanda 
doucement  et  l'avertit.  Dans  son  poème  Satyr^  il  s'échauffe 
davantage  et  déclare  la  guerre  aux  maladies  de  son  temps, 
surtout  à  l'âpreté  au  gain,  à  la  soif  de  l'or,  à  l'amour  du 
luxe,  à  la  manie  de  vouloir  imiter  en  tout  l'étranger.  Ail- 
leurs, il  s'élève  contre  les  querelles  intestines.  Dans  ses 
Bagatelles,  où  il  a  mis  «  les  secrets  de  sa  vie  »,  que  nombre 
de  critiques  ont  cherché  à  pénétrer,  il  se  montre  profond 
psychologue  autant  que  charmant  humoriste.  Après  l'Union 
de  Lublin,  Kochanowski  alla  se  fixer  à  Czarnolas  où  il  écri- 
vit successivement  :  le  Choix  d'une  bonne  épouse,  une 
traduction  magistrale  des  Psaumes  de  David  (1578),  une 
foule  de  poésies  de  circonstance  à  l'occasion  du  règne  de 
Henri  111  de  Valois  et  d'Etienne  Batory  ;  le  Renvoi  des 
ambassadeurs  grecs,  sorte  de  drame  composé  à  la  ma- 
nière d'Eschyle  et  de  Sophocle  (trad.  en  français  par  A. 
Denis,  dans  les  Chefs-d'œuvre  des  théâtres  étrangers)  ; 
V Orphée  Sarmate.  Vivant  toujours  à  la  campagne,  il 
s'éprit  d'un  amour  ardent  pour  la  nature  et  pour  la  langue 
maternelle.  Aussi  renonça-t-il  peu  à  peu  au  latin  qu'il 
écrivait  cependant  en  humaniste  accompli,  pour  chanter  en 
un  polonais  admirable  les  joies  de  la  famille  et  le  bonheur 
de  vivre  en  sage  et  en  poète.  La  mort  de  sa  fillette  Ursule 
inspira  à  Kochanowski  les   Thrènes  qui   passent  pour 
être  son  principal  chef-d'œuvre.  Ce  poème  n'est  qu'une 
])lainte  d'un  bout  à  l'autre,  mais  une  plainte  où  les  cris 
d'un  désespoir  terrible  sont  entrecoupés  de  prières  su- 
blimes. Parmi  ses  autres  ouvrages  polonais,  il  faut  encore 
citer  :  la  Concorde,  les  Echecs  et  le  Drapeau,  Ses  poé- 
sies latines  ont  été  publiées  sous  les  titres  suivants  :  Ele- 
giarum  libri  (4584)  ;  Epinicion  (4582)  et  Lyricorum 
libellus  (4580).  Kochanowski  est  sans  contredit  le  plus 
grand  poète  de  l'âge  d'or  de  la  littérature  polonaise.  Nourri 
de  la  plus  pure  sève  classique,  amoureux  d'Horace,   de 
Théocrite  et  de  Virgile,  il  est  cependant  éminemment  na- 
tional. Son  œuvre  est  pleine  d'aspirations  patriotiques,  son 
style,  en  dépit  de  quelques  mots  et  tournures  archaïques, 
est  d'une  clarté  et  d'un  charme  sans  égal.  M.  Venceslas 
Gasztowtt  a  traduit  en  français  plusieurs  poésies  de  Kocha- 
nowski, notamment  les  Thrènes,  Ses  œuvres  furent  réé- 
ditées à  Cracovie  (4859,  3  vol.).  F.  Trawinski. 

Son  frère,  Piotr  (4566-4620),  secrétaire  du  roi  Sigis- 
mond  III  et  chevalier  de  Malte,  a  publié  d'excellentes  ver- 
sions polonaises,  des  poèmes  du  Tasse  et  de  l'Arioste. 

BiBL.  :  Przyboroski,  J.  Kochanov^ski  (en  poL);  Po- 
sen, 1857.  —  René  Lavollée,  la  Poésie  latine  en  Po- 
logne, dans  la  Revue  contemporaine  du  !«'•  juil.  1873.  — 
Lœwenfeld,  J.  Kochanowski  und  seine  lateinische  Dich- 
tungen;  I^osen,  1878.  — Bulletin  polonais,  n»  22,  août  1884. 
—  Louis  Léger,  Nouvelles  Etudes  slaves  ;  Paris,  1886, 3e  voL 

KOCH  AN  S  Kl  (Adam),  célèbre  mathématicien  polonais 
du  xvn^  siècle,  mort  vers  4695.  Il  fut  professeur  à 
Mayence,  à  Florence,  à  Olmûtz.  De  retour  en  Pologne,  il 
fut  mathématicien  du  roi  Jean  III  Sobieski  et  bibhothécaire 
de  son  château  de  AVillanow.  Il  a  publié  en  latin  un  cer- 
tain nombre  d'opuscules  fort  intéressants  dans  les  Ana- 
lecta  de  Scholt  et  dans  les  Acta  eruditorum  édités  à 


-  583 


KOCHANSKÏ  —  KOŒ 


Leipzig.  Son  oeuvre  a  été  appréciée  par  Zebrowski  dans  les 
Mémoires  (Hoczniki)  de  la  Société  des  sciences  de  Cra- 
coYie  (t.  XXX). 

KOCHEL  (Lac).  Petit  lac  de  Bavière,  au  pied  de  mon- 
tagnes abruptes  ;  il  a  4  kil.  de  long,  2  kil.  de  large,  80  m, 
de  profondeur.  Formé  par  la  Loisach,  il  s'épanche  au  N. 
dans  le  Rohrsee  et  des  marais  qui  attestent  son  ancienne 
extension.  —  Le  village  de  Kochel  (eaux  minérales)  est 
au  N.-E. 

KOCHEM  ou  KOCHHEIM.  Ville  de  Prusse,  district  de 
Coblentz,  sur  la  Moselle  ;  3,500  hab.  Château  ;  vignobles, 
minoteries.  Ancien  fief  des  comtes  palatins  d'Aix-la-Cha- 
pelle, puis  burgraviat  cédé  à  l'archevêché  de  Trêves  ;  les 
Français  brûlèrent  la  ville  et  les  châteaux  voisins  en  1689. 
BiBL.  :  Pauly,  Stadt  und  Burg  Kochem  ;Kochem^  1883. 
KOCHER.  Rivière  du  Wurttemberg,  affluent  droit  du 
Neckar  ;  «480  kil.  de  long.  Formé  de  la  Kocher  Rouge  et 
de  la  Kocher  Noire,  nées  dans  Hœrdtfeld,  elle  décrit  une 
courbe  vers  le  N.-O.,  reçoit  à  gauche  la  Lein  et  la  Bret- 
tach,  à  droite  la  Biihler. 

KOCHER  (Conrad),  musicien  allemand,  né  à  Dizingen 
(Wurttemberg)  le  16  déc.  1786,  mort  après  1860.  D'abord 
précepteur  à  Saint-Pétersbourg,  il  revint  dans  son  pays  en 
1820  et  composa  plusieurs  opéras  :  la  Cage  et  le  Roi  des 
Elfes  furent  joués  à  Stuttgart,  et  son  oratorio,  la  Mort 
d  Abel^  à  Leipzig,  Kocher  fit  ensuite  un  séjour  prolongé  en 
Italie  où  les  études  qu'il  fit  du  répertoire  de  la  chapelle  Sixtine 
eurent  une  inlluence  sur  ses  travaux  ultérieurs.  Revenu  à 
Stuttgart,  il  publia  d'abord  un  important  ouvrage  :  VArt 
musical  dans  V Eglise  (1823),  et  fonda  bientôt  après  une 
société  de  chant  religieux,  dans  le  but  d'introduire  le  chant 
à  quatre  parties  dans  l'Eglise.  Le  Wûrttemberger  Choral- 
buch  fut  composé  d'après  ses  principes.  Kocher,  nommé 
organiste  de  la  cathédrale,  fonda  la  société  chorale  «  Lie- 
derkranz  »,  qui  existe  encore.  On  connaît  aussi  de  lui  une 
méthode  de  piano,  un  traité  de  composition  et  des  compo- 
sitions chorales. 

KO  C H  0  WS  Kl  ( Jérôme- Vespasien),  poète  et  historien  polo- 
nais, né  vers  1630,  mort  à  Cracovie  en  1699.  Elève  du  collège 
des  jésuites  de  Sandomir,  il  guerroya  d'abord  pendant  dix 
ans  contre  les  Cosaques  et  contre  les  Suédois,  puis  il  se  fixa 
aux  environs  de  Cracovie.  Jean  III  Sobieski  le  nomma 
historiographe  de  la  cour.  Il  a  écrit  en  polonais  et  en 
latin.  Ses  principales  œuvres  poétiques  sont  :  Poésies 
lyriques  et  Epigrammes  (1674)  ;  le  Jardin  virginal 
(1651),  recueil  d'épigrammes,  consacré  à  la  sainte  Vierge; 
la  Délivrance  de  Vienne  (1684).  Elles  respirent  un  pa- 
triotisme très  sincère,  mêlé  de  convictions  républicaines 
et  religieuses  à  la  fois.  Au  point  de  vue  de  la  forme,  Ko- 
chowski  subit  encore  l'influence  classique  de  Kochanowski 
dont  il  n'égale  pas  la  pureté  ;  mais  comme  fond  il  est  plus 
intéressant,  il  a  plus  de  flamme  et  plus  d'entrain,  car  il 
puise  de  préférence  son  inspiration  dans  la  société  oii  il  vit, 
dans  l'atmosphère  qu'il  respire.  C'est  sans  contredit  un 
des  représentants  les  plus  brillants  de  Fancienne  poésie 
polonaise.  Comme  historien,  il  a  également  une  très  grande 
valeur.  Son  Commentarius  belli  adversus  Turcos  (Cra- 
covie, 1684)  et  ses  Annalium  Poloniœ  Climatecteres 
(3  parties;  Cracovie,  1683,  1688,  1698,  3  vol.  in-fol.) 
sont  plutôt  des  mémoires,  mais  d'un  réel  intérêt  et  indis- 
pensables à  consulter  pour  quiconque  veut  étudier  à  fond 
l'histoire  de  Pologne  au  xvii®  siècle.         F.  Trawinski. 

BiBL.  :  A.  RzAZEWSKi,  Etudes  sur  la  littérature  polo- 
naise  des  xviio  et  xviip  siècles  (en  poL);  Varsovie,  1871. 
—  Nehring,  Etudes  littéraires;  Posen,  1884. 

KOCI  ou  KOSL  Rivière  de  l'Inde,  affluent  droit  du 
Gange  ;  520  kil.  de  long.  Elle  vient  du  Tibet,  formée  par  la 
réunion  duPhoung-tou  et  de  FAroun  (Ilang-tong-tchéou), 
venant  l'un  de  l'O.  (au  N.  du  Gaurisankar), l'autre  de  FE. 
(Sikkim)  ;  elle  passe  entre  le  Gaurisankar  et  le  Kintchind- 
jinga,  pénètre  dans  le  Népal,  où  elle  reçoit  la  San  ou 
Mana^Koci,  entre  en  plaine,  reçoit  la  Gagri  et  finit  près 
de  Rhagalpour.  Rivière  rapide  et  torrentueuse,  profondé- 
ment encaissée  dans  le  Népal,  elle  ronge  ses  rives  dans 


la  plaine  et  son  lit  se  déplace  rapidement  vers  l'O.  (de 
40  kil.  en  moins  de  deux  siècles).  C'est  une  des  rivières 
sacrées  des  brahmanes. 

KOCK  (Mathias)  (V.  Cock). 

KOCK  (Hieronymus)  (V.  Cock). 

KOCK  (Lucas  Cornelisz  de)  (V.  Cobnelisz). 

KOCK  (David),  peintre  suédois,  dont  la  vie  est  inconnue. 
C'est  lui  qui  a  peint,  dans  la  première  moitié  du  xviii®  siè- 
cle, pour  le  roi  Frédéric  I®'^  et  la  reine  Ulrique-Eléonore, 
les  tableaux  qui  ornent  la  galerie  du  château  de  Gripsholm. 

KOCK  (Henri,  baron  de),  général  hollandais,  néàHeus- 
den  en  1779,  mort  à  La  Haye  en  1845.  H  entra  dans  la 
marine,  fut  envoyé  en  1806  à  Batavia  et  fut  le  collabora- 
teur distingué  du  gouverneur  Wiese,  et  plus  tard  de  Daen- 
dels.  En  1809,  il  était  général  de  brigade  commandant  la 
division  militaire  de  Samarang.  Fait  prisonnier  en  1811 
par  les  Anglais  vainqueurs  à  Java,  il  fut  conduit  en  Angle- 
terre et  y  demeura  jusqu'à  la  chute  de  l'empire  français. 
Il  entra  alors  au  service  du  roi  Guillaume,  se  distingua  à 
Waterloo  et  retourna  aux  Indes  en  1817  comme  comman- 
dant en  chef  de  l'armée  coloniale  ;  il  réprima  avec  énergie 
les  soulèvements  de  Palembang  et  pacifia  tout  l'archipel  de 
la  Sonde.  Dans  cette  mission  difficile,  il  fit  preuve  de  qua- 
lités militaires  et  administratives  éminentes.  Il  revint  en 
Hollande  en  1830,  et  fut  ministre  de  l'intérieur  de  1836 
à  1841.  Guillaume  P^'  lui  avait  conféré  le  titre  de  baron. 
BiBL.  :  Van  Kampen,  Histoire  des  Hollandais  aux  co- 
lonies (en  holL);  Haarlem,  1831-33,  4  vol.  in-8. 

KOCK  (Charles-Paul  de),  Httérateur  français,  né  à 
Passy  le  21  mai  1793,  mort  à  Paris  le  27  avr.  1871.  Fils 
d'un  banquier  hollandais,  mis  à  mort  en  même  temps 
qu'Anacharsis  Cloots,  Hébert  et  Ronsin,  il  fut  d'abord  com- 
mis dans  une  maison  de  banque,  puis,  malgré  la  résis- 
tance de  ses  parents,  abandonna  son  emploi  pour  s'adonner 
au  théâtre  et  à  la  littérature.  Ses  débuts  dans  le  mélodrame 
ne  faisaient  guère  présager  la  verve  comique  qu'il  devait 
répandre  plus  tard,  et  c'est  pour  mémoire  seulement  qu'il 
convient  de  rappeler  les  titres  de  ces  premières  affabulations  : 
]\r"^de  Fa/noir  (1814);  Catherine  de  Courlande{iUA); 
la  Bataille  de  Veillane  (1815);  le  1  ambour  portugais 
(1815)  ;  le  Mo^ilinde  Mansfeld(iSV6).  Sa  collaboration 
avec  Gouffé  pour  divers  vaudevilles  lui  ouvrit  les  portes  de 
l'Opéra-Comique  et  il  écrivit  soit  seul,  soit  en  collaboration, 
les  livrets  de  :  Une  Nuit  au  château  (1818),  musique  de 
Mengal;  le  Philosophe  en  voyage  (1821),  musique  de 
Kreubé  et  Pradher  ;  les  Infidèles  (1823),  musique  de  Men- 
gal ;  le  Muletier  (1823),  musique  de  Herold,  qui  demeura 
longtemps  au  répertoire. 

Paul  de  Kock,  qui  avait  dû,  faute  d'éditeur,  imprimer  à 
ses  frais  son  premier  roman,  V Enfant  de  ma  femme 
(1811, 2  vol.  in-12),  dont  le  titre  égrillard  n'avait  pas  suffi 
à  assurer  le  succès,  trouva  dix  ans  plus  tard  sa  véritable 
voie  dans  une  série  de  récits  oii  il  a  peint  les  mœurs  de  la 
petite  bourgeoisie  et  du  commerce  parisien  de  son  temps  : 
Georgette^ou  la  Mère  du  Tabellio7i(iS'2(},  4  vol.  in-12)  ; 
Gustave  ou  le  Mauvais  Sujet  (1821 , 3  vol.  in-12)  ;  Fi^ère 
Jacques  (1822)  ;  Monsieur  Dupont  (1824)  ;  André  le 
Savoyard  (1825);  le  Barbier  de  Paris  (1826);  la 
Femme,  le  Mari  et  l'Amant  (1829)  ;  le  Cocu  (1831); 
la  Pucelle  de  Belleville  (1834);  Zizine  (1836);  Un 
Tourlourou  (1837);  Moustache  (1838);  r Homme  aux 
trois  culottes  (1840)  ;  Ce  Monsieur  (1842)  ;  l  Amou- 
reux transi  (1843)  ;  Sans  Cravate  (1844)  ;  V Amant  de 
la  lune  (1847).;  Un  Monsieur  très  tourmenté  (i^"^^)  ; 
Taquinet  le  bossu  (1857);  le  Millionnaire  (1887)  ;  Une 
Femme  à  trois  visages  (1859);  les  Demoiselles  de  ma- 
gasin (1863)  ;  le  Professeur  Fihelaque  (1867),  etc. 
Tous  ces  romans,  publiés  d'abord  en  volumes  de  cabinet 
de  lecture,  puis,  à  partir  de  1843,  en  feuilletons,  ont  été 
l'objet  de  diverses  réimpressions  collectives  :  l'une  d'elles 
(30  vol.  in-18)  est  ornée  de  vignettes  de  Raffet  ;  Fautre, 
de  beaucoup  plus  considérable,  ne  comporte  pas  moins  de 
97  vol.  in-18.  Encore  ne  renferme-t-elle  pas  les  nom- 


KOCK  —  KCECHLIN 


.H84 


breux  vaudevilles  dont  Paul  de  Kock  empruntait  le  sujet 
à  ses  propres  créations,  ou  qu'il  écrivit  en  collaboration 
avec  Carmouche,  les  frères  Cogniard,  Dupeuty,  Varin,  etc., 
ni  deux  volumes  de  poésies  et  de  chansons  :  Contes  en  vers 
(1824,  in-12)  et  la  Bulle  de  savon  (1829,  in-18),  non 
plus  que  ses  Mémoires  posthumes  (1873,  in-i8),  œuvre 
de  son  extrême  vieillesse  et  oii  Ton  retrouve  son  intaris- 
sable bonne  humeur.  Il  faut  citer  aussi  à  part  la  Grande 
Ville  (1842,  2  vol.  gr.  in-8),  dont  Paul  de  Kock  rédigea 
seul  le  texte  du  premier  volume  (réimpr.  depuis  dans  ses 
Œuvres  complètes) ,  des  articles  dans  les  Cent  et  Un  et  une 
Physiologie  de  Vhomme  marié  (1841,  in-18).  M.  Tx. 
BiBL.  :  Th.  Trimm,  la.  Vie  de  Ch.-P.  de  Kock  ;  Paris,  1873. 

KOCK  (Paul-Henry  de),  littérateur  français,  fils  du  pré- 
cédent, né  à  Paris  le  25  avr.  1819,  mort  à  Limeil  (Seine-et- 
Oise)  le  14  avr.  1892.  Il  s'essaya  de  très  bonne  heure 
dans  le  genre  qui  avait  illustré  son  père,  sans  y  trouver 
jamais  les  succès  retentissants  de  celui-ci,  et  aussi  dans  le 
roman  d'aventures  oti  il  ne  fut  pas  non  plus  pour  Alexandre 
Dumas  ou  Paul  Féval  un  concurrent  redoutable.  Il  suffira 
de  rappeler  quelques-uns  des  titres  de  ces  nombreux  vo- 
lumes: Berthe  V Amoureuse  (1843,  2  vol.  in-6)  ;  le  Boi 
des  étudiants  et  la  Beine  des  grisettes  (1844,  4  vol. 
in-8)  ;  Loretteset  gentilshommes  (1847,  3  vol,  in-8)  ; 
les  Lorettes  vengées  (1853,  3  vol.  in-8)  ;  Brin  d'amour 
(1857,  in-8)  ;  le  Médecin  des  voleurs  (1857-58,  12  vol. 
in-8);  la  Dame  aux  émeraiides  (1859,  4  vol.  in-8)  ; 
les  Baisers  maudits  (1860,  in-18);  le  Démon  de  Ta/- 
côve  (iSQ%in'\S);  les  Buveurs  d'absinthe{iS6^,i  OyoL 
in-8);  la  Voleuse  d'amour  (1863,  in-18)  ;  les  Accapa- 
reuses  (1864,  in-18)  ;  la  Nouvelle  Manon  (1864,  in-18)  ; 
les  Treize  Nuits  de  Jane  (1864,  in-18)  ;  Une  Petite  Cou- 
sine (1865,  in-18)  ;  V Amoureuse  de  Pierrefonds  (1867, 
in-18);  Mademoiselle  ma  femme  (1868,  in-18);  la 
Fille  à  son  père  (1869,  in-18);  Mademoiselle  Croque- 
mitaine  (1871,  in-18),  etc.  Henry  de  Kock  avait  égale- 
ment signé  un  certain  nombre  de  compilations  soi-disant 
historiques  sur  les  Cocus  célèbres  (1869,  in-4,  ill.)  ;  les 
Courtisanes  célèbres  (1869,  in-4,  ill.)  ;  les  Libertins 
et  Libertines  célèbres  (1871,  in-4,  ill.)  ;  les  Farceurs 
célèbres  (1872,  in-4,  ill.).  Au  théâtre,  il  a  été  le  colla- 
borateur de  son  père  pour  VEau  et  le  Feu  (1846)  ;  de 
Théodore  Barrière  pour  la  Vie  en  rose  (1856),  et  la 
Maison  du  pont  Notre-Dame  (1861),  drame  en  cinq 
actes,  d'Emmanuel  Gonzalès  pour  les  Frères  de  la  côte 
(1856),  drame  en  cinq  actes,  tiré  d'un  roman  de  cet  écri- 
vain ;  de  M.  Ernest  Blum  pour  11  n'y  a  plus  d'enfants 
(1859),  etc.  M.  Tx. 

KOCKUWl  (Frans-Henrik),  grand  industriel  suédois,  né 
à  Malmô  en  1802,  mort  à  Malmô  en  1875.  D'abord  à  la 
tète  de  la  plus  importante  manufacture  de  tabacs  de  la 
Suède,  il  fonda,  ei  1840,  près  de  Malmô,  une  fonderie  et 
un  atelier  de  constructions  qui  prirent  bientôt  une  exten- 
sion considérable.  Il  s'intéressait  également  à  toutes  sortes 
d'industries  ^ui  se  créaient  dans  le  pays  :  filatures,  bras- 
series, chemins  de  fer,  etc. 

KO  DAM  A  (V.  QoDAMA). 

KODHAÏ  (V.  QoDHÂï). 

KODYMA.  Rivière  de  Russie,  affl.  dr.  du  Boug  méri- 
dional ;  elle  naît  en  Podolie  et  sert  de  frontière  entre  ce 
gouv.  et  celui  de  Kherson;  elle  a  160  kil.  de  long. 
Mannheim  défiât  les  Turcs  sur  ses  bords  (1739). 

K0D20UKÉ.  Prov.  du  Japon,  au  centre  de  Nippon,  ré- 
gion de  Tôzando,  ken  de  Goumba;  elle  occupe  le  bassin 
supérieur  du  Toué-gava,  compte  plus  de  600,000  hab.  ; 
les  villes  principales  sont  Takasaki  et  Mayébasi. 

KŒBEL  (Jacob),  mathématicien  allemand,  né  à  Heidel- 
berg  en  1470,  mort  en  1533.  Après  avoir  commencé  le 
droit  dans  sa  patrie,  il  alla  étudier  les  mathématiques  à 
Cracovie,  où  il  fut  condisciple  de  Copernic,  puis  obtint  une 
charge  de  secrétaire  de  ville  à  Oppenheim.  Il  a  publié  plu- 
sieurs éditions  de  traités  élémentaires  sur  le  calcul  avec  les 
jetons  (1514),  avec  la  plume  (1520),  l'arpentage  (1515), 


qui  sont  composés  d'après  les  traditions  de  l'ancienne  école 
et  où  les  signes  numériques  romains  sont  appelés  nombres 
allemands  ordinaires  et  opposés  aux  chiffres  (modernes), 
désignation  qui  commençait  seulement  alors  à  devenir  d'un 
emploi  général. 

KŒBERGER  (Wenceslas)  (V.  Cœberger). 

KŒBERLE  (Georg),  auteur  dramatique  allemand,  né  à 
Nonnenhorn,  sur  le  lac  de  Constance,  le  21  mars  1819. 
Elève  des  jésuites,  il  s'enfuit  de  leur  collège  germanique  de 
Rome  et  publia  sur  leur  compte  des  révéhtions,  Aufzeich- 
mungen  ans  dem  deutschem  liolleg  in  Bom  (1846); 
ses  drames  :  DeiMediceer  (Mannheim,  1849);  Heinrick  IV 
'i;o^Fm??ir^2V/i  (Leipzig,  1851);  ses  comédies  :  /)^r  i^zms^ 
lers  Weih,  Max  Emanuels  Brantfahrt,  etc.,  eurent  un 
certain  succès.  Il  dirigea  le  théâtre  d'Heidelberg  (1853- 
56)  et  celui  de  la  cour  à  Karlsruhe  (1872-73)  et  publia 
des  ouvrages  remarqués  sur  la  crise  théâtrale  ;  un  roman. 
Ailes  um  Niçhts  (1871,  3  vol.). 

KŒBERLÉ  (Eugène),  chirurgien  alsacien,  néàSchlett- 
stadt  en  1828.  Il  fut  agrégé  à  fa  faculté  française  de  mé- 
decine de  Strasbourg  et  depuis  la  guerre  a  continué  à 
exercer  la  chirurgie  dans  cette  ville.  Il  est  universellement 
connu  par  ses  opérations  d'ovariotomie  et  a  écrit  plusieurs 
ouvrages  sur  ce  sujet. 

KŒCHLIN.  Famille  d'industriels  et  d'hommes  pohtiques 
alsaciens.  En  1596,  Hartmann  Kœchlin,  originaire  de 
Zurich,  vint  s'établir  à  Mulhouse. 

Samuel  Kœchlin  (1719-76),  l'un  de  ses  descendants, 
fonda  dans  cette  ville,  en  1746,  avec  Jacques  Schmaltzer 
et  Henri  Dollfus,  sous  la  raison  Kœchlin,  Schmaltzer 
et  C^^  une  fabrique  de  toiles  peintes  ou  indiennes,  in- 
dustrie à  peine  naissante  en  Europe.  L'établissement 
prospéra,  mais  la  société  fut  dissoute  à  la  mort  de  Samuel 
Kœchlin. 

Jean  (1746-1836),  l'aîné  des  dix-sept  enfants  du  pré- 
cédent, s'associa  avec  deux  de  ses  frères,  Josué  et  Hart- 
manîi  et  monta  avec  eux,  sous  la  raison  Kœchlin  frères, 
une  nouvelle  fabrique  d'indiennes.  H  s'en  retira  pour  créer 
à  Mulhouse  un  Institut  commercial,  puis  dirigea  la  grande 
manufacture  de  Wesserling,  et,  revenu  à  Mulhouse  en 
1802,  entra  dans  la  maison  de  son  fils  Nicolas. 

Jacques  (1776-1834),  un  des  dix-neuf  enfants  du 
précédent,  fut  également  l'associé  de  Nicolas  (V.  le  sui- 
vant). Maire  de  Mulhouse,  député  de  1820  à  1826,  il  sié- 
gea à  l'extrême  gauche,  défendit  vivement  à  la  tribune  le 
colonel  Caron,  impliqué  dans  la  conspiration  de  Belfort,  et 
fut  condamné  à  six  mois  de  prison  pour  une  Belation  his- 
torique des  événements  (Paris,  1822,  in-8). 

Nicolas  (1781-1852),  frère  du  précédent,  fonda  en 
1802,  à  Mulhouse,  sous  hrsâson Nicolas  Kœchlin  et  frères, 
un  établissement  analogue  à  ceux  précédemment  créés 
par  son  aïeul  et  par  son  père.  Il  servit  en  1814,  comme 
officier  volontaire,  ainsi  que  son  frère,  Ferdi7iand  (1786- 
1854),  fit,  l'année  suivante,  à  la  tête  d'habitants  de  Mul- 
house, la  guerre  de  partisans  dans  les  Vosges,  fut  quelque 
peu  mêlé  à  la  conspiration  de  Belfort  (1821)  et  repré- 
senta le  Haut-Rhin  comme  député  de  1826  à  1841.  En 
1848,  il  fut  commissaire  du  gouvernement  provisoire  dans 
le  Haut-Rhin.  Tout  en  faisant  prospérer  sa  maison,  devenue 
bientôt  la  plus  vaste  fabrique  d'indiennes,  il  avait  édifié 
en  1825,  à  Mulhouse,  un  nouveau  quartier,  et  il  avait 
construit  de  1839  à  1841  deux  des  premières  lignes  de 
chemins  de  fer  de  France,  celles  de  Mulhouse  à  Thann 
et  de  Strasbourg  à  Râle,  qu'il  s'était  fait  concéder. 

/)«m^/ (1785-1871),  frère  du  précédent,  étudia  la  chi- 
mie à  Paris  dans  les  laboratoires  de  Fourcroy  et  de  Vauque- 
lin,  entra  dans  la  maison  de  Nicolas,  qu'il  dirigea  ensuite 
très  longtemps,  et  contribua  le  plus,  de  tous  ses  frères,  à 
son  développement  par  ses  importants  travaux,  qui  riva- 
lisèrent avec  ceux  de  J.-JB.  Haussmami(\,  ce  nom), quant 
à  leur  influence  sur  les  progrès  de  l'industrie  des  toiles 
peintes.  Il  faut  mentionner  surtout  son  nouveau  procédé 
de  teinture  en  garance  et  sa  découverte  de  Venlevage, 


585  — 


K(ECHLIN  —  KCEHLER 


André  (1789-1875),  l'un  des  quatorze  enfants  du 
docteur  Jacques  Kœchlin  (1754-1814),  lui-même  frère  de 
Jean  (V.  ci-dessus),  épousa  une  fille  de  Dollfus-Mieg, 
qui  possédait  à  Mullioiise  une  fabrique  analogue  à  celle 
des  Kœchlin,  dirigea  après  la  mort  de  son  beau-père,  de 
1818  à  1830,  cet  important  établissement,  et  fonda  en 
181-^0,  dans  la  même  ville,  une  fonderie  et  de  grands  ate- 
liers de  construction  de  machines  d'où  sortit  l'une  des 
premières  locomotives  françaises.  Ils  fusionnèrent  en  1872 
avec  l'usine  de  Grafenstaden  (V.  ce  mot),  pour  former 
la  Société  alsacienne  de  constructions  mécaniques^ 
qui  a  en  outre,  depuis  1880,  de  grands  ateliers  à  Bel  fort. 
Déjà  maire  de  Mulhouse,  André  Kœchlin  fut  de  iS'r'^'i  à 
1848  député.  Il  siégea  parmi  les  conservateurs.  Ses  inven- 
tions sont  nombreuses  (métier  à  tisser  le  coton,  banc  à 
brocher  à  engrenages,  ren videur,  etc.).  Il  a  perfectionné 
en  outre  les  machines  à  filer  le  lin  et  le  chanvre.  C'est  lui 
qui  a  fait  construire  à  Mulhouse,  en  1835,  les  premiers 
logements  d'ouvriers  (V.  CrrÉs  ouvrières,  t.  XI,  p.  490). 

Joseph  Kœchlin-Schlumberger  (1796-1863),  l'un  des 
quatorze  enfants  de  Josué^  lui-même  frère  de  Jean  (V.  ci- 
dessus),  dirigea  successivement  à  Mulhouse  une  filature  et 
une  fabrique  de  toiles  imprimées.  Il  fut,  sous  le  second 
Empire,  maire  de  la  ville,  qu'il  embellit  beaucoup.  Il  est 
surtout  connu  comme  géologue.  On  lui  doit  notamment 
des  cartes  géologiques  du  Haut-Rhin  et  du  Bas-Rhin  et 
des  études  sur  la  géologie  et  la  paléontologie  du  Haut- 
Rhin  (1856),  sur  les  formations  tertiaires  en  Alsace  et 
dans  le  Dauphiné  (1860),  sur  le  terrain  de  transition  des 
Vosges  (1862),  etc. 

Eugène  (1815-1885),  fils  de  Daniel  (V.  ci-dessus), 
prit,  à  la  mort  de  son  père,  la  direction  de  la  maison 
Kœchlin  frères^  à  la  tête  de  laquelle  se  trouve  actuelle- 
ment (1895)  son  propre  fils,  Emile^  né  en  1848. 

Alfred  Kœchlin-Steinbach  (1825  -1872),  frère  d'Eugène 
(V.  le  précédent),  fut  à  Mulhouse,  pendant  tout  l'Empire, 
le  chef  de  l'opposition  républicaine.  Après  la  Révolution  du 
4  sept.  1870,  il  devint  maire  de  Mulhouse  et  proposa  au 
gouvernement  de  la  Défense  nationale  d'équiper  à  ses  frais 
un  corps  de  5,000  hommes.  Les  électeurs  du  Haut-Rhin 
l'envoyèrent,  le  8  févr.  1871,  à  l'Assemblée  nationale  de 
Bordeaux,  d'où  il  se  retira  après  la  ratification  de  la  ces- 
sion de  l'Alsace-Lorraine.  M.^^  Louis  Andrieux  est  sa  fille. 

Alfred  Kœchlin-Schwartz  (1829-95),  arrière-petit- 
neveu  de  Jacques,  Nicolas,  etc.  (V.  ci-dessus).  Il  dirigea, 
après  de  longs  voyages  d'études  en  Europe  et  en  Asie, 
l'importante  filature  créée  à  Mulhouse  par  son  père,  Jean 
(1801-70).  Pendant  la  guerre  de  1870-71,  il  organisa 
plusieurs  bataillons  de  volontaires  et  fut  nommé  par  Gam- 
betta  commandant  militaire  de  l'arr.  de  Mulhouse,  puis 
commandant  des  légions  d'Alsace-Lorraine  en  voie  de  for- 
mation à  Lyon.  Il  avait,  dans  l'intervalle,  été  quelques 
semaines  prisonnier.  Rentré  à  Mulhouse  après  l'amnistie, 
il  en  fut  bientôt  expulsé  par  les  Allemands,  résida  quelque 
temps  à  Belfortet  vint,  en  1872,  se  fixera  Paris.  Devenu 
en  1879  maire  du  VIIÏ*'  arr.,  il  fut  vivement  attaqué  en 
1887  par  la  presse  républicaine  à  la  suite  de  divers  inci- 
dents administratifs,  fit  adhésion  au  bouîangisme  et  fut 
révoqué  en  juil.  1888.  Le  19  août  suivant,  une  double 
vacance  s'étant  produite  dans  le  Nord,  il  fut  élu  député 
de  ce  dép.  par  126,507  voix,  en  même  temps  que  le  gé- 
néral Boulanger.  Il  ne  fut  pas  renommé  ne  1889.  Il  a 
écrit  de  nombreux  articles  de  journaux  et  quelques  livres  : 
Un  Touriste  au  Caucase  (Paris,  1881,  in-12);  Un  Tou- 
riste en  Laponie  (Paris,  1882,  in-12).  Il  a  exposé  des 
fusains  aux  Salons  de  1864àl879.M^^  Kœchlin-Schwartz, 
présidente  de  la  société  de  secours  aux  blessés  «  l'Associa- 
tion des  femmes  de  France  »,  est  sa  veuve. 

Maurice  (né  en  1856),  arrière-petit-neveu  à' André 
(V.  ci-dessus),  est  ingénieur  de  la  maison  Eiffel  et  l'un  des 
auteurs  de  la  tour  de  300  m.  Il  a  publié  dans  Tencyclo- 
pédie  Lechalas  :  Applications  de  la  statique  graphique 
(Paris,  1889,  in-8). 


Les  Kœchlin  sont  alliés  à  toutes  les  grandes  familles  de 
Mulhouse.  En  1881,  cent  ans  après  sa  mort,  Samuel 
Kœchlin  avait  un  peu  plus  de  2,250  descendants.      L.  S. 

Bii3L.  :  Ed.  Vkrny,  Notice  biographique  sur  M.  Jean 
Kœchlin;  Mulhouse,  1836,  in-8.  —  Ch.  Grad,  J.  Kœchlin- 
Schlumberger;  Colmar,  1874,  in-8.  —  Aug.  Dollfus,  Ta- 
bleaux généalogiques  de  la  famille  Kœchlin;  Mulhouse, 
1881,  in-4.  —  N.  Khrsham,  Livre  d'or  de  la  ville  de 
Mulhouse;  Mulhouse,  1883,  in-fol.  (2«  éd.). 

KŒCHLY(Hermann-August-Theodor),  philologue  et  an- 
tiquaire allemand,  né  à  Leipzig  le  5  août  1815,  mort  à 
Trieste  le  3  déc.  1876.  Il  étudia  à  Leipzig  où  il  eut  G.  Her- 
mann  pour  professeur,  puis  en  1837  il  professa  lui-même  à 
Saalfeld,  et  en  1 840  à  Dresde.  Il  prit  en  i  848  une  grande 
part  à  la  réorganisation  de  l'enseignement  en  Allemagne  et 
fut  élu  membre  de  la  seconde  Chambre  du  royaume  de  Saxe. 
Impliqué  dans  les  troubles  de  Dresde  la  même  année,  il  se 
réfugia  à  Bruxelles,  puis  à  Zurich  où  il  professa  l'archéo- 
logie. On  lui  doit  :  Vorlesungen  ueber  Sophocles  Anti- 
gone  (Dresde,  1844);  Ueber  das  Princip  des  Gymna- 
sialunterrichtes  der  Gegenwart  (Dresde,  1845)  ;  Zur 
Gymnasialreform  (Dresde,  1846)  ;  Qiiintus  Smyrnœus, 
cum  prolegom£nis  ac  notis  criticis  («Leipzig,  1850); 
Pseudo-Manetho  et  Maximus  Tyrius  (Paris,  1851); 
Opuscula  academica  (Leipzig,  1853);  Geschichte  des 
griechischen  Kriegswesens  (Aarau,  1 852),  excellent  traité 
sur  l'art  de  la  guerre  chez  les  Grecs,  publié  en  collabora- 
tion avec  Rustow  ;  Einleitung  zu  Cœsars  Commenta- 
rien  (Gotha,  1857,  in-8). 

KŒCK(Pieter)(V.  Cœck). 

KŒCK  (Michael),  peintre  autrichien,  né  à  Innsbruck  en 
1760,  mort  à  Rome  en  1825.  Elève  de  Peter  Denifle  dans 
sa  ville  d'origine,  puis  de  Knoller  à  Milan,  il  alla  comme 
pensionnaire  impérial  à  Rome,  où  il  s'installa,  et  devint 
membre  de  l'Académie  de  Saint-Luc  et  directeur  de  l'école 
de  mosaïque  papale.  On  lui  doit,  entre  autres  productions 
remarquables,  une  Histoire  d'Achille  en  quatorze  tableaux 
(musée  d'Innsbruck). 

KŒGEL  (Rudolf), prédicateur  allemand,  né  à  Birnbaum 
(Posnanie)  le  18  févr.  1829.  Prédicateur  à  La  Haye 
(1857-6;»),  il  acquit  une  grande  réputation  d'éloquence  et 
fut  appelé  à  la  cour  de  Berlin  ;  son  influence  sur  l'empereur 
était  assez  considérable  :  il  l'employa  contre  Falk.  Il  a  pu- 
blié beaucoup  de  ses  sermons  :  Aus  dem  Vorhofim  Heilig- 
tum  (2*^ éd.,  Rrême,  1878-80,  2  vol.);  Wach  auf  Stadt 
der  Jérusalem  (1882),  etc. 

KΠH  LER  (Johann- David),  historien  et  numismatiste  alle- 
mand, né  à  Colditz,  près  de  Leipzig,  le  18  janv.  1684,  mort 
à  Gœttingue  le  10  mars  1735.  if  étudia  à  Gœttingue,  puis 
en  1710  fut  nommé  professeur  de  logique  à  Altorf  et  bi- 
bliothécaire de  l'université.  Plus  tard,  en  1725,  il  devint 
professeur  d'histoire  à  l'université  de  Gœttingue.  D'une 
fécondité  peu  commune,  il  écrivit  plus  de  cent  ouvrages, 
parmi  lesquels  quelques-uns  méritent  d'être  cités  :  De  In- 
clyto  libro  poetico  Theuerdank  (Altorf,  1714  et  1719, 
in-4;  nouv.  éd.  en  1790,  par  les  soins  de  Hommel);  Fasti 
universitatis  Aldorfinœ  (Altorf,  1719-23,  5  vol.  in-4); 
De  Bibliotheca  Caroli  Magni  (Altorf,  1727,  in-4);  His- 
toria  comitum  de  Wolfstein  (Leipzig,  1728,  in-4)  ;  Bis- 
torische  Mûnzbelustigimgen  (Nuremberg,  1729-55, 
22  vol.  in-8,  avec  2  vol.  de  tables  in-4,  publiées  après  la 
mort  de  l'auteur)  :  dans  ces  Amusements  numisma- 
tiques,  Kœhler  donne  la  description  et  l'exphcation  d'une 
grande  quantité  de  médailles  allemandes,  et  ce  recueil  cu- 
rieux est  encore  souvent  consulté  aujourd'hui  :  Historische 
Nachricht  von  den  Hofœmtern  des  Herzogthums  Braun- 
schiveig  und  Lilneburg  (Gœttingue,  1746,  in-4)  ;  Systema 
familiarum  augustarum  (1721-31). 

KŒHLER  (Johann-Tobias),  historien  et  numismatiste 
allemand,  né  à  Altorf  le  17  janv.  1720,  mort  à  Gœt- 
tingue le  26  déc.  1768,  fils  du  précédent.  Après  avoir 
étudié  à  l'université  de  Gœttingue,  il  y  devint  professeur 
de  philosophie  en  1757.  On  lui  doit  :  f^otice  sur  la  vie 
de    Wigulee  Eund  (Gœttingue,   1750,   in-4);    Vin- 


KCmim  -  KdlLCSEY 


—  586  - 


tarus,  primus  inter  Germanos  artis  salutaris  peritia 
celebris,  Caroli  Magni  medicus  (Gœttingue,  4757,  Jn-4)  ; 
Disse}' tatio  de  Entio  seii  Henrico^  Frederici  II  imper a- 
toris  nothOj  rege  Sardiniœ^  Piomani  imperatorii  per 
Italimn  vicario  {GœUmgue,  il^l ,  m-4);  Vollsttœndiges 
Ducaten-Cabinet  (Hanovre,  1758-60,  2  vol.  in-8),  im- 
portant recueil  de  la  plus  grande  partie  des  monnaies  d'or 
frappées  en  Europe  dans  le  cours  du  moyen  âge  ;  il  est 
encore  aujourd'hui  consulté.  Tobias  Kœhler  a  collaboré  aussi 
aux  Miinzbeliisti'gungen  de  son  père;  il  a  inséré  une 
grande  quantité  d'articles  dans  les  Hannœversche  gelehrte 
Anzeigen;  enfin  on  lui  doit  la  traduction  en  allemand  de 
nombreuses  relations  de  voyages  dans  diverses  parties  de 
l'Europe. 

KŒH  LER  (Heinrich-Gottlieb),  mathématicien  allemand, 
né  à  Celle  le  dl  févr.  1779,  mort  à  Gœttingue  le  10  oct. 
1849.  Professeur  de  mathématiques  à  Gœttingue,  il  a  pu- 
blié de  bonnes  tables  de  logarithmes,  qui  ont  eu  un  très 
grand  nombre  d'éditions  :  Logarithm.-trigonom.  Tafeln 
(Leipzig,  1827)  ;  Logarithm.-trigonom.  Handbuch 
(Leipzig,  1847);  Vier  logarithm.  und  antilogarithm. 
Tafeln  (Leipzig,  1851,  posth.).  L.  S. 

KŒH  LER  (George-Frederik),  général  anglais,  mort  près 
de  Jaffa  le  29  déc.  1800.  D'origine  allemande,  il  entra  au 
service  de  l'Angleterre  en  1780.  Durant  la  défense  de 
Gibraltar,  il  inventa  un  affût  de  canon  qui  accrut  considé- 
rablement la  justesse  du  tir.  Aide  de  camp  de  lord  ïïeath- 
field,  il  le  suivit  à  Aix-la-Chapelle  et  il  devint  major  gé- 
néral au  service  des  Etats-Unis  de  Belgique  pendant  la 
guerre  contre  l'Autriche  (1790).  On  le  retrouve  ensuite  à 
Toulon  (1793),  en  Corse  (1794)  où  il  confère  avecPaoli, 
puis  il  est  chargé  du  commandement  de  la  mission  militaire 
envoyée  pour  organiser  l'armée  turque  (1799).  Il  était  en 
1800  à  Jaffa  où  il  mourut  avec  sa  femme  de  la  peste. 

KŒHLER  (Christian),  peintre  allemand,  né  à  Werben 
(Yieille-Marche)  le  19  oct.  1809,  mort  à  Montpellier  en 
1861.  Il  étudia  d'abord  à  Berhn,  puis  alla  avec  Schadow  à 
Dusseldorf,  où  il  se  tourna  vers  le  genre  héroïque  et  où  il 
devint  professeur  à  l'Académie.  Nous  citerons  parmi  ses 
œuvres:  Moïse  sauvé  des  eaiix^  toile  d'une  fantasmagorie 
romantique  ;  Rébeccaàla  fontaine^  Triomphe  de  David, 
Agar  et  Ismaël,  Roméo  et  Juliette,  la  Germanie  avec 
le  génie  de  la  Liberté^  Sémiramis  saisissant  son  glaive, 
et  une  admirable  Mignon. 

KŒHLER  (Ludwig-Heinrich),  pianiste  et  professeur  al- 
lemand^ né  à  Brunswick  le  5  sept.  1820,  mort  à  Kœnigs- 
berg  le  17  févr.  1886.  Il  commença  ses  études  dans  sa 
ville  natale  et  les  acheva  à  Vienne  sous  Sechter,  Seyfried 
et  Bocklet,  s'essaya  d'abord  comme  chef  d'orchestre  dans 
quelques  petits  théâtres  de  l'Allemagne  du  Nord,  et  se  fixa 
en  i  847  à  Kœnigsberg  comme  professeur  et  directeur  d'une 
école  de  musique.  Il  a  composé  trois  opéras,  une  partition 
pour  VHelena  d'Euripide,  des  chœurs  et  des  compositions 
pour  le  piano  en  nombre  très  considérable;  ses  études 
pour  le  piano  à  quatre  mains  portent  le  numéro  d'œuvre 
280.  Il  s'est  distingué  particulièrement  par  ses  ouvrages 
théoriques  pour  l'enseignement  du  piano,  dont  les  princi- 
paux sont  :  Systematische  Lehrmethode  fUr  Klavier- 
spiel  undMusik,  en  deux  parties  (Leipzig,  1856-58  ;  2^ éd., 
1872;  3  éd.  revue  par  Riemann,  1887);  Fûhrer  durch 
den  Klavierunterricht  (l^^éd.,  s.  d.;  6®  éd.,  1879); 
Der  Klavierfing ersatz  (1862);  Der  Klavierunterricht 
(5®  éd.,  1886);  Leichtfassliche  Harmonie  und  General- 
basslehre  (3®  éd.,  1880);  Der  Klavierpedalzug  (Berlin, 
1882)  ;  Théorie  der  musikalischen  Verzierungeîi(iSS6). 
Kœhler  a  fourni  de  nombreux  articles  de  critique  musicale 
à  différents  journaux  de  musique  allemands,  et  a  publié  des 
éditions  doigtées  d'auteurs  classiques  pour  le  piano.  M.  Br. 
KŒH  NE  (Bernard,  baron  de),  archéologue  et  adminis- 
trateur russe,  né  à  Berhn  le  4  juill.  1817,  mort  à  Wurzbourg  I 
le  17  févr.  1886.  Il  alla  de  bonne  heure  se  fixer  en  Russie  | 
où  il  devint  conseiller  d'Etat,  directeur  du  bureau  héral- 
dique et  conservateur  du  musée  impérial  de  l'Ermitage.  11  I 


a  écrit  de  nombreux  mémoires  de  numismatique  et  d'ar- 
chéologie, insérés  pour  la  plupart  dans  les  Mémoires  de 
la  Société  impériale  d'archéologie  et  de  numismatique 
de  Saint-Pétersbourg  (1847-52,  6  vol.  in-8)  qu'il  diri- 
geait. Ses  principaux  ouvrages  sont  les  suivants  :  Des- 
cription du  musée  de  feu  le  prince  Basile  Kotschou- 
bey  (1857,  2  vol.  in-4) ,  ouvrage  important  pour  l'histoire 
de  la  Russie  méridionale  dans  l'antiquité  et  la  numisma- 
tique du  Pont  et  du  Bosphore  cimmérien  ;  Recherches  sur 
l'origine  de  plusieurs  maisons  souveraines  d'Europe 
(1863,  in-8);  Ueber  den  Doppel-Adler  (Berlin,  1871); 
Berlin,  Moskau,  S.  Petersburg,  i649-i743  (Berlin, 
1882).  Il  a  aussi  collaboré  à  la  Revue  numismatique 
française  (en  1862)  et  aux  Berliner  Blœtter  filr  Munz- 
Siegel  und  Wappenkunde  (1859-73). 

kOEKELBERG.  Corn,  de  Belgique,  prov.  de  Brabant, 
arr.  de  Bruxelles;  6,500  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de 
ceinture  de  Bruxelles.  Exploitations  agricoles,  fabriques 
de  produits  chimiques,  tanneries,  fabriques  de  ouate. 

KOEKKOEK  (Jan-Hermann),  peintre  de  marine  hollan- 
dais, né  en  1778,  mort  en  1851.  A  la  nouvelle  Pinaco- 
thèque de  Munich,  on  voit  de  lui  une  Mû^nn^ datée  de  1847. 
KOEKKOEK  (Barend-Cornelis),  paysagiste  hollandais,  fils 
du  précédent,  né  à  Middelbourg  le  11  oct.  1803,  mort  à 
Clèves  le  5  avr.  1862.  Il  fut  élève  de  son  père,  de  Schelf- 
hout  et  de  Van  Oos  ;  puis  il  voyagea  et  vint  à  Paris  où  il 
connut  Corot,  Daubigny  et  Rousseau.  Koekkoek  exposa  au 
Salon  de  1840  un  Intérieur  de  bois  qui  fut  très  remarqué 
et  au  Salon  de  \  843  un  nouvel  Intérieur  de  bois  ;  à  l'Ex- 
position de  1855  un  Paysage  d'automne  et  un  Bois  en 
hiver.  Koekkoek  s'est  mêlé  à  la  belle  pléiade  des  paysa- 
gistes français  de  1 840,  et  son  art  en  a  heureusement  pro- 
fité: ses  tableaux  sont  d'une  grande  facture  et  d'une  grande 
harmonie.  On  voit  des  paysages  de  lui  aux  musées  de 
Karlsrùhe,  de  Leipzig  ;  une  Vue  de  Clèves  (1846)  à  Anvers  ; 
un  Paysage  d  hiver  et  un  Paysage  italien,  ce  dernier 
acheté  au  peintre  1,000  florins,  à  Amsterdam;  et  à  New 
York  une  Vue  de  la  Moselle  à  l'Historical  Society  et  un 
Paysage  flamand  à  la  collection  Vanderbilt.  E.  Br. 
KOEKOEKK  (Hermann),  paysagiste  etpeintre  de  marine 
hollandais,  frère  du  précédent,  né  le  13  mars  1815.  Elève 
de  son  père  et  de  son  frère.  Membre  de  l'Académie  d'Am- 
sterdam en  1840.  Au  musée  de  Rotterdam,  une  Mer  agitée. 
KŒLBING  (Eugen),  philologue  allemand,  né  à  Herrn- 
hut  le  21  sept.  1846.  Bibliothécaire  (1873),  puis  profes- 
seur (1880)  à  l'université  de  Breslau,  il  a  publié  de  bonnes 
éditions  àw  Riddarasœgur  {\^1%  ;  de  h  Chanson  de  Ro- 
land (ms.  de  Venise)  (1877);  à' Elis  Saga  ok  Rosamundu 
('1881);  Die  nordische  und  englische  Version  der  Tris- 
tansage  (1878-82)  ;  Amis  und  Amiloun  (1884)  ;  The 
Romance  of  sir  Beues  of  Hamtoun  (Londres,  1885, 
dans  la  coll.  de  l'Early  Text  Society)  ;  de  plus,  Untersu- 
chungen  ûber  den  Ausfall  des  Relativ-Pronomens  in 
den  Germanischen  Sprachen  (1872)  ;  Beitrœge  zur  ver- 
gleichenden  Geschichte  der  romantischen  Poésie  und 
Prosa  im  Mittelalter  ;  depuis  1877,  il  publie  une  revue, 
Englische  Studien. 

KŒLCSEY  (François),  orateur  et  poète  hongrois,  né  à 
Szœ-Demeterle  8  août  1790,  mort  à  Szathmârle  24  août 
1 838.  Peu  d'hommes  ont  rendu  des  services  aussi  variés  à  la 
littérature  magyare.  Jurisconsulte,  ilfutun  avocat  des  plus 
éloquents.  Patriote  libéral,  député  à  la  Diète  de  1832-36,  ses 
discours  firent  sensation,  notamment  celui  qu'il  prononça 
en  se  démettant  de  son  mandat,  parce  qu'il  n'était  plus 
d'accord  avec  ses  électeurs.  Orateur  académique,  il  pro- 
nonça l'éloge  de  Kazinczy,  son  maître,  et  celui  de  Berzsenyi. 
Critique  et  esthéticien,  il  montra  beaucoup  de  profondeur 
en  dirigeant,  avec  Paul  Szemere,  à  partir  de  1826,  le  re- 
cueil intitulé  Elet  es  literatura  (Vie  et  littérature).  Jour- 
naliste politique,  son  compte  rendu  de  la  Diète  ne  put  être 
imprimé  que  plus  tard,  en  1848.  Dès  1840,  commença 
l'impression  de  ses  autres  œuvres,  comprenant  six  volumes 
et  dont  une  seconde  édition  en  huit  volumes  parut  en  1863. 


Reste  l'élément  principal,  le  plus  populaire  de  cette  collec- 
tion considérable,  les  poésies  lyriques  de  Kœlcsey.  Au  pre- 
mier rang  doivent  être  cités  :  Dobozi,  la  Belle  Lanka  ^ 
Hymne,  Zrinyi,  Espérance^  remarquables  par  une  sen- 
sibilité profonde  qui  doit  beaucoup  à  l'étude  des  odes  et 
des  ballades  allemandes.  E.  S. 

BiBL.  :    ToLDY,  A    Magyar   Kœltészet  Kézikœnyve.  — 
SoHwicKER,  Geschichte  der  yngarischen  Litteratur. 

KŒLLIKER  (Rudolph-Albert  von),  célèbre  anatomiste 
suisse,  né  à  Zurich  le  6  juil.  1817.  Il  étudia  à  Zurich,  à 
Bonn  et  à  Berlin,  fut  en  1842  l'assistant  de  Henle,  et  en 
1845  devint  professeur  de  physiologie  et  d'anatomie  com- 
parée dans  sa  ville  natale  ;  en  1847  il  alla  occuper  la  même 
chaire  à  Wurzbourg.  Ses  travaux  sur  l'anatomie  micros- 
copique et  l'embryologie  sont  très  remarquables  ;  on  peut 
en  dire  autant  de  ses  travaux  sur  les  mollusques  et  les 
vers. —  Ouvrages  principaux:  Mikroskopiscke  Anatomie 
oder  Gewebelehre  des  Menschen  (Leipzig,  1850-54, 
3  vol.  in-8);  Handbuch  der  Gewebelehre  des  Menschen 
(Leipzig,  1852,  in-8,  et  plusieurs  éd.;  trad.  fr.,  Paris, 
1855,  in-8);  Entwickelungsgeschichte  des  Menschen 
und  derhœheren  Thiere  (Leipzig,  1861,  in-S,  et  autres 
éd.;  trad.  fr.,  Paris,  1879-82,  in-8);  Icônes  histologicœ 
(Leipzig,  1864-65,  in-fol.,  19  pi.);  Grundriss  der  Ent- 
wickelungsgeschichte (Leipzig,  1880,  1884,  in-8),  etc. 
Depuis  1849,  il  rédigea  avec  von  Siebold  le  Zeiischrift 
fur  wissensch.  Zoologie.  D'^L.  Hn. 

KŒLLIKERIA  (Cœlent.)  (V.  Kollikeria). 

KŒLMARK  (Per),  philosophe  suédois,  né  à  Karlskoga 
en  1750,  mort  en  1839.  Il  est  connu  surtout  par  un  ma- 
nuel de  philosophie  inspiré  des  idées  de  Locke  et  de  Wolf, 
qui  fut  fort  apprécié  de  son  temps  {Vtkast  till  en  syste- 
mat.  afhand.  i  theoret.  o.  pract.  philosophien).  Ou  a 
de  lui  aussi  de  nombreuses  dissertations  sur  la  morale, 
sur  la  liberté,  sur  l'éducation. 

KŒLREUTERIA  {Kœlreuteria  Laxm.)  (Bot.).  Genre  de 
Sapindacées-Pancoviées,  dont  le  représentant  le  plus  connu, 
le  K.  paniculata  Laxm.,  arbre  de  la  Chine  à  feuilles  al- 
ternes, imparipennées,  à  fleurs  jaunes,  est  cultivé  dans 
nos  jardins.  Les  fleurs  sont  polygames,  le  calice  valvaire, 
la  corolle  composée  de  trois  à  quatre  pétales,  avec  cinq  à 
huit  étamines  intérieures  au  disque  ;  l'ovaire  est  à  trois 
loges  biovulées,  la  capsule  vésiculaire,  loculide,  les  graines 
globuleuses,  sans  arille.  D''  L.  Hn. 

KŒNIG  (Kristian),  jurisconsulte  et  érudit  suédois,  né 
en  1678,  mort  en  1762.  Il  a  publié  en  plusieurs  volumes 
des  Exercices  scientifiques  (Làrdomsôfningar,  1745-52) 
et,  ce  qui  est  peut-être  d'une  utilité  plus  réelle,  une  tra- 
duction latine  du  code  suédois  :  Codex  legum  suecicarum 
(1743).  On  a  aussi  de  lui  une  dissertation  intitulée  De 
Cura  principis  circa  annonam. 

KŒNIG  (Samuel),  mathématicien  allemand,  né  à  Biidin- 
gen  (Hesse)  en  1712,  mort  à  Zuilestein  (Pays-Bas)  le  21  août 
1 757.  Après  avoir  étudié  avec  Bernoulli,  il  fut  pendant  trois 
ans  le  secrétaire  particulier  de  la  marquise  du  Châtelet.  On 
lui  prête  même  une  grande  part  dans  les  œuvres  de  cette  der- 
nière. Plus  tard,  il  vint  en  Suisse,  à  Paris,  puis  en  Hollande 
où  il  se  fixa.  Ami  de  Réaumur  et  de  Voltaire,  correspondant 
de  l'Académie  des  sciences  de  Paris,  il  a  écrit  de  nombreux 
articles  dans  les  Acta  eruditorum,  dans  les  Mémoires  de 
l'Académie  de  Berlin,  etc.  Il  a  eu  avec  Maupertuis  une  que- 
relle scientifique  restée  célèbre. 

KŒNIG  (Friedrich),  mécanicien  allemand,  né  à  Eisle- 
ben  (Saxe)  le  17  avr.  1775,  mort  à  Oberzell  (Bavière)  le 
17  janv.  1833.  Il  fit  son  apprentissage  d'imprimeur  chez 
Brcitkopf,  à  Leipzig,  tout  en  fréquentant  les  cours  de  ma- 
thématiques et  de  mécanique  de  l'université,  imagina  vers 
1803  le  plan  d'une  presse  mécanique,  tenta  vainement  de 
trouver  des  capitaux  à  Hambourg,  à  Vienne,  à  Saint-Pé- 
lerbourg,  où  il  se  rendit  successivement,  et  vint  en  1806  à 
Londres,  oii,  dès  l'année  suivante,  il  obtint  le  concours 
financier  des  imprimeurs  Th.  Bensley,  WoodfalletR.  Tay- 
lor.  En  1810,  aidé  par  un  mécanicien  de  Stuttgart,  ren- 


-  587  -  KOELCSEY  -  KQENICt 

contré  chez  Bensley,  Andreas-Friedrich  Bauer  (1783- 
1860),  il  construisit  une  machine  à  platine,  à  encrage 
automatique,  pour  laquelle  il  prit  un  brevet.  Ce  fut  la 
première  presse  mue  par  la  vapeur  (V.  Imprimerie,  t.  XX, 
p.  636).  11  inventa  ensuite  une  machine  à  cylindre  (1811- 
13),  qui,  dès  1814,  tirait  le  Times  à  raison  de  1,100 
exemplaires  à  l'heure,  puis  une  machine  double  (1815-16). 
Ayant  eu  des  difficultés  avec  ses  commanditaires,  il  re- 
tourna avec  Bauer  en  Allemagne  (1817)  et  ils  montèrent 
à  Oberzell,  près  de  Wurzbourg,  dans  un  ancien  monastère, 
une  fabrique,  bientôt  connue  dans  toute  l'Europe,  de  ma- 
chines à  imprimer  et  de  papier,  qui  fut  dirigée  après  la  mort 
de  Kœnig,  d'abord  par  Bauer  seul,  puis  par  les  fils  de 
Kœnig,  Wilhemet  Friedrich,  Elle  a  occupé  jusqu'à  quatre 
cents  ouvriers,  et  plus  de  quatre  mille  presses  en  sont  sor- 
ties, parmi  lesquelles  la  première  machine  imprimant  en 
deux  couleurs  (1865)  et  la  première  machine  rotative 
(1876).  L.  S. 

BiBL.  :  Gœbel,  Friedrich  Kœnig  und  die  Erfîndung  der 
Schnellpresse ;  Stuttgart,  1875  ;  2«  éd.,  1883. 

KŒNIG  (Gottlob),  forestier  allemand,  né  à  Hardeileben 
(Saxe-Weimar)  le  18  juil.  1776, mort  à  Eisenach  le  22  oct. 
1849.  Il  fonda  en  1805  à  Ruhla  une  école  forestière  privée 
qui  acquit  une  réputation  universelle,  et  devint  en  1 830  l'école 
officielle  d'Eisenach.  Il  a  renouvelé  la  science  forestière  en 
développant  les  principes  mathématiques  et  en  attirant  l'at- 
tention sur  les  soins  à  donner  au  sol.  Ses  principaux  ou- 
vrages sont  :  Waldpflege  (1849, 3^  éd.,  par  Grèbe,  1875); 
Bie  Forstmathematik  (1835,  5®  éd.,  par  Grèbe,  1864). 

KŒNIG  ( Heinrich- Joseph) ,  écrivain  allemand,  né  à 
Fulda  le  19  mars  1790,  mort  à  Wiesbaden  le  23  sept. 
1869.  Modeste  employé,  ses  attaques  contre  le  catholi- 
cisme (Rosenkanz  eines  Katholiken^  1829  ;  Ber  Christ- 
baum  des  Lebens,  1831)  le  firent  excommunier  et  il  se 
convertit  au  protestantisme.  Il  a  écrit  plusieurs  pièces  théâ- 
trales parmi  lesquelles  on  cite:  Die  Bussfahrt  (1836),  et 
nue  quantité  de  romans  et  nouvelles:  Diehohe  Braut 
(1833,  2  vol.)  ;  Die  Waldenser  (1836,  2  vol.)  ;  W,  Sha- 
kespeare (5®  éd.,  1875,  2  vol.);  Deutsches  Leben  in 
deutschen  Nouellen  (1842-44,  2  vol.);  Die  Klubiste^i  in 
Mainz  (1847, 3  vol.);  Kœnig  Jer ornes  Rarneval  (1855, 
3  vol.);  Von  Saalfeld  bis  Aspern (iS6^,'d  vol.),  etc.  La 
collection  de  ses  romans  forme  20  vol.  (Leipzig,  1854-69). 

KŒNIG  (Charles-Frédéric),  homme  politique  français, 
né  à  Colmar  le  19  nov.  1797,  mort  à  Colmar  le  27  mars 
1874.  Avocat  à  Colmar,  il  défendit  en  1822  les  conjurés 
de  Belfort.  Il  abandonna  bientôt  le  barreau  pour  l'horti- 
culture (1826),  puis  se  lança  dans  la  politique.  Défenseur 
des  accusés  d'avril  1834,  il  fut  un  des  organisateurs  du 
banquet  réformiste  de  Colmar  (1848)  et  fut  élu  le  23  avr. 
représentant  du  Haut-Rhin  à  l'Assemblée  constituante. 
Membre  de  la  gauche,  il  prit  une  part  active  aux  débats 
et  combattit  vivement  la  politique  de  Louis-Napoléon.  Réélu 
à  la  Législative  le  13  mai  1849,  il  participa  le  13  juin  à 
l'échauffourée  du  Conservatoire  des  arts  et  métiers  (V.  Juin). 
Il  fut  condamné  par  contumace  à  la  déportation  par  la 
haute  cour  de  Versailles. 

KŒNIG  (Charles-Gustave),  juriste  suisse,  né  à  Radel- 
fingen  (Berne)  en  1828,  mort  à  Berne  le  23  mai  1892.11 
fit  ses  études  juridiques  à  Berne,  Munich  et  Heidelberg  oti 
il  se  lia  avec  Bluntschli.  Il  s'établit  à  Berne  comme  avocat 
et  devint  en  1871  professeur  à  l'université  de  Berne  :  il 
y  enseignait  le  droit  suisse,  le  droit  et  la  procédure  civile 
bernois.  Pendant  dix  ans,  il  a  dirigé  la  revue  bernoise  de 
jurisprudence  et  pendant  bien  plus  longtemps  il  a  collaboré 
activement  aux  revues  spéciales  de  Suisse  et  d'Allemagne. 
Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Bernische  civil  und  Civil- 
prozessgesetze  (1 879-81 ,  2  vol.)  ;  Bernische  und  schweiz, 
Obligationenrecht  (iSSi),  Très  érudit,  il  passait  pour  un 
des  plus  grands  savants  que  Berne  ait  eus  depuis  Haller. 
Il  a  été  le  conseil  du  gouvernement  conservateur  tessinois 
lors  de  l'émeute  de  sept.  1890  et  a  beaucoup  faitfpour  la 
solution  pacifique  du  conflit.  E.  Kuhne. 


KCENIG  —  KœNlGSBERG 


-  588  - 


KŒNIG  (Rodolphe),  mécanicien  et  physicien  français 
d'origine  allemande,  né  à  Kœnigsberg  le  26  nov.  1832.  Il 
est  venu  en  1851  à  Paris,  oîi  il  s'est  fait  naturaliser,  y  a 
travaillé  pendant  plusieurs  années  chez  le  luthier  J.-B.  Vuil- 
laume  et  y  a  fondé  en  1858  l'importante  maison  d'appa- 
reils d'acoustique  qui  porte  son  nom.  On  lui  doit,  outre 
plusieurs  inventions  et  de  nombreux  perfectionnements, 
des  recherches  théoriques  et  d'intéressantes  observations 
expérimentales  sur  l'emploi  des  méthodes  graphiques  en 
acoustique,  sur  la  vitesse  des  sons,  sur  l'audition  colorée, 
sur  le  diapason  normal,  sur  les  mouvements  vibratoires  de 
l'air,  qu'il  a  étudiés  et  mesurés  au  moyen  d'un  ingénieux 
petit  appareil  imaginé  par  lui,  la  capsule  manomé trique 
(V.  ce  mot),  sur  la  représentation  géométrique  des  sons, 
sur  les  percussions  acoustiques,  etc.  Il  a  fait  connaître  les 
résultats  de  ces  divers  travaux  dans  des  mémoires  publiés 
d'abord  par  les  Annalen  de  Poggendorff,  puis  réunis  sous 
le  titre  :  Quelques  Expériences  cV acoustique  (Paris, 
1882,  in-8).  L.  S. 

BiBL.  :  PiSKO,  Die neuren  Apparate  der  Akustik ;  Vienne, 
1865.  —  Catalogue  des  appareils  de  la  maison  Kœnig  ;  Pa- 
ris, années  1859  et  suiv. 

KŒNIG  (Ewald-August),  romancier  allemand,  né  à  Bar- 
men  le  22  août  1833^.  II  débuta  par  des  récits  humoris- 
tiques de  la  vie  militaire  (Humoresken^  3^  éd.,  1873; 
Lust imd  Leidim  bunlen  Rock^  1 864  ;  Bei  der  Infanterie^ 
1865)  et  écrivit  des  romans  amusants  qui  prouvent  des 
quahtés  d'observateur:  Ber  Déserteur  (1867)  ;  Die  Ge- 
heimnisse  einer  grossen  Stadt  (1870,  3  vol.);  Durcli 
Kampf  zum  Frieden  (1871,  4  vol.);  Dunkle  Wege 
(1880,  ^\o].);  UmGlilck  wid  Dasein(iSS^, ^yoL),  etc. 

KŒNIG  Bey  (Mathieu-Auguste  KoENiG,  dit),  orientaliste 
français,  né  à  Paris  en  1802,  mort  à  Alexandrie  le  15  avr. 
1865.  Ayant  étudié  de  bonne  heure  les  langues  orientales, 
il  fit  de  1820  à  1826  de  longs  voyages  à  travers  l'Egypte, 
la  Syrie,  le  Sennaar,  le  Darfour,  se  fixa  en  1827  au  Caire 
et  y  devint  successivement  professeur  de  l'école  d'état- 
major,  précepteur  des  enfants  de  Mohammed  Ali,  directeur 
du  bureau  de  traduction,  avec  le  titre  de  bey,  secrétaire 
des  commandements  de  son  ancien  élève,  Saïd  Pacha.  Il  a 
traduit  en  arabe  de  nombreux  ouvrages  français  de  sciences 
physiquesetmathématiques,detactiquemilitaire,etc.  L.  S. 

KŒNlGGR/tTZ(V.  Kralove  Hrâdec). 

KŒNIGINHOF  (V.  Kralove  Dvor). 

KŒNIGS  (Paul-Xavier-Gabriel),  mathématicien  fran- 
çais, né  à  Toulouse  le  17  janv.  1858.  Entré  en  1879  à 
l'Ecole  normale,  reçu  docteur  es  sciences  en  1882  avec  une 
thèse  Sîir  les  Propriétés  infinitésimales  de  l'espace 
réglé,  chargé  de  cours  à  la  faculté  de  Besançon  (1883), 
puis  à  celle  de  Toulouse  (1885),  il  est  actuellement  (févr. 
1895)  maître  de  conférences  de  mécanique  et  d'astronomie 
à  l'Ecole  normale  supérieure  (depuis  1886),  chargé  de 
cours  (cinématique)  à  la  Sorbonne,  professeur  suppléant 
de  mécanique  au  Collège  de  France.  L'Académie  des  sciences 
de  Paris  lui  a  décerné  en  1890  le  prix  Ponti,  en  1892 
le  prix  Bordin  pour  un  travail  Sur  les  Lignes  géodésiques 
(Savants  étrangers,  t.  XXXI),  en  1893  le  prix  Poncelet. 
Il  a  publié  sur  des  questions  de  géométrie  et  de  mécanique 
un  grand  nombre  de  mémoires  orioinaux  insérés  dans  les 
Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  dans  les 
Annales  de  l'Ecole  normale,  dans  le  Journal  de  ma- 
thématiques de  Liouville,  dans  les  Acta  mathematica, 
dans  le  Bulletin  des  sciences  mathématiques,  dans  les 
Nouvelles  Annales  de  mathématiques,  dans  V American 
Jour7ial  of  mathematics,  etc.  Il  a  fait  paraître  à  part  : 
Leçons  de  Vagrégation  classique  de  mathématiques 
(Paris,  1892,  in-4,  Uth.);  Leçons  de  cinématique  {Varis, 
1895,  in-8);  la  Géométrie  réglée  et  ses  applications 
(Paris,  1895,  in-4),  etc.  L.  S. 

KŒNIGSBERG  (Mont)  (V.  Harz). 

KŒNIGSBERG  (polonais  Krolewiec,  htm  Regiomon- 
tum).  Yille  de  Prusse,  ch.-i.  de  la  prov.  de  Prusse  orien- 
tale et  du  district  de  Kœnigsberg,  sur  la  Pregel,  à  7  kil. 


de  son  embouchure;  161,666  hab.  C'est  la  seconde  capitale 
de  la  monarchie  prussienne,  la  ville  où  le  roi  vient  ceindre 
la  couronne.  Elle  comprend  trois  quartiers  primitifs  :  la 
Vieille-Ville  entourant  le  château  du  xiii®  siècle,  au  N.  de 
la  Pregel,  entre  la  rivière  et  un  étang;  Kneiphof  ùâns 
une  île  de  la  Pregel,  au  S.  de  la  Vieille- Ville  ;  Lœbenicht, 
à  l'E.  de  celle-ci.  Autour  de  ces  quartiers  se  sont  déve- 
loppés des  faubourgs;  les  plus  anciens  sont  ceux  du  N.  : 
Steindamm,  village  de  pêcheurs  autour  de  l'église  Saint- 
Niklas;  Tragheim;  au  S.  sont  ceux  de  Saint-Anton, 
Saint-Georg,  Haberberg,  Les  trois  quartiers  primitifs 
furent  réunis  en  une  cité  en  1724;  les  autres  ont  été 
annexés  successivement.  La  ville  actuelle  a,  derrière  son 
enceinte  bastionnée,  un  pourtour  de  15  kil.  Elle  est  tra- 
versée par  la  Pregel,  dont  les  deux  bras  se  réunissent  en 
amont  et  en  aval  de  l'île  de  Kneiphof.  Elle  a  85  m.  de 
longueur  maxima.  Sur  la  rive  droite  s'allonge  du  S.  au  N. 
l'étang  du  château  (plus  de  9  hect.),  aux  bords  plantés 
d'arbres,  qui  coupe  en  deux  les  quartiers  de  la  rive  droite 
et  s'unit  presque  à  un  étang  plus  large  situé  au  N.  La  ville 
est  moderne  ;  même  la  vieille  ville  a  des  rues  se  coupant 
à  angle  droit.  Le  monument  principal  est  le  château,  pa- 
rallélogramme de  104  m.  sur  67  m.  ;  bâti  au  xiii^  siècle, 
il  servit  de  résidence  aux  grands  maîtres  de  l'ordre  teu- 
tonique,  puis  aux  ducs  de  Prusse  ;  la  façade  septentrionale 
est  de  l'époque  primitive,  le  reste  du  xvi«  au  xviii^  siècle. 
L'église  du  château,  bâtie  en  1592,  et  la  vaste  salle  Mosco- 
vite (83  m.  de  long,  18  de  large,  6  de  haut)  se  trouvent 
àl'O.;  à  l'E.,  le  beau  pavillon  édilié  par  Schliiter  (1708-12) 
et  la  grande  porte;  au  S.  la  tour  (84'^5).  La  seule  église 
intéressante  est  la  cathédrale,  dans  l'île  de  Kneiphof, 
bâtie  en  style  gothique  par  Luderusde  Brunswick,  malheu- 
reusement restaurée  en  1856  ;  elle  a  92"^3  de  long,  25*^7 
de  large,  trois  nefs,  une  tour  de  50  m.,  renferme  quelques 
beaux  tombeaux;  du  côté  N.  est  la  Stoa  Kantania,  ga- 
lerie consacrée  à  Kant  dont  elle  renferme  le  tombeau.  Les 
quartiers  anciens  sont  encore  le  centre  du  commerce,  mais 
on  habite  de  préférence  les  quartiers  neufs,  surtout  ceux 
du  N.,  plus  élevés  et  plus  sains.  Les  chemins  de  fer  ont 
envahi  le  Philosophendamm,  promenade  favorite  de  Kant, 
au  N.  de  la  Pregel  et  à  l'O.  de  la  ville.  Les  fortifications 
actuelles  datent  de  1843  et  sont  complétées  par  de  puis- 
sants ouvrages  extérieurs  et  des  forts  détachés.  Des  ca- 
sernes colossales  s'élèvent  à  l'E. 

L'industrie  est  active  :  en  premier  lieu  la  métallurgie, 
fonderie  et  construction  de  machines,  puis  la  filature  de 
toiles,  la  confection,  les  industries  chimiques,  la  distillerie, 
la  brasserie;  le  travail  de  l'ambre  occupe  plus  de 
16,000  personnes.  Le  commerce  est  actil;  il  se  fait  par 
voie  ferrée  et  par  la  Pregel  ;  le  port  extérieur  de  Kœnigs- 
berg est  Pillau.  On  exporte  beaucoup  de  céréales.  La  valeur 
des  importations  atteint  250  millions  de  fr.,  celle  des 
exportations  200  millions  ;  les  2/5  du  trafic  se  font  par 
voie  maritime. 

L'université  de  Kœnigsberg  (Collegium  Albertinum) 
a  été  fondée  par  le  duc  Albert  P'^  en  1544  ;  elle  compte 
de  800  à  900  étudiants. 

Histoire.  —  La  ville  de  Kœnigsberg  eut  pour  origine  le 
château  de  l'ordre  teutonique  bâti  en  ce  lieu  sur  le  conseil 
du  roi  de  Bohême,  Ottocar.  Il  était  au  N.-O.  de  la  ville 
actuelle,  vers  le  Steindamm  ;  ayant  été  détruit  par  les 
Prussiens  (1263),  il  fut  rebâti  à  l'emplacement  où  nous 
le  voyons.  La  ville  de  Kœnigsberg  reçut  une  charte  ur- 
baine en  1286;  Lœbenicht  en  1300,  Kneiphof  en  1327. 
En  1457,  le  grand  maître  fixa  sa  résidence  à  Kœnigsberg, 
où  demeurèrent  les  ducs  de  1525  à  1618.  En  1626,  on 
fortifia  la  ville  qui  devint  en  ce  siècle  une  forteresse  de 
premier  rang.  Le  16  janv.  1656,  le  traité  de  Kœnigs- 
berg entre  la  Suède  et  le  Brandebourg  reconnut  la  suze- 
raineté suédoise  sur  la  Prusse  et  promit  à  celle-ci  l'Erme- 
land. 

Le  district  de  Kœnigsberg  a  21,110  kil.  q.  et 
1,172,149  hab.  (en  1890).  Il  se  divise  en  vingt  cercles  : 


589  — 


KOENIGSBERG  —  KCENIGSWARTER 


Allenstein,  Braunsberg,  Preussisch-Eylau,  Fischhausen, 
Friedland,  Gerdauen,  Heiligenbeil,  Heilsberg,  Preussisch- 
Holland,  Kœnigsberg  (ville),  Kœnigsberg  (campagne),  La- 
biau,  Memel,  Mohrungen,  Neidenburg,  'Ortelsburg,  Oste- 
rode,  Rastenburg,  Rœssel,  Wehlau.  A. -M.  B. 

KŒNIGSBERG-in-der-Neumârk.  Ville  de  Prusse, district 
de  Francfort-sur  l'Oder  (Brandebourg),  sur  la  Rcehrikeet 
le  ch.  de  fer  de  Breslau  à  Stettin;'  6,000  Iiab.  Ancien 
ch.-l.  de  la  Nouvelle  Marche  (V.  Brandebourg). 

KŒNIGSHOFEN  (Jacob  Twingek  de),  chroniqueur,  né 
à  Strasbourg  en  i8^i6,  mort  à  Kœnigshofen  (faubourg  de 
Strasbourg)  le  27  déc.  1420.  Chanoine  du  chapitre  de 
Saint-Thomas  (1395),  il  écrivit  une  chronique  en  cinq 
chapitres,  les  deux  derniers  sur  l'histoire  de  sa  ville  ;  ils 
ont  une  valeur  originale  pour  la  période  de  1382  à  4414 
et  renferment  de  curieuses  anecdotes.  Cette  chronique  a 
été  publiée  aux  t.  Vlïl  et  IX  de  la  collection  de  Hegel, 
Chroniken  der  deutschen  Stœdte  (1870-71). 

KŒNIGSHÙTTE.  Ville  de  Prusse,  district  d'Oppeln 
(Silésie),  au  centre  du  bassin  houiller  et  métallurgique  de 
la  Haute-Silésie  ;  36,502  hab.  La  grande  société  deiCœ- 
nigshûite  et  Laurahûtte  emploie  plus  de  4,000  ouvriers 
à  ses  fourneaux,  plus  de  5,000  à  ses  deux  mines  (2,100 
à  celle  de  Laura).  Elle  extrait  plus  de  deux  millions  de 
tonnes  de  houille  et  produit  un  million  de  tonnes  de  fonte, 
de  l'acier,  du  zinc,  du  cuivre,  etc. 

KŒNIGSLUTTER.  Ville  d'Allemagne,  duché  de  Bruns- 
wick,  sur  l'Elni  et  la  Lutter  ;  5,000  hab.  avec  le  bourg 
voisin  à' Ober lutter.  Auprès  fut  une  grande  abbaye  béné- 
dictine (de  femmes,  1010,  puis  d'hommes,  1135)  dont 
l'église  romane  (beau  chœur)  renferme  le  mausolée  de  Lo- 
thaire  II  et  le  tombeau  de  Henri  le  Superbe,  duc  de  Bavière. 

KŒN IGSMARK  (Hans-Christoph,  comte  de),  né  àKœtzlin 
(Brandebourg)  le  4  mars  1600,  mort  en  Suède  le  8  mars 
1663.  D'une  vieille  famille  brandebourgeoise,  il  entra  au 
service  de  l'Empire,  puis  de  Gustave-Adolphe  (1630), 
devint  colonel  (1635),  défit  les  impériaux  à  Nodkirchen 
(1636)  et  commanda  pour  les  Suédois  en  Westphalie  d'où 
il  fit  d'audacieuses  razzias  dans  toute  l'Allemagne.  Il  suivit 
Torstensson  en  1642,  commandait  l'aile  gauche  à  la  ba- 
taille de  Leipzig,  puis  s'occupa  de  reprendre  les  places  de 
l'Elbe  et  la  Poméranie,  revint  en  Saxe,  où  il  défit  Rekowitz 
à  Zeitz  et  imposa  une  trêve  à  l'électeur  qui  dut  évacuer 
Torgau  et  Leipzig.  Après  plusieurs  campagnes  heureuses, 
il  fit  sa  jonction  avec  V^^rangel  en  Franconie,  gagna  la  ba- 
taille de  Zusmarsgausen  (17  mai)  et  s'empara  de  la  Petite- 
Prague  (26  juil.),  succès  qui  décida  la  paix.  Il  fut  fait 
feld-maréchal,  gouverneur  de  Brème  et  Verden,  comte  hé- 
réditaire. Dans  la  guerre  de  Pologne  (1656),  il  fut  fait  pri- 
sonnier dès  le  début. 

Son  fils  Kurt  (Conrad)  épousa  une  fille  de  V^rangel  et 
fut  tué  en  1673,  devant  Bonn,  Deux  de  ses  enfants  sont 
célèbres  par  leurs  aventures  amoureuses  :  Philipp-Chris- 
toph,nè  vers  1662,  se  lia  à  Venise  avec  le  prince  Auguste 
de  Saxe,  revint  avec  lui  à  Dresde,  entra  au  service  de 
l'électeur  de  Hanovre,  devint  l'amant  de  la  princesse  Sophie- 
Dorothée  de  Celle,  épouse  du  prince  héritier,  et  disparut, 
probablement  assassiné,  le  1^^  juil.  4694.  La  sœur  de  ce- 
lui-ci Maria-Aurora^  née  à  Stade  en  1670,  morte  le  16  févr. 
1728,  vécut  après  la  mort  de  sa  mère  (1691)  auprès  de 
sa  sœur  aînée  la  comtesse  Lœwenliaupt.  En  1694,  elle  se 
rendit  à  Dresde  pour  faire  intervenir  l'électeur  iVuguste  II 
en  faveur  de  son  frère,  ou  s'assurer  de  sa  mort  et  en  re- 
cueillir l'héritage.  Elle  devint  la  maîtresse  d'Auguste  II,  et 
de  cette  union  naquit  le  fameux  Maurice  de  Saxe.  Bientôt 
délaissée,  elle  se  retira  à  l'abbaye  de  (Juedlinburg,  vécut 
ensuite  à  Berlin,  Dresde,  Hambourg,  fit  un  voyage  àNarva 
pour  apaiser  l'ennemi  d'Auguste  H,  Charles  XII,  qui  resta 
insensible  à  ses  charmes,  et  rentra  après  1 706  dans  son 
couvent.  C'était  une  femme  d'une  grande  beauté  et  mer- 
veilleusement douée,  sachant  un  grand  nombre  de  langues, 
ayant  un  remarquable  talent  musical;  elle  a  composé 
quelques  lieds,  cantates,  motifs  d'opéra.  A.-M.  B. 


BiBL.  :  Crasner,  Denkwûrdigkeiten  der  Grœftn  Maria- 
Aurora  von  Kœnigsmark  ;  Leipzig,  1836,  2  vol.  —  Corvin- 
WiERSBiTZKY,  M. -A.,  GrsBfîn  von  Kœnigsmark^  1848.  — 
Palmblad,  Aurora  Kœnigsmark  und  ihre  Verwandten^ 
1848,  4  vol.  ' 

KŒNIGSPERGER  (Marianus),  moine  bénédictin  et 
musicien  allemand,  né  à  Rœding  (Palatinat)  le  4  déc. 
1708,  mort  au  couvent  de  Prùfling  (Bavière)  le  9  oct. 
1769.  Très  bon  organiste  et  compositeur  facile,  il  a  écrit 
une  quantité  de  messes  et  de  morceaux  religieux,  publiés 
à  Augsbourg  et  pendant  longtemps  très  répandus  en  Alle- 
magne; une  méthode  de  clavecin  (1755),  des  préludes, 
des  fugues  et  des  exercices  pour  le  clavecin  et  pour  l'orgue. 

KŒNI6SSEE.  Lac  alpestre  de  Bavière,  à  4  kil.  S.  de 
Beschtesgaden,  à  l'E.  du  Watzmann,  à  603  m.  d'alt.; 
8  kil.  de  long,  2  kil.  de  large,  28  kil.  détour,  188  m.  de 
profondeur.  L'Achen  déverse  ses  eaux  dans  le  Salzach. 
C'est  un  des  plus  beaux  lacs  d'Europe,  avec  ses  eaux  d'un 
vert  profond,  baignant  une  muraille  calcaire  de  2,000  m. 
de  haut  ;  à  l'E.  s'ouvre  la  sombre  gorge  de  l'Eisthal,  dont 
l'accès  est  facilité  par  les  alluvions  qui  ont  formé  la  pres- 
qu'île boisée  de  Hirschau  où  s'élève  la  vieiUe  chapelle  de 
Saint'Bartholomœ  (antérieure  à  1134),  lieu  de  pèleri- 
nage; au  S.  dort,  dans  un  cirque  désert,  d'une  sauvage 
grandeur,  le  petit  lac  Obersee. 

KŒNIGSSTEIN.  Ville  d'Allemagne,  royaume  de  Saxe, 
district  de  Dresde,  au  confluent  de  l'Elbe  et  de  la  Biela  ; 
4,000  hab.  Scieries,  parquetterie,  cartonnages,  fonde- 
rie, etc.  Au  N.-E.  s'élève  un  rocher  de  grès  qui  domine 
de  246  m.  la  rive  gauche  de  l'Elbe,  en  face  du  Lilien- 
stein  ;  ce  roc  de Kœnigstein,  coupé  à  pic  de  trois  côtés,  est 
la  seule  forteresse  du  royaume  de  Saxe.  Elle  passait  pour 
imprenable  avant  les  progrès  de  l'artillerie  et  l'est  encore 
presque,  car  elle  domine  tous  les  sommets  accessibles 
d'alentour.  Le  côté  accessible  est  défendu  par  des  ouvrages 
étages,  de  manière  à  braver  tout  assaut  ;  presque  toutes 
les  installations  sont  casematées.  Un  puits  de  214  m.,  taillé 
dans  le  roc,  ne  tarit  jamais.  On  y  conserve  des  archives, 
des  trésors,  etc.  Ce  fut  aussi  une  prison  d'Etat.  Fortifié 
dès  l'époque  slave  par  les  Sorbes,  le  Kœnigsstein  fut 
acquis  en  1459  par  l'électeur  de  Saxe.  C'est  seulement  au 
xvi®  siècle  que  Henri  le  Pieux  en  restaura  et  compléta  les 
fortifications,  qui  reçurent  leur  forme  actuelle  sous  Fré- 
déric-Auguste II.  En  1756,  les  Saxons,  retranchés  au  pied, 
furent  enveloppés  et  forcés  de  capituler  par  Frédéric  IL 
En  1849,  le  roi  Frédéric-Auguste  II  se  réfugia  dans  cette 
citadelle  avec  ses  ministres  durant  la  révolution.  De  févr. 
1867  à  1871,  une  garnison  prussienne  l'occupa.  Les  en- 
virons sont  très  pittoresques.  Dans  le  val  de  la  Biela  sont 
les  sources  minérales  de  Kœnigsbrûnn, 
BiBL.  :  MosER,  Die  Festung  Kœnigsstein  ;  Pirna,  1872. 

KŒNIGSSTEIN-im-Taunus.  Ville  de  Prusse,  district  de 
Wiesbaden;  1,800  hab.  Eaux  minérales;  au-dessus,  un 
rocher  porte  les  ruines  d'un  vieux  château  détruit  en  1796. 
A  2  kil.  .N.-E.  sont  celles  du  château  de  Falkenstein, 
auprès  duquel  est  un  hospice  de  poitrinaires. 

KŒNIGSSTUHL.  Monument  célèbre  dans  l'histoire  alle- 
mande, situé  sur  la  rive  gauche  du  Rhin,  à  400  pas  en 
aval  de  la  ville  de  Rense  (Rhense)  où  se  touchaient  les 
domaines  des  quatre  électeurs  rhénans.  En  1376,  l'empe- 
reur Charles  ÏV  y  fit  édifier  une  bâtisse  octogone  de  8  m.  de 
diamètre,  5'^30  de  haut,  portant  sur  sept  arcs,  mais  sans 
toiture;  un  escalier  tournant  autour  du  pilier  central  condui- 
sait sur  cette  terrasse,  le  long  de  laquelle  courait  un  banc  de 
pierre  où  des  plaques  marquaient  le  siège  de  chacun  des  sept 
électeurs.  Restauré  en  1624  (l'escalier  fut  refait  extérieu- 
rement), ce  bizarre  édifice  fut  démoli  par  les  Français  en 
1794;  on  l'a  rétabli  en  1843.  Le  lieu  était  dès  le  xiv«  siècle 
consacré  par  la  tradition  pour  les  réunions  électorales.  Oa 
citera  celles  qui  élurent  Henri  VII  (1308),  Charles  IV 
(1346)  et  Robert  de  Palatinat  (1400)  et  celle  du  16  juil.. 
1338.  *' 

KŒNIGSWARTER  (Louis-Jean),  économiste  français, 
né  à  Amsterdam  le  12  mars  1814,  mort  à  Paris  le  6  déc. 


KCENïi^SWAnTEIl  -  KOEPRILÏ 


—  590 


1878.  Il  s'établit  à  Paris  en  1838  et  s'y  fit  connaître  par 
ses  publications  d'économie  politique  qui  lui  valurent, 
en  1851,  d'être  élu  correspondant  de  l'Académie  des 
sciences  morales  et  politiques.  11  avait  été  naturalisé  Fran- 
çais en  1848,  Citons  de  lui  :  Essai  sur  la  législation  des 
peuples  anciens  et  modernes  relative  aux  e7ifants  nés 
nors  mariage  (Paris,  1842,  in-8)  ;  Etudes  historiques 
sur  le  développement  de  la  société  humaine  (1850, 
in-8)  ;  Histoire  de  l'organisation  de  la  famille  en 
France  (1851,  in-8);  Sources  et  monuments  du  droit 
français  antérieurs  au  xv®  siècle  (1853,  in-12).  Il  a 
attaché  son  nom  au  prix  Kœnigswarter  (1 ,500  fr.),  dé- 
cerné tous  les  trois  ans  par  l'Académie  des  sciences  morales 
au  meilleur  ouvrage  sur  l'histoire  du  droit.  —  Son  frère, 
Maximilien^  né  à  Fiirth  (Bavière)  le  5  juil.  4817,  mort 
à  Paris  le  12  oct.  1878,  banquier  à  Paris,  fut  député  im- 
périahste  de  la  Seine  au  Corps  législatif  de  1852  à  1863. 

KŒNfGSWlNTER.  Ville  de  Prusse,  district  de  Cologne, 
sur  le  Rhin,  au  pied  du  Siebengebirge  ;  3,100  hab.  Ruines 
de  l'abbaye  à*Heisterbachy  Drachenfels,   Wolkenhurg. 

KŒPENICK  ou  CŒPENICK.  Ville  de  Prusse,  district 
de  Potsdam,  dans  une  île  delà  Sprée,  en  amont  de  Berlin  ; 
12,000  hab.  Château  royal  (de  1681),  beau  parc  ;  grande 
teinturerie  et  blanchisserie.  Le  prince  des  Hévelliens  y  ré- 
sidait en  1157.  Le  Brandebourg  la  conserva  malgré  la  Mis- 
nie,  en  1240.  Ce  fut  une  des  résidences  favorites  des  élec- 
teurs; c'est  aujourd'hui  un  des  heux  de  promenade  des 
Berlinois,  avec  les  bois  voisins,  le  lac  (Milggelsee)  et  la 
taupinière  du  Miiggelberg. 

KŒPKE  (Rudolf),  historien  allemand,  né  àKœnigsberg 
le  23  août  1813,  mort  à  Berlin  le  10  juin  1870.  Fils  d'un 
professeur  au  gymnase  de  Joachimsthal  (Berlin),  il  fut 
élève  de  Ranke,  rédigea  pour  le  Jahrbii.cher  la  moitié  du 
règne  d'Otton  P^  de  936  à  951  (Berlin,  1838),  puis  fut 
un  des  meilleurs  collaborateurs  des  Monumenta  de  Pertz  ; 
à  partir  de  1846,  il  enseigna  à  l'université  de  Berlin  (pro- 
fesseur en  1856).  Ardent  propagateur  des  idées  prussiennes, 
il  a  pubhé  Das  Ende  der  deutschen  Kleinstaaten 
(1866)  et  une  excellente  biographie  de  L.  Tieck  (1855, 
2  vol.). 

KŒPPEN  (Friedrich),  philosophe  allemand,  né  à  Lubeck 
le  21  avr.  1775,  mortà  Erlangen le  5 sept.  1858.  Il  étudia 
à  léna,  avec  Reinhold  et  Fichte,  puis  à  Gœttingue,  fut,  en 
1804,  pasteur  à  Brème,  en  1807  professeur  à  Landshut  et  en 
1 827  à  Erlangen.  Sa  philosophie  se  rattache  à  celle  de  Jacobi, 
dont  il  fut  le  correspondant  assidu,  et  plus  tard  l'éditeur. 
Dans  un  livre  sur  Schelling,  il  montra  avec  une  grande 
pénétration  la  faiblesse  des  données  du  système  ;  puis,  dans 
son  ouvrage  principal,  sur  l'essence  de  la  philosophie,  il 
exposa  ses  propres  idées.  Il  est  des  vérités  inaccessibles  à 
toute  spéculation  :  telle  est  la  liberté  que  nous  percevons 
en  nous  immédiatement.  Les  deux  grandes  sources  de  la 
connaissance  sont  le  sens  et  la  raison  ;  quant  à  l'entende- 
ment, il  ne  fait  que  réfléchir  ces  données,  et,  par  abstrac- 
tion, en  tirer  la  science.  Les  principaux  ouvrages  de  Kœp- 
pen  sont  :  Ueher  die  Offenbarung  in  Bezug  auf  Kanf  sche 
und  Fichtesche  Philosophie  (il91)  ;  Schelling' s  Lehre 
(1804),  avec  trois  lettres  de  Jacobi  sur  le  même  sujet; 
Darstellung  des  Wesens  der  Philosophie  (1810)  ;  Phi- 
losophie des  Christenthums {iSi?)-i^,  2  vol.);  Politik 
(1818)  ;  Rechislehre  (1819),  ces  deux  derniers  ouvrages 
déductifs  et  platoniciens.  C-el. 

KŒPPEN  (Pierre  de),  géographe  et  etnographe  russe, 
né  à  Kharkov  le  19  févr.1793,  mort  àKarabagh  (Crimée) 
le  4  juin  1864.  Il  fit  ses  études  à  l'université  de  sa  ville 
natale,  se  rendit  en  1814  à  Saint-Pétersbourg,  occupa  di- 
verses situations  dans  l'administration  impériale  et  se  retira 
en  1860  dans  sa  propriété  de  Karabagh.  Il  était  membre 
de  l'Académie  de  Saint-Pétersbourg.  11  a  exploré,  aux  points 
de  vue  géographique,  ethnographique  et  archéologique,  une 
grande  partie  de  la  Russie  et  a  consigné  les  résultats  de 
ses  recherches  dans  de  nombreux  écrits,  la  plupart  en  al- 
lemand :  Uebersicht  der  Quellen  einer  Literœrgeschichte 


Russlands  (Saint-Pétersbourg,  1818);  Nordgestade  des 
Pontus  (Vienne,  1822)  ;  Bibliographische  Blœtter  et  Ma- 
terialen  zur  kultur  geschichte  Russlands,  puWications 
périodiques  (années  1825  et  suiv.)  ;  Geschichte  des  Wein- 
bauesund  Weinhandels  m /^wss/and  (Saint-Pétersbourg, 
1832)  ;  Documents  sur  la  Crimée,  en  russe  {id.,  1837)  ; 
Taurica  {id.,  1840)  ;  Ueber  die  Deutschen  im  Peter s- 
burger  Government  {id.,  1850);  StatisiischeReise  in  das 
Land  der  Donischen  Rosaken  {id.,  1852);  Areal  und 
Bevœlkerungsverhœltnisse  Russlands  {id.,  1859);  Die 
vorzûglichsten  Seen  und  Flussmûn'dungen  Russlands 
{id.,  1860);  Indicateur  chronologique  des  matériaux 
pour  Vhist.  des  étrangers,  en  russe  {id.,  1861 ,  in-8),  etc. 
Il  a  aussi  donné  une  carte  ethnographique  delà  Bussie  d'Eu- 
rope (Saint-Pétersbourg,  1851,  4  feuilles).  L.  S. 

KŒPPEN  (Karl-Friedrich-x\lbert),  juriste  allemand,  né 
à  Goldberg  le  17  déc.  1822.  Professeur  de  droit  romain 
aux  universités  d'léna(1856),  Marbourg  (1857),  Wurzbourg 
(1864),  Strasbourg  (1872),  on  lui  doit:  Die  Erbschaft 
(1856);  System  des  heutigenrœmischenErbrechts{lm2i, 
1862-64);  Der  obligatorische  Vertrag  unter  Abwesen- 
den  (1871)  ;  Der  Fruchteriverb  des  bonœ  fidei  possessor 
(1872),  etc. 

KŒPPEN  (Vladimir),  météorologiste  allemand,  né  à 
Saint--Pétersbourg  le  25  sept.  1846."  Elève  des  universités 
de  Saint-Pétersbourg,  Heidelberg  et  Leipzig;  météorolo- 
giste adjoint  (1872-73)  à  l'Observatoire  physique  central  de 
Saint-Pétersbourg;  depuis  1875,  météorologiste  à  l'Insti- 
tut nautique  central  de  l'empire  allemand.  Ses  nombreux 
travaux,  parus  dans  la  Meteorologische  Zeitschrift, 
les  Annalen  der  Hydrographie  und  maritimen  Mé- 
téorologie, le  Repertorium  fur  Météorologie,  VArchiv 
der  Seewarte,^  etc.,  ont  pour  sujets  :  le  climat  de  la  Cri- 
mée; la  distribution  géographique  des  jours  de  pluie 
et  de  la  nébulosité  ;  la  période  de  température  de  onze 
ans;  les  trajectoires  des  cyclones;  la  moyenne  men- 
suelle de  la  tenipérature  de*^ l'air,  sa  distribution  sur  le 
globe  et  sa  relation  avec  la  température  de  l'Océan;  le  grain 
du  9  août  18,81,  etc.  Il  a  pris  part  à  diverses  pubhcations 
officielles  de  la  Seewarte,  notamment  à  celle  des  Instruc- 
tions nautiques  pour  l'Atlantique  et  l'océan  Indien.  Il  a 
découvert  l'action  calmante  de  l'eau  de  savon  sur  les  vagues. 

KŒPRILl,  KŒPRULU,  KUPRILI,  KIUPERLI  ou^KO- 
PRlLLNom  d'une  famille  de  grands  vizirs  ottomans.  Le 
premier  fut  Mohammed,  né  à  Kœpri  (Anatolie)  vers  1 585, 
mort  à  Andrinople  le  l^^'nov.  1661.  Petit-ûls  d'un  Alba- 
nais, il  entra  au  sérail  comme  marmiton,  s'éleva  par  son 
mérite  au  poste  de  grand  écuyer  du  vizir  Kara-Mustafa, 
se  distingua  dans  les  guerres  de  Chypre  et  de  Perse,  fut 
nommé  gouverneur  de  Damas.  Au  moment  des  troubles  qui 
suivirent  la  mort  tragique  du  sultan  Ibrahim,  durant  la 
minorité  de  Mohammed  IV,  la  sultane  Validé  le  fit  nom- 
mer grand  vizir.  On  raconte  que  ce  vieillard,  qui  ne  savait 
pas  lire,  n'accepta  qu'à  la  condition  d'avoir  de  pleins  pou- 
voirs pour  la  répartition  des  emplois,  récompenses  et  châ- 
timents et  une  sorte  de  blanc-seing  (1656).  Politique  ha- 
bile et  rusé,  il  était  incorruptible  et  déploya  une  énergie 
implacable  qui  l'a  fait  comparer  à  Richeheu.  Il  comprima 
les  fanatiques  orthodoxes,  destitua  les  fonctionnaires  in- 
fidèles, mit  à  mort  les  auteurs  des  rébellions  précédentes. 
Il  remit  de  l'ordre  dans  les  finances,  réorganisa  la  justice 
et  l'armée  en  faisant  rentrer  dans  l'ordre  les  janissaires. 
Il  donna  satisfaction  au  sentiment  national  par  la  guerre 
contre  les  Impériaux  et  Venise.  Il  prit  lui-même  la  direc- 
tion des  troupes,  défit  les  Vénitiens,  conquit  Ténédos  et 
Lemnos,  la  Transylvanie,  la  ville  de  Yanova  en  Perse, 
comprima  la  révolte  de  l'Egypte.  Il  fit  construire  des  for- 
teresses aux  frontières,  les  nouveaux  châteaux  des  Darda- 
nelles; il  laissa  le  trésor  rempli  et  le  prestige  de  la  Porte 
rétabli  au  dehors. 

Son  fils  Ahmed,  né  en  1630,  mort  près  d' Andrinople  le 
30  oct.  1676,  lui  succéda.  Elevé  par  un  ouléma  auquel  son 
père  l'avait  confié,  il  passa  par  les  gouvernements  d'Erze- 


mi  — 


KŒPRTU  -  KCESTLIN 


roum  et  de  Damas,  où  il  se  fit  aimer  ;  il  se  distingua  contre 
les  Druses  et  fut  alors  nommé  caïmacan  (kaïmakan),  sup- 
pléant de  son  père.  Il  surpassait  celui-ci  par  sa  culture, 
son  goût  éclairé  pour  les  lettres,  attesté  par  la  protection 
des  écrivains,  la  formation  d'une  célèbre  bibliothèque,  etc. 
Il  gouverna  quinze  années  l'empire  ottoman  avec  sagesse 
et  succès.  Il  perdit  la  bataille  de  Saint-Gothard,  mais  ob- 
tint une  paix  avantageuse,  conservant  Grosswardein  et 
Neuhaeusei  (1664)  ;  il  acheva  le  fameux  siège  de  Candie 
(4669),  s'empara  de  Kaminiec  (1672),  mais  fut  battu  à 
Choczim  par  Sobieski  (1673). 

Son  frère  Mustafa  eut  une  influence  considérable  sur 
Mohammed  IV  qu'il  empêcha  de  faire  tuer  stfn  frère  Soli- 
man ;  lorsque  celui-ci  fut  porté  au  trône  par  une  révolu- 
tion (1687),  il  se  souvint  de  Kœprili  qui  était  kaïmacan 
et  le  nomma  grand  vizir  (1689).  Mustafa  fit  preuve  de 
l'intelligence  et  de  l'énergie  de  sa  famille,  rétablit  l'ordre 
dans  l'administration  et  les  finances  ;  dans  la  guerre  de 
Hongrie,  il  débuta  par  des  succès,  prise  de  Belgrade,  vic- 
toire d'Eszek,  mais  fut  tué  à  la  bataille  de  Salankemen 
(19  août  1691). 

Niukman,  fils  d'Ahmed,  était  gouverneur  de  Nègrepont, 
fut  nommé  grand  vizir  par  Ahmed  III  (15  juin  1710),  mais 
ne  put  s'entendre  avec  Charles  XII  et  fut  déposé  et  ren- 
voyé dans  son  île  le  17  août  de  la  même  année. 

Amoudjar-sade  Hosein^  mort  le  22  sept.  1702,  neveu 
de  Mehemet  Kœprili,  élève  de  son  oncle  et  de  ses  cousins, 
se  fit  remarquer  comme  gouverneur  de  Belgrade  et  devint 
grand  vizir  de  Mustafa  II  en  1697.  Il  conclut  la  paix  de 
Carlowitz,  suivit  une  politique  conciliante  vis-à-vis  des 
chrétiens,  développa  les  écoles  et  les  constructions  aux- 
quelles il  contribua  de  ses  deniers.  A. -M.  B. 

KŒRM END.  Ville  de  Hongrie,  comitat  de  Vas,  sur  le 
Raab;  5,000  liab.  Beau  château  du  prince  Batthyany  avec 
des  collections  d'armes  et  de  modèles  industriels. 

KŒRNER  (Christian-Gotttried),  né  à  Leipzig  le  2  juil. 
1756,  mort  à  Berlin  le  30  mai  1831.  Fonctionnaire  saxon, 
puis  prussien  (1815),  il  est  célèbre  par  son  amitié  pour 
Schiller.  Kœrncr  était  un  amateur  éclairé,  qui  eut  une 
grande  influence  sur  le  poète;  Schiller  vécut  chez  lui  de 
1785  à  1787  dans  sa  vigne  de  Loschwitz  et  à  Dresde.  Il 
publia  la  première  édition  des  œuvres  de  Schiller  et  y  joi- 
gnit une  biographie  (1812-15).  La  correspondance  des  deux 
amis  est  précieuse  (éd.  complète  par  Gœdeke  ;  Leipzig,  1874); 
on  a  aussi  publié  celle  de  Kœrner  avec  G.  de  Humboidt 
(Berhn,  1879)  et  les  écrits  personnels  de  celui-ci  (édités  par 
Stern  avec  biographie  ;  Leipzig,  1881). 

BiBL.  :  JoNAs,  Ctir.-G.  Kœrner  und  sein  Haus,  1881.  — 
Weber,  Briefe  der  Familie  Kœrner^  dans  Deutsche 
Rundschau,  t.  XV  et  XVL 

KŒRNER  (Karl-Theodor)  poète  allemand,  né  à  Dresde 
le  23  sept.  1791,  tué  à  Vœbbelin  le  26  août  1813.  Fils  du 
précédent,  il  fut  élevé  parmi  les  grands  penseurs  de  l'Alle- 
magne, étudia  à  l'Ecole  des  mines  de  Freiberg  (1808-10), 
se  rendit  à  Vienne  où  Kotzebue  le  fit  attacher  à  un  théâtre 
comme  poète.  Ses  premiers  vers  {Knospen;  Leipzig,  1810) 
avaient  été  goûtés  ;  ses  compositions  dramatiques  eurent 
de  vifs  succès  (Die  Braut,  Der  Grilne  Domino,  Der 
Nachtwœchter,  Toni,  Die  Silhne,  Zrinij,  Hedwig.,  Rosa- 
munde),  mais  la  gloire  de  Kœrner  est  ailleurs;  il  fut  le 
poète  de  la  guerre  de  l'indépendance  allemande.  Ardent 
patriote  comme  son  père,  il  s'engagea  dans  le  corps  franc 
de  Lutzow,  le  19  mars  1813;  blessé  à  Kitzen  le  7  juil.,  il 
se  guérit  à  Karlsbad  et  fut  tué  d'un  coup  de  fusil  dans  une 
escarmouche  non  loin  de  Hambourg.  Il  fut  enseveli  au  pied 
d'un  vieux  chêne  où  sa  sœur,  son  père  et  sa  mère  reposent 
avec  lui.  Sa  fiancée,  Anto7iie  Adamherger,  à  laquelle  sont 
adressées  plusieurs  de  ses  poésies,  épousa  le  numisma- 
tiste  Arneth.  Les  poésies  patriotiques  de  Kœrner  eurent 
dès  leur  apparition  un  grand  retentissement.  Durant  sa  der- 
nière nuit,  il  composa  une  des  plus  belles,  Sehivertlied; 
elles  furent  réunies  après  sa  mort  [Leier  und  Schwert, 
1814;  Poetischer  Nachlass,  1814,  2  vol.).  Une  édition 


de  ses  œuvres  complètes  a  été  donnée  par  Streckfuss  (Ber- 
lin 1834;  2^  éd.,  1838,  4  vol.).  On  a  formé  à  Dresde  dans 
sa  maison  natale  un  Musée  Kœrner  (1873,  acheté  par  la 
ville  en  1885). 

BiBL.  :  Biographies  par  Lehmann  (Halle,  1819)  et  L.  Bauer 

(Stuttgart,  1883). 

KŒRŒS.  Nom  d'une  rivière  de  Hongrie  et  des  trois 
branches  de  cette  rivière  avant  leur  jonction.  Toutes  trois 
viennent  des  montagnes  de  la  Transylvanie  :  le  Kœrœs  ra- 
pide avec  un  cours  de  287  kil.,  le  Kœrœs  noir  avec  un 
cours  de  257  kil.,  le  Kœrœs  blanc  avec  un  cours  de  267  kil. 
Leurs  eaux  réunies  en  un  seul  cours,  deviennent  flottables, 
puis  navigables  jusqu'à  Csongrad  oii  elles  se  versent  dans 
la  Tisza. 

KŒRŒS  (Nagy)  ou  Grand-Koerœs.  Nom  d'une  ville 
de  Hongrie  qui  n'est  point  sur  les  rives  de  la  rivière  de  ce 
nom,  mais  dans  la  grande  plaine  du  comitat  dePest.  Ses 
24,727  hab.  (1890),  Magyars  et  calvinistes,  vivent  du 
labour  et  de  l'élève  du  bétail. 

KŒRTING  (Gustav),  littérateur  allemand,  né  à  Dresde 
le  25  juin  1815.  Professeur  de  philologie  romane  et  an- 
glaise à  l'Académie  de  Munster,  auteur  de  :  Die  Quellen  des 
Roman  de  Rou  (1867)  ;  Diktys  und  Dares  (1874)  ;  Gesch. 
der  Litteralur  Italiens  im  Zeitalter  der  Renaissance 
(1878  et  suiv.);  Encyklopœdie  und  Méthodologie  der 
romanischen  Philologie  (1884,  2  vol.),  etc.;  il  publie, 
avec  Koschwitz  (Oppeln,  depuis  J879),  Zeitschrift  fur 
neufranzœsische  Sprache  und  Litferatur  et  Franx>œ- 
sische  Studien  (Heilbronn,  depuis  1880). 

Son  frère  lïeinrich,  privat-docent  à  l'université  de  Leip- 
zig, a  publié  Gesch.  des  franzœsischen  Romans  im  il  *^^ 
Jahrh,  (1885-87,  2  vol.). 

KŒSEN.  Ville  de  Prusse,  district  de  Mersebourg,  sur 
la  Saale;  2,500  hab.  SaHnes  et  bains  salins. 

Eaux  minérales.  •—  Ces  eaux  sont  protothermales,  chlo- 
rurées sodiques  fortes,  sulfatées  calciques  et  sodiques  fortes, 
carboniques  faibles.  Elles  s'emploient  en  boisson  et  en  bains 
et  bains  de  vapeur.  Constipantes  à  faible  dose,  purgatives  à 
forte  dose,  elles  ont  une  action  tonique  et  excitante  sur  la 
circulation  sanguine  et  la  sécrétion  cutanée.  Elles  sont  utiles 
dans  la  scrofule.  D^  L.  Hn. 

KŒSLIN.  Ville  de  Prusse,  ch.-l.  d'un  district  de  Po- 
méranie;  19,000  hab.  Papeterie,  savonnerie,  brasserie, 
tuilerie,  scierie,  etc.  Bâtie  en  1188,  elle  reçut  une  charte 
urbame  en  1266,  embrassa  la  Réforme  en  1532,  fut  minée 
par  les  guerres  de  Trente  et  de  Sept  ans. 

Le  district  de  Kœslin  a  14,025  kil.  q.,  563,569  hab.,- 
presque  tous  protestants,  et  se  divise  en  douze  cercles  : 
Belgard,  Bublitz,  Biitov^r,  Dramburg,  Kœslin,  Kolberg  (ou 
Colberg),  Lauenburg,  Neustettin,  Rummelsburg,  Schivet- 
bein,  Schlawe,  Stolp. 

KŒSTLIN  (Christan-Reinhold),  criminaliste  allemand, 
néà  Tubingue  le  29  janv.  1813,mortàTubinguele  14  sept. 
1856.  Il  a  enseigné  à  l'université  de  Tubingue  à  partir 
de  1839.  Outre  des  poésies  de  jeunesse  publiées  sous  le 
pseudonyme  de  Reinhold  (réunies  en  1853),  des  nouvelles 
et  romans  (Brème,  1847-48,  3  vol.),  un  drame  (Die  Sœhne 
der  Dogen,  joué  en  1838  à  Stuttgart),  il  a  écrit  de  remar- 
quables ouvrages  de  droit  criminel  :  Neue  Révision  der 
Grundbegriffe  des  Kriminalrechts  (1845,  2  vol.);  Der 
Wendepunkt  des  deutschen  Strafverfahrens  im  19  *«« 
Jahrh,  (1849);  Die  Geschwornengerichte  (1851);  Sys- 
tem  des  deutschen  Strafrechts  (1855,  t.  I);  Gesch.  des 
deutschen  Strafrechts  (publié  par  Gessler,  1859). 

Sa  femme  Joséphine,  née  Lang  (1845-80),  a  composé 
des  Heds  très  remarqués. 

Leur  fils  Heinrich-Adolf,  néà  Tubingue  le  4  oct.  1846, 
pasteur  et  professeur  au  séminaire  de  Friedberg,  a  écrit  : 
Die  Tonkunst(\  879);  Gesch.  derMusik(^Hd.,i  883),  etc. 
KŒSTLIN  (Karl-Reinhold),  philosophe  allemand,  né  à 
Urach  le  28  sept.  1^19.  Elève  de  Vischer,  il  abandonna  la 
théologie  pour  l'esthétique  qu'il  professe  à  l'université  de 


KŒSTLiN  —  KOHLRAUSCff 


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Tubingue;  son  grand  omrâge  (JEsthetik,  1863-69,  2  vol.) 
développe  des  théories  analogues  à  celles  de  Herbart.  Ci- 
tons encore  :  R.  Wagner  s  Tondrama:  der  Ring  der  Ni- 
belungen{iSll);  (Jeherden  SchœnheUsbegriff'{iS19); 
Gesch.  der  Ethik  (1887  et  suiv.). 

KŒTHEN.  Ville  d'Allemagne,  principauté  d'Anhalt; 
18,000  hab.  Cathédrale  gothique  avec  de  vieux  vitraux. 
Château  du  prince,  brûlé  en  1547,  rebâti  de  1597  à 
1606.  Grandes  fonderies  et  usines  métallurgiques;  fa- 
briques de  chocolat,  de  conserves,  etc.  Fondée  par  les 
Slaves  sous  le  nom  de  Kothene,  elle  leur  fut  enlevée 
par  les  comtes  de  Ballenstedt,  reçut  une  charte  urbaine 
au  xii^  siècle.  Ce  fut  jusqu'en  1847  la  capitale  d'une  des 
principautés  à'Anhalt  (V.  ce  mot). 

KŒTS  (Kœlof),  peintre  hollandais,  né  à  Zwolle  vers 
1650,  enterré  à  Zwolle  le  28  juin  1725.  Elève  de  Ter- 
burg.  Ce  peintre  de  portraits  très  recherché  par  ses  con- 
temporains est  surtout  connu  pour  sa  prodigieuse  faci- 
lité de  travail.  Il  peignit,  en  elFet,  cinq  mille  portraits 
tant  dans  sa  ville  natale  qu'à  la  cour  du  prince  Henri- 
Casimir,  stathouder  de  la  Frise,  qu'en  Angleterre  et  qu'à 
La  Haye  où  il  se  trouvait  en  1690.  Il  était  bon  musi- 
cien et  de  rapports  très  agréables.  En  faisant  le  portrait 
du  bourgmestre  de  Deventer,  il  se  trouva  mal  et  mourut. 
On  connaît  aujourd'hui  un  très  petit  nombre  de  ses  cinq 
mille  portraits  :  à  Amsterdam,  Portrait  d'un  pasteur, 
acheté,  en  1883,  34  florins;  d'autres  portraits  à  Anvers 
et  à  Lille.  E.  Br. 

KŒUR-lâ-Grande.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de 
Commercy,  cant.  de  Pierrehtte  ;  259  hab. 

KŒUR-la-Petite.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de 
Commercy,  cant.  de  Pierrefitte  ;  362  hab. 

KOFOD-Ancher  (Peter),  jurisconsulte  danois,  né  en 
1710,  mort  en  1788.  Il  combattit  vivement  l'idée,  très 
fausse  assurément,  que  Montesquieu  se  faisait  du  gouver- 
nement du  Danemark  et  de  la  Norvège,  regardé  par  l'écri- 
vain français  comme  despotique.  Kofod  n'en  était  pas 
moins,  et  il  le  proclame  hautement,  un  admirateur  et  un 
disciple  de  Montesquieu.  D'une  santé  délicate,  il  dut  re- 
noncer à  l'enseignement  académique  et  consacra  son  temps 
à  la  publication  des  textes  d'anciennes  lois  (Jydske  Loi\ 
Sjœlandske  LoUy  etc.")  et  à  des  recherches  sur  Thistoire 
du  droit  danois  {Dansk  Lovhistorie,  etc.).         Th.  C. 

KOFOD-Hânsen  (Hans-Peter),  écrivain  danois,  né  en 
1813.  Après  ses  études  de  théologie,  il  voyagea  à  l'étran- 
ger, passa  quelques  mois  à  Bonn  et  fit  à  Rome  un  séjour 
assez  long.  En  i  860,  il  fut  nommé  pasteur  à  Haderslev, 
d'où  la  guerre  de  1864  le  chassa.  En  1883,  il  se  retira  du 
service  actif  de  l'Eglise.  Sous  le  nom  de  Jean-Pierre  {sic), 
il  a  publié  divers  ouvrages  :  études  et  romans,  où  l'on 
reconnaît  l'influence  des  idées  religieuses  et  morales  de 
Sôren  Kierkegaard.  Les  principaux  sont:  Dialogues  et 
esquisses,  papiers  posthumes  d'un  physiognomoniste 
(1840)  ;  la  Vie  de  la  mort  (1842), dans  lequel  il  cherche 
à  prouver  que  «  celui  qui  aime  ne  saurait  douter  d'une 
vie  éternelle  »  et  surtout  :  la  Chair  et  l'Esprit  ou  les 
Deux  Chemins,  histoire  d'une  âme  (1846).  Th.  C. 
KOFOU.  Ville  du  Japon,  ch.-l.  du  ken  de  Yamanasi,  au 
N.  du  Fousi-yama;  16,000  hab.  Filature  de  soie;  vignes 
renommées. 

KOHÂRY  (Etienne,  comte),  poète  hongrois,  né  en  1649, 
mort  en  1731.  Membre  d'une  noble  famille  qui  s'est  illus- 
trée avant  et  après  lui  dans  les  armées  de  l'Autriche,  il 
montra  le  loyalisme  le  plus  héroïque  dans  la  lutte  contre 
Tœkœli  et  contre  les  Turcs,  surtout  pendant  une  longue  et 
pénible  captivité.  L'épreuve  le  rendit  poète  :  le  recueil  qu'il 
publia  en  1720  est  l'un  des  plus  précieux  de  l'ancien 
lyrisme  magyar.  E.  S. 

BiBL.  :   ToLDi,    A   Magyar  Kœltcszet   Kézikœnyve.  — 
ScHwicKER,  Geschichte  der  ungarischen  Litteratur. 

KO  H  AT.  Ville  de  l'Inde  anglaise,  prov.  de  Pechaver,  sur 
le  Kohat-toï,  affl.  dr.  del'Indus;  12,000  hab.  Belles  mos- 


quées. Ch.-I.  d'un  district  montagneux  de  7,350  kil.  q.  et 
plus  de  150,000  hab.  (musulmans  afghans). 

KOHAUT  (Joseph),  compositeur  tchèque,  né  en  1736 
mort  à  Pans  en  1793.  Venu  jeune  à  Paris,  il  fut  atta- 
ché à  la  musique  du  prince  de  Conti,  fit  représenter 
a  la  Comédie-Italienne  quatre  petits  opéras-comiques  • 
le  Serrurier,  la  Bergère  des  Alpes  (1765);  Sophie  ou 
le  Mariage  caché  (1768)  et  la  Closière,  —  Son  frère, 
Charles  Kohaut,  fut  un  des  derniers  virtuoses  sur  le  luth' 
et  publia  à  Leipzig  quelques  trios  et  concertos  pour  cet 
instrument.  Attaché  au  service  du  prince  de  Kaunitz,  à 
Vienne,  il  l'accompagna  dans  un  voyage  à  Paris  et  v'fit 
admirer  son  talent  d'exécution. 

KOHISTAN.  Région  de  Perse,  formant  le  S.  de  la  prov. 
de  Khoraçan;  très  montagneuse,  entre  des  steppes  et  des 
déserts,  elle  est  mal  connue.—  Ce  nom  (qui  signifie  pays  de 
montagnes)  est  donné  aussi  à  une  région  de  l'Afghanis- 
tan, au  S.-O.  de  l'Hindou-kouch,  à  l'E^  de  Caboul,  et  à  une 
autre  au  S.-E.  de  l'Hindou-kouch,  au  S.  du  Tchitral,  à  l'O. 
du  Yaghistan.  Enfin  on  l'applique  à  un  pays  de  l'Inde,  confi- 
nant au  Béloutchistan,  district  de  Karatchi,  prov.  duSindh. 
KOHL  (Ludwig),  peintre,  graveur  et  sculpteur  en  bois 
autrichien,  né  à  Prague  le  14  avr.  J146,  mort  le  18  juin 
1821 .  Après  avoir  étudié  à  l'Académie  <le  Vienne,  il  ouvrit 
dans  sa  ville  natale  une  école  de  dessin  d'où  sortit  toute 
une  pléiade  d'artistes  éminents.  Parmi  les  œuvres  dues  à 
son  pinceau,  nous  citerons:  Didon,  Cléopâtre,  Saint 
Arétius,  Virginius  tuant  sa  fille.  Rêve  de  saint  Joseph, 
Martyre  de  saint  Laurent,  Sainte  Barbara,  Tarquin 
et  Lucrèce,  l'Amour  et  Psyché,  Socrate  en  prison,  la 
Reine  Zénobie,  Assemblée  des  Etats  dans  la  salle  du 
couronnement  au  château  de  Prague;  parmi  ses  gra- 
vures, douze  Scènes  de  l'histoire  de  Bohême;  un  cycle 
relatif  à  la  Légende  de  saint  Jean  Népomucène,  des 
Vues  de  Prague  et  des  vieux  châteaux  de  Bohême. 

KOHLER  (Charles- Alfred),  érudit  français,  né  à  Genève 
le  H  janv.  1854,  Elève  de  l'Ecole  des  chartes,  de  l'école 
des  hautes  études,  archiviste  paléographe  (promotion  de 
l'année  1879),  bibliothécaire  à  la  bibliothèque  Sainte-Ge- 
viève.  Principales  publications  :  Etude  critique  sur  le 
texte  de  la  vie  latine  de  sainte  Geneviève  de  Paris 
(Paris,  1887,  in-8,  Bibl.  de  l'école  des  hautes  études, 
iasc.  48)  ;  Itiiiera  hierosolymitana  et  descriptiones 
Terrœ  Sanctœ  bellis  sacris  anteriora  (Genève,  1885, 
t.  H,  in-8,  en  collab.  avec  M.  A.  Mohnier);  Catalogue 
des  manuscrits  de  la  bibliothèque  Sainte-Geneviève 
(Paris,  1893,  in-8,  tome  ï). 

KOHLRAUSCH  (Rudolph-IIermann-Arndt),  physicien 
allemand,  né  à  Gœttingue  le  6  nov.  1809,  mort  à  Er- 
langen  le  9  mars  1858.  Il  professa  à  Rintein  (1835- 
49),  à  Cassel  (1849-51),  aux  universités  de  Marbour^ 
(1853-57)  et  d'Erlangen  (1857-58).  Il  a  fait  paraître 
dans  les  Annalen  de  Poggendorff,  de  1848  à  1857,  une 
série  de  mémoires  où  se  trouvent  exposés  les  résultats 
de  ses  importants  travaux  sur  le  galvanisme,  sur  la  me- 
sure des  courants  et  sur  les  lois  d'Ohms,  qu'il  a  expéri- 
mentalement vérifiées  à  l'aide  d'appareils  très  précis  de 
son  invention.  Le  dernier  de  ces  mémoires,  auquel  a  col- 
laboré W.  W^eber,  est  bien  connu  à  raison  de  la  théorie 
mathématique  des  courants  qui  s'y  trouve  développée  et 
qui  a  gardé  le  nom  de  ce  célèbre  physicien  :  Elektrody- 
namischen  Massbestimmungen  (Pogg,  Ann,,  1857, 
xcix).  L.  S. 

Bibl.  :  Dœderlein,  Gmbrede  auf  Rudolf  Kohlrausch  ; 

Erlangen,  1858. 

KOHLRAUSCH  (Friedrich),  physicien  allemand,  fils  du 
précédent,  né  à  Rintein  (Hesse-Nassau)  le  14  cet.  1840. 
Il  a  fait  ses  études  à  Gœttingue  et  a  successivement  pro- 
fessé la  physique  à  Francfort-sur-le-Main  (1864),  à  l'uni- 
versité de  Gœttingue  (1867),  à  Zurich  (1870),  à  Darmstadt 
(1871),  à  Wurzbourg  (1875).  On  lui  doit  dlmpor- 
lants  travaux  sur  les  courants  électriques  et  sur  l'élas- 
ticité des  solides;  il  en  a  exposé  les  résultats  dans  de 


593  - 


KOHLRAUSCH  —  KOKUM 


nombreux  mémoires  (Annalen  de  Poggendorff,  Nachrich- 
ten  de  la  Société  des  sciences  de  Gœttingue,  Sitzungs- 
berichte  de  la  Société  physico-médicale  de  Wurzboiirg, 
Elektrotechnische  Zeitschrift,  etc.)  et  dans  quelques 
ouvrages  parus  à  part  :  Die  gegenœrtigen  Anschauun- 
gen  iiber  die  Elektrolyse  vonLœsungen  (Berlin,  1887, 
in-8);  Ueberden  absoluten  elektrischen  Leitungswiders- 
tand  des  Quecksilbers  (Munich,  1888,  in-4);  Bas  War- 
meleitungsvermœgen  harten  und  iveichen  Stahles 
(Wurzbourg,  4888,  in-8),  etc.  Il  est  aussi  l'auteur  d'un 
Leitfaden  der praktischen  Physik  (Leipzig,  1870,  in-8; 
6®  éd.,  1887)  qui  a  été  traduit  dans  plusieurs  langues 
et  qui  est  dans  tous  les  laboratoires.  L.  S. 

BiBL.  :  Catalogue  of  scientific  papers  of  the  London 
Royal  Society,  t.  VIII  et  X. 

KOHN  (Salomon),  écrivain  autrichien,  né  à  Prague  le 
8  mars  1825,  juif  qui  succéda  au  négoce  de  son  père.  Son 
roman,  Gabriel  (2®  éd.,  1875,  2  vol.),  publié  sous  le  voile 
de  l'anonyme  dans  le  Sippurim  (Prague,  1852),  eut  un 
succès  universel  ;  il  a  publié  depuis  des  nouvelles  :  Dicfi- 
terhonorar,  Der  Retter^  Bilder  aus  dem  alten  Prager 
Ghetto,  Frager  Ghettobilder  (iSS3),Neue  Ghettobilder 
(1886);  et  des  romans  plus  étendus  :  Ein  Spiegel  der 
Gegenwart  (1875,  3  vol.);  Die  Silberne  Hochzeit 
(1882),  etc. 

KOHROUD.  Montagnes  de  la  Perse,  qui  la  traversent 
du  S.-E.  au  N.-O.  sur  1,800  kil.  de  long,  formant  la 
crête  S.  du  plateau  d'Iran  (V.  Perse). 

KOH-SI-TCHANG.  Ilot  du  golfe  de  Siam,  près  dé  la 
barre  du  Ménam  ;  bon  mouillage. 

KOH-TCHANG.  Ile  du  golfe  de  Siam,  au  S.-E.  de  Chan- 
taboun. 

KOI  ou  KOITAR  {iiU.fdledeKoi).  Mythologie  finnoise. 
C'est  le  nom  donné,  par  les  Ehstoniens  principalement,  à 
l'aurore.  Koi  a  reçu  du  dieu  suprême,  Vanna  issu,  la  charge 
d'allumer  les  feux  du  jour,  qui,  le  soir  venu,  sont  éteints 
par  Amarik  (le  crépuscule). 

KOIBALES.  Peuplade  de  la  Sibérie  méridionale  faisant 
partie  des  «  Tatares  d'Abakan  »,  ainsi  nommés  d'après  la 
rivière,  affluent  de  FEnisséi,  dont  ils  habitent  la  vallée. 
C'est  une  des  rares  tribus  d'origine  eniséienne  qui  per- 
sistent encore  aujourd'hui.  Les  Koïbales  étaient  au  nombre 
de  1,400  vers  le  milieu  de  ce  siècle,  en  1845;  en  1863, 
ils  étaient  réduits  à  840  (Radlov)  ;  actuellement,  il  y  a 
peut-être  une  ou  deux  centaines  d'individus  qui  se  donnent 
encore  le  nom  de  Koïbales.  Mais  même  ces  rares  représen- 
tants d'un  peuple  jadis  nombreux  ne  parlent  plus  leur 
ancienne  langue  ;  ils  ont  tous  adopté  le  parler  de  leurs 
voisins,  le  turc  oriental.  J.  D. 

KOI-KOIN.  Nom  que  se  donnent  les  Hottentots  et  que 
les  ethnographes  ont  appliqué  dans  ces  derniers  temps  à 
toutes  les  populations  à  cheveux  crépus  et  à  peau  jaune 
de  l'Afrique  méridionale,  c.-à-d.  aux  Hottentots,  Boschi- 
mans,  Damaras  montagnards,  Gaikara,  etc.;  de  là  une  con- 
fusion regrettable.  J.  D. 

KOÏLKONDA.  Ville  de  l'Inde,  Etats  du  Nizam,  sur  un 
affl.  gauche  du  Krichna  ;  anciennes  mines  de  diamant. 

KO  IIP  ATA  M.  Ville  maritime  de  l'Inde  anglaise,  prési- 
dence de  Madras,  district  de  Tinnivelli;  12,000  hab.  Sa- 
lines. C'est  l'ancienne  Cael  de  Marco  Polo,  mais  elle  a 
perdu  son  importance  commerciale. 

KOJALOWICZ  (Adalbert),  historiographe  polonais,  né 
en  1609,  mort  à  Wilna  le  6  oct.  1677.  Il  entra  dans  l'ordre 
des  jésuites  en  1627  et  devint  professeur  (1650)  etrecteur 
(1654)  de  l'académie  de  Wilna.  Sa  carrière  littéraire  com- 
mença par  une  polémique  avec  les  calvinistes  et  par  une 
série  d'études  théologiques.  Mais  le  plus  grand  mérite  de 
Kojalovs^icz  fut  l'histoire  de  la  Lithuanie,  dont  la  première 
partie  parut  à  Dantzig  :  Historia Litiianiœ  pars  prior,.., 
libri  novem  (1650,  in-4).  Il  publia  la  deuxième  partie 
de  cette  œuvre  à  Anvers  en  1669.  (,)uoique  Kojalowicz 
ignorât  plusieurs  sources  historiques  importantes,  son 
œuvre  écrite  dans  un  bon  latin,  impartiale  et  sobre,  ren- 

GRANDE    ENCYCLOPÉDIE.    —    XXI. 


dit  de  grands  services  aux  historiens.  Citons  encore  :  Corn- 
mentarius  rerum  in  Ducatu  Lithuaniœ  per  tempus 
rebellionis  Russicœgestarum  (Kœnigsberg,  1653,  in-12)  ; 
Fasti  Radziviliani,  Gesta...  ducum  Radziwill  (Wilna, 
1653,  in-4).  Plusieurs  études  héraldiques  de  Kojalowicz 
se  trouvent  en  manuscrits,  comme  Fastorum  Sapiehorum 
fragmenta;  Nomenrlator  Familiarum  et  Stemmatum 
Lithuaniœ  (1656).  J.  K. 

KOJALOWICZ  (Casimir),  frère  du  précédent,  histo- 
rien et  rhétoricien,  né  en  1617,  mort  en  1674.  Jésuite, 
comme  son  frère,  il  fut  recteur  du  collège  de  Polotsk  en 
1674.  Quelques-uns  de  ses  écrits  ont  eu  une  valeur  péda- 
gogique. Citons  :  Instituiionum  rhetoricarum  pars  I  et 
Il  (Wilna,  1654)  ;  Modi  LX  sacrœ  orationis  (Anvers, 
1676;  Cologne,  1679;  Wilna,  1684;  les  éditions  pos- 
térieures portent  le  titre  :  Sacer  orator  exlemporaneus 
seu  LX  modi,  etc.).  j.  K. 

KOK  (Johannes-Georg-Eiias),  théologien  et  philologue 
danois,  né  en  Seelaud  le  24  fév.  1821.  Pasteur  à  Burkarl, 
dans  le  Sonderjylland,  depuis  1851,  il  fut  éloigné  de  ce 
poste  par  les  commissaires  allemands  en  1864  et  se  réfugia 
à  Copenhague,  où  il  fut  nommé  chapelain  de  l'hôpital,  puis 
de  la  citadelle.  Il  avait,  pendant  son  séjour  dans  le  Sonder- 
jylland, étudié  avec  un  soin  tout  particulier  la  langue  po- 
.  pulaire  et  publié  le  résultat  de  ses  recherches  dans  divers 
ouvrages  :  Det  danske  folkesprog  i  Sonder jylland({S63- 
67),  etc.  On  a  de  lui  quelques  ouvrages  de  polémique 
contre  les  juifs  de  notre  temps  et  contre  les  partisans  de 
Grundtvig. 

KOKAND  (V.  Khokmd). 

KOKBEKTY  ou  KOKPEKTINSK.  Ville  de  Sibérie,  pro- 
vince et  à  240  kit.  S.-E.  de  Sémipalatinsk,  sur  la  Kokbek- 
tinka  qui  se  jette  dans  le  lac  Zaïsan;  4,000  hab.  Fondée 
en  1836,  elle  est  le  ch.-l.  d'un  cercle  de  98,000  kil.  q. 
peuplé  par  la  Moyenne  Horde  des  Kirghis  (V.  ce  mot). 
KOKCHAGA.  Nom  de  deux  affl.  g.  de  la  Volga,  dans  les 
gouv.  de  Viatka  et  de  Kazan;  la  Grande  a  215  kil.;  la 
Petite,  plus  au  S.,  en  a  160. 

KOKELAl  ou  KOKALAVA.  Vaste  lagune  du  N.-E.  de  Cey- 
lan,  ancienne  plaine  envahie  par  la  mer;  elle  a  plus  de 
30  kil.  de  tour. 

KOKOUBOU.  Ville  du  Japon,  ken  de  Kagoshima,  au  N. 
de  la  baie  de  ce  nom;  20,000  hab.  Tabac  renommé. 

KOKDURA.  Ville  du  Japon,  ken  de  Foukouka,  au  N.  de 
l'île  de  Kiousiou;  15,000  hab.;  c'était  jadis  le  lieu  de  pas- 
sage de  cette  île  dans  la  grande;  aujourd'hui  son  port 
envasé  est  délaissé . 

KOKSCHAROV  (Nicolas  de),  minéralogiste  russe,  né  à 
Ust-Kamenogorsk,  dans  le  gouvernement  de  Tomsk  (Sibérie) 
le  5  déc.  (nouv.  st.)  1818,  mort  à  Saint-Pétersbourg  le 
2  janv.  1893.  Il  accompagna,  à  sa  sortie  de  l'Ecole  des 
mines  de  Saint-Pétersbourg,  Murchison,  de  Verneuil  etKey- 
serling  dans  leur  grand  voyage  géologique  à  travers  la  Russie 
(1840-41),  collabora  à  la  carte  qu'ils  dressèrent  ensuite, 
puis  alla  compléter  ses  études  à  Berlin  et  à  Paris,  et,  de 
retour,  fut  nommé  professeur  de  minéralogie  à  l'Ecole  des 
mines,  dont  il  devint  par  la  suite  directeur,  avec  le  grade 
de  général  du  génie.  Il  était  depuis  1855  membre  de  f'Aca- 
démie  des  sciences  de  Saint-Pétersbourg  et  depuis  1874 
correspondant  de  celle  de  Paris.  Outre  de  nombreux  mé- 
moires épars  dans  le  recueil  de  la  Société  de  minéralogie  de 
Saint-Pétersbourg,  dans  les  Annalen  de  Poggendorff,  etc., 
il  a  publié  :  Matériaux  pour  la  minéralogie  de  la  Russie 
(Saint-Pétersbourg,  1853-57,  27  livr.).  L.  S. 

KOKSOAK.  Fleuve  du  Canada,  territoire  du  N.-E.;  sorti 
dulacCaniapuscaw(110kil.delong,  12à56kil.  de  large), 
il  coule  au  N.  et  se  jette  dans  le  détroit  de  Hudson,  baie 
d'Oungava,  après  un  cours  de  650  kil.  Son  cours  supérieur 
est  appelé  Rivière  du  Sud  {South  river)  ;  il  baigne  un  fort 
de  ce  nom  et,  à  son  embouchure,  le  fort  Chimo. 

KOKUIVI  (Beurre  de).  C'est  l'huile  qu'on  tire  des  Gar- 
cinia  indica  Chois,  et  G.  celebica  Bl.  (V.  Garcinie). 

38 


KOLA  ^  594  - 

KOLA.  La  noix  de  kola,  graine  du  Sterculia  acumi- 
nata,  remplace,  pour  les  nègres  de  la  côte  0.  d'Afrique,  la 
coca  des  Indiens  du  Pérou,  le  maté  des  indigènes  du  Brésil 
et  le  café  des  Européens.  Elle  rentre  donc  dans  la  grande 
classe  des  aliments  dits  d'épargne.  Ainsi,  pour  les  Afri- 
cains, la  kola  constitue  à  la  fois  le  vivre  de  réserve  exci- 
tant à  la  marche  et  l'aliment  permettant  de  résister  à  la 
fatigue.  La  graine  de  kola  est  considérée  par  eux  comme 
une  denrée  de  première  nécessité.  Elle  a  une  telle  va- 
leur à  leurs  yeux  que  souvent  elle  est  prise  comme  agent 
d'échange,  et,  quand  les  indigènes  partent  pour  un  long 
voyage,  ils  ont  soin  d'emporter  une  provision  de  noix.  Les 
explorateurs  européens  ont  pu  se  rendre  compte  des  heu- 
reux effets  que  cette  noix  produisait  sur  leurs  porteurs 
noirs  et  sur  eux-mêmes.  C'est  ainsi  que  dans  les  expédi- 
tions si  pénibles  et  si  laborieuses  dans  le  Soudan,  nos  soldats 
eurent  recours  à  ses  effets  bienfaisants,  et  dans  la  marche  de 
retour  de  Segou  à  Bakel  en  4881,  la  colonne,  presque  dé- 
nuée de  tout,  réussit  à  franchir  750  kil.  en  se  nourrissant 
de  couscous  et  de  noix  de  kola.  En  France,  les  recherches 
de  Heckel  ont  mis  à  la  mode  la  kola,  et  les  nombreuses 
spécialités  qui  ont  été  créées  à  base  de  kola  inondent  la 
presse  médicale  d'observations  favorables  à  la  kola  et  à  ses 
préparations.  Peut-être  faut-il  faire  dans  ces  cas  la  part  de 
l'imagination  intéressée  des  pharmaciens.  Quoi  qu'il  en  soit, 
nous  exposerons  brièvement  les  résultats  obtenus  avec  la  kola. 

Les  doses  employées  par  Heckel  ont  été  de  1  gr.  de 
poudre  de  kola  incorporé  dans  des  galettes  du  poids  de 
10  gr,,  composées  de  farine  et  de  sucre.  Ces  galettes,  em- 
ployéessous  le  nom  de  rations  accélératrices,  avaient  le  grave 
inconvénient  d'être  fort  désagréables  à  consommer;  aussi 
lesa-t-on  remplacées  depuis  par  des  produits  plus  agréables 
à  prendre.  Les  médecins  militaires  qui  ont  contrôlé  les  re- 
cherches de  Heckel  sont  très  favorables  ;  il  suffit  de  citer 
des  extraits  de  leurs  rapports. 

Pendant  une  marche  ayant  duré  de  quatre  heures  et 
demie  du  matin  à  huit  heures  le  lendemain,  c.-à-d.  vingt- 
sept  heures  avec  des  haltes  horaires  de  quelques  minutes  et 
trois  longs  repos,  on  observe  une  excitation  certaine  de  la 
marche.  Au  bout  de  six  heures  de  marche,  les  hommes  di- 
saient qu'ils  se  sentaient  presque  aussi  légers  qu'au  départ. 
Dans  une  marche  de  55  kil.,  on  observe  un  entrain  tout  par- 
ticulier, qui  allait  pour  ainsi  dire  en  augmentant  avec  les 
chemins  parcourus  et  aussi  l'absence  de  traînards  parmi  les 
hommes  de  troupe.  Enfin,  on  note  que  cette  excitation  ne 
commence  à  se  faire  sentir  que  deux  heures  après  l'absorption. 
D'autres  hommes  accusent  une  grande  facilité  de  la  respira- 
tion ;  lapoitrine  est  hbre  et  ne  semble  pas  comprimée  comme 
dans  les  circonstances  ordinaires  de  marche  à  cette  époque 
de  Tannée  (juil.  1886).  Heckel  a  réuni  ainsi  un  grand 
nombre  d'expériences.  Dans  les  courses  à  pied  ou  en  vélo- 
cipède, on  emploie  la  kola  sous  toutes  ses  formes. 

Mais  si  la  noix  de  kola  fraîche  présente  des  propriétés 
remarquables,  Gustave  Le  Bon  n'hésite  pas  à  déclarer 
que  seules  ces  noix  doivent  être  employées  sous  forme 
de  poudre  et  que  la  totalité  des  préparations  pharma- 
ceutiques de  kola  :  vins,  extraits,  élixirs,  qu'on  trouve  dans 
le  commerce,  ne  possèdent  aucune  propriété  de  la  noix  de 
kola  [Revue  scientifique ,  M  oct.  1893).  Cette  affirmation 
n'a  pas  été  sans  soulever  de  vives  protestations,  et  il  ne 
faut  pas  oublier  que,  dans  beaucoup  de  cas,  c'est  avec  des 
préparations  pharmaceutiques  que  des  effets  dynamogènes 
ont  été  observés.  Mais  ici  se  pose  une  question  préjudi- 
cielle :  Quels  sont  les  principes  de  la  noix  de  kola  ?  Que 
la  noix  de  kola  renferme  de  la  caféine,  le  fait  est  hors  de 
doute  et  dans  des  proportions  relativement  importantes 
(2  o/o)  ;  mais  outre  ce  corps,  très  important,  dont  Faction 
accélératrice,  comme  médicament  d'épargne,  est  bien  connu, 
il  existe  encore  d'autres  substances  :  la  théobi-omine,  diu- 
rétique excellent,  mais  dont  l'action  tonique  est  plutôt  faible, 
surtout  à  la  dose  où  on  la  rencontre  ici,  0,02:>  %  (Heckel); 
enfin  un  corps  particulier,  obtenu  en  traitant  par  l'eau 
la  solution  alcoohque  de  kola,  le  rouge  de  kola  d'IîcckcL 


Cette  substance,  qui,  au  dire  d'Heckel,  donnerait  à  la  noix  de 
kola  ses  propriétés  spéciales,  qui  différencient  son  action  de 
celle  de  la  caféine  et  de  la  théobromine,  est  encore,  au  point 
de  vue  chimique,  bien  mal  déterminée.  Knibel  considère  le 
rouge  de  kola  comme  un  glycoside  susceptible  de  se  décom- 
poser, en  présence  de  l'eau,  en  caféine  et  en  une  matière 
colorante.  Heckel,  qui  admet  cette  manière  de  voir,  explique 
l'action  de  la  kola  par  la  formation  de  cette  caféine  de 
dédoublement  dans  l'estomac.  On  est  en  présence  de  la 
caféine  «à  l'état  naissant»,  suivant  l'expression  chère 
aux  chimistes  de  jadis,  embarrassés  pour  expliquer  une 
réaction. 

Les  recherches  de  Heckel,  deLeblen  tendent  à  affirmer 
l'action  physiologique  de  la  caféine  et  delà  kola,  l'action 
de  la  première  serait  plus  cérébrale  que  musculaire,  plus 
passagère,  et  laissant  ensuite  une  certaine  dépression. 
Pour  Leblen,  cette  action  stimulante  ne  dépend  pas  du 
rouge  de  kola,  ni  de  la  théobromine  seule,  mais  elle  se 
produit  quand  on  associe  la  caféine  à  la  théobromine.  C'est 
par  l'action  associée  de  ces  deux  produits  que  les  résultats 
favorables  se  produiraient.  D'après  lui,  des  pastilles  de 
10  centigr.  de  caféine  et  2  centigr.  de  théobromine  pro- 
duisent des  effets  bien  supérieurs,  et  surtout  bien  plus 
durables  que  la  même  dose  ou  une  dose  un  peu  plus  élevée 
de  caféine.  Nous  pouvons  dire  que,  pour  un  certain  nombre 
de  physiologistes,  la  question  est  loin  encore  d'être  résolue, 
que  beaucoup  ne  voient  dans  Faction  de  la  kola  que  l'in- 
fluence de  la  caféine  à  petite  dose.  Ce  qui  tendrait  à  le 
faire  supposer,  c'est  l'effet  très  satisfaisant  obtenu  avec  des 
produits  soi-disant  à  base  de  kola  et  qui  sont  complètement 
à  base  de  caféine.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  noix  de  kola  agit 
comme  tous  les  aliments  d'épargne,  et  cette  question  si  in- 
téressante au  point  de  vue  physiologique  du  mécanisme 
biologique  de  ces  agents  a  été  traité  anx  mots  :  Aliment, 
Caféine,  etc.  D^  P.  Lânglois. 

^  La  noix  de  kola,  dite  aussi  café  du  Soudan,  joue  dans 
l'Afrique  occidentale  un  rôle  social  important.  L'arbre  qui 
la  fournit  n'est  pas  très  abondant  et  se  rencontre  dans 
la  région  littorale  depuis  le  Haut-Niger  jusque  non  loin 
du  Congo.  Appréciée  comme  elle  l'est,  le  commerce  en 
a  répandu  l'usage  jusque  dans  le  Soudan,  le  Sahara, 
le  Fezzan  et  peut-être  la  région  des  grands  lacs.  Et  son 
prix  est  fort  élevé.  Elle  vaut  couramment  deux  francs 
la  pièce,  et  le  demi-cent  représente  souvent  le  prix  d'une 
femme,  sauf  dans  le  Congo  et  sur  FOubangui  où  pour 
un  fil  de  laiton  de  30  centim.  de  long  on  en  a  quinze. 
Les  nègres  la  mâchent  crue,  quelquefois  avec  une  chique 
de  tabac  additionnée  de  potasse,  tout  de  suite  après  le 
repas  ou  pendant  les  marches  dont  elle  leur  permet  de 
soutenir  allègrement  les  fatigues.  Hs  en  apprécient  aussi 
la  vertu  aphrodisiaque  du  même  genre  que  celle  de  la  coca. 
Hs  en  envoient  une  ou  deux  à  Fetranger  comme  svmbole 
d'amitié  et  en  souhaits  de  bienvenue.  L'envoi  de  kolas 
rouges  équivaut  aussi  parfois  à  une  déclaration  de  guerre. 
Enfin  en  plusieurs  contrées  c'est  par  l'échange  de  kolas 
que  se  font  les  demandes  en  mariage  et  les  réponses  aux 
postulants,  favorables  ou  défavorables  suivant  la  couleur 
du  fruit.  Zaborowski. 

KOLA  (Presqu'île  de).  Péninsule  du  N.-O.  de  la  Russie, 
entre  la  mer  Blanche  au  S.  et  à  FE.,  l'océan  Glacial  arc 
tique  au  N.  ;  à  FO.  elle  est  délimitée  par  une  chaîne  de 
lacs:  lacs  d'Imandra  (852  kil.  q.),  qui  se  déverse  dans  la  - 
baie  Kandalaskaïa  ;  Pelés,  qui  se  déverse  dans  le  précédent  ; 
Kolo  ou  Guœlle,  d'où  sort  la  Kola,  qui  se  jette  dans  le  fjord 
du  même  nom,  sur  Focéan  Glacial.  Elle  mesure  environ 
100,000  kil.  q.  Au  point  de  vue  géologique,  la  presqu'île 
de  Kola  appartient  à  la  Scandinavie.  'Son  ait.  moyenne 
est  de  300  m.  avec  des  sommets  de  1,000  m.  ;  elle  est 
occupée  par  les  lacs  (on  en  compte  1,145)  et  de  vastes 
forêts.  Elle  forme  au  point  de  vue  pohtique  un  district  de 
la  province  d'Arkhangelsk  dont  le  chef-lieu  est  le  bourg 
de  Kola  (800  hab.),  port  de  pêche  connu  depuis  1264,  au 
fond  du  fjord  de  Kola. 


595 


KOLABIRA  —  KOLÉA 


KOLABIRA.  Principauté  de  Flnde  centrale,  dans  le 
Gondvana,  360  kil.  q.;  20,000  hab. 

KO LACH IN.  Village  du  Monténégro,  ch.-l.  d'un  canton 
de  432  kil.  q.  acquis  en  1878. 

KOLAPOUR.  Ville  de  l'Inde  centrale,  sur  un  affluent 
gauche  du  Kriclina  ;  40,000  hab.  Elle  est  la  capitale 
o'une  principauté  mahratte  de  7,200  kil.  q.  et  près  de 
900,000  hab.,  entre  les  Ghates  occidentales,  leKrichna  et 
le  Ouarna.  Ses  princes  acceptèrent  le  protectorat  britan- 
nique en  4841.  Ils  sont  suzerains  des  principautés  voisines 
de  Visalgarh,  Baoura,  Kapchi,  Kagal  et  Inchal-Karandji. 

KOLA^R.  Ville  de  l'Inde  (Maïssour),  sur  la  rive  droite  du 
Palar  et  le  ch.  de  fer  de  Madras  à  Bangalore  ;  40,000  hab. 
Lainages  (kamblis),  soie. 

KOLAR  (Joseph-Georges),  acteur  et  écrivain  tchèque,  né 
à  Prague  le  9  févr.  1812.  Après  avoir  été  quelque  temps 
précepteur,  il  embrassa  la  carrière  dramatique  en  4837. 
Il  joua  surtout  les  rôles  tragiques  et  se  fit  remarquer  dans 
le  répertoire  de  Shakespeare  et  fut  directeur  du  théâtre 
tchèque  de  Prague  (4869).  Comme  écrivain,  on  lui  doit  des 
nouvelles,  des  traductions  d'œuvres  dramatiques  et  des 
drames  originaux  dont  quelques-uns  ont  obtenu  un  grand 
succès  (Monika,  4847  ;  la  Mort  de  Zlska,  4850;  Magiie- 
^onn^,  4854;  Prazkizid,  4872;  Smirick,  4884;  Pri- 
mator,  4883,  etc.). 

KOLARIENNES  (Langues)  (V.  Inde,  t.  XX,  p.  702). 

KOLB-Bernard  (Charles-Louis- Henri),  homme  politique 
français,  né  à  Dunkerque  le  46  janv.  4798,  mort  à  Paris 
le  7  mai  4888.  Grand  fabricant  de  sucre  à  Lille,  il  repré- 
senta le  Nord  à  l'Assemblée  législative  (4849),  au  Corps 
législatif  (4859-70),  à  l'Assemblée  nationale  (4874-75) 
et  fut  élu  sénateur  inamoviblele  4 4  déc.  4875.  Monarchiste 
etcathoHque  militant,  il  fut  un  des  partisans  les  plus  zélés 
du  gouvernement  du  46  mai,  présida  le  comité  des  droites 
qui  appuya  les  candidatures  officielles  et  fut  un  des  parle- 
mentaires qui  conseillèrent  la  résistance  au  maréchal  de 
Mac-Mahon  (4877). 

KOLBE  (Karl-Wilhelm),  le  Jeune ^  peintre  allemand, 
né  à  Berlin  le  7  mars  4784,  mort  le  8  avr.  4853,  neveu 
du  graveur  Karl-Wilhelm  Kolbe  (4757-4835).  Il  fut 
comme  lui  élève  de  Chodowiecki,  et  devint  professeur  à 
l'Académie  de  Berlin.  Parmi  ses  tableaux,  où  il  s'est  inspiré 
des  peintres  néerlandais,  nous  citerons  :  Albert-Achille 
s' emparant  d'un  drapeau  à  Nuremberg  (La  Baye)  ; 
Victoire  d'Otton  sur  les  Hongrois^  Charlemagne  chez 
le  charbonnier,  Charles-Qidnt  en  fuite,  Enterrement 
de  Barberousse  à  Antioche  (Berlin),  et  les  cartons  des 
dix  vitraux  pour  le  château  de  Marienburg  représentant  les 
Combats  et  les  victoires  de  V Ordre  teuionique.  Au 
palais  de  Potsdam,  il  peignit  à  la  fresque  des  scènes  des 
Nibelungen. 

KOLBE  (Adolf-Wilhelm-Hermann),  chimiste  allemand, 
né  à  Elliehausen,  près  de  Gœttingue,  le  27  sept.  4848, 
mort  à  Leipzig  le  25  nov.  4884.  Elève  de  Wœhler  à  Gœt- 
tingue, puis  aide  de  laboratoire  de  Bunsen  à  Marbourg  et 
Liebig  à  Giessen,  il  fut,  de  t845  à  4847,  assistant  du  Mu- 
séum of  Economie  Geology  de  Londres,  prit,  dès  son  retour 
en  Allemagne,  la  direction  de  V Randwœrterbuch  der 
Chemie  de  Liebig  et  Wœhler,  et  devint  professeur  de  chi- 
mie à  l'université  de  Marbourg  en  4854,  à  celle  de  Leip- 
zig en  4865.  Il  a  doté  cette  dernière  d'un  laboratoire  mo- 
dèle (4867).  Il  a  enrichi  par  ses  travaux  toutes  les  branches 
de  la  chimie,  mais  surtout  la  chimie  organique.  Dès  4849, 
il  applique  l'électrolyse  à  des  substances  organiques  et 
obtient,  en  décomposant  de  cette  façon  des  sels  de  l'acide 
acétique  et  des  acides  volatils  analogues,  toute  une  série 
de  nouveaux  carbures  d'hydrogène.  Un  peu  plus  tard,  vers 
4860,  il  établit  à  priori  la  distmction,  réalisée  en  fait  par 
Boutlerov  et  Friedel,  des  alcools  primaires,  secondaires  et 
tertiaires.  La  chimie  industrielle  et  la  thérapeutique  lui 
sont  redevables,  de  leur  côté,  de  précieuses  observations 
sur  lacoraUine  (en  commun  avec  B.  Schmitt,  4864),  d'un 
procédé  de  préparation  en  grand  de  Pacide  salicylique  arti- 


ficiel (4873),  de  la  découverte  des  propriétés  antiseptiques 
de  cet  acide,  etc.  Il  a  consigné  les  résultats  de  toutes  ses 
recherches  dans  les  Annalen  der  Chemie  de  Liebig,  dans 
VHandivœrterbuch  der  Chemie,  dans  le  Journal  filr 
praktische  Chemie,  dirigé  par  lui  à  partir  de  4869,  et  dans 
des  ouvrages  publiés  à  part:  AusfûhrUches  Lehrbuch 
der  organischen  Chemie  (Brunswick,  4854-69,  3  vol.; 
réédité  par  C.  von  Meyer,  1880-84);  Das  Marburgs  chem, 
Laboratorium  (Marbourg,  4865);  Das  Leipzigs  chem. 
Laboratorium  (Leipzig,  4872);  Kurzes  Lehrbuch  der 
auorganischen  Chemie  (Brunswick,  iSll):  Kurzes  Ijchr- 
hiich  der  organ.  Chemie  (Brunswick,  4879:  2«  éd., 
1884),  etc.  'l.  S. 

KOLBEIN  TuMAsoN,  poète  islandais  qui,  au  xm^  siècle, 
vivait  à  Skagafjôdre.  Chef  des  paysans,  il  combattit  l'évêque 
Gudmund  Arason  et  fut  tué  en  4208  (?)  par  les  partisans 
de  celui-ci.  C'était  un  bon  poète,  dont  une  poésie  sur 
l'Apôtre  Jean  et  la  Vierge  Marie  a  établi  la  réputation. 

KOLBERe.  Ville  d'Allemagne  (V.  Colberg). 

K0LBER6  (Oscar),  musicien  et  ethnographe  polonais^ 
né  en  4845,  mort  en  4890.  Après  avoir  fait  ses  études  à 
Varsovie,  il  se  Fendit  à  Berlin,  où  il  étudia  Pharmonie 
pendant  deux  ans.  Frappé  de  la  variété  infinie  et  du 
charme  des  mélodies  populaires,  ainsi  que  de  leur  im- 
portance au  point  de  vue  ethnographique,  il  se  mit  à  par- 
courir la  Pologne  tout  entière,  pour  recueillir  et  noter  les 
airs  qui  volaient  débouche  en  bouche,  même  les  airs  de  danse 
avec  toutes  leurs  variantes.  Ses  recherches  mélodiquesl'ame- 
nèrent  à  observer  les  mœurs,  les  coutumes,  les  usages  des 
paysans  de  certaines  régions  (des  Rouyavy  surtout),  à  en- 
registrer leurs  légendes  et  leurs  contes.  Il  parvint  à  cons- 
tituer ainsi  un  véritable  trésor  ethnographique.  Ses  travaux, 
d'abord  disséminés  dans  les  périodiques,  ont  été  ensuite 
réunis  en  volumes,  sous  le  titre  :  le  Peuple,  ses  usages, 
sa  manière  de  vivre,  son  parler,  etc.  Le  Mouvement 
musical  Si  donné  beaucoup  de  ses  articles.  Il  a  composé  aussi 
le  Roi  des  Pâtres,  opérette  qui  a  été  jouée  à  Varsovie  en 
'^859.  E.  Trawinski. 

KOLDERUP  BosEMiNGE  (Janus-Laurits-Andreas),  iu* 
risconsulte  danois,  né  à  Copenhague  en  4792,  mort  en 
4850.  Dès  4843,  il  remporte  un  prix  universitaire  par 
un  travail  remarquable  sur  l'importance  des  anciennes  lois 
danoises  pour  l'exphcation  du  code  de  Christian  V.  Deux 
ans  plus  tard,  il  est  nommé  professeur  à  l'université  de 
Copenhague,  fonctions  qu'il  conserva  jusqu'à  sa  mort.  Ses 
nombreux  et  très  savants  travaux  sur  le  droit  danois  au 
moyen  âge  et  son  Histoire  du  droit,  qui  a  été  traduite 
en  allemand,  l'ont  fait  connaître  hors  des  pays  Scandi- 
naves. Th.  C. 

KOLDEWEY  (Karl),  explorateur  allemand,  né  à  Biicken 
(Hanovre)  le  26oct.  4837.  Il  dirigea  la  première  expédition 
polaire  allemande  (1868),  puis  la  seconde  (4869),  qui 
s'avança  à  l'E.  du  Grœnland  jusqu'au  77°  lat.  N.;  il  en  a 
publié  le  récit  (4873-74,  2  vol.). 

KO  LOIN  G.  Ville  du  Danemark,  côté  E.  du  Jutland,  sur 

le  fjord  de  Kolding,  dans  le  Petit-Belt;  7,500  hab.  Buines 

d'un  château  du  xiu^'  siècle  (brûlé  en  4808),  où  résidèrent 

souvent  les  rois  danois. 

^  KOLDITZ.  Ville  de  Saxe,  district  de  Leipzig;  4,500  hab. 

Vied  hôtel  de  ville.  Les  seigneurs  de  Kolditz,  qui  reçurent 

ce  fief  de  Barberousse,  s'éteignirent  en  4488. 

BiBL.:  Bellger,  J/isforische  Beschreibutig  der  Stadl 
Kolaitz;  Leipzig,  1832. 

KOLÉA.  Ville  d'Algérie,  dép.  et  arr.  d'Alger,  à  37  kil. 
d'Alger,  sur  la  ligne  de  collines  qui  forme  la  ceinture  oc- 
cidentale du  bassin  du  Mazafran,  à  une  ait.  de  430  m., 
ch.-L  d'une  com.  de  plein  exercice,  ayant  pour  annexés 
les  hameaux  de  Berbessa,  Chaïba,  Douaouda,  Messaoud 
Saighr,  Saint-Maurice;  4,988  hab.  dont 4,550  Français! 
Elle  fut  bâtie,  en  4550,  par  des  Maures  émigrés  d'Espagne 
et  à  notre  arrivée  en  Afrique  était  déjà  bien  peuplée,  dé- 
fendue par  un  mur  d'enceinte.  C'était  pour  les  Arabes  du 
Tell  une  sorte  de  ville  sainte,  contenant  la  zaouïa  de  Sidi-^ 


KOLÉA  —  KOLLER 


—  596 


Erabarek  et  plusieurs  autres  mosquées.  En  1832,  le  géné- 
ral Brossard  y  poussa  une  reconnaissance  ;  il  y  en  eut  une 
autre  en  1837  ;  mais  le  bois  des  Karezas,  qui  est  voisin, 
étant  un  des  asiles  de  tous  les  insurgés,  on  occupa  défini- 
tivement Koléa  en  1844.  Aujourd'hui  c'est  une  ville  gra- 
cieuse et  prospère,  bien  pourvue  d'eau,  avec  des  rues  plan- 
tées d'arbres  et  bordées  de  maisons  européennes,  un  beau 
parc,  le  jardin  des  Zouaves,  une  mosquée,  un  hôpital  mi- 
litaire, des  casernes,  etc.  On  cultive  alentour  la  vigne,  qui 
donne  des  produits  estimés,  les  céréales,  les  oranges,  etc. 
Il  y  a  aussi  des  carrières  de  pierre  de  taille.      E.  Cat. 

KOLENDA,  KOLEDA,  KOLIADA.  Ce  mot  désigne,  dans 
les  diverses  langues  slaves,  la  fête  de  Noël  ou  de  la  nou- 
velle année,  les  présents  ou  les  chansons  qui  accompagnent 
cette  fête.  Des  textes  apocryphes  ont  prétendu  révéler  f  exis- 
tence d'un  ancien  dieu  slave,  Koleda.  Mais  le  mot  est  tout 
simplement  nne  transcription  du  latin  Calendœ. 

KOLFF  (Henri),  marin  hollandais,  né  à  Amersfoort  en 
1800,  mort  à  La  Haye  en  1843.  Il  se  distingua  dans  les 
campagnes  de  Macassar  et  deCélèbes,  et  contribua  puisam- 
ment  à  la  pacification  de  l'archipel  de  la  Sonde.  Il  était 
capitaine  de  vaisseau,  quand  il  mourut,  épuisé  par  les  fa- 
tigues du  service  colonial.  On  lui  doit  un  important  ou- 
vrage intitulé  Voyages  d'exploration  dans  r archipel 
des  Moluques  et  sur  la  côte  sud-ouest  de  Nouvelle-Gui- 
née, en  i825  et  i826  (en  holL,  Amsterdam,  1828,in-8  ; 
trad.  en  anglais  par  Windsor,  Londres,  1840,  in-8). 
KOLGUEV  (Ile)  (V.  KALGomEv). 
KO  LIN  ou  KOLLIN.  Yille  de  Bohême,  sur  la  r.  g.  de 
l'Elbe,  au  croisement  du  chem.  de  fer  de  l'Etat  et  de  la 
Nordwest-Bahn,  chef-lieu  de  capitainerie  de  cercle  ;  1 2,000 
hab.  Eglise  remarquable  du  xiii*'  siècle.  Industrie  sucrière 
très  importante.  En  1278,  un  traité  y  fut  signé  entre 
l'empereur  Rodolphe  et  le  roi  Ottocar.  Cette  ville  est  sur- 
tout célèbre  par  la  bataille  que  Frédéric  II  livra  devant 
elle  le  18  juin  1757  aux  troupes  autrichiennes  comman- 
dées par  Daun.  Frédéric  fut  complètement  battu  et  dut 
évacuer  la  Bohême  (V.  Frédéric  II). 

BiBL.  :  Sur  la  bataille  de  Kolin,  V.  Man  Duncker,  dans 
Abhandlungenzurpreussisch.  Gesch.  :  Leipzig,  1876. 

KOLK  (ScHR(EDER  Van  der)  (V.  Schrceder). 

KOLKOÏ  ou  KOCKOL  Ville^de  l'Inde,  présidence  de  Ma- 
dras, sur  la  Tamrapourm,  à  5  kil.  de  la  mer;  5,000  hab. 
Ce  fut,  dans  l'antiquité,  le  grand  port  de  cette  région, 
comblé  depuis  par  les  alluvions  fluviales.  Ptolémée  le  cite 
et  il  figure  sur  la  Table  de  Peutinger,  sous  le  nom  de  Co- 
tai Indorum, 

KOLLAR  (Jean),  poète  tchèque,  né  à  Mosovec  (Mosocz), 
dans  la  Hongrie  méridionale,  le  29  juil.  1793,  mort  à 
Vienne  le  29"févr.  1852.  Il  était  né  en  pays  slovaque,  à  une 
époque  où  le  tchèque  était  encore  la  langue  littéraire  de 
ses  compatriotes.  Il  fit  ses  études  à  Pozony  (Pressbourg), 
puis  à  [éna.  C'est  là  qu'il  fit  connaissance  de  la  fille  d'un 
pasteur.  Mina  ou  Wilhelmine  Schmidt,  qu'il  épousa  plus 
tard  et  qu'il  a  immortalisée  dans  son  poème  :  la  Fille  de 
Slava,  Dès  sa  jeunesse,  Kollar  avait  été  animé  d'un  patrio- 
tisme slave  des  plus  ardents.  Il  avait  étudié  l'histoire  de 
sa  race,  avait  pleuré  ses  malheurs  ;  il  éprouvait  une  sym- 
pathie particulière  pour  les  peuples  disparus,  notamment 
pour  les  Slaves  de  l'Elbe  qui  ont  depuis  tant  de  siècles  fait 
place  aux  Allemands  de  Saxe,  de  Prusse  ou  de  Mecklem- 
bourg.  Son  séjour  à  léna,  son  amour  pour  Mina,  descen- 
dante d'une  famille  slave  à  demi  germanisée,  exaltèrent 
encore  ces  sentiments  et  donnèrent  à  son  patriotisme  un 
caractère  mystique,  parfois  même  un  peu  morbide.  Ses 
études  finies,  il  revint  en  Hongrie  et  devint  pasteur  de  la 
communauté  slovaque  de  Pest.  Il  épousa  Mina  en  1835. 
Son  patriotisme  slave  le  fit  naturellement  mal  venir  des 
Hongrois,  mais,  en  revanche,  lui  valut,  chez  les  Tchèques 
et  les  Illyriens,  une  grande  popularité.  Il  entreprit,  à  di- 
verses reprises,  des  voyages  en  Suisse  et  en  Itahe.  En  182^ , 
il  avait  débuté  par  un  petit  recueil  de  sonnets  (Prague).  Il 
le  reprit  en  1824  et  lui  donna  le  titre  de  Slavy  dcera,  la 


Fille  de  la  Gloire  ou  la  Fille  de  Slava  (Bude).  Ce  nom 
désignait  tout  ensemble  la  bien-aimée  du  poète,  Mina,  des- 
cendante des  anciens  Slaves,  et  la  race  slave  elle-même. 
La  première  édition  de  Slavy  dcera  comprenait  loO  son- 
nets ;  celle  qui  suivit  et  qui  est  restée  définitive  en  comp- 
tait plus  de  600  et  était  divisée  en  cinq  chants  :  I,  la  Sale; 
H,  VElbe,  le  Rhin,  la  Vltava;  HI,  leDanube;lY,  le  Léthé; 
V,  VAchéron.  Ce  poème  étrange  renferme  des  parties  admi- 
rables; leprologue  est  d'une  noble  et  rare  éloquence.  L'auteur 
a  la  plus  haute  idée  de  l'avenir  de  sa  race,  et  quelques-uns 
de  ses  sonnets  sont  vraiment  prophétiques,  celui-ci  notam- 
ment :  «  Que  serons-nous,  Slaves,  dans  cent  ans  ?  Que  sera 
toute  l'Europe  ?  La  vie  slave,  comme  un  déluge,  étendra 
partout  son  empire.  Cette  langue  que  les  Allemands  tenaient 
pour  un  idiome  d'esclaves,  elle  retentira  sous  les  voûtes 
des  palais  et  dans  la  bouche  même  de  ses  adversaires.  Les 
sciences  couleront  alors  par  le  canal  slave  ;  le  costume,  les 
mœurs,  les  chants  de  notre  peu  pie  seront  à  la  mode  sur  la  Seine 
et  sur  l'Elbe.  »  La  Fille  de  Slava  est  le  grand  titre  de  gloire 
de  Kollar.  Malgré  les  obscurités  et  les  faiblesses  de' cer- 
taines parties,  ce  poème  restera  non  pas  seulement  comme 
œuvre  d'art,  mais  comme  un  document  du  plus  haut  inté- 
rêt pour  l'histoire  du  réveil  des  nationalités  au  xix^  siècle, 
Kollar  a  encore  écrit  des  Mémoires  fort  intéressants,  des 
Récits  de  voyage  en  Italie  et  une  brochure  fort  impor- 
tante, IJeber  die  literarische  Wechselseitigkeit  zwi- 
schen  den  verschiedencn  Stœmme  und  Mimdarten  der 
Slaven  (Pest,  1837).  Cet  ouvrage  fit  grand  bruit  ;  l'auteur 
y  prêche  le  panslavisme  littéraire  comme  il  prêchait  le  pan- 
slavisme politique  dans  la  Fille  de  Slava.  On  lui  doit  aussi 
des  Sermons  (Pest,  1831,  et  Bude,  1835),  un  Recueil 
de  chansons  populaires  slovaques  (Bude,  1823-27, 
2  vol.),  et  des  travaux  archéologiques  et  philologiques 
dépourvus  de  toute  critique  et  où  il  donne  carrière  à  une 
fantaisie  extraordinaire  :  Dissertations  sur  les  noms,  les 
origines  et  les  antiquités  du  peuple  slave  (Bude,  1831); 
la  Déesse  Slava  et  l'origine  du  nom  d^s  Slaves  (Pest, 
1839)  ;  r  Ancienne  Italie  slave  (Vienne,  1853)  :  toutes 
ces  œuvres  sont  de  véritables  divagations.  —  Le  tombeau 
de  Kollar  à  Vienne  porte  cette  inscription  :    Vivant,  il 
portait  dans  son  cœur  son  peuple  tout  entier;  mort, 
il  vit  dans  le  cœur  de  tout  son  peuple.  Les  Tchèques  ont 
célébré  en  1893  l'anniversaire  de  la  naissance  de  Kollar, 
inais  le  gouvernement  hongrois  a  interdit  toute  démonstra- 
tion dans  les  pays  slovaques.  La  Fille  de  Slava  a  été  réim- 
primée à  Prague  par  M.  Backovsky  en  1886.  Des  morceaux 
choisis  ont  été  publiés  par  Jakuber  en  1894.     L    Léger. 
BiBL.  :  Backovsky,  Histoire  de  la  littérature  tchèque 
au  xix^  siècle;  Prague,  1886.  —  L.  Léger,  Russes  et  Slaves; 
Fans,  1891  (renferme  une  analyse  complète  de  Toeuvre  de 
Kollar)  ;  Vienne,  1893.  —  Jean  Kollak,  Recueil  d'études  en 
tchèque   et  en  diverses  langues  slaves,  publié  par    Fr. 
Pastrnek  ;  Vienne,  1893.  ^ 

KÔLLE  (Nikodemus),  sculpteur  du  commencement  du 
xvi^  siècle,  qui  fit,  probablement  en  collaboration  avec 
d'autres  artistes,  un  Mont  des  Oliviers  pour  l'église  Saint- 
Léonard  à  Stuttgart,  et  un  autre  devant  le  dôme  de  Spire. 

KOLLER  (Dom  Marian),  astronome  et  météorologiste 
autrichien,  né  à  Bistriz  (Carniole)  le  31  oct.  1792,  mort  à 
Vienne  le  10  févr.  1866.  Il  entra  tout  jeune  dans  l'ordre 
des  bénédictins,  enseigna  pendant  quinze  ans  (1825-39) 
la  physique  à  Kremsmiinster,  puis  fut  directeur  du  sémi- 
naire et  du  célèbre  observatoire  (astron.  Thurm)  dépen- 
dant de  l'abbaye.  Il  fut  élu  en  1848  membre  de  FAcadé- 
mie  des  sciences  de  Vienne  et  il  tint,  à  partir  de  la  même 
époque,  une  grande  place  dans  les  conseils  du  gouverne- 
ment. On  lui  doit  d'intéressantes  études  et  de  nombreuses 
observations  astronomiques,  météorologiques  et  magnétiques 
consignées  dans  les  recueils  de  l'Académie  de  Vienne,  du 
Franz-Karl  Muséum  de  Linz,  de  la  Natilrforsch.  Verein 
de  Briinn,  dans  les  Astronomische  Nachrichten,  dans  les 
Annalen  de  Lamont,  etc.  A  citer  notamment  un  savant 
mémoire  intitulé  :  Ueber  die  Berechnung  periodischer 
Naturerscheinungen  (  Wiener  Denkschriften,  1 850) ,  et 


-  597  - 


KOLLER  —  KOLOMEA 


une  série  de  notes  renfermant  de  très  utiles  indications  pour 
la  recherche  des  vices  de  constrution  des  instruments  d'astro- 
nomie et  pour  la  correction  des  erreurs  en  résultant. 

BiBL.:  S.  Fellœcker,  Geschichte  der  Sternwarte Krems- 
mûnster  ;  Linz,  1864. 

KOLLER  (Alexandre,  baron),  général  et  homme  d'Etat 
autrichien,  né  à  Prague  en  t813.  Il  entra  dans  la  cava- 
lerie et  fit  la  campagne  d'Italie  en  qualité  de  général- 
major.  Il  commanda  ensuite  une  division.  En  1871,  il  fut 
nommé  com^nandant  en  chef  à  Prague,  lieutenant-gouver- 
neur de  la  Bohême  et  membre  de  la  Chambre  des  seigneurs. 
De  4874  à  4876,  il  occupa  le  ministère  de  la  guerre. 

KOLLER  (Rudolf),  peintre  suisse,  né  à  Zurich  en 
4828.11  y  eut  pour  premier  maître  le  paysagiste  et  animalier 
Ulrich,  et,  après  avoir  fréquenté  l'Académie  de  Dusseldorf, 
acheva  de  se  former  à  Paris  et  en  Belgique,  d'où  il  revint 
s'installer  dans  sa  ville  natale.  Parmi  ses  tableaux,  em- 
preints d'un  sain  réalisme,  mais  qui  pèchent  un  peu  par 
le  coloris,  nous  citerons:  Vaches  dmis  un  potager,  Idylle 
dans  rOberland  bernois,  Repos  de  midi,  Vache  et  veau 
égarés  dans  la  montagne.  Soir  d^automne.  Après  le 
Coucher  du  soleil. 

KOLLIDAM  (V.  Coleroun). 

KOLLIKERIA  (Protoz.).  Genre  de  Protozoaires,  du 
groupe  des  Grégarinides,  créé  par  Mingazzini  pour  le 
K.  stanocephali  (V.  Sporozoaires). 

KOLLIN.  Ville  de  Bohème  (V.  Kolin). 

KOLLONITS  (Léopold),  prélat  hongrois,  né  à  Komarom 
en  4631,  mort  à  Vienne  en  4707.  Il  entra  dans  l'ordre 
de  Malte,  guerroya  contre  les  Turcs,  devint  évêque  de 
Neustadt  et  de  Raab  (Gycer),  cardinal -archevêque  de 
Kalocza  et  président  de  la  Chambre  aulique  à  Vienne  et 
enfin  primat  de  Hongrie. 

KOLLONITZ  (Sigismond),  né  en  4676,  mort  en  1731, 
fut  le  premier  archevêque  de  Vienne. 

KOLLONTAY  (Hugues),  homme  d'Etat  et  écrivain  polo- 
nais, né  à  Niecieslawice  le  1^''  avr.  4750,  mort  à  Varsovie 
le  28  févr.  4842.  Il  étudia  à  Cracovie,  embrassa  la  car- 
rière ecclésiastique  et  séjourna  plusieurs  années  à  Rome. 
De  retour  en  Pologne,  il  fut  d'abord  chargé  de  missions 
pédagogiques  ;  il  ne  fit  point  partie  de  la  Diète,  mais 
néanmoins  il  exerça  par  ses  discours  et  ses  écrits  une 
influence  considérable;  en  4794,  il  fut  nommé  vice-chan- 
celier; en  1794,  il  fut  membre  du  conseil  national.  Après 
l'échec  de  Kosciuszko,  il  se  réfugia  en  Autriche  oti  il  fut 
interné  à  Olmiitz.  Rendu  à  la  liberté  en  1803,  il  séjourna 
en  Volynie  jusqu'en  1807,  et  rentra  ensuite  à  Varsovie. 
Kollontay  fut  un  publiciste  de  grand  talent.  Quelques-unes 
de  ses  brochures  politiques  furent  traduites  en  français. 
L'une  des  plus  remarquables  est  une  Etude  sur  là  cons- 
titution du  S  mai  1791  (Leipzig,  1793,  2  vol.  ;  réim- 
primée à  Paris  en  4  868),  dont  il  fut  l'un  des  principaux 
auteurs.  Notons  encore  :  Remarques  sur  le  grand-duché 
de  Varsovie  (Leipzig,  4808  et  1810)  ;  r Ordre  physique 
et  moral  (Cracovie,  1840);  instruction  publique  en 
Pologne  sous  Auguste  III  (publié  par  Raczynski,  Posen, 
1842,  2  vol.);  le  Clergé  en  Pologne  au  xvni®  siècle 
(t<:L,1849);  Essai  critique  sur  les  origines  de  /'/iwma- 
m'^^' (Cracovie,  1842).  Ce  dernier  ouvrage  a  été  publié 
par  Kqjsiewicz  qui  a  édité  également  :  la  Correspondance 
de  Kollontay  avec  Czacki  (Cracovie,  1845,  4  vol.). 
Siemenski  a  publié  (Posen,  4872)  la  Correspondance  de 
i792  à  il 94.  La  vie  de  Kollontay  a  été  écrite  par  Snia- 
decki  (Vilna,  1848),  par  Schmitt  (Léopol,  4860),  etc. 

BiBL.  :  EsTREiciiER,  Bibliographie  polonaise  du  xix^  siè- 
cle. —  Encyclopédie  polonaise  cI'Orgelhrandt. 

KOLMODIN  (Israël),  psalmiste  suédois,  né  à  Enkoping 
en  4643,  mort  à  Visby  en  4709,  est  connu  comme  l'au- 
teur de  quelques-uns  des  plus  beaux  psaumes  que  l'on 
chante  encore  dans  l'Eglise  suédoise. 

KOLMODIN  (Oiof),  poète  suédois,  né  dans  l'Upland  en 
1690,  mort  en  1753.  Pasteur  à  Skara,  il  composa,  outre 
des  Cantiques  d' édification,  qui  eurent  un  grand  succès, 
un  poème  didactique  en  alexandrins  intitulé  Miroir  bi- 


blique de  femmes.  Femmes  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament  (Biblisk  qvinnospegel,  etc,  1732-50).  On  a  de 
lui  aussi  un  certain  nombre  de  dissertations  latines  et  quel- 
ques poésies. 

KOLMODIN  (Olof,  dit  le  Jeune),  latiniste  suédois,  né 
à  Saleby  en  1766,  mort  en  1838.  Il  était  petit-fils  du 
précédent,  fut  professeur  à  l'université  d'Upsal  et  donna 
une  traduction  suédoise,  encore  estimée,  des  œuvres  de 
Tite-Live  et  des  Annales  de  Tacite. 

KOLMODINUS  (Ericus),  auteur  dramatique  finlandais 
du  xvn®  siècle  qui  composa  une  sorte  de  mystère  en  un 
prologue  et  six  actes  joué  à  Âbo  en  1659  et  publié  depuis 
sous  le  titre  de  :  Genesis  cetherea  eller  Jesu  Christi  fo- 
delse  (naissance  de  Jésus-Christ).  Mélange  naïf  de  faits 
bibliques  et  d'habitudes  modernes,  ce  drame  ne  contient 
rien  de  contraire  à  la  plus  stricte  orthodoxie  luthérienne. 
BiBL.  :  Lagus,  Den  Finsli-Svenska  Literalurens  Utvec- 
kling  ;  Borga,  1866,  p.  44. 

KOLO  (Cercle).  Nom  donné  jadis  en  Pologne  aux  diètes 
(sejmski)  des  voiévodies  ;  la  place  du  Kolo  était  celle  où 
l'on  élisait  les  rois,  près  de  Varsovie. 

Danse  particulière  aux  Serbes,  dans  laquelle  les  dan- 
seurs, hommes  et  femmes,  se  placent  d'abord  sur  une  seule 
ligne,  se  tenant  par  la  main,  par  la  ceinture  ou  les  épaules. 
Le  pas,  lent  au  début,  se  fait  bientôt  plus  rapide,  en  même 
temps  que  la  ligne  se  déforme  et  devient  un  cercle,  puis 
un  triangle,  une  ellipse,  etc.,  suivant  le  caprice  du  dan- 
seur en\ète,  le  kolovodja  (conducteur  du  kolo). 

KOLO.  Ville  de  la  Pologne  russe,  ch.-l.  de  cercle  du 
gouvernement  de  Kalisz,  dans  une  île  de  la  Warta; 
10,000  hab.  Faïence,  cotonnades. 

KOLO  ou  GOLIK.  Peuplade  sauvage  du  Tibet  orien- 
tal, bassin  supérieur  du  Hoang-ho;  leur  type  est  différent 
de  celui  des  Tibétains  et  des  Mongols  ;  ils  s'adonnent  au 
brigandage. 

kOLOBENG  (Afrique)  (V.  Colobeng). 

KOLOCHES,  KOLIOUCHES  ou  THLINKITES.  Peu- 
plade de  la  côte  occidentale  de  l'Alaska  (Etats-Unis),  entre 
le  55*^  et  le  60^  degré  de  lat.  N.,  que  l'on  retrouve  aussi 
sur  les  îles  faisant  face  à  cette  côte.  Par  leur  haute  stature 
(4 "^73  en  moyenne),  par  leur  nez  aquilin,  leurs  longs  che- 
veux lisses  et  noirs,  ils  rappellent  les  plus  beaux  types  de 
Peaux-Rouges.  C'est  un  peuple  qui  se  distingue  par  son 
amour  pour  la  propriété  privée  et  par  ses  mœurs  domes- 
tiques basées  en  partie  sur  le  matriarcat.  Les  Koloches 
habitent  dans  de  petites  maisons  en  bois,  formées  de  ma- 
driers dégrossis  et  ornées  de  colonnes  sculptées  représen- 
tant des  animaux,  des  monstres,  etc.  Le  commerce  est  très 
développé  chez  eux  ;  jadis  la  monnaie  courante  était  la 
coquille  de  dentale,  mais  aujourd'hui  tous  les  Koloches 
connaissent  les  monnaies  américaines.  Leur  mythologie  est 
très  riche  et  très  variée  ;  le  principal  personnage  en  est 
le  Veitch,  ou  corbeau,  que  l'on  voit  sculpté  sur  les  bâti- 
ments, sur  les  masques,  etc.  C'est  une  sorte  de  Prométhée, 
qui  a  appris  à  l'homme  l'art  d'obtenir  le  feu  ;  il  délivre  le 
soleil,  les  étoiles,  la  lune  des  prismes  oti  les  enferment 
les  mauvais  esprits,  etc.  Les  fréquentes  cérémonies  reli- 
gieuses des  Koloches,  accompagnées  de  danses  exécutées 
par  des  hommes  masqués,  sont  présidées  par  les  chamanes 
ou  sorciers.  J.  Deniker. 

BiBL.  :  PiNART,  Notes  sur  les  Koloches.  dans  Bull.  Soc. 
anthrop.,  1872,  p.  788.  —  A.  Krause,  Die  Tlinkit  Indianer; 
léna,  1885,  in-8. 

KOLOGRIV.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  cercle  du  gouv. 
de  Kostroma,  au  confluent  de  la  Kitchinka  et  de  l'Omja 
(affl.  dr.  delà  Volga). 

KOLOiVlAN,roi  de  Hongrie,  fils  de  Geyza  IL  II  succéda 
à  Ladislas  P^  en  4096,  combattit  contre  les  Croates  et 
se  fit  reconnaître  par  eux  comme  roi  en  4402.  Il  lutta 
ensuite  contre  les  Vénitiens  auxquels  il  reprit  plusieurs 
villes  do  la  Dalmatie.  Il  mourut  en  4444  et  eut  pour  suc- 
cesseur Etienne  IL 

KOLOMEA  ou  KOLOMYJA.  Ville  d'Autriche,  province 
de   Galicie,  sur  le  Pruth  ;  25,000  hab.  (dont  plus  de  la 


KOLOMEA  —  KOLYVAN  —  598  — 

moitié  juifs).  Ecole  de  poterie,  raffinerie  de  pétrole,  fabrique 
de  cierges,  de  paraffine,  tissage,  commerce  de  denrées  agri- 
coles. Ancienne  colonie  romaine  (présume-t-on),  elle  fut 
la  capitale  de  la  Pocutie  ;  les  incursions  des  Tatares  et  des 
Moldaves  la  ruinèrent  au  xv®  et  au  xvi^  siècle. 

KOLOMENSKOIÉ.  Bourg  de  Russie,  gouvernement  à 
dO  kil.  S.  de  Moscou,  sur  la  Moskva  (Moscova).  Camp 
d'été  de  l'Ecole  des  cadets. 

KOLOMNA.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  d'un  district  du  gou- 
vernement de  Moscou,  au  confluent  de  la  Kolomenka  et  de 
la  Moskva,  en  amont  de  celui  de  la  Moskva  et  de  l'Oka  ; 
30,000  hab.  Vieille  citadelle  (kreml),  18  églises,  nom- 
breuses fabriques  (soie,  toile,  nankin,  savon,  cuir,  ma- 
chines, etc.).  Grand  commerce  de  denrées  agricoles.  Connue 
depuis  1477,  ce  fut  une  des  grandes  villes  de  la  Russie 
centrale,  capitale  de  la  principauté  de  Riazan  au  xiv®  siècle. 
En  1237,  Batou  Khan  y  écrasa  l'armée  des  grands-ducs 
russes.  Quatre  fois  détruite  par  les  Tatares,  Kolomna  re- 
fleurit au  xix^  siècle,  grâce  à  l'industrie.  Le  cercle  a 
2,100 kil.  q.  et  environ  125,000  âmes;  l'industrie  y  est 
très  développée. 

KOLON  (Métr.)  (V.  Colon). 

KOLOUBARA.  Sous-affluent  droit  du  Danube,  formé  des 
eaux  qui  descendent  des  monts  Medveclnik,Iablanik,  Ma- 
lien et  Roudnik.  Cette  rivière  se  dirige  d'abord  de  l'O.  au 
N.-E.  puis  du  S.  au  N.,  grossie  à  gauche  de  la  ïamnava, 
à  droite  du  Lig.  Elle  arrose  Valiévo,  Obrénovats  et  se  jette 
dans  la  Save  au-dessous  de  Zabréjié,  après  un  cours  de 
80  kil. 

KOLOVRAT.  Grande  famille  de  Bohême.  Elle  remonte 
au  XIV®  siècle.  Elle  se  divisait  en  diverses  branches  (Bez- 
druzicky,  Krakovsky,  Libstein,  Mastovsky,  Novohradsky). 
Toutes  sont  éteintes  aujourd'hui,  sauf  celles  des  Kolovrat 
Krakovsky  qui  porte  le  titre  comtal  depuis  1674.  Au 
xix«  siècle,  le  membre  le  plus  remarquable  de  cette  famille 
a  été  le  comte  François- Antonin  Kolovrat  Libsteinsky, 
né  en  1778,  mort  en  1861.  Il  fut  de  181i  à  i^'lQ  grand 
burgrave  de  Bohême  et  ensuite  ministre  d'Etat  jusqu'en 
1848.  Après  la  retraite  de  Metternich,  il  fut  à  la  tête  du 
cabinet  du  21  mars  au  4  avr.  1848.  On  lui  doit  la  fonda- 
tion du  musée  de  Prague  auquel  il  laissa  sa  riche  biblio- 
thèque. Une  rue  de  Prague  porte  son  nom. 

KOLOZS.  Comitat  de  la  Hongrie  transylvaine,  5,149  kil. 
q.  Ses  224,760  hab.  (1890)  appartiennent  à  toutes  les 
races  et  à  tous  les  cultes  (V.  Kolozsvâr).  Très  étendu 
de  l'E.  à  rO.,  ce  territoire  présente  les  aspects  les  plus 
différents  et  réunit  la  culture  des  plaines  aux  mines  et 
aux  forêts  des  Karpates. 

KOLOZSVaR  (en  roumain  Clusu,  en  allemand  Klau- 
senburg).  Ville  de  Hongrie,  sur  la  Petite  Szamos,  ch.-l. 
du  comitat  de  Kolozs.  Ses  34,800  hab.  (en  1890)  sont  en 
majorité  Magyars,  mais  avec  de  notables  minorités  alle- 
mandes et  roumaines  et  un  assez  grand  nombre  d'Armé- 
niens et  de  juifs.  La  ville  proprement  dite  est  assez  diffé- 
rente des  cinq  faubourgs,  dont  elle  fut  longtemps  séparée 
par  des  remparts  continus.  Elle  renferme  d'importants 
monuments  :  l'église  gothique  de  Saint-Michel  (1414), 
les  portes  fortifiées,  le  musée,  l'université,  etc.  De  l'autre 
côté  de  la  rivière  sont  la  citadelle  de  Fellegvar  et  le  vieux 
couvent  de  Kolosmonostor,  où  l'on  gardait  les  archives  de 
Transylvanie,  à  l'emplacement  de  la  cité  dace  et  romaine 
de  Napoca,  Tous  les  cultes  de  la  Transylvanie,  pays  aussi 
bigarré  au  point  de  vue  religieux  qu'au  point  de  vue  eth- 
nographique, possèdent  des  temples  à  Kolozsvâr.  L'Eglise 
unitaire  a  dans  cette  ville  et  dans  ses  environs  son  unique 
noyau  sur  le  continent  européen.  Relevée  par  des  colons 
allemands  au  xii®  siècle,  mais  patrie  de  Mathias  Corvin  au 
xv^,  cette  ville  a  pris  de  plus  en  plus,  dans  l'histoire  mo- 
derne, un  caractère  magyar, 

KOLPINO.  Ville  de  Russie,  sur  Fljoca,  affluent  gauche 
de  la  Neva,  et  }&  ch.  de  fer  de  Saint-Pétersbourg  à  Moscou  ; 
5,000  hab.  Usines  métallurgiques  de  l'Ijoca  fondées  en 
1705  pour  la  marine  russe,  à  laquelle  elles  livrent  tous 


les  éléments  métalliques.  On  y  trouve  des  fonderies  de  fer 
et  de  cuivre,  des  forges,  des  fabriques  d'armes,  d'ancres,  etc. 

KOLPODE  (Zool.)  (V.  Colpode). 

KOLS  (V.  Asie  [Anthrop,]  et  Inde,  t.  XX,  p.  681). 

KOLTSOV  ( Alexis- Vasilievitch),  poète  russe,  né  à  Voro- 
nèje  le  14  oct.  1808,  mort  le  31  oct.  1842.  Son  père  était 
un  éleveur  de  bétail.  Koltsov  reçut  une  éducation  toute 
rudimentaire  et  pratiqua  la  profession  paternelle.  C'est 
peut-être  parmi  les  poètes  russes  celui  qui  s'est  le  plus 
inspiré  de  la  muse  populaire.  Son  talent  original  et  pré- 
coce avait  suscité  de  vives  admirations  et  attiré  l'attention 
de  l'empereur  Nicolas  quand  il  fut  brusquement  enlevé  par 
la  mort.  Bielinsky  a  écrit  sa  biographie  en  tête  de  ses 
œuvres  (1846)  qui  ont  été  fréquemment  réimprimées.  On 
lui  a  élevé  un  monument  à  Voronèje. 
BiBL.  :  L.  Léger,  la  Littérature  russe;  Paris,  1892. 

KOLVA.  Rivière  de  Russie,  gouvernement  de  Perm,  af- 
fluent droit  de  la  Vichera  (tributaire  de  la  Kama);  400  kil., 
dont  115  navigables;  elle  coule  vers  l'O.,  puis  vers  le  S. 
On  y  a  trouvé  beaucoup  de  gorodichtche  (anciennes  cités 
bulgares) . — Une  autre  rivière  de  ce  nom ,  longue  de  320  kil . , 
arrose  le  gouvernement  d'Arkhangelsk  et  se  jette  dans 
rOussa,  tributaire  de  la  Petchora  ;  elle  coule  vers  l'E.,  puis 
vers  le  S. 

KOLYMA.  Fleuve  de  la  Sibérie,  tributaire  de  l'océan 
Glacial  arctique.  Elle  prend  sa  source  dans  les  monts  Sta- 
novoï  et  reçoit  dans  son  parcours,  qui  est  estimé  à  1 ,800  kil. , 
de  nombreux  affluents,  dont  les  principaux  sont  l'Omolon 
et  l'Anyouï,  sur  la  rive  droite  du  fleuve.  Près  de  son  em- 
bouchure, le  Kolyma  se  divise  en  trois  bras  et  forme  un 
delta.  Très  poissonneux,  ce  fleuve  est  couvert  de  glace 
pendant  huit  ou  neuf  mois  de  l'année.  Dans  les  trois  ou 
quatre  mois  de  dégel,  il  est  navigable,  mais  on  n'y  ren- 
contre que  de  rares  pirogues  des  Iakoutes.      J.  Deniker. 

KOLYIVISK.  n  y  a  trois  villes  de  ce  nom,  situées  toutes 
dans  le  N.-E.  de  la  Sibérie,  le  long  du  fleuve  Kolyma.  Le 
Sredné-Kolymsk  ou  Kolymsk  moyen  est  le  chef-lieu  du 
cercle  ou  district  de  la  Kolyma,  qui  comprend  le  bassin  du 
fleuvede  ce  nom.  Ce  district,  dont  la  superficie  (762,822  kil.) 
égale  une  fois  et  demie  celle  de  la  France,  n'est  peuplé  que 
de  6,300  hab.,  pour  la  plupart  Yakoutes.  La  ville  de 
Sredné-Kolymsk  se  compose  des  yourtes  ou  tentes  où  s'abri- 
tent les  Yakoutes,  et  de  quelques  maisons  en  bois  dont  les 
fenêtres  sont  garnies  de  peau  de  poisson  ou  de  papier  huilé 
en  guise  de  vitres.  On  n'y  compte  que  600  hab.  La  ville 
de  Nijné-Kolymsk  (Bas-Kolymsk)  se  trouve  à  300  kil.  au 
N.-E.  de  la  précédente,  à  l'estuaire  de  Kolyma  ;  elle  a 
200  hab.  La  température  moyenne  y  est  de  — 12°  et  sou- 
vent le  thermomètre  y  marque  — 36<*.  La  ville  de  Yerkhné- 
Kolymsk  (Haut-Kolymsk)  est  une  agglomération  de  quelques 
maisons  située  à  300  kil.  au  S.-O.  de  Sredné-Kolymsk. 

KOLYN  (Nicolas),  nom  donné  à  un  bénédictin  hollandais 
qui  aurait  vécu  à  l'abbaye  d'Egmond,  près  de  Haarlem, 
dans  la  seconde  moitié  du  xii*'  siècle.  On  lui  attribua  la 
paternité  d'une  chronique  flamande  de  1 ,200  vers  environ, 
consacrée  aux  premiers  comtes  de  Hollande  et  s'arrêtant 
à  l'année  1156.  Gérard  Dumbar  publia  cette  chronique 
dans  le  t.  I  des  Analeda  belgica  (Deventer,  1719,  in-8, 
rééd.  par  A.  Matthœus  et  G.  Van  Loon,  La  Haye,  1745, 
in-foL).  La  plupart  des  historiens  hollandais  crurent  long- 
temps à  son  authenticité,  mais  on  finit  par  découvrir 
qu'elle  était  l'œuvre  d'un  habile  faussaire, 

BiBL.  :  De  Wind,  Bibliothèque  des  historiens  hollan- 
dais (en  holl.);  Middlebourg,  1831,  in-8. 

KOLYVAN.  Ville  de  la  Sibérie,  dans  le  gouvernement  de 
Tomsk,  sur  la  rive  gauche  de  l'Obi,  à  l'embouchure  du 
Tchauss;  14,840  hab.  (en  1802).  C'est  en  1822  que  le 
simple  fortin  de  Tchaussk  a  été  transformé  en  une  ville 
sous  le  nom  de  Kolyvan.  La  nouvelle  cité  grandit  très  vite 
et  acquit  de  l'importance,  surtout  dans  ces  derniers  temps, 
comme  marché  de  produits  agricoles.  Les  mines  d'or  que 
l'on  exploite  dans  les  environs  de  Kolyvan  ont  fourni,  pen- 
dant l'année  1890,  près  de  2,300  kilogr.  de  métal. 


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KOLYVAN  ~  KONARSKI 


Il  ne  faut  pas  confondre  cette  ville  avec  les  Usmes  de 
Kolyvan  (en  russe,  Kolyvanskié  Zavody).  Ces  dernières 
sont  situées  dans  le  même  gouvernement,  mais  dans  le  dis- 
trict de  Biisk,  sur  le  lac  Kolyvan.  Fondées  en  1729  pour 
exploiter  le  minerai  de  cuivre  qui  se  trouvait  sur  les  bords 
du  lac,  ces  usines  ont  été  transformées  en  1799  par  le  gou- 
vernement russe  en  ateliers  de  polissage  de  pierres  pré- 
cieuses. Les  environs  du  lac  Kolyvan  fournissent  en  quan- 
tité de  magnifiques  jaspes  bruns  ou  fumés,  des  marbres, 
des  quartz,  des  porphyres,  des  serpentines  dont  on  fabrique 
des  vases,  des  presse-papiers,  des  objets  d'ornements  divers, 
très  renommés  dans  toute  la  Russie.  Mais  le  Trésor  y  dé- 
pense plus  d'argent  qu'il  n'en  tire  de  revenus.      J.  D. 

KO  M.  Mont  du  Monténégro  (V,  ce  mot). 

KO  MA.  Peuplade  nègre  de  l'O.  de  l'Abyssinie,  au  N.  du 
Kaffa.  Très  pacifiques,  bons  agriculteurs,  ils  sont  groupés 
en  communes  qui  s'administrent  elles-mêmes.  Ils  gardent 
les  morts  des  années  avant  de  les  ensevelir. 

KOMARNO.  Ville  d'Autriche,  prov.  de  Galicie,  près  du 
Dinestr  ;  5,000  hab.  Défaites  des  Turcs  en  1524  et  1695. 

KO  M  A  ROM  (allemand  Komorn^  latin  Comaromium). 
Ville  et  comitat  de  Hongrie.  La  ville  est  située  au  confluent 
du  Vag  et  du  Danube.  Ses  15,000  hab.  font  un  commerce 
actif  de  blé,  de  vin,  de  bois.  Les  travaux  de  fortification, 
commencés  au  xv^  siècle  par  Mathias  Corvin,  renouvelés  en 
1808,  présentent  une  vaste  étendue  et  passaient  pour  impre- 
nables. Elles  sont  abritées  par  une  vaste  surface  généra- 
lement inondée  et  présentent  trois  lignes  de  murs  et  de 
retranchements.  Klapka  (V.  ce  nom)  s'y  est  victorieuse- 
ment défendu  en  1849.  La  ville  paraît  au  temps  de  Bêla  IV 
vers  1263  ;  on  y  attira  des  immigrants  en  leur  concédant 
des  libertés  semblables  à  celles  d'Ofen.  La  forteresse  fut 
prise  au  xiv^'  siècle  par  le  roi  Robert  deNaples  et  en  1527 
par  Ferdinand  1®^,  mais  repoussa  les  Turcs  en  1594  et  1633. 

—  Le  comitat  (2,944  kil.  q.)  est  un  territoire  en  partie  exposé 
aux  inondations,  mais  l'abondance  de  l'irrigation  le  rend 
extrêmement  fertile  et  la  navigation  fluviale  y  est  très  active. 
Ses  157,397  hab.  (1890)  sont  pour  la  plupart  Magyars  et 
catholiques. 

KOMAROV  (Vissarion-Vissarionovitch),  publiciste  russe 
contemporain.  Il  servit  dans  l'armée  russe  et  fut  chef  d'état- 
major  de  Tchernaiev  dans  la  guerre  serbo-turque.  Il  quitta 
l'armée  avec  le  grade  de  colonel,  pour  se  consacrer  au  jour- 
nalisme. Il  a  successivement  édité  :  le  Monde  russe  (1872)  ; 
la  Gazette  de  Saint-Pétersbourg  (1877),  et  le  Monde, 

—  Alexandre-VissarionovUch  Komarov,  né  en  1832, 
entra  fort  jeune  dans  l'armée  et  prit  part  en  1849  à  la  cam- 
pagne de  Hongrie.  Envoyé  au  Caucase  en  1856,  il  a  fait  sa 
carrière  militaire  en  Orient.  En  1878,  il  fut  chargé  d'or- 
ganiser les  districts  de  Kai^s  et  deBatoum,  récemment  cédés 
par  la  Turquie.  En  1884,  il  s'empara  de  Merv.  En  1885, 
il  franchit  la  frontière  afghane  et  s'empara  de  la  ville  de 
Pendjeh,  qu'il  annexa  malgré  la  protestation  de  l'émir  et 
des  Anglais.  Promu  général,  il  a  été  de  1882  à  1890  gou- 
verneur du  territoire  transcaspien.  Il  a  contribué  à  la  cons- 
truction du  chemin  de  fer  de  la  mer  Caspienne  à  Samar- 
kandc. 

KO  M  EN  S  KY  (Jean-Amos)  (V.  Coménïus). 

KOMERS  (Antoine-Emmanuel),  économiste  tchèque,  né 
à  Humpolce  (Bohême)  le  13  juin  1814.  lia  administré  de 
grands  domaines  en  Bohême,  dirigé  l'école  d'agriculture  de 
Tetschen  Liebwerda  et  présidé  diverses  sociétés  d'écono- 
mie rurale.  En  1879,  l'empereur  lui  a  conféré  le  titre  de 
chevalier.  Il  a  édité  de  1861  à  1882  le  Jahrbuch  fur 
œsterreichische  Landwirte  et  publié  un  grand  nombre 
d'ouvrages  :  Die  Landivirtschaft  OEsterreichs  (Prague, 
1863)  ;  Die  Bodenkrafterschœpfung  {id.^  1864)  ; 
Abriss  der  Nationalœkonomie  {id.^  1867)  ;  Die 
landiuirstchaftliche  Betriebsorganisation  (id.^  1870  et 
1876)  ;  Betraclitiingen  iiber  die  landwirt,  Unterrichts- 
frage  (id,^  1875)  ;  Lage  und  Hilfskrœfte  der  Landwirt- 
chaft  in  der  œsier,  ungar.  Monarchie  (id.,  1876). 


KOMHARSIN.  Principauté  de  l'Inde,  entre  le  Sutledj  et 
la  Djemna  ;  233  kil.  q.,  10,000  hab. 

KOMISSAROV-KosïROMSKY,  paysan  russe,  né  vers  1838, 
mort  en  juin  1892.  Se  trouvant  à  Pétersbourg  le  16  avr. 
1866,  il  détourna  le  bras  d'un  assassin  qui  visait  l'empe- 
reur Alexandre  II.  A  cette  occasion,  l'empereur  lui  conféra 
la  noblesse  ;  des  souscriptions  particulières  lui  assurèrent 
une  fortune  considérable. 

KOMLOS-Keresztes  (Geza),  baron  Fejervary  (V.  ce 
nom). 

KOMMA  et  KOMMATION!  (V.  Colon  [Métrique]). 

KO  MO  DO  (Ile)  (V.  Comodo). 

KOMORN  (V.  Komarom). 

KOMOROWSKI  (Ignace),  musicien  polonais,  né  à  Var- 
sovie en  1825,  mort  à  Varsovie  en  1857.  Il  a  écrit  des 
romans  et  mis  en  musique  quelques  œuvres  de  Malczewski 
et  de  Lenartowicz.  Certaines  de  ses  compositions  sont  res- 
tées populaires. 

KOiVIOTAU  (en  tchèque  Chomutov),  Ville  de  Bohême, 
située  au  N.-O.  du  royaume,  au  point  de  rencontre  de  plu- 
sieurs lignes  de  chemin  de  fer  (Buschliehrad,  Aussig-Te- 
plitz,  Dux-Bodenbach),  chef-lieu  de  capitainerie  de  cercle; 
10,000  hab.,  en  grande  partie  Allemands. 

KOMOULMAIR.  Ville  de  l'Inde  (Radjpoutana),  princi- 
pauté de  Màvar,  à  l'entrée  des  défilés  des  monts  Aravali, 
menant  du  Mâvar  au  Marvar  ;  citadelle  à  2,540  m.  d'alt.; 
le  long  d'un  étang,  digue  de  marbre  couverte  de  temples 
et  de  palais. 

KOMPERT  (Léopold),  écrivain  autrichien,  né  à  Mun- 
chengrœtz  (Bohême)  le  15  mai  1822,  mort  à  Vienne  le 
23  nov.  1886.  D'origine  juive,  il  fut  précepteur  dans  la 
famille  Andrassy,  journaliste  (1848-52),  et  se  fixa  à  Vienne 
en  1857.  Ses  principales  œuvres  sont  des  romans  consacrés 
à  la  peinture  de  la  vie  de  ses  coreligionnaires  :  Gesch, 
aus  dem  Ghetto  (1848  ;  3<^  éd.,  1886)  ;  BœhmischeJu- 
den  (1851)  ;  Neue  Gesch,  aus  dem  Ghetto  (1860,  2  vol.)  ; 
Gesch,  einer  Gasse  (1865,  2  vol.);  Zwischen  Buinen 
(1875,  3  vol.)  ;  Franziund  Heini  (1880),  etc. 

KOMULOVIC  (V.  CoMULEJus). 

KONAKI  (Constantin),  poèteroumain,nélel4oct.l777, 
mort  le  4  févr.  1849.  Grand  logothète  de  Moldavie,  possé- 
dant des  connaissances  de  droit' et  de  mathématiques,  il  re- 
présenta dans  son  pays  le  type  du  philosophe  à  la  mode  du 
xviîi®  siècle,  du  bel  esprit  littéraire.  Il  trsidmsitV  Essai  sur 
rhomme,  de  Pope,  et  composa  un  certain  nombre  de  pièces 
appartenant  au  genre  anacréontique  larmoyant.  Ses  Poésies 
originales  et  traductions  furent  publiées  seulement  après 
sa  mort  (Jassy,  1855).  La  librairie  Saraga  (Jassy)  a  publié 
(1886)  une  seconde  édition  (incorporée  plus  tard  en  2  vol. 
à  la  Collection  populaire  des  mêmes  éditeurs). 

BiiîL.  :  C.  NEGRUzzr(K.-N.),  dans  la  Roumanie  littéraire, 
Jassy,  1855.  —  Papadofol-Calimah,  dans  les  Entretiens 
littéraires,  1886.—  Vogoride-Konaki,  préface  de  la  seconde 
édition.  —  Bianu,  dans  la  Nouvelle  Revue,  I.  —  J.-N.  Ro- 
man, dans  les  Entretiens  littéraires^  t.  XXII  (tous  ces  ou- 
vrages sont  en  roumain). 

KONARSKI  (Stanislas- Jérôme),  homme  d'Etat  et  péda- 
gogue polonais,  né  le  30  sept.  1 700,  mort  à  Varsovie  le  3  août 
1773.  Dans  sa  quinzième  année,  il  entra  dans  l'ordredes  pia- 
ristes  où  il  acheva  ses  études.  Envoyé  à  Rome,  if  enseigna 
dans  le  Collegium  Nazarenum.  En  1730,  il  rentra  en  Po- 
logne. Après  la  mort  d'Auguste  II,  il  fut  adjointà  uneam- 
bassade  polonaise,  ce  qui  lui  donna  l'occasion  de  visiter 
les  Pays-Bas,  la  France,  l'Allemagne  et  encore  une  fois 
l'Italie.  Il  étudia  dans  ces  voyages  les  différentes  formes 
des  gouvernements,  les  établissements  scolaires,  etc.  En 
1740,  il  conçut  le  projet  de  fonder  un  «  convict»  pour  les 
jeunes  gens  nobles  polonais.  Konarski  espérait  réformer 
en  Pologne  d'abord  l'éducation  et  l'instruction  publique, 
ensuite  réveiller  l'esprit  national  et  sauver  l'organisme  po- 
litique affaibli  par  l'hypertrophie  d'un  seul  état  privilé- 
gié, la  noblesse.  En  fondant  un  collège-modèle  pour  la 
noblesse  {convictus  nobilium),  Konarski  voulait  exercer 
une  influence  salutaire  sur  les  générations  futures  du  pays. 


KONARSKI  —  KONG 


—  600 


Cette  école,  fondée  en  1754,  subsista  jusqu'en  1832.  Après 
rinstruction  publique,  Konarski  s'occupa  de  la  réforme 
politique.  Il  édita  les  lois  et  les  statuts  de  là  Pologne  : 
Leges^  statuta,  coîistitutiones...  Regni  Poloniœ..,  A 
Comitiis  Visliciœ  i 347  celebratisusque  ad  ultima  Regni 
Comitia  (Varsovie,  1732-39,  6  vol.  in-foL).  Dans  son 
livre  Sur  le  Moyen  efficace  des  conseils  (Varsovie,  1760 
et  suiv.,  5  vol.)  il  prêcha  l'abolition  du  liberum  veto^ 
formule  juridique  qui  permettait  en  principe  à  un  seul 
homme  d'annuler  les  décisions  de  toute  la  Diète.  Konarski 
fut  un  précurseur  de  la  constitution  polonaise  de  1791. 
Stanislas-Auguste  fit  frapper  une  médaille  en  l'honneur  de 
Konarski  avec  cette  belle  exergue  :  Sapere  auso,     J.  K. 

BiBL.  :  LuKAszEwicz ,  Histoire  des  Ecoles  {en  pol.)  ; 
Posen,  1851.  —  Kaminski,  Notitia  brevis  de  vita  et  scrip- 
tis  Stanislai  Konarski.  —  Biegeleisen,  Konarski  diplo- 
mate (en  pol.)i  dans  Biblioteka  Warszawska,  1883,  t.  IV. 

KONASZEWICZ-Sahajdaczny,  chef  cosaque  du  xvn«  siè- 
cle. Nommé  hetman  des  Zaporogues,  il  entreprit  avec  eux 
une  série  d'expéditions  aventureuses  en  Crimée,  en  Asie 
Mineure  et  jusqu'en  Turquie.  Il  prit  part  aux  guerres  contre 
la  Russie,  de  1606  à  1613  et  à  la  bataille  de  Chocim  (ou 
Khotin).  Il  mourut  en  1620,  au  couvent  des  Cryptes  de 
Kiev  où  il  s'était  fait  moine. 

KONBO.  Lac  de  Russie,  gouvernement  d'Arkhangelsk, 
au  S.-O.  de  la  presqu'île  de  Kola  ;  328  kil.  q.  ;  il  est  formé 
de  deux  bassins  séparés  aux  basses  eaux  ;  le  lac  Kano,  à 
l'E . ,  se  déverse  dans  la  baie  Sosnovaïa  ;  le  Kolvits,  à  l'O., 
dans  le  fond  du  golfe  de  Kandalaskaïa. 

KONDA.  Rivière  de  Sibérie,  affluent  gauche  de  l'Irtych, 
dans  le  gouvernement  et  le  cercle  de  Tobolsk  ;  son  cours, 
long  de  600  kil.,  décrit  une  courbe  dont  la  convexité  est 
tournée  au  S.-O.  Elle  traverse  le  S.  du  pays  des  Vogouls. 
Les  Ostiaks  Kondichoui,  actuellement  établis  sur  l'Ob,  pro- 
viennent des  bords  de  la  Konda. 

KONDAVIR.  Ville  de  l'Inde  anglaise,  présidence  de  Ma- 
dras, au  pied  du  mont  sacré  de  Kotappakonda  ;  ancienne 
capitale  d'une  principauté  ;  c'est  aujourd'hui  un  sanatorium 
pour  les  Européens. 

KONDÉ.  Pays  de  l'Afrique  orientale,  au  N.-O.  du  lac 
Nyassa  ;  plaine  fertile  dominée  par  les  monts  de  Kondé  et 
peuplée  de  nègres  Ouakinga. 

KONDHS.  Tribu  de  l'Inde  (V.  Khonds), 

KONDOA.  Stat.  du  Congo  belge,  dans  l'Ouragara,  sur  le 
Monkondo  ou  Mkondoa,  affl.  du  Ouami. 

KONDRATOWICZ  (Louis),  dit  Ladislas  Syrokomla, 
poète  polonais,  né  à  Smolkow  le  29  sept.  1823,  mort  à 
Vilna  en  1862.  A  peine  sorti  des  bancs  du  collège  des 
dominicains  de  Nieswiez,  il  se  mit  à  écrire,  tout  en  s'occu- 
pant  d'agriculture  pour  gagner  sa  vie.  A  vingt  ans,  il 
traduit  en  vers  les  poètes  latino-polonais  des  xvi®  et 
xvii^  siècles.  Ayant  fixé  sa  demeure  aux  environs  de  Vilna, 
afin  de  mieux  suivre  le  mouvement  littéraire  qui  semblait 
alors  y  renaître  sous  l'influence  d'écrivains  et  de  savants 
de  premier  ordre  (Mickiewicz,  Odyniec,  Kirkor,  Ignace 
Chodzko,  Tyszkiewiez,  Michel  Balinski,  etc.),  ilpublia,  en 
1853,  un  recueil  de  vers  intitulé  Causeries  et  rimes 
fugitives^  oti  il  apparaît  déjà  avec  toutes  ses  qualités 
d'écrivaiïf  simple,  bon  enfant,  compatissant  aux  petits  et 
aux  malheureux,  sévère  pour  les  heureux  de  la  terre,  sans 
pitié  pour  les  orgueilleux  et  pour  les  égoïstes.  Ces  Cau- 
series^ dont  quelques-unes  mettent  très  ingénieusement  en 
action  des  proverbes  polonais,  l'ont  rendu  immédiatement 
célèbre.  Avec  Jean  le  Fossoyeur,  Kondratowicz  aborde  la 
poésie  de  plus  grande  allure  ;  ce  n'est  cependant  que  l'his- 
toire d'une  âme  simple  et  naïve  qui  aime  passionnément  sa 
patrie.  Viennent  ensuite  ses  deux  œuvres  capitales  :  le 
Gentilhomme  Jean  Demborog^  sorte  d'épopée  qui  n'est 
que  le  récit  d'une  légende  de  famille,  mais  développé  avec 
un  charme  pénétrant,  et  Margier,  poème  assez  médiocre 
dont  le  sujet  est  emprunté  à  l'histoire  de  la  Lithuanie.  On 
doit  à  Kondratowicz  nombre  d'autres  poésies  de  valeur 
inégale  (Oulas,  la  Fille  des  Piast,  Stella  F or^iarina^  etc.). 


Il  a  aussi  beaucoup  écrit  en  prose  ;  en  dehors  de  ses  tra- 
ductions [les  Chansons  de  Déranger;  la  Pologne^  ses 
mœurs  et  ses  institutions  de  Kromer,  etc.),  il  faut  citer  : 
Excursions  en  Lithuanie^  le  Niémen  depuis  sa  source 
jusqu'à  r embouchure,  et  surtout  son  Histoire  de  la 
littérature  polonaise.  Le  théâtre  lui  doit  quelques  co- 
médies et  drames  dont  le  plus  important  est  Gaspard 
Karlinski,  Ce  n'est  pas  un  poète  de  haute  envolée,  mais 
il  est  sincère,  humain  et  profondément  patriote.  Son  style, 
sans  avoir  un  grand  éclat,  est  facile,  clair  et  séduisant  par 
sa  douce  gaieté  et  son  humour  légèrement  satirique.  La 
meilleure  édition  de  ses  œuvres  a  été  publiée  à  Varsovie, 
en  1872  (en  10  vol.)  ;  elle  renferme  quantité  de  petites 
poésies  posthumes  et  un  poème  inédit,  le  Chanoine  de 
PrzemysL  F.  Trâwinski. 

BiBL.:  J.-J.  Kraszewski,  Ladislas  Syrokomla^ dans  la 
Revue  europ.^  1863  (en  poL).  —  Bull,  polonais,  n»*  35  et  36. 

KONEK  (Alexander),  statisticien  hongrois,  né  à  Pest  le 

18  août  1819,  mort  à  Dalaton-Fured  en  août  1882.  Pro- 
fesseur à  l'université  de  Pest  (1854),  auteur  de  bons  ou- 
vrages (en  magyar)  :  Théorie  de  la  statistique  (Raab, 
1847);  Statistique  de  la  monarchie  austro-hongroise 
(Pest,  1868^  2^  éd.)  ;  Manuel  de  droit  canonique,  i^our 
la  Hongrie  (1867,  2^  éd.). 

KONFEDERATKA.  Coiffure  polonaise  de  couleur  ama- 
ranthe  ou  bleue.  Ce  bonnet,  avec  une  bordure  d'agnelin 
noir  ou  gris,  fut  surnommé  konfederatka  à  cause  des  con- 
fédérés de  Bar  (parti  patriotique  sous  Stanislas-Auguste) 
qui  la  portèrent  généralement.  On  parait  ces  bonnets  avec 
des  plumes  de  héron. 

KONG.  Ville  du  Soudan  français,  grand  centre  commer- 
cial, où  se  fabriquent  des  cotonnades  renommées.  On  a 
donné  son  nom  aux  monts  de  Kong,  expression  inexacte 
désignant  la  ligne  de  faîte  entre  la  Guinée  et  le  bassin  du 
Niger  (V.  Soudan). 

KONG,  empereur  chinois  (V.  Hia). 

KONG,  homme  d'Etat  chinois,  né  en  1831.  Le  prince 
du  sang  Kong  (en  chinois  :  Kong  tsin  wang)  est  le 
sixième  des  sept  fils  de  l'empereur  Tao-koang  et  c'est  pour- 
quoi on  l'appelle  souvent  le  sixième  prince  {leou  yé)  ;  au- 
jourd'hui (1895),  tous  ses  frères  sont  morts  :  les  trois  aînés 
en  bas  âge  ;  le  quatrième,  qui  fut  l'empereur  Hien-fong, 
en  1861  ;  le  cinquième,  après  avoir  été  adopté  par  la 
famille  de  l'empereur  Kia-king;  le  septième,  enfin,  qui  fut 
le  prince  Tchouen,  père  de  l'empereur  actuel,  le  1^^  janv. 
1891.  —  Lorsqu'en  1860  les  armées  anglaise  et  française 
arrivèrent  devant  Péking,  l'empereur  Hien-fong  s'était  enfui 
à  Jehol  ;  ce  fut  le  prince  Kong  qui  négocia  au  nom  de  son 
frère  et  accepta  le  13  oct.  l'ultimatum  de  lord  Elgin  ;  le  24 
et  le  25  oct.  il  contresignâtes  traités  anglais  et  français.  — 
Un  an  après,  l'empereur  mourut  (17  août  1861),  laissant 
un  fils  âgé  de  cinq  ans.  Certains  membres  de  la  famille  im- 
périale formèrent  un  complot  pour  s'emparer  de  la  régence  ; 
les  deux  épouses  principales  de  Hien-fong,  l'impératrice 
Tse-an  et  l'impératrice  Tse-hi,  firent  cause  commune  avec 
le  prince  Kong  pour  résister  ;  ce  fut  le  prince  Kong  qui 
l'emporta.  Il  ordonna  au  prince  I  et  au  prince  Tchen,  qui 
avaient  été  à  la  tête  de  la  conspiration,  de  se  tuer,  puis 
il  partagea  la  régence  avec  les  impératrices.  Depuis  le 

1 9  janv.  1861,  date  à  laquelle  fut  créé  le  département  des 
affaires  étrangères  connu  sous  le  nom  de  Tsong-li  Yamen, 
le  prince  Kong  avait  été  mis  à  la  tête  de  cette  institution. 
Grâce  à  la  minorité  de  l'empereur,  il  se  trouva  donc  le  chef 
absolu  et  responsable  de  la  poHtique  extérieure.  L'organi- 
sation des  douanes  maritimes  sous  la  direction  de  Lay, 
et  ensuite  de  Robert  Hart  ;  la  destruction  des  rebelles  Tai- 
ping  (1863);  la  mission  de  M.  Rurlingame  qui  abandonna 
le  poste  de  ministre  des  Etats-Unis  à  Peking  pour  se  rendre 
comme  représentant  diplomatique  de  la  Chine  en  Amérique, 
en  Angleterre,  en  France,  en  Prusse  et  en  Russie  (1868- 
70)  ;  le  règlement  de  l'affaire  suscitée  par  le  massacre  de 
plusieurs  Français  (parmi  lesquels  le  consul)  et  de  trois 
Russes  à  Tien-tsin  (1870)  ;  enfin  la  suppression  définitive 


—  ()0I 


KONG  —  KONIEH 


de  l'insurrection  musulmane  dans  les  provmces  de  l'Ouest 
et  dans  le  Yun-nan  (4873),  tels  sont  les  principaux  faits 
qui  marquent  la  première  période  pendant  laquelle  le  prince 
Kong  eut  une  influence  prépondérante  dans  la  direction  de 
l'Etat.  Le  23  févr.  1873,  l'empereur  Tong-tche  fut  dé- 
claré majeur  ;  les  ministres  étrangers  demandèrent  aussi- 
tôt à  être  reçus  en  audience  par  le  souverain.  Ce  fut  le 
prince  Kong  qui,  en  sa  qualité  de  président  du  Tsong-li 
Yamen,  fut  chargé  de  débattre  cette  grave  question; il  par- 
vint à  persuader  à  ses  compatriotes  de  ne  pas  exiger  des 
représentants  européens  qu'ils  se  prosternassent  le  front 
dans  la  poussière  devant  l'empereur  ;  en  revanche,  il  les 
fit  recevoir  (29  juin  1873),  non  dans  l'une  des  grandes 
salles  d'audience  du  palais,  mais  dans  un  pavillon  des  jar- 
dins extérieurs  où   sont  admis  les  envoyés  des  peuples 
tributaires.  Ce  précédent  a  pesé  sur  toutes  les  discussions 
qui  se  sont  livrées  et  qui  se  livrent  encore  de  nos  jours  au 
sujet  des  audiences  accordées  par  l'empereur  aux  ministres 
des  puissances  étrangères.  Le  gouvernement  personnel  de 
Tong-tche  ne  fut  pas  de  longue  durée,  car  cet  empereur 
mourut  le  12  janv.  1875  ;  il  n'avait  point  de  fils.  On  choi- 
sit pour  lui  succéder  un  enfant  de  quatre  ans  (l'empereur 
Kouang-siu),  dont  le  père  était  le  prince  Tchouen,  le  sep- 
tième lîls  de  Tao-koang.  Le  prince  Kong  reprit  alors,  pen- 
dant la   longue  minorité  de  son  neveu,  la  régence  en 
commun  avec  les  impératrices  Tse-hi  et  Tse-an;   cette 
dernière  mourut  en  1881  ;  elle  avait  d'ailleurs  beaucoup 
perdu  de  son  influence,  et,  à  partir  de  1875,  tout  le  pou- 
voir fut  en  réalité  aux  mains  de  l'impératrice  Tse-hi  et  du 
prince  Kong.  La  vie  du  prince  se  trouva  donc  de  nouveau 
mêlée  aux  principaux  événements  publics  :  signature  de  la 
convention  de  Tche-fou  avec  l'Angleterre  (13  sept.  1876); 
reprise  du  Turkestan  oriental  sur  les  musulmans  d'Yakoub 
Beg  (1877)  ;  négociations  de  Tchong-heou  à  Livadia  pour 
la  restitution  du  district  de  Kouldja,  échec  de  ce  diplomate, 
puis  succès  du  marquis  Tseng  (traité  de  Saint-Pétersbourg, 
1881).  L'affaire  du  Tonkin,  qui  mit  aux  prises  la  Chine 
et  la  France,  porta  un  coup  fatal  au  prince  Kong  ;  après  la 
reddition  de  Sontay  et  de  Bacninh  (12  mars "l  884),  en 
présence  de  nos  succès  toujours  grandissants,  la  cour  de 
Péking  eut  un  moment  d'affolement  ;  ceux  qui  étaient  à  la 
tète  de  la  politique  en  furent  les  premières  victimes  ;  un 
décret  impérial  du  8  avr.  1884  prononça  un  réquisitoire 
violent  contre  le  prince  Kong  et  le  déclara  déchu  de  toutes 
ses  charges.  Ce  fut  le  prince  King  qui  lui  succéda  à  la  pré- 
sidence du  Tsong-li  Yamen,  mais  ce  fut  le  prince  Tchoun, 
père  de  l'empereur,  qui  hérita  de  son  influence  prépondé- 
rante dans   les  conseils  du   gouvernement.  Depuis  cette 
époque,  et  jusqu'à  ces  derniers  jours,  le  prince  Kong  est 
resté  dans  la  vie  privée.  On  sait  comment,  à  la  suite  de 
l'attaque  que  les  Japonais  ont  dirigée  contre  la  Chine,  de 
leur  établissement  en  Corée  et  de  leurs  victoires,  sur  terre 
à  Ping-jang,  et  sur  mer  à  l'embouchure  du  Ya-lou,  le  prince 
Kong  vient  de  rentrer  en  scène  :  un  télégramme  du  1^^  oct. 
1894  nous  a  appris  qu'il  avait  été  nommé  président  du 
Tsong-li  Yamen  et  président  de  l'amirauté  et  qu'il  avait  été 
chargé  de  diriger,  de  concert  avec  Li  Hong-tchang,  les  opé- 
rations militaires.  Ed.  Chavânnes. 
KONG  FOU-^TSEU  (V.  Confucius). 
KONG-KIA,  empereur  chinois  (V.  Hiâ). 
KONGSBERG.  Ville  de  Norvège,  prov.  de  Christiania, 
sur  le  Laagen,  reliée  par  le  ch.  de  fer  à  Hougsund  et  Chris- 
tiania; 5,000  hab.  Mines  d'argent  découvertes  en  1623, 
oii  l'on  trouva  une  pépite  d'argent  pur  de  400  kilogr.  La 
production  dépasse  7,200  kilogr.  par  an. 

KONG-Tl.  Nom  posthume  décerné  à  plusieurs  empereurs 
de  Chine  :  1°  Kong-ti  (règne  de  554  à  557  ap.  J.-C), 
dernier  empereur  de  la  petite  dynastie  des  Wei  occiden- 
taux; 2^  Kong-ti  Yeou  et  Kong-ti  Tong  (617  et  618 
ap.  J.-C),  les  deux  derniers  empereurs  de  la  petite  dynas- 
tie Soei;  3**  Kong-ti  (960  ap.  J.-C),  dernier  empereur 
de  la  petite  dynastie  des  Tcheou  postérieurs  ;  ¥  Kong-ti 
1275  ap.  J.-C),  un  des  derniers  empereurs  delà  dynastie 


des  Song  méridionaux.  On  remarquera  que  le  mot  Kong, 
qui  signifie  «  qui  n'est  pas  orgueilleux  »,  est  un  titre  pos- 
thume peu  enviable  puisqu'on  l'applique  toujours  à  des 
empereurs  dont  le  règne  éphémère  marque  la  dernière  étape 
de  la  décadence  d'une  dynastie. 

KO  Ni  (Feodor-Âlexievitch),  écrivain  russe,  né  à  Moscou 
en  1811 ,  mort  à  Saint-Pétersbourg  en  1 879.  Il  fit  jouer  une 
cinquantaine  de  pièces  traduites  ou  originales,  dont  les 
principales  sont  :  //  n'est  pire  eau  que  feau  qui  dort, 
les  Logements  de  Saint-Pétersbourg ,  les  Conseillers 
domestiques,  la  Jeune  Fille  hussard.  Il  publia  des  jour- 
naux de  théâtre  et  quelques  livres  pour  la  jeunesse. 

KONIAS  (Antonin),  théologien  tchèque,  né  à  Prague  en 
1691,  mort  à  Prague  en  1766.  Il  entra  en  1708  dans 
l'ordre  des  jésuites,  fut  professeur  et  missionnaire.  Il  s'ap- 
pliqua surtout  à  anéantir  les  livres  suspects  d'hérésie,  no- 
tamment de  hussitisme.  Un  de  ses  confrères  prétendait  qu'il 
en  avait  détruit  60,000.  Ce  chiffre  est  évidemment  exa- 
géré. Konias  a  laissé  en  tchèque  quelques  écrits  théologi- 
ques, notamment  la  Cythare,  recueil  de  cantiques  (souvent 
réimprimé),  la  Clef  des  hérésies,  etc.  L.  L. 

KONlCE(all.  Kanitz).  Ville  de  Bohême,  sur  l'Iglavaet 
le  ch.  de  fer  de  Vienne  à  Brunn  ;  3,000  hab.  Vieux  châ- 
teau ;  belle  église. 

KONIEH.  Ville.  —  Ville  de  Turquie  d'Asie,  capitale  du 
vilayetdece  nom, à  1,187  m.d'alt.,aucentre  d'un  plateau 
aride,  entouré  de  hautes  montagnes  ;  44,000  hab.  dont 
39,000  musulmans,  3,000  Arméniens  grégoriens,  1,500 
Grecs  orthodoxes,  150  Coptes.  Rues  larges,  mais  sales; 
maisons  basses  en  pisé.  D'abord  connu  sous  le  nom  de 
Danaia,  cette  ville  prit,  dit-on,  le  nom  à'Iconium,  en  raison 
de  la  tête  de  Gorgone  sculptée  sur  l'une  des  portes.  Au 
moyen  âge,  ce  fut  la  capitale  des  sultans  Seldjoucides,  puis 
celle  des  sultans  Ottomans  à  partir  de  1306.  Ruines  du 
palais  des  Seldjoucides,  sur  une  colline  (portiques  gran- 
dioses, nécropole,  etc.,  inscriptions  relevées  par  M.  Clément 
iïuart),  44  mosquées,  dant  la  célèbre  mosquée  d'Or,  celles 
d'Alaeddinet  du  sultan  Selim,  les  plus  belles  de  l'AnatoIie. 
Tombeau  de  poète  mystique  Djelal-eddin-Mevlana,  fonda- 
teur d'un  ordre  fameux  de  derviches.  44  médressès.  Une 
école  ruchdié.  Une  école  idadié.  60  écoles  primaires  mu- 
sulmanes. Ecoles  orthodoxes  arméniennes  et  coptes.  Cha- 
pelle catholique.  Tannerie,  minoterie  à  vapeur.  Fabrique  de 
poudre  à  canon. 

Le  sandjak  a  324,000  hab.  dont  294,646  musulmans, 
7,000  orthodoxes,  15,000  Tziganes,  etc.;  il  comprend 
11  cazas.  Ce  sandjak  exporte  chaque  année  pour  25  mil- 
lions de  francs  de  tapis,  de  cotonnades,  de  céréales,  d'opium, 
de  garance,  etc. 

Vilàyet.  —  Prov.  de  la  Turquie  d'Asie,  borné  au  S. 
par  la  Méditerranée  et,  dans  les  autres  directions,  par  les 
vilayets  de  Smyrne,  de  Brousse,  d'Angora  et  d'Adana,  entre 
36«  et  39°  lat.  N.,  27  et  33«  long.  E.  Il  comprend  cinq 
sandjaks  :  Konieh,  Nisçde,  Hamid-abad,  Bourdour,  Adalia  ; 
91,600  kil.  q.,  1,088,000  hab.  dont  989,000  musul- 
mans, 73,000  orthodoxes,  15,000  Tziganes,  8,700  Ar- 
méniens, 900  Coptes  cathohques,  530  Israélites,  etc. 
La  région  septentrionale  est  très  froide.  Cette  province 
comprend  deux  régions  très  différentes  :  au  N.-E.,  un 
plateau,  bassin  fermé,  parsemé  de  nombreux  lacs  salins  ; 
au  S.-O.  une  contrée  montagneuse,  où  des  vallées  pro- 
fondes séparent  le  Taurus  et  l'Anti-Taurus.  Les  côtes  sont 
montagneuses,  excepté  au  N.  du  golfe  d'Adalia,  où  des  allu- 
vions  ont  gagné  sur  la  mer.  Culture  du  blé,  de  l'opium, 
du  tabac  (surtout  dans  les  sandjaks  d'Adalia  et  et  de  Bour- 
dour). Grande  forêts  de  chênes,  de  noyers,  etc.  Mines  de 
chrome,  de  manganèse,  de  plomb  argentifère  et  aurifère. 
Tapis  renommés.  Nattes.  Essence  de  menthe.  La  ligne  de 
Pandémie  à  Konieh  et  Karahissar,  concédée  en  1891,  ac- 
croît considérablement  le  mouvement  commercial  de  cette 
province.  Les  orthodoxes  sont  sous  la  juridiction  du  mé- 
tropolitain d'iconium,  résidant  à  Nigde,  et  de  l'archevêque 
de  Pisidie,  résidant  à  Adalia.  Les  femmes  chrétiennes  ont 


KONIEH  —  KONING 


-  602  - 


un  costume  très  caractéristique;  elles  portent  un  large  pan- 
talon d'étoffe  aux  couleurs  éclatantes,  un  gilet  de  soie  orné 
de  passementerie  et  un  court  surtout  de  laine;  elles  tressent 
leurs  cheveux  en  petites  nattes  et  ne  sortent  que  voilées; 
les  femmes  mariées  se  rasent  les  tempes.  L.  Del. 

BiBL.  :  ViTAL-CuiNET,  la  Turquie  d'Asie^  t.  I.  —  P.  de 
TciiiHATCHEv,  VAsie  Mineure. 

KONINCK  (Pierre  de)  (V.  De  Coninck). 

KONINCK  ou  KONING  (Pierre),  peintre  et  orfèvre  fla- 
mand, né  à  Anvers  vers  1590,  mort  dans  la  seconde  moitié 
du  XVII®  siècle.  Orfèvre  très  réputé,  il  s'établit  à  Amsterdam 
vers  une  époque  qu'on  ne  connaît  pas  et  il  fit  de  la  pein- 
ture de  portraits.  Son  portrait  par  lui-même  est  à  Florence 
à  la  CraiPrip  dps  Ofrir^^s 

KONINCK  on  KONING  (Salomon),  peintre  hollandais, 
né  à  Amsterdam  en  1609,  mort  à  Amsterdam  en  août 
4656,  fils  du  précédent.  Après  avoir  étudié  à  douze  ans 
le  dessin  sous  David  Colyn,  il  devint  l'élève  de  François 
Vernando  et  de  Nicolas  Moyaert.  En  1630,  il  fut  nommé 
membre  de  l'Académie  des  peintres  de  la  ville  d'Amster- 
dam. Sous  l'influence  heureuse  de  Rembrandt,  il  peignit 
des  scènes  bibliques  et  des  portraits,  et  fit  aussi  quel- 
ques tableaux  de  genre  sous  une  autre  influence,  sans 
doute  celle  de  Gérard  Dow  qui  travaillait  à  Amsterdam 
en  même  temps  que  lui  ;  mais  l'influence  de  Rembrandt 
lui  avait  mieux  réusssi.  Sa  vie  est  au  reste  fort  peu  con- 
nue ;  ses  œuvres  sont  rares,  et,  malgré  un  manque  d'ori- 
ginalité, d'une  puissance  encore  grande  :  Saint  Jérôme^ 
au  musée  de  Râle  ;  David  et  Saille  au  musée  Stœdel, 
à  Francfort;  Jésus  parmi  les  docteur  s ,  à  Munich;  la 
Vocation  de  saint  Mathieu,  à  Cologne;  un  Vieux  Moine 
lisant.,  un  Rabbin  d'après  Rembrandt  et  une  Vocation 
de  saint  Mathieu.,  à  Rerlin;  un  Vieux  Savant.,  acheté 
en  1808  comme  un  Rega,  à  Amsterdam  ;  un  Vieux  Phi- 
losophe, à  Rrunswick;  et  des  portraits  à  Stuttgart,  à 
Madrid,  à  Saint-Pétersbourg.  Salomon  Koninck  a  gravé, 
encore  dans  la  manière  de  Rembrandt,  quelques  pièces 
très  recherchées  :  Buste  de  Vieillard  (1628);  Buste 
d'un  Oriental  (1638)  ;  Vieillard  assis  dans  un  fau- 
teuil. Etienne  Rrigon. 

KONINCK  (Philip  de),  paysagiste  hollandais,  né  à  Ams- 
terdam le  5  nov.  1619,  enterré  à  Amsterdam  le  4  oct. 
1688.  La  date  de  1695  qu'on  lit  sur  un  de  ses  paysages 
dans  la  galerie  de  lord  Derby  doit  donc  être  mal  lue.  Il  fut 
l'élève  de  Rembrandt;  il  vit  la  nature  d'après  lui  et  il  la 
peignit  d'après  sa  manière  ;  il  fut  à  l'école  de  Rembrandt 
le  condisciple  d'Eeckhout.  Sa  vie  est  très  inconnue  ;  on 
croit  seulement  qu'il  a  beaucoup  voyagé.  On  voit  de  lui 
au  musée  de  La  Haye  une  Vue  de  l'embouchure  d'une 
rivière  dont  une  répétition  plus  grande  existe  à  Londres, 
à  la  National  Gallery  ;  à  Amsterdam,  la  Lisière  d'un 
bois  et  un  Paysage  (1676)  avec  des  figures  d'Adrien  Van 
de  Velde  ;  à  Rruxelles,  un  Site  aux  environs  de  Scheve- 
ningen  ;  un  Paysage  à  Berlin  ;  un  Paysage  à  Cologne 
acheté  1,771  marks  en  1879;  des  Canards  tués,  à 
Vienne  ;  une  Vue  prise  du  Rhin,  à  Rotterdam  ;  un 
Paysage  (1664),  à  la  galerie  d'Arenberg,  à  Bruxelles.  On 
montre  encore  de  lui  un  Buste  de  guerrier  ^z^?^c  à  Copen- 
hague, et  à  Christiania  un  Buste  de  cardinal.  Plusieurs 
de  ses  œuvres  ont  été  faussement  attribuées  à  Salomon 
Koninck,  quelques-unes  même  à  Rembrandt.  Adrien  Van 
de  Velde,  Lingelbach  etDirkVan  Bergen  ont  peint  les  per- 
sonnages et  les  animaux  de  ses  paysages. 

KONINCK  (David  de),  peintre  flamand,  né  à  Anvers  en 
1636,  mort  à  Rome  après  1688.  Elève  de  Jan  Fyt,  il  fit 
partie  de  la  gilde  de  Saint-Luc,  à  Anvers,  en  1663.  Il  visita 
la  France  et  l'Allemagne,  puis  il  s'établit  à  Rome.  David  de 
Koninck  a  peint  beaucoup  de  lapins  dans  ses  tableaux  et  il 
en  a  été  surnommé  en  flamand  Ramelaer,  Ses  œuvres  se 
voient  à  Amsterdam,  à  Gand,  à  Vienne;  un  de  ses  chefs- 
d'œuvre  est  au  musée  de  Lille  :  Fruits  dans  un  jardin. 

KONINCK  (Laurent-Guillaume  de),  chimiste,  paléontolo- 
giste et  professeur  belge,  né  à  Louvain  le  3  mai  1809,  mort  à 


Liège  le  15  juil.  1887.  A  vingt-deux  ans,  il  était  docteur  en 
sciences  naturelles,  en  médecine  et  en  pharmacie;  de  1831 
à  1836,  il  suivit  les  cours  de  Gay-Lussac  et  de  Thénard 
à  Paris,  de  Mitscherlich  à  Rerlin  et  de  Liebig  à  Giessen. 
Il  devint  ensuite  professeur  à  l'université  de  Gand  et  passa 
à  celle  de  Liège  la  même  année.  Il  y  fut  chargé  des  cours 
de  chimie  générale  et  de  chimie  industrielle.  Fort  des 
leçons  reçues  à  l'étranger,  il  introduisit  en  Relgique  la 
théorie  unitaire  qui  est  aujourd'hui  presque  universelle- 
ment admise.  Il  publia  sur  la  chimie  de  nombreux  travaux, 
mais  il  se  préoccupa  davantage  encore  de  la  paléontologie 
animale  et  s'acquit  une  véritable  renommée  par  ses  impor- 
tantes découvertes.  Pendant  un  demi-siècle,  il  fut  au  pre- 
mier rang  des  paléontologistes  ;  esprit  éminemment  analy- 
tique. De  Koninck  s'attacha  surtout  à  la  systématique  des 
animaux.  Observateur  aussi  minutieux  qu'habile,  il  excel- 
lait dans  les  descriptions  spécifiques  par  sa  précision,  sa 
clarté  et  sa  netteté;  un  des  premiers,  il  s'attacha  à  dé- 
brouiller la  synonymie  et  à  dresser  la  liste  bibliographique 
entière  de  chaque  fossile  décrit.  En  même  temps,  il  s'ef- 
forçait de  déterminer  l'âge  relatif  des  dépôts  sédimentaires 
par  les  restes  organiques  qu'ils  renferment.  Partisan  con- 
vaincu de  l'immutabilité  de  l'espèce,  il  est  resté  fidèle  jus- 
qu'à son  dernier  jour  à  l'école  de  Cuvier.  Voici  le  titre  de 
ses  principaux  ouvrages  (la  liste  complète  se  trouve  dans 
l'opuscule  de  J.  Fraipont  cité  plus  bas)  :  Mémoire  sur 
les  crustacés  fossiles  de  Belgique  (Rruxelles,  1841, 
in-4);  description  des  animaux  fossiles  qui  se  trouvent 
dans  le  terrain  carbonifère  de  Belgique  (Rruxelles, 
1844.  in-4)  ;  Nouvelles  Recherches  sur  les  animaux 
fossiles  du  terrain  carbonifère [^vxjolqW^^,  1871, in-4); 
Rapport  sur  les  travaux  de  chimie  publiés  à  l'Acadé- 
mie royale  de  Belgique  de  1112  à  1812  (Bruxelles, 
1872,  in-8);  Recherches  sur  les  fossiles  paléozoiques 
de  la  Nouvelle-Galles  du  Sud  (Liège,  1877,  in-8); 
Faune  du  calcaire  carbonifère  de  Belgique  (Bruxelles, 
1877-1887,  6  vol.  in-4).  E.  Hubert. 

BiBL.  :  A.  Le  Roy,  Liher  memoriaXis  de  l'université  de 
Liège;  Liège,  1869,  in-8.  —  Julien  Fraipont,  L.-G.  de  Ko- 
ninck, sa  vie  et  ses  œuvres,  dans  les  Annales  de  la  Soc. 
de  géologie  de  Belgique,  1889,  t.  KIV. 

KONINCK  (Pierre-Louis-Joseph)  (V.  Coninck), 

KONINCK  (Louis  de),  poète  flamand,  né  à  Hoogstraeten 
en  1838.  Il  est  inspecteur  de  l'enseignement  primaire.  Il  a 
pubhé  de  nombreux  poèmes  de  tout  genre  pleins  d'une 
inspiration  élevée  et  qui  furent  accueillis  avec  faveur  en 
Relgique  et  en  Hollande.  Les  plus  remarquables  sont  : 
Fleurs  de  bruyères  (Lierre,  1869,  in-8);  Chants  de 
guerre  des  Flamands  (Anvers,  1873,  in-8);  r Huma- 
nité affranchie  (poème  épique)  (Anvers,  1872,  rééd.  six 
fois  jusqu'en  1890,  in-8). 

KÔNINCKINA  (Paléont.)  (V.  Rrachiopodes  et  SpmiFER). 

KONING  (V.  Koninck). 

KONING  (Cornelis),  dessinateur  et  graveur  hollandais, 
né  à  Haarlem  en  1624,  mort  à  Haarlem  en  avr.  1671. 
Il  fut  bourgmestre  de  sa  ville  natale.  Il  a  gravé  beaucoup  de 
portraits  du  xvi^  siècle,  entre  autres  ceux  de  Luther,  de 
Melanchthon,  d'Erasme  et  plusieurs  portraits  àespriîices 
de  Frise. 

KONING  (Jacques),  peintre  hollandais,  né  à  Amster- 
dam vers  1645,  mort  sans  doute  à  la  cour  du  roi  de  Da- 
nemark. Sa  dernière  œuvre  connue  est  un  portrait  du  phi- 
losophe Musculus  daté  de  1689.  Elève  de  Adrien  Van 
den  Velde,  il  eut  une  grande  réputation  comme  peintre  de 
paysages.  Il  voulut  malgré  cela  s'essayer  à  la  peinture  his- 
torique et  il  paraît  qu'il  y  réussit  aussi.  Le  roi  de  Dane- 
mark se  l'attacha  comme  peintre  de  la  cour.  On  voit  de  lui 
au  musée  de  Rruxelles  un  Site  hollandais. 

KONING  (Jacques),  érudit  hollandais,  né  à  Amsterdam 
en  1770,  mort  à  Amsterdam  en  1832.  Ses  études  plus 
remarquables  ont  trait  à  l'invention  de  l'imprimerie.  Ko- 
ning  en  attribue  l'honneur  à  Laurent  Coster  de  Haarlem  : 
Etudes  sur  l'origine,  la  découverte,  Vamélioration  et 
les  perfectionnements  de  l'imprimerie  (en  holL,  Haar- 


603  - 


KONING  -  KOPERNICKI 


lem,  48i7,  in-8);  et  Contributions  à  rhistoire  de  IHm- 
primerie  (1818-4820,  2  yoI.  in-8). 

KONING  (Victor),  dramaturge  français,  né  à  Paris  en 
1842,  mort  en  1894.  Il  collabora  à  un  grand  nombre  de 
pièces  de  théâtre  avec  Crisat'uUi,  Grange,  Clair  ville  {la 
Reine  Carotte^  1872;  la  Fille  de  M^^  Angot,  Canaille 
etC^^,  1874,  etc.),  Beauvallet  {laMère  Gigogne,  1875), 
J.  Moinaux,  etc.  Il  dirigea  successivement  les  théâtres  de 
la  Renaissance  (1875),  de  la  Gaîté,  et  enfin  (1880-93)  du 
Gymnase  (V.  ce  mot,  t.  XIX,  pp.  659  et  660),  où  il  béné- 
ficia de  l'énorme  succès  des  premières  pièces  de  M.  Ohnet. 
Il  épousa  son  étoile,  M^^^  Jane  Hading  (1884),  divorça  en 
1888  et  se  remaria  avec  une  autre  de  ses  actrices,  W^^  Sisos. 
Il  eut  de  retentissants  démêlés  avec  les  pensionnaires  de 
son  théâtre.  Le  revirement  qui  se  fit  dans  le  public  contre 
M.  Ohnet  et  une  série  d'insuccès  de  pièces  dues  à 
MM.  Alph.  Daudet,  Blum  et  Toché,  Valabrègue,  etc.,  le 
ruinèrent.  Il  dut  quitter  le  Gymnase,  tenta  de  fonder  un 
nouveau  théâtre,  la  Comédie-Parisienne,  et  mourut  fou. 

K0NIT2.  Ville  de  Prusse,  district  de  Marienwerder 
(Prusse  orientale)  ;  10,000  hab.  Fonderies,  lainages,  toiles. 
Fondée  en  1205  par  le  duc  Sambor,  ce  fut  une  des  forte- 
resses principales  de  l'ordre  teutonique. 

BiBL.  :  Uppenkamp,  Gesch.  der  Stadt  Konitz  ;  Konitz, 
1873. 

KONKAN  (V.  CoNCÂN  et  Inde,  t.  XX,  p.  672). 

KONOTOP.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du  gouv. 
de  Tchernigov,  ch.  de  fer  de  Moscou  à  Kiev;  20,000  hab. 
Fondée  par  les  Polonais  (1635),  elle  fut  conquise  par  les 
Cosaques  (1648)  et  les  Russes  (1659).  Le  district  a 
2,400  kil.  q. 

KONRAD  (V.  Conrad). 

KONRÂDER  (Georges)  (V.  Conrader). 

KONSK  ou  KONSKIE.  Ville  de  la  Pologne  russe,  gouv. 
de  Radom  ;  15,000  hab.  Fabriques  d'objets  en  fer  et  en 
cuivre.  Elle  a  été  fondée  en  1739  par  le  chancelier  Mala- 
chovski. 

KONSKAIA.  Rivière  de  Russie,  affl.  g.  du  Dniepr,  qui 
sépare  les  gouv.  d'Ekaterinoslav  et  de  Tauride;  220  kil.  de 
long. 

KONSTANTINOGRAD.  Ville  de  Russie,  gouv.  de  Pol- 
tava,  sur  la  Berestovaia  ;  4,500  hab.  Ecole  d'agriculture. 
Draps.  Colons  allemands. 

KONSTANZ  (V.  Constance). 

KONTSKL  Famille  de  musiciens  polonais  du  xix^  siècle, 
composée  de  quatre  frères  qui  se  sont  fait  une  assez  bril- 
lante réputation  comme  virtuoses  et  compositeurs  de  mu- 
sique légère;  ce  sont  :  Charles  de  Kontski,  pianiste, 
né  à  Cracovie  le  6  sept.  1815,  mort  à  Paris  le  27  août 
1867.  —  Antoine,  pianiste, né  à  Cracovie  le  27  oct.  1817; 
le  plus  actif  des  quatre  frères,  il  donnait  encore  des  con- 
certs en  Amérique  en  1889.  —  Stanislas,  violoniste,  né 
à  Cracovie  le  8  oct.  1820.  —  Apollinaire,  violoniste,  né 
à  Varsovie  le  23  oct.  1825,  mort  le  29  juin  1879.  Elève 
de  son  frère  aîné,  puis  de  Paganini,  il  fut  jusqu'à  sa  mort 
directeur  du  Conservatoire  de  musique  de  Varsovie. 

BiBL.:  SowiNSKi,  les  Musiciens  polonais^  pp.  821-332. 
—  J.  DuPUY,  Notice  sur  Apollinaire  de  Kontshi;  Bor- 
deaux, 1847,  in-8. 

K0NUN6A-  ocH  Hôfdingastyrelsen.  Œuvre  suédoise 
du  moyen  âge  dont  l'auteur  est  inconnu.  C'est  une  imi- 
tation du  DeRegimine  principum  d'Egidius  Romanus, 
disciple  de  saint  Thomas  d'Aquin,  publiée  pour  la  première 
fois  par  Bureus  en  1634.  Elle  date  de  la  première  moitié 
du  xiv®  siècle.  L'auteur  inconnu,  qui  suit  souvent  littéra- 
lement son  modèle,  mais  aussi  s'en  écarte  à  l'occasion  et 
introduit  dans  son  texte  des  dissertations  ou  des  passages 
d'autres  auteurs,  a  divisé  son  ouvrage  en  quatre  parties  : 
la  première  traite  de  la  nécessité  pour  le  peuple  d'avoir 
un  roi  ;  la  seconde,  de  la  façon  dont  le  roi  et  les  courtisans 
doivent  se  conduire  ;  la  troisième,  de  la  manière  dont  le  roi 
doit  traiter  ses  serviteurs;  la  quatrième,  comment  il  con- 
vient qu'il  gouverne  le  pays.  Le  style  de  cette  œuvre  est 


remarquable.  C'est  à  tort  qu'on  en  a  contesté  l'authenti- 
cité. Th.  C. 

BiBL.  :  Geete,  Um  Styrilsi  Rununqa,...;  Stockholm, 
1878.  —  SôDERvALL,  o  Siudier  ôfver  Konungastyrelsen, 
dans    Lunds    Univ.   Arsskr.,  XV. 

KONUNGS  Skuggsjâ  (ou  Spéculum  regale  i\or\ègien). 
OEuvre  du  moyen  âge,  dont  l'auteur  est  inconnu,  mais 
pourrait  bien  être  le  roi  Sverrir  (f  1202).  C'est  un  dia- 
logue dans  lequel  un  père  enseigne  à  son  fils  tout  ce  qu'un 
roi  doit  savoir  pour  bien  gouverner  ses  sujets  :  géographie, 
histoire  naturelle,  physique,  morale,  etc. 

BiBL.  :  Editions  de  Keyser  (Christiania,  1848)  et  de 
Brenner  (Munif',h,  1881). 

KONU  NGSBÔK.  Recueil  de  lois  islandaises  du  milieu  du 
XII i^  siècle.  Ce  n'est  guère  que  l'œuvre  d'un  compilateur 
qui,  tout  en  copiant  le  texte  principal,  note  au  passage 
certaines  parties  de  textes  secondaires,  propres  à  être  in- 
tercalées dans  une  rédaction  définitive.  L'ouvrage  n'en  est 
pas  moins  fort  important  par  l'abondance  des  matériaux 
qu'il  renferme.  .       Th.  C. 

BiBL.  :  K.  Maurer,  Uberblick  û.  d.  Gesch.  der  nord- 
germ.  Rechtsquellen^  dans  Holzendorffs  Encykl.y  1882.— 
Vilh.  FiNSEN,  Gràgàs;  Copenhague,  1879. 

KO  N  Y  EH  (V.  Konieh). 

KONYPHUS  (V.  CoRFOu). 

KOOGEN  (Lendert  Van  der),  peintre  et  graveur  hollan- 
dais, né  à  Haarlem  vers  1610,  mort  à  Haarlem  en  1681. 
Ses  parents  qui  étaient  riches  l'envoyèrent  à  Anvers  suivre 
les  leçons  de  Jordaens  et  là  il  composa  d'abord  des  ta- 
bleaux d'histoire;  puis,  étant  revenu  à  Haarlem,  il  s'y  lia 
d'étroite  amitié  avec  Cornelis  Bega  et  à  partir  de  ce  mo- 
ment il  fit  de  la  peinture  de  genre.  Il  a  gravé  aussi  plu- 
sieurs  séries  de  Gens  d'armes  et  de  Joueurs  de  dames, 

KOOSKOOSKY  ou  CLEARWATER.  Rivière  des  Etats- 
Unis  (Idaho),  affl.  dr.  du  Snake  ou  Lewis,  contourne  par  le 
S.  les  monts  Bitter  Root;  elle  a  350  kil.  de  long. 

KOOTENAY,  KOOTÂNIE,  FLATBOW  ou  MAC  GILLl- 
VRAY.  Rivière  du  Canada  et  des  Etats-Unis,  affl.  dr.  de 
la  Columbia,  née  vers  M""  W  lat.  N.,  coule  vers  le  S.,  entre 
aux  Etats-Unis  à  Fort  Kootenay,  décrit  un  coude  vers  le  N. 
et  rentre  dans  le  Canada  où  elle  forme  le  lac  Flatbow  et 
se  dirige  vers  l'O.  pour  joindre  la  Columbia.  Elle  a  720  kil. 
de  long  ;  elle  a  pris  le  nom  d'une  tribu  indienne  de  la  Co- 
lombie britannique. 

KOPAL  ou  VERNOIÉ.  Ville  du  Turkestan  russe,  prov. 
de  Seémirétchensk,  ch.-l.  de  district,  sur  le  plateau  de 
Djounké,  à  1,190  m.  d'alt.,  à  la  source  de  la  Kopalka  qui 
se  perd  dans  le  steppe  ;  6,000  hab.,  en  majorité  Cosaques. 
Fondée  en  1841.  —  Le  district  a  110,000  kil.  q.  environ 
du  lac  Balkhach  à  l'Ili. 

^  KOPAONIK.  Montagne  du  S.  delà  Serbie,  de  1,892  m. 
d'alt.,  située  entre  la  Morava  serbe  et  la  Morava  bulgare. 
C'est  le  point  culminant  des  hauteurs  qu'on  rencontre 
entre  la  Save  et  les  Balkans.  Centre  minier  important. 

KOPCZYNSKi  (Onufry),  pédagogue  polonais,  né  près 
de  Gnesen  en  1736,  mort  à  Varsovie  en  1817.11  consacra 
sa  vie  à  ramener  les  Polonais  à  l'étude  de  leur  langue  na- 
tionale et  à  faire  de  celle-ci  la  base  de  l'enseignement.  Il 
donna  dans  sa  grammaire  scolaire  (1785)  les  éléments 
d'un  enseignement  rationnel  du  polonais. 

KOPEK.  Monnaie  russe  (V.  Copeck). 

KOPERNICKI  (Isidore),  savant  polonais,  né  en  Ukraine 
en  1827,  mort  à  Cracovie  en  1891.  Docteur  en  médecine, 
il  fut  d'abord  médecin  militaire  au  service  de  la  Russie.  Il 
émigra  en  1863  et  résida  à  lassy  où  il  organisa  le  musée 
anatomique  de  cette  ville.  Il  s'établit  ensuite  à  Cracovie  où 
il  devint  membre  de  l'Académie  des  sciences.  Il  a  beaucoup 
écrit  sur  l'anthropologie  et  l'archéologie  de  la  Pologne  et 
des  pays  slaves  et  collaboré  à  un  certain  nombre  de  revues 
étrangères,  anglaises,  françaises  et  allemandes.  En  polonais, 
en  dehors  de  ses  nombreuses  contributions  aux  mémoires 
de  l'Académie  des  sciences  de  Cracovie,  il  a  écrit  des  éludes 
sur  Jean  de  Glogau  et  l'anthropologie  (1870),  sur  la 
Langue  et  les  chansons  des  Gorals,  des  Beskides  (1875 


KOPEHNICKI  —  KOPP 


604 


et  1888),  une  traduction  des  épopées  serbes  de  Kos- 
sovo   etc. 

KOPERNIK  (V.  Copernic). 

KO  PET  Dagh.  Montagnes  de  la  prov.  russe  transcas- 
pienne,  s'étendant  du  N.-O.  au  S.-E.  C'est  la  partie  cen- 
trale du  Danian-i-koh  des  Persans,  entre  le  Kourian  àTO. 
et  le  Gulistan  à  TE.;  elle  a  2,300  m.  d'alt.  moyenne,  les 
contreforts  méridionaux  ont  iOO  kil.  de  large. 

KOPFEL  (Wolfgang-Fabricius)  (V.  Capiton). 

KOPHEN  (Ktocprlv  koS'^ris,  Kubtiâ  des  Védas)  (V.  Co- 
phène).  Par  extension,  la  Kophène  désignait  quelquefois 
aussi  l'Arachosie  qui  était  une  province  voisine.  On  en 
trouvera  l'histoire  au  mot  Bactriane  (t.  IV,  pp.  1115  et 
suiv.). 

KOPIOPIE  (V.  Asthénopie). 

KOPITAR  (Barthélémy),  philologue  slave,  né  à  Repnia 
(Carniole)le  23  août  1780,  mort  à  Vienne  le  11  août  1844. 
Il  entra  fort  jeune  encore  à  la  Bibliothèque  impériale  de 
Vienne  et  en  devint  conservateur  en  chef.  En  1814,  il  fut 
envoyé  à  Paris  pour  rechercher  les  livres  et  les  manuscrits 
que  les  Français  avaient  enlevé  de  Vienne.  Kopitar  était 
de  nationalité  slovène.  Il  publia  en  1808  un  liwe  qui  fit 
époque  :  Grammatik  der  Slavischen  Sprache  in  Krain, 
Kœrthen  und  Steyermark  (Laibach,  2  vol.).  C'était  la 
première  grammaire  scientifique  de  la  langue  slovène  et 
l'une  des  meilleures  qui  aient  été  publiées  dans  les  pays  slaves. 
En  1836,  il  donna  sous  le  titre  de  Glagolita  Closianus 
une  édition  fort  remarquable  pour  l'époque  d'un  texte  gla- 
golitique  du  xi^  siècle,  et,  en  1839,  Hesychii  glossogra- 
phi  discipulus  et  epiglossistes  rw55tt5  (Vienne).  Lorsque 
l'empereur  Nicolas  fit  publier  à  ses  frais  l'édition  fac-similé 
de  l'évangile  slave  connu  sous  le  nom  de  Texte  du  sacre, 
ce  fut  Kopitar  qui  en  écrivit  la  préface  :  Proleg amena  fus- 
torica.  Elle  figure  en  tête  de  l'édition  fac-similé  éditée  par 
Silvestre  (Texte  du  sacre  ;  Paris,  1843).  Elle  a  été  édi- 
tée dans  la  Slavische  Bibliothek  de  Miklosich.  Celui-ci, 
qu'on  peut  considérer  comme  l'élève  de  Kopitar,  a  réim- 
primé un  certain  nombre  d'écrits  de  son  maître  :  Kopitars 
Kleine  Scriften  (Vienne,  1857).  Kopitar  a  été  l'un  des 
premiers  à  appeler  l'attention  sur  l'antiquité  de  l'alphabet 
glagolitique  et  à  soutenir  que  la  langue  slavonne  n'est  autre 
que  l'ancien  slovène.  Il  entretint  des  polémiques  fort  vives 
contre  les  savants  tchèques,  notamment  contre  Schafarik 
et  Palacky.  En  1836,  l'Académie  russe  lui  avait  décerné 
une  médaille  d'or  de  50  ducats.  Kopitar  a  exercé  une  in- 
fluence considérable  sur  l'œuvre  du  philologue  serbe  Kara- 
djitch.  La  correspondance  de  Kopitar  avec  Dobrowsky  a  été 
publiée  par  M.  lagic  :  Briefwechselzwischen  Dobrowsky 
und  Kopitar  (Berhn,  1885).  L.  Léger. 

BiBL,  :  Kopitarjeva  Spomenica  (A  ta  mémoire  de  Kopi- 
tar), en  Slovène  ;  Laibach,  1880. 

KOPP  (Fridolin),  archéologue  suisse,  né  àRheinfeld  en 
1691 ,  mort  le  17  août  1757.  Entré  dans  le  monastère  des 
bénédictins  à  Mûri  (Argovie),  il  y  reçut  les  ordres  en  1708 
et  fut  nommé  plus  tard  prince-abbé  de  ce  couvent.  Son 
livre,  Vindiciœ  Actorum  Muriensium,  publié  en  1750 
à  Augsbourg,  souleva  une  longue  polémique  archéolo- 
gique.' 

KOPP  (Joseph-Eutyche),  historien  suisse,  né  à  Beromuns- 
ter  (Lucerne)  en  1793,  mort  à  Lucerne  en  1866.  Il  devint 
professeur  du  lycée  de  Lucerne  et  fut  longtemps  avec  Trox- 
ler  le  seul  professeur  laïque  de  cet  établissement.  Il  a  ou- 
vert une  voie  nouvelle  à  l'étude  de  l'histoire  nationale  en 
combattant  le  premier  l'authenticité  des  légendes  relatives 
à  la  formation  de  la  Confédération  et  en  particuHer  l'his- 
toire de  Guillaume  Tell.  Le  premier  ouvrage  qu'il  publia 
dans  ce  sens  est  ses  Documents  pour  servir  à  F  histoire 
des  Ligues  suisses  (Lucerne,  1835).  Le  plus  important  est 
son  Histoire  des  Ligues  suisses  dont  cinq  tomes  en  neuf 
volumes  ont  paru  de  1845  à  1882.  Citons  aussi  son  active 
collaboration  à  la  publication  de  la  Collection  officielle 
des  anciens  Recès  de  la  Confédération. 

KOPP  (Emile),  chimiste  et  homme  politique  français,  né 


à  Wasselonne  (Alsace)  en  1817,  mort  à  Zurich  en  1875. 
Il  professa  d'abord  la  toxicologie  à  l'Ecole  de  pharmacie 
de  Strasbourg,  alla  représenter  le  Bas-Rhin  en  1849  à 
l'Assemblée  législative,  fut  impliqué  dans  l'affaire  du 
13  juin,  se  réfugia  à  Lausanne,  passa  de  là  en  Angleterre 
(1851),  rentra  en  France  en  1855,  dirigea  pendant  un  an 
le  laboratoire  de  Gerhardt,  à  Strasbourg,  puis  alla  ensei- 
gner la  chimie  dans  différents  établissements,  en  dernier 
lieu  au  Muséum  de  Turin  (1869-71)  et  au  Polytechnicum 
de  Zurich  (1871-75).  Ce  savant  professeur  est  l'auteur 
d'importants  travaux  sur  l'aniline  et  la  préparation  des 
matières  colorantes  qui  en  dérivent,  sur  le  phosphore  rouge 
ou  amorphe,  qu'il  a,  le  premier,  mentionné  comme  une 
modification  allotropique  du  phosphore  (1 844),  sur  l'iodure, 
l'azotate  et  l'azotite  d'éthyle,  sur  l'iodure  d'étylène,  etc.  [l 
a  écrit,  outre  de  nombreux  mémoires  et  articles  parus 
dans  les  Comptes  reiidus  de  l'Académie  des  sciences  de 
Paris,  dans  les  Annales  de  chimie  et  de  physique,  dans 
les  Chemical  News,  etc.  :  Examen  des  matières  colo- 
rantes artificielles  dérivées  du  goudron  de  houille  (Pa- 
ris, 1863,  2  vol.  in-4);  Sur  les  applications  et  la  pré- 
paration simplifiée  de  la  7iit7'o-glycérine  (Psivis,  1868, 
in- 8),  etc.  L.  S. 

KOPP  (Hermann),  chimiste  allemand,  né  à  Hanau(Hesse- 
Nassau)  le  30  oct.  1817,  mort  à  Heidelberg  le  20  févr. 
1892.  Fils  à' unméâecin,  Johann- H[ei7irich  [il  11 -iS^S)^ 
qui  fut  en  même  temps  un  savant  distingué  et  qui  publia 
plusieurs  ouvrages  de  minéralogie,  il  étudia  l'histoire  na- 
turelle à  Heidelberg  et  à  Marburg  (1836-38),  la  chimie 
dans  le  laboratoire  de  Liebig,  à  Giessen  (1839-42),  pro- 
fessa de  1843  à  1864  à  l'université  de  cette  dernière  ville 
et  fut  appelé  ensuite  à  celle  d'Heidelberg.  Il  s'est  acquis 
une  très  grande  notoriété  par  ses  belles  recherches  sur  les 
chaleurs  spécifiques,  qui  ont  permis,  avec  celles  faites  par 
Regnault(V.  Chaleur,  l.  X,  pp.  257  et  suiv.),  de  vérifier  le 
degré  d'exactitude  de  la  loi  de  Dulong  (V.  ce  nom)  et 
Petit,  et  qui  ont  puissamment  contribué  au  récent  déve^ 
loppement  de  la  théorie  atomique.  Il  a  même  essayé  de  dé- 
terminer par  d'ingénieuses  méthodes  les  volumes  molécu- 
laires des  liquides,  principalement  des  liquides  organiques; 
les  résultats  qu'il  a  obtenus  ne  sont  pas  exempts,  comme 
^l  l'a  lui-même  fait  remarquer,  d'une  certaine  incertitude; 
ils  n'en  sont  pas  moins  fort  intéressants.  Il  est  aussi  l'au- 
teur d'une  remarquable  Geschichte  der  Chemie  (Bruns- 
wick, 1843-47,  4  vol.  in-8),  complétée  pour  les  origines 
par  ses  Beitrœge  zur  Geschichte  der  Chemie  (Brunswick, 
1869-75,  3  fasc.  in-8).  Parmi  ses  autres  ouvrages,  nous 
citerons  :  Ueber  die  Modi/ikation  der  mittlern  Eigens- 
chaft  von  Mischungen  (Francfort-sur-le-Mein,  1841, 
in-8);  Ueber  das  speufische  Gewicht  der  chemischen 
Verbindungen  (ibid.);  Einleituug  in  der  Krystallogra- 
phie  (Brunswick,  1849,  in-8,  et  atlas;  2^  éd.,  1862); 
Lehrhuch  der  physikalischen  und  theoretischen  Che- 
mie, avec  Buff  et  Zamminer  (Brunswick,  1857,  in-8; 
2®  éd.,  1863);  Untersuchungen  ilber  die  specifische 
Wœrme  der  Starren  und  tropfbar  flilssigen  Kœrper 
(Giessen,  1865,  in-8);  Die  Entwickelung  der  Chemie 
in  der  neueren  Zeit  (Munich,  1871,  in-8);  Einiges 
liber  Witterungsangaben  (Brunswick,  1879);  Aurea 
catena  Homeri  (Brunswick,  1880,  in-8);  Die  Alchemie 
in  œllerer  und  neuerer  Zeit  (Heidelberg,  1886,  2  vol. 
in-8).  Il  a  enfin  publié  un  nombre  considérable  de  mé- 
moires et  d'articles  dans  les  Annalen  de  Poggendorff,  dans 
celles  de  Liebig,  qu'il  a  dirigées  avec  celui-ci  et  Wœhler  de 
1851  à  1871 ,  dans  le  Jahresbericht  ilber  die  Fortschritte 
der  Chemie,  Physik,  etc.  (Giessen),  dont  il  a  été  l'édi- 
teur avec  Liebig  de  1847  à  1856  et  avec  Will  de  1857  à 
1862,  dans  VHandwœrterbuch  der  Chemie  de  Liebig, 
Poggendorff  et  Wœhler  (Brunswich,  1837-64,  9  vol., 
in-8),  etc.  Léon  Sagnet. 

BiBL.  :  WunTz,  Dictionnaire  de  Chimie,  t.  I,  pp.  461- 
462,  475-480.  —  Catalogue  of  scientiflc  Papers  of  the 
Royal  Society  ;  Londres,  1869,  t.  III. 


—  605  - 


KOPP  —  KORDOFAN 


KOPP  (Karl),  sculpteur  allemand,  né  à  Wasseralfingen 
en  i  825.  Elève  de  l'Ecole  des  beaux-arts  de  Paris  (i  850-54) , 
professeur  au  Polytecknikum  de  Stuttgart  (i86'2),sa  ma- 
nière gracieuse  et  éîéfante  fait  apprécier  ses  corps  de  femme  ; 
outre  de  noml)reux  bustes,  il  a  produit  :  Héro  et  Léandre, 
Bacchus  et  Ariane,  les  fontaines  de  la  place  du  Château  à 
Stuttgart,  Lorelei^  la  Justice^  etc. 

KOPP  (Joseph),  homme  politique  autrichien,  néà  Vienne 
en  4827.  Avocat  renommé,  fondateur  du  Deutsche  Volksve- 
rein^  député  de  Vienne  à  la  Chambre,  l'un  des  adversaires 
d'Hohenwart  et  des  organisateurs  de  la  gauche  allemande. 

KOPP  (Georg),  évêque  allemand,  né  à  Duderstadt  le 
24  juil.  1837.  Fils  d'un  pauvre  tisserand,  il  fut  télégra- 
phiste au  service  du  Hanovre  (1856-58),  étudia  la  théologie, 
reçut  les  ordres  en  1862,  devint  évêque  de  Fulda  (1881), 
s'efforta  de  réconcilier  le  gouvernement  prussien  avec 
l'Eglise.  Appelé  à  la  Chambre  des  seigneurs,  il  prit  une  part 
prépondérante  aux  débats  de  1886-87  et  fit  adopter  plu- 
sieurs amendements  favorables  à  l'Eghsedans  les  lois  ecclé- 
siastiques du  21  mai  1886  et  du  30  avr.  1887  ;  il  fit  au 
nom  du  pape  des  déclarations  conciliantes.  En  1887,  il  fut 
nommé  prince-évèque  de  Breslau. 

KOPP  A.  La  langue  grecque  avait  primitivement,  à  côté 
du  y.  {kappa) ^  un  autre  caractère  pour  exprimer  une  pro- 
nonciation différente  de  la  gutturale  ;  c'est  le  O ,  appelé 
koppa  ;  et  ces  deux  signes  sont  entre  eux  dans  la  même 
relation  que  les  gutturales  sémitiques  kwph  et  qôph.  Le 
O  se  rencontre  dans  les  inscriptions  presque  exclusivement 
devant  o,  w  (majorité  des  cas),  u,  X,  p;  son  emploi  devant 
les  autres  sons,  très  rare  d'ailleurs,  est  dû  vraisemblable- 
ment à  une  confusion.  Il  semble  qu'on  puisse  en  conclure 
que  le  signe  O  désignait  un  son  vélaire,  et  x  un  son  pa- 
latal. L'oreille  des  Grecs  finit  par  cesser  de  percevoir  une 
différence,  et  le  x  resta  seul  employé  pour  exprimer  la 
gutturale  ténue,  le  O  n'étant  plus  conservé  que  comme 
signe  numéral  =  90. 

KOPPÂRBERG,  STORA  KOPPARBERGou  FALU.Lîen 
ou  prov.  de  la  Suède  centrale,  correspondant  à  l'ancienne 
Dalécarlie  (V.  ce  mot). 

KOPPE  (Johann-Gottlieb),  agronome  allemand,  né  à 
Beesdau  (Basse-Lusace)  le  21  janv.  1782,  mort  à  Beesdau 
le  1^^  janv.  1863.  Professeur  à  l'école  de  Mœglin,  il  publia 
Unterricht  in  Ackerbau  und  in  der  kehzucht  (Berlin , 
1812,  2  vol.;  10«  éd.  par  Wolf,  1873).  Il  propagea  les 
idées  de  Thser  (?)  ^i  contribua  beaucoup  à  préciser  la  va- 
leur relative  de  chaque  système  de  culture  et  de  rotation 
selon  les  lieux  ;  son  plus  célèbre  traité  est  :  Revision  der 
Ackerbausy sterne  (1818-19);  citons  encore  :  Anteilung 
%u  einem  neuen  vorkeilhaften  Betrieb  der  Landwirt- 
sckaft  (1829,  3  vol.;  6^  éd.,  1856).  Il  combattit  les 
théories  de  Liebig  dans  Mitt.  zur  Gesch^  der  Landwirt- 
schaft  (1860).  ' 

KOPRILI  (V.  KoEPRiu). 

KOPRIVCHTITSA.  Ville  de  Bulgarie,  dans  l'ancienne 
Roumélie  orientale,  mais  actuellement  rattachée  au  dép.  de 
Sofia.  Elle  est  située  dans  une  vallée  étroite  des  monts  de 
la  Sredna-Gora,  sur  le  cours  supérieur  de  la  Topolnitsa, 
affluent  de  la  Maritsa.  Patrie  de  Liouben  Karavelov. 

KOPRIVNICA  (en  allemand  Kopreinitz^  en  magyar  Ko- 
pronezer).  Ville  de  Croatie,  dans  le  comitat  de  Varazdin, 
sur  le  chem.  de  fer  de  Zakany-Agram  ;  7,000  hab. 

KOPS  (Jean-Baptiste),  paysagiste  belge,  né  en  1800. 
Elève  de  Hillemans.  H  a  peint  avec  succès  de  1830  à  1850. 
Effet  de  soleil  couchant  (iVnvers,  1834)  ;  Paysage  boisé 
(Bruxelles,  1836);  Vue  prise  dans  les  Ar demies^  etc. 

KOPYSTENSKY,  théologien  russe  du  xvii®  siècle.  Il  fut 
archimandrite  du  monastère  des  Cryptes  de  Kiev.  Il  publia 
dans  cette  ville  des  traductions  des  pères  de  l'Eglise  et 
un  Nomocanon  (4624),  qui  fut  réimprimé  à  Kiev  en  1629, 
à  Lwéw  (Léopol)  en  1646  et  à  Moscou  en  1639.  Il  ren- 


ferme de  curieux  détails  sur  les  superstitions  populaires. 
On  lui  doit  encore  d'autres  ouvrages  théologiques,  où  il 
défend  l'orthodoxie  contre  les  Uniates.  L.  L. 

KORA.  Ile  du  Niger,  dans  le  Soudan  français,  pays  de 
Macina,  à  50  kil.  S.  de  Tombouctou;  elle  a  20  kil.  de 
long. 

KORA.  Ville  de  l'Inde,  prov.  du  N.-O.  (Allahabad),  sur 
un  affl.  g.  de  la  Djemna;  7,000  hab.  Beaux  monuments 
d'architecture  musulmane  ;  fabrication  d'objets  en  cuir  et 
en  métal. 

KO  RAI  S  (V.  Coray). 

KORAN  (V.  Coran). 

KORANDA  (Vacslav),  prêtre  taborite  et  l'un  des  plus 
intrépides  compagnons  de  Zizka.  Il  devint  curé  de  Saaz 
(Zatec).  En  1451,  il  soutint  une  dispute  contre  Mmtxs 
Sylvius.  Georges  de  Podiebrad  le  fit  enfermer  dans  un 
château  où  il  mourut.  —Un  autre Koranda,  dit  le  Jeujie, 
né  vers  1424,  mort  en  1519,  fut,  à  diverses  reprises,  rec- 
teur de  l'université  de  Prague.  En  1462,  il  fut  l'un  des 
théologiens  envoyés  à  Rome  pour  obtenir  la  confirmation 
des  compuctata.  L.  L. 

KORANGAMITE.  Lac  d'Australie,  colonie  de  Victoria; 
c'est  une  lagune  salée  de  205  kil.  q.,  sans  écoulement,  mais 
peu  profonde  (l'^50). 

KORANKO  ou  KOURANKO.  Pays  de  l'Afrique  occiden- 
tale, à  160  kil.  0.  de  Sierra  Leone;  le  peuple,  parent  des 
Mandingues,  a  été  en  partie  conquis  par  les  Foulahs  du 
Fouta  Djalon. 

KORAN N A.  Peuple  de  l'Afrique  australe,  de  la  famille 
des  Ilottentots,  habitant  le  cours  inférieur  du  Vaal  et  celui 
du  Kolang  ou  Hart  (affl.  dr.  du  Vaal).  On  évalue  leur 
nombre  à  15,000;  ils  sont  fortement  métissés,  vivent  dans 
des  huttes  hémisphériques.  Le  bétail  est  leur  principale  res- 
source; ils  adoptent  la  langue  néerlandaise  de  leurs  voisins 
européens. 

KO  RAT.  Ville  de  Siam,  à  250  kil.  N.-E.  de  Bangkok, 
sur  un  plateau  arrosé  par  les  branches  supérieures  du 
Semoun  (affl.  du  Mékong);  7,000  hab. Enceinte  de 800 m. 
de  côté  attribuée  aux  Khmers;  quartier  chinois;  la  popu- 
lation est  laotienne  avec  des  immigrants  chinois.  Cette  ville, 
qui  est  le  centre  historique  des  régions  voisines,  était,  sous 
le  nom  d'Angkor-Reach,  la  capitale  d'un  royaume  que 
les  Cambodgiens  conquirent  en  1570;  les  Siamois  la  leur 
enlevèrent  et  en  firent  le  ch.-l.  d'une  vice-royanté,  lais- 
sant administrer  la  prov.  de  Korat  ou  Nakhon-Racha- 
Séma  par  un  prince  tributaire. 

KORATAou  KOUARATA.  Ville  d'Abyssinie,  prov.  de 
Beghamider,  sur  son  promontoire  basaltique,  au  S.-E.  du 
lac  Tsana.  Beaux  jardins.  En  partie  dépeuplée  par  l'expul- 
sion des  musulmans,  elle  a  gardé  son  importance  com- 
merciale. Ancienne  église  très  vénérée.  Vin  jadis  célèbre. 

KORBA.  Principauté  derinde,dans  le  Gondvana,  encla- 
véeau milieu  dudistrict  anglais  de  Bilaspour;  2,131  kil.  a 
30,000  hab.  ^' 

KORCZAK-Branicki  (V.  Branicki). 

KORDOFAN  (Kordifal).  Pays  de  l'Afrique,  à  l'E.  du 
Soudan,  entre  la  Nubie  et  le  Dar-for,  à  l'O.  du  Nil  blanc 
(Bahr  el  Abiad),  du  1 2^  au  1 6°  lat.  N.  et  du  26«  30'  au  29« 
1 0'  long.  E.  On  évalue  la  superficie  à  plus  de  1 00,000  kil.  q. , 
la  population  à  près  de  300,000  hab.  Les  frontières  ne 
sont  pas  définies;  au  S.  il  confine  au  pays  de  Takalé  qu'on 
y  rattache,  puis  aux  forêts  des  Chillouks  et  des  Baggara  ; 
des  autres  côtés  à  des  steppes  et  à  des  déserts  de  sable.  Il 
comprend  une  série  de  districts  cultivés,  séparés  par  des 
bandes  incultes.  C'est  un  steppe  ondulé  de  410  à  580  m. 
d'alt.  s'abaissant  légèrement  du  côté  du  Nil.  Ses  plus  hauts 
sommets  ne  dépassent  guère  800  m.,  dominant  la  plaine  de 
moins  de  300  ;  ce  sont  le  Katoul  au  N.-O.,  le  Tourban,  le 
Daier,  le  Cheiboun  au  S.,  le  djebel  Kordofan  au  S.-^E. 
d'El-Obeïd.  Le  sol  est  formé  de  grès  bigarré  de  Nubie,  for- 
mation tertiaire,  coloré  en  rouge  par  f'oxyde  de  fer  ;  au- 
dessous  on  trouve  des  roches  cristallines  ;  celles-ci  forment 
la  surface  au  S.  du  puits  d'Es-Safi  et  dans  l'O.  ;  les  gneiss 


KORDOFAN  -  KORIAKS 


-  606  — 


et  les  schistes  alternent  avec  les  granités.  Au  N.  les  sables 
du  désert  libyque  viennent  de  la  décomposition  du  grès  ; 
au  S.  celle  des  roches  cristallines  éruptives  forme  des  terres 
fertiles  bien  qu'également  sablonneuses. 

Le  Kordofan  n'a  pas  de  rivières  permanentes  ;  ses  khe- 
ran  (au  singulier  khor)  ou  ouadi,  en  pente  vers  le  Nil, 
n'ont  d'eau  qu'au  moment  des  pluies.  Le  principal  est 
celui  d'Abou  Habel  descendant  du  djebel  Koulfang  ;  quel- 
ques lagunes  n'assèchent  jamais,  par  exemple  celle  de 
Kagmar  ou  Ketchmar,  au  N.  Les  habitants  creusent  des 
puits  dont  la  profondeur  atteint  50  m.  Il  n'y  a  que  deux 
saisons  ;  saison  sèche  et  saison  des  pluies  ;  celle-ci  com- 
mence en  mai.  La  chute  d'eau  annuelle  est  de  300  à  400  "^^  ; 
elle  varie  beaucoup  d'une  année  à  l'autre.  L'humus  manque 
presque  complètement,  mais  l'eau  suffit  à  fertiliser  les  sables. 
Dans  la  saison  sèche,  le  sol  est  aride.  Les  pluies  y  développent 
une  abondante  végétation  où  dominent  le  Penisetum  ty- 
phoidewn  et  le  Penicillaria  spicata,  que  les  indigènes 
appellent  doukhn  ;  ils  sèment  ces  graines  en  juin  après  un 
léger  labour  à  la  houe  et  récoltent  au  bout  de  trois  à  quatre 
mois.  Ils  cultivent  aussi  le  tabac,  le  sésame,  du  coton,  des 
cucurbitacées,  des  légumes.  Le  bétail  est  abondant:  cha- 
meaux, bœufs  à  bosse,  ânes,  chèvres,  moutons  ;  il  y  a  peu 
de  chevaux.  On  voit  quelques  palmiers  et  figuiers  auprès 
des  cultures  ;  les  forêts  de  gommiers  sont  une  précieuse 
ressource.  Outre  les  félins,  rhinocéros,  girafes,  antilopes, 
singes,  qui  vivent  dans  les  jungles,  il  faut  citer  les  ci- 
gognes blanches  et  noires  et  les  oiseaux  de  toute  sorte  qui 
pullulent  dans  la  prairie.  Les  éléphants  ont  disparu,  mais 
les  autruches  sont  encore  nombreuses.  On  trouve  de  l'or 
dans  le  Dar  Nouba  (au  S.).  Les  produits  industriels  sont 
les  poteries,  les  cuirs,  les  cotonnades,  les  objets  de  fer.  Les 
principaux  objets  de  commerce  sont  les  plumes  d'autruche, 
l'or,  la  gomme  arabique.  On  importe  des  grains,  du  sucre 
de  l'Inde,  du  sel,  du  tabac,  etc.  Le  commerce  se  fait  par 
Dongola.  La  population  est  très  mélangée,  les  différentes 
races  s'étant  croisées  depuis  des  siècles.  Les  éléments  pri- 
mitifs seraient  :  les  nègres,  les  Nubiens,  les  Bédouins. 

Les  langues  dominantes  sont,  comme  dans  le  Dar-for,  le 
koundjara  et  l'arabe.  Trois  races  ont  une  existence  offi- 
cielle :  les  Radejat,  les  Mousabat  (Mouserbat,  Mesabaât) 
et  les  Koundjara  ;  les  Mousabat  vivent  autour  d'El-Obeïd 
et  qualifient  leur  chef  de  sultan.  Au  S.-E.  vivent  des 
nègres  qui  s'appellent  Nouba,  dans  les  montagnes  voisines 
du  pays  des  Chillouks  (Dar  Nouba)  ;  à  côté  d'eux  les  Takalé 
ou  Téghélé,  qu'on  rapproche  des  Foundji.La  population  sé- 
dentaire du  Kordofan  septentrional  est  en  partie  de  couleur 
rougeâtre  (Qadayat  ou  Ghodiat,  Djeleidat  ou  Guilledat, 
Gowamé),  Les  immigrants  nubiens,  Dongolaoui  ou  Dana- 
gla  appartiennent  au  groupe  barabra  et  ne  parlent  que 
cette  langue;  ce  sont  des  marchands  qui  se  marient  dans 
le  pays,  mais  y  laissent  leurs  enfants.  Les  nomades  s'attri- 
buent une  origine  arabe,  et  parlent  exclusivement  cette 
langue.  A  l'E.  vivent  les  Kababich  (pasteurs  de  moutons) 
divisés  en  une  vingtaine  de  tribus  (ferkah)  ;  au  S.~E.  les 
Baqara  ou  Baggara  (pasteurs  de  bœufs);  au  N.-E.  les  Dja- 
lin,  parents  présumés  des  Bedja  nubiens.  La  population 
totale  est  évaluée,  avons-nous  dit,  à  moins  de  300,000 
âmes  dont  trois  quarts  d'esclaves.  Les  nomades  représen- 
taient les  deux  cinquièmes  du  total.  Les  principales  villes 
sontEl-Obeïd  (30,000  iiab.),  Bara  à  70  kil.  au  N.,  Melbès 
à  20  kil.  au  S.,  etc. 

Le  Kordofan  ne  paraît  pas  avoir  eu  d'unité  politique  per- 
manente. Généralement  dépendant  des  rois  de  Sennaar,  il 
leur  fut  disputé  par  les  gens  du  Dar-for.  Ceux-ci  le  con- 
quirent au  début  du  siècle,  mais  en  4820  leur  vassal  fut 
tué  à  la  bataille  de  Bara  par  les  Egyptiens  qui  conquirent 
le  pays.  Ils  le  perdirent  en  1883,  lors  de  l'insurrection  du 
Mahdi.  A.-M.  B. 

BiBL.  :  Carte  au  800,000°  dressée  par  Prout,  Colston  et 
Mahir,  1876.  —  Colston,  Report  on  norihern  and  central 
Kordofan;  Le  Caire,  1878.  —  Prout,  General  Report  on 
the  prov.  of  Kordofan,  1878.  —  Voyage  de  Massari  en 
1880. 


KOREICHITESouKORAÏCHITES.Familleou  clan  arabe 

qui,  vers  le  v^  siècle  ap.  J.-C,  devint  prépondérante  à  La 
Siecque  et  maîtresse  de  la  Kaaba  ;  Mohammed  y  appartenait 
et  eut  à  soutenir  contre  elle  une  lutte  acharnée.  —  Maçoudi 
donne  la  liste  des  vingt-cinq  branches  des  Koreichistes. 
Aujourd'hui  les  Kahtanides  du  Mahrab  et  du  Hadramaut 
s'y  rattachent  ainsi  que  quelques  familles  campées  autour 
de  La  Mecque.  Le  Coran  est  écrit  dans  le  dialecte  korei- 
chite  qui  est  ainsi  devenu  le  dialecte  arabe  littéraire  par 
excellence  (V.  Arabie,  Mohammed,  etc.). 

KOREN  (Moïse  de)  (V.  Moïse  de  Koren). 

KOREN  (Johan),  naturaliste  norvégien,  né  à  Bergen  en 
1809,  mort  en  4885.  Après  avoir  fait  des  études  de  mé- 
decine et  exercé  son  art  comme  médecin  militaire  pendant 
plusieurs  années,  il  fut  nommé,  en  1845,  conservateur  de 
la  section  d'histoire  naturelle  du  musée  de  Bergen.  Il  a 
publié  entre  autres  :  Fauna  litoralis  Norvegiœ  (1856); 
Contributions  à  V ichtyologie  ;  Sur  les  Echinodermes 
de  la  Scandinavie  (ces  derniers  en  suédois  dans  les 
Annales  de  P Académie  des  sciences  de  Suède). 

KORFF.  Famille  russe  originaire  de  la  Courlande.  Au 
xviri^  siècle,  Johann- Albrecht,  baron  de  Korfï,  né  en 
1697,  mort  en  1766,  vint  s'établir  en  Russie  (1730).  Il 
fut  président  de  l'Académie  des  sciences,  ministre  à  Stock- 
holm et  à  Gopenhague.il  a  publié  quelques  ouvrages.  -^Feo- 
dor-Karlovitch,  baron  de  Korff,  né  en  1774,  mort  en 
i  823,  servit  dans  les  guerres  contre  la  Pologne  et  la  France, 
prit  part  aux  batailles  d'Eylau,  de  Borodino,  de  Maloia- 
roslavets,  de  Viazma,  de  Krasnoe,  de  Leipzig,  et  devint 
géncral-Heutenant.  —  Modeste- Andréevitch,  né  en  1800, 
mort  en  1876,  entra  dans  l'administration.  Après  avoir  été 
secrétaire  d'Etat,  il  devint  en  1840  directeur  de  la  Biblio- 
thèque impériale  de  Saint-Pétersbourg  et  rendit  de  grands 
services  à  cet  établissement.  Il  fut,  en  outre,  chef  de  la 
deuxième  section  de  la  chancellerie  de  l'empereur  et  pré- 
sident du  département  législatif  au  conseil  d'Etat.  En  1 872, 
il  reçut  le  titre  de  comte.  C'est  sous  sa  direction  qu'a  été 
rédigé  le  Catalogue  de  la  section  des  Russica  oti  Ecrits 
sur  la  Russie  en  langues  ^^nm^ér^^  (Saint-Pétersbourg, 
1873,  2  vol.  in-8).  Il  a  publié,  en  outre,  une  Bibliogra- 
phie des  ouvrages  relatifs  à  Pierre  le  Grand  (Saint- 
Pétersbourg,  1872),  et,  sur  l'ordre  de  Nicolas,  l'ouvrage 
intitulé  Avènement  au  trôjie  de  l'empereur  Nicolas, 
qui  fut  traduit  dans  presque  toutes  les  langues  de  l'Europe 
(Paris,  1857,  éd.  franc.).  On  lui  doit  encore  une  Vie  de 
Speransky  (Saint-Pétersbourg,  1861,  2  vol.)  et  des 
Rapports  sur  la  Bibliothèque  impériale  de  Saint-Pé- 
tersbourg, 

KORHONEN  (Paavo),  poète  finnois,  né  dans  le  gou- 
vernement de  Kuopio  en  1775,  mort  en  1840.  Grand 
chasseur,  passant  sa  vie  à  courir  le  renard,  se  reposant 
de  la  chasse  par  la  pêche,  c'est  la  nuit  qu'il  écrivait  les 
poésies  qu'il  composait  pendant  ses  excursions.  Il  les  chan- 
tait dans  les  cabarets  en  compagnie  de  ses  amis  et  en  bu* 
vaut  souvent  outre  mesure,  ce  qui  semble  avoir  hâté  sa 
fin.  Ses  runes,  devenues  bientôt  très  populaires,  grâce  à 
leur  naïveté  et  à  leur  fréquente  ressemblance  avec  les 
vieilles  chansons  finnoises,  ont  été  réunies  en  partie  par 
Lônnrot  dans  un  recueil  intitulé  Paavo  Korhonens  50  sàn- 
ger  och  6  visor.  Le  peuple  avait  donné  au  poète  d'après 
l'endroit  où  il  vivait  le  nom  de  Vihta  paavo,  sous  lequel 
il  est  encore  connu  dans  les  campagnes  de  la  Finlande. 

KORIAKS.  Peuplade  inculte  du  N.-E.  de  la  Sibérie.  Les 
Koriaks  se  divisent,  d'après  le  genre  de  leur  vie,  en  nomades 
et  en  sédentaires.  Les  premiers  se  déplacent  constamment  en 
suivant  leurs  troupeaux  de  rennes  dans  la  partie  septen^ 
trionale  de  la  presqu'île  de  Kamtchatka,  ainsi  que  dans  la 
région  située  plus  au  N.,  entre  les  fleuves  Gliigiga  et  Ana- 
dyr.  Les  sédentaires  vivent  le  long  des  côtes  du  Kamt- 
chatka septentrional.  Les  Koriaks  ressemblent  aux  Tchouk- 
tchis  qui  occupent  l'extrême  N.-E.  de  l'Asie.  Il  existe  une 
peuplade  issue  du  mélange  des  Koriaks  et  desTchouktchis  et 
connue  sous  le  nom  de  Tchoukmari  ;  elle  habite  la  côte 


-  601  ~ 


KORIAKS  -  KOllOTCHA 


du  Pacifique  au  N.  du  cap  Olioutorski.  Au  physique,  les 
Koriaks  sont  de  taille  moyenne,  très  trapus,  forts  et  gla- 
bres ;  ils  se  rasent  les  cheveux  au  sommet  de  la  tête  comme 
les  Esquimaux  et  les  Tchouktchis.  Ils  se  vêtissent  de 
longues  robes  en  peau  de  renne  et  se  construisent  des 
cabanes  à  moitié  souterraines  dans  le  genre  de  celles  des 
Kamtchadales  ;  ces  demeures  n'ont  pas  de  porte  :  on  y 
entre  par  le  trou  où  passe  la  fumée  à  l'aide  d'un  tronc  à 
encoches  qui  leur  sert  d'échelle.  Chrétiens  de  nom,  les 
Koriaks  ont  gardé  leur  ancienne  religion  chamaniste  dont 
le  trait  saillant  est  le  culte  des  ancêtres  ;  très  supersti- 
tieux, ils  augurent  de  l'avenir,  comme  les  Mongols,  d'après 
les  craquelures  qui  se  produisent  sur  une  omoplate  de 
renne  jetée  au  feu.  On  prétend  qu'ils  tuent  leurs  vieillards 
comme  les  Tchouktchis.  h  Deniker. 

KORINGA  ou  GORANGI  (Kalinga  de  Ptolémée).  Ville 
maritime  de  l'Inde  anglaise,  présidence  de  Madras,  à  l'em- 
bouchure de  la  branche  N.  du  delta  de  la  Godavéry; 
6,000  hab.  Port  de  cabotage,  fréquenté  malgré  sa  barre; 
commerce  avec  la  Birmanie. 

KORINTJI.  Pays  indépendant  de  l'île  de  Sumatra,  à  TO. 
de  Palembang;  il  comprend  1 9  districts  et  compte  25,000  hab. 
malais. 

KORISTKA  (Karl-Franz-Eduard  von),  géographe  et  tech- 
nologue  autrichien,  né  à  Brusau  (Moravie)  le  7  fév.  4825. 
Ancien  élève  de  l'école  mmière  et  forestière  de  Schemnitz, 
professeur  de  mathématiques  et  de  géodésie,  depuis  1851, 
à  l'école  polytechnique  allemande  de  Prague,  membre  de 
la  société  des  sciences  de  Bohême,  il  a  eu  une  grande 
part  au  développement  des  écoles  techniques  et  profession- 
nelles de  l'Autriche  et  à  l'élévation  de  quelques-unes  d'entre 
elles  au  rang  d'écoles  supérieures  (1864)  par  l'étude  qu'il 
est  allé  faire  sur  place  de  la  plupart  des  établissements 
similaires  de  l'étranger  et  par  ses  actives  démarches  au- 
près du  gouvernement.  11  s'est  beaucoup  occupé,  d'autre 
part,  d'orographie  et  d'hypsométrie,  a  exploré  presque 
toutes  les  régions  montagneuses  de  l'Europe  et  y  a  effectué 
quantité  de  nivellements  et  de  mesures  de  hauteurs,  dont 
il  a  consigné  les  résultats  dans  des  atlas,  les  uns  avec 
texte,  les  autres  sans  texte.  Outre  un  nombre  considérable 
de  mémoires  et  d'articles  (la  plupart  en  allemand,  quel- 
ques-uns en  tchèque  et  en  français)  parus  dans  divers  re- 
cueils et  journaux,  il  a  écrit:  Studien  ilber  die  methoden 
und  die  Benutzung  hypsometrischer  Arbeiten  (Gotha, 
1858);  Die  Mœhren  und  die  Schlesien  in  ihren  geogr. 
Verhœltnissen  (Vienne,  1860);  Eypsometrie  von  Mœh- 
ren und  Schlesien  (Briinn,  1863);  Der  hœhere  techn. 
Unierricht  in  Deutschland^  Frankreich,  E7igland,  eic. 
(Gotha,  1863);  Die  hohe  Tatra  (Gotha,  1864);  DasMit- 
tel-und  Sandsteingebirge  in  fîti^/im^w  (Prague,  1869); 
Das  Iser-und  Niesengebirge{?raigi\e,  1877);  Verzeichniss 
der  trigonom.  Hœhen  von  Bœhmen  (Prague,  1884),  etc. 
Il  a  été  de  1867  à  1869  député  à  la  diète  de  Bohême  et  au 
Reichsrat.  L.  S. 

KORKOU  ou  KOUR.  Peuple  sauvage  de  l'Inde  centrale, 
vivant  au  milieu  des  Gonds,  autour  de  la  Nerbada  et  aux 
sources  de  la  Tapte,  surtout  dans  les  districts  de  Betoul  et 
lïochangabad  et  se  rattachant  au  groupe  kolarien  (V.  Inde). 
Ils  pratiquent  la  communauté  des  femmes,  sont  extrêmement 
honnêtes  et  sincères.  Ils  rendent  un  culte  au  soleil,  ont  des 
idoles  de  bois  et  de  pierre,  poteaux  carrés  sur  lesquels  est 
sculptée  la  figure  d'un  cheval. 

KORMiM^  Oegmundarson,  poète  islandais  du  miheu  du 
X®  siècle.  Il  est  l'auteur  de  poèmes  en  l'honneur  du  roi  ïîa- 
rald  et  de  Sigurd,  et  de  nombreux  chants  d'amour,  mais 
il  est  surtout  connu  par  la  saga  qui  porte  son  nom  et  dont 
il  est  le  héros .  Fiancé  à  la  belle  Steingerd  qu'il  aime,  un 
mauvais  sort  l'empêche  d'arriver  à  temps  le  jour  du  ma- 
riage, et  les  parents  irrités  marient  la  jeune  fille  à  un  rival. 
Kormak  poursuit  la  jeune  femme  de  ses  ardentes  poésies  et 
a  de  nombreux  duels,  dont  il  sort  toujours  vainqueur.  Mais 
il  prend  part  à  une  expédition  de  Vikings  en  Ecosse,  et 
meurt  sur  les  côtes  de  ce  pays.  Th.  G. 


KORMŒCZBANYÂ  (V.  KREMwrrz). 

KORN  (Johan-Filip),  peintre  suédois,  né  en  1728,  mort 
à  Stockholm  en  1796.  Il  s'occupa  tout  d'abord  de  peinture 
décorative,  mais,  sous  l'influence  des  maîtres  français  et 
hollandais  qu'il  avait  l'occasion  de  voir  dans  les  galeries  de 
tableaux,  il  s'adonna  bientôt  à  la  peinture  de  chevalet,  oîi 
il  remporta  des  succès  nombreux  et  mérités.  Ses  paysages, 
presque  tous  de  petite  taille,  représentent  des  sites  sué- 
dois :  lacs,  bois,  grands  blocs  de  pierre  et  collines  aux 
pentes  douces  :  les  figures  qu'il  aime  à  y  placer  complètent 
souvent  le  caractère  idyllique  de  ses  gracieuses  composi- 
tions. Les  paysages  de  Korn  sout  assez  nombreux  dans  les 
galeries  publiques  et  particulières  de  Suède. 

KORNA.  Localité  de  la  Turquie  d'Asie  (V.  Gourna). 

KORNEGALLE  ou  KOUROUNÉGALA.  Ville  de  l'île  de 
Ceylan,  à  90  kil.  de  Colombo  ;  4,000  hab.  Située  au  pied 
de  IVEtagalla,  rocher  de  gneiss  de  200  m.  de  haut,  qui 
ressemble  à  un  éléphant,  elle  n'a  que  des  ruines  des 
palais  des  rois  de  Ceylan  dont  elle  fut  la  capitale  (1319- 
47)  ;  mais  un  temple  au  sommet  du  rocher,  renfermant 
une  empreinte  du  pied  du  Bouddha,  attire  des  miniers  de 
pèlerins. 

KORNEHSZ  (Jacob), peintre  hollandais  (V.  Cornelisz). 

KÔRNER  (Ernst-Kari),  peintre  allemand,  né  à  Stibbe 
le  3  nov.  1846.  Il  eut  tour  à  tour  pour  maîtres  à  Berlin 
Eschke,  Steffeck  et  Gottheb  Biermann,  et  acheva  de  se 
former  par  une  longue  série  de  voyages  en  Europe  et  en 
Orient,  d'où  il  rapporta,  entre  autres  œuvres  à  citer,  et  en 
dehors  de  nombreuses  aquarelles  :  la  Corne  d'or,  Suez  ; 
le  Canal  Mahmoudieh  (1885);  Balbek,  la  Mer  devant 
Alexandrie,  le  Colosse  de  Memnon  au  coucher  du  soleil, 
Siout  (Haute-Egypte). 

KORNILOV  (Vladimir),  amiral  russe,  né  en  1806,  mort 
en  1856.  Vice-amiral  au  moment  de  la  guerre  de  Crimée, 
il  se  distingua  devant  Sinope  ;  il  mourut  des  suites  d'une 
blessure  reçue  en  défendant  Sébastopol.  L'un  des  navires 
de  la  flotte  russe  porte  son  nom. 

KO  R  N  T  H  A  L.  Village  du  Wurttemberg,  cercle  du  Neckar  ; 
1 ,400  hab.  Paroisse  organisée  en  1819  par  le  bourgmestre 
Hoffmann  sur  le  modèle  des  primitives  communautés 
apostoliques. 

BiBL.:  Kapff,  Die  wuritembergischen  Brudergemein^ 
den  Kornthal  und  Wilhelmsdorf  ;  Stuttgart,  1839. 

KO  ROLE  N  KO  (Vladimir-Galactionovitch), romancier  russe 
contemporain,  né  à  Jitomir  en  1853.  H  acheva  ses  études 
à  l'Académie  agricole  et  forestière  de  Moscou.  Mêlé  à  des 
agitations  politiques,  il  fut  en  1879  exilé  en  Sibérie;  gra- 
cié en  1885,  il  s'établit  à  Nijni-Novgorod.  H  débuta  cette 
même  année  par  un  récit,  le  Songe  de  Makar,  qui  le  classa 
immédiatement  parmi  les  écrivains  les  plus  distingués  de  la 
Russie.  H  publia  ensuite  :  Esquisses  d'un  touriste  russe; 
le  Murmure  d'une  Forêt;  le  Musicien  aveugle;  la  Nuit 
de  Pâques  ;  le  Vieux  Sonneur  ;  Prokhor  et  les  étu- 
diants ;  Des  Deux  Côtés  ;  Esquisses  de  Pavlovsk,  etc. 
Un  certain  nombre  de  ses  nouvelles  ont  été  réunies  sous  ce 
titre  :  Esquisses  et  Récits  (Moscou,  1887).  Quelques-unes 
ont  été  traduites  en  français  sous  ce  titre  :  la  Forêt  mur- 
mure. Koroienko  est  l'un  des  peintres  les  plus  fidèles  de 
la  vie  contemporaine  en  Russie. 

KOROROFA.  Pays  du  Soudan  méridional,  à  FO.  de 
l'Adamaoua,  au  S.  de  la  Bénoué;  il  comprend  plusieurs 
cantons  indépendants;  la  ville  principale  est  Woukari. 
Jadis  redoutable  aux  Haoussas,  auxquels  il  enleva  Kano, 
il  a  été  entamé  par  les  Foulah. 

KO  ROS KO.  Localité  de  Nubie,  rive  droite  du  Nil,  à 
180  kil.  S.  d'Assouan;  étape  des  caravanes  à  l'une  des 
extrémités  de  la  route  qu'elles  suivent  pour  éviter  le  coude 
du  Nil,  franchissant  en  neuf  jours  les  400  kil.  du  désert 
de  Korosko  entre  ce  village  et  Abou-Hamed. 

KOROTCHA.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du  gou- 
vernement de  Koursk,  sur  la  Korotcha,  affluent  gauche 
du  Donetz  ;  10,000  hab.  Ancienne  forteresse.  Le  district  a 
2,895  kil.  q.  dont  80  V^  labourés. 


KOROTOIAK  --  KORZENÏOWSKI 


-  608 


KOROTOIAK.  Ville  de  Russie,  cli.-l.  de  district  du  gou- 
vernement de  Voronèje,  au  confluent  du  Don  et  du  Koro- 
toiak  ;  9,000  hab.  Le  district  a  3,484  kil.  q.  dont  les 
trois  quarts  labourés. 

KOROUMBALIAou  GO  RO  U  MB  EL  I  A.  Bourg  de  Tunisie, 
sur  la  route  de  Tunis  à  Hammamet.  Oliviers,  huile. 

KORRIGAN.  Nains  légendaires  delà  Basse-Bretagne; 
dans  le  pays  de  Vannes,  ils  correspondent  aux  teuz  du 
Léonais,  aux  lutins,  etc.  (V.  Nain). 

KO  RSA  K  (Raymond),  poète  polonais,  né  en  1767,  mort 
en  4817,  R  a  laissé  des  hymnes  estimées,  des  tragédies,  des 
poésies  satiriques,  etc. —  Un  autre  Korsak{M\m),  né  en 
4807,  mort  en  4852,  fut  pendant  quelque  temps  le  col- 
lègue et  le  rival  de  Mickiewicz.  Ses  poésies  sont  aujour- 
d'hui oubliées,  mais  on  estime  sa  traduction  de  la  Divine 
Comédie, 

KORSAKOV  (Dmitri),  historien  russe  contemporain,  né 
vers  1845.  Il  est  devenu  en  4  881  professeur  d'histoire  à 
l'université  de  Kazan.  On  lui  doit  entre  autres  travaux  : 
les  Mériens  et  la  principauté  de  Rostov  (Kazan,  1872)  ; 
l'Avènement  d'Amia  Ivanovna  (liazm,  1880);  l'Exil 
du  prince  V.-L.  Dolgorouky,  Kolomenskoe^  eic. 

KORSŒR-  Ville  maritime  du  Danemark,  île  de  Seeland, 
sur  une  baie  du  Grand-Belt  ;  4,000  hab.  Relié  par  che- 
min de  fer  à  Copenhague,  ce  petit  port,  de  4^50  de  pro- 
fondeur, est  un  lieu  de  passage  vers  l'île  de  Fionie  et  vers 
Kiel  ;  les  bateaux  de  pêche  et  de  cabotage  y  sont  nombreux. 
KORSOV,  chanteur  russe  contemporain.  Un  des  artistes 
les  plus  estimés  de  son  pays,  il  a  commencé  sa  carrière  en 
Ralie,  où  il  fut  élève  de  Corsi,  Après  avoir  paru  sur  plu- 
sieurs scènes  italiennes,  où  il  faisait  applaudir  une  belle 
voix  de  baryton  conduite  avec  goût,  il  retourna  en  Russie, 
se  consacra  à  l'interprétation  de  l'opéra  national,  et  obtint 
de  très  grands  succès  au  théâtre  Marie,  de  Saint-Péters- 
bourg, particulièrement  dans  la  Judith  du  compositeur 
Séroff  ;  il  se  distingua  aussi  dans  les  traductions  de  Guil- 
laume Tell  et  de  Faust^  où  il  remplit  les  rôles  de  Guil- 
laume et  de  Valentin. 

KO  RTC  HE  VA.  Ville  de  Russie,  ch. -l.de  district  du  gou- 
vernement de  Tver,  rive  gauche  de  la  Volga,  au  confluent 
de  la  Kortchevka  ;  2,500  hab.  Le  district  a  4,400  kil.  q.; 
la  pêche  et  l'industrie  y  sont  très  développées. 
KORTE  ou  KORTHEIM  (Valentin)  (V.  Curtius). 
KORTE  (Pierre-Christian),  général  français,  né  à  Gers- 
heim  (Palatinat)  en  1788,  mort  à  Paris  en  1862.  Engagé 
volontaire  à  l'âge  de  seize  ans  dans  un  régiment  de  hus- 
sards (1804),  il  fit  comme  soldat  ou  sous-officier  les  cam- 
pagnes d'Autriche  (1805),  de  Prusse  (1806),  de  Pologne 
(1807),  d'Espagne  (1808-10)  et  de  Russie  (1812). 'Ce 
fut  seulement  à  l'issue  de  cette  dernière  qu'il  obtint  Fépau- 
lette  de  sous-lieutenant.  Il  prit  part  ensuite  à  la  campagne 
de  1813  en  Saxe  où  il  fut  fait  heutenant,  et  à  celle  de  France 
en  1814  où  il  se  distingua  le  jour  de  la  bataille  de  Brienne. 
Promu  capitaine  en  1819,  il  fut  employé  en  cette  quahté 
à  l'armée  d'Espagne,  lors  de  l'expédition  de  1823.  Enfin  en 
1832  il  devint  chef  d'escadron.  A  dater  de  ce  moment  il 
servit  presque  sans  interruption  en  Afrique  où  il  gagna 
successivement  les  grades  de  lieutenant-colonel  (4837), 
colonel  (1840),  général  de  brigade  (1843),  général  de  di- 
vision (1 848).  Appelé  à  Paris  peu  après  l'élection  de  Louis- 
Napoléon  à  la  présidence  de  la  République,  pour  y  com- 
mander une  division  de  cuirassiers,  il  fut  l'un  des  généraux 
qui  contribuèrent  le  plus  au  succès  du  coup  d'Etat  du 
2  déc.  1851.  Il  reçut  en  récompense  un  siège  au  Sénat. 
Peu  après  il  passait  au  cadre  de  réserve.  Ch.  G. 

KORTI.  Village  de  Nubie,  rive  gauche  du  Nil,  à  180  kil. 
S.-E.  de  Dongola,  piès  du  coude  où  le  Nil  reprend  la  direc- 
tion du  N.  ;  de  là  part  la  route  qui  traverse  le  désert  de 
Bajouda  et  gagne  El-Metammeh  et  Chendi.  Le  général 
Wolseley  y  établit  son  quartier  général  en  1884-85. 

KORTUWI  (Karl-Arnold),  écrivain  allemand,  né  à  Mùl- 
heim  le  15  juil.  1745,  mort  à  Bochum  le  15  août  1824. 


Médecm  à  Boehum,  il  publia  plusieurs   poèmes  héroï- 
comiques  dont  l'un,  la  Jobsiade  (Munster,  1784),  eut  un 
grand  succès  et  a  été  souvent  réédité  ;  d'autres.  Die  Mar- 
tyrer  der  Mode  (Wesel,  1778);  Die  Magische  Laterne 
(4784-86);  Adams  Eochzeitsfeier  (1788),  sont  oubliés, 
de  même  que  ses  écrits  médicaux  archéologiques  et  sa  cu- 
rieuse Verteidigung  der  Alckemie  (Duisbure,  1789). 
KORYBUT  (V.  WiSNOwiECKi). 
KORZENÏOWSKI  (Joseph),  écrivain  polonais,  né  à  Brody 
(Gahcie)  en  1797,  mort  à  Dresde  le  17  sept.  1868.  Excellent 
élève  du  gymnase  (lycée)  de  Krzemieniec,  d'où  sont  sortis 
tant  de  Polonais  distingués  au  commencement  de  ce  siècle, 
tour  à  tour  professeur  de  littérature  polonaise  dans  cet 
étabhssement,  professeur  de  littérature  ancienne  à  Kiev, 
directeur  d'abord  du  gymnase  de  Kharkov,  puis  de  celui  de 
Varsovie,  poste  qu'il  quitta  en  mars  1863,  Korzeniowski 
fit  preuve,  dans  ces  diflérentes  situations,  de  grandes  apti- 
tudes pédagogiques,  dont  les  archives  universitaires  de  Var- 
sovie conservent  de  précieux  témoignages  :  ses  rapports 
sur  l'enseignement  en  général   et  surtout  son  mémoire 
d^ensemble  sur  l'état  des  établissements  scolaires  dans  la 
Pologne  russe  avant  la  réforme  de  1 861  sont  des  documents 
de  tout  premier  ordre.  Ses  occupations  pédagogiques  ne 
l'empêchèrent  pas  de  s'adonner  de  très  bonne  heure  à  la 
littérature.  A  vingt  ans  à  peine,  il  donne  des  Odes,  imi- 
tées de  J.-B.  Rousseau;  des  Lettres  poétiques,  une  tra- 
duction du  Sublime  de  Longin  et  un  grand  nombre  de 
compositions  lyriques  parues  dans  Melitèle,  revue  qui  eut 
son  heure  de  célébrité  vers  1830.  A  Varsovie,  il  s'exerce 
à  traduire  Zaïre,  de  Voltaire,  diverses  œuvres  de  Schiller 
et  de  Shakespeare,  dont  l'influence  le  poussa  vers  l'art  dra- 
matique. Nourri  tout  d'abord  de  classiques,  Korzeniowski 
ne  s'en  tint  pas  là  et  s'éprit  bientôt  des  idées  nouvelles  en 
littérature,  introduites  en  Pologne  par  Casimir  Rrodzinski 
avant  1830.  De  cette  époque  datent  Klara,  un  acte  en  vers 
blancs  ;  Aniéla,  tragédie  en  cinq  actes,  et  la  Belle  Femme, 
un  drame  qui  n'est  pas  sans  valeur.  Un  peu  plus  tard,  il 
donne  successivement  :  le  Cinquième  Acte,  le  Moine,  les 
Montagnards  des  Karpates,  '  les  Vivants  et  les  Morts, 
André  Batory,  Dymitr  et  Maria,  les  Juifs,  le  Fabri- 
cant, Patron  et  Ouvrier,  Moustaclie  et  Perruque,  les 
Tsiganes,  Nom  et  Fortune,  le  Potinier,  etc.  Korze- 
niowski fut  un  des  principaux  promoteurs  du  théâtre  polo- 
nais; il  alimenta  presque  exclusivement  pendant  longtemps, 
avecFredro,  la  scène  de  Varsovie.  Aujourd'hui  encore, 
plusieurs  de  ses  pièces  se  jouent  aussi  bien  en  cette  ville 
qu'à  Cracovie,  à  Léopol  et  à  Posen.  Mais  le  roman  lui  doit 
aussi  une  bonne  part  de  son  succès  en  Pologne.  Ses  pre- 
miers essais  dans  ce  genre  pubhés  en  1849,  à  Vilna,  sous 
le  titre  :  Contes  et  Récits,  Mardi  et  Vendredi,  eurent  un 
grandretentissement.Puisviennentdesœuvrescomme7fo//o- 
kacya,  Pérégrinations  d'un  original,  Thadée  sans  nom, 
le  Veuf,  les  Parents,  le  Bonheur  dans  la  montagne. 
Sacrifice  et  Conscieyice,  qui  consacrent  définitivement  sa 
renommée  de  romancier.  Ainsi,  il  n'est  presque  pas  de 
genres  littéraires  que  Korzeniowski  n'ait  cultivés  souvent 
avec  éclat,  toujours  avec  distinction.  11  est  de  ceux  qui  ont 
le  plus  inspiré  à  la  Pologne  contemporaine  le  goût  de  la 
lecture.  Ce  qui  frappe  chez  lui,  c'est  une  peinture  très  fidèle, 
presque  trop  minutieuse  des  mœurs  et  àQ^  états  d' âme  à^s 
différentes  classes  de  la  société,  de  très  beaux  types  fémi- 
nins et  un  dialogue  choisi.  Beaucoup  d'observation,  en 
somme,  et  un  grand  souci  de  la  forme,  mais  pas  assez  de 
cette  chaleur  communicative  qui  est  le  secret  des  grands 
artistes.  Une  édition  complète  de  ses  œuvres  a  été  publiée 
par  les  Klosy  de  Varsovie  (1874-73).      F.  Trawinski. 

^  KORZENIOWSKI  (Joseph-Rémy),  petit-fils  du  précédent, 
né  à  Piilawy  en  4863,  H  s'occupe  surtout  de  travaux  histo- 
riques ayant  rapport  à  l'histoire  politique  et  littéraire  du 
xvi^  siècle  en  Pologne  et  dans  les  pays  slaves.  l\  a  publié  : 
Catalogus  codicum  ma^iuscriptorum  Musei  principium 
Ciartoryski  Cracoviencis,  Orichoviana,  recueil  de  lettres 
et  œuvres  du  célèbre  réformateur  polonais  Stanislas  Or- 


-  609 


KORZENÏOWSKI  -  KOSCIUSZKO 


zechowski;  Analecta  Romana^  documents  pour  servir 
à  l'histoire  des  relations  entre  la  Pologne  et  la  cour  ro- 
maine au  XYi®  siècle,  et  autres.  M.  Korzeniowski  est  dé- 
légué de  l'Académie  impériale  des  sciences  de  Cracovie  à  la 
station  scientifique  de  Paris,  et  directeur  de  la  Bibliothèque 
polonaise  du  quai  d'Orléans. 

KORZON  Thadée,  historien  polonais,  né  à  Minsk  (Li- 
thuanie)  le  28  oct.  1839.  Il  fit  ses  études  à  l'université 
de  Moscou.  Nommé  professeur  d'histoire  au  gymnase  de 
Kowno,  il  prit  part  aux  préparatifs  de  l'insurrection  polo- 
naise et  il  fut  condamné  à  l'exil,  qu'il  passa  de  1862  à 
i857  à  Orenbourg.  Depuis  4869,  il  habite  Varsovie,  s'oc- 
cupe beaucoup  des  systèmes  de  l'enseignement  de  This- 
îoire,  a  écrit  l'histoire  populaire  du  moyen  âge  et  celle  des 
xvi^  et  XYii®  siècles  (jusqu'à  1648).  Son  œuvre  principale 
est  VHistoire  intérieure  de  la  Pologne  sous  Stanislas- 
Auguste  (Cracovie,  Académie  des  sciences,  1882-86, 
4  vol.).  Cet  ouvrage  a  jeté  une  grande  lumière  sur  la  situa- 
tion intérieure  de  la  Pologne  vers  la  fin  du  xvin^  siècle. 
C'est  un  vaste  répertoire  des  détails  statistiques,  adminis- 
tratifs et  économiques.  Korzon  a  été  élu  membre  corres- 
pondant de  l'Académie  des  sciences  de  Cracovie  en  1888. 
On  lui  doit  aussi  :  Buckle,  Draper  et  llolh  (Varsovie, 
1870,  en  pol.)  ;  Histoire  antique  élémentaire  (1876, 
2«éd.);  Etat  économique  de  la  Pologne  (1772-02) 
(Varsovie,  1877).  On  lui  attribue  une  grande  monogra- 
pliie  sur  Kosciuszko  (Cracovie,  1894,  in-8). 

KOSA.  Chef  arabe  du  clan  des  Koreichites,  né  en  398 
ap.  J.-C,  mort  vers  480,  trisaïeul  de  Mohammed.  Gendre 
d'iïalil,  gardien  de  la  Kaaba,  à  sa  mort  il  s'empara  de  l'in- 
tendance du  temple  (vers  4-^10)  qu'il  fit  reconstruire,  et  as- 
sura la  grandeur  des  Koreichites.  Il  aurait,  en  groupant 
autour  de  la  Kaaba  son  clan,  fondé  la  ville  de  La  Mecque. 
On  lui  attribue  aussi  la  taxe  annuelle  {rifada),  destinée  à 
l'entretien  des  pèlerins  pauvres,  et  l'édification  du  Daren- 
nadwa,  palais  du  conseil,  où  furent  centralisées  les  affaires 
publiques  et  où  il  conservait  l'étendard  militaire. 

KOSADAVLEV  (V.  Kozodavlev). 

KOSÂK  (V.  Cosaque). 

KOSANI.  Ville  de  Turquie  d'Europe,  vilayet  de  Salo- 
nique,  à  25  kil.  S.-E.  de  Servia;  10,000  hab.  (en  ma- 
jorité Grecs).  Evêché.  9  églises.  Marché  agricole  (tabac, 
vin,  safran,  soie,  miel,  cuir. 

KOSCHMIN  (V.  Kozmin). 

KOSCIUSKO  (Mont).  Montagne  d'Australie  (V.  ce  mot, 
t.  IV,  p.  731). 

KOSCIUSZKO  (Thadée-André-Bonaventure),  général  en 
chef  des  armées  polonaises,  né  au  village  de  Mereczowsz- 
czyzna,  district  de  Slonim(Lithuanie),  Iel2févr.l746,  mort 
à  Soleure,  en  Suisse,  le  15  oct.  1817.  Issu  d'une  ancienne 
famille  de  noblesse  lithuanienne,  troisième  fils  de  Louis  Kos- 
ciuszko, après  avoir  commencé  ses  études  dans  la  maison 
paternelle,  il  entra  à  l'Ecole  des  cadets  de  Varsovie,  sous  les 
auspices  de  Sosnowski,  voiévode  de  Polotsk.  Le  prince  Adam 
Czartoryski,  directeur  de  cette  institution,  ayant  remarqué 
en  lui  des  dispositions  exceptionnelles,  l'envoya  à  l'étranger 
pour  y  achever  son  éducation  militaire.  11  séjourna  succes- 
sivement en  Allemagne,  en  Italie  et  en  France.  De  retour 
dans  son  pays,  il  obtint  le  grade  de  capitaine  d'artillerie 
(1774).  Ayant  échoué  dans  ses  visées  matrimoniales  (il 
aurait  voulu  épouser  l'une  des  deux  filles  du  voiévode  Sos- 
nowski), il  retourna  en  France  et,  de  là,  s'embarqua  avec 
beaucoup  d'autres  Français  et  Polonais  pour  les  Etats-Unis 
d'Amérique  qui  combattaient  alors  pour  leur  indépendance 
(1778).  Là,  simple  engagé  volontaire,  il  se  distingua  sur 
le  champ  de  bataille  de  Rhode  Island,  de  Yorktown  et  au 
siège  de  New  York,  au  point  que  V\^ashington  le  nomma 
colonel  du  génie  et  l'attacha  à  son  état-major.  La  guerre 
terminée,  il  rentra  en  Pologne  (1784),  après  avoir  reçu 
pour  son  dévouement  à  la  cause  de  la  liberté  le  grade  de 
général  de  brigade,  la  décoration  de  Cincinnatus,  le  titre 
de  citoyen  américain,  une  importante  dotation  annuelle, 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XXL 


des  concessions  do  terres,  et  (ce  qui  valait  mieux  encore) 
emportant  avec  lui  les  sympathies  et  la  reconnaissance  de 
la  jeune  République.  De  graves  événements  se  préparaient 
alors  en  Pologne.  Les  puissances  copartageantes  se  dispo- 
saient à  porter  les  derniers  coups  mortels  à  l'indépendance 
de  ce  malheureux  pays  déchiré  par  les  dissensions  intes- 
tines de  sa  noblesse  livrée  à  toutes  les  intrigues  de  l'étran- 
ger. Il  s'agissait  de  défendre  le  pays  contre  les  ennemis  du 
dehors  et  contre  ceux  du  dedans.  Kosciuszko  s'enrôla,  en 
qualité  de  général  de  division,  sous  les  ordres  du  prince 
Joseph  Poniatowski  et  remporta,  à  Dubienka  (1 8  juil .  1 792) , 
une  victoire  sur  les  Russes,  quatre  fois  plus  nombreux.  Le 
roi  Stanislas-Auguste  s'étant  joint  à  la  confédération  de 
Targowitça,  dévouée  à  Fallianee  russe,  Kosciuszko  donna 
sa  démission  en  même  temps  que  Poniatowski  et  partit  pour 
Dresde  où  s'étaient  donné  rendez-vous  de  nombreux  pa- 
triotes polonais,  afin  de  délibérer  sur  les  destinées  futures 
de  leur  patrie.  Kosciuszko  y  apprend  que  la  Convention 
nationale  l'a  proclamé  citoyen  français,  au  moment  du  se- 
cond partage  de  la  Pologne,  qui  provoque  une  insurrection. 
Kosciuszko  arrive  aussitôt  à  Cracovie  (24  mars  1794),  où 
il  prend  le  commandement  en  chef  de  la  levée  en  masse 
avec  tous  les  pouvoirs  d'un  dictateur.  Après  avoir  fait  sa 
jonction  avec  le  corps  d'armée  deMangetet  deMadalinski, 
il  bat  à  Raclawice  (Ratslavitsé)  les  Russes  commandés  par 
les  généraux  Tormansov  et  Denisov  (4  avr.).  Ce  sont  surtout 
les  paysans  cracoviens  qui  se  couvrent  de  gloire  dans  cette 
mémorable  bataille  ;  la  bravoure  de  l'un  d'entre  eux  (Bar- 
thélémy Glowackij  est,  depuis,  devenue  légendaire.  Dès  ce 
jour,  reconnaissant  qu'il  ne  faut  plus  compter  sur  la  noblesse 
et  que  toute  la  force  réside  dans  le  peuple,  Kosciuszko  se 
préoccupe  de  la  condition  misérable  de  ce  dernier.  Il  lance, 
à  Polaniec,  un  ordre  du  jour  où  il  déclare  hautement  que 
l'oppression  du  peuple  est  une  des  principales  causes  de  la 
décadence  du  pays  :  il  diminue  notablement  toutes  les  cor- 
vées, en  dispense  complètement  les  familles  de  ceux  qui 
sont  sous  les  drapeaux  et  confie  le  sort  des  paysans  à  la 
sollicitude  d'une  commission  spéciale.  Toutes  ces  mesures 
sociales,  qui  dénotent  un  profond  sens  politique,  déplurent 
naturellement  à  la  noblesse  qui,  dès  lors,  l'abandonna  de 
plus  en  plus.  Pendant  ce  temps,  la  guerre  continuait  avec 
des  alternatives  de  succès  et  de  défaites  (échec  à  Szczekoczyn 
le  6  juin,  succès  à  Varsovie),  pour  se  terminer  par  le  dé- 
sastre de  Maciejowice(Matsiéyovitsé)où  Kosciuszko,  griève- 
ment blessé,  est  fait  prisonmer  par  les  Russes  (10  oct. 
1794).  Le  cri  de  Finis  Poloniœ  qu'on  lui  attribue  n'a 
jamais  été  articulé.  L'insurrection,  ensuite  mal  dirigée  et 
trahie  par  l'aristocratie,  se  termine  par  le  troisième  par- 
tage. Le  tsar  Paul,  lors  de  son  avènement  au  trône,  rend 
la  liberté  à  Kosciuszko  sur  sa  parole  de  ne  plus  faire  cam- 
pagne contre  les  Russes  (1 796),  et  celui-ci  gagne  Stockholm, 
Londres  et  l'Amérique.  Reçu  partout  avec  enthousiasme, 
il  revint  en  France  (1798),  où  il  ne  voulut  prendre  aucune 
part  aux  événements  politiques.  Il  se  méfiait  d'ailleurs  de 
Napoléon  F^  et  ne  voulait  se  mettre  à  sa  disposition  qu'à 
la  condition  que  la  Pologne  serait  restaurée.  Il  vécut  à 
Berville,  près  de  Fontainebleau.  Après  le  coffgrès  de  Vienne 
dont  il  espérait  quelque  chose  pour  son  pays  (il  invita 
Alexandre  F'"  à  devenir  roi  constitutionnel  de  Pologne), 
Kosciuszko  se  retira  à  Soleure,  chez  son  ami  Zeltner,  où 
il  mourut  des  suites  d'une  chute  de  cheval,  près  de  Vevey. 
Son  corps  fut  transporté  en  1818  à  Cracovie  aux  frais  du 
tsar  Alexandre  F""  et  déposé  dans  la  crypte  du  château  de 
AVawel  à  côté  des  rois  de  Pologne.  La  nation  polonaise, 
pénétrée  de  reconnaissance  pour  ce  défenseur  héroïque  de 
la  liberté,  lui  éleva  près  de  Cracovie,  en  rase  campagne,  un 
tertre  immense  qui  porte  le  nom  du  héros  et  qui  est  de- 
venu pour  les  Polonais  un  véritable  lieu  de  pèlerinage.  Fort 
expert  dans  la  science  militaire,  Kosciuszko  était  en  outre 
un  homme  très  lettré  et  même,  à  ses  heures,  un  artiste.  Il 
a  laissé  un  récit  de  la  campagne  de  1792,  publié  par 
Ed.  Raczynski  dans  son  Tableau  de  la  Pologne  et  des 
Polonais  (Posen,  1843)  et  un  volume' intitulé  Manouvres 

39 


KOSGTUSZKO  -  KOSSAK  —  610 

o[  llorse-AHillery,  Dans  ses  moments  de  loisir,  il  s'oc- 
cupait de  dessin,  de  peinture  et  de  sculpture.  On  assure 
même  qu'il  faisait  agréablement  le  paysage  et  réussissait 
fort  bien  les  portraits.  Au  point  de  vue  politique,  Kosciuszko 
est  à  coup  sûr  une  des  figures  les  plus  sympathiques  des 
temps  modernes.  Epris  de  toutes  les  idées  généreuses  qui 
travaillaient  les  esprits  à  la  fin  du  siècle  dernier,  il  se 
trouva  malheureusement  sur  un  terrain  peu  propice  à  leur 
réalisation.  Lorsque  Kosciuszko  parut  sur  la  scène  pu- 
blique, la  Pologne  était  déjà  condamnée  par  les  vices  de 
son  organisation  sociale  et  par  la  convoitise  de  ses  voi- 
sins coalisés  contre  elle.  Peut-être  aurait-il  pu,  par  des 
moyens  révolutionnaires  que  lui  conseillait  Kollontay,  ter- 
roriser l'aristocratie,  inspirer  plus  de  courage  à  la  noblesse 
et  galvaniser  toute  la  nation.  Mais,  cela  faisant,  il  n'aurait 
probablement  fait  que  prolonger  une  lutte  inégale  et  ajou- 
ter quelques  pages  glorieuses  à  l'histoire  de  Pologne.  Tel 
qu'il  est,  il  incarne  en  quelque  sorte  la  vaillance,  les  souf- 
frances et  les  espérances  de  tout  un  peuple.  C'en  est  assez 
pour  que  son  nom  soit  inscrit  en  lettres  d'or  à  côté  des 
hommes  qui  font  honneur  à  l'humanité.  F.  Trawinski. 
BiBL.  :  Falkenstein,  Tfiaddœus  Kosciuszko  ;  Leipzig, 
1827.  —  L.  Chodzko,  Biographie  du  général  Kosciuszko  ; 
Fontainebleau,  1837.  —  J.  Mighelet,  7a  Pologne  martyre. 
—  Kosciuszko^  dans  Bulletin  polonais  ;  Paris,  1894,  no»  67 
à  71.  —  KoRzoN,  Kosciuszko,  biographie  tirée  des  docu- 
ments (en  pol.)  ;  Cracovie,  1894. 

KOSEGARTEN  (Ludwig-Theodul),  poète  allemand,  né 
à  Grevismiihlen  (Mecklembourg-Schwerin),  mort  à  Greifs- 
wald  le  26  oct.  18i8.  Pasteur  à  Riigen,  puis  à  Greifswald 
où  il  professa  à  l'université,  il  a  écrit  des  pièces  théâ- 
trales et  des  romans  médiocres,  des  poèmes  travaillés  et 
maniérés  qui  eurent  du  succès  :  Gedichte  (Leipzig,  1788, 
2  voL;  5^  éd.,  4824,  3  vol.);  Rhapsodien [i^ùi,  3  vol., 
2^  éd.);  Romantische  Dichtungen  (Dresde,  4800-06, 
6  vol.);  Legenden  (Berlin,  4846,  2  vol.);  Die  Inself ahrt 
(4804);  Jucunde  (4855,  7^  éd.).  Son  fils  a  publié  ses 
poésies  complètes  (Greifswald,  1823,  12  vol)  et  Mohnike 
ses  discours  et  écrits  divers  (Stralsund,  4834-32,  3  vol.). 
KOSEGARTEN  (Johann -Gottfried-Ludwig),  orientaliste 
allemand,  né  à  Altenkirchen  (île  de  Riigen)  le  40  sept. 
4792,  mort  à  Greifsv^ald  le  48  août  4860.  Il  étudia  à  Pa- 
ris, fit  des  leçons  à  Greifswald  sur  l'histoire  de  Poméranie, 
publia  la  chronique  poméranienne  de  Kantzow  (1816-47, 
2  vol.)  et  Codex  Pomeraniœ  diplomaticus  (4843).  li 
professâtes  langues  orientales  aux  universités  d'Iéna  (1 817) 
et  de  Griefswald  (4824),  éditant  les  Moallaka  d'Amr  ben 
Kolthum  (léna,  4810);  le  Tuti  nameh,  contes  perses 
(4822);  les  annales  (arabes)  de  Tabeir  (4831-53);  publia 
une  chrestomatie  arabe  (4828);  les  chansons  arabes  Kitab 
al  Aghâni  (1846);  les  fables  indiennes  Pant-Schachanira 
(4848-59),  etc. 

KOSÉILA  iBN  Lemezm,  chef  berbère  ((V.  Kocéilâ), 
KOSEL  ou  KOZLE.  Ville  de  IVusse,  district  d'Oppeln 
(Silésie),  au  confluent  de  la  Klodnitz  et  de  l'Oder; 
6,000  hab.  Ancienne  forteresse  au  point  de  jonction  de 
nombreuses  voies  ferrées  ;  vieux  château.  Ce  fut  en  4306 
la  capitale  d'uîï  duché  créé  pour  l'un  des  fils  du  duc  Casi- 
mir II  de  Teschen,  réuni  dès  4359  à  celui  de  Teschen. 
L'Autriche  l'acquit  en  4532.  Frédéric  II,  quand  il  en  fut 
maître,  la  fortifia  ;  elle  soutint  quatre  sièges  dans  la  guerre 
de  Sept  ans  (4758,  4759,  4760,  4762),  résista  en  1807 
jusqu'à  la  paix..  Elle  fut  démantelée  dans  le  remaniement 
des  fortifications  allemandes  (4873). 

BiBL.  :  Weltzel,  Gesch.  der  Stadt  Herrschaft  und  Fos- 
tung  Kosel  ;  Ratibor,  1866. 

kOSELEZ.  Ville  de  Russie, gouvernement  de'Tchernigov, 
sur  rOster  (affl.  de  la  Desna);  6,000  hab. 

KOSELSK.  Ville  de  Russie,  gouvernement  de  Kalonga, 
au  confluent  de  la  Drougousna  et  de  la  Shisdra;  6,000  h. 
Toile  à  voiles,  cuirs;  exportation  de  chanvre  et  d'huile 
vers  Riga,  de  bois  vers  Moscou. 

KOSENITZY  (en  polon.  Kozienice)»  Ville  de  la  Pologne 
russe,  gouvernement  de  Radom,  près  de  la  Vistule; 
3,000  hab.  On  y  travaille  le  fer  et  le  cuivre*  Ancien  pa- 


villon de  chasse  des  rois  de  Pologne,  Etienne  Czarniecki  y 
vainquit  les  Suédois  (4  656) . 

KOSGHL  Ville  de  l'Inde  anglaise,  présid.  de  Madras, 
ch.  de  fer  de  Madras  à  Bombay;  7,000  hab.  Au-dessus, 
citadelle  ancienne  avec  temples  et  palais. 

KO-SIMA.  Ile  du  Japon,  de  l'archipel  de  Hatchiyo,  au 
N.-O.  de  l'île  de  ce  nom;  555  m.  d'alt.  Une  autre  du 
même  nom  est  au  S,-0.  de  Yéso;  volcanique,  elle  a  297  m. 
d'alt. 

KOSINE  (Chimie)  (V.CosmE). 
KOSINSKI  (Jean),  hetman  des  Cosaques  au  xvi®  siècle. 
Il  était  d'origme  polonaise;  il  organisa  sous  le  règne  de 
Sigismond  III  des  bandes  de  Cosaques,  ravagea  la  Petite- 
Russie  et  périt  en  4593.  Ses  aventures  ont  donné  lieu  à 
toutes  sortes  de  légendes.  Il  est  le  héros  d'une  ballade  de 
Bohdan  Zaleski. 

KOSINSKI  (Amilcar),  général  polonais,  né  en  4769, 
mort  en  4823.  Après  avoir  pris  part  aux  dernières  luttes 
contre  les  Russes,  il  passa  en  Italie  et  entra  dans  les 
troupes  françaises  avec  le  grade  de  capttaine.  Il  devint  gé- 
néral de  brigade,  puis  rentra  en  Pologne  et  passa  au  ser- 
vice de  l'Autriche.  On  a  publié  à  Posen  en  4864  sa  Cor- 
respondance  de  4845  à  4820. 

KOSMODEMIANSK.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district 
du  gouvernement  de  Kasan,  sur  la  Volga;  5,000  hab. 
Forges.  —  Le  district,  en  grande  partie  boisé,  est  peuplé 
surtout  de  Tchouvaches  et  de  Tcliérémisses. 

KOSMOS.  Ce  mot  en  grec  signifie,  comme  mundus  en 
latm,  ordre,  harmonie,  beauté,  et  il  désigne  aussi  le  monde, 
l'ensemble  universel  des  choses.  On  prétend  que  Pythagore^ 
le  premier,  appela  ainsi  le  monde  à  cause  de  la  proportion 
et  de  l'accord  de  toutes  les  parties  qui  le  composent.  Il 
enseignait,  en  eflet,  que  «  le  ciel  tout  entier  est  une  har- 
monie et  un  nombre  ».  Dans  toute  la  philosophie  grecque, 
ce  mot  est  donc  employé  pour  désigner  l'univers,  consi- 
déré non  comme  un  simple  amas  d'êtres  et  de  phénomènes 
sans  lien,  mais  comme  un  système,  un  organisme  tout 
pénétré  de  finalité.  A  la  Renaissance,  les  alchimistes  dis- 
tmguèrent  le  grand  et  le  petit  Kosmos  (macrocosme  et  mi- 
crocosme) :  le  premier  est  le  monde  extérieur,  le  second 
est  l'homme,  et  ils  crurent  apercevoir  entre  l'un  et  l'autre 
une  infinité  d'analogies  et  de  correspondances  secrètes. 
Enfin,  le  célèbre  géographe  et  naturaliste  allemand, 
Alexandre  de  Humboldt  (1769-4859)  a  donné  ce  nom  de 
Kosmos  à  un  grand  ouvrage  où  il  s'est  efforcé  de  présenter 
1  ensemble  des  résultats  de  ses  longues  études.  Le  Kosmos 
ou  Description  physique  du  monde,  rédigé  en  allemand, 
parut  à  Berlin  de  4847  à  4854  ;  il  fut  immédiatement  tra- 
duit en  français  par  MM.  Faye  et  Galuski.  E.  Boirac. 
KOSOVO  (V.  Kossovo), 
KOSROÈS  (V.  Khosroès). 

KOSSAK  (Karl-Ludwig-Ernst),  critique  allemand,  né  à 
Marienwerder  le  4  août  4844,  mort  à  Berlin  le  3  janv. 
4880.  D'abord  critique  musical,  il  fonda  en  4847  un  jour- 
nal (Zeitungshalle,  puis  Feurespritze,  puis  Montagspost 
jusqu  en  4869)  oii  il  introduisit  l'usage  français  du  feuil- 
leton. Ses  feuilletons  ont  été  réunis  en  volumes  :  Berlin 
und  die  Berliner  (1854);  Hiimoresken  (1852);  Berli- 
ner  Federzeichnungen  (4859-65,6  vol.);  Pariser  Ste- 
reoskopen  (1855);  Badebilder  (1858);  Reisehumoresken 
(1862,  2  vol.),  etc.  Kossak  est  un  des  représentants  les 
plus  caractéristiques  de  l'esprit  allemand. 
BiDL.  :  RuTARi,  Ernst  Kossak;  Berlin,  1883. 
KOSSAK  (Jules),  peintre  polonais,  né  à  Wisnicz  (Ga- 
licie)  en  4824.  Il  interrompit  de  bonne  heure  ses  études 
de  droit  à  l'université  de  Léopol  pour  s'adonner  exclusive- 
ment au  dessin  et  à  la  peinture,  sur  le  conseil  de  nombreux 
amis  qui  reconnurent  en  lui  un  talent  artistique  hors  de 
pair.  Il  visita  successivement  les  différentes  ré2;ions  de  la 
Pologne,  la  Russie,  la  Hongrie,  alla  en  4855  à  Paris  pour 
y  travailler  dans  l'atelier  d'Horace  Vernet,  revint  à  Var- 
sovie en  4862  pour  prendre  la  direction  artistique  du 
Tygodnik  (l'Hebdomadaire)  illustré  et  se  fixa  définiti- 


—  614  - 


KOSSAK  -  KOSSLTH 


vemcnt  en  1874  à  Gracovie.  Kossak  excelle  à  peindre  les 
chevaux  et  les  scènes  de  chasse.  Dans  ce  genre  il  n'a  pas, 
parmi  ses  compatriotes,  de  rivaux  qui  puissent  l'égaler. 
Connaissant  à  fond  l'histoire  de  son  pays,  il  sait,  en  outre, 
faire  revivre  à  merveille  les  types  de  la  vieille  noblesse 
polonaise.  Kossak  est  aussi  très  estimé  comme  portraitiste. 

KOSSÉIR  (Y.  Kocéir). 

KOSSIOU  ou  KOSTIOU.  Riv.  de  Russie,  goiiv.  d'Ar- 
khangelsk, affl.  g.  dcFOussa  (affl.  de  la  Petchora),  à  l'O. 
de  rOural;  elle  coule  vers  le  N.  et  a  300  kil  de  long. 

KOSSO-GOL,  KOSIO  ouKHOUBSOU.  Lac  de  Fempire 
chinois  (Mongolie),  à  !205  kil.  S.-O.  du  lac  Raïkal  et 
ï,em  m.  d'alt.;  3,300  kil.  q.,  430  kil.  de  long,  48  kil. 
de  large;  l'Ek,  ou  Éghin-gol  mène  ses  eaux  à  la  Selenga; 
au  milieu  est  l'île  de  Dalaï-koui,  sanctuaire  bouddhiste. 

BiBL.  :  PoTANiN,  Voij.  daus  le  N.-O-  de  la  MomioUe 
(russe),  1881. 

KOSSOV  (Sylvestre),  théologien  russe  du  xvii^  siècle, 
mort  en  4657.  Originaire  de  la  Russie  blanche,  il  étudia 
à  Kiev  et  fut  remarqué  par  Pierre  Mogila.  Il  enseigna  dans 
un  collège  de  Kiev  et  devint  métropolitain  orthodoxe  de 
cette  ville  en  4647.  Il  a  laissé  des  ouvrages  de  théologie 
en  russe  et  en  polonais,  notamment  une  traduction  polo- 
naise du  Paterik  {Vie  des  Itères)  de  Nestor. 

BiBL.  :  Ogonovsky,  Histoire  de  la  littérature  russe  (ou 
ruthène)  ;  Léopol,  1887. 

KOSSOVO.  Vilayet  de  la  Turquie  d'Europe,  borné  au 
N.-E.  par  la  Bulgarie  et  la  Serbie,  au  N.-O.  par  la 
Bosnie,  à  l'O.  parl'Albanicau  S.  et  à  l'E.  parles  vilayetsde 
Janina  et  de  Salonique  ;  4 ,000,000  d'hab.  Ch.-l.  Prizrend. 
Elle  comprend  les  sandjaks  de  Prizrend,  llskub,  leni- Bazar 
et  Dibré.  Ce  vilayet  renferme  le«Kossovo  Folié  »  ou  Champ 
des  Merles,  plaine  tristement  célèbre  dans  l'histoire  serbe. 
Le  dernier  tsar  serbe,  Lazare  Grblianovitch,  engagé  dans  une 
guerre  contre  les  Turcs  auxquels  il  refusait  de  payer  le  tri- 
but, livra  bataille  dans  cette  plaine  aux  troupes  de  MouradF'*', 
le  45  juin  4389.  Ce  dernier  avait  été  assassiné  la  veille,  dans 
sa  propre  tente,  par  le  voiévode  serbe,  Miloch  Obilitch, 
gendre  du  tsar  Lazare.  Accusé  de  trahison  par  un  autre 
gendre  du  même  souverain,  Vouk  Brankovitch,  Miloch 
traversa  les  lignes  ennemies,  pénétra  jusqu'à  la  tente  du 
sultan  et  porta  à  ce  dernier  un  coup  mortel,  sacrifiant  sa  vie 
pour  prouver  la  calomnie  de  son  parent.  Numériquement 
mférieure  aux  Turcs  (ces  derniers  étaient  au  nombre  de 
300,000  hommes,  d'après  les  historiens  serbes),  démora- 
lisée par  la  non-arrivée  des  secours  attendus  et  par  la 
défection  de  Vouk  Brankovitch  lui-même,  le  calomniateur 
de  Miloch  ObiUtch,  qui  abandonna  le  champ  de  bataille  avec 
40,000  cavaliers,  Farmée  serbe  fut  écrasée  après  une 
résistance  héroïque.  Entraîné  par  ses  soldats  en  fuite,  le 
tsar  Lazare  fut  rejoint  par  les  Turcs,  fait  prisonnier  et 
conduit  dans  la  tente  de  Mourad  expirant,  qui  le  fit  déca- 
piter en  même  temps  que  Miloch  Obilitch.  Cette  journée 
coûta  à  la  Serbie  son  indépendance.  En  4448,  le  49  oct., 
le  sultan  Mourad  II  infligea,  dans  la  plaine  de  Kossovo,  une 
défaite  sanglante  à  Farmée  hongroise  de  Jean  Hunyadi.  On 
voit  encore,  à  Kossovo,  le  tombeau  de  Mourad  P^. 

KOSSOWlCZ  (Kajetan),  orientaliste  russe  d'origine  po-. 
lonaise,  né  dans  le  gouvernement  de  Vitebsk  en  4813, 
mort  en  4843.  Après  avoir  été  professeur  au  gymnase  de 
Tver  et  de  Moscou,  il  fut  attaché  à  la  bibliothèque  impé- 
riale de  Saint-Pétersbourg  et  devint  professeur  de  sanscrit 
et  de  zend  à  l'université  de  cette  ville.  Il  a  traduit  en 
russe  plusieurs  textes  sanscrits,  publié  un  dictionnaire 
russe-sanscrit  resté  inachevé,  des  inscriptions  persanes  et 
un  recueil  de  textes  cunéiformes. 

KOSSUTH  (Louis),  homme  d'Etat,  orateur  et  publiciste 
hongrois, né  à  Monok  (comitat  de  Zemplén)  le  27  avr.  4802, 
mort  à  Turin  le  20  mars  4894.  Sa  famille  était  noble,  mais 
peu  fortunée,  et  avait  subi  de  nombreux  procès,  pendant 
les  deux  siècles  de  luttesintérieures  (4526-4744),  pour  son 
hostilité  envers  la  maison  d'Autriche.  D'origine  slave,  elle 
était  devenue  patriote  magyare,  et  son  membre  le  plus 
illustre  allait  présenter  ce  caractère  au  plus  haut  point. 


Son  père,  avocat,  le  fit  préparer  à  cette  profession  par  le 
collège  protestant  de  Sârospatak,  lequel  se  continuait  dans 
l'enseignement  supérieur  par  une  école  de  droit.  Dès  4826, 
il  était  avocat  et  bientôt  il  prenait  part  aux  assemblées  de 
son  comitat,  excellente  école  politique  de  Fancien  parle- 
mentarisme hongrois.  Quelque  temps  homme  d'affaires  de  la 
comtesse  Szapary  (4830-31),  rendant  pendant  cette  même 
année  le  grand  service  d'empêcher  une  guerre  civile  entre 
le  peuple  et  la  noblesse  lors  du  fameux  choléra,  l'ambition 
d'un  théâtre  plus  vaste  le  fit  s*établir  à  Pest.  La  Diète  réu- 
nie à  Presbourg  (4832-36)  lui  ouvrit  presque  aussitôt 
l'accès  de  la  vie  politique  par  une  porte  toute  particulière 
au  système  magyar  d'alors,  celle  des  absentium  dele- 
cjàti.  Lorsqu'un  magnat,  un  membre  de  la  Chambre  haute, 
ne  pouvait  se  rendre  à  l'Assemblée,  il  se  faisait  remplacer, 
s'il  le  voulait,  par  un  jeune  homme  qui  allait  siéger  dans 
la  Cfuunbre  des  députés,  sans  prendre  la  parole  et  sans 
voter.  Sorte  de  stage,  mais  habituellement  modeste,  dont 
Louis  Kossuth  fit  un  brillant  début  de  carrière.  La  grande 
lacune  de  la  vie  parlementaire  était  jusqu'alors  l'absence 
de  toute  communication  entre  l'Assemblée  et  le  pays,  sur- 
tout entre  FAssemblée  et  les  chefs-lieux  des  comitats, 
foyers  très  vivants,mais  très  bornés  d'ardeur  politique.  Kos- 
suth imagina  de  composer  chaque  soir  un  compte  rendu 
animé  et  intéressant  de  la  séance  :  des  copies,  lithogra- 
pliiées  en  général  ou  manuscrites,  pour  échapper  à  la  cen- 
sure, partaient  dans  toutes  les  directions  et,  quand  la  poste 
se  refusait  à  les  transmettre,  les  heiduques  au  service  des 
comitats  venaient  les  chercher.  Le  succès  de  cette  inven- 
tion fut  immense,  et  la  renommée  du  jeune  inventeur  popu- 
laire dans  tout  le  royaume.  Le  gouvernement  n'osa  pas 
Finterdire  pendant  la  durée  de  la  Diète  ;  mais  lorsqu'aprèsla 
clôture,  Kossuth  entreprit  de  publier  à  Pest  (4837)  le  compte 
rendu  des  principales  séances  des  comitats,  sous  le  titre 
de  Wcnseignemenls  législatifs.  Défense  lui  fut  faite  de 
continuer.  Le  fondateur  du  journalisme  magyar,  appuyé  par 
le  comitat  de  Pest,  refusa  de  se  soumettre.  Il  fut  bientôt 
arrêté,  longtemps  tenu  au  secret,  enfin  condamné  pour  haute 
trahison  à  quatre  années  d'emprisonnement. 

La  Diète  de  4840  obtint  une  amnistie  qui  remit  Kossuth 
en  liberté.  Sa  captivité  studieuse,  employée  en  partie  à  ap- 
prendre l'anglais  et  à  étudier  à  fond  Shakespeare,  avait 
grandi  son  talent.  Elle  avait  aussi  doublé  sa  popularité  et 
lui  avait  valu  une  souscription  publique,  dont  le  produit 
joint  aux  prochains  bénéfices  du  publiciste,  lui  constitua 
t)ientôt  une  fortune  indépendante.  Il  fondait  en  effet  le 
Pesti  llirlap  (4844),  grâce  à  l'autorisation  d'un  nouvel 
archichancelier  plus  libéral,  le  comte  Majlath.  Ce  «  Jour- 
nal de  Pest  »  arriva  rapidement  au  chiffre  inattendu  de 
7,000  abonnés,  grâce  aux  articles  de  fond  rédigés  par  Kos- 
suth, grâce  aussi  aux  nombreuses  correspondance  qu'il  sa- 
vait se  ménager  dans  tous  les  coins  du  royaume.  Mais  il 
prenait  aussi  une  allure  de  plus  en  plus  radicale,  qui  ne 
tarda  pas  à  susciter  contre  lui,  sans  parler  de  la  cour  de 
Vienne,  une  double  contradiction  en  Hongrie  même,  celle 
du  comte  Széchenyi  et  des  modérés,  celle  du  comte  Des- 
sewffy  et  des  conservateurs.  De  plus  en  4844,  Kossuth  se 
brouilla  avec  son  éditeur  et  quitta  le  journal.  Il  ne  quittait 
pas  pour  cela  la  scène  politique  :  d'abord  il  restait  l'ora- 
teur écouté  du  comitat  de  Pest,  et  le  discours  qu'il  y  pro- 
nonça en  4845  contre  de  nouveaux  agents  du  pouvoir,  qua- 
lifiés par  lui  àeKreishaiiptmanrij  eut  tout  le  retentissement 
d'une  grande  tribune;  ensuite  il  s'adonna  aux  questions 
finsncieres  et  industrielles  pendant  trois  ans  (4844-47), 
pas  toujours  avec  un  grand  bonheur  pratique,  mais  en 
réussissant  à  raviver  le  commerce  hongrois  et  à  le  mettre 
en  lutte  avec  le  système  économique  de  la  cour  de  Vienne. 
Les  offres  de  Metternich  pour  la  fondation  d'un  journal 
conservateur  restaient  sans  effet. 

Les  élections  de  4  847  portèrent  Kossuth  à  la  Diète 
comme  représentant  du  comitat  de  Pest,  élection  très  dis- 
putée, qui  parut  donner  le  signal  de  grands  événements. 
En  effet,  les  discours  prononcés  par  Kossuth  le  25  nov.,  à 


KOSSUTlï  -  KOSTOMAKOV 


612 


propos  de  l'adresse,  et  le  44  janv.,  à  propos  de  la  réunion 
de  la  Transylvanie,  annonçaient  une  ère  nouvelle.  Les  ré- 
sistances qu'il  rencontrait  s'affaiblirent  à  la  nouvelle  de  la 
révolution  parisienne,  qui  donna  à  son  discours  du  3  mars 
une  force  d'impulsion  irrésistible,  non  seulement  à  Pres- 
bourg  où  siégeait  encore  l'Assemblée,  mais  à  Pest,  la  vraie 
capitale  du  royaume,  et  à  Vienne,  où  ce  discours  contribuait 
beaucoup  à  l'insurrection  du  13  mars.  Le  17,  le  ministère 
séparé  et  responsable  qu'il  avait  réclamé  fut  accordé,  pré- 
sidé par  le  comte  Batthyânyi,  et  Kossuth  y  reçut  le  porte- 
feuille des  finances.  11  présida  pour  sa  part  aux  grandes 
réformes  du  mois  d'avril,  qui  fondèrent  la  Hongrie  moderne, 
sans  les  faire  aller  toujours  aussi  loin  qu'il  aurait  voulu. 
Ses  collègues  modérés  le  retenaient  ;  d'ailleurs  les  nuages 
n'allaient  pas  tarder  à  grossir  du  côté  de  la  cour  et  des 
Slaves  de  la  Croatie  et  du  Banat,  plus  ou  moins  ouverte- 
ment d'accord  avec  elle.  La  nouvelle  assemblée  étant  réu- 
nie à  Pest,  dès  la  séance  du  11  juil.  où  Kossuth  prononça, 
au  nom  du  gouvernement,  le  plus  beau  de  tous  ses  discours 
pour  demander  une  levée  de  200,000  hommes,  on  sentit 
que  la  rupture  était  inévitable,  une  double  rupture  même. 
Kossuth  essaya  de  la  retarder  par  une  concession  qui  n'était 
ni  dans  son  daractère  ni  dans  ses  habitudes,  en  abandon- 
nant les  Italiens  pour  se  concilier  l'Autriche.  En  septembre, 
Batthyânyi  donna  sa  démission,  et  Kossuth,  président  d'un 
comité  de  défense  nationale  qui  était,  aux  yeux  de  l'Europe 
conservatrice,  un  véritable  ministère  insurrectionnel,  se 
trouva  investi,  en  fait,  de  la  dictature. 

Dès  lors  son  activité  fut  merveilleuse,  comme  organisa- 
teur à  la  fois  militaire  et  financier.  L'invasion  de  Windisch- 
grsetz,  le  soulèvement,  dans  tout  le  Midi,  des  Slaves  et 
des  Roumains  contre  les  Magyars,  l'avènement  (2  déc.)  de 
François-Joseph  que  l'Assemblée  hongroise  refusait  de  re- 
connaître comme  irrégulier,  créaient  une  situation  telle- 
ment grave  que  le  dictateur  dut  transporter  le  gouverne- 
ment à  Debreczin  à  partir  du  1®^  janv.  1849.  Il  y  trouva 
de  nouvelles  difficultés,  des  défections,  des  dissensions, 
surtout  l'antipathie  croissante  du  principal  chef  militaire, 
de  Gœrgey,à  son  égard.  Néanmoins,  les  armées  nationales 
reprirent  le  dessus  en  mars,  avril  et  mai.  Kossuth  fit  pro- 
clamer par  l'Assemblée  de  Debreczin,  le  14avr.,  l'indépen- 
dance de  la  Hongrie  et  la  déchéance  des  Habsbourg,  mais 
non  pas  la  république,  dont  une  fraction  seulement  des 
insurgés  eussent  été  partisans  :  la  couronne  restait  vacante 
et  pouvait  servir  à  obtenir  une  alliance  étrangère.  Seule- 
ment les  négociations  du  gouverneur  avec  les  puissances 
n'aboutissaient  pas,  tandis  que  le  tsar  Nicolas  préparait 
contre  lui  une  intervention  écrasante.  Aussi  sa  rentrée 
victorieuse  dans  Pest  et  la  reprise  de  Bude  le  21  mai  fu- 
rent-elles ses  dernières  belles  journées.  Les  désobéissances 
de  Gœrgey  et  la  chute  de  Pest  le  forcèrent  à  se  transpor- 
ter à  Szegedin.  Ne  pouvant  continuer  une  lutte  trop  iné- 
gale et  ne  voulant  pas  céder,  il  transmit  ses  pouvoirs  à 
Gœrgey  le  11  août  et  passa  en  Turquie.  La  Porte  otto- 
mane ne  le  livra  point,  mais  l'interna,  d'abord  à  Widdin, 
ensuite  et  plus  longtemps  à  Koutaieh  en  Asie  Mineure. 

Ainsi  commençait  un  exil,  d'abord  forcé,  puis  volontaire, 
le  plus  prolongé  dont  l'histoire  fasse  mention,  puisqu'il  a 
duré  quarante-cinq  ans,  jusqu'à  la  mort  récente  du  nona- 
génaire. Libéré  par  l'intervention  de  l'Angleterre  et  des 
Etats-Unis  en  1851,  il  se  vit  interdire  le  territoire  fran- 
çais par  le  prince-président,  mais  reçut  grand  accueil  en 
Angleterre,  puis  en  Amérique.  11  s'établit  quelque  temps  à 
Londres,  où  il  fut  reconnu  par  la  révolution  européenne 
comme  l'un  de  ses  chefs.  Plus  tard,  Turin  devint  sa  rési- 
dence définitive  ;  il  organisa  en  1859  une  légion  hon- 
groise contre  l'Autriche,  mais  Napoléon  III  s'étant  fran- 
chement refusé  à  prendre  aucun  engagement  relatif  à  la 
Hongrie  en  vue  de  la  paix  future,  il  ne  put  y  avoir  une 
alliance  franco-magyare.  Après  de  nouvelles  espérances 
suscitées  par  la  guerre  de  1866  et  rendues  vaines  par  la 
prompte  pacification  et  par  l'accord  de  1867,  Kossuth  re- 
poussa aussi  bien  l'amnistie  pour  lui  que  le  régime  du 


dualisme  pour  son  pays.  Rien  ne  put  le  faire  revenir  sur 
cette  décision,  ni  son  élection  comme  député,  ni  la  déléga- 
tion de  patriotes  qui  alla  le  trouver  en  1877,  ni  la  loi  de 
1879  qui  enlevait  la  qualité  de  citoyen  à  tout  Hongrois  ré- 
sidant à  l'étranger  qui  ne  se  ferait  pas  inscrire  au  consulat 
austro-hongrois  dans  un  délai  de  dix  ans.  Le  31  mai  1890, 
M.  Daniel  Irânyi  n'a  pu  obtenir  de  la  Chambre  des  dépu- 
tés une  exception  en  faveur  de  l'ancien  dictateur.  Mais, 
même  depuis  ce  temps,  plus  d'une  manifestation  a  montré 
que,  si  la  ligne  politique  suivie  par  Kossuth  rencontrait  bien 
des  objections,  les  Magyars  étaient  unanimes  à  le  regarder 
comme  une  des  plus  grandes  figures  de  leur  histoire.  Ils 
viennent  de  le  prouver  (fin  mars  1894),  en  honorant  sa 
dépouille  inhumée  [au  musée  National  de  funérailles  plus 
que  royales.  Nous  ne  devons  pas  oublier  qu'en  oct.  1870, 
il  pressa  les  Américains  d'intervenir  entre  l'Allemagne  et 
la  France.  -—  On  a  de  lui  ou  à  son  sujet:  Select  Sketches 
of  Kossuth,  réunis  parNewmann  (1853)  ;  Louis  Kossuth, 
par  J.-E.  Horn  (Leipzig,  iSM)  ;  Catastrofe  ungarese 
(Florence,  1850);  Lettres  de  Kossuth  à  Bem,  par  Ma- 
tray  (Pest,  4872)  ;  Souvenirs  et  écrits  de  mon  exil, 
en  plusieurs  langues  (1880).  E.  Sayous. 

BiBL.  :  A.  deGérando,  VEsprit  public  en  Hongrie.  — 
Iranyi  et  Chassin,  Histoire  politique  de  la  Révolution  de 
Hongrie.  —  Revue  dVrient  et  de  Hongrie,  n»  du  25  mars 
1894  (catalogue  des  livres  et  des  brochures  en  allemand, 
français  et  anglais). 

KO STAJN ICA.  Ville  d'Autriche-Hongrie  (Croatie),  comi- 
tat  de  Zagreb  (Agram),  sur  l'Unna;  3,000  hab.  Vieux  châ- 
teau. En  face,  au  S.  de  la  rivière,  est  une  cité  bosniaque 
du  même  nom  (1,500  hab.).  En  1689,  Drascovics  défit  les 
Turcs  à  Kostajnica. 

KOSTEN.Ville  de  Prusse,  district  de  Posen,  surl'Obra; 
5,000  hab.  Carton,  cigares,  sucre. 

KOSTER  (Laurens)  (V.  Coster). 

KOSTKA  (V.  Stanislas). 

KOSTOWIAROV  (Nicolas),  historien  russe,  né  à  Ostro- 
gosch  (gouv.  de  Voronèje)  en  1817,  mort  à  Saint-Péters- 
bourg le  19  avr.  1885.  Après  avoir  achevé  ses  études  à 
l'université  de  Kharkov  en  1836,  il  commença  sa  carrière 
littéraire  par  deux  drames  historiques  en  petit -russien  : 
Sava  Tchaly  (1838),  et  la  Nuit  de  Pereïaslav  (1841)  et 
quelques  recueils  de  poésies  :  Ballades  ukrainiennes 
(1 839),  pubhés  sous  le  pseudonyme  de  Jérémie  Halka. 
En  1841,  il  présenta  à  l'université  sa  thèse  Sur  VUnion 
des  Eglises  en  Russie  occidentale,  qui,  bien  qu'acceptée 
par  la  faculté,  fut  défendue  et  brûlée  sur  l'insistance  de 
l'archevêque  de  Kharkov.  Sa  seconde  thèse.  Sur  l'Impor- 
tance historique  de  la  poésie  populaire  russe,  eut  plus 
de  succès.  Nommé,  en  1845,  professeur  d'histoire  russe  à 
l'université  de  Kiev,  il  rassembla  autour  de  lui  un  cercle 
des  patriotes  ukrainiens  et  fonda  une  société  secrète  sous 
le  nom  de  la  Confrérie  des  saints  Cyrille  et  Méthode, 
dont  le  but  était  l'abolition  complète  du  servage,  des  pri- 
vilèges et  des  peines  corporelles,  la  liberté  des  cultes  et 
de  la  presse,  l'enseignement  pour  tous,  la  publication  des 
livres  utiles  pour  le  peuple,  etc. ,  l'affranchissement  de 
tous  les  peuples  slaves  et  leur  organisation  en  Etats  indé- 
pendants et  confédérés  sous  le  protectorat  de  Fempereur 
de  la  Russie.  Cette  société  fut  dénoncée,  Kostomarov  et  ses 
amis  furent  arrêtés  et  après  une  année  de  réclusion  dans 
la  forteresse  des  Saints-Pierre  et  Paul,  il  fut  interné  à  Sa- 
ratov  (1847).  Amnistié  après  la  mort  de  l'empereur 
Nicolas,  il  obtint  la  chaire  d'histoire  russe  à  l'université 
de  Saint-Pétersbourg  en  1859,  mais  deux  ans  après  il  dut 
renoncer  à  ses  cours  et  s'adonna  entièrement  aux  re- 
cherches archéologiques,  ethnographiques  et  surtout  his- 
toriques. Doué  d'un  talent  littéraire  hors  ligne,  il  fut  pour 
l'histoire  russe  ce  qu'Augustin  Thierry  fut  pour  l'histoire 
de  France.  Au  point  de  vue  scientifique,  c'est  le  premier 
des  historiens  russes  qui  ait  fait  dans  l'histoire  une  place 
au  peuple  et  qui  ait  appliqué  dans  ses  travaux  la  méthode 
critique  dans  toute  sa  rigueur,  ce  qui  provoqua  un  certain 
mécontentement  du  parti  slavophile  officiel  et  centrahste. 


-  613 


KOSTOMAROV  —  KOTCHOUBINSK\ 


On  a  de  lui  toute  une  série  d'ouvrages  :  Bogdan  Kkmel- 
nitsky  (1857,  3  vol.;  dern.  éd.,  4884);  la  Révolte  de 
Stenko  Razine  (4858)  ;  la  Vie  et  les  mœurs  des  Grands- 
Russes  au  xvi^  siècle  (4860);  les  Républiques  de  la 
Russie  septentrionale  (1863);  les  Dernières  Années 
de  la  République  de  Pologne  (4869-70);  la  Ruine 
(4879)  ;  Mazeppa  (4882);  r Histoire  russe  en  biographies 
(4873-85);  enfin  V Héritage  littéraire  (œuvres  pos- 
thumes) en  4890.  On  lui  doit  encore:  Pensées  sur  le 
principe  fédératif  dans  la  Russie  ancienne;  la  Vérité 
sur  la  Russie  aux  Moscovites  ;  la  Vérité  sur  la  Russie 
aux  Polonais;  Deux  Nationalités  russes^  etc.  Presque 
tous  ses  travaux  sont  recueillis  dans  les  seize  volumes  de 
ses  Monographies.  Il  a  écrit  aussi  quelques  romans  et 
drames  historiques  en  russe  :  Cremutius  tordus (iS6'^) ; 
le  Fils  (4859);  Koudéïar  (1875),  etc.  Pr.  Mérimée  a 
résumé  son  Bogdan  Khmelnitzky  dans  le  volume  intitulé 
les  Cosaques  d'autrefois.  Th.  Volkov. 

KOSTROMA.  Rivière  de  Russie,  affl.  g.  de  la  Volga, 
320  kil.de  long;  bassin  de  20,400  kil.  q.;  elle  est  navigable 
au  printemps  à  partir  de  Soligalitch,  en  été  à  partir  de  Boui, 
confluent  de  la  Galitchskaia-Vioxa,  sépare  les  gouv.  de 
Jaroslav  et  I^ostroma. 

KOSTROMA.  Ville  de  Russie,  ch.-l.dugouv.de  ce  nom, 
sur  la  rive  g.  de  la  Volga,  au  confluent  de  la  Kostroma; 
34,496  hab.  (en  4894).  De  ses  quarante  églises,  il  faut 
signafér  la  cathédrale  Uspenski,  bâtie  en  1239,  sur  une 
colline  où  s'élevait  aussi  le  palais  du  gouverneur  et  plu- 
sieurs édifices.  L'industrie  est  développée,  lainages  et  toiles, 
puis  machines,  cuirs,  fers.  Le  commerce  est  considérable, 
grâce  à  la  situation,  surtout  à  la  foire  tenue  après  Pâques. 
Kostroma  passe  pour  avoir  été  fondée  en  4452  par  Jourie 
Dolgorouki;  Michel-Fédorovitch  Romanov  y  fut  élevé  ety 
apprit  en  4643  son  élection  au  trône  de  Russie  (commé- 
morée par  un  monument  érigé  en  4834).  La  ville  fut  dé- 
truite en  1847  par  un  quadruple  incendie.  •—  Le  district  a 
4,300  kil.  q. 

Le  gouvernement  de  Kostroma  a  84,449  kil.  q.  et 
4,394,572  hab.  Il  est  situé  entre  ceux  de  Vologda  au  N., 
Vratka  à  rE.,Nijni-Novgorod  et  Vladimir  au  S.,  Jaroslav 
à  rO.  C'est  une  plaine,  à  peine  ondulée  le  long  de  la  Volga, 
marécageuse  au  N.,  sablonneuse  au  S.  Le  sol  appartient 
au  terrain permien,  sauf  une  bande  jurassique  le  long  delà 
Volga.  Le  climat  est  froid  (température  moyenne  de  Tan- 
née +  3°).  Les  bois  occupent  61  *^/o,  les  champs  20  ^jo. 
les  prairies  42  %  de  la  superficie.  On  y  compte  plus  de 
500,000  bœufs,  de  250,000  chevaux,  de  750,000  mou- 
tons. L'industrie  se  développe  :  filature  et  tissage  du  coton 
et  du  lin.  Le  gouvernement  n'existe  que  depuis  4796.  Il  se 
divise  en  douze  cercles  :  Buj,  Galitch,  Jourjevez,  Kinech- 
ma,  Kologriv,  Kostroma,  Makariev,  Nerechta,  Soligalitch, 
Tchouchloma,  Varnavin,  Vetlouga. 

La  population  primitive  de  ce  gouvernement  dépendant 
du  pays  de  Rostov  était  formée  de  Mères,  peuple  finnois 
qui  a  été  progressivement  slavisé.  Kostroma  appartint  à  la 
principauté  de  Souzdal-Vladimir,  au  xii®  siècle,  eut  ensuite 
ses  princes  particuliers  et  fut  annexé  au  grand-duché  de 
Russie  par  Ivan  III  Vasiliévitch.  A. -M.  B. 

KOSTROV  (Ermile-Ivanovitch),  homme  de  lettres  russe, 
né  en  4750,  mort  en  4796.  Il  était  originaire  d'une  fa- 
mille de  paysans.  On  lui  doit  la  première  traduction  russe 
de  Vlliade. 

KOSTROV  (Nicolas-Alexandrovitch),  né  en  4828,  mort 
à  Tomsk  en  1881,  a  publié  d'intéressantes  études  sur 
les  indigènes  de  Sibérie,  notamment  sur  les  Iakoutes  et  les 
Samoyèdes. 

KOSTRZEWSKI  (François),  peintre  et  dessinateur  po- 
lonais, né  à  Varsovie  en  4826.  Avant  d'entrer  à  l'Ecole 
des  beaux-arts  de  cette  ville,  il  s'exerça  tout  seul  à  dessi- 
ner aux  environs  de  Cracovie,àla  campagne,  où  il  observa 
les  mœurs  et  les  coutumes  des  paysans.  La  vie  des  champs 
resta  toujours  la  principale  source  de  son  inspiration.  Sa 
première  œuvre  et  l'une  de  ses  meilleures  est  l'Intérieur 


de  cabaret  qui  figura  avec  honneur  et  fut  récompensé  à 
l'exposition  des  beaux-arts  de  Cracovie  en  4854.  Dans  les 
tableaux  suivants  :  la  Moisson,  Charbonniers  en  forêt. 
Chaise  au  sanglier,  Vente  sur  licitalion.  Foire  d'une 
petite  ville,  etc.,  on  remarque  partoutlamêmepréoccupation 
de  rendre  fidèlement  les  joies  et  les  souffrances  de  la  po- 
pulation rurale.  Mais  Kostrzewski  est  surtout  un  illustra- 
teur habile  et  très  fécond.  11  a  collaboré  aux  plus  impor- 
tants recueils  illustrés  de  Varsovie  et  de  Cracovie.  Sa 
peinture  s'est  ressentie  un  peu  de  sa  trop  grande  facilité 
à  manier  le  crayon  ;  son  dessin  en  effet  n'est  pas  toujours 
assez  châtié.  Malgré  ce  défaut,  Kostrzewski  est  un  des 
artistes  les  plus  populaires  de  la  Pologne  contemporaine. 
KO  S  VA.  Rivière  de  Russie,  gouvernement  de  Perm,  af- 
fluent gauche  de  la  Kama  ;  elle  descend  de  l'Oural  vers  le 
S.-O.,  a  300  kil.  de  long,  dont  430  navigables  (bassin  de 
7,400  kil.  q.). 

KOTA.  Nom  de  plusieurs  villes  de  l'Inde  :  l'une  dans  la 
prov.  de  Bérar  ;  3,000  hab.  —  Une  autre  dans  la  présidence 
de  Madras,  district  de  Nellore;  6,000  hab.  Grandes  foires 
annuelles.  —  Une  troisième,  à  l'E.  du  Radjpoutana,  sur  la 
r.  dr.  du  Tchambal,  affluent  droit  de  la  Djemna  (60,000 
hab.),  le  long  d'un  grand  étang,  avec  de  beaux  palais  et 
temples,  est  la  capitale  d'une  principauté  radjpoulc 
(9,894  kil.  q.;  e520,000  hab.  environ).  Détachée  de  l'ifa-- 
raouti  en  4625,  elle  est  peuplée  d'Hindous;  le  maharadja 
du  clan  Hala  a  45,000  soldats  et  un  revenu  de  près  de 
800,000  fr.  Des  jungles  et  des  forêts  où  pullulent  les  fauves 
couvrent  une  grande  partie  du  pays,  d'ailleurs  chaud  et 
malsain. 

K0TA6H1RI.  Ville  de  l'Inde  anglaise,  présidence  de  Ma- 
dras, au  N.-E.  des  monts  Nilghirris;  4,980  m.  d'alt.  ; 
sanatorium  fréquenté  par  les  Européens. 
KOTA! BAH  (Ibn)  (V.  Ibn-Qouteïba). 
KOTA-KOTA.  Bourg  de  l'Afrique  australe, à  l'O.  du  lac 
Nyassa,  dont  c'est  un  des  principaux  ports. 

KOTAR  ou  KOUTHAR.  Principauté  de  l'Inde,  au  N.-E. 
du  Pendjab,  près  de  Soubaton  ;  4,000  hab. 

KOTAR.  Ville  maritime  de  l'Inde  méridionale,  Etat  de 
Travancore,  à  la  pointe  S.  de  la  presqu'île,  45  kil.  0.  du 
capComorin  ;  7,000  hab.  Ce  fut  un  des  grands  ports  de 
rinde,  la  Kottraia  de  Ptolémée,  Cotiard  de  la  Table  de 
Peutinger  ;  elle  a  été  supplantée  par  Kblatchel. 

KOTARINGIN  ou  KOTA  Waringin.  Etat  indigène  du 
S.-O.  de  Bornéo,  vassal  des  Pays-Bas;  43,000  hab.,  Dayaks 
et  Malais. 

KOTAYAM.  Ville  de  l'Inde  méridionale,  Etat  de  Travan- 
core ;  6,500  hab.  Evêché  et  curieuses  églises  des  chré- 
tiens svriaques  qui  forment  la  majorité  des  habitants. 

KOfCH  ou  KOUCH.  Peuple  du  N.-E.  de  l'Inde,  dans  la 
région  himalayenne  du  Bengale  ;  peau  foncée,  visage  plat 
et  carré,  yeux  noirs  et  louches,  cheveux  noirs  et  droits, 
barbe  rare;  nez  épaté,  pommettes  saillantes,  front  fusant. 
La  tribu  des  Pani-Kotch,  dans  les  monts  Garros  où"  elle 
s'est  mélangée  aux  Rabha,  est  demeurée  sauvage  ;  les  autres 
sont  assimilées  aux  Hindous. 

KOTCHOUBEY.  Famille  russe  originaire  de  la  Petite- 
Russie.  Ses  principaux  représentants  ont  été:  Vusili-Leon- 
tievitch  Kotchoubey.  Il  fut  juge  général  de  l'armée  de  la 
Petite-Russie  et  échanson  de  Pierre  le  Grand.  Il  accusa  au- 
près du  tsar  Mazeppa  de  menées  secrètes  avec  Cliarles  XII  ; 
Mazeppa  réussit  à  le  rendre  suspect  et  le  fit  condamner  à 
mort  en  4708.  —  Viclor-Pavlovitch,  prince  Kotchoubey. 
né  en  4768,  mort  en  1834,  joua  comme  homme  d'Etat 
un  rôle  considérable.  En  4  792,  il  fut  ambassadeur  de  Russie 
à  Constantinople.  En  4798,  il  devint  vice-chancelier;  sous 
Alexandre  P%  il  fut  ministre  de  l'intérieur  (4  802)  et  devint 
en  4827  président  du  conseil  de  l'Empire.  L.  L. 

KOTCHOUBEY  (Alix,  princesse)  (V.  Dressant  [Alix]). 
KOTCHOUBINSKY  (Alexandre-Alexandrovitch),  savant 
russe  contemporain.  H  est  depuis  1877  professeur  de  phi- 
lologie slave  à  l'université  d'Odessa,  et  a  publié  un  certain 
nombre  d'ouvrages  relatifs  à  ses  études  :  la  Question  des 


KOTCHOUBINSKY  ^  KOTZEBUE 


—  614  - 


rapports  des  langues  slaves  entre  elles  (Odessa,  1877); 
Essai  sur  la  langue  des  Slaves  de  l'Elbe  (id.,  1879); 
le  Bilan  de  la  philologie  slave  et  russe  (id.,  1882); 
r Amiral  Sehichkov  et  le  chancelier  Roumiantzov  {id., 
4887),  ouvrage  couronné  par  TAcadémio  de  Saint-Péters- 
bourg, etc.;  les  Rapports  de  la  Russie  avec  les  Slaves 
méridionaux  sous  Pierre  le  Grande  etc. 

KOTCHKOUROV.  Ville  de  Russie,  gouv.  deNijni-Novgo- 
rod,  surl'Alatyr;  4,000  hab.  Fabrication  de  sacs  à  grains 
dont  on  exporte  1,500,000  par  an  dans  les  pays  à  blé  du 
Midi. 

KOTEL  (en  turc  Kazan).  Ville  de  la  Bulgarie  méridio- 
nale, chef-lieu  d'arr.  du  dép.  àeSliven,  située  k^^  kil.  au  S. 
du  col  du  même  nom  (587  m.)  dans  la  partie  orientale  des 
Balkans.  Cette  ville  doit  ses  noms  turc  et  bulgare  à  sa  po- 
sition au  centre  d'un  bassin  circulaire  fermé  dont  la  forme 
rappelle  celle  d'un  chaudron.  Son  climat  est  humide  et 
malsain.  La  ville  est  très  resserrée;  ses  maisons  en  bois 
do:it  les  étages  surplombent  au-dessus  des  rues  étroites  lui 
d)naentun  aspect  très  pittoresque.  Kotel  est  le  lieu  d'ori- 
gine de  plusieurs  hommes  ayant  joué  un  rôle  dans  l'his- 
toire de  la  Bulgarie  moderne  :  Févêque  Sofroni,  Pierre 
Béron,  l'écrivain  révolutionnaire  Rakovski,  MM.  Alexis 
Vogoridi  et  Krstovitch.  Elle  a  été  détruite  en  1894  par  un 
incendie. 

KOTELNU-OSTROV  (Ile)  (V.Liakhov). 

KOTELNITCH.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du 
gouvernement  de  Viatka,  rive  droite  de  la  Viatka  ;  5,000 
hab.  Grande  foire  de  Saint-Alexis  (du  4^^  au  23  mars).  — 
Le  district  a  40,856  kil.  q.  C'est  un  pays  d'élevage. 

KOTGARH.  Ville  de  FInde,  rive  gauche  du  Sulledj,  à 
2,023  m.  d'alt.,  capitale  d'une  petite  principauté  de 
88  kil.  q.  C'est  un  sanatorium  des  troupes  anglaises. 

KOTHAÏR  (Ahmed-Mohammed  ibn)  (V.  Fergani  [Al-]). 

KOTl.  Principauté  de  l'Inde  centrale,  au  N.  des  monts 
Vindhya;  275  kil.  q.  Le  prince  est  un  radjpoute  qui  porte 
le  titre  de  raïs.  —  Une  autre  principauté  radjpoute  du 
môme  nom,  dont  le  prince,  vassal  du  Kaiontal,  s'intitule  rana, 
se  trouve  au  pied  de  l'Himalaya,  dans  le  Pendjab  (Cis-Sut- 
ledj);  ellea440kiL  q. 

KOT-KAMALI A.  Ville  de  FInde  (Pendjab),  prov.  de  Moul- 
tan,  sur  un  ancien  lit  delà  Ravi  (Hydraotes)  ;  6,000 hab. 
On  a  proposé  de  l'identifier  avec  une  place  des  Malli,  prise 
par  Alexandre  le  Grand,  peut-être  celle  où  il  fut  blessé. 

KOTLIAREVSKY  (Alexandre -Alexandrovitch),  savant 
russe,  né  dans  la  Russie  méridionale  en  4837,  mort  à  Pise 
en  4881.  Après  avoir  fait  ses  études  à  l'université  de  Mos- 
cou, il  voyagea  dans  les  pays  slaves  et  se  consacra  à  l'étude 
de  leur  histoire  et  de  leur  archéologie.  Il  fut  professeur 
aux  universités  de  Dorpat  et  de  Kiev.  Il  a  collaboré  à  un 
grand  nombre  de  recueils  et  publié  un  certain  nombre 
d'ouvrages  d'un  haut  intérêt  scientifique:  les  Coutumes 
funéraires  des  Slaves  païens  (Moscou,  4868);  les  Lé- 
gendes d'Otto  de  Bamberg  dans  leurs  rapports  avec 
tliistoire  et  l'archéologie  slaves  (Prague,  4874);  V An- 
cien Droit  des  Slaves  baltiques  {id.,  4874);  Essai 
bibliographique  sur  V ancienne  littérature  russe  (Kiev, 
1674).  On  lui  doit  en  outre  un  grand  nombre  de  mémoires 
dispersés  dans  les  revues  russes,  tchèques  et  allemandes  et 
dans  les  Mémoires  de  V Académie  de  Saint-Pétersbourg , 
L'Académie  a  entrepris  une  édition  complète  de  ses  œuvres 
(Saint-Pétersbourg,  années  4889  et  suiv.).  —  Son  fils, 
Nicolas- Alexandrovitch  Kotliarevsky,  professeur  à  Saint- 
Pétersbourg,  a  fait  paraître  un  volume  sur  Lermontov 
(Saint-Pétersbourg,  4894).  L.  L. 

BiBL.  :  Pastrnek,  Bibliographische  Uebersichtûber  die 
slavische  Philologie  ;  Berlin,  1892. 

KOTLIN  (V.  Cronstadt). 

KOTOCHIKINE  ou  KOCHIKINE  (Grégoire),  publiciste 
russe  du  xvii<*  siècle.  Il  servit  à  Moscou  au  Prikaze  des 
ambassadeurs,  c.-à-d.  au  département  des  aifaires  étran- 
gères ;  en  4660,  pendant  une  guerre  contre  la  Pologne,  il 


était  sous  les  ordres  du  prince  A.  Dolgorouky  ;  ayant  refusé 
de  lui  obéir  et  craignant  sa  vengeance,  il  s'enfuit  à  l'étran- 
ger. Il  passa  en  Prusse,  embrassa  le  luthéranisme  et  s'éta- 
blit définitivement  en  Suède.  Il  fut  mis  à  mort  en  1697 
pour  avoir  tué  un  Suédois  qu'il  soupçonnait  d'être  Famant 
de  sa  femme.  Il  écrivit  pendant  son  séjour  à  l'étranger  un 
ouvrage  fort  curieux  :  la  Russie  sous  le  règne  d'Alexis 
Micfiaïlovitch,  C'est  un  tableau  complet  des  mœurs,  de 
l'organisation  sociale  et  politique  de  l'état  moscovite.  Le 
manuscrit  de  cet  ouvrage  fut  découvert  en  4859  par  Solo- 
viev  dans  la  bibliothèque  d'Upsal  et  publié  par  Beketov 
dans  les  travaux  de  la  Commission  archéologique  russe.  11 
a  été  plusieurs  fois  réimprimé  (Pétersbourg,4884,  3<^  éd.) . 
BiBL.  :  Mémoires  de  VAcadémie  des  sciences  de  Pé- 
iersbourg  (section  russe),  t.  XXIX. 

KOTORO.  Province  du  Bornou,  au  S.  du  lac  Tchad  et  à 
FO.  du  Chari;  ch.-l.  Afadé.  Elle  est  peuplée  de  nègres  Ko- 
toko  ou  Makari,  musulmans,  agriculteurs  et  industriels. 

KOTONOU,  COTONOU  ou  APPL  Port  français  du  Da- 
homey, sur  la  flèche  de  sable  qui  sépare  de  la  mer  la 
lagune  de  Porto-No vo  (V.  Côte  des  Esclaves  et  Dahomey)  . 

KOTOR  (V.  Cattaro). 

KOTOROSL.  Bivière  de  Russie,  gouvernement  d'Iaros- 
lav,  affl.  droit  de  la  Volga  où  elle  tombe  à  laroslav;  elle 
a  270  kil,  de  long  et  porte  le  nom  de  Sara  avant  de 
former  le  lac  Nero, 

KOTOUR.  Ville  de  Perse,  dans  la  vallée  supérieure  du 
Khoï  (affl.  dr.  de  FAras)  ;  c'est  une  place  forte  qui  garde 
les  défilés  entre  les  bassins  de  FEuplirate  et  du  Tigre  et 
le  lac  Ourmia.  En  4878,  la  Russie  Fa  enlevée  à  la  Turquie 
pour  la  céder  à  la  Perse  avec  un  territoire  de  4,125  kil.  q. 
et  8,000  hab. 

^  KOTRI.  Ville  de  l'Inde,  présidence  de  Bombay,  pro- 
vince du  Sindh,  sur  la  rive  droite  de  Fïndus,  port  flu- 
vial de  llaïderabad;  8,000  hab.  Résidence  des  fonction- 
naires, soldats  et  marchands  européens. 

KOTRL  Ville  du  Beloutchistan  oriental,  à  l'entrée  du 
défilé  de  la  Moula  et  44  kil.S.-O.  de  Gandava.  Entrepôt 
du  commerce  de  Kélat  avec  FInde  (par  Chikarpour). 

KOTSI.  Ville  maritime  du  Japon,  ch.-l.  d'un  ken  de  l'île 
de  Sikok,  sur  la  côte  S.  doFîle;  50,000  hab.  environ. 
C'était  la  capitale  du  daïraio  deToza.C'estle  principal  centre 
de  fabrication  du  papier  au  Japon.  —  Le  ken  est  formé 
de  l'ancienne  province  de  Toza. 

KOTTIAR.  Ville  de  File  de  Ceylan,  au  S.  de  la  baie  de 
ïrinkomalé,  fut  au  xvi^  siècle  le  grand  port  de  cette  ré- 
gion; les  Hollandais  Foccupèrent  en  1675;  les  Anglais 
l'abandonnèrent. 

KOTTBUS.  Ville  de  Prusse,  district  de  Francfort-sur- 
FOder,  sur  la  Sprée,  nœud  de  ch.  de  fer;  34,910  hab. 
Elle  possède  une  soixantaine  de  fabriques  de  toiles  dont 
la  production  dépasse  25  millions  de  fr.  On  y  fait  aussi 
des  lainages,  des  tapis,  des  machines,  de  l'eau~de-vie,  de 
la  bière,  etc.  C'était  une  seigneurie  qui  fut  achetée  en  1445 
par  l'électeur  Frédéric  IL  A  3  kil.  au  S.-E.  est  le  château 
de  Branitz  avec  son  superbe  parc. 

KOTZEBUE  (August-Friedrich-Ferdinand  de),  né  à 
Weimar  le  3  déc.  1761 ,  mort  à  Mannheim  le  23  mai  1819. 
Il  était  fils  d'un  conseiller  de  légation  du  duché  de  Weimar, 
et,  tout  jeune  encore,  il  perdit  son  père.  Il  nous  a  ren- 
seignés sur  sa  jeunesse  dans  Mein  literœrischer  Lebens- 
lauf,  un  des  nombreux  écrits  autobiographiques  quM 
publia  successivement,  soit  pour  se  défendre,  soit  simple- 
ment pour  se  raconter  et  se  produire.  Sa  mère  se  consacra 
tout  entière  à  son  éducation  ;  elle  le  fit  instruire  par  deux 
candidats  en  théologie,  qui,  «  en  attendant  qu'une  vocation 
supérieure  les  mît  à  la  tète  d'un  troupeau,  n'épargnaient 
rien  pour  faire  de  lui  un  mouton  ».  A  leur  enseignement 
pédantesque,  il  opposa  les  leçons  plus  aimables  et  plus 
fructueuses  de  sa  mère,  qui  n'avait  qu'un  tort  envers  lui  : 
c'était  de  l'adorer  et  d'exiger  pour  son  enfant  préféré  le 
même  tribut  d'adoration  de  la  part  des  personnes  qui  fré- 
quentaient sa  maison.  La  louange  devint  dès  lors  un  besoin 


615  - 


KOTZEBLE 


pour  lui,  et  ce  qui  lui  fut  le  plus  sensible  dans  la  suite,  ce 
furent  les  blessures  faites  à  sa  vanité.  M^^  Kotzebue  était 
en  relations  avec  la  cour  et  avec  le  monde  littéraire,  et 
Gœthe  se  souvenait  encore,  dans  sa  vieillesse,  d'avoir  vu 
l'enfant  jouer  dans  son  jardin  et  dresser  des  pièges  aux 
oiseaux.  Gœthe  lui  donna  même  quelques  mots  à  dire  dans 
une  comédie  .intitulée  Die  Geschwister,  où  Amélie  Ko- 
tzebue, la  sœur  aînée  d'Auguste,  tenait  le  principal  rôle. 
Déjà  le  futur  écrivain  s'annonçait  par  des  essais,  très  épar- 
pillés comme  ses  lectures,  et  appartenant  à  tous  les  genres. 
S'il  fallait  en  croire  son  propre  témoignage,  il  aurait  com- 
posé, dès  l'âge  de  six  ans,  une  idylle  et  un  drame  ;  il  est 
vrai  que  le  drame  tenait  tout  entier  sur  une  page.  Il  jouait 
ses  productions  dramatiques,  lui-raêrne  faisant  tous  les 
rôles,  sur  une  petite  scène  qu'il  avait  installée  dans  la 
maison  de  sa  mère  ;  ce  fut  le  premier  des  théâtres  d'ama- 
teurs qu'il  monta  successivement  dans  tous  les  lieux  qu'il 
habita. 

Au  gymnase  de  Weimar,  il  eut  pour  maître  son  oncle, 
le  conteur  Musaeus,  qui  encouragea  son  talent.  En  1777, 
il  commença  ses  études  universitaires  à  ïéna,  et  il  les 
continua  l'année  suivante  à  Duisbourg,  où  sa  sœur  venait 
de  se  marier.  Il  était  inscrit  à  la  faculté  de  droit,  mais 
il  étudia  surtout  les  langues  anciennes,  le  français  et  l'ita- 
lien.  Etant  à  léna,  il  remit  un  conte  en  vers  à  Wieland, 
et  il  s'étonna  de  ne  pas  le  voir  paraître  dans  le  Mercure 
allemand,  que  Wieland  dirigeait.  De  Duisbourg,  il  envoya 
une  comédie  à  Schrœder,  alors  directeur  du  théâtre  de 
Hambourg,  qui  la  lui  retourna  ;  l'éditeur  Weygand  lui 
refusa  également  le  manuscrit  d'un  roman.  Ce  triple  échec 
était  très  blessant  pour  un  homme  qui  débutait  hardiment 
dans  trois  genres  dilFérents.  Il  put  cependant  faire  repré- 
senter devant  la  cour  de  Weimar,  en  4779,  un  drame, 
Charlotte  Frank,  faible  imitation  à'Emilia  Galotti,  qui 
échoua,  et  une  comédie,  Die  Weiber  nach  der  Mode,  qui 
réussit  grâce  à  quelques  allusions  satiriques  qu'il  y  avait 
introduites.  A  la  suite  de  ces  premiers  succès,  et  après 
qu'il  eut  passé  ses  derniers  examens  de  droit,  le  comte  de 
Gœrz,  ambassadeur  de  Prusse  en  Russie,  ami  de  son  père, 
attira  sur  lui  la  faveur  de  l'impératrice  Catherine  II.  Nommé 
gouverneur  de  l'Esthonie  en  1783,  il  épousa  une  jeune  fille 
noble,  qui  avait  de  grandes  propriétés  aux  environs  de 
Revel  ;  lui-même  était  anobli  par  sa  charge.  Il  créa  aussi- 
tôt dans  sa  province  un  théâtre,  où  il  fit  jouer  les  pièces 
qu'il  avait  composées  dans  l'intervalle,  tragédies,  drames, 
comédies  et  farces.  En  1787,  une  maladie  dont  il  guérit 
avec  peine,  et  qui  le  laissa  dans  un  état  de  faiblesse  mélan- 
colique, lui  inspira  le  fameux  drame  de  Misanthropie  et 
Repentir^  qui  fit  le  tour  de  tous  les  théâtres  de  l'Europe. 
Cette  pièce,  le  triomphe  de  la  prose  larmoyante,  fut  ap- 
plaudie à  Paris,  en  pleine  Révolution,  en  1792  ;  une  nou- 
velle version,  faite  par  la  citoyenne  Mole,  la  sœur  de 
l'acteur,  en  1798,  parut  si  bien  acclimatée  sur  les  scènes 
françaises  qu'elle  fut  reprise,  en  1823,  par  Talma  et 
M^i^  Mars  ;  enfin,  et  sans  parler  des  traductions  de  Weiss 
et  Jauifret  en  collaboration,  de  Weiss  seul,  et  de  Rigaud, 
Misanthropie  et  Repentir  fut  encore  porté  sur  le  Théâtre- 
Français  par  Gérard  de  Nerval  en  1855,  et  sur  le  théâtre 
de  rOdéon  par  Pages  en  1862,  les  deux  dernières  fois 
avec  un  moindre  succès  ;  cependant  Gérard  de  Nerval  avait 
ajouté  au  texte  allemand  ce  qui  manque  à  toutes  les  œuvres 
de  Kotzebue,  le  style.  Pour  rétablir  tout  à  fait  sa  santé, 
Kotzebue  se  rendit,  en  1790,  aux  eaux  de  Pyrmont  ;  il 
vint  ensuite  à  W^eimar,  où  il  fut  reçu  avec  des  marques 
d'estime,  mais  non  avec  les  grands  honneurs  auxquels  il 
s'attendait.  Il  se  vengea  par  un  odieux  pamphlet,  Doctor 
Bahrdt  mit  der  eisernen  Stirn,  qu'il  mit  sous  le  nom 
du  moraliste  Knig^e,  mais  dont  on  connut  bientôt  le  yéri- 
table  auteur.  L'opinion  publique  se  souleva  contre  lui,  et, 
sa  femme  étant  morte  peu  de  temps  après,  il  quitta  des 
lieux  où,  disait-il,  il  avait  perdu  le  repos  de  sa  vie.  Il 
passa  l'hiver  suivant  à  Paris,  chargé,  sans  doute,  par  le 
Gouvernement  russe  d'observer  la  marche  de  la  Révolution. 


Il  a  consigné  les  détails  de  son  voyage  et  de  son  séjour 
dans  l'écrit  intitulé  Meine  Flucht  nach  Paris  im  Win- 
ter  i790.  Sa  mission  terminée,  il  retourna  en  Russie  et 
composa  une  série  d'ouvrages  dramatiques,  satiriques  et 
autobiographiques,  qu'il  fit  paraître  successivement  sous  le 
titre  de  Die  jimgsten  Kinder  meiner  Laune  (Leipzig, 
1793-97,  6  vol.).  En  1795,  il  se  démit  de  ses  fonctions  de 
gouverneur  —  on  ne  sait  si  ce  fut  de  gré  ou  de  force  —  et 
il  se  retira  dans  son  domaine  de  Friedenthal,  aux  environs 
de  Narva. 

Poussé  par  le  besoin  de  se  rappeler  au  souvenir  de  ses 
compatriotes,  il  entreprit,  en  1797,  un  nouveau  voyage 
en  Allemagne  ;  il  s'arrêta  à  Vienne ,  où  il  fut  appelé  à 
diriger  les  représentations  du  Théâtre  de  la  cour ,  fonc- 
tion que  venait  de  quitter  le  poète  Alxinger  (V.  ce  nom). 
Mais  il  eut  bientôt  de  vifs  démêlés  avec  les  acteurs,  et  il 
résigna  sa  charge  au  bout  de  deux  ans,  moyennant  une 
pension  de  1,000  florins.  Il  revint  à  Weimar  (1800),  cette 
fois  avec  Fintention  de  s'y  fixer  ;  il  y  acheta  même  une 
maison.  Mais,  sur  le  conseil  de  sa  seconde  femme,  une 
Livonienne,  il  voulut,  la  même  année,  retourner  en  Russie. 
Il  fut  arrêté  à  la  frontière,  séparé  de  sa  femme, ^  vit  ses 
papiers  saisis,  et  on  lui  déclara  qu'il  était  relégué  en 
Sibérie,  sans  lui  indiquer  les  motifs  de  cette  mesure.  Il 
réussit  à  tromper  la  vigilance  de  ses  gardiens,  et  trouva 
pendi^nt  quelques  jours  un  asile  dans  un  château  voisin  ; 
mais  il  fut  dénoncé  et  définitivement  acheminé  vers  son 
lieu  d'exil.  C*est  du  moins  ce  qu'il  raconte  dans  son  ou- 
vrage: Das  merkwilrdigste  Jahr  meines  Lebens  (Berhn, 
1801,  2  vol.)';  mais  aucun  document  authentique  ne  per- 
met de  contrôler  l'exactitude  de  ces  détails.  Des  critiques 
malins  n'ont-ils  pas  prétendu  que  tout  le  récit  n'était  qu'un 
roman  ingénieux?  (V.  surtout  les  Lettres  d'un  Français 
à  un  Allemand  servant  de  réponse  a  i¥.  de  Kotzebue, 
par  Ph.  Masson,  Bâle,  ^1802  ;  et  Bemerkungen  ilberdes 
Herrn  von  Kotzebue  neuesten  Roman,  Das  merkwilr- 
digste Jahr  meines  Lebens,  Vienne,  1802  ;  enfin,  une 
lettre  de  Schiller  à  Gœthe,  du  6  juil.  1802).  Le  fait  est 
que  Kotzebue  arriva  à  Tobolsk,  qu'il  y  fut  très  bien  reçu, 
et  qu'il  eut  même  la  satisfaction  d'y  voir  jouer  quelques- 
unes  de  ses  pièces.  Il  fut  transporté  ensuite  à  Kurgan,  qui 
lui  était  assigné  comme  séjour,  et  où  il  fut  traité  égale- 
ment avec  de  grands  égards.  Au  reste,  son  exil  ne  dura 
pas.  L'empereur  Paul,  ayant  lu  dans  une  traduction  russe 
ie  petit  drame  intitulé  le  Vieux  Cocher  de  Pierre  III, 
où  son  père  était  loué,  dépêcha  aussitôt  un  courrier  en 
Sibérie  pour  ramener  l'auteur.  Kotzebue  fut  nommé  con- 
seiller aulicfue  et  directeur  du  Théâtre  allemand^  de  Péters- 
bourg,  et  il  reçut  en  outre,  comme  compensation  de  ses 
ennuis  passés,  le  domaine  de  Wokrokul,  dont  le  revenu 
était  de  4,000  roubles.  L'empereur  Alexandre^  P^  qui 
succéda  à  Paul  en  1801,  paraît  lui  avoir  été  moins  favo- 
rable, du  moins  dans  les  premières  années  de  son  règne. 
Kotzebue  revint  en  Allemagne,  et  essaya  encore  une  ibis 
de  se  fixer  à  Weimar.  Mais  la  situation  prépondérante 
que  Gœthe  y  avait  acquise  le  gênait.  Il  présenta  au  théâtre 
une  de  ses  meilleures  comédies  :  Die  deutschen  Klein- 
stœdter,  inspirée  par  la  Petite  Ville  de  Picard.  Gœthe, 
comme  directeur,  en  retrancha,  pour  la  représentation,  les 
allusions  personnelles;  la  pièce  réussit,  mais  Kotzebue 
n'en  garda  pas  moins  rancune  à  Gœthe.  Il  organisa,  pour 
se  venger,  une  manifestation  en  l'honneur  de  Schiller,  dont 
le  but  était  bien  moins  de  fêter  Schiller  que  de  diminuer 
ie  prestige  de  Gœthe.  Il  fallut  Pintervention  du  duc  de 
Weimar  pour  déjouer  ses  intrigues.  Il  habita  quelque  temps 
léna,  fit  ensuite  un  second  voyage  à  Paris,  et  s'établit, 
en  1802,  à  Berlin,  où  il  fonda  une  revue,  Der  Freimii-- 
thige,  dirigée  contre  Gœthe  et  les  frères  Schlegel  :  ceux-ci, 
plus  tard  chefs  de  l'école  romantique,  ne  s'étaient  pas 
encore  séparés  du  groupe  de  Weimar.  Dans  les  années 
suivantes,  nous  trouvons  Kotzebue  tour  à  tour  en  France, 
en  Livonie  et  en  Italie  ;  il  recueillit  ses  impressions  dans 

Erinnenuigen  aus  Paris  im  Jahre  i804  (Berlin,  1804) 


KOTZEBUE  —  KOTZWARA 


—  Gi6  — 


et  Erinnerungen  von  einer  Reise  aus  Liefland  nach 
Rom  und  Neapel  (Berlin,  1805).  En  1806,  il  s'arrêta  à 
Kœnigsberg  pour  dépouiller  les  archives  de  la  \ille,  et  il 
en  retira  quelques  documents  importants,  qui  forment  tout 
l'intérêt  de  son  ouvrage  :  Preuszens  œltere  Geschkhte 
(Riga,  4808-4809,  4  vol.).  Etant  à  Paris,  il  avait  cherché 
en  vain  à  attirer  l'attention  de  Napoléon,  et  il  montra  dès 
htrs  un  vif  ressentiment  contre  la  France.  Lorsque  la 
Prusse  fut  occupée  par  les  armées  françaises,  il  regagna 
la  Russie,  et,  après  la  paix  de  Tilsit,  il  fut  chargé  d'une 
mission  secrète  à  Londres,  dont  le  but  paraît  avoir  été  de 
négocier  la  reddition  de  la  flotte  russe  à  l'Angleterre.  Il 
commença,  en  4808,  une  publication  trimestrielle.  Die 
Riene^  mélange  de  récits  et  d'anecdotes,  de  tirades  mo- 
rales et  politiques,  et  il  en  donna  la  suite  dans  Die  Grille^ 
qui  parut  à  intervalles  inégaux  en  1840  et  4814.  L'unique 
lien,  qui  rattachait  entre  elles  ces  feuilles  éparses,  c'était 
la  haine  de  l'auteur  contre  Napoléon  et  la  France.  Il  vou- 
lait même  que  la  langue  française  fût  bannie  des  relations 
internationales  ;  il  jugeait,  non  sans  clairvoyance,  que 
l'universalité  de  notre  langue  avait  préparé  les  succès  de 
nos  armes.  Ce  fut  lui  surtout  qui,  pendant  les  campagnes 
de  4842  et  4843,  rédigea  les  notes  diplomatiques  et  les 
manifestes  de  l'empereur  Alexandre.  Il  suivait  le  quartier 
général  russe. 

En  4844,  il  fut  nommé  consul  de  Russie  à  Kœnigs- 
berg, où  il  prit  en  mmQ  temps  la  direction  du  théâtre. 
Rappelé  à  Pétersbourg  en  4846,  il  fut  attaché  au  minis- 
tère des  affaires  étrangères.  Mais,  dès  l'année  suivante, 
il  repartit  pour  l'Allemagne,  avec  la  mission  secrète  de 
renseigner  le  gouvernement  russe  sur  l'état  des  esprits 
dans  l'Europe  occidentale  et  spécialement  sur  les  revendi- 
cations et  les  entreprises  du  parti  libéral.  Les  peuples  qu'on 
avait  menés  à  la  croisade  contre  Napoléon  réclamaient  avec 
instance  les  réformes  qui  devaient  être  le  prix  de  la  vic- 
toire, tandis  que  les  souverains  ajournaient  d'année  en 
année  la  réalisation  de  leurs  promesses.  Kotzebue  était 
d'avis  que  la  volonté  du  prince  était  la  première  des  lois 
et  qu'un  peuple  n'avait  aucun  droit  par  lui-même.  C'est  la 
doctrine  qu'il  prêchait  dans  sa  feuille  hebdomadaire  :  Das 
literarische  Wochenblatt  ;  il  y  poursuivait  aussi  de  ses 
sarcasmes  les  associations  d'étudiants,  qui  propageaient 
l'esprit  révolutionnaire.  Il  avait  d'abord  demeuré  à  Weimar, 
mais,  le  voisinage  des  universités  d'Iéna  et  de  Halle  lui 
ayant  paru  dangereux,  il  s'établit  à  Mannheim.  Une  dernière 
circonstance  acheva  de  le  perdre  dans  l'opinion  publique. 
Lors  du  congrès  d'Aix-la-Chapelle,  en  4848,  unpubliciste 
nommé  Sturdza  rédigea  en  français  et  pour  le  compte  du 
tsar  un  Mémoire  sur  Vétat  actuel  de  V Allemagne^  qui 
fut  tiré  à  cinquante  exemplaires  et  communiqué  à  titre 
confidentiel  aux  cours  allemandes.  Un  exemplaire  fut  livré 
à  la  rédaction  du  journal  anglais  le  Times ^  qui  le  publia. 
Le  mémoire  ne  contenait  pas  seulement  des  accusations 
graves  contre  la  jeunesse  des  écoles,  mais  encore  des  insi- 
nuations blessantes  pour  l'amour-propre  national  ;  il  n'était 
pas  de  la  main  de  Kotzebue,  mais  celui-ci  l'avait  certaine- 
ment inspiré  et  en  avait  fourni  les  matériaux.  Le  23  mars 
4849,  à  dix  heures  du  matin,  un  étudiant  de  l'université 
d'Iéna,  Karl-Ludwig  Sand,  se  présenta,  avec  une  demande 
d'audience,  dans  la  demeure  de  Kotzebue,  qui  lui  donna 
rendez-vous  pour  l'après-midi.  Il  revint  à  l'heure  indiquée, 
et,  après  avoir  échangé  quelques  paroles  avec  Kotzebue,  il 
le  frappa  au  cœur  d'un  coup  de  poignard  en  s'écriant  : 
«  Traître  à  la  patrie  !  »  Il  essaya  ensuite  de  se  tuer,  et  ne 
put  que  se  blesser.  Le  procès  dura  jusqu'au  mois  de  sep- 
tembre; la  sentence  de  mort  ne  fut  prononcée  que  le 
5  mai  4820,  et  l'exécution  eut  lieu  le  20  mai.  Un  compte 
rendu  du  procès  fut  donné  par  Hohehorst  (Stuttgart, 
4820),  mais  la  vente  n'en  fut  autorisée  que  trois  ans 
après.  Dans  le  public,  on  plaignait  non  pas  la  victime, 
mais  le  meurtrier.  Au  reste,  le  crime  de  Sand,  comme 
tous  les  crimes  politiques,  alla  contre  son  but  et  ne  fit  que 
hâter  la  réaction.  Quant  à  la  réputation  littéraire  de  Ko- 


tzebue, elle  ne  fut  ni  grandie  ni  diminuée  par  sa  mort 
violente.  Il  n'a  jamais  été  compté  comme  historien,  et, 
comme  auteur  dramatique,  il  n'a  jamais  su  créer  un  carac- 
tère. Ses  comédies  se  sont  maintenues  plus  longtemps  que 
ses  tragédies  et  ses  drames,  grâce  à  une  qualité  qui  n'au- 
rait pas  suffi  à  les  faire  réussir  chez  nous,  mais  qui  manque 
souvent  même  aux  grands  écrivains  allemands,  l'entente 
de  la  scène.  Aujourd'hui,  la  banalité  des  effets  choque  le 
public,  devenu  plus  délicat.  C'est  quelque  chose,  disait 
Molière,  de  faire  rire  les  honnêtes  gens  :  Kotzebue  n'a 
jamais  cherché  qu'à  faire  rire  n'importe  qui  et  par  n'im- 
porte quels  moyens. 

Cinq  fils  de  Kotzebue  se  sont  rendus  célèbres  à  divers 
titres.  Otto  (4787-4846)  a  fait  trois  voyages  autour  du 
monde  ;  dans  le  second,  qu'il  fit  à  bord  du  Riirik^  dans 
le  but  de  découvrir  une  route  par  les  mers  du  Nord,  il  eut 
pour  compagnon  le  poète  Chamisso  (V.  ce  nom)  ;  un 
archipel  au  S.  du  détroit  de  Behring  porte  son  nom.  — 
Moritz  (4789-4864)  accompagna  son  frère  dans  le  pre- 
mier de  ses  voyages  ;  tait  prisonnier  par  les  Français  en 
4842,  il  a  retracé  les  incidents  de  sa  captivité  dans  Der 
russische  Kriegsgefangene  unter  den  Franzosen  (Lei[)- 
zig,  4  845)  ;  il  a  fait  partie  d'une  ambassade  russe  en  Perse, 
dont  la  relation  a  été  publiée  par  son  père  (Vienne,  4819). 
—  Paul  (4804-84)  combattit  dans  les  armées  russes  en 
Perse,  en  Turquie  et  en  Pologne  ;  il  devint  chef  d'état- 
major  du  général  Gortchakov  en  4853,  prit  part  au  siège 
de  Silistrie,  à  la  défense  de  Sébastopol  et  à  la  bataille  de 
la  Tchernaïa;  il  a  été  gouverneur  de  la  Pologne  de  4874 
à  1880.  —  Wilhelm^  né  en  4843,  a  fait  sa  carrière  dans 
la  diplomatie;  il  a  donné  au  théâtre,  sous  le  nom  de 
Wilhelm  Augustsohn,  deux  drames  :  Ein  unbarmherzi- 
(jer  Freund  et  Zwei  Silnderinnen^  dont  le  premier  a 
réussi,  et  on  lui  doit  quelques  publications  intéressantes 
sur  la  Moldavie,  telles  que  :  Rumœnische  Volkspoesie 
(Leipzig,  4857),  et  Aus  der  Moldau,  Rilder  und  Skizien 
(1860).  —  Alexander,  peintre  de  batailles,  né  en  -1815, 
abandonna  en  1837  l'état  militaire  pour  l'art  et  étudia 
sous  Sauerweib  à  l'Académie  de  Pétersbourg.  Sa  première 
œuvre  importante,  la  Prise  de  Varsovie^  lui  valut  du  tsar 
de  nombreuses  commandes.  Après  avoir  tour  à  tour  séjourné 
à  Paris  et  travaillé  dans  l'atelier  d'Horace  Vernet,  aux 
Pays-Bas  et  en  Italie,  il  alla  se  fixer  à  Munich,  oti  il 
s'attacha  surtout  à  reproduire,  dans  des  compositions  gran- 
dioses et  pleines  d'un  coloris  éclatant,  des  scènes  de  guerre 
du  xvi*'  siècle  :  Prise  de  Schlûsselburg ,  Rataille  de  Pol- 
tawa^  Prise  de  Narva,  Passage  du  col  de  Panitz  par 
Souwarow^  Episode  du  Combat  de  la  Trebbie  en  juin 
1199^  Combat  du  Pont-du-Diable^  Passage  de  la  baie 
de  Bothnie  ;  Siio\itom-y  :  la  Fondation  de  Pétersbourg, 
pour  le  Maximihaneum  de  Munich,  et  la  toile  humoris- 
tique: le  Général  Scheremetjew  recevant  au  nom  de 
Pierre  le  Grand  le  serment  d'hommage  de  la  ville  de 
Riga,  A.  Bossert. 

BiBL.  :  Sœmtliche  dramRiische  Werke  ;  Leipzig,  1797- 
1823,28  vol.;  Leipzig,  1827-29,  44  vol.  ;  Leipzig,  1840-41, 
40  vol.  —  Auswahl  dr^amatischer  Werke  ;  Leipzig,  1867-68, 
10  vol.  —  Ausgewsehlte  Lustspielp,  ;  Leipzig,  1863  ;  2«  éd., 
1873.  —  Ausgèwsehlte  prosaische  Schriften  ;  Vienne,  1842- 
43,  45  vol.  —  Fr.  Kramer,  Leben  August  von  Kotzebiie's, 
iiach  seinen  Schriften  und  nach  authentischen  Mitihei- 
Inngen  dargestellt  ;  Leipzig,  1820.  —  H.  Dœring,  August 
von  Kotzebué's  Leben  ;  Weimar,  1830.  —  Wilhelm  von 
IvoTZEBUE,  August  von  Kotzebue,  Urtheile  der  Zeitge- 
nossen  und  der  Gegenwart  ;  Dresde,  1881.  —  Une  traduc- 
tion de  Misanthropie  et  Repentir  et  de  la  Petite  Ville 
allemande  se  trouve  dans  :  Théâtre  choisi  de  Lessing  et 
de  Kotzebue  (Paris). 

KOTZWARA  (François),  musicien  tchèque,  né  à  Prague, 
mort  à  Londres  en  1793.  Il  eut  un  moment  de  célébrité 
par  son  morceau  imitalif,  la  Bataille  de  Prague,  dont  la 
vogue  fut  univeraelle.  Virtuose  habile  sur  plusieurs  instru- 
ments et  compositeur  médiocre,  Kotzwara  trouvait  des 
moyens  d'existence  dans  la  fabrication  de  morceaux  que  les 
éditeurs  lui  commandaient  pour  les  vendre  sous  les  noms 
de  Pleyel,  de  Haydn  et  de  Mozart. 


617  - 


KOUALA-KANGSA  -  KOUANG-TOUNG 


KOUALA-KANGSA.  Ville  delà  presqu'île  deMalacca,  cap. 
de  la  principauté  de  Pérak,  sur  la  r.  dr.  du  Pérak,  dans 
une  belle  \allée.  Résident  anglais. 

KOUALA-LOUMPOUR.Villedelapresqu'îledeMalacca, 
cap.  de  la  principauté  de  Selangor,  au  confluent  du  Klang 
et  du  Gombah.  Résident  anglais.  Entrepôt  de  mines  d'étain 
considérables. 

K0UAN6-BINH  ou  D0N6-H0Ï.  Ville  maritime  d'An- 
nam,  ch.-l.  de  prov.,  à  Tentrée  du  golfe  du  Tonkin  et  au 
débouché  de  la  rivière  de  Kouang-binh  ou  Dong-hoï,  dite 
aussi  Sao-bun;  forteresse  d'où  partent  les  lignes  fortifiées 
de  Vong-choua  séparant  l'Annam  du  Tonkin  ;  les  dunes  ont 
noyé  le  mur  du  côté  de  la  mer.  —  La  province  de  Kouang- 
binh,  la  plus  septentrionale  de  l'Annam,  occupe  sur  une  lon- 
gueur de  125  kil.  la  plaine  côtière  très  resserrée  entre  la 
montagne  et  la  mer;  le  plateau  de  l'intérieur  qu'on  y  rat- 
tache est  peuplé  par  des  sauvages  peu  connus. 

KOUANG-NAIi  (V.  Quâng-nam). 

KOUANG-NAN~Fou.  Ville  de  Chine,  prov.  du  Yunnan, 
aux  sources  du  You-tchang,  affl.  dr.  du  Si-kiang. 

KOUANG-NGAI  (V.  Quàng-Ngaï). 

KOUANG-NING.  Ville  de  Chine,  prov.  de  Liao-toung  ou 
Ching-king  (Mandchourie),  au  pied  des  monts  de  Kouang- 
ning.  Elle  renferme  les  tombeaux  de  la  dynastie  des  Liao 
qui  régnait  sur  la  Chine  aux  xi^  et  x*'  siècles,  et  a  joué  un 
grand  rôle  dans  l'histoire  des  Mandchous. 

KOUANGO  (V.  CoANGo). 

KO  U  AN  G-Sl.  Une  des  dix-huit  provinces  de  la  Chine  pro- 
prement dite;  200,000  kil.  q.;  5,200,000  hab.  (en  1887). 
Comprise  entre  le  Tonkin  au  S.,leKouang-toungau  S.-E., 
le  Kouei-tcheou  et  le  Hou-nan  au  N.,  le  Yunnan  à  l'O.  ; 
elle  comprend  essentiellement  le  bassin  du  Si-kiang  (Houng- 
choui,  Pak-ha  ou  riv.  de  Canton)  qui  la  traverse  de  l'O.  à 
TE.,  étant  limitée  au  N.  par  les  monts  Nan-chan,  au  S. 
par  les  hauteurs  qui  séparent  le  bassin  du  Si-kiang  et  du 
Song-koï  (fleuve  Rouge)  ;  à  l'E.,  des  montagnes  le  séparent 
du  Kouang-toung.  Les  montagnes  sont  surtout  développées 
au  N.,  les  plaines  occupent  moins  du  tiers  de  la  superficie 
totale,  dans  la  vallée  du  fleuve  et  dans  celles  de  ses  affluents  : 
You-tchang  à  droite,  avec  son  tributaire  le  Li-kiang  ou 
Song-ki-kong  (route  vers  le  Tonkin);  Liu,  Young-fou  ou 
Fou-ho  et  Koueï-kiang  (relié  par  un  canal  au  Kiang-kiang, 
affluent  du  Yang-tse-kiang)  à  gauche.  Le  climat  est  chaud 
et  humide,  le  sol  médiocrement  fertile  ;  on  cultive  le  maïs 
et  le  riz,  puis  le  blé,  la  fève,  l'arachide,  le  tabac,  l'indigo, 
la  casse,  beaucoup  de  fruits  ;  on  récolte  la  cannelle  dans 
les  forêts.  Les  mines  (or,  argent,  cuivre,  plomb,  étain) 
sont  délaissées.  On  manufacture  le  coton  et  la  soie.  —  La 
population  est  formée  surtout  de  Chinois  Hakka,  agricul- 
teurs énergiques,  originaires,  dit-on,  du  Chan-toung,  qui 
fournissent  des  contingents  d'émigrants  et  ont  recruté  les 
bandes  des  Taï-ping  (V.  Chine,  t,  XI,  p.  109).  C'est  une  po- 
pulation turbulente,  surtout  dans  les  villes,  et  peu  sympa- 
thique à  l'étranger.  Les  dialectes  sont  très  variés,  se 
rattachant  d'une  manière  générale  au  cantonais.  Au  N.  et 
à  rO.  du  Kouang-si  vivent  encore  en  grand  nombre  les 
populations  sauvages  groupées  sous  le  nom  de  Miao-tsé 
(Pan-hou,Y-kia,  Seng,^.)  (V.Asie,  t.  IV,  p.  121 ,  et  Chine, 
t.  XI,  p.  90).  La  province  de  Kouang-si  se  divise  en  onze 
départements:  Kouei-lin,  Lieou-tcheou,  King-youan,  Sse- 
ngan,  Sse-tching,  Ping-lo,  Ou-tcheou,  Tsin-tcheou,  Naù- 
ning,  Taïping,  Tchin-ngan,  plus  un  arrondissement  (Fchi  i) 
directement  soumis  au  gouverneur,  et  cinq  cantons  auto- 
nomes dans  la  montagne.  Le  chef-lieu  est  Kouei-lin.  Elle  est 
réunie  au  Kouang-toung  sous  le  même  vice-roi.    A. -M.  B. 

BiBL.  :  CoLQHOUN,  Across  Chryse,  from  Canton  to  Man- 
daley;  Londres,  1883,  2  vol.  avec  cartes.  ~  Romanet  du 
Caillaud,  le  Quang-si^  dans  Bull,  Soc.  géogr..,  1884  (avec 
bibliogr.), 

KOUANG-SIN.  Ville  de  Chine,  province  de  Kiang-si, 
ch.-l.  de  département,  sur  le  Kin-kiang,  très  peuplée, 
mais  peu  commerçante. 

K0UAN6-SU,  empereur  de  Chine,  dont  le  nom  antérieur 
était  Tsaï-tien^  ne  à  Péking  le  2  août  1872,  empereur  le 


12  janv.  1875.  Fils  du  prince  Tchouen  ou  Chun  (7«  fils  de 
l'empereur  Tao-kouang),  il  succéda  à  son  cousin  l'empereur 
Toung-tche  (Tsaï-tchoun),  sous  la  tutelle  de  sa  tante  et 
mère  adoptive  Tse-hi  ;  déclaré  majeur  le  4  mars  1889,  il 
a  épousé  à  Péking  le  12  févr.  1889  Yé-hô-na-ta,  fille  du 
préfet  banneret  Kouei-hsiang.  L'influence  de  l'impératrice 
Tse-hi,  corégente  avec  Tse-an  depuis  1861,  seule  ré- 
gente de  1881  à  1889,  est  demeurée  prépondérante  après 
sa  majorité.  Le  pouvoir  fut  exercé  presque  tout  le  temps 
par  le  prince  Kong  (V.  ce  nom  et  Chine,  t.  XI,  p.  111). 

K0UAN6-TCHÈN6  ou  CHANG-TOUN.  Ville  de  l'empire 
chinois  (Mandchourie),  province  de  Girin,  sur  un  affluent 
gauche  de  la  Soungari.  Marché  des  nomades  du  Gobi  orien- 
tal; grand  commerce  d'opium  et  d'indigo. 

K0UAN6-TCHE0U  ou  KOUANG-TO'UNG  (V.Canton). 

KOUANG-TOUNG  (Canton) .  Une  des  dix-huit  provinces  de 
la  Chine  proprement  dite;  259, 1 00  kil.  q.  ;  29,700,000  hab. 
Elle  est  au  S.  de  l'empire,  le  long  de  la  merde  Chine  qui 
la  baigne  sur  plus  de  1,300  kil.  au  S.  et  au  S.-E.,  bornée 
au  S.-O.  par  le  Tonkin,  à  l'O.  par  le  Kouang-si  et  le 
Fo-kien.  Elle  comprend  l'île  d'Haï-nan  et  la  presqu'île  de 
Loui-Tcheou  qui  lui  fait  vis-à-vis.  C'est  une  région  très 
montagneuse,  couverte  d'une  série  de  chaînons  parallèles 
du  S.-O.  au  N.-E.,  appartenant  au  système  des  Nan-chan, 
et  prolongés  dans  la  mer  par  des  archipels  de  rochers. 
Les  principaux  monts  sont  les  Lo-yang  et  les  Lo-fou.  Les 
principaux  cours  d'eau  qui  se  réunissent  par  plusieurs 
l)ras  dans  leurs  deltas,  autour  de  Canton,  sont  :  le  Si- 
kiang  venant  de  l'E.,  grossi  du  Sin-sin  qui  établit  une 
route  vers  Haï-nan;  le  Pe-kiang  venant  du  N.  (route  vers 
le  bassin  du  Yang-tse-kiang),  et  le  Toung-kiang  venant 
de  l'E.  le  long  de  la  côte.  Ces  cours  d'eau  et  leurs  affluents 
constituent  un  admirable  réseau  de  voies  navigables,  com- 
plélé  par  de  nombreux  canaux.  Leurs  vallées  et  surtout 
leur  delta  commun  sont  extrêmement  fertiles.  Les  côtes  très 
découpées  renferment  d'excellents  ports  naturels  et  sont 
bordées  d'un  grand  nombre  d'îles  parmi  lesquelles,  dans  la 
baie  de  Canton,  sont  celles  deMacao  et  de  Hong-kong.  Le 
climat  est  très  changeant  selon  que  souffle  la  mousson  plu- 
vieuse du  S.-O.  ou  le  vent  sec  du  N.-E.  (octobre  à  avril), 
lequel  abaisse  beaucoup  la  température.  Le  sol  des  mon- 
tagnes est  rocheux  et  peu  fertile,  mais  celui  des  plaines, 
très  arrosées  et  irriguées,  est  des  plus  riches,  fournissant 
deux  et  trois  récoltes  par  an.  Elles  produisent  des  riz  de 
première  qualité,  du  blé,  des  légumes  ;  dans  les  vallées, 
surtout  dans  celle  du  Toung-kiang,  dans  la  presqu'île  com- 
plètement plate  et  dans  le  N.-E.  de  l'île  d'Haï-nan  s'éten- 
dent des  plantations  de  canne  à  sucre  ;  dans  le  S.  de  la 
province  et  surtout  dans  le  delta,  entre  Canton  et  Macao, 
on  produit  des  soies  renommées  ;  dans  le  N.  et  l'O.  du 
delta,  d'excellent  tabac;  dans  le  centre  de  la  province,  du 
thé  ;  citons  encore  l'indigo,  le  chanvre,  le  gingembre,  le 
Chamœrops  excelsa  (palmier  éventail),  le  bambou,  les 
orangers,  citronniers,  goyaviers,  manguiers,  Nephelium 
litchi,  cocotiers,  le  bétel,  la  cardamome,  la  casse,  les 
arbres  fruitiers  des  pays  tempérés,  etc.  Les  cultures  indus- 
trielles sont  particulièrement  développées  et  alimentent 
le  commerce  ;  les  denrées  alimentaires  sont  en  partie  em- 
pruntées aux  provinces  voisines.  On  élève  beaucoup  de  bêtes 
à  corne  (le  lait  n'est  pas  utilisé),  de  porcs,  de  volailles, 
d'abeilles.  La  pêche  fluviale  et  maritime  est  une  des  prin- 
cipales ressources  alimentaires;  elle  procure  aussi  des 
perles,  des  tortues  à  écaille,  du  corail.  Des  mines  de  cuivre, 
ter,  mercure,  étain,  plomb,  argent,  houille,  sont  exploi- 
tées. 

L'industrie  est  très  développée  :  filature  et  tissage  de  la 
soie,  de  la  toile,  de  la  laine,  du  coton  ;  papeterie,  fabrica- 
tion d'éventails,  d'ouvrages  en  écaille,  en  bois  vernissé, 
de  figurines  en  pierre  (ying-chih), poterie,  ferronnerie,  etc. 
Le  commerce  se  fait,  avec  les  Européens,  par  Canton  et 
Hong-kong,  Swatow  (Chateou)  Kioung-tcheou  (Haï-nan), 
Pakhoi  ;  avec  les  autres,  par  le  cabotage  et  les  voies  flu- 
viales. 


KOUANC-TOUNG  -■  KOUBAN 


-  (il 8 


La  population  comprend ^  outre  les  sauvages  aborigènes 
présumés,  Miao-tsé  dans  les  monts  du  N.-O.  (Yao,  Yaou- 
yoenne,  etc.),  Li  dans  ceux  de  Tintérieur  d'ïlaïnan,  plu- 
sieurs catégories  de  Cliinois  :^  les  Pounti  ou  Cantonais  qui 
se  prétendent  les  occupants  primitifs,  métis  de  Chinois  avec 
les  populations  antérieures  (Li-Ouei,  etc.);  lesHakka  (c.-à-d. 
étrangers)  ou  Kékia  immigrants  venus  du  N.,  race  éner- 
gique'd^agriculteurs  qu'on  suppose  venus  du  Chan-toung, 
et  qui  émigrent  sur  tous  les  rivages  de  l'océan  Pacifique;  ils 
dominent  dans  le  N.  de  la  province  ;  les  Hoklo  on  Hialo 
au  N.-E.,  sur  la  frontière  du  Fo-kien,  d'où  ils  seraient 
originaires  ;  les  Miaka  ou  Tanka  qui  vivent  dans  leurs 
barques  formant  des  villages  flottants  dans  la  région  de 
Canton,  race  à  peau  foncée,  de  petite  taille,  exerçant  sur- 
tout l'industrie,  qui  renferme  des  éléments  fort  ancienne- 
ment établis  dans  ces  parages. 

La  province  de  Kouang-toung  comprend  do  départe- 
ments répartis  en  six  cercles  :  Kouang-tcheou-fou,  Chao- 
tcheou-fou,  Nan-hioung-tcheou,  Lien-tcheou,  Lien-chan- 
ting,  iïoui-tcheou-fou,  Tchao-tcheou-fou,  Kia-ying-tcîieou, 
Fou-kan-ting,  Tchao-khing-fou ,  Lao-ting-tcheou,  Kao- 
tcbeou-fou,  Lian-tcheou-fou ,  Loui-tcheou-fou ,  Kliioung- 
icheou-fou  (Haïnan).  Le  chef-lieu  est  Kouang-tcheou-fou 
ou  Canton  (V.  ce  mot).  Le  taotai  du  cercle  de  Canton  est 
le  chef  civil  de  la  province  ;  de  même  le  commandant  mi- 
litaire (hsien-tien)  de  Canton  est  le  chef  de  la  province. 
Le  vice-roi  des  deux  Kouang  réside  à  Canton.  —  Les 
principales  villes  sont  Canton,  Fa-tchan,  Tchou-hing, 
Toung-koung,  les  ports  ouverts  de  Swatow  (Cliateou) 
Kioung-tcheou,  etc.  A. -M.  B. 

BiDL.  :  Kouang-toung-ioung-chî  (  chinois)  avec  carte  au 
110.000«  ;  Canton,  1862-Ô9,  3  vol.  —  Hirth,  China  nls  Pro- 
duktion  und  îlandelsgebiet^  àans  Œster.Monatschrift  fur 
Orient,  1877.  —  Du  môme,  dans  Soc.  géogr,  de  Dresde., 
1883.  —  Nacken,  Die  prov.  Kwang-iung  und  ihre  Devœl- 
herung  (avec  cartes),  dans  Mitth.^  1878. 

KOUANG-TRI  (V.  Quang-Tri). 

K0UAN6-YEN(V.  Quang-Yen). 

KOUAN  HAN-KING,  auteur  dramatique  chinois  de 
l'époque  des  Yuen  (xiii'^  siècle)  ;  il  a  composé  soixante  pièces 
de  théâtre.  Un  de  ses  drames,  le  Ressentiment  de  Teou 
Ngo,  a  été  traduit  en  français  par  M.  Bazin  dans  son  vo- 
lume intitulé  Théâtre  chinois  (Paris,  1838).  Le  même 
savant  a  analysé  sept  autres  pièces  deKouan  Hanking  dans 
son  ouvrage  intitulé  le  Siècle  des  Youen  (Paris,  4850), 
pp.  240,  242,  245,  312,  349,  386,  420,  425  et  445). 

KOUAN -IN,  déesse  de  la  miséricorde,  selon  les  boud- 
dhistes chinois.  Elle  était  fille  du  roi  Tchang-yen-wong 
(en  sanscrit  Soubhavyoïiha)  ;  comme  elle  refusait  obsti- 
nément de  se  marier,  son  père  la  relégua  dans  un  cou- 
vent pour  y  remplir  les  fonctions  les  plus  viles  ;  des  richis 
vinrent  accomplir  sa  tâche.  Furieux,  le  père  mit  le  feu  au 
couvent;  une  pluie  éteignit  l'incendie.  Le  père  alors  la  fit 
arrêter  et  mettre  en  jugement,  sa  mère  essayant  secrète- 
ment de  la  fléchir;  mais  rien  ne  put  l'ébranler.  Le  père 
ordonna  qu'on  lui  tranchât  la  tête;  mais  toutes  les  épées 
se  brisèrent  avant  de  la  toucher.  Enfin  le  père  réussit  à 
la  faire  étrangler  au  moyen  d'une  étoffe  rouge.  Pendant 
que  son  corps  était  emporté  par  un  tigre  dans  la  forêt,  son 
âme  se  rendait  dans  les  enfers  où  sa  présence  interrom- 
pit les  supplices,  de  sorte  que  Yama  l'expulsa.  Elle  se 
trouva  alors  dans  une  forêt  où  un  ermite  lui  offrit  l'hospi- 
talité. Elle  refusa  en  vertu  de  la  défense  faite  aux  moines 
et  aux  nonnes  d'habiter  ensemble.  A  ce  moment,  un  Nâga 
lui  apporta  un  lotus  sur  lequel  elle  s'assit  et  fut  portée,  à 
travers  les  ondes,  jusqu'au  port  de  Potala  où  elle  passa  le 
reste  de  sa  vie,  se  signalant  par  sa  bienfaisance  envers  les 
naufragés  et  les  malades.  Elle  se  déchiqueta  les  bras  pour 
faire  de  sa  chair  un  remède  et  rendre  la  santé  à  son  père 
malade,  si  bien  qu'il  ordonna  de  lui  élever  une  statue  «  avec 
des  yeux  et  des  bras  entiers  »,  mais  comme  le  mot  «  en- 
tier »  s'exprime  en  chinois  par  tsien,  qui  a  aussi  le  sens 
de  «  mille  »  on  donna  à  la  statue  et  au  personnage  qu'elle 
représentait  mille  yeux  et  mille  bras.  Cette  «  déesse  »  chi- 


noise n'est  autre  que  le  compatissant  Bodihsattva  Avalakite- 
svara^  —  patron  du  Tibet,  et  incarné  dans  la  personne 
du  Dalaï-Lama,  —  dont  les  Chinois  ont  fait  une  femme. 

E.  Feer. 

BiBL.  :  EiTEL,  Three  Lectures  on  Buddhism  ;  Londres 
et  Hong-kong,  1871.  — -  Abel  Rému s at,  F oe-koue-ki. 

KOUANNON  ou  KANOUON-SAKI.  Promontoire  du  Ja- 
pon, fermant  à  l'O.  la  baie  de  Tokio  ;  phare. 

KOUANSAÏ  ou  KOUVANSAÏ.  Partie  0.  de  l'île  de  Nip- 
pon (Japon)  ;  ce  nom  fait  allusion  à  l'ancienne  barrière  du 
col  de  Hakoné,  et  s'oppose  à  celui  de  Kouanto  ou  Kou- 
nanto,  donné  au  pays  situé  à  l'E.  du  col. 

KOUANTAN.Etat  du  centre  deSumatra,  dans  le  bassin 
moyen  de  l'indraghieil,  capitale  Loubou-Djambi;  sultan  mr.- 
lais  vassal  de  celui  de  Lingga  ;  ruines  de  l'époque  brah- 
manique. Culture  du  café. 

KOUA-TCHEOU.  Ville  de  Chine,  prov.  de  Kan-sou,  sur 
un  affluent  duDan-ho,  tributaire  du  lacKara-nor,  à  60  kil. 
S.-O.  de  Ngan-si-fan.  Jadis  prospère,  elle  a  été  ruinée  par 
l'insurrection  musulmane. 

KOUBA.  Ville  du  Caucase  russe,  ch.-l.  de  district  du 
gouvernement  de  Bakou,  sur  la  Koubinka  ;  45,000  hab. 
Soieries,  lainages.  Le  district  est  situé  au  N.  du  Caucase. 

KOUBA.  Village  du  dép.  d'Alger,  arr.  et  à  7  kil.  au  S. 
d'Alger,  sur  une  colhne  qui  domine  la  rade  d'Alger  et  la 
plaine  de  la  Metidja  ;  ch.-l.  d'une  commune  de  plein  exer- 
cice de  2,381  hab.  dont  463  Français  et  1,040  Européens, 
la  plupart  Espagnols.  Créé  dès  1832,  il  a  rapidement 
prospéré  et  est  aujourd'hui  un  des  plus  riches  de  la  plaine 
vignoble  donnant  un  vin  blanc  estimé  :  église  avec  coupole, 
grand  et  petit  séminaires,  maison  mère  des  Pères  blancs, 
missionnaires  d'Afrique;  statue  du  général  Margucritlc. 

KOUBA-Starâia.  Ville  du  Caucase  russe,  ch.-l.  de  dis 
Irict  du  gouvernement  de  Bakou,  sur  le  Koudial-tchaï  ; 
15,000  hab.  (en  majorité  Guèbres).  Lainages,  soieries, 
teintureries,  tanneries.  —  Le  district  a  7,000  kil.  q.  et 
150,000  hab..  Persans  (agriculteurs),  Lesghis  et  Tatares 
(pasteurs),  en  majorité  musulmans. 

KOUBADIENS  (V.  Caucase). 

KOUBAN  ou  KOUMAN.  Fleuve  du  Caucase  russe,  Vîlt/' 
panis  des  anciens;  il  descend  des  glaciers  de  l'Elbrouz 
(ait.  4,246  m.),  coule  vers  le  N.  dans  des  gorges  sau- 
vages, entre  en  plaine  au  débouché  du  défilé  de  Batalpa- 
chinsk,  coule  vers  le  N.-O.,  puis  l'O.,  formant  de  vastes 
marécages  et  finit  par  un  vaste  delta  qui  se  prolonge  de  lu 
baie  Kiziltach  (mer  Noire)  jusqu'à  la  mer  d'Azov  où  aboutis- 
sent un  bras  nommé  Pro^o/ca  et  un  second,  tandis  que  leKara 
Kouban  mène  à  la  baie  Kiziltach  la  plus  grande  masse  des 
eaux.  Il  a  810  kil.  de  long,  250  m.  de  large,  un  bassin 
de  56,000  kil.  q.;  ses  inondations  ont  lieu  trois  fois  par 
an.  Elles  couvrent  jusqu'à  23,000  kil.  q.  Le  hman  ou  la- 
gune de  l'estuaire  a  43  kil.  du  N.-O.  au  S.-E.  sur  13  kil. 
de  large  et  ne  communique  avec  la  mer  Noire  que  par  une 
ouverture  de  600  m.  de  large  et  2  m.  de  profondeur.  Il 
reçoit  la  Laba,  la  Biélaia,  l'Ouroup,  la  grande  et  la  petite 
Selentchouk. 

Territoire  du  Kouban.  —  Prov.  du  S.-E.  de  la  Russie, 
riveraine  de  la  mer  d'Azov  et  de  la  mer  Noire,  au  S.  du 
territoire  des  Cosaques  du  Don,  à  l'E.  du  gouv.  de  Sta- 
vropol  et  de  la  prov.  du  Térek,  au  N.  du  Caucase  ; 
104,723 kil. q.;  1,482,889 hab.  (en  1891).  Le  Kouban  le 
divise  en  deux  parties  :  montagnes  boisées  au  S.  ;  steppes 
et  marécages  au  N.  La  zone  montagneuse  est  occupée  par 
les  contreforts  du  Caucase  jusqu'à  l'Elbrouz.  Le  steppe  n'a 
que  des  rivières  temporaires,  sauf  le  Kouban  et  la  Jeia  qui 
forme  la  Umite  septentrionale.  Mais  les  lagunes  (hmans) 
et  lacs  y  occupent  près  de  20,000  kil.q.  Son  sol  argileux 
est  fertile  ;  celui  des  montagnes  est  formé  surtout  de  grès 
jaunes  et  gris  reposant  sur  des  calcaires  et  revêtu  de  magni- 
fiques forets  de  pins,  sapins,  buis,  érables,  frênes,  aunes, 
chênes,  noyers,  arbres  fruitiers.  Ce  territoire  embrasse 
au  S.  l'ancienne  Circassie,  pays  des  Tcherkesses  et  des 


619 


IvOUBAN  »-  KOUEI-TCHEOU 


Abkliases,  une  partie  de  celui  des  Kabardiens  et  au  N. 
celui  des  Cosaques  de  la  mer  Noire.  L'immigration  des 
Cosaques,  favorisée  par  le  gouvernement  russe,  et  l'émi- 
gralion  des  Tcherkesses,  ont  équilibré  l'importance  numé- 
rique des  deux  éléments  principaux  de  la  population;  il 
y  faut  ajouter  75,000  Nogaïs,  des  Grecs,  des  Arméniens, 
des  Juifs,  des  colons  allemands  (à  leisk).  Le  bétail  est  la 
richesse  principale  (chevaux,  chameaux,  bœufs,  moutons); 
on  exporte  de  la  laine  et  des  peaux.  L'agriculture  progresse 
lentement.  La  pêche  est  très  productive  dans  le  Kouban, 
les  étangs  et  lagunes;  celles-ci  fournissent  aussi  du  sel. 
Le  gouvernement  a  fait  beaucoup  pour  civiliser  le  pays  et 
projette  de  dessécher  les  marais.  Le  ch.  de  fer  de  Rostov 
à  Yladikaukaz  traverse  la  province  du  N.-O.  au  S.-E.  Le 
commandant  militaire  est  le  chef  de  l'administration.  Le 
ch.-l.  est  lékaterinodar  sur  le  Kouban.  Le  territoire  se 
divise  en  sept  cercles  :  Batalpachinsk,  leisk,  lékaterinodar, 
Kavkayau  coude  du  Kouban,  Maïkop  sur  la  Biélaia,  Tem- 
riouk  sur  la  baie  de  ce  nom  (presqu'île  de  Taman),  Trans- 
kouban  (Zakoubansk).  A.-M.  B. 

KOUBATCHI  ou  KOUBETCHl.  Peuplade  du  Caucase, 
appartenant  à  la  famille  Lesghi.  Les  Koubatchi  habitent, 
au  nombre  de  3,000  individus  environ,  dans  le  district 
montagneux  de  Kaïtago-Tabassaran  (prov.  de  Daghestan). 
Leur  nom  signifie  en  langue  turque  «  forgeurs  d'arme  » 
et  c'est  delà  traduction  persane  de  ce  terme,  Sirgltghéraîi, 
que  se  servent  les  populations  non  turques  pour  les  dési- 
gner. En  effet,  les  Koubatchi,  qui  se  donnent  eux-mêmes 
le  nom  de  Aougvougan  ou  Oghboukhan^  sont  très  experts 
à  forger  les  métaux  et  surtout  à  fabriquer  les  lames  de 
sabre,  les  cottes  de  mailles  et  les  cuirasses.  Leur  origine 
est  obscure.  D'après  le  savant  académicien  russe  Fr^ehn, 
ils  habiteraient  le  Caucase  depuis  le  vi^  siècle.  Ils  étaient 
chrétiens  encore  au  xin^  siècle  et  n'ont  embrassé  l'islamisme 
qu'au  xv^  siècle.  On  a  prétendu,  sans  preuves  sérieuses,  que 
les  Koubatchi  sont  les  descendants  des  armuriers  chrétiens 
immigrés  au  Caucase  après  les  croisades.  J.  D. 

BiBL.  ;  ANOuTCiiiiNE,  Voyagc  au  Daghestan^  dans  Bull 
de  la  Soc.  russe  de  géographie,  1884. 

KOUBBA.  Ce  mot  arabe  signifiant  coupole  est  employé 
en  Algérie  et  dans  tous  les  anciens  pays  barbaresques 
pour  désigner  de  petits  édifices  de  forme  cubique  surmontés 
d'un  dôme.  En  général,  les  dimensions  des  koubbas  n'excè- 
dent pas  4  m.  sur  chaque  face  ;  elles  sont  revêtues  d'un 
crépi  auquel  un  lait  de  chaux  fréquemment  renouvelé 
donne  une  blancheur  éclatante  et  comme,  en  outre,  elles 
sont  presque  toujours  bâties  sur  des  éminences,  elles  se 
voient  de  très  loin  et  forment  des  points  de  repère  dans 
les  contrées  où  il  n'existe  pas  de  routes  largement  tracées. 
Chaque  koubba  est  placée  sous  un  vocable  qui  rappelle  le 
saint  personnage  en  l'honneur  duquel  elle  a  été  élevée. 
Quelquefois,  elle  abrite  la  tombe  de  ce  saint,  mais  bien 
souvent  aussi  elle  marque  le  lieu  où  il  a  accompli  quelque 
miracle  ou  même  simplement  l'endroit  où  il  a  séjourné  un 
certain  temps.  C'est  ainsi  qu'on  rencontre  un  très  grand 
nombre  de  koubbas  portant  le  nom  de  Sidi  Abd  el-lvader 
el-Djilàni,  célèbre  marabout,  qui  est  considéré  comme  le 
patron  des  pauvres.  Lorsque  la  koubba  renferme  une 
tombe,  elle  devient  le  but  de  pèlerinages  appelés  ziara  ou 
otiadda;  dans  certaines  localités,  ces  pèlerinages  donnent 
lieu  à  une  grande  fête  annuelle.  En  Algérie,  les  Français 
se  servent  souvent  du  mot  marabout  à  la  place  du  mot 
koubba  ;  en  Orient,  c'est  le  mot  vély  qui  est  en  usage. 

KOUBEISA.  Ville  de  la  Turquie  d'Asie,  vilayet  de  Bag- 
dad, 15  kil.  0.  de  Hit.  Tissus  de  laine. 

KOU  B  EK  (Jean-Provoslav), écrivain  tchèque,  né  à  Blatno 
en  4805,  mort  à  Blatno  en  1850.  Après  avoir  achevé  ses 
études  à  Prague,  il  fut  pendant  quelque  temps  professeur 
en  Galicie.  En  1839,  il  devint  professeur  de  littérature 
tchèque  à  l'université  de  Prague.  Comme  poète  ce  fut  sur- 
(out  un  brillant  improvisateur.  Ses  œuvres  complètes  ont 
paru  à  Prague  après  sa  mort  (1851-59,  4  vol.).  Quel- 
ques fragments  de  Koubek  ont  été  traduits  dans  la  Bohême 


historique  et  littéraire  de  Joseph  Fricz  et  L.  Léger  (Pa- 
ris, 1807). 

KOUBENSKOIÉ.  Lac  de  Russie,  gouv.  de  Vologda  ; 
65kil.delong.(N.-0.auS.-E.),15kil.delarge,393kil.q.; 
très  poissonneux.  Au  S.-E.  sort  laSontkona  (Dvina  du  Nord). 
Il  est  alimenté  par  la  Koubina  (320  kil.)  venue  du  N. 

KOUBILAÏ.  Grand  khan  des  Mongols,  empereur  de 
Chine  sous  le  nom  de  Tche-Youen  (V.  ce  nom,  Mongolie 
et  Youen). 

KOUBOU.  Ville  de  l'O.  de  Bornéo,  sur  la  r.  g.  du  Kou- 
bou,  branche  du  delta  du  Kapouas. 

KOUBOU  ou  ORANG-KOUBOU.  Peuplade  sauvage  no- 
made de  Sumatra,  entre  le  Djanibi  et  le  Soungei  Davas  ; 
les  hommes  ont  1"^  59  de  haut.  Ils  vagabondent  en  petits 
groupes,  gardés  par  de  grands  chiens  et  font  un  peu  de 
commerce  par  troc  avec  les  gens  de  Palembang. 

KOUCHAB  (Khochab).  Ville  de  l'Inde  (Pendjab),  prov. 
de  Raval  Pindi,  sur  la  r.  dr.  du  Djelam,  en  face  de  Chah- 
pour;  9,000  hab.  Cotonnades.  Commerce  considérable  avec 
Moultan,  le  Sindh,  l'Afghanistan. 

KOUCHANS  (V.  Bâctriane). 

KOUCHK.  Ville  fortifiée  du  Turkestan  afghan,  à  70  kil. 
au  N.-E.  de  Hérat,  sur  la  rivière  Kouchk,  affl.  de  droite  de 
Mourghab,  à  40  kil.  de  la  frontière  russo-afghane.  C'est 
le  centre  de  la  tribu  turco-persane  des  Djemchides  et  une 
place  forte  qui  garde  l'entrée  de  Hérat  (par  le  défilé  de 
llazrelh-i-Baba)  'du  côté  de  la  Russie. 

KOUCH-MOUROUMouDENGHlZ-KOUL.Lacsaumâtre 
de  Sibérie,  prov.  d'Akmolinsk,  à  la  frontière  de  celle  de 
Tourgaï;  53  kil.  de  long  du  S.-E.  au  N.-E.,  12  kil.  de 
large;  il  reçoit  au  S.-O',  le  Bouroukt-tal  et  se  déverse 
par  rOubagan  dans  le  Tobol.  Au  S.-E.  du  lac  est  un  fort 
du  même  nom. 

KOUCHTIA  {Kushtia).  Ville  de  Fïnde  anglaise,  présid. 
de  Calcutta  (Bengale),  r.  dr.  du  Padma  (Gange  inférieur), 
sur  le  ch.  de  fer  de  Calcutta  à  (ioalanda;  10,000  hab. 
Grand  port  fluvial. 

KOUCHVINSKIL  Ville  de  Russie,  gouv.de  Perm,surla 
Kouchna,  affl.  de  la  Toura  (tributaire  du  Tobol).  Hauts 
fourneaux  (1,300  ouvriers). 

KOUDARKOT.  Cité  ruinée  de  l'Inde,  prov.  d'Agra,  à 
38  kil.  N.-E.  d'Etawa;  très  importante  au  temps  des 
Gouptas. 

KOU  DAT.  Ville  du  N.  de  Borné,  à  FO.  d'une  vaste  baie, 
ch.-l.  du  territoire  anglais  de  Saba. 

KOUDIAL-TCHAÏ  ou  KOU BINKA.  Rivière  du  Caucase 
russe,  gouv.  de  Bakou;  elle  descend  au  N.  du  Chah-dagh 
et  se  jette  dans  la  Caspienne  après  un  cours  de  130  kil,  ; 
elle  arrose  Kouba  et  finit  à  Nizovaia. 

KOUDOU  (V.  KouNDOu). 

KOUDRIAVTSEV  (Pierre-Nicolaiévitch),  historien  russe, 
né  à  Moscou  le  16  août  1 81 7 ^^  mort  à  Moscou  le  30  janv. 
1858.  Professeur  à  l'université  de  Moscou,  ses  monogra- 
phies sur  l'histoire  ancienne  (romaine  surtout)  lui  ac- 
quirent une  réputation  universelle.  Il  les  a  publiées  en 
grande  partie  dans  les  Russkii  Viestnik.  Il  est  aussi  Fau- 
teur d'une  llist,  de  ritalie  depuis  Vempire  d'Occident 
jusqu'à  sa  restauration  par  Charlemagne  (Moscou, 
1850). 

K0UE1-F0UN6.  Rivière  de  Chine,  provmce  de  Kouang- 
si,  affl.  gauche  du  Si-kiang;  elle  passe  à  Kouei-lin.  Sa 
vallée  fut  le  berceau  de  l'insurrection  des  Taiping  ;  elle 
est  hérissée  de  forts  où  se  réfugient  les  bandits  encore 
très  nombreux.  Cette  rivière,  reliée  au  Siang  ou  Hong- 
kiang  (tributaire  du  lac  Toung-ting)  par  un  canal,  fait 
communiquer  le  Kouang-si  avec  le  bassin  du  Yang-tse- 
kiang;  mais  elle  n'est  navigable  que  pour  les  petites  bar- 
ques, à  cause  de  ses  rapides. 

KOUEl-LlN.  Ville  de  Chine,  ch.-l.  de  la  province  de 
Kouang-si,  sur  le  Kouei-foung,  à  la  tête  du  canal  qui  le 
joint  au  vSi-kiang. 

KOUEI-TCHEOU. Une  des  dix-huit  provinces  de  la  Chine 


KOUEI-TCHEOU  —  KOUFRA 


—  620  - 


proprement  dite;  474,000  kil.  q.;  7,700,000  hab. Comprise 
entre  le  Ssé-tchouen  au  N.,  le  Yunnan  à  l'O.,  le  Kouang-si 
au  S.,  le  Hon-nan  à  FE.,  elle  est  montagneuse  au  S.  et  à 
rO.  (monts  Nan-ling  ou  Nan-chan,  ait.  des  cols  1,500  m.) 
et  au  N.  (ait.  des  cols  4,000  m.),  couverte  de  collines  au 
centre.  Elle  est  traversée  du  S.-O.  au  N.-E.  par  le  Ou- 
kiang  ou  Kian-kiang,  afïl.  droit  du  Yang-tse-kiang  ;  sa  val- 
lée est  la  seule  plaine  delà  province;  le  S. ^appartient  au 
bassin  du  Si-kiang,  FE.  à  celui  du  Youan-kiang  (affl.  du 
lacToung-ting).  Le  climat  est  tempéré,  mais  avec  de  fortes 
variations.  Les  marécages  sont  nombreux.  On  cultive  le 
blé,  le  maïs,  le  thé  (à  10.),  le  tabac,  Fencens,  le  lin, 
Fopium.  On  élève  beaucoup  de  bétail,  les  meilleurs  chevaux 
de  la  Chine,  des  buffles  (à  FO.),  des  vers  à  soie  (sur  les 
chênes),  des  insectes  à  cire.  Les  richesses  minières  sont 
immenses,  mais  peu  exploités  :  mercure  et  cuivre  surtout  ; 
toutes  les  monnaies  de  cuivre  de  la  Chine  sont  faites  avec 
le  métal  du  Kouei-tcheou  ;  il  y  a  aussi  de  la  houille,  du 
fer,  de  For,  de  Fargent,  du  plomb,  de  Fétain,  etc.  On  fa- 
brique des  soies  écrues  très  estimées  et  du  mauvais  papier. 
La  population  comprend,  dans  les  montagnes  du  S.-O., des 
Miao-tse  (Tchoung-miao,  Ki-lao,  Ki-tao,  Tou-man,elc.)  qui 
se  mélangent  avec  les  Chinois  occupants  du  reste  de  la 
province;  ceux-ci  sont  d'ailleurs  très  métissés.  La  pro- 
vince a  été  ruinée  par  les  guerres  du  troisième  quart  du 
xix*^  siècle.  Elle  pour  ch.-l.  Kouei-yang-fou  et  comprend 
treize  départements  :  Kouei-yang,  Ngan-choun,  Ping-youei, 
Tou-youn,  Tchin-youan,  Sse-nan,  Chi-tsian,  Sse-tcheou, 
Toung-yin,  Li-ping,  Taï-ting,  Nan-loung,  Tsoun-yi. 

A.-M.  B. 
KOUEI-TCHEOU-Fou.  Ville  de  Chine,  province  de  Sse- 
tchouen,  rive  gauche  du  Yang-tse-kiang,  à  Fentrée   de 
gorges  sauvages.  Douane  intérieure. 

KOUEI-TÉ.  Ville  de  Chine,  province  du  Ho-nan,  sur  le 
Toun  ou  Pé-cha-ho,  affl.  du  lac  Houng-tse-hou. 

KOUEI-YANG.  Ville  de  Chine,  ch.-l.  de  la  province  du 
Kouei-tcheou,  sur  un  affl.  droit  du  Ou-kiang.  Port  fluvial 
important.  Jadis  capitale  d'un  royaume  ;  ruines  de  palais 
et  de  temoles. 

KOUEN-LE  ou  KOUEN-SE.  Bourg  du  Tonkin,  province 
de  Tuyen-quang,  rive  gauche  du  fleuve  Rouge;  ancienne 
douane  des  Annamites  dont  c'était  le  poste  le  plus  avancé 
vers  FE. 

KOUEN-LOUN.  Un  des  principaux  massifs  de  l'Asie 
centrale  (V.  Asie,  t.  IV,  p.  97,  403-4,  et  Himalaya). 

KOUEN-YANG'TcHEOU.  Ville  de  Chine,  province  de  Yun- 
nan, ch.-l.  de  dép.,  au  S.-O.  de  lac  Tien-hai  ;  40,000  hab. 
KOUFA.  Cité  ruinée  de  la  Turquie  d*Asie,  vilayet  et  dis- 
trict de  Bagdad,  à  450  kil.  S.  de  cette  ville,  sur  un  canal 
de  FEuphrate.  Fondée  par  le  khalife  Omar  (639)  après  la 
destruction  de  Ktésiphon,  elle  la  remplaça  et  devint  la  capi- 
tale du  khalifat.  On  y  voit  encore  la  mosquée  écroulée  où 
Ali  fut  assassiné.  Ce  fut  Vrni  des  premiers  centres  de  la 
culture  arabe  post-islamique.  Son  nom  a  été  conservé  à 
l'écriture  des  Arabes  du  temps  de  Mohammed,  adoptée  par 
eux  peu  de  temps  avant  sa  vie,  et  qui,  lorsqu'elle  fut  aban- 
donnée, subsista  pour  les  inscriptions  et  les  monnaies.  On 
donne  encore  le  nom  de  koufiques  aux  monnaies  primitives 
des  musulmans  :  dinar  d'or,  dirhem  d'argent,  fils  de  cuivre  ; 
celles-ci  sont,  sur  une  face,  byzantines  à  l'effigie  impériale 
et  emblèmes  chrétiens,  sur  l'autre,  arabes  avec  inscriptions 
en  caractères  koufiques.  En  696,  Abd-el-Melik  réforma 
ces  monnaies  et  en  frappa  d'exclusivement  musulmanes. 
Les  Ommeyyades  et  les  Abbasides  ont  frappé  les  plus  belles 
monnaies  koufiques.  A. -M.  B. 

KOUFIQUE  (V.  Koufa). 

KOUFRA.  Groupe  d'oasis  du  désert  Libyque  (Sahara 
oriental),  qui  se  développent  entre  24^  et  26^*  delat.  N., 
entre  48^40^  et  24^40'  de  long.  E.,à  peu  près  à  mi-che- 
min entre  le  littoral  méditerranéen  de  la  Cyrénaïque  et  le 
Ouadaï.  L'accès  en  est  difficile;  à  FE.  et  au  N.-E.,  vers 
les  oasis  égyptiennes  de  Dakhel  et  de  Siouah,  il  n'y  a  pas 
moinSj  de  400  kil.  de  dunes  mouvantes  et  qui  atteignent 


une  hauteur  de  400  à  450  m.  ;  il  en  est  de  même  à  FO., 
vers  le  Fezzan;  les  seules  relations  que  l'oasis  de  Koufra 
puisse  avoir  sont  avec  Djalo  au  N.,  avec  le  Ouadaï  au 
S.;  cette  dernière  route  n'a  pas  été  encore  explorée  par  des 
Européens;  celle  du  N.,  suivie  par  Rohlfs  (1878),  com- 
porte, à  partir  du  puits  de  Battifal  (Djalo),  350  kil.  sans 
source  ni  puits.  Le  pays  est  d'une  monotonie  désespérante, 
sans  trace  de  verdure,  couvert  de  cailloux  de  la  gros- 
seur d'une  noix  ou  d'une  noisette,  ou  de  simple  gravier. 
L'horizon  est  si  plat  qu'on  y  prête  une  grande  importance 
à  un  tertre  qui  s'y  trouve,  n'ayant  que  2  m.  de  haut 
et  qu'on  a  appelé  la  «  colline  du  chien  ». 

Le  groupe  de  Koufra  comprend  cinq  oasis  :  Taïzerbo, 
la  plus  septentrionale,  a  une  superficie  de  6,300  kil.  q.  et 
occupe  une  hattiyeh  ou  dépression  marécageuse.  —  Bou- 
Seima,  à  420  kil.  au  S.-E.  de  Taizerbo,  est  au  pied  d'une 
montagne  de  388  m.  d'alt.,  et  au  bord  d'un  lac  salé  qui  a 
une  dizaine  de  kil.  de  longueur.  —  Kebabo,  l'oasis  la  plus 
importante  et  la  plus  méridionale  du  groupe  (8,800  kil.  q.), 
est  à  420  kil.  du  S.-E.  de  Bou-Seima.  —  L'oasis  de 
Sirhen,  située  au  N.-E.  du  groupe  (2,000  kil.  q.),  fournit 
une  halte  aux  caravanes  entre  Djalo  et  le  Ouadaï.  —  L'oasis 
A^Erhebna,  au  S.-O.  du  groupe  (300  kil.  q.),  s'étend 
autour  d'un  lac,  au  pied  d'une  montagne. 

La  principale  production  est  celle  des  dattes.  On  estime 
a  un  million  le  nombre  des  palmiers,  mais  jadis  il  y  en  avait 
beaucoup  plus,  que  les  Zouaya  ont  détruits  lorsqu'ils  firent 
la  conquête  du  pays.  Chaque  année  on  en  détruit  un  bon 
nombre  pour  en  extraire  le  lagmi  ou  vin  de  palme.  Il  n'y 
à  guère  qu'une  oasis  où  la  culture  soit  un  peu  soignée  et 
où  l'on  constate  de  nouvelles  plantations,  c'est  celle  de  Ke- 
babo,  que  les  khouansdeFordredes  Senoussi  cherchent  à 
faire  revivre.  A  côté  des  palmiers  se  trouvent  assez  souvent 
des  figuiers,  aux  fruits  petits,  mais  savoureux,  des  gre- 
nadiers, des  vignes,  des  cultures  de  légumes,  melons,  con- 
combres, oignon,  poivre,  des  carrés  de  blé,  d'orge,  de 
sorgho  et  enfin  quelques  exemplaires  remarquables  de  co- 
tonniers. La  flore  spontanée,  assez  pauvre,  se  compose 
surtout  de  roseaux  autour  des  lacs,  de  graminées  dont  se 
nourrissent  les  chameaux;  il  y  a  en  fait  d'arbres  quelques 
tamarix,  des  acacias  gommiers,  et  même  Rohlfs  vit  à  Tai- 
zerbo un  arbre  du  Soudan,  \QCapparissodata,Vzv(M^û 
d'oasis  est  en  général  presque  inculte  et  pourrait  produire 
beaucoup  plus,  étant  donné  qu'il  renferme  une  masse  d'eau 
considérable  qui  paraît  provenir  des  monts  de  l'Ounyanga 
(Ouadaï). 

Les  habitants  ont  un  petit  nombre  de  chevaux,  d'ânes, 
de  moutons,  de  chèvres,  quelques  bœufs  maigres,  des 
poules  et  des  tourterelles.  Parmi  les  animaux  sauvages  on 
remarque  les  gazelles,  surtout  au  voisinage  des  collines, 
des  renards  des  sables  ou  fennegs,  des  souris,  des  rats, 
des  corbeaux,  des  faucons,  des  huppes,  divers  petits 
oiseaux.  Des  bandes  nombreuses  d'oiseaux  de  passage,  de 
nos  espèces  européennes,  se  reposent  aussi  dans  les  oasis 
de  temps  à  autre.  Une  sorte  de  serpent  non  venimeux,  de 
couleur  jaune,  se  trouve  dans  presque  tous  les  bouquets 
d'arbres.  Il  n'y  a  point  de  caméléons  ni  de  mollusques. 

La  population  de  Koufra,  relativement  très  peu  nom- 
breuse,se  compose  principalementde  Zouaya,individus  d'une 
tribu  nomade,  qui  ne  compte  guère  que  5,000  ou  6,000  in- 
dividus, mais  qui  a  joué  un  rôle  important  dans  Fhistoire 
de  cette  région.  Il  y  a  aussi  des  Tibbous  Reschade,  les 
anciens  maîtres  du  pays,  qui  viennent  de  temps  à  autre 
faire  la  récolle  des  dattes  dans  quelques  oasis.  Quant  aux 
khouans  de  la  zaouïa  des  Senoussi,  ils  appartiennent  aux 
races  les  plus  diverses  ;  il  s'y  trouve  un  bon  nombre  de 
Kanouris  du  Bornou.  Le  couvent  ou  zaouia  bel  Istat  est 
très  richement  doté  (250,000  palmiers  au  moins),  le  se- 
cond de  Fordre  par  son  importance,  et  si  des  difficultés 
surgissaient  pour  les  Senoussi  avec  la  Tripolitaine,  il  est 
annoncé  que  le  grand  maître  quitterait  Foasis  de  Djaghboub 
pour  celle  de  Kebabo,  Jadis  les  Senoussi  avaient  un  autre 
couvent  à  Taïzerbo.  En  réalité,  ils  sont  les  vrais  maîtres  de 


621  - 


KOUFRA  -  KOUKOU-NOR 


Koufra,  qui,  politiquement,  est  indépendante  delaTripoli- 
taine  aussi  bien  que  de  l'Egypte.  E.  Càï. 

BiBL.  ;  RoHLFS,  Relse  nach  Koufra  ;  Leipzicr,  1881  avec 
carte  au  l/2,000,000«. 

KOUHAKou  KOHAK.Villedu  Béloutchistan, à275  kil.  S. 
de  Bampour,  dans  la  région  revendiquée  par  la  Perse,  sur 
le  Machkid.  Place  forte  dont  le  chef  est  indépendant  en 
fait.  —  Une  autre  place  du  même  nom  se  trouve  dans  le 
Séistan  persan,  sur  la  rive  gauche  du  Helmend,  près  du 
grand  barrage  qui  assure  Pirrigation  de  la  province  per- 
sane. 

KOUHISTAN  (V.  Kohistan). 

KOUHPA.  Ville  de  Perse,  province  d'Irak-Adjemi,  à  PO. 
d'un  col  du  Koh-roud  (mont  Ghetch),  par  où  passe  la  route 
de  Yezd  à  Ispahan  ;  15,000  hab.  Etoffes  en  poil  de  chameau. 

KOUi.  On  désigne  sous  ce  nom  deux  groupes  de  popu- 
lations de  PIndo-Chine,  qui  n'ont  probablement  pas  beau- 
coup de  traits  communs  entre  eux.  Le  groupe  le  plus 
important  est  celui  du  S.-E.  du  Siam  et  du  N.-E.  du 
Cuuibodge  ;  le  second  groupe  est  cantonné  beaucoup  plus 
au  N.,  dans  la  principauté  de  Xieng-tong,  du  Laos  bir- 
man, dans  la  sphère  de  l'influence  britannique.  Les  Kouïs 
les  plus  purs  se  rencontrent  au  S.-O.  de  Bassak  (Siam)  et 
dans  le  Kampong-svaï  (au  N.  de  Kampong-thom,  Cam- 
bodge) ;  mais  le  territoire  habité  par  les  Kouïs  plus  ou 
moins  mélangés  aux  Laotiens  et  aux  Cambodgiens  s'étend 
jusqu'à  la  rive  droite  du  Mékong,  à  PE.  jusqu'au  voisi- 
nage du  lac  Tonlé-sap  au  S.,  jusqu'à  la  ville  de  Souren  à 
ro.  et  la  vallée  du  Se-moun  ou  Nam-moun  au  N.  Ces 
Kouïs  sont  de  taille  au-dessous  de  la  moyenne  (1"^63), 
sous-brachycéphales  (indice  céphalique  moyen  :  82)  ;  leur 
peau  est  d'un  brun  plus  foncé  que  celui  des  Laotiens  (Har- 
mand).  Presque  tous  savent  parler  cambodgien  et  oublient 
peu  à  peu  la  langue  de  leurs  pères.  Ils  sont  renommés 
pour  leur  habileté  à  travailler  le  fer.  D'après  les  traditions 
des  Cambodgiens,  les  Kouïs  les  auraient  précédés  dans  le 
pays;  aussi  les  Cambodgiens  leur  donnent-ils  le  nom  de 
Khmerdom,  c.-à-d.  anciens  Khmers.  Quant  aux  Kouïs  de 
la  Birmanie,  qu'on  appelle  aussi  Khas-koiiïs^  leur  type 
physique  paraît  se  rapprocher  plutôt  de  celui  des  Lolo  et 
des  Mosso  ;  ils  ont  le  nez  arqué,  la  tète  longue.  Coiffés  de 
leurs  turbans,  ils  éveillent  le  souvenir  des  profils  arabes. 
Ce  sont  des  cultivateurs  presque  indépendants,  qui  parlent 
une  langue  spéciale  et  qui  n'ont  pas  d'écriture  (Fr. 
Garnier).  J.  Deniker. 

KOUI  NI  N.  Oasis  du  Souf  (V.  ce  mot). 

KOUI-NHON  (V.  Qui-nhon). 

KOUÏOUNDJITCH  (Milan),  également  connu  sous  le 
pseudonyme  à'Aberdar,  littérateur  et  homme  d'Etat  serbe, 
né  à  Belgrade  en  1842,  mort  en  1893.  Il  fit  ses  études  à 
Belgrade,  les  acheva  à  l'étranger  et  devint  professeur  de 
philosophie  à  l'université  de  Belgrade.  0  devint  ensuite  dé- 
puté à  la  Skoupchtina,  rédigea  le  journal  Mlada  Srbadia^ 
fut  chargé  de  missions  diplomatiques  et  occupa  quelque 
temps  le  ministère  de  Pinstruction  publique.  Il  a  publié 
des  poésies  et  quelques  ouvrages  de  philosophie.  Ce  fut  un 
des  premiers  membres  de  l'Académie  serbe. 

KOUKA.  Capitale  du  Bournou,  àl'O.  du  lac  Tchad;  plus 
de  10,000  hab.  Elle  se  compose  de  deux  villes,  distantes  de 
1  kil.,  celle  de  la  cour  (Billa  Gliédibé)  à  PE.,  ville  com- 
merçante (Billa  Foutébé)  à  PO.  La  place  du  marché  est  à 
PO.  ;  la  rue  commerçante  (Dendal)  traverse  chacune  des 
villes  par  le  milieu  de  PE.  à  PO.  Les  Kanouri  forment  la 
majorité  de  la  population  (V.  Bornou). 

KOUKI.  Peuple  sauvage  du  N.-E.  de  l'Inde,  entre  ce 
pays  et  la  Birmanie,  du  fleuve  Kouladan  ou  Katchar  sep- 
tentrional et  au  Manipour  ;  18,000  kil.  q.;  70,000  hab. 
C'est  une  branche  des  Louchai  (V.  ce  mot)  que  les  Anglais 
ont  civilisée.  Ils  sont  divisés  en  tribus  gouvernées  par  des 
monarques  et  des  conseils  des  anciens  ;  ils  semblent  poly- 
théistes, vivent  dans  des  villages  fortifiés,  pratiquent  le 
mariage  par  achat,  dessèchent  les  cadavres  et  ne  les  ense- 


velissent qu'après  les  avoir  exposés  un  ou  deux  mois,  vêtus 
et  armés. 

KOUKKOULA  (V.  Enfers,  t.  XV,  p.  1049). 

KOUKO  ou  KO  U  KO  U.  Village  de  Kabylie,  dép.  d'Alger, 
à  18  kil.  S.-E.  de  Fort-National,  situé  sur  un  piton  qui 
domine  le  Sébaou  à  une  ait.  de  970  m.  ;  500  hab.  La 
position  est  très  forte  au  point  de  vue  stratégique;  aussi 
était-ce  jadis  le  chef-lieu  de  la  confédération  des  Zouaoua 
et  ses  chefs  prenaient  le  titre  de  rois  de  Kouko  ;  il  en  est 
fréquemment  parlé  dans  les  chroniques  et  relations  espa- 
gnoles du  XVI®  siècle;  aujourd'hui  ce  n'est  plus  qu'un 
pauvre  village.  E.  Cat. 

KOUKOLNK  (Nestor-Vasiliévitch),  littérateur  russe,  né 
à  Saint-Pétersbourg  en  sept.  18l!2,  mort  à  Taganrog  en 
déc.  1868.  Il  fit  ses  études  au  gymnase  de  Niejine  et  servit 
dans  divers  ministères.  Il  a  écrit  un  grand  nombre  de 
drames  et  de  romans  empruntés  pour  la  plupart  à  l'histoire 
de  Russie  et  dont  quelques-uns  ont  eu  un  grand  succès.  Ses 
principales  œuvres  sont  :  le  Prince  Skopine  Schouïsky, 
drame  (1835);  la  Main  du  Très-Haut,  drame  (183i)  ; 
Torguato  Tasso  (1836);  Tableaux  russes (iM'i);  Conte 
sur  conte  {iUi);Eueline(iSU);  le  Baron  Fanfaronet 
le  Marquis  petit-maître  (1847)  ;  Patkul,  tragédie  en  vers 
(1846);/^  Siège  d'Azov,  drame  historique  (1855);  Une 
Fête  des  marins  a  Sébastopol  (iS^^^)  ;  les  Deux  Sœurs 
a  865).  Une  collection  de  ses  œuvres  a  paru  à  Pétersbourg 
(1853,  10  vol.). 

KOUKOU-KHOTO  ou  KOUEI-HOUA-Tcheng.  Ville  de 
Chine,  province  de  Chan-si,  sur  le  Tourghouan-pira,  affluent 
du  Hoang-ho,  au  N.-E.  du  grand  coude  septentrional  de 
ce  fleuve  ;  plus  de  200,000  hab.  Située  dans  un  district 
enlevé  aux  Mongols  (Tchakar),  c'est  une  des  grandes  places 
fortes  de  Pempire  chinois;  la  ville  mongole  a  10  kil.  sur 
8  ;  c'est  le  grand  entrepôt  du  commerce  entre  la  Mongolie 
et  la  Chine,  le  nœud  des  routes  vers  Ouliassoutaï,  Kobdo, 
Ourga,  la  Dzoungarie, le Turkestan  chinois,  le  Tibet;  c'est 
aussi  le  siège  d'une  des  plus  célèbres  universités  boud- 
dhiques et  d'un  des  principaux  évêques  {koutoukhta).  Elle 
renterme  de  grandes  teintureries  et  imprimeries  sur  étoffes  ; 
on  y  tisse  des  étoffes  en  poil  de  chameau,  on  y  travaille  le 
marbre,  etc.  Elle  a  succédé  à  Khara-Kotoet  Tsagan-Kkoto 
(Tchagan-nor)  dont  les  ruines  sont  au  voisinage. 

KOUKOULIEVIÇ-Sâkcinski  (Ivan),  littérateur  croate,  né 
à  Varardin  le  29  mai  1816.  Fonctionnaire  en  Croatie,  pré- 
sident de  la  Société  historique  des  Slaves  du  Sud  dont  il  a 
publié  Pir/ciy  (1850-75,  12  vol.),  c'est  un  des  plus  il- 
lustres champions  de  la  nationalité  croate  à  laquelle  il  veut 
restituer  son  droit  propre.  Outre  ses  éditions  d'écrivains 
dalmates,  sa  bibliographie  croate,  son  lexique  d'art  des 
Slaves  du  Sud,  ses  œuvres  littéraires,  poésies,  drames,  nou- 
velles (Razlicita  djela [Mélanges],  Zagreb,  1842-7, 4vol.) , 
il  faut  citer  :  Jura  regni  Croatiœ  Dalmatiœ  et  Slavoniœ 
(Zagreb,  1861-62,  3  vol.)  ;  Monumenta  historica  Sla- 
vorum  meridionalium  (1868-75,  3  vol.). 

KOUKOU-NOR  (Lac  bleu,  Tsing-haï  àes  Chinois).  Lac 
de  l'empire  chinois,  au  centre  de  cet  empire,  dans  la  pro- 
vince de  Koukou-nor,  entre  la  Chine  propre,  la  Mongolie 
et  le  Tibet,  près  de  la  frontière  de  la  province  de  Kansou, 
à  3,687  m.  d'alt.  (d'après  Prjevalski)  ;  107  kil.  de  long, 
i)3  kil.  de  large;  eaux  salées.  Cinq  petites  lies  dont  l'une 
renferme  un  couvent  bouddhique  ;  la  profondeur  décroît  de 
ro.  à  PE.  ensablé  par  les  vents;  le  lac  peu  profond  dimi- 
nue en  été,  oti  la  salure  atteint  11  «/oo.  Il  n'y  existe  pas 
de  barque  ;  les  Eleuthes  (Kalmouks)  et  les  Kara-Tangoutes 
des  rivages  ne  pèchent  même  pas  le  poisson.  Ce  lac  est  le 
centre  d  un  petit  bassin  fermé  (V.  Asie)  recevant  du  N.-E. 
le  Karghin,  de  PO.  le  Boukham.  On  appelle  monts  du 
Koukou-nor  ou  Khorlu  une  chaîne  qui  borde  le  S.  du  lac 
(5,330  m.  d'ail.). 

Province.  —  La  province  de  Koukou-nor,  comprise  entre 
la  province  de  Kansou  extérieur  (Sin-kiang),  au  N.,  le 
Kansou  intérieur  au  N.-E.,  le  Sse-tchouen  au  S.-E.,  le 
Tibet  au  S.,  est  bornée  au  N.  par  les  monts Nan-chan,  Altin- 


KOUKOU-NOR  -  KOUMAOUN 


-  en 


tagh  et  Togouz-daban,  au  S.  par  le  Koueii-loun,  dont  elle 
comprend  une  partie  ;  ses  limites  vers  l'O.  et  le  S.  sont 
mal  définies  ;  c'est  la  région  la  moins  connue  de  l'Asie. 
Elle  comprend  le  bassin  du  Koukou-nor,  la  région  des 
sources  du  Hoang-ho  et  le  Tsaïdam  ou  Zaïdam,  plateau 
désert  à  marécages  salins.  La  population  est  formée  d'Eleu- 
liies  (Kalmouks),  de  Kar  a-Tan  goûtes  et  de  leurs  métis,  di- 
visés en  29  bannières  ou  tribus  (khochoun),  dont  19  dans 
le  bassin  du  lac  et  5  dans  chacune  des  autres  régions  ; 
celles  du  Hoang-ho  dépendent  du  gouverneur  chinois  de 
Sinin  (Kansou)  ;  les  autres  forment  deux  groupes  de  12,  ré- 
gies par  des  princes  (van)  vassaux  de  la  Chine.  A.-M.  B. 
BiBL.  :  Hue,  Voyage  dans  la  Tartarie;  Paris,  1853,2°  éd. 
—  pRJEVALSKi,  De  Zaisang  au  Tibet  (russe),  1883.  —  La 
Mongolie  et  le  pays  des  fancfoutes  ;  Paris,  1880.  —  Les 
Voyages  du  pandit  A.^K.f  1878-82,  dans  M  Ht.  de  Peter- 
mann,  janv.  1885,  avec  carte. 

KOULA  (turc  Adlieh),  Ville  de  Bulgarie,  ch.-l.  de  cercle, 
à  130  kil.  N.  de  Sofia  et  26  kil.  0.  de  Vidin.  Vastes  ruines 
romaines  (Castras  Martis);  un  des  centres  des  colonies 
tatares  établies  en  1862. 

KOULA.  Ville  de  la  Turquie  d'Asie,  à  28  kil.  d'Alachûr, 
9,000  hab.  Chef-lieu  d'un  caza  du  sandjak  de  Saroukhan. 
Centre  de  la  culture  de  l'opium.  Fabriques  de  tapis  de 
portières  d'un  prix  médiocre,  dits  de  Smyrne.  D'autres 
étoffes,  d'un  style  originale  et  d'un  excellente  qualité,  que 
tissent  des  ouvriers  de  choix,  sont  réservés  pour  les  trous- 
seaux des  mariages.  L'industrie  des  tapis  occupe  1,500  à 
2,000  femmes.  Commerce  de  noix  de  galle.  Le  chemin  de 
fer  d'Alachûr  doit  être  prolongé  jusqu'à  Koula. 

BiBL.  :  C.  DuTEMPLE,  Eu  Turquie  d'Asie,  —  F.  Rou- 
GON,  Smyrne,  1892. 

^  KOULAB  ou  KOLAB.  Ville  duTurkestan,  ch.-l.  de  pro- 
vince du  khanat  deBokhara,  sur  le  Koulab,  affl.  du  Kizil-sou 
(Sourkhab),  tritutaire  de  l'Amou-daria  ;  3,000  hab.  La  pro- 
vince de  Koulab,  très  montagneuse  et  riche  en  salines, 
s'étend  au  N.  du  cours  moyen  de  l'Amou-daria  et  du  Ba- 
dakchan,  au  S.  du  Karateghin;  elle  est  peuplée  de  Tadjiks 
presque  purs.  Elle  comprend  deux  districts,  Baldjouan  et 
Kouab. 

KOULADAN  ou  KOLADYNE.  Fleuve  de  Birmanie,  qui 
coule  au  S.  à  travers TO.  delà  Haute-Birmanie  et  l'Arakan 
pour  finir  à  Akyab. 

KOULDJA,  appelé  aussi  en  chinois  HOEI-YUEN 
TCH  EN  G,  Capitale  du  district  d'Hi,  Au  temps  des  Mon- 
gols, l'importante  ville  d'Almalik  devait  être  située  tout 
près  du  Kouldja  actuel.  Kouldja  se  trouve  par  43**  W 
de  lat.  N.  et  par  80*^  10'  de  long,  orientale. 

KOULDOUR  (V.  Khâïlar). 

KOULICH  (Pantaléon),  écrivain  petit-russien contempo- 
rain, né  en  4819.  H  fit  ses  études  à  l'université  de  Kiev 
et  publia  en  1843  son  premier  roman,  Mikhaïlo  Tchar- 
nychenko.  Désigné  pour  la  chaire  des  langues  slaves,  il 
fut  envoyé  à  l'étranger  pour  compléter  ses  études,  mais 
fut  arrêté  à  cause  de  son  intimité  avec  un  cercle  des  pa- 
triotes ukrainiens  à  Kiev  (V.  Kostomarov).  Après  quelques 
mois  de  détention,  il  fut  mis  en  liberté  à  condition  de  ne 
pas  écrire.  Amnistié  en  1856,  il  publia  ses  Mémmres  sur 
la  Russie  méridionale,  et,  en  1857,  un  roman,  rAssem- 
blée  nationale,  en  petit-russien  et  en  russe.  En  1860,  il  fit 
paraître  ses  Nouvelles  (4  vol.)  et  l'almanach  la  Maison. 
Plus  tard,  il  collabora  à  une  revue  russo-ukrainienne,  le 
Commencement  (Osnova)  ;  en  1869,  il  publia  à  Léopol 
la  traduction  du  Pentateuque;  en  1870,  à  Vienne  et  à 
Leipzig,  les  traductions  des  Evangiles  et  des  Psaumes. 
En  1874,  il  commença  VHistoire  de  la  réunion  de  la 
Petite-Russie  (3  vol.),  ouvrage  très  critiqué  à  cause  de 
ses  tendances  peu  scientifiques.  On  a  de  lui  aussi  des  tra- 
ductions de  Shakespeare  et  autres  auteurs  en  langue  de 
son  pays.  Il  introduisit  en  1857  dans  la  littérature  ukrai- 
nienne l'orthographe  phonétique  qui  fut  prohibée  en  \  874 
par  le  gouvernement  russe.  Th.  Volkov. 

KOULIKORO.  Bourg  du  Soudan  français,  rive  gauche 


du  Niger,  à  65  kil.  S.   de  Bamakou  ;  le  fleuve  y  est 
guéable. 

KOULIKOVO  (Plaine  de).  Plaine  située  dans  le  gouver- 
nement de  Toula  (Bussie  d'Europe),  près  du  confluent  de 
la  rivière  Niepradva  et  du  Don.  Le  8  sept.  1 380  une  grande 
bataille  y  fut  livrée  entre  les  Tatares  commandés  par  le 
khan  Mamaï  et  les  Russes  commandés  par  le  grand-prince 
Dmitri  Joannovitch.  Les  Tatares  furent  vaincus.  La  bataille 
de  Koulikovo  marque  une  date  décisive  dans  l'histoire  de 
la  Russie. 

KOULLO.  Pays  de  l'Afrique  orientale,  au  S.-E.  du 
Kaffa,  sur  le  Godjeb  supérieur  ;  il  est  tributaire  de  l'Ethiopie 
(Abyssinie). 

KOULNA.  Ville  de  l'Inde  anglaise,  présidence  de  Cal- 
tutta  (Bengale),  sur  le  Bhaïrab,  canal  du  delta  du  Gange. 
Grand  marché  du  Sunderband,  entrepôt  du  commerce  entre 
Calcutta  etjes  provinces  de  l'E.  ;  raffineries  de  sucre. 

KO U LOI.  Fleuve  de  Russie,  province  d'Arkhangelsk, 
long  de  320  kil.;  bassin  de  156,000  kil.  q.  ;  il  sort  d'un 
lac  à  ro.  de  Pinega,  coule  vers  l'E.,  puis  vers  leN.,  et  se 
jette  dans  le  golfe  de  Mezen,  à  l'O.  de  ce  fleuve. 

K 0  U  L 0  U .  Pays  de  ITnde  septentrionale,  ùa m  le  Pendjab, 
province  de  Djalandar;  bassin  de  5,000  kil.  q.  encaissé 
dans  l'Himalaya  et  d'où  s'échappe  au  S.-O.  la  Bias  (affl. 
gauche  de  l'Indus)  ;  100,000  hab.  de  religion  hindoue.  La 
polyandrie  qui  y  prévalait  autrefois  tend  à  être  remplacée 
par  la  polygamie  (V.  Famille)  . 

BiBL.:  Cap.  Harcourt,  The  Himalayan  Districts  of 
Kooloo,  Lahoid  and  Spiti;  Londres,  1871,  in-8.  ~L.  Rous- 
SELET,  Ethnographie  de  VHimalaya  occidental. 

K0UL0U6LIS  (V.  Coulouglis). 
KOULOUN.  Lac  de  Mongolie  (V.  Dalaï-Nor). 
KOULOUNDA.  Lac  salé  et  amer  de  Sibérie,  province  de 
Tomsk,  à  230  kil.  S.-O.  de  Barnaoul;  446  kil.  q.  H  reçoit 
la  Koulounda  (200  kil.  de  long). 

KOULOUR.  Principauté  de  l'Inde,  au  N.-S.  du  Pendjab, 
rive  S.  du  Sutledj  ;  388  kil.  q.  ;  70,000  hab.  Capitale 
Belaspour. 

KO  UL  P.  Bourg  de  Caucase  russe,  gouvernement  d'Eri- 
van,  rive  gauche  du  Vastémari-tchaï,  affl.  dr.  de  l'Aras,  à 
1,400  m.  d'alt.  Mines  de  sel  gemme. 

KOUM.  Ville  de  Perse,  ch.-l.  de  district  de  la  province 
d'ïrak-Adjemi,  à  1,058  m.  d'alt.,  au  N.-E.  du  Koh-roud, 
sur  l'Annabar;  20,000  hab.  Poteries.  Tombeau  de  Fatma 
(Fatime)  et  de  nombreux  saints  musulmans  ;  pèlerinage  très 
fréquenté;  très  prospère  au  temps  des  Sofis,  ruinée  au 
xvni*^  siècle,  elle  s'est  relevée  au  xix®. 

KOUMA.  Fleuve  du  Caucase  russe,  tributaire  de  la  mer 
Caspienne;  il  naît  à  l'E.  du  Chogalech,  près  de  l'Elbrouz, 
et  des  sources  du  Kouban,  coule  vers  le  N,-E.  entre  les 
prov.  de  Kouban  et  de  Térek,  puis  à  TE.  en  séparant  les 
prov.  de  Stavropol  et  de  Térek,  se  perd  dans  les  steppes 
sablonneux;  ce  n'est  qu'au  printemps  qu'elle  roule  assez 
d'eau  pour  traverser  le  chapelet  de  lagunes  qui  marque 
son  cours  et  atteindre  la  mer.  Elle  a  540  kil.  de  Ions-,  et 
un  bassin  de  386,000  kil.  q. 

K0U1VIA6AYA.  Ville  du  Japon,  prov.  de  Mouzasi,  kende 
Saïtama,  à  40  kil.  N.-O.  d'Ourava;  4,500  hab.  Tribunal 
(kens  de  Gounha  et  Saïtana). 

KGUiVIAIVlOTO.  Ville  du  Japon,  île  de  Kiousiou,  ch.-L 
de  ken,  ancienne  prov.  de  Higo,  sur  le  Sira-kava,  à  8  kiL 
de  la  mer;  59,081  hab.  (en  1893).  Vieille  forteresse. 
Ch.-l.  d'une  des  dix  divisions  militaires  du  Japon  et  siège 
d'un  tribunal  (kens  de  Koumamoto  et  Oïta). 
KOUIVlANES(V.CuMANEs). 

KOUMAOUN  ou  KEMAOUN.  Prov.  de  l'Inde  anglaise, 
dans  les  prov.  du  N.-O.,  entre  le  Népal  à  TE.,  et  le  Garh- 
val  indépendant  ;  elle  comprend  avec  le  Garhval  anglais 
29,784  kil.  q.  et  plus  de  800,000 hab.,  dont  15,539  kil. 
q.  et  près  de  50,000  hab,  pour  le  Koumaoun  propre.  C'est 
un  chaos  de  montagnes  de  1,100  à  7,841  m.  d'alt.,  sauf 
dans  la  zone  du  Téraï.  La  seule  ville  est  Almora.  La  po- 
pulation est  en  majorité  hindoue  (Khasnas  aryens  mélan- 


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KOUMAOUN  —  KOUNAlA 


gés  de  Touraniens)  ;  les  Doms  aborigènes  sont  misérables  ; 
les  Bhotyas,  d'origine  tibétaine,  sont  passés  à  l'hindouisme. 

KO  U  M  ARA.  Nom  de  trois  rois  de  la  dynastie  indienne 
{^03  Gouptas  (V.  ce  nom). 

KOUMAS  (Constantin-Michel),  érudit  grec,  né  à  Larisse 
(Thessalie)  en  4777,  mort  en  mai  1836.  Il  professa  au 
collège  de  Smyrne  (1809-21)  et  à  Trieste.  D'une  éru- 
dition très  étendue,  il  a  écrit  une  histoire  universelle  (1826- 
:]2,  12  vol.). 

KO  U  M  BOUM  (ou  les  Dix  mille  Images),  Monastère  ti- 
bétain-mongol, près  de  Lusar,  situé  au  N.-E.  du  Tibet,  dans 
la  région  du  Koukou-nor  (lac  Bleu),  élevé  en  l'honneur  du 
réformateur  Tsong-ka-pa,  et  abritant  3,000  moines  de  la 
secte  du  bonnet  jaune;  remarquable  parladorure  des  tuiles 
du  toit  d'un  de  ses  temples,  par  la  couleur  verte  de  celles 
de  l'autre  et  ses  murs  colorés  en  vert  et  en  rouge  ;  mais 
surtout  célèbre  par  ses  trois  santals  de  20  à  30  pieds 
de  haut,  dont  l'un,  celui  du  milieu,  naquit  de  la  chevcluie 
de  Tsong-ka-pa,  lorsqu'il  fut  tonsuré  à  Fâge  de  sept  ans, 
et  porte  sur  chacune  de  ses  feuilles  une  image;  de  là  le 
nom  du  monastère  :  dix  mille  images.  Hue  dit  avoir  vu  cet 
arbre  en  1846  et  avoir  clairement  distingué  sur  les  feuilles 
les  différentes  formes  de  lettres  de  l'alphabet  tibétain. 
M.  Rockhill  vit  le  même  arbre  en  févr.  1890;  il  était,  à 
ce  moment-là,  privé  de  feuilles;  mais  on  dit  au  voyageur 
que  sur  chacune  d'elles  se  voyait  l'image  de  Tsong-ka-]!a. 
L'image  avait  donc  changé  depuis  1846;  ce  changement 
était  déjà  effectué  en  1879  lors  de  la  visite  du  lieutenant 
Kreitner.  L.  Feer. 

BiRL.  :  HuG^  Souvenirs  d'un  voyage  dans  la  Tarlarie  cl 
au  Thibet^  vol.  II,  chap.m.  ~  W.  Woodville  Rockhill, 
TheLandofthe  Lamas;  Londres,  1891. 

KOUMIS.  Le  koumis  est  du  lait  de  jument  fermente. 
On  sait  que  le  lait  de  jument  se  rapproche  beaucoup  plus 
du  lait  de  femme  que  le  lait  de  vache  ;  s'il  est  plus  pauvre 
que  ce  dernier  en  graisse,  il  est  également,  en  effet,  beau- 
coup plus  pauvre  encore  en  caséine,  ce  qui  est  un  avantage 
au  point  de  vue  de  l'assiuiilation.  Les  Kirghis  nomades  qui 
utdisent  le  koumis  donnent  des  soins  spéciaux  à  leurs 
juments  laitières,  la  nourriture  doit  être  choisie,  et  il  est 
très  utile,  entre  autres,  de  leur  distribuer  une  grande  quant'tô 
de  sel.  Pour  préparer  le  koumis,  des  Kirghis  versent  le  lait 
dans  des  outres  en  peau  de  cheval  fumée  (sabas),  ou 
dans  de  grands  baquets  analogues  à  des  barattes.  Pour  ache- 
ver la  fermentation,  on  ajoute  au  lait  une  série  de  substances 
bizarres:  mélange  de  miel  et  de  farine,  tendon  ou  peau  de 
cheval,  vieilles  monnaies  couvertes  de  vert-de-gris,  etc. 
Parmi  les  procédés  les  plus  scientifiques,  il  sutiira  d'en 
citer  un  :  Le  docteur  Postnikov  mélange  225  gr.  de  farine 
de  millet  avec  115  gr.  de  malt  et  une  quantité  suffisanle 
de  miel  pour  former  une  pâte,  qui  est  mise  au  four;  quand 
cette  pâte  commence  à  lever,  on  Fenlève,  on  Fenveloppo 
de  mousseline  et  on  la  plonge  dans  une  terrine  contenant 
1  litre  de  lait  frais  de  jnment,  à  la  même  température  (jue 
la  pâte.  Dès  que  la  fermentation  se  manifeste  dans  le 
liquide,  on  retire  la  pâte,  et  le  lait,  après  avoir  été  battu, 
est  laissé  en  repos  jusqu'à  l'apparition  des  bulles  annonçant 
que  le  ferment  est  prêt  (V.  Fermentation). 

On  peut  conserver  du  ferment  en  faisant  sécher  un  peu 
de  lait  coagulé  (caséo-albumine).ïl  suffit  d'ajouter  225  gr. 
de  cette  levure  sèche  à  un  litre  de  lait  de  jument  frais  pour 
obtenir  une  fermentation  abondante,  et  une  fois  que  l'on  a 
obtenu  ce  nouveau  koumis,  il  suffit  d'ajouter  une  pe- 
tite quantité  au  lait  frais  pour  l'ensemencer.  Suivant  la 
durée  de  la  fermentation  et  des  conditions  qui  la  fa- 
vorisent ou  la  retardent,  on  obtient  un  koumis  faible, 
moyen  ou  fort,  le  premier  contenant  à  peine  1  <>/o  d'al- 
cool, alors  que  le  koumis  fort  peut  renfermer  3  et  môme 
4  °/o  d'alcool.  Le  koumis  «  fort  »  est  produit  par  l'agitation 
assidue  du  lait  pendant  plus  de  quarante-huit  heures.  Moins 
épais  que  le  koumis  «  moyen  »  et  même  aqueux,  il  contient 
une  plus  grande  proportion  d'alcool  et  d'acide  carbonique; 
il  est  beaucoup  plus  acide  et  plus  piquant  au  palais.  C'est  le 


seul  qu'on  puisse  garder  aussi  longtemps  qu'on  le  veut  sans 
subir  de  changement  sérieux.  «  Lorsqu'il  est  en  bouteille, 
il  se  divise  en  trois  couches  qui,  conformément  à  leur 
gravité  spécifique  respective,  se  composent  :  par  en  haut 
des  parties  huileuses,  au  milieu  des  parties  séreuses  conte- 
nant du  sel  en  dissolution  et  en  bas  de  caséine.  Après  un 
certain  laps  de  temps,  variant  suivant  la  température,  tout 
le  sucre  laiteux  passe  à  l'état  d'acide  lactique,  d'alcool  et 
d'acide  carbonique  et  la  fermentation  cesse.  » 

Aussi  ayant  de  boire  du  koumis  «  fort  »,  il  est  indispen- 
sable d'agiter  soigneusement  la  bouteille,  de  façon  à  bien 
mélanger  les  parties  grasses,  séreuses  et  caséeuses.  Le 
liquide  ainsi  obtenu  est  blanc,  d'un  goût  douceâtre  et  légè- 
rement acide,  rappelant  le  lait  caillé  ;  en  somme  peu  agréable 
pour  ceux  qui  ne  sont  pas  habitués  au  vin  des  Tatares. 
En  France,  oti  l'usage  du  koumis  a  été  introduit  ré- 
cemment, on  obtient  un  lait  fermenté  en  mélangeant  deux 
parties  de  lait  d'ànesse  avec  une  partie  de  lait  de  vache  et 
Fon  ajoute  de  la  levure  {Saccharomijces  levevisiœ).\\diit{Q 
conseillé  dans  les  affections  gastriques,  cardiaques,  dans 
toutes  les  maladies  débilitantes.  Bu  à  la  dose  de  deux  à 
huit  verres  (en  comptant  trois  verres  à  la  bouteille  de  Cham- 
pagne), il  produit,  suivant  le  docteur  Bogoyavlensky,  au 
creux  de  l'estomac,  une  sensation  de  froid  à  laquelle  suc- 
cède bientôt  un  degré  correspondant  de  chaleur,  et  cause 
une  certaine  impression.  Les  pulsations  cardiaques  aug- 
mentent d'amplitude  et  de  fréquence.  En  résumé,  le  koumis 
agit  surtout  par  l'alcool  qu'il  contient,  mais  il  présente  cet 
avantage,  sur  les  autres  boissons  alcooliques,  d'être  à  la  fois 
un  stimulant  et  un  aliment  réel.  D''  P.  Langlojs. 

KOUM-OIVIBO.  Nom  actuel  de  l'emplacement  de  la  ville 
d'Ombos  (V.  ce  mot), 

KOUWIYK  ou  KOUMOUKH.  Peuple  du  Caucase,  dans  la 
prov.  de  Daghestan,  cantonné  le  long  de  la  côte  de  la  mer 
Caspienne,  depuis  le  fleuve  Terek  jusqu'à  la  rivière  Roubaz- 
Tchaï  (au  N.  de  Derbent).  M.  Erckert  estimait  en  1831 
leur  nombre  à  83,000  individus.  Leur  type  physique  rap- 
pelle celui  des  Tatares  d'Astrakhan  ;  cependant, "dans  beau- 
coup de  cas,  on  constate  le  mélange  de  traits  sémitiques 
(Chantre).  Leur  tête  est  globuleuse  (indice  céphalique  mo- 
yen :  84,7).  C'est  un  peuple  inculte  ;  il  ne  s'occupe  que  de 
ses  troupeaux  ou  de  la  pèche  ;  l'agriculture  commence  à 
peine  à  s'introduire  dans  le  pays.  Les  origines  des  Koumyks 
ne  sont  point  connues.  On  stippose  qu'ils  descendent  des 
Khazares  plus  ou  moins  mélangés  aux  Kalmouks,  aux  Ader- 
beidjani  et  aux  Tatares-Nogaï.  On  confond  souvent  et  à  tort 
les  Koumyks  avec  ces  derniers,  dans  les  descriptions  et  même 
dans  les  statistiques  des  peuples  du  Caucase.  Le  pays  plat 
et  montagneux,  habité  par  les  Koumyks,  couvre  presque 
exactement  le  district  de  Khasaf-Yourth.    J.  Denikeh. 

KOUNÂLA,  prince  indien,  fils  d'Asoka,  ainsi  appelé  à 
cause  de  ses  beaux  yeux  qui  ressemblaient  à  ceux  de  Foi- 
seau  de  ce  nom  (le  coucou)  et  qui  allumèrent  une  passion 
violente  dans  le  cœur  de  Tichya-rakchitâ,  une  des  femmes 
du  roi.  Kounâla  n'ayant  pas  répondu  à  ses  avances,  elle 
résolut  sa  perte,  et  profita,  pour  exercer  sa  vengeance,  du 
souverain  pouvoir  qu'Asoka  lui  avait  laissé  pour  une  se- 
maine, en  reconnaissance  de  ce  qu'elle  l'avait  guéri  d'une 
affreuse  maladie.  Kounâla  se  trouvant  à  Takchasilâ(Taxile), 
où  il  s'était  rendu  pour  réprimer  une  émeute,  elle  expédia 
un  ordre  scellé  du  sceau  royal  et  prescrivant  aux  habitants 
de  cette  ville  d'arracher  les  deux  yeux  de  Kounâla.  On  hé- 
sitait à  exécuter  un  tel  ordre;  mais  Kounâla  lui-même  se 
soumit  à  ce  qu'il  croyait  être  la  volonté  de  son  père  et  en 
exigea  l'exécution.  Il  subit  le  supplice  avec  un  héroïsme  et 
une  patience  admirables.  Devenu  aveugle  et  allant  de  lieu 
en  lieu,  conduit  par  sa  femme  et  jouant  de  la  vinâ  pour 
mendier  son  pain,  il  arriva  sous  les  fenêtres  du  palais  du 
roi  qui  l'entendit  et  demanda  des  explications.  Asoka  fut 
transporté  de  colère;  Kounâla  intercéda  pour  la  femme 
qui  Pavait  fait  mettre  en  cet  état.  Mais  Asoka  fit  périr 
Tichya-rakchitâ  dans  les  tourments  et  fit  massacrer  les 
habitants  de  Takchasilâ.  L.  Feer. 


KOUNALA  -  KOURAKINE 


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BiBL.  :  Eugène  Burnouf,  Introd.  à  Vhisioire  du  Bud- 
dhisme  indien.  —  Barthélemy-Saint-Hilaire,  le  Boud- 
dha et  sa  religion. 

KOUNAMA  ou  BAZEN.  Tribu  de  Nubie,  prov.  de  Kas- 
sala,  sur  le  Mareb  et  le  Tacazzé;  150,000  hab.  sur 
46,000  kil.  q.  De  race  Changaila,  ils  résistent  à  la  fois 
aux  musulmans  nomades  du  Nord  et  Abyssins  du  Sud.  Agri- 
culteurs infatigables,  ils  ne  sont  pas  groupés  en  villages  ; 
ils  n'ont  pas  de  gouvernement  central  ;  ils  se  forment  en 
bandes  pour  la  guerre  et  les  razzias.  Ils  ne  sont  ni  chrétiens, 
sauf  à  la  frontière  S.,  ni  musulmans,  sauf  à  la  frontière 
N.,  mais  paraissent  fétichistes. 

KOUNAR.  Rivière  du  bassin  de  l'Indus,  affluent  du  Co- 
phès  ou  rivière  de  Caboul,  qui  porte  successivement  le  nom 
des  trois  villes  de  Mastoudjy  de  Tchitral,  de  Kounar  et 
finit  en  aval  de  Djelalabad,  après  avoir  reçu  le  Kattar,  ri- 
^ière  du  Kafiristan.  C'est  un  torrent  très  violent  de  700 
kil.  de  long,  aux  eaux  abondantes. 

KOUNASIRI.  La  plus  méridionale  des  îles  Kouriles 
(V.  ce  mot)  ;  1,994  kil.  q.  ;  110  kil.  de  long  du  N.-E.  au 
S.-E.,  séparée  d'Yéso  par  un  détroit  de  20  à  30  kil. 

KOUNDIAN.  Ville  du  Soudan  français,  près  de  la  rive 
gauche  du  Rafing,  à  70  kil.  S.  de  Rafoulabé;  forteresse 
londée  par  El  Hadj  Omar. 

KOUNDJARA,  KONDJARAouGANDJARA.  Un  des  trois 
peuples  de  la  race  For  dans  le  Dar-for  et  le  Kordofan 
(V.  ces  mots).  Ce  sont  des  hommes  de  taille  moyenne,  à 
peau  olivâtre,  intermédiaires  entre  les  nègres  et  les  Ra- 
rabra  de  Nubie. 

KOUNDOU.  Fort  du  Soudan  français,  à  114  kil.  E.  de 
Kita,  sur  la  route  de  Ramakou,  r.  g.  du  Raoulé  (branche 
du  Bakhoy). 

KOUNDOUZ.  Ville  du Turkestan  afghan,  ch.-l.  d'une 
principauté  euzbeg,  vassale  de  l'Afghanistan,  sur  l'Ak- 
seraï  ou  riv.  de  Koundouz,  affl.  de  l'Amou-daria,  C'est 
une  assez  misérable  bourgade,  très  malsaine,  sur  la  route 
de  Ralkh  à  Faïzabad.  La  principauté,  dite  aussi  Kataghan, 
s'étend  de  l'Amou-daria  à  l'Hindou-kouch,  entre  le  Radak- 
chan  à  l'E.  et  le  pays  de  Ralkh  è  l'O.  ;  c'est  un  pays 
plat,  peuplé  de  Tadjiks  sédentaires  et  Euzbegs,  pasteurs 
nomades.  Le  prince  descend  du  chef  euzbeg  Mourad. 

K0UN60UR.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du 
gouv.  de  Perm,  au  confluent  de  Flren  et  de  la  Sylva 
(sous-affluent  de  la  Kama).  Tannerie,  cordonnerie,  maro- 
quinerie, fonderies  de  fer,  serrurerie,  fabrication  de  ma- 
chines à  vapeur.  Grande  foire  le  9®  vendredi  après 
Pâques.  —  Le  district  a  14,000  kil.  q.,  les  deux  tiers 
boisés. 

KOUNGRAD.  Ville  forte  du  khanat  de  Khiva,  sur  le 
Taldyk,  bras  occidental  du  delta  de  l'Amou-daria,  à 
1d  kil.  S.  de  la  mer  d'Aral  ;  tète  de  la  route  vers  la 
Caspienne  (baie  Mortvig-Koultouk). 

KOUNHIAR.  Principauté  de  l'Inde  (Pendjab),  près  de 
Rhagal;  12  kil.  q. 

KOUNIAKARI.  Ville  du  Kaarta,  à  50  kil.  E.  de  Médine, 
sur  le  Tarakolé,  affl.  dr.  du  Sénégal.  Ce  fut  une  des 
places  principales  des  Toucouleurs  de  Ségo. 

KOUNOUR.  Ville  de  l'Inde  anglaise,  présidence  de 
Madras,  au  S.-E.  du  plateau  des  Nilgherries  dont  c'est 
une  des  principales  stations  sanitaires  pour  les  Euro- 
péens. 

K0UN-TCHAN6.  Ville  de  Chine,  prov.  de  Kansou, 
ch.-l.  de  dép.  sur  le  Hoei-ho,  affl.  dr.  du  Hoang-ho; 
5O,0CO  hab.  Entourée  d'un  mur  formidable,  elle  a  été  dé- 
truite lors  de  l'insurrection  musulmane. 

KO U  NID  ou  KOUTNO.  Triple  lac  de  Russie,  gouverne- 
ment d'Askhangelsk,  formé  par  le  Kern.  Ces  trois  nappes 
d'eau  ont  respectivement  291,  493  et  237  kil.  q. 

KOUNTSEVITCH  (V.  Kuncewicz). 

KOUNVL  Rivière  àeVInde  (V.  ce  mot,  t.  XX, p.  672). 

KOUO-TSE-l,  général  chinois  qui  vécut  de  697  à  781 
ap.  J.-C,  Il  parvint  à  réprimer  dans  les  dernières  années 
de  l'empereur  Hiuen-tsong  (713-755)  une  insurrection  qui 


avait  gagné  plusieurs  provinces  et  menaçait  la  capitale.  II 
mourut  à  l'âge  de  quatre-vingt-quatre  ans  comblé  d'hon- 
neurs et  de  richesses  et  laissant  une  nombreuse  postérité; 
suivant  une  tradition  populaire,  le  bonheur  dont  il  ne  cessa 
de  jouir  pendant  sa  longue  existence  lui  était  assuré  par 
la  protection  toute  spéciale  de  la  déesse  stellaire  appelée 
la  Tisserande.  Quelques  missionnaires  catholiques  ont  sou- 
tenu que  Kouo  Tse-i  était  chrétien  ;  mais  il  ne  semble  pas 
qu'on  puisse  tirer  une'^pareille  conclusion  du  curieux  pas- 
sage de  l'inscription  de  Si-ngan-fuu  oii  il  est  dit  que 
Kouo  Tse-i  fut  accompagné  dans  son  expédition  contre  les 
barbares  du  Nord-Ouest  par  le  religieux  bouddhique  (?)  I-se, 
lequel  était  lui-même  un  bienfaiteur  des  chrétiens. 

BiBL.  :  Mémoires  concernant  les  Chinois,  t.  V,  pp.  405- 
416.—  Pauthier,  VInscription  syro-chinoise  de  Si-ngan- 
fou,  pp.  31  et  65.  —  A.  Wylic,  Journal  of  the  A7nmnco,n 
Oriental  Society^  vol.  V,  p.  306. 
KOUPA  (V.KouHPA). 

KO  U  PAN  G.  Ville  de  l'île  de  Timor,  ch.-l.  delà  colonie 
néerlandaise,  au  S.-O.  de  l'île,  sur  une  baie  qui  est  le  meil- 
leur port  de  ces  parages  (pendant  les  neuf  mois  où  souffle 
leventd'E.). 

KOUPÉLIAN  (V.  Hassoun  [Pierre]). 
KOUPIANSK.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  de  gou- 
vernement de  Khaskov,  sur  rOskol(affl.  g.  du  Donetz); 
3,500  hab.  Le  district  a  7,000  kil.  q.,  dont  les  deux  tiers 
labourés.  Il  renferme  huit  haras. 

KOUR  (géorgien  Mtkuari,  arménien  Gour,  turc  Arda- 
gan,  Cyrus  ou  Kouros  des  anciens).  Fleuve  du  Caucase 
russe  qui  descend  de  l'O.  du  Kyzyr-dagh,  à  30  kil.  N.  de 
Kars,  s'unit  à  d'autres  torrents  dans  un  fond  marécageux 
où  fut  un  lac,  en  sort  par  le  défilé  d'Ardagan,  descend  vers 
le  N.  par  des  rapides  entre  les  monts  frialetes  à  l'E.  et 
Derendara  à  l'O.,  tourne  au  N.-E.,  puis  à  FE.  après  Sou- 
rani  ;  passe  à  Gori,  reçoit  du  Caucase  le  Liachna,  puis  le 
Ksan  à  Mlzkhéta,  l'Aragna,  fait  un  coude  au  S.  et  passe  à 
Tiflis,  entre  en  plaine,  longeant  le  plateau  de  Karagaz, 
devient  navigable  au  confluent  de  FAlazan,  arrose  une  plaine 
marécageuse  où  le  rejoint  l'Aras,  aftluent  plus  important 
que  lui,  contourne  au  N.-E.  le  steppe  de  Mougan,  redes- 
cend au  S.  vers  la  mer;  il  finit  par  un  vaste  delta  dont  la 
branche  de  gauche  (Akoucha)  se  subdivise  en  nombreux 
canaux.  11  a  144  m.  de  large,  22  de  profondeur  à  la  fourche 
du  delta,  roule  aux  eaux  moyennes  676  m.  c.  ;  il  a  une 
longueur  de  1,050  kil.  dont  743  navigables.  Les  pêcheries 
d'esturgeon  ont  une  grande  importance  dans  le  delta.  Le 
centre  est  à  Saliany.   ^  A.-M.  R. 

KOUR  ou  BAND-ÉMIR  (Cî/ri^5  des  anciens).  Rivière 
de  Perse,  prov.  de  Farsistan,  qui  descend  vers  le  S.-E., 
reçoit  le  Polvar  et  finit  dans  le  lac  Niris  (Rakhtegan). 

KO  U  RAI.  Ville  de  l'Inde,  prov.  centrales  (Djabalpour), 
dans  les  monts  Vindhyas,à51  kil. N.-E.  de  Sagar;  5,000 
hab.  Reaux  temples  hindous. 

KOURAIBEH.  Rourg  de  la  vallée  deDoan,  dans  l'Arable 
méridionale.  On  ne  possède  aucun  renseignement  précis  sur 
celte  localité  qui  n'a  été  visitée  qu'une  seule  fois  par  un 
Européen,  de  Wrede,  en  1843. 

KOURAÏDIEH.  Ville  d'Arabie,  sur  l'oiiadi  Doan,  l'une 
dos  principales  de  l'Hadramaut  ;  visitée  par  de  Wrede 
(1843). 

KOURAKINE.  Grande  famille  russe  qui  doit  son  nom 
au  prince  Alexandre  Kouraki  et  descend  de  Gedymin 
(V.  ce  nom).  Ses  principaux  représentants  ont  été  :  le 
prince  luan-Séménovitch,  qui  joua  un  rôle  considérable 
dans  la  période  des  troubles,  contribua  à  renverser  le  faux 
Dmitri  et  devint  voiévode (gouverneur)  deTobolsk.  —  Fé- 
dor-Fédorovitck  ïut  gouverneur  du  prince  Fédor-Alexiéié- 
vitch,  frère  de  Pierre  le  Grand  et  voiévode  de  Moscou.  Il 
mourut  en  1680.  —  Boris-Ivanovitck,  né  en  1671,  mort 
en  1727,  fut  un  des  collaborateurs  les  plus  remarquables 
de  Pierre  le  Grand  dont  il  était  le  beau-frère  par  son  ma- 
riage avec  Aksina  Lapoukhine.  R  prit  part  à  la  bataille  de 
Poltava  et  fut  tour  à  tour  ambassadeur  à  Londres,  à 
Hanovre,  à  La  Haye  et  enfin  à  Paris.  Il  prit  part  aux  con- 


'—  625  — 


KOURAKINE  —  KOURDES 


grès  d'Utrechl  et  de  Brunswick.  Saint-Simon  parle  de  lui 
dans  ses  Mémoires  :  «  Il  parlait  assez  bien  français  et  plu- 
sieurs autres  langues...  Il  ne  laissait  pas  de  sentir  encore 
le  russe,  et  l'extrême  avarice  gâtait  fort  ses  talents.  » 
—  Alexandre-Borisovitch  Ivourakine,  né  en  1752,  mort 
à  Weimar  en  1818,  fit  son  éducation  avec  Paul  P%  qui  le 
prit  en  affection  et  devenu  empereur  lui  confia  la  direction 
des  affaires  étrangères.  Alexandre  I®^  le  maintint  dans  ce 
poste.  Il  conclut  avec  Napoléon  le  traité  de  Tilsit  et  devint 
ambassadeur  extraordinaire  auprès  des  cours  de  Vienne 
(4806-08)  et  de  Paris  (1808-12).  Il  devint  ensuite  séna- 
teur et  membre  du  conseil  de  l'Empire.  Il  fut  grièvement 
blessé  lors  de  l'incendie  qui  éclata  au  bal  du  prince  Schwar- 
zenberg  (1810).  L.  L. 

BiBL.  :  Vandal,  Alexandre  !«*■  et  Napoléon. 

KOURAM  ou  KOUROUIVI.  Rivière  de  TAfghanistan, 
afïl.  g.  de  rindus  ;  descendant  du  Chontar  Gardan  vers  TE,, 
puis  vers  le  S. -E.  et  le  S.,  longeant  les  monts  Safid-koh 
et  creusant  le  célèbre  défilé  de  Kouram  par  lequel  elle 
entre  dans  la  vallée  du  fleuve,  elle  a  250  kil.  de  long. 

KOURAMA  ou  KOURAMINTSI.  Nom  que  l'on  donne 
dans  le  Turkestan  russe  à  la  population  d'origine  mixte 
qui  liabite  le  district  de  Taclikent,  surtout  dans  les  vallées 
du  Tchirtchik  et  de  l'Angren.  On  estimait  le  nombre  de 
ces  Kourama  à  88,000  en  1889.  Ce  sont  pour  la  plupart 
des  Kirghiz,  qui  ont  changé  leur  vie  de  nomade  contre  celle 
d'agriculteur  et  se  sont  mélangés  aux  Sartes  et  aux  Euz- 
begs.  Ils  parlent  un  dialecte  du  turc  oriental.       J.  D. 

KOU  RAMO.  Ile  de  la  Côte  des  Esclaves,  entre  le  golfe  de 
Guinée  et  la  lagune  de  l'Ogoun;  80  kil.  de  long  sur  8  à 
10  kil.  de  large;  à  TO.  est  la  ville  de  Lagos. 

KOURARA.  Ville  de  l'Inde,  prov.  d'Allahabad,  r.  dr.  de 
la  Djemna;  5,000  hab.  Teinturerie,  commerce  de  blé,  de 
coton,  etc. 

KOURBA.  Village  de  la  Tunisie,  à  70  kil.  S.-E.  de 
Tunis,  près  de  la  mer,  sur  une  colline  dominant  une  petite 
sebkha.  Des  ruines  romaines  assez  importantes,  aqueduc, 
citernes,  débris  de  jetées  et  de  quais,  paraissent  être  celles 
de  l'ancienne  Julia  Curuhis. 

KOURCHID  Pâcha  (V.  Guyon  [Richard  Debâufbe]). 

KOURDES.  Peuple  montagnard  de  l'Asie  antérieure 
(V.  Asie,  t.  IV,  p.  123),  établi  surtout  à  l'O.  de  l'Iran,  dans 
les  montagnes  du  bassin  moyen  du  Tigre  et  de  l'Euphrate. 
Le  Kourdistan  s'étend  de  la  prov.  perse  de  Louristan,  à, 
^Kharpout,  au  confluent  des  deux  branches  de  l'Euphrate 
sur  une  longueur  de  900  kil.  du  N,-E.  au  S.-O.  et  une 
largeur  de  100  à  200  kil.,  entre  34*^  et  39«  lat.  N.,  37<> 
et  46*^  long.  E.  Les  Kourdes  ont  d'ailleurs  essaimé  dans  la 
Perse  et  l'Asie  Mineure  où  Ton  trouve  de  nombreuses  tribus 
de  cette  race.  On  évalue  leur  nombre  de  1,800,000  à 
3  millions  ;  les  deux  tiers  environ  dans  le  Kourdistan  turc, 
le  tiers  dans  le  Kourdistan  perse,  quelques  milliers  dans  la 
Caucasie  russe,  l'Afghanistan  et  le  Béloutcliistan.  Le  Kour- 
distan ne  correspond  pas  à  une  division  politique  précise  ; 
il  embrasse  une  partie  de  l'ancienne  Médie,  de  l'ancienne 
Assyrie^et  du  S.  de  l'Arménie.  Il  est  divisé  entre  les  vilayets 
turcs  d'Erzeroum,  Diarbékir,  Mossoul  et  Bagdad,  les  prov. 
perses  de  Kermanchah  et  Ardélan.  Les  principales  vallées 
sont  celles  du  Tigre  et  de  ses  affluents,  le  Batman-tchaï, 
de  la  rivière  de  Bitlis,  des  deux  Zab,  de  l'Adhem  et  du 
Chirvan  ;  le  massif  du  Zagros  et  le  bassin  du  lac  de  Van 
sont  comme  la  citadelle  de  ces  populations  belliqueuses. 

Les  Kourdes  habitent  ces  contrées  de  temps  immémorial  ; 
sous  le  nom  de  Gardu  ils  figurent  parmi  les  adversaires 
des  Assyriens;  sous  celui  de  Koudraha,  dans  les  documents 
perses  ;  sous  ceux  de  Carduques  et  Gordyéens^  les  Grecs 
les  ont  connus  et  ils  furent  les  plus  redoutables  ennemis 
de  Xénophon  dans  la  retraite  des  Dix  Mille.  Ils  ne  sont 
jamais  entrés  complètement  dans  la  sujétion  des  grandes 
monarchies  de  l'Iran  ou  de  la  Mésopotamie  ;  ces  monta- 
gnards indociles  et  pillards  furent  toujours  à  peu  près  indé- 
pendants sous  leurs  chefs.  Dans  la  grande  anarchie  de  la 
dissolution  du  khalifat,  ils  fondèrent  des  principautés  qui 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XXL 


eurent  leurs  jours  de  splendeur  :  Mérouanides,  Ayoubites  ; 
Salah-ed-din  était  un  Kourde  ayoubite.  Depuis  le  xvi«  siècle 
ils  sont  partagés  entre  la  Perse  et  la  Turquie. 

Le  noyau  des  montagnards  kourdes  se  divise  en  deux 
classes  ou  castes  :  les  Assireta^  pasteurs  guerriers  qui  vivent 
sous  la  tente  du  produit  de  leurs  troupeaux,  du  butin  des 
razzias  et  de  la  solde  gagnée  comme  mercenaires  ;  les  Gou- 
rân,  agriculteurs  sédentaires.  Les  premiers  sont  les  moins 
nombreux,  mais  exercent  la  domination  sur  les  autres 
qu'ils  oppriment.  L'agriculteur  a,  dit  Rich,  un  type  doux, 
à  traits  réguliers,  souvent  presque  grecs,  les  cheveux  noirs 
ou  bruns;  le  guerrier  aurait  plus  souvent  les  yeux  clairs, 
bleus  ou  gris,  des  traits  durs,  front  proéminent,  yeux  pe- 
tits, enfoncés  sous  les  arcades,  regard  fixe.  Rawlinson 
juge  ces  antithèses  exagérées  :  les  Kourdes  seraient  séden- 
taires et  agriculteurs  dans  les  montagnes  à  climat  trop 
rude,  et  préféreraient  la  vie  pastorale  et  nomade  dans  la 
Mésopotamie.  Il  semble,  en  tout  cas,  que  les  deux  classes 
n'offrent  pas  de  différences  physiques  assez  profondes  pour 
douter  de  leur  unité  ethnique  et  légitimer  l'opinion  que  les 
Gourân  seraient  une  race  conquise  et  asservie  par  les 
Assireta.  On  ne  s'entend  pas  non  plus  sur  la  proportion 
de  blonds;  le  D"^  Solak  a  vu  en  Perse  beaucoup  de  Kourdes 
présentant  le  type  germanique  ;  Chantre  n'a  trouvé  que 
3  vrais  blonds  sur  158;  il  les  décrit  brachycéphales,  à  nez 
aquilin  ou  crochu,  yeux  marron  foncé,  cheveux  et  mous- 
tache châtain  foncé,  de  taille  haute,  bien  musclés,  les  extré- 
mités fines.  En  général,  les  vieillards  seuls  portent  la 
barbe;  les  autres  se  rasent  la  tête  et  ne  gardent  que  la 
moustache.  Beaucoup  se  teignent  les  cheveux  et  la  barbe 
en  noir  ou  en  rouge,  passent  un  anneau  d'or  dans  le  nez 
des  femmes.  Ils  ont  subi  l'influence  de  nombreux  croise- 
ments, en  particulier  avec  les  Turcs,  mais  ont  conservé 
leur  type  primitif.  Leur  vêtement  se  compose  :  d'un  cale- 
çon blanc  (chalvar)^  d'une  tunique  serrée  par  la  ceinture 
et  d'un  large  caftan  brun  ou  blanc  {autari)  boutonné  au 
cou.  Là-dessus  ils  revêtent  volontiers  un  manteau  rouge. 
Ils  ont  le  goût  des  étoffes  luxueuses,  bariolées,  à  couleurs 
éclatantes,  des  hauts  turbans  ;  ils  portent  une  quantité 
d'armes  :  pistolets,  couteaux,  yatagans  à  la  ceinture,  fusil 
en  bandoulière,  lance,  etc.  Les  tribus  (khoïl)  sont  très 
nombreuses,  et  leur  importance  relative  varie  selon  les 
temps.  Les  principales  sont  :  les  Revandiz,  entre  le  Grand 
Zab  et  le  lac  d'Ourmiah,  avec  la  famille  gouvernante  des 
Sorân  ;  les  Ilakkari,  sur  le  Grand  Zab,  autour  de  Djoulamesk  ; 
les  Bilbas  ou  Balbas,à  LE.  des  Revandiz,  sur  la  frontière; 
les  Khosnav,  auprès  d'eux  ;  les  Bohtan,  à  l'E.  du  Tigre,  au 
N.  du  Grand  Zab;  les  Behdinan,  entre  ceux-ci  et  Mossoul, 
la  plus  honorée  des  tribus  parce  qu'elle  prétend  descendre 
des  khalifes  ;  les  Djaf,  dans  les  provinces  perses  d'Ardélan 
et  Kermanchah,  très  braves,  mais  incultes;  les  Bebbeh  et 
les  Kermandj,  voisins  de  ceux-ci;  les  Djellali,  à  l'E.  de 
Bayezid  ;  lesMikris,au  S.  du  lac  d'Ourmiah;  lesAschita, 
entre  Mossoul  et  Mardin  (Mésopotamie  du  N.).  Il  faudrait 
y  ajouter  les  Loures  ou  Louri  qui  sont  de  même  race,  mais 
ceux-ci  forment  un  groupe  distinct  qui  récuse  cette  pa- 
renté. Nous  laissons  de  côté  les  colonies  kourdes  du  Ma- 
zendéran,  du  Khoraçan,  de  l'Asie  Mineure,  même  celle  de 
l'Haïmaneh  (près  d'Angora)  étudiée  par  M.  Perrot,  etc. 

Les  Kourdes  appartiennent  à  la  race  indo-européenne  ou 
aryenne,  c.-à-d.  à  la  famille  de  peuples  qui  parlent  les 
langues  indo-européennes.  La  leur  est  du  groupe  iranien, 
très  voisine  du  persan  moderne,  surtout  chez  les  Gourân. 
Ils  ont  emprunté  aux  Persans  leur  littérature  et  leur  alpha- 
bet arabe.  Dans  les  districts  de  la  frontière,  leurs  dialectes 
sont  mélangés  d'une  foule  de  mots  turcs,  arabes,  syriens,  etc. 

Les  mœurs  des  Kourdes  sont  bien  connues  ;  nul  peuple 
n'a  poussé  plus  loin  le  brigandage.  C'est  aux  yeux  de  leurs 
chefs  la  plus  noble  occupation  ;  leur  situation  à  la  frontière 
de  deux  et  même  de  trois  Etats  leur  facilite  les  razzias  par 
la  certitude  d'échapper  à  une  poursuite  trop  acharnée  en 
passant  la  frontière.  Ils  terrorisent  les  Arméniens,  perpé- 
tuellement exposés  à  ces  pillages,  enlèvements  de  bestiaux, 

40 


KOURDES  —  KOURILES 


—  6% 


d'enfants,  de  femmes.  Ils  ne  tuent  pas  sans  nécessité.  Ils 
pratiquent  la  vendetta  avec  passion.  Les  sentiments  de  fa- 
mille sont  très  développés.  Les  Kourdes  sont  sincères,  hon- 
nêtes et  hospitaliers.  Les  femmes  ont  une  condition  très 
dure  ;  elles  sont  plus  libres  qu'en  Turquie  ou  en  Perse, 
sortant  sans  voile,  mais  elles  sont  accablées  de  travail.  On 
les  marie  de  dix  à  douze  ans  ;  la  polygamie  n'existe  que 
chez  les  riches.  Les  chefs,  très  respectés,  tiennent  table 
ouverte.  L'organisation  politique  est  patriarcale  et  despo- 
tique. Ils  sont  très  fiers  de  leur  noblesse  et  s'entourent 
d'une  véritable  cour.  Le  brigandage  ne  suffit  pas  à  faire 
vivre  dans  ces  âpres  montagnes  une  population  qui  tend  à 
augmenter  ;  aussi  émigre-t-elle  par  bandes  qui  vont  s'éta- 
blir dans  un  des  pays  voisins  sous  leurs  tentes  noires  en 
poils  de  chèvre,  avec  leurs  bestiaux.  Ils  cultivent  un  peu 
la  terre,  mais  il  n'y  a  que  les  Gourân  du  bassin  du  Tigre  et 
de  la  plaine  persane  qui  récoltent  des  céréales  en  grande 
quantité.  Pour  tous  les  autres,  la  richesse  est  le  bétail.  Ils 
vont  le  vendre  jusqu'à  Constantinople.  Ils  lancent  chaque 
année  plus  de  1,000  kélek  (V.  ce  mot)  sur  le  Tigre  et 
l'Euphrate  ;  ces  radeaux  de  peaux  cousues  sont  pareils  à 
ceux  d'il  y  a  vingt-cinq  siècles,  de  même  que  les  autres 
traits  de  la  physionomie  du  pays  et  de  ses  habitants.  La 
religion  a  changé  cependant.  Sans  doute,  la  plupart  des 
400,000  Kizilbach,  héritiers  plus  ou  moins  avoués  du  maz- 
déisme, sont  Kourdes  ;  de  même  les  50,000  Yezidi(Y.  ce 
mot)  ou  adorateurs  du  diable.  Mais  le  gros  de  la  nation,  si 
l'on  excepte  encore  200,000  nestoriens  entre  les  lacs  d'Our- 
miah  et  de  Van,  près  de  Djoulameck,  et  quelques  chrétiens 
chaldéens  (Khaldani)  autour  d'El-Koch  (entre  Djoulameck 
et  Mossoul,  la  plupart  des  Kourdes  sont  musulmans.  La 
majorité  sont  sunnites,  du  rite  chafUe  ;  néanmoins,  ils 
détestent  les  Turcs  autant  que  les  Persans  chiites.  Ils  ont 
gardé  leurs  anciennes  superstitions,  et  leur  religion  se  borne 
à  dire  cinq  fois  par  jour  leur  prière  avec  force  génuflexions. 
Les  Kourdes  adorent  la  musique  et  la  danse  ;  ils  chantent 
en  s'accompagnant  de  la  flûte  ;  leur  danse  nationale  est  le 
tchopi,  danse  tournée  avec  balancement  du  corps  et  en  frap- 
pant fortement  du  pied  au  son  des  tambours.  A.-M.  B. 
BiBL.  :  RiGH,  Narrative  of  a  résidence  in  Koordistan  ; 
Londres,  1836,  2  vol.  —  Fraser,  Travels  in  Koordistan^ 
Mesopotamia,  etc.,  1840,  2  vol.  —  Rawlinson,  Notes  on 
a  march  through  the  prov.  of  Luristan  io  Kermanchah^ 
dans  Journ.  roy.  geogr.Soc.y  t.  VIH.  —  Du  môme,  au  t.  X, 
Notes  on  a  journey  from  Tabriz  through  Persian  Kurdis- 
tan. —  Rœdiger  et  PoTT,  Kurdische  Studien,  dans  Zeit- 
schrift  fur  hundedes  Morgenlands,  t.  III  à  VII.  —  Lerch, 
Forschungen  ûber  die  Kurden  ;  Saint-Pétersbourg,  1857- 
58,  2  vol.  —  D"  Blau  (consul  à  Trébizonde),  art.  dans  Zt, 
der  deutschen  Morgenlœndischen  Gesellschaft,  1858,  t.  XII; 
1862,  t.  XVI.  —  ScHLyEFJLi,  Beitrœge  zut  Ethnographie 
Kurdistans,  dans  Mitt.  de  Petermann,  1863.  —  Taylor 
(consul  à  Erzeroum),  dans  Journ.  of  roy.  geogr.  Soc, 
t.  XXXV  et  t.  XXXVIII.  —  Perrot,  Les  Kurdes  de  l'Haï- 
maneh^  dans  Revue  des  Deux  Mondes,  fév.  1865.  —  Clé- 
ment, Excursion  dans  le  Kurdistan,  dans  Globe  (journ. 
çéogr.)  ;  Genève,  1866.  —  Charmoy,  le  Ohôref-Nameh, 
fastes  de  la  nation  kurde  (trad.  du  persan  et  commenté)  ; 
Saint-Pétersbourg,  1868.  —  Chantre,  Recueil  de  notices 
et  récits  kourdes  ;  Saint-Pétersbourg,  1860.  —  Du  môme, 
Dict.  kurde- français.,  publié  par  Justi,  1879  ;  Saint-Péters- 
oourg,  1879.  —  Chaintre,  Exploration  dans  le  Kurdistan 
et  l'Arménie,  au  Congrès  des  Soc.  franc,  de  géogr.  ;  Lyon, 
1881,  pp.  209-217.  —  Du  môme,  les  Caractères  ethniques 
des  Anshariés  et  des  Kurdes,  dans  Bull.  Soc.  anthrop.  de 
Lyon,  1882,  1. 1.  —  Pughstein,  Reise  in  Kurdistan^  dans 
Rapp.  Ac.  se.  Berlin.,  1883. 
KOURDISTAN(V.  Kourdes). 
KOUREIKA.  Riv.  de  Sibérie,  gom,  d'Eniséisk,  affl.  dr. 
de  l'Eniséi;  650  kil.  de  long;  il  coule  vers  l'O.  et  finit 
en  aval  de  Touroukhansk. 

KOURES  (Peuple)  (V.  Courlânde). 
KOU  R6.  Prov.  de  l'Inde  anglaise,  isolée  de  la  présidence 
de  Madras,  entre  la  Cavéri  à  FE.,  les  Gliates  occidentales 
au  S.  et  à  FO.;  4,084  kil.  q.;  173,055  hab.  Ce  pays  de 
montagnes  fut  enlevé  par  les  Kodagoiis  ou  Kourgs  (vers  le 
vi<^  siècle  ap.  J.-C.)  à  des  occupants  antérieurs  disparus  qui 
avaient  élevé  de  formidables  murailles  dont  beaucoup  sub- 
sistent (longueur  totale,  J80  kil.).  Les  Kodagous  sont  des 
Dravidiens  de  haute  taille  ;  ils  ont  été  longtemps  polyandres  ; 


jusqu'au  xvi^  siècle,  ils  formaient  une  confédération  de  douze 
cantons  sous  des  chefs  élus  (nayak).  Les  Anglais  les  ont  an- 
nexés en  1834. 

KOURGAN.  Ville  de  Sibérie,  ch.-l.  de  cercle  du  gouv. 
de  Tobolsk,  sur  le  Tobol;  10,000  hab.  Foire  du  21  au 
28  déc.  —  Le  cercle  a  24,358  kil.  q.  ;  il  est  très  maré- 
cageux. 

KOURGANE  (Ethnogr.).Ondonne  cenom  dekourgane, 
simple  transcription  d'un  mot  russe,  aux  tumulus  qui  cou- 
vrent en  grand  nombre  les  plaines  depuis  la  vallée  du 
Dniepr  jusqu'à  celles  de  la  Volga,  de  la  Kama  et  de  l'Oural, 
depuis  Saint-Pétersbourg  jusqu'à  la  mer  Noire  et  la  Cas- 
pienne. Ces  tumulus  représentent,  suivant  les  régions,  des 
époques  et  des  peuples  assez  différents.  Ceux  des  rives  de 
la  mer  Noire  et  de  la  rive  droite  du  Dniepr  remontent 
pour  la  plupart  à  diverses  époques,  pour  la  plupart  ancien- 
nes, la  civilisation  ayant  pénétré  plutôt  dans  cette  région. 
Ceux  du  N.  de  la  Caspienne  sont  encore  intacts.  Les  mieux 
étudiés  sont  ceux  des  gouvernements  de  Perm,  de  Moscou 
et  de  Saint-Pétersbourg,  fouillés  en  très  grand  nombre. 
Et  lorsque  nous  parlons  du  peuple  des  Kourganes,il  s'agit 
évidemment  de  celui  qui  a  élevé  les  tumulus  de  la  Russie 
centrale,  surtout  ceux  de  Moscou  et  de  Saint-Pétersbourg. 
Ce  peuple  qui  a  joui  d'une  civihsation  empreinte  surtout 
d'influences  orientales,  notamment  persanes,  tout  en  ayant 
les  mêmes  caractères  anatomiques  essentiels  que  les  au- 
teurs de  tumulus  d'autres  régions,  bien  plus  anciens, 
appartient  à  notre  époque.  Ses  dernières  sépultures  ne 
remontent  pas  au  delà  du  xiii^  siècle  de  notre  ère.  Il  a  été 
submergé  sous  les  flots  des  invasions  mongohques  et 
dominé  ensuite  par  la  conquête  Scandinave  et  slave  (V.  Fin- 
nois). Zaborowski. 

KOURGAN-OULEN  ou  OULAN-NOR.  Lac  salé  de  Mon- 
golie, au  N.  des  monts  Courban-Saikhat  ;  il  reçoit  du  N. 
l'Onghùn-gol,  rivière  de  250  kil.,  près  des  sources  de  la- 
quelle est  Karakoroum. 

KOURIATEÏN.  Groupe  de  deux  fles,  sur  la  côte  de  Tu- 
nisie, en  face  du  port  de  Monastir,  qu'elles  abritent  un 
peu  de  la  houle  du  large.  La  plus  petite  est  à  7  kil.  de  la 
terre;  la  plus  grande,  celle  que  les  Arabes  nomment  Kou- 
riat  spécialement,  est  à  11  kil.  On  y  a  étabH  une  madrague 
pour  la  pêche  du  thon  et  un  phare. 

KOURILES  (Iles)  (japonais  Tsisima).  Archipel  volca- 
nique dépendant  du  Japon,  qui  s'étend  au  N.  de  l'île 
d'Yéso  jusqu'au  Kamtchatka;  c'est  une  chaîne  de  seize  îles 
et  de  quelques  îlots,  formant  une  sorte  de  barrière  entre  * 
FOcéan  et  la  mer  d'Okhotsk;  elles  forment  une  ligne 
courbe  convexe  vers  FE.,  de  1,200  kil.  de  long.  Elles  ont 
ensemble  14,824  kil.  q.  On  distingue  les  quatre  lies  mé- 
ridionales sous  le  nom  de  Grandes  Kouriles.  Voici  du  S. 
au  N.  la  liste  des  îles  et  des  huit  principaux  îlots  avec 
l'indication  de  leur  superficie  en  kil.  q.  : 


Kounasir. . . . . . 

.     1.548 

Raikok 

iii 

Sikotan 

391 

Mousir 

18 

Itoroup 

.     6.725 

Siaskotan 

179 

Ouroup 

.     1.511 

Ekarma 

33 

Brat  Sirnoï. . . . 

14 

Sirinkotan .... 

7 

Sirnoï 

10 

9 

Karimkotan . . . 
Onékotan 

122 

Makanrourou. . . 

521 

Simousir 

414 

Makanrousi . . . 

65 

Kétoï 

61 

Sirinki 

6 

Ousisir 

7 

Paramousir . . . 

.     2.479 

Rasona 

64 
65 

Alaïd 

92 

Matoua 

Sourasou 

467 

Entre  Kounasir  (longue  de  110  kil.)  et  Yéso,  le  détroit 
de  Yéso  n'a  que  9  m.  de  profondeur;  entre  Kounasir  et 
Itoroup,  le  canal  Pico  ou  Catherine  en  a  82  et  27  kil.  de 
large  ;  entre  Itoroup  (longue  de  225  kil.)  et  Ouroup  est 
le  détroit  de  Vries  ;  au  N.  d'Ouroup,  le  canal  delà  Bous- 
sole, large  de  plus  de  100  kil.,  sépare  le  groupe  des 
Grandes  Kouriles  du  reste  de  la  chaîne  insulaire.  Dans 
celle-ci,  les  îles  sont  assez  espacées,  sauf  les  dernières  ; 


t^aramousir  n*est  séparé  de  Soumsou  que  par  un  étroit 
chenal,  et  le  détroit  des  Kouriles,  entre  Soumsou  et  le  cap 
Lopatka,  au  S.  du  Kamtchatka,  n'a  que  43  ML  de  large  et 
18  m.  de  profondeur.  Les  îles  Kouriles  forment  une  partie 
de  la  chaîne  de  feu,  la  chaîne  volcanique  qui  entoure 
l'océan  Pacifique;  entre  la  mer  d'Okhotsk,  peu  profonde, 
et  l'Océan  qui  atteint  à  peu  de  distance  ses  plus  grandes 
profondeurs  (8,518  m.),  elles  constituent  une  véritable 
jetée  naturelle.  On  y  a  compté  52  volcans  dont  13  actifs  ; 
celui  d'Alaïd  atteint  3,300  m.  ;  Kounasir  a  un  cône  de 
2,254  m.,  le  pic  Saint-Antoine;  Matoua  en  renferme  un 
de  1,377  m.;  Onekotan  a  trois  cratères.  L'aspect  de  ces 
îles  est  sinistre;  elles  sont  noires,  souvent  surmontées 
d'un  panache  de  fumée,  sans  végétation,  sauf  le  long  du 
rivage,  presque  toujours  enveloppées  d'épais  brouillards  ; 
dans  les  détroits  qui  les  séparent,  de  violents  courants 
venant  de  la  mer  d'Okhotsk  rendent  les  communications 
difficiles.  Au  N.  d'Ouroup,  elles  sont  revêtues  de  neiges 
qui  ne  fondent  guère  même  en  été*  Les  Grandes  Kouriles 
ont  des  arbres,  bouleaux,  peupliers,  saules,  petits  chênes 
et  même  bambous  à  tige  marbrée  (à  Sikotan),  La  faune 
parait  venir  d'Yéso  et  s'appauvrit  à  mesure  qu'on  avance 
vers  le  S.  ;  l'ours  n'existe  que  dans  les  Grandes  Kouriles  ; 
le  renard  dans  toute  la  chaîne;  les  castors  et  les  loutres 
marines  tendent  à  disparaître  ;  les  phoques,  morses  et 
lamentins  sont  nombreux. 

La  population  de  l'archipel  est  d'environ  500  hab.  de 
race  aino.  Ils  se  logent  dans  des  fosses  creusées  en  terre 
et  recouvertes  de  gazon  ;  elles  ont  en  moyenne  7  m.  sur  5 
et  environ  1  m.  de  profondeur.  Le  ch.-l.  administratif  est 
Tomari,  au  S.  de  Kounasir. 

Le  premier  explorateur  européen  des  Kouriles  fut  le 
Hollandais  Gérard  de  Vries  (1643)  qui  appela  Staaten 
Eiland  et  Companie  Lant  les  deux  îles  méridionales.  Les 
chasseurs  de  pelleteries  russes  y  abordèrent  vers  1654. 
Les  Russes  en  prirent  possession  en  1711  et  les  étudièrent 
à  plusieurs  reprises.  La  carte  complète  fut  donnée  par 
Golovnin  (1805).  Jusqu'à  1875,  elles  appartenaient  à  la 
Russie,  à  l'exception  de  Kounasir,  Sikotan  et  Itoroup  dé- 
pendant du  Japon  ;  un  traité  de  1855  avait  précisé  la 
limite.  En  1875,  la  Russie  les  céda  au  Japon  en  échange 
do  la  moitié  méridionale  de  Sakhalin.  Elles  sont  rattachées 
au  Hok-kaïdo  avec  Yéso.  A. -M.  B. 

BiBL.  :  Pallas,  iVeite  nordische  Deitrœge,  1783,  t.  IV, 
pp.  112-142.  —  Madinier,  Description  des  îles  Kouriles^ 
dans  Ann.  marit,  et  col,  août  1856. 

KO  U  RI  IVl.  Ville  de  Bohême,  à  l'E.  de  Prague.  Elle  adhéra 
aux  doctrines  hussites,  fut  très  florissante  au  xvi®  siècle 
et  tomba  en  décadence  à  la  suite  de  la  guerre  de  Trente 
ans. 

KOURINSK.  Ile  du  S.-O.  de  la  mer  Caspienne,  gouv. 
de  Bakou,  prolongeant  le  delta  du  Kour.  Grandes  pêche- 
ries d'esturgeons  blancs,  dauphins  blancs,  silures,  sau- 
mons, etc.  ;  fabrication  de  caviar. 

KOURLA  ou  KOUROUNGLÉ.  Ville  du Turkestan  chinois, 
au  S.  du  Kourouk-tagh,  sur  le  Khaïdou-gol,  affl.  du  Tarim; 
6,000  hab.  Elle  garde  le  défilé  de  Khaidin-koua  qui  mène 
à  Karachar. 

KOURLiK-NOR.  Lac  de  l'empire  chinois,  pays  de  Tsaï- 
dam,  à  250  kiL  0.  du  lacKoukou-nor,  et  2,744  m.  d'alt.; 
il  est  alimenté  par  le  Baian-gol  ;  il  a  38  kil.  de  tour. 

KOURO-Sivo(V.  Courant). 

KOUROU.  Le  bourg  de  Kourou  (Guyane  française),  à 
l'embouchure  du  fleuve  du  même  nom,'  qui  a  800  m.  de 
largeur  en  cet  endroit,  est  aujourd'hui  en  décadence  ;  il  ne 
compte  plus  guère  que  250  hab.  ;  la  commune  en  a  environ 
900.  C'est  sur  les  bords  du  Kourou  qu'eut  lieu,  en  1763,  une 
tentative  de  colonisation  demeurée  tristement  célèbre.  A  la 
suite  de  la  guerre  de  Sept  ans,  le  traité  de  Paris  nous  ayant 
enlevé  le  Canada  et  plusieurs  petites  Antilles,  Choiseul, 
ministre  de  la  marine,  songea  à  nous  donner  une  compen- 
sation dans  la  colonisation  de  la  Guyane.  Une  grande  pro- 
pagande fut  faite  pour  recruter  des  émigrants.  Dans  des 


—  627  —  KOURILES  —  KOURSK 

prospectus  mensongers,  avec  des  cartes,  des  plans,  des 
vues  de  la  plus  grande  fantaisie,  la  Guyane  était  repré- 
sentée comme  une  terre  à  peu  près  identique  à  la  nôtre  et 
avec  une  telle  abondance  d'or  et  de  produits  précieux  de 
toutes  sortes  qu'il  n'y  avait,  pour  ainsi  dire,  qu'à  se  baisser 
pour  ramasser  sa  fortune.  Cependant,  c'était  l'ancien  sys- 
tème de  colonisation  féodale  qui  avait  prévalu  dans  les 
conseils  du  gouvernement  :  Choiseul  se  fit  concéder  en 
toute  propriété,  seigneurie  et  justice,  le  territoire  entre 
Kourou  et  Maroni  ;  plusieurs  membres  de  sa  famille  se 
taillèrent  des  fiefs  dans  ce  territoire  désert.  Les  émigrants, 
à  l'instar  de  ceux  de  la  première  époque  de  la  colonisa- 
tion, s'engageaient  à  servir  d'abord,  pendant  trente-six 
mois,  pour  leurs  maîtres.  Le  chevalier  Turgot,  frère  du 
grand  ministre,  fut  nommé  gouverneur  de  la  colonie,  oti 
il  ne  mit  les  pieds  que  sur  la  fin,  pour  constater  que  le 
désastre  était  irrémédiable.  M.  de  Chan vallon  fut  nommé 
intendant  général  et  M.  de  Pré  fontaine  fut  envoyé  pour 
préparer  les  premiers  défrichements  et  les  premiers  abris. 

Mais  les  défrichements  et  les  abris,  qui  n'avaient  pas 
été  préparés  d'assez  longue  main,  furent  loin  de  suffire  aux 
émigrants  qui  arrivaient  précipitamment  par  flottes  succes- 
sives et  qui,  en  moins  de  deux  ans,  atteignirent  le  chiffre 
de  14,000  dans  les  déserts  de  Kourou.  Sans  abri,  sans 
vivres,  sans  instruments  de  travail,  la  nostalgie  et  le  dé- 
sespoir ne  tardèrent  pas  à  s'emparer  d'eux.  Les  rives  du 
Kourou  présentèrent  alors  un  spectacle  de  folie  et  de  déso- 
lation ;  l'hivernage  étant  venu,  les  fièvres  et  tout  le  cor- 
tège des  maladies  tropicales  s'abattit  sur  les  malheureux 
colons:  en  janv.  1765,  sur  44,000,  14,000  étaient  déjà 
morts;  2,000  purent  revenir  en  France.  L'expédition 
avait  coûté  à  l'Etat  30  millions  de  fr.      H.  Coudreau. 

KOUROU,  roi  mythique  de  l'Inde,  ancêtre  desKauranas 
héros  du  ^lahahharata  (V.  ce  mot). 

KOUROUMAN.  Ville  du  Betchouanaland  britannique, 
ch.-l.  du  district  de  Kuruman,  parmi  les  cinq  établis  dans 
ce  pays  après  son  annexion  par  l'Angleterre  en  sept.  1885 
(V.  Betchouânâs),  et  siège  d'un  commissaire  résident;  à 
40  kil.  N.-O.  de  l'extrémité  septentrionale  du  Griqualand- 
West.  Cette  ville  a  pris  son  nom  de  la  rivière  sur  laquelle 
elle  se  trouve  et  dont  la  source  qui  s'élance  d'une  caverne 
avec  une  abondance  extrême,  est  dite  Kuruman  Fonteiné 
Elle  porte  aussi  le  nom  de  Nouveau-Littakou,  étant 
devenue  la  capitale  des  Batlapis  après  la  séparation  de 
cette  tribu  d'avec  celle  confédérée  des  Barolongs,  avec 
qui  ils  avaient  fondé  le  Vieux-Littakou,  à  56  kil.  auN.-N.- 
E.  Kuruman  fut  visitée  par  Lichtenstein  en  1804  ;  Living- 
stone  y  séjourna  dès  1840;  c'est  l'une  des  premières  et  la 
principale  des  missions  religieuses  de  la  contrée  ;  celles-ci 
y  possèdent  de  grands  domaines  de  culture.  C'est  un  centre 
important  de  civilisation.  Ch.  Del, 

KOUROU  ME.  Ville  du  Japon,  île  de  Kiousiou,  ken  de 
Foukouoka,  sur  le  Tsikouko-gava  ;  25,000  hab. 

KOUROUNDVAR  ou  KOURANDUAD.  Ville  de  l'Inde, 
cap.  d'une  principauté  mahratte,  sur  un  afïl.  dr.  du  Krichna  ; 
8,000  hab.  La  principauté  est  divisée  entre  deux  branches, 
l'aînée  possède  474  kil.  q.,  la  cadette  295  kil.  q.  ;  les  deux 
chefs  résident  à  Kouroundvar. 

KOURSK.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  du  gouv.  de  ce  nom, 
au  confluent  du  Touskor  et  de  la  Koura  ;  52,657  hab. 
Gi'and  centre  manufacturier  avec  plus  de  100  fabriques  : 
tabac,  briques,  camelot,  tannerie,  filature  du  chanvre^ 
cierges,  savons,  voitures,  instruments  de  musique,  distil- 
lerie, etc.  Nœud  des  voies  ferrées  vers  Moscou,  Tagaurog^ 
Kiev.  —  Le  district  de  Koursk  a  3,326  kil.  q. 

he  gouvernement  a  46,456  kil.  q.  et  2,561,031  hab» 
Compris  entre  ceux  d'Orel  au  N.,  Voronèje  à  l'E.,  Kharkov 
au  S,,  Poltava  et  Tchernigov  à  l'O.,  il  appartient  à  la  fa- 
meuse «  tej're  noire  »  {tchernoziom)  et  est  d'une  grande  fer- 
tilité (V.  Russie).  C'est  une  plaine  à  peine  ondulée  par  de 
petites  collines  (339  m.  d'alt.  à  Tim)  et  admirablement 
arrosée  par  plus  de  400  rivières  des  bassins  du  Dniepr  et 
du  Don;   les  principales  sont,  pour  le  Dniepr,  le  Seim^ 


KOURSK  —  ROUTAIS  —  6 

grossi  du  Touskor,  delà  Svana  et  delà  Klévène  ;  le  Psiol, 
la  Vorskia  ;  pour  le  Don,  le  Donetz  septentrional  grossi  de 
rOskol.  Le  climat  est  doux;  la  température  annuelle 
moyenne  est  +  5*', 7  au  S.,  +  4^,9  à  Koursk. 

De  la  superficie  totale,  72  ^/o  reviennent  aux  terres  la- 
bourées, 12  °/o  aux  prairies,  40  °/o  aux  bois.  On  récolte 
surtout  de  l'avoine  et  du  seigle,  puis  des  pommes  de  terre, 
du  froment  et  du  sarrasin,  beaucoup  de  fruits  et  de  lé- 
gumes. 11  existe  près  de  700,000  chevaux,  450,000  bœufs, 
4,200,000  moutons,  400,000  porcs,  des  milliers  de 
ruches  ;  on  exporte  plus  de  40,000  quintaux  de  cire. 
L'industrie  est  active  :  sucreries,  minoteries,  distilleries, 
corroiries,  lainages,  tabac.  Les  gens  du  gouvernement  de 
Koursk  vont  travailler  au  dehors  ;  400,000  sortent  chaque 
année  comme  voituriers  (Grands-Russiens)  ou  conducteurs 
de  bestiaux  (Petits-Russiens)  ;  beaucoup  aussi  émigrent 
définitivement  vers  la  Russie  d'Asie.  Le  commerce  est  as- 
sez développé,  surtout  à  Koursk,  Rielgorod  et  à  la  foire 
annuelle  du  couvent  deKorennii  (9®  vendredi  après  Pâques), 
à  29  kil.  N.-O.  de  Koursk. 

Le  gouvernement  se  divise  en  4  5  cercles  ou  districts  : 
Koursk,  Rielgorod,  Graïvoson,  Dmitriev,  Korotcha,  Lgov, 
Novii-Oskol,  Oboian,  Pontivl,  Rylsk,  Tim,  Starii-Oskol, 
Soudja,  Fatèje,  Chtchigri.  Le  gouvernement  date  de  4797; 
sa  division  en  districts  de  4802.  Le  S.-E.  du  gouverne- 
ment resta  désert  jusqu'au  xvi®  siècle  ;  c'était  la  «  cam- 
pagne sauvage  »  (Dikoié  Polé).  Les  habitants  du  reste 
étaient  des  Slaves,  Siévériens  et  Viatitches.  Au  ix®  siècle, 
ils  devinrent  tributaires  de  Kiev.  Cette  région  forma,  au  S. 
du  grand-duché  de  Moscovie,  l'Ukraine  siévérienne  opposée 
à  l'Ukraine  polonaise;  les  forts  d'Oskol  et  Rielgorod  furent 
élevés  contre  les  Tatares  de  la  Tau  ride.  A. -M.  R. 

KOUS  ou  60US0.  Ville  d'Egypte,  prov.  et  à  29  kil.  S. 
de  Keneh,  r.  dr.  du  Nil;  44,000  hab.  C'est  l'ancienne 
Apollinopolis  parva  qui  fut  au  temps  des  khalifes  et  des 
Mamelouks  la  plus  importante  place  de  commerce  de  la 
Haute-Egypte. 

KOUSAI  ou  OU  ALAN.  L'une  des  îles  Carolines,  àl'O.de 
l'archipel;  442  kil.  q.  Le  morne  Crozer  s'élève  à  6o7  m. 

KOUSAN  ou  KOUSIAO.  Port  de  FO.  de  l'île  de  For- 
mose,  à  40  kil.  N.  de  Ta-kao.  Exportation  de  riz  et  de 
blé. 

KO  USAIS.  Ville  du  Japon,  ken  de  Gounba,  prov,  de 
Kodzouké    Eaux  thermales  sulfureuses  très  fréquentées. 

KOUSCH  ou  CHUS.  Nom  sous  lequel  les  Egyptiens  et 
crivains  bibliques  désignent  les  populations  habitant  au 
S.  de  l'Egypte  et  correspondant  aux  Ethiopiens  de  la  litté- 
rature classique.  Nemrod  est  appelé  fils  de  Kousch,  fils 
de  Cham.  On  a  proposé  d'appeler  Kouschites  les  peuples 
non  sémites  de  l'Afrique  orientale  et  du  S.-O.  de  l'Asie  : 
Gallas,  Somalis,  Himyarites,  premiers  occupants  de  la 
Rabylonie. 

KOUSINO-Gavâ  (V.  Japon,  t.  XXI,  p.  21). 

KOUSIRO.  Prov.  du  S.-E.  de  l'île  de  Yeso,  sur  la  baie 
d'Akisi;  déserte,  sauf  le  long  du  rivage. 

KOUSONNAL  Rourgade  de  l'île  de  Sakhahn,  dans 
l'isthme  central. 

KOUSSIE.  Fleuve  temporaire  du  N.-O.  de  la  colonie 
du  Cap,  dont  il  fut  longtemps  la  frontière  entre  l'Orange 
et  l'Olifant. 

KOUSSO.  On  emploie  comme  anthelminthique,  sous  le 
nom  abyssinien  de  cousso  ou  kousso,  l'inflorescence  fe- 
melle du  Brayera  anthelminthica  (V.  ce  mot).  On  le 
trouve  sous  l'aspect  de  fleurs  comprimées  d'une  couleur 
jaune  verdâtre,  d'une  odeur  balsamique  et  dont  le  goût  est 
acre,  très  désagréable  et  même  nauséeux.  Le  kousso  con- 
tient une  huile  volatile,  de  Tacide  tannique  et  une  résine,  la 
kossine  ou  iœniine  découverte  par  Pavesi.  Cette  résine, 
qui  serait  susceptible  de  cristaUiser,  mais  dont  la  composi- 
tion chimique  n'est  pas  encore  fixée,  est  peu  soluble  dans 
l'eau,  très  soluble  dans  l'alcool  ;  le  kousso  en  renfermerait 
de  2  à  4  ^/^  et  ce  serait,  d'après  Redall,  le  principe  actif  de 
la  plante.  Le  kousso,  dont  les  propriétés  anthelminthiques 


ont  été  mises  en  évidence  par  Rrayet,  est  surtout  employé 
contre  le  ver  solitaire,  le  tsenia.  On  l'administre  générale- 
ment de  la  manière  suivante  :  le  sujet  étant  à  jeun  depuis 
douze  heures,  on  lui  fait  avaler  en  une  fois,  ou  en  trois 
fois  à  dix  minutes  d'intervalle,  20  gr.  de  fleurs  de  kousso, 
macérées  à  froid  dans  250  gr.  d'eau  pendant  cinq  à  six 
heures.  On  donne  environ  deux  heures  après  de  l'huile  de 
ricin.  Le  kousso  a  malheureusement  un  goût  nauséeux  ;  il 
détermine  des  coliques  violentes,  des  selles  très  liquides  et 
c'est  à  la  fin  de  ces  évacuations  (cinq  à  huit  heures  après 
la  prise  du  kousso)  que  le  taenia  est  expulsé. 

En  Amérique,  on  prescrit  aussi  la  koussine  à  la  dose  de 
4  gr.  à  4*^  50  en  cachet  ou  encore  l'extrait  fluide  de  la 
pharmacopée  américaine  à  la  dose  de  45  gr.  Le  kousso  agit 
certainement  sur  les  muscles  à  fibres  lisses.  Il  est  donc  tout 
naturel  qu'il  agisse  sur  l'utérus,  et  il  y  a  contre-indica- 
tion formelle  de  donner  du  kousso  pendant  la  grossesse. 
Certains  avortements  ont  même  été  observés  à  la  suite  de 
l'ingestion  de  kousso  ou  de  son  extrait.  Le  kousso,  par 
suite  du  dégoût  qu'il  détermine,  est  de  plus  en  plus  aban- 
donné et  on  préfère  soit  l'extrait  de  fougère  mâle,  soit  la 
pelletiérine.  D''  P.  Langlois. 

KOUTAIEH  {Cotyœum  des  anciens).  Ville  de  Turquie 
d'Asie,  chef-lieu  d'un  sandjak  du  vilayet  de  Khodavendidjar, 
à  41 5  kil.  de  Brousse,  sur  un  affluent  du  Sakaria,  à  930  m. 
d'alt.  ;  60,000  hab.,  en  grande  majorité  Turcs.  Vieille  cita- 
delle. Ville  riche  et  relativement  confortable.  Plaine  très 
fertile.  Grand  commerce  de  coton,  de  noix  de  galle,  de 
laine,  d'opium  (de  qualité  médiocre),  de  tapis,  d'écume  de 
mer  (V.  Èskichehr).  Poteries  communes.  Tanneries.  Châ- 
teau d'origine  byzantine.  Une  ligne  ferrée  est  projetée 
d'Eskichehr  à  Karahissar  par  Koutaieh.  Le  4  mai  4833  y 
fut  signé  un  traité  entre  Mehemet-Ali  et  la  Porte.  Le 
sandjak  de  Koutaieh  comprend  les  cazas  de  Koutaieh,  Ou- 
chak,  Guedez,  Same,  Eskichehr;  il  contient  des  mines  de 
houille  et  de  très  belles  forêts. 
BiBL.  :  E.  DuTEMPLE,  Eïi  Turquie  d'Asie. 

KO U TA! S.  Ville  de  la  Transcaucasie  (empire  russe), 
ch.-l.  du  gouvernement  de  même  nom,  située  sur  le  Rion, 
tributaire  de  la  mer  Noire;  20,222  hab.  (en  1893).  Stat. 
du  chem.  de  fer  transcaucasien  et  tête  de  l'embranchement 
vers  les  mines  de  houille  de  Tkvibouli.  Citée  par  Procope 
(au  vi^  siècle)  sous  le  nom  de  Kotatisio7i,  la  ville  fut  rebâ- 
tie en  806  par  Léon  II,  roi  d'Abkhasie,  et  devint,  à  partir 
de  1259,  la  capitale  de  l'Imérétie.  Les  Russes  s'en  empa- 
rèrent en  1810  et  en  firent,  en  1873,  un  chef-lieu  de  gou 
vernement.  Aujourd'hui,  c'est  une  cité  tout  à  fait  euro- 
péenne, dont  les  larges  rues,  bordées  de  belles  maisons  et 
de  magasins,  longent  les  deux  rives  du  Rion.  Restes  d'une 
église  du  xi^  siècle  construite  par  les  Bagratides. 

La  province  ou  gouvernement  de  Koutaïs  est  bornée 
au  N.  par  les  territoires  de  Kouban  et  de  Terek,  à  l'E.  par 
la  prov.  de  Tiflis,  au  S.  par  la  prov.  de  Kars  et  l'Asie  Mi- 
neure, à  l'O.  par  la  mer  Noire.  Elle  couvre  36,477  kil.  q. 
de  superficie  et  compte  922,564  hab.  Le  pays  est  monta- 
gneux. Les  éperons  du  versant  méridional  de  la  grande 
chaîne  du  Caucase  viennent  mourir  dans  la  plaine  arrosée 
par  ITngour  et  par  le  Rion,  avec  son  principal  affluent  le 
Kvirila;  tandis  qu'au  S.  ces  plaines  sont  dominées  par  les 
monts  Persathi  (petit  Caucase)  et  les  massifs  de  Kartchaï 
(3,660  m.)  et  de  Koldwa  ;  ces  derniers  couvrent  la  partie 
N.-O.  (auj.  russe)  de  l'ancien  Lazistan.  Dans  les  deux  sys- 
tèmes de  montagnes,  on  trouve  les  successions  de  tous  les 
terrains,  depuis  les  roches  cristallines  les  plus  anciennes, 
jusqu'au  crétacé  supérieur.  Ces  roches  renferment  de  nom- 
breux gisements  de  minerais  de  manganèse  et  de  cuivre, 
de  galène  argentifère  et  de  houille  (mines  de  Tkvibouh,  ter- 
rain jurassique).  Il  y  a  aussi  des  carrières  de  marbre  et 
d'argile  réfractaire.  Le  climat  est  très  doux,  malsain  sur 
la  côte.  Le  sol  est  très  fertile,  surtout  au  pied  des  mon- 
tagnes, sur  les  terrains  tertiaires  et  dans  les  alluvions  de 
la  plaine.  Les  principales  productions  agricoles  sont  le 
maïs,  le  blé,  l'orge  ;  mais  une  bonne  partie  des  coteaux 


—  629  — 


KOUTAÏS  -  KOVALEVSK^' 


est  occupée  par  les  vignobles  qui  fournissent  un  vin  très 
estimé.  Les  forêts  couvrent  plus  d'un  million  et  demi  d'hect. 
dans  la  région  montagneuse,  et  les  arbres  fruitiers  (figuiers, 
grenadiers,  châtaigniers,  cerisiers,  etc.)  abondent  dans  tout 
le  pays.  L'industrie  est  peu  développée,  à  part  quelques 
districts  miniers,  mais  le  commerce  est  assez  actif,  surtout 
depuis  l'achèvement  du  chemin  de  fer  transcaspien  ;  la  ligne 
Bakou-Poti  est  devenue  aujourd'hui  la  principale  voie  de 
transport  pour  le  coton  du  Turkestan.  Le  commerce  se  fait 
principalement  dans  les  ports  de  Souklioum-Kalé,  de  Poti 
et  de  Batoum.  La  population  de  la  province  est  formée 
d'éléments  variés.  La  masse  principale  est  constituée  par 
les  diverses  peuplades  du  groupe  géorgien  ou  kartvélien  : 
Imérétiens,  Gouriens,  Mingréliens,  Svanètes,  Lases.  Vien- 
nent ensuite  les  Abkhazes,  les  Arméniens,  les  Juifs,  les 
Turcs,  les  Ossètes,  les  Kourdes  et  les  Russes,  ces  derniers 
au  nombre  de  50,000  au  plus.  Le  gouvernement  est  par- 
tagé en  sept  districts  :  Koutaïs  (ancienne  Imérétie),  Zou- 
gdidi,  Senaki  (ancienne  Mingrélie),  Letchkoum  (avec  le 
pays  des  Svanètes),  Osourgheti  (ancienne  Gourie),  Ratcha 
et  Charopan.  Il  faut  joindre  à  ces  divisions  encore  trois 
circonscriptions  militaires  :  Artvin,  Batoum  et  Soukhoum- 
Kalé  (ancienne  Abkhasie).  J.  Deniker. 

KOUTCH  ou  KATCH  (V.  Guzerate). 

KOUTCHA.  Ville  du  Turkeskan  chinois,  dans  une  oasis 
arrosée  par  le  Kounghei-kok-sou,  affl.  du  Baba-koul,  sur 
la  route  de  Kachgar  à  Hami,  à  252  kil.  S.  d'Aksou  ; 
45,000  hab.  Mines  de  cuivre,  de  salpêtre,  de  sel  ammo- 
niac, etc. 

KOUTCHAN  ou  KABOUCHAN.  Ville  forte  de  Perse, 
prov.  de  Khoraçan  sur  le  Ghermeh-roud  (branche  del'At- 
rek),  à 4,255 m.  d'alt.  40,000 hab.  ;  en  majorité  Kourdes. 
Commerce  de  chevaux  et  de  laine,  de  peaux  de  mouton, 
d'armes.  Elle  garde  le  passage  entre  les  vallées  de  l'Atrek 
et  du  Kachar-roud  ;  Nadir  Chah  périt  en  l'assiégeant.  Fré- 
quemment renversée  par  des  tremblements  de  terre  (en 
dernier  lieu  en  janv.  4895),  ses  maisons  sont  construites 
en  clayonnage. 

KOUTCHÉ-Dariâ  (V.  Khaïdou-Gol). 

KOUTCHING  ou  KEUTJING.  Ville  du  N.  de  Bornéo, 
cap.  de  la  principauté  de  Saravak,  sur  la  rivière  de  ce 
nom  (navigable  pour  les  grands  navires),  à  30  kil.  de  la 
mer;  15,000  hab. 

KOUTEL  Fleuve  de  FE.  de  Bornéo,  qui  coule  versl'E., 
sépare  l'Etat  de  Saravak  du  territoire  néerlandais,  puis  vers 
le  S.  et  finit  dans  le  détroit  de  Macassar  par  un  petit  delta 
(île  Dondrekin)  ;  il  a  650  kil.  dont  300  navigables.  Son 
bassin  est  occupé  par  une  principauté  du  même  nom  ;  elle 
a  84,000  kil.  q.  et  250,000  hab.  Le  sultan  réside  à  Tan- 
garoung,  près  de  Samarinda,  port 'situé  près  de  la  tète  du 
delta  ;  le  résident  néerlandais  est  à  Palarang  ou  Pomarang, 
sur  le  bras  méridional  du  delta.  Les  habitants  sont  des 
Malais  implantés  au  milieu  de  Dayaks  ;  ce  seraient  des  co- 
lons venus  de  Java  (roy.  de  Madjapahit)  et  professant  alors 
l'hindouisme.  Les  ruines  des  monuments  attestent  l'exac- 
titude de  cette  tradition. 

KOUTENAY(V.  Kootenay). 

KOUTOUNG,  KAOUNG  ou  KYOUNG-Toung.  Ville  delà 
Haute-Birmanie,  sur  l'Iravadi.  Les  Chinois  ne  purent  s'en 
emparer  en  4769;  un  traité  y  fut  signé  entre  eux  et  les 
Birmans. 

KOUTOUSOV  (Michel-Ilarionovitch  Golenistchev-), 
prince  de  Smolensk,  maréchal  russe,  né  le  46  sept.  4745, 
mort  àBunzlau  le  28avr.  i843.  Il  entra  au  service  à  seize 
ans  comme  caporal  d'artillerie,  fit  campagne  contre  les  Po- 
lonais (4764-69),  puis  contre  les  Turcs  où  il  se  distingua 
à  la  bataille  de  Kagoul  et  l'assaut  de  Choumla,  et  perdit  un 
œil  en  Crimée  ;  une  balle  entrée  par  la  tempe  gauche  res- 
sortit près  de  l'œil  droit.  D'un  caractère  très  fin  et  souple, 
courtisan  accompli  autant  que  vaillant  soldat,  il  gagna  la 
faveur  de  Potemkin  et  fut  bien  accueilli  dans  ses  voyages 
en  Prusse,   France,   Angleterre.  Promu   major  général 


(4784),  il  reçut  le  commandement  d'un  corps  sur  le  Boug. 
s'illustra  aux  assauts  d'Otchakov,  d'Odessa,  de  Bender. 
d'Ismail  et  à  la  bataille  de  Rimnick.  11  fut  successivement, 
ambassadeur  à  Constantinople,  général  en  chef  en  Finlande, 
directeur  du  corps  des  cadets,  ambassadeur  à  Berlin  (par 
Paul  I^^),  gouverneur  général  de  Saint-Pétersbourg,  com- 
mandant du  4^^  corps  d'armée  russe  dans  la  guerre  de 
4805.  Il  était  sur  l'Inn  quand  il  apprit  la  capitulation 
d'Ulm,  se  replia  par  la  rive  droite  du  Danube,  infligea  un 
échec  au  maréchal  Mortier,  près  de  Diirenstein  (48-49  nov. 
4805),  et  commandait  sous  Alexandre  P'  l'armée  austro- 
russe  à  la  bataille  d'Austerlitz.  Tolstoï,  dans  la  Guerre  et 
la  Paix,  a  dépeint  le  fatalisme  de  ce  militaire  accompli.  Il 
fut  ensuite  gouverneur  général  de  Lithuanie,  puis  de  Kiev, 
reprit  le  commandement  en  chef  contre  les  Turcs,  et,  après 
la  paix  de  Bucarest  (mai  4812),  contre  Napoléon  P'',  suc- 
cédant à  Barclay  deTolly,  dont  la  temporisation  exaspérait 
l'opinion  publique,  il  livra  et  perdit  la  sanglante  bataille 
de  la  Moscowa,  mais  changea  en  déroute  la  retraite  de  la 
grande  armée  par  sa  victoire  de  Smolensk  sur  Davout  et 
Ney.  Il  poursuivit  les  Français  jusqu'à  Kalisz  et  lança  une 
proclamation  appelant  l'Europe  aux  armes  contre  Napoléon 
(25  mars  4813).  Un  mois  après,  il  succombait  aux  fatigues 
ûc  cette  terrible  campagne.  A. -M.  B. 

BiBL.  :  Biographie  par  Mighailovsky-Danieli<:vsky  (en 
français)  ;  Saint-Pétersbourg,  1850. 

KOUTRIGOURES  (V.  Huns). 

KOUTZO-Valaques  ou  Roumains  du  Pinde  (V.  Rou- 
manie, §  Ethnographie). 

KOUVAN-Daria.  Bras  du  Sir-daria  (V.  ce  mot). 

KO  U  VAN  A.  Ville  maritime  du  Japon,  ken  de  Miyé, 
prov.  d'Isé,  au  S.  de  l'île  de  Nippon,  au  fond  de  la  baie 
d'Ovari  ;  20,000  hab. 

KOUWEIVIBERG  (Kristiaen  Van),  peintre  hollandais,  né 
à  Delft  le  8  sept.  4604,  mort  à  Cologne  le  4  juil.  4667. 
Elève  de  Jan  Van  Es.  Après  avoir  beaucoup  voyagé  en  Ita- 
lie, il  vint  se  fixer  à  Cologne  où  il  peignit  des  tableaux 
d'histoire  et  des  fifçures  nues. 

KOUZNETSK.  Ville  de  Sibérie,  ch.-l.  de  district  du  gouv. 
de  Tomsk,  sur  le  Tom,  en  face  du  confluent  de  la  Kou- 
doma  ;  8,000  hab.  Elle  est  située  au  centre  d'un  riche 
bassin  houiller,  près  de  mines  de  fer  et  d'or.  —  Le  dis- 
trict a  89,300  kil.  q.  au  N.  des  monts  Sayansk  et  à  l'O. 
de  l'Alatan,  dans  le  bassin  supérieur  du  Tom  et  de  l'Abakan 
(affl.  de  l'Eniséi). 

KOUZNETZK.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du  gouv. 
de  Saratov,  sur  le  Trouiev,  affl.  de  la  Soma  (affl.  delà  Volga)  ; 
20,000  hab.  Tanneries,  mégisseries,  cordonneries,  gante- 
ries, sellerie,  charronnage,  etc.  —  Le  district  a  4,800  kil.  q. 
et  comprend  beaucoup  de  Tatares,  de  Mordvans  et  2,000 
Tchouvaches. 

KOUYP  (V.  CuYP). 

KOVALEVSKY  (Egor),  géologue  et  voyageur  russe,  né 
dans  le  gouv.  de  Kharkov  en  4844,  mort  à  Saint-Péters- 
bourg le  2  oct.  4868.  Ingénieur  des  mines,  il  fit  de  nom- 
breux voyages  dans  la  Sibérie  orientale,  dans  les  steppes 
des  Kirghis,  au  Monténégro,  etc.;  et  il  consigna  ses  ob- 
servations géologiques  dans  la  revue  russe  consacrée  à  cette 
spécialité,  Gor?iy  Journal,  Chargé  par  Mehemet-Ali, 
en  4847,  avec  Trémaux,  d'étudier  les  gisements  aurifères 
de  la  province  nubienne  du  Fazokl,  il  publia  au  retour,  en 
russe,  son  Voyage  dans  l'intérieur  de  l'Afrique  (Saint- 
Pétersbourg,  4849,  2  vol.).  Mis  à  la  tête  de  la  mission 
religieuse  envoyée  à  Pékin,  il  conclut  avec  le  gouvernement 
chinois  (4854)  un  traité  qui  favorisa  l'expansion  russe  du 
côté  de  la  Mongolie.  Nommé  en  4856  directeur  du  dépar- 
tement des  affaires  de  l'Asie,  il  fut  le  promoteur  des  diffé- 
rentes expéditions  dans  ces  contrées,  notamment  au  Kho- 
raçan et  à  Kachgar,  Ses  autres  principaux  ouvrages  sont  : 
Pérégrinations  (4843-45,  3  vol.)  ;  Voyage  en  Chine 
(4853,  2  vol.)  ;  la  Guerre  avec  la  Turquie  et  la  rup- 
ture avec  les  puissances  occidentales  en  i85S  et  i854 
(4868).  G.  P-i. 


KOVALEVSRY  -  KOWALSKI 


630  — 


KOVALEVSKY  (Maxime-Maximovitch),  historien  russe,  né 
vers  4850.  Après  avoir  pris  le  titre  de  docteur  en  droit, 
il  enseigna  de  1877  à  4887  le  droit  public  des  nations 
étrangères  à  l'université  de  Moscou.  En  4889  il  fut  appelé 
à  Stockholm  et  en  1890  à  Oxford  pour  donner  des  confé- 
rences. Ses  travaux  jouent  dans  la  littérature  russe  le 
même  rôle  que  ceux  de  Summer  Maine  en  Angleterre  ou 
de  Fustel  de  Coulanges  en  France.  Les  principaux  sont  : 
Essai  sur  rhistoire  de  la  juridiction  fiscale  en  France 
(4876);  Histoire  de  V administratio7i  de  police  dans 
les  comtés  anglais  jusqu'à  Edouard  III  (4877)  ;  la 
Méthode  historique  comparative  dans  la  jurispru- 
dence (4880);  Coutume  contemporaine  et  loi  ancienne 
(4881,  éd.  franc.;  Paris,  4893)  ;  la  Constitution  sociale 
de  r Angleterre  à  la  fin  du  moyen  âge  (4880)  ;  rAn- 
cienne  Marche  germanique  (4884)  ;  le  Droit  primitif 
(4886);  la  Loi  et  les  Coutumes  au  Caucase  {\^%)  \ 
Tableau  des  origines  de  la  famille  et  de  la  propriété 
(en  français;  Stockholm,  4890);  Modem  Custom  and 
ancient  Law  in  Russia  (Londres ,  4894);  Histoire  de 
la  démocratie  en  Occident  (Moscou,  4895).  Quelques- 
uns  des  travaux  de  M.  Kovalevsky  ont  été  analysés  par 
M.  Dareste,  dans  le  Journal  des  savants  (4887  et 
4893).  L.  L. 

KOVALEVSKY  (M^^  Sonia),  mathématicienne  russe, 
née  à  Moscou  en  4853,  morte  à  Stockholm  le  40  févr. 
4894.  Fille  du  général  d'artillerie  Corvin-Krukovsky, 
elle  fut  de  bonne  heure  orphehne  et,  en  4869,  se  rendit 
à  Heidelberg  pour  y  suivre  les  cours  de  mathématiques. 
Elle  se  maria  peu  après  avec  le  professeur  de  paléonto- 
logie Kovalevsky;  mais  elle  alla  continuer  à  Berlin,  de 
4874  à  4874,  ses  études  mathématiques  et,  à  peine 
âgée  de  vingt  et  un  ans,  reçut  de  l'université  de  Gœt- 
tingue  le  grade  de  docteur.  Devenue  veuve  en  4883,  elle 
obtint,  l'année  suivante,  une  chaire  d'analyse  supérieure  à 
l'université  de  Stockholm  et  la  conserva  jusqu'à  sa  mort. 
Elle  a  écrit  sur  les  mathématiques  plusieurs  mémoires 
originaux,  qui  ont  été  insérés  dans  divers  recueils  spéciaux  ; 
nous  citerons  :  Sur  la  Théorie  des  équations  aux  diffé- 
rentielles partielles  [Journal  de  Crelle,  4874);  Sur  la 
Réduction  d'une  classe  d'intégrales  abéliennes  du 
troisième  degré  en  intégrales  elliptiques  (Acta  mathe- 
matica  àQ  Stockholm,  4884);  Sur  la  Transmission  de 
la  lumière  dans  un  milieu  cristallin  (Comptes  rendus, 
Acad.  des  se.  de  Paris,  4884,  t.  XCLVIII,  p.  356);  Sur 
un  Cas  particulier  du  problème  de  la  rotation  d'un 
corps  pesant  autour  d'un  point  fixe  (Savants  étran- 
gers, id.,  4888,  t.  XXXI),  travail  remarquable,  qui 
contient,  avec  une  étude  approfondie  delà  question,  la  de- 
couverte  d'un  cas  nouveau  dans  lequel  on  peut  intégrer  les 
équations  différentielles  du  mouvement  d'un  corps  pesant 
par  un  de  ses  points  et  auquel  l'Académie  des  sciences  de 
Paris  attribua  en  4888  le  prix  Bordin  doublé  «  en  raison 
du  service  tout  à  fait  extraordinaire  rendu  par  l'auteur  à 
la  physique  mathématique  ».  On  doit  aussi  à  M™*^  Kova- 
levsky des  Souvenirs  d'enfance  et  plusieurs  nouvelles, 
parus  dans  des  revues  russes  et  suédoises.  L.  S. 

BiBL,  :  Revue  générale  des  sciences,  28  févr.  1891. 

KOVDA.  Fleuve  de  Russie,  gouv.  d'Arkhangelsk,  qui 
porte  au  golfe  de  Kandalaskaïa  les  eaux  des  lacs  de  la 
Carélie  septentrionale,  lacs  Kitka,  Paanajœrvi,  Topozero, 
apportés  par  le  Paevozero  au  lac  Kovdozéro  (584  kil.  q.). 
Le  Kovda  sort  de  ce  lac  au  S.-E.  et  parcourt  70  kil.  Il  a 
beaucoup  d'eau. 

KOVEIT,  KOUÈT,  KOREIN,  KARIN  ou  6RAN.  Petit 
port  de  l'Arabie,  au  fond  du  golfe  Persique,  dans  une  large 
baie,  à  423  kil.  S.  de  Bassorah;  20,000  hab.  Koveït  est 
nominalement  le  chef-lieu  d'uncaza  du  vilayet  de  Bassorah 
et  la  résidence  d'un  sous-gouverneur  ;  mais,  en  réalité,  la 
Turquie  n'y  manifeste  son  autorité  que  par  le  choix  du  chef 
de  la  cité,  et  par  le  traitement  en  nature  qu'elle  lui  assure. 
La  population  fournit  d 'excellents  matelots  et  s'adonne  princi- 
palement à  la  construction  des  barques  à  voiles  qui  font  le 


petit  cabotage  et  sont  employées  aussi  à  la  pêche  des  perles. 
Le  commerce,  qui  consiste  à  échanger  des  produits  des  trou- 
peaux venus  de  l'intérieur  contre  les  objets  manufacturés 
déposés  par  les  navires  qui  y  font  souvent  escale,  est  entre 
les  mains  d'une  cinquantaine  de  juifs.  Le  sol  des  environs 
est  très  aride  et  ne  produit  qu'une  très  petite  quantité  de 
fourrage  artificiel.  Le  climat,  humide  et  chaud  en  été,  est 
froid  et  sec  en  hiver. 

KOVEL.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du  gouv.  de 
Volynie,  sur  le  Touria,  affl.  dr.  du  Pripet;  45,000  hab. 

—  Le  district  a  7,000  kil.  q. 

KOVNO  (lithuanien  Kaouna).  Ville  de  Russie,  ch.-l. 
d'un  gouvernement,  au  confluent  du  Niémen  et  de  la  Vilia  ; 
58,758  hab.  dont  moitié  de  juifs.  5  églises  grecques,  6  catho- 
liques, 30  synagogues.  Lecommerce  est  très  actif.  Kovno  est 
située  sur  le  ch.  de  fer  de  Saint-Pétersbourg  à  Varsovie  et 
de  Vilna  à  Kœnigsberg,  et  la  navigation  fluviale  est  consi- 
dérable. Fondée  au  xi®  siècle,  elle  eut  dès  le  xiv^  une 
importance  prépondérante  en  Lithuanie,  fut  jusqu'à  la  fin 
du  XVI®  siècle  le  grand  marché  de  la  Lithuanie,  entrepôt 
du  commerce  des  céréales.  Les  querelles  rehgieuses  fomen- 
tées par  les  jésuites  la  ruinèrent  au  xvii®.  Pillée  par  les 
Russes  en  4655,  brûlée  en  1808,  elle  n'avait  plus  en  4847 
que  200  maisons.  Elle  s'est  relevée  rapidement  et  en  1842 
est  devenue  ch.-l.  de  gouvernement. 

Le  gouv.  de  Kovno,  formé  de  l'ancienne  Samogitie,  a 
40,641  kil,  q.,4,587,582hab.  (en4890).Comprisentrela 
Prusse  à  l'O.,  la  Courlande  au  N.,  le  gouv.  de  Vilna  au 
S.-E.,  celui  de  Souvalki  au  S.,  il  s'étend  dans  une  plaine 
arrosée  par  le  Niémen  qui  le  sépare  de  la  Pologne  par  ses 
affluents  la  Vilia,  la  Neviaja,  l'Ioura  et  par  de  petits  fleuves 
côtiers  de  la  Baltique,  Minia  Okmiany,  Vindau  ou  Venta, 
Bartau,  Sventa.  Les  lacs  sont  petits,  mais  très  nombreux 
(plus  de  700),  et  le  sol  marécageux.  Il  est  formé  de 
terrains  siluriens,  dé  vouions  et  tertiaires,  revêtus  d'une 
mince  couche  d'alluvions  argilo-sableuses  et  même  de  ter- 
reau noir  (à  Rossieny,  Vilkomir).  La  température  moyenne 
annuelle  est  de  +  6<^,3  ;  le  climat  doux  et  humide.  Les 
terres  labourées  occupent  36  ^jo,  les  prairies  33  ^/o,  les 
bois  22  °/o  de  la  superficie  totale.  Le  gouvernement  pos- 
sède environ  400,000  chevaux,  600,000  bœufs,  400,000 
moutons,  500,000  porcs.  L'industrie  est  peu  développée. 
La  population  appartient  pour  les  trois  quarts  à  la  race 
lithuanienne,  plus  44  o/o  de  juifs  et  9  4/2  %  de  Slaves, 
2  4/2  o/o  d'Allemands.  Les  Russes  sont  venus  dès  le 
xi*^  siècle  ;  les  Polonais  ont  fourni  la  petite  noblesse  (Szlachta) 
au  nombre  de  70,000  personnes,  en  grande  partie  illet- 
trées ;  les  Allemands  sont  venus  au  xiv*^  et  au  xv^  siècle, 
les  juifs  au  xvii®  au  temps  des  Jagellons  et  des  Tatares.  — 
Le  gouv.  de  Kovno  se  divise  en  sept  districts  :  Kovno, 
Valkomir,  Novo-Alexandrovsk,  Ponéviej,  Charli,  Rossienv, 
Telchi.  Celui  de  Kovno  a  4,459  kil.  q.  A.-M,  B.  ^ 

KOVROV.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du  gouver- 
nement de  Vladimir,  r.  g.  de  la  Kliazma  (affl.  de  l'Oka)  ; 
5,000  hab.  Filatures  de  coton,  briqueteries  ;  foire  à  Noël. 

—  Le  district  a  3,600  kil.  q.  ;  il  est  très  marécageux. 
KOWALEWSKi  (Joseph-Etienne),  orientaliste  polonais, 

né  aux  environs  de  Orodno  en  4800,  mort  en  4878.  Il  fit 
ses  études  à  Vilna  et  y  devint  professeur.  Compromis  dans 
la  société  dite  des  philarètes,  il  fut  exilé  à  Kazan  où  il  étu- 
dia les  langues  orientales.  Il  fut  nommé  professeur  de 
langue  mongole  à  Kazan,  directeur  d'un  gymnase  et  rec- 
teur de  l'université.  Il  fut  appelé  en  4882  à  l'université  de 
Varsovie.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Grammaire  de  la 
langue  mongole  (en  russe  ;  Kazan,  4835)  ;  Chrestoma- 
thie  mongole  (id,,  4836)  ;  Dictionnaire  mongol-russe- 
français  (id.,  4844-46).  Membre  de  l'Académie  des 
sciences  de  Saint-Pétersbourg,  il  a  collaboré  à  diverses 
publications  scientifiques.  L.  L. 

KOWALSKl-WiERusz  (Alfred),  peintre  polonais,  né  à 
Varsovie  en  4847.  Il  a  étudié  la  peinture  à  l'Académie  des 
beaux-arts  de  cette  ville,  à  celle  de  Dresde  et  de  Munich, 
où  il  a  travaillé  sous  la  direction  de  son  compatriote  Brandt 


—  631 


KOWALSRI  —  KOZLOWSKI 


et  d'Alexandre  Wagner.  Il  s'est  fixé  à  Munich  depuis  plu- 
sieurs années.  Très  doué  pour  son  art,  il  produit  sans 
cesse  des  tableaux  de  genre  dont  les  sujets  sont  empruntés 
aux  usages  et  coutumes  de  la  Pologne  et  de  la  Russie.  Sa 
Chasse  à  courre  en  Pologne,  son  Duel  après  le  bal  et 
ses  Combats  de  Tsc\erkesses  lui  ont  valu  une  réputation 
qui  s'est  répandue  au  delà  de  l'Océan,  l.es  toiles  de 
Kowalski,  outre  qu'elles  se  distinguent  par  l'imagination 
et  le  mouvement  dans  la  composition,  ont  des  qualités  sé- 
rieuses de  touche  et  de  couleur.  F.  Trâwinski. 

KOYAMAKI  (V.  Kn). 

KOYASAN  (V.  Kii). 

KOZAKIEWICZ  (Antoine),  peintre  polonais,  né  à  Cra- 
covie  en  4841.  Elève  de  l'Ecole  des  beaux-arts  de  cette 
ville,  il  étudia  pendant  quelques  années  la  peinture  à 
Vienne,  sous  la  direction  d'Engerth,  puis  à  Munich  qu'il 
habita  longtemps.  C'est  un  des  artistes  les  plus  féconds  de 
notre  temps.  Ses  tableaux  ont  figuré  dans  toutes  les  expo- 
sitions d'Allemagne  et  d'Autriche.  Il  cultive  principalement 
la  peinture  de  genre  :  ses  sujets  sont  empruntés  à  la  vie 
de  tous  les  jours,  11  sait  les  varier  à  l'infini  et  les  traiter 
avec  un  grand  accent  de  vérité  et  un  charme  pénétrant. 
Dessinateur  consciencieux  ,  il  est  aussi  coloriste  fort 
agréable.  Quelques-unes  de  ses  compositions  ont  été  po- 
pularisées par  la  lithographie,  telles  par  exemple  :  la 
Leçon  du  grand-père,  le  Rêve  d'un  parvenu,  le  Retour 
du  yassyr,  etc.  F.  Trawinski. 

KOZARl  (Y.  Hallévi). 

KOZELETZ.  Ville  de  Russie,  chef-l.  de  district  du  gou- 
vernement de  Tchernigov,  sur  l'Oster  (affl.  g.  de  la  Desna); 
5,000  hab.  —  Le  district  a  3,200  kil.  q.,  les  trois  quarts 
en  terres  labourées. 

KOZELSK.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du  gou- 
vernement de  Kalouga,  au  confluent  de  la  Drongousna 
et  de  la  Jizdra  (affl.  g.  de  l'Oka)  ;  6,000  hab.  Toile  à 
voiles,  produits  chimiques.  —  Le  district  a  2,500  kil.  q., 
les  deux  tiers  en  terres  labourées. 

KOZELUCH  (Jean- Antoine),  compositeur  tchèque,  né  à 
Wellwarn  (Bohême)  le  13  cet.  1738,  mort  à  Prague  le 
3  févr.  1814.  Fixé  à  Prague  en  1784  comme  maître  de 
chapelle  de  l'église  Saint-Vit,  il  y  forma  un  grand  nombre 
de  bons  élèves  et  y  fit  exécuter  des  compositions  religieuses 
très  estimées  de  ses  contemporains,  mais  dont  aucune  ne 
fut  imprimée.  La  bibliothèque  de  Berlin  possède  les  ma- 
nuscrits de  quelques-unes  d'entre  elles. 

KOZELUCH  (Leopold),  compositeur  tchèque,  cousin  du 
précédent,néà  Wellwarnen  1748,  mort  à  Vienne  en  1814. 
11  débuta  à  Prague  en  1771  par  la  composition  d'un 
ballet,  se  rendit  à  Vienne  en  1778,  y  devint  maître  de 
piano  de  l'archiduchesse  Elisabeth  et  succéda  en  1792  à 
Mozart  comme  compositeur  de  la  chambre  impériale.  Très 
recherché  à  Vienne  comme  professeur,  il  contribua  plus 
que  tout  autre  à  y  faire  adopter  le  piano-forte  au  heu  du 
clavecin.  Kozeluch  a  composé  plusieurs  opéras,  un  oratorio 
[Moïse  en  Egypte,  1788),  des  cantates,  dont  une  pour 
le  couronnement  de  Léopold  II,  environ  30  symphonies, 
60  concertos,  57  trios  pour  piano  avec  accompagnement, 
20  œuvres  de  sonates  pour  le  piano  seul  ou  à  quatre  mains, 
et  une  multitude  de  fantaisies,  caprices,  menuets,  etc.  Cette 
musique,  coulante  et  facile,  eut  une  période  de  très^  vifs 
succès  auprès  des  amateurs  en  Allemagne  et  en  Autriche. 

KOZIEBRODZKI  (Ladislas,  comte),  écrivain  polonais, 
né  à  Koledzieiowka  (Galicie)  en  1839,  mort  en  1891. 
Elève  de  l'Institut  technique  de  Cracovie,  il  vint  de  bonne 
heure  à  Paris,  où  il  suivit  les  cours  de  la  Sorbonne.  Lors 
de  son  séjour  en  Suisse  (de  1862  à  1866),  il  écrivit  plu- 
sieurs brochures  politiques  qui  curent  un  grand  retentisse- 
ment en  Pologne.  Il  commença  en  même  temps  à  collabo- 
rer à  divers  revues  et  journaux  littéraires  polonais  : 
VEtoile  de  Teschen  et  le  Journal  littéraire  notamment 
renferment  nombre  de  ses  nouvelles  et  romans,  parmi  les- 
quels il  faut  citer  :  la  Noce  interrompue,  la  Marâtre, 
la  Tante  Tkècle,  etc.  A  partirde  1868  il  s'adonna  presque 


exclusivement  au  théâtre  :  ses  drames  et  ses  comédies  (le 
Chemin  glissant,  Claudia,  la  Comtesse  Maria,  la  Ten- 
tation, le  Couple  amoureux,  la  Bourrasque,  etc.)  dé- 
notent une  grande  sagacité  d'observation,  un  esprit  délié 
et  subtil.  Quelques-unes  de  ses  comédies  de  mœurs  se  dis- 
tinguent par  un  humour  du  meilleur  aloi.  Dans  les  dernières 
années  de  sa  vie,  Koziebrodzki  était  député  à  la  Diète  de 
Galicie,  où  il  a  pris  une  part  très  active  à  la  discussion 
des  réformes  les  plus  importantes  intéressant  cette  partie 
de  la  Pologne.  F.  Trawinski. 

KOZIKL  Iles  de  la  côte  S.-O.  de  Kiousiou  (Japon);  celle 
du  N.  est  à  30  kil.  0.,  celle  du  S.  à  50  kil.  N.-O.  de  la 
côte  de  Satzouma. 

KOZLOV.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du  gouver- 
nement de  Tambov,  sur  le  Lesnoï  Voronèje,  aftl.  g.  du 
Don,  et  le  ch.  de  fer  de  Moscou  à  Saratov  ;  35,053  hab. 
Fonderies  de  suif,  savonneries,  chandelles,  briqueteries, 
brasseries,  etc.  Au  couvent  de  la  Trinité  (Troïtzkii)  se  tient 
une  grande  foire  annuelle.  —  Le  district  a  6,638  kil.  q., 
les  trois  quarts  en  terres  labourées. 

KOZLOV  (Ivan-Ivanovitch),  poète  russe,  né  à  Moscou  le 
11  avr.  1779,  mort  à  Saint-Pétersbourg  le  30janv.  1840. 
On  connaît  peu  son  enfance;  il  entra  fort  jeune  dans  l'ar- 
mée, devint  officier,  puis  passa  dans  le  service  civil  où 
son  activité  lui  procura  un  avancement  rapide;  en  1807, 
il  était  déjà  conseiller  d'Etat  et  attaché  à  la  chancellerie 
du  gouverneur  de  Moscou.  C'est  à  ce  moment  qu'il  se  lia 
intimement  avec  Joukovsky,  déjà  célèbre,  et  avec  l'élite  de 
la  société  moscovite.  Après  la  retraite  de  Napoléon  il  passa 
à  Saint-Pétersbourg  dans  'l'administration  des  domaines  ; 
il  avait  trente-trois  ans  et  sa  carrière  promettait  d'être 
très  brillante,  lorsque  subitement  il  tomba  paralysé  des 
deux  jambes  ;  pour  comble  de  malheur,  sa  vue  l'abandonna 
peu  à  peu  et  il  devint  complètement  aveugle.  Eloigné  à  ja- 
mais du  monde  extérieur,  il  s'enferma  en  lui-même  et  s'en- 
toura d'un  monde  idéal  d'images  poétiques.  Il  débuta  par 
des  imitations  originales  des  littératures  de  l'Occident, 
qu'il  connaissait  fort  bien,  et  après  quelques  essais  per- 
sonnels :  Byron,  Au  poète  Joukovsky,  etc.,  écrivit  en 
1824  son  poème  le  Moine  dont  le  succès  fut  immense;  ce 
fut  une  sorte  de  Paul  et  Virginie  russe.  La  Princesse 
Dolgorouky  et  Vînsensée  furent  aussi  fort  goûtées.  Kozlov 
écrivit  encore  une  foule  de  poésies  originales  :  Ma  Prière, 
la  Nuit  de  Venise,  A  V Italie,  etc.,  traduisit  des  sonnets 
de  Mickievicz  et  le  grand  poème  de  lord  Byron,  la  Fiancée 
d'Abydos,  etc.  Kozlov  n'est  pas  un  artiste;  il  y  a  beau- 
coup à  laisser  dans  ses  œuvres,  mais  il  offre  des  passages 
qui  indiquent  un  talent  remarquable  et  révèlent  une  âme 
vraiment  poétique.  Les  œuvres  complètes  de  Kozlov  ont 
été  éditées  à  Samt-Pétersbourg  (1855).  M. 

BiBL.  :  PoLEvoï,  les  Poètes  russes  ;  Saint-Pétersbourgi 
1888.  —  Russky  Archiv,  1864. 

KOZLOVSKY  (Michel-Ivanovitch),  sculpteur  russe,  né 
en  1743,  mort  en  1803.  On  lui  doit  le  monument  de  Soiivo- 
rov  (à  Saint-Pétersbourg),  une  statue  de  Samson{k  PHer- 
mitage),  Jeune  Fille  assise  (au  palais  impérial),  un  Génie 
(à  l'iïermitage),  des  bas-reliefs  sur  des  sujets  empruntés  à 
l'histoire  romaine,  le  Retotir  de  Regulus,  Camille  sau- 
vant Rome  (au  palais  de  Marbre),  etc. 

KOZLOWSKI  (Joseph),  compositeur  polonais,  né  à  Var- 
sovie en  1757,  mort  à  Saint-Pétersbourg  le  27  févr. 
1831.  Il  fit  ses  études  m.usicales  à  la  cathédrale  de  Varso- 
vie, entra  au  service  de  la  famille  Oginski  comme  maître 
de  musique,  passa  en  Russie  où  il  prit  du  service  dans 
l'armée  et  devint  aide  de  camp  du  prince  Dolgorouki.  Re- 
marqué par  Potemkin  pour  sa  voix  et  son  talent,  il  fut 
chargé  de  composer  une  polonaise  pour  une  fête  donnée  à 
à  l'impératrice  Catherine  II.  Ce  morceau,  demeuré  célèbre, 
le  mit  en  relief  et  lui  fit  accorder  l'emploi  de  directeur  de 
la  musique  des  théâtres  impériaux.  Il  remplit  ces  fonctions 
de  1791  à  1821.  Kozlowski  a  composé  un  grand  nombre 
de  chœurs  et  cantates  de  circonstance,  des  chansons  russes 
et  polonaises,   des  ouvertures,  un  Requiem  pour  les 


K07X0WSKI  —  KRAFFT 


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obsèques  du  roi  Stanislas-Auguste  en  4798,  et  plus  de 
600  polonaises  pour  orchestre  et  piano,  dont  un  grand 
nombre  devinrent  populaires. 

KOZLOWSKI  (Félicien- Antoine),  historien  polonais,  né 
en  4805,  mort  en  1870.11  fut  professeur  et  conservateur 
du  musée  numismatique  de  Varsovie.  Son  principal  ou- 
vrage est  une  Histoire  de  la  Mazovie  (Varsovie,  1858). 

—  Son  fils  Corneilo  a  publié  un  certain  nombre  d'ou- 
vrages, notamment  un  recueil  du  Folk-Lore  de  la  Mazovie 
(Varsovie,  1868). 

KOZMIAN  (Kajetan),  écrivain  polonais,  né  en  1771, 
mort  en  1856.  11  servit  dans  l'administration  du  duché  de 
Varsovie  et  du  royaume  de  Pologne.  Comme  poète,  il 
'  appartient  à  l'école  classique.  Il  s'eflbrce  d'imiter  Virgile 
dans  les  Géorgiques  polonaises  (1839)  et  dans  Etienne 
Czarniecki  {Breshn,  1856).  Il  a  hïssè  des  Mémoires  fort 
intéressants.  —  Son  fils  André  a  également  écrit  des  Mé- 
moires (Posen,  1867).  —  Son  petit-fils  Stanislaw,  né 
en  4836,  a  collaboré  à  divers  recueils  galiciens  et  a  été 
directeur  du  théâtre  de  Cracovie. 

KOZMIN  (ail.  Koschmin).  YiWe  de  la  Pologne  prus- 
sienne, district  de  Posen,  surl'Orla;  4,500  hab.  Eglise 
du  x^  siècle. 

KOZMODÉIVIIANSK.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district 
du  gouvernement  de  Kazan,  r.  dr.  delà  Volga  ;  8,000  hab. 

—  Le  district  a  4,993  kil.  q.;  il  est  marécageux  et  boisé. 
KOZODAVLEV  (Osip-Petrovitch) ,  homme  d'Etat  et  écri- 
vain russe,  né  en  1754,  mort  en  1849.  Il  fut  ministre  de 
l'intérieur  sous  le  règne  d'Alexandre  P^  Outre  de  nom- 
breuses traductions,  il  a  écrit  des  comédies,  notamment  : 
la  Bague^  A  corsaire  corsaire  et  demi,  etc. 

KRÂ  ou  KRAH  (Isthme  de)  (V.  Malaccâ). 

KRABBE  (Erik),  jurisconsulte  danois,  né  en  1512,  mort 
en  1564.  Il  a  publié  la  Chronique  rimée  danoise,  une  nou- 
velle édition  de  Saxo  Grammaticus  en  1534,  et  a  traduit 
en  allemand  la  Jydske  Lov.  Les  matériaux  qu'il  rassembla 
furent  utilisés  pour  la  rédaction  du  code  de  Christian  V  en 
1683. 

KRABBE  (Harald),  naturaliste  danois, né  en  1831.  lia 
publié  une  série  de  travaux  de  la  plus  grande  importance 
sur  les  helminthes  et  les  vers  parasites  de  l'homme  et  des 
animaux.  Son  principal  ouvrage  est  intitulé  Recherches 
sur  les  helminthes,  faites  en  Danemark  et  en  Islande; 
il  a  étudié  tout  spécialement  dans  ce  livre  une  maladie  pa- 
rasitaire de  la  vessie  régnante  en  Islande  {blœreormssyg- 
dom). 

KRACH  (V.  Crise). 

KRACHENINNIKOV  ( Etienne -Petrovitch),  voyageur 
russe,né  à  Moscou  en  1713,  mort  à  Pétersbourg  en  4  755.  Il 
fut  attaché  en  1733  à  l'expédition  scientifique  de  Gmeline 
en  Sibérie.  Il  pénétra  jusqu'au  Kamtchatka  où  il  séjourna 
plusieurs  années  et  publia  à  son  retour  la  première  descrip- 
tion complète  de  ce  pays.  Elle  fut  traduite  en  français,  His- 
toire de  Kamtchatka  et  des  contrées  voisines,  etc.  (Lyon, 
1767,  et  Amsterdam,  1779,  réimprimé  au  t.  Il  du  Voyage 
de  Vabhé  Chappe  d'Auteroche),  en  allemand,  en  an- 
glais et  en  hollandais. 

KRyCMER  (Anders-Robert  von),  écrivain  suédois,  né  à 
Stockholm  en  1825.  Il  a  publié  plusieurs  volumes  de  vers 
dont  l'un,  la  Nature  du  Nord  (Nordens  Natur),  a  été  ré- 
compensé en  1851  par  l'Académie  suédoise  ;  d'autres  sont 
intitulés  :  Fruits  du  Sud  (1853)  ;  Diamants  dans  la 
houille,  composé  à  la  suite  d'une  excursion  en  Angleterre 
(1857)  ;  Poésies  (1867).  Il  est,  en  outre,  l'auteur  de  ré- 
cits de  voyages  :  Deux  Voyages  en  Espagne  (1860)  ;  Un 
Hiver  en  Orient  (iH66),  et  d'études  sur  la  langue  sué- 
doise :  De  la  Valeur  rythmique  des  monosyllabes  sué- 
dois (188i),  etc.  —  Sa  sœur.  Char lotta~Lo visa,  née  en 
1828,  a  publié,  elle  aussi,  des  poésies  :  Accords  (1870)  ; 
Nouvelles  Poésies  (4  882)  ;  des  impressions  de  voyage  : 
A  travers  les  monts  et  les  lacs  d'Ecosse  (4870);  des 
recueils  de  pensées,  et  un  drame  :  Félicia  (1882), 
KRAEVSKY,publiciste  russe,  né  à  Moscou  le6  fév.  4840, 


mort  en  4  889.  Il  fit  ses  études  à  l'université  de  Moscou  et 
entra  d'abord  dans  l'enseignement.  Il  fut  ensuite  attaché  à 
la  rédaction  àeV Invalide  russe,  rédigea  les  Mémoires a^ 
triotiques,  puis  de  4852  à  4862  la  Gazette  de  Saint- 
Pétersbourg  et  enfin  la  Voix  (Golos)  qui  exerça  pendant 
de  longues  années  une  influence  considérable  C'est  un  des 
journahstes  les  plus  remarquables  dfe  la  Russie.  —  Son  fils 
^.-.4.  Kraevsky,  né  en  4841,  mort  en  1883,  collabora  au 
Golos  et  en  rédigea  pendant  de  longues  années  la  partie 
politique. 

KRAFFT  (David  von),peintre  suédois, né  à  Hambourg  en 
1655,  mort  à  Stockholm  en  4724.Neveu  d'Ehrenstrahl,  il 
fut  appelé  par  lui  à  Stockholm,  à  la  mort  de  ses  parents.  Il 
gagna  bientôt  la  faveur  d'UIrique  Eléonore,  qui  s'occupait 
elle-même  de  peinture,  et,  grâce  à  l'influence  de  celle-ci, 
obtint,  en  1684,  une  bourse  de  voyage  pour  visiter  l'Italie, 
n  s'arrêta  en  Danemark  pour  faire  les  portraits  des  membres 
de  la  famille  royale,  puis  séjourna  longuement  à  Venise,  à 
Florence,  à  Rome,  à  Naples,  et,  à  son  retour,  à  Vienne, 
où  il  peignit  la  famille  impériale.  Il  visita  aussi  la  Suisse, 
Paris,  les  Pays-Bas,  et  ne  rentra  qu'en  1696  à  Stockholm, 
où  il  était  rappelé  pour  succéder  à  Ehrenstrahl,  comme  por- 
traitiste de  la  cour.  Très  en  faveur  à  la  cour,  grâce  à  son 
talent  et  à  un  brillant  mariage,  il  fut  anobli  en  1719.  On 
a  de  lui,  outre  un  nombre  considérable  de  portraits  de  hauts 
personnages,  dont  plusieurs  excellents,  deux  grands  tableaux 
d'histoire  :  Minerve  tenant  le  portrait  du  duc  Charles- 
Frédéric,  à  Drottnmgholm,  et  un  Tableau  d' autel,  k  C2i\- 
»^ar.  Th.  C. 

KRAFFT  ou  KRAFT  (Georg-Wolfgang),  physicien  alle- 
mand, né  à  Tuttlingen  (Wurttemberg)  le  15  juil.  1701, 
mort  à  Tubingue  le  12  juin  1754.  li  fit  ses  études  à  Tu- 
bmgue,  professa  de  1725  à  1744  les  mathématiques  et  la 
physique  au  gymnase  de  Saint-Pétersbourg,  fut  nommé 
dans  l'intervalle  membre  des  académies  de  Saint-Péters- 
bourg (1731)  et  de  Berlin  (1738),  et,  de  retour  à  Tubin- 
gue^  (1744),  y  occupa  jusqu'à  sa  mort  la  chaire  de  mathé- 
matiques et  de  physique  de  l'université.  Il  a  écrit  sur  la 
physique  uue  trentaine  d'ouvrages  et  de  dissertations  ; 
nous  citerons  seulement  :  Experimentarum  physicorum 
prœcipuorum  brevis  descriptio  (Saint-Pétersbourg,  1 740 , 
in-8)  ;  la  Maison  de  glace,  en  allem.,  en  russe  et  en 
franc.  (Saint-Pétersbourg,  1741,  in-4,  très  rare)  ;  De  At- 
mosphœra  solis  (Tubingue,  1746,  in-4);  Institutiones 
geometriœ  sublimioris  (Tubingue,  1753,  in-4);  Prœ- 
lectiones  academicœ  puhlicœin  physicam  theoreticam 
(Tubingue,  1753-54,  3  fasc.  ;  2  édiL,  1765,  in-8).  Il  a 
en  outre  publié  dans  les  Commentarii  de  l'Académie  de 
Saint-Pétersbourg  (années  1727  et  suiv.)  un  nombre  con- 
sidérable de  mémoires  de  mathématiques,  de  physique, 
d'astronomie  et  des  observations  météorologiques.  L.  S. 
BiBL.  :  J.-J.  Bruckiîr,  Pinacotheca  scriptorum  illus- 
trium;  Augsbouri^:,  1741-55,  II,  6.  —  C.-F.  Schott,  Oratio 
inmemorxam  G.-W.Krafftii;  Tubingue,  1754,  in-4.  —V  en 
outre  pour  la  liste  de  ses  écrits  :  J.-C.  Poggendorff, 
Biogr.  Liter.  Handwœrterbuch  ;  Leipzig,  1863,  t.  I. 

KRAFFT  (Per,  dit  le  Vieux),  peintre  suédois,  né  à  Ar- 
boga  en  1720,  mort  à  Stockholm  en  1793.  Il  fit  ses  pre- 
mières études  sous  la  direction  du  portraitiste  Scheffeî, 
puis  alla  en  Danemark,  d'où,  grâce  à  la  générosité  du  comte 
Otto  Thott,  qui  lui  commanda  des  copies  de  nombreux 
tableaux  étrangers,  il  put  se  rendre  en  Allemagne,  en 
France  et  en  Italie,  et  y  faire  de  longs  et  utiles  séjours.  Il 
fut,  tandis  qu'il  rentrait  en  Suède,  retenu  à  Nancy  par  le 
roi  Stanislas,  qui  le  nomma  peintre  de  la  cour.  Ce  n'est 
que  vers  1768  qu'il  rentra  à  Stockholm,  où  il  jouit  bientôt 
d'une  grande  réputation  de  portraitiste.  Ses  portraits,  un 
peu  hauts  en  couleurs,  sont  d'une  ressemblance  frappante, 
mais  manquent  d'une  certaine  légèreté  et  d'une  grâce 
qu'on  appréciait  alors  chez  ses  rivaux  Pilo  et  Pasch.  Il 
excellait  dans  la  peinture  des  accessoires.  On  cite  parmi 
ses  meilleures  toiles:  deux  portraits  de  Gustave  IV  Adolphe 
enfant,  Un  Garçon  lisant,  les  portraits  de  Svedenborg, 
Bellman,  Linné,  Creutz,  etc.  Th.  C. 


KRAFFT  ou  KRAFT  (Wolfgaiîg-Ludwig),  astronome  et 
physicien  d'origine  allemande,  fils  de  Georg-Wolfgang,  né  à 
Saint-Pétersbourg  le  25  août  (anc,  st.)  1743,  mort  à 
Saint-Pétersbourg  le  20  nov.  (id.)  4814.  Il  prit  ses  grades 
à  Tubingue  en  1764,  fut  nommé  en  1767  professeur  d'as- 
tronomie de  l'Académie  de  Saint-Pétersbourg,  dont  il 
devint  membre  en  1771,  et  enseigna  par  la  suite  la  phy- 
sique et  la  mécanique  aux  écoles  des  cadets  et  des  mines. 
Il  fut  aussi  le  maître  de  mathématiques  du  tsar  Alexandre  P** 
et  du  grand-duc  Constantin-Pavlovitch.  Il  observa,  en 
1767,  à  Orenbourg,  le  passage  de  Vénus  sur  le  Soleil  et, 
en  1772,  travailla  avec  J.-A.  Euler  et  Lexell  à  la  Theoria 
motuum  Lunœ  et  aux  Novœ  tabulée  lunaires  àe  Léonard 
Euler.  Outre  de  nombreux  mémoires  sur  des  sujets  d'as- 
tronomie (théorie  de  Vénus,  calcul  des  longitudes  et  lati- 
tudes en  mer,  etc.),  de  physique  (attraction  des  sphéroïdes 
elliptiques,  magnétisme  terrestre,  électrophores,  lentilles 
achromatiques,  pendules)  et  de  mathématiques  (nombres 
premiers,  etc.),  insérés  dans  les  Novi  Commentarii 
(1770-76),  les  Acta  (1778-86),  les  Nova  Acta  (1788- 
1805)  et  les  Mémoires  (1809)  de  l'Académie  de  Saint- 
Pétersbourg,  il  a  écrit  :  De  Uatione  ponderum  sub  polo 
et  œquatore  (Tubingue,  1764,  in-4)  ;  Méthode  pour  ré- 
duire la  distance  apparente  de  deux  astres  (Toulon, 
1814,  in-8).  L.  S. 

BiBL.  :  WoLF,  Geschichte  der  Astronomie;  Munich, 1877, 
pp.  474  et  744.  —  V.  en  outre,  pour  la  liste  de  ses  écrits, 
J.-C.  PoGGKNDORFF,  Biogv.  LUev. Haïidwœrterbuch  ;  Le'ip- 
zig,  1863,  t.  i. 

KRAFFT  (Jean-Charles),  architecte  et  dessinateur,  né 
à  Brunnenfeld  (Autriche)  le  19  juin  1764,  naturahsé  fran- 
çais et  mort  à  Paris  en  déc.  1833.  Il  publia  de  nombreux 
et  importants  ouvrages  sur  la  construction  et  Fornement 
des  édifices  pubhcs  et  des  maisons  :  Plans^  coupes  et  élé- 
vations de  diverses  productions  de  la  charpente,  exé- 
cutés tant  en  France  que  dans  les  pays  étrangers 
(Paris,  1805,  in-fol.  de  220  pi.)  ;  Plans  des  plus  beaux 
jardins  de  la  France,  de  r Angleterre  et  de  r Alle- 
magne^ et  des  édifices,  monuments,  fabriques  qui  con- 
courent à  leur  embellissement  (Paris,  1810,  2  vol.  in- 
fol.  avec  96  pi.);  Portes  cochères  et  portes  d'entrée  les 
plus  remarquables  de  Paris  (1809,  in-4);  Recueil  des 
plus  jolies  maisons  de  Paris  et  de  ses  environs  (Paris, 
1809,  in-4)  ;  Productions  de  plusieurs  artistes  français 
et  étrangers  relatives  aux  jardins  pittoresques  et  aux 
fabriqîtes  de  différents  genres  qui  peuvent  entrer  dans 
leurs  compositions  (Paris,  1810,  in-4)  ;  Description  des 
fêtes  à  r  occasion  du  mariage  de  Napoléon  (Paris,  1810, 
in-8)  ;  Recueil  des  plus  beaux  monuments  anciens  etmo- 
dernes{^2iVi^,  18l2etsuiv.),  ouvrageinachevé;  Trai^^swr 
l'art  de  la  charpente,  théorique  et  pratique  (Paris,  1819 
et  suiv.,  6  vol.  in-fol.  avec  179  pL).  Un  certain  nombre 
de  ces  ouvrages  ont  eu  plusieurs  éditions. 

KRAFFT  (Per,  dit  le  Jeune),  peintre  suédois,  fils  de  Per 
Kraft't  (V.  ci-dessus),  né  à  Stockholm  en  1777,  mort  en 
1863.  Elève  de  l'Académie  de  Stockholm,  il  y  remporta  tout 
jeune  de  brillants  succès.  Ses  études  achevées,  et  après  la 
mort  de  son  père,  il  se  rendit  à  Paris,  où  il  séjourna  lon- 
guement et  fut  l'élève  de  David,  et  son  disciple.  Il  fit  un 
voyage  en  Italie  afin  d'y  étudier  les  anciens  maîtres,  et 
revint  à  Paris  qu'il  ne  quitta  qu'en  1805  pour  rentrer  en 
Suède,  où  il  fut  bientôt  nommé  membre  de  l'Académie  des 
beaux-arts.  Ses  tableaux,  peintures  d'histoire  et  portraits, 
se  distinguent  par  les  qualités  et  les  défauts  propres  à 
l'école  de  David  ;  les  derniers  —  sa  production  est  considé- 
rable --  ont  été  exécutés  d'une  façon  souvent  hâtive  : 
le  dessin  en  est  négligé,  le  ton  lourd  et  peu  agréable. 
On  en  trouve  un  peu  partout  en  Suède.  Les  plus  connus 
sont  entre  autres  :  le  Duc  Charles  à  bord  du  Gustave  III 
au  combat  de  Hogland,  Charles  XHl  adoptant  Charles- 
Jean  (à  Gripsholm)  ;  le  Prince  royal,  Charles- Auguste 
(id.);  Prise  de  Leipzig  après  la  bataille  de  Ï8i8; 
Couronnement  de  Charles  XIV  Jean;  Résurrection  de 
Lazare;  Mort  du  Christ^  etc.  Th.  C. 


—  633  —  KRAFFT  —  KRAFT 

KRAFFT  (Johann-Peter),  peintre  allemand,  né  à  Hanau 
le  15  sept.  1780,  mort  à  Vienne  le  28  oct.  1856.  Il  se 
forma  tour  à  tour  à  Hanau,  à  Vienne,  à  Paris  sous  David, 
puis  en  Italie,  et  devint  professeur  à  l'Académie  de  Vienne 
et  directeur  du  Belvédère.  Nous  citerons,  parmi  ses 
œuvres  :  Départ  et  Retour  du  réserviste  (Belvédère)  ; 
Batailles  d'Aspern  et  de  Leipzig,  Bélisaire  mendiant. 
Scènes  de  la  vie  de  l'empereur  François  à  la  Hofburg, 
Ossian  et  Malvina,  Dorothée  à  la  fontaine,  Manfred, 
d'après  Byron  ;  Faust  (aquarelle),  et  des  Scènes  histo- 
riques de  i809  et  1814  (inachevées),  pour  la  décoration 
du  palais  de  Vienne. 

K RAF FT-Ebing  (Richard,  baron  de),  médecin  allemand 
contemporain,  né  à  Mannheim  le  14  août  1840.  Il  fut 
d'abord  médecin-assistant  à  l'étabUssement  des  aliénés 
dlllenau,  puis  exerça  la  médecine  à  Bade  et  devint,  en 
1872,  professeur  de  psychiatrie  à  Strasbourg  et  en  1873, 
directeur  de  l'asile  de  la  province  de  Styrie  à  Graz  ;  enfin, 
en  1880,  il  fut  nommé  professeur  de  psychiatrie  et  des 
maladies  du  système  nerveux  à  l'université  de  Graz.  — 
Ouvrages  principaux  :  Grundzilge  der  Kriminalpsycho- 
logie  (Erlangen,  4872,1882,  in-8  ;  trad.fr.,  1874);  L^/tr- 
buch  der  gerichîL  Psychopathologie  (Stuttgart,  1875, 
1881,  in-8);  Lehrbuch  der  Psychiatrie  (SiuiigaiVi,  1879, 
1883,  in-8);  Psychopathia  sexualis  (Stuttgart,  1886, 
in-8,  et  autres  édit.  et  trad.  fr.,  1892).        D^  L.  Hn. 

KRAFT  (Adam),  célèbre  sculpteur  allemand  du  moyen 
âge,  né  probablement  à  Nuremberg  vers  1450  ou  1455, 
mort  àSchwabach,  près  de  Nuremberg,  en  1507.  Les  seules 
sources,  pour  la  connaissance  de  sa  vie  et  de  ses  œuvres, 
sont  le  vieil  historien  des  artistes  nurembergeois,  Johann 
Neudœrfer,  et  quelques  pièces  d'archives.  Encore  ne  sait- 
on  pour  ainsi  dire  rien  de  sa  vie.  Quelle  était  sa  famille? 
quel  fut  son  père,  son  maître?  comment  se  forma-t-il? 
Autant  de  mystères.  On  connaît  parles  archives  un  «  Ulrich 
Crafft,  tailleur  de  pierres»,  un  «Peter  Kraft,  orfèvre  »,  sans 
qu'il  soit  possible  de  savoir  s'il  y  avait  entre  eux  et  lui  le 
moindre  lien  de  parenté.  La  date  même  de  sa  naissance  est 
purement  approximative  et  conjecturale,  basée  uniquement 
sur  l'âge  dont  témoigne  son  portrait  sculpté),par  lui-même 
à  la  base  du  merveilleux  tabernacle  ou  Sakramenthaus 
de  l'église  Saint-Laurent,  qui  fut  terminé  en  1500.  Con- 
temporain et  ami  du  célèbre  Peter  Vischer  et  de  Sébastien 
Lindenast,  qui  travaillait  habilement  le  cuivre,  il  paraît 
avoir  vécu  à  Nuremberg  en  brave  et  honnête  bourgeois, 
ne  sortant  de  son  atelier  que  pour  aller  aux  jours  de  fête 
se  distraire  avec  ses  intimes.  Il  possédait  en  ville  une 
maison,  ainsi  qu'un  jardin  dans  la  Lodersgasse.  Toutefois, 
il  n'était  pas,  malgré  tout,  bien  riche;  car,  après  sa  mort, 
la  maison,  hypothéquée  pour  une  créance  à  Peter  Imhof  de 
310  florins,  dut  être,  faute  de  payement,  abandonnée  par 
sa  veuve,  Barbe,  en  1510.  Neudœrfer  nous  dit  qu'il  fut 
marié  deux  fois,  sans  qu'on  puisse  en  avoir  la  preuve.  Il 
ne  semble  pas,  en  tous  cas,  avoir  eu  d'enfants.  D'après  le 
vieux  chroniqueur,  il  mourut  à  l'hôpital  de  Schwabach  : 
ce  qui  paraît  assez  invraisemblable,  à  moins  qu'il  n'ait  été 
brusquement  surpris  parla  maladie  ou  la  mort,  au  cours  de 
travaux  dans  la  petite  ville.  On  ne  sait^oùil  fut  enterré; 
on  n'a  retrouvé  ni  tombe  ni  épitaphe. 

Ses  œuvres  sont  toute  l'histoire  de  sa  vie.  Il  débuta  pro- 
bablement comme  simple  ouvrier  tailleur  de  pierres,  avant 
de  devenir  grand  sculpteur  —  d'ailleurs,  au  moyen  âge,  l'ar- 
tiste fut-il  jamais  autre  chose  qu'un  artisan  bien  doué  ? 
—  et  c'est  dans  ces  humbles  débuts  qu'il  faut  chercher 
Torigine  du  métier  solide  et  fort,  des  connaissances  tech- 
niques approfondies,  de  Tenlente  instinctive  autant  que 
raisonnée  des  lois  architecturales  et  décoratives,  qui  forment 
en  quelque  sorte  la  base  de  toutes  ses  belles  créations. 
Lié  avec  le  vieux  Hans  Behaim,  maître  maçon  de  Nurem- 
berg, il  enrichit  de  figures  ou  de  reliefs  d'ornement  beau- 
coup des  bâtiments  publics  ou  privés  construits  par  lui. 
Plusieurs  de  ces  menus  travaux  attribués  à  Kraft  par 
Neudœrfer,  ou  qu'on  peut  lui  donner  par  analogie,  existent 


KRAFT  —  KRAG 


-  634  ~ 


encore  et  aident  à  faire  comprendre  son  développement 
d'artiste.  Ils  sont  de  dates  très  diverses,  car  il  ne  négligea 
à  aucune  époque  cet  emploi  de  sentaient.  Signalons  parmi 
les  plus  remarquables  :  un  bas-relief  de  1497  au-dessus 
du  portail  de  la  Balance  publique  de  la  ville  ;  ailleurs, 
de  simples  écus  armoriés  ;  puis,  à  des  maisons  particulières, 
une  A  doration  du  Christ  enfant  (Adlerstrasse,  21),  Josué 
et  Caleb  portant  la  grappe  géante  (Bindergasse,  20), 
Saint  Georges  tuant  le  dragon  (Theresienstrasse,  23), 
une  Annonciation  (Winklergasse),  des  Vierges,  etc.  11 
avait  exécuté  en  terre  cuite  tous  les  ornements  et  figures  de 
la  maison  d'André Imhof  ;  mais  il  ne  s'en  est  malheureusement 
rien  conservé.  C'est  ainsi  que  peu  à  peu  l'audace  lui  vint.  En 
même  temps  augmenta  l'importance  des  commandes,  et  il 
aborda  les  grandes  œuvres  qui  ont  fait  sa  réputation.  La  pre- 
mière en  date  (4  490  environ)  paraît  être  la  fameuse  série  des 
Sept  Stations^  avec  le  Calvaire  au  bout,  commandées 
par  Martin  Ketzel,  jeune  patricien  de  Nuremberg,  et  dont 
les  distances  sont  exactement  calculées  d'après  celles  qui 
séparent,  à  Jérusalem,  la  maison  de  Pilate  de  chacune  des 
places  où  se  sont  passées  les  principales  scènes  de  la  Pas- 
sion. Le  pieux  fondateur  avait  entrepris  deux  pèlerinages 
en  Palestine,  à  la  suite  du  duc  Otton  de  Bavière,  puis  du 
duc  Albert  de  Saxe,  en  1468  et  1472.  Une  touchante  tra- 
dition veut  même  qu'il  n'ait  fait  le  second  que  pour  retrou- 
ver ces  mesures  précises,  perdues  en  route  une  première 
fois,  et  qui  seules  pouvaient  lui  permettre  de  faire  accom- 
plir son  vœu.  Les  sept  bas-reliefs  sculptés  par  Kraft,  ou 
au  moins  sous  sa  direction,  qui  vont  de  la  porte  Thiergsert- 
ner  au  faubourg  Saint-Jean,  où  est  actuellement  le  cime- 
tière de  ce  nom,  quoique  exécutés  en  grès  assez  grossier  et 
trahissant  le  plus  souvent  par  des  lourdeurs  la  collabora- 
tion d'élèves,  ont  dans  leur  ensemble  une  simplicité,  une 
noblesse,  une  gravité  pondérée  dans  l'émotion,  exprimée 
pourtant  de  la  façon  la  plus  intense,  qui  en  font  des  mo- 
dèles du  genre. 

Le  monument  funéraire  des  familles  Schreyer  et  Lan- 
dauer^  commandé  en  1490  par  Sebald  Schreyer  et  son 
neveu  Mathieu  Landauer,  terminé  en  1492,  à  l'extérieur 
de  Saint- Sebald,  derrière  le  chœur,  œuvre  également 
remarquable,  est  d'un  caractère  tout  différent.  La  compo- 
sition en  est  plus  riche,  l'exécution  plus  fine  et  délicate, 
plus  fouillée  dans  les  détails.  Troix  grandes  scènes  princi- 
pales, le  Portement  de  croix,  la  Mise  au  tombeau  et  la 
Résurrection,  se  juxtaposent  au  premier  plan,  sur  un 
fond  montueux  de  paysage,  où  d'autres  scènes  secon- 
daires de  la  Passion  sont  clairsemées.  La  conception  ici 
—  par  exception  chez  Kraft  —  est  plus  picturale  que 
plastique,  mais  infiniment  pittoresque  et  charmante.  Trois 
autres  monuments  funéraires,  de  date  postérieure  (vers 
4500  ou  peu  après),  peuvent  être  rapprochés  et  groupés, 
comme  reproduisant  avec  des  variantes  un  seul  et  même 
motif,  celui  de  la  Glorification  de  la  Vierge,  représentée 
dans  le  ciel,  agenouillée  ou  debout,  couronnée  par  Dieu  le 
père  et  son  fils  ou  par  des  anges.  Ce  sont  :  le  monument 
commandé  par  Mathieu  Landauer  pour  sa  propre  famille, 
dans  le  cloître  de  l'ancienne  abbaye  de  Saint-Gilles,  aujour- 
d'hui transporté  dans  l'église  même  (chapelle  Tetzel)  ;  puis 
ceux  de  Hans  Rebeck  et  de  la  famille  Pergenstorffer,  à  la 
Frauenkirche,  leur  nouveau  domicile,  depuis  la  démolition 
du  couvent  des  Dominicains  et  de  celui  des  Augustins,  où 
ils  étaient  primitivement  aussi  dans  le  cloître.  L'art  de 
Kraft  s'y  montre  toujours  égal  à  lui-même,  et,  sauf  quelques 
exagérations  çà  et  là,  quelque  pesanteur  allemande,  sage- 
ment ordonné  autant  que  pieusement  tranquille.  Mais  son 
triomphe,  son  chef-d'œuvre,  celui  qui  l'a  rendu  surtout  po- 
pulaire, et  où  il  semble  avoir  accumulé  les  difficultés  pour 
avoir  occasion  de  les  vaincre,  c'est  le  tabernacle  ou  Sakra- 
menthaus  de  l'église  Saint-Laurent,  commandé  en  1 493  par 
HansImhof,marguillier  de  la  paroisse,  et  terminé  seulement 
en  1500,  après  la  mort  du  fondateur  :  étonnante  pyramide 
de  pierre  d'une  hauteur  de  plus  de  19  m.,  adossée  à  un  des 
piliers  du  chœur,  et  qui  se  dresse  comme  une  flèche  de 


cathédrale,  comme  un  travail  d'orfèvrerie  et  presque  de 
dentelle,  enlaçant  dans  ses  arabesques  des  superpositions 
de  reliefs  sculptés,  avec  une  élégance  et  une  légèreté  in- 
comparables. Le  noyau  même  de  l'œuvre,  le  tabernacle 
destiné  à  l'exposition  de  la  monstrance,  est  surélevé  du  sol 
par  une  sorte  de  galerie  ou  de  balcon  à  jour,  que  supportent 
sur  leurs  épaules,  par  un  sentiment  de  légitime  fierté,  les 
figures  agenouillées,  grandeur  nature,  d'Adam  Kraft  et  de 
deux  de  ses  ouvriers.  On  comprend  que  ce  tour  de  force,  qui 
annonce  chez  Kraft  un  talent  d'architecte,  égal,  sinon  su- 
périeur à  celui  de  sculpteur,  ait  fait  naître  la  légende  qu'il 
avait  le  secret  d'amollir  les  pierres,  puis  de  les  redurcir  après 
leur  avoir  donné  forme.  Le  tabernacle  de  Saint-Laurent  fut 
imité  un  nombre  incalculable  de  fois,  dans  toutes  les  églises  des 
environs  de  Nuremberg,  en  particulière  Fùrth,  Schwabach, 
Heilsbronn,  Kalchreuth,  Katzwang.  On  lui  en  avait  commandé 
un  second  pour  l'église  de  l'abbaye  de  Kaisheim,  mais  qui 
est  aujourd'hui  détruit.  La  Mise  au  tombeau  de  la  cha- 
pelle Holzschuher,  au  cimetière  Saint- Jean,  qu'on  lui  attribue 
souvent,  commencée  peut-être  sous  sa  direction,  ne  fut  ter- 
minée qu'après  sa  mort,  en  1518.  —  Adam  Kraft  est  un 
des  derniers  artistes  pieux,  tendres  et  naifs  du  moyen  âge 
finissant.  Il  est  resté  toute  sa  vie  fidèle  aux  pures  traditions 
chrétiennes,  sans  avoir  été  entamé  en  rien  par  l'esprit  nou- 
veau. Après  sa  mort,  la  Renaissance  fit  à  Nuremberg  une 
triomphante  et  définitive  invasion.         Paul  Leprieur. 

BiBL.  :  Neudœrfer,  Nachrichten  von  Nûrnhergischen 
Kùnstlern,  herausgegeben  von  D"  Lochner;  Vienne,  1875, 
pp.  10-19,  in-8.  —  Wanderer,  Adam  Kraft  et  son  école; 
N  uremberg,  1 869,  in-fol. —  Dohme,  Kimst  und  Kûnstler  des 
MittelaltersundderNeuzeit;  Leipzig,  1878,  l'"®partie,  t.  II, 
in-4  (art.  de  R.  Bergau}.  —  Bode,  Geschichte  der  deut- 
schen  Plastik;  Berlin,  1887,  pp.  131-139,  in4. 

KRAFT  (Jens),  philosophe  danois,  né  à  Frederikshald  en 
1720,morl  en  1 765.  Il  se  rattachait  à  l'école  de  Wolf  et  s'ef- 
forçait de  propager  en  Danemark  les  idées  du  philosophe 
allemand.  Il  soutint  contre  Sneedorf  une  lutte  très  vive  en 
faveur  des  sciences  exactes  et  du  latin,  et  publia  à  cette 
occasion  ses  Lettres  critiques  pour  le  progrès  des 
sciences  et  l'amélioration  du  goût.  Dans  d'autres  écrits, 
il  se  montre  disciple  de  Rousseau,  dont  il  accepte  et  défend 
la  théorie  sur  la  néfaste  influence  de  notre  conception  de  la 
propriété. 

KRAFT  (Antoine),  violoncelliste,  né  à  Rokytzan  (Bo- 
hême) le  30  déc.  1752,  mort  à  Vienne  le  28  août  1820. 
Il  fut  attaché  à  l'orchestre  du  prince  Esterhazy,  passa 
en  1796  au  service  du  prince  Lobkowitz,  et  se  fit  applaudir 
dans  quelques  voyages  de  concerts.  Il  a  publié  plusieurs 
sonates,  duos  et  concertos  pour  son  instrument. 

KRAFT  (Nicolas),  violoncelliste,  fils  du  précédent,  né  à 
Esterhaz  (Hongrie)  le  14  déc.  1778,  mort  à  Stuttgart  le 
18  mai  1853.  Il  fut  attaché  avec  son  père  à  la  musique  du 
prince  Lobkowitz,  puis  à  l'orchestre  de  l'Opéra  de  Vienne, 
et  enfin  au  service  du  roi  de  Wurttemberg.  Différents 
voyages  de  concerts  accompfis  en  Allemagne,  en  Hollande 
et  en  Bohême,  répandirent  et  consolidèrent  sa  réputa- 
tion de  virtuose.  Ses  oeuvres  consistent  en  concertos  pour 
violoncelle  et  orchestre,  duos  pour  deux  violoncelles  et 
morceaux  divers  pour  le  même  instrument. 

KRAFT  (Jens-Edvard),  topographe  et  bibliophile  norvé- 
gien, né  à  Christianssand  en  1784,  mort  en  1853.  Tout 
en  étudiant  la  théologie  et  le  droit,  il  s'occupait  d'histoire 
littéraire,  de  bibliographie  et  de  topographie  ;  fonctionnaire, 
il  continua  ses  recherches  qui  le  mirent  bientôt  en  état  de 
publier  des  ouvrages  d'un  réel  mérite  par  la  sûreté  et 
l'abondance  des  informations  :  Alm.  Literaturlexikon  for 
Danmark,  Norge  og  Jsland  (en  collab.  avec  Nyerup, 
1818-19);  Topografisk-statistik  beskrivelse  over  Konge- 
riket  Norge  (1820-35,  6  vol.)  ;  Norsk  forfatterlexikon 
(1814-56),  etc. 

KRAG  (Anders),  médecin  danois,  né  à  Ribe  en  1558, 
mort  enl600.  Il  fitd'abord  sesétudes  à  Wittenberg;  mais, 
attiré  par  l'éclat  de  Montpellier,  il  se  rendit  dans  cette  ville 
où  il  fut  reçu  docteur  après  avoir  résolu  13  questions,  dé- 


-  635  - 


KRAG  —  KRALOVE 


fendu  66  propositions,  donné  2  consultations,  prononcé 
4  discours  et  fait  2  conférences.  Il  nous  donne  lui-même 
tous  ces  détails  dans  un  livre  curieux  intitulé  Laiirea 
Apollinea  Monspeliensis,  publié  en  4586.  Il  se  montre, 
dans  les  ouvrages  qu'il  publia  par  la  suite,  admirateur  de 
Platon,  dont  il  traduit  le  Parmenide  en  latin,  et  disciple 
convaincu  de  Ramus,  qu'il  défend  dans  Rameœ  scholœ  et 
defensio  Pétri  Rami  (1587)  et  dans  Aristotelica  et  Ra- 
mea  (1585).  De  retour  à  Copenhague,  il  fut  d'abord  pro- 
fesseur de  mathématiques,  puis  de  physique,  et  mourut 
trop  tôt  pour  obtenir  la  chaire  de  médecine  à  laquelle  ses 
brillantes  études  lui  donnaient  droit.  Th.  C. 

KRAG  (Niels),  historien  et  diplomate  danois,  frère  du 
précédent,  né  à  Ribe  en  1568,  mort  en  160!2.  Comme  son 
frère,  il  fit  ses  études  en  France,  où  il  reçut  le  titre  de 
docteur  en  droit.  En  1589,  il  était  professeur  d'histoire  à 
Copenhague,  et,  en  1592,  professeur  de  grec.  Il  passait 
d'ailleurs  presque  tout  son  temps,  loin  de  sa  chaire,  à  des 
missions  diplomatiques,  tantôt  en  Ecosse,  tantôt  en  Angle- 
terre, où  il  fut  bien  reçu  par  Elisabeth,  tantôt  en  Pologne. 
Il  mourut  trop  tôt  pour  achever  les  Annales  Christiani  IIl, 
dont  les  premiers  matériaux  avaient  été  rassemblés  par 
Vedel  et  que  Stephanius  continua  jusqu'à  la  mort  du  roi. 
Ces  annales  furent  publiées  en  1 737  par  Gram  et  traduites 
en  danois  et  annotées  par  Sandvig  de  1796  à  1779.  On  a 
aussi  de  Niels  une  dissertation  de  valeur  :  De  Republica 
Lacedœmonioru'm{iDdi^),  Th.  C. 

KRAGERŒ.  Ville  maritime  de  Norvège,  prov.  de  Chris- 
tiania, amt  de  Bratsberg  ;  5,000  hab.  Port  de  pêche  et 
cabotage  ;  la  valeur  dés  échanges  représente  plus  de  4  mil- 
lions de  fr.  (huîtres,  bois  de  construction,  etc.);  en  face 
sont  les  bancs  de  Jomfruland. 

KRAGOUÏÉVATS  (Kragujewatz),  Ville  de  la  Serbie, 
ch.-l.  du  cercle  du  même  nom,  sur  la  Lépénitsa,  affluent  de 
la  Morava;  9,083  hab.  Elle  fut  érigée  par  le  prince  Miloch 
en  capitale  de  la  Serbie  et  demeura  telle  jusqu'en  1842.  Elle 
possède  une  fonderie  de  canons,  une  manufacture  d'armes 
et  est  aujourd'hui  le  grand  arsenal  militaire  du  royaume. 
Elle  se  trouve  reliée  à  la  grande  voie  ferrée  Belgrade-Nich, 
par  l'embranchement  de  La'povo-Kragouïévats.  —  Le  cercle 
de  Kragouïévats,  d'une  superficie  de  2,392  kil.  q.,  compte 
122,220  hab. 

KRAHE  (Johann-Lambert),  peintre  et  graveur  allemand, 
né  à  Dusseldorf  en  1712,  mort  en  1 790.  Il  vécut  et  professa 
longtemps  en  Italie,  puis,  de  retour  dans  sa  ville  natale 
(1755),  y  devint  directeur  de  l'Académie  et  ensuite  de  la 
Galerie  de  peinture.  Parmi  ses  œuvres  décoratives,  nous 
citerons  le  plafond  de  la  Bibliothèque  de  l'électeur  à  Mann- 
heim  et_  quatre  plafonds  au  château  Benrath  à  Dusseldorf. 

KRAÏNA.  Région  du  N.-O.  de  la  Bosnie,  qui  forme 
aujourd'hui  le  district  de  Bihatch.  Elle  est  habitée  par  en- 
viron 150,000  Croates,  d'où  le  nom  de  Croatie  turque 
qu'on  lui  donne  quelquefois. 

KRAINA.  Province  méridionale  du  Monténégro,  formée 
des  territoires  cédés  en  1880  à  la  principauté  par  la  Turquie  ; 
16,000_  hab,  répartis  sur  une  superficie  de  376  kil.  q. 

KRAINA.  Cercle  de  la  Serbie,  situé  dans  la  partie  N.-E. 
du  royaume  ;  82,000  hab.,  dont  de  nombreux  Roumains  ; 
superficie,  1,321  kil.  q.  Cette  région  produit  d'excellents 
vins  qui  ont  la  saveur  du  bordeaux.  —  Ch.-l.  Négotine. 

KRAINBURG.  Ville  de  Carniole,  à  25  kil.  de  Laibach. 
Elle  compte  2,300  hab.  Les  margraves  de  Carniole  y  ont 
eu  leur  plus  ancienne  résidence.  Le  château  de  Kieseîstein 
date  de  1262. 

KRAJEWSKI  (Michel),  écrivain  polonais,  né  en  1746, 
mort  en  1817.  Il  embrassa  la  carrière  ecclésiastique.  Il  a 
écrit  des  romans  jadis  très  populaires,  aujourd'hui  démo- 
dés :  la  Podolienne  ou  l  Elève  de  la  nature  (Varsovie, 
1784);  les  Aventures  de  Wojciech  Zavrzynski  {id.^ 
1786);  Leszek  le  Blanc  (Varsovie,  1787).  On  a  publié 
après  sa  mort  :  Vies  des  illustres  polonais  (Radom, 
4830);  Histoire  de  Jean-Kasimir,  de  i6Ô6  à  i668 
(Varsovie,  1846,  2  vol.). 


KRAJVESKY  (V.  Kraevsky). 

KRAKATOA.  Ilot  du  détroit  de  la  Sonde,  entre  Sumatra  et 
Java,  5  kil.  1/2  de  long  sur  3  de  large,  15  kil.  q.  Il  mesurait, 
avant  le  cataclysme  de  1883,  9  kil.  sur  5  et  33  1/2  kil.  q. 
Au  N.-O.  s'élevait  le  cratère  volcanique  de  Perbouatan 
(822  m.  d'alt.)  L'îlot  était  entourée  de  récifs  coralliaires 
et  d'îlots  parmi  lesquels  Verlaten  au  N.-O.  et  Long  au 
N.-E.  Elle  était  revêtue  de  forêts  épaisses;  au  N.  jaillis- 
saient des  sources  thermales.  Bien  qu'elle  fût  sur  le  pro- 
longement de  la  chaîne  volcanique  de  Java,  les  forces 
souterraines  ne  s'étaient  pas  manifestées  depuis  1680.  Le 
20  mai  1883,  le  volcan  se  réveilla,  vomissant  delà  fumée 
et  de  la  cendre.  Dans  la  nuit  du  26  au  27  août  s'accom- 
plit un  des  phénomènes  volcaniques  les  plus  prodigieux  que 
l'on  connaisse.  Le  N.  de  l'île  avec  le  volcan  s'enfonça  sous 
les  eaux,  tandis  que  le  S.-O.  s'accroissait  un  peu,  que 
l'île  Verlafen  triplait  (de  3,7  à  11,8  kil.  q.)  et  que  l'île 
Long  gagnait  30  hect.  (auj.  3,2  kil.  q.)  ;  deux  nouveaux 
îlots  apparurent,  mais  la  mer  les  démolit  en  quelque  mois. 
Tous  ces  îlots  furent  couverts  de  monceaux  de  cendres  qui 
étouffèrent  toute  vie.  Le  pic  Rakata,  dans  Krakatoa,  atteint 
maintenant  832  m.,  l'île  Verlaten  205,  l'île  Long  135  m. 
Le  fond  marin  inégal  a  été  nivelé.  Ces  bouleversements 
déchaînèrent  des  vagues  formidables  sur  les  côtes  de  Suma- 
tra et  de  Java,  où  Andjer  et  Merak  furent  submergées  ;  il 
y  eut,  dit-on,  100,000  victimes.  La  vague  se  propagea  à 
travers  tout  l'océan  Pacifique  et  Indien,  les  masses  de 
cendres  furent  dispersées  sur  presque  toute  l'étendue  du 
globe  ;  la  commotion  fut  sentie  à  Sidney,  New  York,  Paris, 
Berlin,  Saint-Pétersbourg.  A. -M.  B. 

BiBL.  :  Verbek,  KrakatSLU;  La  Haye,  1886,  2  voL  av. 
atlas . 

KRAKOUTCHANDA.  Bouddha  imaginaire,  le  premier  du 
Bhadra-kalpa,  né  à  Mekhalâ  selon  les  Singhalais,  à  Na-pi-ka 
selon  les  Chinois.  De  son  temps,  la  vie  avait  une  durée  de 
quarante  mille  ans  ;  sa  période  est  du  double.  Il  eut  pour 
successeur  Kanakamouni. 

KRAKOW,(V.  Cracovie). 

KRÂKUMÂL  (c.-à-d.  chant  de  Krâka),  Ancien  poème 
norvégien  qui  décrit  les  exploits  de  Ragnar  Lodbrok  et  sa 
mort.  La  langue  de  ce  poème  et  sa  forme  ne  permettent  pas 
de  le  faire  remonter  au  delà  de  la  seconde  moitié  du 
XII®  siècle.  Peut-être  repose-t-il  sur  un  ancien  poème  da- 
nois qu'aurait  utilisé  aussi  Saxo  Grammaticus.  Littéraire- 
ment, ce  poème  est  d'une  grande  valeur,  aussi  a-t-il  été 
traduit  souvent  et  en  plusieurs  langues.  Th.  C 

KRAKUSY.  Cavaliers  polonais  armés  à  la  légère,  équipés 
en  1812  à  Cracovie  par  le  général  Uminsky  et  dénommés 
en  souvenir  du  prince  légendaire  Cracus  ou  Krakus.  En 
1830,  tous  les  cavaliers  de  l'insurrection  adoptèrent  ce 
nom. 

KRALIN6EN.  Ville  du  royaume  des  Pays-Bas,  prov. 
de  la  Hollande  méridionale,  au  S.  de  la  Meuse  et  au  N.-E. 
de  Rotterdam;  14,000  hab.  Grandes  pêcheries;  plusieurs 
mines. 

KRALOVE  DvoR  ou  DVUR  Kràlove  (en  allemand /T^m- 
ginhof).  Ville  de  Bohème,  située  sur  l'Elbe  et  la  ligne 
Parcbubrie-Reichenberg  ;  7,000  hab.  Eglise  et  hôtel 
de  ville  intéressants,  monument  du  héros  légendaire  Zaboj. 
Un  combat  y  fut  livré  le  29  juin  1866  entre  les  Prussiens 
et  les  Autrichiens.  Le  nom  de  Kralovedvor  se  rattache  à 
un  monument  littéraire  qui  jouit  en  Bohême  et  dans  les 
pays  slaves  d'une  grande  popularité  et  qui  a  suscité  d'ar- 
dentes polémiques.  Hanka  aurait  découvert  dans  cette  ville, 
le  16  oct.  1817,  un  recueil  d'anciens  poèmes  tchèques 
qu'il  publia  en  1819  avec  une  traduction  allemande  de 
Svoboda  sous  le  nom  de  Kralovdvorsky  Rukopis^  manus- 
crit de  Kralovedvor.  Ce  recueil,  qui  est  aujourd'hui  déposé 
au  musée  de  Prague,  comprend  cinq  poèmes  d'une  allure 
épique,  neuf  poèmes  lyriques  épiques  ou  purement  lyriques 
et  des  fragments  mutilés.  Quand  il  parut,  il  fit  grand  bruit 
en  Bohême  et  dans  tous  les  pays  slaves.  Il  a  été  traduit 
dans  toutes  les  langues  européennes  et  commenté  dans  tous 


KRALOVE  —  KRANTZ 


636  — 


les  idiomes  slaves.  Le  manuscrit  est  fait  avec  beaucoup 
d'habileté  et  présente  au  premier  abord  tous  les  caractères 
d'authenticité  paiéographique.  Néanmoins,  dès  sa  pubHca- 
tion,  il  parut  suspect  à  Dobrowsky:  Kopitar,  Mikiosich, 
Feifalik,  Bùdinger,  se  refusèrent  également  à  admettre  son 
authenticité.  Cette  authenticité  devint  en  Bohême  une  ques- 
tion de  patriotisme,  et  parmi  les  Tchèques  on  n'osa  guère 
la  contester.  Elle  fut  défendue  avec  beaucoup  de  talent  et 
d'érudition  par  les  frères  Jirecek  dans  le  volume  intitulé 
Die  Echtheit  der  Kœniginhofer  Handschrift  (Prague, 
4862),  par  Palacky,  flattala,  Brandi,  Ed.  Greg,  etc.  Depuis 
quelques  années,  les  attaques  ont  repris  avec  vigueur  et 
ont  été  menées  dans  un  esprit  de  critique  rigoureusement 
scientifique, notamment  par  MM.Sembera,  Gebauer,  J.  Goll, 
Masaryk.  On  en  trouvera  le  résumé  de  ces  polémiques  dans 
h  collection  àeV  Àrchiv  fur  slavische  Philologie  (t.  X,  XI). 
Malheureusement  comme  les  fidèles  qui  ne  permettent  pas 
de  toucher  aux  livres  saints,  certains  patriotes  tchèques 
considèrent  toute  discussion  critique  du  Kralovdvorsky 
Rukopis  comme  un  crime  de  lèse-patrie.  Le  moment  n'est 
pas  encore  venu  où  la  discussion  pourra  être  menée  dans 
un  esprit  absolument  désintéressé  et  scientifique.  Le  recueil 
a  été  souvent  réimprimé  (notamment  Prague,  1867, 1879, 
1885,  etc.),  soit  seul,  soit  avec  traductions  et  commen- 
taires en  allemand  ou  dans  diverses  langues  slaves.  L'une 
des  éditions  les  plus  curieuses  est  celle  qui  a  été  donnée  par 
Hanka  sous  le  titre  de  Polyglotta  (Prague,  1852)  et  qui 
renferme  des  traductions  en  une  dizaine  de  langues.  Une 
édition  illustrée  a  été  donnée  par  Korinek  (1873).  Le 
Kralovdvorsky  Rukopis  a  été  traduit  en  français  par 
M.  Louis  Léger  dans  le  volume  intitulé  Chants  héroïques  et 
chansons  populaires  des  Slaves  de  Bohême  (Paris,  4  866) . 
Le  traducteur  avait  alors  dans  l'authenticité  de  son  texte 
plus  de  confiance  qu'il  n'en  a  aujourd'hui.  L.  L. 

BiBL.  :  Toutes  les  histoires  de  la  littérature  tchèque  consa- 
crent un  long  chapitre  au  manuscrit.—  Art.  Kralovdvorsky 
Rukopis,  dans  Y  Encyclopédie  tchèque  (SlovnikNaucny).  — 
Archiv  fur  siavische  Philologie.  —  La  bibliographie  com- 
plète du  manuscrit  et  des  polémiques  auxquelles  il  a 
donné  lieu  formerait  un  volume  entier. 

KRALOVE  Hradec  (en  allemand  Kœniggrœlz).  Ville  de 
Bohême,  ch.-l.  d'un  cercle,  située  au  confluent  de  l'Adler 
et  de  l'Elbe,  à  environ  400kil.  àl'E.dePrague;  8,000  hab. 
Elle  possède  un  évêché,  un  séminaire  et  une  belle  cathé- 
drale gothique  de  1302.  Fabrication  de  gants,  de  cire, 
d'instruments  de  musique.  Fortifié  dès  i  062,  une  seconde 
fois,  à  la  moderne,  en  1780,  Kœniggraetz  a  été  récemment 
déclassé  comme  forteresse.  La  grande  célébrité  de  cette 
localité  est  due  à  la  bataille  du  3  juil.  1866  (V.  Sadowa). 

KRALUPY.  Bourg  de  Bohème,  sur  la  rive  droite  de  la 
Moldava  ;  3,000  hab.  C'est  là  que  se  détachent  de  la 
grande  voie  ferrée  de  Vienne-Prague  à  Bodenbach  et  vers 
l'Allemagne,  les  lignes  de  la  Bohême  septentrionale  par 
Neratovic;  de  Buschtehrad,  par  Wejhybka,  et  de  Welvvarn 
et  Slovenocs. 

KRAMER  (Wilhelm),  médecin  allemand,  né  à  îlalber- 
stadt  le  17  déc.  1801,  mort  à  Berlin  le  7  déc.  1875.  Il 
s'occupa  spécialement  d'otologie  et  acquit  une  grande  no- 
toriété dans  cette  science  qu'il  contribua  beaucoup  à  cons- 
tituer. Ses  ouvrages  embrassent  la  période  de  1833  à  1873. 
Citons  :  Handbuch  der  Ohrenheilkwide  (Berlin,  4867, 
in-8).  D^  L.  Hn. 

KRAMER  (Antonio-Giovanni  de),  chimiste  italien  d'ori- 
gine allemande,  né  à  Milan  le  24  juin  4806,  mort  à  Tre- 
mezzo  iLorabardie)  le  25  sept.  4853.  Il  fut  l'élève  de  Pictet 
et  de  de  Candolle,  à  Genève,  de  Thénard,  à  Paris,  et  de 
4832  jusqu'à  sa  mort,  enseigna  la  chimie  dans  divers  éta- 
blissements de  Milan  ;  il  y  fit  en  outre,  le  soir,  pendant 
une  dizaine  d'années,  des  cours  populaires.  On  lui  doit 
d'intéressants  travaux  sur  la  désinfection  des  matières  fé- 
cales, sur  l'analyse  minérale  du  sang  et  des  urines,  sur 
le  fulmi-coton,  sur  le  gaz  d'éclairage,  sur  le  raffinage 
des  sucres,  sur  l'impression  des  étoffes,  etc.  Il  s'est  aussi 
occupé  d'électromagnétisme.  Outre  des  mémoires  insérés 


dans  les  Annales  de  Poggendorff,  dans  //  Politecnico, 
dans  les  recueils  de  l'institut  lombard,  etc.,  il  a  publié  : 
Tableaux  synoptiques  ou  Abrégé  des  caractères  chi- 
miques des  bases  sali  fiables,  en  collab.avec  Ed.  Laugier 
(Paris,  4828,  in-8  ;  trad.  allem.;  Nuremberg,  4 829, in-8); 
Ricerche  per  discopire  nel  sangue^ ..,  le  combinazioni 
minerali,  travail  couronné  par  l'Académie  des  sciences 
de  Paris  (4842),  L.  S. 

KRAMERIA  (Bot.  etthérap.)  (V.  Ratanhiâ). 

KRAMERIUS  (Vacslav-Mathieu),  littérateur  tchèque,  né 
à  Klatovy  en  4759,  mort  à  Prague  en  1864 ,  Il  fit  ses  études 
à  Prague  et  s'y  lia  avec  quelques-uns  des  restaurateurs  de 
la  nationalité  bohème,  Pelcel,  Dobrowsky,  Prochazka.  Il 
collabora  à  leur  œuvre  en  rédigeant  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages populaires,  en  fondant  une  imprimerie  et  une  librai- 
rie, en  publiant  divers  journaux.  L'un  d'entre  eux  s'appe- 
lait Jou?^?2â!/j??a^rfoi5z^w^  impérial  et  royaldeKramerius. 

KRAMP  (Chrétien),  mathématicien  et  médecin  français, 
né  à  Strasbourg  le  40  juil.  1760,  mort  à  Strasbourg  le 
43  mai  4826.  îl  exerça  d'abord  la  médecine  à  Paris  et 
dans  diverses  villes  rhénanes,  fut  ensuite  professeur  de 
chimie  et  de  physique  à  l'Ecole  centrale  du  dép.  de  la  Roer, 
à  Cologne,  et  devint,  en  4809,  professeur  de  physique  et 
doyen  de  la  faculté  des  sciences  de  Strasbourg.  En  4847, 
il  ifut  élu  correspondant  de  l'Académie  des  sciences  de  Pa- 
ris. Outre  une  quarantaine  de  mémoires  originaux  parus 
dans  \c^  Annales  de  mathématiques  de  Gergonne  et  dans 
quelques  autres  recueils,  il  a  écrit  :  Geschichte  der  Aë- 
rosto^z/c (Strasbourg,  4783,  2  vol.  in-8;  suppU,  4786); 
Krystallographie  des  Miner alreichs,  en  collab,  avec 
Bekkerhin  (Vienne,  4793,  in-8);  Kritik der praktischen 
Arzneikimde  (Leipzig,  4795,  in-8);  Analyse  des  7'é  frac- 
tions astronomiques  et  terrestres  (Strasbourg  et  Leipzig, 
4799,  in-4),  où  l'on  trouve  une  excellente  solution  du 
problème  de  la  réfraction  atmosphérique  ;  Eléments 
d'arithmétique  universelle  (Strasbourg,  4808,  in-8  j, 
autre  ouvrage  de  grande  valeur,  etc.  L.  S. 

BiBL.  :  Lalande,  Dibliogr.  astronom.  ;  Paris,  1803, 
p.  811.  —  A.-R.  Grant.  History  of  physlcal  astronomy  ; 
Londres,  1852,  p.  330.  —  Catalogue  of  scientifîc  papers  do 
la  Société  royale;  Londres,  1869,  t.  IIL 

KRANACH  (Lucas  de)  (V.  Cranach). 

KRANKENHEIL  (V.  Tôlz). 

KRANNER  (Joseph),  architecte,  ingénieur  et  archéologue 
autrichien,  né  à  Prague  le  43  juin  4804,  mort  à  Vienne 
le  20  oct.  4874.  Elève  de  l'Ecole  polytechnique  de  Prague 
et  ayant  voyagé  en  Italie  et  en  France,  Kranner  construi- 
sit le  tombeau  de  la  famille  de  Metternich  dans  l'abbaye 
cistercienne  de  Plass,  le  grand  tunnel  du  chemin  de  fer  du 
Karst  et  l'hospice  des  aveugles  ainsi  qu'une  fontaine  mo- 
numentale à  Prague.  Nommé,  en  4861,  architecte  de  la 
cathédrale  de  cette  ville,  il  y  fit  exécuter  de  grands  tra- 
vaux de  restauration  et  fut  appelé  à  Vienne  par  l'architecte 
Ferstel  (V.  ce  nom)  comme  directeur  des  chantiers  de 
construction  de  l'église  Votive.  Kranner,  qui  avait  hérité  de 
son  père  d'un  grand  atelier  pour  le  travail  de  la  pierre, 
fut  l'inventeur  de  plusieurs  machines  destinées  à  alléger  le 
travail  de  l'ouvrier  et,  ayant  fait  de  nombreux  relevés  des 
anciens  monuments  d'architecture  de  la  Bohême,  il  fonda, 
pour  leur  publication,  VArcheologische  Blatter.  Ch.  L. 

KRANTZ  (Jean-Baptiste-Sébastien),  ingénieur  et  homme 
pohtique  français, né  à  Arches  (Vosges)  le  47  janv.  4847. 
Elève  de  l'Ecole  polytechnique  (4836),  de  l'Ecole  des  ponts 
et  chaussées  (4  838),  il  fut  retraité  en  4877  avec  le  titre 
d'inspecteur  général  honoraire,  après  une  carrière  des  plus 
brillantes  (construction  du  palais  de  l'Exposition  de  4867; 
invention  d'un  barrage  mobile  [1868]  ;  défense  d'une  sec- 
tion de  l'enceinte  de  Paris  pendant  le  siège  de  4874,  etc.). 
Elu  représentant  de  la  Seine  à  l'Assemblée  nationale  le 
2  juil.  4871,  vice-président  du  centre  gauche,  il  s'occupa 
surtout  de  questions  économiques,  rapporta  l'enquête  sur 
la  navigation  intérieure,  le  projet  de  chemin  de  fer  sous 
la  Manche  et  se  prononça  contre  les  grandes  compagnies 
de  chemins  de  fer.  Le  40  déc.  4873,  il  fut  élu  par  l'Assem- 


—  637  — 


KRANTZ  —  KRASÏCKI 


blée  sénateur  inamovible.  Il  combattit  le  boulangisme  et 
appuya  en  général  la  politique  dite  opportuniste.  Il  fut 
commissaire  général  de  l'Exposition  universelle  de  1878. 
On  a  de  lui  :  Etude  sur  l'application  de  V armée  aux 
travaux  d'utilité  publique  (Paris,  1847,  in-8)  ;  Projet 
de  création  d'une  armée  des  travaux  publics  (1847, 
in-8);  Etude  sur  les  murs  de  réservoirs  (1870,  gv. 
in-8)  ;  Observations  au  sujet  des  chemins  de  /i?r(1875, 
in-8)  ;  Observations  au  sujet  des  prix  de  transport^ 
des  tarifs  et  du  rachat  des  chemins  de  fer  (188^2,  in-8). 

KRANTZ  (Jules-François-Emile),  amiral  français,  né  à 
Arches  (Vosges)  le  29  déc.  1821,  cousin  du  précédent. 
Entré  dans  la  marine  en  1837,  il  commanda  le  vaisseau- 
école  de  canonniers  le  Louis  XIV  (1869),  commanda  le 
fort  d'Ivry  pendant  le  siège  de  Paris  et  devint  chef  du 
cabinet  de  l'amiral  Pothuau,  ministre  de  la  marine,  puis 
directeur  des  mouvements  de  la  flotte.  Promu  contre-amiral 
le  4  juin  1871,  il  fut  chargé  en  1873  du  commandement 
en  chef  de  la  division  navale  des  mers  de  Chine  et  gouver- 
neur intérimaire  de  la  Cochinchine,  y  fit  fermer  toutes  les 
maisons  de  jeux.  Directeur  des  travaux  de  la  marine 
(1875),  vice-amiral  (1^^  déc.  1877),  préfet  maritime  de 
Toulon  (1879),  commandant  de  l'escadre  d'évolutions 
(1881),  il  fut  placé  dans  le  cadre  de  réserve  en  1886.  Le 
4  janv.  1888,  il  prenait  le  portefeuille  de  la  marine  et  des 
colonies  dans  le  cabinet  Tirard  et  le  conservait  dans  le 
cabinet  Floquet  jusqu'au  22  févr.  1889.  De  nouveau  mi- 
nistre dans  le  cabinet  Tirard  du  19  mars  1889,  il  démis- 
sionna le  8  nov.  parce  qu'il  ne  voulait  accepter  aucune 
diminution  du  contingent  employé  au  Tonkin.  L'amiral 
Krantz  est  l'auteur  de  traités  techniques  importants.  Citons  : 
Eléments  de  la  théorie  dunavire  (Toulon,  1852,  in-8); 
Considérations  sur  le  roulis  des  bâtiments  (Paris, 
1867,  in-8). 

KRANTZ  (Charles-Camille-Julien),  homme  politique 
français,  né  à  Dinozé  (Vosges)  le  24  août  1848,  fils  de 
Jean-Baptiste.  Elève  de  l'Ecole  polytechnique,  ingénieur  des 
manufactures  de  l'Etat,  maître  des  requêtes  au  conseil 
d'Etat  (1879-91),  professeur  de  droit  administratif  à 
l'Ecole  des  ponts  et  chaussées.  Elu  député  d'Epinal  le  22 
févr.  1891,  républicain  libéral,  il  a  été  réélu  en  1893. 

KRANTZ  (Jean-Marie-Achille-Emile),  professeur  et  écri- 
vain français,  né  à  Nancy  le  12  sept.  1849.11  fit  ses  études 
au  lycée  de  Nancy,  puis,  étant  venu  en  1868  les  compléter 
à  Paris  comme  élève  de  Sainte-Barbe  suivant  les  cours  du 
lycée  Louis-le-Grand,  il  eut  en  1869  le  prix  d'honneur  de 
philosophie  au  concours  général.  Il  prit  sa  licence  à  Nancy 
(1872)  et  n'entra  qu'en  1873  à  l'Ecole  normale  supé- 
rieure, d'où  il  sortit  premier,  mais  avec  un  congé  de 
santé.  Agrégé  en  1877,  on  le  nomma  la  même  année  maître 
de  conférences  pour  la  philosophie  et  le  français  à  la  fa- 
culté des  lettres  de  Nancy,  où  il  devint  titulaire  de  la 
chaire  de  littérature  française  en  1884  et  dont  il  est  doyen 
depuis  1890.  Il  est  docteur  de  1882,  avec  ces  thèses  bril- 
lamment soutenues  en  Sorbonne  :  Be  Amicitia  apud 
Aristotelem  (Paris,  in-8)  et  Essai  sur  VEsthétique  de 
Descartes  (in-8).  Dans  cet  essai,  il  étudie  les  rapports  de 
la  littérature  classique  du  xvn^  siècle  avec  la  doctrine  car- 
tésienne. Antérieurement,  il  avait  donné,  en  collaboration 
avecL.  Ganderax,  Miss  Fanfare,  pièce  en  trois  actes,  en 
prose,  représentée  au  Gymnase  le  25  mars  1881.  Depuis, 
il  a  publié  dans  la  Revue  philosophique,  la  Revue  bleue, 
les  Annales  de  l'Est,  nombre  d'articles  de  critique,  no- 
tamment sur  Leopardi,  sur  les  origines  du  romantisme, 
sur  Palissot  et  son  cercle,  sur  Alfred  de  Musset,  sur  le 
Traité  de  la  Vieillesse  de  Cicéron,  etc.  Quelques  études 
ont  paru  séparément  :  l'Art  en  Lorraine  (Paris,  1886, 
in-8)  ;  Etude  sur  J.-J.  Grandville  (Paris,  1893,  in~8)  ; 
beaucoup  d'autres,  de  moindre  importance,  dans  divers 
journaux,  dont  le  Soir  et  la  République  française.  H.  M. 

KRÂPF  (Ludwig),  missionnaire  et  voyageur  allemand, 
né  à  Derendingen,  près  deTubingue,le  11  janv.  1810,  mort 
à  Kornthal  le  26  nov.  1881.  Une  société  anglaise  l'envoya 


comme  missionnaire  en  Abyssinie  (1837-42),  où  il  sé- 
journa à  Ankober,  puis  à  Mombaza,  d'où  il  visita  les 
royaumes  d'Ousambara  et  Oukambani,  fit  connaître  les 
monts  Kenia,  Kilima-ndjaro  et  l'existence  d'un  grand  lac 
intérieur.  Revenu  en  Abyssinie  (1854),  il  fut  expulsé  par 
Theodoros,  et  accompagna,  en  1867,  l'expédition  anglaise. 
Il  a  écrit  la  relation  de  ses  voyages  :  Reisen  in  Ostafrika 
von  iSSl  bis  i853  (Kornthal,  1858,  2  vol.  ;  anglais, 
Londres,  1860;  2«  éd.,  1867),  publié:  Vocabulary  of 
six  East  African  languages  ;  Outlines  of  the  éléments 
of  the  Kisuahili  language  ;  Dict.  of  the  Suahili  lan- 
guage  (Londres,  1882),  et  traduit  la  Bible  en  galla,  kinika, 
souahéli,  ouakouasi. 
BiBL.  :  Claus,  L.  Krapf;  Bàle,  1882. 

KRAPINA.  Ville  de  Croatie,  comitat  de  Varazdin ;  1,500 
hab.  Elle  possède  des  eaux  minérales  déjà  connues  au  temps 
des  Romains  (Aquœ  kaœ),  très  efficaces  contre  la  goutte  et 
le  rhumatisme,  qui  attirent  chaque  année  de  nombreux  bai- 
gneurs. D'après  une  tradition  indigène,  cette  ville  aurait 
été  le  berceau  des  deux  frères  légendaires  Czech  et  Lech, 
ancêtres  des  nations  bohème  et  polonaise. 
BiBL.  :  Rak,  Das  Mineralbad  Krapina ;  Vienne,  1876. 

KRAS  ou  CARSO  (V.  Karst). 

KRASÏCKI  (Ignace),  écrivain  polonais,  né  à  Dubiecko 
le  4  févr.  1735,  mort  à  Berlin  le  14  mars  1801.  Elève  dis- 
tingué des  jésuites  de  Léopol  (Lwéw),  il  suivit  les  conseils 
d'une  mère  très  pieuse  pour  se  vouer  à  l'état  ecclésiastique, 
où  il  fit  une  carrière  aussi  rapide  que  brillante.  D'abord 
chanoine  de  Kiev,  puis  de  Przemysl,  il  devint,  à  l'âge  de 
trente  et  un  ans,  titulaire  de  l'évêché  de  Warmie  auquel 
étaient  attachés  le  titre  de  prince  et  de  grands  revenus. 
Riche  d'ailleurs  par  lui-même,  héritier  de  la  fortune  con- 
sidérable de  son  père  qui  fut  castellan  de  Chelm,  Krasicki 
fut  un  de  ces  prélats  très  mondains  de  la  fin  du  xvm«  siècle, 
pour  qui  la  prélature  n'était  qu'une  bague  au  doigt  et  qui 
partageaient  leur  temps  entre  les  intrigues  politiques  et  les 
travaux  de  l'esprit.  Entré  de  bonne  heure  en  relations  avec 
la  cour  de  Pologne,  il  se  fixa  à  Varsovie,  où  il  publia  ses 
premières  compositions  littéraires  dans  le  Monitor  ainsi 
que  dans  les  Distractions  agréables  et  utiles  (1770-78). 
C'étaient  des  fables  et  des  satires  d'un  tour  délicat  et  pei- 
gnant dans  la  perfection  les  vices  de  la  société  du  temps. 
Après  le  premier  partage  de  la  Pologne,  Krasicki  ne  dé- 
daigna point  de  se  mettre  en  rapports  avec  Frédéric  II 
dont  il  devint  l'hôte  assidu  à  Potsdam  et  à  Sans-Souci,  où 
il  écrivit  la  Monomachia,  satire  mordante  de  la  vie  mona- 
cale. Un  peu  avant  (1766),  il  avait  donné  en  prose  les 
Aventures  de  Doswiadczynski  {M,  l'Expérience),  où  il 
critique  vertement  l'éducation  des  hautes  sphères  de  la 
société  et  les  abus  des  tribunaux  ;  il  y  trace  en  même 
temps,  à  l'exemple  des  philosophes  français  de  l'époque, 
le  tableau  d'une  société  idéale.  A  partir  de  ce  moment  ses 
œuvres  revêtent  un  caractère  didactique  et  utilitaire,  telles 
que  Pan  Podstoli,  portrait  d'un  propriétaire  foncier  mo- 
dèle, et  Recueil  de  comiaissances  utiles  classées  par 
ordre  alphabétique  (1781).  De  cette  époque  datent,  en 
outre  :  l'Histoire  divisée  en  deux  chapitres,  satires  des 
historiens  trop  crédules,  VAntimonomachia  et  laRataille 
de  Chocim.  Le  voyage  qu'il  fit  à  ce  moment  en  Ruthénie 
fut  suivi  de  Lettres  et  écrits  divers,  mélanges  littéraires 
fort  intéressants.  Sur  la  fin  de  sa  vie,  Krasicki  établit 
définitivement  sa  résidence  à  Heilsberg  (W^armie),  où  il 
s'occupa  de  compléter  les  travaux  héraldiques  de  Niesiecki. 
Sous  l'influence  des  malheurs  de  sa  patrie,  il  écrit  le  Ca- 
lendrier du  citoyen  (1793).  Nommé  deux  ans  après  ar- 
chevêque de  Gnesen,  primat  de  Pologne,  il  s'occupa  encore 
de  traduire  la  Vie  des  hommes  illustres  de  Plutarque  et 
les  Dialogues  des  morts  de  Lucien.  Il  mourut  subitement 
à  Berlin  ;  son  corps  fut  transporté  à  Gnesen  en  1829. 

Parmi  les  œuvres  très  nombreuses  de  Krasicki,  ses 
fables  et  ses  satires  resteront  comme  un  monument  litté- 
raire de  premier  ordre  :  elles  lui  ont  valu  d'ailleurs  le  sur- 
nom mérité  de  La  Fontaine  et  de  Boileau  polonais.  Ses 


KRASICRI  —  KRASNOVODSK 


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divers  écrits  ont  eu  de  nombreuses  éditions  :  la  première 
en  date  et  peut-être  la  meilleure  (en  10  vol.)  fut  publiée  à 
Varsovie  (1802-04);  il  en  a  paru  une  à  Paris,  en  un  seul 
volume  (1830-3  et  1845).  Plusieurs  ont  été  traduits  en  al- 
lemand, quelques-uns  en  français  par  BernouUi  et  par  l'abbé 
Lavoisier,  chanoine  de  Mohilev.  F.  Trawinski. 

BiBL.:  Walérien  Wroblewski,  7.  iîLrcisic/îi,  dans  VAte- 
neum  de  Varsovie,  1841,  t.  V.  —  Gustave  Ehrenberg, 
Livre  collectif  {en  polonais);  Varsovie,  1862.  —  J.-I.  Kra- 
szEWSKi,  /.  Krasicki,  sa  vie  et  ses  œuvres  ;  Varsovie, 
1879.  —  Bulletin  polonais,  n»  41,  p,  60. 

KRASINSKI  (Jean),  historien  polonais,  né  à  Szczuki 
en  1550,  mort  à  Cracovie  en  1612.  Il  fit  ses  études  à 
l'étranger  et  embrassa  la  carrière  ecclésiastique.  Il  fut 
secrétaire  d'Etienne  Batory.  Il  a  écrit  une  curieuse  descrip- 
tion de  la  Pologne,  Polonia  (Bologne,  1574).  Cet  ouvrage 
a  été  réimprimé  par  Mitzler  et  traduit  en  polonais  par 
St.  Budzinski  (Varsovie,  1852). 

KRASINSKI  (Vincent),  général  polonais,  né  en  1783, 
mort  en  1858.  11  servit  dans  la  grande  armée  et  fut  gé- 
néral en  chef  des  troupes  du  duché  de  Varsovie  ;  il  con- 
serva son  grade  dans  le  royaume  de  Pologne,  devint  sénateur, 
membre  du  conseil  de  l'empire  russe  et  de  1855  à  1856 
lieutenant  du  royaume.  Il  fut  le  père  du  célèbre  poète. 

KRASINSKI  (Valerien),  historien  et  publiciste  polonais, 
né  dans  la  Russie  Blanche  en  1795,  mort  à  Edimbourg 
en  1855.  Il  servit  dans  l'administration  du  royaume  de 
Pologne  ;  en  1830,  le  gouvernement  révolutionnaire  lo 
chargea  d'une  mission  en  Angleterre.  Il  s'établit  dans  ce 
pays  et  y  publia  sur  la  Pologne  et  les  pays  slaves  des 
ouvrages  estimés,  notamment  :  The  Rise,  progress  and 
décline  ofthe  Re formation  in  Poland  (Londres,  1839, 
trad.  en  allem.  par  Lindau;  Leipzig,  1841);  Lectures  on 
the  religions  history  of  the  Slavonie  nations  {id.^ 
1850,  trad.  en  franc.,  Paris,  1853)  ;  Polaîid,  its  history, 
Constitution  {id.,  1855),  etc. 

KRASINSKI  (Sigismond),  poète  polonais,  né  à  Paris  le 
9  févr.  1813,  mort  à  Paris  le  23  févr.  1859.  Fils  de  Vin- 
cent Krasinski  et  de  Marie  Radziwill,  filleul  de  Napo- 
léon P^",  il  eut  d'abord  pour  précepteur  le  célèbre  romancier 
Joseph  Korzeniowski,  continua  ses  études  au  lycée  et,  pen- 
dant peu  de  temps,  à  l'université  de  Varsovie.  Son  talent 
littéraire  se  révéla  de  très  bonne  heure,  ce  qui  le  fit  appeler 
r Enfant  merveilleux ;ki^eine  âgé  de  quinze  ans,  il  com- 
posait déjà  des  romans  dans  le  genre  de  Walter  Scott.  En 
1828,  Krasinski  quitta  son  pays,  pour  séjourner,  sauf  de 
rares  intervalles,  en  Suisse,  en  Allemagne,  en  Italie  et  en 
France.  C'est  à  l'étranger  et  en  grande  partie  à  Paris  qu'il 
publia  successivement  toutes  ses  œuvres.  En  1834  paraît 
Agay  Han^  roman  historique  dont  l'héroïne  est  Maryna  Mnis- 
zech,  femme  du  faux  Dimitri.  Puis  viennent  :  la  Comédie 
non  divine,  drame  fantastique  en  prose,  que  Mickiewicz 
qualifia  d'Apocalypse  moderne,  oii  le  poète  oppose  une  aris- 
tocratie sans  vigueur  et  sans  foi  à  une  démocratie  ignorante, 
haineuse  et  brutale;  Irydion,  drame  antique  oti  la  haine 
et  l'amour  sont  aux  prises  ;  les  Trois  Pensées  de  Henry 
Ligenza,  où  est  exalté  en  termes  magnifiques  l'héroïsme 
d'une  nation  qui  préfère  la  mort  à  l'avilissement  ;  VAube 
du  jour,  dithyrambe  superbe  en  l'honneur  de  la  frater- 
nité des  peuples,  sous  l'égide  de  la  Pologne  triomphante  ; 
les  Psaumes  de  Vavenir,  panégyrique  de  la  noblesse  et 
de  l'aristocratie,  philippique  ardente  dirigée  contre  les 
démagogues,  suivis  du  Psaume  de  la  bonne  volonté, 
d'une  inspiration  grandiose;  la  Glose  de  sainte  Thérèse, 
Resurrecturis,  le  Poème  inachevé  (publié  seulement  en 
1860),  où  le  Dante  conduit  le  jeune  homme  à  travers 
les  cercles  damnés  de  la  société  matérialiste  de  nos  jours  ; 
enfin,  les  Lettres  à  mes  amis.  L'œuvre  de  Krasinski  est 
vraiment  grandiose  par  l'élévation  de  la  pensée  et  la  pureté 
impeccable,  la  majesté  de  la  forme.  Plusieurs  poèmes  de 
Krasinski  ont  été  traduits  en  français,  notamment  par 
M.  Ladislas  Mickiewicz,  par  M.  Gaszynski  et  par  M.  La- 
caussade.  On  doit  à  ce  dernier  la  traduction  de  VIrydion, 
du  Rêve  de  César  a,  de  la  Nuit  de  Noël  et  à'Uîie  Nuit 


fêté.  Beaucoup  d'œuvres  du  grand  poète  sont  encore? 
inédites.  Les  autres  ont  été  réunies  en  3  vol.  (Leipzig, 
4863).  F.  Trawinski. 

BiBL.  :  Laurent  Pichat,  les  Poètes  de  combat;  Paris, 
1861.  —  J.  Klaczko,  la  Poésie  polonaise  et  son  poète 
anonyme  du  xix«  siècle,  dans  Revue  des  Deux  Mondes, 
1«''  janv.  1862.  —  La  Pologne  captive  et  ses  trois  poètes  : 
Mickiewicz,  Krasinski,  Stowachi  (attribué  à  Charles-Ed- 
mond) ;  Leipzig,  1864.  —  Lucien  Siemienski,  dans  ses  Por- 
traits littéraires  [en  poL);Posen,  1865.  —  Boloz  Antonie- 
wicz,  la  Jeunesse  de  Krasinski  (en  pol.);  Cracovie,  1891. 
—  Bulletin  polonais,  n»»  30  (1886)  et  33  (1887). 

KRASINSKI  (Adam),  philologue  polonais,  né  en  Volynie 
en  1816,  mort  en  Cracovie  en  1891.  Il  acheva  ses  études 
théologiques  à  Vilna  et  devint  en  1859  évêque  de  cette 
ville.  Outre  un  certain  nombre  de  traductions  et  une  gram- 
maire élémentaire,  il  a  publié  un  Dictionnaire  des  syno- 
7iymes  poloîiais  (Cracovie,  1888,  2  vol.). 

KRASNII.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du  gouv. 
de  Smolensk,  sur  la  Svina,  affl.  g.  du  Dniepr  ;  3,500'hab. 
Le  14  août  1812,  Ney  y  défit  les  Russes  de  Raievskï.Dans 
la  retraite  on  s'y  battit  de  nouveau,  du  4  au  6  nov. 
Koutousov  et  Miloradovitch  firent  perdre  aux  Français 
26,000  hommes  et  116  canons. 

KRASNII-IARou  KRASNOIARSK.  Ville  deRussie,  ch.-l. 
de  district  du  gouv.  d'Astrakhan,  dans  une  ile  du  delta  de  la 
Volga,  r.  g.duBouzan  (un  brasorientaldufleuve);  6,000hab. 
Le  district  a  35,677  kii.  q.  de  steppes  sablonneux. 

KRASNIK.  Ville  de  la  Pologne  russe,  gouv.  de  Lublin, 
sur  un  affl.  dr.  de  la  Vistule  ;  4,500  hab.  Belle  église. 

KRASNOHORSKA  (Elise),  femme  poète  tchèque,  née  à 
Prague  en  1847.  Elle  s'appelle  en  réahté  Elise  Pechova. 
Elle  débuta  dans  la  Httérature  en  1874  par  un  recueil  de 
vers  qui  fut  très  remarqué,  le  Mai  de  la  vie.  Elle  donna 
ensuite  le  Chantre  de  la  liberté,  la  Sumava,  le  Sud 
slave,  Blanik,  l'Enfant  du  Tabor,  la  Femme  de  Ha- 
rant,  la  Patrie  des  hirondelles,  etc.  Elle  a  collaboré 
à  divers  journaux,  écrit  des  livrets  d'opéras  et  traduit  des 
œuvres  des  divers  poètes  slaves,  notamment  de  Pouchkine 
et  de  Mickiewicz. 

KRASNOIARSK.  Ville  de  Sibérie,  ch.-l.  du  gouv.  d'Eni- 
séisk,  sur  un  promontoire  au  confluent  de  la  Katcha  et  de 
FEniséi,  à  147  m.  d'alt.;  20,000  hab.  Située  sur  un  fleuve 
navigable  et  sur  la  grande  route  deTobolskà  Irkoutsk,  au 
voisinage  de  mines  d'or,  elle  est  1res  prospère  et  grandit 
rapidement.  Elle  a  l'aspect  d'une  ville  d'Europe  et  doit  son 
nom  à  ses  falaises  de  marne  rouge  ferrugineuse  des  bords 
du  fleuve.  —  Le  cercle  de  Krasnoiarsk  a  20,447  kil.  q. 

KRASNOlÉ-StLO.  Bourg  de  Russie,  gouv.  de  Saint- 
Pétersbourg,  sur  la  Ligorka,  à  26  kil.  S.-Ô.  delà  capitale. 
Palais  du  tsar  et  camp  de  la  garde  impériale  qui  y  ma- 
nœuvre chaque  année. 

KRASNOKOUTSK.  Ville  de  Russie,  gouv.  de  Kharkov, 
au  confluent  du  Mertchik  et  du  Merl  (aflî.  g.  de  la  Vorska, 
tributaire  du  Dniepr)  ;  7,000  hab.  On  y  fabrique  beaucoup 
de  pièces  pour  la  carrosserie. 

KRASNO-OUFIMSK.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district 
du  gouv.  de  Perm,  sur  l'Oufa  ;  4,000  hab.  Fort  élevé 
contre  les  Bachkirsen  1736.  —  Le  district  a  23,690  kil.  q. 
dont  plus  des  deux  tiers  de  forêts.  Nombreuses  forges  et 
hauts  fourneaux. 

KRASNOPOL,  Bourg  de  Russie,  gouv.  de  Volynie,  à 
la  source  du  Teterev  (affl.  dr.  du  Dniepr)  ;  elle  eut  une 
importance  commerciale  sous  la  domination  polonaise. 

KRASNOSLOBODSK.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district 
du  gouv.  de  Penza,  r.  g.  de  la  Mokcha  ;  7,000  hab.  Bri- 
queteries, corderies,  potasse.  —  Le  district  a  4,000  kil.  q., 
dont  moitié  en  forêts. 

KRASNOSTAV.  Ville  de  la  Pologne  russe,  gouv.  de 
Lublin,  sur  le  Vieprz;  6,500  hab.  Château  bâti  en  1394. 

KRASNOVODSK.  Ville  de  la  Russie  d'Asie,  ch.-l.  de 
la  prov.  Transcaspienne,  sur  une  presqu'île,  au  N.  du  golfe 
de  Krasnovodsk  ou  de  Balkan  (mer  Caspienne).  Fondée  en 
1869,  elle  se  développe  surtout  depuis  1881.  Le  port  est 
bon,  mais  on  manque  d'eau.  On  exploite  dans  le  voisinage 


-  639 


KRASNOVODSK  -  KRASZEWSKl 


de  soufre,  du  sel,  des  sources  de  naphte,  les  pêcheries  de 
la  byie.  Krasnovodsk  fut  la  base  d'opération  des  colonnes 
russes  contre  Khi  va  et  les  Turkmènes. 

KRASSNY  (V.  Krasniï). 

KRASSÔ-SzŒRÉNY.  Comitat  de  Hongrie,  formé  d'une 
partie  de  l'aacien  banat  de  Temesvâr;  9,751  kil.  q.  Long 
et  étroit,  il  s'étend  depuis  le  Maros  jusqu'au  Danube  et  k 
la  Serbie.  La  plupart  de  ses  406,053  hab.  (1890)  appar- 
tiennent à  la  race  roumaine  et  à  l'Eglise  grecque  orientale. 
Les  principaux  produits  agricoles  sont  le  mais,  le  vin  et 
les  fruits  qui  servent  à  distiller  des  liqueurs.  Les  produits 
minéraux  sont  la  houille,  le  marbre  blanc,  l'argent,  le 
cuivre.  Le  chef-lieu  est  Lugos. 

KRASSOVANS.  Bulgares  émigrés  dans  la  haute  vallée 
du  Karas,  autour  de  Krassova  (bourg  de  3,500  hab., 
Hongrie,  comitat  de  Krasso-Szœreny);  ils  ont  adopté  le 
dialecte  serbo-croate.  Leur  nombre  est  d'environ  9,000. 

KRASZEWSKl  (Joseph-Ignace),  écrivain  polonais,  né  à 
Varsovie  le  26  juil.  4812,  mort  à  Genève  le  19  mars  1887. 
Après  avoir  terminé  de  bonne  heure  ses  études  classiques 
à  Biala  et  à  Lublin,  il  entra,  en  1829,  à  l'université  de 
Vilna,  qui  était  alors  une  pépinière  d'hommes  très  distin- 
gués, pour  y  suivre  les  cours  de  philologie  et  de  médecine. 
A  peine  âgé  de  vingt  ans,  il  se  sent  pris  d'une  passion  irré- 
sistible pour  les  lettres  et  publie  ses  premiers  essais  lit- 
téraires dans  ^i?^/^^^aîr^  de  KUmaszewski,  sous  le  pseudo- 
nyme de  Kleofas  Fakund  Pasternak.  C'est  l'époque  où 
les  prosateurs,  les  poètes,  les  érudits  les  plus  illustres  de 
la  Pologne  sont  forcés  de  prendre  le  chemin  de  l'exil,  après 
la  révolution  de  1830-31.  Kraszewski  semble  dès  lors  des- 
tiné à  combler  les  vides  qui  vont  se  produire  dans  tous  les 
domaines  de  la  vie  intellectuelle  de  son  pays  :  roman,  théâtre, 
poésie  lyrique,  critique,  histoire,  il  aborde  tous  les  genres. 
Mais  c'est  surtout  le  roman  qui  l'attire  :  c'est  là  aussi  qu'il 
se  montre  véritable  réformateur  dans  la  littérature  polo- 
naise. Avant  lui  on  en  était  réduit  à  lire  de  mauvaises  tra- 
ductions de  M"*®  de  Genlis  et  de  Cottin.  Kraszewski  com- 
prit qu'il  fallait  à  ses  compatriotes  quelque  chose  de  plus 
vivant  et  de  plus  instructif.  Il  déploie  de  ce  côté  une  ar- 
deur infatigable.  Sans  compter  quelques  études  historiques, 
il  donne  quatre  ou  cinq  romans  avant  le  Monde  et  le  Poète 
(1839)  qui  passe  pour  être  son  premier  chef-d'œuvre;  re- 
nonçant à  la  satire  quelque  peu  mordante  et  sarcastique  du 
début,  l'auteur  s'y  fait  sensible  et  idéaliste.  En  même  temps 
paraissent  ses  Promenades  littéraires^  deux  volumes  de 
vers  et  une  série  de  lettres  très  personnelles  dans  la  Se- 
maine de  Saint-Pétersbourg .  Il  fonde  en  outre  l'Ate- 
neum  de  Vilna,  revue  que,  pendant  les  douze  années  de  son 
existence,  il  alimente  largement  de  ses  travaux  de  critique, 
d'histoire,  de  philosophie,  d'esthétique  et  d'archéologie.  Puis 
viennent  successivement  des  romans  qui  ont  pour  titre  :  Oii- 
lana^  la  Lanterne  magique^  série  de  tableaux  de  la  so- 
ciété polonaise,  Sous  le  ciel  d'Italie^  les  Mémoires  d'un 
inconnu,  Ostap  Bondarczuk,  le  Sphinx^  Un  Million  de 
dot,  U  ne  faut  pas  jouer  avec  le  feu,  Tomko  Prawdzic. 
Kordecki,  les  Comédiens;  des  travaux  historiques  :  Vilna 
depuis  son  origine  jusqu'à  1150,  f  Epoque  des  Sigis- 
monds^  .  V Ancienne  Lilhuanie;  des  études  philoso- 
phiques :  Idée  du  système  d'Hegel^  Système  de  Tren- 
towski;  des  poèmes  épiques,  tels  que  Anafielas,  curieuse 
trilogie,  où  revit,  avec  toutes  ses  légendes,  la  Lithuanie 
d'autrefois.  Kraszewski  composa  tous  ces  ouvrages  enVqly- 
nie,  à  la  campagne,  où  il  avait  acheté  une  propriété  à  la- 
quelle il  donnait  tous  ses  soins,  pendant  les  rares  loisirs 
que  lui  laissaient  les  belles-lettres.  En  1853,  il  vient  se 
fixer  à  Zytomierz,  capitale  de  la  Volynie.  Ici,  malgré  les 
honneurs  dont  on  l'accable  (on  le  nomme  curateur  hono- 
raire du  gymnase,  directeur  du  théâtre  et  président  de  la 
société  de  bienfaisance),  il  trouve  le  temps  de  produire  :  la 
Chaumière  près  du  village^  un  de  ses  romans  les  plus 
populaires  en  Pologne,  les  Deux  Mondes,  les  Maladies 
du  siècle,  le  Roman  sans  titre  et  les  Hymnes  de  dou- 
leur (poésies).  Les  agissements  autocratiques  du  gouver- 


nement russe  et  des  difficultés  survenues  avec  la  noblesse 
locale  qui  n'admettait  pas  ses  idées  libérales  sur  la  ques- 
tion agraire,  obligent  Kraszewski  à  quitter  la  Volynie.  Il 
se  rend  alors  à  l'étranger  et  entreprend  son  premier  voyage 
en  Allemagne,  en  France  et  en  Italie;  puis  {\  859)  il  va  s'éta- 
blir à  Varsovie  où  il  prend  la  direction  de  la  Gazette  quo- 
tidienne, devenue  l'année  suivante  Gazette  polonaise.  Ce 
fut  un  poste  de  combat  où  Kraszewski  lutta  vaillamment, 
pendant  quatre  ans,  contre  les  ennemis  du  dedans  et  du 
dehors.  Lutteur  dangereux  pour  l'autorité,  il  est  obhgé  de 
s'expatrier  à  la  veille  de  l'insurrection  de  1863.  Tout  en  di- 
rigeant son  journal,  il  avait  rédigé,  pendant  son  séjour  à 
Varsovie,  une  vingtaine  de  volumes.  Ayant  fixé  sa  demeure 
à  Dresde,  il  continua  néanmoins  à  suivre  avec  la  plus  grande 
attention  le  mouvement  des  esprits  dans  son  pays  et  resta 
le  chef  incontesté  de  la  littérature  contemporaine  en  Po- 
logne. De  cette  époque  d'exil  date  toute  une  série  de  ro- 
mans, signés  Boleslawita,  inspirés  par  l'amour  ardent  de 
la  patrie  et  la  haine  de  l'oppresseur,  et  dont  les  principaux 
sont  :  le  Moscovite,  Eux  et  Nous,  l'Espion,  l'Enfant  de  la 
vieille  ville,  l'Exilé,  le  Juif.  Dans  ses  Comptes  rendus, 
il  nota,  avec  une  impartialité  qui  lui  valut  bien  des  inimi- 
tiés, les  qualités  et  les  défauts  de  ses  compatriotes  :  c'est 
comme  un  examen  de  conscience  sévère,  mais  juste.  D'autres 
romans  encore,  tels  que  Morituri,  llesiirrecturi,  Mogilna, 
Songes  creux.  Sur  la  Sprée  et  Sans  Cœur  sont  loin  d'avoir 
épuisé  la  fécondité  prodigieuse  de  cet  écrivain.  Il  rêve  en- 
core de  retracer  dans  une  série  de  romans  toute  l'histoire 
de  Pologne,  depuis  les  Temps  /a/m/^z^j:;  jusqu'aux  Derniers 
Moments  du  Palatin  et  autres  tableaux  du  xviii®  siècle, 
en  passant  par  la  brillante  époque  des  Jagellons.  Mais  la 
fiction  ne  lui  fait  point  oublier  l'érudition  et  le  romancier 
ne  nuit  nullement  à  l'historien  qui  publie  simultanément  le 
Mémorial  anecdotique  du  temps  de  Stanislas- Auguste 
et  la  Pologne  à  l'époque  des  trois  partages.  En  fait  d'ou- 
vrages dramatiques  de  Kraszewski,  il  faut  citer  :  l'Egal  du 
Palatin,  lé  Prince  Radziwill,  l'Hydromel  du  Castellan 
et  le  Trois  Mai.  A  l'occasion  de  son  jubilé  cinquantenaire 
(1789),  les  Polonais  reconnaissants  organisèrent  à  Craco- 
vie  des  fêtes  qui  furent  pour  le  vénérable  écrivain  un  véri- 
table triomphe,  bientôt,  hélas  !  suivi  d'un  chagrin  mortel. 
Injustement  impliqué  par  Bismarck  dans  une  affaire  d'es- 
pionnage, condamné  à  Leipzig  (1883),  emprisonné  à  Mag- 
debourg,  il  ne  fut  remis  en  liberté  sous  caution  que  pour 
venir  d'abord  réparer  un  peu,  à  San  Remo,  ses  forces  épui- 
sées et  pour  aller,  peu  de  temps  après,  mourir  à  Genève. 
L'œuvre  de  Kraszewski,  que  nous  n'avons  pu  qu'esquis- 
ser à  grands  traits,  est  vraiment  considérable.  On  lui  doit 
plus  de  cinq  cents  volumes  sans  compter  les  articles  et  cor- 
respondances innombrables  qu'il  a  semés  dans  presque  toutes 
les  pubhcations  périodiques  de  Pologne.  Doué  d'une  ima- 
gination merveilleuse,  que  soutenait  une  instruction  sohde 
dans  toutes  les  branches  des  connaissances  humaines,  na- 
ture vive,  impressionnable,  sensible  à  toutes  les  manifes- 
tations de  la  vie  sociale,  esprit  alerte,  toujours  en  éveil, 
servi  par  une  puissance  de  travail  extraordinaire,  Kra- 
szewski fut  par-dessus  tout  ce  qu'on  pourrait  appeler  un 
apôtre  littéraire.  H  avait  foi  dans  la  force  invincible  de 
la  parole  écrite  chez  un  peuple  où  la  langue  nationale  est 
une  des  dernières  forteresses  du  patriotisme.  En  dépit  ou 
peut-être  à  cause  de  son  immense  fécondité,  Kraszewski 
n'est  ni  un  penseur  très  profond,  ni  un  écrivain  hors  de 
pair;  dans  la  prose  comme  dans  la  poésie,  la  Pologne  con- 
temporaine compte  des  maîtres  qui  lui  sont  sensiblement 
supérieurs;  s'il  a  beaucoup  de  talent,  il  manque  de  ce 
souffle  créateur  qui  est  la  marque  caractéristique  du  gé- 
nie. Mais  son  grand  mérite  est  d'avoir  appris  à  ses  com- 
patriotes à  mieux  connaître  leur  passé  et  à  mieux  se  con- 
naître eux-mêmes;  il  leur  a  démontré,  en  prêchant  d'exemple 
tout  le  premier,  qu'ils  pouvaient  trouver  chez  eux,  en  de- 
hors des  httératures  étrangères,  de  quoi  satisfaire  leur 
curiosité  et  meubler  leur  intelligence,  il  leur  a  inspiré  le 
goût  de  la  lecture  et  leur  a  donné  d'excellents  conseils. 


KRASZEWSKÏ  —  KRAUSE 


640 


Bon  nombre  de  romans  de  Kraszewski  ont  été  traduits  en 
russe,  en  anglais,  en  allemand  et  en  français.  On  doit  à 
Alex,  de  Noirvilie  la  traduction  française  de  le  Poète  et 
le  Monde  (1843),  à  M.  Ladislas  Mickiewicz  celles  de  Ou- 
lana  (4883)  et  de  Sans  Cœur  (i885),  à  M.  Holynski  celles 
de  Sur  la  Sprée  et  du  Juif  (1886)  et  à  M.  Ch.  Simond 
celle  de  r Agonie  d'une  race  (1886).     F.  Trawinski. 

BiBL.  :  EsTREiCHER,  BibUografia,  t.  II,  pp.  475  et  suiv. 
—  Livre  commémoratif  du  jubilé  de  J.-J.  Kraszewski  (en 
polon.);  Cracovie,  1881,  gr.  in-8,  portr.  (bibliographie  dé- 
taillée de  travaux  consacrés  à  cet  écrivain).  —  Pierre 
Chmielowski,  Joseph-Ignace  Kraszewski^  esquisse  his- 
torico-litté7'aire  (en  polon.);  Cracovie,  18SS.—  Bulletin  vo- 
lonais,  1886,  n»*  29,  30  et  31  ;  1887,  n»  33. 

KRATIÉ.  Ville  du  Cambodge,  sur  la  rive  gauche  du 
Mékong.  Elle  est  le  siège  d'un  résident  français  et  compte 
environ  1,000  hab.  Kratié  est  depuis  1884  chef-lieu  de 
province.  La  province  de  Kratié  faisait  partie  auparavant 
du  gouvernement  de  Thbaung-Khmum  ;  elle  comprend  deux 
arrondissements,  Kratié  et  Sambor,  qui  s'étendent  sur  les 
deux  rives  du  Mékong.  Les  bords  du  fleuve  sont  fertiles  et 
très  peuplés  ;  l'intérieur  est  couvert  de  forêts.  Le  pays  est 
riche  en  kaolin. 

KRATZENSTEIN  (  Christian-Gottlieb),  physicien  et  mé- 
decin allemand,  né  à  Wernigerode  (Saxe  prussienne)  le 
30  janv.  il'ïd,  mort  à  Copenhague  le  6  juil.  1793.  Il  fit 
ses  études  à  Halle,  où  il  exerça  la  médecine  et  où  il  ensei- 
gna la  physique,  passa  ensuite  cinq  années  en  Russie 
(1748-33)  et  fut  de  1754  à  1773  professeur  de  médecine 
à  l'université  de  Copenhague.  En  1774,  Christian  VII  le 
nomma  conseiller  de  justice.  On  doit  à  Kratzensteia,  entre 
autres  travaux  remarquables,  une  théorie  de  l'élévation 
des  vapeurs,  une  étude  du  mouvement  des  corps  projetés, 
d'excellentes  dissertations  sur  l'emploi  de  l'électricité  en 
médecine,  enfin  la  construction  d'une  machine  parlante, 
sorte  d'automate  qui  prononçait  les  cinq  voyelles  {Journal 
de  Physique,  XXI,  1782).  Membre  des  académies  de  Saint- 
Pétersbourg,  de  Copenhague,  Léopoldine,  il  a  fait  paraître 
dans  les  recueils  de  ces  sociétés  de  nombreux  mémoires 
de  médecine,  de  physique  et  de  mécanique.  Il  a  en  outre 
publié  à  part  une  vingtaine  d'ouvrages  ;  nous  citerons 
seulement  :  Théorie  de  V élévation  des  vapeurs^  en  franc, 
et  en  allem.  (Rordeaux,  1745,  in-4;  2^  éd.,  Halle,  1747, 
in-8)  ;  Abhandlung  vom  Nutzen  der  Elektricitœt  in 
der  Arzeneiwissenschaft  (Halle,  1745,  in-8;  3^  éd., 
1772);  Theoria  electricitatis  (Halle,  1746,  in-8)  ;  Vor- 
lesungen  ilber  die  Experimentalphysik  (Copenhague, 
1758,  in-8  ;  6^  éd.,  1787)  ;  l'Ai^t  de  naviguer  dans  l'air 
(Copenhague  et  Leipzig,  1784,  in-8).  L.  S. 

BiBL.  :  J.-S.  Bailly,  Hist.  de  l'Astron.  mod.  ;  Paris, 
1785,  t.  m,  p.  132.  —  Nova  acta  Acad.  scient.  Petro- 
pclitanœ,  1802,  t.  XIII.  —  P.-L.  Panum,  Bidrag  til  Kund- 
shah  om  vort  Medicinsk  Fakultets  Historié  ;  Copenliague, 
1880,  pp.  72-102.  —  V.  en  outre,  pour  la  liste  de  ses  écrits, 
PoGGENDORFF,  Blogr.  Liter,  Handwœrterbuch;  Leipzig, 
1863,  t.  I. 

KRATZENSTEIN-Stub  (Kristian-Gottlieb),  peintre  da- 
nois, né  à  Copenhague  en  1783,  mort  en  1816.  Elève  de 
Abilgârd,  il  se  rendit,  ses  études  achevées,  en  Italie,  et 
peu  après  son  retour  fut  nommé  membre  de  l'Académie 
des  beaux-arts  de  Copenhague.  Il  a  peint  surtout  des  sujets 
tirés  de  la  mythologie  du  Nord,  principalement  d'Ossian  : 
Hother  entrant  dans  la  grotte  des  Valkyries  ;  Ossian 
écoutant  Malvina  jouer  de  la  harpe. 

KRAUCHMAR.  Ville  du  Cambodge,  rég.  du  Mékong,  à 
105  kil.  N.-E.  de  Pnom-penh,  ch.-l.  d'une  province  créée 
en  1884. 

KRAUS  (Wilhelm),  peintre  de  marines  allemand,  né  à 
Dessau  le  27  févr.  1803,  mort  à  Berlin  le  8  janv.  1864.  Il 
fut  d'abord  cinq  ans  chanteur  à  Berlin,  puisse  donna  tout 
à  la  peinture  et  fut  le  premier  boa  peintre  prussien  de 
marines  ;  ses  œuvres  manquent  d'accent  et  de  métier  ;  on 
en  voit  trois  au  musée  de  Berlin  {Tempête,  Côte  de  Pomé- 
ranie^  Cote  d'Ecosse  un  jour  de  tempête). 

KRAUS  (Franz-Xaver),  archéologue  allemand,  né  à 
Trêves  le  18  sept.  1840.  Il  fit  ses  études  à  Paris  où  il  se  lia 


avec  Lacordaire  et  Montalembert,  devint  professeur  à  l'uni- 
versité de  Strasbourg  (1872),  puis  à  celle  de  Fribourg 
(1878).  H  a  publié  :  Die  Blutampullen  der  rœmischen 
Katakomben  (Francfort,  1868;  nouveau  mémoire  en 
1872);  Beitrœge  zur  Trierer  Archœologie  und  Ge- 
schichte  {Trêves,  1868);  Kunst  undAltertum  inElsass. 
Lothrhigen  (Strasbourg,  1876-87,  3  vol.,  publication  offi- 
cielle) ;  Synchronistische  Tabellen  zur  christlichen 
Kunstgeschichte  ^Fribourg,  1880);  Realencyklopœdie 
der  christlichen  Altertilmer  (1882-86,  2  vol.). 

KRAUSE  (Karl-Christian-Friedrich),  'philosophe  alle- 
mand, né  à  Eisenberg  (Saxe-Altenbourg)  le  4  mai  1781, 
mort  à  Munich  le  27  sept.  1832.  Fils  d'un  pasteur.  H  était 
doué  d'une  vive  intelligence  et  de  rares  dispositions  mu- 
sicales, mais  il  avait  une  faible  santé  et  était  sujet  à  des 
crises  d'épilepsie.  Ses  premières  études  eurent  lieu  à  Eisen- 
berg et  à  Altenbourg;  en  1797,  il  partit  pour  léna  où  il 
entendit  Hegel  et  Fichte.  Il  laissa  voir  dès  ce  moment  l'in- 
souciance de  l'existence  matérielle  qui  devait  faire  le  mal- 
heur de  sa  vie.  En  1802,  il  se  maria  malgré  ses  parents 
avec  une  jeune  fille  pauvre  d'Eisenberg.  Il  eut  d'elle  qua- 
torze enfants.  Privat-docent  la  même  année,  il  fit  avec 
succès  des  cours  de  mathématiques,  logique,  droit,  histoire 
naturelle,  etc.  Mais  en  1804  léna  perdit  son  éclat,  les  étu- 
diants partirent,  et  Krause,    atteint  d'une  extinction  de 
voix,  dut  aller  à  Rudolstadt,  puis  à  Dresde,  donner  des 
leçons  de  musique.  Il  rêvait  d'une  société  universelle  et 
pensait  que  Napoléon  allait  la  réaliser.  Déçu  de  ce  côté,  il 
s'adressa  aux  francs-maçons,  mais  leurs  cérémonies  lui  dé- 
plurent, et  il  publia  un  hvre  indiscret  qui  devait  lui  attirer 
leur  haine  et  leurs  persécutions.  Il  se  livrait  en  même 
temps  à  des  expériences  de  magnétisme  qui  ruinèrent  com- 
plètement sa  santé.  En  1823,  il  alla  à  Berlin,  se  fit  encore 
recevoir  privat-docent,  mais  ne  put  succéder  à  Fichte 
comme  il  l'avait  espéré.  Il  alla  ensuite  à  Dresde,  où  il  étu- 
dia les  langues  orientales,  le  sanscrit,  le  persan,  et  fit  des 
projets  de  pasilaHe,  de  pasigraphie.  En  1817,  il  fit  un 
voyage  à  Naples  et  à  Paris.  A  son   retour,  il  trouva  sa 
famille  dans  la  plus  noire  misère,  dont  il  ne  réussit  pas  à 
la  tirer  par  un  travail  acharné  :  il  donnait  cinq  heures  de 
leçons  par  jour  et  travaillait  à  son  System  der  Wissen- 
schaften.  En  1823,  il  se  transporta  à  Gœttingue,  où  il 
trouva  un  mauvais  accueil  et  tomba  malade.  Il  commençait 
à  trouver  quelques  leçons  lorsque  eurent  lieu  des  troubles  où 
ses  élèves  furent  emprisonnés.  En  1830,  sa  belle-mère  lui 
légua  une  somme  d'argent  :  on  l'accusa  de  se  faire  payer  par 
le  comité  révolutionnaire  de  Paris  et  on  l'expulsaavec  un  don 
de  200  thalers.  Il  se  réfugia  à  Munich  où  il  se  présenta  à 
Funiversité.  Mais  la  police  donna  sur  lui  de  mauvais  ren- 
seignements, et  Schelling  lui  trouva  trop  mauvaise  répu- 
tation pour  faire  de  lui  son  collègue.  Pourtant  le  profes- 
seur Franz  de  Baader  avait  réussi  à  le  faire  recevoir, 
lorsqu'il  mourut  d'apoplexie.  Il  avait  un  caractère  désinté- 
ressé, afi'ectueux  et  fidèle,  et  ceux  de  ses  disciples  qui  le 
connurent  eurent  pour  lui  une  vive  admiration. 

Le  système  de  Krause  est  une  conciliation  entre  la  doc- 
trine «  subjective  »  de  Fichte  et  la  doctrine  «  objective  » 
de  Schelling,  dominée  et  transformée  par  une  conception 
chrétienne.  Krause  part  delà  conscience,  où  il  trouve  une 
intuition  immédiate  de  Dieu.  Par  lui  {an  sich)  Dieu  est 
pur  de  toute  opposition,  est  identité  pure.  En  lui  {in  sich) 
il  contient  toutes  les  oppositions  et  d'abord  l'opposition  fon- 
damentale, celle  de  la  nature  et  de  la  raison.  Dieu  est  hors 
du  monde  :  car  il  est  l'indéterminé,  et  le  monde  est  déter- 
miné. H  est  aussi  dans  le  monde  :  s'il  n'en  était  ainsi  Dieu 
ne  serait  pas  tout  l'Etre.  Aussi  à  ses  attributs  panthéis- 
liques  faut-il  ajouter  des  attributs  moraux.  Ce  n'est  pas  un 
déisme,  ni  un  panthéisme  pur,  c'est  un  panenthéisme, 
L'Etre  doit  être  conçu  d'après  la  conscience,  qui  est  un 
tout  organique.  L'organisme  où  se  réalise  Dieu  est  le 
monde,  qui  est  Dieu  même  développé  dans  le  temps  et  dans 
l'espace.  L'aspect  extérieur  du  monde  est  un  mécanisme  : 
mais  la  réalité  profonde  en  est  dynamique.  Chaque  partie 


de  l'univers,  suivant  Texpression  de  Leibniz,  symbolise 
avec  le  tout.  La  partie  de  toutes  la  plus  complète,  la  plus 
parfaite,  est  l'individu  humain,  en  qui  s'unissent  la  nature 
et  la  raison.  Le  but  de  l'individu  est  d'imiter  la  vie  divine, 
de  vivre  le  plus  possible  en  Dieu.  La  vie  de  l'univers  en- 
tier se  résume  et  s'achève  en  lui  :  il  la  transforme  à  son 
tour  par  sa  liberté.  Mais  l'individu  ne  peut  être  considéré 
isolément.  S'il  est  en  lui-même  un  tout,  à  un  autre  point 
de  vue,  il  est  une  partie  d'organismes  de  plus  en  plus 
compréhensifs  :  l'amitié,  la  famille,  la  tribu,  le  peuple. 
la  race,  l'humanité.  L'humanité  est  un  «  royaume  des  es- 
prits »  où  la  raison  se  distribue  d'une  façon  organique. 
Les  âmes  qui  la  composent  sont  éternelles,  en  nombre  tou- 
jours égal,  et  réalisent  Dieu  à  travers  une  succession  d'exis- 
tences. Dieu  est  le  bien  total,  que  l'homme  doit  réaliser 
pour  sa  part.  La  détermination  de  ce  bien  humain  est  l'ob- 
jet de  la  partie  la  plus  importante  du  système  de  Krause, 
de  sa  philosophie  pratique. 

Cette  philosophie  comprend  la  théorie  de  la  religion,  la 
théorie  des  mœurs  et  la  théorie  du  droit.  La  théorie  du 
droit  de  Krause  est  originale.  Il  ne  faut  pas,  à  l'exemple 
de  Kantetde  Fichte,  considérer  le  droit  comme  l'ensemble 
des  conditions  de  la  liberté  extérieure,  mais  de  la  liberté 
totale  :  le  droit  embrasse  toute  l'existence  humaine  dans 
son  effort  vers  la  vie  divine.  Chacun  des  organismes  de 
plus  en  plus  étendus  qui  vont  de  l'mdividu  à  l'humanité  a 
le  sien.  Ces  systèmes  de  droit  se  subordonnent  au  droit 
humain,  qui  les  embrasse  tous.  Le  droit  n'a  do  sens  qu'en  vue 
du  progrès.  Ce  but  rend  légitimes  certaines  formes  du  droit 
qui  semblent  tyranniques,  comme  le  droit  pénal.  C'est  une 
protection,  une  tutelle  provisoire.  Pour  la  même  raison,  il 
faut  écarter  comme  inique  la  peine  de  mort.  La  théorie  de 
la  morale  et  celle  de  la  religion  sont  éclairées  par  la  phi- 
losophie de  l'histoire.  Krause  la  conçoit  d'une  façon  qui  fait 
plus  d'une  fois  penser  au  positivisme.  L'être  vivant  se  dé- 
veloppe suivant  deux  lois,  l'une  ascendante,  l'autre  descen- 
dante. Chacune  de  ces  deux  lois  se  réalise  en  trois  moments 
successifs  :  le  moment  du  germe^  celui  de  la  croissance, 
celui  de  la  maturité.  Le  premier  âge  de  l'humanité  con- 
tient le  germe  de  la  morale  et  de  la  religion  :  l'homme  y 
est  uni  à  Dieu  par  une  sorte  d'instinct  confus,  d'affinité 
magnétique.  L'âge  de  la  croissance  comprend  trois  subdi- 
visions :  le  polythéisme,  avec  l'esclavage  et  la  tyrannie,  le 
moyen  âge  monothéiste  et  fanatique;  enfin  l'âge  de  la  déli- 
vrance, de  la  tolérance,  de  la  civilisation.  Cet  âge  est  pré- 
paré par  la  science  de  l'être,  dont  les  promoteurs  sont, 
suivant  Krause  :  Kant,  Spinoza  et  Krause.  La  société  idéale 
comprendra  non  seulement  l'humanité  terrestre,  mais 
l'humanité  stellaire.  A  son  tour,  l'humanité  connaîtra  la 
vieillesse,  la  décrépitude  et  la  mort. 

Ce  système,  mélange  assez  singulier  de  science  et  de 
fantaisie,  d'intuitions  vives  et  de  spéculations  systéma- 
tiques fit  à  Krause  un  certain  nombre  de  disciples,  qui 
se  répandirent  en  Allemagne  et  en  Belgique  et  dont  les 
principaux  se  firent  les  éditeurs  de  ses  œuvres  posthumes, 
Leonhardi,  Ahrens,  Tiberghien,  Lindemann,  etc.  Mal- 
heureusement, tous  ces  ouvrages  sont  écrits  dans  une 
langue  impossible. 

Les  principales  œ.uvres  de  Krause  sont  :  Grundlage  des 
Naturrechts  (léna,  4803);  Grundriss  der  historicher 
Logik  (1803);  Grundl.  eines  philosophischen  Systems 
der  Mathematik  (1804);  Entivurf  des  Systems  der 
Philosophie  (1804);  System  der  Sittenlehre  (Leipzig, 
1804);  Das  Vi^hild  der  Menschheit  vormglich  Frei- 
mauern  gewidmet  (Dresde,  1811);  Abriss  des  Sijs- 
tems  der  Philosophie  (G(Bitin§,uG,  1825);  Abriss  des 
Systems  der  Logik  (1828)  ;  Abr,  des  Systems  der  Rechts- 
philosophie  (1 828)  ;  Vorlestmgen  ûher  das  System  der 
Philosophie  (1828);  Vorlesùngeji  ûber  die  Grund- 
ivahrheilen  der  Wissenschaft  (Î829).  Ses  œuvres  pos- 
thumes comprennent  :  Die  absolute  Religions  philosophie 
(1834-36);  Die  Lehre  vom  Erkennen  und  von  der 
Erkenntniss  {i^W)  ;  Abriss  der  .Esthetik  (1837)  ;  An- 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —    XXL 


—  641  -  KRAUSE  -  KRAUSS 

fangsgrûnde  der  Théorie  der  Musik  (1838)  ;  Die  reine 
oder  allg.  Lebenslehre  und  Philosophie  der  Geschichte 
(1813);  Vorlesungen  ûber  psychische  Anthropologie 
(1848);  Vorlesungen  ûber Msthetik  (iSSi)  ;  Die  dres- 
dener  Bildergallerie  (i  883) .  Cr amaussel. 

BiBL.  :  Lindemann,  Uebersiahtliche  Darstellung  des 
Lebens  und  Wissensch.  lehre  Krause  ;  Munich,  1839.  — 
Procksch,  Krause,  ein  Lebensbild  nach  seinen  Briefen, 
1880.  —  IIoHLFELD,  Die  Krausesche  Philos,  in  ihrem 
geschitlichen  Ziisammenhange,  1879.—  Eucken,  Zur  Erin- 
nerung  an  Krause,  1881.  —■  B.  Martin,  Krause' Leben  und 
Bedeutung^  1881.—-  Les  histoires  de  Erdmann  et  deZELLER. 

KRAUSS  (Philippe),  administrateur  autrichien,  né  à 
Lwéw  (Léopol)  en  1792,  mort  en  1861.  11  entra  en  1842 
au  département  des  finances,  fut  vice-président  du  gouver- 
nement de  Galicie  et  de  1848  à  1851  ministre  des  finances. 
En  1860,  il  devint  président  du  contrôle  de  l'empire  et 
vice-président  de  la  Chambre  des  seigneurs.  —  Son  frère, 
Charles,  né  en  1789,  mort  en  1881,  entra  en  i809  au 
département  de  la  justice  et  fut  de  4851  à  1857  ministre 
de  la  justice.  Il  devint  ensuite  président  de  la  cour  de  cas- 
sation et  membre  de  la  Chambre  des  seigneurs. 

KRAUSS  (Marie-Gabrielle),  cantatrice  dramatique  au- 
trichienne, née  à  Vienne  le  23  mars  4  842.  Fille  d'un  em- 
ployé ministériel,  elle  entra  au  Conservatoire  de  Vienne  en 
1853,  à  peine  âgée  de  onze  ans,  y  fit  de  brillantes  études 
de  piano  et  d'harmonie,  puis  devint,  pour  le  chant,  élève  de 
M°^^  Marchesi.  Engagée  à  l'Opéra  impérial,  elle  débuta  de 
la  façon  la  plus  heureuse,  le  20  juil.  1860,  dans  Guil- 
laume TelL  Fort  bien  accueillie  du  public,  elle  demeura 
cinq  ans  à  ce  théâtre,  voyant  ses  succès  grandir  chaque 
jour,  grâce  à  son  talent,  à  son  intelligence  et  à  son  acti- 
vité, activité  dont  son  répertoire  peut  suffire  à  donner 
l'idée.  Au  cours  de  sa  première  année,  en  effet,  elle  se 
montra  dans  le  Prophète,  Robert  le  Diable,  la  Flûte  en- 
chantée,  Une  Nuit  à  Grenade,  le  Freischûtz,  Tann- 
hœuser.  Don  Juan  et  Lohengrin  ;  puis,  à  mesure  que 
son  talent  prenait  de  la  consistance,  elle  variait  et  multi- 
pliait ce  répertoire  en  se  produisant  dans  des  ouvrages 
des  genres  les  plus  opposés  :  les  Huguenots,  le  Vaisseau 
fantôme^  la  Dame  blanche.,  Il  Trovatore,  Cosifan  lutte, 
Fidelio,  Lalla-Roukh,  Relisario,  Euryanthe,  Ernani, 
la  Croisade  des  Dames.,  Gustave  III,  Lucrezia  Borgia, 
les  Noces  de  Figaro,  Zampa,  Maria  di  Rohan,  etc. 

En  1866,  M^^^  Krauss  accepta  un  engagement  pour  le 
Théâtre-Italien  de  Paris,  où  elle  vint  débuter,  le  6  avril, 
dans  11  Trovatore,  après  quoi  elle  joua  Lucrezia  Borgia. 
Le  pubHc  sembla  ne  pas  la  comprendre  complètement  tout 
d'abord,  mais  la  critique  lui  rendit  justice,  et  dès  l'année 
suivante  elle  obtint  de  très  grands  succès  dans  Lucia  di 
Lammermoor,  Norma,  PoliiUo,  Otello,  Semiramide,  Il 
Templario,  Un  Ballo  in  maschera.  Don  Giovanni, 
Rigoletto,  oii  son  grand  style,  son  habileté  dans  l'art  du 
chant  et  ses  incomparables  facultés  dramatiques  lui  va- 
lurent de  bruyants  applaudissements.  Son  admirable  in- 
terprétation du  Fidelio  de  Beethoven  mit  le  comble  à 
l'enthousiasme  des  spectateurs,  qu'elle  avait  charmés  en 
créant  un  opéra  nouveau  de  M"^^  de  Grandval,  Piccolino. 
En  1872,  M^^^  Krauss  abordait,  toujours  avec  succès,  la 
scène  du  théâtre  San  Carlo  de  Naples,puis  allait  faire  une 
saison  à  la  Scala  de  Milan  ;  en  1873,  elle  revenait  à  notre 
Théâtre-Itahen,  et  en  1874  elle  allait  jouer  à  Naples 
Aida.  Pendant  son  séjour  en  Italie,  elle  créa  plusieurs 
ouvrages  nouveaux,  Ma?ifredo,  de  Petrella,  Fosca,  de 
M.  Carlos  Gomes,  et  Bianca  Orsini,  du  même  Petrella. 
Enfin,  sur  de  vives  instances,  elle  se  décidait  à  aborder  la 
carrière  française  et  à  signer  un  engagement  avec  la  di- 
rection de  l'Opéra.  Mais,  avant  de  paraître  sur  ce  théâtre, 
elle  alla  faire  une  saison  au  Théâtre-Italien  de  Saint-Pé- 
tersbourg, oti  elle  fut  fêtée  et  acclamée  comme  elle  le 
méritait. 

Une  carrière  nouvelle  s'ouvrait  pour  M^^*'  Krauss,  qui 
allait  mettre  le  comble  à  sa  renommée.  Après  avoir  paru 
dans  le  spectacle  d'inauguration  de  la  nouvelle  salle  de 

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KRAUSS  —  KREÎG  -  64^  — 

l'Opéra,  le  5  janv.  1875,  elle  fit  son  véritable  début,  le 
8  du  même  mois,  dans  le  rôle  de  Rachel  de  la  Juive. 
Elle  joua  ensuite  les  Huguenots,  Bon  Juan,  Robert  le 
Diable^  et  plus  tard  le  Freiscliûtz^  r Africaine,  Faust, 
Sapho,  Rigoletto.  Tout  en  prenant  ainsi  position  dans 
le  répertoire,  elle  n'hésita  pas  à  se  charger  de  rôles  nou- 
veaux, et  il  semblait  que  chacune  de  ses  créations  vît 
s'agrandir  encore  un  talent  déjà  magistral,  aussi  bien  que 
Taffection  et  l'enthousiasme  du  public  à  son  égard.  Sans 
parler  de  Jeanne  d'Arc,  ouvrage  plus  que  médiocre  auquel 
elle  sut  donner  une  apparence  de  vie,  elle  se  montra  admi- 
rable, parfois  sublime  par  sa  puissance  pathétique  et  la 
grandeur  pleine  de  noblesse  de  ses  accents  dans  Polyeucte, 
Aida,  le  Tribut  de  Zamora,  Henri  VIII,  Patrie.  C'est 
que  chez  M^^^Krauss  le  style  est  pur  jusqu'à  la  perfection, 
le  phrasé  est  superbe,  et  la  diction  musicale,  surtout  dans 
le  récitatif,  attenit  les  dernières  limites  de  la  grandeur  et 
la  beauté.  Si  Ton  joint  à  ces  qualités  purement  musicales 
la  flamme  puissante  qui  anime  les  accents  de  la  cantatrice, 
le  sentiment  étonnamment  dramatique  et  l'expression  pas- 
sionnée qu'elle  déploie  en  toute  occasion,  enfin  sa  grande 
intelligence  scénique  et  l'incontestable  puissance  de  son 
jeu,  on  se  rendra  compte  de  l'action  exercée  sur  le  public 
par  une  telle  artiste,  et  l'on  aura  la  raison  des  succès  qui 
ont  marqué  sa  carrière.  M^^^  Krauss  est,  sans  contredit, 
l'une  des  plus  grandes  cantatrices  dont  la  scène  lyrique 
puisse  se  glorifier.  Cette  artiste  admirable  a  quitté  l'Opéra 
en  1888  et  s'est  retirée  définitivement.    Arthur  Pougin. 

KRAUT  (Wilhelm-Theodor),  juriste  allemand,  né  à  Lu- 
nebourgle  15  mars  1800,  mort  le  1^^  janv.  1873,  Elève 
d'Hugo,  Savigny  et  Eichhorn,  il  professa  à  Tuniversité  de 
Gœttingue  à  partir  de  182"2.  C'est  un  des  maîtres  du  droit 
germanique.  Il  a  publié  :  Grundriss  zu  Vorlesungen  ilber 
das  deutsche  Privatrecht  (Gœttingue,  1830  ;  6^  éd.  par 
Frensdorff;  Berhn,  1886);  Die  Vormundschaft  nach  den 
Grundsœtzen  des  deutschen  Redits  (Gœttingue,  1835- 
59,  3  vol.);  Das  alte  Stadtrecht  vonLûneburg  (1846). 

KRAVANG.  Prov.  du  N.-O.  de  Java  (V.  ce  mot). 

KRAY  DE  Krayof  (Paul,  baron),  officier  autrichien  d'ori- 
gine hongroise,  né  à  Kesmark  (Hongrie)  le  5  févr.  1735, 
mort  à  Pest  le  19  janv.  1804.  Après  avoir  étudié  à  Vienne, 
il  entra  dans  l'armée  en  1754.  En  1778,  il  réprima  une  ré- 
volte des  Valaques  en  Transylvanie.  En  1788,  il  commanda 
un  corps  d'armée  dans  la  guerre  contre  la  Turquie.  Il  servit 
ensuite  dans  les  Pays-Bas,  sur  le  Rhin  et  en  Italie  et  com- 
manda en  second  sous  les  ordres  de  Mêlas  ;  il  se  distingua  à 
Vérone,  à  Legnago,  à  Magnano,  reprit  Mantoue  (1795).  A 
cette  occasion,  l'empereur  lui  accorda  le  domaine  de  Topoly 
en  Hongrie.  L'année  suivante,  il  fut  envoyé  dans  l'Allemagne 
méridionale  et  se  laissa  battre  par  Moreau  à  Engen,  à  Moes- 
kirch,  à  Biberach,  à  Memmingen.  Il  fut  alors  privé  de  son 
commandement  et  se  retira  en  Hongrie. 

KRAYENHOFF  (Corneille-Rodolphe-Théodore,  baron), 
général  hollandais,  né  à  Nimègue  le  2  juin  1758,  mort  à 
Nimègue  le  24  nov.  1840.  Il  était  médecin  à  Amsterdam 
lorsque  éclatèrent  les  troubles  de  1787.  Engagé  dans  le 
parti  français,  il  dut  fuir  son  pays  et  n'y  revint  qu'avec 
DaendelsetPichegru.  En  1795,  il  entra  dans  l'armée  comme 
lieutenant-colonel  du  génie,  délogea,  en  1809,  les  Anglais 
qui  s'étaient  emparés  de  la  Zélande,  et  devint  général, 
ministre  de  la  guerre  et  aide  de  camp  du  roi  Louis.  Il  en- 
couragea ce  prince  dans  ses  velléités  de  résistance  aux 
ordres  de  l'empereur  et  entreprit  de  renforcer  les  défenses 
d'Amsterdam,  afin  de  pouvoir  repousser,  même  par  la 
force,  les  injonctions  du  cabinet  français.  Napoléon  ordonna 
au  roi  de  Hollande  d'arrêter  les  travaux  et  de  reprendre  à 
à  Krayenhoff  le  portefeuille  de  la  guerre.  Krayenhoff,  tombé 
en  disgrâce,  déclina  les  offres  flatteuses  du  tsar  qui  voulait 
l'attacher  à  sa  personne;  en  1813,  il  se  mit  au  service 
du  gouvernement  provisoire  d'Amsterdam,  bloqua  le  gé- 
néral français  Guétard  dans  Naarden  et  organisa  l'armée 
nationale.  Après  la  restauration  de  la  maison  d'Orange,  le 
roi  Guillaume  nomma  Krayenhoff  lieutenant  général,  grand- 


croix  de  l'ordre  militaire  de  Guillaume,  et  lui  conféra  le 
titre  de  baron.  Les  dernières  années  de  Krayenhoff  furent 
pénibles  ;  traduit  devant  la  haute  cour  militaire,  du  chef 
de  concussion,  il  fut  absous,  mais  mis  en  même  temps  à 
la  retraite.  Il  consacra  ses  loisirs  à  la  rédaction  de  travaux 
d'histoire  militaire  très  remarquables.  Ses  principaux  ou- 
vrages sont  :  Précis  des  opérations  géodésiques  et  as- 
tronomiques faites  en  Hollande  (La  Haye,  1827,  in-4); 
Carte  topogra'phique  du  royaume  des  Pays-Bas  {id. , 
1829,  10  f.  in-pl.)  ;  Etudes  sur  les  événements  de 
i808-î809  (en  lioll.,  Nimègue,  1838,  in-8);  Etudes 
sur  les  guerres  de  la  Néerlande  depuis  1199  (zc^.,  1839, 
2  vol.  in-8).  E.  Hubert. 

BiBL.  :  Tydeman,  Biographie  du  lieutenant  général  ba- 
ron Krayenhoff  (en  holL);  Nimègue,  1844,  in-8. 

KREBS  (Karl-August),  musicien  allemand,  né  à  Nurem- 
berg le  16  janv.  1804,  mort  à  Dresde  le  16  mai  1880. 
Fils  de  Charlotte  Miedcke,  il  fut,  après  la  mort  prématurée 
de  sa  mère,  adopté  par  le  chanteur  J.-B.  Krebs,  dont  il 
porta  dorénavant  le  nom.  Enfant  prodige,  il  composa  à 
sept  ans  un  opéra,  Teodore,  paroles  de  Kotzebue  (1811). 
Chef  d'orchestre  en  troisième  à  l'opéra  de  Vienne,  puis  à 
Hambourg  (1827),  il  fit  jouer  en  1830  un  opéra,  Silva. 
Il  fi^t  paraître  aussi  des  lieder  qui  eurent  un  vif  succès.  En 
1850,  il  devint  chef  d'orchestre  de  la  cour  à  Dresde.  — 
Sa  seconde  femme,  Aloyse,  née  Michalesi^  fut  une  canta- 
trice renommée  (mezzo-'soprano)  à  Londres  et  Dresde.  Leur 
fille  Mary  Krebs,  née  à  Dresde  en  1851,  eut  de  grands 
succès  comme  pianiste. 

KREBS  (Arthur-Constantin),  officier  français,  né  le 
16  nov.  1850.  Entré  dans  l'armée  en  1870,  capitaine 
en  1880,  major  du  régiment  des  sapeurs-pompiers  de  Paris, 
chef  de  bataillon  en  1890.  H  est  connu  comme  collabora- 
teur principal  du  commandant  Renard  (V.  ce  nom)  à  Técole 
d'aérostation  de  Chalais  et  par  l'invention  d'un  bateau 
électrique  sous-marin  dont  la  description  a  été  lue  à  l'Aca- 
démie des  sciences  le  26  mars  1888. 

KREHL  (Rudolf),  orientaliste  allemand,  né  à  Mersien 
le  29  juin  1825.  H  étudia  à  Paris  et  Saint-Pétersbourg,  de- 
vint secrétaire  (1852)  de  la  bibliothèque  de  Dresde,  pro- 
fesseur (1861),  puis  bibliothécaire  en  chef  (1869)  de  l'uni- 
versité de  Leipzig.  Il  a  écrit  :  De  Numis  muhamedanis 
(du  musée  de  Dresde  ;  Leipzig,  1856)  ;  Die  Religion  der 
V07islamischen  Araber  (1863);  Beitrœge  zur  Charakie- 
ristik  der  Lehre  vom  Glauben  im  Islam  (1877);  Das 
Leben  und  die  Lehre  des  Muhammed  (1884, 1. 1),  édité 
et  traduit  :  Analectes  sur  rhist.  et  la  litt.  des  Arabes 
d'Espagne  par  Al-Makkari  (Leyde,  1855,  2  vol.);  Re- 
cueil  des  traditions  musulmanespar  El-Bokhari (Leyde, 
1862-72,2  vol.),  etc. 

KREIG  (Jean-Ernest),  général  français,  né  à  Lahr  (Bris- 
gau)  en  1730,  mort  à  Bar-sur-Ornain  en  1803.  Issu  d'une 
famille  de  protestants  français  réfugiés  en  Allemagne,  il 
vint  prendre  du  service  en  France  à  l'âge  do  seize  ans  et 
fit  ses  premières  armes  sous  le  maréchal  de  Saxe.  Pendant 
la  guerre  de  Sept  ans,  il  se  distingua  en  plusieurs  ren- 
contres, à  Rosbach  où  il  fut  fait  capitaine  (1757),  à  Min- 
den  où  il  gagna  les  épaulettes  de  major  (1759),  enfin  à 
Glostercamp  où  il  tomba  grièvement  blessé  aux  mains  de 
l'ennemi.  Le  grand  Frédéric,  à  la  générosité  duquel  il  dut 
la  vie,  lui  offrit  alors  de  prendre  du  service  dans  ses  ar- 
mées. Kreig  refusa,  préférant  rentrer  en  France.  Malheu- 
reusement, quand  il  y  revint,  l'état  de  sa  santé  ne  lui  per- 
mettait pas  de  reparaître  dans  un  corps  de  troupes.  Il  dut 
rester  plusieurs  années  sans  emploi  et  s'estima  finalement 
fort  heureux  d'être  replacé  dans  les  cadres  comme  simple 
sous-lieutenant.  Pendant  la  guerre  d'Amérique,  il  prit  part 
à  plusieurs  expéditions,  notamment  au  siège  de  Gibraltar 
(1782).  La  Révolution  le  trouva  capitaine  au  régiment  de 
Nassau.  En  août  1792  il  devint  lieutenant-colonel  et  fut 
adjoint  au  général  Wimpffen  qui  commandait  à  Thion ville. 
Là,  durant  le  siège  de  cette  forteresse  par  les  Autrichiens 
et  les  émigrés  (sept.),  il  dirigea  contre  eux  plusieurs  sor- 


ties  heureuses,  qui  lui  valurent  après  la  levée  du  blocus  le 
grade  de  colonel,  puis  le  commandement  de  la  ville.  Quel- 
ques mois  plus  tard,  il  était  nommé  coup  sur  coup  général 
de  brigade,  général  de  division,  commandant  de  la  place 
de  Metz  (1793)o  Mais  les  commissaires  de  la  Convention 
à  l'armée  de  la  Moselle  ayant  eu  des  ditficultés  avec  lui,  il 
fut  destitué  (27  sept.  1793),  arrêté,  transféré  à  Paris 
où  il  resta  quinze  mois  en  prison.  Rendu  à  la  liberté  il  alla 
servir  en  Vendée  {1795-96),  jusqu'au  moment  oti  le  Direc- 
toire l'appela  à  Paris  pour  commander  la  division  militaire 
(1797).  Après  avoir  occupé  ce  poste  un  an  et  demi,  il  quitta 
le  service  actif  et  se  retira  à  Bar-sur-Ornain  où  il  possé- 
dait une  propriété  (1798).  On  a  de  lui  un  mémoire  justifi- 
catif publié  à  l'époque  de  son  emprisonnement  :  Jean- 
Ernest  Kreig^  général  commandant  à  Metz,.,  aux 
véritables  républicains...  (Paris,  s.  d.,  in-8).     Ch.  G. 

KREIL  (Karl),  astronome  et  météorologiste  autrichien, 
né  à  Ried  (Haute- Autriche)  le  4  nov.  1798,  mort  à  Vienne 
le  21  déc.  1862.  Il  étudia  le  droit  d'abord,  l'astronomie 
ensuite,  et  fut  aide-astronome  à  l'observatoire  de  Vienne 
(1826-30),  élève-astronome  à  celui  de  Milan  (1830-38), 
astronome  adjoint  (1838-45),  puis  directeur  (1845-51)  de 
celui  de  Prague,  directeur  du  bureau  central  météorolo- 
gique et  magnétique  de  Vienne,  créé  par  lui  (1851).  Il  a 
rendu  de  grands  services  à  la  météorologie.  Mais  il  s'est 
surtout  appliqué  à  l'étude  du  magnétisme  terrestre  et  il  en 
a  fait  l'objet  d'une  longue  et  intéressante  série  d'observa- 
tions, commencées  à  Milan  et  poursuivies  à  Prague  et  à 
Vienne.  Il  les  a  consignées  dans  les  Ejfémeridi  astrono- 
miche  (Milan,  1839,  2  vol.),  dans  les  Magnet.  und 
Meleorol.  Beobbachtungen  (Prague,  1839-50,  11  vol.) 
et  dans  iQjahrbuch  du  bureau  central  (Vienne,  1854-61, 
8  vol.).  On  lui  doit  aussi  des  travaux  sur  les  comètes  et 
sur  l'influence  lunaire.  Outre  les  observations  ci-dessus 
mentionnées  et  de  nombreux  mémoires  parus  dans  les 
Annalen  de  Poggendorff  et  dans  les  recueils  de  l'Aca- 
démie des  sciences  de  Vienne,  dont  il  était  membre,  il  a 
publié  :  Cenni  storici  e  teoretici  suite  Comète  (Milan, 
1832)  ;  Ueber  die  Natur  und  Bewegung  der  Kometen 
(Prague,  1843)  ;  Magnet.  und  geogr.  Ortsbestimmim- 
gen  in  Bœhmen  (Prague,  1846)  ;  Magnet.  und  geogr. 
Ortsbestimm.  im  œsterr.  Kaiserstaate  (Vienne,  1846-51 , 
5  vol.),  etc.  L.  S. 

KRElTTSRMAYR{Wigulaîus-Xaver-Aloys,  baron  de),  ju- 
riste bavarois,  néà  Munich  le  14  déc.  1705,  mort  le  27  oct. 
1790.  Fonctionnaire  et  magistrat  bavarois,  il  fut  de  1749 
à  sa  mort  vice-chancelier  et  ministre.  Il  a  codifié  les  lois  ba- 
varoises :  code  criminel  (1751),  code  de  procédure  (1753), 
code  civil  (1756),  avec  dos  commentaires  (1752-68),  sui- 
vis de  Grundriss  des  aligemeinen  deutschen  und  bay- 
rischen  Staatsrechts  (1770,  3  vol.), 

KREJGI  (Jean),  géologue  tchèque,  né  à  Klatovy  en 
1825.  Il  fit  ses  études  à  Prague  et  fut  attaché  en  1849 
au  musée  de  Prague  comme  conservateur  adjoint  des 
collections  minéralogiques.  Il  est  devenu  professeur  à  l'Ecole 
polytechnique  de  Prague  et  a  été  député  à  la  Diète  de  Bo- 
hême. Il  a  été  avec  Jean  Purkyné  l'un  des  rédacteurs  du 
journal  scientifique  Ziva  et  a  collaboré  à  un  grand  nombre 
de  recueils.  Outre  des  ouvrages  allemands  publiés  avec  la  col- 
laboration de  Wcnzig,  Die  Umgebunge7i  Prags  (1857), 
Der  Bœhmerwald  (1859),  il  a  donné  en  langue  tchèque 
un  grand  nombre  d'ouvrages  relatifs  à  la  botanique  et  à  la 
géologie  en  général  et  à  celle  de  la  Bohême  en  particulier. 

KREK  (Grégoire),  philologue  slave,  d'origine  slovène, 
né  à  Javorije  (Carnioie)  en  1840.  Après  avoir  pris  à  Gratz 
le  titre  de  docteur  en  philosophie,  il  suivit  à  Vienne  le 
cours  de  Miklosich  et  devint  professeur  de  philologie  slave 
à  l'université  de  Prague.  On  lui  doit,  outre  un  certain 
nombre  de  travaux  en  langue  slovène  :  Die  nominale 
Flexion  des  Àdjeetivs  in  Alt  und  Neuslovenischen 
(Vienne,  1866)  ;  Ucbcr  die  Wichtigkeit  der  Slavischen 
traditionellenhiteratur  aïs  Quelle  der  Mythologie  (id.^ 
1869)  ;  Einleitung  in  die  Slavische  Literaturgeschichte 


—  643  —  KREIG  —  KREMEil 

und  Darstellung  ihrer  œlteren  Perioden  (Gratz,  1874). 
En  1888,  M.  Krek  a  donné  une  édition  entièrement  re- 
fondue et  considérablement  augmentée  de  cette  onivre  capi- 
tale. Il  a  collaboré  à  VArchiv  fur  slavische  Philologie, 
et  à  l'ouvrage  intitulé  Die  œsterreichische  ungarische  Mo- 
narchie in  Wort  und  Bild.  L.  L. 

KRELING  (August  von),  peintre  et  sculpteur  allemand, 
né  à  Osnabruckle  23  mai  1819,  mort  à  Munich  le  23  avr. 
1876.  Après  avoir  débuté  par  des  modèles  de  hanaps  et 
de  coupes,  avec  figures  et  arabesques  dans  le  style  vieux 
allemand,  il  se  tourna  vers  la  peinture,  qu'il  étudia  sous 
Cornélius.  Parmi  ses  tableaux  ou  cartons,  on  cite  des 
Scènes  de  Vhistoire  de  Charlemagne  pour  Altona,  le 
Couronnement  de  Louis  de  Bavière  pour  le  Maximilia- 
neum  de  Munich  et  un  cycle  de  compositions  pour  Faust; 
parmi  ses  sculptures,  la  statue  colossale  du  prince  Henri 
Posthumus  de  Reuss  à  Géra,  le  monument  de  Kepler 
à  Weil  (1870),  et  une  belle  fontaine  pour  Cincinnati. 

KREMENETZ  (polonais  Krzemieniec).  Ville  de  Russie, 
ch.-l.  de  district  du  gouv.  de  Volynie,  sur  la  frontière 
de  Galicie,  dans  une  gorge  de  la  vallée  de  l'Ikva  (sous- 
afil.  du  Pripet);  6,000  hab.  Commerce  de  céréales;  orfè- 
vrerie, pianos,  carrosserie.  Au-dessus  de  la  ville  sont  une 
citadelle  et  au  sommet  d'un  rocher  de  grès  les  ruines  d'un 
château.  Fondée  au  viii^  siècle,  Kremenetz  dépendit  du  grand- 
duché  de  Vladimir,  fut  conquise  par  les  Polonais  au  xiv^  siè- 
cle, repoussa  l'attaque  des  Mongols  de  Batou,  mais  fut 
enlevée  et  saccagée  par  les  Cosaques  en  1648.  Son  lycée  po- 
lonais, très  florissant  (1801-32),  fut  transféré  à  Kiev  et  est 
devenu  l'université  de  cette  ville.  —  Le  district  a  5,400  kil.  q. 
de  terres  très  fei^liles 

KRENIENTCHOUG*  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du 
gouv.  de  Poltava,  sur  la  r.  g.  du  Dniepr,  au  confluent  du 
Kagarnlik;  53,928  hab.  Ancienne  forteresse  construite  par 
Beauplan  en  1635;  beau  pont  tabulaire  de  938  m.;  sur 
la  rive  opposée,  faubourg  de  Krioukov.  Malgré  les  inon- 
dations du  Dniepr,  c'est  le  centre  commercial  de  la  Petite- 
Russie,  grâce  à  la  navigation  fluviale  et  au  chem.  de  fer 
de  Kharkov  à  Odessa.  Krementchoug  renferme  de  vastes 
magasins  de  sel,  entrepôts  de  bois,  chantiers  de  construc- 
tion, centralise  les  grains,  les  cuirs,  les  laines,  les  graisses 
des  contrées  environnantes,  fabrique  des  voitures,  des  ma- 
chines agricoles,  scie  les  bois,  tanne  les  cuirs,  prépare  la 
tabac,  etc.  Fondée  en  1571,  elle  fut  de  1765  à  1789  le 
ch.-l.  de  la  Nouvelle-Russie.  —  Le  district  a  3,900  kil.  q. 
dont  près  de  moitié  en  terres  labourées. 

KREMENTZ  (Philipp),  archevêque  de  Cologne,  né  à  Co- 
blentz  le  1^^  déc.  1819.  H  reçut  les  ordres  en  1849,  se  fit 
une  réputation  de  prédicateur  à  Coblentz,  devint  évêque 
d'Ermeland  (1867),  fit  partie  de  la  minorité  opposante  au 
concile  du  Vatican,  se  soumit  et  excommunia  ceux  de  ses 
prêtres  qui  résistaient.  Il  s'ensuivit  un  conflit  avec  l'Etat 
prussien  qui  supprima  son  temporel.  Il  évita  toutefois  la 
rupture  complète  et  la  déposition,  et  dut  à  sa  modération 
relative  d'être  agréé  comme  archevêque  de  Cologne  (1885). 
Il  a  écrit  plusieurs  ouvrages  d'apologétique  chrétienne. 

KREMER  (Gerhard)  (V.  Mergator). 

KREMER  (Joseph),  philosophe  polonais,  né  à  Cracovie 
en  1806,  mort  à  Cracovie  le  2  juin  1875.  Il  fit  ses  études 
à  Cracovie  et  les  compléta  en  Allemagne  et  à  Paris.  Il  di- 
rigea un  pensionnat  à  Cracovie  et  devint  professeur  à  l'uni- 
versité Jaoellonne.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Exposé 
systématique  de  la  philosophie  (CvâcoVie,  1849)  ;  Lettres 
de  Cracovie  (Cracovie,  1845,  5  vol.  ;  2«  éd.,  Vilna,  1871), 
traité  d'esthétique  appliquée  ;  Voyage  en  Italie  (Vilna, 
1859-64).  On  a  publié  après  sa  mort  :  Eléments  de  lo- 
gique (Cracovie,  1876).  Une  édition  complète  de  ses  œuvres 
a  paru  à  Varsovie  en  1877  (12  vol.).  C'est  un  prosateur 
remarquable  ;  comme  philosophe,  il  est  hégélien. 

BiDL.  :  R'^rRin>'.HER,  Bibliographie  polonaise  du 
xix"  siècle. 


KREMER    (Alfred  de),  orientaliste  autrichien,    né  à 
Vienne  le  13  mai  4828.  Il  voyagea  dans  le  Levant,  fit  sa 


KREMER  -  KREUTH 


—  644  — 


carrière  dans  les  consulats  d'Egypte  à  partir  de  1852, 
devint  consul  au  Caire  (1859),  à  Galatz  (1862),  àBeirout 
(1870),  conseiller  ministériel  (4872),  membre  de  la  com- 
mission de  la  dette  égyptienne  (1876),  ministre  du  com- 
merce d'Autriche (1880-81  ).  Il  a  publié  :  Mittelsyrien  und 
Damaskiis  (1855)  ;  Ai^gypteii  (1863)  ;  Uber  die  Sudara- 
bische  Sage  (iSÙB)  ;  hesch,  der  herrschenden  Ideen 
des  Islams  (1868)  ;  Kulturgeschichtlicfie  Streifziige 
auf  dem  Gebiet  des  Islams  (1873)  et  mvXoxii  Kulturge  • 
schichte  des  Orients  unterden  Chalifen  (Vienne,  1875- 
77,  2  vol.),  œu\Te  très  remarquable.  Il  a  édité  un  cer- 
tain nombre  de  textes  arabes. 

KREMLIN  (en  russe  kreml).  Ce  mot  désigne  en  russe 
la  partie  haute  et  fortifiée  d'une  ancienne  ville,  le  château. 
On  ne  connaît  guère  à  l'étranger  que  le  kremlin  de  Mos- 
cou, mais  il  y  a  des  kremls  dans  toute  la  Grande-Russie, 
à  Pskov,  à  Vladimir,  à  Kazan,  etc. 

KREMNITZ  (magyar  Koi^mœczbanya).  yiWa  de  Hon- 
grie, comitat  de  Bars,  dans  la  vallée  profondément  encaissée 
d'unaffl.dr.  du  Gran;  9,000  hab.  (en  majorité  Allemands). 
La  cité  proprement  n'a  dans  son  enceinte  que  39  maisons 
au  pied  d'un  vieux  château  gothique.  Elle  doit  son  impor- 
tance à  ses  mines  d'or  et  d'argent.  Elle  est  très  ancienne, 
comme  l'attestent  les  inscriptions  runiques  du  mont 
Smercnik  dans  le  voisinage.  Au  temps  de  saint  Etienne,  elle 
passait  pour  la  plus  vieille  ville  royale  de  la  Hongrie  avec 
Ofen.  Le  roi  Koloman  lui  donna  le  privilège  de  ville  libre 
(1400).  Au  XIV®  siècle  et  au  xv®,  les  mineurs  allemands 
remplacèrent  la  primitive  population  slave. 

KREMS.  Ville  de  la  Basse-Autriche,  située  à  60  kil.  à 
rO.  de  Vienne,  au  confluent  de  la  Krems  avec  le  Danube. 
Ses  12,000  hab.  font  un  grand  commerce  de  suif,  de  vi- 
naigre et  de  vins.  Les  établissements  d'instruction  publique 
y  sont  nombreux.  Près  de  Krems  se  trouvent,  d'une  part,  la 
jolie  vallée  de  Rehberg  avec  des  mouhns  et  une  fabrique  de 
cuirs,  d'autre  part,  la  petite  ville  de  Stein,  sur  le  Danube, 
qui  possède  l'entrepôt  des  marchandises  venant  de  Bohème 
ou  de  Moravie. 
BiBL.  :  Kerschbaumer,  Gesch,  der  Stadt  Krems,  1885. 

KREMSIER  (en  tchèque  Kromeriz  ou Kromezir).  Ville 
de  Moravie,  sur  la  rivière  Morava,  chef-lieu  de  capitainerie 
de  cercle;  12,000  hab.  Château  d'été  de  Farchevêque 
d'Olmutz  (galerie de  tableaux,  bibliothèque,  etc.).  Kremsier 
remonte  au  moyen  âge.  Ce  fut  au  xv^  siècle  un  important 
centre  hussite.  Elle  fut  prise  par  les  Suédois  en  1643. 
En  4848,  pendant  la  période  révolutionnaire,  l'empereur 
Ferdinand  IV  y  convoqua  une  Diète  qui  se  tint  du  22  nov. 
1848  au  6  mars  1849.  Le  25  août  1885,  les  empereurs 
d'Autriche  et  de  Russie  eurent  une  entrevue  dans  cette  ville. 

KRESTOVITCH(GavrilouGavrilPacha),  homme  d'Elat 
bulgare,  né  à  Kotel  (Roumélie  orientale)  en  1822.  Il  étu- 
dia le  droit  à  Paris,  devint  secrétaire  d'Etienne  Vogoridi, 
prince  de  Samos,  et  servit  à  Constantinople  au  ministère  de 
la  justice.  En  1878,  il  fut  nommé  secrétaire  général  de  la 
Roumélie  orientale  sous  Aleko  Pacha  et  lui  succéda  en 
1884  comme  gouverneur  général  de  cette  province.  Il  dut 
quitter  son  poste  en  sept.  1885,  à  là  suite  du  coup  d'Etat 
qui  réunit  la  Roumélie  à  la  Bulgarie  du  Nord.  11  a  publié 
à  Constantinople,  en  1871,  le  premier  volume  d'une  His- 
toire des  Bulgares  qui  n'a  pas  été  continuée. 

KRESTOVSKY  (Vsevolod-Vladimirovitch), écrivain  russe, 
né  à  Malaïa  Berezaïka  (gouvernement  de  Kiev)  en  4840, 
mort  le  6  févr.  1895.  Il  fit  ses  études  à  Pétersbourg,  ser- 
vit dans  la  cavalerie  et  fut  attaché  au  ministère  de  la 
guerre  comme  historiographe  militaire.  Outre  des  ouvrages 
militaires,  il  a  écrit  un  grand  nombre  de  romans,  des  poé- 
sies originales  ou  traduites.  On  cite  parmi  ses  romans  : 
r Amour  des  domestiques,  iVi  le  premier  ni  le  dernier, 
le  Petit  Diable,  Une  Créature  perdue,  les  Antres  de 
Saint-Pétersbourg  (en  4  vol.),  le  Troupeau  de  Panurge, 
les  Deux  Forces,  Un  Pouff  sanglant,  etc.  Quelques-uns 
de  ses  romans  ont  été  traduits  en  fran^'ais.  —  Sa  fille, 
Marie-Vsevolodovna  Krestovskaia,  a  publié  un  certain 


nombre  de  romans  et  de  nouvelles  (VEpreuve  en  dehors 
de  la  vie,  les  Recoins  du  monde  théâtral),  qui  ont  eu 
du  succès. 

KRESTZY.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du  gouv. 
de  Novgorod;  3,500  hab.  —  Le  district  a  8,900  kil.  q. 
couverts  de  landes,  marais  et  bois. 

KRÉTIQUES  (Vers)  (V.  Crétiques). 

KRETSCHMANN  (Karl-Friedrich),  poète  allemand,  né 
à  Zittau  le  4  déc.  1738,  mort  à  Zittau  le  15  janv  1809. 
Fonctionnaire  judiciaire  à  Zittau,  il  a  publié,  sous  le  pseu- 
donyme de  Fihingulph,  des  Bardenlieder  (4  768  et  suiv.), 
poésies  imitées  de  Klopstock  qui  eurent  un  vif  succès.  A 
la  fin  de  sa  vie,  il  écrivit  des  romans.  Ses  œuvres  com- 
plètes furent  publiées  en  7  vol.  (Leipzig,  4784-4805). 

BiBL.  ;  Knothe,  Kretschmann,  der  Barde  Rhinqulph  ; 
Zittau,  1858. 

KRETSGH  MER  (Robert),  peintre  dessinateur  allemand, 
né  à  Burghof,  près  de Schweidnitz,  le  29  janv.  4848,  mort 
à  Leipzig  le  28  mai  487"2.  Après  avoir  étudié  tour  à  tour 
à  Breslau  et  à  l'Académie  de  Berlin,  puis  passé  par  l'ate- 
lier de  Kolb,  il  s'adonna  au  genre  animalier,  dirigea  en  4849 
l'ateher  de  dessin  de  Vîltustrirte  Zeitung,  illustra  le 
Thierleben  de  Brehm,  la  Thierzucht  de  Settegart,  puis 
divers  journaux  ;  il  accompagna,  en  1862,  le  duc  Ernest  de 
Cobourg  en  Egypte  et  en  Abyssinie  et  collabora  à  la  rela- 
tion de  ce  voyage.  On  lui  doit  aussi  de  belles  aquarelles. 

KRETZSCHMER  (Johann-Hermann),  peintre  allemand, 
né  à  Auklam  (Poméranie)  le  28  oct.  4841.  Il  étudia  tour  à 
tour  à  Berlin  sous  Wach,  à  Dusseldorf  sous  Schadow,  visita 
l'Europe  et  l'Orient  et  s'installa  en  1845  à  Berlin,  où  il  ne 
tarda  pas  à  se  faire  connaître  par  des  épisodes  tirés  des  contes 
populaires  {le  Petit  Chaperon  rouge,  Cendrillon,  etc.), 
puis  par  des  tableaux  de  genre  humoristiques  (scènes  du 
Spreewald,  VRomme  noir  vient,  les  Premières  Culottes) 
et  des  souvenirs  delà  vie  orientale  (H^^î^as dans  le  désert. 
Caravane  surprise  par  le  simoun).  On  lui  doit  aussi  de 
nombreuses  aquarelles,  un  album-souvenir  de  la  visite  de 
la  reine  Victoria  sur  le  Rhin  en  1 845^  et,  entre  autres 
portraits,  celui^u  vice-roi  Mehemet-Ali,  du  sultan  Abdul 
Medjid,  de  la  Reine  de  Grèce  et  du  prince  Frédéric- 
Charles  entouré  de  son  état-major.  Kretzschmer  a  fait  offi- 
ciellement, comme  peintre  de  batailles,  les  campagnes  de 
1864-66. 

KREUBÉ  (Charles-Frédéric),  chef  d'orchestre  et  com- 
positeur français,  né  à  Lunéville  le  5  nov.  1777,  mort 
près  de  Saint-Denis  en  18i6.  Elève  de  Rodolphe  Kreutzer 
pour  le  violon,  il  entra  à  l'orchestre  de  l'Opéra-Comique, 
dont  il  devint  sous-chef  en  1805,  et  premier  chef  de  1816 
à  1828.  Il  fit  partie  de  la  musique  de  la  chapelle  du  roi 
comme  violoniste,  de  1814  à  1830.  Kreubé  a  donné  a 
rOpéra-Comique  seize  opéras  dont  aucun  ne  lui  a  survécu. 
Les  partitions  de  quelques-uns  ont  été  gravées  ;  ce  sont  : 
le  Forgeron  de  Bassora  (1813);  Edmond  et  Caroline 
(1819);  le  Coq  de  village  (1822);  V  Officier  et  le  Paysan 
(1814);  les  Enfants  de  maître  Pierre  {i^^o).  Kreubé 
a  publié  en  outre  une  trentaine  d'œuvres  de  musique  de 
chambre. 

KREU6ER  (Johan-Henrik),  amiral  suédois,  né  à  Lovisa, 
en  Finlande,  en  1782,  mort  à  Stockholm  en  1868.  H  prit 
part  au  siège  de  Stettin  en  1813  et  s'y  distingua  ;  plus 
tard,  on  lui  confia  une  mission  au  Maroc  pour  régler  cer- 
taines difficultés  qui  avaient  surgi  entre  cet  Etat  et  la  Suède. 
Il  était  inventeur  et  a  laissé  plusieurs  ouvrages  scientifi- 
ques sur  des  questions  relatives  à  la  marine. 

KREUSSEN  ou  CREUSSEN,  Ville  de  Bavière,  prov.de 
Franconie  supérieure,  sur  le  Main  rouge;  1,100  hab. 
Marché  aux  bestiaux.  De  la  fin  du  xvi®  à  la  fin  du  xvji«  siècle, 
on  y  fabriqua  de  beaux  vases  de  grès  brun  foncé,  décorés 
de  peintures  qui  sont  aujourd'hui  très  à  la  mode.  Ce  sont 
des  brocs  à  panse  ornée  de  figures  en  relief  émaillées  re- 
présentant les  douze  apôtres,  des  pots  (chopines),  des  ha- 
naps,  etc. 

KREUTH.  Village  de  Bavière,  prov.  de  Haute -Bavière, 


-  645 


KREUTH  -  KRICHNA 


dans  une  vallée  alpestre,  à  10  kil.  S.  du  Tegernsee  et 
793  m.  d'alt.  Bains  salins,  cure  de  lait  ;  station  très  fré- 
quentée en  été. 

KREUTZER.  Ancienne  monnaie  allemande,  subdivision 
du  floiHn  et  du  tlialer  (V.  ces  mots).  Le  kreutzer  existe 
encore  en  Autriche  comme  monnaie  réelle.  C'est  une  mon- 
naie de  cuivre,  centième  du  florin,  équivalant  ainsi  à 
2  cent,  d/2  ;  la  réforme  monétaire  va  la  faire  disparaître, 
la  subdivision  de  la  couronne  étant  le  heller  (V.  ce  mot). 

KREUTZER  (Rodolphe),  compositeur  français,  né  à  Ver- 
sailles le  46  nov.  4766,  mort  à  Genève  le  6  juin  4834. 
Elève  de  Stamitz  et  Viotti,  il  fut  un  des  représentants 
de  la  grande  école  des  violonistes  (avec  Pailfot,  Rode, 
Bériot,  etc.).  Il  débuta  à  treize  ans  par  un  Concert  spiri- 
tuel. Protégé  de  Marie-Antoinette,  il  fut  attaché  à  la 
chapelle  du  roi,  succédant  à  son  père  (4782),  entra  dans 
l'orchestre  du  Théâtre-Italien,  fit  jouer  une  Jeanne 
d'Arc  (4790),  opéra  qui  fut  suivi  de  trente-quatre 
autres  parmi  lesquels  on  peut  citer  :  Paul  et  Virginie 
(1791);  Lodoïska  (4794),  qui  rivalisa  avec  l'opéra  de 
Cherubini,  Charlotte  et  Werther  (4792);  le  Siège  de 
Lille  (1793);  Astianax  (4804);  Aristippe  (\m)\ 
Ipsiboé  (iS'î^)  ;  Pharamond  (4825,  avec  Boieldieu).  Il 
fut  attaché  au  Conservatoire,  succéda  à  Rode  comme  pre- 
mier violon  solo  à  l'Opéra  (4804),  où  il  fut  chef  d'orchestre 
de  4847  à  4824.  Ses  ouvrages  dramatiques  sont  oubliés, 
mais  on  utilise  encore  ses  études  pour  Finstruction  des  vio- 
lonistes, et  on  joue  ses  dix-neuf  concerts.  C'est  à  lui  que 
Beethoven  a  dédié  sa  célèbre  sonate  (op.  47), 

Son  frère,  Jean-Nicolas- Auguste  (4784-32),  fut  son 
élève  et  lui  succéda  dans  sa  chaire  du  Conservatoire  (4825). 

KREUTZER  (Konradin),  compositeur  allemand,  né  à 
Messkirch  (Bade)  le  22  nov.  4780,  mort  à  Riga  le  44  déc. 
4849.  L'un  des  huit  enfants  d'un  meunier,  il  fut  élève  d'Al- 
brechtsberger  à  Vienne,  y  fit  jouer  un  opéra  (Konradin)^ 
devint  maître  de  chapelle  à  Stuttgart  (4842),  auprès  du 
prince  de  Furstenberg  (4  847),  dirigea  la  musique  du  théâtre 
impérial  de  Vienne  (1822-27)  où  il  fit  représenter  Li- 
bussa  (opéra,  4822),  puis  celle  du  théâtre  de  Josephstadt 
à  Vienne  (4833-40),  pour  lequel  il  composa  Nachtlager 
zu  Granada  (4834),  son  chef-d'œuvre.  Ses  autre  œuvres 
dramatiques,  gracieuses  mais  superficielles,  sont  oubliées  ; 
mais  on  joue  encore  en  Allemagne  ses  œuvres  lyriques, 
surtout  les  chœurs  d'hommes. 

KREUZBERG.UndessommetsduRhœn(930m.  d'alt.), 
surmonté  d'une  croix  en  bois  de  26  m.  de  haut,  souvenir 
de  celle  qu'y  planta  en  668  saint  Kilian  ;  auprès  est  un 
couvent  de  franciscains,  fondé  en  4644,  lieu  de  pèleri- 
nage. 

KREUZBURG.  Ville  de  Prusse,  district  d'Oppeln  (Silé- 
sie),  sur  la  Stober;  7,000  hab. 

KREUZCURVE  (Géom.).  Plusieurs  géomètres  allemands 
ont  donné  ce  nom,  en  raison  de  sa  forme  (courbe  de  la 

croix)  à  la  courbe  représentée  par  l'équation  — ^-f-  -5  =  4 . 

X       y^ 

Elle  jouit  d'un  assez  grand  nombre  de  propriétés  remar- 
quables, et  se  déduit  de  l'ellipse,  point  par  point,  par  une 
transformation  des  plus  simples,  x^^  y^  étant  les  coordon- 
nées d'un  point  de  l'eUipse,  x^  y^  celles  d'un  point  de  la 
Kreuzcurve,  on  a  les  relations  évidentes  xx^  =  a^, 
yy^  z=z  b^. 

KREUZER  (V.  Kreutzer). 

KREUZNACH.  Ville  de  Prusse,  district  de  Goblentz,  sur 
la  Nahe  ;  48,000  hab.  La  vieille  ville  et  la  ville  neuve 
sont  séparées  par  la  rivière.  Kreuznach,  où  l'on  fabrique 
du  verre,  du  cuivre,  des  vins  mousseux,  doit  sa  prospérité 
à  ses  eaux  minérales  qui  attirent  5  à  6,000  baigneurs  par 
an.  Découvertes  en  4478,  elles  furent  mises  à  la  mode  par 
Prieger.  Ce  sont  des  eaux  salines  (chlorurées  sodiques) 
très  riches  en  chlore,  en  iode  et  en  brome,  et  ne  ren- 
fermant pas  de  soufre  ;  on  les  emploie  en  boisson,  douche, 
bains,  inhalations  et  sous  forme  d'eaux  mères.  La  tempé- 


rature des  eaux  qu'on  boit  varie  selon  !es  sources  de  -}-  40*^ 
(source  Elise),  à  +  30  (saline  Munster).  Les  bains  sont 
pris  à  la  température  de  +  32°  ;  on  y  ajoute  une  eau 
mère  riche  en  lithine,  avec  traces  de  rubidium  et  de  césium. 
Ces  eaux  agissent  contre  les  différentes  formes  de  la  scro- 
fule, la  syphilis,  les  maladies  de  la  peau,  du  foie,  etc. 

Kreuznach,  qui  paraît  avoir  remplacé  une  station  romaine, 
se  forma  autour  de  la  villa  carolingienne  de  Cruciniacurro, 
citée  dès  849.  Henri  IV  donna  ce  domaine  à  l'évêché  de 
Spire  (4065),  lequel  vendit  la  ville  au  comte  Henri  II  de 
Sayn  (4241);  la  sœur  de  celui-ci  porta  Kreuznach  aux: 
comtes  de  Sponheim  et,  en  4446,  elle  passa  aux  mains  de 
l'électeur  palatin.  Le  château  élevé,  bâti  sur  le  Kanzenberg, 
fut  rasé  par  les  Français  en  4689. 

BiBL.  :  Stabel,  Das  Solbad  Kreuznach,  1876.  —  Voigt- 
L/KNDER,  Kreuznach,  Reisefùhrer,  souvent  réédité. 

KREUZWALD  (V.  Creutzvvald). 

KREYENBÛHL  (Jean),  écrivain  suisse,  né  à  Pfaffnau 
(Lucerne)  le  2  nov.  4846.  Il  fit  ses  études  aux  univer- 
sités de  Bonn,  Tubingue,  Fribourg-en-Brisgau  et  Munich 
et  fit  sa  thèse  sur  un  des  dialogues  de  Platon.  Nommé  en 
4875  professeur  de  philosophiez  Lucerne,  ses  opinions  un 
peu  avancées  pour  une  ville  catholique  le  forcèrent  à  dé- 
missionner et  à  accepter  une  place  plus  modeste  dans  le 
cant.  d'Argovie.  Depuis  4884  M.  Kreyenbuhl  est  privat- 
docent  de  philosophie  à  l'université  de  Zurich.  Citons  parmi 
ses  œuvres  :  la  Religion  et  le  Christianisme,  le  Plaisir 
et  le  Pessimisme,  Etudes  critiques  et  exégétiques  sur  le 
symposion  de  Platon,  la  Liberté  morale  dans  le  sys- 
tème de  Kant,  Critique  de  la  conscience  finie,  etc. 

KRICH  ou  KRIS  (Arme)  (V.  Criss). 

KRICHNA  ou  KISTNÂ.  Fleuve  de  l'Inde,  qui  traverse 
le  Dekhan  dejro.  à  l'E.  ;  il  naît  dans  les  Ghates  occiden- 
tales, à  4,370  m.  d'alt.,  près  de  Mahablechvar  ;  sa  source 
est  enclose  dans  un  temple  hindou  ;  il  descend  au  S.  par 
Sait  ara,  Miradj,  tourne  vers  l'E.,  traverse  le  pays  da 
Nizam  sans  perdre  son  allure  de  torrent,  reçoit  à  gauche  le 
Bhima,  à  droite  le  Toungabhadra,et,  après  un  coude  vers 
le  N.,  finit  dans  le  golfe  du  Bengale  par  un  vaste  delta.  11 
n'est  navigable  que  dans  le  delta,  le  reste  de  son  cours 
étant  encombré  de  rapides.  Il  a  1,280  kil.  de  long;  son 
bassin  mesure  240,000  kil.  q.;  il  roule  à  l'étiage  32  m,  c. 
par  seconde,  mais  le  débit  atteint  33,600  m.  c.  en  temps 
de  crue.  Il  marque  la  limite  d'expansion  des  Aryens  vers 
le  o. 

KRICHNA  (Le  Noir).  Divinité  la  plus  populaire  et  la 
plus  souvent  représentée  de  la  mythologie  hindoue.  Il  est 
considéré  comme  le  huitième  avatar  (V.  ce  mot)  de  Vich- 
nou,  quand  il  n'est  pas  Vichnou  lui-même.  Il  semble  peu 
douteux  qu'il  n'y  ait  une  personnalité  historique  à  la  basi3 
de  tous  ces  mythes.  Dans  le  Mahdbhârata  (V.  ce  mot), 
Krichna  n'est  encore  qu'un  héros,  très  puissant,  il  est  vrai, 
et  dont  on  recherche  l'alliance,  mais  dévot  à  Siva  et  d'une 
conscience  parfois  peu  scrupuleuse:  son  caractère  divin  ne 
se  révèle  que  dans  la  fameuse  interpolation  mystique  de  la 
Bhâga-  vad-Gîtâ.  Dans  les  pourânas,  sa  divinité  est  éta- 
blie et  exaltée  en  mille  légendes  dont  nous  ne  pouvons 
donner  qu'un  aperçu. 

Il  était  fils  de  Devaki,  cousine  de  Kansa,  roi  de  Mathourâ 
(Muttra)  et  épouse  de  Vasoudeva.  Vasoudeva  appartenait  lui- 
même  à  la  race  de  Yadou  et  était  frère  de  Kounti,  épouse 
de  Pandou  :  c'est  ainsi  que  Krichna  se  trouvait  allié  aux 
Pândavas,  les  héros  du  Mahâbhârata.  Or,  Kansa  avait  été 
averti  qu'un  fils  de  Devaki  le  tuerait  ;  aussi  faisait-il  périr 
tous  les  fils  qui  naissaient  d'elle.  Il  en  mit  ainsi  six  à  mort  ; 
le  septième  dut  son  salut  à  ce  qu'il  fut  miraculeusement 
transporté  du  sein  de  Devaki  dans  celui  d'une  autre  femme 
de  Vasoudeva  :  ce  fut  Bâla-Râma,  le  frère  et  le  compagnon 
d'aventures  de  Krichna.  Le  huitième  fut  Krichna  lui-même  : 
comme  signe  il  avait  sur  la  poitrine  une  petite  touffe  de  poils 
{hçrîvatsa).  Les  dieux  intervinrent  pour  sauver  l'enfant 
divin  ;  les  gardes  furent  endormis,  les  portes  ouvertes.  Va- 
soudeva transporta  Krichna  au  delà  de  la  Yamounâ  (Jumna), 


KRICHNA  —  KRIJANITCII  -  ^ 

chez  le  berger  Nanda  et  lui  substitua  une  petite  fille  que 
Yasodâ,  l'épouse  de  Nanda,  venait  justement  de  mettre  au 
monde.  On  célèbre  encore  aujourd'hui,  le  huitième  jour  du 
moisde  Sravana  (juillet-août),  lanativitéde  l'enfant  Krichna; 
des  représentations  où  l'on  voit  Yasodâ  l'allaitant  ont  fait 
penser  à  la  Vierge  Marie  ;  Kansa  s'apercevant  de  la  trom- 
perie aurait  ordonné  une  sorte  de  «  massacre  des  inno- 
cents ».  Il  n'en  a  pas  fallu  davantage  à  des  théosoplies 
pour  identifier  Krichna  et  Christos.  Les  mythologues  com- 
parants ont  rapproché  de  leur  côté  son  séjour  chez  les 
bergers  de  celui  d'Apollon  chez  Admète.  11  est  inutile  d'in- 
sister sur  ces  fantaisies.  L'histoire  de  son  enfance  et  de 
sa  jeunesse  est  pour  les  Hindous  un  inépuisable  sujet  de 
ravissement.  Nombre  de  figurines  le  montrent  marchant  à 
quatre  pattes,  la  main  droite  tendue  et  mendiant  des  dou- 
ceurs. Déjà  il  donnait  des  signes  d'une  vigueur  extraordi- 
naire et  jouait  mille  tours  aux  bergers.  Puis  vient  le  récit 
de  ses  espiègleries  de  moins  en  moins  innocentes  avec  les 
gopis  ou  bergères  :  il  commence  par  leur  dérober  leurs 
vêtements  guand  elles  sont  au  bain  ;  il  finit  par  en  épouser 
sept  ou  huit  ;  mais  sa  favorite  était  Râdhâ  qui  est  restée 
sa  «  sakti  »  et  partage  encore  les  honneurs  qu'on  lui  rend. 
Il  est  souvent  représenté  jouant  de  la  flûte  pour  faire  dan- 
ser les  gopis.  Selon  une  tradition  plus  importante,  il  dé- 
tourna les  bergers  du  culte  d'Indra,  le  grand  dieu  védique; 
comme  celui-ci  s'en  vengeait  par  des  orages,  il  aurait  sou- 
levé sur  le  bout  de  son  doigt  le  mont  Govarddhana  en 
guise  de  parapluie  et  l'aurait  gardé  ainsi  pour  les  abriter 
pendant  sept  jours  et  sept  nuits.  Entre  temps,  il  tue  nombre 
de  monstres  envoyés  contre  lui  par  Kansa,  une  grue  gi- 
gantesque, un  serpent,  un  cheval,  un  taureau.  Invité  enfin 
à  venir  à  Mathourâ  prendre  part  à  des  jeux  athlétiques,  il 
tue  le  lutteur  du  roi  et  le  roi  lui-même.  Il  tue  également 
un  démon  qui  vivait  au  fond  de  la  mer  dans  une  conque 
(çankha)  et  c'est  de  cette  conque  qu'il  se  servit  depuis. 
Tous  ces  exploits  font  que  l'on  se  demande  s'il  n'est  pas 
riléraklès,  dont  Mégasthène  trouva  le  culte  en  honneur 
parmi  les  Hindous.  Cependant  le  roi  de  Magadha  Jarâsan- 
dha,  le  beau-père  de  Kansa,  voulut  le  venger.  Il  fit  dix- 
huit  expéditions  contre  Krichna  :  à  la  dix-huitième,  voyant 
le  peuple  de  Mathourâ  épuisé  (et,  selon  les  pourânas,  pressé 
par  un  autre  ennemi  nommé  Kala-yavana),  Krichna  se  re- 
tira à  Dvârakâ,  sur  la  côte  du  Guzerate,  où  il  fonda  une 
ville  imprenable.  Il  continue  d'ailleurs  la  série  de  ses  ex- 
ploits amoureux.  Il  enlève  Roukminî,  la  fiancée  de  Sisou- 
pâla  et  grâce  à  son  disque "(ca/cm)  détruit  l'armée  qui  le 
poursuit.  La  recherche  du  fameux  joyau  Syamantaka  lui 
vaut  encore  deux  autres  femmes,  la  fille  du  roi  des  ours 
Jambavat,  à  qui  il  le  reprend,  et  celle  du  roi  Satrajit  à  qui  il 
le  rend.  Enfin,  vainqueur  du  roi  Naraka  dont  le  pouvoir 
inquiétait  les  dieux,  il  trouve  dans  son  harem  16,4  00  femmes 
qu'il  épouse,  multipliant  sa  forme  au  gré  de  leurs  désirs 
et  «  chacune  crut  qu'elle  l'avait  pour  elle  seule  » .  Il  n'au- 
rait pas  eu  moins  de  180,000  fils.  Les  pourânas  racontent 
encore  des  luttes  avec  Indra  et  même  avec  Siva.  On  nous 
parle  aussi  d'un  faux  Krichna  qui,  de  son  vivant,  se  serait 
posé  comme  son  rival  à  Benarès  :  le  fidèle  disque  de  Krichna 
le  tua  et,  du  même  coup,  brûla  la  ville.  Cependant  les 
jours  de  sa  race  étaient  comptés  par  suite  d'une  malédiction 
lancée  par  desrichis  contre  les  Yâdavas.  Les  habitants  de 
Dvârakâ  s'égorgent  réciproquement  sur  le  bord  de  la  mer 
dans  une  orgie.  Resté  seul,  Krichna,  qui  méditait  au  pied 
d'un  arbre,  est  frappé  mortellement  de  la  flèche  d'un  chas- 
seur qui,  de  loin,  le  prenait  pour  un  fauve,  et  qui  est, 
d'ailleurs,   enlevé  au  ciel  en  récompense  de  son  action. 
Arjouna  prît  soin  de  ses  funérailles. 

On  sait  que  le  sanctuaire  actuel  le  plus  célèbre  du  culte 
de  Krichna  est  à  Pouri,  dans  l'Orissa,  ou  il  est  adoré  sous 
le  nom  de  Jagannata  (V.  ce  mot).  Les  fidèles  de  Krichna 
forment,  avec  ceux  de  Râma,  les  deux  grandes  ramifica- 
tions des  sectateurs  de  Vichnou  (V,  Vichnouisme).  La  tra- 
dition fait  remonter  Krichna  au  ciel  en  l'an  3101  avant 
notre  ère.  Disons  du  moins  qu'on  en  vient  à  regarder  la 


secte  fondée  par  Krichna  comme  bien  antérieure  au  viii^  siècle 
avant  notre  ère.  A.  Foucuer. 

BiBL.  :  BuriLER,  JaeobVs  Age  of  ihe  Veda,  dans  Indian 
Antiquary,  sept.  1894,  p.  248.  —  Pour  la  légende  de  Krichna, 
V.  le  Mahâbhârata  (trad.  Fauche);  leVishnupurâna  (trad. 
Wiison);  le  Bhâgavata  purâna,  {trad.  Burnouf,  continuée), 
ou  sa  version  hi'ndie,  le  Prem  Sagar  (trad.  Lamairesse). 
—  Pour  des  représentations  de  Krichna,  V.  MuOR,  Hindii 
Panthéon^  ou  Wilkins,  Hindu  Mytliology. 

KRICHNAGANDJ.  Ville  de  l'Inde  anglaise  (Rengale), 
prov.  de  Bhagalpour,  r.  g.  de  la  Mahanadi  ;   9,000  hab. 

KRICHNA-GANGRA. Rivière  de  Plnde  (Cachemire),  affl. 
du  Djelam  (bassin  de  l'Indus),  longue  de  190  kil. 

KRICHNAGARH.  Ville  de  l'Inde  anglaise  (Bengale), 
prov.  de  Calcutta,  r.  g.  de  la  Djellinghi  (bras  du  delta  du 
Gange)  ;  30,000  hab.  Un  des  principaux  marchés  du 
delta. 

KRIGHNAGHIRL  Ville  de  l'Inde  anglaise,  présidence  de 
Madras,  à  l'E.  du  plateau  de  Maïssour;  8,000  hab.  Au- 
dessus  un  rocher  porte  les  ruines  d'une  citadelle  jadis 
réputée  imprenable  qui  repoussa  les  attaques  des  Anglais 
en  1767  et  1791. 

KRICHNAPOUR.  Ville  de  l'Inde,  principauté  de  Travan- 
core,  au  S.  de  Quilon;  4,000  hab.  Place  commerciale 
déchue  de  son  ancienne  importance. 

KRIEGER  (Andreas-Frederik),  jurisconsulte  et  homme 
d'Etat  danois,  né  près  d'Arendal  (Norvège)  en  1817,  mort 
en  1890.  Après  de  brillantes  études  de  droit,  il  voyagea 
pendant  deuî^  ans  à  l'étranger  ;  il  revint  à  Copenhague  en 
1844  et,  en  1845,  était  nommé  professeur  à  l'université. 
Il  se  jeta  bientôt  dans  la  mêlée  politique,  alors  très  ardente, 
devint  membre  de  la  «  représentation  bourgeoise  »  de 
Copenhague,  dont  il  fut  bientôt  le  vice-président.  Il  était 
un  des  chefs  du  parti  national-Hbéral  et  prit  une  part  active 
aux  débats  relatifs  à  la  liberté  de  la  presse.  Depuis  lors  mi- 
nistre à  plusieurs  reprises,  membre  du  Parlement  sans  inter- 
ruption à  partir  de  1863,  chargé  de  mission  à  Londres  en 
1864,  il  a  continué  à  jouer  un  rôle  important  dans  l'his- 
toire de  son  pays.  Les  universités  de  Lund  et  d'Upsal  lui 
ont  conféré  le  diplôme  de  docteur  honoraire  en  témoignage 
de  haute  estime.  Ses  études  sur  le  Dimt  privé  du  Dane- 
mark et  du  Slesvig  sont  importantes.  Il  a  composé  de 
nombreux  écrits  de  polémique  ;  il  est  un  des  directeurs  de 
V Encyclopédie  juridique  du  Nord  (Nordisk  Retsency- 
clopàdi).  Th.  C. 

KRIEHUBER  (Joseph) ,  peintre  et  lithographe  autrichien , 
né  à  Vienne  le  14  déc.  1801,  mort  le  30  mai  1876.  Il 
étudia  à  l'Académie  de  sa  ville  natale,  puis,  après  un  séjour 
en  Galicie,  revint  dans  son  pays  où  il  se  mit  à  dessiner  des 
chevaux,  des  scènes  de  batailles,  tout  en  devenant  le  por- 
traitiste favori  de  la  société  viennoise,  professeur  et  peintre 
de  la  cour.  On  lui  doit  plus  de  700  portraits,  tant  litho- 
graphies qu'à  l'aquarelle,  au  crayon  noir  et  en  miniature. 
Parmi  ses  paysages,  nous  citerons  :  Près  de  Lauter- 
hrunnen^  Lac  de  Thoune^  Vue  du  Prater;  parmi  ses 
lithographies  classiques  :  une  Madone^  d'après  Raphaël  ; 
Sainte  Ursule^  d'après  Palma  le  Vieux.  —  Son  fils,  Fritz 
(1836-1871),  fut  également  peintre  et  dessina  notamment 
pour  la  Zeitschrift  de  Lutzow  les  portraits  de  H.  Casser 
et  de  K.  Marko, 

KRI  EN  S.  Village  de  Suisse,  cant.  de  Lucerne,  sur  la  ligne 
de  Lucerne  au  Brunig;  4,319  hab. 

KRIJANITGH  (Georges),  publiciste  slave,  né  en  Croa- 
tie en  1617.  On  ignore  le  lieu  et  la  date  de  sa  mort.  Il  fit 
ses  études  en  Italie  et  se  rendit  à  Rome  en  1640.  Il  entra 
au  collège  de  Saint- Anastase,  fondé  pour  les  orthodoxes 
rattachés  à  l'Eglise  romaine.  Il  fit  connaissance  de  théolo- 
giens slaves  et  conçut  le  projet  de  visiter  la  Russie  ;  il  tra- 
vailla à  un  ouvrage  encore  inédit  :  Bibliotheca  schismatum 
universa.  Il  séjourna  quelque  temps  à  Constantinople.  Vers 
4658,  il  se  rendit  en  Russie;  peut-être  rêvait-il  de  ratta- 
cher l'empire  des  tsars  à  l'Eglise  romaine,  peut-être  aussi 
voulait-il  appeler  l'attention  du  tsar  sur  la  misérable  con- 


647  — 


KRIJANITCH  -  KROENÏNGSSWiERD 


dition  des  Slaves  du  Midi  et  de  l'Occident,  car  il  était  tout 
ensemble  un  chrétien  conYaincu  et  un  patriote  exalté.  Il  se 
proposait  en  outre  d'écrire  une  grammaire  et  un  lexique 
des  langues  slaves  et  une  histoire  de  la  nation  slave  tout 
entière,  «  de  réfuter  les  mensonges  que  les  étrangers  ré- 
pandent sur  le  compte  des  Slaves  et  spécialement  des 
Russes  ».  Il  rédigea  en  Russie  plusieurs  ouvrages  tous  fort 
curieux  :  un  discours  aux  Petits-Russiens  où  il  les  engage 
à  se  rattacher  aux  Moscovites,  un  traité  de  la  Politique  où 
il  invite  les  Slaves  à  se  grouper  sous  la  protection  du  tsar 
Alexis-Mikhaïlovitch,  où  il  dénonce  les  maux  que  les  Alle- 
mands ont  infligés  à  la  race,  les  défauts  des  peuples  slaves. 
Ce  curieux  ouvrage  est  une  des  premières  productions  de  la 
littérature  dite  panslaviste.  Les  idées  de  Krijanitch  ne 
furent  pas  goûtées  du  souverain  auquel  il  s'adressait  ;  Alexis- 
Mikhaïlovitch  exila  Krijanitch  en  Sibérie.  Il  rédigea  pen- 
dant son  exil  un  traité  De  la  Providence  et  divers  ouvrages 
théologiques.  Après  la  mort  d'Alexis-Mikhaïlovitch,  il  put 
rentrer  en  Russie.  Ses  œuvres  attendent  encore  une  édition 
complète  et  critique.  M.  Bezsonova  publié,  en  en  modifiant 
l'orthographe,  le  traité  De  la  Providence  et  la  Politique 
sous  ce  titre  :  l'Empire  russe  au  xvi®  siècle  (Moscou, 
4860)  ;  l'Essai  de  grammaire  des  langues  slaves  a  été 
édité  par  Bodiansky  (Moscou,  I8o9).  Des  fragments  des 
études  isolées  et  des  notices  ont  paru  dans  les  Mémoires 
de  r Académie  d'Agram  et  dans  la  collection  de  l'/lr- 
chiv  fur  slavische  Philologie.  Parmi  les  monographies  les 
plus  importantes  sont  celles  de  Markevitch  (en  russe,  Var- 
sovie, 4877)  ;  de  Brickner  (Revue  russe,  4887)  ;  de  Per- 
volf  dans  l'ouvrage  intitulé  les  Slaves  et  leurs  relations 
réciproques  (en  russe;  Varsovie,  4888,  t.  II).  Une  édi- 
tion générale  des  œuvres  de  Krijanitch  a  été  entreprise 
par  M.  M.-J.  Sokolov  (Moscou,  4894).  L.  Léger. 

BiBL.  :  Pastrnek,  Dibliographische  Uebersicht  ûber  die 
slavische  Philologie;  Beriin,  1892.  —  L.  Léger,  Nouvelles 
Etudes  slaves  ;  Paris,  1880. 

KRÎMTHAN,  moine  irlandais  (V.  Colomban  [Saint]). 

KRISCHE  (August-Berhard),  érudit  allemand,  né  le 
22  août  4809,  mort  à  Gœitingue  le  23  nov.  4848.  Il  étudia 
d'abord  aux  gymnases  de  Gœttingue  et  de  Gotha,  puis  à 
l'université  de  Gœttingue.  En  4830,  il  se  fit  remarquer  par 
son  livre  sur  les  sociétés  pythagoriciennes.  En  4833,  il  fut 
fait  privat-docent  et  assesseur  de  philosophie.  En  4847,  il 
fut  chargé  de  la  rédaction  des  Goettinger  Studien.  Ses 
principaux  écrits  sont  :  De  Societatis  a  Pijthagorain  urbe 
Croto7iiatarum  conditœ  scopo  politico  commcAitatio 
(1830);  Forschungen  auf  dem  Gebiete  der  alleu  Phi- 
losophie :  die  theologischen  Lehren  der  griechischen 
Denker,  einePrûfangder  darstellung  Cicero's  ("1840); 
Ueber  Ciceros'  academica  (4845). 

KRISHABER  (Maurice),  médecin  français  d'origine  hon- 
groise, né  à  Feketehegy  le  3  avr.  4836,  mort  à  Paris  le 
40  avr.  4883.  Il  étudia  à  Vienne,  à  Prague  et  à  Paris.  H 
se  fit  naturaliser  Français  en  4872,  exerça  à  Paris  et  y 
acquit  de  la  réputation  par  ses  travaux  de  laryngologie  et 
de  pathologie  nerveuse. Citons  seulement:  DelaNévropa- 
thie  cérébro-cardiaque  (Paris,  4873,  in-8),  affection  (pii, 
depuis,  porte  le  nom  de  «  maladie  deKrishaber  ». 

KRISHNA.  Rivière  del7/^6l^(V.  ce  mot,  t.  XX,  p.  672). 

KRISTIANIA  (V.  Christiania). 

KRISTNISAGA.  Récit  historique  de  l'introduction  du 
christianisme  en  Islande,  par  l'évêque  Fredrik  en  984 ,  et 
de  son  développement  jusqu'en  4421.  Cette  œuvre  semble 
remonter  au  xiv^  siècle  et  on  l'a  longtemps  attribuée  au 
jurisconsulte  islandais  Hauk  Erlendsson  (f  1 334).  Il  semble 
plus  probable  qu'il  n'a  été  que  le  rédacteur  d'une  compi- 
lation plus  ancienne,  à  laquelle  il  a  donné  la  forme  actuelle. 
La  première  édition  date  de  1688.  Une  bonne  édition  de 
la  Kristnisaga  a  été  publiée  avec  version  latine*en  4773, 
par  la  commission  arnamagnéenne. 

KBITCHEV.  Ville  de  Russie,  gouv.  de  Mohilev,  sur  le 
Soj,  affl.  g.  du  Dniepr;  4,000  hab.,  grecs  catholiques  en 
majorité.  Commerce  de  bois;  foires  importantes  à  Pâques 


et  à  Noël.  Kritchev  est  une  des  plus  vieilles  villes  de  Russie  ; 
elle  possède  encore  une  ancienne  enceinte  en  terre. 

KRIVITCHES.  Peuple  de  l'ancienne  Russie.  Les  Krivit- 
ches  appartenaient  à  la  race  slave  et  étaient  établis  sur  Je 
cours  supérieur  delà  Volga,  de  la  Dvina  et  du  Dniepr.  Ils 
sont  déjà  mentionnés  dans  Constantin  Porphyrogénètcu 
Smolensk  était  leur  ville  principale;  vers  988,  Vladimir 
établit  une  colonie  krivitche  aux  environs  de  Kiev.  Leur 
nom  disparaît  à  partir  du  xvi®  siècle. 
BiBL.  :  Chronique  dite  de  Nestor;  Paris,  1884,  éd.  franc. 

KRIVITZ.  Ville  d'Allemagne,  grand-duché  et  cercle  de 
Mecklembourg-Schwerin,  près  d'un  petit  lac;  3,i00  hab. 
Vieille  église  gothique;  poterie,  saucisses.  Elle  a  rang  de 
ville  depuis  4312. 

KRIVOÏ-ROG.  Mines  de  fer  de  Russie,  gouv.  de  Kherson, 
au  confluent  de  l'Ingouletz  (affl.  dr.  du  Dniepr  et  de  Ja 
Saksanga. 

KRIVOKLAT  (en  allemand  Burglitz).  Château  de  Bo- 
hême appartenant  à  la  famille  de  Furstenberg.  Il  servit  de 
résidence  à  Charles  IV,  à  l'archiduc  Ferdinand  et  à  Phi- 
lippine Welser. 

KRIVOSCIE.  Canton  de  Dalmatie,  district  de  Cattaro, 
dans  les  monts  calcaires  limitrophes  du  Monténégro  ;  âpres 
et  dénudés,  on  n'y  peut  cultiver  que  les  dolines  (V.  Karst). 
Les  Krivosciens,  dont  le  nom  (Krivosijane)  veut  dire  en 
serbe  les  Cous  tordus,  au  nombre  de  près  de  3,000,  sont 
des  Slaves  de  la  famille  serbe,  de  religion  grecque;  ils 
vivent  dans  leurs  cabanes  de  rochers  des  produits  de  leurs 
troupeaux  de  chèvres  et  de  moutons.  Leurs  principaux  vil- 
lages sont  Krivosije,  Dragali  et  Knezlac.  C'est  une  race 
vigoureuse,  de  haute  taille,  analogue  aux  Monténégrins  ; 
réfractaires  au  service  militaire  dont  les  Vénitiens  les  dis- 
pensaient, ils  se  sont  insurgés  quand  l'Autriche  a  voulu  le 
leur  imposer  en  1869.  Elle  céda  par  la  convention  de 
Knezlac  ;  mais  en  4882  elle  revint  à  la  charge  et  dompta 
l'insurrection.  Deux  routes  stratégiques  furent  tracées, 
aboutissante  la  caserne  de  Dragali, auprès  d'un  vieux  fort  ; 
plusieurs  autres  ont  été  conservés  à  Cerkvrie  (Ledenice) 
ou  établis. 

BiRL.  :  Un TERKiRCHER,  Die  ŒsterreicheriTi  Krivoscien  ; 
Innsbruck,1886. 

KRIZ  (Tunisie)  (V.  Griz). 

KRIZEK  (Vacslav),  savant  tchèque,  né  à  Strazov  (Bo- 
hême) en  4833,  mort  en  4883.  11  acheva  ses  études  à 
l'université  de  Prague,  devint  professeur  en  Croatie,  puis  à 
Litoméfice  et  enfin  directeur  du  gymnase  réal  de  Tabor,, 
Outre  certains  ouvrages  de  philologie  classique,  il  a  publié 
une  A7ithologie  de  la  littérature  sud-slave  (Prague., 
1862)  ;  une  Histoire  générale  en  tableaux  synchro- 
niques  (4869)  ;  une  Histoire  des  peuples  slaves  en  ta- 
bleaux synchroniques  (1874)  ;  une  Statistique  de  V Au- 
triche (4872)  et  un  certain  nombre  d'études  historiques 
dans  les  revues  spéciales.  On  a  publié  après  sa  mort  :  Etudes 
sur  V  histoire  des  ancie?is  Slaves  (avec  une  notice  par 
Slavik;  Prague,  4884). 

KRNKA  (Sylvestre),  armurier  autrichien,  d'origine 
tchèque,  né  à  Velky  P>os,  près  de  Ilorazdovice  (Bohême),  en 
4825.  Il  étudia  l'armurerie  à  Vienne  et  devint  armurier 
militaire.  Il  inventa  vers  4850  un  fusil  se  chargeant  par 
la  culasse,  qui  fut  refusé  par  le  gouvernement  autrichien, 
mais  adopté  par  le  Monténégro  et  par  l'armée  russe. 

KRŒBEN.  Ville  de  la  Pologne  prussienne,  district  de 
Posen;  3,800  hab.  Eglise  Saint-J^gidius,  bâtie  en  4440. 

KRŒNER  (Johann-Christian),  peintre  allemand,  né  à 
Rinteln  (liesse)  le  3  févr.  4838.  Il  travailla  d'abord  dans 
l'atelier  de  décoration  de  son  père,  puis,  à  la  suite  d'une 
série  de  voyages,  s'adonna,  en  Nemrod  passionné  qu'il  était, 
aux  scènes  de  chasse  et  forestières.  Nous  citerons  de  lui  : 
Gros  Gibier  en  hiver,  Battue,  Chevreuil  en  forêt,  Cerfs 
après  le  combat. 

KRŒNINGSSW/ERD  (Karl-Gustaf),  historien  suédois, 
né  à  Vester-Fernebo  en  4786,  mort  à  Stockholm  en  4859. 
Il  a  publié  un  très  grand  nombre  d'ouvrages  presque  exclu- 


KROENINGSSWJERD  —  KRONECKER 


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sivement  relatifs  à  la  Dalécarlie.  Il  faut  citer  parmi  les 
principaux  :  les  Descendants  d'Harald  Harfager  sur  les 
trônes  d'Europe  (1828);  Diplomatarium  dalcarlicum 
(i84"2-53).  Il  a  laissé  en  manuscrit  un  grand  nombre  de 
documents  sur  les  anciennes  familles  dalécarliennes. 

KRŒYER  (Peter-Severin),  peintre  danois,  fils  d'un  na- 
turaliste distingué  de  Copenhague,  né  à  Stavanger  en  ISod . 
Il  a  fait  ses  études  à  l'Institut  technique,  puis  à  l'Académie 
des  beaux-arts  de  cette  ville.  En  1871,  son  portrait  du 
peintre  0,-D.  Ottesen  attira  sur  lui  l'attention  des  con- 
naisseurs et  du  grand  public.  En  1873,  un  carton  représen- 
tant David  devant  Saûl  après  la  mort  de  Goliath  fut 
très  remarqué  et  Krœyer  obtint  une  bourse  de  voyage  ;  il 
visita  la  France,  l'Espagne  et  l'Italie.  Au  Salon  de  Paris 
de  1881,  il  exposa  les  Chapeliers  de  campagne  italiens. 
C'est  un  des  principaux  représentants  de  la  jeune  école  da- 
noise, dont  il  a  toutes  les  qualités  :  sûreté  du  dessin,  vérité 
de  la  lumière,  heureuse  fusion  des  teintes.  Voici  le  titre 
de  quelques-uns  de  ses  tableaux  :  Sardinerie  à  Concar- 
neau;  Pêcheurs  de  Skagen;  le  Déjeuner  des  artistes 
à  Skagen  (1884);  Soirée  musicale  dans  mon  atelier 
(1887);  Hip  Hurrah!  le  Comité  de  l'Exposition  fran- 
çaise à  Copenhague  en  1S8S  ;  Une  Soirée  à  Nycarls- 
berg  (1889);  Portrait  de  M'^'K.  (1894).  Th.  C. 

KROHN  (JuHus-Léopold-Fredrik),  écrivain  finnois,  né  à 
Viborg  en  1835,  mort  vers  1891.  Professeur  de  littérature 
finnoise  à  Helsingfors,  il  a  publié  en  finnois  de  nombreux 
ouvrages  sur  les  matières  de  son  enseignement:  la  Poésie 
finnoise  sous  la  domination  suédoise;  r Histoire  du 
psautier  finnois  ;  les  Runes  de  Kullervo  ;  Récits  d'his- 
toire de  Finlande;  Histoire  de  la  littérature  fin- 
noise^ etc.  Son  activité  ne  s'est  pas  bornée  cependant  à 
ces  recherches  historiques  ;  il  a  fait  paraître,  sous  le 
pseudonyme  de  Suonio^  des  œuvres  d'imagination,  poésies 
ou  nouvelles,  devenues  bientôt  très  populaires  :  OEuvres 
poétiques;  Récits  de  la  Lune^  etc.  Il  est  aussi  à  la  tète 
des  journaux  illustrés  finnois,  et  a  traduit  en  finnois  les 
œuvres  de  W.  Scott,  ainsi  que  plusieurs  poèmes  de  Rune- 
berg  ;  il  est  un  des  membres  les  plus  actifs  de  la  Société 
de  littérature  finnoise,  dont  il  est  secrétaire.  Th.  C. 

KROÏA  (V.  Croïa). 

KROK,  personnage  légendaire  qui  aurait  régné  en  Bo- 
hême vers  le  vu®  siècle  de  l'ère  chrétienne.  Il  aurait  fondé 
une  école  à  Budec  et  serait  le  père  de  trois  filles  non  moins 
légendaires  :  Kasi,  Teta  et  Libuse, 

KROLEVETZ.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du  gouv. 
de  Tchernigov,  au  confluent  de  la  Svidna  et  de  la  Dobraia- 
Voda  (affl.  g.  de  la  Desna);  10,000  hab.  Fabrication  de 
sucre,  de  poteries,  de  briques,  etc.  Grande  foire  annuelle 
du  10  au  26  sept,  (chevaux,  bœufs,  cotonnades,  lainages, 
sucre,  cuirs,  poteries,  etc.).  —  Le  district  a  2,697  kil.'q., 
les  trois  quarts  en  terres  labourées. 

KROLMUS  (Vacslav),  archéologue  tchèque,  né  à  Brezi- 
nec  en  1787,  mort  à  Prague  en  1861.  Il  fut  ordonné  prêtre 
en  1815  ;  curé  en  province,  il  passa  la  plus  grande  partie 
de  sa  vie  à  rechercher  des  antiquités,  et  ses  découvertes 
ont  beaucoup  contribué  à  enrichir  le  musée  de  Prague .  Il 
manquait  malheureusement  de  critique.  Il  a  publié,  sous  le 
pseudonyme  de  Sumlork,  un  recueil  de  Folldore  de  V an- 
cienne Bohême  (Prague,  1844-51),  divers  écrits  archéo- 
logiques et  des  livres  de  dévotion. 

"^KROMER  (Martin),  historien  polonais,  né  à  Riez  en 
1512,  mort  en  1589.  Il  fit  ses  études  à  Cracovie,  en  Al- 
lemagne et  en  Itahe.  A  son  retour,  il  devint  secrétaire  de 
Gamrat,  évêque  de  Cracovie,  puis  du  prince  royal  Sigis- 
mond-Auguste.  Il  fut  chargé  de  missions  diplomatiques  à 
Rome,  à  Vienne  et  auprès  du  concile  de  Trente.  En  1579, 
il  devint  évoque  de  Warmie.  Il  consacra  ses  loisirs  à  l'étude 
de  l'histoire  nationale  et  fit  paraître  à  Râle  en  1555  l'ou- 
vrage intilulé  Martini  Cromeri  de  origine  et  rébus 
gestis  Polonorum,  et,  en  1577,  à  Cologne  :  Polonia  sive 
de  situ.,  populis.,  moribus,  magistratibus  et  republica 
regni  Polonici,  libri  duo.  On  lui  doit  encore  quelques 


ouvrages  théologiques  et  un  traité  sur  la  musique,  Musica 
figurata  (Cracovie,  1534).  Dans  son  histoire,  il  s'inspire 
de  Dlugosz  et  met  à  profit  des  documents  qu'il  avait  con- 
sultés dans  les  archives  de  la  Couronne.  Cet  ouvrage  ob- 
tint un  grand  succès  ;  il  fut  traduit  en  allemand  par  Henri 
Pantaleon  (Bàle,  1562),  réimprimé  à  Cracovie  en  1611,  à 
Cologne  en  1589,  traduit  deux  fois  en  polonais.  La  des- 
cription de  la  Pologne  a  été  traduite  en  polonais  par  Kon- 
dratowicz  (Vilna,  1853);  la  vie  et  l'œuvre  de  Kromer  ont 
été  étudiées  par  C.  Walewski  (dans  la  Bibliotheca  War- 
szawska  en  1873),  et  par  L.  Finkiel  (t.  XVI  des  Mémoires 
de  r  Académie  des  sciences  de  Cracovie).         L.  L. 

K ROM  MER  (Franz),  compositeur  autrichien,  né  à  Ka- 
menitz  (Moravie)  en  1759,  mort  à  Vienne  le  8janv.  1831. 
Il  dirigea  la  chapelle  du  comte  Ayrum  (1784),  de  l'église 
de  Fdnfkirchen  (1790),  du  prince  Krasaikovvitz,  la  musique 
de  chambre  de  l'empereur  (1814).  Sa  musique  instrumen- 
tale fut  appréciée  de  ses  contemporains  pour  l'élégance  des 
mélodies,  la  correction  du  style,  l'imprévu  des  modulations. 
Citons  sa  messe  en  ut,  5  symphonies  à  grand  orchestre, 
69  quatuors  pour  deux  violons,  etc. 

KRONACH  (Cranacha).Yi\\e  de  Bavière,  prov.  de  Oaute- 
Franconie,  au  confluent  de  la  Kronach,  de  la  Rodach  et  de 
rilaslach  ;  4,500  hab.  Vieil  hôtel  de  ville.  Au  N.,  château 
de  Rosenberg.  Porcelaines,  tableaux  d'ardoise,  commerce 
de  bois,  etc.  Le  château  fut  construit  au  x®  siècle,  rebâti 
par  Henri  V,  passa  aux  ducs  de  Méran,  repoussa  les  Sué- 
dois en  1632,  1633  et  1635.  Patrie  de  Lucas  Cranach. 

KRONBERG.  Ville  de  Prusse,  district  de  Wiesbaden,  au 
pied  du  Tâunus;  2,500  hab.  Vieux  château,  vergers,  écoles 
d'arboriculture,  commerce  de  fruits.  Auprès  est  la  station 
balnéaire  de  Kronthal  (eaux  ferrugineuses  muriatiques 
de  H- 14°  à  +16**,  employées  dans  les  maladies  de  foie). 

BiBL.:  Basse,  Bas  Rittergeschlecht  und  die  StadtKron- 
berq  ;  P>ancfort-sur-Ie-Main,  1886. 

KRONBORG.  Château  construit  à  Elseneur  par  Frédé- 
ric II.  C'est  une  énorme  masse  carrée,  hérissée  de  cloche- 
tons et  de  tourelles,  sise  sur  une  langue  de  terre  qui  s'avance 
dans  le  Sund.  Kronborg  a  joué  un  grand  rôle  dans  l'his- 
toire militaire  du  Danemark,  mais  n'a  plus  aucune  impor- 
tance et  sert  actuellement  de  caserne.  C'est  dans  les  sou- 
terrains du  château  que  dort  Ogier  le  Danois,  prêt,  assure 
la  tradition,  à  secourir  la  patrie  si  elle  courait  quelque 
danger. 

KRONECKER  (Leopold),  mathématicien  allemand,  né  à 
Liegnitz  (Silésie)  le  7  déc.  1823,  mort  à  Berlin  le  29  déc. 
1891.  Il  fréquenta  les  universités  de  Berlin,  Bonn,  Bres- 
lau,  prit  en  1845  le  grade  de  docteur,  fut  élu  en  1860 
membre  de  l'Académie  des  sciences  de  Berlin,  fit  à  l'uni- 
versité de  cette  ville,  à  partir  de  1861,  un  cours  libre  de 
mathématiques  et  fut  nommé  en  1883  professeur  titulaire. 
H  était  depuis  1868  correspondant  de  l'Académie  des 
sciences  de  Paris  (section  de  géométrie).  Ses  travaux  ont 
porté  sur  de  nombreuses  questions  d'arithmétique,  d'al- 
gèbre pure,  de  haute  analyse,  de  physique  mathématique, 
en  particulier  sur  la  théorie  des  nombres,  à  laquelle  il  a 
fait  d'heureuses  applications  des  propriétés  des  fonctions 
elliptiques.  Plusieurs  de  ses  mémoires  ont  été  l'objet,  à 
l'occasion  de  solennités  universitaires,  de  publications  sé- 
parées :  Grundzûge  einer  arithmetischen  Théorie  der 
algebraischen  Grœssen  et  De  Unitatibus  complexis 
(Berlin,  1882)  ;  Ueber  den  Zahlbegriff  {Leipzig,  1887). 
Les  autres,  au  nombre  d'une  centaine,  sont  disséminés 
dans  le  Journal  de  Crelle,  qu'il  a  continué  avec  Weier- 
strass,  dans  celui  de  Liouville,  dans  les  Monatsberichte  de 
l'Académie  de  Berlin,  dans  les  Comptes  rendus  de  V Aca- 
démie des  sciences  de  Paris,  dans  les  Annales  de  V Ecole 
normale  supérieure  de  Paris,  etc.  ;  on  en  trouvera  la 
liste  dans  les  t.  IIl,  VIII  et  X  du  Catalogue  of  scientific 
papers  de  la  Société  royale  de  Londres.  Sa  correspondance 
avec  Dirichlet  a  paru  dans  les  Gœttingischen  gelehrten 
Anzeigen  (1885).  L.  S. 

BiBL.  :  Hermite,  Notice  sur  M.  Kronecker,  dans  les 
C.  T.  de  VAcad.  des  se.  de  Paris,  1892,  t.  CXIV,  p.  19. 


KRONECKER  (Hugo),  physiologiste  allemand  contempo- 
rain, né  à  Liegnitz  le  27  janv.  4839.  11  étudia  à  Heidel- 
berg  et  à  Leipzig  et  s'occupa  de  bonne  heure  de  la  phy- 
siologie des  muscles.  Il  fut  successivement  professeur 
extraordinaire  à  Leipzig  et  à  Berlin,  puis  en  4885  passa 
avec  le  titre  de  professeur  ordinaire  à  Berne.  Ses  travaux 
de  physiologie  ont  été  publiés  dans  Beitrœge  %ur  Anat.  and 
Physiologie^  als  Feslausgabe  Cari  Ludivig  gewidmet 
(Leipzig,  4874),  dans  Du  Bois-Reymond's, /Ircto/".  Phy- 
siologie^ Proceedings  of  the  Royal  Society,  etc. 

KRONOBERG  ou  WEXIŒ.  Laen  ou  prov.  de  la  Suède 
méridionale,  comprenant  le  S.  du  Smaaland  ;  9,997  kil.  q.; 
458,304  hab.  Elle  s'étend  entre  les  Isens  de  Jonkœping  au 
N.,  Calmar  à  l'E.,  Blekinge  et  Scanie  au  S.,  Halland  à  TO. 
C'est  un  pays  de  collines  boisées  où  les  lacs  et  marais  cou- 
vrent 4,026  kil.  q.  11  n'y  a  que  7  4/2  ^jo  de  la  surface  qui 
soit  labouré  et  45  «/o  en  prairies.  On  récolte  surtout  de 
l'avoine,  des  pommes  de  terre,  du  seigle  et  de  l'orge. 
La  province  compte  environ  8,000  chevaux,  425,000 
bœufs,  75,000  moutons,  30,000  porcs.  La  province  doit 
son  nom  à  un  château  dont  les  ruines  se  voient  près  de 
Wexiœ  sur  le  lac  Helga.  Le  chef-lieu  est  Wexiœ  ;  elle  se 
divise  en  six  districts.  Elle  est  traversée  par  le  ch.  de  fer 
de  Falkœping  à  Malmœ  et  par  plusieurs  de  ses  embran- 
chements. 

KRONOS  (Myth.  gr.).  Un  des  grands  dieux  de  la  my- 
thologie grecque,  père  de  Zeus.  Les  écrits  hésiodiques  le 
présentent  comme  le  dernier  des  Titans  ;  fils  d'Ouranos  et 
de  Gè  (le  Ciel  et  la  Terre),  il  cbâtie  et  détrône  son  père, 
s'empare  du  gouvernement  du  monde  et  épouse  sa  sœur 
Rhéa.  Gè  lui  avait  prophétisé  qu'il  serait  lui-même  renversé 
par  un  de  ses  enfants  ;  il  résolut  de  dévorer  ceux-ci  aussi- 
tôt nés:  Hestia,  Déméter,  Héra,  Pluton,  Poséidon  auraient 
subi  ce  sort  ;  mais  Rhéa  fit  échapper  le  plus  jeune,  Zeus, 
en  lui  substituant  une  pierre  emmaillotée.  Lorsque  Zeus 
eut  grandi,  sur  les  conseils  de  l'Océanide  Métis,  il  fit  revo- 
mir à  son  père  les  enfants  avalés  par  lui,  et  tous  enga- 
gèrent la  lutte  contre  Kronos  et  les  Titans  ;  ils  les  vain- 
quirent et  les  précipitèrent  dans  le  Tartare.  —  Une  autre 
version  relègue  Kronos  dans  l'île  des  Bienheureux,  avec 
Rhadamante.  Kronos  ne  figure  guère  que  dans  les  mythes 
théogoniques  ;  pourtant  il  avait  un  temple  à  Athènes  au 
pied  de  l'Acropole.  L'art  s'en  est  peu  occupé;  on  le  figura 
en  vieillard,  parfois  une  harpe  à  la  main.  Les  Romains 
l'identifièrent  à  leur  Sahirne  (V.  ce  nom). 

Les  philologues  ne  sont  pas  d'accord  sur  l'interprétation 
de  ce  personnage  divin.  Il  semble  bien  que,  comme  les 
Titans,  il  soit  un  produit  de  l'imagination  philosophique 
s'exerçant  à  fabriquer  des  généalogies  célestes,  des  théo- 
gonies. Mais  plusieurs  soutiennent  que  la  succession  my- 
thique de  Kronos  et  de  Zeus  répond  à  un  fait  historique, 
la  succession  de  deux  religions  différentes  et  peut-être  de 
deux  peuples.  En  dernier  lieu  Hoffmann  (Mythen  aus  der 
Wanderzeit  der  grœkoitalischen  Stœmmœ,  4876)  a 
développé  cette  théorie.  En  revanche,  on  admet  générale- 
ment que  l'idée  de  faire  de  Kronos  un  dieu  du  temps  (Chro- 
nos)  repose  sur  une  confusion  et  une  sorte  de  calembour. 

KRONSTAD  (Russie)  (V.  Cronstad). 

KRONSTADT  (en  magyar  Brassé),  Ville  de  Transylva- 
nie, ch.-l.  d'un  comitat.  Elle  est  située  dans  un  magni- 
fique paysage  de  montagnes,  au  milieu  du  Burzenland, 
vallée  élevée  en  moyenne  de  600  m.  au-dessus  du  niveau 
de  la  mer.  De  ses  32,549  hab.  (4890),  un  tiers  est 
composé  d'Allemands,  un  tiers  de  Magyars,  un  tiers  de 
Roumains,  sans  tenir  compte  des  petits  groupes  arménien, 
tsigane,  etc.  La  vieille  ville  occupe  le  fond  de  la  gorge  ;  le 
faubourg  roumain  est  bâti  sur  les  terrasses  des  coteaux,  le 
faubourg  de  Bolonya  (Blumenau)  dans  un  vallon  voisin. 
Les  principaux  édifices  sont  l'hôtel  de  ville,  bâti  vers  4520, 
et  l'église  évangélique,  dite  église  noire,  bâtie  de  1385  à 
4425  en  style  gothique  et  fréquemment  endommagée  depuis 
par  les  incendies  ;  l'orgue,  œuvre  du  Berlinois  Baccholz 
en  4839,  est  un  des  plus  grands  et  des  plus  célèbres  qui 


649  -  KRONECKER  -^  KROPOTKINE 

existent.  L'industrie  est  florissante,  plus  que  dans  nulle 
autre  ville  de  Transylvanie  ;  elle  comprend  les  draps,  la 
cire,  les  objets  en  cuir,  le  papier,  etc.  Le  commerce  avec 
la  Roumanie  a  plutôt  diminué.  C'est  ce  commerce  qui  a 
surtout  amené  la  fondation  de  la  ville  de  Corona,  en 
latin  oflTiciel,  au  début  du  xni®  siècle,  par  des  colons  saxons 
que  favorisait  le  roi  de  Hongrie.  Enlevée  dès  1225  à  l'ordre 
Teutonique,  elle  fut  ensuite  incorporée  à  la  Hongrie 
saxonne.  Les  Tatares  et  les  Turcs  la  saccagèrent  plusieurs 
fois.  Au  XVI®  siècle,  le  Saxon  Honter,  ami  de  Luther,  fit 
de  Kronstadt  le  principal  foyer  de  la  Réforme  en  Transyl- 
vanie. Au  temps  de  G.  Bathori,  elle  eut  beaucoup  à  souf- 
frir; après  un  long  siège,  elle  succomba  en  4612.  La 
conquête  autrichienne  fut  marquée  par  d'effroyables  cruau- 
tés de  Caraffa  (4688);  l'année  suivante  les  soldats  brû- 
lèrent la  ville.  En  4849,  Bem  s'en  empara  deux  fois,  mais  en 
fut  deux  fois  chassé  par  les  Russes.  —  Le  très  petit  comi- 
tat de  Kronstadt  n'a  que  86,458  hab.,  en  grande  majorité 
Roumains.  E.  S. 

BiBL.  :  VIlï«  fascicule  de  A  Travers  la  Hongrie,  dans 
l'Europe  illustrée  d'Orell-Fiissli.  —  Filtsch,  Die  Siadt 
Kronstadt  ;  Vienne,  1886. 

KRONTHÂL  (Géogr.)  (V.  Kronberg). 

KROPACZEK  ou  KROPATSCHEK  (Alfred),  officier  au- 
trichien. Il  servit  dans  l'artillerie  et  inventa  un  fusil  se 
chargeant  par  la  culasse  auquel  il  a  donné  son  nom  et  qui 
fut  adopté  dans  la  marine  française  (V.  Fusil).  L'empereur 
le  récompensa  en  lui  conférant  le  titre  de  chevalier  et  en 
le  nommant  commandant  de  l'Ecole  des  cadets  de  Vienne. 
11  a  publié  plusieurs  ouvrages  techniques  :  Die  Umgestal- 
tung  der  K.  K.  œsterreichischen  Gewehre  in  Hinterla" 
c^er(1867);  Bas  œsterr.  Hinterladungs  Gewehrsystem 
(1870);  Derœster.  Armée  Revolver  (4873),  etc. 

KROPINSKI  (Louis),  poète  polonais,  né  dans  le  pala- 
tinat  lithuanien  de  Brzesc  en  4767,  mort  en  Volynie  en 
4844.  Il  était  colonel  à  la  bataille  de  Maciejovice  (4794), 
général  de  brigade  dans  l'armée  du  grand-duché  de  Var- 
sovie (4842),  puis  se  retira  dans  ses  terres  où  il  écrivit 
des  drames  dont  le  plus  célèbre  est  Ludyarda  et  des  ro- 
mans parmi  lesquels  il  faut  citer  Miaiiido/'(4  824).  Ses 
œuvres  ont  été  réunies  (Léopol,  1844). 

KROPOTKINE  (Pierre),  révolutionnaire  russe,  né  à  Mos- 
cou en  4842.  Membre  d'une  famille  dont  la  généalogie  se 
rattacherait  à  la  maison  royale  des  Rurick,  le  prince  Ivro- 
potkine  fut  admis  à  quinze  ans  dans  le  corps  des  pages  et 
entra  quelque  temps  après  à  l'Ecole  militaire,  oii  il  resta 
jusqu'à  vingt  ans.  Au  Meu  d'accepter  un  grade  dans*la  garde 
impériale,  poste  envié  auquel  sa  naissance  et  ses  relations 
de  famille  lui  permettaient  de  prétendre,  il  se  fit  envoyer 
dans  le  corps  des  cosaques  de  l'Amour,  comme  aide  de  camp 
du  général  gouverneur  de  la  Transbaïkalie,  dont  il  prépa- 
rait les  travaux.  Son  premier  mémoire  fut  une  description 
économique  et  agricole  de  cette  région  jusqu'alors  très  peu 
connue.  Il  rédigea  ensuite  un  rapport  sur  l'état  des  prisons 
et  sur  le  régime  des  condamnés  aux  travaux  forcés,  dont 
Nertchinsk  est  le  centre,  en  indiquant  les  réformes  qui  pou- 
vaient y  être  apportées.  Ce  rapport  ne  fut  pas  publié  ;  mais 
il  produisit,  parait-il,  un  effet  profond  sur  l'esprit  du  tsar, 
qui  fut  indigné  des  horreurs  commises  en  son  nom  et  se 
promit  d'y  mettre  un  terme.  La  promesse  impériale  fut  bien 
vite  oubliée.  C'était  en  4862  ;  dans  quelques  mois,  la  réac- 
tion triomphante  allait  faire  disparaître  les  derniers  vestiges 
des  réformes  d'Alexandre  IL  (Juant  à  Kropotkine,  son  en- 
thousiasme de  jeune  homme  ne  tarda  pas  à  se  changer  en 
douloureux  scepticisme  ;  il  continua  à  s'occuper  de  l'orga- 
nisation administrative  de  la  Sibérie,  mais  sans  conserver 
l'ombre  d'une  illusion,  sachant  d'avance  que  ses  projets 
déplairaient  à  Saint-Pétersbourg. 

En  4863,  après  l'insurrection  de  Pologne,  tout  espoir 
de  réformes  était  perdu.  Kropotkine,  attaché  au  gouver- 
nement de  la  Sibérie  orientale,  se  consacra  tout  entier  à 
des  travaux  scientifiques,  et,  dans  une  série  d'expéditions 
qui  durèrent  trois  ans,  explora  la  Mandchourie,  les  rives 


KROPOTKÏNE  —  KKOU 


650  — 


de  rOussouri,  découvrit  la  route  du  Khingan  et  Merghen, 
où  les  Européens  n'étaient  pas  allés  depuis  le  xvii^  siècle; 
il  fit  partie  de  la  première  expédition  qui  remonta  le  Soun- 
gari,  parcourut  le  bassin  de  TOka,  enfin,  dans  le  plus  re- 
marquable de  ses  voyages,  trouva  le  passage  longtemps 
cherché  qui  conduit  des  mines  d'or  de  la  Lena  jusqu'en  Trans- 
baikalie.  Lorsqu'il  revint  à  Saint-Pétersbourg  en  4867, 
pour  suivre  les  cours  de  l'Université,  Kropotkine  était  déjà 
populaire,  tant  à  cause  des  dangers  qu'il  avait  courus  que 
des  résultats  scientifiques  de  ses  voyages.  Il  publia  dans  les 
Peter man's  Mittheilungen  le  catalogue  général  de  tous 
les  points  dont  il  avait  pu  calculer  l'altitude,  et  le  Résumé 
de  Vorographie  de  la  Sibérie^  qui  est  son  principal  ou- 
vrage de  géographie.  En  4871,  chargé  d'une  mission  en 
Finlande,  il  étudia  les  terrains  delà  période  glaciaire;  ses 
observations  lui  fournirent  le  sujet  d'un  ouvrage  dont  le 
premier  volume  seulement  a  paru  dans  les  Annales  de  la 
Société  de  géographie;  le  deuxième,  resté  manuscrit,  est 
tombé  plus  tard  entre  les  mains  de  la  police  russe. 

Le  mouvement  libéral  ayant  définitivement  échoué,  Kro- 
potkine jugea  que,  si  la  société  russe  pouvait  être  délivrée 
du  régime  de  l'autocratie,  ce  ne  serait  pas  au  moyen  de 
décrets  impériaux,  mais  parla  volonté  du  peuple  éclairé  et 
organisé.  Convaincu  de  la  nécessité  d'une  révolution  sociabi 
faite  par  en  bas,  il  quitta  le  monde  de  la  noblesse  et  de 
la  cour,  dont  les  mœurs  répugnaient  à  son  caractère  de 
philosophe  e(  de  savant,  et  résolut  de  vivre  au  milieu  des 
ouvriers  et  des  paysans.  Un  voyage,  fait  en  4872  en  Bel- 
gique et  en  Suisse,  l'avait  mis  en  relations  avec  les  membres 
de  l'Internationale  expirante  (V.  Internationale),  parmi 
lesquels  plusieurs  de  ses  compatriotes  condamnés  à  l'exil  à 
cause  de  leurs  opinions.  Il  rentra  en  Russie  pour  s'affilier 
à  l'association  des  Xchaykovsky,  jeunes  gens  de  la  classe 
bourgeoise  et  de  l'aristocratie,  qui  s'en  allaient  ouvrir  des 
cours  d'instruction  élémentaire  dans  les  milieux  industriels 
et  dans  les  campagnes,  afin  de  faire  pénétrer  dans  les  es- 
prits incultes,  à  la  faveur  de  la  lecture,  de  l'écriture,  de 
quelques  notions  d'histoire,  les  idées  de  révolte  et  de  liberté. 
Déguisé  en  peintre,  sous  le  nom  d'emprunt  de  Borodine, 
Pierre  Kropotkine  ne  se  contentait  pas  d'instruire  les  pay- 
sans :  il  faisait  des  conférences  où  le  gouvernement  du  tsar 
n'était  pas  ménagé;  il  allait  de  maison  en  maison,  montrant 
l'iniquité  du  servage  et  prêchant  la  fraternité.  Dénoncé  à  la 
police,  il  fut  arrêté  au  commencement  de  4874,  pour  être 
impliqué  dans  le  procès  des  493,  et  interné  dans  la  for- 
teresse Pierre-et-Paul,  à  Saint-Pétersbourg.  Là,  pendant 
deux  ass  et  demi,  entre  les  murs  d'*une  casemate  humide 
et  obscure,  presque  privé  de  nourriture,  n'obtenant  des 
livres  qu'à  grand'peine,  empêché  de  recevoir  ses  parents  et 
ses  amis,  il  attendit  vainement  qu'on  le  jugeât,  même  qu'on 
lui  fit  connaître  le  crime  qui  lui  était  imputé.  Son  état  de 
santé  obligea  cependant  la  police  à  le  faire  transporter  à 
la  prison  de  l'hôpital  militaire,  d'où  il  parvint  à  s'évader  le 
42juil.  4876. 

Kropotkine  se  rendit  immédiatement  en  Angleterre,  puis 
en  Suisse,  en  4877  ;  il  entra  dans  la  Fédération  du  Jura, 
section  anarchiste  de  l'Internationale  et  fonda  à  Genève  le 
journal  le  Révolté.  Expulsé  de  Suisse  en  sept.  4884,  à  la 
demande  du  gouvernement  russe,  il  se  réfugia  à  Thonon, 
de  là  en  Angleterre,  où,  dans  une  série  de  lectures  et  de 
conférences,  il  s'efforça  de  provoquer  une  agitation  contre 
la  cruauté  des  persécutions  politiques  exercées  par  l'em- 
pereur Alexandre  IIL  Revenu  à  Thonon  en  oct.  1882,  il 
fut  arrêté  le  20  déc.  à  la  suite  de  l'explosion  de  la  place 
Bellecour  à  Lyon,  bien  qu'il  y  fût  totalement  étranger;  il 
comparut  en  même  temps  que  cinquante-neuf  autres  incul- 
pés, devant  le  tribunal  correctionnel,  qui  le  condamna  à 
cinq  ans  d'emprisonnement  le  19  janv,  4883,  pour  parti- 
cipation à  V Internationale  (V.  ce  mot  et  Anarchie).  En- 
fermé à  la  maison  centrale  de  Clairvaux,  il  fut  relâché  le 
45  janv.  4886,  à  la  suite  d'une  active  campagne  faite  en 
sa  faveur  par  les  savants  de  France  et  d'Angleterre. 

Depuis  sa  libération,  Kropotkine,  retiré  à  Londres,  a 


publié  un  grand  nombre  de  travaux  scientifiques  dans  les 
principales  revues  anglaises,  et  des  études  de  philosophie 
sociale  (la  plupart  ont  paru  dans  le  journal  le  Révolté), 
où  sont  exposés  les  principes  de  la  société  anarchiste:  no- 
tamment Paroles  d'un  révolté,  la  Conquête  du  pain, 
r Anarchie  dans  Vévolution  socialiste,  les  Prisons,  la 
Morale  anarchiste,  la  Grande  Révolution,  les  Temps 
nouveaux,  etc.  Nous  n'avons  pas  à  exposer  ici  le  commu- 
nisme anarchiste  dont  le  célèbre  révolutionnaire  russe  est 
un  des  théoriciens  les  plus  éloquents  et  les  plus  docu- 
mentés. Aucun  n'a  défendu  avec  autant  de  conviction  la 
libre  entente,  cette  organisation  spontanée,  qu'il  oppose  à 
l'Etat,  cette  autre  organisation  basée  sur  la  contrainte. 
Par  là  se  trouve  détruite  l'objection  de  ceux  qui  sont  tentés 
de  voir  dans  l'anarchie  une  lutte  sans  frein,  le  règne  de 
la  violence  et  de  la  force,  cent  fois  plus  odieux  et  plus 
dangereux  pour  les  faibles  que  le  régime  de  la  concurrence, 
répudié  par  les  socialistes.  Sur  un  autre  point,  Kropotkine 
paraît  avoir  émis  une  idée  originale  :  c'est  au  sujet  de  la 
division  du  travail.  Après  Sismondi  et  tant  d'autres  so- 
ciologues, il  constate  que  le  système  de  production  mo- 
derne réduit  les  travailleurs  à  l'état  de  machines  ;  mais 
il  se  refuse  à  en  admettre  la  nécessité.  «  D'une  part,  les 
producteurs  qui  consomment  fort  peu  et  sont  dispensés 
de  penser,  parce  qu'il  faut  travailler,  et  qui  travaillent 
mal  parce  que  leur  cerveau  reste  inactif  ;  et,  d'autre  part 
les  consommateurs  qui,  produisant  peu  ou  presque  rien, 
ont  le  privilège  de  penser  pour  les  autres,  et  pensent  mal 
parce  que  tout  un  monde,  celui  des  travailleurs  des  bras, 
leur  est  inconnu.  »  Kropotkine  considère  ce  principe 
comme  «  horrible,  nuisible  à  la  société  et  abrutissant  pour 
l'individu  »  ;  il  voudrait  que  tous  les  hommes  pussent 
travailler  et  penser,  pratiquer  en  même  temps  le  tra- 
vail manuel  et  cérébral  ;  c'est  ce  qu'il  appelle  l'  «  intégra- 
tion du  travail  et  de  la  production  »  :  idée  qui  semble 
paradoxale,  même  après  les  pages  éloquentes  de  Tolstoï. 
Kropotkine  apporte  un  argument  qui  n'est  pas  sans  valeur; 
c'est  un  fait  d'expérience  :  on  a  pu  croire  longtemps  que 
les  nations,  comme  les  individus,  se  spécialiseraient  à  l'in- 
fini et  que  l'obhgation  d'échanger  leurs  produits  était  une 
condition  die  paix  et  de  solidarité.  Mais  voilà  qu'elles  fer- 
ment leurs  frontières,  qu'elles  protègent  leurs  industries, 
qu'elles  s'empruntent  mutuellement  leur  outillage  pour 
créer  celles  qui  leur  manquent.  Que  ce  mouvement  soit  du- 
rable ou  non,  quelles  qu'en  doivent  être  les  conséquences, 
il  est  en  sens  inverse  de  la  division  du  travail.  Qui  sait  s'il 
n'est  pas  destiné  à  s'étendre  des  nations  aux  groupes,  des 
groupes  aux  individus,  et  s'il  ne  deviendra  pas  bientôt 
l'idéal  provisoire  de  l'humanité  ?  M.  Charnay. 

KROPP  (Dietrich),  sculpteur  allemand,  né  à  Brème  le 
44  déc.  4824.  Il  étudia  tour  à  tour  à  Munich  et  à  Dresde, 
puis  alla  en  4858  à  Rome,  où  il  fit  deux  bustes  de 
Raphaël,  un  médaillon,  la  Nuit,  et  l'Ange  agenouillé.  De 
retour  à  Brème,  il  y  exécuta,  entre  autres  travaux,  tout 
un  ensemble  de  figures  pour  la  nouvelle  Bourse,  des  statues 
de  grands  hommes  pour  le  Rutenhof  et  le  Schusterhaus, 
et  son  beau  relief,  le  Christ  enseignant  le  peuple,  pour 
le  portail  de  Téglise  Remberti  (4873). 

KROSNO.  Ville  de  Galicie,  sur  le  Vislok;  3,000  hab. 
Belle  église  gothique,  ruines  d'un  château  royal. 

KROSSEN.  Ville  d'Allemagne  (V.  Crossen). 

KROTOSZYN  (ail.  Krotoschin).  Ville  de  Pologne  prus- 
sienne, sur  le  ch.  de  fer  d'OEls  à  Gniezno  ;  40,000  hab. 
Briqueteries,  scieries,  etc.  Le  château  est  le  ch.-l.  de  la 
principauté  de  Thurn-et-Taxis.       " 

KROUou  KROUMEN.  Population  nègre  de  Guinée  occi- 
dentale. Les  Krou  habitent  la  côte  des  Graines  et  la  côte 
d'Ivoire  depuis  la  rivière  Sesters  (dans  la  république  de 
Libéria)  jusqu'à  la  rivière  du  Grand  Lahou  (dans  notre 
colonie  d'Assini).  Il  faut  remarquer  que  l'on  englobe  sous 
le  nom  de  Krou  diverses  tribus  échelonnées  sur  cet  espace 
et  qui  portent  les  noms  de  Krou  proprement  dits,  de 
Grebo,  d'Appoloniens,  d'Acrédiens,  d'Assiniens,  etc. 


—  651 


KROU  -  KRÛDENER 


Parfois  même  on  appelle  Krou  les  nègres  Veï  dont  l'ha- 
bitat se  trouve  plus  au  N.,  entre  le  fleuve  Sestesi  et  Mon- 
rovia. Les  Krou  sont  de  taille  assez  élevée  (1"°69  en 
moyenne)  et  d'une  vigueur  extraordinaire.  Leur  tête  est 
allongée  (indice  céphalique  moyen  :  75,1),  leur  nez  est 
très  large  et  aplati  et  la  couleur  de  leur  peau  est  un  peu 
moins  foncée  que  celle  des  Sénégalais.  Le  système  pileux 
est  bien  développé.  De  tous  les  nègres,  ce  sont  les  plus 
obéissants  et  les  meilleurs  travailleurs  dans  les  factoreries 
où  on  les  paye  20  à  30  fr.  par  mois.  Ils  fournissent  aussi  aux 
navires  de  guerre  et  de  commerce  des  matelots  d'une  va- 
leur exceptionnelle  et  d'une  fidélité  rare.  Ils  s'engagent 
généralement  pour  un  ou  deux  ans,  mais,  une  fois  leur 
service  fait,  ils  demandent  à  être  rapatriés  et  rien  ne  peut 
les  déterminer  à  s'établir  définitivement  hors  de  leur  pays. 
Les  Rrous  tiennent  entre  leurs  mains  tout  le  commerce 
maritime  de  la  région  qu'ils  habitent.  J.  Deniker. 

KROUBS  (V.  Khroub  [Le]). 

KROUCHÉVATS.  Ville  de  la  Serbie,  ch.-l.  de  cercle, 
située  près  de  la  rive  droite  de  la  Morava  serbe  ;  5,150  hab. 
Elle  fut  jusqu'en  1389  la  résidence  des  tsars  de  Serbie.  — 
Le  cercle  de  Krouchévats,  d'une  superficie  de  2,368  kil.  q., 
compte  81 ,981  hab. 

KROU  M,  souverain  de  la  Bulgarie  au  commencement  du 
ix«  siècle.  Ce  fut  le  véritable  fondateur  de  l'Etat  bulgare  et 
son  rôle  peut  être  comparé  à  celui  de  Clovis  dans  l'histoire 
de  France.  Non  seulement  il  contribua  par  ses  victoires  à 
l'accroissement  de  la  puissance  bulgare  dont  il  étendit  la 
domination  au  delà  des  Karpates  et  des  Balkans  ;  mais,  par 
une  sage  administration  et  des  lois  rigoureuses,  il  sut  éta- 
blir l'ordre  et  la  cohésion  dans  une  société  à  peine  consti- 
tuée. Une  des  campagnes  de  Kroum  conduisit  en  813  une 
armée  jusque  sous  les  murs  de  Constantinople,  dont  l'em- 
pereur dut  payer  un  tribut  au  souverain  bulgare.  Kroum 
mourut  d'apoplexie  en  815. 

KR0UM1RS(V.  Tunisie). 

KROUNG-KAO  ou  AYUTHIA.  Ville  du  roy.  deSiam,r. 
g.  du  Ménam,à  65kil.  de  Bangkok;  50,000  hab.  La  ma- 
jorité de  la  population  vit  sur  la  rivière  dans  des  habita- 
tions flottantes.  Cette  ville,  qui  est  le  grand  entrepôt  du 
commerce  entre  le  Siam  et  le  Laos,  a  remplacé  l'ancienne 
Ayuthia,  dont  les  temples  ruinés  se  voient  aux  alentours 
dans  la  forêt.  L'antique  cité,  connue  depuis  le  xiv®  siècle,  fut 
jusqu'au  xvni®  la  capitale  de  Siam  et  une  des  plus  belles 
villes  de  l'Indo-Chine.  Les  Birmans  la  détruisirent  en 
1767.  Auprès  de  Kroung-kao  est  un  parc  à  éléphants,  le 
grand  dépôt  de  remonte  du  Siam. 

KRUCHOWIECKI  (Jean,  comte),  général  polonais,  né  en 
1770,  mort  à  Varsovie  en  1850.  Il  entra  dans  l'armée 
autrichienne,  servit  ensuite  dans  le  grand-duché  de  Var- 
sovie, prit  part  à  toutes  les  campagnes  de  1807  à  1812. 
Lors  de  la  révolution  de  1830,  il  était  l'un  des  plus  an- 
ciens généraux  polonais;  il  sollicita  le  commandement 
suprême,  mais  ne  put  l'obtenir.  Il  devint  gouverneur  de 
Varsovie  et  signa  en  cette  qualité  la  capitulation  de  cette 
ville.  Il  fut  exilé  dans  l'intérieur  de  la  Russie  et  reçut  plus 
tard  l'autorisation  de  rentrer  à  Varsovie. 

KRÛDENER  (Burkhard-Alexis-Constantin,  baron  de), 
diplomate  russe,  né  en  Livonie  le  24  juin  1744,  mort  à 
Berlin  le  14  juin  1802.  Attaché  dans  sa  jeunesse  à  l'am- 
bassade de  Madrid,  puis  secrétaire  de  légation  à  Varsovie, 
il  fut  ensuite  envoyé  comme  chargé  d'affaires  en  Courlande 
et  prépara  la  réunion  de  ce  pays  à  l'empire  russe.  Il  venait 
d'épouser  M"®  de  Wietinghoiï  (V.  ci-dessous)  quand  il 
fut  nommé  ambassadeur^à  Venise  (1784),  d'où  il  passa  au 
même  titre  à  Copenhague  (1786)  et  plus  tard  à  Berlin 
(1800).  Dans  ce  dernier  poste  il  put,  en  temporisant  avec 
adresse,  retarder  la  rupture  dont  la  Prusse  était  menacée 
par  Paul  I^^*  jusqu'à  la  mort  de  ce  souverain  (12  mars  1801). 
Une  attaque  d'apoplexie  l'emporta  dès  la  seconde  année  du 
règne  _d'Alexandre  I®^.  A.  Debidour. 

KRUDENER  (Barbe-Julie  de  Wietinghoff,  baronne  de), 
femme  du  précédent,  née  à  Riga  le  21  nov.  1 764,  morte  à 


Karasou-Bazar  (Russie)  le  25  déc.  1824.  Issue  d'une 
famille  riche  et  distinguée  (elle  était  petite-fille  du  maré- 
chal Munich),  elle  épousa  en  1783  le  baron  de  Krtidener, 
qui  l'emmena  l'année  suivante  dans  son  ambassade  à  Venise. 
Jeune,  belle,  instruite,  douée  d'une  sensibilité  exaltée  qui 
n'excluait  pas  les  manèges  de  la  coquetterie,  elle  n'eut 
jamais  que  de  l'estime  pour  un  mari  qui  eiît  pu  être  son 
père  et  dont  le  caractère  n'avait  rien  de  romanesque.  Après 
un  long  voyage  en  Italie,  elle  le  suivit  en  Danemark,  où  il 
alla  représenter  la  Russie  en  1786.  Le  secrétaire  de  léga- 
tion Alexandre  de  Stakieff",  qui,  à  Venise,  l'avait  longtemps 
aimée  en  secret,  vint  l'y  rejoindre.  Elle  devint  bientôt  sa 
maîtresse  ;  mais,  comme  elle  ne  tarda  pas  à  le  trahir,  il  se 
tua  ;  c'est  le  souvenir  de  ce  drame  qui  lui  inspira  plus  tard 
le  célèbre  roman  de  Valérie.  En  France,  où  elle  vint  sous 
prétexte  de  santé  et  séjourna  près  de  deux  ans  (de  1789 
à  1791),  elle  fréquenta  les  écrivains  en  renom,  notamment 
l'abbé  Barthélémy  et  Bernardin  de  Saint-Pierre,  mais  elle 
mena  aussi  une  vie  assez  dissipée,  et  sa  liaison  avec  un 
brillant  officier  de  cavalerie,  M.  de  Frégeville,  qu'elle  ne 
put  cacher  à  son  mari,  obligea  ce  dernier,  non  seulement 
à  la  rappeler,  mais  à  se  séparer  d'elle.  Elle  dut  se  retirer 
en  1792  dans  sa  terre  de  Kosse,  en  Livonie.  Elle  en  sortit, 
il  est  vrai,  pour  aller  visiter  la  Suisse  (1796-98),  où  elle 
vit  de  près  M"»^  Necker,  M"^®  de  Staël,  Benjamin  Constant 
et  où  l'ambition  d'écrire  la  prit  au  cœur.  Le  baron  de  Krù- 
dener  ayant  été  nommé  ambassadeur  à  Berlin  (1800),  elle 
retourna  près  de  lui,  contracta  une  amitié  assez  étroite 
avec  la  reine  Louise  de  Prusse,  mais  quitta  l'Allemagne 
dès  1801  pour  se  rendre  à  Genève,  puis  à  Paris,  où  elle 
put  s'abandonner  sans  réserve  à  ses  goûts  littéraires.  De- 
venue veuve  en  1802,  elle  publia  Valérie  vers  la  fin  de 
l'année  suivante  et  assura  le  succès  de  ce  livre,  d'ailleurs 
digne  d'être  lu,  par  un  charlatanisme  effréné,  dont  fait  foi 
sa  correspondance.  Elle  avait  écrit  aussi  quelques  nou- 
velles, dans  le  genre  que  Bernardin  de  Saint-Pierre  et  Cha- 
teaubriand avaient  mis  à  la  mode  (Eliza^  Alexis,  la  Cabane 
des  lataniers).  Mais  sa  véritable  vocation  ne  s'était  pas 
encore  déclarée.  Elle  se  manifesta  avec  éclat  quand,  la 
jeunesse  et  la  beauté  l'ayant  abandonnée,  son  cœur  tou- 
jours ardent  ne  trouva  plus  que  dans  la  religion  l'aliment 
dont  il  était  avide.  L'amour  de  Dieu  et  de  l'humanité  s'em- 
para d'elle  sans  partage,  exalta  son  courage  jusqu'à 
l'apostolat  et  sa  parole  jusqu'à  l'éloquence.  Après  avoir 
passé  plusieurs  années  en  Livonie,  où  elle  se  signala  par 
sa  bienfaisance,  elle  reparut  en  Allemagne  (1807),  s'éprit 
d'une  passion  enthousiaste  pour  les  doctrines  de  Swe- 
denborg, qui  lui  furent  prêchées  par  le  visionnaire  Jung 
Stilling,  et  se  crut  appelée  à  régénérer  le  monde  en  réta- 
blissant le  christianisme  dans  sa  pureté  primitive.  Protégée 
à  diverses  reprises  par  la  grande-duchesse  Stéphanie  de 
Bade,  elle  ne  put  éviter  dans  différents  Etats  allemands  les 
tracasseries  de  la  police,  qu'elle  provoquait  sans  en  avoir 
conscience  par  des  prédications  humanitaires  et  niveleuses 
où  les  pauvres  et  les  déshérités  accouraient  en  foule,  mais  où 
les  rois  et  les  nobles  voyaient  de  sérieuses  menaces  pour  les 
privilèges  et  pour  les  trônes.  Après  1814,  son  illuminisme 
prit  le  ton  de  la  prophétie.  Indignée  du  mépris  que  le  con- 
grès de  Vienne  témoignait  pour  les  droits  des  peuples,  elle 
annonça  que  Napoléon  reviendrait  de  l'île  d'Elbe  et  remonte- 
rait sur  le  trône.  Le  succès  de  cette  prédiction  donna  au  tsar 
Alexandre,  si  facile  aux  entraînements  religieux,  l'envie  de 
voir  M""®  de  Krùdener.  Il  la  reçut  à  Heilbronn,  au  mois  de 
mai  1815,  fut  littéralement  subjugué  par  son  mystique 
enthousiasme  et  voulut  qu'elle  le  suivît  en  France.  Installée 
à  l'hôtel  Montchenu,  près  du  palais  de  l'Elysée,  où  il  de- 
meura pendant  son  séjour  à  Paris,  elle  fut,  durant  plu- 
sieurs mois,  pour  ainsi  dire  son  Egérie,  Si  elle  ne  rédigea 
pas  elle-même  l'acte  fameux  de  la  Sainte  Alliance  (V.  ce 
mot),  elle  en  fut  du  moins  l'inspiratrice.  Il  va  sans  dire 
que  ce  pacte  n'avait  pas,  dans  la  pensée  de  l'imprévoyante 
prophétesse,  la  portée  oppressive  et  contre-révolutionnaire 
que  les  diplomates  avisés,  comme  Metternich,  surent  lui 


KRODENER  -  KROGER 


652  — 


donner  peu  après.  Bien  au  contraire,  elle  y  voyait  une  ga- 
rantie sacrée  pour  la  justice  et  pour  la  liberté.  Du  reste,  sa 
faveur  auprès  d'Alexandre  ne  tarda  pas  à  baisser.  Carac- 
tère faible,  esprit  mobile,  ce  souverain  s'effraya  quand  il 
apprit  que  M"^®  de  Kriidencr,  qui,  en  le  quittant,  s'était 
rendue  en  Suisse,  y  prêchait,  au  nom  de  l'Evangile,  des 
doctrines  antisociales,  qu'elle  attaquait,  par  exemple,  l'or- 
ganisation moderne  de  la  famille  et  entraînait  des  foules 
fanatisées  par  son  éloquence  ou  séduites  par  ses  libéralités. 
Il  cessa  peu  à  peu  de  la  soutenir.  Expulsée  par  les  autorités 
helvétiques,  elle  alla  porter  la  bonne  parole  dans  divers 
Etats  allemands  (grand-duché  de  Bade,  Wurttemberg,  etc.), 
où  elle  eut  pour  elle  le  peuple  et,  par  suite,  fut  persécutée 
par  les  gouvernements.  Rentrée  dans  son  château  de  Kosse 
en  1818,  elle  n'obtint  que  trois  ans  après  la  permission  de 
se  rendre  à  Saint-Pétersbourg.  L'ardeur  avec  laquelle  elle 
embrassa  la  cause  des  Grecs  insurgés  parut  bientôt  indis- 
crète à  l'empereur  ;  elle  dut  se  réduire  au  silence  et  ne 
tarda  pas  à  retourner  en  Livonie,  d'où  elle  ne  sortit  que 
pour  aller  mourir  à  Karasou-Bazar,  au  cours  d'un  voyage 
entrepris  pour  le  rétablissement  de  sa  santé.  —  Sa  vie  et 
son  apostolat  ont  donné  heu  à  de  nombreux  écrits,  surtout 
en  Allemagne.  L'ouvrage  le  plus  important  et  le  plus 
sérieux  (malgré  son  caractère  apologétique)  qui  ait  été  pu- 
blié sur  ce  sujet  est  la  Vie  de  il/"'*'  de  Krûdener,  par  Ch. 
Eynard  (Paris,  1849,  2  vol.  in-8).  A.  Debidour. 

KRÙDENER  (Nicolas-Pavlovitch,  baron  de),  général 
russe,  né  en  Ehstonie  en  18H.  Il  entra  dans  le  génie  en 
1828,  commanda  le  9®  corps  d'armée  dans  la  guerre  russo- 
turque,  s'empara  de  Nicopolis  (16juil.  1877),  mais  essuya 
de  sanglants  échecs  devant  Plevna. 

KRUG  ou  KRÛGER  (Ludwig),  graveur  allemand,  qui 
vivait  à  Nuremberg  de  1450  à  1535,  et  qui  travailla  pour 
Hans  Koberger.  Il  excellait  à  exécuter  toutes  sortes  de 
jolies  figurines  en  argent  ou  en  or  et  ciselait  aussi  l'acier 
et  le  marbre.  Parmi  les  œuvres  de  cet  artiste,  connu  en 
France  sous  le  nom  de  «  maître  à  la  cruche  »,  à  cause  de 
la  cruche  qui,  avec  ses  initiales,  marque  les  gravures  qui 
nous  restent  de  lui,  nous  citerons  :  r Adoration  des  mages 
et  celle  des  bergers^  la  Femme  au  bain,  et  un  Adam 
et  Eve,  qui  se  trouve  à  Berlin. 

KRUG  (Jean-Philippe),  savant  russe  d'origine  allemande, 
né  à  Halle  le  18  janv.  1764,  mort  à  Pétersbourg  le  4  juin 
1844.  Il  fut  amené  en  Russie  par  une  comtesse  Orlov,  devint 
adjoint  de  l'Académie  des  sciences,  membre  de  l'Académie 
(1818)  et  enfin  conservateur  de  la  bibliothèque  de  i'Ermi- 
tage.  Il  s'est  surtout  occupé  de  la  numismatique  et  de  l'his- 
toire de  la  Russie  et  laissa  une  riche  collection  de  médailles. 
Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Zur  Miinzkundeliiisslands 
(Saint-Pétersbourg,  1805)  ;  Kritischer  Versuch  zur 
Aufklœrung  der  byzantinischen  Chronologie,  mit  be- 
sonderer  Rûcksicht  auf  die  frilhere  Geschichte  fluss- 
lands  {id.,  1810)  ;  Forschungen  in  der  œltere  Geschi- 
chte  Russlands  (id.,  1848,  2  vol.). 

KRUG  (Wilhelm-Traugott),  philosophe  et  littérateur  al- 
lemand, né  à  Radis,  près  de  Wittenberg,  le  22  juin  1770, 
mort  à  Leipzig  le  12  janv.  1842.  Il  étudia  à  Wittenberg,  léna 
et  Gœttingue,  fut  en  1794  nommé  privat-docent  à  Witten- 
berg, en  1801  professeur  extraordinaire  à  Francfort-sur- 
l'Oder,  en  1804  professeur  ordinaire  à  Kœnigsberg,  dans  la 
chaire  de  Kant,  et  en  1809  professeur  à  Leipzig,  où  il  resta 
jusqu'à  sa  mort.  Il  ne  cessa  d'écrire  sur  toutes  sortes  de 
sujets,  composant  manuels,  systèmes,  dictionnaires,  trai- 
tés, histoires,  discours,  recensions,  etc.  C'était  un  esprit 
encyclopédique,  et  surtout  un  vulgarisateur.  Le  but  de  la 
philosophie,  suivant  lui,  est  de  se  connaître  soi-même  pour 
arriver  au  bonheur.  L'on  y  arrive  en  étabhssant  en  soi 
l'unité  et  l'harmonie.  Toute  philosophie  qui  essaye  de  dé- 
duire l'idéal  du  réel,  ou  le  réel  de  l'idéal,  l'être  de  la 
science  ou  la  science  de  l'être,  n'arrive  qu'à  dénaturer  la 
philosophie  et  à  mutiler  la  nature  humaine.  Rosenkranz 
dit  de  lui  :  «  Autant  on  se  tromperait  en  prenant  Krug 
pour  un  grand  philosophe,  autant  on  serait  injuste  en  ne 


reconnaissant  pas  les  services  qu'il  a  rendus  pour  étendre 
l'intérêt  de  la  philosophie,  réclamer  un  libéralisme  religieux 
et  politique  vraiment  rationnel,  et  surtout  en  lui  déniant 
une  parfaite  droiture.  »  [Gesch.  der  Kanfschen  Philos., 
305.)  Les  principales  pubhcations  de  Krug  sont  les  sui- 
vantes :  Briefen  ilberden  neuesten  Idealismus  (1801); 
Versuch  ilber  die  Principien  der  philosophischen  Er- 
kenniniss  (1801);  System  der  praktischen  Philoso- 
phie (1817-19,  3  vol.)  ;  Handbuch  der  Philosophie 
(1820  ;  3«  éd.  en  1828)  ;  Logik  oder  Denklehre  (1827)  ; 
Geschichte  der  Philos. alter  Zeit  (1815,  2^  éd.,  1827)  ; 
Allgemeines  Handwœrterbuch  der  philosophischen  Wis- 
senschaften  (1827-34,  5  vol.;  2«  éd.,  1832-38);  Univer- 
salphilosophische  Vorlesungen  filr  Gebildete  beiderlei 
Geschlechts,  et  divers  écrits  sur  Schelling  et  Hegel  sous 
le  titre  :  Beitrœge  zur  Geschichte  der  Philos,  des  XJX^^" 
Jahrhunderts  (1835-37).  C-el. 

KRUG  (Edouard),  peintre  français  contemporain,  né  à 
Drubec  (Calvados).  Elève  de  Léon  Cogniet,  cet  artiste  a 
exécuté  un  assez  grand  nombre  de  compositions  historiques 
et  rehgieuses,  mais  c'est  surtout  dans  le  portrait  qu'il  a 
fait  apprécier  son  talent  souple  et  fin.  Après  ses  débuts  au 
Salon  de  1861,  on  remarque  les  portraits  de  M^*  F.  Massé 
(1864),  du  Colonel  Langlois,  peintre  militaire  (1876, 
mus.  de  Caen).  Citons  encore  :  la  Mort  de  Saint-Clair 
(1880);  le  Martyre  de  Symphorose  (1882);  Retour 
des  champs;  Saint  Jérôme  {^.  1893).  Ad.  T. 

KRÛGER  (Ludwig)  (V.  Krug). 

KRUGER  (V.  Crûger). 

KRUGER  (Karl-Wilhelm),  philologue  allemand,  né  à 
Gross-Nossin,  près  de  Stolp  (Poméranie)  le  26  sept.  1796, 
mort  à  Weinheim  le  l^'^  mai  1874.  Professeur  de  l'ensei- 
gnement secondaire,  il  a  fait  de  bons  travaux  sur  la  syn- 
taxe grecque  :  Griechische  Sprachlehre  fur  Schulen 
(Berlin,  1842-56,  2  vol.  ;  5«  éd.,  1873  et  suiv.  ;  abrégé, 
1847;  11""  éd.,  1884);  Homerische  und  Herodotische 
Formenlehre  (1849;  5^  éd.,  1879)  ;  d'excellentes  édi- 
tions de  Denys  d'Halicarnasse  (Halle,  1823),  de  VAbanase 
de  Xénophon  (1826;  6«  éd.,  1871,  avec  lexique,  1849; 
¥  éd.,  1872);  de  celle  d'Arrien  (1835-48, 2  vol.;  suppl., 
1851),  de  Thucydide  (1846-47;  3^  éd.,  1860);  d'Héro- 
'dote  (1855-57;  2«  éd.,  1866  et  suiv.),  etc. 

BiBL.  :  Pœkel,  K.-W.  Krugers  Lebenabriss  ;  Leipzig, 
1885. 

KRUGER  (Franz),  peintre  allemand,  né  à  Radegast 
(près  de  Kœthcn)  le  3  sept.  1797,  mort  à  Berlin  le  21  janv. 
1857.  Professeur,  membre  de  l'Académie  et  peintre  de  la 
cour,  il  excella  surtout  dans  la  représentation  des  chevaux 
(d'où  son  surnom  de  Pferde-Krûger),  les  croquis  de  chasse 
et  le  portrait.  Nous  citerons  de  lui  :  Parade  d'un  régi- 
ment de  cuirassiers  prussiens  sous  le  roi  Frédéric-Guil- 
laume, Prestation  de  serment  à  Frédéric-Guillaume  IV, 
Départ  pour  la  chasse,  Retour  de  chasse.  Lapin  mort, 
puis,  le  portrait  du  Tsar  Nicolas  et  celui  de  Frédéric- 
Guillaume  IV. 

KRÛGER  (Eduard),  critique  musical,  néàLunebourg  le 
9  déc.  1807,  mort  à  Gœttingue  le  9  nov.  1885.  C'est  un 
des  premiers  théoriciens  de  l'art  musical  ;  outre  ses  grands 
ouvrages  :  Grundriss  der  Metrik  antiker  und  modernen 
Sprachen  (Eradein,  1838),  System  der  Tonkunst  {Le'i^' 
zig,  1866),  il  a  beaucoup  écrit  dans  les  périodiques  :  Gœt- 
tinger  Gelehrten  Anzeigeu,  Neue  Berliner  Muzikzei- 
tung,  Allgemeine  musikalische  Zeitung,  et  dans  le 
journal  de  musique  religieuse  Siona,  qu'il  fonda  en  1876 
avec  le  pasteur  Herold  de  Schwabach.  Citons  encore  son 
Evangelisches  Choralbuch  (Aurich,  1855),  et  Musika- 
lische^Briefe  ans  der  neuerten  Zeit  (Munster,  1870). 

KRUGER  (Eugen),  peintre  allemand,  né  à  Altona  le 
26  déc.  1832,  mort  à  Ddsternbrook,  près  de  Kiel,  le  8  juil. 
1876.  Un  voyage  à  Jersey  (1836)  ayant  éveillé  en  lui  le 
sens  artistique,  il  se  tourna  vers  le  paysage  et  le  genre 
animalier,  et,  après  avoir  achevé  de  se  former  sous  Gur- 
litt,  il  visita  une  partie  de  l'Europe.  En  1^67,  il  exposa 


653  -- 


KROGER  -  KRUPP 


son  célèbre  album  de  lithographies  Wild  und  Wald^  auquel 
succédèrent  en  1870  ses  esquisses  chromolithographiques 
des  principaux  champs  de  bataille,  puis,  en  1871,  ses  pit- 
toresques Reisez-iele  en  couleurs. 

KRUMLOV  (en  allemand  Krumau).  Ville  de  Bohême, 
sur  la  Vltava  et  la  ligne  Budejovice-Solnan,  chef-lieu 
d'une  capitainerie  de  cerele  ;  8,000  hab.  Château  remar- 
quable bâti  par  les  comtes  de  Rosenberg.  Grandes  fila- 
tures de  Mn  et  de  chanvre,  fabrique  de  cellulose,  pape- 
terie, etc.  On  exploite  des  mines  de  graphite  aux  environs 
(Schwarzbach  etMugraw).  C'est  lech.-l.  d'une  des  branches 
de  la  famille  Schwarzenberg. 

KRU  M  MACHER.  Famille  de  théologiens  allemands, 
champions  de  l'orthodoxie  protestante  :  Friedrich- Adolf 
(1768-45),  professeur  à  l'université  de  Duisburg,  prédica- 
teur à  Crevelt,  Bernburg,  Brème,  a  publié  des  Parabeln 
(1805;  9^  éd.,  Essen,  1877),  paraboles  très  vivantes,  bien 
qu'elles  dégénèrent  souvent  en  jeux  de  mots.  —  Son  frère, 
GoUfried- Daniel  (1774-1837),  fomenta  l'orthodoxie  cal- 
viniste à  Elberfeld,  où  il  était  pasteur  (1816-37).  De  ses 
collections  de  sermons,  on  peut  citer  :  Die  Wanderungen 
Israëls  diirch  die  Wilsten  nach  Kanaan  (1850-51, 
2  vol.,  3^  éd.)  ;  Tœgliches  Manna  (Golo^ne,  1883, 
10«  éd.).  —  Friedrich-WilheUn  (1796-1868),  fils  du 
premier,  prédicateur  à  New  York  (1843),  Berlin  (I8i7) 
et  à  la  cour  de  Potsdam,  a  publié  :  Salomo  und  Sulamith 
(1875,  9*^  éd.);  Elias  der  Thisbiter  (1874,  6<^  éd.),  etc. 
—  Son  frère,  Emil-Wilhelm,  prédicateur  à  Duisburg, 
combattit  violemment  Bunsen. 

KRUPP  (Alfred),  métallurgiste  allemand,  né  à  Essen 
(Prusse 'rhénane)  le  26  avr.  1812,  mort  à  Bredenei,  près 
d'Essen,  le  14  juil.  1887.  Sa  vie  se  passa  tout  entière 
dans  l'usine  fondée  par  son  père  à  Essen  et  devenue  rapi- 
dement, entre  ses  mains,  la  plus  célèbre  aciérie  et  l'un  des 
plus  vastes  établissements  industriels  des  deux  continents 
(V.  ci -après).  L'excellence  de  ses  méthodes  et  de  son 
outillage  contribuèrent,  sans  conteste,  autant  que  son 
énergique  et  habile  administration,  à  cette  magnifique  pros- 
périté. H  est  toutefois  assez  difficile  de  déterminer  et  de 
bien  apprécier  l'importance  et  la  valeur  de  son  œuvre  per- 
sonnelle, car,  d'une  part,  on  n'a  jamais  connu  que  très 
imparfaitement  ses  procédés  de  fabrication,  d'autre  part, 
les  travaux  de  ses  nombreux  ingénieurs  sont  toujours 
restés  anonymes.  On  ne  cite  de  lui,  en  tous  cas,  aucune 
découverte  qui  marque  dans  l'histoire  de  la  science  ou  de 
la  métallurgie,  et  c'est  certainement  dans  la  construction  de 
ses  fameux  canons  (V.  plus  loin,  p.  655)  qu'il  a  le  plus 
innové.  11  était  conseiller  intime  de  commerce  et  décoré  de 
tous  les  ordres  étrangers,  la  Légion  d'honneur  comprise.  Il 
refusa,  dit-on,  le  titre  de  baron  que  lui  offrait  le  roi  de 
Prusse,  lui  préférant  sans  doute  son  surnom  universel  de 
«  roi  du  fer  ».  Une  statue  en  bronze,  due  à  F.  Schaper, 
lui  a  été  élevée  à  Essen,  sur  la  place  de  l'Hôtel-de-Ville. 

Usine  Krupp.  —  Friedrichlivn^p^  né  le  17  juil.  1787 
d'une  famille  qui  avait  donné  plusieurs  bourgmestres  à 
Essen,  possédait  près  de  cette  ville,  à  Altenessen,  une 
petite  forge,  où  il  s'appliqua,  à  partir  de  1810,  à  la 
recherche  d'un  bon  procédé  pour  la  fonte  de  l'acier  au 
creuset.  En  1816,  il  éleva,  au  centre  même  de  l'usine 
actuelle,  à  l'O.  d'Essen,  une  très  modeste  fonderie,  d'où 
sortirent  des  aciers  assez  recherchés  pour  la  fabrication 
des  coins  de  monnaies,  des  médailles,  des  boutons,  etc. 
Pourtant  elle  ne  prospéra  guère,  et,  lorsqu'il  mourut,  le 
8  oct.  1826,  il  occupait  difficilement  cinq  ou  six  ouvriers 
et  il  était  à  peu  près  ruiné.  Sa  veuve,  Thérèse  Wilhelmi, 
continua  tant  bien  que  mal  l'exploitation.  Elle  fut  bientôt 
secondée  par  son  fils  aîné,  Alfred  (V.  ci-dessus),  puis  par 
son  second  fils,  Hermann»  Mais  ce  dernier  partit,  au  bout 
de  quelques  années,  pour  la  Hongrie,  où  il  monta,  à 
Losoncz,  une  fabrique  de  nickel,  et,  le  24  févr.  1848, 
l'aciérie  d'Essen,  qui  avait  compté,  en  1845,  jusqu'à 
122  ouvriers  et  qui  en  employait  encore  72,  passa  dans 
les  mains  exclusives  d'Alfred  Krupp.  Les  parents  et  amis 


qui  avaient  dû  prêter  un  instant  leur  concours  financier 
étaient  remboursés,  une  médaille  d'or  avait  été  remportée 
en  1844  à  l'exposition  de  Berlin.  Celle  de  Londres,  en 
1851,  décida  définitivement  du  succès.  Alfred  Krupp  y 
avait  envoyé  la  plus  grosse  masse  d'acier  encore  obtenue 
(un  bloc  de  2,000  kilogr.)  et  le  premier  canon  on  acier 
fondu  (une  pièce  de  6).  Ce  fut  un  événement  dans  le  monde 
industriel.  Aux  expositions  suivantes,  à  Munich  en  1854,  à 
Paris  en  1855  et  en  1867,  à  Londres  en  1862,  il  fit  voir 
des  blocs  d'acier  au  creuset  de  plus  en  plus  lourds  et  des 
canons  de  plus  en  plus  longs.  On  s'adressa  à  lui  de  toutes 
parts,  et  pour  les  nombreux  chemins  de  fer  en  voie  de 
construction,  dont  il  fournit  les  rails,  les  essieux,  les  ban- 
dages, et  pour  les  grands  navires  à  vapeur,  qui  avaient 
besoin  d'arbres  et  de  plaques  de  chaudière  de  dimensions 
toujours  croissantes,  et  pour  le  matériel  d'artillerie,  que 
diverses  puissances,  l'Allemagne  et  la  Russie  en  tête, 
sentaient  le  besoin  de  transformer.  Il  sut  tirer  le  plus 
grand  profit  de  cette  triple  poussée  et,  en  1865,  il  fournit, 
rien  qu'aux  Anglais  et  aux  Américains,  11,396  bandages 
de  roues  de  locomotives  et  564  essieux  coudés  en  acier 
fondu.  Il  produisait  alors  annuellement,  avec  8,000  ou- 
vriers, une  trentaine  de  millions  de  kilogr.  d'acier  ouvré, 
représentant  une  valeur  de  35  millions  de  fr.  Il  construisit, 
avec  les  énormes  bénéfices  réalisés,  de  nouveaux  ateliers, 
il  augmenta  et,  en  partie,  renouvela  son  outillage,  puis, 
afin  de  ne  dépendre,  autant  que  possible,  de  personne  pour 
la  fourniture  de  ses  matières  premières,  il  se  rendit  acqué- 
reur de  hauts  fourneaux,  de  houillières  et  de  minières  dans 
les  environs  d'Essen,  dans  la  vallée  de  la  Sieg  et  de  l'Ems, 
et  jusqu'en  Espagne.  Cette  extension  croissante  eut  cepen- 
dant deux  temps  d'arrêt  :  aux  environs  de  l'année  1867, 
où  le  nombre  des  ouvriers  de  l'aciérie  d'Essen  baissa  à 
6,300  (au  lieu  de  8,200  en  1865),  et  de  1876  à  1880, 
où  il  tomba  successivement  à  9,000  et  à  8,000  après 
11,800  en  1873.  Mais  en  1881,  il  se  releva  à  11,200 
(19,600  en  y  comprenant  les  mines  et  hauts  fourneaux) 
et,  depuis  cette  époque,  le  mouvement  progressif  fut  con- 
tinu. La  production  annuelle  de  l'acier  et  du  fer  était  alors 
de  260,000  tonnes,  dont  70,000  d'acier  au  creuset. 
Alfred  Krupp,  qui  n'avait  cessé,  jusqu'à  l'âge  de  soixante- 
dix  ans,  de  surveiller  lui-même,  dans  ses  moindres  détails, 
le  travail  de  l'usine,  ne  quitta  plus  guère,  à  partir  de  1882, 
sa  maison  des  bords  de  la  Ruhr,  la  villa  Hùgel.  Il  resta 
pourtant  le  directeur  effectif,  et,  quelques  jours  avant  sa 
mort,  il  dictait  encore  des  ordres  et  il  adressait  à  ses  ou- 
vriers des  proclamations  électorales  antisocialistes.  —  Son 
fils  unique,  Friedrich- Alfred  Krupp,  né  le  17  févr.  1854, 
lui  a  succédé  le  14  juil.  1887. 

On  a  prétendu ,  sans  preuves,  que  les  établissements 
Krupp,  auxquels  a  été  pieusement  conservé,  en  mémoire  de 
leur  fondateur,  le  nom  de  maison  Friedrich  Krupp, 
avaient  pour  actionnaires  les  plus  liantes  personnalités  de 
l'Empire.  Il  est  au  contraire  à  peu  près  certain  qu'ils  sont 
la  propriété  exclusive  de  M.  Krupp.  Un  emprunt  public  de 
30  miUions  de  marcs  (37,500,000  fr.),  contracté  en  1874 
par  Alfred  Krupp  et  converti  en  1879,  était  complètement 
remboursé  en  1886,  treize  ans  avant  l'échéance  fixée,  avec 
ses  seuls  bénéfices,  et  il  n'y  a  plus  ni  obligataires  ni  com- 
manditaires. 

La  valeur  industrielle  des  étabhssements  Krupp  est  de 
plusieurs  centaines  de  millions.  Ils  comprennent  :  1<^  l'aciérie 
d'Essen;  2°  une  usine  élévatoire  sur  la  Ruhr,  à  7  kil.  1/2 
d'Essen  ;  3o  deux  mines  de  houille  près  d'Essen  et  de  Bochum 
(rendement  moyen  :  2,100  tonnes  par  jour)  ;  4<»543  mines 
de  fer,  dont  31  en  exploitation,  dans  le  Siegerland  et  la 
province  de  Nassau  (1,200  tonnes  par  jour)  ;  5"  les  cé- 
lèbres mines  de  fer  de  Bilbao,  en  Espagne  (400  tonnes 
par  jour),  dont  le  service  est  fait  en  partie  par  quatre 
navires  à  vapeur  appartenant  à  la  maison  Krupp  ;  6«  les 
fonderies  de  fer  de  Johanneshiitte,  près  de  Duisburg,  celles 
d'Hermannshùtte,  de  Mulhofenerhùtte,  de  Saynerhùtte,  près 
de  Neuwied,  dans  la  banlieue  de  Coblentz,  produisantau  total, 


KRUPP 


6B4 


avec  44  hauts  fourneaux,  600  tonnes  de  fonte  par  jour; 
7<*  l'aciérie  d'Annen,  près  de  Dortmund,  achetée  en  4886 
à  la  société  Asthœver  et  C^®  ;  8"^  un  champ  de  tir  près  de 
Meppen,  dans  le  Hanovre,  ayant  16^^^\8  de  longueur. 

L'aciérie  d'Essen  possède,  à  elle  seule  (tous  les  chiffres  qui 
suivent  sont  extraits,  de  même  que  les  précédents,  d'un  relevé 
fait  en  4889)  :  4,495  fours  et  fourneaux  de  types  divers, 
24  trains  de  laminoirs,  286  chaudières  à  vapeur,  370  ma- 
chines à  vapeur  ayant  une  force  totale  de  27,000 chevaux- 
vapeur,  non  compris  les  locomotives  et  les  grues,  92  mar- 
teaux-pilons du  poids  de  400  à  50,000  kilogr.,  2  presses 
hydrauUques  à  forger  d'une  force  respective  de  2  et  de  5  mil- 
lions de  kilogr.,  36i  grues  à  vapeur  d'une  force  de  400  à 
75,000  kilogr.,  dont  plusieurs  peuvent  être  accouplées  de 
façon  à  soulever  des  poids  de  120  tonnes,  4,724  machines- 
outils  diverses.  La  consommation  quotidienne  y  est  de 
4 ,720  tonnes  de  houille  et  de  coke  (de  2,735  tonnes  en  com- 
prenant les  fonderies  et  usines  annexes),  de  20,000  à 
25,000  m.  c.  d'eau  fournis  par  l'usine  de  la  Ruhr,  de  45,000 
à  50,000  m.  c.  de  gaz  provenant  de  l'usine  de  l'établissement. 
Le  mouvement  intérieur  est  assuré  par  44  kil.  de  chemins 
de  fer  à  voie  normale,  30  à  voie  étroite,  28  locomotives, 
64  chevaux,  4,473  wagons,  34  stations  télégraphiques  et 
436  postes  téléphoniques,  sont  reliés  par  220  km.  de  fils. 

Sa  situation  au  point  de  vue  des  transports  est  on  ne  peut 
plus  favorable,  entre  la  grande  ligne  de  Cologne  à  Berlin, 
qui  la  limite  au  N.,  et  celle  du  Berg-Mark  (Duisburg  à  Dort- 
mund), qui  est,  en  cet  endroit,  parallèle  à  la  première  et  qui 
la  limite  au  S.  ;  un  chemin  de  fer  de  ceinture,  avec  deux 
grandes  gares  principales  aux  points  de  contact  et  de  nom- 
breuses voies  de  pénétration,  met  ses  moindres  ateliers  en 
communication  directe  avec  ces  deux  lignes,  qui  lui  sont  tan- 
gentes. L'usine  est  en  outre  traversée  de  part  en  part,  de  FO. 
à  l'E. ,  par  la  route  impériale  de  Cologne  à  Minden.  Au  S.  de 
cette  route  sont  notamment  :  la  fonderie  et  les  laminoirs  des 
ressorts  ;  la  fabrique  de  gaz  ;  le  hall  des  générateurs  de  va- 
peur; les  ateliers  de  puddlage,  de  triage,  de  réparation  ;  une 
fonderie  de  fer  ;  un  hall  à  acier  Bessemer  ;  le  hall  à  acier 
Martin  ;  les  réservoirs  à  eau  ;  le  poste  d'incendie,  avec 
ses  70  pompiers  ;  au  N.  :  les  bureaux  ;  la  vieille  forge  et, 
tout  près,  la  petite  maisonnette  qu'habitait  le  fondateur  de 
la  fabrique  et  où  le  corps  d'Alfred  Krupp  fut  transporté  le 
surlendemain  de  sa  mort,  cent  ans  jour  pour  jour  après  la 
naissance  de  son  père;  les  laminoirs  et  ateliers  des  rails,  des 
plaques  de  blindage,  des  bandages  ;  les  ateliers  des  chau- 
dières et  des  arbres  de  navire  ;  une  seconde  fonderie  de  fer  ; 
deux  autres  halls  à  acier  Bessemer  ;  deux  forges  ;  une  série  de 
halls  et  d'ateliers  oii  l'on  tourne,  fore,  raye  et  munit  de  leur 
culasse  les  canons  ;  enfin  le  vaste  hall  où  se  font  les  grandes 
coulées  d'acier  au  creuset.  Pour  cette  opération,  l'acier  une 
fois  puddlé  est  brisé  en  morceaux  de  20  centim. ,  qui  sont  exa- 
minés et  triés,  les  plus  homogènes  étant  conservés  pour  le 
métal  des  canons.  Ils  sont  renfermés  avec  du  fer  puddlé  et  un 
fondant  particulier,  à  base  de  charbon  de  bois,  dans  de  petits 
creusets  en  terre  réfractaire  et  plombagine,  d'une  conte- 
nance de  40  kilogr . ,  qui  sont  fabriqués  dans  l'usine  et  qui 
ne  servent  qu'une  fois.  II  y  a  toujours  en  magasin  plus  de 
centmillede  ces  creusets.  430  fours  àcokeet  3()foursàgaz, 
pouvant  recevoir  sur  leur  sole  42  creusets,  sont  disposés 
autour  du  hall.  Au  centre  est  le  moule,  qui  reçoit  simulta- 
nément le  contenu  de  tous  les  creusets  :  \  ,700  à  4,800  pour 
les  blocs  de  70,000  à  75,000  kilogr.,  qu'exigent  certains  ca- 
nons monstres.  La  masse,  après  avoir  été  réchauffée  dans  un 
four  spécial,  était  portée,  jusque  dans  ces  derniers  temps,  au 
Fritz,  marteau-pilon  à  vapeur  construit  par  Alfred  Krupp  en 
4864  et  ayant  coûté  près  de  3  millions  de  fr.  Sa  tête  est  un 
blocprismatiqued'aciercubant7  m.  et  pesant  50, 000  kilogr.; 
un  piston  de  4°^80  de  diamètre  l'élève  à  4  m.  de  hauteur  ; 
sa  cheminée,  de  9  m.  1/2  de  diamètre,  ressemble  à  un  phare 
et  domine  de  ses  69  m.  toute  l'usine.  «Fritz  »  est  aujour- 
d'hui dépassé  par  les  marteaux  du  Creusot  et  de  Bethlehem 
(Etats-Unis),  et  il  ne  sert  plus  que  pour  les  martelages  su- 
perficiels. Les  gros  blocs  sont  soumis  aux  presses  hydrau- 


liques qui  ont  été  récemment  établies  et  dont  Tune  a  une 
force  de  pression  de  5,000  tonnes,  1,000  de  plus  que  les 
plus  puissantes  qui  aient  encore  été  construites. 

L'usine  Krupp  ne  fabrique  pas  que  l'acier  au  creuset, 
mais  elle  en  fait  sa  grande  spécialité  et  elle  l'emploie  ex- 
clusivement pour  les  canons,  les  bandages  de  roues  de 
locomotive,  les  arbres  de  navires.  Les  autres  sortes  :  acier 
Bessemer,  acier  Martin-Siemens  (50,000  tonnes  en  4887), 
acier  Thomas-Gilchrist,  etc.,  servent  pour  les  rails,  les  es- 
sieux, les  chaudières,  etc.  Les  produits  des  coulées  sont 
analysés,  aussi  bien  que  les  matières  premières,  dans  deux 
laboratoires  d'essais  et  trois  laboratoires  de  chimie  annexés 
à  l'aciérie  d'Essen.  On  y  trouve  encore  :  des  ateliers  de 
photographie  et  de  lithographie,  une  imprimerie  avec 
4  presses  à  vapeur,  un  atelier  de  rehure,  une  bibliothèque, 
un  stand,  pour  l'essai  de  la  résistance  des  canons,  les 
grandes  expériences  se  faisant  au  polygone  de  Meppen,  en- 
fin une  galerie  des  modèles,  sorte  de  musée  d'artillerie,  où 
l'on  peut  suivre  les  transformations  successives  des  divers 
types  de  canons  et  de  projectiles. 

Tous  ces  bâtiments,  en  général  assez  confortablement 
aménagés,  mais  entassés  en  un  véritable  pêle-mêle  autour 
de  la  fonderie  primitive  de  Friedrich  Krupp,  occupent,  avec 
les  cités  ouvrières  y  attenantes,  une  surface  totale  de 
333  hect.,  dont  75  sont  couverts  de  constructions.  Ces 
nombres  se  trouveraient  considérablement  augmentés  si  l'on  y 
comprenait  les  hauts  fourneaux,  mines,  etc., "qui  ont  été  énu- 
mérés  plus  haut  et  qui,  tout  en  faisant  partie  des  établisse- 
ments Krupp,  ne  sont  que  des  annexes  de  l'aciérie  d'Essen. 

Quant  aux  ouvriers  employés  ~  tous  hommes,  —  qu'oc- 
cupe la  maison  Krupp,  ils  étaient,  en  4889,  20,960,  se 
répartissant  ainsi  : 

Aciérie  d'Essen 43 . 626 

Hauts  fourneaux 4.181 

Aciérie  d'Annen 445 

Houillères 4  .  792 

Mines  de  fer  (non  compris  celles  de  Bilbao),  car- 
rières, etc , 3 .  807 

Polygone  de  Meppen 55 

Navires  à  vapeur 84 

Ces  20,960  ouvriers  et  employés  formaient  avec  leurs 
familles,  à  la  même  date,  un  total  de  73,769  personnes, 
dont  24,493  habitaient  des  logements  appartenant  à  la 
maison  Krupp,  principalement  les  cités  ouvrières  (colonies) 
de  Kronenberg  et  de  Schederhof,  aux  portes  mêmes  de 
l'aciérie  d'Essen.  Tous  participent  à  la  caisse  de  secours  et 
de  retraite,  qui  a  été  fondée  dès  4855  par  Alfred  Krupp 
et  qui  leur  assure,  outre  des  indemnités  de  maladie,  une 
pension  égale  aux  deux  tiers  de  leur  salaire  après  vingt- 
cinq  ans  de  services,  à  la  totalité  après  trente-cinq  ans,  le 
tiers  des  cotisations  étant  d'ailleurs  versé  par  M.  Krupp, 
les  deux  autres  tiers  par  les  ouvriers.  Un  moulin  à  vapeur, 
une  boulangerie,  une  boucherie,  une  fabrique  d'eau  de 
seltz,  des  ateliers  de  confection  et  quarante-six  magasins 
appartenant  à  la  maison  Krupp  procurent,  d'autre  part,  à 
cette  nombreuse  population  tous  les  objets  de  consommation 
aux  prix  de  revient.  Quant  aux  célibataires,  ils  sont  logés 
et  nourris  dans  l'usine  même. 

Grâce  à  ces  avantages  divers  et  malgré  des  salaires  assez 
modiques  (3  à  4  fr.  par  jour  en  moyenne,  6  à  7  fr.  au  maxi- 
mum) ,  la  maison  Krupp  garde  beaucoup  d'anciens  ouvriers  ha- 
biles et  disciplinés,  ce  qui  est  un  des  principaux  éléments  de  sa 
supériorité  ;  ainsi,  en  4  881 ,  33  %  comptaient  de  cinq  à  quinze 
ans  de  services,  1 8  °/o  de  quinze  à  trente-cinq  ans .  Elle  emploie 
en  outre  un  grand  nombre  de  spécialistes  :  ingénieurs,  officiers 
d'artillerie,  chimistes,  qu'elle  paye  largement  et  qu'elle  re- 
crute parmi  les  plus  renommés.  Un  conseil  d'administration, 
composé  surtout  de  financiers  et  de  jurisconsultes,  a  la  garde 
de  tous  les  intérêts  et  assiste  de  ses  avis  le  maître  :  c'est  la 
prokura,  Friedrich-Alfred  Krupp,  le  propriétaire  actuel, 
en  a  fait  partie  cinq  ans,  du  vivant  de  son  père  (4882-87). 

Le  secret  des  procédés  de  fabrication  est  gardé  avec  un 


soin  jaloux.  C'est  autant  pour  l'assurer  qu'à  raison  du  ca- 
ractère semi-militaire  de  l'aciérie,  que  la  visite  en  est  im- 
pitoyablement refusée  à  tous,  aux  ingénieurs  et  industriels 
allemands  qui  viennent  y  traiter  des  affaires,  aussi  bien 
qu'aux  simples  touristes.  Personne  ne  dépasse  le  parloir,  et 
les  ouvriers  eux-mêmes  restent  confinés  dans  leurs  ateliers 
respectifs,  sans  pouvoir  pénétrer  dans  ceux  où  ne  les  ap- 
pelle pas  leur  travail. 

En  général,  les  blocs  d'acier  ne  sont  pas  livrés  bruts  au 
commerce  et  ne  sortent  de  l'usine  que  façonnés.  Par  contre, 
ce  sont  des  objets  coulés  ou  laminés,  qui  n'exigent  que 
peu  ou  point  d'ajustage  :  rails,  éclisses,  essieux,  ban- 
dages, roues,  ressorts  de  wagons,  plaques  de  tôle  pour 
chaudières  et  vaisseaux,  plaques  de  i3lindage,  ancres,  arbres 
droits  et  coudés,  bielles,  cylindres,  ponts,  etc.  Exception 
doit  être  faite  cependant  pour  le  matériel  d'artillerie  :  ca- 
nons, affûts  et  projectiles. 

Canons  Krupp.  —  Les  premières  recherches  entreprises 
par  Krupp  pour  la  fabrication  des  bouches  à  feu  en  acier 
fondu  datent  de  1840.  En  4847,  il  construisit  un  premier 
canon  de  3,  se  chargeant  encore  par  la  bouche.  Bientôt 
ses  pièces  furent  rayées  et  se  chargèrent  par  la  culasse. 
L'adoption  de  la  fermeture  à  coin  cylindro-prismatique 
(4864),  le  renforcement  du  tube  par  une  jaquette,  divers 
perfectionnements  à  l'âme,  aux  affûts,  aux  projectiles, 
complétèrent  le  système  de  canon  Krupp,  qui  fut  presque 
aussitôt  adopté  par  la  Prusse  et  par  plusieurs  autres  puis- 
sances, au  moins  pour  une  partie  de  leur  armement  :  Rus- 
sie, Belgique,  Autriche,  Hollande,  Japon,  Turquie,  etc. 

Actuellement  et  depuis  longtemps,  l'Allemagne  n'em- 
ploie plus,  pour  son  armée  et  pour  sa  marine,  que  des 
bouches  à  feu  en  acier  sortant  de  l'usine  Krupp.  Seules,  de 
petites  pièces  en  bronze  mandriné,  destinées  aux  embarca- 
tions de  débarquement,  sont  encore  fabriquées  à  Spandau. 
Du  reste,  la  maison  Krupp  ne  se  borne  pas,  comme  les 
aciéries  du  Creusot  et  de  Saint-Chamond,  en  France,  à 
fournir  des  tubes,  usinés  ensuite  et  munis  de  leur  méca- 
nisme de  culasse  dans  les  arsenaux  de  l'Etat  ;  elle  livre  les 
pièces  prêtes  à  entrer  en  service  et  fabrique  en  outre  les 
affûts  et  les  projectiles. 

La  fermeture  Krupp,  à  coin  cylindro-prismatique,  qui 
est  adaptée  à  tous  les  canons  de  campagne  et  au  plus  grand 
nombre  des  canons  de  côtes  et  de  marine  construits  à 
Essen,  a  été  décrite  en  détail  dans  un  article  spécial  (V. 
Fermeture,  t.  XVll,  p.  289).  Quelques  explications  com- 
plémentaires achèveront  de  faire  connaître  le  matériel 
d'artillerie  allemand  et  permettront  de  comparer  le  canon 
Krupp  avec  son  rival,  le  canon  de  Bange  (V.  Bange  [De], 
t.  V,  p.  235,  et  Bouche  à  feu,  t.  VIlî,  p.  538). 

L'artillerie  de  campagne  allemande  comprenait,  il  y  a 
quelques  années  encore,  deux  types  de  canons,  mod.  73, 
correspondant  à  nos  pièces  de  90  et  de  80  :  l'un,  de  0^88, 
pour  les  batteries  montées,  l'autre,  de  0'^785,  pour  les 
batteries  à  cheval.  Depuis  4888,  il  n'y  a  plus  qu'un  calibre, 
la  pièce  de  0"^785  avant  été  remplacée  par  une  pièce  nou- 
velle de  0^88,  dite  mod.  73/88,  et  celle  de  0"^88,  mod.  73, 
ayant  été  temporairement  laissée  aux  batteries  montées. 
Ces  canons  sont  renforcés,  non  par  des  frettes,  comme  dans 
le  matériel  français,  mais  par  un  manchon  ou  jaquette 
(V.  ce  mot)  ;  leurs  rayures  sont  à  pas  constant  et  cunéi- 
formes. Leur  métal  est  de  l'acier  Krupp  au  creuset,  pour 
lequel  on  choisit  les  meilleures  fontes,  particulièrement  la 
fonte  miroitante  (spiegeleisen)^  et  qui,  coulé  et  martelé 
d'après  les  procédés  mentionnés  plus  haut,  a  donné  à  l'ana- 
Ivse,  outre  des  traces  de  manganèse,  4,48  <>/o  de  carbone, 
0,33  7o  de  silicium,  0,02  °/o  de  phosphore,  0,3  %  de 
cuivre,  ils  tirent  l'obus  {granate)^  mod.  82,  qui  ne  doit 
plus  servir  désormais  qu'aux  exercices  du  polygone,  l'obus 
à  balles  {schrapnell)  mod.  82  et  la  boîte  à  mitraille  {kar- 
tœtsche).  Leurs  affûts  sont  respectivement  des  mod.  4873 
et  4873/88  ;  en  tôle  d'acier  et  munis  de  freins  à  patins  se 
manœuvrant  au  moyen  de  volants  placés  à  l'avant,  ils  por- 
tent deux  gaines  pour  boîtes  à  mitraille  et  ont,  dans  les 


-  655  -  KRUPP 

batteries  montées,  des  sièges  avec  dossiers  en  fils  de  fer  et 
supports  élastiques  en  caoutchouc.  Le  levier  de  pointage  en 
fer  est  fixé  le  long  du  flasque  gauche  par  le  boulon  anté- 
rieur de  poignée  de  crosse,  autour  duquel  on  peut  le  faire 
tourner.  L'appareil  de  pointage  se  compose  d'une  vis  double 
et  d'un  support  de  pointage  avec  lequel  la  vis  intérieure  est 
articulée.  Le  tableau  ci-après  contient  les  principales  don- 
nées numériques  relatives  aux  deux  pièces,  à  leurs  pro- 
jectiles et  affûts  : 


Diam.  de  l'âme  entre  cloisons. 

Long,  du  canon 

Poids  du  canon 

Nombre  de  rayures. 


Angle  de  tir 


lira.  sup. 


iim.  inf. 
Hauteur  des  tourillons  . 

Poids  de  l'aiÏLit 

Diam.  des  roues 


Poids  du  pro- 
jectile     \ 

Nombre  de  ( 
balles       ( 

Poids  de  la  ( 
balle        ( 

Vitesse  init. 

Portée  ma-  j 
xima 


obus 

schrapnell. . . 
boîte  à  mitr.. 
schrapnell . . . 
boîte  à  mitr. 
schrapnell. . . 
boîte  à  mitr. . 

obus 

schrapnell . . . 

obus 

schrapnell . 


Nombre  de  coups  par  batterie 


Mod,73/88 


Û™88 
2-10 

420  kg. 

24 
+  160 
-  40» 
l'^lS 

505  kg. 
1-40 


7^^042 

sî^soeg 

7^^s500 

262 

76 

13  gr. 

69  gr. 

442  m. 

424  m. 

6.500  m. 

3.150  m. 

885 


En  4894  a  été  adoptée  une  nouvelle  pièce  de  campagne. 
Elle  doit,  au  fur  et  à  mesure  de  sa  construction,  rempla- 
cer les  précédentes,  qui  passeront  à  la  dotation  des  places 
fortes.  Elle  est  principalement  destinée  à  résister  aux  ef- 
fets du  nouvel  obus  brisant  (sprenggranate)  mod.  88, 
substitué  à  l'obus  ordinaire.  On  n'a  eu  sur  elle  que  tout  ré  • 
cemment  quelques  indications,  et  encore  sont-elles  vagues, 
par  le  Feld-Kanonier  de  Preiss  et  VHandbuch  fur  die  Ein- 
jœhrig-Freiwilligen,  édit.  de  4894  (V.  ci-dessous  Bibl.). 
Elle  est  dénommée  mod.  73/94  ;  elle  pèse  440  kilogr.  ;  son 
métal  semble  être,  d'après  divers  indices,  de  l'acier  au  ni- 
ckel, dans  la  proportion  de  6  à  7  ^jo  de  nickel,  alliage  plus 
résistant  et  plus  élastique,  on  le  sait,  quoique  moins  mal- 
léable, que  l'acier  ordinaire.  Enfin,  elle  est  munie  d'un  pe- 
tit organe  spécial  destiné  à  dispenser  la  vis-lumière  de  son 
rôle  accessoire  d'arrêtoir  de  coin.  Sous  tous  autres  rapports, 
elle  est  analogue  à  la  pièce  mod.  73/88.  —  Les  projectiles 
ont  aussi  subi  des  modifications.  Le  sprenggrayiaie  (obus 
brisant)  mod.  88,  chargé  au  picrate  (?),  est  à  peu  près  du 
même  poids  que  l'obus  ordinaire  (granaté)  et  doit  produire 
environ  500  fragments.  Le  nouveau  schrapnell  mod.  91 
a  le  même  nombre  de  balles  que  l'ancien,  mais  elles  sont 
calées  par  une  matière  inflammable,  dont  la  fumée  facilite 
le  réglage  du  tir.  Il  est  en  acier,  son  culot  est  vissé  après 
la  mise  en  place  des  balles  et  il  est  armé  d'une  fusée  à 
double  effet. 

Les  nouvelles  pièces  de  marine  sont  du  modèle  4887. 
Elles  ont  35  ou  40  calibres  de  longueur  et  mesurent,  entre 
cloisons,  40  4/2,  42,  45,  47,  24,24,  26,  28,  30  4/2, 
35  4/2  et  40  centim.  Voici  les  données  numériques  de  quatre 
des  plus  gros  types  : 


Longueur ' 

Poids  du  canon. 

--  de  Tobus... 

—  de  la  charge 

Vitesse  initiale. 

Epaisseur  des 

plaques  percées 

(fer  forgé) 

21cm 

24'-- 

30<'™5 

40cm 

7'"33 

14.200  kg. 

140  kg. 

52  kg. 

580  m. 

0«.56 

9-6 

24.300  kg. 

215  kg. 

85  kg. 

610  m. 

12^2 
54.000  kg. 
455  kg. 
175  kg. 
610  m. 

91m. 

14  m. 

112.500kg. 

1.050kg. 

400  kg. 

580  ffi. 

1-13 

KRUPP  —  KRUSENSTERN 


—  656  - 


Quant  aux  canons  à  tir  rapide,  que  fabrique  également, 
en  Allemagne,  la  maison  Gruson,  de  Magdebourg,  la  mai- 
son Krupp  s'est  arrêtée  à  un  type  général  de  40  calibres 
de  longueur,  tirant  jusqu'à  20  coups  à  la  minute  et  ayant 
de  6  à  16  centim.  de  diam.  intérieur  : 


Longuôur. 

6cm 

8cm 

Iûcm5 

16cm 

2n,4 

385  kg 
3kg^ 
0kë:54 

680  m. 

3-2 

900  kg 

7  kg 

pg30 

680  m. 

4m2 

1,400  kg 

16  kg 

2kg4 

650  m. 

6-4 

5,500  kg 

56  kg 

650  m. 

Poids  du  canon 

Poids  de  l'obus 

Poids  de  la  charge. 
Vitesse  initiale 

Il  en  existe  aussi  de  i2  centim.,  de  44  centim.  et  de 
quelques  autres  calibres  encore. 

Les  diverses  pièces  dont  il  vient  d'être  parlé  sont  celles 
en  usage  dans  l'artillerie  allemande.  Krupp  fabrique  en  outre 
sur  commande  des  pièces  de  tous  calibres  et  de  toute  es- 
pèce :  canons  de  montagne,  de  siège,  de  forteresse,  de  côtes, 
de  marine,  obusiers,  mortiers,  etc.  C'est  ainsi  qu'il  a  fourni 
à  r Italie  quatre  canons  en  acier  du  poids  de  420  tonnes, 
mesurant  0°^40  de  diam.  intérieur,  44  m.  de  long.,  et  ayant 
exigé  pour  leurs  tubes  des  lingots  de  70,000  kgr.  ;  ils 
tirent,  avec  une  charge  de  330  kilogr.,  un  projectile  de 
4,050  kilogr.,  ayant  une  vitesse  initiale  de  530  m.  A  men- 
tionner encore  son  dernier  canon  monstre,  celui  de  4  43  tonnes 
(1887),  du  calibre  de  40  centim.  et  de  18  m.  de  lon- 
gueur, qui  tire,  avec  une  charge  de  485  kilogr.,  un  obus 
de  4 "^40  de  longueur,  à  une  vitesse  initiale  de  640  m.,  ce 
qui  donne  une  force  vive  de  24,925  tonnes;  il  perce  une 
plaque  en  fer  forgé  de  4 ^^20  d'épaisseur. 

En  4887,  avant  la  réfection  de  l'artillerie  de  campagne 
allemande,  la  maison  Krupp  avait  déjà  fabriqué  plus  de 
23,000  canons.  Mais  beaucoup  de  puissances  étrangères 
qu'elle  a  longtemps  fournies  construisent  aujourd'hui' chez 
elles,  telle  la  Russie.  De  plus,  le  système  Krupp  lui-même 
a  beaucoup  perdu  de  sa  vogue,  et  la  fermeture  à  vis,  plus 
ou  moins  modifiée,  avec  ou  sans  l'obturateur  de  Range,  tend 
à  se  répandre  chaque  jour  davantage.  Les  Anglais,  les 
Américains  l'emploient  maintenant  exclusivement,  les  Ita- 
liens, les  Espagnols,  les  Suédois,  les  Serbes,  etc.,  pour 
certaines  de  leurs  pièces  (V.  Range  [De],  t.  V,  p.  239)  ; 
l'usine  Krupp,  qui  Ta  tant  décriée,  y  a  recours  pour  ses 
mortiers  et  pour  quelques  canons  courts.  Léon  Sagnet. 

BiBL.  :  TuRGAN,  la  Fabrique  d'acier  fondu  F.  Krupp; 
Paris,  1865.  — V.  Lœbell,  Jahresberichte  ûber  die  Verœn- 
derungenim  Militœi'wesen;  Berlin,  1875-94.—  W.  Grevel, 
Geschichte  der  Grûndung  der  Gussstahlfabrikation  im 
Stift  Essen;  Essen,  1881.  —Wohlfahrtseinrichtungen  der 
f.  Krupp'schen  Gussstahlfabrik  zumBesten  ihrer'  Arbei- 
ter;  Essen,  1883,  2«  éd.  —  D.  Conway,  An  Iron  City  6e- 
Side  the  Ruhr,  dans  le  Harper's  Magazine  ;  New  York, 
mars  1886.  —  Lieutenant-colonel  Hennebert,  VArtillerie 
Krupp  et  l'Artillerie  de  Bange  ;  Paris,  1886.  —  Mariotti, 
Canons  français  et  canons  allemands;  Paris,  1886.  — 
E.  MoxNTHAYE,  Krupp  et  de  Bange;  Bruxelles,  1887.  — 
Pertinax,  En  Cause  de  Krupp  et  de  Bange;  Bruxelles, 
1887.  —  Niemeyer,  Alfr.  Krupp;  Essen,  1887.  —  Schmidt- 
Weissenfels,  Krupp  und  sein  Werh;  Berlin,  1888.  — 
D.  Baedeker,  Alf.  Krupp  und  die  Entwickelung  der 
Gussstahlfabrik  zu  Essen;  Essen,  1889.  —  G.  Putz,  Sur 
la  Perforation  des  plaques  de  blindage  d'après  un  docu- 
ment de  l'usine  Krupp;  Paris,  1889.  —  Revue  d'artillerie  ; 
Paris,  oct.  1891  et  déc.  1893.  —  Kaiser,  Konstruktion  der 
gezog.  Geschûtzrohre  ;  Vienne,  1892-93.  —  Preiss,  Der 
Feld-Kanonier  ;  Berlin,  1894,  15°  éd.  •—  Wernigk,  Hand- 
buch  fur  die  Einjahrig-Freiwillingen  der  Feldartillerie; 
2e  édit.,  Berlin,  1894. 

KRUSE  (Eriedrich-Karl-Hermann),  historien  allemand, 
né  à  Oldenbourg  le  21  juil.  1790,  mort  à  Gohlis  (près  de 
Leipzig)  le  23  août  1866.  Il  professa  aux  universités  de 
Halle  (1821)  et  Dorpat  (1828-53).  Son  principal  livre  est 
Hellas,  géographie  historique  de  la  Grèce  antique  (Leip- 
zig, 182o-27,  3  vol.);  citons  encore  :  Deutsche  Altertû- 
mer  (Halle,  1824-29,  3  vol.);  Anastasis  der  Warœger 
(Reval,  184i);  Altertûmer  von  Livland,  Esthland  und 


Kurland  (Dorpat,  1842);  Russische  Altertûmer  (1844- 
45,  2  vol.);  Urgeschichte  der  Ostseeprovinzen  (Moscou, 
1846),  etc. 

KRUSE  (Heinrich),  écrivaiu  allemand,  né  à  Stralsund 
le  15  déc.  1815.  Rédacteur  de  la  Gazette  de  Cologne 
(1847),  dont  il  prit  la  direction  de  1855  à  1872,  il  a  écrit 
de  nombreuses  tragédies  :  Die  Grœfin  (1868);  Wnllen- 
ivever  (1870);  Kœnig  Erich(iSli);Moritzvon  Sachsen 
(1872);  Bruius  (1874);  Marino  Faliero  (1876);  Das 
Mœdchenvon  Byzanz{iSll);Rosa7nunde  (1878);  Der 
Ver  bannie  (iSl  9);  Raven  Barnekow,  WitzlawvonM- 
gen{iSSO)  ;  Alexei  (1882)  ;  des  pièces  humoristiques,  etc. 

KRUSEMAN  (Cornelis),  peintre  hollandais,  né  à  Ams- 
terdam en  1797,  mort  en  1857.  Après  avoir  fait  son  édu- 
cation artistique  dans  son  pays  et  acquis  une  certaine 
réputation  comme  peintre  de  genre,  il  partit  pour  THalie. 
Le  long  séjour  qu'il  fit  dans  cette  contrée,  joint  à  l'influence 
des  peintres  italiens,  le  porta  à  quitter  la  peinture  de  genre 
pour  la  peinture  historique  et  religieuse.  Ses  compositions, 
d'un  coloris  puissant  et  harmonieux,  d'un  dessin  ample  et 
correct,  se  distinguent  encore  par  une  brillante  facilité 
d'exécution.  On  cite  comme  ses  meilleures  œuvres  une 
Prédication  de  saint  Jean- Baptiste,  de  dimensions  co- 
lossales, et  une  Mise  au  tombeau  faisant  partie  de  la 
collection  royale  de  Hollande.  Ad.  T. 

KRUSEIVIAN  (Jean-Adam),  peintre  hollandais,  cousin 
du  précédent,  né  à  Haarlem  en  1804,  mort  à  La  Haye  en 
4862.  Elève  de  Hodges  et  de  Dairvalle,  il  alla  se  perfec- 
tionner à  Bruxelles  sous  la  direction  de  Louis  David.  Il 
peignit  surtout  le  portrait,  genre  dans  lequel  il  arriva  à  un 
grand  talent;  ses  tableaux  d'histoire  et  de  genre  sont  aussi 
estimés.  L'un  de  ces  derniers,  la  Jeune  Fille  au  repos, 
figure  au  musée  de  Haarlem  ;  un  autre,  la  Méridienne,  a 
été  exposé  à  Paris  en  1855  (Expos,  univ.).        Ad.  T. 

KRUSEMANN  van  Elten,  peintre  néerlandais, né  à  Alk- 
mar  le  14  nov.  1829.  Après  de  longs  voyages,  il  se  fixa 
à  Amsterdam,  puis  à  New  York  (1865).  Il  peint  des  pay- 
sages d'un  coloris  vigoureux  et  d'un  réalisme  frappant  ; 
les  plus  connus  sont  :  Un  Matin  dans  les  bois,  le  Matin 
du  dimanche.  Campagne  de  Gueldre,  Paysage  du  Hazz, 
Crépuscule  dans  les  monts  Sharvagunk,  Matin  dans 
les  prairies.  Crépuscule  d  Peakskili,e{c, 

KRUSENSTERN  (Détroit).  Nom  européen  du  détroit  de 
Corée,  entre  Kiousiou  et  Tsou-shioia  (V.  Japon  et  la  carte). 

KRUSENSTERN  (Adam-Ivan,  baron),  navigateur  et 
hydrographe  russe,  né  à  Haggud  (Ehstonie)  le  8  nov. 
(anc.  st.)  1770,  mort  à  Revel  (Ehstonie)  le  12  août  (id.) 
1846.  H  prit  part  de  1787  à  1789  à  la  guerre  russo- 
suédoise,  servit  de  1793  à  1799  dans  la  marine  anglaise, 
tant  militaire  que  marchande,  et  obtint  en  1803  du  tsar 
Alexandre  I®^  l'autorisation  d'entreprendre,  en  compagnie 
de  deux  naturalistes  et  d'un  astronome,  le  premier  voyage 
de  circumnavigation  effectué  par  des  Russes.  Parti  le  7  août 
de  Cronstadt  avec  deux  navires  achetés  en  Angleterre  (le 
Nadiejeda,  qu'il  montait,  et  la  Neva,  que  commandait 
sous  ses  ordres  Lisianski  et  qui  devait,  à  plusieurs  re- 
prises, opérer  à  part),  il  doubla  le  cap  Horn  le  3  janv. 
1804,  fit  relâche  à  Nouka-Hiva  (îles  Marquises),  séjourna 
deux  mois  au  Kamtchatka  (1 4  juil. -6  sept.),  arriva  le  7  oct. 
à  Nagasaki,  au  Japon,  oti  un  envoyé  du  tsar,  Résanoff, 
avait  mission  de  négocier  une  alliance.  Fort  mal  accueilli 
et  même  gardé  en  observation  dans  la  rade,  il  ne 
put  débarquer  ni  l'ambassadeur,  ni  ses  équipages.  Il 
s'éloigna  le  18  avr.  1805,  traversa  le  canal  de  "Corée, 
explora  la  mer  du  Japon,  reconnut  le  détroit  de  Sangar,  la 
côte  occidentale  de  l'île  Yéso,  le  détroit  de  La  Pérouse, 
pénétra  dans  le  golfe  Patience  (ou  de  Terpienija),  mais, 
menacé  par  les  glaces,  dut  remonter  de  nouveau  vers  le 
Kamtchatka  en  longeant  les  Kouriles.  Il  alla  ensuite  explo- 
rer l'embouchure  de  l'Amour,  atterrit  une  troisième  fois 
au  Kamtchatka  et,  après  une  escale  à  Macao,  revint  à 
Cronstadt,  où  il  mit  pied  le  7  août  1806.  L'expédition 
n'avait  pas  perdu  un  seul  homme.  Elle  rapportait  une  riche 


moisson  d'observations  et  de  renseignements.  Son  chef  en 
a  lui-même  donné  une  très  intéressante  relation  sous  le 
titre  :  Heise  um  die  Welte  i 803-06  (Saint-Pétersbourg, 
d810-42,3  vol. in.4 et  atlas;  trad.fr.  par  J.-B.-B.Eyriès, 
Paris,  4824,  2  vol.  in-8  et  atlas  in-fol.).  En  1845,  Kru- 
senstern  fit  un  second  voyage  dans  les  régions  arctiques, 
à  la  recherche  d'un  passage  N.-O.  Promu  contre-amiral 
en  4826,  vice-amiral  en  1829,  amiral  en  4844,  il  dirigea 
de  4827  à  4842  le  corps  des  cadets  de  la  marine.  11  était 
membre  de  l'Académie  de  Saint-Pétersbourg  et,  depuis 
4840,  correspondant  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris 
(section  de  géographie  et  de  navigation).  Outre  l'ouvrage 
déjà  cité  et  des  mémoires  parus  dans  les  Annalen  de 
Gilbert  et  dans  le  Bulletin  de  V Académie  de  Saint-Pé- 
tersbourg^ il  a  publié  :  Beitrage  zur  Hydrographie  der 
Grœssern  Oceane  (Leipzig,  4849);  Atlas  de  l'océan 
Pacifique  (Saint-Pétersbourg,  4824-27, 2  vol.)  ;  Recueil 
de  mémoires  hydrographiques  (Saint-Pétersbourg,  4  824- 
27,  2  vol.  ;  suppL,  4835),  etc.  Une  statue  en  bronze  lui 
a  été  élevée  à  Saint-Pétersbourg,  en  4876,  devant  l'école 
des  cadets  de  la  marine.  —  Son  fils,  Paul  (1809-84), 
vice-amiral,  et  le  fils  de  celui-ci,  également  prénommé 
Paul^  ont  exploré  les  rives  de  la  Petchora,  le  premier  en 
4843,  le  second  en  1862.  Léon  Sâgnet. 

BiBL.  :  E.  Gallitzin,  Notices  sur  les  voyages  des  navi- 
gateurs russes,  dans  le  Bullet.  de  la  Soc.  de  géogr.  de 
Paris,  1853,  II. 

KRUSI  (Hermann),  pédagogue  suisse,  né  à  Gais  (Appen- 
zell)  en  4775,  mort  à  Gais  en  4844.  Orphelin  de  père  à 
quatorze  ans,  avec  sa  famille  à  sa  charge,  il  fut  jusqu'à 
dix-huit  au  service  de  petits  commerçants  dont  il  faisait 
les  commissions  comme  garçon  de  peine.  Il  savait  à  peine 
lire  et  écrire  quand,  sur  le  conseil  d'un  bourgeois  du  lieu 
qui  avait  de  l'estime  pour  lui,  il  obtint  au  concours  (contre 
un  seul  concurrent  d'ailleurs,  —  tel  était  alors  le  recru- 
tement) la  fonction  de  maître  d'école,  payée  2  florins  et 
demi  par  semaine  (4793).  Il  fit  à  la  fois  sa  propre  ins- 
truction et  l'apprentissage  de  son  métier  sous  la  direction 
du  pasteur,  qui  lui  prêta  des  livres  et  lui  montra,  l'aida 
même  à  faire  sa  classe.  Il  avait  une  centaine  d'élèves. 
Après  la  révolution  de  4798  et  l'invasion  austro-russe 
de  4797,  comme  les  cantons  de  l'Ouest  recueillaient  les 
enfants  des  familles  ruinées  de  la  Suisse  orientale,  Kriisi  fut 
envoyé  à  Burgdorf  avec  trente  enfants  d'Appenzell  à  qui 
cette  ville  ofi'rait  l'hospitalité.  Pestalozzi  venait  d'y  arriver 
de  Stanz  et  y  faisait  une  classe  élémentaire.  En  réunissant 
leurs  élèves  et  en  s'associant  d'autres  collaborateurs,  ils 
fondèrent  l'institut  de  Burgdorf  (4800).  L'inventeur  de  la 
nouvelle  méthode  n'eut  pas  de  disciple  plus  zélé  ni  de  plus 
fidèle  auxiliaire  que  Krusi.  Celui-ci,  chargé  surtout  de 
l'enseignement  de  l'arithmétique,  eut  un  succès  légendaire 
dans  les  exercices  de  calcul  mental  ;  moins  heureux  comme 
écrivain,  il  collabora  sans  talent  au  Livre  des  mères  et 
aux  Exercices  d'intuition  dont  la  lourdeur  et  la  mono- 
tonie lui  sont  imputées.  En  4804,  il  émigra  avec  Pesta- 
lozzi à  Yverdon,  où  il  fut,  jusqu'à  la  rupture  de  4847,  une 
des  colonnes  de  l'Institut,  peut-être  le  collaborateur  préféré, 
plus  apprécié  encore  pour  son  amour  des  enfants  et  ses 
dons  d'éducateur  que  pour  son  enseignement.  De  4847 
à  4822,  il  dirigea  à  Yverdon  même  un  pensionnat  indé- 
pendant ;  puis,  appelé  par  son  canton  natal  à  la  direction 
de  l'école  cantonale  de  Trogen,  il  fonda  en  4833  l'école 
normale  de  Gais,  qu'il  dirigea  jusqu'à  sa  mort,  avec  une 
«  realschule  »  et  une  école  de  jeunes  tilles  qu'il  y  avait  jointes. 
Il  a  écrit  quelques  ouvrages  :  Vaterlehren  ;  Erinnerun- 
gen  aus  meinem  pœdagogischen  Leben  und  Wirken  ; 
Bestrebungen  und  Erfahrungen  im  Gebiete  der  Volk- 
erziehung.  H.  M. 

BiBL.  :  Buisson,  Dictionnaire  de  pédagogie^  1"  partie. 

KRUSINSKI  (Thadée),  orientaliste  polonais, né  en  4675, 
mort  à  Kamieniec  en  4754.  Il  entra  dans  l'ordre  des  jé- 
suites et  fut  envoyé  comme  missionnaire  en  Turquie  et  en 
Perse.  Il  revint  ensuite  en  Europe  et  devint  professeur  de 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —    XXI. 


657  —  KRUSENSTERN  —  KRZYŒI 

langues  au  collège  de  la  Propagande.  En  4740,  il  fit  un 
second  voyage  en  Perse  et  termina  sa  vie  en  Pologne.  Il 
a  publié  quelques  ouvrages  fort  importants  pour  l'histoire 
de  la  Perse  au  xviii«  siècle  :  Relatio  de  mutationibus  me- 
morabilibus  Regnl  Persarum  (Rome,  1727,  trad.  en 
franc.);  Prodromus  ad  tragicam  vertentis  belli Persici 
historiam  (Léopol,  4733,  4.734  et  4740,  avec  un  appen- 
dice, DeLegationibuspolonO'persicis)  ;  Tragica  vertentis 
belli  Persici  historiœ  {id.,  4740)  ;  Analecta  ad  tragicam 
belli  Persici  historiam  (id.,  4755).  On  cite  encore  de  lui 
un  traité  Du  Café  turc  (en  poL;  Varsovie,  1769). 

KRYLOV  (Ivan-Andréevitch),  célèbre  fabuliste  russe,  né 
à  Moscou  le  2  févr.  4768,  mort  à  Saint-Pétersbourg  le 
9  nov.  4844.  Fils  d'un  pauvre  oflTicier,  Krylov  eut  une  jeu- 
nesse malheureuse  ;  à  douze  ans  la  misère  l'obligea  d'en- 
trer comme  copiste  chez  un  juge.  En  4782,  il  se  rendit  à 
Pétersbourg.  Passionné  pour  la  lecture  et  le  théâtre,  il  écri- 
vit dès  l'âge  de  quinze  ans  une  sorte  d'opéra,  la  Prophé- 
tesse  de  café;  une  librairie  lui  en  donna  60  roubles  qu'il 
employa  à  l'achat  des  œuvres  de  Racine,  de  Molière  et  de 
Boileau  ;  le  commerce  de  ces  écrivains  lui  inspira  le  goût 
des  tragédies  et  des  contes  satiriques  ;  il  écrivit  deux  tra- 
gédies, Cléopâtre  et  Philomèle.  Puis  il  quitta  le  service 
de  l'Etat  et  fonda  plusieurs  journaux  :  la  Poste  des  Es- 
prits, le  Mercure  de  Saint-Pétersbourg,  oti  il  publia  des 
nouvelles,  des  poésies  et  des  articles  de  critique.  Il  fit 
représenter  des  comédies  :  la  Famille  insensée,  les  Es- 
piègles, l'Ecrivain  dans  l'antichambre.  Devenu  secré- 
taire du  prince  Galitzine,  il  passa  quelques  années  dans  les 
domaines  de  ce  dernier,  à  Saratov,  où  il  peut  à  loisir  ob- 
server la  vie  et  les  mœurs  des  paysans  russes.  En  4806, 
de  retour  à  Moscou,  il  se  ha  avec  Dmitriev  (V.  ce  nom), 
qui  l'engagea  à  traduire  quelques  fables  de  La  Fontaine. 
Krylov  était  désormais  lancé  dans  la  voie  qu'il  devait  illus- 
trer. En  4808,  il  pubha  un  premier  recueil  de  vingt-trois 
fables;  le  succès  fut  immense  :  jusqu'en  4844,  le  nombre 
des  exemplaires  écoulés  dépassa  70,000  ;  honneurs  et  pen- 
sions plurent  sur  le  poète  :  il  fut  nommé  membre  de  l'Aca- 
démie en  4841,  attaché  à  la  bibliothèque  impériale  en 
4842,  conseiller  d'Etat  en  4830,  et  il  mourut  après  avoir 
assisté,  à  Saint-Pétersbourg,  à  son  apothéose. 

Le  nom  de  Krylov  est  aussi  populaire  en  Russie  que  ce- 
lui de  La  Fontaine  l'est  chez  nous.  Ses  fables,  par  l'esprit 
vraiment  national,  l'humeur  gaie,  la  bonhomie  naturelle, 
la  vérité  des  peintures  et  le  charme  du  langage,  ne  peu- 
vent être  comparées  qu'à  celles  de  notre  illustre  poète; 
c'est  un  des  Hvres  les  plus  goûtés  des  Russes  ;  il  est  pour 
les  enfants  le  premier  manuel  de  lecture,  on  l'apprend  par 
cœur,  et  beaucoup  de  vers  sont  passés  en  proverbes.  Krylov 
a  suscité  en  Europe  toute  une  littérature  de  traductions, 
d'imitations  et  de  commentaires.  La  statue  de  Krylov  a  été 
placée  dans  le  Jardin  d'été  à  Saint-Pétersbourg.         M. 

BiBL.  :  Krylov,  choix  des  fables  traduites  en  vers  par 
F.-I.  R[ilfé];  Saint-Pétersbourg,  1822.—  Fables  russes 
imitées  en  vers  français,  etc.,  avec  introduction  de  Lemon- 
tey  -,  Paris,  1825,  2  vol.  —  Héreau,  Fables  russes  imitées 
de  Krylov;  Paris,  1825.  —  Fables,  traduction  Masclet;  Mos- 
cou, 1828.  —  Fables  russes  imitées  en  vers,  publiées  par 
J.-B.  Enîerling  ;  Saint-Pétersbourg,  1845.  —  Fables,  tra- 
duites en  vers  français  par  Charles  Parfait  ;  Paris,  1867. 
—  Alfred  Bougeault,  Krylov  ou  le  La  Fontaine  russe, 
sa  vie  et  ses  fables;  Paris,  1857.  —  Jean  Fleury,  Krylov  et 
ses  fables,  1869.  —  Pletnev,  Biogr.  de  Krylov,  en  tête  de 
la  20'*  éd.  des  Fables  (en  russe). 

KRYN  S  (Everard),  peintre  hollandais  qui  vivait  à  La  Haye 
au  commencement  du  xvii^  siècle.  Elève  de  Van  der  Mander 
le  père,  il  voyagea  longuement  en  Italie  et  a  peint  des  sujets 
d'histoire  et  des  portraits. 

KRZYCKI  (André),  humaniste  polonais  et  poète  néo-latin, 
né  en  1482,  mort  en  1537.  Il  fit  ses  études  à  Bologne  oîi 
il  fréquenta  les  cours  d'Antoine  Urceo,  surnommé  Codrus. 
De  retour  en  Pologne  en  1 504,  il  resta  à  la  cour  de  Lubranski , 
évêque  de  Posen.  Il  chanta  en  vers  latins  le  mariage  du 
roi  Sigismond  P"^  Jagellon  avec  Barbe  de  Zapolya  (1512), 
et  il  devint  secrétaire  de  la  reine.  En  1514,  il  publia  son 
poème  sur  la  victoire  du  roi  Sigismond  :  De  Moscica  vie- 

42 


KRZYCKÏ  —  KSHATRAPAS  —  658  — 

toria.  En  loi 8,  il  chanta  le  second  mariage  de  son  roi 
avec  Bonne  Sforza.  En  4522,  il  devint  évêquede  Przemysl  ; 
en  4527,  évêque  de  Plock  ;  vers  la  fin  de  4535,  il  fut 
nommé  archevêque  de  Gnesen.  Krzycki  est  un  humaniste 
des  plus  caractéristiques.  Sa  muse  latine  le  mène  tout  droit 
aux  honneurs  et  aux  dignités,  quoique  sa  vie  privée  et  ses 
poésies  obscènes  forment  un  contraste  frappant  avec  sa 
haute  charge  ecclésiastique.  Son  rôle  politique  n'est  pas 
encore  suffisamment  éclairé,  mais  son  écrit  :  Reipublicce 
et  religionis  quœrimonia^  prouve  une  grande  lucidité 
d'esprit.  Il  a  bien  reconnu  les  fautes  principales  des  Polo- 
nais du  XVI®  siècle  :  la  stérilité  des  longues  Diètes,  l'incurie 
et  l'insouciance  de  la  noblesse  pour  les  vrais  intérêts  de 
l'Etat.  Comme  poète  latin,  il  est  gracieux,  mais  peu  origi- 
nal ;  il  imite  surtout  Ovide,  Virgile  et  Martial.  Sa  prosodie 
et  sa  métrique  laissent  beaucoup  à  désirer.    J .  Kàllenbâcii. 

BiBL.  :  L.  Droba,  A.  KrzyckU  comme  poète  et  politicien 
(en  poL);  Cracovie,  1879  ;  Przeglad  Polski.  —  J.  Szujski, 
la  Renaissance  et  la  Réforme  ;  Cracovie,  1880.  — -  C.  Mo- 
HAwsKi,  Andreœ  Cricii  Carmina;  Cracovie,  1888. 

KRZYZANOWSKI  (Adrien),  mathématicien  et  historien 
polonais,  né  en  4788,  mort  en  4852.  Il  fit  partie  de  la  con- 
grégation des  piaristes.  Outre  un  certain  nombre  d'ouvrages 
pour  l'enseignement  des  mathématiques,  il  a  écrit  :  Est-ce 
à  la  royauté  ou  au  peuple  qu'il  faut  attribuer  la  chute 
de  la  Pologne?  (Kielce,  4824)  ;  le  Rôle  de  la  Pologne  dans 
l'histoire  du  progrès  (Varsovie,  4844;  2^  éd.  avec  une 
notice  sur  l'auteur  par  Skimborowicz,  Varsovie,  4857). 

KRZYZANOWSKI  (Stanislas),  archéologue  polonais,  né  à 
Saint-Pétersbourg  en  4844.  Il  acheva  ses  études  à  Craco- 
vie. Il  a  publié  un  certain  nombre  d'ouvrages  fort  intéres- 
sants pour  l'histoire  et  l'archéologie  de  la  Pologne,  notam- 
ment :  les  Monuments  polonais  du  musée  archéologique 
d'Odessa  (Kiev,  4863)  ;  Dictionnaire  héraldique  (Cra- 
covie, 4870)  ;  De  Simonis  O'Kolscii  vita  et  scriptis  [id.^ 
4870)  ;  Matériaux  pour  l'histoire  de  Pologne  (id., 
4878)  ;  Annuaire  d'archéologie^  de  numismatique  et 
de  bibliographie  polonaise  (id.^  4879  et  suiv.),  et  de 
nombreuses  contributions  aux  mémoires  de  l'Académie  po- 
lonaise de  Cracovie. 

KSABI  ECTi  CiiEURFA.  District  delà  vallée  supérieure  de 
la  Moulouïa,  sur  la  route  de  Fez  au  Tafilalet,  qui  appartenait, 
comme  son  nom  l'indique,  à  des  chérifsqui  sont  originaires 
du  Tafilalet.  C'est  un  des  points  stratégiques  les  plus  impor- 
tants du  Maroc;  il  ne  compte  que  peu  d'habitants,  mais  l'in- 
fluence des  chérifs  s'étend  aux  environs  et  en  particulier 
sur  la  route  qui  traverse  l'Atlas.  Depuis  4879  le  sultan  y 
a  établi  une  petite  garnison  assez  précaire. 

KSAR  (pluriel  Ksour).  Mot  que  l'on  rencontre  très  fré- 
quemment dans  la  toponymie  des  pays  berbères  et  qui  signifie 
lieu  fortifié,  et  par  extension  ville,  bourg,  village,  princi- 
palement dans  les  régions  du  Sud.  Mentionnons  parmi  les 
locahtés  ainsi  désignées  :  El-Ksar,  à  40  kil.  S.-E.  deSétif, 
avec  les  ruines  de  la  ville  romaine  de  Ad  Basilicam;  El- 
Ksar^  village  de  la  province  d'Oran,  à  20  kil.  E.  de  Sidi-bel- 
Abbès,  créé  en  4877;  Esar-el-Ahmeur,  site  de  ruines,  à 
50  kil.  S.-E.  de  Souk-Ahras,  dép.  de  Constantine;  Esar- 
el-Beida,  «  le  Bourg  de  la  Blanche  »,  à  400  kil.  N.-O.  de 
Laghouat,  dép.  d'Alger;  Esar-el-Bouma^  site  de  ruines 
romaines  du  dép.  de  Constantine,  sur  l'ancienne  route  de 
Tébessa  à  Constantine;  Ksar-el~Haïran^  bourg  de  900 
hab.  du  dép.  d'Alger,  sur  l'oued  Djedi,  à  30  kil.  E.  de 
Laghouat  ;  îùar-ez-Zit,  site  do  ruines  romaines  et  byzan- 
tines, en  Tunisie,  au  N.-O.  de  llammamet  ;  Ksar-Gouraï, 
site  de  ruines  romaines,  à  40  kil.  E.  de  Tébessa,  dép.  de 
Constantine,  probablement  l'ancienne  station  de  Ad  Mercu- 
rium;  Ksar-Saïd^  palais  du  bey  de  Tunis,  attenant  au 
Bardo  et  où  fut  signé  le  24  mai  4884  le  traité  qui  plaça  la 
Tunisie  sous  le  protectorat  de  la  France  ;  Ksar-Sbaï^  im- 
portant site  de  ruines  romaines  du  dép.  de  Constantine,  à 
35  kil.  d'Aïn-Beïda,  peut-être  la  station  antique  de 
Gadianfala;  Esar-Temouchent,  village  du  dép.  de  Cons- 
tantine, à  8  kil.  E.  de  Sétif.  —  Dans  les  districts  du  Touat, 


les  localités  désignées  par  le  mot  «  ksar  »  sont  particulière- 
ment nombreuses. 

KSAR-EL-KEBIRouAL-KAZAR.VilleduMaroc,à90kiI. 
au  S.  de  Tanger,  par  34o59'  lat.  N.  et  8^42^52'''  long.  0. 
Paris.  Ksar-el-Kebir  ou  le  Grand-Château  est  situé  sur  la 
rive  droite  de  la  rivière  Loukkos,  à  une  demi-journée  de 
marche  de  son  embouchure  dans  l'Océan.  La  ville  com- 
mande le  passage  du  fleuve  au  point  extrême  où  la  marée 
s'y  fait  encore  sentir  ;  elle  est  la  principale  ou  pour  mieux 
dire  l'unique  station  de  la  route  qui  conduit  de  Tanger  à 
Fez  et  à  Meknas.  Ksar-el-Kebir  a  été  bâtie  en  grande 
partie  avec  des  matériaux  antiques  ;  elle  a  en  effet  succédé 
à  la  station  romaine  de  l'Oppidum  novum  de  l'Itinéraire 
d'Antonin  ;  au  moyen  âge  arabe,  elle  semble  avoir  eu  une 
grande  importance  en  étant  la  capitale  de  la  province  du 
Gharb;  mais  aujourd'hui  elle  n'est  ni  grande  ni  fortifiée. 
Ses  maisons  mal  construites,  non  blanchies,  lui  donnent  un 
air  de  saleté  extrême  ;  les  immondices  pourrissent  au  pied 
des  anciennes  murailles  de  la  ville  et  empestent  l'air,  tandis 
que  les  marécages  des  environs  font  de  cet  endroit  un  des 
points  les  plus  insalubres  du  N.  de  l'Alrique.  Les  fièvres 
y  sont  en  permanence.  La  ville  manque  d'eau  ;  on  est 
obligé  d'en  aller  chercher  dans  des  outres  à  l'ouad  Loukkos, 
à  une  demi-heure  de  distance.  La  population  est  d'environ 
5  à  6,000  âmes  dont  un  millier  d'israéUtes  qui  habitent 
dans  toute  la  ville.  Le  commerce  d'El-Ksar  consiste  surtout 
dans  celui  des  grains.  Auprès  de  la  ville  sont  de  grands 
vergers  avec  de  belles  plantations  d'orangers.  Non  loin  de 
la  ville,  dans  l'espace  médian  compris  entre  l'ouad  Ouarour 
et  l'ouad  El-Maghzen,  dans  la  direction  de  la  ville  d'El- 
Araish  (Laracbe),  on  trouve  l'emplacement  du  champ  de 
bataille  d'El-Ksar  ou  des  Trois-Rois,  célèbre  au  xvi^  siècle 
(V.  Maroc  [Histoire]).  La  France  possède  un  agent  consu- 
laire à  El-Ksar.  H. -M. -P.  de  La  Mârtinière. 

KSAR-ES-SERIR  ou  le  PETrr-CHÂTE\u  (par  opposition  au 
Ksar-el-Kebir  [V.  ci-dessus])  n'est  plus  qu'un  amas  de 
ruines  que  les  sables  disputent  aux  broussailles.  C'était 
au  moyen  âge  un  des  points  les  plus  importants  de  la  côte 
méridionale  du  détroit  do  Gibraltar,  El-Bekri  le  désignait 
du  nom  de  Ksar-Masmouda,  et  Aboulféda  Ksar  el-Medjaz. 
C'était  alors  le  chantier  où  se  construisaient  la  plupart  des 
navires  qui  faisaient  le  commerce  du  détroit  et  l'arsenal  où 
se  préparaient  les  expéditions  dirigées  contre  l'Espagne 
par  les  princes  musulmans.  Ksar-es-Serir  est  situé  à  l'em- 
bouchure ou  pour  mieux  dire  dans  l'embouchure  d'une 
petite  rivière  ensablée  l'ouad  El-Yemm,  à  24  kil.  dans  l'E. 
de  Tanger.  H.-M.-P.  de  La  Mârtinière. 

KSAR-FARAOUIVl  ou  le  Chateau  de  Pharaon.  Localité 
du  Maroc  à  22  kil., au  N.  de  la  ville  de  Mequinez,  au  pied 
du  djebel  Zerhoun,  à  l'entrée  d'une  gorge  fertile  ;  Ksar- 
Faraoun  est  le  nom  arabe  que  de  nos  jours  les  indigènes 
du  Maroc  donnent  aux  ruines  de  Volubilis  (V.  ce  mot). 

KSEL.  Nom  que  l'on  donne  quelquefois  aux  monts  des 
Ksour  (V.  Orân  [Dép.]). 

KSEUR  (El-)  (Algérie)  (V.  El-Kseur). 

KSHATRAPAS.  Nom  de  deux  dynasties  de  princes  qui 
ont  régné  dans  l'Inde  du  i^"^  au  iv^  siècle  de  notre  ère.  C'est 
le  titre  qu'ils  se  donnent  sur  leurs  monnaies  et  dans  les 
inscriptions,  et  il  a  été  emprunté  à  la  Perse  ;  on  ne  le  ren- 
contre pas,  en  eflet,  dans  la  littérature  sanscrite.  Le  mot 
est  donc  d'origine  iranienne  ;  il  se  trouve,  en  effet,  déjà 
dans  les  inscriptions  perses  de  Behistoun  sous  la  forme 
Klislialrapdvà  (transcrit  Saksapava  dans  le  texte  scy- 
thique)  avec  le  sens  de  «  satrape  »  qui  est  la  transcription 
grecque  sous  laquelle  ce  mot  nous  a  d'abord  été  connu  et 
était  connu  de  toute  antiquité  avant  la  découverte  des  textes 
orientaux.  Le  sens  étymologique  est  «  qui  défend  (ou  qui 
possède)  la  souveraineté  khshatra  ».  Ce  titre  était  surtout 
employé  pour  désigner  les  gouverneurs  de  provinces  sous 
les  Achéménides,  sous  les  Séleucides  et  sous  les  Arsacides; 
on  ne  le  rencontre  pas  pendant  la  période  sassanide  :  aussi 
n'existe-t-il  pas  en  pehlvi.  C'est  évidemment  sous  les  Ar- 
sacides que  le  mot  Éshatrapa^  avant  qu'il  fût  déformé  en 


-  m  - 


KSHATRAPAS  —  KIJCKER 


Skehrpq  (qui  aurait  été  la  forme  sassanide),  est  passé  dans 
les  provinces  de  l'Iran  oriental  et  de  là  dans  l'Inde.  Nous 
le  trouvons  d'abord  sur  les  monnaies  récemment  décou- 
vertes des  princes  d'origine  louranienne,  Ranjabal,  Jiho- 
nisa,  Çadasa,  Manigula,  Liako-Kusululio,  Kharamosta,  qui 
ont  régné  dans  le  Penjab  et  le  Cachemire,  et  sur  lesquelles 
le  titre  de  satrape  est  écrit  tantôt  tchhaîrapay  tantôt  klia- 
tapa,  tantôt  tchhatraua,  suivant  les  dialectes  ;  quelques- 
uns  de  ces  petits  souverains  prennent  le  titre  de  «  grand 
satrape  »,  mahakhatapa ;  «  fils  de  satrape  » ,  khatapaputa 
et  tchhatrapaputra.  Ils  ont  régné,  au  i^"^  siècle,  et  leur 
groupe  forme  ce  qu'on  appelle  les  lùhatrapas  du  Nord, 
Un  peu  plus  tard,  ce  titre  de  kshatrapa  entre  tout  à  fait 
dans  la  langue  comme  dans  les  institutions  de  l'Inde,  et 
c'est  ainsi  qu'il  devient  le  titre  de  souveraineté  de  princes 
qui  ont  régné  pendant  près  de  quatre  siècles  dans  le  Malva, 
le  Kathiawar  et  le  Guzerate.  Ils  ont  été  longtemps  connus 
sous  le  nom  de  rois  Sas^  puis  lùhatrapas  du  Saurash- 
Ira^  puis  enfin  Kshatrapas-Seiias.  C  est  cette  dernière 
appellation  qui  a  prévalu  à  côté  de  celle  de  Kslialrapas 
de  rOîiest  ou  occidentaux  qui  leur  a  été  donnée  par 
Bhagvanlal,  leur  plus  récent  historien.  Ces  princes  paraissent 
être  d'origine  çaka,  c.-à-d.  touranienne,  et  ils  se  servent  sur 
leurs  monnaies  de  l'ère  çaka  de  l'an  78  de  J.-G.  (d'après 
M.  Oldenberg,  ce  serait  une  ère  particulière  qu'il  place  vers 
iOO  de  J.-C).  Voici  la  liste  de  ces  souverains  depuis  Na- 
hapâna  le  fondateur,  avec  leurs  dates  approximatives  : 

Kshatrapas  occidentaux  ou  Senas  : 
Nahapâna  Kshaharâta vers  424  de  J.-C. 


Tchashtana,  fils  de  Ghsamotika. 

Jayadâman,  fils  du  précédent 

Rudradâman,  fils  de  Jayadâman 

Dâmajadaçri 

Jivadâman 

Rudrasinha 

Rudrasena 

Sanghadâman 

Prithivisena 

Damasena 

Dâmajadaçri  II 

Viradâman 

Yaçodûman 

Vijayasena 

Içvaradatta  (usurpateur) 

Dâmajadaçri  III 

Rudrasena  II 

Bhartridâman 

Viçvasinha 

Sinhasena 

Viçvasena 

Rudrasinha  II 

Yaçodâman  II 

Sinhasena 

Svâmi  Rudradâman 

Rudrasena  lïl , 

Svâmi  Satyasinha 

Rudrasinha  III 


sans  date. 

loO 

sans  date. 
478 

481-196 
203 

sans  date. 

226-235 

232 

236-251- 

238 

238-249 

» 
254 

258-268 
278-292 
276-281 
sans  date. 
294-301 
309-348 
348 
sans  date. 

348-376 
sans  date. 

388-440 


Les  légendes  des  monnaies  de  ces  princes,  comme  leurs 
inscriptions,  sont  en  caractères  indo-palis  ;  quelques  mon- 
naies sont  trilingues  :  grec  (très  barbare),  arîo-pali  (ou 
kharoshtd)  et  indo-pali.  Ces  légendes,  très  longues  et  très 
difficiles  à  lire,  vu  le  petit  module  des  pièces,  contiennent 
la  filiation  du  souverain  régnant;  ainsi,  par  exemple,  Rdjno 
Mahâkshatrapasa  Rudrasenaputrasa  râjna  Mahdksha- 
trapasa  Bhartridâmana,  «  monnaie  du  roi  Bhartridâman, 
grand  satrape,  fils  du  roi  Rudrasena,  grand  satrape  ».  Le 
dernier  souverain  de  cette  dynastie,  Rudrasinha  Itl,  fut 
détrôné  vers  l'an  400  à  410  par  les  Gouptas,  lors  des 
grandes  conquêtes  de  Tchandragoupta,  qui  s'empara  de 
Saurashtra  et  de  tout  le  Bas-Indus.  E.  Drouin. 

BiBL.  :  E.  Thomas,  The  Sah  Kings  of  Surashtra^  1848. 
—  W.  Wissï,  Inscriptions  des  groUes  de  Nâsih,  dans  le 


Journ.  As.  Soc.  Bombay  branc/i.,  1861-63,  t.  VI t.  —  Bhag- 
vanlal et  Rapson,  Thè  Western  Kshatrapas,  1890,  et  The 
Northern  Kshatrapas,  1894.  —  Cunniingham,  Coins  of  ihe 
Sakas,  1890. 

KSI  MA.  Tribu  berbère,  mais  arabisante,  du  Sud-Maro- 
cain qui  habite  la  partie  inférieure  de  la  vallée  de  l'ouad 
Sous.  Les  Ksimâsont  voisins  des  Chtouka,  et  leur  territoire 
est  limitrophe  de  l'Océan. 

KSOB  (Oued).  Rivière  d'Algérie,  dép.  de  Constantine,  qui 
prend  sa  source  dans  les  montagnes  élevées  qui  ferment 
au  S.  la  plaine  de  la  Medjana,  coule  à  10  kîL  au  S.  de 
Bordj-bou-Aréridj ,  s'engage  dans  des  gorges  profondes 
jusque  près  de  M'sila,  puis  parcourt  la  plaine  d'alluvions 
qui  borde  au  N.  le  chott  du  Hodna,  où  elle  va  se  perdre 
après  un  cours  de  450  kil.  Le  Ksob  a  presque  toujours  de 
l'eau  ;  on  a  projeté  de  créer  sur  son  cours  un  barrage- 
réservoir  qui  pourrait  retenir  20  millions  de  m.  c.  et  ser- 
virait à  l'irrigation  de  la  région  de  Msila.  E.  Càt. 
KSOUR  (Monts  des)  (V.  Oran  [Dép.J). 
KTÉSIPHON.  Ville  de  Babylonie  antique,  sur  la  r.  g.  du 
Tigre,  en  face  de  Séleueie.  Elle  prit  une  grande  importance 
au  temps  des  rois  parthes  dont  c'était  la  résidence  d'hiver. 
Elle  s'agrandit  aux  dépens  de  Séleueie.  Les  Romains  la 
prirent  trois  fois:  Trajan  en  445,  Verus  en  462,  Septime 
Sévère  en  204.  Elle  resta  capitale  des  Sassanides  et  fut 
détruite  par  les  Arabes  d'Omar  en  637.  La  localité  à'Al-Ma- 
daïn  (les  deux  villes)  conserve  le  souvenir  de  la  double  cité 
de  Séleucie-Ktésiphon,  mais  les  ruines  ont  presque  disparu  » 
à  l'exception  du  palais  de  Khosroès  Nouchirvan,  nommé 
Task-i-Kesra ;  son  portail  de  32  m.  de  haut  conduit  à 
une  nef  de  50  m.,  entourée  d'une  construction  à  plusieurs 
étages  distribuée  en  appartements. 

KTEUF  (Djebel).  Montagne  d'Algérie,  appelée  aussi 
parfois  djebel  Djafa;  elle  se  dresse  au  S.-S.-E.  des  Portes 
de  Fer,  au  S.  de  la  ville  de  Mansourah,  sur  le  faîte,  entre 
le  bassin  du  Sahel  et  le  bassin  intérieur  du  Hodna.  Son 
point  culminant,  le  djebel  Dreat,  sur  le  territoire  de  la 
tribu  de  ce  nom,  atteint  4,862  m.  d'alt.  E.  Cat. 

KUBECK  DE  KuBÂN,  homme  d'Etat  autrichien,  né  à 
Jihlava  (Iglau)  en  4780,  mort  à  Iladersdorf  en  4855.  Il 
entra  dans  l'administration,  fit  instituer  la  banque  natio- 
nale (4818),  accompagna  l'empereur  aux  congrès  de  Lai- 
bach  et  de  Vérone  et  devint  en  4840  président  de  la 
Chambre  aulique,  puis  (4844)  directeur  de  la  monnaie  et 
des  mines.  En  1848,  il  fut  nommé  député  et  en  4850  pré- 
sident du  nouveau  Reichsrat  autrichien.  —  Son  neveu, 
Aloys  Kubeck  de  Kuban,  né  en  4849,  mort  en  4873,  fut 
ministre  d'Autriche  à  Francfort  et  à  Rome. 

KUCHARSKl  (André),  savant  polonais,  né  à  Papiez  (arr. 
de  Piotrkow)  en  4795,  mort  à  Varsovie  en  4832.  Il  acheva 
ses  études  à  Varsovie  et  entra  dans  l'enseignement.  Il  fut 
chargé  d'une  mission  scientifique  dans  les  pays  slaves  et  col- 
labora à  divers  recueils.  Son  ouvrage  le  plus  important  est 
intitulé  Anciens  Monuments  juridiques  des  peuples 
5toi^^5  (Varsovie,  4839). 

KUCHARZ  (Jean-Baptiste),   organiste,  né  à  Chotecz 
(Bohême)  le  5  mars  4754.  Il  vécut  à  Prague  où  il  fut  or- 
ganiste de  diverses  églises,  chef  d'orchestre  de  l'Opéra  ita- 
lien et  professeur  de  musique.  Il  passait  pour  posséder  un 
des  plus  beaux  talents  d'organiste  qu'il  y  eût  à  celte 
époque.  Ses  compositions,  consistant  en  pièces  d'orgue, 
cantates  et  morceaux  religieux,  sont  restées  en  manuscrit. 
KUCHENMEISTER  (Gottlob-Friedrich-IIeinrich),  mé- 
decin allemand  contemporain,  né   à  Buchheim  (Saxe)  le 
22  janv.  4821.  Il  étudia  à  Leipzig  et  à  Prague,  se  fixa  en 
4846  à  Zittau,  en  4859  à  Dresde.  Il  est  universellement 
connu  par  ses  remarquables  travaux  sur  les  ténias  et  sur 
d'autres  parasites  de  l'homme  et  des  animaux.  Il  s'occupa 
beaucoup  de  crémation  et  fut  l'un  des  fondateurs  du  «  cre- 
j   matorium  »  de  Gotha.  Ouvrage  principal  :  Die  Parasiten 
I   des  Menschen,  avec  Zurn  (Leipzig,  4878-84,  in-8,  2®  éd.) . 
j        KUCKER  (Friedrich- Wilhelm),   compositeur  allemand, 
I  né  à  Bleckede  (Hanovre)  le  46  nov.  4840,  mort  à  Schwe- 


KOCKER  —  KUGLER 


—  660 


ria  le  3  avr.  1882.  li  reçut  son  éducation  musicale  à 
Schwerin  et  à  Berlin,  où  il  se  fit  connaître  par  ses  lieder  et 
un  opéra,  Die  Flucht  nach  der  Schweiz  (1839).  Il  ter- 
mina ses  études  à  Vienne  et  à  Paris.  Après  avoir  passé  un 
an  en  Suisse,  dirigeant  des  festivals,  fondant  des  sociétés 
chorales  et  composant  différentes  œuvres,  il  retourna  à 
Paris,  où  il  écrivit  un  opéra,  Der  Prœtendent,  Il  fut  chef 
d'orchestre  à  Stuttgart  (1851-62)  et  vécut  ensuite  à  Schwe- 
rin. Kùcker  a  composé  des  lieder  très  populaires  en  Alle- 
magne. Malheureusement,  ils  sont  d'une  banalité  désespé- 
rante et  d'une  sentimentalité  un  peu  molle. 

KUCZ  (Charles),  littérateur  polonais,  né  en  1815,  mort 
en  1892.  Il  fit  ses  études  à  Varsovie  et  entra  dans  l'ad- 
ministration. II  collabora  à  divers  recueils  et  rédigea,  de 
1848  à  1865,  le  Courrier  de  Varsovie^  puis  de  1866  à 

1874,  le  Courrier  quotidien.  Il  a  publié  les  Monuments 
de  Varsovie  (1853)  et  fait  jouer  un  certain  nombre  de 
vaudevilles. 

KUENEN  (Abraham),  hébraïsant  hollandais,  né  à  Haar- 
lem  en  1828,  mort  à  Leyde  en  1891. 11  devint,  en  1853, 
professeur  de  langue  hébraïque  et  d'exégèse  de  l'Ancien 
Testament  à  l'université  de  Leyde  et  publia  de  nombreux 
ouvrages  qui  furent  très  appréciés  par  les  spécialistes.  Les 
principaux  sont  :  Libris  Geneseos,  Exodi  et  Leuitici  ex 
arabica  pentateuchi  samaritani  uersione  nuiicprimum 
editi  (Leyde,  1851-52,  2  vol.  in-8);  Criticœ  et  herme- 
neuticœ  librorumnovi  Fœderis  lineamenta  {id.^  1856, 
2  vol.  in-8)  ;  Recherches  historico-critiques  sur  l'ori- 
gine et  la  collection  des  livres  de  V Ancien  Testament 
(en  holL,  id.^  1861-65,  3  vol.  in-8,  trad.  en  franc,  par 
Pierson)  ;  les  Prophètes  et  la  prophétie  en  Israël  (id.^ 

1875,  2  vol.  in-8,  trad.  en  anglais  par  Muir).  Kuenen 
appartenait  au  protestantisme  libéral  et  était  avec  Hoeck- 
stra  et  Van  Bell  un  des  directeurs  de  la  Revue  théologique. 

KUFFERATH  (Maurice),  écrivain  belge,  né  à  Bruxelles 
le  8  janv.  1852.  ¥ïh&' Hubert- Ferdinand  (mort  en  1808), 
professeur  de  musique,  il  s'adonna  à  la  critique  musicale, 
en  particulier  à  celle  des  œuvres  de  Wagner  :  Par^î/a/,  Sieg- 
fried, Lohengrin  (Bruxelles,  1890',  3^  éd.),  la  Wal- 
kyrie,  etc.  Il  a  publié  aussi  la  Comédie  française  (iST^); 
Berlioz  et  Schumann  (1879);  H.  Vieuxtemps  (1883); 
VArl  de  diriger  Vorchestre  (Paris,  1891),  etc.  Il  est 
l'auteur  de  deux  petits  actes  souvent  représentés  :  les  Po- 
tiches de  Damoclès,  Propriétaire  par  amour. 

KUFSTEIN.  Ville  du  Tirol,  située  à  75  kil.  au  N.-O. 
d'Innsbruck.  Son  importance  provient  moins  de  sa  popula- 
tion, qui  ne  s'élève  qu'à  3,500  hab.,  que  de  sa  position  très 
forte  tout  près  de  la  frontière  bavaroise,  et  de  la  forteresse 
de  Geroldseck,  qui  domine  la  ville  et  qui  a  longtemps  servi 
de  prison  d'Etat  autrichienne. 

KU6ELGEN  ou  KÛGELCHEN  (Gerhard  de),  peintre 
allemand,  né  à  Bacharach-sur-Rhin  le  6  janv.  1773,  mort 
assassiné  près  de  Dresde  le  27  mars  1820.  Après  avoir 
étudié  sous  Fegel,  à  Wurzbourg,  il  résida  tour  à  tour  à 
Rome,  à  Munich,  à  Riga,  à  Pétersbourg,  à  Paris,  puis 
s'installa  à  Dresde,  où  il  devint  professeur  à  l'Académie. 
Ses  tableaux,  la  plupart  religieux,  Enfant  prodigue, 
Madone  à  P enfant,  Christ  entre  saint  Jean-Baptiste 
et  saint  Jean  l'Evangéliste,  se  distinguent  par  l'idéal  de 
la  forme,  la  poésie  de  la  composition  et  l'éclat  du  coloris. 
Il  a  peint  aussi  des  portraits,  entre  autres  ceux  de  Gœthe, 
de  Herder,  de  Schiller,  de  Wieland  et  le  sien  propre. 

KU6ELGEN  (Karl- Ferdinand  de),  peintre  allemand, 
frère  jumeau  du  précédent,  mort  à  Reval  le  9  janv.  1832. 
Après  avoir  étudié  sous  Zick  à  Coblenz  et  sous  Fegel  à 
Wurzbourg,  il  alla  à  Rome,  où  son  talent  de  paysagiste 
le  mit  en  relations  avec  lord  Bristol,  qui  l'emmena  avec 
lui  à  Pétersbourg.  La  Crimée  et  la  Finlande,  qu'il  visita 
longuement,  lui  inspirèrent  plus  de  quatre  cents  compo- 
sitions à  l'huile  ou  dessins,  parmi  lesquelles  nous  cite- 
rons une  galerie  criméenne  en  90  tableaux  peinte  pour 
le  tsar  Alexandre.  Il  y  a  à  Kamena  Ostrov  beaucoup  de 
toiles  de  cet  artiste,  auquel  on  doit  également  une  relation   I 


pittoresque  de  son  voyage  en  Crimée  (Pétersbourg,  1823). 

KÛGELGEN  (Wilhelm  de),  peintre  allemand,  né  à  Saint- 
Pétersbourg  en  1802,  mort  à  Bernburg  le  25  mai  1867. 
Il  a  peint  des  tableaux  religieux  {Crucifixion,  dans  l'église 
Saint-Olaï,  à  Reval)  et  est  devenu  peintre  de  la  petite 
cour  d'Anhalt-Bernburg.  Son  autobiographie,  parue  après 
sa  mort,  Jugenderinnerungen  eines  alten  Mannes  (Ber- 
lin, 1885,  12^  éd.),  eut  un  grand  succès. 

KUGLER  (  Franz-Theodor) ,  historien  d  art  et  littérateur 
allemand,  né  à  Stettinle  19  janv.  1808,  mort  à  Berlin  le 
18  mars  1858.  Doué  d'un  sens  très  vif  et  d'un  goût  net- 
tement marqué  pour  l'art  sous  toutes  ses  formes,  pratiquant 
même  en  ses  débuts  la  musique  et  la  poésie  comme  la  pein- 
ture, il  hésita  quelque  temps  avant  de  choisir  la  carrière  qui 
devait  l'illustrer.  En  1826,  il  entre  à  l'université  de  Berlin, 
dans  le  but  apparent  d'étudier  la  philologie ,  mais  beaucoup 
plutôtpourcontinuerà  se  développer  conformément  à  ses  ins- 
tincts, en  un  cercle  intelligent  de  littérateurs  et  d'artistes.  Sa 
première  tentative,  le  Skizzenbuch,  publié  en  collaboration 
avec  Reinick  (Berlin,  1830),  mélange  de  poésies  et  de 
compositions  musicales,  en  même  temps  que  d'illustrations 
de  sa  main,  reflète  bien  la  naïve  indécision  du  jeune  homme 
à  cette  époque,  et  les  divers  amours  qui  se  partageaient  son 
cœur.  Il  ne  put  jamais  s'en  détacher  complètement.  Deux 
ans  après  parut,  encore  en  collaboration  avec  Reinick,  le 
Lieder buch  fur  deustche  Kilnstler,  toujours  accompagné 
de  dessins  (Berhn,  1833);  et,  même  lorsqu'il  eut  pleine- 
ment orienté  sa  vie,  au  plus  fort  de  sa  carrière  d'historien 
d'art,  il  aimait  à  revenir  aux  œuvres  de  pure  imagination 
et  de  poésie. 

En  1831,  il  est  reçu  doctor  philosophiœ  à  Berlin,  avec 
une  thèse  qui  touche  déjà  à  l'histoire  de  l'art:  De  Werin- 
hero,  sœculi  Xll  monacho  Tegernseensi,  et  de  picturis 
quibus  carme?i  suum  theotiscum  de  vita  B.  Mariae 
ornavit  (Berlin,  1831),  et  deux  ans  après,  au  printemps 
de  1833,  s'établit  privat-docent  à  l'université  de  Berlin 
pour  y  enseigner  les  matières  qui  seront  désormais  le  but 
favori  de  ses  elForts  et  de  ses  travaux,  cette  esthétique 
largement  comprise,  basée  sur  l'observation  et  l'analyse  des 
œuvres,  dont  il  a  été  un  des  premiers  initiateurs  en  Europe. 
Les  écrits  se  succèdent  nombreux  à  partir  de  cette  époque, 
et  sur  les  questions  d'art  les  plus  variées,  prouvant  l'acti- 
vité incessante  et  la  valeur  éruditede  son  esprit.  Dés  1830, 
avait  été  commencé  sous  sa  direction  le  grand  ouvrage 
illustré,  continué  depuis  :  Denkmœler  der  bildenden 
Kunst  des  Mittelalters  in  den  preussischen  Staatefi. 
En  1833,  il  fonde  un  journal  d'art  :  Muséum,  Blœtter 
fur  bildende  Kunst  ;  la  même  année,  il  étudie  les  monu- 
ments de  la  Marche  de  Brandebourg  {Architektonische 
Denkmœler  der  Altmark  Brandenburg;  Berlin,  1833, 
texte  de  Kugler  avec  planches  de  Stark  et  Meyerheim), 
puis  prend  part  au  débat  sur  la  polychromie  dans  l'anti 
quité  (Ueber  die  Polychromie  der  griechischen  Archi- 
tektur  und  Skulptur,  und  ihre  Grenzen;  Berlin,  1835, 
in-4),  et  avec  une  telle  sagesse  qu'il  n'eut  presque  rien  à 
modifier,  daçs  la  suite,  à  ses  conclusions.  Nommé  en  1835 
professeur  à  l'Académie  des  beaux-arts  de  Berlin,  il  sent 
son  ambition  croître  avec  le  succès,  et,  après  des  voyages 
préparatoires  d'études  en  Italie  et  en  Allemagne,  entre- 
prend les  deux  vastes  ouvrages  d'ensemble  qui  ont  le  plus 
fait  pour  sa  réputation  :  d'abord,  le  Handbuch  der  Ge- 
schichte  der  Malerei  von  Constantin  dem  Grossen  bis 
auf  die  neuere  Zeit  (Berlin,  1837;  2^  éd.,  1847,  pu- 
bliée par  Jacob  Burckhardt)  ;  puis  généralisant  encore  da- 
vantage, le  Handbuch  der  Kunstgeschichte  (Stuttgart, 
1842;  2^^  éd.  1848,  publiée  par  Jacob  Burckhardt;  3«éd. 
1856-58,  par  Kugler  lui-même;  4^  et  5^  éd.,  1861  et  1873, 
par  Wilhelm  Lùbke).  Pour  la  première  fois,  l'histoire  gé- 
nérale de  l'art  était  abordée,  en  même  temps  que  vulga- 
risée avec  talent.  Ce  furent  des  livres  presque  aussitôt 
classiques,  et  qui,  malgré  les  progrès  réalisés  par  la  science 
allemande  depuis,  sont  toujours  restés,  en  leurs  parties  es- 
sentielles, comme  la  base  fondamentale  des  travaux  posté- 


"  661  - 


KUGLER  —  KUIIN 


rieurs  en  ce  genre.  Il  ne  négligeait  pas,  toutefois,  pour 
cela  les  études  fragmentaires  plus  spéciales.  C'est  ainsi  que 
parurent  successivement  :  en  1838,  la  Beschreibung  und 
Geschichte  der  Schlosskirche  %u  Quedlinburg  (en  colla- 
boration avec  Ranke  rhistorien)  ;  la  même  année,  la  Be- 
schreibung der  Kunstschœtze  von  Berlin  und  Potsdam 
(Berlin,  2  vol.);  puis  un  essai  sur  Thistoire  de  l'art  dans 
son  pays  natal,  la  Pommersrhe  lùmstgeschichte,  paru 
dans  les  Baliische  Studien  (Stettin,  1840)  ;  Schinkel, 
eine  Charakteristik  seiner  kûnstlerischen  Wirksamkeit 
(Berlin,  4842).  Attaché,  à  partir  de  4843,  pendant  un 
certain  temps  au  ministère,  où  il  eut  à  s'occuper  de  la 
section  des  beaux-arts,  il  se  familiarise  alors  avec  les  ques- 
tions administratives,  et  entreprend  dans  cet  esprit  de  nou- 
veaux voyages,  particulièrement  en  Belgique  et  en  France. 
Deux  de  ses  écrits  ont  gardé  la  trace  du  genre  de  ses  pré- 
occupations à  cette  époque  :  Ueber  die  Anstalten  und 
Einrichtungen  zur  Fœrderung  der  bildenden  Kiinste 
und  zur  Conservation  der  Kunstdenkmœler  in  Fran- 
kreich  und  Belgien  (Berlin,  1846),  et  Ueber  die  Kunst 
als  Gegenstand  der  Staatsverwaltung  mit  besonderem 
Bezug  auf  die  Verhœltnisse  des  preusssichen  Staates 
(paru  anonyme;  Berlin,  4847).  Il  avait  en  projet  et  rédi- 
gea un  vaste  plan  de  réorganisation  des  beaux-arts  en 
Prusse  dans  toutes  leurs  manifestations,  y  comprisla  musique 
et  le  théâtre.  Mais  la  disparition  du  ministre  qui  le  soute- 
nait empêcha  la  réalisation  de  ses  idées.  Il  ne  put  jamais 
s'en  consoler  complètement,  et  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie  lutta 
pour  les  faire  triompher.  Sa  dernière  œuvre  (posthume) 
est  encore  orientée  dans  ce  sens  :  Grundbestimmungen 
fur  die  Verwaltung  der  liunstangelegenheiten  im 
preussischen  Staate  (Berlin  4859).  La  plupart  de  ses 
menus  travaux  d'art  ont  été  réunis  et  réimprimés  par  lui 
dans  les  Kleine  Schriften  und  Studien  zur  Kunstge- 
schichte  (Berlin,  4853).  11  avait  commencé  une  histoire 
générale  de  Farchitecture  {Geschichte  der  Bankunst  ; 
Berlin,  1856),  que  continuèrent  après  lui  ses  élèves  pré- 
férés, Burckhardt  et  LUbke.  Il  a  collaboré  activement  aux 
revues  d'art  de  l'époque,  le  Kunstblatt  de  Schorn  et  le 
Deutsches  Kunstblatt  d'Eggers. 

En  des  matières  toutes  diiïérentes,  comme  historien  pur, 
il  a  su  également  conquérir  le  succès.  Sa  Geschichte  Frie- 
drichs  des  Grossen  (Leipzig,  4840)  est  un  livre  populaire 
au  premier  chef,  qui  a  été  indéfiniment  édité  et  traduit. 
Menzel,  en  l'illustrant,  en  a  encore  augmenté  la  vogue.  Une 
seconde  fois,  Kugler  s'est  essayé  à  l'histoire,  pour  conti- 
nuer Touvrage  de  Heinel,  Geschichte  des  preussichen 
Staates  und  Volkes,  qu'il  a  laissé  lui-même  interrompu, 
après  avoir  traité  seulement  la  période  qui  va  de  1660  à 
4786  (Berlin,  1844).  Signalons  enfin,  sorte  de  délassement 
de  son  imagination  en  une  carrière  si  remplie,  en  même 
temps  que  souvenir  persistant  de  ses  premiers  rêves,  ses 
œuvres  de  littérateur  et  d'artiste  :  un  volume  de  poésies 
(Gedichte;  Stuttgart  et  Tubingue,  1840);  cinq  cahiers  de 
Lieds  (Stuttgart,  4852),  contenant  des  compositions  mu- 
sicales ou  texte  de  lui  pour  mélodies  populaires  ;  huit  vo- 
lumes de  drames  ou  nouvelles  (Bellestrische  Schri/ten  ; 
Stuttgart,  1851-52),  etc.  Mais  c'est  surtout  comme  histo- 
rien d'art  que  son  nom  mérite  d'être  mis  en  place  d'hon- 
neur à  côté  de  celui  des  Schnaase,  des  Fœrster,des  Waagen, 
parmi  les  premiers  fondateurs  de  la  critique  allemande 
moderne.  Paul  Leprîeur. 

KUGLER  (Bernhardt),  historien  allemand,  né  le  14  juin 
1837,  fils  du  précédent.  11  professe  à  l'université  de 
Tubingue  (privat-docent,  1861;  professeur,  1866).  Ses  prin- 
cipaux écrits,  qui  se  rapportent  soit  à  l'histoire  de  l'Alle- 
magne du  Sud,  soit  à  celle  des  croisades,  sont  :  Ulrich 
Herzog  zu  Wirtemberg  (Stuttgart,  1865);  Christoph 
Herzog  zu  Wirtemberg  (1869-72,  2  vol.);  Die  Hohen- 
zollern  (avec  Stillfried ;  Munich,  1882-82,  2  voL);  Studien 
zur  Gesch.  des  2^^"^  Kreuzzngs  (1866);  Analekten  zur 
Gesch,  des  2*^"^  Kreuzzugs  (1 878-83)  ;  Gesch.  der  Kreuz- 
zûge  (Berlin,  1880);  Albert  von  Aachen  (1885). 


KUHACZ-KOCH  (François),  musicien  croate,  né  en 
1834.  Il  réside  à  Agram.  11  a  passé  la  plus  grande  partie 
de  sa  vie  à  recueillir  les  chants  populaires  des  Slaves  mé- 
ridionaux et  les  a  publiés  à  Agram  (avec  accompagnement 
de  piano)  en  quatre  volumes  :  Chants  populaires  iougo- 
slaves  (1878, 1879,1880  et  1881,  in-4).  Il  a  fait  paraître 
dans  les  Mémoires  de  l' Académie  d' Agram  (années  1877 
et  suivantes)  un  important  travail  sur  les  Instruments  de 
musique  des  Slaves  méridionaux. 

KUHLMANN  (Charles-Frédéric),  chimiste  et  industriel 
français,  né  à  Colmar  le  22  mai  1803,  mort  à  Lille  le 
26  janv.  1881.  Elève  de  Vauquelin,  il  fit  à  Lille,  de  1823 
à  1854,  avant  la  création  de  la  faculté  des  sciences,  un 
cours  libre  de  chimie  appliquée  et  fonda  dans  cette  ville, 
dans  sa  banlieue  et  dans  les  départements  voisins,  un 
grand  nombre  d'établissements  industriels  ;  le  plus  impor- 
tant, celui  de  Loos,  était  une  fabrique  de  produits  chi- 
miques. En  1847,  l'Académie  des  sciences  de  Paris  l'élut 
correspondant  de  sa  section  d'économie  rurale.  Il  devint 
par  la  suite  directeur  de  la  Monnaie  de  Lille,  président  de 
la  chambre  de  commerce  de  cette  ville,  conseiller  général 
du  Nord.  Il  fut  promu  en  1867  commandeur  de  la  Légion 
d'honneur.  On  lui  doit,  comme  chimiste,  d'intéressantes 
recherches  sur  la  composition  de  la  garance,  sur  celle  des 
engrais,  un  procédé  de  défécation  du  jus  de  betterave  par 
saturation,  un  autre  pour  la  préparation  industrielle  de  la 
baryte  (V.  ce  mot),  des  applications  nouvelles  de  la  cris- 
tallisation à  l'épuration  de  produits  divers,  etc.  Outre  de 
nombreux  mémoires  insérés  dans  les  Comptes  rendus  de 
l'Acad.  des  sciences  de  Paris^  dans  les  Annales  de  chi- 
mie et  de  physique.,  dans  le  recueil  de  la  Société  des 
sciences  de  Lille,  il  a  publié  :  Cours  de  géologie  (Lille, 
s.  d.,  in-4);  Expériences  chimiques  et  agronomiques 
(Paris,  1847,  in-8)  :  Applications  des  silicates  alcalins 
solubles  (Paris,  1858,  in-8)  ;  Recherches  scientifiques 
et  publications  diverses  (Paris,  1877,  in-8),  etc.  L.  S. 

BiBL.  :  Notice  sur  les  travaux  scientifiques  de  M.  Ch.-F. 
Kuhlmann  ;  Paris,  1873,  in-4.  —  Notice  biographique 
sur  Kuhlmann;  Lille,  1882.  —  Catalogue  of  scientifîc 
papers  of  the  London  Royal  Society^  t.  ill  et  VIIÏ. 

KUHN  (Franz-Felix-Adalbert),  célèbre  érudit  allemand, 
né  à  Kœnigsberg  en  Neumarck  le  19  nov.  1812,  mort  le 
5  mai  1881.  De  4833  à  1837,  il  étudia  la  philologie  à 
Berlin  ;  il  enseigna  au  gymnase  de  Kœlln  (Berlin)  à  partir 
de  1841,  puis  il  s'adonna  particulièrement  à  l'étude  des 
mythologies  et  des  langues  indo-européennes;  il  fut  le  pre- 
mier savant  européen  qui  donna  une  traduction  du  Big-Veda 
(en  1838).  On  lui  doit  :  Zur  œltesten  Geschichte  derindo- 
germanischen  Vœlker  (Berlin,  1845,  2^  éd.  remaniée  dans 
les  ]ndische  Studien  de  Weber,  1850).  Cet  ouvrage  est 
peut-être  le  plus  remarquable  de  Kuhn  ;  il  essaya  par  des 
comparaisons  étymologiques  et  l'analyse  sagace  du  sens 
primitif  des  mots  et  des  racines  communes  aux  diverses 
langues,  de  retracer  l'état  primitif  de  civilisation  des  Indo- 
Européens  avant  la  séparation  de  leurs  diverses  familles  de 
peuples.  Ce  travail  de  premier  ordre  n'eut  pas  un  aussi 
grand  retentissement  que  le  suivant  :  Die  Herahkunft  des 
Feuers  und  des  Gœttertranks  (Berlin,  1859,  2®  éd., 
1886).  Ce  Hvre  a  marqué  dans  la  science  du  xis®  siècle  la 
fondation  de  la  mythologie  comparée,  dont  Kuhn  demeure 
le  plus  illustre  représentant.  Ses  explications  des  mythes 
indo-européens  et  en  particulier  gréco- latins  par  les  mythes 
védiques  ont  donné  lieu  à  des  centaines  de  travaux  du 
même  genre  et  attestent,  à  défaut  d'une  méthode  très  sûre, 
la  puissance  de  généralisation  et  la  subtilité  de  la  critique 
de  l'auteur  (V.  Mythologie).  Il  a  complété  l'exposé  de  ses 
théories  dans  Entwickelungsstufen  der  Mythenbildung 
(1874).  Le  savant  mythographe  s'appliqua  aussi  à  l'étude 
des  traditions  locales  de  son  pays  dans  :  MœrkiscJie 
Sagen  und  Mœrchen  (Berlin,  1843);  Norddeutsche 
Sagen,  Mœrchen  und  Gebrœuche^  en  collaboration  avec 
Schwartz  (Leipzig,  1848);  Sagen,  Gebrœuche  und  Mœr- 
chen aus  Westfalen  (Leipzig,  1859,  2  vol.).  Kuhn  col- 
labora à  diverses  revues  allemandes  de  philologie,  puis  il 


KUHN  —  KOKOLÎ.OE 


-  66^1  — 


fonda  lui-même  eîi  ^1851  la  fevue  intitulée  Zeitschrifl 
fur  vergleichende  Sprachforschiing  ans  dem  Gebiete 
der  indogermanischen  Sprachen^  recueil  qui  fit  faire  un 
grand  progrès' aux  études  de  linguistique  comparée.  Son 
fils  a  publié  en  1886  ses  Mythologische  Studien,  collec- 
tion de  ses  principaux  articles. 

KUHN  (Franz),  baron  de  Kuhnenfeld,  général  autrichien, 
né  à  Prossnitz  (Moravie)  le  15  juil.  1817.  Il  entra  au  ser- 
vice en  1837,  comme  sous-lieutenant,  se  distingua  en 
1848-49  en  Italie  et  en  Hongrie,  fut  anobli  (1852),  pro- 
fessa la  stratégie  à  l'Ecole  militaire  de  Vienne  (1836),  fut 
chef  d'état-major  général  de  Gyulay  en  1859  ;  commandant 
du  Tirol  où  il  battit  Garibaldi  (1866),  il  occupa  le  minis- 
tère de  la  guerre  de  1868  à  1874  et  réorganisa  l'armée 
autrichienne,  développant  le  rôle  de  la  landwehr,  etc. 
Parmi  ses  œuvres,  il  faut  citer  Der  Gebirskrieg  (Vienne, 
1878,  2*"'  éd.).  C'est  aussi  un  astronome  et  géographe  de 
mérite. 

KUHN  (Féhx),  pasteur  et  historien  luthérien,  né  à  Mont- 
béhard  le  2  nov.  1824.  Il  fit  ses  études  de  théologie  à 
Strasbourg,  et  fut  successivement  pasteur  à  Champey  (Haute- 
Saône),  à  Seloncourt  (Doubs),  et,  depuis  1864,  à  Paris,  où 
il  fut  élu  président  du  consistoire  et  inspecteur  ecclésias- 
tique de  l'Eglise  luthérienne.  Il  publia  des  articles  de  litté- 
rature et  d'histoire  dans  la  Revue  chrétienne  et  dirigea 
pendant  près  de  vingt  ans  le  Témoignage,  «  journal  de 
l'Eglise  de  la  confession  d'AugsboUrg  ».  Dès  les  bancs  de 
la  faculté,  il  étudia  avec  une  préférence  marquée  le 
xvi^  siècle,  et  en  particulier  le  grand  réformateur  Luther, 
sur  lequel  il  publia  son  œuvre  magistrale  :  Luther,  sa 
vie  et  son  œuvre  (Paris,  1883,  3  vol.  in-8).  Connaissant 
à  fond  le  xvi®  siècle,  les  ouvrages  du  réformateur  et  tout 
ce  qui  a  été  publié  sur  lui,  il  a  su  écrire  un  livre  qui,  pour 
Pérudition,  ne  le  cède  en  rien  aux  ouvrages  des  historiens 
allemands  les  plus  savants,  et  les  surpasse  de  beaucoup 
par  la  clarté  et  l'élégance  du  style.  Félix  Kuhn  a  traduit 
en  français  quelques  ouvrages  de  Luther  :  le  Livre  de  la 
liberté  chrétienne  du  D^  Martin  Luther,  avec  répitre 
dédicatoire  au  pape  Léon  X  et  une  notice  historique 
(Paris,  1879)  ;  A  la  Noblesse  chrétienne  de  la  nation 
allemande,  touchant  la  réformation  de  la  chrétienté, 
par  le  W  Martin  Luther,  avec  une  notice  historique 
(Paris,  1879).  Ch.  Pfender. 

KUHNAU  (Jean),  compositeur  allemand,  né  à  Geising 
(Saxe)  le  6  avr.  1660,  mort  à  Leipzig  le  5  juin  1722.  Il 
fit  ses  études  musicales,  à  Dresde,fut  quelques  temps  cantor 
à  Zittau  ,  succéda  en  1684  à  Kiihoel  comme  organiste  de 
l'église  Saint-Thomas,  à  Leipzig,  puis  devint  en  1700  di- 
recteur de  musique  à  l'université  et  cantor  à  Saint-Tho- 
mas. Il  fut  dans  ce  dernier  emploi  le  prédécesseur  immé- 
diat de  J.-S.  Bach.  Kuhnau  a  publié  une  thèse  latine  de 
licence  sur  la  musique  ecclésiastique  (1688),  un  roman 
satirique  contre  l'opéra  italien  (D/?r  Musikili^iche  Qaack- 
Salbery  1700)  et  quatre  recueils  de  pièces  de  clavecin  : 
Neue  Clavierûbung,  en  deux  Hvres  (1689  et  1635); 
Frische  Klavierfrilchte  oder  sieben  suonaten,  etc. 
(1699),  et  Masikilische  Vorstellungen  einiger  bibli- 
schen  Historien  insechs  sonaten  (1700).  Kuhnau  fut  le 
premier  compositeur  qui  donna  à  des  pièces  de  clavecin  le 
titre,  mais  non  encore  la  forme  moderne,  de  sonates.  Ces 
morceaux  qui  apparliennent  aux  monuments  les  plus  inté- 
ressants de  l'ancienne  littérature  du  piano,  ont  été  plu- 
sieurs fois  réimprimés.  M.  Br. 

BiBL.  :  Herzog,  Mein.  beati  defiincti  Dr.  J.  Kuhnau,  etc.; 
Leipzig,  1722,  in-4. 

KUHNE  (Ferdinand-Giistav),  romancier  allemand,  né  à 
Magdebonrg  le  27  déc.  1833.  Kédacteuren  chef  de  joiir- 
nmx  mdïiâ.m\^{Zeitii>ij  fur  dieeleqcinte  Welt;  Leipzig, 
18Jj-i2  ;  Eiiropa,  à  partir  d^  18i3),  il  a  publié  beau- 
coup de  vers  et  de  rommà  ou  nouvelles,  parmi  lesquels 
nous  citerons:  KlosternoveUen(iSjS,  2  vol.);  Die  Frei- 
mciurer  (I85i);  Wittenberg  nnd  Rom  (1876,  3  vol.); 
de3  étales  de  caractères,  Welbliche  uni  m  imnlicho  CAar 


raktcre  (1838,  2  vol.);  Porfrœts  und  Silhouetten  (1843, 
2  vol.);  Deutsche  Mœnner  und  Frauen  (1851);  des 
drames:  Isaura  von  Kastilien,  Kaiser  Friedrich  III, 
Demetrius,  etc.  C'est  un  des  représentants  de  la  jeune 
école  allemande  du  milieu  du  xix®  siècle  qui  voulut  com- 
biner Fesprit  critique  et  le  sentiment  poétique. 

KUHNE  (August),  romancier  allemand,  connu  sous  le 
pseudonyme  de  Johannes  van  Dewall,  né  à  Herford 
(Westphalie)  le  28  nov.  1829,  mort  à  Wiesbaden  le  16  avr. 
1883.  Elevé  au  corps  des  cadets,  il  fut  officier  et  prit  sa 
retraite  en  1875.  Ses  romans  ont  eu  du  succès;  nous  ci- 
terons :  Fine  grosse  Dame  (Stuttgart,  1871);  Der  rote 
Baschlik  (1871);  Der  Vlan  (1872);  Der  Spielprofes- 
sor(1872);  Unkraut  im  Weizen  (1876);  Die  beiden 
Russinnen  (1880);  Nadina  (1880). 

KUHNE  (Moritz),  écrivain  militaire  allemand,  né  le 
26janv.  1836.  Officier  prussien  depuis  1855,  il  est  connu 
par  ses  publications  militaires  dont  l'une  est  classique  : 
Kritische  und  unkritische  Wanderungen  iiber  die 
Gefechtsfelder  der  preiissischen  Armeen  in  Bœhmen 
(Berlin,  1870-78,  3  vol.  ;  souvent  réédité). 

KÙHNER  (Raphaël),  philologue  allemand,  né  à  Gotha 
le  22  mars  1802,  mort  à  Hanovre  le  16  avr.  1878.  Il 
professa  de  1824  à  1863  au  lycée  de  Hanovre.  Il  est  cé- 
lèbre par  ses  excellentes  grammaires  latines  et  grecques, 
en  premier  heu  Ausfilhrliche  Grammatik  der  gnechi- 
schen  Sprache  (Hanovre,  1834-35,2  vol.;  éd.  remaniée, 
1839-71)  et  Ausfûhrliche  Grammatik  der  lateinischen 
Sprache  (1877-79,  2  vol.);  puis  des  grammaires  élémen- 
taires qui  ont  dépassé  la  cinquantième  édition  et  d'autres 
publications  du  même  genre  :  Anleitung  zum  Vbersetzen 
ans  dem  Dentschen  und  dem  Lateinischen  in  der  Gric- 
chische  (1846-47,  3  vol.)  ;  des  éditions  des  Tusculanes, 
des  ouvrages  de  Xénophon,  etc. 
KUHNiTE(>Hnér.)  (V.  Berzeliite). 
KUILEMBURG  (V.  Culenborg). 
KUJAVIE  (V.  Cujavie). 

KUKULJEVIC  Sakginsk[  (Jean),  écrivain  croate,  né  à 
Varazdin  en  1816,  mort  vers  1890.  Après  avoir  fait  ses 
études  à  Agram,  il  entra  dans  l'armée  autrichienne  et  plus 
tard  dans  la  magistrature.  Il  se  consacra  de  bonne  heure  à 
la  littérature  et  prit  part  au  mouvement  politique  de  l'illy- 
risme.  En  1840,  il  fit  jouer  un  drame  national,  Jiiran  et 
Sofia,  de  1842  à  iSil,  il  publia  quatre  volumes  à'OEuvres 
diverses.  En  1848,  il  donna  le  premier  l'idée  du  congrès 
slave  de  Prague.  Cotte  même  année,  il  devint  archiviste  de 
Croatie  et  fit  paraître  un  recueil  de  poésie  patriotiques  :  les 
Slaves.  Il  organisa  une  société  d'histoire  des  Slaves  méri- 
dionaux qui  publia  un  recueil  spécial  {Arkiv  zapovestnicu). 
H  édita  les  œuvres  de  divers  poètes  croates,  fit  paraître  une 
Bibliographie  croate  (1863)  et  un  Dictionnaire  (ina- 
chevé) des  Artistes  sud- slaves.  On  lui  doit  encore  : 
Jura  regni  Croatiœ,  Dalmatice  et  Slavonice  (1861); 
Moniimenta  historica  Slavorum  meridionalium  ;  la 
Lutte  des  Croates  contre  les  Mongols  (1863)  ;  les  Litté- 
rateurs croates  de  la  première  moitié  du  xvii®  siècle 
(1889);  diverses  études  dans  les  Mémoires  de  V Académie 
d'Af^mm,  etc. 

KÙKULLŒ  (en  allemand  Kokel).  Nom  magyar  de  deux 
rivières  de  Transylvanie  et  des  deux  comitats  arrosés  par 
ces  cours  d'eau.  Jusqu'à  leur  confluent  à  Balâsfalva,  le 
petit  (kls)  Kukiillœ  présente  un  cours  de  144  kil.;  le 
grand  [nagy]  qui  passe  à  Udvarhely  et  Segesvâr,  un  cours 
de  190  kil.  Réunis,  ils  ne  tardent  pas  à  verser  leurs  eaux 
dans  le  Maros.  Le  comitat  de  Nagykukùllœ  (3,116  kil.  q.) 
compte  135,721  hab.  (1890),  parmi  lesquels  les  Magyars 
ne  représentent  qu'un  dixième,  les  Allemands  près  de  moitié 
et  les  Roumains  le  reste.  Le  sol  est  fertile  en  céréales,  en 
vins,  en  fruits.  L3  chef-lieu  est  Segesvâr.  Le  comitat  de 
Kiskukullœ  (1,61-5  kil.  q.)  jouit  de  la  môme  fertilité  et  de 
la  mène  douceur  de  climat,  mais  les  diverses  nationalités 
n'oiTcent  pas  les  mêmes  proportions,  car  la  moitié  des 
101,167  hab.  (1890)  est  roumaine,  un  quart  est  magyar. 


~-  i^6'^ 


KOKCLLCE  —  KULLEKVO 


le  dernier  quart  est  surtout  composé  d'Allemands.  Le  cheF- 
lieu  est  Erzsebetvâros.  —  Kiikullœvâr,  avec  le  châteati  do 
la  famille  Bethlen,  est  un  bourg  de  ce  dernier  comitat, 
avec  1,808  liab.,  Magyars  ou  Roumains. 

KULHAU  (Friedrich),  compositeur  allemand,  né  à  Ulzen 
(Hanovre)  le  13  mars  1 786,  mort  à  Copenhague  le  18  mars 
183^2.  Pendant  l'occupation  du  Hanovre  par  les  Français, 
il  se  réfugia  à  Copenhague,  où  il  devint  violoniste  de  la 
chapelle  royale,  puis  compositeur  de  la  cour,  et  oii  il  fit 
représenter  avec  succès  quelques  opéras  en  langue  danoise. 
L'habileté  avec  laquelle  Kuhlau  savait  introduire  et  déve- 
lopper dans  ses  ouvrages  des  thèmes  populaires  danois 
contribua  à  le  faire  regarder  en  Danemark  comme  un  mu- 
sicien national,  malgré  son  origine  allemande.  Kuhlau  a 
publié  environ  cent  œuvres  de  musique  vocale  et  instru- 
mentale. Rien  ne  lui  a  survécu  de  ses  grandes  composi- 
tions, mais  quelques-unes  de  ses  sonates  et  sonatines  se 
sont  maintenues  au  répertoire  moderne  du  piano.  M.  Br. 
BiBL.:  C.  Thrane,  F.  Kuhlau;  L(3ipzig,  18B7,  in-8. 

KULIK  (Jacob-Philipp),  mathématicien  autrichien,  né  à 
Léopol  (Galicie)  le  1^^  mai  1793,  mort  à  Prague  le 
26  févr.  1863.  Professeur  de  mathématiques  à  Olmutz  et 
à  Gratz,  puis  à  l'université  de  Prague  (1826),  il  a  publié 
dans  les  Denkschriften  de  la  Société  royale  de  Bohême 
d'intéressants  mémoires  sur  des  questions  de  mécanique  et 
sur  la  théorie  des  nombres.  Mais  il  est  connu  surtout  par 
ses  tables  de  mathématiques,  qui  ont  d'ailleurs  beaucoup 
perdu  de  leur  valeur  :  llaiiclbuch  maihematischer  Ta- 
feln  (Gratz,  1824,  in-8);  Tafeln  der  einfachen  Facto- 
ren  aller  Zahleri  untcr  einer  Million  (Gratz,  1825, 
in-8),  etc.  A  citer  encore  son  Lehrbuch  der  hœheren 
AnahjsisiPra^m,  1831,in-8;  2^éd.,1844,2  voL).   L.  S. 

KULLAK  (Theodor),  pianiste  allemand,  né  à  Krotoczin 
(Posen)  le  12  sept.  1818,  mort  à  Berlin  le  1^^  mars 
1832.  Il  montra  de  bonne  heure  de  grandes  dispositions 
musicales.  Après  des  débuts  difficiles,  il  fut  appelé  en  1843 
à  Berlin  comme  professeur  de  piano  de  la  princesse  Anna 
de  Prusse  et  devint  bientôt  un  des  pianistes  favoris  de 
la  cour.  En  1846,  il  fut  nommé  pianiste  ordinaire  du  roi. 
En  18'io,  il  fonda  la  Neue  Akademie  der  Tonkunst  qui 
existe  encore  et  fut  très  fréquentée.  Ses  ouvrages  didac- 
tiques (études,  etc.)  sont  très  appréciés.  Kullak  a  aussi  fait 
de  la  critique  musicale.  —  Son  frère,  it^o// (1823-62),  a 
publié  une  A^sthetik  de  Klauierspiels  (Berlin,  1861). 
—  Son  fils,  Franz,  né  à  Berlin  en  18  i4,  a  fait  de  bonnes 
éditions  pour  piano. 

KULLBERG  (Anders-Karlsson  af),  écrivain  suédois,  né 
à  Stro  en  1771 ,  mort  à  Kalmar  en  1851 .  Professeur  agrégé 
de  grec  et  de  langues  orientales  à  Lund  en  1797,  il  quitta 
bientôt  cette  charge  pour  entrer  à  Stockholm  dans  l'admi- 
nistration, où  l'aUendait  un  brillant  avenir.  De  1799  ta 
1805,  il  gagna  quatre  fois  le  prix  de  poésie  de  l'Académie 
suédoise,  ce  qui  attira  sur  lui  l'attention  royale.  En  1807, 
il  fut  nommé  secrétaire  de  la  chancellerie  royale,  et  un 
peu  plus  tard  secrétaire  privé  du  prince  royal  Charles-Au- 
guste. Il  reçut  ses  lettres  de  noblesse  en  1818  et,  en  1830, 
fut  nommé  évêque  de  Kalmar  où  il  est  resté  jusqu'à  sa  fin. 
Ses  poésies  sur  la  Vieillesse  (1802)  et  sur  le  Bonheur 
domestique  (1803)  sont  comme  un  dernier  écho  de  la 
littérature  de  l'époque  de  Gustave  III  ;  la  forme  en  est  élé- 
gante, mais  l'originalité  médiocre  :  de  vraies  poésies  aca- 
démiques. Outre  deux  volumes  d'Essais  poétiques  (1816), 
il  a  donné  de  nombreuses  traductions  en  vers  d'œuvres 
anglaises  ou  allemandes.  Il  faisait  partie  de  l'Académie 
suédoise  depuis  1817.  Th.  C. 

KULLBERG  (Karl-Anders  af),  écrivain  suédois,  fils  du 
précédent,  né  à  Stockholm  en  1813,  mort  à  Stockholm 
en  1857.  Après  avoir  fait  ses  études  de  droit,  il  entra  dans 
l'administration,  mais  n'y  resta  guère,  préférant  se  consa- 
crer entièrement  à  ses  travaux  littéraires.  Il  fit  plusieurs 
voyages  en  pays  étrangers,  rentra  en  Suède,  vécut  à  Kalmar 
pendant  quelques  années,  puis  retourna  à  Stockholm. 
Ses  œuvrosj  comme  celles  de  son  père,  se  distinguent  par 


l'élégance  et  la  correction  ;  plusieurs  ont  paru  sous  les 
initiales  K.  Kg.  :  Voici  les  principales  :  K.-C.  Wrangel; 
liécit  romantique  de  Vépoque  de  la  guerre  de  Trente 
ans  [i^'ào);  Mémoires  d^un  jeune  homme  (1833); 
Confessions  d'une  danseuse  (;\^'à^))  ;  Gustave  III  et  sa 
cour  (1838);  Lettres^  notes  et  récits  de  voyages  à 
r étranger  (1844);  Un  Eté  en  Smàland  (181-7),  etc.  A 
côté  de  ses  romans  il  a  publié  des  Nouvelles,  un  volume 
de  Poésies^  un  drame:  tes  Suédois  à  Naples  (1836),  et 
il  a  collaboré  à  plusieurs  revues  suédoises.         Th.  C. 

KULLBERG  (Karl-Anders),  poète  suédois,  né  à  Eriks- 
torp  en  1815.  En  1865,  il  fut  élu  à  l'Académie  suédoise 
et  en  1867  l'université  d'Upsal  lui  accorda  le  titre  de  doc- 
teur honoraire.  Ses  Poésies  (1850)  témoignent  d'une  ima- 
gination riche  et  gracieuse  {Vingt-huit  Sonnets  à  Julie, 
la  Création  de  la  femme).  Mais  c'est  surtout  comme  tra- 
ducteur que  K.-A.  Kullberg  s'est  fait  connaître  :  il  a  rendu 
en  suédois  avec  élégance  et  fidélité  :  la  Jérusalem  déli- 
vrée (1860)  ;  le  IXoland  furieux  (1865-70)  ;  les  Can- 
zone,  ballades  et  sestines  de  Pétrarque  (1880).  L'éloge 
de  Malnistrôm,  qu'il  prononça  à  la  réception  à  l'Académie 
suédoise,  est  un  excellent  morceau  de  critique  littéraire. 

KULLBERG  (Nils-Axel),  érudit  suédois,  cousin  du  pré- 
cédent, né  à  Falkôping  en  1824,  mort  en  1884.  Archiviste 
aux  archives  du  royaume  de  Suède,  il  a  publié,  de  1866  à 
1872,  un  important  répertoire  analytique  des  Chartes  sur 
parchemin  conservées  aux  Archives  du  royaume  de 
Suède  à  partir  de  I3ôf  (jusqu'en  1400).  De  1818  à 
1885,  il  a  fait  paraître  le  Protocole  des  séances  du  Con- 
seil du  royaume,  entre  162f  et  1633.  Ces  deux  ouvrages 
sont  d'une  importance  capitale  pour  l'étude  des  sources  de 
l'histoire  de  Suède.  Th.  C. 

KULLE  (Nils-Jakob),  peintre  suédois,  né  à  Lund  le 
6  juil.  1838.  Il  fit  tout  d'abord  un  apprentissage  de  joail- 
lier, et  n'entra  à  l'Ecole  des  beaux-arts  de  Stockholm  qu'en 
1864.  C'est  seulement  en  1867  qu'il  se  consacra  uniquement 
à  son  art.  Il  a  composé  un  très  grand  nombre  de  petites 
toiles  qui  représentent,  pour  la  plupart,  avec  une  grande 
vérité  et  une  extrême  exactitude  de  détails  des  scènes  de 
la  vie  des  paysans  :  Chex,  une  vieille  femme  avisée  ;  Toi- 
lette de  fiancée;  Un  Cas  de  conscience  ;  le  Lendemain 
de  la  fête,  etc.  Th.  C. 

KULLE  (Axel),  peintre  suédois,  frère  du  précédent,  né 
à  Lund  le  22  mars  1846.  Elève  de  l'Ecole  des  beaux-arts 
de  Stockholm  de  1865  à  1873,  il  passa  deux  ans  dans  sa 
ville  natale  et  cinq  ans  à  Dusseldorf.  Après  quoi,  grâce 
à  une  bourse  de  voyage,  il  vint  à  Paris  pour  y  faire  un 
long  séjour,  puis  fut  nonuné  professeur  à  l'Académie  royale 
des  arts  libéraux  de  Stockholm.  Comme  son  frère,  il  s'est 
consacré  à  la  peinture  de  genre.  On  cite  de  lui  :  le  Télé- 
gramme; Conseil  de  paroisse  à  la  campagne  (au  musée 
de  Stockholm);  la  Signature;  les  Rivaux;  le  Fils 
perdu,  etc.  Th.  C. 

KULLERVO  (Myth.  finn.),  héros  d'un  des  principaux 
épisodes  du  Kalevala  (runes  31  à  36).  Sa  destinée  est 
tragique.  Il  est  le  fils  de  Kalervo  (=  Kaleva),  qui  a 
pour  frères  Unlamo  et  Ilmarinen.  Untamo  tue  Kalervo. 
Pour  venger  la  mort  de  son  père  et  aussi  pour  satisfaire  des 
rancunes  personnelles,  Kullervo  fait  dévorer  par  des  loups 
et  des  ours  la  femme  de  son  oncle  Ilmarinen,  puis  il  tue 
son  autre  oncle,  Untamo,  et  anéantit  la  race  de  celui-ci. 
Pendant  ses  expéditions,  Kullervo  rencontre  une  jeune  fille 
qu'il  séduit  ;  il  reconnaît  trop  tard  en  elle  une  sœur,  qui 
s'était  égarée  dans  les  forêts.  Lorsque  celle-ci  apprend  que 
Kullervo  est  son  frère,  elle  se  précipite  dans  un  torrent  et 
elle  s'y  noie.  Kullervo,  peu  de  temps  après,  se  suicide  à 
son  tour  à  l'endroit  où  il  a  abusé  de  l'innocence  de  la  jeune 
fille.  —  Kullervo  est  donc  une  sorte  de  maudit  :  il  est  né 
en  captivité,  après  la  mort  de  son  père  ;  doué  d'une  force 
surhumaine,  il  brise  son  berceau  dès  l'âge  de  trois  jours  et 
à  trois  mois  il  jure  de  venger  son  père,  mais  toute  cette 
force  est  excessive,  tout  ce  qu'il  fait,  il  le  fait  mal,  et,  quoi- 
qu'il ne  soit  point  méchant^  il  porte  en  tout  lieu  la  des- 


KULLERVO  —  KUMMEL 


—  664  — 


truction  avec  lui.  Touchants,  au  milieu  de  ces  crimes,  sont 
les  passages  où  la  mère,  seule  entre  tous,  témoigne  à  son 
fils  un  amour  inaltérable  que  celui-ci  rend  à  elle  seule 
aussi.  Th.  Cart. 

BiBL. :  Cygnaeus,  Omdet  tragiska  elementet  i  Kalevala. 
—  Krohn,  les  Runes  de  Kullervo,  avec  les  variantes  in- 
griennes  (en  finnois,  1882).  —  V.  Kalevala. 

KULLESPELM.  Lac  des  Etats-Unis  (Idaho),  formé  par 
le  Clarke  (V.  ce  mot)-;  il  a  60  kil.  de  long,  13  kil.  de  large. 

KULM.  Village  de  Bohême,  cercle  d'Aussig,  sur  le  ch. 
de  fer  de  Dux  à  Bodenbach,  au  N.-E.  de  Teplitz  ;  4 ,000  hab. 
Kulm  a  donné  son  nom  à  une  des  batailles  de  la  campagne 
de  4813. 

Bataille  de  Kulm.  —  La  bataille  de  Kulm  (29  et  30  août 
4813)  fut  la  conséquence  directe  des  opérations  de  là  ba- 
taille de  Dresde  dont  elle  annihila  les  avantages  pour  Na- 
poléon. Le  succès  de  Dresde  et  la  retraite  des  alliés  avaient 
été  déterminés  par  un  double  mouvement  tournant  des  Fran- 
çais qui  menaçaient  de  les  couper  de  la  Bohême.  Murât 
avait  occupé  au  N.-O.  la  route  de  Freiberg,  tandis  que 
Vandamme,  au  S.-E.,  forçait  le  passage  de  l'Elbe  à  Kœ- 
nigstein  (26  août),  refoulant  les  Russes  d'Ostermann  et 
du  prince  Eugène  de  Wurttemberg  et  occupant  Pirna 
(27  août).  La  route  vers  la  Bohême  par  Dohna,  Berg- 
giesshùbel  et  Peterswalde  était  tellement  menacée  que 
Barclay  de  Tolly,  à  qui  elle  avait  été  assignée,  l'abandonna 
pour  se  rejeter  sur  celle  de  Dippoldiswalde  à  Altenberg 
(vallée  de  la  Weisseritz),  d'autant  plus  encombrée  qu'il  fal- 
lait regagner  Teplitz  par  des  chemins  de  traverse.  Son  mou- 
vement jeta  un  grand  désordre  sur  cette  route  que  s'était 
réservée  Schwarzenberg  et  qui  devenait  la  seule  employée 
par  l'armée  entière.  Mais  Ostermann,  auquel  Barclay  avait 
laissé  la  latitude  de  rejoindre  la  route  de  la  Weisseritz  et 
le  gros  de  l'armée  par  Maxen,  comprit  le  danger,  et,  ren- 
forcé par  45,000  hommes  de  la  garde  russe  sous  Yermo- 
lov,  il  prit  la  route  de  Peterswalde,  enleva  le  Kohlberg  déjà 
occupé  par  les  Français  et  arriva  le  premier  à  Peterswalde 
(28  août),  défendant  ainsi  la  route  directe  vers  la  Bohême 
et  Teplitz.  Vandamme,  à  qui  l'on  avait  dit  que  les  corps  de 
Mortier  et  de  Gouvion-Saint-Cyr  le  suivraient,  se  jeta  à  la 
poursuite  des  Russes  afin  d'achever  de  couper  la  retraite 
à  la  grande  armée  alliée  qui,  poursuivie  par  Napoléon,  eût 
été  détruite.  Vandamme  emporta  Peterswalde,  puis  les 
hauteurs  de  Nollendorf  et  rejeta  l'ennemi  dans  la  vallée  de 
Teplitz.  Acculé  à  Kulm,  Ostermann  continua  de  disputer 
le  terrain  pied  à  pied.  Le  roi  de  Prusse,  parvenu  à  Teplitz, 
avait  fait  connaître  au  général  russe  la  situation  compro- 
mise de  l'armée  principale  engagée  avec  son  artillerie  et 
ses  bagages  dans  les  monts  de  î'Erzgebirge.  Ostermann, 
Yermolov,  Knorring,  le  prince  Galitzin,  le  grand-duc  Cons- 
tantin résolurent  de  se  défendre  à  tout  prix  ;  renforcés  par 
de  la  cavalerie  autrichienne  et  russe,  jusqu'à  compter  plus 
de  45,000  hommes,  ils  se  maintinrent  à  Priesten  et  Arbe- 
sau,  malgré  l'énergie  du  général  français.  Celui-ci  ne  put 
qu'entrer  à  Kulm  le  soir  du  29  août;  6,000  Austro-Russes 
avaient  péri,  Ostermann  avait  eu  un  bras  emporté.  Van- 
damme, comptant  toujours  sur  l'arrivée  des  autres  corps 
français,  reprit  l'attaque  le  30  août.  Mais  Napoléon,  en 
proie  à  la  fièvre,  après  s'être  avancé  jusqu'à  Pirna  avec  la 
garde,  avait  appris  la  défaite  d'Oudinot  à  Grossbeeren  et 
celle  de  son  armée  de  Silésie  sur  la  Katzbach  (26  août). 
Cédant  à  une  nouvelle  impulsion,  il  revint  à  Dresde  et  rap- 
pela Mortier  et  la  jeune  garde,  oubliant  Vandamme.  Celui- 
ci,  au  lieu  des  renforts  attendus,  vit  paraître  sur  ses  der- 
rières, sur  la  crête  de  Nollendorf,  le  corps  prussien  de 
Kleist.  Coupé  de  Teplitz,  celui-ci  s'était  audacieusement  jeté 
de  Glasshiitte  sur  la  route  de  Peterswalde.  A  onze  heures 
du  matin,  il  attaqua  le  corps  français  ;  celui-ci  l'était  en 
face  par  la  grande  armée  de  Barclay  (auquel  Schwarzen- 
berg, arrivé  à  Teplitz,  avait  remis  le  commandement)  ; 
Vandamme  se  trouvait  enveloppé  dans  l'entonnoir  de  Kulm. 
Il  fit  des  efforts  héroïques  pour  rouvrir  la  route  de  Peters- 
walde, la  cavalerie  en  avant,  suivie  de  l'infanterie  en  car- 


rés. Les  généraux  Dumonceau,  Philippon  et  Corbincau  pas- 
sèrent, mais  le  reste  fut  tué  ou  pris.  Quand  les  carrés 
eussent  été  enfoncés  par  la  cavalerie  ennemie,  Vandamme 
mit  bas  les  armes  à  trois  heures  ;  10,000  hommes,  les 
généraux  Haxo  et  Guyot,  81  canons,  2  aigles,  tous  les 
bagages  tombaient  au  pouvoir  des  alliés  ;  5,000  Français 
étaient  morts.  La  bataille  de  Kulm  rendit  l'avantage  aux 
monarques  coalisés.  Napoléon,  arrêté  devant  les  monts  de 
la  Bohême,  ne  pouvait  plus  les  empêcher  de  s'y  réorganiser 
et  de  déboucher  sur  sa  ligne  de  retraite.  Ce  fut  la  cause 
de  la  défaite  définitive  à  Leipzig.  Sur  les  responsabiUtés  du 
désastre  de  Kulm,  d'âpres  polémiques  ont  été  engagées  ; 
Napoléon  accusant  son  lieutenant  de  s'être  lancé  à  l'aven- 
ture dans  les  monts  de  Bohême,  celui-ci  l'accusant  de  l'y 
avoir  abandonné  alors  qu'il  exécutait  ses  ordres.  Il  semble 
que  la  vérité  soit  du  côté  de  Vandamme,  et  personne  n'a 
produit  d'explication  rationnelle  de  l'incohérence  des  déci- 
sions de  Napoléon,  abandonnant  une  opération  à  demi  exé- 
cutée et  dont  l'achèvement  eût  sinon  anéanti,  du  moins 
désorganisé  l'armée  de  Bohême.  A.-M.  B. 

KULM.  Ville  de  Prusse,  district  de  Marienwerder,  sur 
les  collines  de  la  r.  dr.  de  la  Vistule  ;  10.000  hab.  Vieil 
hôtel  de  ville;  école  de  cadets  créée  en  1776.  Kulm  est  le 
plus  ancien  évêché  de  la  Prusse  occidentale;  la  ville  fut 
créée  en  1232  par  l'ordre  Teutonique  et  en  reçut  une 
constitution  qui  servit  de  modèle  pour  toutes  les  villes  fon- 
dées ensuite  par  l'ordre  Teutonique.  En  1244,  elle  repoussa 
le  duc  Swantepolk  de  Pomérelhe.  Elle  fit  partie  de  la 
Hanse  et  fut  cédée  à  la  Pologne  en  1466.  On  appelle  pays  de 
Kulm  la  plaine  fertile  entre  la  Vistule,  la  Drewenz  et  l'Ossa. 

KULM  AN  N  (Elisabeth-Borisovna),  femme  poète  russe, 
né  à  Pétersbourg  en  1808,  morte  en  1825.  Elle  montra  dès 
ses  premières  années  une  aptitude  prodigieuse  pour  l'étude 
des  langues  et  des  littératures  et  publia  des  poésies  origi- 
nales ou  traduites  qui  furent  très  remarquées.  D'une  santé 
délicate,  elle  mourut  à  dix-sept  ans  des  suites  d'un  refroi- 
dissement. L'impératrice  Alexandre-Fédorovna  lui  fit  éle- 
ver un  somptueux  monument.  Ses  œuvres  russes  furent 
éditées  par  les  soins  de  l'Académie  russe  (Essais  poé- 
tiques^ Saint-Pétersbourg,  1833).  Ses  poésies  allemandes 
{Sœmmtliche  Gedichte)  ont  eu  plusieurs  éditions  (1  ^^, 
Saint-Pétersbourg,  1835;  8%  Francfort-sur-le-Main,  1857). 
Citons  encore  une  édition  italienne,  Saggi  poetici  con  la 
vite  deir  autrice  (Milan,  1847).  L.  L. 

KULMBACH  ou  CULMBACH.  Ville  de  Bavière,  prov. 
de  Haute-Franconie,  sur  le  Main  blanc;  7,000  hab.  Bière 
renommée  dont  on  exporte  300,000  hect.  par  an.  A  côté 
de  la  ville  est  la  forteresse  de  Plassenburg.  La  seigneurie 
de  Plassenburg  et  la  ville  de  Kulmbach  passèrent  des  ducs 
de  l\îéran  aux  burgraves  de  Nuremberg.  Lorsque  fut  cons- 
titué en  1486  le  margraviat  de  Baireuth,  il  prit  d'abord 
le  nom  de  Kulmbach  (V.  Hohenzollern). 

BiBL.  :  IIuTiiER,  Kulmbach  und  Umgebung ;  Kulmbach, 
1886. 

KULMBACH  (Hans  Sûss  von)  (V.  Culmbach). 

KULMSEE.  Ville  de  Prusse,  district  de  Marienwerder, 
sur  le  ch.  de  fer  deThornà  Graudenz,  au  N.  d'un  petit  lac  ; 
5,000  hab.  Belle  cathédrale  bâtie  en  1251,  restaurée  en 
1422.  L'évêque  de  Kulm  y  résida  longtemps. 

KULPA.  Bivière  de  l'Àutriche-Hongrie,  affluent  de  la 
Save.  Elle  prend  sa  source  dans  la  Carniole  et  se  jette 
dans  la  Save,  près  de  Sisek. 

KULTURKAMPF  (V.  Bismarck). 

KUMANIE(V.  Cumanie). 

KUMMEL  (Liq.).  Liqueur  alcoolique  faite  avec  un  sirop 
très  cuit,  ce  qui  lui  fait  déposer  des  cristaux  de  sucre  sur 
les  parois  des  flacons  qui  la  contiennent,  et  qui  doit  son 
parfum  à  l'essence  de  carvi  (Carum  carui  L.,  Ombelli- 
fères)  (V.  Carvi).  Le  kummel  de  Biga  est  très  réputé. 

Pour  préparer  20  litres  de  kummel  à  40°  de  l'alcoo- 
mètre centigrade,  on  fait  digérer  900  gr.  de  semences  de 
cumin  dans  il  litres  et  demi  d'alcool  à  80**;  on  distille  jus- 
qu'à ce  qu'on  ait  retiré  10^65  de  liquide,  puis  on  ajoute  la 


-  065 


KUMMEL  —  KUNTH 


quantité  de  sirop  de  sucre  nécessaire  pour  amener  la  liqueur 
à  40°.  Les  kummels  de  Breslau,  de  Dantzig,  de  Magdebourg 
se  préparent  d'une  manière  analogue.  Pour  20  litres  de 
liqueur,  les  proportions  sont  les  suivantes  :  1*^  kummel  de 
Breslau  :  semences  de  cumin,  900  gr.  ;  fenouil,  60  gr.  ; 
cannelle  de  Chine,  20  gr.  ;  alcool  à  BO'^,  il '50;  sucre, 
^^«••dO  ;  eau,  6^50;  — h  kummel  de  Dantzig  :  semences 
de  cumin,  900  gr.  ;  coriandre,  60  gr.  ;  écorces  d'orange, 
30  gr.  ;  alcool  à  80°,  il^SO  ;  sucre,  4'^-'^50  ;  eau,  6^50  ; 
—  3**  kummel  de  Magdebourg:  semences  de  cumin,  900  gr.  ; 
anis,  60  gr.  ;  fenouil,  30  gr.  ;  alcool  à  80^,  41^50;  sucre, 
4'^g^50;eau,  6m.  L.  K. 

KUWIMER  (Ernst-Eduard),  géomètre  allemand,  né  à 
Sorau  (Basse-Lusace)  le  29  janv.  1810,  mort  à  Paris  le 
21  mai  1893.11  professa  les  mathématiques  au  gymnase  de 
Liegnitz  (1832-42),  aux  universités  de  Breslau  (1842-55) 
et  de  Berlin  (1855-84).  11  était  depuis  1855  membre  de 
l'Académie  des  sciences  de  Berlin  et  depuis  1868  associé 
étranger  de  celle  de  Paris,  qui  lui  avait  précédemment  dé- 
cerné, en  1857,  le  grand  prix  de  mathématiques  pour  une 
étude  très  approfondie  ayant  pour  titre  :  De  Numéris 
complexis,  qui  unitatis  radicibus  et  numeris  integris 
realibus  constant  (Breslau,  1844,  in-4).  Parmi  ses 
autres  travaux,  nous  mentionnerons  des  recherches  sur  la 
série  hypergéométrique,  sur  les  résidus  cubiques,  sur  la 
théorie  des  nombres  complexes  et  sur  celle  des  intégrales 
définies,  un  essai  de  démonstration  générale  de  la  propo- 
sition de  Fermât,  une  théorie  du  système  rayonnant.  Il  en 
a  consigné  les  résultats  dans  de  nombreux  mémoires  publiés 
par  le  Journal  de  Crelle  (1834  et  suiv.),  parles  recueils 
de  l'Académie  de  Berlin  (1H56  et  suiv.),  etc.       L.  S. 

KUMMER  (Rudolf-Ferdinand  de),  général  prussien,  né  à 
Szeleiévo  le  11  avr.  1816.  Entré  au  service  en  1834,  mis 
à  la  retraite  en  1877  au  grade  de  général  d'infanterie;  il 
se  distingua  en  1866  dans  la  campagne  du  Main  où  il 
commandait  la  25^  brigade.  En  1870,  on  lui  confia  la 
3^  division  de  réserve,  qui  entra  en  ligne  devant  Metz  le 
20  août,  se  distingua  à  la  bataille  de  Noisseville  et  plus 
tard  dans  toutes  les  batailles  livrées  par  l'armée  du  Nord, 
spécialement  à  Bapaume. 

KUMRAH  (Zool.)  (V.  Cheval,  t.  X,  p.  1124). 

KUN.  Nom  magyar  signifiant  Cuman^  qui  a  formé  les 
noms  de  deux  villes  de  Hongrie,  situées  l'une  et  l'autre 
dans  les  anciens  districts  privilégiés  de  Cumanie:  Kun- 
Szent-Mârton,  14,000  hab.  ;  et  Kun-Szent-Miklôs, 
8,000  hab.,  presque  tous  Magyars,  catholiques  ou  cal- 
vinistes. 

KUNCEWICZou  KOUNTSEVITCH  (Josaphat),  prélat  po- 
lonais d'origine  russe,  né  en  1579,  mort  en  1623.  Il  ap- 
partenait à  l'Eglise  uniate  et  fut  un  de  ses  principaux  cham- 
pions. En  1618,  il  fut  nommé  archevêque  de  Piock  et  de 
Vitebsk.  Il  rencontra  de  vives  résistances  chez  les  ortho- 
doxes de  son  diocèse.  Il  fut  tué  à  Vitebsk  dans  une  sédition 
populaire.  L'Eglise  romaine  lui  a  donné  le  titre  de  saint. 

BiBL.  :  A.  GuÉPiN,  Saint  Josaphat,  archevêque  de  Po- 
lock  et  VEglise  unie  en  Pologne  ;  Poitiers,  1874,  4  vol. 

KUNCKEL,  pharmacien-chimiste,  né  à  Rendsbourg 
en  1630,  mort  en  1702.  Il  était  le  fils  d'un  alchimiste 
établi  à  la  cour  du  duc  de  lïolstein.  En  1654,  il  accepta 
l'emploi  de  pharmacien-chimiste  auprès  des  ducs  Charles 
et  Henri  de  Lauenbourg,  puis  passa  au  service  de  Jean- 
Georges  H,  électeur  de  Saxe,  qui  lui  confia  la  direction  de 
son  laboratoire  de  Dresde.  Il  était  nomade,  comme  la  plu- 
part des  savants  de  cette  époque  ;  on  le  trouve  successive- 
ment, comme  professeur  de  chimie,  à  Annaberg,  à  Witten- 
berg,  puis  à  Berlin,  où  il  fut  appelé  en  1679  par  Frédéric- 
Guillaume  pour  diriger  les  fabriques  de  verre  et  le  labora- 
toire de  l'électeur  de  Brandebourg.  Le  roi  de  Suède, 
Charles  XI,  le  fit  venir  à  Stockholm  et  lui  conféra  des 
titres  de  noblesse  sous  le  nom  de  baron  de  Lœwenstern. 

Kunckel  se  distingue  de  la  plupart  des  alchimistes  par 
la  netteté  de  ses  expériences.  Il  ne  croyait  pas  à  la  pierre 
philosophale  et  à  la  transmutation  des  métaux  :  «  Dans  la 


chimie,  dit-il,  il  y  a  des  séparations,  des  combinaisons,  des 
purifications,  il  n'y  a  pas  de  transmutations.  Avec  tout 
notre  art,  nous  ne  pouvons  faire  un  œuf  ;  nous  pouvons  le 
détruire  et  l'analyser.  »  Il  a  attaché  son  nom  à  la  décou- 
verte du  phosphore,  qui  avait  été  obtenu  accidentellement 
par  Brand,  alchimiste  de  Hambourg.  Kunckel  démontre 
qu'on  obtient  ce  corps  en  calcinant  fortement  avec  du 
sable  de  l'urine  évaporée  en  extrait.  Il  a  découvert  le  ru- 
bis artificiel  (verre  rouge)  en  incorporant  dans  le  verre 
le  pourpre  de  Cassius.  Il  s'est  occupé  des  fermentations  et 
des  putréfactions,  de  la  nature  des  sels,  ainsi  que  de  di- 
verses questions  métallurgiques,  comme  la  préparation  de 
l'argent  pur,  la  séparation  de  l'or  et  de  l'argent.  C'est  un 
véritable  savant  qui  établit  le  passage  entre  les  alchimistes 
et  les  chimistes.  Son  principal  ouvrage,  qui  parut  après  sa 
mort  {Laboralorium  chymicum)^  traite  des  vrais  principes 
naturels,  de  la  génération,  des  propriétés  et  de  l'analyse 
des  végétaux,  des  minéraux  et  des  métaux.     E.  Bourgoin. 

KUNDiVlANN  (Karl),  sculpteur  autrichien,  né  à  Vienne 
le  15  juil.  1838.  Il  étudia  à  l'Académie  de  cette  ville  sous 
Bauer,  puis  sous  llaehnel  à  Dresde,  où  il  se  fit  connaître  par 
ses  bas-reliefs  de  Cliiron  et  d'Achille  et  surtout  par  son 
groupe  du  Bon  Samaritain.  Après  d'autres  travaux  exé- 
cutés à  Vienne,  notamment  la  figure  de  l'Empereur  Ro- 
dolphe pour  l'Arsenal,  il  se  rendit  à  Rome  et  y  obtint  le 
prix  au  concours  pour  son  esquisse  du  monument  de  Schu- 
bert^ qu'il  sculpta  ensuite  à  Vienne  (1872),  ainsi  que  la 
statue  de  marbre  du  prince  Eugène.  Parmi  ses  œuvres 
ultérieures,  nous  citerons  le  monument  de  Tegetihof,  la 
statue  du  Comte  Bucquoy  (Arsenal),  le  buste  colossal  de 
Redtenbacher,  celui  de  Fuhrich,  sa  Bacchante  ivre,  sa 
Leçon  de  danse  d\in  centaure  et  son  Enfant  jouant  de 
la  flûte.  Il  fut  nommé  en  1872  professeur  à  l'école  de 
sculpture  de  l'Académie. 

KUN ERSDORF.  Village  de  Prusse,  prov.  de  Brande- 
bourg, district  et  à  6  kil.  E.  de  Francfort-sur-l'Oder  ; 
800  hab.  Frédéric  II  y  fut  battu  par  les  Austro-Russes  le 
12  août  1759  (V.  Frédéric  H,  t.  XVIÏÏ,  p.  106). 

KUNIK  (Ernest),  historiographe  russe,  né  en  1816.  Il 
fit  ses  études  à  Berlin;  en  1844,  il  devint  auxihairo  de 
l'Académie  des  sciences  de  Saint-Pétersbourg  ;  membre  do 
cette  compagnie  depuis  1850  et  conservateur  du  musée  de 
l'Ermitage.  Il  a  publié  en  allemand,  en  français  et  en  russe 
un  grand  nombre  d'ouvrages  sur  les  origines  de  la  Russie, 
notamment  sur  l'origine  normande  des  Varègues.  Les  prin- 
cipaux sont  :  Die  Berufiing  der  Schwedischen  Rodsen 
durch  die  Frinsen  und  Slaven  (Saint-Pétersbourg,  1844- 
45)  ;  Analectes  historique  (id.,  1849)  ;  Kritische  Berner- 
kungen  %ur  den  Bafn'schen  Antiquités  russes  (id., 
1849)  ;  Témoignages  d'Al  Bekri  et  d'autres  auteurs  sur 
la  Russie  et  les  Slaves,  en  russe  (Saint-Pétersbourg, 
1878),  etc.  Il  a  collaboré  à  l'ouvrage  de  Dorn,  intitulé 
Caspia,  et  fourni  des  notices  aux  Mémoires  de  l'Acadé- 
mie de  Saint-Pétersbourg. 

KUNST  (Cornelis),  peintre  hollandais,  né  à  Leyde  en 
1493,  mort  à  Leyde  en  1544.  Il  était  le  beau-fils  et  l'élève 
de  Cornelis  Engelbrechtszen,  un  des  premiers  peintres  hol- 
landais qui  aient  pratiqué  la  peinture  à  l'huile.  Il  peignit 
souvent  à  Bruges  et  on  croit  qu'il  y  connut  Memling.  Cor- 
nelis Kunst  a  peint  des  sujets  religieux  ;  il  reste  très  peu  de 
tableaux  de  lui  {Descente  de  Croix,  musée  de  Leyde),  mais 
il  jouit  à  son  époque  d'une  très  grande  réputation.    E.Br. 

KUNST  (Lukas),  dit  le  Cuisinier,  frère  du  précédent 
et  comme  lui  élève  de  son  beau-père  Cornelis  Engelbrechts- 
sen,  né  à  Leyde  en  1495,  mort  en  Angleterre  à  une 
date  inconnue.  H  est  ainsi  surnommé  parce  que,  ses  ta- 
bleaux ne  se  vendant  pas  à  une  époque  de  trouble,  pour 
subvenir  aux  besoins  de  sa  femme  et  de  ses  huit  enfants,  il  se 
fit  cuisinier.  Plus  tard,  il  fut  reçu  avec  honneur  à  la  cour  du 
roi  d'Angleterre,  Henri  VIII,  et  il  semble  y  avoir  séjourné 
jusqu'à  sa  mort.  Il  a  peint  des  sujets  d'histoire.  E,  Br. 

KUNTH  (Karl-Sigismund),  botaniste  allemand,  né  à 
Leipzig  le  18  juin  1788,  mort  à  Berlin  le  22  mars  1850, 


KUNTU  -  KUPFFEU 


—  6m 


A  la  mort  de  Willdenow,  il  continua  la  description  systé- 
matique des  plantes  recueillies  par  Humboldt  et  Bonpland 
pendant  leur  voyage  en  Amérique  ;  à  cet  effet  il  vint  s'éta- 
blir à  Paris  en  4813  et  y  publia  :  Synopsis  der  von  Hum- 
boldt und  Bompland  gesammelten  Pflanzen  (Paris, 
1822-23,  4  vol.);  Mimoséeset  autres  plantes  légumi- 
neuses du  nouveau  continent  (Paris,  4819-24,  avec 
60  pi.  color.)  ;  distrib.  méthodique  de  la  famille  des 
Graminées  (Paris,  4823,  2  vol.  avec  220  pi.)  ;  avec 
Humboldt  :  Nova  Gênera  et  species  plantarum  (Paris, 
4813-28,  7  vol.  avec  700  pi.  sur  cuivre)  ;  en  même  temps 
il  forma  un  herbier  de  30,000  espèces.  Il  revint  à  Berlin 
en  4849  et  y  devint  professeur  à  l'université  et  directeur 
adjoint  du  Jardin  botanique.  On  doit  encore  à  Kunth  : 
Enumeratio  plantarum  omnium  kucusque  cognitarum 
secundum  familias  naturales disposita  (Stuttgart,  4  833- 
50,  3  vol.),  ouvrage  où  se  trouvent  décrits  la  plupart  des 
Monocotylédones.  '^  D'^  L.  Hr^. 

KUNfZ  (Karl),  peintre  et  graveur  allemand,  né  àMann- 
heim  le  28  juil.  4770,  mort  à  Karlsruhe  le  8  sept.  4830. 
Après  avoir  pris  des  leçons  de  JakobRœnger  et  de  Quaglio, 
puis  visité  la  Suisse  et  la  Haute-Italie,  il  devint  (4803) 
peintre  de  la  cour  et  (4829)  directeur  du  musée  à  Karls- 
ruhe. Dans  ses  paysages,  très  soignés,  et  d'un  coloris 
brillant,  il  imite  surtout  les  maîtres  néerlandais.  Parmi 
ses  aquatinta,  nous  citerons  :  Famille  de  pâtres^  d'après 
Roos,  Hagar  et  Claude  Lorrain;  Vache  pissant,  d'après 
Paul  Potter;  les  Quatre  Heures  du  jour,  vues  du  lac  de 
Constance,  de  Mannheim,  de  Badcn-P)aden,  de  Iloidelbcrg, 
de  Schaffhouse. 

KU  NTZ  (Rudolf) ,  peintre  et  dessinateur  allemand,  fils  du 
précédent,  né  le  40  sept.  4798,  mort  le  8  mai  4848.  Il  fut 
élève  de  son  père,  devint  aussi  peintre  de  la  cour  de  Bade, 
et  se_fit  surtout  un  nom  comme  dessinateur  de  chevaux. 

KUNTZIGER  (Jacques),  historien  belge,  né  à  Seymerich 
en  4844.  Professeur  à  l'Athénée  de  Liège,  il  a  publié  des 
travaux  pleins  d'érudition  et  écrits  d'une  plume  alerte. 
Deux  de  ses  ouvrages  ont  été  couronnés  par  l'Académie 
royale  de  Belgique  :  Essai  historique  sur  la  propagande 
des  encyclopédistes  français  en  Belgique  pendant  la 
seconde  moitié  du  xviii^  siècle  {Mém.  de  VAcad.  roy. 
de  Belg.,  coll.  in-8,  XXX),  et  Febronius  et  le  Fébro- 
nianisme  [id.,  XLIV).  Nous  citerons  encore  :  Nos  Luttes 
contre  IHntolérance  et  le  despotisme  au  xvi«  siècle 
(Verviers,  4878,  in-42,  rééd.  en  4886),  et  Luther^ 
d'après  les  travaux  allemands  (Bruxelles,  4887,  in-S). 

KUNZEN  (Friedrich-Ludwig-Emil),  compositeur  alle- 
mand, né  à  Luback  le  2i  sept.  4761,  mort  à  Copenhague  le 
28  janv.  1817.  Fils  et  élève  d'un  bon  organiste  et  compo- 
siteur, Karl-AdoH  Kunzen,  mort  en  4781,  il  se  ren- 
dit vers  4786  à  Copenhague,  obtint  une  place  d'accompa- 
gnateur datts  la  chapelle  royale,  et  fit  représenter  en 
4790  l'opéra  danois  Holger  Danske.  Après  avoir  passé 
quelques  années  à  Berlin,  Francfort  et  Prague,  en  qualité 
de  chef  d'orchestre,  Kunzen  revint  en  4793  à  Copenhague 
et  reçut  cette  fois  sa  nomination  au  poste  de  maître  de 
chapelle  de  la  cour.  Son  œavre  comprend  dix  opéras  da- 
nois ou  allemands,  un  Oratorio  de  la  Résurrection,  des 
cantates  et  morceaux  religieux,  des  ouvertures  et  quelques 
sonates  de  piano. 

KÙNZLI  (Arnold),  homme  politique  suisse,  né  le  20  juin 
48)2.  Ses  concitoyens  du  cant.  d'Argovie  le  portèrent 
très  jeune  au  conseil  national,  où  il  siège,  sauf  interrup- 
tion d'une  léglslatare,  depuis  l'âge  de  trente-deux  ans.  Il 
a  encore  été  réélu  sans  opposition  le  29  oct.  4893.  Membre 
de  la  gauche  radicale,  il  occupe  une  haute  position  politique. 
En  sept.  4890,  lors  de  la  révolution  du  Tessin,  il  fut  nommé 
commissaire  fédéral  et  eut  la  mission  de  pacifier  ce  canton. 
Au  militaire,  M.  KiinzU  est  colonel,  chef  du  4®  corps  d'ar- 
mée suisse.  E.  K. 

KU9P10.  Ville  de  Finlande,  ch.-l.  de  gouvernement, 
dans  une  presqu'île  du  lac  Kalla;  7,300  hab.  Evôché, 
coasistoire  de  la  Finlande  septentrionale;  com^îierce  actif. 


I  ^  Le  gouvernement  a  42,730  kil.  q.,  293,473  hab.  (au 
34  déc.  4892).  Il  est  compris  entre  ceux  d'IIleâborg  au 
N.,  Vasa  à  l'O.,  Saint-xMichel  et  Viborg  au  S.,  Olonetz 
(Russie)  à  l'E.  Les  lacs  occupent  un  cinquième  de  la  su- 
perficie totale  ;  les  principaux  (Kalla,  Onki,  Pyhseselka  et 
à  l'E.  Pielis)  appartiennent  au  système  du  lac  Saïma.  On 
exploite  au  N.  les  forêts  de  pins  et  de  sapins.  Le  bétail  est 
abondant  :  le  beurre  est  vendu  à  Saint-Pétersbourg. 

KUPECKY  ou  KUPETZKY  (Jean),  peintre  tchèque,  né 
en  4667,  à  Pœsing,  près  de  Pressbourg,  mort  à  Nurem- 
berg en  4740.  Il  appartenait  à  une  famille  de  Tchèques 
réfugiés;  il  étudia  la  peinture  avec  un  artiste  suisse, 
Klause,  et  se  rendit  en  Italie  où  il  séjourna  vingt- 
deux  ans.  Il  résida  ensuite  à  Vienne.  Les  empereurs  Jo- 
seph I^r  et  Charles  VI  s'intéressèrent  à  son  talent  ;  il  fut 
aussi  protégé  par  le  prince  Eugène.  Il  rencontra  à  Karls- 
bad  Pierre  le  Grand  qui  voulut  l'attirer  en  Russie  et  dont 
il  peignit  le  portrait.  Kupecky  appartenait  à  la  secte  des 
frères  bohèmes.  Il  avait  refusé  le  titre  de  peintre  de  la 
cour  et,  craignant  la  persécution,  il  se  retira  à  Nuremberg. 
Son  œuvre  est  considérable.  Il  peignait  surtout  l'histoire 
et  le  portrait.  Il  avait  pris  pour  modèle  Rembrandt.  Ses 
œuvres  principales  se  trouvent  à  Berlin,  Brunswick,  Dresde 
et  Vienne.  La  plupart  d'entre  elles  ont  été  gravées  dans  le 
recueil  intitulé  Joannis  Kupetski  Imagines  et  Picturœ 
(gravé  par  Bernard  Vogel,  édité  par  Daniel  Reissler;  Nu- 
remberg, 1743). 

B.BL.  :  J.-C.  FuESSLT,  Lehcn  G.  Ph.  Rugendas  und  Jo~ 
hannes  Kupetzki;  Zuricli,  1758,  in-4. 

KUPELWIESER,  peintre  autrichien,  né  à Piesting( Basse- 
Autriche)  le  47  oct.  4796,  mort  à  Vienne  le  47  nov.  4  862. 
Son  portrait  de  l'empereur  François  P^  le  fit  connaître  ;  il 
s'adonna  à  la  peinture  religieuse  et  remit  en  vogue  l'usage 
de  la  fresque  ;  il  devint  professeur  à  l'Académie  de  Vienne 
où  il  forma  de  nombreux  élèves.  Ses  principales  œuvres 
sont  les  fresques  de  la  salle  du  Gouvernement  (Vienne)  ; 
l'Assomption  (église  de  l'Université,  Vienne)  ;  la  Nais- 
sance de  la  Vierge  (à  Klosterneuburg),  etc. 

KUP  FER -Berger  (Mila),  cantatrice  dramatique  autri- 
chienne, née  vers  4863.  Elle  s'attacha  de  bonne  heure  à 
l'étude  du  chant  italien,  et  en  4883  débuta  de  la  façon  la 
plus  heureuse  au  Théâtre  Regio,  de  Turin,  dans  le  rôle  de 
Marguerite  de  Faust.  Après  s'être  produite  à  Rome,  elle 
se  fit  entendre  avec  succès  à  l'Opéra  impérial  de  Vienne, 
d'où  elle  se  rendit  à  Barcelone,  puis  à  Londres.  Sa  belle 
voix  de  soprano,  aidée  d'un  bon  sentiment  dramatique, 
lui  permettait  d'aborder  avec  succès  tous  les  grands  rôles 
du  répertoire  :  les  Huguenots,  r Africaine,  Aïda,  Mefls- 
tofele,  Gioconda,  puis  Macbeth,  Lucrezia  Borgia,  Na- 
bucco,  Anna  Bolena,  la  Reine  de  Saba,  etc.  De  Londres 
elle  s'en  alla  faire  une  saison  à  Buenos  Aires,  puis  revint 
en  Europe,  et  successivement  se  fit  applaudir  à  Pesth,  à 
Madrid  et  à  Porto.  Elle  est  considérée  aujourd'hui  comme 
l'une  des  premières  cantatrices  de  ce  temps. 

KUPFFER  (Adolphe-Théodore),  météorologiste  et  mi- 
néralogiste russe,  né  à  Mitau  (Courtaude)  le  6  janv.  (anc. 
st.)  1799,  mort  à  Saint-Pétersbourg  le  23  mai  4863. 
Elève  de  Stromeyer,  à  Gœttingue,  et  de  Hauy,  à  Paris,  il 
professa  la  chimie  et  la  physique  à  l'université  de  Kazan 
de  4824  à  4828,  puis  fut  membre  de  l'Académie  des 
sciences  de  Saint-Pétersbourg.  En  18  iS,  il  créa  dans  cette 
dernière  ville  un  bureau  central  magnéto-météorologique. 
Il  en  fut  le  directeur  jusqu'à  sa  mort.  Ses  travaux  sont  de 
deux  sortes  :  les  uns  ont  trait  à  la  cristallographie  ;  les 
autres,  plus  nombreux  et  plus  récents,  à  la  météorologie  et 
à  l'étude  du  magnétisme  terrestre.  Ils  ont  fait,  de  sa  part, 
l'objet  de  quelques  ouvrages  et  recueils  d'observations  et 
de  plus  de  cent  mémoires  originaux  publiés  principalement 
par  les  Annalen  de  Poggendorf  et  par  le  recueil  de  l'Aca- 
démie de  Saint-Pétersbourg.  A  citer  parmi  les  plus  impor- 
tants: Ueber  genaue  Messung  der  Wbikel  an  Krystallen, 
travail  couronné  par  l'Académie  de  Berlin  (Berlin,  4826, 
in-4)  ;   Krystallform  des  Schwefels  {Pogg,  Annal. ^^ 


667  - 


KUPFFER  -  KURTH 


1824);  Krystallform  des  Kiip  fer  vitriols  {ici,,  1826); 
Hcmdbuch  der  rerhn.  Krijstallomnnie  (Saint-Péters- 
bourg, 1831,  in4);  Annuaire  magnétique  et  météoro- 
logique {id.y  183949,  10  vol.);  Annales  de  l'observa- 
toire physique  central  (id.,  I80O-06,  8  vol.).  On  lui 
doit  enfin  une  très  intéressante  étude  sur  l'influence  de  la 
chaleur  quant  à  l'élasticité  des  corps  solides,  particulière- 
ment des  métaux  (1857). 

BiBL.  :  Pour  la  liste  des  Mém.  de  Kuplîcr,  V.  le  Cata- 
logue of  scientific  papers  de  la  Soc.  roy.  de  Londres, 
1869,  t.  III,  et  1879,  t.  VIII. 

KUPRULl  ou  KŒPRILl.  Ville  de  Turquie  (V.VÉUSS4). 

KURANDA  (Ignace)  publiciste  autrichien,  né  à  Prague 
en  1812,  mort  en  1884.  Il  était  d'origine  israéhte.  Après 
avoir  étudié  le  droit  il  alla  se  fixer  à  Bruxelles  oh  il  publia 
un  journal,  les  Grenzboten^q\i'ï\{rims[)OYtB.  ensuite  à  Leip- 
zig. En  1848,  il  fut  envoyé  par  les  électeurs  de  Teplitz  au 
Parlement  de  Francfort.  Il  fonda  ensuite  à  Vienne  VOst- 
deutsche  Post.  En  1867 ,  il  fut  nommé  député  au 
Reichsrat  et  conserva  son  mandat  jusqu'à  sa  mort. 

KURDES,  KURDISTAN  (V.  Kourdes). 

KURELAC  (François),  littérateur  croate,  né  à  Bruvna 
en  1810,  mort  à  Agram  en  1874.  Il  se  consacra  à  l'ensei- 
gnement et  fit  partie  du  groupe  illyrien  (V.  Illyrisme)  dont 
Gaj  était  le  chef  et  joua  un  rôle  actif  en  1846  et  1849. 
Professeur  au  gymnase  de  Rieka  (Fiume),  il  fut  destitué 
sous  le  ministère  Bach;  en  1860,  il  devint  professeur  au 
séminaire  de  Diakovo.  En  1866,  il  fut  nommé  l'un  des  pre- 
miers membres  de  l'Académie.  Il  passa  ensuite  au  gymnase 
d' Agram  et  fut  encore  destitué  à  cause  de  son  patriotisme. 
Il  a  publié  un  grand  nombre  de  travaux  sur  la  langue  croate. 
La  plupart  ont  paru  dans  les  Mémoires  de  l  Académie 
d'Aqram.  L.  L. 

KURFIRSTEN  (Les),  ouCHURFlRSTEN.  Montagne  de 
Suisse  (cant.  de  Saint- Gall).  Elle  se  compose  de  sept 
pointes  nues  qui  bordent  au  N.  le  très  pittoresque  lac 
de  Walenstadt.  Leur  ait.  varie  entre  2,106  m.  pour 
le  Leistkamm  et  ^2,309  pour  le  Hinterriick.  Les  Kurfirsten 
dominent  le  lac  de  telle  sorte  qu'un  seul  petit  village  a 
trouvé  à  se  nicher  sur  cette  rive. 

KU  RI  se  H  ES  Haff.  Lagune  des  côtes  prussiennes  de  la 
Baltique,  prov.  de  Prusse  orientale;  elle  a  98  kil.  de  long 
du  S.  au  N.  et  jusqu'à  45  kil.  de  large  dans  la  partie  mé- 
ridionale, une  surface  de  1,620  kil.  q.,  une  profondeur  de 
7™o  à  Memel,  mais  seulement  2  m.  à  4*^7  dans  le  S.  Elle 
est  séparée  de  la  mer  par  une  flèche  sablonneuse  de  120  kil. 
de  long  sur  2  à  3  kil.  de  large,  la  Kurische  Nehrung  dont 
les  dunes  s'élèvent  à  6i  m.  et  avancent  chaque  année  de 
5  à  6  m.  vers  l'intérieur  ;  la  passe  reliant  la  mer  à  la 
lagune  se  trouve  au  N.  ;  en  face  de  Memel,  elle  a  250  à 
600  m.  de  large  sur  6  m.  de  profondeur.  L'ambre  est 
recueilli  en  abondance  sur  la  Kurische  Nehrung,  surtout 
à  Schwarzort.  Les  principaux  alïluonls  du  Kurisches  Haff 
sont  au  S.  la  Deim,  bras  de  la  Pregel;  à  l'E.  les  divers 
bras  du  delta  du  Niémen. 

BiBL.  :  Berendt,  Géologie  des  Kurischen  Ilaffes;  Kœ- 
nlgsberg,  1869. 

KURPINSKI  (Charles-Casimir),  compositeur  polouais, 
né  à  Wloszakowice  (duché  de  Posen)  le  5  mars  1785, 
mort  à  Varsovie  le  18  sept.  1857.  Elève  de  son  père,  il 
fut  chef  d'orchestre  à  l'Opéra  de  Varsovie  de  1835  à  1841, 
et  eut  en  même  temps  depuis  1819  le  titre  de  maître  de 
chapelle  de  la  cour  impériale  russe  à  Varsovie.  Kurpinski 
a  contribué  activement  au  developpemeat  de  la  musique 
dans  sa  patrie.  Il  a  écrit  vingt-six  opéras  polonais  repré- 
sentés à  Varsovie,  des  messes,  Te  Deum,  chants  sacrés, 
cautates  de  circonstance,  quelques  symphonies,  sonates  et 
polonaises,  une  méthode  de  piano  (1819)  et  un  cours 
d'harmonie  (1821),  et  a  rédigé  pendant  deux  ans  à  Varso- 
vie un  journal  de  musique  en  langue  polonaise. 

KURBER  (Jacob-\Vilhd.n-lIt)inrich  de),  industriel  et 
savant  alleinand,  né  à  Laagenbraml  (Wurttemberg)  le  8  juin 
1781,  fn^^i^t  à  Zwickau  le  2S  déc.  1832.  11  dirigea  d'im- 
por^antes  fabriques  de  toiles  peintes  à  Zwickau 5  à  Augs- 


bourg,  à  Sassin  (en  Hongrie),  à  Prague.  Retiré  des 
affaires  (1813),  il  n'en  continua  pas  moins  ses  recherches 
sur  le  blanchiment,  la  teinture  et  l'impression  des  étoffes. 
D'une  réelle  valeur  scientifique,  elles  ont  été  fécondes  en 
découvertes  et  elles  ont  beaucoup  contribué,  tout  comme 
celles  de  J.-M.  Haussmann  et  de  D.  Kuechlin,  aux  progrès 
de  l'industrie  teinturière.  Outre  de  nombreux  mémoires  et 
articles  insérés  dans  le  Journal  de  Dingler,  dans  celui  de 
Schweigger,  dans  le  Journal  fur  die  Indienne ndrucke- 
rei  (Nuremberg,  1815-17)  et  dans  le  Magazin  filr  Druch 
und  Fdrbekunst  {id.,  1818-28),  fondés  et  dirigés  par 
lui,  il  a  publié  :  Geschichter  der  Zeugdruclcerei  (Nu- 
remberg, 1840  ;  2°  éd.,  1844)  ;  Die  Drucic-und  Fœrbe- 
kurst  (Vienne,  1848-50,  3  vol  );  Ueber  das  Bleicken 
der  Leinwand,  etc.  (Brunswick,  1850),  etc.  11  a  aussi 
collaboré  kVEncyclopœdie  d'ErschetGriiber,  au  Diction- 
nairi^  technologique  (Paris,  1827,  t.  XI),  et  donné  des 
traductions  d'ouvrages  de  Bancroft  et  de  Vitalis.  L.  S. 

KURSCHAT  (Friedrich),  lithuanisant,  né  à  Noragehlen 
(Prusse),  de  parents  lithuaniens,  en  1806,  mort  en  1884. 
Il  fut  d'abord  instituteur,  puis  il  reprit  ses  études  dans  un 
gymnase  et  entra  à  l'université  de  Kœnigsberg  où  il  passa 
ses  examens  de  théologie.  Il  y  succéda  à  Rhésa  dans  la 
direction  du  séminaire  lithuanien.  Nommé  prédicateur  mi- 
litaire lithuanien  en  1884,  ildovint  professeur  (1865),  puis 
professeur  extraordinaire  (1871)  à  la  faculté  de  théologie. 
Kurschat  consacra  toute  son  activité  aux  Lithuaniens  chez 
lesquels  ses  nombreuses  prédications,  son  caractère  bon  et 
secourable  le  rendirent  très  populaire.  Outre  des  ouvrages 
religieux  comme  une  revision  de  la  Bible  lithuanienne  et 
des  Cantiques,  il  a  publié  un  recueil  de  chants  militaires  et 
de  1849  à  1880  une  revue  populaire,  le  Kelewis  (le  Voya- 
geur), dont  il  était  le  principal  rédacteur.  Mais  ce  qui  lui 
assura  la  gratitude  des  linguistes  comme  de  ses  compa- 
triotes, ce  sont  ses  ouvrages  relatifs  à  la  langue  lithuanienne. 
Son  édition  des  Dainos  (V.  ce  mot),  les  Beitrœge  lurKilnde 
der  litauischen  5/?ra{?/i5  (1843-49)  et  surtout  sa  Gram- 
maire (1876)  et  son  Dictionnaire  du  lithua^iien  (1870- 
83)  sont  des  œuvres  précieuses,  qui  ont  rendu  et  rendront 
longtemps  de  très  grands  services. 

KURSCHNER  (Conrad),  réformateur  suisse,  né  à  Rouf- 
fach  (Alsace)  le  8  janv.  1478,  mort  à  Zurich  le  5  avr. 
1556.  Il  étudia  peu  de  temps  à  Heidelberg,  puis  entra 
dans  un  couvent  de  frères  mineurs  oii  il  prononça  ses 
vœux  en  1494.  Il  fut  ordonné  prêtre  en  1501  et  prit  le 
nom  de  Pellicanus^  sous  lequel  il  est  généralement  connu. 
Il  enseigna  longtemps  la  théologie  et  la  philosophie  dans  un 
couvent  de  son  ordre  oii  il  occupa  une  haute  position.  Dès 
1524,  il  fut  destitué  comme  penchant  vers  les  idées  de  la 
Réforme.  En  1526,  sur  la  demande  de  Zwingli,  il  vint  en- 
seigner l'hébreu  et  la  théologie  à  Zurich  où  il  se  maria. 
Très  érudit,  très  indépendant  d'esprit,  les  ouvrages  qu'il 
a  laissés,  interprétation  des  psaumes  de  David,  commen- 
taires de  la  Bible,  grammaire  hébraïque,  etc.,  ont  fait 
loncftemps  autorité. 

KU  RT-Agà.  Ville  du  nome  d'Acarnanie  et  Etolie  (Grèce), 
à  16  kil.  N.-E.  de  Missolonghi,  dans  la  vallée  du  Phidaris, 
dominé  par  les  sommets  arides  du  Zygos.  Ruines  de  Caly- 
don,  les  plus  importantes  de  l'Etolie,  ayant  un  développe- 
ment de  plus  de  4  kil.  (murs,  portes,  temple  d'Apollon). 

BiBL.  :  Bazin,  Mémoire  suif  l'Etolie,  p.  356.  —  Leake, 
Northern  Greece,  t.  111,  p.  533.  —  Haussoqllier,  Grèce 
continentale,  86-68. 

KURTH  (Godefroid),  historien  belge,  né  à  Ârlon  en 
1847.  Nommé  en  1872  professeur  d'histoire  du  moyen 
âge  à  l'université  de  Liè^e,  il  se  signala  bientôt  par  la 
grande  érudition  et  Ja  chaleureuse  éloquence  qu'il  mit  au 
service  des  doctrines  ultramontaines.  Très  dévoué  à  ses 
élèves,  il  introduisit  à  Liège,  sous  le  titre  de  Cours  pra- 
tiques dliistoire,  l'organisation  des  séminaires  allemands, 
et  contribua  ainsi  pour  une  forte  part  à  l'amélioration  de 
l'enseign  nnont  historique  dans  les  universités  belges. 
M.  Kurth  a  publié  de  nombreux  ouvrages  historiques  et 


KURTH  —  KUSTER 


668 


littéraires  d'une  haute  valeur.  En  voici  les  plus  importants  : 
Catonr Ancien  [Liège,  4872,  in-8);  Etude  critique  sur 
Saint-Lambert  et  son  premier  biographe  (Anvers,  4876, 
in-8)  ;  la  Loi  de  Beaumont  en  Belgique.  Etude  sur  le 
renouvellement  annuel  des  justices  locales  (Mém,  in-8 
de  VAcad,  roy.  de  Belgique,  XXXI)  ;  les  Origines  de  la 
ville  de  Liège  (Liège,  4882,  in-8)  ;  les  Origines  de  la 
civilisation  moderne  (Paris,  4886,  2  vol.  in-8;  rééd., 
4888  ;  3®  éd.,  4894);  Histoire  poétique  des  Mérovin- 
giens (Paris,  4893,  in-8);  la  Frontière  linguistique  en 
Belgique  et  dans  le  Nord  de  la  France  (coll.  in-8  des 
Mém,  de  VAcad.  roy,  de  Belgique,  XLVIIl).      E.  H. 

KURTZ  (Karl),  peintre  allemand,  né  à  Stuttgart  en 
4817.  11  étudia  tour  à  tour  dans  cette  ville  et  à  Vienne,  et, 
après  une  série  de  voyages,  devint  (4848)  professeur  au 
Polytechnicum  de  sa  ville  d'origine.  Il  s'adonna  avec  un  égal 
bonheuraux  scènesde  genre  et  au  portrait.  Son  meilleur  por- 
trait est  celui  du  roi  Guillaume  de  Wurttemberg  (4853). 

KURUCZ.  Mot  magyar  signifiant  croisé^  et,  par  exten- 
sion, rebelle  ou  séparatiste.  L'emploi  de  cette  expression 
date  de  4544  et  d'un  malheureux  projet  de  croisade  qui 
dégénéra  en  guerre  civile.  Elle  s'applique  particulièrement 
aux  partisans  de  Râkôczy  qui,  dans  les  premières  années 
du  xviii*^  siècle,  luttèrent  contre  les  partisans  de  l'Au- 
triche. Les  chants  kurucz  de  cette  époque  forment  toute 
une  branche  de  la  poésie  populaire. 

KURZ  (Heinrich),  écrivain  allemand,  né  à  Paris  le 
28  avr.  4805,  mort  à  Aarau  le  24  févr.  4873.  Elevé  à 
Hof  (Bavière),  il  étudia  à  Paris  (4827-30),  rédigea  à  Augs- 
bourg  un  journal  [Die  Zeit)  qui  lui  procura  deux  ans  de 
forteresse,  passa  en  Suisse  où  il  professa,  et  devint  biblio- 
thécaire cantonal  à  Aarau  (4846).  Il  y  entreprit  de  grands 
travaux  sur  l'histoire  littéraire:  Handbuch  der poetischen 
Nationallitteralur  der  Deutschen  seit  Ha  lier  (Zurich, 
4  840-43, 3  vol.  ;  3®  éd. ,  4  859)  ;  Handbuch  der  deutschen 
Prosa  von  Gottsched  bis  auf  die  neiieste  Zeit  (1845- 
52,  3  vol.)  ;  Gesch.  der  deutschen  Litteratur  (Leipzig, 
4854-72,4  vol.;  4 éd.,  i882etsuiv.);  malgré  une  incom- 
mode subdivision  par  genres,  son  histoire  littéraire  est  très 
utile.  Il  a  aussi  publié  une  collection  de  vieux  auteurs 
allemands  sous  le  titre  de  Deutsche  Bibliothek  (Waldis, 
Christoff  de  Grimmelshausen,  Wickram,  Fischart,  etc.), 
de  bonnes  éditions  critiques  de  Schiller  (Hildburghausen, 
1867-68,  9  vol.)  et  de  Gœthe  [id,,  42  vol.),  etc. 

KURZBAUER  (Eduard),  peintre  autrichien,  né  à  Vienne 
le  2  mars  4840,  mort  à  Munich  le  19  janv.  1879.  Il  dut 
à  son  premier  tableau  de  genre,  la  Diseuse  de  contes, 
d'entrer  en  1867  dans  l'atelier  de  Piloty.  Parmi  ses  œuvres 
ultérieures,  nous  citerons:  Fugitifs  rattrapés  (Belvédère)  ; 
Fiançailles  orageuses.  Fête  champêtre,  Vieille  Mère, 
Médisance,  Prétendant  éconduit, 

KUSLAN  (Charles,  baron),  homme  d'Etat  croate,  né  à 
Krapina  en  1817,  mort  en  1867.  Il  embrassa  la  carrière 
juridique  et  se  rattacha  au  mouvement  politique  de  l'illy- 
risme.  En  1848,  il  servit  sous  les  ordres  de  Jelachich  et 
fit  partie  du  Congrès  slave  de  Prague.  Il  rédigea  un  jour- 
nal, le  Midi  slave,  et  fut  vice-président  de  la  Diète  d'Agram 
où  il  se  fit  remarquer  par  son  éloquence.  En  4866,  il  fit 
partie  de  la  délégation  chargée  de  négocier  à  Pest  avec 
les  Magyars. 

KÙSS  (Emile),  médecin  et  homme  politique  français, 
né  à  Strasbourg  le  4^"^  févr.  4845,  mort  à  Bordeaux  le 
l^*"  mars  1871.  Reçu  agrégé  à  la  faculté  de  médecine  de 
Strasbourg  en  1844,  avec  une  thèse  remarquable,  De  la 
Vascularité  de  Vinfiammation  (1846,  in-4),  où  il  pres- 
sentait la  pathologie  cellulaire,  Kûss  fut  nommé  en  1846, 
après  un  brillant  concours,  professeur  de  physiologie  en 
remplacement  de  Lauth.  Il  eut  un  succès  considérable 
comme  professeur  ;  c'est  d'après  ses  leçons  que  le  profes- 
seur Matthias  Duval  a  publié  son  Manuel  de  physiologie. 
Depuis  1846,  il  dirigeait  à  l'hôpital  de  Strasbourg  la  cli- 
nique de  dermatologie  et  de  syphilis.  Il  est  extrêmement 
regrettable  que  cet  éminent  praticien  n'ait  pas  trouvé  le 


temps  de  développer  dans  quelque  ouvrage  magistral  ses 
doctrines  médicales  d'une  originalité  si  puissante.  Mais  la 
clientèle,  non  la  clientèle  riche,  la  pauvre,  prenait  le  plus 
clair  de  son  temps.  Kûss  avait  de  fermes  convictions  répu- 
blicaines; en  1848,  il  fut  le  chef  du  parti  républicain  de 
Strasbourg  et  combattit  le  bon  combat,  mais  il  le  paya, 
après  le  2déc.,  par  la  prison  et  la  cour  d'assises.  Pendant 
l'Empire,  il  constata  avec  tristesse  la  marche  progressive 
de  l'abaissement  moral  et  les  indices  précurseurs  de  l'effon- 
drement prochain  ;  il  s'occupa  alors  activement  de  l'ins- 
truction populaire  et  fut,  dans  le  Bas-Rhin,  l'âme  de 
l'œuvre  des  bibliothèques  populaires.  Pendant  le  siège  de 
Strasbourg,  la  commission  municipale  le  choisit  pour 
maire  ;  il  resta  à  son  poste,  malgré  une  affection  pulmo- 
naire, malgré  un  arrêté  du  gouvernement  de  la  Défense 
nationale  qui  nommait  maire  M.  Ëngelhardt  ;  il  y  resta 
encore  après  la  capitulation  de  Strasbourg,  passant  ses 
journées  à  lutter  contre  les  exigences  du  vainqueur.  Lors- 
qu'il s'agit  d'envoyer  des  députés  à  l'Assemblée  de  Bor- 
deaux, son  nom  sortit  le  premier  de  l'urne.  Arrivé  à  Bor- 
deaux, il  dut  s'aliter,  et  il  mourut  le  jour  même  où  l'Assem- 
blée ratifiait,  au  prix  de  FAlsiace  et  de  la  Lorraine,  les 
préliminaires  de  la  paix.  De  magnifiques  funérailles  lui 
furent  faites  à  Strasbourg  le  8  mars  suivant.  D^  L.  Hn. 

KUSSER  (Jean-Sigismond)  (V.  Cousser). 

KUSSMAUL  (Adolt), médecin  allemand  contemporain, né 
à  Graben  (Bade)  le  22  févr.  1  822.  II  étudia  à  Heidelberg 
et  à  Wurzbourg  et  servit  dans  l'armée  en  1848-49.  Il  exerça 
de  4850  à  53  à  Kandern,  puis  en  4858  devint  professeur 
extraordinaire  à  Heidelberg,  en  4859  professeur  ordinaire 
de  clinique  à  Erlangen,  en  4863  à  Fribourg-en-Brisgau, 
en  4876  à  Strasbourg  ;  il  a  passé  récemment  à  Heidelberg. 
En  oct.  4888,  il  fut  appelé  à  San  Remo  auprès  du  prince 
Frédéric  et  se  montra  l'adversaire  décidé  du  traitement  de 
Mackenzie.  Parmi  ses  ouvrages,  citons  :  Unters.  ilber  den 
constitut.  Mercurialismus  (Wurzbourg,  4864);  Ueber 
die  Behandlung  der  Magenerweiterung  (Fribourg-en- 
Brisgau,  4869),  ouvrage  dans  lequel  il  mentionne  pour 
la  première  fois  les  usages  de  la  pompe  stomacale 
dans  les  maladies  de  l'estomac;  Die  Stœrungen  der 
Sprache,  etc.  (Ziemssen's  Handb.  d.  PalhoL,  4877, 
i^  éd.,  4884).  D^L.  Hn. 

KÙSSNACHT.  Ville  de  Suisse,  cant.  de  Schwytz,  au 
pied  du  Righi  et  au  fond  d'un  des  golfes  du  lac  des 
(}uatre-Cantons,en  face  du  Pilate  ;  3,000  hab.  Elle  s'unit 
au  canton  de  Schwytz  en  4424.  Le  4^^  mai  4798,  les 
Français  y  défirent  les  Suisses. 

KUSTÉNDJEou  Kl USTEND JE,  aujourd'hui  Costantsa 
(Constanza).  Ville  de  Roumanie,  chef-lieu  de  district  du 
même  nom  (le  district  de  Costantsa  contient  les  arr.  de 
Costantsa,  Nouvelle-Silistrie,  Megidia,  Hîrshova),  située 
dans  l'arr.  du  même  nom,  sur  un  promontoire  qui  s'avance 
dans  la  mer  Noire;  7,000  hab.  Premier  port  maritime  de 
la  Roumanie.  Belle  église  roumaine,  statue  d'Ovide.  Mou- 
vement du  port  :  715  bâtiments  par  an  (276  voiles  et  439 
vapeurs),  dont  51  à  pavillon  roumain.  N.  J. 

KUSlEHDXliKuste^îdyska  Bania).Y]\\e  de  Bulgarie, 
située  au  S.-E.  de  Sofia,  à  560  m.  d'altitude,  au  S.  d'un 
bassin  triangulaire  célèbre  par  ses  beautés  naturelles  et 
la  richesse  de  sa  végétation;  10,000  hab.  La  ville  ren- 
ferme de  nombreuses  sources  sulfureuses  dont  la  tempé- 
rature varie  de  48  à  70^  C.  Au  temps  des  Turcs,  Kus- 
tendyl  était  le  chef-heu  d'un  sandjak.  C'est  le  siège  d'une 
préfecture  qui  comprend  les  arrondissements  de  Trn, 
Tsaribrod  et  Breznik.  Le  département  fait  un  grand  com- 
merce de  fruits  secs,  notamment  de  pruneaux  qui  sont  ex- 
pédiés à  Salonique  et  de  là  à  Marsesla. 

KÙSTENLAND.  Ce  mot  qui  veut  dire  en  allemand  lit- 
toral désigne  une  division  administrative  de  l'Autriche.  Le 
Kùstenland  comprend  les  provinces  de  Goritz,  Gradisca, 
Istrie  et  Trieste  (V.  ces  mots).  Il  a  pour  chef  suprême  le 
lieutenant  impérial  de  Trieste. 

KUSTER  (Ludolphe),  philologue  hollandais,  né  à  Blom- 


669 


KUSTER  —  KVALÔ 


berg  en  4670,  mort  à  Paris  en  1716.  Il  fut  d'abord  pré- 
cepteur des  enfants  du  comte  de  Schwerin,  premier 
ministre  du  roi  de  Prusse,  puis  il  voyagea  en  Allemagne, 
en  Angleterre  et  en  Hollande,  préparant,  par  ses  recherches 
dans  les  bibliothèques,  les  vastes  travaux  qui  devaient 
illustrer  son  nom.  Il  alla  ensuite  occuper  une  chaire  de 
belles-lettres  au  collège  Joachim  à  Berlin,  et  fut  appelé  en 
même  temps  aux  fonctions  de  bibliothécah'e  du  roi.  Se 
jugeant  victime  d'un  passe-droit,  il  donna  bientôt  sa  dé- 
mission et  alla  se  fixer  à  Amsterdam,  puis  à  Anvers  et 
enfin  à  Paris,  où  il  abjura  le  protestantisme.  Louis  XIV, 
voulant  fixer  le  savant  philologue  dans  ses  Etats,  lui  donna 
une  pension  de  2,000  livres,  et  l'Académie  des  inscriptions 
l'admit  au  nombre  de  ses  membres.  Les  nombreux  ouvrages 
de  Kuster  attestent  sa  vaste  érudition  ;  en  voici  les  princi- 
paux :  Historia  critica  Homeri  (Francfort,  1696,  in-8)  ; 
De  Vero  Usu  uerborum  mediorum  apud  Grcecos,  eorum- 
que  differentia  a  verbis  aciivis  et  passivis  (Paris,  1714, 
in-8).  11  a  donné  aussi  des  éditions  critiques,  avec  de  sa- 
vants commentaires,  de  nombreux  auteurs  anciens,  entre 
autres  de  Suidas,  de  Jarablique  et  d'Aristophane. 

KUSTERA  (/te^^m  Reg.)  (Bot.).  Genre  d'Acanthacées 
qui  est  pris  aujourd'hui  comme  synonyme  de  Beloperone 
(V.  ce  mot). 

KÛSTRIN.  Ville  forte  de  Prusse,  district  de  Francfort- 
sur-l'Oder  (Brandebourg),  au  confluent  de  la  Warthe  et 
de  l'Oder;  16,000  hab.  C'est  une  forteresse  de  premier 
rang,  entourée  de  prairies  submersibles  que  traverse  une 
chaussée  de  16  kil.  de  long  vers  Sonnenburg  (au  S.-E.),  et 
une  autre  vers  Gœritz(au  S.);  une  série  de  forts  détachés, 
construits  quand  on  déclassa  Stettin,  complètent  le  système 
défensif  de  Kùstrin.  La  ville  est  entre  l'Oder  et  la  Warthe  ; 
elle  a  un  long  faubourg  sur  la  rive  gauche  du  fleuve  et  un 
court  sur  la  rive  droite  de  la  Warthe,  un  bel  hôtel  de 
ville,  etc.  C'était  en  1232  un  village  de  pécheurs  ;  en 
1262,  le  Brandebourg  l'annexa;  ce  fut  de  1535  à  1571 
la  résidence  d'une  branche  des  lïohenzollern  (V.  Brande- 
bourg), représentée  par  le  margrave  Jean,  dont  le  tombeau 
est  dans  l'église  de  Marie.  C'est  lui  qui  la  fit  fortifier.  Fré- 
déric II  y  fut  détenu  de  1730  à  1732  et  assista  à  l'exé- 
cution de  son  ami  Katte.  Le  1^^  nov.  1806,  la  place 
capitula  devant  un  escadron  de  cavalerie  française.  Elle 
conserva  une  garnison  française  qui  ne  capitula  que  le 
20  mars  1814,  après  un  long  siège. 

KUTAHIEH  (V.  Koutaieh). 

KUTHY  (Louis),  poète  hongrois,  né  en  1813,  mort  en 
1864.  Très  jeune,  de  1838  à  1840,  il  occupa  la  scène 
nationale  magyare  avec  ses  tragédies  à'Ariadne^  de 
Charles  J^**,  de  Blanc  et  Noir. 

KUTNA  HORA  (allemand  Kûttenberg).  Ville  de  la 
Bohême  centrale,  sur  le  ruisseau  de  ce  nom  ;  14,000  hab. 
Elle  a  quatre  faubourgs  et  renferme  une  série  de  monu- 
ments historiques  d'une  grande  beauté.  Au  sommet  de  la 
colline  s'élève  l'église  de  Sainte-Barbara,  magnifique  ca- 
thédrale gothique  inachevée  qui  fut  commencée  au  milieu 
du  XIV®  siècle,  continuée  au  xv®.  Elle  renferme  des  fresques 
du  XV®  siècle.  Citons  encore  l'église  de  i'archidiaconé  en 
style  gothique  ;  l'église  de  Marie,  également  en  gothique  ; 
l'ancien  château  royal,  commencé  par  Vacslav  ou  Vences- 
las  II  (xiu®  siècle),  avec  sa  chapelle  élevée  par  W^ladislaw 
le  Jageilon  (1471),  l'hôtel  de  ville,  le  palais  des  archives, 
le  château  de  Hradek,  l'ancien  collège  des  Jésuites,  un 
beau  puits  gothique,  etc.  Auprès  de  Kutna  llora  est  l'an- 
cienne abbaye  cistercienne  de  Sedletz  transformée  en  ma- 
nufacture de  tabac  (2,000  ouvriers),  dont  subsiste  la  belle 
église  de  style  gothique.  La  splendeur  passée  de  la  ville 
tenait  à  ses  mines  d'argent,  dont  l'exploitation  florissante 
au  XIII®  siècle  a  été  reprise  en  1874  sans  grand  succès. 
Elle  a  aujourd'hui  des  sucreries,  distilleries,  minoteries, 
imprimeries  de  cotonnades,  etc.  La  période  la  plus  brillante 
de  Kutna  Hora  fut  celle  qui  suivit  la  guerre  des  Hussites, 
dont  elle  avait  beaucoup  soufl'ert,  celle  de  Georges  Podie- 
brad  et  de  Wladislaw  II,  à  laquelle  remontent  la  plupart 


des  monuments.  Cette  ville  était  alors  une  des  résidences 
préférées  des  rois  de  Bohème  et  de  l'aristocratie,  siège  de 
nombreuses  diètes.  La  décadence  des  mines  au  xvi®  siècle 
et  la  guerre  de  Trente  ans  la  firent  déchoir.     A. -M.  B. 

KUTTENBERG  (V.  Kutna  Hora). 

KUTTER,  savant  hydraulicien,  connu,  notamment,  par 
la  formule  de  Granouillet  et  Kutter,  obtenue  par  des  expé- 
riences sur  l'écoulement  de  l'eau  dans  les  canaux  décou- 
verts : 


v^f 


23 


0,00155 


1 


oii  le  coefficient  C  : 


/^23 


1  +  (  23  -H 


0,0015a\  2^' 

Cette  formule  peut  s'appliquer  à  l'écoulement  dans  des 

1 

tuyaux  en  fonte,  en  donnant  à  -  la  valeur  72. 

n 

Kutter  a  proposé  pour  les  cours  d'eau  torrentiels  de  la 
Suisse,  charriant  des  galets,  la  formule  : 

BiBL.  :  Flamant,  Hyd?'auhgue  ;  Paris,  1891,  gr.  in-8. 

KUTY.  Ville  de  Galicie  (cercle  de  Kosow),  sur  le  Czre- 
mosz;  10,000  hab.,  en  partie  Arméniens. 

KUTZENHAUSEN  {Ckuzincusi,  742).  Com.  de  la 
Basse-Alsace,  arr.  de  Wissembourg,  cant.  de  Soultz- 
sous-Forêts,  sur  le  Seltzbach;  692  hab.  A  proximité, 
sources  de  pétrole. 

KUUN  d'Ozsdola,  comte  Geza,  savant  hongrois  et 
membre  de  la  Chambre  haute.  Sa  publication  principale, 
faite  en  plusieurs  fois,  la  dernière  partie  en  1883,  est  le 
Codex  cumanus.  Il  a  composé  aussi  une  étude  sur  les 
infinitifs  sémitiques,  et  des  introductions  aux  Mémoires  de 
son  parent,  le  comte  Gyulai,  et  au  Mithi'œum  de  M.  Kirâly. 

KUUTAR  (Myth.  finn.),  fille  de  la  Lune,  l'une  des 
nombreuses  divinités  aériennes  de  la  mythologie  finnoise. 
Assise  «  sur  la  hsière  du  bois  sombre  »  ou  «  sur  le  bord 
d'un  nuage  pourpré  »,  elle  tissait  «  un  tissu  d'or  ou  d'ar- 
gent ».  Elle  était  bienfaisante  ;  aussi  le  chasseur  et  le  pê- 
cheur l'invoquaient-ils  avant  leurs  expéditions. 

KUWASSEG  (Karl-Joseph),  peintre  autrichien,  né  à 
Trieste  en  1799,  mort  à  Paris  le  4  févr.  1877,  où  il  habi- 
tait depuis  1830.  On  a  de  lui  quelques  tableaux  remar- 
quables tant  par  le  dessin  que  par  le  coloris,  et  aussi  de 
belles  aquarelles,  telles  que  Vilieneuve-Saint-Georges  et 
le  Port  de  Douarnenez. 

KUYCK  (Jan  Van  Wouterszoon),  peintre  sur  verre  hol- 
landais, un  des  plus  célèbres  de  son  époque,  né  à  Dordrecht 
en  1530,  supplicié  le  28  mars  1572.11  se  mêla  aux  discus- 
sions théologiques  de  son  temps  et  il  fut  brûlé  comme  hé- 
rétique. Lechef  de  justice  Jan  Van  Drenkwaert  ayant  essayé 
de  le  sauver,  il  lui  peignit  pour  le  remercier  un  Jugement 
de  Salomon.  Mais  la  chose  fut  connue  des  ennemis  de 
Kuyck  qui  accusèrent  lechef  de  la  justice  de  se  laisser  cor- 
rompre, et  celui-ci  crut  devoir  condamner  le  peintre. 

KUYCK  (Jean-Louis  Van),  peintre  belge,  né  à  Anvers  en 
1821,  mort  à  Anvers  en  1875.  D'abord  horloger,  il  se  fit 
un  nom  comme  peintre  d'animaux,  surtout  de  chevaux, 
d'intérieurs  d'étables  et  d'écuries,  de  cours  d  auberge. 

KUYP,  peintres  hollandais  (V.  Cuyp). 

KUYTENBROUVER,  peintre-graveur  belge,  né  à  Amers- 
foorten  1816.  Il  se  forma  en  France  et  s'établit  à  Bruxelles. 
Parmi  ses  tableaux,  scènes  et  paysages  historiques  et  scènes 
de  chasse,  nous  citerons  :  Combat  de  cerfs^  Cerfs  après 
le  combat,  Amour  maternel,  les  Dragonnades,  etc.  ;  il 
a  gravé  30  planches  ou  lithographies  pour  les  Ardennes 
de  Joly.  ,, 

KVALÔ.  Bes  de  Norvège,  district  de  Tromsô,  au-devant 


KVALÔ  —  KYLLÏNG 


670  — 


de  ce  port  ;  celle  du  S .  a  746  kil.  q . ,  celle  du  N.  339  kil .  q.  ; 
entre  les  deux  est  l'île  de  Ringvasô. 

KVAS.  Boisson  russe  faite  a\ec  de  l'orge  moulu,  de  la 
farine  ou  même  du  pain  noir,  sur  lesquels  on  verse  de  l'eau 
bouillante  et  qu'on  laisse  fermenter  sans  arriver  jusqu'à 
la  fermentation  alcoolique.  Le  kvas  ne  se  conserve  pas  et 
doit  être  consommé  immédiatement.  11  constitue,  avec  le  thé 
et  l'eau-de-vie,  la  boisson  habituelle  du  peuple  russe. 

KVATERNIK  (Eugène),  révolutionnaire  croate,  né  à 
Agram  en  1825,  mort  en  1874.  Après  avoir  étudié  tour  à 
tour  la  théologie  et  le  droit,  il  exerça  les  fonctions  de  no- 
taire ;  il  prit  part  aux  événements  de  l'année  1848,  puis 
émigra.  En  1861,  il  publia  en  français,  à  Paris,  une  bro- 
chure sur  la  Croatie  et  la  Confédération  italienne  {;à\tt 
préface  de  Léouzon-Leduc),  il  rentra  dans  son  pays,  fit  pa- 
raître quelques  écrits  politiques  et  s'exila  une  seconde  fois. 
Vers  1866,  il  rentra  de  nouveau  dans  sa  patrie  et  défen- 
dit la  cause  de  «  la  Grande  Croatie  ».  En  oct.  4871,  il 
s'efforça  d'organiser  une  insurrection.  Il  fut  pris  et  fusillé. 

KVICALA  ou  KVICZALA  (Jean),  philologue  tchèque,  né 
à  Mnichové  Ilradiste  (Munchengratz)  en  1834.  Il  fit  ses 
études  à  Prague  et  à  Bonn  et  devint  professeur  de  philo- 
logie classique  à  l'université  de  Prague.  Ses  travaux,  pour 
la  plupart  écrits  en  langue  tchèque,  sont  presque  tous  rela- 
tifs à  l'antiquité  grecque  et  romaine.  Il  a  donné  diverses 
traductions,  et  dirigé  la  Bibliottièque  des  classiques  grecs 
et  latins,  et  la  Revue  philologique  et  pédagogique. 

KVITACGrégoire-Fédorovitch),  écrivain  russe  connu  sous 
le  nom  àOsnovianenko,  né  à  Osnovia  (près  de  Kharkov) 
lé  28  nov.  1778,  mort  à  Kharkov  le  20  août  1843.  Il  passa 
par  la  garde  impériale  (1793-J  800),  par  le  couvent  (1800- 
1804),  fut  directeur  de  théâtre  à  Kharkov  (1812),  y  fonda 
un  institut  d'éducation  pour  les  jeunes  filles  nobles  et  pauvres, 
fut  maréchal  de  la  noblesse  de  son  gouvernement  (1817- 
29),  président  du  tribunal  criminerde  Kharkov  (1840). 
C'est  un  des  principaux  écrivains  petits-russiens.  Ses  nou- 
velles, dont  la  plus  populaire  est  Maroussia,  sont  encore 
très  lues  (Moscou,  1834-37,  2  vol.  ;  éd.  complète  avec 
biographie  parKulisz,  Saint-Pétersbourg,  1858);  elles  sont 
d'une  psychologie  pénétrante.  On  apprécie  moins  les  œuvres 
écrites  en  dialecte  grand-russien,  le  roman  Pan  Chalans- 
kii  (1839)  et  les  œuvres  dramatiques,  malgré  la  popula- 
rité de  l'une,  ^elmenko.  ~ 

KWANGO  (V.  CoANGo). 

KYAW  ( Friedrich- Wilhelm,  baron  de),  auteur  satirique 
allemand,  né  près  de  Herrnhut  le  6  mai  1654,  mort  à 
Kœnigstein  le  19  janv.  1733.  Il  servit  dans  l'armée  brande- 
bourgeoise  (1670-90),  la  quitta  à  l'occasion  d'un  duel  et 
entra  dans  celle  de  Saxe  où  il  devint  général.  D'une  fran- 
chise brutale,  il  détestait  les  courtisans,  qui  le  tournaient 
en  raillerie,  et  gagna  par  ses  saiUies  la  faveur  de  l'électeur 
Auguste  II  le  Fort.  —  Son  neveu,  Friedrich-Wilhelm 
(1708-59),  un  des  meilleurs  généraux  de  cavalerie  de  Fré- 
déric le  Grand,  fut  condamné  en  conseil  de  guerre  pour  la 
perte  de  Breslau  (1757). 

BiBL.  :  WiLHELMi,  Kijaws  Leben  und  luslîge  Einfœlle; 
Leipzig,  1773,  3  vol.  —  H.-K.  de  Kyaw,  F amilienchronick 
des  Geschlechts  von  Kyaw  ;  Leipzig,  1870.  —  Ebeling, 
Kyaw  und  Brûhl  ;  Leipzig,  1885. 

KYB18TES1S  (V.  Danse,  t.  XII,  p.  864). 

KYD  (Thomas),  auteur  dramatique  anglais,  né  vers 
1557,  mort  vers  1595.  Il  débuta  par  des  traductions, 
écrivit  des  faits  divers  dans  un  journal  que  dirigeait  son 
frère,  puis  il  trouva  au  théâtre  sa  véritable  voie.  Avant 
que  Shakespeare  eiit  révolutionné  la  scène  anglaise,  Kyd 
était  le  plus  populaire  des  tragiques.  Sa  première  pièce, 
Hieronimo,  fut  imprimée  seulement  en  1605;  la  seconde, 
Oratio,  fut  publiée  en  1592  (le  British  Muséum  ne  pos- 
sède que  la  seconde  édition  de  1594).  Elles  furent  jouées 
entre  1584  et  1589  et  représentées  depuis  une  infinité  de 
fois,  non  seulement  en  Angleterre,  mais  en  Allemagne  et 
en  Hollande.  On  n'a  pu  retrouver  d'autres  pièces  de  Kyd. 
On  lui  en  attribue  beaucoup,  mais  The  Rare  Triumphs  of 


Love  (1589)  et  The  Tragedye  of  Solyman  and  Perseda 
(1592)  paraissent  seules  être  de  lui.  "  R.  S. 

KYDIAS  (V.  Cydyâs). 

KYEN-DouEN.  Rivière  de  Birmanie,  afîl.  dr.  de  l'Iraouadi; 
elle  descend  des  monts  Patkoï,  coule  vers  le  S.,  entre  en 
Birmanie  à  Manpeng,  reçoit  la  rivière  de  Kabo  (Namkathé) 
venant  du  Manipour  et  forme  à  son  confluent  avec  le  fleuve 
un  vaste  delta  très  fertile,  correspondant  au  Sonarapa7ita 
des  Hindous.  Elle  est  navigable  sur  160  kil.  depuis  Ken- 
dat. 

KYESTEINE.  On  a  décrit  sous  le  nom  de  kyestéine  une 
substance  azotée,  propre,  croyait-on,  aux  urines  des 
femmes  enceintes  et  dont  la  présence  dans  les  urines  consti- 
tuait môme  un  bon  signe  de  grossesse.  Cette  kyestéine  se 
présente  sous  la  forme  d'une  pellicule  irisée  sur  des  urines 
abandonnées  quelques  heures.  En  réalité,  cette  peUicule  est 
formée  par  un  mélange  de  bactéries,  de  granulations  di- 
verses, de  substances  grasses  et  de  cristaux  de  phosphates 
ammoniacaux  magnésiens.  Il  est  possible  que,  sous  l'in- 
fluence des  perturbations  déterminées  dans  l'organisme  par 
la  grossesse,  cette  pellicule  se  forme  plus  fréquemment 
chez  les  femmes  enceintes,  mais  elle  a  été  signalée  égale- 
ment dans  les  urines  de  l'homme. 

KYFFHv€USER.  Montagne  presque  isolée  de  la  Thuringe, 
entre  le  territoire  de  la  principauté  de  Schwarzburg-Ru- 
dolstadt  et  de  celui  du  cercle  prussien  de  Sangerhausen  ; 
une  profonde  vallée  la  divise  en  deux.  L'arête  septentrio- 
nale porte  les  ruines  du  château  de  Rothenburg  (439  m.) 
à  ro.,  et  de  Kyffhausen  (470  m.)  à  l'E.  Celui-ci,  H\x  vers 
le  X®  siècle  pour  couvrir  la  résidence  impériale  de  Tilleda, 
fut  souvent  habité  par  les  Hohenstaufen,  détruit  en  1178 
et  de  nouveau  au  xvi®  siècle.  Ses  vastes  ruines  couvrent  un 
roc  de  grès  rouge;  on  y  remarque  une  tour  quadrangulaire 
qui  a  encore  22  m.  de  haut  et  les  débris  de  la  chapelle.  C'est 
à  ce  point  que  s'est  attachée  la  légende  du  sommeil  de  l'em- 
pereur Frédéric  (V.  Frédéric  II),  dont  le  premier  témoi- 
gnage écrit  ne  date  d'ailleurs  que  de  1696.  Au  S.  de  la 
colline  est  la  belle  grotte  de  Falkenburg. 

3iBL.  :  Ri  hter,  Das  deutsche  KyffhsBuserhuch;  Eisle- 
ben,  1876.~BALTZEii,  Das  Kyffhœusergebirge  ;  Rudolstadt, 
1882,  2"  cdit. 

KYHN  (Peter- Vilhelm-Karl),  paysagiste  danois,  né  à 
Copenhague  en  1819.  Il  étudia  d'abord  la  peinture  dans  sa 
ville  natale,  mais  compléta,  grâce  à  une  bourse  de  voyage, 
son  éducation  artistique  en  France  et  en  Italie  (1851-53). 
Il  a  peint  surtout  des  paysages  danois,  dont  on  admire  la 
vigueur  :  Vue  près  de  Bjergelide  (Galerie  royale  de  Co- 
penhague) ;  Fraîche  soirée  d'été,  etc.  Kyhn  est  également 
un  graveur  de  talent  ;  la  Société  danoise  de  gravure  a  pu- 
blié plusieurs  planches  de  lui. 

KYLL.  Rivière  de  la  Prusse  rhénane,  afiî.  de  la  Moselle; 
elle  a  142  kil.  de  long,  naît  au  Kronenburg  (district  d'Aix- 
la-Chapelle),  traverse  FEifel  et  finit  à  Ehrgang  en  aval  de 
Trêves.  Sa  vallée  est  très  pittoresque,  surtout  autour  de 
Gerolstein. 

KYLLIKI  ou  KYLLI  (Myth.  finn.),  la  jolie  fille,  la  «  ra- 
dieuse fleur  »  de  Saari  enlevée  par  Lemminkâinen,  d'après 
le  Kalevala.  Kylli  consent  à  épouser  son  ravisseur,  celui- 
ci  lui  ayant  promis  de  ne  jamais  entreprendre  d'expédition 
guerrière  «  ni  pour  conquérir  de  l'or,  ni  pour  ramasser  de 
l'argent  ».  De  son  côté  elle  jure  «  de  ne  point  vagabonder 
dans  le  village,  lors  même  qu'elle  brûlerait  du  désir  de  se 
mêler  à  la  société  des  jeunes  filles,  aux  jeux  bruyants  des 
belles  chevelures  ».  Mais  un  jour,  au  matin,  Lemmin- 
kâinen partit  pour  la  pèche,  ne  revint  pas  le  soir,  et  Kylli 
alla  se  mêler  aux  «  jeux  bruyants  des  jeunes  filles  ».  Le 
beau  Lemminkâinen  l'apprit  et,  plein  de  colère,  se  décida 
à  l'abandonner  pour  aller  prendre  une  autre  épouse  dans 
le  pays  de  Pohjola.  Th.  G. 

BiBL.  :  Kalevala^  runes  XI,  XIL 

KYLLI NG  (Peter),  botaniste  danois,  né  en  1640,  mort 
en  1686.  Ses  ouvrages  :  Cataloguas  plantarum  CCCCIV 
in  Luco  aureos.  Gyldenlund  provenientium  (1684)  et 


son  Viridarium  danicum  sont  encore  aujourd'hui  de  la 
plus  grande  utilité  pour  l'étude  de  la  flore  danoise. 

KYLLINGIA  (Kyllingia  Rottb.)  (Bot.).  Genre  de  Cypé- 
racées,  du  groupe  des  Scirpées^  qui  a  pour  caractères  prin- 
cipaux :  épiilets  avec  une,  deux  fleurs  et  trois  glumes  ;  fleurs 
terminales,  inflorescence  capituliforme.  On  en  connaît  vingt 
à  vingt-cinq  espèces  des  régions  chaudes.      D^  L.  Hn. 

KYME  (Géogr.  anc.)  (Y,  Cumes). 

KYMiVlENE  ou  KYMNJOKI,  Fleuve  de  Finlande,  qui 
porte  au  golfe  de  ce  nom  les  eaux  de  la  Finlande  moyenne; 
il  sort  du  lac  Paijsene,  draine  les  lacs  du  Tavastehus,  tourne 
vers  le  S.  et  franchit  des  cascades  dont  la  plus  belle  est 
celle  de  Kôgfors  et  finit  par  trois  bras  profonds  entre  Lo- 
wisa  à  rO.  et  Kymmenegard  (port  de  guerre,  station  de 
la  flotte  russe)  à  l'E.  11  a  300  kil.,  un  bassin  de  35,000  kil.  q. 

KYMOGRÂPHE.  Le  kymographe  est  un  manomètre  des- 
tiné non  seulement  à  mesurer  la  pression  dans  les  vaisseaux 
sanguins,  mais  encore  à  les  inscrire.  C'est  Ludwig  qui,  en 
4847,  modifia  le  manomètre  inscripteur,  qui  avait  été  uti- 
lisé par  Porseuille  dès  18:29,  pour  l'amener  à  devenir  un 
appareil  inscripteur  des  variations  de  pression.  Marey,  qui 
a  tant  fait  pour  la  méthode  graphique,  proclame  Ludwig  son 
précurseur.  «Il  inaugura,  dit-il,  les  emplois  en  physiologie 
de  la  méthode  graphique  si  sûre  et  si  simple,  qui  donne  aux 
expériences  des  physiologistes  la  rigueur  et  la  clarté  de 
celles  des  physiciens.  » 

Le  kymographe  est  un  manomètre  à  mercure  :  Tune  des 
branches  est  en  relations  par  un  tube  de  caoutchouc  rempli 
d'une  solution  de  sulfate  et  de  carbonate  de  soude  avec  une 
artère  ;  l'autre  branche  est  rectiligne  et  reçoit  un  flotteur 
supportant  une  tige  fine  munie  d'une  plume  légère  à  son 
extrémité  supérieure.  Cette  plume,  en  venant  frotter  sur 
un  cylindre  enduit  de  noir  de  fumée,  transcrit  toutes  les 
oscillations  de  la  colonne  manométrique.  Le  graphique 
obtenu  ainsi  donne  exactement  en  centimètres  de  mercure 
la  valeur  absolue  de  la  pression  dans  l'artère,  aux  diffé- 
rents moments  de  l'expérience.  Seulement,  comme  le  ma- 
nomètre est  constitué  par  un  tube  à  diamètre  égal,  il  est 
facile  de  se  rendre  compte  que,  lorsque  le  mercure  monte 
de  1  centim.  dans  la  branche  du  flotteur,  il  descend  d'au- 
tant dans  l'autre  branche.  La  différence  des  deux  niveaux 
est  donc  en  réaUté  augmentée  de  2  centim.  et,  pour  avoir 
la  pression  réelle  en  centim.  de  mercure,  il  faut  doubler 
toutes  les  hauteurs  inscrites  sur  le  cyhndre.  Les  graphiques 
que  donne  le  kymographe  montrent  que  la  pression  dans 
les  vaisseaux  subit  une  série  d'influences,  d'où  l'existence 
d'une  série  de  courbes  indiquées  par  les  tracés  (V.  Cmcu- 
lâtion).  Le  kymographe,  tel  qu'il  a  été  décrit  par  Ludwig, 
présente  quelques  graves  inconvénients  :  l'emploidu  mercure 
lui  donne  une  inertie  considérable,  qui  l'empêche  d'une 
part  d'enregistrer  les  modifications  délicates  et  qui,  d'autre 
part,  altère  souvent  la  forme  de  la  courbe  réelle.  Aussi  a- 
t-on  modifié  le  manomètre  primitif  (Fick,  Marey,  etc.)  (V. 
Manomètre).  D"^  P.  Lânglois. 

KYWIRIS  ou  mieux  CYM  RI  (V,  Galles,  t.  XYlIl,  p.  394). 
Pour  les  confusions  auxquelles  ont  donné  Heu  des  rap- 
prochements superficiels,  V.  aussi  Cimmériens  et  Celtes. 

KYNAST.  Château  des  monts  des  Géants  (Riesengebirge), 
en  Silésie,  district  de  Liegnitz.  Bâti  par  le  duc  de  Schweid- 
nitz,  Bolko  P%  en  4292,  il  fut  donné  par  Bolko  II  au  vail- 
lant chevalier  Gotsche  Schoff,  ancêtre  de  la  famille  com- 
tale  des  Schafl'gotsch.  Il  s'élève  à  588  m.  d'alt.  sur  un 
sommet  granitique  boisé  ;  il  a  été  détruit  par  la  foudre  en 
1675.  Ses  ruines  sont  très  belles. 

KYNASTON  ou  KINASTON  (Sir  Francis),  poète  et  éru- 
dit  anglais,  né  en  1587,  mort  en  1642.  Il  finit  ses  études 
à  Trinity  Collège  (Cambridge)  et  entra  à  Lincol's  Inn  en 
1611.  Fait  chevalier  par  Jacques  P^  en  1618,  envoyé  au 
Parlement  par  le  Shropshire  en  1621,  il  remplit  plusieurs 
fonctions  à  l'université  de  Cambridge  où  il  était  proctor 
(quelque  chose  comme  censeur)  en  1634,  et  devint  gen- 
tilhomme attaché  à  Charles  V^  (esquive  ofthe  body)  à  l'avè- 
nement de  celui-ci.  C'est  alors  qu'il  fonda  une  sorte  d'aca- 


67i  -  KYLLING  -  KYRIE 

demie  appelée  Muséum  Minervœ,  à  laquelle  il  attacha  un 
collège  dont  les  cours  se  faisaient  dans  sa  propre  maison,  et 
dont  il  publia  les  Constitutions  en  1636.  On  a  encore  de 
lui  une  traduction  du  poème  de  Chaucer,  Troilus  et  Cres- 
sida;  une  traduction  en  vers  anglais  des  poésies  latines  de 
Johnston,  insérée  dans  les  Musce  Aulicœ  de  celui-ci 
(1635);  un  roman  héroïque  en  vers:  Leoline  and  Syda- 
nis,ei  des  sonnets  à  Cynthia,  fort  jolis,  quoique  irréguliers, 
publiés  dans  le  même  volume  que  le  roman  en  1 642  (Lon- 
dres, in-4).  B.-H.  Gausseron. 

KYNETON.  Yille  d'Australie,  prov.  de  Yictoria,  comté 
de  Dalhousie,  à  507  m.  d'alt.,  sur  la  rivière  Cainpaspe,  à 
92  kil.  N.-O.  de  Melbourne  par  chemin  de  fer;  3,500  hab. 
Nombreuses  mines  d'or  aux  environs. 

KYNU RÉNIQUE  (Acide)  (Y.  Cynurénique). 

KYPHI.  Parfum  sacré,  et  médicament  employé  par  les 
anciens  Egyptiens.  Il  est  décrit  dans  les  inscriptions  des 
temples  d'Ldfou  et  de  Philœ.  Le  papyrus  Ebers,  texte  hié- 
roglyphique qui  remonte  au  xvi^  siècle  avant  notre  ère, 
décrit  déjà  le  kyphi  comme  formé  de  dix  substances  : 
myrrhe,  baies  de  genièvre,  encens,  cyperus,  bois  d'aloès, 
caiamus  d'Asie,  mastic,  styrax,  etc.  Dioscoride  donne  à 
peu  près  la  même  formule.  Plus  tard  le  nombre  des  ingré- 
dients augmenta  jusqu'à  16  et  30  :  c'était  une  sorte  de 
thériaque.  M.  Berthelot. 

KYPHOSE  (Méd.).  Les  incurvations  kyphotiques  de  la 
colonne  vertébrale  se  traduisent  par  une  courbure  à  con- 
vexité postérieure.  Tantôt  elles  répondent  à  une  simple  exa- 
gération de  la  saillie  que  présente  normalement  la  région 
du  dos,  tantôt  elles  affectent  d'autres  segments  du  rachis 
ou  même  Pépine  dorsale  tout  entière.  Les  désordres  ana- 
tomiques  portent  tout  à  la  fois  sur  les  vertèbres  et  sur  leurs 
moyens  d'union  :  à  la  déformation  des  corps  vertébraux 
comprimés  antérieurement  dans  le  sens  vertical  et  devenus 
cunéiformes  se  joint  l'écartement  des  apophyses  trans- 
verses, ainsi  que  l'amincissement  des  ligaments  posté- 
rieurs, la  dégénérescence  fibreuse  ou  graisseuse  des  muscles 
spinaux.  Dans  les  cas  anciens,  on  observe  la  soudure  des 
corps  des  vertèbres  fusionnés  par  ankylose  ou  réunis  par 
des  végétations  ostéophy tiques  à  leur  périphérie.  La  cage 
thoracique  est  allongée  d'arrière  en  avant,  avec  aplatisse- 
ment des  côtes  et  gibbosité  sternale.  Les  omoplates  sont 
détachées  du  tronc  par  leur  bord  spinal,  et,  quand  la  kyphose 
est  lombaire,  le  bassin  lui-même  peut  se  trouver  altéré 
dans  sa  forme. 

Les  déviations  kyphotiques  se  montrent  principalement 
aux  âges  extrêmes  de  la  vie.  Chez  les  jeunes  enfants,  elles 
sont  fiées  principalement  au  rachitisme  ;  elles  tendent  à  se 
redresser  lorsqu'on  fait  coucher  les  petits  malades  et  peu- 
vent se  corriger  avec  les  progrès  du  développement.  Chez 
les  adolescents,  il  s'agit  d'une  voussure  due  à  la  faiblesse 
musculaire  et  favorisée  par  des  attitudes  vicieuses  habi- 
tuelles au  cours  de  la  période  de  croissance  :  incUnaison 
du  tronc  en  avant  pour  lire  ou  pour  écrire,  pour  les  tra- 
vaux dé  femme,  etc.,  particulièrement  chez  les  sujets 
myopes.  On  la  combat  efficacement  par  divers  moyens  pro- 
phylactiques, une  gymnastique  appropriée,  les  corsets  re- 
dresseurs. 

Dans  la  vieillesse,  enfin,  on  trouve  des  voussures  dorsales 
plus  ou  moins  prononcées  chez  les  gens  qui  se  sont  livrés 
à  des  travaux  pénibles  ;  ce  sont  les  kyphoses  profession- 
nelles qui  s'accentuent  de  plus  en  plus  sous  l'influence  de 
la  sénihté. 

Toutes  les  maladies  qui  compromettent  la  solidité  de  l'axe 
rachidien  donnent  naissance,  le  cas  échéant,  à  des  kyphoses 
symptomatiques.  Telles  sont  les  lésions  organiques  des  ver- 
tèbres, le  mal  de  Pott,  etc.  G.  Herrmann. 

KYRIE  eleisOxX.  Mots  grecs  qui  signifient  :  Seigneur,  aie 
pitié.  Celte  supplication  se  trouve  dans  les  plus  anciennes 
liturgies  orientales.  Il  semble  que  primitivement  on  la 
chantait  jusqu'à  ce  que  le  peuple  fût  assemblé  et  placé. 
Alors  le  célébrant  faisait  signe  de  cesser.  Elle  servit  en- 
suite de  réponse  à  chacune  des  prières  que  le  prêtre  ou  le 


KYR[E  -  KYZYL 


—  672 


diacre  faisait  pour  l'Eglise,  pour  les  catéchumènes,  pour 
les  pénitents,  etc.  Le  cardinal  Bona  attribue  au  pape  Da- 
mase  l'introduction  de  cette  litanie  dans  l'Eglise  de  Rome  ; 
d'autres  auteurs  au  pape  Sylvestre.  En  529,  le  11^  con- 
cile de  Vaison  la  prescrivit  aux  Eglises  de  la  Gaule,  pour 
se  conformer  à  l'usage  établi  en  Orient  et  en  Italie.  On  la 
chantait  ou  on  la  récitait  alors,  non  seulement  à  la  messe, 
mais  à  matines  et  à  vêpres  et  surtout  dans  les  processions. 
Dès  le  xu®  siècle,  on  fixa  au  nombre  neufles  répétitions  dont 
elle  se  compose  et  on  les  plaça  dans  l'ordre  suivant  :  trois 
fois  Kyrie  eleison,  trois  fois  Christe  eleison,  trois  fois 
Kyrie  eleison,  et  on  prétendit  proclamer  ainsi  le  dogme  de 
la  Trinité.  Dans  l'Eglise  grecque,  on  ne  dit  pas  Christe 
eleison^  mais  seulement  Kyrie  eleison.  La  plupart  des 
liturgistes  présentent  l'emploi  de  ces  mots  grecs  dans  les 
liturgies  latines,  comme  une  manifestation  de  l'unité  de 
l'Eglise  parmi  la  diversité  des  langues.     E.-H.  Vollet. 

KYRIEL  (Thomas),  capitaine  anglais  du  xv®  siècle,  mort 
en  4464.  Dès  4422  il  commandait  une  compagnie  de  gens 
d'armes  en  Normandie.  Capitaine  de  Gournay,  de  Gisors, 
de  Neufchâtel-en-Braye,  de  Clermont-en-Beauvaisis,  il  ne 
cessa  de  guerroyer  dans  toute  cette  région,  notamment 
contre  La  Hire  et  Xaintrailles.  Il  prit  part  aux  conférences 
de  Gravelines,  en  4439.  Quand  les  Français  eurent  recon- 
quis la  plus  grande  partie  de  la  Normandie,  Kyriel  fut 
envoyé  d'Angleterre  avec  une  petite  armée  au  secours  du 
duc  de  Somerset,  qui  était  à  Caen.  Après  avoir  débarqué  à 
Cherbourg  (15  mars  i450)  et  fait  capituler  Valognes,  il 
marcha  vers  Caen,  mais  il  fut  arrêté,  battu  et  pris  à  For- 
migny  (45  avr.  4450).  Revenu  en  Angleterre  il  prit  parti 
pour  Richard  d'York  pendant  la  guerre  des  Deux-Roses  et 
lit  exécuter  l'évêque  de  Salisbury.  Après  la  défaite  et  la 
mort  de  Richard  d'York,  Kyriel  fut  décapité  (févr.  4464). 

BiBL.:  Les  chroniqueurs  de  Tépoque,  notamment  Mons- 
TRELET,  M.  d'EscoucHY  (6d.  de  Beaucourt,  IJ,  522).  — 
Rymer,  Fœdera,Y,  78, 100, 108.—  J.  Stevenson,  Letters  and 
papers,  etc.,  II,  2«  part.,  544,  595,  626,  630.  —  De  Beau- 
court,  Hist.  de  Charles  VU,  t.  VI,  558.  —  E.  Cosneau, 
le  Connét.  de  Richemont,  iOô-il^.  —  Pièces  orlg.,  vol.  1610, 
dossier  37,265,  à  la  Bibl,  nat. 

KYRIELLE.  Vieux  nom  désignant  les  litanies,  parce 
qu'elles  commencent  toutes  parles  mots  Kyrie  eleison. 

KYSTE  (PathoL).  Les  kystes  sont  des  productions  pa- 
thologiques essentiellement  caractérisées  par  l'existence 
d'une  membrane  constituant  un  sac  clos  et  renfermant  un 
contenu  plus  ou  moins  liquide.  Cette  définition  purement 
anatomique  englobe  des  formations  très  diverses  quant  à 
leur  origine  et  à  leur  pathogénie.  La  plupart  des  kystes  sont 
de  provenance  épithéliale  et  présentent  par  suite  une  paroi 
conjonctive  tapissée  intérieurement  par  un  épithélium  qui 
affecte  des  types  variables  suivant  le  lieu  d'origine  :  pavi- 
menteux  simple  ou  stratifié,  prismatique  nu  ou  cilié,  cali- 
ciforme,  etc. 

Tantôt  les  excavations  kystiques  représentent  des  cavités 
glandulaires  préexistantes,  des  tubes  ou  des  culs-de-sac 
progressivement  distendus  par  accumulation  du  produit  de 
sécrétion,  tantôt  il  s'agit  d'une  véritable  néoplasie  épithé- 
liale évoluant  sous  forme  de  kystes.  Dans  le  premier  cas 


(kystes  par  rétention),  la  perturbation  initiale  peut  se  bor- 
ner à  une  simple  hypersécrétion  dans  les  glandes  dépour- 
vues de  canaux  excréteurs  (thyroïde);  le  plus  souvent  on  se 
trouve  en  présence  de  glandes  ordinaires,  acineuses  ou  ta- 
bulées, dont  les  conduits  sont  obstrués  soit  par  des  corps 
étrangers  ou  des  calculs  (voies  biliaires),  soit  par  épaissis- 
sement  du  contenu  (glandes  sébacées,  comédons)  ou  rendus 
imperméables  par  l'induration  scléreuse  des  organes  (reins). 

Les  néoformations  kystiques  sont  fréquerites  dans  les 
adénomes  du  sein  et  dans  ceux  de  la  thyroïde  ;  elles  acquiè- 
rent un  grand  développement  dans  ceux  des  ovaires.  On 
observe  d'ailleurs  la  production  d'ectasies  kystiques, à  titre 
de  phénomène  accessoire^  dans  toutes  sortes  de  tumeurs. 
Les  kystes  diffèrent  beaucoup  entre  eux,  non  seulement  par 
la  structure  histologique,  mais  aussi  par  leur  nombre  et 
leur  volume  ainsi  que  par  la  nature  du  contenu.  Solitaires 
(kystes  uniloculaires)  ou  agglomérés  (kystes  multilocu- 
laires),  il  en  est  de  microscopiques  alors  que  d'autres  dé- 
passent en  grosseur  la  tète  d'un  adulte.  La  masse  incluse 
est  séreuse,  muqueuse,  puriforme,  caséeuse,  hémorra- 
gique, etc.,  suivant  les  cas.  Une  mention  particulière  est 
due  à  ceux  qui  prennent  naissance  aux  dépens  de  vestiges 
embryonnaires  :  corps  de  Wolff,  fentes  branchiales,  vestiges 
para  dentaires,  bourgeons  épithéliaux  aberrants  de  diverses 
régions,  etc.  Le  type  de  ces  formations  hétérotopiques  nous 
est  offert  par  les  kystes  dermoïdes  (V.  ce  mot)  qui  peuvent 
renfermer  des  poils,  des  dents,  etc.,  et  dont  les  plus  compli- 
qués se  rattachent  insensiblement  aux  inclusions  fœtales. 
Les  ectasies  des  cavités  séreuses  ou  vasculaires  sont  pourvues 
d'une  couche  endothéliale  très  mince  ;  enfin  les  parois  des 
abcès,  des  foyers  hémorragiques  ou  autres  enkystés  par  un 
travail  de  cicatrisation  périphérique,  sont  dénués  de  tout 
revêtement  cellulaire.  Il  en  est  de  même  des  kystes  para- 
sitaires :  cysticerques,  kystes  à  échinocoques  et  autres. 
Toutes  ces  productions  ont  généralement  une  évolution  bé- 
nigne et  guérissent  par  les  ponctions,  le  drainage  ou  l'abla- 
tion chirurgicale. 

Enfin  on  donne  le  nom  de  kystes  par  ramollissement  à 
des  foyers  de  nécrose  à  parois  irrégulières  et  tomenteuses, 
dont  les  parties  centrales  ont  subi  une  liquéfaction  plus  ou 
moins  complète  (V.  Tumeur).  G.  Herrmann. 

Kystes  hydatîques  (V.  Foie). 

KYSTITOME  (Ophtalm.)  (V.  Cataracte). 

KYZYL-Irmâk  ou  KIZIL-Irmak  (Halys  des  anciens) 
Fleuve  de  l'Asie  Mineure,  tributaire  de  la  mer  Noire  ;  il  a 
900  kil.  de  long,  mais  n'est  pas  navigable.  Il  naît  dans  le 
Kœsse-dagh  au  S.  du  Pont,  coule  vers  le  S.-O.,  passe  à 
Sivas,  près  de  Kaisarieh,  s'infléchit  au  N.-O.,  puis  au  N. 
et  enfin  au  N.-E.,  décrivant  une  vaste  courbe,  passe  près 
d'Iskelib,  a  Osmandjik  et  Bafira  pour  finir  à  60  kil.  E.  de 
Sinope.  C'est  le  grand  fleuve  de  la  péninsule.  Il  n'a  pas 
d'autre  affluent  notable  que  le  Delidje  qui  coule  à  l'inté- 
rieur de  son  coude.  Les  anciens  lui  attribuaient  une  cer- 
taine importance  parce  qu'il  marqua  la  frontière  orientale 
de  la  Lydie  et  que  longtemps  après  on  parlait  encore  de 
l'Asie  en  deçà  et  au  delà  de  l'Halys.  C'est  sur  ses  bords  que 
Crésus  livra  bataille  à  Cvrus. 


LA 


GRANDE  ENCYCLOPÉDIE 


(iRANUE    KNCYCLOPÉUIK.    —    XX l.  43 


i.  Ms.  lombard  du  vii«  siècle. 

2.  Ms.  visigothique  du  viii^  siècle. 

3.  Ms.  anglo-saxon  du  i\*^  siècle". 

4.  Ms.  italien  du  x^  siècle. 

5.  Ms.  lombard  du  Mont-Cassin,  xi°  siècle. 

6.  Ms.  français  du  xii^  siècle. 


:^c^sûiL,m/:... 


T.  Ms.  français  du  xiii^  siècle. 

8.  Ms.  français  du  xiv*^  siècle. 

9.  Ms.  de  Laon,  xiv®  siècle. 

-10.  Ms.  de  rile-de-France,  xv^  siècle. 

41 .  Gothiquedeslivresdechœur,Ms.duMont-Cassin,xvi^s 

42.  Bible  de  Wittenberg,  xvi^  siècle. 


LA   GRANDE   ENCYCLOPÉDIE 


L 


L.  L  Phonétique.  —  Douzième  lettre  de  l'alphabet  la- 
tin. Non  seulement  le  /  appartient  comme  le  r  à  la  caté- 
gorie des  consonnes  dites  liquides,  mais  le  premier  est  issu 
du  second.  Il  n'est  guère  permis  d'en  douter  on  ce  qui  con- 
cerne les  langues  indo-européennes  en  présence  de  faits 
comme  ceux-ci  :  4°  le  ^  est  encore  étranger  au  zend  qui 
ne  connaît  en  fait  de  liquides  que  le  r;  2^  Tancien  sans- 
crit, ou  celui  des  Védas,  bien  que  possédant  déjà  un  petit 
nombre  de  /,  orthographie  plusieurs  radicaux  par  un  r  au- 
quel l  se  substitue  dans  la  langue  postérieure  ou  classique  ; 
exemples  :  sanscrit  védique  :  raè/i,  prendre;  n'/î,  lécher; 
np,  déchirer;  rup^  briser,  etc.  ;  sanscrit  classique  :  labh^ 
lih,  liç,  lup,  même  sens;  3°  l'alternance  si  fréquente  du 
r  et  du  /  dans  les  radicaux  indo-européens  correspondants 
montre  dans  la  plupart  des  cas  l'antériorité  de  celui-là  sur 
celui-ci.  C'est  ainsi  que  le  radical  grec  XafjiS  ou  Xa6  dans 
Xa{jt-6àvto,  prendre,  est  pour  pa6  comme  le  montrent  à  la 
fois  le  rad.  rap  du  la  t.  rapio,  mêmes  sens,  et  le  sanscrit 
védique  rabh;  et  que  la  même  conclusion  ressort  du 
rapport  des  dérivés  gr.  asXX-a,  tempête,  lat.  capell-a, 
chèvre,  etc.,  auprès  des  primitifs  àrip,  air,  vent;  caper, 
chèvre  ou  bouc,  etc. 

Une  circonstance  dont  il  convient  aussi  de  tenir  compte, 
c'est  que  les  enfants  qui  commencent  à  parler  substituent 
tous  /  à  r.  Ce  fait,  rapproché  du  lambdacisme  des  adultes 
dont  les  organes  vocaux  sont  défectueux,  indique  que  le 
son  l  est  l'état  faible  du  son  r  et  qu'il  a  dû  se  produire 
dans  les  mêmes  circonstances  qui  ont  provoqué  au  cours 
de  l'évolution  phonétique  du  langage  l'affaiblissement  des 
autres  sons  voyelles  ou  consonnes. 

Les  observations  étymologiques  auxquelles  donnent  lieu 
les  langues  indo-européennes  de  première  formation,  comme 
le  sanscrit,  le  grec,  le  latin,  etc.,  tendent  à  prouver  que  / 
(comme  r)  n'était  jamais  initial  à  l'origine  et  que,  quand  il 
apparaît  comme  tel,  c'est  que  le  mot  dont  il  fait  partie  a 
laissé  tomber  sa  véritable  initiale. 

C'est  ainsi  qu'en  grec  les  radicaux  xXstt  de  xXsTctw, 
prendre,  yXauaa  de  yXauaa-w,  briller,  voir,  etc.,  indi- 
quent que  les  rad.  Xa6  et  Xsuaa,  mêmes  sens,  ont  perdu 
une  gutturale  qui  précédait  jadis  la  liquide. 

Dansla  transition  du  latin  aux  langues  romanes,  on  cons- 
tate encore  un  certain  nombre  de  phénomènes  de  lambda- 
cisme comme  le  frânqaiis pèlerin^  auprès  du  lat.  peregrinuSj 
étranger,  voyageur.  Mais  la  modification  la  plus  fréquente 
qu^ait  subie  dans  notre  langue  le  son  /  est  celle  qui  a  pour  effet 


de  le  mouiller;  elle  résulte  de  l'influence  d'un  i  qui  ac- 
compagnait autrefois  la  liquide,  comme  on  le  voit  par  nos 
mots  paille,  ital.  paglia,  du  lat.  palea,  d'oiipalia,  même 
sens;  maille,  ital.  maglia,  même  sens;  taille,  ital.  ta- 
glia,  m.  s.;  merveille,  ital.  maraviglia,  m.  s.;  piller, 
ital.  pigliare,  m.  s.  ;  fille,  ital.  figlia,  du  lat.  fllia,  m. s.  ; 
feuille,  ital.  foglia,  cf.  lat.  folium,  m.  s.;  mouiller, 
lat.  mollir e,  m.  s.,  etc. 

Une  autre  altération  plus  accusée  et  commune  à  l'italien 
et  à  certains  patois  français  consiste  dans  la  substitution 
de  la  voyelle  i  au  /  quand  celui-ci  est  le  terme  final  d'un 
groupe  de  consonnes.  Exemples  :  ital,  bianco,  patois  fr.- 
comtois  bian,  fr.  blanc;  ital.  ghiauda,  pat.  fr.-c.  gian, 
fr.  gland;  ital.  piombo,  pat.  fr.-c.  pion,  ïv, plomb,  etc. 
Ici,  comme  pour  le  lambdacisme,  on  a  affaire  à  un  affaiblis- 
sement qu'indique  comme  tel  la  prononciation  enfantine  qui 
modifie  souvent  de  cette  façon  les  mots  français  où  se  ren- 
contrent les  groupes  qui  lui  donnent  l'occasion  de  se  pro- 
duire. Paul  Regnaud. 

IL  Paléographie.  —  La  lettre  L  de  l'alphabet  latin 
n'est  autre  que  le  XàpiSSa  grec,  mais  antérieur  à  l'époque 
où  il  a  affecté  la  forme  ou  plutôt  la  disposition  qu'on  lui 
voit  dans  les  inscriptions  de  l'époque  .classique  (A).  Le 
Xà{jL6Ba  grec  avait  été  emprunté  lui-même  au  caractère  de 
l'alphabet  phénicien  nommé  lamed  (aiguillon),  qui  avait 
la  même  valeur,  et  celui-ci  à  son  tour  dérive,  à  n'en  pas 
douter,  d'un  signe  de  l'écriture  hiératique  des  Egyptiens. 
Un  coup  d'œil  sur  notre  tableau  1  suffijl  à  rendre  compte 
de  cette  dérivation. 

Fixée  de  bonne  heure  dans  la  forme  qu'elle  a  affectée 
dans  les  inscriptions  latines  classiques,  la  lettre  L  s'est 
perpétuée  sans  beaucoup  de  changements,  à  travers  le 
moyen  âge  jusqu'à  nos  jours,  du  moins  pour  l'écriture 
capitale.  Il  y  faut  observer  seulement  que  dans  l'écriture 
capitale  de  beaucoup  de  très  anciens  manuscrits,  le  trait 
horizontal  est  fréquemment  très  court,  souvent  à  peine 
indiqué,  et  que  ce  n'est  qu'à  partir  du  vii^  ou  du  vin«  siècle 
qu'il  reprend  une  importance  toujours  plus  grande  et  qui 
s'exagère  jusqu'à  l'époque  gothique.  Dans  la  cursive  (graf- 
fiti, tablettes  de  cire),  ce  trait  est  souvent  tout  à  fait  sup- 
primé et  la  lettre  se  trouve  à  peu  près  réduite  à  un  trait 
vertical  ou  légèrement  incliné  à  droite  ;  elle  ne  se  dis- 
tingue de  Xi  que  parce  qu'elle  dépasse  ordinairement  de 
beaucoup  le  niveau  des  autres  lettres.  Dans  la  cursive  des 
manuscrits  et  des  actes,  une  ligature,  qui  joint  le  haut  de 


L 


676  - 


ce  trait  à  la  lettre  qui  précède,  forme  souvent]  une  panse  1  chancellerie,  elle  s'est  transmise  à  la  cursive  des  diplômes 
supérieure  ;  on  la  trouve  déjà  dans  l'écriture  romaine  de  |  mérovingiens,  se  retrouve  dans  les  cursives  du  moyen  âge^ 


4.  ORIGINE  ET  DERIVATION  DE  L'L  LATIN 

MimX'tiqae' 

ù 

C^tecC^hnim 

ùioÛbùûj^ 

C^aSc^mv 

COccmxÀqtiù 

j^ 

L    l 

V  U 

V 

V 

a  passé  dans  la  bâtarde  et  s'est  perpétuée  jusqu'à  nos  jours.   1   se  placent  les  formes  intermédiaires  de  l'onciale,  delà 
Entre  ces  deux  formes,  de  la  capitale  et  de  la  cursive,   |  demi-onciale  et  de  la  minuscule.  Elles  ne  présentent  pour 

2.  ÉCRITURES  DE  LA  PREMIÈRE  PÉRIODE  DU  MOYEN  AGE 


Écritures  antiques. 


V^  siècle . 


Vl^  siècle. 


VII^  siècle. 


VHP  siècle  . 


IX^  siècle. 


X^  siècle , 


XI«  siècle. 


L 

l 
L 
L 


ii^ 


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Ll 


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l 


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l 
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i 


la  lettre  L  rien  de  particulièrement  caractéristique.  Dans 
l'onciale,  conformément  à  la  loi  constante  de  cette  écriture, 
la  barre  inférieure  horizontale  s'est  arrondie,  de  manière 


à  pouvoir  être  tracée  du  même  trait  de  plume  que  la  barre 
verticale,  lais  fréquemment  aussi  les  formes  de  la  capi- 
tale, et  spécialement  de  la  capitale  rustique,  se  retrouvent 


—  677  — 
3.  ÉCRITURES  GOTHIQUES 


JIÏOM^^ 


Xll^  siècle . 


Xm«  siècle. 


XIV^  siècle. 


XV«  siècle . 


t 


h 


"ùceau^ 


M^mÀidcuïn 


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IL 

2) 


ï 


CwcéWjQ/ 


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ÉCRITURES  MODERNES 


^Uûaût&ique^ 

J^jyWUKJiAM/ 

JiaEUjue 

JùaXaxD^ 

i 

1 

/ 

S. 

e 

5.  ECRITURES  DITES  NATIONALES 


MéroYingienne . . . , 


Lombarde. 


Visigothique. 


Irlandaise. 


Anglo-saxonne .... 


C<xf\kmj^^ 

OviCMM^ 

Cwcôwe^ 

MmuécuSe- 

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1 

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v 

L  —  LAAS 


678 


dans  des  manuscrits  en  onciale.  Cette  courbe,  dégénéres- 
cence de  l'ancienne  barre  horizontale,  s'est  souvent  atté- 
nuée en  un  léger  trait  incurvé,  dans  l'onciale,  surtout 
dans  la  semi-onciale,  et  plus  généralement  dans  la  mi- 
nuscule. La  lettre  l  n'a  pas  de  forme  particulière  dans 
les  écritures  dites  nationales  et  n'est  pas  l'un  des  carac- 
tères qui  peuvent  servir  à  les  distinguer.  **^. 

LA.  Sixième  degré  de  la  gamme  d'ut  majeur,  premier 
de  la  gamme  mineure  dans  le  système  guidonien  ;  c'est  à 
ce  titre  qu'elle  est  représentée  par  la  lettre  A  dans  la  no- 
tation par  lettres. 

Lorsqu'on  a  voulu  en  France  fixer  la  hauteur  du  dia- 
pason, on  a  choisi  comme  note  type  le  la  aigu  de  870  vi- 
brations à  la  seconde  ;  de  là  l'expression  de  donner  le  /a, 
pour  donner  le  ton  et  la  hauteur  du  ton.  En  Italie,  c'est 
Vut  aigu  qui  est  la  note  type  du  diapason  (V.  Diapason). 
LA  A.  Ville  d'Autriche,  prov.  de  Basse-Autriche,  sur  la 
Thaya;  2,700  hab.  Défaites  infligées  aux  Bohémiens  par 
les  Autrichiens  en  1240  et  4332,  aux  Autrichiens  par  les 
Français  le  7  juil.  4809. 

LAA-MoNDRANs.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr. 
d'Orthez,  cant.  de  Lagor;  303  hab. 

LAACH  (Lac  de).  Lac  de  Prusse,  distr.  de  Coblenlz,  au 
centre  de  FEifel,  à  284  m.  d'alt.  Long  de  4,964  m.,  large 
de  4,486,  profond  de  57,  il  occupe  un  ancien  cratère  ; 
il  serait  sans  écoulement  si  au  xii^  siècle  on  ne  lui  avait 
creusé  un  déversoir.  A  l'O.  du  lac  sont  les  ruines  de  l'ab- 
baye bénédictins  de  Laach  (Lacensis)  fondée  en  4093. 
i^'église  est  le  plus  beau  monument  en  style  roman  de  la 
région  rhénane  ;  ses  six  tours,  sa  façade,  son  transept  du 
xiii®  siècle  sont  très  admirés. 
BiBL.  :  Wegeler,  Das  Kloster  Laach  ;  Bonn,  1854. 
LAA6EN.  Nom  de  deux  cours  d'eau  de  la  Norvège  mé- 
ridionale :  le  Laagen  de  Numedal,  né  dans  les  monts  Har- 
danger,  parcourt  Tétroite  vallée  de  Nume,  arrose  Kongsberg, 
s'étale  en  plusieurs  lacs,  descend  plusieurs  cascades  dont  la 
plus  connue  est  celle  de  Labrofo  et  finit  près  de  Lauwik  ; 
il  a  300  kil.  de  long.  —  Le  Laagen  de  Gudbrand  ou 
Lougen,  affl.  du  Glommen,  sort  du  lac  Lessœ-Verks-Vand, 
parcourt  la  vallée  de  Gudbrand,  forme  les  lacs  Lœsna-Vand 
et  Mjœsen,  au  sortir  duquel  il  prend  le  nom  de  Vormen  ; 
il  a  322  kil.  de  long. 

LAALAND  ou  LOLLAND.  Géographie.  —  lie  du  Da- 
nemark (V.  cet  art.). 

Histoire.  — Partiellement  occupée  par  les  Vendes,  avant 
la  formation  du  Danemark,  elle  servit  ensuite  plusieurs 
fois  d'apanage  à  des  princes  de  la  maison  royale. 

LA  A  LE  ou  LOLLE  (Peder),  écrivain  danois  du  moyen 
âge,  dont  on  ignore  entièrement  la  vie.  Il  a  laissé  un  recueil 
de  4,200  sentences  latines,  en  vers  léonins,  classées  al- 
phabétiquement et  rendues,  ligne  à  ligne,  par  des  sen- 
tences danoises  correspondantes.  Cet  ouvrage  n'était  pas 
destiné  à  nous  conserver  de  vieux  dictons  danois  ou  latins  ; 
c'était  simplement  un  manuel  pour  enseigner  le  latin  aux 
écoliers,  un  fort  médiocre  latin,  à  vrai  dire,  et  tellement 
rempli  de  gallicismes  qu'on  a  pu  supposer  que  l'auteur 
avait  passé  à  Paris  une  partie  de  sa  jeunesse.  Le  manus- 
crit avec  version  danoise  a  disparu  et  on  ne  possède  qu'un 
seul  exemplaire  de  la  première  édition,  imprimée  à  Co- 
penhague en  4506  par  les  soins  des  professeurs  de  l'uni- 
versité. Elle  porte  comnje  titre  les  mots:  Incipit  iustissi- 
mus  legifer  etdivinarum  virtutum  optimus  prœceptor 
Petrus  Laale  Danorum  lux.  Une  deuxième  édition  fut 
publiée  à  Paris,  en  4545,  par  Christian  Pedersen  [Pétri 
Laglandici  Parabole).  Depuis  lors  ce  recueil,  fort 
curieux  et  l'un  des  premiers  de  son  genre,  a  été  édité 
nombre  de  fois.  Il  existe  à  Lpsal  un  manuscrit  avec  ver- 
sion suédoise  plus  ancienne  que  la  danoise  à  en  juger  par 
la  langue.  Th.  Cart. 

BiBL.  :R.  NvERUP,  Reproduction  de  Tédition  originale 
avec  notes  explicatives;  Copenhague,  1828.  —  A.  Kock, 
Œstnord.  och  laiinska  medeltidsordspràh  ;  Copenhague, 
1889  et  suiv. 

LAAR,  LAER  (Pieter  Van),  surnommé  en  itahen  Bam- 


boccio,  en  français  Bamboche,  en  hollandais  Bambotz, 
Bambots,  peintre  et  graveur  hollandais,  né  à  Haarlem  le 
43  juil.  4582,  mort  à  Haarlem  le  30  juin  4642.  Ces  dates 
encore  discutées  se  trouvent  au  bas  de  son  portrait  gravé 
par  C.  Van  den  Berg.  Il  était  le  plus  jeune  des  fils  de  Ja- 
cob VanLaar,  commerçant  aisé  de  Haarlem,  et  se  mit  pro- 
JDablement  assez  tard  à  étudier  la  peinture.  Il  séjourna,  on 
ignore  combien  de  temps,  en  France  et  en  Autriche,  puis 
s'établit  à  Rome  au  printemps  de  4624.  Très  contrefait, 
le  nez  long,  le  torse  court  avec  des  jambes  démesurées,  il 
fut  baptisé  Bamboccio  (poupée  de  chiffons)  par  les  artistes 
hollandais  de  Rome,  à  son  dîner  de  réception.  Ses  tableau- 
tins eurent  un  grand  succès  auprès  des  nobles  amateurs. 
Claude  Lorrain  et  Sandrart  furent  ses  amis  intimes.  En 
4639,  il  revint  dans  sa  ville  natale;  très  choyé  d'abord, 
il  mourut  quelques  années  après,  peut-être  en  partie  du 
chagrin  d'avoir  été  supplanté  par  le  jeune  et  brillant  Ph. 
Wouwermans.  Ses  «  bambochades  »,  nom  qu'on  a  donné 
longtemps,  après  lui,  aux  tableaux  île  genre,  avaient  pour 
sujets  des  fêtes  champêtres,  noces  de  village,  haltes  de  chasse, 
foires,  tabagies  ;  pour  personnages,  des  gens  de  toute  classe, 
cavaliers  courtisant  des  servantes,  maréchaux  ferrants,  mu- 
letiers, valets,  goujats,  aventuriers  et  voleurs,  sa"Tis  comp- 
ter les  animaux  de  tout  genre.  Les  embuscades,  les  attaques 
de  voleurs  lui  ont  donné  maintes  fois  l'occasion  de  montrer 
son  sens  du  pittoresque,  du  mouvement  et  de  la  vie.  Mais, 
partout  et  toujours,  dans  ses  vingt  eaux-fortes  comme  dans 
ses  tableaux  de  quelques  pouces,  par  la  justesse  et  le  nerf 
du  dessin,  parla  connaissance  des  lois  de  la  lumière  en 
plein  air  et  dans  les  intérieurs,  il  mérite  d'être  placé  à  peu 
près  aussi  haut  que  les  Van  Ostade  et  les  Karel  Dujardin. 
On  a  comparé  ses  peintures  à  «  des  fenêtres  ouvertes  à 
travers  lesquelles  on  voyait  la  réalité  sans  aucun  change- 
ment ».  L'éloge  semblerait  encore  mieux  mérité,  si  l'ac- 
cumulation des  vieux  vernis  n'avait  fortement  atténué  la 
fraîcheur  primitive  des  tons  et  la  fine  lumière  des  ciels. 
Il  a  eu  de  nombreux  imitateurs  :  Jan  Miel,  Jan  Ossen- 
beeck,  les  frères  Both  (dans  leurs  tableaux  de  genre),  Tho- 
mas Wyck,  qui  fut  son  élève.  —  Par  un  hasard  singulier, 
pas  un  seul  de  ses  ouvrages  n'existe  en  Hollande.  On  en 
trouve  dans  les  galeries  particulières  d'Angleterre,  d'Alle- 
magne, etc.,  et  dans  les  musées  publics:  2  au  Louvre; 
2  à  Vienne  ;  4  à  Munich  ;  4  à  Dresde  ;  8  à  Florence,  parmi 
lesquels  son  portrait  par  lui-même.  Il  signait  P.-D.  Laer 
et  quelquefois  Bambots.  E.  Durand-Gréville. 

BiBL.:  Passeri,  Vitedei  Pittori;  Rome,  1772.  —  San- 
drart, Teutsche  Académie.  —  Charles  Blanc,  Histoire 
des  peintres,  Ecole  hollandaise.  —  E.-W.  Moes,  Êen  te 
weinig  opgemerkte  hron  voor  het  leven  van  Pieter  van 
Laer  {Une  Source  trop  peu  remarquée  pour  la  vie  de  P.  Van 
Laer),  dans  Oud-Holland,  12«  année,  2»  livraison. 

LAARBA.  Tribu  d'Algérie  (V.  Larbaa). 

LAAS,  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  et  cant.  de  Mirande  ; 
485  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  du  Midi,  ligne  d'Agen  à 
Tarbes. 

LAAS.  Com.  du  dép.  du  Loiret,  arr.  et  cant.  de  Pithi- 
viers;  258  hab. 

LAAS.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  d'Or- 
thez, cant.  de  Sauveterre  ;  500  hab. 

LAAS  (Ernst),  philosophe  allemand  contemporain,  né 
à  Furstenwalde,  près  de  Berlin,  le  46  juin  4837,  mort  à 
Strasbourg  le  25  août  4885.  C'est  à  l'université  de  Stras- 
bourg qu'il  occupa  une  chaire  de  philosophie  depuis  4  872  jus- 
qu'à sa  mort.  Son  premier  ouvrage  important,  Kants  Analo- 
gien  der  Erfahrung  (Berlin,  4876,  in-8),  est  à  la  fois 
une  critique  du  kantisme  et  l'exposé  d'une  métaphysique 
dynamiste.  Mais  bientôt  Laas  se  tourna  du  côté  du  positi- 
visme dont  il  a  été  en  Allemagne  le  principal  représentant. 
Il  exposa  sa  nouvelle  philosophie  dans  un  Quvrage  con- 
sidérable,/t^^a/z>mws  und Positivismus,!''^  partie,  AUge- 
meiner  u.  grundlegender  Theil  (Berlin,  4879,  in-8); 
11''^  part.,  Idealist.  u.  positivist.  Ethik  (Berlin,  4882, 
in-8);  IIP  part.,  Idealist.  u.  positivist,  Erkenntniss- 
théorie  (Berlin,  4884,  in-8).  Un  recueil  d'essais  posthumes 


{Litterarischer  Nachlass^  herausg.  von  B,  Kerry 
(Vienne,  4887,  in-8),  contient  entre  autres  un  essai  de 
morale  positive.  Le  positivisme  de  l.aas  est  plus  voisin  de 
celui  de  Stuart  Mill  que  de  celui  de  Comte.  Il  repose  sur 
la  théorie  de  la  connaissance  dont  Comte  ne  s'était  guère 
préoccupé.  Suivant  Laas,  il  n'y  a  de  science  véritable  que 
celle  des  faits,  c.-à-d.  des  perceptions  internes  et  externes. 
L'objet  n'est  connu  que  comme  contenu  de  la  conscience, 
et  le  sujet  n'est  que  le  centre  de  relation  des  objets.  Les 
concepts  sont  d'origine  sensible,  mais  leur  objectivité  re- 
pose sur  la  permanence  de  certains  phénomènes  indé- 
pendants de  notre  sensibilité.  La  nature  extérieure  n'est 
que  la  somme  des  possibilités  de  perception;  toute  expli- 
cation transcendante  en  est  illusoire  et  inatile.  La  mo- 
rale est  une  science  de  faits;  sa  fonction  est  de  nous  re- 
tracer le  processus  psychologique  et  historique  des  notions 
morales  et  de  fortifier  par  là  même  ces  notions.  Th.  R. 

LABA.  Rivière  de  Russie  (Caucasie),  gouv.  de  Koutaïs, 
afïL  du  Kouban,  formé  par  la  réunion  de  deux  rivières  du 
N.  du  Caucase,  la  Grande  (120  kil.),  et  la  Petite  Laba 
(84  kil.)  ;  elle  a  460  kil.  La  Laba  inonde  fréquemment  sa 
rive  gauche  qui  est  marécageuse  et  malsaine. 

LABACCO  ou  ABACO  (Antonio  dall'),  ou  LABACO,  ar- 
chitecte florentin  du  xvi«  siccle.  Elève  d'Antonio  de  San 
Galloetdo  Bramante,  il  paraît  n'avoir  pas  beaucoup  travaillé 
comme  architecte.  On  lui  attribue  le  portail  en  travertin  du 
palais  Sciarra  à  Rome.  Son  véritable  mérite  a  été  celui  de 
recueillir  et  de  publier  une  collection  des  plans  et  des  des- 
sins des  anciens  édifices  de  Rome  {Libro...  apparteaente 
a  VA  rchitettura  sulqual  si  figurano  alcune  notabili  An- 
tichitàdi  Roma;  Rome,  'loo8,in-fol.,fig.,  souv.  réimpr.). 

LABAOIE  (Louis-Augustin  de)  (V.  Badie  [La]). 

LABADIE  (Jean  de),  mystique  français,  né  à  Bourg 
(Guyenne)  le  43  févr.  4610,  mort  à  Altona  le  13  févr. 
4674.  Attiré  parles  exercices  de  piété  des  jésuites,  il  se 
fit  recevoir  dans  la  Compagnie  à  l'âge  de  seize  ans,  malgré 
sa  famille  qui  appartenait  à  la  noblesse  de  robe.  Puis  la 
lecture  de  saint  Bernard,  de  saint  Augustin  et  de  la  Bible 
le  détacha  des  jésuites  ;  il  demanda  et  obtint  sa  démission 
en  avr.  4639.  Il  prêcha  alors  en  Guyenne,  à  Paris,  à 
Amiens,  où  il  fut  nommé  chanoine  et  théologal  en  4640  ; 
mais  il  devint  bientôt  suspect.  En  oct.  4650,  il  se  fit  rece- 
voir à  Montauban  dans  l'EgHse  réformée,  sans  y  trouver 
l'idéal  qu'il  cherchait.  En  route  pour  l'Angleterre,  il  fut 
retenu  à  Genève  en  4659,  et  y  exerça,  par  ses  prédications 
très  goûtées,  une  grande  attraction  sur  la  jeunesse.  L'Eglise 
wallonne  de  Middelburg  (Hollande)  l'appela  en466H  ;  mais, 
dès  4668,  sa  polémique  contre  un  collègue  qu'il  accusait 
de  rationalisme  le  fit  déposer.  Il  forma  une  communauté 
séparée  à  Veere,  puis  à  Amsterdam  ;  mais  on  ne  tolérait 
pas  les  congrégations  non  officielles  au  xvu^  siècle,  Laba- 
die  dut  fuir  en  4670  avec  une  cinquantaine  d'adhérents, 
d'abord  à  Herford  (Westphalie),  puis  à  Altona  en  4672  où 
il  mourut.  En  4675,  les  labadistes  revinrent  en  Hollande  et 
s'établirent  au  nombre  de  cent  soixante  deux  au  château  de 
Waltha  (prèsde  Wiewert,  Frise  occidentale).  Là  ils  atteigni- 
rent l'apogée  de  leur  existence  entre  4675  et  4690,  sous  la 
direction  de  Pierre  Yvon  de  Montauban  (4646-4707).  Ils 
furent  enfin  respectés  et  exercèrent  une  influence  vivifiante 
autour  d'eux.  Ils  pratiquaient  le  communisme;  tous  por- 
taient un  costume  pareil  ;  on  mangeait  à  des  tables  com- 
munes; ils  fabriquaient  du  drap,  qui  perpétue  encore  en 
Hollande  leur  nom,  du  savon  et  des  articles  de  fer.  En  doc- 
trine, ils  insistaient  sur  l'action  immédiate  du  Saint-Esprit 
dans  le  coeur  des  élus  et  voulaient  que  rEglisefùt  une  com- 
munauté de  régénérés.  Deux  essais  de  colonisation  à  Suri- 
nam (4680-88)  et  dans  l'Etat  de  New  York  échouèrent.  Vers 
la  fin  du  XVII®  siècle,  la  décadence  commença  et  fut  rapide; 
les  labadistes  disparurent  en  4744.         F.-H.  Kruger. 

BiBL.  :  H,  liERKUM,  Labadie  en  de  Labadisten  ;  Sneek, 
1851.  -—  H.  Heppe,  Geschichte  des  Pielismus  der  reform. 
Kirche^  namentl  der  Niederlande;  Leyde,  1875,  pp.  241- 
374.  —  A.  RiTscHL,  Geschichte  des  Pie'tisynus  in  der  re- 
form. Kirche;  Bonn,  1880,  pp.  194-284. 


679  —  LAAS  —  LA  BARRE 

LABADIÉ  (Alexandre),  homme  politique  français,  né  à 
Lézignan  (Aude)  le  1 2  avr.  4814,  mort  à  Marseille  le  2  janv. 
4892.  Etabli  depuis  l'âge  de  vingt  ans  à  Marseille,  où  il 
se  fit  une  position  importante  dans  le  commerce,  il  se  si- 
gnala par  son  opposition  à  l'Empire.  Appelé,  le  4  sept. 
4870,  à  la  préfecture  des  Bouches-du-Rhône,  il  lutta  plus 
tard  énergiquement  contre  l'Ordre  moral  (4873-74),  fut 
envoyé  à  la  Chambre  des  députés,  le  20  févr.  4876,  par  la 
^^  circonscription  d'Aix,  fit  partie  des  363  après  le  46  mai 
(4877),  obtint  le  renouvellement  de  son  mandat  aux  élec- 
tions générales  du  44  oct.  -1877  et  vota  constamment  avec 
la  gauche  républicaine.  Les  élections  du  24  août  4884  lui 
furent  défavorables  et  il  resta  dès  lors  dans  la  vie  privée. 

LABADISTES  (V.  Labadie  [Jean  de]). 

LABALME.  Corn,  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Nantua, 
cant.  de  Poncin  ;  297  hab. 

LA  BALUE  (Jean)  (V.  Balue). 

LABAN  (V.  Jacob). 

LABAND  (Paul),  juriste  allemand,  né  à  Bresîau  le 
24  mai  1838.  Professeur  aux  universités  de  Kœnigsberg 
(4866)  et  de  Strasbourg  (1872),  ses  principaux  ouvrages 
sont  :  Die  vermœgensrechtlichen  Klagen  nach  den 
sœchsischen  Rechtsquelle7i  des  Mittelalters  (Kœnigsberg, 
4869);  Das  Budgetrecht  nach  den  Bestimmungen  der 
preiissischen  Verfassimgsurkunde  (Berlin,  4814);  Das 
Staatsrecht  des  deutschen  Reichs  (Tubingue,  4876-82, 
3  vol.).  Il  publie  avec  Stœrk  (depuis  1886):  Archiu  fur 
œffent  lie  fies  Recht.  C'est  un  des  maîtres  les  plus  origi- 
naux dans  le  domaine  du  droit  germanique. 

LABAN OV  DE  RosTov  (V.  Lobanov  de  Rostov). 

LABARBEN.  Corn,  du  dép.  des  Bouches-du-Rhône,  arr. 
d'Aix,  cant.  de  Salon;  275  hab. 

LA  BARBINAIS  (Le  Gentil  de),  voyageur  français, 
né  à  Saint-Malo.  C'est  le  premier  Français  qui  fit  un 
voyage  autour  du  monde  (474  4-24).  Il  en  a  écrit  la  rela- 
tion :  Nouveau  Voyage  autour  du  monde ^  avec  une 
Description  de  la  Chine  (Paris,  4723-27,  3  vol.  in-42  ; 
plus,  éd.). 

LABARDE.  Corn,  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Bor- 
deaux, cant.  de^Castelnau-de-Médoc  ;  486  hab. 

LABAROLLIÈRE  (Jacques-Marguerite  Pilotte,  baron 
de),  général  français,  né  à  Lunéville  le  22  nov.  4742,  mort 
à  Nîmes  le  4^^  déc.  4827.  Entré  au  service  à  seize  ans,  il 
était  lieutenant-colonel  en  4789.  Nommé  colonel  le  25  juil. 
n94,  il  fut  promu  maréchal  de  camp  (6  déc.  4792)  pour 
sa  brillante  conduite  à  Valmy,  devint  général  le  6  mai 
1793  et  fut  peu  après  envoyé  dans  la  Vendée.  Battu  par 
La  Rochejacqueiein  à  Martigné-Briand  (45-47  juil.  4793), 
il  fut  emprisonné,  commanda  plus  tard  la  division  mili- 
taire de  Rennes  (4795-96),  fut  mis  à  la  retraite  en  4802  et, 
sous  l'Empire,  obtint  la  recette  générale  du  dép.  du  Gard. 

LABARRE  (Pierre)  (V.  Barrière  [Pierre]). 

LABARRE  (Michel  de),  flûtiste  et  compositeur  français, 
né  à  Paris  en  1675,  mort  à  Paris  en  4743.  II  fit  repré- 
senter à  l'Opéra  le  46  mai  4700  un  ballet  en  cinq  entrées, 
le  Triomphe  des  arts,  et,  le  26  mai  4705,  une  comédie- 
ballet  en  trois  actes  et  prologue,  la  Vénitienne,  dont  le 
troisième  acte  fut  introduit  en  4714  dans  les  Nouveaux 
Fragments  de  Lully,  et  en  4  766  dans  le  Ballet  sans 
titre.  Labarre  a  publié  trois  livres  de  Pièces  en  trio  pour 
les  violons,  flûtes  et  hautbois,  huit  livres  de  Pièces  à  deux 
flûtes  et  un  Recueil  d'airs  à  boire  à  deux  parties, 

LA  BARRE  (Jean-François  Le  Fèvre,  chevalier  de),  né 
en  4747  à  Abbeville,  oii  il  fut  supplicié  le  4^"^  juil.  1766. 
Sa  famille  était  d'illustration  récente.  Elle  ne  se  rattachait 
à  la  famille  d'Ormesson,  malgré  l'identité  du  nom  patro- 
nymique, que  par  une  seule  alliance,  celle  de  sa  tante, 
Jeanne  Le  Fèvre  de  La  Barre  (quoi  qu'en  dise  une  note 
des  OFMures  complètes  de  Voltaire,  Paris,  4885).  Son 
grand-père  (Antoine)  avait  été  lieutenant  général  des  armées 
du  roi  et  gouverneur  du  Canada  sous  Louis  XIV.  Son  père 
mena  une  vie  dissipée  et  se  ruina  entièrement.  Il  fut  r  - 
cueilli  par  une  autre  de  ses  tantes,  M^^  de  Brou,  ab!    .-«: 


LA  BARRE  —  LABARTE 


-  680 


de  Villencourt  (et  non  Viliancourt),  à  l'âge  de  dix-sept  ans. 
Il  logeait  près  de  l'abbaye,  mais  il  y  était  souvent  reçu  et 
y  portait  la  gaieté.  Il  recevait  chez  lui  bonne  et  agréable 
compagnie.  Cependant  il  ne  négligeait  pas  son  avenir  ;  il 
avait  fait  de  grands  progrès  en  dessin  et  en  mathématiques, 
lu  et  annoté  de  sa  main  un  grand  nombre  d'écrivains  mili- 
taires anciens  et  modernes.  Il  serait  devenu  sans  doute  un 
excellent  officier  (sa  tante  espérait  lui  obtenir  une  compa- 
gnie de  cavalerie),  lorsque  la  barbarie  du  fanatisme  reli- 
gieux, la  rigueur  des  lois  pénales,  l'esprit  de  méchanceté 
et  de  délation  qui  distingue  si  malheureusement  les  petites 
villes  lui  valurent  une  fin  tragique,  à  laquelle  il  doit  toute 
sa  célébrité.  Un  vieux  juge  d'élection,  Duval  de  Saucourt, 
avait  été  à  sa  grande  honte  exclu  de  la  société  de  M^^*^  de 
Brou,  à  laquelle  il  avait  eu  l'impudence  de  «  déclarer  sa 
flamme  »  ;  il  était  entré  aussi  en  compétition  d'intérêt  avec 
l'abbesse.  Enfin,  il  s'était  vu  en  butte  aux  railleries  et  aux 
insultes  du  chevalier.  Il  se  mit  à  espionner  sa  conduite.  11 
nota  qu'en  juil.  1765,  accompagné  du  jeune  d'Etallonde 
de  Morival,  La  Barre  avait  passé  devant  une  procession 
sans  se  découvrir.  Le  9  août  de  la  même  année,  une  croix 
de  bois  posée  sur  le  Pont-Neuf  d'Abbeville  fut  mutilée. 
L'évêque  d'Amiens,  de  La  Motte  d'Orléans,  publia  en  con- 
séquence un  monitoire  (V.  ce  mot).  Duval  s'empressa 
d'accuser  son  jeune  ennemi.  Il  appuya  sa  dénonciation  sur 
le  fait  de  la  procession  non  saluée  ;  il  mentionna  aussi 
que  La  Barre  avait,  à  la  fin  d'un  souper,  chanté  des  chan- 
sons contraires  à  la  religion.  Entouré  de  prétendus  témoins 
fanatisés  ou  intimidés,  il  obligea  la  sénéchaussée  d'Abbe- 
ville  à  recevoir  sa  déposition.  Chose  inconcevable  !  Son 
propre  fils  ayant  été  cité  parmi  les  compagnons  et  les 
complices  du  chevalier,  il  le  fit  évader  et  n'en  poursuivit 
pas  moins  ses  attaques.  La  Barre  et  d'Etallonde  furent 
condamnés  à  avoir  la  langue  et  la  main  droite  coupées  et  à 
être  ensuite  brûlés  vifs.  D'Etallonde  s'échappa  et  alla  servir 
le  roi  de  Prusse.  La  Barre  avait  fait  appel  au  parlement 
de  Paris  qui  émenda  la  sentence  du  premier  juge  (28  févr. 
4  766)  en  ordonnant  que  le  coupable  serait  décapité  avant 
d'être  livré  aux  flammes  (arrêt  du  5  juin  1766).  Cet 
enfant  fut  d'abord  appliqué  à  la  torture  par  le  brodequin. 
Il  s'évanouit,  puis,  rappelé  à  lui,  déclara  sans  se  plaindre 
qu'il  n'avait  pas  de  complices.  Il  fut  ensuite  conduit  au 
lieu  du  supplice,  dans  un  tombereau,  avec  un  écriteau 
portant:  Im,pie^  blasphémateur^  sacrilège  abominable 
et  exécrable.  «  On  lui  donna,  dit  Voltaire,  pour  confes- 
seur et  pour  assistant  un  dominicain  ami  de  sa  tante 
l'abbesse,  avec  lequel  il  avait  souvent  soupe  dans  le  cou- 
vent. Le  bon  homme  pleurait,  et  le  chevalier  le  consolait. 
On  leur  servit  à  dîner,  le  dominicain  ne  pouvait  manger. 
Prenons  un  peu  de  nourriture,  lui  dit  le  chevalier,  vous 
aurez  besoin  de  force  autant  que  moi  pour  soutenir  le  spec- 
tacle que  je  vais  donner...  Il  monta  surl'échafaud  avec  un 
courage  tranquille,  sans  plainte,  sans  colère  et  sans  osten- 
tation. Tout  ce  qu'il  dit  au  religieux  qui  l'assistait  se  ré- 
duit à  ces  paroles  :  Je  ne  croyais  pas  qu'on  pût  faire  mourir 
un  jeune  gentilhomme  pour  si  peu  de  chose.  »  (Relation 
de  la  mort  du  chevalier  de  La  Barre ^  par  M.  de  Casen. . . 
[pseudonyme  de  Voltaire].) 

Voltaire  fit  les  plus  grands  efi'orts  (d'ailleurs  inutiles) 
pour  obtenir  la  réhabilitation  de  la  mémoire  du  cheva- 
lier de  La  Barre  et  la  revision  du  procès  de  d'Etallonde. 
En  1791,  quand  les  cendres  du  philosophe  furent  triom- 
phalement portées  au  Panthéon,  le  Théâtre-Italien  donna 
le  6  juil.  une  pièce  intitulée  le  Chevalier  de  La 
Barre^  par  Marsollier.  Le  sujet  était  trop  nu  et  trop 
horrible  pour  fixer  longtemps  le  public.  Le  25  brumaire 
an  II,  la  Convention,  sur  la  proposition  de  Lebon,  abolit 
les  jugements  des  28  févr.  et  5  juin  1766,  réhabi- 
hta  la  mémoire  de  La  Barre  et  d'Etallonde,  «  victimes  de 
la  superstition  et  de  l'ignorance  »,  autorisa  leurs  héritiers 
à  se  mettre  en  possession  des  biens  qui  pouvaient  leur 
appartenir,  ou,  en  cas  de  vente,  à  en  toucher  l'équivalent 
au  Trésor.  II.  Monin. 


iiiBL.  :  Voltaire,  Œuvres  complètes  ;  Paris,  1885,  in-8, 
I,  117,  118,  257  ;  VII,184;  XX,  458,  534  ;  XXV,  504-513,  547  ; 
XXÏX,  382;  XXX,  555  ;  XLIV,  312,  325,  329,  365,  379,  391 
395;  XLV,  199;  XLIX,  147,  150,  167,  210.  —  Recueil  in- 
téressant (anonyme)  sur  Vaffaire  de  la,  mutilation  du 
crucifix  d'Abbeville^  etG.\  Londres,  1776,  in-12.  — Procès 
du  chevalier  de  La  Barre  (anonyme)  ;  Hambourg,  1782, 
in-12.  ~  Moniteur  réimprimé^  IX,  78  ;  t.  XVIII,  pp.  424, 
438. 

LA  BARRE  ou  DE  LA  BARRE  (Eloy),  architecte  fran- 
çais, né  à  Ourscamps  (Oise)  le  17  août  1764,  mort  à  Paris 
le  20  mai  1833.  Elève  <ie  Baymond,  Antoine  et  Chalgrin, 
La  Barre  obtint  le  premier  prix  pour  la  colonne  de  la 
Grande-Armée  à  ériger  à  Boulogne-sur-Mer.  La  Barre  com- 
mença même  dès  1804  l'édification  de  cette  colonne  dont 
les  travaux,  bientôt  interrompus,  ne  furent  repris  que  sous 
le  règne  de  Louis  XVIII  et  terminés  seulement  en  1 841 
après  la  mort  de  La  Barre.  Cet  architecte  fit  aussi  élever 
à  Boulogne  la  salle  de  spectacle  détruite  par  un  incendie 
en  1854  et  fut  chargé,  de  1813  à  1833,  de  la  construc- 
tion de  la  Bourse  de  Paris,  dont  le  projet  avait  été  dressé 
par  Brongniart.  Il  fut  élu  à  l'Institut  en  1827,  en  rem- 
placement de  Thibaut  ;  dans  son  atelier  se  formèrent  quel- 
ques architectes  distingués.  Ch.  L. 

LABARRE  (Modeste  Gruau  de)  (V.  Gruau  de  La  Barre). 

LABARRE  (Théodore),  compositeur  français,  né  à  Paris 
le  5  mars  1805.  Elève  du  Conservatoire  (1817),  il  se  fit 
une  réputation  par  son  talent  sur  la  harpe,  pour  laquelle 
il  a  beaucoup  composé  ;  on  lui  doit  aussi  les  Deux  Familles 
(drame  lyrique,  3  actes,  1831)  ;  la  Révolte  au  sérail  (bal- 
let, 3  actes,  1833);  P  Aspirant  de  marine  (o^èrai-comique^ 
2  actes);  le  Ménétrier  (opéra-comique,  3  actes,  1845); 
Jovita  (ballet,  3  tableaux,  1853),  la  Fonti  (ballet,  3  ta- 
bleaux, 1855),  etc.  Il  aurait  collaboré  âla  Dame  Blanche 
(V.  Adam,  dans  Assemblée  nationale ,  iO  juil.  1848). 

LABARRE  (Louis),  publiciste  belge,  né  à  Binant  en  1810, 
mort  à  Ixelles  en  1892.  Il  prit  une  part  active  à  la  révo- 
lution de  sept.  1830  et  entra  dans  le  journalisme  radical. 
Il  écrivit  dans  le  Courrier  belge,  la  Bombe,  le  Charivari 
belge,  puis  dans  le  National  de  Paris,  et  défendit  ses  con- 
victions républicaines  avec  un  réel  talent  et  un  désinté- 
ressement absolu.  En  1848,  il  dirigea  à  Bruxelles  la  Nation 
qui,  pendant  huit  ans,  fut,  suivant  le  mot  de  Ledru-Rollin, 
la  tribune  de  la  proscription  européenne;  il  y  eut  pour 
collaborateurs  Mazzini,  Kossuth,  Lelewel,  V.  Hugo,  L. 
Blanc,  Charras,  Raspail,  etc.  Après  la  Nation  vint  le  Dra- 
peau,  qui  soutint  la  même  politique.  En  1858,  Labarre 
fut  condamné  par  la  cour  d'assises  du  Brabant  à  treize  mois 
de  prison  pour  avoir  fait  dans  son  journal  l'apologie  de 
l'attentat  d'Orsini.  Depuis  cette  époque  ses  articles  de- 
vinrent plus  rares  ;  il  en  publia  cependant  encore  de  temps 
à  autre  dans  la  Réforme  de  Bruxelles,  et  dans  V Organe 
de  Mons  jusque  dans  les  derniers  temps  de  sa  vie.  Labarre 
avait  écrit  de  nombreux  et  virulents  pamphlets  contre  Na- 
poléon III  et  fait  représenter  avec  succès  quelques  œuvres 
dramatiques.  Il  est  aussi  l'auteur  d'une  excellente  étude 
biographique  sur  le  peintre  Wiertz  (Bruxelles,  1866,  in-8). 

LA  BARRE  DE  Beaumarchais  (Antoine  de),  littérateur 
français,  né  à  Cambrai,  mort  vers  1757.  Chanoine  de  Saint- 
Victor.  Parmi  ses  nombreux  ouvrages,  citons  :  Aventures 
de  don  A,  de  Bufalis  (La  Haye,  1712,  in-12,  plus,  éd.)  ; 
Lettres  sérieuses  et  badines  sur  les  ouvrages  des  sa- 
vants (1729-35,  8  vol.  in-12)  ;  Journal  littéraire  (La 
Haye),  le  mieux  écrit  des  journaux  composés  à  l'étranger; 
La  Barre  le  rédigea  de  1732  à  1736  ;  le  Temple  des  muses 
(Amsterdam,  1736,  in-fol.),  avec  de.belles  illustrations  de 
B .  Picart  ;  Amusements  littéraires  (1 738-41 , 3  vol.  in-1 2) . 

LABARRE-DuPARC  (De)  (V.  Delabarre-Duparc). 

LABARRÈRE.  Corn,  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Condom, 
cant.  de  Montréal;  537  hab. 

LABARTE  (Charles-Jules),  archéologue  français,  né  à 
Paris  le  23  juil.  1797,  mortàBoulogne-sur-Mer  lel4  août 
1880.  Après  avoir  exercé  les  fonctions  d'avoué  de  1824  à 
1835,  il  vendit  sa  charge  pour  se  donner  tout  entier  aux 
études  archéalogiques.  Il  fut  élu  membre  hbre  de  l'Académie 


684  - 


LABARTE  —  LA  BASTÏE 


des  inscriptions  le  21  déc.  4871.  Son  Histoire  des  arts 
industriels  au  moyen  âge  et  à  l'époque  de  la  Renais- 
sance, malgré  ses  imperfections  de  détail  et  quelques  erreurs 
de  théorie,  comme  celle  qui  Fa  entraîné  à  voir  des  produits 
de  Tart  byzantin  dans  les  œuvres  des  orfèvres  barbares, 
n'en  reste  pas  moins  le  travail  d'ensemble  le  plus  considé- 
rable et  le  mieux  documenté  sur  les  arts  industriels  du 
moyen  âge  ;  la  première  édition  a  paru  de  1864  à  1866  en 
4  vol.  in-8  et  2  vol.  de  planches  ;  la  2^  éd.  a  paru  de 
4872  à  4875  en  3  vol.  in-4,  avec  planches  hors  texte. 
Ses  autres  ouvrages  sont  :  Description  des  objets  d'art 
qui  composent  la  collection  Debruge-Duménil  précé- 
dée d'une  introduction  historique  (4847, in-8,  5  pi.); 
Recherches  sur  la  peinture  en  émail  dans  l'antiquité 
et  au  moyen  âge  (1856,  in-4)  ;  le  Palais  impérial  de 
Constantinople  et  ses  abords...  tels  qu'ils  existaient 
au  x^  siècle  (1864,  in-4)  ;  l'Eglise  cathédrale  de  Sienne 
et  son  trésor  d'après  un  inventaire  de  i647  (4868, 
in-4);  Dissertation  sur  le  Rôssel  d'or  d'Altœtiing 
(1869,  in-4)  ;  Dissertation  sur  l'abandon  de  la  glyp- 
tique en  Occident  (1871,  in-4)  ;  Inventaire  du  mobi- 
lier de  Charles  F,  roi  de  France  (1879,  in-4).  M.  P. 
BiBL.  :  Ouvrages  publiés  par  M.  Jules  Labarte  ;  Paris, 
1067,  in-t. 

LABARTHE.  Com.  du  dép.  delà  Haute-Garonne,  arr. 
et  cant.  de  Muret  ;  544  hab. 

LABARTHE.  Com.  du  dép.  de  Tarn-et-Garonne,  arr.  de 
Montauban,  cant.  de  Molières  ;  860  hab. 

LABARTHE-Bleys.  Com.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  de 
Gaillac,  cant.  de  Cordes;  287  hab. 

LABARTHE-d'Astarac.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  et 
cant.  (S.)  d'Auch  ;  243  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  du  Midi, 
ligne  de  Port-Sainte-Marie  à  Condom. 

LABARTHE-Inard.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne, 
arr.  et  cant.  de  Saint-Gaudens  ;  645  hab.  Slat.  du  ch.  de 
fer  du  Midi,  ligne  de  Toulouse  àMontrejeau.  Fabriques  de 
papier. 

LABARTHE-Rivière.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne, 
arr.  et  cant.  de  Saint-Gaudens;  1,440  hab.  Elle  tirait 
son  nom  du  pays  de  Rivière,  territoire  baigné  par  la  Ga- 
ronne, qui  forma  au  xiii^  siècle  le  noyau  de  la  jugerie  de 
Rivière,  sénéchaussée  de  Toulouse.  C'était  une  baronnie 
dont  la  justice  appartenait  à  quatre  coseigneurs,  qu'on  ap- 
pelait les  quatre  curiaux.  Autrefois  du  diocèse  ecclésias- 
tique et  civil  de  Comminges;  après  1469,  cette  localité  con- 
tinua à  faire  partie  du  Languedoc.  —  Monument  romain, 
sorte  de  pile  qu'on  croit  avoir  été  un  ex-voto  à  Mercure.  •— 
Etablissement  thermal. 

LA  BARTHE(Paui  de),  seigneur  de  Thermes,  maréchal 
de  France,  dit  le  maréchal  de  Thermes,  né  en  Gascogne 
en  1482,  mort  à  Paris  le  6  mai  1562.  11  fit  sous  Lautrec 
la  guerre  dltalie  et  assista  au  siège  de  Naples.  A  son  re- 
tour en  France,  il  fut  fait  prisonnier  par  des  corsaires  sur 
les  côtes  de  la  Calabre,  mais  sa  captivité  fut  de  courte 
durée.  Il  commandait  100  chevau-légers  pendant  la  cam- 
pagne de  Piémont  et  contribua  au  gain  de  la  bataille  de 
Cerisoles  où  il  était  colonel  général  de  la  cavalerie  légère. 
Sa  bravoure  l'ayant  entraîné  au  milieu  d'un  parti  ennemi, 
il  fut  pris  par  les  Impériaux.  Henri  II  envoya  La  Barthe, 
en  1549,  pour  soutenir  la  reine  douairière  d'Ecosse  qui 
luttait  contre  l'Angleterre  ;  il  prit  alors  plusieurs  places 
aux  Anglais.  En  1558,  il  contribua  sous  les  ordres  du  duc 
de  Guise  à  la  prise  de  Calais,  mais  il  échoua  devant  Gra- 
velines  qu'il  assiégeait  et  qui  fut  débloquée  par  une  victoire 
brillante  du  comte  d'Egmont.  Blessé,  il  tomba  aux  mains 
du  vainqueur.  Dans  ses  dernières  années,  il  prit  part  aux 
guerres  de  religion  et  combattit  les  huguenots. 

BiBL.  :  MOiSTLUC,  Mémoires.  —  Baron  de  Forqueyaux, 
Vie  des  grands  capitaines.  —  La  Faille,  Histoire  de  la 
noblesse  des  capitaines. 

LABARTHE,  homme  politique  français,  né  le  23  déc. 
1846.  Propriétaire,  il  fut  élu  député  de  Parr.  d'Espalion 
en  1893  avec  un  programme  républicain  modéré,  contre 
M.  de  Benoît,  député  sortant. 


LABARTHÈTE.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Mi- 
rande,  cant.  de  Riscle  ;  411  hab. 

LABARUM.  Avant  Constantin  et  vraisemblablement  dès 
le  règne  d'Adrien,  ce  nom  était  déjà  donné,  dans  l'armée 
romaine,  à  l'étendard  de  la  cavalerie  ;  mais  les  mots  vexil- 
lum  et  cantabrum  étaient  plus  communément  usités  pour 
le  désigner.  Cet  étendard  consistait  en  une  hampe  de  lance 
surmontée  de  l'aigle  de  la  victoire.  Au-dessous  était  fixée 
une  traverse,  qui  formait  ainsi  une  croix.  On  y  tendait 
une  pièce  carrée  d'étoffe,  dont  le  bas  était  garni  de  franges 
d'or.  Les  soldats  le  vénéraient  comme  le  plus  noble  sym- 
bole et  le  gage  de  la  puissance  romaine.  Des  apologètes 
chrétiens,  TertuUien  et  Minutius  Félix,  signalent  cette  dis- 
position comme  un  hommage  inconscient  rendu  à  la  vraie 
foi.  Après  sa  victoire  sur  Maxence  et  en  souvenir  d'une 
vision  ou  d'un  songe  lui  annonçant  cette  victoire,  Cons- 
tantin remplaça  l'aigle  par  une  guirlande  d'or  entourant  le 
monogramme  sacré  (lettre  P  avec  le  pied  traversé  par 
un  X),  et  il  fit  broder,  avec  de  For  et  des  pierres  pré- 
cieuses, sur  la  pourpre  de  la  bannière,  des  emblèmes  chré- 
tiens. Au-dessous  de  ces  emblèmes,  des  médaillons  repré- 
sentaient l'empereur  et  ses  enfants.  Les  symboles  de  la 
religion  nouvelle  et  l'image  de  la  famille  impériale  se 
trouvaient  ainsi  associés  à  la  religion  du  drapeau,  si  puis- 
sante sur  les  soldats  romains.  Le  Labarum  était  porté  à 
la  tête  de  l'armée  et  confié  à  la  garde  de  cinquante  préto- 
riens choisis  parmi  les  plus  forts  et  les  plus  braves. 
Chacun  d'eux  le  tenait  à  son  tour.  E.-H.  Vollet. 

LABASSÈRE.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr. 
et  cant.  de  Bagnères-de-Rigorre  ;  769  hab.  Ardoisières 
importantes  en  exploitation.  Tour  carrée  du  xiii^  siècle. 

Eaux  minérales.  —  Ces  eaux  athermales,  sulfurées 
sodiques,  azotées,  à  réaction  alcaline  et  à  dégagement 
d'azote,  sont  exclusivement  employées  en  boisson  et  rare- 
ment à  la  source  même.  On  les  transporte  habituellement 
à  Bagnères-de-Bigorre.  Elles  stimulent  les  systèmes  ner- 
veux et  sanguin,  augmentent  la  calorification,  activent  les 
fonctions  digestives  et  les  sécrétions  en  général.  On  les 
emploie  dans  le  catarrhe  bronchique,  dans  certaines  laryn- 
gites et  bronchites  chroniques,  dans  le  catarrhe  des  phti- 
siques exempts  d'hémoptysie.  Ces  eaux  sont  contre-indi- 
quées  chez  les  personnes  pléthoriques,  très  irritables, 
sujettes  à  la  fièvre  et  aux  congestions.  D^  L.  Hn, 

LA  BASSETIÈRE  (Jean-Baptiste-Henri-Edouard  Mo- 
RissoN  de),  homme  politique  français,  né  à  Saint- Julien- 
des-Landes  le  9  mars  1825,  mort  à  Saint- Julien  le  23  oct. 
1885.  Représentant  de  la  Vendée  à  FAssemblée  nationale 
(1871),  député  de  1876  à  1885.  Monarchiste  militant,  il 
est  connu  par  ses  vives  attaques  contre  tous  les  cabinets 
républicains  et  surtout  son  attitude  violente  lors  de  l'expul- 
sion des  congrégations  non  autorisées  (1880).  —  Son  fils, 
Marie-Joseph-Louis,  né  à  Saint-Juhen  le  24  mars  1857. 
Docteur  en  droit,  il  fut  député  de  la  Vendée  de  '1 885  à  1893. 
Monarchiste,  il  appuya  le  boulangisme  et  échoua  aux  élec- 
tions de  1893  contre  M.  Batiot  dans  la  première  circons- 
cription des  Sables-d'Olonne. 

LA  BASTIDE.  Nom  de  plusieurs  communes  de  France 
(V.  Bastide  [La]). 

LA  BASTIDE  (Marc-Antoine  de)  (V.  Bastide). 

LA  BASTIDE  (Chiniac  de)  (V.  Chiniac). 

LABASTIDETTE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne, 
arr.  et  cant.  de  Muret  ;  332  hab. 

LA  BASTIE  (Aimé  de  Genève,  baron  de)  (V.  Bastie). 

LA  BASTIE  (Joseph  de  Bimard,  baron  de),  archéologue 
français,  né  à  Carpentras  le  6  juin  1703,  mort  à  Carpen- 
tras  le  5  août  1742.  Quelque  temps  novice  chez  les  jésuites 
d'Avignon,  puis  lieutenant  dans  un  régiment  d'infanterie 
(1720-24),  il  quitta  le  service  à  vingt-deux  ans  pour  raison 
de  santé,  alla  suivre  le  cours  de  droit  à  Valence,  mais  pré- 
féra bientôt  à  l'étude  de  la  jurisprudence  celle  de  l'antiquité 
et,  renonçant  à  toute  carrière  professionnelle,  se  livra  à  des 
travaux  d'érudition  qui  lui  valurent  une  certaine  notoriété 
et  qui  le  firent  nommer  en  1737,  pendant  un  séjour  à  Paris 


LA  BASTIE  —  LABBEY 


—  682 


(1736-48),  correspondant  honoraire  de  F  Académie  des  ins- 
criptions et  'belles-lettres.  Son  œuvre  principale  est  une 
excellente  réédition,  avec  remarques  historiques  et  critiques, 
de  la  Science  des  médailles  du  P.  Jobert  (Paris,  1739, 
2  vol.  in-l^).  Quant  aux  nombreuses  et  savantes  disserta- 
tions qu'il  a  fait  paraître  dans  les  Mémoires  de  Trévoux^ 
dans  le  Thésaurus  inscriptionum  de  Muratorï  et  dans  le 
recueil  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  elles 
ont  trait  notamment  aux  dates  des  médailles  impériales 
frappées  en  Egypte,  à  l'authenticité  de  la  Chronique  de 
Joinville,  au  souverain  pontificat  des  empereurs  romains, 
à  la  vie  de  Pétrarque,  à  la  date  de  construction  de  l'arc  de 
triomphe  d'Orange.  L.  S. 

BiBL.  :  Fréret,  Eloge  de  M.  de  La  Bastie,  dans  les  Mém- 
de  l'Acad.  des  inscr.,\.  XVI,  Hist.,  p.  335. 

LA  BAT  (Jean-Baptiste),  dominicain  et  voyageur  français, 
né  à  Paris  en  1663^  mort  à  Paris  le  6  janv.  4738.  Il  alla 
comme  missionnaire  aux  Antilles  en  1693,  après  avoir 
enseigné  les  mathématiques  et  la  philosophie  à  Nancy.  Il  y 
voyagea  beaucoup,  s'y  fit  remarquer  par  des  aptitudes  scien- 
tifiques et  administratives  et  fut  chargé,  en  1705,  d'aller 
représenter  la  mission  en  Europe.  En  1709,  il  fit  encore 
un  voyage  à  Rome  et  ne  revint  à  Paris  qu'en  1716,  pour  se 
vouer  alors  à  des  travaux  littéraires.  Il  rédigea  entre  autres 
le  Nouveau  Voyage  aux  îles  de  r Amérique,  etc.  (Paris, 
1722,  6  vol.  in-'12,  cartes  et  fig.),  souvent  réimprimé  et 
traduit  en  hollandais  et  en  allemand  ;  malgré  le  style  pro- 
lixe de  l'auteur,  on  trouve  dans  cet  ouvrage  des  renseigne- 
ments précis  et  intéressants.  La  même  remarque  s'applique 
à  la  Nouvelle  Relation  de  l'Afrique  occidentale,  etc. 
(Paris,  1728,  o  vol.  in-12),  composée  d'après  les  mémoires 
de  Brue  ;  à  la  Relation  historique  de  F  Ethiopie  occiden- 
tale, etc.  (Paris,  1732,  5  vol.  in-12),  d'après  Cavazzi  et 
d'autres;  et  au  Voyage  du  chevalier  Desmarchais  en 
Guinée.,,  et  à  Caïenne,  etc.  (Paris,  1730,  4  vol.  in-'l2). 

LA  BAT  (Jean-François- Jules),  homme  polilique  français, 
né  à  Bayonne  le  28  janv.  1819.  Maire  de  Bayonne,  où  il 
réalisa  d'importants  travaux  d'édilité,  très  en  faveur  auprès 
de  Napoléon  III,  il  fut  député  des  Basses-Pyrénées  au  Corps 
législatif  de  1869  à  1870.  Réélu  en  1876,  il  fit  partie  du 
groupe  de  l'Appel  au  peuple,  appuya  le  gouvernement  du 
16  mai.  Réélu  encore  en  1885  et  1889,  il  fut  un  des  par- 
tisan? du  boulangisme.  Il  ne  se  représenta  pas  en  1893. 

LABAT  (Théophile),  homme  politique  français,  né  à 
Lormont  le  20  mars  1834.  Constructeur  de  marine  à 
Bordeaux,  ancien  ingénieur  des  constructions  navales,  il 
fut  élu  député  de  la  Gironde  en  1893  contre  M.  Chiclié, 
boulangiste,  avec  un  programme  républicain  progressiste. 

LAB-ATMALE.  Corn,  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr. 
de  Pau,  cant.  de  Pontacq  ;  285  hab. 

LABATUDE.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Figeac, 
cant.  de  La  Capelle-Marival  ;  587  hab. 

LABATUT.  Com.  du  dép.  de  l'Ariège,  arr.  de  Pamiers, 
cant.  de  Saverdun  ;  148  hab. 

LABATUT.  Com.  du  dép.  des  Landes,  arr.  de  Dax, 
cant.  de  Pouillon  ;  1,423  hab.Stat.  du  ch.  de  fer  du  Midi, 
ligne  de  Lamothe  à  Mont-de-Marsan.  Poteries.  Ruines  d'un 
donjon  féodal. 

LABATUT.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  de 
Tarbes,  cant.  de  Maubourguet  ;  643  hab. 

LABATUT-FiGuiÈRES.  Com.  du  dép.  des  Basses- Pyrénées, 
arr.  de  Pau,  cant.  de  Montaner  ;  334  hab. 

LABATUT  (Jacques-Jules),  sculpteur  français  contem- 
porain. Elève  de  Jouffroy,  de  Mercié  et  de  Falguière,  cet 
artiste  débuta  brillamment  au  Salon  de  1881  avec  Narcisse 
surpris  de  sa  beauté.  Il  obtint  la  même  année  le  grand 
prix  de  Rome  et  conquit  rapidement  le  succès  par  la  sou- 
plesse et  la  fermeté  de  son  ciseau.  Groupes  et  bas-reliefs 
décoratifs,  bustes-portraits,  statues  allégoriques  en  marbre, 
et  en  bronze,  il  traite  tous  ces  genres  avec  une  égale  supé- 
riorité. Citons  comme  les  plus  remarquables  de  ces  travaux  : 
la  Pomme  de  discorde,  bas-relief  (envoi  de  Rome,  1884)  ; 


Moïse,  Roland,  deux  groupes  (S.  1888)  ;  Caton  d'Vtique 
(S.  1893).  A  l'Exposition  universelle  de  1889  figurèrent 
ses  meilleures  œuvres.  Poursuivant  le  cours  de  ses  succès, 
il  donna  encore  :  Raymond  VI  octroyant  des  privilèges 
à  sa  ville  de  Toulouse,  bas-reliet  à  nombreux  person- 
nages commandé  par  l'Etat  pour  le  Capitole.   Ad.  Thiers. 

LA  BATUT  (Anne-Charles-Ferdinand  de  La  Borie,  vi- 
comte de),  homme  politique  français,  né  à  Bergerac  le 
9  mai  1854.  Docteur  en  droit,  juge  suppléant  au  tribunal 
de  la  Seine  (1877),  il  fut  élu  député  de  la  Dordogne  en 
1885  avec  un  programme  républicain,  combattit  le  bou- 
langisme et  fut  réélu  en  1889  et  1893. 

LA  BAUME  (V.  Baume  [La]). 

LA  B AU  IV!  E  DES  Dossat  (V.  Baume  des  Dossat). 

LA  BAUWE-Montrevel  (V.  Baume  [La]). 

LABBE  (Ornith.).  Nom  vulgaire  des  Oiseaux  de  mer  du 
genre  Stercoraire  (V.  ce  mot). 

LABBÉ  (Pierre),  poète  et  archéologue  français,  né  à 
Clermont-Ferrand  en  1594,  mort  à  Lyon  le  15  janv.  1678. 
Reçu  dans  la  Compagnie  de  Jésus  en  1612,  il  enseigna 
dans  divers  collèges  pendant  vingt-trois  ans,  devint  recteur 
successivement  des  collèges  d'Arles,  de  Grenoble  et  de 
Lyon.  On  lui  doit  des  éloges  historiques,  des  poèmes  latins 
et  des  dissertations  historiques. 

LABBÉ  (Philippe),  savant  jésuite  français,  né  à  Bourges 
le  lOjuil.  1607,  mort  à  Paris  le  25  mars  1667.  Parmi  ses 
très  nombreux  ouvrages  il  suffira  de  citer  ceux  qui  sont 
encore  utilisés  aujourd'hui  :  Collectio  conciliorum  (Paris, 
1671,  18  vol.  in-fol.);  Nova  Bibliotheca  manuscripto- 
rum  (1657,  2  vol.  in-fol.)  ;  Bibliotheca  bibliothecarum 
(1664,  in-4).  Il  convient  d'ajouter  de  plus  que  c'est  lui 
qui  avait  tracé  en  1648  le  plan  d'une  collection  d'histo- 
riens byzantins  qui  a  été  en  partie  suivi  par  les  éditeurs  de 
la  Byzantine  du  Louvre. 

LABBÉ  (Léon),  chirurgien  français,  né  à  Merlerault 
(Orne)  le  29  sept.  1832.  Il  a  commencé  ses  études  mé- 
dicales à  Caen,  où  il  a  été  interne  des  hôpitaux  en  1853, 
et  les  a  terminées  à  Paris.  Aide  d'anatomie  de  la  faculté 
en  1860,  docteur  en  médecine  en  1861,  il  a  été  nommé 
agrégé  en  1863,  chirurgien  des  hôpitaux  en  1864  et  pro- 
fesseur à  la  faculté  de  médecine.  On  lui  doit,  outre  Quel- 
ques Réflexions  au  sujet  du  traitement  des  fistules 
génito-urinaires  chez  la  femme  (1869),  un  Traité  des 
tumeurs  bénignes  du  sein  (1876),  des  Leçons  de  cli- 
nique chirurgicale  (1876),  et  un  Traité  des  fibromes  de 
la  paroi  abdominale  (1888)  avec  Ch.  Remy.  Il  est  l'au- 
teur d'un  procédé  nouveau  de  gastrostomie.  M.  Labbé  a  été 
nommé  membre  de  l'Académie  de  médecine  en  1880,  et  sé- 
nateur républicain  de  l'Orne  en  1892.        D"*  A.  Bureau. 

LABBEVILLE.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  de 
Pontoise,  cant.  de  L'Isle-Adam  ;  349  hab. 

LABBEY  (Fauste),  bénédictin,  né  à  Vesoul  en  1657, 
mort  en  1727.  OEuvres  principales  :  Luxovii  chronicon 
(2  vol.  in-4)  ;  Recherches  sur  les  monastères  de  V ordre 
de  Saint-Benoît  établis  dans  le  comté  de  Bourgogne 
(in-4)  ;  Analyse  des  tables  et  registres  de  Vhôtelde  ville 
de  Vesoul  (in-fol.) 

LABBEY  de  Pompières  (Guillaume-Xavier),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Besançon  le  3  mai  1751,  mort  à  Paris 
le  14  mai  1831.  Capitaine  d'artillerie  avant  la  Révolution, 
il  rentra  dans  la  vie  civile  en  1789,  présida  sous  le  Direc- 
toire le  district  de  Saint-Quentin,  devint  sous  l'Empire 
membre  du  conseil  de  préfecture  de  l'Aisne  et,  en  janv. 
1813,  entra  comme  député  de  ce  département  au  Corps 
législatif.  S'il  applaudit  en  1814  à  la  Restauration,  il  n'en 
prit  pas  moins  place  dans  les  rangs  du  parti  libéral  et 
combattit  le  rétablissement  de  la  censure.  Membre  de  la 
Chambre  des  représentants  en  1815,  il  fut  encore  envoyé 
au  Palais-Bourbon  comme  député  de  l'Aisne  à  la  fin  de 
1819.  Il  s'y  fit  remarquer  par  son  ardeur  contre  le  parti 
ultra-royaliste.  Orateur  infatigable,  il  lutta  en  1820  contre 
les  lois  d'exception,  contre  la  loi  du  double  vote,  présenta 
et  soutint  en  1821  soixante-deux  amendements  au  budget, 


défendit  en  48^22  la  liberté  de  la  presse  menacée,  s'efforça 
Tannée  suivante  d'empêcher  l'expédition  d'Espagne  et, 
réélu  le  2  août  1824,  attaqua  sans  relâche  sous  Charles  X 
le  ministère  Yillèle,  dont  il  demanda  énergiquement  la  mise 
en  accusation  en  1828.  En  1830,  il  vota  l'adresse  des  221, 
encouragea  le  peuple  à  l'insurrection  pendant  les  journées 
de  Juillet  et  contribua  pour  sa  part  à  Favènement  de  Louis- 
Philippe,  mais  ne  tarda  pas  à  se  tourner  contre  le  nouveau 
gouvernement,  qui  ne  réalisait  par  ses  espérances. 

LABDACUS,  roi  légendaire  de  Thèbes  (Béotie),  fils  de 
Polydore  (fils  de  t^admus)  et  de  Nycteis,  de  la  race  des  Spartes. 
Il  fut  père  de  Laïus  et  grand-père  d'OEdipe.  Ses  descen- 
dants sont  souvent  appelés  Labdacèdes.  Probablement 
pour  concilier  deux  légendes  différentes,  les  mythographes 
alexandrins  racontent  que  Labdacus  régna  d'abord  sous  la 
tutelle  de^  ses  oncles  Nycteus  et  Lycus  et  que  sa  mort  pré- 
maturée laissa  à  Lycus  la  tutelle' de  Laïus  (V.  ce  nom  et 
Lycus). 

LABÉ.  Ville  importante  du  Fouta-Djalon,  au  cœur  même 
du  pays.  Sa  population,  qui  avait  été  estimée  par  Lambert 
en  1860  à  environ  10,000  âmes  n'est  plus,  d'après  Golds- 
bury,  que  de  1,200  à  1,300  hab.  Labé  est  piltoresque- 
ment  assise  sur  une  colline,  à  868  m.  d'alt.,  dont  la  base 
est  contournée  par  une  rivière  qui  a  son  embouchure  dans 
l'Atlantique.  Au  point  de  vue  politique,  Labé  est  la  capi- 
tale d'un  des  Etats  qui  forment  la  confédération  du  Fouta- 
Djalon  et  la  résidence  d'un  de  ses  chefs  les  plus  puis- 
sants.  ^  *  D^  RoumE. 

LABE  (Louise  Charly,  dite),  femme  poète  française, 
née  à  Lyon  en  1526,  morte  à  Lyon  en  1566.  Très  jolie 
femme  et  très  instruite,  avide  d'aventures,  elle  excita 
de  grandes  passions  dont  l'une  l'entraîna  à  Perpignan  dans 
l'armée  du  dauphin  de  France,  où  elle  mérita  le  surnom 
de  «  capitaine  Loys  ».  Renonçant  à  son  humeur  guer- 
rière, elle  épousa  Perrin,  gros  cordier  de  Lyon,  d'où  le 
surnom  sous  lequel  elle  est  le  plus  connue  de  «  la  Belle 
Cordière  ».  Elle  eut  un  salon  très  fréquenté  par  les  ar- 
tistes, les  poètes  et  les  seigneurs  du  temps,  ce  qui  donna 
de  l'ombrage  aux  femmes  de  la  noblesse  qui  ont  fait 
courir  sur  son  compte  force  anecdotes  scandaleuses.  Les 
vers  de  Louise  Labé  sont  agréables,  mais  ils  ne  justifient 
pas  l'admiration,  toute  locale  d'ailleurs,  qu'ils  ont  excitée 
et  qui  l'ont  fait  comparer  à  Sapho.  Le  premier  recueil  est 
de  Lyon  (1555);  il  est  excessivement  rare.  Depuis,  les 
réimpressions  ont  été  nombreuses  ;.  citons  :  Lyon.  1824, 
in-8;  Lyon,  1853,  in-8  ;  Lyon,  1862,  in  8;  Paris,  1887, 
2  vol.  in-16.  R.  S. 

BiBL.  :  GoNON,  Documents  historiques  sur  la  vie  et  les 
mœurs  de  Louise  Labé  ;  Lyon,  1814,  in-8.  —  Breghot  du 
LrjT,  Notice  sur  la  rue  Bellé-Cordière  contenant  quelques 
renseignements  biographiques  sur  Louise  Labé;  Lyon, 
1828,  in-8.  —  Du  même,  le  Testament  de  Louise  Labé  ; 
Lyon,  1825,  in-8.  —  Sainte-Beuve,  Louise  Labé,  dans 
Revue  des  Deux  Mondes^  mars  1845.  —  Laur,  Louise 
Labé  ;  Strasbourg,  1873. 

LA  BEAU  ME  (Griffet  de)  (V.  Griffet). 

LA  BEAU  M  ELLE  (Laurent  Angliviel  de),  littérateur 
français,  né  à  Valleraugue  (Gard)  le  28  janv.  1726,  mort 
à  Paris  le  17  nov.  1773.  Elève  des  jésuites  au  collège 
d'Alais,  et  destiné  par  ses  parents  au  commerce,  il  se  rendit 
à  Genève  en  1745  pour  y  terminer  ses  études,  y  abjura  le 
catholicisme  et  passa  en  Danemark  où  il  remplit  pendant 
trois  ans  les  fonctions  de  précepteur  particulier,  puis  fut 
chargé  d'un  cours  public  de  langue  et  de  littérature  fran- 
çaises. Durant  cette  période,  il  entreprit  un  journal  litté- 
raire, VAspasie  moderne^  et  publia  en  faveur  de  la  liberté 
religieuse  un  roman  souvent  confondu  avec  celui  de  Cré- 
billon  fils,  qui  porte  un  titre  presque  semblable  :  V Asia- 
tique tolérant,  traité  à  Vusage  du  Zéokinizul  [Louis  XV], 
roi  des  Kofirans  [Français]  (1750,  in-12).  Lors  d'un 
séjour  à  Berlin  (1751),  il  encourut  la  haine  de  Voltaire, 
c[ui  ne  lui  pardonna  jamais  deux  passages  d'un  recueil 
intitulé  Mes  Pensées  ou  le  Quand  dira-t-on?  (1751, 
in-12),  où  il  reprochait  à  Voltaire  la  pension  de  7,000  fr. 
dont  l'avait  gratifié  Frédéric  et  où  il  l'assimilait  à  un 


683  ~  LABBEY  -  LA  BÊDOLLIÈRE 

«  bouffon  »  et  à  un  «  nain  ».  Obligé  de  quitter  Berlin  en 
hâte,  il  parcourut  diverses  villes  d'Allemagne,  fit  un  séjour 
de  quelques  mois  à  Gotha  et  se  rendit  à  Paris  en  1752 . 
La  publication  de  notes  injurieuses  sur  le  Siècle  de 
Louis  XIV  lui  valut  un  premier  emprisonnement  à  la 
Bastille  du  24  avr.  au  12  oct.  1753,  et  un  ordre  d'exil  à 
cinquante  lieues  qui,  sur  les  instances  de  Montesquieu  et 
de  La  Condamine,  fut  révoqué.  Aussitôt  libre,  il  rédigea 
une  Réponse  au  Supplément  du  Siècle  de  Louis  XIV ^ 
dirigé  par  Voltaire  contre  lui,  et  prépara  ses  Mémoires 
pour  servir  à  l'histoire  de  M^^  de  Maintenon  (1755- 
56,  6  vol.  in-12),  suivis  d'un  recueil  de  Lettres^  dont  la 
critique  moderne  a  fait  justice  en  dévoilant  les  interpola- 
tions et  les  infidélités  que  La  Beaumelle  s'était  permises 
quand  il  ne  les  fabriquait  pas  de  toutes  pièces.  Accusé 
d'avoir  dérobé  quelques-uns  des  originaux  aux  archives  de 
Saint-Cyr,  il  fut  détenu  de  nouveau  à  la  Bastille  du  6  août 
1756  au  l*^'^  sept.  1757,  exilé  à  Toulouse  où  il  eut  un 
procès,  qu'il  gagna,  contre  le  capitoul  David,  si  triste- 
ment fameux  par  son  rôle  dans  l'affaire  Calas  et  où  il 
épousa  l'une  des  sœurs  du  jeune  Lavaysse,  impliqué  dans 
le  même  procès.  Voltaire,  que  cette  union  aurait  dû,  sem- 
ble-t-il,  apaiser,  poursuivit  La  Beaumelle  jusque  dans  sa 
retraite  où  il  s'était  confiné,  et  l'accusa  de  lui  avoir  adressé 
par  la  poste  quatre-vingt-quinze  lettres  diffamatoires  ano- 
nymes, La  Beaumelle  réussit  à  se  laver  de  cette  imoutation 
gratuite,  obtint  l'autorisation  de  revenir  à  Paris  et  fut 
gratifié  en  1771  d'une  place  à  la  Bibliothèque  du  roi  et 
d'une  pension  dont  sa  santé,  minée  par  tant  de  tracas  et 
de  mauvais  traitements,  ne  lui  permit  pas  de  jouir  long- 
temps. Ses  deux  dernières  publications  :  Examen  de  la 
nouvelle  Histoire  de  Henri  IV,  de  Bury  (Genève,  1768, 
in-8)  et  une  édition  annotée  delà  Henriade  (1769)  avaient 
été  saisies  et  mises  au  pilon  par  le  crédit  de  Voltaire;  mais 
le  Commentaire  sur  la  Henriade  fut  réimprimé  par 
Fréron  avec  des  changements  (1775,  in-4  ou  2  vol.  in-8). 
La  Beaumelle  avait  laissé,  entre  autres  travaux  posthumes, 
une  ViedeMaupertuis,  publiée  par  ses  descendants  (1856, 
in- 18).  Maurice  Tourneux. 

BiBL.  :  J.  Delort,  Histoire  de  la  détention  des  philo- 
sophes et  des  gens  de  lettres  à  la  Bastille,  1829,  t.  II.  — 
Michel  Nicolas,  Notice  sur  la  vie  et  les  écrits  de  La 
Beaumelle,  1852,  in-8,  réim{3r.  dans  l'Histoire  liUéraire  de 
Nîmes  (t.  il)  de  Fauteur.  —  Ch.  Nisard,  les  Ennemis  de 
Voltaire^  1853,  in-8.  —  Maurice  Angliviel,  Observations 
sur  un  écrit  de  M.  Ch.  Nisard.  1853,  in-8.  —  G.  Desnoires- 
terres,  Voltaire  et  la  Société  française  (et  notamment 
Voltaire  et  Frédéric).  —  Paul  Grimblot,  les  Faux  Auto- 
graphes de  M™«  de  Maintenon,  1869,  in-12.  —  A.  Gkffroy, 
M^^  de  Maintenon  d'après  sa  correspondance  authen- 
tique, 1887^,  2  vol.  in-12. 

LABÉCÈDE-Lauragais.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr. 
et  cant.  (N.)  de  Castelnaudary  ;  917  hab.  Culture  de  fraises. 
Localité  citée  pour  la  première  fois  au  xii®  siècle  ;  usurpée 
par  Alfonse-Jourdain,  comte  de  Toulouse,  elle  fut  restituée 
par  lui  à  Baimond  Trencavel,  vicomte  de  Carcassonne 
(1143).  En  1227,  le  château  était  aux  mains  de  Bai- 
mond VIL  Humbert  de  Beaujeu,  lieutenant  du  roi  de 
France,  l'assiégea  et  massacra  la  garnison  ;  un  article  du 
traité  de  1229  obligea  le  comte  de  Toulouse  à  démolir  les 
fortifications;  le  seigneur  du  lieu,  Paganus,  était  alors  en 
fuite  et  poursuivi  comme  hérétique.  En  1579,  le  château 
fut  inutilement  attaqué  par  les  religionnaires  ;  en  1 584, 
un  partisan  huguenot.  Basset,  s'en  ^îrnpara,  mais  il  fut 
réoccupé  dès  la  même  année  par  les  troupes  royales  du  duc 
de  Montmorency.  Il  était  autrefois  des  diocèses  religieux 
et  civil  de  Saint-Papoul,  et  de  lajugerie,  puis  sénéchaus- 
sée de  Lauragais.  A.  Molinier. 

LA  BÊDOLLIÈRE  (Emile  Gigault  de),  publiciste  et 
littérateur  français,  né  à  Amiens  le  24  mai  1812,  mort  à 
Paris  le  24  avr.  1883.  Après  avoir  suivi  les  cours  de 
l'Ecole  des  chartes,  il  débuta  par  une  Vie  politique  du 
marquis  de  La  Fayette  (1833,  in-8),  suivie  bientôt  de 
nombreuses  œuvres  de  vulgarisation,  de  compilations  et  de 
traductions  qui  ne  l'empêchèrent  pas  de  prêter  au  Siècle, 
à  partir  de  1850,  une  collaboration  active,  à  laquelle  il 


LA  BÉDOLLIÈRE  —  LABERGEMENT 


renonça  momentanément  lorsqu'il  fonda  en  4869,  avec 
quelques  amis  politiques,  le  National^  premier  journal 
politique  quotidien  à  5  centimes.  Parmi  les  publications 
d'actualité  signées  par  La  Bédollière,  on  peut  citer  :  une 
Histoire  de  la  garde  nationale  (1848,  in-18)  ;  Kinburn 
et  la  mer  Noire  (1856,  in~4,  ill.)  ;  Histoire  d'Italie 
(1859,  in-4,  ilL);  le  Nouveau  Paris^  histoire  de  ses 
vingt  arrondissements  (1860,  in-4,  ill.)  ;  Histoire  des 
environs  du  nouveau  Paris  (1860,  in4,  ilL  parG.  Doré); 
Histoire  de  la  guerre  du  Mexique  (1861-68,  3  parties 
in-4,  ill.)  ;  Histoire  complète  de  la  guerre d' Allemagne 
et  d'Italie  (1866,  2  part,  in-4,  ill.);  Histoire  de  la 
guerre  de  1810-11  (1872,  in-4,  ill.),  etc.  ;  il  a  également 
publié  des  traductions  des  Anglais  peints  par  eux-mêmes 
(1840,  2  vol.  in-8)  ;  des  OEuvres  de  Fenimore  Gooper, 
de  la  Case  de  l'oncle  Tom;  les  Industriels^  physiologie 
des  métiers  et  professions  de  France  (1841,  in-8,  ill. 
par  Henry  Monnier)  ;  une  amusante  Histoire  de  la  mère 
Michel  et  de  son  chat  (1846,  in-8),  ill.  par  A.-J.  Lorentz 
dans  une  bibliothèque  enfantine  créée  par  Hetzel  ;  Londres 
et  les  Anglais  (1862,  in-4,  ill.  par  Gavarni)  ;  le  Bois  de 
Vincennes  et  le  Tour  de  Marne  (1864-65,  in-4,  ill.  de 
photographies  par  L  Rousset)  ;  le  Domaine  de  saint 
Pierre  (1865,  in-18),  sans  parler  d'une  foule  de  chansons 
et  couplets  de  circonstances  que  sa  verve  enfantait  à  tous 
les  banquets  auxquels  il  était  convié.  M.  Tx. 

LA  BÉDOYÈRE  (Charles-Angélique-François  Huchet, 
comte  de),  général  français,  né  à  Paris  le  17  avr.  1786, 
mort  h  Paris  le  19  août  1815.  Entré  au  service  à  vingt 
ans,  il  fit  les  campagnes  de  Prusse  et  de  Pologne  (1806-7), 
devint  aide  de  camp  de  Lannes,  passa  ensuite  dans  l'état- 
major  du  prince  Eugène  (1809)  et,  après  de  nom- 
breuses actions  d'éclat,  fut  nommé  colonel  du  112®  de 
ligne,  à  la  tète  duquel  il  se  lit  encore  remarquer  à  Lutzen 
et  à  Bautzen  (1813).  Le  gouvernement  de  la  Restauration 
le  nomma  chevalier  de  Saint-Louis  et  l'envoya  commander 
à  Grenoble  le  7^  de  ligne.  Mais  La  Bédoyère  alla  en  mars 
1815  au-devant  de  Napoléon,  qui  revenait  de  l'île  d'Elbe, 
et,  par  l'exemple  de  sa  défection,  entraîna  toute  l'armée. 
L'empereur  le  fit  général  de  division,  pair  de  France 
(2  juin)  et  le  prit  pour  aide  de  camp.  Après  Waterloo,  La 
Bédoyère  dut  se  cacher  en  Auvergne  pour  échapper  à  la 
proscription.  Il  songeait  à  quitter  la  France.  L'incroyable 
imprudence  qu'il  fil  de  se  rendre  à  Paris  au  commence- 
ment d'août,  pour  faire  ses  adieux  à  sa  femme  et  à  son  en- 
fant, ou  pour  prendre  part  à  une  conspiration  contre  les 
Bourbons,  lui  coûta  la  vie.  Arrêté  le  2  août,  il  fut  déféré 
le  4  à  un  conseil  de  guerre,  condamné  à  la  peine  capitale 
et  mourut  avec  le  plus  grand  courage.      A.  Debidour. 

LABÉJEAN.  Com.  du  dép.  du  (>ers,  arr.  et  cant.  de 
Mirande  ;  485  hab. 

LA  BELLE  (V.^Bella  [E,  délia]). 

LA  BELLAUDIÈRE  (Louis  Bellaud  de),  poète  proven- 
çal, né  à  Grasse  vers  1532,  mort  en  1588.  Il  peut  être 
appelé  le  père  de  la  moderne  poésie  provençale.  D'abord 
étudiant  flâneur  à  Aix  et  à  Avignon,  il  nous  a  conservé  dans 
ses  libres  vers  tout  l'aspect  jovial  de  la  vie  universitaire 
d'alors,  avec  les  gentes  compagnonnes,  les  danseurs,  lesta- 
verniers,  les  musiciens,  parmi  les  processions  de  la  cité 
papale  et  les  Jeux  du  roi  René.  Plus  tard,  ayant  passé  par 
Salon,  Arles  et  Marseille,  il  s'enrôla  dans  l'armée  royale. 
On  ne  sait  rien  de  précis  sur  cette  époque  de  ses  aventures, 
sinon  qu'en  1572,  la  petite  troupe  dont  il  faisait  partie  ayant 
été  licenciée,  et  comme  il  errait  en  Bourbonnais,  avec  quatre 
ou  cinq  compagnons  de  milice,  ils  furent  arrêtés  près  de 
Chantelle  et  jetés  dans  les  prisons  de  Mouhns.  Bellaud  y 
resta  dix-neuf  mois,  malgré  ses  plaintes  à  de  vagues  protec- 
teurs, dont  un  de  ses  frères,  chanoine  à  Paris.  Peut-on  re- 
gretter cette  injustice  du  sort  ?  Cent  cinquante  sonnets  sont 
sortis  de  la  prison  de  Moulins.  On  lui  doit  aussi  le  premier 
poème  qu'ait  publié  Bellaud,  le  Don-don  infernal  (Aix, 
1584  ou  85;  on  n'a  retrouvé  que  la  2«  éd.,  1588).  En 
quittant  le  Bourbonnais,  le  poète  s'était  établi  à  Aix,  grou- 


pant autour  de  lui  ses  arqums^  libre  compagnie  de  bons 
vivants,  et  fréquentant  la  société  lettrée.  Du  Périer,  Mal- 
herbe, César  de  Notredame,  P.  Paul,  L.  Bruyeis,  Galaup- 
Chasteuil,  B.  Zerlin,  ses  amis,  prisaient  fort  ses  vers  pro- 
vençaux. Le  fameux  grand  prieur,  Henry  d'Angoulême,  qui 
commandait  en  Provence,  l'avait  pris  à  son  service  en 
1577.  Bellaud  connut  alors  plusieurs  années  prospères, 
mais  son  humeur  instable  lui  fit  entreprendre  un  voyage  à 
Paris,  puis  s'établir  à  Marseille,  près  de  son  «  oncle  d'al- 
liance »,  le  capitaine  Pierre  Paul,  de  Salon,  puis  retourner 
à  Grasse,  où  il  mourait  bientôt  (1588).  Il  avait  légué  ses 
œuvres  à  Pierre  Paul  qui  les  rassembla  tant  bien  que  mal, 
divisées  en  trois  livres  :  Lous  Passatens^  Obros  et  rimos 
et  le  Don-don  infernal^  accompagnées  de  son  propre  ou- 
vrage, la  Barbouilhado^  et  précédées  d'une  sorte  de  tom- 
beau où  se  retrouvent,  vers  et  prose,  tous  les  noms  de 
la  littérature  provençale  d'alors.  C'était  comme  un  premier 
essai  de  féUbrige.  Le  volume  publié  en  1595  fut  aussi  le 
premier  livre  imprimé  à  Marseille.  Dédié  aux  héroïques 
consuls  Louis  d'Aix  etCh.  de  Cazaulx,  il  fut  avec  eux  vic- 
time de  la  reddition  de  Marseille  à  Henri  IV.  Très  rare  au- 
jourd'hui, il  jouit  d'une  renommée  légendaire  en  Provence. 
Une  réédition  est  en  cours  dans  la  Revue  félibréenne.  Les 
félibres  ont  commémoré  deux  fois  La  Bellaudière  dans  sa 
ville  natale,  en  1879  et  le  14  août  1891  ;  un  buste  lui  a 
été  élevé  ce  jour-là.  Soldat  de  fortune,  débauché,  bohème, 
poète  natif  autant  que  pas  un,  il  est  le  premier  qui,  depuis 
les  troubadours,  et  mieux  qu'Augié  Gaillard,  le  fameux 
charron  de  Rebasteins,  ait  retrempé  la  langue  d'oc  à  la 
fontaine  poétique,  et  ramené  l'amoureux  esprit  provençal 
à  sa  tradition.  Paul  Mariéton. 

BiBL.  :  Aug.  Fabre.  L.  B.  de  La  Bellaudière^  étude  his- 
torique; Marseille,  1861.  —  Bory,  Orig.  de  llmpr.  à  Mar- 
seille, 1859.  —  P.  Mariéton,  R.  Rkboul  et  F.  Perrolle, 
Etudes  et  documents,  dans  Revue  félibréenne,  t.  VII  et 
t.  IX. 

LABENNE.  Com,  du  dép.  des  Landes,  arr.  de  Dax, 
cant.  de  Saint-Vincent-de-Tyrosse  ;  802  hab.  Stat.  de  ch. 
de  fer  du  Midi,  ligne  de  Paris  à  Rayonne. 

LABENSKY  (Xavier-Xavierievitch) ,  diplomate  russe, 
né  en  1790,  mort  en  18o5.  Il  fut  attaché  aux  ambassades 
de  Londres  et  de  Berlin.  Il  a  publié  quelques  ouvrages  en 
français,  Un  Mot  sur  l'ouvrage  de  fd.  de  Custine  :  la 
Busbie  en  iSSO,  par  un  Russe  (Paris,  1843,  trad.  en  al- 
lemand et  en  anglais),  des  poésies  (Erostrate^  etc.). 

LABENWOLF  (Pankraz) ,  sculpteur  de  Nuremberg, 
élève  de  P.  Vischer.  Ses  principaux  bronzes  sont  :  la 
Jeune  fille  à  UOie^  la  fontaine  du  marché  aux  légumes 
figurant  un  paysan  tenant  sous  les  bras  deux  oies  qui  jet- 
tent de  l'eau  par  le  bec;  celle  de  la  cour  de  l'hôtel  de 
ville  (jeune  homme  tenant  un  drapeau),  exécutée  en  1550  ; 
enfin,  le  tombeau  du  comte  W*  de  7Âmmern^  dans  l'église 
de  Messkirch,  près  Sigmaringen. 

LABEO  (Ichtyol.).  Genre  "de  Poissons  osseux  (Téléos- 
téens) ,  de  l'ordre  des  Physostomes  et  de  la  famille  des  Cypri- 
nidge,  ayant  pour  caractères  des  écailles  petites  ou  de  taille 
ordinaire,  une  nageoire  dorsale  sans  rayons  osseux,  la 
bouche  obtuse,  subarrondie,  le  museau  épais  et  charnu, 
proéminent,  la  bouche  recouverte  par  un  triple  rang  de 
lèvres  ;  un  premier  voile  naissant  du  sous-orbitaire  s'étend 
sur  les  deux  autres,  un  second  maxillaire,  sorte  de  pre- 
mière lèvre,  et  un  troisième,  la  véritable  lèvre,  en  dessous. 
Le  bord  de  la  lèvre  inférieure  se  détache  et  se  replie  de 
façon  à  faire  un  voile  particulier  en  dessous.  Un  petit  bar- 
billon existe  à  l'angle  du  maxillaire.  On  compte  en  plus  de 
deux  à  quatre  autres  petits  barbillons;  les  dents  pharyn- 
giennes sont  uncinées  ;  le  museau  est  ordinairement  plus  ou 
moins  garni  de  tubercules.  Le  Labeo  nilolicus  est  le  type 
du  genre.  Rochbr. 

BiBL.  :  Gunther,  Study  of  Fishes.  —  Valenciennes  et 
CuviER,  Hist.  génér.  des  Poissons. 

LABEO  (ÂxNTisTius)  (V.  Antistius  Labeo). 
LABEBGEMENT-du-Navois.  Com.  du  dép.  du  Doubs, 
arr.  de  Besançon,  cant.  d'Amancey;  180  hab. 


—  685  — 


LABERGEMENT  —  LABICHE 


LABERGEMENT-FoiGNEY.  Corn,  du  dép.  de  la  Côte- 
d'Or,  arr.  de  Dijoif,  cant.  de  Genlis  ;  292  hab. 

LABERGEMENT-LÈs-AuxoNNE.Com.  du  dép. delà Côte- 
d'Or,  arr.  de  Dijon,  cant.  d'Auxonne;  338  hab. 

LABERGEMENT-LÈs-CuisERY.  Corn,  du  dép.  de  Saône- 
et-Loire,  arr.  de  Louhaus,  cant.  de  Cuisery  ;  831  hab. 

LABERGEMENT-lès-Seurre.  Corn,  du  dép.  de  laCôte- 
d'Or,  arr.  de  Beaune,  cant.  de  Seurre;  1,183  hab. 

LABERGEWENT-Sainte-Colombe  (V.  Abergement- 
Sainte-Colombe). 

LABERGEMENT-Sâinte-Mârie.  Corn,  du  dép.  du 
Doubs,  arr.  de  Pontarlier,  cant.  de  Mouthe  ;  419  hab. 
Minerai  de  cuivre.  Forge;  scieries;  tanneries. 

LA  BERGERIE  (Rougier,  baron  de)  (V.  Rougier). 

LABERIUS  (Decimus),  écrivain  romain,  né  vers  107 
av.  J.-C,  mort  à  Pouzzoles  en  janv.  43.  C'était  un  des 
principaux  auteurs  comiques;  il  appartenait  à  Tordre 
équestre.  En  45,  César  l'obligea  à  paraître  sur  la  scène 
dans  un  rôle  d'esclave  syrien.  Les  fragments  conservés  des 
œuvres  de  Laberius  ont  été  réunis  par  Bothe  (Poet,  scen. 
la^.,  t.  V,  p.  202-218)  ;  le  principal  est  un  prologue.  Par 
l'originalité  de  la  pensée  et  la  vigueur  du  style,  il  ap- 
proche de  Plaute  ;  mais  les  lettrés  lui  reprochaient  l'abus 
des  antithèses,  des  jeux  de  mots,  des  trivialités,  etc. 

LABES.  Viile  de  Prusse,  district  de  Stettin(Poméranie), 
sur  la  Rega  ;  5,500  hab.  Haras,  parquetterie,  cuirs. 

LABESCAU.  Corn,  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Bazas, 
cant.  de  Grignols;^169  hab. 

LA  BESNARDIÈRE  (Jean-Baptiste  beGouy,  comte  de), 
diplomate  français,  né  à  Periers  (Manche)  en  1775,  mort 
à  Paris  le  30  avr.  1843.  Il  se  destinait  à  l'Oratoire;  la 
Révolution  étant  survenue,  il  entra  comme  précepteur  dans 
une  famille  protestante,  puis  demanda  à  être  employé  dans 
un  des  bureaux  du  Comité  de  salut  public.  En  1796,  on 
le  prit  aux  relations  extérieures  comme  principal  commis 
du  bureau  des  passeports.  Plus  heureux  et  mieux  doué 
que  la  plupart  de  ses  collègues  improvisés,  La  Besnardière 
eut  une  fortune  brillante.  Sous-chef  des  consulats,  il  fut 
nommé,  en  1805,  chef  de  la  deuxième  division  politique, 
et  en  1807  chef  de  la  division  du  Nord.  M.  de  Talleyrand, 
qui  appréciait  ses  services  et  travaillait  souvent  avec  lui, 
l'emmena  au  congrès  de  Vienne  ;  à  son  retour,  le  roi  lui 
conféra  le  titre  de  comte,  le  nomma  conseiller  d'Etat  en 
service  extraordinaire  et  directeur  des  travaux  politiques. 
En  1819,  il  se  retira  en  Touraine,  avec  une  pension  du 
roi,  dans  une  propriété  qu'il  avait  acquise  pendant  la  Ré- 
volution. 

LABESOLE.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  et  cant.  de 
Limoux;  88  hab. 

LABESSERETTE.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  d'Au- 
rillac,  cant.  de  Montsalvy;  511  hab. 

LABESSETTE.  Com.'^du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr. 
d'Issoire,  cant.  deTauvcs;  509  hab. 

LABESSIÈRE-Càndeil.  Com.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  de 
Gaillac,  cant.  de  Cadalen;  787  hab.  Bastide  fondée  en 
1255  par  Anselme,  abbé  de  Candeil,  sur  une  propriété 
donnée  à  l'abbaye  en  1227  par  Raimond  Vil,  comte  de 
Toulouse.  La  charte  de  liberté,  octroyée  par  le  fondateur, 
est  analogue  aux  chartes  des  autres  bastides  du  pays  et 
stipule  des  libertés  civiles  plutôt  que  des  immunités  poli- 
tiques. L'histoire  de  Labessière  est  assez  obscure  ;  mena- 
cée en  1427  par  Jean  de  Grailly,  elle  fut  fortifiée  à  nou- 
veau en  1440.  En  1569,  elle  fut  un  instant  occupée  par 
les  protestants,  puis,  fidèle  au  roi  Henri  IV,  fut  exemptée 
en  1590  du  logement  des  gens  de  guerre.  —  Restes  d'an- 
ciennes fortifications  ;  dans  l'église,  insignifiante,  meubles 
ecclésiastiques  provenant  de  l'abbaye  de  Candeil,  dont  un 
reliquaire,  œuvre  de  Limoges  du  xii^  siècle.  Sur  le  terri- 
toire de  la  commune,  reste  de  l'abbaye  de  Candeil  et  châ- 
teau de  Serres.  Celui-ci  date  du  xvi^  siècle  et  servait  de 
résidence  aux  abbés.  A.  Molinier. 

BîBL.  :  Rossignol,  Monographies  communales  du  dép. 
du  Tarn,  I,  99-126. 


LABETS-BiscÀY.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées, 
arr.  de  Mauléon,  cant  de  Saint-Palais;  335  hab. 

LABEUR  (Typogr.).  On  appelle  ouvrages  de  labeur,  ou 
labeur,  des  ouvrages  de  longue  haleine  et  tirés  à  un  grand 
nombre  d'exemplaires,  par  opposition  aux  journaux  et  aux 
ouvrages  de  peu  d'étendue  qui  se  terminent  rapidement 
et  qu'on  tire  en  général  à  petit  nombre,  auxquels  on  donne 
le  nom  de  bilboquets  ou  ouvrages  de  ville. 

LABEUVILLE.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Ver- 
dun-sur-Meuse, cant.  de  Fresnes-en-Woëvre  ;  286  hab. 

LABEUVRIÈRE.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  et 
cant.  de  Béthune  ;  1 ,008  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  du  Nord, 
ligne  de  Béthune  à  Saint-Pol. 

LABEYRIE.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr. 
d'Orthez,  cant.  d'Arthez  ;150  hab. 

LABIACÉES  (V.  Labiées). 

LABIAU.  Ville  de  Prusse,  district  de  Kœnigsberg,  sur  la 
Deime,  près  du  Kurisches  Haff;  5,000  hab.  Le  20  nov. 
1656  y  fut  signé  un  traité  par  lequel  Charles  X  Gus- 
tave, roi  de  Suède,  reconnaissait  l'indépendance  du  duché^ 
de  Prusse  ;  le  grand  électeur  lui  garantissait  la  Prusse 
occidentale  et  la  Pomérellie,  Courlande  et  Semigalle,  la  Sa- 
mogitie  et  la  Livonie  et  renonçait  à  toute  extension  terri- 
toriale aux  dépens  de  la  Pologne  (V.  Frédéric-Guil- 
laume). 

LABICHE  (Eugène-Marin),  auteur  dramatique  français, 
né  k  Paris  le  5  mai  1815,  mort  à  Paris  le  23  janv.  1888. 
Après  avoir  suivi  les  cours  du  collège  Bourbon  et  de-PEcole 
de  droit,  il  écrivit  dans  divers  petits  journaux  et  publia  un 
roman,  la  Clé  des  champs  {\S3S,  2  vol.  in-8).  L'accueil 
reçu  par  son  premier  vaudeville,  M.  de  Coislin  ou  L'Homme 
infiniment  poli  (juil.  1838),  où  Grassot  fit  lui-même  ses 
débuts,  ne  laissait  pas  présager  le  brillant  avenir  réservé 
à  Fauteur  qui,  soit  seul,  soit,  et  le  plus  souvent,  en  colla- 
boration avec  Marc  Michel,  Aug.  Lefranc,  Delacour,  Va- 
rin,  Eug.  Nyon,  Dumanoir,  Clairville,  Duru,  Ed.  Martin, 
E.  Gondinet,  Th.  Barrière  et  enfin  Emile  Augier,  a  donné 
une  centaine  de  pièces,  tant  au  Palais-Royal  qu'au  Vaude- 
ville, aux  Variétés,  au  Gymnase  et  à  la  Comédie-Française. 
Il  est  impossible  d'en  tenter  ici  l'énumération  complète  et 
d'ailleurs  toutes,  ou  peu  s'en  faut,  ont  été  réimprimées 
dans  le  Théâtre  complet  d'Eug.  Labiche  (1878-79, 10  vol. 
in- 18)  ;  il  suffira  donc  de  rappeler  le  titre  et  la  date  des 
principales  d'entre  elles  :  Deux  Papas  très  bien  (1845)  ; 
Embrassons-nous,  Folle  ville  {iS^O);  Un  Garçon  de  chez 
Vérij  (1850)  ;  le  Chapeau  de  paille  d'Italie  (1851),  l'un 
des  plus  grands  succès  de  Ravel  et  du  Palais-Royal  ;  Ed- 
gard  et  sa  bonne  (1852)  ;  Si  jamais  je  te  pince  !  (1 855)  ; 
C Affaire  de  la  rue  de  Lourcine  (1857)  ;  le  Voyage  de 
M.  Perrichon  (1860),  comédieen  quatre  actes  qui,  du  Gym- 
nase, passa  au  répertoire  de  l'Odéon,  puis  à  celui  de  la  Co- 
médie-Française ;  la  Poudre  aux  yeux  (1861)  ;  les  Viva- 
cités du  capitaine  Tic  (;{%{)  ;  la  Station  Champbaudet 
(1861)  ;  Célimare  le  bien-aimé  (1863)  ;  Moi  (1864)  ; 
Un  Mari  qui  lance  sa  femme  (1864)  ;  la  Cagnotte 
(1864),  dont  la  carrière  fut  aussi  brillante  et  aussi  pro- 
longée que  celle  du  Chapeau  de  paille  dltalie  ;  le  Papa 
du  prix  d'honneur  (1868)  ;  le  Choix  d'un  gendre 
(1869)  ;  le  Plus  heureux  des  trois  (1870)  ;  Doit-on  le 
dire?  (1873)  ;  Madame  est  trop  belle  (1874);  les  Trente 
Millions  de  Gladiator  (1875)  ;  le  Prix  Martin  (1876). 
Sur  les  instances  d'Emile  Augier,  son  collaborateur  à  cette 
dernière  pièce,  Labiche  entreprit  alors  de  rassembler  ses 
œuvres  et  posa  sa  candidature  à  l'Académie  française  où 
il  fut  élu,  le  26  fév.  1880,  en  remplacement  de  Silvestre 
de  Sacy  ;  le  discours  de  réception  dans  lequel  le  joyeux 
vaudevilliste  avait  à  louer  le  janséniste  impénitent  et  le 
contempteur  de  la  littérature  moderne  fut,  de  l'aveu  de 
tous,  l'un  des  plus  spirituels,  des  plus  déhcats  et  des  plus 
équitables  qui  aient  été  prononcés  sous  la  coupole  de  l'Ins- 
titut. Maurice  Tourneux. 

LABICH  E  (Jules),  homme  pohtique  français,  né  à  Sour- 
deval-la-Barre  (Manche)  le  9  août  1 826.  Grand  commer- 


LABICHE  —  LABILLARDIÈRE 


686  — 


çant  en  cotons,  il  fut  élu  sénateur  de  la  Manche  le  5  janv. 
4879  et  réélu  le  5  janv.  1888.  Il  appartient  au  groupe  de 
la  gauche  républicaine. 

LABICHE  (Emile),  homme  politique  français,  né  à 
Béville-le-Comte  (Eure-et-Loir)  le  25  nov.  1827.  Avocat 
au  barreau  de  Paris,  secrétaire  d'Alexandre-Thomas  Marie,  il 
fit  sous  l'Empire  de  l'opposition  républicaine  et  se  présenta 
sans  succès  à  diverses  élections  législatives.  Nommé  en 
1870,  par  le  gouvernement  de  la  Défense  nationale,  préfet 
d'Eure-et-Loir,  il  y  organisa  la  défense.  Nommé  secrétaire 
général  du  ministre  de  l'intérieur  par  Ernest  Picard,  il 
démissionna  avec  lui  et  devint,  en  1876,  sénateur  d'Eure- 
et-Loir.  Membre  de  la  gauche  républicaine,  il  s'occupa 
beaucoup  de  la  réforme  du  code  rural,  rapporta  les  projets 
sur  la  liberté  de  réunion,  sur  la  marine  marchande,  sur 
la  liberté  des  funérailles,  sur  l'organisation  du  crédit  agri- 
cole mobilier  et  prit  une  part  importante  aux  débats  rela- 
tifs au  divorce,  etc.  Réélu  en  1885  et  1894,  il  a  présidé 
le  groupe  des  parlementaires  aux  congrès  de  la  paix  de 
Rome  (1891)  et  de  Berne  (1892). 

LABICHE  deReignefort  (Pierre- Grégoire),  théologien 
français,  né  à  Limoges  le  31  déc.  1756,  mort  le  8  sept. 
1881.  Il  a  laissé  divers  traités  de  théologie  et  d'hagiogra- 
phie, mais  il  ne  vaut  d'être  cité  que  par  son  curieux  mé- 
moire :  Relation  de  tout  ce  qu'ont  souffert  les  'prêtres 
français  insermentés  déportés  à  IHle  d'Aix  (Paris, 
1796-1802,  in-8). 

LABIÉES  ou  LABIACÉES  (Bot.).  Famille  de  plantes  Di- 
cotylédones, dont  les  représentants  sont  répandus  dans 
presque  toutes  les  régions  du  globe,  mais  principalement 
dans  les  parties  tempérées  de  l'ancien  continent.  Ce  sont 
des  herbes  ou  des  arbustes,  à  tiges  quadrangulaires  et  à 
feuilles  opposées,  privées  de  stipules,  le  plus  souvent  par- 
semées de  glandes  vésiculeuses,  transparentes,  plus  ou 
moins  saillantes  à  la  surface  de  l'épiderme  et  contenant 
une  huile  essentielle  volatile,  qui  communique  son  arôme 
à  la  plante.  Les  fleurs  sont  hermaphrodites,  le  plus  sou- 
vent irrégulières,  disposées  en  cymes  ou  en  glomérules 
axillaires  ;   le  calice,  persistant,  gamosépale,  est  souvent 
bilabié;  la  corolle  gamopétale,  hypogyne,  caduque,  toujours 
plus  ou  moins  bilabiée,  c.-à~d.  partagée  en  deux  lèvres, 
l'une  supérieure  formée  de  2  pétales,  l'autre  inférieure 
formée  de  3  pétales.  Les  étamines,  insérées  sur  le  tube  de 
la  corolle  au  nombre   de  4,   Fétamine  supérieure  étant 
avortée,  sont  didynames,    quelquefois  réduites  à  2  par 
l'avortement  des  2  plus  petites;  les  anthères  biloculaires, 
introrses,  ont  le  connectif  parfois  très  développé  (Sa/m). 
L'ovaire  est  libre,  quadriloculaire,  ou   plutôt  biloculaire 
avec  de  fausses  cloisons  qui  le  font  paraître  quadriloculaire; 
il  est  inséré  sur  un  disque   hypogyne  et  surmonté  d'un 
style  gynobasique  à  stigmate  bifide,  qui  s'insère  au  sommet 
organique  de  l'ovaire  déprimé  jusqu'au  voisinage  du  récep- 
tacle. Les  ovules,  au  nombre  da  4,  un  pour  chaque  loge, 
sont  dressés  et  anatropes.  Le  fruit  est  formé  de  4  nucules 
monospermes  (tétrachaine),  enveloppées  par  le  calice  per- 
sistant, membraneuses  ou  crustacées,  très  rarement  char- 
nues {Prasium  L.);  les  graines  sont  dressées,  l'embryon 
droit,  très  rarement  courbe  [Scutellaria),  le  plus  souvent 
exalbuminé.  —  Les  Labiées  sont  voisines  des  Verbénacées 
dont  elles  diffèrent  essentiellement  parla  gynobasie  de  leur 
style  ;  on  peut  aussi  les  rapprocher  des  Borraginées,  dont 
elles  représentent,  en  quelque  sorte,  la  forme  irrégulière. 
—  Les  principaux  genres  de  Labiées  sont  :  Lauandula 
Tourn.,  Ocimum  L.,  Pogostemon  Desf.,  Mentha  L.^ 
Origanum  Tourn.,  Thymus  Benth.,  Satureia  L.,  Hys- 
sopus  Benth.,  Salvia  L.,  Nepeta  L.,  Melittis  L.,  Sta- 
chys  L.,  Lamium  Benth.,  Marrubium  Benth.,  Brunella 
Tourn.,  Soute tlariah.,  Rosmarinus  Tourn. ^  AjugaL.^ 
Teucrium  L.,  etc.  D^  L.  Hn. 

LABIENUS.  Famille  romaine  appartenant  peut-être  à  la 
gens  Atia  ;  ses  principaux  représentants  furent  : 

Quintus  Labienus,  partisan  de  Saturninus,  tué  avec 
lui  (100  av.  J.-C). 


Titus  Labienus,  son  neveu,  tué  à  Mundaen  45  av.  J.-C. 
Tribun  de  la  plèbe  en  63,  il  fut  le 'dévoué  partisan  de 
César,  accusa  de  perduellio  le  chevalier  Rabirius,  meur- 
trier de  son  oncle.  Cicéron  le  défendit  et  le  fit  acquitter. 
Labienus  fit  ensuite  passer  un  plébiscite  rendant  au  peuple 
l'élection  des  pontifes,  ce  qui  procura  à  César  la  dignité  de 
souverain  pontife  ;  enfin  il  fit  décerner  à  Pompée  des  hon- 
neurs exceptionnels.  Il  suivit  son  protecteur  en  Gaule 
avec  le  titre  de  légat  et  se  distingua  dans  la  campagne  de 
58,  011  il  eut  le  commandement  de  l'armée  en  hiver  en 
l'absence  de  César.  En  54,  il  défit  les  Trévires  et  les  sou- 
mit. En  52,  il  fut  envoyé  avec  quatre  légions  contre  les 
Sénons  et  les  Parisiens,  marcha  sur  Lutèce  et  défit  Camu- 
logène  qui  voulait  lui  couper  la  retraite  sur  Agendicum. 
Il  eut  de  nouveau  le  commandement  général  durant  l'hi- 
ver, essaya  de  faire  assassiner  Comm  î'Atrébate  qui  vou- 
lait s'insurger.  Il  était  le  principal  lieutenant  de  César  qui 
lui  confia  en  50  le  commandement  de  la  Gaule  cisalpine. 
Mais,  enorgueilli  par  ses  succès,  il  se  laissa  gagner  par  les 
Pompéiens  qui  affectaient  de  l'exalter  au-dessus  de  leur 
chef.  Au  début  de  la  guerre  civile,  il  passa  de  leur  côté. 
Son  rôle  dans  la  guerre  civile  fut  peu  brillant  ;  à  Dyrra- 
chium,  il  détourna  Pompée  de  pousser  à  bout  ses  premiers 
succès;  il  se  fit  remettre  les  soldats  césariens faits  prison- 
niers et,  après  avoir  humilié  ses  anciens  camarades,  les  fit 
égorger.  Après  la  défaite  dePharsale  il  passa  en  Afrique;  il 
commandait  l'armée  qui  combattit  César  à  Ruspina  (46)  ; 
vaincu,  il  s'unit  aux  deux  Scipions  et  servit  sous  leurs 
ordres  en  qualité  de  légat.  Il  se  réfugia  ensuite  en  Espagne 
et  combattit  à  Munda  ;  ce  fut  un  mouvement  malheureux 
de  sa  part,  se  reportant  vers  le  camp  pour  empêcher  Bo~ 
gud,  roi  de  Mauritanie,  de  l'enlever,  qui  fit  croire  à  une 
fuite  et  détermina  la  déroute  de  l'armée  pompéienne.  II  y 
périt. 

Quintus  Labienus,  tué  en  39  av.  J.-C.  Il  prit  le  parti 
de  Brutus  et  Cassius,  fut  envoyé  par  eux  contre  les  Par- 
thes  et  s'unit  à  eux  après  la  bataille  de  Philippes.  Avec  le 
général  parthe  Pacorus,  il  envahit  et  conquit  la  Syrie,  puis 
la  Cilicie  (40).  Antoine  envoya  contre  lui  Venlidius  qui  le 
surprit  en  Asie  Mineure  et  le  fit  périr. 

Titus  Labienus,  orateur  célèbre  de  l'époque  d'Auguste, 
probablement  petit-fils  du  lieutenant  de  César;  il  fit  une 
opposition  persistante  à  l'empereur,  mais  sans  conspirer 
contre  lui.  Il  avait  écrit  une  histoire.  Vers  l'an  12  av.  J.-C, 
on  fit  décider  par  le  Sénat  la  destruction  de  ses  écrits;  il 
se  suicida  en  s'enfermant  dans  le  tombeau  de  ses  ancêtres. 
LA  BiGNE  (V.  BiGNE). 
LA  BIG0T1ÈRE(V.  Bigotière). 
LA  BILLARDIÈRE  (Jacques-Julien  de),  voyageur  et  na- 
turaliste français,  né  à  Aiençon  le  23  oct.  1755,  mort  à 
Paris  le  8  janv.  1834.  Il  étudia  successivement  à  Montpel- 
lier et  à  Paris  et  fut  reçu  docteur  en  médecine  en  1780  ;  il 
se  consacra  particulièrement  à  la  botanique.  En  1786,  il 
reçut  une  mission  du  gouvernement  pour  visiter  la  Pales- 
tine, la  Syrie  et  les  principales  îles  de  la  Méditerranée. 
A  son  retour,  il  publia  :  Icônes  plantarum  Syriœ  ra- 
riorumdescriptionibus.,.illustratœ  (Paris,  1791-1812, 
in-4,  58  pL).  En  1791,  il  prit  part  à  l'expédition  de 
d'Entrecasteaux  faite  pour  rechercher  La  Pérouse,  visita 
le  pic  de  Ténériffe,  le  Cap,  PAustralie,  Java  où  il  fut  pris 
(1793)  par  les  Hollandais  et  retenu  jusqu'en  1795.  Ses 
collections  avaient  été  transportées  en  Angleterre;  J.  Banks 
les  lui  renvoya  intactes.  En  1800,  La  Billardière  devint 
membre  de  l'Institut  et  ne  s'occupa  plus  que  de  la  publi- 
cation de  ses  ouvrages  ;  citons  seulement  :  Relation  du 
voyage  à  la  recherche  de  La  Pérouse..,  (Paris,  an  VII, 
2  vol.  in-8,  et  atlas);  Novœ  Hollandiœ plantarum  spé- 
cimen (Paris,  1804-6,  2  vol.  in-4),  l'un  des  premiers 
ouvrages  qui  nous  ont  fait  connaître  les  plantes  si  curieuses 
des  terres  australes  ;  Sertum  Austro-Caledonicum  (Paris, 
1824-25,  2  part,  in-4,  80  pi.),  et  de  nombreux  travaux 
insérés  dans  les  Mémoires  de  Vlnstitut,  les  Annales  et 
les  Mémoires  du  Muséum.  D^  L.  Hn. 


-  687  - 


LABILLE  ~  LABLEE 


LABILLE  (Adélaïde)  (V.  Guiard  [M^«]). 

LA  BINTINAYE  (A.-M.  René  de)  (V.  Bintinaye). 

LAB1SSACHÈRE(P.-J.  Lemoun[erde)(V.  Bfssachêre). 

LABITTE  (Charles),  littèrareur  français,  né  à  Château- 
Thierry  (Aisne)  le  2  déc.  1816,  mort  à  Paris  le  4  9  sept. 
4845.  Après  avoir  terminé  ses  études  à  Abhoville,  pays 
natal  de  sa  mère,  il  se  fit  recevoir  docteur  es  lettres,  fut 
quelque  temps  chargé  d'un  cours  d'histoire  aux  collèges 
Charlemagne  et  Henri  IV,  puis  nommé  professeur  de  lit- 
térature étrangère  à  la  faculté  de  Rennes  (avr.  4840)  et 
suppléant  de  tissot  au  Collège  de  France  (4842) .  Collabo- 
rateur assidu  de  la  Revue  des  Deux  Mondes,  de  la  Revue 
de  Paris  et  de  divers  autres  recueils,  il  préparait  d'im- 
portants travaux  que  sa  santé  épuisée  par  ce  labeur 
même  ne  lui  permit  pas  de  mener  à  terme.  Outre  ses  deux 
thèses  de  doctorat  :  De  la  Démocratie  chez  les  prédica- 
teurs de  la  Ligue  (4844,  in-8);  De  Jure  politico  quid 
se7iserit  Mariana  et  une  édition  de  la  Satire  Ménippée 
(4841,  in-48),  on  a  de  Ch.  Labitte  un  recueil  posthume 
à' Etudes  littéraires  (4846,  2  vol.  in-8),  qui  ne  renferme 
qu'un  choix  de  ses  nombreux  articles.  —  Son  frère  Por- 
phyre-Henri (4823-85)  fut  député  (4876-82),  puis  sé- 
nateur (4882-85)  de  la  Somme,  M.  Tx. 

BiBL.  :  Saiintk-Beuve,  Notice  et  liste  des  Etudes  litté- 
raires, réimpr.  dans  ses  Portraits  littéraires^  t.  III. 

LA  B  LAC  HE  (Luigi),  chanteur  scénique  italien,  né  à 
Naples  le  6  déc.  4  794,  mort  à  Naples  le  23  janv.  1 858.  Fils 
d'un  négociant  de  Marseille  fixé  à  Naples  en  4  791 ,  il  fut  admis 
à  douze  ans  au  Conservatoire  de  la  Pieta  dei  Turchini,  où  il 
fut  élève  de  Gentili  pour  le  solfège  et  de  Valesi  pour  le  chant, 
en  même  temps  qu'il  étudiait  le  violon  et  le  violoncelle. 
Doué,  lorsqu'il  se  fut  formé,  d'une  superbe  et  exception- 
nelle voix  de  basse,  qui  ne  comprenait  pas  moins  de  deux 
octaves  pleines,  il  avait  à  peine  dix-huit  ans  lorsqu'il  dé- 
buta d'une  façon  heureuse  au  petit  théâtre  San  Carlino, 
dans  la  Molinara  de  Fioravanti.  Engagé  l'année  suivante 
à  Messine,  puis  à  Palerme,  pour  y  tenir  l'emploi  des  pre- 
mières basses  chantantes,  ses  succès  y  furent  tels  que  la 
prodigieuse  renommée  qu'il  devait  acquérir  par  la  suite 
commença  à  se  répandre  par  toute  l'Italie.  En  1847,  il 
débutait  triomphalement  à  la  Scala  de  Milan,  dans  la  Ce- 
nerentola  de  Rossini.  Excellent  musicien,  doué  d'une  in- 
telligence supérieure  et  d'un  rare  sentiment  delà  scène  qui 
lui  permettait  de  se  montrer  aussi  puissant  et  aussi  pathé- 
tique dans  les  situations  émouvantes  du  grand  drame 
lyrique  que  d'un  comique  parfois  extravagant,  mais  tou- 
jours de  bon  goût  dans  les  bouffonneries  les  plus  désordon- 
nées, Lablache,  après  s'être  fait  applaudir  avec  enthousiasme 
à  Turin,  à  Venise  et  à  Vienne,  éclipsa  'bientôt  tous  les  ar- 
tistes qui  tenaient  son  emploi  sur  les  diverses  scènes  de 
l'Europe.  C'est  le  4nov.  4830,  alors  qu'il  venait  de  fournir 
une  saison  brillante  au  théâtre  San  Carlo  de  Naples,  qu'on 
le  vit  débuter  au  Théâtre-Italien  de  Paris  avec  un  succès 
éclatant,  que  justifiaient  amplement  son  talent  magistral  et 
ses  incomparables  qualités.  Il  excita  véritablement  l'en- 
thousiasme des  amateurs,  en  se  montrant  tour  à  tour  dans 
Il  Matrimonio  segreto,  La  Gazza  ladra,  LaProva  d'un 
opéra  séria,  Cenerentola,  Semi7-amide,  Norma,  Anna 
Bolena,  VElisire  d'amore,  Don  Pasquale,  I  Puritani, 
abordant  tous  les  genres  et  dans  chacun  d'eux  donnant  la 
preuve  d'une  étonnante  supériorité.  Un  biographe  disait  alors 
de  lui  :  «  Sa  belle  et  noble  tête,  sa  haute  stature,  qui  affai- 
blissait les  inconvénients  de  son  embonpoint,  les  qualités 
de  son  esprit,  son  instruction  variée,  ses  connaissances 
étendues  dans  la  musique,  enfin  ses  habitudes  d'un  monde 
distingué  composaient  dans  sa  personne  et  dans  son  talent 
l'ensemble  le  plus  satisfaisant  qu'on  puisse  rencontrer 
dans  l'emploi  qu'il  remplissait  à  la  scène.  »  En  même  temps 
qu'il  excitait  à  Paris  l'admiration,  Lablache  allait  passer 
chaque  saison  d'été  à  Londres,  où  il  se  faisait  applaudir 
avec  frénésie,  non  seulement  au  théâtre,  mais  dans  les  grands 
festivals  de  musique  solennelle  et  religieuse  dont  le  public 
anglais  se  montre  si  friand.  Plus  tard,  il  alla  passer  aussi 


quelque  temps  à  Saint-Pétersbourg,  où  il  ne  fut  pas  fêté 
moins  bruyamment.  Très  estimé  aussi  de  tous  les  compo- 
siteurs de  son  temps,  qui  trouvaient  en  lui  un  interprète 
sublime  de  leurs  créations,  il  fut  l'ami  intime  de  Rossini, 
de  Bellini,  de  Donizetti,  de  Mercadante,  en  qui  il  excitait 
une  véritable  admiration.  En  résumé,  Lablache  fut  un  ar- 
tiste d'un  ordre  absolument  exceptionnel,  réunissant  toutes 
les  qualités,  chanteur  incomparable  en  même  temps  que 
comédien  d'une  incomparable  habileté,  et  qui  a  laissé  dans 
l'histoire  de  l'art  de  son  pays  une  trace  lumineuse. 

LABLACHÈBE.  Corn,  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr.  de 
Largentière,  cant.  de  Joyeuse;  4,928  hab. 

LABLANCHÈRE  (Pierre-René-Henri  Moullin  du  Cou- 
dray),  naturahste  et  photographe  français,  né  à  La  Flèche 
(Sarthe)  le  2  mai  4821,  mort  au  Havre  le  45  avr.  4880. 
Entré  en  4844  à  l'Ecole  forestière  et  nommé  garde  général 
des  forêts,  il  démissionna  en  4848  et  alla  habiter  Nantes,  où 
il  s'adonna  à  l'étude  de  l'histoire  naturelle  et  de  la  piscicul- 
ture. C'est  de  cette  époque  que  datent  ses  premières  appli- 
cations scientifiques  de  la  photographie.  En  48^5,  il  vint  se 
fixer  à  Paris,  fit  avec  Faye  les  premières  expériences  de 
photographie  solaire,  ouvrit,  par  l'invention  du  coliodion  sec, 
la  voie  qu'a  suivie  depuis  lors  la  préparation  des  plaques  et 
créa,  avec  Baudrand,  le  premier  procédé  artistique  d'hélio- 
gravure. Il  poursuivit  en  même  temps  ses  travaux  d'histoire 
naturelle.  Il  a  écrit  entre  autres  ouvrages  :  l'Art  du  pho- 
tographe (Paris,  4859,  in-8  ;  2®  éd.,  4864);  Monographie 
du  stéréoscope  (Paris,  4862,  in-8)  ;  Répertoire  encyclopé- 
dique de  photographie  (Paris,  4862-67,  6  voL  in-8)  ;  les 
Ravageurs  des  forêts  (Paris,  4865,in-42;3*'  éd.,  avec  le 
D^  E.  Robert,  4  875)  ;  Culture  des  plages  maritimes  (Paris, 
4866,  in-46)  ;  Nouveau  Dictionnaire  général  des  pêches 
(Paris,  4868,  m-^)\  Manuel  pratique  d'acclimatation  i^d.- 
ris,  4872,in-42);  les  Oiseaux  utiles  et  les  oiseaux  nui- 
sibles (Paris,  4870,  in-18;  5«éd.,  4889);  Sous  les  eaux 
(Paris,  4880,  in-8  ;3^éd.,  4886),  etc.  Onluidoilenoulredes 
contes,  des  nouvelles,  de  charmants  petits  livres  de  vulgarisa- 
tion scientifique  et  de  nombreux  articles  de  journaux. 

Son  fils,  Marie-René,  né  en  4853,  ancien  élève  de  l'Ecole 
normale  supérieure,  membre  de  l'école  française  de  Rome, 
docteur  es  lettres  (4883),  directeur  du  service  beylical  des 
antiquités  et  des  arts,  à  Tunis,  et  professeur  de  géographie  de 
l'Afrique  à  l'Ecole  supérieure  d'Alger  (1886),  est  actuelle- 
ment ^4  895)  inspecteur  général  des  bibliothèques,  musées  et 
archives,  à  Paris,  et  directeur  de  la  mission  archéologique 
française  dans  l'Afrique  du  Nord.  H  a  publié  :  De  Regejuba, 
thèse  (Paris,  4  883,  in-8)  ;  Voyage  d'étude  dans  la  Mauréia- 
nie  césarienne  (Paris,  4883,  in-8)  ;  Terracine,  essai  d'his- 
toire locale{Paris,  4  884,in-8)  ;  Collection  du  musée  A  laoui 
(Paris,  4890etsuiv. ,  in-4)  ;  Musées  et  collections  archéolo- 
giques de  l'Algérie  (Paris,  4  890  et  suiv. ,  in-4),  etc.   L.  S. 

LABLANCHERIE  (Flammès-Claude-Catherine  Pauin 
Champlain  de),  littérateur  français,  né  à  Langres  le  29  déc. 
4752,  mort  à  Londres  en  4844.  H  fonda  ks  Nouvelles 
de  la  république  des  lettres  et  des  arts  (1779-88), 
feuille  qui  paraissait  tous  les  mercredis  par  livraisons  de 
seize  pages  gr.  in-4  à  deux  colonnes,  avec  un  supplé- 
ment intitulé  Salon  de  la  correspondance  pour  les 
sciences  et  les  arts.  C'était  l'organe  d'une  sorte  de  cercle 
artistique  et  scientifique  destiné  à  fournir  aux  savants  et 
aux  artistes  un  centre  de  ralliement.  La  collection  de  ce 
journal  est  très  rare.  Citons  encore  de  lui  :  Essai  d'un 
tableau  historique  des  peintres  de  l'Ecole  française 
depuis  Jean  Cousin  jusqu' en  y 7^5  (Paris,  4783,  in-4). 
Il  fut  un  des  prétendants  à  la  main  de  M^^°  Roland,  alors 
qu'elle  n'était  encore  que  Manon  Phlipon,  et  faillit  l'épou- 
ser. R.  S. 

BiBL.  :  Hatin,  Bibliographie  de  ta  Presse  périodique, 
—  M"i«  Roland,  Mémoires,  Paris,  1820,  t.  I,  in-8. 

LABLÉE  (Jacques),  littérateur  français,  né  à  Baugency 
le  26  août  4754,  mort  en  4844.  Avoué  à  Paris,  il  fut  en 
4790  administrateur  de  la  Commune  de  Paris  et  président 
de  la  section  du  Luxembourg.  En  i  792,  il  fonda  un  jour- 


LABLEE  —  LABORDE 


—  68S 


nal,  le  Fanal  Parisien,  qui  fut  subventionné  par  le  minis- 
tère (les  affaires  étrangères,  sur  l'ordre  du  conseil  exécu- 
tif provisoire.  Il  subit  au  Luxembourg  une  détention  de  six 
mois  pour  avoir  désapprouvé  les  massacres  de  septembre  et 
le  procès  de  Louis  XVI.  En  1794,  il  devint  administrateur 
des  subsistances,  puis  procureur  syndic  du  Loiret.  Après 
divers  autres  avatars,  on  leretrou>'e  employé  à  l'adminis- 
tration de  la  guerre  ;  en  1810,  il  est  inspecteur  des  vivres 
en  Italie.  Solliciteur  éhonté,  après  avoir  publié  un  curieux 
volume  :  Couronne  poétique  de  Napoléon  {Hvïs,  1811, 
in-8),  qui  contient  tous  les  vers  qui  ont  été  composés  en 
l'honneur  de  l'empereur,  il  obtint  de  Louis  XVIII  une  pen- 
sion de  1,200  fr.  en  imprimant  Procès-verbal  et  notes 
explicatives  d'u7i  événement  qui  a  eu  lieu  au  Palais 
du  Luxembourg  le  22  févr.  i79i  (Paris,  4814,  in-8), 
oii  il  prétend  avoir  sauvé  la  vie  de  ce  prince  alors  qu'il 
n'était  encore  que  Monsieur.  Labiée,  littérateur  fécond,  a 
donné  beaucoup  de  romans  et  de  poésies,  entre  autres  : 
Silvine  (1801 ,  in-12)  ;  V Homme  aux  six  femmes  (1802, 
2  vol.  in-12)  ;  la  Roulette,  histoire  d'un  joueur  (1814, 
in-12,  5®  éd.)  ;  Des  Jeux  de  hasard  au  commencement 
du  XIX®  siècle  (1803,  in-12)  ;  la  Fin  du  monde,  poème 
(1806,  in-8);  VEcarté  ou  l'Aventure  d'une  joueuse 
(1822,  2  vol.  in-12),  etc.  R.  S. 

LA  BLETTERIE  (Jean-Philippe-René  de),  oratorien, 
professeur  d'éloquence  au  Collège  royal,  né  à  Rennes  en 
1696,  mort  en  1772.  Nommé  membre  de  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres  en  1742.  OEuvres  principales: 
Vie  de  l'empereur  Julien  (Paris,  1735,  in-12)  ;  Histoire 
de  Jovien  (Paris,  1748,  2  vol.  in-12)  ;  traductions  des 
Annales  de  Tacite  (Paris,  1768,  3  voL  in-12),  àa^Mœurs 
des  Germains  et  de  la  Vie  d'Agricola  (Paris,  175o, 
2  vol.  in-i2). 

LA  BODERIE  (Le  Fèyre  de)  (V.  Fèvrë  de  La  Bo- 
DERIE    [Le]). 

LABOlTIE  (V.  Boétie  [La]). 
LABOISSIÈRE.  Corn,  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Beau- 
vais,  cant.  de  Noailles  ;  867,  hab.  Stat.  du  eh.  de  fer  du 
Nord,  ligne  de  Paris  à  Amiens. 

LABOISSIcRE.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr. 
d'Amiens,  cant.  d'Hornoy;  163  hab. 

LABOISSIÈRE.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  et 
cant.  de  Montdidier  ;  268  hab. 

LABOISSIÈRE  (Paul-Joseph-Xavier Trâmier de),  homme 
politique  français,  né  à  Carpentras  (Vaucluse)  le  4  mars 
1799,  mort  à  Bollène  (Vaucluse)  le  22  déc.  1860.  Ancien 
garde  du  corps,  il  fut  le  5  juil.  1831  envoyé  parle  collège 
électoral  de  Carpentras  à  la  Chambre  des  députés,  où  il 
s'associa  au  parti  avancé,  fut  poursuivi  pour  participation 
à  l'insurrection  républicaine  des  5  et  6  juin  1832  et,  non 
réélu  en  1834,  se  retira  dans  son  département,  où,  plus 
tard,  il  fut  nommé'  commissaire  du  Gouvernement  provi- 
soire en  1848.  Représentant  de  Vaucluse  à  l'Assemblée 
constituante,  il  vota  d'ordinaire  avec  l'extrême  gauche.  Les 
élections  de  1849  le  firent  rentrer  dans  la  vie  privée. 

LABONG,  LAPOUN  ou  LAMPOUN.  Ville  du  Laos  sia- 
mois, sur  le  Mékouang,  affl.  g.  du  Siénam,  ch.-l.  d'une 
principauté  dépendant  de  celle  de  Xieng-maï.  Elle  a  été 
fondée  au  xi®  siècle  dans  une  plaine  fertile.  Son  temple 
Ouat-Piatat  et  la  pagode  voisine  sont  deux  des  plus  beaux 
monuments  de  Plndo-Chine. 

LABONNE  (Henry),  naturaliste  contemporain,  né  à 
Montgivray  (Indre)  le  28  déc.  1855.  Docteur  en  médecine 
de  la  faculté  de  Paris  {Contribut.  à  l'étude  des  suites  des 
fractures  de  la  rotule.,.,  1884),  licenciées  sciences  natu- 
relles, il  fut  chargé  de  deux  missions  officielles  du  gouver- 
nement français  en  Islande  et  aux  Fœroer  (1886-87)  ;  il 
dirige  aujourd'hui  la  Société  d'éditions  scientifiques.  Il  a 
publié:  l'Islande  et  T  archipel  des  Fœroer  {Paris,  1887, 
in-8;  2®  éd.,  18S8)  ;  dans  les  Sciences  biologiques  de 
1889  des  articles  sur  les  Idées  dominantes  à  travers  les 
siècles,  la  Crémation,  les  Germes  pathogènes  du  sol,  puis 
un  article  sur  les  Fœroer  dans  le  Tour  du  Monde  (1887). 


Il  a  donné  à  la  Grande  Encyclopédie  les  articles  Fœroer 
{Feroë)  et  Hécla.  ]y  L.  Un. 

LABORANS,  canoniste,  né  près  de  Florence  en  1110, 
mort  en  1192;  créé  cardinal  en  1180.  Il  avait  étudié  à 
Paris  et  y  avait  reçu  la  maîtrise.  Son  œuvre  principale,  qui 
porte  dans  un  manuscrit  du  Vatican  le  titre  de  Codex 
compilationis,  résume  le  travail  de  vingt  années  ;  elle 
contient  une  refonte  du  Décret  de  Gratien,  complété  par 
des  emprunts  à  Burchard,  aux  Décrétâtes  postérieures  à 
Gratien,  aux  Pandectes  et  au  Code  de  Justinien.  E.-H.  V. 

LABORDE.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.de 
Bagnères-de-Bigorre,  cant.  de  LaBarthe  ;''506hab, 

LABORDE  (Vivien),  oratorien,  né  à  Toulouse  en  1680, 
mort  en  1748.  Après  avoir  professé  la  philosophie,  la 
théologie  et  l'histoire  ecclésiastique,  il  devint,  très  jeune 
encore,  directeur  du  séminaire  de  Saint-Magloire  (1708), 
et  finalement  visiteur  de  sa  congrégation  et  assistant  au 
généralat.  Son  opposition  à  la  bulle  Unigenitus  l'avait 
empêché  d'être  nommé  évêque  ;  vers  la  fin  de  sa  vie,  il  se 
soumit  à  cette  bulle;  mais,  en  l'année  même  de  sa  mort,  il 
rédigeait  les  mandements  des  évêques  de  Carcassonne  (de 
Bezons)  et  de  Soissons  (Fitz-James)  contre  le  livre  du 
jésuite  Pichon,  intitulé  Esprit  de  Jésus-Christ  et  de 
l'Eglise  sur  la  fréquente  communion  (Paris,  1745). 
OEuvres  principales  :  Lettres  au  cardinal  de  Noailles 
touchant  les  intrigues  et  les  artifices  du  P,  Le  Tellier 
(Paris,  1711,  in-i^)  ;  Examen  de  la  constitution  UmoE- 
NiTus  (Paris,  1714);  Témoignage  de  la  vérité  dans 
l'Eglise  (Paris,  1714,  in-12)  (cet  ouvrage,  supprimé  par 
le  parlement  le  21  févr.  1714,  fut  formellement  condamné 
par  l'assemblée  du  clergé  le  29  oct.  de  l'année  suivante  ; 
mais  le  régent  interdit  l'impression  de  cette  condamnation)  ; 
Lettres  d'un  gcAitilhomme  de  Provence  (Paris,  1721, 
iîi-12);  Principes  sur  l'essence,  la  distinction  et  les 
limites  des  deux  puissances  spirituelle  et  temporelle 
(Rome,  1753,  in-12,  édition  posthume).         E.-H.  V. 

LABORDE  (Jean-Joseph,  marquis  de),  célèbre  financier 
français,  né  à  Jaca  (Espagne)  en  1724,  mort  à  Paris  le 
18  avr.  1794.  Grand  banquier  à  Bayomie,  il  rendit  d'im- 
portants services  au  gouvernement  français,  surtout  à  Choi- 
seul,  qui  lui  fit  donner  le  titre  de  marquis.  Possesseur  d'une 
fortune  énorme,  il  acquit  lesterres  de  Saint-Ouen,  de  Saint- 
Leu,  de  La  Ferté-Vidame,  de  Méréville,  où  il  dépensa  des 
sommes  colossales.  Mais  il  se  montra  toujours  d'une  grande 
générosité.  H  créa  en  1763  la  Caisse  d'escompte.  Arrêté 
en  1793,  il  fut  traduit  devant  le  tribunal  révolutionnaire, 
condamné  à  mort  le  29  germinal  an  II  et  guillotiné. 

LABORDE  (Alexandre-Louis- Joseph,  comte  de),  archéo- 
logue et  homme  politique  français,  né  à  Paris  le  17  sept. 
1773,  mort  à  Paris  le  20  oct.  1842,  fils  du  précédent. 
Emigré,  il  servit  dans  l'armée  autrichienne  jusqu'en  1797. 
A  partir  de  cette  époque ,  il  voyagea  en  Angleterre , 
en  Hollande,  en  Italie,  en  Espagne,  et  pubHa  ses  ou- 
vrages bien  connus  :  Itinéraire  descriptif  de  l'Espagne 
(Paris,  1809,  5  vol.  in~8  et  atlas)  et  Voyage  pitto- 
resqiie  et  historique  en  Espagne  (1807-18,  4  vol. 
in-foL).  Nommé  en  1808  auditeur  au  conseil  d'Etat,  créé 
comte  de  l'Empire  en  1810,  il  dirigea  le  service  des  ponts 
et  chaussées  dans  le  dép.  de  la  Seine  et  fut  élu  en  1813 
membre  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  où 
il  succédait  à  Toulongeon.  Sous  la  Restauration,  il  s'occupa 
surtout  des  questions  d'enseignement  mutuel  qu'il  avait 
étudiées  en  Angleterre.  En  1822,  il  fut  élu  député  de  la 
Seine,  réélu  en  1827,  et,  de  1830  à  1841,  il  se  distingua 
par  une  indépendance  relative.  Lors  de  la  révolution  de 
1830,  il  fut  un  des  chefs  du  mouvement  contre  les  ordon- 
nances, ce  qui  le  fit  choisir  par  Louis-Philippe  pour  aide 
de  camp  et  sous-préfet  de  la  Seine.  Le  comte  de  Laborde  fut 
questeur  de  la  Chambre  des  députés  à  partir  de  1831.  Il 
était  entré  à  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques 
en  1832.  Citons  parmi  ses  ouvrages  :  Description  des  nou- 
veaux  jardins  de  la  France  et  de  ses  anciens  châteaux 
(Paris,  1808-15,  in~fol.)  ;  les  Monuments  de  la  France 


(1816-26,  in-fol.)  ;  Projets  d'embellissements  de  Paris 
(IBIô,  in-fol.)  ;  Quarante-huit  Heures  de  garde  au 
château  des  Tuileries  pendant  les  journées  des  19  et 
20  mars  i8i5  (4816,  in-4)  ;  Voyage  pittoresque  en 
Autriche  (1821,  2  vol.  in-tol.)  ;  Paris  munici'pe  (1838, 
in-8)  ;  Versailles  ancien  et  moderne  (183940,  in-8),  etc. 

LABORDE  (Etienne  de),  officier  et  politicien  français, 
né  à  Carcassonne  le  3  déc.  1782,  mort  à  Paris  le  31  juil. 
1865.  Après  avoir  fait  les  campagnes  d'Allemagne  et  de 
Russie,  il  entra  en  1813  aux  chasseurs  à  pied  de  la  garde 
avec  le  grade  de  lieutenant,  et  promu  en  1814  capitaine 
adjudant-major,  accompagna  en  cette  qualité  Napoléon  à 
l'île  d'Elbe.  Pendant  les  Cent-Jours,  il  servit  aux  chasseurs 
de  la  garde  et,  jusqu'à  la  révolution  de  1830,  n'eut  point 
de  service  actif.  Il  fit  alors  la  campagne  de  Belgique  et  jus- 
qu'en 4838  commanda  la  place  de  Cambrai.  Bonapartiste 
ardent,  il  figura  dans  l'échauffourée  de  Boulogne  (1840) 
et  fut  condamné  à  deux  ans  de  prison.  En  1849,  la  Cha- 
rente-Inférieure l'envoya  siéger  à  l'Assemblée  législative. 
Après  le  coup  d'Etat  du  2  décembre,  il  devint  gouverneur 
du  palais  du  Luxembourg.  On  a  de  lui  un  curieux  ouvrage  : 
Napoléon  et  sa  garde  (Paris,  1840,  in-32),  qui  est  une 
relation  du  voyage  de  Fontainebleau  à  l'île  d'Elbe,  du  sé- 
jour de  l'empereur  dans  l'île  et  de  son  retour  en  France. 

LABORDE  (Léon-Emmanuel-Simon- Joseph, marquis  de), 
archéologue  et  historien  d'art  français,  né  à  Paris  le 
13  juin  1807,  mort  à  Fontenay  (Eure)  le  26  mars  1869, 
fils  de  Alexandre-Louis-Joseph  (V.  ci-dessus).  Elève  de 
l'université  de  Gœttingue,  il  voyagea  en  Asie  Mineure,  en 
Syrie,  dans  la  vallée  du  Nil,  dans  l'Arabie  Petrée.  En  1828, 
il  était  secrétaire  de  l'ambassade  de  France  à  Rome  sous 
Chateaubriand,  avec  lequel  il  démissionna;  en  1830,  il 
servit  d'aide  de  camp  à  La  Fayette.  Rentrant  dans  la  di- 
plomatie, il  occupa  les  fonctions  de  secrétaire  d'ambassade 
à  Londres  (1830),  à  Hesse-Cassel  (1831)  et  démissionna 
pour  s'occuper  d'art.  Elu,  le  7  mai  1841,  député  de  Seine- 
et-Oise,  réélu  en  1846,  il  entra  au  Sénat  le  2  mai  1868, 
mais  joua  un  rôle  politique  fort  effacé.  En  1842,  il  avait 
été  nommé  membre  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  en  remplacement  de  son  père.  Il  devint,  en  1847, 
conservateur  du  musée  des  antiques  du  Louvre  et  en  1857 
directeur  général  des  archives  de  l'Empire.  Il  a  laissé  de 
nombreux  ouvrages  dont  les  plus  importants  sont  :  Voyage 
de  r Arabie  P^^?'^^  (1830-33,  in-fol.),  avec  Linant;  tlore 
de  r  Arabie  Pétrée  (1833,  in-4)  ;  Histoire  de  la  gra- 
vure en  manière  noire  (1839,  in-8)  ;  Débuts  de  IHm- 
primerie  à  Strasbourg  (1840,  in-8)  ;  Débuts  de  V im- 
primerie à  Mayence  et  à  Bamberg  (1840,  in-4);  le 
Palais  Mazarin  (1847,  in-8)  ;  les  Anciens  Monuments 
de  Paris  (1846,  in-4)  ;  les  Ducs  de  Bourgogne  (1849-51 , 
3  vol.  in-8)  ;  la  Renaissance  des  arts  à  la  cour  de 
France (i^oi-^^,  in-8)  ;  Notice  des  émaux,  bijoux,  etc., 
du  Louvre  (1853,  2  vol.  in- 12)  ;  De  V  Union  des  arts  et 
de  l'industrie  (1856,  2  vol.  in-8)  ;  Athènes  aux  xv^, 
xvi^  et  xvii^  siècles  (1855,  2  vol.  in-8);  le  Parthénon 
(4854  et  suiv.,  gr.  in-fol.)  ;  Voyage  en  Orient,  Asie 
Mineure  et  Syrie  (4837-62,  2  vol.  in-fol.)  ;  les  Archives 
de  la  France  (1867,  in-12)  ;  Glossaire  français  du 
moyen  âge  (1872,  in-8)  ;  les  Comptes  des  bâtiments 
du  roi  (1878-80,  2  vol.  in-8),  etc.  R.  S. 

LABORDE  (Rosalie-Henriette  Bediez,  épouse),  cantatrice 
scénique  française,  née  à  Paris  le  30  mars  1824.  Elle  suivit 
un  cours  de  solfège  au  Conservatoire,  devint  ensuite  élève 
de  Mocker,  et  débuta  le  10  déc.  1840  à  l'Opéra-Comique, 
dans  le  Pré  aux  Clercs,  ne  resta  pas  à  ce  théâtre,  et  se 
montra  au  Théâtre-Italien,  dans  Mosè,  le  18  janv.  1841, 
sous  le  nom  de  M^^^  Villiorni.  Après  deux  saisons  passées 
aux  ItaHens,  elle  fut  engagée  au  théâtre  de  Gand  (nov. 
1842),  et  de  là  à  la  Monnaie  de  Bruxelles  (mai  1843),  où 
elle  obtint  de  vifs  succès  et  où  elle  épousa  le  ténor  Dur- 
Laborde.  De  Bruxelles,  elle  fut  engagée  à  l'Opéra,  vint 
débuter  à  ce  théâtre,  le  8  avr.  1849,  dans  le  rôle  de  Mar- 
guerite des  Huguenots,  prit  sa  place  dans  le  répertoire, 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XXI. 


—  689  —  LABORDE  —  LABORDÈRE 

créa  dans  VEnfant  prodigue  d'Auber  le  rôle  intéressant 
de  Nefté,  et  quitta  l'Opéra  au  bout  de  quelques  années 
pour  s'en  aller  à  l'étranger,  où  elle  fournit  une  carrière 
brillante  et  fructueuse.  Rentrée  en  France,  M"»®  Laborde 
a  fondé  à  Paris  une  école  de  chant  d'où  sont  sorties  nombre 
d'artistes  distinguées. 

LABORDE  (Jean-Baptiste-Vincent),  physiologiste  fran- 
çais contemporain,  né  à  Buzet  (Lot-et-Garonne)  le  4  déc. 
1830.  Docteur  en  médecine  en  1864,  successivement  pré- 
parateur du  laboratoire  de  physiologie  à  la  faculté  de  Pa- 
ris, puis  chef  des  travaux  physiologiques,  il  est  membre  de 
l'Académie  de  médecine  depuis  1887,  et  directeur  du  la- 
boratoire d'anthropologie,  de  l'Ecole  des  hautes  études 
depuis  1893,  M.  Laborde  a  publié  un  grand  nombre  de 
travaux  de  physiologie.  Le  but  constant  de  ses  efforts  est 
l'apphcation  de  la  méthode  expérimentale  à  l'étude  de  la 
biologie  en  général  et  de  la  médecine  en  particulier.  C'est 
dans  ce  but  qu'il  s'est  livré  à  d'importantes  recherches 
sur  les  substances  médicamenteuses  et  toxiques  et  surtout 
sur  l'histoire  physiologique  et  thérapeutique  des  alcaloïdes, 
complétant  de  ce  côté  l'œuvre  commencée  par  Claude  Ber- 
nard. Ses  travaux  sur  la  contractilité  des  canaux  biliaires, 
les  fonctions  des  centres  nerveux,  les  phénomènes  méca- 
niques delà  respiration,  les  effets  des  injections  intra-vei- 
neuses,  les  phénomènes  de  la  mort  apparente  et  de  la  mort 
réelle,  avec  application  pratique  d'un  procédé  de  ranima- 
tion  (les  tractions  rythmées  de  la  langue),  etc.,  se  trouvent 
consignés  dans  le  Bulletin  de  l'Académie  de  médecine, 
les  Comptes  rendus  de  la  Société  de  biologie  et  dans  un 
volume  résumant  les  Travaux  du  laboratoire  de  physio- 
logie (1884).  La  première  partie  de  son  Traité  élémen- 
taire de  physiologie  a  paru  en  1893.  M.  Laborde  a  créé 
à  la  faculté  de  Paris,  en  1879,  sous  la  haute  direction  de 
feu  le  professeur  Béclard,  son  maître,  l'enseignement  dé- 
monstratif de  la  physiologie,  dont  il  est  charge  depuis  cette 
époque.  D''  A.  Dureau. 

LA  B 0  R  D  E-Méré VILLE  (François-Louis- Jean-Joseph  de), 
homme  politique  français,  né  à  Paris  le  6  juin  1761,  mort 
à  Londres  en  1801.  Fils  aîné  du  financier  Jean-Joseph,  il 
devint  un  des  administrateurs  du  Trésor  royal.  Député  du 
tiers  état  du  bailliage  d'Etampes  aux  Etats  généraux 
(15  mars  1789),  il  montra  un  esprit  libéral  et  réclama  la 
tolérance  pour  tous  les  cultes  (22  août  1789).  Elu  un  des 
trois  trésoriers  patriotiques  le  29  sept.  1789,  il  fit  à  la 
nation  un  don  de  50,000  livres  (24  oct.).  Dénoncé  au  tri- 
bunal révolutionnaire,  il  se  réfugia  en  Angleterre. 

LABORDÈRE  (Jean),  homme  politique  français,  né  à 
Avesnes  le  17  janv.  1796,  mort  à  Montdidier  le  26  sept. 
1883.  Conseiller  à  la  cour  royale  d'Amiens  sous  la  monar- 
chie de  Juillet,  il  fut  envoyé  par  le  dép.  de  la  Somme  à 
l'Assemblée  constituante  (1848),  puis  à  l'Assemblée  légis- 
lative (4849),  et  s'associa  généralement  à  la  politique  de 
la  droite.  Après  le  coup  d'Etat,  il  acheta  une  charge  d'avo- 
cat à  la  cour  de  cassation  (1852)  et  rentra  dix  ans  plus 
tard  dans  la  retraite.  A.  Debidour. 

LABORDÈRE  (Jean-Marie-Arthur),  officier  et  homme 
politique  français,  né  à  Beauvais  le  42  oct.  4835,  fils 
du  précédent,.  Ancien  élève  de  Saint-Cyr,  il  fit  les  cam- 
pagnes de  4859  et  de  4870-74  et  parvint  au  grade  de  chef 
de  bataillon  le  4  mai  4876.  Il  était  major  au  44®  de  ligne 
à  Limoges  pendant  la  période  du  46  mai.  Sa  protestation 
contre  des  instructions  qui  lui  paraissaient  dénoter  des  pré- 
paratifs de  coup  d'Etat  (42  déc.  4877)  lui  valut  d'être 
mis  en  retrait  d'emploi.  Réintégré  dans  son  grade  en  4879, 
il  fut,  le  8  janv.  ^882,  envoyé  par  le  dép.  de  la  Seine  au 
Sénat,  où  il  soutint  sans  succès  (28  juil.)  une  proposition 
tendant  à  restreindre  l'obéissance  passive  dans  l'armée. 
Partisan  de  la  revision  de  la  Constitution,  il  donna  sa  dé- 
mission en  déc.  4884  et  prit  aussi  sa  retraite  comme 
officier.  Désigné  à  Paris  comme  candidat  radical  aux 
élections  complémentaires  de  déc.  4885,  il  entra  à  la 
Chambre  des  députés,  où  il  vota  d'ordinaire  avec  l'extrême 
gauche,  proposa  l'élection  du  Sénat  par  le  suffrage  univer- 

44 


LÀBORDÈRE  —  LA  BOUILLERÏE 


—  690 


sel  (juin  1887),  fut  quelque  temps  rapporteur  de  la  loi  sur 
Tarmée  et  se  prononça  avec  énergie  en  4  888  contre  le  général 
Boulanger.  Il  n'a  pas  été  réélu  en  1889.      A.  Debidour. 

LA  BORDERIE  (V.  Borderie  [LaJ). 

LABOREL.  Corn,  du  dép.  de  la  Drôme,  arr.  de  Nyons, 
cant.  de  Séderon  ;  4^1  hab. 

LA  BOSSE.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Beau  vais, 
cant.  du  Coudray-Saint-Germer  ;  606  hab.  Stat.  du  ch. 
de  fer  du  Nord,  ligne  de  Beauvais  à  Gisors. 

LAB  OU  AN.  Ile  de  la  côte  N.-O.  de  Bornéo,  en  face  de 
la  baie  Brunei  ;  c'est  un  triangle  de  78  kil.  q.  Elle  renferme 
de  la  houille  qu'on  exploite.  Elle  a  deux  bons  ports, 
Port  Victoria  au  S.  et  Port  Raffle  ou  Coal  Point  au  N.-O. 
Le  canal  entre  Labouan  et  la  grande  île  est  navigable.  Les 
Anglais  occupèrent  Labouan  en  1846  et  se  la  firent  céder 
par  le  sultan  de  Brunei  (27  mai  1848).  Mais  la  situation  de 
l'île  en  dehors  des  grandes  routes  de  navigation  l'a  empê- 
chée de  devenir  un  second  Singapour. 

LABOUCHÈRE  (Pierre-César),  financier,  d'une  famille 
protestante  d'origine  française  établie  en  Hollande,  après 
la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  né  à  La  Haye  en 
1772,  mort  près  de  Ghelmsford  le  16  janv.  1839.  Em- 
ployé de  commerce,  il  entra  comme  associé  dans  la  grande 
maison  de  banque  et  de  commission  Hope  d'Amsterdam, 
où  il  s'occupa  de  considérables  affaires  financières.  En  1814, 
Napoléon  le  chargea  d'une  mission  secrète  auprès  du  gou- 
vernement anglais,  relative  aux  conditions  du  rétablisse- 
ment de  la  paix  en  Europe  (V.  Thiers,  Histoire  du  Con- 
sulat, t.  XII).  Il  avait  épousé  en  1796  Dorothy  Baring, 
sœur  du  grand  banquier  (V.  Baring).  R.  S. 

LABOUCHÈRE  (Henry),  homme  politique  anglais,  né 
près  de  Ghelmsford  le  15  août  1798,  mort  à  Londres  le 
13  juil.  1869,  fils  du  précédent.  Il  fit  des  études  de 
droit,  fut  élu  en  1826  à  la  Chambre  des  communes  par 
Michaeiborough  et  se  fit  remarquer  par  ses  attaques  contre 
l'administration  vexatoire  et  inhabile  du  Canada.  Réélu  en 
1830  par  Taunton  qu'il  représenta  jusqu'à  son  élévation 
à  la  pairie,  il  devint  lord  de  l'amirauté  dans  le  cabinet  de 
lord  Grey  (1832),  directeur  de  la  Monnaie  dans  le  cabinet 
Melbourne  (1835).  De  févr.  à  août  1839,  il  fut  sous-secré- 
taire d'Etat  à  la  guerre  et  aux  colonies,  président  du  bureau 
du  commerce  (1839),  secrétaire  chef  du  vice-roi  d'Irlande 
dans  le  cabinet  John  Russell  (1846),  secrétaire  d'Etat  pour 
les  colonies  dans  le  cabinet  Palmerston  (1855).  On  lui  doit, 
entre  autres,  le  bill  sur  le  rappel  des  lois  de  la  marine 
marchande  qu'il  fit  passer  malgré  une  vive  opposition. 
Créé  le  18  août  1859  baron  Taunton,  il  entra  à  la  Chambre 
des  lords.  Grand  travailleur,  administrateur  habile,  il 
jouissait  d'une  influence  considérable.  Il  avait  épousé  en 
premières  noces  sa  cousine,  Fanny  Baring  (1840),  en  se- 
condes noces  (1852),  Mary  Howard,  sœur  du  comte  de 
Carlisle.         ^  R.  S. 

LABOUCHÈRE  (Pierre-Antoine),  peintre  français,  né  à 
Nantes  le  26  nov.  1807,  mort  à  Paris  le  28  mars  1873. 
Destiné  d'abord  au  commerce,  il  fut  envoyé  à  Anvers,  puis 
en  Amérique  et  en  Chine  ;  mais  le  souvenir  des  musées 
anversois  changea  bientôt  son  objectif.  En  1836,  il  se  rendit 
en  Italie,  puis  à  Paris  pour  cultiver  la  peinture,  sous 
la  direction  de  P.  Delaroche,  son  ami.  Protestant  zélé, 
il  consacra  ses  pinceaux  presque  exclusivement  aux  scènes 
historiques  de  la  Réformation  ;  son  talent,  sobre  et  grave, 
donne  à  ses  tableaux  un  grand  caractère.  Citons  comme  les 
plus  remarquables  :  Charles-Quint  à  Londres  (S.  1844)  ; 
Melanchthon,  Pomeranus  et  Cruciger  traduisant  la 
Bible  (1846)  ;  on  lui  doit  aussi  le  portrait  de  M.  Guizot 
(1863).  Il  a  publié  enfin  une  suite  de  dessins  sur  la  Vie 
de  Luther,  avec  texte,  qui  ont  été  gravés  par  M.  Merle 
d'Aubigné  ;  la  bibliothèque  de  Nantes  possède  encore  de 
lui  une  importante  collection  de  documents  autographes. 
BiBL.  :  Haag,  la  France  protestante. 

LABOUCHÈRE  (Henry),  homme  politique  anglais,  né  à 
Londres  en  1831,  neveu  de  Henry  (V,  ci-dessus).  Entré 
dans  la  diplomatie  en  1854,  il  était  en  1861  secrétaire 


d'ambassade  à  Constantinople.  Abandonnant  la  carrière  en 
1864,  il  se  fit  élire  membre  de  la  Chambre  des  communes 
par  Windsor  en  1865.  Réélu  par  leMiddlesexenl867,  par 
Nottingham  en  1876,  par  Northampton  en  1880,  il  se  fit 
remarquer  par  ses  opinions  radicales  et  ses  interpellations 
retentissantes  aux  ministères  conservateurs.  Il  réclama  le 
disestablishment  de  l'Eglise  d'Angleterre,  et  avec  M.  Glad- 
stone, dont  il  fut  un  des  principaux  lieutenants,  le  home  ruie 
pour  l'Irlande.  Fondateur  du  journal  satirique  The  Truth, 
un  des  propriétaires  du  Daily  News,  M.  Laboucbère  a  fré- 
quemment témoigné  ses  sympathies  pour  la  France  et  com- 
battu la  politique  étrangère  de  l'Angleterre  en  ce  qu'elle 
pouvait  avoir  d'hostile  à  notre  pays  (notamment  le  projet 
d'alliance  avec  l'Italie  en  1891).  R.  S, 

LA  BOUDERIE  (Jean),  érudit  français,  né  à  Chali- 
nargues  (Cantal)  le  13  févr.  1776,  mort  à  Paris  le  2  mai 
1849.  Avocat,  puis  vicaire  de  Notre-Dame  de  Paris,  il  com- 
battit vivement  l'ultramontanisme,  ce  qui  lui  valut  des  per- 
sécutions. Il  a  laissé,  outre  un  très  grand  nombre  de  traités 
théologiques  :  Précis  historique  du  méthodisme  (Paris, 
1818,  in-8);  le  Christianisme  de  Montaigne  (1819, 
in-8)  ;  Notice  historique  sur  dom  Mabillon(iS''2^,  in-8)  ; 
Notice  sur  Bouî^daloue  (iS^2o,  in-8)  ;  Notice  histor.  sur 
Zwingle  (1828,  in-8);  Lettres  de  Piron  à  Hugues  Ma- 
ret  (1828,, in~8),  et  divers  ouvrages  de  philologie. 

LA  BOUÉRE  (Antoine-Xavier-Gabriel  deGazeâu,  comte 
de),  peintre  français,  né  à  La  Bouère,  près  de  Jallais  (Maine- 
et-Loire)  en  1801,  mort  à  Grenoble  le  1^^  avr.  1881.  Fils 
d'un  général  vendéen,  sa  vie  se  passa  dans  la  carrière 
des  armes  jusqu'à  la  trentième  année.  Démissionnaire  par 
refus  de  serment  après  la  révolution  de  Juillet  1830,  il 
s'adonna  à  la  peinture  sous  l'impulsion  de  Picot  et  de 
Brune.  Après  un  voyage  en  Orient,  il  s'établit  à  Rome  et, 
pendant  plusieurs  années  qu'il  y  séjourna,  il  envoya  régu- 
lièrement au  Salon  de  Paris  ses  tableaux  imprégnés  de  la 
chaude  lumière,  du  puissant  coloris  des  pays  qu'il  avait 
parcourus.  Les  plus  remarquables  de  ses  œuvres,  dont 
quelques-unes  figurèrent  au  Luxembourg,  et  sont  mainte- 
nant dans  les  musées  de  province,  sont  :  le  Palais  de  Kar- 
nak  à  Thèbes  (S,  1841,  au  Luxembourg);  la  Vallée  des 
tombeaux  en  Nubie  ;  le  Vent  du  désert  aux  Pyramides; 
les  Marais  Pontins  et  surtout  deux  vues  du  Théâtre  de 
Taormina  (1869)  et  de  VAlham-bra  (1870).  Divers 
musées  de  l'étranger,  surtout  celui  de  Copenhague,  pos- 
sèdent aussi  des  tableaux  de  ce  vigoureux  artiste,  qui 
signait  Tancrède  de  La  Bouëre.  Ad.  Thiers. 

'lABOUHEYRE.  Com.  du  dép.  des  Landes,  arr.  deMont- 
dc-Marsan,  cant.  de  Sabres,  sur  le  Cantaloup  ;  1,398  hab. 
Chantiers  pour  la  conservation  des  bois  ;  forges,  scieries. 
Labouheyre  est  en  juin  et  en  septembre  le  siège  de  foires 
curieuses  où  se  vendent  surtout  de  vieux  uniformes.  Eglise 
du  XV®  siècle. 

LA  BOUILLERÏE  (François-Marie-Pierre  Roullet,  ba- 
ron de),  homme  politique  français,  né  à  La  Flèche  le 
27  avr.  1764,  mort  à  La  Flèche  le  7  avr.  1833.  Chef  de 
bureau  au  département  de  la  marine,  trésorier  général  de 
l'armée  des  côtes  d'Angleterre,  administrateur  des  fonds 
extraordinaires  de  la  caisse  d'amortissement,  il  rendit 
d'importants  services  financiers  à  Bonaparte  qui  l'en  ré- 
compensa en  le  nommant  trésorier  général  du  domaine  ex- 
traordinaire et  baron  (1810).  La  Restauration  lui  donna 
les  fonctions  d'intendant  delà  liste  civile  du  roi,  et  celles 
de  secrétaire  général  du  ministère  de  la  maison  du  roi 
(1814),  puis  de  président  du  comité  des  finances  (1815). 
Député  de  laSarthe  de  1816  à  1818  et  de  1820  à  1827,  il 
entra  à  la  Chambre  des  pairs  le  5  nov.  1827.  Il  fut  sous- 
secrétaire  d'Etat  aux  finances  en  1816. 

LA  BOUILLERÏE  (François-Alexandre  Roullet  de), 
évêque  français,  né  à  Paris  le  1®^  mars  1810,  mort  à  Bor- 
deaux le  8  juil.  1882,  fils  du  précédent.  Evêque  de  Car- 
cassonne  (6  févr.  1855),  coadjuteur  de  l'archevêque  de 
Bordeaux  (1872),  archevêque  inparlibus  dePerga(1873), 
il  a  donné  un  très  grand  nombre  d'ouvrages  religieux,  entre 


autres:  Méditations  sur  V Eucharistie  (Paris,  4 873, 
iii-32,  39®  éd.)  ;  Etude  sur  le  symbolisme  de  la  nature 
(4868,  2  vol.  in-42,  2^  éd.);  VHomme,  sa  nature, 
son  œuvre,  ses  facultés  et  sa  fin  (4879,  gr.  in-8). 

LA  BOUILLERIE  (Marie- Joseph  RouLLET  de),  frère  du 
précédent,  né  à  Paris  le  26  mars  4822,  mort  près  de  Baugé 
le  25  déc.  4894.  Il  débuta  dans  l'administration  et  oc- 
cupa entre  autres  postes  la  sous-préfecture  de  Verdun.  Le 
8  févr.  4874  il  fut  élu  représentant  de  Maine-et-Loire  à 
l'Assemblée  nationale  où  il  siégea  dans  la  droite  légitimiste. 
Le  25  mai  4873,  il  était  pourvu  du  portefeuille  de  l'agri- 
culture et  du  commerce  dans  le  cabinet  de  Broglie.  Il  démis- 
sionna le  24  noY.  Il  ne  rentra  pas  dans  le  second  minis- 
tère Broglie  qu'il  combattit  en  4874.  11  posa  sans  succès  sa 
candidature  à  La  Flèche  aux  élections  générales  de  4884. 
Il  participa  à  de  grandes  affaires  financières. 

LABOUISSE-  RocHEFORT  (  Jean  -  Pierre  -Jacques  -  Au- 
guste de),  littérateur  français,  né  à  Saverdun  le  4  juil. 
4778,  mort  à  Castelnaudary  le  22  févr.  4852.  Il  est  célèbre 
par  sa  passion  pour  sa  femme  Eléonore  qui  Fa  fait  surnom- 
mer le  «  poète  de  l'hymen  ».  Citons  de  lui  :  Réflexions 
contre  le  divorcei^djcis,  4797,in-42);  Voyage  à  Saint- 
Maur  (1807,  in-46);  les  Amours  à  Eléonore,  élégies 
(4808-47,  2  vol.  in-18);  Mélanges  littéraires  {im, 
in-46)  ;  VEleonoria  (4844,  in-46)  ;  Voyage  à  Triano)i 
(4 84 7, in-8)  ;  Souvenirs  et  mélanges  (4826,  2  vol.  in-8)  ; 
Petit  Voyage  sentimental  (4828,  in-8);  Trente  Ans  de 
ma  vie  (4844-46,  9  vol.  in-8);  Variétés  littéraires  et 
biographiques  {i^M  ,m-i^),  etc.  Il  avait  fondé,  en  1198, 
l'Ami  des  arts,  qui  fut  supprimé  par  le  Directoire. 

LA  BOULAYE  (Froc  de)  (V.  Froc). 

LABOULAYE  (Edouard-René  Lefebvre  de),  écrivain  et 
homme  politique  français,  né  à  Paris  le  48  janv.  4814, 
mort  à  Paris  le  25  mai  4883.  Il  fit  son  droit  tout  en  diri- 
geant avec  son  frère  une  fonderie  en  caractères  ;  l'Acadé- 
mie des  inscriptions  et  belles-lettres,  en  4  837,  couronna  un 
mémoire  sur  l'histoire  de  la  propriété  foncière  en  Occident. 
Ed.  Laboulaye  s'en  révéla  l'auteur.  Deux  autres  mémoires 
suivirent  :  les  Recherches  sur  la  condition  civile  et  po- 
litique des  femmes  (Paris,  4843)  et  V Essai  sur  les  lois 
criminelles  des  Romains  (Pi  ris,  4845),  Laboulaye,  reçu 
avocat  en  4842,  se  fit  inscrire  au  barreau  de  Paris  et 
abandonna  l'industrie.  En  4844,  il  fut  élu  membre  de 
l'Académie  des  inscriptions,  et,  en  4849,  il  fut  nommé  pro- 
fesseur d'histoire  des  législations  comparées  au  Collège  de 
France.  Collaborateur  régulier  du  journal  des  Débats,  il 
fonda  en  4855  la  Revue  historique  de  droit,  s'efforça  de 
ramener  l'enseignement  juridique  à  sa  vraie  source,  l'his- 
toire, en  même  temps  que  par  son  enseignement,  ses  con- 
férences populaires  et  ses  livres  [Paris  en  Amérique, 
4863  ;  le  Prince  Caniche,  4868),  par  un  appel  incessant 
à  l'exemple  de  l'Amérique,  il  devint  un  des  protagonistes 
de  l'opposition  hbérale  contre  l'Empire.  En  même  temps  il 
acclimatait  chez  nous  une  foule  de  contes  de  tous  les  temps 
et  de  tous  les  pays  {Contes  bleus,  4864,  Nouveaux  Contes 
bleus,  4868).  Conteur  gracieux  et  spirituel,  il  excellait  à 
manier  l'ironie  fime  et  légère,  et  il  passa  ainsi  en  se  jouant 
à  travers  les  mailles  de  la  censure  impériale.  Au  fond,  tout 
en  revendiquant  la  liberté  religieuse,  la  liberté  de  la 
presse,  de  l'enseignement  et  par-dessus  tout  la  liberté  in- 
dividuelle, il  n'était  ni  un  démocrate  ni  un  révolutionnaire, 
mais  un  libéral  et  un  évolutionniste.  Quand  le  ministère 
Ollivier  parut  donner  un  corps  au  rêve  d'un  empire  libé- 
ral, Laboulaye  cessa  de  combattre  le  gouvernement  ;  il 
fut  d'avis  de  voter  le  plébiscite  de  mai  4870,  c.-à-d.  de 
maintenir  le  régime  qu'il  avait  combattu  :  il  restait  fidèle 
à  sa  conviction  que  les  nations  doivent  éviter  les  révolutions 
et  procéder  à  une  transformation  graduelle  de  leurs  insti- 
tutions. On  interpréta  mal  son  attitude.  Des  manifestations 
hostiles  eurent  lieu  à  son  cours  du  Collège  de  France  le  23 
et  le  27  mai  et  il  fut  obligé  de  le  suspendre. 

Après  la  chute  de  l'Empire,  Laboulaye,  qui  avait  lutté 
sans  succès  contre  la  candidature  officielle  à  Strasbourg  en 


694  -  LA  BOUILLERIE  -  LABOULAYE 

4866,  à  Versailles  en  4869,  fut  élu  député  de  Paris  aux 
élections  complémentaires  du  2  juil.  4874  par  407,773 
voix.  Il  fit  partie  du  centre  gauche  et  soutint  avec  autorité 
le  gouvernement  de  Thiers  qui  personnifiait  pour  lui  la 
cause  de  la  République.  Le  4  6  juin  4874,  il  soutint  la  pro- 
position Casimir-Perier  demandant  la  constitution  de  la 
République  ;  une  voix  s'écria  alors  :  «  Comment  !  ,un  plébis- 
citaire qui  parle  ainsi  !  —  Oui,  répondit-il,  un  de  ceux 
qu'on  a  le  plus  indignement  trompés.  J'ai  voté  la  paix  ;  on 
a  fait  la  guerre.  »  Il  ajouta  :  «  Vous  craignez  que  la  Ré- 
publique ne  soit  pas  conservatrice,  mais  elle  sera  ce  que 
vous  la  ferez.  »  Rapporteur  de  la  loi  sur  l'enseignement 
supérieur,  il  soutint  (déc.  4874)  une  loi  absolument  favo- 
rable aux  cléricaux.  Il  figura  un  des  premiers  sur  la  liste 
des  sénateurs  inamovibles  dressée  par  l'Assemblée  natio- 
nale et  fut  élu  le  dixième  le  40  déc.  4875.  Au  Sénat,  il 
siégea  au  centre  gauche  républicain  et  vota  presque  cons- 
tamment avec  son  groupe.  Il  combattit  en  4880  la  loi  Ferry 
dirigée  contre  les  congrégations  et  plus  tard  l'exécution  des 
décrets.  Son  rôle  poHtique  avait  suspendu  en  partie  son 
activité  profe?sorale.  Il  se  fit  suppléer  dans  sa  chaire,  mais, 
dès  4873,  il  fut  nommé  par  ses  collègues  administrateur 
du  Collège  de  France,  fonction  dans  laquelle  il  fut  main- 
tenu jiisq'/à  sa  mort.  Homme  politique  distingué,  bien  qu'un 
peu  timrré,  Laboulaye  s'est  montré  orateur  sincère  et  char- 
mant ,  son  talent  de  conteur,  plein  de  finesse  et  de  bonho- 
mie, son  style  alerte,  gracieux  et  spirituel,  lui  assignent  une 
place  honorable  parmi  les  écrivains  de  son  temps. 

Outre  les  ouvrages  déj  à  cités,  Laboulaye  en  a  publié  un  grand 
nombre  dont  voici  les  principaux  :  Histoire  politique  des 
Eteis-(//îts(4855-66,3  vol.);  la  Liberté  religieuse  {iS^S); 
la  Propriété  littéraire  au  xvui^  siècle  (4859)  ;  Etudes 
morales  elpolitiques  (4862)  ;  V  Etat  et  ses  limites  [i  863); 
le  Grand  Coutumier  de  France,  avec  M.  Dareste  (4868)  ; 
Discours  populaires  (4869)  ;  Questions  constitution- 
nelles (4872)  ;  Table  chronologique  des  diplômes  de  l'His- 
toire de  France  (4863-76,  t.  VII  et  VIII)  ;  la  Liberté  des 
enseignements  (4880);  Trente  Ans  d' enseignement  au 
Collège  de  France,  cours  inédits  (publ.  posth.,  4888). 

BiBL.  :  Une  bibliographie  très  complète  des  œuvres  de 
Laboulaye  a  été  dressée  par  M.  E.  de  Rozière  et  joints  à 
la  notice  de  M.  Wallon  sur  Laboulaye  (Paris,  1889). 

LABOULAYE  (Charles-Pierre  Lefebvre  de),  fondeur  en 
caractères  et  écrivain  scientifique  français,  né  à  Paris  le 
47juil.  4843,mortàParisle  24  mars4886,  frère  du  précé- 
dent. Sorti  de  l'Ecole  polytechnique  en  4833  et  de  l'Ecole 
d'application  de  Metz  en  4835,  il  donna  dès  4836  sa  dé- 
mission de  lieutenant  d'artillerie  pour  s'adonner  à  l'in- 
dustrie et,  après  plusieurs  mois  passés  dans  la  maison 
Didot,  monta  une  fonderie  en  caractères  qui  acquit  une 
rapide  notoriété,  grâce  aux  améliorations  qu'il  apporta 
dans  la  fabrication  des  matrices,  dans  la  construction  des 
machines  et  dans  la  composition  des  alliages.  Puis  il  se 
consacra  à  son  Dictionnaire  des  Arts  et  Manufactures 
(Paris,  4847,  2  vol.  in-8  ;  6^  éd.,  4886,  4  vol.),  impor- 
tant et  excellent  ouvrage,  dont  il  a  été,  en  même  temps 
que  l'éditeur,  le  principal  collaborateur.  Il  a  aidé  en  outre 
son  frère,  Edouard-René,  dans  la  publication  des  œuvres 
de  Channing,  et  il  a  écrit  seul:  De  la  Démocratie  indus- 
trielle (Paris,  4848,  in-42;  2«  éd.,  4849);  Traité  de 
cinématique  théorique  et  pratique  (Paris,  4849,  in-8  ; 
3^  éd.,  4878)  ;  Essai  sur  l'art  industriel  (Paris,  4856, 
in-8)  ;  Des  Bateaux  transatlantiques  (Paris,  4857,  in-8)  ; 
Essai  sur  l'équivalent  mécanique  de  la  chaleur  (Paris, 
4858,  in-8);  Economie  des  machines  et  des  manufac- 
tures, d'aprèsl'ouvrageanglaisdeCh.  Babbage  (Paris,  4879, 
in-8);  l'Art  industriel  (Paris,  4887, in-8,  posth.),etc.  Il 
est  enfin  l'auteur  de  mémoires  originaux  sur  la  théorie  méca- 
nique de  la  chaleur  insérés  pour  la  plupart  dans  les  Comptes 
rendus  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris  et  il  a  fourni, 
comme  président  du  Cercle  de  la  librairie  (4868)  et  comme 
secrétaire  de  la  Société  d'encouragement  (4877),  de  nom- 
breux rapports  sur  des  questions'diverses.  L.  S. 


LABOULÂYE  —  LABOUR 

BiBL.  :  Pour  les  titres  de  ses  mémoires,  V.  le  Catalogue 
ofscientiflc  papers  de  la  Soc.  roy.  de  Londres,  t.  III  (lè69) 
et  t.  Vlll  (1879). 

LABOULAYE  (Antoine-René-Paul  Lefebvre  de),  diplo- 
mate français,  né  à  Paris  le  6  juin  4833,  fils  d'Edouard 
(V.  ci-dessus).  Entré  dans  la  diplomatie  en  1835,  il  était  en 
4878  ministre  plénipotentiaire  à  Lisbonne,  ambassadeur  à 
Madrid  en  4885,  ambassadeur  à  Saint-Pétersbourg  en 
4886.  Il  a  terminé  brillamment  sa  carrière  en  4894,  après 
avoir  contribué  à  l'alliance  franco-russe  par  la  réception 
de  Cronstadt. 

LA  BOULAYE  (Paul  de),  peintre  français  contemporain, 
né  à  Bourg  (Ain)  en  4849.  C'est  dans  sa  vingtième  année 
que  cet  artiste,  quittant  sa  ville  natale,  vint  à  Paris,  chez 
Bonnat,  étudier  sérieusement  la  peinture,  qu'il  n'avait  cul- 
tivée jusqu'alors  que  de  pratique.  En  4879,  il  exposa  un 
joli  tableau,  Au  Sermon,  souvenir  de  la  Bresse,  groupe 
de  jeunes  filles  aux  attitudes  recueillies,  d'une  peinture 
solide  et  bien  sur  ses  plans  (au  musée  du  Luxembourg).  Il 
peignit  encore  des  scènes  empruntées  aux  mœurs  de  sa 
Bresse  natale  et  du  Bourbonnais,  telles  que  :  la  Sortie 
d'église  (S.  4881);  Un  Baptême  en  Bourbonnais 
(S.  4884);  les  Voisines  (S.  4888).  Ces  œuvres  sont  pleines 
de  fine  et  humoristique  observation,  d'un  dessin  large  et 
correct.  Depuis  4888,  il  n'a  pas  exposé.     Ad.  Tphers. 

LABOULBÈNE.  Corn,  du  dép.  du  Tarn,  arr.  etcant.  de 
Castres  ;  444  hab. 

LABOULBÈNE  (Jean-Joseph-Alexandre)^  médecm  fran- 
çais contemporain,  né  à  Agen  le  25  août  48:25.  Docteur 
en  médecine  en  4854,  agrégé  de  la  faculté  en  4860,  mé- 
decin des  hôpitaux  en  4854,  il  a  été  nommé  professeur 
d'histoire  de  la  médecine  en  4884.  Outre  de  nombreux 
articles  publiés  dans  le  Bulletin  de  l'Académie  de  méde- 
cine, les  Comptes  rendus  de  la  Société  de  biologie,  le 
Dictionnaire  encyclopédique  des  sciences  médicales, 
on  lui  doit  des  Recherches  cliniques  et  anatomiques  sur 
les  affections  pseudo-membraneuses,  ouvrage  couronné 
par  l'Institut  (4864).  Ancien  préparateur  du  professeur 
Charles  Robin,  il  a  donné  des  Nouveaux  Eléments  d'ana- 
tomie  pathologique,  descriptive  et  histologique  (1879). 
Il  est  aussi  l'auteur  d'une  série  de  recherches  intéressantes 
sur  les  insectes  qui  attaquent  les  céréales,  la  vigne,  les 
végétaux  de  potager,  de  prairie,  etc.,  recherches  insérées 
dans  les  Annales  de  la  Société  entomologique,  les  Ar- 
chives de  Thompson,  etc.  On  lui  doit  une  publication  sur 
V Œuvre  de  l'académicien  G.-J.  Davaine  (V.  ce  nom). 
Elu  membre  de  l'Académie  de  médecine  en  4873,  il  a  pré- 
sidé cette  compagnie  en  4892. 

LABOULBENIA(Bot.).  Genre  de  Champignons  Sphéria- 
cés  (dédié  à  Laboulbène),  à  périthèce  membraneux  sup- 
porté par  un  pédicule  clair  s'ouvrant  au  sommet  par  un 
orifice  d'où  s'échappent  des  spores  hyalines  et  allongées. 
Parasite  des  insec^tes.  Espèces  principales  :  Laboulbenia 
Rougetii  et  L.  Guerinii.  —  L,  Rougetii,  à  périthèce 
naissant  d'un  faisceau  de  filaments  assez  gros,  simples  ou 
bifurques,  ovoïde  ou  en  oUve,  obtus  au  sommet  où  il  est 
percé  d'un  pore  assez  ample.  Dans  sa  cavité,  spores  dres- 
sées dans  un  mucilage  qui  en  facilite  l'évacuation  au  temps 
de  la  maturité,  fusiformes  et  renfermant  une  matière 
glauque  paraissant  divisée  par  des  cloisons  transversales. 
Longueur  du  parasite  :  4/3  de  milHm.;  largeur  au  niveau 
du  périthèce,  4/40  de  millim.  Hab.  :  Antennes,  thorax, 
pattes  et  élytres,  entre  les  poils  et  surtout  vers  l'extrémité 
supérieure  des  articles  du  Brachynus  crepitans  et  autres 
insectes  de  la  même  espèce.  Le  parasite,  très  adhérent, 
est  renversé  en  arrière  par  le  fait  de  la  marche  de  l'ani- 
mal qui  se  cache  sous  les  pierres.  —  L.  Guerinii,  sans  my- 
céhum,  composé  d'un  support  divisé  en  pédicule  et  en  ré- 
ceptacle, et  de  filaments  articulés  latéraux  en  bouquets 
serrés.  Sporange  conique,  à  extrémité  hbre,  arrondie, 
mamilliforme,  à  centre  un  peu  plus  renflé  que  l'extrémité 
adhérente  au  réceptacle.  A  cause  de  l'opacité  des  parois  du 
sporange,  les  spores  ne  se  voient  bien  qu'après  leur  sortie 


692  ~ 

qui  se  fait  ordinairement  par  paires.  Spores  allongées,  à 
contenu  transparent,  glauque  et  finement  granuleux.pab. 
principal  :  Gyretes  sericeus  (Amer,  du  S.).    H.  Fournier. 
LABOULE-et-Yalas  (V.  Boule-et-Vâlas). 
LABOULIE  (Joseph-Balthazar-Gustave  de),  homme  po- 
litique français,  né  à  Aix  (Bouches-du-Rhône)  le  25  août 
4800,  mort  à  Bade  le  4  sept.  4867.'  Avocat  général  à 
la  cour  de  Riom  sous  la  Restauration,  il  démissionna  le 
40  août  4830,  fut  élu  député  de  Marseille  le  24  juin  4834 
et  prit  une  part  active  aux  luttes  du  parti  légitimiste  contre 
le  gouvernement  de  Juillet.  Non  réélu  en  4837,  il  plaida 
pendant  onze  ans  au  barreau  d'Aix,  fut  envoyé  par  le  dép. 
des  Bouches-du-Rhône  à  l'Assemblée  constituante  (4848), 
puis  à  l'Assemblée  législative  (4849),  vota  d'ordinaire  avec 
le  centre  droit,  contribua  au  succès  de  l'amendement  Tinguy 
sur  la  signature  des  articles  de  journaux  (juil.  4850)  et 
rentra  dans  la  vie  privée  à  la  suite  du  coup  d'Etat  (4854). 
LABOULLAYE  (Ferdinand  de),  auteur  dramatique  fran- 
çais, né  vers  1840,  mort  le  49  avr.  4849.  De  cet  auteur 
très  fécond,  on  peut  citer  :  Joséphine  ou  le  Retour  de 
Wagram  (4830,  in-8),  opéra  en  un  acte;  les  Quatre 
Sergents  de  La  Rochelle  (4834,  in-8),  mélodrame  ;  plu- 
sieurs comédies  en  collaboration  avec  Eug.  Cormon  ;  Mo- 
lière au  xix«  siècle   (4844,  in-8),  comédie  en  vers  ; 
Corneille  et  Rotrou  (4845,  in-8),  etc. 
LABOULLAYE  (François  de)  (V.  Le  Gouz). 
LABOUQUERIE.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr. 
de  Bergerac,  cant.  de  Beaumont;  326  hab. 

LABOUR.  I.  Agriculture.  —  De  toutes  les  pratiques 
culturales,  le  labour  est  sans  contredit  la  plus  importante, 
au  point  que  le  mot  laboureur  est  devenu  en  quelque  sorte 
synonyme  de  cultivateur.  Cette  opération  consiste  essentiel- 
lement à  diviser  la  couche  arable,  en  ramenant  les  parties 
inférieures  à  la  surface. 

L  But.  ~  Le  but  du  labourage  est  multiple.  Le  prin- 
cipal est  l'ameublissement  de  la  terre  végétale  en  vue  de 
favoriser  son  aération  et  la  pénétration  de  l'eau.  Dans  une 
terre  non  remuée,  l'air  n'ayant  pas  accès,  beaucoup  des 
éléments  de  la  fertilité  restent  inactifs,  comme  le  carbo- 
nate de  chaux  et  le  phosphate  de  chaux  qui  restent  inso- 
lubles, comme  l'azote  des  fumiers  et  des  débris  organiques 
qui  ne  se  transforment  pas  en  nitrates  assimilables  (le  fer- 
ment nitrificateur  répandu  dans  la  terre  étant  aérobie), 
enfin  Vhumus  (V.  ce  mot)  non  aéré  ne  peut  se  transfor- 
mer en  ammoniaque  et  en  acide  carbonique.  D'un  autre 
côté,  suivant  la  remarque  de  M.  L.  Moll,  on  sait  que. les 
terres  argileuses  ou  argilo-calcaires  pauvres  ne  produisent 
qu'à  force  de  labours,  de  sorte  qu'on  peut  dire  que  pour 
un  sol  compact,  riche  ou  pauvre,  les  labours  sont  la  pre- 
mière condition  de  la  production.  Seulement,  il  est  à  re- 
marquer que  leur  effet  est  toujours  nn  aliquote  du  rende- 
ment initial.  Ce  rendement  sera  augmenté  de  4/40,  4/8, 
4/6  par  un  labour  supplémentaire,  et  cette  augmentation 
qui,  dans  un  sol  riche,  payera  largement  les  frais,  ne  les 
couvrira  plus  dans  un  sol  pauvre.  —  Le  labour  a  encore 
pour  but  de  déti'uireles  mauvaises  herbes;  c'est  également 
par  les  labours  qu'on  enfouit  les  engrais  et  notamment  le 
fumier  (V.  ce  mot)  à  la  profondeur  voulue.  Enfin,  le  la- 
bour a  encore  pour  objet,  dans  certains  cas,  de  recouvrir 
certaines  semences  et  de  les  placer  à  la  profondeur  la  plus 
favorable  à  leur  prompte  germination.  Les  labours  sont 
effectués  au  moyen  d'outils  à  main  ou  d'instruments  atte- 
lés. Les  labours  à  bras  se  font  au  moyen  de  la  bêche  (Y,  ce 
mot)  ;  on  les  exécute  dans  les  jardins  et  dans  la  petite  cul- 
ture. C'est  le  labour  à  la  bêche  qui  donne  le  travail  le  plus 
parfait;  par  contre,  il  est  très  lent,  exige  beaucoup  de  main- 
d'œuvre  et  est  par  cela  même  coûteux.  On  peut  diviser  le 
labour  à  la  bêche  en  quatre  temps  :  i"  enfoncer  la  bêche 
dans  la  terre,  avec  ou  sans  l'aide  du  pied  ;  2^  détacher 
une  motte  de  terre  ;  3**  soulever  la  tranche  et  la  renverser  ; 
4«  émietter  la  motte  de  terre  en  la  frappant  avec  le  plat 
de  la  bêche.  Un  bon  ouvrier  peut  labourer  ainsi  en  moyenne 
2  ares  par  jour.  —  On  donne  aussi  des  labours  à  bras 


-  693  -. 


LABOUR 


avec  la  fourche  à  trois  dents  en  crochets  ;  cet  instrument 
permet  de  diviser  le  sol  avec  moins  de  difficulté  que  ia 
bêche,  mais  la  terre  n'est  que  très  imparfaitement  retour- 
née. Les  labours  à  l'aide  d'instruments  attelés  s'effectuent 
au  moyen  de  la  charrue  (Y.  ce  mot). 

IL  Conditions  d'un  bon  labour.  —  Ces  conditions  n'ont 
rien  d'absolu  ;  elles  varient  suivant  le  but  qu'on  se  propose, 
l'état  et  la  nature  du  sol,  ainsi  que  la  récolte  qui  doit 
suivre.  Toutefois,  il  en  est  qui  sont  générales  et  que  doit 
remplir  tout  bon  labour.  M.  L.  Moilles  résume  de  la  ma- 
nière suivante  :  1'^  le  fond  de  la  raie  doit  être  coupé  pa- 
rallèlement à  la  surface,  dès  lors  partout  à  la  même  pro- 
fondeur ;  la  bande  de  terre  doit  être  détachée  régulièrement 
sur  toute  sa  largeur,  et  non  sur  une  portion  seulement, 
de  façon  à  laisser  intact  un  bourrelet,  ou  saumon^  sim- 
plement recouvert  par  la  bande  renversée,  comme  le  font 
non  seulement  les  anciennes  charrues  à  socs  en  fer  de 
lance,  mais  encore  beaucoup  de  charrues,  dites  perfection- 
nées, à  soc  trop  étroit;  2°  une  autre  condition,  également 
importante,  c'est  le  parallélisme  des  bandes  entre  elles  et 
leur  égahté  de  largeur  ;  3^  ces  bandes  doivent  être  ren- 
versées dans  la  position  la  plus  favorable  pour  l'aération 
de  la  terre  en  général,  et  en  particulier  pour  celle  de  la 
couche  inférieure  ramenée  en  dessus;  4°  la  direction  du 
labour  doit  être  telle  que  le  travail,  toutes  choses  égales 
d'ailleurs,  soit  rendu  aussi  prompt  et  facile  que  possible, 
et  que,  combinée  avec  la  forme  donnée  à  la  surface,  cette 
direction  favorise  l'écoulement  des  eaux  sans  provoquer 
des  érosions;  5**  enfin  le  labour  ne  doit  être  donné  ni 
quand  la  terre  est  trop  sèche,  ni,  à  plus  forte  raison, 
quand  elle  est  trop  humide.  Dans  le  premier  cas,  outre 
que  l'opération  offre  des  difficultés  extrêmes,  le  sol  se  lève 
en  grosses  mottes  qui  ne  subissent  que  fort  peu  l'influence 
de  l'air,  et  qui  ne  se  désagrègent  qu'à  la  longue.  Dans  le 
second,  le  mal  est  plus  grand  encore  :  au  lieu  d'être  rendu 
plus  meuble,  le  sol,  pour  peu  qu'il  soit  argileux,  est  com- 
primé, en  quelque  sorte  corroyé,  et,  s'il  survient^  de  la 
sécheresse  immédiatement  après,  les  bandes  prennent  la 
dureté  de  la  pierre.  Un  labour  fait  dans  de  semblables  con- 
ditions peut  faire  sentir  sa  fâcheuse  influence  longtemps. 
Ce  n'est  qu'immédiatement  avant  ou  pendant  l'hiver  qu'on 
peut  impunément  labourer  une  terre  argileuse  à  l'état 
humide,  parce  que  les  gelées  réparent  le  mal. 

m.  Epoque,  nombre  et  succession  des  labours.  —  C'est 
généralement  en  automne  ou  en  hiver,  lorsque  la  gelée 
n'est  pas  trop  forte,  qu'on  procède  aux  labours  dits  «  la- 
bours d'hiver  »;  cependant,  on  exécute  aussi  des  labours 
de  printemps.  Pour  les  premiers,  on  doit  labourer  le  plus 
tôt  possible  les  terres  humides,  froides,  et  ne  travailler 
qu'en  dernier  lieu  les  terres  légères  et  perméables.  Pour 
les  labours  de  printemps,  on  fait  l'inverse,  en  commençant 
par  les  terres  légères  et  terminant  par  les  terres  compactes  ; 
Il  est  toujours  préférable  de  labourer  en  automne  avant 
les  premières  gelées,  car  les  alternatives  de  gel  et  de  dégel 
complètent  avantageusement  le  travail  de  la  charrue  et 
pulvérisent  la  terre.  Jamais  un  seul  labour,  comme  le  fait 
observer  M.  Garola,  n'est  suffisant  pour  ameublir  conve- 
nablement le  sol.  Il  en  faut  souvent  faire  en  hiver,  au  prin- 
temps, en  été  et  en  automne.  Mais  bien  qu'en  toute  saison 
il  soit  nécessaire  de  labourer,  le  cultivateur  ne  peut  pas 
le  faire  avec  toute  liberté.  L'état  d'humidité  ou  de  séche- 
resse du  sol  peut  en  effet  mettre  obstacle  à  l'exécution  des 
labours.  Le  nombre  des  labours  varie  avec  la  nature  du  sol 
et  avec  les  récoltes  ;  les  terres  fortes  demandent  des  labours 
multipliés,  souvent  trois  et  même  quatre,  tandis  que  les 
terres  légères  ou  sablonneuses  peuvent  se  contenter  d'un 
ou  deux.  Le  plus  généralement  les  terres  ne  sont  labou- 
rées qu'une  seule  fois  quand  elles  ont  été  occupées  par  une 
récolte  de  betteraves  ou  de  pommes  de  terre  et  qu'elles 
doivent  être  ensemencées  avec  une  céréale.  Quant  aux  sols 
qui  sont  destinés  à  produire  des  racines  ou  des  tubercules, 
il  leur  faut  au  moins  deux  ou  trois  labours,  surtout  s'ils 
ont  été  occupés  par  une  céréale.  Autant  que  possible  et  si 


la  configuration  du  terrain  le  permet,  lorsqu'une  terre 
doit  recevoir  plusieurs  labours,  ceux-ci  ne  seront  pas  don- 
nés dans  le  même  sens  :  on  donnera  au  contraire  le  second 
perpendiculairement  au  premier  ;  de  cette  manière  Fameu- 
blissement  sera  encore  plus  énergique. 

IV.  Profondeur  des  labours.  —  Dans  un  bon  labour, 
il  faut  observer  un  certain  rapport  entre  la  largeur  et 
l'épaisseur  de  la  bande  de  terre  soulevée  ;  ce  rapport  est 
indiqué  au  mot  Charrue.  Les  labours,  suivant  la  profon- 
deur qu'on  leur  donne,  peuvent  être  divisés  en  quatre 
groupes  :  1°  les  labours  superficiels  qui  varient  entre  5  et 
10  centim.  ;  on  les  appelle  encore  déchaumage  (V.  ce 
mot);  2<>  les  labours  ordinaires,  dont  la  profondeur  varie, 
suivant  l'épaisseur  de  la  couche  arable,  la  nature  du  sous- 
sol  et  la  quantité  de  fumier  à  enfouir,  entre  lî2  et  22  cen- 
tim.; 3^  les  labours  de  défoncement  (V.  ce  mot)  dont  la 
profondeur  varie  entre  25  et  33  centim.;  4<*  enfin  les 
sous-solages,  labours  qui  consistent  à  faire  suivre  la  char- 
rue qui  donne  le  labour  ordinaire  par  une  autre  charrue, 
privée  de  versoir,  qui  remue  le  sous-sol  sans  toutefois  le 
ramener  à  la  surface.  On  a  beaucoup  recommandé  les  la- 
bours profonds  dont  les  avantages  sont  nombreux;  il  est 
à  remarquer  toutefois  qu'ils  ne  sont  pas  toujours  possibles. 
Pour  les  exécuter  avec  profit  il  faut  que  le  sous-sol  soit  de 
bonne  qualité  ;  autrement  on  ramène  la  mauvaise  terre  à  la 
surface;  il  faut  en  outre  pouvoir  proportionner  la  quantité 
d'engrais  à  la  profondeur  du  labour.  En  tout  cas,  lors- 
qu'on veut  augmenter  l'épaisseur  de  la  couche  végétale 
active  par  les  labours  profonds,  il  faut  ne  procéder  que 
graduellement,  sous  peine  de  s'exposer  aux  plus  graves  mé- 
comptes. D'ailleurs,  avant  d'augmenter  cette  profondeur 
par  les  labours  ordinaires,  il  sera  bon  de  recourir  aux  sous- 
solages  un  ou  deux  ans  auparavant. 

V.  Différentes  espèces  de  labours.  —  Suivant  la  ma- 
nière dont  on  exécute  les  labours  et  suivant  l'espèce  de 
charrue  dont  on  dispose,  on  peut  diviser  les  labours  en 
trois  groupes  : 

d°  Le  labour  a  plat  dans  lequel  toutes  les  bandes  de 
terre  sont  renversées  les  unes  à  côté  des  autres,  toujours 
dans  le  même  sens.  On  commence  le  travail  d'un  côté  du 
champ  et  on  finit  à  l'extrémité  opposée.  Le  labour  à  plat 
ne  peut  être  réaUsé  qu'avec  une  charrue  à  versoir  mobile, 
soit  une  charrue  tourne-oreille,  soit  un  brabant  double. 
Cette  manière  de  labourer,  qui  se  propage  de  plus  en  plus, 
évite  la  multiplicité  des  enrayures  et  des  dérayures;  elle 
évite  en  outre  les  longues  tournées  qui  constituent  une 
perte  de  temps  ;  enfin  les  labours  à  plat  donnent  un  champ 
bien  égal,  bien  uni,  une  surface  régulière  qui  rend  plus 
facile  l'exécution  des  travaux  ultérieurs. 

2<*  Le  labour  en  planches^  dans  lequel  la  surface  du 
champ  est  divisée  en  parcelles  ou  planches  régulières  plus 
ou  moins  larges,  séparées  par  un  double  trait  de  charrue 
qui  creuse  une  rigole  ou  dérayure,  servant  à  l'écoulement 
des  eaux.  Ce  labour  convient  surtout  aux  terres  humides; 
on  l'exécute  avec  les  charrues  ordinaires  à  versoir  fixe. 
Les  tournées  qu'il  faut  faire  au  bout  de  chaque  sillon  occa- 
sionnent des  pertes  de  temps  dont  l'importance  varie  sui- 
vant la  largeur  des  planches. 

3^  Le  labour  en  billons,  dans  lequel  le  terrain  est  dis- 
posé en  planches  très  étroites  et  bombées;  dans  ce  mode 
de  labour,  on  accumule  la  terre  des  ailes  vers  l'axe  des  bil- 
lo7is  (V.  ce  mot).  On  l'exécute  souvent  dans  les  terres 
très  humides.  Suivant  M.  Damseaux ,  les  récoltes  sont 
inégales  et  irrégulières  sur  les  champs  billonnés;  cela  ré- 
sulte de  ce  que  la  partie  inférieure  des  ailes  est  dégarnie 
de  bonne  terre  et  le  sous-sol  plus  rapproché,  ou  encore  de 
ce  que  les  engrais  sont  mal  répartis  ;  la  partie  inférieure 
des  ailes  est  aussi  exposée  à  souffrir  davantage  de  la  sé- 
cheresse et  de  rhumidité  :  pour  ces  divers  motifs,  les 
récoltes  sont  parfois  moins  belles  dans  le  voisinage  des 
sillons.  Le  billonnage  rend  aussi  les  hersages  et  les  rou- 
lages plus  difficiles;  ces  façons  s'opèrent  souvent  au 
moyen  d'instruments  adaptés  au  relief  du  sol.  La  largeur 


LABOUR  ~~  LA  BOURDONNAIS 


-  694  — 


et  la  hauteur  à  donner  aux  billons  dépendent  de  plusieurs 
circonstances  et  notamment  de  la  nature  du  sol,  de  la 
pente  du  terrain,  du  degré  de  perméabilité  de  la  terre,  etc. 

Comme  dans  ces  trois  espèces  de  labours  il  reste  tou- 
jours, aux  deux  extrémités  du  champ,  une  partie  qui  n'est 
pas  travaillée,  par  suite  des  tournées  que  doit  exécuter 
l'attelage,  il  reste  ce  qu'on  nomme  les  chaintres  ou  fo- 
rières  qui  sont  labourées  ensuite  dans  une  direction  per- 
pendiculaire à  celle  du  labour.  Ce  n  est  que  lorsqu'on 
peut  exécuter  les  tournées  sur  un  champ  voisin  ou  sur  un 
chemin  que  les  forières  peuvent  être  évitées. 

Comme  on  le  voit  par  tout  ce  qui  précède,  les  labours 
à  plat  sont  de  beaucoup  les  plus  recommandables  et  les 
plus  parfaits.  Or  il  arrive  parfois  qu'on  tient  à  labourer 
de  la  sorte  alors  qu'on  ne  dispose  pas  de  charrue  à  ver- 
soir  mobile.  On  comprend  que  s'il  fallait  revenir  à  vide 
après  avoir  renversé  une  bande,  on  perdrait  beaucoup 
trop  de  temps;  on  peut  alors  résoudre  le  problème  par 
une  méthode  spéciale,  dite  de  Fellemberg.  Le  labour  de 
Fellemberg,  dit  M.  Berthaut,  peut  se  faire  en  dedans  ou  en 
dehors,  ce  qui  correspond  à  l'endossement  ou  à  la  refente. 
Mais,  dans  un  cas  comme  dans  l'autre,  il  faut  faire  sur  le 
champ  un  tracé  géométrique  qui  n'est  pas  compatible,  dans 
le  plus  grand  nombre  des  circonstances,  avec  les  néces- 
sités agricoles.  Supposons  un  champ  rectangulaire  A,  B, 
C,  D;  on  mène  les  bissectrices  des  quatre  angles  ;  elles  se 
rejoignent  en  E  et  F,  si  on  laboure  en  dedans,  on  enraye 
en  G,  et  l'on  tourne  continuellement  autour  de  EF  sans 
cesser  de  labourer  jusqu'à  ce  qu'on  soit  arrivé  aux  extré- 
mités du  champ.  Quand  on  fait  un  labour  en  dehors,  on 
enraye  !sur  un  des  côtés  du  champ  en  H  et  on  laboure  en 
suivant^une  marche  parallèle  aux  côtés  extérieurs,  dans  la 
direction  H,B,  A,  D.  Mais  on  voit  qu'en  opérant  ainsi,  et 


A 

B 

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en  labourant  constamment,  on  serait  obligé  de  marcher,  à 
chaque  tournée,  sur  le  terrain  travaillé.  Pour  éviter  cet 
écueil,  on  trace,  autour  des  bissectrices,  des  lignes  paral- 
lèles qui  limitent  une  forière  de  2  m.  de  largeur  sur 
laquelle  on  maintient  la  charrue  hors  de  terre.  Dans  ces 
conditions,  quand  on  est  arrivé  à  4  m.  de  chaque  côté  de 
la  ligne  EF,  il  reste  une  série  de  forières,  qu'on  refend 
dans  le  sens  N,  0,  P,  Q,  R,  S,  T,  U,  W,  V  ,H,  K,  L,  M.  On 
forme  ainsi  une  grande  dérayure  qui  occupe  la  place  de  la 
médiane  et  des  bissectrices. 

VI.  QcjAsi-LABouRS.  —  Les  quasi-labours  sont  des  labours 
légers,  des  sortes  de  déchaumages  qui  ne  retournent  pas  la 
terre  remuée,  et  qu'on  effectue  le  plus  généralement  avec 
Vextirpateur  ou  le  scarificateur  (V.  ces  mots).  Les 
quasi-labours  ont  surtout  pour  objet  de  rompre  la  croûte 
durcie  du  sol  qui  a  pu  se  former  depuis  le  premier  labour, 
ou  bien  de  diviser  la  terre  très  tassée,  aussitôt  après  la 
moisson,  afin  de  faciliter  le  premier  labour.  Dans  les  terres 
légères  la  préparation  consiste  souvent  en  un  labour  pro- 
prement dit,  suivi  d'un  quasi-labour.     A.  Lârbâlétrier. 

IL  Viticulture  (V.  Viticulture). 

BiBL.  :  G.  Heuzé,  la  Pratique  de  V agriculture;  Paris, 


1891,  in-18.  —  Barral  et  Sagnier,  Dictionnaire  d'agricul- 
ture; Paris,  1889,  t.  III,  in-8.  —  V.  Borie,  Travaux  des 
champs;  Paris,  1880,iin-18,  —IMoll  et  Gayot,  Encyclo- 
pédie pratique  de  V agriculteur;  Paris,  1878,  in-8.  ~ 
A.  Tresca,  le  Matériel  agricole  moderne;  Paris,  1893,  in-8. 

LABOUR  (Terre  de)  (V.  Caserte  [Prov.  de]). 

LABOURD  {Lapurdentis  pagus  ou  tractus^^n  basque 
Laphurdi).  Ancien  pays  de  France,  dont  Bayonne  était  la 
capitale,  et  qui  a  contribué  à  former  le  dép,  actuel  des 
Basses-Pyrénées  ;  il  est  borné  au  N.  par  l'Adour,  à  TE. 
par  la  Basse-Navarre,  au  S.  par  la  Navarre  espagnole, 
à  rO.  par  le  golfe  de  Gascogne.  —  Lapurdum  désigna 
jusqu'au  xi^  siècle  la  capitale  du  pays  et  fut  remplacé 
à  cette  époque  par  Bayonne  (V.  ce  mot)  ;  mais  le  nom 
de  Lapurdum  resta  au  pays  environnant  sous  la  forme 
Labourd,  Au  vi«  siècle,  le  Labourd  faisait  partie  du 
pays  des  Tarbelli  et  de  la  civitas  Aquensium  (Dax), 
qui  se  divisait  en  deux  diocèses  dont  l'un  avait  précisé- 
ment son  siège  dans  la  capitale  du  Labourd.  En  d059 
apparaît  la  vicomte  de  ce  nom,  qui  disparut  au  moment  où 
la  Gascogne  devint  anglaise  par  suite  du  mariage  d'Eléo- 
nore  de  Guyenne  avec  un  Plantagenet.  Les  principaux 
vicomtes  de  Labourd,  quelquefois  appelés  vicomtes  de 
Bayonne,  furent  Fortun  Sanche  (1059),  Sanche  Garcia 
(1070),  Garcia  Sanche  (1120),  Bertrand  (1140),  Pierre 
Bertrand  (1150),  Arnaud  Bertrand  (1174),  Guillaume 
Raymond  (1193).  Leur  autorité  passa  au  xiii«  siècle  au 
bailli  d'Ustaritz,  dont  les  appels  allaient  au  sénéchal  de 
Bayonne  et  en  dernier  ressort  au  parlement  de  Bordeaux; 
les  assemblées  générales  des  communes  de  Labourd  por- 
taient le  nom  de  Bilçar,  Au  xv®  siècle,  le  pays  redevint 
français  :  la  soumission  du  Labourd  fut  un  des  épisodes 
de  la  conquête  de  la  Guyenne  par  Charles  VU,  à  la  suite 
d'une  campagne  très  vivement  menée  par  son  lieutenant  le 
comte  de  Foix,  Gaston  IV.  Les  Labourdins,  sans  attendre  la 
reddition  de  Bayonne  qui  n'eut  lieu  que  l'année  suivante, 
se  soumirent  par  le  traité  de  Belsunce  (18  mai  1450)  à 
l'obédience  du  roi  de  France.  —  Au  point  de  vue  ecclé- 
siastique, ce  pays  formait  l'archidiaconé  de  Labourd  qui, 
avec  l'archidiaconé  de  Gize  et  en  Espagne  les  vallées  de 
Bastan  et  de  Lérin,  composait  le  diocèse  de  Bayonne,  Lors 
de  l'établissement  des  intendances,  le  Labourd  dépendit  de 
la  subdélégation  de  Bayonne.  En  1790,  il  fut  appelé  à  faire 
partie  du  dép.  des  Basses-Pyrénées  et  forma  le  district 
d'Ustaritz.  H.  Courteault. 

BiBL.  :  OiHÉNART,  Noiitia  utriusque  Vasconim;  Paris, 
1838, in-8.  —  Balasque  et  Dulaureins,  Etudes  historiques 
sur  la  ville  de  Bayonne  ;  Bayonne,  1862-75,  3  vol.  in-8.  — 
P.  Raymond,  Dictionnaire  topographique  des  Basses- 
Pyrénées;  Paris,  1863,  in-4.  —  Fabre,  Lettres  labourdines ; 
Bayonne,  1869,  in-8. 

LA  BO  U  R  DON  N  Al  E(V.  Bourdonnais). 

LA  BOURDON NAIS(Bertrand-FrançoisMAHÉ,comtede), 
marin  français,  né  à  Saint-Maio  le  11  févr.  1699,  mort  à 
Paris  le  10  nov.  1753.  Il  voyagea  de  bonne  heure  et  entra 
en  1 718  comme  lieutenant  au  service  de  la  Compagnie  fran- 
çaise des  Indes.  Capitaine  en  1724,  il  contribua  à  la  prise 
de  Mahé.  Il  passa  ensuite  au  service  du  vice-roi  portugais 
de  Goa.  En  1735,  il  fut  nommé  gouverneur  des  îles  de 
France  et  de  Bourbon,  et  sut  y  développer  la  prospérité. 
En  1740,  La  Bourdonnais  revint  en  France  et  fut  presque 
aussitôt  placé  à  la  tête  d'une  division  destinée  aux  Indes. 
Après  avoir  délivré  Mahé,  il  vint  au  secours  de  Dupleix 
bloqué  à  Pondichéry.  La  Bourdonnais,  n'ayant  pas  reçu  de 
France  les  renforts  attendus,  prit  la  mer  avec  une  flottille 
de  la  Compagnie  et,  avec  de  faibles  ressources,  il  battit  la 
flotte  de  lord  Peyton  à  la  hauteur  de  Negapatnam.  Arrivé 
à  Pondichéry,  il  se  trouva  en  opposhion  de  vues  avec  Du- 
pleix. Il  mit  ensuite  le  siège  devant  Madras  qui  capitula  le 
21  sept.  1746,  et  ce  fait  d'armes  fut  la  cause  d'un  grave 
différend  entre  lui  et  Dupleix  (V.  ce  nom).  On  a  dit  long- 
temps que,  dans  cette  affaire  de  Madras,  Dupleix  s'était 
montré  jaloux,  altier,  intraitable.  Deux  historiens  anglais, 
W.  Cartwright  et  le  lieutenant-colonel  Malleson,  rétabhs- 
sant  l'exactitude  des  faits,  ont  permis  d'établir  au  contraire 


695 


LA  BOURDONNAIS  -^  LABRADOR 


que  La  Bourdonnais  eut  une  attitude  pleine  de  duplicité  et 
qui  cachait  un  intérêt  personneL  La  Bourdonnais  quitta 
rinde  le  23  oct.  et  revint  dans  son  gouvernement  de  l'île 
de  France,  tl  y  trouva  un  successeur  déjà  installé.  Il  vou- 
lut rentrer  en  France  pour  se  justifier,  et  parvint  à  s'em- 
barquer sur  un  bâtiment  hollandais.  Pris  et  mené  en  An- 
gleterre, il  obtint  de  venir  en  France  sur  parole.  Là,  une 
instruction  judiciaire  était  commencée  contre  lui  pour  mau- 
vaise gestion  et  péculat  ;  à  peine  fut-il  arrivé  qu'on  l'en- 
voya à  la  Bastille  (6  mars  1748).  Il  fut  tenu  plus  de  deux 
ans  au  secret.  11  put  enfin  se  défendre  pendant  la  troisième 
année  de  son  emprisonnement  et  fut  acquitté  (1751).  Mais 
sa  santé  était  ruinée,  et  la  Compagnie  lui  disputait  les  dé- 
bris de  sa  fortune;  il  mourut  miné  par  le  chagrin,  non 
sans  avoir  répandu,  dans  ses  dernières  années,  les  plus 
injustes  préventions  contre  Dupleix.  La  Bourdonnais  a 
laissé  des  Mémoires  dont  la  dernière  édition  a  été  publiée 
par  son  petit-fils,  le  comte  A.-C.  Malié  de  La  Bourdonnais 
(Paris,  1890,  in-8).  G.  Regelsperger. 

BiBL.  :  Fantin  des  Odoards,  Révolutions  de  l'Inde; 
Paris,  1796,  t.  I.  —  Collin  de  Bar,  Histoire  de  l'Inde 
ancienne  et  moderne;  Paris,  1814,  t.  IL  —  Barchou  de 
PENHoitN,  Histoire  de  la  conquête  et  de  la  fondation  de 
Vempire  anglais  dans  VInde  ;  Paris,  1840,  t.  I.  —  Margry, 
les  Iles  de  France  et  de  Bourbon  sous  le  gouvernement 
de  La  Bourdonnais^  dans  la  Reuue  maritivne  et  coloniale, 
1862.  —  V.  aussi  la  bibi.  du  mot  Dupleix. 

LA  BOURDON NAYE  (Marie-Ferdinand-Raoul,  vicomte 
de),  homme  politique  français,  né  à  Paris  le  12  mai  1837. 
Attaché  à  l'ambassade  de  Londres  (1857),  secrétaire  d'à  m 
bassade  à  Vienne  (i864),  il  abandonna  la  diplomatie  en 
1867.  Elu  député  de  Cholet  le  6  avr,  1884  avec  un  pro- 
gramme royaliste,  il  a  été  réélu  en  1885,  1889  et  1893. 
Il  appuya  le  boulangisme. 

LABOUREUR  (Claude Le),  historien  et  généalogiste  de 
la  seconde  moitié  du  xvn^  siècle.  On  a  de  lui  un  Discours 
de  l'origine  des  armes  (1658,  in-4);  une  Histoire  gé- 
néalogique de  la  maison  de  Sainte-Colombe  (1673, 
in-8);  et  enfin  son  œuvre  la  plus  importante,  intitulée  les 
Masures  de  Vlsle  Barbe  (1665-82,  2  vol.  in-4),  qui  es 
une  histoire  de  l'abbaye  de  l'ïle-Barbe  de  Lyon. 

LABOUREUR  (Jean  Le),  historien  et  généalogiste,  né 
à  Montmorency  en  1633,  mort  en  juin  1675,  neveu  du 
précédent.  Ses  ouvrages  principaux  sont  :  Recueil  des 
tombeaux  des  personîies  illustres  dont  les  sépultures 
S07it  dans  V église  des  Célestins  de  Paris  (1641,  in-4; 
1642,  in-foL);  Relation  du  voyage  de  la  reine  de  Po- 
logne (1647,  in-4)  (il  avait  suivi  en  Pologne  la  maréchale 
de  Guébriant  lorsqu'elle  était  allée  y  conduire  Marie  de 
Gonzague);  Histoire  du  maréchal  de  Guébriant  (;\%^^^ 
in-foL);  Discours  de  V origine  des  armoiries  (1684, 
in-4).  Il  a  de  plus  édité  les  Mémoires  de  Michel  de  Cas- 
telnau  (1659,  2  vol.  in-foL),  et  traduit  du  latin  Vlîis- 
toire  de  Charles  F/,  d'un  religieux  de  Saint-Denis  (1660, 
2  vol.  in-foL). 

LABOUREUR  (FrancescorMassimiliano),sculpteuritalien, 
né  à  Rome  en  1767,  mort  à  Rome  en  1831.  Nommé  en 
1 802  membre  de  l'Académie  de  Saint-Luc,  il  devint  en  1813 
professeur  à  cette  Académie,  et  en  1820  il  en  fut  élu  prési- 
dent. Sa  réputation  s'étendit  bien  au  delà  des  frontières 
d'Italie,  et  il  reçut  des  commandes  importantes,  même  d'Au- 
triche et  de  Pologne.  Son  œuvre  la  plus  connue  est  une 
statue  colossale  du  Génie  de  la  Paix,  On  cite  encore  à 
Rome  :  le  mausolée  du  Cardinal  Berni^  à  Saiut-Louis-des- 
Français,  une  statue  de  San  Francesco  Car^acciolo,  à  Saint- 
Pierre;  puis  VImmaculée  Conception,  commandée  par 
le  cardinal  Fesch,  dans  la  cathédrale  de  Lyon:  Endymion^ 
au  musée  de  Vienne;  le  monument  de  Malakowskij,  dans 
l'église  Sainte-Croix,  à  Varsovie. 

BiBL.  :  P.-E.  ViscoNTi,  Il  Genio  délia  Pace,  statua 
colossale  di  Massimiliano  Laboureur,  1832,  in-4. 

LAB0UR6ADE.  Corn,  du  dép.  du  Tarn-et-Garonne,  arr. 
de  Caslelsarrasin,  cant.  de  Saint-Nicolas-de-la-Grave  ; 
334  hab. 


LABOURSE.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de 
Béthune,  cant.  de  Cambrin  ;  839  hab. 

LABOURT  (L.-A.),  archéologue  et  économiste  français, 
né  à  Montmorillon  en  1793,  mort  à  Doullens  en  juil. 
1859.  Il  entra  dans  la  magistrature  sous  la  Restauration  ; 
procureur  du  roi  à  Doullens  lors  de  la  révolution  de  1830, 
il  donna  sa  démission.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Es- 
sai sur  V origine  des  villes  de  Picardie  (Amiens,  1840, 
in-8)  ;  Recherches  archéologiques  sur  Le  Crotoy  (Abbe- 
ville,  1840-43,  in-8)  ;  Becherches  historiques  sur  les 
enfants  trouvés  (Paris,  1846,  in-8);  Recherches  histo- 
riques et  statistiques  sur  Vintempérance  des  classes 
laborieuses  et  sur  les  enfants  trouvés  (Paris,  1848, 
in-8)  ;  Recherches  sur  l'origine  des  ladreries  et  lépro- 
series (1854,  in-8)  ;  Lettres  archéologiques  sur  le  châ- 
teau de  Lucheux  (Amiens,  1854,  in-8)  ;  Bibliothèque 
picarde,  choix  de  légendes  populaires  (1855,  in-8)  ;  VEau 
éc  mort  (contre  l'alcoolisme)  (1853,  in-8).         M.  P. 

LABOUTARIÉ.  Corn,  du  dép.  du  Tarn,  arr.  d'Albi,  cant. 
de  Réalmont;  165  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  du  Midi,  ligne 
de  Castres  à  Carmaux. 

LABOUVERIE.  Corn,  de  Belgique,  prov.  de  Hainaut, 
arr.  de  Mons;  7,000  hab.  Importantes  exploitations  de 
charbonnages. 

LABRADOR.  Grande  presqu'île  de FAmérique  du  Nord, 
comprise  entre  la  baie  d'Iïudson  et  le  golfe  du  Saint-Lau- 
rent. Elle  couvre  une  surface  d'environ  1,300,000  kil.  q. 
entre  49°  et  62<»  30'  de  lat.  N. 

La  limite  sur  le  golfe  est  marquée  par  la  pointe  de 
Monts  à  LE.  de  l'embouchure  du  Saguenay.  La  région  qui 
longe  le  golfe  est  la  mieux  connue  ;  elle  reçoit  un  nombre 
considérable  de  rivières  qui  portent  encore  des  noms  fran- 
çais :  la  Trinité,  Pentecôte,  Sainte-Marguerite,  la  Truite, 
Bec-Scie,  Tonnerre.  Une  des  plus  connues,  explorée  sur 
une  grande  longueur  par  Hind  en  1861,  est  la  rivière 
Moisie.  En  remontant  ces  rivières  à  cascades  on  atteint  les 
plateaux  des  Laurentides  couverts  de  lacs  étendus  qui  mar- 
quent la  frontière  indécise  avec  la  région  de  la  baie  d'Hud- 
son.  Peu  d'établissements  le  long  du  littoral;  l'ancien Bra- 
dore  ou  Brest  des  Français  est  complètement  abandonné  ; 
le  principal  centre  est  Blanc-Sablon.  La  côte  assez  élevée 
présente  un  aspect  triste  ;  elle  est  fréquemment  enveloppée 
de  brumes  ;  la  population  est  composée  de  descendants 
d'Européens  venus  des  îles  de  la  Madeleine,  de  l'Acadie, 
des  rives  du  Saint-Laurent  pour  s'occuper  de  pêche  et  de 
chasse.  L'agriculture  est  nulle,  et  cependant  le  sol  n'est 
pas  stérile.  D'après  M.  H.  de  Puyjalon,  quia  passé  l'été  de 
1882  à  étudier  ses  propriétés,  «  les  parties  du  rivage  appe- 
lées plains  se  composent  d'un  sous-sol  argileux,  surmonté 
de  sable  quelquefois  mélangé  de  matières  organiques  ;  les  CO" 
Ions  pourraient  y  cultiver  non  pas  le  blé  qui  ne  réussirait  pas, 
mais  l'avoine,  l'orge,  les  légumes  ;  la  récolte  de  foin  se- 
rait assurée  ;  on  pourrait  pratiquer  l'élevage  sur  les  pla- 
teaux en  drainant  les  tourbières  ;  l'agriculteur  augmenterait 
ses  revenus  en  exploitant  les  forêts  de  bouleaux,  de  pins, 
d'épicéas  qui  lui  fourniraient  de  la  résine,  des  gommes,du 
goudron  ;  avec  les  ressources  de  la  pêche  et  de  la  chasse, 
qui  sont  considérables,  il  s'assurerait  une  existence  facile 
où  les  travaux  sédentaires  alterneraient  avec  les  émotions 
plus  violentes  de  la  vie  de  chasseur  ».  Il  pourrait  encore  do- 
mestiquer le  canard  eider  qui  fournit  un  excellent  duveft, 
et  qui  est  surtout  recherché  à  cause  de  ses  œufs  que  l'on 
exporte  à  New  York.  Le  clirjat  est  assez  agréable,  surtout 
très  sain  ;  on  y  envoie  les  malades  du  Midi  qui  reviennent 
rapidement  à  la  santé  ;  le  froid  est  moins  violent  que  sur 
le  Saint-Laurent  ;  la  neige  est  moins  abondante  que  dans 
les  environs  de  Québec,  On  verra  peut-être  se  développer 
là  une  population  de  plusieurs  millions  d'habitants  vi|ou- 
reux  et  énergiques  ;  elle  comprend  aujourd'hui  2,780  indi- 
vidus, presque  tous  d'origine  française  ;  ils  parlent  notre 
langue  et  pratiquent  la  religion  catholique  ;  on  a  établi  pour 
eux  un  préfet  apostolique  à  la  Pointe-aux-Esquimaux.  Pour 
l'administration,  ils  dépendent  delà  province  de  Québec. 


LABRADOR  —  LABRADORITE 


—  696  — 


Le  détroit  de  Belle-Isle  qui  sépare  le  Labrador  de  Terre- 
Neuve  est  très  étroit,  réduit  à  3  lieues  en  face  de  la  baie 
labradorienne  de  Forteau  ;  la  côte  de  FAtlantique  est  très 
découpée,-  déchiquetée  en  fjords  longs  et  étroits  comme 
ceux  de  Norvège  ;  elle  reçoit  peu  de  grands  fleuves  ;  le 
seul  connu  est  la  Grande  Rivière  qui  vient  finir  dans  la 
baie  Hamilton  ;  les  îles  sont  innombrables,  toutes  dépour- 
vues de  végétation.  Sa  population  appartient  à  la  famille 
des  régions  polaires,  aux  Esquimaux  quipeuplentl'Amérique 
boréale;  on  en  compte  environ  1,200,  dont  un  tiers  se 
sont  laissés  gagner  au  protestantisme  par  les  frères  mo- 
raves.  Ces  derniers  ont  fondé  depuis  1771  des  missions  le 
long  du  littoral,  Hoffenthal,  Zoar,  Nain,  qui  est  la  plus 
importante,  située  près  d'une  rivière  que  les  missionnaires 
ont  appelée  l'Elbe;  viennent  ensuite  Okkak  dans  une  île, 
Hebron  et  Rama.  Pendant  la  saison  des  pêcheries,  de  juin 
à  septembre,  la  côte  est  assez  animée  vers  le  S.  ;  le  centre  de 
réunion  est  Domino  Hafen,  au  N.  de  la  petite  île  de  Ponds; 
celle  de  Spotted  le  protège  contre  les  courants  du  N. 
Mais  les  blancs  disparaissent  dès  le  milieu  de  septembre  ; 
les  Esquimaux  seuls  peuplent  l'intérieur,  circulant  sur  les 
glaces  et  les  neiges,  traînés  dans  leurs  cométiques  par 
les  vigoureux  chiens  esquimaux  que  nous  appelons  terre- 
neuve.  Ils  s'enferment  ensuite  dans  leurs  fameuses  maisons 
de  neige.  Cette  région  forme  le  Labrador  proprement  dit 
qui  est  rattaché  nominalement  à  la  colonie  de  Terre- 
Neuve. 

La  troisième  région  appartient  au  bassin  de  la  baie 
d'Hudson,  et  forme  le  territoire  du  N.-E.  ;  elle  commence 
au  détroit  d'Hudson,  au  cap  Chadleigh,  et  présente  la  grande 
baie  de  Ungawa  découverte  par  les  frères  moraves  en  1811  ; 
là  aboutit  le  fleuve  Koksoak.  La  baie  d'Hudson  reçoit  de 
grands  fleuves,  très  abondants,  alimentés  par  les  neiges 
des  plateaux,  où  existent  de  très  grands  lacs  mal  connus; 
ce  sont  l'Orignal  (Deer  River),  l'Eau  Claire  qui  vient  du  lac 
du  même  nom,  la  Petite  Baleine  (Little  Whale),  la  Grande 
Baleine  (Great  Whale),  le  Big  River,  l'East  Main,  et  enfin 
le  Rupert  qui  vient  du  lac  Mistassini  ;  on  n'en  peut  faire  le 
tour  qu'en  vingt  jours  de  beau  temps,  disait  Charlevoix 
d'après  le  témoignage  du  père  Ch.  Albanel,  qui  le  décou- 
vrit en  1672  après  avoir  remonté  le  Saguenay.  La  Compa- 
gnie de  la  baie  d'Hudson  y  a  fondé  un  comptoir.  C'est  par 
excellence  le  pays  de  la  chasse,  habité  encore  par  des  In- 
diens de  la  tribu  algonquine  au  nombre  d'environ  5,000  ; 
ils  vivent  en  nomades  sur  le  plateau  et  jusque  sur  le  ver- 
sant S.  du  golfe  où  l'on  trouve  les  Montagnais;  ils  chas- 
sent le  renard  blanc  dont  la  fourrure  est  la  plus  recherchée, 
la  martre  zibeline,  la  loutre,  le  castor  ;  l'ours  blanc  abonde. 
La  population  blanche  ne  comprend  que  les  agents  des  fac- 
toreries anglaises,  333  blancs  dont  42  Français. 

Le  Labrador  fut  d'abord  connu  des  Normands  qui  le  dé- 
signèrent sous  le  nom  de  Hellvland,  le  pays  de  la  pierre. 
On  croit  que  l'Estotiland  delà  relation  de  Nie.  Zeno  désigne 
aussi  la  presqu'île.  Sébastien  Cabot  longea  le  littoral  et 
alla  peut-être  jusqu'au  détroit  auquel  H.  Hudson  donna 
son  nom  en  1610.  Cette  même  côte  fut  aperçue  par  le  Por- 
tugais Gaspar  Corte-Real  en  1500  et  1501  ;  il  périt  dans 
les  mers  du  Nord,  et  pendant  longtemps  le  Labrador  actuel 
s'appela  la  terre  de  Corte-Real  (Terra  Cortealis  sur  la  carte 
d'Ortelius,  1570;  Terra  de  Corlerea  sur  celle  de  Boléro, 
1603).  Vinrent  ensuite  les  pêcheurs  bretons  qui  fondèrent 
Bradoreou  Brest,  d'où  est  venue  la  dénomination  définitive  de 
Labrador.  Les  missionnaires  canadiens  du  xvn°  siècle,  les 
agents  anglais  de  la  Compagnie  de  la  baie  d'Hudson,  puis 
les  frères  moraves  ont  été  les  seuls  explorateurs  de  ce  pays 
encore  peu  connu.  L.  Didier. 

BiBL.  ;  P.  Charlevoix,  Histoire  de  la  Nouvelle  France. 
—  Cartwright,  a  Journal..,  during  a  résidence  of 
nearly  16  years  on  part  of  the  coast  of  Labrador,  1792, 
3  vol.,  in-4  (récit  de  voyages  de  chasse  par  des  ap^ents  de  la 
Compagnie  d'Hudson).  —  Voyage  d'André  Michaux  au 
Canada^  depuis  le  lac  Champiàin  à  la  baie  d'Hudson  ; 
Québec,  1861  (le  voyage  du  botaniste  André  Michaux  eut 
lieu  en  1792;  il  renferme  une  description  du  lac  Mistas- 
sini). —  Abbé  Ferland,  le  Labrador  ;  Québec,    1860.  — 


Petermann's  Mittheilungen,  année  1861,  pp.  213-219  ;  ar 
ticle  de  O.-M.  Lieber,  membre  d'une  expédition  astro- 
nomique en  1860  ;  année  1863,  pp.  121-127,  observations 
de  Th.  Reichel,  membre  du  conseil  des  frères  moraves  ; 
année  1889,  pp.  25-26,  tableau  des  températures  de  1882- 
1883.  —  H.  Youle  Hind,  Explorations  in  the  inlerior  of- 
the  Labrador  peninsula  ;  Londres,  1863,  2  vol.  {a  surtout 
visité  et  décrit  le  bassin  de  la  Moisie).  —  A  Vi'iit  to  the 
N.-E.  Coast  of  Labrador  during  theautumn  of  1861,  dans 
Jouimal  oftheRoyalGeogr.Soc.ofLondon^voi.  XXXVIII, 
pp.  258-281,  avec  une  carte.  —  Sylva  Clapin,  le  Canada  ; 
Paris,  1885.  —  Rapport  de  H.  de  Puyjalon,  dans  le  Butle^ 
tin  de  la  Société  de  géographie  commerciale  de  Paris, 
Vlil,  464.  —  Sur  les  Esquimaux  :  E.  Petitot,  les  Grands 
Esquimaux  ;  Paris,  1887. 

LABRADOR  (Juan),  peintre  espagnol,  né  dans  le  pre- 
mier tiers  du  xvi^  siècle,  mort  à  Madrid  en  1600.  Il  est 
l'élève  du  divino  Morales,  mais  il  ne  semble  pas  qu'il  se 
soit  adonné  à  peindre  un  autre  genre  que  des  tableaux  de 
fleurs  et  de  nature  morte,  désignés  en  Espagne  sous  le 
nom  de  bodegones.  Il  devint  dans  ce  genre  un  praticien 
consommé,  et  ses  productions  jouirent  durant  sa  vie  d'une 
faveur  d'ailleurs  méritée.  Cean  Bermudez  cite  avec  de  grands 
éloges  deux  tableaux  du  maître,  représentant  des  fleurs,  qui 
décoraient  de  son  temps  l'antichambre  du  roi,  au  palais 
de  Madrido  P.  L. 

BiBL.:  Cean  Bermudez,  Dicclonario  de  los  mas  ilustres 
profesores:  Madrid,  1800. 

LABRADORITE.  MM.  Fouqué  et  Michel  Lévy  ont  sé- 
paré du  groupe  des  basaltes,  sous  ce  nom  de  labradorite, 
une  roche  basaltique  riche  en  augite,  où  l'olivine  devenue 
rare  ou  même  absente  ne  se  présente  jamais  qu'à  l'état 
d'élément  accessoire  ;  en  même  temps,  parmi  les  microlites 
du  second  temps,  le  feldspath  dominant  devient  le  labrador. 

Ainsi  définies,  les  labradorites  peuvent  être  considérées 
comme  normalement  constituées  par  une  association  micro- 
litique  de  fer  oxydulé.,  à' augite  et  de  labrador  enve- 
loppant à  l'état  de  cristaux  anciens  mieux  développés  les 
mêmes  éléments,  en  particulier  ïaugite  qui  peut  se  dé- 
velopper au  point  de  rendre  la  roche  porphyroïde.  A  l'état 
accessoire  figurent  ensuite  par  ordre  de  fréquence  :  V horn- 
blende brune  ferrifère  des  basaltes,  souvent  en  grande 
partie  résorbée  et  remplacée  par  des  microlites  d'augite  et 
du  fer  oxydulé;  despyroxènes  rhombiques,  enstatite^  ma- 
lacolite;  Vanorthite  ;  le  mica  noir  en  petites  plages  de 
dernière  consolidation  moulant  le  fer  oxydulé;  enûnVoli- 
vine  qui  peut  se  présenter  non  seulement  en  grands  cris- 
taux du  type  basaltique  dans  celles  de  ces  roches  qui  pas- 
sent aux  basaltes,  mais  surtout  en  microlites  à  formes 
losangiques  raccourcies  non  moins  caractéristiques. 

Les  feldspaths  en  grands  cristaux  sont  très  rares  ;  par 
contre,  fréquemment  Vandésine  vient  s'ajouter  au  labrador 


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Cristallites  dans  la  matière  vitreuse  des  labradorites 
(Essey-la-Côte). 

dans  les  éléments  microlitiques  du  second  temps;  puis, 
quand  cette  condition  se  trouve  réalisée  par  Voligoclase^  la 
roche  devenue  une  andési-labradorite  passe  aux  andé- 
sites augitiques.  Etant  donnée  la  facilité  avec  laquelle  cris- 


-  697  - 


LABRADORITE  -  LABRAX 


tallisent  les  roches  aussi  basiques,  les  types  à  pâte  entière- 
ment microlitique  sont  très  répandus  et  de  même  ceux 
feidspathiques,  plus  largement  cristallisés,  où  se  développe 
une  remarquable  texture  ophitique.  Dans  ce  cas,  l'anorthite, 
aussi  bien  que  le  labrador,  fournit  les  grands  microlithes 
allongés  suivant  pg^  que  les  grandes  plages  d'augite  vien- 
nent cimenter.  Il  est  cependant  des  labradorites  chez  les- 
quelles subsiste  une  notable  proportion  de  matière  vitreuse  ; 
l'alignement  des  microlites  par  tramées  fluidales  devient 
alors  très  net,  et  le  verre,  de  coloration  brune,  se  montre 
souvent  en  partie  dévitrifié  par  de  nombreux  groupements 
cristalHques  fournis  par  de  petits  octaèdres  de  spinelle 
brune  ou  d'élégantes  arborisations  de  fer  oxydulé.  Les 
variétés  amygdalaires  aussi  ne  manquent  pas,  mais,  dans 


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Microlites  d'olivine  dans  les  labradorites  {d'après  M.  Michel 
Lévyj. 

ce  cas,  le  remplissage  des  cavités  de  ces  labradorites  sco- 
riacées fourni  par  de  la  calcédoine,  des  chlorites  et  des  zéo- 
lites  diverses,  est  le  même  que  pour  les  basaltes.  Il  n'y  a 
pas  non  plus  de  différence  dans  les  produits  secondaires 
d'altération  (V.  Basalte). 

Les  coulées  de  labradorite  sont  aussi  fréquemment  es- 
cortées de  tufs  et  d'amas  5comC(^5  ressemblant  beaucoup 
aux  formations  de  même  nature  qui  forment  le  cortège  ha- 
bituel des  basaltes.  La  seule  différence,  c'est  qu'au  milieu 
de  ces  produits  de  projection  l'augite  fournit  la  majeure 
partie  des  cristaux  isolés.  L'hornblende  brune  (basaltine), 
aussi  avec  ses  gros  cristaux  aux  angles  arrondis,  n'est  pas 
moins  fréquente,  et  ce  n'est  que  rarement  qu'on  peut  y  re- 
connaître très  altérés  quelques  grains  de  ce  péridot  qui 
devient,  soit  à  cet  état  isolé,  soit  réuni  en  amas  granuleux 
avec  du  pyroxène  (bombes  d'olivine),  si  caractéristique  des 
tufs  basaltiques. 

Caractères  extérieurs  et  distribution.  Au  peint  de  vue 
des  caractères  physiques  extérieurs,  les  labradorites,  géné- 
ralement d*un  gris  de  fer,  ne  se  distinguent  guère  des  ba- 
saltes que  par  une  coloration  moins  foncée.  Très  augitiques 
et  moins  bien  pourvues  de  minerais,  c.-à-d.  de  fer  oxydulé, 
elles  sont  aussi  moins  denses,  d'apparence  moins  homo- 
gène. La  forme  iavique  avec  surface  rugueuse  scoriacée 
pour  les  coulées  est  aussi  plus  fréquemment  réalisée.  Ce 
n'est  qu'exceptionnellement  qu'elles  prennent  avec  la  ré- 
gularité l'épaisseur  voulue  pour  présenter  dans  leurs 
aftleurements  cette  division  en  grandes  colonnades  prisma- 
tiques qui  se  trouve  si  fréquemment  réalisée  dans  les 
grandes  coulées  de  basalte. 

Leur  distribution  géographique  est  loin  d'être  aussi  éten- 
due que  celle  des  basaltes.  En  Auvergne  notamment,  aussi 
bien  que  dans  le  Velay,  les  centres  d'émission  ont  été  moins 
nombreux.  Dans  les  massifs  volcaniques  du  Cantal  et  du 
Mont-Dore,  par  exemple,  les  labradorites  tiennent  une  faible 
place  dans  les  éruptions  anciennes  antérieures  aux  grandes 
émissions  de  trachytes  et  d'andésites.  Dans  la  cinérite  su- 
périeure, riche  en  blocs  d'andésite  et  de  basalte  projetés,  déjà 
des  coulées  de  quelque  importance  sont  à  noter  ;  elles  font 
ensuite  partie  dans  le  Mont-Dore  de  la  puissante  série  ba- 
saltique dite  des  plateaux,  en  particulier  dans  le  voisinage 
du  lac  de  Guéry,  où  des  labradorites  compactes  viennent 
s'étaler  sur  les'^andésites  du  type  du  Rigolet;  puis  finale- 
ment, dans  la  chaîne  des  Puys,  ce  sont  de  pareilles  laves 
qui  fournissent  la  majeure  partie  des  coulées  du  versant  0. 


des  volcans  à  cratère.  Telles  les  chaînes  bien  connues  de 
Louchardière,de  Côme-Pontgibaud,de  Côme-Mazaye.  Plus 
au  N.  la  coulée  de  Beaunit  est  une  andési-labradorite, 
tandis  que  dans  le  S,  celles  de  Montchié,  de  Bar  me  et  du 
Pourcharet  représente  avec  leur  richesse  plus  grande  en 
olivine  un  terme  de  transition  avec  les  basaltes.  Sur  le 
versant  E.  on  remarque  ensuite  les  coulées  plus  clair- 
semées mais  non  moins  typiques  de  laves  labradoritiques 
du  Petit-Sarcouy,  du  pied  du  Puy  de  Dôme,  et  surtout 
celle  si  largement  exploitée  de  Frontfreide.  Le  caractère  de 
ces  labradorites  récentes,  bien  mis  en  évidence  par  M.  Michel 
Lévy  à  qui  nous  empruntons  ces  détails,  c'est  d'être  très 
feidspathiques,  comme  le  sont  du  reste  toutes  les  laves  ba- 
siques des  Puys  et  surtout  les  plus  riches  en  péridot  micro- 
litique. 

Inversement,  dans  le  Velay,  les  labradorites,  complètement 
absentes  des  émissions  de  la  grande  chaîne  volcanique 
d'entre  Loire  et  Allier,  tiennent  dans  les  formations  érup- 
tives  anciennes  du  Mézenc  une  telle  place  qu'elles  par- 
viennent à  atteindre  au  centre  même  du  massif  (cirque  des 
Routières)  une  épaisseur  totale  de  250  m.  Elles  sont  égale- 
ment très  développées  aux  environs  de  Chaudeyroles,  dans 
la  vallée  de  la  Rimande,  ainsi  que  dans  le  massif  voisin  du 
Mégal  où  elles  se  présentent  de  même  antérieures  aux 
gigantesques  épanchements  de  phonolithes  de  la  région 
(M.  Boule,  Description  géologique  du  Velay,  Bull,  des 
services  de  la  carte  qéolog,  de  France,  n^  28,  4892, 
t.  IV). 

En  dehors  de  nos  régions  françaises,  les  remarquables 
centres  éruptifs  qui,  dans  les  Karpates,  couvrent  de  vastes 
espaces  aussi  bien  en  Hongrie  qu'en  Transylvanie  comptent 
parmi  ceux  où  le  développement  pris  par  les  labradorites, 
dans  la  première  série  des  éruptions  tertiaires,  mérite  d'être 
noté;  d'autant  que  ces  labradorites,  avec  les  augitandésites 
associées  devenues  quartzifères,  renferment  un  quartz  asseis 
riche  en  inclusions  à  bulle  mobile  pour  que  M.  de  Richto- 
fen  (Jahrb.  der  K.  K.  Geolog.  Heichsandstalt,  1860) 
ait  cru  devoir  grouper  ces  roches  sous  le  nom  do  propy- 
lites.  Mais,  suivant  M.  Rosenbusch  (Physiog.  der  massi- 
gen  Gesteine  (4887,  2«  éd.),  cet  état  ^wctÀmWev  {faciès 
propylitique),  loin  d'être  spécial  aux  roches  basiques,  résul- 
terait d'actions  solfatariennes  ultérieures  qui  auraient  éga- 
lement atteint  les  trachytes  de  la  région  en  leur  comm'u- 
niquànt  à  leur  tour  cette  richesse  en  quartz  qui  leur  a  valu 
la  qualification  de  Grûnstein-trachyt,  actions  solfatariennes 
dont  la  trace  est  de  plus  marquée  de  la  façon  la  plus  ex- 
pressive par  le  développement  pris,  au  milieu  de  toutes  ces 
roches,  par  des  gîtes  aurifères  et  argentifères  activement  ex- 
ploités. Le  groupe  volcanique  de  Santorin,  si  bien  étudié 
par  M.  Fouqué,  avec  ses  grandes  coulées  de  labradorites  au- 
gitiques qui,  au  pied  des  falaises  de  Thera,  marquent  le  début 
des  premières  éruptions  basiques  aériennes  ;  Vlslande,  où  la 
majeure  partie  des  laves  rejetées  par  les  grands  volcans  ac- 
tuels sont  aussi  des  labradorites  très  cristallines  marquées 
souvent  d'une  belle  texture  ophitique,  comme  le  sont  du 
reste  également  celles  plus  anciennes  fréquemment  amyg- 
daloides  qui,  sur  les  côtes  très  échancrées  de  cette  grande 
île,  se  présentent  baignées  par  la  mer  au  pied  des  hautes 
falaises  des  fjords;  enfin  VEtna  qui,  depuis  qu'il  existe, 
avec  une  remarquable  persistance,  n'a  rejeté  que  des 
laves  basiques  de  cette  nature,  figurent,  parmi  les  centres 
volcaniques  actuels,  comme  ceux  où  les  laves  basaltiques 
de  cette  nature,  c.-à-d.  où  le  péridot  ne  se  présente  qu'à 
l'état  d'élément  accessoire,  prennent  le  plus  d'importance. 

Ch.  Vélâin. 

BiBL.  :  Fouqué  et  Michel  Lévy,  Minéralogie  microgra- 
phique; Paris,  1879.  —  Fouqué,  Santorinet  ses  éruptions; 
Paris,  1879.  —  Michel  Lévy,  Structure  et  classificaiion  des 
roches  éruptives;  Paris,  1889,  Notes  sur  la  chaîne  des 
Puys  et  le  massif  du  Mont-Dore,  Bull,  de  la  Soc.  géolog. 
de  France-,  1890,  t.  XVIII,  3«  série.  —  René  Bréon,  Notes 
sur  la  géologie  de  l'Islande;  Paris,  1884. 

LABRANZANO  (Luis  Falero,  duc  de)  (V.  Falero). 
LABRAX  (IchtyoL).  Genre  de  Poissons  osseux  (Téléos- 


LABRAX  —  LABROUSSE 


-  698  — 


téens),  de  i'ordre  des  Acanthoptérygiens  Perciformes  et  de 
la  famille  des  Percidse  dont  les  principaux  caractères  sont  ; 
une  tête  écailleuse,  les  ouïes  largement  fendues,  l'opercule 
armé  de  deux  épines,  le  bord  postérieur  du  préopercule 
dentelé,  de  longues  épines  dirigées  en  avant  le  long  du 
bord  inférieur,  sept  rayons  branchiostèges,  les  fausses 
branchies  très  développées,  les  dents  en  velours  distribuées 
aux  mâchoires,  au  palais  et  sur  la  langue,  les  deux  dor- 
sales rapprochées,  la  première  avec  neuf  aiguillons.  Des 
trois  ou  quatre  formes  connues,  le  Labrax  lupus,  désigné 


Labrax  lupus. 

par  le  vulgaire  sous  le  nom  de  Bar,  de  Loup,  etc.,  habite 
les  côtes  de  France,  d'Europe  et  d'Afrique  (V.  Bar). 

BiBL.  :  GuNTHER,  Studtf  of  Fishes.  —  Valenciennes  et 
CuviER,  Hîst.  gënér.  des  Poiss.  —  Rochebrune,  Faune  de 
la  Sénégaynbie.  —  Sauvage,  clans  Brehm,  édit.  franc. 

LABRE.  I.  Entomologie.  —  Partie  de  la  bouche  dos 
Insectes  représentant  la  lèvre  supérieure  (V.  Insectes). 

II.  Ichtyologie.  —  Genre  de  Poissons  osseux  (Té- 
léostéens),  de  l'ordre  des  Acanthoptérygiens  Pharyngé- 
gnates  et  de  la  famille  des  Labridse  ayant  pour  caractères  :  le 
corps  oblong,  comprimé,  couvert  d'écaillés  lisses  plus  ou 
moins  grandes,  au  nombre  d'environ  40  par  séries  transver- 
sales, les  joues  et  l'opercule  couverts  d'ècailles,  le  museau 
nu,  allongé,  les  lèvres  épaisses,  les  mâchoires  armées  d'une 
seule  rangée  de  dents  coniques,  la  ligne  latérale  non  inter- 
rompue, la  dorsale  composée  de  i3  à  32  épines,  l'anale 
avec  3  aiguillons  et  8  à  42  rayons  mous.  Le  Labrus  mix- 
tus  des  côtes  de  France,  dont  la  taille  atteint  30  centim., 
est  d'un  brun  verdâtre  à  la  partie  supérieure  orné  de  4  à 
5  bandes  longitudinales  bleuâtres  ou  violacées.  La  partie 
inférieure  des  flancs  est  jaunâtre,  le  ventre  rouge  pâle.  La 
tète  d'un  brun  verdâtre  porte  un  réseau  irrégulier  de  bandes 
bleuâtres.  La  nageoire  dorsale  est  jaunâtre  avec  une  longue 
tache  bleue  sur  les  7  ou  8  premiers  aiguillons,  l'anale  et 
les  ventrales  jaunâtres  sont  lisérées  de  bleu,  La  caudale  est 
jaunâtre  à  la  base,  bleue  dans  le  reste  de  son  étendue,  les 
pectorales  orangées.  Gessner  rapporte  que  le  mâle  a  une 
affection  toute  particulière  pour  ses  petits,  la  femelle  fraye 
dans  un  trou  à  l'entrée  duquel  se  place  le  mâle  qui  reste 
longtemps  sans  prendre  de  nourriture  occupé  de  veiller  sur 
ses  petits.  Roghbr. 

m.  Pêche.  —  Les  labres,  qui  habitent  les  endroits  peu 
profonds,  garnis  de  roches  et  de  varechs,  se  nourrissent  de 
crustacés  et  de  coquillages  ;  on  les  pèche  surtout  au  hame- 
çon. D'après  Couch,  les  labres  fréquentent  les  bas-fonds 
des  rochers,  près  des  rivages,  durant  l'été,  mais  se  retirent 
dans  les  grands  fonds  l'hiver  ;  on  emploie  alors  pour  la 
pêche  une  ligne  munie  d'une  avancée  et  d'un  plomb.    E,  S. 

BiBL.  :  GuNTHER,Study  of  Fishes.  —  Valenciennes  et 
Cuvier,  Hist.  génér.des  Poiss.  —  Sauvage,  dans  Brehm, 
édit.  franc. 

LABRE  (Benoît- Joseph),  saint,  né  à  Amette,  diocèse  de 
Boulogne,  en  1748,  mort  à  Rome  le  16  avr.  1783,  dé- 
claré vénérable  la  même  année,  béatifié  en  1861  par  Pie  IX, 
canonisé  par  Léon  XIII.  Fête  le  16  avr.  Il  était  d'une 
chasteté  si  précoce,  qu'étant  encore  à  la  mamelle,  il  repous- 
sait les  baisers  des  femmes  ;  mais  il  ne  parait  point  avoir 
été  gratifié  de  la  vertu  du  travail.  Après  avoir  reçu  sa 
première  éducation  chez  un  de  ses  oncles,  curé  d'Erin,  qui 
lui  enseigna  la  langue  latine,  il  entra  chez  les  chartreux 
de  Montreuil  et  de  Longuesse,  puis  se  retira  chez  un  autre 
oncle,  curé  de  Coûte  ville.  Il  alla  ensuite  à  la  Trappe  et  à 


Pabbaye  de  Sept-Fonts.  Sa  santé  l'ayant  forcé  de  quitter 
cette  abbaye,  dont  la  règle  était  excessivement  sévère,  il 
se  rendit  à  Rome,  vers  l'âge  de  vingt  et  un  ans,  passant 
par  Lorette,  par  Assise  et  par  Fabiano,  où  se  trouvent  les 
reliques  de  saint  Romuald,  fondateur  des  camaldules. 
Pendant  les  six  premières  années,  il  visita  les  principaux 
lieux  de  pèlerinage  de  l'Italie  et  Notre-Dame-des-Ermites 
à  Einsiedeln  (Suisse),  Après  ce  temps,  il  ne  sortit  plus  de 
Rome  qu'une  fois  l'an,  pour  aller  à  Lorette.  II  passait  ses 
journées  dans  les  églises  à  prier,  à  genoux  ou  debout;  le 
soir,  il  se  retirait  dans  un  enfoncement  de  murailles  rui- 
nées, près  du  Colysée.  Dans  la  dernière  partie  de  sa  vie,  il 
accepta  un  lit  à  l'hôpital  évangélique.  Couvert  de  haillons 
et  de  vermine,  il  vivait  des  aumônes  qu'il  recevait  sans 
mendier,  n'en  prenant  que  le  strict  nécessaire  et  donnant 
le  reste  aux  pauvres.  E.-H.  Vollet. 

LABRÈDE  (V.  Brède  [La]). 

LABRETONIE.  Com.  du  dép.  du  Lot-et-Garonne,  arr. 
de  Marmande,  cant.  de  Castelmoron-sur-Lot;  349  hab. 

LABRIHE.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Lectoure, 
cant.  de  Mauvezin,  entre  l'Arrats  et  la  Gimone;  333  hab. 
Eglise  du  xvi®  siècle  qui  a  conservé  une  porte  ornée  de 
sculptures  du  xiii^  siècle.  Restes  de  deux  anciens  châteaux 
féodaux  dont  l'un  a  été  restauré. 

LA B RIT.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  des  Landes,  arr.  de 
Mont-de-Marsan,  sur  l'Estrigou;  1,112  hab.  Minerai  de 
fer  ;  haut  fourneau  :  scieries  ;  distillerie  de  matières  rési- 
neuses, fabrique  de  sabots.  Vestiges  de  l'ancien  château 
d'Albret,  habité  par  Ilenri  IV.  Des  fouilles  ont  mis  au  jour, 
dans  les  substructions  d'une  villa  romaine,  une  belle  mo- 
saïque. 

LABROQUÈRE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne, 
arr.  de  Saint-Gaudens,  cant.  de  Darbazan;  452  hab. 

LABROSSE  (V.  Brosse). 

LABROSSE  (Joseph  de)  (V.  Ange  de  Saint- Joseph). 

LA  BROUE  (Pierre  de)  (V.  Broue). 

LABROUSSE.  Com.  dudép.  du  Cantal,  arr.  et  cant.  d'Au- 
rillac;  689  hab. 

LABROUSSE  (Nicolas-Hippolyte),  amiral  et  ingénieur 
maritime  français,  né  à  Brest  le  17  juil.  1807,  mort  à 
Brest  le  22  août  1871.  Entré  à  l'Ecole  navale  en  1822, 
nommé  enseigne  de  vaisseau  en  1829  et  devenu  en  1853 
capitaine  de  vaisseau,  il  fut  élevé  aux  grades  de  contre- 
amiral  en  1860  et  de  vice-amiral  en  1867.  Il  était,  avant 
la  guerre  de  1870,  président  du  conseil  des  travaux  de  la 
marine.  Bien  qu'il  n'eût  jamais  quitté  le  service  actif  et 
qu'il  comptât  vingt-huit  années  de  campagnes,  il  fournit 
une  très  belle  carrière  d'ingénieur  maritime  et  il  contribua 
pour  une  large  part  à  la  transformation  de  notre  marine 
de  guerre  par  ses  nombreux  projets  et  par  ses  heureuses 
innovations  en  matière  de  constructions  navales,  d'appareils 
à  vapeur  et  de  matériel  d'artillerie.  C'est  ainsi  que,  repre- 
nant quelques-unes  des  idées  du  capitaine  du  génie  Delisle 
et  préparant  les  admirables  travaux  de  Dupiiy  de  Lôme, 
il  présenta,  dès  1840,  les  plans  complets  d'un  navire  à 
vapeur  à  grande  vitesse,  à  hélice  et  à  éperon,  et,  dès  l'an- 
née suivante,  ceux  d'une  machine  à  vapeur  de  1,000  che- 
vaux à  action  directe.  On  lui  doit  également  les  gargousses 
sphériques(1834);  un  système  de 'mâture  à  pible(1845- 
56)  essayé  d'abord  sur  le  Cfiaptal,  notre  premier  grand 
bâtiment  en  fer,  dont  il  dressa  les  plans  (1844)  et  qu'il 
commanda  quelque  temps  ;  un  autre  système  de  mâture, 
celle-là  en  tôle,  pour  les  navires  cuirassés  (1858);  un  type 
de  puits  à  hélice;  un  affût  de  siège  à  éclipse  (V.  Affût, 
1. 1,  p.  706),  etc.  En  même  temps  il  préconisa  les  ponts 
convexes,  l'établissement  des  machines  au-dessous  de  la 
ligne  de  flottaison,  et  il  donna  la  solution  d'une  foule  de 
problèmes  de  mécanique  et  de  balistique.  Il  s'occupa  aussi, 
à  l'occasion  du  siège  de  Paris,  de  la  direction  des  aéros- 
tats. Ses  écrits  comprennent  de  nombreux  rapports  d'ex- 
périences et  de  missions,  des  mémoires  sous  les  propul- 
seurs sous-marins,  sur  les  puits  à  liéHce,  sur  les  navires 
à  éperon,  un  manuel  de  gréement  et  des  Observations  sur 


—  699  — 


LABROUSSE  -~  LA  BRUYÈRE 


les  machines  à  vapeur  récemment  introduites  dans  la 
marine  impériale  (Paris,  4868,  in-8).  L.  S. 

BiBL.  :  Notice  sur  les  travaux  scientifiques  du  contre- 
amiral  Labrousse;  Paris,  186G,  in-8. 

LABROUSSE  (Philippe-Michel),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Sainte-Féréole  (Corrèze)  le  3  mai  1847.  Docteur 
en  médecine  à  Brive,  il  fut  élu  député  de  cette  circonscrip- 
tion le  24  févr.  1884  et,  réélu  en  1883,  1889,  1893, 
devint  sénateur  le  7  janv.  1894.  Membre  du  parti  radical, 
il  obtint  en  1888  dans  la  discussion  du  budget  une  réduc- 
tion du  traitement  des  évêques,  qui  fut  rejetée  par  le  Sénat, 
et  combattit  le  boulangisme. 

LABROUSTE  (Théodore),  architecte  français,  né  à  Paris 
le  21  mars  1799,  mort  à  Paris  le  28  nov.  1885.  Elève  de 
Vaudoyer  et  de  Lebas,  premier  grand  prix  d'architecture  en 
1827,  Théodore  Labrouste  étudia,  comme  pensionnaire  de 
Rome,  le  temple  de  Vesta  et  des  tombeaux  étrusques  et 
fit  une  restitution,  en  treize  feuilles  de  dessins  et  un  mé- 
moire, des  antiquités  et  du  Temple  de  Cora.  A  son  retour 
d'Italie,  il  reconstruisit,  avec  son  frère  Henri  (V.  ci-dessous) 
le  collège  Sainte-Barbe  sur  la  place  du  Panthéon,  et,  seul, 
la  bibliothèque  de  l'Arsenal,  fut  membre  du  conseil  général 
des  bâtiments  civils  et  devint  en  1845  architecte  en  chef 
des  hôpitaux  et  hospices  de  Paris,  fonctions  qu'il  occupa  jus- 
qu'en 1876.  C'est  en  cette  qualité  qu'il  fit  reconstruire  la 
maison  municipale  de  santé  du  faubourg  Saint-Denis,  dite 
maison  Dubois,  édifice  des  plus  remarquables  pour  son  plan 
d'ensemble  et  ses  aménagements,  et  qu'il  fit  élever  le  bâti- 
ment de  la  direction  de  l'Assistance  publique,  place  de  l'Hôtel- 
de-Ville  et  avenue  Victoria,  en  même  temps  qu'il  apportait 
de  considérables  agrandissements  à  l'hospice  des  Ménages, 
à  Issy,  et  à  l'hospice  des  Incurables,  à  Ivry.       Ch.  L. 

LABROUSTE  (Henri),  architecte  et  professeur  d'archi- 
tecture français,  né  à  Paris  le  11  mai  1801,  mort  à  Fon- 
tainebleau le  24  juin  1875,  frère  du  précédent.  Elève  de 
Vaudoyer  et  de  Lebas,  il  obtint,  en  1824,  le  premier 
grand  prix  d'architecture.  Il  termina  ses  envois  de  Rome, 
tous  d'un  grand  intérêt,  par  la  Restitution  de  la  basilique 
et  des  temples  de  Pœstunu  en  vingt-trois  feuilles  de 
dessins  et  un  mémoire  publiés  depuis  aux  frais  du  gou- 
vernement. Lauréat  de  nombreux  concours  puMics,  à 
Lausanne,  à  Turin,  à  Alexandrie  et  à  Paris  pour  le 
tombeau  à  ériger  à  Napoléon  P^'  sous  le  dôme  des  Inva- 
lides, cet  architecte  fut  chargé,  avec  Visconti  (V.  ce  nom), 
de  l'importante  décoration  des  Champs-Elysées  et  des  In- 
valides à  l'occasion  du  retour  des  cendres  de  Napoléon  et  fit 
élever  de  nombreux  édifices  parmi  lesquels  il  faut  citer  :  le 
séminaire  de  Rennes,  les  bâtiments  du  collège  Sainte-Barbe, 
place  du  Panthéon  (en  collaboration  avec  son  frère  Théo- 
dore Labrouste)  ;  les  hôtels  Louis  Fould,  rue  de  Berry,  de 
Vilgruy,  place  François  ï^"",  et  de  l'administration  deParis- 
Lyon-lVIéditerranée  (ce  dernier  hôtel  occupé  aujourd'hui 
par  le  ch.  de  fer  du  Midi)  ;  plusieurs  tombeaux  dont  celui 
de  la  famille  Rouvenat,  au  cimetière  du  Nord,  etc.  Mais 
les  œuvres  les  plus  importantes  de  Henri  Labrouste  sont  la 
bibliothèque  Sainte-Geneviève,  la  restauration  de  la  galerie 
Mazarine  et  la  nouvelle  salle  de  lecture,  avec  les  bâtiments 
sur  la  rue  Richelieu,  de  la  Bibliothèque  nationale.  En  fai- 
sant appel,  pour  les  grandes  salles  de  ces  deux  bibliothèques, 
à  l'emploi  du  métal  franchement  accusé  et  décoré  avec  un 
art  des  plus  délicats,  Henri  Labrouste  se  montra  un  nova- 
teur en  même  temps  qu'un  maître  et  fit  de  plus  preuve  du 
talent  le  plus  original  et  le  plus  souple  dans  la  décoration 
intérieure  et  extérieure  des  diverses  parties  de  ces  édifices. 
Cet  architecte,  qui  collabora  au  Traité  d'architecture  de 
Léonce  Beynaud  (V.  ce  nom),  avait  ouvert,  dès  1830,  un 
atelier  d'élèves  qui  devint  bientôt  célèbre,  qu'il  dirigea 
pendant  vingt-cinq  années  et  qui,  s'il  ne  sacrifia  pas  aux 
tendances  de  l'Ecole,  des  beaux-arts  pour  y  obtenir  des  ré- 
compenses officielles,  n'en  fut  pas  moins  une  pépinière  d'ar- 
chitectes des  plus  distingués,  parmi  lesquels  on  doit  nom- 
mer, à  côté  de  MM.  Em.  Bœswillwald,  Darcy,  Lheureux, 
Lisch,  Guadet,  Bouwens  Van  der  Boyen  et  de  Baudot  en- 


core vivants  ;  Galland,  Eug.  Millet,  Laval,  Boissan, 
Verdier,  etc.  Labrouste  avait  été  élu,  en  1867,  membre 
de  l'Institut.  Charles  Lucas. 

LABROYE.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de  Mon- 
treuil-sur-Mer,  cant.  d'Hesdin  ;  291  hab. 

LÂBRUGUIÈRE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Tarn,  arr. 
de  Castres,  sur  le  Thoré  ;  3,450  hab.  Stat.  de  la  ligne  de 
Castres  à  Mazamet.  Importantes  fabriques  de  tissus  de 
laine  (flanelle,  bonneterie).  Au  x^  siècle,  le  château  ap- 
partenait à  la  famille  vicomtale  de  Lautrec.  —  Château  du 
xiii®  siècle,  avec  tours,  servant  d'hôpital.  Eglise  du  xni®  siècle, 
restaurée  ;  clocher  remarquable. 

LA  BRUNE  (Jean  de),  écrivain  français  du  xvii®  siècle. 
Pasteur  à  Bâle,  puis  en  Hollande.  Citons  de  lui  :  Voyage 
en  Suisse  (Marbourg,  1685,  in-12)  ;  la  Vie  de  Charles  F, 
duc  de  Lorraine  et  de  Bar  (Amsterdam,  1694,  in-12)  ; 
Mémoires  pour  servir  a  V histoire  de  Louis  de  Bourbon 
(1693,  2  vol.  in-12);  Entretiens  historiques  (1733, 
2  vol.  in-8),  etc. 

LABRUNERIE  (Dode  de)  (V.  Dode  de  LaBrunerie). 
LA  BRUNERIE  (Fauvre)  (V.  Fauvre  La  Brunerie). 
LABRUNIE  (Gérard)  (V.  Nerval  [Gérard  de]). 
LABRUNIÈRE  de  Médicis  (Jean)  (V.  Ferdinand). 
LABRUYÈRE.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de 
Beaune,  cant.  de  Seurre;  311  hab. 

LABRUYÈRE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
de  Muret,  cant.  d'Auterive;  145  hab. 

LA  BRUYÈRE  (Jean  de),  moraliste  français,  né  à  Pa- 
ris le  16  août  1645,  mort  à  Versailles  le  10  mai  1696. 
On  a  longtemps  cru  qu'il  était  né  dans  un  village  voisin  de 
Dourdan,  jusqu'à  ce  que  Jal  eût  retrouvé  son  acte  de  bap- 
tême, qui  établit  qu'il  a  été  baptisé  le  17  août  1645  à 
l'église  Saint-Christophe,  dans  la  Cité.  H  était  le  fils  aîné  de 
Louis  de  La  Bruyère,  contrôleur  général  des  rentes  de  l'Hôtel 
de  Ville,  bourgeois  de  Paris,  et  d'Ehsabeth  Hamonyn.  Son 
trisaïeul  paternel,  Jean  de  La  Bruyère,  apothicaire  dans  la 
rue  Saint-Denis,  et  son  bisaïeul,  Mathias  de  La  Bruyère, 
lieutenant  civil  de  la  prévôté  et  vicomte  de  Paris,  avaient 
joué,  au  XVI®  siècle,  un  rôle  actif  dans  la  Ligue.  H  fut 
vraisemblablement  élevé  à  l'Oratoire  de  Paris,  et,  à  vingt 
ans,  obtint  le  grade  de  licencié  es  deux  droits  à  Puniver- 
sité  d'Orléans.  Il  revint  vivre  à  Paris  avec  sa  famille,  dont 
la  situation  de  fortune  était  assez  aisée,  et  fut  inscrit  au 
barreau,  mais  plaida  peu  ou  point.  En  1673,  il  acheta  une 
charge  de  trésorier  général  de  France  au  bureau  des  finances 
de  la  généralité  de  Caen,  charge  qui  valait  une  vingtaine 
de  mille  livres,  rapportait  environ  2,350  livres  par  an,  et 
conférait  en  outre  l'anobhssement;  il  fit  le  voyage  de  Nor- 
mandie pour  son  installation,  puis,  les  formalités  remplies, 
il  retourna  à  Paris  et  ne  parut  plus  à  Caen.  Il  vendit  sa 
charge  en  1686.  Depuis  le  15  août  1684,  il  était  l'un  des 
précepteurs  du  jeune  duc  de  Bourbon,  petit-fils  du  grand 
Condé.  Cet  emploi  fut  confié  à  La  Bruyère,  d'après  l'abbé 
d'Olivet,  sur  la  recommandation  de  Bossuet,  «qui  fournis- 
sait ordinairement  aux  princes,  a  dit  Fontenelle,  les  gens  de 
mérite  dans  les  lettres  dont  ils  avaient  besoin  ».  On 
ignore  d'ailleurs  comment  La  Bruyère  connaissait  Bossuet. 
Le  jeune  duc  de  Bourbon  était  âgé  de  seize  ans,  et  il  ve- 
nait d'achever  sa  seconde  année  de  philosophie  au  collège 
de  Clermont  (Louis-le-Grand),  qui  était  dirigé  par  les  jé- 
suites. C'est  avec  deux  jésuites  encore,  les  pères  Alleaume 
et  du  Rosel,  et  avec  le  mathématicien  Sauveur,  que  La 
Bruyère  partagea  le  soin  d'achever  l'éducation  du  jeune 
duc,  auquel  il  était  chargé  d'enseigner,  pour  sa  part,  l'his- 
toire, la  géographie  et  les  institutions  de  la  France.  Condé 
suivait  de  près  les  études  de  son  petit-fils,  et  La  Bruyère, 
comme  les  autres  maîtres,  devait  lui  faire  connaître  le 
programme  de  ses  leçons  et  les  progrès  de  son  élève,  qui, 
à  vrai  dire,  était  un  assez  mauvais  élève.  Le  24  juil. 
1685,  le  duc  de  Bourbon  épousa  W^^  de  Nantes,  fille 
de  Louis  XIV  et  de  M""®  de  Montespan,  qui  était  âgée  de 
onze  ans  et  dix  mois  ;  La  Bruyère  fut  invité  à  partager 
ses  leçons  entre  les  deux  jeunes  époux.  Le  li  déc.  4886, 


LA  BRUYÈRE 


—  700  — 


Condé  mourut  à  Fontainebleau,  et  l'éducation  du  duc  de 
Bourbon  fut  considérée  comme  terminée.  La  Bruyère  resta 
néanmoins  dans  la  maison  de  Condé  en  qualité  de  gentil- 
homme de  Monsieur  le  duc,  ou  «  d'homme  de  lettres  », 
suivant  l'abbé  d'Olive t,  avec  mille  écus  de  pension.  Ces 
fonctions  assez  vagues  laissaient  à  La  Bruyère  le  loisir  de 
travailler  selon  ses  goûts,  et  elles  lui  permettaient  d'ob- 
server à  son  aise  ces  grands  et  ces  courtisans  dont  il  de- 
vait faire  de  si  mordants  portraits.  Mais  il  eut  certainement 
à  souffrir  du  caractère  insupportable  des  «  Altesses  à 
qui  il  était  »,  et  que  Saint-Simon  nous  a  dépeintes 
sous  de  si  noires  couleurs.  «  Fils  dénaturé,  cruel  père, 
mari  terrible,  maître  détestable...  »,  tel  était,  d'après 
l'auteur  des  Mémoires,  Henri-Jules  de  Bourbon,  fils  du 
grand  Condé  ;  et  guant  à  son  petit-fils,  l'élève  de  La 
Bruyère,  «  sa  férocité  était  extrême  et  se  montrait  en  tout. 
C'était  une  meule  toujours  en  l'air,  qui  faisait  fuir  devant 
elle,  et  dont  ses  amis  n'étaient  jamais  en  sûreté,  tantôt  par 
des  insultes  extrêmes,  tantôt  par  des  plaisanteries  cruelles 
en  face,  et  des  chansons  qu'il  savait  faire  sur-le-champ, 
qui  emportaient  la  pièce  et  qui  ne  s'effaçaient  jamais...  11 
se  sentait  le  fléau  de  son  plus  intime  domestique...  »  La 
Bruyère,  qui  avait  naturellement  l'humeur  sociable  et  le 
désir  de  plaire,  souffrit  de  la  contrainte  que  lui  imposait 
l'obligation  de  défendre  sa  dignité.  Il  évita  les  persécu- 
tions auxquelles  était  en  butte  le  pauvre  Santeul,  mais  on 
sent  l'amertume  de  l'amour-propre  blessé  dans  les  plus 
âpres  passages  de  son  chapitre  des  Grands. 

La  première  édition  des  Caractères  parut  en  mars  1688, 
sous  ce  titre  :  les  Caractères  de  Théophraste,  traduits 
du  grec,  avec  les  caractères  ou  les  mœurs  de  ce  siècle. 
A  Paris,  chez  Etienne  Michallet,  premier  imprimeur  du 
Roy,  rue  Saint-Jacques,  à  l'Image  Saint-Paul.  M.  DC. 
LXXXVIII.  Avec  privilège  de  Sa  Majesté,  in-i  2.—  Le  nom 
de  l'auteur  ne  figura  sur  aucune  édition  publiée  de  son  vivant. 
Bien  que  cette  première  édition  contînt  surtout  des 
maximes,  et  presque  point  de  portraits,  le  succès  fut  tout 
de  suite  très  vif,  et  deux  autres  éditions  parurent  dans  la 
même  année  1688,  sans  que  La  Bruyère  eût  le  temps  de 
les  augmenter  notablement.  En  revanche,  la  4®  éd.  (1689) 
reçut  plus  de  350  caractères  inédits;  la  cinquième  (1690), 
plus  de  150;  la  sixième  (1691)  et  la  septième  (1692),  près 
de  80  chacune;  la  huitième  (1693),  plus  de  40,  auxquels 
il  faut  ajouter  le  discours  à  l'Académie.  Seule,  la  9®  éd. 
(1696)  qui  parut  quelques  jours  après  la  mort  de  La 
Bruyère,  mais  revue  et  corrigée  par  lui,  ne  contenait  rien 
d'inédit.  La  vente  de  son  ouvrage  n'enrichit  point  La 
Bruyère,  qui  d'avance  en  avait  destiné  le  produit  à  doter 
la  fille  de  son  libraire  Michallet;  cette  dot  fut  de  100,000  fr. 
environ,  suivant  certaines  estimations,  et  de  2  à  300,000  fr., 
suivant  d'autres. 

La  Bruyère  se  présenta  à  l'Académie  en  1691,  et  ce  fut 
Pavillon  qui  fut  élu.  Il  se  représenta  deux  ans  plus  tard, 
et  cette  fois  fut  élu,  le  14  mai  1693,  en  remplacement  de 
l'abbé  de  La  Chambre.  Il  avait  été  chaudement  recommandé 
par  le  contrôleur  général  Pontchartrain.  Son  discours  de 
réception,  qu'il  prononça  le  15  juin  de  la  même  année, 
souleva  des  orages.  Il  fut  violemment  attaqué  dans  le  Mer- 
cure Galant,  qu'il  avait  placé  jadis  «  immédiatement  au- 
<lessous  de  rien  »,  et  dont  les  principaux  rédacteurs,  Tho- 
mas Corneille  et  Fontenelle,  ne  lui  pardonnèrent  pas  d'avoir 
fait  l'éloge,  dans  ce  discours,  des  chefs  du  parti  des  An- 
ciens, Bossuet,  Boileau,  La  Fontaine,  et  surtout  d'avoir 
exalté  Racine  aux  dépens  de  Corneille.  La  Bruyère  répli- 
qua à  l'article  du  Mercure  dans  la  préface  de  son  discours, 
et  il  se  vengea  de  Fontenelle  en  publiant  dans  la  8^  éd.  de 
son  hvre  le  caractère  de  Cydias,  dont  tout  le  monde  re- 
connut l'original. 

Les  dernières  années  de  la  vie  de  La  Bruyère  furent 
consacrées  à  la  préparation  d'un  nouvel  ouvrage,  dont  il 
avait  pris  l'idée  dans  ses  fréquents  entretiens  avec  Bossuet: 
c'est  à  savoir  les  Dialogues  sur  le  Quiétisme,  qu'il  laissa 
inachevés.  Us  ont  été  publiés  après  sa  mort,  en  1699,  par 


l'abbé  du  Pin,  docteur  en  Sorbonne,  qui  compléta  les  sept 
dialogues  trouvés  dans  les  papiers  de  La  Bruyère,  par 
deux  dialogues  de  sa  façon.  Il  est  probable  qu'il  ne  se 
gêna  point  non  plus  pour  remanier  les  sept  premiers  ;  mais, 
avec  cette  réserve,  l'authenticité  des  Dialogues,  qui  n'était 
point  admise  par  Walckenaer,  paraît  certaine  au  plus  récent 
éditeur  de  La  Bruyère,  M.  G.  Servois.  Ajoutons  que  l'on 
a  vingt  lettres  de  La  Bruyère,  dont  dix-sept  sont  adressées 
au  prince  de  Condé,  et  nous  aurons  achevé  l'énumération 
de  ses  (euvres  complètes. 

11  mourut  à  Versailles,  dans  la  nuit  du  10  au  11  mai 
1696,  d'une  attaque  d'apoplexie.  Le  récit  de  sa  fin  nous  a 
été  transmis  par  une  lettre  d'Antoine  Bossuet,  frère  de 
l'évêque  de  Meaux.  «  J'avais  soupe  avec  lui  le  mardi  8, 
écrit-il  ;  il  était  très  gai  et  ne  s'était  jamais  mieux  porté. 
Le  mercredi  et  le  jeudi  même,  jusqu'à  neuf  heures  du  soir, 
se  passèrent  en  visites  et  en  promenades,  sans  aucun  pres- 
sentiment ;  il  soupa  avec  appétit,  et  tout  d'un  coup  il 
perdit  la  parole  et  sa  bouche  se  tourna.  M.  Félix,  M.  Fa- 
gon,  toute  la  médecine  de  la  cour  vint  à  son  secours.  Il 
montrait  sa  tête  comme  le  siège  de  son  mal .  Il  eut  quel- 
que connaissance.  Saignée,  émétique,  lavement  de  tabac, 
rien  n'y  fit...  Il  m'avait  lu  [deux  jours  auparavant]  des 
Dialogues  qu'il  avait  faits  sur  le  quiétisme,  non  pas  à 
l'imitation  des  Lettres  Provinciales  (car  il  était  toujours 
original),  mais  des  dialogues  de  sa  façon...  C'est  une  perte 
pour  nous  tous  ;  nous  le  regrettons  sensiblement.  »  Bos- 
suet lui-même  écrivait  de  son  côté  le  28  mai  :  «  Toute  la 
cour  l'a  regretté,  et  monsieur  le  Prince  plus  que  tous  les 
autres.  »  Enfin,  voici  dans  quels  termes  Saint-Simon  a 
enregistré  sa  mort  :  «  Le  public  perdit  bientôt  après  (1696) 
un  homme  illustre  par  son  esprit,  par  son  style  et  par  la 
connaissance  des  hommes  :  je  veux  dire  La  Bruyère,  qui 
mourut  d'apoplexie  à  Versailles,  après  avoir  surpassé  Théo- 
phraste  en  travaillant  d'après  lui,  et  avoir  peint  les 
hommes  de  notre  temps,  dans  ses  nouveaux  Caractères, 
d'une  manière  inimitable.  C'était  d'ailleurs  un  fort  honnête 
homme,  de  très  bonne  compagnie,  simple,  sans  rien  de 
pédant,  et  fort  désintéressé.  Je  l'avais  assez  connu  pour  le 
regretter,  et  les  ouvrages  que  son  âge  et  sa  santé  pou- 
vaient faire  espérer  de  lui.  » 

La  Bruyère  mourait  célibataire  et  pauvre.  Sa  mort,  «  si 
prompte,  si  surprenante  »,  suivant  les  expressions  de  son 
successeur  à  l'Académie,  l'abbé  Fleury,  fit  naître  le  soup- 
çon qu'il  aurait  été  empoisonné,  sans  doute  par  la  ven- 
geance d'un  des  originaux  des  Caractères;  ces  bruits 
n'avaient  aucun  fondement  sérieux.  Il  fut  inhumé  à  Ver- 
sailles le  12  mai,  dans  la  vieille  église  Saint-Julien,  qui  a 
été  démolie  en  1797. 

La  Bruyère  est  un  moraliste,  et  le  xvii°  siècle  est 
l'âge  des  morahstes;  ce  sont  là  des  termes  consacrés 
par  l'usage,  mais  qui  ont  besoin  d'être  précisés.  On  appelle 
aujourd'hui  moraliste  l'écrivain  qui  prêche  la  morale,  et  on 
le  distingue  du  psychologue  qui  décrit  les  sentiments  sans 
les  juger.  Si  l'on  accepte  ces  définitions,  qui  ont  été  fixées 
par  M. Paul Bourget  (Nouv.  Essais  depsychol. contemp.), 
La  Bruyère  est  à  la  fois  moraliste  et  psychologue,  et  plus 
encore  psychologue  que  moraliste,  et  l'on  doit  dire  du 
xvii^  siècle  qu'il  est  avant  tout  l'âge  de  la  psychologie. 
Mais  on  entendait  alors  par  moraliste  tout  auteur  qui  écri- 
vait «  sur  les  mœurs  »,  quel  que  fût  l'esprit  de  son  livre. 
Et  l'on  avait  un  tel  goût  pour  les  analyses  morales 
et  pour  les  portraits,  qu'ils  n'étaient  point  réservés  aux 
ouvrages  spéciaux,  tels  que  le  Recueil  de  Mademoiselle,  mais 
abondaient  dans  les  romans  et,  c'est  La  Bruyère  lui-même 
qui  le  dit,  jusque  dans  les  sermons  (V.  Disc,  sur  Théo- 
phrasté). 

Toutefois,  deux  grands  écrivains,  par  l'objet  et  par  la 
forme  de  leurs  œuvres,  étaient  les  prédécesseurs  directs 
de  La  Bruyère  en  cet  art  du  moraliste  :  c'étaient  Pascal  et 
La  Rochefoucauld,  qu'il  a  parfaitement  définis,  précisant 
ensuite  par  contraste  l'originalité  de  son  propre  ouvrage  : 
«  L'un  (de  ces  deux  ouvrages),  dit-il  dans  son  Dis- 


—  701  — 


LA  BRUYÈRE 


cours  sur  Tkéophraste,  par  rengagement  de  son  auteur, 
fait  servir  la  métaphysique  à  la  religion  ;  fait  connaître 
l'àme,  ses  passions,  ses  vices  ;  traite  les  grands  et  sérieux 
motifs  pour  conduire  à  la  vertu,  et  veut  rendre  Thomme 
chrétien.  L'autre,  qui  est  la  production  d'un  esprit  instruit 
par  le  commerce  du  monde,  et  dont  la  délicatesse  était  égale 
à  la  pénétration,  observant  que  l'amour-propre  est  dans 
l'homme  la  cause  de  tous  ses  faibles,  l'attaque  sans  relâche 
quelque  part  où  il  le  trouve;  et  cette  unique  pensée,  comme 
multipUée  en  mille  autres,  a  toujours,  par  le  choix  des  mots 
et  par  la  variété  de  l'expression,  la  grâce  de  la  nouveauté. 
L'on  ne  suit  aucune  de  ces  routes  dans  l'ouvrage  qui  est 
joint  à  la  traduction  des  Caractères  (de  Théophraste).  Il  est 
tout  différent  des  deux  autres  que  je  viens  de  toucher  :  moins 
sublime  que  le  premier  et  moins  délicat  que  le  second,  il  ne 
tend  qu'à  rendre  l'homme  raisonnable,  mais  par  des  voies 
simples  et  communes,  et  en  l'examinant  indifféremment, 
sans  beaucoup  de  méthode,  et  selon  que  les  divers  chapitres 
y  conduisent  par  les  âges,  les  sexes  et  les  conditions,  et  par 
les  voies,  les  faibles  et  le  ridicule  qui  y  sont  attachés.  » 

Il  ne  faut  donc  point  chercher  dans  La  Bruyère  un  sys- 
tème, ni  même  des  vues  bien  neuves  sur  la  nature  et  la 
destinée  de  l'homme.  Mais  nous  trouvons  dans  son  livre 
un  tableau  de  la  société  de  son  temps,  que  les  contempo- 
rains reconnurent  exact  (V.  Saint-Simon,  cité  plus  haut)  ; 
les  traits  épars  d'un  caractère  fort  intéressant,  qui  éclaire 
comme  d'un  jour  intérieur  la  valeur  de  ses  jugements,  et 
qui  est  le  sien  propre  ;  et  enfin,  un  art  original  dont  la 
nouveauté  le  rapproche  plus  de  ses  successeurs  du  xvni^ 
et  même  du  xix®  siècle  que  de  ses  devanciers  et  de  ses  con- 
temporains. 

«  La  Bruyère,  a  dit  Prévost-Paradol,  n'entre  pas  dans 
un  sujet  pour  le  parcourir  d'un  pas  ferme  et  réglé  jusqu'au 
bout  ;  il  y  pénètre  par  cent  voies  différentes,  ne  s'y  engage 
un  moment  que  pour  en  sortir,  puis  y  revient  sous  une 
forme  nouvelle,  change  à  chaque  instant  de  tour,  de  figure, 
de  langage,  ne  s'appesantit  sur  rien  et  finit  par  avoir  tout 
dit.  »  On  reconnaît  généralement  que  le  tableau  qu'il  nous 
présente  de  la  société  de  son  temps  est  à  peu  près  complet; 
mais  on  en  cherche  le  plan,  et  lui-même  a  reconnu  qu'il 
n'était  pas  rigoureux  (V.  plus  haut).  Toutefois,  il  semble 
se  raviser  plus  tard  et,  dans  la  Préface  des  Caractères^  il 
parle,  sans  l'expliquer  clairement,  «  des  raisons  qui  entrent 
dans  l'ordre  des  chapitres  et  dans  une  certaine  suite  insen- 
sible des  réflexions  qui  le  composent  ».  Plus  tard  encore, 
dans  la  Préface  du  Discours  à  T  Académie, il  déclare  «que 
de  seize  chapitres  qui  le  composent  (son  livre),  il  y  en  a 
quinze  qui,  s'attachant  à  découvrir  le  faux  et  le  ridicule  qui 
se  rencontrent  dans  les  objets  des  passions  et  des  attache- 
ments humains,  ne  tendent  qu'à  ruiner  tous  les  obstacles  qui 
affaiblissent  d'abord  et  qui  éteignent  ensuite  dans  tous  les 
hommes  la  connaissance  de  Dieu  ;  qu'ainsi  ils  ne  sont 
que  des  préparations  au  seizième  et  dernier  chapitre,  où 
l'athéisme  est  attaqué  et  peut-être  confondu...  »  Mais  cette 
explication  trouvée  après  coup  est  suspecte  ;  répondant 
aux  ThéobaldeSy  il  a  sans  doute  voulu  se  concilier  des 
sympathies.  Le  chapitre  des  Esprits  forts  est  assurément 
l'expression  sincère  de  ses  sentiments  chrétiens  ;  mais  il 
est  aussi,  comme  l'éloge  de  Louis  XIV  dans  le  chapitre  du 
Souverain  et  comme  la  traduction  de  Théophraste,  un  pa- 
ravent à  l'ombre  duquel  il  a  pu  faire  passer  la  satire  des 
puissants.  Néanmoins,  on  peut  reconnaître  un  certain  ordre 
dans  les  Caractères  ;  le  premier  chapi Ire  (Des  Ouvrages  de 
l'Esprit),  est  une  sorte  d'introduction  ;  les  neuf  chapitres 
suivants  (Du  Mérite  personnel,  des  Femmes,  du  Cœur,  de  la 
Société  et  de  la  Conversation,  des  Biens  de  fortune,  de  la 
Ville, de  la  Cour,  des  Grands,  du  Souverain  ou  de  la  Répu- 
blique) sont  le  tableau  de  la  société  du  xvn®  siècle,  consi- 
dérée dans  ses  traits  généraux,  puis  dans  ses  diverses  castes; 
les  chapitres  xi  et  xn  (de  l'Homme  et  des  Jugeirients)  appar- 
tiennent à  la  morale  de  tous  les  temps  ;  les  travers  et  les 
abus  de  son  siècle  sont  de  nouveau  attaqués  dans  les  cha-  , 
pitres  xni  et  xiv  (de  la  Mode,  et  de  Quelques  usages)  ;  enfin   ' 


la  conclusion  chrétienne  est  donnée  par  les  chapitres  xv  (de 
la  Chaire)  et  xvi  (des  Esprits  forts). 

Tel  est  le  cadre  où  La  Bruyère  a  enfermé  ses  observa- 
tions et  ses  réflexions,  dont  les  plus  intéressantes  sont 
celles  qui  s'appliquent  à  ses  contemporains,  et  notamment 
à  la  friponnerie  des  financiers,  à  la  sottise  vaniteuse  et  à 
l'égoïsme  des  bourgeois,  à  la  bassesse  des  courtisans  et  à 
l'insolente  dureté  des  grands.  Tous  ses  portraits  sont  pris 
sur  le  vif  ;  et  la  question  se  pose  de  savoir  si  chacun  de 
ces  portraits  est  fait  à  l'exacte  ressemblance  d'un  modèle 
déterminé,  ou  s'il  les  a  composés  de  traits  recueillis  de 
divers  originaux.  La  Bruyère  a  protesté  à  mainte  reprise 
contre  les  «  Clefs  »  qui  prétendaient  donner  les  noms  des 
personnages  qu'il  avait  dépeints;  mais  il  ne  pouvait  pas 
ne  pas  protester.  Quel(]ues-unes  de  ces  «  Clefs  »  nous  sont 
parvenues,  et  il  n'est  pas  douteux  qu'elles  sont  dans  le 
vrai,  lorsqu'elles  nous  montrent,  par  exemple,  Fontenelle 
dans  Cydias^  et  dans  /Emile^  le  grand  Condé.  Parfois  aussi 
leurs  indications  sont  manifestement  absurdes.  La  Bruyère 
a  certainement  usé  quelquefois  du  procédé  dont  il  préten- 
dait ne  s'être  jamais  départi  et  qui  consiste  à  rassembler 
en  une  peinture  vraisemblable  des  traits  qui,  dans  la  réa- 
Hté,  n'appartenaient  pas  tous  au  même  modèle.  C'est  ainsi, 
par  exemple,  qu'il  a  composé  de  diverses  anecdotes  le  ca- 
ractère de  Ménalque,  le  Distrait.  (On  trouvera  toutes  les 
hypothèses  des  «  Clefs  »,  comparées  et  discutées,  dans  les 
Notes  de  l'édition  Servois.) 

Cette  société  du  xvn*^  siècle,  avec  quel  esprit  La  Bruyère 
l'a-t-il  observée,  et  que  faut-il  penser  de  ses  jugements? 
—  On  a  voulu  faire  de  La  Bruyère  une  sorte  de  réforma- 
teur, de  démocrate,  un  «  précurseur  de  la  Révolution  fran- 
çaise ».  Les  passages  abondent  dans  son  livre  où  l'on  voit 
qu'il  partage,  au  contraire,  et  qu'il  accepte  toutes  les  idées 
essentielles  de  son  temps,  en  politique  comme  en  religion. 
Il  critique  les  abus,  mais  il  respecte  les  institutions.  H  re- 
connaît même  que  certains  maux  sont  inévitables.  11  avait 
trop  l'amotir  de  son  art  pour  être  un  révolté,  et,  comme 
l'a  remarqué  M.  Nisard,  il  ne  pouvait  haïr  ce  qu'il  peignait 
si  bien.  Ceci  posé,  il  reste  que  le  ton  des  Caractères  est 
presque  constamment  celui  de  la  plus  mordante  satire.  Il  y 
avait  en  La  Bruyère  un  mélange  singulier  d'orgueil  et  de 
timidité,  d'ambition  secrète  et  de  mépris  pour  les  ambitieux, 
de  dédain  des  honneurs  et  de  conscience  qu'il  en  était  digne  ; 
il  ressentit  profondément,  malgré  son  affectation  d'incfiffé- 
rence  stoïcienne,  rinégalité  de  son  mérite  et  de  sa  for- 
tune. Et  son  grand  grief  contre  la  société  du  xvii^  siècle 
est  précisément  de  ne  pas  faire  sa  place  au  mérite  person- 
nel. «  Domestique  »  de  ces  Condé,  dont  nous  avons  indiqué 
d'après  Saint-Simon  le  caractère  détestable,  il  eut  plus 
qu'un  autre  à  se  plaindre  de  la  morgue  des  grands  et  de 
leur  injustice  à  l'égard  d'hommes  «  qui  les  égalent  par  le 
cœur  et  par  l'esprit  et  qui  les  passent  quelquefois  ».  Doué 
d'une  sensibilité  profonde  et  délicate,  qui  nous  est  attestée 
par  certaines  de  ses  réflexions  sur  l'amour  et  sur  l'amitié, 
il  n'est  pas  étonnant  si  La  Bruyère,  dont  les  instincts  na- 
turels étaient  constamment  froissés,  finit  par  concevoir 
quelque  amertume  contre  l'injustice  du  sort  et  l'épancha 
dans  son  livre. 

Son  humeur  aigrie  fut  admirablement  servie  par  un 
style  incisif,  âpre,  nerveux,  hardi  jusqu'à  la  brutalité.  Sa 
phrase,  courte,  brusque,  saccadée,  est  déjà  celle  du  xvin°  siè- 
cle; le  réalisme  de  l'expression,  la  crudité  de  certains  traits, 
la  tendance  à  peindre  l'extérieur,  les  gestes  des  person- 
nages, sont  presque  du  xix^.  Et  il  nous  ressemble  encore 
par  un  trait  qui  le  distingue  de  ses  contemporains  ;  il  est 
le  premier  écrivain  pour  qui  le  style  ait  eu  une  valeur 
propre,  indépendante  du  sujet.  Il  est  le  premier  en  date 
des  stylistes.  Et  je  ne  sais  s'il  est  le  moins  philosophe  des 
moralistes  français,  mais  il  en  est  assurément  le  plus  litté- 
rateur. Paul  SOUDAY. 

BiBL.  :  L'édition  moderne  la  plus  complète  de  La  Bruyère 
est  celle  de  M,  G.  Sîîrvgis  (Paris,  Collection  des  grands 
écrivains). 
Sur  La   Bruyère,  on  peut  consulter  en  outre:  Sainte- 


LA  BRUYÈRE  —  LABYRINTHE 


70^  — 


Beuve,  Portraits  littéraires^  t.  I.  —  Du  même,  Nouveaux 
Lundis  A- 1  et  X.  —  Taine,  Nouveaux  Essais  de  critique  et 
d'histoire.  —  A.  Vinet,  les  Moralistes  des  xvf  etxwii^  siè- 
cles. —  Prévost-Paradol,  les  Moralistes  français.  — 
Challemel-Lacour,  les  Clefs  de  La  Bruyère  (journal  le 
Temps  du  28  août  1866).  —  Edouard  Fournier,  la  Comédie 
de  La  Bruyère.  —  Faguet,  XYII^  Siècle.  —  Etienne  Al- 
laire,  La  Bruyère  dans  la  maison  de  Condé. 

LABRY.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr.  de 
Briey,  cant.  de  Conflans  ;  369  hab. 

LABUISSIÈRE.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr. 
de  Béthune,  cant.  de  Houdain;  4,188  hab. 

LABURGADE.  Com.,du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Cahors, 
cant.  de  Lalbenque;  376  hab. 

LABUS  (Jean),  archéologue  italien,  né  à  Brescia  en 
4775,  mort  à  Milan  le  8  cet.  4853.  Après  avoir  fait  ses 
études  à  Brescia  et  à  Padoue,  et  avoir  voyagé  en  France 
et  en  Hollande,  il  revint  en  Italie  on  il  obtint  une  place 
de  chef  de  division  dans  les  bureaux  de  l'intendant  géné- 
ral des  biens  de  la  couronne.  En  4816,  il  renonça  à  son 
poste  pour  s'adonner  aux  études  archéologiques.  Ses  tra- 
vaux lui  méritèrent  le  titre  de  correspondant  de  l'Institut  de 
France.  Il  réédita  les  œuvres  de  Quirino  Visconti  (Milan, 
4827-30,  in-8);  il  publia  la  Storia  di  Milano  de  Gb. 
Rosmini,  avec  des  notes  (Milan,  d  820-21,  4  vol.  in-4). 
Ses  dissertations  les  plus  célèbres  sont  :  Ara  antica 
scoperta  dal  sig.  Mainoni  pubblicata  con  alcune 
spiegazioni  (Milan,  in-4)  ;  Di  un'  Epigrafe  latina  sco- 
perta in  Egitto  dal  viaggiatore  G.  B.  Belzoni,  e  in 
occasione  di  essa,  dei  prefetti  di  quella  provincia  da 
Ottaviano  Augusio  a  Caracalla  (Milan,  i826,  in-8); 
/.  Fasti  délia  chiesa  net  la  vita  dei  santi  in  ciascun 
giorno  deWanno  (4824-33,  13  vol.  in-8)  ;  Lettera  ad, 
Em,  Cicogna  intorno  ad  unaiscrizio7ie  antica  scoperta 
in  Venezia  nel  i830  (Venise,  4830,  in-'4)  ;  Il  Museo 
délia  R.  Accademia  di  lUantova  (Mantoue,  1830-37, 
3  vol.  in-8)  ;  Museo  Bresciano  illustrato  (Brescia, 
4838-45,  in-fol.)  ;  le  Chiese  principali  d' Europa  (Milan, 
in-fol.).       ^  M.  P. 

LABUSSIÈRE  (Louis-Emile),  homme  politique  français, 
né  à  Bénévent~r Abbaye  (Creuse)  le  2  mai  4853.  Entre- 
preneur, maire  de  Limoges,  il  fut  élu  député  aux  élections 
générales  de  4893  avec  un  programme  radical-socialiste. 

LABUZE  (Justin),  homme  politique  et  administrateur 
français,  né  à  Nouic  (Haute-Vienne)  le  26  janv.  1847. 
Médecin  à  Bellac,  envoyé  à  la  Chambre  des  députés  le 
24  avr.  4878,  réélu  le  24  août  4884,  il  devint  sous-se- 
crétaire d'Etat  aux  finances  (40  août  4882),  se  retira  le 
31  mars  4885  avec  le  cabinet  Ferry,  fut  battu  aux  élec- 
tions générales  du  4  oct.  de  la  même  année  et  obtint  l'an- 
née suivante  une  place  de  trésorier-payeur  général. 

LABYRINTHE.  Archéologie.  —  Les  Grecs  et  les  Ro- 
mains donnaient  le  nom  de  labyrinthe  à  des  constructions 
souterraines  ou  non,  où  les  chambres  et  les  couloirs  étaient 
tellement  enchevêtrés  que  le  visiteur  s'y  perdait  et  ne  pou- 
vait en  retrouver  l'issue.  Il  semble  que  le  type  primitif  du 
labyrinthe  soit  dû  à  l'Egypte.  Le  roi  Amenemha  III, 
de  la  XIP  dynastie,  qui  vint  fixer  sa  résidence  dans  le 
Fayoum,  est  le  fondateur  du  monument  célèbre  dont 
Pline,  Hérodote  et  Strabon  nous  ont  laissé  de  si  pompeuses 
descriptions;  son  nom  égyptien  était  Lapi-ro-hunt^  c.-à-d. 
«  temple  à  l'entrée  du  Lac  »,  d'où  le  grec  Aa66piv6o$.  Le 
labyrinthe  s'élevait  en  effet  à  l'E.  du  lac  Mœris,  en  face 
de  Fancien  site  de  Crocodilopohs  ;  il  était  consacré  au  dieu 
Sebek.  L'égyptologue  allemand  Lepsius  en  a  le  premier 
identifié  les  ruines,  il  y  a  une  cinquantaine  d'années  ;  elles 
consistaient  en  nombreux  blocs  de  granit  et  de  calcaire  très 
blanc  que  les  anciens  ont  pris  pour  du  marbre,  en  restes 
de  murailles  et  de  chapiteaux  de  colonnes.  Il  existe  des  traces 
de  nombreuses  chambres,  grandes  et  petites,  sur  terre  et 
sous  terre.  Par  ces  chambres  était  circonscrit  de  trois  cô- 
tés un  vaste  emplacement  que  devait  remplir  une  salle  hy- 
postyle  ;  le  quatrième  côté  de  la  place  est  encombré  par  les 
débris  d'une  grande  pyramide  qui  fut  le  tombeau  d'Ame- 
nemha  ÏII  et  devant  laquelle  on  reconnaît  remplacement 


d'un  petit  temple.  Le  voyageur  français  P.  Lucas  qui  vi- 
sita ces  ruines  dans  les  premières  années  du  xviii^  siècle 
les  trouva  dans  un  moindre  état  de  dévastation.  En  entrant 
par  ce  qu'il  appelle  le  grand  portique,  il  trouva  :  4^  une 
grande  salle  en  marbre  (calcaire  blanc)  avec  plafond  droit 
formé  de  douze  pièces  de  marbre,  ayant  40  pieds  de  hau- 
teur; 2»  un  portique  plus  petit  que  le  premier,  puis  une 
salle  moindre;  3°  un  portique  encore  plus  petit,  puis 
une  salle;  4^^  un  autre  portique.  H  a  pu  visiter  plus  de 
450  chambres.  Les  anciens  relatent  qu'il  y  en  avait  3,000 
reliées  par  des  couloirs  tellement  enchevêtrés  qu'un  étran- 
ger n'en  pouvait  sortir  sans  le  secours  d'un  guide.  Aux 
temps  d'Hérodote,  il  y  avait  une  décision  sur  l'origine  du 
labyrinthe;  on  l'attribuait  tantôt  aux  douze  tyrans,  tantôt  à 
Psammétik  seul  ;  il  devait  servir  de  monument  funéraire 
aux  Pharaons  qui  l'avaient  construit  et  aux  crocodiles 
sacrés.  Cinquante  ans  environ  avant  Alexandre  le  Grand, 
Circummon,  eunuque  du  Pharaon  Necthébis,  ajouta  quel- 
que chose  aux  constructions.  Hérodote  l'avait  visité,  du 
moins  en  partie  ;  les  ruines  étaient  encore  visitées  sous 
l'Empire  romain. 

C'est  sur  le  modèle  du  labyrinthe  de  Crocodilopohs  que 
Dédale,  dit-on,  construisit  le  labyrinthe  de  Crète,  beaucoup 
plus  fameux  grâce  aux  légendes  du  Minotaure,  de  Thésée 
et  d'Ariane.  Minos  l'avait  commandé  à  Dédale  pour  servir 
de  demeure  au  Minotaure;  il  était  cent  fois  plus  petit  que 
le  labyrinthe  d'Egypte,  mais  non  moins  compliqué,  puisque 
Thésée  eut  besoin  du  fil  d'Ariane  pour  assurer  son  retour 
s'il  triomphait  du  monstre.  Il  est  à  peu  près  certain  que 
ce  monument  n'a  jamais  existé  que  dans  l'imagination  des 
anciens  ;  aucun  écrivain  n'en  a  parlé  de  visu,  et  Ton  en 
chercherait  en  vain  les  traces  aux  environs  de  Cnossos  où 
on  le  prétendait  situé.  Les  grottes  voisines  de  Gortys  où 
l'on  a  voulu  le  reconnaître  sont  de  simples  carrières.  On 
a  essayé  d'expliquer  que  ce  labyrinthe,  consacré  au  Mino- 
taure, dieu  solaire,  et  à  Pasiphaé,  déesse  lunaire,  n'était 
qu'une  allégorie  du  ciel  où  s'entrelacent  à  l'infini  les  routes 
des  astres,  le  ciel  où  le  soleil  et  la  lune  semblent  seuls 
graviter  avec  pleine  assurance,  suivant  des  règles  fixes. 

A  Lemnos,  un  artiste  crétois,  Smilis,  commença  un 
autre  labyrinthe  que  terminèrent  Rhœcos  et  Théodoros  de 
Samos  (et  non  de  Lemnos,  comme  dit  Pline).  On  en  voyait 
quelques  vestiges  au  temps  de  Pline  ;  ce  qui  en  faisait  le 
prix,  c'était  cent  cinquante  colonnes  faites  au  tour  à  l'aide 
d'une  roue  si  habilement  suspendue  que  la  main  d'un 
enfant  eût  suffi  pour  les  travailler. 

Enfin  Pline  cite  un  dernier  labyrinthe  en  Etrurie  ;  c'était 
la  tombe  de  Porsena,  près  de  Clusium  ;  ce  labyrinthe  est 
sans  doute  fabuleux  comme  celui  de  Cnossos,  car  personne 
n'en  a  vu  même  les  ruines.  Pline  du  reste  n'en  parle  qu'en 
s'abritant  sous  l'autorité  de  Varron.  C'était  un  monument 
quadrangulaire  ;  chaque  face  avait  300  pieds  de  large  et 
50  de  haut.  A  la  base  se  trouvait  un  dédale  dont  on  ne 
pouvait  sortir  si  l'on  s'y  engageait  sans  un  peloton  de  fil. 
Au  sommet  s'élevaient  cinq^  pyramides,  dont  quatre  aux 
quatre  angles  et  une  au  milieu  ;  elles  étaient  très  larges  à 
la  base  (75  pieds)  et  très  hautes  (450  pieds).  Le  sommet 
de  toutes  ces  pyramides  était  couronné  par  un  globe  d'ai- 
rain et  un  chapeau  d'où  pendaient  des  sonnettes  et  des 
chaînes  qui,  agitées  par  le  vent,  rendaient  un  son  pareil  à 
celui  de  Dodone.  Sur  le  globe  il  y  avait  quatre  autres  pyra- 
mides de  400  pieds  de  haut,  supportant  elles-mêmes,  sur 
leur  plate-forme,  un  troisième  étage  de  cinq  pyramides,  que 
les  traditions  étrusques  disaient  aussi  hautes  que  tout  le 
reste  du  monument.  On  voit  qu'un  architecte  aurait  diffici- 
lement réalisé  une  pareille  conception.  Pierre  Paris. 

Mines.  -—  Série  de  canaux  d'écoulement  faisant  suite 
à  une  batterie  de  bocards  et  servant  à  classer  les  sables 
obtenus  ;  on  arrive  même  par  ce  procédé  à  un  premier  enri- 
chissement. Les  matières  sortant  du  bocard  sont  reçues  dans 
un  premier  compartiment  creusé  de  4  m.  et  barré  à  son 
extrémité  par  des  planches  de  0^60  de  hauteur  ;  les  gros 
sables  y  restent,  tandis  que  les  sables  moyens  continuent 


leur  course  dans  les  conduits  formant  labyrinthe  jusqu'à  un 
autre  barrage,  ne  laissant  passer  que  les  sables  tins  qui 
eux-mêmes  sont  divisés  en  sables  riches  fins  et  sables  fins 
pauvres  ou  schlamms.  L.  Knâb. 

Géométrie.  —  Les  allées  d'un  labyrinthe  étant  considé- 
rées comme  des  lignes,  et  les  carrefours  comme  des  points  oii 
ces  droites  viennent  aboutir,  on  démontre  qu'un  point  mobile 
peut  décrire  successivement  toutes  les  lignes  du  réseau,  sans 
saut  brusque  et  sans  passer  plus  de  deux  fois  sur  chacune 
d'elles.  Autrement  dit,  un  labyrinthe  n'est  jamais  inextri- 
cable. Pour  résoudre  ce  problème,  sans  connaître  le  plan  du 
labyrinthe,  M.  Trémauxet  M.  Maurice  ont  donné  des  règles 
fort  ingénieuses.  En  voici  une,  encore  inédite,  qui  est  due  à 
M.  Gaston  Tarry  et  qui  paraît  constituer  le  maximum  de 
simplicité.  Il  est  nécessaire  et  suffisant  d'effectuer  les  deux 
parcours  de  chaque  allée  en  sens  contraire  et  de  ne  prendre 
l'allée  qui  a  conduit  pour  la  première  fois  à  un  carrefour 
que  lorsqu'il  n'en  reste  pas  d'autre  à  prendre.  Supposons 
qu'un  promeneur,  égaré  dans  un  labyrinthe,  dépose  à  l'en- 
trée de  toute  allée  nouvelle  qu'il  prend  deux  marques,  et 
à  la  sortie  trois  marques  ou  une  seule,  suivant  que  l'allée 
débouche  dans  un  carrefour  nouveau  ou  dans  un  carrefour 
déjà  exploré  ;  en  outre,  lorsqu'il  prend  une  allée  où  se 
trouve  une  seule  marque  à  l'entrée,  il  en  dépose  une 
deuxième.  Ce  promeneur  sera  certain  de  retrouver  l'issue 
du  labyrinthe,  sans  passer  plus  de  deux  fois  par  chaque 
allée,  s'il  se  conforme  à  la  règle  suivante  : 

En  arrivant  à  un  carrefour,  prendre  au  hasard  une 
allée  qui  n'est  pas  marquée  ou  une  allée  qui  n'a  qu'une 
seule  marque,  et  s'il  n'en  existe  pas,  prendre  l'allée  qui 
a  trois  marques.  A.  Lâisant. 

Alchimie.  —  Labyrinthe  de  Sâlomon.  —  Figure  caba- 
listique qui  se  trouve  en  tête  de  certains  manuscrits  alchi- 
miques, et  qui  fait  partie  des  traditions  magiques  attribuées 
au  nom  de  Salomon.  C'est  une  série  de  cercles  concentriques, 
interrompue  sur  certains  points,  de  façon  à  former  un  trajet 
bizarre  et  inextricable;  c'est  l'image  de  la  vie  avec  ses  re- 
tours et  ses  déceptions  qui  conduisent  l'homme  jusqu'à  la 
mort.  M.  Berthelot. 

Anatomie  (V.  Oreille). 

BiBL.  :  GÉOMÉTRIE.  —  Ed.  Lucas,  Récr.  mathéma- 
tiques, 1891,  t.  I,  p.  41,  2«  éd. 

LABYRINTHICI  (IchtyoL).  Famille  de  Poissons  osseux 
(Téléostéens),  de  l'ordre  des  Acanthoptérygiens  Labyrin- 
thiformes,  présentant  une  disposition  des  plus  remar- 
quables permettant  à  ces  animaux,  vivant  dans  des  marais 
qui  se  dessèchent  souvent,  de  rester  assez  longtemps  hors 
de  l'eau;  cette  disposition  consiste  dans  une  division  en 
feuillets  d'une  partie  des  os  pharyngiens,  division  qui  pro- 
duit des  cavités  et  de  petites  loges  plus  ou  moins  com- 
pliquées dans  lesquelles  l'eau  s'amasse  dans  des  organes 
spongieux  pour  de  là  (Sauvage)  tomber  goutte  à  goutte 
sur  les  lames  branchiales  et  les  maintenir  humides.  Les 
opercules  sont  bombés  et  protègent  cet  appareil  remar- 
quable ;  les  membranes  des  ouies  sont  attachées  sous  la 
gorge.  Les  pseudobranchies  sont  absentes  ou  rudimentaires. 
Les  animaux  qui  rentrent  dans  cette  famille  habitent  les 
régions  les  plus  chaudes  du  monde,  telles  que  :  le  Gabon, 
le  Cap,  rinde,  l'ïndo-Chine  et  les  îles  de  la  Sonde.  Ce  sont 
des  Poissons  de  petite  taille  ;  ils  sont  susceptibles  d'être 
domestiqués  et  se  font  remarquer  par  la  beauté  de  leurs 
couleurs.  Rocher. 

BiBL.  :  GuNTPiÉR,  Study  of  Fishes.  —  Valenciennes  et 
CuviER,  Hist.  génér.  des  Poiss.  —  Sauvage,  dans  Brehm, 
édit.  franc.,  Poissons. 

LABYRINTHIFORMES  (IchtyoL).  Nom  francisé,  syno- 
nyme de  Labyrinthici^  mais  employé  pour  spécifier  un 
groupe  dans  l'ordre  des  Acanthoptérygiens. 

LABYRINTHODON  (Paléont.).  Ce  genre,  établi  par 
R.  Owen,  comprend  les  Labyrinthodontes  qui  ont  les  os  du 
recouvrement  du  museau  ornés  de  crêtes  rayonnantes,  une 
ouverture  pour  le  passage  des  défenses  inférieures  entre 
le  vomer  et  l'intermaxillaire,  une  défense  en  avant  des  na- 


703  —  LABYRINTHE  -  LABZINE 

rines  internes  et  une  rangée  transversale  de  petites  dents 
sur  le  bord  antérieur  du  voméro-palatm,  des  dents  grêles, 
acuminées,  plissées  à  la  base,  formant  une  rangée  sur  le 
maxillaire  inférieur.  Les  Labyrinthodon  proprement  dits 
sont  du  keuper  du  Warwickshi're  et  ne  comprennent  qu'une 
espèce,  le  L.  leptognaihus,  les  autres  espèces  ayant  été 
réparties  entre  les  Mastoclonsaurus  et  Metoposaurus, 

BiBL.  :  R.  OvvEN,  Trans.  geol.  Soc.  London^  1842,  t.  VI. 
—  ZiTTEL,  Ti\  de  patéoritologie,  éd.fr.,  1893,  t.  III,  p.  399. 

LABYRINTHODONTIENS  (Paléont.).  Ce  groupe,  établi 
par  Meyer  en  1842,  forme  pourLydekker  un  ordre  com- 
prenant les  Amphibiens  présentant  les  caractères  suivants  : 
«  corps  allongé,  généralement  lacertiforme  (anguiforme 
chez  les  Aistopoda}^  généralement  cinq  doigts  à  chaque 
patte;  crâne  ayant  la  région  temporale  recouverte  par  les 
os  postorbitaires  et  supratemporaux  ;  dents  pointues  avec 
une  large  cavité  pulpaire,  la  dentine  souvent  plissée  ;  ver- 
tèbres amphicéliennes,  pouvant  être  complètement  ossifiées, 
présenter  un  canal  notochordal,  ou  avoir  un  grand  inter- 
centrum,  le  centrum  étant  représenté  par  des  pièces  laté- 
rales paires  (pleurocentraux)  ;  un  bouclier  thoracique  os- 
seux, souvent  des  plaques  osseuses  à  la  partie  ventrale  ». 
Cet  ordre  se  divise  en  deux  sous-ordres,  celui  des  Mi- 
crosauriens et  celui  des  Labyrinlhodontiens  proprement 
dits.  E.  Sauvage. 

BiBL.  :  Lydekker,  Cat.  fossit  reptitia  British  Muséum, 
1890,  t.  IV,  p.  139. 

LÂBYRINTHULES  (ZooL).  Ce  sont  des  êtres  très  cu- 
rieux et  encore  incomplètement  connus,  découverts  par  Cien- 
kowski  sur  des  pilotis  plongés  dans  la  mer,  dans  le  port 
d'Odessa.  Ils  forment  des  amas  de  cellules  nucléées  qui 
se  reproduisent  par  division  et  possèdent  un  certain  degré 
de  contractilité.  Ces  cellules  sécrètent  une  matière  fibril- 
laire  qui  se  durcit  et  forme  des  réseaux  de  filaments  anas- 
tomosés. C'est  à  Pintérieur  de  ces  filaments  que  circulent 
les  cellules  en  pivotant.  Pour  s'enkyster,  ces  cellules  se 
réunissent  de  nouveau  en  masse,  chacune  d'elles  sécrétant 
une  enveloppe  particulière,  et  toute  la  masse  est  envelop- 
pée à  son  tour  d'une  membrane  commune.  Les  kystes,  au 
bout  d'un  certain  temps,  se  subdivisent  en  quatre  cellules. 
Le  position  systématique  des  Labyrinthules  n'est  pas  encore 
bien  connue  :  les  particularités  que  nous  venons  de  dire  ont 
engagé  certains  auteurs  à  les  rapprocher  des  Myxomycètes. 

LABZINE  (Alexandre-Féodorovitch),  écrivain  russe,  né 
à  Moscou  en  1766,  mort  en  48^25.  Il  fit  ses  études  à  l'uni- 
versité de  Moscou;  en  1782,  encore  étudiant,  il  collabora  à 
une  revue  mensuelle,  Vetchernaïa  Zaria  [le  Crépuscule), 
et  composa  des  vers.  En  4787,  il  fit  paraître  son  Chant  de 
triomphe  à  l'occasion  de  l'arrivée  de  Catherine  II  à  Mos- 
cou ;  la  même  année,  il  donna  la  traduction  des  Noces  de 
Figaro  de  Beaumarchais.  Puis  il  se  lia  avec  Novikov,  dont 
il  subit  l'influence,  et  devint  ensuite  martiniste.  On  le  nomma 
traducteur  à  l'université  de  Moscou  et,  en  1779,  il  passa 
dans  le  service  secret  des  postes  à  Pétersbourg.  En  1799, 
il  fut  nommé  secrétaire  des  conférences  de  l'Académie  des 
arts  et  historiographe  de  l'ordre  de  Malte  et  il  écrivit  avec 
Vakhrouchévitch  V Histoire  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de 
Jérusalem  (Pétersbourg,  1799-1801,  5  vol.).  A  partir 
de  1803,  il  publia  des  traductions  de  livres  mystiques  alle- 
mands qui  eurent  de  nombreuses  éditions,  puis  des  bro- 
chures religieuses  et  morales.  En  1806,  il  fonda  une  revue 
religieuse  et  mystique,  le  Messager  de  Sion,  mais  le  clergé 
en  arrêta  bientôt  la  publication.  En  1816,  lorsque  le  gou- 
vernement se  mit  à  pencher  vers  le  mysticisme  et  qu'on 
vit  fleurir  les  loges  maçonniques  et  les  sociétés  bibhques, 
Alexandre  I^"^  lui  permit  de  publier  de  nouveau  sa  revue 
en  1817  ;  mais  les  vexations  de  la  censure  furent  si  grandes 
qu'il  s'arrêta  après  quelques  numéros.  Cette  même  année, 
Labzine  fut  élu  vice-président  de  l'Académie  des  arts.  Le 
13  sept.^  1822,  il  s'opposa  à  la  nomination  d'Araktchéev, 
de  Gouriev  et  de  Kotchoubey  en  qualité  de  membres  hono- 
raires ;  il  fut  exilé,  ses  éditions  furent  défendues,  et,  ruiné, 
il  ne  vécut  qu'avec  quelques  subsides  de  A.-N.  Galitzine. 


LABZINE  —  LACABANE 


~   704  — 


L'année  suivante,  on  le  ramena  à  Simbirsk,  où  il  mourut 
en  proie  au  mal  caduc.  M. 

BiBL.  :  Bezsonov,  la  Vie  et  l'œuvre  de  Labzine,  dans 
VArchive  russe^  1866,  fasc.  6.  —  Mémoires  de  Vogel,  de 
M.  A.  Dmitrov,  de  Vitberg,  dans  ï Antiquité  russe,  1872, 
fasc.  4. 

LAC.  Géographie.  •—  On  donne  le  nom  de  lacs  à  des 
dépressions  de  la  surface  terrestre  où  Feau  s'accumule  au 
milieu  des  terres.  Lorsque  l'étendue  de  la  nappe  d'eau  est 
très  petite,  on  l'appelle  mare  ou  étang,  son  origine  étant 
alors  très  souvent  artificielle  ;  lorsqu'elle  est  très  vaste,  elle 
reçoit  parfois  le  nom  de  mer  ;  c'est  le  cas  pour  la  mer  Cas- 
pienne, la  merd'Aral,  et  le  langage  a  conservé  pour  un  petit 
lac  l'appellation  de  mer  Morte.  Ce  qui  caractérise  les  lacs 
comme  les  étangs,  mares  et  marais,  c'est  que  l'eau  y  est  sta- 
gnante tandis  qu'elle  est  courante  dans  les  rivières.  En  gé- 
néral, les  lacs  font  partie  du  système  hydrographique  des 
eaux  douces  ;  ils  sont  formés  par  des  ruisseaux  ou  rivières 
dont  les  eaux  s'amassent  dans  une  cavité  du  sol.  On  les 
trouve  alors  tantôt  à  la  source  du  fleuve,  formant  le  réser- 
voir où  il  s'alimente,  par  exemple  le  lac  Itasca  pour  le  Mis- 
sissippi et  le  lac  Victoria  Nyanza  pour  le  Nil  ;  tantôt  sur 
le  parcours,  tels  le  lac  de  Genève,  le  lac  de  Côme,  le  lac 
Baïkal,   etc.  ;  tantôt  an  terme  du  cours  du  fleuve  qui 
n'atteint  pas  la  mer.  Les  lacs  situés  au  point  inférieur  d'un 
bassin  fermé  sont  nombreux  en  Asie  (V.  ce  mot)  :  l'Aral, 
le  Lob-nor,  leKoukou-nor,  leHamoun,la  mer  Morte,  etc.  ; 
citons  encore  le  Grand  Lac  Salé  dans  l'Amérique  du  Nord, 
le  Tchad  en  Afrique.  Il  existe  enfin  quelques  lacs  qui  n'ont 
ni  aftluent  ni  déversoir  apparent  ;  ils  s'alimentent  en  gé- 
néral par  des  sources  intérieures,  sans  que  l'eau  puisse 
dépasser  les  bords  de  la  cuvette,  ou  bien  ils  ont  des  déver- 
soirs souterrains  ;  tel  est  le  cas  de  certains  lacs  des  con- 
trées calcaires,  par  exemple  le  lac  de  Joux  dans  le  Jura. 
D'autre  part,  il  convient  de  signaler  les  lacs  de  Scandina- 
vie, de  Finlande,  du  Canada,  les  pays*  du  monde  où  ces 
nappes  d'eau  douce  occupent  les  plus  vastes  espaces  com- 
parativement aux  terres  qui  les  entourent;  ce  sont  des  sols 
relativement  neufs,  ayant  peu  subi  les  remaniements  dus 
aux  agents  atmosphériques  ;  les  rivières  y  sont  formées  de 
chapelets  de  lacs  remplissant  jusqu'au  bord  les  bassins  suc- 
cessifs de  leurs  vallées  ;  elles  n'ont  pas  eu  le  temps  d'en 
ronger  les  barrages  ni  de  combler  le  fond  de  leurs  allu- 
vions. 

On  distingue  les  lacs  de  montagne  et  les  lacs  de  plaine  ; 
les  premiers  sont  souvent  formés  dans  une  vallée  bar- 
rée par  une  moraine  glaciaire,  ou  dans  une  dépression 
géologique  ;  ceux-ci  sont  beaucoup  plus  étendus.  Les  lacs 
de  plaine  sont  bien  moins  profonds  que  les  lacs  de  mon- 
tagne. Au  point  de  vue  de  l'altitude,  le  plus  haut  situé 
des  lacs  importants  est  le  Titicaca  dans  l'Amérique  du  Sud 
(ait, ,  3,824  m.)  ;  le  plus  bas  est  la  mer  Morte  dont  le  niveau 
est  inférieur  de  393  m.  à  celui  de  la  Méditerranée.  Plu- 
sieurs des  lacs  de  montagne  s'enfoncent  au-dessous  du 
niveau  de  la  mer;  c'est  le  cas  pour  les  lacs  subalpins  d'Ita- 
lie et  pour  le  Baïkal.  Au  point  de  vue  de  l'étendue,  les 
plus  grands  lacs  sont  le  lac  Supérieur  (83,627  kii.  q.)  et 
les  quatre  autres  qui  forment  dans  le  bassin  supérieur  du 
Saint-Laurent  une  petite  mer  d'eau  douce  ;  le  lac  Victoria 
Nyanza  (43,900  kil.  q.),  le  plus  important  de  ceux  qui 
alimentent  le  Nil  ;  le  lac  d'Aral.  Sur  la  superficie  des  lacs 
on  trouvera  des  détails  complets  dans  les  articles  rela- 
tifs à  chaque  continent  (V.  en  particulier  les  art.  Eu- 
rope, t.  XVI,  p.  796,  et  France,  t.  IVII,  p.  977).  Au 
point  de  vue  de  la  masse  des  eaux,  les  principaux  sont  le 
lac  Supérieur,  le  lac  Baïkal,  etc.  Au  point  de  vue  de  la 
forme,  les  lacs  qui  occupent  une  cuvette  naturelle  se  rap- 
prochent du  type  circulaire,  tandis  que  ceux  qui  rem- 
plissent une  partie  d'une  vallée  sont  allongés,  plus  longs 
que  larges  ;  parfois  plusieurs  fonds  de  vallée  sont  réunis  en 
un  lac  unique  qu'un  léger  abaissement  des  eaux  morcelle- 
rait (lac  des  Quatre-Cantons,  lac  de  Côme,  etc.). 

Les  lacs  sont  alimentés  par  des  eaux  courantes,  rivières, 
sources,  neiges  fondues,  lesquelles  entraînent  une  certaine 


quantité  de  matières  solides  ;  celles-ci  se  déposent,  de  sorte 
que  lentement  le  creux  se  comble  ;  il  s'ensuit  d'abord  une 
élévation  du  niveau  lacustre  jusqu'à  ce  que  celui-ci  déborde 
et  se  crée  un  déversoir  ;  les  dépôts  alluviaux  continuant 
finissent  par  emplir  la  cavité  entière  du  lac  ;  celui-ci  se 
transforme  en  marais,  puis  disparaît  ;  l'érosion  que  ses 
eaux  exerce  sur  la  paroi  par  laquelle  elles  s'écoulent, 
abaissant  le  niveau  du  déversoir,  et  par  conséquent  du  lac, 
concourt  à  la  disparition  de  celui-ci.  Beaucoup  des  plus 
belles  plaines  sont  d'anciens  fonds  de  lacs,  telles  que  la 
Limagne,  la  Hongrie.  —  Il  existe  des  lacs  intermittents, 
qui  n'ont  d'eau  que  dans  la  saison  pluvieuse  ou  après  de 
grands  orages  ;  c'est  le  cas  de  plusieurs  des  chotts  algé- 
riens ;  c'est  aussi  celui  du  lac  de  Zirknitz  alimenté  par  des 
canaux  souterrains. 

L'eau  des  lacs  est  généralement  douce,  comme  celle  des 
rivières  ;  mais  elle  renferme  de  même  toutes  sortes  de 
matières  en  suspension  ;  leur  couleur  verte,  bleue,  rou- 
geâtre,  est  due  à  ces  matières.  Dans  les  lacs  sans  écoule- 
ment, les  sels  s'accumulent,  si  bien  que  la  salure  de  l'eau 
peut  arriver  à  dépasser  celle  de  l'eau  de  mer  ;  les  plus  cé- 
lèbres lacs  salés  sont  ceux  de  l'Asie  centrale,  le  Grand  Lac 
Salé  des  Etats-Unis  (Ltah),  les  chotts.  Ils  renferment  sur- 
tout du  chlorure  de  sodium  et  du  chlorure  de  magnésie  ; 
d'autres  contiennent  du  carbonate  et  du  sulfate  de  soude, 
par  exemple  ceux  de  Debreczin  (Hongrie)  ;  d'autres  du  sul- 
fate de  magnésie,  par  exemple  les  lacs  Amers  de  Fisthme 
de  Suez  ;  d'autres  des  sels  de  bore  (Tibet,  Californie). 

Un  grand  nombre  de  lacs  paraissent  avoir  jadis  commu- 
niqué avec  la  mer,  leur  faune  étant  celle  des  mers  voisines  ; 
on  en  compte  une  centaine  dont  les  principaux  sont  ceux 
de  la  Suède  méridionale,  de  la  Russie  nord-occidentale,  le 
Tanganika,   le  Nicaragua  et  le  Titicaca.  Toutefois,  il  faut 
se  souvenir  que  ces  faunes  marines  peuvent  s'expliquer  par 
des  migrations. 
Lacs  Amers  (V.  Egypte,  t.  XVI,  p.  630,  et  Suez). 
Lac  de  glace  (V.  Glacier). 
Législation  (V.  Etang). 

LAC  (Le)  ou  VILLERS,  appelé  communément  Lac-ou- 
VUlers.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Pontarlier,  cant. 
de  Morteau,  sur  la  rive  gauche  du  Doubs;  3,147  hab. 
Le  village  du  Lac  est  au  centre  de  beautés  naturelles 
qu'offrent  et  les  bords  escarpés  des  bassins  du  Chaillexon 
et  la  grotte  de  la  Toffière  (r.  dr.).  Le  Lac  se  trouve 
à  la  porte  d'une  des  cinq  principales  voies  de  pénétration 
de  Suisse  en  France,  sur  la  route  et  le  chemin  de  fer  qui 
unissent  les  villes  horlogères  du  cant.  de  Neuchâtel  aux 
villages  horlogers  français  de  la  région  de  Morteau.  Le  Lac 
a  des  scieries  et  des  fabriques  d'horlogerie  ;  il  possède  une 
source  froide  d'eau  carbonatée  ferrugineuse.  —  Le  Lac 
formait  autrefois  un  des  cinq  quartiers  de  la  communauté 
du  Val  de  Morteau,  dont  le  seigneur  était  le  prieur  de  Mor- 
teau (V.  ce  mot).  Fondé  par  les  sires  de  Montfaucon 
(xi^  s.),  le  prieuré  passa  aux  comtes  de  Bourgogne,  puis, 
en  4494,  aux  seigneurs  de  Veuvres.  Le  Lac  eut  une  exis- 
tence très  agitée  aux  xvi^et  xvii«  siècles.  Il  ferma  obstiné- 
ment sa  porte  à  la  Réforme  venant  de  Suisse.  Ses  habitants 
et  ceux  du  Val  battirent  en  1575  les  réformés  neuchâte- 
lois  et  montbéliardais,  ligués  contre  Besançon.  Durant  la 
guerre  de  Trente  ans,  Le  Lac  fut  détruit  par  l'armée  de 
Saxe-Weimar  (1639).  Il  se  releva  lentement  et  fut  de  nou- 
veau incendié  de  nos  jours  en  1840.  —  En  face  du  Lac, 
sur  le  territoire  suisse,  est  le  village  des  Brenets.  Les 
habitants  des  deux  villages  ont,  de  temps  immémorial, 
offert  un  touchant  exemple  de  fraternité  internationale  dans 
des  fêtes  populaires  annuelles,  qui  se  célébraient  sur  le 
lac.  L'usage  en  est  aujourd'hui  tombé  en  désuétude. 

LâC-des-Rouges-Truites  (Le).  Com.  du  dép.  du  Jura, 
arr.  de  Saint-Claude,  cant.  de  Saint-Laurent;  513  hab. 

LACABANE  (Léon),  érudit  français,  né  à  Fons  (Lot)  le 
21  noy.  1798,  mort  à  Paris  le  24  déc.  1884.  Elève  pen- 
sionnaire de  la  première  promotion  de  l'Ecole  des  chartes 
(4821),  il  fut  attaché  en  1829  au  Cabinet  des  titres  de  la 


^  -70S  -. 


LÂCABÂNE  —  LA  CALPRENÈDE 


Bibliothèque  royale  et  y  demeura  jusqu'en  1871 .  Cette 
situation  le  désigna  au  roi  Louis-Philippe,  lors  de  la  créa- 
tion de  la  salle  des  Croisades  au  musée  de  Versailles,  pour 
contrôler  les  prétentions  des  familles  qui  désiraient  y  voir 
leurs  armoiries.  Il  eut  en  cette  qualité  à  examiner  les  nom- 
breuses chartes  dites  de  croisades,  jusque-là  inconnues,  qui 
surgirent  alors  d'une  manière  un  peu  trop  opportune  et 
peut-être  en  admit-il  un  peu  légèrement  l'authenticité. 
Nommé  professeur  à  l'Ecole  des  chartes,  lors  de  la  réor- 
ganisation de  cet  établissement  en  1846,  il  en  devint  direc- 
teur en  1857  et  prit  sa  retraite  en  1871 .  Pendant  de  longues 
années,  Léon  Lacabane  avait  projeté  une  édition  de  Frois- 
sart  qui  ne  vit  jamais  le  jour,  mais  dont  la  préparation  a 
donné  naissance  à  plusieurs  mémoires  estimés  sur  l'histoire 
du  xiv®  siècle,  publiés  pour  la  plupart  dans  la  Bibliothèque 
de  V Ecole  des  chartes, 

LACABARcDE.  Com.  du  dép.du  Tarn,  arr.  de  Castres, 

cant.  de  Saint-Amans-Soult  ;  668  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer 

du  Midi,  %ne  de  Mazamet  à  Bédarieux.  Laines  et  peaux. 

LACADEE.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr. 

d'Orthez,  cant.  d'Arthez  ;  5i03  hab. 

LAÇAGE  (Tiss.).  Cette  opération  consiste  à  assembler, 
suivant  un  ordre  convenu,  les  cartons  Jacquard,  sur  une 
table  ou  long  cadre  muni  de  pédonnes,  et  à  les  coudre  les 
uns  aux  autres. 

LA  CAILLE,  famille  d'imprimeurs  (V.  Caille  [La]). 
LA  CAILLE  (Nicolas-Louis,  abbé  de),  astronome  fran- 
çais, néàRumigny  le  15  mai  171 3,  mort  à  Paris  le  21  mars 
1 76'2.  Orphelin  de  bonne  heure  et  protégé  par  le  duc  de 
Bourbon,  il  embrassa  l'état  ecclésiastique  pour  obtenir  un 
bénéfice,  mais  ne  dépassa  pas  le  diaconat,  et  se  fit  recom- 
mander à  Jacques  Cassini  et  Maraldi  qui  l'occupèrent  à  des 
mesures  géodésiques,  notamment  à  la  vérification  de  la 
grande  méridienne  de  France  (1739-40).  11  s'y  distingua 
de  telle  sorte  que  les  portes  de  l'Académie  des  sciences 
s'ouvrirent  de  suite  pour  lui  (1741).  Nommé  bientôt  après 
professeur  au  collège  Mazarin,  il  publiait  aussitôt  des 
Leçons  élémentaires  de  mathématiques  (1741),  de 
mécanique  (1743),  d'astronomie  géométrique  et  phy- 
sique (1746),  d'optique  (1750),  qui  eurent  plusieurs 
éditions,  se  faisait  établir  en  1746  un  observatoire  au 
collège  et  commençait  à  rédiger  ses  Ephémérides  des 
mouvements  célestes  pour  le  méridien  de  Paris,  qui 
vont  de  1745  à  1774.  En  1751,  il  entreprit  un  voyage  de 
quatre  ans  au  cap  de  Bonne-Espérance,  où  il  observa  dix 
mille  étoiles  et  forma  quatorze  constellations  nouvelles 
(celles  qui  portent  des  noms  rappelant  les  arts  ou  les 
sciences).  La  modicité  de  ses  dépenses  pour  ce  voyage 
(9,144  livres  5  sous)  fut  considérée  comme  un  trait  de 
naïveté.  C'est  pendant  la  dernière  période  de  sa  vie, 
qu'abrégea  une  maladie  amenée  par  l'excès  de  travail,  qu'il 
rédigea  ses  ouvrages  les  plus  importants  :  Astronomiœ 
fundamenta  (1757)  ;  Cœlum  australe  stelliferum 
(1760)  ;  ses  Tables  de  logarithmes  (1760)  et  ses  Tables 
solaires  (1758).  On  a  édité  après  sa  mort  le  Journal  de 
son  voyage  (1763)  et  des  Observations  sur  5i5  étoiles 
du  zodiaque.  Les  Mémoires  de  l'Académie  renferment 
enfin  de  1741  à  1760  de  nombreuses  communications  de 
Lacaille.  T. 

LACAJUNTE.  Com.  du  dép.  des  Landes,  arr.  de  Saint- 
Sever,  cant.  de  Geaune;  263  hab. 

LA  CALLEJA  (Andrès  de)  (V.  Calleja). 
LAÇA L ME.  Com.  du  dép.  de  TAveyron,  arr.  d'Espalion, 
cant.  de  Sainte-Geneviève  ;  587  hab. 

LA  CALPRENÈDE  (Gaultier  de  Coste,  seigneur  de), 
romancier  et  poète  dramatique  français,  né  au  château  de 
Toulgou,près  de  Sarlat  (Périgord),  en  1609  ou  1610,  mort 
en  1663.  Après  avoir  fait  ses  études  à  Toulouse,  il  se  rendit 
à  Paris  vers  1632  et  entra  en  qualité  de  cadet  au  régiment 
des  gardes.  Son  talent  naturel  de  conteur  lui  valut  la 
faveur  des  dames  d'honneur  de  la  reine  et  de  la  reine  elle- 
même  ;  il  fut  nommé  en  1650  gentilhomme  ordinaire  de  la 
chambre  du  roi.  Il  mourut  en  1663  des  suites  d'un  acci- 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XXL 


dent,  d'un  coup  de  tête  de  cheval,  d'après  les  uns,  et,  selon 
les  autres,  de  l'explosion  d'un  fusil. 

Bien  qu'il  fût  Périgourdin,  c.-à-d,  simplement  voisin  de 
la  Gascogne,  La  Calprenède  passa  toujours  pour  un  franc 
Gascon,  et  son  caractère  était  bien  propre  en  effet  à  accré- 
diter cette  légère  erreur.  On  connaît  sa  réponse  à  une 
critique  de  Richelieu,  qui  s'était  permis  de  trouver  sa  ver- 
sification un  peu  lâche  :  «  Comment!  lâche!  Cadédis!  il 
n'y  a  rien  de  lâche  dans  la  maison  de  La  Calprenède  î  » 
Dans  l'épître  dédicatoire  de  sa  première  tragédie,  la  Mort 
de  Mithridate,  il  s'excuse,  étant  gentilhomme,  de  déroger 
en  s'abaissant  à  écrire  :  «  La  profession  que  je  fais,  dit-il, 
ne  me  peut  permettre,  sans  quelque  honte,  de  me  faire 
connaître  par  des  vers,  et  tirer  de  quelque  méchante  rime 
une  réputation  que  je  dois  espérer  seulement  d'une  épée  que 
j'ai  l'honneur  de  porter.  »  Les  exemples  ne  manquaient 
pourtant  pas  de  gentilshommes  qui  devaient  aux  lettres 
toute  leur  renommée.  Mais  ils  étaient  sans  doute  de  petite 
noblesse.  Il  est  vrai  que,  plus  tard,  il  parle  de  «  l'erreur 
du  siècle  »  qui  rend  ces  «  amusements  presque  honteux  à 
ceux  de  sa  profession  »  (préf.  du  Comte  d'Essex).  Le 
plus  fier  gentilhomme  gascon  n'est  point  insensible  au  suc- 
cès ,  et  celui  de  La  Calprenède  avait  été  réellement  très  grand. 
Il  avait  donné  dix  pièces  de  théâtre  qui  sont  :  la  Mort 
de  Mithridate,  tragédie  (1635);  Bradamante^  tragi-co- 
médie (1636);  Jeanne  d'Angleterre  {i6'd6);  Clarionte 
ou  le  Sacrifice  sanglant,  tragi-comédie  (1 637)  ;  le  Comte 
d'Essex,  tragédie  (1638)  ;  la  Mort  des  enfants  d'Hérode 
ou  la  Suite  de  Mariamne,  tragédie  (1639);  Edouard, 
tragi-comédie  (1639)  ;  Phalante,  tragédie  (1641);  Her- 
ménigilde,  tragédie  en  prose  (1643);  Bélisaire,  tragi- 
comédie  (1659)  (cette  dernière  n'a  jamais  été  imprimée  ; 
les  autres  l'ont  été  séparément  et  les  exemplaires  en  sont 
aujourd'hui  presque  introuvables). 

La  Calprenède  a  laissé  en  outre  un  assez  grand  nombre 
de  poésies  légères  disséminées  dans  divers  recueils  de 
l'époque,  et  surtout  ses  trois  grands  romans  auxquels  il  a 
dû  la  meilleure  part  de  sa  réputation  :  Cassandre  (1642- 
50,  10  vol.  in-8);  Cléopâtre  (1647-58,  12  vol.  in-8)  ; 
Faramond  (1661-70, 12  vol.  in-8),  mais  les  sept  pre- 
miers volumes  sont  seuls  de  La  Calprenède,  qui  mourut 
laissant  l'ouvrage  inachevé  ;  les  cinq  derniers  volumes  sont 
de  Pierre  d'Ortigue  de  Vaumorière.  Enfin,  on  lui  attribue 
généralement  les  Nouvelles  ou  Divertissements  de  la 
princesse  A  Icidiane,  qui  semblent  plutôt  être  de  sa  femme, 
Madeleine  de  Lyée,  qu'il  avait  épousée,  veuve  pour  la 
seconde  fois,  en  1648,  et  dont  il  se  sépara,  en  1659,  en 
vertu  d'un  arrêt  du  parlement  de  Paris.  Les  romans  de  La 
Calprenède  ont  eu  en  leur  temps,  avons-nous  dit,  une 
vogue  considérable.  Les  éditions  en  furent  nombreuses  au 
xvii^  siècle  ;  il  est  vrai  qu'ils  n'ont  jamais  été  réimprimés 
depuis.  Il  serait  fastidieux  de  tenter  une  analyse  de  ces 
interminables  récits,  dont  les  intrigues  compliquées  ne  sont 
pas  faciles  à  débrouiller.  Cassandre  est  l'histoire  des  amours 
du  Scythe  Oroondate  pour  la  princesse  Statira,  fille  de 
Darius,  qui  devient  la  captive,  puis  la  femme  d'Alexandre 
le  Grand,  et  qui,  à  un  moment  donné,  se  déguise  sous  le 
nom  de  Cassandre,  qui  a  fourni  le  titre  du  roman.  Cléo- 
pâtre est  la  fille  de  la  célèbre  reine  près  de  laquelle  An- 
toine oublia  son  armée,  et  La  Calprenède  nous  conte  les 
amours  de  cette  seconde  Cléopâtre  et  de  Juba,  prince  de 
Mauritanie.  Faramond  est  le  premier  roi  de  la  dynastie 
mérovingienne,  transformé  bien  entendu  en  héros  de  ro- 
man et  qui  par  là  méritera  de  jouer  un  sot  personnage  dans 
le  Dialogue  de  Boileau.  Mais,  dans  tous  ces  romans,  le 
sujet  principal  n'est  que  le  lien  où  se  rattachent,  parfois 
assez  faiblement,  cent  épisodes  et  aventures  accessoires, 
dont  les  personnages  ou  leurs  confidents  font  le  récit,  à 
l'imitation  de  l'Enéide,  La  fierté  d'Artaban  est  restée  pro- 
verbiale, et  Artaban,  qui  s'appelle  aussi  Britomare,  n'est 
qu'un  personnage  secondaire  de  Cléopâtre. 

Le  fonds  de  ces  romans  est  toujours  à  peu  près  iden- 
tique. Les  personnages  ne  sont  plus  des  bergers  comme 

45 


lA  CALPRENÈDÉ  —  LACAUCHIE  —  706 

dans  ÏAstrée,  mais  leurs  noms  seuls  sont  empruntés  à 
l'antiquité  ;  les  héros  sont  tous  d'intrépides  chevaliers, 
prêts  à  souffrir  mille  morts  pour  l'amour  de  leurs  dames, 
et  celles-ci  mettent  leur  «  gloire  »  à  n'être  pas  touchées 
par  ces  sacrifices  ou  à  ne  l'être  qu'à  la  dernière  page  du 
douzième  volume.  C'est  l'amour  suivant  la  formule  de 
l'Hôtel  de  Rambouillet  qui,  en  somme,  avec  plus  de  dis- 
cours, continuait  simplement  la  tradition  des  romans  de 
chevalerie,  et  La  Calprenède,  grand  coureur  de  ruelles, 
n'eut  garde  de  négliger  les  dissertations  galantes,  qu'il  fit 
interminables,  et  que  le  Gaulois  Saint-Evremond  jugeait 
être  bien  du  temps  perdu  et  «  de  l'esprit  mal  employé, 
quana  on  est  ensemble  ». 

La  lecture  de  La  Calprenède  paraît  aujourd'hui  médiocre- 
ment divertissante.  Son  style  n'a  pas  ce  charme  mièvre, 
cette  grâce  fluide  et  alanguie  par  où  l'on  peut  encore  prendre 
plaisir  à  lire  VAstrée.  Ce  n'est  pas  qu'il  écrive  si  mal 
qu'on  le  croit  généralement,  sur  la  foi  de  M"^®  de  Sévigné  ; 
son  style  n'est  point  partout  «  maudit  »,  et  s'il  parle 
phébus  et  n'évite  ni  l'incorrection  ni  l'obscurité,  il  manie 
pourtant  avec  une  certaine  aisance  ses  longues  périodes. 
C'est  sa  prolixité  et  sa  monotonie  qui  nous  rendent  La 
Calprenède  insupportable. 

Il  peut  cependant  fournir  des  renseignements  intéres- 
sants sur  l'esprit  des  précieuses,  qui  fut  celui  de  la  société 
polie  pendant  toute  la  première  moitié  du  xvii^  siècle.  Il 
ne  faut  pas  être  injuste  pour  cette  société  ni  pour  les  écri- 
vains qui  firent  ses  déUces.  La  Calprenède  et  les  autres 
romanciers  de  son  temps  ont  contribué  à  préparer  cet  art 
supérieur  qui  devait  rejeter  le  leur  dans  l'oubli.  Ils  auront 
donc  toujours  une  place  dans  l'histoire  littéraire  du 
XVII®  siècle. 

BiBL.:  Fourgeaud-Lagrèze,  le  Périgord  littéraire;  La 
Calprenède  ;  Ribérac,  1877.  —  Morillot,  le  Roman  en 
France;  Paris. 

LACAM-d'Oïircet.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Cahors, 
cant.  de  Saint-Céré  ;  545  hab. 

LACANAU.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Bor- 
deaux, cant.  de  Castelnau-de-Médoc  ;  1,106  hab. 

Etang  deLacanau  (V.  Gironde,  t.  XVIII,  p.  983). 

LACANCHE.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de 
Beaune,  cant.  d'Arnay-le-Duc;  658  hab. 

LACAN  DONS.  Peuple  indien  de  l'Amérique  centrale,  sur 
la  frontière  du  Guatemala  et  du  Mexique  (dép.  de  Yucatan, 
Tabaco,  Chiapas),  dans  le  bassin  de  l'Usumacinta.  De  race 
maya,  ils  ont  le  teint  assez  clair,  sont  sobres  et  accueil- 
lants. Ils  avaient  une  réputation  de  guerriers  féroces.  Sur 
leur  territoire  sont  les  ruines  de  Menché. 

LACAN ÉDA.  Com.  du  dép.  delà  Dordogne,  arr.  et  cant. 
de  Sarlat ,;  505  hab. 

LACAPÈNEou  LÉCAPÈNE.  Famille  byzantine  originaire 
de  l'Arménie  et  dont  la  situation  demeura  fort  modeste 
jusqu'au  jour  où  l'un  de  ses  membres,  ThéophylacteAbas- 
tactus,  eut  la  chance,  dans  une  bataille  contre  les  Sarra- 
sins, de  sauver  la  vie  à  l'empereur  Basile  P^.  Ce  service 
assura  sa  fortune  et  celle  des  siens.  Son  fils  fut  patrice, 
irongaire  de  la  flotte,  magister,  grand  hétériarque  :  il  par- 
vint plus  haut  encore  et  devint  l'empereur  Romain  1^^ 
(V.  ce  nom).  Un  moment  la  famille  des  Lécapènes  sup- 
planta presque  la  maison  de  Macédoine  :  trois  fils  de 
Romain,  Christophore  (V.  ce  nom),  Etienne,  Constantin 
furent  successivement  associés  à  l'Empire;  sa  fille  Hélène 
(V.  ce  mot)  épousa  Constantin  VU;  un  autre  de  ses  fils, 
Théophylacte  (V.  ce  nom)  fut  placé  à  seize  ans  sur  le 
trône  patriarcal  de  Constantinople  ;  un  de  ses  bâtards,  l'eu- 
nuque Basile,  parvint  aux  plus  hautes  charges  de  la 
cour;  sa  petite-fille  Marie  fut  mariée  au  tsar  Pierre  de 
Bulgarie.  La  chute  de  Romain  (944),  bientôt  suivie  de  celle 
de  ses  fils,  ruina  leur  fortune.  Seul,  Théophylacte  se  main- 
tint sur  le  trône  patriarcal,  qu'il  occupa  de  933  à  956. 
Basile,  le  Bâtard,  fit  une  brillante  fortune  (V.  Basile). 

LACARRE.  Com.  du  dép.  des  Basses-Py rénées,  arr.  de 
Mauléon,  cant.  de  Saint-Jean-Picd-de-Port  ;  192  hab. 


Château  du  maréchal  de  France  Harispe  (V.  ce  nom)  où 
se  trouve  son  tombeau.  Eaux  sulfureuses. 

LAÇA RRY-Arhan-Chârritte- de-Haut.  Com.  du  dép. 
des  Basses-Pyrénées,  arr.  de  Mauléon,  cant.  de  Tardets  : 
570  hab. 

LACARRY  (Giles),  érudit  français,  né  près  de  Castres 
en  4605,  mort  à  Clermont  (Auvergne)  le  25  juil.  4684. 
Jésuite,  recteur  du  collège  de  Cahors,  il  a  laissé  de  nom- 
breux travaux,  notamment  sur  l'histoire  romaine.  Citons 
seulement  :  Hist.  Galliarum  sub  prœfectis  prœtorii 
Galliarum  (4672),  qui  contient  l'histoire  des  préfets  des 
Gaules  depuis  Constantin  jusqu'à  Justinien  ;  Hist,  Impe- 
ratorum,  consulum  et  prœfectorum  Prœtorii  Orientis, 
Jtaliœ,  lllyrici  et  Galliarum  (4675),  etc. 

LACASCADE  (Etienne-Théodore-Mondésir),  homme  po- 
htique  et  administrateur  français,  né  à  Saint-François- 
Grande-Terre  (Guadeloupe)  le  2  janv.  4844.  Médecin  de 
la  marine,  il  fut  envoyé  à  l'Assemblée  nationale  en  4875 
par  les  électeurs  de  la  Guadeloupe,  qu'il  représenta  éga- 
lement à  la  Chambre  des  députés  à  partir  d'avr.  4876.  Il 
vota  d'ordinaire  avec  l'Union  républicaine,  fit  partie  des  363 
pendant  la  crise  du  46  mai  et  fut  réélu  en  oct.  4877.  Nom- 
mé directeur  de  l'intérieur  dans  les  établissements  français 
de  l'Inde  (24  juin  4  SI  9),  il  fut  appelé  au  même  emploi  en 
Nouvelle-Calédonie  (juil.  4884)  et  devint  le  23  mars 
4886  directeur  des  établissements  français  de  l'Océanie. 

LACASSAGNE.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de 
Sarlat,  cant.  de  Terrasson  ;  476  hab. 

LACASSAGNE.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  * 
de  Tarbes,  cant.  de  Rabastens  ;  347  hab. 

LA  CASSAGNE  (L'abbé  Joseph),  musicographe  français 
du  xviii®  siècle.  Citons  de  lui  :  Recueil  de  fables  mises 
en  musique  (4754,  in-4);  Alphabet  musical  (4765, 
in-8);  Traité  général  des  éléments  du  chant  (4766, 
in-8);  Unie  le  fier  musical  (4768,  in-8). 

LACASSAGNE  (Jean- Alexandre-Eugène),  médecin  fran- 
çais, né  à  Cahors  le  47  août  4843.  Elève  de  l'Ecole  de 
santé  militaire  de  Strasbourg  en  1863,  il  prit  son  grade 
de  docteur  en  médecine  en  4867,  fut  agrégé  à  Montpellier 
en  4872,  puis  nommé  médecin-major  de  deuxième  classe  en 
4873  et  reçu  agrégé  au  Val-de-Grâce  en  4874  pour 
l'hygiène  et  la  médecine  légale  militaires.  Il  est  depuis 
1880  professeur  de  médecine  légale  à  la  faculté  de  Lyon 
et  a  été  nommé  correspondant  de  l'Académie  de  médecine 
en  4890.  Nous  citerons  parmi  ses  travaux  :  Précis  d'hy- 
giène publique  et  sociale  (4876;  4®  éd.,  4895)  ;  Précis 
de  médecine  judiciaire  (4878;  2^  éd.,  1886);  De 
rinfluence  du  travail  intellectuel  sur  le  volume  et 
la  forme  de  la  tête  (avec  M.  Cliquet,  4878)  ;  les  Ta- 
touages (4884);  les  Actes  de  T Etat  civil,  étude  médico- 
légale  (Lyon,  4887)  ;  l'Affaire  Gouffé  (1894)  ; 
l'Assassinat  du  président  Carnot  (4894),  et  dans  le 
dictionnaire  e^icyclopédique  des  sciences  médicales 
les  articles  :  Consanguinité^  Crémation,  Pédérastie, 
Taches^  Tatouages,  etc.  ;  plusieurs  mémoires  de  médecine 
légale  dans  les  Archives  de  l'anthropologie  criminelle 
de  4  886  à  ce  jour.  D^  A.  Bureau. 

LACASSAIGNE.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Cas- 
telnaudary,  cant.  de  Fanjeaux  ;  545  hab. 

LAÇASSE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr.  et 
cant.  de  Muret  ;  367  hab. 

LA  CASSIÈRE  (V.  Cassière), 

LA  CATHELINIÈRE  (V.  Catheunière). 

LACAUCHIE  (Adolphe-EucHde),  médecin  français,  né 
à  Paris  le  28  févr.  4806,  mort  à  Paris  en  4853.  Après 
avoir  étudié,  puis  enseigné  pendant  cinq  ans  l'art  vétéri- 
naire à  l'Ecole  d'Alfort,  il  entra  dans  la  médecine  militaire 
et  fut  nommé  agrégé  à  Strasbourg  en  4839.  Il  devint  en- 
suite professeur  à  l'hôpital  d'instruction  de  Metz,  puis  pro- 
fesseur d'anatomie  au  Val-de-Grâce.  Il  prit  part  (4849-54) 
à  l'expédition  de  Rome,  puis  reprit  à  Paris  ses  travaux 
d'anatomie.  Lacauchie  a  l'un  des  premiers  étudié  les  mala- 
dies de  l'Algérie  ;  il  a  imaginé  un  procédé  nouveau  de  dé- 


sarticulation  avec  un  seul  lambeau,  et  une  méthode  nou- 
velle de  dissection,  l'hydrotomie,  qui  a  été  le  point  de 
départ  de  nombreuses  découvertes.  Ouvrages  principaux  : 
Réflexions  sur  les  maladies  dé  l'armée  d'occupation 
d'Alger  {Rec.  de  mém,  deméd.  niilit.^  4833);  Des  Hé- 
morragies à  la  suite  des  opérations  (thèse  de  Paris, 
1 834)  ;  Etudes  hydrotomiques  et  mierographiques 
(Paris,  1844,  in-8,  pL);  Etude  sur  fhistoire  des  am- 
putations^ notamment  de  la  méthode  de  Celse  (Paris, 
d850,  in-8).  D»*  L.  Hn. 

LACAUGNE.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
de  Muret,  cant.  de  Kieux  ;  303  hab. 

LACAUNE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  de 
Castres;  3,547  hab.  Fabriques  de  fromage,  belles  car- 
rières de  marbre  aux  environs  ;  mines  de  fer.  Forêt  consi- 
dérable au  S.  de  la  ville.  Ce  château,  situé  sur  les  confins 
de  l'ancien  Rouergue,  appartint  primitivement  à  la  fa- 
mille de  Combret;  puis,  en  4175,  à  Roger  II,  vicomte  de 
Carcassonne  et  d'Albi.  Au  xiii®  siècle,  il  fit  partie  de  la 
seigneurie  de  Castres.  La  place  était  forte,  entourée  de 
hautes  murailles  dont  il  existe  encore  des  restes.  Archives 
communales  fort  curieuses  dont  on  trouve  des  extraits  dans 
Fouvrage  de  Compayré, 

BiBL.  '.  Compayré,  Eludes  historiques  sur  l'Albigeois, 
pp.  489-492  et  512-513. 

LACAU NETTE.  Corn,  du  dép.  de  FAude,  arr.  de  Li- 
moux,  cant.  de  Saint-Hilaire  ;  60  hab. 

LACAUSSADE.  Corn,  du  dép.  du  Lot-et-Garonne,  arr. 
de  Viileneuve-sur-Lot,  cant.  de  Monflanquin  ;  335  hab. 

LA  CAUSSADE  (Ferrand  de)  (Y.  Ferrand  de  La 
Caussade). 

LACAUSSADE  (Auguste),  littérateur  français,  né  à  Fîle 
Bourbon  le  47  févr.  4847.  Il  fut  envoyé  en  France  pour  faire 
ses  études  à  Nantes,  puis  rappelé  au  pays  natal  dès  4834. 
Destiné  d'abord  au  notariat,  il  abandonna  le  droit  pour  la 
médecine  et  publia  un  premier  recueil  de  vers,  les  Sala- 
ziennes  (4839,  in-8),  dédié  à  Victor  Hugo,  et'une  traduc- 
tion des  OEuvres  complètes  d'Ossian  (4842,  in-42),  cou- 
ronnée plus  tard  par  l'Académie  française.  Secrétaire  de 
Sainte-Beuve  avant  et  après  4848,  il  écrivit  dans  divers 
journaux  démocratiques,  collabora  en  4852  à  la  Revue 
contemporaiîie  et  prit  en  4859  la  direction  de  la  Reuue 
européenne.  Conservateur  des  bibliothèques  de  l'Instruc- 
tion publique  et  des  Sociétés  savantes,  il  fut  nommé  en 
4872  bibhothécairc  du  Luxembourg,  Les  vers  de  M.  La- 
caussade  réunis  sous  le  titre  de  Poèmes  et  paysages  (1852, 
in-8)  et  des  Epaves  (4864 ,  iû*l8)  lui  ont  valu  par  deux  fois 
le  prix  Bordm  à  l'Académie  française.  Depuis  lors  on  ne 
cite  de  lui  qu'une  adaptation  en  vers  français  de  la  Poésie 
de  G.  Leopardi,  avec  introduction  (4888,  in-42).    M.  Tx. 

LA  GAVA  (V.  Cava  dei  Tirheni). 

LA  CAVE.  Com.  du  dép.  de  FAriège,  arr.  de  Saint-Gi- 
rons, cant.  de  Saint-Lizier;  258  hab. 

LACAVE.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Gourdon,  cant. 
de  Souillac;  654  hab. 

LACAVE-Laplagne  (Jean-Pierre-Joseph),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Montesquiou  (Gers)  le  42  août  4795, 
mort  à  Paris  le  44  mai  4849.  Elève  de  l'Ecole  polytechnique, 
il  fit  les  dernières  campagnes  de  l'Empire  dans  l'artillerie 
et  quitta  l'armée  à  la  Restauration.  Avocat  au  barreau  de 
Toulouse,  il  était  en  4824  conseiller  référendaire  à  la  cour 
des  comptes.  Elu  député  deMirande  le  27  déc.  4834,  réélu 
en  4837,  en  4842  et  4846,  il  venait  d'être  élu  représen- 
tant du  Gers  à  l'Assemblée  législative  (43  mai  4849)  lors- 
qu'il mourut  subitement.  Très  versé  dans  les  questions 
financières,  il  fut  ministre  des  finances  dans  le  second  ca- 
binet Mole  du  45  avr.  4837  au  8  mars  4839  et  reprit  le 
même  portefeuille  dans  le  cabinet  Soult  (25  avr.  4842)  en 
remplacement  de  M.  Humann,  pour  le  garder  jusqu'au 
9  mai  4847.  Il  est  impossible  d'énuraérer  toutes  ïes  ques- 
tions de  finances  et  de  travaux  publics  à  la  discussion  des- 
quelles il  prit  une  part  très  active.  Il  s'occupa  aussi  de 
l'administration  des  biens  du  duc  d'Aumale. 


707  —  LACAUCHIE  —  LACAZË 

LACAVE-Laplagne  (Louis),  homme  poUtique  français, 
né  à  Paris  le  3  oct.  4834.  Fils  du  précédent,  il  se  pré- 
senta sans  succès  dans  le  Gers  aux  élections  législatives 
contre  Granier  de  Cassagnac  en  4863  et  4869.  Elu  enfin 
représentant  de  ce  département  à  l'Assemblée  nationale  le 
8  fév.  4874,  il  siégea  au  centre  droit.  Sénateur  du  Gers 
le  30  janv.  4876,  membre  du  groupe  constitutionnel,  il 
appuya  le  gouvernement  du  46  mai.  Réélu  en  4879  et 
4888,  il  a  voté  en  faveur  du  boulangisme. 

LACAZE.  Com.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  de  Castres,  cant. 
de  Vabre,  sur  le  Gijon;  2,443  hab.  Fabrique  de  lainages. 
La  seigneurie  appartenait  au  xvu®  siècle,  avec  quelques 
autres  terres  en  Albigeois,  aux  Bourbon-Malauze,  issus 
d'un  fils  naturel  de  Jean  II,  duc  de  Bourbon,  mort  en 
4488;  la  terre  de  Lacaze  avait  été  apportée  en  dot  à 
Henri  de  Bourbon-Malauze,  filleul  de  Henri  IV,  par  sa 
femme,  Marie  de  Chalon  ;  en  4647,  elle  fut  érigée  en  titre 
de  comté.  Le  château  existe  encore  aujourd'hui  en  partie, 
mais  fort  dégradé.  Eglise  Notre-Dame,  du  xv®  siècle.  A 
Saint- Jean-del-Frech,  chapelle  avec  tour,  le  toutdu  xv®  siècle. 
Château  moderne  de  Comalières. 

BiBL.  :H.  Crozes,  Répertoire  archéologique  du  dép.  du 
Tarn,  col.  77. 

LACAZE  (Louis  de),  médecin  français,  né  à  Lambeye 
(Béarn)en  4703,  mort  à  Paris  en  4765.  Parent  et  ami  de 
Bordeu,  il  devint  médecin  ordinaire  de  Louis  XV*  Il  a  par 
ses  ouvrages,  imbus  des  idées  de  Yan  Helmont  et  de  Ba- 
glivi,  exercé  une  grande  influence  sur  les  idées  physiolo- 
giques en  France  :  Institutiones  medicae  ex  novo  me- 
dicinœ  conspectu  (Paris,  1755,  iû-8);  Idée  de  Vhomme 
physique  et  moral,  etc.  (Paris,  1755,  in-12).  Dans  le 
système  de  Lacaze,  tout  l'organisme  est  subordonné  au 
centre  phrénique.  D'*  L.  Hn. 

LACAZE  (Louis),  médecin  et  philanthrope  français,  né 
en  1799,  mort  en  1869.  Après  avoir  exercé  la  médecine 
à  Paris  jusqu'en  1852,  il  passa  le  reste  de  sa  vie  à  former 
et  enrichir  une  belle  collection  de  tableaux  et  la  légua  au 
musée  du  Louvre,  où  elle  porte  son  nom.  Il  a  aussi  laissé 
des  sommes  importantes  à  l'Académie  des  sciences  pour 
favoriser  les  progrès  de  la  physiologie,  de  la  physique,  de 
la  chimie,  et  à  F  Ecole  de  médecine  de  Paris  pour  encou- 
rager les  études  relatives  à  la  fièvre  typhoïde  et  à  la  phtisie. 

LACAZE  (Louis- Jacques),  homme  politique  français, 
né  à  Paris  le  20  janv.  1826,  neveu  du  précédent.  Audi- 
teur au  conseil  d'Etat  en  4850,  il  donna  sa  démission  en 
4852,  combattit  longtemps  FEmpire.  Il  fut  envoyé  parle 
dép.  des  Basses-Pyrénées  à  l'Assemblée  nationale  de  4874, 
où  il  passa  du  centre  droit  au  centre  gauche  et  contribua 
à  l'établissement  de  la  République.  Député  d'Oloron  en  4876, 
il  fit  partie  des  363  pendant  la  crise  du  46  mai,  fut  réélu 
le  14  oct.  1877,  puis  le  24  août  4884,  et  s'associa  cons- 
tamment à  la  politique  du  parti  républicain  modéré.  Il  a  eu 
la  même  attitude  au  Sénat,  où  il  a  représenté  les  Basses-Py- 
rénées du  8  Janv.  4882  au  4  janv.  4894.     A.  Debidour. 

LACAZE-Duthiers  (Félix-Joseph-Henry  de),  zoologiste 
français,  né  à  Montpezat  (Lot-et-Garonne)  le  45  mai 
4821.  Il  étudia  la  médecine  à  Paris  et  fut  interne  des 
hôpitaux.  Nommé  professeur  de  zoologie  à  la  faculté 
des  sciences  de  Lille  en  4854,  il  fut  chargé  en  1862  d'une 
mission  dans  la  Méditerranée  et  publia  à  la  suite  une  mo- 
nographie remarquable:  Histoire  naturelle  du  corail 
(Paris,  4863,  in-8,  20  pi. ).  Maître  de  conférences  à  l'Ecole 
normale  supérieure  en  4864,  il  succéda  en  4865  à  Va- 
lenciennes  comme  professeur  d'histoire  naturelle  au  Mu- 
séum, et  en  4868  passa  à  la  même  chaire  à  la  Sorbonne. 
H  remplaça  en  4874  Longet  à  F  Académie  des  sciences,  fit 
de  nombreux  sondages  zoologiques  sur  les  côtes  de  France 
et  d'Algérie  en  4872  et  établit  en  4873  un  laboratoire 
zoologique  d'été  à  Roscoff  et  peu  après  un  plus  important 
à  Banyuls.  Il  a  été  élu  membre  de  l'Académie  de  médecine 
en  4886. — Principales  publications  :  Histoirede  Vorgani- 
sation  et  du  développement...  du  dentale  (Paris,  4858, 
in-4,  14  pi.)  ;  le  Monde  de  la  mer  et  ses  laboratoires 


LACAZE  —  LACCOLITHE 


708 


(Paris,  1889,  in-8).  Il  a  fondé  en  1873  et  rédige  depuis 
lors  les  Archives  de  zoologie  expérimentale  qui  renfer- 
ment maint  travail  remarquable  de  lui,  D''  L.  Hn. 

LACCOLITHE.  En  Amérique,  sur  le  territoire  méridio- 
nal de  rUtah,  M.  Gilbert,  ayant  constaté  l'existence  de 
masses  éruptives,  porphyriques  ou  trachy tiques,  formant 
_^      -^.  en  profondeur  de 

vastes  dômes  au 
milieu  des  couches 
sédimentaires  des 
monts  Henry ,  a 
donné  à  ces  singu- 
lières intrusions  de 
roches  éruptives  le 
nom  de  lacco- 
lithes.  Le  carac- 
tère de  ces  dô- 
mes d'intumes- 
cence, qui  peuvent 
être  isoles  ou  réu- 
nis par  groupes, 
simples,  c.-à-d.  à 
surface  voûtée  com- 
plètement unie,  ou 
bien  frangés  de 
filons  ne  parve- 
nant qu'exception- 
nellement à  la  sur- 
lace, c'est  que  leur 
intrusion  au  milieu 
d'un  groupe  d'as- 
sises déterminées 
est  toujours  accom- 
pagnée du  soulève- 
ment en  voûte  de 
celles  qui  en  for- 
ment le  toit.  Si  bien 
que  ce  relèvement 
du  terrain  en  forme  de  bosse  très  élevée  atteste  la  présence  en 
profondeur  de  pareilles  masses  éruptives  qui  n'ont  jamais  vu  le 
jour;  puis,  quand  des  érosions  postérieures  sont  parvenues 
à  déblayer  l'épaisse 
couverture  de  sédi- 
ments sous  laquelle  ces 
roches  se  sont  consoli- 
dées, elles  apparais- 
sent enveloppées  d'as- 
sises stratifiées,  forte- 
ment redressées  sur 
leurs  flancs. 

Quant  à  leur  dimen- 
sion elle  peut  devenir 
considérable  et  pren- 
dre, avec  le  relèvement 
des  couches  supérieu- 
res, un  caractère  fran- 
chement montagneux. 
Tel  est  le  mont  Ells- 
ivorth ,  pris  comme 
type  de  laccolithe  par 

M.  Gilbert,  et  qui  se  dresse  subitement  au  milieu  du  ter- 
rain plat  environnant  à  1,500  m.  de  haut  comme  un 
immense  dôme  ovalaire  atteignant  6,400  m.  de  long  sur 
4,800  m.  de  large.  Les  épaisses  couches  de  grès  qui  le 
composent,  à  peine  incurvées  au  sommet,  plongent  à  45^ 
sur  les  flancs,  puis  redeviennent  sensiblement  horizontales 
à  la  base;  on  les  remarque  traversées  par  de  nombreux  filons 
trachytiques,  mais  nulle  part  n'apparaît  leur  point  de  départ, 
c.-à-d.  le  culot  éruptif  sous-jacent,  une  partie  de  sa 
couverture  ancienne  ayant  été  respectée  par  les  érosions. 
Par  contre,  non  loin  de  là,  le  dôme  plus  dénudé  du  mont 
H  Hier  laisse  voir  à  2,000  m.  de  hauteur  le  culot  tra- 
chytique  central,  largement  découvert  et  entouré  jusqu'à 


Fig.  L—  Principaux  types  de  dômes 
(laccolithes)  formés  par  rinjection 
de  masses  trachytiques  dans  les 
terrains  sédimentaires  des  monts 
Henry  (d'après  M.  Gilbert).  Sec- 
tions au  travers  :  d'un  laccolithe 
simple  ;  avec  auréole  de  filons  ;  d'un 
groupe  de  laccolithes. 


Fig.  2.  —  Le  mont  Ellsworth  (  modèle  type  de  laccolithe,  d'après 
M.  Gilbert).  La  masse  trachytique  est  incluse  dans  les  couches 
carbonifères,  et  la  couverture  gréseuse,  triasique  et  jurassique 
subsiste  seule. 


mi-côte  par  une  ceinture  continue  de  couches  sédimen- 
taires arquées,  tandis  que  le  mont  Holmes  (1,800  m.), 
avec  sa  voûte  stratifiée  continue,  représente  un  dôme 
complet  aux  formes  nettement  arrondies.  C'est  alors  la 
réunion  par  groupes  de  pareils  laccolithes,  capables  d'at- 
teindre 3,430  m.  au  mont  Ellen^  et  leur  alignement 
suivant  une  orientation  définie,  qui  donne  naissance,  sur  le 
bord  occidental  du  plateau  du  Colorado,  à  la  chaîne  des 
monts  Henry. 

Du  même  ordre  sont,  plus  à  l'E.,  sur  ce  même  plateau,  les 
masses  intrusives  de  pareilles  roches  au  travers  des  cou- 
ches crétacées,  qui  donnent  naissance  aux  sierras  portant 
successivement  les  noms  de  La  Plata^  San  Miguel,  El 
Late,  Carriso^  Abajo  et  La  Sal;  leurs  derniers  termes 
doivent  être  ensuite  cherchés  sur  le  versant  oriental  des 
Rocheuses  dans  les  montagnes  qui  s'élèvent  isolées  encore 
nombreuses  autour  de  Park  Wiew  Mont  et  surtout  dans  les 
Spanish  Peaks  où  très  fréquemment  du  sommet  des 
masses  éruptives  condensées  dans  les  grès  et  schistes  car- 
bonifères se  détachent  radialement  de  nombreux  filons 
pénétrant  au  loin  dans  les  assises  crétacées  de  la  couver- 
ture. 

Jusqu'à  présent,  cette  manière  d'être  si  particulière  des 
roches  éruptives  qui  les  amène  à  se  localiser  loin  de  la 
surface,  au  miUeu  d'assises  stratifiées  sous  la  forme  de  ca- 
lottes hémisphériques,  paraît  spéciale  aux  territoires  de 
l'O.  de  l'Amérique  du  Nord.  Sans  doute,  en  Europe,  des 
intrusions  de  pareilles  roches  sous  la  forme  de  filons- 
couches,  injectées  entre  les  joints  de  séparations  d'assises 
sédimentaires  ou  même  d'amas  lenticulaires,  reproduisent 
en  partie  les  conditions  des  laccolithes,  quand  des  couches 
meubles  fournissent  des  points  de  pénétration  plus  facile  ; 
M.  Suess  en  particulier  n'a  pas  manqué  de  rappeler  à  cette 
occasion  {Antlitz  der  Erde,  t.  I,  p.  197)  que  les  meil- 
leurs exemples  de  pareils  faits  pouvaient  s'observer  dans 
les  monts  Euganéens  où  une  série  variée  de  trachytes  et  de 
rhyolithes  semblables  comme  composition  à  ceux  qui  for- 
ment le  remplissage  des  laccolithes  américains,  se  pré- 
sentent à  l'état  d'épanchements  horizontaux  ou  d'amas 
interstratitiés  au  travers  de  puissantes  assises  calcaires 
d'âge  jurassique  {tithonique),  crétacé  (scaglia),  puis  ter- 
tiaire ;  mais,  quelle  que 
soit  leur  importance, 
jamais  ces  intrusions  ne 
se  sont  traduites  au  de- 
hors par  le  moindre 
phénomène  d'intumes- 
cence ou  de  soulève- 
ments de  couches  su- 
périeures ;  de  plus, 
M.  Reyera  depuis  lon- 
gtemps (Die  Euga' 
neen,  Bau  und  Ge- 
schichte  eines  Vul- 
cans,  1877)  montré 
que  ces  roches  éruptives 
euganéennes,  issues 
d'un  même  centre  vol- 
canique, étaient  toutes, 
en  chaque  point  ob- 
servé, contemporaines  du  dépôt  des  couches  encaissantes, 
en  d'autres  termes  qu'elles  représentaient  soit  d'anciennes 
coulées  sous-marines,  soit  des  amas  de  projections  inter- 
stratifiées avec  les  sédiments  déposés  dans  la  mer  avoisi- 
nante.  Or,  c'est  l'inverse  qui  se  produit  dans  les  laccohthes 
américains.  Jamais  dans  leur  voisinage  la  moindre  trace 
d'actions  explosives,  ni  de  débris  projetés,  n'a  été  observée; 
tous  sont  nettement  postérieurs  aux  couches  encaissantes. 
De  plus,  on  les  remarque  exclusivement  constitués  par  des 
roches  riches  en  silice  de  la  famille  des  dacites  analogues 
à  notre  porphyre  bleu  de  l'Estérel,  ou  de  nature  trachy- 
tique. Dans  ces  conditions,  comme  l'a  fait  observer  M.  Dana, 
on  ne  peut  méconnaître  que  de  pareilles  laves  visqueuses, 


—  709  — 


LACCOLITHE  —  LACÉPÊDE 


en  se  consolidant  rapidement  dès  leur  injection  dans  les 
fentes  du  terrain,  aient  pu  s'accumuler  dans  le  dessous  en 
dépensant  toute  leur  force  vive  dans  le  soulèvement  du 
manteau  de  sédiments  qui  s'opposait  à  leur  écoulement, 
sans  pouvoir  parvenir  au  dehors.  En  somme,  ces  culots 
hémisphériques  de  roches  éruptives  tertiaires  doivent  être 
attribués  à  des  phénomènes  d'intumescence  comparables  à 
ceux  qui,  se  produisant  actuellement  lors  des  épanchements 
de  laves  peu  fluides,  se  sont  traduits  par  la  formation,  dans 
l'archipel  volcanique  de  Santorin,  des  Kaménis  ;  et  les  lac- 
colithes  américains  représenteraient  par  suite  une  forme 
ancienne  de  ces  cumulo-volcans.  Ch.  Vélain. 

BiBL.  :  K.  Gilbert,  Report  on  ihe  geology  of  the 
Henry  Mountains^  dans  American  Journal^  3« série,  t.  XIX, 
p.  21.  —  U.  S.  Geogr.  et  Geolog.  Survey,  1877.  —  Ed. 
SuESS,  Antlitz  der  Erde^  t.  1,  p.  194. 

LA  CECI  LIA  (Napoléon),  général  de  la  Commune,  né  à 
Tours  le  43  sept.  4835,  mort  au  Caire  le  25  nov.  4878. 
Il  gagna  le  grade  de  colonel  au  service  de  Garibaldi,  en 
Sicile,  où  il  s'était  distingué  brillamment  aux  combats  de 
Marsala  et  de  Palerme.  Il  enseigna  ensuite  les  mathéma- 
tiques à  Ulm,  vint  en  France  et  collabora  au  Rappel.  Il 
servit  pendant  la  guerre  franco-allemande  dans  les  francs- 
tireurs  de  Paris  où  il  fut  promu  colonel  en  janv.  1874.  Il 
fit  adhésion  à  la  Commune  qui  le  nomma  général  de  divi- 
sion et  le  chargea  bientôt  du  commandement  en  chef  d'une 
de  ses  trois  armées,  celle  qui  défendait  Paris  entre  Billan- 
court et  la  Bièvre.  Après  la  chute  de  la  Commune,  La 
Cecilia  put  s'échapper  et  gagner  l'Angleterre. 

LACÉDÉMONE  (V.Sparte). 

LACENAIRE  (Pierre-François),  criminel  français,  né  à 
Francheville,  près  de  Lyon,  en  4800,  mortà  Paris  le  9  janv. 
4836.  Fils  d'un  commerçant  qui  lui  fit  donner  une  ins- 
truction assez  étendue,  il  fournit  dès  sa  première  jeunesse 
maintes  preuves  de  sa  froide  et  ingénieuse  perversité.  Après 
avoir  essayé  de  divers  métiers,  avoir  commis  des  vols,  des 
faux  et  même  un  assassinat,  après  s'être  engagé  et  avoir 
déserté  deux  fois,  il  subit  à  Paris  plusieurs  condamnations 
et,  à  peine  libéré  (4832),  se  jeta  à  corps  perdu  dans  le 
crime.  Il  finit  par  s'associer  à  un  de  ses  camarades  de  pri- 
son, nommé  Avril,  avec  lequel  il  alla  (le  14  déc.  4  834)  assas- 
siner un  autre  de  ses  anciens  compagnons,  nommé  Char- 
don, ainsi  que  la  mère  de  ce  dernier.  Avec  le  produit  de  ce 
crime,  il  loua  un  appartement  sous  le  nom  de  Mahossier, 
et,  son  complice  ayant  été  arrêté,  s'unit  à  un  autre  reclu- 
sionnaire,  François  Martin,  pour  attirer  chez  lui  un  gar- 
çon de  caisse  qu'il  tenta  d'égorger  et  de  dévaliser  (34  déc). 
François  fut  bientôt  incarcéré  pour  un  autre  fait.  Avril  et 
lui  fournirent  des  indications  sur  Lacenaire  et,  le  2  févr. 
1835,  ce  dernier  qui  avait  fui  jusqu'à  Beaune,  fut  arrêté. 
Instruit  des  indiscrétions  de  ses  amis,  et  se  voyant  perdu, 
il  ne  crut  pas  devoir  se  défendre  et  n'eut  plus  qu'une  double 
préoccupation  :  perdre  ses  complices  en  les  chargeant  sans 
pitié  et  prendre  vis-à-vis  de  la  société  l'attitude  mélodra- 
matique d'un  révolté.  Son  langage  en  cour  d'assises  fut  ab- 
solument cynique.  Condamné  à  mort,  ainsi  qu'Avril,  tan- 
dis que  François  bénéficiait  de  circonstances  atténuantes 
(nov.  1834),  il  se  pourvut  en  cassation  et,  comme  il  avait 
des  prétentions  littéraires,  employa  le  temps  qui  lui  res- 
tait à  vivre  à  compléter  ses  mémoires  et  à  composer  des 
poésies.  Il  fut,  à  cette  époque,  de  la  part  du  plus  grand 
monde,  l'objet  d'une  curiosité  scandaleuse,  à  laquelle  le 
gouvernement  eut  le  tort  de  se  prêter.  Il  se  réconcilia  avec 
Avril  avant  de  mourir  et  monta  sur  l'échafaud  avec  lui, 
sans  que  son  effroyable  sang-froid  se  fiît  démenti  un  seul  ins- 
tant. On  publia  sous  son  nom,  peu  après  une  reproduction 
partielle  du  manuscrit  qu'il  avait  laissé  en  prison  :  Mémoires^ 
révélations  et  poésies  de  Lacenaire,  écrits  par  lui-même 
à  la  Conciergerie  (Paris,  1836,  2  vol.  in-8).  A.  Debidour. 

LAC  EN  AS.  Com.  du  dép.  du  Rhône,  arr.  et  cant.  de 
Villefranche-sur-Saône  ;  600  hab. 

LACÉPÊDE  (Baie).  Baie  de  la  côte  de  l'Australie  du 
Sud,  au  S.-S.-E.  d'Adélaïde;  elle  s'ouvre  à  l'O.  sur  la 
baie  d'Encounter  et  elle  est  limitée  au  S.  par  le  cap  Ber- 


nouilli.  Bien  qu'en  apparence  rade  foraine,  elle  offre  un 
mouillage  stîr  aux  plus  grands  navires.  On  trouve  le  bon 
port  de  Kingston  ou  Port  Caroline  dans  le  fond  même  de 
cette  baie.^ 

LACÉPÊDE.  Com.  du  dép.  du  Lot-et-Garonne,  arr. 
d'Agen,  cant.  de  Prayssas  ;  540  hab. 

LACÉPÊDE  (Jean  de),  sieur  d'Aigalades,  poète  français, 
né  à  Marseille  vers  4550,  mort  à  Avignon  en  4622. 
Conseiller  au  parlement  d'Aix  (4578),  président  de  la 
chambre  des  comptes  de  Provence  (4608),  il  a  laissé  des 
poésies  qui  lui  valurent  de  son  temps  une  grande  réputa- 
tion. Citons  :  Théorèmes  sur  les  mystères  de  la  Rédemp- 
tion (Toulouse,  d 61 3-24,  2  vol.  in-4),  volumes  très  rares 
qui  parurent  d'abord  sous  le  titre  de:  Imitation  des 
psaumes  de  la  pénitence  avec  des  sonîiets  et  des  médi- 
tations (Lyon,  4594,  in-8). 

LACÉPÊDE  (Bernard-Germain-Etienne  de  La  Ville, 
comte  de),  naturaliste  français,  néà  Agen  le  26  déc.  4756, 
mort  à  Epinay,  près  de  Saint-Denis,  le  6  oct.  4825.  Il 
montra  de  bonne  heure  du  goût  pour  l'histoire  naturelle 
qu'il  étudia  surtout  dans  Buffon,  pour  la  musique  qu'il 
cultiva  non  seulement  comme  exécutant,  mais  comme  com- 
positeur, enfin  pour  la  physique  qui  le  conduisit  à  des 
théories  assez  bizarres.  Buffon  l'accueillit  au  Jardin  des 
plantes  avec  une  rare  bienveillance,  Gluck  l'encouragea 
dans  la  composition  musicale;  un  prince  allemand,  dont  il 
fit  la  connaissance,  lui  procura  le  brevet  de  colonel  au 
service  des  cercles,  mais  il  ne  vit  jamais  son  régiment  ;  le 
comte  de  Maurepas  voulut  faire  de  lui  un  diplomate  ;  il  se 
rencontra  en  i778  chez  d'Alembert,  avec  Voltaire.  Sur 
l'invitation  de  Gluck,  il  écrivit  plusieurs  opéras  qui  ne  fu- 
rent pas  représentés  ;  il  composa  des  symphonies  qui  furent 
exécutées  aux  séances  publiques  de  l'Académie  des  beaux - 
arts  ou  de  la  Société  philomatique,  des  sonates  et  des  sex- 
tuors; il  mit  en  musique  tout  le  Télémaquede  Fénelon; 
puis,  en  4785,  il  publia  la  Poétique  de  la  musique  (Pa- 
ris, 2  vol.  in-8),  ouvrage  qui  fut  accueilli  avec  faveur  par 
les  gluckisteset  lui  valut  une  lettre  flatteuse  de  Frédéric  IL 
En  revanche,  son  Essai  sur  Vélectricité  naturelle  et 
artificielle  (Paris,  4781,  2  vol,  in-8)  et  sa  Physique 
générale  et  particulière  (Paris,  4782-84,  2  vol.  in-4 2) 
eurent  peu  de  succès.  Buftbn,  dont  la  bienveillance  envers 
lui  ne  s'était  pas  démentie,  lui  offrit  la  place  de  garde  et 
sous-démonstrateur  du  cabinet  du  roi.  Lacépède  accepta 
cet  emploi  pénible  et,  dès  4788,  publia  le  premier  volume 
de  son  Histoire  des  Quadrupèdes  ovipares  et  des  Ser- 
pents, faisant  suite  à  l'Histoire  naturelle  de  Buffon 
(Paris,  1788-89,  2  vol.  in-4,  ou  4  vol.  in-42),  souvent 
réimprimé,  et  suivi  immédiatement  de  V Histoire  naturelle 
des  Reptiles  (Paris,  4789,  in-4,  ou  2  vol.  in-42,  et  nombr. 
éditions).  Cuvier  a  ces  ouvrages  en  haute  estime  et  loue 
les  classifications  de  Lacépède  tout  en  faisant  ressortir  ce 
qu'elles  ont  d'artificiel. 

Lacépède  accepta  facilement  la  Révolution.  Successive- 
ment président  de  sa  section,  commandant  de  la  garde  na- 
tionale, député  extraordinaire  d'Agen  à  l'Assemblée  cons- 
tituante, administrateur  du  dép.  de  la  Seine,  député  de 
Paris  à  l'Assemblée  législative,  il  devint  le  30  nov.  4794 
président  de  cette  assemblée.  Plein  de  modération,  il  n'hé- 
sita pas  cependant  à  se  compromettre,  à  l'époque  des  mas- 
sacres de  septembre,  par  d'énergiques  représentations  qu'il 
fit  à  Danton  ;  il  dut  quitter  Paris,  se  démit  de  sa  place  au 
Muséum  et  ne  rentra  dans  la  capitale  qu'après  le  9  ther- 
midor, avec  le  titre  singulier  d'élève  de  l'Ecole  normale. 
Quoiqu'il  ne  ftît  pas  compris  dans  la  réorganisation  du  Mu- 
séum, il  y  rentra  cependant  dans  une  chaire  créée  pour  lui 
et  affectée  à  l'histoire  naturelle  des  reptiles  et  des  pois- 
sons. Il  fut  appelé  à  faire  partie  de  l'Institut  à  sa  création 
(1796)  et  fut  l'un  des  premiers  secrétaires  de  la  classe 
des  sciences.  De  4798  à  4803,  Lacépède  publia  VHisloire 
naturelle  des  poissons  (Paris,  6  vol.  in-4,  ou  41  vol. 
in-42,  souvent  réimpr.  comme  suite  à  Buffon),  ouvrage 
remarquable  pour  le  fond  et  pour  le  style.  En  4804  parut 


LACÉPÈDE  —  LACET 

r Histoire  des  Cétacés  (Paris,  in-4,  ou  2  vol.  in-12,  sou- 
vent réimpr.  comme  suite  à  Buffon). 

Nommé  membre  du  Sénat  après  le  18  brumaire,  Lacé- 
pède  en  devint  le  président  en  4801,  puis  grand  chan- 
celier de  la  Légion  d'honneur  en  4803  et  ministre  d'Etat 
en  4809.  C'est  lui  qui  fit  au  Sénat  le  rapport  sur  le  sé- 
natus-consulte  tendant  à  déférer  au  premier  consul  le  titre 
d'empereur  des  Français  et  d'établir  l'hérédité  de  la  di- 
gnité impériale  dans  sa  famille;  c'est  lui  aussi  qui,  en 
4809,  fit  au  Sénat  le  rapport  sur  la  dissolution  du  ma- 
riage de  l'empereur  avec  Joséphine.  Il  harangua  plusieurs 
fois  l'empereur,  et  on  lui  reproche  une  adulation  trop  ser- 
vile  à  l'égard  du  maître  ;  en  revanche,  au  milieu  de  ses 
flatteries,  l'amour  de  la  paix  et  les  exhortations  indirectes 
à  l'obtenir  percent  toujours.  Comme  grand  chancelier  de 
la  Légion  d'honneur,  il  rendit  de  grands  services  ;  c'est  lui 
qui  organisa  les  maisons  d'Ecouen,  de  Saint-Denis,  de  la 
rue  Barbette  et  des  Loges,  destinées  à  donner  l'éducation 
gratuite  aux  filles  des  membres  de  la  Légion  d'honneur  ;  il 
secourut  de  sa  propre  bourse  nombre  de  légionnaires 
pauvres  ou  de  veuves  tombées  dans  la  misère,  en  laissant 
croire  que  ses  bienfaits  et  les  pensions  qu'il  payait  prove- 
naient de  fonds  publics  qui  avaient  cette  destination.  11  finit 
du  reste  par  se  ruiner  et  même  par  s'endetter  ;  Napoléon 
lui  assigna  alors  40,000  fr.  d'honoraires  et  lui  fit  accep- 
ter l'arriéré  ;  les  pauvres  n'y  perdirent  pas . 

Après  l'abdication  de  Fontainebleau,  Lacépède  fut  privé 
de  la  grande  chancellerie,  mais  obtint  de  Louis  XVIIÏ  une 
place  à  la  Chambre  des  pairs.  Pendant  les  Cent- Jours,  il 
redevint  grand  chancelier  et  membre  de  la  Chambre  des 
pairs  nommée  par  l'empereur.  Il  tomba  en  disgrâce  après 
la  seconde  Restauration,  mais  rentra  en  1849  à  la  Chambre 
des  pairs  et  dès  lors  se  montra  dévoué  aux  principes  cons- 
titutionnels. Outre  les  ouvrages  déjà  cités  de  Lacépède, 
mentionnons  :  Eloge  historique  de  Daubenton  (Paris, 
4799,  in-8)  ;  Notice  historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
de  Dolomieu  (Vam,  4802,  i-n-8)  ;  Histoire  générale, 
physique  et  civile  de  V Europe  depuis  les  dernières  an- 
nées du  V®  siècle  jusque  vers  le  milieu  du  xviii^  (Paris, 
4826,  48  vol.  in-8,  publiée  après  sa  mort)  ;  Histoire  na- 
turelle de  V homme,  précédée  de  V Eloge  historique  de 
raideur  par  Ctivier  (Paris,  48-27,  4840,  in-8);  les  Ages 
de  la  nature  et  riiistoire  de  l'espèce  humaine  (Paris, 
4830,  2  vol.  in-8,  posthume);  nombreux  articles  dans 
Mémoires  de  Vlnstitut,  Annales  du  Muséum,  Mémoire 
du  Muséum^  Magasin  encylopédique,  Dictionnaire  des 
sciences  naturelles  (art.  Homme),  etc.  Les  Œuvres 
d'histoire  naturelle  de  Lacépède  ont  été  réunies  par  Des- 
marets  (Paris,  4826  et  ann.  suiv.,  44  vol.  in-8;  nouv. 
éditions  de  4830  à  4840).  D'-L.  Hn. 

LA  CERDA  (V.  Cerda). 
LACERNA  (V.  Costume,  t.  XII,  p.  4456). 
LACERT  (Pèche).  Ce  Callionyme,  qui  habite  la  Méditer- 
ranée, se  prend,  au  printemps  et  en  été,  dans  la  région  des 
galets. 

LACERTA  (Zool.)  (V.  Lézard). 
LÂCERTIENS  (Erpét.).  Les  Lacertiens  ou  Lacertidai 
forment  dans  l'ordre  des  reptiles  une  famille  des  plus  na- 
turelles. Celte  famille,  dont  le  type  est  le  Lézard  (Lacerta) 
de  nos  régions,  comprend  des  animaux  de  formes  sveltes  et 
gracieuses,  aux  membres  toujours  bien  développés,  aux 
doigts  armés  d'ongles  crochus,  à  la  queue  longue,  conique  et 
verticillée;  le  ventre  est  protégé  par  de  grandes  écailles, 
la  tête  revêtue  en  dessus  de  plaques  cornées  ;  la  langue  est 
libre,  charnue,  mince,  plus  ou  moins  extensible  et  bifur- 
quée  ;  les  dents  sont  implantées  dans  un  sillon  commun 
creusé  dans  la  partie  saillante  des  maxillaires  ;  elles  sont 
pleines  ou  creuses,  d'où  deux  divisions  tranchées,  les  Pélo- 
doutes  ou  à  dents  pleines,  et  les  Cœlodontes  ou  à  dents 
creuses.  Les  narines  peu  développées  s'ouvrent  par  deux 
petits  trous  dont  l'ouverture  est  protégée  par  une  soupape 
membraneuse,  la  membrane  du  tympan  est  visible  chez 
toutes  les  formes.  Ce  sont  des  animaux  essentiellement  ter- 


710  — 


restres  ;  ils  fréquentent  les  bois,  les  taillis,  les  régions 
sèches  et  rocailleuses  ;  leur  nourriture  consiste  en  vers,  en 
insectes  et  en  Mollusques.  Les  grandes  formes  s'attaquent 
aux  petits  Mammifères.  La  proie  doit  toujours  être  vivante, 
jamais  ils  ne  touchent  aux  animaux  morts.  Tous  les  Pléo- 
dontes  appartiennent  à  l'Amérique,  tandis  que  les  Cœlo- 
dontes ne  se  trouvent  que  dans  l'ancien  monde.  Les  uns 
sont  spéciaux  aux  régions  les  plus  chaudes  de  l'Amérique, 
les  autres  sont  spéciaux  à  l'Afrique.  Plusieurs  genres  appar- 
tiennent à  l'Europe.  Rocher. 

BiBL.   ;  DuMÉRiL  et   Bibron,  Hist    génér.    des  Rept. 
—  Sauvage,  dans  Brehm,  édit.  franc..  Reptiles. 

LACERTILIENS  (Paléont.).  Par  la  famille  éteinte  des 
Dolichosauridées,  le  sous-ordre  des  Lacertiliens  remonte 
jusqu'à  l'époque  crétacée  inférieure  ;  cette  famille  comprend 
les  genres  Dolichosaurus,  caractérisé  par  les  vertèbres 
fortement  allongées,  les  cervicales  étant  au  nombre  de  dix- 
sept  ;  Acteosaurus,  aux  vertèbres  de  moyenne  longueur, 
à  la  queue  longue,  aux  membres  postérieurs  plus  longs  que 
les  antérieurs,  et  provisoirement  les  genres  Adriosaurus 
et  Mesoleptos.  Les  autres  familles  sont  actuelles;  ce  sont  : 
Agamidées,  avec  les  genres  actuels,  Clamydosaurus  (pléis- 
tocènedu  Queensland)  et  Agama  (phosphoriteduQuercy); 
Chamaeontidées  (éocène  du  Wyoming)  ;  Iguanidées,  avec  le 
genre  actuel  Jguana  (éocène  supérieur  d'Angleterre  et  du 
Quercy)  et  le  genre  éteint  Iguanavus  de  l'éocène  du  Wyo- 
ming ;  Anguidées,  avec  les  genres  éteints  Propseudopus 
(miocène  d'Allemagne),  Glyptosaurus  (éocène  du  Wyo- 
ming), Saniva  (éocène  du  Wyomiug),  Peltosaurus  (mio- 
cène du  Colorado),  Xestops  (éocène  du  Wyoming)  et  le  genre 
actuel  Anguis  (miocène  du  Gers)  ;  Varanidées  avec  le  genre 
actuel  Varanus  (pleistocène  de  l'Inde)  et  les  genres  éteints 
%(^rosawrti^  (crétacé  inférieur  de  Lésina),  Palœovaranus 
(éocène  supérieur  du  Quercy),  Thinosaurus  (éocène  du 
Wyoming)  ;  Scincidées  avec  les  deux  genres  éteints,  Dra- 
cosaurus  et  Saurosnorus,  du  miocène  inférieur  de  la 
Limagne  ;  Lacertidées  ou  Lacertiens,  avec  le  genre  actuel 
Lacerta. 

BiBL.  :  ZiTTEL,  Traité  de  paléontologie,  éd.  fr.,  1893,  t.  IIL 
p.  593.  ^  »        >         , 

LACET.  I.  Technologie  (V.  Passementerie). 
IL  Mathématiques.  —  Dans  la  théorie  des  fonctions  on 
appelle  lacet  ou  contour  élémentaire  une  ligne  formée  d'une 
droite  ou  d'une  courbe  qui  ne  se  coupe  pas  elle-même,  ab, 
et  d'une  ligne  a^b^  infiniment  voisine  de  celle-ci  qui  ne  la 
coupe  pas,  mais  que  l'on  peut,  à  la  rigueur,  supposer  con- 
fondue avec  elle.  Ces  deux  lignes  sont  réunies  au  moyen 
d'un  cercle  ode  rayon  infiniment  petit  ;  la  distance  bb^  des 
points  où  ab  et  a^'b^  rencontrent 
le  cercle  o  est  infiniment  petite 
par  rapport  au  rayon  du  cercle  o. 
Ce  lacet  est  censé  parcouru  par 
un  mobile,  soit  dans  le  sens  di- 
rect (c'est  celui  dans  lequel  le 
mobile  a  l'aire  du  lacet  à  sa  gauche),  soit  dans  le  sens 
rétrograde,  ab  et  a'b^  sont  les  bords  du  lacet,  le  premier 
bord  ab  que  l'on  parcourt  dans  le  sens  direct  est  le  bord 
droit,  l'autre  est  le  bord  gauche,  o  est  le  point  critique 
du  lacet,  a  est  l'entrée,  a^  la  sortie.  Pour  étudier  les 
valeurs  des  fonctions  susceptibles  de  prendre  plusieurs 
valeurs  en  un  même  point  du  plan,  on  fait  le  plus  sou- 
vent usage  de  lacets.  Les  points  critiques  de  la  fonction 
sont  alors  les  points  critiques  de  lacets  qui  ont  leur  en- 
trée en  un  même  point  ;  d'ailleurs  ces  lacets  sont  assu- 
jettis à  ne  pas  se  couper.  On  démontre  que  si  la  variable  x 
dont  la  fonction  dépend  passe  de  l'entrée  des  lacets  que 
nous  appellerons ^(3  à  un  point  quelconque  x^,  la  valeur  que 
prend  la  fonction  en  x^  est  la  même  que  si  la  variable 
avait  décrit  successivement  un  certain  nombre  de  lacets, 
puis  un  chemin  bien  déterminé  allant  de  Xq  en  x^^.  Cette 
proposition  est  fondamentale  dans  l'étude  des  fonctions 
algébriques. 

Lorsque  la  variable  parcourt  un  lacet,  la  fonction  reprend 
en  général  à  la  sortie  du  lacet  la  valeur  qu'elle  avait  à 


l'entrée;  dans  ce  cas  le  lacet  esimactif,  mais  il  arrive 
souvent  qu'elle  prend  à  la  sortie  une  valeur  différente  de  celle 
qu'elle  avait  en  entrant,  on  dit  alors  que  le  lacet  est  actif 
(on  trouvera  à  l'art.  MoNODROMEdes  exemples  de  lacets  actifs 
et  inactifs).  Tous  les  lacets  sont  actifs  pour  certaines  valeurs 
de  la  fonction,  sans  quoi  leur  point  critique  n'étant  pas  un 
point  critique  de  la  fonction,  il  n'y  aurait  pas  lieu  de  les 
considérer,  en  tant  du  moins  qu'il  ne  s'agit  que  d'étudier 
lesvaleurs  de  la  fonction  elle-même.  Les  valeurs  différentes 
que  prend  une  fonction  à  l'entrée  et  à  la  sortie  d'un  lacet  sont 
dites  permutées  on  imies  par  ce  lacet.  Les  lacets"  qui  per- 
mutent les  deux  mêmes  valeurs  d'une  fonction  forment  ce 
que  l'on  appelle  un  groupe.  En  général,  un  lacet  ne  per- 
mute que  deux  valeurs  de  la  fonction  ;  quand  par  hasard  il 
en  permute  plusieurs,  on  dit  qu'il  est  multiple  et  il  y  alieu 
de  le  considérer  comme  formé  par  la  superposition  de  la- 
cets simples  ne  permutant  que  deux  valeurs. 

Un  contour  complet  ou  cycle  est  un  contour  formé  d'une 
série  de  lacets  et  tel  que' la  variable  parcourant  ce  contour 
la  fonction  reprend  à  sa  sortie  la  valeur  qu'elle  avait  à 
l'entrée.  H.  L. 

BiBL.  :  Briot,  Théorie  des  fonctions  abéliennes.  — 
CLEBSCHet  GoRDAN,  Théorie dev Ah elschenf unctionsn.  — 
Laurent,  le  4«  vol.  de  son  Traité  d'analyse.  —  Briot  et 
Bouquet,  Théorie  des  fonctions  doublement  périodiques. 

LÂCH.  Ville  de  l'Afghanistan,  dans  le  Séistan,  sur  la 
r.  dr.  du  Farah-roud,  tributaire  du  lac  Hamoun.  C'est  la 
résidence  d'un  chef,  nominalement  vassal  de  l'émir  ;  la  for- 
teresse de  Lâch  comprend  une  triple  citadelle  bâtie  sur  un 
rocher  qui  surplombe  la  rivière. 

LA  CHABEAUSSIÈRE  (Poisson  de  La)  (V.  Chabeaus- 
stère). 

LACHAISE  (V.  FiLLEAu  de  La  Chaise). 

LA  CHAISE  (François  d'Aïx  de),  jésuite,  confesseur  de 
Louis  XIV,  né  au  château  d'Aix,  dans  le  Forez,  en  4624, 
mort  le  20  janv.  1709.  Après  son  noviciat,  il  enseigna 
avec  succès  les  humanités  et  la  philosophie  à  Lyon  ;  il  fut 
ensuite  envoyé  à  Grenoble  comme  recteur.  Il  était  provin- 
cial à  Lyon,  lorsqu'il  succéda  au  P.  Jean  Ferrier,  en  qua- 
lité de  confesseur  du  roi  (nov.  1674).  Ces  fonctions  l'appe- 
laient à  faire  partie  du  Conseil  de  conscience  que  Louis  XIV 
avait  institué  pour  l'administration  des  affaires  ecclésias- 
tiques et  la  collation  des  offices  et  des  bénéfices  dont  la 
royauté  disposait  ;  il  y  acquit  une  autorité  prépondérante 
et  paraît  avoir  exercé  ce  ministère  avec  un  souci  sincère 
du  bien  de  l'Eglise.  Mais  il  absolvait  périodiquement  le  long 
adultère  du  roi  avec  W^^  de  Montespan.  La  marquise  donna 
sept  enfants  pendant  le  confessorat  du  P.  La  Chaise.  Par- 
fois, pris  de  scrupule  ou  de  pudeur,  il  alléguait  des  raisons 
de  santé  pour  échapper  à  se  service  :  «  Les  fêtes  de  Pâques, 
écrit  Saint-Simon,  causaient  à  ce  confesseur  des  maladies 
de  politique  pendant  l'attachement  du  roi  avec  W^^  de  Mon- 
tespan. Une  fois  entre  autres,  il  lui  envoya  le  P.  de  Champs, 
qui  bravement  refusa  l'absolution.  »  Après  la  Déclaration 
de  1682,  il  soUicila  avec  persévérance,  mais  sans  succès, 
l'intervention  du  général  de  son  ordre,  pour  obtenir  d'Inno- 
cent XI  l'institution  canonique  que  ce  pape  refusait  aux 
évêques  nommés  par  le  roi  ;  plus  tard,  il  s'entremit  avec 
habileté  dans  les  transactions  et  soumissions  qui  permirent 
à  Innocent  XII  de  l'accorder.  Après  avoir  déconseillé  au 
roi  le  mariage  avec  M"^^  de  Maintenon,  ce  fut  lui  qui  officia 
à  la  cérémonie  secrète  ;  mais  il  persista  à  s'opposer  à  la 
déclaration  publique.  Il  n'est  point  douteux  qu'il  approuva 
la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  mais  il  semble  démontré 
qu'il  répugnait  aux  violences  qui  accompagnèrent  l'exécu- 
tion de  cet  acte.  Il  patrona  de  tout  son  crédit  Fénelon, 
dévoué  aux  jésuites,  et  il  admirait  les  Maximes  des  saints. 
On  dit  même  qu'il  avait  promis  de  soutenir  ce  livre.  Quand 
il  eut  été  condamné  à  Rome,  il  se  soumit,  comme  Fauteur; 
mais  il  osa  louer,  en  présence  du  roi,  la  générosité  et  le 
dévouement  de  Fénelon.  Il  défendit  longtemps  aussi,  contre 
la  dénonciation  de  ses  adversaires,  l'ouvrage  de  Quesnel  : 
Réflexions  morales  sur  le  Nouveau  Testament.  ~  Comme 


711  —  LAlEî  —  LA  CIIALOTAIS 

il  s'occupait  de  numismatique  et  d'archéologie,  il  fut  nommé 
membre  honoraire  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres,  lorsqu'on  la  réorganisa  (1701).  Il  reste  de  lui  un 
cours  de  philosophie,  sous  le  titre  :  Peripatetiece  Philo- 
sophiœ  placita  (Lyon,  1661)  et  des  dissertations  dans  le 
recueil  de  l'Académie  des  inscriptions.     E.-H.  Vollet. 

Cimetière  du  Pére-Lachaise  (V.  Père-Lachaise)  . 

BiBL.  :  R.  DE  Ciiantelauze,  le  Père  de  La  Chaise^ 
confesseur  de  Louis  XIV  ;  Lyon,  1859,  in-8.  —  Crétineau- 
JoLY,  Histoire  de  la  Compagnie  de  Jésus;  Paris,  1859, 
6  vol.  in-12. 

LACHALADE  (Caladia,  1148).  Com.  du  dép.  de  la 
Meuse,  arr.  de  Verdun,  cant.deVarennes,  sur  la  Biesme; 
521  hab.  Verreries,  forêts.  Avant  1790,  Lachalade  avait 
une  abbaye  de Clteaux  fondée  au  commencement  du  xii®  siècle. 
Ruines  d'une  église  du  xiv®  siècle  (mon.  hist.)  avec  pein- 
tures décoratives  de  la  même  époque. 

LA  CHALDETTE  (V.  Chaldette). 

LACHALEUR.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de 
Dijon,  cant.  de  Sombernon;  156  hab. 

LA  CHALOTAIS  (Louis-René  de  Caradeuc  de),  magistrat 
français,  né  à  Rennes,  le  6  mars  1701,  mort  à  Rennes 
le  12  juil.  1785.  Il  fut  procureur  général  au  parle- 
ment de  Bretagne.  Il  se  montra  l'un  des  plus  ardents 
adversaires  des  jésuites  sous  le  règne  de  Louis  XV  et  pro- 
voqua l'abolition  de  cet  ordre  en  France  par  son  mémoire 
ou  Compte  rendu  des  constitutions  des  jésuites  qu'il  fit 
en  1761  pour  le  parlement  de  Bretagne.  Les  jésuites  sup- 
primés, La  Chalotais  songea  à  réorganiser  l'instruction  pu- 
blique et  publia  un  traité  remarquable  pour  son  temps  : 
Essai  d'éducation  nationale  ou  Plan  d'études  pour  la 
jeunesse {Gmeve,  1763,  in-12;  Paris,  1825,  in-18).  Cet 
ouvrage,  qui  fut  traduit  en  plusieurs  langues  et  dont  Vol- 
taire fit  un  grand  éloge,  peut  être  considéré  comme  l'œuvre 
d'un  véritable  précurseur  en  matière  d'éducation.  Mais  La 
Chalotais  avait  trouvé  un  ennemi  dans  le  duc  d'Aiguillon 
(V.  ce  nom).  La  lutte  fut  très  vive  entre  eux.  Beaucoup  de 
membres  du  parlement  de  Rennes,  prenant  parti  pour  La 
Chalotais,  démissionnèrent.  On  crut  reconnaître,  dans  des 
lettres  anonymes  adressées  au  roi,  l'écriture  de  La  Chalotais. 
On  en  prit  prétexte  pour  l'arrêter  à  Rennes  le  1 1  nov.  1765, 
avec  son  fils,  aussi  procureur  général  et  plusieurs  conseil- 
lers au  même  parlement.  Il  fut  conduit  au  château  du  Tau- 
reau, puis  transféré  à  la  citadelle  de  Saint-Malo.  Les  membres 
démissionnaires  du  parlement  de  Rennes  n'ayant  pas  voulu 
reprendre  leurs  fonctions,  le  roi  nomma  pour  juger  La  Cha- 
lotais et  ses  collègues  une  commission  du  conseil  d'Etat 
qui  s'assembla  à  Saint-Malo  et  dont  Calonne  fut  procureur 
général.  Pendant  sa  captivité,  La  Chalotais  publia  des  mé- 
moires pour  sa  défense.  On  a  dit  que,  privé  de  tout  moyen 
d'écrire,  il  avait  dû  se  servir  d'un  crayon  trempé  dans  de 
la  suie  ;  il  résulterait  au  contraire  de  la  correspondance  du 
chevalier  de  Fontette  que  La  Chalotais  écrivit  ses  mémoires 
en  toute  liberté.  La  plupart  des  membres  de  la  commission 
s'étant  récusés,  l'affaire  fut  renvoyée  devant  le  parlement 
de  Rennes  formé  à  nouveau  ;  mais  les  accusés  déclinèrent 
sa  compétence.  Le  roi  évoqua  le  procès  à  sa  personne  et 
déclara  par  lettres  patentes  les  poursuites  éteintes  ;  La  Cha- 
lotais et  ses  coaccusés  furent  néanmoins  exilés  à  Saintes. 
Le  parlement  de  Rennes  et  les  Etats  de  Bretagne  conti- 
nuèrent à  s'unir  à  La  Chalotais  pour  demander  justice.  Ce 
fut  Louis  XVI  seulement  qui  le  remit  à  la  tête  du  parquet 
de  Rennes,  en  1775.  Gustave  Regelsperger. 

BiBL.:  Mémoire  du  ministère  du  duc  d'Aiguillon  et  de 
son  ommandement  en  Bretagne  ;  Paris,  1790,  in-8,  —  Précis 
historique  sur  la  vie  de  La  Chalotais,  en  tète  de  son  Essai 
d'éducation  nationale  ;  Paris,  1825,  in-18.  —  Sismondi,  His- 
toire des  Français,  t.  XXIX.  —  De  Lacretelle,  Histoire 
de  France  pendant  le  xviiio  siècle,  t.  IV.  —  Bicsknval, 
Mémoires,  dans  Bibliothèque  des  Mémoires  relatifs  à  l'his- 
toire de  France  pendant  le  xviip  siècle;  Paris,  1816.  — 
Voltaire,  Correspondance;  Siècle  de  Louis  XV.—  Louis 
DE  Carné,  les  Etats  de  Bretagne,  dans  Revue  des  Deux 
Mondes,l<"'etl5  févr.,  l»»-  mars  1868.-— A rc/uues  historiques 
de  la  Saintonge  et  de  l'Aunis,  t.  III,  p.  Ui.  ~- Bulletin  de  la 
Société  des  archives  hislor.  de  la  Saint,  et  de  VAunis,  t.  I, 
p.  56.  —  Bertrand  Rubidou,  La  Chalotais  et  les  jésuites  • 


LA  CHALOTAIS  —  LA  CHATRE 


—  712  — 


Rennes,  1879,  in-18.  —  La  Chalotais  et  le  duc  d'Aiguillon. 
Correspondance  du  chevalier  de  Fontette,  publiée  par 
Henri  Carré;  Paris,  1893,  in-8. 

LACHAMBEAUDIE  (Pierre),  littérateur  français,  né  à 
Sarlat  (Dordogne)  le  15  déc.  -1807,  mort  à  Brunoy  (Seine- 
et-Oise)  le  6  juil.  i  872 .  Fils  d'un  cultivateur  qui  ne  put 
lui  faire  donner  qu'une  instruction  rudimentaire,  il  fut 
tour  à  tour  teneur  de  livres  à  Lyon,  employé  au  chemin 
de  fer  de  Roanne  à  Saint-Etienne  et  finalement  disciple 
d'Enfantin  à  Ménilmontant.  Après  la  dispersion  des  apôtres 
du  saint-simonisme,  il  connut  de  longues  années  de  misère 
jusqu'au  jour  où  les  libéralités  d'Enfantin  lui  permirent 
d'imprimer  un  recueil  de  Fables  populaires  (1839,  in-18), 
couronnées  par  l'Académie  française  et  plusieurs  fois  réim- 
primées depuis.  Mêlé  en  1848  aux  mouvements  insurrection- 
nels, il  dut  à  l'intervention  de  Béranger  d'être  relâché  après 
les  journées  de  juin,  et  à  celle  de  Persigny,  qui  avait  colla- 
boré avec  lui  à  un  journal  de  la  Loire,  d'éviter  la  déportation 
pour  sa  résistance  au  coup  d'Etat  du  2  décembre.  Réfugié 
en  Belgique,  il  y  subit  encore  toutes  les  angoisses  de  la 
gêne,  y  publia  un  nouveau  recueil:  Fleurs  d'exil  (Bruxelles, 
1852,  in-18)  et  rentra  en  France  après  l'amnistie  de  1859. 
Outre  des  romances  composées  en  Belgique,  Lachambeaudie 
n'a  depuis  donné  que  les  Fleurs  de  Villemomble,  poésies 
nouvelles  (1861,  in-i8).  Sous  le  titre  de  Hors-d'œuvre, 
on  a  recueilli  quelques  pièces  libres  ou  scatologiques  du 
même  auteur  (1867,  in-8,  20  p.)  M.  Tx. 

LA  CHAMBRÉ  (Cureau  de)  (V.  Cureau). 
LACHAMP.  Com.  du  dép.  de  la  Drôme,  arr.  de  Monté- 
limar,  cant.  de  Marsanne  ;  461  hab. 

LACHAMP.  Com.  du  dép.  de  Lozère,  arr.  de  Mende, 
cant.  de  Saint-Amans  ;  615  hab. 

LACHAMP-Raphaêl.  Com.  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr. 
de  Privas,  cant.  d'Antraigues  ;  535  hab. 

LACHAPELLE.  Com.  du  dép.  du  Lot-et-Garonne,  arr. 
de  Marmande,  cant.  de  Seyches  ;  188  hab. 

LA  CHAPELLE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr. 
de  Chaumont,  cant.  de  Juzennecourt  ;  292  hab. 

LACHAPELLE.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Lunéville,  cant.  de  Baccarat;  256  hab.  Papeterie. 
LA  CHAPELLE-Auzac.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de 
Gourdon,  cant.  de  Souillac  ;  937  hab. 

LA  CHAPELLE  (Bohier  de)  (V.  BomER  [Henri]). 
LA  CHAPELLE  (Jean  de)  (V.  Chapelle). 
LA  CHAPELLE  (Boisbeleau  de)  (V,  Chapelle). 
LACHAPELLE  (L'abbé  de),  mathématicien  français, 
né  vers  1710,  mort  à  Paris  vers  1792.  Censeur  royal, 
membre  de  la  Société  royale  de  Londres  et  d'académies  de 
province,  il  vécut  dans  une  retraite  complète,  nes'occu- 
pant  que  de  recherches  scientifiques.  H  est  Finventeur  du 
scaphandre,  appareil  en  liège  devant  permettre  de  mar- 
cher à  la  surface  des  eaux;  il  l'expérimenta  lui-même  sur 
la  Seine  et  en  publiala  description  sous  le  titre  :  Traité  de  la 
construction  du  scaphandre  (Paris,  1774,  in-8;  2^ éd., 
1804).  Il  donna  dans  le  Ventriloque  ou  VEngastrimythe 
(Londres  et  Paris,  1772,  2  vol.  in-12)  une  très  curieuse 
et  très  ingénieuse  explication  de  la  ventriloquie.  Quant  à 
ses  ouvrages  de  mathématiques,  fort  estimés  en  son  temps, 
ils  ont  pour  titre  :  Institutions  de  géométrie  (Paris, 
1746-57,  2  vol.  in-8);  Traité  des  sections  coniques  et 
autres  courbes  anciennes  {^dx\^,  1750,  in~8).     L.  S. 
LACHAPELLE    (Marie-Louise  Dugès,    veuve),  célèbre 
sage-femme  française,  née  à  Paris  le  1®^  janv.  1769,  morte 
à  Paris  le  4  oct.  182i.    Son  père  était  médecin,  sa  mère 
sage-femme  jurée  au  Châtelet  et  chef  du  service  d'accou- 
chement de  FHôtel-Dieu.  En  1792,  elle  épousa  M.  Lacha- 
pelle,  chirurgien  de  Fhôpital  Saint-Louis,  mais  continua  à 
résider  à  FHôtel-Dieu,  aidant  et  remplaçant  souvent  sa  mère 
dans  ses  leçons  et  dans  la  pratique  ;  en  1795,  Fannée  de 
la  mort  de  son  mari,  elle  fut  promue  au  grade  de  sage- 
femme  adjointe.  C'est  surtout  à  elle  qu'on  doit  la  création 
de  la  Maternité  ;  Baudelocque  y  fut  chargé,  comme  profes- 
seur, de  l'enseignement  théorique,  et  M"^^  Lachapelle  de  la 


partie  pratique  dans  laquelle  elle  exerçait  et  dirigeait  les 
élèves.  Elle  a  laissé  :  Observations  sur  divers  cas  d'ac- 
couchements,*, (Annuaire  méd .  chir,  des  hôpitaux; 
Paris,  1819,  in-4)  ;  Pratique  des  accouchements,  publié 
par  Ant.  Dugès  (Paris,  1821-25,  3  vol.  in-8).  D'  L.  Hn. 
LACHAPELLE  (Le  comte  A.  de),  publiciste français,  né 
en  1830.  Il  fit  de  longs  voyages  en  Amérique  et  en  Aus- 
tralie, revint  en  Europe  en  1869  et  fut  correspondant  du 
Standard  pendant  la  guerre  franco-allemande.  H  se  lia 
avec  Napoléon  III  à  Chislehurst  et  publia  avec  des  docu- 
ments fournis  par  lui  :  les  Forces  militaires  de  la  France 
en  1870  (Londres,  1872,  in-8),  ouvrage  apologétique  qui 
fit  grand  bruit  et  fut  d'abord  attribué  à  l'empereur  lui- 
même,  dont  le  comte  de  Lachapelle  devait  publier  plus 
tard  les  Œuvres  posthumes  (1873,  gr.  in-8).  Citons  de 
lui:  la  Guerre  de  iSlO  (Londres,  1871,  in-8);  Trente 
Ans  à  travers  le  monde  (Paris,  1888,  in-12). 

LA  CHAPELLE-Taillefer  (V.  Chapelle-Taillefer). 
LA  CHAPPELLE  (Georges  de),  peintre  français,  né  à 
Caen,  mort  vers  1655.  Cet  artiste  est  l'auteur  d'un  livre 
extrêmement  curieux  dédié  à  la  comtesse  de  Fiesque  :  Re- 
cueil de  divers  portraits  des  principales  dames  de  la 
Porte  du  Grand-Turc  (63  figures  costumées,  gravées  au 
burin,  in-4). 

LA  CHARCE  (V.  La  Tour  du  Pin  de  La  Charge). 
LA  CHASSA6NE  (Ignace- Vincent  Guillot  de),  littéra- 
teur français,  né  à  Besançon  en  1705,  mort  à  Paris  vers 
1750,  auteur  d'un  grand  nombre  de  romans  qui  ont  eu 
jadis  beaucoup  de  succès.  Citons  :  le  Chevalier  des  Essars 
et  la  comtesse  de  Bercy  (1735,  2  vol.  in-12)  ;  Mémoires 
d'une  fille  de  qualité  (1742-55,  2  vol.  in-12). 

LA  CHASSAIGNE  (Marie-Hélène  Broquain  de),  actrice 
française,  née  le  16  janv.  1747,  morte  à  Saint-Mandé  le 
23  juin  1820.  Nièce  de  M"^  Lamotte,  célèbre  actrice  de  la 
Comédie-Française,  elle  débuta  à  ce  théâtre  dans  Phèdre 
le  6  janv.  1766,  sous  le  pseudonyme  de  «  mademoiselle 
Sainval  ».  Mais,  peu  de  jours  après  elle,  la  vraie  M'^^  Sain- 
val  (Faînée)  étant  venue  débuter  à  son  tour,  W^^  de  La 
Chassaigne,  pour  éviter  toute  confusion,  reprit  son  véri- 
table nom.  Le  15  mars  1769,  elle  fut  nommée  sociétaire  à 
demi-part.  Pendant  une  douzaine  d'années  elle  joua  les 
confidentes  tragiques  et  les  amoureuses,  et  en  1780,  quoi- 
que jeune  encore,  elle  adopta  l'emploi  des  duègnes  et  des 
caractères,  laissé  vacant  par  la  retraite  de  M"^^  Drouin, 
sœur  de  Préville.  Elle  joua  pour  la  dernière  fois  le  22  oct. 
1803.  Il  n'est  pas  inutile  de  rappeler  que  c'est  M^^®de  La 
Chassaigne  qui  suggéra  à  ses  camarades  l'idée  de  la  grande 
ovation  faite  à  Voltaire  par  la  Comédie-Française  le  jour  de 
la  représentation  à'îrène.  Elle  avait  été,  dans  sa  jeunesse, 
la  maîtresse  du  prince  de  Lamballe,  dont  elle  eut  une  fille 
qui  débuta  sous  le  nom  de  M^^^  Charlotte  de  La  Chassaigne, 
le  12  août  1788,  à  la  Comédie-Française,  dans  le  Bien- 
fait anonyme,  et  continua  sa  carrière  en  Russie.    A.  P. 
LACHASSE  (V.  Chassignon  [Jean]). 
LA  CHÂTAIGNERAYE  (V.  Châtaigneraye  [La]). 
LA  CHÂTRE.  Ancienne  famille  du  Berry,  ayant  pour 
armes  :  de  gueules  à  la  croix  ancrée  de  vair.  Les  per- 
sonnages les  plus  connus  de  cette  famille  furent  :  Guil- 
laume de  La  Châtre,  chambellan  du  comte  de  Poitiers, 
mort  vers  1350.  —  Claude  de  La  Châtre,  né  en  1421, 
chambellan  et  capitaine  des  gardes  de  Louis  XI  et  de 
Charles  VHI,  mort  après  1495.  —  Gabriel  de  La  Châtre, 
conseiller  d'Etat,  chambellan  et  maître  d'hôtel  du  roi, 
maître  des  cérémonies  de  France,  gouverneur  de  l'un  des  fils 
de  François  P»*,  mort  en  1538.  —Joachim  de  La  Châtre, 
qui  hérita  des  charges  de  son  père,  fut  gouverneur  de  Gien 
et  d'Orléans  et  mourut  en  1 546.  —  Gaspard  de  La  Châtre, 
fils  du  précédent  et  héritier  de  ses  charges  et  dignités,  né 
vers  1539,  se  distingua  dans  le  parti  catholique  pendant 
les  guerres  de  religion  et  mourut  en  1576.  —  Ed^ne  de 
La  Châtre,  petit-fils  du  précédent,  maître  de  la  garde-robe 
du  roi  ;  colonel  général  des  Suisses  en  1649,  il  dut  se 
démettre  de  sa  charge  pour  participation  à  la  cabale  des 


713 


LA  CHATRE  —  LACHELIER 


Importants;  blessé  à  Nordlingen,  il  mourut  à  Philipsbourg 
le  3  sept.  1645  ;  on  a  de  lui  des  Mémoires,  publiés  pour 
la  première  fois  en  4662  (in  12)  et  depuis  dans  les  princi- 
pales collections.  —  A  une  autre  branche  de  la  famille, 
celle  de  Maisonfort,  appartenait  Claude  de  La  Châtre,  ma- 
réchal de  France,  né  yers  4536,  mort  le  43  déc.  4614. 
Gouverneur  du  Berry,  ambassadeur  en  Angleterre  (4574), 
attaché  en  Flandre  à  la  personne  du  duc  d'Anjou,  parti- 
san des  Guises  et  nommé  maréchal  de  France  par  le  duc  de 
Mayenne,  il  vendit  sa  soumission  à  Henri  IV  moyennant 
60,000  écuset  la  confirmation  de  sa  charge.  On  a  de  lui  : 
la  Prise  de  Thionville  en  i55S  (4559,  in-8,  réimprimé 
dans  la  coll.  Michaud);  Discours  contenant  les  plus 
mémorables  faits  advenus  en  i587  (1587,  in-8)  ;  Dis- 
cours de  la  guerre  civile  de  France  (4587,  in-8),  et  en 
outre  plusieurs  pièces  réimpriiAées  à  la  suite  du  Journal 
de  Henri  ÎIU  ainsi  que  plusieurs  œuvres  restées  manus- 
crites. —  Son  fils,  Louis  de  La  Châtre,  fut  gouverneur  du 
Berry,  maréchal  de  France  (4646)  et  mourut  sans  enfants 
en  4 630. 

BiBL.  :  Le  P.  Anselme,  Généalogie  de  lu,  maison  de 
France,  t.  VII. 

LA  CHAT  RE  (Maurice),  publiciste  français,  né  à  Issou- 
dun  en  4844.  Editeur  à  Paris,  il  fut  condamné  sous  l'Em- 
pire (25  sept.  4857),  pour  la  publication  des  fameux 
Mystères  du  peuple  d'Eugène  Sue,  à  un  an  de  prison  et 
6,000  fr.  d'amende.  Un  ouvrage  de  lui  :  le  Dictionîiaire 
français  illustré  (1856,  in-4),  lui  valut  une  nouvelle 
condamnation  à  cinq  ans  de  prison  (44  juil.  4858).  La 
Châtre  s'établit  à  Barcelone.  Il  reparut  à  Paris  sous  la 
Commune,  collabora  au  Vengeur  de  Pyat,  retourna  en 
Espagne  pour  échapper  à  la  répression  et  après  l'amnistie 
fonda  une  maison  d'édition  à  Paris.  Citons  encore  de  lui  : 
la  République  démocratique  et  sociale  (4849,  in-8); 
Histoire  des  papes  (4842-43,  40  vol.  in-8),  condamnée 
à  la  destruction  par  jugement  du  27  janv.  4869  ;  Histoire 
du  Consulat  et  de  l Empire  (4874,  in-4);  Histoire  de 
la  Restauration  (4874,  in-4)  ;  Histoire  de  C inquisition 
(4880,  in-42). 

LACHAU.  Com.  du  dép.  de  la  Drôme,  arr.  de  Nyons, 
cant.  de  Séderon  ;  556  hab. 

LACHAU D  (Charles- Alexandre),  avocat  français,  né  à 
Treignac  (Corrèze)  le  25  févr.  4  848,  mort  à  Paris  le  40  déc. 
4882.  Avocat  au  barreau  de  Tulle  depuis  4839,  il  ne  tarda 
pas  à  acquérir  une  notoriété  retentissante,  grâce  aux  pro- 
cès Lafarge(4840)  et  Marceliange  (1842);  aussi  alla-t-il 
dès  4844  prendre  place  au  barreau  de  Paris.  11  conquit  en 
peu  d'années,  par  son  éloquence  pathétique  et  théâtrale,  la 
première  place  parmi  les  avocats  de  cour  d'assises  et  fut 
membre  du  conseil  de  l'ordre  de  4858  à  4867.  Après  avoir 
plaidé  les  causes  les  plus  célèbres  en  matière  criminelle, 
Lachâud  aborda  les  procès  politiques  après  la  révolution 
de  4870,  assista  le  maréchal  Bazaine  devant  le  conseil  de 
guerre  de  Versailles  en  4873,  défendit  le  Figaro  contre 
le  général  Trochu  et  le  général  de  Wimpfen  contre  M.  Paul 
de  Gassagnac  (4875).  Dévoué  au  second  Empire,  il  s'était 
présenté  sans  succès  en  4869  à  la  députation,  dans  la  hui- 
tième circonscription  de  la  Seine,  contre  M.  Jules  Simon. 
Il  ne  fut  pas  plus  heureux  le  44  oct.  4877  dans  la  deuxième 
circonscription  de  Tulle,  où  il  s'était  porté  avec  l'appui  du 
gouvernement  du  16  mai.  Il  a  été  publié  après  sa  mort  un 
Recueil  de  plaidoyers  de  Charles  Lachaud(?Sins,  1885, 
2  vol.  in-18).  A.  Debidour. 

LACHAUD  (Georges),  avocat,  publiciste  et  romancier 
français,  né  à  Paris  en  4846,  fils  du  précédent.  Après 
s'être  essayé,  non  sans  succès,  au  barreau,  il  se  jeta  dans 
la  politique,  fut  candidat  —  malheureux  —  du  parti  plé- 
biscitaire dans  le  XÏV^  arrondissement  de  Paris  aux  élec- 
tions du  20  févr.  4876  et  du  44  oct.  1877  et,  partisan  du 
bonapartisme  le  plus  autoritaire,  se  fit  connaître  par  de 
bruyantes  publications  :  Essai  sur  la  dictature  (4875); 
l'Empire  devant  V ouvrier  (4876);  l'Empire  {iSll); 
les  Boîiapar listes  de  la  République  (4877);  Que  vont 


devenir  les  Bonapartistes  ?  (1 879)  ;  le  Prince  Napoléon 
et  le  parti  bonapartiste  (1880);  Bonapartistes  blancs 
et  Bonapartistes  rouges  (ISSd)  ;  Cabotinage  (1886).  On 
lui  doit  aussi  des  romans  et  des  variétés  littéraires. 

LA  CHAUSSADE  (Forges  de)  (V.  Guérigny). 

LA  CHAUSSÉE  (Pierre-Claude  Nivelle  de),  auteur 
dramatique  français,  né  à  Paris  en  1692,  mort  le  44  mars 
4754. 11  avait  près  de  quarante  ans  lorsqu'il  prit  part  à  la 
polémique  soulevée  par  La  Motte-Houdard  sur  la  forme  des 
vers  français  par  des  EpUres  de  Clio  à  il/,  de  B...  (4734, 
in-4 2),  et  ce  fut  seulement  deux  ans  plus  tard  qu'il  fit 
jouer  sa  première  comédie  :  la  Fausse  Antipathie  (en 
trois  actes  et  en  vers)  où  il  s'essayait  au  genre  que  Voltaire 
appelait  le  «  tragique  bourgeois  »,  que  l'on  définissait 
aussi  le  «  comique  larmoyant  »  et  dont  le  drame  moderne 
est  issu.  La  Fausse  Antipathie  fut  bientôt  suivie  d'au- 
tres comédies  en  vers  et  en  prose  :  le  Préjugé  à  la  mode 
(4785),  où  La  Chaussée  s'attaquait  au  ridicule  qui  pour- 
suivait alors  un  mari  épris  de  sa  femme  :  VEcole  des  amis 
(4737);  Mélanide  (4741);  Amour  pour  amour  (1742); 
Paméla  (1743);  VEcole  des  mères  (1744);  le  Rival  de 
lui-même  (1746);  l'Amour  castillan  (Théâtre-Italien, 
4747);  la  Gouvernante  (4747),  dont  le  sujet  était  em- 
prunté à  une  méprise  judiciaire  récente;  VEcole  de  la 
jeunesse  (4748);  Maximien,  tragédie  (1737);  un  certain 
nombre  d'autres  pièces  non  représentées  ou  jouées  sur  des 
théâtres  de  société  que  Ton  retrouve  dans  les  OEuvres 
complètes  de  l'auteur  (1762,  5  vol.  in-12),  réunies  par 
Sablier  et  auxquelles  il  faut  joindre  un  Supplément  (Am- 
sterdam, 1744),  renfermant  une  parade,  le  Rapatriage 
et  des  Contes  en  vers  assez  libres.  Le  succès  du  Pré- 
jugé à  la  mode  avait  ouvert  dès  1736  à  La  Chaussée  les 
portes  de  l'Académie  française  où  il  remplaça  le  prési- 
dent Portail  et  où  il  eut  Bougainville  pour  successeur. 
Son  portrait,  peint  au  pastel  par  Lalour,  figura  au  Salon 
de  1753.  M.'Tourneux. 

BiBL.  :  Grimm,  Corresp.  litt.  —  G.  Lânson,  Nivelle  de 
La  Chaussée  et  la  Comédie  larmoyante,  1887,  in-8. 

LA  CHAUX.  Com.  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  de 
Thiers,  cant.  de  Châteldon  ;  4,078  hab.  Foires  impor- 
tantes. 

LACHELIER  (Jules-Esprit-Nicolas),  philosophe  fran- 
çais, né  à  Fontainebleau  le  27  mai  4832.  Il  acheva  au 
lycée  Louis-le-Grand  (Sainte-Barbe),  à  partir  de  4847,  ses 
études  commencées  à  Versailles,  et  eut,  en  4850,  le  prix 
d'honneur  de  rhétorique  au  Concours.  Elève  de  l'Ecole 
normale  (4854-54),  il  fut  deux  ans  chargé  de  cours  de 
rhétorique  à  Sens,  se  fit  recevoir  agrégé  des  lettres,  puis, 
sous  le  patronage  de  M.  Ravaisson,  revint  faire  une  qua- 
trième année  décote  (1 856-57).  Il  professa  ensuite  la 
«  logique  »  à  Toulouse  (1857-58),  puisàCaen  (1858-64), 
après  quoi  il  prit  un  congé.  En  mars  1862,  il  supplée 
Alb.  Lemoine  au  lycée  Bonaparte  ;  il  est  agrégé  de  philo- 
sophie l'année  suivante  ;  en  4864,  il  est  maître  de  confé- 
rences à  l'Ecole  normale,  où,  pendant  onze  ans,  il  enseigna 
la  philosophie  avec  une  autorité  sans  pareille.  Nommé  ins- 
pecteur de  l'académie  de  Paris  en  sept.  1875,  il  est 
depuis  le  16  mars  1879  inspecteur  général  de  l'instruction 
publique.  M.  Lachelier  a  été  reçu  docteur  le  4*''  déc.  4874. 
Outre  ses  thèses  :  Du  Fondement  de  l'induction  (Paris, 
1871,  in-8)  et  De  Natura  syllogismi  (id.),  il  n'a  guère 
donné  qu'une  Etude  sur  la  théorie  du  syllogisme,  dans 
la  Revue  philosophiqxie  (mai  1876)  et  un  article,  très 
important  il  est  vrai,  intitulé  Psychologie  et  Métaphysique 
(même  revue,  mai  1885). 

La  simplicité  de  cette  carrière  et  cette  sobriété  de  pro- 
duction ne  donnent  aucune  idée  du  rôle  de  ce  philosophe 
et  de  l'étendue  de  son  action.  Lui-même,  avec  une  modestie 
rare,  semble  se  regarder  simplement  comme  un  disciple  de 
Kant  ayant  contribué  à  répandre  chez  nous  l'esprit,  sinon 
la  lettre,  de  l'idéahsme  transcendantal.  Il  est  certain,  en 
eifet,  que  Kant  surtout  l'a  inspiré  et  lui  a  fourni  en  partie 
la  méthode  critique  par  laquelle  il  a  été    un  si  grand 


LACHELÏER  -  LA  CHÈZE 


-  714 


éveilleur  d'esprits.  Mais,  à  cette  critique  même,  il  a  donné 
une  forme  entièrement  personnelle,  et  l'instrument  de 
précision  qu'il  en  a  fait,  il  l'a  appliqué  à  tout,  à  Kant 
lui-même  avec  une  originalité  profonde.  Il  «  aurait  assez 
fait  pour  la  philosophie,  dit  M.  Séailles,  en  établissant 
contre  Kant  la  nécessité  de  la  loi  des  causes  finales  pour 
l'existence  de  la  pensée  »,  En  tout  cas,  tout  est  bien  à  lui 
dans  ses  trop  courts  écrits,  d'une  forme  parfaite,  si  sévère 
à  la  fois  et  si  française,  où  il  n'est  pas  une  page  qui  ne 
porte  la  marque  d'un  penseur.  Il  en  est  de  même  pour  ses 
célèbres  leçons  de  l'Ecole  normale,  où  il  a  touché  tour  à 
tour  et  renouvelé  toutes  les  questions  philosophiques, 
leçons  non  publiées,  incomplète iTient  recueillies,  mais  qui, 
après  avoir  rempli  d'enthousiasme  des  générations  d'élèves 
réveillés  par  elles  du  dogmatisme  cousinien,  n'ont  pas 
cessé  depuis  de  circuler  manuscrites  parmi  les  étudiants. 
Elles  alimentent  encore,  dans  une  large  mesure,  l'ensei- 
gnement philosophique  après  l'avoir  régénéré  ;  on  le  voit, 
aux  épreuves  de  l'agrégation  de  philosophie,  dans  le  jury 
de  laquelle  naturellement  M.  Lachelier  exerce  une  grande 
influence.  11  a  été  un  maître  dans  la  pleine  acception  du 
terme  :  son  œuvre,  ce  sont  ses  élèves.  Pour  tous  ceux  qui 
l'ont  vu  dans  ses  conférences  de  l'Ecole  normale,  il  est 
resté,  par  sa  manière  unique  d'alHer  la  simplicité  à  la  pro- 
fondeur et  la  familiarité  à  l'élévation,  le  modèle  des  pro- 
fesseurs de  l'enseignement  supérieur.  Aux  esprits  qu'il  a 
formés,  il  n'a  pas  donné  une  philosophie  toute  faite,  mais 
il  a  donné  quelque  chose  de  mieux  :  le  besoin  de  penser 
par  eux-mêmes  avec  une  sincérité  absolue,  le  respect  et 
le  goût  de  la  pensée  chez  les  autres.  De  là  vient  que,  dans 
les  >oies  si  diverses  où  ils  se  sont  engagés,  ils  sont  tous 
demeurés  également  attachés  à  ce  maître,  en  qui  ils  sont 
unanimes  à  saluer  un  des  plus  grands  esprits  et  une  des 
plus  nobles  figures  de  leur  temps.  H.  Marton. 

LACHELIER  (Henri),  né  à  Sens  le  48  févr.  1856,  fils 
du  précédent.  Il  fit  ses  études  à  Louis-le-Grand,  entra  à 
l'Ecole  normale  en  1875  et  en  sortit  agrégé  de  philosophie, 
obtint  une  mission  en  Allemagne  (1878-80),  où  il  étudia 
surtout  à  Leipzig,  dans  le  laboratoire  de  Wundt,  enseigna, 
à  son  retour,  la  philosophie  aux  lycées  de  Troyes,  Car- 
cassonne,  Clermont  et  surtout  Caen  (oct.  1882  à  déc. 
1886)  d'où  il  vint  à  Paris  comme  suppléant  à  Henri  IV. 
Depuis  oct.  1887,  il  occupe  avec  distinction  la  chaire  de 
philosophie  au  lycée  Janson-de-Sailly.  Il  a  publié  des  édi- 
tions classiques  de  la  Monadologie  de  Leibniz  (Paris, 
1881,  in-16)  et  des  Nouveaux  Essais  (1886,  in-16), 
plus  des  articles  dans  la  Revue  philosophique-,  la  plupart 
sur  la  philosophie  de  Wundt.  H.  M. 

LAC  H  EN.  Village  de  Suisse,  dans  le  cant.  de  Schwytz, 
au  fond  d'un  golfe  du  lac  de  Zurich,  sur  la  ligne  Zurich- 
Coire,  rive  gauche  ;  1,077  hab.  Cette  localité  possède  une 
belle  et  grande  église  surmontée  de  deux  tours. 

LAC  H  EN  ALI  A  (Lachenalia  Jacq.).  I.  Botanique.  — 
Genre  de  Liliacées-Hyacinthées,  caractérisé  par  le  périanthe 
coloré  à  six  divisions  campanulées-conniventes,  dont  les 
trois  extérieures,  courtes,  dressées,  gibbeuses  au  sommet, 
les  trois  intérieures  inégales  et  étalées  ;  il  y  a  six  étamines 
insérées  sur  la  gorge  du  périanthe,  l'ovaire  est  à  trois 
loges  mulliovulées,  le  fruit  une  capsule  membraneuse 
loculicide.  Les  Lachenalia  sont  des  herbes  vivaces,  à  bulbe 
tunique,  à  inflorescence  en  grappe  penchée.  On  en  connaît 
une  trentaine  d'espèces  du  Cap.  D^  L.  Hn. 

II.  Horticulture.  —  Ces  petites  plantes  bulbeuses  res- 
semblent beaucoup  aux  Jacinthes.  Elles  fleurissent  à  la  fin 
de  rhiver  et  aux  premiers  jours  du  printemps.  On  cul- 
tive :  Z,  tricolor  Jacq.,  à  fleurs  jaunes  et  vertes,  bordées 
de  pourpre;  L.pendula  Ait.,  à  fleurs  marquées  de  vert 
et  de  violet,  la  Lachénalie  changeante^  à  fleurs  bieu  pâle. 
La  plantation  des  bulbes  se  fait  en  octobre  ;  on  les  relève 
en  juillet  pour  séparer  les  caïeux.  Les  Lachenalia  se 
plaisent  en  pots  et  en  terre  de  bruyère.  On  les  place  sou- 
vent en  serre  tempérée,  près  des  vitres,  pour  en  avancer 
la  floraison.  G.  Boyer. 


LACHENAYE-Desbois  (V.  Guesnayr-Desbois) . 

LACHENWITZ  (Franz-Sigmund),  peintre  allemand,  né 
à  Neuss  en  18'20,  mort  le  25  juin  1868.  Après  avoir  étu- 
dié à  l'Académie  des  beaux-arts  de  Dusseldorf,  il  ouvrit 
un  atelier  dans  cette  ville  et  s'adonna  particulièrement  à 
la  peinture  des  animaux  domestiques  et  sauvages,  qu'il 
reproduisit  en  une  série  de  scènes  humoristiques  aux- 
quelles il  a  dû  de  devenir  populaire  en  Allemagne.  Ses 
premières  œuvres  :  Cheval  pourchassé  par  un  ours 
(1848);  Lions  surpris  par  des  tigres^  Buffle  attaqué 
par  des  panthères^  etc.,  furent  suivies  d'épisodes  tirés 
du  Reineke  Fuchs,  et  de  plusieurs  tableaux  militaires, 
entre  autres  :  Combat  de  cavalerie  pendant  la  cam- 
pagne de  1866  en  Bohême,  Lachenwitz  a  écrit  aussi 
quelques  histoires  de  chasse  et  de  voyage  illustrées  par 
lui-même. 

LACHESIS.  L  Mythologie  (V.  Parques). 

IL  Erpétologie.  —  Genre  de  Serpents,  de  l'ordre  des 
Thanathophides  et  de  la  famille  des  Crotalidœ.  Ce  genre  a 
été  créé  par  Daudin  pour  les  animaux  présentant  tous  les 
caractères  des  Crotales,  mais  portant  à  l'extrémité  de  la 
queue,  au  lieu  de  la  sonnette  de  ces  derniers,  10  ou  12  ran- 
gées d'écaillés  épineuses  un  peu  recourbées  en  crochet  à 
leur  sommet.  Le  ptérygoïdien  externe  est  énorme,  plat, 
très  soHde,  le  maxillaire  supérieur  très  réduit;  les  pla- 
ques ventrales  sont  disposées  en  partie  suivant  un  seul 


Lachesis  mutus. 

rang.  Le  Lachesis  mutus ^  un  des  plus  redoutables  de  la 
famille,  peut  atteindre  2  m.  de  long.  Cette  forme  remar- 
quable habite  l'Amérique  du  Sud.  Au  Brésil  on  la  trouve 
partout.  Elle  habite  les  forêts  humides.  Son  venin  est  tel- 
lement actif  qu'il  fait  périr  les  plus  gros  animaux  et  tue 
une  vache  en  deux  heures.  Rocher. 

BiBL.  :  DuMÉRiL  et  Bibron,  Hist.  gêner.  —  Sauvage, 
dans  Brehm,  Edit.  franc;.,  Reptiles. 

LA  CHESNAYE-DES-Bois  (V.  Chesnaye). 

LA  CHÉTARDIE  (V.  Chétardie). 

LAC  H  EV  A  R  D I È  R  E  (Auguste-Louis),  administrateur  fran- 
çais, né  à  Paris  vers  177Ô,  mort  le  15  oct.  1828.  Em- 
ployé à  la  caisse  de  l'extraordinaire  en  1791,  il  fit  partie, 
après  le  10  août  1792,  de  l'administration  départementale 
de  la  Seine,  et,  à  la  suite  d'une  courte  mission  en  Vendée,  se 
signala  au  club  des  Jacobins,  où  il  fut  protégé  par  Robes- 
pierre. Emprisonné  après  le  9  thermidor,  il  vécut  sans  em- 
ploi jusqu'au  18  fructidor,  époque  où  il  fut  nommé  secré- 
taire général  du  ministère  de  la  police.  La  révolution  du 
30  prairial  (18  juin  1799)  lui  valut  d'être  appelé  à  la  pré- 
sidence de  l'administration  départementale  de  la  Seine.  Dans 
ce  poste,  Lachevardière  fit  tous  ses  efforts  pour  prévenir  le 
coup  d'Etat  du  i  8  brumaire.  Aussi  Bonaparte,  arrivé  au 
pouvoir,  voulut-il  tout  d'abord  le  déporter.  Lachevardière 
resta  pourtant  à  Paris  et,  grâce  à  la  protection  du  général 
Menou,  devint  consul  de  France  à  Hambourg  (1802),  d'où 
il  passa  au  même  titre  à  Dantzig  (1807).  Rappelé  en  1808 
et  impliqué  dans  la  disgrâce  du  maréchal  Brune,  il  demeura 
dès  lors  dans  la  vie  privée,  uniquement  occupé  de  travaux 
et  d'études  agricoles.  A.  Debidour. 

LA  CHÈZE  (René   de),  poète  français   de  la  fin  du 


715  - 


LA  CHÈZE  -  LÂCHNER 


XVI®  siècle,  né  à  Reims.  Citons  de  lui  :  les  Tableaux  rac- 
courcis de  la  vie  humaine  (Reims,  4630)  ;  les  Leçons 
morales  du  sage  Théotime(i6W^  in-8)  ;  les  Larmes  de 
Sion  (1630,  iii-B). 

LACHICHE  (Claude-Quentin),  ingénieur  français,  né  à 
Dole  (Jura)  en  1719,  mort  à  Paris  le  14  oct.  1802.  Il 
entra  comme  officier  dans  le  corps  du  génie,  se  signala  au 
siège  de  Fribourg  (1744),  puis  fut  successivement  attaché 
aux  directions  de  Besançon  et  de  Strasbourg.  C'est  alors 
qu'il  conçut  son  projet  de  canal  de  jonction  du  Rhône  au 
Rhin  par  le  Doubs,  dont  il  adressa  les  plans  au  gouverne- 
ment en  1765  et  que  reprit  quinze  ans  plus  tard  l'ingénieur 
des  ponts  et  chaussées,  Ph.  Bertrand  (V.  ce  nom).  Il  ac- 
cusa ce  dernier  de  plagiat,  prit  vivement  à  partie  le  corps  des 
ponts  et  chaussées  tout  entier  et,  finalement,  fut  mis  d'of- 
fice à  la  retraite,  en  1783,  comme  «  inapte,  en  raison  de 
son  caractère,  à  faire  un  directeur  ».  Il  était  alors  briga- 
dier des  mines  et  avait  rendu,  à  ce  titre,  d'excellents  ser- 
vices à  Marseille,  dans  le  Languedoc,  dans  le  Dauphiné. 
Mandar  décrit  très  élogieusement  son  nouveau  système  de 
fortifications  (1767).  En  1791,  l'Assemblée  nationale,  à 
laquelle  il  avait  envoyé  de  nombreuses  adresses,  lui  conféra 
le  brevet  de  maréchal  de  camp,  mais  l'exécution  du  canal 
demeura  confiée  à  Bertrand.  Il  a  publié  plusieurs  écrits  : 
Prospectus  d'un  caiial  de  vingt-cinq  lieues  (Paris, 
1790,  in-4)  ;  Mémoires  sur  la  navigation  des  rivières  et 
des  fleuves  en  général  (Dole,  1791,  in-4),  etc.  Ses  nom- 
breux manuscrits  sont  à  la  bibliothèque  de  Dole.     L.  S. 

BiBL.  ;  C.-Q.  La  Chiche,  Adresses  à.  l'Assemblée  natio- 
nale; Paris,  1790  et  1791,  2  broch.  in-4. 

LACHIÈZE  (Pierre-François -Marius-Albert),  homme 
politique  français,  né  à  Martel  (Lot)  le  14  nov.  1840. 
Avocat,  maire  de  Martel,  il  fut  emprisonné  sous  l'Empire 
à  cause  de  ses  opinions  républicaines.  Sous-préfet  de  Gour- 
don  (1870),  puis  d'Argelès  (1871),  de  Gaillac  (1873),  il 
démissonna  à  la  chute  de  M.  Tbiers.  Elu  député  de  Gour- 
don  en  1889,  il  fut  réélu  en  1893  avec  un  programme  de 
républicain  modéré  et  protectionniste. 

LACHINE.  Ville  du  Canada,  prov.  de  Québec,  dans  l'île 
et  à  13  kil.  S.-O.  de  Montréal.  Commerce  de  bois,  villé- 
giature d'été  de  la  grande  ville  voisine.  Pour  éviter  le  ra- 
pide du  Sault-Saint-Louis,  le  pire  du  Saint-Laurent,  on  a 
creusé  de  Lachine  à  Montréal  le  canal  de  Lachine,  long 
de  14  kil.  Le  4  août  1689,  les  colons  français  de  Lachine 
furent  égorgés  par  les  Iroquois. 

LACHIS.' Ville  forte  de  l'ancienne  Palestine,  située  au 
S.-O.  du  territoire  occupé  parla  tribu  de  Juda  et  qui  ser- 
vait à  le  défendre  contre  les  incursions  venant  du  côté  de 
Gaza  ou  de  l'Egypte.  On  l'a  identifiée  avec  les  ruines  qui 
portent  le  nom  d'Oumm  Lakis  et  préférablement  avec  Tell- 
el-Hasi. 

LACHIZE  (Jean-Benoît,  dit  Félix) ^  homme  politique 
français,  né  à  Thizy  (Rhône)  en  1859.  Ouvrier  tisseur,  il 
fut  élu  député  de  Villefranche  en  1889  avec  un  programme 
socialiste.  Il  a  échoué  en  1893  dans  la  même  circonscrip- 
tion contre  M.  Sonnery  Martin. 

LACHKAREV  (Sera;e-Lazarevitch),  diplomate  russe,  né 
en  1739,  mort  en  1814.  Fils  d'un  Géorgien  établi  à  Mos- 
cou, il  étudia  les  langues  orientales  et  fut  envoyé  à  Cons- 
tantinople  avec  Obrezkov;  au  moment  où  l'on  enferma 
l'ambassadeur  russe  au  château  des  Sept-Tours,  il  dirigea 
les  affaires  de  l'ambassade  et  conduisit  les  négociations 
avec  la  Porte  ;  il  remplit  ensuite  diverses  missions  diplo- 
matiques dans  les  congrès,  notamment  à  Nègrepont.  En 
1774,  il  fit  partie  de  la  mission  de  Constantinople,  fut 
consul  à  Sinope,  consul  général  en  Moldavie,  Valachie  et 
Bessarabie,  puis  fut  nommé  résident  auprès  du  khan  de 
Crimée,  et  plus  tard  chargé  d'affaires  en  Perse.  Il  accom- 
pagna Catherine  II  pendant  son  voyage  dans  le  S.  de  la 
Russie,  signa  le  traité  de  Jassy  et  fut  fait  conseiller  intime. 
En  1807  il  fut  désigné  pour  administrer  la  Moldavie  et  la 
Valachie.  —  Son  fils,  Serge-Serguiévitch  (1817-69),  a 
écrit  sur  l'économie  rurale  ;  ses  premiers  articles  parurent 


en  1843  dans  le  journal  du  ministère  des  domaines  ;  à  partir 
de  1844,  il  servit  au  département  de  l'économie  rurale  et 
composa  un  projet  d'assurance  rurale  et  une  instruction 
sur  l'incendie.  Nommé  administrateur  en  chef  des  terres 
domaniales  de  Samara,  il  dressa  la  carte  administrative  de 
son  gouvernement,  fit  construire  des  squares  dans  la  ville 
et  la  dota  d'une  bibliothèque  publique.  En  1861 ,  la  Société 
économique  libre  fonda  sur  son  initiative  le  comité  de 
l'instruction  élémentaire  pour  laquelle  Lachkarev  fit  beau- 
coup. On  lui  doit  également  la  fondation  de  la  Société  de 
la  flotte  commerciale  russe.  M. 

LACHLAN  ou  KALARE.  Rivière  d'Australie  qui  prend 
naissance  sur  le  versant  0.  des  montagnes  Bleues,  à  leur 
rencontre  avec  la  chaîne  de  Cullarin,  court  d'abord  au  N., 
puis  au  N.-O.,  dans  des  vallées  assez  peuplées,  puis  au 
N.-O.  et  gagne  la  direction  S.-O.  par  une  vaste  courbe  qui 
porte  son  cours  a  près  de  1,150  kil.,  pour  se  jeter  à 
Bulliamy,  dans  le  Murrumbidgee,  qui  est  lui-même  affluent 
du  Murray.  Il  reçoit  à  gauche  le  Narrawa,  le  Boorowa  ;  à 
droite  le  *^Rocky  Bridge,  le  Goobang,  le  Willondra  Billa- 
gong  ;  la  plus  grande  partie  de  son  cours  est  tracé  au  mi- 
lieu de  régions  d*élevage  presque  désertes,  à  travers  des 
plaines  entrecoupées  de  collines.  Il  enveloppe  au  N.  et  à 
l'O.  le  vaste  district  du  même  nom  qui  est  partagé  en  une 
douzaine  de  comtés.  D.  Bellet. 

LAC  H  M  A  N  N  (Karl-Konrad-Friedrich-Wilhelm) ,  célèbre 
philologue  allemand,  né  à  Brunswick  le  4  mars  1793,  mort 
à  Berlin  le  13  mars  1851.  Il  a  professé  aux  universités  de 
Kœnigsberg  (1818)  et  de  Berlin  (1825).  C'est  un  des  fon- 
dateurs de  la  critique  moderne  dans  le  double  domaine  de 
la  philologie  classique  et  de  la  philologie  germanique.  Ses 
travaux  sur  VIliade,  qu'il  décompose  en  plusieurs  poèmes, 
réunis  sous  le  titre  de  Betrachtungen  ilber  Homers  Ilias 
(^Berlin,  1847  ;  3®  éd.,  1874),  eurent  un  grand  retentisse- 
ment. Il  faut  citer  encore  sa  remarquable  édition  de  Lu- 
crèce (1850  et  suiv.  ;  4<^  éd.,  1871-82,  2  vol.),  celles  de 
Properce  (Leipzig,  1816),  Tibulle  (1829),  Catulle  (1829, 
3^  éd.,  1874),  du  Nouveau  Testament  (avec  Buttmann, 
1842-50,  2  vol.),  de  Terentianus  Maurus(1836),  Gains 
(1841),  Babrius  (1845),  Airanus  (1845),  des  Gromatici 
veteres (1848-52, 2  vol., avec  Mommsen  et  Rudorff),  de  Lu- 
cilius  (par  Vahlen,  1876),  et  plusieurs  dissertations  remar- 
quables. —  Dans  l'ordre  de  la  littérature  germanique,  ses 
travaux  sur  les  Nibektngen  ont  excité  de  vifs  débats  :  Die 
ursprûngliche  Gestaltcles  Gedicfitsder  Nibelunge  Noth 
(Gœttingue,  1816)  ;  édition  critique  de  ce  poème  (Berlin, 
1826;  5«  éd.,  1878).  Il  a  aussi  édité  V^alther  von  der 
Vogel\veide(1827,  5*^  éd.  par  Miillerhoff,  1875),  Vlwein 
de  Hartmann  (avec  Benecke,  1827;  4^  éd.,  1877),  Wol- 
fram d'Eschenbach  (4  833,  4«  éd.,  1879),  etc.;  jeté  les 
bases  delà  métrique  allemande,  par  son  livre  Ueber  althoch- 
deutsche  Betonung  und  Verskunst  (1831),  donné  une 
édition  critique  des  œuvres  complètes  de  Lessing  (Leipzig, 
1838-40,  13  vol.),  etc.  A.-M.  B. 

BiBL.  :  Sa  biographie  parGRiMM  a  été  imprimée  en  tête 
du  recueil  de  ses  Kleine  Schriflen;  Berlin,  1876,  2  vol. 

LACHNER  (Franz),  compositeur  allemand,  né  à  Rain 
(Haute-Bavière)  le  2  avr.  1804,  mort  en  1890.  Elève  de 
l'abbé  Stadler  et  de  Sechter  (à  Vienne),  chef  d'orchestre 
dans  un  théâtre  de  Vienne  (1826),  à  Mannheim  (1834), 
à  Munich  (1836),  où  il  fut  directeur  général  de  la  musique 
de  1852  à  1867,  date  à  laquelle  l'influence  de  Wagner  le 
lit  démissionner,  c'est  un  des  plus  habiles  et  mélodieux 
compositeurs  de  musique  vocale  et  instrumentale  de  l'Al- 
lemagne, disciple  de  Beethoven  et  de  Schubert  qu'il  con- 
nut à  Vienne  ;  ses  lieds  se  rapprochent  de  ceux  de  Schu- 
bert. Parmi  ses  grandes  compositions,  il  faut  citer  : 
Sinfonia  appassionnata  (1835),  Moïse  (oratorio),  les 
Quatre  Ages  de  rhuma7îité  (cdinidiie),  plusieurs  messes, 
neuf  symphonies,  quelques  opéras  {Die  Bilrgschaft,  Ali- 
dia,  Der  Guss  der  Persens,  Kalharina  Cornaro),  Il 
revint  aux  suites  d'orchestre,  abandonnées  depuis  Haydn  ; 
il  en  a  composé  six  dont  le  succès  fut  très  vif.  —  Ses 


LACHNER  —  LACOMBE 


—  7i6 


frères  Ignaz  (né  en  4807),  et  Vinzenz  (1811-1893), 
se  sont  aussi  fait  un  nom  comme  compositeurs  et  chefs  d'or- 
chestre, le  premier  à  Munich,  Hambourg  (1853),  Franc- 
fort (1861-75),  le  second  à  Mannheim  (1836-73).  A.-M.  B. 

LACHNITH  ( Louis- Wenceslas),  virtuose  et  compositeur 
tchèque,  né  à  Prague  le  7  juil.  1746,  mort  à  Paris  le 
3  oct.  1820.  A  la  fois  violoniste,  corniste,  claveciniste, 
professeur  de  clavecin,  il  se  fixa  à  Paris  en  1773,  y  donna 
sans  succès  trois  petits  opéras-comiques,  publia  un  nombre 
considérable  de  symphonies,  concertos,  trios  et  sonates, 
et  se  prépara  pour  l'avenir  une  renommée  fâcheuse,  par 
la  fabrication  de  trois  pastiches  aussi  célèbres  que  détes- 
tables :  les  Mystères  d'Isis,  arrangement  barbare  de  la 
Flûte  enchantée  de  Mozart,  joué  à  l'Opéra  le  23  août 
1801,  parvenu  en  1818  à  sa  centième  représentation; 
Saûl,  chanté  à  l'Opéra  le  7  avr.  1803,  formé  de  morceaux 
de  Mozart,  Haydn,  Paisiello,  Gossec,  Cimarosa;  et  la 
Prise  de  Jéricho,  composé  de  la  même  façon  et  chanté 
à  l'Opéra  le  10  avr.  1805.  Chrétien  Ealkbrenner  (V.  ce 
nom)  avait  été  le  collaborateur  de  Lachnith  pour  ces  deux 
derniers  ouvrages.  M.  Br. 

LACHNUS  (Entom.).  Genre  d'Insectes  Hémiptères  Phy- 
thophtires  fondé  par  Illiger  pour  de  grands  pucerons  ainsi 
caractérisés  :  antennes  de  six  articles  ;  nervure  costale 
de  l'aile  issue  d'un  ptérostigma  linéaire,  nervure  sous- 
costale  trifide  ;  abdomen  presque  carré,  élargi  en  arrière, 
où  se  voient  deux  mamelons  saillants.  Les  Lachnus  habi- 
tent les  régions  tempérées  ;  ils  vivent  surtout  sur  les  chênes 
et  exsudent  une  liqueur  sucrée  très  abondante.  Lachnus 
roboris,  longueur,  6  millim.,  brun  foncé,  rostre  très  long; 
les  individus  aptères  sont  noir  métallique  et  velus  ;  sur  les 
chênes  rouvres.  M.  M. 

LAC  H  Y.  Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  d'Epernay, 
cant.  de  Sézanne  ;  41 3  hab. 

LACINIUM.  Promontoire  au  S.-O.  de  l'Italie,  au  S.  de 
Crotone,  célèbre  dans  l'antiquité  par  un  temple  d'Héra 
(Junon)  Lacinia,  dont  il  reste  des  fragments  de  colonne; 
d'où  le  nom  moderne  de  Capo  délie  Colonne.  Annibal  y 
éleva  un  autel,  avec  une  inscription  en  grec  et  en  punique, 
où  était  racontée  son  expédition.  Polybe  utilisa  ce  docu- 
ment (V.  Polybe,  m,  33;  Strabon,  VÎ,  261). 

LACISTÉMÉES  (Bot.).  Tribu  de  la  famille  des  Bixa- 
cées,  caractérisée  surtout  par  les  fleurs  hermaphrodites, 
apétales,  amentacées,  à  une  seule  étamine  fertile  ;  le  genre 
unique  est  Lacistema  Sw.,  dont  les  représentants  ont  les 
fleurs  réunies  en  petits  épis  polygames  ou  plus  ordinaire- 
ment hermaphrodites;  le  réceptacle  a  la  forme  d'un  petit 
cône,  qui  supporte  d'abord  un  calice  de  quatre  à  six  sépales 
étroits,  incurvés,  puis  en  dedans  un  disque  glanduleux  cu- 
puliforme  ;  plus  intérieurement,  l'étamine  libre,  hypogyne, 
dont  le  connectif  glanduleux  se  bifurque  pour  porter  deux 
loges  d'anthère  isolées.  Le  gynécée,  libre  et  supère,  est  uni- 
loculaire,  le  style  trifurqué  au  sommet  ;  la  loge  ovarienne 
contient  trois  placentas  pariétaux  portant  chacun  un  ou 
deux  ovules  descendants,  avec  le  micropyle  en  haut  et  en 
dedans  ;  le  fruit  est  une  capsule  loculicide  ;  les  graines,  albu- 
minées, ont  un  tégument  superficiel  charnu  et  un  testa 
crustacé  ;  l'embryon  est  droit,  à  radicule  longue  et  supère 
et  à  cotylédons  foliacés.  Les  Lacistema,  au  nombre  d'une 
quinzaine  d'espèces  originaires  de  l'Amérique  tropicale, 
sont  de  petits  arbres  à  feuilles  alternes,  simples;  les  fleurs 
forment  à  l'aisselle  d'une  feuille  donnée  de  petits  épis  amen- 
tiformes.  Espèce  type  :  L.  myricoides  Sw.        D^  L.  Hn. 

LACKAWANNA.  Bivière  dès  Etats-Unis  (V.  Pennsyl- 
vanie). 

LACKIN6T0N  (James),  libraire  anglais,  né  en'^1746, 
mort  en  1815.  Son  père,  ouvrier  cordonnier  et  ivrogne, 
lui  fit  apprendre  son  état,  qu'il  exerça  à  Bristol  et  ailleurs, 
occupant  les  intervalles  de  son  travail  ài^Jire  et  à  composer 
des  chansons.  En  1773,  il  installa  à  Londres  une  échoppe 
de  vieux  savetier  et  un  étalage  de  vieux  livres.  Plus  tard, 
associé  avec  Allen,  il  [fonda, une  maison  importante  de 
librairie  ancienne  et  d'édition,  qui,  sous  l'invocation  «  au 


Temple  des  Muses  »,  devint  une  des  curiosités  de  Londres. 
Il  a  laissé  de  curieux  Mémoires  (1791),  et  des  Confes- 
sions (1804)  suivies  de  deux  Lettres  sur  l'éducation  des 
filles,  qui^  n'ont  pas  le  même  intérêt  que  les  Mémoires. 

LA  CLÈDE  (N.  de),  historien  français,  mort  en  1736, 
secrétaire  du  maréchal  de  Coigny.  Il  est  connu  par  une 
Histoire  générale  de  Portugal  (Paris,  1735. 8  vol.  in-12), 
qui  a  été  traduite  en  portugais  (1781)  et  souvent  rééditée. 

LA  CLOCHE  (Jacques),  fils  naturel  de  Charles  II  d'An- 
gleterre et  d'une  inconnue,  né  à  Jersey  en  1647.  Elevé 
dans  le  protestantisme,  il  se  convertit  en  1667,  grâce  à 
l'influence  de  Christine  de  Suède  et  entra  dans  la  Société 
de  Jésus.  Il  remplit  diverses  missions  secrètes  entre  la  cour 
de  Bome  et  le  gouvernement  anglais.  En  1665,  Charles  II 
lui  avait  conféré  le  nom  de  Jacques  de  la  Cloche  du  Bourg 
de  Jersey  et,  en  1667,  une  pension  de  500  livres. 

LACLOS  (Pierre-Ambroise-François  Choderlos  de),  lit- 
térateur français,  né  à  Amiens  en  1741,  mort  àTarente 
le  5  nov.  1803.  Entré  au  service  en  1759,  il  devint  capi- 
taine du  génie  (1778)  et  secrétaire  des  commandements 
du  duc  d'Orléans.  C'était  un  homme  aimable,  très  spiri- 
tuel, de  mœurs  simples,  doué  pour  l'intrigue.  Il  se  fit  une 
réputation  par  son  célèbre  roman  des  Liaisoiis  dange- 
reuses, «  lettres  recueiUies  dans  une  société  et  poursuivies 
pour  l'instruction  de  quelques  autres  »  (Amsterdam  et  Pa- 
ris, 1782,  4  vol.  in-12);  ses  Poésies  fugitives  eurent 
moins  de  succès.  Il  doit  sa  célébrité  actuelle  moins  à  son 
talent  littéraire  qu'à  son  rôle  d'agent  du  duc  d'Orléans  dans 
la  Bévolution  française.  On  trouvera  dans  la  biographie 
de  son  patron  des  détails  sur  ces  intrigues  dont  les  adver- 
saires de  la  Bévolution  ont  exagéré  l'importance,  attribuant 
à  Laclos  :  l'invention  delà  fable  des  brigands  qui  provoqua 
l'armement  du  peuple  et  la  constitution  des  gardes  natio- 
nales; la  direction  secrète  des  Jacobins,  dont  il  rédigea  le 
journal,  demandant  la  déchéance  de  Louis  XVI  et  là  pro- 
clamation de  la  Bépublique  (lors  de  la  fuite  à  Varennes)  ; 
c'est  Laclos  qui  rédigea  avec  Brissot  la  pétition  du  Champ 
de  Mars  de  juil.  1791  qui  provoqua  les  massacres.  En 
1792,  il  suivit  le  maréchal  Luckner  en  qualité  de  colonel 
d'artillerie.  Arrêté  avec  le  duc  d'Orléans,  il  fut  relâché,  ce 
qu'on  attribua  à  la  protection  de  Bobespierre,  et  Ton  ajouta 
que  Laclos  rédigeait  ses  discours;  il  fut  remis  en  prison, 
mis  en  liberté  après  le  9  thermidor  ;  il  continua  l'ouvrage 
de  Vilate  sur  les  Causes  secrètes  de  la  révolution  du 
9  thermidor  (Paris,  1795,  in-8),  encore  un  argument 
pour  ceux  qui  voient  dans  cet  intrigant  littérateur  un  des 
machinistes  cachés  du  grand  drame  révolutionnaire.  Laclos 
devint  successivement  secrétaire  général  de  l'administration 
des  hypothèques,  général  de  brigade  commandant  l'artil- 
lerie de  l'armée  du  Bhin,  inspecteur  général  de  l'artillerie 
de  l'armée  de  Naples.  A.-M.  B. 

BiBL.  :  E.  Pariset,  Notice  sur  le  général  Choderlos  de 
Laclos,  s.  1.  n.  d.,  in-8.  — Biographische  Nachrichten  von 
Laclos  franzœsischen  Artillerie-General  ;  Francfort-sur- 
rOder,  1804,  in-8.  —  V.  aussi  la  bibl.  de  Fart.  Orléans. 

LACO  (Cornélius)  (V.  Cornelia  [Gens']). 

LA  COLONIE  (Jean-Martin  de)  (V.  Colonie). 

LACOMBE.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Carcas- 
sonne,  cant.  de  Saissac;  469  hab. 

LACOMBE  (François),  littérateur  français,  né  à  Avi- 
gnon en  1733,  mort  en  1795.  Il  est  connu  par  la  fabri- 
cation des  Lgi^^r*?^  5^cr^^55  (^^  Christine,  reine  de  Suède, 
aux  personnes  illustres  de  son  siècle  (Amsterdam, 
1749,  in-12).  Citons  encore  :  Observations  sur  Londres 
et  ses  environs  (1780,  in-12). 

LACOMBE  (Jean-Baptiste),  révolutionnaire  français, 
né  à  Toulouse  en  1748,  mort  à  Bordeaux  le  15  août  1794. 
Président  du  tribunal  révolutionnaire  de  Bordeaux,  il  s'est 
rendu  célèbre  par  ses  exactions  et  ses  cruautés.  Condamné 
à  mort  après  le  9  thermidor,  il  fut  guillotiné. 

LACOMBE  (Dominique),  prélat  français,  né  à  Montré- 
jeau  le  25  juil.  1749,  mort  à  Angoulême  le  7  avr.  1823. 
Curé  constitutionnel  de  Saint-Paul  de  Bordeaux,  il  fut  élu 
député  de  la  Gironde  à  l'Assemblée  législative  (2  sept.  1791). 


^717 


LAGOMBE  «-  LACONIE 


Il  démissionna  le  7  a\T.  4792,  devint  évêque  de  Bordeaux 
le  24  déc.  4797,  présida  le  concile  provincial  de  Bordeaux 
de  4804  et  fut  nommé  par  le  Consulat  évêque  d'Angou- 
lême  (4802).  Il  se  signala  par  son  zèle  bonapartiste  et  par 
ses  démêlés  avec  son  clergé  et  avec  Rome.  La  Restaura- 
tion lui  suscita  mille  tracasseries,  mais  ne  put  obtenir  sa 
démission.  Sa  mort  même  fut  une  occasion  de  troubles 
violents  à  Angoulême  où  les  libéraux  et  les  cléricaux  se 
disputèrent  son  cadavre. 

LA  COMBE  (Louis  Trouillon,  dit)  (V.  Trouillon). 

LACOMBE  (Pierre-Edmond-Eugène),  homme  politique 
français,  né  à  Rodez  le  5  nov.  4  840.  Avocat  estimé  du  bar- 
reau de  Rodez,  il  fut  élu  sénateur  de  l'Aveyron  le  25  janv. 
4885.  Membre  de  la  droite  monarchiste,  il  se  révéla  comme 
un  excellent  orateur  d'affaires,  mais  échoua  au  renouvel- 
lement de  4894. 

LACOMBE  (Louis),  homme  politique  français,  né  à 
Rodez  le  14  déc.  4853.  Notaire,  maire  de  Rodez,  il  fut 
élu  député  de  la  première  circonscription  de  Rodez  le 
20  août  4893  avec  un  programme  républicain  modéré. 

LACOMBE  Saint-Michel  (Jean-Pierre),  général  et 
homme  politique  français,  né  à  Saint  Michel-de-Vax  (Tarn) 
le  5  mars  4754,  mort  à  Saint-Michel-de-Vax  le  27  janv^ 
4812.  Elève  de  FEcole  d'artillerie  en  4765,  il  devint  lieu- 
tenant au  régiment  de  Toul  en  4767,  capitaine  en  4779 
et  capitaine  de  bombardiers  en  4  786.  11  quitta  Paris  en 
4789,  fut  élu  représentant  à  l'Assemblée  législative  dans 
le  Tarn,  fit  partie  du  comité  de  la  guerre  et  fit  décréter  la 
peine  de  mort  contre  tout  officier  qui  livrerait  une  place  à 
l'ennemi.  Après  le  40  août,  il  fut  envoyé  au  camp  de  Sois- 
sons,  puis  à  l'armée  de  Montesquieu,  qu'il  fut  chargé  de 
destituer.  Réélu  à  la  Convention,  Lacombe  Saint-Michel 
est  particulièrement  connu  par  la  mission  qu'il  remplit  en 
Corse.  Débarqué  à  Bastia  avec  Solcieti  et  Delcher  au  com- 
mencement d'avril,  il  y  resta  seul,  ses  collègues  étant  ren- 
trés en  France.  Presque  sans  troupes,  sans  argent,  sans 
subsistances,  il  eut  à  lutter  contre  ^es  Anglais  d'une  part 
et  contre  les  paolistes  de  l'autre.  Réunissant  les  fonctions 
de  représentant  et  celle  de  général  en  chef,  il  sut  faire  face 
à  toutes  les  difficultés.  Le  44  mars  4794,  il  demanda  son 
rappel  pour  cause  de  santé.  Lacombe  (général  de  brigade 
depuis  le  47  sept.  4793)  fut  alors  envoyé  à  l'armée  du 
Nord  le  22  août  4794.  A  son  retour  en  janv.  4795,  il  fit 
partie  du  comité  de  Salut  public.  Après  la  session,  il  passa 
au  Conseil  des  Anciens,  dont  il  devint  président  en  oct.  4  897  ; 
il  en  sortit  en  mai  4798  et  fut  promu  général  de  division 
le  43  juin  4798.  Nommé  ambassadeur  à  Naples  en  octobre 
il  fut  capturé  à  son  retour  en  France  par  des  corsaires  qui 
l'emmenèrent  prisonnier  à  Tunis.  Rentré  en  France  il  fut 
nommé  inspecteur  général  d'artillerie  en  mai  4799  et  com- 
mandant supérieur  en  Piémont  en  juil.  4800.  Depuis  il  fit 
les  campagnes  d'Italie,  du  Hanovre  et  d'Espagne  oti  il  fut 
gouverneur  de  Barcelone.  Sa  santé  l'obligea  à  abandonner 
le  service  et  à  se  retirer  dans  son  pays.    A.  Kuscinski. 

LACOMMANDE.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées, 
arr.  d'Oloron,  cant.  de  Lasseube  ;  285  hab. 

LAGON  (Entom.).  Genre  d'Insectes  Coléoptères  Penta- 
mères,  famille  des  Elatéridés,  fondé  par  Laporte  de  Cas- 
telnau  et  ainsi  caractérisé  :  forme  robuste,  corselet  large, 
antennes  rentrant,  au  repos,  dans  des  sillons  creusés  dans 
le  prosternum.  Les  Laçons  sont  des  Taupins  de  taille  moyenne 
dont  les  nombreuses  espèces,  toutes  d'une  coloration  gri- 
sâtre, sont  répandues  sur  tout  le  globe.  Le  Lacon  muri- 
nus  L.  est  très  commun  en  France  sous  les  pierres,  sous  les 
plantes  ;  il  est  long  de  46  millim.,  brun  grisâtre,  avec  une 
pubescence  grise  ;  sa  larve  ronge  les  racines  de  toutes 
sortes  de  graminées  et  on  l'accuse  d'attaquer  celles  des 
arbres  fruitiers.  M.  M. 

LA  CONDAMINE  (V.  Condamine  [La]). 

LACONIE.  Pays  de  la  Grèce,  au  S.-E.  du  Péloponèse; 
son  ancien  nom  était  Laccdémone  qu'Homère  applique  indif- 
féremment à  la  contrée  et  à  sa  capitale  ;  ensuite  prévalut 
celui  de  Laconica  (fj  Aaxwvixrl)  que  les  Romains  abrégè- 


rent plus  tard  en  Laconia.  Le  nom  de  Laconiens  désignait 
l'ensemble  de  la  population  ;  son  étymologie  est  inconnue. 

La  physionomie  du  pays  est  très  accentuée  et  caracté- 
ristique. La  Laconie  est  une  vallée  très  creuse  entre  deux 
hauts  massifs  de  montagnes  :  à  l'E.  le  Parnon,  à  l'O.  le 
Taygète  ;  la  plaine  correspond  au  bassin  de  rEurotas^(auj. 
Iri)  et  va  du  plateau  arcadien  au  fond  du  golfe  qu'enve- 
loppent deux  presqu'îles,  prolongeant  les  deux  montagnes 
jusqu'aux  caps  Malée  et  Matapan  (V.  Grèce).  La  Laconie 
est  essentiellement  formée  par  le  bassin  de^l'Eurotas,  dont 
dépendaient  les  forêts  giboyeuses  du  Taygè'te  et  les  vallées 
du  Parnon.  On  y  distingue  le  bassin  supérieur  du  fleuve 
communiquant  d'une  part  avec  le  val  de  J'Alphée  et  la 
Messénie,  de  l'autre,  par  l'étroite  vallée  de  l'Oiîlnus  avec 
les  plaines  de  Tégée  et  d'Argos  dont  les  routes  bifurquent 
à  Sellasie  ;  le  bassin  supérieur  est  séparé  du  bassin  moyen 
par  un  défilé  ;  le  bassin  moyen  est  la  plaine  de  Sparte, 
d  une  fertilité  remarquable  ;  le  bassin  inférieur,  isolé  du 
précédent  par  un  second  étranglement  montagneux,  cons- 
tituant une  gorge  de  près  de  20  kil.  de  long,  coïncide  avec 
la  plaine  maritime  très  riche  dans  l'antiquité. 

L'histoire  de  la  Laconie  s'explique  par  sa  géographie  ; 
entourée  de  défenses  naturelles  presque  infranchissables, 
accessible  seulement  au  N.  par  une  route  qu'il  est  aisé  de 
barrer,  adossée  à  de  rudes  montagnes  qui  étaient  de  vastes 
terrains  de  chasse,  elle  facilitait  la  formation  d'un  Etat 
militaire.  D'autre  part,  l'existence  de  deux  plaines  fertiles, 
nettement  séparées,  présageait  un  dualisjne  et  un  antago- 
nisme persistant  entre  les  gens  de  la  plaine  centrale  et 
ceux  de  la  plaine  maritime  ;  les  uns  agriculteurs,  chasseurs, 
de  tendances  conservatrices;  les  autres  accessibles  aux 
influences  orientales,  propagées  par  mer.  Aux  origines  de 
l'histoire,  le  pays  appartient  aux  Lélèges,  peuple  mixte, 
auquel  on  rattachait  les  héros  éponymes  de  Lacédémone, 
Sparte  et  Amyclées.  Plus  tard  régnent  des  Achéens,  dont 
le  plus  fameux  est  Ménélas,  l'époux  d'Hélène.  A  ceux-ci 
succèdent  les  Dorions  sous  leurs  rois  Héraclides  (V.  Grèce). 
Ils  ne  possèdent  d'abord  que  Sparte,  laissant  Amyclées  à 
un  prince  achéen,  tandis  que  Las,  Pharis,  JEgys  et  une 
autre  cité  demeurent  autonomes.  On  verra  dans  l'art. 
Sparte  comment  s'organisa  l'Etat  dorien  et  comment  il 
s'étendit  sur  la  Laconie,  puis  au  delà  ;  subjuguant  les 
Achéens  d'Amyclées,  les  habitants  de  la  plaine  maritime  et 
d'Hélos,  arrachant  aux  Arcadiens  (vers  600)  le  bassin 
supérieur  de  l'Eurotas  (districts  de  Sciritis,  Caryatis,  Be- 
leminatis  et  Maleatis);  aux  Argiens,  la  Cynurie,  versant 
oriental  du  Parnon  (547),  asservissant  les  Messéniens.  De 
547  à  374,  ces  limites  ne  varièrent  guère.  Mais,  après  le 
désastre  de  Leuctres,  les  Spartiates  reperdirent  la  Mes- 
sénie et  quelques  cantons  du  N.  et  de  l'E.  Enfin  les  Ro- 
mains divisèrent  la  Laconie.  En  495,  Flamininus  enleva  à 
Sparte  les  cités  maritimes  et  quelques  autres,  les  unissant 
à  la  ligue  achéenne.  Cette  scission  fut  renouvelée  par 
Auguste  et  les  vingt-quatre  cités  des  Eleuthéro-Lacones 
virent  confirmer  leurs  libertés  ;  elles  étaient  réduites  à 
dix-huit  au  temps  de  Pausanias  :  Gvthium,  Teuthrone,  Las, 
Pyrrhicus,  Caînepolis,  OEtylus,  Leuctra,  Thalamœ.,  Ala- 
gonia,  Gerenia,  Asopus,  Acrise,  Bœœ,  Zarax,  Epidaurus- 
Limera,  Brasise,  Geronthrse,  Marios.  La  Laconie  fut  dé- 
vastée par  les  Goths  d'Alaric  ;  plus  tard,  il  s'y  étabUt 
quelques  bandes  slaves  qui  furent  domptées  ou  refoulées 
dans  Taygète  au  temps  de  l'impératrice  Irène.  En  4  248, 
Guillaume  de  Villehardouin  se  bâtit  un  château  sur  une 
colline,  au  pied  de  Taygète,  à  5  kiL  de  Sparte  (Lacedai- 
monia)  ;  cette  résidence  de  Misithra  ou  Mistra  fit  aban- 
donner l'ancienne  ville  et  demeura  la  capitale  de  la  Laconie 
jusqu'au  xix^  siècle. 

Les  principales  villes  de  la  Laconie  antique  étaient  : 
Pellana,  dans  la  vallée  de  l'Eurotas,  gardant  la  route  de 
Megalopolis  ;  Belemina  et  .^gys,  enlevée  aux  Arcadiens, 
formant  une  tripolis,  groupe  de  trois  cités  ;  dans  la  vallée 
de  l'OEnus  était  Sellasie,  gardant  les  routes  de  Tégée 
et  d'Argos  ;  la  première  traversait  le  canton  de  Sciritis, 


LACONIE  —  LACORDAIRE 


-  718  — 


renfermant  Scirus  et  OEum.  Dans  la  plaine  centrale  étaient 
les  cités  voisines  de  Sparte,  Amyclées  (à  4  kil.  au  S.)  et 
Pharis  (au  S.  de  celle-ci)  sur  la  rive  droite  de  l'Eurotas. 
Les  principales  cités  de  la  plaine  méridionale  étaient  Cro- 
cese,  Mgidd,  le  port  de  Gylhium,  le  principal  à  Tépoque 
dorienne  ;  à  l'E.  de  celui-ci,  les  ports  de  Trinasus,  Hélos, 
Acriaî,  Asopus  ou  Cyparissia,  Onugnathus  et  Bœaî  dans 
la  presqu'île,  puis  Etis,  Aphrodisias,  Side,  au  N.  du  cap 
Malée,  Epidaure-Limera,  Zarax,  Ciphanta,  Prasiœ,  sur  le 
rivage  oriental  ;  dans  l'intérieur,  entre  l'Euroîas  et  le 
Parnon,  étaient  Geronthrse,  Marins  Glyppia,  Selinus.  A 
rO.  de  Gythium,  on  trouvait,  en  allant  vers  la  presqu'île 
de  Ténare  :  Las  ou  Asine  sur  la  côte  ;  Hypsi  dans  l'in- 
térieur ;  Teuthrone  sur  la  côte  ;  Ténare'  ou  Csenepolis, 
(Etylus,  Thalamae,  dans  une  île  ;  Pamisius,  à  l'ancienne 
frontière  de  Messénie,  Leuctra  et  enfin  Cardamyle  et 
Gerenia.  A. -M.  B. 

BiBL.  :  V.  Grèce  et  Sparte. 

LAGON  1  EN  (Dialecte).  Le  dialecte  parlé  dans  l'ancienne 
Laconie,  dans  la  colonie  laconienne  de  Tarente,  et  dans 'la 
colonie  de  cette  dernière  ville,  Héraclée,  appartient  au  groupe 
dorien.  Il  est  connu  par  plusieurs  inscriptions  et  quelques 
monuments  littéraires.  Les  textes  épigraphiques  les  mieux 
caractérisés  sont  la  stèle  de  Damonon  (v®  siècle),  l'inscrip- 
tion de  Xouthias,  trouvée  à  Tégée,  mais  écrite  en  laconien 
(v®  siècle),  les  inscriptions  du  Ténare  (v®  siècle).  Les  cé- 
lèbres tables  d'Héraclée,  découvertes  en  4732,  aujourd'hui 
au  musée  de  Naples,  sont  de  la  fin  du  iv®  siècle,  et  ren- 
ferment déjà  des  formes  de  la  langue  commune.  Le  laconien 
suivit  d'ailleurs  les  destinées  des  dialectes  doriens,  et  dis- 
parut de  l'usage  à  mesure  que  la  langue  commune  prit  plus 
d'importance  ;  il  est  à  noter  cependant  qu'à  l'époque  impé- 
riale un  certain  nombre  de  documents  laconiens  furent 
écrits  dans  une  langue  archaïsante,  qui  s'appliquait  à  repro- 
duire les  caractères  de  l'ancien  dialecte.  Les  monuments 
littéraires  sont  les  fragments  d'Alcman,  mais  ils  ont  été 
tellement  maltraités  par  les  recenseurs  et  les  copistes  qu'ils 
ne  peuvent  être  considérés  comme  une  source  pure.  Les 
formes  laconiennes  qu'on  rencontre  dans  la  Lysistrata 
d'Aristophane  doivent  être  jugées  avec  une  certaine  réserve  ; 
il  en  est  de  même  du  traité  entre  Sparte  et  Argos  rapporté 
par  Thucydide  (v,  77).  Pour  la  lettre  de  Chilon  et  le  décret 
contre  Timothée,  V.  Dorien.  Enfin  le  lexique  d'Hésychius 
est  riche  en  formes  laconiennes.  Le  laconien  se  distingue 
des  autres  dialectes  doriens,  dont  il  présente  les  caractères 
généraux,  par  plusieurs  particularités  dont  voici  les  princi- 
pales :  emploi  du  digamma  ;  a  pour  9  (inscriptions  récentes)  ; 
p  pour  a  à  la  fin  des  mots,  comme  en  éléen  ;  88  pour  t 
comme  dans  le  béotien  ;  et  surtout  la  chute  du  ç  intervoca- 
lique,  primitif  ou  non,  et  son  remplacement  par  l'esprit 
rude,  qui  cependant  n'est  pas  toujours  écrit.  Le  dialecte 
laconien,  selon  l'opinion  générale,  a  persisté  jusqu'à  nos 
jours,  et  a  laissé  comme  rejeton  le  dialecte  tzaconien 
(V.  ce  mot).  Mondry  Beâudouin. 

LACORDAIRE  (Jean-Auguste-Philibert-Alexandre),  in- 
génieur français,  né  à  Bussières  (Haute-Marne)  le  i^^  mai 
1789,  mort  le  20  juin  1860.  Il  appartenait  au  corps  des 
ponts  et  chaussées,  où  il  était  en  dernier  lieu  inspecteur 
divisionnaire.  lia  marqué  par  l'exécution  de  travaux  d'une 
grande  importance  au  canal  de  Bourgogne,  de  1824  à 
1839.  C'est  à  Lacordaire  qu'on  doit  les  projets  du  grand 
souterrain  du  bief  de  partage,  des  réservoirs  de  Grosbois  et 
de  Cercey,  et  de  toute  la  partie  du  canal  comprise  entre  le 
bief  de  partage  et  Aisy.  Chargé  plus  tard  du  service  de  la 
Saône,  des  projets  de  divers  canaux  et  de  celui  du  chemin 
de  fer  de  Mulhouse  à  Dijon,  il  résida  dans  cette  dernière 
ville  de  1842  à  1847;  c'est  pendant  ce  séjour  dans  la  ca- 
pitale de  la  Bourgogne  qu'il  découvrit  le  ciment  naturel  à 
prise  rapide,  connu  sous  le  nom  de  ciment  de  Pouilly  ou 
de  ciment  Lacordaire,  et  en  créa  Texploitation.  De  1839  à 
1847,  Lacordaire  a  été  député  de  la  Haute-Saône,  et  a  pris 
en  cette  qualité  plusieurs  fois  la  parole  à  la  tribune,  sur 
des  qaestions  de  travaux  publics.  M.-C.  L. 


BiBL.  :  Tarbé  de  Saint-Hardouin,  Notices  biogra- 
phiques  sur  les  ingénieurs;  Paris,  1884,  gr.  in-8. 

LACORDAIRE  (Jean-Théodore),  voyageur  et  naturaliste 
français,  né  à  Recey-sur-Ource  (Côte-d'Or)le  l®^févr.l801, 
mort  à  Liège  (Belgique)  le  18  juil.  1870.  Il  commença 
l'étude  du  droit  à  Dijon,  mais  se  porta  de  préférence  vers 
l'histoire  naturelle.  En  182o,  il  s'embarqua  au  Havre  et 
jusqu'en  d832  fit  quatre  voyages  dans  l'Amérique  du  Sud 
et  une  excursion  au  Sénégal.  H  collabora  ensuite  au  Temps 
et  à  la  Revue  des  Deux  Mondes  ;^  en  1835,  il  fut  nommé 
professeur  de  zoologie  à  l'université  de  Liège,  et  en  1838 
obtint  en  outre  la  chaire  d'anatomie  comparée  ;  enfin,  en 
1850,  il  devint  doyen  de  la  faculté  des  sciences.  Lacordaire 
a  été  l'un  des  premiers  parmi  les  entomologistes  de  notre 
temps.  On  lui  doit  :  Introduction  à  V  entomologie,  com- 
prenant les  principes  généraux  de  Vanatomie  et  de  la 
physiologie  des  insectes^  etc.  (Paris,  1834-37,  2  vol. 
in-8);  avec  Boisduval  :  Faune  entomologique  des  envi- 
rons de  Paris  (Paris,  1835,  in-8);  Monogr,  des  Ero- 
tyliens,  etc.  (Paris,  1842,  in-8);  Monogr,  des  Coléop- 
tères suhpentamères  de  la  famille  des  Phytophages 
(Paris,  1845-48,  2  vol.  in-8);  Hist,  nat.  des  Insectes 
(Paris,  1854-68,  8  vol.  in-8).  D^  L.  Hn. 

LACORDAIRE  (Jean-Baptiste-Henri),  frère  prêcheur, 
membre  de  l'Académie  française,  né  à  Recey-sur-Ource 
(Côte-d'Or)  le  12  mai  1802,  mort  à  Soréze  (Tarn)  le 
22  nov.  1861.  Il  était  le  second  fils  d'un  médecin  qui 
avait  fait  campagne  en  Amérique,  sous  Rochambeau,  et 
par  sa  mère  petit-fils  d'un  grefiier  au  parlement  de 
Bourgogne.  Il  perdit  son  père  quatre  ans  après  sa  nais- 
sance. En  1812,  il  entra  au  lycée  de  Dijon,  avec  une 
demi-bourse.  Après  avoir  été  un  élève  médiocre  dans  les 
classes  inférieures,  il  obtint  en  rhétorique  des  succès  qui 
faisaient  augurer  un  brillant  avenir.  En  1819,  il  quitta  le 
lycée  «  avec  une  religion  détruite  et  des  mœurs  mena- 
cées »  {Mémoires).  L'année  suivante,  il  suivit  les  cours 
de  la  faculté  de  droit,  associant  à  une  étude  sérieuse  de  la 
jurisprudence  celle  «  des  plus  hauts  problèmes  de  la  phi- 
losophie, de  la  politique  et  de  la  littérature  »  [Mémoires)^ 
plaçant  fort  au-dessus  de  Voltaire  J.-J.  Rousseau,  dont  il 
subissait  «  le  charme,  utile  quelquefois  à  des  jeunes  gens 
qui  ne  respectent  rien  »  (Lettre  du  30  juin  1853).  Sa 
religion  était  alors  le  déisme  admirateur  de  l'Evangile, 
professé  par  le  Vicaire  savoyard;  et  il  estimait  que  la 
France  ne  serait  bien  que  lorsqu'elle  serait  protestante 
{^otes  de  famille).  A  Paris,  où  il  alla  faire  son  stage 
(automne  1822),  il  vécut  chastement,  «  travaillant  avec 
une  patiente  ferveur,  suivant  un  peu  le  barreau  et  attaché 
à  une  société  de  jeunes  gens  qu'on  appelait  alors  des 
Bonnes-Etudes,  société  à  la  fois  royahste  et  catholique, 
où  il  se  trouvait,  sous  ce  double  rapport,  comme  étranger 
{Mémoires). 

Ses  débuts  au  palais  firent  dire  à  Berryer  qu'il  pouvait 
se  placer  au  premier  rang  du  barreau,  s'il  évitait  l'abus 
de  sa  facilité  pour  la  parole.  Mourre,  procureur  général 
à  la  cour  de  cassation,  l'admit  à  travailler  dans  son 
cabinet,  comme  secrétaire  libre.  —  On  a  attribué  sa 
conversion  à  l'influence  des  écrits  de  Lamennais  {Essai 
sur  V indifférence).  Montalembert  prétend,  au  contraire, 
«  qu'aucun  homme,  ni  aucun  livre  n'en  fut  l'instrument. 
Un  co)ip  subit  et  secret  de  la  grâce  lui  ouvrit  les  yeux 
sur  le  néant  de  l'irréligion.  En  un  seul  jour,  il  devint 
chrétien.  »  La  correspondance  de  Lacordaire  montre  que 
cette  conversion  fut  le  résultat  d'une  évolution  intime, 
relativement  lente,  incitée  par  les  postulats  de  son  imagi- 
nation. Dès  le  mois  de  nov.  1823,  il  écrivait  à  un  jeune 
avocat  :  «  J'ai  l'âme  extrêmement  religieuse  et  l'esprit  très 
incrédule,  et  comme  il  est  de  la  nature  de  l'âme  de  sou- 
mettre l'esprit,  il  est  probable  qu'un  jour  je  serai  chré- 
tien. »  Quand  on  est  hanté  par  des  pressentiments  de  ce 
genre,  ils  finissent  ordinairement  par  prévaloir  tôt  ou  tard. 
Au  commencement  de  1824,  il  écrivait  à  un  autre  ami  : 
«  Croiras-tu  que  je  deviens  chrétien  tous  les  jours  ?  C'est 


une  chose  singulière  que  le  changement  progressif  qm  se 
fait  dans  mes  opinions.  J'en  suis  à  croire,  et  je  n*ai  jamais 
été  plus  philosophe.  Un  peu  de  philosophie  éloigne  de  la 
religion,  beaucoup  de  philosophie  y  ramène  :  grande  vé- 
rité î  »  Enfin,  le  il  mai  :  «  J'entre  demain  matm  au  sémi- 
naire de  Saint-Sulpice.  » 

On  le  plaça  dans  la  maison  que  le  séminaire  de  Saint- 
Sulpice  possède  à  Issy.  Mais,  sûr  du  sentiment  qui  Ty 
avait  poussé,  il  ne  songeait  pas  assez  à  réprimer  les  sail- 
lies d'une  intelligence  qui  avait  trop  discuté  de  thèses,  et 
d'un  caractère  qui  ne  s'était  pas  encore  assoupli.  Sa  voca- 
tion devint  promptement  suspecte  (Mémoires).  Les  échap- 
pées de  sa  nature  impétueuse,  ses  convictions  libérales,  sa 
résistance  instinctive  à  certaines  petites  exigences  de  la 
règle  alarmaient  ses  directeurs.  On  différa  de  l'appeler  aux 
ordres  sacrés  ;  il  en  souffrit,  et  peu  ne  s'en  fallut  qu'il  ne 
quittât  le  séminaire  pour  aller  chez  les  jésuites.  Ms**  de 
Quelen  s'y  opposa.  Au  mois  de  déc.  4826,  le  sous-dia- 
conat lui  fut  conféré.  Il  écrivit  alors  à  son  frère  :  «  Dans 
cette  division  générale  qui  fait  que  de  l'Europe  à  l'Amé- 
rique deux  hommes  d'esprit  ne  s'entendent  plus  sur  deux 
idées,  tu  as  pris  le  parti  des  temps  nouveaux  ;  j'ai  pris  le 
parti  des  temps  anciens.  Je  me  suis  attaché  à  ce  que  j'ai 
trouvé  de  plus  fort,  de  plus  frappant,  de  plus  extraordi- 
naire en  ce  monde,  à  la  seule  religion  qui  soit  certaine. 
L'expérience  m'a  prouvé  de  plus  en  plus  que  j'avais  ren- 
contré juste,  et  la  vie  chrétienne  m'' a  démontré  le 
dogme  chrétien.  »  C'était  l'application  de  la  recelte  pro- 
posée par  Pascal  :  Désirer  croire,  agir  comme  si  on 
croyait,  et  on  finit  par  croire.  Il  reconnaissait  d'ailleurs 
qu'il  avait  été  amené  aux  idées  chrétiennes  par  ses  idées 
sociales. 

Le  22  sept.  1827,  il  fut  ordonné  prêtre  par  Ms^  de 
Quelen,  dans  la  chapelle  particulière  de  cet  archevêque.  — 
Il  refusa  les  vicariats  importants  qu'on  s'empressa  de  lui 
offrir,  et  même  le  poste  d'auditeur  de  la  Rote,  qui  ouvre 
ordinairement  l'accès  aux  plus  hautes  dignités  de  l'Eglise. 
A  cette  dernière  proposition  il  répondit  :  «  Lorsque  je  me 
suis  décidé  à  entrer  dans  le  sacerdoce,  je  n'ai  eu  en  vue 
qu'une  chose  :  servir  l'Eglise  par  la  parole...  Je  serai 
simple  prêtre,  et  probablement  un  jour  religieux.  »  Il 
se  contenta  d'être  aumônier  du  couvent  de  la  Visitation, 
et  il  conserva  cet  emploi,  lorsque  Vatismesnil,  ministre  de 
l'instruction  publique,  l'eut  nommé  second  aumônier  du 
collège  royal  Henri  IV.  Dans  ce  collège,  il  sentit  croître 
intolérablement  son  dégoût  et  sa  haine  contre  l'éducation 
donnée  par  l'université.  Lorsque  la  révolution  de  1830 
éclata,  il  se  préparait  à  partir  pour  l'Amérique,  où  Dubois, 
évêque  de  New  York,  voulait  l'emmener,  lui  offrant 
une  place  de  grand  vicaire.  Cet  évêque  fut  obligé  de  dif- 
férer son  départ;  Lamennais  fonda  le  journal  V Avenir ^  et 
Lacordaire  resta  en  France. 

Le  premier  numéro  de  V Avenir  parut  le  16  oct.  1830. 
Ce  journal  portait  pour  devise  :  Dieu  et  liberté.  Ses  prin- 
cipaux rédacteurs  étaient  Lamennais,  Gerbet,  Rohrbacher, 
protestant  converti,  Lacordaire,  Bartels,  Montalembert, 
De  Coux,  Daguerre,  Salinis,  Waille.  Ils  réclamaient  la  sé- 
paration de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  un  clergé  doté  par  les 
fidèles  et  non  salarié  par  le  budget,  la  liberté  de  la  presse, 
de  l'enseignement,  des  associations  ;  l'affranchissement  des 
nationalités  en  Belgique,  en  Italie,  en  Pologne.  Une  agence 
pour  la  défense  de  la  liberté  religieuse  était  établie 
dans  les  bureaux  du  journal,  en  vue  :  1**  de  dénoncer 
et  de  réprimer  tout  acte  contraire  à  la  liberté  du  ministère 
ecclésiastique;  2^  de  protéger  tout  établissement  libre 
d'instruction  ;  3^  de  faire  reconnaître  et  respecter  le  droit 
d'association  ;  4°  de  centraliser  les  efforts  tentés  par  toutes 
les  associations  formées  en  France.  Lacordaire  servit  ces 
causes  dans  le  journal,  avec  une  chaleur,  une  constance,  un 
courage  et  un  talent  incontestables,  et  il  les  défendit  avec 
une  audacieuse  éloquence,  sinon  toujours  avec  succès,  de- 
vant les  tribunaux  et  devant  la  Chambre  des  pairs.  Afin  de 
plaider  dans  les  procès  catholiques  où  il  n'était  pas  cité 


719  —  LACORDAIRE 

personnellement  comme  partie,  il  sollicita  sa  réintégration 
parmi  les  membres  du  barreau  de  Paris;  mais  elle  lui  fut 
refusée  par  le  conseil  de  Tordre  des  avocats.  En  moins  de 
quatorze  mois,  il  écrivit  pour  V Avenir  plus  de  cent  articles 
d'une  étendue  inégale,  mais  tous  d'une  réelle  valeur.  Un 
grand  nombre  d'évêques,  àla  tête  desquels  setrouvait  l'arche- 
vêque de  Toulouse,  réprouvèrent  hautement  les  doctrines 
de  ce  journal;  dans  plusieurs  diocèses,  la  lecture  en  fut 
formellement  interdite,  et  on  éloigna  des  ordres  les  jeunes 
gens  suspects  de  sympathie  pour  la  nouvelle  école.  On  pré- 
tendait même,  mais  sans  rien  préciser,  qu'elle  était  con- 
damnée à  Rome.  Dès  le  mois  de  févr.  1831,  les  rédacteurs 
de  V Avenir  soumirent  leurs  principes  au  jugement  du 
pape.  Ne  recevant  pas  de  réponse,  ils  prirent  le  parti  de 
suspendre  la  publication  de  leur  journal  (15  nov.  1831, 
treize  mois  après  sa  fondation)  et  de  se  présenter  eux- 
mêmes  devant  le  saint-siège.  Lamennais,  Montalembert  et 
Lacordaire  partirent  pour  Rome.  Après  de  longues  et  pé- 
nibles sollicitations,  ils  n'obtinrent  audience  qu'à  la  condi- 
tion de  ne  point  parler  de  l'objet  de  leur  voyage.  Enfin, 
lassés,  ils  quittèrent  Rome  (juil.  1832).  En  revenant  en 
France,  ils  apprirent  que  l'encyclique  Mirari  vos{iïy  août 
1832)  condamnait  les  principaux  points  de  la  doctrine 
professée  par  leur  journal.  Ils  se  soumirent,  mais  on  sait 
que  Lamennais  ne  persévéra  pas  dans  cette  soumission  que 
sa  conscience  réprouvait.  Lacordaire,  qui  s'y  résigna,  se 
sépara  de  lui  (4  déc.  1832).  Rétabli  par  l'archevêque  de 
Paris  dans  ses  fonctions  d'aumônier  de  la  Visitation,  il  se 
recueillit  dans  une  retraite  studieuse,  se  proposant  la  com- 
position d'un  grand  ouvrage  sur  l'Eglise  et  le  monde  au 
XIX®  siècle^  et  se  préparant  à  la  prédication. 

Les  débuts  de  Lacordaire  comme  prédicateur  eurent  lieu 
à  Saint-Roch  ;  ils  ne  furent  point  heureux.  Au  contraire, 
les  conférences  qu'il  fit  bientôt  après  au  collège  Stanislas 
(1824)  eurent  un  retentissement  considérable.  Mais  quel- 
ques expressions  échappées  à  son  improvisation  suscitèrent 
des  inquiétudes  sur  son  orthodoxie.  Après  trois  mois  de 
vifs  succès,  ces  conférences  furent  suspendues  par  M^^"^  de 
Quelen  «  pour  éviter  de  donner  du  mouvement  aux  esprits 
toujours  prêts  à  s'entre-choquer  ».  On  lui  offrit  alors  et  il 
refusa  la  direction  de  V Univers,  qu'on  venait  de  fonder, 
et  une  chaire  à  l'université  catholique  de  Louvain.  Afin  de 
rassurer  ceux  qu'alarmaient  encore  ses  anciennes  relations, 
il  écrivit  ses  Considérations  sur  le  système  philoso- 
phique de  M.  de  Lamennais  (Paris,  1834,  in-8),  où  les 
fidèles  virent  un  humble  aveu  de  ses  propres  erreurs,  en 
même  temps  qu'une  protestation  en  faveur  des  droits  et  de 
l'honneur  de  l'Eglise,  mais  où  les  autres  trouvèrent  beau- 
coup de  choses  inutilement  dures  et  blessantes  pour  un 
homme  dont  la  sincérité  avait  droit  au  respect.  Au  carême 
suivant  (1835),  Ms^  de  Quelen  lui  confia  la  chaire  de 
Notre-Dame. 

Pendant  deux  années,  ses  conférences  remplirent  la 
vaste  église  d'auditeurs  et  d'admirateurs,  parmi  lesquels 
très  peu  sortirent  convertis.  Il  y  inaugura  un  genre 
de  prédication  fort  modernisé,  qu'il  n'a  point  cessé  de  déve- 
lopper depuis.  En  exposant  la  doctrine  catholique,  il  effleu- 
rait toutes  les  questions  agitées  en  ces  moments  :  politique, 
liberté,  nationalité,  industrie,  chemins  de  fer,  Pologne, 
Révolution,  empire,  système  pénitencier,  et  aussi,  à  côté 
des  actualités,  les  questions  qui  émeuvent  dans  tous  les 
temps  :  famille,  maternité,  amitié,  amour.  Le  tout  dans 
un  style  alternativement  romantique  et  familier,  relevé 
d'expressions  hardies,  parfois  assez  libres,  attribuées  aux 
écarts  de  l'improvisation,  mais  soigneusement  reproduites 
dans  les  feuilles  revues  pour  l'impression.  Diction  vive  et 
limpide,  entrecoupée  d'éclats  véhéments,  gestes  artistement 
éloquents.  —  Dès  la  fin  de  la  première  station,  l'arche- 
vêque l'appela  le  prophète  nouveau,  le  nouveau  Chry- 
sostome,  et  le  fit  chanoine  honoraire.  —  Suivant  Sainte- 
Beuve,  il  n'y  avait  aucun  prédicateur  «  qui,  par  la  hardiesse 
des  vues  et  l'essor  des  idées,  par  la  nouveauté  et  souvent 
le  bonheur  de  l'expression,  par  la  vivacité  et  l'imprévu  des 


LACORDAIRE 


--.  720  ^ 


mouvements,  par  Téclat  et  Fardeur  de  la  parole,  par  l'ima- 
gination et  môme  la  poésie  qui  s'y  mêlaient,  pût  se  com- 
parer à  Lacordaire  ». 

Après  le  carême  de  1836,  Lacordaire  se  rendit  à  Rome 
«  pour  achever  de  régler  son  âme  avec  Dieu  »  (Lettre  à 
M'"^  Svetchine,  ^  mai  1836)  et  aussi  pour  se  défendre 
contre  les  insinuations  de  ceux  qui  avaient  gardé  à  son 
égard  des  défiances  qu'entretenaient  les  procédés  de  sa 
prédication.  Comme  il  baisait  les  pieds  du  pape,  celui  ci  lui 
serra  la  tête  avec  effusion,  disant  :  «  Je  sais  que  l'Eglise  a 
fait  en  lui  une  grande  acquisition.  »  Il  écrivit  alors  sa 
Lettre  au  saint-siège^  qui  ne  fut  publiée  en  France  que 
deux  années  plus  tard  et  avec  modifications.  De  tout  ce 
qu'il  avait  eu  de  commun  avec  Lamennais,  cette  lettre  le 
montre  n'ayant  gardé  qu'une  chose,  infiniment  agréable  à 
Rome,  le  système  qui  fait  du  pape  le  maître  absolu  de 
l'Eglise  et  l'organe  infaillible  de  la  vérité  universelle.  Au 
mois  de  nov.  1837,  il  revint  en  France  et  prêcha  à  Metz 
pendant  tout  l'hiver  de  1838.  —Nous  avons  rapporté  plus 
haut  que,  aussitôt  après  son  ordination,  refusant  des  offres 
fort  avantageuses,  il  avait  répondu  :  «  Je  serai  simplement 
prêtre  et  probablement  un  jour  religieux,  »  Sa  nature 
semble  avoir  été  ainsi  constituée  que  les  pressentiments  y 
germaient  et  finissaient  par  éclore  en  résolutions.  D'ailleurs, 
il  voulait  «  servir  l'Eglise  par  la  parole  »  et  «  il  n'éprouvait 
aucune  vocation  pour  le  ninistère  des  paroisses  »  {Lettre 
inédite^  sept.  1836).  L'idée  d'être  religieux  commença  à 
poindre  en  lui  dès  son  second  séjour  à  Rome.  Il  en  revint, 
rêvant  de  se  faire  dominicain  :  il  serait  ainsi  parmi  les 
frères  prêcheurs.  Peut-être  aussi  l'impopularité  de  leur 
ordre  tentait-elle  inconsciemment  cet  esprit  paradoxal.  Dès 
les  premiers  mois  de  1839,  il  publia  un  Mémoire  pour  le 
rétablissement  en  France  de  l'ordre  des  frères  prê- 
cheurs (Paris,  in-8).  Il  y  affirmait  que  les  moines  et  les 
chênes  sont  éternels.  Le  9  avr.,  il  reçut  l'habit,  avec 
deux  autres  Français,  dans  l'église  de  la  Minerve  à  Rome  ; 
et  il  se  mit  aussitôt  à  composer  la  Vie  de  saint  Dominique 
(éditée  en  1841,  Paris,  in-8).  M™^  Svetchine  s'empressa 
de  lui  écrire  que  «  ce  livre  n'était  point  seulement  un 
chef-d'œuvre,  mais  un  miracle,  parce  qu'il  était  destiné  à 
en  faire  ».  Elle  lui  rapporta  plus  tard  que  Chateaubriand 
avait  dit:  «  Ce  n'est  pas  seulement  un  talent  hors  ligne, 
c'est  un  talent  unique  ;  c'est  immense  comme  beauté, 
comme  éclat.  Je  ne  sais  pas  un  plus  beau  style.  »  Vers  le 
même  temps,  «  le  froc  séculaire  de  saint  Dominique  » 
reparaissait  avec  lui  dans  la  chaire  de  Notre-Dame  «  sans 
audace  et  sans  crainte  »  (14  févr.  1841).  Sous  ce  froc, 
Lacordaire  y  prêcha  sur  la  Vocation  de  la  nation  fran- 
çaise. Ce  fut  la  seule  fois  en  cette  année.  Il  reprit  posses- 
sion de  cette  chaire  le  premier  dimanche  de  l'A  vent  1843, 
pour  n'en  descendre  qu'en  1851.  Dans  cet  intervalle  était 
survenue  la  révolution  de  Février,  qui  le  fit  de  nouveau 
journaliste  (fondation  de  VEre  nouvelle)^  puis  candidat 
malheureux  à  Paris,  dans  les  Côtes-da-Nord,  la  Mayenne, 
l'Isère,  le  Var,  et  représentant  du  dép.  des  Bouches-du- 
Rhône  à  l'Assemblée  nationale.  Il  y  siégea  en  froc  blanc, 
au  sommet  des  bancs  de  la  Montagne;  mais  le  18  mai, 
quatorze  jours  après  l'ouverture  et  trois  jours  après  l'en- 
vahissement de  l'Assemblée,  il  donna  sa  démission,  par 
crainte  «  de  ne  plus  être  ce  qu'il  devait  rester  devant  Dieu 
et  devant  ses  électeurs  ».  Peu  après,  il  se  retirait  aussi  de 
VEre  nouvelle,  dont  il  avait  promis,  quelques  mois  aupa- 
ravant, de  faire  «  un  drapeau  où  la  religion,  la  république 
et  la  liberté  s'entrelaceraient  dans  les  mêmes  plis  ».  Après 
le  coup  d'Etat  de  1851,  «  pour  ne  point  se  lier  à  des 
hommes  et  à  des  choses  dont  il  redoutait  la  solidarité  »,  il 
repoussa  toutes  les  sollicitations  qui  le  rappelaient  à  Notre- 
Dame.  Il  quitta  même  Paris,  et  alla  visiter,  comme  vicaire 
général,  les  couvents  de  son  ordre  en  Belgique,  en  Hollande 
et  en  Angleterre.  Il  ne  devait  plus  prêcher  à  Paris  qu'une 
seule  fois,  le  10  févr.  1853,  à  Saint-Roch.  Sur  le  texte 
Esto  vir,  il  parla  des  abus  de  la  force  et  il  s'écria  en  ter- 
minant :  «  Moi  aussi,  je  suis  une  liberté,  il  faut  que  je 


disparaisse.  »  Le  gouvernement  impérial  exigea  qu'il  s^éloi- 
gnât  de  Paris,  et  les  évêques  de  l'empire  sentirent  qu'il 
serait  compromettant  de  l'appeler  dans  les  chaires  de  leurs 
diocèses.  Lacordaire  donna  ses  dernières  conférences  à 
Toulouse  en  1 854.  Dès  lors,  il  se  voua  entièrement  à  l'édu- 
cation ou  plutôt  à  la  direction  de  la  jeunesse. 

Le  premier  couvent  de  l'ordre  des  frères  prêcheurs  ré- 
tabli en  France  fut  fondé  à  Nancy  en  1843,  fruit  d'une  sta- 
tion que  Lacordaire  avait  préchée  dans  la  cathédrale  et  qui 
avait  duré  tout  l'hiver.  En  1861,  cet  ordre  comptait  en 
France  14  maisons  et  258  religieux.  L'autorité  de  Lacor- 
daire lui  avait  procuré  la  plus  grande  part  des  hommes  et 
de  l'argent  qui  avaient  opéré  ce  résultat.  •—  Constatant  que 
les  succès,  même  les  plus  brillants,  de  la  prédication  ne 
produisent  d'ordinaire  que  des  effets  superficiels,  convaincu 
de  l'importance  capitale  de  l'éducation  de  la  jeunesse,  et 
comprenant  que  l'œuvre  de  cette  éducation  est  incompatible 
avec  les  exigencesde  la  vie  monastique,  mais  qu'elle  réclame 
une  règle  spéciale  et  des  vocations  particulières,  Lacordaire 
institua  un  tiers-ordre  voué  à  l'enseignement.  Cette  ins- 
titution prit  naissance  en  1852  à  Oullins,  près  de  Lyon, 
dans  un  pensionnat  ecclésiastique  dont  la  propriété  avait 
été  cédée  à  Lacordaire.  Deux  ans  plus  tard,  le  tiers-ordre 
entrait  à  Sorèze  (Tarn),  dans  le  vaste  collège  fondé  en 
1682  par  les  bénédictins.  Ce  fut  là  que  Lacordaire  passa 
les  dernières  années  de  sa  vie.  II  y  écrivit  ses  Lettres  à 
un  jeune  homme  sur  la  vie  chrétienne  (Paris,  1858, 
in-8),  premiers  chapitres  d'un  ouvrage  resté  inachevé,  dans 
lequel  il  se  proposait  de  faire  pour  la  vie  ce  que  les  confé- 
rences de  Notre-Dame  avaient  fait  pour  le  dogme.  Il  y  dicta 
aussi,  en  huit  heures,  sa  brochure  sur  la  Liberté  de 
V Eglise  et  de  V Italie  (Paris,  1860,  in-8),  où  il  proclamait 
que  la  souveraineté  temporelle  des  papes  est  «  un  dogme 
naturel,  qui  tient  à  la  raison  et  à  la  Providence  »  et  où  il 
disait  aux  Italiens  :  «  Sachez-le  bien,  c'est  Dieu  qui  a  fait 
Rome  pour  son  Eglise.  Il  n'y  a  pas  un  consul  ni  un  César 
dont  la  pourpre  n'ait  été  prédestinée  pour  orner  le  trône 
où  devait  s'asseoir  le  vicaire  de  Jésus-Christ.  Vous  avez 
mis  contre  vous  une  volonté  éternelle  de  Dieu.  Vous  la 
trouverez,  n'en  doutez  pas.  »  Trente-cinq  années  ont  passé 
sur  cette  prophétie,  et  chaque  année  écoulée  semble  en 
avoir  éloigné  l'accomplissement.  —  Elu  membre  de  l'Aca- 
démie française  en  remplacement  d'Alexis  de  Tocqueville, 
Lacordaire  y  prononça,  le  15  janv.  1861,  son  discours  de 
réception,  auquel  Guizot  répondit.  Ce  fut  son  dernier  dis- 
cours ;  il  contient  de  nobles  paroles  sur  la  liberté,  Tibère 
et  les  tyrans.  Sainte-Beuve,  qui  cheminait  alors  vers  le 
Sénat,  le  trouva  médiocre. 

Cinq  ans  après  la  mort  de  Lacordaire,  le  P.  Chocarne 
révéla  au  public  des  choses  fort  inattendues  {Lacordaire^ 
sa  vie  intime  et  religieuse;  Paris,  1866,  2  vol.  in-8): 
Lacordaire  se  donnait  la  discipline  tous  les  jours,  même  au 
temps  des  plus  retentissantes  conférences,  et  plusieurs  fois 
par  jour  souvent.  11  obligeait  ses  frères,  au  nom  de  la 
sainte  obéissance,  à  l'attacher  les  épaules  nues  à  un  po- 
teau, à  le  flageller,  à  lui  cracher  au  visage,  à  l'insulter,  à 
le  fouler  aux  pieds,  à  le  lier  sur  une  croix  pendant  les  trois 
longues  heures  que  Jésus-Christ  était  resté  sur  la  sienne. 
Lesfidèles,  surpris  et  déconcertés  d'abord  par  ces  révélations, 
s'efforcèrent  bientôt  de  s'en  montrer  édifiés,  renonçant,  di- 
saient-ils, à  justifier  des  choses  qui  sont  des  folies  aux 
yeux  de  ceux  qui  ne  peuvent  les  admirer.  En  effet,  les  pro- 
fanes refusèrent  leur  admiration,  se  déclarant  prêts  à  l'offrir 
à  tout  homme  de  foi  qui,  pour  servir  la  cause  que  sa  con- 
science a  embrassée,  brave  des  dangers  réels,  endure  des 
outrages  et  des  tourments  infligés  par  des  adversaires  ;  mais 
ils  se  sentaient  irrespectueusement  inquiets  sur  l'état  mental 
de  celui  qui  se  faisait  administrer  par  des  amis  un  martyre 
que  lui  refusait  le  monde,  obstiné  à  l'applaudir  comme  artiste. 
—  Pour  quelques  développements  nécessaires,  V.  Lamen- 
nais, MoNTALEMBERT.  —  Supplément  aux  indications  bi- 
bliographiques données  dans  cette  notice,  sur  l'œuvre  de 
Lacordaire  :  Conférences  à  Notre-Dame  de  Paris  (1 835-50 , 


—  n\  — 


LACORDAmE  —  LACOUR 


3  vol.  in-8)  ;  Discours  sur  la  Vocation  de  la  nation  fran- 
çaise (Paris,  4844,  in-8);  Prédications  à  Nancy  (4843, 
in-8)  ;  Coîiférences  à  Lyoîi  et  à  Grenoble  (Lyon,  4845, 
in-8)  ;  Conférences  à  Toulouse  (Toulouse,  4854,  in-8)  ; 
Discours  sur  la  Loi  de  Vhistoire  (Toulouse,  4854,  in-8)  ; 
Eloge  funèbre  de  ilF^  de  Forbin-Janson  (Paris,  4844, 
in-8)  ;  Eloge  funèbre  du  général  Drouot  (Paris,  d847, 
in-8)  ;  Eloge  funèbre  d'O'Connell  (Paris,  4848,  in-8)  ; 
Correspondance  avec  M^^  Svetchine  (Paris,  4  862,  in-8)  ; 
Correspondance  avec  la  comtesse  de  la  Tour  du  Pin 
(Paris,  4863,  in-8)  ;  Lettres  à  des  jeunes  gens  (Paris, 
4864,  in-8);  Lettres  à  Th,  Foisset  (Paris,  4886,  2  vol. 
in-8)  ;  Sermons,  instructions  et  allocutions  (Paris, 
4886-88,  3  vol.  in-8  et  in-42)  ;  édition  de  ses  OEuvres, 
en  deux  formats  (Paris,  4858,  6  vol.  in-8  et  in-42). 

E.-H.  YOLLET. 
BiBL.  :  MoNTALEMBERT,  le  P.  Lacovdaire  ;  Paris,  1862, 
in-8.  —  Alb.  de  Broglie,  Discours  de  réception  à  l'Aca- 
démie française,,  26  févr.  1863.  —  Mourey,  Dernière  Ma- 
ladie et  mort  du  R.  P.  Lacordaire;  Paris,  1868,  in-8.  — 
H.  ViLLARD,  Correspondance  inédite  du  P.  Lacordaire^ 
précédée  d'une  étude  biographique  et  critique  ;  Paris, 
1870,  in-S.  —  Duc  de  Broglie,  le  Père  Lacordaire  (Paris, 
1889,  in-12). 

LACORNÉE  (Jacques),  architecte. français,  né  à  Bor- 
deaux en  4779,  mort  à  Paris  en  4856.  Elève  de  Bonnard, 
dont  il  fut  l'inspecteur  dans  les  travaux  de  construction  du 
palais  du  quai  d'Orsay  (ancien  palais  du  Conseil  d'Etat  et 
de  la  Cour  des  comptes,  incendié  en  4874),  il  succéda  en 
4824  à  son  maître  comme  architecte  de  cet  édifice  qu'il 
termina  en  4835.  Il  fut  également  l'architecte  du  Minis- 
tère des  affaires  étrangères,  à  l'angle  du  quai  d'Orsay  et 
de  l'esplanade  des  Invalides,  vaste  ensemble  d'édifices  qu'il 
commença  en  4844  et  qui  était  presque  entièrement  achevé 
lors  de  sa  mort.  Lacornée  fut  de  plus  l'architecte  du  Mi- 
nistère des  finances  pour  la  direction  des  contributions 
indirectes,  et  c'est  en  cette  qualité  qu'il  fit  élever  la  Ma- 
nufacture des  tabacs  de  Paris  et  agrandir  ou  construire 
les  manufactures  ou  établissements  de  la  régie  à  Lille,  à 
Bordeaux,  au  Havre,  à  Toulouse,  à  Lyon  et  à  Strasbourg. 
Comme  travaux  particuliers,  on  doit  à  Lacornée  :  le  château 
de  Sassetôt  (Seine-Inférieure)  et  la  restauration  du  château 
de  Saint-Just  (Eure).  Charles  Lucas. 

LACOSTE.  Corn,  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  de  Lodève, 
cant.  de  Clermont  ;  240  hab. 

LACOSTE.  Corn,  du  dép.  de  Vaucluse,  arr.  d'Apt,  cant. 
de  Bonnieux  ;  440  hab. 

LA  COSTE  (Jean  de),  Janus  ou  Joannes  a  Costa,  ca- 
noniste,  né  à  Cahors  vers  4560,  mort  en  1637.  Il  suivit 
les  leçons  de  Cujas  à  Bourges  et  professa  à  Toulouse, 
Bourges,  Bologne,  Avignon. /(Eu  vre  principale:  In  Décré- 
tâtes Gregorii  IX  Summaria  et  Commentarii  (Paris, 
4676,  in-4),  réimprimée  à  Naples  et  à  Leipzig. 

LACOSTE  (Jean,  baron  de),  ministre  français,  né  à  Dax 
en  4730,  mort  en  d820.  Après  avoir  rempli  avant  1789 
un  emploi  important  au  ministère  delà  marine,  il  fut,  après 
la  Révolution,  chargé  d'une  mission  administrative  aux  îles 
du  Vent  et,  de  retour  à  Paris,  fut  nommé  ministre  de  la 
marine  (45  mars  4792).  Dévoué  tout  à  la  fois  à  la  Révolu- 
tion et  à  la  royauté,  il  dut  se  retirer  avec  ses  collègues  le 
40  juil.  suivant.  Décrété  d'accusation  par  la  Convention,  il 
fut  acquitté  par  le  tribunal  criminel  de  Paris  (févr.  4793). 
Plus  tard  (4800)  Bonaparte  l'appela  au  conseil  des  prises, 
oti  il  siégea  jusqu'en  1814.  A.  Debidour. 

LACOSTE  (Elie),  homme  politique  français,  né  à  Mon- 
tignac  en  4745,  mort  à  Montignac  en  4806.  Médecin  à 
Montpellier,  il  devint  sous  k  Révolution  administrateur 
du  dép.  de  la  Dordogne,  puis  député  de  ce  département  à 
l'Assemblée  législative  et  à  la  Convention.  Il  remplit  di- 
verses missions,  notamment  à  l'armée,  fit  partie  du  comité 
de  Sûreté  générale  et  plus  tard,  bien  qu'il  eût  pris  une  part 
notable  aux  journées  de  Thermidor,  il  resta  fidèle  à  la  Mon- 
tagne. Décrété  d'arrestation  après  l'insurrection  de  Prai- 
rial, il  réussit  à  se  soustraire  aux  recherches.  Après  l'am- 
nistie du  25  ocî.  4795,  il  rentra  dans  son  pays  natal. 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —    XXI. 


LACOSTE  (Jean-Baptiste),  homme  politique  et  adminis- 
trateur français,  né  à  Mauriac  le  30  août  4756,  mort  à 
Vaisses,  près  de  Mauriac,  le  4  3  août  4  824 .  Envoyé  par  le  dép. 
du  Cantal  (4  sept.  4792)  à  la  Convention,  il  vota  la  mort 
de  Louis  XVI,  remplit  avec  énergie  plusieurs  missions,  no- 
tamment aux  armées  du  Nord,  de  la  Moselle  et  du  Rhin, 
fut  décrété  d'arrestation  le  4®''  prairial  an  III  (20  mai  4795), 
mais  amnistié  quelques  mois  après  (octobre),  et  devint  sous 
le  consulat  préfet  du  département  des  Forêts.  Banni  par  la 
seconde  Restauration  (janv.  4816),  il  fut  peu  après  au- 
torisé à  rentrer  en  France.  A.  Debidour. 

LACOSTE  (Jean-Aimé)  (V.  Delacoste). 

LACOSTE  (André-Bruno  Frévol),  général  français,  né 
à  Pradelles  (Haute-Loire)  le  44  mai  4775,  mort  à  Sara- 
gosse  (Espagne)  le  2  févr.  4809.  Volontaire  de  92,  il  servit 
dans  les  armées  du  Nord,  des  Pyrénées-Orientales,  du 
Rhin,  d'Egypte  et  d'Italie,  contribua  en  4807,  comme  co- 
lonel du  génie,  à  la  prise  de  Dantzig,  devint  général  de 
brigade  (23  août  4808)  et  fut  tué  devant  Saragosse,  où  il 
avait  été  envoyé  pour  diriger  les  travaux  du  siège. 

LACOSTE  DE  Belcastel  (V.  Belcastel). 

LACÔTE  (Auguste-Etienne-Marie),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Dun-fe-Palleteau  (Creuse)  le  45  août  1838.  Ou- 
vrier forgeron,  mécanicien  à  la  Compagnie  d'Orléans,  il  aban- 
donna l'industrie  pour  faire  ses  études  de  médecine  et  de 
chimie.  Médecin  à  Dun,  il  y  fit  de  la  propagande  républi- 
caine sous  l'Empire  et  conquit  dans  la  Creuse  une  grande 
popularité.  Médecin-major  pendant  le  siège  de  Paris,  il  fut 
élu  député  de  Guéret  le  2  sept.  1884  et  successivement 
réélu  en  1885,  1889  et  4893.  Membre  de  la  gauche  ra- 
dicale, il  s'occupa  beaucoup  de  questions  de  travaux  pu- 
blics et  demeura  neutre  dans  la  lutte  contre  le  boulan- 
gisme.  On  a  de  lui  :  Synthèse  des  corps  azotés  (Paris, 
4880,  in-8);  les  Partis  devant  le  scrutin  (4876,  in-8)  ; 
De  la  Prophylaxie  du  choléra  indien  (4884,  in-8),  etc. 

LA  COTTIeRE  (Jacob  de)  (V.  Jacob). 

LA  COUARDE,  Corn,  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr.  de 
Melle,  cant.  de  La  Mothe-Saint-Héraye  ;  509  hab. 

LA  COUDRAYE(DeLoynesde)  (V.  Loynes). 

LACOUGOTTE-Cadoul.  Com.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  et 
cant.  de  Lavaur  ;  299  hab. 

LACOUR.  Com.  du  dép.  du  Tarn-et-Garonne,  arr.  de 
Moissac,  cant.  de  Montaigut  ;  544  hab. 

LACOUR-d'Arcenay.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or, 
arr.  de  Seraur,  cant.  de  Précy-sous-Thil  ;  325  hab. 

LACOUR-Saint-Pierre.  Com.  du  dép.  du  Tarn-et-Ga- 
ronne, arr.  de  Castelsarrasin,  cant.  de  Montech;  548  hab. 

LACOUR  (Didier  de),  bénédictin,  né  à  Mazéville,  près 
de  Verdun,  en  4550,  mort  en  4633.  H  fut  le  réformateur 
de  l'abbaye  de  Saint-Vannes,  à  Verdun,  qui  devint,  dès 
4601,  le  centre  d'une  congrégation  à  laquelle  quarante  mo- 
nastères furent  affiliés.  Aux  Etats  généraux  de  4614,  le 
clergé  de  France  exprima  le  vœu  de  voir  cette  réforme  in« 
troduite  dans  les  monastères  du  royaume.  Pour  obtempérer 
à  ce  vœu,  les  supérieurs  de  Saint- Vannes  décidèrent,  en 
4{)48,  l'établissement  en  France  d'une  congrégation  sem- 
blable à  la  leur,  mais  tout  à  fait  distincte,  et  qui  prit  le 
nom  de  congrégation  de  Saint-Maur  (V.  Bénédictins). 

LA  COUR  (Marquis  de)  (V.  Balleroy). 

LACOUR  (Louis-Michel-James) (V. Delatre  [Lacour]). 

LACOUR  (Pierre),  graveur  et  archéologue  français,  né 
à  Bordeaux  le  16  avr.  4778,  mort  à  Bordeaux  le  47  avr. 
1859.  II  étudia  la  peinture  à  Paris  sous  la  direction  de 
Vien  et  Vincent.  De  retour  dans  sa  ville  natale,  il  succéda, 
en  4844,  à  son  père  dans  les  fonctions  de  directeur  de 
l'école  publique  de  dessin  d^  Bordeaux.  Il  abandonna  la 
peinture  pour  s'adonner  à  la  gravure  et  à  l'étude  des  langues 
orientales.  Ses  premiers  essais  de  gravure  ont  été  publiés 
en  4800  dans  le  Bulletin  polymathique.  Il  collabora  à 
l'illustration  des  œuvres  de  Filhol  et  Lavallée,  de  Percier, 
de  Visconti.  Parmi  ses  ouvrages,  citons  :  Tombeaux  an- 
tiques trouvés  à  Saint-Médard,  publiés  par  MM.  Lacour 
père  et  fils  (Bordeaux,  4806,  in-fol.)  ;   les  Monuments 

46 


lACOUR  —  LACRETELLE 

de  sculpture  anciens  et  modernes^  en  collaboration  avec 
Vauthier  (Paris,  4842,  in-fol.)  ;  Essai  sur  les  hiéro- 
glyphes égyptiens  (Bordeaux,  \  821 ,  in-8)  ;  Mon  Porte- 
feuille (Bordeaux,  4828,  io-fol.)  ;  Album  autogra- 
phique (Bordeaux,  4830,  in-foi.)  ;  Etudes  sur  les  vieux 
77iaUres  (Bordeaux,  4836,  in-fol.).  Ses  compositions  for- 
ment un  ensemble  d'environ  800  pièces.  M.  P. 

BiBL.  :  Jules  Delpit,  Eloge  de  Pierre  Lacour  ;  Bor- 
deaux, 1862,  in-8  (extr.  des  Actes  de  l'Acad.  de  Bordeaux). 

LACOUR,  peintre  danois  (V.  Cour). 

LACOUR-Gayet  (Georges),  historien  français,  né  à 
Marseille  en  4856.  Elève  de  l'Ecole  normale  supérieure, 
puis  de  l'Ecole  française  de  Rome,  il  passa  son  doctorat 
et  devint  professeur  d'histoire  et  de  géographie  à  Paris. 
Il  a  publié  une  Histoire  romaine ^  en  collaboration  avec 
M.  P.  Guiraud  (4883);  Antonin  le  Pieux  et  son  temps 
(4888),  et  de  nombreux  articles  dans  des  dictionnaires 
spéciaux. 

LÂCOURT.  Com.  du  dép.  de  TÂriège,  arr.  et  cant.  de 
Saint-Girons,  sur  le  Salât;  i,449  hab.  Forges,  usines 
hydrauliques.  Plantations  de  mûriers.  Ruines  fort  cu- 
rieuses de  deux  châteaux  des  xiv^  et  xv®  siècles,  l'un 
appelé  le  Martrou,  avec  haut  donjon  circulaire.  Vieux 
pont  sur  le  Salât. 

LA  COURT  (Claude  de)  (V.  Groulard). 

LÂCOUX.  Com.  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Belley,  cant. 
d'Haute  ville;  213  hab. 

LACQ.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  d'Or- 
thez,  cant.  de Lagor  ;  642  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  du  Blidi. 

LACQUY.  Com.  du  dép.  des  Landes,  arr.  de  Mont-de- 
Marsan,  cant.  de  Villeneuve-de-Marsan  ;  552  hab. 

LAC  RARE.  Com.  du  dép.  des  Landes,  arr,  de  Saint- 
Sever,  cant.  d'Hagetmau  ;  294  hab. 

L AGRES.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de  Bou- 
logne-sur-Mer,  cant.  de  Samer  ;  359  hab. 

LACRESSONNIÈRE  (Louis-Charles-Adrien  Le  Sot  de 
La  Panneterie,  dit),  acteur  français,  né  à  Chauny  en 
4819,  mort  à  Paris  en  4893.  D'abord  employé  de  com- 
merce, il  commença  fort  jeune  par  jouer  des  bouts  de 
rôle  à  la  Gaité,  puis  passa  quelques  mois  au  Conserva- 
toire, et  partit  pour  la  province.  Revenu  à  Paris,  il  passa 
au  théâtre  de  Belle  ville,  puis  à  l'Ambigu  (4843),  où  ses 
qualités  d'acteur  sobre  et  dramatique  le  mirent  en  évi- 
dence. Engagé  au  Théâtre-Historique  en  4847,  il  y  re- 
trouva le  succès  en  jouant  la  Reine  Margot^  Monte- 
Qmsto^  etc.,  puis  bientôt  passa  à  la  Gaîté,  où  sa 
réputation  atteignit  son  apogée,  dans  le  double  rôle  de 
Lesurques  et  de  Dubosc  du  Courrier  de  Lyon,  Entre 
temps,  Lacressonnièr^  avait  fait  une  excursion  à  la  Porte- 
Saint-Martin  et  une  autre  au  Vaudeville.  On  le  vit  plus 
tard  au  Cirque,  puis,  de  nouveau,  à  la  Gaîté,  où  il  créa 
Cartouche  et  la  Maison  du  Baigneur^  au  Vaudeville, 
1^  l'Ambigu  et  même  à  l'Odéon.  Vers  4872,  il  prit  avec 
Paul  Deshayes  et  conserva  pendant  deux  ans  la  direction 
du  Châtelet.  Il  retourna  ensuite  à  la  Porte-Saint-Martin, 
passa  de  là  au  théâtre  des  Nations,  où  il  joua  Notre- 
Dame-de-Paris^  revint  à  l'Ambigu,  et  enfin  s'associa 
avec  quelques  camarades  pour  diriger  le  Théâtre  de  Paris. 
Cette  entreprise  ne  fut  pas  heureuse,  et  Lacressonnière 
reparut  encore  à  la  Gaîté,  où,  âgé  de  près  de  soixante- 
dix  ans,  il  termina  sa  carrière  en  sachant  se  faire  encore 
applaudir  d'un  public  qui  n'avait  jamais  cessé  de  lui  té- 
moigner sa  sympathie  et  son  affection.  —  Sa  femme,  née 
Marguerite  Gérimer,  née  à  Lyon  en  4820,  morte  en  \  859, 
joua  avec  lui  à  la  Gaîté  et  fut  une  actrice  assez  distinguée. 

LACRETELLE  (Pierre-Louis  de) ,  avocat,  homme  poli- 
tique et  publiciste  français,  né  à  Metz  le  9  oct.  4754, 
mort  à  Paris  le  3  sept.  1824.  Inscrit  en  4778  au  barreau 
de  Paris,  il  y  acquit  rapidement  une  honorable  notoriété, 
se  lia  d'amitié  avec  Condorcet,  d'Alembert,  Buffon,  Tur- 
got,  Malesherbes,  Gioguené,  Fontanes,  Garât,  etc.,  se 
distingua  dans  les  concours  académiques  par  son  Eloge  de 
Montausier  (4784)  et  surtout  par  son  Discours  sur  le 


722  — 

'préjugé  des  peines  iîif amantes  (4784),  et  rêva,  comme 
beaucoup  d'esprits  généreux,  en  4789,  l'accord  de  la  Révo- 
lution et  de  la  monarchie.  Député  suppléant  à  l'Assemblée 
constituante,  il  siégea  comme  député  de  Paris  à  l'Assem- 
blée législative  (4794-92),  où  il  s'associa  à  la  politique 
des  Feuillants.  Après  le  40  août,  il  rentra  dans  la  retraite 
et  ne  reparut  dans  la  vie  publique  que  sous  le  Directoire, 
époque  où  il  fit  partie  du  jury  de  la  haute  cour  nationale. 
Membre  du  Corps  législatif  de  4804  à  4802,  il  fit  preuve 
d'indépendance  à  l'égard  du  gouvernement  consulaire,  rem- 
plaça Laharpe  à  l'Institut  en  4803  et  se  tint  à  l'écart  de 
la  politique  jusqu'en  1844.  Sous  la  Restauration,  il  fut  un 
des  rédacteurs  principaux  de  la  Minerve  française,  et  fut 
condamné  pour  délit  de  presse  à  un  mois  de  prison,  dont 
le  roi  lui  fit  remise.  Il  entreprit  dans  ses  dernières  années 
une  édition  complète  de  ses  œuvres  qu'il  n'eut  pas  le  temps 
d'achever.  —  Parmi  ses  nombreux  ouvrages,  nous  citerons  : 
Notice  sur  M .  Legouvé,  avocat  au  parlement  de  Paris 
(4782);  Convocation  de  la  prochaine  tenue  des  Etats 
g  é7îér  aux  {il  SS)  ;  De  r  Etablissement  des  connaissances 
humaines  et  de  Vinstruction  publique  dans  la  consti- 
tution  française  (1 794  )  ;  Du  Système  de  gouvernement 
et  de  raffermissement  de  la  constitution  (1797);  Sur 
le  Dix-Huit  Brumaire  (1 799)  ;  Idée  sommaire  d'un 
grand  travail  sur  la  nécessité,  l'objet  et  les  avantages 
de  l'instruction  (4800);  Charles- Artaud  Malherbe,  ou 
le  Fils  naturel,  roman  théâtral  (4801);  Mélanges  de 
philosophie  et  de  littérature  (4802-4807)  ;  Fragments 
politiques  et  littéraires  (4847);  Des  Partis  et  des  fac- 
tions de  la  prétendue  aristocratie  d'aujourd'hui  (484  9); 
Panorama  (4820).  A.  Deridour. 

LACRETELLE  (Jean-Chàrles-Dominique  de),  surnommé 
le  Jeune,  par  opposition  à  son  frère  aîné  Pierre-Louis 
(V.  l'article  précédent),  historien,  publiciste  et  professeur 
français,  né  à  Metz  le  3  sept.  4766,  mort  à  Mâcon  le 
26  mars  4855.  Elevé  au  collège  de  Nancy,  avocat  à  dix- 
huit  ans,  lauréat  de  l'Académie  de  Nancy  à  vingt  ans,  il  fut 
appelé  à  Paris  en  4787  par  Lacretelle  aîné,  et  travailla  pour 
V Encyclopédie  méthodique  (Morale).  Pendant  la  période 
de  l'Assemblée  constituante,  il  fut  attaché  diM  Journal  des 
Débats,  où  il  rendait  compte  des  séances.  Il  se  rangea 
parmi  les  Feuillants  (V.  ce  mot)  ;  en  4790,  il  devint  le 
secrétaire  du  grand  philanthrope  La  Rochefoucauld-Lian- 
court,  dont  il  revit  les  Mémoires  et  dont  il  éleva  un  fils. 
Revenu  avec  lui  à  Paris  avant  le  20  juin,  il  entra  au  Jour- 
nal de  Paris,  que  dirigeait  Suard,  et  où  écrivaient  A.  Ché- 
nier  et  Roucher  ;  La  Rochefoucauld  l'associa  à  un  projet 
d'enlèvement  du  roi  qui  fut  rejeté  par  la  cour.  Le  duc  dut 
s'exiler  ;  son  secrétaire  accepta  la  déhcate  et  dangereuse 
mission  de  recueillir  pour  lui  les  débris  de  sa  fortune  et  de 
les  lui  faire  tenir  en  Angleterre.  Il  fit  à  Rouen  la  connais- 
sance de  M"^^  Le  Sénéchal,  qui  devait  être  pour  lui  comme 
une  seconde  mère.  De  retour  à  Paris,  il  suivit  le  procès  du 
roi  et  fit  le  récit  de  ses  derniers  moments  sans  dissimuler 
ses  sentiments  royalistes.  Décrété  d'arrestation,  repoussé  de 
la  maison  de  W^^  Suard  où  il  avait  espéré  trouver  une  ca- 
chette, il  trouva  un  plus  sûr  et  plus  noble  asile  dans  les 
rangs  mêmes  de  l'armée.  Muni  après  le  9  thermidor  d'un 
congé  définitif,  il  entra  au  Républicain  français.  Ce  fut 
un  des  chefs  de  la  jeunesse  dorée;  il  poursuivit  l'abolition 
des  lois  de  proscription,  ainsi  que  la  radiation  d'un  certain 
nombre  d'émigrés.  D'abord  modéré,  de  la  nuance  de  Boissy 
d'Anglas,  il  s'exalta  déplus  en  plus  en  faveur  des  «  formes 
monarchiques  »,  et  s'engagea  à  fond  dans  le  mouvement 
royaliste  du  43  vendémiaire.  Retiré  à  Epinay  chez  M.  Bois- 
sel  de  Mon  ville,  Lacretelle  résolut  de  se  consacrer  désor- 
mais aux  lettres  et  à  l'histoire.  Cependant  il  ne  pouvait 
rompre  les  liens  qui  l'unissaient  aux  «  thermidoriens  ».  Il 
défendit  et  fit  acquitter  Michaud,  poursuivi  pour  un  éloge 
du  comte  de  Provence  dans  la  Quotidienne.  Arrêté  après 
le  1 8  fructidor,  désigné  pour  la  déportation  à  Sinnamari,  il 
fut,  grâce  à  des  amitiés  actives,  «  oublié  »  dans  la  prison 
de  la  Force,  où  il  passa  vingt-trois  mois  :  c'est  là  qu'il  con- 


—  723 


LACRETELLE  —  LACROIX 


tinua  pour  les  éditeurs  Treuttel  et  Wiirtz  le  Précis  de 
r histoire  de  la  Révolution  de  Rabaut  Saint-Etienne  ;  il 
fut  délivré  par  Fouché.  Après  le  18  brumaire,  Bonaparte 
ne  voulut  pas  de  lui  au  Tribunat;  en  4800,  il  fut  nommé 
membre  du  bureau  de  la  presse  ;  en  4809,  professeur  d'his- 
toire adjoint  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris,  puis  titu- 
laire en  4842.  11  professa  jusqu'en  4848,  avec  finesse  et 
élégance,  sinon  avec  beaucoup  de  critique  et  de  profondeur. 
Censeur  impérial  dès  4840,  il  était  entré  à  l'Académie 
française  en  4  844  :  il  ne  fit  que  se  conformer  aux  habi- 
tudes du  temps  dans  les  éloges  hyperboliques  à  l'égard  de 
l'empereur,  dont  il  orna  son  discours  de  réception.  Ses 
sentiments  royalistes  débordèrent  en  4844  ;  il  eut  le  tort 
d'attaquer  trop  violemment  le  régime  et  l'homme  qui  ve- 
naient de  succomber  avec  la  patrie  ;  mais  il  faut  lui  tenir 
compte  des  regrets  qu'il  en  a  depuis  mainte  fois  exprimés, 
par  exemple  dans  la  préface  de  son  Histoire  du  Coiisulat 
et  de  V Empire,  Le  44  avr.  4844,  il  présenta  l'Académie 
française  au  tsar  Alexandre  I^^  Il  fut  nommé  le  24  ocl. 
1844  censeur  royal.  Pendant  les  Cent-Jours,  ilfit  un  tour 
à  Gand,  puis,  rassuré  par  Fouché,  revint  à  l^aris. 
Louis  XVIII,  une  seconde  fois  restauré,  lui  accorda  des 
lettres  de  noblesse  (3  août  1822).  Cependant  Lacretelle 
restait  essentiellement  un  feuillant,  c.-à-d.  qu'il  voyait 
dans  le  trône  l'appui  de  l'ordre,  du  bien  public  et  de  la  li- 
berté. C'est  lui  qui,  en  4827,  provoqua  les  débats  de  l'Aca- 
démie française  relativement  au  projet  de  loi  présenté  par 
M.  de  Peyronnet  contre  la  presse,  il  y  perdit,  ainsi  que 
Villemain,  sa  place  de  censeur:  mais  la  supplique  au  roi 
fut  votée  et  publiée,  et  si  le  roi  refusa  de  la  recevoir,  la 
loi  «  de  justice  et  d'amour  »  n'en  fut  pas  moins  retirée. 
Lacretelle  se  trouva  tout  naturellement  orléaniste,  du 
moins  après  les  journées  de  Juillet.  Mais  il  avait,  comme  la 
plupart  des  hommes  de  son  parti,  traîné  autrefois  dans  la 
boue  Philippe-Egalité,  le  père  du  «  roi  des  barricades  ». 
Aussi  n'obtint-il  ni  la  pairie,  ni  l'entrée  au  conseil  royal 
de  l'instruction  pubhque,  •En4848,  affaibli  par  l'âge,  il  se 
retira  à  Mâcon,  où  sa  campagne  de  Bel- Air  attira  encore 
juscju'à  l'année  de  sa  mort  beaucoup  de  ses  vieux  ou  jeunes 
amis  ;  car  il  causait  et  écoutait  à  ravir,  et  se  distinguait 
par  une  naturelle  bienveillance  qu'il  devait  sans  doute  de- 
puis ses  «  dix  années  d'épreuves  »  à  la  constance  de  son 
bonheur  et  à  la  tranquillité  de  sa  \ie.  —  Comme  histo- 
rien, il  manque  souvent  de  critique  et  d'érudition  ;  mais  il 
est  intéressant  pour  ce  qu'il  a  vu  ou  fait  en  personne,  et 
il  se  Ht  aisément  :  il  moralise  un  peu  trop  et  n'a  pas  tou- 
jours pu  être  impartial  dans  l'appréciation  des  événements 
et  des  hommes  auxquels  il  a  été  mêlé.  Outre  d'innom- 
brables articles  souvent  anonymes,  des  discours  académiques , 
des  éloges,  il  a  publié  :  Précis  historique  de  la  Révolu- 
tion française  (Paris,  4801  à  4806,  5  vol.  in-48);  His- 
toire de  France  pendant  le  xvni®  siècle  (Paris,  4808, 
6  vol.  in-8)  ;  Histoire  de  France  pendant  les  guerres  de 
religion  (Paris,  4844-16,  4  vol.  in-8)  ;  Histoire  de  l'As- 
semblée constituante  (Paris,  4824,  2  vol.  in-8);  rAs- 
semblée  législative  (Paris,  4824,  in-8)  ;  la  Convention 
nationale  (Paris,  4824-25,  3  vol.  in-8)  ;  Histoire  de 
France  depuis  la  Restauration  (Paris,  4829-35,  3  vol. 
in-8)  ;  Histoire  du  Consulat  etde  VEmpire  (Paris,  4846, 
4  vol.  in-8)  ;  Dix  Années  d'épreuves  pendant  la  Révo- 
lution (Paris,  4842,  in-8)  ;  Testament  philosophique  et 
littéraire  (Paris,  1840,  2  vol.  in-8).  H,  Monin. 

BiBL.  :  Papiers  de  famille  utilisés  par  E.  Desjardins, 
dans  son  article  sur  Lacretelle  de  la  Biographie  Didot.  — 
J.  Janin,  article  nécrologique  dans  les  Débats  du  16  avr. 
1855.  —  Bioï,  Discours  de  réception  à  l'Académie  fran- 
çaise^ le  5  févr.  1857.  —  Académie  des  sciences  de  Mâcon  : 
inauguration  du  buste  de  G  h.  de  Lacretelle^  séance  du 
29  juiL  1856;  Mâcon,  1856,  in-8. 

LACRETELLE  (Pierre-llenri  de),  littérateur  et  homme 
politique  français,  né  à  Pasis  le  24  août  1815,  fils  du  pré- 
cédent. Ami  de  Lamartine,  il  débuta  dans  la  littérature 
par  un  recueil  de  poésie  j,  les  C^octe  (Paris,  4844,  in-48), 
bientôt  suivi  de  rome.ns,  d'essais  dramatiques,  etc.  Elu 


représentant  de  Saône-et-Loire  à  l'Assemblée  nationale  le 

2  juil.  4871,  il  s'y  occupa  beaucoup  des  questions  d'en- 
seignement et  combattit  le  ministère  de  Broglie.  Elu  député 
le  20  févr.  4876,  membre  des  363,  réélu  avec  eux  le 
44  oct.  4877  et  successivement  en  4884,  en  4885,  en 
4889  et  en  4893,  il  fit  toujours  partie  de  la  gauche  radi- 
cale et  appuya  la  politique  scolaire  et  coloniale  du  gouver- 
nement. Citons  de  lui  :  Do7ia  Carmen  (Mâcon,  4844, 
in-8);  Vale?ice  de  Simian  (iSio^  in-S)  ;  Nocturnes, 
poésies  (1846,  in-12);  Avant-scènes  (1855,  in-12); 
Contes  de  la  M.éridienne  (1859,  in-12);  les  Noces  de 
Pierrette  (1859,  in-12);  les  Nuits  sans  étoiles  (;\%i, 
in-12)  ;  la  Poste  aux  chevaux  (1861,  in-12)  ;  Fais  ce 
que  dois  (1856),  drame  en  trois  actes  en  vers,  en  colla- 
boration avecDecourcelle,  représenté  au  Théâtre-Français  ; 
r  Amant  malgré  lui  (1873,  in-48);  les  Filles  de  Bohême 
(4876,  in-48)  ;  Lamartine  et  ses  amis  (4878,  in~48)  ; 
Monsignore  (4880,  in-18),  etc. 

LACRETELLE  (Charles-Nicolas),  général  et  homme 
politique  français,  né  à  Pont-à-Mousson  le  30  oct.  1822, 
mort  à  Molière,  près  d'Angers,  le  14  nov.  1894,  frère 
du  précédent.  Ancien  élève  de  Saint-Cyr  (4844-43),  il 
servit  d'abord  en  Afrique  dans  la  légion  étrangère,  con- 
quit en  Crimée  le  grade  de  lieutenant-colonel  (30  juin 
4855),  prit  partà  la  guerre  d'Italie  (4859),  devint  général 
de  brigade  (13  août  1865),  général  de  division  (23  août 
1870),  coopéra  en  1871  au  second  siège  de  Paris,  et, 
après  sa  mise  à  la  retraite  (oct.  1887),  fut  envoyé  à  la 
Chambre  des  députés  par  le  dép.  de  Maine-et-Loire  (févr. 
1888).  Son  mandat  lui  fut  renouvelé  par  les  électeurs 
de  Baugé  le  22  sept.  1888.  Il  s'associa  généralement  aux 
votes  de  la  droite  monarchiste.  A.  Debidour. 

LACRIMACmiisTi  (Vin)  (V.  Vm). 

LACROISILLE.  Com.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  de  Lavaur, 
cant.  de  Cuq-Toulza  ;  301  hab. 

LACROIX-Bârrez.  Com.  du  dép.  de  l'Aveyron,  arr. 
d'Espalion,  cant.  de  Mur-de-Barrez  ;  1,720  habi 

LACROIX-Falgards.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne, 
arr.  de  Toulouse,  cant.  de  Castanet  ;  355  hab. 

LACROIX-sur-Meuse.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr. 
de  Commercy,  cant.  de  Saint-Mihiel  ;  820  hab.  Fabriques 
de  carton  et  de  papier  d'emballage. 

LACROIX  (Emeric  de),  écrivain  français,  né  à  Paris  vers 
1590.  Jl  a  laissé  d'assez  nombreux  ouvrages  en  latin  et  en 
français,  mais  ne  vaut  une  mention  que  pour  son  Nou- 
veau Cijnée  (Paris,  1623,  in--8),  où  il  a  exposé  des  idées 
assez  remarquables  sur  la  paix  générale  et  la  liberté  du 
commerce. 

LACROIX  (Jean-François  de),  auteur  très  fécond  du 
xviii^^  siècle,  dont  nous  citerons  seulement  :  Anecdotes 
anglaises  jusqu'au  règ^ie  de  George  ///(Paris,  1769, 
in-8)  ;  Anecdotes  militaires  de  tous  les  peuples  (1770, 

3  vol.  in-8)  ;  Anecdotes  des  républiques  (1771,  2  vol. 
in-8)  ;  Anecdotes  arabes  et  musulmanes  (1772,  in-8); 
Dictionnaire  historique  portatif  des  femmes  célèbres 
(1769,  2  vol.  in-8);  Dictionnaire  historique  des  cultes 
religieux  (1770,  3  vol.  in-8,  plus.  rééd.). 

LACROIX  (Jean-François)  (V.  Delacroix). 

LACROIX  (Antoine),  violoniste  français,  né  à  Ramber- 
villers  (Vosges)  en  1756,  mort  à  Lubeck  en  1812.  Elève 
de  Lorenziti  à  Nancy,  il  vint  à  Paris  en  1780,  s'y  fit  en- 
tendre avec  succès  et  y  publia  un  livre  de  sonates  pour 
clavecin  et  violon.  Il  émigra  en  1792  et  habita  successi- 
vement Brème,  Leipzig,  Hambourg  et  Lubeck.  Ses  duos, 
sonates  et  quatuors  pour  instruments  à  cordes  ont  été  es- 
timés en  Allemagne  au  commencement  de  ce  siècle. 

LACROIX  (Silvestre-François),  mathématicien  français, 
né  à  Paris  en  1765,  mort  à  Paris  le  25  mai  1843.  Sa  famille 
était  sans  fortune;  dès  Tàge  de  dix-sept  ans,  il  obtint  une 
place  de  professeur  de  mathématiques  à  l'Ecole  de  la  ma- 
rine à  Rochefort  ;  il  fut  successivement  attaché  ensuite  à 
l'Ecole  militaire  de  Paris  (1787)  et  à  l'Ecole  d'artillerie 
de  Besançon  (1788).  à  la  réorganisation  de  l'enseigne- 


LACROIX 


lU  — 


ment  après  la  Terreur,  il  fut  nommé  professeur  adjoint  de 
géométrie  descriptive  à  l'Ecole  normale,  puis  professeur  de 
mathématiques  à  l'Ecole  centrale  des  Quatre-Natiohs.  En 
4799,  il  entrait  à  l'Institut  et  prenait  la  chaire  d'analyse 
de  l'Ecole  polytechnique,  qu'il  quitta  pour  la  Sorhonne  et 
le  Collège  de  France  (iSiS),  où  il  succéda  à  son  maître 
Mauduit.  Lacroix  a  rendu  de  grands  services  dans  l'ensei- 
gnement, et  ses  ouvrages,  en  particulier  son  Traité  de 
calcul  différentiel  et  intégral  (1797-1800,  3  vol.)  et 
les  différents  volumes  de  son  Cours  de  mathématiques 
(1797-99, 10  vol.),  ont  eu  de  nombreuses  éditions.  Mais 
ce  ne  fut  pas  un  inventeur  et  ses  ouvrages  ont  aujourd'hui 
singulièrement  vieilli.  T. 

LACROIX  (Jean- Louis),  dit  deNiré,  littérateur  français, 
né  à  Paris  le  9  août  1766,  mort  le  19  avr.  1813.  Chef  à 
l'administration  des  domaines,  il  a  laissé  plusieurs  romans, 
dont  quelques-uns  ont  eu  une  vogue  extraordinaire.  Citons  : 
Ladouski  et  Floriska  (Paris,  1801,4  vol.  in-12,  trad. 
en  plusieurs  langues)  ;  Manda  Fitz  Alton  (1810,  3  vol. 
in-12),  et  des  poésies,  entre  autres  :  Andromède  (1785, 
in-12)  et  rHymen  (1810,  in-18). 

LACROIX  (François-Joseph-Pamphile,  vicomte),  géné- 
ral français,  né  à  Aymarques  le  l^'^  juin  1774,  mort  à 
Versailles  en  1842,  Général  de  brigade  à  vingt-sept  ans, 
il  fut,  comme  ami  de  Macdonald  et  de  Moreau,  disgracié 
par  Bonaparte  (1802)  et  ne  devint  général  de  division  que 
vers  la  fin  de  l'Empire.  Pendant  les  Cent-Jours,  il  fit  la 
campagne  de  Belgique.  Tenu  quelques  années  à  l'écart  par 
la  Restauration,  il  put  en  1820  reprendre  du  service,  fut 
mis  à  la  tête  de  la  7®  division  militaire,  réprima  l'échauf- 
fourée  de  Grenoble  en  mars  182i  et,  l'année  suivante,  les 
complots  des  carbonari  en  Alsace,  fut  nommé  vicomte, 
gentilhomme  de  la  chambre  du  roi,  et  prit  part  en  1823 
à  l'expédition  d'Espagne.  Moins  bien  traité  par  Charles  X 
que  par  Louis  XVIII,  il  n'en  resta  pas  moins  fidèle  à  la 
légitimité  après  la  révolution  de  1830.    A.  Debïdour. 

LACROIX  (Alphonse-François),  écrivain  et  missionnaire 
neuchâtelois,  né  à  Lignières  (Neuchâtel)  le  10  mai  1799, 
mort  à  Calcutta  le  8  juil.  1859.  En  1816,  nous  le  trouvons 
précepteur  à  Amsterdam  ;  il  s'y  enflamma  de  zèle  pour  la 
mission,  entra  au  séminaire  hollandais  en  1819  et  partit 
en  1821  pour  Chinsurah,  établissement  hollandais  du  Ben- 
gale qui  fut  en  1825  cédé  aux  Anglais  contre  leurs  posses- 
sions à  Java.  Lacroix  resta  au  service  des  missions  :11e 
Londres  et  en  1829  s'établit  à  Calcutta,  où  il  devint  très 
populaire  dans  le  pays  dont  il  connaissait  admirablement  la 
l|ngue.  Sauf  un  séjour  en  Europe  de  1841  à  1843,  il. y 
passa  sa  vie  entière  et  fut,  de  l'aveu  de  tous,  par  l'abon- 
dance et  l'énergie  de  ses  travaux  «  le  plus  grand  prédi- 
cateur itinérant  que  le  Bengale  ait  encore  vu  ».  On  cite 
de  lui  de  nombreuses  traductions  en  bengali,  et  en  français 
un  Voyage  au  temple  de  Jogonnath,  E.  Kuiine. 

LACROIX  (Gustave-Auguste  de),  littérateur  français, 
né  à  Lons-le-Saunier  le  10  juin  1805,  mort  le  2  déc. 
1891.  Ancien  conseiller  de  préfecture,  il  devint  en  1862 
sous-chef  au  ministère  de  l'intérieur.  Outre  sa  collabora- 
tion active  à  de  nombreux  journaux  parisiens,  entre  autres 
le  Temps,  V Epoque^  le  Constitutionnel,  il  a  laissé  :  Etat 
actuel  de  la  littérature  et  de  la  librairie  en  France 
(Paris,  1842,  in-8)  ;  le  Château  de  la  Pommeraie  (1848, 
2  vol.  in-8);  les  Reines  de  la  nuit  (1869,  in-12)  ;  la 
Soirée  de  Saint-Germain  (1882,  in-12),  etc. 

LACROIX  (Paul),  littérateur  français,  né  à  Paris  le 
27  févr.  1806,  mort  à  Paris  le  16  oct.  1 884,  fils  de  Jean- 
Louis  (V.  ci-dessus).  Il  achevait  à  peine  ses  études  au  col- 
lège Bourbon  lorsqu'il  publia  une  édition  des  OEuvres 
complètes  de  Clément  Marot  (1824, 3  vol.  in-8)  et  présenta 
au  comité  de  lecture  de  TOdéon  plusieurs  pièces  qui  furent 
reçues,  mais  non  représentées.  Collaborateur  ou  même  di- 
recteur du  Mercure  du  XIX'^  Siècle^  du  Figaro,  du  Gas- 
tronome, il  adopta  pour  pseudonyme  favori  celui  de  Biblio- 
phile Jacob  et  devint  promptement  plus  célèbre  sous  ce 
nom  d'emprunt  que  sous  le, sien  propre.  Il  le  justifia  d'ail- 


leurs par  un  constant  amour  des  livres  et  des  bibliothèques 
publiques  dont  il  réclamait  en  maintes  occasions  la  réforme 
et  l'a méhora lion.  Membre  du  comité  des  travaux  historiques, 
il  fut  chargé  en  1839  d'une  mission  littéraire  en  Italie  et 
nommé  en  1855  conservateur  de  la  bibliothèque  de  l'Arsenal 
où  il  mourut. 

Si  sa  vie  publique  n'a  pas  ofî'ert  d'autres  incidents,  il 
est  en  revanche  beaucoup  plus  difficile  d'énumérer  les 
écrits  de  toute  nature  auxquels  il  a  prêté  sa  plume  ou  son 
nom,  car,  pas  plus  que  pour  Dumas  père  dont  il  a  presque 
égalé  la  fécondité,  on  ne  saurait  sérieusement  porter  à  son 
actif  tout  ce  que  les  répertoires  bibliographiques  ont  en- 
registré sous  sa  signature,  et,  pour  introduire  quelque  clarté 
dans  cette  nomenclature,  il  faut  grouper  sous  des  rubriques 
diverses  les  titres  des  livres  dont  le  frontispice  annonce  sa 
paternité  ou  sa  collaboration.  C'est  d'abord  toute  une  série 
de  romans  historiques  ou  soi-disant  tels  :  l'Assassinat 
d'un  roi,  le  Couvent  de  Baïano,  les  Soirées  de  sir 
Walter  Scott  à  Paris  (1829);  le  Bon  Vieux  Temps 
(1835)  qui  en  forme  la  suite;  Vertu  et  Tempérament 
(1832);  la  Folle  d'Orléans  (1838);  Pignerol  (1836); 
r  Homme  au  masque  de  fer  (1836)  ;  Mon  Grand  Fau- 
teuil (1836);  Aventures  du  grand  Balzac  (1838); 
la  Sœur  du  Maugrabin  (1838);  le  Roi  des  ribauds,  la 
Dansemacabre  (1832)  ;Médianoches{\^'èD)  ;  les  Francs- 
Taupins  (1833);  la  Marquise  de  Chatillard  (1839);  le 
Chevalier  de  Chaville  (1841);  le  Singe  (1842);  Un 
Duel  sans  témoins  (1843);  Une  Bonne  Fortune  de 
Racine  (1 844) ,  auxquels  il  faut  ajouter  les  Contes  du  bi- 
bliophile Jacob  à  ses  petits-enfants  (1831);  la  Conva- 
lescence du  vieux  conteur  (1832),  et  sa  suite  (1837); 
les  Récits  historiques  à  la  jeunesse  (1844),  etc.  Colla- 
borateur de  Henri  Martin  pour  la  première  édition  de  son 
Histoire  de  France  et  pour  son  Histoire  de  Soissons 
(1837  -  38,  2  vol.  in-8),  il  avait  entrepris  seul  une 
vaste  Histoire  du  xvi^  siècle  en  France,  interrompue 
après  l'incendie  de  la  rue  du  Pot-de-Fer  qui  détruisit  les 
quatre  premiers  volumes,  et  dirigé  avec  Ferdinand  Séré 
une  somptueuse  publication,  le  Moyen  Age  et  la  Renais- 
sance (1847-52,  5  vol.  in-4),  dont  il  tira  plus  tard  les 
éléments  de  nombreuses  monographies  illustrées,  éditées  par 
la  maison  Didot  et  continuées  par  lui  jusques  et  y  compris 
le  xviii^  siècle.  Dans  un  ordre  d'idées  très  différent,  on 
peut  encore  citer  une  Histoire  de  la  prostitution  chez 
tous  les  peuples  (1851-52,  6  vol.  in-8)  et  àes  Mémoires 
curieux  sur  le  même  sujet  signé  Pierre  Dufouf,  que  Paul 
Lacroix  n'a  jamais  reconnus  ni  désavoués  et  qui  furent  mis 
au  pilon;  une  Histoire  politique,  anecdotique  et  popu- 
laire de  Napoléon  III  (1853,  4  vol.  in-8);  une  His- 
toire de  la  vie  et  du  règne  de  Nicolas  P^\  empereur  de 
Russie  (1864-75,  t.  I-VIIl),  publication  inachevée  pour 
laquelle  il  recevait  une  pension  du  tsar,  etc. 

Collaborateur  assrdu  du  Bulletin  du  bibliophile  et  de 
tous  les  autres  recueils  similaires,  Paul  Lacroix  a  réuni 
sous  les  titres  Ôl' Enigmes  et  découvertes,  de  Mélanges  et 
de  Dissertations  bibliographiques  (1867,  3  vol.  in-12), 
quelques-uns  des  innombrables  articles  qu'il  leur  avait 
fournis.  Comme  directeur  de  l'Alliance  des  arts  qu'il  avait 
fondée  avec  Thoré  et  Techener,  il  rédigea  ou  annota  d'im- 
portants catalogues,  entre  autres  celui  de  la  vente  Soleinne, 
réclama,  dans  la  Réforme  de  la  bibliothèque  du  roi 
(1845,  in-8),  quelques-unes  des  améliorations  réalisées 
depuis  et  prit  avec  plus  de  zèle  que  de  conviction  la  dé- 
fense de  Libri  lors  du  procès  qui  lui  fut  intenté.  Sa  Biblio- 
graphie moliéresque  (1872,  petit  in-4;  2®  éd.,  augm., 
1875,  gr.  in-8);  son  Iconographie  moliéresque {i^lQ, 
in-8);  sa  Bibliographie  et  iconographie  de  tous  les 
ouvrages  de  Fiestif  delà  Bretomie(iSl^,  in-8),  offrent 
les  mêmes  qualités  et  les  mêmes  défauts  que  ses  di- 
vers travaux  d'érudition,  et  l'on  ne  peut  les  consulter 
qu'avec  défiance.  Il  s'en  faut  que  cette  liste,  si  longue 
qu'elle  soit,  comporte  la  totalité  des  écrits  de  Paul 
Lacroix,  et  même  après  avoir  rappelé  qu'il  fut  l'auteur 


—  725  — 


LACROIX 


d'un  pamphlet  mensuel,  les  Papillons  noirs  (4840, 
4vol.in^32),  le  traducteur  àes Lettres  cVHéloïse  et  d'Abé- 
lard,  et  des  OEuvres  dramatiques  àeVkrèim,  l'éditeur  de 
la  première  Collection  moliéresque  et  à' OEuvres  inédites 
(plus  ou  moins  authentiques)  de  La  Fontaine  (4863-67, 
2  vol.  in-8),  le  directeur  de  la  Bibliothèque  gauloise,  de 
la  Revue  universelle  des  arts,  de  V Annuaire  des  ar- 
tistes  et  des  amateurs  (4860-63,  3  vol.  in-8),  il  reste- 
rait encore  beaucoup  à  citer.  C'est  assez  pour  donner  une 
idée  suffisante  de  l'activité  d'un  homme  qu'on  ne  sau- 
rait accepter  ni  proposer  pour  guide,  mais  qui,  en  dépit  de 
ses  erreurs,  est  l'un  des  initiateurs  du  mouvement  histo- 
rique actuel. 

]y[mo  Paul  Lacroix,  née  Apolline  Biffe,  a  collaboré  à  un 
roman  de  son  mari  intitulé  De  près  et  de  loin,  roman 
conjugal  (1837)  et  publié  diverses  nouvelles  et  des  récits 
pour  les  enfants  :  Fleur  de  terre  et  Fleur  des  champs 
(4854,  in-8)  ;  Falcone  (4856,  in-32),  réimpr.  sous  le 
titre  les  Deux  Perles  (4890,  in-i2);  Madame  Berthe 
(4864,  in-42).  Maurice  Tourneux. 

LACROIX  (Jules),  littérateur  français,  frère  du  précé- 
dent, né  à  Paris  le  7  mai  1 809,  mort  à  Paris  le  4  0  nov.  1 887. 
Il  écrivit  un  nombre  considérable  de  romans  dont  quelques- 
uns  ne  méritaient  pas  l'oubli  dans  lequel  ils  sont  tombés  : 
Une  Grossesse  (4833);  Fleur  à  vendre  (4835);  Corps 
sans  âme  (4  834)  ;  le  Flagrant  Délit  (4  836)  ;  le'Neueu  d'un 
lord  (iSSS);  le  Bâtard  (i83S);  le .Tent(iteur  {m6);  les 
Parasites  (4837);  les  Premières  Bides  (iS^^H);  la  Rente 
viagère  (4839)  ;  le  Banquier  de  Bristol  (4840)  ;  Quatre 
A71SS0US  terre  (1 844  );  les  Folles  fruits,  VAllia7ice  (4  843); 
la  Vipère{\^Û)le  Voile noir{iS^^); l' Etouffeurd' Edim- 
bourg (iSA4);  le  Masque  de  velours  (1844);  Un  Grand 
d'Espagne  (4 845)  ;  Histoire  d'une  grande  dameiiMl)  ; 
le  Mauvais  Ange  {iMl),  etc.;  un  recueil  de  sonnets,  les  Per- 
venches (4834,  in-46),  et  diverses  traductions  littérales 
des  vers  de  JuvénaL^de  Perse  et  des  deux  premiers  livres 
des  Odes  d'Horace.  Comme  auteur  dramatique,  o^lui  doit: 
le  Testament  de  César,  drame  en  cinq- actes ^  (TheMre- 
Français,  4849);  Fa/ma,  drame  iet  .en  vers *(M»Tl'85'li), 
avec  Auguste  Maquet;  la  /•>owG?^,opéra-eolnique(4455), 
avec  le  même,  musique  de  Niedermayer;  Œdipe  m,  tra- 
duction littérale  de  Sophocle  (1858),  honorée  |)ar  l'Acadé- 
mie française  du  prix  de  40,000  fr.  et  demeurée  au  ré- 
pertoire courant  de  l'Odéon  et  de  la  Comédie-Française; 
la  Jeunesse  de  Louis  XI  (Porte-Saint-Martin,  4859); 
Macbeth  et  le  Roi  Lear  (Odéon,  4863  et  1888).  Jules 
Lacroix  avait  épousé  la  comtesse  Rzev^uska,  sœur  de  M°^®  de 
Balzac.  M.  Tx. 

LAC  RO I X  (Joseph-Eugène),  architecte  français,  né  à  Paris 
le  49  mars  4844,  mort  au  Vésinet  en  janv.  4873.  Elève 
de  Constant-Dufeux,  d'abord  à  Rome  puis  à  Paris,  et  de 
la  première  classe  de  l'Ecole  des  beaux-arts,  Lacroix  res- 
taura l'église  de  Vitry-  sur-Seine,  termina  l'ancienne  mai- 
rie du  VI®  arrondissement,  et  fut,  de  4^50  à  -  4870, 
l'architecte  du  palais  de  l'Elysée,  où  on  lui  doit  des  agran- 
dissements considérables  et  dont  il  renouvela  la  décoration 
intérieure  ;  il  fit  aussi  construire  les  écuries  impériales  de 
l'avenue  Montaigne  et  restaurer  les  églises  de  Rueil  et  de 
Saint- Leu~Taverny  où  furent  élevés,  sous  sa  direction, 
les  tombeaux  de  l'impératrice  Joséphine,  du  roi  Louis  de 
Hollande  et  de  la  reine  Hortense.  On  doit  aussi  à  Lacroix, 
qui  fut  architecte  des  monuments  historiques  et  du  diocèse 
de  Viviers,  d'intéressants  travaux  à  l'hôtel  de  ville  de  Saint- 
Quentin,  plusieurs  groupes  d'habitations  ouvrières  et  des  bâ- 
timents aux  asiles  du  Vésinet  et  de  Vincennes.    Ch.  L. 

LACROIX  (Gaspard-Jean),  peintre  français,  né  à  Turin 
vers  1820,  mort  en  4878.  Venu  tout  jeune  à  Paris,  il  se 
consacra  à  la  peinture  du  paysage  et  fréquenta  l'atelier  de 
Corot,  dont  il  adopta  la  manière.  Il  peignit  des  vues  de 
Bonnettes,  de  la  Campagne  de  Rome  (1844),  de  Boz^- 
gival  (1848),  des  Bords  du  Morin  (1853),  des  Bords  de 
la  Marne  (1863),  etc.;  mais  il  ne  se  contenta  pas  de  re- 
produire des  sites,  et  ses  paysages  sont  souvent  animés, 


comme  les  Pêcheurs  catalans  àPort-Vendres  {iM'l)', 
V Avare  qui  a  perdu  son  trésor  (1847)  ;  les  Baigneuses; 
Erigone  (1850);  Mercure  endormant  Argus  (1852); 
Daphnis  etChloé  (1861).  G.  A. 

LACROIX  (Mathieu),  poète  languedocien,  né  vers  4827, 
mort  en  4870.  Enfant  trouvé  de  l'hospice  de  Nîmes,  ma- 
nœuvre, puis  maître  maçon  à  la  Compagnie  minière  de  la 
Grand-Combe  (Gard)  où  il  vécut,  il  sentit  le  don  poétique 
s'éveiller  en  lui  devant  les  malheurs  d'une  explosion  du 
grisou.  L'élégie  Pauro  Martinoïoii  il  retrace  avec  une 
émotion  incomparable  le  désespoir  de  la  femme  d'un  mi- 
neur ,  eut  un  succès  universel  dans  le  Midi.  L'auteur  ré- 
cita son  poème  sur  plusieurs  théâtres  et  fut  couronné  au 
deuxième  congrès  des  poètes  provençaux  à  Aix  (4853);  dès 
lors  célèbre,  il  publia  et  dit  lui-même  plusieurs  nouveaux 
ouvrages  :  Sus  la  mort  dou  enfantounet,  la  Caritat, 
tout  vibrants  de  sa  sensibilité..  Mais  il  resta  l'auteur  de 
Pauro  Martino  !  P.  M. 

LACROIX  (Octave)  ou  LACROIX  deCrespel,  né  à  Egle- 
tons  (Corrèze)  le  45  mars  4 827.  Après  avoir  fait  ses  études 
au  collège  de  Juilly  et  suivi  les  cours  de  l'Ecole  de  droit, 
il  devint,  en  4854,  secrétaire  de  Sainte-Beuve,  puis  rédi- 
gea quelques  feuilles  départementales  officieuses  à  Rouen, 
à  Orléans  et  à  Bor-deaux,  fut  à  Paris  le  chroniqueur  pari- 
sien de  V Europe  de  Francfort  (1863-64),  eiitra  au  Mo- 
niteur au  même  titre  et  passa  en  1872  au  Journal 
officiel  comme  critique  d'art.  En  4876,  il  fut  nommé 
secrétaire-rédacteur  du  Sénat.  M.  0.  Lacroix  a  publié  les 
Chansons  d'avril  {\SM,  in-18);  l'Ecole  huissonnière^ 
fantaisies  et  poésies  (1854, in-16);i)w  Culte  de  laVierge 
au  point  de  vue  de  la  poétique  religieuse  (Tournai, 
1858,  in-32);  Padre  Antonio  (1865,  in-48),  recueil 
de  nouvelles  :  Euskal  Erria,  à  mes  amis  du  pays  basque 
(1885,  in-18);  Lointains  et  Retours  (1890,  in-18);  les 
Heures-  errantes  (1891,  in-18,  poésie).  Il  a  fait  aussi 
présenter  au  Théâtre^Français,  en  'ïSo^,  l'Amour  et  son 
train,  comédip  en  .acte,  et  rédigé!, lé  [Rapport,  officiel  sur 
l'Exposition-  dès  beaûx-^arts  'et  des  arts  industriels  à 
Londres- (\%r^,/^v.  in-8).  '-   ;  :  ;' '  ■  •  '  M.  Tx. 

LÀCfiÔM  (Louis),  homme' politique  français,  né  à  Paris 
le  14  (!éè.  4834.  Entrepreneur  de  travaux  publics,  il  fut 
élu  député  du  Loiret  le45  juil.  4888  et  réélu  par  l'arr.  de 
Montargis  aux  élections  générales  de  1889  et  de  4893.  Il 
appartient  au  parti  radical  et  a  combattu  le  boulangisme. 

LACROIX  (Juhen-Adolphe-SigismondKRZYZÂNOwsKi,  dit 
Sigismond),  homme  politique  français,  né  à  Varsovie  le 
26  mars  4845.  Fils  d'un  réfugié  polonais,  qui  fut  natu- 
ralisé Français  le  4 8  avr.  4868,  il  occupa  un  emploi  mo- 
deste à  la  mairie  du  XI®  arrond.  de  Paris.  Devenu,  en 
4874,  conseiller  municipal  de  la  Sal  pétri  ère,  il  se  signala 
par  un  rapport  sur  l'organisation  municipale  de  Paris  fon- 
dée sur  l'autonomie  communale  (4880).  Après  un  échec 
aux  élections  législatives  du  24  avr.  1881  contre  Gam- 
betta  dans  le  XX®  arrondissement  de  Paris,  et  un  nouvel 
échec  à  Béziers  le  26  févr.  1882,  il  fut  élu  député  du 
XX®  arrondissement  le  25  mars  1883.  Il  reproduisit  à 
la  Chambre  son  projet  d'organisation,  municipale  compor- 
tant la  mairie  centrale  de  Paris  (1883),  fut  réélu  en  1885, 
fut  un  des  adversaires  les  plus  violents  et  les  plus  déter- 
minés du  boulangisme  et  échoua  aux  élections  de  1889. 
Il  ne  s'est  pas  représenté  en  1893.  Ancien  collaborateur 
de  la  Réforme  économique,  avec  Yves  Guyot,  rédacteur 
en  chef  des  Droits  de  l'homme  et  de  la  Convention 
nationale,  un  des  fondateurs  et  des  principaux  collabora- 
teurs du  Radical,  S.  Lacroix  a  écrit  :  Mémento  de  droit 
civil  (Paris,  4873-1874,  3  vol.  in-12)  ;  Histoire  des 
prolétaires  (4873,  in-4),  en  coll.  avec  Yves  Guyot. 

LACROIX  DE  Chevrières  (Jean  de),  prélat  et  homme 
politique  français,  né  vers  4556,  mort  à  Paris  le  8  mars 
4619.  Il  était  fils  de  Félix  de  Lacroix  de  Chevrières,  avocat 
général  au  parlement  de  Grenoble.  Nommé  conseiller  au 
même  parlement  (1578),  il  abandonna  son  siège  pour  re- 
prendre brillamment  (1585)  la  charge  d'avocat  général  de 


LACROIX  —  LACTAIRE 


726 


son  père.  Il  embrassa  la  cause  de  la  Ligue,  mais,  après  la 
soumission  de  Grenoble  à  la  cause  du  roi  Henri  IV,  Jean  de 
Lacroix  se  soumit  et  reçut  en  échange  de  son  adhésion  de 
magnifiques  récompenses.  En  1595,  il  fut  nommé  conseiller 
d'Etat  et  surintendant  des  finances  en  Dauphiné.  Après  la 
conquête  de  la  Savoie,  on  lui  confia  les  sceaux  et  un  siège 
de  conseiller  dans  le  parlement  français  créé  à  Chambéry. 
Il  remplit  ces  fonctions  jusqu'en  oct.  1601.  Dans  le  célèbre 
procès  des  Tailles,  qui  divisait  les  trois  ordres  du  Dau- 
phiné, Jean  de  Lacroix  prit  résolument  parti  pour  la  no- 
blesse qu'il  vint  défendre  à  Paris  devant  le  conseil  d'Etat. 
Nommé  en  1603  président  à  mortier,  il  revint  à  Paris 
en  1604  pour  demander  au  roi  la  réunion  au  Dauphiné  de 
la  Bresse  et  du  Bugey,  récemment  cédés  par  le  duc  de 
Savoie.  La  négociation  échoua,  mais  Jean  de  Lacroix  obtint 
le  titre  d'ambassadeur  du  roi  de  France  auprès  du  duc  de 
Savoie. 

Cette  carrière,  déjà  si  pleine,  ne  suffit  pas  à  satisfaire 
son  ambition.  En  1609,  François  Fleard,  évêque  de  Gre- 
noble, étant  mort,  Jean  de  Lacroix,  v&uf  depuis  1594  de 
Barbe  d'Arzac,  qu'il  avait  épousée  le  7  sept.  1577,  solli- 
cita et  obtint  du  roi  et  du  pape  d'être  promu  à  l'évêché  de 
Grenoble.  Il  reçut  ses  bulles  le  4  juil.  1607.  Après  la 
mort  de  Henri  IV,  Jean  de  Lacroix  fut  nommé  conseiller 
d'Etat  (17  sept.  1612)  par  la  reine  Marie  de  Médicis. 
En  1614,  la  prov.  du  Dauphiné  lui  confia  le  soin  de  dé- 
fendre ses  intérêts  devant  les  Etats  généraux  du  royaume. 
Depuis  lors,  il  résida  presque  constamment  à  Paris  où  il 
mourut  cinq  années  plus  tard.  Dans  une  vie  si  absorbée 
par  les  fonctions  publiques,  Jean  de  Lacroix  trouva  le 
temps  de  rédiger  des  notes  sur  les  Décisions  de  Guy  Pape^ 
et  un  commentaire  des  statuts  de  Louis  XI  concernant  les 
donations  entre  vifs  (insérés  dans  Guidonis  Papœ  deci- 
siones;  Genève,  1654,  in-fol.). 

BiBL.  :  Guy.  Allard,  Eloge  de  Jean  de  La.cvoix  (publ. 
par  H.  Gariei,  Delphinalia,  avr.  1854,  d'après  le  manuscrit 
inédit  et  anonyme  de  la  bibl.  de  Grenoble). 

LA  CROIX  DU  Maine  (V.  Croix  du  Maine). 

LACROIX-Saint-Pierre  (Pierre-Henri-Albert),  homme 
politique  français,  né  à  Chabeuil  (Drôme)  le  9  août  1817, 
mort  à  Paris  le  3  juin  1891.  Candidat  officiel  dans  la  pre- 
mière circonscription  de  la  Drôme,  il  fut,  à  deux  reprises 
(1863,  1869),  envoyé  au  Corps  législatif,  où  il  prit  une 
part  importante  aux  discussions  de  finances.  Rallié  en  1869 
à  la  politique  parlementaire  des  116,  il  n'en  soutint  pas 
moins  Napoléon  III  jusqu'à  la  révolution  du  4  sept.,  qui 
le  rejeta  dans  la  vie  privée.  A.  Deridour. 

>  LACROSSE  (Jean-Baptiste-Raymond,  baron  de),  contre- 
amiral  français,  né  àMeilhan  (Lot-et-Garonne)  le  5  sept. 
1765,  mort  à  Meilhan  le  9  sept.  1829.  Lacrosse,  parent 
par  sa  mère  de  l'amiral  de  Bruix,  sortit,  dès  l'âge  de  dix- 
huit  ans,  de  l'Ecole  nobiliaire  des  gardes  de  la  marine  et 
fit  sa  première  campagne  dans  les  Indes.  Il  se  distingua  au 
siège  de  Gondelour  et,  dès  le  commencement  de  1792,  il 
était  capitaine  de  vaisseau.  Il  reçut  la  mission  de  pacifier 
les  îles  de  la  Martinique  et  de  la  Guadeloupe,  où  les  noirs 
s'étaient  révoltés.  Il  y  réussit  sans  verser  de  sang;  mais, 
rappelé  en  1793,  il  n'en  fut  pas  moins  incarcéré  par  ordre 
du  comité  de  Salut  pubhc  et  ne  fut  remis  en  Hberté  qu'en 
1795.  RétabU  dans  les  cadres  de  la  marine  en  déc.  1796, 
il  fit  partie  de  l'expédition  d'Irlande.  Lacrosse,  qui  com- 
mandait le  vaisseau  les  Droits  de  rhomme^  dut  faire  voile 
vers  la  Bretagne.  Attaqué  par  trois  navires  anglais,  il  réus- 
sit, après  un  combat  acharné,  à  désemparer  l'un  des  vais- 
seaux ennemis  et  à  mettre  les  autres  hors  d'état  de  le  pour- 
suivre, et  il  vint  échouer  sur  les  côtes  de  France.  Il  fut 
fait  alors  contre-amiral.  Plus  tard,  il  fut  ambassadeur  en 
Espagne.  En  1802,  Lacrosse  fut  nommé  capitaine  général 
de  la  Guadeloupe  ;  il  y  devint  bientôt  la  victime  d'une  ré- 
volte et  tomba  aux  mains  des  rebelles.  Il  n'obtint  la  liberté 
qu'à  grand 'peine  et  se  retira  à  la  Martinique  ;  plus  tard 
cependant  il  put  rentrer  à  la  Guadeloupe  et  y  rétablir 
Tordre.  Au  moment  de  la  rupture  du  traité  d'Amiens,  il 


faillit  tomber  aux  mains  de  la  flotte  anglaise  qui  bloquait 
Brest.  Peu  après,  il  fut  nommé  inspecteur  de  la^flottille 
destinée  à  la  descente  en  Angleterre.  Il  fut  ensuite  préfet 
maritime  du  Havre,  puis  commandant  en  chef  de  la  flottille 
de  Boulogne  qu'il  préserva  habilement  des  brûlots  anglais, 
et  enfin  préfet  maritime  à  Rochefort.  Destitué  en  1815, 
Lacrosse  se  retira  dans  sa  propriété  de  Meilhan.      G.  R. 

Bibl.  :  A.  Hugo,  France  militaire^  Histoire  des  armées 
françaises  de  terre  et  de  merde  1192  à  1833  ;  Paris,  1834, 
5  vol. 

LACROSSE  (Bertrand-Théobald-Joseph,  baron  de), 
homme  poHtique  français,  né  à  Brest  le  29  janv.  1796, 
mort  à  Paris  le  28  mars  1865,  fils  du  précédent.  Après  avoir 
fait  les  dernières  campagnes  de  l'Empire  et  gagné  le  grade 
de  capitaine,  il  resta  dans  la  vie  privée  sous  la  Restaura- 
tion. Envoyé  en  1834  par  les  électeurs  de  Brest  à  la 
Chambre  des  députés,  il  siégea  jusqu'à  la  révolution  de 
Février  dans  les  rangs  de  la  gauche  dynastique  et  prit  une 
part  importante  aux  discussions  d'affaires.  Représentant  du 
Finistère  à  la  Constituante  (1848)  et  à  la  Législative  (1849), 
il  fut  vice-président  de  ces  deux  assemblées,  se  dévoua, 
après  le  18  déc,  à  la  politique  du  prince-président,  qui  lui 
confia  deux  fois  le  portefeuille  des  travaux  publics  (20  déc. 
1848-30  oct.  1849  et  26  oct.-2  déc.  1851),  applaudit  au 
coup  d'Etat,  après  lequel  il  devint  président  de  section  au 
conseil  d'Etat,  entra  au  Sénat  le  26  janv.  1852  et  de- 
manda quelques  mois  après  le  rétabUssement  de  l'Empire, 
qu'il  ne  cessa  dès  lors  de  servir.  A.  Debidour. 

LAGROST.  Corn,  du  dép.  de  Saône-et-Loire,  arr.  de 
Mâcon,  cant.  deTournus  ;  625  hab. 

LÂCROUZETTE.  Gom.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  de  Cas- 
tres, cant.  de  Roquecourbe;  1,751  hab. 

LA  CROYÈRE  (Louis  Delisle  de)  (V.Delisle). 

LACROZE  (Mathurin  VEYSsiÈREDE),érudit  français,  né 
à  Mantes  le  4  déc.  1661,  mort  à  Berlin  le  21  mai  1739.  Il 
se  fit  recevoir  à  l'âge  de  dix-sept  ans  chez  les  bénédictins 
de  Saint-Maur,  afin  de  pouvoir  se  livrer  à  son  goût  pour 
l'étude;  en  1682,  il  fut  envoyé  à  Paris,  son  caractère  in- 
dépendant et  des  scrupules  qu'avait  éveillés  en  lui  la  lecture 
des  pères  et  de  quelques  ouvrages  de  controverses,  lui  firent 
quitter  la  France  sous  un  déguisement  en  févr.  1696  ;  il 
se  rendit  par  Bâle  à  Berlin,  où  il  vécut  dans  la  gêne  jus- 
qu'à ce  qu'il  fit  un  gain  dans  la  loterie  de  Hollande  en  1 715. 
En  1725,  il  occupa  la  chaire  de  philosophie  au  collège  fran- 
çais de  Berlin.  Sa  mémoire  et  son  érudition  étaient  sur- 
prenantes, mais  il  manquait  de  critique.  On  cite  parmi  ses 
ouvrages  :  r  Histoire  du  christianisme  aux  Indes  (La 
Haye,  1724,  pet.  in-8),  plusieurs  fois  réimprimée  et  tra- 
duite en  allemand  et  en  danois  ;  V  Histoire  du  christia- 
nisme d'Ethiopie  et  d'Arménie  (La  Haye,  1738).  De  son 
reliquat,  on  a  publié  un  Lexicon  œgyptiaco-latinum 
(Oxford,  1775,  in-4).  F.-H.  K. 

LA  CRUZ  (V.  Pantoja  [Juan]). 

LA  CRUZ  (V.  Cruz). 

LACRYMALES  (Glandes  et  voies)  (V.OEil  et  Paupière). 

LACS  d'Amour  (Ordre  du)  (V.  Annonciade). 

LACS.  Com.  du  dép.  de  l'Indre,  arr.  et  cant.  de  La 
Châtre  ;  493  hab. 

LACTAIRE  (Bot.).  Champignon  agariciné,  à  fruit  charnu, 
éphémère,  à  basides  à  quatre  stérigmates  recouvrant  les 
lames  à  la  face  inférieure  d'un  chapeau  plan-convexe,  de- 
venant déprimé,  souvent  zone.  Stipe  confluent  avec  lui, 
charnu,  central.  Yoile  absent,  sauf  chez  quelques  espèces 
portant  à  la  marge  du  chapeau  des  fibrilles  qui  paraissent 
être  les  débris  d'une  enveloppe  primitive.  La  caractéristique 
du  tissu  et  sa  diff'érenciation  avec  le  genre  Russule  (V.  ce 
mot)  repose  principalement  sur  la  présence,  sur  le  par- 
cours des  éléments  grêles  du  tissu,  de  nombreux  laticifères 
contenant  un  latex  abondant,  parfois  jaune,  rouge,  mais  le 
plus  souvent  blanc,  qui  s'écoule  au  dehors  à  la  moindre 
blessure.  Spores  presque  globuleuses  et  échinulées,  sauf 
dans  L.  piperatus  où  eUes  sont  lisses.  Espèces  principales  : 
L.  vellereus,  L.  piperatus,  L.  strobiculatus,  L,  delicio- 


727 


LACTAIRE  —  LÂCTATE 


sus^  L.  sanguinifluus,  h.  volemus*  Ces  trois  dernières 
espèces  sont  à  peu  près  les  seules  comestibles  ;  la  plupart 
des  autres  sont  acres  et  même  vénéneuses.      H.  Fournier. 

LACTAmDE(Chi„.).IwjE:;.:SrO< 
Le  lactamide  est  Famide  de  l'acide  lactique  : 
C6H6(H202)(04)  -i-  AzH3  "  C<5H202(HW)  (ÂzH3). 
Ce  composé  isomère  de  l'alanine  et  de  la  sarcosine  a  été 
découvert  par  Pelouze  en  faisant  agir  l'ammoniaque  sur 
le  lactide  ou  anhydride  de  l'acide  lactique.  MM.  Gautier 
et  Simpson  l'ont  utilisé  comme  corps  intermédiaire  dans 
la  synthèse  de  l'acide  lactique  à  partir  de  l'aldéhyde  et  de 
l'acide  anhydrique  : 

C^H^^O^-  +  C^HAz  +  EW  =  CmW(E^Ù%Az\{^) 

cmw(nw){Azm)  +  h^o^  =r  cwh«  +  azH^. 

Le  lactamide  forme  des  petits  prismes  blancs  ou  des 
masses  cristallines  rayonnées,  facilement  solubles  dans 
l'eau  et  dans  l'alcool.  Les  acides  et  les  alcalis  bouillants  le 
saponifient  comme  tous  les  amides  en  donnant  de  l'ammo- 
niaque et  l'acide  correspondant.  C.  M. 

LACTANCE  {Lactantius,  Lucius  Cœlius  ou  Cœcilius 
Firmianus)^  apologiste  chrétien,  mort  à  Trêves  vers  325. 
La  date  de  sa  naissance  est  inconnue  ;  on  sait  seulement 
qu'il  mourut  fort  vieux.  Quant  au  lieu,  on  a  induit  de  son 
surnom  (Firmianus)  qu'il  était  né  à  Formium  en  Italie; 
mais  le  nom  de  plusieurs  localités  d'Afrique  peut  être  pa- 
reillement adapté  à  la  composition  de  ce  mot.  Ce  qui  est 
certain,  c'est  qu'il  reçut  son  éducation  en  Afrique.  On  dit 
aussi  qu'il  y  suivit  les  leçons  d'Arnobe.  Cette  affirmation, 
qui  n'est  fondée  sur  aucun  indice  précis,  semble  contredite 
par  une  vraisemblance  résultant  du  fait  que  Lactance,  qui 
mentionne  Minucius  Fehx,  Tertullien  et  Cyprien,  ne  parle 
point  d'Arnobe.  Il  était  encore  païen,  lorsque  Dioclétien, 
qui  avait  remarqué  un  de  ses  écrits,  le  Symposium^  re- 
cueil d'énigmes  en  vers,  destinées  à  égayer  les  repas,  l'ap- 
pela comme  professeur  de  rhétorique  à  Nicomédie,  dont  il 
avait  fait  sa  capitale.  Comme  le  latin  n'était  point  en  hon- 
neur dans  cette  ville,  restée  grecque,  Lactance  y  trouva 
peu  d'élèves.  Il  composa  des  livres  pour  vivre,  et  vécut 
pauvrement.  L'austérité  de  ses  moeurs,  son  ardent  amour 
de  la  vérité  le  prédisposaient  au  christianisme.  La  cons- 
tance des  chrétiens  devant  leurs  persécuteurs  le  décida  à 
embrasser  leur  religion  ;  il  entreprit  d'en  réfuter  les  ad- 
versaires et  d'en  exposer  la  doctrine.  Vers  313,  Constantin 
lui  confia  l'éducation  de  Crispus,  ce  fils  aîné  qui  devait 
mourir  si  tragiquement.  Eusèbe  écrit  qu'à  la  cour  Lactance 
resta  pauvre. 

Saint  Jérôme  a  fait  la  liste  de  ses  écrits.  Ceux  qui  nous 
sont  parvenus  ont  pour  titre  :  De  Opificio  Dei  vel  de 
Formatione  hominis,  ad  Demetrianwn  auditorem 
suum  ;  —  Divinarum  institutionum  libri  septem  ;  — 
Epitome  Institutionum  ad  Pentadium; —  De  Ira  Dei; 
—  Liber  ad  Donatum  confessorem  de  Mortibus  per- 
secutorum  ou  De  persecutione  liber  unus.  Dans  le  pre- 
mier de  ces  ouvrages,  décrivant  V œuvre  de  Dieu  dans 
rorganisation  de  la  nature  humaine,  Lactance  complète 
ce  que  Cicéron  a  écrit  dans  ses  traités  philosophiques,  et 
il  réfute  les  objections  d'Epicure  et  de  Lucrèce  contre  la 
providence  divine.  Il  le  fait  avec  une  pureté  de  style  et  une 
élégance  qui  lui  ont  valu  le  surnom  de  Cicéron  chrétien, 
une  profondeur  et  une  ampleur  de  pensée  qu'on  cherche- 
rait vainement  chez  l'auteur  romain.  Les  Institutions 
divines  ont  pour  objet  de  faire  ressortir,  par  comparaison, 
la  supériorité  de  la  religion  chrétienne  sur  la  religion 
païenne.  Les  trois  premiers  livres  traitent  de  la  fausse  re- 
ligion, de  l'origine  de  l'erreur  et  de  la  fausse  sagesse  ;  les 
quatre  derniers,  de  la  vraie  sagesse,  de  la  justice,  du  vrai 
culte  et  de  la  vie  heureuse.  En  décrivant  le  bonheur  des 
justes,  Lactance  fait  une  large  part  aux  conceptions  millé- 
naires (V.  Chiliasme).  La  conclusion  de  tout  cet  ouvrage, 
c'est  que  la  philosophie  et  la  religion  païenne  ont  commis 
une  funeste  erreur,  en  séparant  du  sentiment  religieux  la 


vraie  sagesse  ;  en  les  révélant  unies  dans  la  personne  de 
Jésus-Christ,  Fils  de  Dieu,  fait  chair  pour  la  rédemption 
des  hommes,  le  christianisme  a  rendu  la  vérité  au  monde. 
A  l'origine  du  monde,  la  justice  régnait  avec  l'adoration 
d'un  seul  Dieu  ;  tous  les  vices  ont  été  engendrés  par  le 
polythéisme  :  l*Evangile  a  remis  en  lumière  Tadoration 
du  Dieu  unique .  Lactance  a  fait  lui-même  un  résumé  de 
ces  sept  livres  :  Epitome  Institutionum  ;  le  commence- 
ment de  ce  résumé,  qui  manquait  depuis  longtemps,  a  été 
retrouvé  par  le  chanceher  Pfaff,  dans  la  bibliothèque  de 
Turin.  Le  traité  De  Ira  Dei  est  dirigé  contre  les  stoïciens 
et  les  épicuriens,  qui  laissaient  Dieu  indiffèrent  à  l'égard 
des  méfaits  des  hommes,  afin  de  respecter  son  impassibi- 
lité et  de  ne  lui  attribuer  rien  d'humain.  Le  livre  sur  la 
Mort  des  persécuteurs  prétend  démontrer  la  divinité  de  la 
religion  chrétienne  par  la  fin  tragique  de  ceux  qui  ont  per- 
sécuté l'Eglise.  Il  contient  des  faits  intéressants  ;  mais, 
pour  l'orrionnance  et  le  style,  il  est  fort  inférieur  aux 
autres  écrits  de  Lactance.  C'est  pourquoi  on  en  a  plusieurs 
fois  contesté  l'authenticité.  Il  semble  qu'on  peut  la  main- 
tenir, mais  en  constatant  un  cas  assez  commun  :  un  écri- 
vain, expert  dans  l'exposition  des  idées,  peut  être  très 
malhabile  dans  la  relation  des  faits. 

Conformes  à  Fétat  de  la  pensée  chrétienne,  à  l'époque  oti 
ils  ont  été  composés,  les  écrits  de  Lactance  s'écartent,  sur 
plusieurs  points  encore  indécis,  des  définitions  dogmatiques 
qui  ont  été  décrétées  plus  tard.  C'est  pourquoi  saint  Jérôme 
dit  qu'il  réussit  mieux  dans  la  réfutation  des  erreurs 
païennes  que  dans  l'exposition  de  la  doctrine  chrétienne 
{Epist.  ad  Paulinum).  Le  décret  dit  de  Gélase  classe  ses 
livres  parmi  les  apocryphes,  ce  qui  signifie  ici  suspects 
quant  à  l'orthodoxie.  Malgré  son  mérite  comme  apologiste 
du  christianisme,  on  lui  a  toujours  refusé  le  titre  de  doc- 
teur de  l'Eglise.  Néanmoins  sa  valeur  morale  et  littéraire 
lui  ont  assuré  beaucoup  de  lecteurs,  surtout  aux  époques 
où  le  culte  des  lettres  et  le  goût  de  la  bonne  latinité  étaient 
en  honneur  dans  l'Eglise.  L'indice  de  ce  fait  résulte  du 
grand  nombre  des  manuscrits  de  ses  ouvrages  et  des 
époques  où  ils  ont  été  copiés.  Depuis  la  découverte  de  l'im- 
primerie, on  compte  plus  de  115  éditions  totales  ou  par- 
tielles; de  1465  à  1739,  86  éditions  des  œuvres  complètes. 
La  première  fut  imprimée  dans  le  célèbre  monastère  bé- 
nédictin de  Subiaco  (Etats  pontificaux),  et  c'est  en  même 
temps  le  premier  livre  avec  date  qui  ait  paru  en  Italie. 
Parmi  les  meilleures,  sont  celles  de  Rome  (1651-59, 
4  vol.  in-8);  de  Paris  (1748,  2  vol.  in-4),  préparée  par 
Lebrun  et  Lenglet  du  Fresnoy;  de  Deux-Ponts  (1786, 
2  vol.  in-8).  La  dernière  est  contenue  dans  la  Bibliotheca 
patrum  Ecclesiœ  lalinœ  de  Gersdorf  (Leipzig,  1842, 
t.  X-XI).  —  Traductions  en  français  :  René  Famé,  Insti- 
tutions divines  (Paris,  1746,  in-8);  Maucroix,  Mort  des 
persécuteurs  (Paris,  1680,  in-12);  Basnage,  Mort  des 
persécuteurs  (Utrecht,  1687,  in-8),       E.-H.  Vollet. 

LÂCTARIUS  (IchtyoL).  Genre  de  Poissons  osseux  (Té- 
léostéens),  de  l'ordre  desAcanthoptérygiensCottoScombri 
formes,  et  de  la  famille  des  Carangidae,  voisin  des  Seriola 
(V.  ce  mot),  ayant  des  dents  en  velours  aux  deux  mâchoires 
et  aux  palatins  ;  en  outre  la  mâchoire  supérieure  porte  à 
son  extrémité  antérieure  2  ou  4  crochets  longs,  arqués  et 
pointus;  l'inférieure  n'a  qu'une  seule  rangée  de  petites 
dents  fines,  aiguës,  faiblement  crochues  et  serrées  l'une 
contre  l'autre.  On  observe  de  plus  un  petit  groupe  de 
dents  très  fines  sur  le  chevron  du  vomer  et  une  bande 
très  étroite  sur  le  bord  de  chaque  palatin.  L'anale  n'a  pas 
d'épines  libres  en  avant.  Le  type  du  genre,  le  Lactarius 
delicatulus,  habite  Pondichéry,  où  il  est  très  estimé  pour 
l'excellence  de  sa  chair.  C'est  un  animal  d'environ  25  cen- 
tim.,  verdâtre  sur  le  dos,  argenté  en  dessus  et  en  côté.  La 
caudale  porte  un  hséré  noir,  et  une  petite  tache  de  même 
couleur  existe  à  l'échancrure  de  l'opercule.  On  le  pêche 
pendant  toute  l'année  dans  la  rade  de  Pondichéry. 
BiBL.  :  CuviER  et  Valenciennes,  Hist.  génér,  des  Poiss. 
LACTATE  (V.  Lactique). 


LACTATION  —  LACTOMÈTRE 


—  728  - 


LACTATION  (V.  Lait). 

LACTIQUE  (Acide).  —  L  Chimie.— 

Form    SEquiv...C«H4(H20^^)(0^). 
^°™-  i  Atom  . . .  CH^.CHOiï.CO^fL 

L'acide  lactique  ordinaire  appelé  aussi  acide  lactique  de 
fermentation  ou  acide  éthylidène  lactique  a  été  découvert 
par  Scheele  en  1780  dans  le  lait  aigri  et  reconnu  comme 
un  acide  particulier  par  Berzelius.  Mitscherlich  et  Liebig 
ont  fixé  sa  composition.  Etudié  surtout  par  Wurtz  et  par 
M.  Wislicenus,  sa  synthèse  a  été  réalisée  d'abord  par 
Strecker,  puis  par  M.  Wislicenus.  Ce  corps  présente  à  la 
fois  la  fonction  acide  et  la  fonction  alcool  secondaire. 
Wurtz  a  pu  l'obtenir  par  oxydation  du  glycol  isopropylé- 
nique  : 

CW(K^O'){EW)  +  20^  zz:  CW(H202)(04)  +  H^O 
et  par  l'oxydation  indirecte  de  l'acide  propionique. 

MxM.  Gautier  et  Simpson  ont  réalisé  sa  synthèse  en 
partant  de  l'aldéhyde  et  de  l'acide  cyanhydriqae  : 
mm^  -i-  C^HAz  +  21120^  =:  C60«H5(AzH4). 

On  le  prépare  en  utilisant  la  propriété  que  possède  un 
ferment  organisé  particuHer  de  petite  dimension,  le  fer- 
ment lactique,  de  transformer  la  glucose  en  acide  lactique; 
on  peut  prendre  comme  matière  initiale  toute  substance 
susceptible  de  fournir  de  la  glucose,  comme  le  sucre, 
l'amidon,  etc.  ;  il  importe  d'opérer  en  milieu  neutre  et  de 
neutraliser  l'acide  au  fur  et  à  mesure  de  sa  formation  par 
du  carbonate  de  chaux  par  exemple,  sinon  la  réaction 
changerait  de  sens  et  la  fermentation  lactique  ferait  place 
à  une  fermentation  visqueuse. 

L'acide  lactique  forme  un  liquide  incolore,  épais,  qui 
renferme  toujours  deTeau,  car  il  se  décompose  en  un  anhy- 
dride, le  lactide,  et  en  eau  quand  on  veut  le  chauffer  ou 
évaporer  dans  le  vide  sa  solution  concentrée  : 
C^H^O^  =  C^H^O^  +  îl'^O^ 

L'acide  lactique  ordinaire  n'agit  pas  sur  la  lumière  po- 
larisée, mais  il  est  inactif  par  compensation  et  résulte  de 
l'union  à  molécules  égales  d'un  acide  lactique  droit  et  d'un 
acide  lactique  gauche.  Quand  on  cultive  le  Pénicillium 
glaucum  dans  une  solution  de  lactate  d'ammoniaque, 
l'acide  lactique  qui  subsiste  après  quelques  semaines  est 
dextrogyre,  l'isomère  lévogyre  ayant  été  détruit  en  plus 
forte  proportion.  L'acide  lactique  dextrogyre  ainsi  séparé 
paraît  être  identique  à  un  isomère  de  l'acide  lactique,  l'acide 
paralactique  ou  sarcolactique  que  Berzelius  a  découvert  en 
1807  dans  le  liquide  qui  imprègne  les  tissus  musculaires. 
L'acide  sarcolactique  fait  tourner  à  droite  le  plan  de  pola- 
risation et  possède  des  propriétés  très  voisines  de  l'acide 
lactique  en  fermentation  ;  combiné  avec  l'acide  gauche  il 
reproduirait  l'acide  ordinaire. 

Les  acides  étendus  convertissent  l'acide  lactique  en  pro- 
duits de  substitution  de  l'acide  propionique  : 

r/H^O^  -h  HI  =:  C^H^IO^  +  H202  ; 

l'acide  sulfurique  décompose  en  acide  formique  et  aldéhyde  : 

C6H606  —  c^O^H^  +  C^H^O^. 

Les  lactates  proprement  dits  sont  monobasiques  et  tous 
sont  solubles  dans  l'eau  ;  on  les  prépare  soit  au  moyen  de 
l'acide  et  des  carbonates,  soit  par  double  décomposition 
entre  le  lactate  de  chaux  et  les  sulfates  solubles.  Ils  cris- 
tallisent généralement  mal,  sauf  le  sel  de  zinc,  2G^lI^0^Zn. 
SH^O^,  qui  forme  des  aiguilles  peu  solubles  dans  l'eau 
froide  et  insolubles  dans  l'alcool. 

Les  sarcolactates  correspondant  à  Tacide  lactique  droit 
sont  en  général  lévogyres  et  plus  solubles  que  les  lactates. 
Le  sel  de  zinc,  C^H^ZnO^.^HO,  est  très  soluble  dans  l'eau 
froide  ;  il  forme  des  prismes  courts  et  brillants.      CM. 

II.  Thérapeutique.  —  L'acide  lactique  existe  presque 
constamment  dans  l'estomac.  Dans  la  discussion  sur  la 
nature  de  l'acide  du  suc  gastrique,  quelques  physiologistes, 
et  notamment  Laborde,  ont  soutenu  que  c'était  cet  acide 
qui  était  l'agent  actif  du  suc  gastrique.  Il  paraît  établi  au- 
jourd'hui que  l'acide  chlorhydrique  est  bien  l'acide  essen- 
tiel, mais  que  l'acide  lactique  provenant  des  fermentations 


peut  jouer  un  rôle  également  utile.  Injecté  dans  l'estomac 
à  haute  dose  (4  à  8  gr.  dilués  dans  200  centim.  c.  d'eau), 
l'acide  lactique  entrave  la  digestion  gastrique,  mais  cette 
action  n'est  pas  durable,  elle  ralentit  simplement  cette  ac- 
tion. D'où  cette  conclusion  pratique  de  Gilbert  et  Domi- 
nie  :  Dans  le  cas  oîi  la  digestion  gastrique  est  rapide  et 
suivie  d'une  trop  prompte  évacuation  du  chyme  dans  l'in- 
testin, on  peut  réaliser  une  véritable  bradypepsie  en  don- 
nant une  certaine  dose  d'acide  lactique.  En  thérapeutique, 
l'acide  lactique  a  été  employé  depuis  un  certain  temps  contre 
la  diarrhée  verte  microbienne.  On  administre  aux  enfants, 
par  cuillerées  à  café,  une  potion  de  100  gr.  contenant 
2  gr.  d'acide  lactique  (Hayem).  Cette  préparation,  que  les 
entants  prennent  très  facilement,  réussit  généralement 
bien,  mais  elle  échoue  contre  une  autre  diarrhée  verte,  non 
microbienne  et  qui  est  d'origine  bilieuse.  En  dehors  du 
diagnostic  bactériologique,  l'odeur  seule  des  selles  suffit 
pour  distinguer  l'une  de  l'autre  ces  diarrhées.  En  usage 
externe,  l'acide  lactique  a  été  utilisé  pour  la  destruction 
des  granulations,  des  néoplasmes,  des  lupus.  On  l'applique 
directement  sur  le  point,  soit  en  badigeonnages  répétés, 
soit  en  appHquant  un  fragment  d'ouate  imbibé  de  l'agent 
destructeur  et  en  laissant'douze  heures.  Il  faut  avoir  soin 
de  protéger  les  parties  environnantes  avec  un  taffetas.  Dans 
certaines  affections  oculaires  de  même  nature,  tracho- 
mes, etc.,  l'acide  lactique  a  donné  de  bons  résultats.  L'ap- 
plication est  très  douloureuse,  au  début  au  moins.  On  ob- 
tiendrait ainsi  des  cicatrices  lisses  et  souples.  Les  échecs 
contre  le  lupus  sont  malheureusement  nombreux. 

Un  certain  nombre  de  lactates  ont  été  préconisés  en 
thérapeutique,  sous  le  prétexte  qu'un  sel  à  acide  organique 
était  plus  assimilable  que  les  sels  à  acides  minéraux.  C'est 
ainsi  que  l'on  a  voulu  substituer  le  lactate  de  fer  aux  autres 
sels  ferriques,  mais  si  l'on  réfléchit  que  l'estomac  est  tou- 
jours très  riche  en  acide  chlorhydrique,  on  conçoit  que  les 
sels  à  cohésion  faible  comme  les  lactates  sont  immédiate- 
ment décomposés  pour  former  des  chlorures  et  des*  chlor- 
hydrates. Il  est  donc  inutile  d'insister  sur  leurs  actions 
spéciales.  La  thérapeutique  emploie  encore  cependant  les 
lactates  de  chaux,  de  fer,  de  strontium,  de  quinine.  Le 
premier  seul,  donné  à  doses  assez  élevées  dans  les  dys- 
pepsies hypochlorhydriques  et  dans  les  troubles  intes- 
tinaux, peut  être  utile  par  la  mise  en  liberté  de  l'acide 
lactique.      ^  D^  P.  Langlois. 

LACTOMÈTRE  (Techn.).  Nom  générique  donné  à  un 
grand  nombre  d'instruments  destinés  à  faire  connaître  les 
qualités  du  lait.  Parmi  les  lactomètres,  il  convient  de  signa- 
ler :  le  crémomètre  de  Quevenne,  destiné  à  faire  con- 
naître la  proportion  de  crème  ;  c'est  une  éprouvette  divisée 
en  cent  parties  et  dont  le  zéro  est  en  haut.  Après  vingt- 
quatre  heures  de  repos,  on  lit  le  nombre  de  divisions  occu- 
pées par  la  crème  contenue  dans  le  lait  qui  remplit  l'éprou- 
vette.  Le  galactomètre  centésimal  de  Chevallier,  sorte 
d'aéromètre  analogue  au  lacto-densimètre  de  Quevenne, 
porte,  comme  ce  dernier,  ueux  échelles,  l'une  pour  le  lait  pur 
(coloration  jaune),  l'autre  pour  le  lait  écrémé  (teinte  bleue). 
Le  premier  degré  supérieur  est  marqué  50  et  la  division 
va  inférieurement  jusqu'à  124  pour  le  lait  écrémé  et  136 
pour  le  lait  pur.  Chaque  degré,  à  partir  de  1 00  jusqu'à 
50,  représente  1/100  de  lait  pur;  au  delà  de  100,  les 
degrés  indiquent  les  densités  du  lait  pur.  Le  laetinomètre 
de  Rosenthal  est  encore  peu  employé  ;  il  en  est  de  même  du 
biityromètre  d'Esbach.  Le  galactotimètre  d'Adam  est 
destiné  au  dosage  pondéral  et  volumétrique  du  beurre  ;  il 
se  compose  d'un  appareil  en  verre,  formé  supérieurement 
par  une  ampoule  ovalaire  suivie  d'une  seconde,  plus  petite, 
et  se  termine  par  un  tube  cylindrique  divisé  en  70  parties 
égales  et  terminé  par  un  robinet.  Pour  faire  l'essai,  on  as- 
pire par  en  haut  un  volume  de  10  centim.  c.  de  lait,  volume 
indiqué  par  un  trait  placé  à  la  partie  supérieure  de  la  petite 
ampoule,  puis  on  ferme  le  robinet  et  on  verse  dans  l'ins- 
trument un  mélange  de  100  p.  d'alcool  ammoniacal  à  75 
et  de  110  p.  d'éther  hydrique  à  65°,  jusqu'à  affleuremen 


729  — 


LACTOMÈTRE  -  LACTOSE 


d'un  trait  placé  sur  Tampoule  supérieure  et  qui  correspond 
à  un  volume  de  32  centim.  c.  Cela  fait,  on  bouche  l'appa- 
reil ;  on  le  renverse  pour  agiter  le  mélange  ;  on  laisse  en 
repos  cinq  minutes,  et,  au  bout  de  ce  temps,  on  obtient  su- 
périeurement une  couche  transparente  contenant  la  ma- 
tière grasse  et  au-dessous  une  couche  opaline  qui  renferme 
tous  les  autres  principes  du  lait.  Il  ne  reste  plus  qu'à  sépa- 
rer ces  deux  couches  et  purifier  le  beurre  par  lavage,  pour 
arriver  à  en  connaître  exactement  les  proportions.  Le  pro- 
fesseur F.  Soxhlet,  de  Munich,  a  publié  une  méthode  aréo- 
métrique  très  exacte,  qui  permet  d'évaluer  la  proportion 
de  matière  grasse.  Elle  est  basée  sur  ce  fait  que,  lorsqu'on 
agite  ensemble  des  quantités  déterminées  de  lait,  de  solu- 
tion de  potasse  à  4,26  de  densité  et  d'éther  hydrique,  le 
beurre  se  dissout  dans  l'éther,  se  rassemble  à  la  surface, 
mais  forme  aussi  avec  l'éther  une  solution  d'autant  plus 
concentrée  qu'il  y  a  plus  de  beurre.  Ce  degré  de  concen- 
tration peut  être  donné  par  la  densité  absolument  comme 
le  degré  alcoométrique.  L'outillage  ne  comprend  qu'un  vase 
pour  prendre  la  densité,  trois  pipettes  pour  le  lait,  l'éther 
et  la  potasse,  et  des  bouteilles  pour  agiter.  L'opération  doit 
se  faire  à  17°.  M.  Soxhlet  a  publié  une  table  de  laquelle  il 
résulte  que  la  solution  éthérée,  préparée  comme  ill'indique, 
avec  200  centim.  c.  de  lait,  40  centim.  c.  de  solution  de 
potasse  et  60  centim.  c.  d'éther  aqueux,  marquera  de 
0,766  à  0,743  ;  et  son  aréomètre  étant  gradué  de  66  à 
43  (les  chiffres  0,7  étant  supprimés),  on  obtiendra,  par  la 
lecture  du  degré  indiqué,  les  poids  du  beurre,  d'après  les 
données  ci-dessous  : 


'W 

« 

BEURRE 

H 

BEURRE 

^ 

pour  1,000  gramm  es 

pour  1,000  grammes 

w 

de  lait 

P-3 

de  lait 

a 

430 

20^''70 

550 

34^'70 

44 

21    80 

56 

36    30 

45 

23    00 

57 

37    50 

46 

24    00 

58 

39    00 

47 

25    20 

59 

40    30 

48 

26    40 

60 

41    80 

49 

27    60 

61 

43    20 

50 

28    80 

62 

44    70 

51 

30    00 

63 

46    30 

52 

31    20 

64 

47    90 

53 

32    50 

65 

49    50 

54 

33    70 

66 

51    20 

L.  Knâb. 
LACTONES  (Chim.).  Les  lactones  sont  des  éthers  in- 
ternes qui  proviennent  de  l'élimination  d'une  molécule  d'eau 
entre  la  fonction  acide  et  la  fonction  alcool  d'une  même 
molécule  d'acide-alcool,  toutes  les  fois  qiie,  dans  les  for- 
mules de  constitution  atomiques,  les  groupes  OH  et  CO^H 
qui  entrent  en  combinaison  sont  séparés  par  deux  groupes 
CH^.  Telle  est  la  valérolactone,  C^^HW,  qui  correspond 
à  l'un  des  acides  oxyvalériques  : 

çioHs  (H202)  (0^)  =  c^mw  +  UW. 

Ces  acides-alcools  particuliers  ont  une  telle  tendance  à 
former  des  lactones  que,  lorsqu'on  cherche  à  les  préparer, 
ils  perdent  souvent  leur  molécule  d'eau  même  en  solution 
aqueuse  à  la  température  ordinaire. 

Les  lactones  sont  des  composés  neutres,  incolores, 
liquides  ou  facilement  fusibles  ;  ils  sont  volatils  avec  la  va- 
peur d'eau  et  peuvent  être  distillés  sans  décomposition. 
L'eau  de  baryte  transforme  rapidement  à  l'ébullition  les 
lactones  en  sels  de  baryte  correspondants.  L'étude  de  ces 
composés  est  due  surtout  à  Fittig.  C.  M. 

LACTOPROTÉINE  (Chim.).  La  lactoprotéine  est  une 
substance  albuminoïde  que  Millon  et  Commaille  ont  cru 
reconnaître  dans  le  lait.  Cette  substance,  dont  la  formule 
serait  CP^W^  Az^^O^^,  n'est  coagulée  ni  par  la  chaleur,  ni 
par  l'acide  nitrique,  ni  par  l'acide  acétique  à  chaud  ou  à 
roid,  ni  par  le  sublimé  corrosif.  C.  M. 

LACTORATES,  LATUSATES.  Peuple  ibéro-aquitain du 


S.-O.  de  la  Gaule,  dont  le  territoire  s'étendait  à  l'E.  des 
Ehisates,  auN.  des  Ausci,  à  l'O.  des  Volcœ  Tectosages^ 
au  S.-O.  des  Ruteni  et  au  S.  des  Nitiobriges  et  formait 
plus  tard  la  civitas  Lactoratium  de  la  Prov,  Novempo- 
pulana,  puis  le  diocèse  de  La^^om  (Lectoure),  répondant 
à  l'Armagnac  oriental  et  à  une  partie  de  la  Lomagne, 
c.  -à-d.  au  N.-E.  du  dép.  du  Gers  et  au  S.-E.  de  celui  de 
Tarn-et-Garonne.  Leur  capitale  était  Lactora  (Lectoure). 
D'après  une  inscription  de  l'an  405  ap.  J.-C,  il  existait, 
au  commencement  du  règne  de  Trajan,  une  province  finan- 
cière de  Lactora  qui  paraissait  correspondre  à  toute  TAqui- 
taine  ibérienne.  L.  W. 

BiBL.  '.  E.  Desjardins,  Géogv.  de  la  Gaule  romaine,  — 
EspÉRANDiEU,  les  InscvipHons  des  Lactorales,  dans  Rev. 
de  Gascoone,  1891  et  1892. 

LACTOSCOPE  (Techn.).  Instrument  construit  par  Donné 
et  indiquant  les  richesses  du  lait  en  beurre  par  l'opacité 
que  les  globules  de  matière  grasse  communiquent  au  liquide  ; 
plus  un  lait  est  opaque  et  plus  il  est  riche  en  crème.  L'ins- 
trument est  essentiellement  constitué  par  deux  tubes  de 
lunette  rentrant  l'un  dans  l'autre,  terminés  tous  deux  par 
une  lame  de  verre;  ces  tubes  sont  à  faces  parallèles,  et  l'un 
d'eux  étant  fixe,  l'autre  peut  s'en  écarter  au  moyen  d'une 
vis  dont  le  pas  avance  d'un  demi-millimètre  en  épaisseur 
pour  un  tour  entier.  La  circonférence  du  tube  mobile  étant 
divisée  en  50  p.  égales,  chaque  degré  de  l'instrument  cor- 
respond à  0,01  millim.  Le  tableau  suivant  donne  les  rap- 
ports des  degrés  du  lactoscope  avec  le  poids  du  beurre  et 
le  volume  de  la  crème  : 


25 
26 
27 
28 
29 
30 
31 
32 
33 
34 
35 
36 
37 
38 
39 
40 
41 
42 
43 
44 
45 
46 
47 
48 
49 
50 


POIDS 
du  beurre  par  litre 


40  (riche) 

87 

38 

37 

36 

35 

34 

33 

32  (bon) 

31 

30 

29 

28 

27 

26 

25,50 

25 

24,50 

24 

23,50 

23 

22,25 

21,50 

21 

20,50 

20 


VOLUME 

de  crème  p.  100 


12  • 
12  , 
12  ' 
It  ' 
11 
10  ^ 
10 
10  I 
9  I 


soit 
10  à  15  gr. 


soit 
5  à  10  gr. 


soit 
5  gr. 

soit 
5  gr. 


laits  très 
pauvres 


f 


Dès  lors,  introduisant  une  couche  de  lait  entre  les  deux 
lames,  si  l'on  se  place  dans  l'obscurité,  à  une  distance  de 
4  m.  d'une  bougie  allumée,  on  tourne  le  tube  mobile  jus- 
qu'à ce  que  l'on  cesse  complètement  de  voir  la  bougie  au 
travers  de  la  couche  de  lait.  On  lit  alors  sur  le  cercle  gra- 
dué le  nombre  de  tours  et  la  fraction  de  tour  accomplis 
par  la  vis.  Un  bon  lait  marque  SS'*  4/3  au  lactoscope,  ce 
qui  correspond  à  une  opacité  obtenue  avec  4/3  de  millim.  ; 
un  lait  excessivement  riche  de  20  à  45<>;  unlait  très  faible, 
450*^  (trois  tours  de  vis).  L.  Knab. 

LACTOSE  (Chim.). 

Pnr.m       i    ^quiv C^^H^^O^^  +  H'^O^ 

^^^^'   I  Atom Ci^H220ii  +  H20. 

Le  sucre  de  lait  ou  lactose,  appelé  aussi  quelquefois  lac- 
tine,  a  été  retiré  du  petit-lait  en  4649,  par  Fabrizio  Bar- 
toletti.  Il  existe  dans  le  produit  de  la  sécrétion  lactée  de 
tous  les  mammifères  ;  Hofmeister  a  constaté  sa  présence 


LACTOSE  —  LACUÉE 


730 


dans  l'urine  des  femmes  enceintes  et  M.  Bouchardat  a 
montré  qu'il  se  trou\'ait  aussi  dans  certains  végétaux,  no- 
tamment dans  le  sapotillier.  On  le  prépare  avec  le  petit- 
lait,  liqueur  qui  reste  après  la  coagulation  de  la  caséine 
dans  la  fabrication  du  fromage.  En  Suisse,  où  on  le  produit 
principalement,  on  se  contente  d'évaporer  le  liquide  jus- 
qu'à consistance  sirupeuse,  puis  on  l'abandonne  dans  un 
lieu  frais;  le  sucre  se  dépose  lentement  sous  forme  de 
petits  cristaux  durs  et  colorés.  On  les  purifie  par  plusieurs 
cristallisations  et  décolorations  au  noir  animal.  La  lactose 
cristallise  en  primes  rhomboïdaux  droits,  hémiédriques, 
opaques,  très  faiblement  sucrés.  Sa  densité  est  égale  à  1 ,53. 
Elle  se  dissout  dans  6  parties  d'eau  froide  avec  dégage- 
ment de  chaleur.  Cette  dissolution  saturée,  abandonnée  à 
l'évaporation  spontanée,  à  la  température  de  40°,  ne  com- 
mence à  déposer  des  cristaux  que  lorsqu'elle  renferme  en- 
viron les  22  centièmes  de  son  poids  de  sucre  de  lait  ;  cela 
tient  à  la  formation  d'une  lactose  anhydre  qui  s'obtient 
surtout  quand  on  évapore  rapidement  une  solution  de  lac- 
tose ;  elle  est  environ  deux  fois  plus  soluble  dans  l'eau  que 
la  lactose  ordinaire  et  possède  un  pouvoir  rotatoire  plus 
faible.  La  solubilité  de  la  lactose  dans  l'eau  augmente  un 
peu  en  présence  des  acides  ou  des  alcalis  ;  elle  est  insoluble 
dans  l'alcool.  La  lactose  est  dextrogyre.  Son  pouvoir  rota- 
toire rapporté  à  la  teinte  de  passage  et  à  la  formule  C^^tP^O^^ 
est  égal  à  +  59^3  ;  la  solution  récente  possède  un  pou- 
voir rotatoire  beaucoup  plus  grand,  mais  qui  diminue  rapi- 
dement avec  le  temps  jusqu'au  nombre  précédent.  La  lac- 
tose séchée  à  la  température  ordinaire  répond  à  la  formule 
C24H22022^H202;  elle  est  fort  peu  hygrométrique.  Elle 
perd  son  eau  de  cristallisation  vers  150*^.  Au  delà  elle 
change  entièrement  de  nature  et  se  transforme  en  acides 
bruns,  analogues  à  ceux  qui  dérivent  des  autres  sucres, 
mais  susceptibles  de  donner  de  l'acide  mucique  quand  on 
les  traite  par  l'acide  nitrique.  Presque  toutes  ses  propriétés 
chimiques  s'expliquent  par  sa  fonction  d'alcool  polyato- 
ffiique  jointe  à  une  fonction  aldéhydique  ;  la  lactose  est  en 
effet  un  diglucoside  dérivé  de  la  glucose  ordinaire  et  de  la 
galactose  : 

C24H22022  4.H202z=C^2H12Q12_|_C12H220i^ 

Lactose  Galactose       Glucose 

M.  Demole  prétend  avoir  reproduit  la  lactose  par  l'action 
déshydratante  de  l'anhydride  acétique  vers  159°  sur  le  mé- 
lange de  galactose  et  de  glucose  provenant  de  son  dédou- 
blement; toutefois,  il  est  bien  difficile  de  savoir  si  la  tota- 
lité de  la  lactose  a  été  dédoublée  et  s'il  n'en  existait  pas 
toute  formée  dans  la  matière  soumise  à  l'expérience,  de  sorte 
qu'il  reste  un  doute  sur  la  réalité  de  cette  synthèse.  L'acide 
sulfurique  et  l'acide  chlorhydrique  dilués  décomposent  à 
l'ébullition  le  sucre  de  lait  et  le  transforment  en  un  mé- 
lange équimoléculaire  de  glucose  et  de  galactose  ;  cette  mé- 
tamorphose est  plus  lente  que  celle  du  sucre  de  canne.  Les 
mêmes  acides  concentrés  carbonisent  le  sucre  de  lait  à  la 
même  température.  L'amagalme  de  sodium  réduit  la  lactose 
en  fixant  deux  molécules  d'hydrogène  et  engendre  de  la 
dulcite  et  de  la  mannite,  comme  si  l'on  agissait  sur  un 
mélange  de  glucose  et  de  galactose  (H.  Bouchardat)  : 

C24H22022  4-2Fl2+H202=:C12Hi40^2_j_Ci2ni4012 
Mannite  Dulcite 

Il  se  forme  en  même  temps  de  l'alcool  ordinaire  et  des  al- 
cools isopropylique  et  isohexylique,  mais  on  n'obtient  pas 
de  glycérine.  L'acide  nitrique  ordinaire  et  bouillant  oxyde  la 
lactose  en  donnant  les  acides  mucique,  saccharique,  tar- 
trique,  oxalique,  etc.,  les  deux  premiers  résultent  respec- 
tivement de  l'oxydation  de  la  galactose  et  de  la  glucose. 
Grâce  à  sa  fonction  aldéhydique,  la  lactose  réduit  directe- 
ment le  tartrate  cupropotassique  ;  mais  il  faut  40  parties 
de  lactose  pour  réduire  le  même  poids  de  réactif  que 
7  parties  de  glucose.  Au  contraire,  après  avoir  été  main- 
tenu en  ébullition  avec  les  acides  minéraux  dilués,  elle  a 
le  même  pouvoir  réducteur  que  la  glucose.  La  lactose  se 
combine  à  la  phénylhydrazine  aussi  facilement  que  la  glu- 
cose ;  la  phényllactosazone  ainsi  formée  est  soluble  dans 


80  à  90  parties  d'eau  chaude;  son  point  de  fusion  est  vo- 
sin  de  2l)0<^  ;  l'acide  sulfurique  étendu  la  transforme  en 
un  anhydride  presque  insoluble  dans  l'eau.  Les  bases  éner- 
giques se  combinent  avec  le  sucre  de  lait,  la  potasse  et  la 
soude  dans  la  proportion  de  six  équivalents  pour  une  mo- 
lécule de  lactose,  la  chaux  à  molécules  égales.  Ce  dernier 
alcali  forme  également  un  composé  basique  insoluble.  On 
peut  extraire  la  lactose  inaltérée  de  ces  combinaisons  lors- 
qu'elles ont  été  préparées  récemment  et  à  une  basse  tem- 
pérature; mais,  si  l'on  chauffe  les  dissolutions  qui  les  ren- 
ferment, la  lactose  est  détruite  à  la  manière  des  glucoses  : 
ainsi,  dans  des  conditions  convenables,  l'hydrate  de  chaux 
donne  de  l'isosaccharine  ainsi  qu'un  anhydride  isomère,  la 
métasaccharine,  laquelle  correspond  à  un  acide  métasacchari- 
nique  (M.  Kiliani).  La  lactose  ne  fermente  pas  immédiatement 
sous  l'influence  de  la  levure  de  bière;  il  faut  un  dédouble- 
ment préalable  en  glucose  et  galactose  à  partir  duquel  peut 
commencer  la  fermentation  alcoolique.  C'est  à  cette  fer- 
mentation que  la  liqueur  tatare  faite  avec  le  lait  de  jument, 
le  konmis  (V.  ce  mot),  doit  ses  propriétés  enivrantes.  Le 
dédoublement  préalable  de  la  lactose  par  une  diastase, 
effectué  par  la  levure  de  bière,  peut  être  produit  par  des 
sécrétions  fournies  par  d'autres  microbes  ;  certains  de  ces 
microbes  comme  le  Bacillus  butylicus  peuvent  dédoubler 
la  saccharose  tandis  qu'ils  sont  sans  action  sur  la  lactose. 
Le  sucre  de  lait  peut  éprouver  aussi  les  fermentations 
butyrique  et  lactique  ;  c'est  cette  dernière  qui  se  produit 
surtout  lorsque  le  lait  s'aigrit  ;  il  se  forme  en  même  temps 
de  l'alcool,  mais  d'autant  moins  que  l'on  s'arrange  pour 
saturer  immédiatement  l'acide  lactique  produit.  En  sa  qua- 
lité d'alcool  polyatomique,  la  lactose  forme  les  acides  des 
éthers  ou  lactosides  qui  peuvent  contenir  plusieurs  molé- 
cules d'acide  (M.  Berthelot).  Ainsi  les  acides  acétique,  bu- 
tyrique, tartrique  s'unissent  directement  au  sucre  de  lait 
à  400°  en  perdant  de  l'eau;  on  réussit  mieux  à  préparer 
ces  éthers  en  remplaçant  les  acides  par  leurs  anhydrides. 
Un  mélange  d'acides  sulfurique  et  nitrique  fournit  un  éther 
nitré  détonant,  la  nitrolactine,  cristallisable  dans  l'alcool. 
Le  sucre  de  lait  se  combine  aussi  à  chaud  avec  l'aniline  en 
plusieurs  proportions  ;  deux  de  ces  composés  cristallisés  ont 
été  isolés  ;  leur  équation  génératrice  est  la  suivante  : 

2  (c^m^w^)  -h  c^^H^Az — ir^o^ 

C24[1220224_Ci2H7Az— IPO^ 

Ces  composés  représentent  des  éthers  anilidés  de  la 
lactose.  C.  M. 

BiBL.  :  Berthelot,  Chimie  organique  fondée  sur  la  syn- 
thèse; Paris,  1860.  —  E.  Fischer,  Beric/iie  der  deutschen 
chemischen  Geseilschaft,  1888,  1889.  —  Tollens,  Iland- 
buch  der  Kolhenhydrate;  Breslau,  1888. 

LACTUCARIUM  (Chim.).  On  donne  le  nom  de  lactuca- 
rium  au  latex  desséché  qui  s'écoule  de  certaines  laitues  et 
particulièrement  de  la  grande  laitue  vireuse  ou  de  la  Lac- 
tuca  altissima  quand  on  pratique  des  incisions  sur  la  tige 
ou  les  rameaux.  Indépendamment  d'un  certain  nombre  de 
produits  communs  ou  mal  définis,  le  lactucarium  contient 
un  principe  neutre  bien  cristallisé,  le  lactucone,  sans  action 
sur  l'économie,  un  acide  particulier,  V acide  lactucique 
(V.  ce  mot)  et  une  substance  active,  la  lactucine,  à  laquelle 
on  attribue  les  propriétés  narcotiques  du  lactucarium  ;  ce 
suc  présente  beaucoup  de  ressemblance  avec  Topium,  par 
sa  couleur,  son  odeur  et  ses  légères  propriétés  narco- 
tiques. C.  M. 

LACTUCIQUE  (Acide)  (Chim.).  Cet  acide,  dont  la  for- 
mule C^^H^^O^^  est  bien  douteuse,  est  une  substance  que 
Walz  et  Ludwig  ont  retirée  du  lactucarium  (V.  ce  mot). 
On  peut  l'isoler  sous  la  forme  d'une  masse  jaune  clair, 
amorphe,  qui  se  transforme  peu  à  peu  en  un  composé  cris- 
tallin.    ,  C.  M. 

LACUÉE  (Jean-Girard),  comte  de  Cessac,  général  et 
homme  d'Etat  français,  né  à  La  Massas  (Lot-et-Garonne) 
le  4  nov.  4752,  mort  à  Paris  le  44  juin  4844.  Capitaine 
en  4785,  il  fut  appelé  en  1789  comme  membre  externe  au 
comité  institué  par  l'Assemblée  constituante  pour  la  réor- 


731   -■ 


LACUEE  —  LACUSTRES 


ganisation  de  l'armée.  Commissaire  du  roi  dans  le  Lot-et- 
Garonne  (1790),  il  fut  envoyé  par  ce  département  en  4791 
à  l'Assemblée  k^islative,  où  il  soutint  la  politique  des 
Feuillants  et  attaqua  vivement  Dumouriez.  Chargé  par  in- 
térim du  ministère  de  la  guerre  après  le  i  0  août,  il  pré- 
para la  victoire  de  Valmy.  Envoyé  un  peu  plus  tard  sur  la 
frontière  des  Pyrénées  pour  y  organiser  la  défense  et 
nommé  général  de  brigade  (févr.  4793),  il  fut  appelé  en 
juil.  4795  au  comité  de  Salut  public  pour  diriger  les 
bureaux  de  la  guerre.  Député  du  Lot-et-Garonne  au  Con- 
seil des  Anciens,  il  s'attacha  principalement  aux  questions 
militaires.  Resté  fidèle  à  Carnot  après  le  48  fructidor,  il 
vit  avec  plaisir  tomber  le  Directoire.  Bonaparte,  qui  appré- 
ciait ses  talents  administratifs,  lui  confia  par  intérim 
en  4  800  le  portefeuillle  de  la  guerre,  dont  il  refusa  d'être 
titulaire  l'année  suivante.  Nommé  président  de  la  section 
de  la  guerre  au  conseil  d'Etat  en  4803,  Lacuée  fut  comblé 
d'honneurs  par  l'Empire,  devint  général  de  division,  mi- 
nistre d'Etat  (4807),  comte  de  Cessac  (4808),  enfin  mi- 
nistre de  l'administration  de  la  guerre.  Dans  ce  dernier 
emploi,  qu'il  remplit  avec  une  infatigable  activité  et  une 
grande  énergie,  Lacuée  se  fit  des  ennemis  par  sa  rudesse 
et  son  intégrité.  H  résigna  son  portefeuille  à  la  fin  de  1813, 
mais  il  resta  président  de  section  au  conseil  d'EUt;  il  se 
rallia  aux  Bourbons  (avr.  4844)  qui  l'employèrent  d'abord 
comme  inspecteur  général  d^infanterie,  mais  qui  le  mirent 
ensuite  à  l'écart.  Lacuée  applaudit  à  la  révolution  de  Juillet 
et  fut  appelé  à  la  Chambre  des  pairs  par  Louis-Philippe 
(49  nov.  4831).  — On  a  de  ce  général  plusieurs  ouvrages, 
parmi  lesquels  nous  citerons  :  le  Guide  de  l'officier  eu 
campagne  (4786,  2  vol.  in-8)  ;  Projet  de  co7isiitiition 
pour  V armée  des  Français  (4789,  in-8)  ;  Un  Militaire 
aux  Français  (4789,  in-8);  Art  militaire  (dans  V En- 
cyclopédie méthodique^  4  vol.  in- 4).     A.  Debïdour. 

LA  GUESTA  (V.Cuestâ). 

LA  CUEVA  (Beltran  de  La)  (V.  Beltran). 

LA  CUEVA  (Bedmar  bella)  (V.  Bedmar). 

LACUL-Sarat.  Stat.  balnéaire  de  Roumanie,  située  au 
S.-O.  de  la  ville  de  Braila. 

LACUNE.  I.  Mathématiques.  — Un  polynôme  entier 
ordonné  par  rapport  aux  puissances  croissantes  ou  décrois- 
santes de  sa  variable  présente  une  lacune  quand  un  ou  plu- 
sieurs coefficients  consécutifs  sont  nuls.  Voici  quelques  théo- 
rèmes sur  les  lacunes  :  Si  dans  une  équation  ordonnée,  il  y 
a  un  coefficient  nul  entre  deux  coefficients  de  même  signe, 
cette  équation  a  au  moins  un  couple  de  racines  imaginaires. 
—  Si  dans  une  équation  ordonnée,  il  existe  deux  coefficients 
consécutifs  nuls,  cette  équation  a  au  moins  un  couple  do 
racines  imaginaires.  —  Si  dans  une  équation  ordonnée,  il  y 
a  trois  coefficients  consécutifs  nuls  entre  deux  coefficients 
de  même  signe,  cette  équation  a  au  moins  deux  couples  de 
racines  imaginaires.  —  Si  dans  une  équation  ordonnée,  il  v 
a  quatre  coefficients  consécutifs  nuls,  cette  équation  a  au 
moins  deux  couples  de  racines  imaginaires. 

Fonctions  avec  des  lacunes,  ou  espaces  lacunaires.  — 
Une  fonction  f  (x)  présente  une  lacune  quand  elle  n'existe 
pas  dans  certaines  portions  du  plan  qui  sont  alors  pour  elle 
des  espaces  lacunaires.  En  général,  quand  une  fonction  n'est 
définie  que  dans  une  portion  limitée  du  plan,  on  peut  effec- 
tuer son  prolongement  analytique,  c.-à-d.  que  l'on  peut 
trouver  une  fonction  égale  à  la  fonction  donnée  dans  la 
portion  du  plan  où  elle  est  définie  et  définie  pour  une  plus 
grande  étendue  du  plan  et,  déplus,  continue  sur  la  limite 
du  contour  délimitant  la  partie  où  la  fonction  primitive  se 
trouvait  définie.  Mais  il  peut  aussi  arriver  que  ce  prolon- 
gement analytique  soit  impossible  et  alors  la  portion  de 
plan  pour  laquelle  la  fonction  n'est  pas  définie  est  un  espace 
lacunaire  proprement  dit.  Le  cercle  décrit  do  Forigine 
comme  centre  avec  l'unité  pour  rayon  est  un  espace  lacu- 
naire pour  la  fonction 

f{x)  z=.~{-X''  +  X""^  +  X^^  +  ... 

a  désignant  un  entier  négatif.  H.  Laurent. 

IL  Botanique.  —  Espace  compris  entre  des  groupes 


de  cellules.  Les  lacunes  n'ont  pas  de  parois  propres;  elles 
sont  limitées  par  les  parois  cellulaires  et  se  rencontrent 
notamment  dans  le  parenchyme  des  plantes  aquatiques 
submergées  ou  nageantes  ;  ce  sont  des  chambres  à  air  ou 
à  gaz.  Chez  les  Kquisetum  on  rencontre  des  lacunes  val- 
léculaires  et  des  lacunes  carénales  que  Duval-Jouve  a  appe- 
lées lacunes  essentielles.  —  Les  méats  ne  sont  pas  autre 
chose  que  de  petites  lacunes.  D"*  L.  Hn. 

LACURNE  DE  Sainte-Palaye  (Jean-Baptiste  de),  érudit 
français,  né  à  Auxerre  le  6  juin  4697,  mort  à  Paris  le 
4^'"  mars  4781.  Membre  de  l'Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres  (4724)  et  de  TAcadémie  française  (4758), 
Citons  de  lui  :  Letlre  à  Bachaumont  sur  le  bon  gofU 
dans  les  arts  et  dans  les  lettres  (ilM,  in-12);  les 
Amours  du  bon  vieux  temps  (Aucassin  et  Nicolette) 
(Paris,  47^)6,  in-42);  Mémoires  sur  f  ancienne  cheva- 
lerie (Paris,  4759, 4784,  3  vol.  in-42,  nouv.  éd.,  48^26, 
2  vol.  in-8),  un  grand  nombre  de  mémoires  dans  le  re- 
cueil de  l'Académie  des  inscriptions  et  surtout  :  diction- 
naire historique  de  Vancien  langage  français^  publié 
parL.  Favre  (Paris,  4876-1882,  40  vol.  in-4). 

LACUSTRES  (Habitations)  (Anthrop.).  Les  premières 
habitations  lacustres,  appelées  aussi  palafittes,  du  nom  ita- 
lien des  pilotis  (palafitti),  ont  été  découvertes  pendant 
l'hiver  très  sec  de  4553-54  dans  le  lac  de  Zurich,  à  Meilen> 
La  présence  de  pilotis  au  fond  des  lacs  était  signalée  de- 
puis longtemps  par  les  pécheurs  qui  y  accrochaient  leurs 
filets.  Lorsqu'on  sut  au  juste  ce  qu'étaient  ces  pilotis,  ce 
fut  une  véritable  révélation,  la  plus  complète  et  la  plus 
indiscutable,  sur  les  anciennes  civilisations  de  l'Europe 
ignorées  de  l'histoire.  Toute  leur  importance  a  été  mise  en 
relief  par  l'étude  si  minutieuse  et  si  complète  qu'a  faite 
Ferdinand  Keller  de  la  riche  station  de  Robenhausen  située 
dans  un  marais  tourbeux  près  du  lac  de  Pfaîfiîkon  (com. 
de  Watzikon,  cant.  de  Zurich).  Cette  station  a  donné  son 
nom  à  toute  notre  civilisation  industrielle  de  la  pierre  po- 
lie. Et  c'est  en  effet  à  cet  âge  qu'appartiennent  nos  plus 
anciennes  habitations  lacustres  dont  les  restes,  par  suite 
du  retrait  des  eaux  et  de  l'exhaussement  des  rives,  se 
trouvent  fréquemment  en  pleine  terre  ou  dans  des  marais. 
Mais  la  plupart  d'entre  elles,  sauf  dans  l'E.  de  la  Suisse, 
appartiennent  à  l'âge  du  bronze  et  à  l'âge  du  fer.  Leur 
centre  principal,  le  pays  où  elles  ont  été  les  plus  répan- 
dues, est  le  pays  où  il  y  avait  et  il  y  a  encore  le  plus  de 
lacs  :  c'est  la  Suisse.  Keller  en  comptait  déjà,  en  4879, 
164  dans  ce  pays.  Mais  elles  furent  aussi  très  nombreuses 
dans  les  lacs  du  N.  de  l'Italie  et  on  en  a  découvert  un  cer- 
tain nombre  et  de  très  importantes  dans  nos  lacs  de  la 
Savoie  et  en  Autriche.  Il  y  en  a  aussi  dans  le  Wurttemberg, 
en  Bavière,  au  N.-E.  de  l'Allemagne.  Il  y  en  avait  sûre- 
ment au  N.  de  la  Grèce  au  temps  dTIérodote  qui  en  parle, 
et  l'usage  des  constructions  sur  pilotis,  sans  doute  extrê- 
mement ancien,  s'est  maintenu  au  Caucase  jusqu'à  nos  jours 
dans  la  région  marécageuse  et  sujette  aux  inondations  de 
Poti,  sur  l'ancien  Phase.  Cet  usage  cependant  n'a  pas  été  gé- 
néral en  Europe,  même  aux  âges  préhistoriques  qui  nous 
occupent.  Il  a  dépendii  autant  des  mœurs  de  certains  peu- 
ples que  de  la  nature  du  pays  habité  par  eux.  La  grande 
extension  des  terramares  en  Italie  (V.  ce  mot,  t.  XX, 
p.  4  042) ,  véritables  habitations  lacustres  artificielles,  prouve 
bien  qu'il  aurait  pu  se  répandre  partout,  si  partout  il 
s'était  imposé  comme  une  nécessité  pour  l'existence  et  la 
sécurité  des  villages.  On  a  donc  attribué  son  importation 
à  un  peuple  particulier  qui  devait  venir  d'Asie  par  le  Da- 
nube. Mais  de  cette  hypothèse  nous  n'avons  aucune  preuve 
décisive,  la  région  danubienne  nous  étant  d'ailleurs  encore 
peu  connue.  Les  constructions  sur  pilotis  se  rencontrent 
toutefoie  encore  de  nos  jours  un  peu  partout  dans  l'uni- 
vers. Elles  sont  la  règle  en  certaines  parties  de  FExtrême- 
Orient,  de  la  Cochinchine  notamment,  et  on  en  a  observé 
jusque  chez  les  sauvages  Papous  (havre  de  Doréi).  Mais 
elles  ne  sont  nullement  toujours  élevées,  comme  ces  der- 
nières, au-dessus  de  l'eau.  Des  restaurations  ont  été  faites 


LACUSTRES  -  LADAK 


—  732  — 


des  palafittes  préhistoriques  de  nos  lacs,  car  on  a  trouvé 
au  fond  de  l'eau  jusqu'à  des  pans  de  murs  des  maisons, 
maisons  de  branchages  recouverts  de  glaise  durcie  par  le 
feu  au  moment  des  incendies  qui  les  ont  souvent  détruites. 
Elles  formaient  jusqu'à  de  très  gros  villages,  puisqu'à  Morges 
(âge  du  bronze),  sur  le  lac  de  Genève,  les  pilotis  couvrent 
une  superficie  de  60,000  m.  q.  Ces  pilotis  étaient  formés 
d'abord  de  troncs  entiers,  et  ce  n'est  qu'à  l'âge  du  bronze, 


Habitations  lacustres. 

l'outillage  étant  plus  perfectionné,  que  ces  troncs  furent 
divisés,  sinon  équarris.  Lorsque  le  fond  rocheux  du  lac  ne 
permettait  pas  de  les  fixer  dans  le  sol,  on  les  englobait 
dans  des  amas  de  pierrailles  rapportées.  Une  plate-forme 
formée  de  rondins  ou  de  planches  grossières,  fixée  au- 
dessus  des  pieux,  formait  le  sol  du  village  et  communiquait 
avec  la  rive  par  un  passage  sur  pilotis  et  un  pont  qu'il 
était  facile  d'enlever  chaque  nuit  ou  en  cas  de  danger.  Les 
maisons  étaient  des  cabanes  rondes  pour  la  plupart.  Mais 
il  y  eut  aussi  des  cabanes  carrées,  avec  toit  très  incliné  à 
deux  pentes.  Zaborowski. 

LACUZON  (Claude  Prost,  dit),  chef  de  partisans  franc- 
comtois,  né  à  Longchaumois,  près  de  Saint-Claude,  le 
il  juin  1607,  mort  à  Milan  le  24  déc.  4681.  Fils  d'un  cul- 
tivateur, il  était  commerçant  à  Saint-Claude,  où  il  s'était 
marié  en  1632  avec  Jeanne  Blanc,  lorsque  Bernard  de  Saxe- 
Weimar  et  ensuite  les  Français  menacèrent  la  Franche- 
Comté.  Claude  Prost,  catholique  fervent  et  ardent  patriote, 
se  fit  connaître  comme  chef  de  partisans.  Dès  1636,  posté 
à  Saint-Georges,  sur  la  route  de  Saint-Claude,  il  engageait 
avec  les  Français  venus  de  la  Bresse  des  luttes  sanglantes. 
C'est  alors  qu'on  lui  donna  le  surnom  de  La  Cuzon  (l'in- 
quiétude). Etabli  dans  le  château  de  Montaigu,  il  repoussa 
les  Français  à  deux  reprises  en  1640  et  dégagea  ainsi  Lons- 
le-Saunier.  En  1 641 ,  il  reprit  le  château  de  Saint-Laurent 
et  en  fut  nommé  capitaine  par  le  roi  d'Espagne.  L'armistice 
de  1642  arrêta  ses  exploits.  Lors  de  la  guerre  de  1668, 
il  tenta  de  résister  à  l'invasion,  mais  dut  par  ordre  du 
parlement  faire  sa  soumission  au  lieutenant  du  roi  de 
France*  Après  la  paix,  le  roi  d'Espagne  le  nomma  com- 
mandant du  bailliage  d'Aval  (9  janv.  1669).  Pendant  l'in- 
vasion de  1673,  il  essaya  vainement  de  secouer  la  torpeur 
de  la  population  et  se  jeta  dans  SaUns  ;  la  ville  capitula, 
mais  il  parvint  à  s'échapper  et  disparut  pendant  quelque 
temps.  On  le  retrouve  plus  tard  à  J>Iilan  où  il  entra  dans 
une  compagnie  composée  presque  entièrement  de  réfugiés 
comtois;  en  1678,  il  prit  part  à  la  guerre  de  Sicile.  On 
croit  qu'il  alla  en  pèlerinage  à  Rome  en  1679,  vint  secrè- 
tement dans  son  pays  et  retourna  mourir  à  Milan. 

Lacuzon,  très  peu  connu  des  historiens,  est  resté  une 
figure  vivante  dans  l'imagination  populaire;  les  paysans 
le  croyaient  invulnérable.  Les  Comtois  ont  vu  en  lui  le 
héros  de  l'indépendance  nationale.  En  réalité,  le  paysan 
illettré  était  un  homme  très  avisé  ;  il  s'anoblit  lui-même 
et  pillait  en  temps  de  paix  les  pays  qu'il  avait  défendus  en 
temps  de  guerre.  Dès  1645,  il  se  sentait  la  conscience  si 
peu  tranquille  qu'il  demanda  à  Philippe  IV  des  lettres  de 
rémission.  Il  commit  toutes  les  violences  habituelles  aux 
chefs  de  partisans,  et  sa  conduite  fut  l'objet  d'une  enquête 
de  laquelle  il  parvint  à  sortir  absous  en  1659,  en  raison 
du  rôle  militaire  qu'il  avait  joué.  —  Lacuzon  a  inspiré  plu- 


sieurs romanciers  :  X.  de  Montépin,  L.  Jousserandot,  etc. 

BiBL.  :  Les  ouvrages  antérieurs  sont  cites  dans  Pli.  P. 
[erraud],  Lacuzon  d'après  de  nouveaux  documents  ; 
Lons-le-Saunier,  1867,  in-8.  —  Du  même,  Un  Doc.  inédil 
sur  Lacuzon;  id.,  1875,  in-8.  — G.  Chifflet,  Mém.  (Acad. 
des  se.  de  Besançon^  t.  V  et  VI).  —  Vayssière,  Lettres  de 
rémission  accordées  à  Lacuzon  (Soc.d'émuL  du  Jura,  1879). 

LACY,  comtes  de  Lincoln  (V.  ce  nom). 

LACY  (John),  acteur  et  auteur  dramatique  anglais, 
mort  en  1681.  Elève  de  John  Ogilby,  traducteur  et  maître 
de  danse,  c'est  à  ce  dernier  art  qu'il  dut  ses  meilleurs 
succès.  Il  servit  comme  officier  la  cause  royale  pendant  la 
guerre  civile,  et  fut  ensuite  un  des  acteurs  les  plus  en  vue 
du  théâtre  que  Killigrew  dirigeait.  Il  encourut  la  disgrâce, 
bientôt  suivie  de  pardon,  de  Charles  II  pour  avoir  joué 
The  Country  Gentleman  corne  up  to  Court,  On  a  de  lui 
quelques  comédies  et  farces,  dont  la  meilleure  est  The  Old 
Troop,  or  Monsieur  Rag  g  on,  où  il  tire  parti,  avec  son  tem- 
pérament de  satirique  et  de  caricaturiste,  des  observations 
qu'il  avait  pu  faire  pendant  la  guerre  civile.     B.-H.  G. 

LACY  (Thomas  Hailes),  auteur  dramatique  anglais,  né 
en  1809,  mort  à  Sutton  le  1^^  août  1873.  Il  débuta  encore 
enfant  sur  une  scène  de  province,  devint  directeur  du 
théâtre  royal  de  Sheffield  et,  par  la  suite,  éditeur  de 
pièces  de  théâtre.  On  a  de  lui  :  The  Pickwickians  (1837), 
drame  en  trois  actes  ;  The  Toiver  of  London  (1840), 
drame  ;  The  School  for  Daughters  (1843),  comédie  ;  Mar- 
tin Chuzzlewit  (1844),  drame  ;  Clarisse  Harloive  (1846), 
drame  tragique,  etc.  Il  avait  épousé  en  1842  Frances 
Dalton  Cooper  (1819-1872),  actrice  de  Covent  Garden. 

LACY  (Sir  George  de)  (V.  Evans). 

LACY  (Pierre,  comte)  (V.  Lâscy). 

LACY  DES  DE  Cyrène,  philosophe  grec,  appartenant  à 
la  nouvelle  Académie.  Il  fut  disciple  et  successeur  d'Ar- 
césilas  ;  quelques  témoignages  nous  le  présentent  comme 
s'étant  écarté  de  la  doctrine  de  son  maître  :  c'est  ainsi  qu'on 
lui  a  attribué  la  fondation  de  la  troisième  Académie.  Mais  il 
vaut  mieux  s'en  rapporter  au  témoignage  formel  de  Cicéron 
d'après  lequel  Lacydes  n'altéra  en  rien  la  doctrine  d'Arcé- 
silas.  C'est  à  Carnéa  qu'il  était  réservé  de  modifier  notable- 
ment l'enseignement  de  la  nouvelle  Académie.  Tout  ce  que 
nous  savons  de  ce  savant  philosophe,  c'est  qu'il  succéda  à 
son  maître  vers  241  av.  J.-C.  et  qu'il  resta  à  la  tète  de 
l'école  pendant  vingt-six  ans.  II  enseignait  dans  un  jardin 
que  lui  avait  donné  Atlale,  roi  de  Pergarae.  Il  était  pauvre, 
et,  ce  prince  l'ayant  appelé  à  sa  cour,  il  refusa  en  disant 
qu'il  fallait  regarder  de  loin  les  portraits  des  rois.  Il  se  si- 
gnala par  son  ardeur  au  travail,  par  l'aménité  de  son  ca- 
ractère, par  l'élégance  de  sa  parole.  C'est  lui  qui  fit  con- 
naître les  doctrines  d'Arcésilas,  qui  n'avait  rien  écrit  :  on 
cite  de  lui  divers  écrits  sur  la  philosophie  et  sur  la  nature. 
Diogène  Laerte,  qui  a  écrit  sa  vie,  Numérius  (dans  Eusèbe, 
Prœp,  Evang.,  XIV,  7),  Pline  racontent  à  propos  de  Lacydes 
diverses  anecdotes  dont  plusieurs  sont  manifestement  in- 
ventées par  des  adversaires  qui  voulaient  tourner  sa  doc- 
trine en  ridicule.  Athénée  raconte  (X,  438  A)  qu'il  mourut 
de  paralysie  pour  avoir  trop  bu,  et  Diogène  parle  aussi 
de  son  culte  immodéré  pour  Bacchus.  Mais,  d'autre  part, 
le  même  historien  parle  de  lui  en  termes  élogieux  qui  ne 
s'accordent  guère  avec  le  défaut  qu'il  lui  prête.  Lacydes 
avant  de  mourir  laissa  la  direction  de  son  école  à  ses  deux 
disciples,  les  Phocéens  Téléclès  et  Evandre.         V.  Br. 

LAD  (Sport)  (V.  Course,  t.  XIII,  p.  158). 

LADAK.  Région  de  l'Inde  septentrionale,  correspondant 
à  une  partie  de  la  vallée  supérieure  de  l'Indus,  entre  le 
Cachemire  et  le  Baltistan  à  l'O.,  le  Tibet  à  l'E.;  c'est  un 
coin  du  Tibet  conquis  par  les  souverains  de  Cachemire 
(V.  ce  mot)  ;  l'aUitude  de  la  vallée  fluviale  est  de  3,000 
à  3,500  m. ,  celle  des  vallées  latérales  de  4,000  à 
4,500  m.,  celle  des  montagnes  qui  les  encadrent  de  6,000 
à  8,000  m.  ;  les  alluvions,  qui  avaient  comblé  ce  bassin 
jusqu'à  une  hauteur  uniforme  de  4,500  m.,  ont  été  en 
grande  partie  entraînées  par  les  eaux.  Le  climat  est  sec  ; 
il  ne  pleut  jamais,  il  neige  rarement  ;  il  gèle  toutes  les 


—  733  — 


LADÂK  -  LADISLAS 


nuits,  sauf  au  fort  de  Tété,  mais  la  chaleur  est  souvent 
très  grande  durant  le  jour. 

Les  Ladakis  sont  un  peuple  de  race  tibétaine,  proche 
parent  des  Tchampas  (qui  habitent  au  voisinage,  dans  la 
vallée  du  Chayok  et  dans  les  montagnes  environnantes), 
sont  des  gens  de  taille  au-dessous  de  la  moyenne  (1^61 
d'après  les  mesures  de  Ujfahy),  à  tète  allongée  (indice 
céphalique  moyen  :  77  sur  le  vivant).  Leurs  pommettes 
saillantes  et  élevées,  leurs  yeux  bridés  et  obliques,  le  peu 
de  développement  de  leur  système  pileux  les  font  ranger 
parmi  les  races  mongoliques.  Les  Ladakis  sont  gais,  sim- 
ples et  lourdauds  ;  leur  principale  occupation  est  l'agri- 
culture :  ils  cullivent  les  céréales  jusque  sur  les  plateaux 
de  5,000  m.  d'alt.  La  polyandrie  est  plus  strictement 
observée  par  les  Ladakis  que  par  d'autres  Tibétains.  Leur 
rehgion  est  le  bouddhisme-lamaïte,  et  ce  ne  sont  pas  les 
couvents  qui  manquent  dans  leur  pays.  La  capitale  est 
Léh  (4  à  5,000  hab.).  Le  commerce  local  est  minime, 
mais  le  transit  entre  le  Cachemire,  le  Turkestan  chinois 
et  le  Tibet  est  considérable  (V.  Cachemire  et  Inde). 

Le  Ladak  appartint  aux  Tibétains  jusqu'à  la  ruine  de  leur 
empire,  au  x^  siècle.  Au  xvu®  siècle,  il  fut  envahi  par  les 
musulmans  du  Baltistan,  puis  par  les  Kalmouks  (1685-88) 
et  se  soumit  au  Cachemire.  Les  Chinois  le  disputèrent  à 
Goulab  Sing  sans  le  lui  enlever;  le  maharadja  de  Cache- 
mire paye  d'ailleurs  un  tribut  à  la  Chine  pour  le  Ladak. 

LADANI  (Nicaise),  chroniqueur  belge,  né  à  Béthune  en 
4465.  Il  fut  roi  d'armes  de  Maximilien  d'Autriche  et  de 
Charles-Quint.  Sous  le  nom  de  Grenade,  il  écrivit  une 
chronique  rimée  dont  il  existe  plusieurs  exemplaires  ma- 
nuscrits à  Valenciennes,  à  Bruxelles  et  à  Courtrai.  Cette 
chronique  relate  les  principaux  événements  survenus  de 
4488  à  4547,  et  présente  un  certain  intérêt  pour  l'histoire 
des  rivalités  de  Charles-Quint  et  de  François  V"^.     E.  H. 

LADAME  (Paul-Louis),  médecin  et  aliéniste  suisse,  né 
le  45  juin  4842  à  Neuchâteî,  où  son  père  était  professeur 
de  physique  et  de  chimie  à  l'Académie.  Il  s'établit  dans  le 
cant.  de  Neuchàtel,  puis  à  Genève  où  il  est  depuis  4884 
privat-docent  à  l'université  pour  les  maladies  nerveuses  et 
mentales.  Parmi  ses  publications,  citons  :  les  Tumeurs 
cérébrales;  Prostitution^  Folie  et  Criminalité;  Hypno 
tisme  et  Médecine  légale;  Statistique  des  aliénés,  etc. 

LADANUM.  Substance  résineuse  qui  exsude  spon- 
tanément, sous  forme  de  larmes,  des  rameaux  et  des 
feuilles  du  Cistus  creticus  L.,  arbrisseau  de  File  de 
Candie.  On  la  recueille  en  promenant  sur  les  arbrisseaux 
des  lamelles  de  cuir  attachées  ensemble  et  disposées 
comme  les  dents  d'un  peigne.  On  détache  la  résine  des 
lamelles  par  raclage  et  on  la  renferme  dans  des  vessies, 
où  elle  durcit.  Le  ladanum  est  noir,  solide,  cassant, 
humide  ;  il  se  ramollit  facilement  à  la  chaleur  de  la  main 
en  dégageant  une  odeur  balsamique  forte  et  adhère  aux 
doigts  comme  de  la  poix.  A  la  longue,  il  perd  de  l'eau 
et  devient  sec  et  poreux.  Il  fond  aisément  par  la  chaleur. 
Il  contient  86  ^jo  de  résine  et  d'huile  volatile  avec  7  <^/o 
de  cire.  —  Le  Cistus  ladanifer  L.  d'Espagne  fournit, 
par  ébullition  dans  l'eau  des  sommités,  un  autre  ladanum 
noir,  coulant,  assez  semblable  à  de  la  poix  noire,  mais 
n'en  offrant  pas  la  cassure  vitreuse.  —  Dans  le  commerce 
on  ne  trouve  guère  qu'un  ladanum  falsifié,  dur,  sec,  en 
rouleaux  spirales.  Quoique  assez  actif,  le  ladanum  n'est 
plus  employé  en  médecine;  autrefois  il  entrait  dans  le 
baume  hystérique,  l'emplâtre  contre  la  rupture,  etc., 
pour  ses  propriétés  neurines  et  hémostatiques.  D^  L.  Hn. 

LADAPEYRE  {ÏMta  Petra),  Com.  du  dép.  de  la  Creuse, 
arr.  et  cant.  de  Guéret;  4,5*25  hab.  Eglise  du  xm^  siècle 
dédiée  à  saint  Sulpico,  dépendante  au  moyen  âge  du  mo- 
nastère d'Evaux.  Château  de  la  fin  du  xiv®  siècle,  dont  le 
donjon  est  bien  conservé.  Avant  la  Révolution,  la  paroisse 
de  Ladapeyre  était  divisée  en  trois  collectes,  ressortissantes 
à  l'élection  de  Guéret,  province  de  la  Marche.  Châteaux 
féodaux  à  La  Doge,  à  La  Côte,  au  Coudart  et  à  La  Chas- 
sagne.  Ant.  T. 


LAD  AS,  célèbre  coureur  de  l'antiquité  qui  expira  aussi- 
tôt après  sa  victoire  aux  jeux  Olympiques  (dans  le  80'Xtxoç). 
On  lui  éleva  des  statues  dans  la  Laconie,  sa  patrie,  à  Ar- 
gos  (celle-ci  chef-d'œuvre  de  Myron),  etc.  —  Un  de  ses 
homonymes,  natif  d'/Egium  (Achaïe),  remporta  à  Olympie, 
en  280  av.  J.-C.,  le  prix  de  la  course  à  pied. 

LADAUX.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  La  Réole, 
cant.  de  Targon  ;  248  hab. 

LADERN.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Limoux,  cant. 
de  Saint -Hilaire;  427  hab. 

LADEVÈZE-RiviÈRE.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de 
Mirande,  cant.  de  Marciac;  572  hab. 

LA DEVEZE- Ville.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Mi- 
rande, cant.  de  Marciac  ;  420  hab. 

LADIGNAC.  Com.  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr.  et  cant. 
de  Tulle;  527  hab. 

LADIGNAC.  Com.  du  dép.  de  la  Haute- Vienne,  arr.  et 
cant.  de  Saint- Yrieix  ;  2,274  hab.  Terre  à  porcelaine. 

LADINHAC.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  d'Aurillac, 
cant.  de  Montsalvy;  950  hab.  Vestiges  romains.  Ruines  du 
château  féodal  de  Mont-Lauzy. 

LAD  IN  OS.  Métis  d'Européens  et  d'Indiennes,  au  Mexique 
et  dans  l'Amérique  centrale. 

LADINS.  Le  cant.  des  Grisons,  en  Suisse,  l'ancienne 
Rhétie  de  l'époque  romaine,  compte  des  vallées  dont  les 
populations  parlent  encore  une  langue  dérivée  du  latin.  Il 
y  a  deux  dialectes  principaux,  le  romanche  et  le  ladin.  Les 
habitants  qui  parlent  ce  dernier  se  trouvent  dans  la  grande 
vallée  de  VEngadine  (V.  ce  mot)  ;  ils  se  distinguent  des 
populations  essentiellement  allemandes  du  pays  par  une 
certaine  finesse  des  traits,  mais  s'assimilent  toujours  da- 
vantage avec  elles;  malgré  les  efforts  qu'ils  font  pour 
conserver  leur  langue,  le  territoire  dans  lequel  elle  règne 
s'amoindrit  de  jour  en  jour,  envahi  par  Fallemand. 

LADISLAS,  rois  de  Bohême  (V.  Vlabislav). 

LADISLAS  1«S  le  Saint,  roi  de  Hongrie,  né  en  4044, 
mort  en  4095.  Elevé  en  Pologne,  où  son  père  le  futur  roi 
Bêla  I«^  s'était  réfugié  avec  sa  famille,  il  en  revint  avec 
lui.  Dès  lors  et  jusqu'à  son  propre  avènement  (4064-77), 
pendant  les  courts  règnes  de  Bêla,  de  Salomonetde  Geiza, 
le  jeune  Ladislas  fut  le  héros  des  armées  magyares,  héros 
de  force,  de  beauté,  de  piété,  de  talent  stratégique.  H  ga- 
gna sur  les  envahisseurs  cumans  la  bataille  de  Cserhalom 
(1067)  et  sur  le  parti  antinational  ou  impérial,  celle  de 
Czinkota.  Devenu  roi,  il  continua  à  soutenir  Grégoire  VII 
contre  Henri  IV  ;  mais  il  s'occupa  surtout  des  frontières  de 
son  royaume,  conquérant  la  Croatie,  battant  une  fois  de 
plus  les  Petchénègues  païens,  puis  fixant  leurs  débris  sur 
les  bords  fertiles  de  la  Tisza.  Ayant  ainsi  assuré  la  tran- 
quillité du  sol  hongrois,  Ladislas  commença  une  nouvelle 
tâche,  celle  du  législateur,  dans  les  grandes  assemblées  des 
prélats,  des  grands  et  du  peuple,  dont  la  principale  fut  te- 
nue à  Szabolcs  en  4092.  Ces  lois,  en  grande  partie  rela- 
tives à  l'Eglise  comme  il  était  naturel  dans  un  pays  nou- 
vellement converti,  présentent  dans  leurs  dispositions 
pénales  un  caractère  d'extrême  sévérité.  Cependant  l'Eu- 
rope chrétienne  se  livrait  aux  immenses  préparatifs  de  la 
première  croisade.  Ladislas  reçut  en  roi  pieux  les  ambas- 
sadeurs des  pèlerins  armés.  On  lui  a  prêté  l'intention  de 
devenir  un  de  leurs  chefs.  En  tout  cas,  il  mourut  dans  une 
expédition  toute  différente  contre  la  Bohême.  Son  corps  fut 
tranporté  de  Nagy-Varad  et  enfermé  dans  un  tombeau 
d'argent.  Célestin  IH  l'a  canonisé  en  4498,  et  sa  fête  se 
célèbre  le  27  juin.  E.  Sayous. 

LADISLAS  II,  roi  de  Hongrie,  frère  d'Etienne  IH,  dis- 
puta la  couronne  à  celui-ci,  l'obtint  par  un  arrangement, 
mais  mourut  au  bout  de  quelques  mois  (4164-62). 

LADISLAS  III,  roi  de  Hongrie.  Fils  mineur  du  roi  Eme- 
rich,  il  fut  couronné  en  4204,  et  mourut  en  1205  à  l'âge 
de  cinq  ans,  juste  à  temps  pour  n'être  pas  détrôné  par  son 
oncle  André  II. 

LADISLAS  IV,  le  Cuman,  roi  de  Hongrie,  de  4272  à 
1    1290.  Cet  avant-dernier  souverain  de  la  race  d'Arpad  a 


LAOISLAS  -  LADOGA 


734  — 


signalé  son  règne  par  deux  grands  faits,  l'un  militaire  et 
diplomatique,  l'autre  intérieur  et  législatif  :  1°  par  son  al- 
liance avec  Rodolphe  de  Habsbourg  contre  Ottokar,  roi  de 
Bohême,  et  par  l'envoi  d'une  puissante  armée  à  son  alhé, 
il  a  contribué  plus  que  personne  à  l'eiFondrement  des  espé- 
rances tchèques  et  à  la  fondation  de  la  grandeur  autri- 
chienne (1278)  ;  2^  par  ses  Articuli  Cumanorum  et 
par  sa  Constitutio  de  Cumanis,  il  fixa  au  sol  les  Cumans 
nomades,  déplorable  résidu  des  invasions  mongoles,  et  re- 
média aux  maux  de  cette  invasion  même  en  leur  faisant 
construire  des  villages  dans  les  contrées  les  plus  dépeu- 
plées des  bords  de  la  Tisza.  Malheureusement  les  résultats 
de  la  sympathie  royale  pour  les  Cumans,  sympathie  qui 
valut  à  Ladislas  IV  son  surnom,  ne  se  sont  réalisés  que 
peu  à  peu  par  l'organisation  de  la  Petite  et  de  la  Grande- 
Cumanie  ;  tandis  que  les  bizarreries  du  roi,  qui  tantôt 
combattait  ceux  des  Cumans  restés  dans  le  paganisme,  tan- 
tôt se  mettait  à  vivre  avec  eux  et  avec  une  femme  cumane, 
ont  produit  de  graves  désordres  et  mécontenté  la  nation 
contre  lui.  Ce  sont  des  chefs  cumans  qui  finirent  par  le 
tuer.  E,  Sayous. 

LADISLAS  V,  le  Posthume,  roi  de  Hongrie,  né  en 
1440  quelques  mois  après  la  mort  de  son  père  l'empereur 
Albert  II,  mort  à  Prague  en  1458.  Couronné  dès  sa  nais- 
sance par  le  parti  de  sa  mère  Elisabeth  et  de  son  oncle 
l'empereur  Frédéric  III,  il  fut  réellement  écarté  du  trône 
au  profit  de  Wladyslaw,  roi  de  Pologne.  Mais  lorsque  celui- 
ci  eut  succombé  à  Varna  (1444),  une  diète  réunie  à  Bude 
proclama  Ladislas  roi  de  Hongrie,  tout  en  conférant  la  ré- 
gence pour  toute  la  durée  de  la  minorité,  au  «  gouverneur  » 
Jean  Hunyade  (V.  ce  nom).  C'est  seulement  en  1452 
que  le  héros  remit  le  pouvoir  entre  les  mains  du  jeune  roi, 
tâchant  de  le  soustraire  à  l'influence  antitiationale  de  ses 
deux  oncles,  l'empereur  et  le  comte  de  Cilly.  Il  n'y  réussit 
qu'en  apparence,  et  lorsque  le  grand  croisé  fut  mort  victo- 
rieux dans  Belgrade,  l'entourage  royal  reprit  le  cours  de 
ses  intrigues.  Alors  Ladislas  Corvin,  fils  aîné  de  Jean,  tua 
Cilly  dans  une  discussion,  et  bientôt  après  fut  exécuté  par 
l'ordre  de  Ladislas  le  Posthume.  Celui-ôi,  écrasé  d'impo- 
pularité, dut  quitter  le  royaume  ;  il  s'occupait  de  son  ma- 
riage projeté  avec  Madeleine  de  Valois  lorsqu'il  mourut. 
Son  successeur  élu  fut  le  jeune  Mathias  Corvin,  fils  et  frère 
des  deux  martyrs  nationaux.  E.  Sayous. 

LADISLAS,  rois  de  Pologne  (V.  Wladyslaw), 

LADIViLLE.  Com.  dudép.  de  la  Charente,  arr.  et  cant. 
de  Barbezieux;  222  hab. 

LA  DIXMÉRIE  (Nicolas  Bricahie  de)  (V   Dixmérie). 

LADIVilRAULT  (Louis-René-Paul  de),  général  et  hounne 
poHtique  français,  né  à  Montmorillon  le  17  févr.  1808. 
Ancien  élève  de  Saint-Cyr,  il  fit  les  campagnes  d'Afrique 
à  partir  de  1831,  devint  général  de  brigade  en  1848,  gé- 
néral de  division  en  1853,  prit  part  aux  victoires  de  Mari- 
gnan  et  de  Solférino  pendant  la  guerre  d'Italie  (1859),  fut 
nommé  sous-gouverneur  de  l'Algérie  le  18  sept.  1865, 
sénateur  le  15  déc.  1866  et,  après  avoir  exercé  plusieurs 
grands  commandements,  fut,  en  juil.  1870,  mis  à  la  tête 
du  4°  corps  (V.  Fkango-allemande  [Guerre]).  Prisonnier 
en  Allemagne  après  la  reddition  de  Metz  (oct.  1870),  il  en 
revint  en  avril  1871  et  contribua,  sous  Mac-Mahon,  à  la 
reprise  de  Paris  sur  la  Commune.  Chargé  ensuite  (l^^juil. 
1871)  du  gouvernement  militaire  de  Paris,  qu'il  exerça 
jusqu'en  1878,  il  fut  envoyé  au  Sénat,  le  30  janv.  1876, 
par  le  dép.  de  la  Vienne,  vota  d'ordinaire  avec  la  droite, 
obtint  le  renouvellement  de  son  mandat  en  4882,  mais  ne 
se  représenta  pas  aux  élections  de  janv,  1891. 

LADNOWSKI  (Alexandre),  acteur  et  auteur  dramatique 
polonais,  né  en  1819,  mort  à  Cracovie  en  1891.  ïl  entra 
fort  jeune  au  théâtre  et  se  fit  surtout  remarquer  dans  les 
rôles  comiques.  Il  a  écrit  un  certain  nombre  do  pièces  en 
vers  et  en  prose.  Elles  ont  été  réunies  en  volumes  (Rzeszow, 
1859-63).  Quelques-unes  sont  restées  populaires.  On  lui 
doit  en  outre  des  nouvelles  historiques,  notamment  iù^- 
doxie  Czartoryska  ou  l^'s  Tatares  en  Podolie  (Rzeszow, 


1860).  —  Son  fils  Bosleslaw,  né  à  Plock  en  1841,  est 
également  un  acteur  estimé. 

LADO.  Ville  située  sur  la  rive  gauche  du  Haut-Nil,  par 
5°  environ  de  lat.  iN.  Fondée  en  1875  par  Gordon,  alors 
gouverneur  général  du  Soudan  égyptien,  elle  fut  destinée 
dès  l'origine  à  devenir  le  centre  administratif  et  commer- 
cial des  territoires  acquis  par  l'Egypte  dans  la  région  de 
l'Equateur.  Ces  territoires  prirent  dès  lors  le  nom  de  pro- 
vince égyptienne  de  Lado  ou  de  province  Equatoriale  et 
s'étendirent  du  S.  de  la  province  de  Fashoda  par  7°  de 
lat.  N.  jusqu'au  rivage  septentrional  du  lac  Albert,  aux 
limites  de  l'Ounyoro  et  de  l'Ouganda.  La  domination  égyp- 
tienne dura  peu  dans  ces  parages.  En  1883,  l'insurrec- 
tion madhiste  s'étant  répandue  sur  tout  le  Bahr-el-Gazal  et 
la  province  de  Fashoda,  Lado  tomba  au  pouvoir  des  par- 
tisans du  mahdi.  Une  expédition  belge  sous  la  conduite  de 
Van  Kerckhoven,  partie  du  Haut-Oubangui,  a  occupé,  en 
1891,  au  nom  de  l'Etat  indépendant  du  Congo,  Lado  et 
toute  la  partie  de  la  province  Equatoriale  située  sur  la  rive 
gauche  du  Nil.  La  convention  du  14  août  1894  entre  la 
France  et  l'Etat  indépendant  reconnaît  au  Congo  belge  la 
possession  de  Lado.  D^^  RomRE. 

LADOGA.  I.  Lac.  —  Lac  du  N.-O.  de  la  Russie,  entre 
la  Finlande  et  les  gouvernements  ou  provinces  de  Saint- 
Pétersbourg  et  d'Olonetz.  Situé  entre  60«  et  61«  40'  de  lat. 
N.,  ce  lac  a  200  kil.  environ  de  longueur  du  N.  au  S.  sur 
100  kil.  de  l'O.  à  l'E.  et  une  superficie  de  18,130  kil.  q. 
Il  reçoit  la  Voksa  à  l'O.,  le  Volkhov  au  S,  et  le  Svir  à  l'E.  ; 
ces  trois  tributaires  lui  apportent  respectivement  les  eaux 
des  lacs  Saïma,  Hmen  et  Onega,  tandis  que  le  trop-plein 
de  ses  eaux  se  déverse  dans  le  golfe  de  Finlande  par  la 
Neva.  Le  bassin  du  lac  couvre  une  superficie  égale  presque 
à  la  moitié  de  la  France,  mais  les  voies  flottables  ou  navi- 
gables n'ont  sur  cet  immense  espace  qu'une  longueur  de 
3,000  kil.  seulement.  Les  rives  du  lac  sont  rocheuses  au 
N.  et  à  l'O.,  plates,  marécageuses  ou  couvertes  de  forêts 
au  S.-E.  Dans  cette  partie,  le  lac  a  peu  de  profondeur,  et 
la  navigation  y  est  difficile  ;  aussi,  pour  assurer  les  com- 
munications du  N.-E.  de  la  Russie  avec  Saint-Pétersbourg, 
a-t-on  creusé  un  canal  qui,  partant  de  la  rivière  Svir,  longe 
la  rive  méridionale  du  lac  et  aboutit  à  la  Neva,  près  de  la 
forteresse  de  Schlusselburg,  On  observe  dans  le  lac  La- 
doga un  courant  continu  qui  marche,  dans  le  sens  opposé  à 
celui  de  l'aiguille  d'une  montre,  le  long  des  côtes.  Les  coups 
de  vent  et  les  tempêtes  y  sont  fréquents.  Parmi  les  nom- 
breux ports  du  pourtour  du  lac,  les  meilleurs  sont  ceux  de 
Serdobol  et  de  Rexholm.  Dès  le  commencement  de  no- 
vembre, les  eaux  charrient  des  glaces  et  se  trouvent  prises 
définitivement  vers  le  8  ou  le  lÔ  déc.  ;  la  débâcle  ne  com- 
mence guère  avant  le  milieu  d'avril  et  les  eaux  ne  sont 
libres  de  glace  que  vers  le  2  mai.  De  cette  façon,  la  durée 
de  la  navigation  est  de  1 91  jours  en  moyenne.  On  y  pêche 
des  esturgeons,  des  brochets,  des  perches  et  surtout  la 
riapouckca  (Salmo  albula).  Une  espèce  de  phoque,  la 
même  que  celle  du  lac  Onega,  vit  dans  ses  eaux.  Parmi  les 
grandes  îles,  il  faut  mentionner  le  Rekalé^  très  peuplée, 
en  face  de  la  ville  de  Serdobol  (42  kil.  q.),  le  Monsin- 
saari  (41  kil.  q.)  et  le  Yalaam  (27  kil.  q.),  renfermant 
un  couvent  célèbre.  On  a  trouvé  en  1882,  sur  la  rive  mé- 
ridionale du  lac,  une  station  de  l'homme  préhistorique  (de 
l'époque  néolithique)  avec  des  restes  de  plantes  des  pays 
tempérés,  ce  qui  indiquerait  un  climat  doux  dans  cette 
région  à  l'époque  post-glaciaire.  J.  Deniker. 

IL  Canal,  —  Le  canal  Ladoga  ou  de  Pierre-le-Grand 
fut  creusé  de  1719  à  1732  au  S.  du  lac,  afin  d'éviter  à  la 
navigation  la  traversée  de  celui-ci,  jugée  périlleuse  ;  il  relie 
Novaia  Ladoga  sur  le  Volkliov  à  Schlusselburg  sur  la  Neva, 
et  mesure  II 0  kil.  de  long,  1 8  m.  de  large.  Il  fait  commu- 
niquer la  capitale  avec  le  réseau  de  voies  fluviales  de  Pin- 
térieur  (par  le  Volkhov  et  le  Svir)  et  facilite  son  approvi- 
sionnement en  bois,  grains,  etc.  Le  développement  du  trafic 
(24,000  bateaux,  1,200  radeaux)  a  décidé  la  construction 
d'un  second  canal  parallèle  au  premier,  dit  canal  No^ola- 


doga;  il  mesure  408  kil.  Le  canal  Sjœs  (112  kil.),  entre 
le  Volkhov  et  le  Sjses,  et  le  canal  Svir,  entre  le  Sjaes  et  le 
Svir,  complètent  la  route  fluviale  ^ers  l'intérieur.  A.-M.  B. 

lïl.  Ville.  —  Ladoga  iVoi^am (Nouvelle),  au  N.-O.  de  la 
Russie,  ch.-l.  de  district  de  la  prov.  do  Saint-Pétersbourg, 
sur  la  rive  S.  du  lac  Ladoga  ;  4,500  hab.  — -  A  15  kil. 
au  S.  se  trouve  le  village  Staraïa  (Vieille)  Ladoga,  sur 
le  Volkhov,  près  duquel  on  voit  les  ruines  d'un  château  que 
l'on  prétend  remonter  au  temps  de  Rurik.     J.  Deniker. 

LADON.  Rivière  de  Grèce,  affl.  de  l'Alphée  (V.  Grèce, 
t.  XIX,  p.  279).  Dans  la  mythologie  arcadienne,  le  dieu  du 
fleuve  était  fils  d'Oceanus  et  de  Téthys  et  père  de  Daphné 
(V.  ce  nom).  Le  nom  de  Ladon  fut  aussi  donné  au  dragon 
à  cent  tètes  qui  gardait  le  jardin  des  Hespérides  ;  fils  de 
Typhon  (ou  de  Phorkys)  et  de  l'Echidna  (ou  de  Keto),  il 
avait  cent  têtes  dont  toujours  quelqu'une  veillait.  Il  fut 
tué  par  Héraklés  (Hercule). 

LADON.  Gom.  du  dép.  du  Loiret,  arr.  de  Montargis, 
cant.  de  Bellegarde,  sur  le  Fessard;  1,303  hab.  Fabrique 
de  serges.  Ruines  d'un  aqueduc  gallo-romain. 

LADORNAC.  Corn,  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de 
Sarlat,  cant.  deTerrasson;  608  hab. 

LADOS.  Corn,  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Bazas, 
cant.  dAuros;  236  hab. 

LADOSSE.  Corn,  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  deNon- 
tron,  cant.  de  Mareuil;  433  hab. 

LA  DOUCETTE  (Jean-Charles-François,  baron  de),  ad- 
ministrateur et  homme  poHtique  français,  né  à  Nancy  le 
4  oct.  1770,  mort  à  Paris  le  19  mars  1848.  Après  avoir 
passé  plusieurs  années  dans  l'émigration,  il  rentra  en 
France  après  le  1 8  brumaire  et  fut  nommé,  le  13  avr .  1802, 
préfet  des  Hautes-Alpes.  Il  dota  ce  département  de  nou- 
veaux moyens  de  communication  et  y  multiplia  les  éta- 
blissements d'assistance  publique.  H  ne  montra  pas  moins 
d'activité  comme  préfet  de  la  Roër  de  1809  à  1814.  Pré- 
fet de  la  Moselle  pendant  les  Cent- Jours,  il  rentra  dans  la 
vie  privée  après  Waterloo.  Envoyé  à  la  Chambre  des  députés 
par  les  électeurs  de  Briey  en  183  i,  il  fut  constamment 
réélu  jusqu'en  d848  et  vota  d'ordinaire  avec  la  majorité 
ministérielle.  Comme  littérateur,  il  s'était  fait  connaître  par 
de  nombreux  ouvrages,  parmi  lesquels  nous  citerons  :  Hel- 
vétius  à  Voré,  comédie  (1797)  ;  Rose  et  noir^  nouvelles 
(1801)  ;  Philoclès,  roman  (1803);  Archéologie  du  mont 
Séleuciis  (1806);  Nouvelles,  contes ,  apologies  et  mé- 
langes; le  Troubadour  (1824);  Robert  et  Léontine 
(1827);  Fables  en  vers  (1827),  etc.       A.  DEBmoua. 

LADOU CETTE  (Eugène-Frédéric-François,  baron  de), 
homme  politique  français,  fils  du  précédent,  né  à  Paris  le 
45  mars  1807,  mort  à  Viels-Maisons  (Aisne)  le  26  sept. 
1887.  Après  le  coup  d'Etat  du  2  déc. ,  il  accepta,  dans 
l'arr.  de  Vouziers,  la  candidature  officielle  et  entra  (1852) 
au  Corps  législatif,  où  il  resta  jusqu'à  la  fin  de  TEmpire 
et  vota  constamment  pour  le  gouvernement.  Ecarté  par 
la  révolution  du  4  sept.,  il  revint  au  Palais-Bourbon 
comme  député  de  Vouziers  le  20  févr.  1876,  soutint  le 
ministère  de  Broglie,  et,  malgré  son  appui,  échoua  aux 
élections  générales  du  14  oct.  4877.        A.  Deiujdour. 

LADOU  CETTE  (Louis-Napoléon-Laîtitia-Charles,  baron 
de),  homme  politique  français,  né  à  Aix-la-Chapelle  le 
11  févr.  1809,  mort  à  Paris  le  12  déc.  1869.  Maître  des 
requêtes  au  conseil  d'Etat  sous  la  monarchie  de  Juillet, 
il  fut  en  1849  envoyé  à  l'Assemblée  législative  par  le 
dép.  de  la  Moselle,  s'associa  à  la  politique  de  l'Elysée  et 
fut  appelé  au  Sénat  dès  1852.  A.  Dewdour. 

LA  DOUCETTE  (Etienne,  baron  de),  homme  politique 
français,  né  à  Saint-Etienne  le  23  avr.  1844,  fils  d'Eugène 
(V.  ci-dessus).  Auditeur  au  conseil  d'Etat  sous  l'Em- 
pire, il  fit  comme  volontaire  la  guerre  contre  l'Allemagne 
et  devint  député  de  Meurthe-et-Moselle  le  20  févr.  1876. 
Membre  du  groupe  de  l'Appel  au  peuple,  il  soutint  le 
gouvernement  du  16  mai,  fut  réélu  le  14  oct.  1877  et 
se  présenta  avec  succès  dans  l'arrond.  de  Vouziers  (Ar- 


—  735  —  LADOGA  —  LADY  FRANKLIN 

dennes)  le  21  août  1881.  11  combattit  constamment  les 
cabinets  républicains,  échoua  aux  élections  de  1885,  mais 
fut  réélu  en  1889  à  Vouziers  avec  un  programme  révision- 
niste-monarchiste. Aux  élections  de  1893  il  a  été  battu 
par  M.  Bourgoin. 

LADOUZE.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de  Pé- 
rigueux,  cant.  de  Saint-Pi erre-de-Chignac  ;  908  hab. 

LA  DO  Y  E.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Lons-le-Sau- 
nier,  cant.  de  Voiteur;  168  hab. 

LADRE  (V.  Lépreu). 

LADRERIE  (V.  T/eniâ). 

LADRON  Y  Guevara  (Don)  (V.  Guevara  [Felipe]). 

LADU RN ER  (Ignace-Antoine-François-Xavier), pianiste 
et  compositeur  allemand,  né  à  Aldein  (Tirol)  le  1°^  août 
1766,  mort  près  de  Massy  (Seine-et-Oise)  le  4  mars  1839. 
Fils  d'un  organiste,  il  fit  ses  études  en  Bavière  et  vint  en 
1788  se  fixer  à  Paris,  oii  il  devint  bientôt  l'un  des  pro- 
fesseurs les  plus  en  vogue.  Son  nom  figure  de  1797  à 
1802  sur  la  liste  des  professeurs  au  Conservatoire  de  Paris. 
Il  fut  le  maître  de  Bocly  et  donna  des  leçons  à  Auber. 
Ses  œuvres,  oubliées  aujourd'hui,  consistent  en  une  ving- 
taine de  sonates  et  quelques  divertissements  et  airs  variés 
pour  le  piano.  En  1793  et  179611  fit  joueràl'Opéra-Comique 
deux  petits  ouvrages  en  un  acte  Wenzel,  ou  le  Magistrat 
du  peuple,  et  les  Vieux  Fous,  —  Son  frère,  Josepk-Aloïs, 
chapelain  de  la  cour  de  Bavière,  a  publie  quelques  morceaux 
de  musique  religieuse  et  de  musique  de  piano.     M.  Br. 

LADUZ.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  de  Joigny,  cant. 
d'Aillant-sur-Tholon  ;  377  hab. 

LADVOCAT  (Jean-Baptiste),  hébraïsant  et  polygraphe, 
né  à  Vaucouleurs  le  3  janv.  1709,  mort  à  Paris  le  29  déc. 
1765.  Etant  déjà  depuis  1742  bibliothécaire  do  la  Sor- 
bonne,  il  fut  nommé  à  la  chaire  d'hébreu  créée  en  1751. 
On  a  de  lui  entre  autres  :  Grammaire  hébraïque  à 
V usage  des  écoles  de  Sor bonne,  etc.  (Paris,  1753,  in-8  ; 
dernière  éd.,  en  1822,  in -8);  Interprétation  histo- 
rique et  critique  du  Ps,  68,  etc.  (Paris,  1767,  in-12), 
où  l'auteur  démontre  avec  raison  qu'il  faut  avant  tout 
reconstruire  un  texte  critique  et  aussi  sûr  que  possible 
de  l'Ancien  Testament,  avant  d'en  discuter  la  pensée; 
Tractatus  decoîiciliis  in  génère  {Cam,  1769),  très  sco- 
lastique  ;  enfin  le  Dictionnaire  géographique  (Paris, 
1747,  in-8  ;  dernière  éd.,  revue  par  Letronne  en  1813, 
in-12)  %ih  Dictionnaire  historique  portatif ^  etc.  (Paris, 
1752,  2  vol.  in-8)  ;  dernière  éd.,  augmentée  en  1821-22, 
5  vol.  in-8),  un  abrégé  de  Moréri.  F.-H.  K. 

LADVOCAT  (N...),  libraire-éditeur  français,  né  en  1790, 
mort  à  Paris  le  6  sept.  1854.  D'abord  simple  marchand  de 
livres,  il  se  fit  éditeur  vers  1827  et  parvint  rapidement  à 
une  renommée  universelle  et  à  la  fortune.  Entreprenant  et 
généreux,  il  fut  le  protecteur  de  tous  les  jeunes  talents  : 
Casimir  Delavigne,  Victor  Hugo,  Alfred  de  Vigny,  Sainte- 
Beuve,  etc.  Jules  Janin  a  dit  de  lui  qu'il  fut  le  premier  qui 
ait  fait  vivre  l'homme  de  lettres,  et  son  influence  devint 
telle  qu'il  faisait  des  membres  de  l'Institut,  des  ambassa- 
deurs, des  ministres.  Il  paya  100,000  écus  la  propriété 
des  œuvres  de  Chateaubriand,  mais  il  fut  ruiné  par  la  ré- 
volution de  Juillet.  G.  P-i. 

LADY.  Titre  donné  en  Angleterre  aux  femmes  de  pairs, 
de  baronnets  et  de  chevaKers  (knights),  aux  filles  de  ducs, 
marquis  et  comtes,  lesquelles  le  conservent  même  mariées 
à  des  roturiers  ;  il  fut  d'abord  donné  à  la  reine  (anglo- 
saxon  hlafdige,  maîtresse  du  pain),  puis  étendu  aux  prin- 
cesses de  la  famille,  de  celles-ci  à  toute  l'aristocratie.  Dans 
l'usage  on  tend  à  qualifier  de  lady  toute  femme  du  monde. 
On  désigne  sous  ce  nom  la  Vierge,  et  l'on  dénomme  lady- 
chapel  cette  chapelle  de  la  Vierge  qui  se  trouve  dans  beau- 
coup d'éghses  gothiques  au  fond  du  chœur,  dans  l'axe  de 
l'édifice. 

LADY  FRANKLIN  (Baie  de).  Baie  du  bras  de  mer  de 
l'océan  Glacial  arctique,  sur  la  côte  E.  de  la  Terre  de 
Grant  qu'elle  sépare  de  la  Terre  de  Grinnell.  Au  N.  est 
Discovery  Harbour  avec  Fort  Gonger(81«  30'lat.  N.et  67'' 


LADY  FRANKLIN  —  L^MOPHL(EUS 


—  736  — 


48'  long.  0.)  où  stationna  en  1882-83  une  expédition 
scientifique  américaine. 

LADYSMITH.  Bourg  de  la  colonie  du  Cap,  ch.~l.  de  la 
division  du  même  nom,  au  pied  S.  de  la  chaîne  des  Zwarte- 
berge,  près  du  col  de  Seven  Weeks  Poort  ;  bâti  sur  le  pla- 
teau de  Kannaland  (i  ,500  m.)  et  baigné  par  un  affluent 
gauche  du  Groote  River  ;  500  hab.  Région  viticole.  Station 
de  missionnaires. 

LADYSMITH.  Bourg  de  la  colonie  de  Natal,  ch.-l.  de 
la  division  et  du  comté  de  Klip  River.  Stat.  du  ch.  de  fer 
de  Durban  à  Charlestown. 

L/ECA  (Porcins)  (V.  Porcia  [Gens]). 
L/ECANIUSBassus(V.  Bassus). 
L>€GERN.  On  appelle  ainsi  le  prolongement  de  la  chaîne 
du  Jura  suisse  (V.  ce  mot).  Il  forme  une  chaîne  qui 
s'étend  de  l'O.  à  l'E.  dans  les  cant.  d'Argovie  et  de  Zurich 
et  dont  le  point  culminant  a  environ  900  m.  d'alt.  au- 
dessus  de  la  mer.  Le  versant  N.  est  cultivé,  tandis  que  le 
S.  est  rocailleux  et  couvert  de  broussailles. 

LAEKEN.  Com.  de  Belgique,  faubourg  de  Bruxelles,  sur 
la  Senne  et  le  canal  de  Bruxelles  à  Willebroeck;  26,000  hab. 
Stat.  des  chem.  de  fer  de  Bruxelles  à  Ostende  et  de  Bruxelles 
à  Humbeek.  Fabriques  de  savon,  de  tapis,  de  produits  chi- 
miques, de  chaudières,  fonderies.  Laeken  est  la  résidence 
d'été  de  la  famille  royale  de  Belgique.  Le  palais  fut  cons- 
truit de  1782  à  1784  par  l'archiduc  Albert  de  Saxe-Tes- 
chen,  gouverneur  autrichien  des  Pays-Bas;  il  devint  en- 
suite la  propriété  de  Napoléon  I®^,  et  c'est  là  que  l'empereur 
signa  la  déclaration  de  guerre  à  la  Russie  en  1812.  Léo- 
pold  I®^  y  mourut  en  1865.  Il  fut  la  proie  des  flammes  le 
1®^  janv.  1890,  avec  la  bibliothèque  de  Napoléon,  de 
précieuses  tapisseries,  des  tableaux  de  Van  Dyck,  etc.  On 
l'a  rebâti.  Les  superbes  serres  royales  et  le  parc  couvrent 
un  espace  de  plus  de  100  hect.  L'éghse  Sainte-Marie,  de 
style  gothique,  inachevée,  a  été  construite  en  1855  sur  les 
plans  de  Poelaert  ;  sa  crypte  contient  les  tombeaux  de  la 
famille  royale.  E.  H. 

L^LAPS  (Zool.)  (V.  Gamase). 
L>€LIA.  l.  Botanique.  ~  (Lœlia  Lindl.)  (V.  Bletta). 
II.  Horticulture.  —  Les  nombreuses  espèces  de  ce 
genre,  comme  L.  ancepsLmàl.j  L,PerriniiUnd\,,  L,  au- 
tumnalis  Lindl.,  appartiennent  à  la  serre  tempérée.  On 
les  cultive  en  caisses  ou  en  paniers,  remplis  de  sphaigne, 
que  l'on  suspend  dans  les  endroits  les  mieux  aérés  de  la  serre. 
La  multiplication  se  fait  à  l'aide  des  pseudo-bulbes.  G.  B. 
L>€LIA  (Gens).  Famille  plébéienne  de  Rome.  Son  pre- 
mier membre  connu  fut  Caius  Lcelius,  né  vers  235,  mort 
après  1 70  av.  J.-C.  ;  ami  de  Scipion,  il  commandait  la  flotte 
à  l'attaque  de  Carthagène  (210  av.  J.-C.)  et  contribua  à 
la  prise  de  la  ville  qu'il  fut  chargé  d'annoncer  à  Rome  ;  il 
demeura  légat  de  son  ami,  à  titre  officieux,  se  distinguant 
à  la  bataille  de  Bsecula  (208),  à  la  prise  d'Illiturgi,  défit  la 
flotte  d'Adherbal  devant  Gades,  fit  deux  visites  à  Syphax, 
roi  des  Numides.  Il  commandait  l'avant-garde  qui  précéda 
Scipion  en  Afrique,  occupa  Hippo  Regius,  s'entendit  avec 
Massinissa,  revint  à  Messine  informer  son  chef,  eut  la  prin- 
cipale part  aux  victoires  remportées  sur  les  Carthaginois  et 
les  Numides,  à  la  capture  de  Syphax  et  à  la  prise  de  Cirta, 
et  conduisit  à  Rome  les  prisonniers  ;  il  revint  en  Afrique 
avec  le  rang  de  questeur  et  commandait  la  cavalerie  ita- 
lienne à  la  bataille  de  Zama,  culbuta  la  cavalerie  numide 
et  détermina  la  victoire  en  chargeant  la  réserve  d'Annibal. 
Ce  fut  encore  lui  qui  porta  à  Rome  la  nouvelle  de  la  déci- 
sive victoire.  Lselius  participa  ensuite  à  l'influence  poli- 
tique de  Scipion  ;  édile  de  la  plèbe  en  197,  préteur  en  196, 
gouverneur  de  Sicile,  il  échoua  dans  sa  première  candida- 
ture au  consulat  (192),  mais  fut  élu  en  190;  lesScipions 
lui  enlevèrent  sa  province  de  Grèce  et  la  direction  de  la 
brillante  et  lucrative  expédition  contre  Antiochus;  il  reçut 
la  province  de  Gaule  cisalpine  et  colonisa  le  pays  desBoiens. 
Son  fils,  Caius  Lœlius  Sapiens,  né  vers  186,  fut  l'ami 
du  second  Scipion  l'Africain  ;  tribun  de  la  plèbe  en  151, 


préteur  en  145,  consul  en  140,  il  fit  campagne  contre 
Viriathe.  C'était  un  des  représentants  des  idées  hellé- 
niques ;  il  fut  d'abord  partisan  de  la  reconstitution  de  la 
propriété  plébéienne  par  des  lois  agraires,  provoqua  une 
nouvelle  répartition  des  domaines,  mais  y  renonça  devant 
l'opposition  des  classes  dirigeantes,  lesquelles  lui  décer- 
nèrent le  surnom  de  Sage;  il  combattit  les  principaux  tri- 
buns delà  plèbe  :  Licinius  Crassus(145),  TiberiusGracchus 
(133),  C.  Papirius  Carbo  (131)  et  Caius  Gracchus  (123- 
22).  C'était  un  des  principaux  orateurs  du  parti  des  nobles. 
On  cite  ses  discours  contre  les  motions  de  Crassus  et  de 
Carbo,  pour  les  publicains  (139),  l'éloge  funèbre  de  son  ami 
Scipion  (129).  Il  doit  surtout  sa  célébrité  à  Cicéron  qui  en 
fait  le  principal  interiocuteur  du  De  Amicitia  et  l'intro- 
duit dans  le  De  Senectute  et  le  De  Republica.  —  De  ses 
deux  filles,  la  première,  Lœlia,  épousa  l'augure  Q.  Mucius 
Scaevola  et  fut  célébrée  pour  la  pureté  de  son  langage,  de 
même  que  ses  deux  filles,  les  deux  Muciœ,  et  ses  petites- 
filles,  les  deux  licmiœ  (filles  de  Mucia  l'aînée);  elle  don- 
nait le  ton  à  la  société  de  son  temps  et  conservait  un 
latinisme  qui  tranchait  sur  l'affectation  exotique  et  le  ma- 
niérisme des  contemporains  hellénisés.  A.-M.  B. 

L>€LIANUS  (Ulpius  Cornélius).  L'un  des  trente  tyrans 
énuméréspar  Trebellius  Pollio  qui  l'appelle  Lollianus.  Ce 
fut  en  Gaule  le  chef  de  l'insurrection  qui  renversa  Postu- 
mus  ;  vainqueur  des  Germains,  il  fut  tué  par  ses  soldats 
qui  le  trouvaient  trop  sévère  et  proclamèrent  à  sa  place 
Victorinus  (267  ap.  J.-C).  On  a  retrouvé  des  monnaies  de 
Lselianus  en  or,  argent  et  cuivre. 

L/EMMER  (Hugo),  théologien  allemand,  né  à  Altenstein 
le  25  janv.  1835.  D'abord  maître  de  conférence  à  la  fa- 
culté de  théologie  protestante  de  Beriin,  il  passa  en  1838 
au  catholicisme,  et  enseigna  la  théologie  à  Braunsberg  et 
à  Breslau  ;  en  1882,  il  fut  nommé  protonotaire  apostolique. 
Il  a  publié  entre  autre?  :  De  Theologia  romano-catfio- 
lica...  antetride7itina {Berlin,  iSDl);Papst  NikolausI. 
u.  die  byzantinische  Staatskirclie  seiner  Zeit  (Berlin, 
1859);  De  Martyrologio  romano  (Ratisbonne,  1878)  ; 
Institutionen  des  kathol.  Kirchenrechts  (Fribourg-en- 
Brisgau,  1886).  Il  a  aussi  préparé  une  édition  d'Eusèbe 
(Schaffhouse,  1859-62). 

LyCMWlLElN  (Alexander),  peintre  allemand,  néàllohen- 
fels-sur-Main  le  9  déc.  1813,  mort  vers  1880.  En  1823, 
il  vint  à  Paris  où  il  eut  pour  maîtres  à  l'Ecole  des  beaux- 
arts  Regnault,  puis  Picot,  et  commença  par  s'adonner  au 
portrait.  A  vingt-deux  ans,  il  aida  Alaux  dans  la  restaura- 
tion de  la  galerie  du  Primatice  à  Fontainebleau,  et  travailla 
ensuite,  avec  le  même  artiste,  à  Versailles  et  au  palais  de 
Saint-Gloud.  Naturalisé  Français  en  1848,  et  devenu 
(1855)  professeur  à  l'Ecole  spéciale  de  dessin  de  Paris,  il 
se  yit  chargé  de  peindre  un  grand  plafond  au  salon  de 
Louis  XIV  à  Baden-Baden.  Parmi  ses  autres  œuvres,  nous 
citerons  :  Chasteté  de  Joseph,  le  Réveil  d'Adq^m,  Tabitha 
ressuscité  par  saint  Pierre,  V Echelle  de  Jacob,  la 
Vision  de  Zacharie  (musée  de  Rochefort)  ;  Diane  et 
Endymion,  Job,  les  Amours  des  anges,  des  peintures 
murales  à  Sainte-Clotilde,  des  lithographies,  des  peintures 
sur  émail,  des  compositions  pour  la  manufacture  de  Sèvres 
et  de  nombreux  portraits,  notamment  ceux  de  Jean  sans 
Peur,  de  Philippe  le  Hardi,  du  Maréchal  Boucicaut, 
tous  au  musée  de  Versailles. 

L^MODIPODES  (Zool.).  Famille  de  Crustacés  amphi- 
podes  qui  comprend  les  Caprellides  et  les  Cyamides 
(V.  ces  mots). 

L>€iVIOPHLŒUS  (Entom.).  Genre  d'Insectes  Coléop- 
tères Pentamères,  famille  des  Cucujidés,  fondé  par  Laporte 
de  Castelnau  et  renfermant  des  formes  très  aplaties,  à  pro- 
notum  ayant  de  chaque  côté  une  ou  deux  stries  et  à  élytres 
striées  ;  le  menton  court  est  échancré  en  avant  avec  ses 
angles  saillants.  Les  Lœmophlœus  sont  de  petite  taille  et 
de  coloration  jaune  ou  roussâtre;  ils  vivent  sous  lesécorces 
d'arbres  où  ils  font  la  chasse  aux  Insectes  xylophages  ; 
leurs  espèces  très  nombreuses  sont  répandues  surtout  dans 


—  737 


LiEMOPHLœUS  —  hJEÏkm 


les  régions  tempérées.  Le  Lœmophlœus  monilis  Fabr.  est 
commun  sous  les  écorces.  M.  M. 

L>€N  (allemand  Lehn).  Le  sens  primitif  de  ce  mot  est 
fief,  puis  il  a  été  appliqué  à  une  division  administrative, 
en  Suède  et  en  Finlande.  Le  la^n  est  divisé  en  bailliages  et 
le  bailliage  en  districts.  A  la  tète  du  Isen  est  le  landshœfding. 

LAENA.  Sorte  d'étoffe  de  laine  à  longs  poils,  dont  les 
anciens  faisaient  des  vêtements  de  dessus,  tels  que  le  pal- 
lium  (manteau  militaire),  le  sagum,  etc.  On  donnait  en 
outre  ce  nom  à  un  vêtement  spécial,  celui  que  portaient  les 
flamines  dans  les  sacrifices.  C'était  un  amictus  ou  manteau 
ample  (de  amicire^  envelopper),  fait  de  l'étoffe  en  ques- 
tion, du  moins  à  l'origine,  et  qui  était  double,  la  partie 
supérieure  retombant  comme  la  diploïs  des  Grecs. 

LA,ENC!NA  (Juan  de)  (V.  Encina). 

LAÉNNEC  (René-Théophile-Uyacinthe),  célèbre  méde- 
cin français,  né  à  Quimper  le  47  févr.  4781,  mort  à  Ker- 
louanec,  près  de  Douarnenez,  le  13  août  1826.11  commença 
l'étude  de  la  médecine  à  Nantes  sous  la  direction  de  son  oncle, 
médecin  en  chef  des  hôpitaux  de  cette  ville,  et  vmt  les  con- 
tinuer à  Paris  à  partir  de  1799,  avec  le  plus  grand  succès. 
Reçu  docteur  en  1804,  il  se  livra  surtout  à  l'anatomie  pa- 
thologique, que  Bichat  avait  mise  en  honneur,  et  enrichit 
la  science  de  nombreuses  découvertes  :  sur  les  vers  vési- 
culaires,  le  squirre,  le  tissu  encéphaloïde,  la  mélanose,  le 
tubercule,  etc.  Nommé  en  1812  médecin  a  l'hôpital  Beau- 
jon,  il  passa  ensuite  à  Necker  où  il  fit  des  leçons  cliniques  ; 
c'est  là  qu'il  fit  l'admirable  découverte  de  l'auscultation  qu'il 
porta  en  quelque  sorte  du  premier  jet  à  son  plus  haut  de- 
gré de  perfection.  En  1822,  il  remplaça  Halle  dans  la  chaire 
de  médecine  du  Collège  de  France,  puis  en  1823  entra  à  la 
faculté  de  médecine  comme  professeur  de  cHnique  interne. 
Laënnec  était  membre  de  l'Académie  de  médecine  depuis  sa 
fondation.  Une  statue  lui  a  été  élevée  en  1868,  dans  sa 
ville  natale.  Ouvrages  principaux  :  Proposit.  sur  la  doc- 
trine médicale  d'Hippocrate,  etc.  (Th.  de  Paris,  1804)  ; 
Mém.  sur  les  vers  vésiculaires  (Paris,  1805,  in-4  et  in-8); 
Sur  une  nouvelle  Espèce  de  hernie,  à  la  suite  du  Traité,., 
de  Scarpa  (Paris,  1812,  in-8);  De  V Auscultation  mé- 
diate ou  Traité  du  diagnostic  des  maladies  des  pou- 
mons et  du  cœur,  etc.  (Paris,  1819, 2  vol.  in-8  ;  2®  édit. 
intitulée  Traité  de  V auscultation  médiate  et  des  ma- 
ladies des  poumons  et  du  cœur,  Paris,  1826,  2  vol.  in-8)  ; 
la  Faculté  de  médecine  a  publié  une  édition  conformeà  cette 
2®  édit.  en  1879  (in-8);  il  y  avait  eu  d'autres  éditions 
en  1831  et  1837.  Laënnec  a  encore  publié  de  nombreux 
articles  dans  Journal  de  Corvisart,  Bull,  de  la  Fac. 
de  méd.,  Dict.  des  Se.  médicales,  etc.         D^  L.  Hn. 

Hôpital  Laënnec  (V.  Incurables). 

LAENSBERGH^  (Mathieu),  dit  le  Nosiradamus  lié- 
geois, mathématicien  et  astrologue  populaire.  La  légende 
le  fait  naître  à  Liège  vers  la  fin  du  xvi^  siècle.  L'almanach 
édité  sous  son  nom  paraît  sans  interruption  depuis  1635 
et  contient,  outre  les  rubriques  ordinaires  de  ce  genre  de 
publications,  des  prédictions  concernant  la  température  et 
les  événements.  On  n'a  jamais  pu  retrouver  quelque  chose 
de  précis  et  de  certain  sur  la  biographie  de  ce  personnage. 

BiBL.  :  C.  NisARD,  Hist,  des  livres  populaires  ;  Pai-is, 
1854,  2  vol.  in-8.  ~  A.  Le  Roy,  Biographie  de  Math. 
Laensbergh,  dans  la  Biogr.  nal.  de  Belgique. 

LAERCE  (Diogène)  (V.  Diogène). 

LAERNE.  Com.  de  Belgique,  prov.  de  Flandre  orien- 
tale, arr.  de  Termonde  ;  4,500  liab.  Stat.  du  chem.  de  fer 
de  Gand  à  Harame.  Exploitations  agricoles.  Château  fort 
remarquable,  propriété  des  comtes  de  Ribeaucourt. 

L/ESŒ.  Ile  du  Danemark,  au  N.  du  Jutland  et  de  l'île 
d'Anholt,  dans  le  Cattégat  septentrional,  à  22  kil.  de  la 
côte  danoise  et  50  de  la  côte  suédoise;  105  kil.  q., 
2,500  hab.  Entourée  de  bas-fonds,  de  sables  mouvants  et 
d'écueils,  déboisée,  elle  est  assez  fertile.  Elle  dépend  du 
district  d'Aalborg.  La  population  estéparse  dans  les  fermes 
et  maisons  non  groupées  en  villages. 

L>€STADIUS  (Lars-Levi),  naturaliste  et  voyageur  sué- 

GRÂNDE   ENCYCLOPÉDIE.    —  XXI. 


dois,  né  à  Arjeplougen  1800,  mort  en  1861.  Missionnaire 
en  Laponie,  il  s'occupa  particulièrement  de  botanique  et 
fit  à  ce  propos  de  nombreuses  explorations  dans  la  Suède 
septentrionale.  En  1838,  il  suivit  en  Laponie  et  seconda 
une  expédition  française,  qui  avait  été  placée  sous  la  di- 
rection de  Gaimard.  Il  a  composé  de  nombreux  mémoires 
pour  les  Annales  de  V  Académie  des  sciences  de  Suède, 
et  un  traité  intitulé  De  climate  Lapponiœ,  Ses  Frag- 
ments sur  la  mythologie  des  Lapons  contiennent  de 
nombreux  et  utiles  renseignements.  —  Son  frère  Petrus, 
missionnaire  également,  né  en  1804  et  mort  en  1841,  a 
Idissé  un  Journal  sur  quelques-unes  des  années  de  son 
séjour  en  Laponie  (de  1826-1832,  en  2  parties).  Ce  récit 
naïf,  mais  très  exact  et  animé,  obtint  un  certain  succès  et 
a  été  plusieurs  fois  réimprimé  en  Suède.  L'auteur  y  raconte 
la  visite,  en  1830,  de  trois  voyageurs  français,  qu'il  appelle 
Treuet,  (baron)  Hoguer  et  Banzangan  (?).        Th.  C. 

LA  ET  (Jean  de)  géographe,  naturaliste  et  philologue 
belge,  né  à  Anvers  en  1593,  mort  à  Leyde  en  1649.  On 
ne  connaît  bien  son  histoire  qu'à  partir  de  1624.  Il  était 
alors  établi  à  Leyde  et  occupait  les  fonctions  de  directeur 
de  la  Compagnie  des  Indes  occidentales.  En  vue  de  faire 
mieux  connaître  les  contrées  lointaines  où  se  pratiquaient 
les  opérations  de  la  Compagnie,  il  écrivit  un  ouvrage 
intitulé  le  Nouveau  Monde,  ou  Description  des  Indes 
occidentales  (en  néerlandais).  C'est  une  excellente  com- 
pilation exécutée  d'après  un  grand  nombre  de  géographes 
étrangers  et  les  itinéraires  manuscrits  de  plusieurs  navi- 
gateurs. Elle  parut  à  Leyde,  chez  Elzevier  en  1625  (in- 
foL),  et  fut  rééditée  en  1630  et  1644.  Une  traduction 
latine  en  fut  donnée  en  1633  et  une  française  en  1640. 
De  Laet  en  détacha  une  série  de  monographies  sur  l'Es- 
pagne, la  France,  les  Pays-Bas,  le  Portugal,  l'Allemagne 
et  la  Perse.  En  1642,  il  soutint  contre  H.  Grotius  que  les 
Américains  formaient  une  race  distincte  et  habitaient  le 
Nouveau-Monde  depuis  la  dispersion  des  hommes  :  Notœ 
ad  dissertationem  tt.  Grotii  de  origine  gentium  ame- 
ricanarum  (Amsterdam,  1643,  in-12).  En  1648,  il 
recueillit  et  mit  en  ordre  les  notes  du  célèbre  naturaliste 
Margratf,  mort  sur  la  côte  do  Guinée,  au  retour  d'un 
voyage  d'exploration  au  Brésil  :  S.  Marcgravii  historiée 
nâturalis  Brasiliœ  libri  octo  (Leyde,  in-foL).  Dans  tous 
ces  travaux,  De  Laet  fit  preuve  de  vastes  et  profondes 
connaissances,  mais  c'était  plutôt  un  vulgarisateur  qu'un 
savant.  On  peut  encore  citer  de  lui  une  édition  de  Pline 
l'Ancien,  faite  à  Leyde  chez  Elzevier  en  1635  (3  vol.  in-12), 
et  une  édition  de  Vitruve,  demeurée  inachevée.      E.  H. 

Btbl.  :  FopPENS,  Bibliotheca  belgica  ;  Malines,  1739, 
2  vol.  in-4.  —  Van  Camprn,  Gesch.  der  Letteren;  La  Haye, 
1821-1826,  3  vol. in-8.—  Delvenne,  Biographie  du  royaume 
des  Pays-Bas  ;  Bruxelles,  1829,  in-4.  —  Kickk,  Notice  sur 
De  Laèt,  dans  les  Bull,  de  l'Ac.  r.  de  Belgique,  1852,  XIX. 

LAET  (Jean -Jacques  de),  littérateur  et  homme  poli- 
tique belge,  né  à  Anvers  en  1815.  D'abord  journaliste, 
puis  directeur  d'une  boulangerie  économique,  il  fut  élu 
en  1863  représentant  de  sa  ville  natale.  C'était  au  moment 
où  le  roi  Léopold  croyait  assurer  au  mieux  la  neutralité 
belge,  en  fortifiant  Anvers  et  en  faisant  de  cette  place  le 
centre  de  la  défense  éventuelle  du  pays.  La  population 
anversoise,  craignant  que  l'embastillement  ne  nuisît  à  son 
commerce,  ne  voulut  pas  accepter  cette  situation,  et  en- 
voya à  la  Chambre  des  représentants  qui  s'engageaient  à 
voter  contre  le  budget  de  la  guerre.  De  Laet  prit  aux  débats 
une  part  trè^active,  et  la  violence  de  son  langage  lui  valut 
un  duel  avec  le  ministre  Chazal  (V.  ce  nom).  Celui-ci  fut 
légèrement  blessé.  De  Laet  contribua  beaucoup  à  l'adoption 
de  la  loi  de  1873  sur  l'emploi  des  langues  dans  la  procé- 
dure. Depuis  cette  époque,  il  a  joué  à  la  Chambre  un  rôle 
très  effacé.  Il  a  pubhé  quelques  romans  flamands  qui  ne 
sont  pas  sans  mérite  ;  le  meilleur  est  intitulé  la  Maison 
de  Wesembeek  (Anvers,  1842,  in-8). 

L>€TAR  E.  Nom  donné  au  quatrième  dimanche  de  Carême, 
parce  que,  en  ce  jour-là,  Vintroït  de  la  messe  commence 
par  les  mots  Lœtare,  Jérusalem.  A  cause  de  cette  joyeuse 

47 


LyETARE  —  LAFARGE 


—  738 


introduction,  il  est  permis,  malgré  le  Carême,  de  toucher 
Forgue  et  de  porter  des  dalmatiques  et  des  habits  moins 
tristes  que  ceux  dont  on  se  sert  ordinairement  en  ces  temps 
de  pénitence. 

LJE.T\ ^{LœHa  Lœfl.)  (Bot.).  Genre  de Bixacées-Flacour- 
tiées,  caractérisé  par  les  fleurs  hermaphrodites  apétales, 
les  4-5  sépales  pétaloïdes  imbriquées,  les  étamines 
hypopnes  en  nombre  indéQni  et  son  ovaire  uniloculaire 
à  trois  placentas  pariétaux  pluriovulés  et  surmonté  d'un 
style  simple.  Le  fruit  est  une  baie.  Les  Lsetia  sont  des  ar- 
bustes de  l'Amérique  tropicale,  à  feuilles  alternes,  à  fleurs 
réunies  en  cymes  axillaires  ou  terminales.  Les  L.  apetala 
Jacq.  et  L.  resinosa  Merc.  sont  des  purgatifs  énergiques 
et  fournissent  une  sorte  de  sandaraque  douée  de  propriétés 
drastiques.  Le  L.  theœformis  de  l'île  Maurice,  à  écorce 
vomitive,  est  placé  actuellement  dans  le  genre  Aphloia. 

L/ETITIA  Bonaparte  (V.  Bonaparte,  t.  VII,  p.  244). 

L^TUS  (Erasmus)  (V.  Glad). 

LAEUFELFINGEN.  Village  de  Suisse,  cant.  de  Bâle- 
Campagne  ;  758  hab.  Cette  loca/ité,  située  sur  le  Bas- 
Hauenstein,  une  des  sommités  du  Mra,  se  trouve  à  l'entrée 
septentrionale  d'un  long  tunnel  du  chemin  de  fer  Bâle- 
Olten,  pratiqué  dans  le  mont  Hai  enstein  qui  sépare  le  Jura 
du  plateau  suisse. 

L>€V1NUS  (V.  Valeria[G^?2s]). 

LAFABRIQUE  (Nicolas),  peintre  belge,  né  à  Namur, 
mort  en  1736.  Il  quitta  sa  ville  natale  pour  compléter  ses 
études,  et  fit  à  pied  le  voyage  de  Rome  :  en  chemin,  il  ga- 
gnait sa  vie  avec  son  pinceau.  Ses  deux  œuvres  les  plus 
connues  sont  le  Philosophe  rieur  et  r Homme  à  la  coupe. 

LA  PAGE.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Castelnau- 
dary,  cant.  de  Belpech;  533  hab. 

LAFAGE.  Com.  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr.  de  Tulle, 
cant.  de  Lapleau  ;  594  hab. 

LA  FAGE  (V.  Fage). 

LAFAGE  (Pierre de),  compositeur  français  du  xvi^  siècle. 
Il  n'est  connu  que  par  ses  œuvres,  dont  le  style  se  rap- 
proche de  celui  de  son  contemporain  Jean  Mouton  et  qui 
consistent  en  seize  motets  et  une  chanson  imprimés  de 
1519  à  1558  dans  des  recueils  d'Attaingnant,  Moderne  et 
Petrejus. 

LAFAGE  (Juste- Adrien  Lenoir  de),  compositeur  et  écri- 
vain musical  français,  né  à  Paris  en  1805,  mort  à  Charen- 
ton  en  1862.  Destiné  d'abord  à  l'Eglise,  il  se  livra  à  la 
musique  et  entra  à  l'école  de  Choron.  En  1829,  il  obtint 
la  maîtrise  de  la  chapelle  de  Saint-Etienne-du-Mont.  La- 
fage  s'est  surtout  fait  connaître  comme  théoricien.  Il  col- 
labora à  de  nombreuses  revues  musicales  françaises  et 
étrangères.  Son  œuvre  principale  a  été  publiée  en  collabo- 
ration avec  Cfioron  :  Encyclopédie  musicale  (Paris, 
1836-38,  6  vol.). 

LA  FAILLE  (V.  Faille). 

LA  FARE  (V.  Fare). 

LA  FARE-Alais  (G. -Christophe- Valentin,  marquis  do), 
un  des  précurseurs  des  félibres,  né  au  château  de  Lacoste 
(Gard)  en  1791,  mort  en  1846.  D'une  famille  célèbre 
dans  les  lettres  et  les  armes,  descendant  du  poète  et  du 
maréchal  de  La  Fare,  il  reçut  chez  son  père  une  excellente 
éducation  classique  qu'il  acheva  en  étudiant  le  droit  à  Tou- 
louse. En  1814,  il  entrait  dans  la  compagnie  de  Noailles 
aux  gardes  du  corps.  Lieutenant  d'infanterie,  il  quittait 
1«  service  en  1818  et  revenait  pour  s'y  m^m  dans  son 
pays  raïol  qu'il  ne  devait  plus  quitter.  C'est  après  1830, 
qu^épris  des  ressources  de  son  parler  natal,  La  Fare  com- 
mença de  pubUer  dans  VEcho  d'Alais  ses  poésies  langue- 
dociennes. Un  prime-saut  harmonieux  et  une  mélancolie 
bien  rare  dans  les  ouvrages  «  patois  »  leur  valurent  la  plus 
grande  faveur.  Il  avait  pris  pour  modèle  les  spirituelles 
œuvres  de  l'abbé  Favre,  le  chantre  du  Siège  de  Cade- 
rousse^  qu'il  devait  dépasser,  et  pour  guide  le  précieux  Dic- 
tionnaire de  Sauvages,  son  compatriote  alésien.  En  1814, 
La  Fare  réunit  ses  poésies  sous  ce  titre  :  Las  Castagnados 
(Alais,  in-8,  avec  introd.  et  glossaire).  Ce  fut  un  événe- 


ment dans  la  région.  Sa  verve  brillante,  attendrie  et  ner- 
veuse, portait  le  sceau  de  la  distinction  de  son  esprit.  Ses 
rares  vers  français  n'avaient  point  dépassé  le  médiocre.  Il 
rencontrait,  du  premier  coup,  le  naturel  parfait,  dans  la 
langue  spontanée  de  sa  race  et  de  son  pays.  Même  il  avait 
entrevu  une  renaissance  possible  de  la  littérature  d'oc  (sa 
préface  en  fait  foi),  alors  que  Jasmin  s'obstinait  à  chanter 
solitaire.  —  Une  deuxième  édition  posthume  des  Casta- 
gnados  a  paru  en  1 851 .  Un  buste  du  poète  a  été  élevé 
parles  félibres  à  Alais  en  1889.  Paul  Mariéion. 

LA  FAR  ELLE  (François-Féhx  de),  homme  pohtique  et 
économiste  français,  né  à  Anduze  le  7  mai  1800,  mort  à 
Nlmcs  le  18  févr.  1872.  Député  du  Gard  de  1842  à  181.8, 
il  siégea  à  droite  de  l'Assemblée,  où  il  s'occupa  surtout  des 
questions  économiques  et  sociales  (travail  des  enfants  dans 
les  manufactures,  écoles  d'arts  et  métiers,  chemins  de  fer, 
caisses  d'épargnes,  prisons,  etc.).  Il  est  l'auteur  du  projet 
de  loi  sur  les  irrigations  adopté  en  1847.  Membre  corres- 
pondant de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques,  il 
a  laissé:  Du  Progrès  social  (Paris,  1839,  2  vol.  in-8)  ; 
Eludes  historiques  sur  le  Consulat  et  les  institutions 
municipales  de  Nimes  (1841,  in-8);  Coup  d' œil  sur  le 
régime  répressif  et  pénitentiaire  des  principaux  Etats 
(1844,  gr.  m-^)'^Plan  d'une  réorganisation  discipli- 
naire des  classes  industrielles  (1842,  in-12),  etc. 

LAFARGE  (Joachim),  économiste  français  de  la  fin  du 
xvm^  siècle,  qui  vaut  d'être  mentionné  pour  l'invention 
d'un  «  projet  de  remboursement  des  rentes  perpétuelles  », 
qui  fut  soumis  à  l'Assemblée  nationale  le  30  oct.  1790  et  ap- 
prouvé par  elle.  Lafarge  proposait  de  remplacer  les  rentes 
perpétuelles  par  des  rentes  viagères  au  principal  de  90  li- 
vres pour  chaque  action  payable  dans  l'espace  de  dix  ans, 
à  raison  de  9  livres  par  an.  L'Etat  versait  5  %  aux  action- 
naires et  ceux-ci  jouissaient  de  revenus  croissants  au  fur 
et  à  mesure  des  décès  qui  se  produisaient  parmi  eux.  C'est 
cette  combinaison  modifiée  dans  ses  détails  qui  devint  la 
Tontine  Lafarge  (V.  Tontine). 

LAFARGE  (Marie  Cappelle,  femme  Pouch-),  femme  cé- 
lèbre par  un  procès  d'empoisonnement,  née  à  Villers-IIélon 
(Aisne)  en  1 81 6,  morte  à  Ussat  (Ariège)  le  7  nov.  1852.  Issue 
d'une  famille  distinguée,  habituée  à  toutes  les  élégances 
de  la  vie  de  Paris,  instruite  et  spirituelle,  mais  portée  par 
ses  lectures,  autant  que  par  son  caractère,  à  une  exalta- 
tion toute  romanesque,  elle  épousa,  vers  le  milieu  de  1839, 
peut-être  par  l'intermédiaire  d'une  agence  matrimoniale, 
et  presque  sans  le  connaître,  un  maître  de  forges  de  la 
Corrèze  nommé  Lafarge,  qui,  après  l'avoir  abusée  sur  sa 
situation  de  fortune,  l'emmena  dans  son  prétendu  château 
du  Glandier.  Les  manières  communes  de  son  mari  et  la 
désillusion  que  lui  avait  causée  la  vue  de  cette  habitation 
délabrée  lui  firent  souhaiter  une  séparation  qu'elle  demanda 
le  jour  même  de  son  arrivée  dans  cette  demeure,  par  une 
lettre  folle,  qui  était  un  acte  d'accusation  contre  elle-même. 
Une  réconciliation  eut  pourtant  lieu  entre  les  époux.  Pen- 
dant trois  mois,  M^®  Lafarge  parut  s'accoutumer  à  sa  nou- 
velle condition.  Mais  elle  ne  dissimula  sans  doute  pas  assez 
son  dédain  pour  la  société  provinciale  et  rustique  au  milieu 
de  laquelle  elle  était  forcée  de  vivre.  Sa  belle-mère,  qui 
vivait  avec  elle  au  Glandier,  la  surveillait  et  la  haïssait. 
En  nov.,  Lafarge  dut  se  rendre  à  Paris  pour  affaires. 
Il  y  était  depuis  un  mois  quand  il  reçut  de  sa  mère  une 
lettre  lui  annonçant  l'envoi  de  quelques  gâteaux  confec- 
tionnés par  elle  et  qu'elle  rengageait  à  manger  à  une  heure 
et  à  un  jour  déterminés  (18  déc).  La  caisse  arriva  ;  elle 
renfermait  un  gâteau  substitué  à  ceux  qui  lui  avaient  été 
annoncés.  Il  en  mangea  un  morceau,  fut  pris  de  coliques 
qui  s'aggravèrent  de  jour  en  jour,  rentra  malade  au  Glan- 
dier (5  janv.  1840),  s'alita  et,  soigné  par  sa  femme,  qui 
lui  préparait  elle-même  ses  potions,  mourut  le  14  janv. 

Aussitôt  l'entourage  du  défunt  accusa  sa  femme  de 
l'avoir  empoisonné.  Elle  fut  arrêtée,  et  des  charges  très 
graves  furent  établies  contre  elle.  Elle  avait  fait  acheter  chez 
un  pharmacien,  en  demandant  le  secret,  des  quantités 


considérables  d'arsenic,  dont  elle  ne  pouvait  suffisamment 
justifier  l'emploi.  Sur  ces 'entrefaites,  une  accusation  de  vol 
fut  portée  contre  elle  par  M.  de  Léotaud,  dont  la  femme, 
qui  était  son  amie,  avait  perdu  ses  diamants  en  juin  1839 
pendant  que  Marie  Cappelle  se  trouvait  chez  elle.  On  trouva 
effectivement  une  partie  des  bijoux  au  Glandier.  M"^^  La- 
farge  allégua  qu'ils  lui  avaient  été  secrètement  remis  par 
M"^^^  de  Léotaud  elle-même  pour  acheter  le  silence  d'un 
jeune  Espagnol  nommé  Clavé,  avec  lequel  elle  avait  eu  au- 
trefois quelque  intrigue.  Cette  affaire  fut  passionnément 
embrouillée  par  les  intéressés.  M"^'^  Lafarge  fut  condamnée 
comme  voleuse  à  deux  années  d'emprisonnement  par  le 
tribunal  correctionnel.  Elle  se  présenta  donc  déjà  flétrie 
devant  la  cour  d'assises  de  la  Corrèze  (2  sept.  1840).  Mais 
elle  soutenait  toujours  hautement  son  innocence.  On  se 
passionna  pour  elle  et  contre  elle,  non  seulement  en  France, 
mais  à  l'étranger,  et  pendant  quelques  semaines  le  procès 
Lafarge  fut  le  principal  aliment  de  la  curiosité  publique. 

L'accusée  fut  défendue  par  un  avocat  célèbre  du  bar- 
reau de  Paris,  M®  Paillet,  et  par  deux  jeunes  avocats  limou- 
sins, Bac  et  Lachaud,  dont  cette  affaire  mit  en  lumière  le 
vigoureux  talent.  Les  expériences  chimiques  faites  pendant 
l'instruction  sur  les  restes  du  malheureux  Lafarge  n'avaient 
pas  paru  concluantes.  On  les  renouvela  deux  fois  au  cours 
des  débats,  et  deux  fois  (5  et  9  sept.)  les  experts  décla- 
rèrent qu'ils  n'avaient  pas  trouvé  d'arsenic  dans  les  en- 
trailles du  défunt.  Mais  l'acharnement  de  la  magistrature 
contre  M°^^  Lafarge  était  tel  que  l'accusation  ne  se  tint 
pas  pour  battue.  Elle  manda  aussitôt  le  D"^  Orfila,  doyen 
de  la  faculté  de  médecine  de  Paris.  Ce  dernier  découvrit 
enfin  le  poison  (14  sept.).  Les  avocats  objectèrent  que  la 
quantité  d'arsenic  signalée  par  lui  était,  de  son  propre  aveu, 
impondérable.  Ils  firent  aussi  venir  en  toute  hâte  le  chi- 
miste Raspail  pour  une  contre-épreuve.  Ce  savant  arriva 
trop  tard.  Déjà  venait  d'être  rendu  l'arrêt  qui  condamnait 
M'^^  Lafarge  aux  travaux  forcés  à  perpétuité.  Raspail  pro- 
testa contre  les  conclusions  d'Orfila,  déclara  qu'il  se  faisait 
fort  de  trouver  de  l'arsenic  partout  et  même  dans  le  fauteuil 
du  président  de  la  cour  d'assises.  La  condamnée  conserva 
de  nombreux  et  chauds  partisans,  mais  n'en  dut  pas  moins 
subir  sa  peine.  Elle  venait  d'écrire  ses  intéressants  Mé- 
moires^ qui  eurent  un  immense  retentissement  (Paris, 
1841,  2  vol.  in-8).  Transférée  à  la  maison  centrale  de 
Montpellier,  elle  y  composa  ses  romanesques  Heures  de 
Prison,  qui  n'ont  été  publiées  qu'après  sa  mort  (1853, 
in-8).  Après  douze  ans  de  captivité,  ses  amis  finirent  par 
obtenir  sa  grâce.  Mais  à  peine  sortie  de  prison,  elle  mourut 
d'épuisement  aux  eaux  d'Ussat  et  emporta  son  secret  dans 
la  tombe.  A.  Debidour. 

LAFARGUE  (Etienne  de),  littérateur  français,  né  àDax 
le  7  déc.  1728,  mort  en  1795.  Avocat  au  parlement  de 
Paris,  il  a  beaucoup  écrit.  Citons  :  Discours  sur  la  lec- 
ture (1764,  in-8);  Œuvres  mêlées  (1765,2  vol.  in-12)  ; 
les  Epanchements  du  cœur  et  de  l'esprit  (1787,  2  vol. 
in-8)  ;  le  Beau  Jour  des  Français  (1791,  in-8),  poème 
présenté  à  l'Assemblée  nationale  en  1791. 

LA  FARINA  (Giuseppe),  écrivain  et  homme  politique 
italien,  né  à  Messine  le  20  juil.  1815,  mort  à  Turin  le 
5  sept.  1863.  C'est  un  des  hommes  qui  ont  le  plus  contri- 
bué à  faire  l'unité  italienne.  Fils  d'un  magistrat  qui  était 
aussi  un  savant,  il  se  distingua  par  sa  précocité.  A  onze 
ans,  il  étonnait  ses  maîtres  en  composant  un  hymne  à 
l'Italie.  Son  père,  persécuté  par  le  lieutenant  général  de 
Sicile,  ayant  été  emprisonné  à  Palerme,  le  jeune  Giuseppe 
obtint  de  partager  sa  captivité  (1 828) .  Reçu  docteur  en  droit 
à  Catane  (7  mai  1 835) ,  il  épousa  le  23  août  suivant  une  jeune 
fille  qu'il  aimait  depuis  l'âge  de  quatorze  ans.  Pendant 
qu'il  se  formait  à  la  profession  d'avocat,  tout  en  cultivant 
les  lettres,  il  devint  l'âme  d'un  comité  secret  qui  conspi- 
rait pour  faire  l'Italie.  Après  la  tentative  d'insurrection 
de  1837,  il  dut  émigrer.  Revenu  à  Messine  à  la  suite 
d'une  amnistie  (1838),  il  reprit  l'exercice  de  sa  profession 
et  ses  études  littéraires.  La  publication  de  ses  Rimem- 


739  —  LAFARGE  -  LA  FARINA 

branze  di  Toscana  e  di  Roma  fut  interdite.  Quatre  jour- 
naux, qu'd  fonda  successivement,  furent  supprimés.  En 
1839,  il  alla  à  Naples  pour  établir  une  entente  entre  les 
patriotes  de  l'île  et  ceux  du  continent.  En  i840,  le  comité 
de  Messine  le  délégua  à  l'assemblée  révolutionnaire  de  Pa- 
lerme. Arrêté,  relâché,  sans  cesse  menacé,  il  émigra  de 
nouveau  et  se  réfugia  à  Florence  (sept.  1841).  Là,  il  vécut 
de  sa  plume.  En  1 847,  dès  que  la  presse  eut  plus  de  li- 
berté, il  fonda  le  journal  politique  l  Alba,  qui  exerça  une 
grande  influence  en  Toscane.  Lors  de  la  révolution  sici- 
lienne, en  1848,  il  retourna  à  Messine  (22  févr.),  fit 
partie  du  comité  de  guerre  et  fut  nommé  colonel.  Elu  dé- 
puté à  la  Chambre  des  communes,  qui  siégeait  à  Palerme, 
il  en  fut  secrétaire.  Le  gouvernement  sicilien  l'envoya  en 
mission  auprès  de  Pie  IX,  de  Léopold  II  et  de  Charles- Al- 
bert (avril- juillet).  Le  13  août,  il  fut  appelé  au  ministère 
de  l'instruction  publique  et  des  travaux  publics.  Après  la 
chute  de  Messine  (7  sept.),  il  passa  au  ministère  de  la 
guerre  et  de  la  marine  et  y  resta  jusqu'en  févr.  1849.  A 
la  reprise  des  hostilités  (mars),  il  reçut  par  élection  le 
commandement  de  la  légion  universitaire.  Le  23  avr., 
s'étant  prononcé  seul  pour  une  résistance  désespérée,  il 
reprit  le  chemin  de  l'exil.  Il  vint  à  Paris,  qu'il  habita 
jusqu'en  juin  1853,  produisant  pour  vivre  des  œuvres 
forcément  hâtives.  Il  séjourna  ensuite  à  Tours,  où  il  donna 
des  leçons  d'italien.  Enfin,  le  21  août  1854,  il  s'établit  à 
Turin.  Il  y  fonda  la  Riuista  Enciclopedicaitaliana,  qui 
parut  de  nov.  1854  à  juin  1856,  et  à  laquelle,  acquéreur 
d'une  imprimerie,  il  substitua  le  journal  hebdomadaire  II 
Piccolo  Corriere  d'italia.  Républicain  de  principes,  La 
Farina  avait  toujours  mis  l'indépendance  et  l'unité  de 
l'Italie  au-dessus  des  formes  pohtiques.  Sa  brochure  M wm^ 
e  VUnità  italiana(Tnviti,  juil.  1856),  pubHée  à  l'occasion 
des  menées  muratistes  dans  le  royaume  de  Naples,  lui  fit 
prendre  position  comme  partisan  résolu  du  programme 
unificateur  de  Daniele  Manin  (V.  ce  nom). 

Doué  d'une  activité  prodigieuse,  d'une  rare  puissance  de 
travail  et  d'une  volonté  de  fer,  La  Farina  se  mit  immédia- 
tement à  l'œuvre  pour  donner  un  corps  au  parti  national 
dont  Manin  venait  de  lancer  l'idée.  Ce  devait  être  la  So- 
ciété nationale  italiejiîie.  Le  12  sept.  1856,  dans  un 
entretien  secret  qu'il  eut  avec  Cavour,  il  lui  fit  part  de 
ses  intentions.  Cavour  le  comprit  et  l'encouragea  à  profiter 
d'une  liberté  d'action  que  lui,  ministre,  n'avait  pas.  Dès 
lors,  presque  tous  les  matins  avant  l'aube,  il  vit  Cavour 
pour  se  concerter  ayec  lui.  Le  1^^  août  1857,  la  Société 
nationale  fut  définitivement  constituée  sous  la  présidence 
de  Giorgio  Pallavicino  et  la  vice-présidence  de  Garibaldi. 
La  Farina,  qui  en  était  le  secrétaire,  faisait  tout  le  travail 
du  comité  central.  On  peut  dire  qu'à  partir  de  ce  moment 
il  fut  la  cheville  ouvrière  du  mouvement  italien.  La  Société 
nationale  rayonnait  par  ses  comités  locaux  sur  toute  l'Italie. 
Le  Piccolo  Corriere  d'italia  en  devint  le  bulletin.  En 
oct.  1858,  La  Farina  fit  approuver  par  Cavour  un  projet 
d'insurrection  et  de  guerre  nationale  contre  l'Autriche  pour 
le  printemps  de  1859;  en  décembre,  il  lui  présenta  secrè- 
tement Garibaldi,  qu'il  avait  fait  venir  de  Caprera  pour 
s'entendre  avec  le  ministre.  L'alliance  française  ayant 
rendu  la  guerre  certaine,  il  organisa  l'émigration  et  l'en- 
rôlement de  la  jeunesse  des  provinces  soumises  à  l'Autriche. 
Le  jour  de  la  déclaration  de  guerre  (26  avr.  1859),  la 
Société  nationale  prononça  sa  dissolution  :  le  gouvernement 
piémontais  prenait  lui-même  la  direction  du  mouvement, 
et,  partout  où  les  circonstances  le  permettaient,  les  popu- 
lations réalisaient  le  programme  du  parti  national  :  «  Italie 
et  Victor-Emmanuel  ».  Cavour  voulut  alors  avoir  La  Fa- 
rina comme  chef  de  son  cabinet  pour  les  affaires  d'ItaUe. 
A  la  fin  de  mai,  il  le  chargea  de  la  défense  du  lac  Majeur 
en  qualité  de  commissaire  royal.  En  juillet,  il  l'envoyait 
avec  le  même  titre  dans  les  provinces  vénètes,  quand  sur- 
vint la  paix  de  Villafranca.  La  Farina  reprit  aussitôt  son 
œuvre  de  propagande,  se  transportant  partout  pour  pro- 
voquer ou  faciliter  l'annexion  de  l'Italie  centrale  au  royaume 


LA  FARINA  —  LA  FAYETTE 


—  7i0  — 


de  Victor-EmmanueL  II  reconstitua  la  Société  nationale, 
d'abord  sous  la  présidence  de  Garibaldi  (4^^  nov.),  puis 
sous  la  sienne  propre  (décembre),  quand  le  chef  populaire, 
circonvenu  par  les  mazziniens,  s'en  fut  retiré.  La  Farina 
était  venu  puissamment  en  aide  à  Farini  et  au  général 
Fanti  pour  empêcher  Garibaldi  d'envahir  les  Marches  pon- 
tificales (novembre).  Il  s'était  attiré  par  là  les  haines  du 
parti  avancé.  Mais,  aux  élections  du  25  mars  4860,  six 
collèges  l'envoyèrent  au  Parlement.  Lors  de  l'expédition 
de  Sicile,  rapproché  de  Garibaldi  par  le  patriotisme,  il  lui 
fournit  de  l'argent  et  des  fusils  :  ceux-ci  sortaient  des  ar- 
senaux du  gouvernement.  Il  rejoignit  le  dictateur  à  Palerme 
(6  juin)  et  s'employa  à  obtenir  l'annexion  immédiate  de  la 
Sicile,  tout  en  pressant,  quoi  qu'en  aient  dit  ses  adver- 
saires, l'expédition  contre  Naples  ;  mais  Garibaldi,  qui  avait 
paru  faire  des  concessions,  excité  par  certains  personnages 
qui  exploitaient  son  ressentiment  de  l'affaire  des  Marches 
et  de  la  cession  de  Nice,  votée  par  La  Farina,  lui  fit  inti- 
mer l'ordre,  dans  la  nuit  du  7  juil.,  de  quitter  sur  l'heure 
la  Sicile.  Nommé  conseiller  d'Etat  (27  cet.  4860),  La  Fa- 
rina revint  en  Sicile  avec  Montezemolo,  lieutenant  général 
du  roi  (2  déc).  Chargé  de  la  direction  de  l'intérieur  et  de 
la  sûreté  publique,  il  dut  se  retirer  devant  les  manœuvres 
de  ceux  qui  bénéficiaient  des  abus  auxquels  il  s'efforçait  de 
mettre  fin  (4®''janv.4864).  Sonactivité  se  partagea,  depuis, 
entre  la  Société  nationale,  le  conseil  d'Etat  et  la  (Chambre 
des  députés,  dont  il  fut  vice-président.  En  janv.  4863,  il 
prit  la  direction  de  la  Riuista  Contemporanea.  Après 
un  dernier  voyage  à  Messine,  où  il  voulut  aller  embrasser 
encore  sa  mère  (juillet),  épuisé  par  tant  de  fatigues  et  de 
luttes,  il  tut  emporté  le  5  sept,  par  une  courte  maladie  à 
l'âge  de  quarante-huit  ans.  La  Farina  joignait  aux  mé- 
rites de  l'homme  public  les  vertus  de  l'homme  privé. 

Parmi  ses  nombreux  ouvrages,  dont  plusieurs  ne  sont 
que  des  compilations,  les  principaux  sont:  Studi  sut  se- 
colo  XIH  (Florence,  4 844,  2  vol.);  Storia  d'Italia,  dalla 
discesa  dei  Longobardi,  narrata  al  popolo  (Florence, 
4846,  40  vol.);  Storia  délia  Riuoluzione  siciliana  nel 
i848e49  (Capolago,  4834)  ;  Storia  d'italia  dal  i8i5 
al  1850  (Turin,  4831-52,  6  vol.  ;  2«  éd.,  Turin,  1860, 

3  vol.  in-8),  son  œuvre  la  plus  importante;  Storia  délie 
contenzioni  fra  la  potestà  ecclesia^iica  e  la  civile  (Tu- 
rin, 4853),  œuvre  inachevée;  un  roman,  Gli  Albigesi 
(Gênes,  4854-53,  3  vol.);  deux  drames,  Matteo  Palizzi 
(4844)  et  VAbbandono  di  un  popolo  (4845),  représen- 
tés avec  succès  à  Florence  et  à  Sienne.  Ausonio  Franchi  a 
recueilli  et  publié  son  Epistolario  (Milan,  4869, 2  vol.),  et 
ses  Scritti  politici  (id.,  4870,  2  voL).  Félix  Henneguy. 

LAFARRE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Loire,  arr.  du 
Puy,  cant.  de  Pradelles;  546  hab. 

LA  FAT.  Com.  du  dép.  de  la  Creuse,  arr.  de  Guéret, 
cant.  de  Dun-le-Palleteau;  4,027  hab.  Avant  la  Révolu- 
tion, Lafat  dépendait  de  la  province  de  la  Marche  et  de 
l'archiprêtré  de  Bénévent.  Eghse  dédiée  à  saint  Sulpice. 
Dans  la  commune,  ruines  d'un  camp  romain. 

LA  FAYE  (Antoine  de),  ministre  réformé,  né  à  Château- 
dun  au  deuxième  tiers  du  xvi«  siècle,  mort  à  Genève  le 

4  sept.  4615.  Réfugié  à  Genève  sous  les  dernières  années 
de  Henri  II,  La  Faye  débuta  comme  régent  de  la  sixième  du 
collège  en  ^564.  En  4574,  il  se  fit  recevoir  docteur  en 
médecine  en  Italie.  En  4575,  on  le  nomma  principal  du 
collège  de  Genève,  et  recteur  de  l'académie  en  4580.  Il  fut 
un  des  champions  les  plus  décidés  des  prérogatives  du  clergé 
genevois  et  eut  maint  conflit  instructif  à  cet  égard  avec  le 
conseil  de  Genève.  Il  mourut  de  la  peste.  On  a  de  lui  entre 
autres  une  Histoire  des  Juifs ^  par  Josèphe,  traduite  en 
français  (Genève,  4560,  in-fol.,  souvent  réimprimée)  ;  di- 
verses thèses,  De  Verbo  Dei  (Genève,  4594,  in-4);  De 
Christo  mediatore  (Genève,  4797,  in-4);  De  Vera  Ec- 
clesia  (Genève,  4606),  etc.  ;  enfin  un  récit  de  V Escalade^ 
intitulé  Geneva  liberata,  etc.  (Genève,  1603,  in-4 2). 

LA  FAYE  (Jean-Elie  Lériget  de),  officier  et  mathéma- 
ticien français,  né  à  Vienne  (Isère)  le  45  avr.  4674,  mort 


à  Paris  le  20  avr.  4748.  Fils  d'un  receveur  général  des 
finances,  il  s'enrôla  à  dix-neuf  ans  dans  la  cavalerie,  passa 
bientôt  dans  les  mousquetaires,  puis  dans  les  gardes  fran- 
çaises, fit  la  campagne  de  Flandre  en  4703  et  fut  promu 
capitaine  la  même  année.  Dans  ses  loisirs,  il  s'appliquait 
à  l'étude  des  mathématiques,  levait  des  plans,  imaginait 
des  engins,  construisait  de  nouvelles  machines.  En  4746, 
il  fut  élu  membre  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris.  Il 
a  publié  dans  le  recueil  de  cette  société  (4717)  deux  mé- 
moires intéressants  :  Description  d'une  machine  propre 
à  élever  les  eaux  et  Sur  la  Formation  des  pierres  de 
Florence.  L.  S. 

BiRL.  :  FoNTENELLE,   Éloge  de  M.  de  La  Faye,  dans 
les  Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  année  1718,  Hist.,  p.  90. 

LA  FAYE  (Jean-François  Lériget  de),  littérateur  fran- 
çais, né  à  Vienne  en  4674,  mort  à  Paris  le  41  juil.  4731, 
frère  du  précédent.  Capitaine  de  mousquetaires,  gentilhomme 
de  la  chambre  du  roi,  envoyé  extraordinaire  à  Gênes,  puis 
à  Utrecht  (4713)  et  à  Londres.  Homme  aimable,  auteur  de 
petits  vers  bien  tournés,  il  entra  en  4730  à  l'Académie 
française.  On  ne  peut  rien  citer  de  lui,  ses  poésies  n'ayant 
point  été  réunies. 

LAFAYE  (Georges),  chirurgien  français,  né  à  Paris  vers 
le  commencement  du  xviii*  siècle,  mort  à  Paris  le  47  août 
4781.  Ses  Principes  de  chirurgie  (Paris,  4739,  in-12, 
et  autres  édit.  jusqu'en  4844),  ont  été  traduits  en  toutes 
langues;  on  lui  doit  aussi  une  nouvelle  édition  remaniée 
du  Cours  d'opérations  de  chirurgie  de  Dionis  (Paris, 
4756,  in-8).  D^  L.  Hn. 

LAFAYE  (Prosper),  peintre  français,  né  au  Mont-Saint- 
Sulpice  (Yonne)  en  4  806,  mort  en  1 894 .  Elève  d'Aug.  Cou- 
der, il  exposa,  en  4  835,  la  Bataille  de  Bouvines.  Le  musée 
de  Versailles  a  deux  ou  trois  toiles  de  lui.  Il  a  abordé  aussi 
la  peinture  de  genre  ;  enfin  on  lui  doit  un  grand  nombre  de 
verrières,  entre  autres  celle  de  l'église  de  son  village  natal. 

LAFAYE  (Pierre-Benjamin),  philologue  français,  né  au 
Mont-Saint-Sulpice (Yonne)  le  6  juil.  4809,  mort  à  Aix  le 
5  janv.  4867.  Elève  de  l'Ecole  normale  (promotion  de 
4829),  il  fut  professeur  de  philosophie  à  la  faculté  d'Aix 
(4846)  et  doyen  de  cette  faculté  (1853).  Citons  de  lui  : 
Dissertation  sur  la  philosophie  atomistique  (Paris, 
1833,  in-8);  De  l'Enseignement  de  la  philosophie 
(4834,  in-8)  ;  Synonymes  français  (48i4, in-8),  et  sur- 
tout l'ouvrage  qui  a  le  plus  fait  pour  établir  sa  réputa- 
tion :  Dictionnaire  des  synonymes  de  la  langue  fran- 
çaise (Paris,  4858,  in-8;  nouv.  éd.,  4869,  gr.  in-8). 

LAFAYE  (Georges),  érudit  français,  né  à  Aix  en  Pro- 
vence en  4854.  Elève  de  l'Ecole  normale  (promotion  de 
1874),  il  passa  par  l'école  de  Rome,  fut  chargé  de  cours 
à  la  faculté  des  lettres  d'Aix,  puis  professeur  à  la  faculté 
de  Lyon,  et  devint  en  4893  maître  de  conférences  à  la 
Sorbonne  (langue  et  littérature  latines).  On  a  de  lui  : 
Inscription  de  Tauromenion  (4  884);  Un  Monument 
romain  de  V étoile  d'Isis  (4881)  ;  De  Poetarum  et  ora- 
torum certaminibus  apud  veteres  (4884, in-8),  et  His- 
toire du  culte  des  divinités  d^ Alexandrie  (4884,  in-8, 
thèses). 

LA  FAYETTE.  Un  grand  nombre  de  comtés  et  de  villes  des 
Etats-Unis  portent  ce  nom.  La  principale  ville  est  dans  l'Etat 
d'Indiana,  r.  dr.  du  Wabash;  30,000  hab.  Fonte,  instru- 
ments agricoles,  papeterie,  lainages,  etc.  —  Une  autre  est 
un  faubourg  de  la  Nouvelle-Orléans,  englobé  dans  la  ville. 

LA  FAYETTE  (Gilbert  III  Motier,  seigneur  de),  maré- 
chal de  France,  mort  le  23  fév.  4462.  On  voit  encore  les 
ruines  du  château  de  La  Fayette,  près  du  village  d'Aix-La- 
Fayette  (arr.  d'Ambert).  Protégé  par  la  maison  de  Bour- 
bon à  laquelle  il  resta  toujours  dévoué,  Gilbert  Motier  eut 
une  carrière  brillante.  En  4409,  il  était  capitaine  de  Gênes 
sous  le  maréchal  de  Bouçicaut.  En  4440,  le  due  de  Bour- 
bon, Jean  P%  le  fit  sénéchal  du  Bourbonnais,  capitaine  de 
ses  guerres,  et  l'emmena  dans  ses  expéditions  contre  les 
Anglais  et  les  Bourguignons,  notamment  aux  sièges  de  Sou- 
bise  (4443),  de  Compiègne  et  d'Arras  (1414).  Le  dauphin 


Charles  l'envoya,  en  qualité  de  commissaire  royal,  à  Rouen 
(juin  1417),  puis  aux  conférences  de  Barneville  (novembre). 
Nommé  ensuite  capitaine  général  du  dauphin  dans  le  Lyon- 
nais et  le  Maçonnais  (1418),  capitaine  de  Beaulieu,  de 
Saint-Sulpice  et  de  Millau  (1419),  gouverneur  du  Dau- 
phiné  et  maréchal  de  France  (1420),  il  eut  dès  lors  un  rôle 
des  plus  importants,  soit  au  conseil,  soit  à  Tannée.  Il  com- 
battit à  Baugé  et  au  siège  d'Alençon  (1421)  devant  Cosne 
et  à  Serverette  (Lozère)  en  1422,  en  Auvergne  et  près  de 
Bourges  en  1423.  Pris  à  la  bataille  de  Verneuil  (17  août 
1424),  il  recouvra  bientôt  sa  liberté,  grâce  à  Charles  VII 
qui  le  combla  de  nouvelles  faveurs.  Il  prit  parti  pour  le 
connétable  de  Richemont  contre  Louvet  et  La  Trémoille 
(1423-29).  11  se  signala  encore  à  la  défense  d'Orléans,  aux 
combats  de  Rouvray  et  de  Patay  (1429),  mais  il  fut  alors 
disgracié  par  l'influence  de  La  Trémoille,  dont  il  avait 
d'ailleurs  encouru  l'inimitié  pour  avoir  défendu  contre  lui 
les  intérêts  du  roi,  en  Auvergne,  six  ans  auparavant.  Ren- 
tré en  faveur  après  la  chute  de  La  Trémoille  (juin  1433), 
il  assista  aux  conférences  de  Nevers  et  au  congrès  d'Arras 
(1435),  aux  délibérations  des  Etats  d'Orléans  (1439),  où 
il  se  prononça  énergiquement  pour  la  continuation  de  la 
guerre  contre  les  Anglais  et  pour  la  réforme  de  l'armée. 
Il  resta  néanmoins  attaché,  pendant  la  Praguerie,  au  duc 
Charles  de  Bourbon,  un  des  principaux  chefs  de  cette  ré- 
volte (1440)  ;  mais  le  roi  ne  lui  en  garda  pas  rancune,  car 
il  l'emmena  en  Lorraine  (1444)  et  le  chargea  ensuite  de 
missions  importantes  (à  Lyon  et  à  Genève  en  1447,  à  Rome 
et  à  Lausanne  en  1448)  qui  avaient  pour  but  la  pacification 
de  l'Eghse.  Après  la  campagne  de  Normandie  (1449),  où 
il  suivit  le  roi,  La  Fayette,  qui  était  fort  âgé,  n'eut  plus 
guère  l'occasion  de  se  distinguer.  Il  fut  inhumé  à  l'abbaye  de 
La  Chaise-Dieu  (arr.  de  Brioude),  dans  la  chapelle  qu'il  y 
avait  fait  bâtir.  Il  signait  Fayete.  E.  Cosneau. 

BiBL.  :  Les  Chroniques  du  temps.  —  Le  P.  Anselme, 
VU,  56.  —  J.  QuiCHERAT,  Procès  de  la  Pucelle,  IV,  119, 
413,  416.  —  M.  d'EscoucHY,  111,  5,  7,  245,  319,  354,358-59.— 
Vallet  de  Viriville,  Histoire  de  Charles  VII^  à  la  table. 

—  De  Beaucourt,  Histoire  de  Charles  VII,  à  la  table.  — 
Pièces  orig.,  t.  MCXIX,  dossier  25648.  Fr.  2866  (anc.8442). 

—  D.  ViLLEviEiLLE,  Trésor  généal.,  t.  XXXYIII,  fol.  50  ; 
à  la  Bibliothè(|ue  nationale. 

LA  FAYETTE  (Louise  Motier  de),  célèbre  amie  de 
Louis  XIII,  née  probablement  en  Auvergne  vers  1645, 
morte  à  Chaillot  en  janv.  1665.  Elle  était  l'un  des  quatre 
enfants  de  Jean  III  de  La  Fayette,  seigneur  de  Haute  feuille, 

—  descendant  au  septième  degré  du  maréchal  de  La  Fayette 

—  et  de  Marguerite  de  Bourbon-Busset,  que  son  père  avait 
épousée  en  1613.  On  ne  sait  rien  de  ses  premières  années. 
Amenée  à  la  cour  en  1630,  elle  y  devint  demoiselle  d'hon- 
neur d'Anne  d'Autriche,  vraisemblablement  par  l'influence 
de  son  oncle,  François  de  La  Fayette,  évêque  de  Limoges, 
premier  aumônier  de  cette  princesse,  et  de  sa  parente  ma- 
ternelle, la  marquise  de  Sénecey  (Marie-Catherine  de  La 
Rochefoucauld-Randan),  première  dame  d'honneur.  La  fa- 
veur de  M^^®  de  Hautet'ort  durait  depuis  cinq  ans  lorsque, 
en  1635,  le  cardinal  de  Richelieu  chercha  à  lui  substituer 
M^^^  de  La  Fayette  qu'il  croyait  pour  lui  moins  à  craindre. 
«  La  beauté  brune  de  celle-ci,  dit  M"^®  de  Motteville,  n'était 
pas  si  éclalante,  mais,  avec  de  beaux  traits  de  visage  et 
beaucoup  d'agréments,  elle  avait  aussi  de  la  douceur  et  de 
la  fermeté  dans  l'esprit.  »Ses  deux  oncles,  le  chevalier  de 
La  Fayette  et  l'évêque  de  Limoges,  M"^^*^  de  Sénecey,  les 
ducs  de  Saint-Simon  et  d'Halluin,  Sanguin,  maître  d'hôtel 
du  roi,  M^^^^  d'Esches,  de  Vieux-Pont  et  de  Polignac,  filles 
d'honneur  ou  parentes,  entrèrent  dans  cette  intrigue. 
Louis  XIII  remarqua  M^^®  de  La  Fayette,  se  plut  à  la  faire 
chanter  et  à  s'entretenir  avec  elle.  De  son  côté,  M^^^  de  La 
Fayette  conçut  pour  le  roi  un  sentiment  sérieux,  mais  ni 
l'un  ni  l'autre  ne  se  laissèrent  entraîner  à  une  passion 
coupable.  Amie  dévouée  du  roi,  La  Fayette  se  refusa  à 
trahir  ses  secrets  et  à  seconder  les  vuts  de  Richelieu.  Dès 
lors,  le  cardinal  se  tourna  contre  elle  et  chercha  à  em- 
ployer le  P.  Caussin,  nouveau  confesseur  du  roi  (24  mais 
1636),  pour  la  pousser  à  embrasser  la  vie  religieuse.  Bien 


—  741  —  LA  FAYETTE 

que  celui-ci,  qui  aspirait  à  remplacer  Richelieu,  ait  plutôt 
agi  dans  un  sens  contraire,  M^^^  de  La  Fayette,  soit  dégoût 
des  intrigues  dont  elle  était  l'objet,  ou  défiance  de  son 
propre  cœur,  soit  frayeur  d'un  enlèvement,  même  d'un  em- 
poisonnement dont  on  répandait  perfidement  le  bruit  autour 
d'elle,  demanda  enfin  au  roi  la  permission  d'entrer  au  cou- 
vent de  la  Visitation  de  la  rue  Saint-Antoine.  Louis  XIII 
n'y  consentit  qu'avec  peine.  Le  cœur  déchiré,  mais  sans  en 
rien  faire  paraître,  le  19  mai  1637,  elle  prit  congé  du  roi 
à  Saint-Germain  et  se  rendit  en  carrosse,  accompagnée  de 
quelques  filles  de  la  reine  et  de  leur  gouvernante,  au  cou- 
vent de  la  Visitation.  Sa  dot  y  l'ut  payée  avec  les  12,000 
livres  accordées  habituellement  aux  filles  d'honneur  qui  se 
retiraient.  La  reine  lui  donna  le  voile  le  jour  de  sa  prise 
d'habit,  et  le  P.  Caussin  prononça  le  sermon.  Elle  fit  pro- 
fession le  28  juil.  1638,  sous  le  nom  de  sœur  Angélique. 
Pendant  quatre  mois,  le  roi  lui  rendit  de  fréquentes\isites, 
venant  exprès  de  Saint-Germain,  de  Vincennes  et  même 
de  Fontainebleau.  C'est  à  la  suite  d'une  de  ces  visites  que 
Louis  XllI,  près  duquel  La  Fayette  était  loin  de  desservir 
Anne  d'Autriche,  alla  coucher  au  Louvre  et  partager  le  lit 
de  la  reine  (déc.  1637).  Neuf  mois  plus  tard  naissait 
Louis  XIV.  Richelieu  qui,  le  H  déc.  1637,  avait  réussi  à 
faire  exiler  le  P.  Caussin,  le  protégé  de  La  Fayette,  sut 
aussi  mettre  fin  aux  visites  du  roi  à  son  amie  en  intercep- 
tant leur  correspondance  et  en  falsifiant  quelques-unes  de 
leurs  lettres. 

Son  père  et  sa  mère,  confinés  en  Auvergne,  n'étaient 
pas  intervenus  dans  cette  vocation.  Mais  ses  deux  oncles, 
son  frère,  revenu  de  la  campagne  de  Hollande,  et  M^«  de 
Sénecey,  par  crainte  de  Richelieu,  avaient  fini  par  pousser 
à  son  entrée  en  religion.  (Quelques  mots  d'elle  font  croire 
qu'elle  regretta  d'avoir  cédé  trop  facilement.  Elle  succéda 
plus  tard  à  M"^®  Lhuillier,  comme  supérieure  du  monastère 
de  la  Visitation  de  Chaillot,  fondé  par  la  veuve  de  Charles  P'', 
dont  elle  était  devenue  l'amie  intime  et  la  confidente.  Elle 
y  mourut,  après  dix-huit  ans  de  vie  religieuse.  Son  père 
était  mort  le  3  déc.  1651,  et  le  chevaher  de  La  Fayette,  son 
oncle,  était  décédé  la  même  année.  L'évêque  de  Limoges 
lui  survécut  jusqu'au  3  mai  1676  ;  M"^'^  de  Sénecey,  qui 
avait  été  exilée  un  instant  à  son  château  de  Milly,  jus- 
qu'au 10  mai  1677.  Il  existe  d'elle  un  portrait  gravé  par 
Moncornet,  mais  qui  est  le  même  que  celui  de  Marie-Louise 
de  Gonzague,  par  le  même.  Eugène  Asse. 

BiBL.  :  Mémoires,  de  M"""  de  Motteville,  éd.  Fliaux,  18G9, 
I,  58  ;  IV,  361  ;  de  La  Porte,  coll.  Petitot,  LIX,  332 ;  de  Mon- 
GLAT,  id.,  XLIX,  175-177  ;  de  Richelieu,  id.,  X,  16, 191,  205  : 
de  GouLAs  ;  Paris,  1879, 1.  327  ;  II,  18,  80.—  Griffet,  His- 
toire du  règne  de  Louis  XIII  ;  Paris,  1758,  III,  6-13.  —  Le 
Vassor,  Histoire  de  Louis  XIII  ;  Amsterdam,  1713,  IX, 
2t6.  —  V.  SiRi,  Mernorierecondiie,  1758,  VIII,  663.  — Gro- 
Tius,  Epistolse,  passim.  —  V.  Cousin,  M"'"  de  Haute  fort; 
Paris,  1868,  in-12,  21,  251.  —  L'abbé  Sorin,  Louise-Angele 
de  La  Fayette;  Paris,  1892,  in-8. 

LA  FAYETTE  (Marie-Madeleine  Pjoche  de  La  Vergne, 
comtesse  de),  écrivain  français,  née  à  Paris,  où  elle  lut 
baptisée  le  48  mars  4634,  et  où  elle  mourut  dans  la  nuit 
du  25  au  26  mai  4692.  Elle  était  fille  de  Marc  Pioche, 
écuyer,  sieur  de  La  Vergne,  qui  mourut  vers  4650,  com- 
mandant au  Havre,  et  d'Elisabeth  Pcna,  d'une  ancienne 
famille  de  Provence.  Elle  eut  pour  maîtres  le  P.  Bapin  et 
Ménage,  qui  lui  enseignèrent  le  latin  et  l'italien,  et  dont  le 
second  l'a  célébrée  platoniquement  dans  les  deux  langues. 
Le  second  mariage  de  sa  mère  avec  le  chevaher  de  Sévigné 
(jany.  4654)  la  lia  avec  la  marquise  de  Sévigné,  nièce  de 
celui-ci,  et  cette  amitié  dura  toute  la  vie.  Elle  connut  plus 
tôt  encore  le  cardinal  de  Retz,  ami  de  sa  mère,  et  fut  du 
nombre  des  précieuses  sous  le  nom  de  Féliciane.  Mariée, 
le  45  févr.  4655,  à  François  Motier,  comte  de  La  Fayette, 
frère  de  la  mère  Angélique,  supérieui'e  du  couvent  de  la 
Visitation  de  Chaillot,  elle  s'y  rencontra  souvent  avec  Hen- 
riette d'Angleterre,  à  laquelle  elle  inspira  une  vive  affec- 
tion. Après  quelques  séjours  en  Auvergne,  à  Naddes  ou  à 
Espinasse,  terres  du  comte  de  La  Fayette,  elle  revint  se 
fixer  à  Paris,  vivant  dans  son  hôtel  de  la  rue  de  Vau- 


LA  FAYETTE 


742 


girard,  en  face  du  petit  Luxembourg.  Elle  perdit  sa  mère 
en  1693,  et  son  mari  restait  si  bien  confiné  en  province 
que  jusqu'ici  on  avait  cru  qu'il  était  mort  longtemps  avant 
sa  femme.  C'est  tout  récemment  qu'un  document  trouvé 
dans  les  archives  de  la  Trémoillea  appris  que  ce  mari  discret 
avait  vécu  jusqu'au  26  juin  4683.  Vers  1665  ou  1666,  une 
intimité  très  étroite,  dont  le  caractère  ne  sera  sans  doute 
jamais  bien  défini,  s'établit  entre  elle  et  le  duc  de  La  Ro- 
chefoucauld, qu'elle  avait  connu  vraisemblablement  dès 
4655.  Sous  son  influence,  dit -on,  il  aurait  adouci  quel- 
ques-unes de  ses  Maximes  (parues  en  1665)  dans  les 
éditions  de  1672  et  de  1678,  Indépendamment  de  Ménage, 
qui  mourut  deux  mois  après  elle,  elle  eut  encore  pour  amis 
Huet,  Segrais,  qu'elle  recueillit  après  sa  rupture  avecM^^®  de 
Montpensier  (1671),  La  Fontaine,  Bossuet,  le  grand  Condé, 
son  fils,  Langlade,  M""^"^  du  Lude,  du  Plessis-Guené- 
gaud,  etc.  Liée  dès  sa  jeunesse  avec  M^^®  de  Nemours,  elle 
entretint  avec  elle  une  correspondance  politique,  lorsque 
cette  princesse  fut  devenue  duchesse  de  Savoie,  puis  régente 
(1665-81),  et  défendit  ses  intérêts  auprès  de  Louis  XIV. 
En  1662,  trois  ans  avant  les  Maximes,  parut,  sans  nom 
d'auteur,  son  premier  roman,  la  Princesse  de  Mont- 
pensier (Paris,in-12),  que  suivirent,  au  double  intervalle 
de  neuf  ans  et  de  sept  ans,  Zayde,  Histoire  espagnole 
(Paris,  1670,  2  vol.  in-8),  publiée  sous  le  nom  de  Segrais 
(qui  a  tour  à  tour  avoué  et  démenti  cette  paternité),  et  pré- 
cédée d'une  lettre  de  Huet  sur  V Origine  des  romans;  la 
Princesse  de  C lèves  (Paris,  18  mai  1678,  4  vol.  in-12. 
mais  qui  existait  en  manuscrit  dès  1672).  Ce  dernier  ro- 
man, son  chef-d'œuvre,  et  le  premier  en  date  des  romans 
psychologiques,  fut  critiqué  par  Valincour  dans  ses  Lettres 
à  la  marquise  deX,..,ei  défendu  par  l'abbé  Charnes,  dans 
sa  Conversation  sur  la  critique  de  la  «  Princesse  de 
Clèves  ».  On  lui  avait  reproché  l'aveu  de  M"»®  de  Clèves  ; 
pour  réfuter  cette  critique,  elle  écrivit  une  nouvelle,  la 
Comtesse  de  Tende,^  où  l'héroïne  est  placée  dans  une  situa- 
tion telle  que  le  parti  le  plus  honnête  qu'elle  puisse  prendre 
est  encore  de  se  confier  à  son  mari.  Le  caractère  de  fidé- 
lité historique  que  nous  avons  ailleurs  signalé  dans  cette 
œuvre  (mars  1890)  a  été  confirmé  par  M.  Lud.  Lalanne, 
qui  en  a  rapproché  de  curieux  passages  de  Brantôme. 

En  1665,  elle  avait  commencé,  sur  l'invitation  de 
Madame  et  avec  ses  confidences,  une  histoire  de  cette  prin- 
cesse. L'interrompant  peu  après,  elle  la  reprit  en  1669; 
mais  la  catastrophe  du  30  juin  1670  l'empêcha  de  la  pour- 
suivre au  delà  de  1665  et  elle  y  ajouta  seulement  plus 
tard  le  récit  de  la  mort  de  la  duchesse.  Le  livre  parut 
posthume  sous  ce  titre  Histoire  de  Madame  Henriette 
d'Angleterre,  première  femme  de  Philippe  de  France, 
duc  d'Orléans,  par  dame  Marie  de  La  Vergne,  comtesse 
de  La  Fayette  (Paris,  1720,  in-42,  de  223  p.).  Tout 
porte  à  croire  que  W^^  de  La  Fayette  avait  écrit  des  sou- 
venirs étendus,  dont  les  Mémoires  de  la  cour  de  France 
pour  les  années  i688  et  1689  (Amsterdam,  1734,  in-42, 
de  234  p.)  ne  sont  qu'une  faible  partie. 

Sa  santé,  toujours  délicate,  était  devenue  tout  à  fait 
mauvaise  dans  les  derniers  temps  de  sa  vie,  que  la  mort 
de  La  Rochefoucauld  (47  mars  4  680)  avait  à  jamais  assom- 
brie. Elle  ne  quittait  guère  Paris  que  pour  Saint-Maur, 
chez  Gourville,  et  Fleury.  De  ses  deux  fils  :  l'aîné,  Louis, 
né  en  Poitou  en  4658,  abbé  de  Valmont  (1670),  de 
Dallon(4676),  de  La  Grenetière(4679),  njourutle  2  mai 
4729;  le  cadet,  René- Armand,  dit  le  marquis  de  La 
Fayette,  né  à  Paris  le  47  sept.  4659,  brigadier  en  4693, 
mourut  à  Landau  le  42  août  4694,  laissant  de  son  mariage 
avec  Madeleine  de  Marillac  (42  déc.  4689)  une  fille  unique, 
Marie-Madeleine,  mariée  le  43  avr.  4706  à  Charles- 
Bretagne,  duc  de  la  Trémoille,  morte  le  6  juil.  4717,  et 
en  qui  s'éteignit  la  branche  aînée  des  La  Fayette. 

On  a  encore  de  M"^^  de  La  Fayette  un  Portrait  de 
W^^  de  Sévigné,  des  Lettres  à  W^^  de  Sévigné  (publiées 
avec  les  Lettres  de  celles-ci,  et  dans  les  Lettres  de  M^^  de 
Villars;  Paris,  1805,   in-12)  ;   à   Huet   (publiées  par 


M.  Henry,  dans  Un  Erudit,  homme  d'Eglise  et  homme 
de  cour;  Paris,  4879,  in-8);  à  Segrais  et  à  Ménage.  Sa 
correspondance  avec  Lescheraine,  secrétaire  de  la  duchesse 
de  Savoie,  a  été  donnée  par  A.  D.  Perrero  (Lettere  iné- 
dite di  Madama  di  Lafayette;  Turin,  4880).  Les  prin- 
cipales éditions  de  ses  œuvres  complètes  sont  celles  de 
4786  (8  vol.  in-42);  4804  et  4820,  par  Auger  (3  vol. 
in-8);  4825,  par  Etienne  et  Jay  (5  vol.  in-8).  Les  meil- 
leures éditions  de  ses  œuvres  historiques  ont  été  données, 
à' Henriette  seulement,  par  Bazin  (4853,  in-46)  et  Anat. 
France  (4882,  in-42);  et  en  1890,  sous  le  titre  de  Mé- 
moires de  M*^*  de  La  Fayette  (Paris,  in-46).  On  ne 
connaît  point  d'elle  de  portrait  peint  ;  mais  il  en  existe  un 
gravé  par  Launay  jeune,  d'après  Ferdinand.  En  4879,  à 
propos  d'une  lettre  inédite  de  M^®  de  La  Fayette  publiée 
par  M.  Perrero  a  été  renouvelée  la  question  de  savoir  si  elle 
était  bien  l'auteur  de  la  Princesse  de  Clèves;  elle  a  été 
résolue  encore  dans  le  même  sens.  Eugène  Asse. 

BiBL.  :  G.  MÉNAGE,  PoemcLta;  Paris,  1656.— Segraisiana  ; 
Paris,  1721,  pp.  28,  45,  102.  —  Huet,  Commentarius  de  rébus 
ad  eum  pertinentibus  ;  Amst.,  1718;  trad.  Nisard,  1853.  — 
M'"*'  DE  SÉVIGNÉ,  Lettres,  éd.  Régnier,  passim.  —  Bussy- 
Rabutin,  Lettres,  éd.  Lalanne,  1859,  I,  262  ;  II,  323,  415  ; 
111, 116,  431;  IV,  34,  100,  155.  —  0.  d^Ormesson,  JournaL 
—  Gourville,  Mém.,  éd.  Petitot,  454,  459.  —  Marmontel, 
Essai  sur  les  romans  {Œuvres,  1819,111,  570).  —Voltaire, 
Œuvres,  éd.  Garnier.  —  La  Harpe,  Cours  de  littérature, 
1817,  VU,  227,  in-12.  —  Delandine,  Auger,  Notices,  en 
tête  des  Œuvres,  1786  et  1804.  —  Lemontey,  CE^wures,  1823, 
m,  292.  —  Monmerqué,  Notice,  en  tête  des  Mémoires.  — 
Perrero,  article  dans  la  Rassegna  settimanale,   mars 

1879.  —  F.  Hémon,  Revue  bleue  des  5  avr.,  3  mai  1879  «t 
2  oct.  1880.  —  Sainte-Beuve,  Portraits  de  femmes,  1884, 
p.  249,  in-8;  Lundis,  I,  413;  IV,  387;  VI,  305  ;  IX,  159,  180; 
XIV,  266;  XV,  425.  —  Tatne,  Essais  de  critigue  et  d'his- 
toire, 1874,  p.  253.  —  P.  Mesnard,  Notice  biograph.  sur 
M'n«  de  Sévigné,  en  tête  des  Lettres,  éd.  Régnier,  1862,  I, 
135,  in-8.— ArvèdeBARiNE,  Rev.  des  Deux  Mondes.  15  sept. 

1880.  —  M.  DE  Lescure,  Notice,  éd.  de  la  Princesse  de 
Clèves,  1881,  in-16.  —  Anatole  France,  Notice,  éd.  d'Hen- 
riette d'Angleterre,  1882.  —  Eugène  Asse,  M""»  de  La 
Fayette  et  ses  Mémoires,  éd.  des  Mémoires,  mars  1890, 
in-16.  —  GouRDAULT,  Œuvres  de  La  Rochefoucauld,  éd. 
Régnier  [Notice),  1881,  I,  lxxvi.  —  A.  Lebreton,  le  Roman 
au  xviii<»  siècle  ;  Paris,  1890.  —  -G*»  d'Haussonville, 
M-^"  de  La  Fayette,  1891,  in-16,  et  Revue  des  Deux  Mondes 
du  15  sept.  18§0.  —  Lud.  Lalanne,  Brantôme  et  la  «  Prin- 
cesse de  Clèves  »  de  M'"«  de  La  Fayette  ;  Paris,  1891,  in-8. 

LA  FAYETTE  (Marie-Joseph-Paiil-Yves-Roch-Gilbert 
MoTiER,  marquis  de),  général  et  homme  politique  français, 
né  au  château  de  Chavaniac (Haute-Loire)  le  6  sept.  1757, 
mort  à  Paris  le  20  mai  1834.11  était  fils  du  marquis  Gil- 
bert, colonel  aux  grenadiers  de  France,  et  appartenait  à  la 
branche  cadette  decette  illustre  familled'Auvergne.  Il  n'avait 
que  deux  ans  quand  son  père  fut  tué  à  la  bataille  de  Minden 
(1®"^  août  1759).  Elevé  par  sa  grand'mère  paternelle,  il  ne 
vint  à  Paris  qu'à  onze  ans  et  fut  placé  au  collège  du  Plessis. 
Il  perdit  en  1770  sa  mère  et  son  grand-père  maternel  et  se 
trouva  à  la  tête  d'une  fortune  de  120,000  livres  de  rente.  Il 
entra,  le  9  avr.  1771,  dans  la  2®  compagnie  des  mousque- 
taires et  passa,  le  7  avr.  1773,  au  régiment  de  Noailles  avec 
le  grade  de  sous-lieutenant.  Il  épousa,  le  11  avr.  1774,  la 
seconde  fille  du  duc  d'Ayen,  Marie-Adrienne-Françoise  de 
Noailles.  Promu  capitaine  le  19  mai  suivant,  La  Fayette  fut 
réforméle  11  juin  1776.  A  cette  époque,  les  nouvelles  delà 
lutte  des  Américains  contre  les  Anglais  le  remplirent  d'en- 
thousiasme, et,  libre  et  riche,  il  résolut  d'aller  combattre 
avec  les  opprimés.  Il  s'entendit  à  ce  sujet  avec  Benjamin 
Franklin,  mais  il  dut  user  de  ruse  pour  tromper  la  vigilance 
de  sa  famille.  Il  se  rendit  en  Angleterre  en  févr.  1777  et 
prévint  son  beau-père,  le  9  mars,  de  sa  résolution  de 
partir  pour  l'Amérique.  Malgré  les  lettres  de  cachet  solli- 
citées et  obtenues  par  les  siens,  il  réussit  à  s'embarquer 
à  Bordeaux  le  26  avr.  1777  et  arriva  à  Georgetown  le 
15  juin  suivant.  Il  se  rendit  aussitôt  à  Philadelphie,  où  il 
remit,  le  30,  au  Congrès,  les  lettres  d'introduction  de 
Franklin  et  de  Deane.  Après  quelques  difficultés,  le  Congrès 
accepta  ses  services  et  lui  donna  le  rang  et  la  commission 
de  major  général.  Peu  de  jours  après,  il  fut  présenté  à 
Washington,  qui  l'accueillit  avec  une  bienveillance  qui  ne 


—  743 


I.A  FAYETTE 


se  démentit  jamais.  Le  il  sept.  4777,  La  Fayette  fit  ses 
premières  armes  à  la  bataille  de  Brandy  wine,  dont  le  succès 
fut  défavorable  aux  Américains.  Il  re(;ut  une  balle  dans  la 
jambe  en  ralliant  ses  troupes  et  resta  alité  trois  semaines. 
Il  ne  cessait  de  correspondre  avec  sa  femme  et  avec  ses 
amis  de  France.  Le  l^'^  déc.  4777,  il  reçut  le  commande- 
ment de  la  division  des  Virginiens.  Une  expédition  projetée 
au  Canada  ne  put  réussir  à  cause  de  Thiver.  La  Fayette 
se  distingua  ensuite  au  combat  de  Monmouth  le  28  juin 
1778  et  fut  chargé  d'opérer  dans  l'Etat  de  Rhode  Island, 
de  concert  avec  l'escadre  française  commandée  par  l'amiral 
d'Estaing.  Une  tempête  empêcha  le  succès  espéré,  et  le 
jeune  général  fit  une  retraite  habile,  qui  lui  valut  les  féli- 
citations du  Congrès  (9  sept.  4778).  Désirant  prendre 
part  à  la  guerre  contre  l'Angleterre,  La  Fayette  demanda 
et  obtint  l'autorisation  de  retourner  en  France  et  il  partit 
de  Boston,  le  41  janv.  1779,  sur  le  vaisseau  Z'i//mnc£?, 
après  avoir  reçu  les  témoignages  les  plus  flatteurs  du  gou- 
vernement américain.  Il  arriva  à  Brest  le  20  févr.  4779. 
La  Fayette,  qui  avait  quitté  la  France  en  fugitif,  y  ren- 
trait en  triomphateur.  A  la  cour  et  à  la  ville,  il  fut  reçu 
avec  enthousiasme,  et  Louis  XVI  lui  accorda,  le  3  mars 
4779,  l'autorisation  d'acheter  le  régiment  des  dragons  du 
roi,  ce  qui  lui  donna  le  titre  de  mestre  de  camp.  Il  s'em- 
ploya activement  à  décider  le  gouvernement  français  à  in- 
tervenir en  Amérique.  Il  parvint  à  obtenir  qu'un  corps  de 
4,000  hommes  commandé  par  le  lieutenant  général  Rocham- 
beau  fût  envoyé  aux  Etats-Unis.  La  Fayette  tint  à  précé- 
der le  corps  expéditionnaire  et  il  s'embarqua  à  File  d'Aix 
le  44  mars  4780.  Le28avr.il  arriva  à  Boston  et  fut  accueilli 
avec  transport.  Il  conféra  aussitôt  avec  Washington  et, 
lorsque  le  40  juiL,  Fescadre  française  parut  devant  New- 
port,  il  alla  arrêter  avec  Rochambeau  le  plan  des  opéra- 
tions. La  campagne  fut  heureuse.  Le  général  Cornwallis, 
qui  se  flattait  de  prendre  celui  qu'il  traitait  d'enfant  (the 
boy),  fut  investi  dans  la  ville  d'Yorktown  et  dut  capituler 
le  47  oct.  1784.  Ce  succès  assurait  l'indépendance  des 
Etats-Unis.   La  Fayette,  satisfait,  résolut  de  rentrer  dans 
sa  patrie.  Il  quitta  Boston  le  23  déc.  4784  et  débarqua  à 
Lorient  le  48  janv.  1782.  Il  ne  négligea  pas  la  cause  de 
ses  amis,  et  il  eut  la  satisfaction  de  voir  signer  à  Versailles, 
le  20  janv.  4783,  les  préliminaires  de  la  paix  entre  la 
France  et  l'Angleterre.   Le  42  mars  suivant,  il  reçut  le 
brevet  de  maréchal  de  camp  et,  le  5  mai,  la  croix  de  Saint- 
Louis.  L'année  suivante,  il  fit  un  troisième  voyage  aux 
Etats-Unis.  Débarqué  à  New  York  le  4  août  4784,  il  par- 
courut les  lieux  témoins  de  ses  exploits  et  passa  plusieurs 
jours  à  Mount  Vernon,  auprès  de  Washington  qui  avait 
déposé  son  épée  après  la  victoire.  Partout  il  recueillit  des 
témoignages  d'afî'ection  et  de  gratitude.  Le  24  déc.  4784, 
il  quitta  New  York  et  parvint  à  Brest  le  20  janv.  4785. 
La  Fayette  s'occupa  alors  de  la  réforme  de  l'état  civil 
des  protestants  et  alla,  en  juil.  1785,  assister  aux  ma- 
nœuvres de  Silésie.  Il  vit  le  grand  Frédéric  et  se  lia  avec 
son  frère  le  prince  Henri.  Puis  il  se  rendit  à  Vienne,  oti  il 
conféra  avec  l'empereur  Joseph  IL  Rentré  en  France  en 
oct.  4785,  il  vécut  au  milieu  de  sa  famille  et  de  ses  amis, 
correspondant  activement  avec  son  illustre  ami  Washing- 
ton. Quand  le  roi  convoqua  l'assemblée  des  notables,  'il 
inscrivit  La  Fayette  parmi  les  144  personnes  qui  devaient 
la  composer.  La  Fayette  y  montra  son  esprit  libéral  et  ré- 
formateur et  déplut  à  la  cour  (22  févr.  au  11  déc.  1787). 
Il  fit  remercier  Calonne  et  donner  un  état  civil  aux  protes- 
tants. L'année  suivante,  il  voulut  reprendre  un  service  mi- 
litaire actif  et  il  obtint,  le  1"^^  avr.  1788,  le  commande- 
ment d'une  brigade  d'infanterie  dans  la  division  de  Languedoc 
et  de  Roussillon.  Mais  ayant  donné  une  adhésion  publique 
à  une  protestation  de  la  noblesse  de  Bretagne  contre  les 
édits  de  Lamoignon  et  de  Bricnne,  il  se  vit  retirer  ses  lettres 
de  service  de  maréchal  de  camp  (15  juil.  1788).   Libre 
désormais  de  ses  actions,  il  était  un  candidat  désigné  pour 
les  Etats  généraux.  En  effet,  le  5  mars  4789,  la  noblesse 
do  la  sénéchaussée  de  Riom  le  choisit  pour  député.  Son 


esprit  libéral  se  donna  carrière,  et  dès  le  44  juil.  il  présenta 
une  Déclaration  exiropéemie  des  droits  de  V homme  et 
des^  citoyens .  Nommé  vice-président  de  rAssemblée  le 
43  juil.,  il  exerça  ses  fonctions  dans  la  mémorable  journée 
du  14.  Le  lendemain  45,  il  fut  élu  par  acclamation  colonel 
général  de  la  milice  bourgeoise,  en  même  temps  que  Bailly 
était  nommé  maire  de  Paris.  La  Fayette  organisa  aussitôt  la 
garde  nationale,  et  il  proposa  le  47  d'ajouter  à  la  cocarde 
nationale  bleue  et  rouge,  couleurs  de  la  ville  de  Paris,  le 
blanc,  couleur  royale.  «  Je  vous  apporte,  s'écria-t-il  à  l'Hôtel 
de  Ville,  une  cocarde  qui  fera  le  tour  du  monde.  » 

L'activité  de  La  Fayette  ne  se  démentit  pas,   au  milieu 
de  difficultés  toujours  croissantes.  L'assassinat  de  Foullon 
et  de  Bertier,  auquel  il  s'était  vainement  opposé,  lui  fit 
donner,  le  23  juil.  4789,  une  démission,  qu'il  fut  obligé 
de  retirer.  Les  journées  des  5  et  6  oct.   furent  pour  lui 
une  rude  épreuve.  Il  suivit  le  peuple  à  Versailles  et  réus- 
sit à  protéger  le  roi  et  sa  famille  contre  les  envahisseurs 
et  à  les  ramener  à  Paris.  Sa  popularité  grandit  encore 
quand  il  refusa  le  commandement  des  gardes  nationales 
du  royaume  (4  févr.  4790).  Le  42  mai  4790,  il  fonda  avec 
Bailly  la  Société  de  1189,  qui  devait  devenir  le  club  des 
Feuillants.   On  frappait  des  jetons  à  son  effigie  (3  juin 
1790).   Le  44  juil.  4790,  La  Fayette,   que  les  fédérés 
avaient  acclamé  pour  président,  eut  l'honneur  de  prêter 
sur  Fautel  de  la  patrie  le  serment  de  fidélité  à  la  nation, 
à  la  loi  et  au  roi.  Cependant  Marat  attaquait  sans  merci 
le  général  Motié  et  le  qualifiait  de  traître.  Le  28  févr. 
4791,  La  Fayette  chassa  des  Tuileries  les  chevaliers  du 
poignard.  L'émeute  du  48  avr.,  qui  empêcha  le  départ  de 
Louis  XVI  pour  Saint-Cloud,  lui  fournit  le  prétexte  de 
donner  sa  démission  (21  avr.).  Il  fallut  les  démarches  de 
la  municipalité  et  les  supplications  des  gardes  nationaux 
pour  lui  faire  reprendre  son  commandement.  La  fuite  de 
Louis  XVI  lui  créa  une  situation  périlleuse  ;  il  donna  im- 
médiatement des  ordres  pour  arrêter  le  roi  (24  juin  4794). 
Il  n'en  fut  pas  moins  promu  lieutenant  général  le  30  juin 
4794.  Enfin,  le  17  juil.,  il  réprima  l'émeute  du  Champ 
de  Mars  et  fit  tirer  sur  le  peuple.  Sa  popularité  sombra 
dans  ce  triste  événement.  Toujours  chevaleresque,  il  fit 
voter,  le  13  sept.  1791,  l'amnistie  générale,  et,  le  18,  il 
assista-,  à  la  tête  de  la  garde  nationale,  à  la  proclamation 
de  la  Constitution.  L'Assemblée  constituante  s'étant  séparée 
(30  sept.  1794),  La  Fayette  considéra  que  sa  tâche  était 
terminée,  et  il  donna  sa  démission  de  commandant  général 
le  8  oct.  1791.  La  garde  nationale  lui  rendit  les  plus  grands 
hommages  et  lui  offrit  une  épée  d'honneur  à  garde  d'or. 
Le  général  alla  se  reposer  en  Auvergne  et,  après  une  tour- 
née triomphale,  arriva  dans  son  château  de  Chavaniac  le 
17  oct.  Il  ne  sortit  pas  de  sa  retraite,  même  quand  on 
opposa  vainement  sa  candidature  à  celle  de  Petion  pour  la 
mairie  de  Paris  (16  nov.  1791).  Mais  les  préparatifs  de 
la  guerre  le  firent  rentrer  dans  la  carrière  des  armes. 

Le  14  déc.  1791 ,  le  roi  confia  à  La  Fayette  le  comman- 
dement d'une  des  trois  armées  qu'il  venait  de  créer,  celle 
du  centre.  Le  général  accourut  aussitôt  et  partit  pour 
Metz  afin  d'organiser  son  armée.  Il  entra  en  campagne  en 
mai  1792  et  eut  la  douleur  de  perdre  au  combat  de  Gli- 
suelles  son  lieutenant  et  ancien  compagnon  d'armes  Gou- 
vion  (11  juin  1792).  Adversaire  du  parti  jacobin,  il  en 
surveillait  les  agissements.  L'envahissement*  des  Tuileries 
par  le  peuple  au  20  juin  1792  mit  le  comble  à  son  mécon- 
tentement, n  ne  craignit  pas  de  quitter  son  armée  et  de 
se  rendre  à  l'Assemblée  législative,  où  il  prononça  un  ré- 
quisitoire contre  les  auteurs  de  l'insurrection  (28  juin).  Sa 
présence  causa  de  violentes  protestations,  malgré  lesquelles 
l'Assemblée  lui  donna  gain  de  cause.  H  repartit  le  30  juin, 
mais  les  dénonciations  contre  lui  et  les  demandes  de  mise 
en  accusation  se  multiplièrent.  La  journée  du  10  août  et  la 
suspension  de  Louis  XVI  outrèrent  le  général,  qui  voulut 
soulever  son  armée  pour  aller  déhvrer  le  roi  et  restaurer 
la  Constitution.  H  protesta  pubîi(}uement  et  adressa  des 
proclamations  à  ses  soldats.  Le  14  août  1792,  il  fit  arrè- 


LA  FAYETTE 


—  744  — 


ter  par  la  municipalité  de  Sedan  les  commissaires  de  TAs- 
semblée,  Antonelle,  Kersaint  et  Peraldy.  A  la  nouvelle  de 
cette  rébellion  le  conseil  exécutif  somma,  le  47  août,  La 
Fayette  de  remettre  le  commandement  de  son  armée  et  de 
venir  rendre  compte  de  sa  conduite.  Le  général,  voyant 
qu'il  ne  pouvait  compter  sur  ses  troupes,  résolut  d'aban- 
donner son  poste  et,  le  19  août,  il  franchit  la  frontière 
près  de  Mouzon  avec  vingt-deux  officiers  de  son  état-major. 
Arrivés  à  huit  heures  du  soir  à  Rochefort,  les  fugitifs 
furent  arrêtés  par  les  sentinelles  ennemies.  La  Fayette  et 
ses  compagnons  protestèrent  qu  on  ne  devait  pas  les 
confondre  avec  les  émigrés,  car  ils  ne  voulaient  pas  porter 
les  armes  contre  leur  pays,  mais  ce  fut  en  vain.  Les  ordres 
les  plus  sévères  furent  donnés  à  leur  égard  ;  La  Fayette, 
un  des  auteurs  de  la  Révolution,  était  de  bonne  prise. 
Transféré  à  Namur  (25  août),  puis  à  Luxembourg  (3  sept.), 
et  à  Coblentz  (15  sept.),  il  fut  enfin  enfermé  le  18  sept. 
1792  dans  la  forteresse  de  Wesel  et  jeté  dans  un  ignoble 
cachet.  De  là  on  le  mena  à  Magdebourg  (81  déc),  où  sa 
captivité  fut  encore  plus  rigoureuse.  Le  16  janv.  1794,  il 
fut  transféré  à  Neisse  et  en  mai  livré  par  les  Prussiens 
aux  Autrichiens  qui  l'enfermèrent  à  Olmutz  et  déployèrent 
envers  lui  une  cruauté  inouïe,  qu'une  tentative  d'évasion 
(8  nov.)  ne  fit  encore  qu'accroître.  Le  24  oct.  1795  seule- 
ment, la  femme  de  La  Fayette  obtint  de  rejoindre  son  mari. 
Cependant  le  lamentable  sort  des  prisonniers  d'Olmutz 
préoccupait  les  esprits  en  France,  en  Amérique  et  en  An- 
gleterre, mais  toutes  les  interventions  étaient  inutiles.  Il 
fallut  les  victoires  de  Bonaparte  et  une  stipulation  spéciale 
dans  le  traité  de  Campo-Formio  pour  décider  l'empereur 
d'Allemagne  à  lâcher  sa  proie.  Le  19  sept.  1797,  La  Fayette 
et  ses  compagnons  furent  enfin  délivrés,  après  avoir  pro- 
mis de  ne  jamais  remettre  les  pieds  dans  les  Etats  de  l'Em- 
pire. Après  avoir  remercié  Bonaparte  (6  oct.),  La  Fayette 
sefixaà  Wittmold,  en  Holstein.  En  févr.  1799,  il  s'établit 
dans  les  Pays-Bas.  A  l'annonce  du  coup  d'Etat  du  18  bru- 
maire, il  accourut  à  Paris,  mais  reçut  un  accueil  assez  froid. 
Il  se  retira  alors  dans  sa  terre  de  La  Grange-Blesneau, 
dans  le  dép.  de  Seine-et-Marne.  Il  refusa  l'ambassade  aux 
Etats-Unis  et  une  place  au  Sénat,  mais  sollicita  sa  retraite 
qui  lui  fut  accordée  le  13  avr.  1802,  avec  une  pension  de 
6,000  fr.  11  vota  contre  le  Consulat  à  vie  et  vécut  dans  la 
retraite,  s'occupant  d'agriculture  et  entretenant  avec  ses 
amis  de  France  et  d'Amérique  une  volumineuse  correspon- 
dance. Il  eut  la  douleur  de  perdre,  le  24  déc.  1807,  sa 
femme,  qui  lui  avait  montré  un  si  parfait  dévouement. 
La  chute  de  Napoléon  ne  lui  causa  ni  étonnement  ni  cha- 
grin.  La  Fayette  félicita  même  Louis  XVIII  de  sa  restau- 
ration sur  le  trône  de  ses  ancêtres.  Mais  le  retour  de  Tile 
d'Elbe  le  rejeta  dans  la  politique.  La  cause  de  l'empereur 
lui  parut  celle  de  la  France.  Nommé,  le  10  mai  1815, 
député  de  Seine-et-Marne,  il  fut  choisi,  le  5  juin,  pour 
troisième  vice-président  de  l'Assemblée.  La  défaite  de  Wa- 
terloo lui  inspira  un  discours  indigné  contre  le  despote, 
dont  il  réclama  l'abdication  (22  juin).  Désigné,  le  23  juin, 
pour  un  des  commissaires  envoyés  par  le  gouvernement 
provisoire  au  quartier  général  des  alliés,  il  échoua  dans 
cette  mission,  mais  sut  tenir  au  représentant  anglais  un 
patriotique  langage.  Revenu  à  Paris  le  5  juil.,  il  rendit 
compte  de  ses  démarches  à  la  Chambre  et  se  retira  le  1 1 
à  La  Grange.  Il  ne  rentra  dans  la  Hce  que  le  26  oct.  1818, 
jour  oti  le  dép.  de  la  Sarthe  le  choisit  pour  député. 
Il  défendit  à  la  tribune  la  liberté  individuelle  et  celle  de 
la  presse.  Il  s'affilia  à  la  charbonnerie  et  entra  même  dans 
un  complot  qui  fut  dévoilé  et  n'eut  pas  de  commencement 
d'exécution (l^'^ janv.  1 822).  Non  réélu  en  1 824,  il  profita  de 
ce  repos  forcé  pour  aller  une  dernière  fois  visiter  les  Etats- 
Unis  avec  son  fils.  Embarqué  au  Havre  le  13  juil.  1824,  il 
arriva  à  New  York  le  16  août.  Reçu  solennellement  à  Phi- 
ladelphie le  28  sept.,  il  fit  un  pieux  pèlerinage  à  la  tombe 
de  Washington  (17  oct.).  Pendant  une  année,  il  parcourut 
lesEtats  de  l'Union,  au  milieu  del'enthousiasme  universel,  et, 
le  7  sept.  1825,  il  quitta  ce  pays  qu'il  ne  devait  plus  revoir. 


Rentré  à  La  Grange  le  27  oct.  1825,  La  Fayette  fut 
rendu  à  la  vie  publique,  le  2i  juin  1827,  par  les  électeurs 
de  l'arr.  de  Meaux,  qui  le  nommèrent  député  à  la  veille 
de  la  clôture  de  la  session.  Réélu  le  17  nov.,  il  lutta  de 
nouveau  pour  les  idées  Hbérales.  En  1829,  un  voyage  en 
Auvergne,  en  Dauphiné  et  dans  l'Ardèche  lui  rappela  sa 
popularité  de  1789  et  ses  ovations  de  1824  en  Amérique. 
Il  rentra  par  Vienne  et  Lyon  (5  sept.  1829).  Partout  on 
lui  avait  décerné  des  couronnes  civiques.  Le  12  juil.  1830, 
ses  électeurs  confirmèrent  son  mandat.  Quand  la  révolution 
éclata,  La  Fayette  accourut  à  Paris,  et,  le  29  juil.,  accepta 
les  fonctions  de  commandant  de  la  garde  nationale.  Il  se 
rallia  au  duc  d'Orléans,  mais  se  brouilla  bientôt  avec  Louis- 
Philippe.  Le  25  déc.  1830,  il  donna  sa  démission.  Le 

5  juil.  1 83 1 ,  il  fut  élu  par  les  collèges  de  Meaux  et  de  Stras- 
bourg et  obta  pour  le  premier.  Il  plaida  éloquemment  la 
cause  des  Polonais  et  se  montra  toujours  prêt  à  combattre 
l'oppression,  comme  au  temps  de  sa  jeunesse.  Chef  res- 
pecté de  l'opposition,  il  déclara  qu'il  ne  voulait  pas  avoir 
plus  de  liens  avec  la  contre-révolution  de  1830  qu'avec 
celle  de  1789  (5  juin  1832).  Il  parut,  le  26  janv.  1834, 
pour  la  dernière  fois  à  la  Chambre  pour  appuyer  des  péti- 
tions relatives  aux  réfugiés  polonais.  Le  30,  il  voulut 
suivre  à  pied  le  convoi  du  député  Dulong,  fils  naturel  de 
son  ami  Dupont  de  l'Eure,  tué  en  duel  par  le  général  Bu- 
geaud.  Il  prit  froid  et  dut  s'aliter.  Sa  robuste  constitution 
résista  pendant  près  de  quatre  mois,  mais  le  mal  en  triom- 
pha, et  La  Fayette  mourut  à  Paris  le  20  mai  1834,  à  l'âge 
de  soixante-dix-sept  ans.  On  l'enterra  au  cimetière  Picpus 
auprès  de  sa  femme,  et  les  plus  grands  honneurs  furent 
rendus  en  France  et  aux  Etats-Unis  à  cet  illustre  citoyen, 
dont  la  carrière  fut  si  extraordinaire  et  qui  restera  comme 
le  type  accompli  du  libéral  et  du  parlementaire.  Son  fils 
publia  en  1837  et  en  1838  les  Mémoires  et  la  Corres- 
pondance  de  La  Fayette,  ouvrage  capital  pour  la  biographie 
du  général  et  pour  l'histoire  de  son  temps. 

En  1 87  7 ,  la  ville  de  New  York  éleva  une  statue  à  La  Fayette. 
En  France,  la  ville  du  Puy  suivit  cet  exemple  et,  le  6  sept. 
1 883 ,  inaugura  une  statue,  œuvre  remarquable  du  sculpteur 
Hiolle.  Il  est  bien  peu  de  nos  grandes  cités  qui  n'aient  donnô 
à  une  de  leurs  artères  le  nom  du  libérateur  de  l'Amérique 
et  du  patriote  de  1789.  Etienne  Charavay. 

BiBL.  :  Mémoires^ correspondances  et  jncinascrits  du  gé- 
néral La  Fayette^  publiés  par  sa  famille;  Paris,  1837-38, 

6  vol.  in-8.  —  Regnault-Warin,  Mémoires  pour  servir 
à  la  vie  du  général  La  Fayette;  Paris,  1824,2  vol.  in-8.— 
Pelet  de  La  Lozère,  La  Fayette  en  Amérique  et  en 
France;  Paris,  1867,  in-18.—  H.  Domoi  ,  la  Famille,  l'en- 
f'ance  et  la  première  jeunesse  de  La  Fayette\  Orléans, 
1876,  in-8.  —  A.  Bardoux,  la  Jeunesse  de  La  Fayette 
et  les  Dernières  Années  de  La  Fayette;  Paris,  1892  et  1893, 
2  vol.  in-8.  —  Etienne  Charavay,  le  Général  La  Fayette  ; 
Paris,  1895,  in-8.  —  A.  Levasseur,  La  Fayette  en  Amérique 
en  182^  et  1825;  Paris,  1829,  2  \ol.  ïn-S.  —  Sarrans 
jeune,  La  Fayette  et  la  révolution  de  1830;  Paris,  1831, 
2  vol.  in-8.  —  Jules  Cloquet,  Souvenirs  sur  la  vie  privée 
du  général  La  Fayette;  Paris,  1836,  in-S.  —  A.  Tuetey, 
Répertoire  général  des  sources  manuscrites  de  Vhistoire 
de  Paris  pendant  la  Révolution  française;  Paris,  1890- 
94,  3  vol.  in-4.  —  Nauroy,  le  Curieux,  1887.  p.  128.  —Max 
Bûdinger,  La  Fayette  in  Oesterreich  ;  Vienne,  1878,  in-8. 

LA  FAYETTE  (Washington-Georges-Louis-Gilbert  Mo- 
TiER,  marquis  de),  homme  politique  français,  né  à  Paris  le 
24  déc.  1779,  mort  à  Paris  le  30  nov.  1849,  fils  du  pré- 
cédent. Entré  dans  l'armée,  il  fit  la  campagne  d'Italie, 
celles  d'Autriche,  de  Prusse  et  de  Pologne  dans  Tétat- 
majorde  Grouchy;  mais,  assez  mal  vu  de  Napoléon  P""  et 
privé  d'un  légitime  avancement,  il  dut  abandonner  la  car- 
rière militaire.  Le  12  mai  1815,  il  fut  élu  député  de  la 
Haute-Loire,  échoua  dans  ce  même  département  le  4  nov. 
1820,  fut  élu  par  le  Haut-Rhin  le  16  mai  1822,  et  échoua 
de  nouveau  à  Brioude  en  1824.  11  accompagna  alors  son 
père  en  Amérique,  et,  à  son  retour,  échoua  encore  à 
Brioude  le  17  nov.  1827,  mais  fut  élu  le  même  jour  député 
de  Coulommiers,  qu'il  représenta  jusqu'en  1847.  Membre 
de  l'opposition  de  gauche,  il  combattit  le  cabinet  Polignac, 
puis  le  cabinet  Casimir  Périer,  signa  le  compte  rendu  de 


—  745 


LA  FAYETTE  —  LA  PERRIÈRE 


Topposition  de  4832,  combattit  les  lois  de  septembre  et  le 
cabinet  Guizot.  Le  23  avr.  1848,  il  fut  nommé  représen- 
tant de  Seine-et-Marne  à  la  Constituante,  où  il  soutint  la 
politique  de  Cavaignac.  Il  ne  fit  pas  partie  de  la  Législative. 
On  a  de  lui  :  Lettre  adressée  à  un  électeur  de  Brioude 
(Brioude,  4834,  in-4),  et  une  autre  brochure  relative  aux 
lois  du  9  sept.  4835,  intitulée  Messieurs  et  chers  com- 
mettants (Paris,  4835,  in-4). 

LA  FAYETTE  (Oscar-Tliomas-Gilbert  Motieh,  comte, 
puis  marquis  de),  homme  politique  français,  né  à  Paris  le 
20  août  1845,  mort  à  Paris  le  26  mars  4884,  fils  du  pré- 
cédent. Elève  de  l'Ecole  polytechnique,  il  servit  brillamment 
en  Afrique.  Le  4®'*  août  4846,  il  fut  élu  député  de  Seine-et- 
Marne,  et  fit  une  active  propagande  en  faveur  de  la  réforme 
électorale.  Partisan  de  la  révolution  de  4848,  il  fut  nommé 
le  23  avr.  1848  représentant  de  Seine-et-Marne  à  la  Cons- 
tituante, où  il  soutint  Cavaignac,  et,  réélu  à  la  Législative 
le  13  mai  1849,  il  combattit  assez  mollement  la  politique 
de  PElysée.  Après  le  2  déc,  il  donna  sa  démission  de  capi- 
taine d'artillerie  et  se  tint  dans  la  vie  privée  jusqu'en  1870. 
Le  8ïévr.  1874,  il  fut  élu  représentant  de  Seine-et-Marne 
à  l'Assemblée  nationale,  où  il  fit  partie  de  la  gauche  répu- 
bhcaine.  Partisan  de  Thiers,  il  lutta  assez  vivement  contre 
le  cabinet Broglie.  Elu  sénateur  inamovible  le  43  déc.  4875, 
il  combattit  le  gouvernement  du  46  mai  et  appuya  le 
cabinet  Dufaure. 

LA  FAYETTE  (François-Edmond  Moïier,  vicomte,  puis 
comte  de),  homme  politique  français,  né  à  La  Grange- 
Blesneau  (Seine-et-Marne)  le  44  juil.  4818,  mort  à  Paris 
le  4  4  déc.  4890,  frère  du  précédent.  Avocat  à  Paris,  il  fut 
élu  le  23  avr.  4848  représentant  de  la  Haute- Loire  à  la 
Constituante.  D'opinions  plus  modérées  que  ses  parents,  il 
se  tint  dans  la  politique  du  centre.  Aussi  sa  candidature  à 
la  Législative  dans  la  Haute-Loire  fut-elle  très  vivement 
combattue  par  le  parti  démocratique,  qui  la  fit  échouer.  11 
échoua  encore  aux  élections  du  8  févr.  4874  dans  le  même 
département,  qui  le  nomma  enfin  sénateur  le  30  janv. 
4876.  Il  combattit  le  gouvernement  du  46  mai,  fut  réélu 
le  5  janv.  4879  et  le  "5  janv.  4888,  et  appuya  constam- 
ment la  politique  opportuniste.  Il  s'était  prononcé  contre 
le  boulangisme. 

LAFENESTRE  (Georges),  littérateur  français,  né  à  Or- 
léans en  1837.  Il  a  débuté  en  4864  par  un  volume  de 
vers,  les  Espérances,  où  il  s'inspirait  de  souvenirs  italiens, 
et  où  certaines  pièces  accusaient  une  note  lyrique  toute  par- 
ticulière. Dans  un  poème  consacré  à  Giotto,  sous  ce  titre  : 
Pasquetta,  il  annonçait  déjà  le  poète  qui  serait  doublé  d'un 
écrivain  d'art.  Il  s'occupa  ensuite  de  critique  dans  quelques 
revues  et  écrivit  le  compte  rendu  des  Salons,  dans  le  Moni- 
teur universel,  à  partir  de  4868.  Attaché  au  cabinet  du 
ministre  des  beaux-arts  en  4870,  il  devint,  en  4876,  chef 
de  bureau,  et  peu  de  temps  après  il  fut  nommé  inspecteur. 
Il  fut  délégué,  en  qualité  de  commissaire  général,  aux  expo- 
sitions de  Munich,  de  Vienne,  d'Amsterdam  et  d'Anvers. 
Comme  poète,  il  a  publié  en  d874  un  second  volume,  les 
Idylles  et  Chansons,  d'une  forme  très  distinguée  et  où  se 
retrouvaient  le  genre  et  les  qualités  du  premier  livre.  On 
lui  doit  encore  un  roman  italien,  Bartolomea  (1882)  où 
plusieurs  scènes  sont  empruntées  à  la  vie  d'artiste.  Conser- 
vateur adjoint  des  peintures  au  musée  du  Louvre  (4886),  il 
fut  nommé  deux  ans  plus  tard  conservateur  à  ce  même  poste, 
puis  professeur  à  l'Ecole  du  Louvre.  11  a  été  élu,  en  4892, 
membre  libre  de  l'Académie  des  beaux-arts.  M.  Georges 
Lafenestre  est  l'auteur  des  ouvrages  suivants,  se  rattachant 
à  l'histoire  de  l'art  :  l'Art  vivant  :  la  Peinture  et  la 
Sculpture  aux  Salons  de  1868  à  i874  (4881);  les 
Maîtres  anciens  (4882)  ;  le  Musée  de  Montpellier  (dans 
r Inventaire  général  des  richesses  d'art  de  la  France, 
4884);  la  Peinture  italienne  (P''  tome,  4885,  dans  la 
Bibliothèque  de  V Enseignement  des  Beaux-Arts)  ;  la 
Vie  et  r  œuvre  du  Titien  (1886,  in-fol.)  ;  le  Livre  d'or 
du  Salon  de  peinture  et  de  sculpture  (4879  à  4890, 
42  vol.  in-'4,  illustr.  ;  Salon  de  1889,  avec  400  pi.). 


Il  a  été  attaché  comme  critique  à  la  Bévue  des  Deux 
Mondes  et  y  a  publié  diverses  études,  en  même  temps  que 
des  articles  sur  les  Salons.  lia  commencé,  en  collaboration 
avec  M.  E.  Richtenberger,  la  Peinture  en  Europe  (I^*"  tome, 
le  Louvre,  1893;  11^  tome,  Florence,  4894),  avec  de 
nombreuses  illustrations),  et  un  commentaire  détaillé  et 
raisonné.  C'est  le  type  du  catalogue  moderne  de  musée,  du 
manuel  à  l'usage  de  l'amateur,  où  il  est  tenu  compte  de 
tous  les  documents  importants  et  des  découvertes  biogra- 
phiques les  plus  récentes.  Ant.  Valabrègue. 

LAFERRIÈRE  (Louis-Marie,  comte),  général  français, 
né  à  Redon  le  9  avr.  4776,  mort  à  Vallery  (Yonne)  le 
22nov.  4834.  Entré  au  service  dès  4792,  il  fit  de  bril- 
lantes campagnes  dans  les  armées  du  Nord,  de  Rhin-et- 
Moselle,  de  Sambre-et-Meuse,  de  l'Ouest,  etc.,  commanda 
un  régiment  de  cavalerie  à  Austerlitz,  léna  et  Friedland,  con- 
quit en  Espagne  le  grade  de  général  de  brigade  (4  3  mai  1841), 
fut  nommé  général  de  division  et  comte  pour  sa  belle  con- 
duite à  Hanau  (4813)  et  se  couvrit  de  gloire  pendant  la 
campagne  de  France.  Sous  la  première  Restauration,  il 
obtint  le  commandement  de  l'Ecole  de  cavalerie  de  Saumur 
(23  déc.  4814).  Appelé  à  la  Chambre  des  pairs  par  Napo- 
léon pendant  les  Cent-Jours  (4815),  il  en  fut  exclu  par 
Louis  XVIll,  mais  il  y  fut  plus  tard  rappelé  par  Louis- 
Phihppe  (1832).  A.  Debidour. 

LAFERRIÈRE  (Louis -Firmin  Julien-),  juriste  fran- 
çais, né  à  Jonzac  le  5  nov,  1798,  mort  le  15  févr.  1861. 
Avocat  à  Angoulême,  puis  à  Bordeaux,  il  se  fit  con- 
naître par  un  remarquable  Essai  sur  Vhistoire  du  droit 
français  (Paris,  1836-38,  2  vol.  in-8;  3«  éd.,  1885)  et 
fut  nommé  professeur  à  la  faculté  de  Rennes  (1838),  devint 
conseiller  d'Etat,  député  à  l'Assemblée  législative  (1849), 
inspecteur  général  de  l'enseignement  du  droit;  il  fut  nommé 
membre  de  l'Académie  des  sciences  morales  en  1855. 
Parmi  ses  ouvrages,  très  appréciés,  on  cite  :  Cours  de 
droit  public  et  administratif  (1839;  5^  éd.,  1860, 
2  vol.);  Histoire  du  droit  français  (1845-58,  6  vol.); 
Histoire  des  principes,  des  institutions  et  des  lois  de 
la  Bévolution  française  (1850;  2^  éd.  1852);  De  V in- 
fluence du  stoïcisme  sur  la  doctrine  des  jurisconsultes 
romains  (1860). 

LAFERRIÈRE  (Delaferrière,  dit /Ic^o/p/i,^),  acteur  fran- 
çais, né  à  Alençon  en  1806,  mort  à  Paris  en  1877.  Il 
débuta  en  1820  au  Français  dans  les  chœurs  à'Athalie, 
mais  se  consacra  au  drame  et  parut  sur  des  scènes  très 
diverses:  Ambigu,  Porte-Saint-Martin,  Français,  etc., 
toujours  avec  succès.  Vers  1832,  il  fit  une  tournée  triom- 
phale en  Russie.  En  1837,  il  reparut  à  Paris  et  parcourut 
une  brillante  carrière,  surtout  à  TOdéon,  où  il  resta  long- 
temps. En  1864,  il  fit  une  tournée  en  Allemagne;  on  le 
trouve  encore  sur  la  scène  de  Cluny  en  1876.  Laferrière 
eut  une  grande  célébrité;  il  garda  jusqu'à  ses  derniers 
jours  cette  apparence  de  jeunesse  éternelle  que  l'on  admi- 
rait en  lui  et  le  rendait,  dit-on,  irrésistible.  Il  a  publié  des 
Mémoires  (1874)  remplis  d'anecdotes  piquantes. 

LAFERRIÈRE  (Edouard-Louis  Julien-),  jurisconsulte 
français,  né  à  Angoulême  le  26  août  1841,  fils  de  Julien 
(ci-dessus).  Avocat  au  barreau  de  Paris,  secrétaire  d'Er- 
nest Picard,  il  fut  à  cause  de  sa  collaboration  au  Bappel 
emprisonné  à  Mazas  en  mai  1 869.  Directeur  des  cultes  au 
ministère  de  l'intérieur  (1879),  il  fut  nommé  conseiller 
d'Etat  la  même  année  et  devint  vice-président  de  cette  as- 
semblée en  1886.  Fondateur  du  journal  la  Loi,  collabo- 
rateur du  Temps,  M.  Laferrière  a  donné  d'importants  ou- 
vrages parmi  lesquels  nous  citerons  :  les  Journalistes 
devant  le  Conseil  d'Etat  (Paris,  1865,  in-8);  la  Cen- 
sure et  le  régime  constitutionnel  (1867,  in-12);  les 
Constitutions  d'Europe  et  d'Amérique  (1869,  in-8); 
l'Article  8  de  la  Constitution  (1882,  in-12);  Traité 
de  la  juridiction  administrative  et  des  recours  an 
contentieux  J 1887-88,  2  vol.  gr.  in-8). 

LA  FERR!ÈRE-Percy  (Hector  de  Masso,  comte  de), 
écrivain  français,  né  à  Lyon  en  1811.  Le  premier  de  ses 


LA  FERRÏÈRE  —  LAFFEMAS  —  746 

livres  date  de  1855  ;  c'est  une  étude  fort  attachante  sur  la 
vie  de  famille  des  châtelains  du  xvi^  siècle,  d'après  un  de 
ces  livres  de  raison  auxquels  on  attache  un  grand  prix  au- 
jourd'hui (Journal  de  la  comtesse  de  Sanzay).  V Histoire 
de  Fiers,  qui  parut  en  même  temps,  relève  également  de 
la  monographie  locale,  comme  V Histoire  du  canton  d'Âthis 
(4858).  M.  de  La  Ferrière  publia  ensuite  :  Marguerite 
d'Angoulôme,  étude  sur  ses  dernières  années  (1862). 
La  même  année,  il  donna  :  Une  Fabrique  de  faïence  à 
Lyon  sous  Henri  H.  Il  reçut  alors  la  mission  de  recueillir 
les  lettres  de  Catherine  de  Médicis  conservées  dans  les 
bibliothèques  de  l'étranger  et  publia  :  Deux  Années  de 
mission  à  Saint-Pétersbourg  [manuscrits ,  lettres,  etc., 
sortis  de  France  en  i789]  (1867).  En  1878,  parut  le 
Seizième  Siècle  et  les  Valois,  Le  tome  I  des  Lettres  de 
Catherine  de  Médicis  a  paru  en  1880  ;  le  tome  V,  enta- 
mant le  règne  de  Henri  llï,  est  actuellement  sous  presse 
(1895).  M.  de  La  Ferrière  a  en  outre  collaboré  assidûment 
à  la  Pievue  des  Deux  Mondes,  au  Correspondant,  à  la 
Nouvelle  Revue,  et  réuni  en  volumes  ses  divers  articles  : 
Trois  Amoureuses  au  xvi®  siècle  [Françoise  dePwhan, 
Isabelle  de  Limeuil,  la  Reine  Margot]  (1885);  laJeu- 
nesse  de  Henri  1/1(4  888);  Henri  IV,  le  roi,  V  amou- 
reux (1890). 

LA  FERRONAYS  (V.  Ferronays). 

LA  FERTÉ-Senneterre  (Famille  de)  (V.  Ferté). 

LA  FEU  IL  LAD  E  (Famille  de).  Branche  cadette  de  la 
maison  à'Aubusson  (V.  ce  nom),  issue  de  Guillaume,  fils 
de  Jean  P^,  qui  vivait  à  la  fin  du  xiv^-  siècle  et  était  oncle 
du  grand  maître  de  Rhodes,  Pierre  d'Aubusson.  Fran- 
çois P*",  seigneur  de  LaFeuillade,  chevalier  de  Saint-Michel, 
chambellan  du  duc  d'Anjou,  mort  en  1611,  eut  pour  fils 
Georges,  comte  de  La  Feuillade,  maréchal  de  camp,  capi- 
taine-lieutenant des  chevau-légers'  de  la  reine,  ami  et  créa- 
ture de  Concini,  mort  en  1628.  Celui-ci  fut  le  père  ^q  Fran- 
çois II,  comte  de  La  Feuillade,  maréchal  de  camp  en  1621  ; 
premier  chambellan  du  duc  d'Orléans  (Gaston),  il  le  suivit 
dans  sa  révolte  et  fut  tué  en  1632  au  combat  de  Castel- 
naudary  ;  il  laissait  cinq  fils  :  Léon,  premier  chambellan 
de  Monsieur  en  4638,  maréchal  de  camp,  tué  au  siège  de 
de  Lens  en  1647,  «  un  des  plus  accomplis  et  agréables 
hommes  de  France  »;  Georges  (V.  Aurusson  [Georges 
d'])  ;  Gabriel,  tué  au  siège  de  Saint-Omer  en  1638  ;  Pciul, 
tué  à  Mardik  en  1646;  François  III,  qui  suit. 

François  III,  vicomte  d'Aubusson,  puis  comte  de  La 
Feuillade,  duc  de  Rouannez  et  enfin  duc  de  La  Feuillade, 
maréchal  de  France,  mort  le  18  sept.  1691,  à  soixante 
ans,  entra  au  service  en  1647,  servit  à  la  bataille  de  Re- 
thel  (1654)  et  dans  les  campagnes  de  Flandre,  fut  maré- 
chal de  camp  en  4663,  lieutenant  général  en  4667,  colo- 
nel des  gardes  françaises  en  4672,  gouverneur  de  Dole  en 
4674,  maréchal  de  France  en  4675.  Il  alla  en  Hongrie  en 
4666  avec  Coligny,  mena  des  volontaires  à  Candie  en  4669, 
et  fit  la  campagne  de  Hollande.  Le  9  avr.  4667,  il  épousa 
Charlotte  Gouffier,  sœur  du  duc  de  Rouannez  (V.  ce  nom)  ; 
son  beau-frère,  décidé  à  vivre  dans  la  retraite,  céda  son 
duché  et  le  marquisat  de  Boisy  à  sa  sœur  qui  les  vendit 
elle-même,  par  contrat  de  mariage,  400,000  livres  à  son 
futur  époux,  à  charge  que  leurs  enfants  porteraient  con- 
jointement les  noms  et  les  armes  des  deux  maisons,  et  que 
La  Feuillade  payerait  les  dettes  de  la  maison  de  Gouffier  : 
il  ne  remplit  pas  cette  obligation  ;  d'autre  part,  ayant  ob- 
tenu une  érection  nouvelle  du  duché  sous  le  nom  de  Rouan- 
nez, il  obtint  en  4673  d'y  substituer  celui  de  La  Feuil- 
lade. En  4678,  il  fut  nommé  vice-roi  de  Sicile;  il  fit 
habilement  la  retraite  qui  lui  était  ordonnée.  Gouver- 
neur du  Dauphiné  en  1681,  il  fut  chevalier  des  ordres 
en  1688. 

Très  brave  soldat,  il  passait  pour  un  médiocre  général.  On 
l'accusa  aussi  «  de  faire  un  Pérou  du  régiment  des  gardes  ». 
Ami  de  Colbert  et  de  Seignelay,  il  ne  craignit  pas  de  se 
brouiller  avec  Louvois  :  mais  c'est  que,  par  ses  flatteries, 
il  s'était  mis  en  position  de  tout  dire  au  roi.  «  Il  connaissait 


le  roi,  dit  Saint-Simon,  mieux  qu'homme  de  la  cour;  il  dé- 
couvrit de  bonne  heure  que  les  plus  basses  et  les  plus  outrées 
flatteries  étaient  un  chemin  sûr  et  raccourci  à  qui  était  à  por- 
tée et  en  volonté  de  le  faire.  »  En  1686,  il  fit  élever  la 
statue  de  la  place  des  Victoires,  sous  laquelle  il  voulait 
faire  préparer  son  tombeau  et  qui  fut  consacrée  avec  des 
rites  renouvelés  des  apothéoses  des  empereurs  romains  ;  il 
y  fit  allumer  chaque  soir  des  falots  que  le  roi  fit  supprimer 
en  1691,  «  déclarant  que  ces  sortes  de  lampes  ne  devaient 
être  que  dans  les  églises  ».  A  sa  mort,  «  le  roi,  au  dire  de 
Saint-Simon,  ne  put  s'empêcher  de  témoigner  qu'il  s'en 
trouvait  fort  soulagé  »  :  ses  adulations  n'avaient  plus  le 
mérite  de  la  nouveauté,  et  ses  voyages  à  Paris,  devenus 
fréquents,  avaient  déplu.  —  Sa  femme,  Charlotte  Gouf- 
fier, née  en  avr.  1633,  morte  le  13  févr.  1683,  avait  été 
une  disciple  fervente  de  Port-Royal;  elle  fit  vœu  de  chas- 
teté et  vécut  neuf  ans  dans  la  retraite.  On  a  prétendu  que 
Pascal  avait  éprouvé  pour  elle  une  passion  discrète.  A 
trente-quatre  ans,  elle  se  fit  relever  de  ses  vœux  pour  se 
marier,  en  eut  du  remords  et  traîna  une  vie  languissante. 
Un  seul  fils  du  maréchal  lui  survécut.  Ce  fut  Louis, 
comte  d'Aubusson,  puis  comte  de  La  Feuillade,  duc  en 
1691,  né  le  30  mai  1673,  mort  à  Marly  le  29  janv.  1725. 
Mestre  de  camp  en  1686,  gouverneur  du  Dauphiné  en  1691, 
il  épousa  en  1692  une  fille  du  secrétaire  d'Etat  Château - 
neuf,  aimable  et  estimable  personne  avec  qui  il  vécut  fort 
mal  et  qui  mourut  à  vingt  et  un  ans,  en  1697.  Avec  un 
visage  «  d'une  laideur  dégoûtante  »,  il  avait,  d'après 
Saint-Simon,  «  beaucoup  d'esprit,  du  feu.,  de  l'audace, 
plus  que  personne  le  langage  et  les  manières  du  grand 
monde  et  le  jargon  qui  plaît  aux  femmes.  Fort  galant.  Ma- 
gnifique et  très  brave.  Une  ambition  démesurée  ».  Ses 
négligences  dans  le  service,  ses  habitudes  de  débauche 
crapuleuse,  le  vol  qu'il  commit  en  1696  en  forçant  le  coffre- 
fort  de  son  oncle,  l'évêque  de  Metz,  le  firent  longtemps  dé- 
tester du  roi.  Le  mariage  qu'il  fit  en  1701  avec  une  fille 
du  ministre  Chamillard  fit  sa  fortune.  Brigadier  le  21  janv. 
1702,  maréchal  de  camp  le  18  févr.  suivant,  lieutenant 
général  le  25  janv.  1704,  chevalier  de  Saint-Louis,  puis 
du  Sahit-Esprit,  il  eut  en  1706  le  commandement  de  l'ar- 
mée au  siège  de  Turin  et  se  montra  absolument  incapable. 
Son  digne  ami  Canillac  le  fit  faire  pair  par  le  régent  en 
1715;  Pâris-Duvernay  et  M"^^  de  Prie  le  firent  faire  ma- 
réchal de  France  le  2  févr.  1724.  Il  ne  laissa  pas  d'en- 
fants. Un  de  ses  parents  éloignés,  François  d'Aubusson, 
releva  le  titre  de  comte  de  La  Feuillade.  L.  Del. 

BiBL.  :  Saint-Simon,  Ecrits  inédits,  t.  VI,  p.  363;  Mé- 
moires, éd.  Boislile,  t.  111,  appendices  X  et  XXIX  ;  t.  IV, 
p.  97,  etc.  —  MiGNET,  Négociations  relatives  à  la  succes- 
sion d'Espagne,  —  Traité  des  statues^  1688.  —  Saint-Hi- 
LAiRE,  Mémoires,  I,  362.  —  G.  Lyon,  la  Conversion  de 
M^i'^  de  Rouannez,  IS19.  —  L'abbé  Maynard,  Pascal,  sa  vie, 
son  caractère,  ses  écrits  et  son  génie,  t.  I,  pp.  112-123,  etc. 

LA  FEU! LIÉE  ou  FEILLÉE  (François  de),  musico- 
graphe français  du  xviii^  siècle.  Prêtre,  au  service  du 
chœur  de  la  cathédrale  de  Chartres.  Il  a  laissé  de  nom- 
breux ouvrages  spéciaux,  parmi  lesquels  nous  citerons  : 
Méthode  pour  apprendre  les  règles  du  plain-chant 
(Paris,  1745,  in-12),  souvent  réimprimé;  Epitome  An- 
tiphonarii  romani  (1751,  in-12);  Epitome  Gradualis 
romani  (1847,  in-12). 

LAFFAUX.  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Soissons, 
cant.  de  Vailly  ;  209  hab.  Intéressante  église  du  xii^  siècle 
avec  remaniements  et  additions  du  xv^  ;  les  chapiteaux 
historiés  en  sont  particulièrement  curieux.  La  découverte 
d'un  important  cimetière  franc  a  donné  à  croire  qu'il 
fallait  identifier  Laffaux  avec  la  localité  nommée  Latofao 
dans  les  textes  mérovingiens.  Château  du  xvi®  siècle 
converti  en  ferme. 

LAFFEMAS  (Barthélémy  de),  administrateur  et  écono- 
miste français,  né  à  Beausemblant  (Dauphiné)  en  1545, 
mort  à  Paris  vers  1612.  D'abord  valet  de  chambre  de 
Henri  IV,  il  s'éleva  par  son  mérite  à  la  charge  de  contrô- 
leur général  du  commerce  de  France.  Dans  une  vingtaine 


747 


LAFFEMAS  -  LAFFITTE 


d'écrits,  publiés  de  4o98  à  1610,  il  attaque  «  les  mono- 
poles glissés  sur  le  peuple  de  France  »,  soutient  les  doc- 
trines protectionnistes,  attaque  {comme  Sully)  le  luxe  des 
soies  et  des  habillements,  ce  qui  ne  Fempêche  pas  de  pu- 
blier des  traités  et  des  instructions  sur  la  culture  et  la 
greffe  du  mûrier  blanc.  Beaucoup  de  zèle  et  pas  beaucoup 
de  suite,  telle  est  l'impression  qui  résulte  de  ces  écrits, 
curieux  par  le  détail.  H.  Monin. 

LAFFEMAS  (Isaac  de),  fils  du  précédent,  né  vers  1587, 
mort  à  Paris  le  46  mars  46o7.  D'abord  tailleur,  si  l'on 
en  croit  L'Estoile,  puis  avocat  au  parlement,  puis  maître 
des  requêtes  de  l'hôtel,  il  devint  lieutenant  civil  au  Chà- 
telet  (4637),  puis  président  des  requêtes.  Il  a  publié  /'//is- 
ioire  du  commerce  de  la  France,.. (Varis^  4606,  in-42); 
on  lui  attribue  aussi  deux  mazarinades  sous  le  pseudonyme 
de  Nicolas  Le  Dru.  Il  fut  un  des  agents  les  moins  scrupu- 
leux de  la  politique  de  Richelieu.  Comme  il  était  juge  aussi 
impitoyable  que  mauvais  orateur,  on  disait  de  lui,  en  pa- 
rodiant la  définition  de  Quintilien  :  Vir  bonus,  strangu- 
landi  periius.  H.  Monin.^ 

LAFFICHARD  (Thomas),  auteur  dramatique  français, 
né  à  Pont-Floch  le  22  juil.  4698,  mort  à  Paris  le  20  août 
4753.  D'abord  souffleur,  puis  receveur  à  la  Comédie-Ita- 
lienne, il  a  eu  de  grands  succès  en  son  temps,  succès  d'es- 
prit et  de  style,  car  ses  ouvrages  ne  supportent  plus  la  lec- 
ture. Citons  :  les  Acteurs  déplacés  (Paris,  4746,  in-8), 
comédie;  V Amour  imprévu  (1746,  in-8),  vaudeville  ; 
Pantin  et  Pauline  (Amsterdam,  4754,  in-8)  ;  Caprices 
romanesques  (4745,  in-42);  le  Philosophe  amoureux 
(4746,  2  vol.  in-42)  ;  la  Salamandre  (4744,  in-42)  ;  le 
Songe  de  Clydamis  (4732,  in-42),  romans;  la  Nymphe 
des  Thuileries  (4746,  in-8)  ;  la  Surprise  des  amants 
(4735,  in-8),  comédies,  etc. 

LAFFIN  (De).  Famille  du  Bourbonnais  qui  tire  son  ori- 
gine du  fief  de  La  Fin,  près  deThiel  (dép.  de  l'Allier).  Très 
mal  connue,  cette  famille  a  eu  deux  célèbres  représentants  : 
au  XV®  siècle,  Pierre  de  Laffin,  abbé  de  Bénissons-Dieu, 
près  de  Roanne,  en  4460,  qui  construisit  la  belle  église  de 
ce  couvent  et  fonda  en  4496  la  collégiale  deMontaiguet,  et 
Jacques  de  Laffin,  seigneur  de  Montboissier,  Aubusson,  etc., 
qui  fut  mêlé  à  toutes  les  intrigues  de  l'histoire  politique  du 
xvi«  siècle.  Mariéà  Gilbertede  Montboissier,  il  fut  attaché  à 
Fran(:ois,  quatrième  fris  de  Henri  II  (4575),  traita  avec  le 
duc  Casimir  après  la  trêve,  lieutenant  général  pour  François 
en  Touraine,  envoyé  en  mission  secrète  en  Italie  pour  opérer 
le  recouvrement  de  la  Valteline  (4576-78),  il  entra  ensuite 
en  négociations  avec  Saint-Aldegonde  et  devint  après  le 
meurtre  de  Bussy  le  chambellan  du  duc.  François  voulant 
conquérir  l'Espagne,  Laffin  eut  le  commandement  de  l'armée 
qu'on  levait,  puis  servit  d'intermédiaire  entre  le  duc  et  le 
roi  à  propos  des  affaires  de  Cambrai.  Catherine  do  Médicis 
le  chargea  de  négocier  avec  le  prieur  de  Crato  la  cession  du 
Portugal.  Après  la  mort  de  François  (4584),  sur  les  ins- 
tances de  Turenne,  il  embrassa  le  parti  de  Henri  IV  et  fut 
employé  par  lui  à  diverses  affaires  ;  il  n'en  conserva  pas  moins 
avec  Marguerite  de  Valois  des  relations  prouvées  par  une 
correspondance  qui  dura  de  4594  à  4598.  En  4594,  il  est 
chargé  de  pacifier  la  révolte  de  la  Provence,  Mal  récom- 
pensé à  son  retour,  il  entra  dans  la  conspiration  du  ma- 
réchal de  Biron  et  alla  conférer  en  Savoie  avec  l'ambassa- 
deur d'Espagne  (1600),  mais  il  revint  bientôt  au  roi  et  lui 
dénonça  le  complot;  le  20  avr.  4606,  il  fut  assassiné  sur 
le  pont  Notre-Dame.  Maurice  Dumoulin. 

BiBL.:  Roger  de  Quiriklle,  Montaiguet,  à-àns  Roannais 
illustré^  5«  série.  —  Cûiiendy,  Lettres  de  Marguerite  de 
Valois;  Clermont-Ferrancl,  1881,  broch.  in-4. 

LAFFITE-ToupiÈRE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne, 
arr.  de  Saint-Gaudens,  cant.  de  Saint-Martory  ;  240  hab. 

LAFFITE-ViGORDAîSNE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Ga- 
ronne, arr.  de  iViuret,  cant.  du  Fousseret  ;  549  hab. 

LAFFITTE  (Jacques),  financier  et  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Bayonne  le  24'  oct.  4767,  mort  à  Paris  le  W  mai 
4  844.  Fils  d'ouvrier,  il  vint  à  vingt  ans  chercher  fortune 


à  Paris  et  entra  comme  teneur  de  livres  (4788)  chez  le 
banquier  Perregaux  qui,  ayant  pu  apprécier  ses  rares  apti- 
tudes, le  prit  pour  associé  en  4800  et  lui  laissa  en  mou- 
rant (1804)  la  direction  de  sa  maison.  Laffitte  réalisa  en 
peu  d'années  une  énorme  fortune,  dont  il  fit  toujours  le 
plus  noble  usage,  devint  président  de  la  chambre  de  com- 
merce de  Paris,  juge  au  tribunal  de  commerce  de  la  Seine 
(4843)  et  accepta  le  25  av-r.  4844,  dans  les  circonstances 
les  plus  difficiles,  le  gouvernement  de  la  Banque.  Il  siégea 
pendant  les  Gent-Jours  à  la  Chambre  des  représentants  et, 
après  Waterloo,  fit  des  avances  considérables  à  l'Etat  et  à 
la  ville  de  Paris  pour  satisfaire  aux  premières  exigences 
des  alliés  (juillet).  Membre  de  la  Chambre  des  députés  à 
partir  d'oct.  4846,  il  contribua  par  ses  conseils  et  par  ses 
discours  au  rétabhssement  de  nos  finances  (4847-48)  et 
se  signala  aussi  comme  un  des  plus  fermes  partisans  des 
principes  de  la  Révolution. 

La  chaleur  avec  laquelle  il  défendit  la  liberté  de  la  presse 
et  la  loi  électorale  de  4817  lui  fit  perdre  en  4849  sa  place 
de  gouverneur  de  la  Banque  de  France.  Il  combattit  Tannée 
suivante  la  loi  du  double  vote  et  en  4823  l'expédition 
d'Espagne,  mais  se  prononça  en  4824  pour  le  projet  de 
conversion  des  rentes  du  ministère  Villèle,  ce  qui  compro- 
mit sa  popularité.  Il  la  regagna  bientôt  tout  entière  par  son 
opposition  ouverte  à  la  politique  intérieure  de  Charles  X 
et  aussi  par  sa  générosité  philanthropique  et  son  dévoue- 
ment inépuisable  au  parti  libéral.  Non  réélu  en  1824,  il 
rentra  au  Palais-Bourbon  en  mars  4827  comme  député  de 
Bayonne,  proposa  la  mise  en  accusation  du  cabinet  après 
la  dissolution  de  la  garde  nationale,  obtint  un  double  man- 
dat aux  élections  générales  de  nov.  4827  et  se  prononça 
de  plus  en  plus  ouvertement  pour  le  duc  d'Orléans  qui, 
suivant  lui,  devait  réaliser  sur  le  trône  l'union  de  la  mo- 
narchie et  de  la  liberté. 

Réélu  à  Bayonne  le  42  juil.  4830,  il  exerça  pendant 
et  après  l'insurrection  provoquée  par  les  ordonnances  de 
Charles  X  une  influence  décisive  sur  les  événements.  Le 
28  juil.,  il  envoya  à  Louis-Philippe  l'avis  de  pourvoir  à 
sa  sûreté,  fit  de  son  hôtel  le  quartier  général  de  la  révo- 
lution, répondit  le  29  aux:  propositions  d'accommodement 
de  Charles  X  qu'il  était  trop  tard,  et,  le  30,  envoya  cher- 
cher dans  sa  retraite  le  duc  d'Orléans  qu'il  fit  aussitôt 
proclamer  lieutenant  général  du  royaume.  Le  34,  il  con- 
duisit ce  prince  à  l'Hôtel  de  Ville.  Peu  après  (3  août),  la 
Chambre  des  députés  choisissait  Laffitte  pour  président. 

Le  célèbre  banquier  entra  comme  ministre  d'Etat  dans 
le  premier  cabinet  formé  par  le  nouveau  roi.  Il  y  repré- 
sentait le  parti  du  mouvement,  avec  lequel  ce  dernier  se 
crut  quelque  temps  obligé  de  compter.  Aussi  devint-il  le 
3  nov.  suivant  président  du  conseil  et  ministre  des  finances. 
Mais  le  parti  avancé  trouva  bientôt  trop  peu  démocratiques 
ses  premiers  projets  de  lois.  Débordé  par  l'agitation  légi- 
timiste et  républicaine,  privé  d'auxiliaires  comme  La  Fayette, 
Dupont  de  l'Eure,  Odilon-Barrot,  qui  ne  tardèrent  pas  à 
se  retirer,  contrecarré  en  dessous  par  Louis-Philippe,  sur- 
tout dans  sa  poHtique  extérieure  (affaires  d'Italie),  Laffitte 
céda  la  placeau  ministère  Casimir  Périer  (43  mars  4834). 
Il  sortait  du  pouvoir  à  peu  près  ruiné.  Ses  largesses  et  la 
crise  financière  de  4830  avaient  profondément  ébranlé 
son  crédit.  Après  une  longue  et  laborieuse  liquidation,  il 
se  trouva  ne  plus  posséder  que  quelques  millions  (4836), 
avec  lesquels  il  fonda  en  4837  une  caisse  d'escompte  qui 
ne  prospéra  pas  sous  sa  direction  et  qui  devait  sombrer  en 
1848.  En  politique,  réélu  député  par  divers  collèges  en 
4834,  4834,  4837,  4839  et  4842,  il  se  déclara,  depuis 
sa  sortie  du  ministère,  pour  l'opposition  dynastique,  signa 
le  Compte  rendu  de  4832  et  alla  jusqu'à  demander  pu- 
bliquement pardon  à  Dieu  et  aux  hommes  du  rôle  qu'il 
avait  joué  en  1830.  Peu  après  le  discours  mordant  qu'il 
avait  prononcé  à  la  Chambre  des  députés  comme  doyen 
d'âge  (4844),  il  mourut  subitement,  et  l'imposante  mani- 
festation à  laquelle  donnèrent  lieu  ses  obsèques  prouva 
combien  était  grande  encore  sa  popularité.     A.  Debidouk. 


LÂFFITTE  —  LAFFON 


—  748 


LAFFITTE  (Pierre),  philosophe  français,  né  à  Béguey 
(Gironde)  le  21  févr.  1823.  D'une  famille  d'artisans  aisés 
et  de  petits  propriétaires,  il  fit  ses  études  à  Bordeaux, 
d'abord  dans  une  institution  privée,  puis  au  lycée,  et  vint 
à  Paris  en  1839  faire  sa  philosophie  au  lycée  Charlemagne. 
En  1 840,  il  eut  le  second  prix  de  philosophie  au  concours 
général.  Dès  l'année  suivante,  la  philosophie  positive 
l'attira,  et  Auguste  Comte,  qu'il  connut  en  1844,  dans 
rintimité  de  qui  il  vécut  jusqu'à  sa  mort  (o  sept.  1857), 
fixa  définitivement  son  goût  pour  les  spéculations  philoso- 
phiques et  sociales.  Dans  toute  cette  période,  il  s'adonna 
exclusivement  à  l'étude  encyclopédique  des  sciences,  à 
commencer  par  les  mathématiques.  Jaloux  avant  tout  de 
son  indépendance,  il  se  tint  en  dehors  de  toute  attache 
officielle  et  pourvut  aux  nécessités  de  la  vie  par  l'enseigne- 
ment privé,  préparant  de  nombreux  élèves  à  toutes  sortes 
d'examens,  depuis  le  baccalauréat  es  sciences  jusqu'à 
l'Ecole  polytechnique.  A  la  mort  d'Aug.  Comte,  il  com- 
mence *son  œuvre  de  propagation  du  positivisme  par  la 
parole  et  par  la  plume.  Dès  1858,  il  ouvre,  10,  rue  Mon- 
sieur-le-Prince,  dans  l'appartement  même  d'Aug.  Comte, 
un  Cours  philosophique  sur  r histoire  générale  de  r hu- 
manité, où  il  applique  les  principes  abstraits  du  maître  à 
l'appréciation  concrète  des  grandes  civilisations  et  des 
grands  types,  ceux-ci  coordonnés  d'après  le  calendrier 
positiviste.  Il  n'a  cessé  depuis,  soit  dans  ce  même  local, 
soit  à  la  salle  Gerson,  soit  au  Collège  de  France,  de  donner 
à  un  auditoire  de  fidèles  un  enseignement  tout  à  fait  libre 
et  original,  dont  les  grandes  lignes  au  moins  et  les  parties 
essentielles  ont  été  communiquées  au  public,  soit  de  loin 
en  loin  par  des  ouvrages,  soit  au  fur  et  à  mesure  par  des 
brochures  et  sous  forme  d'articles  dans  la  Revue  occiden- 
tale. Cette  revue,  «  organe  du  positivisme  pour  la  France 
et  l'Occident  »,  a  été  fondée  par  M.  Laffitte  en  1878  et 
paraît  tous  les  deux  mois.  Enfin,  en  1892,  M.  Léon  Bour- 
geois, ministre  de  l'instruction  pubhque,  reprenant  en 
faveur  du  disciple  d'Aug.  Comte  une  idée  que  le  maître 
avait  en  vain  suggérée  à  Guizot  soixante  ans  auparavant, 
fit  fonder  au  Collège  de  France  une  chaire  d'histoire  géné- 
rale des  sciences,  dont  M.  Pierre  Laffitte  fut  nommé  titu- 
laire. Son  cours,  dont  la  leçon  d'ouverture  a  seule  été 
publiée  (Paris,  1892,  in-8),  exposera  les  lois  générales  de 
l'évolution  des  théories  scientifiques,  de  la  mathématique 
jusqu'à  la  sociologie  et  à  la  morale,  suivant  l'ordre  tracé 
par  la  hiérarchie  scientifique  d'Aug.  Comte,  qui  est  pour 
lui  l'ordre  même  de  l'évolution  scientifique.  Les  deux  pre- 
mières années  ont  été  consacrées  à  l'évolution  mathéma- 
tique dans  l'antiquité  grecque,  évolution  préparée,  dit-il, 
par  la  théocratie,  surtout  égyptienne.  Une  autre  idée  chère 
à  M.  Laffitte,  c'est  que  toutes  les  sciences  abstraites  ont 
leur  origine  dans  l'expérience,  que  la  géométrie,  par 
exemple,  est,  au  fond,  une  science  expérimentale. 

Parmi  ses  publications  antérieures,  il  faut  citer  :  les 
Grands  Types  de  l'humanité  (2  vol.  in-8,  rédigés  par  le 
D*'  Dubuisson  ;  Paris,  1875-76).  Le  premier  volume,  con- 
sacré aux  types  théocratiques,  traite  de  Moïse,  du  boud- 
dhisme, du  brahmanisme,  de  l'islamisme  et  aboutit  à  des 
vues  sur  la  politique  à  suivre  envers  les  représentants  de 
ces  diverses  croyances.  L'auteur  rêve  de  voir  Paris,  mé- 
tropole religieuse  du  monde,  célébrer  la  commémoration 
de  tous  ces  grands  types,  incorporant  ainsi  et  dominant 
toutes  les  civilisations.  Plus  tard,  il  a  complété  cette  étude 
par  dix  leçons  sur  les  grands  types  du  catholicisme,  de 
saint  Paul  à  Bossuet  \Revae  occidentale,  1892-93), 
aboutissant  également  à  des  considérations  politiques,  ins- 
pirées par  ces  pensées  :  «  Le  catholicisme  est  une  religion 
à  la  fois  locale  et  temporaire.  »  —  «  Dieu  n'est  plus,  en 
France,  que  d'ordre  privé  et  non  plus  d'ordre  public.  »  — 
Le  second  volume  des  Grands  Types  est  relatif  à  l'anti- 
quité, considérée  au  point  de  vue  esthétique  dans  Homère, 
philosophique  dans  Aristote,  scientifique  dans  Archimède, 
social  dans  César.  L'auteur  insiste  sur  la  nécessité  de  la 
civilisation  militaire  et  conquérante.  Pour  lui,  «  la  théo- 


logie et  la  guerre  ont  fondé  la  civilisation  humaine  ».  Il 
propose  d'élever  à  Paris  une  statue  à  Jules  César  comme 
ayant  préparé  la  France  en  civilisant  la  Gaule.  Néanmoins, 
sa  sévérité  est  extrême  pour  le  césarisme  français.  Napo- 
léon, selon  lui,  n'est  qu'un  aventurier  sur  qui  s'égare 
l'admiration  publique.  Au  contraire,  Louis  XI,  à  qui  il  con- 
sacra plus  tard  une  étude  à  part,  est  le  principal  créateur 
de  notre  «  organisme  »  national  :  M.  Laffitte  demandait 
qu'on  célébrât  son  centenaire  en  1884  et  qu'on  lui  élerdt 
une  statue.  Il  réussit  mieux  pour  Diderot,  en  faveur  de 
qui  il  fit  la  même  proposition. 

M.  Laffitte  a  professé  de  1884  à  1886  et  publié  dans  sa 
revue  un  cours  complet  de  morale  théorique  et  de  morale 
pratique,  qu'il  se  propose  de  faire  suivre  d'une  morale 
politique.  Toute  la  morale  pour  lui  est  d'ailleurs  liée  à  l'idée 
de  système  ou  d'organisme  social,  le  devoir  n'étant  autre 
chose  que  «  la  condition  nécessaire  qui  lie  l'individu  à 
l'organisme  collectif  »,  famille,  patrie,  humanité.  Le  Cours 
de  philosophie  première  doit  comprendre  deux  volumes, 
le  premier  (Théorie  générale  de  l'Entendement)  a  paru 
en  1889  (Paris,  in-8)  ;  le  deuxième  {Lois  du  monde)  est 
annoncé.  L'auteur  n'a  publié  que  le  programme  des  cours 
qu'il  a  faits  pendant  trois  ans  sur  la  «  philosophie  troi- 
sièm.e  »  ou  «  théorie  générale  des  êtres  »,  c.-à-d.  de  la 
terre,  de  l'humanité  et  de  l'industrie,  cette  «  action  mo- 
dificatrice de  l'humanité  sur  sa  planète  ».  Mentionnons 
enfin  un  opuscule  sur  la  Révolution  française  (Paris, 
1880),  où  M.  Laffitte  interprèle  et  défend  avec  ardeur  la 
Révolution  ei  justifie  la  proposition  d'Aug.  Comte  deprendre 
1789  pour  l'origine  des  ères.  Nous  n'avons  rien  dit  des 
idées  économiques  et  proprement  sociales  de  M.  Laffitte.  On 
les  trouve  arrêtées  dès  1859  dans  le  discours  d'ouverture 
du  Cours  philosophique...,  où  on  voit  que  pour  lui  «  le 
problème  fondamental  consiste  dans  l'incorporation  sociale 
du  prolétariat  »,  que  «  la  richesse,  sociale  dans  sa  source, 
doit  l'être  dans  sa  destination  »,  mais  qu'il  n'en  est  pas 
moins  «  nécessaire  que  la  richesse  ait  une  appropriation 
privée  pour  être  employée  avec  une  digne  indépendance  au 
service  de  la  famille,  de  la  patrie  et  de  l'humanité  ».  Le 
tout  est  de  déterminer  les  choses  qui  doivent  être  appro- 
priées collectivement  et  celles  qui  doivent  l'être  individuel- 
lement. M.  Laffitte  s'y  applique,  non  sans  avoir  posé  ce 
principe  rassurant  :  «  Toute  mesure  radicale  ne  peut  être 
immédiate  ;  toute  mesure  immédiate  ne  saurait  être  radi- 
cale. »  En  somme,  à  la  différence  de  Littré  et  de  son  école, 
M.  Pierre  Laffitte  accepte  presque  intégralement  l'héritage 
d'Aug.  Comte  et  l'a  cultivé  tout  entier,  d'une  manière 
d'ailleurs  très  personnelle.  H.  Marion. 

LAFFITTE  de  Lajoânnenque  (Louis-Charles-Léon-Gus- 
tave), homme  politique  français,  né  à  Agen  le  26  fév.  1824. 
Avocat,  il  fut  élu  député  de  Lot-et-Garonne  le  20  févr. 
1876  avec  un  programme  de  républicain  conservateur. 
Membre  des  363,  réélu  avec  eux  le  14  oct.  1877  et  de  nou- 
veau le  21  août  1881,  il  appuya  la  politique  opportuniste. 
Après  avoir  échoué  à  une  élection  partielle  pour  le  Sénat  le 
25  janv.  1885,  il  ne  se  représenta  pas  aux  élections  légis- 
latives générales  de  1885;  mais  réélu  en  1889,  il  com- 
battit le  boulangisme  et  ne  s'est  pas  représenté  en  1893. 

LAFFON  DE  Ladébât  (André-Daniel),  homme  poUtique 
français,  né  à  Bordeaux  le  30  nov.  1746,  mort  à  Paris  le 
14  oct.  1829.  Membre  du  directoire  de  la  Gironde  en  1790, 
il  fut  élu  député  par  ce  département  le  31  août  1791.  Il 
s'occupa  principalement  de  questions  financières.  Arrêté 
deux  fois  en  1792  et  1794  comme  suspect  de  modéran- 
tisme,  il  occupa  quelque  temps  les  fonctions  de  directeur 
de  la  Caisse  d'escompte.  Député  de  la  Gironde  au  Conseil 
des  Anciens  en  Tan  IV,  il  devint  président  de  cette  assem- 
blée en  l'an  V.  C'est  en  cette  qualité  qu'il  chercha  à  s'op- 
poser au  coup  d'Etat  du  18  fructidor.  Il  fut  emprisonné 
au  Temple  et  condamné  à  la  déportation.  Il  réussit  à  s'éva- 
der de  la  Guyane  et  rentra  en  France  après  le  coup  d'Etat 
du  18  brumaire.  Il  ne  s'occupa  plus  désormais  qued'œuvres 
de  bienfaisance.  On  a  de  lui  :  les  Finances  de  la  France 


(1846,  in4)  ;  Eloge  de  Johi  Oiven(?ms,  48^23,  m-8); 
Exposé  d'un  moyen  de  réduire  le  taux  de  l'intérêt  des 
fonds  publics  de  France  (4825,  in-8)  ;  Observations  sur 
la  Guyane  (s.  d.). 

LA  F  FORE  (De  Bourrousse  de),  inventeur  d'une  mé- 
thode de  lecture  dite  méthode  Lafforienne^X  baptisée  par 
lui-même  du  nom  de  statilégie,  adoptée  en  1827  pat*  la 
Société  pour  l'instruction  élémentaire  et  autorisée  ou  recom- 
mandée dans  les  écoles  primaires  par  décision  ministérielle 
de  M.  de  Vatimesnil,  le  22  juin  4829.  L'auteur  était  avo- 
cat à  Agen.  L'invention,  qui  constituait  en  effet  un  progrès 
remarquable  sur  l'enseignement  traditionnel,  fut  accueillie 
avec  enthousiasme,  préconisée  par  des  écrivains  célèbres  et 
des  membres  de  Tlnstitut,  et  c'est  avec  une  préface  de 
George  Sand  que  parut  la  Statilégie  ou  méthode  Laffo- 
vienne  pour  apprendre  à  lire  en  quelques  heures  (^àvis, 
in-8  ;  2®  éd.,  4878).  Cette  méthode  n'a  pas  subsisté  telle 
que  l'exposaient  M.  de  Bourrousse  de  Lafforc  et  ses  deux 
fils,  Jules  et  Louis;  mais  elle  a  rendu  -  possibles  celles 
qui  ont  prévalu,  ou  plutôt  c'est  elle-même  qu'on  retrouve, 
simplifiée  encore  et  amendée  dans  nos  méthodes  actuelles. 
Elle  consistait  essentiellement  à  abandonner  Fépellation 
alphabétique,  à  faire  apprendre  d'abord  les  signes  des  sons 
simples  ou  composés  (voyelles),  puis  les  signes  des  arti- 
culations simples  ou  composées  (consonnes),  celles-ci  non 
dénommées  par  leur  nom  alphabétique,  mais  prononcées 
comme  elles  le  sont  en  fait,  avec  une  voyelle  aussi  indé- 
terminée que  possible  et  voisine  de  Ve  muet.  Exemple  B  z=z 
b,..e  et  non  pas  bé;  M,  R  =  m...e,  r...^,  et  non  emme, 
erre  ;  CL  =:  Kl...e  et  non  ce  elle,  ce  qui  permet  immé- 
diatement la  lecture  des  svUabes  les  plus  variées.      H.  M. 

LAFFREY  (Ruisseau  de)  (V.  Isère,  t.  XX,  p.  99:-!). 

LAFFREY.  Corn,  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Grenoble, 
cant.  de  Vizille,  auprès  du  lac  du  même  nom];  404  hab.  — 
Le  7  mars  4815,  Napoléon  y  rencontra  les  troupes  royales 
envoyées  pour  l'arrêter,  qui  se  rangèrent  sous  ses  ordres. 

LAFFREY  (Arnoux),  littérateur  français,  né  à  Gap  le 
49  sept.  4  735,  mort  à  Paris  le  19  sept.  4794.  Auteur  de  :  Vie 
privée  de  Louis  XF(Londres,  4784 , 4  vol.  in-12),  rééditée 
avec  des  remaniements  par  Maîhon  de  La  Varenne,  sous  le 
titre  de  :  Siècle  de  Louis  IF  (Paris,  4796,  2  vol.  in-8). 

LA  FIN  (Jean  de)  (V.  Beauvoir  l4  Nocle). 

LAFITAU  ou  LAFITEAU  (Joseph -François),  mission- 
nau^e  français,  né  à  Bordeaux  en  4670,  mort  à  Bordeaux 
en  4740.  Jésuite  de  la  mission  du  Canada.  On  a  de  lui, 
entre  autres  :  Mœurs  des  sauvages  comparées  aux 
mœurs  des  premiers  temps  (Paris,  4723,  2  vol.  in-42); 
Histoire  des  découvertes  et  des  conquêtes  des  Portu- 
gais dans  le  Nouveau  Monde  (4  733,  2  vol.  in-4). 

LAFITAU  (Pierre-François),  évêque  de  Sisteron,  né  à 
Bordeaux  en  4685,  mort  au  château  de  Lurs  le  3  avr.  4764. 
Il  appartenait  à  l'ordre  des  jésuites  qui  se  servirent  de  lui 
pour  amener  le  régent  à  prendre  des  mesures  décisives  en 
faveur  de  la  bulle  Unigenitus,  Lui  se  servit  de  Dubois  pour 
agir  sur  le  régent.  Chargé  par  eux  de  négocier  un  accord  avec 
Clément  XI,  il  recueillit  pour  lui-même  les  premiers  fruits 
de  cette  négociation.  En  4749,  il  fut  nommé  évêque  de 
Sisteron,  les  jésuites  lui  ayant  permis  de  quitter  leur  ordre, 
en  vue  de  cette  élévation.  Clément  XI  le  sacra  à  Rome. 
L'année  suivante,  le  pape  agréa  la  nomination  de  Dubois 
comme  archevêque  de  Cambrai,  et  le  régent  contraignit  le 
parlement  à  enregistrer  une  déclaration  défendant  d'écrire 
ou  de  parler  contre  la  bulle  Unigenitus.  Quelques  mois 
après  (4724),  Dubois  reçut  le  chapeau  de  cardinal.  Au  con- 
cile d'Embrun  (4727),  Lafitau  prit  part  à  la  condamnation 
de  Soanen,  évêque  de  Senez.  En  4734,  il  attaqua  dans  un 
mandement  le  livre  de  Villefore  intitulé  Anecdotes  ou  Mé- 
moires secrets  sur  la  constitution  Unigenitus,  et  il  ac- 
compagna ce  mandement  d'une  Réfutation  des  Anecdotes 
(Aix,4734,  3  vol.  in-8).  Les  Anecdotes  et  leur  Réfu- 
tation furent  pareillement  supprimées  par  un  arrêt  du 
conseil.  En  4753,  le  parlement  d'Aix  dénonça  Lafitau 
au  roi,  à  raison  du  refus  des  sacrements,  et  le  menaça 


-  T49  —  LAFFON  -  LAFOLIE 

de  saisir  son  temporel.  —  Œuvres  principales  :  Histoire 
de  la  constitutio7i  Unigenitus  (Paris,  4733,  1738, 
4766,  4820,  2  vol.  in-42;  Avignon,  4737-38);  Vie  de 
Clément  XI  (Paris,  4752,  2  vol.  in-12);  la  Vie  et  les 
Mystères  de  ta  très  sainte  Vierge  (Paris,  4759,  2  vol. 
in-42),  modèle  du  genre  pour  le  nombre  et  le  merveilleux 
dos  miracles  et  la  reproduction  des  récits  apocryphes. 

LAFITE  (Marie-Elisabeth  Bouée,  dame  de),  née  à  Ham- 
bourg en  4737,  morte  à  Londres  en  4794,  femme  d'un  pré- 
dicateur protestant  de  La  Haye.  Elle  eut,  au  xviu«  siècle, 
une  certaine  renommée.  Parmi  ses  nombreux  ouvrages, 
citons  :  Lettres  sur  divers  sujets  (La  Haye,  4775,  in-'42) 
et  la  traduction  française  (en  collab.  avec  son  mari  et  Reuf- 
ner)  des  Essais  sur  la  physiognomonie  de  Lavater  (t.  I). 

LA  FITE  DE  Pelleport  (comte  Vladimir),  littérateur 
russe,  d'origine  française,  né  à  Krioukovo  (district  de 
Viazma)  en  4  848,  mort  en  4870.  H  a  écrit  sous  son  nom 
et  sous  le  pseudonyme  de  Piotre  Artamov.  Son  principal 
ouvrage  est  intitulé  la  Russie  historique,  pittoresque  et 
monumentale i?'àr\s,iSd4!).  On  lui  doit  encore  :  Histoire 
d'un  bouton  (4862)  ;  la  Ménagerie  littéraire  (1863)  ; 
les  Instruments  de  musique  du  diable  (4864);  His- 
toire d'un  conseiller  municipal  (4865);  Affaire  Kho- 
miakov  (4865)  etc. 

LAFITOLE.  Corn,  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr. 
de  Tarbes,  cant.  de  Maubourguet;  658  hab. 

LAFITTE.  Com.  du  dép.  de  Lot-et-Garonne,  arr.  de 
Marmande,  cant.  de  Tonneins,  968  hab. 

LAFITTE.  Com.  du  dép.  du  Tarn-et-Garonne,  arr.  de 
Castelsarrasin,  cant.de  Saint-Nicolas-de-la-Grave  ;  427  hab. 

LAFITTE  (J.-B. -Pierre),  littérateur  français,  né  à  Paris 
le  2  juin  4796,  mort  à  Paris  le  6  mars  4879.  Outre  quel- 
ques vaudevilles  et  comédies  et  divers  romans  historiques, 
le  Docteur  rouge  (4844,  3  vol.  in-8)  ;  le  Gage  du  roi 
(4845,  2  vol.  in-8)  ;  le  Gantier  d'Orléans  (4845,  3  vol. 
in-8),  il  a  rédigé  sous  le  nom  de  Fleury,  le  célèbre  comé- 
dien du  siècle  dernier,  et  sur  les  notes'  d'Âlph.  de  Beau- 
champs,  des  Mémoires  apocryphes  (4835-37,  6  vol.  in-8) 
plusieurs  fois  réimprimés  et  parfois  allégués  à  tort  par  des 
historiens  peu  informés.  M.  Tx 

'LAFITTE-Cla^vé,  ingénieur  militaire  français,  né  à  Clavé, 
près  de  Moncrabeau,  en  4750,  mort  en  4793.  Inspecteur 
général  des  fortifications,  il  entra  en  4785  dans  l'armée 
turque,  se  distingua  à  la  défense  de  Kinburn,  créa  une 
école  militaire  à  Constantinople,  revint  en  France,  fit  la 
campagne  de  Belgique  (4792),  puis  celle  des  Pyrénées- 
Orientales  avec  le  grade  de  maréchal  de  camp  ;  injustement 
accusé  et  emprisonné,  il  fut  relaxé  et  nommé  général  de 
division.  Il  a  publié  un  Traité  élémentaire  de  castra- 
métation  (Péra,  4787,  2  vol.  in-4),  réimprimé  à  la  suite 
de  celui  de  Gormontaingne,  et  un  Mémoire  militaire  sur 
la  frontière  de  la  Flandre  et  du  Hainaut  (4797). 

LA  FIZELIÈRE  (Patin  de)  (V.  Fizelière). 

LA  FLÉCHÈRE  (V.  Fletcher  [John-William]). 

LAFLEUR.  Pseudonyme  de  Robert  Guérin,  plus  connu 
sous  le  nom  de  Gros-Guillaume  (V.  ce  nom). 

LAFLEUR  (Juvénoi^  de),  acteur  français,  né  vers  4638, 
mort  vers  4678.  Il  avait  été  cuisinier  avant  d'entrer  dans 
lu  troupe  de  l'Hôtel  de  Bourgogne,  oîi  il  se  trouva  avec 
Montfleury.  A  la  mort  de  celui-ci,  en  4667,  il  lui  succéda 
dans  son  emploi,  qui  comportait  à  la  fois  les  rois  et  les 
paysans.  On  a  dit  de  lui  qu'il  avait  beaucoup  d'entrailles, 
c.-à-d.  un  grand  sentiment  pathétique,  ce  qui  ne  l'empê- 
chait pas  d'être  plein  de  verve  et  de  gaieté  dans  les  rôles 
comiques,  particulièrement  les  Gascons  et  les  capitans.  Ce 
qui  est  certain,  c'est  que  son  talent  était  remarquable.  Entre 
autres  rôles  qu'il  joua  d'original,  il  faut  citer  Lelius  dans 
la  Sophonisbe  de  Corneille,  Burrhus  dans  Britannicus  et 
Acomat  dans  Bajazet  de  Racine.  Lafleur,  qui  était  d'une 
taille  élevée,  d'une  belle  figure  et  fort  bien  fait,  épousa  la 
fille  de  Gros-Guillaume,  dont  il  eut  un  fils  qui  se  fit  con- 
naître au  théâtre  sous  le  nom  de  Lathuillerie. 

LAFOLIE  (Charles-Jean),  littérateur  français,  né  à  Paris 


LAFOLIE  -~  LAFONT  —  750 

le  25  jaiiv.  i780,  mort  à  Paris  le  4  fév.  4824.  Employé 
dans  radministration  préfectorale,  il  occupa  la  sous -pré- 
fecture de  Ra venue  et  devint,  en  4814,  conservateur  des 
monuments  des  arts  à  Paris.  On  a  de  lui  un  grand  nombre 
d'écrits  parmi  lesquels  nous  citerons  :  l'Opinion  publique 
sur  le  procès  du  général  Moreau  (s.  d.,  in-8),  brochure 
qui  fit  grand  bruit  ;  l'Angleterre  jugée  par  elle-même 
(1806,  in-8)  ;  Mémoires  historiques  relatifs  à  la  statue 
d'Henri  IV sur  le  Pont-Neuf  (Paris,  1849,  in-8)  ;  Notice 
des  monuments  publics  de  la  ville  de  Paris  (1820, 
in- 12)  ;  Histoire  de  V administration  du  royaume  d'Ita- 
lie pendant  la  domination  française  (1823,  in-8),  de 
nombreuses  traductions  de  l'italien,  etc. 

LA  FOL  LIE  (Louis-Guillaume  de),  chimiste  français,  né 
à  Rouen  en  1733,  mort  à  Rouen  en  1780.  Il  s'occupa, 
toute  sa  vie,  de  recherches  de  chimie,  aida  beaucoup  Dam- 
bourney  (V.  ce  nom)  dans  ses  essais  de  fixation  des  cou- 
leurs et  fit  personnellement  plusieurs  découvertes  utilisées 
par  l'industrie  teinturière.  Il  fut  nommé,  quelque  temps 
avant  sa  mort,  due  à  un  accident  de  laboratoire,  inspec- 
teur des  manufactures.  Il  a  pubhé  dans  le  recueil  de 
PAcadémie  de  Rouen,  dont  il  était  membre,  et  dans  le 
Journal  de  physique  (t.  IV  et  V)  une  trentaine  de  mé- 
moires très  intéressants.  On  lui  doit,  en  outre,  un  curieux 
ouvrage  :  Le  Philosophe  sans  prétention  ou  V  Homme 
rare  (Paris,  1775,  in-8;  trad.  allem.,  Francfort,  1781), 
dans  lequel  sont  traitées,  sous  forme  de  roman,  la  plupart 
des  questions  de  chimie  et  de  physique  alors  à  l'ordre  du 
jour.  L.  S. 

LAFOLLYE  (Joseph- Auguste),  architecte  français,  né 
à  Paris  en  1828,  mort  à  Paris  en  1891.  Elève  de  Jay 
et  de  la  première  classe  de  l'Ecole  des  beaux-arts,  il  rem- 
porta, de  1868  à  1878,  de  brillants  succès  aux  Salons 
annuels  ou  aux  Expositions  universelles  françaises  et  étran- 
gères et  fut  successivement  architecte  des  monuments  his- 
toriques et  des  bâtiments  civils  pour  les  châteaux  de 
Compiègne,  de  Pau  et  de  Saint-Germain  et  fit  exécuter 
d'importants  travaux  dans  les  deux  derniers  de  ces  édifices. 
—  Son  fils,  Charles-Paul,  né  à  Paris  en  1860,  élève  de 
son  père,  de  MM.  Coquart  et  Gebhardt  et  de  la  première 
classe  de  l'Ecole  des  beaux-arts,  est  architecte  diplômé  de- 
puis 1886. 

LAFO  N  (Jean-Baptiste-Hyacinthe) ,  conspirateur  français, 
né  à  Pessac  (Gironde),  mort  en  1836.  Entré  dans  les  ordres 
en  1789,  il  se  signala  comme  agent  royaliste  sous  le  Direc- 
toire et  sous  PEmpire.  Vers  la  fin  de  1812,  il  se  trouvait 
détenu  avec  le  général  Malet,  au  complot  duquel  il  s'asso- 
cia avec  ardeur.  Il  n'échappa  qu'à  force  d'audace  au  sort 
doses  complices  (23  oct.  1812).  Pendant  les  Gent-Jours, 
il  servit  encore  activement  la  cause  des  Bourbes  dans  l'E. 
de  la  France.  On  a  de  l'abbé  Lafon  l'Histoire  de  la  cons- 
piration de  Malet  (Paris,  1814,  in-8).        A.  Debidour. 

LAFON  (Pierre),  acteur  français,  né  à  La  Linde  (Péri- 
gord)  le  13  sept.  1775,  mort  à  Bordeaux  en  mai  1846. 
Elève  de  Ferhis  à  Bordeaux,  il  composa  une  tragédie  en 
cinq  actes,  la  Mort  d'Hercule,  où  il  joua  le  rôlô  de^Nessus  ; 
il  revint  à  ses  études  de  médecine,  puis  s'engagea  dans  une 
troupe  ambulante.  Protégé  par  Barras  et  Lucien  Bona- 
parte, il  entra  à  la  Comédie-Française  où  son  début  fut 
éclatant  dans  le  rôle  d'Achille  d'iphigénie  e7i  Aulide 
(8  mars  1800).  Longtemps  il  balança  dans  le  public  la  ré- 
putation de  Talma  par  la  pompe  et  la  correction  de  sa  dic- 
tion, la  noblesse  de  sa  tenue.  11  se  retira  en  1829. 

LAFON  (M"^*^),  cantatrice  dramatique  française,  née 
à  Bordeaux  vers  1830.  Elève  du  Conservatoire  de  Toulouse, 
elle  prit  des  leçons  de  Révial  et  commença  sa  carrière  en 
province,  où  elle  fit  remarquer  une  voix  superbe  de  soprano 
dramatique,  pleine,  sonore,  au  timbre  à  la  fois  pur  et  plein 
d'éclat.  Après  avoir  obtenu  de  très  grands  succès  à  Bor- 
deaux, à  Toulouse  et  à  Marseille,  W^^  Lafon  vint  débuter 
en  1855  à  POpéra,  et  du  premier  coup  conquit  la  faveur 
et  les  bonnes  grâces  du  public.  Elle  joua  successivement  la 
Juive,  les  Huguenots,  Robert  le  Diable,  la  Favorite,  le 


Trouvère.  Pourtant,  après  trois  ou  quatre  années  à  ce 
théâtre,  M""^  Lafon  abandonna  le  chant  français  pour  le 
chant  italien  et  poursuivit  sa  carrière  à  l'étranger.  Elle 
obtint  surtout  de  très  grands  succès  à  la  Scala  de  Milan. 

LAFON,  littérateur  français  (V.  Mary-Lafon). 

LAF0N-Blan[ag  (Guillaume-Joseph-Nicolas),  général 
français,  né  à  Villeneuve-sur-Lot  le  25  juil.  1773,  mort 
à  Vico  (Corse)  le  28  sept.  1833.  Après  avoir  vaillamment 
conquis  ses  premiers  grades  pendant  les  guerres  de  la  Ré- 
volution, il  suivit  à  Naples,  puis  en  Espagne,  Joseph  Bona- 
parte, qui  le  prit  pour  aide  de  camp  et  le  nomma  général 
de  division.  Laissé  à  l'écart  par  la  Restauration,- il  ne  fut 
remis  en  activité  que  par  le  gouvernement  de  Juillet  (1830). 

LAFON  D  (Gabriel),  dit  de  Lurcy,  publicisle  français, 
né  à  Lurcy-Lévy  (Allier)  le  25  mars  1802,  mort  en  1876. 
Capitaine  au  service  de  la  marine  marchande,  puis  armateur, 
il  s'occupa  avec  succès  de  grandes  entreprises  commerciales, 
fut  un  des  fondateurs  de  la  Société  des  économistes  (1835). 
Il  a  publié  de  nombreux  récits  de  ses  voyages,  entre  autres  : 
Quinze  Ans  de  voyages  autour  du  monde  (Paris,  1839, 
2  vol.  in-8)  ;  Voyages  autour  du  monde  (iSl^"^^,  8  vol. 
in-8)  ;  Etudes  sur  l'Amérique  espagnole  (1848,  in-8). 

LA  FOND.  (Alexandre),  peintre  français,  né  à  Paris  le 
24  avr.  1815.  Elève  d'Ingres,  il  exposa,  en  1857,  la 
Chute  des  anges  rebelles;  en  iS6i,  le  Christ  dans  la 
grotte,  et,  en  1863,  le  Christ  entre  les  deux  larrons. 
On  lui  doit  en  outre  des  tableaux  de  genre,  et  les  portraits, 
très  remarqués,  de  VAbbé  Hurel,  de  M.  et  de  i)/*^*  de 
Viennay,  etc.  De  1868  à  1874,  M.  Lafond  a  dirigé 
l'école  des  beaux-arts  de  Limoges. 

LAFOND  DE  Saint-Mur  (Gui-Joseph-Rémy  Deplanche, 
baron  de),  homme  politique  français,  né  à  La  Roche-Ca- 
nillac  (Corrèze)  le  8  déc.  1817.  Envoyé  en  1850  au  Corps 
législatif,  par  la  première  circonscription  de  la  Corrèze,  qui 
lui  renouvela  son  mandat  en  1863  et  1869,  il  s'associa 
constamment  par  ses  votes  à  la  poHtique  impériale.  Ecarté 
par  la  révolution  du  4  septembre,  il  rentra  dans  la  vie 
politique  comme  sénateur  de  la  Corrèze  (30  janv.  1876), 
appuya  le  gouvernement  pendant  la  crise  du  16  mai  (1877), 
mais  se  rallia  quelque  temps  après  au  centre  gauche  et  se 
fit  rééhre  comme  candidat  républicain  le  25  janv.  1885. 
H  s'est  représenté  sans  succès  aux  élections  du  7  janv.  1894. 

LAFONS  (Jacques  de),  poète  français,  né  vers  1575, 
mort  vers  1620.  Avocat  au  parlement  de  Paris,  Citons  de 
lui:  le  Dauphin  (Paris,  1609,  in-8),  poème;  Amour 
vaincu  (1599,  pet.  in-4),  tragi-comédie  en  cinq  actes, 
accompagnée  de  quelques  bergeries. 

LAFONS  (François-Joseph-Alexandre  de),  baron  de 
Mélicocq,  botaniste  et  archéologue  français,  né  à  Noyon  le 
2  nov.  1802,  mort  en  1867.  Comme  botaniste,  on  lui  doit  : 
Calendrier  de  Flore  ou  Catalogue  des  plantes  des  en- 
virons de  Noyon  (1829,  in-12);  Prodrome  de  la  Flore 
des  arrondissemeîits  de  Laon,  Vervins,  Rocroy  et  des 
environs  de  Noyon  (1839,  in-8),  etc.  Comme  archéologue, 
il  a  surtout  étudié  Fhistoire  et  les  monuments  de  la  Picar- 
die, de  la  Flandre  et  de  l'Artois.  Citons  parmi  ses  ou- 
vrages :  Privilèges  et  Franchises  de  quelques  villes  de 
la  Flandre,  de  l'Artois,  de  la  Picardie  et  du  Valois 
(1839,  in-8)  ;  Recherches  historiques  sur  Noyon  et  le 
Noyonnais  (1839,  in-8);  les  Artistes  et  les  ouvriers  du 
nord  de  la  France  et  du  midi  de  la  Belgique  aux  xiv^ 
et  \y^  siècles  (1848,  in-8).  Il  a  publié  un  grand  nombre 
de  mémoires  dans  divers  recueils  archéologiques.   M.  P. 

LAFONT  (Joseph  de),  auteur  dramatique  français,  né  à 
Paris  en  1686,  mort  à  Passy  en  1725.  Malgré  sa  mort 
prématurée,  il  a  laissé  un  assez  grand  nombre  de  pièces 
dont  les  plus  connues  sont:  Danaê  (Paris,  1707,  in-12), 
comédie  en  vers  libres  ;  les  Trois  Frères  rivaux  (1713, 
in-8,  plus,  éd.),  com.  en  vers;  les  Fêtes  de  Thalie{[lH, 
in-4),  ballet  en  trois  actes,  etc.  On  a  donné  le  recueil  de 
ses  OEuvres  (Amsterdam,  1746,  in-12). 

LAFONT  (Charles-Philippe),  violoniste  français,  né  à 
Paris  le  1*^^  déc.  1781,  mort  le  23  août  1839.  Fils  d'une 


754  — 


LAFONT  —  LA  FONTAINE 


sœur  de  Berlheaume,  élève  de  Kreutzer,  Rode  et  Berton, 
il  entreprit  en  4801  des  tournées;  le  tsar  Alexandre  I°'*le 
nomma  son  premier  violoniste  (  1 808)  ;  il  reçut  cet  em- 
ploi dans  la  chapelle  de  Louis  XVIII  (4845)  ;  il  périt  dans 
accident  de  la  chaise  de  poste  entre  Tarbes  et  Bagnères-de- 
Bigorre.  Ce  fut  un  des  premiers  virtuoses  de  son  époque, 
incomparable  pour  son  goût  et  la  pureté  de  son  jeu;  il  a 
composé  près  de  200  romances,  des  duos  pour  piano  et  vio- 
lon, des  concertos,  deux  petits  opéras,  etc. 

LAFONT  (Pierre-Chéri),  acteur  français,  né  à  Bordeaux 
le  45  mai  4797,  mort  à  Paris  le  49  avr.  4873.  Il  fut 
d'abord  aide-chirurgien  dans  la  marine,  puis  abandonna 
tout  d'un  coup  cette  carrière  pour  venir  à  Paris  étudier  le 
théâtre  et  le  chant.  Il  s'exerçait  sur  le  petit  théâtre  de 
Doyen  et  se  préparait  à  l'Opéra-Comique  lorsque  Désaugiers, 
l'ayant  vu  jouer  un  soir,  l'engagea  pour  le  Vaudeville,  dont 
il  était  directeur.  Un  très  beau  physique,  de  la  tenue,  de 
l'élégance,  une  fort  jolie  voix  le  firent  bien  venir  du  public 
dès  son  début  au  théâtre,  le  42  mai  4824,  dans  la  Som- 
nambule^ et  ses  succès  n'y  firent  que  grandir  lorsqu'il 
créa  successivement  Léonide,  Kettly,  la  Fiancée  de  Ber- 
lin, les  Deux  Cousins,  la  Mère  au  bal,  le  Mari  par 
intérim,  la  Laitière  de  Mont  fer  meil...  Après  avoir 
passé  deux  ans  aux  Nouveautés,  il  revint  au  Vaudeville, 
se  fit  applaudir  dans  Arived,  dans  Madame  Grégoire, 
puis,  passant  des  amoureux  aux  premiers  rôles,  il  établit 
solidement  sa  réputation  dans  le  Dandy,  Faublas^  Un 
Secret  de  famille,  les  Liaisons  dangereuses,  Madame 
Dubarry,  Un  de  plus,  Père  et  parrain,  Catherine  ou 
la  Croix  d'or,  Pierre  le  Rouge,  les  Pages  de  Bassom- 
pierre,  etc.  En  4838,  à  la  suite  de  l'incendie  du  Vaude- 
ville, Lafont  alla  donner  des  représentations  en  Angleterre  ; 
c'est  là  qu'il  épousa,  à  Gretna  Green,  la  séduisante  Jenny 
Colon,  mais  ce  mariage  peu  sérieux  ne  tarda  pas  à  être 
rompu.  (Plus  tard  il  épousa  PauUne  Leroux,  la  célèbre 
danseuse  de  l'Opéra.)  De  retour  à  Paris,  il  entra  aux  Va- 
riétés, où  il  allait  rester  quinze  ans.  Là,  il  retrouva  le 
succès  en  jouant  le  Chevalier  de  Saint-Georges,  les  Deux 
Brigadiers,  Une  Dernière  Conquête^  la  Nuit  aux  souf- 
flets, le  Chevalier  du  guet,  le  Lion  empaillé.  De  nou- 
veau au  Vaudeville  en  1 855,  il  s'y  montre  dans  les  Infidèles, 
le  Chemin  le  plus  long,  la  Famille  Lombard,  le  Fils 
de  Godard,  va  créer  en  4858,  à  la  Gaîté,  un  drame  de 
M.  d'Ennery,  Germaine,  puis  enfin  entre  au  Gymnase,  où, 
dans  l'emploi  des  pères  nobles,  il  termine  brillamment  une 
carrière  brillante  en  créant  successivement  :  le  Père  pro- 
digue, les  Ganaches,  les  Vieux  Garçons,  Montjoie  et 
Nos  Bons  Villageois.  Et  bientôt  il  prend  une  retraite  légi- 
timement gagnée,  après  avoir  été  jouer  encore,  au  Vaude- 
ville, Rabagas,  et,  à  l'Ambigu,  les  Beaux  Messieurs  de 
Bois-Doré  et  le  Centenaire.  Lafont  a  été  certainement, 
en  son  genre,  l'un  des  premiers  comédiens  de  Paris. 

LAFONT  (Jean),  homme  politique  français,  né  à  Tou- 
louse le  2  avr.  4835.  Rédacteur  au  Temps,  où  il  s'occupa 
des  questions  commerciales,  il  fut  adjoint  de  M.  Clemen- 
ceau à  la  mairie  du  XVIIP  arrondissement  (4870)  et  subit 
un  emprisonnement  pendant  la  Commune.  Conseiller  mu- 
nicipal de  Paris  pour  la  Goutte-d'Or  (4874),  pour  les 
Grandes-Carrières  (4874-81),  il  fut  élu  député  à  Paris 
(XVIII®  arrondissement,  4''^'  circonscription)  le  48  déc. 
4884  contre  JoiFrin  et  G.  Berry.  Membre  de  l'extrême 
gauche,  il  fut  réélu  en  4885  et  combattit  le  boulangisme. 
Il  échoua  aux  élections  générales  de  4889  contre  M.  Lai- 
sant  et  devint  en  4892  régisseur  de  l'octroi  de  Paris. 

LAFONT  (Ernest),  homme  politique  français,  né  à 
Bayonne  le  24  janv.  4845.  Docteur  en  médecine,  il  fut  élu 
député  de  la  première  circonscription  de  Bayonne  le  4  3  avr. 
4890  en  remplacement  de  M.  Ilaulon  devenu  sénateur. 
Républicain  progressiste,  il  a  été  réélu  le  20  août  4893. 

LAFONT  d'Auxonnë  (L'abbé),  né  en  4770,  mort  à  Paris 
en  4849.  Curé  de  Drancy,  il  abandonna  le  sacerdoce  et 
entra  dans  la  maison  de  banque  Michel.  Citons  de  lui  :  His- 
toire de  M^^  de  Maintenon  (Paris,  4844, 2  vol.  in-48)  ; 


Mémoires  secrets  et  universels  des  malheurs  et  de  la 
mort  de  la  reine  de  France  (4824,  in-8  ;  éd.  augm., 
4827,  in-8)  ;  Lettres  anecdotiques  sur  les  deux  départs 
de  la  famille  royale  en  1815  et  1830  (1832,  in-8),  etc. 
On  lui  attribue  la  rédaction  des  Mémoires  de  M^*  de 
Montespan  (4829,  2  vol.  in-8). 

LAFONT  DE  Savines  (Charles),  prélat  et  homme  poli- 
tique français,  né  à  Embrun  (Hautes-Alpes)  le  47  févr. 
4742,  mort  à  Embrun  le  46  janv.  4845.  Evêque  de  Viviers 
le  26  juil;  4778,  élu,  le  6  avr.  4789,  député  du  clergé 
aux  Etats  généraux  par  la  sénéchaussée  de  Villeneuve-de- 
Berg  en  Vivarais,  il  démissionna  le  I^^  juil.  suivant  et  ren- 
tra dans  son  diocèse.  Il  prêta  le  serment  civique  en  févr. 
4791  et  devint  en  conséquence  évêque  constitutionnel  de 
l'Ardèche.  En  4792,  il  publia  un  Examen  des  principes 
de  la  constitution  civile  du  clergé  qX  le  4^^  déc.  4793 
il  abjura.  Arrêté,  Lafont  de  Savines  ne  fut  relâché  qu'après 
le  9  thermidor.  Il  essaya,  en  4802,  lors  du  Concordat,  de 
reprendre  l'administration  de  son  diocèse,  mais  on  le  fit 
passer  pour  fou  et  on  l'enferma  à  Charonton,  tandis  que 
son  évêché  était  supprimé.  Il  ne  recouvra  sa  liberté  qu'au 
prix  d'une  rétractation  publique.       Etienne  Charavay. 

BiBL.  :  Ad.  RoGfiAs,  Biographie  du  Dauphiné.  —  Mo- 
niteur, séance  du  22  févr.  1791.  —  La  Révolution  française, 
t.  VIÏ,  p.  160. 

LAFONTAINE  (Jean  de),  écrivain  hermétique,  né  à  Va- 
lenciennes  en  4384.  Prévôt  de  Valenciennes  en  4434, 
il  est  Fauteur  d'un  volume  en  vers  sur  la  transmutation 
des  métaux,  La  Fontaine  des  amoureux  de  sciences 
(Pans,  s.  d.  [peut-être  4495],  pet.  in-4),  dont  il  existe 
de  nombreuses  éditions. 

LA  FONTAINE  (Jean  de),  poète  français,  né  le  7  ou  le 
8  juil.  4624  à  Château-Thierry,  où  son  père  exerçait  les 
fonctions  de  «  maître  des  eaux  et  forêts  ».  On  ne  sait  trop  com- 
ment ni  d'où  lui  vint  l'idée,  quand  il  eut  tant  bien  que  mal 
termmé  ses  premières  études,  d'entrer  à  l'Oratoire,  et  jamais 
homme  ne  se  trompa  sans  doute  plus  étrangement  sur  la 
nature  de  son  génie.  Mais  ce  qui  est  bien  plus  étrange  encore, 
c'est  qu'il  ne  reconnut  pas  lui-même  son  erreur,  et  il  fallut 
qu'on  le  priât  de  «  se  retirer  »  de  la  docte  congrégation.  Il 
n'avait  pas  tout  à  fait  vingt-trois  ans.  Il  fit  alors  son  droit, 
comme  Boileau,  comme  Molière,  puis  il  revint  se  fixer  à 
Château-Thierry,  où  son  père,  qui  songeait  à  lui  assurer 
la  succession  de  la  charge  de  «  maître  des  eaux  et  fo- 
rêts »,  commença  par  le  marier,  en  4647,  avec  une  jeune 
fille  de  quinze  ans,  Marie,  fille  de  Guillaume  Iléricart, 
«  lieutenant  civil  et  criminel  à  La  Ferté-Milon  ».  C'était 
une  autre  erreur  ;  et,  pas  plus  que  pour  les  devoirs  de  la  vie 
religieuse,  Jean  n'était  fait  pour  les  obligations  de  la  vie 
conjugale.  Aussi  l'accord  ne  dura-t-il  guère  entre  les  deux 
époux.  La  naissance  même  d'un  fils,  en  4653,  ne  changea 
rien  à  l'humeur  romanesque  et  désordonnée  de  M^^^  delà 
Fontaine,  —  la  femme  du  monde  qui  paraît  avoir  été  le  moins 
faite  pour  fixer  un  mari  volage, — non  plus  qu'à  l'insouciance 
naturelle  du  père,  qui  ne  devait  jamais  s'occuper  du  «  mar- 
mot »,  et  à  la  suite  d'une  séparation  de  biens,  quittant  sa 
lemmeet  Château-Thierry,  il  vint  tenter  à  Paris  la  fortune 
httéraire.  C'est  du  moins  ce  qui  semble  résulter  de  la  pu- 
blication de  son  premier  ouvrage  :  une  traduction,  ou, 
comme  nous  dirions  de  nos  jours,  une  «  adaptation  »  de 
V Eunuque  de  Térence,  qui  fut  représentée  deux  ou  trois 
fois  peut-être,  et  qui  parut  en  4654.  Les  curieux  de  dé- 
tails plus  abondants  ou  plus  précis  sur  la  première  jeunesse 
et  sur  le  ménage  de  La  Fontaine  en  trouveront  plus  qu'on 
n'en  voudrait  dans  l'ouvrage  classique  de  Walckenaer  :  His- 
toire de  la  vie  et  des  ouvrages  de  Jean  de  La  Fon- 
taine (Paris,  4820,  in-8),  et  dans  l'excellente  Notice  que 
M.  Paul  Mesnard  a  écrite  plus  récemment  pour  le  La 
Fontaine  de  la  collection  des  Grands  Ecrivains  de  la 
France  {fàv'ï^,  4883,  in-8). 

Il  serait  plus  intéressant  de  savoir  comment  s'éveilla 
son  génie  de  poète,  si  les  recherches  de  ce  genre  n'étaient 
pas  toujours  délicates,  et,  même  quand  elles  semblent  avoir 


LA  FONTAINE 


—  752  — 


abouti,  toujours  assez  vaines.  Grand  amateur  de  romans, 
c'est  lui  qui  nous  l'apprend,  nous  savons  qu'il  a  lu  et  relu 
d'Urfé,  Gomberville  et  LaCaiprenède  :  VAstrée^  Polexandre 
et  Cléopàtre;  le  Grand  Cyrus  et  La  Clé  lie  aussi,  de 
Madeleine  de  Scudéri  ;  mais  quoi  !  Boileau  les  a  lus  comme 
lui.  On  conte  encore  qu'ayant  entendu  réciter  par  hasard 
les  stances  de  Malherbe  sur  la  Mort  de  Henri  le  Grande 
l'émulation  de  faire  à  son  tour  des  vers  l'aurait  brusque- 
ment éclairé  sur  sa  vraie  vocation,  mais  ce  n'est  là  qu'une 
légende;  et  n'eùt-il  jamais  entendu  réciter  de  Malherbe, 
il  fût  néanmoins  devenu  La  Fontaine.  A  vrai  dire,  comme 
tout  le  monde,  il  subit  l'influence  des  idées  ou  des  goûts 
littéraires  de  son  temps,  et  la  preuve  en  est  dans  ses  pre- 
miers essais,  qui  tiennent  moins  de  Malherbe  ou  d'aucun 
romancier  que  de  Voiture  et  de  son  école.  L'auteur  futur 
des  Contes  et  des  Fa/>/^5  a  commencé  par  être  «  précieux  » 
comme  tout  le  monde  l'était  encore  aux  environs  de  4655, 
avant  Pascal  et  avant  Molière;  et  son  Ode  à  M'^^  la  su- 
rintendante (1 658)  «  sur  ce  qu'elle  était  accouchée  avant 
terme,  en  carrosse,  en  revenant  de  Toulouse  »,  est  précisé- 
ment du  genre  de  ces  pièces  que  Voiture  excellait  à  trous- 
ser :  Sur  il/"^  de  Bourbon,  qui  avait  pris  médecine,  ou 
A  la  louange  du  soulier  d'une  dame.  Il  est  «  précieux  » 
dans  son  Adonis,  où  l'on  dirait  qu'il  a  voulu,  pour  obéir 
au  goût  du  jour,  s'exercer  dans  le  poème  «  héroïque  » 
(1658),  et  dont  il  est  curieux  de  comparer  la  préciosité 
plutôt  froide  et  la  couleur  conventionnelle  avec  le  coloris 
si  chaud  et  la  préciosité  voluptueuse  de  V Adonis  de 
Shakespeare.  Il  est  «  précieux  »  dans  le  Songe  de  Vaux, 
qui  ne  parut,  à  la  vérité,  qu'en  1671,  mais  qui  doit  avoir 
été  composé  vers  1659  ou  1660;  et  où,  si  l'on  a  relevé 
quelques  vers  exquis,  cela  prouve  uniquement  que  la  pré- 
ciosité, quoi  qu'on  en  ait  pu  dire,  n'est  pas  toujours  un 
défaut.  Tels  sont  ces  trois  vers,  souvent  cités,  où  il  a  peint 
la  Nuit  : 

Par  de  calmes  vapeurs  mollement  soutenue, 
La  tête  sur  son  bras,  et  son  bras  sur  la  nue. 
Laissant  tomber  des  fleurs... 

L'Albane  ou  les  Carrache  ont-ils  rien  fait  de  plus 
gracieux?  Et  n'ayant  rien  enfin  du  tempérament  d'un  lut- 
teur, ni  même  d'un  véritable  satirique,  il  demeurera  «  pré- 
cieux »  aussi  longtemps  que  la  mode  y  sera,  c.-à-d.  jus- 
qu'à ce  que  les  Précieuses  ridicules  de  Molière  et  les 
Satires  de  Boileau  soient  venues  substituer  au  goût  du 
joli,  de  l'élégant,  et  du  rare,  le  goût  du  vrai,  du  simple,  et 
du  grand. 

Toutes  les  pièces  que  nous  venons  de  rappeler,  et 
quelques  autres  encore  —  parmi  lesquelles  nous  citerons  ses 
premières  Epîires,  II,  III  et  IV,  qui  tiennent  du  genre  de 
Marot,  avec  autant  d'esprit  et  infiniment  plus  de  charme — 
ont  été  composées  pour  le  surintendant  Fouquet,  dont 
La  Fontaine  était  devenu,  en  1657,  l'un  des  poètes  à  gages. 
C'est  ici,  comme  on  le  sait,  et  comme  il  faut  bien  pourtant 
qu'on  le  rappelle,  un  des  côtés  les  plus  déplaisants  de  son 
personnage.  Sans  aucune  ambition  de  pouvoir  ni  d'argent, 
ce  qui  sans  doute  est  louable,  La  Fontaine  a  toujours  vécu 
aux  dépens  de  quelqu'un,  ce  qui  Test  moins,  et  on  le  verra, 
dans  ses  dernières  années,  se  laisser  entretenir  par  une 
jeune  maîtresse.  Aucun  de  nos  grands  écrivains  n'a  man- 
qué plus  complètement  de  sens  moral,  à  cet  égard,  de  dé- 
licatesse ou  de  dignité.  Et  nous  savons  bien  que  voilà  de 
grands  mots,  qu'on  ne  saurait  employer  sans  un  peu  de 
ridicule  î  mais  il  s'agit  de  l'auteur  des  Fables,  pour  ne 
rien  dire  de  celui  des  Contes,  et  par  conséquent  la  con- 
naissance de  certains  détails  n'est  pas  indifférente  au  juge- 
ment qu'il  faut  porter  de  sa  morale.  Du  moins,  en  acceptant 
ou  en  sollicitant  les  bienfaits  de  Fouquet,  doit-on  dire  qu'il 
ne  fit  qu'imiter  les  hommes  de  lettres  ses  contemporains. 
Et  ce  qui  achève  peut-être  de  l'excuser,  c'est  la  recon- 
naissance qu'il  garda  toujours  à  son  protecteur  tombé  dans 
la  disgrâce.  V Élégie  aux  nymphes  de  Vaux  en  est  l'élo- 
quent témoignage,  et,  puisqu'il  arrive  quelquefois  qu'une 
bonne  action  ne  nuise  pas  à  son  auteur,  on  est  bien  aise 


que  cette  Elégie  soit  un  des  bons  ouvrages  de  La  Fon- 
taine. 

On  ne  connaît  que  trop  les  jeux  de  la  Fortune, 

Ses  trompeuses  faveurs,  ses  appas  inconstans, 

Mais  on  ne  les  connaît  que  quand  il  n'est  plus  temps. 

Lorsque  sur  cette  mer  on  vogue  à  pleines  voiles. 

Il  est  bien  malaisé  de  régler  ses  désirs, 

Le  plus  sage  s'endort  sur  la  foi  des  zéphyrs... 

C'est  le  vrai  La  Fontaine  qui  se  dégage  ici  de  lui-même. 
Et  pourquoi  ne  dirions-nous  pas  qu'en  le  touchant  indirec- 
tement, la  disgrâce  de  Fouquet  l'obligea  peut-être  de  réflé- 
chir sur  quelques  vérités  d'expérience  qu'il  n'avait  guère 
accoutumé  de  méditer?  Le  malheur  des  autres  peut  aussi 
nous  servir  d'école.  Il  convient  d'ajouter  que,  trois  ou  quatre 
mois  auparavant,  la  représentation  des  Fâcheux  de  Molière, 
sur  le  théâtre  de  Vaux  (17  août  1661),  lui  avait  ouvert  les 
yeux  d'une  autre  manière  encore,  en  lui  enseignant  le  prix 
du  naturel,  —  qui  n'est  peut-être  que  le  sérieux  dans  l'ob- 
servation. 

Plante  n'est  plus  qu'un  plat  bouffon, 
Et  jamais  il  ne  fit  si  bon 
Se  trouver  à  la  Comédie, 
Car  ne  pensez  pas  qu'on  y  rie 
De  maint  trait  jadis  admiré, 

Et  bon   IN  ILLO   TEMPORE. 

Nous  avons  changé  de  méthode, 
Jodelet  n'est  plus  à  la  mode. 
Et  maintenant,  il  ne  faut  pas 
Quitter  la  nature  d'un  pas. 

Si  connus  que  soient  ces  vers  d'une  lettre  de  La  Fon- 
taine à  son  ami  Maucroix,  nous  ne  pouvions  pas  nous  dis- 
penser de  les  citer.  Ils  sont,  en  effet,  caractéristiques  d'une 
révolution  qui  s'opérait  alors,  dans  tous  les  genres  à  la  fois, 
contre  l'idée  même  que  la  précédente  génération  s'était 
formée  de  l'art  (V.  les  art.  Boileau  et  Molière),  et  l'imi- 
tation de  la  nature  en  redevenait  le  premier  principe,  ce 
qu'elle  n'est  ni  toujours  ni  nécessairement.  Ils  marquent, 
de  plus,  avec  précision,  l'époque  des  premiers  rapports  de 
La  Fontaine  avec  Molière.  —  Pour  Racine,  La  Fontaine  le 
connaissait  de  La  Ferté-Milon,  les  Héricart  étant  même 
alliés  des  Racine.  —  Et  enfin  ce  sont  ces  vers  qui  divisent 
pour  ainsi  dire  en  deux  l'histoire  des  Œuvres  de  La  Fon- 
taine, tout  ce  qui  les  précède  n'ayant  qu'une  bien  mince 
valeur  en  comparaison  de  ce  qui  les  a  suivis.  Il  avait  qua- 
rante et  un  ans,  et  il  n'avait  écrit  ni  le  premier  de  ses 
Contes  ni  la  première  de  ses  Fables. 

Ce  furent  les  Contes  qui  parurent  d'abord,  dont  trois 
recueils,  contenant  ensemble  vingt-quatre  contes  et  quel- 
ques-uns des  plus  agréables,  se  succédèrent  en  1665, 1666 
et  1667.  Une  circonstance  particulière  attira  sur  eux  l'at- 
tention pubhque.  Un  M.  de  Bouillon,  —  qui  faisait  partie, 
comme  La  Fontaine  lui-même,  de  la  maison  de  la  duchesse 
d'Orléans,  douairière,  —  avait  publié,  l'année  précédente, 
une  imitation  en  vers  du  Joconde  de  l'Arioste.  Lorsque  La 
Fontaine,  à  son  tour,  fit  paraître  la  sienne,  une  discussion 
s'engagea  sur  le  point  de  savoir  à  laquelle  des  deux  on 
devait  donner  la  préférence  ;  et  peu  s'en  fallut  que  l'on  ne 
vît  renaître  les  temps  de  la  grande  querelle  des  Jobelins 
et  des  Uranistes;  mais  les  dames  y  prirent  moins  de  part, 
sans  doute.  La  dispute  se  termina  par  un  jugement  de  Boi- 
leau, tout  jeune  et  encore  inconnu,  qui  n'hésita  pas  plus, 
avec  sa  sûreté  de  goût,  à  se  ranger  du  côté  de  La  Fontaine 
qu'il  n'avait  hésité  naguère  à  se  ranger  du  côté  de  Molière  ; 
et  ce  fut  l'origine  de  leur  liaison  commune.  Mais,  indépen- 
damment de  cette  circonstance,  Joconde  lui-même,  Richard 
Minutolo,  la  Servante  juslifiée,  la  Fiancée  du  roi  de 
Garbe, — l'un  des  chefs-d'œuvre  de  l'art  de  conter  qu'il  y  ait 
dans  aucune  langue, —  avaient  de  quoi  plaire  assez  aux  lec- 
teurs de  1665.  Ni  Boileau  ne  se  piquait  alors  de  jansé- 
nisme, ni  Racine,  qui  criblait  de  ses  épigrammes  ses  an- 
ciens maîtres  de  Port-Royal,  et  Molière  sans  doute  encore 
moins.  Louis  XIV  aimait  La  Vallière  et  faisait  jouer  Tar- 
tufe. S'il  eût  lu  ces  premiers  Contes  et  qu'il  s'en  fût  trouvé 
choqué,  on  lui  eût  fait  aisément  entendre  qu'ils  n'avaient 
rien  de  plus  «  immoral  »  ou  de  plus  dangereux  que  VEep- 
taméro7ideh  reine  de  Navarre  (V.  l'art.  Marguerite  de 


753 


LA  FONTAINE 


Navarre),  et,  d'ailleurs,  en  le  lui  faisant  entendre,  on  l'eût 
trompé.  I.e  sujet  des  Contes  de  La  Fontaine  est  générale- 
ment «  indécent  »,  et  sa  manière,  qui  n'a  rien  d'ordurier 
si  Ton  veut,  ni  d'obscène,  est  proprement  ce  que  l'on  ap- 
pelle «  graveleuse  ».  Ce  que  Boccace  ou  Marguerite  se  sont 
contentés  d'indiquer  en  passant,  —  voyez  le  conte  du 
Faucon,  par  exemple,  —  La  Fontaine,  lui,  s'y  attarde,  y 
insiste,  et  sa  grande  malice  est  de  tourner  autour  de  la 
chose  ou  du  mot  sans  jamais  les  écrire.  Aussi  les  Contes^ 
quoi  qu'on  en  ait  pu  dire,  sont-ils  un  mauvais  livre,  un 
livre  à  garder  sous  clef  dans  les  bibliothèques  lorsque  l'on 
est,  pour  quelque  raison,  obligé  de  les  posséder  ;  et  si  peut- 
être  en  cela  même  on  dit  qu'ils  sont  vraiment  gaulois,  ce 
sera  donc  tant  pis  pour  l'esprit  gaulois  !  mais  on  aura  dit 
vrai,  et  on  aura  d'ailleurs  nommé  la  dernière  et  la  princi- 
pale raison  de  leur  succès.  A  une  époque  où,  de  même  qu'au- 
jourd'hui, nos  dilettantes  sont  lassés  d'entendre  louer  les 
«  littératures  du  Nord  »,  ainsi  les  lecteurs  étaient  fatigués 
de  tant  d'imitations  de  l'espagnol  ou  de  l'italien,  beaucoup 
d'entre  eux  virent  dans  les  Contes  ce  que  nous  appellerions 
«  un  retour  à  la  tradition  nationale  ».  Ils  y  reconnurent  la 
veine  de  Rabelais  traitée  dans  le  goût  de  Marot  —  Maître 
François  et  Maître  Clément  —  les  sujets  ordinaires  de 
nos  anciens  fabliaux,  l'accent  de  nos  vieux  trouvères,  et  en  y 
applaudissant,  il  leur  sembla  qu'ils  s'applaudissaient  de 
s'être  retrouvés  eux-mêmes.  Qu'on  se  rappelle  à  ce  pro- 
pos la  violente  invective  de  Boileau,  non  pas  dans  son  Art 
poétique,  mais  dans  sa  première  Satire  : 

Qui  pourrait  aujourd'hui,  sans  un  juste  mépris, 
Voir  l'Italie  en  France  et  Rome  dans  Paris... 

Voir  le  Tibre,  à  grands  flots,  se  mêler  dans  la  Seine 
Et  traîner  dans  Paris  ses  momes,  ses  farceurs, 
Sa  langue,  ses  poisons,  ses  crimes  et  ses  moeurs  ! 

La  Fontaine  profita  certainement  de  cette  réaction  du 
goût  gaulois  ou  français  contre  l'influence  italienne.  Et  c'est 
ainsi  qu'à  leur  façon,  qui  n'est  pas  d'ailleurs  la  plus 
chaste,  ni  la  meilleure,  la  Fiancée  du  roi  de  Garbe  ou 
Joconde  sont  bien  du  même  temps  que  les  Satires  ou 
VEcole  des  femmes^  non  seulement  du  même  temps,  mais 
de  la  même  inspiration,  et  qu'ils  trahissent,  comme  on  le 
va  voir,  une  môme  conception  ou  une  même  idée  de  l'art 
et  de  la  vie. 

Furent-ils  écrits,  comme  on  l'a  prétendu,  sur  le  désir  ou 
l'invitation  delajeune  duchessede  Bouillon,  Marie-Anne  Man- 
cini,  nièce  de  Mazarin?  Elle  était  très  jeune  encore,  et  quelle 
que  fût  sa  rare  précocité,  nous  n'osons  croire  qu'à  seize  ans 
elle  fût  déjà  curieuse  de  distractions  si  libertines.  Ce  que  nous 
savons  seulement,  c'est  que  pendant  un  séjour  qu'elle  fit  à 
Château-Thierry,  —  pour  y  prendre  possession  du  duché  que 
le  duc  son  mari  venait  de  recevoir  en  échange  du  duché 
de  Bouillon,  —  elle  y  connut  La  Fontaine,  dont  elle  devait 
demeurer  longtemps  la  protectrice.  C'est  par  elle  aussi, 
selon  toute  probabilité,  qu'il  connut  lïortense,  duchesse 
de  Mazarin,  et  qu'il  entra,  de  loin,  à  travers  la  Manche, 
en  relations  avec  Saint-Evremond.  Les  «  Mazarines  »  comme 
on  les  appelait,  aimaient  les  gens  de  lettres,  et  La  Fontaine 
était  bien  fait  pour  s'accommoder  de  la  licence  de  leurs 
mœurs.  Userait  beau  pour  elles  de  lui  avoir  inspiré  la  pre- 
mière idée  de  ses  Fables,  Les  six  premiers  livres  dos  Fables 
parurent  en  1668,  et,  pour  l'honneur  du  goût  français,  ils 
ne  furent  pas  moins  favorablement  accueiUis  que  les  Contes, 
dont  on  peut  dire  qu'ils  ont  tous  les  mérites  et  aucun  des  dé- 
fauts. Mais  ils  avaient  d'autres  qualités  encore,  qui  leur  sont 
propres,  et  assez  caractérisées  pour  que,  sans  attendre  da- 
vantage, nous  nous  y  arrêtions  et  qu'à  ce  propos  nous 
tâchions  de  définir  le  génie  du  poète.  Si  nous  ne  saurions 
avoir  la  prétention  d'apprendre  à  personne  qu'il  n'y  en  a 
guère  de  plus  original  dans  l'histoire  entière  de  notre  litté- 
rature, nous  pouvons  cependant  essayer  d'en  reconnaître  les 
traits  essentiels.  Et  s'il  semble  d'abord  qu'il  fasse  exception 
au  xvii^  siècle,  qu'il  y  soit  comme  en  dehors,  et,  pour  ainsi 
parler,  comme  en  marge  des  grands  courants  de  son  temps, 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XXI. 


nous  pouvons  essayer  de  montrer  que  ce  n'est  là  qu'une 
apparence. 

I.  En  premier  lieu,  son  œuvre  est  d'un  artiste;  et  il  est 
vrai  que  ce  premier  trait  le  distingue  de  Corneille  et  de 
Molière,  qui  font  passer  toujours  quelque  préoccupation  phi- 
losophique ou  morale  avant  le  souci  de  l'art  pur  ;  qui  ont 
des  intentions,  qui  soutiennent  des  thèses;  qui  songent 
d'abord  à  la  glorification  de  la  volonté,  comme  dans  Rodo- 
gune,  ou  à  l'apothéose  de  la  nature,  comme  dans  VEcole 
des  femmes;  mais  il  ne  distingue  essentiellement  La  Fon- 
taine ni  de  Boileau  ni  surtout  de  Racine.  Je  ne  vois  pas 
au  moins  d'intention  dans  le  Lutrin,  si  ce  n'est  celle 
d'égayer  le  grave  Lamoignon,  et  je  n'en  trouve  d'autre  dans 
Bazajetqne  celle  de  faire  une  belle  tragédie.  Point  de  thèse, 
non  plus,  dans  Andromaque  ou  dans  le  Repas  ridicule. 
«  Si  les  accidents  du  monde  —  a  dit  quelque  part  un  de 
nos  contemporains  —  vous  apparaissent,  dès  qu'ils  sont 
perçus  comme  transposés  pour  l'emploi  d'une  illusion  à 
décrire,  tellement  que  toutes  les  choses,  y  compris  votre 
existence,  ne  vous  semblent  pas  avoir  d'autre  utilité  », 
c'est  ce  qu'on  appelle  être  artiste;  et  c'est  bien  le  cas  de 
La  Fontaine  ;  mais  c'a  été  aussi,  dans  leur  jeunesse  au 
moins,  le  cas  de  Racine  et  celui  de  Boileau.  Pour  eux, 
comme  pour  La  Fontaine,  la  vie  n'a  d'abord  été  qu'un 
spectacle,  à  l'infinie  diversité  duquel  ils  ont  pris  le  même 
genre  d'intérêt  qu'un  peintre  à  la  combinaison  perpétuelle- 
ment changeante  des  couleurs  et  des  lignes.  Seulement,  et 
tandis  qu'à  mesure  qu'ils  avançaient  en  âge,  ils  réfléchis- 
saient, et  se  donnaient  à  eux-mêmes  un  autre  objet  que  de 
satisfaire  leur  curiosité,  l'auteur  des  Fables,  lui,  ne  chan- 
geait pas,  et,  au  contraire,  prenant  son  parti  «  de  s'en 
aller  comme  il  était  venu  »,  l'art  s'emparait  de  lui,  l'occu- 
pait, l'absorbait,  et  le  retenait  tout  entier. 

C'est  par  là  qu'il  convient  d'expliquer  son  insouciance 
légendaire,  son  égoïsme,  —  qu'on  n'aurait  pas  le  courage  de 
lui  reprocher  s'il  n'avait  nui  qu'à  lui ,  —  l'irrégularité  fâcheuse 
et  le  manque  de  dignité  de  son  existence.  La  Fontaine 
suit  en  tout  et  toujours  son  caprice,  et  son  caprice  est 
d'un  épicurien,  mais  en  même  temps  d'un  artiste.  Ni 
mari,  ni  père,  ni  citoyen,  ni  fonctionnaire,  ni  magistrat, 
ni  médecin,  ni  quoi  que  ce  soit,  enfin,  d'étiqueté  ou  de  classé, 
sa  profession  est  de  «porter  des  fables»  — selon  le  mot  si 
souvent  cité  de  M™^  Cornuel,  —  comme  un  «  pommier  porte 
des  pommes  ».  Il  ne  se  mêle  à  la  société  qu'autant  qu'il 
le  faut  pour  en  jouir,  mais  en  en  jouissant  il  l'observe,  et 
comme  il  l'observe  du  dehors,  elle  n'est  à  vrai  dire  pour 
lui  que  la  matière  de  son  art.  C'est  ce  qui  explique  égale- 
ment le  caractère  de  sa  satire,  ou,  pour  mieux  parler,  c'est  ce 
qui  explique  la  méprise  de  ceux  qui  voient  autre  chose  en  lui 
que  le  peintre  involontaire  des  mœurs  de  son  temps.  Car  au- 
cune intention  chez  lui  «  de  corriger  les  mœurs  »  ou  de  ré- 
former le  monde  ;  aucun  propos  ni  de  prêcher,  ni  même,  je 
le  dirai,  de  plaider  seulement.  Les  hommes  sont  grossiers 
et  les  femmes  ont  d'autres  défauts;  les  grands  sont  tyran- 
niques  et  les  petits  sont  plats  ;  les  misérables  sont  timides 
et  les  riches  sont  impertinents  ;  les  courtisans  sont  vils  et 
les  rois  sont  cruels  : 

Mais  son  esprit  au  fond  n'est  pas  plus  ofî'ensé 
De  voir  un  homme  fourbe,  injuste,  intéressé, 
Que  de  voir  des  vautours  affamés  de  carnage, 
Des  singes  malfaisans  et  des  loups  pleins  de  rage... 

C'est  qu'il  les  observe,  il  ne  les  juge  pas  ;  il  les  peint 
tels  qu'ils  sont  ou  tels  qu'il  croit  les  voir,  il  ne  s'en  moque 
point  ;  ou  plutôt  il  s'en  moque  si  peu  qu'il  serait  fâché 
qu'on  les  lui  changeât,  et  moins  «  affamés  de  carnage  » 
ou  moins  «  malfaisans  »,  singes  et  loups,  renards  et  lions, 
serpents  et  ours,  il  les  trouverait  moins  intéressants,  comme 
étant  moins  caractérisés.  Point  de  vue  d'artiste  encore,  qui 
ne  se  soucie  pas  des  choses  ni  des  êtres  en  eux-mêmes, 
mais  uniquement  du  rapport  qu'ils  peuvent  avoir  avec  son 
art,  du  «  profit  qu'il  eu  peut  tirer  pour  sa  consommation 
personnelle  »  —  c'est  un  mot  de  Flaubert  —  de  l'intérêt  ou 
delà  nouveauté  de  la  peinture  qu'on  en  peut  faire.  N'est-ce 

48 


LA  FONTAINE 


754 


pas  aussi  ce  qui  explique  le  libertinage  de  ses  Contes  et  la 
facilité  de  sa  morale  courante?  Mais,  si  je  voulais  insister 
sur  ce  point,  il  y  aurait  trop  à  dire;  et  je  me  bornerai  à 
faire  observer  que  la  morale  ayant  voulu  que  la  matière 
habituelle  de  ses  Contes  ne  fût  pas  une  matière  «  comme  une 
autre»,  la  grande  immoralité  de  La  Fontaine  est  de  l'avoir 
traitée  comme  une  autre. 

Je  ne  rappelle  aussi  qu'en  passant  —  et  en  renvoyant  pour 
le  détail  aux  innombrables  commentateurs  de  ses  Fables  — 
quel  artiste  il  a  été  dans  le  choix  de  ses  sujets,  de  ses 
rythmes  et  de  ses  mots.  «  Faites-vous  envoyer  les  Fables 
de  La  Fontaine,  écrit  à  Bussy  M"^®  de  Sévigné,  elles  sont 
divines.  On  croit  d'abord  en  distinguer  quelques-unes^ 
et  à  force  de  les  relire  on  les  trouve  toutes  bonnes. 
C'est  une  manière  de  narrer  et  un  style  à  quoi  l'on  ne 
s'accoutume  point.  »  Mais  c'est  surtout  une  manière  de 
peindre  qui,  pour  différer  de  celle  de  ses  contemporains, 
ne  procède  pas  moins  des  mêmes  principes,  chez  La  Fon- 
taine, que  chez  Racine  et  que  chez  Boiieau.  Laissons  Boi- 
leau,  qui,  dans  son  Lutrin  môme,  est  trop  au-dessous  de 
La  Fontaine.  Mais  Racine  n'a  pas  été  moins  artiste  en  ce 
sens,  je  veux  dire  à  la  fois  moins  scrupuleux  ni  moins 
heureux.  Si  La  Fontaine  a  connu  «  le  pouvoir  d'un  mot 
mis  en  sa  place  »  et  s'il  a  fait,  lui  aussi,  consister  le 
chef-d'œuvre  de  l'art  «  à  faire  quelque  chose  de  rien  »,  il 
n'y  a  pas  mieux  réussi  que  Racine,  et,  pour  y  réussir,  il  ne 
s'est  pas  donné  plus  de  peine.  Ils  n'ont  pas  attaché  moins 
de  prix  l'un  que  l'autre  à  la  perfection  de  la  forme.  La  dif- 
férence entre  eux  n'est  peut-être,  à  cet  égard,  que  la  dif- 
férence des  genres  dans  lesquels  ils  se  sont  exercés,  à  moins 
encore  que  ce  ne  soit  une  différence  d'éducation  première. 
Mais  de  même  qu'ils  étaient  tous  les  deux  de  la  même  pro- 
vince, ils  sont  bien  tous  les  deux  aussi  de  la  même  école 
littéraire  ;  —  et  c'est  ce  que  j'exprimerai  d'un  mot  en  disant 
que  comme  l'œuvre  de  Racine  et  autant  que  d'un  artiste 
l'œuvre  de  La  Fontaine  est  en  second  lieu  d'un  natura- 
liste, 

IL  Remarquons  tout  de  suite  que,  s'il  se  sépare  en  ce  point 
de  Racine  et  de  Boileau,  naturalistes  en  art,  eux  aussi, 
mais  jansénistes  en  morale,  il  se  rapproche  de  Molière, 
dont  la  philosophie,  comme  la  sienne,  —  et  si  le  mot  n'est 
pas  un  peu  pédantesque  pour  eux,  —  est  une  philosophie  de 
la  nature  (V.  Molière).  C'est  également  la  philosophie  de 
Montaigne  ou  de  Rabelais,  et  le  contraire  de  celle  de  Pascal 
ou  de  Bossuet.  Avec  Rabelais  et  avec  Mohère,  La  Fontaine 
a  toujours  pensé  que  «  gens  libères,  bien  nés,  bien  ins- 
truits, conversans  en  compagnies  honnêtes,  ont  par  nature 
un  instinct  et  aiguillon  qui  les  pousse  à  faits  vertueux  et  les 
retire  de  vice  »  ;  et  nous  pouvons  bien  ajouter  que  si  la  va- 
leur d'une  morale  se  prouve  par  la  manière  dont  on  vit, 
il  n'y  en  a  guère  de  plus  égoïste  ou  de  plus  antisociale  que 
celle  dont  cette  croyance  est  en  quelque  sorte  le  premier  fon- 
dement. On  le  montrerait  aisément  si  c'en  était  le  lieu.  Mais 
quand  nous  disons  que  l'œuvre  de  La  Fontaine  est  d'un  na- 
turaliste, c'est  autre  chose  que  nous  voulons  dire  ;  nous  ne 
parlons  pas  de  sa  morale,  mais  de  son  art  ;  et  il  n'est  ici 
question  que  de  l'écrivain. 

Naturaliste,  il  l'est  donc  d'abord  en  ce  sens  que  nul 
en  son  temps  n'a  plus  fidèlement  que  lui  reproduit  ou 
reflété  la  nature;  et  c'est  ce  qui  le  distingue,  non  seu- 
lement de  Racine  ou  de  Boileau,  mais  de  l'auteur  même 
de  V Ecole  des  femmes  et  du  Malade  imaginaire.  Quelle 
que  soit  en  effet  la  tendance  des  autres  vers  le  naturalisme, 
—  ou,  pour  parler  peut-être  plus  clairement,  —  vers  l'imi- 
tation de  la  nature,  ils  sont  gênés  par  les  préjugés  de  leur 
éducation,  par  leur  désir  de  plaire  au  public  ou  de  faire 
leur  cour  au  roi,  par  les  exigences  mêmes  de  leur  genre. 
Il  y  a  des  «  réalités  »  dont  Molière  n'oserait  placer  lia  re- 
présentation trop  fidèle  sous  les  yeux  des  spectateurs,  et 
qu'aussi  bien  la  pudeur  collective  des  foules  n'admettrait 
pas  qu'il  lui  imposât.  Pour  l'auteur  à'Andromaque  et  de 
Phèdre,  quelque  hardiesse  dont  il  ait  fait  preuve  dans  la 
peinture  de  la  passion,  ce  sont  les  lois,  c'est  la  définition 


de  la  tragédie  qui  l'empêchent  de  franchir  la  limite  où  l'ex- 
pression du  sentiment  se  changerait,  comme  dans  le  mé- 
lodrame, en  une  notation  de  la  sensation.  Et  il  n'est  pas 
jusqu'à  Boileau  qui  ne  soit  «  contraint  »  dans  la  satire,  par 
l'obligation  d'opposer  les  leçons  de  la  morale  à  la  pratique 
des  vices  qu'il  dénonce.  La  Fontaine  est  plus  libre,  beau- 
coup plus  libre,  et  la  fidélité  de  ses  peintures  en  devient 
aussitôt  plus  grande.  Non  seulement  les  sujets  de  ses 
Conles,  —  infiniment  moins  réels  d'ailleurs  et  bien  plus 
imaginés  que  les  sujets  de  ses  Fables,  —  mais  les  sujets 
de  ses  Fables  aussi  l'autorisent  presque  à  tout  peindre  ou 
du  moins  à  tout  indiquer.  Une  grenouille  ou  une  fourmi, 
qu'à  peine  Molière  ou  Boileau  se  permettraient-ils  de  nom- 
mer, sont  tout  aussi  dignes  pour  lui  de  sa  curiosité  que  les 
hommes  eux-mêmes.  Il  faut  bien  qu'on  le  lui  passe,  puisque 
c'est  la  condition  même  de  la  Fable,  et  aussitôt  cette  autre 
conséquence  en  résulte,  quHl  y  a  dans  son  œuvre  une 
plus  grande  part  de  nature  incluse,  décrite,  et  sentie 
que  dans  celle  de  ses  émules.  L'homme  d'abord  s'y  re- 
trouve tout  entier,  non  seulement  l'homme  vrai  —  celui 
dont  Racine  et  Molière  n'ont  représenté  que  les  passions  ou 
les  vices  —  mais  l'homme  réel  :  paysan,  bourgeois,  gen- 
tilhomme, le  laboureur,  la  laitière,  le  savetier,  le  meunier, 
le  médecin,  le  juge,  le  prêtre,  le  banquier,  —  que  sais-je 
encore?  —  l'homme  extérieur,  que  le  costume  de  sa  pro- 
fession ou  les  déformations  de  son  métier  caractérisent,  et 
non  plus  celui  dont  le  théâtre  ou  le  roman  même  ont  dû  com- 
mencer par  altérer  ou  par  supprimer  quelques  traits  pour  en 
faire  d'autant  ressortir  les  autres.  A  côté  de  l'homme,  les  ani- 
maux tiennent  leur  personnage  —  carnassiers,  ruminants, 
oiseaux,  serpents,  poissons  —  toute  une  «  ménagerie  »  dont 
on  méconnaîtrait  étrangement  la  pittoresque  diversité  si  l'on 
n'y  voulait  voir,  comme  dans  les  animaux  du  Roman  de  Re- 
nart,  que  des  abstractions,  des  types  allégoriques,  et,  pour 
ainsi  parler,  les  «  masques  »  de  nos  défauts  ou  de  nos  ridicules. 
Lefabuhste  a-t-il  d'ailleurs  décrit  fidèlement  les  mœurs  des 
espèces,  et  ses  lapins  sont-ils  de  vrais  lapins?  C'est  ce  que 
l'on  a  cru  devoir  aigrement  contester,  et  on  a  établi  qu'en 
effet  Daubenton  ou  Cuvier  étaient  des  descripteurs  plus 
exacts.  Mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que,  pour  ce  que 
chacun  de  nous  en  peut  voir,  il  les  a  observés  ;  et  l'intérêt 
de  ses  observations  a  passé  dans  ses  vers  ;  et  ce  qui  est 
encore  plus  vrai,  c'est  qu'en  faisant  entrer  toute  cette  «  mé- 
nagerie »  dans  ses  Fables,  elles  sont  vraiment  devenues, 
sinon  notre  «  épopée  nationale  »  du  moins  la  véritable  et 
la  seule  «  épopée  animale  ».  On  sait  enfin  qu'avec  les  ani- 
maux, c'est  la  nature  extérieure  aussi,  ce  sont  les  astres 
et  c'est  le  brin  d'herbe,  ce  sont  les  airs  et  ce  sont  les  eaux, 
qu'il  a  fait  entrer  dans  son  œuvre,  c'est  le  paysage,  en  un 
mot,  qu'il  a  introduit  dans  la  httérature  de  son  temps. 
Et  s'il  y  manque  après  cela  quelque  chose,  la  passion,  par 
exemple,  en  dépit  des  Deux  Pigeons,  et  l'éloquence,  en 
dépit  du  Paysan  du  Danube,  toujours  est-il  que  son  œuvre 
demeure  la  plus  diverse  que  nous  ait  léguée  le  xvii®  siècle. 
C'est  ce  qu'on  peut  exprimer  d'une  autre  manière  encore, 
en  disant  que,  pour  représenter  selon  son  ampleur  cette 
nature  plus  diverse,  il  a  dû  donner  à  son  vocabulaire 
une  ampleur  correspondante,  et  c'est  ce  qui  achève  de 
caractériser  le  naturalisme  de  son  œuvre.  Ne  reculant 
pas  devant  la  familiarité  des  spectacles,  il  ne  recule  pas 
non  plus  devant  les  moyens  de  la  rendre,  et  la  richesse  de 
son  vocabulaire  n'en  est  égalée  que  par  la  diversité.  Il 
prend  ses  mots  partout,  et  la  distinction  du  style  «  noble  » 
et  du  style  «  familier  »  lui  est  inconnue.  Selon  le  besoin 
ou  l'occasion,  il  passe  de  l'un  à  l'autre  avec  la  même 
aisance,  et  il  remplit  tout  l'entre-deux.  Il  a  d'ailleurs  la 
phrase  aussi  libre  en  son  tour,  et  —  il  le  faut  quelquefois  — 
aussi  «  incorrecte  »  que  l'exige  le  désir  d'être  immédiate- 
ment compris  ou  entendu  de  tout  le  monde.  Sa  langue  est 
celle  que  l'on  parle  à  Paris  comme  à  Versailles,  et  sa  syn- 
taxe n'a  qu'une  règle,  ou  un  principe,  qui  est  de  conformer 
le  mouvement  du  style  au  mouvement  de  la  pensée.  Et  à 
la  vérité,  ce  principe  est  bien  aussi  celui  de  Molière,  de 


Racine  et  de  Boileau,  mais  comme  La  Fontaine  a  peini 
plus  de  choses,  l'application  d'un  même  principe  aboutit 
dans  son  œuvre  à  des  effets  plus  variés.  C'est  en  ce  sens 
encore  qu'il  est  naturaliste,  non  seulement  naturel^  et 
de  tous  nos  grands  écrivains  c'est  pourquoi,  comme  on  l'a 
dit,  il  est  le  plus  populaire. 

C'est  qu'en  effet,  comme  la  nature,  étant  très  simple  en 
apparence,  il  est  très  profond,  et,  quoi  qu'on  en  ait  dit,  les 
enfants  le  comprennent,  mais  la  philosophie  trouve  son 
compte  aussi  dans  ses  vers.  Dirai-je  qu'on  reconnaît  à  ce 
signe  les  vrais  naturalistes?  Mais  si  je  voulais  en  donner 
les  raisons,  il  y  faudrait  trop  de  temps  et  de  place.  Conten- 
tons-nous donc  de  faire  observer  qu'ayant  la  j'essembiance 
d'un  «  portrait  »,  son  œuvre  en  a  l'intérêt,  qui  est  d'équiva- 
loir à  l'original  ou  plutôt  de  le  suppléer.  C'est  ce  qui  explique 
en  passant  que  tant  de  naturalistes  soient  eux-mêmes  infé- 
férieursà  leur  œuvre.  Ils  n'ont  pas  suce  qu'ils  y  mettaient, 
et  au  fait,  beaucoup  d'entre  eux  n'y  ont  mis  que  leur 
habileté  demain,  mais  cette  habileté  de  main  était  extraor- 
dinaire et  rien  qu'en  peignant  la  nature^  ils  en  ont,  comme 
sans  le  savoir,  exprimé  toute  la  profondeur.  Hâtons-nous 
ici  de  dire  cependant  que  si  l'observation  est  vraie  de  La 
Fontaine  et  qu'ainsi  nous  puissions  lui  prêter  bien  des 
intentions  qu'il  n'a  pas  eues,  mais  qui  n'en  sont  pas  moins 
dans  son  œuvre,  c'est  qu'un  dernier  trait  s'ajoute  en  lui 
aux  deux  autres,  et  qu'autant  qvCartiste  et  que  natura- 
liste, il  a  été  poète. 

IlL  De  dire  qu'il  l'est  par  le  don  de  l'expression  pitto- 
resque ou  plastique,  ut  pictura  poesis^  ce  n'en  serait  rien 
dire  que  l'on  ne  sache,  et  d'ailleurs  ni  Racine,  je  pense, 
ni  Boileau  même  n'ont  manqué  de  ce  don.  N'est-ce  pas  ce 
que  l'on  oublie  encore  quand  on  met  La  Fontaine  comme 
à  part,  et  pour  ainsi  parler,  en  dehors  du  chœur  des  écri- 
vains de  son  temps  ?  Racine  est  plein  de  ces  vers  «  qui  pei- 
gnent ».  Mais  ils  ne  peignent  pas  les  mêmes  choses.  Comme 
l'auteur  des  Fables,  ïmteur  à' Andromaqueoa  de  Phèdre 
excelle  à  ces  évocations  qui  sont  le  triomphe  de  la  magie 
du  poète;  mais,  pour  y  réussir,  il  semble  qu'il  ait  besoin  de 
l'éloignement  de  la  distance  ou  du  temps.  La  Fontaine,  au 
contraire,  n'a  besoin  que  des  événements  de  la  vie  journa- 
lière, et  c'est  encore,  si  l'on  veut,  un  trait  de  son  natura- 
lisme, mais  c'est  déjà  quelque  chose  de  plus,  puisqu'il 
nous  montre  dans  la  nature  ce  que  sans  lui  nous  n'y  au- 
rions pas  vu.  Il  s'y  ajoute,  selon  l'expression  célèbre,  et 
en  s'y  ajoutant,  il  l'éclairé  d'une  lumière  nouvelle.  Ou 
plutôt  encore,  s'il  y  a,  comme  je  le  croirais,  jusque  dans 
nos  occupations  les  plus  familières,  une  poésie  secrète  ou 
intime  que  nous  n'y  saurions  pas  découvrir  nous-mêmes, 
mais  qu'il  suffit  qu'on  nous  montre  pour  que  nous  la  re- 
connaissions, c'est  cette  poésie  que  La  Fontaine  en  a  su 
tirer. 

Il  est  poète  encore  d'une  autre  manière,  —  plus  voisine  de 
nous,  mais  non  pas  nouvelle  en  notre  langue,  ni  seulement 
unique  en  son  siècle,  —  s'il  intervient  volontiers  de  sa  per- 
sonne dans  son  œuvre,  et  si,  ce  que  nous  savons  de  ses 
erreurs  mêmes,  comme  de  celles  de  Villon  autrefois,  et  de 
Musset  de  nos  jours,  c'est  à  lui  que  nous  le  devons.  Je 
dirais  à  cet  égard  que,  seul  de  son  temps,  il  s'est  publique- 
ment «  confessé  »,  si  je  ne  songeais  fort  à  propos  que  son 
temps  est  le  temps  aussi  de  la  littérature  des  Mémoires, 
Nous  connaissons  ses  goûts,  nous  savons  ce  qu'il  aime  et 
ce  qu'il  n'aime  pas;  sans  fausse  honte  et  sans  affectation, 
c'est  lui  qui  nous  fait  les  honneurs  de  lui-même  ;  il  nous  a 
dit  ses  maladies  ;  et  son  mobilier  même  a  trouvé  place  dans 
ses  vers. 

Un  clavecin  chez  moi  î  Ce  meuble  vous  étonne, 
Que  direz-vous  si  je  vous  donne 
Une  Chloris  de  qui  la  voix 
Y  joindra  ses  sons  quelquefois  I 

Ainsi  s'écrie-  t-il  quelque  part,  et  déjà  c'est  l'accent  de 
Musset  !  Dans  ses  Contes,  dans  ses  Fables,  il  se  commente 
lui-même;  il  laisse  ou  il  a  l'air  de  laisser  échapper  des 
aveux  ;  il  explique  ses  personnages,  et  en  prend  occasion 


755  -  LA  FONTAINE 

de  faire  sur  soi  des  retours  ;  il  s'admoneste,  il  se  gour- 
mande, il  s'accuse,  il  se  repent  ;  ou  bien  encore  il  s'ana- 
lyse, il  se  décrit  : 

Volupté,  volupté,  qui  fus  jadis  maîtresse 

Du  plus  bel  esprit  de  la  Grèce, 
Ne  me  dédaigne  pas,  viens-f  en  lo^er  chez  moi, 

Tu  n'y  seras  pas  sans  emploi. 
J'aim^e  le  jeu,  Famour,  les  livres,  la  musique, 
La  ville  et  la  campagne,  enfin  tout;  il  n'est  rien 

Qui  ne  me  soit  souverain  bien, 
Jusqu'au  sombre  plaisir  d'un  cœur  mélancolique  ! 

Le  ton,  ici,  s'élève  jusqu'au  lyrisuie  ;  et  puisque  de  nos 
jours  le  lyrisme  est  devenu  synonyme  de  poésie  même, 
c'est  assez  dire  ce  que  nous  aimons  dans  La  Fontaine,  et 
qu'en  effet,  nous  ne  retrouvons,  à  ce  coup,  ni  chez  Boi- 
leau, ni  chez  Molière,  ni  chez  Racine.  On  n'y  retrouve  pas 
non  plus,  sauf  cependant  dans  Amphitryon  ou  dans  les 
chœurs  à'Estheret  d'Athalie^  ce  vershbre  dont  les  sinuo- 
sités : 

Les  retours  sur  ses  pas,  les  malices,  les  tours, 
Et  le  change  et  cent  stratagèmes, 

reproduisent  ou  imitent  si  bien  le  mouvement  de  la  pensée 
qu'il  semble  qu'on  la  saisisse  à  sa  naissance  même  : 

Amans,  heureux  amans,  voulez-vous  voyager? 

Que  ce  soit  aux  rives  prochaines, 
Soyez-vous  l'un  à  l'autre  un  monde  toujours  beau, 

Toujours  divers,  toujours  nouveau, 
Tenez-vous  lieu  de  tout,  comptez  pour  rien  le  reste. 

Et  c'est  encore  du  lyrisme,  si  cette  liberté  du  rythme 
éloignant  de  nous  toute  idée  d'artifice  ou  d'apprêt,  le  poète 
y  laisse  donc  passer  ce  qu'il  y  a  de  plus  intime  et  de  plus 
personnel  en  lui.  Quelque  poétique  qu'il  soit,  l'alexandrin 
de  Racine  semble  toujours  tendre  vers  la  prose  oratoire, 
comme  vers  sa  limite  naturelle,  mais  au  contraire,  le  vers 
libre  de  La  Fontaine  garde  toujours  jusque  dans  l'expres- 
sion des  plus  humbles  détails  de  la  vie  on  ne  sait  quoi 
d'ailé. 

Nous  n'en  finirions  pas  si  nous  voulions  tout  dire.  Il  n'y 
a  pas  dans  notre  langue  de  vers  plus  harmonieux  que  ces 
«  vers  inégaux  »,  il  n'y  en  a  pas  dont  les  accords  éveillent 
plus  de  résonances  ;  il  n'y  en  a  pas  de  plus  suggestifs. 
Sans  doute,  on  peut  citer  quelques  vers  de  Racine  : 
Ariane,  ma  sœur,  de  quel  amour  blessée, 
Vous  mourûtes  aux  bords  où  vous  fûtes  laissée; 

OU  le  vers  célèbre  de  Bérénice  : 

Dans  l'Orient  désert  quel  devint  mon  ennui  î 
Mais  ils  ne  font  pas  rêver,  comme  ceux  de  La  Fontaine, 
et  à  peine  ont-ils  donné  l'essor  à  l'imagination,  qu'ils  le 
répriment  et  qu'ils  le  bornent.  Ceux  de  La  Fontaine  propa- 
gent en  nous  comme  une  ondulation  de  sensations  infinies. 
Un  vers  comme  celui-ci  : 

Sur  les  humides  bords  des  royaumes  du  vent 
ou  comme  celui-là  : 

Quand  les  tièdes  zéphyrs  ont  Therbe  rajeunie, 
n'évoquent  pas  seulement  pour  nos  yeux  tout  un  paysage  : 
ifs  servent  d'origine  ou  de  prétexte  à  une  succession  d'états 
d'âme,  mélancolie  d'automne  ou  gaieté  printanière,  tris- 
tesse vague  ou  joie  sans  cause;  —et  n'est-ce  pas  le  grand 
charme  de  la  poésie  ! 

Nous  n'avons  plus  maintenant  qua  reprendre  l'histoire 
de  la  vie  de  La  Fontaine.  La  publication  des  six  premiers 
livres  des  Fables  fut  suivie  de  près,  en  1669,  de  celle 
d'Adonis  et  de  celle  de  Psyché  en  1674.  C'est  dans  la 
préface,  ou,  plus  exactement,  c'est  dans  le  Prologue  de  ce 
dernier  ouvrage  que  La  Fontaine  s'est  représenté  sous  le 
nom  caractéristique  de  Polyphile  (ami  de  toutes  choses), 
visitant  la  «  ménagerie  »  de  Versailles,  en  compagnie  de 
Gélaste  (Molière),  d'Acanthe  (Racine)  et  d'Ariste  (Boileau). 
«  Ce  qui  leur  plut  davantage,  y  lit-on,  ce  furent  les  de- 
moiselles de  Numidie  et  certains  oiseaux  pêcheurs  qui  ont 
un  bec  extrêmement  long,  avec  une  peau  au-dessous,  qui 
leur  sert  de  poche.  Leur  plumage  est  blanc,  mais  dhm 
blanc  plus  clair  que  celui  des  cygnes;  môme  de  près 


LA  FONTAINE 


—  756 


il  paraît  carné  et  tire  sur  la  couleur  de  rose  vers  la 
racine.  On  ne  peut  rien  voir  de  plus  beau.  C'est  une  espèce 
de  cormorans.  »  Voilà  quelques  lignes  qui  suffisent  à  prou- 
ver le  scrupule  ou  la  minutie  même  de  La  Fontaine  dans 
l'observation,  quand  le  sujet  l'en  intéressait.  Aux  Amours 
de  Psyché  succédèrent  un  recueil  nouveau  de  Contes^  en 
1671,  puis,  en  4673,  le  Poème  sur  la  captivité  de  saint 
Malc,  C'est  une  espèce  de  «  pensum  »  que  MM.  de  Port- 
Royal,  comme  on  les  appelait,  crurent  devoir  imposera 
l'auteur  des  Oies  du  père  Philippe  et  de  Mazet  de  Lampo- 
recchio.  Une  velléité  lui  était  venue  de  se  convertir,  —  pour 
plaire  sans  doute  à  son  ami  Boileau  !  Mais  elle  ne  dura 
guère,  et,  dès  Tannée  suivante  (d  674),  il  publiait  la  quatrième 
partie  de  ses  Contes,  Il  travaillait  en  même  temps  aux  cinq 
derniers  livres  de  ses  Fables  (VU,  VIII,  IX,  X  et  XI),  qui 
paraissaient  en  4678,  sous  les  auspices  de  M"^"^  de  Mon- 
tespan,  à  qui  le  recueil  est  dédié.  Un  court  Avertissement 
du  poète  précisait  assez  heureusement  la  différence  qu'il  avait 
voulu  mettre  entre  ces  cinq  nouveaux  livres  et  les  six  pre- 
miers. Il  y  avait,  disait-il  «  usé  plus  sobrement  des  traits 
familiers  qu'il  avait  semés  dans  les  autres  avec  assez  d'abon- 
dance »  ;  il  avait  «  étendu  davantage  les  circonstances  de 
ses  récits  »  ;  enfin  il  avait  «  tâché  d'y  mettre  toute  la 
diversité  dont  il  était  capable  »  ;  —  et  il  y  avait  réussi.  Tel 
fut  au  moins  l'avis  des  bons  juges.  Nous  ne  dirons  rien 
après  cela  du  Poème  sur  le  Quinquina^  composé  à  la  de- 
mande de  la  duchesse  de  Bouillon,  et  publié  en  1682.  C'est 
un  pensum  d'un  autre  genre,  mais  dont  le  poète,  en  dépit 
de  toute  sa  souplesse,  ne  s'est  pas  tiré  beaucoup  plus  heu- 
reusement que  du  Poème  sur  la  captivité  de  saint  Malc, 
et  si  nous  ne  savions  pas  qu'il  est  de  lui,  nous  ne  le  croi- 
rions jamais.  Nous  en  faisons  la  remarque  avec  intention. 
Nul  exemple,  en  effet,  à  moins  que  ce  ne  soit  celui  de  la 
Mélicerte  de  Molière,  ne  saurait  mieux  prouver  à  quel 
point  un  écrivain  de  génie  peut  tomber  au-dessous  de  lui- 
même,  et  quels  dangers  on  court,  avec  de  certains  érudits, 
quand  on  prétend  décider  de  l'authenticité  de  ses  ouvrages 
d'après  le  caractère  de  son  style. 

C'est  sur  ces  entrefaites  qu'une  place  étant  devenue  va- 
tante  à  l'Académie  française  par  la  mort  de  Colbert  (4683), 
La  Fontaine  se  mit  sur  les  rangs.  Il  fut  élu,  contre  Boi- 
leau, sur  le  nom  de  qui  les  adversaires  de  La  Fontaine, 
comme  Ton  dit,  se  comptèrent.  Mais  le  roi,  qui  n'aimait 
ni  Fauteur  ni  son  œuvre,  ou  du  moins  ses  Contes,  refusa 
ou  différa  de  donner  au  choix  de  l'Académie  l'approbation 
qui  le  rendait  seule  définitif;  il  fallut  attendre  une  autre 
vacance;  elle  ne  se  produisit  qu'en  4684;  et  c'est  alors 
seulement,  quand  Boileau  eut  été  nommé,  que  Louis  XIV 
ratifia  l'élection  du  fabuliste.  «  Vous  pouvez  recevoir  inces- 
samment La  Fontaine,  dit-il  au  directeur  de  l'Académie,  il 
a  promis  d'être  sage.  »  Le  premier  gage  de  sa  sagesse  fut 
le  Discours  à  W^^  de  La  Sablière  (4684),  qu'il  lut  en 
séance  publique,  le  jour  même  de  sa  réception.  Le  second 
fut  la  publication  d'un  dernier  recueil  de  Contes  :  c'est 
celui  où  figurent  pour  la  première  fois  les  Aveux  indis- 
crets et  le  Fleuve  Scamandre, 

Heureux  encore  s'il  n'eut  rien  fait  de  pis  !  Mais  depuis 
qu'il  était  passé  de  la  protection  de  la  duchesse  d'Orléans, 
—  la  duchesse  douairière,  femme  de  Gaston,  qu'il  ne  faut 
pas  confondre  avec  M"^**  Henriette,  —  sous  la  protection  de 
la  duchesse  de  Bouillon;  et,  quand  la  duchesse  de  Bouillon 
se  fut  trouvée  compromise  dans  la  mémorable  affaire  des 
poisons,  sous  la  protection  de  M.^^  de  La  Sablière,  si  sa 
manière  de  vivre  avait  jadis  manqué  de  dignité,  elle  man- 
quait maintenant  de  décence.  N'eiit-il  fait  que  mettre  la 
main  aux  comédies  de  Champmeslé  (Ragotin,  4684;  le 
Florentin,  1685;  la  Coupe  enchantée,  4688),  ce  se- 
rait déjà  trop  pour  sa  gloire  ;  et,  puisque  l'occasion  s'en 
offre,  nous  ne  saurions  trop  regretter  que  la  Comédie-Fran- 
çaise, quand  elle  joue  par  hasard  cette  dernière  pièce,  nous 
la  donne  sous  le  nom  de  La  Fontaine.  Mais  d'autant  plus 
libre  dans  ses  mœurs  qu'il  était  plus  gêné  dans  ses  affaires, 
et  d'autant  plus  insouciant  de  l'opinion  qu'il  prenait  plus 


d'années,  son  existence  n'était  plus  que  celle  d'un  para- 
site. Lorsque  M"'^  de  La  Sablière,  cruellement  abandonnée 
par  le  brillant  marquis  de  La  Fare,  se  fut  retirée  aux  In- 
curables, La  Fontaine  n'en  continua  pas  moins  de  faire  la 
débauche  avec  La  Fare  et  de  vivre  sous  le  toit  de  M"^*^de  La 
Sablière.  Quand  M"^^  de  La  Sablière  fut  morte  et  qu'il  lui 
fallut  chercher  un  autre  asile,  il  accepta  sans  plus  de  fa- 
çons celui  que  lui  offrait  la  belle  M"^^  d'Hervart.  Il  fré- 
quentait en  même  temps  cette  société  des  Vendôme,  où  l'on 
peut  dire  sans  exagération  qu'en  plein  règne  de  Louis  XIV 
—  et  de  M'^^de  Maintenon,  —  l'esprit  du  xvm^  siècle  prélu- 
dait à  ses  prochaines  hardiesses.  Et  il  faisait  enfin  la  connais- 
sance de  M"^*^  Ulrich,  la  dernière  de  ses  faiblesses,  l'inspi- 
ratrice aussi  de  ses  derniers  Contes  et  les  plus  hcencieux. 
Une  de  leurs  lettres  nous  renseigne  assez  sur  la  nature  de 
leur  liaison.  «  J'accepte,  Madame,  lui  écrivait  La  Fontaine, 
au  mois  d'oct.  4688,  j'accepte  vos  perdrix,  votre  vin  de 
Champagne,  et  vos  poulardes. . .  J'accepte  aussi  une  chambre 
chez  M.  le  marquis  de  Sablé,  —  c'était  un  autre  des  amants 
delà  dame,  —  j'accepte  encore...  Et  en  un  mot  j'accepte 
toutce  qui  donne  bien  du  plaisir...  Mais  j'en  viens  toujours 
à  ce  diable  de  mari,  qui  est  pourtant  un  fort  honnête 
homme...  Ne  nous  laissons  pas  surprendre...  Evitonscela, 
je  vous  en  prie,  si  nous  le  pouvons...  »  Pourquoi  faut-il  que, 
d'un  autre  côté,  les  notes  de  police  du  lieutenant  d'Argen- 
son  ne  nous  renseignent  qu'avec  trop  de  précision  sur  la 
personne  de  M"^^  Ulrich?  La  dernière  maîtresse  de  La  Fon- 
taine a  fini  par  échouer  à  l'Hôpital  général. 

Réussit-il  à  lui  échapper?  On  sait  du  moins  que  vers  la 
fin  de  l'année  4692,  étant  tombé  dangereusement  malade, 
sa  maladie,  qui  fut  longue,  et  dont  il  eut  beaucoup  de  peine 
à  se  remettre,  l'engagea  dans  de  sérieuses  réflexions.  Le 
confesseur  que  lui  envoya  le  curé  de  Saint-Roch  exigea  de 
lui  la  rétractation  ou  le  désaveu  du  hvre  «  infâme»,  de  ses 
Contes,  et,  après  un  long  combat,  La  Fontaine  y  consentit. 
Il  se  remit  ;  —  pour  célébrer  dans  une  lettre  au  chevalier  de 
Sillery  la  victoire  de  Steinkerque  (4692)  et  pour  achever 
en  quelque  manière  de  régler  ses  affaires  poétiques  par  la 
publication  du  dernier  livre  de  ses  Fables,  le  douzième, 
dont  quelques  morceaux  avaient  déjà  paru,  mais  qu'il  com- 
pléta et  qu'il  adjoignit  aux  onze  autres.  Avons-nous  besoin 
de  dire  qu'on  y  sent  la  fatigue  ?  Il  s'occupait  en  même 
temps  de  dévotes  paraphrases  :  «  J'espère  que  nous  attra- 
perons tous  deux  les  quatre-vingts  ans  —  écrivait-il  à  son 
ami  Maucroix  —  et  que  j'aurai  le  temps  d'achever  mes 
hymnes...  Donne-moi  ton  avis  sur  le  Dies  Irce,  dies  illa 
que  je  t'ai  envoyé.  »  Mais  on  hésite  sur  la  question  de 
savoir,  si  des  Stances  sur  la  soumission  que  l'on  doit  a 
Dieu  sont  de  lui  ou  de  Pavillon.  Si  M""^  Ulrich  les  lui  at- 
tribuait, Mathieu  Marais  les  donne  à  Pavillon,  et  nous  ne 
croyons  pas  que  des  vers  comme  ceux-ci  suffisent  à  ter- 
miner le  débat. 

Crois-tu  que  le  plaisir  qu'en  toute  la  nature 

Le  premier  Etre  a  répandu, 

Fût  un  piège  qu'il  a  tendu 

Pour  surprendre  la  Créature  ? 
^  Non,  non,  tous  les  biens  que  tu  vois 
Te  viennent  d'une  main  et  trop  bonne  et  trop  sage; 
Qu'il  en  est  quelqu'un  dont  ses  divines  lois 

Ne  te  permettent  pas  l'usage, 
Examine-le  bien,  ce  plaisir  prétendu. 

Dont  l'appât  tâche  à  te  séduire. 
Et  tu  verras,  ingrat,  qu'il  ne  t'est  défendu 

Que  parce  qu'il  pourrait  te  nuire. 

Mais  il  faut  citer  tout  entière  sa  dernière  lettre  à  Mau- 
croix, dont  l'accent  de  sincérité  a  quelque  chose  de  singu- 
lièrement éloquent  :  «  Tu  te  trompes,  mon  cher  ami,  s'il 
est  bien  vrai,  comme  M.  de  Soissons  me  l'a  dit,  —  Fabio 
Brulart  de  Sillery,  évêque  de  Soissons,  —  que  tu  me  croies 
plus  malade  d'esprit  que  de  corps.  Il  me  l'a  dit  pour  tâcher 
de  m'inspirer  du  courage,  mais  ce  n'est  pas  de  quoi  je 
manque.  Je  t'assure  que  le  meilleur  de  tes  amis  n'a  plus 
à  compter  sur  quinze  jours  de  vie.  Voilà  d^x  mois  que  je 
ne  sors  point,  si  ce  n'est  pour  aller  un  peu  à  l'académie, 
afin  que  cela  m'amuse.  Hier,  comme  j'en  revenais,  il  me 


757  - 


LA  FONTAINE  -  LA  FORGE 


K 


prit,  au  milieu  de  la  rue  du  Chantre,  une  si  grande  fai- 
blesse, que  je  crus  véritablement  mourir.  0  mon  cher, 
mourir  n'est  rien,  mais  songes-tu  que  je  vais  comparaitre 
devant  Dieu  ?  Tu  sais  comme^j'ai  vécu.  Avant  que  tu  reçoives 
ce  billet,  les  portes  de  l'éternité  seront  peut-être  ouvertes 
pour  moi.  »  La  lettre  est  datée  du  10  févr.  1695.  La  Fon- 
taine mourut  deux  mois  plus  tard,  le  13  avr.  1695,  dans 
sa  chambre  de  l'hôtel  d'Hervart,  rue  Plàtrière,  —  c'est  au- 
jourd'hui la  rue  Jean-Jacques-Rousseau.  Il  était  âgé  de 
soixante-treize  ans  et  neuf  mois.  F.  Rrunetière. 

BiBL.  :  1.  Œuvres.—  Indépendamment  des  éditions  ori- 
ginales dont  on  trouvera  de  bonnes  descriptions  dans  l'édi- 
tion Lemkrre  publiéepar  m.  Alplionse  Pauly  (Paris,  1891, 
t.  VII  et  dernier),  et  dans  l'édition  de  la  collection  des 
Grands  Ecrivains  de  la  France^  donnée  par  M.  Henri  Ré- 
gnier (Paris,  1892,  t.  IX-),  nous  mentionnerons  parmi  les 
éditions  des  Œuvres  complèles  de  Jean  de  La  Fontaine, 
celles  de  Walckenaer  (Paris,  1822, 1826-27, 1832, 1835,6  vol. 
in-8);  do  M.  Louis  Moland  (Paris,  1852,  1866);  de  M.  Al- 
phonse Pauly  (Paris,  1875-1891,  7  vol.  in-8)  ;  et  de  M.  Henri 
Régnier  (Paris,  1883-1892,  Il  vol.  in-8). 

Quant  aux  éditions  particulières  des  Contes  et  surtout  des 
Fa6i!es,  comme  Ténutiiération  en  serait  interminable,  il  suf- 
fira de  signaler  celles  dont  les  «  illustrations  »  ont  acquis 
plus  ou  moins  de  célébrité  parmi  les  amateurs  d'estampes. 
Ce  sont,  pour  les  Contes,  Pédition  dite  des  Fermiers  Gé- 
néraux (Paris,  1762,  2  vol.  avec  figures  d'Eisen);  l'édition 
DiDOT  (Paris,  an  III,  1795,  2  vol.,  avec  figures  de  Frago- 
nard,  Monet  et  Touzé)  ;  l'édition  Leclère  (2  vol.  avec  vi- 
gnettes à  mi-page,  d'après  Duplessis-Bertaux)  ;  et,  pour  les 
Fables^  la  grande  édition  en  4  vol.  in-fol.,  avec  275  figures 
d'Oudry  (Paris,  1755,  1759;  il  en  existe  une  réduction 
sous  la  date  de  1767-1768);  l'édition  de  Bouillon  (1776, 
autre  réduction  des  figures  d'Oudry);  l'édition  Didot  (Pa- 
ris, an  X,  2  vol.,  avec  vignettes  de  Percier);  l'édition  Per- 
ROTiN,  illustrée  par  J.-J.  Grandville  (Paris,  1838,  2  vol. 
in-8);  et  l'édition  Jouaust,  ou  des  Douze  Peintres  (Paris, 
1873,  2  vol.  in-8).  —  On  trouvera  d'ailleurs  sur  ce  sujet  de 

récieux  renseignements  dans  l'ouvrage  du    D*"  Armand 

)ESPRÉs,  les  Editions  illustrées  des  Fables  de  La  Fon- 
taine; Paris,  1892. 

II.  Biographie.  —  A.  Walckenaer,  Histoire  de  la  Vie 
et  des  ouvrages  de  La  Fontaine;  Paris,  1820,  in-8. 

III.  Etudes  critiques  et  littéraires.  —  Nous  ne  men- 
tionnons sous  cette  rubrique  qu'un  très  petit  nombre  des 
Etudes  de  toutes  sortes  consacrées  à  La  Fontaine  :  Eloge 
de  La  Fontaine  par  Ciiamfort,  ouvrage  qui  a  remporté  le 
prix  au  concours  proposé  par  l'Académie  de  Marseille, 
en  1774.  L'accessit  fut  décerné  à  Gaillard.  Deux  autres 
éloges,  l'un  de  La  Harpe,  et  l'autre  de  Naïgeon,  avaient 
également  concouru.  —  Sainte-Beuve,  La  Fontaine,  dans 
Portraits  littéraires^  1. 1,  et  Causeries  du  Lundis  t.  VIL  — 
H.  Taine,  La  Fontaine  et  ses  Fables^  1853,  et  2^  éd.  entier, 
refond.,  1860.  —  Saint-Maro-Girardin,  La  Fontaine  et 
ses  Fables^  1867.  —  Emile  Faguet,  La  Fontaine,  1889. 

LAFONTAINE(August-Heinrich-Julius),  romancier  alle- 
mand, né  à  Brunswick  le  10  oct.  1759,  mort  à  Halle  le 
20  avr.  4831.  Il  fut  précepteur,  fit  la  campagne  de  1792, 
puis  professa  à  Halle,  il  a  écrit  plus  de  150  volumes  de 
romans  dans  le  genre  bourgeois  sentimental  de  Kotzebue. 
La  surproduction  finit  par  effacer  la  grâce  primitive  de  son 
talent.  Les  plus  connus  de  ses  romans  sont:  Gemœlde 
des  menschlichen  Herzens  (Mdil)  ;  Quinctiiis  Heyme- 
ran  von  Flaming  (1796);  Die  Familie  von  Halden 
(1803);  Schilderungen  aus  dem  menschliden  Leben 
(1811);  die  Pfarre  am  See  (1816),  etc.  La  plupart  furent 
traduits  en  français. 

BiBL.:  Gruber,  Lafonlaines  Leben  und  Wirken;  Halle, 
1833. 

LAFONTAINE  (Louis-Marie-Henri  Thomas,  dit),  artiste 
dramatique  français,  né  à  Bordeaux  le  29  nov.  1826,  d'une 
famille  vaudoise  dont  a  fait  partie  l'auteur  des  Eloges.  Des- 
tiné à  l'état  ecclésiastique,  le  jeune  homme  s'évada  du  sé- 
minaire, vagabonda  quelque  temps,  s'engagea  sur  un  na- 
vire de  commerce,  puis  entra  commis  dans  un  magasin  de 
nouveautés.  Il  avait  dix-sept  ans  quand  il  eut  l'idée  de  mon- 
ter sur  la  scène  sous  le  pseudonyme  de  Ch.  Rooch  un  rôle 
dans  la  Tour  de  Nesle.  11  vint  ensuite  à  Paris  avec  son 
frère  en  gagnant  sa  vie  comme  colporteur;  il  entra  presque 
aussitôt  au  théâtre  des  Batignolles,  puis  fut  engagé  à  la  Porte- 
Saint-Martin  et  au  Gymnase.  Le  Mariage  de  Victorine, 
Philiberte^  Diane  de  Lys  consacrèrent  sa  réputation.  En 
1857,  il  joua  Dalila  avec  un  grand  succès  au  Vaudeville. 
En  1860,  il  revint  jouer  au  Gymnase  les  Pattes  de  Mouche, 


les  Ganaches,  etc.  En  1863,  il  épousa  M^^^  Victoria, 
une  des  actrices  les  plus  en  vue  du  Gymnase  et  tous  deux 
passèrent  à  la  Comédie-Française  où  des  appuis  officiels  les 
firent  recevoir  immédiatement  comme  sociétaires  à  part  en- 
tière. Lafontaine  y  joua  les  grands  rôles  du  répertoire,  Tar- 
tufe, le  Misanthrope,  etc.  ;  en  août  1871 ,  sa  femme  et  lui 
donnèrent  leur  démission.  Cependant  en  1872  Lafontaine 
reparut  sur  la  scène;  il  joua  Ruy  Blas  à  l'Odéon,  le  Gas- 
con à  la  Gaîté,  puis  la  Éaine  de  Sardou  qui  ne  réussit  pas. 
En  1876,  il  entra  au  Gymnase  et  joua  Pierre  Gendron, 
pièce  dont  il  était  l'auteur.  Il  joua  encore  dans  un  grand 
nombre  de  pièces  sur  diiférentes  scènes.  Citons  :  la  Dame 
de  Montsoreau  (ii^ld),Frou-Frou  (1883),  la  Dame  aux 
Camélias  (1884),  la  Comtesse  Sarah  (1887),  rAbbé 
Constantin  (1888),  un  de  ses  meilleurs  rôles.  Il  joua 
aussi  à  Bruxelles  et  à  Londres.  —  Lafontaine  a  composé 
quelques  essais  littéraires  :  la  Servante  (1889),  les  Pe- 
tites Misères  (1881),  Nos  Bons  Camarades  (1885).  — 
Sa  femme,  Victoria  Lafontaine,  née  à  Lyon  en  1831, 
joua  avec  éclat  au  Gymnase  avant  son  mariage,  puis  avec 
moins  de  bonheur  à  la  Comédie-Française.  Quand  elle  re- 
monta sur  la  scène  de  la  Gaîté  et  du  Vaudeville  après  la 
guerre,  elle  ne  joua  que  des  pièces  qui  eurent  peu  de  suc- 
cès comme  Fromont  jeune  et  Rissler  aîné  (1876). 

LA  FONTENELLE*(V.  Fontenelle). 

LA  FORCE  (V.  Force). 

LA  FORCE  (PiGANioL  de)  (V.  Pigâniol). 

LA  FOREST  (Pierre  de),  archevêque  de  Rouen  et  car- 
dinal, né  près  du  Mans  en  1314,  mort  en  1361.  Il  fut  suc- 
cessivement chancelier  des  duchés  de  Normandie  et  d'Aqui- 
taine, puis  chancelier  de  France  et  évêque  de  Paris.  Il  rendit 
de  grands  services  à  Philippe  de  Valois,  au  roi  Jean  et  au 
dauphin  (Charles  V)  pendant  la  captivité  du  roi. 

LA  FOR  EST  (Antoine-Aimé-Charles-Mathurin,  comte 
de),  diplomate  et  homme  politique  français,  né  à  Aire  le 
8  août  1756,  mort  le  2  août  1846.  Entré  jeune  dans 
l'armée,  il  passa  en  1774  dans  la  diplomatie,  fut  secrétaire 
de  légation  aux  Etats-Unis  (1779)  et,  après  avoir  occupé 
divers  postes,  devint  en  1797  directeur  de  la  comptabilité 
et  des  fonds  au  ministère  des  affaires  étrangères,  sous 
Talleyrand.  Directeur  des  postes  (du  15  nov.  1799  au 
1 7  nov.  1801,  avec  le  tilre  de  commissaire  central) ,  il  assista 
au  congrès  de  Lunéville,  à  la  diète  de  Ratisbonne  et,  mi- 
nistre plénipotentiaire  à  Berlin  (1805),  il  fut  nommé  en 
1808  ambassadeur  à  Madrid  où  il  demeura  jusqu'en  1813. 
Après  avoir  négocié  avec  Ferdinand  VII  le  traité  de  Va- 
lençay,  il  fit  partie  du  gouvernement  provisoire  comme 
commissaire  au  département  des  affaires  étrangères  (3  avr.- 
13  mai  1814)  et  prépara  le  traité  de  Paris  du  30  mai 
1814.  Représentant  de  Loir-et-Cher  à  la  Chambre  de  1815, 
il  resta  en  relations  avec  la  Restauration,  fut  nommé  mi- 
nistre plénipotentiaire  auprès  des  alliés  et  entra  à  la 
Chambre  des  pairs  le  5  mars  1819.  Il  avait  été  créé  comte 
par  l'Empire  le  28  janv.  1809. 

LA  FORGE  (Anatole- Alexandre  de),  publiciste  et  homme 
politique  français,  né  à  Paris  le  1^^'  avr.  1820,  mort  à 
Paris  le  6  juin  1892.  Il  quitta  la  diplomatie  en  1848  pour 
se  jeter  dans  le  journalisme  et  se  fit  connaître  pendant  le 
second  Empire  comme  un  des  principaux  rédacteurs  du 
Siècle,  Nommé,  en  sept.  1870,  préfet  de  l'Aisne  par 
le  gouvernement  de  la  Défense  nationale,  il  prit,  le  8  oct. 
suivant,  une  part  glorieuse  à  la  défense  de  Saint-Quentin, 
fut  quelque  temps  après  chargé  de  la  préfecture  des 
Basses-Pyrénées,  et  démissionna  en  1871.  Appelé  sous  le 
ministère  Dufaure  à  la  direction  de  la  presse  au  ministère 
de  l'intérieur,  il  résigna  cet  emploi  le  25  mai  1879,  fut  à 
deux  reprises  (29  mai,  21  août  1881)  envoyé  par  le  IX^  ar- 
rondissement de  Paris  à  la  Chambre  des  députés,  obtint 
au  scrutin  de  liste  dans  la  Seine  (le  4  oct.  1 885)  le  re- 
nouvellement de  son  mandat,  fut  élu  vice-président  de  la 
Chambre,  combattit  le  boulangisme  et  renonça  à  la  dépu- 
tationen  1889.  Il  avait  publié  de  nombreux  ouvrages  de 
circonstance,  qui  étaient  surtout  l'expression  de  sa  foi  repu- 


LA  FORGE  —  LAFRENSEN 


758  — 


blicaine  et  de  son  dévouement  au  principe  des  nationalités. 

LA  FORGE  DE  Bellegârde  (V.  Bellegarde). 

LAFORGUE  (Jules),  un  des  chefs  reconnus  de  la  petite 
école  littéraire  contemporaine  des  symbolistes  (V,  ce  mot). 

LAFORTELLE  (A.-I\l.),  auteur  dramatique  très  fécond, 
dont  les  comédies  et  les  vaudevilles  ont  occupé  la  scène 
pendant  l'Empire  et  la  Révolution.  Citons  :  la  Fille  Jockey 
(1805,  in-8);  Faut-il  se  marier?  (1806,  in-8)  ;  le 
Sérail  en  goguette  (1814,  in-8)  ;  la  Fin  du  monde 
(1816,  in-8)  ;  Bérenger  ou  V Anneau  de  mariage  (1809, 
in-8);  Voltaire  chez  Ninon  (1806,  in-8)  ;  Masaniello 
(1828,  in-8).  Lafortelle  travaillait  le  plus  souvent  en  col- 
laboration avec  Victor,  Chazet,  Moreau,  Brazier,  Merle,  etc. 

LA  FOSSE.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  deBlaye, 
cant.  de  Saint- Savin  ;  305  hab.  Eglise  en  partie  romane, 
qui  a  conservé  de  curieux  vestiges  de  peintures  murales, 

LA  FOSSE  (Charles  de),  peintre  français,  né  à  Paris  en 
1636,  mort  le  13  déc.  1716.  Dans  l'histoire  de  l'école 
française,  La  Fosse  marque  la  transition  entre  le  xvn®  siècle 
où  l'idéal  s'alourdit  sous  la  main  des  disciples  de  Lebrun, 
et  la  Régence  où  le  sourire  redevient  possible.  Fils  de 
l'orfèvre  Antoine  de  La  Fosse,  qui  était  estimé  dans  la  cor- 
poration, il  apprit  les  éléments  du  dessin  chez  Chauveau, 
vignettiste  et  graveur,  dont  les  frontispices  avaient  du  suc- 
cès dans  les  boutiques  de  libraires.  Il  entra  ensuite  dans 
l'atelier  de  Lebrun  et  il  resta  chez  lui  jusqu'en  1658.  Il 
partit  alors  pour  l'Italie,  et  Colbert,  à  qui  ses  premiers  essais 
furent  montrés,  obtint  pour  le  jeune  artiste  une  pension 
du  roi  qui  lui  permit  d'étudier  à  Rome.  Il  copia  Raphaël 
et  l'antique,  et,  après  deux  ans  de  séjour  à  l'ombre  du 
Vatican,  il  se  dirigea  vers  Venise  où  il  fut  séduit  par  les 
coloristes  de  la  décadence,  par  ceux  qui  mêlent  des  bruns 
et  des  ombres  rousses  aux  beaux  gris  de  Véronèse.  Il  resta 
assez  longtemps  à  Venise;  il  y  était  encore  en  1663.  La 
Fosse  vit  aussi  le  N.  de  l'Italie.  Dans  ce  voyage  ins- 
tructif, il  avait  appris  tous  les  procédés  de  la  peinture, 
même  la  fresque,  et  c'est  comme  fresquiste  qu'il  se  révéla 
lors  de  son  retour  à  Paris.  On  le  chargea  de  décorer  à 
Saint-Eustache  la  chapelle  des  Mariages,  chapelle  que  le 
xviii^  siècle  a  sottement  détruite,  et  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie 
il  travailla  pour  les  églises,  où  l'on  aimait  son  style  fas- 
tueux et  son  coloris  souvent  plein  de  chaleur.  Reçu  à  l'Aca- 
démie royale  le  23  juin  1673,  il  fut  bientôt  nommé  pro- 
fesseur. Homme  aimable  et  camarade  bienveillant,  il  était 
fort  goûté  à  l'Académie  et  il  parvint  au  grade  de  chance- 
lier. En  1689,  La  Fosse  fut  appelé  en  Angleterre  par  lord 
Montagu  qui  voulait  lui  confier  la  décoration  de  son  hôtel. 
Après  avoir  pris  ses  mesures,  il  revint  à  Paris  pour  pré- 
parer ses  projets  et  il  retourna  bientôt  à  Londres  où,  associé  à 
Rousseau,  qui  peignit  les  perspectives  architecturales,  et 
au  fleuriste  Baptiste  Monoyer,  il  acheva  pour  le  diplomate 
deux  plafonds,  dont  l'unreprésentait  l'Assemblée  des  dieux. 
Ce  travail  fut  exécuté  à  l'entière  satisfaction  de  lord  Mon- 
tagu et  aussi  à  celle  du  roi  qui  exprima  à  La  Fosse  le  désir 
de  l'employer  à  Hampton  Court.  L'artiste  français  dut  re- 
fuser, de  grands  travaux  l'attendant  à  Paris.  La  Fosse, 
protégé  parMansard,  fut  en  effet  chargé  d'importantes  en- 
treprises. On  le  vit  peindre  la  coupole  de  l'Assomption,  et 
les  gens  du  roi  eurent  besoin  de  lui  à  Versailles  et  à  Tria- 
non.  Plus  tard,  revenant  à  la  fresque,  il  peignit  au  dôme 
des  Invalides  Saint  Louis  consacrant  son  épée  à  Jésus- 
Christ  et,  dans  les  pendentifs  qui  supportent  la  voûte,  les 
figures  agitées  des  Quatre  Evangélistes,  Ces  derniers  tra- 
vaux datent  de  la  vieillesse  de  La  Fosse,  et  furent  terminés  en 
1705.  L'artiste  fut  laborieux  jusqu'au  dernier  jour.  Il  s'était 
retiré  chez  Pierre  Crozatqui  lui  avait  réservé  un  logement  dans 
son  hôtel  de  la  rue  Richelieu  et  pour  lequel  il  fit  de  grandes 
décorations,  soit  à  Paris,  soit  à  la  belle  maison  de  cam» 
pagne  que  le  financier  possédait  à  Montmorency.  C'est  chez 
Crozat  que  La  Fosse  connut  Watteau  qu'il  encouragea  et  dont 
il  facilita  l'entrée  à  l'Académie  royale.  Jl  a' été  le  maître  de 
Charles  Parrocel,  qu'il  avait  tenu  sur  les  fonts  de  baptême. 
Les  œuvres  de  Charles  de  La  Fosse  restent  encore  assez 


nombreuses.  Le  Louvre  conserve  six  tableaux,  entre  autres 

V Enlèvement  de  Proserpine  et  le  Moïse  sauvée  qui, 
grâce  à  certains  tons  roux,  sont  des  morceaux  caractéris- 
tiques. Le  peintre  est  aussi  à  Versailles:  à  la  chapelle,  dans 
la  voûte  du  chevet,  on  voit  la  Résurrection  de  Jésus- 
Christ  ;  dans  les  voussures  du  salon  de  Diane,  on  retrouve 
Jason  et  les  Argonautes  et  Alexandre  a  la  chasse.  Au 
plafond  du  salon  d'Apollon,  Phœbus,  suivi  des  Saisons, 
conduit  toujours  son  char  lumineux.  Les  voussures  qui 
accompagnent  le  plafond  sont  également  de  La  Fosse.  Au 
Grand-Trianon,  il  reste  aussi  deux  mythologies,  Clytie 
changée  en  tournesol  et  Apollon  et  Thétis.  La  Fosse  se 
rencontre,  en  outre,  dans  les  musées  de  province  qui  se 
sont  enrichis  des  dépouilles  des  églises  ou  des  couvents. 
Nous  avons  à  Tours  la  Visitation  ;  à  Toulouse,  la  Pré- 
sentation de  la  Vierge^  qui  est  de  1692  et  où  la  couleur 
a  un  accent  assez  vif.  Le  meilleur  de  ces  tableaux,  d'ori- 
gine plus  ou  moins  parisienne,  est  la  Conception  de  la 
Vierge  de  l'ancien  couvent  des  Récollettes  de  la  rue  du  Bac 
(auj.  au  musée  du  Havre).  Paul  Mantz. 

BiBL.  :  Mémoires  sur  les  académiciens^  1854,  t.  II.  — 
H.  Walpole,  Anecdotes  of  painting^  1849,  t.  II. 

LA  FOSSE  (Antoine  de),  sieur  d'Aubigny,  littérateur 
français,  neveu  du  précédent,  né  à  Paris  vers  1653,  mort 
à  Paris  le  2  nov.  1708.  Il  est  connu  par  ses  tragédies  : 
ManliusCapitoliiîus  (i6dS,in-i''2)^  que  Talma  maintint 
longtemps  à  la  scène  ;  Coresus  et  Callirrhoé  (1704,  in- 
12);  Polixè7îe{i696,  in-12)  ;  7^/i^5^'^(1700,  in-12),  qui 
ont  eu  un  grand  succès  de  lecture  et  de  nombreuses  édi- 
tions. On  peut  citer  encore  de  lui  une  traduction  en  vers 
des  0c^^5 d' Anacréon  (1704).  On  adonné  plusieurs  recueils 
de  ses  œuvres,  entre  autres  :  Œuvres  (1747,  2  vol. 
in-12)  ;  Théâtre  (1745,  in-12)  ;  OEuvres  choisies  [avec 
celles  de  Duché]  (1811,  in-18). 

LAFOSSE  (V.  Delâfosse). 

LA  FOX.  Com.  du  dép.  du  Lot-et-Garonne,  arr.  d*Agen, 
cant.  de  Puymirol  ;  344  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  du 
Midi,  ligne  de  Bordeaux  à  Cette. 

LA  FRANCE  (Jules-Isidore),  sculpteur  français,  né  à 
Paris  le  16  déc.  1841,  mort  à  Paris  le  26  janv.  1881. 
Fils  d'un  sculpteur  sur  bois,  élève  de  Duret  et  Cavelier,  il 
eut  le  prix  de  Rome  en  1870  ;  ses  principales  œuvres  sont  : 
Saint  Jean  (1874,  musée  du  Luxembourg);  Achille 
(1877),  et  un  tableau  :  Un  peu  de  coquetterie  (1877). 
Ses  œuvres  sont  gracieuses  et  de  style  académique. 

LA  FRAYE.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Beauvais, 
cant.  de  Nivillers  ;  187  hab, 

LAFRENSEN  (Nicolas,  dit  le  Jeune),  peintre  sué- 
dois, né  à  Stockholm  en  1737,  mort  à  Stockholm  en 
1807.  Fils  d'un  miniaturiste  de  quelque  talent  (Nicolas 
Lafrensen,  le  Vieux.,  1698-1756),  il  se  voua  dès  sa  jeu- 
nesse à  la  peinture.  Après  la  mort  de  son  père,  il  voyagea 
et  vint  probablement  à  Paris  pour  compléter  ses  études.  Il 
retourna  ensuite  dans  sa  patrie  et,  en  1773,  fut  nommé 
professeur  adjoint  à  l'Académie  des  beaux-arts  de  Suède. 
De  dépit,  peut-être,  de  ne  pas  avoir  été  nommé  professeur 
titulaire,  il  quitta  bientôt  Stockholm  et  vint  s'établir  en 
1774  à  Paris.  Il  y  resta  jusqu'à  la  Révolution,  et  ne  re- 
tourna qu'en  1791  en  Suède  où  il  fut  bien  accueilli  par 
le  roi  et  par  la  société  de  Stockholm.  Il  vécut,  d'ailleurs, 
d'une  vie  assez  retirée  jusqu'à  sa  mort,  composant  encore 
quelques  tableaux  d'histoire,  conservés  en  son  pays,  mais 
qui  n'ajoutèrent  rien  à  la  grande  réputation  qu'il  s'était 
acquise  en  France,  comme  miniaturiste  et  peintre  à  la 
gouache.  C'est  surtout  sous  le  nom  de  Lavreince  ou  La- 
vrince  qu'il  est  connu  chez  nous.  —  Lafrensen  est  un 
des  représentants  les  plus  exquis  de  la  peinture  élégante, 
gracieuse  et  spirituelle  du  xviii®  siècle  français.  Il  choisit 
de  préférence,  comme  sujets  de  ses  dessins  coloriés  ou  de 
ses  gouaches,  quelques  scènes  galantes  et  frivoles,  comme 
les  aimaient  ses  maîtres  et  amis  :  Boucher,  Baudouin  et 
Fragonard.  On  a  pu  lui  reprocher  une  recherche  exagérée 
du  fini,  qui  lui  a  nui  lorsqu'il  s'est  essayé  à  des  tableaux 


759  — 


lAFRENSEN  —  LAGALLISSERIE 


un  peu  considérables,  mais  qui  faisait  de  ses  miniatures 
sur  tabatières,  bonbonnières  ou  drageoirs,  des  œuvres 
d'une  délicatesse  exquise.  La  plupart  de  ses  gouaches 
(très  rares,  et  en  général  mal  conservées),  ont  été  gravées 
par  Nicolas  de  Launay  et  Dequevauviller,  ou  reproduites 
en  fac-similé  de  couleurs  par  Janinet  ;  ces  artistes  ont  donné 
à  ces  scènes  intimes,  fidèle  image  d'une  société  légère  et 
spirituelle,  comme  «  une  seconde  et  longue  vie  ».  Peu 
d'œuvres  de  Lafrensen  sont  restées  en  France  (on  en  cite 
dans  quelques  collections  particulières  :  de  Gon court,  ba- 
ron Pichon)  ;  la  plupart  sont  retournées  en  Suède.  Parmi 
les  plus  connues,  il  faut  nommer  :  le  Bal  masqué  donné 
par  la  cour  de  France  en  l'honneur  de  Gustave  III,  en 
illi  (la  Dubarry  y  figure  en  Dalécarlienne)  ;  la  Conso- 
lation de  Vabsence,  VInnocence  en  daîiger^  Roman 
dangereux,  le  Billet  doux,  Qu'en  dit  Vabbé,  V Assem- 
blée au  concert,  l'Aveu  difficile,  VHeureux  Moment, 
la  Mansarde  des  modistes,  le  Déjeuner  anglais,  le 
Baron  de  Staël  près  du  tombeau  de  son  fils,  portrait 
de  Beaumarchais  lisant  Figaro^  portrait  de  Gus- 
tave ni,  etc.  Th.  Cart. 

BiBL.  :  Vienne,  Nie.  Lafrensen,  peintre  à  la  gouache, 
dans  Gaz.  des  Beaux-Arts,  1869,  p.  280.  —  Bocher,  les 
Gravures  françaises  du  xyiif  s.  :  Nie.  Lavreince  :  Pa- 
ris, 1875. 

LAFRERY  (Antoine),  graveur  et  éditeur  français,  né  à 
Salins  en  4542,  mort  après  1580.  Vers  4540,  il  fonda  à 
Rome  une  maison  d'édition  d'estampes  devenue  célèbre. 
Parmi  ses  publications,  on  remarque  :  Spéculum  romance 
magnificentiœ  (Rome,  4544-4575,  448  pi.  in-foL), 
recueil  d'antiquités  de  Rome  ;  Sacrifice  païen,  d'après 
un  bas-relief  antique  (4553)  :  Illustrium  virorum,  ut 
extant  in  urbe,  expressi  vultus  (4569,  5^2  pi.  in-foL). 
Graveur  habile  lui-même,  il  a  exécuté  des  planches  d'après 
Raphaël,  Perino  del  Vaga,  etc.  G.  P-i. 

LA  FRESNAYE  (Vauquelin  de)  (V.  Vauquelin). 

LAFRESNOYE.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr. 
d'Amiens,  cant.  d'Hornoy;  272  hab. 

LAFRI  (Jacopo),  architecte  italien,  né  à  Pistoie,  mort 
le  8  oct.  4620.  Il  dirigea  les  travaux  de  la  tribune  com- 
mencée en  4599  et  des  chapelles  Saint-Jacques  et  du 
Saint-Sacrement  de  la  cathédrale  de  Pistoie.  Il  donna  les 
dessins  de  l'orgue  de  l'église  de  Saint-Dominique  et  il 
écrivit  un  mémoire  sur  rachèvement  de  la  coupole  de  Santa 
Maria  delP  Umiltà,^  dont  les  plans  avaient  été  donnés  par 
Ventura  Vitoni,  mais  qui  avait  été  achevée  et  gâtée  par  Va- 
sari;  ce  mémoire  a  été  imprimé  dans  les  œuvres  de  Vasari 
(édit.  Milanesi,  t.  IV,  p.  469). 

LAFUENTE  (Juan-Leandro  de)  (V.  Fuente  [La]). 

LAFUENTE  (Modesto),  célèbre  écrivain  satirique,  his- 
torien et  homme  politique  espagnol,  né  à  Rabanal  de  los 
Caballeros  le  4^^  mai  4806,  mort  à  Madrid  le  25  oct. 
4866.  Il  se  destina  d'abord  à  l'état  ecclésiastique  et  pro- 
fessa même  dans  plusieurs  séminaires.  Renonçant  à  la 
prêtrise,  il  fonda  à  Léon,  en  4837,  un  périodique,  Fimy 
Gerundio^  dont  il  emprunta  le  titre  à  l'ouvrage  célèbre 
du  P.  Ma  (V.  ce  nom),  et  dans  lequel  il  flagellait  vigou- 
reusement, en  vers  et  en  prose,  les  mœurs  et  surtout  les 
hommes  pohtiques  d'alors.  Cette  revue  satirique,  transpor- 
tée à  Madrid  en  4838,  eut  une  vogue  extraordinaire;  elle 
fut  interrompue  en  4843  (47  vol.  gr.  in-8)  et  reprise  du 
15  mai  1848  au  30  avr.  1849  (in-4).  Le  même  titre  ser- 
vit à  l'auteur  de  pseudonyme  pour  les  ouvrages  humoris- 
tiques suivants  :  Viajes  por  Francia,  Belgica,  Holanda 
y  orillas  del  Rhin  (Madrid,  1843,  2  vol.  gr.  in-8,  et 
1844,  2  vol.  in-4,  ill.)  ;  Teatro  social  del  siglo  XIX 
(4846,  2  vol.  gr.  in-4  ilL);  Viaje  aérostat ico  (4847, 
in-8),  contenant  une  satire  de  l'état  politique  de  l'Europe. 
Il  reprit  à  son  origine  l'histoire  nationale  inachevée  de 
Mariana  et,  en  moins  de  vingt  ans,  il  accomplit  sa  tâche. 
Dans  son  Historia  gênerai  de  Espafia  (1850-4867,  29 
vol.  in-8,  dont  le  dernier  contient  une  biographie  de 
l'auteur  par^  Ferrer  del  Rio,  et  un  index  alphab.),  il  se 
montre  esprit  sage,  mesuré,  réfléchi,  et  un  écrivain  très 


probe.  Il  avait  conçu  son  œuvre  au  point  de  vue  subjectif, 
ce  qui  la  distingue  de  celle  de  son  émule,  Antonio  Cava- 
nilles  (V.  ce  nom).  Lafuente  n'ayant  poursuivi  son  travail 
(jue  jusqu'à  la  mort  de  Ferdinand  VII,  il  a  été  continué 
jusqu'à  nos  jours  par  l'académicien  Juan  Valera  (4887  et 
suiv.,  8  vol.  in-8). 

Membre  de  l'Académie  de  l'histoire  dès  1856,  il  était 
entré  dans  la  vie  politique  antérieurement,  comme  député 
de  Léon,  puis  d'Astorga,  et  faisait  partie  de  l'Union  libé- 
rale. L'un  des  auteurs  du  projet  de  la  nouvelle  constitu- 
tion soumise  aux  Cortès  de  4854,  et  basée  sur  l'unité  reli- 
gieuse, il  publia  à  ce  sujet  :  La  Cuestion  religiosa  (1855, 
in-8).  Nommé,  en  1856,  directeur  de  l'Ecole  de  paléogra- 
phie, et,  en  1858,  président  de  la  Direction  des  archives 
et  bibliothèques,  il  fut  conseiller  d'Etat  de  1860  à  1863, 
puis  en  1864  et  en  1866.  G.  Pawlowski. 

LAFUENTE  y  Alcântarâ (Miguel),  historien  espagnol, 
né  à  Archidona  (prov.  de  Malaga)  le  10  juil.  1817,  mort 
à  La  Havane  le  27  août  1850.  Avocat  à  Grenade,  il  fut  élu 
député  aux  Cortès  par  sa  ville  natale  en  1846.  Nommé  fis- 
cal de  l'île  de  Cuba,  il  mourut  peu  de  temps  après  son  ar- 
rivée à  destination,  laissant  une  Historia  de  Granada 
(Grenade,  1843-48,  4  vol.  in-8;  Paris,  1852,  2  vol. 
in-8,  avec  une  biographie  de  l'auteur  par  José  Zorrilla), 
œAivre  enthousiaste,  qui  lui  avait  ouvert,  en  1847,  les 
portes  de  l'Académie  de  l'histoire.  Après  sa  mort,  on  pu- 
blia l'édition  qu'il  avait  préparée  de  la  chronique  inédite, 
du  XV®  siècle,  d'Andrès  Bernaldez  :  Historia  de  los  reyes 
catôlicos  Fernando  y  Isabel  (Grenade,  1856,  2  vol.  pet. 
in-4).  —  Son  frère,  Emilio,  né  à  Archidona  vers  1825, 
mort  à  Archidona  le  3  juin  1868,  fut  un  des  arabisants 
espagnols  les  plus  distingués  et  un  historien.  On  lui  doit  : 
Inscripciones  arabes  de  Granada,  precedida  de  una 
resena  historica  y  de  la  genealogia  de  los  reyes  Alah- 
mares  (Madrid,  1859,  in-4)  ;  Cancionero  popular,  co- 
leccion  escogida  de  seguidillas  y  copias  (1865,  2  vol. 
in-8)  ;  Ajbar  machmua,  ou  recueil  de  traditions,  chro- 
nique anonyme  du  xi®  siècle  (1867,  in-8,  texte  arabe  et 
traduction));  Relaciones  de  algunos  sucesos  de  los  lUti- 
mos  tiempos  del  reino  de  Granada  (1868,  in-8);  Ca- 
tdlogo  de  los  côdices  ardbigos  adquiridos  en  Tetuan 
(4  869,  gr.  in-4).  Il  était  membre  de  l'Académie  de  l'his- 
toire depuis  1862.  G.  P-i. 

LÂ6A.  Fleuve  de  Suède,  qui  naît  à  10  kil.  S.  du  lac 
Wetter,  dans  le  Smaaland,  coule  vers  le  S.  en  traversant 
la  province  de  Jonkœping,  le  lac  Widœstern,  reçoit  les  eaux 
du  lac  Bolmen,  tourne  à  l'O.,  forme  les  cascades  de  Ma- 
jeforsen  et  Karseforsen,  se  jette  dans  la  baie  de  Laholm 
(Cattégat).  Il  a  192  kil.  de  long;  son  bassin  mesure 
6,250  kil.  q. 

LA  6ALISS0NNIÈRE(V.  Galissonniêre  [La]). 

LAGALLA  (Giulio-Cesare),  savant  italien,  né  à  Padula 
(royaume  de  Naples)  en  1571,  mort  à  Rome  le  14  févr. 
1624.  Jésuite,  il  professa  avec  succès  la  philosophie  au 
Collège  romain  pendant  trente-trois  ans,  après  avoir  tout 
d'abord  exercé  la  médecine.  Il  est  surtout  connu  par  son 
traité:  De  Phœnomenis  in  orbe  lunce,  etc.  (1642),  où  il 
soutint  que  les  apparences  découvertes  par  Galilée  ne 
devaient  pas  empêcher  de  considérer  la  lune  conune  par- 
faitement sphérique.  Il  donna  aussi  l'année  suivante  un 
Tractatus  de  cometis.  Son  principal  ouvrage  philoso- 
phique, De  Immortalitate  animorum  ex  Aristoteks 
sententia  (Rome,  1621),  est  dirigé  contre  Pomponazzo. 

LAGALLISSERIE  (Paul-Martin-Philémon  Gallocher 
de),  né  à  Paris  le  29  mai  1805,  mort  à  Paris  le  5  août 
1871.  Ingénieur  français,  dont  presque  toute  la  carrière 
active  a  été  consacrée  à  la  ville  de  Paris,  soit  dans  le  ser- 
vice municipal,  soit  dans  celui  de  la  navigation  de  la  Seine 
et  des  ponts  de  l'intérieur  de  la  capitale,  c'est  sous  sa  di- 
rection qu'ont  été  exécutés  la  plupart  des  grands  tra- 
vaux de  restauration  et  de  construction  des  ponts  qui  ont, 
vers  le  milieu  de  ce  siècle,  changé  l'aspect  du  centre  de 
Paris.  M.-C.  L. 


LAGAMAS  —  LAGENARIA 


760 


LAGANIAS  (Le).  Rivière  du  dép.  de  VHérault  (V.  ce 
mot,  t.  XÏX,  p.  4141). 

LAGAMAS.  Corn,  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  de  Lodève, 
cant.  de  Gignac  ;  60  hab. 

LAGAM r.  Ville  du  N.  de  Lîle  de Luçon  (îles  Philippines)  ; 
10,000  hab. 

LAGAN.  Nom  sous  lequel  on  désignait  au  moyen  âge, 
sur  le  littoral  français,  de  la  Manche  à  la  mer  du  Nord, 
le  droit  de  bris  et  à' épave  (V.  ces  mots). 

LAGAN.  Petit  fleuve  du  N.-E.  de  Vîrlande  (V.  ce  mot, 
t.  XX,  p.  949). 

LAGARDE.  Com.  du  dép.  de  l'Ariège,  arr.  dePamiers, 
cant.  de  Mirepoix;  530  hab. 

LAGARDE.  Com.  du  dép.  delà  Haute-Garonne,  arr.  et 
cant.  de  Villefranche  ;  563  hab. 

LAGARDE.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  et  cant.  de 
Lectoure  ;  333  hab. 

LAGARDE.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  et 
cant.  de  Tarbes;  157  hab. 

LAGARDE-sur-le-Mé.  Com.  du  dép.  de  la  Charente, 
arr.  et  cant.  de  Barbezieux  ;  251  hab.  Importants  vi- 
gnobles fournissant  des  vins  blancs  dont  la  distillation 
produit  les  eaux-de-vie  dites  «  petites  champagnes  ». 
LA  GARDE  (Escalin  des  Aimars,  baron  de)  (V,  Garde). 
LA  GARDE  (V.  Hozier  [D']). 
LAGARDE  (Philippe  Bridard  de),  littérateur  français, 
né  à  Paris  en  4710,  mort  à  Paris  le  3  oct.  1767.  Abbé 
sans  préjugés,  il  s'occupait  beaucoup  des  choses  de  théâtre, 
et  c'est  lui  qui  fut  en  17541e  promoteur  de  la  réforme  qui 
consista  à  substituer  à  la  scène  le  costume  réel  au  costume 
de  ville.  Il  fut  très  en  faveur  auprès  de  la  marquise  de 
Pompadour  qui  le  pensionna  et  le  nomma  son  bibliothé- 
caire. Citons  de  lui:  Lettres  de  Thérèse  (Paris,  4739- 
40,  5  vol.  in-12)  ;  les  Amiales  galantes  (1743,  in-12)  ; 
diverses  pièces  de  théâtre  en  collaboration  avec  Favart 
comme  :  le  Bal  de  Strasbourg,  les  Fêtes  de  Paris,  la 
Rose,  Mignonnette;  des  chansons  grivoises,  etc. 

LAGARDE  (Pierre),  compositeur  français,  né  près  de 
Crécy  (Seine-et-Marne)  le  10  févr.  1717,  mort  après  1792. 
Doué  d'une  belle  voix  de  basse,  il  fut  attaché  à  la  musique 
de  la  chambre  du  roi  sous  Louis  XV,  devint  en  1757 
maître  de  musique  des  Enfants  de  France  et  plus  tard  su- 
rintendant de  la  musique  du  comte  d'Artois.  Il  écrivit, 
pour  le  théâtre  des  Petits-Appartements,  Eglé,  opéra  en 
un  acte,  en  1748;  Sylvie  (trois  actes,  1749)  ;  la  Journée 
galante  (trois  actes,  4750).  L'acte  à'Eglé  fut  joué  à 
l'Opéra  le  48  févr.  4754  et  repris  en  4760.  Lagarde  a 
publié  quinze  livres  à' Airs  à  une  et  plusieurs  voix,  trois 
livres  de  brunettes,  deux  recueils  analogues  intitulés  les 
Soirées  de  Vlsle  d'Adam,  une  cantate,  Enée  et  Bidon, 
et  quelques  autres  petites  compositions  vocales,  dont  le 
succès  fut  très  vif  au  moment  de  leur  apparition.  M.  Br. 
LAGARDE  (  Auguste-Marie-Balthazard-Charles  Pelletier  , 
comte  de),  général  et  diplomate  français,  né  à  Aspremont 
(Hautes-Alpes)  le  20  avr.  4780.  H  émigra  avec  sa  famille 
lors  de  la  Révolution  et  entra  dans  l'armée  des  princes  où 
il  servit  jusqu'en  4798.  A  sa  rentrée  en  France,  il  fut 
nommé  aide  de  camp  du  général  d'Antichamp.  Passé  en 
4806  au  service  de  la  Russie,  il  devint  général-major  en 
4844,  après  avoir  fait  contre  ses  compatriotes  la  cam- 
pagne de  4842  où  il  reçut  une  blessure  à  la  bataille  de  la 
Moskowa.  Rentré  en  France  avec  les  Bourbons,  Louis  XVIII 
le  nomma  maréchal  de  camp  le  45  févr.  4845  et  lui  donna 
le  commandement  militaire  de  Nimes.  Mais,  dans  une 
émeute  entre  catholiques  et  protestants,  il  fut  atteint  par 
un  coup  de  feu  :  cette  blessure  l'obligea  à  quitter  l'armée. 
Il  fut  alors  choisi  comme  ambassadeur  en  Bavière ,  puis 
ensuite  auprès  de  la  cour  de  Madrid.         E.  Bernard. 

LAGARDE  (Pierre),  peintre  français,  né  à  Paris  en 
déc.  4853.  Elève  de  Dubufe,  de  Mazerolle  et  de  MM.  Hum- 
bert  et  Busson,  cet  artiste,  au  sentiment  délicat  et  voilé, 
tient  dans  nos  expositions  une  place  très  personnelle.  Il  a 
exposé  :  Vallée  de  Rethondes, près  de  Compiègne{\Sl^y, 


Suzanne  au  bain  (4879)  ;  r  Education  d'un  perroquet 
(4880);  la  Vierqe  dans  le  désert  {\SSi)  ;  l'Apparition 
aux  bergers  (iSS'i);  le  Christ  et  la  Samaritaine  [iSS'd); 
la  Fin  de  la  journée  (4884);  Panneau  décoratif  ^owt 
la  salle  des  mariages  de  la  mairie  du  XV^  arrondissement 
(4  886)  ;  Vision  de  saint  Jean  de  la  Croix  (1 889);  le  Blessé 
(1890);  Jeanjie  d'Arc  (4894)  ;  Saint  Martin  (4892)  ; 
les  Voix  du  crépuscule  et  le  Soir  (1893).  E.  Bricon. 
LAGARDE  (Paul)  (V.  Judicis). 
LAGARDE  (Paul-Anton  de),  orientaliste  allemand,  né  à 
Berlin  le  2  nov.  4827.  Il  étudia  à  Berlin,  Londres  et  Paris 
(4844-52),  et  fut  professeur  à  l'université  de  Gœttingue 
(1869).  Ses  principaux  ouvrages  sont,  outre  des  poésies 
(Gœttingue,  1885)  et  des  opuscules  politiques  :  {Deutsche 
Schriften,  (1886,  2  vol.);  De  Geoponicon  versione  sy- 
riaca  (Leipzig,  1855);  Materiahen  zur  Kritik  und 
Geschichte  der  Pentateuch  (4867);  Beitrœge  zur  baktri- 
schen  Lexicographie  (1868)  ;  Onomastica  sacra  (Gœt- 
tingue, 4870, 2  vol.);  Symmicta  (1877-80);  Armenische 
Studien(iSll);  Semitica(iSlS'ld);  JËgyptiaca (4883); 
Persische  Studien  (1884),  etc.  Il  a  aussi  édité  le  texte 
syrien  des  Didascalia  apostolorum  (1854),  les  premiers 
documents  du  droit  canon  (1856),  les  Apocryphes  de  l'An- 
cien Testament  (  1 86 1  ) ,  les  Constitutions  apostoliques  (1 862), 
Clément  Romain  (1865),  les  traductions  grecque  de  la 
Genèse  (1868),  arabe  des  Evangiles  (1864),  copte  du 
Pentateuque  (1867),  chaldéenne  de  l'Ancien  Testament 
(1873),  etc.  A.-M.  B.      - 

LAGARDELLE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne, 
arr.  et  cant.  de  Muret  ;  659  hab. 

LAGARDELLE.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Cahors, 
cant.  de  Puy-l'Evêque  ;  222  hab. 

LAGARDcRE.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Gondom, 
cant.  de  Valence  ;  137  hab. 

LA  GARDIE  (Pontus  de)  (V.  Gardie). 
LAGARDIOLLE.  Com.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  de  Castres, 
cant.  de  Dourgne  ;  374  hab. 

LAGARFLIOT  (V,  Islande,  t.  XX,  p.  1010). 
LAGARIA  (Géogr.  anc).  Village  de  Lucanie,  au  N.-E. 
de  Thurii,  célèbre  par  son  viri. 

LAGARRIGUE.  Com.  du  dép.  du  Lot-et-Garonne,  arr. 
d'Agen,  cant.  de  Port-Sainte-Marie  ;  267  hab. 

LAGARRIGUE. Ch.-L  de  cant.  du  dép.  du  Tarn,  arr.de 
Castres;  461  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  du  Midi,  ligne  de 
Paris  à  Castres  et  à  Bédarieux.  Fabriques  de  bonneterie 
orientale,  de  molleton  et  flanelle. 

LA  GASGA  (Pedro  de),  homme  d'Etat  espagnol,  né  à 
Barco  de  Avila  (Castille)  en  juin  4485,  mort  à  Palencia  le 
20  août  4560.  Docteur  en  théologie  de  l'université  de  Sa- 
lamanque,  il  entra  dans  les  ordres,  devint  membre  du 
conseil  de  l'Inquisition,  puis  visitador,  et  eut  soin  de 
pourvoir  à  la  défense  des  côtes  contre  les  incursions  des 
pirates  algériens.  Sa  clairvoyance,  son  esprit  de  concilia- 
tion allié  à  une  grande  fermeté,  le  firent  choisir  par  Charles- 
Quint  comme  médiateur  dans  les  affaires  du  Pérou,  où  le 
vice-roi  Blasco  Nunez  se  trouvait  en  état  de  guerre  avec 
Gonzalo  Pizarro.  N'ayant  pas  réussi  à  obtenir  la  soumis- 
sion du  rebelle,  il  le  vainquit  dans  une  bataille  (9  avr. 
4548),  et  prit  le  gouvernement  du  pays,  qu'il  administra 
avec  une  rare  sagesse.  Le  peuple  lui  décerna  le  surnom  de 
Père  restaurateur  et  pacificateur .  A  son  retour  en  Es- 
pagne (4550),  il  reçut  l'évêché  de  Siguenza,  puis  celui  de 
Palencia.  G.  P-i. 

LAGENARIA  {LagenariaSev.)  (Bot.).  Genre  de  plantes 
de  la  famille  des  Cucurbitacées  et  du  groupe  des  Cucurbitées, 
créé  pour  le  Cucurbita  lagenaria  L.,  qui  est  devenu  le 
Lagenaria  vulgaris  Ser.  Il  est  donc  très  voisin  des  Cucur- 
bita (V.  ce  mot)  et  se  distingue  surtout  par  les  anthères 
glabres  au  sommet  avec  loges  condupliquées  et  les  feuilles 
à  pétioles  glanduleux.  Les  tiges  grêles,  rampantes,  termi- 
nées par  de  longues  vrilles  bifides,  sont  recouvertes  d'un 
duvet  feutré  visqueux  et  répandent  une  odeur  désagréable. 
Les  fleurs  sont  blanches,  à  odeur  musquée  ;  le  fruit,  de 


761  - 


LAGENARIA  —  LAGERSTROEM 


forme  et  de  volume  variables,  possède  sous  un  péricarpe 
épais  et  ligneux  une  chair  fongueuse,  blanche,  insipide  ou 
amère.  Le  L.  vulgarù  est  originaire  de  l'ancien  monde  ; 
on  le  trouve  encore  à  l'état  sauvage  dans  l'Asie  méridio- 
nale. Les  principales  variétés  en  sont  :  4°  la  Grande  Cale- 
basse d'Afrique,  presque  aussi  volumineuse  que  notre 
potiron,  avec  un  étranglement  au-dessus  du  milieu  ou  sim- 
plement rétrécie  en  goulot  ;  elle  sert,  chez  les  nègres,  à 
faire  des  vases  et  des  ustensiles  variés  ;  2^  la  Gourde-pèle- 
rine ou  Gourde-bouteille,  qu'on  utilise  dans  le  Midi  comme 
vase  à  contenir  le  vin  ;  3<*  la  Cougourde,  à  goulot  mince  ; 
4°  la  Gourde-massue  ou  Gourde-trompette  pouvant  at- 
teindre 1"^50  de  long;  o*'  la  Gourde  plate  de  Corse,  qui 
sert  souvent  sous  le  nom  de  Gourde-tabatière o^omm^hoiif^. 
tabac  ;  6<^  la  Petite  Gourde  du  Brésil  et  7*^  la  Petite 
Gourde  de  Guinée,  enfin  8*^  les  Gourdes  sauvages. 

Les  Gourdes  à  chair  amère  sont  vénéneuses  ;..  elles 
entrent  dans  la  médecine  de  l'Inde  comme  drastiques  ;  celles 
dont  la  chair  est  comestible  sont  cependant  bien  inicrieures 
à  cet  égard  aux  autres  Cucurbitacées  comestibles.  Les  graines 
de  la  gourde  en  massue  faisaient  partie  autrefois  des  quatre 
grandes  semences  froides  ;  on  leur  préfère  aujourd'hui 
celles  du  potiron  ou  du  giraumon.  D^  L.  Hn. 

LA6ÈNE  (grec  Lagynos).  Vase  antique,  sorte <le  bou- 
teille avec  ou  sans  pied  ;  elle  avait  en  général  une  anse  et 
était  entourée  d'osier  comme  le  fiascho  actuel,  usité  en 
Italie  ;  on  le  suspendait  comme  enseigne  à  la  porte  des 
débits  de  vins;  on  le  servait  à  table.  D'après  Athénée, 
c'était  aussi  une  mesure  de  capacité,  équivalant  à  42  co- 
tyles  at tiques.  ^ 

LA  G  EN  ET!  ÈRE  (Desfours  de  La)  (V.  Desfours). 

LAGER8JELKE  (Gustaf),  diplomate  suédois,  né  en 
4777,  mort  à  Stockholm  en  4837.  Petit-fils  d'Axel  La- 
gerbjelke  (4703-82)  et  fils  de  Johan-Gustaf  Lagerbjelke 
(4745-1842),  qui  tous  deux  avaient  joué  un  certain  rôle 
dans  la  marine  ou  dans  l'administration  suédoises,  le  jeune 
Gustaf  se  destina  de  bonne  heure  à  la  carrière  diploma- 
tique. Après  des  études  régulièrement  faites,  il  fut  succes- 
sivement surnuméraire,  copiste,  puis  chargé  des  procès- 
verbaux  du  collège  royal  de  la  chancellerie.  En  4796,  il 
passa  au  département  des  affaires  étrangères  et  collabora, 
quelques  années  plus  tard,  au  traité  de  la  quadruple  al- 
liance entre  la  Suède,  la  Russie,  la  Prusse  elle  Danemark. 
Il  accompagna,  comme  secrétaire  d'Etat,  le  roi  Gustave  IV 
Adolphe  pendant  son  long  voyage  en  Allemagne,  de  1 803 
à  4805,  et  fut  chargé  pendant  cette  période  de  nombreuses 
négociations  diplomatiques.  Envoyé  en  4840  à  Paris  avec 
le  comte  H.-H.  d'Essen,  pour  traiter  de  la  paix,  il  y  resta 
plusieurs  années  avec  le  titre  de  plénipotentiaire  ad 
intérim,  sans  pouvoir  jamais  obtenir  le  titre  d'ambassa- 
deur, qu'il  eût  vivement  désiré.  A  son  retour  en  Suède,  il 
vécut  d'abord  d'une  vie  très  retirée,  et  ne  rentra  dans  la 
vie  publique  qu'en  4822,  comme  directeur  du  théâtre 
royal,  charge  qu'il  conserva  jusqu'en  4827.  Il  s'occupa, 
pendant  les  dernières  années  de  sa  vie,  de  journalisme, 
écrivant,  sous  le  pseudonyme  de  Philalethes,  de  nom- 
breux articles  dans  le  S  ver  ig  es  Stadstidning ,  et  rédi- 
gea des  Mémoires  qui  ne  vont  malheureusement  que 
jusqu'en  4844,  la  mort  étant  venue  interrompre  son  tra- 
vail. Bien  vu  de  Napoléon,  il  avait  eu  cependant  avec  lui, 
au  début  de  son  séjour  en  France,  une  vive  altercation, 
qu'il  a  racontée  d'une  façon  fort  ingénieuse  dans  sa  dépêche 
au  roi  de  Suède  du  26  nov.  4840  :  il  ne  reproduit  jamais, 
dans  cette  dépêche,  ses  propres  paroles,  mais  fait  con- 
naître, par  la  citation  des  discours  de  l'empereur,  la  nature 
de  chacune  des  objections  qu'il  présentait  à  Napoléon.  C'est 
un  modèle  de  style  diplomatique.  On  a  de  lui,  outre  ses 
articles  de  journaux,  une  dissertation  sur  la  Liberté  de 
la  presse  (4  829)  et  quelques  Etudes  sur  le  théâtre  (  1 834). 
—  Son  frcre  Johan  (4778-4  8o6)  a  occupé  des  grades  élevés 
dans  la  marine  suédoise,  et  son  neveu  Gustaf,  né  en  4847,  a 
rempli  des  fonctions  politiques  importantes  et  a  été,  à  plu- 
sieurs reprises,  président  de  la  Chambre  haute.    Th.  C. 


BiBL.  :  Notice  biographique  sur  la  carrière  politique  du 
comte  Gustave  Lagerbjelke...^  écrite  par  lui-ïnôme  ;  Paris 
et  Stockholm,  1867.  —  WixNgard,  Eloge  de  Lagerbjelke, 
dans  Sv.  Ahad.  Handlg.  ;  Stockholm,  1841,  t.  XIX. 

LAGERBR1N6  (Sven),  historien  suédois,  né  à  Klinta 
(Scanie),  en  4707,  mort  à  Lund  en  4787.  Après  de  bril- 
lantes études  de  droit  qui,  en  4734  déjà,  lui  avaient  valu 
une  nomination  de  professeur  adjoint  à  la  faculté  de  droit 
de  Lund,  il  renonça  aux  recherches  juridiques  pour  se 
consacrer  tout  entier  aux  travaux  historiques  qui  devaient 
le  rendre  illustre  en  son  pays  et  le  faire  coniiaître  à 
l'étranger.  En  4743,  il  fut  nommé  professeur  d'histoire  à 
Lund  et  en  remplit  les  fonctions  jusqu'en  4770,  lise  re- 
tira alors  avec  le  titre  de  conseiller  de  la  chancellerie  royale 
accompagné  d'une  pension  que  lui  accordait  le  gouverne- 
ment pour  lui  permettre  de  continuer  ses  rechercties. 
Anobli  vers  cette  même  époque,  il  changea  son  nom  primi- 
tif de  Bri7îg  en  celui  de  Lagerbring.  Son  principal  ou- 
vrage est  une  Histoire  de  la  Suède  depuis  les  temps 
les  plus  reculés  jusqu'en  :/457  (Stockholm,  4769-83, 
4  vol.  in-4,  en  suédois).  Il  comptait  la  conduire  jusqu'à 
la  fin  du  xviri®  siècle,  mais  la  mort  l'arrêta.  Cet  ou- 
vrage, écrit  avec  lourdeur,  a  le  mérite  d'une  très  grande 
exactitude,  au  moins  à  partir  du  moyen  âge.  11  apporte  un 
très  grand  nombre  de  faits  nouveaux,  grâce  au  soin  qu'a 
pris  l'auteur  de  compulser  tous  les  actes  officiels  qui  gi- 
saient ignorés  dans  les  archives  du  royaume.  Pendant 
longtemps  on  n'a  connu  l'histoire  de  Suède  à  l'étranger, 
et  principalement  en  Erance,  que  par  la  traduction  de  son 
excellent  Abrégé  de  l'histoire  de  Suède  depuis  les  temps 
les  plus  anciens  jusqu'à  nos  jours  (Paris,  4788,  petit 
in-48,  400  p.  ;  traduction  de  N.-G.  Agander).      Th.  C. 

BiBL.  :  Engestrœm,  Eloge  de  Lagerbring,  dans  Vitt. 
Akad.  HandL.t.  IV. 

LAGERLŒF  (Petrus),  poète  et  écrivain  suédois,  né  en 
Vaermlanden  4648,  mort  à  Stockholm  en  4699.  C'est  sur- 
tout comme  orateur  et  poète  latin  que,  encore  étudiant, 
Lagerlœf  se  fit  connaître,  mais  ce  sont  ses  œuvres  sué- 
doises, élégantes  et  faciles,  qui  ont  maintenu  sa  réputation. 
De  4679  à  4684,  il  accompagna,  en  qualité  de  précepteur, 
à  travers  l'Europe  et  l'Angleterre,  un  fils  du  conseiller 
Eleming,  se  faisant  admirer  de  tous  les  savants  qu'il  ren- 
contrait, par  la  variété  et  l'étendue  de  ses  connaissances. 
A  son  retour,  il  fut  bibliothécaire  du  chancelier  G.  de 
La  Gardie  pendant  une  année,  puis  fut  nommé  successi- 
vement professeur  de  logique,  de  poésie  et  d'éloquence  à 
l'université  d'Upsal;  il  y  resta  jusqu'à  sa  nomination  d'his- 
toriographe du  royaume  en  4695,  charge  qu'il  occupa 
jusqu'à  sa  mort.  Parmi  ses  poésies  suédoises,  il  faut  citer  : 
VOde  à  Elisandra,  Ce  qu'est  l'amour  et  quelques  traduc- 
tions de  psaumes  ;  parmi  ses  œuvres  latines  :  Introductio 
brevis  ad  poësin  suecanam  et  des  parties  de  la  Suecia 
antiqua  et  hodierna.  Th.  C. 

BiBL.  :  P.  Lagerlœf,  Oraiiones,  programmata  ac  car- 
mina  varia  ;  éd.  Sam.  Alf,  Upsal,  1780. —  Du  môme,  Sam- 
ladeVitterhetsarbeten;  éd.  Hanselli,1859.— L.Norrmanni, 
Laudatio  funebris  ;  Upsal,  1699. 

LAGERLŒF  (Selma),  femme  auteur  suédoise,  née  en 
4858.  Elle  s'est  fait  connaître  par  des  récits,  où  elle  dé- 
peint avec  une  vivacité  singulière  les  mœurs  du  Vaermland 
au  commencement  de  ce  siècle  {Costa  Berling s  saga),  Elk 
a  publié  depuis,  principalement  dans  des  périodiques  [Nor- 
nan,  OrdochBild),  des  nouvelles  et  même  des  poésies  qui 
prouvent  d'une  grande  richesse  d'imagination  et  de  style  : 
Chaînons  invisibles  (iSO^;)  ;  le  Roman  de  la  femme  du 
pécheur  ;  Un  Riche  Mariage,  etc.  Th.  C. 

LAGERSTROEM  (Magnus),  écrivain  suédois,  né  à  Stettin 
en  4691,  mort  à  Goteborg  en  4759.  Il  descendait  d'une 
famille  française  dont  le  chef,  Laurent  Laurin,  quitta  la 
France  vers  la  fin  du  xvi'^  siècle.  Laurinus,  père  de  Ma- 
gnus, fut  anobli  vers  4694  et  prit  le  nom  de  Lagerstrœm. 
Magnus  reçut  sa  première  éducation  en  Allemagne  ;  il  eut 
quelque  peine  à  trouver  une  situation  régulière,  jusqu'à  ce 
qu'il  fût  nommé  en  4734,  et  grâce  à  sa  connaissance  de 
nombreuses  langues  étrangères,  secrétaire  de  la  Compagnie 


LAGERSTROEM  ■-  LAGNEAU 


—  762  — 


des  Indes  orientales,  à  Gôteborg.  Il  s'est  fait  connaître 
surtout  par  de  nombreuses  et  souvent  remarquables  tra- 
ductions, et  c'est  lui  qui  introduisit  dans  la  littérature  sué- 
doise Molière,  dont  il  donna,  en  4731 ,  Tartufe  et  l'Avare, 
et  Holberg,  dont  il  traduisit  cinq  comédies.  C'est  à  lui  qu'on 
doit  également  la  version  suédoise  du  Voyage  du  Pèlerin 
(1727)  et  de  la  Guerre  sainte  (inS)  deBunyan,  Th.  G. 

BiBL.  :  Kryger,  Eloge,  dans  K.  Vet.  Akad.,  1760.  — 
Warburg,  Holberg  i  Sverige;  Stockholm,  1884.  —  Du 
môme,  Molière  ;  Stockholm,  1884. 

LAGERSTRŒMIA  (Lagerstrœmia  L.)  (Bot.).  Genre 
de  Lythrariacées  dont  les  représentants  sont  des  arbres 
ou  arbustes  à  branches  opposées  ou  verticillées,  à  feuilles 
opposées  sur  deux  rangs,  ou  les  supérieures  alternes, 
toutes  pétiolées  et  entières.  Les  fleurs,  très  belles,  sont 
sont»  disposées  en  panicules  axillaires  et  terminales,  sou- 
vent ramifiées.  Le  réceptacle  de  la  fleur  est  concave,  les 
étamines  nombreuses  et  égales  ou  les  6  extérieures  plus 
longues,  l'ovaire  sessile  à  3-6  loges  ;  le  fruit  est  une  cap- 
sule épaisse  et  coriace,  déhiscente  en  3-6  valves  locu- 
licides  ;  les  graines  sont  ascendantes  ou  horizontales.  Les 
Lagerstrœmia  sont  originaires  des  régions  chaudes  de 
l'Asie;  le  L.  indica  L.,  de  la  section  des  Sibia  de  de 
Candolle,  belle  espèce  de  la  Chine,  de  la  Cochinchine  et  du 
Japon,  est  cultivé  dans  nos  jardins,  ainsi  que  le  L.  spe- 
ciosa  Pers.  (Munchausia  speciosa  L.)  et  d'autres  espèces 
de  la  section  Adambea,  dont  on  a  encore  fait  un  genre 
(V.  Adambé).  D^  L.  IIn. 

LA  GERVAISAIS  (Nicolas-Louis-Marie  Magon,  marquis 
de),  publiciste  français,  né  à  Saint-Servan le  d 7  juin  4765, 
mort  à  Paris  le  29  déc.  1838.  Lieutenant  aux  carabiniers 
de  Monsieur,  il  est  connu  surtout  par  sa  liaison  roma- 
nesque avec  M^^®  de  Condé  (Louise-Adélaïde  de  Bourbon), 
qui  a  donné  lieu  à  une  correspondance  des  plus  curieuses 
et  des  plus  tendres,  publiée  par  Ballanche  en  i834  et 
rééditée  par  Paul  VioUet  :  Lettres  intimes  de  ]\P^  de 
Condé  à  M.  de  La  Gervaisais  (Paris,  4878,  in-i2).  La 
Gervaisais,  qui  passa  pour  un  fou  en  Bretagne,  pour  un 
homme  du  génie  le  plus  transcendant  parmi  ses  amis,  a 
écrit  uneinfinité  de  brochures  sur  des  questions  de  finances, 
de  politique  et  de  sociologie,  où  l'on  trouve  des  considéra- 
tions profondes  et  des  vues  hardies.  Mais  elles  sont  noyées 
dans  une  phraséologie  insipide  et  ont  passé  presque  ina- 
perçues de  ses  contemporains.  Elles  ont  été  pour  la  plupart 
rassemblées  sous  le  titre  d'OEuvres  (Paris,  1833  etsaiv., 
20  vol.  in-8).  Citons  à  part  :  Une  Ame  de  Bourbon  (Pau, 
4837,  in-42)  àla  mémoire  de  la  princesse  de  Condé.  R.  S. 

BiBL.  :  Théod.  Fix,  Résumé  des  vues  économiques  de 
M.  de  La  Gervaisais  ;  Paris,  1834,  in-8.  —  Exposé  de  la 
ligne  polilique  de  M.  de  La  Gervaisais  ;  Paris,  1834,  in-8. 
—  Damas-Hinard,  Un  Prophète  inconnu;  Paris,  1850, 
in-12. 

LAGERVALL  (Jakob-Fredrik),  écrivain  finnois,  né  en 
Finlande  en  4787,  mort  en  4865.  Il  était  sergent  de  chas- 
seurs caréliens  lorsque  éclata  la  guerre,  en  4808.  A  la  fin 
des  hostihtés,  nommé  capitaine,  il  resta  dans  l'armée  jus- 
qu'en 4830,  époque  où  il  prit  sa  retraite  avec  le  grade  de 
major.  Il  se  fixa,  pour  y  rester  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie, 
dans  une  propriété  qu'il  venait  d'acquérir.  Son  œuvre  prin- 
cipale est  une  tragédie  finnoise  en  cinq  actes  :  Ruumi- 
linna,  sorte  d'imitation  de  Macbeth,  qu'il  fit  imprimer  en 
4834.  La  valeur  poétique  de  cette  tragédie  n'est  pas  très 
grande,  mais  elle  est  intéressante  au  début  d'une  littéra- 
ture qui  renaît.  Ses  autres  essais,  finnois  ou  suédois,  ont 
paru  dans  des  recueils  périodiques,  tels  que  le  Suomi, 
mais  n'ont  pas  une  grande  importance  littéraire. 

LAGERY.  Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  de  Reims, 
cant.  de  Ville-en-Tardenois  ;  302  hab. 

LAGES.  Ville  du  Brésil,  Etat  de  Santa  Catharina,  à 
495  kil.  0.  de  Desterro  ;  2,000  hab.,  fondée  par  les  Pau- 
listes  en  4774  au  milieu  des  savanes  où  paissent  d'im- 
menses troupeaux. 

LAGESSE.  Com.  du  dép.  de  FAube,  arr,  de  Bar-sur- 
Seine,  cant.  de  Chaource  ;  370  hab. 

LAGET.  Tissu  fait  d'écorces  d'arbre  que  Ton  fabriquait 


aux  Antilles.  Le  laget  a  été  quelquefois  employé  dans 
l'ameublement  à  titre  de  curiosité. 

LAGETTA  (Lagetta  L.)  (Bot.).  Genre  de  Thyméléacées, 
créé  pour  le  L.  linteariaLmik  {Daphne  lagetta  Sw.),  ar- 
brisseau des  Antilles,  à  rameaux  et  à  feuilles  alternes  et  à 
fleurs  disposées  en  épis  terminaux  simples,  connu  sous  les 
noms  vulgaires  d'Arbre  à  dentelle  ou  bois  dentelle.  Les 
couches  corticales,  situées  entre  l'aubier  et  l'écorce  exté- 
rieure, se  composent  de  fibres  entrelacées  figurant  une 
sorte  de  dentelle  et  employées  par  les  naturels,  après  ma- 
cération, à  faire  des  nattes,  des  objets  de  toilette,  etc.  La 
décoction  de  Fécorce  est  prescrite  contre  les  céphalalgies 
syphilitiques,  les  douleurs  ostéocopes,  le  rhumatisme  chro- 
nique et  la  goutte.  D"^  L.  Hn. 

LAGHOUAT  ou  EL-AGHOUAT.  Ville  d'Algérie,  prov. 
et  à  330  kil.  S.  d'Alger,  centre  d'une  oasis  du  Sahara,  à 
746  m.  d'alt.  ;  5,000  hab.  dont  une  centaine  de  Français, 
200  Juifs,  etc.  Elle  est  bâtie  sur  le  djebel  Tsigrarina,  petite 
montagne  dolomitique,  encadrant  la  vallée  supérieure  de 
l'oued  Mzi,  dont  les  eaux  retenues  par  des  barrages  irri- 
guent l'oasis.  On  compte  dans  celle-ci  environ  450,000  mau- 
vais palmiers  ;  un  millier  d'hect.  sont  cultivés  en  céréales. 
La  ville  occupe  deux  mamelons  entre  lesquels  coule  le  tor- 
rent ;  elle  est  entourée  d'une  muraille  percée  de  cinq  portes 
et  flanquée  de  deux  forts  (Bouscarin  et  Morand)  élevés  au 
sommet  des  deux  collines  ;  un  quartier  européen  a  été  cons- 
truit à  côté  de  la  cité  indigène  aux  maisons  d'argile  ou  de 
terre.  Laghouat,  dont  le  chmat  est  très  sain,  est  la  pre- 
mière étape  de  la  route  d'Alger  à  Tombouctou  et  eut  tou- 
jours une  certaine  importance  commerciale.  Elle  existait 
dès  l'antiquité,  et  ses  habitants,  Berbers  de  la  race  des 
Maghraoua,  l'occupent  depuis  l'époque  la  plus  lointaine  à 
laquelle  on  puisse  remonter.  Affaiblis  par  leurs  guerres 
civiles,  ils  furent  rarement  indépendants.  Affranchis  du 
Maroc  à  la  fin  du  xvu^  siècle,  ils  ont  été  conquis  par  la 
France.  La  prise  de  Laghouat  date  du  4  déc.  4852.  On  en 
fit  le  chef-lieu  d'un  cercle  militaire  et  on  la  relia  à  Alger 
par  une  route  carrossable. 

LA  G I  AS.  Toiles  peintes  fabriquées  aux  Indes  et  ven- 
dues en  France  sous  le  nom  de  perse  aux  xvn®  et 
xviii®  siècles.  On  appelait  lagias  du  roi  les  plus  soignées 
de  ces  toiles  peintes.  Elles  cessèrent  d'être  recherchées  au 
commencement  de  notre  siècle  après  l'invention  d'Ober- 
kampf  et  l'établissement  en  France  de  manufactures  de 
toiles  peintes. 

LAGIDES  (V,  Egypte). 

LAGIDIUM  (Zool.)  (V.  Chinchilla). 

LA  GISELIÈRE  (De)  (V.  La  Pinchère). 

LAGLEYGEOLLÉ.  Com.  du  dép.  de  la  Corrcze,  arr.  de 
Brive,  cant.  de  Meyssac  ;  689  hab. 

LAGMAN.  Magistrat  chez  les  anciens  Scandinaves,  les 
Danois  exceptés.  Le  rôle  de  ce  magistrat  est  très  divers 
suivant  les  temps  et  les  lieux.  En  Suède,  au  début,  il  y  a 
dans  chaque  province  un  lagman,  qui  doit  être  fils  de  pay- 
san et  qui  est  le  porte-parole  de  ses  concitoyens  en  toutes 
circonstances;  plus  tard,  ce  n'est  plus  qu'un  fonctionnaire 
du  roi,  et  souvent  un  grand  de  la  cour.  Le  lagman  a  dis- 
paru, en  Suède,  en  4849.  —  En  Islande,  le  lagman  suc- 
cède au  lagsagoman  (sorte  de  juge  choisi  tous  les  trois  ans), 
après  l'occupation  de  l'île  par  fes  Norvégiens,  en  4264,  et 
est  le  représentant  du  roi  de  Norvège  f  il  a  été  conservé 
jusqu'en  4800. —  En  Norvège,  le  lagman  présidait  aux  dé- 
libérations du  lagting  et  exerçait  souvent  une  réelle  in- 
fluence :  il  a  été  supprimé  en  \  797. 

LAGNA.  Rivière  de  Cochinchine,  prov.  de  Binh-thuan, 
affl.  de  g.  du  Donaï  (riv.  de  Saigon);  née  au  S.  du  mont 
Contran-yanyut,  elle  coule  vers  le  S.,  puis  vers  l'O.;  très 
abondante,  elle  est  obstruée  par  des  rapides  et  des  chutes  qui 
eiupêchent  la  navigation.  Les  éléphants  pullulent  dans  son 
bassin. 

LAGNEAU  (David)  (V.  Agneau  [David  L']). 

LAGNEAU  ou  LANNEAU,  dessinateur  pastelliste  français, 
qui  travaillait  au  commencement  du  xvii®  siècle.  Malgré  les 


—  763  - 


LAGNEAU  —  LAGNY 


recherches  de  la  critique  pioderne,  on  ne  connaît  ni  un  fait, 
ni  une  date  de  la  vie  de  Lagneau.  On  peut  à  peine  relever 
dans  les  écrits  des  amateurs  d'art  des  deux  siècles  derniers 
quelques  allusions  à  ses  œuvres.  Au  xvm^  siècle,  ses  dessins 
étaient  confondus  avec  ceux  de  Daniel  Dumonstier.  Jamais 
assimilation  de  noms  ne  fut  moins  justifiée.  Daniel  Dumons- 
tier appartient  encore,  par  son  style,  à  cette  école  des  pas- 
tellistes du  commencement  du  xvi^  siècle,  dont  le  crayon 
délicat,  la  touche  spirituelle,  sont  d'un  art  inimitable  et 
constituent  un  si  brillant  début  à  l'école  française  du 
portrait.  La  manière  de  Lagneau  est  à  la  fois  plus  dure 
et  plus  molle  :  il  se  sert  beaucoup  de  l'estompe  ;  il  noie  les 
contours  indécis  dans  le  travail  du  fondu  ;  puis  il  accentue 
les  muscles  et  les  rides  à  l'aide  du  crayon  rouge.  Il  est  le 
portraitiste  de  la  petite  bourgeoisie  et  même  du  bas  peuple 
dans  lequel  il  choisit  surtout  les  êtres  disgraciés,  qui  peuvent 
lui  fournir  une  tète  d'expression  ou  une  caricature.  Il  est 
réaliste  à  la  manière  de  certains  artistes  de  notre  temps, 
qui  ne  recherchent  la  vérité  que  dans  la  laideur.  Presque 
tous  les  crayons  de  Lagneau  exposés  au  Louvre  ne  sont 
pas  des  portraits,  au  vrai  sens  du  mot  (sauf  peut-être  le 
n°  804)  ;  il  leur  manque  le  caractère  particulier  qui  fait 
d'un  individu  une  individualité.  Deux  recueils  de  dessins, 
conservés  l'un  au  Louvre,  l'autre  au  Cabinet  des  estampes, 
montrent  Lagneau  dessinant  avec  une  certaine  verve  des 
vieilles  édentées  au  sourire  narquois,  des  gens  de  la  der- 
nière classe  de  la  société,  des  types  de  criminels. 

BiBL.  :  Reiset,  Notice  des  dessins  du  Louvre.  —  Vala- 
BRÈGUE,  Gazette  des  beaux-arts^  mars  1894. 

LAGNEAU  (Gustave-Simon),  médecin  français,  né  à 
Paris  le  48  août  1827.  Il  était  fils  d'un  médecin,  Louis- 
Vivant  (1781-4867).  Reçu  docteur  en  1833,  il  se  livra 
avec  succès  à  des  travaux  de  statistique  médicale,  d'hygiène 
publique  et  d'anthropologie,  qui  lui  ont  ouvert  les  portes 
de  l'Académie  de  médecine  en  1879.  Ses  publications  sont 
nombreuses  ;  citons  seulement  :  Maladies  syphilitiques 
du  système  nerveux  fParis,  1860,  in-8)  ;  Etude  de  sta- 
tistique anthropologique  sur  la  population  parisieime 
(Paris,  1869,  in-8);  Recherches  comparatives  sur  les 
maladies  vénériennes  dans  différentes  contrées  (Paris, 
1871,  in-8);  Considérations  médicales  et  anthropolo- 
giques sur  la  réorganisation  de  r armée...  (Paris,  1871, 
in-8)  ;  Quelques  Remarques  ethnologiques  sur  la  répar- 
tition géographique  de  certaines  infirmités  en  France 
(Paris,  1871,  in-4,  av.  pi.)  ;  Ethnogénie  des  populations 
du  N.-O.  de  la  France  (Paris,  1876,  in-8)  ;  etc. 

LAGNEL  (Antoine-Joseph),  homme  politique  français,  né 
à  Noves  (Bouches-du-Rhône)  le  8  oct.  1831.  Grand  agri- 
culteur, maire  de  Noves,  il  fit  dans  sa  région,  où  il  jouis- 
sait d'une  influence  considérable,  de  la  propagande  libérale 
sous  l'Empire  et  combattit  le  gouvernement  du  16  mai. 
Il  fut  élu  député  d'Arles  en  1889  et  réélu  en  1893,  avec 
un  programme  radical-socialiste. 

LAGNES  (Laneis).  Com.  du  dép.  de  Vaucluse,  arr. 
d'Avignon,  cant,  de  L'Isle;  946  hab.  En  1253,  Isnard  et 
Bertrand  de  Lagnes,  Pierre  de  Caseneuve  et  Guillaume  de 
Codolet  partageaient,  avec  Alphonse,  comte  de  Toulouse, 
la  seigneurie  de  Lagnes.  Le  saint-siège  acquit,  au  xiv*^  siècle, 
la  totalité  de  la  juridiction.  Cette  seigneurie  appartint  suc- 
cessivement à  de  nombreux  coseigneurs  parmi  lesquels  les 
Lagnes,  Cavalier,  Textoris,  Gardella,  Perussis,  Mondragon, 
Sinety,  etc.  Elle  appartenait,  avant  1790,  aux  Cambis 
d'Orsan,  aux  Montréal  et  aux  Nogaret. Lagnes  faisait  partie 
du  diocèse  de  Cavaillon  et  de  la  judicature  de  L'Isle.  — 
Ruines  d'un  château  féodal  du  xiv^  siècle.  L.  Del. 

LAGNEY.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr.  et 
cant.  de  Toul  ;  585  hab. 

LAGNICOURT.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr. 
d'Arras,  cant.  de  Marquion  ;  597  hab. 

LAGNIET  (Jacques),  graveur  et  éditeur  français  du 
xvii^  siècle.  Railleur  impitoyable,  caricaturiste  de  talent, 
quoique  graveur  un  peu  rude,  il  mit  en  lumière  une  foule 
d'estampes,  devenues  rarissimes,  et  d'un  intérêt  rétrospec- 


tif considérable  pour  l'étude  des  mœurs  et  des  idées  popu- 
laires. On  lui  doit,  en  outre,  plusieurs  séries  d'estampes  sa- 
tiriques ou  amusantes,  telles  que  :  Recueil  des  plus  illustres 
proverbes  (1657-63,  3  part,  in-4)  ;  la  Vie  de  Tiel  Wles- 
piegle;  l' Esbattement  moral  des  animaux;  les  Adven- 
tures  du  fameux  Don  Quixote^  etc.  G.  P-i. 

LAGNIEU.  Ch.-I.  de  cant.  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de 
Belley;  2,488  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  P.-L.-M., 
ligne  d'Ambérieu  à  Montalieu.  Tanneries  et  distilleries, 

LAGNY.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Compiègne, 
cant  de  Lassigny  ;  608  hab. 

LAGNY  (Latmiacum).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de 
Seine-et-Marne,  arr.  de  Meaux,  sur  la  rive  gauche  de  la 
Marne;  4,621  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  de  l'Est  (ligne  de 
Paris  à  Avricourt).  Foires  le  3  févr.,  le  1^^'  dimanche  de 
juillet  et  le  30  nov.  Lagny  doit  son  nom  à  un  person- 
nage gallo-romain  appelé  Latinius,  mais  son  origine  et  son 
importance  historique  à  l'abbaye  qu'y  fonda  au  vi®  siècle 
un  moine  irlandais,  saint  Fursy,  sur  des  terrains  que  lui 
avait  donnés  Erchinoald,  maire  du  palais  de  Clovisll,  et  qui 
devint  par  la  suite  l'une  des  plus  considérables  de  la  ré- 
gion. Au  xiii^  siècle,  la  ville  fut  fortifiée;  elle  comptait  alors 
trois  paroisses  :  Saint-Sauveur,  Saint-Paul  et  Saint-Fursy, 
un  hôtel-Dieu  ;  en  outre,  deux  communautés  de  bénédic- 
tines y  furent  fondées  au  xvii®  siècle.  Elle  subit,  dans  le 
cours  des  siècles,  bien  des  calamités  :  un  incendie  en  1157  ; 
une  avalanche  de  grêle  grosse  comme  le  poing,  disent  les 
chroniqueurs,  en  1176;  un  nouvel  incendie  en  1184,  puis 
les  malheurs  des  guerres  du  xiv®  au  xvi®  siècle  et  no- 
tamment le  pillage  de  toutes  ses  maisons,  en  nov.  1544, 
par  les  troupes  du  maréchal  de  Lorge,  pour  réprimer  une 
rébellion  des  habitants  ;  d'où  le  dicton  célèbre,  que  Ton  ne 
s'entend  encore  pas  volontiers  à  Lagny,  sur  «  le  prix  de 
l'orge  ».  Lagny  joua  un  grand  rôle  dans  le  siège  de  Paris 
(1870-71);  c'était  la  tète  de  la  seule  voie  ferrée  reliant 
l'armée  allemande  à  sa  base  d'opérations.  L'église  de  l'ab- 
baye, dédiée  à  saint  Pierre,est  devenue,  depuis  la  Révolu- 
tion, la  seule  église  paroissiale  de  la  ville  ;  c'est  un  curieux 
édifice  du  xni®  siècle,  quoique  inachevé  et  qui  renferme  un 
grand  nombre  d'inscriptions  anciennes.  Les  bâtiments  claus- 
traux, reconstruits  au  temps  de  Louis  XIV,  servent  main- 
tenant d'hôtel  de  ville.  On  remarque  aussi  à  Lagny  une  fon- 
taine datant  du  xiii®  siècle;  c'est  celle  dans  laquelle  on  im- 
mergeait jadis  les  imprudents  qui  avaient  fait  allusion  au 
prix  de  l'orge  de  Lagny.  F.  B. 

Concile  de  Lagny-en-Brie.—  Concilium  latinia- 
censé.,  tenu  en  1142.  On  y  excommunia  Raoul,  comte  de 
Vermandois,  qui  avait  épousé  Pétronille  d'Aquitaine,  du 
vivant  de  sa  femme  Eléonore  de  Champagne. 

BiBL.  :  Lebeuf,  Hist.  du  diocèse  de  Paris^i.  IV,  pp.  543- 
565  de  redit,  do  1883.  —  De  Guilhermy,  Inscript,  de  Van- 
cien  diocèse  de  Paris,  t.  IV,  pp.  515-532,  et  les  ditïerents 
travaux  sur  la  Brie, 

LAGNY-le-Sec.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Senlis, 
cant.  de  Nanteuil-le-Haudouin  ;  350  hab. 

LAGNY  (Thomas  Fantet  de),  mathématicien  français, 
né  à  Lyon  le  7  nov.  1660,  mort  à  Paris  le  12  avr.  1734. 
Destiné  au  barreau  par  ses  parents,  il  fut  de  bonne  heure 
entraîné  par  le  goût  des  mathématiques  et,  dès  l'âge  de 
dix-huit  ans,  venait  à  Paris  se  consacrer  à  les  approfondir. 
Entré  à  l'Académie  des  sciences  en  1695,  après  avoir  pu- 
blié ses  Méthodes  nouvelles  et  abrégées  pour  f extrac- 
tion et  V approximation  des  racines  (1691),  il  composa 
un  grand  nombre  de  mémoires  qui  sont  insérés  dans  le 
recueil  de  l'Académie  et  qui  concernent  en  général  la 
théorie  des  équations.  Il  a  donné,  en  outre,  de  Nouveaux 
Eléments  d'arithmétique  et  d'algèbre  (1697),  puis, 
pendant  une  période  où  il  fut  professeur  d'hydrographie  à 
Rochefort,  une  Cubature  de  la  sphère  (La  Rochelle, 
1702),  et  une  Arithmétique  nouvelle  (binaire)  (1703). 
Son  Analyse  générale  des  méthodes  nouvelles  pour 
résoudre  les  problèmes  ne  parut  qu'en  1733,  après  sa 
mort.  Rappelé  à  Paris  en  1716  comme  sous-directeur  de 
la  banque  de  Law,  il  y  resta,  après  la  chute  du  système, 


LAGNY  —  LAGOS 


—  764 


comme  conservateur  de  la  bibliothèque  du  roi.  Ses  ouvrages 
offrent  encore  quelque  intérêt  pour  les  méthodes  d'approxi- 
mation et  d'abréviation  ;  son  caractère  est  dépeint  comme 
plein  de  simplicité  et  de  modestie.  C'est  de  lui  que  l'on 
raconte  qu'au  moment  de  sa  mort,  lorsqu'il  ne  reconnais- 
sait plus  les  assistants,  Maupertuis  lui  ayant  demandé  le 
carré  de  12,  il  répondit  aussitôt  :  144.  Il  était  membre 
de  la  Société  royale  de  Londres.  T. 

LAGOA-DouRADA. Bourg  du  Brésil,  Etat  deMinas  Geraes, 
à  80kil.  S.-O.  d'Ouro  Preto,  à  la  place  d'un  ancien  lac  dont 
les  terres  aurifères  furent  exploitées  par  les  Paulistes. 

LAGOA  Santa.  Ville  du  Brésil,  Etat  de  Minas  Geraes, 
à  90  kil.  N.  d'Ouro  Preto  ;  4,000  hab.  Elle  s'élève  au  N.-E. 
d'un  petit  lac  alimenté  par  des  sources  minérales- 

IkGOÈClE (Lagoecta  L.)  (Bot.).  Genre  d'Ombellifères- 
Saniculées,  dont  l'unique  espèce,  L.  cuminoidesh.^  encore 
appelée  Cumin  bâtard,  habite  la  région  méditerranéenne, 
la  Grèce  et  l'Orient.  C'est  une  herbe  à  ovaire  uniloculaire, 
par  a  vertement  de  l'une  des  loges,  à  feuilles  pennées,  à 
ombelles  simples  et  à  bractées  pectinées.  Elle  possède  une 
odeur  légèrement  aromatique  et  a  les  usages  du  cumin. 

LAGOMYS  (Zool.)  (V.  Lièvre). 

LAGON  (Mar.).  Nom  donné  au  petit  lac  intérieur  des  îles 
de  formation  madréporique  (V.  Atoll). 

LAGON  EGRO.  Ville  d'Italie,  ch.-l.  de  district  de  la  prov. 
de  Potenza,  à  la  source  du  Tanagro  ou  Negro;  4,000  hab. 
Commerce  actif. 

LAGONL  Terme  appliqué  en  Toscane  aux  bassins  où  se 
fait  la  condensation  des  vapeurs  chaudes  dégagées  sous  la 
forme  de  souflai-ds,  c.-à-d.  de  jets  persistants  s'élançant 
avec  bruit  par  groupes,  des  fentes  du  sol,  à  des  hauteurs 
de  10  à  30  m.  (V.  Souflard  et  Volcan). 

LAGOPÈDE  (Ornith.) .  Les  Lagopèdes  [Lagopus  Brisson , 
Ornilh.,  1760)  sont  des  Gallinacés  propres  aux  régions 
froides  et  tempérées  des  deux  mondes.  Ils  appartiennent  à 
la  famille  des  Tétraonidés  dont  la  Gelinotte  et  le  Coq  des 
bruyères  (V.  ces  mots  et  Tetra)  sont  des  représentants 
bien  connus  et,  par  leurs  proportions  comme  par  leur  aspect 
extérieur,  rappellent  un  peu  les  Perdrix  ;  aussi  les  désigne- 
t-on  parfois  sous  le  nom  de  Perdrix  de  neiges  ;  toutefois 
ils  se  distinguent  facilement  par  leur  tête  aplatie,  leur  bec 
naturellement  court  et  encore  caché  en  partie  sous  les 
plumes  frontales,  leurs  yeux  surmontés  d'un  espace  dé- 
nudé et  coloré  en  rouge,  leurs  pattes  emplumées,  leurs 
ongles  obtus  et  creusés  en  gouttière  sur  leur  face  infé- 
rieure, leur  plumage  serré  et  sujet  à  de  grandes  variations 
de  couleur  et  d'aspect  suivant  les  saisons.  Ainsi  la  robe 
des  Lagopèdes,  qui  est  variée  de  brun,  de  gris,  de  foncé 
ou  de  roux  marron  di*rant  la  belle  saison,  se  décolore 
presque  toujours  pendant  la  saison  froide  et  devient  même 
parfois  entièrement  blanche  ou  à  peine  marquée  de  quel- 
ques traits  noirs.  D'autre  part,  les  plumes  qui  garnissent 
les  doigts  deviennent  en  automne  beaucoup  plus  fournies 
et  donnent  à  l'extrémité  de  la  patte  une  certaine  ressem- 
blance avec  une  patte  de  Lièvre.  C'est  même  à  cette  parti- 
cularité que  les  Lagopèdes  doivent  leur  nom  générique. 

Une  épaisse  couche  de  duvet  protège  ces  oiseaux  contre 
les  rigueurs  du  climat  des  régions  montagneuses  ou  bo- 
réales. Aussi  les  Lagopèdes  peuvent-ils,  sans  inconvénient, 
résider  durant  toute  l'année  dans  les  mêmes  contrées  et  se 
contenter  tout  au  plus  de  changer  de  canton,  au  lieu  d'ef- 
fectuer, comme  tant  d'autres  oiseaux  du  Nord,  de  lointaines 
migrations.  Ils  nichent  à  terre,  dans  une  dépression  du  sol, 
et  pondent  des  œufs  d'un  jaune  foncé,  très  fortement  ma- 
culés de  taches  d'un  brun  foncé,  parfois  assez  larges  et 
assez  serrées  pour  cacher  la  teinte  du  fond.  Les  œufs  sont 
au  nombre  de  sept  à  douze  par  couvée.  Les  petits  naissent 
couverts  d'un  duvet  brun,  noir  et  fauve,  et  courent  presque 
immédiatement  après  leur  sortie  de  l'œuf. 

Les  Lagopèdes  sont  d'humeur  sociable  et  vivent  en  pe- 
tites familles  depuis  l'automne  jusqu'à  l'époque  de  la  pa- 
riade.  Ils  sont  monogames  comme  les  Pigeons  et,  sous  ce 
rapport,  diffère  des  autres  Gallinacés. 


Le  genre  Lagopus  comprend  plusieurs  espèces,  savoir  : 
1*^  le  Lagopède  d'Ecosse  (Lagopus  seoticus  Lath.)  ou 
Grouse,  qui  habite  les  parties  montagneuses  de  l'Angle- 
terre et  de  l'Islande,  ainsi  que  lesOrkneys  et  les  Hébrides 
et  qui  porte  alternativement  une  livrée  rougeâtre  et  une 
Hvrée  pie,  c.-à-d.  variée  de  blanc,  de  brun  et  de  noir  ; 
2°  le  Lagopède  blanc  (Lagopus  albus  Gm.),  propre  aux 
régions  boréales  de  l'Europe,  de  l'Asie  et  de  l'Amérique  et 
ayant  en  hiver  le  plumage  entièrement  blanc,  sauf  sur  les 
pennes  caudales  ;  3°  le  Lagopède  muet  (Lagopus  muius 


Lagopède  des  Alpes. 

Mont.),  appelé  aussi  Lagopède  des  Alpes  on  Ptarmig an, 
qui  se  trouve  non  seulement  dans  les  Alpes,  mais  dans  les 
Pyrénées,  en  Russie,  en  Norvège  et  qui  se  distingue  en 
hiver  par  la  présence  d'une  tache  noire  sur  les  côtés  de  la 
tête  ;  4*^  le  Lagopède  de  rochers  (Lagopus  rupestris 
Leach)  habitant  l'Irlande,  le  Grœnland,  Terre-Neuve,  les 
îles  Aléoutiennes  et  le  N.-E.  de  l'Asie;  5^  le  Lagopède 
hyperboréen  (L.  hyper bor eus  Malm.)du  Spitzberg  ;  6^  le 
Lagopède  à  queue  blanche  (L.  leucurus  Sw.  et  Rich.)  des 
montagnes  Rocheuses. 

Quelques-unes  de  ces  espèces  se  croisent  entre  elles  ou 
avec  divers  Tétras.  E.  Oustalet. 

BiBL.  :  D.-G.  Elliot,  A  Monograph  of  the  Tetraonidœ, 
1865,  in-fol.  avec  pi.  —  Degland  et  Gerbe,  Ornith.  europ., 
1867,  t.  II,  p.  33,  2«  éd.—  Ogilvie  Grant,  Cat.  of  the  Birds 
in  the  Drit.  Muséum,  1893,  t.  XII,  p.  134. 

LAGOPHTALMIE  (Ophtalm.)  (V.  Paupière). 

LAGOR.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées, 
arr.  d'Orthez  ;  977  hab.  ' 

LAGORCE.  Com.  du  dép.  del'Ardèche,  arr.  de  Largen- 
tière,  cant.  de  Vallon  ;  4,390  hab. 

LAGORCE.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Li- 
bourne,  cant.  de  Guîtres;  d,440  hab. 

LAGORCH ESTES  (Zool.)  (V.  Kangourou). 

LAGORD.  Com.  du  dép.  delà  Charente-Inférieure,  arr. 
et  cant.  de  La  Rochelle  ;  860  hab. 

LAGOS.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  de 
Pau,  cant.  de  Nay-Est;  396  hab. 

LAGOS.  Ville  maritime  du  Portugal  méridional  (Algarve), 
district  et  k  65  kil.  0.  de  Faro,  à  l'E.  du  cap  Sào  Vicente; 
8,000  hab.  Elle  possède  un  port  de  cabotage  actif  sur  une 
baie  admirable  formée  au  S.-O.  par  la  Ponta  da  Piedade  et 
où  se  jette  la  Ribeira  de  Bensafrim.  Climat  très  doux  en 
hiver.  Pêcheries  de  thons  et  de  sardines.  Exportation  de 
vin  et  de  fruits.  On  y  remarque  des  églises  curieuses  et  un 
long  aqueduc  sur  un  bras  de  mer.  Elle  a  succédé  à  l'an- 
tique Lacobriga. 

LAGOS.  Ville  maritime  de  la  Guinée,  sur  la  côte  des  Es- 
claves, ch.-l.  d'une  colonie  anglaise,  à  PO.  de  l'île  Aouani 
ou  Kouramo,  entre  l'Océan  et  la  lagune  de  Kradou,  à  l'em- 
bouchure de  rOgoun  (fleuve  du  Yorouba)  ;  40,000  hab. 
(85,000  pour  le  district  entier),  dont  une  centaine  de 
l3lancs.  La  barre  oblige  les  navires  à  mouiller  au  large. 
Le  commerce  n'en  est  pas  moins  considérable.  Le  mouve- 
ment de  la  navigation  en  1892  atteignait  680,000  tonnes; 
la  valeur  des  échanges  43  millions  de  fr.  aux  importations, 
14  1/2  aux  exportations.  Les  recettes  de  la  colonie  étaient 
de  1,700,000  fr.,  les  dépenses  de  2,175,000  fr.  Sur  la 


-  765  - 


LAGOS  -  LA  GRANGE 


géographie  générale,  V.  Côte  des  Esclaves  (t.  XII,  p.  d  480- 
82). 

LAGOS  DE  MoRENo.  Ville  du  Mexique,  Etat  de  jalisco, 
à  4,900  m.  d'alt.  ;  20,000  hab.  ;  lamages,  cotonnades, 
ateliers  de  ch.  de  fer.  Le  municipe  a  45,000  hab. 

LAGOS  (San  Juan  de  los)  (V.  San  Juan). 

LAGOSTA  (slave  Lahosio).  Ile  de  Dalmatie,  au  S.  de 
Curzola;  elle  a  28  kii.  de  tour;  4,200  hab.  Vin,  huile, 
pêcherie;  plusieurs  ports,  phare;  grande  cavernes  à  sta- 
lactites. 

LAGOSTOME  (Zool.)  (V.  CmNcmLLÂ). 

LAGOTIS  (Zool.)  (V.  Chinchilla). 

LAGOTRICHE  (Lagothrix)  (Zool.).  Genre  de  Singes 
américains,  de  la  sous-famille  des  Cébiens  (V.  ce  mot), 
qui  diffère  des  Atèles  et  des  Eriodes  (V.  ces  mots),  dont 
ils  sont  voisins,  par  leurs  formes  plus  robustes,  leurs 
membres  mieux  proportionnés  et  leur  pelage  laineux  ;  le 
pouce  est  bien  développé  et  la  queue  est  nue  en  dessous, 
à  son  extrémité.  Ce  dernier  caractère  et  la  nature  du  pelage 
les  distinguent  également  des  Sajous  {Cebus)  qui  n'ont 
pas  le  pelage  laineux.  Comme  les  Ériodes  auxquels  ils  res- 
semblent par  ce  dernier  caractère,  ils  ont  les  ongles  com- 
primés, mais  leurs  narines  sont  beaucoup  plus  écartées 
l'une  de  l'autre,  et  leurs  formes  ramassées  contrastent  avec 
celles  des  Singes-Araignées  (Atèles  et  Eriodes).  La  taille  est 
généralement  assez  forte  pour  le  groupe  auxquels  ils  ap- 
partiennent et  les  couleurs  sont  assez  variables.  Ces  Singes 
habitent  les  forêts  du  Brésil  où  les  indigènes  les  désignent 
sous  le  nom  de  Barrigudos  et  les  recherchent  pour  se 
nourrir  de  leur  chair.  Les  Lagolriches  sont  exclusivement 
frugivores,  et  leurs  mouvements  sont  assez  lents.  On  en  a 
distingué  cinq  à  six  espèces,  dont  la  mieux  connue  est  le 
Lagothrix  Humboldti  qui  habite  la  vallée  de  l'Amazone 
(V.  Sajou).  E.  Trouessart. 

LA  GOUPILLIÈRE  (V.  Haton  de  La  Goupillière). 

LAGOURNERIE  (Maillard  de)  (V.  Gournerie). 
^  LAGOUT  (François-Edouard),  ingénieur  et  mathémati- 
cien français,  né  à  Aigueperse  (Puy-de-Dôme)  le  8  sept. 
4  820,  mort  à  Nogent-sur-Aube  (Aube)  le  48  déc.  4884. 
Sorti  en  4845  de  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées  et  envoyé 
d'abord  en  Algérie  (4846-48),  il  passa  en  4853  au  service 
de  la  Compagnie  des  chemins  de  fer  du  Midi,  en  1857  à 
celle  des  chemins  de  fer  romains  et  s'occupa  dès  cette  époque 
de  résoudre  par  des  formules  mathématiques  les  questions 
d'esthétique.  Il  publia  dans  cet  ordre  d'idées  :  Esthétique 
nombrée  (Paris,  4864-63,  2  vol.  in-8);  VEquation  du 
Beau  (Paris,  4873,  in-8,  3«  édit.).  Il  rechercha  ensuite 
les  moyens  de  faire  comprendre  et  retenir  rapidement  par 
des  personnes  étrangères  à  la  géométrie  les  règles  de  la  me- 
sure des  surfaces  et  de  la  cubature  des  solides  ;  il  fut  ainsi 
amené  à  imaginer  la  tachymétrie  (V.  ce  mot),  qui  ne  vaut, 
en  somme,  que  comme  méthode  approximative  de  mesu- 
rage,  car  elle  laisse  beaucoup  à  désirer  comme  méthode 
d'enseignement.  Elle  se  trouve  exposée  dans  plusieurs  ou- 
vrages de  son  inventeur  :  Panorama  de  la  géométrie  (Pa- 
ris, 4 872, in-8  ;  3^  éd.,  4873);  Tachymétrie  (Paris,  4874, 
in-8)  ;  Méthode  tachy métrique  (Paris,  i  875, in-8, 2^^  éd.)  ; 
Vade-mecum  takymétrique  (Paris,  4 879, in-8);  Taky- 
technie  (Paris,  4884-84,  3  vol.  in-8).  Edouard  Lagout, 
qui  était  rentré  en  4862  au  service  de  l'Etat,  fut  chargé 
en  4876  par  le  ministère  des  travaux  publics  d'enseigner 
sa  nouvelle  méthode  et  de  la  répandre  en  formant  des  pro- 
fesseurs. Il  fut  promu  en  4877  ingénieur  en  chef  et  il  con- 
sacra à  la  diffusion  de  la  tachymétrie  le  reste  de  sa  vie.  II 
a  écrit,  outre  les  ouvrages  déjà  cités,  de  nombreux  mé- 
moires parus  dans  divers  recueils  et  journaux.      L.  S. 

LAGOY  {Lagodunis).  Château  de  la  com.  de  Saint- 
Remy  (Bouches-du-Rhône),  jadîs  ch.-l.  d'un  marquisat 
appartenant  à  la  famille  de  Meyran. 

LA  GRÂCE-DIEU.  Com.  du  dép.  delà  Haute-Garonne, 
arr.  de  Muret,  cant.  d'Auterive,  sur  le  Rosé  ;  430  hab. 
Eglise  de  l'ancien  prieuré  de  La  Grâce-Dieu,  renfermant  le 


tombeau  de  Sicard  de  Miremont  (4280),  surmonté  de  sa 
statue. 

LAGRAND.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Alpes,  arr.  de 
Gap,  cant.  d'Orpierre;  247  hab. 

LAGRANDIÈRE  (Pierre-Paul-Marie  de),  amiral  fran- 
çais, né  le  28  juin  4807,  mort  à  Quimper  le  25  août  4876. 
Nommé  après  de  longs  services  capitaine  de  vaisseau 
(4849),  il  prit  part  pendant  la  guerre  de  Crimée  à  l'expé- 
dition du  Kamtchatka.  Ses  opérations  sur  les  côtes  d'Italie 
(4859)  et  de  Syrie  (4866-64)  lui  valurent  le  grade  de 
contre-amiral  (24  déc.  4861).  Préfet  maritime  de  Cher- 
bourg (4862),  vice-amiral  hors  cadre  (4865),  il  agrandit 
de  trois  provinces  en  4867  les  possessions  françaises  de 
Cochinchine  dont  il  était  commandant  en  chef. 

LAG RANGE.  Com.  du  dép.  des  Landes,  arr.  de  Mont- 
de-Marsan,  cant.  de  Gabarret;  524  hab. 

LAGRANGE.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr. 
de  Bagnères-de-Bigorre,  cant.  de  Lannemezan  ;  240  hab. 

LAGRANGE.  Com.  du  territoire  de  Belfort,  cant.  de 
Fontaine  ;  68  hab. 

LA  GRANGE  (Claude  de),  historien  calviniste  de  la  fin 
du  xvi«  siècle.  Citons  de  lui  :  Lib.  III  de  secundo  bello 
civili  (Montauban,  4569,  in-8)  ;  Comment,  de  bello 
melitensi  a  Solymanno  gesto  (4582,  in-4)  ;  Discours 
du  siège  de  Villemur  et  Défaite  et  mort  du  maréchal 
de  Joyeuse  (dans  Mémoires  de  la  Ligue), 

LA  GRANGE  (Charles  Varlet,  sieur  de),  comédien 
français,  né  vraisemblablement  en  4639,  mort  à  Paris  le 
4^'"  mars  4692.  Il  fut  l'ami,  le  confident  et  en  quelque  sorte 
l'homme  de  confiance  de  Molière,  qui  avait  bien  placé  sa 
confiance.  Resté  orphelin  de  bonne  heure,  dépouillé,  ainsi 
que  son  frère  et  sa  sœur,  de  son  patrimoine  par  un  tuteur 
peu  scrupuleux,  Charles  Varlet  prit  fort  jeune  le  parti  du 
théâtre,  où  il  adopta  le  nom  de  La  Grange,  qui  était  celui 
de  sa  mère.  Il  commença  par  s'engager  dans  quelques 
troupes  de  campagne,  comme  on  disait  alors,  et  c'est  ainsi 
qu'il  connut  Molière  en  province.  Il  vint  à  Paris  avec  lui, 
lorsque  le  grand  homme  s'installa  au  Petit-Bourbon,  débuta 
sur  ce  théâtre  en  avr.  4659,  et  suivit  naturellement  la 
troupe  lorsqu'elle  s'établit  solidement  au  Palais-Royal. 
Doué  d'un  physique  agréable  et  distingué,  de  taille  suffi- 
sante sans  être  très  élevée,  La  Grange  réunissait  toutes 
les  qualités  d'un  excellent  comédien  dans  l'emploi  des 
amoureux,  qu'il  joua  jusque  dans  un  âge  assez  avancé.  Mo- 
lière avait  pour  son  talent  autant  d'estime  que  pour  sa 
personne,  et  ce  qui  le  prouve,  c'est  qu'il  lui  confia  des  rôles, 
et  fort  importants,  dans  vingt-neuf  de  ses  ouvrages.  C'est 
ainsi,  entre  autres,  que  La  Grange  établit  ceux  de  Lélie 
dans  rEtourdi  et  dans  Sganarelle,  de  Valère  dans  l'Ecole 
des  maris  et  Tartufe,  d'Horace  dans  l'Ecole  des  femmes, 
de  don  Juan  dans  Don  Juan,  d'Adraste  dans  le  Sicilien, 
de  Cléante  dans  f  Avare  et  dans  le  Malade  imaginaire, 
de  Clitandre  dans  George  Dandin  et  dans  les  Femmes  sa- 
vantes, d'Amphitryon  dans  Amphitryon,  de  Léandredans 
les  Fourberies  de  Scapin. 

La  Grange  avait  la  parole  facile  et  élégante.  Aussi  Mo- 
lière, six  ans  avant  sa  mort,  se  déchargea-t-il  sur  lui  des 
fonctions  d'orateur  de  la  troupe,  ces  fonctions  qui  consis- 
taient à  venir  faire  chaque  soir  au  public  l'annonce  du 
prochain  spectacle  et  à  prononcer,  lors  de  la  fermeture  et 
de  la  réouverture  de  Pâques,  les  compliments  de  clôture  et 
de  rentrée.  A  la  mort  de  Molière,  et  quand  sa  troupe  fut 
réunie  à  celle  de  la  rue  Guénégaud,  La  Grange  cessa  de 
jouer  dans  la  tragédie,  et  s'en  tint  uniquement'^à  ses  rôles 
de  comédie;  il  fut  conservé  aussi  lors  de  la  réunion  de 
cette  dernière  avec  celle  de  l'Hôtel  de  Bourgogne,  en  4680, 
et  l'on  savait  qu'il  s'acquittait  si  bien  de  la  tâche  d'ora- 
teur, qu'on  le  pria  alors  de  remplacer  Hauteroche  en  cette 
qualité.  C'est  à  La  Grange  qu'on  doit  les  renseignements  les 
plus  détaillés  et  les  plus  précis  sur  la  troupe  de  Molière, 
grâce  au  «  registre  »  quotidien  qu'il  tenait  avec  le  soin  le 
plus  scrupuleux.  Spectacles  de  chaque  jour,  recettes  quo- 
tidiennes, frais  et  dépenses  ordinaires  ou  extraordinaires, 


LA  GRANGE 


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menus  faits  de  tout  genre,  on  trouve  tout  dans  ce  registre 
précieux,  à  partir  de  l'établissement  définitif  de  Molière 
à  Paris  jusqu'en  1685.  Ce  document  inappréciable  pour 
l'histoire  de  Molière  lui-même  et  de  notre  théâtre,  a  été 
publié,  précédé  d'une  excellente  notice  d'Edouard  Thierry, 
sous  ce  titre  :  «  Registre  de  La  Grange  (1658-85),  pré- 
cédé d'une  notice  biographique.  Pubhé  par  les  soins  de  la 
Comédie-Française,  janv.  4876  (Paris,  impr.  J.  Claye, 
in~4).  »  C'est  aux  soins  de  La  Grange  aussi  et  de  Vinot, 
autre  ami  de  Molière,  qu'on  doit  la  première  édition  col- 
lective des  œuvres  du  grand  homme  (1682),  édition  com- 
prenant sept  pièces  qui  n'avaient  encore  jamais  été  impri- 
mées et  dont  la  préface  contenait  sur  lui  des  détails 
particulièrement  intéressants.  —  La  Grange  avait  eu,  de 
son  mariage  avec  Marie  Ragueneau,  une  fille  unique  qu'il 
adorait,  et  qu'il  eut  la  douleur  d'unir  à  un  homme  qui  la 
rendait  malheureuse.  Arthur  Pougin. 

LA  GRANGE  (Marie  Ragueneau,  dame),  actrice  fran- 
çaise, morte  le  2  ou  le  3  févr.  1727,  femme  du  précédent. 
Elle  avait  été,  dit-on,  sous  le  nom  de  Marotte,  femme  de 
chambre  de  l'adorable  M^^^  de  Brie,  l'amie  et  la  confidente 
de  Molière.  ,Elle  entra  dans  la  troupe  du  grand  homme 
pour  jouer  les  duègnes  et  les  caractères,  passa,  à  sa  mort, 
dans  celle  de  la  rue  Guénégaud,  fut  conservée  lors  de  la 
réunion  de  cette  dernière  à  celle  de  l'Hôtel  de  Bourgogne, 
et  prit  sa  retraite  en  1692  avec  la  pension  ordinaire  de 
1,000  livres.  M"^®  La  Grange  ne  jouait  point  dans  la  tra- 
gédie. Elle  était  fort  laide  d'ailleurs,  et  son  physique  ne  la 
faisait  supporter  que  dans  la  comédie  et  dans  les  rôles  ri- 
dicules. Elle  établit  d'original  ceux  de  M*^®  Patin  dans  le 
Chevalier  à  la  mode  y  de  Dorimène  dans    le  Triomphe 
des  dames,  et  de  Céphise  dans  la  Coquette,  de  Baron. 
LA  GRANGE  (Rivet  de)  (V.  Rivet  de  Lagrânge). 
LAGRANGE   (Joseph- Louis),    illustre    mathématicien 
français,  né  à  Turin  le  25  janv.  1726,  mort  à  Paris  le 
10  avr.  1813.  Sa  famille  était  d'origine  française  ;  son 
père,  trésorier  des  guerres  du  roi  de  Sardaigne,  lui  fit 
faire  ses  études  au  collège  de  Turin  où  son  aptitude  pour 
les  mathématiques  ne  se  révéla  que  lorsqu'il  avait  seize 
ans.  Mais,  deux  ans  après,  il  était  déjà  un  maître,  obtenait 
la  place  de  professeur  à  l'Ecole  d'artillerie  de  Turin,  tandis 
qu'il  entrait  en  correspondance  avec  Fagnano  et  Euler  et 
inventait  le  calcul  des  variations.  Il  fondait  bientôt  la 
société  savante  qui  devint,  en  1784,  l'Académie  royale  de 
Turin  et  dont,  grâce  à  lui,  les  Mémoires,  à  partir  de  i  759 
(à'sihordMiscellanea  Taurinensia),  eurent  im  succès  pro- 
digieux. En  1764,  il  remportait  le  prix  proposé  par  l'Aca- 
démie des  sciences  de  Paris  sur  la  libration  de  la  lune  ; 
dans  ce  Mémoire  il  développa  le  principe  des  vitesses  vir- 
tuelles dont  il  devait  faire  la  base  de  sa  Mécanique 
analytique  (1788).  En  1766,  il  obtint  le  même  succès 
sur  la  question  proposée  d'une  théorie  des  satellites  de 
Jupiter.  Le  6  nov.  de  la  même  année,  il  accepta  de  rem- 
placer Euler  comme  directeur  de  l'Académie  de  Berlin, 
dont  il  était  membre  depuis  1759.  Il  occupa  cette  place 
pendant  vingt   ans,  puis,  sur  des  offres  honorables  du 
gouvernement  de  Louis  XYI,  vint  se  fixer  en  France  avec 
le  titre  de  pensionnaire  vétéran  de  l'Académie  et  un  loge- 
ment au   Louvre.  Après  avoir   publié   sa    Mécanique, 
œuvre  capitale  à  laquelle  il  avait  travaillé  depuis  son  ar- 
rivée à  Berlin,  il  perdit  pendant  quelque  temps,  par  un 
phénomène  singuher,  le  goût  des  mathématiques,  et  occupa 
ses  loisirs  de  questions  philosophiques  ou  scientifiques 
d'ordre  général.  Pendant  la  Révolution,  il  s'attacha  à 
l'établissement  du  système  décimal  et  présida  la  commis- 
sion chargée  de  cette  réforme.  Lors  de  la  suppression 
des  académies,  il  fut  nommé  administrateur  de  la  Monnaie 
et  membre  du  bureau  de  consultation  chargé  de  récom- 
penser les  inventions  utiles.  Pendant  la  Terreur,  il  vécut 
dans  la  retraite  (il  venait  d'épouser  en  secondes  noces  la 
fille  de  l'astronome  Lemonnier),  fut  un  moment  menacé 
par  un  décret  frappant  les  étrangers  d'expulsion,  mais 
excepté  nommément  sur  les  démarches  de  Guyton-Mor- 


veau.  A  la  création  de  l'Ecole  polytechnique,  il  y  fut 
appelé  comme  professeur  et  reprit  à  cette  occasion  toute 
son  ardeur  pour  la  science.  C'est  de  ces  leçons  que  sortit 
la  Théorie  des  fonctions  analytiques  (1797),  le  second 
de  ses  grands  ouvrages,  puis  ses  Leçons  sur  le  calcul 
des  fonctions  (1806)  et  son  Traité  de  la  résolution  des 
équations  numériques  (1806).  Sous  l'Empire,  il  fut 
comblé  d'honneurs,  créé  comte  et  sénateur  et  mourut  en 
travaillant  à  la  seconde  édition  de  la  Mécanique,  Ses 
OEuvres  complètes  ont  été  réunies  en  14  vol.  in-4  (1867- 
92).  Lagrânge  fut  le  dernier  et  le  plus  illustre  représen- 
tant de  la  brillante  pléiade  de  mathématiciens  qui,  après 
les  premiers  Bernoulli,  développèrent  les  inventions  de 
Newton  et  de  Leibniz.  Il  couronne  ces  inventions  par  celle 
de  l'algorithme  des  variations  ;  le  progrès  s'arrête  là  ;  le 
tuf  est  atteint,  et,  pour  employer  l'expression  de  Lagrânge 
lui-même,  il  faut  chercher  de  nouveaux  filons  ;  ce  sera 
l'œuvre  de  Gauss  et  des  autres  rénovateurs  de  la  mathéma- 
tique du  xix^  siècle.  Lagrânge  se  distingue,  d'autre  part, 
de  ces  précurseurs  comme  de  ses  successeurs,  par  une  puis- 
sance systématique  dont  on  chercherait  vainement  un  autre 
exemple  ;  seuls,  Apollonius  de  Perge  et  Descartes  auraient 
pu  lui  être  comparés,  le  premier  s'il  avait  possédé  un 
algorithme  analogue,  le  second  s'il  s'était  consacré  aux 
mathématiques  au  lieu  de  faire  de  la  philosophie.  La  Méca- 
nique analytique  restera  pendant  longtemps  un  modèle 
unique,  pour  qui  veut  apprendre  à  déduire  d'un  seul  prin- 
cipe une  théorie  des  plus  complexes,  et  si,  pour  des  raisons 
didactiques,  le  mode  d'exposition  de  Lagrânge  a  été  aban- 
donné, son  œuvre  n'en  garde  pas  moins  une  valeur  incom- 
parable. Dans  sa  théorie  des  fonctions  analytiques,  Lagrânge 
a  déployé  une  égale  puissance,  mais  son  point  de  départ 
manque  d'une  généralité  suffisante,  par  suite  du  défaut  de 
rigueur,  commun  de  son  temps,  dans  les  conceptions  des 
séries,  et  de  cette  circonstance  que  les  propriétés  des  inté- 
grales, non  exprimables  sous  formes  finies,  n'avaient  pas 
encore  été  assez  étudiées.  Ce  point  de  départ,  la  possibilité 
à  priori  de  développer  une  fonction  quelconque  en  séries  de 
certaines  formes,  a  donc  dû  être  abandonné  et  l'œuvre  de 
Lagrânge  reprise  à  nouveau  par  Cauchy  et  ses  successeurs. 
Il  reste  cependant  toujours  un  guide  et  un  exemple.    T. 

LA  GRANGE  (François-Joseph  Le  Lièvre,  marquis  de 
FouRiLLES  et  de),  général  français,  né  le  27  mai  1726,  mort 
le  28  avr.  1808.  Aide  de  camp  du  maréchal  de  Saxe  à  Fon- 
tenoy,  il  servit  ensuite  avec  distinction  pendant  la  guerre  de 
Sept  ans  et  devint  lieutenant  général  en  1784.  Il  ne  joua 
aucun  rôle  politique  ni  militaire  à  partir  de  la  Révolution. 
LAGRANGE  (N...  de),  traducteur  français,  né  à  Paris 
en  1738,  mort  à  Paris  le  18  oct.  1775.  Il  est  connu  sur- 
tout par  ses  relations  avec  d'Holbach  (dont  il  instruisit  les 
enfants)  et  avec  les  encyclopédistes,  principalement  Diderot. 
Sa  traduction  de  Lucrèce  (Paris,  1768,  2  vol.  in-8,  plus, 
éd.)  fut  célèbre;  celle  aussi  de  Sénèque  (1778-79,  7  vol. 
in-12,  plus.  éd.).  Diderot  et  Naigeon  y  collaborèrent. 

LAGRANGE  (Joseph),  général  français,  né  à  Sempes- 
serre  (Gers)  le  10  janv.  1763,  mort  à  Paris  le  16  janv. 
1836.  Après  avoir  conquis  en  Itahe,  sous  Bonaparte,  le 
grade  de  général  de  brigade,  il  gagna  en  Egypte  celui  de 
général  de  division  (23  sept.  1800),  commanda  le  corps  de 
débarquement  que  l'amiral  de  Missiessy  conduisit  en  1805 
aux  Antilles  anglaises,  fut,  pendant  la  campagne  de  Prusse, 
chargé  d'occuper  la  Hesse  (1806-1807),  puis,  envoyé  en 
Espagne,  contribua  à  la  victoire  de  Tudela  (1808).  Plus 
tard,  il  fit  la  campagne  de  Russie  sous  Victor  (1812),  celle 
de  Saxe  sous  Marmont,  se  rallia  aux  Bourbons,  fut  envoyé 
à  la  Chambre  des  députés  par  le  dép.  du  Gers  en  sept. 
1817,  accepta  la  royauté  de  Juillet  et  fut  appelé  en  1831 
par  Louis-Philippe  à  la  Chambre  des  pairs.  A.  Debidour. 
LA  GRANGE  (Adélaïde-Biaise-François  Le  Lièvre, mar- 
quis de  FouRiLLEs  et  de),  général  français,  né  à  Paris  le 
21  déc.  1766,  mort  le  2  juil.  1833,  fils  de  François-Jo- 
seph de  La  Grange  (V.  ci-dessus).  Colonel  de  cavalerie  à 
Valmy  (1792),  il  se  distingua  plus  tard  dans  les  campagnes 


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LA  GRANGE 


d'Autriche(l805),dePrusse(i806-7)etd'Espagne(1808). 
Nommé  général  de  division  après  la  bataille  d'Essling,  où  il 
avait  eu  un  bras  emporté  (mai  1809),  il  fit  plus  tard  la 
campagne  de  Russie  et  reçut  en  1813  le  commandement 
d'un  régiment  des  gardes  d'honneur.  Mis  par  Louis  XVlïl 
à  la  tête  d'une  des  compagnies  de  mousquetaires  de  la  garde 
royale  (1814),  il  refusa  de  servir  Napoléon  pendant  les 
Cent-Jours  et  fut  appelé  le  7  sept.  1815  au  gouvernement 
delà  20®  division  militaire,  qu'il  ne  quitta  qu'en  1830. 

LA  GRANGE  (Ange-François  Le  Lièvre  de),  officier 
français,  frère  du  précédent,  né  en  1778,  mort  en  1816. 
Après  avoir  conquis  dans  les  armées  d'Italie  et  d'Alle- 
magne le  grade  de  chef  d'escadrons,  il  fut  quelque  temps 
attaché  militaire  à  l'ambassade  de  France  à  Vienne.  Blessé 
à  Wagram,  il  fit  plus  tard  comme  lieutenant-colonel  la 
campagne  de  Russie  et  en  revint  si  malade  qu'il  ne  fit  plus 
que  languir  jusqu'à  sa  mort. 

LA  GRANGE  (Auguste-François  Joseph  Le  Lièvre  de), 
officier  français,  frère  des  précédents,  né  le  21  mai  1780, 
mort  en  18'io.  Aide  de  camp  de  Murât,  qu'il  suivit  en 
Espagne  (1808),  il  fut  fait  prisonnier,  s'évada  des  pontons 
anglais  et  prit  part,  comme  colonel  de  chasseurs  à  cheval, 
aux  campagnes  de  Russie  et  d'Allemagne  (1812-13). 

LA  GRANGE  (Charles-Louis-Armand  Le  Lièvre,  mar- 
quis de),  général  français,  frère  des  précédents,  né  à  Paris 
le  22  mars  1783,  mort  à  Paris  le  31  juil.  1864.  D'abord 
officier  d'ordonnance  de  Sébastiani,  qu'il  suivit  dans  plu- 
sieurs missions  en  Orient,  il  devint  en  1805  aide  de  camp 
de  Berthier,  fut  nommé  général  de  brigade  le  26  janv. 
1812  et  servit  avec  éclat  dans  les  campagnes  de  Russie 
(1812),  de  Saxe  (1813)  et  de  Franco  (1814).  Promu  lieu- 
tenant général  par  Louis  XVllI  (4  juin  1814),  il  servit 
Napoléon  pendant  les  Cent-Jours,  fut  tenu  à  l'écart  pen- 
dant la  seconde  Restauration,  mais  devint,  sous  la  monar- 
chie de  Juillet,  pair  de  France  (1832)  et  inspecteur 
général  de  cavalerie.  La  révolution  de  Février  le  fit  rentrer 
dans  la  retraite  dont  Napoléon  111  le  releva  comme  homme 
politique  en  l'appelant  au  Sénat  (1859).      A.  Debidour. 

LA  GRANGE  (Adélaïde-Edouard  Le  Lièvre,  marquis  de 
FouRiLLES  et  de),  homme  politique  et  littérateur  français, 
né  à  Paris  le  17  déc  1796,  mort  à  Paris  le  17  janv. 
1876.  Fils  du  général  Adélaïde-Biaise-François  de  La 
Grange  (V.^  ci-dessus),  il  entra  d'abord  dans  l'armée,  de- 
vint capitaine,  passa  en  1821  dans  la  diplomatie,  où  il 
occupa  des  postes  importants  (à  xMadrid,  Karlsruhe, 
Vienne  et  La  Haye),  rentra  dans  la  vie  privée  en  1830, 
se  fit  envoyer  en  1837  à  la  Chambre  des  députés  par  les 
électeurs  de  Blaye,  qui  lui  demeurèrent  fidèles  en  1839, 
1842  et  1846,  combattit  les  ministères  Mole  (1837-39), 
Soult  (1839-40)  et  Thiers  (1840),  mais  s'attacha  au  ca- 
binet Soult-Guizot  (1840-48)  et  prit  une  part  impor- 
tante aux  discussions  sur  les  finances  et  les  travaux  pu- 
blics. Sous  la  seconde  République,  il  alla  représenter 
le  dép.  de  la  Gironde  à  l'Assemblée  législative  (1849), 
où  il  s'associa  à  la  politique  de  l'Elysée,  fut  appelé  au 
Sénat  dès  le  26  janv.  1852  et  ne  rentra  dans  la  vie 
privée  qu'à  la  chute  de  l'Empire  (1870).  Parmi  ses  publi- 
cations littéraires,  qui  lui  avaient  valu  d'être  admis  en 
1846  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  nous 
citerons  :  Pensées  extraites  de  Jean  -  Paul  Riehter 
(1836)  ;  Mémoires  du  raaréchal  duc  de  la  Force  et  de 
ses  deux  fils  (1843);  De  la  Noblesse  considérée  comme 
une  institution  impériale  (1857);  Nouvelles  Lettres 
de  M^«  Swetchine  (1875),  etc. 

LAG RANGE  (Charles),  homme  politique  français,  né  à 
Paris  le  28  févr.  1804,  mort  à  La  Haye  (Pays-Bas)  le 
22  déc.  1857.  Après  avoir  servi  plusieurs  années  dans  la 
marine,  il  se  tourna  en  1829  vers  le  commerce,  mais  ne 
tarda  pas  à  se  jeter  dans  la  politique  mihtante,  prit  part  à 
la  révolution  de  Juillet,  et  fut  sous  Louis-Philippe  un  des 
chefs  les  plus  hardis  des  sociétés  républicaines.  Sa  coopé- 
ration à  l'insurrection  de  Lyon  (avr.  1834)  Tamena comme 
accusé  devant  la  cour  des  pairs  (1835),  où  il  fut  condamné 


à  vingt  ans  de  détention.  Amnistié  en  1839,  il  n'abandonna 
pas  sa  cause.  Au  24  févr.  1848,  il  s'empara  de  l'Hôtel  de 
Ville.  Mis  quelque  temps  après  à  l'écart  par  le  gouverne- 
ment provisoire,  il  fut,  le  4  juin  suivant,  envoyé  par  le 
dép.  de  la  Seine  à  l'Assemblée  constituante.  Réélu  à  l'As- 
semblée législative  en  1849,  il  s'associa  constamment  à  la 
politique  de  la  Montagne,  fut  arrêté  le  2  déc.  1851,  banni 
peu  après,  et  se  retira  en  Belgique,  puis  dans  les  Pays-Bas, 
où  il  mourut  toujours  fidèle  à  son  parti.        A.  Debidour. 

LAG  RANGE  (Joseph- Barthélémy-Frédéric,  comte  de), 
homme  politique  français,  fils  du  général  Joseph  Lagrange 
(V.  plus  haut),  né  à  Dangu  (Eure)  le  21  juin  1815,  mort 
à  Paris  le  21  nov.  1883.  Envoyé  à  l'Assemblée  législative 
le  8  juil.  1849  par  le  dép.  du  Gers,  il  s'associa  à  la  poli- 
tique de  l'Elysée  et  fut,  après  le  coup  d'Etat,  candidat 
officiel  dans  la  deuxième  circonscription  du  Gers,  qu'il 
représenta  au  Corps  législatif  de  1852  à  1870.  il  eut  sous 
l'Empire  une  certaine  notoriété,  qu'il  dut  surtout  à  sa 
grande  fortune  et  à  ses  succès  hippiques.  Nommé  sénateur 
le  27  juil.  1870,  il  fut  rejeté  par  la  révolution  du  4  sept, 
dans  la  vie  privée,  d'où  il  essaya  plus  tard,  mais  vaine- 
ment, de  sortir.  A.  Debidour. 

LAGRANGE  (François),  prélat  français,  né  à  Dun-le- 
Roi  le  15  mars  1827.  Elève  du  séminaire  de  Saint-Sul- 
pice,  professeur  de  philosophie  au  collège  d'Auteuil,  il  fut 
chanoine  de  la  cathédrale  d'Orléans,  puis  de  Notre-Dame 
de  Paris  et  fut  nommé  évêque  de  Chartres  le  30  nov. 
1889. 11  a  beaucoup  écrit.  Citons  :  Notice  sur  Bridaine 
(Paris,  1851,  in-12);  Saint  Jérôme  et  les  Dames  ro- 
maines au  IV®  siècle  (1866,  in-8);  Vie  de  Mgr  Dupan- 
loup  (1883-84,  3  vol.  in-8,  plus.  éd.). 

LAGRANGE  (Léon-Marius),  critique  d'art  français,  né 
à  Marseille  le  6  mai  1828,  mort  à  Nicole  14  janv.  1868. 
Citons  de  lui  :  les  Yernet  (Paris,  1863,  in-8);  Pierre 
Puget  (1868,  in-8). 

LAGRANGH-Chancel  (François-Joseph  Châncel,  connu 
sous  le  nom  de),  littérateur  français,  né  à  Périgueux  le 
l^^'janv.  1677,  mort  au  château  d'Antoniat  (Dordogne) 
le  29  déc.  1758.  Elève  du  collège  des  jésuites  de  sa  ville 
natale,  il  montra  de  précoces  dispositions  poétiques  et  sa- 
tiriques, et  vint  dès  l'âge  de  quatorze  ans  à  Paris  où  la 
princesse  de  Conti,  émerveillée  de  ses  dons  d'improvisa- 
tion, l'admit  au  nombre  de  ses  pages  et  obtint  que  l'on 
représentât  une  tragédie  du  petit  prodige,  d'abord  intitu- 
lée Jagurtha  et  jouée  sous  le  titre  d'Adherbal  (8  janv. 
1 694).  L'auteur  se  vit  à  dix-sept  ans  recherché  par  la  cour 
et  pourvu  d'une  lieutenance,  d'abord  dans  le  régiment  du 
roi,  puis  aux  mousquetaires  qu'il  échangea  contre  un  bre- 
vet de  maître  d'hôtel  de  la  duchesse  d'Orléans  (princesse 
palatine),  mère  du  régent;  mais  ses  autres  tragédies  : 
Oreste  et  Pylade  (1697);  ilM^'a^r^  (1699);  Athénaïs 
(1699);  Amasie  (1701);  Alceste  (1703);  Ino  et  Méli- 
certe  (1709),  etc.,  ainsi  que  divers  poèmes  d'opéras,  lie/- 
dus,  roi  des  Mèdes  (1702),  Cassandre  (1706),  mus.  de 
Bouvard,  etc.,  ne  l'auraient  pas  défendu  contre  l'oubli  s'il 
n'avait  pas  écrit  ses  célèbres  Philippiques.  On  désigne 
sous  ce  titre  cinq  odes  répandues  d  abord  en  copies,  puis 
imprimées  furtivement,  et  qui  renferment  contre  le  régent, 
ses  filles  et  ses  favoris  les  plus  odieuses  imputations. 
Lagrange-Chancel,  emprisonné  aux  îles  Sainte-Marguerite 
d'où  il  s'évada  deux  ans  plus  tard,  put  gagner  la  Sar- 
daigne,  passa  en  Espagne  et  de  là  en  Hollande  et  obtint 
l'autorisation  de  rentrer  à  Paris  quinze  mois  après  la  mort 
du  régent.  De  1729  à  1758,  il  vécut  tantôt  à  Paris,  tantôt 
en  Périgord,  rimant  toujours  et  plus  volontiers  contre  ses 
confrères.  Sa  vieillesse  fut  attristée  par  la  mort  d'un  de 
ses  fils  tué  à  la  bataille  de  Dettingen  et  par  un  long  procès 
contre  un  autre  de  ses  enfants  où  les  deux  adversaires 
échangèrent  des  factums  en  vers  jusqu'au  jour  d'une  tardive 
réconciliation.  Les  OEuvres  do  Lagrange-Chancel,  compre- 
nant son  théâtre  et  diverses  poésies,  ont  été  réunies  plusieurs 
fois,  notamment  par  lui-même  (1758,  5  vol.  in-12);  la 
tragédie  de  Jugurtka  y  est  précédée  d'une  curieuse  auto- 


LA  GRANGE  —  LAGRENEE  —  768  — 

biographie.  Quant  aux  Philippiques,  elles  ont  été  maintes 
fois  réimprimées.  L'édition  la  plus  complète  est  celle  qu'en 
a  donnée  M.  de  Lescure  (1838,  in-12),  mais  il  n'en  existe 
pas  encore  de  satisfaisante.  Une  sixième  Philippique  a  été 
éditée  par  M.  Diancourfc  (Reims,  4886,  in-8).  Jules  Deipii 
a  publié  ànssi  des  Poésies  inédites  (1878,  in-8,  portr.) 
du  même  écrivain.  Maurice  Tourneux. 

BiBL.  :  Saint-Simon,  Mémoiî'es.  — Mathieu  Marais,  Jou?'- 
nal  (cd.  de  Lescure).  —  Voltaire,  Œuvres.  —  Lescure,  La- 
BESSADE,  Delpit,  Notïces  en  lôte  de  leurs  éditions. 

LA  GRANGE  d'Arquien  (François  de),  seigneur  de  Mon- 
tigny,  né  en  4554,  mort  le  9  sept.  4617.  Il  gagna  de 
bonne  heure  la  faveur  de  Henri  III,  qui  lui  donna  successi- 
vement les  charges  de  gentilhomme  ordinaire  de  sa  chambre, 
de  capitaine  des  cent  gentilshommes  de  sa  maison,  et  de 
premier  maître  d'hôtel.  Il  ne  le  laissa  guère  s'éloigner 
d'auprès  de  sa  personne  que  pour  suivre  le  duc  de  Joyeuse 
dans  l'expédition  au  S.  de  la  Loire  qui  se  termina  par  la 
défaite  de  Coutras  (1587)  ;  il  y  fut  fait  prisonnier,  mais  le 
roi  de  Navarre  le  renvoya  sans  rançon  avec  sa  cornette.  Il 
était  près  de  Henri  III,  lorsqu'il  fut  assassiné,  et  fut  des 
premiers  à  reconnaître  son  légitime  successeur.  Les  sièges 
d'Aubigny  (1591)  et  de  Rouen  (1592),  les  combats  d'Au- 
male  (1592)  et  de  Fontaine-Française  (4595)  lui  four- 
nirent l'occasion  de  se  mettre  hors  de  pair.  Il  reçut,  en 
1595,  le  cordon  du  Saint-Esprit,  commanda  la  cavalerie 
légère  au  siège  d'Amiens  en  4593,  fut  fait  gouverneur  de 
Paris  et  de  Metz  en  1603,  maréchal  de  camp  en  1615  et 
maréchal  de  France  en  1616.  L.  M. 

LAG RANGE  d'Arquien  (Henri  de),  prélat  français,  né  à 
Calais  en  4643,  mort  à  Rome  le  24  mai  1707.  Capitaine 
des  gardes  suisses,  il  rejoignit  en  Pologne  (1674)  sa  fille, 
Marie-Casimir e^  qui,  veuve  en  premières  noces  de  Jacob  de 
Radziwill,  avait  épousé  Jean  Sobieski,  et  était  devenue  reine  de 
Pologne.  Grâce  à  son  influence,  il  fut  créé  cardinal  en  1695. 

LAGRASSE.  Ch. -l.de  cant.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de 
Carcassonne;  1,125  hab. 

LA  GRASSERIE  (Guérin  de)  (V.  Grasserie). 

LAGRAULAS.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Condom, 
cant.  d'Eauze  ;  425  hab. 

LAGRAULET.  Com.  du  dép.  de  la  Haute- Garonne,  arr. 
de  Toulouse,  cant.  de  Cadours  ;  356  hab. 

LAGRAULET.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Condom, 
cant.  de  Montréal;  863  hab. 

LAGRAULIÈRE.  Com.  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr.  de 
Tulle,  cant.  de  Seilhac;  2,021  hab. 

LAG  RAVE.  Com.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  et  cant.  de  Gail- 
lac;  622  hab. 

LAG  RAVE  (M"^®  de),  femme  auteur  française  du  com- 
mencement du  xix*"  siècle.  Elle  a  écrit  une  infinité  de  ro- 
mans qui  ont  eu  du  succès  sous  le  Directoire.  Citons  seu- 
lement :  Sophie  de  Beaur égard  ou  le  Véritable  Amour 
(Paris,  4798,  2  vol.  in~42);  M.  Ménard  ou  r Homme 
comme  il  y  en  apeu  (4802, 3  vol.  in-12);  Hector  de  Roma- 
gny  ou  l'Erreur  d'une  bonne  mère  (1803, 2  voL  in-12). 

LA  GRAVI  ÈRE  (Jurien  de)  (V.  Jurien). 

LAG  RÉ  E  (Doudart  de)  (V.  Doudart  de  Lagrée). 

LAGREMUSE.  Com.  du  dép.  des  Basses-Alpes,  arr.  et 
cant.  de  Digne  ;  296  hab. 

LAG  RENÉ  (Marie-Melchior-Joseph-Théodore  de),  di- 
plomate français,  né  à  Amiens  le  44  mars  4800,  mort  à 
Paris  le  26  avr.  4862.  Entré  de  bonne  heure  dans  la  di- 
plomatie, il  fut  nommé  ministre  résident  à  Darmstadt 
(4834),  puis  à  Athènes  (4835)  et  en  4843  se  rendit  en 
Chine  où,  comme  ministre  plénipotentiaire,  il  alla  négocier 
le  traité  de  Whampoa  (24  oct.  4844).  A  son  retour  (4846), 
Louis-Philippe  l'éleva  à  la  pairie  (24  juil.  1846).  Rejeté 
dans  la  vie  privée  par  la  révolution  de  Février,  ce  diplo- 
mate fut  envoyé  par  le  dép.  de  la  Somme  (4849)  à  l'As- 
semblée législative,  où  il  combattit  avec  la  droite  la  politique 
de  l'Elysée.  Arrêté  le  2  déc.  4851  à  la  mairie  du  X^  ar- 
rondissement, il  ne  joua  plus  dès  lors  aucun  rôle  politique. 

LAG  RENE  (Henri-Melchior  de),  né  à  Beau  vais  le  43  juin 


1826,  mort  à  Paris  en  4892.  Ingénieur  français,  ins- 
pecteur général  des  ponts  et  chaussées,  il  s'est  fait  un  nom 
par  son  active  coopération  aux  services  de  la  navigation 
de  la  Marne  et  de  la  Seine.  Les  grands  travaux  récem- 
ment exécutés  entre  Paris  et  Rouen  l'ont  été  princi- 
palement sous  sa  direction.  Lagrené  a  été  le  modèle  des 
serviteurs  du  pays  ;  toute  sa  vie  était  consacrée  aux  tra- 
vaux qui  lui  étaient  confiés.  Quand  il  avait  un  peu  de 
loisir,  Lagrené  rédigeait  pour  les  Annales  des  ponts  et 
chaussées  des  articles  sur  les  innovations  auxquelles  il 
avait  contribué;  voici  les  titres  des  principaux  :  Décin- 
trement  (4852);  Moisage  des  pieux  (1864)  ;  Barrages 
à  hausses  mobiles  (4864)  ;  Tractiondes  bateaux  (4862); 
Arche  d'essai  des  carrières  de  Souppes  (  1 868)  ;  Bateaux- 
omnibus  de  Paris  (4869);  Barrages  à  fermettes  mo- 
biles (4872)  ;  Poussée  des  terres  (1884)  ;  Ouvriers  des 
grands  chantiers  (4883).  Lagrené  a  publié  aussi  un 
grand  ouvrage  sous  le  titre  de  Cours  de  navigation  inté- 
rieure (Paris,  1869,  3  vol.  in-4  et  3  atlas  de  même  for- 
mat) ;  mais  c'est  un  cours  qu'il  n'a  pas  professé.  —  Lagrené 
était  ingénieur  en  chef  de  la  navigation  de  la  Seine  entre 
Paris  et  Rouen  pendant  l'exécution  des  barrages  des  sys- 
tèmes Caméré,  mais  la  conception  de  ces  ouvrages  appartient 
à  celui  qui  était  alors  son  subordonné.  M.-C.  L. 

LAGRENEE  (Louis-Jean-François),  peintre  français, dit 
rAiné,  né  à  Paris  le  30  déc.  4724,  mort  à  Paris  le 
47  juin  1805.  Il  entra  dans  l'atelier  de  Carie  Van  Loo, 
et  alla  à  Rome,  après  avoir  remporté  le  prix  avec  ce 
sujet,  Joseph  expliquant  les  songes.  En  4753,  il  fut 
agréé  à  l'Académie  de  peinture  ;  son  morceau  de  récep- 
tion, VEnlèvement  deDéjanire,  se  trouve  aujourd'hui  au 
musée  du  Louvre.  Lagrenée  se  fit  connaître  par  un  grand 
nombre  de  tableaux  mythologiques,  allégoriques  et  histo- 
riques, où  il  se  montrait  un  dessinateur  habile,  un  coloriste 
assez  froid,  un  élève  peu  personnel  de  Van  Loo  et  de  Bou- 
cher. Il  fut  appelé,  en  1760,  en  Russie  par  l'impératrice 
Catherine  II,  et  reçut  le  titre  de  directeur  de  l'Académie 
de  Saint-Pétersbourg.  Il  peignit  plusieurs  portraits,  entre 
autres  celui  à'Elisabeth;  il  exécuta  pour  la  chapelle  du 
palais  impérial  un  tableau  représentant  six  apôtres  en 
méditation,  et  la  Sainte  Vierge.  Revenu  en  France  en 
1763,  il  reprit  sa  place  à  l'Académie  de  peinture  de  Paris, 
et  fut  nommé  directeur  de  l'Ecole  de  Rome.  A  partir  de 
cette  époque,  il  suivit  de  très  près  le  mouvement  classique 
tenté  par  Vien.  Ses  peintures  représentaient  un  genre  assez 
fade,  une  sorte  de  maniérisme  académique.  La  Révolution 
lui  enleva  une  pension  qui  lui  avait  été  accordée;  quand  il 
mourut,  il  était  professeur  à  l'Ecole  spéciale  de  dessin  et 
conservateur  du  musée.  Ant.  Valabrègue. 

BiBL.  :  Œuvres  complètes  de  Diderot,  publiées  par 
AssEZAT  et  Maurice  Tourneux.  —  Dussieux,  les  Artistes 
français  à  l'étranger.  —  Ch.  Blanc,  Histoire  des  Peintres 
de  toutes  les  écoles. 

LAGRENEE  (Jean-Jacques),  dît  le  Jeune,  peintre  fran- 
çais, né  à  Paris  en  1740,  mort  à  Paris  le  13  févr.  1821. 
Frère  du  précédent,  dont  il  imita  le  genre  et  la  manière,  et 
qu'il  accompagna  à  Saint-Pétersbourg,  il  alla  à  Rome,  à 
son  retour  de  Russie,  et  y  exécuta  une  suite  d'eaux-fortes 
sur  des  motifs  d'ornements  antiques.  En  1773,  il  se  fit  ad- 
mettre à  l'Académie  de  peinture;  il  avait  traité,  comme 
morceau  de  réception,  un  plafond,  l'Hiver,  qu'on  peut 
voir  aujourd'hui  au  Louvre,  dans  la  galerie  d'Apollon. 
Il  fut  attaché  à  la  manufacture  de  Sèvres,  et,  poursuivant 
l'imitation  des  arts  de  l'antiquité,  il  exerça  une  certaine 
influence  sur  les  produits  de  notre  grand  établissement  de 
céramique.  Ses  travaux  de  peinture  sur  verre  et  sur  émail 
furent  fort  appréciés  des  contemporains.  Il  avait  inventé 
un  procédé  pour  peindre  en  incrustations  sur  le  marbre. 
Il  participa  aux  créations  du  style  Empire,  et  l'on  cite, 
parmi  ses  principaux  ouvrages,  une  table  de  marbre  blanc, 
repTésentanlNapoléo?!  couronné  par  la  Victoire. 

LAGRENÉE  (Anthelme-François),  peintre  français, né  à 
Paris  en  1775,  mort  à  Paris  en  1832,  fils  de  Lagrenée 
l'Aîné.  Il  s'est  aussi  adonné  à  la  peinture  et  fut  éfève  de 


Vincent  ;  détourné  de  sa  vocation  d'artiste  par  les  guerres 
de  la  Révolution,  il  reprit  le  pinceau  lorsqu'il  put  quitter 
le  service.  Il  alla,  lui  aussi,  peindre  des  portraits  en  Russie. 
Revenu  en  France,  il  devint  plus  spécialement  miniaturiste 
et  exécuta  des  imitations  de  camées. 

LAGRÈZE  (Bascle  de)  (V.  Bascle  de  Lagrèze). 

LAGRIE  (Entom.).  Genre  d'Insectes  Coléoptères  Hété- 
romères,  type  d'une  petite  famille  dite  des  Lagriidés,  fondé 
par  Fabricius  et  ainsi  caractérisé  :  corselet  étroit,  élytres 
larges,  palpes  maxillaires  à  dernier  article  sécuriforme.  Les 
Lagries  sont  de  taille  moyenne  et  de  couleurs  peu  bril- 
lantes ;  elles  vivent  sur  les  arbustes,  les  haies  en  fleur  ; 
leurs  larves  se  développent  dans  le  vieux  bois  ou  les  feuilles 
en  détritus.  On  connaît  environ  soixante  espèces  de  Lagries 
répandues  dans  l'ancien  monde  ;  l'Europe  en  possède  qua- 
torze :  Lagrie  hérissée  (Lagria  hirta  L.),  long.  7  à  9  mil- 
liffi.,  noire  avec  les  élytres  fauves  couvertes  d'un  duvet 
hérissé  ;  Lagria  glabrata  Oliv.,  presque  semblable,  avec 
les  élytres  sans  poils,  communes  partout  au  printemps. 

LA'GRIVE  (Le  p.  Jean  de),  graveur-topographe  français, 
né  à  Sedan  en  4689,  mort  à  Paris  le  18  avr.  4757.  Prêtre 
lazariste,  il  alla  professer  la  philosophie  au  collège  de  sa 
congrégation  à  Cracovie,  revint  à  Paris  en  4744  et  se  voua 
exclusivement  à  la  gravure  topographique.  Son  Plan  de 
Paris  (1729,  souvent  réédité),  celui  de  Versailles,  celui 
des  Environs  de  Paris,  etc.,  lui  valurent  les  fonctions  de 
géographe  de  la  ville  de  Paris.  Il  se  consacra  ensuite  à  un 
plan  détaillé  des  quartiers  de  la  capitale,  dont  il  ne  publia 
que  la  Cité  (4754),  mais  son  élève  Huguin  édita  en  4757 
le  Quartier  de  Sainte- Geneviève  et  les  lies  Saint-Louis 
et  Louviers,  On  lui  doit  aussi  un  Manuel  de  trigonomé- 
trie (4754,  4805),  etc.  G.  P-i. 

LAGRUA  (W^^  Emmy),  cantatrice  scénique.  Cette  ar- 
tiste, douée  d'une  belle  voix  et  d'un  réel  sentiment  drama- 
tique, fut  engagée  à  l'Opéra  pour  créer  le  rôle  d'Irène  dans 
le  Juif  errant,  opéra  d'Halévy,  dont  la  première  représenta- 
tion eut  lieu  le  23  avr.  4852.  Elle  débuta  en  effet  dans  cet 
ouvrage,  et  non  sans  succès.  Pourtant  elle  ne  resta  pas  à 
l'Opéra,  et,  dès  l'année  suivante,  elle  partait  pour  le  Brésil  et 
obtenait  de  grands  succès  à  Rio  de  Janeiro,  d'où  elle  allait 
ensuite  à  Buenos  Aires.  Elle  poursuivit  sa  carrière  à  l'étran- 
ger et  ne  reparut  à  Paris  que  vers  4866,  au  Théâtre-Italien  ; 
ses  rares  qualités  dramatiques,  la  véhémence  de  ses  accents 
faisaient  merveille,  surtout  dans  les  opéras  de  Verdi. 

LAGRUÈRE.  Corn,  du  dép.  du  Lot-et-Gaiomie,  arr.  de 
Marmande,  cant.  du  Mas-d'Agenais  ;  728  hab. 

LAGTING.  Nom  donné  à  l'ancienne  assemblée  législative 
populaire  en  Norvège.  Actuellement,  c'est  l'une  des  divi- 
sions du  Storting  norvégien  (V.  Norvège  et  Constitution). 

LAGUENNE.  Com.  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr.  et  cant. 
de  Tulle;, 4, 456  hab. 

LAGUÉPIE.  Com.  du  dép.  du  Tarn-et-Garonne,  arr.  de 
Montauban,  cant.  de  Saint-Antonin ;  4,350  hab.  Stat.  du 
ch.  de  fer  d'Orléans,  ligne  de  Paris  à  Montauban.  Fila- 
tures de  laine. 

LA  GUÊPIÈRE  ou  LA  GUESPIÈRE.  Famille  d'archi- 
tectes français  du  xviii®  siècle.  —  Jacques,  le  plus  ancienne- 
ment connu,  fut  admis  à  l'Académie  royale  d'architecture 
en  4720  et  mourut  en  1744.  —  Philippe,  probablement 
fils  du  précédent,  fut  nommé  architecte  et  directeur  géné- 
ral des  bâtiments  du  duc  Charles-Eugène  de  Wurttemberg, 
pour  lequel  il  projeta  et  fit  construire  plusieurs  édifices  à 
Stuttgart  dont  il  donna  des  monographies  en  deux  recueils 
différents  :  Plans,  coupes  et  élévations  de  différents 
palais  et  églises  (Paris,  4750,  in-fol.);  Recueil  d'es- 
quisses d'architecture  (Paris,  4765,  in-foL).  On  doit  aussi 
à  Philippe  de  La  Guêpière  l'hôtel  de  ville  de  Montbéliard, 
la  décoration  intérieure  de  l'ancienne  bibliothèque  Sainte- 
Geneviève,  le  pavillon  de  la  ménagerie  du  château  de 
Sceaux,  etc.  —  Un  frère  de  Philippe,  Jacques-Benjamin, 
était  architecte  à  Paris  en  4775.  Charles  Lucas. 

LA  GUÉRONNIÈRE  (Alfred  Dubreuil-Hélion,  comte 
de),  publiciste  français,  né  à  Villemartin  (Haute-Vienne) 
grande  encyclopédie.  —  XXI. 


—  769  —  LAGRENEE  ~  LA  GUERRE 

en  4840,  mort  à  Thenon  (Dordogne)le  47  juil.4884.  Fils 
aîné  du  comte  de  La  Guéronnière,  député  ultra-royaliste 
sous  la  Restauration,  il  fonda  sous  Louis-Philippe  un 
journal  d'opposition  royaliste,  l'Avenir  national,  resta 
jusque  vers  la  fin  de  sa  vie  fidèle  aux  traditions  légitimistes 
(le  sa  famille  et,  njalgré  l'exemple  de  son  frère  (V.  ci- 
dessous),  refusa  constamment  de  se  rallier  à  l'JEmpire.  Mais 
après  4870,  sans  renier  son  passé,  il  se  rapprocha  sensi- 
blement de  la  République.  Parmi  ses  nombreux  ouvrages, 
nous  citerons  :  Vues  politiques  et  historiques  (4840); 
Hommes  d'Etat  de  l'Angleterre  (i  853)  ;  la  Prusse  et 
V Europe  (4867);  la  France  et  l'Europe  (4867);  l'Es- 
prit du  temps  et  l'Avenir  (4868);  la  Crise  (4869); 
l'Enquête  parlementaire  (4  869)  ;  la  Politique  natio- 
nale (4869);  l'Homme  de  Metz  (4870);  la  Prusse  de- 
vant l'Europe  (4870);  l'Age  de  fer  (4874);  la  Catas- 
trophe de  la  France  (4874);  l'Internationale  et  la 
guerre  civile  en  France  (4871)  ;  /a  Rançon  de  l'homme 
de  Sedan  (4874);  la  Guerre  de  i 870-71  (4874); 
l'Homme  de  Sedan  devant  l'histoire  (1872)  ;  M.  Thiers^ 
président,  de  la  République  française  (4876);  rEtat 
sans  Dieu  (1883).  A.  Debidour. 

LA  GUÉRONNIÈRE  (Louis-Etienne-Arlhur  Dubreuil- 
Hélion,  vicomte  de),  publiciste  et  homme  politique  fran- 
çais, né  au  Dorât  (Haute -Vienne)  le  6  avr.  4846,  mort 
à  Paris  le  23  déc.  1875,  frère  du  précédent.  Après  avoir 
collaboré  à  V Avenir  national  (fondé  par  son  frère  aîné), 
il  s'attacha  étroitement  à  Lamartine,  devint  avec  lui  répu- 
blicain, fut  sous  sa  direction,  après  la  révolution  de 
Février,  un  des  principaux  rédacteurs  du  Bien  public, 
dirigea  le  Pays  sous  son  patronage,  mais  se  fit  désavouer 
pour  ses  avances  trop  significatives  au  prince  Louis-Napo- 
léon (4854).  Peu  après  le  coup  d'Etat,  il  se  rallia  ouver- 
tement au  régime  de  Décembre,  fut  élu,  comme  candidat 
ofiiciel,  député  du  Cantal  au  Corps  législatif  (29  févr. 
4852),  fut  nommé  en  4854  conseiller  d'Etat,  directeur 
général  de  la  librairie  et  de  la  presse  au  ministère  de  l'in- 
térieur, écrivit  sous  l'inspiration  de  Napoléon  III  de  reten- 
tissantes brochures  à  l'époque  de  la  révolution  italienne 
(4858-60),  obtint  en  récompense  (5  j ail.  4864)  un  siège  au 
Sénat,  où,  surtout  après  les  élections  de  4863,  il  prit'  sou- 
vent la  parole,  et  parfois  avec  éclat,  en  faveur  de  ce  qu'on 
commençait  à  appeler  l'Empire  libéral,  fut  envoyé  comme 
ambassadeur  à  Bruxelles  (4868),  puis  à  Constantinople 
(juin  4870)  et,  rejeté  dans  la  vie  privée  par  la  révolution 
du  4  septembre,  revint  en  France,  où  il  dirigea  quelque 
temps  la  Presse  et  fonda  ensuite  un  nouveau  journal,  le 
Salut,  Parmi  ses  nombreuses  publications,  nous  devons 
signaler  :  la  France,  Rome  et  l'Italie  (1854);  Etudes 
et  portraits  politiques  contemporains  (4856);  l'Empe- 
reur Napoléon  lll  et  l'Angleterre  (4858);  l'Empereur 
Napoléon  lll  et  l'Italie  (4859)  ;  le  Pape  et  le  Congrès 
(4860);  l'Abandon  de  Rome  (4862);  De  la  Politique 
intérieure  et  extérieure  de  la  France  (4862)  ;  Com- 
ment finira  la  guerre?  (487i);  le  Droit  public  et 
l'Europe  moderne  (4875,  2  vol.).  A.  Debidour. 

LA  GUERRE  (Ehsabeth-Claude  de),  née  Jacquet,  clave- 
ciniste et  compositeur  française,  née  à  Paris  vers  4667, 
morte  à  Paris  le  27  juin  4729.  Elle  parut  dès  l'âge  de  dix 
ans  à  la  cour  comme  virtuose,  fut  pensionnée  par  Louis  XIV 
et  attachée  pendant  quatre  ans  au  service  de  M"^^  de 
JVIonlespan,  et  épousa  vers  4688  l'organiste  Marin  de  La 
Guerre.  Ses  compositions  consistent  en  une  pastorale  jouée 
à  la  cour  en  4685,  non  imprimée;  un  livre  de  Pièces  de 
clavecin,  dédié  au  roi  (4687);  Céphale  et  Procris,  tra- 
gédie lyrique  en  cinq  actes  et  prologue,  jouée  à  l'Opéra 
le  15  mars  4694,  premier  opéra  féminin  représenté  en 
France  ;  un  second  livre  de  Pièces  de  clavecin  et  sonates 
avec  violon  (4707);  deux  livres  de  Cantates  françaises 
tirées  de  l'Ecriture  sainte  (4708  et  4744);  Sémélé, 
l'Ile  de  Délos,  le  Sommeil  d'Ulysse,  cantates  (4745); 
un  Te  Deum  et  quelques  trios  inédits.  M.  Br. 

BiBL.  :  L'Art,  n"  du  15  ont.  1894. 

49 


LAGUEME 


—  770  — 


LAGU ERRE  (Edmond-Nicolas),  mathématicien  français, 
né  à  Bar-le-Duc  le  9  avr.  4834,  mort  à  Bar-le-Duc  le 
44  août  4886.  Il  était  encore  lycéen  lorsqu'il  donna  en 
4853,  dans  les  Nouvelles  Annales  de  mathématiques  y 
une  élégante  solution  d'un  problème  qui  préoccupait  alors 
les  géomètres  :  celui  de  la  transformation  des  propriétés 
métriques  angulaires.  Il  entra,  la  même  année,  à  l'Ecole 
polytechnique,  en  sortit  dans  l'artillerie  et  tint  successive- 
ment garnison  à  Metz,  à  Mutzig,  à  Strasbourg,  employant 
les  heures  que  lui  laissait  le  service  de  sa  batterie  à  pour- 
suivre ses  recherches  mathématiques.  En  4864,  il  fut 
nommé  répétiteur  à  l'Ecole  polytechnique,  en  4874  exa- 
minateur d'admission  à  la  même  école.  Le  14  mai  4885, 
l'Académie  des  sciences  de  Paris  l'élut  membre  de  sa  sec- 
tion de  géométrie  en  remplacement  deSerret,  et,  peu  après, 
M.  Bertrand  lui  confia  la  suppléance  de  sa  chaire  de  phy- 
sique mathématique  au  Collège  de  France.  L'un  des  fon- 
dateurs de  la  géométrie  moderne,  Edmond  Laguerre,  dont 
la  modestie  égalait  l'érudition,  n'a  publié  qu'une  faible 
partie  des  résultats  de  ses  travaux,  et  ses  plus  belles  décou- 
vertes sont  mèïïiQ  demeurées  assez  longtemps  ignorées  du 
monde  savant.  Il  s'était  tout  d'abord  appliqué  à  représenter 
d'une  façon  concrète  les  points  imaginaires  du  plan  et  de 
l'espace,  avait  compris,  le  premier,  le  rôle  important  de 
l'aire  du  triangle  sphérique  dans  la  géométrie  de  la  sphère 
et  avait  étendu  à  toutes  les  courbes  algébriques  la  théorie 
des  foyers.  Il  s'occupa  ensuite  de  l'interprétation  des 
formes  homogènes,  imagina  deux  systèmes  nouveaux  de 
coordonnées,  dont  l'un,  appelé  par  lui  équation  mixte, 
met  en  évidence  les  tangentes  qu'on  peut  mener  à  la  courbe 
d'un  point  extérieur.  Il  signala  en  même  temps  plusieurs 
propriétés  nouvelles  des  courbes  et  des  surfaces  anallagma- 
tiques,  étudia  les  lignes  géodésiques  et  la  courbure  des  sur- 
faces anallagmatiques,  étendit  aux  fonctions  hyperelliptiques 
le  théorème  de  Poncelet  et  aux  surfaces  du  second  ordre 
celui  de  Joachimstahl  et,  habile  analyste  autant  que  profond 
géomètre,  développa  dans  un  remarquable  mémoire  Sur 
les  Systèmes  linéaires,  publié  en  4  867  par  le  Journal  de 
VEcole  polytechnique^  tous  les  points  essentiels  de  la 
théorie  des  substitutions  linéaires.  Un  peu  plus  tard,  il 
créa  la  géométrie  de  direction.  Puis,  reprenant  la  question 
des  équations  algébriques  et  jugeant  insuffisantes  les  mé- 
thodes de  Sturm  et  de  Newton,  il  simplifia  encore  la  dé- 
monstration de  la  règle  des  signes  de  Descartes,  l'appliquant 
d'ailleurs  aux  séries  infinies  aussi  bien  qu'aux  polynômes, 
et  il  trouva  qu'il  était  préférable  de  remplacer  l'équation  à 
résoudre  par  une  équation  du  deuxième  degré,  plutôt  que 
par  une  du  premier;  il  donna  en  outre  une  méthode  pour 
séparer  et  calculer  les  racines  imaginaires,  approfondit  la 
classification  en  genres  des  équations  transcendantes  en- 
tières et,  s'aventurant  plus  loin  qu'on  ne  l'avait  fait  avant 
lui  dans  l'étude  des  fractions  continues  algébriques,  dé- 
montra que  d'une  série  divergente  on  peut  déduire  une 
fraction  continue  divergente.  Toute  cette  partie  de  son 
œuvre  est  la  plus  remarquable.  Citons  enfin  ses  applica- 
tions de  la  méthode  de  Monge  et  du  principe  du  dernier 
multiplicateur,  ses  leçons  du  Collège  de  France  sur  l'attrac- 
tion des  ellipsoïdes,  dans  lesquelles  cette  théorie  est  présentée 
sous  un  jour  tout  nouveau.  Ses  écrits  comprennent  environ 
cent  cinquante  mémoires  originaux  parus  dans  les  Nouvelles 
Annales  de  mathématiques,  dans  les  Comptes  rendus  de 
V Académie  des  sciences  de  Paris,  dans  le  Bulletin  de  la 
Société  philomatique,  dans  le  Bulletin  de  la  Société 
mathématique,  dans  le  Journal  de  Liouville,  etc.  Il  a  seu- 
lement publié  à  part  :  Note  sur  la  résolution  des  équa- 
tions numériques  (Paris,  '1880,  in-8)  ;  Théorie  des  équa- 
tions numériques  (Paris,  4884,  in-4);  Recherches  sur 
la  géométrie  de  direction  (Paris,  4885,  in-8).  En  4887, 
l'Académie  des  sciences  a  rendu  à  son  œuvre  un  hommage 
posthume  en  lui  décernant  le  prix  Petit  d'Ormoy.  L.  S. 
BiBL.  :  Notice  sur  les  travaux  mathématiques  de  M.  La- 
guerre; Paris,  1875  et  1884,  in-4.  —  Poingare,  Notice  sur 
Laguerre;  Paris,  1887,  in-8.  —  C.  r.  de  VAcad.  des  se, 
1886,  2«  sem.,  p.  424. 


LAGUERRE  (Georges),  avocat  et  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Paris  le  24  juin  4858.  Il  fît  ses  études  au  lycée 
Fontanes  (actuellement  lycée  Condorcet),  suivit  les  cours 
de  l'Ecole  de  droit  et  s'inscrivit  en  4879  au  barreau.  Secré- 
taire de  Louis  Blanc  en  4878,  il  se  révéla  bientôt  comme 
un  avocat  de  premier  ordre  en  même  temps  qu'il  marquait 
ses  idées  politiques  en  défendant  brillamment  divers  accu- 
sés dans  les  procès  socialistes  et  anarchistes  :  on  peut  si- 
gnaler notamment  ses  plaidoiries  dans  le  procès  Kropot- 
kine  à  Lyon,  l'affaire  Cyvoct,  et  dans  le  procès  de  iVIontceau- 
les-Mines  en  oct.  -1882;  en  juin  4883,  il  plaida  encore 
pour  Louise  Michel  (dans  le  procès  qui  s'ouvrit  lors  de  la 
manifestation  des  ouvriers  sans  travail,  partie  du  Champ 
de  Mars  et  terminée  par  le  pillage  d'une  boulangerie  bou- 
levard Saint- Germain)  ;  enfin,  plus  récemment  "(4886),  il 
défendit  avec  M.  Millerand  devant  le  tribunal  de  Ville - 
franche  les  instigateurs  des  grèves  de  Decazeville.  Il  obte- 
nait en  même  temps  de  grands  succès  dans  un  autre  ordre 
de  plaidoiries  :  parmi  les  affaires  criminelles  qu'il  plaida 
avec  le  plus  d'éclat,  il  faut  citer  l'affaire  Pel,  l'affaire 
Campi,  le  crime  de  Villemomble  (affaire  Euphrasie  Mer- 
cier), l'affaire  des  brûleurs  de  Loir-et-Cher,  l'affaire  de 
Baillet,  le  tueur  de  prêtres,  etc. 

En  4883,  M.  Laguerre  entra  dans  la  vie  pohtique.  Il  se 
présenta  dans  l'arr.  d'Apt  pour  succéder  à  M.  Naquet  (qui 
venait  d'être  nommé  sénateur  de  Vaucluse)  et  fut  élu  le 
30  sept,  avec  4,736  voix  contre  3,479  obtenues  par  M,  Del- 
pech,  républicain  modéré.  M.  Laguerre,  qui  collaborait 
depuis  quelque  temps  au  journal  de  M.  Clemenceau,  la 
Justice,  prit  place  à  la  Chambre  à  l'extrême  gauche.  Il 
demanda  la  re vision  de  la  constitution,  la  suppression  du 
Sénat,  la  séparation  des  Eglises  et  de  l'Etat,  l'impôt  sur 
le  revenu,  etc.  ;  en  4884,  il  soutint  un  projet  d'amnistie 
plénière  pour  les  condamnés  politiques.  Le  4  oct.  4885, 
il  se  représenta  sur  la  liste  républicaine  radicale  de  Vau- 
cluse et  fut  élu  au  scrutin  de  ballottage  par  33,202  voix 
sur  64,868  votants.  Pendant  cette  nouvelle  législature,  il 
fit  deux  fois  partie  de  la  commission  du  budget  et  com- 
battit la  censure  (1887).  Mais  son  rôle  politique  le  plus 
important  se  rattache  à  la  part  qu'il  prit  à  l'agitation 
boulangiste.  En  mars  4888,  après  la  mise  en  non-activité 
du  général  Boulanger  pour  actes  d'indiscipline,  M.  La- 
guerre organisa,  avec  divers  députés  radicaux,  une  pro- 
testation dite  «  nationale  »  et  pubha  le  manifeste  qui 
posait  la  candidature  du  général  aux  élections  partielles 
des  Bouches-du-Rhône  et  de  l'Aisne.  Une  scission  se  pro- 
duisit alors  dans  l'extrême  gauche,  dont  un  grand  nombre 
de  membres  refusèrent  de  s'associer  à  la  campagne  bou- 
langiste. M.  Laguerre,  membre  du  comité  directeur,  dé- 
fendit le  boulangisme  avec  une  activité  extraordinaire,  fai- 
sant, sur  tous  les  points  de  la  France,  des  conférences 
publiques  et  soutenant  les  nombreuses  candidatures  du  géné- 
ral Boulanger;  il  eut,  en  particulier,  une  part  prépondé- 
rante à  celle  du  dép.  du  Nord  (avr.  4888).  Peu  de  temps 
après,  au  mois  de  juin  4888,  il  créait  la  Presse,  second 
journal  du  parti  (qui  avait  pour  organe  spécial  la  Cocarde). 
Membre  très  actif  du  comité  de  la  Ligue  des  patriotes,  il 
fut,  lors  des  poursuites  ordonnées  contre  elle  par  M.  Cons- 
tans,  condamné  à  400  fr.  d'amende  (mars  i8S9).  Après 
le  départ  du  général  pour  la  Belgique  et  la  condamnation 
prononcée  par  la  Haute-Cour,  M.  Laguerre  fut  l'un  des 
organisateurs  de  la  campagne  électorale  qui  présentait  des 
boulangistes  dans  toute  la  France  aux  élections  générales 
du  22  sept.  4889.  Lui-même  se  porta  à  Paris,  où  il  fut  élu 
au  premier  tour  par  4,209  voix  contre  3,000  voix  que  se 
partageaient  le  républicain  radical  M.  Humbert  et  le  socia- 
liste M.  Chauvière.  Après  l'échec  des  boulangistes  aux 
élections  générales,  il  prit  part  encore  aux  élections  muni- 
cipales de  Paris;  mais,  sur  les  80  candidats  boulangistes, 
deux  seulement  passèrent.  Convaincu,  dès  lors,  qu'il  n'y 
avait  plus  d'avenir  politique  pour  le  boulangisme,  il  ne  per- 
sévéra pas  davantage  et,  quelques  mois  avant  le  suicide 
du  général,  signa,  avec  trois  autres  députés  (40  mai  4894), 


771  — 


LàGUERRE  —  UGUS 


une  lettre  adressée  au  journal  le  Temps,  aux  termes  de 
laquelle  il  disait  renoncer  au  boulangisme  et  se  rallier  à 
la  majorité  républicaine.  Aux  élections  générales  du  20  août 
1893,  il  fut  mis  en  ballottage  au  premier  tour  et  battu  au 
second  le  3  sept,  suivant  par  M.  Chauvière,  qui  obtenait 
3,703  voix,  tandis  qu'il  n'en  avait  que  2,917. 

M.  Laguerre  a  continué  à  faire  de  nombreuses- confé- 
rences littéraires  et  historiques  à  Paris  et  en  province  ; 
tous  les  ans  il  est  appelé  en  Belgique  et  en  Hollande  par 
les  principaux  cercles  littéraires.  L'une  de  ces  conférences, 
intitulée  Louis  XVII  n'est  pas  mort  au  Temple^  affir- 
mait, d'après  les  derniers  documents  historiques,  que  le 
petit  dauphin,  fils  de  Louis  XVI,  s'était  évadé  du  Temple. 
A  la  suite  de  cette  conférence,  qui  obtint  un  vif  succès  de 
curiosité,  M.  Laguerre  fit  pratiquer  des  fouilles  dans  l'an- 
cien cimetière  de  Sainte-Marguerite  (juin  1894)  et  y  re- 
trouva les  ossements  (déjà  exhumés  en  1846)  fausse- 
ment attribués  au  petit  dauphin  parles  écrivains  royalistes. 
Ces  ossements,  qui  ont  appartenu  à  un  adolescent  d'au 
moins  quatorze  ans,  ne  peuvent  se  rapporter  au  petit  roi, 
qui  serait  mort  au  Temple  à  l'âge  de  dix  ans.  Cette  con- 
statation est  un  argument  en  faveur  de  la  thèse  de  l'évasion. 

Depuis  1893,  M.  Laguerre  se  consacre  à  sa  profes- 
sion d'avocat  que  les  hostilités  politiques  l'obligent  à 
exercer  en  province.  Réprimandé  le  20  avr.  1886  lors  du 
procès  de  Decazeville  pour  la  réponse  violente  qu'il  fit  à 
l'attitude  offensante  du  procureur  de  la  République  à  son 
égard,  il  fut  poursuivi  quelques  années  plus  tard  devant  le 
conseil  de  l'ordre  ainsi  que  son  collègue  M.  Habert,  à  la 
suite  d'un  meeting  tenu  au  cirque  Fernando,  pour  offenses 
envers  M.  Q.  de  Beaurepaire,  procureur  général;  acquitté 
par  le  conseil  de  l'ordre,  il  fut  condamné  en  appel  par  la 
cour  de  Paris  à  six  mois  de  suspension  (5  févr.  1890). 
Enfin,  au  mois  de  janv.  1892,  le  conseil  de  l'ordre  des 
avocats  de  Paris  l'a  rayé  de  son  tableau,  prenant  pour  pré- 
texte ses  fonctions  d'administrateur  de  la  Presse^  fonctions 
qui  entraînaient  des  opérations  commerciales  incompatibles 
avec  la  profession  d'avocat.  Cette  peine  a  été  confirmée  par 
les  diverses  juridictions  d'appel,  en  dernier  heu  en  févr. 
1893.  —  M.  Laguerre  est  un  des  plus  remarquables  orateurs 
judiciaires  et  politiques  de  notre  temps  :  d'une  éloquence 
sobre,  il  parle  avec  une  mesure  et  un  goût  parfaits  dans  une 
langue  très  pure  et  châtiée.  Sans  éclats  de  voix,  sans  re- 
courir jamais  à  la  déclamation,  il  emporte  la  conviction  par 
la  sincérité  du  ton,  la  fermeté  et  l'esprit  des  arguments  que 
viennent  soutenir  une  émotion  naturelle  et  communicative. 
C'est  un  des  types  les  plus  achevés  du  talent  oratoire  des 
gens  du  Nord.  Son  éloquence  politique,  très  différente, 
n'est  pas  moins  remarquable  :  l'âpreté  provocante  de  sa 
parole  dans  les  réunions  publiques,  la  froide  audace  de  ses 
discours  à  la  Chambre  sont  encore  présents  à  la  mémoire 
de  ses  anciens  collègues.  Ph.  B. 

LA  GUESNERIÉ  (Charlotte-Marie- Anne  Charbonnier 
de),  femme  auteur  française,  née  vers  1710,  morte  à  An- 
gers le  6  janv.  1785.  Elle  a  donné  anonymement  des  ro- 
mans fort  bien  écrits  que  Ton  a  attribués  parfois  à  M'°^^  Ric- 
coboni.  Citons  :  Mémoires  de  Milady  B...  (Paris,  1740, 
in-16);  Iphis  et  Aglaé  (1768,  2  vol.  in-12). 

BiBL.  :  Célestin  Port,  Biogr.  de  Maine-et-Loire. 

LA  GUETTE  (M^^  de)  (V.  Guette). 

LAGUI  (Mar.).  Sorte  de  nœud  coulant  formé  en  passant 
le  double  du  filin  dans  la 
boucle  du  nœud  d'agui  et 
qui  sert  à  saisir  au  pas- 
sage un  objet  sur  lequel 
on  le  lance,  une  bouée, 
par  exemple. 

LAGUIAN-Mazous. 
Com.  du  dép.  du  Gers, 
arr.  de  Mirande,  cant. 
de  Miélan  ;  502  hab. 

LA  GUICHE.  Famille  française  (V.  Guiche). 

LA   UILLE  (Louis),  jésuite  et  historien  français,  né  à 


Autun  le  1^^  oct.  1658,  mort  à  Pont-à-Mousson  le  13  avr. 
1742.  Comme  professeur  à  Puniversité  épiseopale  de  Stras- 
bourg, il  écrivit:  Histoire  de  la  province  d'Alsace 
(Strasbourg,  1727,  2  vol.  in-fol.). 

LAGUILLERMIE  (Auguste-Frédéric) ,  graveur  et  peintre 
français,  né  à  Paris  le  27  mars  1841.  Elève  de  MM.  Bou- 
guereau  et  Flameng ,  il  a  peint  surtout  des  portraits. 
Comme  graveur,  il  a  obtenu  le  prix  de  Rome  en  1866. 
Parmi  ses  œuvres,  on  peut  citer  :  le  Martyre  de  saint 
André,  d'après  Ribéra;  le  Massacre  de  Scio,  d'après 
Delacroix;  les  Enfants  de  Charles  P'",  d'après  Van  Dyck; 
le  portrait  de  Jules  Grévy,  d'après  Bonnat. 

BiBL.  :  Beraldi,  les  Graveurs   du  xix"  siècle  ;  Paris, 

1885-92.  '  ' 

LAGUI NGE-Restoue.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyré- 
nées, arr.  de  Mauléon,  cant.  de  Tardets;  301  hab. 

LAGUNA  (La  ou  San  Crisïobal  de  La).  Ville  du  N.-E. 
del'ile  Ténériffe,  sur  un  plateau  de  l'intérieur;  12,000  hab. 
Eveché;  université;  tribunal.  Ancienne  capitale  de  l'ar- 
chipel, elle  renferme  une  vaste  cathédrale  à  cinq  nefs.  Son 
climat  salubre  en  fait  la  résidence  d'été  des  notables  de 
Santa  Cruz. 

LAGUNA.  Ville  maritime  du  Brésil,  Etat  de  Santa  Ca- 
tharina,  sur  la  lagune  de  Camacho,  à  l'embouchure  du  Tu- 
barao  et  à  100  kil.  S.  de  Desterro  ;  5,000  hab.  (agglomérés). 
Fondée  vers  1620  par  les  Paulistes,  c'est  la  plus  an- 
cienne ville  de  la  province.  Un  chemin  de  fer  la  relie  aux 
mines  de  houille  du  Tubarao  ;  elle  exporte  du  manioc,  du 
maïs,  du  poisson  vers  Desterro  et  Rio  de  Janeiro.  Auprès 
sont  les  colonies  italiennes  d'Azambuja  et  Grao  Para. 

LAG  U  N  E.  Partie  de  mer  peu  profonde,  généralement  en- 
trecoupée de  hauts-fonds  ou  d'îlots  et  séparée  de  la  mer 
par  une  langue  de  sable  ou  une  levée  de  galets  (V.  ce 
mol,  t.  XVin,  p.  375),  à  laquelle  on  applique  souvent  le 
nom  de  lido,  emprunté  à  la  lagune  de  Venise.  Celte  forma- 
tion se  trouve  souvent  à  l'embouchure  des  fleuves  et  repré- 
sente une  forme  préparatoire  des  deltas  (V.  ce  mot, 
t.  XIV,  p.  13).  Derrière  la  flèche  sablonneuse  (interrompue 
par  un  ou  plusieurs  détroits  qui  font  communiquer  les 
eaux  marines  et  celles  de  la  lagune),  les  cours  d'eau  dé- 
versent leurs  eaux  douces  chargées  de  limon  ;  peu  à  peu 
la  lagune  s'envase,  se  change  en  marais  ;  il  s'y  constitue 
des  îlots  et  des  hauts-fonds  entourés  d'eau  plus  ou  moins 
salée  ;  progressivement  l'étendue  du  sol  émergé  s'accroît, 
ne  laissant  d'eau  que  dans  des  canaux  par  lesquels  les 
fleuves  continuent  de  se  déverser  dans  la  mer.  La  lagune 
de  la  Vénétie,  celle  de  la  côte  de  Guinée,  les  étangs  mari- 
times du  Languedoc,  les  limans  des  fleuves  russes  tribu- 
taires de  la  mer  Noire  sont  les  types  les  plus  remarquables 
des  lagunes.  A.-M.  B. 

LAGUPIE.  Com.  du  dép.  du  Lot-et-Garonne,  arr.  de 
Marmande,  cant.  de  Seyches  ;  433  hab. 

LA6US.  Macédonien  du iv^  siècle  av.  J.-C,  père  de  Pto- 
lémée  ;  il  fit  sa  fortune  en  épousant  une  concubine  du  roi  Phi- 
lippe ;  on  dit  même  qu'elle  était  enceinte,  ce  qui  ferait  de 
Ptolémée  un  fils  de  Philippe.  Après  la  mort  de  sa  première 
femme,  il  se  remaria  avec  Arsinoé,  nièce  d'Antipater,  et 
en  eut  une  fille,  BéréMice,  qui  épousa  son  demi-frère, 
Ptolémée.  C'est  de  leur  ancêtre  Lagus  que  les  Ptolémées 
reçurent  le  nom  de  Lagides  (V.  Egypte). 

LAGUS  (Vilhelm-Gabriel),  jurisconsulte  et  historien  ^n- 
landais,  néàldensalmenl786,  mortàHelsingforsenl8o9. 
n  étudia  tout  d'abord  sous  Porthan  à  Âbo,  puis  aiïieva  ses 
études  à  Upsal.  En  1823,  il  est  nommé  professeur  de  droit 
à  Abo,  d'où  il  passa  à  Helsingfors,  quelques  années  plus 
tard,  en  cette  même  qualité.  De  1845  à  1848,  il  remplit 
les  fonctions  de  recteur  de  l'université  et  en  est  nommé 
chancelier  en  1849.  Disciple  de  Porthan,  toutes  ses  re- 
cherches juridiques  ou  historiques  sont  dirigées  avec  une 
conscience  extrême  et  témoignent  d'une  très  grande  érudi- 
tion. Les  principales  œuvres  sont  :  De  Matrimoniis  inter 
cognatos  aut  affines  prohiMtis  (1832);  Remarques  sur 


LAGUS  —  LA  HARPE 


772  — 


la  doctrine  du  droit  lignager  (1842,  en  suédois)  ;  Sur 
les  Traductions  de  lois  en  finnois  (publié  par  son  fils  en 
4863,  en  suédois),  et,  comme  travaux  historiques  :  Histoire 
de  la  Cour  d'appel  d'Abo  (1834,  en  suédois,  ouvrage 
inachevé) ,  ainsi  que  de  nombreuses  Etudes  sur  l'histoire 
ecclésiastique  en  Finlande  (1836-39  et  184o~50). 

LAGUS  (Jakob-Johan-Vilhelm),  professeur  et  écrivain 
finlandais,  né  à  Abo  en  4821,  fils  du  précédent.  Après  de 
brillantes  études  à  Helsingfors,  il  fut  reçu  docteur  en  1847, 
voyagea  en  Russie,  en  Turquie  et  en  Grèce  de  4830  à 
4854,  fut  nommé  professeur  de  langues  orientales  à  Hel- 
singfors en  4857,  puis,  en  1866,  professeur  de  grec  à  la 
même  université.  Philologue  et  archéologue  d'un  grand 
mérite,  helléniste  distingué,  Lagus  fut  anobli  en  1880, 
étant  recteur  de  l'université  depuis  4878.  Ses  principales 
publications  sont,  en  latin  :  Plutarchus  vitœ  Ciceronis 
scriptor  (1847)  ;  Plutarchus  vitœ  Catonis  cens,  scrip- 
tor^  Plutarchus  Varronis  studiosus^  Plutarchus  Livii 
studiosus  et  Studia  latina  provincialium  (1849);  en 
russe  :  Etude  sur  le  séjour  de  Charles  XIl  dans  la 
Russie  méridionale  (Odessa,  4853)  ;  en  grec  :  Etudes 
sur  les  Hellènes  de  la  Russie  méridionale  (Athènes)  ; 
en  suédois  :  Cours  de  langue  arabe  (1866-78)  et  des 
études  littéraires  sur  Erik  Flaxman  (1880)  et  sur  le 
poète  suédois  Kellgren  (4884),  etc. 

LAGUS  (Robert-Erik),  jurisconsulte  finlandais,  né  à 
Âbo  en  1827,  mort  à  Montpellier  en  4863,  frère  du  précé- 
dent. Il  prit  en  4850,  après  avoir  étudié  à  Helsingfors,  le 
grade  de  filosofie  magister,  et  se  voua  d'abord  à  l'enseigne- 
ment ;  il  l'abandonna  cependant  bientôt,  pour  se  consacrer 
entièrement  aux  études  juridiques  :  il  fit  sa  licence  en  droit 
en  1859,  son  doctorat  en  1860  et  fut  nommé,  peu  après, 
professeur  agrégé  à  la  faculté  de  droit  d'Helsingfors.  Ses 
travaux,  publiés  en  suédois,  ont  porté  principalement  sur 
la  Condition  faite  par  les  lois  aux  enfants  naturels  ; 
il  a  laissé  en  outre  un  volume  de  Dissertations  juridiques 
et  un  Album  juridique  (1864-62). 

LAGUS  (Vilhelm-Ciabriel),  écrivain  finlandais,  né  à  Hel- 
singfors le  7  avr.  1837,  frère  du  précédent.  En  4860,  il 
prit  à  l'université  d'Helsingfors  le  grade  de  filosofie  ma- 
gister,  pour  l'obtention  duquel  il  avait  présenté  une  dis- 
sertation sur  la  poésie  à  l'époque  de  Gustave  IH.  D'abord 
professeur  d'histoire  au  lycée  de  Borgâ,  puis,  depuis  1874, 
professeur  de  grec  au  lycée  de  Viborg,  il  a  publié  un  grand 
nombre  d'œuvres  littéraires  ou  relatives  à  la  littérature.  Il 
a  pris  sa  retraite  en  1891.  Ses  poésies  suédoises,  où  l'in- 
fluence de  Runeberg  est  sensible,  parurent  sous  le  titre  de 
Smârre  Dikter  (Petites  Poésies)  en  1856.  En  4864,  il 
publia  un  récit  épique  intitulé  Riddar  Unos  sôner^  qui 
lui  valut  une  récompense  de  l'Académie  suédoise.  Il  don- 
nait, quelques  années  plus  tard,  un  grand  drame  :  Klubb- 
hôfdingen  (4869),  puis  Drottning  Filippa  (la  reine  Filippa, 
4875),  et  faisait  représenter,  sans  les  publier,  trois  œuvres 
dramatiques  :  En  Julafton  i  Tobolsic  (Une  Soirée  de  Noël 
à  Tobolsk)  ;  /  Natten  (Dans  la  nuit)  ;  Den  nye  adjunkten 
(le  Nouvel  Adjoint).  Il  a  écrit,  en  outre,  des  Conférences 
sur  la  littérature  pnno-suédoise  (4866-7,  en  suéd.);  il 
est,  depuis  4875,  rédacteur  du  journal  Ôstra  Finland, 
fondé  par  lui,  et  travaille  actuellement  (1 895)  à  une  Histoire 
de  Viborg^  dont  la  première  partie  a  paru  en  1 893.    Th.  C. 

LAHA8E.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr.  de 
Muret,  cant.  de  Rieumes;  494  hab. 

LA  HAIZE  (Jean  de),  écrivain  français  du  xvi®  siècle. 
Avoca|  à  La  Rochelle  et  protestant  zélé,  il  prit  la  parole 
au  nom  de  la  ville  en  des  occasions  importantes,  notam- 
ment à  l'entrée  de  Charles  IX,  à  celles  de  Jeanne  d'Albret 
et  du  prince  de  Condé.  Parmi  ses  écrits,  il  faut  mentionner 
deux  discours  sur  l'état  de  la  France  qui  sont  des  docu- 
ments historiques  curieux  :  Discours  sur  ce  qui  s'est 
passé  en  la  ville  et  gouvernement  de  La  Rochelle 
de  i567  à  1568  (s.  î.,  4575,  in-4),  et  id.  de  1568 
à  1570  (4575,  in-4). 

LAHALLEouHALLE(Adamde)(V.ADAMDELAHALLE). 


LAH ARMAND.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr. 
et  cant.  de  Chaumont;  447  hab. 

LA  HARPE  (Jean-François  de),  littérateur  français,  né 
à  Paris  le  20  nov.  4739,  mort  à  Paris  le  11  févr.  1803. 
Fils  d'un  gentilhomme  suisse  sans  fortune,  et  resté  orphe- 
lin à  l'âge  de  dix  ans,  il  fut  recueilli  par  les  sœurs  de  clia- 
rité  de  la  paroisse  Saint-André-des-Arts  et  obtint  une 
bourse  au  collège  d'Harcourt.  Il  y  remporta  de  brillants 
succès,  mais  y  donna  une  preuve  de  noire  ingratitude  en 
rimant  contre  le  personnel  du  collège  des  couplets  sati- 
riques qu'il  expia  par  une  détention  de  plusieurs  mois  à 
Bicètre  et  au  For-l'Evêque.  Les  Héroïdes  et  Poésies  fu- 
gitives, publiées  en  4759  et  en  4762,  ne  l'avaient  tiré  ni 
de  la  misère  ni  de  l'obscurité,  lorsqu'il  fit  représenter  sa 
première  tragédie  :  Warwick  (nov.  4763),  dont  le  succès 
fut  chaleureusement  salué  par  Voltaire  à  qui  La  Harpe  dé- 
dia sa  pièce.  Les  trois  suivantes:  Timoléon  (1^^  avr. 
1764)  ;  Pharamond  (14  août  4765),  et  Gustave  Wasa 
(3  mars  4766)  furent  au  contraire  trois  échecs  éclatants. 
Après  un  séjour  assez  prolongé  à  Ferney,  durant  lequel  il 
déroba  et  répandit  la  copie  du  second  chant  (alors  iné- 
dit) de  la  Guerre  de  Genève,  il  fut  chargé  de  la  critique 
littéraire  et  dramatique  au  Mercure,  et  rendit  coup  pour 
coup  à  ses  ennemis  plus  nombreux  que  jamais.  En  même 
temps,  il  prenait  part  aux  concours  académiques  par 
les  éloges  de  Henri  IV  (1770),  de  Fénelon  (1771),  de 
Racine  (1772),  de  Catinat  (4775),  de  La  Fontaine 
(1774),  et  s'y  voyait  régulièrement  couronné  jusqu'au 
jour  où  lui  échut  le  fauteuil  de  Colardeau  (1776). 

La  Harpe  n'avait  point  cependant  renoncé  au  théâtre.  Si 
le  drame  de  Mélanie  ou  la  Religieuse  (1 770)  n'avait  pu 
être  représenté,  à  raison  du  sujet  même  (il  s'agissait, 
comme  dans  le  roman  de  Diderot,  encore  inédit  à  cette 
date,  d'une  jeune  fille  forcée  de  prononcer  ses  vœux),  Men- 
zikoff(ill6),  les  Barricades  (MIS) ,  Jeanne  de Nap les 
(1784)^,  les  Brames  (ilSi),  Coriolan  (1784),  Virgi- 
nie (4786),  échouèrent  tour  à  tour,  mais  la  tragédie  de 
Philoctète  (1783),  imitée  de  celle  de  Sophocle,  obtint  à  la 
lecture  un  succès  qu'elle  ne  retrouva  pas  à  la  scène.  En 
1786,  l'auteur  commença  au  Lycée,  établissement  d'ensei- 
gnement fibre,  mais  non  gratuit,  un  cours  de  littérature 
auquel  il  dut  le  meilleur  de  sa  notoriété  et  qui  a  seul  fait 
survivre  son  nom.  H  le  continua  jusqu'en  4798,  non  sans 
y  donner  mainte  preuve  de  sa  versatilité  politique  et  phi- 
losophique. Partisan  de  la  Révolution  dont  il  vantait  les 
progrès  dans  sa  chaire  comme  dans  ses  articles  du  Mer- 
cure,  il  ne  craignit  pas  en  4793  de  se  coiffer  du  bonnet 
rouge,  de  réciter  en  public  une  ode  de  sa  composition,  à  la 
louange  de  la  Terreur  et  d'applaudir  aux  mesi  res  les  plus 
violentes;  malgré  cette  exaltation,  il  fut  incarcéié,  comme 
suspect,  en  avr.  4794,  au  Petit-Luxembourg.  La  lecture  de 
quelques  versets  de  Vlmitation  où  il  entrevit  une  analo- 
gie frappante  avec  sa  desthiée,  lui  dessilla  les  yeux,  a-t-il 
raconté  plus  tard,  et,  lorsque  le  9  thermidor  lui  eût  rendu 
la  liberté,  il  poursuivit  de  ses  sarcasmes  et  de  ses  invectives 
les  hommes  et  les  idées  dont  il  s'était  montré  le  plus  dé- 
terminé prôneur.  En  même  temps  il  fut,  avec  Fontanes  et 
Bourlet  de  Vauxcelles,  l'un  des  rédacteurs  du  Mémorial, 
supprimé  au  18  fructidor.  Il  se  déroba  au  décret  de  pros- 
cription sur  lequel  figurait  son  nom  en  se  cachant  à  Cor- 
beil  et  ne  reparut  qu'après  le  48  brumaire.  Bien  que,  lors 
de  la  réorganisation  du  Mercure  (juin  1800),  il  eut  so- 
lennellement déclaré  «  ne  vouloir  rien  publier  désormais 
qui  puisse  faire  peur  ou  ombrage  à  personne  »,  la  mise  au 
jour  (1801-7,  6  vol.  in-8)  de  la  Correspondance  litté- 
raire manuscrite,  adressée  par  lui  de  4774  à  4791  au 
grand-duc  de  Russie,  Paul-Pétrovitch,  souleva  de  nouvelles 
colères  contre  l'auteur  qui  n'y  ménageait  pas,  on  peut  le 
croire,  ses  contemporains  ni  surtout  ses  rivaux. 

Outre  les  écrits  en umérés  ci-dessus,  La  Harpe  est  encore 
l'auteur  de  la  traduction  de  Suétone  (4770,  2  vol.  in-8)  et 
de  la  Lusiade  de  Camoëns  (1 776,  2  vol.  in-8),  et  d'un  spi- 
rituel badinage  en  vers ,  Tangu  et  Félime,  poème  en  quatre 


773 


LA  HARPE  -  LA  HIÈRE 


chants  (4780,  in -8,  fig.  de  Marillier),  d'un  Eloge  de 
Voltaire  (4780),  de  la  célèbre  Prophétie  de  Cazotte 
(V.  ce  nom),  que  Sainte-Beuve  considérait  comme  son  chef- 
d'œuvre,  de  diverses  brochures  politiques  de  circonstance, 
entre  autres  :  De  la  Guerre  déclarée  par  nos  derniers 
tyrans  à  la  raison^  à  la  morale,  aux  lettres  et  aux 
arts  (4796,  in-8)  et  Du  Fanatisme  dans  la  langue 
révolutionnaire  (4797,  in-8),  et  d'une  épopée  posthume 
en  six  chants, /(2Re%zow  ou  le  Roi  martyr  (4844,  in-8). 
Son  ami  et  exécuteur  testamentaire,  Bovlard  (V.  ce  nom), 
avait  rassemblé  sous  le  titre  de  Mélanges  inédits  de  lit- 
térature (4840,  in-8)  quelques-uns  de  ses  articles  du 
Mercure,  mais  non  pas  ceux  que  La  Harpe  avait  désavoués 
et  qui  attendent  encore  un  éditeur.  Quant  au  Cours  de 
littérature^  dont  la  première  édition  (4799,  9  vol.  in-8) 
fut  complétée  par  une  partie  posthume  intitulée  Philoso- 
phie du\ym^  siècle  (4805, 2  vol.  ln-8),  remphe  d'erreurs 
bibliographiques  réfutées  par  Barbier,  il  a  été  maintes  fois 
réimprimé  par  fragments  ou  en  entier,  jusqu'à  la  fin  de  la 
Restauration.  Maurice  Tourneux. 

BiBL.  :  G.  Peignot,  Recherches  historiques,  bibliogra- 
phiques et  littéraires  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  La 
Harpe^  1820,  in-12.  —  Petitot,  Fayolle,  Saint-Simon, 
Notices  en  tête  de  leurs  éditions.  —  Sainte-Beuve,  Cause- 
ries du  lundi,  t.  V. 

LA  HARPE  OU  LAHARPE  (Frédéric-César  de),  homme 
d'Etat  suisse  et  général  au  service  de  la  Russie,  de  la  fa- 
mille du  précédent,  né  à  Rolle  (Vaud)  le  6  avr.  4754, 
mort  à  Lausanne  le  30  mars  4838.  Il  fit  ses  études 
à  Genève,  puis  à  Tubingue  oii  il  prit  son  doctorat  en  droit. 
Entré  dans  la  magistrature  vaudoise,  il  la  quitta  en  4784 
pour  accompagner  en  Italie  un  prince  russe  qui  le  recom- 
manda à  Catherine  11.  L'impératrice  le  chargea  de  diriger 
l'éducation  des  grands-ducs  Alexandre  et  Constantin,  ses 
petits-fils.  Très  écouté  à  la  cour,  il  persuada  à  l'impéra- 
trice de  ne  pas  adhérer  à  la  première  coalition  qui  se  for- 
mait contre  la  France  révolutionnaire.  Ses  efforts  pour 
l'affranchissement  du  pays  de  Vaud  soumis  aux  Bernois 
amenèrent  des  intrigues  qui  ébranlèrent  son  crédit.  Il  quitta 
la  Russie  avec  le  grade  de  colonel,  se  fixa  à  Genthod  (Ge- 
nève), puis  à  Paris  où  il  continua  ses  démarches  en  faveur 
des  Vaudois.  La  première  assemblée  du  pays  de  Vaud 
émancipé  lui  décerna  le  30  mars  4798  une  médaille  d'or  : 
«  A  Frédéric-César  La  Harpe,  le  peuple  vaudois  recon- 
naissant. »  Il  revint  en  Suisse  à  cette  époque  et  entra  le 
29  juin  de  cette  même  année  au  Directoire  exécutif  dont 
il  fit  partie  jusqu'à  sa  dissolution  en  4800.  Il  dut  encore 
s'enfuir  pour  cause  politique  et  se  réfugier  au  Plessis-Piquet, 
près  de  Paris,  puis  auprès  du  tsar  Alexandre,  son  ancien 
élève.  Il  y  passa  huit  mois.  Lors  de  la  campagne  de  4844, 
il  fut  secrétaire  de  ce  monarque  qui  le  nomma  Ueutenant 
général  et  conseiller  aulique.  Il  fit  beaucoup  auprès  de  lui 
et  au  congrès  de  Vienne  pour  faire  reconnaître  l'indépen- 
dance de  la  Suisse.  Un  monument  a  été  élevé  à  la  mémoire 
du  grand  patriote  dans  une  île  artificielle  du  port  dé  Rolle. 
Parmi  ses  nombreux  écrits  politiques,  mentionnons  :  Essai 
sur  la  constitution  du  pays  de  Vaud(Vms,  4796, 2  vol.). 

LA  HARPE  (Amcdée-Emmanuel-François  de),  général 
français,  né  à  Rolle  (Vaud)  le  27  sept.  4754,  tué  dans  la 
campagne  d'Italie  le  8  mai  4796,  parent  du  précédent.  Il 
sert  d'abord  en  Hollande,  puis  revient  dans  le  pays  de 
Vaud  avec  un  siège  aux  Deux-Cents  de  Lausanne.  Com- 
promis politiquement,  il  s'enfuit,  tandis  que  les  autorités 
bernoises  le  condamnent  à  mort,  et  il  entre  au  service  fran- 
çais en  4794.  Il  se  distingua  à  la  campagne  d'Allemagne 
en  4792  et  reçut  du  maréchal  Luckner  le  nom  de  «  Brave  » 
qui  lui  resta.  Il  était  alors  heutenant-colonel.  Au  siège  de 
Toulon  en  4793,  il  enleva  le  fort  du  Faron,  ce  qui  en- 
traîna la  reddition  de  la  place.  Il  est  promu  général  de 
brigade  après  cette  action  d'éclat.  Placé  dans  l'avant-garde 
de  l'armée  d'Italie,  vainqueur  des  Autrichiens  à  Garizio  et 
à  Cairo,  plus  tard  chargé  de  couvrir  la  retraite  de  Keiler- 
mann,  victorieux  à  Vad'o  (24  juin  4795),  il  reçoit  bientôt 
le  grade  de  général  de  division.  Sa  conduite  à  Montenotte, 


à  Millésime,  lui  vaut  des  éloges  spéciaux  du  Directoire.  Il 
fut  tué,  peut-être  par  suite  d'une  méprise,  dans  un  combat 
nocturne,  le  jour  où  sa  division  passait  le  Pô  à  Codogno. 

LA  HARPE  (Philippe-Louis-Emmanuel  de),  landammann 
du  cant.  de  Vaud,  fils  du  précédent,  né  à  Rolle  en  juin 
4782,  mort  à  Lausanne  le  2  janv.  4842.  Entré  dans  l'ar- 
mée française  encore  enfant,  il  se  signala  par  sa  bravoure 
au  combat  de  frimaire  an  IV,  mais  il  quitta  bientôt  la  car- 
rière des  armes  pour  celle  du  droit.  Devenu  docteur  en 
droit  en  Allemagne,  il  vint  s'établir  à  Lausanne  comme 
avocat.  La  politique  le  prit  jeune  et  le  conduisit  aux  plus 
hautes  fonctions  de  son  pays  :  le  30  juin  4830,  il  était 
nommé  à  la  charge  de  landammann  du  cant.  de  Vaud. 
Après  l'adoption  de  la  constitution  vaudoise  de  4834,  il 
fut  élu  au  conseil  d'Etat  dont  il  fit  partie  jusqu'à  sa  mort. 
Il  fut  dix  fois  député  à  la  Diète  fédérale.  On  lui  doit  quelques 
travaux  juridiques,  entre  autres  un  Mémoire  sur  IHntro- 
duction  du  jury  et  une  longue  collaboration  à  la  rédac- 
tion des  codes  vaudois.  E.  Kuhne. 

LA  H  AS.  Corn,  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Lombez,  cant. 
de  Samatan  ;  496  hab. 

LA  HAYE  (V.  Haye  [La]). 

LA  HAYE  (Gilbert  de),  biographe  français,  né  à  Lille 
en  4640,  mort  à  Lille  le  47  juin  4692.  Procureur  général 
des  dominicains  pour  les  Pays-Ras.  Parmi  ses  très  nom- 
breux ouvrages,  mentionnons  :  Vie  des  saints  martyrs 
Lugle  et  Luglian  (Lille,  4673,  in-42);  Compendium 
historiée  provinciœ  Germaniœ  Inferioris  (Paris,  4724, 
in-fol.);  la  Fatalité  de  Saint-Cloud  (Le  Mans,  4673, 
in-fol.,  plus,  éd.),  où,  avec  le  P.  Guyard,  il  prétend  que 
Jacques  Clément  ne  fut  pas  l'assassin  de  Henri  III. 

LAHAYE  (Alexis-Marie),  peintre  français,  né  à  Paris  le 
20  avr.  4854.  Elève  de  Carolus4)uran,  il  exposa,  en  4886, 
Rêverie  et  Premiers  Pas.  Le  premier  de  ces  tableaux  est 
au  musée  de  Nîmes. 

LAHAYE  DE  CoRMENiN  (Louis  de)  (V.  Cormenin). 

LAHAYMEIX.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Com- 
mercy,  cant.  de  Pierrefitte  ;  277  hab. 

LAHAYVILLE.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Com- 
mercy,  cant,  de  Saint-Mihiel  ;  54  hab. 

LA  H  D  E  (Gerard-Ludwig),  graveur  danois,  né  à  Brème  en 
4765,  mort  à  Copenhague  en  4833.  Parmi  ses  œuvres  gra- 
vées, outre  de  nombreux  portraits,  il  faut  citer  :  Vîncendie 
de  Kristiansborg  (il9i);  le  Combat  de  Copenhague 
(1804);  le  Bombardement  de  Copenhague  {\%<dl),  etc. 

LAHEDJ  ou  EL-HOUTA.  Ville  du  S.-O.  de  l'Arabie,  à 
40  kil.  N.  d'Aden,  ch.-l.  d'une  principauté  qui  reconnaît  le 
protectorat  britannique. 

LA  HÈLE  (Georges  de),  musicien  belge,  né  dans  le 
Hainaut  vers  4545,  mort  en  Espagne  vers  4590.  Il  fut 
enfant  de  chœur  à  la  chapelle  royale  de  Madrid,  maître 
des  enfants  de  chœur  de  la  cathédrale  de  Tournai,  puis 
attaché  à  la  chapelle  de  Philippe  II  à  Madrid  (4580).  On  a 
conservé  de  lui  un  recueil  de  huit  messes  (Anvers,  4578, 
in-fol.)  qui  sont  très  remarquables. 

LAHEYCOURT.  Com.  du  dép.  delà  Meuse,  arr.de 
Bar-le-Duc,  cant.  de  Vaubecourt  ;  965  hab.  Stat.  du  ch. 
de  fer  de  l'Est.  Tanneries  et  corroiries. 

LAHIOJAN.  Ville  de  Perse,  prov.  de  Ghilan,à  45  kil. 
E.  de  Recht  et  42  kil.  de  la  mer  Caspienne  ;  8,000  hab. 
Ancienne  résidence  des  princes  du  Ghilan. 

LAHIER  (François),  jésuite  français,  né  en  4592,  mort 
à  Pont-à-Mousson  en  4656.  Outre  certains  ouvrages  de 
théologie  et  d'hagiographie,  il  a  laissé  :  Relation  de  la 
province  du  Japon  (Tournay,  4645,  in-8)  faite  sur  les 
documents  fournis  par  les  missions  et  augmentée  de  la  Re- 
lation de  la  province  de  Malabar  par  les  PP.  Barretto 
et  Cardin  s. 

LA  HIÈRE  (Les).  Famille  d'architectes  et  ingénieurs 
lorrains  des  xvi®  et  xvii®  siècles.  —  Nicolas  La  Ilière  fit 
restaurer,  de  4595  k  4642,  le  palais  ducal  à  Nancy  dont 


L4  HIÈRE  —  LA  HIRE 


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on  lui  devait  la  cour  du  trésor  des  Chartes,  un  cabinet 
porté  sur  une  trompe  dans  les  appartements  de  la  duchesse 
et  —  probablement  était-il  aussi  sculpteur  —  quatre  che- 
minées de  pierre  avec  cadres  et  corniches.  Nicolas  fit  aussi 
reconstruire  le  chœur  et  une  chapelle  de  l'église  des  Mi- 
nimes à  Nancy  et  travailler  dans  les  châteaux  de  Monthu- 
reux,  de  Sarreguemines  et  de  Lunéville.  — •  Jean,  fils  on 
frère  cadet  du  précédent,  lui  succéda  comme  maître  et 
conducteur  des  travaux  du  duc  de  Lorraine  et,  comme  son 
prédécesseur,  fit  travailler  aux  châteaux  et  aux  fortifications 
de  Nancy,  de  Lunéville,  de  Sarreguemines,  ainsi  qu'aux 
fortifications  de  Marsal  et  aux  châteaux  de  Jumetz,  de 
Lixeimet  de  Condé.  L'œuvre  la  plus  importante  de  Jean  La 
Hière,  qui  mourut  vers  4640,  fut  la  construction  de  deux 
pavillons  et  d'une  courtine  sur  la  rivière  qu'il  ajouta  au 
château  de  Lunéville.  Habile  dessinateur,  il  avait  tracé  les 
perspectives  de  la  pompe  funéraire  du  duc  Henri  II  de 
Lorraine  et  fait  élever  un  arc  de  triomphe  pour  l'entrée  du 
duc  Charles  IV  à  Nancy.  Charles  Lucas. 

LA  HIRE  (Etienne  de  Vignolles,  dit),  célèbre  capitaine 
français  du  xv®  siècle,  né  vers  1390,  mort  le  il  janv.  1443. 
Issu  d'une  famille  d'ancienne  chevalerie,  il  naquit  au  château 
de  Vignolles,  situé,  non  point  en  Bigorre,  comme  on  l'a 
dit,  mais  en  Gascogne,  dans  la  sénéchaussée  de  Tartas.  Le 
surnom  de  La  Hire,  qui  a  fait  oublier  son  nom  patronymique, 
lui  fut  donné  par  les  Bourguignons,  ses  ennemis,  et  lui- 
même  l'adopta  dans  sa  signature.  C'est  en  4418  que  La 
Hire  apparaît  pour  la  première  fois  dans  l'histoire,  à  côté 
de  son  inséparable  compagnon  Poton  de  Saintrailles,  au 
moment  où  le  dauphin,  plus  tard  Charles  VÏI,  était  contraint 
de  se  retirer  à  Bourges  ;  tous  deux  venaient  offrir  leurs 
services  au  prince  et  restèrent  dès  lors  fidèlement  attachés 
à  sa  fortune.  Capitaine  de  Crépy  en  Laonnois  en  4419,  La 
Hire  défend  vaillamment  Tannée  suivante  cette  place  contre 
le  duc  de  Bourgogne  qui  finit  par  s'en  emparer  ;  il  bataille 
ensuite  autour  de  Coucy;  en  1421,  on  le  retrouve  au  siège 
d'Alençon;  en  1424,  il  prend  part  à  la  bataille  de  Ver- 
neuil  ;  en  1427,  il  contribue  pour  une  large  part,  avec  le 
bâtard  d'Orléans,  à  la  brillante  «  rescousse  »  qui  sauva 
Montargis.  En  1428,  il  occupe  un  moment  Le  Mans,  en  est 
délogé  par  Talbot  et  vers  la  fin  de  cette  année  obtient  des 
habitants  de  Tours,  en  faveur  d'Orléans  assiégé  par  les 
Anglais,  un  secours  de  200  livres  tournois  :  La  Hire  était 
alors  écuyer  d'écurie  du  roi.  Après  avoir  pris  part  à  la 
célèbre  bataille  des  Harengs  (21  févr.  1429),  il  fut  un  des 
capitaines  chargés  de  ravitailler  Orléans  ;  arrivé  dans  cette 
ville  le  25  avr.  1429,  il  y  trouva  Jeanne  d'Arc  et  fut  un 
des  premiers,  et  d'abord  un  des  rares,  qui  acceptèrent  de 
combattre  sous  ses  ordres  et  crurent  à  sa  divine  mission. 

11  devint  dès  lors  son  compagnon  d'armes  fidèle;  le  11  juin, 
il  combat  à  Jargeau,  commande  le  18  l'avant-garde  à 
Patay,  escorte  le  roi  à  Reims  et  le  suit  enfin  sous  les  murs 
de  Paris.  En  févr.  1430,  nommé  capitaine  général  en  Nor- 
mandie, il  enlève  Château-Gaillard  d'un  hardi  coup  demain, 
puis  Louviers  oii  les  Anglais  viennent  l'assiéger  ;  fait  pri- 
sonnier dans  une  sortie  (juil.  1431),  il  fait  appel  aux 
bonnes  villes  du  royaume,  qui  payent  sa  rançon,  et  dès  le 

12  avr.  1432  figure  parmi  les  capitaines  qui,  à  la  suite  du 
bâtard  d'Orléans,  pénétrèrent  dans  Chartres,  enlevé  par 
surprise  aux  Anglais.  Nommé,  le  31  déc.  1433,  capitaine 
général  des  pays  au  N.  de  la  Seine,  il  s'installe  en  Beau- 
vaisis  à  la  tête  de  1,500  lances  et,  sous  le  couvert  de  l'au- 
torité royale ,  se  Hvre  à  toute  espèce  de  déprédations  et  d'excès . 
En  4436-37,  il  recommence  contre  les  Anglais  la  guerre 
de  partisans,  prend  et  perd  tour  à  tour  Gisors,  Soissons, 
Roye  et  pousse  des  pointes  hardies  jusque  sous  les  murs 
de  Rouen.  Le  42  nov.  1437,  il  figurait  aux  côtés  de 
Charles  VU  entrant  solennellement  dans  Paris.  A  la  fin 
de  4438,  il  prend  part  à  une  grande  expédition  :  le  comte 
de  Vaudémont  était  en  guerre  en  Lorraine  avec  le  roi  René  ; 
en  compagnie  de  Brussac,  de  Boniface  de  Valpergue,  des 
Lestrac,  La  Hire  va  servir  ce  dernier,  puis,  la  guerre  ter- 
minée (févr.  1439),  les  routiers  vont  ravager  l'Alsace  où 


ils  commettent  les  plus  effroyables  excès  ;  après  une  ten- 
tative infructueuse  sur  Bâle,  où  siégeait  encore  un  simu- 
lacre de  concile,  ils  reviennent  parle  comté  de  Montbéliard 
et  la  Bourgogne.  Chargé  en  4440  de  secourir  Harfleur 
assiégé  par  les  Anglais,  La  Hire  ne  réussit  pas  à  sauver  la 
ville.  Enfin,  après  avoir  accompagné  Charles  VII  à  Laon 
et  obligé  le  comte  de  Saint-Pol  \  évacuer  Ribemont,  il 
assiste  au  siège  de  Pontoise  (juin-sept.  4444)  et  prend 
part  à  la  grande  expédition  dirigée  par  Charles  VII  lui- 
même  en  Guyenne  pour  reconquérir  Tartas  sur  les  Anglais. 
Ce  fut  la  dernière  campagne  de  La  Hire  :  au  retour,  il 
mourut  à  Montauban  et  fut  inhumé  dans  l'église  de  la 
Maison-Dieu  des  augustins  de  Montmorillon  en  Poitou,  dont 
il  était  seigneur.  La  Hire  fut  toujours  l'objet  de  grandes 
faveurs  de  la  part  de  Charles  VII  :  écuyer  d'écurie  en  4427, 
bailli  de  Vermandois  après  le  sacre  du  roi,  il  reçoit  en  4436 
mille  livres  pour  payer  sa  rançon,  est  pourvu  la  même 
année  des  terres  de  Montmorillon  et  du  Castelet,  et  vers  la 
fin  de  sa  vie  est  nommé  bailli  d'Evreux. 

Sans  avoir  jamais  exercé  de  grands  commandements,  La 
Hire  est  un  des  capitaines  de  Charles  VU  qui,  n'ayant 
jamais  désespéré  d'une  cause  parfois  critique,  ont  le  plus 
fait  pour  l'expulsion  des  Anglais  ;  on  ne  saurait  oublier 
qu'il  a  été  le  fidèle  compagnon  de  Jeanne  d'Arc  et  qu'à  ses 
côtés  il  a  ramené  la  victoire  sous  les  bannières  françaises  : 
au  demeurant,  soldat  sans  scrupules,  pillard  et  routier, 
cherchant  avant  tout  dans  la  guerre  un  moyen  de  s'enri- 
chir, il  fut  le  digne  émule  des  bâtards  de  Bourbon  et  des 
Villandrando.  —  De  toutes  les  figures  de  l'ancienne  cheva- 
lerie française,  La  Hire  est  resté  une  des  plus  populaires  : 
il  le  doit  beaucoup  aux  bons  mots  et  aux  anecdotes  qu'on 
lui  a  prêtés,  et  dont  plusieurs  ont  été  fabriqués  au 
xvi^  siècle  par  des  historiens  tels  que  Corrozet,  Pasquier  et 
Du  Haillan.  Il  le  doit  peut-être  aussi  pour  une  bonne  part 
à  ce  qu'il  a  eu  la  singulière  fortune  d'être  choisi  pour  l'un 
des  types  qui  ont  servi  à  la  fabrication  des  cartes  à  jouer  et 
qu'en  compagnie  d'Hector,  Ogier  et  Lancelot,  il  est  devenu 
et  reste  encore  le  valet  de  cœur,     Henri  Courteault. 

BiBL.  :  MoNSTRELET  et  les  autres  Chroniques  du 
xvo  siècle.  -~  G.  Ou  Fresne  de  Beaucourt,  Histoire  de 
Charles  VII  ;  Paris,  1881-92,  6  vol.  in-8.  —  Vallet  de 
ViRiviLLE,  Documents  inédits  sur  La  Hire^  dans  Bull, 
de  la  Soc.  de  VHist.  de  France,  1859,  in-8.  —  Nouveau, 
Notice  sur  La  Hire  et  son  monument  sépulcral  à  Montmo- 
rillon, dans  Bull,  de  la  Soc.  des  antiquaires  de  l'Ouest, 
1861,  t.  I,  in-8.  —  Castaing,  la  Patrie  du  valet  de  cœur 
[Lahire),  dans  Revue  de  Gascogne  ;  Auch,  1869,  t.  X,  in-8. 

LA  HIRE  ou  LA  HYRE  (Laurent  de),  peintre  français, 
né  à  Paris  le  27  févr.  1606,  mortà  Paris  le  28  déc.  4656. 
Son  père,  Etienne  de  La  Hire,  qui,  avant  d'avoir  une  charge 
à  Paris,  avait  habité  la  Pologne  et  y  avait  été  peintre,  lui  donna 
des  leçons.  H  fut  aussi  l'élevé  de  Lallemand,  maître  alors  ré- 
puté ;  mais  c'est  surtout  en  étudiant  le  Primatice  à  Fontai- 
nebleau que  La  Hire  se  forma  ;  il  s'enthousiasma  pour  lui 
et  un  instant  l'imita.  La  Hire  travailla  d'abord  pour  l'éghse 
des  Capucins  de  la  rue  d'Orléans  au  xMarais,  puis  pour 
les  Carmélites  de  la  rue  Saint-Jacques  et  pour  les  Capu- 
cins de  Rouen.  H  décora  au  Marais  l'hôtel  Tillemant 
{les  Sept  Arts  libéraux)  et  Thôtel  Montoron  (les  Trois 
Grâces).  H  travailla  ensuite  pour  Richelieu  au  Palais-Royal 
où  il  peignit  Thésée  trouvant  les  armes  de  son  père, 
Astyanax  et  Persée  et  Andromède.,  et  dès  lors  il  fut  très 
recherché.  H  a  peint  beaucoup  de  portraits  et  a  dessiné  des 
compositions  pour  les  Gobelins.  Pour  la  Compagnie  des 
orfèvres,  qui  depuis  1630  offrait  à  chaque  mai  nouveau 
un  tableau  à  l'éghse  Notre-Dame,  il  peignit  en  1635  Saint 
Pierre  guérissant  les  malades  de  son  ombre,  qui  est 
au  Louvre,  et  en  1637  la  Conversion  de  saint  Paul.  H 
fut  un  des  douze  fondateurs  de  l'Académie  royale  de  pein- 
ture et  de  sculpture  (1648).  Très  consciencieux  et  très 
laborieux,  La  Hire  est  un  grand  artiste  de  second  ordre  ; 
il  a  peint  surtout  des  tableaux  religieux,  avec  des  fonds 
d'architecture  et  des  ruines  païennes  dont  il  faisait  un  cadre 
symbolique  à  ses  sujets  chrétiens.  On  voit  de  lui  :  au  Louvre, 
outre  le  Saint  Pierre  et  une  esquisse  du  Saint  Pierre,  Laban 


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LA  HIRE  -  LAHN 


cherchant  ses  idoles  (1647),  V Apparition  de  Jésus  aux 
trois  Maries,  la  Vierge  et  V Enfant  Jéstis  (1642);  le 
Pape  Nicolas  V  se  fait  ouvrir  le  caveau  qui  contenait 
le  corps  de  saint  François  d'Assise  (1630),  son  chef- 
d'œuvre  qui  provient  de  l'église  des  Capucins  du  Marais  et 
oii  il  s'est  représenté  sous  les  traits  du  secrétaire  du  pape, 
la  France  reçoit  la  Paix  des  mains  de  la  Victoire,  et 
des  paysages  ;  au  musée  du  Belvédère  à  Vienne,  l'Assomp- 
tion ;  au  musée  de  Rouen,  Descente  de  croix,  pro- 
venant de  l'église  des  Capucins,  une  de  ses  meilleures 
œuvres,  et  l'Adoration  des  bergers;  au  musée  de  Gre- 
noble, l'Apparition  du  Christ  à  sainte  Madeleine  et  la 
Fraction  du  pain  ;  au  musée  de  Nantes,  deux  Repos  de 
la  Sainte  Famille;  au  musée  de  Dijon,  le  Jugement  de 
Paris;  au  musée  de  Valenciennes,  Paysage  d'Italie;  au 
musée  de  Boulogne-sur-Mer,  un  portrait  de  femme  ;  au 
musée  de  Montpellier,  Paysage  et  Moïse  sauvé  des  eaux; 
au  musée  de  Strasbourg,  la  Vision  de  saint  François; 
à  la  Grande-Chartreuse,  Saint  Jérôme  dans  le  désert.  Ses 
œuvres  ont  été  gravées  par  son  fils,  Philippe,  par  son  élève 
Chauveau,  parRousselet,  Boulanger,  Lasne,  Faithorne,  de 
Poilly,  etc.  Lui-même  il  a  gravé  des  eaux-fortes  qui  ont  de 
la  grâce  :  la  Vierge  et  l'Enfant  Jésus  servis  par  des 
anges  ;  la  Vierge,  l'Enfant  Jésus  et  saint  Jean- Bap- 
tiste, Etienne  Bricon. 

BiBL.  :  Mémoires  inédits  sur  la  vie  et  les  ouvrages  des 
membres  de  VAcadémie  t.  I.  —  Ch.  Blanc,  Histoire  des 
peintres  de  toutes  les  écoles. 

LA  H I  RE  (Les).  Famille  d'architectes  français  desxvii®  et 
xviii^  siècles.  Deux  architectes  de  ce  nom,  rattachés  par- 
fois, mais  à  tort,  à  la  famille  lorraine  de  La  Hière  (V.  plus 
haut),  furent  membres  de  l'Académie  royale  d'architecture, 
et  professeurs  à  cette  Académie.  Le  premier,  de  La  Hire 
père,  y  fut  admis  en  1687,  et  le  second,  Gabriel- Philippe 
de  La  Hire,  son  fils,  né  à  Paris  en  1667,  y  fut  admis  en 
1706.  Cet  architecte  donna  les  dessins  de  la  chaire  sculptée 
par  l'Estocart  et  encore  existante  dans  l'église  Saint-Etienne- 
du-Mont,  à  Paris,  et  conduisit,  sous  la  haute  direction  de 
Vauban,  les  travaux  de  l'aqueduc  de  Maintenon.  Les  le- 
çons qu'il  professa  à  l'Académie  furent  réunies  par  lui  en 
un  Traité  d'architecture  civile,  resté  malheureusement 
à  l'état  manuscrit.  Charles  Lucas. 

LA  HIRE  (Philippe  de),  mathématicien  français,  né  à 
Paris  le  18  mars  1640,  mort  à  Paris  le  21  avr.  1718,  fils 
de  Laurent  de  La  Hire  (V.  ci-dessus).  Après  avoir  étudié 
les  beaux-arts  et  fait,  dans  ce  but,  le  voyage  d'Italie  en  1660, 
il  se  laissa  entraîner  par  son  goût  pour  la  géométrie  et  en 
particulier  pour  les  travaux  de  Desargues,  dont  il  continua 
et  développa  les  doctrines,  sous  une  forme  plus  accessible, 
dans  sa  Nouvelle  Méthode  de  géométrie  pour  les  sec- 
tions des  superficies  coniques  et  cylindriques  (1672, 
in-fol.),  puis  dans  les  Sectiones  Conicœ  (1685,  in-foL), 
qui  eurent  surtout  un  retentissement  mérité  et  dont  les 
théories  servirent  de  point  de  départ,  dans  notre  siècle,  au 
renouvellement  de  la  géométrie  supérieure.  Entré  à  l'Aca- 
démie des  sciences  de  Paris  en  1678  comme  pensionnaire 
astronome,  il  prit  part  aux  travaux  de  la  méridienne  de 
France  et  à  nombre  d'autres  opérations  de  géodésie  et 
de  nivellement  que  faisait  exécuter  le  gouvernement  de 
Louis  XIV.  Plus  tard,  il  fut  professeur  au  Collège  de  France 
(1682)  et  à  l'Académie  d'architecture.  Il  a  encore  publié, 
en  1679,  dans  un  vol.  in-12,  trois  traités:  \^ Nouveaux 
Eléments  des  sections  coniques;  2<*  les  Lieux  géomé- 
triques ;  3<*  les  Constimctions  ou  effections  des  équations 
où  il  suit  les  méthodes  analytiques  ;  puis  sa  Gnomonique 
(1682),  excellent  ouvrage,  réimprimé  en  1698;  Tables 
du  soleil  et  de  la  lune  (1687)  ;  Ecole  des  arpenteurs 
(1689)  ;  Tabulée  astronomicœ  (1702).  Les  Anciens 
Mémoires  de  l'Académie  des  sciences  contiennent,  en 
outre,  de  nombreuses  communications  de  Lahire,  obser- 
vations astronomiques  et  météorologiques,  essais  et  notes 
sur  la  géométrie,  la  physique,  l'astronomie,  etc.  Les  plus 
marquantes  sont  ses  études  sur  les  épicycloïdes  et  en  général 


la  génération  des  courbes  par  roulement.  Il  attribue,  au 
reste,  expressément  à  son  maître  Desargues  l'application 
des  épicycloïdes  à  la  construction  des  roues  d'engrenage, 
mais  il  est  le  premier  à  avoir  fait  connaîtie  la  théorie  de 
ces  courbes.  Ce  travail  et  la  constitution  de  la  doctrine  des 
polaires  pour  les  coniques  suffiraient  à  assurer  sa  gloire. 
Il  faut  enfin  ajouter  que  Lahire  a  pris  une  part  importante 
à  la  publication  d'œuvres  de  ses  collègues  de  l'Académie, 
décédés  avant  lui,  notamment  Roberval,  Picart,  Mariotte. 

LA  HIRE  (Gabriel-Philippe  de),  astronome  et  physicien 
français,  fils  du  précédent,  né  à  Paris  le  23  juil.  1677, 
mort  à  Paris  le  19  avr.  1719.  Il  étudia  d'abord  l'anato- 
mie,  puis  les  mathématiques,  devint  à  vingt-deux  ans 
membre  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris  et  succéda, 
comme  professeur  d'architecture,  à  son  père,  qu'il  suivit 
du  reste  de  fort  près  dans  la  tombe.  Il  l'avait  beaucoup 
aidé  dans  ses  observations  astronomiques  {Mém.  de  l'Acad, 
des  se,  1703-19)  et  il  avait  publié,  d'après  ses  Tabulée 
astronomicœ,  des  Ephémérides  pour  les  années  i70i~ 
nos  (Paris,  1704,  in-4).  On  a  encore  de  lui,  dans  le  re- 
cueil de  l'Académie  des  sciences  (1703-19),  une  quinzaine 
de  mémoires  de  physique  et  d'anatomie.  Il  fut  l'éditeur  de 
VArt  de  charpenterie  de  Math.  Jousse  (Paris,  1702). 
L'Observatoire  de  Paris  conserve  d'excellents  verres  de  lu- 
nettes taillés  par  lui.  —  Son  frère,  Jean-Nicolas  (1685- 
1727),  médecin  et  botaniste  distingué,  devint  également  de 
très  bonne  heure  membre  de  l'Académie  des  sciences  de 
Paris  et  donna  au  recueil  de  cette  société  quelques  mé- 
moires de  botanique.  Il  imagina  un  procédé  qu'il  tint 
secret,  pour  la  reproduction  des  plantes  par  le  dessin  et 
il  en  commença  un  album.  Il  fut  aussi  un  habile  peintre 
de  paysages.  L.  S. 

LAHltÈRE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
de  Muret,  cant.  de  Montesquieu-Volvestre  ;  184  hab. 

LAHITOLLE  (Périer  de),  officier  français,  né  à  Grillon 
(Eure)  le  31  mars  1832,  mort  à  Poitiers  le  19  août  1879.  H 
entra  à  l'Ecole  polytechnique  en  1852.  Lorsque,  après  la 
guerre  de  1870-71,  les  officiers  d'artillerie  furent  appelés 
à  participer  aux  travaux  relatifs  à  la  recherche  d'un  nou- 
veau matériel  de  campagne,  de  Lahitolle,  alors  capitaine, 
se  mit  à  l'étude  et  présenta  son  premier  projet  de  canon. 
Promu  chef  d'escadron  en  1872,  il  fut  adjoint  à  la  fon- 
derie de  canons  de  Bourges  dont  il  devint  directeur  en 
1873  et  oii  il  obtint  le  grade  de  lieutenant-colonel  en  1876. 
Il  transforma  et  compléta  l'outillage  de  cet  établissement, 
de  manière  à  pouvoir  y  usiner  les  canons  en  acier  de  tous 
calibres  et  contribua  pour  une  large  part,  par  ses  conseils 
éclairés,  à  donner  à  la  production  de  l'industrie  privée 
une  perfection  qui  n'avait  pas  encore  été  obtenue  jusque- 
là.  Il  a  doté  l'artillerie  du  canon  de  95  millim.,  employé 
aujourd'hui  dans  les  places  et  dans  les  équipages  de  siège. 
Le  système  d'artillerie  de  Lahitolle,  auquel  appartient  cette 
bouche  à  feu,  peut  être  caractérisé  de  la  façon  suivante  : 
rayures  progressives  ;  fermeture  à  vis  et  à  filets  interrom- 
pus, avec  manivelle  munie  d'un  œil  à  toc  ;  linguet  de  sûreté 
et  verrou  ;  tète  mobile  ne  traversant  pas  toute  la  vis  de 
culasse  ;  canal  de  lumière  percé  dans  le  tonnerre.  Projec- 
tile très  allongé  à  ogive  courte,  à  renflement  et  à  ceinture 
de  cuivre. 

LAH ITTE.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  et  cant.  d'Auch  ; 
127  hab. 

LAH  ITTE.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr. 
de  Bagnères-de-Bigorre,  cant.  de  Labarthe-de-Neste  ; 
160  hab. 

LAHITTE-ês-Angles.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyré- 
nées, arr,  d'Argelès,  cant.  de  Lourdes  ;  231  hab. 

LAHITTE-Toupière.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyré- 
nées, arr.  de  Tarbes,  cant.  de  Maubourguet;  444   hab. 

LÀ  H  ITTE  (de),  général  français  (V.  Ducos). 

LAHN.  Rivière  d'Allemagne,  affl.  dr.  du  Rhin;  elle  naît 
sur  le  Jagdberg,  au  S.  des  monts  Rothaar,  à  602  m.  d'alt., 
coule  vers  l'E.  jusqu'à  Kœlbe,  vers  le  S.  jusqu'à  Giessen, 
puis  au  S. -0.,  et  finit  à  Niederlahnstein  (ait.  62  m.).  Elle 


LAHN  —  LAHOVARl 


—  776  — 


a  248  kil.  de  long,  mais  la  distance  de  la  source  à  l'em- 
bouchure n'est  que  de  82  kil.  Sa  vallée  très  sinueuse  est 
très  pittoresque.  Le  Lahn  arrose  Marburg,  Giessen,  Wetz- 
lar,  Limburg,  Nassau,  Ems,  Niederlahnstein. 

LAHNSTEIN  (V.  Niederlatinstejn  et  Oderlahnsïein). 

LAHODDE  (Lucien  de)  (V.  Delahodde). 

LAHONCE.  Corn,  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  et 
cant.  de  Rayonne;  524  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  du  Midi, 
ligne  de  Toulouse  à  Bayonne.  Carrières  de  castine. 

LAHONTAN.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr. 
d'Orthez,  cant.  de  Salies;  1,041  hab. 

LAHORE.  Ville  de  Tlnde  anglaise,  ch.-l.  du  Pendjab, 
à  2  kil.  S.  de  la  Rawi  et  254  m.  d'alt.  ;  176,854  hab., 
avec  les  faubourgs.  La  cité  moderne  n'occupe  qu'une  partie 
de  l'emplacement  de  l'ancienne  capitale  des  empereurs 
mongols.  Celle-ci  avait  27  kil.  de  tour  ;  bien  que  les  Sikhs 
en  aient  détruit  une  grande  partie,  il  subsiste  de  magni- 
fiques monuments  de  l'époque  mongole  ;  construits  en  grès 
rouge,  ils  comptent  parmi  les  plus  beaux  de  l'architecture 
musulmane  :  le  palais  impérial  (Hasaribagh),  avec  ses  trois 
cours  carrées;  le  Chahdoura,  mausolée  de  Djihanguir,  au 
centre  d'un  jardin  ;  le  célèbre  parc  de  Chah  Djahan  Cha- 
limar  ;  quelques  mosquées  ;  le  mausolée  d'Anarkalli,  trans- 
formé en  église  par  les  Anglais,  Ceux-ci  ont  créé  un  aque- 
duc et  une  canalisation  d'eau.  Lahore  est  le  siège  des 
administrateurs  de  la  province,  de  l'université  du  Pendjab, 
d'un  collège  oriental,  d'écoles  de  droit,  de  médecine,  d'art 
vétérinaire,  d'un  beau  musée,  etc.  L'industrie,  sauf  la 
passementerie  d'or  et  d'argent,  et  le  commerce  sont  presque 
nuls. 

Lahore  fut  fondée  au  i^'^  siècle  ap.  J.-C.  par  le  roi 
Lawa  et  dépendit  longtemps  du  royaume  de  Cachemire. 
Les  Ghaznévides  s'en  emparèrent  au  xi^  siècle  :  Mahmoud 
la  prit  en  1013  et  1021,  Khosroès  en  1152,  et  elle  devint 
la  résidence  de  sa  dynastie.  En  1186,  elle  tomba  au  pou- 
voir de  Mohammed  le  Gouride;  en  1241,  les  Mongols  la 
pillèrent  ;  défaits  à  Lahore  en  1296,  ils  la  reprirent  en 
1429;  Baber  de  Caboul  y  défit  l'empereur  de  Delhi  (1524) 
et  la  ville  fut  désormais  une  des  capitales  des  Mongols. 
Elle  partagea  la  décadence  de  leur  empire.  En  1764,  les 
Sikhs  l'enlevèrent  et  en  firent  la  capitale.  En  févr.  1846, 
les  Anglais  la  conquirent  à  leur  tour  et  c'est  là  que  lut 
signée  le  9  mars  la  paix  entre  eux  et  le  maharadja  (Dhou- 
lib  Sing).  Le  29  mars  1849,  Lahore  fut  incorporé  avec  le 
Pendjab  entier  à  l'empire  britannique.  On  abattit  une 
partie  de  l'enceinte  et  on  accrut  les  fortifications  de  la 
citadelle.  Le  camp  anglais  est  à  l'E.  de  la  ville,  dans  le 
faubourg  de  Mian-mir,  A. -M.  B. 

LAHORl  (Monts).  Massif  montagneux  du  Kafiristan, 
compris  entre  la  vallée  de  Tchitral  à  l'O.  et  celle  de  Svat  à 
l'E.  Il  se  détache  du  Pamir  et  se  dirige  vers  le  S.-O.  jus- 
qu'à la  vallée  du  Caboul  ;  l'ait,  décroît  de  6,800  m.  au  N. 
à  2,440  m.  au  S.  ;  au  centre  est  le  col  de  Lahori  par 
lequel  passe  la  route  de  Tchitral  à  Dir  par  le  village  d'Achret, 
repaire  de  brigands. 

LAHORIE  (Victor-Claude-Alexandre  Panneau  de),  gé- 
néral français,  né  à  Gavron  (xMayenne)  en  1766,  fusillé  à 
Paris  le  30  oct.  1812.  Il  fit  comme  officier  les  campagnes 
de  la  Révolution  dont  il  adopta  avec  ardeur  les  principes. 
Général  de  brigade  en  1800,  il  devint  chef  d'état-major 
du  général  Moreau  avec  lequel  il  fut  compromis  en  1 804 
lors  de  la  conspiration  de  Georges  Cadoudal.  Obligé  de 
quitter  la  France,  il  vécut  à  l'étranger  jusqu'en  1808;  à 
cette  époque  il  revint  à  Paris  ;  mais,  en  butte  aux  persé- 
cutions de  la  police  impériale,  il  fut  arrêté  ainsi  que  son 
ami  politique  le  général  Guidai,  Aussi,  quand  en  1812 
éclata  la  conspiration  du  général  Malet,  ce  dernier  s'em- 
pressa-t-il  de  les  rendre  à  la  liberté.  Lahorie  fut  investi 
des  fonctions  de  préfet  de  police  en  remplacement  de  Sa- 
vary,  gardé  à  vue  par  les  conjurés.  On  sait  comment  échoua 
cette  tentative.  Traduits  devant  une  commission  militaire, 
Lahorie  et  ses  compagnons  furent  condamnés  à  mort. 
LA  HOSDINIÈRE  (Bertrand  de)  (V.  Bertrand). 


LAHOSSE.  Com.  du  dép.  des  Landes,  arr.  de  Saint- 
Sever,  cant.  de  Mugron  ;  508  hab . 

LAHOU.  Localité  delà  Côte  d'Ivoire  (Guinée  septentrio- 
nale), placée  tout  récemment  sous  le  protectorat  de  la 
France,  en  même  temps  que  les  autres  localités  qui  s'éche- 
lonnent depuis  l'embouchure  du  rio  Cavally  jusqu'aux  éta- 
blissements français  de  Grand-Bassam. 

LAHOUL  ou  LAHOL.  Vallée  de  l'Himalaya  occidental, 
distr.  de  Kangra  (Pendjab),  au  S.  du  Ladak  ;  arrosée  par 
les  torrents  qui  forment  le  Tchinab,  elle  est  presque  com- 
plètement close,  sauf  au  débouché  de  la  rivière  ;  l'ait,  est 
de  3,100  à  3,500  m.,  entre  des  monts  de  6  à  7,000  m. 
Le  Lahoul  occupe  4,350  kil.  q.  et  compte  6,000  hab., 
de  race  tibétaine. 

LAHOU  N  (El)  (V.  Illahoun). 

LAHOU  RCA  DE.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées, 
arr.  d'Oloron-Sainte-Marie,  cant.  de  Monein;  570  hab. 

LA  HOUSSAYE  (Amelot  de)  (V.  Amelot  de  La  Hous- 
saye). 

LAHOVARl  (Alexandre),  homme  d'Etat  roumain,  né  à 
Bucarest  le  16  août  1841,  d'une  famille  originaire  de 
Valcea  (Petite-Valachie).  Arrière-petit-fils  d'un  caïraacan 
(gouverneur)  de  cette  province,  petit-fils  de  Jean  Lahovari, 
député  de  Valcea  dans  le  premier  Parlement  roumain  de 
1831,  et  fils  aîné  de  Nicolas  Lahovari,  député,  sénateur  et 
sous-secrétaire  d'Etat  aux  affaires  étrangères,  M.  Lahovari 
fit  ses  études  à  Paris,  au  lycée  Louis-le-Grand,  dont  il 
fut  l'un  des  plus  brillants  élèves,  puis  à  l'Ecole  de  droit, 
où  il  obtint  en  1865  le  diplôme  de  docteur  en  droit. 
Rentré  en  Roumanie  en  1865,  il  débuta  dans  la  magis- 
trature qu'il  abandonna  bientôt  pour  se  consacrer  exclusi- 
vement à  la  poHtique.  Après  avoir  pris  une  part  active  au 
mouvement  qui  aboutit  à  la  chute  du  prince  Couza  et  à 
l'élection  du  prince  Charles  de  Hohenzollern,  il  fut  élu 
député.  Il  fonda  avec  MM.  Carp,  Georges  Cantacuzène, 
C.  Gradistéano,  etc.,  le  parti  de  la  Jeune  Droite,  formé 
sous  l'inspiration  du  prince  Jon  Ghica,  et  reçut  le  ministère 
de  la  justice  (avr.  1870)  dans  le  cabinet  dit  de  la  Jeune 
Droite,  présidé  par  Manolaki-Costaki.  Il  y  fit  preuve  d'une 
grande  énergie  et  reçut  de  nouveau,  dans  le  ministère 
L.  Catargi,  le  portefeuille  de  la  justice,  qu'il  garda  pendant 
trois  ans  et  demi.  Le  principal  acte  de  son  administration 
fut  la  réforme  du  code  pénal  et  du  code  d'instruction  cri- 
minelle, dont  les  dispositions  imparfaites  avaient  pour  ainsi 
dire  érigé  en  principe  l'impunité  d'un  grand  nombre  de 
crimes  et  de  délits.  Il  fut  ensuite  contre'le  ministère  Bra- 
tiano  l'orateur  le  plus  autorisé  de  l'opposition.  Il  fut  l'un 
des  chefs  de  la  campagne  antirevisionniste,  et  la  ville  de 
Botosani  l'envoya  siéger  en  cette  qualité  au  Sénat  de  1884, 
d'où  il  se  retira  avec  toute  l'opposition,  après  avoir  lancé 
au  pays  un  manifeste  dans  lequel  il  déclarait  que  le  gou- 
vernement Hbéral  s'était  mis  en  dehors  de  la  constitution 
et  de  la  loi. 

De  1884  à  1888,  M.  Lahovari  ne  parut  pas  dans  le 
Parlement,  mais  son  activité  poUtique  et  son  autorité 
furent  loin  d'en  être  diminuées.  Il  prit  la  direction  d'une 
campagne  de  presse  et  de  réunions  publiques,  très  vive- 
ment et  très  hardiment  menée,  qui  contribua  à  la  chute  de 
Bratiano.  Les  élections  de  1888  ayant  donné  la  majorité 
au  parti  libéral  conservateur,  trois  des  chefs  de  ce  parti, 
MM.  Lahovari,  le  général  Mano  et  Vernesco,  reçurent  en 
nov.  1888  des  portefeuilles  dans  le  cabinet  Rosetti,  recons- 
titué ;  M.  Lahovari,  nommé  ministre  de  l'agriculture,  de 
l'industrie,  du  commerce  et  des  domaines,  élabora,  en  cette 
qualité,  la  loi  sur  la  mise  en  vente  des  terres  de  l'Etat  aux 
paysans  non  propriétaires  et  la  fit  voter  par  le  Parlement. 
M.  Lascar  Catargi,  ayant  remplacé  M,  Théodore  Rosetti  à 
la  présidence  du  conseil,  en  mars  1889,  attribua  à  M.  Laho- 
vari le  portefeuille  des  affaires  étrangères  que  celui-ci  garda 
également  dans  le  cabinet  Mano  (nov.  1889-févr.  1891). 
Il  se  tint  à  l'écart  sous  le  ministère  présidé  par  le  général 
Floresco,  dont  il  avait  refusé  de  faire  partie,  et  qui  n'eut 
d'ailleurs  qu'une  durée  éphémère.  Depuis  le  mois  de  nov. 


—  777  — 


LAHOVARI  —  LAIBACH 


1891,  M.  Lahovari  est  devenu  titulaire  du  portefeuille  des 
affaires  étrangères  dans  le  cabinet  présidé  par  M.  Lascar 
Catargi. 

Un  de  ses  frères,  élevés  comme  lui  en  France,  le  gé- 
néral Jacques  Lahovari,  né  à  Bucarest  en  1846,  ancien 
élève  de  l'Ecole  polytechnique  et  de  l'Ecole  d'état-major 
de  Paris,  a  été  professeur  à  la  faculté  des  sciences  de  Bu- 
carest. Il  a  pris  part,  en  qualité  de  chef  d'état-major  des 
troupes  roumaines,  à  la  guerre  turco-russe  de  1877,  et  a 
contribué  au  brillant  succès  des  opérations  de  l'armée  du 
prince  Charles  devant  Plevna.  Ministre  de  la  guerre  de 
févr.  1891  à  1894,  le  général  Lahovari  a  réalisé  de  nom- 
breuses réformes,  telles  que  l'unification  de  l'infanterie, 
l'armement  des  troupes  avec  le  fusil  Mannlicher,  l'achève- 
ment des  fortifications  de  Bucarest  et  de  Focsani,  etc. 

Un  autre  frère  des  précédents,  M.  Jean  Lahovari,  né 
en  1845,  après  avoir  occupé  le  poste  de  procureur  général 
à  la  cour  d'appel  de  Bucarest,  entra  dans  le  Parlement  et 
devint  l'un  des  chefs  de  la  majorité  conservatrice.  En 
1893,  il  a  été  nommé  ministre  de  Roumanie  à  Paris. 

LA  HOZy  Mota  (Juan  [Claudio]  de),  auteur  drama- 
tique espagnol,  né  à  Madrid  vers  16^20,  mort  vers  1690. 
Chevalier  de  Tordre  de  Santiago  en  1653,  régidor  de  Bur- 
gos  en  1657,  il  remplit  ensuite  de  hauts  emplois  à  la  cour. 
On  lui  doit  un  certain  nombre  de  pièces  de  théâtre,  parmi 
lesquelles  se  distinguent  :  la  charmante  comédie  El  Cas- 
tigo  de  la  miseria,  dont  le  sujet  est  emprunté  à  un  conte 
de  Maria  de  Zayas  (V.  ce  nom),  et  El  Montanés  Juan 
PasquaU  y  frimer  asistente  de  Sevilla.  Elles  ont  sou- 
vent été  réimprimées,  en  dernier  lieu  dans  le  t.  XLIX  de  la 
Biblioteca  de  Rivadenayra  (1859).  G.  P-i. 

LAHR.  Ville  d'Allemagne,  grand-duché  de  Bade,  cercle 
d'Offenbourg,  sur  la  Schutter  ;  10,000  hab.  Célèbre  orphe- 
linat, poteries,  imprimeries,  etc. 

LA  HUERTA  (Garcia  de)  (V.  Garcia  de  LaHuerta), 

LA  HUERTA  (Gaspar  de)  (V.  Huerta). 

LAHUÉTERIE  (Charles  de),  poète  français  du  xvi®  siècle. 
Citons  :  le  Dangereux  Passage  de  vice  (Lyon,  1536, 
in-8);  le  Concile  des  Dieux  (Paris,  1536,  in-16);  Pi^o- 
thologies  françaises  (1550,  in-8).  Il  eut  une  polémique 
assez  vive  avec  Clément  Marot  (V.  ce  nom). 

LA  H  U  R  E  (Corneille- Alexis) ,  général  belge,  né  à  Bruxelles 
en  1800,  mort  à  Ixelles  en  1882.  Il  entra  dans  l'armée  des 
Pays-Bas  et  se  distingua  dans  les  campagnes  des  Indes,  de 
1824  à  1829.  Après  la  révolution  de  1830,  il  passa  au 
service  de  la  Belgique  et  contribua  à  organiser  l'armée  du 
nouveau  royaume.  Il  devint  lieutenant'  général ,  aide  de 
camp  du  roi  et  reçut  le  titre  de  baron.  Il  est  l'auteur  de 
plusieurs  ouvrages  concernant  l'art  militaire,  et  d'intéres- 
sants Souvenirs  sur  les  Indes  orientales  et  Vile  des 
Célèbes  (Bruxelles,  1880,  in-8). 

LAHURE  (Auguste-Charles),  imprimeur  français,  né  à 
Paris  le  26  févr.  1809,  mort  à  Paris  le  14  déc.  1887. 
Fils  d'un  notaire,  il  passa  par  l'Ecole  de  Saint-Cyr  et  fut 
pendant  quelque  temps  officier  de  cavalerie.  Beau-frère  de 
l'imprimeur  Crapelet  (V.  ce  nom),  il  lui  succéda  et  donna 
un  grand  développement  à  cet  établissement,  déjà  renommé. 
De  ses  presses  sont  sortis  de  nombreux  journaux,  des  pu- 
blications illustrées  exécutées  avec  soin  et  il  devint  l'im- 
prinieur  attitré  de  la  librairie  Hachette.  Il  laissa,  en  1870, 
la  direction  de  sa  maison  à  ses  trois  fils  :  Louis  (mort 
en  1878);  Alexis  %i  Auguste  (mort  en  1883).  —  Alexis 
Lahure,  né  à  Paris  le  10  mrs  1849,  devenu  le  chef  unique 
d'une  société  en  commandite  (Imprimerie  générale),  intro- 
duisit de  nouvelles  améliorations  dans  la  typographie.  Les 
femmes  qui  y  sont  employées  à  la  composition,  concurrem- 
ment avec  les  hommes,  travaillent  à  un  même  tarif,  et  il 
y  a  été  créé  deux  écoles  professionnelles,  pour  former  des 
apprentis  des  deux  sexes.  En  dehors  de  belles  publications 
exécutées  pour  la  librairie  Hachette  et  pour  d'autres,  la 
maison  Lahure  se  fit  remarquer  par  une  œuvre  à  elle,  avec 
des  illustrations  en  couleurs  :  les  Contes  de  V Archer 


(1882),  qui  lui  a  valu  le  prix  du  Livre  de  la  part  de  l'Union 
centrale  des  arts  décoratifs.  G.  P-i. 

LAI.  Nom  donné  au  moyen  âge  à  des  poésies  françaises 
dont  le  caractère  est  différent  selon  les  époques.  Le  moi 
lai  paraît  emprunté  à  l'anglo-saxon  lac  (gothique  laik, 
allemand  moderne  leich)^  sorte  de  danse,  de  mélodie.  Il 
s'est  appliqué  de  bonne  heure  aux  mélodies  jouées  sur  la 
rote  par  les  musiciens  bretons,  puis  aux  paroles  mêmes  des- 
tinées à  expliquer  le  sujet  dd  ces  mélodies.  Bientôt  le  succès 
des  lais  bretons  entraîna  1  s  écrivains  français  à  composer 
des  poèmes  dans  lesquels  ils  retracèrent  des  aventures 
d'amour  analogues  par  le  fond  à  celles  qui  avaient  inspiré 
les  musiciens  bretons  et  auxquels  ils  donnèrent  naturelle- 
ment le  même  nom  de  lai.  Les  plus  anciens  lais  français 
connus  remontent  au  xii^  siècle  :  les  uns  sont  narratifs,  les 
autres  lyriques. 

Les  lais  narratifs  sont  en  vers  de  huit  syllabes  à  rimes 
plates  :  nous  en  possédons  une  vingtaine,  dont  une  quin- 
zaine au  moins  ont  été  composées  par  Marie  de  France.  Les 
plus  célèbres  sont:  Lanval,  Ywenec,  Fresne^  Bisclavret^ 
Tidorel,  Eliduc,  Guingamor,  Ignaure,  etc.  «  On  peut  y 
reconnaître  les  débris  d'une  ancienne  mythologie,  d'ordi- 
naire incomprise  et  presque  méconnaissable  ;  il  y  règne  en 
général  un  ton  tendre  et  mélancolique,  en  même  temps 
qu'une  passion  inconnue  aux  chansons  de  geste  ;  d'ailleurs 
les  personnages  des  contes  celtiques  sont  transformés  en 
chevaliers  et  en  dames.  »  (G.  Paris.)  Les  lais  ont  souvent 
donné  naissance  à  des  poèmes  plus  étendus  et  à  des  romans 
d'aventure  :  le  cycle  de  Tristan  et  îseult^  par  exemple, 
paraît  s'être  constitué  par  la  fusion  d'anciens  lais  dont 
beaucoup  sont  perdus,  mais  dont  quelques-uns  nous  sont 
parvenus.  Quelquefois  le  nom  de  lai  s'est  appliqué  à  des 
poèmes  qui  n'ont  rien  à  voir  avec  les  légendes  celtiques  :  c'est 
ainsi  qu'il  a  existé  un  lai  d'Orphée^  aujourd'hui  perdu,  mais 
dont  nous  possédons  un  remaniement  anglais.  Sir  Orfeo, 

Les  lais  lyriques  sont  plus  rares  aux  xu®  et  xiii^  siècles 
que  les  lais  narratifs  :  on  en  trouve  quelques-uns  aussi 
bien  dans  la  littérature  provençale  que  dans  la  littérature 
française  et  ils  semblent  caractérisés  par  la  dissemblance 
dans  les  strophes  dont  ils  se  composent,  circonstance  qui 
les  rapproche  beaucoup  des  descorts  (V.  ce  mot).  Nous 
possédons  sous  le  titre  commun  de  Lai  du  Chèvrefeuil  un 
lai  lyrique  et  un  lai  narratif. 

Tandis  que  le  lai  narratif  a  disparu  au  xui®  siècle,  le 
lai  lyrique  et  musical  s'est  maintenu,  mais  en  se  transfor- 
mant, jusqu'à  l'époque  de  la  Renaissance.  C'est  surtout 
Guillaume  de  Mâchant  qui  a  contribué  à  lui  donner  une 
nouvelle  vogue.  Eustache  Deschamps  a  composé  lui  aussi 
beaucoup  de  lais  dans  le  nouveau  goût,  et  il  en  a  indiqué 
tant  bien  que  mal  les  règles  dans  son  Art  de  dictier  : 
«  Quant  est  des  laiz,  c'est  une  chose  longue  et  malaisée  à 
faire  et  trouver,  car  il  y  fault  avoir  douze  couples  (strophes), 
chascune  partie  en  deux,  qui  font  vint-quatre.  Et  est  la 
couple  aucune  fois  de  huit  vers,  qui  font  seize,  aucune  fois 
de  neuf,  qui  font  dix-huit,  aucune  fois  de  dix,  qui  font  vint, 
aucune  fois  de  douze,  qui  font  vint-quatre,  de  vers  entiers 
ou  de  vers  coupez...  »  Depuis  lors,  les  règles  du  lai  figu- 
rent dans  les  nombreux  traités  de  rhétorique  qu'ont  pro- 
duits le  xv«  siècle  et  la  première  moitié  du  xvi^.  En  1548, 
Sibilet  les  donne  encore,  non  pour  recommander  ce  genre 
suranné  aux  poètes,  mais,  dit-il,  par  respect  pour  les  an- 
ciens. —  Dès  le  xiv^  siècle,  l'ancien  vireli  a  été  appelé 
virelai  par  confusion  avec  le  mot  lai^  mais  il  n'y  avait  pas 
à  l'origine  de  rapport  réel  entre  les  deux  genres  (V.  Vi- 
relai). '  A,  Thomas. 

BiBL.  :  F.  WoLF,  Ueber  die  Lais,  Sequenze  und  Lei~ 
che  ;  Heidelberg,  1841.  —  G.Paris,  Lais  inédits^  dans  Ro- 
manta,  1879,  pp.  29  et  suiv.  —  K.  Bartsch,  Zwei  proven- 
zalische  Lais,  dans  Zeitschrift  fur  romanische  Philologie, 
1877,  pp.  58  et  suiv.  —  K.  Warnke,  Die  Lais  der  Marie 
de  France  ;  Halle,  1885. 

LAIou  LAY  (Frère)  (V.  Convers). 

LAI  A,  femme  peintre  grecque  (V.  Iaia). 

LAIBACH  (en  slovène  Ljubljana),  Capitale  de  la  Car- 


tAlBACH  -  LAIE 


—  778  -. 


niole  (Autriche),  située  sur  la  Laibach,  à  300  m.  d^alt.^ 
au  pont  de  jonction  de  la  ligne  du  chemin  de  fer  Vienne- 
Trieste  et  Laibach-Tarvis,  et  dominée  par  un  château  qui 
sert  de  prison  ;  30,000  hab.  dont  deux  tiers  environ  ap- 
partiennent à  la  nationahté  Slovène.  La  langue  de  l'ad- 
ministration est  le  Slovène.  Laibach  possède  un  certain 
nombre  d'établissements  industriels,  notamment  une  fa- 
brique de  tabac.  Le  musée  est  particulièrement  intéressant 
au  point  de  vue  de  l'histoire  naturelle  ;  la  bibliothèque  pos- 
sède de  riches  collections.  Laibach  est  le  siège  du  gouver- 
nement de  la  Carniole  et  de  la  diète  de  cette  province,  d'un 
évêché  et  du  commandement  d'une  division.  Parmi  les  ins- 
titutions scientifiques,  l'une  des  plus  importantes  est  la 
Matica  ou  société  de  littérature  slovène.  Cette  ville  exis- 
tait déjà  du  temps  des  Romains  ;  occupée  vers  le  vii^  ou  le 
viii^  siècle  par  les  Slovènes,  elle  reçut  au  moyen  âge  de 
nombreux  colons  allemands.  Au  temps  de  la  Réforme  elle 
fut  le  théâtre  de  l'activité  de  Primus  Trubar.  Occupée 
par  les  Français  pendant  les  guerres  de  la  Révolution 
et  de  l'Empire,  elle  devint  la  résidence  du  gouverneur 
général  des  provinces  illyriennes.  Nodier  y  rédigea  pen- 
dant quelque  temps  un  journal  officiel  français,  le  Télé- 
graphe illyrien^  dont  la  collection,  aujourd'hui  proba- 
blement unique,  se  trouve  à  la  bibliothèque  de  la  ville.  En 
4821,  de  janvier  à  mai,  se  tint  à  Laibach  un  congrès  qui 
réunit  les  empereurs  de  Russie  et  d'Autriche,  le  roi  de 
Naples  et  le  duc  de  Modène.  Il  avait  pour  objet  d'étouffer 
le  mouvement  libéral  en  Italie  et  aboutit  à  l'occupation  de 
Naples  par  les  Autrichiens.  L.  L. 

BiBL.  :  Khovec,  Die  Landeshaupstadt Laibach;  Laibach, 
1887.  — L.  Léger,  la  Save,  le  Danube  et  les  Balkans;  Paris, 

1884. 

LAÎCHE  (Carex  Mich.)(Bot.).  Genre  de  plantes  Mono- 
cotylédones,  de  la  famille  des  Cypéracées,  dont  les  fleurs 

unisexuées  sont  grou- 
pées en  épis  andro- 
gynes,  monoïques  ou 
rarement  dioïques  ; 
les  fleurs  mâles,  dis- 
posées à  l'aisselle  de 
bractées  alternes, 
présentent  2-3  éta- 
mines  nues  à  anthère 
biloculaire  ;  les  fleurs 
femelles  sont  égale- 
ment solitaires  et  se 
composent  d'une 
ovaire  libre,  unilocu- 
laire,  renfermé  dans 
un  sac  ou  utricule 
ouvert  au  sommet 
pour  le  passage  du 
style  à  2-3  branches 
stigmatiques  ;  le  fruit 
est  un  caryopse  tri- 
gone  renfermé  dans 
l'utricule  accru  et 
contenant  une  graine 
albuminée  avec  un 
embryon  voisin  de  sa 
base.  Les  Laîches  sont 
des  herbes  ordinai- 
rement vivaces ,  à 
souche  souterraine  et 
à  rameaux  aériens 
souvent  triangulai- 
res, à  feuilles  al- 
ternes engainantes, 
allongées  comme  cel- 
les des  Graminées. 
Les  fleurs,  termina- 
les, sont  réunies  en  épis  sessiles  ou  stipités,  écartés  les  uns 
des  autres  ou  rapprochés  en  tête.  Elles  sont  répandues  sur 


tout  le  globe,  mais  de  préférence  dans  les  régions  froides 
et  tempérées,  et  généralement  habitent  le  bord  des  eaux 
ou  les  prairies  humides  et  marécageuses.  Quelques-unes 
cependant  affectionnent  les  pelouses  sèches,  les  sables  ou 
les  dunes,  entre  autres  le  C,  arenaria  L.  (Vignea  are-- 
naria  Rehb.)  du  littoral  de  l'Ouest,  de  la  Hoflande,  de 
l'Allemagne,  etc. ,  dont  les  rhizomes  longuement  traçants 
servent  précisément  à  maintenir  les  sables  ;  ces  rhizomes 
ont  une  odeur  légèrement  aromatique  et  une  saveur  dou- 
ceâtre un  peu  amère  ;  c'est  le  Radix  caricis  seu  gra- 
men  rubrum  des  anciennes  pharmacopées,  qui  servait 
jadis  comme  sudorifique  et  dans  la  syphilis  sous  le  nom  de 
Salsepareille  d'Allemagne;  les  fibrilles  sont  employées 
à  fabriquer  les  balais  de  chiendent  du  commerce.  Les 
rhizomes  des  C.  hirta  L.  et  C,  disticha  Huds.  {C.  inter- 
média  Good.)  passent  pour  émoflients  et  diaphorétiques  ; 
les  chaumes  du  C.  brizoides  L.  servent  à  garnir  les  ma- 
telas comme  succédané  du  Zostera  marina  ;  ceux  des 
C.  vulpina  L. ,  C.  paniculata  L.  et  C.  riparia  Cuv.  sont 
utilisés  dans  les  industries  textiles.  Toutes  ces  espèces 
sont  européennes.  D^  L.  Hn. 

LAÏCHEV.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du  gouver- 
nement deKazan,  sur  la  r.  dr.  de  laKaraa  ;  5,500  hab. 
Fondée  par  Ivan  le  Terrible  (4557),  c'est  une  des  princi- 
pales étapes  de  la  route  commerciale  de  Nijni-Novgorod  en 
Sibérie.  Le  district  mesure  5,480  kil.  q.  et  compte  plus 
de  450,000  hab.,  dont  un  tiers  de  Tatares. 

LAÏCISATION  DES  HÔPITAUX  (V.  Hôpital,  t.  XX,  p.  254). 

LAÏCITE  (V.  Neutralité  scolaire). 

LAID  ET  (Joseph-Guillaume-Fortuné  de),  général  et 
homme  politique  français,  né  à  Sisteron  le  6  mars  4780, 
mort  à  Sisteron  le  28  nov.  4854.  Volontaire  en  4802,  il 
participa  à  l'expédition  de  Saint-Domingue,  servit  en 
Espagne  en  4842  et  se  distingua  au  siège  de  Burgos.  Il  se 
rallia  à  la  Restauration,  fut  promu  colonel  en  4823,  et 
devint  député  des  Basses-Alpes  le  47  nov.  4827.  Il  fit  par- 
tie de  l'opposition,  si  bien  que  le  gouvernement  l'envoya 
servir  à  la  Martinique.  Après  avoir  pris  part  à  l'expédi- 
tion de  Morée,  il  fut  réélu  le  28  oct.  4830,  fut  promu  ma- 
réchal de  camp,  et,  lors  de  l'insurrection  de  juin  4832 
(V.  Juin),  il  commanda  la  colonne  qui  enleva  les  barri- 
cades de  la  rue  Saint-Merri.  Réélu  député  en  4831,  en 
4834,  en  J837,  il  fut  chargé  en  4839  d'une  mission  en 
Algérie  qui  lui  valut  en  4840  le  grade  de  lieutenant  géné- 
ral. Encore  réélu  en  4840  et  4 842, il  échoua  aux  élections 
de  4846.  Il  avait  rempli  les  fonctions  de  questeur  de  4839 
à  4846.  Le  23  avr.  4848,  les  Basses-Alpes  le  renvoyaient 
à  la  Constituante  puis,  en  4849,  à  la  Législative  où  il  com- 
battit si  vivement  la  politique  de  Louis-Napoléon  qu'il  fut 
exilé  de  France  du  9  janv.  au  7  août  4852. 

LAIE.  L  Construction.  —  Marteau  dont  la  masse  de 
fer  aciéré  présente  deux  pannes  ou  têtes  semblables  de 
forme  et  pourvues  de  tranchants,  mais  dont  l'un  de  ces 
tranchants  est  découpé  en  dents  de  scie.  La  laie  sert  aux 
tailleurs  de  pierre  à  égaliser  avec  le  tranchant  uni  la  sur- 
face ou  le  parement  vu  de  la  pierre  ou  du  moellon  et  à 
piquer  ce  même  parement  à  l'aide  du  tranchant  à  dents  de 
scie.  Ch.  L. 

IL  Sylviculture.  —  Ligne  qu'on  ouvre  dans  le  plein  bois 
pour  séparer  la  coupe  en  exploitation  des  coupes  voisines. 
L'ordonnance  de  4669  (tit.  XV,  art.  7  et  8)  faisait  défense 
aux  arpenteurs  et  sergents  à  garde  de  faire  les  routes  plus 
larges  de  3  pieds  pour  passer  les  portes-perches  et  les 
marchands  qui  iront  visiter  les  ventes.  Les  bois  abattus  ne 
pourront  être  enlevés,  mais  resteront  au  profit  de  l'adju- 
dicataire et  lui  appartiendront.  L'ordonnance  réglementaire 
pour  l'exécution  du  code  forestier  a,  dans  son  art.  75,  re- 
produit ces  mêmes  dispositions.  Les  arpenteurs  ne  pour- 
ront, sous  peine  de  révocation  et  sous  préjudice  de  toutes 
poursuites  en  dommages-intérêts,  donner  aux  laies  et 
tranchées  qu'ils  ouvriront  pour  le  mesurage  des  coupes, 
plus  de  4  m.  de  largeur.  Les  bois  qui  en  proviendront  fe- 
ront partie  de  l'adjudication  de  chaque  coupe  où  seront 


779  - 


LAIE  —       INAGE 


vendus  suivant  la  forme  des  menus  marchés.  Une  circu- 
laire du  4  nov.  4831  recommande  aux  agents  forestiers 
l'exécution  de  ces  dispositions  ;  elle  rappelle  que  le  bois  des 
laies  ne  doit  jamais  être  abandonné  aux  gardes.  Pour  évi- 
ter toute  difficulté,  l'affiche  des  coupes  de  chaque  exercice 
doit  indiquer  si  les  bois  provenant  des  laies  et  tranchées 
font  ou  non  partie  de  la  vente.  Martinet. 

LAI  FOUR.  Com.  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de  Mè- 
zières,  cant.  de  Monthermé  ;  409  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  de  TE.,  ligne  de  Reims  à  la  frontière  belge.  Fonderies. 

LAI  G  LE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  de 
Mortagne,  sur  la  Rille;  5,303  hab.  Stat.  de  la  ligne  de 
Paris  à  Gran ville,  embranchements  sur  Conches  et  sur 
Mortagne  (0.).  Tribunal  de  commerce.  La  principale  in- 
dustrie de  Laigle  consiste  dans  la  fabrication  des  aiguilles, 
épingles,  limes,  agrafes,  pointes,  à  laquelle  il  faut  ajouter 
la  quincaillerie,  la  tréfilerie  de  fer  et  de  laiton,  les  fa- 
briques de  cordes  d'instruments,  de  lacets,  de  corsets,  de 
gants,  la  tannerie,  le  tissage  des  toiles  de  lin  et  de  chanvre. 

Histoire.  —  Le  château  de  Laigle  fut  construit  entre 
d026  et  1028  par  Fulbert  de  Beine,  pour  surveiller  la 
vallée  de  la  Rille  :  sur  l'emplacement  même  du  château, 
Fulbert  aurait,  d'après  la  légende,  trouvé  dans  un  chêne 
un  nid  d'aigle,  d'oti  le  nom  de  Laigle  ou  V Aigle,  comme 
on  écrivait  encore  au  milieu  de  notre  siècle.  Engenulf  de 
Laigle  fut  un  des  compagnons  de  Guillaume  le  Conquérant, 
passa  en  Angleterre,  et  fut  tué  à  Hastings.  C'est  à  Laigle 
que  Charles  le  Mauvais,  roi  de  Navarre,  assassina  Charles 
de  La  Cerda  que  Jean  II  avait  fait  connétable  de  France. 
Après  la  guerre  de  la  succession  de  Bretagne,  Laigle  échut 
en  1366  à  Jeanne  de  Penthièvre.  La  ville  fut  occupée  par 
les  Anglais  de  1417  à  1450.  Elle  fut  prise  un  moment  par 
les  protestants  au  xvi*^  siècle,  mais  elle  ne  fut  pas  souillée 
parlesmassacres  delà  Saint-Barthélémy. —  Il  paraît  certain 
que,  avant  la  conquête  de  César  et  sous  la  domination  ro- 
maine, les  habitants  de  la  région  de  Laigle  connaissaient 
déjà  le  travail  du  fer.  Mais  c'est  au  milieu  du  xv®  siècle, 
et  particulièrement  de  1450  à  1550,  que  la  fabrication 
des  épingles  s'établit  et  se  développa.  A  la  fin  du  xvu^  siècle, 
6,000  à  7,000  personnes  y  étaient  occupées.  Depuis,  cette 
industrie,  qui  avait  déjà  reçu  d'importants  perfectionne- 
ments au  xviii®  siècle,  n'a  cessé  de  prospérer. 

Monuments.  —  V église  Saint-Martin  présente  la  forme 
d'une  basilique  à  abside  circulaire  dont  la  nef  est  couverte 
par  une  voûte  en  bois  à  sept  pans.  Les  plus  anciennes  par- 
ties sont  l'horloge  et  l'abside  qui  datent  des  xii^-  et  xm®  siè- 
cles ;  le  reste  est  de  l'époque  de  la  Renaissance  ;  le  clocher 
carré,  orné  de  riches  contreforts  couronnés  de  pinacles 
délicatement  sculptés,  flanqué  d'une  tourelle  octogone  qui  ren- 
ferme l'escalier,  a  été  commencé  en  1494;  la  seconde  aile 
de  l'église  a  été  construite  de  1545  à  1552.  L'ampleur  et 
la  finesse  de  la  décoration  extérieure,  les  magnifiques  ver- 
rières et  les  sculptures  de  l'intérieur  font  de  cette  église 
un  remarquable  spécimen  de  l'architecture  du  xvi^  siècle. 
Véglise  Saint-Jean,  qui  date  également  du  xii^  siècle,  a 
été  complètement  remaniée  au  xv^  siècle  ;  elle  est  surmon- 
tée d'un  clocher  qui  est  aussi  richement  orné  de  statues 
et  de  sculptures  que  celui  de  Saint-Martin  et  qui  est  de 
la  même  époque.  Le  château  date  du  xvii®  siècle;  c'est 
une  imposante  construction  en  brique  avec  une  double 
façade,  de  beaux  jardins,  des  terrasses  qui  descendent  jus- 
qu'à la  rivière,  toute  l'ampleur  des  habitations  pour  les- 
quelles Mansart  fut  consulté.  J.  Gautier. 

BiBL.  :  De  La  Sicotière,  le  Dép,  de  l'Orne  pittoresque 
et  archéologique. 

LAI6NE  (La).  Com.  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure, 
arr.  de  La  Rochelle,  cant.  de  Courçon;  425  hab. 

LA!  G  NÉ.  Com.  du  dép.  de  la  Mayenne,  arr.  et  cant.  de 
Château-Gontier;  1,002  hab. 

LAIGNÉ-en-Belin.  Com.  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  du 
Mans,  cant.  d'Ecommoy,  dans  la  petite  contrée  appelée  Be- 
linois,  sur  FErip,  affluent  gauche  de  la  Sarlhe  ;  1,251  hab. 
Stat.  de  la  ligne  de  Tours  au  Mans. 


LAI GN EAU  (David)  (V.  Agneau  [L'J). 

LAI  6N  EL  ET.  Com.  du  dép.  d'Ille-et- Vilaine,  arr.  et 
cant.  de  Fougères;  1,345  hab. 

LAIGNELÔT  (Joseph-François),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Versailles  le  12  juin  1750,  mort  à  Paris  le 
23  juil.  1829.  Auteur  de  deux  médiocres  tragédies.  Agis 
(1782)  et  Pdenzi  (1792  et  1804),  il  se  jeta  "avec  ardeur 
dans  la  politique.  Député  de  Paris  à  la  Convention  et  envoyé 
en  mission  avec  Lequinio  (V.  ce  mot)  dans  la  Charente- 
Inférieure,  par  décret  du  8  sept.  1793,  il  fut  un  des  agents 
les  plus  actifs  du  culte  de  la  Raison.  Il  montra  beaucoup 
de  zèle  dans  d'autres  missions,  en  Vendée  et  en  Bretagne, 
et,  en  Fan  IV,  fit  partie  du  comité  de  Sûreté  générale.  Com- 
promis tour  à  tour  dans  les  journées  de  prairial,  puis  dans 
la  conspiration  de  Babeuf,  il  occupa  les  fonctions  de  ré- 
gisseur de  l'octroi  à  Versailles  jusqu'au  18  brumaire  et  ren- 
tra ensuite  dans  la  vie  privée.  N'ayant  ni  signé  l'Acte  ad- 
ditionnel ni  occupé  de  fonctions  pendant  les  Cent-Jours, 
il  ne  fut  point  proscrit  en  1816,  quoique  régicide.    F. -A.  A. 

LAIGNES  (La)  (V.  Côte-d'Or,  t.  XII,  p.  1187). 

LAIGNES.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr. 
de  Châtillon-sur-Seine  ;  1,232  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer 
P.-L.-M.,  ligne  de  Nuits-sous-Ravières  à  Châtillon-sur- 
Seine. 

LAIGNEVILLE.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Cler- 
mont,  cant.  de  Liancourt;  914  hab.  Carrières  de  pierre 
à  bâtir. 

LAIGNY.  Com  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  et  cant.  de  Ver- 
vins  ;  598  hab. 

LAIGU  E.  Famille  française  du  Dauphiné  (on  trouve  deux 
autres  branches  en  Berry  et  en  Provence)  dont  les  princi- 
paux membres  furent  :  Guillaume,  sieur  de  Beauvais 
(V.  ce  nom)  ;  Geoffroi,  connu  sous  le  nom  de  marquis  de 
Laigue  (1614-74),  mêlé  à  toutes  les  intrigues  de  la 
Fronde,  conseiller  très  intime  de  la  duchesse  de  Chevreuse  ; 
Antoine-Louis  (1765-1854)  qui  dirigea  pendant  un  demi- 
siècle  les  archives  du  ministère  de  la  justice  et  publia  un 
ouvrage  intitulé  les  Familles  françaises  (Paris,  1815; 
2°  éd.,  1818). 

LAILLE.  Com.  du  dép.  d'Ule-et-Vilaine,  arr.  de  Redon, 
cant.  de  Guichen  ;  2,115  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  de 
rOuest,  ligne  de  Paris  à  Redon. 

LAILLY.  (^om.  du  dép.  du  Loiret,  arr.  d'Orléans,  cant. 
de  Beaugency;  1,942  hab. 

LAILLY.  Com.  du  dép.  de  PYonne,  arr.  de  Sens,  cant. 
de  Villeneuve-P Archevêque  ;  426  hab.  Eglise  du  xvi^  siècle. 
Ruines  de  l'abbaye  de  Vauluisant,  de  l'ordre  de  Cîteaux, 
fondée  en  1127. 

LAIMÉ  (La).  Rivière  du  dép.  du  Jura  (V.  ce  mot, 
t.  XXI,  p.  313). 

LAI  M  ONT.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  B^r-le- 
Duc,  cant.  de  Revigny  ;  576  hab. 

LAIN.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  d'Auxerre,  cant. 
de  Courson  ;  499  hab. 

LAINAGE.  Ce  mot,  qui  désigne  d'une  manière  générale 
les  tissus  de  laine,  s'applique  particulièrement  à  l'opéra- 
tion que  subissent  les  draps  en  sortant  du  foulage,  alors 
qu'ils  sont  encore  grossiers  et  raides,  dans  le'  but  de 
réduire  leur  épaisseur  et  de  leur  donner  la  souplesse  et 
la  douceur  nécessaires.  Le  travail  du  foulon  développe  les 
filaments  que  l'on  remarque  à  la  surface  des  étoffes  de  laine  ; 
mais,  comme  son  action  persistante  et  énergique  a  pour 
résultat  de  froisser  les  poils  et  de  les  mêler  en  tous  sens, 
il  faut  tirer  ces  filaments  à  la  surface  des  étoffes,  de  ma- 
nière à  former  sur  celles-ci  une  couche  de  duvet  homogène 
d'égale  hauteur,  recouvrant  autant  que  possible  les  traces 
laissées  par  le  croisement  des  fils  au  tissage.  Tel  est  le  but 
de  cette  opération.  Jusqu'à  présent,  l'opération  du  lainage 
s'efiectuait  exclusivement  sur  des  machines  à  tambour,  de 
systèmes  et  de  constructions  divers.  Un  constructeur, 
M.  Martinot,  a  imaginé,  comme  principe  nouveau  de  lai- 
nerie,  d'adapter  à  celte  opération  le  mouvement  alternatif 
rectiligne  ou  curviligne.  Dans  sa  machine,  le  cylindre  ou 


LAINAGE  -^  LAINE 


—  780  — 


le  tambour  porte-rouleaux  de  certains  systèmes  particu- 
liers est  remplacé  par  des  leviers  garnis  de  rouleaux  à  leur 
extrémité  et  animés  d'un  mouvement  de  va-et-vient  curvi- 
ligne, ce  qui  permet  de  traiter  l'étoffe  à  poil  et  à  contre- 
poil  simultanément.  On  arrive,  en  outre,  à  lainer  plus  rapi- 
dement. Il  y  a  dans  chaque  machine  deux  ou  quatre  couples 
de  cadres  ou  rouleaux  travailleurs  garnis  de  chardon  mé- 
tallique en  ruban.  Le  tissu,  entraîne  régulièrement  par  des 
attracteurs,  met  lui-même  en  mouvement  ces  travailleurs 
et  se  trouve  en  moyenne  une  trentaine  de  fois  en  contact 
avec  eux  à  chaque  passage  à  cause  du  mouvement  alter- 
natif. L.  Knab. 

LAI N GEL  (Louis-Elzear,  marquis  de),  littérateur  fran- 
çais, né  à  Aix  en  1818,  mort  à  Suze-la-Rousse  (Drôme) 
le  6  mai  1882.  Il  est  connu  par  ses  ouvrages  sur  la  litté- 
rature provençale  :  Essai  de  critique  en  province  (1861 , 
in-12);  Des  Troubadours  aux  Félibres  (1862,  in-12); 
Voyage  humoristique  dans  le  Midi (i^Q9,  in- 12);  Avi- 
gnon, le  Comtat  et  la  principauté  d'Orange  (1872, 
in- 12);  la  Provence  (1881,  in-16).  Il  fut  bibliothécaire 
du  palais  de  Compiègne. 

LAINE.  Economie  rurale.  —  La  laine  constitue  lo 
poil  des  moutons  (V.  ce  mot)  ;  elle  se  différencie  des  poils 
proprement  dits  en  ce  qu'elle  est  plus  fine,  plus  douce  et 
plus  flexible.  Sur  certaines  parties  du  corps  la  laine  est  mêlée 
à  quelques  poils  qu'on  wommQ  jarres  ;  on  rencontre  surtout 
les  poils  jarreux  aux  cuisses,  à  la  tète,  au  garrot.  La  dou- 
ceur qui  caractérise  la  laine  et  qui  fait  qu'elle  glisse  entre  les 
doigts  lorsqu'on  palpe  la  toison,  est  due  au  suint^c-k-d.  à 
la  matière  grasse  qui  l'imprègne  dans  la  proportion  de  20 
à  40  °/o.  La  laine  est  fortement  hygroscopique  ;  par  contre, 
elle  se  dessèche  avec  la  même  facilité.  Lorsqu'elle  est  à 
l'état  naturel,  la  laine  est  dite  surge  ou  en  suint.  Sui- 
vant les  races  et  l'alimentation  des  moutons,  la  laine  pré- 
sente des  différences  bien  tranchées.  La  qualité  d'une  laine 
dépend  tout  d'abord  de  sa  finesse,  qui  a  été  prise  comme 
base  de  classification;  cette  finesse,  c.-à-d.  le  diamètre  des 
brins,  varie  de  1  à  10/100®  de  millimètre;  il  varie  aussi 
avec  les  régions  du  corps.  Sous  ce  rapport,  on  admet  cmq 
catégories  de  laines  qui  ont  reçu  des  noms  différents  : 
laines  extra- fines,  dont  le  diamètre  varie  entre  O^^'^Ol 
et  0,02  ;  hines  fines,  dont  le  diamètre  varie  entre  0,02  et 
0,025  ;  laines  intermédiaires,  dont  le  diamètre  varie  entre 
0,025  et  0,033;  l^m^s  communes,  dont  le  diamètre  varie 
entre  0,03  et  0,05  ;  laines  grosses,  dont  le  diamètre  varie 
entre  0,05  et  0,10. 

A  la  finesse  de  la  laine  doit  se  joindre  l'égalité  de  dia- 
mètre, qui  indique  l'égale  densité  d'où  résulte  la  même 
force  ou  ténacité.  Les  brins  de  laine  sont  toujours  plus  ou 
moins  contournés  sur  eux-mêmes,  et  les  tours  de  spire 
sont  d'autant  plus  nombreux  qu'ils  sont  plus  fins.  On  dit 
que  la  laine  est  «  vrillée  »  lorsque  cette  disposition  en 
tire-bouchon  est  fortement  accusée;  elle  est  dite  «  ondu- 
lée »  lorsqu'elle  présente  des  flexuosités  moindres;  enfin, 
elle  est  «  droite  »  ou  «  plate,»  quand! le ^vrillement  a 
disparu  et  que  le  brin  est  rectiligne.  D'après  le  docteur 
Pennetier,  il  existe  une'-^certaine  relation  entre  la  forme 
des  brins  et  celle  des  cornes  de  l'animal.  Celles-ci  sont, 
en  effet,  droites  ou  arquées  lorsque  les  brins  sont  lisses, 
et  elles  sont,  au  contraire,  contournées  chez  les  animaux 
dont  la  toison  est  frisée.  A  moins  que  le  brin  ne  soit  lisse, 
sa  longueur  apparente,  la  seule  dont  on  tienne  comptCg  en 
pratique,  diffère  de  la  longueur  réelle  qu'il  présenterait 
s'il  était  étendu.  Elle  mesure  de  5  à  18  centim.,  les  mou- 
tons de  montagne  donnant  le  minimum  et  ceux  des  plaines 
le  maximum.  On  nomme  «  laine  courte  »  celle  d'un  an 
de  pousse,  qui  ne  dépasse  pas  5  à  7  centim.  Dans  cette 
catégorie  se  trouvent  les  laines  des  moutons  des  montagnes 
de  l'Allemagne  et  du  mouton  espagnol  ou  mérinos  avec  ses 
sous-races. "La  longueur  des  laines  extra-fines  ne  dépasse 
pas  3  à  4  centim.  et  celle  des  mérinos  ordinaires,  6  à 
7  centim.  Ces  laines  courtes 'sont  aussi  quelquefois  nom- 
mées «  laines  à  cardes  »,  par  opposition  aux  laines  longues 


ou  «  laines  à  peigne  ».  Ces  dernières  ont  au  moins  10  à 
12  centim.  et  en  peuvent  atteindre  jusqu'à  30  dans  cer- 
taines races  anglaises.  Depuis  qu'on  est  parvenu,  à  l'aide 
de  machines  perfectionnées,  à  peigner  les  laines  les  plus 
courtes,  cette  distinction  a  perdu  de  son  importance.  Les 
brins  de  la  première  tonte  se  terminent  graduellement  en 
pointe  ;  mais  ceux  des  tontes  suivantes  ont  un  diamètre 
plus  uniforme.  La  force  de  la  laine  se  mesure  par  la  trac- 
tion que  le  brin  peut  supporter  sans  se  rompre  ;  les  laines 
fortes  sont  dites  «  nerveuses  ».  La  rupture  a  lieu  après 
un  allongement  plus  ou  moins  considérable  du  brin  ;  cet 
allongement  constitue  son  «  extensibilité  »  ou  souplesse. 
La  souplesse  de  la  laine  unie  à  l'élasticité  donne  le  «  liant  ». 
Le  nombre  de  brins  par  pouce  ou  centimètre  carré  sur  la 
toison  donne  le  «  tassé  »  ;  on  a  trouvé  dans  les  laines  com- 
munes de  8,000à  10,000  brins,  et,  dans  les  laines  finesde 
mérinos,  de  20,000  à  40,000  brins  par  pouce  carré.  La 
peau  épaisse  donne  plus  de  tassé,  la  peau  fine  plus  de 
finesse;  d'ailleurs  la  toison  d'un  même  animal  n'est  jamais 
homogène,  l'épaisseur  de  la  peau  variant  avec  les  diffé- 
rentes régions  du  corps.  A  ce  point  de  vue,  on  distingue 
six  catégories  de  laine  :  la  première  et  la  meilleure  est 
retirée  des  flancs  et  des  côtés  de  l'épaule  ;  la  seconde,  du 
dos  et  du  bas  des  hanches  ;  la  troisième,  des  jarrets  jus- 
qu'aux hanches  et  aux  genoux  ;  la  quatrième  est  récoltée 
sous  le  cou  ;  la  cinquième,  à  la  naissance  du  dos  et  sur  la 
queue;  la  sixième,  enfin,  qui  forme  la  plus  mauvaise  qua- 
lité, est  prise  sur  la  tête  et  sous  le  ventre.  La  couleur  des 
laines  est  très  variable;  elle  est  blanche,  grise,  jaune, 
brune  ou  noire  ;  cette  coloration  résiste  à  l'action  du 
lavage  et  du  dégraissage  ;  la  laine  blanche  est  la  plus  esti- 
mée. L'ensemble  de  la  laine  qui  couvre  un  mouton,  c.-à-d. 
la  toison,  pèse  de  2  kilogr.  à  2^^500  en  suint,  et  de  1  kilogr. 
à  1^^500  lavée  à  dos.  A.  Larbalétrier. 

Commerce.  —  Les  principaux  marchés  européens 
pour  le  commerce  des  laines  sont  :  1**  Londres,  où  arrivent 
les  laines  d'Australie  et  du  Cap  pour  être  réexportées,  s'il  y 
a  lieu,  dans  les  autres  pays  industriels  ;  2^  Anvers,  qui  reçoit 
les  laines  de  la  Plata  destinées  à  la  Belgique,  l'Allemagne  et 
le  N.  de  la  France  ;  3°  Le  Havre,  pour  ces  mômes  laines  ; 
4**  Dunkerque,  qui,  depuis  que  son  outillage  a  été  déve- 
loppé, a  dérivé  une  partie  du  commerce  d'Anvers  ;  5^  Mar- 
seille, pour  les  laines  de  Russie,  du  Levant,  et  en  général 
des  pays  riverains  de  la  Méditerranée  ;  puis  Bordeaux  et 
Hambourg.  Dans  les  plus  importants  d'entre  eux  ont  lieu, 
ordinairement  six  fois  par  an,  des  ventes  publiques  aux 
enchères,  auxquelles  se  rendent  les  acheteurs  de  tous  les 
pays  et  qui  règlent  les  cours. 

En  raison  de  la  grande  hygrométricité  de  la  laine,  les 
poids  marchands  des  lots  sont  fixés  au  moyen  du  condi- 
tionnement, opération  qui  consiste,  après  avoir  prélevé 
dans  les  balles  un  certain  nombre  d'échantillons,  à  les  peser 
aussitôt  leur  prise,  puis  après  leur  dessiccation  complète 
dans  des  éluves  chauffées  à  plus  de  100°.  On  établit  parce 
moyen,  à  l'aide  d'un  calcul  élémentaire,  le  poids  du  lot  ra- 
mené à  l'état  sec  et  Ton  y  ajoute  un  taux  de  reprise  représen- 
tant l'humidité  que  doit  normalement  renfermer  la  laine.  Ce 
taux,  pouvant  varier  suivant  les  régions,  est  ordinairement 
de  17àl8**/o.  La  quantité  de  laine  produite  et  mise  à  la  dis- 
position de  l'industrie  en  Europe  aussi  bien  qu'en  Amérique 
peut  être  évaluée  aux  chiffres  suivants  pour  l'année  1893  : 

Kilogr. 

France 50.000.000 

Grande-Bretagne  et  Irlande 69.000.000 

Europe  continentale  moins  la  France. . .  1 54 .  000 .  000 

Amérique  du  Nord 157.000.000 

Australie  et  Nouvelle-Zélande 292.000.000 

Colonies  du  Cap 40.000.000 

Plata  et  Uruguay 167.000.000 

Autres  provenances 80 .  000 .  000 

Total 1.009.000.000 

On  trouvera  dans  les  articles  consacrés  à  la  géographie 


de  chaque  pays  des  indications  sur  le  nombre  des  moutons, 
la  quantité  de  la  laine  produite  et  l'importance  des  indus- 
tries qu'elle  alimente  (V.  aussi  Europe,  t.  XVI,  p.  834). 
Le  fait  essentiel  de  notre  époque  est  la  décroissance  de  la 
production  européenne.  Les  grands  troupeaux  disparaissent, 
sauf  en  Hongrie,  Bohême  et  Siiésie.  L'Allemagne  fournit 
une  certaine  quantité  de  laines  très  fines  du  type  mérinos 
électoral  ou  negretti.  L'Autriche-iïongrie  donne  surtout  des 
laines  fines.  Celles-ci  représentent  seulement  un  quart  de 
la  production  russe,  donnant  lieu  à  une  exportation  d'en- 
viron 25  millions  de  kilogr.  La  Turquie  et  la  péninsule  des 
Balkans  ne  fournissent  que  des  laines  communes  peu  abon- 
dantes. L'Italie  ne  produit  que  peu  de  laines  fines,  dont  une 
certaine  quantité  est  exportée.  L'Espagne  a  beaucoup  perdu 
de  son  ancienne  supériorité,  en  raison  surtout  du  perfec- 
tionnement qu'ont  éprouvé,  par  leur  déplacement  et  les  soins 
qu'ils  ont  reçus,  les  troupeaux  créés  dans  d'autres  pays  avec 
ses  reproducteurs;  l'exportation  des  laines  est  peu  consi- 
dérable. La  Grande-Bretagne  possède  des  races  ovines  qui 
produisent  une  laine  très  estimée,  notamment  les  choviott, 
habitant  les  collines  du  S.  de  l'Ecosse.  Les  Etats-Unis 
d'Amérique  exportent  peu  de  laine.  Les  principaux  pays 
d'élevage,  qui  alimentent  dans  une  large  mesure  les  indus- 
tries européennes,  sont  l'Australie,  la  République  Argen- 
tine, l'Uruguay  et  la  colonie  du  Cap. 

Les  premières  laines  d'Australie  furent  expédiées  en  An- 
gleterre en  1817,  et  les  exportations  se  sont  élevées  avec 
une  très  grande  rapidité.  Elles  ont  été  en  181 0  de  167  livres 
anglaises;  en  1820  de [100,000;  en  1830  de  1,134,134; 
en  1840  de  12,399,090;  en  1843  de  17,433,000; 
en  1880  de  374,070,000  livres  ;  elles  ont  atteint  en  1893 
le  chiffre  de  287,000,000  de  kilogrammes. 

Ces  laines  sont  toutes  du  type  mérinos  et  se  désignent 
par  les  noms  des  provinces  dont  elles  proviennent  ou  de 
leur  port  d'expédition  :  New  South  Wales  et  Queensland 
ou  Sydney;  Victoria  ou  Port  Philipp,  Australie  du  Sud  ou 
Adélaïde,  Australie  occidentale  ou  Ivan  River.  Elles  sont 
expédiées  en  balles  ordinairement  de  500  kilogr.,  ayant 
un  volume  de  1  m.  c,  cerclées  de  fer  et  renfermant  de 
250  à  300  toisons.  Elles  sont  généralement  en  suint, 
mais  quelquefois  aussi  lavées  à  dos  (scoured)  ou  même 
lavées  à  fond  {snow-white) . 

L'élevage  des  moutons  dans  la  République  Argentine  et 
l'Uruguay  s'est  développé  avec  une  rapidité  au  moins  égale  : 
les  reproducteurs  y  ont  été  principalement  des  mérinos  de 
Rambouillet,  et  les  laines  qui  en  proviennent,  encore  d'ex- 
cellente qualité,  sont  un  peu  plus  courtes  et  plus  dures 
que  celles  d'Australie  ;  elles  sont  très  chargées  de  gratte- 
rons et  peuvent  perdre  par  l'échardonnage  jusqu'à  10  ou 
15  °/o  de  leur  poids.  L'industrie  fait  une  différence  entre 
celles  de  Buenos  Aires  qui  sont  plus  fines  et  celles  de  Mon- 
tevideo qui  sont  plus  fortes,  mieux  nourries,  mais  moins 
douces.  Les  balles  sont  d'environ  400  à  420  kilogr.  de 
laine  en  suint.  Les  exportations  ont  été  en  1862,  de 
81,525  balles;  en  1872  de  263,331  balles;  en  1893 
de  166,000,000  de  kilogr.  ou  420,000  balles  environ. 
Les  troupeaux  de  la  colonie  du  Cap  dérivent  de  mérinos 
introduits  vers  1833  et  qui  ont  t'ait  disparaître  les  races 
communes  élevées  précédemment,  pour  atteindre  actuelle- 
ment le  nombre  de  près  de  18  millions.  Les  exportations 
ont  été  :  en  1863  de  94,159  balles  ;  en  1867  de 
135,418  balles;  en  1877  de  180,670  balles  et  en  1893 
de  41,500,000  kilogr.  expédiées  par  CapeTown,  Port  Elisa- 
beth, East  London  et  Port  Natal. 

Les  principaux  centres  d'industrie  lainière  sont  en  France 
Roubaix  et  Tourcoing,  fabriquant  toutes  sortes  de  tissus 
pour  robes  et  pour  ameublement,  ainsi  que  certaines  dra- 
peries de  fantaisie;  Reims  produisant  les  mérinos,  cache- 
mires, flanelles  ;  Elbeuf,  Louviers,  Sedan  la  draperie  ; 
Castres,  Mazamct,  Dieulefit  les  draperies  communes,  mol- 
letons, etc.;  Aubusson  les  tapis,  etc.  En  Belgique,  Ver- 
viors;  en  Angleterre,  Bradford,  Leeds,  Halifax,  etc.; 
Glasgow^,  en  Ecosse.  En  Allemagne,  c'est  en  Saxe  et  dans 


781  —  LAINE 

la  Prusse  rhénane  que  ces  industries  prennent  le  plus 
grand  développement. 

Outre  la  laine  des  moutons,  on  emploie  dans  des  condi- 
tions analogues  les  poils  de  certaines  chèvres,  principale- 
ment celles  de  Cachemire,  répandues  dans  les  vallées  de 
rilimalaya  et  de  la  toison  desquelles  on  retire,  en  les  pei- 
gnant, une  laine  lisse,  mais  extrêmement  fine  et  douce,  au 
moyen  de  laquelle  on  fabrique  les  châles  et  autres  tissus 
désignés  sous  ce  même  nom  de  cachemires,  mais  souvent 
imités  en  laine  de  mouton.  Le  duvet  de  ces  chèvres  est 
toujours  mélangé  de  poils  ou  jarres  que  Ton  est  obligé  d'en- 
lever par  un  triage  très  soigné,  ce  qui  élève  considéra- 
blement le  prix  de  ce  textile  relativement  peu  abondant. 

Les  alpagas  et  les  vigognes  habitant  les  montagnes  de 
la  Cordillère  des  Andes  fournissent  aussi  des  laines  lisses 
et  longues,  très  douces,  fines  et  brillantes,  de  couleur  brun 
marron  ou  noir,  employées  pour  les  belles  qualités  des 
tissus  qui  portent  leurs  noms.  La  difficulté  de  se  les  pro- 
curer par  des  animaux  sauvages  et  de  plus  en  plus  rares 
rend  les  prix  de  ces  laines  très  élevés.  Le  duvet  du  lama 
présente  aussi  de  réelles  qualités.  Les  toisons  du  chameau 
fournissent  également  une  laine  brunâtre  assez  longue  et 
douce,  mais  grossière  et  jarreuse,  dont  les  Arabes  font 
des  cordes  et  des  toiles  de  tentes  ;  elle  est  employée  par 
l'industrie  dans  quelques  cas  spéciaux.         P.  Goguel. 

Industrie.  —  L'usage  de  la  laine  remonte  à  la  plus 
haute  antiquité.  Dans  tous  les  écrits  que  nous  ont  laissés  les 
auteurs  anciens  tels  que  Moïse,  Homère  et  Hésiode,  il  est 
souvent  question  des  nombreux  troupeaux  formant  la  prin- 
cipale richesse  de  quelques  peuples  et  de  l'emploi  de  leur 
toison  en  vêtements.  Au  temps  des  patriarches  de  la  Genèse 
et  des  héros  de  V Iliade,  on  portait  déjà  les  étoffes  teintes  de 
toutes  couleurs  et  ornées  de  tout  ce  que  la  nature  et  l'art 
pouvaient  fournir  en  laine.  Les  annales  de  la  Chine  et  la 
connaissance  assez  étendue  que  Ton  a  acquise  de  l'anti- 
quité de  l'Inde  viennent  à  l'appui  de  cette  ancienneté  de 
l'art  de  tisser  les  étoffes  en  laine.  Pline  nous  renseigne  sur 
l'origine  probable  des  différents  arts  textiles  relatifs  à  la 
laine.  D'après  lui,  il  faudrait  attribuer  le  tissage  aux  Egyp- 
tiens ;  la  teinture  aux  Lydiens  ;  les  fuseaux  pour  la  filer, 
à  Closter,  fils  d'Arachné  ;  les  foulons  à  Nicias  de  Mé- 
gare,  etc.  Cet  auteur  nous  parle  aussi  des  tapis  de  laine  à 
couleurs  et  à  dessins  mélangés,  connus  antérieurement  à 
Homère  ;  il  nous  indique  les  manières  différentes  dont  les 
Partheset  les  Gaulois  bordaient  ces  mêmes  tapis;  attribue 
à  ceux-ci  l'invention  des  matelas  bourrés  de  laine  et  à  ceux- 
là  celle  des  étoffes  veloutées,  soit  d'un,  soit  des  deux  côtés  ; 
aux  Romains  seraient  dues  les  ceintures  velues  ;  au  siècle 
d'Auguste,  les  étoffes  rases  et  frisées  ;  au  roi  Attala,  les 
étoffes  de  laine  brochées  en  or  ;  enfin,  d'après  le  même 
auteur,  les  plus  belles  tapisseries  venaient  d'Alexandrie, 
les  étoffes  tricotées  des  Gaules,  les  broderies  sur  laine  de 
Babylone,  où  avaient  été  travaillées  ces  fameuses  couver- 
tures de  lits  à  convives  qui,  du  temps  de  Caton,  furent 
vendues  au  prix  de  800,000  sesterces  et  que  Néron  acheta 
4  millions  de  sesterces.  H  est  certain  que  sous  la  domina- 
tion des  empereurs  romains,  les  Gaulois  possédèrent  des 
ateliers  importants  où  se  sont  fabriquées  des  étoffes  en 
laine,  rayées,  à  carreaux,  appelées  saies  et  destinées  à  l'ha- 
billement des  soldats.  Parmi  les  cités  manufacturières,  il 
faut  citer  Arras,  puis  Saintes  et  Langres.  L'invasion  des 
Barbares  vint  ruiner  complètement  l'industrie  du  filage  et 
du  tissage  dans  le  monde  entier;  aussi,  dans  le  but  de 
suppléer,  autant  que  possible,  à  la  difficulté  des  échanges, 
les  gens  fortunés  établirent-ils  dans  leurs  maisons  des  fa- 
briques particulières.  Nous  citerons  entre  autres  celle  que 
Charlemagne  fonda  dans  son  propre  palais.  On  donnait 
alors  à  ces  étabhssements  le  nom  de  gynécées,  parce  qu'ils 
étaient  généralement  placés  sous  la  direction  de  femmes 
serves.  Au  temps  des  croisades,  une  révolution  complète 
s'opéra  dans  l'industrie  et  le  commerce  du  continent,  car 
les  Européens,  grâce  à  ces  expéditions  lointaines,  retrou- 
vèrent dans  l'Asie  les  traces  des  sciences  et  des  arts.  La 


LAINE  —  782  — 

première  nation  qui  sut  tirer  parti  des  découvertes  rap- 
portées de  l'Orient  fut  l'Italie  ;  vinrent  ensuite  les  Pays-Bas 
et  en  particulier  Bruges,  Anvers  et  Gand.  Ce  furent  long- 
temps les  Pays-Bas  qui  fournirent  à  peu  près  exclusive- 
ment aux  besoins  et  au  luxe  de  toutes  les  nations  d'Europe, 
faisant  venir  leurs  laines  brutes  d'Angleterre,  de  France, 
d'Allemagne  et  d'Espagne.  Les  Anglais,  cependant,  à  la  fin  du 
xv^  siècle,  commencèrent  à  entrer  dans  la  lice  industrielle. 
Les  origines  de  la  fabrication  des  étoffes  de  laine  en 
France  sont  essentiellement  diverses,  suivant  qu'elles  s'ap- 
pliquent aux  tissus  foulés  ou  drapés,  ou  aux  tissus  ras. 
Nous  allons  tout  d'abord  nous  occuper  des  premiers.  Dès 
le  moyen  âge,  la  fabrication  des  étoffes  classées  dans  la 
draperie  proprement  dite  existait  déjà  ;  elle  était  concen- 
trée entre  les  mains  d'un  petit  nombre  de  familles  qui  en 
faisaient  une  sorte  d'industrie  domestique,  se  transmettant 
précieusement  d'une  génération  à  l'autre,  et  comme  autant 
de  secrets,  les  procédés  de  tissage  alors  usités.  La  France 
ne  pouvait  évidemment  tirer  entièrement  sa  consommation 
de  ce  genre  de  production,  et  elle  demandait  à  l'Angleterre, 
à  l'Espagne  et  aux  Pays-Bas,  chez  lesquels  l'industrie  dra- 
pière  avait  pris  de  l'extension,  une  partie  de  ce  qui  lui 
était  nécessaire.  L'anéantissement  de  la  Ligue  et  la  publica- 
tion de  l'édit  de  Nantes,  en  amenant  la  confiance  dans  les 
esprits,  décidèrent  de  la  création  de  quelques  établissements 
importants  et,  dès   ce  moment,  la  fabrication  des  draps 
s'installa  chez  nous  sur  le  pied  d'une  véritable  industrie. 
Elle  grandit  sous  l'influence  de  deux  causes  successives  : 
tout  d'abord  l'arrivée  en  France  de  familles  maures  tolé- 
rées jusqu'alors  dans  le  royaume  de  Grenade,  et  que  ve- 
nait de  chasser  Philippe  lit  ;  ces  familles  vinrent  fonder 
les  principales  fabriques  encore  aujourd'hui  existantes  de 
Carcassonne  et  de  quelques  localités  du  Midi.  La  seconde 
cause  est  la  production  des  bestiaux,  grâce  à  la  protection 
de  Sully  qui,  en  introduisant  plusieurs  races  ovines  de 
qualité  supérieure,  augmenta  notablement  la  quantité  de 
laines  que  nos  fabricants  pouvaient  tirer  du  sol  français. 
Après  la  mort  de  Henri  IV,  le  règne  de  Louis  Xïll  fut  un 
temps  d'arrêt  pourl'industrie  lainière.  Puis,  sous  Louis XIV, 
grâce  à  l'administration  de  Colbert,  on  vit  s'élever  sur  tous 
les  points  du  territoire  des  fabriques  de  produits  nouveaux 
créées  par  des  industriels  de  l'Italie,  de  l'Allemagne  et  de 
Hollande.  De  là  date  la  fabrication  réputée  de  Sedan,  car, 
en  4646,  Nicolas  Cadeau  fondait  dans  cette  ville  la  pre- 
mière manufacture  de  draps  fins,  façon  de  Hollande.  En 
1665,  le  Hollandais  Gesse  Van  Robais  venait  fabriquer 
à  Abbeville  des  draps  fins  façon  de  Hollande  et  d'Espagne  ; 
à  Louviers,  en  1681,  la  maison  Ricard-Langlois  obtenait 
un  certain  nombre  de  privilèges  pour  une  spécialité  de  fa- 
brication analogue  ;  enfin  Elbeuf  voyait  aussi  se  créer  des 
manufactures  de  drap  qui  acquirent  rapidement  une  grande 
importance.  Sous  le  règne  de  Louis  XV,  la  draperie  res- 
treignit sa  production.  Lors  de  l'avènement  de  Louis  XVI, 
un  mouvement  de  recrudescence  se  manifesta  ;  mais  le 
traité  d'échanges  conclu  entre  la  France  et  l'Angleterre  par 
les  soins  de  Vergennes  vint  l'anéantir  presque  complè- 
tement. Sous  le  règne  de  Napoléon  P^,  l'industrie  de  la 
laine  fit  d'immenses  progrès.  De  1818  date,  pour  nos  ma- 
nufactures de  draps,  l'emploi  presque  exclusif  de  machines 
se  substituant  au  travail  manuel  ;   la  tondeuse  CelUer,  la 
machine  à  carder  Cockerill,  les  fouleuses  et  nombre  de  mé- 
tiers. En  1834,  la  draperie,  dite  de  fantaisie,  fit  son  appa- 
rition. 

Arrivons  maintenant  à  l'histoire  de  la  fabrication  des 
étoffes  de  laine  rases  en  France.  Jusqu'au  règne  de  Henri  IV, 
notre  production  de  tissus  demeura  fort  restreinte.  Au  mo- 
ment de  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  les  Français  qui 
émigrèrent  dotèrent  l'Allemagne  de  l'industrie  des  tissus 
de  laine  ras,  étamines,  serges,  crépons,  etc.  Une  décou- 
verte importante  parmi  celles  qui  se  rattachent  au  tissage 
fut  faite  en  1737  :  ce  fut  celle  de  la  navette  volante.  Dans 
plus  de  quarante  localités,  on  fabriquait  des  tissus  ras  ; 
les  laines  anglaises  et  hollandaises  servaient  pour  les  qua- 


lités fines,  les  laines  du  pays  pour  les  genres  plus  com- 
muns. Les  étoffes  de  laine  du  xviii®  siècle  forment  deux 
grandes  catégories  :  la  première  comprenait  celles  en  laine 
pure,  lisses  ou  croisées,  façonnées,  fabriquées  spécialement 
dans  la  Flandre  et  dans  la  Champagne  ;  la  seconde,  les 
tissus  mélangés  de  soie  et  de  laine,  dont  la  fabrication  avait 
lieu  plus  particulièrement  dans  le  rayon  d'Amiens  et  de 
Paris,  dont  les  manufactures  étaient  dans  l'Artois,  dans  la 
Picardie  et  même  dans  le  Nord  ;  le  rayon  de  Reims  et  en- 
virons ;  celui  d'Amiens  et  environs  ;  celui  du  Nord  et  celui 
d'Alsace.  La  fabrication  des  tissus  de  laine  en  Alsace  ne 
prit  une  certaine  extension  que  comme  conséquence  des 
progrès  réalisés  dans  la  filature  de  la  laine  peignée.  Au- 
jourd'hui, bien  que  nombre  de  genres  similaires  se  fabri- 
quent dans  des  rayons  fort  éloignés  les  uns  des  autres,  le 
tissage  des  articles  foulés  sous  toutes  ses  formes  est  par- 
ticulièrement représenté  par  Sedan,  Elbeuf,  Louviers, 
Vienne,  Lizieux,  Mazamet,  Orléans,  Beauvais,  Villeneu- 
vette.  Vire,  La  Bastide,  Lodève  et  Châteauroux  ;  et  celui 
des  étoffes  rases  par  Roubaix,  Fourmies,  Tourcoing,  Reims, 
Amiens,  Saint-Quentin  et  Mende.  La  statistique  oflicielle 
nous  donne  de  la  façon  suivante  le  nombre  de  métiers  à 
tisser  existant  dans  toute  la  France  : 


ANNÉES 

MÉTIERS  A  TISSER 

ACTIFS            INACTIFS 

TOTAL 

1873 

21.934 
36.518 
32.325 
41.084 
41.923 
43.253 
42.731 

1.791 
1.749 
2.949 
3.432 
2.776 
2.429 
2.101 

23.725 
38.267 
35.274 
44.516 
44.699 
45.682 
44.832 

1876 

1877 

1882 

1885 

1888 

1891 

Arrivons  maintenant  à  la  filature  et  retraçons  rapide- 
ment les  progrès  de  cette  autre  industrie.  On  sait  que  long- 
temps les  fils  ne  se  firent  qu'à  la  main  et  que  la  production 
française  fut  presque  entièrement  concentrée  en  Flandre  et 
en  Picardie  ;  les  produits  en  furent  désignés  sous  le  nom 
de  fils  de  sayette  et  servirent,  concuremment  avec  ceux  de 
Hollande  et  de  Saxe,  à  l'alimentation  des  fabriques  de  tis- 
sus. Le  premier  essai  d'une  mécanique  à  filer  la  laine  fut 
dû,  en  1755,  à  un  sieur  Brisson.  En  1780,  Prit  inventa 
une  machine  propre  à  filer  industriellement  la  laine;  mais 
c'est  seulement  en  1810  que  naquit  la  filature  mécanique 
proprement  dite  ;  on  essaya,  en  effet,  pour  la  première  fois, 
le  cardage  et  la  filature  du  cardé  à  la  mécanique,  innova- 
tions dues  à  Douglas  et  Cockerill  et  on  chercha  aussi  à  ap- 
pUquer  à  la  laine  peignée  le  métier  mule-jenny.  Ce  fut 
Dobo,  mécanicien  de  Reims,  qui,  en  1812,  monta  dans  la 
manufacture  de  MM.  Ternaux  et  Jobert-Lucas,  à  Bazan- 
court,  les  premières  machines  à  étirer  la  laine  peignée  ;  ce 
fut  encore  lui  qui  édifia  plus  tard  les  deux  filatures  montées 
à  Paris  par  Richard-Lenoir.  De  1832  à  1835,  le  nombre 
des  broches  des  mule-jennys,  qui  n'était  que  de  120,  fut 
successivement  porté  à  160,  200  et  240  ;  il  en  résulta  une 
augmentation  considérable  dans  la  production.  L'Alsace  ne 
débuta  qu'en  1838,  mais  il  s'y  monta  de  suite  35,000  bro- 
ches. La  création,  en  1845,  du  peignage  mécanique,  grâce 
à  l'invention  de  Heilmann,  donna  une'  impulsion  des  plus 
grandes  à  la  filature  de  la  laine  peignée.  Les  deux  dernières 
périodes  décennales  ont  vu  se  développer  dans  des  condi- 
tions remarquables  le  matériel  de  la  laine  cardée  et  de  la 
laine  peignée.  En  ce  qui  concerne  le  premier  genre,  les  as- 
sortiments de  cardes  de  petites  dimensions  à  tambours  de 
bois,  ont  fait  place  aux  grandes  machines  à  tambours  mé- 
talliques travaillant  une  nappe  de  1^,50  de  largeur.  La 
division  de  la  nappe  cardée  en  boudins,  obtenue  primitive- 
ment par  les  peigneurs  à  colliers,  ne  se  fait  plus  que  par 
les  appareils  diviseurs  à  lanières  de  cuir  et  plus  souvent 
encore  par  lames  d'acier.  En  peigné,  les  progrès  ont  en- 


core  été  plus  sensibles.  Les  premières  peigneuses,  déjà  re- 
marquables par  la  perfection  de  Texécution  et  la  précision 
de  leur  fonctionnement,  ont  été  non  seulement  modifiées 
complètement  dans  la  disposition  générale,  le  volume  des 
organes  et  la  transmission  des  mouvements,  mais  encore 
ont  reçu  des  améliorations  de  détail  qui  ont  accru  la  quan- 
tité du  travail  sans  préjudice  pour  la  qualité.  Aujourd'hui, 
il  semble  que  les  efforts  des  inventeurs  s'accentuent  du  côté 
du  traitement  et  de  Tappropriation  plus  parfaite  des  ma- 
tières premières.  Ainsi  par  exemple,  l'industrie  du  lavage 
a  été  dotée  tout  récemment  de  divers  types  de  machines 
plus  originales  pour  le  dégraissage,  le  rinçage,  le  séchage, 
l'épaillage  chimique  et  le  désacidage  des  laines.  Toutes  con- 
courent au  même  but  :  l'obtention  d'un  produit  plus  par- 
fait, plus  marchand,  mieux  préparé  à  subir  les  trans- 
formations ultérieures  de  la  fabrication.  En  1829,  on 
ne  comptait  chez  nous  que  240,000  broches;  en  1844, 
600,000  ;  en  1862, 1  million.  Pour  les  dernières  années, 
on  arrive  aux  chiffres  suivants  : 


ANNÉES 

BRO{ 

ACTIVES 

:hes 

INACTIVES 

TOTAL 

1873 

2.646.063 
2.688.818 
2.747.262 
2.867.340 
2.885.012 
2.862.267 
2.852.107 

250.866 
257.819 
275.515 
196.620 
212.291 
199,799 
215.852 

2.808.929 
2.946.632 
3.022.777 
3.063.962 
3.097.803 
3.062.068 
3.067.459 

1876 

1879 

1882 

1885 

1888 

1891 

En  1878,  la  France  importait  1,704,000  kil.  de  fils  de 
laine  et  elle  exportait  4,654,000  kil.;  en  1890,  elle  im- 
portait 2,895,000  kil  et  elle  exportait  6,128,000  kil. 

La  laine  est  employée,  comme  nous  l'avons  vu,  pour  la 
fabrication  de  deux  genres  de  tissus  bien  différents  les 
uns  des  autres  :  les  tissus  ras  et  les  draps  ou  tissus 
feutrés.  Dans  les  premiers,  les  fils  restent  découverts  et 
bien  visibles  ;  ils  doivent  donc  être  souvent  très  fins  et 
toujours  parfaitement  réguliers  et  homogènes;  les  filaments 
qui  les  composent  doivent,  comme  lorsqu'il  s'agit  du  lin, 
du  coton,  etc.,  être  bien  redressés  et  parallélisés  et  par- 
faitement incorporés  dans  les  fils  par  la  torsion  qui  les  lie. 
La  filature  n'atteint  ces  résultats  que  par  des  opérations 
multiples  et  répétées  et  au  moyen  d'étirages  (V.  ce  mot, 
t.  XVI,  p.  666)  qui,  pour  produire  avec  exactitude  leurs 
effets,  exigent  des  préparations  premières  très  complètes, 
avec  intervention  du  peignage  (V.  ce  mot).  De  là  le  nom 
de  fils  peignés  qu'on  leur  donne  (V.  Fil  peigné,  t.  XVlî, 
p.  441).  Lors(ju'il  s'agit  des  draps  ou  autres  tissus  feutrés, 
les  fils  n'atteignent  jamais  une  grande  finesse;  ils  se  for- 
ment en  quelque  sorte  par  le  canevas  de  l'étoffe,  qui  se 
condense  et  prend  corps  par  le  foulage  (V.  ce  mot,  t.  XVII, 
p.  890,  et  Feutre,  t.  XVll,  p.  383)  en  se  recouvrant,  en 
outre,  d'une  couche  de  feutre  qui  cache  et  dissimule  plus 
ou  moins  les  fils.  Pour  que  le  foulage  puisse  se  produire, 
il  est  nécessaire  que  les  fibres  de  la  laine  aient  conservé 
leur  propriété  de  se  feutrer  malgré  le  travail  de  la  filature, 
et  qu'en  outre  elles  ne  soient  qu'imparfaitement  incorpo- 
rées et  emprisonnées  dans  les  fils.  La  filature  devra  donc 
réduire  au  minimum  ses  opérations  et  surtout  éviter  les 
étirages.  La  carde  joue  un  rôle  prépondérant  dans  cette 
industrie  dont  les  produits  prennent,  par  suite,  le  nom  de 
fils  cardés.  Dans  tous  les  cas,  les  laines  sont  d'abord  triées, 
dessuintées,  puis  lavées  par  des  procédés  qui  diffèrent  peu, 
suivant  qu'elles  sont  destinées  à  l'un  ou  l'autre  de  ces 
usages.  La  filature  de  la  laine  cardée  se  réduit  ensuite  à 
un  battage  (V.  ce  mot,  t.  V,  p.  817),  suivi  du  cardage, 
puis  immédiatement  du  filage.  Le  battage  a  pour  but  de 
commencer  à  désagréger  les  niasses  dans  lesquelles  la  laine 
s'est  agglomérée  pendant  le  lavage.  Pour  effectuer  les 


-  783  —  LAINE 

opérations  du  cardage  et  du  filage,  on  est  obligé  d'ensimer, 
c.-à-d.  de  graisser  la  laine  (V.  Ensim AGE,  t.  XV,  p.  1161), 
afin  que  les  fibres,  malgré  leur  surface  rugueuse,  puissent 
facilement  se  séparer  les  unes  des  autres,  puis  glisser  les 
unes  sur  les  autres.  L'opération  du  cardage  a  pour  but  de 
séparer  d'une  manière  complète  les  fibres  les  unes  des 
autres  et,  en  outre,  de  les  grouper  et  de  les  rassembler 
en  petites  mèches  qui  servent  à  alimenter  les  métiers  à 
filer.  Ce  résultat  n'est  généralement  atteint  qu'après  le 
passage  à  travers  trois  cardes  qui  prennent  les  noms  de 
carde  briseuse,  carde  repasseuse  et  carde  finisseuse  ou 
fileuse  (V.  Carde,  t.  IX,  p.  367).  Les  cardes  briseuses 
sont  quelquefois  munies  d'appareils  d'alimentation  automa- 
tique qui  puisent  la  laine  dans  un  bac  où  l'on  en  a  mis  en 
assez  grande  quantité  et  la  répartissent  d'une  manière  par- 
faitement régulière  sur  la  toile  sans  fin  alimentaire  de  ces 
machines.  On  a  cherché  à  éviter  la  formation  des  matelas 
à  la  sortie  des  cardes  briseuses  et  repasseuses  et  à  pro- 
duire d'une  manière  régulière  et  continue  l'alimentation 
des  machines  suivantes,  au  moyen  d'appareils  qui  reploient 
la  nappe  détachée  du  peigneur,  par  plis  réguliers,  sur  une 
table  disposée  à  la  suite  de  ce  peigneur,  et  plus  bas  que 
lui  ;  cette  table  est  constituée  par  une  toile  sans  fin  ani- 
mée d'un  mouvementlent  de  translation  perpendiculairement 
à  la  longueur  de  la  carde;  il  s'y  forme  donc  une  nouvelle 
nappe  dont  la  largeur,  égale  à  celle  des  cardes,  est  formée 
par  les  plis  qui  s'y  déposent  et  dont  la  longueur  résulte  des 
déplacements  qu'éprouvent,  les  uns  par  rapport  aux  autres, 
ces  pHs  entraînés  par  le  mouvement  de  la  table.  La  nappe 
est  enroulée  par  un  appareil  spécial  qui  fait  suite  à  la 
table,  et  sert  sous  cette  forme  à  ahmenter  la  machine  sui- 
vante. Quelquefois  aussi  la  nappe,  détachée  du  peigneur  de 
la  carde,  est  transformée  en  un  ruban  que  l'on  conduit  du 
côté  de  l'entrée  de  la  machine  suivante,  où  un  appareil  très 
simple,  animé  d'un  mouvement  de  va-et-vient,  la  reploie 
sur  lui-même  en  le  couchant  parallèlement  aux  cylindres 
alimentaires.  Dans  l'un  et  l'autre  cas,  l'alimentation  se 
fait  d'une  manière  régulière  et  continue,  et  la  marche  de  la 
matière  se  produit  dans  des  directions  différentes  qui  faci- 
litent le  cardage  et  s'opposent  au  parallélisage  des  fibres. 
Au  sortir  des  cardes  finisseuses,  le  système  de  deux  pei- 
gneurs  n'est  plus  guère  appliqué.  On  obtient  une  division 
plus  régulière  de  la  nappe,  au  moyen  de  lanières  de  cuir  ou 
de  lames  d'acier  de  10  à  15  millim.  de  largeur,  disposées 
les  unes  à  côté  des  autres,  de  manière  à  saisir  la  nappe 
dans  son  ensemble,  pour  prendre  ensuite  alternativement 
deux  directions  différentes  et  découper  en  quelque  sorte 
cette  nappe  en  bandes  de  même  largeur,  que  des  frottoirs 
ou  des  guides  tournants  condensent  en  mèches.  La  trans- 
formation de  ces  mèches  en  fils  se  fait  toujours  au  moyen 
de  métiers  à  filer  renvideurs  (V.  Filage,  t.  XVIl,  p.  444), 
dans  lesquels  l'étirage  ou  allongement  des  mèches  est  pro- 
duit par  l'arrêt  de  l'alimentation,  lorsque  le  chariot  n'a 
parcouru  qu'une  partie  de  sa  course.  Les  glissements  des 
fibres  les  unes  sur  les  autres  se  produisent  d'une  manière 
régulière  pendant  que  le  chariot  finit  de  se  déplacer,  en 
raison  de  l'huile  qui  les  imprègne  et  qui  n'est  enlevée 
qu'après  le  filage  ou  quelquefois  après  le  tissage  seulement. 
La  teinture  s'effectue  sur  la  laine  dessuintée  avant  le  filage, 
ou  bien  sur  les  fils  ou  sur  les  tissus  achevés. 

Les  opérations  pour  obtenir  de  bons  fils  peignés  sont 
beaucoup  plus  nombreuses  et  se  succèdent  de  la  manière 
suivante  :  1<*  Dessuintage  (V.  ce  mot,  t.  XÏV,  p.  299) 
et  lavage  (V.  ce  mot).  2°  Séchage  et  graissage  ou  ensi- 
mage  (\\  ce  mot,  t.  XV,  p.  ii6\).  3<>  Cardage  (V.  ce 
mot,  t.  IX,  p.  364).  Les  cardes  démêlent  les  fibres  et  les 
groupent  en  rubans.  Un  seul  passage  dans  des  cardes 
à  hérissons,  généralement  munies  d'un  avant-train,  est 
suffisant.  4*^  Etirage  donné  au  moyen  d'un  gills-box 
(V.  Etirage,  t.  XVI,  p.  666).  5«  Lissage,  opération  par 
laquelle  on  enlève  la  graisse  provenant  de  l'ensimage,  et 
qui  quelquefois  ne  se  fait  qu'après  le  peignage  (V.  Lissage). 
6<*  Peignage,  par  lequel  s'achève  l'opération  et  le  net- 


LAINE  —  LAINERIE 


—  784  — 


toyage  de  la  laine,  dont  les  duvets  et  les  filaments  trop 
courts  sont  en  même  temps  éliminés  (V.  Peignage).  Ces 
premières  opérations,  qui  livrent  la  laine  bien  rangée  sous 
forme  de  rubans,  s'effectuent  souvent  dans  des  établisse- 
ments spéciaux  auxquels  on  donne  le  nom  de  peignages. 
Les  filatures  proprement  dites  produisent  la  transforma- 
tion en  fils  des  rubans  peignés  au  moyen  d'étirages  suivis 
du  filage,  l""  Etirages,  qui  se  répètent  huit  ou  dix  fois  au 
moyen  de  bancs  d'étirage  ou  bobinoirs  munis  de  frottoirs 
(V.  Etirage,  t.  XVI,  p.  666).  Les  premiers  passages  sont 
quelquefois  produits  par  des  gills-boxes  et  les  derniers, 
quand  il  s'agit  de  laines  longues  et  lisses,  par  des  bancs 
à  broches  (V.  Banc  a  broche,  t.  V,  p.  208).  8°  Filage, 
efi'ectué  comme  par  les  autres  matières  textiles  au  moyen 
de  métiers  renvideurs  ou  de  métiers  continus  (V.  Filage, 
t.  XVII,  p.  444).  L.  Knab. 

Bonneterie  de  laine  (V.  Bonneterie,  t.  Vil,  p.  339). 

Couvertures  de  laine  (V.  Couverture), 

Consommation  de  la  laine  en  Europe  (V.  Europe,  t.  XVI, 
p.  834). 

Laines  diverses.  —  Laine  de  bois.  —  On  donne  le 
nom  de  laine  de  bois  à  de  petits  copeaux  minces  et  étroits, 
faits  avec  des  déchets  de  bois  et  dont  on  se  sert  pour  em- 
ballages, et  quelquefois  aussi  pour  la  confection  de  certains 
matelas,  le  nettoyage  des  machines  et  la  filtration  des  li- 
quides. Ces  laines  sont  faites  mécaniquement  au  moyen  d'es- 
pèces de  rabots  combinés  avec  des  séries  de  lames  qui  di- 
visent les  copeaux  en  petites  lanières. 

Laine  végétale.  —  Différentes  fibres  d'origine  végétale 
ont  été  désignées  quelquefois  sous  le  nom  de  lame  :  en  Silé- 
sie,  en  Suède  et  en  Hollande,  un  peu  aussi  en  Russie  et 
en  France,  on  obtient,  en  traitant  par  des  lessives  de  soude 
les  aiguilles  du  pin  silvestre,  des  fibres  de  couleur  brun  mar- 
ron, au  moyen  desquelles  on  fabrique  des  tissus  employés 
à  la  confection  de  vêtements  hygiéniques  recommandés  par 
certains  docteurs  contre  les  rhumatismes.  On  a  de  même 
extrait  de  la  tourbe,  sous  le  nom  de  cosmos,  des  fibres 
rappelant  une  laine  très  grossière.  Les  duvets  laineux 
adhérents  aux  graines  de  certaines  plantes,  telles  que  le 
Typhaaugustifolia,  Calotropis  gigantea,  ont  aussi  donné 
lieu  à  des  essais  d'emploi. 

Laine  de  scories.  —  Les  laitiers  de  haut  fourneau, 
ordinairement  refondus  au  creuset  et  soumis  à  l'action 
d'un  courant  d'air  énergique,  produisent  une  écume  d'où 
s'échappent  des  fibres  fines  et  entrelacées  que  l'on  re- 
cueille sous  le  nom  de  laine  de  scories  pour  en  former 
des  enveloppes  calorifuges  pour  tuyaux  de  vapeur,  etc.  Ils 
sont  en  effet  très  mauvais  conducteurs  de  la  chaleur  et  du 
son,  et  en  même  temps  incombustibles,  ce  qui  rendrait  leur 
usage  avantageux  pour  le  remplissage  des  cloisons  et  des 
planchers  dans  les  constructions.  P.  Goguel. 

LAÎNÉ  (Jeanne)  (V.  Hachette  [Jeanne]). 

LA  I N  É  (Etienne-Henri-Joachim,  vicomte),  homme  d'Etat 
français,  né  à  Bordeaux  le  11  mars  1767,  mort  à  Paris  le 
17  déc.  1835.  Avocat  distingué  dans  sa  ville  natale,  il  fut 
appelé  au  Corps  législatif  le  18  févr.  1808.  Bientôt,  excédé 
par  la  folie  belliqueuse  et  le  despotisme  de  Napoléon,  il  se 
rapprocha  du  royalisme  et,  au  mois  de  déc.  1813,  se  pro- 
nonça dans  un  rapport  célèbre  pour  le  rétablissement  de 
la  paix  et  de  la  liberté.  L'empereur  fit  supprimer  cette  pièce, 
prorogea  le  Corps  législatif  et  accusa  publiquement  de  tra- 
hison Laine  qui,  retiré  à  Bordeaux,  accepta  bientôt  du  duc 
d'Angoulême  la  préfecture  de  la  Gironde  à  titre  provisoire 
(12  mars  1814),  rentra  à  Paris  après  la  Restauration  et 
fut  nommé  par  Louis  XVIII  président  de  la  Chambre  des  dépu- 
tés. Pendant  les  Cent- Jours,  il  se  réfugia  en  Angleterre.  Re- 
devenu président  de  la  Chambre  des  députés  à  la  fin  de  1815, 
il  lutta  loyalement  contre  la  politique  rétrograde  des  ul- 
tra-royalistes. Nommé  ministre  de  l'intérieurle  7  mai  1816, 
il  eut  une  grande  part  à  l'ordonnance  du  5  sept,  qui  dis- 
solvait la  (îhambre  introuvable.  Une  nouvelle  assemblée, 
élue  sous  son  influence,  se  montra  disposée  à  mettre  un 
terme  à  la  réaction.  Laine  présenta  et  fit  voter  la  loi  élec- 


torale du  5  févr.  1817  qui  assurait  la  prépondérance  dans 
les  élections  à  la  bourgeoisie.  H  put,  durant  deux  années, 
se  maintenir  un  équilibre  entre  l'extrême  droite  et  l'extrême 
gauche.  H  se  retira  du  pouvoir  en  déc.  1818,  aussi  pauvre 
qu'il  y  était  entré.  On  le  vit  peu  après,  effrayé  par  les  pro- 
grès du  parti  libéral,  s'associer  à  la  proposition  Barthélémy 
pour  la  réforme  de  la  loi  électorale  (1819),  soutenir  le  se- 
cond ministère  Richelieu  et  contribuer  à  l'adoption  de  la  loi 
du  double  vote  (juin  1820).  Rappelé  dans  le  cabinet  (déc. 
1 820)  comme  ministre  sans  portefeuille,  il  n'y  resta  cette  fois 
qu'une  année,  fit  ensuite  une  opposition  discrète  au  minis- 
tère Villèle,  se  prononça  en  1823  contre  l'expédition  d'Es- 
pagne et  l'expulsion  de  Manuel  et  n'en  fut  pas  moins  la  même 
année  nommé  pair  de  France  (23  déc.  \  823).  Sous  Charles  X, 
il  soutint  la  cause  des  Grecs  insurgés,  s'opposa  aux 
empiétements  des  congrégations  religieuses,  désapprouva 
la  politique  de  Polignac  et'  prévit,  sans  pouvoir  l'empêcher, 
la  révolution  de  1830.  Il  reconnut  le  gouvernement  de  Juil- 
let, mais  ne  prit  plus  à  peu  près  aucune  part  aux  travaux  de 
la  Chambre  des  pairs.  —  Laine  avait  été  nommé  membre  de 
l'Académie  française  par  ordonnance  royale  le  21  mars  1816. 

LAI  NÉ  (Pierre-Jean-Honorat,  vicomte),  amiral  français, 
né  à  Bordeaux  le  4  déc.  1796,  mort  à  Saucats  (Gironde) 
le  23  déc.  1875,  neveu  du  précédent.  Elève  de  l'Ecole  na- 
vale de  Brest  en  1812,  il  parvint  en  1831  au  grade  de  capi- 
taine de  vaisseau,  prit  part  au  bombardement  de  Saint-Jean 
d'Ulloa  (1838),  fut  nommé  contre-amiral  (30  avr.  1840), 
commandant  de  la  marine  à  Alger  (1841),  préfet  maritime 
(i  842),  commandant  de  la  station  navale  de  la  Plata  (1843), 
enfin  vice-amiral  (1847).  Envoyé  par  le  dép.  delà  Gironde 
à  l'Assemblée  législative  (1849),  il  s'associa  d'ordinaire  à 
la  politique  de  la  droite  et  fut  rejeté  dans  la  vie  privée  par 
le  coup  d'Etat  du  2  déc.  1851.  A.  Debidour. 

LAI  NÉ  (P. -Louis),  écrivain  héraldiste,  auteur  de  nom- 
breux ouvrages  sur  la  noblesse  :  Archives  généalogiques 
et  historiques  de  la  noblesse  de  France  (Paris,  1828-44, 
11  vol.  in-8)  ;  Dictionnaire  véridique  des  origines  des 
maisons  nobles  ou  anoblies  du  royaume  de  France 
(Paris,  1818-19,  in-8,  2  vol.).  Généalogies  diverses  pu- 
bliées séparément  :  Borel  d'Hauterive  en  Dauphiné 
(  1846,  in-8)  ;  Factum  contre  Borel  d'Hauterive  (1850, 
in-8)  ;  Réfutation  du  mémoire  de  MM,  de  Marconnau 
(Paris,  1830,  in-4). 

LAI  NÉ  (Jules-Armand),  jurisconsulte  français,  né  à  Né- 
rondes  (Cher)  le  15  juin  1841.  Reçu  agrégé  des  facultés 
de  droit  au  concours  de  1874,  il  fut  attaché  à  la  faculté 
de  Dijon  où  il  professa  le  droit  pénal  et  commença  la  pu- 
blication d'un  Traité  élémentaire  de  droit  criminel. 
Deux  fascicules  en  ont  été  publiés  en  1879  et  1880  ;  ils 
contiennent  une  esquisse  historique  des  principes  du  droit 
pénal,  la  théorie  générale  du  délit  et  le  système  général 
des  peines.  Appelé  à  la  faculté  de  droit  de  Paris  en  1879, 
Laine  y  fut  chargé,  l'année  suivante,  du  cours  de  droit 
international  privé  qu'on  créa  à  cette  époque.  Nommé  pro- 
fesseur de  droit  civil  en  1890,  il  a  néanmoins  continué  à 
enseigner  le  droit  international  privé  auquel  il  est  spécia- 
lement attaché  par  d'importants  et  remarquables  travaux. 
Sous  letitre  :  Introduction  au  droit  international  privée 
il  a  entrepris  d'exposer  l'histoire  et  le  caractère  de  l'an- 
cienne théorie  des  statuts,  origine  du  droit  international 
privé  actuel.  Deux  volumes  de  cet  ouvrage  ont  paru,  l'un 
en  1888,  l'autre  en  1892.  En  outre,  on  doit  à  M.  Laine 
un  certain  nombre  de  monographies  qui  ont  paru  dans  le 
Bulletin  de  la  Société  de  législation  comparée  et  le 
Journal  de  droit  international  privé.    E.  Glasson. 

LAINERIE  (Techn.).  La  lainerie  ou  machine  à  lainer  le 
drap  se  compose  essentiellement  d'un  fort  cylindre,  de  dia- 
mètre variable,  sur  lequel  sont  montées  des  croisées  en  fer 
garnies  de  chardons  et  auquel  on  fait  faire,  au  passage  de 
l'étoffe,  de  100  à  120  tours  à  la  minute.  Au-dessus  et  au- 
dessous  du  cylindre,  se  trouvent  deux  rouleaux  sur  les- 
quels le  drap  s'enroule  alternativement.  Un  rouleau  hori- 
zontal, sur  lequel  passe  le  tissu,  force  celui-ci,  suivant  qu'on 


-  785  - 


L4INERIE  -  LAIRE 


le  hausse  ou  qu'on  le  baisse,  à  envelopper  plus  ou  moins 
fortement  le  cylindre,  et,  par  conséquent,  à  subir  plus  ou 
moins  fortement  Faction  des  chardons.  La  tension  du  drap, 
qui  augmenterait  au  fur  et  à  mesure  qu'il  s'enroule  sur 
l'un  des  "rouleaux,  si  l'on  n'y  prenait  garde,  est  réglée  au 
moyen  d'appareils  spéciaux.  Un  tuyau,  dit  arrosoir,  percé 
de  trous  très  rapprochés,  et  mis  en  communication  avec 
un  réservoir  d'eau,  permet,  derrière  la  machine,  d'arroser 
le  drap  suivant  les  exigences  du  genre  d'apprêt.  Cette  ma- 
chine est  conduite  par  deux  ouvriers,  dont  un  principal 
dit  laineur  et  un  teneur  de  lisières  qui  aide  le  premier  à 
tirer  par  les  lisières  le  drap  au  large,  précaution  très  utile 
qui  a  pour  résultat  d'effacer  les  chiffonnages  qui  provien- 
nent du  foulon  ou  les  fripages  causés  par  les  inégalités 
légères  de  la  filature  dans  les  fils  de  trame.  Le  chardon 
employé  pour  le  lainage  n'est  autre  que  le  Di]psacus  fui- 
lonum  ou  cardère  des  foulons  ;  il  tire  son  utilité  des  écailles 
pointues  et  crochues  qui  garnissent  ses  fleurons.       L.  K. 

LAINES-Âux-Bois.  Corn,  dudép.  de  l'Aube,  arr.etcant. 
(3«)deTroyes;  425  hab. 

LAINES  ou  LAINEZ,  deuxième  général  de  la  Compagnie 
de  Jésus  (V.  Laynez)  . 

LAINEZ  (Alexandre),  poète  français,  né  à  Chimay  vers 
4650,  mort  à  Paris  le  18  avr.  4710.  Ami  de  Chapelle  et 
du  chevalier  de  Colbert,  grand  admirateur  de  Bayle  qu'il 
alla  visiter  en  Hollande,  il  était  très  répandu  dans  le 
monde.  Ses  Poésies^  spirituelles  et  gracieuses,  ont  été  pu- 
bliées après  sa  mort  (La  Haye  [Paris],  4753,  in-8). 

LAINEZ  (Etienne),  chanteur  dramatique  français,  né  à 
Vaugirard  (Paris)  le  "23  mai  4753,  mort  à  Paris  le  15  sept. 
4822.  Il  était  fils  d'un  jardinier.  Sa  voix  était  un  ténor 
élevé  qui  ne  manquait  ni  d'ampleur,  ni  d'éclat,  mais  qui 
ne  fut  jamais  sans  défaut.  Il  débuta  à  l'Opéra  en  4773  et 
remplaça  Legras  en  1783.  Il  établit  une  foule  de  rôles 
importants  qui  lui  valurent  de  réels  succès,  notamment 
dans  Alexandre  aux  Indes ^  Didon,  la  Caravane  du 
Caire ^  Chimène^  les  Danaïdes,  Dardanus,  Pénélope, 
les  Horaces,  OEdipe  à  Colone,  Tarare,  Démophon, 
Nephté,  et  la  fin  même  de  sa  carrière  fut  particulièrement 
brillante,  puisque  c'est  alors  qu'il  créa  les  rôles  de  Trajan 
dans  le  Triomphe  de  Trajan  de  Lesueur,  et  ceux  de 
Licinius  et  de  Cortez  dans  les  deux  chefs-d'œuvre  de  Spon- 
tini,  la  Vestale  et  Fernand  Cortez.  Lainez  se  retira  le 
4®^  janv.  4842  et  alla  prendre  la  direction  du  Grand- 
Théâtre  de  Lyon,  opération  désastreuse  dans  laquelle  il  se 
ruina.  Il  revint  à  Paris  où  on  lui  confia,  en  4847,  une 
classe  de  déclamation  lyrique  au  Conservatoire. 

LAING  (Malcolm),  historien  écossais,  né  en  4762,  mort 
le  6  nov.  4848.  Avocat  à  Edimbourg,  il  pratiqua  peu,  re- 
présenta Orkney  et  Shetland  au  Parlement  de  4807  à 
4812  et  ami  de  Ch.-J.  Fox  et  de  Walter  Scott  appuya  la 
politique  libérale.  Il  est  connu  par  son  History  of  Scot- 
land  (4802;  2^  éd.,  1804,  4  vol.)  et  par  une  dissertation 
sur  l'authenticité  des  poèmes  d'Ossian  qui  fit  grand  bruit. 
Citons  encore  une  édition  annotée  des  Poèmes  d'Ossian  et 
des  Œuvres  poétiques  de  Macpherson  (4805).    R.  S. 

LAING  (Samuel),  littérateur  anglais,  né  le  4  oct.  4780, 
mort  à  Edimbourg  le  23  avr.  1868,  frère  du  précédent. 
Entré  dans  l'armée  en  1805,  il  servit  en  Espagne  et  dé- 
missionna en  1809.  Il  s'occupa  ensuite  d'industrie  et  de 
l'établissement  de  pêcheries  sur  les  côtes  d'Islande.  Il  rap- 
porta d'un  voyage  en  Norvège  et  en  Suède  des  considéra- 
tions politiques  et  sociales  qui  furent  fort  remarquées  : 
Journal  of  a  résidence  in  Norway  (Londres,  1836, 
in-8);  A  Tour  in  Sweden  (1839,  in-8).  Ses  Notes  of  a 
traveller  on  the  social  and  political  state  of  France, 
Russia,  Switzerland,  Italy,  etc.  (Londres,  1842,  in-8) 
ne  firent  pas  moins  de  bruit  et  furent  en  partie  traduites 
en  allemand  par  Heller  (Mannheim,  1844,  in-8).  Le  chef- 
d'œuvre  de  Laing  est  la  traduction  de  la  chronique  islan- 
daise Heims  Kingla  (1844,  3  vol.  in-8).  Citons  encore 
de  lui  :  Observations  on  the  Social  and  political  State 
of  the  European  People  in  i848  and  i849  (1850, 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XXI. 


in-8)  et  Observations  on  the  social  and  political  State 
of  Denmark  and  the  Duchies  of  Sleswick  and  Holstein 
in  i85i  (1852,  in-8).  R.  S. 

LAING  (Alexander-Gordon),  vovageur  anglais,  né  le 
27  déc.  1793,  mort  le  26  sept.  1826.  Lieutenant  d'in- 
fanterie, il  remplit  des  missions  difficiles  à  Sierra  Leone 
relatives  à  Fabolition  de  la  traite,  entreprit  un  voyage  de 
découverte  à  la  recherche  des  sources  du  Niger  (1822), 
combattit  avec  succès  les  Achantis  en  1823  et  reçut  en 
182i  la  mission  de  reconnaître  la  source  et  le  cours  du 
Niger,  en  passant  par  Tripoli  et  Tombouctou.  Il  atteignit 
In-Salahle3déc.  1825,  Tombouctou  le  48  août  1826.  Celait 
le  premier  Européen  qui  pénétrait  dans  cette  ville  où  il  fut 
assassiné  par  des  Arabes.  Il  a  laissé  :  Travels  through 
Timmannee,  Kooranko  and  Soolima  countries  of  West- 
ern Africa  (Londres,  1825).  R.  S. 

LAINS.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr,  de  Lons-le-Sau- 
nier,  cant  de  Saint-Julien;  303  hab. 

LAINSECQ.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  d'Auxerre, 
cant.  de  Saint-Sauveur;  913  hab. 

LAI N VILLE.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  de 
Mantes,  cant.  de  Limay;  251  hab. 

LAÏQUE  (Organ.  ecclésiast.)  (V.  Clergé,  t.  XI, p.  652). 

LAIR  (Pierre-Aimé),  publiciste  français,  né  à  Gaen  le 
21  mai  1769,  mort  à  Caen  le  2  janv.  1853.  Conseiller  de 
préfecture  du  Calvados  en  1810,  il  a  fait  de  grandes  libé- 
ralités aux  institutions  charitables  de  Caen  et  légué  à  la 
ville  ses  collections  de  portraits,  de  tableaux,  de  gravures 
et  sa  bibliothèque.  Il  a  beaucoup  écrit.  Citons  :  Essai 
sur  les  combustions  humaines  produites  par  un  long 
abus  des  boissons  spiritueuses {Câen,  1799,  in-S);  Notice 
historique  sur  Moisson'Devaux(iS0^,m-i''2);  Mémoire 
sur  la  pêche,  le  parcage  et  le  commerce  des  huîtres  en 
France  (s,  d.,  in-8). 

LAIR  (Pauline)  (V.  Appert  [Eugène]). 

LAIR  (Jules-Auguste),  historien  français,  né  à  Caen  le 
25  mai  1836.  Sorti  en  1858  de  l'Ecole  des  chartes  avec  le 
diplôme  d'archiviste-paléographe,  il  entra  dans  le  com- 
merce et  devint  directeur  de  la  Compagnie  des  entrepôts 
et  magasins  généraux  et  président  de  la  Société  géné- 
rale des  téléphones,  sans  abandonner  jamais  les  recherches 
d'érudition  et  les  études  historiques.  Il  a  publié  sur  l'his- 
toire de  Normandie  et  sur  le  xvii®  siècle  des  travaux 
très  remarqués.  Nous  citerons  :  une  excellente  édition  de 
l'historien  des  ducs  de  Normandie  au  xi®  siècle,  Dudon  de 
Saint-Quentin,  qui  forme  le  t.  XXÏII  des  Mém,  de  la  So- 
ciété des  Antiquaires  de  Normandie;  Louise  de  La  Val- 
Hère  et  la  Jeunesse  de  Louis  XIV  (Paris,  1881,  in-8); 
Nicolas  Foucquet,  procureur  général,  surintendant 
des  finances,  ministre  d'Etat  de  Louis  X/ F  (Paris,  4890, 
2  vol.  in-8)  ;  Elude  sur  la  vie  et  la  mort  de  Guillaume 
Longue-Epée,  duc  de  Normandie  (Paris,  4893,  in-4), 
et  de  nombreux  mémoires  scientifiques  publiés  dans  la  Bi- 
bliothèque de  l'Ecole  des  chartes  et  les  publications  des 
sociétés  normandes. 

LAIRD.  Titre  écossais  (V.  Lord). 

LAI  RD  (Mac-Gregor),  explorateur  anglais,  né  à  Greenock 
(Ecosse)  en  1808,  mort  à  Brighton  le  27  janv.  1861.  Com- 
pagnon de  Richard  Lander  (V.  ce  nom)  dans  son  voyage 
d'exploration  du  Niger  en  1832-34,  il  fonda  ensuite  une 
société  africaine  de  bateaux  à  vapeur  et  organisa  plusieurs 
expéditions  pour  cette  contrée.  Il  publia,  avec  01dfied,la  re- 
lation de  son  grand  voyage,  où  Lander  trouva  la  mort  : 
Narrative  of  an  expédition  into  the  interior  of  Africa^ 
by  the  river  Niger  (Londres,  1837,  2  vol.  in-8). 

LAIRE.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  et  cant.  de  Mont- 
béliard  ;  152  hab. 

LAIRE  (Sigmund),  miniaturiste  allemand,  né  en  Ba- 
vière vers  1550,  mort  à  Rome  en  1636.  Il  alla  à  Rome 
sous  le  pontificat  de  Grégoire  XIII,  et  y  fut  l'élève  du 
peintre  flamand  Franz  Castello.  Il  a  peint  sur  pierres  pré- 
cieuses des  madones  et  de  petits  sujets  historiques. 

50 


LAIRE  —  LAÏSANT  —  786 

LAI  RE  (Le  P.  François-Xavier),  bibliographe  français, 
né  à  Vadans,  près  de  Dole,  en  1738,  naort  à  Paris  en  1804. 
Entré  dans  les  ordres  minimes,  il  fut  ensuite  professeur  de 
philosophie  au  collège  d'Arbois,  se  rendit  à  Rome  en  1774, 
devint  bibliothécaire  du  prince  de  Salm-Saim,  puis,  en  1 786, 
celui  du  cardinal  de  Loménie  de  Brienne,  archevêque  de  Sens, 
académicien  et  bibliophile  fameux.  Ayant  rendu,  pendant 
la  Révolution,  de  grands  services  dans  le  rècolement  de 
livres  et  documents  manuscrits  provenant  des  couvents,  il 
fut  nommé  bibliothécaire  du  dép.  de  l'Yonne.  On  a  de  lui  : 
Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  littéraire  de  quelques 
grands  hommes  du  xv^  siècle  (Naples,  1776,  in-4,  en  la- 
tin); Spécimen  historicumtypographiœ  Pwmanœ,xy^seCn 
(Rome,  1778,  in-8)  ;  Dissertation  sur  V origine  et  le  pro- 
grès de  rimprimerie  en  Franche-Comté  pendant  le 
xv'^  siècle  (Dole,  1784,  in-12)  ;  Série  deW  edizioni  Al- 
dine  (Pise,  1790,  in-12;  Padoue,  1791,  édit.  augm.),  en 
collaboration  avec  le  cardinal  de  Brienne  ;  Index  librorum 
ab  inventa  typographia  ad  annum  iÔOO  (Sens,  1791, 
2  vol.  in-8),  ou  catalogue  des  incunables  de  la  bibliothèque 
du  même  cardinal,  vendue  en  1792.  G.  P-i. 

LAI  R  ES.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de  Saint- 
Omer,  cant.  de  Fauquenbergues  ;  5ol  hab. 

LA  I R  ESS  E  (Gérard  de),  peintre,  graveur,  poète  et  écrivain 
d'art  hollandais,  né  à  Liège  en  1640,  mort  à  Amsterdam 
en  1711.  Guidé  par  son  père,  il  étudia  la  poésie,  l'histoire 
et  la  musique  avant  d'entrer  dans  l'atelier  du  chanoine 
B.  Flemaël.  A  quinze  ans,  il  faisait  déjà  des  portraits  et 
même  de  grandes  compositions.  Poussé  par  ses  goûts  de 
luxe,  il  alla  s'établir  à  Bois-le-Duc,  puis  à  Utrecht.  Là, 
déjà  marié,  il  tomba  dans  la  misère  et  peignit  des  enseignes, 
si  l'on  en  croit  la  légende,  jusqu'au  jour  où  un  marchand 
de  tableaux,  nommé  Uylenburg,  ayant  vu  deux  toiles  de 
lui,  le  fit  venir  à  Amsterdam.  La  réputation  de  l'artiste 
grandit  rapidement.  Il  jouait  du  violon  pour  s'inspirer, 
avant  de  se  mettre  au  travail.  Sa  facilité  était  très  grande  : 
il  fit  et  gagna,  dit-on,  le  pari  de  peindre  en  grandeur  na- 
turelle, dans  l'espace  d'une  journée,  Apollon  et  les  neuf 
Muses.  Ses  tableaux  d'histoire  religieuse  ou  ancienne,  ses 
mythologies,  ses  allégories  et  ses  bacchanales  manquaient 
un  peu  de  style  et  de  sincérité  dans  le  dessin  ;  mais  l'en- 
tente du  clair-obscur,  le  pittoresque,  l'invention  et  la  lé- 
gèreté de  l'exécution  leur  donnaient  souvent  un  éclat,  une 
somptuosité  remarquables.  Ses  plus  grands  ouvrages  sont 
des  décorations  de  maisons  d'Amsterdam  et  de  châteaux 
hollandais.  Il  peignit  pour  l'église  cathédrale  de  Liège, 
la  Pénitence  de  saint  Augustin  et  le  Baptême  de 
saint  Augustin;  pour  l'église  de  Sainle-Ursule,  à  Aix-la- 
Chapelle,  le  Martyre  de  sainte  Ursule,  Le  nombre  de 
ses  peintures  s'élève  à  2o0,  ce  qui  est  énorme,  vu  la  di- 
mension de  beaucoup  d'entre  elles,  si  on  se  souvient  qu'il 
cessa  de  peindre  à  l'âge  de  cinquante  ans  et  qu'il  a  gravé 
lui-même  avec  une  grande  science  de  métier,  au  burin  et  à 
l'eau-forte,  200  de  ses  ouvrages.  Citons  parmi  ses  gravures 
les  plus  célèbres  :  le  Festin  de  Cléopdtre,  l'Age  d'or, 
Une  Bacchanale,  plusieursi/M^omsàlagloiredes  princes 
d'Orange  et  une  série  de  planches  sur  riiistoire  deOidon. 
Il  a  gravé  les  planches  de  VAnatomie  du  corps  humain 
de  Godefroy  Bidloo.  On  a  dit  qu'il  était  devenu  aveugle  à 
cinquante  ans  ;  il  est  plus  probable  que  sa  vue  s'était  seu- 
lement beaucoup  aff'aibhe.  11  a  composé  les  Principes  du 
dessin  (parus  en  1719)  et  VArt  de  la  peinture.  Ces  ou- 
vrages ont  été  traduits,  au  xviii^  siècle,  en  anglais  et  en 
allemand,  et  méritaient  de  l'être. 

11  eut  trois  frères  :  l'aîné,  Ernest^  bon  peintre  d'ani- 
maux, vendit  toute  une  série  de  gouaches  au  prince  de 
Liège,  visita  Rome  et  mourut  à  Bonn  à  quarante  ans.  Les 
deux  cadets  eurent  moins  de  talent  :  Jacques  fit  des  fleurs 
et  des  figures  en  camaïeu;  /é'a?^,  des  animaux.  Quant  à  ses 
fils,  l'aîné  fut  commerçant  ;  les  deux  autres,  Abraham  et 
Jean,  travaillèrent  avec  succès  sous  sa  direction,  et  leurs 
œuvres  sont  très  probablement  vendues  aujourd'hui  sous 
le  nom  de  hw  père.  E,  Durand-Gréville. 


LAI  RI  ÈRE.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Carcas- 
sonnc,  cant,  de  Mouthoumet;  173  hab. 

LAI  ROUX.  Com.  du  dép.  de  la  Vendée,  arr.  de  Fon- 
tenay-le-Comte,  cant.  de  Luçon  ;  782  hab. 

LAIS  (Constr.)  (V.  Laie  [Constr.]). 

LAIS  ET  Relais  (V.  Alluvion,  t.  II,  p.  413). 

LAÏS,  courtisane  grecque,  du  v®  siècle  avant  J.-C.  Elle 
était  probablement  de  Corinthe,  où  se  trouvait  son  tom- 
beau. Elle  était  célèbre  par  sa  beauté,  son  avidité  et  ses 
caprices.  On  cite  parmi  ses  nombreux  amants  le  philosophe 
Aristippe  qui  lui  dédia  deux  ouvrages,  et  Eubotas  de  Cy- 
rène,  athlète  vainqueur  à  Oiympie.  Dans  sa  vieillesse,  elle 
s'adonna  à  l'ivrognerie.  Elle  est  l'objet  de  plusieurs  pièces 
de  l'Anthologie,  et  diverses  anecdotes  à  son  sujet  sont  rap- 
portées par  Athénée,  Elien,  Pausanias,  etc.  —  Il  y  eut  une 
autre  courtisane  du  même  nom,  Lais  la  Jeune,  Sicilienne, 
réduite  en  esclavage,  d'après  quelques  récits,  pendant  l'ex- 
pédition des  Athéniens  en  Sicile.  Elle  fut  tuée  en  Thessalie 
dans  le  temple  d'Aphrodite  par  des  femmes  jalouses  de  sa 
beauté  (V.  Athénée,  XIII,  pp.  574,  588-589). 

LAI  SA  NT  (Charles- Ange),  mathématicien  et  homme  po- 
litique français,  né  à  La  Basse-Indre,  com.  d'Indre  (Loire- 
Inferieure),  le  l®""  nov.  1841.  Elève  de  l'Ecole  polytech- 
nique, puis  de  l'Ecole  d'appUcation  de  Metz,  il  sortit  de 
cette  dernière,  en  1863,  comme  Ueutenant  du  génie  et  servit 
dans  cette  arme,  tout  en  se  livrant  aux  recherches  de  ma- 
thématiques qu'il  ne  devait  cesser  de  poursuivre  au  cours 
de  ses  diverses  situations  et  dont  les  premiers  résultats, 
relatifs  surtout  à  la  théorie  des  nombres,  parurent  sous 
forme  de  notes  dans  les  Nouvelles  Annales  de  mathéma- 
tiques (années  1867  et  suiv.).  Capitaine  en  1866,  il  com- 
manda les  troupes  du  génie  au  fort  d'Issy  durant  le  siège 
de  Paris  (1870-71).  Elu  en  oct.  1871  conseiller  général 
à  Nantes,  où  son  oncle,  le  docteur  Guépin,  jouissait  d'une 
grande  popularité,  il  fit  montre  d'un  ardent  républicanisme, 
fut  envoyé  par  disgrâce,  après  la  chute  de  Thiers,  en  Corse, 
puis  en  Algérie,  conserva  néanmoins  son  mandat  et  fut  réélu 
en  1874.  En  1876,  après  la  séparation  de  l'Assemblée  na- 
tionale, il  donna  sa  démission  d'officier  pour  se  présenter  à 
la  députation,  passa  dans  la  première  circonscription  de 
Nantes,  avec  3,000  voix  de  majorité,  se  fit  inscrire  au 
groupe  de  l'Union  républicaine,  fit  partie  des  363  et  battit, 
le  14  oct.  1877,  avec  une  majorité  de  4,500  voix,  l'ami- 
ral de  Cornulier-Lucinière ,  candidat  officiel.  Il  fut  reçu, 
le  mois  suivant,  docteur  es  sciences  mathématiques  par  la 
faculté  de  Paris,  avec  deux  thèses  très  remarquées  :  Appli- 
cations mécaniques  du  calcul  des  quaternions  et  Nou- 
veau Mode  de  transformation  des  courbes  et  des 
surfaces.  A  la  Chambre,  il  reprit  sa  proposition,  déjà 
présentée  au  début  delà  précédente  législature,  du  service 
de  trois  ans  et  de  la  suppression  du  volontariat,  la  soutint 
avec  une  vive  insistance,  mais  sans  succès,  et  rompit  avec 
la  politique  de  l'Union  républicaine  pour  se  raUier  à  celle 
de  l'Extrême-Gauche.  Devenu,  en  janv.  1879,  directeur 
politique  du  Petit  Parisien^  il  fut  condamné,  le  27  nov. 
1880,  par  le  tribunal  correctionnel  de  la  Seine,  à  la  suite 
d'attaques  de  ce  journal  contre  le  général  de  Cissey,  à 
8,000  fr.  d'amende  et  à  4,000  fr.  de  dommages-intérêts. 
Il  triompha  encore  à  Nantes  aux  élections  de  1881,  mal- 
gré l'opposition  des  gambettistes.  Le  25  juil.  1883,  un 
article  paru  dans  son  nouveau  journal,  la  République 
radicale^  et  intitulé  la  Chambre  infâme,  provoqua  au 
Palais-Bourbon  un  vif  incident.  Aux  élections  du  4  oct. 
1885,  il  se  présenta  dans  la  Seine  comme  candidat  radical 
et  passa  au  second  tour,  sur  la  Hste  de  «  conciliation  », 
avec  284,191  voix.  Nommé,  en  1887,  rapporteur  de  la 
commission  de  l'armée,  il  démissionna  après  le  rejet  de 
l'article  qui  prononçait  l'abolition  totale  des  cas  de  dispense 
et  d'exemption.  Dès  les  premières  mesures  de  rigueur 
prises  contre  le  général  Boulanger,  il  se  montra  l'un  de 
ses  plus  chajids  défenseurs,  publia  une  petite  brochure 
intilulée  Pourquoi  et  comment  je   suis   boulangiste 


-  78t  - 


L4ISANT  -  LAÎt 


(taris,  i887,  in-i6),  qui  fit  graiid  brait,  entra  dans  le 
«  comité  de  protestatian  nationale  »  et  fut  impliqué  dans 
les  poursuites  contre  la  «  Ligue  des  patriotes  ».  Aux  élec- 
tions de  sept.  1889,  il  remporta,  au  scrutin  de  ballottage, 
comme  candidat  boulangiste,  dans  le  XVIII®  arrondissement 
de  Paris,  avec  3,600  voix  contre  3,214  au  candidat  socia- 
liste, M.  Lafont.  Il  demeura  l'un  des  derniers  partisans  du 
général.  11  ne  s'est  pas  représenté  aux  élections  de  1893 
et  il  a  complèt^nent  renoncé  à  la  politique  militante  pour 
se  consacrer  exclusivement  à  des  travaux  de  mathématiques. 
Admirateur  de  Bellavitis,  dont  il  a  traduit  en  français  Tun 
des  ouvrages  intitulé  Exposition  de  la  méthode  des 
équipollences  (Paris^  4874,  in-8),  il  a  contribué  le  plus, 
avec  M.  Houël,  à  répandre  chez  nous  cette  ingénieuse  mé- 
thode (V.  BELLAvmset  Equipollences),  ainsi  que  le  calcul 
des  quaternions.  Il  est,  d'ailleurs.  Fauteur  de  travaux  per- 
sonnels fort  estimés,  qui  ont  fait  de  sa  part  l'objet  de 
mémoires  et  de  notes  parus  dans  les  Nouvelles  Annales 
de  mathématiques,  dans  les  Comptes  rendus  de  r Asso- 
ciation française  pour  V avancement  des  sciences^  dans 
les  Mémoires  de  la  Société  des  sciences  physiques  et 
naturelles  de  Bordeaux,  dans  le  Bulletin  de  la  Société 
mathématique  de  France  (il  a  été  en  1887-88  président 
de  cette  société),  dans  les  Comptes  rendus  de  V Acadé- 
mie des  sciences,  etc.  Il  a  donné  à  part,  outre  les  ouvrages 
déjà  cités  :  Essai  sur  les  fonctions  hyperboliques  (Paris, 
4874,  in-8);  Introduction  a  la  méthode  des  quater- 
nions  (Paris,  1881,  iu-8);  la  Politique  radicale  en 
i885  (Paris,  4885,  in-18)  ;  V Anarchie  bourgeoise  (Pa- 
ris, 1887,  ia-lt);  Théorie  et  applications  des  équipol- 
lences (Pam,  1887,  in-8)  ;  Premiers  Principes  d'al- 
gèbre, avec  Elle  Perrin  (Paris,  189*2,  in- 16)  ;  Recueil  de 
protlèmeê  de  mathématiques  (Paris,  1893,  7  vol.  in-8). 
II  a  fondé  en  1894,  avec  M.  Lemoine,  l'Intermédiaire 
des  mathématiciens.  Il  dirige,  avec  M.  H.  Laurent,  la 
partie  mathématique  de  la  Grande  Encyclopédie,  à  la- 
quelle il  a  fourni  de  nombreux  articles.  L.  S. 

BiBL.  :  Pour  les  titres  des  mémoires  dus  à  M.  Laîsant, 
V.  le  Catalogue  af  sciéntific  papers  de  la  Soc.  roy.  de 
Londres,  t.  Vlll  et  X. 

LAISNÉ  (Jean-Charles),  architecte  français,  né  à  Fon- 
tenay-aux-Roses,  près  de  Paris,  en  4819,  mort  à  Fontenay- 
aux -Roses  le  44  janv.  4891.  Elève  de  Huvé  et  Lenor- 
mand,  il  fut  architecte  de  la  cathédrale  de  Sens  et  de  l'église 
Notre-Dame  de  Dijon,  et  tut,  en  outre,  peu  de  temps  avant 
sa  mort,  architecte  de  l'église  du  Sacré-Cœur  à  Mont- 
martre, après  Abadie  et  M.  Daumet.  Mais  les  œuvres  les 
plus  importantes  de  Laisné  furent  des  édifices  d'enseigne- 
ment de  fous  les  degrés  :  nouvelle  Ecole  de  pharmacie 
et  lycée  Janson-de-Sailly,  à  Paris  ;  lycées  de  Cognac  et 
de  Guéret  et  installation  de  l'Ecole  normale  supérieure  de 
Cluny  (Saône-et-Loire).  Ch.  Lucas. 

LAfSNÉ  DE  ViLLÉvÉQUE  (GabricI-Jacques),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Orléans  le  31  déc.  1766,  mort  à 
Orléans  le  ^4  janv.  1851.  Membre  du  conseil  général  du 
Loiret,  il  s'occupait  fort  à  Orléans  de  politique  et  de  com- 
merce et  devint  député  de  ce  département  le  20  sept. 
1^17.  ïl  le  représenta  sans  interruption  de  1817  à  1824 
et  de  4827  à  1831.  Royaliste  constitutionnel,  il  prit  une 
part  considérable  aux  débats,  surtout  sur  les  questions 
financières.  Orateur  redondant  et  trop  fleuri,  il  eut  des 
sirccès  de  tribune  et  joua  un  rôle  à  la  tête  de  l'opposition 
constitutionnelle.  Il  fut  questeur  de  la  Chambre  en  1828. 
Laisné  est  connu  encore  par  sa  tentative  de  colonisation 
dans  l'isthme  de  Tehuantepec  qui  excita  un  vif  enthou- 
siasme et  provoqua  un  certain  mouvement  d'émigration, 
mais  qui  avorta  piteusement. 

LAISSAC.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.de  PAveyron,  arr.de 
Millau,  sur  le  Meyroux,  affluent  de  l'Aveyron  ;  1,335  hab. 
Stat.  du  chenr.  de  fer  du  Midi,  ligne  de  Rodez  à  Liverac- 
le-Château.  Orphelinat.  Poteries,  briqueteries.  Sur  le  Mont- 
merle,  à  3  kil.  de  Laissac,  restes  d'un  camp  retranché  du 
xvl®  siècle.  Grottes  de  la  Roque. 


LAISSAI!  D.  Com.  du  dép.  de  la  Savoie,  arr.  de  Chara- 
béry,  cant.  de  Montmélian  ;  441  hab. 

LA  ISSEY.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Baume-les- 
Dames,  cant.  de  Roulans;  273  hab. 

LAIT.  I.  Physiologie.  —  Le  lait  est  le  liquide  sécrété 
par  les  glandes  mammaires  ;  il  fournit  la  base  de  Palimen- 
tation  des  mammifères  dans  la  période  de  la  première  en- 
fance. Les  glandes  mammaires,  au  nombre  de  deux  chez  la 
femme,  en  nombre  plus  considérable  chez  les  animaux,  ap- 
partiennent au  groupe  des  glandes  en  grappes.  L'élément 
important  à  étudier  dans  la  glande  mammaire,  c'est  l'acinus 
et  plus  particulièrement  le  cul-de-sac  glandulaire.  La  struc- 
ture de  ces  culs-de-sac  varie  suivant  qu'on  les  étudie  pendant 
le  sommeil  de  la  glande  ou  pendant  la  lactation  ;  ces  culs- 
de-sac  sont  formés  par  une  paroi  propre,  tapissée  à  l'inté- 
rieur par  unépithélium.  C'est  à  l'activité  des  cellules  de  cet 
épithélium  qu'est  due  la  sécrétion  du  lait.  Pendant  le  repos 
de  la  glande,  cet  épithélium  est  formé  par  des  cellules  polyé- 
driques ordinaires.  Pendant  le  travail  de  la  sécrétion,  ces 
cellules  subissent  des  modifications.  Les  recherches  de 
Partsch  et  d'Heidenhain  ont  démontré  que,  pendant  la  sé- 
crétion du  lait,  les  cellules  polyédriques  se  gonflent,  de- 
viennent plus  claires,  leurs  noyaux  se  multiplient  et,  en 
même  temps,  on  voit  apparaître  des  gouttelettes  de  graisse 
dans  l'intérieur  du  protoplasma.  Ces  gouttelettes,  entourées 
de  protoplasma,  font  saillie  du  côté  de  la  lumière  du  cul- 
de-sac.  Cette  portion  de  la  cellule  devient  de  plus  en  plus 
saillante  et  finalement  se  détache  :  le  protoplasma  se  dis- 
sout, et  la  graisse  est  mise  en  liberté.  La  partie  superfi- 
cielle de  la  cellule  se  détruit  pour  fournir  le  produit  de  la 
sécrétion  et,  pendant  cette  fonte  partielle,  la  partie  pro- 
fonde de  la  cellule  s'accroissant,  régénère  la  cellule  épithé- 
liale  altérée.  Avant  d'être  le  siège  de  ce  travail  sécrétoire, 
la  glande  mammaire  prélude  à  la  sécrétion  du  colostrum. 
Pendant  cette  période,  certain  nombre  de  cellules  glandu- 
laires augmentent  de  volume,  deviennent  sphériques  et 
transparentes,  les  noyaux  se  multiplient,  et  c'est  de  ces  cel- 
lules que  proviennent  les  globules  de  colostrum,  c.-à-d. 
des  éléments  formés  par  de  la  graisse  entourée  d'une  mem- 
brane-enveloppe à  l'intérieur  de  laquelle  se  trouve  un 
noyau.  Le  colostrum  est  légèrement  acide,  d'une  colora- 
tion jaune  qui  devient  blanche  vers  le  quatrième  jour.  Il 
est  visqueux,  contient  de  l'albumine  et  se  coagule  par  la 
chaleur.  Le  lait  n'a  pas  la  même  composition  pendant  la 
période  de  lactation  :  la  caséine  et  le  beurre  augmentent 
jusqu'au  deuxième  mois  et  diminuent,  la  caséine,  à  partir 
du  dixième  mois,  le  beurre  à  partir  du  second  ;  le  sucre 
diminue  dans  le  premier  mois  et  augmente  à  partir  du  hui- 
tième. Enfin  les  sels  augmentent  dans  les  cinq  premiers 
mois  et  diminuent  progressivement.  La  caséine  qui  est  la 
matière  albuminoïde  spécifique  du  lait  n'existe  pas  dans 
le  sang.  Elle  se  forme  dans  la  glande,  aux  dépens  de  l'al- 
bumine du  sang.  En  faisant  digérer  de  l'albumine  avec  du 
carbonate  de  soude  et  de  la  glande  mammaire  fraîche  de 
cobaye,  Dahvilardt  aurait  obtenu  une  substance  analogue 
à  la  caséine. 

Il  est  probable  que  le  sucre  de  lait  se  forme  aux  dépens 
delà  glucose.  Mais  ce  n'est  qu'une  hypothèse.  La  sécrétion 
du  lait  est  le  résultat  de  l'activité  spéciale  des  éléments  épi- 
théliaux  de  la  glande  mammaire.  Ces  cellules  élaborent 
dans  leur  protoplasma  les  matériaux  qui  composent  le  pro- 
duit de  la  sécrétion  et  cette  élaboration  porte  sur  des  subs- 
tances fournies  par  le  sang. 

Les  recherches  de  certams  physiologistes  nous  ont  ap- 
pris que  le  travail  glandulaire  est  commandé  par  le  système 
nerveux  qui  agit  à  la  fois  sur  les  éléments  sécrétoires  et 
sur  les  éléments  vasculaires  de  la  glande.  On  sait  aussi  que 
ces  deux  actions,  sécrétoire  et  vaso-dilatatoire,  sont  con- 
comitantes, mais  indépendantes.  En  est-il  ainsi  pour  la 
glande  mammaire  ?  On  sait  depuis  longtemps  que  la  sécré- 
tion lactée  est  soumise  à  l'influence  nerveuse,  et  qu'il 
existe  des  relations  étroites  entre  l'appareil  génital  et  la 
glande  mammaire.  Mais  la  distinction  physiologique  des 


LAIT 


—  788 


actions  nerveuses  sécrétoires  et  vaso-motrices  n'a  pas  en- 
core été  faite. 

La  composition  chimique  du  lait  (V.  ci-dessous  et  Part. 
Aliment,  t.  II,  p.  227)  montre  qu'il  constitue  un  aliment 
complet,  répondant  à  tous  les  besoins  de  l'organisme  :  sub- 
stances azotées  albuminoïdes  diverses,  hydrocarbonées,  lac- 
tose, graisse,  beurre,  sels,  phosphates  calciques  et  chlo- 
rures. Toutefois,  il  est  bon  de  signaler  que  sa  composition 
même  ne  correspond  pas  au  bilan  nutritif  admis.  Si  l'on 
prend  en  effet  les  chiffres  suivants  comme  ration  normale 
de  l'adulte  :  principes  azotés,  125  gr.;  graisse,  100  gr.; 
hydrates  de  carbone,  250  gr.,  on  voit  qu'il  faudrait  4  litres 
de  lait  pour  assurer  le  chiffre  des  substances  azotées, 
5  litres  pour  les  hydrates  de  carbone  et  3  litres  pour  la 
graisse;  le  lait  est  donc  un  aliment  mixte  gras  (Germain 
Sée). Il  faut  cependant  reconnaître,  quelle  que  soit  l'exactitude 
des  chiffres  cités,  que  le  lait  constitue  la  base  exclusive  de 
l'alimentation  de  l'enfant,  et  suffit  à  la  fois  à  ses  dépenses 
journalières  et  à  son  accroissement;  et  que  3  litres  de  lait 
entretiennent  convenablement  la  vie  d'un  adulte  ne  tra- 
vaillant pas  ou  tout  au  moins  travaillant  peu.  Mais  pour 
un  homme  dépensant  de  l'énergie,  le  régime  lacté  exclusif 
est  absolument  insuffisant.  Avec  3  litres  de  lait  par  jour, 
on  constate  en  effet  rapidement  une  diminution  de  force, 
par  suite  d'un  déficit  progressif  des  matières  azotées  en 
rapport  insuffisant  (Hoffmann).  Nous  envisagerons  le  lait 
surtout  au  point  de  vue  de  l'alimentation  de  l'enfant,  mais 
il  faut  néanmoins  insister  sur  le  rôle  thérapeutique  du  lait. 
Certaines  dyspepsies  sont  rapidement  améliorées  par  le  ré- 
gime lacté,  sinon  exclusif,  au  moins  dominant.  Mais  c'est 
surtout  quand  il  s'agit  des  affections  rénales  avec  ou  sans 
complications  cardiaques  que  l'action  du  lait  est  indiquée. 
C'est  la  seule  nourriture  des  brightiques;  il  constitue, 
grâce  sans  doute  à  la  lactose,  le  meilleur  des  diurétiques. 
Les  quelques  inconvénients  du  lait  peuvent  être  le  plus  sou- 
vent combattus  par  quelques  dispositions  simples  :  la  cons- 
tipation, par  le  café  au  lait  et  quelques  fruits  laxatifs  ;  la 
diarrhée  (ces  deux  symptômes  opposés  se  rencontrent  sou- 
vent) en  écrémant  le  lait  et  en  ajoutant  un  peu  de  viaade 
crue  ;  la  non-digestibilité,  en  le  coupant  d'une  eau  alcaline, 
qui  s'oppose  à  la  formation  d'un  coagulum  trop  rétractile. 

Le  lait,  quelle  que  soit  sa  provenance,  se  présente  sous 
un  aspect  à  peu  près  analogue;  les  analyses  chimiques  qua- 
litatives y  décèlent  la  présence  des  mêmes  substances,  mais 
l'analyse  quantitative  indique  les  différences  dans  la  pro- 
portion des  éléments  constituants,  différences  qui,  au  point 
de  vue  physiologique,  ont  une  réelle  importance,  au  moins 
en  ce  qui  concerne  l'ahmentation  de  l'enfant  nouveau-né. 

En  dehors  du  lait  de  femme,  on  n'a  guère  utilisé,  pour 
l'alimentation,  que  le  lait  de  vache,  de  chèvre  et  d'ânesse. 
Ce  sont  donc  ces  quatre  laits  qu'il  importe  de  comparer 
entre  eux.  La  différence  la  plus  importante  entre  le  lait  de 
femme  et  le  lait  de  vache  se  trouve  non  pas  tant  dans  la 
quantité  des  matières  albuminoïdes  que  dans  la  différence  de 
constitution  de  ces  substances.  Le  lait  de  femme,  riche  en 
albumine  (23,5  Voo)»  renferme  au  contraire  très  peu  de  ca- 
séine (6  gr.  °/oo)  alors  que  le  lait  normal  d'une  vache  en  ren- 
ferme 30  gr.,  chiffre  souvent  dépassé.  —  Or  la  digestibilité 
de  la  caséine  est  difficile;  cette  substance  forme  dans  l'esto- 
mac des  caillots  lourds  et  volumineux  qui  résistent  aux 
agents  digestifs,  et  l'on  peut  dire  que  la  caséine  joue  le  rôle 
principal  dans  la  facilité  avec  laquelle  le  lait  est  digéré. 

Chez  l'enfant  nourri  au  lait  de  vache,  on  trouve  fré- 
quement  les  grumeaux  de  caséine  non  digérés  dans  les 
selles.  Le  lait  de  vache,  par  exemple,  est  plus  pauvre  en 
matières  grasses;  en  d'autres  termes,  le  lait  de  femme 
fournirait  plus  de  beurre  que  le  lait  de  vache. 

Le  lait  d'ânesse  est  celui  qui  se  rapproche  le  plus  du  lait 
de  femme.  La  caséine  y  est  en  très  faible  quantité,  6  gr. 
également  par  litre.  C'est  un  lait  très  pauvre  d'ailleurs  en 
matières  azotées,  présentant  la  même  richesse  en  sucre, 
mais  fort  peu  de  beurre,  14  à  18  gr.  Le  lait  de  jument 
offre  une  composition  presque  identique,  un  peu  plus  riche 


en  caséine  cependant.  Aussi  a-t-on  été  conduit  à  consi- 
dérer le  lait  d'ânesse  comme  succédané  type  du  lait  de  vache 
pour  la  nourriture  des  jeunes  enfants;  malheureusement,  il 
est  difficile  de  prolonger  et  d'utiliser  la  période  de  lactation 
chez  ces  animaux. 

Le  lait  de  chèvre,  qui  est  fréquemment  employé  pour 
l'ahmentation,  se  rapproche  assez  du  lait  de  femme,  quoique 
à  une  plus  grande  distance  que  celui  d'ânesse.  La  caséine 
en  effet  s'y  trouve  en  proportion  trop  forte,  25  à  30  gr. 
par  litre.  Nous  renvoyons  du  reste  au  mot  Allaitement 
pour  tout  ce  qui  concerne  la  question  de  la  nourriture  du 
nouveau-né. 

Digestibilitedula.it.  —  On  croyait  autrefois,  avec  Liebig, 
que  la  coagulation  du  lait  était  due  à  un  acide,  soit  l'acide 
chlorhydrique  du  suc  gastrique,  soit  l'acide  lactique  qui  se 
forme  toujours  par  la  fermentation  des  aliments  dans  l'es- 
tomac. Selmi  a  montré  que  la  coagulation  s'obtenait  en 
milieu  alcalin  avec  la  muqueuse  stomacale  du  veau.  En 
réalité,  la  précipitation  de  la  caséine  par  les  acides  est 
totalement  différente  de  la  coagulation  par  la  présure  du 
lab-ferment.  Le  lait  ingéré  dans  l'estomac  se  trouve  en 
présence  à  la  fois  du  suc  sécrété  par  la  muqueuse  gastrique 
et  de  la  salive  déglutie  par  l'estomac.  L'action  de  la  pepsine 
du  suc  gastrique  admise  par  Hammarsten  est  douteuse,  et 
il  est  à  peu  près  certain  que  c'est  un  ferment  spécial,  le 
lab-ferment  ou  pexine,  qui  détermine  la  coagulation  du 
lait,  ou  mieux  la  caséification  du  lait. 

Si  l'on  opère  in  vitro  ^  en  mettant  en  contact  présure 
et  lait,  on  obtient  un  coagulum  dur  qui,  sous  l'influence 
des  acides,  se  rétracte  progressivement,  mais  dans  l'estomac 
l'action  de  la  salive  intervient  heureusement  pour  favoriser 
la  digestion.  La  salive  est  alcaline  :  cette  alcalinité  combat 
l'action  de  l'acide  lactique  qui  peut  se  former  dans  l'estomac. 
Or,  les  acides  en  général  ont  pour  effet  de  rendre  le  caséum 
rétractile,  dur,  co  mpact .  La  salive  s'opposera  donc  à  ces  effets. 
Mais  il  ne  fautpas  non  plus  qu'il  y  ait  une  trop  grande  quantité 
de  salive,  car  le  ferment  lab  serait  alors  gêné  par  son  alcali- 
nité. En  outre,  la  salive  a  pour  effet  de  désagréger  le  caséum 
et  de  permettre  ainsi  qu'il  soit  attaqué  plus  facilement  par 
les  sucs  qui  doivent  peptonifier  la  caséine.  La  digestion 
gastrique  du  lait,  n'est,  on  doit  le  répéter,  qu'une  caséifi- 
cation. Les  transformations  détinitives,  la  véritable  diges- 
tion a  lieu  dans  l'intestin  sous  l'influence  du  suc  pancréa- 
tique qui  dissout  le  caséum  peptonisé, 

Digestibilité  du  lait  cru  et  du  lait  cuit.  Cette  ques- 
tion est  de  la  plus  haute  importance.  De  tout  temps,  on 
faisait  bouillir  le  lait  pour  le  conserver  plus  longtemps  ;  mais 
aujourd'hui,  en  vue  de  détruire  les  germes  pathogènes  qui 
peuvent  se  trouver  dans  le  lait,  le  chauffage  du  lait  est 
presque  une  règle  absolue.  Au  point  de  vue  chimique,  les 
modifications  apportées  par  la  cuisson  du  lait  sont  peu  im- 
portantes, si  elle  n'est  pas  prolongée,  11  existe  cependant 
des  modifications  qui,  au  point  de  vue  physiologique,  ont 
leur  importance. 

L'ébullition  retarde  la  coagulation  du  lait,  par  suite  de 
la  privation  d'une  partie  de  ses  sels  de  chaux  (Arthus  et 
Pages).  Le  suc  gastrique  et  le  suc  pancréatique  modifient 
moms  facilement  le  lait  cuit  (Leeds).  Aussi  les  enfants  ne 
le  supportent-ils  que  difficilement.  Lesage  et  Chavannes  ont 
montré  que  le  lait  bouillant  à  l'air  libre  pendant  cinq  mi- 
nutes diminuait  de  près  d'un  quart  de  son  volume.  Mais 
on  peut,  sinon  obtenir  la  stérilisation  complète,  tout  au 
moins  rendre  le  lait  à  peu  près  inoffensif  en  le  soumettant 
à  une  température  voisine  de  100^.  Dans  ces  conditions,  il 
faut  en  effet  faire  une  distinction  absolue  entre  la  stérili- 
sation de  laboratoire  et  la  stérilisation  pratique  au  point  de 
vue  du  lait.  Pour  arriver  à  la  première,  et  on  le  peut,  il  est 
nécessaire  de  chauffer  au-dessus  de  120<>,  pendant  une  demi- 
heure  au  moins,  le  lait  qu'on  veut  conserver.  A  cette  tem- 
pérature seulement  sont  tués  les  spores  du  Bacillus  subtilis, 
du  Mesentericus  vulgatus  et  du  Thyrotrix  tenuis.  Mais 
cette  haute  température  altère  profondément  le  lait  ;  sa  cou- 
leur change,  devient  café  au  lait  clair  ;  son  goût  est  désa- 


-  789  — 


LAIT 


gréable.  Les  éléments  gras  et  albumineux  qui  le  composent 
se  séparent  en  plusieurs  couches  et  forment  de  petits  gru- 
meaux ;  enfin  il  n'est  pas  prouvé  que  la  caséine  de  ces 
laits  ne  subisse  une  modification  qui  la  rende  difficilement 
assimilable. 

La  stérilisation  pratique,  celle-là  seule  que  nous  visons 
et  qui  se  fait  aux  environs  de  400°,  n'a  la  prétention  que 
de  s'appliquer  à  la  provision  de  lait  faite  chaque  jour  pour 
l'enfant  ;  elle  met  le  lait  qui  y  a  été  soumis  à  l'abri  des 
germes  de  l'atmosphère  qui  peuvent  l'infecter,  détruit  tous 
les  microbes  pathogènes  et  arrête  les  fermentations  qui  se 
seraient  produites  en  attendant  le  moment  où  le  lait  sera 
donné  en  tetée.  Si  elle  n'atteint  pas  les  spores  du  Mesen- 
tericus,  du  Thyrotrix  et  du  Subtilis,  elle  détruit  tout  au 
moins  les  microbes  qui  les  ont  produites,  qui  d'un  autre 
côté  ne  sont  pas  pathogènes. 

Le  lait  ainsi  stérilisé  n'offre  pas  les  inconvénients  du 
lait  bouilli.  Le  caillot  obtenu  par  la  digestion  in  vitro^  s'il 
est  encore  moins  finement  granuleux  que  le  lait  de  femme 
placé  dans  les  mêmes  conditions,  présente  un  aspect  bien 
préférable  à  celui  du  lait  bouilli  dont  les  grumeaux  volu- 
mineux, durs,  sont  difficiles  à  attaquer  parles  sucs  diges- 
tifs de  l'enfant.  Les  résultats  obtenus  par  Budin  et  Cha- 
vannes,  non  seulement  sur  des  nouveau-nés,  mais  encore 
sur  des  enfants  venus  avant  terme  et  élevés  à  la  couveuse, 
montrent  que  les  plus  jeunes  appareils  digestifs  sont  ca- 
pables de  digérer  un  tel  aliment. 

Microorganismes  du  lait.  — Le  lait  est  un  excellent  mi- 
lieu de  culture  pour  les  microbes.  Levures  et  bactéries  se 
développent  avec  une  très  grande  rapidité,  surtout  si  la 
température  est  favorable.  Miquel  a  montré  que  du  lait  qui 
renfermait  9,000  bactéries  par  centimètre  cube  deux  heures 
après  la  traite  en  renfermait  120,000  neuf  heures  après 
et  5,600,000  au  bout  de  vingt-quatre  heures. 

Il  est  évident  que  sur  ce  nombre  énorme  de  microorga- 
nismes beaucoup  sont  inoffensifs.  Mais  si  beaucoup  n'ont 
aucune  influence  pathogène,  la  plupart,  par  contre,  ont  une 
influence  très  marquée  sur  la  composition  chimique  du  lait. 
Parmi  les  microbes  non  pathogènes,  il  faut  signaler  en  pre- 
mière ligne  le  ferment  lactique,  isolé  par  Pasteur.  Ce  mi- 
croorganisme produit  la  coagulation  du  lait  en  déterminant 
la  transformation  de  la  lactose  en  acide  lactique.  Le  ferment 
lactique  découvert  par  Pasteur  et  étudié  aussi  par  Lister 
est  un  élément  à  bâtonnet  étranglé  dans  son  milieu  et  ar- 
rondi à  ses  extrémités.  La  longueur  varie  de  d  i/2  à  3  [a. 
En  outre  du  vibrion  lactique,  d'autres  microorganismes 
transforment  la  lactose  en  acide  lactique  :  Bacitlus  acidi 
lactici,  Bacterium  lactis  aerogenes^  Actinobacter  po- 
lymorphus,  Thyrothrix  claviformis. 

Signalons  simplement  le  groupe  des  ferments  aérobies, 
du  genre  Thyrothrix^  qui  se  développent  à  la  surface  du  lait 
en  formant  une  pellicule  et  sécrètent  une  présure  et  quel- 
quefois même  une  caséose  qui  dédoublent  la  caséine  don- 
nant lieu  à  des  produits  divers  :  tyrosme,  valérianate 
d'ammoniaque,  etc.  D'autres  espèces  de  Thyrothrix  sont  anaé- 
robies  et  déterminent  la  formation  de  produits  donnant  au 
lait  une  odeur  putride,  tels  les  T.  catenula^  T.  uroce- 
phalum,  etc. 

Laits  colorés.  Le  lait  prend  quelquefois  une  teinte  jaune, 
bleue  ou  rouge.  Ces  modifications  sont  dues  au  développe- 
ment de  microorganismes  chromogènes. 

Lait  jaune.  Le  Bacterium  synxanihiim  détermine 
une  couleur  jaune  dans  le  lait  qui  devient  d'abord  acide  et 
ensuite  assez  fortement  alcalin.  La  matière  colorante  est 
soluble  dans  l'eau,  insoluble  dans  l'éther  et  l'alcool  ;  elle 
n'est  pas  modifiée  par  l'action  des  liquides  alcalins,  mais 
est  décolorée  par  les  acides.  Elle  est  semblable  aux  couleurs 
d'aniline  dans  ses  réactions  ordinaires  et  spectroscopiques. 

Lait  bleu.  Le  Bacillus  cyanogenus  donne  lieu  à  une 
coloration  bleu  ardoise  qui  vire  au  bleu  intense  quand  le 
lait  devient  acide  sous  l'action  du  ferment  lactique. 

Lait  rouge.  Plusieurs  microorganismes  donnent  au  lait 
une  coloration  rouge.  Le  plus  fréquent  est  le  Micrococcus 


prodigiosus.  Il  forme  d'abord  une  coloration  rouge  rose  et 
ensuite  des  taches  rouge  sang.  Les  microorganismes  eux- 
mêmes  sont  incolores.  La  matière  colorante  qu'ils  élaborent 
ressemble  à  la  fuchsine  ;  elle  est  insoluble  dans  l'eau,  mais 
soluble  dans  l'alcool.  En  ajoutant  des  acides,  on  obtient 
une  coloration  rouge  carmin  et  avec  des  solutions  alcalines 
une  coloration  jaune.  Dans  le  lait,  ce  microorganisme  se 
manifeste  par  des  taches  rouges. 

Microbes  pathogènes.  Les  microbes  précédents  ont  le 
grave  inconvénient  de  rendre  le  lait  impropre  à  la  consom- 
mation ;  mais,  par  le  fait  même  qu'ils  déterminent  rapi- 
dement des  modifications  visibles  dans  la  composition  du 
lait,  il  est  facile  de  reconnaître  leur  présence  et  il  n'est  pas 
démontré  que  leur  ingestion  comporte  des  dangers.  11  n'en  est 
pas  de  même  d'autres  microorganismes  dont  l'action  est  d'au- 
tant plus  insidieuse  que  leur  présence  est  difficile  à  déceler. 
Ce  sont  les  microorganismes  pathogènes,  les  agents  de  la 
diphtérie,  de  la  fièvre  typhoïde,  des  diarrhées  infantiles,  de 
la  scarlatine,  de  la  tuberculose.  D^  P.  Langlois. 

II.  Economie  rurale.  —  La  production,  la  compo- 
sition, et  par  suite  les  propriétés  du  lait  varient  non  seule- 
ment avec  l'individualité  des  vaches  laitières,  mais  encore  avec 
leur  habitat  et  surtout  l'alimentation  qu'elles  reçoivent  ;  ces 
causes  agissent  également  sur  la  quantité  de  lait  sécrété. 
Pour  obtenir  une  lactation  abondante,  il  ne  suffit  donc  pas 
de  choisir  une  vache  réunissant  au  plus  haut  degré  les  apti- 
tudes laitières,  il  faut  encore  la  nourrir  en  conséquence 
(V.  Vache).  On  sait  que  le  premier  lait  sécrété  immédia- 
tement après  la  parturition  a  un  aspect  particulier  ;  il  est 
jaunâtre,  visqueux  et  doué  de  propriétés  purgatives  (V.  Co- 
lostrum).  Ce  n'est  que  vers  le  troisième  ou  quatrième  jour 
que  le  lait  devient  normal.  La  lactation  dure  de  deux  cents 
à  trois  cents  jours  par  an  ;  chez  les  très  bonnes  laitières, 
elle  se  prolonge  même  au  delà.  D'après  M.  Heuzé,  on  peut 
établir  cinq  périodes  dans  la  lactation  ;  voici  leur  durée  et 
leur  caractéristique  moyennes,  car  il  y  a  des  variations 
individuelles  : 

!'•«  période  :  60  premiers  jours,  10  litres  de  lait  par 
jour  z=z  600  litres;  2®  période  :  90  jours  qui  suivent, 
8  litres  de  lait  par  jour  =:=  720  litres  ;  3«  période  :  60  jours 
qui  suivent,  6  litres  de  lait  par  jour  =:  360  litres  ;  4®  pé- 
riode :  30  jours  qui  suivent,  4  litres  de  lait  par  jour 
=  120  litres;  5«  période  :  40  jours  qui  suivent,  3  litres 
de  lait  par  jour  =  120  litres;  total  :  280  jours  et 
1,920  litres. 

L'activité  du  fonctionnement  des  mamelles,  tout  en  res- 
tant individuelle,  n'en  est  pas  moins  subordonnée,  comme 
le  fait  remarquer  M.  A.  Sanson,  à  la  quantité  des  maté- 
riaux qui  lui  sont  fournis.  Elle  est  individuelle  par  rapport 
au  volume  de  sang  qui  traverse  la  mamelle  en  un  temps 
donné,  volume  dépendant,  de  son  côté,  de  la  capacité  des 
vaisseaux  mammaires.  Le  volume  de  sang  qui  irrigue  la 
mamelle  gouverne  quantitativement  la  sécrétion.  Celle-ci 
est  proportionnelle  à  la  tension  du  fluide  dans  ses  vais- 
seaux, comme  on  peut  le  prouver  en  excitant  les  nerfs 
vaso-moteurs  d'une  glande  analogue.  Toutefois,  la  qualité 
du  produit  sécrété  dépend  nécessairement  de  la  richesse 
du  sang  en  matériaux  propres.  Cependant,  dans  les  deux 
premiers  mois  après  le  part,  le  lait  produit  en  abondance 
est  plus  aqueux  que  dans  le  quatrième  ou  le  cinquième,  et 
plus  la  lactation  avance  vers  son  terme,  plus  la  qualité, 
toutes  circonstances  égales  d'ailleurs,  s'améliore.  Alb.  L. 

III.  Chimie.  —  Composition  du  lait.  —Les  premières 
notions  exactes  sur  la  composition  du  lait  se  rencontrent  seu- 
lement dans  certains  ouvrages  du  xvi*  siècle  ;  un  auteur  ita- 
lien dit  à  ce  sujet  :  «  Le  lait  laissé  au  repos  rassemble  sa 
crème  à  la  partie  supérieure  ;  celle-ci,  battue,  se  tourne  en 
beurre  et  le  lait  écrémé  peut  se  coaguler  pour  donner  le  fro- 
mage par  la  présure  de  chevreau,  la  semence  de  chardon  bé- 
nit, l'oxymeL»  Les  recherches  chimiques  sérieuses  les  plus 
anciennes  sont  dues  à  Macquer  et  à  Scheele.  Le  lait  est  une 
solution  de  caséine,  de  sucre  de  lait  et  de  sels,  tenant  en 
suspension  des  globules  butyreux  et  une  petite  quantité  de 


LAIT 


-  790 


matière  caséeuse  insoluble.  Sa  réaction,  le  plus  souvent  al- 
caline, est  due  à  la  présence  des  phosphates  et  de  quelques 
carbonates  alcalins.  Abandonné  à  Pair,  le  lait  subit  la  fer- 
mentation lactique,  et  l'acide  formé  détermine  la  coagula- 
tion; si  la  température  est  maintenue  entre  3d  et  40^,  le 
sucre  de  lait  éprouve  une  autre  fermentation,  la  fermenta- 
tion alcoolique  :  on  obtient  ainsi  le  koumis  des  Tatares  et 
des  habitants  du  Caucase.  Soumis  à  Faction  de  la  chaleur, 
le  lait  entre  en  ébuUition,  en  produisant  à  la  surface  une 
pellicule  de  matière  azotée  fournie  par  un  produit  d'oxy- 
dation de  la  caséine.  Quand  on  abandonne  le  lait  à  lui- 
même,  les  globules  plus  légers  montent  à  la  surlace  et 
constituent  la  crème  ;  brisés  dans  la  baratte,  ils  laissent  la 
matière  grasse  qu'ils  contiennent  se  réunir  et  former  le 
beurre.  Le  lait  écrémé  contient  encorelam5<^w^(V.  ce  mot), 
le  sucre  de  lait,  l'albumine  et  les  matières  minérales.  Les 
acides  minéraux  et  organiques  coagulent  le  lait,  c.-à-d. 
précipitent  la  caséine,  mais  la  présure,  matière  obtenue  en 
raclant  la  caillette  du  jeune  veau  ou  en  la  faisant  macérer 
dans  de  l'eau  alcoolisée,  possède  cette  propriété  au  plus 
haut  degré  et  peut  coaguler  30,000  fois  son  poids  de  lait. 
La  lactose  (V.  ce  mot)  reste  dissoute  dans  le  petit-lait  obtenu 
après  la  séparation  de  la  caséine  ;  on  l'obtient  en  grande 
quantité  dans  les  fromageries  suisses  par  Tévaporation  de 
ce  petit-lait.  On  trouvera  à  l'art.  Aliment,  t.  II,  p.  227, 
un  tableau  indiquant  la  composition  chimique  des  divers 
laits. 

Stérilisation  du  lait.  —  Pour  la  stérilisation  du  lait, 
nous  n'avons  pas  à  décrire  ici  les  appareils  industriels, 
tous  d'une  grande  simplicité,  qui  consistent  en  chaudières 
de  capacité  différente  où  l'on  porte  le  lait  à  une  tempéra- 
ture voisine  de  100°  pendant  un  temps  plus  ou  moins 
long.  Nous  nous  contenterons  d'exposer  un  procédé  très 
pratique,  à  la  portée  de  tout  le  monde,  car  il  s'adresse 
surtout  aux  mères  de  famille  les  moins  fortunées.  La 
mère  de  famille  achète,  surtout  à  Paris,  le  lait  d'une  va- 
leur de  30  cent,  le  litre  environ.  Le  lait  doit  être  stéri- 
lisé aussitôt  l'arrivée  au  logis.  Dans  un  panier  à  verres  en 
fil  de  fer,  on  place  côte  à  côte  des  bouteilles  en  verre  blanc 
telles  que  celles  qu'on  emploie  pour  la  conservation  des 
fruits.  Elles  ont  été  préalablement  remplies  du  lait  à  stéri- 
liser. Le  panier  est  plongé  dans  une  grande  marmite  pleine 
d'eau.  Aussitôt  l'eau  en  ébuUition,  on  recouvre  la  marmite 
de  son  couvercle  et  l'on  prolonge  î'ébullition  lente  pendant 
quarante-cinq  minutes.  Le  panier  enlevé,  les  bouteilles 
sont  bouchées  aussitôt  avec  des  bouchons  de  liège  bien 
propres.  Puis,  le  lait  refroidi,  on  laisse  les  bouteilles  dans 
une  terrine  contenant  de  l'eau  froide.  Quoique  le  lait  ainsi 
préparé  puisse  se  conserver  quelques  jours,  il  est  bon  de 
le  consommer  au  plus  tard  le  lendemain,  attendu  sa  qua- 
lité inférieure.  Il  est  essentiel  de  rejeter  le  lait  qui  s'est 
coagulé  pendant  rébulHtion.  Lorsque  le  lait  doit  être  donné 
à  Tenfant,  on  replonge  auparavant  la  bouteille  dans  l'eau 
tiède,  puis  le  bouchon  de  liège  enlevé  est  remplacé  par  une 
tétine  de  caoutchouc.  Par  celte  stériHsation  si  simple  comme 
procédé,  si  précieuse  comme  résultat,  la  mère  de  famille 
pourra,  dans  une  large  mesure,  éviter  à  son  enfant  les 
troubles  gastro-intestinaux  si  fréquents  pendant  les  pre- 
mières semaines  de  la  vie. 

Conservation.  —  L'altération  spontanée  du  lait  provient 
soit  de  son  exposition  prolongée  à  l'air,  soit  de  sa  prove- 
nance de  vaches  malades.  Cette  altération  est  favorisée  par 
l'élévation  de  la  température  et  par  les  temps  orageux. 
Pour  la  retarder  on  eut  d'abord  recours  à  des  procédés  qui 
changeaient  la  composition  chimique  du  lait.  Ainsi  d'Arcet 
recommande  l'addition  de  0,25  %  de  bicarbonate  de 
soude.  Cette  addition  ne  change  pas  sensiblement  le  goût 
du  lait.  En  tout  cas,  elle  est  absolument  inoffensible  pour 
la  santé.  Malheureusement,  la  conservation  du  lait  n'est  as- 
surée que  pour  quatre  ou  cinq  jours  seulement.  Braconnot 
portait  le  lait  à  la  température  de  ^H^*,  puis  ajoutait  par 
litre  de  lait  1  décilitre  d'eau  chlorhydrique  aux  3/100.  Le 
lait  se  caillant  alors  complètement,  on  fait  écouler  le  petit- 


Globules  de  sang  vus  au  micros 
cope. 


lait  et  on  mêle  le  caillé  avec  du  carbonate  de  soude,  2  gr. 
par  litre.  Cette  dissolution,  effectuée  sous  l'influence  d'une 
douce  chaleur,  donne  une  pâte  molle  qu'on  introduit  dans 
une  bouteille  qu'on 
ferme  hermétiquement. 
Gay-Lussac  remarqua, 
un  des  premiers,  qu'en 
faisant  bouillir  le  lait  à 
plusieurs  reprises,  on 
pouvait  le  conserver  plu- 
sieurs jours.  Cette  ob- 
servation reprise  et 
transformée  par  M.  de 
Lignac  conduisit  enfin 
à  une  méthode  excel- 
lente de  conservation 
du  lait.  Le  lait  employé 
est  d'abord  de  très  bonne 
qualité.  On  y  dissout  de 
75  à  80  gr.  de  sucre  par 

litre  ;  puis,  à  l'aide  d'une  circulation  de  vapeur,  on  opère 
la  concentration  du  lait  dans  un  vase  à  fond  plat,  de  manière 
que  l'épaisseur  de  la  couche  ne  dépasse  point  2  à  3  centim.  ; 
en  outre,  le  liquide  est  sans  cesse  agité  avec  une  spatule, 
ce  qui  empêche  la  for- 
mation des  pellicules, 
qui  ensuite  ne  se  dé- 
layeraient plus. 

Lorsque  le  lait  est  ré- 
duit au  1/5  de  son  vo- 
lume primitif,  on  le  verse 
dans  des  boîtes  cylin- 
driques en  fer-blanc, 
contenance  de  1  litre  ou 
1/2  litre,  que  l'on  ferme 
par  soudure  d'un  cou- 
vercle. Ce  procédé,  pra- 
tiqué aujourd'hui  en 
Suisse  sur  une  grande 
échelle,  y  a  été  modifié 
avantageusement,  en  opérant  l'évaporation  du  lait,  ce  qui  a 
permis  d'obtenir  des  extraits  solides  dont  il  a  été  parlé  à 
l'art.  Conserve.  Passons  maintenant  aux  altérations  du  lait 
provenant  de  maladies  des  vaches  qui  l'ont  produit.  Le  mi- 
croscope les  signale  dans  presque  tous  les  cas  par  la  pré- 
sence de  globules  caractéristiques.  Sans  entrer  en  de  plus 
grands  développements,  nous  donnons  simplement  ci-dessus 
la  forme  des  globules  de  pus  qui  dans  plusieurs  maladies 
des  vaches  s'introduit  dans  le  lait.  On  distinguera  facile- 
ment ces  globules  à 
surface  pointillée,  à 
bords  irréguliers,  des 
globules  de  sang  par- 
faitement circu- 
laires. 

Falsification.  — 
Addition  d'eau. 
C'est  la  fraude  la 
plus  commune,  cor- 
rélative d'ailleurs  de 
l'enlèvement  de  la 
crème.  C'est  la  seule 
pour  laquelle  nous 
décrivons  un  appa- 
reil très  simple  à 
construire.  Achetez 
une    éprouvette    à 

pied,  et  après  avoir,  sur  une  bande  allongée  de  papier, 
tracé  100  divisions  égales,  collez-la  extérieurement  de 
façon  que  la  division  100  parte  du  fond  de  Téprouvette. 
Le  lait  étant  versé  jusqu'à  la  division  0,  le  laisser  reposer 
pendant  vingt-quatre  heures  à  la  cave.  La  crème  monte  à 
la  surface  ;  on  note  alors  le  nombre  de  divisions  qu'elle  oo- 


Pus 


vu  au  microscope. 


—  791 


LAIT  ^  LUÎEU 


ctipe.  Un  bon  lait  ne  doit  pas  en  donner  moins  de  40. 
Reste  à  déterminer  la  quantité  d'eau  ajoutée.  Cette  opéra- 
tion se  fait  au  moyen  d'une  éprouvette  dite  pèse-lait  qu'on 
trouve  che2  tous  les  opticiens  et  qu'il  suffit  de  plonger 
dans  du  lait  pour  lire  au  point  d'affleurement  la  quantité 
d'eau  (V.  Lactomètre). 

Cervelle.  Cette  matière,  délayée  en  très  petite  quantité 
dans  le  lait  écrémé,  peut  y  simuler  la  crème.  Si  Ton  possède 
un  microscope,  on  apercevra  immédiatement  une  masse  de 
petits  vaisseaux  sanguins. 

Féculents.  Une  fraude  assez  commune  dans  les  régions 
où  tout  contrôle  est  difficile,  particulièrement  dans  les  pays 
d'excursion,  où  pourtant  le  lait  devrait  être  irréprochable, 
consiste  à  lui  ajouter  de  notables  quantités  d'eau  et  d'une 
matière  féculente  quelconque,  farine,  amidon.  Pour  les  re- 
connaître on  fait  bouillir  légèrement,  puis  à  froid  on  ajoute 
quelques  gouttes  de  teinture  d'iode  qui  communiquent  au 
lait  une  coloration  bleue  d'autant  plus  intense  que  la  quan- 
tité d'amidon  contenue  est  plus  notable.  —  A  signaler 
aussi  des  décoctions  de  riz,  de  son,  etc. 

Albumine.  Les  blancs  d'œufs  ainsi  que  les  jaunes  peu- 
vent être  reconnus,  s'ils  sont  en  forte  proportion,  par  les 
grumeaux  et  les  flocons  plus  ou  moins  abondants  fournis 
après  Fébullition  du  lait  que  l'on  a  préalablement  filtré  sur 
un  double  filtre  de  papier  serré. 

Gommes.  Les  matières  gommeuses  s'emploient  pour 
donner  de  la  viscosité  au  lait,  afin  de  contre-balancer  la 
diminution  de  densité  due  aux  additions  d'eau  qu'on  ne 
peut  alors  reconnaître  au  moyen  du  pèse-lait.  Coaguler  le 
lait  avec  un  peu  d'acide  acétique.  Dans  le  liquide  filtré, 
verser  de  l'alcool.  Il  se  formera  des  flocons  peu  abondants, 
très  légers,  d'un  blanc  bleuâtre.  A.  Riegel. 

Coagulation  du  lait  (V.  Fromage). 

Lait  en  poudré,  en  tablettes  (V.  Conserves). 

IV. Pharmacie.  —  Lait  d'amandes. —  Le  lait  d'amandes 
est  une  émulsion  simple  qu'on  obtient  en  pilant  des  amandes 
avec  un  peu  d'eau  et  de  sucre,  dans  un  mortier  pour  ob- 
tenir une  pâte  très  fine  ;  la  pâte  est  ensuite  délayée  dans 
l'eau  et  le  produit  obtenu  passé  à  l'étamine.  Les  propor- 
tions de  matière  à  employer  sont  les  suivantes  : 

Amandes  douces  mondées 50 

Sucre  blanc 50 

Eau d.OOO 

V.  Construction.  —  Lait  de  chaux.  —  Délayage 
dans  l'eau  d'une  certaine  quantité  de  chaux  qui  y  reste 
en  suspension  et  qui  sert  à  badigeonner  les  murs  d'une 
construction. 

BiBL.  :  Physiologie.  —  Donné,  Du  Lait,  1837.  —  Bou- 
CHARDAT  et  QUEVENNE,  Du  Lait,  1857.  —  DuGLAux,^e  Lait, 
Bibliothèque  scientilique  contemporaine,  1887.  —  P.  Lan- 
GLOis,  le  Lait,  dans  Aide-mémoire  scientifique^  1893.  ~ 
Artiius  et  Pages,  Recherches  sur  la  digestion  gastrique 
du  lait^  Société  de  biologie,  1891.  — •  Ciiavannes,  Du  Lait 
stérilisé,  dans  Semaine  médicale^  189-^.  —  Bourquelot, 
la  Diqestibilité  du  lait  cuit,  dans  Médecine  moderne,  1890. 
—  Partsch,  Ueber  den  feineren  Bau  der  Milchbildung, 
1880. —  Laffont,  HeCi^erche  sur  la  sécrétion  du  iaii,  dans 
Gaz.  méd.,  1879.  —  De  Sinety,  De  VInnernation  de  la 
mamelle,  dans  Gaz.  méd.,  1879.  —  Griniewitgii,  Des  Ga- 
lactagogues,  thèse  de  Paris,  1892.  ~  P.  Langlois,  le  Lait; 
Paris,  1894. 

LAÏTA.  Rivière  de  France'(V.  Finistère,  t.  XVII,  p.  490). 

LAITANCE  ou  LAITE.  I.  Physiologie.  —  Organe  de 
reproduction  mâle  des  Poissons  (V.  ce  mot). 

II.  Art  culinaire.  —  La  laitance  est  une  substance 
d'un  goût  agréable  et  très  nourrissante;  on  estime  surtout 
celles  de  la  carpe,  de  l'alose,  du  hareng,  du  brochet  et  du 
maquereau.  Après  les  avoir  nettoyées  et  fait  dégorger 
dans  l'eau  fraîche,  on  les  blanchit  à  l'eau  bouillante  fai- 
blement vinaigrée,  puis  on  les  fait  cuire  pendant  un  quart 
d'heure  environ  avec  parties  égales  de  blond  de  veau, 
bouillon  et  vin  blanc,  assaisonnés  de  sel,  poivre,  bouquet 
garni.  On  les  retire,  on  lie  la  sauce  réduite,  on  y  ajoute 
du  jus  de  citron  et  on  la  verse  sur  les  laitances  conservées 
à  la  chaleur  avant  de  les  dresser.  —  Les  anciens  étaient  très 


friands  de  la  laite  des  murènes  qu'ils  élevaient  dans  leurs 
viviers. 

LAITERIE  (V.  Bâtiments  ruraux). 

Ecoles  de  laiterie.  —  Ecoles  ménagères  spéciales  à 
certains  pays,  le  Danemark  surtout  et  la  Suède,  où  l'in- 
dustrie du  laitage  est  d'une  importance  particulière.  La 
plupart  de  ces  écoles  reçoivent  seulement  des  jeunes  filles, 
mais  quelques-unes  aussi  des  garçons,  à  qui  elles  enseignent 
la  fabrication  du  beurre  et  du  fromage  et  plus  générale- 
ment le  gouvernement  d'une  maison  où  la  laiterie  tient  une 
place  essentielle.  Les  cours  durent  tantôt  six  semaines  seu- 
lement, tantôt  l'année  entière,  et  se  terminent  par  des  exa- 
mens portant  sur  la  théorie  et  la  pratique  et  donnant  lieu 
à  des  certificats  d'aptitude.  H.  M. 

LAITERON  ou  LAITRON  (Sonchus  L.)  (Rot.).  Genre 
de  Corn  posées- Chicoracées,  du  groupe  des  Lactucées,  voisin 
des  Lactuca  (V.  Laitue),  dont  il  se  distingue  par  les  fleurs 
généralement  jaunes,  les  achaines  comprimés-lenticulaires, 
munis  de  côtes  réunies  entre  elles  par  des  saillies  rugueuses 
transversales,  tronqués  au  sommet,  dépourvus  de  bec,  cou- 
ronnés par  une  aigrette  sessible  de  poils  plurisériés  et 
réunis  par  fascicules  à  la  base.  Les  Laiterons  sont  des  plantes 
herbacées  qui  croissent  dans  toutes  les  parties  du  globe  ; 
leurs  organes,  glabres  ou  hérissés,  sont  gorgés  d'un  latex 
laiteux  ;  les  feuilles  sont  alternes,  auriculées,  hastées  à  la 
base,  pinnatifides.  Le  S.  oleraceusL.^  vulgairement  nommé 
iait  d'âne,  laitine  de  lièvre,  palais  de  hèvre,  etc.,  peut  se 
manger  cuit  ou  en  salade  ;  le  suc  passe  pour  apéritif  et  galac- 
togogue  ;  les  feuilles  servent  à  faire  des  cataplasmes  émol- 
lients.  Le  S.  tenerrimiis  L.  ou  Laiteron  doux,  le  cardillo 
des  Napolitains,  appartient  à  la  région  méditerranéenne  ; 
ses  feuilles  sont  comestibles  et  le  suc  passe  pour  calmant. 
Le  S.  asper  VilL,  ou  Laiteron  rude,  est  une  mauvaise  herbe 
commune  dans  les  cultures  ;  sa  racine  était  employée  jadis 
comme  adoucissante,  sous  le  nom  de  radix  sonchi,  son 
suc  comme  stomachique.  Les  S.  arvensis  L.,  S,  palustris 
L.,  S.  alpinus  L.,  etc.,  ont  servi  à  des  usages  analogues. 

LAITIER  (MétalL).  Dans  le  travail  du  haut  fourneau, 
on  obtient,  comme  produit  accessoire,  des  laitiers,  c.-à-d. 
des  silicates  permettant  l'élimination  des  éléments  terreux 
qui  accompagnent  la  matière  métallique  ;  ce  sont  donc  des 
corps  dont  la  production  est  inévitable  et  qui  sont,  en  gé- 
néral, un  embarras  pour  les  usines.  A  ces  silicates  de  chaux 
et  d'alumine  peuvent  s'adjoindre  accidentellement  d'autres 
bases  telles  que  la  magnésie,  la  baryte,  l'oxyde  de  fer, 
l'oxyde  de  manganèse.  Les  éléments  qui  accompagnent 
l'oxyde  de  fer  dans  les  minerais  sont  généralement  le  quartz, 
l'argile  et  plus  rarement  le  carbonate  de  chaux.  Il  en  ré- 
sulte, l'argile  étant  un  silicate  d'alumine,  que  la  silice  libre 
ou  combinée  et  l'alumine  sont  surtout  en  présence  de  l'oxyde 
de  fer  que  l'on  se  propose  de  réduire.  Mais  les  silicates 
d'alumine  sont  difficiles  à  fondre  ;  le  ramollissement  et  la 
fusibilité  ne  commencent  qu'avec  une  proportion  de  73  °/o 
de  silice  et  de  27  ^/o  d'alumine  correspondant  à  la  formule 
Al^  0^,  3  SiO'^.  Il  faut  même  arriver  à  Al^  0'^  4  SiO^,  pour 
avoir  une  fusion  vitreuse,  qui  ne  saurait  encore  procurer 
au  métallurgiste  la  fluidité  dont  il  a  besoin  pour  séparer 
franchement  la  partie  métallique  de  la  partie  terreuse.  On 
a  donc  imaginé  d'ajouter  des  bases  supplémentaires,  et  celle 
qui  se  présentait  le  plus  naturellement  était  la  chaux,  seule 
ou  accompagnée  de  magnésie.  Il  semble,  en  effet,  y  avoir 
une  loi  physique  sur  la  fusibilité  des  silicates  à  plusieurs 
bases.  Plus  il  y  a  de  bases,  moins  la  fusion  a  lieu  à  haute 
température.  La  silice,  la  chaux,  la  magnésie,  l'alumine 
sont  infusibles  séparément  ;  combinées  deux  à  deux  seule- 
ment, ces  matières  se  comportent  comme  si  elles  étaient 
également  réfractaires.  La  fusion  n'est  bien  caractérisée 
que  quand  ces  éléments  sont  mélangés,  deux  au  moins,  avec 
la  silice.  On  ajoute  donc,  à  la  silice  et  à  l'alumine,  qui 
existent  déjà  dans  le  minerai  et  dans  les  cendres  du  coke, 
de  la  chaux  sous  la  forme  de  carbonate  de  chaux  ou  cas- 
tine.  On  arrive  ainsi  à  produire  un  sihcate  ayant  comme 
composition  moyenne  :  silice,  40  ;  chaux,  40  ;  alumine,  20.  Il 


LAITIER 


—  792  — 


suffit,  en  général,  de  constituer  un  laitier  qui  ait  autant 
de  chaux  que  de  silice,  sans  se  préoccuper  de  la  proportion 
d'alumine,  et  on  y  arrive  en  ajoutant  deux  parties  de  car- 
bonate de  chaux  par  chaque  partie  de  sihce  contenue  dans 
le  minerai  et  les  cendres  de  combustible.  Souvent  la  chaux 
est  accompagnée  de  magnésie  ;  il  semble  que  la  fluidité  des 
laitiers  augmente  avec  cette  base.  On  lui  reproche  cepen- 
dant de  diminuer  la  proportion  de  chaux  nécessaire  et,  par 
suite,  de  moins  favoriser  le  passage  du  soufre  dans  le  lai- 
tier, le  soufre  se  combinant  à  la  chaux  pour  former  du  sul- 
fure de  calcium  et  n'ayant  pas  la  même  tendance  à  former 
du  sulfure  de  magnésium.  Les  laitiers  de  fonte  au  bois 
sont  en  général  plus  fusibles  que  ceux  obtenus  avec  le  coke  ; 
cela  tient,  sans  doute,  à  uae  certaine  proportion  d'alcalis 
provenant  des  cendres  du  bois  ;  ils  sont  aussi  plus  sili- 
ceux ;  leur  cassure  est  un  peu  vitreuse.  En  voici  quelques 
analyses  : 


msESss 

.^ 

w 

w 

H 

Q 

» 

X 

'^ 

><    5-1 

DÉSIGNATION 

o 

< 

^ 

g^ 

o 

tB 

o 

< 

oxs 

s 

< 

Pc3 

Oh 

Suède 

56,6 

1,7 
16,7 
28,4 

17,5 

19,0 

6,6 

52,5 
44,4 

17  4 

10,5 

2,9 

Berry 

1,6 

17,0 

4,4 

Les  laitiers  de  fonte  au  cok 

e  sont  moins  vitreux,  plus 

pierreux  et  fusibles  à  une  plus 

haute  température  : 

w 

w 

Q 

w 

^ 

>"  b. 

DÉSIGNATION 

o 

*^  a  z 

% 
u 

M 

O        <jj 

'J 

0"0 

42,0 

21,0 

eu 
1,5 

Le  Creusot.  —  Fonte  grise. . . 
—                 —     blanche. 

35.5 

38,5 

39,5 

18,5 

3,5 

Hayange.  —  Fonte  grise... 

28,0 

45,5 

23,0 

2,5 

—                  —     blanche. 

34,0 

40,0 

21,5 

3,5 

Dans  la  marche  en  fonte  blanche,  la  réduction  du  mine- 
rai est  incomplète;  il  passe  alors  de  l'oxyde  de  fer  dans  le 
laitier,  la  chaleur  étant  insuffisante.  Quand  cette  proportion 
d'oxyde  de  fer  augmente,  dans  le  cas  de  dérangement  du 
haut  fourneau,  le  laitier  obtenu  porte  le  nom  de  scorie, 
car  il  devient  un  silicate  métallique,  et  il  n'est  pas  exclu- 
sivement terreux.  Dans  certaines  industries  spéciales  qui 
cherchent  à  réduire  l'oxyde  de  manganèse  comme  dans  la 
fabrication  du  spiegel  et  du  ferromanganèse,  la  réduction 
du  manganèse  est  incomplète  et  une  forte  proportion  de  ce 
métal  reste  à  l'état  d'oxyde  dans  le  laitier  qui  devient  une 
sorte  de  scorie.  Voici  l'analyse  de  laitiers  de  fabrication  de 
ces  alliacées  : 


DÉSIGNATION 

SPIEGEL 

à  20  °/o 

de  manganèse 

FERROMANGANÈSE 

à  84  Vo 
de  manganèse 

Silice  

33,30 
14,20 
38,50 

0,19 

traces 

12,00 

1,25 

26,80 

13,60 

42,50 

2,27 

traces 

11,16 

» 

Alumine 

Chaux  

Baryte 

Fer 

Manganèse 

Soufre 

On  voit  que  la  composition  des  laitiers  varie  beaucoup 
avec  la  nature  des  fontes  produites.  11  y  a  même  une  rela- 
tion entre  l'allure  du  fourneau  et  l'aspect  des  laitiers.  La 
couleur  des  laitiers  à  leur  surface  se  rapproche  d'autant 
plus  du  blanc  grisâtre  que  l'allure  du  fourneau  est  plus 
chaude.  Au  contraire,  les  laitiers  sont  d'autant  plus  noirs 


et  plus  chargés  d'oxyde  de  fer  que  l'allure  du  fourneau  est 
plus  froide.  Entre  ces  deux  extrêmes  se  classent  toutes  les 
nuances  de  couleur,  qui  correspondent  aux  allures  inter- 
médiaires ou  spéciales  à  telle  ou  telle  fabrication.  Outre  la 
couleur,  il  y  a  d'autres  caractères  qu'il  est  intéressant  d'ob- 
server dans  les  laitiers.  L'état  vitreux  provient  d'un  excès 
de  silice,  tandis  que  l'état  fusant  est  causé  par  un  excès  de 
chaux  ou  l'absence  d'alumine.  Les  laitiers  fusants  sont  ceux 
qui  tombent  en  poussière  sous  l'action  prolongée  de  l'hu- 
midité de  l'air  ;  c'est  l'augmentation  de  volume  accompa- 
gnant l'hydratation  de  la  chaux,  qui  produit  cet  émielte- 
ment  et  cette  pulvérisation  chimique.  Elle  ne  peut  avoir  lieu 
que  lorsque  la  chaux  est  suffisamment  saturée  par  la  sihce, 
et  le  laitier  formé  se  comporte  comme  une  dissolution  ins- 
table de  chaux  dans  un  silicate  à  proportions  définies.  La 
facilité  avec  laquelle  le  soufre  passe  à  l'état  de  sulfure  de 
calcium  dans  le  laitier  fournit  un  moyen  énergique  pour  éli- 
miner le  soufre  du  lit  de  fusion.  Le  manganèse  facilite 
beaucoup  le  passage  du  soufre  dans  les  laitiers  qui  se  colo- 
rent en  jaune  tirant  plus  ou  moins  sur  le  brun.  Les  laitiers 
chargés  d'oxyde  de  fer  sont  loin  d'être  désulfurants  ;  il  en 
est  de  même  des  laitiers  de  fonte  au  bois  renfermant  une 
proportion  notable  d'alcalis,  et  qui  ne  sont  désulfurants 
qu'en  raison  de  leur  excès  de  chaux. 

Les  laitiers  forment  un  élément  important  et  gênant  de 
l'industrie  de  la  fonte  ;  aussi  a-t-on  fait  de  nombreuses 
tentatives  pour  leur  utilisation.  Lorsqu'on  coule  les  laitiers 
en  gros  parallélépipèdes,  ce  qui  se  fait  facilement  avec  des 
wagons  en  fer,  dans  lesquels  se  rend  le  laitier  Hquide,  on 
a  quelque  peine  à  se  débarrasser  de  ces  masses  ;  elles  s'en- 
tassent mal,  laissant  de  grands  vides  entre  elles,  et  à  moins 
d'avoir  des  laitiers  fusants  qui  se  pulvérisent  au  contact 
de  l'air,  on  embarrasse  inutilement  les  terrains  qui  avoi- 
sinent  les  hauts  fourneaux.  Il  est  préférable  de  réduire  les 
laitiers  en  sable  grossier;  pour  cela,  on  fait  arriver  le  cou- 
rant du  laitier  liquide  dans  une  fosse  pleine  d'eau,  avoisi- 
nant  le  haut  fourneau.  Le  laitier  se  désagrège,  sans  cepen- 
dant se  réduire  en  poudre  fine  et,  au  moyen  de  norias,  on 
l'élève  jusqu'au  niveau  des  wagons  de  déchargement.  On 
peut  aussi  faire  arriver  un  courant  d'eau  dans  le  chenal 
des  laitiers  et,  si  la  masse  d'eau  est  suffisante,  la  pulvéri- 
sation en  sable  s'obtient  facilement.  Ce  sable  de  laitier  peut 
servir  d'empierrement  sur  les  routes  et  de  ballast  sur  les 
chemins  de  fer.  On  peut  aussi  former  avec  ce  produit  un 
excellent  béton  en  le  mélangeant  avec  une  petite  quantité 
de  chaux  suffisante  ;  on  peut  même  former  un  mortier 
hydrauhque,  par  suite  de  la  combinaison  de  l'alumine  et  de 
la  silice  avec  la  chaux.  On  produit  d'excellentes  briques  en 
mélangeant  le  sable  de  laitier  pulvérisé  avec  une  certaine 
proportion  de -chaux  (V.  Brique  de  laitier,  t.  VllI,  p.  48). 
Pour  faire  des  pavés  de  laitier,  on  fait  écouler  les  laitiers 
par  intervalles  dans  des  sortes  de  bassins  ayant  au  moins 
1  m.  de  profondeur,  où  on  les  laisse  se  refroidir  une  quin- 
zaine de  jours.  On  a  soin  de  recouvrir  la  masse  de  fraisil 
ou  de  sable.  Il  se  forme  quelques  fissures  analogues  à  celles 
qui  ont  donné  lieu  à  la  production  des  basaltes,  puis  on 
débite  ces  blocs  en  forme  de  pavés.  Il  faut  pour  cette  fabri- 
cation des  laitiers  alumineux.  On  a  imaginé  une  utilisation 
assez  curieuse  des  laitiers  alumineux  et  calcaires  pour  la 
fabrication  des  bouteilles,  en  faisant  passer  directement  le 
laitier  liquide  dans  un  four  à  bassin  et  ajoutant  de  la  silice 
et  de  la  soude.  En  pratique,  avec  dOO  tonnes  de  laitier  on 
peut,  en  ajoutant  65  tonnes  de  sable  et  4  0  tonnes  de  sul- 
fate de  soude,  obtenir  environ  475  tonnes  de  verre. 

La  laine  de  laitier  est  composée  de  filaments  très  déliés 
analogues  à  du  verre  filé.  On  dirige  sur  la  surface  du  lai- 
tier liquide  un  jet  de  vent  ;  il  se  produit  une  sorte  d'écume 
qui  se  divise  en  fils  fins  et  entrelacés  et  que  l'on  recueille 
dans  une  chambre  de  dépôt.  On  sépare,  au  moyen  d'un 
triage  convenable,  les  gouttelettes  avec  les  filaments  et  on 
obtient  une  matière  feutrante  qui  possède  les  propriétés 
suivantes  :  incombustibilité,  grande  élasticité,  mauvaise 
conductibiHté  pour  la  chaleur  et  le  son.  On  emploie  la  laine 


-  793 


LAITIER  —  LAITON 


de  laitier  comme  enveloppe  des  tuyaux  de  vapeur  et  des 
appareils  que  Ton  veut  garantir  du  refroidissement.  On  l'a 
proposée  pour  former  des  remplissages  de  cloisons  dans 
les  combles  des  maisons  et  rendre  ainsi  les  greniers  moins 
chauds  en  été  et  moins  froids  en  hiver.  Depuis  quelques 
années,  les  industriels  utilisent,  pour  la  fabrication  des 
ciments,  les  laitiers  des  hauts  fourneaux.  Les  laitiers  refroi- 
dis sont  pulvérisés  très  finement  et  additionnés  de  chaux 
éteinte  avec  laquelle  on  les  mélange  soigneusement,  puis 
on  tamise  le  mélange  qui  est  mis  en  sacs.  L'analyse  ci-des- 
sous montre  la  composition  moyenne  des  ciments  de  Port- 
land  de  laitier,  à  prise  lente,  obtenus  à  l'usine  de  Saulnes 
(Meurthe-et-Moselle)  (pour  iOO)  : 

Silice 22,45 

Alumine d  3,95 

Peroxyde  de  fer 3,30 

Chaux 51,10 

Magnésie i  ,55 

Acide  sulfurique 0,35 

Perte  au  feu 7,30 

Cette  composition  diffère  de  celle  du  ciment  naturel  de 
Portland  par  une  teneur  plus  faible  de  chaux  et  par  une 
proportion  plus  élevée  de  silice  et  d'alumine.  Dans  le  ciment 
de  laitier,  le  rapport  de  la  teneur  d'alumine  à  celle  de  silice 
est  de  0,62,  ce  qui  indique  un  ciment  de  bonne  résistance. 
La  densité  des  ciments  de  laitier  est  d'un  quart  environ  plus 
faible  que  celle  des  ciments  ordinaires.  Les  ciments  de 
laitier  sont  employés  de  la  manière  habituelle,  soit  purs, 
soit  en  mélange  avec  le  sable  pour  former  des  mortiers.  A 
cause  même  de  son  mode  de  fabrication,  le  ciment  de  lai- 
tier ne  peut  jamais  contenir  de  chaux  vive  dont  la  présence 
dans  les  ciments  naturels  occasionne  parfois  des  dilatations 
très  préjudiciables  à  la  solidité  de  la  maçonnerie  qui  peut 
se  fendiller  ou  se  disloquer.  L.  Knab. 

LAITON  (Métall.).  Par  laiton,  on  désigne,  en  général, 
les  alliages  composés  essentiellement  de  cuivre  et  de  zinc  ; 
il  serait  mieux  peut-être  de  réserver  cette  dénomination 
pour  les  alliages  complètement  jaunes  ou  ayant  la  teinte 
jaunâtre  caractéristique  du  laiton.  Le  cuivre  et  le  zinc 
s'unissent  en  vastes  proportions  et  donnent  des  alliages  ho- 
mogènes dont  la  formation  est  accompagnée  d'un  dégage- 
ment de  chaleur;  leur  nombre  en  usage  dans  le  commerce 
et  l'industrie  est  considérable;  il  existe  d'ailleurs  une 
grande  confusion  dans  leur  nomenclature.  On  apphque  tan- 
tôt différents  noms  au  même  alliage,  tantôt  le  même  nom 
à  des  alliages  différents.  Il  vaut  mieux  complètement  dé- 
laisser ces  dénominations  et  désigner  les  variétés  de  laiton 
par  leur  composition  chimique.  L'alliage  du  cuivre  avec 
le  zinc  a  été  connu  dans  l'antiquité  la  plus  reculée  et  à 
une  époque  antérieure  aux  plus  anciens  monuments  histo- 
riques. Le  cuivre  fut  sans  doute  le  premier  métal  découvert 
par  l'homme;  mais  trop  mou,  trop  peu  résistant,  le  cuivre 
eût  été  d'un  bien  faible  secours  pour  le  travailleur,  si 
celui-ci  n'eût  trouvé  le  moyen  de  lui  donner  la  dureté  et 
la  résistance  qui  lui  manquaient,  en  l'alliant  à  d'autres 
métaux  et  notamment  au  zinc.  On  a  pu  considérer  pendant 
longtemps  Birmingham  comme  le  centre  principal  de  la 
fabrication  du  laiton  ;  on  a  écrit  que  cette  industrie  y  avait 
été  introduite,  vers  i740,  par  la  famille  Turner  et  que  le 
métal  provenait  principalement  des  Compagnies  de  Mac- 
clesfield,  Cheadle  et  Bristol.  Il  paraît  que  cette  fabrication 
fut  pendant  quelque  temps  concentrée  entre  les  mains 
d'un  petit  nombre  de  capitalistes  qui,  suivant  les  erre- 
ments habituels  du  monopole,  agirent  sans  mesure  et  dé- 
passèrent le  but.  On  créa  de  nouvelles  usines  et  en  4775, 
d'après  Ilutton,  la  consommation  du  laiton  dans  Birmin- 
gham s'élevait  à  i  ,000  tonnes  par  an.  On  produisait  d'abord 
le  laiton  par  l'ancien  procédé  de  cémentation,  qui  a  été 
remplacé  partout  par  Tslliage  direct  du  zinc  et  du  cuivre, 
tous  deux  à  l'état  métallique. 

Les  qualités  qui  rendent  le  laiton  si  précieux  peuvent  se 
résumer  ainsi  :  il  est  plus  dur  que  le  cuivre  et,  par  con- 
séquent, résiste  mieux  à  l'usure;  il  est  très  malléable  et 


très  ductile,  peut  se  laminer  en  feuilles  minces,  se  façon- 
ner au  marteau,  s'estamper  et  s'étirer  en  fils  très  fins.  Il 
est  très  propre  aux  fontes  moulées,  et  son  point  de  fusion 
étant  beaucoup  moins  élevé  que  celui  du  cuivre,  il  peut 
servir  aux  moulages  délicats  ;  il  résiste  mieux  que  le  cuivre 
aux  influences  atmosphériques;  mais,  quand  sa  surface 
n'est  pas  protégée  par  une  laque  ou  par  on  vernis,  il  se 
ternit  rapidement  et  noircit  ;  il  a  une  couleur  agréable  et 
peut  acquérir  un  beau  poli  ;  enfin  il  a  sur  le  cuivre  le  grand 
avantage  du  bon  marché.  La  malléabilité  du  laiton  varie 
avec  sa  composition  et  avec  la  température,  mais  elle  est 
affectée  à  un  degré  sensible  par  la  présence  de  certains 
métaux  étrangers,  même  en  très  petite  quantité.  Certains 
laitons  ne  sont  malléables  qu'à  froid,  d'autres  seulement  à 
chaud,  enfin  quelques-uns  ne  le  sont  à  aucune  température. 
A  une  température  sensiblement  au-dessous  du  point  de 
fusion,  le  laiton,  de  même  que  le  cuivre,  est  cassant  et  peut 
se  réduire  en  poudre,  par  la  trituration.  Un  lingot  de  lai- 
ton, brisé  pendant  qu'il  est  chaud,  offre  une  cassure  gros- 
sièrement fibreuse  ou  en  colonne  ;  mais,  brisé  à  froid,  la 
cassure  est  à  grains  fins,  au  moins  dans  certains  alliages. 
Pendant  l'estampage  du  laiton,  c.-à-d.  lorsqu'on  soumet  à 
des  chocs  violents  le  laiton  placé  dans  des  matrices,  pro- 
cédé employé  pour  la  fabrication  des  différents  articles  de 
décoration  et  d'ameublement,  il  faut  remuer  le  métal  de 
temps  en  temps.  Une  fois  l'estampage  terminé,  l'objet  a 
perdu  sa  couleur,  parce  que,  pendant  les  recuits,  il  s'est 
couvert  d'une  couche  d'oxyde  ;   on  détache  facilement  cet 
oxyde  par  le  décapage.  Dans  les  alliages  cuivre-zinc,  la 
malléabilité,  la  ductilité  et  la  douceur,  la   finesse  du 
grain,  semblent  croître  en  même  temps  que  la  proportion  de 
cuivre  augmente,  disparaître  quand  les  proportions  des  deux 
métaux  tendent  à  s'égaliser,  puis  revenir  à  un  degré  moins 
prononcé,  mais  sensible,  quand  la  base  est  fournie  par  le 
zinc.  Par  un  refroidissement  lent,  on  peut  faire  cristalliser 
tous  les  alliages  renfermant  depuis  99,1 4  jusqu'à  29,07 
de  cuivre;  les  cristaux  ont  la  forme  d'octaèdres  un  peu 
allongés,  à  arêtes  arrondies,  appartenant  au  système  régu- 
lier. Les  plus  belles  cristallisations  s'obtiennent  avec  des 
laitons  contenant  de  80  à  45  7o  de  cuivre.  L'alliage  à  60  ^/o 
de  cuivre  et  40  %  de  zinc  est  à  la  limite  supérieure,  et 
c'est  précisément  l'alliage  le  plus  riche  en  zinc  qui  puisse 
encore  être  laminé.  On  le  connaît  dans  l'industrie  sous  le 
nom  de  laiton  malléable  ou  métal  de  Miintz  ;  il  sert  au 
doublage  des  navires.  La  couleur  du  laiton  passe  du  rouge 
au  blanc,  en  passant  par  le  jaune,  à  mesure  que  l'on  aug- 
mente la  proportion  de  zinc;  le  laiton  contenant  75  à 
80  *^/o  de  zinc  est  d'un  jaune  pur.  La  dureté  du  laiton 
dépasse  celle  de  chacun  des  métaux  qui  entrent  dans  sa 
constitution  :  elle  augmente  avec  la  proportion  du  zinc  et, 
dès  que  celui-ci  dépasse  50  %,  le  laiton  devient  cassant. 
La  contraction  des  deux  métaux  dans  ces  alliages  est  consi- 
dérable ;  la  trempe  augmente  la  densité  du  cuivre  jaune  re- 
cuit. D'autre  part,  le  recuit  diminue  sa  densité;  mais  comme 
elle  s'accroît  rapidement  par  le  laminage,  il  en  résulte  que, 
même  après  une  longue  série  d'opérations,  la  variation 
subie  est  peu  sensible.  La  fusibilité  du  laiton  augmente 
avec  la  proportion  du  zinc;  l'alliage  à  50  %  de  zinc  fond 
à  912°;  celui  qui  n'en  contient  que  25  %  fond  à  921<* 
Calvert  et  Johnson  ont  trouvé  qu'un  alliage  contenant 
près  de  50  <>/o  de  zinc  était  à  peine  attaqué  par  l'acide 
chlorhydrique   concentré;   après   deux  heures  de  con- 
tact, il  ne  s'en  était  dissous  que  0,2  ^j^.  Avec  l'acide  sul- 
furique à  1,60,  l'action  a  été  nulle.  Enfin  l'acide  ni- 
trique, d'une  densité  de  1 ,10,  n'en  a  dissous  que  0,03  °/o. 
De  petites  différences  dans  la  composition  de  l'alliage  mo- 
difient considérablement  sa  résistance  aux  acides.  En  géné- 
ral, plus  le  laiton  est  riche  en  zinc,  plus  il  est  facilement 
attaqué  par  les  acides.  Le  laiton  lavé  avec  de  l'ammoniaque 
caustique  devient  blanc,  parce  que  le  cuivre  est  oxydé  et 
dissous  avant  le  zinc.  Si  on  le  lave  avec  de  l'acide  chlorhy- 
drique, c'est  le  zinc  qui  est  dissous  le  premier,  et  sa  sur- 
face devient  rouge.  Depuis  l'alliage  cuivre  79,  et  zinc  1  ^/o, 


UlTON  -  LÂITUte 


^  794 


jusqu'à  celui  de  ces  deux  métaux  en  quantités  égales,  les 
alliages  cuivre-zinc  sont  tous  d'un  usage  industriel  bien 
constaté.  A  faibles  doses  de  zinc,  comme  dans  tous  les 
alliages  qui  ne  dépassent  pas  80  de  cuivre  pour  20  de  zinc, 
les  composés  sont  nerveux,  tenaces,  très  malléables,  très 
ductiles,  et  leur  défaut  le  plus  essentiel  est  de  n'être  pas 
économiques.  Les  composés  qui  prennent  leur  place  entre 
les  proportions  cuivre  80  %  et  zinc  20,  cuivre  60  ^/o  et 
zinc  40,  sont  ceux  que  les  besoins  de  l'industrie  em- 
pruntent le  plus  souvent.  Pourtant  entre  80  et  99  «/o  de 
cuivre  se  classent  les  composés  connus  dans  le  commerce 
sous  les  noms  de  similor,  pinchbeck,  métal  du  prince  Ro- 
bert, or  de  Mannheim,  tombac,  etc.  On  peut  se  rendre 
compte  de  la  ténacité  approximative  d'un  laiton  par  la 
formule  :  1=2,10  9  +  35,45Z,  si  Z,  teneur  en  zinc, 
ne  dépasse  pas  50.  Les  laitons  contenant  moins  de  52  «/« 
de  zinc  sont  les  alliages  jaunes  qui  seuls  doivent  être  con* 
sidérés  comme  utilisables  ;  les  meilleurs  ont  plus  de  60  ^/o 
de  cuivre.  La  formule  zinc  10,2  ^jo  et  cuivre  89,8 
donne  une  grande  force  combinée  à  une  ductibilité  remar- 
quable. Les  alliages  contenant  de  17  à  30  de  zinc  mon- 
trent une  grande  analogie  de  propriétés;  le  18  °/o  est  si 
ductile  qu'on  peut  le  casser  par  flexion.  Les  alliages  30  à36,5 
de  zinc  montrent  une  rapide  décroissance  de  force.  La  for- 
mule zinc  36,5  à  52  <*/o  forme  un  autre  groupe  qui  com- 
prend les  alliages  les  plus  résistants  par  flexion,  tension  et 
traction,  mais  non  par  compression.  La  résistance  à  la 
compression  y  croît  avec  la  teneur  en  zinc,  pour  atteindre 
un  maximum  vers  l'alliage  à  54  °/o  de  zinc.  La  ductibilité 
y  décroît  à  mesure  que  la  teneur  en  zinc  augmente.  La 
formule  zinc  41,  cuivre  59,  donne  le  maximum  de  résis- 
tance. Les  alliages  zinc  52  à  58  montrent  une  rapide  dé- 
croissance de  force  et  de  ductibilité.  Les  alliages  zinc  58 
à  66  donnent  des  laitons  blancs,  qui  sont  cassants  et  pos- 
sèdent une  résistance  assez  uniforme.  La  formule  zinc  60, 
cuivre  40,  correspond  au  minimum  de  résistance  ;  l'allon- 
gement est  limité  à  0,1  et  même  moins.  Les  formules  zinc 
70  à  100  comprennent  les  laitons  gris  bleu,  pour  lesquels 
la  résistance  tombe  de  plus  en  plus.  Ceux  qui  sont  voisins 
de  la  formule  zinc  80  à  85  peuvent  servir  de  métaux  à 
moulages  de  peu  de  force  et  à  coussinets  ;  la  malléabilité 
est  leur  qualité  dominante.  Voici  quelques  formules  de  lai- 
tons spéciaux  : 


DÉSIGNATION 

w 
> 

B 

o 

o 

6 

< 

H 

Fil  clemi-rouf>"e 

86 
80 
80 
70 
66 
67 
61 
65 
64 
60 
58 
51 
47 

12,50 

20 
18 
30 
84 
33 
37 
35 
34 
38 
39 
47 
51 

1 

» 

» 
)) 
)■) 

2 

2 
2 

» 

0,50 
)) 
2 
)) 
» 
)) 
)-) 
)) 
)) 
» 

» 

Tombac  militaire 

Clous  à  doublaG:e . 

Tubes  pour  locomotives  . . . 

Tubes  pour  distilleries 

Planches  du  commerce 

Planches  pour  horlogerie. . . 

Fonds  pour  emboutir 

Fil  pour  chaussure  

Fil  pour  horIo'^*"erie 

Barres  à  décolleter 

Soudure  jaune 

Soudure  o;rise 

Tout  laiton  qui  contient  moins  de  40  %  de  zinc  est 
considérablement  amélioré  par  0,5  à  3  °/o  d'aluminium. 
On  obtient  ainsi  des  alliages  peu  coûteux  et  presque  aussi 
forts  que  les  bjonzes  d'aluminium. 

L'alliage  laiton  est  le  plus  souvent  fondu  au  creuset  dans 
un  four  à  vent  marchant  à  l'air  libre,  ou  soufflé  et  coulé 
à  l'aide  de  trémies  percées  de  trous  de  3  à  4  millim.  dans 
des  lingotières  verticales  en  fonte  pour  donner  des  plaques 
de  15  à  24  millim.  d'épaisseur  et  d'une  largeur  supérieure 
de  2  centim.  à  celle  de  la  planche  finie,  cet  excédent  étant 
destiné  à  disparaître  sous  les  lames  d'une  cisaille,  afin  de 
rafraîchir  les  bords  de  la  pièce  terminée.  Le  poids  généra- 
lement admis  pour  la  fonte  fournie  par  chaque  creuset  et 
correspondant   à  une  seule  plaque  peut  varier  de  50  à 


120  kilogr.  Les  laitons  deviennent  d'autant  plus  difficile- 
ment praticables  qu'ils  contiennent  plus  de  zinc.  A  partir 
des  proportions  75  ^jo  de  cuivre  et  25  de  zinc,  il  se  vola- 
tilise, si  Ton  ne  prend  de  grandes  précautions,  une  partie 
considérable  de  zinc.  Si  l'on  a  soin,  cependant,  de  laisser 
le  cuivre  en  bain  à  une  température  peu  élevée,  de  plonger 
le  zinc  par  parties  séparées  et  non  d'une  seule  charge,  en 
s'attachant  à  le  faire  chauffer  d'abord  au  degré  le  plus  rap- 
proché du  point  de  fusion,  si  l'on  tient  le  creuset  presque 
fermé,  en  modérant  le  feu  jusqu'au  moment  de  la  coulée, 
si  l'opération  est  vivement  conduite  et  promptement  ter- 
minée, on  évite  la  plus  forte  déperdition  du  zinc  et  on  ar- 
rive à  produire  l'alliage  dans  les  conditions  du  dosage. 
C'est  directement  de  la  fonderie,  et  lorsqu'elles  ont  été 
débarrassées  de  la  masselotte,  assez  faible,  il  est  vrai,  qui 
peut  y  adhérer,  que  ces  plaques  sont  amenées  au  laminoir 
dégrossisseur  où  on  leur  fait  subir  un  certain  nombre  de 
passes  en  bout,  c.-à-d.  dans  le  sens  de  la  coulée,  alternées 
de  recuissons.  Lorsque  celles  qui  sont  destinées  à  faire  des 
planches  minces  n'ont  plus  que  2  millim.  environ  d'épais- 
seur, elles  sont  plongées  dans  un  bain  de  dérochage  acidulé  au 
1/10  par  l'acide  sulfurique  à  66^,  pour  les  débarrasser  des 
oxydes  qui  se  sont  formés  à  sa  surface  par  les  recuissons 
successives,  brossées  au  balai  dans  des  lavoirs  à  cet  usage 
et  visitées  au  grattoir  pour  enlever  les  pailles  qui  s'y  trou- 
vent. Ces  opérations  terminées,  elles  sont  travaillées  en 
paquets  ou  trousses  au  laminoir  finisseur,  c.-à-d.  laminées 
en  les  superposant  deux  à  deux,  puis  quatre  à  quatre,  puis 
six  à  six,  etc.,  jusqu'à  ce  qu'on  ait  obtenu  l'épaisseur  dé- 
sirée. Lorsque  les  planches  sont  livrées  épaisses,  le  travail 
du  dérochage  et  de  la  visite  se  fait  avant  les  dernières 
passes.  Les  planches  de  commerce  se  jaugent  au  poids,  pour 
les  dimensions  de  O'^Oï  sur  1"^34;  chaque  1/10  d'épais- 
seur correspond  à  780  gr.  Le  laiton  se  lamine  encore, 
comme  certains  autres  alliages,  du  reste,  sous  forme  de 
barreaux  au  moyen  de  cylindres  à  gorges  rondes,  ovales 
ou  trapézoïdales;  ces  barreaux,  suffisamment  amincis,  sont 
ensuite  passés  à  la  filière  et  tirés  au  banc  si  l'on  veut  des 
baguettes  droites  pour  décoUetage,  ou  au  banc  de  bobines  ho- 
rizontales puis  verticales  des  tréfileries  pour  en  faire  du  fil. 

Le  laiton  est  employé  à  une  foule  d'ustensiles  de  mé- 
nage; la  plupart  des  instruments  de  physique,  tous  les 
objets  de  fausse  bijouterie,  les  boutons,  les  couverts  à  argen- 
ter,  les  garnitures  d'armes,  de  lampes,  de  cheminées,  etc.. 
sont  en  îaiton.  Le  laiton  sert  pour  la  confection  des  car- 
touches de  guerre  et  de  chasse.  Un  tiers  des  laitons  livrés  au 
commerce  est  employé  à  la  confection  des  épingles  et  des  fils. 
C'est  avec  les  laitons  qui  imitent  le  mieux  l'or  que  l'on  fa- 
brique depuis  longtemps,  en  France  et  en  Angleterre,  une 
foule  d'objets  :  flambeaux,  garnitures  de  lampes  et  une  infi- 
nité de  meubles  qui  ont  l'aspect  de  bronzes  dorés.  Après  avoir 
bien  décapé  ces  alliages,  on  les  recouvre  d'un  vernis  à  la 
gomme  laque  qui  les  colore  en  jaune  ;  la  fraîcheur  de  cette 
fausse  dorure  se  conserve  assez  longteuips.     L.  Knâb. 

LAITONNAGE  (V.  Dépôt  [Techn.]). 

LAITRE-sous-AmzVnce.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et- 
Moselle,  arr.  et  cant.  de  Nancy  ;  344  hab. 

LAITU  E.  L  Botanique.  —  (Lactiica  L.).  Genre  de  Com- 
posées-Chico racées,  qui  a  donné  son  nom  au  groupe  des 
Lactucées .  Les  caractères  les  plus  importants  sont  :  invo- 
lucre  oblong-cylindrique,  à  folioles  ordinairement  nom- 
breuses, imbriquées  sur  plusieurs  séries  inégales,  les  exté- 
rieures très  petites  ;  réceptacle  du  capitule  nu,  à  surface 
convexe  ou  presque  plane  ;  fleurs  peu  nombreuses,  égales, 
insérées  sur  la  surface  ou  dans  de  petites  fossettes  qui  ont 
la  forme  d'une  petite  gourde  à  goulot  rétréci,  puis  légère- 
ment dilaté  en  un  bord  qui  porte  l'aigrette  et  la  corolle  ; 
aigrette  très  développée  dans  le  fruit  et  formée  de  poils 
simples,  lisses  ou  légèrement  scabres,  unisériés  ;  corolle 
ligulée,  bleu  violacé,  Manche  ou  plus  souvent  jaune  ;  éta- 
mines  syngénèses  ;  achaines  lisses,  comprimés,  avec  une 
seule  ligne  saillante  à  la  surface  ou  quelques  stries  mar- 
quées, brusquement  atténués  en  bec  allongé-capillaire  dont 


W6  - 


LAITUE  —  LÂIZY 


l'extrémité  dilatée  porte  l'aigrette.  Les  Laitues,  communes 
dans  les  régions  boréales  tempérées  de  l'ancien  et  du 
nouveau  continent,  sont  des  plantes  herbacées  annuelles, 
bisannuelles  ou  yivaces,  caulescentes  rameuses,  glabres  ou 
couvertes  de  poils  spinescents;  les  feuilles  inférieures  sont 
roncinées,  pinnatiparties  ou  pinnatifides,  plus  rarement  si- 
nuées  ;  les  supérieures  souvent  entières,  sagittées  à  la  base, 
ordinairement  chargées  d'aiguillons  sur  les  bords  et  la 
nervure  médiane  ;  les  capitules  sont  groupés  en  grappes  de 
cymes  terminales  ou  axillaires.  Tous  leurs  organes  sont 
ordinairement  gorgés  d'un  suc  laiteux  abondant.  Les  espèces 
les  plus  importantes  sont  :  1"^  le  L.  sativa  L.  ou  Laitue  culti- 
vée, dont  le  pays  d'origine  est  inconnu;  elle  présente  trois 

variétés  :  la  Laitue  ro- 
maine ou  Romaine  (L. 
sativa  romana) ,  la 
Laitue  pommée  (L.  sa- 
tiva capitata)  et  la 
Laitue  frisée  (L,  sativa 
crispa);  crue,  elle  est 
mangée  en  salade; 
cuite,  elle  forme  un 
aliment  doux,  de  facile 
digestion;  ^2^  le  L.vi- 
rosa  L.,  commun  dans 
les  lieux  pierreux  in- 
cultes et  sur  le  bord 
des  chemins,  et  doué 
de  propriétés  narco- 
tiques ;  3'^  le  L.  altis- 
sima  Bieb.,  espèce  du 
Caucase,  parfois  cul- 
tivée pour  l'extraction 
du  lactucariwm  (V.  ce 
mot)  et  de  la  thridace 
{V.  ce  mot),  substances 
que  l'on  prépare  du 
reste  également  avec 
les  autres  espèces.  Men- 
tionnons encore  les  L. 
scariola  L.,  qui  a 
toutes  les  proprié! es  du 
L.  virosa  et  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec 
la  scarioîe  ou  escarole 
(V.  Chicorée)  ;  les  L. 
canadensis,  L.  pe- 
rennis  L. ,  L .  saligna 
L.,  L.  quercina  L., 
qui  sont  comestibles,  le 
L.  elongata  Muehl.,  delà  Pennsylvanie,  succédané  du  L. 
virosa^  le  L,  iaraxacifoliah.^  utiHsé  à  la  Guyane  comme 
hypnotique,  les  L,  indica  Lour.  et  L.  tsîtsdSïel.^  cul- 
tivés dans  l'Inde  et  au  Japon  comme  alimentaires.  —  Le 
nom  de  Laitue  a  encore  été  donné  à  des  plantes  de  divers 
genres:  L.  de  lièvre,  L.  de  lierre,  les  Laiterons  (V.  ce 
mot)  ;  I.  de  chien,  le  Pissenlit  et  le  petit  Chiendent  ;  L. 
d'ânes  les  Cardères  (V.  ce  mot)  ;L.de  brebis,  les  Mâches 
(V.  ce  mot)  ;  L.  des  murailles,  le  Prenanthes  muralis 
et  plusieurs  Laiterons,  etc.  D''  L.  Hn. 

IL  Horticulture  maraîchère.  —  La  laitue  est  une  des 
salades  les  plus  cultivées  dans  les  jardins.  On  en  distingue 
deux  races  principales,  comprenant  de  très  nombreuses 
variétés  :  4°  les  laitues  pommées  dont  la  forme  est  ar- 
rondie ;  2°  les  laitues  roînaines,  dont  la  pomme  est  al- 
longée. La  laitue  a  une  racine  pivotante;  ses  feuilles  sont 
ovales  et  entières,  ondulées  ;  elle  demande  une  terre  substan- 
tielle et  riche.  On  distingue  parmi  les  laitues  pommées  : 
celles  de  printemps  qu'on  sème  à  la  fin  de  l'été  ;  on  les 
protège  en  hiver  par  une  couverture  de  paille  et  on  repique 
au  premier  printemps,  dès  le  mois  de  mars,  à  20  centim. 
de  distance.  Les  laitues  d'été  sont  semées  en  pleine  terre, 
d'avril  en  juin  ;  les  laitues  à' hiver  sont  semées  pendant  la 


Laitue  vireuse. 


dernière  quinzaine  du  mois  d'août;  vers  le  milieu  d'octobre, 
on  met  en  place  à  bonne  exposition  et  on  les  protège  des 
gelées  en  les  couvrant  de  litière  ;  dès  le  mois  d*avril,  les 
laitues  sont  bonnes  à  consommer.  Les  laitues  romaines  ou 
chicons  se  cultivent  de  la  même  manière.  Pendant  leur 
végétation,  ces  plantes  demandent  des  arrosages  fréquents  ; 
elles  souffrent  souvent  des  ravages  des  vers  blancs,  qui  en 
sont  très  avides.  La  faculté  germinative  des  graines  de  laitue 
se  conserve  pendant  quatre  ans.  Alb.  L. 

III.  Thérapeutîque.  —  La  laitue  a  été  considérée  dès  la 
plus  haute  antiquité  comme  un  médicament  calmant,  et  sa 
réputation  d'anaphrodisiaque  était  très  grande  chez  les 
Grecs  comme  chez  les  Romains  ;  ils  la  considéraient 
aussi  comme  laxative  :  Galien  parle  en  outre  de  ses  ver- 
tus somnifères.  Il  s'agissait  évidemment  du  suc  de  la  lai- 
tue vireuse,  beaucoup  plus  active  que  les  diverses  varié- 
tés de  laitues  cultivées,  La  forme  médicamenteuse  la  plus 
anciennement  adoptée,  c.-à-d.  le  suc  exprimé  des  tiges 
pilées,  a  reçu  le  nom  de  thridace  et  est  presque  oubliée 
aujourd'hui.  On  emploie  actuellement  le  lactucarium 
(V.  ce  mot).  Ce  suça  une  action  hypnotique  réelle  aux  doses 
de  0,20  à  0,40  d'extrait  hydro-alcoolique  :  il  procure  un 
sommeil  calme,  exempt  de  l'agitation  intellectuelle  que 
donne  trop  souvent  l'opium  ;  de  plus,  il  est  réellement  ana- 
phrodisiaque,  ce  qui  le  fait  préférer  par  Fonssagrive  à 
l'opium  contre  l'insomnie  avecéréthisme  chez  les  blennorha- 
giques.  Le  sirop  de  lactucarium  du  Codex,  qui  s'emploie 
aux  doses  de  20  à  450  gr.,  renferme  par  cuillerée  à 
soupe  4  gr.  d'extrait  de  lactucarium  et  5  milligr.  d'opium. 

Au  point  de  vue  chimique,  on  n'a  trouvé  dans  le  lac- 
tucarium aucun  principe  actif  déterminé  qui  explique  son 
action.  La  lactucérine  est  insipide  et  inactive  ainsi  que 
son  dérivé  le  lactucérol.  Il  en  est  de  même  de  la  lactu^ 
cône  et  du  principe  amer  la  lactucine.  Peut-être  fau- 
drait-il rapporter  l'action  médicamenteuse  à  l'huile  essen- 
tielle qui  donne  à  la  plante  son  odeur  vireuse  :  mais  elle 
n'a  pas  encore  été  isolée.  D"*  R.  Blondel. 

LAITY  (Armand-Fraoçois-Rupert),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Lorient  le  ^12  juil.  1812,  mort  à  Bagnères-de- 
Bigorre  le  9  sept.  1889.  Lieutenant  de  pontonniers  à  Stras- 
bourg, il  s'associa,  le  30  oct.  48?>6,  au  premier  attentat  de 
Louis-Napoléon  et,  acquitté  pour  ce  fait  en  4837,  fut  con- 
damné l'année  suivante  à  cinq  années  de  prison  et  40,000  fr. 
d'amende  pour  sa  Relation  historique  des  événements  du 
30  oct,  i836  (Strasbourg,  4838,  in-8).  Il  devint  plus  tard 
officier  d'ordonnance  du  prince-président  (1818),  fut  nom- 
mé préfet  en  1852,  sénateur  en  1857,  et  rentra  dans  la 
vie  privée  après  la  révolution  du  4  septembre. 

LAI  US  (V.  »:i)ipe). 

LAIVES.  Corn,  du  dép.  de  Saône-et-Loire,  arr.  de  Cha- 
lon-sur-Saône, cant.  de  Sennecey  ;  1,055  hab. 

LA IX.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr.  de 
Briey.  cant.  de  Longwy  ;  274  hab. 

LÀÏ-YA  N  G-HsiEN.  Ville  de  Chine,  prov.  de  Chan-toung,  sur 
le  lïsien-ho  (branche  de  TOu-loung)  ;  50,000  hab.  Grand 
marché  agricole. 

LAIZ.  Corn,  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Bourg,  cant.  de 
Pont-de-Veyle  ;  475  hab. 

LAlZÉ  {Lasiacus).  Com.  du  dép.  de  Saône-et-Loire, 
arr.  et  cant.  (N.)  de  Mâcon,  sur  la  Mouge  et  la  Salle  ; 
563  hab.  Trouvailles  d'antiquités,  de  sépultures  et  d'in- 
scriptions romaines.  Moulins.  Eglise  romane  (bénitier  an- 
cien, stalles  du  xv*^  siècle,  clocher  curieux).  La  seigneurie 
appartenait  à  l'abbaye  do  Cluny.  Le  château  féodal,  qui  sub- 
siste en  partie,  a  été  brûlé  en  1471.  L-x. 

LAIZE-LA-ViLLE.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de 
Caen,  cant.  de  Bourguébus  ;  177  hab. 

LAIZY  {Laisiacus).  Com.  du  dép.  de  Saône-et-Loire, 
arr.  d'Autun,  cant.  de  Mesvres  ;  1,104  hab.  Stat.  de  la 
ligne  d'Etang  à  Chagny,  sur  l'Arroux.  Moulins.  Découvertes 
d'antiquités  et  de  monnaies  romaines.  Eglise  du  xn^  siècle 
(tableau  dans  la  manière  de  Lebrun,  dont  un  des  person- 
nages est  le  portrait  de  Roger  de  Bussy-Rabutin).  Ruines 


LAIZY  —  LAKANAL 


796 


imposantes  du  château  de  Chazeu  bâti  au  xv®  siècle  par  le 
chancelier  Rolin  et  devenu  ensuite  la  propriété  des  Rabu- 
tin,  des  Rabiot  et  des  Mac-Mahon.  L-x. 

LAJA.  Lac  du  Chili,  au  pied  du  volcan  d'Antuca,  à 
i  ,406  m.  d'al.  ;  57  kil.  q,  ;  il  se  déverse  par  le  rio  Laja 
dans  le  Biobio. 

LA  JAILLE  (Charles-André,  vicomte  de),  général  et 
homme  politique  français,  né  à  la  Guadeloupe  le  1 5  avr.  i  824, 
mort  à  Paris  le  6  août  4892.  Elève  de  l'Ecole  polytech- 
nique, il  fut  promu  général  de  brigade  en  1870,  général  de 
division  en  4877  et  fit  partie  de  plusieurs  commissions  tech- 
niques importantes  du  ministère  de  la  guerre.  Sénateur 
de  la  Guadeloupe  le  27  févr.  4876,  il  siégea  à  l'extrême 
droite  et  ne  se  représenta  pas  au  renouvellement  de  4885. 

LAJARA  ou  LACAR.  Lac  du  Chih,  prov.  de  Valdivia,  au 
S.-E.  du  volcan  de  Rinihué,  à  l'E.  de  la  ligne  de  faîte  des 
Andes  ;  c'est  la  principale  source  du  rio  de  Valdivia. 

LAJARD  (Pierre-Auguste),  général  et  homme  politique 
français,  né  à  Montpellier  le  20  avr.  4757,  mort  à  Paris 
le  42  juin  1837.  Capitaine  en  4789,  il  devint  peu  après 
colonel,  occupa  le  ministère  de  la  guerre  du  46  juin  au 
6  août  4792,  puis,  suspect  de  royalisme,  se  retira  en  An- 
gleterre, d'oti  il  ne  revint  qu'après  le  48  brumaire  (4800). 
Pensionné  par  Napoléon,  il  siégea  au  Corps  législatif,  puis 
à  la  Chambre  des  députés,  de  4808  à  4845,  fut  nommé 
maréchal  de  camp  au  commencement  de  la  Restauration  et 
rentra  dans  la  vie  privée  après  les  Cent-Jours. 

LAJARD  (Jean-Baptiste-Félix),  archéologue  et  diplo- 
mate français,  né  à  Lyon  le  30  mars  4783,  mort  à  Tours  le 
17  sept.  4858,  neveu  du  précédent.  Il  fut  attaché  à  la  mis- 
sion du  général  Gardanne  en  Perse  et  remplit  diverses 
missions  diplomatiques,  qu'il  mena  heureusement,  en  Géor- 
gie, en  Russie,  en  Suède  et  en  Danemark.  C'est  lors  de 
son  premier  voyage  en  Perse  qu'il  commença  à  s'occuper 
des  anciennes  religions  de  la  Rabylonie  et  de  l'Iran,  et 
qu'il  aperçut  le  premier  les  influences  orientales  sur  la 
formation  et  le  développement  de  l'antique  civilisation  hel- 
lénique. Le  premier  aussi  il  recueiUit  les  cylindres  assy- 
riens ;  sa  collection  passa  au  cabinet  des  médailles  de  la 
BibUothcque  nationale.  En  récompense  de  ses  services,  il 
reçut  diverses  fonctions  administratives  sous  l'Empire  et 
la  Restauration  ;  il  fut  nommé  receveur  des  finances  à 
Saint-Denis  en  4825.  Il  devint  membre  de  l'Académie  des 
inscriptions  en  1830.  Il  a  publié  des  Recherches  sur  le 
culte  public  et  les  mystères  de  Mithra  (4847-48,  in- 
fol.,  inachevé).  La  plupart  de  ses  travaux  ont  été  insérés 
dans  les  Mémoires  de  r Académie  des  inscriptions: 
Recherches  sur  le  culte ^  les  symboles^  les  attributs  et 
les  monuments  figurés  de  Vénus  (t.  XÏI,  p.  329)  ;  Note 
sur  l'emploi  et  la  signification  du  cercle  ou  de  la  cou- 
ronne et  du  globe  dans  les  représentations  des  divini- 
tés chaldéennes  (t.  XII,  p.  334)  ;  Mémoire  sur  le  culte 
du  cyprès  pyramidal  (t.  XIV,  p.  400)  ;  Observations 
sur  Vorigine  et  la  signification  du  symbole  appelé  la 
croix  ansée  (t.  XVII,  p.  348),  etc.  Il  a  fourni  aux  t.  XIX 
à  XXIII  de  VHistoire  littéraire  des  articles  relatifs  aux 
rabbins,  aux  jurisconsultes  et  aux  théologiens  scolastiques 
du  xm^  siècle.  M.  P. 

BiBL.  :  Art.  de  Renan,  Journal  des  Débats,  10  nov,1858. 

LAJARTE  (Théodore-Edouard  duFaurede),  composi- 
teur et  critique  musical,  né  à  Bordeaux  en  4826,  mort  à 
Paris  en  1890.  Il  fit  jouer  avec  succès,  à  sa  sortie  du 
Conservatoire  en  4855,  au  Théâtre-Lyrique,  un  gentil  petit 
opéra-comique  en  un  acte  intitulé  le  Secret  de  ronde 
Vincent  qui  fut  le  plus  grand  succès  de  sa  carrière.  On 
cite  aussi  le  Duel  du  commandeur  (4857),  Mam'zelle 
Pénélope  (4859),  le  Neveu  de  Gulliver  (4864);  au 
théâtre  de  l'Athénée,  la  Farce  de  maître  Villon,  et,  en 
1883,  au  théâtre  des  Nouveautés,  le  Roi  de  Carreau^  opéra- 
comique  en  trois  actes.  De  plus,  lors  de  la  reprise  de 
Cendrillon  de  Nicolo  à  l'Opéra-Comique,  on  exécuta  avec 
succès  un  aimable  ballet  tiré  de  ses  Airs  a  danser,  de  Lulli 
à  Méhul,  transcrits  d'après  les  manuscrits  originaux 


de  la  bibliothèque  de  V  Opéra  de  Paris.  La  musique  de 
Théodore  de  Lajarte  était  aimable  et  facile,  sans  grand  ca- 
ractère et  sans  grande  originalité.  II  faut  ajouter  à  ses  œuvres 
dramatiques  un  grand  nombre  de  morceaux  de  musique 
militaire,  pas  redoublés,  fanfares,  marches,  etc. 

Comme  écrivain  et  critique,  il  a  collaboré  à  un  très 
grand  nombre  de  journaux,  mais  son  ouvrage  le  plus  im- 
portant est  la  Bibliothèque  musicale  de  l'Opéra  :  Cata- 
logue historique,  chronologique,  anecdotique  (Paris, 
4878,  in-8)  qu'il  pubha,  en  sa  qualité  de  bibliothécaire 
attaché  aux  archives  de  l'Opéra. 

LAJEMAYE.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de  Ri- 
bérac,  cant.  de  Saint-Aulaye;  337  hab. 

LAJETCHNIKOV  (Ivan-Ivanovitch),  écrivain  russe,  né 
en  4  794,  mort  en  juin  4869.  Fils  d'un  riche  marchand,  il  fit 
de  bonnes  études  et  à  seize  ans  publia,  dans  le  Messager 
de  l'Europe,  des  Pensées  à  l'imitation  de  La  Bruyère, 
Son  père,  pour  avoir  oflensé  un  haut  personnage,  fut  em- 
prisonné et  ruiné,  si  bien  que  le  jeune  écrivain  dut  entrer 
en  4840  à  la  chancellerie  du  gouverneur  de  Moscou.  Il 
servit  dans  la  milice  moscovite,  en  qualité  d'adjudant-offi- 
cier et  fit  la  campagne  de  4813-44.  En  4 8 19,  il  quitta  le 
service  et  pubha  ses  Mémoires  de  campagne  qui  eurent 
un  grand  succès.  Nommé  directeur  de  l'enseignement  dans 
le  gouvernement  de  Penza  (4820),  puis  à  Kazan  (4823)  et 
à  Tver  (4834),  il  publia  :  le  Dernier  Novik  (4833)  et 
la  Maison  de  glace  et  le  Mécréant  (1835),  romans  qui 
lui  firent  donner  le  titre  de  premier  romancier  russe  et 
furent  traduits  dans  toutes  les  langues.  Les  ouvrages  qu'il 
fit  paraître  dans  la  suite  furent  moins  appréciés;  il  faut 
cependant  citer  :  le  Bossu,  la  Fille  du  Juif,  les  Opri- 
tchniks,  la  Mère  de  la  rivale.  En  4843,  Lajetchnikov 
fut  nommé  vice-gouverneur  à  Tver  et  en  4852  à  Vitebsk. 
En  1854  il  prit  sa  retraite  pour  cause  de  maladie,  et  de 
1856  à  4858  il  fut  censeur  du  comité  de  Saint-Péters- 
bourg ;  c'est  à  cette  époque  qu'il  publia  dans  le  Messager 
de  l'Europe  des  contes  qui  furent  très  populaires  :  les  Pe- 
tits Blancs,  les  Petits  Noirs,  les  Petits  Gris,  Connais- 
sance avec  Pouchkine,  les  Grimaces  de  mon  Docteur,  etc. 
Ses  premiers  romans  tels  que  :  la  Nièce  du  Boïar  à  la 
cuirasse,  furent  peu  remarqués.  Le  4  mai  4869  on  fêta  à 
Moscou  le  jubilé  de  sa  carrière  littéraire,  mais  il  n'y  assista 
pas  ;  il  était  malade  et  mourut  un  mois  après.  Ses  œuvres 
complètes  ont  été  publiées  en  4858.  M. 

BiBL.  :  Jubilé  de  J.-J.  Lajetchnikov;  Moscou,  1869. 

LAJO.  Com.  du  dép.  de  la  Lozère,  arr.  de  Marvejols, 
cant.  de  Serverette;  403  hab. 

LAJOLAIS  (LouvRiER  de)  (V.  Louvrier  de  Lajolais). 

LA  JONQUIÈRE  (Taffânel  de)  (V.  Taffanel). 

LAJOUX.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  et  cant.  de 
Saint-Claude;  559  hab.  Manufacture  pour  la  taille  des 
rubis  et  des  pierres  fines. 

LAK.  Tribu  du  Caucase  (V.  ce  mot,  t.  IX,  p.  833). 

LAKANAL  (Joseph),  homme  politique  français,  né  à 
Serres  (Ariège)  le  44  juil.  4762,  mort  à  Paris  le  44  févr. 
4845.  Son  nom  s'écrivait  Lacanal,  et  Joseph  n'en  modifia 
l'orthographe  qu'au  commencement  de  la  Révolution,  pour 
se  difl'érencier  de  ses  frères,  restés  royalistes.  Elevé  chez 
les  doctrinaires,  il  entra  dans  leur  congrégation  et  pro- 
fessa dans  divers  collèges.  En  4794,  son  oncle  Font,  évèque 
constitutionnel  de  l'Âriège,  le  prit  pour  vicaire  général. 
Député  de  son  département  à  la  Convention  (5  sept.  4792), 
Lakanal  vota  la  mort  de  Louis  XVI  et  fut  envoyé  en  mis- 
sion, avec  son  collègue  Mauduyt,  le  9  mars  4793,  dans 
les  dép.  de  l'Oise  et  de  Seine-et-Marne.  Le  24  mars,  il 
rendit  compte  des  saisies  de  papiers  et  d'objets  faites  par 
lui  à  Chantilly  dans  le  château  du  prince  de  Coudé,  et  il 
fut  remplacé  le  lendemain  par  Isoré  pour  la  suite  de  cette 
mission.  Nommé  au  comité  d'instruction  publique  dès  janv. 
4793,  il  en  fut  un  des  membres  les  plus  actifs  et  les  plus 
autorisés.  Comme  rapporteur  du  comité,  il  fit  payer  les  trai- 
tements des  membres  de  l'Académie  des  sciences  (22  mai), 
changer  le  nom  de  quatre  communes  dont  les  appellations 


rappelaient  les  institutions  féodales  (l^**  juin),  décréter  la 
peine  de  deux  ans  de  fers  contre  quiconque  dégraderait 
les  monuments  des  arts  dépendant  des  propriétés  nationales 
(6  juin),  et  surtout  réorganiser  le  Muséum  d'histoire  natu- 
relle (10  juin).  La  question  de  l'éducation  nationale  préoc- 
cupait vivement  Lakanal,  qui  fit  établir  un  concours  pour 
la  composition  des  livres  élémentaires  destinés  à  l'enseigne- 
ment public  (13  juin)  et  présenta  un  projet  d'éducation  na- 
tionale (26  juin).  Le  comité  d'instruction  publique  fut  rem- 
placé le  6  juil.  par  une  commission  de  six  membres,  parmi 
lesquels  fut  compris  Lakanal.  C'est  en  cette  qualité  qu'il  fit 
adopter  les  décrets  sur  la  propriété  littéraire  (19  juil.),  sur 
l'établissement  du  télégraphe  (26  juil.)  et  sur  la  réorganisa- 
tion de  l'Observatoire  (81  août).  Elu  secrétaire  de  la  Conven- 
tion le  21  août  1793,  il  fit  supprimer  les  écoles  mditaires 
(9  sept.)  et  décréter,  le  15  sept.,  l'établissement  dans  la  Ré- 
publique de  trois  degrés  progressifs  d'instruction  :  le  premier 
pour  les  connaissances  indispensables  aux  artistes  et  ou- 
vriers de  tous  les  genres;  le  second  pour  les  connaissances 
ultérieures  nécessaires  à  ceux  qui  se  destinent  aux  autres 
professions  de  la  société;  le  troisième  pour  les  objets  d'ins- 
truction, dont  l'étude  difficile  n*est  pas  à  la  portée  de  tous 
les  homnies.  Lakanal  ne  fit  pas  partie  du  comité  d'instruc- 
tion publique,  réorganisé  le  6  oct.,  et  fut  envoyé  le  8  oct. 
à  Bergerac  pour  surveiller  la  levée  extraordinaire  de  che- 
vaux. Cette  mission  dura  dix  mois  et  eut  de  très  utiles  ré- 
sultats. Lakanal  établit  des  écoles  primaires  (24  oct.  1793) 
et  une  manufacture  d'armes  (juin  1794)  à  Bergerac,  et, 
le  15  messidor  an  II  (3  juil.  1794),  il  envoyait  à  Sieyès 
deux  arrêtés,  «  dont  l'un,  disait-il,  a  terminé  6,027  procès, 
et  l'autre  a  opéré  dans  ces  contrées  la  révolution  dans  les 
âmes  et  sans  verser  une  goutte  de  sang,  sans  porter  atteinte 
à  la  liberté  d'aucun  citoyen  »  (Cf.  catal.  A.  Bovet, 
n°  345).  Revenu  à  Paris,  après  le  9  thermidor,  il  rentra 
au  comité  d'instruction  publique  et  déploya  une  salutaire 
activité.  Le  29  fructidor  an  II  (15  sept.  1794)  il  fit  adop- 
ter le  plan  de  la  fête  de  la  translation  des  cendres  de  Jean- 
Jacques  Rousseau  au  Panthéon;  le  7  brumaire  an  111 
(28  oct.  1794),  il  présenta  son  rapport  sur  l'instruction  pu- 
blique et,  le  9  (30  oct.),  fit  décréter  l'établissement  d'une 
école  normale  à  Paris.  Le  22  brumaire  (12  nov.),  il  fut 
nommé,  avec  Sieyès,  représentant  de  la  Convention  près  de 
cette  école  et,  le  28  (18  nov.),  il  fit  décréter  la  loi  sur 
l'instruction  publique.  Le  7  ventôse  an IIl  (25  févr.  1795), 
il  présenta  un  projet  d'établissement  et  d'organisation  des 
écoles  centrales  et,  le  10  germinal  (30  mars),  fit  adopter 
la  création  d'une  école  des  langues  orientales  vivantes.  Enfin 
le  21  germinal  (10  avr.),  il  fut  désigné  par  un  des  six  repré- 
sentants chargés  d'assurer  dans  les  départements  la  prompte 
exécution  des  lois  relatives  à  l'instruction  publique. 

Lakanal  prit  part  à  la  discussion  de  la  Constitution  et 
réclama  le  4  fructidor  an  III  (21  août  1793),  mais  en  vain, 
que,  pour  la  nomination  des  Conseils,  le  sort  décidât  entre 
tous  les  membres  de  la  Convention.  11  applaudit  à  la  jour- 
née du  13  vendémiaire  et  proposa  le  15  (7  oct.  1795) 
de  faire  sortir  de  France  tous  les  individus  qui  n'étaient 
pas  domiciliés  à  Paris  en  1789  et  de  démolir  le  Palais-Royal, 
repaire  des  royalistes.  «  Point  de  sang,  s'écriait-il,  mais  la 
République  tout  entière.  »  Elu,  le  23  vendémiaire  an  IV 
(15  oct.  1795),  député  au  Conseil  des  Cinq-Cents  parles 
dép.  du  Finistère,  du  Morbihan  et  du  Nord,  il  opta  pour  le 
premier.  Il  fit,  le  14  brumaire  (5  nov.),  un  rapport  sur  les 
livres  élémentaires  destinés  aux  écoles  primaires  et,  le 
28  pluviôse  (17  févr.  1796),  obtint  l'impression  des  ou- 
vrages acceptés  par  le  jury.  Il  coopéra  à  la  création  de  l'Ins- 
titut, qui  l'admit  parmi  ses  membres  dans  la  deuxième 
classe,  section  de  morale,  le  14  déc.  1795.  Il  présenta  le 
projet  de  règlement  de  cette  compagnie  le  19  pluviôse  an  IV 
(8  févr.  1796)  et  le  fit  adopter  le  25  ventôse  (15  mars). 
11  avait  été  nommé  vice-secrétaire  de  l'Institut  le  11  févr. 
Lakanal  sortit  du  Conseil  des  Cinq-Cents  le  30  floréal  an  V 
(19  mai  1797)  et  vécut  dans  la  retraite.  Le  13  fructidor 
an  VII  (30  août  1799),  il  en  sortit  pour  aller  organiser  à 


—  '^9'?  -  LAKANAL  —  LAKE 

Mayencc  les  quatre  nouveaux  départements  réunis  à  la 
France.  Il  fut  rappelé  après  le  18  brumaire  et  on  lui  donna 
la  chaire  des  langues  anciennes  à  l'Ecole  centrale  de  la  rue 
Saint- Antoine.  Le  29  fructidor  an  XII  (16  sept.  1804),  il 
accepta  les  fonctions  d'économe  du  lycée  Bonaparte,  qu'il 
résigna  en  1807  pour  la  place  d'inspecteur  général  des 
poids  et  mesures.  La  Restauration  lui  enleva  son  emploi, 
l'exclutde  l'Institut  (21  mars  1816)  et  le  chassa  de  France 
comme  régicide.  Il  se  réfugia  aux  Etats-Unis,  devint  pré- 
sident de  l'université  de  la  Nouvelle-Orléans  et  ne  rentra 
dans  sa  patrie  qu'en  1833.  Il  y  fut  très  bien  accueilli,  et 
l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques,  récemment 
instituée,  l'admit  parmi  ses  membres  le  22  mars  1834,  en 
remplacement  de  Garât.  En  1838,  il  publia  un  Exposé 
sommaire  des  travaux  de  Joseph  Lakanal,  ex-membre 
de  la  Convention  nationale,  pour  sauver  durant  la  Ré- 
volution les  sciences  et  les  lettres  et  ceux  qui  les  ho- 
noraient  par  leurs  travaux.  Cette  même  année,  il  se 
maria  pour  la  seconde  fois  et  eut  un  fils.  Il  mourut  à 
l'âge  de  quatre-vingt-trois  ans.  La  ville  de  Foix  lui  a  élevé 
une  statue  en  1882  et  le  gouvernement  de  la  troisième 
République,  voulant  honorer  les  services  rendus  à  l'ins- 
truction publique  par  Lakanal,  donna  son  nom  à  un  lycée 
créé  à  Bourg-la-Reine.  Etienne  Charâvay. 

BiBL.  ;  Isidore  GEorFROY  Saint-Hilaire,  Lakanal,  sa 
vie  et  ses  travaux,  1849.  —  Mignet,  Notice  historique  sur 
ta  vie  et  les  travaux  de  M.  Lakanal,  1«57.  —  Clamageran, 
le  Conventionnel  Lakanal,  son  administration  dans  le 
département  de  la  Dordogne,  1875.  —  B.  Lavigne,  Joseph 
Lakanal,  1880.  —  J.  Guillaume,  Procès-verbaux  du  comité 
d'instruction  publique  de  la  Convention  nationale,  1891  et 
1894. 

LAKCHMÎ  ou  ÇRÎ,  comme  elle  est  encore  appelée,  est 
dans  le  panthéon  brahmanique  la  déesse  de  la  beauté,  de 
Famour  et  de  la  fortune.  Epouse  de  Vichnou,  elle  l'ac- 
compagne dans  chacun  de  ses  avatars  :  «  Quand  il  était 
Rama  elle  était  Sitâ,  quand  il  était  Krichna  elle  était  Rouk- 
minî.  »  Elle  est  la  mère  de  Kâma,  le  dieu  de  l'amour.  La 
légende  la  plus  répandue  la  fait  naître,  sinon,  comme  Aphro- 
dite, de  l'écume  de  l'onde,  du  moins  des  flots  de  l'océan  de 
lait  «  baratté  »  par  les  Dieux  et  par  les  Asuras.  Elle  ap- 
parut, assise  sur  un  lotus,  un  lotus  à  la  main,  dans  sa  beauté 
sans  rivale,  et  les  éléphants  célestes,  élevant  au  bout  de 
leur  trompe  des  vases  d'or,  versèrent  sur  sa  tète  des  flots 
d'eau  lustrale.  C'est  ainsi  qu'on  la  trouve  déjà  représentée 
sur  un  bas-relief  de  la  porte  orientale  du  Stoûpa  boud- 
dhique de  Sânchi,  qui  date  vraisemblablement  du  début  de 
notre  ère.  Des  images  postérieures  lui  donnent  quatre  bras 
comme  à  Vichnou.  Sa  couleur  est  d'or.  Répandu  dans  toute 
l'Inde,  son  culte  est  surtout  en  honneur  dans  l'Inde  occi- 
dentale et  on  lui  a  quelquefois  donné  le  nom  de  «  Notre- 
Dame  de  Bombay  ».  A.  Fougher. 

LAKE.  Faubourg  méridional  de  Chicago  (V.  ce  mot). 

LAKE  Providence.  Ville  des  Etats-Unis,  Louisiane,  r.  dr. 
du  Mississippi,  entre  le  fleuve  et  le  lac  Providence,  à  328  kil. 
N.-O.  de  la  Nouvelle-Orléans  ;  5,000  hab. 

LAKE  (Gérard,  vicomte),  général  anglais,  né  le  27  juil. 
1744,  mort  à  Londres  le  20  févr.  1808.  Descendant  de 
sir  Thomas  Lake,  qui  fut  secrétaire  d'Etat  (1616)  et  jouit 
d'une  grande  faveur  à  la  cour  de  Jacques  P%  il  entra  dans 
l'armée  en  1758  et  devint  général  en  1802.  Il  fit  les  cam- 
pagnes d'Allemagne  (1760-62),  celle  de  la  Caroline  du 
Nord  (1781)  et  au  début  de  la  guerre  contre  la  France 
commanda  une  brigade  de  l'infanterie  de  la  garde.  Il  se 
distingua  au  siège  de  Valenciennes  où  il  fut  le  héros  d'un 
des  plus  brillants  combats  de  l'année  (18  août).  Nommé  au 
commandement  de  l'Ulster  en  1796,  il  eut  fort  à  faire 
contre  les  Unionistes.  Il  mit  en  pleine  déroute  les  Irlan- 
dais au  Vinegar  Hill  le  21  juin  1798  et  se  montra  inexo- 
rable dans  la  répression.  Lorsque  les  Français  eurent  dé- 
barqué à  Killala,  il  fut  envoyé  d'urgence  au  secours 
d'Hutchinson  dont  il  répara  la  défaite  à  Castlebar.  C'est 
à  lui  que  se  rendit  l'armée  d'Humbert  à  Ballinamuck 
(8  sept.).  Le  13  oct.  1800,  Lake  était  nommé  commandant 
en  chef  dans  l'Inde.  Il  accomplit  d'heureuses  réformes  dans 


LAKE  —  LALÂING 


T98  - 


Tarmée  indigène,  organisa  notamment  la  cavalerie  légère. 
En  août  4803,  il  pénétrait  sur  le  territoire  desMahratles, 
les  battait,  entrait  à  Delhi  le  44  sept.,  s'emparait  d*Agra 
le  4  7  oct.  Ces  succès,  obtenus  en  deux  mois,  avec  une  armée 
de  8, 000 hommes,  excitèrent  en  Angleterre  un  immense  en- 
thousiasme. Lake  fut  créé  baron  Lake  de  Delhi  (4®^  sept. 
4804).  Il  continua  à  guerroyer  contre  le  maharajah  Holkar 
qu'il  contraignit  à  la  paix  d'Omritsar  (déc.  4805).  Il  revint 
en  Angleterre  en  4807  et  fut  promu  vicomte  (31  oct.). 
Lake  fut  un  des  généraux  les  plus  populaires  de  son  temps  ; 
d'un  courage  à  toute  épreuve,  il  inspirait  à  ses  troupes 
une  confiance  illimitée.  On  l'a  comparé  souvent  à  Clive. 

LAKEBA  ou  LAKEMBA  (lies).  Groupe  de  l'archipel  des 
Fidji  ou  Viti  (V.  ce  mot). 

LAKEMAN  (Sir  Stephcn  Bartlett),  aventurier  anglais, 
né  à  Dartmouth  en  48:25.  Après  avoir  participé  à  la  cam- 
pagne contre  les  Sikhs,  il  combattit  en  4852  les  Cafres, 
contre  lesquels  il  organisa  un  corps  franc,  «  les  Chasseurs 
de  la  mort  ».  Ensuite,  il  passa  au  service  de  la  Turquie 
(4853),  fut  chef  de  police  sous  Omer  Pacha  à  Bucarest, 
prit  part  à  la  campagne  d'iskender  Bey  et  devint  lieute- 
nant général  en  Turquie  d'Asie  sous  le  nom  de  Mazar 
Pacha.  Ayant  épousé  en -4854  la  princesse  Marie  de  Phi- 
lippesco,  il  s'occupa  activement  d'intrigues  politiques  en 
Roumanie  où  il  subit  en  4882  un  emprisonnement. 

LAKHAMOULTZY.  Tribu  d'origine  juive  de  la  Trans- 
caucasie,  prov.  de  Koutaïs,  dans  la  Souanétie  ;  population 
belliqueuse  et  très  commerçante. 

LAKHON.  Nom  de  deux  villes  du  Laos  siamois.  La  pre- 
mière, située  sur  le  Ménam-ouang,  compte  25,000  hab. 
Grand  marché  d'éléphants  ;  mines  de  fer,  de  plomb  et  de 
cuivre.  C'est  le  ch.-l.  d'une  principauté  située  entre  celles 
de  Louang-prabang  et  de  Lampoun.  —  La  seconde,  ch.-l. 
d'une  prov.,  est  sur  la  r.  dr.  du  Mékong,  au  point  le  plus 
voisin  de  la  mer  de  Chine  ;  son  climat,  très  malsain,  a  con- 
tribué à  diminuer  son  ancienne  importance  commerciale. 
Une  colonie  annamite  s'y  est  établie. 

LAKIMPQUR.  Ville  de  l'Inde  anglaise,  prov.  du  N.-O., 
ch.-l.  delà  prov.  de  Sitapour  (dans  l'Aoudh),  à  8  kil.  N. 
de  Keri  ;  4,000  hab.  —  Un  village  du  même  nom  a  donné 
son  nom  au  district  le  plus  oriental  de  l'Assam. 

LAKISTES  (Poètes).  On  a  donné  ce  nom  à  des  poètes 
anglais,  qui  florissaient  à  la  fin  du  siècle  dernier  et  au 
commencement  de  celui-ci.  Les  plus  importants  sont  :  Co- 
leridge,  Southey  et  Wordsv^orth.  On  peut  nommer  après 
eux  :  Lowell,  Wilson  et  quelques  autres,  qui,  tous,  se 
distinguent,  à  la  suite  des  chefs  de  l'école,  par  le  tour 
philosophique  de  leur  esprit  et  la  tendance  à  faire  entrer 
les  sentiments  du  cœur  et  les  aspects  familiers  de  la  vie 
humaine  dans  les  descriptions  de  la  nature.  On  les  appela 
lakistes  d'abord  par  ironie,  ensuite  pour  les  caractériser  et 
les  classer  d'un  mot  expressif,  parce  qu'ils  vécurent  pour  la 
plupart  dans  le  N.-O.  de  l'Angleterre  (Westmoreland, 
Cumberland),  ou  pays  des  lacs  (Lake  District) ^  dont  ils 
se  plurent  à  chanter  les  paysages  si  pittoresques  et  si 
variés.  B.-H.  G. 

LAKNO  (Inde  septentrionale)  (V.  Lucknow). 
LÂL  ou  LÂL  KAVI  (Le  poète  Lâl),  auteur  hindoustani 
du  XVII®  siècle,  né  dans  le  pays  d'Aoudh.  C'est  l'auteur  du 
Tchatra-prakâch,  poème  historique,  dans  lequel  il  chante 
le  Bandelkhand  et  célèbre  la  résistance  de  Tchatra-sâl,  roi 
de  ce  pays,  à  la  tyrannie  et  à  la  violence  de  l'empereur 
Aurang-zeb;  de  V Aouadh-bilâs  (les  Plaisirs  d'Aoude), 
poème  en  dix-huit  chants,  où,  à  propos  du  célèbre  héros 
Râma,  il  traite  toutes  sortes  de  sujets  et  donne  de  bons 
conseils.  On  cite  encore  de  lui  d'autres  ouvrages,  les  Douze 
Mois  de  Vlnde,  le  Livre  des  Talismans^  les  Sentences 
du  Gourou,  Une  traduction  anglaise  du  Tchatra-prakâch 
a  paru,  en  4828,  à  Calcutta,  sous  le  titre  de  A  History 
of  Boondelas,  L.  Feer. 

BiBL.  :  Gargin  de  Tassy,  Histoire  de  la  littérature  hin- 
douie  et  hind(msta:fiie. 

LAL  A,  femme  peintre  grecque  (V.  Iaia). 


LALAGE  (Ornith.).  Le  genre  Lalage  (Boie,  Isis,  4826) 
renferme  des  Passereaux  dont  la  taille  reste  toujours  infé- 
rieure à  celle  d'un  Merle  et  qui  portent  une  livrée  grise, 
plus  rarement  rousse  et  généralement  variée  de  noir  et  de 
blanc,  le  noir  dessinant  une  sorte  de  capuchon  sur  la  tête, 
des  taches  sur  les  ailes  et  des  raies  transversales  sur  les 
parties  inférieures  du  corps.  Les  plumes  de  la  croupe  se 
font  remarquer  par  la  rigidité  de  leur  tige  qui  au  toucher 
paraît  se  terminer  en  épine  ;  les  pattes  sont  relativement 
courtes,  les  ailes  bien  développées,  la  queue  assez  longue, 
coupée  carrément  en  arrière,  le  bec  un  peu  crochu,  avec 
une  petite  dent  près  de  la  pointe  et  une  carène  assez  mar- 
quée sur  la  mandibule  supérieure,  qui  est  élargie  à  la 
base.  Par  ces  caractères,  les  Lalage  se  rattachent  à  la  fa- 
mille des  Campophagidés  (V.  ce  mot).  Ces  oiseaux  se 
trouvent  dans  Flnde  méridionale  et  insulaire,  en  Malaisie, 
aux  Moluques,  en  Australie  et  dans  plusieurs  archipels  de 
rOcéanie.  Ils  se  tiennent  dans  les  jongles,  au  milieu  des 
broussailles,  dans  les  vergers  et  les  jardins,  et  sautilleM 
d'arbre  en  arbre,  de  buisson  en  buisson,  en  poussant  de 
petits  cris  plaintifs  ou  des  cris  d'appel  rauques  et  stridents. 
Leur  nourriture  consiste  en  insectes,  qu'ils  vont  chercher 
sur  les  feuilles.  Leurs  nids,  faits  de  racines  et  de  lichens, 
renferment  des  œufs  gris  striés  de  brun.  E.  Oustalet. 
BiBL.:  R.-B.  Sharpe,  Cat.  B.  Brit.Museum,  1879,  t.  IV, 
p.  86. 

LALAIGNE.  Corn,  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure, 
arr.  de  La  Rochelle,  cant.  de  Courçon  ;  425  hab. 

LALAING.  Com.  du  dép,  du  Nord,  arr.  et  cant.  (N.) 
de  Douai,  sur  la  Scarpe;  2,001  hab.  Houillères  de  la  con- 
cession d'Aniche.  L'église  conserve  un  tableau  sur  bois  du 
xvi^  siècle  représentant  le  Crucifiement.  Les  seigneurs  de 
Lalaing  sont  connus  depuis  le  xn®  siècle. 

LALAING  (Jacques,  dit  Jacquet  de),  célèbre  chevalier 
du  xv«  siècle,  né  en  4420  ou  4422,  mort  le  4  juil.  4453. 
Fils  de  Guillaume  de  Lalaing  et  de  Jeanne  de  Créquy,  il 
quitta  à  seize  ans  le  château  paternel  pour  s'attacher  à  la 
personne  d'Adolphe,  duc  de  Cfèves.  Avec  lui,  il  passa  à  la 
cour  de  Bourgogne,  à  cette  époque  la  plus  somptueuse 
de  l'Europe,  et  fut  pendant  six  ans  écuyer  du  duc  Philippe 
le  Bon.  C'est  sous  ses  ordres  qu'il  fit  ses  premières  armes 
au  siège  de  Luxembourg.  En  4445,  il  assiste  aux  fêtes 
données  par  Charles  VU  à  Nancy  et  à  Châlons,  et  le  40  juin, 
dans  cette  dernière  ville,  paraît  dans  une  brillantte  passe 
d'armes  où  il  remporte  le  prix.  De  4446  à  4450,  il  court 
le  monde  en  quête  d'aventures  chevaleresques,  visite  la 
France,  la  Navarre,  la  Castilîe,  le  Portugal,  l'Ecosse,  l'An- 
gleterre. En  4450,  Jacques  de  Lalaing,  après  avoir  tenu 
un  pas  d'armes,  resté  célèbre,  à  la  Fontaine  des  Pleurs, 
près  de  Chalon-sur-Sadne,  se  rend  à  Rome  pour  gagner 
des  indulgences  ;  à  son  retour,  il  est  reçu  chevalier  de  la 
Toison  d'or.  Peu  après,  le  duc  de  Bourgogne  Fen voie  en 
ambassade  au  pape  pour  l'entretenir  de  projets  de  croisade 
contre  les  Turcs.  En  4454,  il  prend  part  à  la  campagne 
contre  les  Gantois  révoltés  et  le  4  juil.  4453  est  tué  par 
un  boulet  au  siège  de  Poucques.  —  Le  rôle  historique  de 
Jacques  de  Lalaing  est,  comme  on  le  voit,  assez  mince;  il 
ne  doit  sa  célébrité  qu'au  grand  renom  de  chevalerie  que 
lui  ont  fait  quelques  chroniques  contemporaines  et  quelques 
panégyristes  des  xvi®  et  xvn®  siècles,  tels  que  Pons  Heuteru3 
et  Jean  d'Ennetières.  —  Son  frère,  Philippe  de  Lalaing, 
tué  à  Montlhéry,  est,  lui  aussi,  resté  célèbre  par  son  pas 
du  Perron-fée. 

La  biographie  de  Jacques  de  Lalaing  a  été  écrite  de  sôflf 
temps  ;  le  Livre  des  faits  de  messire  Jacques  de  La- 
laing (tel  est  le  vrai  titre  de  cet  ouvrage)  a  été  publié 
d'abord  par  Chifflet  en  4634  et  attribué  par  lui  au  chro-- 
niqueur  George  Chastellain,  à  qui  est  due  l'épitaphe  dn 
bon  chevalier,  comme  on  l'appelait.  Buehon,  qui  en  fit 
une  réédition  dans  le  Panthéon  littéraire,  maintint 
d'abord  cette  attribution,  puis,  changeant  d'avis,  désigna 
comme  auteur  du  Livre  des  faits  le  héraut  Charolais.  En 
réalité,  comme  Fa  prouvé  M.  Kervyit  (fe  Lettenhove,  dms 


799 


LAUING  —  LALàNDE 


l'édition  définitive  qu'il  a  donnée  de  cet  ouvrage  au  t.  VIII 
de  sa  publication  des  OEuvres  de  Ckastellain  (Bruxelles, 
1866,  in-8),  le  héraut  Charolais,  qui  fut  longtemps  au 
service  de  Jacques  de  Lalaing,  n'est  l'auteur  que  de  quelques 
chapitres;  le  reste  est  dû  à  la  plume  du  chroniqueur  Jean 
Le  Fèvre,  plus  connu  sous  le  nom  de  Toison  d'or,  et  l'en- 
semble a  dû  être  revisé  par  Chastellain.  H.  Courteault. 
BiBL.  :  Jean  le  Fèvre,  Chronique,  édit.  Morand;  Paris, 
1876,  2  vol.  in-8.  —  Brassart,  le  Blason  des  Lalaing  ; 
Douai,  1879-89,  2  vol.  in-8.  —  Jean  d'Ennetières,  le  Clie- 
valier  sans  reproche^  Jacques  de  Lahlain  ;  Tournai,  1633, 
in-8. 

LALAING  (Antoine  de),  homme  d'Etat  belge,  né  vers 
1480,  mort  en  1540.  Il  accompagna  Philippe  le  Beau  en 
Espagne,  et  rédigea  une  intéressante  relation  de  ce  voyage, 
qui  a  été  publiée  par  Qsiohdivà  (Relatmis  des  voyages  des 
souverains  des  Pays-Bas,  1. 1).  Plus  tard,  il  fut  cham- 
bellan de  Marguerite  d'Autriche,  chef  des  finances  de 
Charles-Quint,  et  stathouder  de  Hollande,  Il  exerça  une 
grande  influence  sur  le  gouvernement,  et  prit  une  part 
importante  à  toutes  les  négociations  pohtiques  de  son 
époque. 

BiBL.  :  Brassard,  Notice  historique  et  généalogique  de 
la  famille  de  Lalaing;  Douai,  1847,  in-8.  —  Henné,  His^ 
toire  du  règne  de  Charles-Quint  en  Belgique;  Bruxelles, 
1858-1860, 10  vol.  in-8. 

LALAING  (Christine  de)  (V.  Epinoy  [Princesse  d'I). 
LALAING  (Jacques,  comte  de),  peintre  et  sculpteur 
belge,  né  à  Londres  le  14  nov.  1858.  Elève  de  MM.  Por- 
taels  et  Cluysenaar,  de  Lalaing  a  exposé,  en  1883,  Pri- 
sonniers de  guerre,  et,  en  1884,  le  Portrait  équestre 
qui  se  trouve  au  musée  de  Gand.  On  lui  doit  encore  des 
portraits  et  les  belles  peintures  historiques  de  l'hôtel  de 
ville  de  Bruxelles.  Il  a  en  outre  modelé  un  très  beau 
groupe  de  LionSy  et  le  Cavelier  de  la  Salle  qui  est  à 
Chicago. 

LA  LANDE  (Michel- Richard  de),  compositeur  français 
né  à  Paris  le  15  déc.  1657,  mort  à  Paris  le  18  juin  1726. 
Quinzième  enfant  d'un  pauvre  tailleur,  il  fut  placé  comme 
enfant  de  chœur  à  Saint-Germain-l'Auxerrois,  où  il  eut 
pour  maître  Chaperon.  Il  apprit  à  jouer  de  plusieurs  ins- 
truments et  devint  assez  bon  organiste  pour  pouvoir,  au 
moment  de  la  mue  de  sa  voix,  desservir  les  orgues  de 
quatre  églises  de  Paris.  Le  maréchal  de  Noailles,  qui  l'avait 
choisi  pour  maître  de  musique  de  ses  filles,  lui  tit  obtenir 
le  même  emploi  auprès  de  W^^  de  Blois  et  de  M^^''  de  Bour- 
bon, filles  de  Louis  XIV.  Ce  fut  l'origine  de  la  fortune  de 
La  Lande  à  la  cour.  En  1680,  il  s'était  déjà  produit  comme 
compositeur,  en  faisant  exécuter  des  morceaux  religieux 
à  la  Sainte-Chapelle,^  pendant  le  carême,  à  côté  de  ceux 
de  son  maître  Chaperon.  En  1682,  il  écrivit  les  airs  fran- 
çais d'une  Sérénade  en  forme  d'opéra  dont  Lorenzani 
avait  composé  les  airs  italiens,  et  qui  fut  chantée  à  la 
cour,  à  Fontainebleau.  L'année  suivante,  il  fit  jouer  à 
Paris,  en  l'hôtel  de  Duras,  une  pastorale  intitulée  l  Amour 
berger,  puis  à  la  cour  deux  divertissements  de  circons- 
tance, les  Fontaines  de  Versailles,  sur  le  retour  du  roi, 
et  le  Concert  d'Esculape.  Bientôt  Louis  XIV  prit  La 
Lande  en  affection.  A  la  suite  du  concours  de  1683,  il  le 
nomma  sous-maître  de  sa  chapelle.  La  Lande  succéda  en 
1690  à  Jean-Louis  de  Luliy  comme  compositeur  de  la 
musique  de  la  chambre,  en  1695  à  Claude-J.-B.  Boesset 
comme  surintendant  de  la  musique  du  roi,  et  le  17  juil. 
1709  à  Collasse  comme  maître  des  enfants  de  la  nmsique 
du  roi.  Travaillant  en  même  temps  pour  la  chapelle  et 
pour  les  spectacles  de  la  cour,  La  Lande  composa  suc- 
cessivement le  Ballet  de  la  jeunesse,  dansé  à  Versailles 
le  28  janv.  1686;  le  Ballet  de  Flore  ou  de  Trianon 
(1689);  l'Amour  fléchi  par  la  Constance,  pastorale 
(1689)  ;  Adonis,  fête  galante,  et  Mirtil,  sérénade  (1698); 
le  Ballet  des  fées  (1699),  des  airs  pour  la  reprise  de 
Mélicerte,  de  Molière  (1699)  ;  la  Noce  de  village,  appelée 
aussi  l'Hymen  champêtre  (1700);  le  Ballet  de  la  paix 
(1713)  ;  le  Balkt  de  Vlnconnu  et  celui  des  FoUe&  de 
Cafdenio ,  tous  deux  dansés  par  Louis  XV  aux  Tuileries 


en  1720  ;  la  plupart  de  ces  compositions  existent  en  ma- 
nuscrit à  la  bibliothèque  du  Conservatoire  de  Paris,  avec 
un  certain  nombre  de  symphonies,  de  caprices  pour  les 
instruments,  de  noèls  en  symphonie,  et  de  concerts  de 
trompettes  et  timbales,  composés  également  pour  le  service 
de  la  cour.  Le  28  mai  1725,  il  vit  jouer  à  l'Opéra  son  ballet 
des  Eléments,  composé  en  collaboration  avec  Destouches. 
La  dernière  reprise  de  cet  ouvrage  eut  lieu  en  1754. 

Marié  en  1684  à  Anne  Rebel,  cantatrice  de  la  chambre 
et  de  la  chapelle  du  roi,  La  Lande  eut  deux  filles,  habiles 
cantatrices  comme  leur  mère,  qui  chantèrent  aussi  à  la 
cour,  et  qui  moururent  toutes  deux  en  1711  de  la  petite 
vérole.  Devenu  veuf  le  5  mai  1722,  La  Lande  épousa  en 
secondes  noces,  l'année  suivante,  M^^^  de  Cury. 

Comme  compositeur  religieux,  La  Lande  écrivit  pour  la 
chapelle  du  roi  soixante  grands  motets  avec  soU,  chœurs 
et  orchestre,  qui  furent  imprimés  après  sa  mort  par  les 
soins  de  sa  veuve,  en  vingt  livres  in-fol.  Jusqu'à  la  fin  du 
xviii®  siècle,  ces  ouvrages  défrayèrent  le  répertoire  des 
grandes  maîtrises  et  du  concert  spirituel  et  passèrent  pour 
les  chefs-d'œuvre  de  l'école  française  dans  le  genre  sacré. 
La  Lande  y  avait  déployé  en  effet  de  belles  qualités  d'in- 
vention et  de  facture  ;  à  la  suite  de  Carissimi  et  de  Char- 
pentier, il  tendait  vers  l'expression  humaine  et  dramatique 
des  paroles  sacrées,  et  cherchait  à  gagner  en  variété  et  en 
coloris  ce  qu'il  perdait  sous  le  rapport  de  la  sévérité  des 
formes  et  de  la  pureté  du  sentiment  religieux.  De  cette 
façon,  La  Lande  contribua  fortement  à  transformer  le 
motet  d'église  en  cantate  de  concert,  sans  que  l'initiative 
de  ce  mouvement  lui  appartienne.  Michel  Brenet, 

LA  LAN  DE  (Luc-François),  homme  politique  et  prélat 
français,  né  àSaint-Lô  (Manche)  le  19  janv.  1732,  mort 
à  Paris  le  27  févr.  1805.  Entré  dans  la  congrégation  de 
l'Oratoire  vers  1760,  professeur  à  Lyon,  puis  à  Montmo- 
rency, il  embrassa  les  idées  nouvelles,  publia  en  1791 
une  Apologie  des  décrets  de  r Assemblée  nationale  (sur 
la  constitution  civile  du  clergé)  et  devint  premier  vicaire 
de  Févêque  métropolitain  de  Paris.  Evêque  constitutionnel 
de  la  Meurthe,  sacré  à  Paris  le  29  mai  1791,  député  de  la 
Meurthe  à  la  Convention,  il  vota  pour  la  réclusion  de 
Louis  XVI.  Le  7  nov.  1793,  il  renonça  à  l'épiscopat  et  dé- 
clara ne  vouloir  plus  d'autre  titre  que  celui  de  citoyen  et 
de  républicain  français.  Député  de  l'Eure  au  Conseil  des 
Cinq-Cents  le  15  oct.  1795,  il  en  sortit  le  20  mai  1798  et 
accepta  les  fonctions  d'archiviste  de  la  police.  Il  fit  sa  sou- 
mission au  pape  en  1804.  Etienne  Charâvay. 

BiBL.  :  Ingold,  VOratoire  et  la  Révolution. 

LA  LAN  DE  (Joseph- Jérôme  Le  Français  de),  astronome 
français,  né  à  Bourg-en-Bresse  le  11  juil.  1732,  mort  à 
Paris  le  4  avr.  1807. 11  étudiait  le  droit  à  Paris  quand  une 
visite  à  l'Observatoire  l'entraîna  à  suivre  au  GoMège  de 
France  les  cours  de  Delisle  et  de  Lemonnier.  Ce  dernier, 
pour  l'attacher  définitivement  à  l'astronomie,  lui  céda,  en 
1751,  une  mission  à  Berlin  pour  la  détermination  de  la 
parallaxe  de  la  lune.  C'est  à  ce  moment  que  le  jeune  sa- 
vant prit  le  nom  de  Lalande.  Après  avoir,  au  retour  de  sa 
mission,  passé  quelque  temps  à  Bourg,  où  ses  parents 
voulaient  le  fixer  comme  avocat,  il  revint  en  1753  à  Paris, 
rappelé  par  l'Académie  des  sciences  qui  l'admettait  dans 
son  sein,  et  où  il  commença  à  communiquer  ses  mémoires, 
dont  le  nombre  dépasse  cent.  En  1760,  il  fut  chargé  de 
publier  la  Connaissance  des  temps,  et  la  même  année 
succéda  à  Delisle  comme  professeur  d'astronomie  au  Col- 
lège de  France  ;  enfin  il  dirigea  l'Observatoire  de  1768  à  sa 
mort.  Lalande  a  beaucoup  écrit  ;  en  dehors  des  volumes 
qu'il  a  publiés,  il  a  fait  insérer  de  nombreux  articles  dans 
le  Journal  des  savants,  le  Journal  de  physique,  le 
Magasin  encyclopédique,  les  Mémoires  de  V Académie 
de  Dijon,  les  Mémoires  des  Sociétés  savantes^  les  PML 
Transact»,  etc.  Il  aborde  d'aiUeurs  tous  les  sujets:  ainsi 
les  premiers  ouvrages  qu'il  donne  sont  consacrés  à  la 
description  de  neuf  arts  libéraux  (papetier,  parcàemimer, 
cartonnier,  chamoiseur,  tanneur,  mégissier,  maroqiûaier, 


LALANDE  —  LALANNE 


—  800  - 


hongroyeur,  corroyeur,  1761-67).  Il  compose  des  discours, 
prononce  de  nombreux  éloges,  travaille  au  Nécrologe  des 
hommes  célèbres  de  France  (1767-82),  continue  ['His- 
toire des  mathématiques  de  Montucla,  publie  un  très 
curieux  Voyage  d'un  Français  en  Italie  (1769,  8  vol. 
in- 12).  Ses  ouvrages  astronomiques  sont  :  Exposition  du 
calcul  astronomique  (1762,  rééd.  par  L.  Bertrand  en 
d820)  ;  Astronomie  (1764,  2  vol.  in-4  ;  1771-81,  4  vol. 
in-4)  ;  Tables  astronomiques  (1771)  ;  Mémoire  sur  le 
passage  de  Vénus  observé  le  S  juin  il 69  (1772);  Ephe- 
méridês  de  i775  à  iSOO  ;  Astronomie  des  dames 
(1785,  2  rééd.)  ;  Abrégé  de  navigation  (1793);  His- 
toire céleste  française  (1801)  ;  Bibliographie  astrono- 
mique (1803)  ;  Tables  de  la  Lune  (1806).  Lalande  a 
beaucoup  trop  écrit  pour  que  son  œuvre  ne  laisse  pas  sou- 
vent à  désirer,  mais  il  a  fait  beaucoup  de  travaux  utiles  et 
rendu  de  véritables  services  à  la  science  en  s'occupant 
surtout  du  côté  pratique.  Son  caractère  le  portait  à  re- 
chercher non  seulement  la  connaissance  personnelle  des 
savants  avec  lesquels  il  était  en  relation,  ce  qui  n'allait 
pas  sans  une  certaine  passion  pour  les  voyages,  mais  à 
désirer  la  célébrité  auprès  du  public  et  à  ne  pas  reculer  à 
cet  effet  devant  la  singularité.  Vers  la  fin  de  sa  vie,  ce  trait 
alla  jusqu'à  la  bizarrerie  et  toucha  parfois  à  l'extravagance; 
sans  parler  de  son  goût  affecté  pour  les  araignées,  il  fai- 
sait imprimer  qu'il  avait  acquis  toutes  les  vertus  de  l'hu- 
manité. T. 

LALANDE  (Michel-Jean-Jérdme  Le  Français  de),  astro- 
nome français,  né  à  Courcy  (Manche)  le  21  avr.  1766, 
mort  à  Paris  le  7  avr.  1839,  neveu  du  précédent.  Il  se  ren- 
dit tout  jeune  à  Paris,  fut  initié  par  son  oncle  à  l'astrono- 
mie, aida  Delambre  dans  sa  mesure  de  la  méridienne  et 
devint  membre  de  l'Académie  des  sciences,  membre  adjoint 
du  Bureau  des  longitudes,  directeur  de  l'observatoire  de 
l'Ecole  militaire,  suppléant  de  son  oncle  dans  sa  chaire 
d'astronomie  du  Collège  de  France.  Il  est  surtout  connu  par 
ses  excellentes  Tables  de  Mars  (1801),  et  par  ses  Cata- 
logues, qui  comprennent  50,000  étoiles  visibles  à  Paris. 
Il  publia  en  outre  dans  la  Connaissance  des  Temps  et 
dans  quelques  autres  recueils  un  grand  nombre  d'articles 
et  de  notes.  Il  eut  enfin  une  large  part  à  la  rédaction  de 
V Histoire  céleste  française  de  son  oncle.  —  Sa  femme, 
Marie-Jeanne- Amélie  Harlay,  née  à  Paris  vers  1768, 
aida  l'oncle  et  le  neveu  dans  leurs  observations  et  leurs 
calculs.  Elle  est  l'auteur  des  Tables  horaires  qui  font 
partie  de  V Abrégé  de  navigation  du  premier.     L.  S. 

BiBL.  :  Mathieu,  Discours  aux  funérailles  de  M.-J.-J.  de 
Lalande;  Paris,  1839,  in-4. 

LA  LAN  DEL  LE  (Guillaume-Joseph-Gabriel  de),  littéra- 
teur français,  né  à  Montpellier  le  5  mai  1812,  mort  à  Paris 
le  19  janv.  1886.  Après  avoir  terminé  ses  études  à  Stras- 
bourg, il  entra  dans  la  marine  en  1828  et  en  sortit  onze 
ans  plus  tard  avec  le  grade  de  lieutenant  de  vaisseau.  Tout 
en  collaborant  à  V  Union  catholique  et  au  Commerce, 
ainsi  qu'à  un  journal  spécial,  la  Flotte^  il  écrivit  de  nom- 
breux romans  dont  les  guerres  maritimes  ou  les  mœurs  des 
gens  de  mer  lui  fournissaient  le  sujet  et  qui  balancèrent  la 
vogue  d'Ed.  Corbière  :  la  Gorgone  (iSH)  ;  Frise-Poulet 
ou  les  Epaulettes  d'amiral  (1847)  ;  Aventures  d'un 
gentilhomme  (1847)  ;  la  Couronne  navale  (1848)  ;  les 
lies  de  glace  (1850);  Une  Haine  à  bord  (1851);  le 
Morne  aux  serpents  (1 852)  ;  les  Princes  d'ébène  (1 852)  ; 
le  Dernier  des  Flibustiers  (1857);  Sans-Peur  le  corsaire 
(1859)  ;  les  Quarts  de  nuit  et  les  quarts  de  jour 
(1863-70),  etc.,  souvent  réimprimés  en  divers  formats. 
Citons  à  part  :  Réponse  à  la  note  [du  prince  de  Joinville] 
sur  l'état  des  forces  navales  de  la  France  (1844,  in-8); 
le  Langage  des  marins,  recherches  historiques  et  cri- 
tiques sur  le  vocabulaire  maritime  (1859,  in-8)  ;  le 
Gaillard  d'avant  (1862,  in-12)  ;  Poèmes  et  chants  ma- 
rins (iS6i,  in-12);  le  Tableau  de  la  mer  (1862-69, 
4  vol.  in-12).  M.  Tx. 

LALAN DUSSE.  Corn,  du  dép.  de  Lot-et-Garonne,  arr. 


de  Villeneuve-sur-Lot,  cant.  de  Castillonnès  ;  391  hab. 
LA  LANE  (Noël  de),  théologien  janséniste,  docteur  de 
Sorbonne,  abbé  de  Notre-Dame  de  Valcroissant,  né  à  Paris 
en  1618,  mort  en  1673.  Il  fut  un  des  cinq  députés  que  les 
jansénistes  envoyèrent  à  Rome,  pour  défendre  la  doctrine 
de  l'Augustinus  (V.  Jansénisme,  t.  XXI,  p.  9,  col.  2),  Le 
19  mai  1652,  il  présenta  cette  défense,  dans  une  audience 
accordée  par  le  pape,  et  prononça,  sans  succès,  une  haran- 
gue et  un  discours  apologétique  qui  durèrent  ensemble 
deux  heures  et  demie  (Journal  de  Saint-Amour,  pp.  4^66 
et  suiv.  ;  Paris,  1662,  in-foL).  —  (Euvres  principales: 
De  Initio  piœ  voluntatis  (Paris,  in-4  et  in-8);  la  Grâce 
victorieuse  de  Jésus-Christ  ou  Molina  et  ses  disciples 
convaincus  de  pélagianisme  et  de  semi-pélagianisme 
(Paris,  1650,  in-4,  sous  le  pseudonyme  d'abbé  Bonheu); 
Examen  de  la  conduite  des  religieuses  de  Port-Royal 
touchant  la  signature  du  fait  de  Jansenius  (Paris, 
1665,  in-4)  ;  Défense  de  la  foi  des  religieuses  de  Port- 
Royal  et  de  leurs  directeurs,  contre  le  libelle  scan- 
daleux de  M,  Chamillard  (Paris,  1667,  2  part.  in-4). 
La  Lane  a  fourni  à  Arnault  et  à  Sacy  une  grande  partie 
des  notes  et  des  mémoires  qui  servirent  à  la  composition 
du  Journal  de  Saint- Amour,  E.-H.  V. 

LALANNE.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Lectoure, 
cant.  de  Fleurance;  155  hab. 

LALANNE-Arqué.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Mi- 
rande,  cant.  de  Masseube  ;  313  hab. 

LALANNE-Magnoac  ou  d'AsTARAc.  Com.  du  dép.  des 
Hautes-Pyrénées,  arr.  de  Bagnères-de-Bigorre ,  cant.  de 
Castelnau-Magnoac  ;  200  hab. 

LALAN  NE-Rustain  (La).  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyré- 
nées, arr.  de  Tarbes,  cant.  de  Trie  ;  152  hab. 

LALAN  N  E  (Léon-Louis  Chrétien-),  ingénieur  et  homme 
poUtique  français,  né  à  Paris  le  3juil.  1811,  mort  à  Paris 
le  12  mars  1892.  Entré  à  l'Ecole  polytechnique  en  1829 
et  à  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées  en  1831,  nommé  ingé- 
nieur en  1836,  ingénieur  en  chef  en  1848,  inspecteur 
général  en  1867,  il  fut  élu  en  1879  membre  libre  de 
l'Académie  des  sciences  en  remplacement  de  Bienaymé,  en 
1883  sénateur  inamovible  en  remplacement  du  général 
Chanzy.  Il  avait  conduit  en  1846  les  travaux  du  chemin  de 
fer  de  Paris  à  Sceaux.  Après  la  révolution  de  février  1848, 
il  fut  nommé  commandant  de  la  11«  légion  de  la  garde 
nationale  et,  au  mois  de  mai  suivant,  il  reçut  la  direction 
des  ateliers  nationaux.  Arrêté  en  juil.  1849,  il  fut  relâché 
presque  aussitôt,  et,  après  le  coup  d'Etat,  il  résida  pendant 
plusieurs  années  à  l'étranger,  dirigeant  successivement  les 
travaux  publics  de  la  Valachie  (1852-53),  le  percement  de 
routes  dans  la  Dobroudja  (1855),  la  construction  du  che- 
min de  fer  de  l'Ouest-Suisse  (1856),  celle  du  chemin  de 
fer  du  Nord  de  l'Espagne  (1859).  Rentré  en  1860  au  ser- 
vice de  la  France,  il  fut  de  1877  jusqu'à  sa  mise  à  la 
retraite  (1881)  directeur  de  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées. 
Il  accepta  ensuite  la  présidence  du  conseil  d'administration 
de  la  Compagnie  générale  des  omnibus  de  Paris.  On  lui 
doit  l'invention  ou  le  perfectionnement  de  plusieurs  ma- 
chines à  calculer:  arithmoplanimètre  (C.  r.  de  VAcad, 
des  se,  IX,  X  et  XI),  balance  arithmétique  (id.,  IX), 
balance  algébrique  pour  la  résolution  des  équations  jus- 
qu'au septième  degré  [id.,  XI),  etc.,  ainsi  qu'une  longue 
série  de  méthodes  pour  la  simplification  des  calculs,  de 
formules  et  de  tables  graphiques  à  l'usage  des  ingénieurs 
et  des  constructeurs.  Il  a  collaboré  à  la  partie  scientifique 
d'un  grand  nombre  de  revues  et  collections,  aux  Cent 
Traités,  au  Million  de  faits,  etc.  Enfin  il  a  publié  à  part 
une  trentaine  d'ouvrages  et  brochures,  parmi  lesquels  : 
Essai  philosophique  sur  la  technologie,  extrait  de  V En- 
cyclopédie nouvelle  (Paris,  1840,  in-8);  Instruction 
pratique  pour  l'usage  de  V arithmoplanimètre  (Paris, 
1842,  in-8)  ;  Collection  de  tables  pour  abréger  les  cal- 
culs (Paris,  1843,  in-8)  ;  l'Abaque  ou  compteur  uni- 
versel (Paris,  1845,  in-12;  3«  éd.,  1863,  in-12)  ;  Ins- 
truction sur  les  règles  à  calcul  (Paris,  1851,  in-18); 


804  - 


LALANNE 


[ALINDE 


Assainissement  des  halles  centrales  (Paris,  1875^  in-l); 
Méthodes  graphiques  pour  V expression  des  lois  empi- 
riques ou  mathémaliques  à  trois  variables  (Paris,  1878, 
in-8)  ;  le  Méiropolitai^i  et  les  transports  en  commun  à 
Londres  et  à  Paris ^  en  collaboration  avec  M.  Massillon  (Pa- 
ris, 1886,  in-4);  Note  sur  le  Métropolitain,  aveclemême 
(Paris,  1886,  in-4);  Rectification  historique  sur  les  ate- 
liers nationaux  (Paris,  1887,  in-16),     Léon  Sàgnet. 

BiBL.  :  Notice  sur  les  travaux  et  les  titres  scientifiques 
de  M.  Léon  Lalanne  ;  Paris,  1876,  in-4.  —  Journal  officiel, 
15  et  li)  mars  1892. 

LALANNE  (Marie-Ludovic Chrétien-),  archiviste  et  lit- 
térateur français,  né  à  Paris  le  23  avr.  1815,  frère  du  pré- 
cédent. Sorti  en  1841  de  l'Ecole  des  chartes,  attaché  en 
1846  à  la  commission  des  travaux  historiques,  directeur 
de  VAtheneum  français  (1853-56)  et  de  la  Correspon- 
dance littéraire  (1856-65),  il  a  été  de  1875  à  1895 
sous-bibHolhécaire,  puis  biWiothécaire  de  l'Institut.  D'une 
érudition  remarquable,  il  s'est  livré  à  de  laborieuses  re- 
cherches sur  la  littérature  et  sur  l'histoire  de  notre  pays. 
Outre  de  nombreuses  études  bibliographiques  et  littéraires, 
il  a  écrit  :  Recherches  sur  le  feu  grégeois  et  sur  Vintro- 
duclion  de  la  poudre  en  Europe  (Paris,  1841,  in-4)  ; 
Dictionnaire  historique  de  la  France  (Paris,  1872, 
in-8;  3"^  éd.,  1887),  livre  très  estimé  et  très  répandu. 
On  lui  doit  aussi  la  publication  de  plusieurs  ouvrages  iné- 
dits :  Journal  d'un  bourgeois  de  Paris ^  iSiB-IÔSô, 
d'après  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale  (Paris, 
1854,  in-8);  les  Lois  de  la  galanterie  (Paris,  1855, 
in-8)  ;  le  Livre  de  fortune,  recueil  de  deux  cents  dessins 
inédits  de  Jean  Cousin  (Paris,  1883,  in-4);  Mémoire  sur 
le  livre  d'heures  d'Anne  de  Bretagne,  par  Ant.  de 
Jussieu  (Paris,  1887,  in-8);  Mémoires  d'Agrippa  d'Au- 
bigné  (Paris,  1889,  in-16),  etc. 

LALANNE  (François- Antoine-Maxime),  dessinateur  et 
aquafortiste  français,  né  à  Bordeaux  le  27  nov.  1827, 
mort  à  Nogent-sur-Marne  le  29  juil.  1886.  Fils  d'un 
greffier  à  la  cour  d'appel  de  Bordeaux,  il  fit  dans  cette 
ville  d'excellentes  études  scolaires.  Reçu  bachelier  es  lettres 
on  '1848,  il  vint  étudier  les  beaux-aris  à  Paris,  en  1852, 
et  devint  l'élève  de  Jean  Gigoux.  La  même  année,  il  débu- 
tait au  Salon  par  une  série  de  fusains.  Depuis,  il  se  par- 
tagea entre  le  fusain,  l'eau-forte  et  la  gravure.  On  re- 
marque, parmi  ses  principaux  fusains  :  les  Vues  du  parc 
de  Villeneuve- Saint-Georges^  le  Coin  de  parc  à  Mont- 
geron,  un  grand  nombre  de  Vues  de  Bordeaux;  parmi 
ses  eaux-fortes,  la  Maison  de  Victor  Hugo  à  Guernesey 
(12  planches,  1864);  le  Billard^  deux  gravures  pour 
un  traité  en  vers  dont  son  père,  A.  Lalanne,  était  i'auleur 
(1866);  douze  croquis  :  r Eau-forte  d'après  nature 
(1869)  ;  douze  planches  sur  le  Siège  de  Paris  (1870-7!)  ; 
des  reproductions  d'après  Troyon,  Ruysdaël,  Corot,  Ribot; 
puis,  vers  la  fin  de  sa  carrière,  il  donnait  des  ouvrages  consi- 
dérables :  la  Hollande  à  vol  d'oiseau  (1881)  ;  /a  Flandre 
à  vol  d'oiseau  (1883)  ;  et  enfin  Rouen  pittoresque  qui  fut 
son  œuvre  dernière  (1884).  Après  sa  mort,  la  municipalité 
de  Bordeaux  réclama  ses  cendres  qui  furent  tranférées  dans 
cette  ville  en  1890.  Gaston  Armelin. 

LALAUZE  (Adolphe),  graveur  français,  né  à  Rive-de- 
Gier  (Loire)  le  8  oct.  1833.  Elève  de  L.  Gaucherel,  il 
s'adonna  à  l'eau-forte  et  commença  par  reproduire  les  ta- 
bleaux des  maîtres  anciens  ;  il  entreprit  ensuite  de  repro- 
duire sur  cuivre  ses  propres  compositions,  et  illustra  un 
grand  nombre  d'ouvrages  de  luxe,  tels  que  des  éditions  de 
Molière,  de  Perrault,' de  Gulliver,  de  Manon  Lescaut, 
de  Paul  et  Virginie,  etc.  On  lui  doit  également  une  quan- 
tité considérable  de  portraits.  G.  A. 

LALBARÈDE.  Com.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  de  Castres, 
cant.  de  Villemur  ;  328  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  du 
Midi,  ligne  de  Montauban  à  Castres. 

LALBENQUE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de 
Cahors;  1,690  hab.  Stat.  du  ch.  do  fer  d'Orléans,  ligne  de 
Paris  à  Toulouse. 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —  XXL 


LALEU.  Ancienne  com.  du  dép.  de  la  Charente-Infé- 
rieure, réunie  à  La  Rochelle,  sur  l'Océan  ;  1,440  hab.  On 
y  montre  la  maison  habitée  par  Louis  XIII  pendant  le  sièee 
de  1627-28. 

LALEU.  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  d'Alençon,  cant. 
du  Mesle  ;  720  hab. 

LALEU.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  d'Amiens, 
cant.  de  MoUiens-Vidame  ;  108  hab. 

LALHEUE.  Com.  du  dép.  de  Saône-et-Loire,  arr.  de 
Chalon-sur-Saône,  cant.  de  Sennecey  ;  652  hab. 

LALIBÉLA  ou  LALIBALA.  Ville  de  l'Ethiopie  centrale, 
non  loin  des  sources  du  Takazzé.  La  région  qui  entoure 
Lalibéla  est  considérée  par  les  Abyssins  comme  une  des 
régions  sacrées  de  leur  pays  et  la  ville  de  LaMbéla  comme 
une  ville  sainte  ;  de  même  que  Rome  et  Byzance,  Lalibéla 
est  bâtie  sur  sept  collines  ;  comme  Jérusalem,  elle  a  sa 
montagne  des  Oliviers.  La  population,  qui  est  de  1,200  hab. 
d'après  Rohlfs,  est  composée  presque  exclusivement  de 
moines,  de  prêtres  et  de  leurs  serviteurs.  Les  églises  aux- 
quelles ils  sont  attachés  sont  les  plus  curieuses  de  toute  l'Ethio- 
pie. Chacune  est  en  effet  taillée  dans  un  bloc  de  basalte,  de 
même  que  les  autels,  les  sculptures,  les  colonnades.  Il  pa- 
raîtrait que  la  plupart  de  ces  monuments  doivent  être  attri- 
bués au  roi  qui  a  donné  son  nom  à  la  ville  et  qui  vivait  au 
commencement  du  xiii^  siècle.  D'après  une  légende,  les  ou- 
vriers qui  évidèrent  dans  le  roc  ces  églises  auraient  été  des 
chrétiens  réfugiés  de  l'Egypte.  Lalibéla  est  certainement  un 
des  endroits  de  l'Ethiopie  oii  on  aurait  le  plus  de  chances 
de  trouver  des  livres  et  des  manuscrits  précieux,  car  cette 
sorte  de  sanctuaire  n'a  jamais  été  pillé.       D^  Routre. 

LA  LIBORLIÈRE  (François-Léon-Marie  Bellin  de), 
littérateur  français,  né  à  Saint-Martin  (Deux-Sèvres)  en 
1774,  mort  en  1847.  Emigré  à  la  Révolution,  il  servit 
dans  l'armée  de  Condé  et  devint  sous  l'Empire  inspecteur 
de  l'université,  puis  recteur  de  l'académie  de  Poitiers.  Ci- 
tons de  lui  :  Célestine  ou  les  Epoux  sans  l'être  (Paris, 
1799,  4  vol.  in-12)  ;  lalSuit  anglaise  (1799,  2  vol.  in- 
12);  AnnaGrenwill  (1800,3  vol.  in-12);  Voyage  dans 
le  boudoir  de  Pauline  (1801,  in-12),  roman  assez  cu- 
rieux, et  des  pièces  de  théâtre  :  la  Cloison  (1803,  in-8)  ;  le 
Jeune  Mari  (1805),  comédies;  Amélie  et  Mansfield 
(1805),  drame  en  cinq  actes. 

LALIN  (Lars-Samuel),  poète  et  musicien  suédois,  né  en 
1729,  mort  à  Stockholm  en  1785.  A  partir  de  1750,  en- 
viron, il  enseigna  le  chanta  Stockholm  et  était,  à  sa  mort, 
maître  à  chanter  au  théâtre  royal.  Librettiste  d'une  cer- 
taine valeur,  Gustave  II!  lui  confiait  volontiers  la  composi- 
tion de  pièces  de  circonstances  dont  il  faisait  les  paroles 
et  la  musique.  De  1765  à  1768,  il  avait  été  chargé  d'une 
mission  à  l'étranger  pour  réunir  des  œuvres  musicales  re- 
ligieuses ou  profanes.  Il  avait  débuté  dans  les  lettres  par 
un  poème  didactique  sur  la  [santé  ;  en  1747,  il  composait 
le  libretto  d'un  opéra-comique  :  Syrinx^  et  trois  ans  plus 
tard,  celui  î^'Arachné.  Son  ballet  héroïque  :  Arcis  et 
Galatea,  joué  en  1773,  donna  lieu  à  une  amusante  paro- 
die de  Hallmann  :  Casper  et  Dorotea,  Th.  Cart. 

LALIN  DE.  Ch.-l.  de  cant.  dudép.  de  la  Dordogne,  arr. 
de  Bergerac,  sur  la  r.  dr.  de  la  Dordogne  et  le  canal  de 
Lalinde;  2,207  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  d'Orléans,  ligne 
de  Bergerac  au  Buisson.  Minerai  de  fer  exploité  pour  les 
forges  des  Landes.  Briqueteries,  moulins,  papeteries,  scie- 
ries mécaniques,  tanneries,  teintureries  et  carderie.  Les 
restes  de  murailles  de  brique  et  une  porte  monumentale, 
longtemps  considérés  comme  des  constructions  romaines, 
ne  remontent  pas  au  delà  du  xui®  siècle,  époque  de  la  fon- 
dation de  la  ville,  bastide  fortifiée  construite  par  Léon  de 
Lalinde,  officier  du  roi  d'Angleterre,  qui  lui  donna  son 
nom.  La  ville  reçut  en  1267  une  charte  de  franchise  du 
roi  Henri  III,  qui  fut  confirmée  par  les  rois  d'Angleterre 
et  de  France.  Lalinde  a  conservé  l'aspect  régulier  caracté- 
ristique des  anciennes  bastides  du  Sud-Ouest.  Église  gothique 
dominée  par  une  grosse  tour.  Sauts  de  la  Gratusse  et  du 

51 


LALINDE  —  LALLEMENT 


—  802  — 


Grand-Thoret  dans  les  rapides  de  la  Dordogne.  Source  pé- 
trifiante de  la  Sabatière. 

BiBL.  :  Curie-Leimbres,  Essai  sur  les  villes  fondées... 
sous  le  nom  de  bastides^  1880,  p.  198  et  passim. 

LALIVE  DE  JuLLY  (Ange-Laurent  de),  diplomate  et  gra- 
veur français,  né  en  1725,  mort  en  1775.  Fils  d'un  fer- 
mier général,  frère  de  M'^®  d'Houdetot  et  de  Lalive  d'Epi- 
nay,  mari  de  la  célèbre  M"^®  d'Epinay,  il  entra  de  bonne 
heure  dans  la  diplomatie.  Sa  carrière  fut  rapide,  car,  après 
un  court  séjour  à  Genève,  il  fut  rappelé  à  Paris  et  nommé 
introducteur  des  ambassadeurs.  Les  loisirs  de  cette  fonc- 
tion lui  permirent  de  se  livrer  à  son  goût  très  prononcé 
pour  les  arts,  et,  grâce  à  sa  grande  fortune,  il  put  se  cons- 
tituer une  superbe  galerie  de  tableaux  des  écoles  française, 
hollandaise  et  italienne.  La  contemplation  de  ces  belles 
œuvres  l'encourageant  à  les  reproduire,  il  s'exerça  à  la 
miniature  et  à  la  gravure  et  ne  tarda  pas  à  acquérir  dans 
ce  dernier  genre  un  réel  talent.  On  lui  doit  des  estampes 
fort  appréciées  d'après  Boucher,  Greuze,  etc.       G.  A. 

LÂLLÂ-Marnia.  Com.  mixte  du  dép.  d'Oran,  ch.-l.  de 
cercle  de  commandement,  arr.  de  Tiemcen,  cant.  de  Seb- 
dou  ;  26,782  hab.,  dont  338  Français.  Un  traité  de  déli- 
mitation entre  l'Algérie  et  le  Maroc  y  fut  conclu  et  signé 
en  1845. 

LALLEMAND  (Frédéric-Antoine,  baron),  général  fran- 
çais, né  à  Metz  le  23  juin  1774,  mort  à  Paris  le  9  mars 
i  839.  Volontaire  de  1 792,  il  devint  aide  de  camp  de  Junot, 
parvint  après  léna  au  grade  de  colonel  et  gagna  en  Espagne 
celui  de  général  de  brigade  (6  août  1811).  Il  prit  sous  Davout 
une  part  importante  à  la  défense  de  Hambourg  (1813-14). 
Pourvu  par  Louis  XVIII  du  commandement  de  l'Aisne,  il 
donna,  sans  succès,  au  commencement  de  181 5,  le  signal  d'un 
soulèvement  en  faveur  de  Napoléon,  qui,  pendant  les  Cent- 
JourSjle  nomma  général  de  division  et  pair  de  France. Proscrit 
par  les  Bourbons  (1815),  il  se  rendit  en  Amérique  et  tenta 
de  fonder  au  Texas,  avec  un  certain  nombre  de  réfugiés  fran- 
çais, la  colonie  du  Champ  d'asile  (1817),  qu'il  lui  fallut 
bientôt  abandonner.  Il  songea  aussi  à  enlever  de  Sainte-Hé- 
lène Napoléon,  qui,  dans  son  testament,  lui  légua  1 00,000  fr. 
(1821).  On  le  retrouve  un  peu  plus  tard  en  Espagne,  où  il 
vient  offrir  ses  services  au  parti  constitutionnel  (1823),  à 
Bruxelles,  à  Paris,  où  il  revient  sans  souci  de  la  condamna- 
tion à  mort  prononcée  contre  lui  par  contumace  en  1816, 
enfin  à  New  York,  où  il  dirige  quelque  temps  une  maison 
d'éducation.  Rentré  en  France  après  la  révolution  de  Juil- 
let, il  fut  réintégré  dans  son  grade  (7  janv.  1831),  redevint 
pair  de  France  (11  oct.  1832)  et  commanda  successivement 
la  17^  et  la  10®  divisions  militaires.         A.  Debidour. 

LALLEMAND  (Henri-Dominique,  baron),  général  fran- 
çais, frère  du  précédent,  né  à  Metz  le  18  oct.  1777,  mort 
à  Borden  Town  (Etats-Unis)  le  15  sept.  1823.  Il  servit 
dans  l'artillerie  sous  la  République  et  l'Empire,  devint  gé- 
néral de  brigade,  s'associa  au  commencement  de  1815  à 
la  tentative  de  soulèvement  dirigée  par  son  frère,  fut  fait 
général  de  division  pendant  les  Gent-Jours,  prit  part  à  la 
bataille  de  Waterloo,  fut  proscrit  comme  son  aîné,  se  ré- 
fugia aux  Etats-Unis  où,  après  s'être  quelque  temps  occupé 
de  la  colonie  du  Champ  d'asile,  il  se  maria,  et  publia  un  im- 
portant Traité  d'artillerie  {Nomelle-OrlèB.ns,  2  vol.  in-4). 

LALLEMAND  (Claude-François),  célèbre  médecin  fran- 
çais, né  à  Metz  le  26  janv.  1790,  mort  à  Paris  le  23  juil. 
1853.  Elève  à  l'hôpital  mihtaire  de  Metz,  il  fut  ensuite 
envoyé  en  Espagne,  puis  en  1810  vint  à  Paris,  où  il  devint 
le  prosecteur,  puis  l'interne  de  Dupuytren  et  soutint  en 
1818  une  thèse  brillante  (Observations  pathologiques 
propres  à  éclairer  plusieurs  points  de  physiologie, 
thèse  de  Paris,  in-4;  2«  éd.,  1824,  in-8,  fig.).  L'an- 
née suivante,  il  fut  nommé  professeur  de  clinique  chirur- 
gicale à  Montpelher;  il  continua  ses  travaux  anatomo-pa- 
thologiques  et  commença  peu  après  la  publication  de  ses 
Recherches  anatomo-pathologiques  sur  Vencéphale  et 
ses  dépendances  (lettres  1-9)  (Paris,  1820-34,  3  vol. 
in-8)  ;  c'est  là  son  ouvrage  le  plus  remarquable.  En  1823, 


une  intrigue  ourdie  par  les  congréganistes  lui  fit  perdre 
niomentanément  sa  chaire  où  le  conseil  royal  de  l'instruc- 
tion pubhquele  réintégra.  Nommé  membre  de  l'Institut  en 
1845,  il  se  fixa  à  Paris  où  il  ne  s'occupa  plus  que  de 
recherches  philosophiques  et  de  travaux  scientifiques.  — 
Comme  chirurgien,  Lallemand  a  imaginé  un  procédé  d'au- 
toplastie,  un  traitement  spécial  des  tumeurs  érectiles,  un 
porte-caustique  pour  les  rétrécissements  de  l'urètre,  etc. 
Ses  publications  sont  nombreuses  ;  citons  seulement  :  Cli- 
nique médico-chirurgicale  (Montpellier,  1834,  in-8)  ; 
Des  Pertes  séminales  involontaires  (Paris,  1835-45, 
3  vol.  in-8);  Clinique  chirurgicale  (^Sivis,  1845,  in-8); 
Education  publique  (Paris,  1848-52,  in-12),  etc. 

L'ALLEMAND  (Friedrich),  peintre  allemand,  né  à  Hanau 
en  1812,  mort  à  Vienne  le  20  sept.  1866.  Elève  de  l'Aca- 
démie de  Vienne,  il  peignit  des  batailles  et  dut  au  Combat 
de  Zïiabn  (Belvédère),  qui  commença  sa  réputation,  de 
se  voir  chargé  de  décorer  la  salle  de  réception  du  château 
de  Schœnbrunn.  Parmi  les  autres  tableaux  de  cet  artiste, 
dessinateur  savant  et  soigneux  du  détail,  nous  citerons  :  Un 
Episode  du  combat  de  Komorn  (campagne  de  Radetzky 
en  1849),  et  le  Grand-Duc  Charles  à  Stockach. 

LALLEMAND  (Orphis-Léon),  général  français,  né  à 
Eteignières  (Ardennes)  le  27  oct.  1817,  mort  le  20  déc. 
1893.  Elève  de  Saint-Cyr,  puis  de  l'Ecole  d'état-major,  en 
1839  il  partit  pour  l'Afrique  à  sa  sortie  de  l'Ecole  et  il  y  fit 
la  plus  grande  partie  de  sa  carrière.  Capitaine  en  1844, 
chef  d'escadrons  dix  ans  plus  tard,  sa  conduite  pendant  la 
campagne  de  Crimée  lui  valut  le  grade  de  lieutenant-colo- 
nel. La  guerre  terminée,  il  retourna  en  Algérie  et  prit 
part  en  1857  à  l'expédition  de  la  Grande-Kabylie.  Colonel 
en  1860,  général  de  brigade  en  1868,  il  reçut  la  troisième 
étoile  en  1870.  Il  contribua  puissamment  à  réprimer  la 
grande  insurrection  algérienne  de  1871  et  depuis  com- 
manda le  corps  d'armée  de  Lille.  E.  Bernard. 

L'ALLEMAND  (Sigismund),  peintre  allemand,  né  à 
Vienne  le  8  mars  1840.  Neveu  et  élève  de  Friedrich  L'Alle- 
mand, il  a  peint  comme  celui-ci  des  batailles,  et  a  travaillé 
en  outre  à  l'illustration  des  feuilles  commémoratives  de 
l'histoire  de  l'armée  autrichienne,  éditées  par  Quirin  de 
Leitner.  Il  a  suivi  officiellement  les  campagnes  de  Dane- 
mark (1864)  et  d'Italie  (1866),  dont  il  a  retracé  les  prin- 
cipaux faits  d'armes.  Parmi  ses  œuvres,  nous  citerons  : 
Episode  de  la  bataille  de  Kollin  (1864);  Combat  de 
rOversee,  Prise  de  Kœnigsberg,  Victoire  de  Cus- 
tozza,  Bataille  de  Caldiero,  VEntrée  des  cuirassiers 
de  Dampierre  et  celle  du  Régiment  de  dragons  du 
comte  de  Sternberg  à  Vienne  (deux  pendants);  Victoire 
du  corps  autrichien  commandé  par  le  prince  de  Co- 
bourg  sur  les  Turcs  à  Martinestic  (1879),  puis  des 
portraits  (ceux  du  Général  Laudon  et  de  VEmpereur 
d'Autriche),  et  quelques  tableaux  de  genre  tels  que  l'Appel 
muet,  épisode  de  la  révolution  polonaise. 

LALLEMANT  (Jacques-Philippe),  jésuite,  né  à  Saint- 
Valery-sur-Somme  en  1660,  mort  en  1748.  La  plupart 
de  ses  œuvres  sont  dirigées  contre  les  jansénistes,  soit 
pour  combattre  leur  doctrine,  soit  pour  faire  concurrence 
à  leurs  livres,  en  en  publiant  d'autres,  composés  dans  un 
esprit  contraire,  sur  les  mêmes  sujets:  le  Véritable  Esprit 
des  nouveaux  disciples  de  saint  Augustin  (Paris,  1706, 
in-8)  ;  Réflexions  morales  avec  des  notes  sur  le  Nou- 
veau Testament,  traduit  en  français  ;  Concordances  des 
évangélistes  (iliS,  12  vol.  in-12).  Ces  deux  derniers 
ouvrages,  recommandés  par  Fénelon  et  vingt-trois  évéques, 
eurent  promptement  de  nombreuses  éditions.  Les  jansé- 
nistes attribuaient  à  Lallemant  la  rédaction  du  mande- 
ment (1732)  de  Vintimille,  archevêque  de  Paris,  contre 
leur  journal  les  Nouvelles  ecclésiastiques,  et  une  colla- 
boration fort  active  au  Supplément  (1732-48),  journal 
fondé  par  les  jésuites.  Il  est  aussi  l'auteur  d'une  traduction 
de  l'Imitation  (Paris,  1740),  qui  était  parvenue  à  sa 
12^  édition  en  1808.  E.-H.  V. 

LALLEMENT  (Pierre),  publiciste  français,  né  à  Metz  le 


-  803 


LALLEMENT  —  LALLY 


25  déc.  478-2,  mort  à  Paris  en  1829.  Il  fonda  en  1816, 
en  Belgique,  le  Journal  de  la  Flandre  orientale,  rédigé 
par  les  réfugiés  français,  fut  expulsé  à  cause  de  ses  articles 
contre  les  Bourbons,  passa  à  Aix-la-Chapelle  d'où  il  fut 
encore  expulsé,  revint  en  Belgique  où  il  rédigea  la  Gazette 
de  Liège  et,  de  nouveau  expulsé,  renonça  à  la  satire  poli- 
tique. Citons  de  lui  :  le  Secrétaire  royal  parisien  (Paris, 
1814,  in- 12)  ;  Delà  Véritable  Légitimité  des  souverains 
(1815,  in-8);  le  Petit  Roman  d'une  grande  histoire 
(1818,  in-8);  Histoire  de  la  Colombie  (Î826,in-8),  etc. 
Citons  encore  son  recueil  utile  intitulé  Choix  des  rap- 
ports, opinions  et  discours  prononcés  à  la  tribune 
nationale  depuis  1789  (Paris,  1818-23,  22  vol.  in-8). 

LALLERSTEDT  (Sven-Gustaf),  écrivain  suédois,  né  à 
Norrœ  en  1816,  mort  à  Stockholm  en  1864.  Tout  en  étant 
secrétaire  d'une  société  d'assurance  contre  l'incendie  (de 
1842-56),  il  fonda,  en  1848,  un  journal  politique.  Bore,  et 
devint  ensuite  copropriétaire  du  journal  V Aftonbladet. 
Il  s'occupait  principalement  de  questions  financières,  et 
traduisit  en  1854  l'ouvrage  de  Ch.  Coquelin  :  Du  Crédit 
et  des  Banques  (Paris,  1848).  Il  s'est  fait  connaître  sur- 
tout par  un  livre  publié  en  1856,  à  Paris  et  en  français, 
sur  la  Scandinavie,  ses  craintes  et  ses  espérances, 
ouvrage  traduit  aussitôt  en  suédois,  avec  quelques  modi- 
fications et  additions.  Quoique  datant  d'une  quarantaine 
d'années  et  écrite  sous  le  coup  des  événements  de  Crimée, 
cette  œuvre  est  encore  d'une  très  instructive  lecture,  et, 
mieux  que  d'autres,  peut  faire  comprendre  la  politique  ac- 
tuelle des  pays  Scandinaves,  soit  intérieure,  soit  vis-à-vis 
de  leur  grand  voisin  de  l'Est,  dont  ils  craignent  l'ambition 
au  sujet  du  Finmark  norvégien.  Cette  ambition,  l'auteur  la 
dénonce  avec  une  grande  énergie  en  même  temps  qu'il  dé- 
plore la  politique  hostile  à  Napoléon  l®"^  de  Charles-Jean. 

LALLEU  ou  SAINT-JOUIN.  Corn,  du  dép.  d'Ille-et-Vi- 
laine,  arr.  de  Redon,  cant.  du  Sel  ;  1,085  hab. 

LALLEY.  Com.  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Grenoble, 
cant.  de  Clelles  ;  470  hab. 

LALLEYRIAT.  Com.  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  et  cant.  de 
Nantua  ;  372  hab. 

LALLIET  (Casimir-Théophile),  un  des  virtuoses  les  plus 
remarquables  de  notre  époque  sur  le  hautbois,  né  en 
1837.  Elève  de  Verroust,  il  remporta  le  premier  prix  au 
Conservatoire  en  1860  ;  son  style  est  élégant,  son  phrasé 
pur,  sa  qualité  de  son  agréable.  M.  Lalliet  est  depuis  long- 
temps hautboïste  à  l'Opéra.  Il  a  publié  un  grand  nombre  de 
morceaux  et  de  fantaisies  pour  son  instrument,  mais  c'est 
surtout  comme  un  des  maîtres  les  plus  remarquables  de 
notre  belle  école  française  de  hautbois  qu'il  faut  lui  ac- 
corder une  place  prépondérante. 

LALLOU  ou  LALLOU  Singh  ou  encore  LALLOU  Djî, 
auteur  hindoustani  très  fécond,  mais  assez  peu  original, 
puisque  ses  écrits  sont,  pour  la  plupart,  des  traductions 
ou  imitations  d'ouvrages  existant  déjà  dans  d'autres  langues 
de  l'Inde.  Sa  principale  production  est  le  Prem-Sdgar 
(Océan  de  l'Amour)  fondé  sur  le  X®  livre  du  Bhcigavata- 
Pourâna  et  consacré  à  l'incarnation  de  Vichnou,  célèbre 
sous  le  nom  de  Krichna,  et  à  ses  amours  avec  Râdhâ  : 
imprimé  pour  la  première  fois  en  1810  et  traduit  en  an- 
glais par  le  capitaine  HoUings  (1848)  et  plus  tard  par  F.- 
B.  Eastwick.  Lallou  est  encore  Tauteur  du  Lataïfi  hindi 
(Gentillesses  hindoustanies),  recueil  de  cent  historiettes; 
du  Râdja-nîti  (Conduite  des  rois,  politique),  reproduction 
des  fables  indiennes  contenues  dans  les  célèbres  recueils 
Hitopadesa  et  Pantchatantra  ;  du  Sabhâ-bilâs  (Plaisirs  de 
l'assemblée)  ;  du  Sapta-satika  (Sept  cents  Distiques)  ;  du 
Maçâdir-i  bhâkhâ,  ouvrage  de  grammaire;  du  Vidyâ- 
darpan  (Miroir  de  la  science),  consacré  à  Rama;  du 
Madho-bilâs  (Plaisirs  du  Madho,  c.-à-d.  Krichna).  Il  a, 
de  plus,  collaboré  à  la  rédaction  hindoustanie  de  deux  ou- 
vrages célèbres,  le  Sm^/iâ^an-Z^a^^id  (les  Trente-deux  Ré- 
cits du  trône)  et  la  Baïtal-patchicî  (les  Vingt-cinq  Récits 
du  Vétâla)  qui  ont  été  publiés  plusieurs  fois  et  traduits 
dans  plusieurs  langues  de  l'Europe.  Lallou  a  encore  laissé 


d'autres  écrits  ;  mais  on  lui  en  attribue  qui  ne  sont  pas 
de  lui,  entre  autres  le  Lâla-tchandrika  (Clair  de  Lune 
de  Lâl)  et  le  Vinaya  patrika  (Livre  de  la  Bienfaisance) 
dont  le  premier  paraît  être  de  Lâl  kavi,  et  le  second  de 
Toulcî.  L.  Feer. 

BiBL.:  Garcin  de  Tassy,  Histoire  de  la  littérature  hin- 
douie  et  hindoustanie. 

LALLOU  EUE  (Jean-François),  compositeur  français, 
né  à  Paris  en  165l,  mort  à  Versailles  le  1^"^  sept.  1728. 
11  fit  son  éducation  musicale  à  Saint-Eustache  comme  en- 
fant de  chœur,  et  reçut  des  leçons  de  composition  de  Lully 
qui  le  fit  entrer  à  l'Opéra  comme  violoniste,  puis  comme 
chef  d'orchestre.  Lallouette  passe  pour  avoir  écrit  les  réci- 
tatifs et  l'instrumentation  de  quelques  ouvrages  de  son 
maître.  Brouillé  avec  Lully  pour  s'être,  dit-on,  trop  vanté 
de  cette  collaboration,  Lallouette  dut  quitter  l'orchestre  de 
l'Opéra.  En  1693,  il  alla  occuper  le  poste  de  maître  de 
chapelle  de  la  cathédrale  de  Rouen,  qu'il  échangea  en  1695 
contre  le  même  emploi  à  Notre-Dame  de  Paris.  On  a  imprimé 
de  Lallouette  en  1726  un  livre  de  motets  et  en  1730  un 
Miserere  à  grand  chœur. 

LALLY  (Thomas-Arthur,  baron  de  Tolendal,  comte  de), 
lieutenant  général  des  armées  du  roi  et  gouverneur  de 
rinde^  française,  né  à  Romans  le  1^^  janv.  1702,  décapité 
à  Paris  le  9  mai  1766.  Il  appartenait  à  une  noble  famille 
d'Irlande,  qui  émigra  en  France  à  la  suite  de  Jacques  IL 
Aide-major  en  1732,  il  se  distingua  l'année  suivante  au 
siège  de  Kehl  et  à  celui  de  Phihppsbourg,  et  fut  promu 
major.  Après  d'éclatants  services  dans  la  campagne  de 
Flandre  (1741-43),  sous  le  maréchal  de  Noailles,  un  nou- 
veau régiment  irlandais  fut  créé  en  sa  faveur  :  à  Fontenay, 
ce  régiment  acheva  de  refouler  et  de  disperser,  à  la  baïon- 
nette, la  célèbre  colonne  d'infanterie  anglaise,  et  Lally  fut 
nommé  brigadier  sur  le  champ  de  bataille.  Il  prit  part  à 
la  malheureuse  expédition  dirigée  par  le  duc  de  Richelieu 
pour  rétablir  Charles-Edouard  sur  le  trône  d'Angleterre, 
puis,  après  s'être  échappé  sous  un  déguisement  de  matelot, 
à  la  bataille  de  Lawfeldt,  aux  prises  de  Berg-op-Zoom  et  de 
Maastricht,  où  il  fut  blessé.  Il  fut  nommé  maréchal  de 
camp  en  1748.  Lorsque,  sans  déclaration  d'hostihtés,  éclata 
en  1755  la  guerre  de  la  France  et  de  l'Angleterre,  qui 
vint  bientôt  compliquer  la  guerre  de  l'Autriche  et  de  la 
Prusse,  Lally  fut  envoyé  aux  Indes  avec  les  titres  de  lieu- 
tenant général  et  de  commandant  de  tous  les  établissements 
français.  Il  partit  de  Lorient  le  2  mai  1757  sur  l'escadre 
du  comte  d'Aché  avec  4,000  hommes  et  4  millions.  Après 
une  difficile  traversée,  il  débarqua  le  28  avr.  1758  à  Pon- 
dichéry.  Les  Anglais  venaient  de  nous  prendre  Mahé  et 
Chandernagor.  Dès  le  2  juin,  il  leur  prend  Gondelour  et 
bientôt  tout  le  Carnatique.  «Plus  d'Anglais  dans  l'Inde  !  » 
s'écriait-il  alors  triomphalement.  Mais  le  comte  d'Aché 
refusa  de  l'aider  dans  le  projet  d'assiéger  Madras  ;  le  gou- 
verneur de  Pondichéry,  sous  prétexte  qu'il  ne  pouvait  plus 
nourrir  ni  solder  l'armée  française,  lui  conseilla  de  prendre 
Tanjaour,  dont  le  rajah  devait  ^3  millions  à  la  Compagnie 
et  ne  donna  que  500,000  livres  au  vainqueur.  Pendant  ce 
temps,  les  Anglais  battaient  son  lieutenant  Bussy,  s'empa- 
raient de  Masulipatam  et  menaçaient  Pondichéry.  Il  dé- 
gagea cette  ville,  et,  rejoint  par  Bussy  qu'il  avait  créé 
brigadier  pour  désarmer  son  envie  et  son  esprit  de  rivalité, 
il  put  se  présenter  devant  Madras  le  14  déc.  1758.  Il 
occupa  la  ville  indienne,  mais  les  troupes  anglaises  se  re- 
tranchèrent au  fort  Saint-George  pendant  que  les  troupes 
de  Lally,  toujours  mal  payées"  et  prêtes  à  la  révolte,  se 
livraient  au  pillage.  D'Estaing  fut  fait  prisonnier  dans  une 
sortie  que  firent  les  Anglais  et  que  Bussy  se  refusa  à 
refouler.  En  même  temps,  d'Aché  laissa  passer  l'escadre 
anglaise,  et  Lally  dut  lever  le  siège  après  quarante-six 
jours  de  tranchée.  Cependant,  il  prit  encore  Seringham, 
mais  il  fut  battu  complètement  à  Vandavachi  (22  janv. 
1760),  où  Bussy  fut  fait  prisonnier.  Pondichéry  fut  blo- 
qué par  terre  et  par  mer  le  18  mars  1760.  Il  n'avait  pas 
eu  à  réprimer  ou  apaiser,  depuis  deux  ans,  moins  de  dix 


LÂLLY  —  LALO  —  804 

révoltes  parmi  ses  troupes.  Le  14  janv.  1761,  il  n'avait 
plus  pour  défendre  la  capitale  de  nos  établissements  que 
700  hommes  exténués  ;  il  dut  se  rendre  à  discrétion  au 
général  Coote.  Prisonnier  de  guerre  à  Londres,  il  apprit 
qu'à  Paris  tout  était  déchaîné  contre  lui.  Malgré  l'appui  de 
Choiseul,  ses  principaux  ennemis,  Bussy,  parent  du  prin- 
cipal ministre,  et  d'Aché,  jouaient  une  forte  partie.  Pour 
des  yeux  non  prévenus,  leur  indiscipline  était  une  des 
principales  causes  de  nos  désastres,  et  ils  n'auraient  pas 
mieux  demandé  peut-être  que  de  s'en  tenir  aux  insinuations 
et  aux  calomnies  contre  leur  ancien  général.  Mais  Lally 
voulut  être  jugé.  Il  quitta  Londres  sur  parole  et  vint 
(5  nov.  1761)  se  constituer  prisonnier  à  la  Bastille.  La 
procédure,  commencée  au  Châtelet  le  6  juil.  1763  seule- 
ment, fut  renvoyée  à  la  grand'  chambre  en  janv.  1764,  en 
même  temps  que  la  connaissance  de  tous  les  crimes  ou 
délits  qui  avaient  pu  être  commis  aux  Indes  orientales.  Les 
juges  acceptèrent  contre  lui  les  dépositions  les  plus  sus- 
pectes et  les  plus  absurdes.  On  lui  refusa  un  avocat,  et 
c'est  après  deux  ans  de  débats  à  huis  clos  que  le  rapport 
fut  entin  rédigé.  La  requête  de  l'accusé,  afin  d'obtenir  huit 
jours  pour  préparer  sa  défense,  fut  rejetée.  Le  30  avr. 
1766,  il  fut  mis  hors  de  cause  pour  la  partie  civile.  Le 
3  mai,  en  dépit  d'une  nouvelle  production  de  pièces  dont 
le  président  ne  voulut  même  pas  prendre  connaissance,  le 
procureur  général  conclut  à  la  peine  de  mort.  L'interro- 
gatoire du  5  mai  ne  fut  que  de  pure  forme.  Le  lendemain, 
il  fut  déclaré  «  dûment  atteint  et  convaincu  d'avoir  trahi 
les  intérêts  du  roi  et  de  la  Compagnie  des  Indes,  d'abus 
d'autorité  et  d'exactions  envers  les  sujets  du  roi  et  étran  - 
gers,  et  condamné  à  avoir  la  tête  tranchée  et  ses  biens 
confisqués  ».  Choiseul  et  Soubise  demandèrent  à  Louis  XV 
de  faire  grâce.  Louis  XV  répondit  à  son  ministre  :  «  C'est 
vous  qui  l'avez  fait  arrêter  ;  il  est  trop  tard,  il  est  jugé.  » 
A  la  lecture  de  l'arrêt,  Lally  essaya  de  se  tuer  avec  un 
co;i;pas.  L'abbé  Aubry,  curé  de  Saint-Louis,  reçut  sa  con- 
fession pour  cette  tentative  de  suicide,  et  le  même  jour 
(9  mai),  bâillonné,  jeté  dans  un  ignoble  tombereau,  il  fut 
décapité  en  place  de  Grève  au  milieu  des  applaudissements 
de  la  populace.  «  Ils  l'ont  massacré,  »  disait  sept  mois 
après  Louis  XV  au  duc  de  Noailles.  «  Ce  sera  vous  qui  en 
répondrez,  et  non  pas  moi,  »  répétait-il  au  chancelier 
Maupeou.  Ces  mots  historiques,  loin  d'excuser  le  roi,  mon- 
trent clairement  qu'on  ne  fit  qu'exécuter  ses  ordres  ou 
complaire  à  sa  secrète  volonté.  Après  le  honteux  traité  de 
Paris  (1763),  il  fallait  au  gouvernement  du  roi  une  tête 
responsable.  Louis  XVI  fit  à  la  fois  un  acte  de  justice  et 
de  pohtique  en  faisant  casser  par  son  conseil,  le  21  mai 
1778,  l'arrêt  du  6  mai  1766.  Voltaire  put  alors  écrire  au 
jeune  Lally  (V.  l'art,  suivant),  de  son  lit  de  mort  :  «  Le 
mourant  ressuscite;  il  embrasse  tendrement  M.  de  Lally. 
Il  voit  que  le  roi  est  le  défenseur  de  la  justice,  il  mourra 
content.  »  Mais  le  conseil  n'avait  fait  que  renvoyer  l'affaire 
au  parlement  de  Rouen  qui,  le  23  avr.  1784,  prononça  de 
nouveau  la  culpabilité  de  Lally.  Le  conseil  infirma  ce  nouvel 
arrêt,  que  le  parlement  de  Dijon,  saisi  à  son  tour  de 
l'affaire,  maintint  par  esprit  de  corps.  Duval  de  Leyrit 
et  Duval  d'Epréménil  étaient  successivement  intervenus 
pour  faire  échouer  la  réhabilitation  définitive  de  Lally  ; 
elle  ne  fut  réellement  prononcée  ni  par  un  parlement,  ni 
par  aucune  des  assemblées  politiques  souveraines,  ni  des 
corps  judiciaires  qui  ont  pu  se  succéder  en  France  depuis 
1789.  H.  MoNiN. 

BiBL.:  Article  de  la  Biographie  Michaud,  signé  Z,  et  qui 
est  dû  au  fils  même  du  comte  de  Lally.  —  Pièces  du 
procès  (série  F  de  la  Bibliothèque  nationale).  —  Vol- 
taire, Œuvres  complètes  ;  Paris,  1885,  in-8  (V.  la  Table 
analytique^  t.  II,  p.  17). 

LALLY-ToLENDAL  (Trophime-Gérard,  marquis  de),  fils 
légitimé  du  précédent,  et  de  Félicité  Crafton,  né  à  Paris  le 
o  mars  1751,  mort  à  Paris  le  11  mars  1830.11  ne  connut 
sa  naissance  que  le  jour  même  du  supplice  de  son  père.  Il 
s'évanouit  de  douleur,  et  la  profonde  impression  qu'il 
avait  ressentie  lui  laissa  une  idée  fixe  :  celle  d'obtenir  la 


revision  du  procès  et  la  réhabilitation  de  son  père.  Il  s'y 
serait  pris  assez  mal  sans  les  conseils  de  Voltaire,  qui, 
malgré  ses  quatre-vingts  ans,  s'intéressa  aussi  vivement  à 
la  mémoire  du  comte  de  Lally  qu'à  celles  de  Calas  et  de 
Labarre  (lettre  datée  de  Ferney,  28  avr.  1773).  On  a  vu 
dans  l'article  précédent  que  ses^efforts  aboutirent,  du  moins 
auprès  de  Louis  XVI.  En  1779,  il  acquit  la  charge  de 
grand  bailli  d'Etampes,  et  les  provisions  royales  font 
allusion  à  sa  piété  filiale  et  aux  services  rendus  par  son 
malheureux  père.  En  1789,  il  fut  nommé  député  de  la 
noblesse  de  Paris  aux  Etats  généraux.  Doué  d'une  vive 
sensibilité  et  d'une  véritable  éloquence,  il  se  fit,  le  1 7  juil., 
rinlerprète  de  la  réconciliation  de  Paris  et  du  roi,  à  Thôtel 
de  ville.  Mais  il  se  déclara  contre  le  «  tyran  »  Mirabeau, 
désapprouva  les  sacrifices  de  la  nuit  du  4  août,  et  soutint, 
dans  le  Comité  de  constitution,  l'idée  d'une  Chambre 
haute,  qui  fut  repoussée.  Il  défendit  vainement  la  thèse  du 
veto  absolu,  et,  après  les  journées  d'octobre,  alla  rejoindre 
en  Suisse  Mounier,  le  chef  du  parti  des  deux  Chambres. 
Rentré  en  France  en  1 792,  il  fut  arrêté,  réussit  à  échapper 
aux  massacres  de  septembre  et  passa  en  Angleterre.  Vai- 
nement il  demanda  à  la  Convention  l'autorisation  de  venir 
défendre  Louis  XVI  ;  il  fut  réduit  à  publier  son  Plaidoyer 
(Londres,  1793,  in-8).  De  retour  à  Paris  sous  le  Consulat, 
il  se  tint  à  Fécart  jusqu'à  la  Restauration  ;  il  prit  part  à 
la  publication  des  Mémoires  concernant  Marie-Antoi- 
nette, attribués  à  Weber  (1804).  Il  applaudit  à  l'avène- 
ment de  Louis  XVIII  qui  le  créa  pair  de  France  (181 5)  et 
mmistre  d'Etat.  En  1816,  il  entra  à  l'Académie  française. 
Il  ne  cessa  de  se  vouer  à  toutes  les  entreprises  philanthro- 
piques de  l'époque,  et  fut  un  des  fondateurs  de  la  Société 
pour  l'amélioration  des  prisons.  «  Le  plus  gras  des  hommes 
sensibles  »,  comme  l'appelait  Rivarol,  fut  enlevé  par  l'apo- 
plexie, à  la  veille  de  la  révolution  de  Juillet.     H.  Monin. 
BiBL.  :  Institut  royal  de  France...  Funérailles  de  M.  le 
marquis  de  Lally -Tolendal.  Discours  de  M.  Arnault... 
le  13  mars  1830;  Paris,  s.  d.,  in-4.  —  Gauthier  de  Brécy, 
Nécrologie.   M.   le  marquis  de    Lally -Tolendal;   Paris 
s.  d.,  m-S.  —  V.  Particle  précédent  (iV.  B.  Le  comte  et  le 
marquis  signent  Tolendal  et  non  ToUendal). 

LALO  (Edouard),  un  des  compositeurs  français  les  plus 
remarquables  de  l'époque  contemporaine,  né  à  Lille  en 
1823,  mortàParisle23avr.  1892.  Il  fut  d'abord  exécu- 
tant sur  l'alto  et  fit  partie  de  la  Société  de  quatuor  d'Ar- 
mengaud  et  Jacquard.  Il  composa  des  mélodies  et  de  la 
musique  de  chambre  où  déjà  se  distinguait  son  talent  sobre 
et  sévère.  Ses  premiers  essais  passèrent  inaperçus.  Cepen- 
dant il  pensait  au  théâtre  et  prit  part  au  concours  qui  avait 
été  ouvert  au  Théâtre-Lyrique,  avec  une  partition  de  tHesque, 
œuvre  des  plus  remarquables,  qui  a  été  publiée  depuis,  et 
qui  avait  été  classée  au  troisième  rang.  Le  mauvais  sort, 
qui  semble  avoir  poursuivi  le  pauvre  Lalo,  a  jusqu'à  ce 
jour  empêché  d'exécuter  cette  œuvre  dont  on  ne  connaît 
que  l'ouverture  et  quelques  fragments. 

Devant  cet  échec,  Lalo  parut  vouloir  renoncer  au  théâtre 
et  se  tourna  complètement  vers  la  musique  symphonique. 
Il  pubha  des  mélodies  nouvelles,  fit  entendre  un  divertisse- 
ment pour  orchestre  très  remarqué,  puis  écrivit  pour  le 
violoniste  Sarasate  une  de  ses  œuvres  capitales:  son  Con- 
certo de  violon  (1874),  puis  la  Symphonie  espagnole 
(1876),  sorte  de  concerto  écrit  pour  le  même  virtuose. 
On  connaît  encore  de  lui:  V  Allegro  symphonique, h  Con- 
certo pour  violoncelle  (1877)  ;  la  Rhapsodie  norvégienne, 
le  Concerto  de  piano  (1890). 

Ces  œuvres,  à  la  fois  nerveuses,  colorées  et  d'un  style 
ferme  et  personnel,  d'une  instrumentation  sonore  et  splen- 
dide,  avaient  placé  Lalo  dans  l'esprit  des  artistes  au  pre- 
mier rang  des  musiciens  symphoniques,  mais  le  grand  pu- 
bhc  ne  le  connaissait  pas  encore,  ce  public  qui  n'aime  et 
ne  connaît  que  le  théâtre.  Ce  fut  avec  un  ballet  en  deux 
actes,  Namouna,  à  l'Opéra,  que  Lalo  aborda  le  genre  ly- 
rique. Cette  représentation  du  6  mars  1882  fut  une  des 
hontes  du  public  des  gens  du  monde,  qui  se  croit  le  juge 
suprême.  Jamais,  ^Q^wmTannhœuser,  il  ne  s'était  montré 


805  - 


LALO  -  LÂLUQUE 


plus  sot,  plus  bête  et  plus  impertinent.  Namouna  tomba, 
mais  elle  a  laissé  dans  l'esprit  de  ceux  qui  ont  écouté  cette 
musique  le  souvenir  d'une  œuvre  absolument  originale  et 
de  premier  ordre  dans  certaines  parties.  Enfin,  le  7  mai 
4888,  rOpéra-Comique  exécuta  le  Roi  d'Ys^  opéra-co- 
mique en  trois  actes,  que  les  musiciens  connaissaient  et 
appréciaient  déjà.  Ce  fut  une  revanche  éclatante  pour  le 
malheureux  Lalo.  L'éducation  du  public  était-elle  faite,  il 
y  avait-il  chez  lui  comme  une  sorte  de  remords  de  ses  in- 
justices? Je  ne  sais,  mais  il  comprit  enfin  tout  ce  qu'il  y 
avait  de  force  dramatique  dans  cette  œuvre  puissante  et 
sobre,  qui  rappelait  les  meilleurs  maîtres  de  notre  grande 
école,  tels  que  Méhul;  il  apprécia  ce  style  clairet  coloré, 
cet  orchestre  solide  et  expressif.  —  Le  succès  du  Roi  d'Ys 
consola  un  peu  le  compositeur  de  ses  longs  déboires,  mais 
il  était  trop  tard  ;  il  en  jouissait  à  peine,  que  la  maladie 
s'emparait  de  lui  et  qu'il  mourait  en  1892.  Il  a  laissé  plu- 
sieurs œuvres  en  portefeuille  et  particulièrement  un  opéra 
de  la  Jacquerie,  qui  a  été  terminé  par  M.  Arthur  Coquard 
et  exécutée  à  Monte  Carlo  en  1895.  La  mort  de  Lalo  a  été 
une  grande  perte  pour  l'école  française,  dont  il  était  un  des 
plus  nobles  représentants,  mais  ce  qu'il  faut  déplorer  sur- 
tout en  pensant  à  l'existence  tourmentée  et  malheureuse  de 
ce  grand  artiste,  c'est  qu'il  ait  pu  rester  si  longtemps  inconnu 
et  méconnu.  Comme  compositeur  symphoniste,  il  avait  droit 
au  premier  rang.  Ses  mélodies  sont  pleines  de  feu,  d'ardeur, 
de  passion  chaude  et  contenue.  Ses  deux  partitions  de  Na- 
mouna et  du  Roi  d' Ys  sont  conçues  et  écrites  dans  le  style 
noble,  élevé,  puissant  et  expressif  qui  distingue  la  musique 
française,  et  l'avenir  saluera  Lalo  comme  un  des  maîtres  de 
l'école  française.  H.  Lavoix. 

LALOBBE.  Coai.  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de  Rethel, 
cant.  de  Novion-Porcien  ;  729  hab.  Filature  de  laines. 

LALŒUF.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr.  de 
Nancy,  cant.  de  Vézelise;  416  hab. 

LA  LONGE  (Hubert),  peintre  flamand,  né  à  Bruxelles, 
mort  à  Plaisance  en  1709.  Il  dut  vem'r  très  jeune  en  Ita- 
lie et  on  ne  lui  connaît  pas  d'autres  maîtres  que  Bonisoli 
et  Massarotti.  Ses  principales  œuvres  sont  plusieurs  Scènes 
de  la  vie  de  sainte  Thérèse,  dans  l'église  Saint-Sigis- 
mond,  à  Crémone,  et  la  Mort  de  saint  François-Xavier, 
dans  la  cathédrale  de  Plaisance. 

BiBL.  *.  Lanzi,  Slor'm  pittoHca  delCItalia;  Milan,  6  vol. 
in-18,  t.  V.  —  FÉTis,  les  Artisles  belges  à  l'étranger,  t.  H. 

LALONGUE.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr. 
do  Pau,  cant.  de  Lembeyo  ;  41 1  hab. 

LALONQUETTE.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées, 
arr.  de  Pau,  cant.  de  Thèze  ;  290  hab. 

LALOU  (Charles),  publiciste  français,  né  à  Lille  le  26  juin 
1841.  Employé  à  la  préfecture  de  la  Seine,  puis  directeur 
de  mines  dans  le  Pas-de-Calais,  il  devint  propriétaire  du 
journal  la  France  à  la  mort  de  Jenty.  Il  soutint  ardem- 
ment le  boulangisme  et  fut  élu  député  de  Dunkerque,  avec 
un  programme  révisionniste  le  22  sept.  1889.  Il  n'obtint 
en  1893,  au  second  tour  de  scrutin,  que  6,315  voix  contre 
6,799  au  général  lung,  avec  lequel  il  eut  pendant  la  pé- 
riode électorale  une  très  violente  polémique  suivie  d'un 
duel  où  il  fut  blessé. 

LALOUBÈRE.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr. 
et  cant.  de  Tarbes  ;  1,027  hab. 

LALOUBÈRE  ou  LALOUVÈRE  (Antoine  de),  jésuite  et 
mathématicien  français,  né  à  Rieux  en  1600,  mort  à  Tou- 
louse le  2  sept.  1664.  Entré  dans  l'ordre  des  jésuites  à 
vingt  ans,  il  professa  successivement  au  collège  de  Tou- 
louse la  rhétorique,  la  théologie  et  les  mathématiques.  En 
dehors  de  deux  écrits  théologiques  (1645  et  1658),  il  a 
fait  imprimer,  sous  le  nom  de  Lalovera,  des  Elementa 
teiragonismica  (Toulouse,  1651),  et  Veterum  Geometria 
in  septem  de  cycloide  libris  promota  (1660).  Ce  der- 
nier ouvrage  reproduit  plusieurs  placards  de  1658  et  1659. 
C'est  lui  que  Pascal  appelle  Lallouère  {Allouerus)  dans 
ï Histoire  de  la  roulette.  Lalouvère  était  un  géomètre  d'un 
certain  mérite,  qui  s'acharna  vainement  après  la  quadrature 


du  cercle  ;  ses  méthodes  pouvaient  suffire  pour  résoudre  les 
célèbres  problèmes  proposés  par  Pascal  sur  la  cycloide,  mais 
il  ne  voulut  pas  les  communiquer  par  correspondance,  tandis 
que  les  résultats  qu'il  avançait  étaient  entachés  d'erreurs  de 
calcul.  Il  s'exposa  ainsi  aux  terribles  railleries  de  Pascal, 
contre  lesquelles  il  était  incapable  de  se  défendre.     T. 

BiBL.  :  P.  Tannery,  Pascal  et  Lalouvère,  deux  notes 
dans  les  Mém.  de  la  Soc.  des  se.  phys.  et  nat.  de  Bor- 
deaux, IV,  4;  V,  3. 

LA  LOUBÈRE  (Simon  de),  littérateur  français,  né  à 
Toulouse  en  mars  1642,  mort  le  26  mars  1729,  neveu  du 
précédent.  Secrétaire  de  l'ambassadeur  de  France  en  Suisse, 
il  fut  nommé  en  1687  envoyé  extraordinaire  près  le  roi 
de  Siam.  Revenu  en  1688,  il  en  donna  une  curieuse 
relation  :  Du  Royaume  de  5mm  (Paris,  169 1 , 2  vol.  in- 12), 
souvent  réimprimée.  Arrêté  au  cours  d'une  mission  secrète 
en  Espagne,  il  fut  délivré  grâce  à  l'intervention  énergique 
du  gouvernement  de  Louis  XIV.  Il  fut  élu  en  1693  membre 
de  l'Académie  française;  en  1694,  membre  de  l'Académie 
des  inscriptions  et  belles-lettres.  Il  est  connu  comme  un 
des  restaurateurs  de  l'académie  des  Jeux  floraux  à  laquelle 
il  donna  de  nouveaux  statuts.  Citons  de  lui  :  Traité  de 
l'origine  des  jeux  floraux  de  Toulouse  (Toulouse,  1715, 
in-8)  ;  la  Révolution  des  équations  ou  l'extraction  de 
leurs  racines  (Paris,  1732,  in-4). 

LALOUETTE  (V.  Lallouette). 

LALOU  R  ET.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
et  cant.  de  Saint-Gaudens  ;  268  hab. 

LALOUVESC.  Com.  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr.  de  Tour- 
non,  cant.  de  Satillieu;  1,112  hab.  Commerce  de  bois  et 
de  bestiaux.  Ancien  rendez-vous  de  chasse  des  seigneurs 
d'Annonay  pour  la  chasse  aux  loups.  Mentionné  sous  le 
nom  à' Aalaudiscum  dans  une  bulle  pontificale  de  1179. 
Ce  lieu  est  devenu  célèbre  par  le  tombeau  du  missionnaire 
jésuite  saint  Jean-François-Régis,  qui  y  mourut  le  31  déc. 
1640,  et  on  évalue  à  plusieurs  milliers  le  nombre  des  pè- 
lerins qui  y  viennent  chaque  année.  A.  Mâzon. 

LALOUX  (Victor -Alexandre-Frédéric),  architecte  et 
professeur  d'architecture  français,  né  à  Tours  en  1850. 
Elève  de  l'atelier  André  et  de  l'Ecole  des  beaux-arts,  trois 
fois  logiste  et  premier  grand  prix  en  1878  sur  un  projet 
de  cathédrale,  M.  Laloux  se  distingua  par  un  remar- 
quable envoi  de  4®  année  consacré  à  la  restitution  d'Olym- 
pie  et  qui  fut  publié  en  un  fort  volume  in-fol.  Auditeur 
près  le  conseil  des  bâtiments  civils,  puis  architecte  de 
l'Ecole  des  mines  et  aujourd'hui  de  la  cour  de  cassation, 
M.  Laloux  a  ouvert  un  atelier  libre  d'architecture  très 
suivi  et  a  fait  exécuter,  entre  autres  travaux,  la  reconstruc- 
tion de  la  crypte,  de  l'abside  et  des  premières  travées  de 
la  nef  de  l'ancienne  basilique  Saint-Martin  de  Tours.  Ch.  L. 

LALO  Y  (Pierre- Antoine),  homme  politique  français,  né 
à  Doulevant-le-Château  (Haute-Marne)  le  16  janv.  1749, 
mort  à  Chaumont  le  5  mars  1846.  Avocat  et  savant  en 
paléographie,  il  se  passionna  pour  la  Révolution.  Son  frère 
Jean-Nicolas,  médecin,  fut  membre  de  l'Assemblée  consti- 
tuante. Lui-même,  tour  à  tour  procureur  de  la  commune 
de  Chaumont  et  membre  de  l'administration  départemen- 
tale de  la  Haute-Marne,  il  fut  député  de  ce  département  à 
l'Assemblée  législative,  puis  à  la  Convention.  C'est  lui  qui 
présida  cette  dernière  assemblée  au  moment  de  la  fête  de 
la  Raison  (20  brumaire  an  II).  Il  fit  partie  du  comité  de 
Sûreté  générale,  puis  du  comité  de  Salut  public.  Médiocre 
orateur,  il  parla  peu  et  vota  dans  le  sens  de  la  Montagne. 
Il  siégea  au  Conseil  des  Cinq-Cents,  au  Conseil  des  Anciens, 
enfin  au  Tribunat  jusqu'en  1802.  Il  fut  ensuite  membre  du 
conseil  des  prises.  Proscrit  comme  régicide  en  1816,  il  ne 
rentra  en  France  qu'en  1830,  bien  qu'il  eût  été  rappelé 
dès  1818.  Ses  dernières  années  furent  consacrées  à  des 
recherches  dans  les  archives  de  la  Champagne.    F.-A.  A.v 

BiBL.  :  Emile  JoLiBois,  Notice  sur  P.-A.  Laloy;  Colmar, 
1846,  iti-8. 

LALUQUE.  Com.  du  dép.  des  Landes,  arr.  de  Saint- 
Sever,  cant.  (0.)  de  Tartas  ;  1,005  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  du  Midi,  ligne  de  Bordeaux  à  Rayonne.  Mines  de  lignite. 


LALUYE  —  LAMA  -  806 

LALUYÉ  (Léopold-Charles- Adolphe),  auteur  dramatique 
français,  né  à  Paris  le  9  juil.  4826.  Chef  du  bureau  des 
sciences  et  lettres  au  ministère  de  l'instruction  publique,  il 
fut  ensuite  attaché  au  secrétariat  de  l'Institut.  Citons  parmi 
ses  nombreuses  pièces  :  A?i  Printemps,  comédie  en  vers, 
jouée  à  rOdéon  (1854),  au  Théâtre-Français  (1865),  le 
Sansonnet  de  Sylvio  (1856),  comédie  en  trois  actes  ;  le 
Poème  de  Claude,  comédie  en  deux  actes  (Odéon,  1858)  ; 
Scapin  marié  {iSlQ);  Fleurissez-vous,  mesdames,  mo- 
nologue (1885)  ;  Par  la  Fenêtre  (1889) ,  etc. ,  et  un  volume 
de  Poésies  (Paris,  1872,  in-12). 

LA  LUZERNE  (César-Henri,  comte  de),  homme  d'Etat 
français,  né  à  Paris  le  23  févr.  1737,  mort  à  Bernau  (Au- 
triche) le  24  mars  1799.  Lieutenant  général,  il  fut  nommé 
en  1786  gouverneur  des  îles  Sous-le-Vent  et  devint  mi- 
nistre de  îa  marine  le  24  déc.  1787.  Renvoyé  avecNecker 
le  11  juil.  1789,  il  reprit  son  portefeuille  le  16  juil.  Vio- 
lemment attaqué  par  l'Assemblée  nationale,  il  démissionna 
le  23  oct.  1790.  Il  passa  en  Angleterre  en  1790  et,  inscrit 
sur  la  liste  des  émigrés,  passa  le  reste  de  sa  vie  en  Au- 
triche. On  a  de  lui  une  bonne  traduction  de  la  Retraite 
des  Dix  Mille  (Paris,  1786,  2  vol.  in-12)  et  Constitu- 
tion des  Athéniens  (Londres,  1793,  in-8). 

LA  LUZERNE  (César-Guillaume,  cardinal  de),  né  à 
Paris  en  1738,  mort  en  1821,  frère  du  précédent.  Il  était 
grand  vicaire  de  l'archevêque  de  Narbonne,  lorsqu'il  fut 
appelé  à  l'éveché  de  Langres  (1770).  Au  commencement 
de  la  Révolution,  il  se  montra  assez  favorable  aux  réformes 
et  il  fut  élu  deux  fois  président  de  l'Assemblée  nationale. 
Mais,  après  les  journées  des  5  et  6  juin  1789,  il  se  retira 
dans  son  diocèse.  Il  émigra  en  1791.  Revenu  à  Paris  en 
1814,  il  fut  nommé  pair  et  ministre  d'Etat;  en  1817,  il 
fut  créé  cardinal.  OEuvres  principales  :  Oraison  funèbre 
de  Louis  XV  (1774)  ;  Instruction  pastorale  sur  V excel- 
lence de  la  religion,  souvent  réimprimée  et  traduite  en 
italien  (Paris,  1786;  Langres,  1809;  Avignon,  1835); 
Instruction  sur  U administration  des  sacrements  (Be- 
sançon, 1786;  Paris,  1817  et  1835,  3  vol.  in-12);  Co^- 
sidérations  sur  divers  points  de  la  morale  chrétienne 
(Venise,  1795,  5  vol.;  Besançon,  1838,  2  vol.  in-8); 
Considérations  sur  la  déclaration  du  clergé  de  France 
en  i6S2  (Paris,  1821,  in-8);  Explication  des  évangiles 
des  dimanches  (4  vol.  in-12)  ;  OEuvres  complètes  (Petit- 
Montrouge,  1856,  6  vol.  gr.  in-8). 

LA  LUZERNE  (Anne-César  de),  diplomate  français,  né 
à  Paris  en  1741,  mort  à  Londres  le  14  sept.  1791,  frère 
des  précédents.  Chevau-léger,  aide  de  camp  du  maréchal 
de  Broglie,  il  abandonna  l'armée  pour  la  diplomatie  après 
être  parvenu  au  grade  de  colonel  des  grenadiers.  Envoyé 
extraordinaire  en  Bavière  (1776),  il  s'occupa  avec  infiniment 
d'habileté  et  de  finesse  de  l'afiaire  de  la  succession  de  l'élec- 
teur Maximilien-Joseph  et  fut  envoyé  en  1779  aux  Etats- 
Unis  où  il  prit  une  part  considérable  aux  négociations  avec 
FAngleterre.  Il  termina  sa  brillante  carrière  comme  am- 
bassadeur 3  Londres  (1788-91). 

LAMA  (V.  Bouddhisme,  §  Bouddhisme  tibétain). 

LAMA.  I.  Zoologie.  —  (Auchenia).  Genre  de  Mammi- 
fères ruminants  de  la  famille  des  Caméhdés  (V.  Chameau) 
qui  représente  ce  dernier  genre  en  Amérique.  On  peut  dé- 
finir les  Lamas  en  disant  que  ce  sont  des  Chameaux  sans 
bosses  et  d'une  taille  inférieure  à  celle  des  Chameaux  de 
l'ancien  continent.  Leur  dentition  est  assez  différente,  ne 
comprenant  que  32  dents  (au  lieu  de  34  à  38  dans  le  genre 
Camelus),  La  formule  chez  l'adulte  est  la  suivante: 

11  2        3 

i.  -,  c.  -,  pm.  ^,  m.  -  X2  ===  32  dents. 

En  outre,  la  première  prémolaire  inférieure  est  souvent 
caduque.  L'incisive  supérieure  et  les  canines  sout  très  pe- 
tites, surtout  les  supérieures,  et  manquent  chez  les  femelles; 
la  première  prémolaire  est  encore  plus  petite  et  la  seconde 
est  à  peine  plus  grande  ;  les  arrière-molaires  seules  sont 
bi'^n  développées.  Les  incisives  inférieures  et  les  arrière- 


molaires  sont  doncles  seules  dents  en  fonction  chez  Padulte. 
Le  crâne  présente  une  région  faciale  très  étroite  avec  des 
orbites  saillants.  Le  cou  est  très  long,  plus  droit  que  chez 
les  Chameaux,  et  la  queue  est  courte  ;  la  plante  du  pied  est 
fendue  et  non  réunie  par  une  sole  commune  comme  celle 
des  Chameaux.  Ces  animaux  sont  propres  à  la  chaîne  des 
Andes,  dans  l'Amérique  du  Sud,  et  s'étendent  du  N.  du 
Pérou  au  détroit  de  Magellan. 

On  admet  généralement  dans  ce  genre  quatre  espèces, 
dont  deux  seraient  sauvages  et  deux  domestiques.  Burmeis- 
ter,  qui  a  pu  étudier  les  Lamas  (prononcez  Llama  en 
mouillant  la  première  lettre  du  nom)  dans  leur  pays  natal, 
soutient  qu'il  n'existe  en  réalité  que  deux  espèces.  D'après 
lui,  le  GuANÂCO  (ou  i/t^a^zaco)  représente  la  souche  sauvage 
du  Lama  domestique  (Camelus  glama  L.),  et  la  Vigogne 
{Auchenia  vicunna)\  la  souche  sauvage  du  Paco  (ou  Al- 
paca)  domestique.  Nous  adoptons  cette  manière  de  voir 
qui  nous  paraît  fondée. 

Le  GuANAco  {Auchenia  glama  ou  A,guanaco)  est  la 
plus  grande  espèce,  atteignant  la  taille  de  notre  cerf  d'Eu- 


Lama  domestique  (Auchenia  glana). 

rope.  Ses  formes  sont  plus  élancées  et  plus  robustes  que 
celles  de  l'autre  espèce.  Son  pelage  long,  un  peu  laineux 
sur  le  corps,  plus  court  sur  les  membres,  est  d'un  rouge 
plus  ou  moins 
foncé  qui  passe 
au  blanc  sous 
le  ventre.  Il  vit 
à  l'état  sau- 
vage, par  pe- 
tites troupes  de 
cinq  à  dix  indi- 
vidus, dans  les 
Cordillères,  de- 
puis le  Haut- 
Pérou  jusque 
dans  le  S.  delà 
Patagonie ,  où 
on  le  trouve 
même  dans  les 
plaines.  A  l'O., 
il  s'étend  jus- 
qu'à Valdivia 
(Chih).  Les  In- 
diens le  chassent  avec  leurs  bolas  (lasso)  pour  se  nour- 
rir de  sa  chair  ;  la  peau  leur  sert  pour  faire  leurs  tentes 
et  leurs  vêtements.  —  Le  Lama  domestique  ne  diffère  du 


Tête  de  Lama  Guanaco. 


-807  - 


LAMA  -  LA  MADELÈNE 


Guanaco  que  par  sa  taille  un  peu  plus  forte  et  la  couleur 
de  son  pelage  :  il  est  généralement  de  couleur  blanche 
variée  de  noir  ou  de  roux,  quelquefois  tout  à  fait  noir,  avec 
les  poils  plus  courts  et  couchés.  Cet  animal,  domestiqué  de 
toute  antiquité  chez  les  anciens  Péruviens,  leur  fournissait 
sa  chair,  sa  peau  et  servait  surtout  de  bête  de  somme  pour 


Lama  Vigogne. 

traverser  les  montagnes.  De  là  les  callosités  gue  le  Lama 
domestique  porte,  comme  le  Chameau,  à  la  poitrine  et  à  la 
partie  antérieure  des  articulations  des  pattes.  Avant  l'in- 
troduction des  mulets  et  des  ânes,  tout  le  trafic  à  travers 
les  Andes  se  faisait  à  dos  de  Lama.  Chacun  de  ces  animaux 
peut  porter  une  charge  de  40  kilogr.  en  faisant  de  30  à 
40  kil.  par  jour.  Les  mâles  seuls  servaient  à  cet  usage. 
Les  caravanes,  formées  souvent  de  plusieurs  centaines  de 
têtes  sous  la  conduite  d'un  vieux  mâle  orné  d'un  harnais 
superbe  et  porteur  seulement  d'une  clochette  et  d'un  dra- 
peau, traversaient  les  gorges  les  plus  dangereuses  d'un 
pied  sûr  et  d'une  allure  régulière  et  tranquille,  en  se  sui- 
vant à  la  file  sous  la  surveillance  d'un  très  petit  nombre 
d'Indiens.  Ces  animaux  sont  assez  dociles,  mais,  quand  ils 
sont  irrités,  leurs  défenses  ressemblent  à  celles  du  Cha- 
meau :  ils  couchent 
les  oreilles  en  arrière 
et  crachent  à  la 
figure  de  leur  agres- 
seur. 

La  Vigogne  (i.w- 
CAinna)  est  plus  pe- 
tite que  le  Guanaco 
et  moins  élevée  sur 
jambes;  on  peut  la 
comparer  pour  la 
taille  à  notre  Daim 
d'Europe.  Ses  for- 
mes sont  plus  grêles 
etplus  élégantes  que 
celle  du  Lama.  Le 
pelage  plus  doux, 
plus  fin,  plus  court 
et  plus  ondulé  que  chez  celui-ci ,  est  d'un  roux  clair, 
plus  pâle  sur  la  tête  et  les  membres.  L'espèce  vit  sur 
les  hauts  plateaux  des  Andes  et  descend  beaucoup  moins 
dans  les  plaines  que  l'espèce  précédente.  Ces  animaux 
forment  des  bandes  de  six  à  quinze  têtes  sous  la  con- 
duite d'un  seul  mâle  qui  veille  à  la  sécurité  du  troupeau. 
Au  moindre  danger  il  pousse  un  sifflement  aigu  et  donne  le 
signal  de  la  fuite.  Leur  agilité  est  extrême,  au  moins  dans 
les  montagnes.  A  l'époque  de  la  reproduction,  les  mâles  se 
livrent  des  luttes  acharnées.  Les  Indiens  les  chassent  en 
tendant  une  longue  corde  de  manière  à  former  un  vaste 
enclos  ouvert  d'un  seul  côté  ;  des  étoffes  de  couleur  sus- 


Tête  de  Vigogne. 


pendues  à  cette  corde  et  que  le  vent  agite  suffisent  pour 
empêcher  les  Vigognes  de  s'échapper  une  fois  qu'on  les  a 
rabattues  dan^  l'enclos  ;  on  les  prend  alors  facilement  à 
l'aide  des  bolas.  Leur  chair  est  excellente  ;  le  poil  laineux 
est  tissé  ;  on  en  fait  des  couvertures  très  chaudes  et  d'une 
grande  finesse  et  des  chapeaux  mous.  On  a  essayé,  vers 
1827,  de  tondre  les  Vigognes  sans  les  tuer;  mais  on  y  a 
renoncé  à  cause  du  naturel  sauvage  de  l'animal.  On  a  pu 
cependant  en  élever  en  captivité. 

L'Alpaga  {Auchenia  paco)  était  le  mouton  des  anciens 
Péruviens,  de  même  que  le  Lama  leur  servait  d'âne  ou  de 
mulet.  Ils  utilisaient  de  toute  antiquité  sa  laine  pour  faire 
des  manteaux,  des  couvertures  et  des  tapis  que  l'on  teignait 
de  couleurs  vives.  Plus  bas  sur  jambes  que  la  Vigogne,  il 
dépasse  peu  la  taille  du  mouton  ;  son  pelage  est  long  et 
moelleux,  atteignant  jusqu'à  10  et  15  centim.  sur  les  flancs. 
La  couleur  est  blanche  ou  noire  ou  variée  de  ces  deux  teintes, 
quelquefois  marron.  Cette  laine  présente  des  qualités  de 
lustre  et  de  brillant  que  n'a  pas  celle  du  mouton  et  l'on  en 
fait  des  tissus  qui  portent  le  nom  de  l'animal  (V.  Alpaga). 
Le  Paco  forme  des  troupeaux  immenses  sur  les  hauts  pla- 
teaux du  Pérou  et  de  la  BoUvie,  vivant  dans  un  état  de 
demi-liberté  pendant  toute  l'année;  on  ne  les  réunit  près 
des  habitations  qu'à  l'époque  de  la  tonte.  C'est  de  l'Amé- 
rique du  Sud  que  proviennent  toutes  les  laines  utilisées  en 
Europe  ;  les  tentatives  faites  pour  acclimater  cette  espèce 
dans  notre  pays  n'ont  pas  encore  réussi.  Quelques  natura- 
listes admettent  que  cette  race  domestique  dérive,  comme 
le  Lama,  du  Guanaco  et  non  de  la  Vigogne,  en  se  fondant 
sur  la  forme  du  crâne  et  la  i)résence  de  callosités  aux  mem- 
bres antérieurs.  —  Il  a  existé  autrefois  en  Amérique  des 
Lamas  d'une  taille  supérieure  à  celle  des  espèces  vivantes 
et  comparable  à  celle  du  Chameau  ;  tels  sont  le  Palauche- 
nia  magna  et  V lîolomeniscus  hesterna  du  quaternaire 
du  Mexique.  Les  ossements  des  espèces  actuelles  se  trouvent 
dans  les  cavernes  quaternaires  du  Brésil.  E.  Trouessart. 
IL  Paléontologie  (V.  Chameau), 
BiBL.:  V.  Chameau,  Ruminants  et  Mammifères. 

LAMA.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Corse,  arr.  de 
Bastia;  544  hab. 

LAMACHUS,  fils  de  Xénophane,  général  athénien.  Il  re- 
chassa de  Sinope  le  tyran  Timésilaos.  Collègue  d'Alcibiade 
et  de  Nicias  dans  l'expédition  de  Sicile,  c'est  lui  qui  fit  dé- 
cider l'attaque  immédiate  de  Syracuse.  Il  périt  dans  une 
embuscade  l'année  suivante.  Aristophane  le  présente  comme 
le  type  du  soldat  passionné  pour  la  guerre  et  pour  sa  solde. 
Plutarque  le  peint  comme  un  homme  très  brave,  honnête 
et  pauvre. 

LA  MADELENE  (Jules-François-Elzéar  de  Collet,  ba- 
ron de),  littérateur  français,  né  à  Versailles  en  1820, 
d'une  famille  originaire  du  Comtat,  mort  à  Carpentras  le 
5nov.  4859.  Collaborateur  dès  1842  de  h  Revue  du 
Comtat  publiée  à  Avignon,  il  vint  à  Paris  deux  ans  plus 
tard  et  publia  dans  la  Revue  indépendante  de  Pierre  Le- 
roux un  certain  nombre  de  poésies  et  de  nouvelles.  En 
1848,  il  posa  sans  succès  sa  candidature  dans  le  dép.  de 
Vaucluse  oii  il  avait  été  envoyé  en  qualité  de  commissaire 
du  gouvernement  provisoire,  et  renonça  à  la  politique.  Une 
mort  prématurée  ne  lui  permit  d'écrire  qu'un  petit  nombre 
de  romans  très  goûtés  des  délicats  :  les  Aines  en  peine 
(1857,  in-18),  recueil  de  nouvelles  publiées  dans  la  Re- 
vue indépendante  et  ailleurs  ;  le  Marquis  des  Saff'ras 
(1859,  in-18,  réimpr.,1 879,  in-1 6,  portrait,  dans  la  Petite 
Bibliothèque  littéraire);  Brigitte^  le  Comte  Alqhiera 
(1861,  in-1 8).^ 

LA  MADELÈNE  (Joseph-Henri  de  Collet,  baron  de), 
littérateur  français,  né  à  Toulouse  le  10  déc.  1825,  mort 
à  La  Madelène  (Vaucluse)  lel®"^  oct.  1887,  frère  du  pré- 
cédent. Après  avoir  débuté  dans  la  presse  provinciale,  il 
vint  à  Paris  et  publia  successivement  un  premier  roman  : 
Souvenir  d'Asnières.^F^  de  Fontanges  (1852,  in-18), 
signé  A.  d'Augeroiles,  puis  sous  son  véritable  nom  :  le 
Salon  de  J85S  (in-1 6);  Germain  Barbe  Bleue,  his- 


LA  MADELÈNE    —  LAMANTIN 


-  808 


toiî^e  édifiante  (1855,  in-3'2);  le  Comte  Gaston  de 
Raousset-Boulbon  (1856,  in-8);  Eugène  Delacroix  à 
r exposition  du  boulevard  des  Italiens  (1864,  gr.  in-8, 
pL);  fit  représenter,  avec  Jules  Viard,  Frontin  malade 
(Odéon,  4889),  comédie  en  un  acte  et  en  vers,  collabora 
au  Figaro  bi-hebdomadaire,  prit  part  à  la  fondation  du 
Monde  illustré  et  dirigea  la  Revue  de  Paris  (1861). 
Après  s'être  occupé  sans  succès  d'affaires  industrielles,  il 
donna  de  nouveau  aux  lettres  les  rares  moments  de  répit 
que  lui  laissait  une  santé  de  plus  en  plus  compromise. 
C'est  de  cette  seconde  période  que  datent  les  volumes  sui- 
vants comprenant  des  œuvres  anciennes  et  nouvelles  :  les 
Amours  d'Àsnières  (1874,  in-18);  Contes  comtadins 
(I874,in-18);  la  Rédemption  d'Olivia  (1874,  in-18); 
Silex,  suivi  de  VAmi  d'une  heure  (1875,  in-18).  M.  Tx. 
LAMA6UÈRE.  Corn,  du  dép.  du  Gers,  arr.  d'Aucb, 
cant,  de  Saramon  ;  139  hab. 

LAIWAIDS.  Com.  du  dép.  de  l'Allier,  arr.  et  cant.  de 
Montluçon  ;  423  hab. 

LA  MAI LLARDI  ÈRE  (Charles-François Lefèvre,  vicomte 
de),  littérateur  français,  mort  vers  1804.  Lieutenant  du 
roi  au  gouvernement  de  Picardie.  Ouvrages  principaux  : 
Précis  du  droit  des  gens,  de  la  guerre,  de  la  paix  et 
des  ambassades  (PaiVis,  1775,  in-12);  Abrégé  des  prin- 
cipaux traités  conclus  depuis  le  xiv®  siècle  (1779, 
2  vol.  in-12);  le  Produit  et  le  droit  des  communes 
(1782,  in-8)  ;  Histoire  politique  de  V Allemagne  {{111 , 
in-12);  Conquête  de  l'Angleterre  (s.  1.  n.  d.,  in-8); 
Traité  d'économie  politique  (1800,  3  vol.  in-8). 

LAMAIRE.  Com.  du  dép,  des  Deux-Sèvres,  arr.  dePar- 
thenay,  cant.  de  Saint-Loup  ;  336  hab. 

LAMAÏSME  (V.  Bouddhisme,  §  Bouddhisme  tibétain). 
LA  MALLE  (Dureâu  de)  (V.  Bureau  de  La  Malle). 
LAMALOU  (Le).  Rivière  du  dép.  de  V Hérault  (Y.  ce 
mot,  t.  XIX,  p.  4141). 

LAMALOU-les-Bains.  Com.  du  dép.  de  l'Hérault,  arr. 
de  Béziers,  cant.  de  Saint-Gervais  ;  737  hab.  Slat.  du 
chem.  de  fer  du  Midi.  Ligne  de  Bédarieux  à  Castres. 

Eaux  minérales.  — Ces  eaux,  bicarbonatées  sodiqueset 
calciques  moyennes,  ferrugineuses  faibles,  arsenicales, 
carboniques  fortes,  moyennes  ou  faibles,  généralement 
chaudes  (une  seule  source  sur  une  douzaine  est  athermale  ; 
la  température  des  autres  varie  de  17*^  à  30°  C),  s'em- 
ploient en  boisson,  bains,  douches  d'eau  et  de  gaz.  Elles 
sont  toniques  et  reconstituantes,  excitent  l'appétit  et  régu- 
larisent les  digestions,  etc.  Elles  sont  utiles  dans  la  dys- 
pepsie, l'anémie  et  la  chlorose,  le  rhumatisme,  la  goutte, 
la  gravelle,  les  paralysies  et  les  paraplégies,  l'hystérie  et 
l'épilepsie,  la  chorée  et  la  catalepsie,  le  tabès  dorsal,  etc. 
LAMANA6E.  On  entend  par  lamanage  les  salaires  dus 
aux  pilotes  spéciaux  qui  guident  les  navires  à  l'entrée  et 
à  la  sortie  des  ports.  Les  droits  de  lamanage  ne  sont  pas 
des  avaries,  mais  des  frais  ordinaires  de  navigation.  Le 
fréteur  doit  donc  les  supporter  sur  son  fret.  Cette  règle 
reçoit  exception  lorsque  le  navire  est  obligé  d'entrer  dans 
un  port  où  il  ne  devait  pas  relâcher,  pour  échapper  par 
exemple  à  la  tempête  ou  à  la  poursuite  de  l'ennemi.  Il 
peut  aussi  y  être  dérogé  par  des  conventions  particulières. 
En  pratique,  on  trouve  fréquemment  dans  les  chartes-par- 
ties ou  dans  les  connaissements  une  clause  mettant  pour 
une  part  à  la  charge  des  marchandises  les  frais  de  lama- 
nage et  autres  frais  de  navigation  énumérés  par  l'art.  406 
C.  comm.  ^  Lyonnel  Didierjean. 

LAMANÈRE.  Com.  du  dép.  des  Pyrénées-Orientales,  arr. 
de  Céret,  cant.  de  Prats- de-Mol lo,  à  la  frontière  d'Es- 
pagne; 451  hab.  Mines  abandonnées  de  plomb,  cuivre  et 
argent.  Fabriques  d'espadrilles,  de  cercles  et  de  charbon 
de  bois.  Ruines  du  château  féodal  de  Cabrenc  (xi®  siècle). 
LÀMANEUR(Mar.)  (V.  Pilote). 
LAMANON.  Com.  du  dép.  des  Bouches-du-Rhône,  arr. 
d'Arles,  cant.  d'Eyguières,  sur  le  canal  de  Craponne; 
433  hab.  Stat,  du  chem.  de  fer  de  Miramas  à  Cavaillon. 


Grottes  préhistoriques  de  Calés  dans  les  environs.  Intéres- 
sant château  du  moyen  âge.  J.  M. 

LAMANON  (Bertran  de),  troubadour  du  xiii^  siècle.  Il 
appartenait  à  une  noble  famille  provençale  qui  tirait  son 
nom  du  village  de  Lamanon,  autrefois  Alamanon,  dans  les 
Bouches-du-Rhône.  Nous  le  voyons  auprès  du  comte  de 
Provence,  Raymond  Bérenger  IV,  dès  1235,  et  il  paraît 
avoir  été  en  faveur  aussi  auprès  de  son  gendre  et  succes- 
seur, Charles  d'Anjou.  On  suppose  qu'il  prit  part  avec  ce 
dernier  à  la  conquête  du  royaume  des  Deux-Siciles  (1265)  ; 
toutefois,  les  derniers  documents  qui  mentionnent  Bertran 
de  Lamanon  s'arrêtent  à  l'année  1260.  L'œuvre  de  La- 
manon se  compose  d'une  vingtaine  de  pièces  lyriques,  parmi 
lesquelles  beaucoup  de  tensons  échangées  avec  d'autres 
troubadours,  notamment  avec  Guillem  Augier,  Granet  et 
Sordel,  Elles  se  trouvent  dispersées  dans  les  recueils  de 
Raynouard  et  de  Mahn  ;  plusieurs  sont  encore  inédites.  — 
Bastero,  Raynouard  et  les  auteurs  de  VHistoire  littéraire 
de  la  France,  induits  en  erreur  par  Nostredame,  ont  cru 
à  tort  à  l'existence  de  deux  troubadours  distincts  du  nom 
de  Bertran  de  Lamanon.  AnL  T. 

LAMANSKY  (Vladimir-Ivanovitch),  savant  russe,  né  à 
Pétersbourg  en  1833.  Il  fit  ses  études  à  Pétersbourg, 
voyagea  dans  les  pays  slaves  et  fut  nommé  professeur  de 
langues  slaves  à  l'université  de  cette  ville.  Ses  principales 
publications  sont  :  les  Slaves  en  Asie  Mineure,  en  Afrique 
et  en  Espagne  (Saint-Pétersbourg,  1859)  ;  le  Serbie  et  les 
Slaves  méridionaux  en  Autriche  (1864);  V Etude  his- 
torique du  monde  gréco-slave  (1874);  la  Langue  et  la 
Littérature  des  Bulgares;  Secrets  d'Etat  de  Venise 
(4884).  11  a  collaboré  à  un  grand  nombre  de  recueils  scien- 
tifiques et  joué  un  rôle  considérable  dans  la  Société  de  bien- 
faisance slave  de  Saint-Pétersbourg.  Il  a  fondé  en  4890  une 
revue  intitulée  r  Antiquité  vivante.  En  4  883  ses  élèves,  à 
l'occasion  du  vingt-cinquième  anniversaire  de  son  ensei- 
gnement, ont  publié  un  Recueil  d'études  sur  le  monde  slave 
(Sbornik).  Ce  recueil  est  précédé  d'une  bibliographie  dé- 
taillée de  l'œuvre  du  maître.  L.  L. 

LA  MANTIA  (Vito),  historien  et  jurisconsulte  italien,  né 
à  Cerda,  province  de  Palerme,  le  7  nov.  4822.  A  partir  de 
4843  il  s'est  consacré  aux  études  de  droit.  Parmi  ses  pu- 
blications, nous  citerons  :  Storia  délia  legislazione  civile 
ecriminalein  Sicilia (iSoS-od)  et  un  ouvrage  très  impor- 
tant, Storia  délia  legislazione  civile  e  criminale  di  Sici- 
lia,  comparata  con  leggi  italiane  eskaniere  dai  tempi 
antichi  ai  presenti  (4868-74).  Il  a  publié  encore  de  très 
nombreux  ouvrages  de  jurisprudence  ;  nous  citerons  ;  OîH- 
ginie  vicende  degli  Statutti  di  Roma  (4879)  ;  Diritto 
civile  siciliano  esposto  secondo  Vordine  del  codice  ita- 
liano  (4883-88).  —  Son  fils  aîné,  Francesco-Giuseppe, 
a  continué  son  œuvre  et  publié  dans  le  même  ordre  :  Edi- 
zioni  estudii  di  stalutiitaliani  nel  secoloXIX  (4888). 
Son  fils  puîné  s'est  aussi  occupé  des  mêmes  études. 

LAMANTIN.  I.  Zoologie.  —  (Manatus).  Genre  de 
Mammifères  de  l'ordre  des  Siréniens  (V.  ce  mot),  compre- 
nant des  animaux  aquatiques  et  pisciformes,  dont  le  canal 
intestinal  et  le  système  dentaire  sont  adaptés  à  un  régime 
exclusivement  végétal.  Par  la  forme  du  corps  ces  Mammifères 
forment  la  transition  des  Phoques,  ou  Pinnipèdes,  aux 
Cétacés  près  desquels  on  les  classait  autrefois  sous  le  nom 
de  Cétacés  herbivores.  Comme  les  véritables  Cétacés,  ils 
ont  les  membres  antérieurs  en  forme  de  nageoires  et  les 
membres  postérieurs  atrophiés,  enveloppés  dans  la  nageoire 
caudale  ;  il  n'existe  jamais  de  nageoire  dorsale  ni  d'évent. 
Les  dents  ressemblent  à  celles  des  herbivores  terrestres, 
notamment  à  celles  des  Tapirs  et  des  Kangourous.  Le  genre 
type  (Manatus),  qui  représente  à  lui  seul  la  famille  des 
Manàtidœ,  présente  les  caractères  suivants.  La  formule 
dentaire  complète  est  représentée  par  la  formule  : 


1.  -,  c.    r,  m.  ^    X   2  : 


0' 


44 


52  dents, 


mais  ces  dents  ne  sont  jamais  présentes  simultanément  dans 


-  809  - 


LAMANTIN 


les  mâchoires.  Les  incisives  sont  rudimentaires,  cachées 
sous  une  plaque  cornée  qui  protège  la  partie  antérieure 
des  gencives,  et  s'atrophient  chez  l'adulte.  On  trouve  rare- 
ment plus  de  six  paires  de  molaires  fonctionnant  à  la  fois 
dans  chaque  mâchoire,  les  dents  antérieures  tombant  avant 
que  les  postérieures  soient  assez  développées  pour  être  uti- 
lisées; elles  sont  toutes  semblables,  à  couronne  carrée, 
présentant  des  collines  tuberculeuses  transverses  qui  s'usent 
par  le  frottement.  A  la  mâchoire  supérieure  ces  dents  ont 
trois  collines  et  trois  racines  ;  à  l'inférieure,  elles  présentent 
une  petite  colline  additionnelle  (talon),  mais  n'ont  que  deux 
racines.  11  n'existe  que  six  vertèbres  cervicales  (au  lieu  de 
sept,  comme  c'est  la  règle  chez  les  Mammifères).  Le  crâne 
présente  une  forme  tout  à  fait  spéciale,  surtout  dans  sa 
partie  faciale,  les  deux  mâchoires  étant  largement  séparées 
à  leur  extrémité  antérieure  dépourvue  de  dents.  Il  n'existe 
que  des  rudiments  de  griffes  aux  pattes  antérieures  ;  la 
queue  est  ovale  ou  en  forme  de  pelle.  La  tête  est  ronde,  le 
museau  large,  tronqué,  est  muni  de  lèvres  très  extensibles  ; 
les  yeux  sont  très  petits  et  la  conque  de  l'oreille  fait  dé- 
faut. Le  corps  est  en  forme  de  sac,  sans  cou  distinct.  Les 
mamelles  sont  pectorales,  et  c'est  à  cette  particularité  que 
l'on  attribue  l'origine  de  la  fable  des  Sirènes  dont  parlent 
les  écrivains  de  l'antiquité.  L'estomac  est  compliqué  et  il 
existe  un  caecum  bifide.  La  peau  qui  semble,  au  premier 
abord,  nue  et  plissée,  est  en  réalité  couverte  de  poils  très 
fins,  visibles  surtout  chez  le  jeune,  et  les  lèvres  supérieure 
et  inférieure  portent  de  courtes  moustaches. 

Les  Lamantins  habitent  l'embouchure  des  grands  fleuves 
de  TAtlantique  situés  entre  les  tropiques  :  ils  sont  plutôt 
d'eau  douce  que  marins,  remontant  ces  fleuves  presque 
jusqu'à  leur  source,  et  s' éloignant  peu  des  côtes.  Malgré 
leur  respiration  pulmonaire,  ils  ne  viennent  jamais  volon- 
tairement à  terre,  mais  se  tiennent  sur  les  hauts-fonds  où 
croissent  les  algues  et  les  herbes  aquatiques  dont  ils  se 
nourrissent,  et  qu'ils  paissent  toujours  sous  l'eau.  Ce  sont 
des  animaux  à  mouvements  assez  lents,  qui  se  plaisent 
surtout  dans  les  eaux  tranquilles  des  baies  et  des  lagunes 
où  ils  se  reposent  en  se  tenant  le  corps  arqué,  appuyés  sur 
l'extrémité  de  leur  queue,  se  mouvant  à  l'aide  de  leurs 
membres  antérieurs,  et  soulevant  le  sommet  de  leur  tête 
au-dessus  de  la  surface,  toutes  les  deux  ou  trois  minutes, 
pour  respirer.  Un  individu  qui  a  vécu  quelque  temps  en 
captivité  à  l'aquarium  de  Brighton  (Angleterre)  a  permis 
d'étudier  de  plus  près  leur  manière  de  vivre.  Les  membres 
antérieurs  sont  beaucoup  plus  mobiles  qu'on  n'est  tenté  de 
le  supposer  au  premier  abord  ;  ils  s'en  servent  comme  de 
mains  pour  porter  leur  nourriture  à  leur  bouche,  et  les 
femelles  s'en  servent  également  pour  serrer  leur  petit 
contre  leurs  mamelles.  La  lèvre  supérieure,  très  exten- 
sible dans  ses  parties  latérales,  sert  à  saisir  les  feuilles 
dont  ils  se  nourrissent,  sans  l'aide  de  la  lèvre  inférieure 
qui  reste  à  peu  près  inactive,  et  l'on  a  comparé  ces  mou- 
vements de  la  bouche  à  ceux  du  ver  à  soie  ou  de  la  plu- 
part des  chenilles.  On  ne  leur  a  jamais  entendu  émettre 
aucun  son. 

L'espèce  type  du  genre,  le  Lamantin  d'Amérique  {Mana- 
tus  americanus),  s'étend  depuis  la  Floride  jusqu'au  Brésil, 
le  long  de  la  côte  orientale  de  l'Amérique  chaude  jusqu'au 
20^  de  lat.  S.,  et  dans  la  mer  des  Antilles.  C'est  un  ani- 
mal de  2  m.  à  2°^50  de  long  et  d'un  gris  jaunâtre  uni- 
forme. Au  Brésil,  il  remonte  les  fleuves  presque  jusqu'à 
leur  source.  Les  M.  latirostris  et  M.  australis  n'en  dif- 
fèrent probablement  pas.  Le  Manatus  inunguis  est  une 
espèce  plus  distincte  qui  semble  spéciale  à  l'Amazone  et  à 
rOrénoque.  Les  Indiens  recherchent  la  chair  et  la  graisse 
de  ces  animaux  et  leur  font  une  chasse  assidue,  mais  son 
goût  huileux  répugne  aux  estomacs  européens.  La  peau  et 
l'huile  sont  considérées  comme  un  remède  populaire  contre 
le  rhumatisme. 

Le  Lamantin  du  Sénèga^l  (Manatus  senegalensis)  diiïère 
du  précédent  surtout  par  la  forme  de  son  crâne,  à  partie 
faciale  plus  courte  et  à  orbites  plus  petits,  la  région  fron- 


tale étant  plate  et  non  bombée.  La  taille  est  supérieure  à 
celle  des  espèces  américaines.  Cette  espèce  orientale  habite 
les  estuaires  et  les  fleuves  de  l'Afrique  intertropicale,  du 


Lamantin  (Manatus  americanus). 

46<>  de  lat.  N.  au  10°  de  lat.  S.,  remontant  dans  l'intérieur 
jusqu'au  lac  Tchad,  et  même,  d'après  Schweinfurlh,  jusqu'à 
la  rivière  Keebaly,  par  27^*  de  long.  E. 

Les  Dugongs  (Halicore),  dont  on  fait  une  famille  à  part 
{Halicoridœ),  sont  des  Lamantins  dont  la  mâchoire  supé- 
rieure porte  une  paire  d'incisives  grandes  et  fortes,  en 
forme  de  défenses,  et  partiellement  recouvertes  d'émail, 
atteignant  près  de  20  centim.  de  long,  mais  dont  la  pointe 
seule  dépasse  la  gencive,  chez  le  mâle.  Chez  la  femelle  ces 
incisives  restent  toujours  cachées  et  s'atrophient  bientôt.  Le 
jeune  porte  en  outre  une  seconde  paire  d'incisives  caduques. 
La  mandibule  inférieure  est  recouverte,  en  avant,  d'une 
plaque  cornée  sous  laquelle  on  trouve  quatre  paires  de 
petites  dents  coniques,  insérées  dans  de  larges  alvéoles, 
et  qui  s'atrophient  chez  l'adulte.  Les  molaires,  au  nombre 
de  cinq  ou  six  paires  à  chaque  mâchoire,  ne  servent  que 
successivement,  les  antérieures  étant  usées  avant  que  les 
postérieures  soient  poussées  :  elles  sont  uniradiculées  et 
de  forme  cylindrique,  sauf  la  dernière  qui  est  comprimée 
et  bilobée,  à  pulpe  persistante,  et  dépourvues  d'émail,  les 
tubercules  de  leur  couronne  s'usant  rapidement  par  le  frot- 
tement. Le  crâne  est  remarquable  par  le  grand  développe- 
ment des  intermaxillaires  qui  sont  presque  à  angle  droit  avec 
les  maxillaires  et  la  ligne  du  front.  Le  museau  est  large, 
tronqué,  avec  une  bouche  située  en  dessous  et  des  lèvres 
munies  de  soies  courtes  et  fortes.  La  queue  est  échancrée 
entre  deux  lobes  triangulaires.  Il  n'existe  pas  d'ongles  aux 
pattes  antérieures.  Le  cœcum  est  simple.  Ces  animaux, 
qui  représentent  les  Lamantins  dans  la  mer  des  Indes,  ont 
des  habitudes  plus  franchement  marines  et  se  nourrissent 
des  algues  qui  poussent  sur  les  récifs.  On  les  trouve  depuis 
la  mer  Rouge  et  la  cote  orientale  d'Afrique  jusqu'à  Ceylan, 
les  îles  de  la  baie  du  Bengale,  l'archipel  Malais,  les  Phi- 
lippines et  la  côte  N.  de  l'Australie  (iles  du  détroit  de  Tor- 
rès),  de  Moreton  Bay  à  l'O.  à  Barrow  Reefs  à  l'E.  On  en 
a  distingué  trois  espèces,  dont  les  caractères  n'ont  rien  de 
précis  :  H.  tabernaculi  de  la  mer  Rouge  (à  laquelle  on 
peut  rapporter  les  Sirènes  des  anciens)  ,'/f.  dugong  de  la 
mer  du  Bengale  et  H,  australis  d'Australie.  On  dit  que 
la  taille  de  ces  animaux  atteint  6  m.  de  long  chez  l'adulte, 
mais  on  en  voit  rarement  ayant  plus  de  3  m.  La  variété 
des  côtes  d'Australie  a  été  récemment  l'objet  d'une  pêche 
régulière  en  raison  de  son  huile  qui  est  remarquablement 
claire  et  limpide,  et  que  l'on  prétend  jouir  des  mêmes  pro- 
priétés médicinales  que  l'huile  de  foie  de  morue. 

Les  Rhytines  qui  constituent  une  troisième  famille  (Hhy- 
tinidœ)  sont  éteints  depuis  plus  d'un  siècle.  La  seule  es- 
pèce connue,  le  Rhytine  de  Steller  {Rhytina  Stelleri), 
vivait  dans  le  N.  du  Pacifique,  particulièrement  dans  la 
mer  de  Behring,  et  atteignait  une  taille  supérieure  à  celle 
des  autres  Siréniens  (7  à  8  m.).  Les  formes  étaient  plus 
élancées,  la  tête  surtout  relativement  plus  petite  que  dans 


LAMANTIN  —  LAMARCR 


-  840  - 


les  deux  autres  genres  ;  la  queue  était  en  forme  de  crois- 
sant et  les  nageoires  petites  et  tronquées.  Les  dents,  com- 
plètement atrophiées,  étaient  remplacées  par  des  plaques 
cornées.  La  peau  nue  était  recouverte  d'un  épidémie  rude 
et  rugueux  comme  une  écorce.  L'estomac  était  dépourvu 
d'appendices  pyloriques  et  le  cœcum  simple.  A  l'époque 
du  voyage  de  Behring  et  de  Steller  (1741),  ces  grands  Si- 
réniens étaient  très  abondants  sur  les  côtes  des  îles  de 
Behring  où  ils  se  nourrissaient  des  frondes  des  laminaires  ; 
mais  ils  furent  hientùt  exterminés  par  les  chasseurs  russes 
qui  recherchaient  leur  chair  et  leur  graisse.  Moins  de  trente 
ans  après  (1768),  l'espèce  était  devenue  rare.  On  ne  la 
connaît  plus  que  par  ses  ossements  qui  se  trouvent  encore 
assez  communément  sur  les  côtes  de  ces  îles  et  par  la  des- 
cription et  les  figures  qu'en  a  donnée  Steller  d'après  l'ani- 
mal vivant. 

II.  Paléontologie.  —  A  l'époque  tertiaire,  il  existait 
des  Siréniens  dans  les  mers  de  ce  qui  est  actuellement 
l'Europe.  On  trouve  des  ossements  de  ces  animaux  dans  le 
miocène  et  le  pliocène  de  la  France,  de  la  Belgique,  etc. 
Le  genre  Ealitherium  (type  de  la  famille  des  Halithe- 
ridœ)  était,  par  sa  dentition,  intermédiaire  aux  Lamantins 
et  aux  Dugongs,  tout  en  présentant  des  caractères  particu- 
liers :  ainsi  les  membres  postérieurs  étaient  moins  atro- 
phiés que  chez  les  Siréniens  actuels,  et  les  os  nasaux 
étaient  plus  développés.  On  a  trouvé  de  ces  animaux  jusque 
dans  le  red  crag  d'Angleterre.  Les  genres  Prohalicore 
(pliocène  de  France),  Desmostylus  et  Dioplotherium  (du 
tertiaire  de  l'Amérique  du  Nord),  Crassitherium,  Rytio- 
dus  (d'Europe),  etc.,  ont  été  rapportés  au  même  groupe. 
Les  genres  Prorastomus  (du  tertiaire  de  la  Jamaïque), 
Eotherium  (du  nummulitique  d'Egypte),  sont  encore  mal 
connus  (V.  Siréniens).  E.  Trouessart. 

LAMARCHE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  des  Vosges,  arr. 
de  Neufchâteau  ;  1,631  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  l'Est. 

LAiVIARCHE-EN-WoËvRE.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse, 
arr.  de  Commercy,  cant.  de  Vigneulles  ;  43  hab. 

LAMARCHE-sur-Saône.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or, 
arr.  de  Dijon,  cant.  de  Pontailler;  1,424  hab.  Stat.  du 
chem.  de  fer  P.-L.-M.,  ligne  de  Paris  à  Gray. 

LA  MARCHE  (Comtes  de)  (V.  Marche). 

LA  MARCHE  (Olivier  de)  (V.  Marche  [De  La]). 

LA  MARCHE  (François-Joseph  Drouot  de),  général 
français,  né  à  Wiche  (Vosges)  le  14  juil.  1733,  mort  à 
Epinal  le  18  mai  1814.  Il  entra  au  service  comme  simple 
soldat  dans  un  régiment  de  dragons  en  17r)l  et  gagna  sa 
première  épaulette  en  Allemagne  pendant  la  guerre  de 
Sept  ans.  Lieutenant-colonel  quand  la  Révolution  éclata, 
il  servit  sous  Dumouriez  pendant  la  campagne  de  1792. 
Général  de  division  en  1793,  il  succéda  au  général  en  chef 
Dampierre  qui  avait  été  tué  près  de  Vaienciennes.  La  Marche 
trouvant  à  juste  titre  la  succession  trop  lourde  dans  un 
pareil  moment,  demanda  avec  instance  d'être  relevé  de 
son  commandement  ;  il  fut  alors  envoyé  en  sous-ordre  à 
l'armée  des  Ardennes  que  commandait  Custine.  A  la  suite 
de  quelques  dissentiments  qu'il  eut  avec  le  représentant  du 
peuple  Levasseur,  le  général  La  Marche  obtint  d'être  mis 
en  disponibilité  ;  il  n'eut  alors  qu'un  rôle  très  effacé  sous 
l'Empire  où  il  ne  fut  plus  employé  qu'à  des  commandements 
territoriaux.  En  1808  il  prit  définitivement  sa  retraite. 

LA  MARCK  (V.  Bouillon  [Ducs  de]). 

LA  MARCK  (Auguste-Marie-Raymond,  prince  d^AREN- 
BERG,  comte  de)  (V.  Arenberg). 

LAMARCK  (Jean 'Baptiste-Pierre-Antoine  deMonet  de), 
célèbre  naturaliste  français,  né  à  Barentin,  en  Picardie,  le 
l^r  août  1744,  mort  à  Paris  le  18  déc.  1829.  Huitième 
enfant  d'une  famille  noble,  originaire  du  Béarn,  il  fut 
destiné  par  son  père  à  l'état  ecclésiastique  et  élevé  dans 
ce  but  à  l'école  des  jésuites  d'Amiens.  Il  avait  seize  ans, 
lorsque  son  père  vint  à  mourir  ;  il  choisit  alors  la  carrière 
militaire  et  rejoignit  en  Hanovre  l'armée  du  maréchal  de 
Broglie  ;  dès  le  premier  jour,  à  la  bataille  de  Jillingshau- 
sen,  il  se  distingua  par  une  action  d'éclat  et  fut  nommé 


officier  sur  le  champ  de  bataille  ;  il  servit  jusqu'à  la  fin  de 
la  guerre  de  Sept  ans  (1763).  La  vie  de  garnison  ne  lui 
convenant  pas,  il  quitta  le  service  militaire  et  vint  à  Paris 
dans  le  but  d'étudier  la  médecine.  Logé  dans  une  petite 
mansarde,  «  plus  haut  qu'il  n'aurait  voulu  »,  il  fut  admi- 
rablement placé  pour  faire  des  observations  météorolo- 
giques, dont  le  fruit  a  été  un  mémoire  Sur  les  Vapeurs 
de  l'atmosphère,  son  début  dans  la  carrière  scientifique 
et  qui  fut  l'objet  d'un  rapport  favorable  à  l'Académie  des 
sciences  (1776).  A  cette  époque,  les  herborisations  étaient 
fort  à  la  mode  et  chacun  pouvait  arriver  à  découvrir  le 
nom  d'une  plante  au  moyen  du  système  de  Linné.  Lamarck 
chercha  à  simplifier  le  procédé  de  la  détermination  des 
plantes  et  imagina  la  méthode  analytique  ou  dichotomique 
qui  est  encore  en  usage  aujourd'hui.  Il  appliqua  cette 
méthode  à  l'ensemble  des  plantes  de  la  France  et  publia 
un  ouvrage  qui  répondait  réellement  à  un  besoin  de 
l'époque  :  Flore  française  ou  Description  succincte  de 
toutes  les  plantes  qui  croissent  naturellement  en 
France  (Paris,  1778  et  1795,  in-8).  Il  se  préoccupa 
beaucoup  aussi  de  la  méthode  naturelle  de  classification 
des  plantes,  mais  la  gloire  de  résoudre  ce  difficile  problème 
était  réservée  à  A.-L.  de  Jussieu. 

La  Flore  française,  du  reste  imprimée  aux  frais  du 
gouvernement,  sur  la  proposition  de  Buff'on,  ouvrit  à 
Lamarck  les  portes  de  l'Académie  des  sciences,  où  il  entra 
en  1779,  à  l'âge  de  trente-huit  ans.  Peu  après,  il  fut 
chargé  de  la  mission  d'aller  à  l'étranger  visiter  les  musées 
et  les  jardins  de  botanique  ;  c'est  ainsi  qu'il  visita  la  Hol- 
lande et  FAllemagne  et  trouva  l'occasion  de  se  mettre  en 
rapport  avec  des  botanistes  éminents,  tels  que  Gleditsch, 
Murrayet  Jacquin.  A  son  retour,  on  lui  confia  la  rédaction 
du  Dictionnaire  de  botanique  de  V Encyclopédie  métho- 
dique (1785),  ouvrage  en  15  volumes  écrit  par  lui  en 
grande  partie,  et  où  se  trouvaient  décrites  un  grand  nombre 
de  plantes  contenues  dans  les  herbiers  du  Muséum  et  qui 
provenaient  des  nombreux  voyages  scientifiques  du  siècle 
dernier.  A  la  mort  de  Buffon,  en  1788,  Lamarck  entra  au 
Jardin  des  plantes  comme  adjoint  de  Daubenton  pour  la 
garde  du  cabinet  du  roi.  La  Révolution  vint  modifier  con- 
sidérablement la  situation  de  Lamarck  et  changea  la  direc- 
tion de  ses  travaux.  Le  décret  de  la  Convention  (10  juin 
1793),  qui  réorganisa  le  Jardin  des  plantes,  créa  deux 
chaires  de  zoologie,  dont  l'une  fut  confiée  à  Geoff'roy  Saint- 
Hilaire,  qui  ne  s'était  encore  occupé  que  de  minéralogie, 
et  l'autre  à  Lamarck  qui  était  exclusivement  botaniste  ; 
Geoff'roy  Saint-Hilaire  fut  chargé  de  l'histoire  des  animaux 
vertébrés,  Lamarck  de  celle  des  animaux  sans  vertèbres. 
Ce  dernier  n'avait  que  quelques  notions  de  conchyologie 
qu'il  avait  acquises  pour  faire  plaisir  à  son  ami  Bruguières; 
il  ouvrit  cependant  son  cours  en  juil.  1795,  et,  devenu 
ainsi  zoologiste,  fit  pour  les  invertébrés  ce  qu'il  avait  tenté 
pour  les  plantes  et  se  livra  jusqu'à  la  fin  de  ses  jours  à 
des  travaux  suivis  de  description  et  de  classification  des 
groupes  animaux  que  Linné  avait  réunis  dans  sa  classe 
hétéroclite  des  vers;  il  abandonna  à  son  aide-naturaliste 
Latreille  la  classe  des  Insectes.  Il  prépara  ainsi  les  maté- 
riaux du  magnifique  ouvrage  :  Histoire  des  animaux 
sans  vertèbres  (Paris,  7  vol.  in-8),  qu'il  publia  de  1815 
à  1822.  En  même  temps,  Lamarck  contribua  beaucoup  aux 
progrès  de  la  connaissance  des  coquilles  fossiles  ;  il  publia 
à  cet  égard  :  Description  des  coquilles  fossiles  des  envi- 
rons de  Paris  (Annales  du  Muséum,  1802-6, 1. 1  à  VIII). 
Il  refusa  en  1 809  une  chaire  nouvellement  créée  à  la  Sor- 
bonne,  parce  qu'il  ne  se  sentait  plus  la  force  de  faire  les 
études  nécessaires  pour  Foccuper  dignement.  C'est,  du 
reste,  l'année  où  il  publia  sa  célèbre  Philosophie  zoolo- 
gique (Paris,  2  vol.  in-8;  nouv.éd.,  1830),  dans  laquelle 
il  expose  ses  idées  sur  la  variabilité  des  espèces,  entrevue 
par  Buffon,  formulée  d'une  manière  plus  ou  moins  fantai- 
siste par  Maillet,  appuyée  enfin  sur  des  observations  sé- 
rieuses par  Lamarck  (V.  Transformisme).  Ce  grand  natu- 
raliste perfectionna  d'ailleurs  la  classification  générale  des 


-  su 


LAMARCK  —  LA  MARLIÈRE 


animaux.  Il  a  publié,  entre  autres,  dans  ses  Recherches 
sur  l'organisation  des  corps  vivants  (Paris,  1806)  le 
tableau  du  règne  animal  «  montrant  la  dégradation  pro- 
gressive des  organes  spéciaux  jusqu'à  leur  anéantissement  ». 
C'est  Lamarck  qui  a  créé  les  termes  de  Vertébrés  et  à' In- 
vertébrés ;  il  a  créé  les  Annélides,  séparé  les  Crustacés  et 
les  Arachnides  des  Insectes,  créé  les  Radiaires  sous  le  nom 
de  Gemmovipares,  et  plus  tard  d'Echinodermes,  les  Polypes 
sous  les  noms  de  Gemmipares  et  de  Fissipares,  les  Infu- 
soires,  etc.  ;  dans  ses  spéculations,  il  arrive  à  la  conception 
de  la  génération  spontanée  (V.  Zoologie).  Enfin,  dans  un 
dernier  ouvrage  :  Système  des  connaissances  positives 
de  l'homme^  ainsi  que  dans  les  articles  du  Dictionnaire 
des  sciences  naturelles  de  Levrault,  il  s'est  efforcé  de 
montrer  que  tout  a  été  produit  dans  la  nature  avec  ordre 
et  que  cet  ordre  est  sériaire  ;  c'est  ainsi  qu'en  chimie  il 
arrive  à  la  conception  des  atomes  et  de  la  loi  des  propor- 
tions définies  ;  en  météorologie,  il  considère  l'atmosphère 
comme  une  mer  aérienne  dont  les  courants  sont  déterminés 
par  l'attraction  lunaire  ;  la  géologie  lui  fait  voir  la  surface 
du  globe  dans  un  état  permanent  de  transformation;  en 
biologie  (le  mot  est  de  Lamarck),  la  loi  de  la  continuité  lui 
fait  assimiler  la  pensée  aux  autres  fonctions  de  l'organisme 
dont  elle  est  la  plus  élevée,  etc.  Pour  ne  rien  omettre, 
citons  encore  de  Lamarck:  Mémoires  de  physique  et 
d'histoire  naturelle  (1797);  Hydrogéologie  (1802); 
Annuaire  météorologique..,  (1800-12).      D"*  L.  Hahn. 

BiBL.  :  Geoffroy  Saint-Hilaire,  Discours.,.  —Cuvier, 
Eloge  de  Lamarck.—  Dareste,  dans  iVouu.  Biogr.  générale. 

LAMARCKISME  (V.  Transformisme). 

LA  MARE  (Philibert  de),  érudit  français,  né  à  Dijon  le 
13  déc.  161S,  mort  à  Dijon  le  16  mai  1687.  Conseiller 
au  parlement  de  Dijon,  il  consacra  ses  loisirs  à  l'étude  de 
l'histoire  et  à  la  formation  d'une  bibliothèque  bourgui- 
gnonne. Le  fils  du  grand  Saumaise  lui  légua  en  1661  une 
partie  des  manuscrits  de  son  père.  Sa  bibliothèque  était 
célèbre  au  xvn®  siècle;  on  la  citait  comme  une  des  curio- 
sités de  Dijon.  En  août  1719,  la  Bibliothèque  royale  acquit 
près  de  630  manuscrits  provenant  de  sa  bibhothèque. 
D'autres  volumes  passèrent  chez  Fevret  de  Fontette  qui 
en  a  décrit  le  plus  grand  nombre  sous  les  n^^  36073 
à  37331  de  la  Bibliothèque  historique  de  la  France  ; 
ces  volumes  devinrent  la  propriété  de  Paulmy  qui  les  céda 
par  échange  au  cabinet  des  chartes  d'où  ils  vinrent  à  la 
Bibliothèque  nationale  en  1790.  Les  principaux  ouvrages 
dePh.  de  La  Mare  sont  :De  BelloBurgundicoMDCXXXVI 
(Dijon,  1641,  in-foL),  récit  de  l'invasion  de  la  Franche- 
Comté  par  le  prince  de  Condé  ;  Guijoniorum  fratrum 
opéra  et  vitœ  (Dijon,  1658,  in4)  ;  De  Vita  et  moribus 
Guillelmi  Philandri  epistola  ad  cardin.  Fr.  Barber i- 
num  (Dijon,  1667,  in-8  etin-4)  ;  Conspeclus  historico- 
rum  Burgimdice  (Dijon,  1689,  in-4)  ;  Huberti  Langueti 
Vitœ  (Halle,  1700,  in-12).  M.  Prou. 

BiBL.  :  Papillon,  Bibliothèque  des  auteurs  de  Bour- 
gogne, t.  II.  p.  26.  —  Delisle,  le  Cabinet  des  manuscrits. 
t.  1,  p.  361. 

LA  MARE  (Nicolas  de),  magistrat  et  jurisconsulte  fran- 
çais, né  à  Noisy-le- Grand  le  23  juin  1639,  mort  à  Paris  le 
25  août  1723.  Il  fut  successivement  procureur  et  commis- 
saire au  Châtelet  (1673).  Il  fut  commis  par  le  roi  à  plu- 
sieurs reprises  pour  faire  des  enquêtes  sur  les  dépenses  des 
constructions  de  Versailles.  Il  fut  aussi  envoyé  dans  diverses 
provinces  pour  apaiser  des  émeutes.  Il  reçut  de  Louis  XIV 
l'intendance  de  la  maison  du  comte  de  Vermandois.  Il  a 
réuni  dans  le  Traité  de  la  police,  dont  le  premier  volume 
in-foL  parut  en  1707,  tout  ce  qui  concerne  la  police  de 
Paris.  Le  quatrième  volume  fut  publié,  en  1738,  par  son 
collaborateur  Leclercdu  Briilet.En  1788,  le  sieur  Abeille 
vendit  pour  6,000  livres  à  la  bibliothèque  du  roi  les  do- 
cuments qu'il  avait  réunis  pour  la  composition  de  son  ou- 
vrage. Ils  forment  aujourd'hui  264  volumes  compris  sous 
les  numéros  21545  à  21808  du  fonds  français,  au  dépar- 
tement des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale. 

LAMARE  (L'abbé  de),  littérateur  français,  né  à  Quim- 


per  vers  1708,  mort  à  Egra  vers  1746.  Protégé  par  Vol- 
taire qui  lui  confia  quelques  travaux  littéraires,  il  termina 
sa  carrière  dans  l'admiaistration  des  fourrages  de  l'armée. 
Citons  de  lui  :  Ennui  d'un  quart  d'heure  (Paris,  1736, 
in-8)  ;  Ziaïde,  reine  de  Grenade  (1739,  in-4),  ballet; 
le  Je  ne  sais  quoi  de  vingt  minutes  (1739,  in-8),  poé- 
sies ;  OEuvres  diverses  (il 6^,  in-12).  On  lui  attribue  les 
Quarts  d'heure  d'un  joyeux  solitaire  (1766,  in-12). 

LA  MARE  (Jacques-Michel  Hurel  de),  violoncelliste  cé- 
lèbre, né  à  Paris  en  1772,  mort  à  Caen  en  1823.  Après 
de  bonnes  études  littéraires  chez  les  pages  de  la  musique 
du  roi,  il  devint  l'élève  de  Duport.  Attaché  en  1794  au 
théâtre  Feydeau,  il  se  fit  entendre  dans  les  célèbres  con- 
certs donnés  à  ce  théâtre  et  ce  fut  là  qu'il  fonda  sa  répu- 
tation. Nommé  professeur  de  violoncelle  au  Conservatoire, 
il  quitta  son  emploi  en  1801  et  donna  des  concerts  qui 
eurent  les  plus  grands  succès.  Lamare  était  un  virtuose 
merveilleux  et  un  accompagnateur  sans  égal  ;  malheureu- 
sement son  talent  de  compositeur  était  moins  indiscutable,  et 
cependant  il  existe  sous  son  nom  quatre  concertos  pour 
violoncelle,  deux  duos  et  un  air  varié,  d'un  tour  agréable  et 
d'une  harmonie  délicate.  Le  fait  s'expliquera  de  lui-même 
lorsqu'on  saura  que  cette  musique  a  été  écrite  par  Auber, 
qui  était  grand  ami  de  Lamare  et  prisait  fort  son  talent.  Le 
célèbre  violoncelliste  n'a  du  reste  jamais  fait  difliculté 
d'avouer  cette  supercherie  qui  n'était  un  secret  pour  aucun 
artiste  dans  les  premières  années  de  ce  siècle. 

LAMARGELLE.  Com.  du  dép.  de  la  C6te  d'Or,  arr.  de 
Dijon,  cant.  de  Saint-Seine  ;  408  hab. 

LA  MARGHERITA ou  LA  MARGARITA (Clémente SoLÂRO, 
comte  de),  appelé  souvent,  même  en  Piémont,  Solar  de 
La  Marguerite,  ministre  piémontais,  né  à  Mondovi  en 

1792,  mort  à  Turin  le  12  nov.  1869.  Il  commença  ses 
études  à  Sienne  et  les  termina  à  Turin  (1811);  mais,  fidèle 
à  la  légitimité,  il  ne  voulut  pas  recevoir  le  grade  de  doc- 
teur en  droit  sous  le  régime  français  et  ne  le  prit  qu'après 
la  restauration  du  roi  de  Sardaigne.  Attaché  à  la  légation 
sarde  à  Naples  (1816),  puis  à  Madrid,  il  se  fit  connaître 
par  ses  opinions  ultra-absolutistes.  Charles- Albert  l'appela 
dans  son  conseil  et  lui  confia  les  affaires  étrangères  (7  févr. 
1835).  Soumis  au  pape,  dévoué  aux  jésuites,  soutien  des 
carlistes  en  Espagne  et  du  Sonderbund  en  Suisse,  partisan 
de  la  paix  et  de  l'alliance  avec  l'Autriche,  il  maintint  ce- 
pendant la  dignité  du  Piémont  en  face  des  prétentions 
exorbitantes  de  cette  puissance  (1846).  Opiniâtrement 
hostile  à  toute  innovation  à  l'intérieur,  il  eut  plus  d'un 
diôérend  avec  ses  collègues  et  tint  tète  au  roi  lui-même. 
Au  moment  des  réformes,  Charles-Albert  le  pria  de  se 
démettre,  mais  il  refusa,  et  obligea  le  roi  à  le  relever  de 
ses  fonctions  de  ministre  (9  oct.  1847).  Dans  la  retraite, 
il  publia,  pour  la  défense  de  ses  principes,  plusieurs  écrits, 
dont  le  principal  est  son  Mémorandum  storico  politico 
(Turin,  1851),  qui  offre  un  véritable  intérêt  historique. 
Elu  député  de  San  Quirico  (1853),  il  considérait  son  man- 
dat comme  émanant  du  roi  qui  avait  octroyé  le  Statut.  Il 
fut  jusqu'en  1859  le  chef  intraitable  de  la  droite  cléricale. 
Lors  de  la  formation  du  royaume  d'Italie,  il  cessa  de 
prendre  part  à  la  vie  publique.  F.  H. 

LA  MARK  (V.  Bouillon  [Ducs  de]). 
LA  MARLIÈRE  (Antoine-Nicolas,  comte),  général  fran- 
çais, né  à  Crépy  (Marne)  le  3  déc.  1745,  exécuté  le  11  nov. 

1793.  Officier  d'infanterie  sous  Louis  XV,  il  fit  en  Alle- 
magne les  dernières  campagnes  de  la  guerre  de  Sept  ans. 
Colonel  au  moment  de  la  Révolution,  il  rendit  de  grands 
services  en  organisant  les  jeunes  bataillons  qui  marchaient 
aux  frontières.  Enfermé  dans  Lille,  assiégé  par  les  Autri- 
chiens, il  communiqua  à  tous  son  courage  et  son  énergie. 
Maréchal  de  camp  en  1792,  puis  général  de  division  l'année 
suivante,  il  se  consacra  à  la  réorganisation  de  l'armée  du 
Nord  ébranlée  parla  défection  de  Dumouriez.  Mais,  accusé 
par  Robespierre  d'avoir  entretenu  des  relations  avec  les 
émigrés  dans  le  but  de  livrer  Lille  aux  Autrichiens,  il  fut 
condamné  à  mort  par  le  tribunal  révolutionnaire. 


J.A  MARMORA  —  LAMARQUE  —  842  — 

LA  MARMORA  (Famille  Ferrero  de).  Chef  d'une  an- 
cienne et  illustre  maison  de  Bielle,  en  Piémont,  Celestino 
Ferrero,  marquis  de  La  Marmora  et  prince  de  Masserano, 
capitaine  au  régiment  d'Ivrée,  marié  à  Raffaella  Argentero 
di  Bersezio,  eut  treize  enfants,  parmi  lesquels  six  fils, 
dont  quatre  furent  lieutenants  généraux  :  il  ne  faut  pas 
les  confondre.  L'aîné,  Carlo,  né  en  1788,  mort  en  4854, 
héritier  des  titres  paternels,  avait  servi  dans  l'armée 
française  avant  d'entrer  dans  l'armée  sarde  :  son  fils, 
Tommaso,  marquis  et  prince  comme  lui,  a  été  député  de 
Turin.  Les  trois  autres  généraux  La  Marmora  sont  :  le 
comte  Alberto,  le  che\a\\er  Alessandro,  et  Alfonso,  le 
plus  jeune  et  le  plus  célèbre  (V.  ci-dessous).        F.  H. 

LA  MARMORA  (Alberto  Ferrero,  comte  de),  général 
piémontais,  né  en  4789,  mort  en  4863.  Ancien  Wicier 
dans  l'armée  française  comme  son  frère  Carlo  (V.  ci- 
dessus),  il  entra  dans  l'armée  sarde  lors  de  la  Restauration 
(4844).  En  disgrâce  après  les  événements  de  1821,  il  sé- 
journa longtemps  en  Sardaigne.  Rappelé  au  service  dans  la 
suite,  il  reçut  le  commandement  de  l'Ecole  de  la  marine  à 
Gênes  (4841  ),  et  parvint  au  grade  de  lieutenant  général.  En 
1 848,  quand  le  gouvernement  de  Venise  s'adressa  à  Charles- 
Albert,  celui-ci  lui  envoya  le  général  Alberto  La  Marmora, 
mais  sans  troupes  (14  avr.).  Il  revint  en  Piémont  après  l'ar- 
mistice Salasco  (9  août).  Il  faisait  partie  du  Sénat.  Alberto 
La  Marmora  est  surtout  connu  par  son  Voyage  en  Sar- 
daigne (Paris-Turin,  1839-57,  5  vol.  in-8,  atlas  in-4), 
important  ouvrage  écrit  en  français  et  contenant  une  des- 
cription complète  de  la  grande  île.  Il  a  publié  aussi  des 
mémoires  scientifiques.  F.  H. 

LA  MARMORA  (Alessandro  Ferrero,  chevalier  de), 
général  piémontais,  né  à  Turin  le  17  mars  4799,  mort  à 
Kadi-Koï  en  Crimée  le  7  juin  4855,  frère  du  précédent. 
Page  de  Napoléon,  attaché  à  la  cour  du  prince  Borghèse 
gouverneur  du  Piémont,  il  entra  en  4814  dans  l'armée 
sarde  comme  sous -lieutenant  au  régiment  des  gardes. 
Simple  capitaine  depuis  4823,  il  proposa  au  roi,  en  4835, 
la  création  du  corps  des  bersaglieri.  Charles- Albert  le  fit 
major  (29  déc.)  et  l'autorisa  à  former  les  deux  premières 
compagnies  (48  juin  4836).  Colonel,  à  la  tête  de  cette 
valeureuse  troupe,  il  se  distingua,  le  8  avr.  1848,  au 
combat  du  pont  de  Goito,  où  il  fut  blessé  grièvement. 
Major  général  le  27  juil.  suiv.,  il  fat  chef  d'état-major 
de  l'armée  en  4849,  échappa  aux  Autrichiens  à  Mortara 
(24  mars),  et,  deux  jours  après,  à  la  bataille  de  Novare, 
pourvut  à  la  retraite  de  l'aile  droite  et  du  centre  de  l'ar- 
mée vaincue.  En  avril,  après  la  soumission  de  Gênes,  il  en 
eut  le  commandement  militaire.  Nommé  lieutenant  général 
en  1852,  il  reçut  en  1855,  lors  de  l'expédition  de  Crimée 
sous  les  ordres  de  son  frère  Alfonso,  le  commandement 
de  la  deuxième  division.  Mais,  parti  de  Gênes  le  19  mai 
et  débarqué  à  Balaklava  le  29,  il  fut  emporté  par  le  cho- 
léra le  7  juin.  On  lui  a  élevé  un  monument  à  Turin  en 
1867.  F.  H. 

LA  MARMORA  (Alfonso  Ferrero  de),  général  et  homme 
politique  italien,  né  à  Turin  le  18  nov.  1804,  mort  à 
Florence  le  5  janv.  1878,  frère  des  précédents.  Entré  à 
l'Académie  militaire  de  Turin  en  1816,  il  en  sortit  lieute- 
nant d'artillerie  (1823).  Il  perfectionna  son  instruction 
militaire  dans  de  nombreux  voyages.  Major  quand  éclata 
la  guerre  de  1848,  il  se  distingua  à  Pastrengo  (30  avr.), 
fut  nommé  colonel  et  devint  chef  d'état-major  du  duc  de 
Gênes  (5  juin).  Dans  la  sédition  de  Milan,  il  délivra 
Charles-Albert  assiégé  par  le  peuple  (5  août) .  Promu 
major  général,  il  fut  chargé  du  portefeuille  de  la  guerre  et 
de  la  marine,  du  27  oct.  au  15  nov.  1848,  dans  le  cabinet 
Revel-Pinelli,  puis  du  2  au  9  févr.  1849,  dans  le  cabinet 
Gioberti.  A  la  rupture'de  l'armistice,  commandant  un  corps 
d'observation  sur  la  frontière  toscane,  il  ne  put  prendre 
part  à  la  bataille  de  Novare.  Victor-Emmanuel  le  fit  lieu- 
tenant général  (i^^  avr.).  Il  eut  à  réprimer  l'insurrection 
de  Gênes  (4-5  avr.).  Ministre  de  la  guerre  et  de  la  marine 
dans  le  premier  cabinet  Azeglio  (2  nov.  1849),  il  le  fut 


presque  sans  interruption  jusqu'en  1860.  C'est  lui  qui, 
collègue  de  Cavour,  réorganisa  complètement  l'armée  sarde. 
Pendant  la  guerre  d'Orient,  remplacé  dans  le  ministère, 
du  1^^  avr.  1855  au  16  juin  1856,  parle  général Giacomo 
Durando,  il  commanda  le  corps  expéditionnaire  en  Crimée, 
où  le  combat  de  la  Tchernaïa,  ditaussi  deTraktir  (16  août 
1855),  grandit  sa  réputation.  Il  reçut  la  dignité  de  général 
d'armée  (14  avr.  1856).  Pendant  la  guerre  de  1859,  mi- 
nistre résidant  auprès  du  roi,  il  fut  suppléé  dans  ses  fonc- 
tions à  Turin  par  Cavour  lui-même.  Après  la  paix  de  Villa- 
franca,  La  Marmora  présida  le  cabinet  dont  Rattazzi  fut 
le  ministre  dirigeant  (19  juil.  1859-20  janv.  1860).  En 
1861,  il  remplit  des  missions  diplomatiques  à  Berlin  et  à 
Saint-Pétersbourg  (janv.  et  févr.).  Mis  à  la  tête  du  dépar- 
tement militaire  de  Milan,  il  eut  des  dissentiments  avec  le 
général  Fanti,  alors  ministre  de  la  guerre,  et  donna  sa  dé- 
mission. Il  remplaça  ensuite  le  général  Cialdini  à  Naples 
(27  oct.)  et  fut  investi  des  pleins  pouvoirs  dans  les  pro- 
vinces napolitaines  (20  août  1862-20  janv.  1863).  Appelé 
à  la  présidence  du  conseil  au  lendemain  des  troubles  de 
Turin,  il  prit  le  portefeuille  des  affaires  étrangères  (28  sept. 
1864).  Il  exécuta  la  convention  du  15  sept,  et  transféra 
la  capitale  à  Florence  (28  avr.  1865),  mais  en  réservant 
la  liberté  d'action  du  gouvernement  italien  pour  le  cas  où 
certaines  éventualités  se  produiraient  dans  l'Etat  pontifical. 
En  1866,  il  conclut  l'alliance  italo-prussienne  (8  avr.). 
Lors  de  la  déclaration  de  guerre  à  l'Autriche  (20  juin),  il 
céda  la  présidence  du  conseil  à  Ricasoli  et  resta  ministre 
sans  portefeuille  auprès  du  roi.  Rendu  responsable  de  la 
défaite  de  Custoza  (24  juin)  comme  chef  d'état-major  gé- 
néral de  l'armée,  il  devint  très  impopulaire.  Il  se  démit 
de  ses  doubles  fonctions  (18  août),  mais  il  lut  bientôt 
appelé  au  commandement  militaire  de  Florence  (28  sept.). 
Un  an  après,  il  se  fit  mettre  en  disponibilité  (24  août 
1867).  Le  roi  lui  confia  une  mission  à  Paris  au  moment 
des  affaires  de  Mentana  (novembre).  Après  l'occupation  de 
Rome,  il  accepta  la  lieutenance  générale  dans  la  province 
romaine  (9  oct.  1870)  et  la  conserva  jusqu'à  l'installation 
du  prince  Humbert  au  Quirinal  (l^**  févr.  1871).  La  Mar- 
mora, aigri  par  les  attaques  dont  sa  ligne  diplomatique  et 
militaire  était  l'objet  depuis  Custoza,  entra  alors  dans  une 
retraite  morose  et  renonça  même  à  son  mandat  parlemen- 
taire :  il  était  député  de  Bielle,  pays  de  sa  famille.  La 
publication  de  son  opuscule  Un  Po^  più  di  luce  sitgli 
eventi  politici  e  militari  deW  anno  1866  (Florence, 
1873),  en  réponse  à  certaines  assertions  allemandes,  sou- 
leva d'aigres  débats  dans  les  parlements  de  Berlin  et  de 
Rome.  Il  publia  encore  Un  Episodio  del  risorgimento 
italiano  (1875),  puis  /  Segreti  di  Stato  nel  governo 
costituzionale  (1877).  Ses  révélations,  qui  eurent  un 
grand  retentissement,  furent  désapprouvées  du  monde 
diplomatique.  Peu  fait  aux  formes  parlementaires,  ne  sup- 
portant guère  la  contradiction,  esprit  plutôt  étroit,  ouvert 
cependant  aux  entreprises  utiles  à  sa  patrie,  soucieux  du 
bien-être  des  classes  laborieuses,  conservateur  en  politique, 
très  dévoué  au  roi,  malgré  des  allures  grondeuses,  mili- 
taire avant  tout,  franc  et  loyal,  avec  une  amertume  secrète 
de  n'avoir  pas  toujours  réussi,  le  général  La  Marmora 
était  une  nature  complexe.  Massimo  d 'Azeglio  l'a  traité  de 
grand  caractère.  Il  a  fait  par  testament  d'importantes  libé- 
ralités à  la  ville  de  Turin  où  il  vécut  si  longtemps,  à  celle 
de  Florence  où  il  termina  ses  jours,  et  à  celle  de  Bielle 
où  il  fut  enterré.  Bielle  lui  a  élevé  un  monument.    F.  H. 

LAMARONDE.Com.dudep.de  la  Somme,  arr.  d'Amiens, 
cant.  de  Poix;  133  hab. 

LAMARQUE.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Bor- 
deaux, cant.  de  Castelnau-de-Médoc  ;  1,108  hab. 

LAMARQUE-près-Bé\rn  ou  LAMARQUE-PoNTACQ.Com. 
du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  de  Tarbes,  cant.  d'Os- 
sun;  678  hab. 

LAMARQUE-RusTAiN.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyré- 
nées, arr.  de  Tarbes,  cant.  de  Trie;  152  hab. 

LAMARQUE  (François),  homme  politique  français,  né  à 


-  813 


LAMARQUE  —  LAMARTINE 


Montpont  le  2  nov.  1753,  mort  à  Montpont  le  13  mai  1839. 
Avocat  au  Parlement  de  Paris  avant  la  Révolution,  il  de- 
vint juge  au  tribunal  du  district  de  Périgueux  en  1790  et 
député  à  l'Assemblée  législative  en  1791.  Après  le  16  août, 
il  fut  envoyé  à  l'armée  de  Luckner  et  signala  à  l'Assem- 
blée le  déplorable  état  de  la  place  de  Metz.  Réélu  à  la 
Convention,  il  fut  envoyé  à  l'armée  du  Nord  et  livré  aux 
Autrichiens  par  Dumouriez.  Prisonnier  jusqu'en  déc.  179o, 
il  revint  siéger  au  Conseil  des  Cinq-Cents,  qu'il  présida  en 
avr.  1797.  Réélu  en  1798,  il  n'en  fut  pas  moins  éliminé 
et  fut  alors  nommé  ambassadeur  à  Stockholm  ;  mais,  le 
roi  de  Suède  ayant  refusé  de  recevoir  un  régicide^  il  re- 
vint en  France,  rentra  au  Conseil  en  1799  et  fit  partie 
de  la  commission  chargée  de  présenter  les  mesures  de  sa- 
lut. Après  le  18  brumaire  en  avr.  1800,  il  fut  nommé  pré- 
fet du  Tarn  ;  l'année  suivante,  il  devint  substitut  au  tribu- 
nal de  cassation  et  juge  à  la  même  cour  en  1 804.  Exilé  en 
1816,  il  résida  en  Autriche  et  rentra  en  France  en  1818. 

LAMARQUE  (Jean-Maximin),  général  français,  né  à 
Saint-Sever  le  22  juil.  1770,  mort  à  Paris  le  i*^'"  juin  1832. 
Entré  au  service  en  1791  comme  volontaire,  il  parvint  en 
moins  de  dix  ans  au  rang  de  général  de  brigade.  Chef  d'état- 
major  de  l'armée  de  Naples  en  1806,  général  de  division 
le  6  déc.  1807,  il  exécuta,  sous  Murât,  l'héroïque  escalade 
de  Caprée  (oct.  1808),  fut  attaché  en  1809  à  l'armée 
d'Italie  et  prit  une  part  brillante  à  la  campagne  de  1809. 
On  le  retrouve  ensuite  à  Anvers,  puis  en  Calabre,  enfin 
(1810)  en  Espagne,  où  il  guerroya  trois  ans  et  commanda 
l'arrière-garde  après  VittorJa.  Mis  à  l'écart  par  les  Bour- 
bons (1814),  il  fut  pendant  les  Cent-Jours  envoyé  dans  la 
Vendée  pour  réprimer  l'insurrection  royaliste.  Proscrit  après 
la  seconde  Restauration,  il  ne  put  rentrer  en  France  qu'en 
1818.  Elu  député  des  Landes  le  22  déc.  1828,  il  prit  place 
dans  l'opposition  libérale  la  plus  avancée  et,  réélu  en  juin 
1830,  applaudit  à  la  révolution  de  Juillet.  Il  n'en  combattit 
pas  moins  dans  les  sessions  suivantes  le  nouveau  gouverne- 
ment, auquel  il  reprochait  avec  véhémence  ses  ménagements 
pour  les  traités  de  1 815.  Son  éloquence  passionnée  le  rendit 
en  peu  de  temps  très  populaire.  Ses  obsèques  donnèrent  lieu 
à  l'insurrection  démocratique  des  5  et  6  juin  1832  (V.  Juin, 
t.  XXÏ,  p.  283).  Parmi  ses  nombreux  écrits,  nous  citerons: 
Défense  de  M.  le  lieutenant  général  Max.  Lamarque, 
compris  dans  l'ordonnance  du  24  juillet  iSiÔ  (1815); 
Réponse  au  lieutenant  général  Canuel  (1818);  De 
r Esprit  militaire  en  France  (1826);  la  Vérité  tout 
entière  sur  le  procès  d'un  maréchal  de  France  (le  maré- 
chal Ney)  (1831);  Souvenirs^  mémoires  et  lettres  du 
général  Lamarque  (1835-36).  A.  Debidour. 

LAMARRE  (Pvrotechnie)  (V.  Artifices,  t.  ÏV,  p.  15). 

LA  MARTELIÈRE  (Jean-Henri-Ferdinand),  littérateur 
français,  né  à  Ferrette  le  14  juil.  1761,  mort  à  Paris  le 
27  avr.  1830.  Il  eut  Schiller  pour  compagnon  d'études  en 
Allemagne  et  débuta  dans  les  lettres  par  un  drame  imité  des 
Brigands  :  Robert,  chef  de  brigands  (Paris,  1793,  in-8). 
Il  obtint  un  très  grand  succès  et  continua  à  écrire  pour  le 
théâtre.  Citons:  les  Francs  Juges  (1807,  in-8)  ;  le  Tri- 
bunal redoutable  (1793,  in-8),  mélodrames  ;  la  Partie 
decampag7ie(iSiO,  in-8)  ;  Pierre  et  Paul  (1814,  in  8)  ; 
le  Prince  d'occasion  (1818,  in-8),  comédies.  On  lui  doit 
aussi  quelques  romans,  entre  autres:  le  Cultivateur  de  la 
Louisiane  (1808,4  vol.  in-12)  ;  les  Trois  Gil  Blas  (1802, 
4  vol.  in-12)  ;  Fiorella  (1802,  4  vol.  in-12)  ;  Alfred  et 
Liska  (1804,  4  vol.  in-12).  11  a  traduit  le  Théâtre  de 
Schiller  (1799).  Une  relation  historique,  Conspiration  de 
Bonaparte  contre  Louis  XVIII  (1815,  in-8),  a  eu  jus- 
qu'à cinq  éditions. 

LA  MARTI LLI ÈRE  (V.  Fabre  de  LaMartillière). 

LAMARTINE  (Alphonse-Marie-Louis  de  Prât  de),  l'un 
des  plus  grands  poètes  français  et  homme  politique  célèbre, 
né  à  Mâcon  le  21  oct.  1790,  mort  à  Paris  le  28  féyr.  1869. 
Fils  d'un  gentilhomme  dont  la  famille,  originaire  de  la 
Bourgogne  et  de  la  Bresse,  comptait  de  nombreuses  et 
anciennes  alliances  dans  ces  deux  provinces,  il  était  l'aîné 


de  six  sœurs.  Sa  mère  fut  sa  première  éducatrice  et  lui 
apprit  à  lire  dans  la  Bible  illustrée  ou  plutôt,  comme  on 
disait  alors,  «  historiée  »,  connue  sous  le  nom  de  Royau- 
mont.  Après  avoir  achevé  ses  études  classiques  au  collège 
de  Belley,  dirigé  par  les  pères  de  la  Foi,  il  fit  un  premier 
voyage  en  Italie,  puis  vint  à  Paris  et  obtint  de  Talma  la 
faveur  de  lui  lire  une  tragédie  qui  ne  fut  jamais  représentée. 
Echappé  à  la  conscription  qui  décimait  alors  la  jeunesse  et 
que  son  aversion  pour  Napoléon  lui  eût  rendu  encore  plus 
odieuse,  il  fit  un  nouveau  séjour  en  Italie  (1813),  à  Rome 
et  à  Naples,  où  il  ébaucha  le  roman  d'amour  dont  Gra- 
ziella  fut  l'héroïne.  Lors  de  la  première  Restauration, 
il  entra  dans  les  gardes  du  corps  et  y  servit  jusqu'à  la 
fin  des  Cent-Jours.  Après  des  années  de  rêveries,  de  sé- 
jours prolongés  dans  divers  châteaux  appartenant  à  son 
père  ou  à  ses  oncles,  d'incertitude  sur  la  carrière  qu'il 
entendait  suivre,  il  mit  au  net  un  recueil  de  poésies  écrites 
sous  des  inspirations  fort  diverses,  mais  très  différentes  de 
celles  que  lui  avait  dictées  durant  son  adolescence  sa  juvé- 
nile admiration  pour  Dorât  et  Parny.  Ce  recueil,  présenté 
sans  succès  aux  principaux  éditeurs  de  la  capitale  et  no- 
tamment à  Pierre  Didot  dont  Lamartine  a  conté  plus  tard 
la  réception,  trouva  enfin  asile  dans  une  librairie  clas- 
sique et  parut  sous  le  titre  de  Méditations  poétiques  et 
religieuses  (iSW,  in-18).  Son  succès  dépassa  toutes  les 
espérances  de  Fauteur  et  il  s'en  vendit,  affirme-t-on, 
jusqu'à  45,000  exemplaires  en  quatre  ans. 

Le  5  juin  1 820  Lamartine  épousait  à  Chambéry  unejeune 
Anglaise  protestante,  miss  Mary-Anne-Elisa  BÎrch,  et  se 
rendait  aussitôt  à  Naples  en  qualité  d'attaché  à  la  léga- 
tion de  France,  poste  qu'il  échangea  bientôt  contre  ceux 
de  secrétaire  d'ambassade  à  Londres  et  de  chargé  d'affaires 
en  Toscane.  De  Nouvelles  Méditations  poétiques  (iS^^), 
accueillies  avec  moins  de  faveur  que  les  premières,  furent 
suivies  de  deux  poèmes,  la  Mort  de  Socrate  et  le  Dernier 
Chant  de  Childe  Uarold.  Une  apostrophe  à  l'Italie  et  à  la 
«  poussière  humaine  »  dont  elle  était  peuplée  lui  valut  un 
duel  avec  le  colonel  Pepe  qui  releva  le  gant  au  nom  de  ses 
compatriotes  et  le  blessa  dangereusement.  En  1825,  un 
même  décret  de  Charles  X  conféra  la  croix  de  la  Légion 
d'honneur  à  Victor  Hugo  et  à  Lamartine  qui  rimèrent  un 
mois  plus  tard  l'un  MmOde,  l'autre  un  poème  en  l'honneur 
du  sacre  du  vieux  roi.  Les  premières  éditions  de  ce  Chant 
renferment  quelques  vers  où  le  duc  d'Orléans  (plus  tard 
Louis-Philippe)  vit  une  allusion  à  son  père  (Philippe - 
Egalité)  et  que  le  poète  s'empressa  de  supprimer.  Le  5  nov. 
1829,  l'Académie  française  l'élut  au  fauteuil  laissé  vacant 
par  le  comte  Daru.  Il  venait  à  peine  d'y  prendre  séance 
lorsqu'il  publia  ses  Harmonies  poétiques  et  religieuses 
(2  vol.,  mai  1830),  où  sa  poésie  atteint  la  plus  grande 
élévation  et  se  perd  dans  l'idéal.  Il  refusa  peu  de  temps 
après  le  poste  de  ministre  plénipotentiaire  en  Grèce  quand 
Charles  X  dut  reprendre  le  chemin  de  l'exil,  voulant  rester 
fidèle  aux  convictions  de  sa  jeunesse.  Il  renonça  dès  lors 
à  la  carrière  diplomatique  et  se  présenta  à  la  députation  ; 
après  deux  échecs  successifs  à  Toulon  et  un  à  Dunkerque 
où  il  avait  sollicité  un  mandat  de  député,  il  partit  au  mois 
de  mai  1832  pour  l'Orient,  sur  un  navire  spécialement 
frété  pour  lui,  accompagné  de  sa  femme  et  de  sa  fille 
unique  Julia,  belle  enfant  d'une  douzaine  d'années,  qui 
mourut  à  Beyrouth.  Cette  excursion  de  seize  mois,  accom- 
plie dans  des  conditions  véritablement  fastueuses,  qui  lui 
furent  plus  tard  amèrement  reprochées,  a  été  racontée 
par  le  poète  dans  son  premier  livre  en  prose  :  Voyage  en 
Orient,  souvenirs,  impressions,  pensées  et  paysages 
(1835,  4  vol.  in.8),  dont  le  contenu  justifie  amplement 
son  sous-titre  par  la  variété,  l'éclat,  la  profondeur  des 
pages  qui  le  composent. 

Elu,  pendant  son  absence,  député  à  Bergues  (Nord), 
puis  à  Mâcon,  il  resta  député  de  Bergues  jusqu'en  1837, 
puis  opta  pour  sa  ville  natale,  qu'il  représenta  constam- 
ment jusqu'en  1848;  il  se  rallia  d'abord  à  la  monarchie 
de  Juillet  en  faisant  ses  réserves  et  ne  siégeant  dans 


LAMARTINE 


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aucun  groupe  ;  bien  qu'il  se  fût  révélé  orateur  dès  qu'il 
eût  pris  la  parole  sur  la  discussion  de  l'adresse  au  roi, 
il  n'eut  pendant  plusieurs  années  aucune  influence  sur  les 
diverses  législatures  dont  il  fit  partie.  Malgré  le  nombre 
et  l'importance  des  discours  qu'il  prononça  en  maintes 
circonstances,  tantôt  sur  des  matières  générales  (l'aboli- 
tion de  la  peine  de  mort,  la  question  d'Orient,  la  défense 
des  études  littéraires,  l'assistance  sociale),  tantôt  sur  des 
sujets  tout  techniques,  comme  l'industrie  du  sucre  où 
il  fit  preuve  de  connaissances  spéciales  tout  à  fait  inat- 
tendues, il  n'avait  pas  dit  adieu  aux  lettres.  En  48B5,  le 
magnifique  poème  de  Jocelyn^  présenté  comme  le  fragment 
d'un  vaste  cycle  humanitai)'e,  qui  devait  embrasser  tous 
les  âges  et  toutes  les  conditions,  obtint  un  succès  que  ne 
retrouva  pas,  deux  ans  plus  tard,  la  Chute  d'un  ange,  autre 
fragment  de  ce  même  ensemble  dont  un  troisième  épisode,  in- 
titulé les  Pêcheurs,  n'a  pas  vu  le  jour,  parce  que  le  manus- 
crit en  fut  perdu  ou  détruit,  durant  un  voyage  aux  Pyré- 
nées. Les  RecueUleme?its  poétiques  qin  parurent  en  1839 
sont  précédés  d'une  préface  en  prose  où  l'auteur,  prêchant 
d'exemple,  expose  les  devoirs  sociaux  du  poète. 

Volontairement  écarté  de  diverses  combinaisons  ministé- 
rielles et  s'éloignant  un  peu  plus  chaque  jour  de  ce  qu'il 
avait  lui-même  défini  le  «  parti  des  bornes  »,  contre  le- 
quel il  appelait  de  tous  ses  vœux  la  «  révolution  du  mé- 
pris »,  démocrate-conservateur,  comme  il  s'était  qualifié 
lui-même,  il  se  rapprochait  chaque  jour  davantage  du  parti 
radical  et  socialiste  ;  il  porta  un  dernier  coup  à  la  monarchie 
de  Juillet  moins  encore  par  son  adhésion  aux  banquets  ré- 
formistes (V.  ce  mot,  t.  V,  p.  297)  qui  préludèrent  à  la 
chute  du  dernier  ministère  Guizot,  que  par  sa  publication  de 
V Histoire  des  Girondins  (4  847, 8  vol.  in-8  et  in-1 8).  Sévè- 
rement jugé  depuis  par  la  critique  historique,  écrit  hâti- 
vement sur  des  documents  de  seconde  main,  ou  d'après  les 
témoignages  confus  ou  pleins  de  réticences  des  derniers  sur- 
vivants de  cette  grande  époque,  ce  livre,  né  de  cette  pensée 
«  que  le  sang  ne  souille  pas  l'idée  qui  le  fait  couler  »  et  que 
«  toute  vérité  descend  d'un  échafaud  »,  eut  sur  la  marche 
des  esprits  une  influence  indéniable. 

Le  24  févr.  1848,  Lamartine  fut  de  ceux  qui  récla- 
mèrent l'institution  d'un  gouvernement  provisoire,  mais 
non  la  proclamation  de  la  République  qu'il  dut  accepter 
néanmoins  comme  un  fait  accompli.  Personne  n'a  ouWié  le 
rôle  courageux  qu'il  joua  à  l'Hôtel  de  Ville,  ni  avec  quelle 
éloquence  il  combattit  les  factieux  ouïes  égarés  qui  mena- 
çaient la  paix  publique  (V.  Février).  La  circulaire  qu'il 
adressa,  en  qualité  de  ministre  des  affaires  étrangères,  aux 
puissances  européennes,  commentait  et  développait  le  pro- 
gramme généreux  et  vague  qu'il  avait  maintes  fois  exposé, 
parfois  au  péril  de  sa  vie,  aux  députations  de  toutes  nuances 
qui  se  succédaient  sans  interruption  sur  la  place  de  Grève. 
Ce  fut  l'apogée  de  sa  popularité  et  elle  était  alors  telle  que 
dix  départements  l'envoyèrent  simultanément  à  l'Assemblée 
constituante.  Il  opta  pour  celui  de  la  Seine,  qui  l'avait  placé 
le  premier  sur  une  liste  de  trente-quatre  noms.  Acclamé 
par  ses  collègues  lorsqu'il  rendit  compte  de  son  adminis- 
tration, il  vit  décroître  promptement  son  prestige,  soit 
lorsqu'il  fut  élu,  non  sans  peine,  membre  de  la  commission 
executive,  dont  Ledru-Rollin  était  le  chef,  soit  après  les 
journées  de  Juin,  soit  enfin  lors  de  l'élection  à  la  prési- 
dence de  la  République,  pour  laquelle  il  ne  recueillit  que 
quelques  milliers  de  suffrages.  Cette  réaction  s'accentua 
davantage  encore  l'année  suivante,  où  il  ne  se  trouva  qu'un 
seul  département,  celui  du  Loiret,  pour  l'envoyer  siéger 
à  l'Assemblée  législative  jusqu'au  jour  où  le  coup  d'État 
du  2  décembre  le  rendit  aux  lettres. 

Durant  de  longues  années  Lamartine  avait  dépensé, 
avec  l'insouciance  traditionnelle  du  grand  seigneur  et  de 
l'artiste,  la  fortune  considérable  que  sa  femme  lui  avait 
apportée  en  dot  et  les  revenus  qu'il  tirait  de  la  vente  de 
ses  livres  et  de  l'exploitation  de  ses  vignobles  du  Maçon- 
nais. Tombé  du  pouvoir,  il  dut  en  même  temps  faire  face 
à  la  ruine.  Il  ne  suffit  à  combler  le  déficit  ni  par  la  vente 


des  vastes  concessions  territoriales  que  lui  avait  accordées 
le  sultan,  ni  par  la  cession  de  ses  œuvres  anciennes  à  une 
société  spéciale,  ni  par  la  mise  en  vente  ou  en  loterie  de 
ses  domaines  de  Milly  et  de  Saint-Point.  Rien  qu'il  ait  pu 
dire  (dans  la  préface  des  Recueillements)  avec  la  fatuité 
du  génie  :  «  J'écris  en  vers  quand  je  n'ai  pas  le  temps 
d'écrire  en  prose  »,  c'est  à  la  prose  qu'il  demanda  des  res- 
sources, car  son  drame  de  Toussaint  Louverture  joué  à 
la  Porte-Saint-Martin  par  Frederick  Lemaître  (août  1850) 
et  les  Visions  (1852,  in-1 6),  fragment  dont  la  conception 
remontait  sans  doute  à  celle  de  la  Chute  d'un  Ange,  furent 
ses  adieux  à  la  poésie.  Raphaël  (1849),  les  Confidences 
(1849)  et  les  Nouvelles  Confidences  (1851),  Geneviève, 
histoire  d'une  Servante  (iS^O),  le  Tailleur  de  pierre 
de  Saint-Point  (iS^i) ,  Graziella  (1852),  que  lui  dic- 
tèrent des  réminiscences  personnelles  ou  les  souvenirs  du 
pays  natal,  offrent  encore  de  nombreuses  pages  dignes  de 
prendre  rang  non  loin  des  chef-d'œuvres  de  sa  jeunesse.  On 
ne  saurait  porter  un  jugement  aussi  favorable  sur  les  volumi- 
neuses improvisations  intitulées  :  Trois  Mois  au  pouvoir 
(1848);  Histoire  de  la  Révolution  de  i848  (1849)  ;  His- 
toire des  Constituants  (1 830)  ;  Histoire  de  la  Restaura- 
tion (1852);  Histoire  delà  Turquie  (iSU)  ;  Histoire  de 
la  Russie  (1855)  ;  celle-ci  empruntée  trop  littéralement  aux 
travaux  de  Schnitzler  à  qui  Lamartine  donna  publiquement 
acte  de  sa  protestation.  De  1856  à  1867  l'auteur  publia 
en  outre  sous  forme  d'Entretiens  mensuels  un  Cours  de 
littérature  où  il  jugeait  tour  à  tour,  sans  plan  défini  et 
parfois  avec  une  extrême  partialité,  les  anciens  et  les  mo- 
dernes. A  ce  labeur  démesuré  succéda  l'affaissement  total  de 
ses  facultés  et  il  se  survécut  deux  ans  encore  sans  proba- 
blement même  avoir  eu  connaissance  du  vote  de  la  pension 
viagère  que,  sur  le  rapport  de  M.  Emile  Ollivier,  le  Corps 
législatif  lui  avait  décernée  en  1867.  Lorsqu'il  s'éteigni 
dans  les  bras  de  sa  nièce,  M^«  Valentine  de  Cessiat  de  La- 
martine, et  de  quelques  amis  fidèles,  l'Empire  voulut  lui 
décerner  des  funérailles  officielles,  mais,  conformément  à 
la  volonté  maintes  fois  exprimée  dû  poète,  ses  restes  furent 
transportés  à  Saint-Point  sans  aucun  faste.  Le  fauteuil  de 
Lamartine  échut  à  M.  Emile  Ollivier  dont  le  discours  de  ré- 
ception, qu'il  refusa  de  modifier,  ne  fut  jamais  prononcé. 
Une  statue  du  poète,  en  bronze,  due  à  M.  Falguière  (1873), 
a  été  élevée  à  Màcon  :  on  ne  la  trouve  généralement  pas 
très  heureuse,  bien  que  la  figure  fixe  et  noble  soit  assez 
ressemblante;  plus  récemment  on  a  inauguré  à  Passy  une 
belle  statue  due  à  M.  Marquet  de  Vasselot.  Le  centenaire 
de  Lamartine  a  été  célébré  en  1890  à  Mâcon  :  MM.  Jules 
Simon  et  Fr.  Coppée  ont  prononcé  des  discours. 

Outre  d'innombrables  réimpressions  partielles,  il  y  a  eu 
plusieurs  éditions  générales  des  œuvres  de  Lamartine  :  la 
plus  importante  est  celle  qu'il  entreprit  lui-même  (1860- 
66,  61  vol.  gr.  in-8).  Il  faut  y  ajouter  :  la  France  par- 
lementaire  (1864-65,  6  vol.  in-8),  avec  une  étude  de 
Louis  Ulbach,  des  Mémoires  inédits  [1790-1815],  (1870, 
in-8),  sa  Correspondance  (1873-75,  6  vol.  in-8;  2^ éd., 
4  vol.  in-12);  àe^  Poésies  inédites  {im'à,m-'^,  portrait), 
publiées  par  sa  nièce,  qui  a  légué  à  divers  étabhssements 
publics  les  portraits  et  les  manuscrits  du  poète  pieusement 
conservés  jusqu'à  sa  mort.  Maurice  Tourneux. 

Lamartine  est  un  de  nos  plus  grands  poètes  :  on  peut 
mettre  son  nom  à  côté  de  celui  de  Victor  Hugo  au  xix^  siècle. 
Il  est,  comme  l'a  dit  avec  un  charme  extrême  M.  France, 
l'incarnation  même  de  la  poésie  ;  l'admirable  effusion  de 
ses  vers,  si  abondante,  si  mélodieuse,  semble  presque  in- 
volontaire :  ils  sont  beaux  parce  qu'ils  reflètent  les  plus 
hauts  sentiments,  les  pensées  les  plus  délicates;  le  poète 
ne  chante  que  lorsque  l'inspiration  le  presse  ;  sa  rêverie  le 
domine.  On  ne  trouve  dans  ses  vers  aucun  effort  de  rétho- 
rique  ou  de  langue,  tandis  que  Hugo  représente  le  plus 
génial  artisan  de  mots  et  de  vers  de  notre  siècle  et  peut- 
être  de  tous  les  siècles.  L'impression  produite  par  les 
Premières  Méditations  fut  immense  ;  cette  poésie  si 
chaste,  plaintive,  élégante  et  passionnée  fut  une  révélation, 


une  véritable  extase  :  il  répondait  à  ce  besoin  d'infini  et 
d'amour  qui  tourmentait  les  âmes  après  tant  de  malheurs 
et  de  révolutions.  Cette  murmurante  poésie  qui  ne  parlait 
que  du  ciel  ou  des  plus  innocentes  amours  de  la  terre 
prit  au  cœur  toute  une  génération.  «  Le  cœur  de  la  France, 
dit  Jules  Janin,  battit  doublement  au  nom  de  Dieu  et  au 
nom  d'Elvire.  »  Ce  fut  la  grande  fête  de  la  poésie  : 

Les  secondes  Médidations  ne  sont  plus  comme  les  pre- 
mières remplis  de  passions  mortelles  ;  elles  s'éloignent  de 
la  terre  :  c'est  la  poésie  de  toutes  les  âmes  tendres,  c'est 
la  plus  haute  philosophie  du  sentiment.  Enfin  dans  les 
Harmonies  le  poète  atteint  le  plus  haut  degré  d'élévation 
et  d'idéal.  C'est  la  poésie  qui  a  le  mieux  formulé  l'infini. 
«  Ses  vers,  a  dit  ïh.  Gautier,  se  déroulent  avec  un  har- 
monieux murmure  comme  les  lames  d'une  mer  d'Italie  ou 
de  Grèce,  roulant  dans  leurs  volutes  transparentes  des 
branches  de  laurier,  des  fruits  d'or  tombés  du  rivage,  des 
reflets  de  ciel,  d'oiseaux  ou  de  voiles  et  se  brisent  sur  la 
plage  en  étincelantes  franges  argentées.  »  Son  génie,  fait 
de  méditations  et  de  rêveries,  est  tout  personnel  :  il  a  dit 
lui-même  qu'en  fait  de  bibliothèque  un  Tacite,  un  Ossian, 
un  Tasse,  un  tome  dépareillé  de  Bernardin  de  Saint-Pierre 
et  Vlmitation  de  Jésus-Christ  lui  suffiraient. 

Au  plus  fort  de  sa  vie  pohtique,  il  écrivit  le  suave 
poème  de  Jocelyn^  épopée  domestique  pleine  de  bonne 
humeur,  de  vérité  simple  et  de  charme,  touchante  histoire 
de  la  passion  sacrifiée  au  devoir  ;  son  héros  est  un  curé 
de  campagne.  Après  ce  poème  mélancolique,  il  a  chanté 
dans  la  Chute  d^un  Ange  les  mystérieuses  époques  de 
l'humanité  primitive.  Ces  deux  longues  élégies  sont  par 
place  admirables  et  dignes  de  son  génie. 

L'éloquence  politique  de  Lamartine  est  digne  de  sa  poésie, 
mais  la  haute  raison  de  ses  magnifiques  discours  politiques 
était  trop  enveloppée  de  poésie  pour  convaincre  la  Chambre 
qu'elle  ne  parvenait  qu'à  séduire. 

Les  tristesses  de  la  fin  de  sa  vie,  les  humihations  que 
sa  prodigalité  passée  lui  valut  ont  nui  à  la  réputation  du 
poète.  Obligé  de  réparer  les  brèches  faites  à  sa  fortune 
par  un  colossal  labeur,  Lamartine  entassait  volumes  sur 
volumes  ;  il  travaillait  sur  commande,  restant  sans  défense 
aux  mains  des  entrepreneurs  de  journaux  auxquels  il 
vendait  des  mémoires,  des  Confidences  où  il  révèle  les 
secrets  de  sa  jeunesse  et  de  ses  premières  amours,  où  il 
intercale  des  commentaires  d'un  incommensurable  orgueil 
sur  ses  œuvres  poétiques.  Ses  incessants  besoins  d'argent 
l'obligèrent  à  solliciter  le  public  de  toutes  façons,  sous 
forme  de  loteries,  de  souscriptions,  de  dotations  ;  il  accepta 
de  grands  domaines  du  sultan  ;  il  accepta  un  demi-million 
de  l'empire.  Mais  il  faut  fermer  les  yeux  sur  les  chagrins 
de  sa  vieillesse  qu'il  sut  mal  supporter,  et  l'équitable  avenir 
rendra  à  Lamartine  la  place  que  les  Français  de  1820  lui 
avaient  donné  dans  leur  cœur.  Ph.  B. 

BiBL.  :  RÉVÉREND  DU  Mesnil,  Lamartine  et  sa  famille; 
Lyon,  1869,  in-8.  —  F.  Reyssié,  la  Jeunesse  de  Lamar- 
tine, 1892,in-12.  —  Anatole  France,  VElvire  de  Lamartine, 
1893,  in-16.  —  Chapuys-Montlaville,  Lamartine,  Vie  pu- 
blique et  privée,  1843,  in-8. —  Eug.  Pelletan,  Lamartine, 
sa  vie  et  ses  œuvres,  1869,  in-8.  —■  Ch.  de  Mazade,  La?nar- 
tine,  savie  littéraire  etpolitique^  1872,  in-18.  —  Emile  Olli- 
vier,  Lamartine,  1874,  in-12.  — H.  db  Lacretelle,  Lama?'- 
tine  et  ses  amis,  1878,  in-12.  —  E,  Legouvé,  Lamartine, 
1876,  in-8.  —  Cli.  Alexandre,  Soituenij'S  de  Lamarf  me,  1884, 
in-18.  —  Ch.  de  Pomairols,  Lamartine,  étude  de  morale  et 
d'esthétique,  1889, in-12, —  Chamborant  de  Périssat,  La- 
martine inconnu,  1891,  in-12. —  Emile  Deschanel,  Lamar- 
tine, 1893,  2  vol.  in-18.  —Sainte-Beuve,  Premiers  Lundis, 
Portraits  contemporains,  Causeries  du  lundi.— F,  Brune- 
TiÈRE,l' Evolution  de  la  poésie  lyrique  au  xix«siècie,1894, 1. 1. 

LA  MARTIN  1ERE  (Ferrierde)  (V.  FerrieiideLaMâr- 
tinière). 

LA  M ARTINIÈRE  (Albine  Pusm  de)  (V.  Benoît  [M^«]). 

LA  MARTINIÈRE  (Bruzen  de)  (V.  Bruzen  de  La  Mar- 
tini ère). 

LAMARTINIERE  (Germain  Pichault  de),  chirurgien 
français,  né  en  1696,  mort  à  Bièvres  le  47  oct.  1783. 
Agrégé  en  1728  au  collège  de  Saint-Côme,  il  servit  à  par- 
tir de  1733  dans  les  armées,  et  en  1747,  fut  choisi  par 


«iS  —  LAMARTINE  —  LAMB 

Louis  XV  pour  être  son  premier  chirurgien.  Pendant  trente- 
sept  ans,  il  remplit  avec  éclat  ces  fonctions  en  même  temps 
qu'il  présida  l'Académie  de  chirurgie.  Lamartinière  est 
l'auteur  de  plus  d'une  réforme  ;  c'est  lui  qui,  par  la  pu- 
blication de  ses  Mémoires  présentés  au  roi  et  son  in- 
fluence personnelle,  réussit  à  délivrer  la  chirurgie  de  la 
tyrannie  de  la  faculté  de  médecine  et  à  faire  décréter  que 
le  premier  chirurgien  devait  prêter  serment  non  plus  entre 
les  mains  du  premier  médecin,  mais  bien  entre  les  mains 
du  roi  ;  enfin,  il  fit  accorder  de  nouvelles  prérogatives  au 
collège  de  Saint-Côme.  *  D'  L.  Hn. 

LAMARZELLE  (Gustave-Louis-Edouard  de),  homme 
politique  français,  né  à  Vannes  le  4  août  185*2,  Avocat  à 
Paris  (1874),  il  professa  le  droit  international  à  la  faculté 
libre  de  droit.  Il  se  présenta  sur  la  liste  monarchiste  aux 
élections  générales  dans  le  dép.  du  Morbihan  et  fut  élu  le 
4  oct.  1885  par  60,279  voix  sur  95,057  votants.  Aux 
élections  du  22  sept,  1889  il  fut  élu  dans  la  deuxième  cir- 
conscription de  Lorient  par  9,637  voix  contre  8,349  obte- 
nues par  le  candidat  républicain,  M.  Trottier.  Aux  élections 
générales  de  1893,  il  a  été  battu  par  M.  Le  Coupanec,  ré- 
publicain, mais  il  a  été  élu  sénateur  du  Morbihan  le  22  juil. 
1894. 

LAMAS  (Don  André),  publiciste  américain,  né  à  Monte- 
video vers  1820.  Il  a  rempH  dans  sa  patrie  diverses  fonc- 
tions administratives  et  diplomatiques  importantes.  Il  a 
fait  des  vers  et  de  l'histoire  et  publié  une  Notice  sur  la 
république  orientale  de  r Uruguay, 

LA  M  AS  A  (Giuseppe),  patriote  et  général  italien,  né  à 
Palerme  vers  1825.  Lors  du  soulèvement  de  Païenne 
(12  janv.  1848),  il  fut  le  premier  à  arborer  les  couleurs 
italiennes  et  s'acquit  une  grande  popularité.  C'est  à  lui 
que  se  rendit  le  château  de  Termini.  Nommé  colonel,  il 
reçut  le  commandement  de  la  petite  légion  sicilienne  envoyée 
en  Lombardie.  Après  la  défaite,  il  retourna  en  Sicile  et 
prit  part  à  la  défense  de  Messine  (septembre).  Ayant  fait 
retraite  sur  Milazzo,  il  fut  malheureusement  obligé  par 
l'insubordination  de  ses  troupes  d'abandonner  cette  impor- 
tante position.  Pendant  l'exil,  il  écrivit  son  livre  Délia 
Guerra  insurrezionale.  En  1860,  il  fut  de  ceux  qui  pré- 
parèrent l'expédition  de  Sicile,  même  avant  le  consente- 
ment de  Garibaldi.  Dans  l'île,  il  réunit  les  contingents 
siciliens  et  en  prit  le  commandement.  Sa  conduite  militaire, 
vivement  attaquée  par  quelques-uns  de  ses  compagnons 
d'armes,  fut  plus  tard  l'occasion  de  fâcheux  débats  à  la 
Chambre.  La  commission  des  grades  le  maintint  cependant 
comme  major  général  dans  l'armée  régulière.  Député  de 
Termini  Imerese,  il  prit  place  à  gauche.  Il  a  publié  divers 
ouvrages  :  Memoria  documentata  pour  sa  défense,  Do- 
cumenti  délia  Rivoluzione,  Alcuni  Fatti,  Lettera  a 
Ricasoli,       ^  F.  H. 

LAMASQUÈRE.  Com.  du  dép.  de  Haute-Garonne,  arr. 
de  Muret,  cant.  de  Saint-Lys  ;  368  hab. 

LAMASTRE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr. 
de  Tournon,  sur  la  rivière  du  Doux;  3,693  hab.  Relié  au 
chem.  de  fer  de  la  rive  droite  du  Rhône  par  l'embranche- 
ment de  Tournon.  MouUnages  et  filatures  de  soie.  Grand 
commerce  de  châtaignes  et  de  bestiaux.  Le  vieux  Lamastre, 
où  est  encore  aujourd'hui  l'église  paroissiale,  s'appelait 
Mansiis  Cavillanus  et  fut  donné  au  monastère  de  Saint- 
Ghaffre  par  Geilin,  premier  comte  de  Valentinois. 

LAMATH.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr. 
de  Lunéville,  cant.  de  Gerbéviller;  178  hab. 

LAMAYOU.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  de 
Pau,  cant.  de  Montaner;  405  hab. 

LAMAZERE.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  et  cant.  de 
Mirande  ;  227  hab. 

LAMAZIÈRE-Basse.  Com.  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr. 
d'Ussel,  cant.  de  Neuvic;  1,629  hab. 

LAIVIAZIÈRE-Haute.  Com.  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr. 
d'Ussel,  cant.  d'Eygurande;  372  hab. 

LAMB,  vicomtes  Melbourne  (V.  ce  nom). 


LAMB  —  LAMBALLE 


—  846 


LAMB  (Charles),  écrivain  anglais,  né  à  Londres  le 
18  févr.  1775,  mort  le  27  déc.  1834.  Elevé  à  Chrisf  s  Hospi- 
tal,  il  s'y  lia  d'amitié  avec  Coleiidge,  qui  fit  imprimer  ses 
premiers  vers.  Il  était  commis  dans  les  bureaux  de  la  Com- 
pagnie des  Indes,  lorsqu'un  terrible  événement  vint  à  tout 
jamais  empoisonner  sa  vie.  Sa  sœur,  Mary-Ann^  qui,  par 
ses  travaux  d'aiguille,  aidait  courageusement  à  l'entretien  de 
leurs  vieux  parents,  dans  un  accès  de  fièvre  chaude  tua  sa 
mère  d'un  coup  de  couteau,  et  fut,  dès  lors,  sujette  à  de  fré- 
quentes crises  d'insanité.  Lamb  se  voua  à  la  garde  de  la 
pauvre  fille.  Romanesque  et  excentrique,  aimant  à  boire  et 
noyant  sa  raison  dans  le  premier  verre,  il  ne  faillit  pas  un 
instant  à  son  rôle  de  protecteur  d'une  folle.  Cependant  il  rem- 
plissait, à  la  satisfaction  delà  Compagnie,  des  fonctions  qui 
lui  valurent,  au  bout  de  trente-trois  ans,  une  pension  de 
retraite  de  plus  de  10,000  fr.  ;  il  trouvait  le  temps  d'écrire 
quantité  d'essais  humoristiques  et  moraux  qui  sont  des 
chefs-d'œuvre,  et  savait,  par  sa  bonté,  sa  simplicité,  son 
désintéressement  et  le  charme  de  son  commerce,  se  faire 
aimer  de  tout  ce  que  l'Angleterre  d'alors  comptait  de  cœurs 
généreux  et  d'esprits  d'élite.  Malgré  le  bégayeinent  dont 
il  était  affecté,  il  n'y  eut  jamais  compagnon  plus  séduisant 
et  plus  persuasif.  Il  en  vint  à  donner  à  sa  sœur,  dans  les 
intervalles  de  lucidité,  ses  goiits  et  une  partie  de  son  talent 
littéraire,  et  à  eux  deux,  lui  se  chargeant  des  actions  tra- 
giques et  elle  des  comédies,  ils  écrivirent  le  Hvre,  devenu 
classique,  des  Taies  from  Shakespeare.  Poète  ingénieux  et 
tendre,  humoriste  plutôt  gai  qu'amer,  comme  il  arrive  sou- 
vent quand  la  souffrance  s'attaque  à  un  cœur  généreux, 
Lamb  vaut  surtout  comme  critique  et  comme  essayist. 
Les  essays  qu'il  a  publiés  sous  le  nom  d'Elia  révèlent  un 
talent  fantaisiste  d'une  grande  originalité  en  même  temps 
qu'une  vive  et  profonde  sympathie  pour  tous  les  sentiments 
humains.  Ses  Spécimens  ofEnglish  Dramatic  Poets  avec 
notes  (1808),  ses  études  sur  Hogarth  et  sur  Shakespeare, 
publiées  dans  le  Reflector  de  Leigh  Hunt  (1811)  lui  assi- 
gnent un  rang  à  part  dans  la  critique  littéraire  et  dans  la 
critique  d'art.  Une  faible  partie  des  écrits  que  Lamb  a 
dispersés  dans  les  revues,  magazines,  keepsakes  et  albums 
du  temps  a  été  réunie  (Londres,  1818,2  vol.).  Une  édition 
complète  de  ses  œuvres  a  été  donnée  par  Purnell  {Com- 
plète Correspondence and  Works,  1870,  •'*  vol.).  Sa  sœur 
lui  survécut  encore  plus  de  douze  ans  (1847).    B.-H.  G. 

LAMB  (George),  publiciste  anglais,  né  en  1784,  mort 
en  1834.  Dernier  fils  de  Peniston,  vicomte  Melbourne,  il 
partagea  son  existence  entre  la  littérature  et  la  politique. 
11  siégea  au  Parlement,  d'abord  pour  Westminster,  où  sa 
belle-sœur,  lady  Caroline  Lamb,  lui  assura  la  victoire  sur 
son  concurrent  Hobhouse,  puis  pour  Dungarvan,  dans  le 
comté  de  Waterford,  et  fut  sous-secrétaire  d'Etat  à  l'in- 
térieur pendant  que  son  père,  lord  Melbourne,  était  mi- 
nistre (1830).  Outre  des  essais  dramatiques  et  des  rajeu- 
nissements plus  ou  moins  heureux  de  Shakespeare,  on  a  de 
lui  une  traduction  de  Catulle  en  vers  anglais,  où  il  se 
montre  versificateur  élégant  et  facile,  mais  assez  médiocre 
érudit.  B.-H.  G. 

LAMB  (Lady  Caroline),  femme  de  lettres  anglaise,  née 
en  1785,  morte  en  1828.  Fille  de  Frederick  Ponsonby, 
comte  de  Bessborough,  elle  passa  ses  premières  années 
en  Italie,  puis  fut  confiée  à  sa  grand-mère,  lady  Spencer, 
qu'elle  efi'raya  par  ses  excentricités,  et  épousa  en  1805 
William  Lamb,  plus  tard  lord  Melbourne,  dont  elle  se 
sépara,  après  bien  des  incidents,  en  1825.  Sa  liaison 
avec  Byron,  suivie  d'une  rupture  éclatante  (I81d),  lui 
inspira  son  premier  roman,  Glenarvon,  où  le  grand  poète 
est  portraituré  par  une  femme  dépitée  qui  se  venge.  On  a 
encore  de  lady  Lamb  un  poème  :  A  New  Canto^denx  romans  : 
Graham  Hamilton  et  Ada  Reis,  et  une  quantité  de  ro- 
mances et  de  vers  d'album,  dont  plusieurs  ont  été  recueillis 
par  Isaac  Nathan  dans  ses  Fugitive  Pièces  and  Réminis- 
cences ofLord  Byron  (1829).  B.-H.  G. 

LAMBADER.  Hameau  de  la  com.  dePlouvorn  (Finistère). 
Eglise  (mon.  hist.)  d'une  commanderie  de  templiers  du   I 


XIV®  siècle,  reconstruite  en  1837.  On  en  a  conservé  le 
porche  latéral  et  un  jubé  de  1481. 

LAMBALAKÉ.  Petit  pays  dans  le  Soudan  occidental  qui 
faisait  autrefois  partie  des  Etats  du  sultan  de  Ségou.  Le 
Lambalaké  est  limité  au  N.  par  le  Kaartaet  leBakliounou, 
au  S.  par  le  Bélédougou  et  le  Fadougou.  L'agglomération 
principale  du  pays  est  Toumboula,  à  peu  près  à  mi-chemin 
de  Niora  et  de  Ségou.  11  est  habité  par  des  Soninkés,  actifs 
et  industrieux,  qui  cultivent  le  tabac  en  grand  et  en 
exportent  de  nombreux  ballots  sur  les  marchés  du  Niger. 
Les  blouses  et  les  manteaux  les  mieux  teints  et  les  plus 
durables  servant  aux  costumes  des  noirs  de  la  partie  occi- 
dentale du  bassin  du  Niger  proviennent  du  Lambalaké.  Le 
pays  est  gouverné  par  un  chef  toucouleur  qui  réside  à 
Toumboula.  D''  RoumE. 

LAMBALLE  (Lambalium).  Ch.-l.  de  cant.  (Côtes-du- 
Nord),  arr.  de  Saint-Brieuc,  sur  la  rive  droite  du  Goues- 
sant;  4,524  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  de  Paris  à  Brest  et 
tête  de  ligne  de  l'embranchement  Lison-Lamballe.  Ville  in- 
dustrielle et  commerçante.  Son  port  est  le  havre  de  Dahouet 
(V.  ce  mot),  à  13  kil.  auN.  Fabriques  d'étofi'es  et  de  draps 
(serges,  berlinges),  de  chapeaux,  d'engrais  ;  blanchisseries 
de  cire,  tanneries,  taillanderies.  Commerce  important  de 
blé  et  graines  fourragères,  de  lainages,  toiles,  poterie  com- 
mune, celle-ci  fabriquée  dans  un  village  voisin  (4  kil.), 
nommé  la  Poterie;  miel,  cire,  chevaux  et  bestiaux  ;  c'est 
par  le  havre  de  Dahouet  que  Lamballe  reçoit  surtout  du 
sel  et  des  engrais  marins,  du  poisson,  et  qu'il  exporte  ses 
céréales,  ainsi  que  du  beurre,  des  œufs,  de  la  volaille.  Le 
marché  de  grains  de  Lamballe  a  été  un  des  premiers  de 
Bretagne.  —  Collège  communal  ;  haras;  deux  hospices; 
maison  mère  des  Filles  de  Saint-Thomas,  fondée  en  1661. 

Lamballe  est  mentionnée  dès  la  fin  du  xi^  siècle.  Le 
château  féodal,  bâti  à  la  fin  du  x®  siècle,  fut  l'origine  de 
la  ville,  que  bientôt  on  entoura  de  murailles  et  qui  fut 
une  place  forte;  en  1134,  la  ville,  qui  était  dans  la  dé- 
pendance du  comté  de  Guingamp,  devint  le  ch.-l.  de 
celui  de  Penthièvre  et  le  demeura  jusqu'à  la  Révolution. 
Le  château,  démantelé  par  le  duc  Jean  V,  fut  reconstruit 
en  1555  par  le  duc  d'Etampes.  Le  comté  fut  érigé  en 
duché-pairie,  en  sept.  1569,  par  Charles  IX.  Le  duc  de 
Mercœur  en  ayant  eu  possession,  par  sa  femme,  la  ville 
de  Lamballe  prit  parti  pour  la  Ligue.  Elle  fut,  par  suite, 
assiégée  par  le  prince  de  Bombes,  mais  en  vain  (mars  1590); 
une  seconde  tentative  en  1591  échoua  encore,  le  brave 
Lanouë,  qui  l'accompagnait,  ayant  été  blessé  mortellement 
(4  août).  César  de  Vendôme,  devenu  duc  de  Penthièvre, 
ayant  excité  des  troubles,  Richelieu  fit  démanteler  la  place 
en  1626.  La  seigneurie  de  Lamballe  passa  successivement 
dans  les  mains  de  la  princesse  de  Conti  et  du  comte  de  Tou- 
louse (1697).  Le  petit-fils  de  ce  dernier  porta  le  titre  de 
prince  de  Lamballe  ;  c'était  l'époux  de  la  princesse  qui  fut 
massacrée  en  1792.  Comme  ils  ne  laissèrent  pas  de  pos- 
térité, la  sœur  de  celle-ci,  femme  de  Philippe- Egalité,  hérita 
des  domaines  de  la  maison  de  Penthièvre.  Pendant  la  Ré- 
volution, c'est  dans  les  environs  de  Lamballe  que  s'orga- 
nisa principalement  la  chouannerie  du  département. 

Il  ne  reste  de  l'ancien  rempart  flanqué  de  tours  que  des 
débris  de  la  tour  des  Chouettes  et  de  la  porte  Saisit- 
Martin.  Sur  la  colline  à  l'E. 
de  la  ville,  Ip  château  a  laissé 
quelques  dépendances,  passées 
par  héritage  dans  la  maison 
d'Orléans;  Louis-Philippe,  en 
1840,  en  abandonna  une  partie 
à  un  établissement  de  sourds- 
muets,  actuellement  transféré 
à  Billion,  près  de  Saint-Brieuc; 
l'autre  partie  a  été  achetée  par 
la  ville  de  Lamballe,  en  1866, 
pour  le  collège.  Là  aussi  se 
trouve  la  masse  imposante  de  V église  Notre-Dame,  primiti- 
vement chapelle  du  château,  érigée  en  collégiale  en  1435, 


Armes  de  Lamballe. 


restaurée  en  1857.  V église  Saint-Martin  (1084),  avec 
porche  et  clocher  du  xyi*^  siècle,  dépendait  de  Tabbaye  de 
Marmoutier.  Eglise  Saint-Jean  (1420  à  1465),  tour  octo- 
gonale du  xvii^  siècle.  Couvent  des  Augustins  (1337),  avec 
un  portail  du  xv^  siècle,  converti  en  justice  de  paix.  Les 
VrsulineSy  étabhes  à  Lamballeen  1639,  ont  fait  reconstruire 
leur  couvent  en  1825.  —  Patrie  du  jurisconsulte  Delaporte. 
Le  chirurgien  Jobert,  dit  de  Lambâlle,  est  né  à  Matignon. 
—  Armoiries  :  Ecartelé,  le  premier  et  le  quatrième  de 
gueules  à  trois  gerbes  de  blé  d'or^  le  deuxième  et  le 
troisième  d'argent  semé  de  mouchetures  d'hermine  de 
sable,  3,  2  et  S,  Ch.  Delavaud. 

BiBL.  :  Anat.  de  Barthélémy,  le  Château  de  Lambâlle, 
1863.  —  QuERNEST,  Notions  histor.  et  archéolog.  sur  la 
ville  de  Lambâlle,  1887. 

LAMBALLE  (Marie-Thérèse-Louise  de  Sayoie-Cari- 
GNÀN,  princesse  de),  née  à  Turin  le  8  sept.  1749,  massacrée 
à  Paris  le  3  sept.  1792.  Quatrième  fille  de  Louis-Victor  de 
Savoie-Carignan  et  de  Christine-Henriette  de  Hesse-Rhinfelds- 
Rothembourg,  elle  fut  mariée  à  dix-sept  ans  au  fils  du  duc  de 
Penthièvre,  Louis- Alexandre-Stanislas  de  Bourbon,  prince 
de  Lambâlle,  qui  descendait  du  comte  de  Toulouse,  bâtard 
légitimé  de  Louis  XIV.  Le  mariage  eut  lieu  par  procuration 
à  Turin  au  mois  de  janv.  1767,  et  la  jeune  femme  rejoi- 
gnit son  mari  à  Versailles  le  5  févr.  ;  celui-ci,  jeune  homme 
de  vingt  ans,  perdu  de  débauches,  ne  subit  pas  Tinfluence 
de  sa  gracieuse  et  douce  épouse  et  mourut  peu  de  mois 
après,  en  mai  1768,  des  suites  d'une  maladie  qu'il  avait 
communiquée  à  sa  femme.  La  princesse  de  Lambâlle,  veuve 
à  dix-huit  ans,  se  retira  près  de  son  beau-père  à  Ram- 
bouillet et  l'entoura  de  tendres  soins.  Il  fut  question  un 
moment  de  la  marier  à  Louis  XV,  après  la  mort  de  Marie- 
Leczinska,  mais  des  intrigues  de  cour  firent  échouer  ce  pro- 
jet de  M"^^  Adélaïde. 

Quand  le  dauphin  eut  épousé  Marie-Antoinette,  la  prin- 
cesse de  Lambâlle  reparut  tout  à  fait  à  la  cour  où  l'attirait 
la  vive  affection  de  Marie- Antoinette  :  elle  fut  dès  lors  de 
toutes  les  fêtes.  On  l'a  souvent  représentée  comme  une 
beauté  parfaite  ;  mais  son  portrait  qui  figure  au  musée  de 
Versailles  permet  de  comparer  la  réalité  à  la  légende  que 
sa  fin  tragique  a  suscitée.  Elle  était  mignonne,  gracieuse  ; 
la  tête  fort  petite,  les  traits  fins  et  un  peu  chiffonnés,  le 
teint  d'une  blancheur  éblouissante  et  d'admirables  cheveux 
blonds  ;  selon  M"^^  de  Genlis,  ses  mains  étaient  d'une  taille 
peu  aristocratique,  son  caractère  était  doux  et  naïf,  son  es- 
prit bienveillant  et  peu  étendu  :  elle  était  toujours  de  l'avis 
des  autres  et  avait  quelques  petits  ridicules  à  la  mode  :  elle 
s'évanouissait  fréquemment,  à  l'odeur  d'un  bouquet,  à  la 
vue  d'une  petite  bête. 

A  son  avènement,  Louis  XVI  donna  au  duc  de  Penthièvre 
une  preuve  de  sa  confiance  en  l'envoyant  dans  la  province  de 
Bretagne  que  la  dissolution  des  parlements  avait  troublée  ; 
M™®  de  Lambâlle  accompagna  son  beau-père.  A  son  retour, 
Marie- Antoinette  la  nomma  surintendante  de  sa  maison, 
malgré  la  vive  jalousie  des  dames  d'honneur  et  l'opposition 
du  roi  :  toutes  les  fêtes,  les  comédies  se  donnaient  dans 
l'appartement  de  la  surintendante.  Cette  vive  amitié  de  la 
reine  se  calma  peu  à  peu  et,  dès  1776,  la  comtesse  de  Po- 
lignac devint  la  favorite  et  prit  un  ascendant  déplus  en  plus 
grand.  La  princesse  de  Lambâlle  s'éloigna  alors  de  la  cour 
et  se  retira  près  du  duc  de  Penthièvre,  sans  se  plaindre  ; 
elle  perdit  à  la  même  époque  son  père  et  sa  mère  et  en  fut 
profondément  attristée.  En  1778,  elle  accompagna  en  Hol- 
lande M"^^  de  Genlis  et  la  duchesse  de  Chartres  ;  elle  fai- 
sait partie,  selon  la  mode  du  jour,  d'une  loge  maçonnique  ; 
en  1781,  elle  devint  même  grande  maîtresse  de  la  mère 
loge  écossaise  d'adoption. 

Cependant  elle  n'était  pas  en  disgrâce  ;  elle  avait  con- 
servé sa  charge  de  surintendante  et  était  seulement  un  peu 
délaissée  par  la  reine  et  ne  paraissait  à  la  cour  que  dans 
les  occasions  solennelles.  En  1785,  Marie -Antoinette, 
obsédée  de  l'avidité  éhontée  de  la  coterie  des  Polignac  qui 
la  rendait  si  impopulaire,  profondément  blessée  par  les 
grande  encyclopédie.  —  XXI. 


—  817  —  LAMBALLE  —  LAMBARDË 

pamphlets  répandus  contre  elle  dans  le  public,  et  très  émue 
de  l'affaire  scandaleuse  du  Collier,  sentit  revivre  son  amitié 
pour  la  princesse  de  Lambâlle  dont  la  douceur  et  le  dévoue- 
ment désintéressé  lui  manquaient.  La  princesse  revint, 
toujours  fidèle  et  tendre  ;  la  reine  l'employait  à  tous  ses 
caprices,  la  compromettait  dans  toutes  ses  intrigues.  Quand 
la  Révolution  éclata,  M""®  de  Lambâlle  continua  à  témoi- 
gner à  la  reine  l'attachement  le  plus  parfait;  elle  tenta 
vainement  de  rapprocher  le  duc  d'Orléans  de  la  famille 
royale  ;  lors  des  journées  d'octobre,  elle  vint  s'étabhr  aux 
Tuileries,  et  son  salon  servit  à  la  reine  d'intermédiaire  pour 
se  ménager  des  membres  de  l'Assemblée  qu'elle  voullait 
gagner,  pour  réunir  ses  partisans:  la  pauvre  princesse 
passait  dans  le  peuple  pour  l'âme  de  toutes  les  intrigues 
royales.  Elle  fut  au  courant  de  la  fuite  de  Varennes,  quitta 
les  Tuileries  le  21  juin  1791  en  même  temps  que  la  reine 
et  passa  en  Angleterre  pour  y  chercher  un  appui  ;  sa  mis- 
sion n'eut  aucun  succès  ;  la  reine  voulut  aussi  l'envoyer 
en  mission  près  de  l'empereur  Léopold.  M™^  de  Lambâlle, 
après  un  court  séjour  à  Vernon,  près  du  duc  de  Penthièvre 
qui  était  malade,  revint  aux  Tuileries  en  nov.  1791.  Sa- 
vait-elle exactement  les  dangers  terribles  auxquels  elle 
s'exposait?  Cela  n'est  pas  certain;  cependant  elle  avait 
rédigé  son  testament  le  15  oct.  de  la  même  année.  Elle 
jouait  un  rôle  singulier  au  château,  chargée  de  la  petite 
police  de  la  reine,  surveillant  les  intimes,  recevant  les 
amis;  M"'^  Campan,  dans  ses  Mémoires,  en  a  laissé  la 
preuve.  Le  10  août,  la  princesse  de  Lambâlle  accompagna 
la  famille  royale  à  l'Assemblée,  et  de  là  au  Temple  ;  malgré 
sa  faiblesse  maladive,  sa  fidélité  ne  l'abandonnait  pas. 

Dans  la  nuit  du  19  au  20  août,  on  la  fit  passer  à  l'Hôtel 
de  Ville,  puis  on  la  transféra  à  la  Force;  elle  était  dès  lors 
profondément  abattue,  tremblante  de  frayeur  aux  bruits 
du  dehors,  n'osant  quitter  son  lit  ;  le  bruit  terrible  des 
massacres  de  septembre  l'avait  glacée  d'horreur.  Le  3  sept, 
au  matin,  vers  sept  heures,  elle  fut  amenée  devant  le  tri- 
bunal improvisé  qui  y  siégeait  ;  la  légende  est  ici  bien 
difficile  à  dégager  de  l'histoire.  M™®  de  Lambâlle  s'évanouit 
deux  fois  pendant  son  interrogatoire,  et  il  est  peu  probable 
qu'elle  ait  montré  la  fermeté  romaine  qu'on  s'est  plu  par- 
fois à  lui  prêter.  Le  président  du  tribunal  prononça  la  sen- 
tence mortelle  :  «  Elargissez  madame  !  »  On  conduisit 
l'infortunée  au  dehors,  dans  la  rue  du  Roi-de-Sicile.  A  la 
vue  des  cadavres  et  des  égorgeurs,  elle  s'évanouit  encore. 
Un  de  ces  misérables  la  blessa  à  la  tète  en  cherchant  à 
enlever  son  bonnet  à  la  pointe  d'un  sabre  ;  un  autre  la 
frappa  violemment  avec  une  bûche  et  la  jeta  à  terre  ;  on 
l'acheva  à  coups  de  sabre.  On  a  raconté,  Michelet  en  par- 
ticulier, que  son  corps  fut  affreusement  mutilé,  déchiqueté 
et  souillé  ;  on  a  donné  les  plus  horribles  détails  sur  ce  tra- 
gique événement.  H  est  probable  que  le  récit  a  été  exagéré; 
ce  que  l'on  sait  avec  certitude  est  déjà  atroce.  La  tête  fut 
coupée  et  promenée  sur  une  pique  à  travers  les  rues  de 
Paris;  elle  fut  apportée  jusque  sous  les  fenêtres  du  Temple 
pour  la  montrer  à  la  reine,  et  devant  le  Palais-Royal,  sous 
les  yeux  du  duc  d'Orléans.  On  a  cité  beaucoup  de  noms 
comme  ceux  des  assassins.  La  preuve  n'est  pas  faite  pour 
la  plupart  d'entre  eux  ;  on  peut  citer  cependant  Charlat, 
tambour  qui  fut  tué  peu  après  en  Vendée;  un  gendarme 
licencié  surnommé  le  Grand  Nicolas,  et  condamné  pour  le 
crime,  en  1796,  à  vingt  ans  de  fers;  Grizon,  qui  fut 
guillotiné  comme  chauffeur  en  l'an  V,  etc.  On  peut  con- 
sulter le  livre  consacré  en  1864  par  M.  de  Lescure  à  la 
princesse  de  Lambâlle  ;  c'est  un  livre  partial  et  d'une  cri- 
tique médiocre,  mais  il  contient  un  grand  nombre  de  faits 
et  de  détails  intéressants.  Ph.  Beuthelot. 

LAMBALLE  (Jobert  de)  (V.  Jobert  de  Lambâlle). 

LAMBARDË  (William),  jurisconsulte  et  historien  an- 
glais, né  en  1536,  mort  en  1601.  Entré  au  barreau  et 
dans  l'administration,  il  obtint  de  la  reine  Elisabeth  la  garde 
des  archives  de  la  Tour  de  Londres,  qu'il  décrivit  dans  un 
volume  intitulé  Pandecta  Rotulorum,  On  lui  doit,  entre 
autres  ouvrages,  une  paraphrase  du  code  anglo-saxon  : 

52 


LAMBARDE  —  LAMBERf 


-  818  — 


'Apîcaiovo[jiia,  sive  de  priscis  Anglorum  legibus  libri 
(1568,  m-4);  une  très  remarquable  description  historique 
du  comté  de  Kent  :  Perambulation  of  Kent  (1576,  in-4); 
un  ouvrage  sur  The  Office  ofthe  Justices  of  Peace  (1581, 
in-8),  et  wnCommentary  upon  theHigh  Courts  of  Jus- 
tice in  England  (1635,  in-8).  Il  a  laissé  beaucoup  d'au- 
tres écrits  qui  n'ont  pas  été  publiés.  B.-H.  G. 

LAMBART  ou  LAMBERT.  Famille  irlandaise,  dont  les 
membres  principaux  sont  :  lord  0/i?;^r  Lambart,  baron  de 
Cavan,  mort  à  Londres  le  23  mai  1618.  Soldat  de  fortune, 
il  prit  part  à  toutes  les  guerres  de  1580  à  1615.  Il  appuya 
notamment  le  comte  d'Essex  dans  ses  combats  contre  le 
comte  de  Tyrone,  devint  maître  de  camp  en  1599,  entra  au 
conseil  privé  en  1603  et  fut  créé  baron  en  1618.  —  Son  fils 
Charles,  né  en  1600,  mort  en  1660,  prit  une  part  active 
aux  débats  de  la  Chambre  des  lords  d'Irlande  où  il  siégea 
à  partir  de  163^-.  Il  combattit  les  rébellions  d'Irlande,  de- 
vint gouverneur  militaire  de  Dublin  en  1642  et  fut  créé 
comte  en  1647. 

Richard- For d-William,  7®  comte  de  Cavan,  né  le 
10  sept.  1763,  mort  à  Londres  le  21  nov.  1836,  entra 
dans  l'armée  en  1779,  et  prit  part  notamment  à  l'expédi- 
tion de  Cadix  (1800),  à  celle  d'Egypte  (1801)  où,  à  la  tête 
d'une  brigade,  il  s'empara  d'Alexandrie  (2  sept.).  Il  prit 
le  commandement  de  toute  l'armée  d'Egypte  après  le  dé- 
part de  lord  Hutchinson.  Il  fut  promu  général  en  1814. 
LAMBECK  (Pierre),  érudit  et  bibliographe  allemand,  né 
à  Hambourg  en  1628,  mort  à  Vienne  en  1680.  Après  avoir 
étudié  à  Amsterdam,  sous  la  direction  de  Vossius,  il  vint  à 
Paris  en  1646  et  se  mit  en  relations  avec  les  érudits  de 
l'époque,  voyagea  à  Rome  et  revint  en  1650  à  Hambourg 
où  il  fut  nommé  professeur  d'histoire.  Tourmenté  dans 
cette  ville  à  cause  de  ses  opinions  catholiques,  il  la  quitta, 
alla  abjurer  le  protestantisme  à  Rome,  puis  revint  à  Vienne 
où  il  fut  nommé  historiographe  de  l'empereur,  puis  con- 
servateur de  sa  bibliothèque,  dont  il  passa  le  reste  de  sa 
vie  à  faire  le  classement.  Son  ouvrage  le  plus  important 
est  le  Commentaria  de  Augusta  Bibliotheca  Cœsarea 
Vindobonensi  (Vienne,  1665-79,  8  vol.)  ;  cet  ouvrage  a 
été'  continué  par  Nesselius  sous  le  titre  de  Breviariiim 
et  supplementum  commentariorum  Lambecianorum 
(1690). 

LAMBEL  (Blas.).  Pièce  héraldique  ressemblant  à  une 
fasce  très  étroite  ne  touchant  à  aucun  bord  de  l'écu  et 
garnie  de  pendants  s'élargissant  par  le  bas  et  ordinaire- 
ment au  nombre  de  trois.  Il  se 
pose  horizontalement  en  chef; 
parfois  c'est  la  seule  pièce  qui 
figure  sur  l'écu,  mais  cela  est 
rare.  Le  lambel  est  employé  gé- 
néralement comme  brisure  par 
les  cadets  qui  en  chargent  les 
armes  pleines  de  leur  famille. 
Les  anciens  héraldistes  préten- 
dent que  ce  mot  vient  de  label 
désignant  un  nœud  de  ruban 
que  Ton  attachait  au  casque  sur 
le  tympan  ;  il  pendait  en  arrière 
et  servait  à  distinguer  les  enfants 
du  père,  car  les  célibataires  seuls  en  portaient  ;  c'est  ce  qui 
aurait  donné  plus  tard  l'occasion  de  se  servir  du  lambel 
comme  brisure.  Il  arrive  parfois  que  les  pendants  sont  d'un 
autre  émail  que  la  petite  fasce,  mais  c'est  une  exception.  Au 
reste,  le  lambel,  contrairement  aux  règles  héraldiques, 
peut  être  d'émail  sur  émail  ou  métal  sur  métal.  D'azur  au 
lambel  d'or,  H.  Gourdon  de  Genouillac. 

LAMBER  (Juliette)  (V.  Adam). 
LA  MB  ERG  (Franz-Philipp  de),  général  autrichien,  né 
en  1791,  mort  en  1848.  Il  entra  dans  l'armée  autrichienne 
en  1810,  combattit  en  Italie  et  on  France,  devint  général- 
major  en  1535  et  feld-maréchal  en  1843.  Grand  proprié- 
taire en  Hongrie,  il  était  membre  de  la  Chambre  des  ma- 
gnats. Quand  le  palatin  de  Hongrie,  l'archiduc  Etienne,  quitta 


Lambel, 


Pest,  le  général  Lamberg  fut  nommé  commissaire  royal  en 
Hongrie  (25  sept.  1848)  et  commandant  de  toutes  les 
troupes  du  royaume.  L'Assemblée  nationale  déclara  cette 
nomination  illégale  ;  néanmoins  le  général  se  fendit  à  son 
poste.  Il  fut  assassiné  par  les  insurgés  le  28  sept. 

LAIVIBERIVÎONT  (Charles-Auguste,  baron) ,  homme  d'Etat 
belge,  né  à  Dion-le-Val  en  1819.  H  prit  du  service  en  Es- 
pagne dans  la  guerre  contre  les  carlistes,  devint  aide  de 
camp  du  général  Oraa,  et  se  distingua  à  la  bataille  de  la 
Muela  et  au  siège  de  Morella.  Rentré  en  Belgique  vers  1 840 , 
il  fut  attaché  au  département  des  affaires  étrangères  et  en 
devint  le  secrétaire  général  en  1859.  Il  prit  une  part  con- 
sidérable à  tous  les  actes  diplomatiques  dans  lesquels  la 
Belgique  fut  intéressée  depuis  un  demi-siècle;  nous  cite- 
rons notamment  l'affranchissement  de  l'Escaut  (1863)  ;  le 
congrès  des  lois  et  usages  de  la  guerre  (1874)  ;  la  confé- 
rence de  Berlin  où  a  été  réglé  le  partage  de  l'Afrique  (1 885); 
la  conférence  antiesclavagiste  de  Bruxelles  (1890). 

LAMBERSART.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  et  cant. 
(0.)  de  Lille;  4,050  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  du  Nord, 
ligne  de  Lille  à  Armentières.  Hippodrome  de  Lille.  Bras- 
series, briqueterie,  carreaux  céramiques,  filatures  de  coton, 
teintureries,  poterie,  pépinières.  Eghse  moderne  achevée 
en  1894,  Ancienne  éghse  sur  le  plan  du  Saint-Sépulcre, 
à  Canteleu. 

LAMBERT.  Com.  du  dép.  des  Basses-Alpes,  arr.  et 
cant.  de  Digne;  70  hab. 

LAMBERT  (Hôtel).  Maison  historique,  construite  en 
1604, pour  le  président  Lambert  deThorigny,  par  l'architecte 
L.  Levau,  à  Paris,  à  l'angle  du  quai  d^'Anjou  et  de  la  rue 
Saint-Louis-en- l'Ile;  elle  fut  décorée  par  Lesueur,  Le- 
brun, etc.  ;  une  partie  de  leurs  tableaux  y  sont  encore,  le 
reste  a  été  transporté  au  musée  du  Louvre.  Cet  hôtel  fut 
possédé  par  le  fermier  général  de  La  Haye,  le  marquis  du 
Châtelet-Laumont,  Dupin,  Montalivet,  les  Czartoryski,  ha- 
bité par  Voltaire.  —  Un  autre  hôtel  Lambert,  à  l'angle  des 
rues  Richelieu  et  Colbert,  a  été  annexé  aux  bâtiments  de 
la  Bibliothèque  nationale. 

LAMBERT  (Saint),  évêque  de  Lyon,  né  à  Thérouanne, 
mort  à  Lyon  le  14  avr.  689  ou  699.  Elevé  à  la  cour  comme 
neveu  d'un  référendaire  de  Clotaire  HI,  il  la  quitta  pour  se 
retirer  à  l'abbaye  de  Saint-Wandrille,  dont  il  devint  abbé  ; 
il  fut  appelé  à  l'évêché  de  Lyon  en  670  ou  682. 

LAMBERT  (Saint),  évêque  de  Maastricht  vers  668, 
martyrisé  à  Liège  le  17  sept.  706  ou  708.  Conseiller 
du  roi  Childéric  II,  il  fut  chassé  après  la  mort  du  roi 
(673)  par  la  faction  d'Ebroïn,  et,  privé  de  son  évêché,  il 
se  retira  à  l'abbaye  de  Stavelot  où  il  demeura  jusqu'à  la 
mort  d'Ebroïn  (681).  Réintégré  alors  à  Maastricht  par 
Pépin  d'Héristal,  il  convertit  les  habitants  des  îles  de  la 
Zélande.  Il  périt  massacré  dans  l'oratoire  des  Saints-Côme- 
et-Damien  à  Liège.  On  a  prétendu  que  ses  assassins  étaient 
des  émissaires  d'Alpaïde,  seconde  femme  de  Pépin,  auquel 
il  avait  reproché  son  divorce  et  son  second  mariage. 

LAMBERT,  empereur  et  roi  d'Italie,  né  vers  880,  mort 
en  oct.  898.  Fils  de  Gui,  duc  do  Spolète,  couronné  empe- 
reur en  891,  il  fut  associé  à  l'Empire  dès  cette  date  et 
couronné  en  892  ;  il  succéda  en  894  à  son  père,  après 
sa  mort.  Attaqué  par  Arnoul,  roi  de  Germanie,  il  fut 
obligé  de  quitter  Rome,  puis  Spolète  ;  mais,  après  son 
départ,  il  reprit  l'avantage  et  battit  Adalbert  IH,  marquis 
de  Toscane,  qui  lui  disputait  l'Empire  (898).  H  mourut 
à  la  fin  de  la  même  année  d'une  chute  de  cheval  dans  la 
forêt  de  Marengo. 

LAMBERT  (Franz),  réformateur  de  la  Hesse,  né  à 
Avignon  vers  1486,  mortàFrankenberg  (Hesse)  le  18  avr. 
1530.  A  quinze  ans,  il  se  fit  recevoir  chez  les  minorités 
d'Avignon  et,  un  an  après,  il  prononça  les  vœux.  Plus  tard, 
son  éloquence  le  fit  nommer  prédicateur  général,  ce  qui  le 
porta  à  étudier  les  Ecritures  ;  malgré  ses  réels  succès,  qui 
excitaient  la  jalousie  même  de  ses  supérieurs,  il  n'eut  «  ja- 
mais la  conscience  tranquille  »,  comme  il  le  raconte  lui- 
même.  Pour  se  soumettre  à  une  discipline  plus  rigoureuse, 


-  8i9 


LAMBEHt 


il  voulut  passer  dans  Tordre  des  chartreux  ;  cela  lui  fut 
refusé.  Vers  4520,  il  lut  des  opuscules  de  Luther,  y  trouva 
le  remède  à  ses  angoisses  et  s'attacha  à  cette  nouvelle  ma- 
nière de  comprendre  le  christianisme.  Quand,  au  printemps 
de  1522,  on  Tenvoya,  quoique  suspect  déjà,  en  mission  en 
Allemagne,  il  passa  par  Genève,  Lausanne  et  Berne  ;  à  Zu- 
rich, il  se  déclara  ouvertement  pour  la  Réforme,  et  prit 
pendant  quelque  temps,  par  prudence,  le  nom  de  Jean  Ser- 
ranus.  Il  eut  une  entrevue  avec  Luther  en  janv.  1523  à 
Wittenberg  et  se  maria  dans  cette  ville  en  juillet  1523; 
ce  fut  le  premier  moine  qui  rompit  ainsi  pubhquement 
avec  son  passé.  Il  fit  ensuite  un  cours  à  l'université, 
ce  qui  ne  Fempêchait  pas  de  vivre  dans  une  très  grande 
gêne.  Son  ignorance  de  la  langue  allemande  entravait  son 
activité.  En  mars  1524,  il  essaya  de  se  fixer  à  Metz,  mais 
la  persécution  l'obligea  à  se  réfugier  à  Strasbourg  dès  le 
mois  suivant.  Enfin,  en  1526,  quelques  amis  le  recomman- 
dèrent à  Philippe  de  Hesse.  Il  se  rendit  à  Homberg  et  dé- 
fendit brillamment,  le  20  oct.  1526,  la  doctrine  de  la  ré- 
forme, mais  suivant  le  type  zwinglien  plutôt  que  luthérien, 
dans  une  assemblée  solennelle.  Il  en  résulta  que  la  réforme 
religieuse  fut  aussitôt  opérée  dans  tout  le  pays,  et  Lambert 
rédigea  une  discipline,  Reformatio  ecclesiarum  Hassiœ 
(dans  Richter,  Die  evangeL  Kirchenordmingen  des  iO. 
Jahrh.^  Weimar,  1846,  t.  I,  pp.  56  et  suiv.),  qui  est, 
sans  doute.  Fessai  le  plus  intéressant  du  xvi®  siècle  de  créer 
une  Eglise  indépendante,  à  base  démocratique,  sans  cesse 
épurée  par  une  rigoureuse  discipline,  une  sorte  de  réalisa- 
tion de  l'idéal  franciscain  dans  le  cadre  ordinaire  de  la  vie 
civile.  Sur  Favisde  Luther,  le  landgrave  modifia  d'ailleurs 
entièrement  le  projet  de  Lambert.  Celui-ci  obtint  la  chaire 
d'Ecriture  sainte  à  l'université  de  Marbourg,  créée  le 
30  mai  1527  et  mourut  de  la  peste  trois  ans  après,  avec 
toute  sa  famille.  On  trouve  le  catalogue  de  ses  ouvrages, 
quelques  commentaires  et  divers  écrits  de  circonstance,  qui 
n'ont  jamais  été  réunis  et  qui  mériteraient  de  l'être,  dans 
la  monographie  de  Baum  citée  ci-dessous.  F. -H.  Kruger. 
BiBL.  :  J.-W.  Baum,  Franz  Lambert  von  Avignon  ; 
Strasbourg,  1840. —F.-St.  Sïieve,  De  Fr.  LamhertoAve- 
nionensi;  Breslau,  1867.  —  L.  Ruffet,  Biographie  de  Fr. 
Lambert  d'Avignon;  Paris,  1873.  —  Ch.  Dardier,  dans 
l'Encyclopédie  des  sciences  religieuses;  Paris,  1880,  t.  VIL 
pp.  681-691. 

LAMBERT  (Marquis  de  Saint-Bris  de),  famille  noble, 
originaire  de  l'Yonne.  Les  plus  marquants  sont  : 

Jean,  général  français,  né  en  Périgord,  au  château  des 
Escuyers  le  25  sept.  1586,  mort  au  château  de  Saint-Bris 
(Yonne)  le  23  oct.  1665.  Page  du  roi  Henri  IV,  il  servit 
d'abord  en  Hollande  sous  Maurice  de  Nassau  (1598),  puis 
sous  Bassompierre  (1610),  près  duquel  il  servit  pendant 
des  années;  en  févr.  1621,  il  l'accompagnait  dans  son 
ambassade  d'Espagne;  il  se  distingua  à  maintes  reprises, 
notamment  en  1627  sous  La  Rochelle,  en  1631  pendant 
la  guerre  contre  la  Savoie.  En  1635,  il  fut  nommé  maré- 
chal de  camp  et  prit  le  commandement  de  Mézières  et  de 
Charleville.  Il  rendit  de  nombreux  services  dans  tous  les 
corps  où  il  fut  employé  et  en  fut  récompensé  en  1644  par 
l'érection  en  marquisat  de  sou  château  de  Saint-Bris.  Le 
6  mai  1648,  il  fut  nommé  lieutenant  général  et  envoyé  en 
Italie  avec  le  commandement  des  armées  de  terre  et  de 
mer.  (Juand  la  guerre  civile  éclata,  il  refusa  le  bâton  de 
maréchal  de  France  que  lui  offrait  Gaston  d'Orléans  et  resta 
fidèle;  peu  après  il  se  retira  dans  ses  terres. 

Henri,  général  français,  fils  du  précédent,  né  le  3  nov. 
1 631 ,  mort  dans  le  duché  de  Luxembourg  le  1®^  aotît  1686. 
Il  servit  bravement  sous  Turenne,  puis  sous  le  prince  de 
Condé  ;  il  se  distingua  spécialement  dans  la  campagne  de 
Hollande,  puis  en  Allemagne;  en  1677,  il  fut  investi  du 
commandement  de  la  frontière  d'Alsace.  Créé  lieutenant 
général  en  1682,  il  fut  en  1684  nommé  gouverneur  du 
duché  de  Luxembourg  et  mourut  dans  son  commandement. 

Anne-Thérèse  de  Marguenal  de  Courcelles,  marquise 
de  Lambert,  épouse  du  précédent,  née  à  Paris  en  1647, 
morte  à  Paris  en  1733.  Son  père  mourut  dans  sa  jeunesse. 


sa  mère  se  remaria  à  Bachaumont,  qui  fut  frappé  de  l'es- 
prit délicat  et  des  dispositions  littéraires  de  sa  belle-fille. 
Anne-Thérèse  épousa,  en  1666,  le  marquis  Henri  Lambert 
de  Saint-Bris  et  suivit  son  mari  dans  son  gouvernement 
de  Luxembourg.  Après  sa  mort  (1686)  elle  se  trouva  for- 
cée de  soutenir  de  longs  procès  pour  défendre  sa  fortune  : 
elle  le  fit  assez  habilement  pour  en  rester  maîtresse.  Elle 
s'étaMit  dans  le  même  temps  à  Paris  oii  son  salon  acquit  une 
grande  réputation  littéraire  et  mondaine  :  de  1710  à  1733, 
ce  fut  lô^  rendez-vous  de  tous  les  beaux  esprits  et  de  la  so- 
ciété polie  ;  on  y  tenait  bureau  d'esprit.  L'hôtel  de  la  mar- 
quise se  trouvait  à  l'extrémité  des  bâtiments  occupés  main- 
tenant par  la  Bibliothèque  nationale,  sur  l'emplacement  du 
cabinet  des  médailles.  Le  mardi  elle  donnait  un  souper  pour 
les  grands  seigneurs,  et  le  mercredi  pour  les  gens  de 
lettres  :  le  jeu  qui  faisait  fureur  à  Paris  était  banni  de 
chez  elle.  Son  salon  avait,  dit-on,  une  grande  influence  sur 
les  choix  de  l'Académie  française.  La  marquise  de  Lambert 
avait  un  fils  et  une  fille  qu'elle  aimait  tendrement,  à  Fédu- 
cation  desquels  elle  donna  tous  ses  soins.  C'est  pour  eux 
qu'elle  composa  son  Avis  d'une  mère  à  son  fils  et  Avis 
d'une  mère  à  sa  fille,  ouvrages  qu'elle  ne  voulait  pas  pu- 
blier, mais  qui  parurent  cependant  grâce  au  zèle  indiscret 
de  ses  amis  ;  ils  obtinrent  un  vif  succès  et  furent  maintes 
fois  réimprimés  (1734,  1739,  1748,  1804,  1828,  etc.). 
Elle  composa  aussi  un  Traité  de  Vamitié,  et  des  Ré- 
flexions sur  les  femmes,  sur  V Amour,  sur  la  Vieil- 
lesse, etc.  On  lui  attribue  une  nouvelle  intitulée  la  Femme 
ermite.  L'édition  de  ses  œuvres  parue  en  1808  à  Paris 
passe  pour  la  plus  complète  (c'est  du  reste  la  reproduction 
de  Féditionde  Lausanne  de  1750). 

Henri- François  (connu  surtout  sous  le  nom  de  mar- 
quis de  Lambert),  fils  de  la  précédente,  général  français, 
né  le  13  sept.  1677,  mort  à  Paris  le  21  avr.  1754.  H  en- 
tra en  1693  dans  les  mousquetaires  du  roi,  fit  la  cam- 
pagne de  Flandre,  passa  à  l'armée  de  Catalogne  en  1697  ; 
en  1700,  on  le  trouve  en  Italie  où  il  servit  avec  distinc- 
tion ;  il  retourna  en  Egypte  en  1707  et  se  trouva  à  la  prise 
de  Lérida  ;  en  1710,  il  fut  nommé  maréchal  de  camp  et  en 
1720  lieutenant  général  des  armées  du  roi.         Ph.  B. 

LAMBERT  (Michel), musicien  français,  né  à  Vivonne  en 
1610,  mort  en  1696.  Le  xvii®  siècle  a  vu  naître  un  grand 
nombre  de  petits  chansonniers,  composant  des  airs  tendres, 
des  couplets  à  boire,  etc. ,  et  surtout  portant  à  un  haut  degré 
Fart  de  chanter  et  de  phraser  cette  petite  musique,  de  dire 
ces  petits  vers  d'un  façon  délicate  et  expressive  ;  on  cite 
Moulinier,  Mollier,  Dambruys,  Lecamus,  etc.  (V.  Chant). 
Deux  de  ces  maîtres  à  la  mode  eurent  une  véritable  gloire  : 
Nyert,  auquel  La  Fontaine  dédia  une  épître,  et  Michel 
Lambert,  dit  le  Petit  Michel  ou  Champigny,  dont  le  nom, 
dans  les  œuvres  de  Boileau  et  de  La  Fontaine,  semble  per- 
sonnifier tout  ce  qu'il  y  avait  de  plus  parfait  en  l'art  du 
chant.  Dans  le  jargon  "des  précieuses,  Lambert  ortait  le 
nom  de  Léonte.  Aucun  chanteur  et  compositeur  français  ne 
jouit  d'une  plus  immense  réputation,  non  seulement  d'ar- 
tiste, mais  d'homme  d'esprit.  Lorsqu'il  était  fort  jeune 
encore,  le  maître  de  chapelle  MouUnier,  qui  l'avait  distin- 
gué, le  fit  entrer  parmi  les  pages  de  la  musique  de  Gaston 
d'Orléans,  puis  il  fut  élève  de  Nyert.  Sa  réputation  com- 
mença chez  le  cardinal  de  Richelieu,  qui  l'admit  à  chanter 
dans  ses  fêtes.  Lambert  épousa  fort  jeune  M^^^  Le  Puys, 
la  fille  de  son  cabaretier,  qui  avait  une  belle  voix,  et  en  eut 
une  fille,  Madeleine  Lambert,  qui,  plus  tard,  épousa  Lully 
en  1662.  Vers  1642,  Lambert  vit  venir  à  lui  le  succès  qui 
dura  pendant  près  d'un  demi-siècle  ;  on  connaît  les  vers  de 
Boileau  et  de  La  Fontaine;  Tallemant  des  Beaux  à  son 
tour  a  rendu  hommage  au  talent  du  Petit  Michel  sans 
oublier  ses  exploits  de  buveur.  Enfin,  il  fut  un  des  maîtres 
de  la  chapelle  de  Louis  XIV.  Lorsque  Lully  écrivait  des 
airs  de  ballets  ou  d'opéras  qui,  suivant  la  coutume  du  temps, 
devaient  être  avec  doubles,  c.-à-d.  variations  et  fioritures, 
c'était  à  son  beau-père  qu'il  confiait  ce  travail.  Devenu 
vieux,  Lambert  cessa  de^e  faire  entendre  chez  ses  élèves 


LAMBERT 


820 


et  admirateurs,  mais  il  donna  chez  lui  des  concerts  qui  étaient 
fort  suivis.  Lambert  mourut  en  4696  et  fut  inhumé,  à  côté 
de  son  gendre,  en  l'église  des  Petits-Pères  (aujourd'hui 
Notre-Dame-des-Victoires).  lia  laissé  un  grand  nombre  de 
recueils  d'airs  et  des  brunettes,  publiés  chez  Ballard.  Un 
des  plus  connus  date  de  1666  et  1669.  D'autres  paru- 
rent après  sa  mort,  en  1698.  On  trouve  beaucoup  d'airs 
de  lui  dans  divers  recueils  de  la  Bibliothèque  nationale  et 
du  Conservatoire.  Toute  cette  musique  paraît  aujourd'hui 
un  peu  faible  et  bien  surchargée,  avec  les  ornements,  les 
groupes,  les  doubles,  les  ports  de  voix  qui  la  surchargent, 
mais  on  doit  reconnaître  en  la  lisant  qu'elle  a  été  écrite 
pour  un  virtuose  de  premier  ordre.  Le  goût,  sûr  et  déhcat, 
la  diction  spirituelle  et  pure,  telles  étaient  les  grandes 
qualités  de  Lambert  comme  professeur  et  comme  chanteur, 
et  c'est  par  ces  qualités  mêmes  qu'il  se  rattache  à  la  grande 
école  française  dont  il  fut  un  des  premiers  maîtres. 

BiBL.  :  J.-Ed.  Bertrand,  Michel  Lambert,  dans  Gazette 
musicale^  1859.  —  Lavoix,  le  Chant,  2®  partie. 

LAMBERT,  auteur  dramatique  français  du  xvii®  siècle, 
connu  par  deux  comédies  en  cinq  actes  en  vers,  jouées  à 
l'hôtel  de  Bourgogne,  et  qui  ne  manquent  pas  de  valeur  : 
les  Sœurs  jalouses  (1658)  ;  la  Magie  sans  magie  (1668), 

LAMBERT  (John),  célèbre  parlementaire  anglais,  né  à 
Calton  (Yorkshire)  en  4619,  mort  en  1683.  Etudiant  en 
droit,  il  embrassa  avec  ardeur  la  cause  du  Parlement  et 
s'engagea  dans  l'armée  de  Fairfax  avec  le  grade  de  colonel. 
Il  se  distingua  àïïuU  en  1643,  à  Nautwich  en  1644,  bat- 
tit les  royalistes  à  Bradford,  mais  battu  à  son  tour  à  Mars- 
ton  Moor,  avec  l'aile  droite  des  parlementaires,  il  se  fraya 
héroïquement  une  voie  à  travers  l'armée  ennemie,  pour 
rejoindre  Cromwell  et  l'aile  gauche  victorieuse.  Un  des  né- 
gociateurs du  traité  de  Truro  (1646),  Lambert  devint  un 
personnage  tout  à  fait  important  lors  des  différends  entre 
l'armée  et  le  Parlement  (1647).  Il  fut  le  porte -parole  des 
officiers  mécontents,  puis,  fort  habilement,  apaisa  les  vel- 
léités de  rébellion.  En  1648,  il  eut  à  supporter  d'abord 
tout  l'effort  de  la  guerre  contre  les  Ecossais,  puis,  aidé  par 
Cromwell,  il  les  battit  àPreston,  les  poursuivit,  s'empara 
de  leur  général  Hamilton  et  entra  à  Edimbourg.  Le  22  mars 
1649,  il  s'emparait  de  Pontefract.  Major  général  de  Crom- 
well pendant  l'expédition  d'Ecosse  de  1650,  Lambert  fut 
l'auteur  de  la  victoire  de  Dunbar  et  se  distingua  en  divers 
autres  combats.  Il  finit  par  se  brouiller  avec  Crx)mwell  qui 
redoutait  son  esprit  d'intrigue  et  qui  lui  fit  refuser  le  poste 
de  lord-deputy  d'Irlande  qu'il  convoitait,  puis  celui  de 
commandeur  en  chef.  Mais  Oomwell  sut  lui  persuader  que 
ce  refus  venait  du  Parlement.  Aussi  réclama-t-il  avec  in- 
sistance la  dissolution.  Président  du  nouveau  conseil  d'Etat, 
il  fut  l'un  des  plus  zélés  organisateurs  du  Protectorat  et, 
jusqu'en  1657,  son  appui  le  plus  ferme.  Il  aune  part  pré- 
pondérante à  toutes  les  grandes  affaires  de  politique  intérieure 
et  extérieure  (V.  Cromwell),  et,  comme  favori  de  l'armée, 
il  contre-balance  presque  le  pouvoir  de  Cromwell.  D'abord 
ils  s'entendirent  à  merveille,  puis  la  question  du  titre  de 
roi  à  décerner  au  protecteur  les  brouilla  tout  à  fait.  Lam- 
bert fit  une  opposition  énergique  et  finalement  se  retira  à 
la  campagne  et  fut  privé  de  tous  ses  emplois.  Un  peu  avant 
sa  mort,  Cromwell  essaya  vainement  de  se  réconcilier  avec 
lui.  Elu  membre  du  Parlement  de  1659  par  Pontefract  et 
Aldborough,  Lambert,  appuyé  par  tous  les  sous-officiers, 
se  fit  rendre  ses  commandements.  Il  agit  comme  représen- 
tant de  l'armée  dans  la  négociation  qui  précéda  la  restau- 
ration du  Long  Parlement.  Elu  membre  du  comité  de  Sa- 
lut public  (1659),  du  conseil  d'Etat,  de  la  commission  de 
classement  des  officiers,  il  réprima  la  rébellion  de  sir  George 
Booth  et  reprit  Cliester.  Mais  le  Parlement,  le  soupçonnant 
de  traiter  en  sous-main  avec  les  royalistes,  lui  refusa  la 
promotion  de  major  général.  L'armée  prit  sa  défense,  péti- 
tionna en  sa  faveur,  menaça  le  Parlement.  C'est  alors  que 
Monck  se  déclara  pour  l'assemblée.  Lambert  marcha  contre 
lui  avec  des  forces  supérieures,  mais  tergiversa  et  finale- 
ment toute  son  armée  l'abandonna.  Il  reçut  d'abord  l'ordre 


de  se  retirer  dans  ses  terres,  puis  fut  emprisonné  à  la  Tour. 
Le  10  avr.  1660,  il  s'évadait,  essayait  de  réunir  des  troupes 
pour  combattre  Monck,  était  arrêté  de  nouveau  et  réintégré 
à  la  Tour.  La  Bestauration  le  condamna  à  l'emprisonne- 
ment perpétuel.  Il  mourut  dans  l'Ile  de  Saint-Nicolas  où  il 
avait  été  interné  en  1667.  On  a  plusieurs  beaux  portraits 
de  Lambert  dont  l'un  par  Bobert  Walker  figure  à  la  Na- 
tional Gallery.  B.  S. 

LAMBERT  (Pierre),  architecte  français,  né  à  Paris  en 
1646,  mort  à  Paris  en  1709.  Propriétaire  d'une  partie  des 
anciens  fossés  et  de  l'emplacement  de  la  tour  et  de  la  porte 
de  Nesle,  sur  lesquels  fut  édifié  le  collège  des  Quatre-Na- 
tions  (aujourd'hui  l'Institut  de  France),  Pierre  Lambert 
conduisit  en  1662,  avec  François  II  d'Orbay  fils  sous  la 
direction  de  Louis  II  Levau,  les  travaux  de  construction  de 
cet  édifice,  fut  admis  à  l'Académie  royale  d'architecture  en 
1699  et  devint  architecte  ordinaire  du  roi  et  contrôleur 
des  bâtiments  de  Versailles,  Trianon,  etc.      Ch.  Lucas. 

BiBL.:  Franklin,  Recherches  historiques  sur  le  collège 
des  Quatre- Nations  ;  Paris,  1886,  in-8. 

LAMBERT  (Claude-François),  littérateur  français,  né 
à  Dole  en  1705,  mort  à  Paris  le  14  avr.  1765.  Curé  de 
Saint-Etienne  de  Bouen,  l'abbé  Lambert,  infatigable  com- 
pilateur, a  laissé  une  vingtaine  d'ouvrages  dont  les  plus 
connus  sont:  Mémoires  et  aventures  d'une  dame  de 
qualité  (La  Haye  [Paris],  1739,  3  vol.  in-12)  ;  Recueil 
d'observations  curieuses  sur  les  mœurs,  les  coutumes, 
les  arts  et  les  sciences  des  différents  peuples  de  l'Asie^ 
de  r Afrique  et  de  l'Amérique  (Paris,  1749, 4  vol.  in-12)  ; 
Histoire  littéraire  du  règne  de  Louis  A7r(17ol,  3  vol. 
in-4;  trad.  en  allemand,  1759). 

LAMBERT  (George),  peintre  anglais,  né  en  1710,  mort 
en  1765.  Elève  de  l'animalier  Wooton  et  du  paysagiste 
Hassel.  Les  figures  de  ses  paysages,  dans  la  manière  clas- 
sique du  Poussin,  passent  pour  avoir  été  peintes  parHogarth. 
Il  brillait  plus  par  la  composition  que  par  la  facture  et  a 
particulièrement  réussi  dans  les  décors  de  théâtre.  Parmi 
ses  œuvres  dispersées  ou  détruites,  on  remarquait  des  vues 
des  Indes  décorant  le  siège  de  la  Compagnie  dans  la  Cité 
de  Londres,  démoli  depuis,  et  un  beau  paysage  à  l'hospice 
des  Enfants-Trouvés.  Plusieurs  de  ses  "^tableaux  ont  été 
gravés,  et  lui-même  a  laissé  quelques  médiocres  eaux-fortes. 
Joyeux  compagnon,  il  avait  fondé  le  célèbre  Beefsteack  Club. 

LAMBERT  (.Tean-Henri) ,  géomètre  d'origine  française, 
né  à  Mulhouse  le  26  août  1728,  mort  à  Berlin  le  25  sept. 
1777.  Fils  d'un  tailleur  protestant  que  la  révocation  de  l'édit 
de  Nantes  avait  forcé  de  quitter  la  France  pour  une  ville 
alsacienne  où  son  culte  était  encore  toléré,  Lambert,  après 
avoir  étudié  à  peu  près  seul,  entra  à  dix-huit  ans,  comme 
secrétaire,  à  Bâle,  chez  le  docteur  Iselin.  Il  y  trouva  une 
bibliothèque  qui  l'aida  à  compléter  son  instruction,  et  ap- 
pelé en  1748  à  diriger  l'éducation  du  petit-fils  du  comte 
de  Sahs,  il  redoubla  d'ardeur  pour  se  mettre  à  la  hauteur 
de  sa  mission.  Il  commença  dès  lors  à  se  faire  connaître 
par  des  articles  scientifiques,  et,  dans  les  voyages  qu'il  fit 
à  partir  de  1756  avec  son  élève,  entra  en  relations  avec 
les  savants  de  divers  pays.  En  1769,  il  obtint  un  traite- 
ment de  professeur  à  ÀugsbWg  et,  en  1764,  Frédéric  H 
l'attacha  à  l'Académie  de  Berlin  dont  il  fut,  jusqu'à  sa  mort, 
un  des  membres  les  plus  actifs  et  les  plus  brillants.—  Lam- 
bert a  beaucoup  écrit  et  sur  les  sujets  les  plus  divers.  Ses  ou- 
vrages publiés  à  part  sont  :  les  Propriétés  remarquables  de 
la  route  de  la  lumière  dans  les  airs,  etc.  (La  Haye,  1758, 
en  allemand  ;  rééd.,  Berlin,  1773),  travail  très  important  qui 
devait  plus  tard  servir  de  point  de  départ  à  Arago  ;  Diefreie 
Perspective, etc.  (Zurich,  1759; rééd.,  1774), remarquable 
par  le  non-emploi  du  géométral  ;  P/io^om^^m  (Augsbourg, 
1 760)  ;  Insigniores  orbitœ  cometarumproprietates  (Augs- 
bourg, 1761)  qui,  entre  autres  propositions  sur  les  coniques, 
contient  la  formule  sur  la  relation  entre  le  temps  employé 
par  un  astre  à  parcourir  un  arc  de  son  orbite,  la  corde  de 
de  cet  arc  et  les  deux  rayons  vecteurs  extrêmes,  formules 
dont  l'énoncé  est  connu  sous  le  nom  de  Théorème  de 


821  — 


LAMBERT 


Lambert;  Cosmologische  Briefe {Xugshourg,  1761),  tra- 
duites par  Merian  sous  le  titre  de  Système  du  monde 
(Berlin,  1770),  puis  par  d'Arquier  (Amsterdam,  1801); 
Beschreibung  und  Gebrauch  der  logaritkmischen  Re- 
chentafeln  (Augshourg^  1761  et  1772):  Neuej'  Organon 
(Leipzig,  1763),  ouvrage  philosophique  encore  très  remar- 
quable sur  la  théorie  de  la  connaissance  ;  Beitrœge  zum 
Gebrauche  der  Mathematik  (Berlin,  1765,  1770, 1772, 
3  vol.);  Beschreibung  und  Gebi^auch  einer  neuen  und 
allgemeinen  ekliptische  Tafel  (Berlin,  176-5);  Anmer- 
kungen  ueber  die  Gewalt  des  Schiesspulvers  (Dresde, 
1766);  Ueber  die  Branderschen  Mikrometer  (Augs- 
bourg,  1769);  Kurzgefasste  Regeln  zu  perspektivischen 
Zeichnungen  (Augsbourg,  1768  et  1770);  Zusœtze  %u 
den  logaritkmischen  und  trigonomeirischen  Tabellen 
(Berlin,  1770);  Ânlagezur  Architectonik  (Riga,  1771, 
2  vol.,  suite  importante  du  Neuer  Organon);  Beschrei- 
bung einer  mit  calau'schem  Wachse  ausgemalten 
Farbenpyramide  (Berlin,  1772);  Pyrometrie  (posth., 
Berlin,  1779);  sa  correspondance  {Deutscher-Gelehrter- 
Briefwechsel)  a  été  publiée  en  5  vol,  (Berlin,  1781-1787) 
par  Jean  II  Bernoulli.  On  a  de  plus,  de  Lambert,  une  cin- 
quantaine de  mémoires  dans  le  Recueil  de  VAcad.  de  Ber- 
lin^ et  de  nombreux  articles  dans  V Annuaire  de  Bode, 
VArchiv  d'Hindenburg,  dans  le  Leipziger  Magazin,  les 
Mémoires  de  VAcad,  de  Bavière.  Porté  surtout  vers  les 
applications  des  mathématiques,  il  a  cependant  fait  faire 
d'importants  progrès  à  la  théorie;  les  plus  célèbres  sont 
sa  démonstration  de  l'incommensurabilité  de  tt  (mémoires 
de  1768);  sa  conception  de  la  trigonométrie  hyperbolique 
(1770);  la  série  qui  porte  son  nom  (1772),  et  qui  a  été 
l'objet  des  travaux  d'Euler  et  de  Lagrange.  T. 

LAMBERT  (Bernard),  théologien  janséniste,  né  à  Sa~ 
lernes  (Provence)  en  1738,  mort  à  Paris  en  1813.  Parmi  ses 
nombreux  écrits,  quelques-uns  doivent  être  mentionnés 
comme  documents  intéressants  pour  l'histoire  religieuse  de 
la  fin  du  xvni®  siècle  et  du  commencement  du  xix®:  Re- 
quête des  fidèles  aux  évêques  de  France  (Paris,  1780, 
in-8)  ;  Recueil  de  passages  sur  l'avènement  intermé- 
diaire de  Jésus-Christ  (Paris,  1785,  in-12)  ;  Idée  de 
Vœuvre  des  secours  selon  les  sentiments  de  ses  véri- 
tables défenseurs  (Paris,  1786,  in-8).  Lambert  y  présente 
la  défense  des  convulsionnaires  :  Avis  aux  fidèles  ou 
Principes  propres  à  diriger  leurs  sentiments  et  leur 
conduite  dans  les  circonstances  présentes  (Paris,  1 791  ); 
Avertissement  aux  fidèles sîir  les  signes  qui  annoncent 
que  tout  se  dispose  pour  le  retour  d'Israël  et  l'exécu- 
tion des  menaces  faites  aux  gentils  apostats  (1793)  ; 
Devoirs  du  chrétien  envers  la  puissance  publique  ou 
Principes  propres  à  diriger  les  sentiments  et  la  conduite 
des  gens  de  bien  aumilieu  des  révolutions  qui  agitent 
les  empires  (Paris,  1793)  ;  Exposition  des  prédictions 
et  des  vromesses  faites  à  VEqlise  pour  les  derniers 
temps  de  la  gentilité  (Paris,  1806,  2  vol.  in-12).  Dans 
cet  ouvrage,  Lambert  professe  les  doctrines  du  milléna- 
risme  et  aperçoit  dans  le  pape  l'antéchrist. 

LAMBERT  (Thomas-Louis-César)  (V.  Frondeville). 

LAMBERT  (John),  écrivain  anglais,  né  vers  1775,  mort 
après  1811.  Il  est  connu  par  ses  Travels  trough  Lower 
Canada  and  the  United  States  of  North  America 
(Londres,  1810,  3  vol.)  et  comme  l'un  des  principaux 
promoteurs  de  la  littérature  américaine  en  Angleterre,  no- 
tamment des  œuvres  de  Washington  Irving,  dont  il  publia 
les  Essaisk  Londres  en  1811  (2  vol.  in-8),  avec  une  longue 
introduction  sur  les  mœurs  des  Américains. 

LAMBERT  (Charles-Edouard),  archéologue  français, né 
à  Saint-Lô  le  9juil.  1794,  mort  à  Bayeux  le  23juil.l870. 
Conservateur  de  la  bibliothèque  de  Bayeux.  Parmi  ses 
principaux  ouvrages,  citons  :  Mémoire  historique  sur  la 
bataille  de  Formigny  (Caen,  1824,  in-8)  ;  Essai  sur  la 
numismatique  gauloise  du  N.-O.  de  la  France  (Paris, 
1844,  in-4);  Observations  sur  une  note  relative  aux 
phalères  et  aux  enseignes  militaires  des  Romains  (Caen, 


1848,  in-8).  Il  a  en  outre  inséré  dans  les  recueils  de  la 
Société  des  Antiquaires  de  Normandie  un  grand  nombre 
de  mémoires  relatifs  à  l'histoire  et  à  l'archéologie  de  la 
Normandie  et  spécialement  de  Bayeux.  M.  P. 

LAMBERT  (Joseph),  duc  d'EmjTne,  voyageur  français, 
né  à  Nantes  vers  1820,  mort  à  Mohely  (Comores)  le 
22  sept.  1873.  Grand  négociant  à  l'île  Maurice,  il  obtint 
à  Madagascar  de  vastes  concessions  de  terrains,  forêts  et 
mines  de  Hadama  II,  qui  le  nomma  duc  d'Emyrne  et  l'en- 
voya en  ambassade  à  Paris,  à  Londres  et  à  Rome.  Il  con- 
tribua grandement  à  l'établissement  des  missions  françaises 
à  Madagascar.  La  révolution  qui  porta  au  trône  Ranavalo 
lui  fut  funeste.  Il  put  cependant  échapper  à  la  mort  et  ren- 
trer en  France  (1863). 

LAMBERT  (Eugène-Antoine),  peintre  français,  né  à 
Dijon  en  1824.  Entré  en  apprentissage  à  l'âge  de  treize  ans 
chez  un  peintre  décorateur  de  Dijon,  il  commença  par 
peindre  des  portes  et  des  fenêtres,  puis,  venu  à  Paris  en 
1846,  il  (it  de  la  décoration  théâtrale  successivement  chez 
Séchant  et  C^^,  chez  Cicéri,  chez  Cambon  et  Thierry,  chez 
Rubé  et  (Chaperon .  Il  commença  à  exposer  un  paysage  au 
Salon  de  1857,  et  la  connaissance  qu'il  fit  plus  tard,  à  An- 
vers, de  Daubigny,  contribua  à  développer  son  talent  dans 
ce  genre.  Un  de  ses  tableaux  est  au  musée  de  Dijon. 

LAMBERT  (Louis-Eugène),  peintre  français,  né  à  Paris 
le  24  sept.  1825.  Elève  de  Delacroix,  puis  de  Delaroche, 
il  débuta  au  Salon  de  1847  et  s'adonna  presque  aussitôt 
à  la  peinture  des  animaux.  On  peut  citer  de  lui  :  Oies  et 
Pigeons  (1849);  Intérieur  d'Etable  (1852);  Lapins 
(1855);  Chat  et  Perroquet  (1857)  :  ce  dernier  tableau 
fut  très  remarqué  et  dès  lors  Lambert  se  spécialisa  dans 
la  peinture  des  chats,  genre  auquel  il  doit  sa  réputation. 
Nul  n'a  rendu  aussi  bien  la  grâce  des  petits  chats,  leurs 
jeux,  leurs  mines  éveillées,  leur  câlinerie,  l'air  sauvage  et 
familier  à  la  fois  de  leurs  yeux  verts.  Nous  citerons  :  Une 
Horloge  qui  avance  (1865);  Vol  avec  escalade  (1868); 
Chatte  et  ses  Petits  (1870);  l'Heure  du  repas  (1874); 
En  Famille  (1876),  etc.  Aquarelliste  très  distingué,  il  a 
envoyé  à  l'exposition  de  1878  une  série  d'aquarelles  qui 
eurent  un  vif  succès;  depuis  lors  il  exposa  surtout  à  la 
Société  des  aquarellistes  à  laquelle  il  donna  successive- 
ment :  Pendant  l'office  (1879);  Une  Famille  de  Chats 
(1887),  etc.  En  1889,  M.Lambert  a  illustré  un  charmant 
volume  de  M.  de  Cherville  :  Chiens  et  Chats.      Ph.  B. 

LAMBERT  (Gustave),  géographe  français,  tué  à  Buzen- 
val  le  29  janv.  1871.  Ancien  élève  de  l'Ecole  polytechnique, 
attaché  au  service  d'hydrographie  maritime,  il  fut  chargé  de 
dresser  la  carte  du  détroit  de  Bering  (1865).  Trouvant  la 
glace  peu  résistante,  il  crut  qu'on  rencontrerait  au  N.  du 
détroit  une  mer  libre  par  laquelle  on  pourrait  gagner  le  pôle. 
Il  développa  cette  idée,  fit  ouvrir  par  la  Société  de  géogra- 
phie une  souscription  publique  pour  équiper  son  navire. 
La  guerre  survint  avant  qu'il  'eût  achevé  ses  préparatifs. 

LAMBERT  (Noël-Marcel),  architecte  et  professeur  d'ar- 
chitecture français,  né  à  Paris  en  1847.  Elève  de  Paccard, 
puis  de  l'atelier  André,  premier  grand  prix  d'architecture 
en  1873,  sur  un  projet  de  château  d'eau,  M.  Lambert  en- 
voya d'Athènes  en  1877  une  fort  belle  restauration  de 
l'Acropole  de  cette  ville.  D'abord  auditeur  au  conseil  des 
bâtiments  civils  et  aujourd'hui  (1895)  architecte  du  château 
de  Versailles  etdesTrianons,  dont  il  fait  restaurer  les  admi- 
rables bassins,  M.  Lambert  est  professeur  de  stéréotomie  à 
l'Ecole  des  beaux-arts  et  a  ouvert  récemment  un  atelier 
hbre  d'architecture.  Charles  Lucas. 

LAMBERT  (Léon-Albert),  acteur  français,  né  à  Rouen 
le  23  févr.  1847.  Il  débuta  par  la  sculpture;  mais,  en- 
traîné par  sa  vocation,  il  entra  au  théâtre  de  sa  ville  natale. 
Après  la  guerre,  il  joua  en  province,  reparut  à  Rouen  en 
1872,  puis  entra  à  l'Ambigu-Comique.  Après  avoir  encore 
passé  plusieurs  années  en  jouant  avec  assez  de  succès  sur 
diverses  scènes  de  Paris  et  des  départements,  il  fut  engagé 
à  l'Odéon  en  1880  et  y  acquit  peu  à  peu  une  situation 
prépondérante.  Il  y  a  créé  un  grand  nombre  de  pièces 


LAMBERT  —  S 

nouvelles  et  a  tenu  la  plupart  des  grands  rôles  du  réper- 
toire ;  citons  en  particulier  ceux  de  Louis  XI,  Joad,  Alceste, 
Tartufe,  Harpagon,  Marat,  Rodolphe,  etc.  Sa  voix  chaude 
et  sa  diction  nette  le  rendent  sympathique.  11  a  fait  lui- 
même  représenter  quelques  petits  actes  tels  qu^un  à-propos 
sur  Corneille  intitulé  Une  Collaboration;  il  est  aussi 
l'auteur  de  petites  pièces  de  vers,  dont  le  titre  indique  le 
genre:  Désir  d'une  rose^  les  Fossettes^  etc.     Ph.  B. 

LAMBERT  (Albert),  acteur  français,  fils  du  précèdent, 
né  à  Rouen  le  31  déc.  4865.  Doué  pour  le  dessin,  il  aban- 
donna cependant  ses  études  pour  suivre  sa  vocation  théâ- 
trale. Prix  de  tragédie  du  Conservatoire  en  1883,  il  débuta 
à  rOdéon  la  même  année  avec  un  vif  succès  dans  le  rôle 
de  Severo  Torelli.  Il  passa  deux  ans  après  à  la  Comédie- 
Française  et  débuta  dans  Ruy  Blas;  ayant  fait  alors  une 
année  de  service  militaire,  il  reparut  sur  la  scène  en  1887 
et  joua  à  diverses  reprises  ;  un  de  ses  meilleurs  rôles  est 
celui  de  Hernani  qu'il  joua  en  1888.  Il  a  une  voix  douce 
et  pénétrante,  un  accent  poétique  et  profond  fort  goûtés 
du  public.  Ph.  B. 

LAMBERT  Bey  (Charles-Joseph),  ingénieur  français, 
né  à  Valenciennes  le  2  mai  1804,  mort  le  13  févr.  1864. 
Entré  en  1822  à  l'Ecole  polytechnique  et  en  1824  à  l'Ecole 
des  mines,  il  fit,  à  peine  nommé  ingénieur  (1829),  adhé- 
sion au  saint-simonisme,  dont  deux  des  chefs,  Michel  Che- 
valier et  Fournel,  appartenaient  aussi  au  corps  des  mines, 
devint  tout  de  suite  l'un  des  plus  fervents  apôtres  de  la 
religion  nouvelle,  collabora  activement  au  Globe  et,  après 
le  procès  de  1832,  dans  lequel  il  ne  fut  pas  impliqué,  par- 
tit pour  Le  Caire  avec  le  «  père  suprême  »,  Enfantin 
(V.  ce  nom).  Il  y  vécut  quelque  temps  de  leçons  de  mathé- 
matiques, puis  entra  au  service  de  Méhémet  Ah,  qui  le 
chargea  d'importants  travaux  et  de  nombreuses  missions 
dans  la  vallée  du  Nil,  en  Nubie,  dans  le  Kordofan,  et  qui 
lui  confia  finalement  la  direction  de  l'Ecole  polytechnique 
et  de  l'Observatoire  du  Caire.  Il  étudia  entre  temps  la 
question  du  percement  de  l'isthme  de  Suez  et  la  signala 
l'un  des  premiers  à  l'attention  publique.  En  1847,  il  re- 
çut le  titre  de  bey  ;  la  même  année,  le  gouvernement  fran- 
çais le  promut  ingénieur  en  chef  des  mines.  Revenu  à  Paris 
en  1851,  il  consacra  le  reste  de  sa  vie  à  des  recherches 
scientifiques  et  à  des  études  philosophiques  ;  une  curieuse 
dissertation  sur  la  Trinité  qu'il  fit  paraître  dans  la  Revue 
philosophique  et  religieuse  obtint  un  vif  succès.  On  a  éga- 
lement de  lui  plusieurs  mémoires  intéressants  de  géomé- 
trie, d'analyse  et  d'astronomie  insérés  dans  les  Annales 
de  Gergonne,  dans  h?>  Comptes  rendus  de  V Académie  des 
sciences  de  Paris^  dans  les  Nouvelles  Annales  de  ma- 
thématiques, L.  S. 

LAMBERT  d'Ardres,  chroniqueur  du  xn^  siècle,  curé 
du  lieu  d'Ardres,  près  de  Calais,  en  1 1 94,  issu  d'une  famille 
alliée  à  celles  des  comtes  de  Guines.  Il  écrivit  à  fa  demande 
d'Arnoul,  fils  du  comte  Beaudouin,  une  Historia  comitum 
CMsnensium ;  l'ouvrage,  composé  entre  1194  et  1198, 
fut  continué  par  l'auteur  jusqu'en  1203.  C'est  une  curieuse 
chronique  féodale,  pleine  de  légendes  et  de  traditions,  dont 
beaucoup  empruntées  à  des  ouvrages  en  langue  vulgaire, 
fort  prisés  à  la  cour  de  Guines,  l'une  des  plus  lettrées 
du  N.  de  la  France.  Les  autres  sources  de  Lambert  sont 
la  Flandria  gêner  osa  de  Lambert  de  Saint-Bertin,  quel- 
ques vies  de  saints  et  des  chartes.  L'ouvrage  renferme 
l'histoire  des  comtes  de  Guines,  celle  des  seigneurs  d'Ardres 
et  enfin  celle  des  deux  seigneuries  après  leur  réunion.  Le 
style  est  enflé,  redondant  et  emphatique;  mais,  malgré  ce 
défaut,  c'est  une  des  meilleures  chroniques  chevaleresques 
que  nous  possédions  pour  le  N.  de  la  France.  Editée  par 
Ludewig  (Reliqiiiœ  manuscriptorum^  VIO,  369-668)  et 
parle  marquis  Godefroy  de  Ménilglaise  (Paris,  1855,  in-8), 
le  texte  de  Lambert  a  paru  par  les  soins  de  Heller,  dans 
les  Monumenta  Germaniœ  historica,  Scriptores  (XXÏV, 
550-642)  ;  l'édition  de  M.  de  Ménilglaise  est  encore  utile  à 
consulter  pour  l'annotation  qui  est  copieuse  et  intéressante. 

BiBL.:    Ouvrages  indiqués  par  M.  i'abbé    Chevalier, 


Répertoire,  col.  1341,  et  principalement  les  préfaces  des 
deux  éditeurs  plus  haut  nommés. 

LAMBERT  d'Aschaffenbourg  (V.  Lambert  de  Hersfeld)  . 

LAMBERT  d'Auxerre,  philosophe  scolastique  français 
de  la  seconde  moitié  du  xiii^  siècle.  Les  registres  des 
prêcheurs  d'Auxerre  le  désignent  comme  Tun  des  plus 
anciens  religieux  de  cette  maison.  Il  est  mentionné  par 
Quétif  et  Echard  (Script,  ord.  Prœdic,  1. 1,  p.  906)  et, 
suivant  Daunou  (Hist*  littér.  de  la  France^  t.  XIX, 
p.  416),  il  aurait  eu  quelque  réputation.  Mais  ces  auteurs 
n'ont  pas  connu  la  Somme  de  Lambert  dont  deux  ma- 
nuscrits ont  été  retrouvés  par  M.  Hauréau  à  la  Bibliothèque 
nationale.  Cet  ouvrage,  écrit  pour  les  écoles,  se  recommande 
par  une  division  méthodique  des  sciences  et  par  la  clarté 
des  distinctions.  Mais  Fauteur  ne  s'élève  point  au-dessus 
des  questions  de  pure  logique.  Th.  R. 

BiBL.  :B.  Hauréau,  Hzstoiî^e  de  la  philos,  scolast.,  t.  II, 
pp.  188-91. 

LAMBERT  de  Hersfeld,  bénédictin  et  historien  alle- 
mand, mort  vers  1088.  Il  entra  au  couvent  de  Hersfeld 
(Thuringe)  le  15  mars  1058  et  fut  ordonné  prêtre  en  sep- 
tembre suivant  à  Aschaffenbourg,  d'où  parfois  son  surnom 
a  Scafnaburg,  La  même  année,  il  partit  encore  pour  la 
Terre  sainte.  A  son  retour,  il  fut  chargé  de  visiter  quelques 
couvents  de  son  ordre.  Il  est  connu  surtout  par  ses 
Annales  Hersveldenses  (dans  les  Monumenta  Germa- 
niœ historica,  Script.,  t.  III  et  V),  qui  débutent,  comme 
toutes  les  chroniques,  du  temps  par  la  création  ;  mais,  à  par- 
tir de  1040,  Fauteur  se  montre  historien  de  race;  vers 
Fan  1069,  la  narration  devient  souvent  dramatique  (par 
exemple  le  récit  de  la  fuite  de  Henri  IV,  de  son  séjour  à 
Canossa,  le  portrait  de  Mathilde,  la  bataille  de  Hohen- 
bourg,  etc.).  Cependant  le  moine  raconte  l'histoire  à  son 
point  de  vue  et  impute  à  ses  personnages  des  pensées  dont 
il  ne  pouvait  rien  savoir  ;  il  croit  aussi  devoir  mettre  dans 
leur  bouche  des  discours  dont  il  est  Fauteur.  La  narration 
s'arrête  à  Fan  1077.  On  attribue  encore  à  Lambert  un  Li- 
bellus  de  institutione  ecclesiœ  Hersveldensis,  dont  il 
ne  reste  que  des  fragments  (dans  les  Mon,  Germ.  hist., 
t.  V,  pp.  136-141).  F.-H.  K. 

BiBL.  :  W.  Wattenbach  ,  Deutschlands  Geschichts- 
quellen  ;  Berlin,  1877,  t.  II,  pp.  78-88  et  413. 

LAMBERTdeSainte-Croix  (Charles-Louis-Marie),  homme 
politique  français,  né  à  Paris  le  12  nov.  1827,  mort  à  Paris 
le  27  oct.  1889.  Après  s'être  signalé  comme  journaliste 
par  son  opposition  à  l'Empire,  il  fut  envoyé,  le  8  févr. 
1871,  par  le  dép.  de  l'Aude  à  l'Assemblée  nationale,  où  il 
fut  un  des  meneurs  du  centre  droit,  contribua  à  la  chute 
de  Thiers  le  24  mai  1873,  et  soutint  énergiquement  le  gou- 
vernement de  V ordre  moral.  Elu  sénateur  de  l'Aude  le 
30  janv.  1876,  il  appuya  le  ministère  de  Broglie  pendant 
la  crise  du  16  mai  et  s'associa  constamment  au  Luxembourg 
à  la  politique  monarchiste.  N'ayant  pu  faire  renouveler  son 
mandat  en  janv.  1885,  il  brigua  peu  après  (4  oct.)  un  siège 
à  la  Chambre  des  députés,  l'obtint  des  électeurs  des  Landes, 
mais  vit  son  élection  invalidée  et,  finalement,  échoua  (1 3  févr. 
1886).  Il  continua  de  lutter  pour  la  monarchie,  mais  il  se 
prononça  ouvertement,  à  la  veille  de  sa  mort,  contre  le  bou- 
langisme.  A.  Debidour. 

LAMBERT-de-Saint-Omer,  chanoine  de  l'église  collégiale 
de  Saint-Omer,  mort  avant  1120.  Sous  le  titre  de  Liber 
floridus^  il  a  compilé  une  curieuse  encylopédie  de  toutes 
les  connaissances  de  son  temps.  Le  ms.  original  est  au- 
jourd'hui conservé  à  la  bibliothèque  de  l'université  de 
Gand. 

LAMBERT  le  Bègue,  prêtre  liégeois  du xii® siècle, mort 
vers  1182.  Il  s'éleva  avec  force  dans  des  prédications  po- 
pulaires contre  les  vices  du  clergé  et  la  simonie  pratiquée 
par  son  évêque  ;  persécuté  par  celui-ci,  Lambert  fut  sou- 
tenu par  le  peuple,  et  le  pape  approuva  ses  doctrines.  Vers 
1179,  Lambert  construisit  sur  une  de  ses  propriétés  Féglise 
de  Saint-Christophe  et  Fentoura  de  petites  habitations  des- 
tinées aux  femmes  qui  désiraient  mener  une  vie  pieuse 
sans  s'astreindre  aux  vœux  monastiques.  Ce  fut  l'origine 


—  823 


LAMBERT  -  LAMBERTINI 


des  béguinages  qui  sont  encore  très  nombreux  aujour- 
d'hui en  Belgique.  E.  H. 

BiBL.  :  Chapeaville,  Gesta  pontificum  leodiensicitm  ; 
Liège,  1612,  3  vol.  in-4,  —  Fisen,  Historia  ecclesise  leo~ 
diensis  ;  Liège,  179G,  2  vol.  in~foI.  —  Daris,  Notice  sur 
les  églises  du  diocèse  de  Liège  ;  Liège,  1867-93,  9  vol.  in-8. 

LAMBERT  le  Tort  (en  ancien  français  Lamberz  H 
Tors)^  poète  français  du  moyen  âge,  un  des  auteurs  du 
poème  en  vers  dodécasyllabiques  d'Alexandre  le  Grand, 
Nous  ne  savons  de  lui  que  ce  qui  est  dit  dans  trois  vers  de 
cette  œuvre  : 

La  verte  de  Festoire,  si  corn  11  rois  la  fist, 

Uns  clers  de  Chastiaudun,  Lamberz  li  Tors,  escrist, 

Qui  del  latin  la  traist  et  en  romans  la  mist. 

Un  mauvais  manuscrit,  utilisé  par  Fauchet  au  xvi«  siècle, 
porte  Li  Cors,  au  lieu  de  Li  Tors,  si  bien  que  notre  poète 
est  souvent  appelé,  mais  à  tort,  Lambert  le  Court,  Cèisàt 
un  clerc  de  Chûteaudun  :  nous  devons  nous  contenter  de 
ce  maigre  renseignement  biographique.  Il  écrivait,  selon 
toute  vraisemblance,  vers  1170,  et  sa  part  dans  le  roman 
d'Alexandre  est  limitée  à  ce  que  M.  Paul  Meyer  appelle 
la  troisième  branche,  qui  comprend  la  poursuite  et  la 
mort  de  Darius,  la  descente  dWlexandre  au  fond  de  la  mer, 
l'expédition  contre  Porus,  les  merveilles  do  l'Inde,  la  se- 
conde défaite  et  la  soumission  de  Porus,  le  voyage  aux 
bornes  d'Hercule,  le  duel  d'Alexandre  et  de  Porus,  l'épi- 
sode de  la  reine  Candace  et  du  duc  de  Palatine,  la  prise  de 
Babylone,  la  guerre  contre  les  Amazones  et  la  trahison 
d'Antipater  et  de  Divinuspater,  Lambert  le  Tort  a  laissé  de 
côté  l'enfance  et  les  premiers  exploits  d'Alexandre  parce 
qu'ils  formaient  le  sujet  d'un  poème  en  vers  décasyllabiques, 
par  le  clerc  Simon,  qu'il  s'est  proposé  de  continuer,  non 
de  faire  oublier.  Mais  son  œuvre  n'a  pas  été  l'objet  du 
même  respect  qu'il  avait  témoigné  à  celle  de  son  devan- 
cier. Vers  1190  un  autre  poète,  Alexandre  de  Bernay 
(V.  ce  nom),  remania  et  interpola  la  troisième  branche: 
M.  Paul  Meyer  incline  à  croire  que  Lambert  le  Tort  avait 
poussé  l'histoire  d'Alexandre  jusqu'au  récit  de  sa  mort,  et 
que  la  fin  de  son  poème  a  été  arbitrairement  supprimée 
pour  faire  place  à  l'œuvre  soit  d'Alexandre  de  Bernay,  soit 
d'un  autre  poète  contemporain  de  ce  dernier,  Pierre  de 
Saint-Cloud.  Ainsi  l'œuvre  de  Lambert  le  Tort  ne  nous  est 
parvenue  ni  dans  son  texte  authentique,  ni  dans  son  éten- 
due primitive.  Ant.  T. 

BiBL.  :  P.  Meyer,  Alexandre  le  Grand  dans  la  littéra- 
ture française  du  moyen  âge  ;  Paris,  1886,  t.  II,  pp.  214 
et  suiv. 

LAM  BERTERl E  (Jean-Pierre-Louis  de), hommepolitique 
français,  né  à  Cressensac  (Lot)  le  27  déc.  1809,  mort  le 
1^^  nov.  1881.  Avocat  en  renom  du  barreau  de  Paris,  ami 
de  Berryer,  de  Dalloz,  de  Dufaure,  il  devint  en  1848  chef 
du  cabinet  de  Ledru-Rollin,  puis  chef  du  personnel  de 
Dufaure  à  l'intérieur.  Après  un  échec  aux  élections  légis- 
latives dans  le  Lot  en  1849,  il  en  fut  élu  représentant  à 
l'Assemblée  nationale  le  8  mars  1871 .  Membre  de  la  droite, 
il  prit  une  part  active  aux  débats.  Il  se  présenta  sans  succès 
aux  élections  du  30janv.  1876  pourleSénatet  du  âOfévr. 
1876  pour  la  Chambre.  Il  a  laissé  quelques  écrits,  entre 
autres:  Etudes  sur  le  département  du  Lot  (1856-80). 
—  Son  fils,  Paul,  baron  de  Lambcrterie,  né  à  Paris  le 
29  mai  1839,  conseiller  de  préfecture  (1850),  sous-préfet 
de  Briançon  (1865),  fit  la  guerre  franco-allemande  dans  les 
mobilisés  de  la  Haute-Vienne,  puis  occupa  les  sous-pré- 
fectures de  Confolens  (1871),  Fontenay-le-Comte  (1874), 
Paimbeuf  (1876),  Saintes  (1877).  Partisan  zélé  du  gou- 
vernement du  16  mai,  il  quitta  l'administration  après  sa 
chute.  Elu  député  du  Lot  aux  élections  générales  de  1885, 
il  siégea  à  droite  et  appuya  le  boulangisme.  Il  ne  se  repré- 
senta pas  en  1889. 

LAMBERT!  (Niccolè  di  Piero),  surnommé  Pela,  archi- 
tecte et  sculpteur  italien,  né  à  Arezzo,  mort  après  1444. 
Qu'il  ait  eu  ou  non  pour  maître  le  Siennois  inconnu,  Moc- 
cio,  dont  Vasari  le  prétend  élève,  Niccolo  suivit  d'abord, 
dans  les  sculptures  qu'il  fit  à  partir  de  1388,  pour  la  ca- 


thédrale de  Florence,  la  tradition  d'Orcagna  ;  les  plus 
importantes  sont  le  Prophète  et  le  Patriarche  du  Cam- 
panile. On  sait  qu'en -1400,  il  fut  appelé  à  Rome  par  Boni- 
face  ÎX,  pour  travailler  aux  fortifications  du  château  Saint- 
Ange.  En  ^410,  il  modela  à  Bologne  le  tombeau  du  pape 
Alexandre  V,  tout  entier  en  terre  cuite,  qui  se  trouve 
aujourd'hui  dans  le  Campo  Santo  de  cette  ville.  A  part  ces 
deux  voyages,  il  travailla  soit  à  Arezzo,  sa  patrie,  soit  à 
Florence.  A  Arezzo,  il  reconstruisit  la  façade  de  Satan 
Maria  délia  Misericordia,  où  il  sculpta  Saint  Laurentino 
et  saint  Pergentino  à  genoux  devant  la  Vierge,  ainsi 
que  le  pape  Saint  Grégoire  et  l'évêque  Saint  Donato 
(1403).  Ces  œuvres  existent  encore,  mais  en  mauvais  état, 
comme  la  Madone  et  le  Saint  Luc  du  palais  épiscopal  et 
le  Saint  Antoine,  au-dessus  de  la  porte  de  l'église  de  ce 
nom.  Toutes  ces  dernières  figures  sont  en  terre  cuite.  C'est 
à  Florence  que  Niccolô  Lamberti  exécuta  les  sculptures  qui 
lui  ont  assuré  une  place  importante  dans  l'histoire  de  l'art 
au  début  du  xv^  siècle.  De  1402  à  1408,  il  sculpta  l'enca- 
drement de  la  porte  S.  de  la  cathédrale,  la  Porta  délia 
Mandorla;  les  figurines  nues,  imitées  de  l'antique,  qu'il 
a  multipliées,  ne  sont  pas  sans  doute  une  innovation:  l'Al- 
lemand Pierre  venait  de  les  prodiguer  sur  les  linteaux  de 
la  porte  N.,  et  on  en  retrouverait  d'analogues,  dès  1327, 
sur  un  monument  votif  du  transept  de  droite,  dans  l'église 
Santa Croce.  Mais,  le  premier,  Niccolô  retrouvait  cette  finesse 
de  modelé  et  cette  délicatesse  grecque  qu'allait  bientôt  pos- 
séder en  perfection  Lorenzo  Ghiberti.  Les  deux  figures  de 
son  Annonciation,  au-dessus  de  la  porte  d'Or  San  Mi- 
chèle, sont  déjà  d'une  élégance  achevée.  Enfin  le  Saint 
Marc  assis  (1408-19),  aujourd'hui  conservé  dans  la  tri- 
bune de  San  Zanobi,  par  sa  taille  surhumaine  et  l'énergie 
de  sa  tête,  suffirait  à  mériter  à  Niccolô  Lamberti  le  titre  glo- 
rieux qu'on  lui  a  donné  de  «  précurseur  de  Donatello  ». 
BiDL.  :  Vasari,  éd.  Milanesi,  t.  IL  —  Semper,  Die  Vor- 
laûfer  Donatello' s  ;  Leipzig,  1870.  —  Ji.  Mu.ntz,  Histoire 
de  Vart  pendant  la  Renaissance;  les  Primitifs;  Paris,  1889  v 

LAiVIBERTl  (Bonaventura),  peintre  italien,  né  à  Carpi 
en  1651,  mort  à  Rome  en  1721.  Il  se  forma  à  Bologne, 
sous  la  direction  de  Carlo  Cignani,  puis  il  travailla  quelques 
années  à  Modène.  Enfin  il  alla  ouvrir  à  Rome  une  école 
qui  fut  très  fréquentée.  Ses  principaux  ouvrages  sont  dans 
cette  ville  ;  on  cite  une  série  de  tableaux  historiques  au 
Palazzo  Gabriel i,  un  Miracle  de  saint  François  de  Paule 
à  Santo  Spirito  de'  Napolitani,  et  une  Gloire  sur  la  voûte 
de  SantaMaria  délia  Vittoria.  Ottaviani  a  exécuté,  d'après 
ses  dessins,  des  mosaïques  à  Saint-Pierre , 

BiRL.  :  PisTOLEsr,  Descrizione  di  Roma.  —  Lanzi,  Sto- 
ria  plttorica  delV  îlalia;  Milan,  t.  IV. 

LAMBERTI  (Antonio),  poète  italien,  né  à  Venise  en 
1757,  mort  à  Bellune  en  août  1832.  Ses  poésies  en  dia- 
lecte vénitien  sont  très  goûtétes  :  Le  Quattro  Stagioni  cani- 
pestri  e  fjuaitro  cittadine(YenisQ,  1802);  Poesi  varne 
(d817,  3  vol.  in-16),  etc. 

LAMBERTI  (Luigi),  helléniste  italien,  né  à  Reggio  le 
27  mai  1856,  mort  à  Milan  le  4  déc.  1813.  Libéraf,  il  fut 
membre  du  directoire  de  la  République  cisalpine,  puis  di- 
recteur de  la  bibliothèque  de  la  Brera.  Ses  poésies  sont  mé- 
diocres ;  son  édition  d'Homère  {Iliade,  Parme,  1808, 3  vol. 
gr.  in-fol.)  dut  sa  célébrité  à  son  luxe  typographique. 

LAMBERTINI  (Michèle di  Matteo),  peintre  italien,  né  à 
Bologne,  mort  après  1469.  Il  fut  élève  de  Lippo  Dalmasio. 
Il  a  peint  des  Madones  pour  plusieurs  églises  de  sa  ville 
natale,  Sant'  Eligio  (1426),  Sant'  Isaia  (1448),  San  Mar- 
tine del  Carminé  (1469),  San  Pietro,  San  Giacomo  Mag- 
giore.  Il  fut  appelé  à  Vienne  en  1447  pour  peindre  sur 
la  voûte  de  la  chapelle  baptismale,  dans  l'église  San  Gio- 
vanni, douze  compositions  représentant  le  Symbole  des 
Apôtres,  dont  il  ne  reste  plus  que  de  faibles  traces. 

BiBL.  :  Vasari,  éd.  Milanesi,  t.  III,  p.  18.  —  Malvasta, 
Felsina  pitirice;  Bologne,  1678,  t.  I.  —  Crowe  et  Caval- 
casJ':llk,  Geschichte  der  italienischen  Malerei  ;  Leipzicc, 
1870,  t.  III,  in-8. 

LAMBERTINI  (Prospero),  pape  (V.  Benoit  XIV). 


LAMBERVILIJ:  —  LAMBINET 


824  — 


LAMBERVILLE.  Corn,  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de 
Saint-Lô,  cant.  de  Torigny  ;  382  hab. 

LAMBERVILLE.  Com.  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure, 
arr.  de  Dieppe,  cant.  de  Bacque ville  ;  269  hab. 

LAMBESC.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  des  Bouches-du- 
Rhône,  arr.  d'Aix;  2,410  hab.  Fabriques  importantes 
d'huiles  d'olive  et  de  conserves  alimentaires.  Antique  em- 
porium,  qui  fut  en  même  temps  un  marché  et  une  forte- 
resse. —  Lambesc  devint  une  place  importante  au  moyen 
âge  et  fut  érigée  en  principauté  en  faveur  d'une  branche 
cadette  de  la  maison  de  Lorraine.  Les  assemblées  générales 
des  communautés  qui,  à  partir  de  1639,  remplacèrent  les 
Etats  de  Provence,  se  réunissaient  à  Lambesc.     J.  M. 

LAMBESC  (Charles-Eugène  de  Lorraine,  prince  de) 
(V.  Elbeuf). 

LAMBÈSE  ou  LAMBESSA.  Colonie  agricole  fondée  en 
1848,  à  11  kil.  S.-E.  de  Batna,  dans  le  dép.  de  Conslan- 
tine  ;  1,458  hab.  Ce  village,  auprès  duquel  se  trouve  au- 
jourd'hui une  maison  centrale  de  détention,  a  été  bâti  sur 
l'emplacement  de  l'ancien  municipe  de  Lambsesis,  ville  qui 
s'éleva  au  ii®  siècle  de  notre  ère  à  proximité  du  quartier 
général  de  la  légion  lïl^  Auguste.  Succédant  comme  camp 
permanent  à  celui  de  Tebessa,  Lambaesis  devint  sous  le 
règne  de  l'empereur  Adrien  un  des  établissements  mili- 
taires les  plus  importants  de  l'Afrique  septentrionale,  et  les 
restes  qu'on  en  a  presque  entièrement  retrouvés  ont  per- 
mis de  reconstituer  dans  la  plupart  de  ses  moindres  détails 
la  forme  que  donnaient  les  Romains  aux  campements  per- 
manents de  leurs  troupes  légionnaires.  C'est  surtout  à  ce 
point  de  vue  que  les  ruines  de  Lambsesis  ont  une  très 
grande  importance,  car  elles  permettent  de  résoudre  un 
grand  nombre  de  questions  d'archéologie  militaire.  Les 
restes  les  plus  remarquables  sont  :  le  praetorium,  l'arc  de 
Maxime  Sévère,  le  capitole,  le  temple  d'Esculape  et  d'Hygée, 
les  deux  forums  et  les  thermes.  Plus  de  deux  mille  ms- 
criptions,  dont  quelques-unes  fort  importantes,  ont  été  rele- 
vées, tant  dans  le  camp  que  dans  la  ville. 
BiBL.  :  Gagnât,  Lambèse  ;  Paris,  1893. 

LAMBETH.  Paroisse  d'Angleterre,  comté  de  Surrey,  à 
l'extrémité  0.  de  Londres  (V.  ce  mot).  Elle  tient  une 
place  assez  importante  dans  l'histoire  de  l'Angleterre,  à 
cause  du  château  ou  palais  qu'y  possédait  l'archevêque  de 
Canterbury. 

Articles  de  Lambeth.  —  On  désigne  sous  ce  nom 
des  définitions  dogmatiques,  présentées  en  1598,  par  le 
professeur  Whitaker,  à  l'archevêque  John  Whitgift,  en  son 
château  de  Lambeth.  Elles  furent  approuvées  et  commu- 
niquées par  lui  à  l'université  de  Cambridge.  Ces  proposi- 
tions formulaient,  en  ses  termes  les  plus  rigides,  la  doc- 
trine des  supralapsaires  (V.  Arminianisme,  t.  IIl,  p.  1053, 
col.  1).  La  reine  Elisabeth  en  ordonna  le  retrait.  En  1606, 
une  nouvelle  tentative  fut  faite,  sans  plus  de  succès,  pour 
les  adjoindre  aux  XXXIX  articles  de  l'Eglise  anglicane. 

LAMBÉZELLEC.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  et 
cant.  de  Brest,  dont  elle  forme  un  faubourg  industriel  ; 
16,084  hab.  Stat.  des  ch  de  fer  départementaux  de  Brest 
à  Ploudalmézeau  et  de  Brest  à  Lannilis.  Fonderie  de  fer, 
scieries,  tanneries,  brasserie,  corderie;  fabriques  d'eaux 
gazeuses,  de  toiles  cirées,  de  papier,  savon,  etc.  ;  brique- 
terie, marbreries,  etc.  ;  carrières;  culture  maraîchère.  Eta- 
blissements de  la  marine  :  casernes  (à  Pontanézen)  ;  han- 
gars, buanderie  (à  l'anse  Saupin).  Couvent  des  carmélites; 
asile  Saint-Raphaël,  sorte  de  colonie  agricole.  Belle  église 
moderne  (de  Saint-Laurent).  C.  Del. 

LAMB ILLOTTE  (Le  Père  Louis),  jésuite  et  musicien,  né 
près  de  Charleroi  en  1T91,  mort  à  Vaugirard  en  1855. 
Lambillotte  avait  d'abord  appris  la  musique  lorsqu'il  fut 
appelé  à  Saint-Acheul  chez  les  jésuites  pour  y  remplir  les 
fonctions  de  maître  de  chapelle.  Il  se  fit  affilier  à  l'ordre  et 
fut  ordonné  prêtre  vers  1827  ;  ce  ne  fut  qu'en  1842  qu'il 
s'occupa  de  plain-chant .  Il  voulut  alors  prendre  part  au 
grand  mouvement  historique  qui  tendait  vers  cette  époque 
à  rendre  au  chant  sacré  la  pureté  des  premiers  temps. 


L'érudition  du  père  Lambillotte  n'était  pas  suffisante  pour 
s'engager  dans  des  travaux  si  délicats  ;  aussi  commit-il  de 
nombreuses  erreurs  qui  donnèrent  naissance  à  d'ardentes 
polémiques.  Cependant,  dans  ses  ouvrages  comme  h  Publi- 
cation du  fac-similé  de  rantiphonaire  de  Saint-Gall 
en  1851,  on  trouve  en  dehors  de  théories  douteuses  d'ex- 
cellents renseignements  sur  le  chant  sacré.  Comme  érudit 
et  polémiste,  le  père  Lambillotte  fit  grand  bruit  en  son 
temps,  et  si  les  travaux  de  Coussemaker,  de  Th.  Nisard,  etc., 
ont  fait  oublier  ses  ouvrages,  il  a  droit  cependant  à  une 
place  dans  l'histoire  du  chant  rehgieux.  Dans  le  public,  il 
fut  connu  surtout  par  un  nombre  prodigieux  de  cantiques 
qui  furent  chantés  dans  toutes  les  églises,  à  tous  les  caté- 
chismes et  dans  tous  les  pensionnats.  Les  uns  étaient  de  son 
invention,  d'autres  consistaient  en  arrangements  de  ro- 
mances et  d'airs  d'opéras.  La  musique  du  père  Lambillotte 
est  encore  chantée  dans  le  monde  entier,  mais  elle  n'en  est 
pas  meilleure  pour  cela.  Vulgaire,  molle,  commune,  sans 
aucun  caractère  religieux,  elle  n'a  pas  peu  contribué  à  ré- 
pandre en  France  le  mauvais  goût  musical  qui  règne  dans 
la  plupart  de  nos  églises  en  province.  Louis  Lambillotte 
avait  deux  frères,  François  et  Joseph,  qui  furent  comme  lui 
prêtres  et  musiciens. 

BiBL.  :  Mathieu  de  Monter,  Louis  Lambillotte  et  ses 
frères;  Paris,  1871,  in-8. 

LAMBIN  (Denys),  philologue  français,  né  à  Montreuil- 
sur-Mer  en  1516,  mort  à'  Paris  en  1572.  Professeur 
d'élocjuence  (1560),  puis  de  grec  (1561)  au  Collège  royal, 
il  jouit  au  xvi^  siècle  d'une  véritable  célébrité.  Il  mourut 
de  l'épouvante  que  lui  causèrent  les  massacres  de  la  Saint- 
Barthélémy,  Citons  parmi  ses  travaux,  qui  sont  encore  con- 
sultés aujourd'hui,  ses  éditions  savantes  à'Horace  (Lyon, 
1561,  in-4,  plus,  éd.);  de  Lucrèce  (Paris,  1564,  in-l); 
de  Plaute  (Paris,  1577,  in-tbl.);  Oratio  de  recta  pro- 
nunciatione  linguœ  Grœcœ  (Paris,  1568)  ;  Commentarii 
in  Cornelium  Nepotem  (1569,  in-i);  une  édition  des  Ha- 
rangues de  Démosthène  (1570,  in-fol.)  ;  des  travaux  sur 
Cicéron  et  une  Vie  de  Cicéron  (en  latin  ;  Cologne,  1578, 
in-8),  etc. 

LAMBIN  (Jean- Jacques),  historien  belge,  né  à  Ypres  en 
1765,  mort  à  Ypres  en  1841.  Il  devint  archiviste  de  sa 
ville  natale  et  publia  de  nombreux  ouvrages  pleins  d'inté- 
rêt pour  l'histoire  de  la  Flandre.  En  voici  les  principaux  : 
Etudes  sur  le  règne  de  Philippe  d'Alsace  (en  flamand; 
Ypres,  1815,  in-8)  ;  le  Siège  d' Ypres  en  iS8S  (id.,  1826, 
in-8)  ;  Esquisses  historiques  sur  les  châtelains  et  vi- 
comtes d'Y  près  {id.,  1838,  in-8);  Chronique  et  généa- 
logie des  princes  flamands  de  863  à  i436  par  Jean  de 
Dixmude  {id.,  1839,  in-8). 

LA  M  B I N  ET  (Pierre) ,  bibliographe  français,  né  à  Tournes, 
près  de  Mézières,  le  22  oct.  1742,  mort  à  Charleville  le 
10  déc.  1813.  Il  entra  en  1765  dans  l'ordre  des  prémon- 
trés, puis  en  sortit  avec  l'autorisation  du  pape.  lia  publié  : 
Origine  de  l'imprimerie  (Paris,  1810,  2  vol.  in-8),  une 
édition  de  l'Imitation  de  Jésus-Christ  (1811),  d'après 
Beauzée,  etc. 

LAMBIN  ET  (Emile-Charles),  peintre  français,  né  à  Ver- 
sailles en  1816,  mort  à  Bougival  le  30  déc.  1877.  Il 
étudia  la  peinture  dans  sa  ville  natale,  avec  les  conseils 
de  Boisselier,  puis,  étant  venu  à  Paris,  il  se  perfectionna 
d'abord  sous  Drolling  et  ensuite  sous  Horace  Vernet 
auquel  il  s'attacha  plus  particulièrement.  Quand,  en  1845, 
notre  grand  peintre  militaire  fit  en  Algérie  ce  voyage  où 
il  recueillit  les  sujets  de  tant  de  grandes  œuvres,  M.Lam- 
binet  l'accompagna  et,  lui  qui  n'avait  exposé  jusqu'alors  que 
des  paysages  de  France  {Vue  de  Sentis,  1833;  Site  du 
Dauphiné,  1837  ;  Vallée  de  Chevreuse,  1833),  rapporta 
de  notre  nouvelle  colonie  son  tableau  le  Cimetière  des  pal- 
miers nains  qui  figura  au  Salon  de  1846.  Depuis,  se  con- 
sacrant toujours  au  paysage,  il  voyagea  un  peu  en  Angle- 
terre et  en  Hollande,  mais  c'est  surtout  en  Normandie, 
dans  le  Maine  et  sur  les  bords  de  la  Seine  qu'il  vint  de 
préférence  choisir  les  sujets  de  ses  toiles.  G.  A. 


825  - 


LAMBLARDIE  —  LAMBRÏOK 


LAMBLARDIE  (Jacques-Elie),  ingénieur  français,  né  à 
Loches  en  1747,  mort  à  Paris  le  26  déc.  1797.  Il  appar- 
tenait au  corps  des  ponts  et  chaussées  dont  il  fut  une  des 
illustrations.  Dès  le  début  de  sa  carrière,  il  fit  en  Normandie 
ses  célèbres  observations  sur  le  mouvement  des  galets;  on 
lui  doit  les  écluses  de  chasse  de  Dieppe  et  du  Tréport  et 
surtout  la  conception  et  en  partie  Texécution  des  ouvrages 
qui  ont  fait  du  Havre  l'un  des  grands  ports  de  commerce 
de  FEurope.  L'esprit  inventif  de  Lamblardie  ne  pouvait 
rester  indifférent  au  problème  de  l'estuaire  de  la  Seine  ; 
aussi  rédigea-t-il  des  rapports  sur  ramélioration  de  la  Seine 
maritime,  mais  son  intervention  n'a  pas  eu  de  ce  côté  des 
conséquences  importantes.  Le  Journal  des  mines  a  publié 
un  rapport  de  Lamblardie  sur  la  navigation  de  la  Somme. 
Mais  il  faut  surtout  citer  son  Mémoire,  imprimé  en  1789, 
Sur  les  Côtes  de  la  Haute-Normandie^  dont  on  trouvera 
un  extrait  dans  la  Seine  maritime  et  son  estuaire,  par 
Lavoinne,  ouvrage  publié  en  1885  par  V Encyclopédie  des 
travaux  publics.  Ce  mémoire  est  encore  souvent  cité  et 
suffirait  pour  sauver  de  l'oubli  le  nom  de  son  auteur.  — 
Lamblardie  a  été  directeur  de  l'Ecole  des  ponts  et  chaus- 
sées, organisa  l'enseignement  de  l'Ecole  polytechnique  et 
en  fut  le  premier  directeur.  On  conserve  son  portrait  dans  ces 
deux  écoles,  et  celle  des  ponts  et  chaussées  possède  aussi 
son  buste.  —  Son  fils,  inspecteur  général  des  travaux  ma- 
ritimes, est  mort  en  1840,  à  un  âge  peu  avancé.    M.-C.  L. 

LAMBLORE.Com.  dudép.  d'Eure-et-Loir, arr.de  Dreux, 
cant.  de  La  Ferté-Yidame  ;  289  hab. 

LAMBOURDE.  L  Construction.  —  Poutre  appliquée  à 
un  mur  ou  à  une  poutre  maîtresse,  et  dans  laquelle  viennent 
s'assembler  les  solives  d'un  plancher.  Les  charpentiers  du 
moyen  âge  ont  fait  grand  usage  de  lambourdes  dans  la  cons- 
truction de  leurs  planchers,  dont  la  membrure  était  entière- 
ment apparente  (V.  Plancher).  Les  lambourdes  appliquées 
à  une  poutre  maîtresse  y  étaient  fixées  par  des  ferrures 
(chevilles,  boulons  à  clavettes  ou  étriers).  Celles  qui  s'ap- 
pliquaient au  mur  étaient  portées  sur  une  série  de  corbeaux, 
généralement  plus  petits  que  ceux  qui  soulageaient  les  ex- 
trémités des  maîtresses  poutres.  Les  constructeurs  du  moyen 
âge  cherchaient  en  etfet  toujours  à  éviter  d'engager  dans  la 
maçonnerie  les  bois  qui  s'y  échauffent  et  ne  tardent  pas  à  y 
pourrir.  C'est  ce  principe  qui  justifie  l'existence  de  la  lam- 
bourde elle-même  et  des  corbeaux  qui  la  soutiennent.  C.  E. 

IL  Arboriculture.  —  Les  lambourdes  sont  des  rameaux 
courts  et  gros  du  poirier  et  du  pommier,  portant  de  nom- 
breuses feuilles  et  ridés  transversalement.  Les  lambourdes 
naissent  naturellement  sur  les  arbres  ou  bien  elles  sont 
produites  par  la  taille.  Elles  se  couvrent  de  boutons  à  fleurs 
et  de  fruits.  G.  B. 

LAMBOY  (Guillaume,  comte  do),  homme  de  guerre 
belge,  né  à  Cortessem  vers  1600,  mort  à  Arnow,  en  Bo- 
hème, en  16o6.  Il  entra  dans  l'armée  impériale  et  se  dis- 
tingua à  la  bataille  de  Lutzen  en  1632,  puis  en  1634  au 
blocus  de  Hanau,  et  en  1635  à  Sachsenhausen.  En  1636, 
il  força  Condé  à  lever  le  siège  de  Dole.  Devenu  général, 
il  défit  en  1641  le  maréchal  de  Châtillon  à  La  Marfée-lez- 
Sedan,  mais,  l'année  suivante,  il  fut  battu  et  fait  prison- 
nier à  Hulst  par  Guébriant.  Rendu  à  la  liberté  en  1644, 
Lamboy  reprit  aux  Français  Condé,  Armentières  et  Mar- 
dyck.  Sa  valeur  fut  récompensée  par  les  titres  de  feld- 
maréchal  et  de  comte  de  l'Empire.  E.  H. 

BiBL.  :  Barthold,  Geschichle  des  grossea  Deutschen 
Krieges  ;  Stuttgart,  1842-43,  2  vol.  in-8.  —  Rahlenbeck, 
Biogr.  de  Lamboy,  dans  la  Biogr.  aat.  de  Belgique. 

LAM BRECHT  (Félix-Edmond-Hyacinthe),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Douai  le  4  avr.  1819,  mort  à  Ver- 
sailles le  8  oct.  1871.  Elève  de  l'Ecole  polytechnique 
(1838),  il  fit  une  carrière  brillante  dans  les  ponts  et 
chaussées,  et,  après  avoir  rempli  diverses  missions  en  Al- 
gérie, en  Angleterre,  aux  Indes,  il  s'occupa  de  gérer  ses 
propriétés  dans  le  Nord.  Elu  député  de  ce  département  le 
l^r  juin  1863,  il  fut  membre  du  tiers  parti  et  se  lia  par- 
ticulièrement avec  Thiers.  Non  réélu  en  1869,  il  devint 


représentant  du  Nord  à  l'Assemblée  nationale  le  8  févr. 
1871.  Il  siégea  au  centre  gauche.  Le  19  févr.  1871,  il 
recevait  le  portefeuille  de  l'agriculture  et  du  commerce 
dans  le  cabinet  Dufaure  et  bientôt  (5  juin)  remplaçait 
E.  Picard  à  l'intérieur.  Il  était  déjà  fort  souffrant  et  il 
mourut,  en  fonctions,  de  la  rupture  d'un  anévrysme.  Il  fut 
inhumé  aux  frais  de  l'Etat. 

LA  M  B  R  EC  HTS  (Charles-Joseph-Mathieu,  comte) ,  homme 
d'Etat  français,  né  à  Saint-Trond  en  1753,  mort  à  Paris  en 
1823.  Il  devint  professeur  de  droit  canon  à  l'université  de 
Louvain  en  178'2,  et  défendit  énergiquement  les  idées  ré- 
formatrices de  Joseph  IL  Après  l'annexion  de  la  Belgique  à 
la  France,  il  fut  élu  président  de  l'administration  centrale 
du  département  de  la  Dyle,  et,  en  1797,  il  succéda  à 
Merlin  de  Douai  dans  le  poste  de  ministre  de  la  justice  ;  il 
se  distingua  dans  ces  hautes  fonctions  par  son  activité  et 
son  intégrité.  Le  mauvais  état  de  sa  santé  le  contraignit  à 
déposer  son  portefeuille  en  1799.  Il  entra  au  Sénat  et  y 
siégea  dans  la  minorité  indépendante  ;  il  vota  contre  l'élé- 
vation du  premier  consul  à  l'Empire.  En  1814,  il  vota  la 
déchéance  de  Napoléon  et  rédigea  la  constitution  qui  fut 
adoptée  par  le  Sénat.  En  1819,  les  électeurs  delà  Seine- 
Inférieure  et  ceux  du  Bas-Rhin  l'élurent  simultanément 
député.  Il  siégea  à  la  Chambre  jusqu'à  sa  mort  et  prit  une 
part  brillante  aux  discussions  parlementaires. 

Asile  Lambrechts.  — Cet  asile,  situé  rue  de  Colombes, 
àCourbevoie,  a  été  créé,  par  testament  du  comte  Lambrechts, 
«  en  faveur  des  personnes  de  la  religion  protestante,  soit 
de  l'Eglise  chrétienne  de  la  confession  d'Augsbourg,  soit  de 
l'église  chrétienne  réformée  ».  L'asile  Lambrechts  est  des- 
tiné à  recevoir  les  aveugles  indigents  des  deux  sexes, 
atteints  de  cécité  complète,  âgés  de  30  ans  ;  les  vieillards 
indigents  des  deux  sexes,  âgés  de  70  ans  au  moins  ;  les 
personnes  atteintes  d'infirmités  qui  les  rendent  incapables 
de  tout  travail,  âgés  de  50  ans  au  moins  pour  les  femmes, 
et  de  55  ans  au  moins  pour  les  hommes;  et  enfin  les  orphe- 
lins du  sexe  masculin,  âgés  de  7  ans  au  moins  et  de  13  ans 
au  plus.  En  1889,  l'asile  comptait  une  population  de  1 10  ma- 
lades :  40  adultes  des  deux  sexes,  70  enfants  (garçons). 

LAMBREQUIN  (Art  herald.).  Ornements  composés  de 
festons  d'étoffe  qui  sortent  de  derrière  le  casque  et  parais- 
sent se  dérouler  de  chaque  côté  de  l'écu  ;  ils  dérivent  des 
chaperons  qui  se  portaient  autrefois  sur  les  casques  ;  ils  en- 
veloppaient la  tête  du  cavalier  et  flottaient  sur  ses  épaules. 
Nos  soldats  guerroyant  en  Afrique  et  dans  les  contrées  chaudes 
portent  encore  des  pièces  d'étoffe  analogues.  Les  anciens 
héraldistes  les  nomment  capelines;  découpés,  ils  deviennent 
lambrequins.  Les  peintres  héraldistes  les  font  ressembler 
à  des  feuilles  d'acanthe.  Le  fond  et  le  gros  des  lambre- 
quins en  feuilles  déroulées  doivent  être  du  même  émail  que 
le  champ  de  l'écu,  et  les  bords  et  les  extrémités  des  feuilles 
se  composent  des  émaux  des  pièces  qui  figurent  dans  l'écu  ; 
c'est  la  seule  règle  héraldique  à  suivre.  Les  lambrequins, 
qui  étaient  jadis  considérés  comme  signe  de  bravoure,  sont 
devenus  un  des  plus  gracieux  ornements  des  armoiries  en 
France  et  en  Allemagne,  où  ils  sont  d'un  usage  plus  fréquent 
que  dans  les  autres  nations.     Gourdon  de^Genouillac. 

LAMBRES.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  et  cant.  (0.)  de 

Douai;  1,499 hab,  Stat.  du  chem.  de  fer  du  Nord,  ligne 

de  Douai  à  Arras.  Sucreries  et  distilleries  de  betteraves. 

LAMBRES.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de  Bé- 

thune,  cant.  de  Norrent-Fontes  ;  609  hab. 

LAMBREY  {Lambriacus) .  Com.  du  dép.  de  la  Haute- 
Saône,  arr.  de  Vesoul,  cant.  de  Combeaufontaine  ;  212  hab. 
Traces  de  voie  romaine.  Eglise  du  xviii®  siècle  (dalle  tu- 
mulaire  du  xiii®  siècle,  à  personnage).  Ce  village  a  donné  son 
nom  à  une  importante  famille  de  chevalerie  franc-com- 
toise, qui  s'éteignit  en  1542,  et  dont  les  domaines  pas- 
sèrent à  cette  date  aux  de  Saint-Mauris.  Le  château,  dont 
on  voit  encore  les  ruines,  fut  assiégé  et  pris  par  Pierre  de 
Craonen  1476.  L-x. 

LAMBRIOR  (Alexandre),  philologue  roumain,  né  à  Soci 
le  10  sept.  1846,  mort  le  20  sept.  1883.  Il  compléta  ses 


LâMBRÏOR  —  LAME 


—  826  — 


études  à  Paris  et  occupa  des  fonctions  dans  l'enseignement. 
Bien  que  son  activité  scientifique,  interrompue  par  une 
mort  prématurée,  se  ])orne  à  la  publication  d'un  excellent 
Livre  de  lecture  en  caractères  cyriliques  (Jassy,  4882) 
et  à  des  articles  publiés  dans  la  Romania  de  Paris,  dans 
les  Entretiens  littéraires  et  la  Revue  d'histoire,  d'ar- 
chéologie et  de  philologie,  elle  suffit  pour  lui  assigner 
une  des  premières  places  dans  la  littérature  philologique 
du  pays  et  un  rang  honorable  parmi  les  romanistes. 

BiBL.  :  Gr.  Tocilescu,  dans  la  Revue  dhist.,  d'arch.  et 
dephiloL,  III.  —  Entretiens  littéraires,  XXVII. 

LAMBRIS  (V.  BoiSERŒ,  t.  VU,  p.  437). 

Lambris  d'appui  (V.  Appui). 

LAMBRO.  Riv.  d'Italie,  affl.  de  la  r.  g.  du  Pô.  Il  a  sa 
source  dans  la  Rrianza,  pays  montueux  couvert  de  bois 
et  de  pâturages  qui  forme  la  presqu'île  entre  les  deux 
pointes  méridionales  du  lac  de  Corne.  Il  y  reçoit  les  eaux 
des  petits  lacs  d'Algerio  et  de  Pusiano;\[  coule  vers  le 
S.-S.-E.,  arrose  Monza,  passe  à  5  kil.  à  TE.  de  Milan,  à 
Melegnano  (victoires  de  François  P^  [Marignan,  4545J  et 
des  Français  sur  les  Autrichiens  [4859]);  il  est  grossi  à 
droite  de  l'Olona  et  du  Lambro  méridional.  Il  tombe  dans 
le  Pô  à  Corte  SanV Andréa,  après  un  cours  de  420  kil. 

LAMBRON  DE  LiGNiM  (Henri),  érudit  français,  né  à 
Tours  en  4799,  mort  à  Tours  en  4863.  Il  a  laissé,  outre 
des  publications  héraldiques,  un  certain  nombre  d'ouvrages 
historiques  dont  les  principaux  sont  :  Procès-verbal  des 
séances  de  V ordre  de  la  noblesse  du  bailliage  de  Tou- 
raine  (Tours,  4884,  in-8)  ;  Touraine,  Mélanges  histo- 
riques, Joutes  et  Tournois  (48S5-62,  40  vol.  in-8); 
Armoriai  des  archevêques  de  Tours  (4854,  in-8);  Id. 
des  maires  de  Tours  (4867,  in-4)  ;  Id,  des  mailles 
d'Angers  (4845,  in-4). 

LAMBRUISSE.  Com,  dudép.  des  Basses-Alpes,  arr.  de 
Digne,  cant.  de  Barrême  ;  489  hab. 

IaMBRUS  (Zool.)  (V.  Pârthénopides). 

LAMBRUSCHINI  (Luigi),  cardmal  et  secrétaire  d'Etat 
italien,  né  à  Sestri  Levante,  près  de  Gênes,  le  46  mai  4776, 
mort  à  Rome  le  42  mai  4854.  Entré  dans  l'ordre  des 
barnabites,  dont  il  fut  général,  secrétaire  du  cardinal  Con- 
salvi  qu'il  accompagna  au  congrès  de  Vienne,  évêque  de 
Sabine,  puis  archevêque  de  Gênes  (27  sept.  4849),  nonce 
à  Paris  (1823),  il  fut  fait  cardinal  par  Grégoire  XVI 
(30  sept.  4834).  Celui-ci,  sur  les  conseils  de  l'Autriche, 
le  prit  pour  secrétaire  d'Etat  (4836).  Il  lui  laissa  l'entier 
exercice  du  pouvoir.  Tous  les  actes  du  cardinal  Lambrus- 
chini  furent  inspirés  par  l'absolutisme  et  le  fanatisme. 
Lors  du  conclave  de  juin  4846,  il  réunit  le  plus  de  voix 
au  premier  tour  de  scrutin,  mais  l'entente  de  ses  adver- 
saires se  fit  sur  le  nom  du  cardinal  Mastaï  Ferretti,  qui 
fut  Pie  IX.  Sous  le  nouveau  règne,  il  fut  secrétaire  des 
brefs  pontificaux.  En  4848,  il  suivit  le  pape  à  Gaëte.  Le 
cardinal  Lambruschini  a  publié  des  Opère  spiriluaJi  (Kome, 
4836,  3  vol.)  et  un  opuscule  Suirimmacolato  Concepi- 
mento  di  Maria  (4843).  F.  H. 

LAMBRUSCHINI  (L'abbé  Raffaele),  agronome,  péda- 
gogue et  homme  poU tique  itahen,  né  à  Gênes  le  44  août 
4788,  mort  à  Figline,  près  de  Florence,  le  8  mars  4873. 
Elevé  dans  la  maison  paternelle,  il  alla  à  Rome  en  4805 
pour  faire  ses  études  ecclésiastiques.  Il  avait  deux  oncles 
dans  le  haut  clergé,  l'un,  Luigi,  qui  devint  cardinal  et  se- 
crétaire d'Etat  (V.  ci-dessus),  l'autre,  Giambattista,  qui 
était  évêque  d'Orvieto.  Reçu  prêtre,  il  se  rendit  auprès  de 
ce  dernier  ;  mais,  suspect  de  hbéralisme,  il  dut  émigrer 
pendant  quelque  temps  en  Corse  (4842).  En  4846,  pour  évi- 
ter la  réaction  romaine,  il  s'établit  en  Toscane.  Retiré  dans 
une  villa  à  Figline,  il  s'y  occupa  de  sciences  naturelles, 
d'agriculture  et  d'économie  politique.  Il  collabora  à  VAnto- 
logiaitalia7iadeykusse\ix,  et  fonda  le  Gior^a/^  agrari- 
toscano  (4827).  A  partir  de  4  830,  il  se  consacra  tout  entier 
à  la  cause  de  l'éducation .  Il  dirigea  une  école  créée  par 
lui, et  publia,  de  4836  à  4844, la  Guida  deWeducatore. 
En  4848,  il  fut  un  des  principaux  rédacteurs  du  journal 


politique  La  Pafrm.  Nommé  député  à  l'Assemblée  toscane, 
il  siégea  parmi  les  libéraux  modérés.  Au  retour  du  grand- 
duc,  '  il  se  retira  de  nouveau  à  la  campagne  et  reprit  ses 
études.  Archiconsul  de  l'Académie  de  la' Crw5ca,  il  était 
en  même  temps  un  des  membres  les  plus  actifs  de  celle 
des  Georgofili.  Lors  de  l'annexion  de  la  Toscane,  Victor- 
Emmanuel  le  fit  sénateur  (23  mars  4860).  De  4868  à 
4869,  il  professa  à  l'Institut  des  études  supérieures  de 
Florence.  L'abbé  Lambruschini,  qui  sut  concilier  les  de- 
voirs du  prêtre  avec  ceux  du  patriote,  était  vénéré  de  tous 
les  partis.  Entre  autres  nombreux  ouvrages,  on  a  de  lui  : 
Letture  per  i  fanciulli,  Letture  giovdnili,  DeW  Edu- 
cazione  (4849);  Dell'Istruzione  (Florence,  4874)  ; 
Elogi  e  biogràfte  raccolte  (Florence,  4873).      F.  H. 

LAMBTON  (John-George),  comte  de  Durham,  homme 
d'Etat  anglais,  né  à  Londres  le  42  avr.  4792,  mort  à 
Cowes  le  28  juil.  4840.  Elève  d'Eton,  il  servit  dans  l'ar- 
mée pendant  un  an.  En  4843  il  était  élu  membre  de  la 
Chambre  des  communes  par  le  comté  de  Durham  qu'il 
représenta  jusqu'à  son  entrée  à  la  Chambre  des  lords. 
Libéral  avancé,  il  eut  en  4820  un  duel  avec  Beaumont  à 
la  suite  d'une  polémique  électorale.  Il  attaquait  le  gouver- 
nement avec  une  ardeur  passionnée  qui  mit  en  péril  sa 
santé  assez  précaire.  Créé  baron  Durham  en  4828,  il  entra 
à  la  Chambre  des  lords  et  devint  en  4830  lord  du  sceau 
privé  dans  le  cabinet  Grey.  Il  fut  chargé  avec  John  Russell, 
James  Graham  et  lord  Duncannon  de  la  préparation  du 
premier  bill  de  réforme  parlementaire  qu'il  défendit  avec 
éloquence  à  la  Chambre  haute.  Il  eut  alors  quelques  diffi- 
cultés avec  ses  collègues,  car  il  voulait  qu'on  fît  bon  gré 
mal  gré  adopter  le  bill  en  procédant  à  une  vaste  fournée 
de  pairs,  et  il  partit  en  ambassade  à  Saint-Pétersbourg, 
puis  à  Berlin  et  à  Vienne  (4832).  Finalement,  dégoûté 
de  la  politique  peu  nette  du  cabinet,  il  démissionna 
(44  mars  4833).  Il  fut  alors  créé  vicomte  Lambton  et 
comte  de  Durham  (23  mars).  En  1834,  il  eut  une  polé- 
mique extrêmement  vive  avec  Brougham  qui  avait  attaqué 
les  radicaux  et,  après  avoir  vainement  essayé  de  se  faire 
élire  leader  du  parti  whig,  il  obtint  l'ambassade  de  Saint- 
Pétersbourg  (4835-37).  "En  4838,  il  fut  envoyé  comme 
gouverneur  général  au  Canada,  où  il  se  montra  tellement 
cassant  et  autoritaire  qu'ayant  été  abandonné  par  le  gou- 
venement  qui  blâma  ses  procédés  en  pleine  Chambre,  il  dut 
donner  sa  démission.  Il  revint  à  Londres  et  publia  ce 
fameux  Report  on  the  affairs  on  British  North  America 
(Londres,  d839,  in-8)  qui  inspira  la  politique  de  tous  ses 
successeurs,  mais  qui  est  en  réalité  l'œuvre  de  son  secré- 
taire Charles  Buller.  Energique,  ambitieux,  habile,  Durham 
eût  été  un  homme  d'Etat  de  premier  ordre,  si  son  outre- 
cuidance, son  manque  de  tact,  son  excessive  irritabilité, 
conséquence  de  sa  mauvaise  santé,  ne  lui  avaient  aliéné 
tout  le  monde.  On  a  un  beau  portrait  de  lui,  par  Thomas 
Lawrence.  R.  S. 

BiBL.  :  Reid,  Sketch  of  the  politicalcareerof  the  earlof 
Durham  ;  Glasgow,  1835,  in-12.—  Greville,  Memoirs^  I  et  II. 

LAME.  ï.  Technologie.  —  Nom  de  toute  espèce  de 
bande  plate,  étroite  et  mince,  et  particulièrement  des  bandes 
de  métal  qu'on  obtient  par  le  laminage.  L'or  et  l'argent  bat- 
tus en  fils  aplatis,  qu'on  emploie  pour  la  fabrication  des  ga- 
lons et  de  quelques  étoffes,  porte  aussi  le  nom  de  lames.  Les 
lames  proprement  dites  constituent  le  fer  de  certaines  armes 
ou  instruments  destinés  à  couper,  à  raser,  à  trancher,  etc., 
et  que  l'on  fait  en  acier  pur,  ou  en  fer  et  acier,  en  or,  en 
argent.  Dans  les  métiers  à  tisser,  les  lames  sont  des  or- 
ganes au  moyen  desquels  on  produit  le  mouvement  des  fils 
de  la  chaîne  qui  passent  ensemble  sur  ou  sous  les  duites 
formées  par  la  trame.  Chaque  lame  est  formée  par  deux 
baguettes  en  bois,  nommées  liais,  lisserons  ou  lamettes, 
entre  lesquelles  sont  tendues  des  mailles  en  fil  de  coton, 
de  soie,  de  laine  ou  de  métal,  et  dans  lesquelles  sont  pas- 
sés les  fils  de  la  chaîne  qui  doivent  avoir  les  mêmes  mou- 
vements par  rapport  aux  duites  successives.  Le  métier  est 
muni  d'autant  de  lames  que  l'armure  du  tissu  comporte  de 


-  mi  ^ 


LAME  —  LAME 


fils  différents  dans  la  chaîne,  et  l'ensemble  de  ces  lames 
forme  le  harnais,  ou  harnat,  ou  remisse.  Les  lames  sont 
souvent  aussi  nommées  lisses.  Lorsque  leur  nombre  devient 
trop  considérable,  on  en  abandonne  l'usage  pour  avoir  re- 
cours aux  maillons  des  mécaniques  Jacquard.       L.  K. 

II.  Art  militaire.  —  Partie  tranchante  des  armes 
blanches,  telles  que  sabre,  épée,  baïonnette,  poignard,  etc. 
Les  principales  conditions  qui  peuvent  influer  sur  la  valeur 
de  la  lame  sont  :  4°  La  forme  de  la  lame  qui,  dans  les 
armes  tranchantes,  doit  être  inclinée  par  rapport  à  l'avant- 
bras.  En  effet,  une  lame  agissant  normalement  sur  un  corps 
fibreux  rencontre  une  résistance  considérable  à  la  péné- 
tration, parce  que  chaque  fibre  attaquée  est  soutenue  par 
celle  qui  est  immédiatement  sous  elle,  celle-ci  par  la  sui- 
vante et  ainsi  de  suite.  Au  contraire,  lorsque  la  lame  se 
présente  obliquement,  les  fibres  ne  se  soutenant  plus  mu- 
tuellement sont  coupées  successivement  par  le  tranchant.  On 
arrive  au  résultat  en  donnant  à  l'arête  un  tracé  curviligne. 
Pour  les  armes  d'estoc,  dans  lesquelles  l'arête  est  beau- 
coup diminuée,  la  forme  droite  est  celle  qui  convient  le 
mieux,  parce  que  l'effort  dirigé  normalement  à  la  résis- 
tance concourt  entièrement  à  la  pénétration  de  la  pointe 
dans  l'obstacle.  2<^  La  cambrure^  ou  courbure  donnée  au 
tranchant  de  l'arme,  de  manière  que  celle-ci  se  présente 
obliquement  par  rapport  à  l'objet  frappé,  est  variable  sui- 
vant la  destination  de  l'arme.  Elle  est  en  général  convexe 
pour  le  sabre  de  cavalerie  et  concave  pour  le  sabre-baïonnette 
modèle  66.  3°  Le  profil  doit  satisfaire  à  la  double  condition 
de  donner  à  la  lame  une  raideur  et  un  tranchant  suffisants 
pour  le  service  qu'elle  doit  remplir.  Les  profils  des  lames 
anciennes,  qui  n'étaient  pas  é vidées,  avaient  l'inconvénient 
de  donner  des  armes  lourdes  et  massives,  auquel  on  a  re- 
médié par  différents  procédés:  pans  creux,  évidements, 
gouttières,  etc.  4<*  La  répartition  de  la  masse  doit  être 
faite  de  manière  que  le  moment  d'inertie  soit  le  plus  grand 
possible,  puisque  la  pénétration  d'une  arme  tranchante 
est  proportionnelle  à  la  vitesse  du  point  oti  se  produit  le 
contact  et  au  moment  d'inertie  de  la  masse  de  l'arme,  et 
que  la  vitesse  ne  peut  être  accrue  que  dans  certaines 
limites.  On  arrive  au  résultat  voulu  en  portant  la  plus 
grande  partie  de  la  matière  vers  l'extrémité  de  l'arme. 
D'un  autre  côté,  pour  que  celle-ci  soit  bien  en  main,  le 
centre  de  gravité  doit  être  peu  distant  de  la  poignée,  ce 
qui  a  amené  à  alléger  autant  que  possible  la  partie  voisine 
de  la  monture  et  à  reporter  le  poids  vers  les  extrémités. 
5°  La  pointe  est  généralement  en  forme  de  langue  de  carpe, 
de  préférence  à  la  forme  en  biseau,  qui  effre  une  résis- 
tance brusque,  et  à  la  forme  triangulaire  qui  est  trop  fra- 
gile. 6°  La  nature  du  métal,  qui  doit  être  élastique,  pour 
que  l'arme  puisse  ployer  sans  se  rompre;  tenace,  pour 
qu'elle  ne  se  brise  pas  sous  le  choc  ;  dur,  pour  lui  con- 
server son  tranchant.  Le  métal  actuellement  employé  est 
l'acier  fondu,  trempé  et  recuit. 

ÏII.  Construction.  —  En  menuiserie  et  en  serrurerie, 
les  James  de  persienne  (V.  ce  mot)  sont  des  tringles  de 
bois,  de  fer  plat  et  quelquefois  de  verre  qui  se  posent  à 
recouvrement,  mais  avec  un  même  intervalle,  et  qui  sont  as- 
sujetties entre  les  montants  des  persiennes,  soit  à  l'état 
fixe,  soit  à  l'état  mobile.  Dans  le  premier  cas,  les  lames 
sont  assemblées  à  entaille  sur  les  montants,  tandis  que,  dans 
le  second,  elles  sont  assemblées  à  tourillon.  On  appelle 
fausses  lames,  dans  les  persiennes  en  bois,  les  parties  en- 
taillées peu  profondément  dans  des  volets  pleins  de  façon  à 
présenter  une  légère  saillie  et  à  simuler  des  lames  de  per- 
siennes. —  On  donne  ce  même  nom  de  lames  à  des  feuilles 
de  plomb  que  l'on  place  quelquefois  sous  les  bases  et  sous 
les  chapiteaux  et  aussi  entre  les  tambours  des  colonnes 
en  pierre  afin  d'égaliser  et  d'amortir  la  pression  supportée 
par  ces  pierres.  Charles  Lucas. 

IV.  Physique.  —  Lames  liquides.  —  Pour  étudier  les 
effets  de  la  capillarité  sur  les  liquides,  deux  méthodes  ont 
été  employées  par  Plateau  afin  de  soustraire  les  liquides  à 
l'action  de  la  pesanteur  et  d'examiner  l'action  des  forces 


capillaires  lorsque  celles-ci  agissent  seules.  La  première  a 
été  décrite  au  mot  Cohésion  (t.  XI,  p.  849).  Elle  consiste  à 
plonger  un  liquide  dans  un  autre  non  miscible,  mais  de 
même  densité.  La  fig.  1  de  l'art.  Cohésion  montre  les  formes 
que  prend  une  masse  liquide  de  ce  genre  assujettie  à  mouil- 
ler deux  circonférences  égales  parallèles,  situées  au-dessus 
l'une  de  l'autre.  On  peut,  suivant  le  volume  de  liquide 
employé,  obtenir  un  cylindre  terminé  par  des  calottes 
sphériques,  une  onduloïde  ou  une  caténoïde.  La  deuxième 
méthode  repose  sur  l'emploi  d'un  liquide  tel  que  l'eau  de 
savon  dans  lequel  on  plonge  une  carcasse  métallique.  En 
retirant  celle-ci  on  constate  que  des  lames  liquides  très 
minces,  sur  lesquelles,  par  conséquent,  l'action  de  la  pe- 
santeur est  négligeable  devant  celle  des  forces  capillaires, 
se  sont  attachées  aux  arêtes  métalliques  et  forment  à  l'in- 
térieur de  la  charpente  un  système  de  lames  parfaite- 
ment déterminées,  d'après  la  forme  de  la  charpente. 
Au  lieu  d'eau  de  savon  qui  s'évapore  vite  et  donne  des 
systèmes  peu  durables.  Plateau  employait  un  liquide  glycé- 
rique  connu  sous  le  nom  de  liquide  glycérique  de  Plateau. 
On  l'obtient  en  mélangeant  une  solution  de  40  gr.  de  savon 
de  Marseille  dans  400'c.  c.  d'eau  avec  800  c.  c.  de  glycérine. 
Ce  liquide  ne  s'évapore  que  très  lentement  ;  il  donne  des 
systèmes  laminaires  très  beaux;  il  permet  de  souffler 
d'énormes  bulles  de  savon  qui  peuvent  durer  plusieurs 
heures.  On  peut  aussi,  comme  l'a  montré  M.  Gerney,  rem- 
placer ce  liquide  par  du  collodion  riciné  (coUodion  ordi- 
naire, 60  c.  c;  huile  de  ricin,  40  ce).  Ce  dernier  liquide 
s'évapore  en  partie,  mais  l'huile  de  ricin  forme  des  lames 
qui  se  solidifient  assez  rapidement  et  gardent  la  forme 
qu'elles  possédaient  à  l'état  liquide. 

En  plongeant  des  charpentes  en  fil  de  fer  dans  son 
liquide  glycérique,  Plateau  observa  un  grand  nombre  de 
systèmes  laminaires  qui  l'ont  conduit  à  formuler  les  lois 
suivantes  :  4^  à  une  même  arête  liquide  n'aboutissent 
jamais  que  trois  lames,  et  celles-ci  font  entre  elles  des  angles 
égaux  ;  2*^  quand  plusieurs  arêtes  liquides  aboutissent  à  un 
même  point  dans  l'intérieur  du  système,  ces  arêtes  sont 
toujours  au  nombre  de  quatre  et  forment  entre  elles,  au 
point  dont  il  s'agit,  des  angles  égaux.  Ces  lois  s'appliquent 
non  seulement  au  système  de  Plateau,  mais  aux  bulles  de 
savon  de  tous  les  liquides  mousseux  connus,  la  bière,  par 
exemple,  qui  se  réunissent  et  se  déforment,  mais  en  suivant 
toujours  les  deux  lois  énoncées  par  Plateau.  On  peut,  avec 
ces  lames,  reproduire  la  forme  du  cylindre  de  l'onduloïde 
et  du  caténoïde,  en  soufllant  une  bulle  de  savon  ou  du 
liquide  glycérique  entre  deux  anneaux  soutenus  l'un  au- 
dessus  de  l'autre  à  une  certaine  distance.        A.  Joannis. 

Couleur  des  lames  minces  (V.  Anneaux  colorés,  t.  111, 
pp,  39-44). 

V.  Botanique  (V.  Corolle,  t.  XII,  p.  4048). 

LAMÉ  (Gabriel),  géomètre  et  ingénieur  français,  né  à 
Tours  le  22  juil.  4795,  mort  à  Paris  le  4^**  mai  4870. 
Sorti  de  l'Ecole  polytechnique,  le  premier,  en  4847,  et  de 
l'Ecole  des  mines  en  4820,  il  partit  aussitôt,  avec  son  ca- 
marade Clapeyron  (V.  ce  nom),  pour  la  Russie.  Ils  y  exé- 
cutèrent d'importants  travaux  de  viabilité,  tout  en  dirigeant 
l'Ecole  des  voies  et  communications  de  Saint-Pétersbourg, 
où  Lamé  enseignait  l'analyse,  la  mécanique,  la  physique  et 
la  chimie.  Il  avait  le  grade  de  colonel  du  génie  du  corps  des 
voies  et  communications  lorsqu'il  rentra  en  France  en  4832. 
Il  se  tourna  d'abord  vers  l'industrie,  avec  Clapeyron  et  les 
frères  Flachat.  Mais,  au  bout  de  quelques  mois,  il  fut  pourvu 
d'une  chaire  de  physique  à  l'Ecole  polytechnique.  Il  l'échan- 
gea en  4844  contre  une  place  d'examinateur  de  sortie  et  il 
professa  en  outre,  à  partir  de  4854,  des  cours  de  probabi- 
lités et  de  physique  mathématique  à  la  faculté  des  sciences 
de  Paris.  Frappé  de  surdité,  il  dut  résigner  toutes  ses 
fonctions  en  4862.  Il  avait  été  promu  en  4836  ingénieur 
en  chef  des  mines  et,  en  4843,  l'Académie  des  sciences  de 
Paris  l'avait  élu  membre  de  la  section  de  géométrie  en  rem- 
placement de  Puissant.  La  plupart  des  sociétés  savantes  de 
l'étranger  se  l'étaient  également  associé.  Par  la  profondeur 


LAME  --  LAMEGO  —  8 

et  par  roriginalité de  ses  travaux,  parle  nombre  et  parl'in- 
tluenco  de  ses  découvertes,  Gabriel  Lamé  s'est  placé  au 
premier  rang  des  géomètres  de  son  temps.  Il  n'avait  guère 
que  vingt  ans  lorsque,  profitant  du  licenciement  temporaire 
de  l'Ecole  polytechnique,  il  donna  dans  les  Annales  de 
Gergonne  (1817)  un  Mémoire  sur  les  intersections  des 
lignes  et  des  surfaces^  dans  lequel  il  démontrait  plusieurs 
théories  nouvelles  sur  les  intersections  des  lignes  et  des 
surfaces  du  second  degré.  L'année  suivante,  il  publia  son 
ouvrage  :  Examen  des  différentes  méthodes  employées 
'pour  résoudre  les  problèmes  de  géométrie  (Paris,  1818, 
in-8  ;  très  rare)  ;  on  y  trouve  notamment  une  nouvelle  ma- 
nière de  calculer  les  angles  des  cristaux.  Puis  il  envoya  de 
Russie  une  suite  d'excellents  mémoires,  écrits  en  collabo- 
ration avec  Clapeyron,  sur  la  stabilité  des  voûtes  (1822), 
sur  les  engrenages  (1824),  sur  la  propagation  de  la  cha- 
leur dans  les  polyèdres  et  sur  l'équilibre  intérieur  des 
corps  solides  (1828).  Ce  dernier,  inséré  quelques  années 
après  dans  le  Recueil  des  savants  étrangers  (t.  IV),  con- 
tenait en  germe  les  recherches  fondamentales  de  Lamé  sur 
la  théorie  mathématique  de  l'élasticité  ;  on  y  trouve  déjà 
d'admirables  exemples  d'intégration  des  équations  de  l'élas- 
ticité. Vingt  ans  plus  tard.  Lamé  devîiit  donner  sa  magni- 
fique solution  du  problème  de  la  déformation  d'une  sphère 
élastique,  pleine  ou  creuse,  sollicitée  par  des  forces  distri- 
buées d'une  manière  quelconque  à  la  surface.  Complété  par 
les  Leçons  sur  la  Théorie  mathématique  de  Vélasti- 
cité  des  corps  solides  (Paris,  1852,  in-8  ;  2^  éd.,  1866), 
le  mémoire  de  1828  forme  encore,  avec  elles,  la  base 
d'étude  de  cette  ditficile  matière  (V.  Elasticité,  t.  XV, 
p.  727).  Les  Leçons  sur  les  fonctions  inverses  des  trans- 
cendantes et  les  surfaces  isothermes  (Paris,  1857,  in-8) 
avaient  été,  de  même,  précédées  en  1837  par  un  remar- 
quable Mémoire  sur  les  surfaces  isothermes  dans  les 
corps  solides  homogènes  en  équilibre  de  température 
(Rec.  des  sav,  étrang.y  t.  V)  qui  introduisait  en  analyse 
de  nouvelles  fonctions,  étudiées  principalement  par  Brios- 
chi,  et  qui  ouvrait  une  infinité  de  voies  dans  le  calcul  inté- 
gral, dans  la  géométrie  et  dans  plusieurs  branches  de  la 
physique  mathématique.  Gabriel  Lamé  était  du  reste  un 
penseur  aux  conceptions  hardies.  «  Il  ne  s'était  rien  pro- 
posé de  moins,  dit  M.  Bertrand,  que  de  relier  toutes  les 
lois  physiques  dans  les  conséquences  d'un  principe  unique, 
en  les  rattachant,  avec  celles  de  la  mécanique  et  du  sys- 
tème du  monde,  à  l'étude  d'un  fluide.  »  Il  échoua,  natu- 
rellement. Mais  il  a  beaucoup  préparé  la  voie.  Il  possédait 
aussi  de  grandes  capacités  comme  ingénieur  et,  sans  parler 
de  ses  travaux  en  Russie,  il  fut,  de  1834  à  1839,  l'un 
des  constructeurs  des  deux  premiers  chemins  de  fer  exé- 
cutés autour  de  Paris,  celui  de  Saint-Germain  et  celui  de 
Versailles  (rive  droite).  Outre  les  ouvrages  déjà  cités  et 
une  soixantaine  de  mémoires  épars  dans  les  Annales  des 
mines^  dans  le  Journal  de  VEcole  polytechnique^  dans 
le  Journal  de  Liouville,  dans  les  Comptes  rendus  de 
V Académie  des  sciences  de  Paris,  etc.,  il  a  publié  :  Traité 
élémentaire  du  calcul  intégral,  en  colla b.  avec  Bazaine 
(Saint-Pétersbourg,  1825,  in-8);  Cours  de  physique  de 
l'Ecole  polytechnique  (Paris,  1 836-37 , 3  vol.  in-8  ;  2^  éd. , 
1840);  Esquisse  d'un  traité  de  la  République  (Paris, 
1848,  in-8);  Leçons  sur  les  coordonnées  curvilignes 
(Paris,  1859,  in-8);  Leçons  sur  la  Théorie  analytique 
de  la  chaleur  (Paris,  1861,  in-8);  Note  sur  la  marche 
il  suivre  pour  découvrir  le  principe  de  la  nature  phy- 
sique (Paris,  1863,  in-4);  Cours  de  physique  mathé- 
matique rationnelle  (Paris,  1865,  in-8),  etc.  lia  colla- 
boré à  r Encyclopédie  des  gens  du  monde.  Léon  Sagnet» 
BiBL. :  Analyse  des  travaux  de  M.  Lamé;  Paris,  1843, 
in-4.  —  Annales  des  mines,  1872,  I,  pp.  271-282,  —  Revue 
scientifique,  année  1878,  pp.  720-726.  —  J.  Bertrand, 
Eloge  de  G.  Lamé;  Paris,  1878,  in-4.  —  G.  Doormann, 
An\^endung  der  Laméschen  Functionen  auf  Problem 
der  Potentialtheorie,  etc.  ;  Leipzig,  1882,  in-8.  —  Liste  de 
ses  mémoires  dans  le  Catal.  of  scient,  pajpers  de  la  Société 
royale  de  Londres,  t.  III,  VIII  et  X. 

LAMÉ  (Emile),  fils  du  précédent,  littérateur  français, 


mort  à  Paris  en  1869.  Esprit  distingué  et  original ,  il 
commença  par  faire  des  essais  littéraires  qu'il  ne  publia 
pas.  Cependant  il  donna  à  la  Revue  de  Paris  deux  longues 
nouvelles  très  modernes,  qui  n'ont  pas  vieilli  encore.  Un 
Dénouement  brusque  et  Un  Salon  de  Paris  (1837).  Très 
séduit  par  la  philosophie  des  Alexandrins,  il  consacra  une 
sorte  de  roman  historique  et  philosophique  à  Julien 
l'Apostat  (1861).  Il  a  donné  aussi,  à  la  Revue  germa- 
nique, la  Fête  de  Pan,  sorte  de  mystère  païen,  où  ses 
idées  panthéistes  sont  présentées  sous  une  forme  très  vive. 
Dans  un  autre  ordre  d'idées,  Emile  Lamé  s'intéressa  à  la 
philosophie  des  sciences  et  publia,  dans  le  Magasin  de 
librairie,  un  article  très  intéressant  intitulé  Du  Rôle  des 
sciences  à  notre  époque.  Il  collabora  aussi,  vers  1863, 
à  la  Revue  nationale,  où  il  donna  en  particulier  une  belle 
étude  sur  la  Morale  politique.  Cet  homme  d'esprit  ouvert 
et  mystique  se  jeta  par  la  fenêtre  de  sa  maison  de  la  rue 
des  Beaux-Arts  dans  un  accès  de  fièvre  chaude.      Ph.  B. 

LAMÉ-Fleury  (Jules-Raymond),  littérateur  français, 
né  à  Orléans  le  2  nov.  1797,  mort  à  Paris  le  12  mai 
1878.  Garde  du  corps  sous  la  Restauration,  il  fut  retraité 
en  1857  avec  le  grade  de  colonel  de  gendarmerie.  Il  est 
connu  par  la  publication  de  nombreux  ouvrages  d'instruc- 
tion pour  les  enfants,  longtemps  en  grande  faveur. 

lamé-Fleur  Y  (Ernest-Jules-Frédéric),  ingénieur  et  ad- 
ministrateur français,  fils  du  précédent,  né  à  Paris  le 
27  mai  1823.  Entré  en  1843  à  l'Ecole  polytechnique  et 
en  1845  à  l'Ecole  des  mines,  ingénieur  ordinaire  en  1849, 
il  fut  d'abord  chargé  de  services  divers  à  Saint-Etienne  et 
à  Paris,  obtint  en  1862  la  chaire  de  droit  administratif 
de  l'Ecole  des  mines,  devint  en  1868  secrétaire  du  con- 
seil général  des  mines  et  fit  partie  de  la  commission  pro- 
visoire chargée,  après  la  chute  de  l'Empire,  de  remplacer 
le  conseil  d'Etat.  L'Assemblée  nationale  ne  le  maintint  pas 
lors  de  la  réorganisation  de  1872.  De  1876  à  1879,  il  oc- 
cupa les  fonctions  de  directeur  des  mines  au  ministère  des 
travaux  publics.  A  son  départ,  il  fut  promu  inspecteur  gé- 
néral des  mines  et  nommé  conseiller  d'Etat.  Il  a  été  mis  à 
la  retraite  en  1893.  Il  a  publié  de  nombreux  articles  dans 
la  Revue  des  Deux  Mondes,  dans  le  Journal  des  Econo- 
mistes, etc.  Mais  il  est  surtout  connu  par  ses  ouvrages  et 
ses  recueils  de  législation  et  de  jurisprudence  administra- 
tives, qui  ont  été  jusqu'en  ces  derniers  temps  les  plus  con- 
sultés en  matière  de  mines  et  de  chemins  de  fer  :  De  la 
Législation  minérale  sous  l'ancienne  monarchie  (Paris, 
1857,  in-8)  ;  Texte  annoté  de  la  loi  du  21  avr.  J810 
(Paris,  1857,  in-8)  ;  Recueil  des  lois,  décrets,  etc.,  con- 
cernant les  services  des  chemins  de  fer  et  les  ingénieurs 
des  mines  (Paris,  1857,  2  vol.  in-8);  Code  annoté  des 
chemins  de  fer  en  exploitation  (Paris,  1861,  in-8; 
3^  éd.,  1872);  Bulletin  annoté  des  chemins  de  fer 
(1  vol.  par  an  depuis  1868)  ;  les  Travaux  publics  divant 
le  xix^  siècle  (Paris,  1870,  in-8),  etc.  L.  S. 

LAMÉAC.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  de 
Tarbes,  cant.  de  Rabastens  ;  292  hab. 

LA  MEC  H  ou  LEMEK.  Ce  nom  figure  dans  la  préhistoire 
Israélite,  une  fois  comme  descendant  d'Adam  par  Caïn, 
une  autre  fois  comme  descendant  d'Adam  par  Seth.  Dans 
le  premier  de  ces  arrangements,  il  est  père  de  Jabal, 
Jubal  et  Tubalcaïn,  inventeurs  des  arts  de  la  civilisation; 
dans  le  second,  il  est  père  de  Noé  et  grand-père  de  Sem, 
Cham  et  Japhet,  dont  la  postérité  doit  repeupler  la  terre 
après  le  déluge.  On  met  dans  la  bouche  de  Lamech  un 
chant,  où  il  menace  desplus  terribles  vengeances  quiconque 
s'attaquera  à  lui. 

BiBL,  :  Vernes,  Précis  d'histoire  juive,  1889,  pp.  720-721. 

LAMÉCOURT.  Com.  du  dép.  de  TOise,  arr.  et  cant.  de 
Clermont  ;  127  hab. 

LAMEGO.  Ville  du  Portugal,  prov.  de  Beira,  district  de 
Viseu  ;  9,000  hab.  Evéché.  Belle  cathédrale  gothique.  Com- 
merce de  vins  et  de  jambons.  C'est  l'antique  Lama.  En 
1143  y  furent  tenus  les  Certes  qui  fixèrent  la  loi  de  suc- 


829 


LAMEGO  —  LAMENNAIS 


cession  et  l'institution  de  Cortès  féodales  régulières.  Don 
Miguel  prétendit  revenir  à  cette  constitution. 

LA  MEILLERAYE  (Famille  de)  (V.  Meilleiuye). 

LAMELLARIA  (Palèont.)  (V.  Velutina). 

LAMELLE.!.  Botanique  (V.  Cokolle,  t. XII,  p.1018). 

11.  Entomologie  (V.  Insectes). 

LAMELLIBRANCHES  (Zool.  et  Paléont.)  (V.  Pélé- 
cypodes). 

LAMELLICORNES  (Entom.).  Grande  famille  d'Insectes 
Coléoptères  Pentamères  renfermant  ceux  qui  ont  les  an- 
tennes terminées  par  une  masse  lamelleuse,  comme  les 
Hannetons,  les  Cerfs- Volants,  les  Bousiers,  les  Cétoines. 
Aujourd'hui,  cette  division  systématique  n'est  plus  guère 
admise  et  l'on  a  formé  deux  grandes  familles  aux  dépens 
du  groupe  des  Lamellicornes,  qui  sont  celle  des  Lucanidés 
et  celle  des  Scarabéidés.  M.  M. 

LAMÉLOUZE.  Corn,  du  dép.  du  Gard,  arr.  d'Alais, 
cant.  de  La  Grand'Combe  ;  333  hab. 

LAMENAY.  Com.  du  dép.  de  la  Nièvre,  arr.  de  Nevers, 
cant.  de  Bornes  ;  250  hab. 

LAMENDIN  (Arthur),  homme  politique  français,  né  à 
Lourches  (Nord)  le  2  mars  1852.  Ouvrier  mineur,  porion 
à  Liévin,  il  fut  congédié  en  18«4  par  la  Compagnie  pour 
ses  tentatives  de  groupement  des  mineurs  du  Pas-de-Calais 
en  syndicat.  Un  des  promoteurs  de  la  grève  de  1889,  il 
fut  élu  secrétaire  général  de  l'Association  syndicale  des 
mineurs  qu'il  représenta  le  plus  souvent  auprès  des  com- 
pagnies. En  1890,  il  entrait  au  conseil  supérieur  du  travail. 
Maire  de  Liévin  (1892),  il  avait  été  élu  député  de  la 
deuxième  circonscription  de  Béthune  en  1891  et  fut  réélu 
le  20  août  1893  par  12,242  voix  contre  6,035  à  M.  De- 
lisse,  conservateur.  Il  est  républicain  radical  socialiste. 

LAMENNAIS  (L'abbé  Jean-Marie  Robert  de),  né  àSaint- 
Malo  en  1775,  mort  à  Ploërmel  en  1861,  frère  du  philo- 
sophe et  fondateur,  en  1820,  de  l'institut  des  Frères  de 
V instruction  chrétienne  (V.  ce  mot,  t.  XX,  p.  853).  Vi- 
caire général  de  Saint-Brieuc,  puis  de  la  grande  aumônerie, 
chanoine  du  diocèse  de  Rennes,  sa  vie  n'offre  rien  de 
remarquable.  Il  collabora  avec  son  frère  à  divers  ouvrages 
religieux,  mais  n'a  guère  publié  personnellement  qu'un 
pamphlet  intitulé  VEnseignement  mutuel  (Saint-Brieuc, 
1819),  violente  attaque  contre  ce  mode  d'enseignement 
adopté  par  la  Société  pour  l'instruction  élémentaire  et  qui 
portait  ombrage  au  clergé  comme  menaçant  de  rendre  inu- 
tile l'enseignement  congréganiste  ;  plus  le  Règlement  des 
filles  de  la  Providence  établies  à  Saint-Brieuc  (Rennes, 
1846,  in-12).  H  M. 

LAMENNAIS  (Félicité  Robert  de,  par  abréviation  Féli), 
né  à  Saint-Malo  le  19  juin  1782,  mort  à  Paris  le  27  févr. 
1854.  Il  était  le  quatrième  des  six  enfants  de  Pierre-Louis 
Robert,  anobli  seulement  en  1788  avec  ce  nom  de  La 
Mennais.  Il  perdit  sa  mère  en  1787  et  fut  élevé  surtout  par 
un  oncle  à  La  Chesnaie,  près  de  Dinan,  au  milieu  des  bois. 
Dès  l'âge  de  sept  ans,  il  commençait  à  observer  la  nature 
dans  ses  moindres  détails  et  se  faisait  ainsi  un  trésor  d'ob- 
servations dont  il  devait  tirer  plus  tard  les  comparaisons 
qui  donnent  à  ses  écrits  tant  de  lumière  et  de  grâce.  Il 
était  peu  docile  ;  son  oncle  dut  souvent  le  punir,  et  pour 
cela  l'enfermait  comme  en  prison  dans  une  bibliothèque 
où  se  trouvaient  tous  les  philosophes  du  xviu^  siècle.  A 
douze  ans  l'enfant  était  passionné  pour  Rousseau  ;  aussi,  le 
moment  venu  de  la  première  communion,  le  prêtre  qui  l'y 
préparait  jugea  prudent  de  différer,  et  il  ne  la  fit  qu'en 
1804,  à  vingt-deux  ans.  Bientôt  il  composa  avec  son  frère 
aîné  Jean-Marie  et  publia  d'abord  des  Réflexions  sur 
l'état  de  l'Eglise  en  France  pendant  le  xviii®  siècle  et 
sur  sa  situation  actuelle  (1808),  puis  un  traité  de  la 
Tradition  de  V institution  des  évoques  en  France 
(1814).  En  1809,  pressé  par  ce  même  frère,  qui  était 
prêtre,  il  reçut  la  tonsure  à  Rennes  ;  mais  il  hésita  plus 
de  six  années  avant  de  s'engager  davantage,  et  il  fallut, 
pour  qu'il  se  décidât  enfin  à  recevoir  l'ordination  à  Vannes 
le  9  mars  1816,  outre  les  objurgations  de  Jean-Marie, 


toute  l'autorité  d'un  directeur,  l'abbé  Caron,  qu'il  avait 
rencontré  en  Angleterre,  où  il  s'était  réfugié  lors  des  Cent- 
Jours,  par  crainte  de  la  police  impériale,  après  la  publica- 
tion de  son  livre  de  la  Tradition  et  d'un  pamphlet  contre 
l'Université. 

De  1816  à  1834,  la  vie  militante  de  l'abbé  de  La  Men- 
nais est  toute  au  service  de  l'Eglise  catholique  ;  il  la  sert 
d'ailleurs  à  sa  façon,  qui  inquiète  plus  qu'elle  ne  rassure 
le  haut  clergé  en  France  et  à  Rome.  Il  publie  en  1817 
le  premier  volume  de  son  Essai  sur  V  indifférence  en 
matière  de  religion,  avant  les  Recherches  philoso- 
phiques de  Ronald  (1818)  et  le  Pa/?^  de  Joseph  de  Maistre 
(1819).  L'ouvrage  eut  successivement  quatre  volumes; 
puis  panirent  la  Religion  dans  ses  rapports  avec  V ordre 
civil,  et  en  1829  les  Progrès  de  la  Révolution  et  de  la 
guerre  contre  l'Eglise,  que  l'autorité  ecclésiastique  cen- 
sura. Philosophe,  l'abbé  de  La  Mennais  en  appelait  de 
l'individualisme,  ou  plutôt  de  la  raison  individuelle,  à  la 
raison  universelle,  qu'il  confondait  encore  avec  la  tradition 
de  l'Eglise  catholique  dont  le  chef  était  l'infaillible  inter- 
prète. Prêtre,  il  répudiait  les  doctrines  gallicanes  et  se  tour- 
nait vers  Rome  où  il  voyait  l'unique  recours  du  clergé 
contre  les  prétentions  du  pouvoir  civil.  En  même  temps 
son  âme  vraiment  pieuse  s'épanchait  dans  des  réflexions 
mystiques  sur  V Imitation  de  Jésus-Christ,  qu'il  traduisait 
ainsi  que  le  Guide  spirituel  de  Louis  de  Blois.  Mais  surtout 
il  réunit  autour  de  lui,  dans  sa  solitude  de  La  Chesnaie, 
tout  un  groupe  de  jeunes  hommes  qu'il  enflamma  de  son 
ardeur  vraiment  contagieuse  :  Rohrbacher,  Gerbet,  Sali- 
nis,  Montalembert,  Lacordaire  un  moment,  de  Cazalès,  do 
Coux,  de  Carné,  plus  tard  Maurice  de  Guérin,  etc.  Le  sé- 
jour qu'ils  y  firent  leur  communiqua  à  tous  un  enthou- 
siasme qui  dura  jusqu'à  la  fin  de  leur  vie,  à  peu  près 
comme  la  retraite  de  Ménilmontant  aux  saint-simoniens. 
Aussi  dès  le  lendemain  des  journées  de  Juillet,  la  petite 
armée  était  prête  à  faire  campagne,  et  son  chef  fonda,  outre 
une  Agence  générale  pour  la  défense  des  intérêts  ca- 
tholiques, le  journal  r Avenir  qui  parut  du  mois  d'août 
1830  à  nov.  1831,  avec  cette  devise  :  «  Dieu  et  Liberté  ». 
Lu  avec  enthousiasme  dans  les  presbytères,  il  était  assez 
mal  vu  dans  les  évêchés,  et  plusieurs  prélats  crurent  de- 
voir l'interdire  aux  prêtres  de  leurs  diocèses.  L'abbé  de  La 
Mennais  prétendait  combattre  les  libéraux,  adversaires  du 
catholicisme,  avec  leurs  propres  armes  :  comme  il  avait  fait 
jadis  de  la  raison,  «  catholicisezlà  »,  disait-il  de  la  liberté. 
Mais  son' libéralisme  catholique  devait  plaire  encore  bien 
moins  à  Rome  que  le  rationalisme  entendu  à  sa  façon. 
Aussi,  se  sentant  presque  désavoué,  il  suspendit  la  publi- 
cation de  son  journal,  et  s'en  alla  trouver  le  pape  lui-même, 
avec  Montalembert  et  Lacordaire.  On  ne  leur  répondit  point 
nettement  tout  d'abord,  et  ce  ne  fut  qu'après  leur  départ 
que  fut  publiée  Pencyclique  Mirari  vos,  le  15  août  1832, 
contre  certaines  Ojpinions  de  l'Avenir,  plutôt  que  contre 
La  Mennais  lui-même.  Celui-ci  aff'ecta  d'abord  de  se  sou- 
mettre dans  deux  lettres,  du  30  août  1832  et  même  en- 
core du  11  déc.  1833  ;  Lacordaire  aussi  fit  sa  soumission 
et  aussi  Montalembert,  et  même  encore  celui-ci,  le  dernier 
des  trois.  Mais  La  Mennais  sentait  que  son  esprit  ne  se 
soumettait  pas,  et  encore  moins  son  cœur.  Sur  la  fin  de 
févr.  1834,  il  remit  à  Sainte-Beuve,  alors  un  de  ses  fidèles, 
un  manuscrit  pour  l'impression  :  c'étaient  les  Paroles  d*un 
croyant,  que  le  pape  Grégoire  XVI  condamna  dans  l'ency- 
clique Singularinos,  du  15  juil.  4834. 

La  vie  de  Lamennais  (c'est  ainsi  désormais  qu'il  écrit 
son  nom)  semble  à  ce  moment  coupée  en  deux,  au  moins 
sa  vie  du  dehors,  sa  vie  de  relation,  mais  non  pas,  s'il 
faut  l'en  croire,  sa  vie  intérieure,  philosophique  et  reli- 
gieuse :  «  On  m'accuse  d'avoir  changé,  dira-t-il  à  la  fin, 
je  me  suis  continué,  voilà  tout.  »  Dès  1833,  il  proposait 
à  ses  amis  de  substituer  au  mot  de  catholicisme  celui  de 
christianisme,  comme  exprimant  mieux  la  raison  et  la  na- 
ture humaine,  et  pour  montrer  qu'il  ne  voulait  plus  avoir 
aff*aire  à  la  hiérarchie  ;  il  leur  proposait  de  se  présenter 


LAMENNAIS  —  LAMETH  — 

comme  les  hommes  de  la  liberté  et  de  Thumanité,  et  d'en- 
tendre désormais  par  l'Eglise  la  société  même  du  genre 
humain.  Ces  idées  se  retrouvent  dans  tous  ses  écrits, 
de  1834  à  1834,  depuis  les  Paroles  d'tm  croyant^  sorte 
de  pastiche  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament,  mais 
pastiche  de  génie.  Ce  sont  les  Araires  de  Rome  (1836), 
le  Livre  du  peuple  (1837),  la  brochure  le  Pays  et  le 
Gouvernement  (1840),  pour  laquelle  il  fut  enfermé  un 
an  à  Sainte-Pélagie,  où  il  écrivit  Une  Voix  de  prison^ 
publiée  après  les  Amschaspands  et  Darvands  (1843), 
le  Deuil  de  la  Pologne  (1846),  etc.  En  même  temps,  il 
réunissait  en   un  volume    de  Questions  politiques  et 
philosophiques  (1840)  ses  articles  de  lAvenii'.  Mais 
surtout  il  publiait  en  1840  trois  volumes  d'une  Esquisse 
de  philosophie  (le  titre  primitif  avait  été  Esquisse  de 
philosophie  catholique)  ;  le  troisième,  De  VArt  et  du 
beau^  est  un  des  plus  remarquables  ouvrages  d'esthétique 
en  France  au  xix^-  siècle.  Puis  en  184o,  il  donne  une  tra- 
duction des  Evangiles,  sorte  de  pendant  à  celle  de  Vlmi- 
tation,  mais  dans  un  tout  autre  esprit,   «  V Imitation 
étant  le  christianisme  du  moyen  âge  qui  ne  s'occupe  que 
de  l'individu,  point  de  la  société,  et  qui  tend  à  séparer  les 
hommes  par  une  sorte  d'égoïsme  spirituel,   tandis  que 
VEvangile  pousse  à  l'action,  à  tout  ce  qui  rapproche  les 
hommes  et  les  dispose  à  concourir  à  une  œuvre  commune, 
la  transformation   de  la  société  ou   rétablissement  du 
royaume  de  Dieu  ».  Lamennais  pour  cela  fut  accusé  par 
ses  ennemis  de  s'être  jeté  dans  la  démagogie.  De  nos  jours, 
on  lui  ferait'plutôt  un  titre  d'honneur  d'avoir  été  le  premier 
à  prêcher  le  socialisme  chrétien,  comme  aussi  vers  1830 
le  catholicisme  libéral.  A  vrai  dire,  il  fut  toujours  partisan 
de  la  liberté,  dans  laquelle  il  voyait  la  condition  du  pro- 
grès, et  il  ne  renia  iamais  la  religion,  c.-à-d.  le  sentiment 
religieux,  qu'il  jugeait  plus  nécessaire  encore  à  la  démo- 
cratie qu'à  tout  autre  régime  de  société.  —  Ses  nouvelles 
opinions  lui  valurent  des  amis  nouveaux  (parmi  les  an- 
ciens aussi,  plus  d'un  lui  demeurèrent  fidèles  au  fond  du 
cœur)  :  ce  furent,  outre  Sainte-Beuve,  George  Sand  (qui 
songeait  peut-être  à  lui  dans  son  roman  de  Spiridion), 
Jean  Reynaud,  Déranger,  Liszt,   etc.  Au  lendemain  du 
24  févr.,  il  fonda  encore  un  journal,  le  Peuple  consti- 
tuant, fut  élu  par  le  dép.  de  la  Seine  représentant  du 
peuple  à  l'Assemblée  nationale,  siégea  à  l'extrême  gauche, 
vit  avec  douleur  l'insurrection  de  juin,  mais  se  rangea 
pourtant  du  côté  des  vaincus  et  publia  un  dernier  article, 
avant  que  son  journal  disparût,   le  11  juil.  4848.  Dès 
lors,  c'en  était  fait  pour  lui  de  la  République,  et  le  coup 
d'Etat  du  2  décembre  ne  pouvait  guère  l'étonner.  Il  essaya, 
tout  vieux  qu'il  était,  de  se  remettre  au  travail  et  donna 
encore  une  traduction  de  la  Divine  Comédie  de  Dante.  Le 
27  févr.  1854,  il  mourut  à  Paris,  laissant  un  écrit  du 
16  janv.,  où  il  voulait  être  enterré  «  au  milieu  des  pauvres 
et  comme  le  sont  les  pauvres,    sans  que  rien  fût  mis 
sur  sa  fosse,  pas  même  une  pierre  ;  son  corps  devait  être 
porté  directement  au  cimetière,  sans  être  présenté  à  au- 
cune église  ».  Ses  obsèques  eurent  lieu  au  Père-Lachaise, 
le  l*'^^  mars  1854,  conformément  à  ses  dernières  volontés. 

Ch.  Adam. 

BiBL.  :  Plusieurs  volumes  d'Œuvres  posthumes,  de 
Correspondance  et  de  Documents  inédits  furent  publiés 
par  E.-D.  Forgues(1858),  H.  de  Courcy  (1862),  A.  Blaize 
(1866),  A.  DU  Bois  de  La  Villerabel  (1886),  M.  A.  Rous- 
sel (1892).  —  Comme  ouvrages  d'ensemble,  nous  avons  : 
Mgr  Ricard,  l'Ecole  menaisienne,  4  vol.,  1884,  etc.  —  Paul 
Janeï,  la  Philosophie  de  Lamennais,  1890.  —  E.  Spuller, 
LamennaiSj  élude  d'histoire  politique  et  religieuse,  1892. 
—  De  nombreux  articles  de  Sainte-Beuve  (1°"  févr.  1^32, 
7  et  14  déc.  1868),  Renan  (15  août  1857),  Schérer  (18a4, 
1859  et  nov.  1866),  Brunetière,  l^»-  févr.  1893j,  etc. 

LAMENTATIONS.  Livre  figurant  aux  hagiographes  de 
la  Bihle,  généralement  dit  Lamentations  de  Jérémie 
(V.  Jérémie).  L'ouvrage  est  sans  nom  d'auteur  dans  l'hé- 
breu, et  la  traduction  des  Septante  a  été  la  première  à  les 
attribuer  à  Jérémie.  Ce  sont  des  élégies,  au  nombre  de  cinq, 
dont  l'objet  est  de  déplorer  la  destruction  de  Jérusalem  par 


830  ~ 

les  Chaldéeas.  On  ne  peut  y  voir  que  des  compositions  lit- 
téraires, d'une  facture  distinguée,  écrites  à  une  époque 
assez  récente  et  dont  l'auteur  s'est  inspiré  du  livre  de  Jé- 
rémie. Les  procédés  rythmiques  employés  ici  sont  dignes 
d'mtérêt.  «  Comme  œuvre  poétique,  dit  Reuss,  les  La- 
mentations gagnent  les  suffrages  des  lecteurs  plutôt 
par  la  nature  du  sujet  que  par  leurs  qualités  littéraires. 
Les^  scènes  de  désolation  qu'elles  font  passer  sous  nos  yeux 
et  l'intérêt  qui  s'attache  toujours  au  malheur  excitent  à  un 
haut  pomt  notre  sympathie,  laquelle,  d'un  autre  côté,  est 
exposée  à  se  refroidir  un  peu  en  face  de  nombreuses  répé- 
titions, de  longueurs  monotones  et  d'une  forme  plus  mé- 
canique qu'élégante.  »  M.  Vernes. 

BiBL.:  Reuss,  la  Bible,  Poésie  lyrique,  1875,  pp.  419-454. 
—  LoRmLh,Einleitung  indasA.  T.,  1892,  pp. 244-248,  2«éd. 
LAIVIÉRAC.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  de  Bar- 
bezieux,  cant.  de  Baignes;  321  hab. 

LAMERVILLE  (Vicomte  de)  (V.  Heurtault). 
LA  IV1ESAN6ERE  (Pierre  de),  httérateur  français,  né 
a  Bauge  ou  à  La  Flèche  le  23  juin  1761,  mort  à  Paris  le 
2o  fevr.  1831.  Il  entra  dans  les  ordres  et  fut  professeur 
de  philosophie  au  collège  de  La  Flèche.  En  1802,  il  devint 
propriétaire  du  Journal  des  dames  et  des  modes  qu'il 
dirigea  avec  le  plus  grand  succès  jusqu'à  sa  mort.  Un  des 
plus  importants  du  genre,  ce  journal  donnait  des  gravures 
coloriées  qui  le  font  encore  rechercher.  Citons  encore  de 
La  Mesangère:  le  Voyageur  à  Paris  (Paris,  1789,  2  vol. 
m-12);  Vie  de  Fr.-René  Mole,  comédien  (1803,  in-12)  • 
Dictionnaire  des  proverbes  français  (1821,    in-8)  ; 
Observations  sur    les  modes  et  les  usages  de  Paris 
(1822,  in-fol..);  Galerie  française  des  femmes  célèbres 
(1827,  gr.  m-4);  Costumes  des  femmes  de  Hambourg, 
du  Tyrol,  de  laHollafide,  delà  Suisse...  (1827,  in4\; 
Costumes  des  femmes  du  pays  de  Caux  (1827,  in-4). 
Tous  ces  ouvrages^  sont  curieux  par  leurs  illustrations. 
LA  MESNARDIERE  (Hippoly te- Jules  Filet  de),  litté- 
rateur français,  né  à  Loudun  en  1610,  mort  à  Paris  le 
4  juin  1663.  Docteur  en  médecine,  il  attira  l'attention  de 
Richeheu  par  son  Traité  de  la  méla7icolie  (La  Flèche, 
16o5,  in-8),  où  il  soutenait  que  les  religieuses  de  Loudun 
n'étaient  pas  folles,  mais  maléficiées.  Nommé  médecin  de 
Gaston  d'Orléans,  il  devint  en  1657  lecteur  ordinaire  de 
la  chambre  du  roi.  Il  avait  été  reçu  à  l'Académie  française 
en   1655.  On  a  de  lui  :  Raiso7inements  sur  la  na- 
ture des  esprits  qui  servent  aux  sentiments,  1638, 
m-12);  traduction  du  Panégyrique  de  Trajan  (1688, 
in-4)  ;  la  Poétique  (1640,  in-4)  ;  le  Caractère  élégiaque 
(1640,  in-4);  la  Puce  lie  d'Orléans  (1642,  in-4);  i/m^^^ 
(1643,  in-4),  tragédies;  traduction  des  trois  premiers 
livres  des  Lettres  de   Phne  le  Consul  (1603,  in-12)  ; 
Poésies  (1656,  in-fol.)  ;  Chant  nuptial  pour  le  mariage 
du  roi  (1660,  m-fol.)  ;  Relations  de  guerre  (1662, 

in-^)-  r:  s. 

LAMETH  (Augustin-Louis-Charles,  marquis  de),  général 
et  homme  politique  français,  né  à  Hennecourt  (Somme) 
le  20  juin  1755,  mort  à  Paris  le  19  janv.  1837.  Maré- 
chal de  camp  sous  Louis  XVI,  il  se  retira  du  service  après 
la  Révolution  et  ne  reparut  dans  la  vie  publique  que  pour 
siéger  comme  député  de  la  Somme  au  Corps  législatif,  de 
1805  à  1810.  A.  Debidour. 

LAM  ETH  (Théodore,  comte  de),  militaire  et  homme  poh- 
tique  français,  né  à  Paris  le  24  juin  4756,  mort  au  château 
de  Busagny,  com.  d'Osny  (Seine-et-Oise),  le  19  oct.  1854.  Il 
servit  d'abord  dans  la  marine,  puis  passa  dans  l'armée  de 
terre  et  fit  la  guerre  d'Amérique.  Colonel  du  7«  régiment 
de  cavalerie,  président  du  dép.  du  Jura,  il  fut  élu  par  ce 
département  député  à  l'Assemblée  législative,  où  il  fit  partie 
du  comité  de  marine.  11  siégea  à  droite,  s'opposa  à  la  poli- 
tique révolutionnaire  et  fut  promu  maréchal  de  camp.  Emi- 
gré, il  passa  en  Suisse,  puis  en  Allemagne,  rentra  en  France 
sous  le  Consulat,  ne  joua  aucun  rôle  actif  sous  l'Empire, 
fit  partie  de  la  Chambre  des  Cent-Jours  et  vécut  ensuite 
dans  la  retraite.  F. -A.  A. 


LAMETH  (Charles-Malo-François,  comte  de) ,  militaire  et 
homme  politique  français,  né  à  Paris  le  5  oct.  1T57,  mort 
à  Pontoise  le  28  déc.  1832,  frère  du  précédent.  Comme 
lui,  il  prit  part  à  la  guerre  de  l'indépendance  améri- 
caine. En  1789,  il  était  colonel  de  cuirassiers  et  gentil- 
homme d'honneur  du  comte  d'Artois.  Député  de  la  noblesse 
de  la  province  d'Artois  aux  Etats  généraux,  il  siégea  à  la 
gauche  de  l'Assemblée  constituante,  à  côté  de  son  frère,  et 
lit  partie  du  comité  des  recherches  et  de  celui  de  marine. 
Chargé  de  rechercher  l'ex- garde  des  sceaux  Barentin,  qui 
s'était  caché  dans  le  couvent  des  annonciades  de  Pontoise, 
cette  mission  jeta  sur  lui  quelque  ridicule  et  les  journaux 
royalistes  le  criblèrent  d'épigrammes  (mars  1790).  Bientôt 
après,  il  se  battit  en  duel  avec  le  duc  de  Castries,  et  ce  duel 
amena  une  sorte  d'émeute.  Il  était  alors  très  populaire.  Après 
la  fuite  à  Varennes,  il  fit  voter  des  mesures  énergiques, 
mais  bientôt  son  ardeur  se  ralentit.  Nommé  maréchal  de 
camp  (févr.  1792),  il  servit  à  l'armée  du  Nord,  protesta 
contre  la  journée  du  10  août,  fut  arrêté,  puis  relâché, 
émigra  et  se  réfugia  à  Hambourg,  où  son  frère  Alexandre 
le  rejoignit  en  1795.  Avec  le  duc  d'Aiguillon,  ils  fon- 
dèrent une  maison  de  commerce  qui  prospéra.  Rentré  en 
France  sous  le  Consulat,  il  vécut  dans  la  retraite  jus- 
qu'en 1809  ;  puis,  rappelé  à  l'activité,  il  fut  successivement 
gouverneur  de  Wurzbourg  et  de  Santona  en  Biscaye.  Ral- 
lié aux  Bourbons  en  1814  et  fait  lieutenant  général,  il  fut 
député  de  Seine-et-Oise  en  1829,  en  remplacement  de  son 
frère  Alexandre,  décédé,  et  signa  l'adresse  des  221 .  Orateur 
prolixe,  il  parla  souvent  à  la  Constituante,  et  non  sans 
succès  :  il  était  passionné,  intelligent,  d'une  vivacité  ori- 
ginale. F.~A.  A. 

LAMETH  (Alexandre -Théodore-Victor,  comte  de),  mili- 
taire et  homme  politique  français,  né  à  Paris  le  20  oct. 
1760,  mort  à  Paris  le  18  mars  1829,  frère  des  précédents. 
Il  servit  en  Amérique  sous  Rochambeau  et  était  colonel  en 
1789,  quand  la  noblesse  du  bailliage  de  Péronne  l'élut  député 
aux  Etats  généraux,  où  il  se  montra  très  ardent  pour  les 
idées  nouvelles.  A  l'Assemblée  constituante,  il  joua  un  rôle 
considérable.  Membre  des  comités  de  constitution,  des  colo- 
nies, des  finances  et  du  comité  miHtaire,  il  fit,  en  cette 
dernière  qualité,  un  rapport  célèbre  sur  l'avancement  dans 
l'armée.  C'est  sous  le  triumvirat  de  Barnave,  d'Adrien  du 
Port  et  de  Lameth  qu'un  groupe  de  30  à  40  membres,  for- 
mant la  gauche  avancée  de  la  Constituante,  fit  échec  à  la 
politique  modérée  de  Mirabeau,  dont  on  soupçonnait  les  rela- 
tions avec  la  cour.  Le  28  févr.  1791,  au  club  des  Jacobins, 
Alexandre  de  Lameth  déconcerta  h  grand  orateur  par  la 
vivacité  de  ses  attaques.  «  Mille  patriotes  notables,  dit  Ca- 
mille Desmoulins,  remplissaient  la  salle  et  écoutaient  en 
silence  le  discours  du  plus  grand  effet,  par  la  situation, 
que  j'aie  jamais  entendu.  Dans  ce  discours  improvisé  sur 
l'heure,  Alexandre  Lameth  fut  vraiment  sublime  :  pas  un 
mot  qui  ne  portât  coup;  ce  n'était  plus  l'IIercule-AIirabeau, 
Alexandre  Lameth  semblait  lui  avoir  arraché  sa  massue. 
Ma  mémoire  a  retenu  quelques  traits  de  ce  discours,  mais 
comment  rendre  le  ton  et  les  gestes  !  Tous  les  auditeurs 
convenaient  que  Lameth  s'était  élevé  au-dessus  de  lui- 
même  :  que  l'Assemblée  nationale  elle-même,  dans  ses 
séances,  n'avait  jamais  offert  un  duel  si  intéressant,  et  que, 
pour  retrouver  une  situation  pareille,  il  fallait  remonter 
dans  l'histoire  à  celle  de  Catilina,  accusé  et  confondu  par 
Cicéron  dans  le  Sénat...  Pendant  ce  discours,  quelle  était 
la  contenance  de  Mirabeau  ?  Des  personnes  qui  étaient  près 
de  lui  m'ont  assuré  qu'il  lui  tombait  de  grosses  gouttes  du 
visage  et  qu'il  était  comme  dans  le  Jardin  des  olives,  de- 
vant le  calice.  »  Alexandre  de  Lameth  n'était  cependant 
qu'un  orateur  de  second  ordre,  mais  ce  jour-là  la  haine 
lui  donna  du  talent  et  c'est  cette  circonstance  qui  l'a  rendu 
célèbre.  Après  la  fuite  à  Varennes,  il  modéra  son  attitude 
et  se  rapprocha  de  la  cour.  Nommé  maréchal  de  camp  après 
la  déclaration  de  guerre  à  l'Autriche,  il  suivit  la  fortune 
de  La  Fayette,  fut  décrété  d'accusation  le  15  août  1792, 
passa  à  l'étranger  et  subit  une  dure  captivité  en  Autriche. 


331  -  LAMETH  -  LAMl 

Délivré  trois  ans  plus  tard  par  suite  d'un  échange,  il  sé- 
journa à  Hambourg,  puis  en  Angleterre,  rentra  en  France 
sous  le  Consulat  et  fut  successivement  préfet  des  Basses- 
Alpes,  de  Rhin-et-Moselle,  de  la  Roër  et  du  Pô.  Créé 
baron  de  l'Empire  le  14  févr.  1810,  il  ne  s'en  rallia  pas 
moins  aux  Bourbons  et  devint  préfet  de  la  Somme  sous  la 
première  Restauration.  Il  fit  partie  de  la  Chambre  des  pairs 
pendant  les  Cent-Jours.  Député  de  la  Seine -Inférieure 
(1820-24),  puis  de  Seine-et-Oise  (1827),  à  la  Chambre 
des  députés,  il  y  fut  un  des  chefs  de  l'opposition  libérale. 
On  a  de  lui  une  Histoire  de  rassemblée  constituante 
(Paris,  1828-29,  2  vol.  in-8),  faiblement  écrite,  mais 
fort  instructive  et  importante  à  titre  de  témoignage  d'un 
dos  principaux  acteurs  de  la  Révolution.  F'.-A.  A. 

BiBL.  :  F.-A.  AuLARD,  les  Orateurs  de  l'Assemblée 
constituante,  pp.  466  et  suiv. 

LAMETTRIE  (Julien  Offroy  de),  médecin  et  philosophe 
français,  né  à  Saint-Malo  le  25  déc.  1709,  mort  à  Berhn 
le  11  nov.  1751.  Reçu  docteur  à  Reiras,  il  étudia  ensuite 
à  Leyde  sous  Boerhaave,  dont  il  traduisit  plusieurs  ou- 
vrages en  français.  En  1742  il  fut  nommé  médecin  du  ré- 
giment des  gardes  françaises  et  fit  campagne.  Mais  la  pu- 
blication de  son  Histoire  naturelle  de  t'dme  (La  Haye, 
1745,  in-8)  lui  fit  perdre  toutes  ses  places  et,  pour  éviter 
la  Bastille,  il  se  réfugia  auprès  du  grand  Frédéric  qui  lui 
accorda  une  pension  avec  le  titre  de  lecteur.  —  Parmi 
ses  ouvrages,  nous  citerons  encore  :  Traité  du  vertige 
avec  la  description  d'une  catalepsie  hystérique  (Paris, 
1737,  in-12);  Observations  de  médecine  pratique  (Pa- 
ris, 1743,  in-12),  et  surtout  ses  œuvres  philosophiques  : 
r Homme-machine  (Leyde,  1748,  in-'12);  V Homme- 
plante  (Potsdam,  1748,  in-12)  ;  Réflexions  sur  l'origine 
des  animaux  (Berhn,  1750,  in-12),  etc.  —  Lamettrie, 
philosophie  matérialiste,  procède  cependant  de  Descartes, 
non  de  l'auteur  des  Méditations  et  de  la  théorie  des  deux 
substances,  mais  du  créateur  du  mécanisme  moderne.  De 
l'animal-maehine  de  Descartes  à  l'homme-machine,  il  n'y 
avait  qu'un  pas;  Lamettrie  le  franchit.  Si  l'animal  sent, 
perçoit,  se  souvient,  compare  et  juge  sans  l'aide  d'une  âme 
immatérielle  et  par  le  simple  fait  de  son  organisation  ner- 
veuse et  cérébrale,  il  n'y  a  pas  de  raison  pour  en  accorder 
une  à  l'homme,  dont  les  facultés  ne  sont  que  celles  des 
animaux  à  un  degré  de  prévoyance  supérieur.  Cette 
doctrine  a  été  l'un  des  points  de  départ  des  idées  de  l'évo- 
lution naturelle,  déjà  entrevue  par  les  anciens.     D''  L.  Un. 

LAMETZ.  Com.  dudép.  des  Ardennes,  arr.  de  Vouziers, 
cant.  de  Tourteron;  226  hab. 

LAMl  (V.  Lamy). 

LAMl  (Mohammed  ben  Osman),  célèbre  poète  turc,  mort 
à  Brousse  en  1 531 .  Il  a  écrit  quatre  grands  poèmes  épiques, 
d'après  des  légendes  persanes  :  Wuamik  et  Asra,  Wis  et 
llamin,  Absal  et  Selman,  Ferhdd-Nameh  ;  le  premier  et 
le  dernier  ont  été  publiés  et  étudiés  par  Hammer  Purgstall  ; 
Pfizmaier  a  traduit  plusieurs  de  ses  petits  poèmes  (F<?r- 
herrlichung  der  Stad  Bursa;  Vienne,  1839).  Lami  avait 
traduit  en  prose  les  œuvres  persanes  de  Djami. 

LAMl  (Giovanni),  érudit  italien,  né  à  Florence  le  8  févr. 
1697,  mort  à  Florence  le  6  févr.  1770.  Avocat  à  Flo- 
rence, il  devint  bibliothécaire  de  J.-L.  Pallavicini  à  Gènes 
(1726),  voyagea  avec  lui  à  Venise,  puis  seul  en  France  où 
il  acheva  ses  études  archéologiques  (l'729-31),  revint  à 
Florence,  où  il  soutint  d'âpres  polémiques  contre  les  jé- 
suites et  divers  érudits.  Ses  principaux  ouvrages  sont  : 
De  Eruditione  apostolorum  (4737),  où  il  voulut  prouver 
que  les  premiers  chrétiens  étaient  peu  lettrés  ;  Deliciœ 
eruditorum(Fioreme,im>69,  18  vol.  in-8),  précieuse 
collection  de  documents  sur  l'histoire  de  Toscane  où  Lami 
porta  la  lumière  ;  une  excellente  édition  de  Meursius  (i  741- 
63,12  vol.  in-foL);  Novelle litterarie(il4'0-10,  30  vol.), 
revue  hebdomadaire,  qu'il  rédigea  seul  à  partir  de  la  troi- 
sième année  ;  Memorabilia  Italorum  eruditione  prœs- 
tantium  (1742-48,  3  vol.  in-8)  ;  Lezioni  d'antichita 
toscane  (1766,  2  vol.  in-4),  etc.  ;  sans  parler  de  sa  cor- 


LAMI  —  LAMIER  —  832 

respondance  avec  les  principaux  érudits  de  l'Europe  et  de  ses 
autres  manuscrits  conservés  à  la  bibliothèque  Riccardi. 

LAWl  (Louis-Eugène),  aquarelliste  français,  né  à  Paris 
le  42  janv.  4800,  mort  à  Paris  le  19  déc.  1890.  Lami 
entra  en  1817  à  l'Ecole  des  beaux-arts  et  il  eut  pour 
maîtres  Gros  et  Horace  Vernet  ;  mais  bien  vite  sa  person- 
nalité si  légère  se  dégagea  de  leurs  classiques  et  puissantes 
leçons.  En  1824,  il  commence  à  étudier  l'aquarelle  où  il 
allait  remporter  ses  plus  grands  succès  et  devenir  un  maître; 
et  la  même  année  il  paraît  pour  la  première  fois  au  Salon 
avec  deux  tableaux  à  l'huile,  des  Etudes  de  chevaux  et  la 
Bataille  de  Misavente^  qui  est  aujourd'hui  au  Luxembourg 
et  oti  se  sent  déjà  sa  touche  d'aquarelliste.  Il  voyage  beau- 
coup, en  Italie  surtout  et  en  Angleterre.  Après  1 830,  il  est 
professeur  des  princes  et  des  princesses  d'Orléans  et  il 
accompagne  au  siège  d'Anvers  le  prince  héritier.  De  plus 
en  plus  Lami  peint  à  l'aquarelle  ;  il  illustre  les  œuvres  de 
Musset,  de  Mérimée,  et  il  exécute  même  quelques  grands 
travaux  décoratifs.  Il  a  été  un  des  fondateurs  de  la  Société 
des  aquarellistes  français.  Parmi  ses  expositions  aux  Salons, 
on  peut  citer  :  V Orgie,  aquarelle  (1853)  ;  Bal  de  V Opéra, 
aquarelle  pour  un  éventail,  et  vingt  aquarelles  pour  les 
œuvres  de  Musset  (1859)  ;  V Escalier  de  marbre  de  Ver- 
sailles (1861)  ;  illustrations  de  Manon  Lescaut  (1868)  ; 
Trianon  en  il 50  (1873)  ;  aquarelles  pour  la  Chronique 
de  Charles  IX  de  Mérimée  (1878).  Lami  compléta  son  illus- 
tration de  Musset  par  un  ensemble  exquis  de  cinquante- 
sept  aquarelles  qui  faisaient  partie  de  la  collection  de 
M^^  Denain,  vendue  en  1893:  ces  aquarelles  ont  été  gra- 
vées par  Lalauze  et  publiées  par  Morgand  (1883)  avec  une 
préface  de  M.  Alex.  Dumas  fils.  Il  faut  citer  encore  de 
Lami  :  Episode  du  siège  d'Anvers  (iSS'i)  ;  les  Sybarites 
après  dîner;  Manœuvres  russes  au  sacre  de  Nicolas  y*'', 
au  marquis  de  Vogiié  ;  Charles  /*''  recevant  une  rose  en 
se  rendant  à  la  prison;  la  Bataille  de  l'Aima,  com- 
mandée par  l'empereur;  Souper  dans  la  salle  de  spec- 
tacle de  Versailles  et  Intérieur  d'église,  l'un  et  l'autre 
au  musée  du  Luxembourg  ;  le  Malade  imaginaire  ;  Un 
Salon  de  Paris  sous  la  deuxième  Empire  ;  Une  Scène 
d'Hamlet  (1882)  ;  Bornéo  et  Juliette  (1889)  ;  Une  Fête 
chez  la  Reine  (collection  Lallemand)  ;  Abdication  de 
Marie  Stuart,  Chez  la  Reine  à  Saint-James  et  Elle 
aime  a  rire  à  M.  de  Soubeyran.  Au  musée  de  Versailles: 
la  Prise  de  Maastricht,  la  Capitulation  d'Anvers,  le 
Combat  de  Wattignies,  l'Affaire  de  la  Claye.  Au  musée 
de  Lille  :  Bataille  de  Hondschoote.  Quelques-unes  des  plus 
belles  aquarelles  de  Lami  se  trouvent  chez  la  reine  d'An- 
gleterre, chez  le  marquis  d'Hertford  et  au  château  de  Fer- 
rières  chez  le  baron  Alph.  de  Rothschild  avec  qui  le  peintre 
fut  lié.  Lami,  de  1820  à  1830,  avait  en  outre  produit  beau- 
coup de  lithographies,  la  plupart  en  couleurs.  Citons,  parmi 
ces  dernières  :  Collection  des  uniformes  des  armées 
françaises,  150  planches,  en  collaboration  avec  Horace 
Vernet  (i  822  et  1825).  Etienne  Bricon. 

LAMI  A  (turc  Zeitoum).  I.  Géographie.  —  Ville  de 
Grèce,  ch.-l.  du  nome  dePhthiotide  et  Phocide  et  de  l'épar- 
chie  de  Phthiotide,  au  pied  des  contreforts  de  l'Othrys. 
Au  temps  des  Turcs,  Lamia  présentait  «  une  masse  pitto- 
resque de  six  cents  maisons,  rangées  par  étages,  entre- 
mêlées de  mosquées  et  de  cyprès  ».  Aujourd'hui,  c'est  une 
ville  régulièrement  bâtie,  «  avec  un  air  de  propreté  et  d'ai- 
sance, banale  et  prospère.  Seule,  une  vieille  mosquée  en 
détresse  achève  de  s'écrouler  et  profile,  auprès  d'un  cyprès, 
son  minaret  décapité.  La  ville  s'étend,  de  jour  en  jour,  au  • 
tour  de  la  vieille  citadelle,  le  long  des  collines  où  elle  est 
adossée.  »  (Deschamps.)  Le  climat  de  Lamia  est  malsain  ; 
les  marais  de  Sperchios  sont  un  foyer  de  fièvres  ;  en  hiver, 
il  déborde  et  rume  les  cultures  ;  on  a  étudié  la  question  de 
lui  creuser  un  nouveau  lit.  Le  chemin  de  fer  du  Pirée  à 
Larissa  passera  à  Lamia.  L.  Del. 

IL  Histoire.  —  Lamia,  appartenant  aux  Maliens,  avait 
une  importance  stratégique,  gardant  le  débouché  N.  des 
Thermopyles.  Eclipsée  par  Héraclée,  elle  ne  joua  de  rôle  im- 


portant qu'une  seule  fois.  En  323,  Antipater  ne  pouvant 
tenir  tête  aux  Grecs  insurgés,  s'enferma  dans  Lamia  et  y  fut 
assiégé.  L'échec  de  ce  siège  décida  de  l'issue  de  la  guerre  ; 
aussi  l'appelle-t-on  ordinairement  guerre  Lamiaque.  En 
208,  Philippe  défit  les  Etoliens  près  de  Lamia;  en  192, 
Antiochus  l'occupa;  les  Romains  la  reprirent  en  190.  La 
cité  existait  encore  au  vi^  siècle  ap.  J.-C. 

LAMIA.  Famille  romaine  appartenant  à  la  gens  /Elia; 
son  chef  fut  un  chevalier  L.  JElius  Lamia,  ami  de  Cicéron, 
célèbre  par  ses  richesses  ;  son  fils,  ami  d'Horace,  fut  con- 
sul l'an  3  ap.  J.-C,  préfet  de  la  ville  en  32.  On  cite  en- 
core L,  Mius  Lamia  jEmilianus,  consul  suppléant  en  80, 
époux  de  la  fille  de  Corbulon,  Domitia  Longina;  elle  lui  fut 
enlevée  par  Domitien,  dès  le  règne  deVespasien,  et  quand 
son  second  mari  devint  empereur  il  fit  tuer  le  premier. 

LAMIAQUE  (Guerre)  (V.  Lamia  et  Antipater). 

LA  MIE.  I.  Mythologie.  —-Sorte  de  monstre  femelle  ou 
empuse  (sfxjîoucja),  fantôme  qui  apparaissait  et  s'emparait 
des  enfants  pour  les  dévorer  : 

Neu  pransae  lamiœ  vivum  puerum  extrahat  alvo. 
(Horace,  Epître  aux  Pisons,  v.) 

Suivant  la  légende,  Lamie  avait  été  une  reine  de  Phrygie, 
aimée  de  Jupiter.  Junon  par  jalousie  avait  fait  dispa- 
raître ses  enfants.  Dans  son  désespoir,  Lamie  tuait  tous  les 
enfants  dentelle  pouvait  s'emparer.  C'est  pourquoi  son  nom 
devint  comme  un  épouvantait  dont  les  nourrices  mena- 
çaient les  enfants.  Son  visage  avait  pris  une  horrible  ex- 
pression et  Jupiter  lui  avait  donné  le  pouvoir  de  faire  jaillir 
ses  yeux  hors  de  sa  tête  (Diod.,  XX,  41  ;  Suidas,  Lex.  ; 
Plutarque,  D^  Ctfnos;  5c(?Z.  d'Aristophane,  Pac.  757; 
Strabon,!,  p.  19;.  On  représentait  la  Lamie  avec  un  vi- 
sage de  femme  et  une  queue  dé  serpent.  On  disait  qu'elle 
était  la  mère  de  Scylla.  Plus  tard  on  se  représenta  les 
Lamies  comme  des  sortes  de  vampires  qui  par  leurs  arti- 
fices attiraient  les  jeunes  gens  et  leur  suçaient  le  sang. 

IL  Entomologie.  —  Genre  d'insectes  Coléoptères  Crypto- 
pentamères,  famille  des  Cérambycidés,  fondé  par  Fabri- 
cius  et  qui  est  le  type  d'une  tribu' dite  des  Lamiinés.  H  se 
caractérise  par  le  corps  lourd  et  massif,  dont  les  antennes 
n'égalent  jamais  la  longueur  ;  le  corselet  muni  d'épines 
latérales,  les  pattes  courtes,  égales.  L'espèce  européenne 
de  ce  genre  est  le  Lamia  textor  d'Europe,  long  de  20  à 
25  millim.  ;  noir  grisâtre  irrégulièrement  moucheté  de 
jaune,  qui  vit  sur  les  saules  dont  sa  larve  perfore  le  tronc. 
L'espèce  type  du  genre  Lamia  de  Fabricius  est  un  grand 
Longicornedu  Sénégal  VOmacantha  gigantea  Fabr. 

LAMIER(Lammm  L.)  (Bot.).  Genre  de  Labiées,  dont  les 
représentants,  propres  aux  régions  tempérées  de  l'Europe 
et  de  l'Asie,  sont  caractérisés  par  le  calice  gamosépale,  en 
tube  ou  en  entonnoir,  à  5  dents  égales  ou  inégales,  par  la 
corolle  bilabiée,  à  tube  nu  ou  offrant  au-dessus  de  sa  base 
un  anneau  intérieur  de  poils,  à  lèvre  supérieure  obovale 
ou  oblongue,  très  concave  ou  en  casque,  à  lèvre  inférieure 
trilobée  avec  lobes  très  inégaux,  les  latéraux  plus  petits, 
parfois  nuls  ;  par  les  étamines  au  nombre  de  4,  rapprochées 
et  parallèles  sur  la  lèvre  supérieure  de  la  corolle,  les  deux 
inférieures  plus  longues  ;  par  les  anthères  barbus  à  deux 
loges,  introrses  et  s'ouvrant  par  une  fente  continue  et 
confluente;  par  le  gynécée  formé  d'un  ovaire  supère,  à 
style  gynobasique  terminé  par  deux  branches  stigmatifères 
aiguës  ;  le  fruit  est  un  tétrachaine  et  les  graines  renferment 
un  embryon  dressé  entouré  d'un  albumen  charnu.  Les 
Lamiers  sont  des  plantes  herbacées,  annuelles  ou  vivaces, 
à  feuilles  opposées,  pétiolées  à  la  base  de  la  plante,  ses- 
siles  plus  haut,  à  fleurs  purpurines  ou  blanches,  formant 
à  l'aisselle  des  feuilles  supérieures  de  faux  verticilles  de 
cymes  ou  de  glomérules  ;  ils  répandent  une  odeur  désa- 
gréable plus  ou  moins  forte.  Les  espèces  les  plus  impor- 
tantes sont  le  L.  album  L.  ou  Ortie  blanche,  Fausse  Ortie, 
dont  les  feuilles  et  les  fleurs  étaient  jadis  employées  c.>mme 
astringentes  et  hémostatiques,  leL.  maculatiim  L.  et  le 
L,  purpureum  L.  qui  ont  des  propriétés  analogues. 


833 


LAMlLLÂRIÉ  —  LAMINAGE 


LAMlLLARiÉ.  Corn,  du  dép.  du  Tarn,  arr.  d'Albi, 
cant.  de  Réalmont;  463  hab. 

LA  MILLETi  ÈRE  (Théophile  Braghet,  sieur  de),contro- 
versiste  français,  né  vers  1396,  mort  en  i  66o.  Esprit  inquiet 
et  avocat  sans  cause,  il  s'occupa  de  théologie  et  dépensa  sa 
fougue  en  controverse.  Il  était  d'origine  réformée  et  assista  à 
l'assemblée  politique  de  La  Rochelle  qui  l'envoya  aux  Pays- 
Bas  pour  solliciter  le  secours  des  Etats-Généraux.  Peu  après, 
il  publia  son  Discours  des  vrayes  raisons  pour  lesquelles 
ceux  de  la  Religion  en  France  peuvent  et  doivent... 
résister  par  les  armes  à  la  persécution  (s.  L,  46^22, 
in-8).  L'argumentation  spécieuse  qu'il  y  déploie  fut  plus 
tard  reprise  par  Jurieu  (V.  ce  nom).  Le  livre  fut  brûlé 
par  la  main  du  bourreau,  et  l'auteur,  mis  à  la  Bastille,  fut 
condamné  à  mort  en  1627,  puis  gracié  par  Richelieu,  dont 
il  servit  désormais  la  cause,  en  plaidant  pour  la  réunion 
des  deux  cultes.  Le  2  avr.  4645,  il  finit  par  abjurer  le 
protestantisme.  Ses  nombreux  écrits  sont  énumérés  dans 
la  France  protestante  (t.  Yl,  pp.  496  et  suiv.).  F. -H.  K. 

LAMINAGE  (MétalL).  Henry  Cort,  l'inventeur  du  four 
à  puddler,  passe  également  pour  avoir  été  le  premier 
à  substituer  l'étirage  en  cannelure  à  l'étirage  au  marteau. 
Appliqué  en  Angleterre  dès  1783,  ce  ne  fut  guère  qu'en 
1815  que  le  laminoir  fit  son  apparition  en  France.  On  en- 
tend aujourd'hui  par  «train  de  laminoir» l'ensemble  formé 
par  deux  cylindres  horizontaux,  tournant  ensemble  et  en 
sens  inverse  entre  deux  supports  verticaux  sur  lesquels  ils 
s'appuient  chacun  par  leurs  deux  extrémités.  La  partie  du 
cyhndre  comprise  entre  les  montants  se  nomme  la  table  ;  la 
partie  qui,  de  chaque  côté,  repose  sur  les  coussinets  des  sup- 
})orts,  se  nomme  le  tourillon  ou  collet;  celle  qui  suit  et  sert 
à  l'accouplement  du  cylindre  avec  le  moteur  se  nomme  le 
trèfle.  Cet  accouplement  s'opère,  d'ailleurs,  au  moyen  d'une 
pièce  spéciale  portant  le  nom  de  manchon.  La  table  du  cy- 
lindre peut  avoir  une  forme  absolument  cyhndrique,  autre- 
ment dit  la  génératrice  peut  être  une  ligne  droite  :  c'est 
le  cas  pour  le  laminage  de  la  tôle  ;  mais  le  plus  souvent 
cette  génératrice  est  formée  par  une  ligne  brisée,  présen- 
tant des  saillants  et  des  rentrants.  Ces  saillants  et  ces  ren- 
trants, mis  en  regard  l'un  de  l'autre  dans  les  deux  cylindres 
superposés,  forment  ce  qu'on  appelle  les  cannelures  des 
laminoirs.  C'est  un  cas  fort  rare  qu'il  faille  plus  de  deux 
cylindres  pour  former  une  cannelure;  cependant,  dans  le 
laminage  des  tuyaux  minces,  une  seule  et  même  cannelure 
est  formée  par  quatre  cylindres  conjugués,  travaillant  en- 
semble. Une  même  paire  de  cylindres  présente  ordinaire- 
ment plusieurs  cannelures,  soit  pour  fabriquer  plusieurs 
profils  différents,  soit  pour  amener,  par  des  passages  suc- 
cessifs, la  barre  métallique  à  la  forme  définitive  que  l'on  a 
en  vue.  Dans  aucun  cas  il  n'y  a  de  liaison  entre  les  canne- 
lures qui  6e  suivent  ;  il  doit  donc  se  trouver  entre  elles  une 
interruption  dans  la  table,  sous  la  forme  d'une  saillie  annu- 
laire que  l'on  appelle  cordon  ou  fausse  cannelure.  De  môme 
aux  deux  extrémités  de  la  table,  pour  Mmiter  les  canne- 
lures externes,  doit  se  trouver  un  cordon  terminal.  Sui- 
vant la  manière  dont  les  cannelures  sont  formées  par  les 
deux  cyhndres,  et  suivant  leur  position,  on  distingue  les 
cannelures  ogives,  plates,  polygonales,  spéciales  ou  profi- 
lées, et  le  mode  de  travail  fournit  enfin  les  cannelures 
soudantes,  d'étirage,  finisseuses,  etc. 

Les  cannelures  soudariles  comprennent  celles  oîi  passe 
la  barre,  tant  qu'elle  est  à  une  température  soudante.  Ce 
sont  naturellement,  à  cause  de  leur  usage,  toujours  les 
premières  cannelures,  et  fréquemment  les  trois  premières  ; 
elles  doivent  donner  une  forte  pression  par  une  décrois- 
sance rapide  dans  leur  section.  Pour  qu'elles  mordent 
mieux,  elles  sont  souvent  pourvues  à  leur  face  supérieure 
d'entailles  au  burin  ou  de  rainures  faites  au  tour.  Elles 
appartiennent  généralement  aux  cannelures  ogives  ou  aux 
cannelures  plates.  Les  cannelures  d'étirage  ou  canne- 
lures préparaloires  donnent  un  allongement  rapide  à  la 
barre  de  fer,  abstraction  faite  de  la  forme  à  lui  donner. 
Les  cannelures  ovales  jouent  un  grand  rôle  dans  ce  genre, 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —    XXL 


car  on  peut  avoir  avec  elles  une  forte  pression  par  la  hau- 
teur de  la  cannelure.  L^%  cannelures  profilantes  donnent 
la  forme  demandée  pour  l'échantillon  hni,  par  des  change- 
ments successifs  de  section,  avec  des  diminutions  corres- 
pondantes dans  la  grandeur  de  cette  section.  Dans  chacune 
de  ces  cannelures,  tant  que  le  paquet  est  encore  très  chaud 
et  par  suite  malléable,  on  emploie  une  très  grande  dimi- 
nution dans  la  section,  et  il  n'est  pas  rare  de  prendre  pour 
cela  des  cannelures  de  champ.  Le  nombre  des  cannelures 
profilantes  varie  avec  la  forme  de  l'échantillon.  Les  can- 
nelures p,nisseuses  ont  pour  but  de  terminer  le  profil  par 
les  dernières  passes,  et  de  donner  à  Péchantillon  une  sur- 
face unie.  Dans  ces  cannelures,  il  n'y  a  généralement  que 
très  peu  de  pression,  et  il  faut  tenir  compte  du  retrait.  A 
proprement  parler,  il  n'y  a  que  la  dernière  cannelure  em- 
ployée qui  puisse  être  considérée  comme  finisseuse,  car  il 
arrive  souvent,  comme  dans  les  gros  ronds,  que  chaque 
cannelure  intermédiaire  est  une  finisseuse.  Quelquefois  on 
emploie  deux  finisseuses  pareilles,  à  côté  Tune  de  l'autre, 
pour  que  dans  la  suite,  quand  celle  que  Ton  a  employée 
d'abord  a  trop  servi,  on  ait  recours  à  une  autre  pour  con- 
server au  profil  toute  son  exactitude  :  nous  verrons  un 
exemple  de  ces  deux  cannelures  finisseuses  en  parlant  des 
cannelures  pour  rails.  D'après  une  classification  plus  su- 
perficielle, on  ne  compte  que  deux  sortes  de  cannelures, 
les  ébaucheuses  et  les  finisseuses.  C'est  le  cas  pour  les 
cannelures  simples  du  laminage  des  fers  ordinaires,  et,  là, 
cette  appellation  est  convenable.  En  effet,  dans  ces  fers, 
tous  les  cyhndres  sont  divisés  en  deux  sortes,  ébaucheurs 
et  finisseurs.  Les  cannelures  nécessaires  à  l'étirage  d'une 
espèce  donnée  de  fer  ne  sont  pas  toujours  renfermées 
dans  deux  paires  de  cylindres  ;  quelquefois  elles  sont  toutes 
dans  une  seule  paire,  mais  le  plus  souvent  aussi  dans  trois 
et  même  cinq  paires  de  cylindres.  La  raison  pour  laquelle 
les  cannelures  employées  sont  réparties  sur  plusieurs  paires 
de  cylindres  n'est  pas  toujours  dans  le  développement  né- 
cessaire de  la  table  des  cylindres;  souvent  c'est  pour  obte- 
nir simplement  la  place  pour  un  personnel  de  lamineurs 
plus  considérable,  avec  lequel  il  soit  possible  d'avoir  en 
même  temps  plusieurs  passages  simultanés  ;  ou  bien  pour 
pouvoir  laminer  en  avant  et  en  arrière,  sans  employer  de 
trios  ou  trains  à  trois  cyhndres  superposés.  Après  cet 
aperçu  et  avant  d'entrer  dans  le  détail  de  la  construction 
des  cannelures,  il  est  utile  de  parler  de  leurs  conditions 
de  travail,  parce  que  la  conception,  la  discussion  raison- 
née  d'un  cylindre  pour  une  forme  donnée  de  profil,  doivent 
s'appuyer  là-dessus. 

Toute  cannelure,  quelle  que  soit  la  forme  qu'on  lui  donne, 
doit  exercer  dans  le  passage  du  fer  une  pression,  c.-à-d. 
un  efî'ort  perpendiculaire  à  l'axe  du  cylindre.  Une  pression 
ne  peut  s'exercer  sur  le  fer  introduit  dans  une  cannelure 
que  si  dans  certaines  limites  il  résulte  du  passage  de  la  barre 
au  laminoir  une  section  de  celle-ci  à  chaque  fois  plus  pe- 
tite. Chaque  cannelure  a  déjà  la  largeur  qu'avait  la  barre 
en  raison  de  son  passage  précédent,  de  sorte  que  la  largeur 
reste  la  même.  En  partant  de  ce  principe,  la  barre  à  lami- 
ner  doit  avoir  des  dimensions  horizontales  qui  ne  peuvent 
jamais  être  plus  grandes  que  la  cannelure  elle-même.  Les 
laminoirs  ne  peuvent  donc  prendre  une  largeur  de  fer  plus 
grande  que  la  cannelure.  On  ne  peut  introduire  et  avaler 
un  semblable  morceau  de  fer  sans  que  l'excédent  de  largeur 
ne  soit  coupé  par  les  cordons  qui  limitent  la  largeur  de  la 
cannelure,  ou  ne  soit  laminé  par  eux  sous  forme  de  ba- 
vures minces.  Pour  faciliter  l'entrée  de  la  barre,  les  can- 
nelures qui  se  suivent  doivent  être  const)'uites  surtout  de 
manière  qu'une  d'elles  soit  plus  étroite  que  la  suivante.  Cette 
différence  varie  depuis  quelques  dixièmes  de  millimètres  jus- 
qu'à plusieurs  miUimètres.  Les  cannelures  appartenant  à 
un  même  laminage  et  se  suivant,  doivent  être  par  consé- 
quent de  plus  en  plus  larges,  comme  cela  est  en  réalité 
quand  la  barre  n'est  pas  retournée  à  chaque  passage  ou 
bien  l'est  à  180^.  Mais  pour  l'entrée  de  certaines  can- 
nelures de  champ,  comme  dans  toutes  celles  oii  la  barre 

53 


LâMÎNâGE 


—  834  -^ 


doit  être  tournée  de  90**,  comparativement  à  sa  position 
dans  le  passage  précédent;  par  exemple,  comme  dans 
les  cannelures  ogives  et  carrées,  il  y  a  une  autre  relation 
de  largeur,  car  là ,  dans  la  barre  de  ter,  la  hauteur  devient 
la  largeur  ;  dans  ce  cas,  les  cannelures  consécutives  sont 
presque  toutes  construites  de  manière  que  la  hauteur  de 
la  cannelure,  immédiatement  précédente,  soit  quelquefois 
plus  petite  que  la  largeur  de  celle  qui  suit.  En  outre,  il 
y  a  une  autre  manière  de  diminuer  l'élargissement  succes- 
sif des  cannelures,  et  même  on  peut  le^faire  disparaître 
complètement.  C'est  par  un  léger  évasement  fait  vers  le 
fond  de  la  cannelure;  on  emploie  ce  moyen  d'autant  plus 
fréquemment  qu'il  répond  à  un  autre  but  important,  qui 
est  de  faciliter  pour  la  barre  la  sortie  de  la  cannelure. 
Quoiqu'il  n'y  ait  de  pression  exercée  directement  que  do 
haut  en  bas,  il  peut  cependant  y  avoir  une  pression  laté- 
rale indirecte;  car  la  barre  de  fer  à  laminer,  étant  plus 
ou  moins  molle,  transmet  la  pression  verticale  non  en  haut 
suivant  la  longueur,  mais  en  travers  et  dans  la  largeur  de 
la  cannelure,  et  quand,  dans  cette  dernière  direction,  il  ne 
se  présente  pas  un  vide  sutïisant  pour  la  libre  expansion  du 
métal,  il  y  a  une  pression  latérale  contre  la  cannelure  ;  les 
côtés  de  la  cannelure  sont  solides  et  résistants,  et  ils  sup- 
portent une  pression  qui  s'appelle  pression  latérale.  Cette 
pression  latérale  sera  pour  une  pression  verticale  donnée 
d'autant  plus  forte  que  la  largeur  de  la  cannelure  laissera 
moins  de  place  à  l'élargissement,  c.-à-d.  que  celle-ci  sera 
plus  étroite;  comme  la  largeur  de  la  cannelure  est  im- 
muable, la  pression  latérale  sera  d'autant  plus  forte  que  la 
pression  sera  plus  intense.  Pour  que  la  barre  laminée  ait 
des  angles  vifs,  la  cannelure  doit  être  telle  que  la  pression 
latérale  ait  une  certaine  intensité.  Une  pression  latérale 
trop  forte  fatigue  le  cylindre  et  occasionne  dans  les  canne- 
lures roulantes  ou  emboîtées  la  formation  de  coutures^ 
bavures^  à  l'endroit  de  la  séparation  des  deux  cylindres, 
lequel  ne  peut  et  ne  doit  pas  être  complètement  fermé.  11 
faut  donc  pour  l'étirage  des  barres,  comme  c'est  le  cas  dans 
les  cannelures  préparatoires  qui  demandent  beaucoup  de 
pression,  que  les  cannelures  aient  suffisamment  de  largeur  ; 
c'est  pourquoi  les  cannelures  ovales  donnent  un  bon  laminage. 
Les  règles  générales  du  tracé  des  cannelures  sont  rela- 
tives à  leur  décroissance  et  à  leur  profil.  Pour  déterminer 
Péchelle  de  décroissance,  il  faut  tenir  compte  des  quahtés 
différentes  des  fers  et  des  aciers.  Le  fer,  qui  est  très  mal- 
léable à  chaud,  est,  en  général  cassant  à  froid;  il  peut  sup- 
porter les  pressions  les  plus  fortes  et,  par  suite,  la  décrois- 
sance des  cannelures  sera  plus  grande.  Le  fer  de  la  meilleure 
qualité,  le  fer  entièrement  nerveux,  le  fer  à  grain  et  l'acier 
fondu  demandent  une  décroissance  moyenne.  Tel  est  aussi 
le  fer  rouverin  ;  on  peut  cependant  tourner  la  difficulté  dans 
le  cas  de  fer  rouverin  en  donnant  au  contraire  une  très 
forte  décroissance,  quand  il  est  possible  de  réduire  ainsi  le 
nombre  des  cannelures  ;  la  pièce  est  laminée  avant  d'être 
arrivée  à  la  couleur  où  le  fer  casse.  L'acier  dur  supporte 
la  décroissance  la  moins  forte.  La  décroissance  doit,  dans 
chaque  partie  de  la  cannelure,  être  proportionnelle  à  la  sec- 
tion, afin  que  chaque  partie  de  cette  section,  même  si  elle 
est  irrégulière,  se  lamine  uniformément.  Cette  règle  s'ap- 
plique surtout  aux  dernières  cannelures  ;  il  faut  générale- 
ment tenir  compte,  dans  cette  détermination,  de  la  résis- 
tance des  cylindres  et  de  la  force  de  la  machine.  Quant  au 
profil,  on  distingue  les  fers  fnarcJumds  qui  comprennent 
toutes  les  sections  régulières  ou  oblongues,  et  les  fers  pro- 
filés ou  spéciaux  qui  renferment  toutes  les  sections.  En 
général,  les  paquets  et  les  lingots  ont  une  section  rectan- 
gulaire que  l'on  doit  transformer  progressivement  pour  ar- 
river au  profil  et  autant  que  possible  dans  les  premières 
cannelures,  parce  que  les  variations,  dans  l'uniformité  de 
la  décroissance,  se  font  d'autant  moins  sentir  que  la  masse 
est  plus  considérable.  On  a  diminué  les  difficultés  en  don- 
nant aux  paquets  la  forme  du  profil  fini.  Les  cannelures 
ne  doivent  jamais  être  creusées  dans  un  cylindre  à  plus  de 
1/4  de  son  diamètre,  et  les  plus  profondes  doivent  toujours 


être  situées  vers  les  extrémités  du  cylindre.  Il  faut  attacher 
le  plus  grand  soin  à  ce  que  la  décroissance  des  cannelures 
soit  le  plus  régulière  et  le  plus  exacte  possible.  Elle  peut 
être  plus  rapide  dans  les  cylindres  ébaucheurs  que  dans  les 
finisseurs;  pour  les  fers  profilés,  elle  est  ordinairement 
très  faible  dans  la  dernière  cannelure  qui  diffère  du  profil 
fini  de  tout  le  retrait  que  prend  le  métal  en  se  refroidis- 
sant. Les  cannelures  des  cylindres  dégrossisseurs  ont  une 
décroissance  qui  varie  de  i/8  à  4/45,  suivant  qu'ils  servent 
au  laminage  du  fer  ou  de  l'acier.  Les  laminoirs  à  blooms 
ont  une  décroissance  de  4/7  à  4/3  et  les  dégrossisseurs  à 
cannelures  emboîtées  de  4/5  à  4/3.  On  dépasse  rarement 
ces  limites;  ordinairement  elles  restent  comprises  entre 
4/15  et  4/3.  Les  cannelures  d'un  laminoir  à  fers  plats  sont 
construites  de  manière  à  pouvoir  laminer  un  grand  nombre 
de  dimensions  différentes  ;  c'est  pourquoi  on  ne  peut  pas 
toujours  appliquer  à  ce  cas  un  rapport  de  décroissance  dé- 
terminé. De  la  première  cannelure  du  dégrossisseur  à  celle 
du  finisseur,  on  admettra  une  décroissance  de  4/3,  mais 
dans  les  cannelures  suivantes  il  est  bon  de  ne  pas  dépas- 
ser 4/8.  Toutes  les  cannelures  peuvent  être  finisseuses, 
sauf  les  premières  où  il  ne  se  forme  pas  encore  d'aiètes 
vives.  En  élevant  ou  abaissant  le  cyhndre  supérieur,  on 
obtient  un  grand  nombre  d'épaisseurs  différentes,  tandis 
que  la  largeur  est  toujours  limitée  et  n'augmente  qu'au- 
tant qu'il  est  nécessaire  pour  que  la  barre  passe  facile- 
ment d'une  cannelure  à  la  suivante.  Elle  est  pour  les  gros 
fers  de  2  millim.  et  descend, pour  les  petits  fers,  à  0,8  milîim. 
Pour  les  cannelures  roulantes  simples,  le  mâle  doit  avoir 
au  maximum  4,5  millim.  à  3  milhm.  de  diamètre  de  plus 
que  la  femelle.  Pour  les  cannelures  plates  emboîtées,  la 
lemelle  doit  être  entaillée  assez  profondément  pour  que  le 
diamètre  delà  faceinférieuredelacannelureaitdeS, 5 millim. 
à  40  millim.  de  moins  que  le  diamètre  de  la  face  du  mâle. 
Dans  les  fers  profilés,  il  arrive  souvent  que  les  2/3  de  la 
hauteur  de  la  cannelure  sont  au-dessous  de  la  ligne  mé- 
dione  des  axes  du  cylindre.  Dans  les  plus  grands  ébau- 
cheurs et  surtout  dans  les  cannelures  droites  ou  de  champ, 
il  y  a  des  différences  de  diamètre  des  faces  de  travail  des 
cannelures  depuis  5  milUm.  jusqu'à  25  ou  30  millim.  et 
même  plus. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  le  détail  du  tracé  des  canne- 
lures pour  ogives,  ronds,  plats,  fers  spéciaux,  etc.;  nous 
donnerons  comme  exemple  le  tracé  des  cannelures  pour  rails. 
Le  problème  à  résoudre  est  le  suivant  :  connaissant  le  pro- 
fil du  rail  fini,  construire  le  profil  à  chaud,  c.-à-d.  y  ajou- 
ter le  retrait  suivant  la  hauteur  du  rail,  la  largeur  du 
champignon,  la  largeur  et  l'épaisseur  du  patin.  On  fait 
l'épaisseur  de  l'âme  plus  faible  de  4/3  à  4/4  de  millim., 
parce  que  l'âme  devient  toujours  plus  épaisse  que  la  can- 
nelure finisseuse  ne  l'indique,  ce  qui  s'explique  parce  qu'elle 
s'étend  toujours  plus  que  le  champignon  ou  le  patin,  et, 
par  suite,  reprend  toujours  un  peu  d'épaisseur,  après  que 
le  rail  a  quitté  le  laminoir.  Quand  on  a  déterminé  par  expé- 
rience les  cannelures  les  plus  convenables  pour  une  qua- 
lité de  fer  donnée,  il  est  facile  d'en  déduire  le  rapport  de 
décroissance,  et  on  peut  l'appliquer  avec  la  même  matière 
à  tous  les  profils  de  rails,  avec  la  certitude  d'obtenir  un 
bon  laminage. 

L'acier  présente  au  laminage  des  propriétés  particulières 
et  ne  peut  être  traité  comme  le  fer  ;  il  ne  s'étend  que  peu 
latéralement  et  les  cannelures  successives  ne  peuvent  pré- 
senter par  suite  beaucoup  d'élargissement.  Il  ne  supporte 
que  peu  de  pression  latérale  et  on  ne  peut  lui  donner  en 
largeur  ce  qui  lui  manque  en  hauteur.  Si  dans  une  partie 
d'une  cannelure  on  cause  une  pression  beaucoup  plus  grande 
que  dans  les  autres  parties,  cela  n'a  pas  pour  effet,  comme 
pour  le  fer,  de  transporter  la  masse  d'un  côté  vers  l'autre, 
mais  la  partie  la  plus  fortement  tendue  emporte  les  autres 
avec  elle,  et  celles-ci  deviennent  plus  faibles  que  les  di- 
mensions de  la  cannelure  qui  alors  ne  se  remplit  pas  entiè- 
rement. On  explique,  de  cette  manière,  comment  il  se  pro- 
duit parfois  dans  les  rails  d'acier  des  tensions  qui  donnent 


83.^ 


I.AMINAGE  -.  LAMïiNAKÎËES 


lieu  ultérieurement  à  des  ruptures,  sans  que  cela  provienne 
de  la  matière  elle-même.  Cela  vient  uniquement  de  ce  qu'on 
lamine  quelquefois  Tacier  dans  des  cylindres  dont  les  can- 
nelures ne  sont  pas  rigoureusement  tracées  dans  les  rap- 
ports voulus.  L'acier,  lors  même  qu'il  est  plus  tendre  et 
plus  résistant  que  le  fer,  ne  supporte  pas  une  entaille  vive; 
il  ne  se  prête  pas  non  plus  à  un  travail  inégal  ;  c'est  pour- 
quoi il  faut  augmenter  le  nombre  des  cannelures  et  passer 
plus  insensiblement  de  la  section  carrée  au  profil  désiré. 
Les  dernières  cannelures  doivent  tout  spécialement  pro- 
duire une  pression  égale  dans  toutes  leurs  parties. 

Tout  ce  qui  précède  s'applique  non  seulement  à  la  dis- 
position formée  par  deux  cylindres,  mais  encore  à  l'agen- 
cement à  trois  cylindres,  qui  a  reçu  le  nom  de  trio.  Dans 
ce  cas,  les  cannelures  sont  formées  par  le  cylindre  du  mi- 
lieu et  les  deux  cylindres  qui  l'encadrent,  et  l'on  peut  ainsi 
utiliser  tous  les  passages  de  la  barre,  tandis  qu'avec  deux 
cylindres,  l'entraînement  de  la  barre  ne  pouvant  se  faire 
que  dans  un  sens,  son  retour  après  le  tirage  dans  la  can- 
nelure doit  se  faire  à  vide  et  sans  aucun  efiét  utile  produit. 
Les  trios  permettant  ainsi  de  faire  à  peu  près  un  travail 
double  avec  la  même  main-d'œuvre  devraient  être  presque 
exclusivement  employés  ;  mais  ils  ont  l'inconvénient  d'exi- 
ger une  installation  plus  coûteuse  et  d'immobiliser  un  plus 
grand  nombre  de  cylindres  ;  aussi  a-t-on  cherché  à  éviter 
le  retour  à  vide  par  une  autre  disposition  qui  consiste  à 
changer,  avec  chaque  passage,  le  sens  de  la  rotation  des 
cyclindres,  de  manière  à  permettre  d'engager  la  barre  des 
deux  côtés.  Cette  manière  d'opérer,  qui  entraîne  nécessai- 
rement une  perte  de  temps  au  moment  du  changement  de 
marche,  ne  peut  s'appliquer  évidemment  qu'à  des  laminoirs 
marchant  à  une  vitesse  relativement  faible  et  élaborant  de 
grosses  pièces  ;  mais  alors  on  a  l'avantage  de  pouvoir  opé- 
rer tout  le  laminage  sans  être  obligé  de  les  soulever.  Les 
cylindres  de  laminoirs  sont,  comme  nous  l'avons  dit,  ani- 
més d'un  mouvement  de  rotation  qui  peut  leur  être  trans- 
mis de  la  manière  la  plus  simple,  par  la  bielle  et  la  mani- 
velle d'une  machine  à  vapeur.  ï^s  cylindres  peuvent  être, 
pour  nous  servir  d'une  expression  usuelle,  attaqués  direc- 
tement par  la  machine  ou  bien  mis  en  mouvement  au  moyen 
d'engrenages  plus  ou  moins  multipliés.  On  préfère  l'attaque 
directe  lorsque  la  vitesse  à  donner  aux  cylindres  le  permet, 
c.-à-d.  ne  dépasse  pas  400  tours  par  minute;  au  delà  de 
cette  vitesse,  les  engrenages  doivent  être  utilisés.  Dans  ces 
derniers  temps,  on  a  commencé  à  remplacer  les  engrenages 
par  des  courroies  ou  par  des  câbles  dans  les  trains  servant 
à  la  fabrication  du  produit  désigné  sous  le  nom  de  machine 
et  qui  constitue  la  matière  première  des  trétileries  ;  les 
cylindres  de  ces  laminoirs  font  plusieurs  centaines  de  tours 
par  minute  et  les  pistons  des  machines  à  vapeur  ne  sau- 
raient les  suivre  dans  cette  voie.  Nous  n'entrerons  pas 
dans  le  détail  des  machines  motrices  par  lesquelles  les 
cylindres  de  laminoirs  sont  actionnés  ;  nous  dirons  seule- 
ment que  ces  machines  rentrent  toutes,  en  général,  dans 
le  type  des  machines  horizontales  soit  à  un  cylindre,  soit 
à  deux  cylindres  conjugués  ;  les  machines  verticales  type 
pilon  se  rencontrent  assez  rarement.  Munies  de  puissants 
volants  dont  le  poids  dépasse  parfois  dOO  tonnes,  faisant 
un  large  emploi  des  appareils  de  détente  et  de  condensa- 
tion les  plus  perfectionnés,  elles  atteignent  aujourd'hui 
5,000  et  même  6,000  chevaux.  Nous  ne  parlerons  pas  ici 
des  laminoirs  à  blindages  et  à  bandages  décrits  dans  d'autres 
articles  (V.  Blindage  [Métall.],  t.  YI,  p.  1433,  et  Bandage 
[Industr.],  t.  V,  p.  218).  Les  fers  plats  se  font  dans  des 
cylindres  dont  l'écartement  possible  peut  permettre  de  don- 
ner à  la  barre  une  épaisseur  variant  entre  des  limites  assez 
larges.  Mais,  en  général,  on  ne  fait  guère  sur  un  même 
cylindre  qu'une  ou  deux  largeurs,  très  rarement  trois,  car 
la  longueur  de  la  table  est  limitée  par  la  résistance  de  la 
fonte  à  la  rupture  par  flexion  entre  les  cages  qui  suppor- 
tent ses  extrémités.  Il  en  résulte  que  la  fabrication  des  fers 
plats  nécessite  un  magasin  de  cyhndres  considérable,  sur- 
tout si  on  veut  laminer  de  larges  plats,  dont  une  paire  de 


cylindres  ne  peut  faire  qu'une  largeur.  Dans  le  but  d'éviter 
un  grand  nombre  de  cylindres,  Daelen,  directeur  des  forges 
de  Hœrde  (Westphalie),  a  inventé  le  laminoir  universel 
(V.  Blindage).  Il  se  compose  de  deux  cylindres  horizon- 
taux et  analogues  à  ceux  qui  servent  à  laminer  la  tôle  ;  leur 
écartement  plus  ou  moins  grand  sert  à  donner  l'épaisseur 
de  la  barre,  tandis  que  deux  cylindres  verticaux,  pouvant 
se  rapprocher  par  le  calage  de  pignons,  donnent  la  largeur 
de  la  barre.  La  cannelure  se  trouve  formée  par  l'ensemble 
des  quatre  cylindres.  Les  cylindres  verticaux  se  placent 
ordinairement  derrière  les  cylindres  horizontaux  et,  comme 
après  le  passage,  il  y  a  eu  allongement  de  la  barre,  ils 
marchent  à  une  vitesse  plus  grande.  On  leur  donne  peu  ou 
point  do  pression;  il  suffit,  en  effet,  que  les  angles  soient 
vifs  et  les  bords  polis,  un  excès  de  pression  ferait  gondoler 
la  barre,  par  suite  du  peu  de  compressibilité  du  métal . 

Le  fer  et  l'acier  doux  se  laminent  à  une  température 
relativement  élevée.  Il  en  résulte  que  la  modification  mo- 
léculaire au'ils  subissent  dans  le  travail  du  laminage  est 
assez  faible.  Sauf  pour  les  tôles  minces  et  quelques  étirages 
exceptionnels,  le  recuit,  destiné  à  remettre  lés  molécules 
dans  leur  état  normal,  n'a  lieu  que  lorsque  le  travail  est 
terminé.  Pour  les  autres  métaux  que  le  fer,  la  température 
à  laquelle  se  fait  le  laminage  est  généralement  peu  élevée  ; 
il  en  résulte  une  aigreur,  un  écrouissage  communiqués  au 
métal  après  un  certain  amincissement,  ce  qui  force,  en  gé- 
néral, à  interrompre  l'étirage  par  une  série  de  recuits.  Le 
cuivre  et  surtout  le  laiton  demandent  des  précautions  de  ce 
genre.  Le  zinc  se  lamine  au-dessous  du  rouge;  quant  au 
plomb  et  àl'étain,  ils  peuvent  se  laminera  froid.  Le  lami- 
nage de  Tor,  de  l'argent,  du  maillechort,  du  chrysocale, 
du  similor,  etc.,  demande,  en  général,  plus  de  précision 
que  celui  de  la  planche  de  laiton  (V.  Laiton)  ;  aussi  doit-on 
rejeter  complètement  le  laminage  en  trousses  où  l'épaisseur 
n'est  jamais  bien  régulière,  puisqu'une  partie  trop  épaisse 
d'une  planche  peut  correspondre  à  une  partie  trop  mince 
des  planches  supérieures  ou  inférieures,  et  donner,  par 
conséquent,  la  même  épaisseur  totale.  On  ne  travaille  les 
planches  ou  bandes  de  ces  métaux  qu'une  à  une  au  moyen 
de  cylindres  profilés  à  cet  usage,  c.-à-d.  bombés  suivant  la 
largeur  de  la  pièce  à  laminer.  En  outre,  ces  cylindres, 
entraînés  toujours  l'un  par  l'autre  à  t'aide  de  pignons,  sont 
fortement  graissés  à  l'huile,  de  façon  à  réduire  au  mini- 
mum l'effort  et  le  travail.  L.  Knâb. 

LAMINAIRE  (V.  Laminariées)  . 

LAMINÂRIÉES  (Bot.).  Tribu  d'Algues  Phéosphorées,  à 
thalle  vert  olive,  massif,  à  croissance  intercalaire,  compre- 
nant les  genres  Laminaria^  Alaria,  Agarum  (mers  arc- 
tiques), Macrocystis^  Lassonia  (mers  antarctiques).  Ces 
genres  se  distinguent  par  la  disposition  de  la  fronde  et  des 
sores  sur  cetle  dernière.  La  forme  générale  est  celle  d'une 
feuille  longuement  pétiolée,  fixée  aux  rochers  par  un  cram- 
pon rameux.  Pied  cylindrique,  à  région  centrale  médul- 
laire formée  de  cellules  longues  et  à  couche  corticale 
externe  constituée  par  deux  cellules  isodiamétriques  et  qui 
contient  parfois  des  canaux  gommifères.  La  zone  de  crois- 
sance intercalaire  est  au  point  d'union  du  pied  et  de  la 
lame.  Les  sporanges  occupent  la  partie  centrale  du  thalle. 
Les  spores  sont  allongées,  ellipsoïdes,  colorées  en  vert  oli- 
vâtre à  une  extrémité,  munies  d'un  point  rouge  à  l'autre, 
portant  deux  cils  vibratiles,  renfermées  dans  un  péri- 
spore  hyalin  et  entourées  de  paranémates  claviformes, 
simples,  inarticulés,  denses,  situés  verticalement  sur  la 
surface  plane  de  la  fronde.  La  Laminaire  digitée  {Fucits 
digitatus  de  Linné),  qui  est  employée  dans  certains  pays 
comm.e  engrais  et  même  comme  aliment,  est  utilisée  en 
médecine  comme  corps  dilatant  pour  remplacer  t'éponge 
préparée  (V.  Utérus).  On  se  sert  des  fragments  desséchés 
de  la  tige.  Ceux-ci,  noirs  et  fermes,  de  la  grosseur  d'une 
plume  d'oie,  peuvent  se  gonfler,  au  contact  des  liquides  de 
l'économie,  d'une  façon  progressive  et  régulière,  au  point  de 
sextupler  de  volume.  C'est  cette  propriété  qu'on  a  utilisé  pour 
dilater  les  trajets  fistuleux,  les  conduits  naturels  anormale- 


LAMINARIEES  —  LÀMOIGNON 


—  838  — 


ment  rétrécis  (coaduit  auditif  externe,  orifice  du  col  de  l'iitc- 
rus,  trompe  d'Eustache).  Avant  de  les  introduire  dans  les 
cavités  que  Ton  veut  dilater,  on  les  râpe  et  on  les  plonge 
quelques  minutes  dans  l'eau  tiède.        Henri  Fournier, 

LAMINEUX  (Tissu)  (V.  Conjonctif). 

LAMINOIR  (ïndustr.)  (V.  Uminâge). 

LAMIRAL  (Dominique  Harcourt),  voyageur  français, 
né  à  Lyon  vers  1750,  mort  en  1795.  Secrétaire  d'Eyriès 
(V.  ce  nom),  il  le  suivit  au  Sénégal.  Il  a  laissé  deux  ou- 
vrages assez  curieux  :  l'Affrique  et  le  peuple  affriquain 
(Paris,  1 789,  in-8)  etMémoiresur  le  Sénégal  (1791 ,  in-4) . 

LAMIRAULT  (Henri),  éditeur  français,  né  à  La  Cha- 
pelle-du-Noyer,  près  de  Châteaudun,  le  15  juil.  1854.  Il 
fut  d'abord  petit  clerc  de  notaire  et  ensuite  commis  dans 
une  maison  de  librairie,  oii  il  profita  des  facilités  particu- 
lières que  lui  procurait  cet  emploi  pour  parfaire  son  ins- 
truction. Appelé  sous  les  drapeaux  en  1875,  il  connut  au 
régiment  Joseph  Baer  (V.  ce  nom),  avec  lequel  il  se  lia 
d'amitié.  Parvenu  rapidement  au  grade  de  sergent-major, 
il  songea  à  faire  sa  carrière  dans  l'armée,  mais  une  grave 
maladie  Tempêcha  de  donner  suite  à  ses  projets.  Il  vint  alors 
à  Paris  où  Baer  l'attacha,  en  qualité  de  chef  des  services 
techniques,  à  l'œuvre  qu'il  venait  de  fonder.  M.  Lamirault 
s'est  depuis  lors  consacré  tout  entier  à  la  Grande  Ency- 
clopédie dont  il  est  devenu  l'éditeur  en  avr.  1886  (V.  En- 
cyclopédie), lïartwig  Derenrourg. 

LAMIRAUX  (François-Gustave),  gèuéral  français,  né  à 
Strasbourg  le  26  mai  1830.  Elève  de  Saint-Cyr,  capitaine  en 
1859,  il  prit  part  à  la  campagne  d'Italie.  Clief  de  bataillon 
pendant  la  guerre  de  1870,  il  assista  aux  batailles  livrées 
sous  Metz  et  fut  interné  en  Allemagne  lors  de  la  reddition 
de  la  place.  Colonel  le  30  nov.  1880  et  général  de  brigade 
en  1886.  En  1893,  il  a  été  mis  à  la  tète  de  l'Ecole  supé- 
rieure de  guerre  et  a  fait  paraître  dans  la  même  année  : 
Etudes  pratiques  de  guerre,  qui  eurent  dans  Farmée  un 
certain  retentissement.  E.  Bernard. 

LAMIUM  (Bot.)  (V.  Lamier). 

L  A  M IVI A  (Agostino),  peintre  italien,  né  à  Venise  vers  1 636 , 
mort  en  1700.  Il  eut  pour  maître  Antonio  Calza  et  imita 
Mattheus  Stomm  (Matteo  Stomo),  ce  peintre  de  batailles  alle- 
mand, qui  vivait  alors  à  Venise.  Lanzi  a  vu  au  Palazzo  Curti 
une  œuvre  importante  de  Lamma,  le  Siège  de  Vienne. 

LAMIVIERMU1R(V.  Grande-Bretagne,  t.  XIX,  p.  150). 

LAMMERS  (Gustav-Adolph),  théologien  norvégien,  né 
à  Copenhague  en  1802,  mort  en  1878.  Fils  d'un  capitaine 
d'artillerie,  il  vint  tout  jeune  à  Christiania  et  y  fit  ses  études. 
En  1827,  il  était  aumônier  de  l'hôpital  de  Trondhjem, 
puis  fut  pasteur  dans  diverses  paroisses.  Il  voyagea  pen- 
dant les  années  1848  et  1849  en  France  et  en  Italie,  et,  en 
1856,  obtint  sa  pension  de  retraite.  On  la  lui  retira  peu 
après,  parce  qu'il  avait  fondé  une  Eglise  dissidente,  qui 
prit  rapidement  une  certaine  extension,  surtout  dans  les 
campagnes.  Sa  pension  lui  fut  rendue  en  1861  ;  il  passa 
d'ailleurs  presque  tout  le  reste  de  sa  vie  à  l'étranger,  s'oc- 
cupant  principalement  d'art  chrétien.  Son  rôle  dans  l'his- 
toire du  mouvement  religieux  en  Norvège  est  très  important. 
On  lui  doit  un  très  grand  nombre  d'articles  de  polémique 
et  la  création  d'une  revue  mensuelle  :  Communications 
aux  et  des  communautés  (menigheder),  apostoliques 
chrétiennes.  Th.  (î. 

LAMMERVILLE.Com.  du  dép.  de  Seine-Inférieure,  arr. 
de  Dieppe,  cant.  de  Bacqueville  ;  664  hab. 

LAMNA  (Ichtyol.).  Genre  de  Poissons  cartilagineux  (Pa- 
lœichtyes),  de  l'ordre  des  Chondroptérygiens  Plagiostomes, 
section  des  Selachoidés  et  de  la  famille  des  Lamnidse,  ren- 
fermant des  animaux  au  corps  fusiforme,  à  peau  recou- 
verte de  très  petites  scutelles;  le  museau  est  pointu,  les 
dents  sont  aiguës,  non  dentelées,  à  bords  lisses  et  portant 
un  cône  pointu,  simple  ou  double  de  chaque  côté  de  la 
hase  seulement  chez  les  adultes.  Ce  genre  ne  copxiprend 
qu'une  seule  forme,  le  Lamna  cornubica,  connu  des  pê- 
cheurs de  nos  côtes  sous  les  noms  de  Nez,  de  Taupe  et  de 
Touille  sur  les  côtes  de  la  Charente-Inférieure.  Souvent  de 


5  m.  de  long,  ce  poisson  est  d'une  teinte  ardoisée  sur  le 
dos  et  blancMlre  sous  le  ventre.  C'est  un  des  Requins  les 
plus  voraces  ;  il  se  réunît  en  petites  troupes  lorsqu'il  se 
met  en  chasse,  et  s'attaque  à  tous  les  poissons  comme  à 
tout  ce  qu'il  rencontre,  et  même  à  Fhomme.  Sa  chair  est 
assez  estimée  sur  nos  côtes.  Rondelet  écrit  qu'  «  elle  est 
blanche,  pas  fort  dure,  ni  de  mauvaise  senteur».  On  mange 
fréquemment  les  jeunes  sur  les  côtes  de  la  Charente-Infé- 
rieure. A  l'île  d'Oléron  notamment,  nous  avons  pu  nous 
assurer  que  le  goût  de  ce  poisson  est  identique  à  celui  do 
la  raie,  et  que  l'un  peut  être  servi  pour  l'autre  sans  qu'une 
différenciation  puisse  être  établie.  Rochrr. 

Btbl.  :  GuNTHER,  Study  of  Fishes.  —  Cuvikr  et  Vaijcx- 
ciRxxKs,  liist.  génér.  des  Poissons. 

LAMNAY.  Com.  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  de  Mamers, 
cant.  de  xMontmirail  ;  1 ,092  hab. 

LA  MO  (Pietro),  peintre  italien,  né  à  Bologne,  mort  en 
1578.  Elève  d'Innocenzo  da  Imola,  il  est  moins  connu  par 
ses  fresques  de  San  Francesco  que  par  son  ouvrage  resté 
manuscrit  sur  les  œuvres  d'art  de  Bologne,  qu'il  composa 
vers  1560,  et  qu'il  intitula  La  Graticola(\e  Gril),  à  cause 
du  procédé  bizarre  qu'il  avait  employé  de  diviser  la  ville 
par  carrés  égaux,  comme  un  tableau  qu'on  met  au  carreau 
(en  italien  graticolare).  Cet  ouvrage  a  été  mis  à  contri- 
bution par  tous  les  historiens  de  l'art  bolonais. 

tiiDL.:  Malvasia,  Le  Pitture  delta  città  di  Bologna  ;  Bo- 
logne, 1755,  in-8.  —  Guai^andi.,  Memorie  07'iginaH  risguar- 
danti  le  belle  arti;  Botogne,  1840,  6  vol.  in-8.  — -  L'anzi^ 
Storia  pittorica  deUltalia;  Milan,  t.  IV. 

LAMOIGNON.  Famille  nivernaise,  appartenant  à  la  no- 
blesse de  robe,  et  d'où  sont  sorties  les  branches  de  Basvllle, 
de  Courson,  de  Blancmesnil  et  de  Malesherbes.  D'après 
Moréri,  elle  tirait  son  nom  du  fief  de  Lamoignon,  situé 
dans  le  faubourg  de  Donzy,  et  qu'elle  possédait  depuis  le 
xni^  siècle  ;  mais'rillustration  de  la  famille  ne  date  réelle- 
ment que  duxvi^.  Armes:  losange  d'argent  et  de  sable, 
au  franc-quartier  d'hermine.  H.  Monin. 

LAMOIGNON  (Guillaume de),  néà  Paris  le  23  oct.  1617, 
mort  à  Paris  le  10  déc.  1677.  Avocat  au  parlement  le 
19  avr.  1635,  conseiller  le  14  déc.  suivant,  maître  des  re- 
quêtes le  15  déc.  1644,  premier  président  le  2  oct.  1658, 
il  obtint,  en  1670,  l'érection  de  la  terre  de  Basviile  en  mar- 
quisat, et  celle  de  la  terre  de  Courson  en  comté.  Après 
avoir  quelque  temps  pris  part  à  la  fronde  parlementaire,  il 
sut  se  rallier  à  temps  et  avec  éclat  au  parti  du  roi  qui  le 
combla  de  faveurs.  Il  présida  au  célèbre  procès  de  Fouguet 
(V.  ce  nom),  mais,  comme  il  songeait  à  l'innocenter,  fut  rem- 
placé par  Sèguier.  Il  obligea  Colbert  à  partager  avec  lui  et 
avec  plusieurs  magistrats  la  gloire  de  la  réforme  législative; 
il  l'emporta  aussi  sur  ce  ministre  lorsqu'il  obtint  au  conseil, 
avant  la  guerre  de  Hollande,  que  le  roi  ferait  un  emprunt 
au  lieu  de  créer  de  nouveaux  impôts.  Il  ne  cessa  de  tra- 
vailler, avec  Foucroy  et  Auzanel,  à  l'immense  entreprise  de 
l'unification  et  de  la  coordination  des  lois  françaises.  A  Bas- 
ville,  il  se  plaisait  à  recevoir  les  hommes  de  lettres.  Ra- 
cine, Boileau,  auquel  il  donna  l'idée  du  Lutrin.  Il  mourut 
sans  être  arrivé  au  but  suprême  de  son  ambition,  le  titre 
de  chancelier.  H.  Monin. 

BiBL.  :  Fjléghier,  Oraison  funèbre  du  président  de  La- 
moignon^ prononcée  le  18  févr.  1619  en  l'église  de  Sainl- 
Nic'olas-du-Ckardonnet  ;  Paris,  1679,  in-8. 

LAMOIGNON  (Nicolas  de),  administrateur  français,  né 
à  Paris  le  26  avr.  1648,  mort  à  Paris  le  17  mai  1724, 
second  fils  du  précédent  et  de  Madeleine  Potier.  Il  prit, 
à  la  mort  de  son  père,  le  surnom  de  Basviile,  sous  lequel  il 
est  surtout  connu.  Avocat  au  parlement  (1666),  bailH  d'épée 
et  gouverneur  du  château  de  Limours  (1668-69),  con- 
seiller au  parlement  (1670),  maître  des  requêtes  (1673), 
il  fut  successivement  envoyé  comme  intendant  dans  les 
généralités  de  Montauban,  de  Pau,  de  Poitiers  et  de  Lan- 
guedoc, où  il  succéda  le  13  août  1685  à  Daguesseau  ;  il 
se  retira  de  lui-même  en  mai  1718,  et  vécut  six  ans 
encore  dans  la  retraite.  Muni  de  pleins  pouvoirs  contre  les 
protestants,  il  exécuta  rigoureusement  à  leur  égard  les  ar- 
ticles de  redit  qui  révoquait  l'édit  de  Nantes.  Il  subordonna 


—  8:i7 


LÂMOIGNON  ---  lA  MONTAGNE 


entièrement  à  Faction  administrative  et  les  Etats  de  Lan- 
guedoc, et  le  cardinal  de  Bonzi,  archevêque  de  Narbonne, 
et  les  généraux  qui  furent  envoyés  dans  la  province  pour 
y  réprimer  les  Camisards  (V.  ce  mot).  Sans  pouvoir  ré- 
former à  fond  un  système  financier  des  plus  compliqués, 
sorte  de  transaction  séculaire  entre  les  droits  du  roi,  ceux 
des  contribuables,  et  surtout  les  privilèges  des  évèques, 
des  barons,  et  delà  bourgeoisie  municipale,  il  s'efforça  du 
moins  d'en  prévenir  et  d'en  réprimer  les  abus  les  plus 
criants.  Elève  de  Colbert  en  matière  économique,  il  «  pro- 
tégea »,  mais  par  des  moyens  souvent  douteux  et  parfois 
tyranniques,  l'agriculture,  la  draperie,  la  soierie  langue- 
dociennes. Il  poursuivit  ou  commença  d'importants  tra- 
vaux publics  (canal  des  Etangs,  port  de  Cette,  etc.).  Il  laissa 
un  Mémoire  d'un  caractère  apologétique  et  administratif, 
écrit  en  4698  pour  l'instruction  du  dauphin,  publié  en 
17*24  à  Amsterdam  (lire  Marseille),  avec  une  préface  ano- 
nyme. Ce  Mémoire  compterait  parmi  les  plus  intéressants 
de  l'époque,  s'il  n'avait  été  imprimé  avec  des  fautes  énormes 
soit  de  chiffres,  soit  de  noms  propres.  C'est  principalement 
par  sa  correspondance  avec  les  contrôleurs  généraux  et  avec 
les  ministres  de  la  guerre  que  l'on  peut  se  rendre  compte 
de  l'importance  de  ce  personnage,  ot  de  la  vérité  du  mot 
de  Saint-Simon,  qui  l'appelle  «  le  roi  et  tyran  du  Langue- 
doc ».  Il  eut  pour  successeur  de  Bernage.  II.  Monin. 
BiBL.  :  H.  Monin,  Essai  sur  Vhistolre  administrative 
du  Languedoc  pendant  l'intendance  de  Basville;  Paris, 
1884,  in-8.  —  V.  Camisardh. 

LAMOIGNON  (Chrétien-François  de),  homme  d'Etat 
français,  né  à  Paris  le  4 8  décHBo,  mort  le  15  mai  1789. 
Conseiller  au  parlement  le  5  sept.  1755,  président  à  mor- 
tier en  avr.  1758,  il  devint  garde  des  sceaux  de  France  en 
1787.  Après  avoir  pris  part  à  la  lutte  du  parlement  contre 
la  royauté,  à  son  exil  en  177'2,  et  collaboré  à  la  Corres- 
pondance^ satire  périodique  dirigée  contre  le  parlement 
Maupeou,  après  avoir  triomphé  avec  sa  compagnie,  que 
Louis  XVI  réinstalla  dès  son  avènement,  il  se  tourna  du 
côté  du  pouvoir  absolu,  aussitôt  que  le  prince  lui  eut  donné 
la  succession  de  Hue  de  Miromesnil.  Il  travailla,  dans  le 
ministère  que  dirigeait  l'archevêque  Loménic  de  Brierme 
(V.  ce  nom),  auxédits  impopulaires  qui  furent  présentés  ta 
l'Assemblée  des  notables  de  1787.  Devant  la  résistance  du 
parlement,  il  reprit,  sous  le  nom  de  bailliages  royaux  et 
de  cour  plénière,  tout  le  plan  de  Maupeou  (édit  du  8  mai 
1788).  Mais  le  roi  et  les  ministres  durent  plier  sous  l'in- 
dignation, et  Lamoignon,  renié  par  tous  les  partis,  se  donna 
vraisemblablement  la  mort  dans  sa  propriété  de  Basville, 
d'un  coup  de  fusil  :  la  famille  fit  répandre  le  bruit  d'un 
accident  de  chasse.  IL  Monin. 

LAMOIGNON  de  Malesherbes  (V.  Mâlesherbes). 

LAMONCE  (Les  de).  Famille  d'artistes  français  des 
xvii^  et  xviii®  siècles.  Jean  de  Lamonce,  né  à  Lyon  vers 
1640,  fut,  de  1670  à  1690,  peintre  et  architecte  de  S.  A. 
l'électeur  de  Bavière  pour  lequel  il  peignit  des  portraits  et 
des  tableaux  de  sainteté,  en  même  temps  qu'il  faisait  agran- 
dir et  décorait  plusieurs  châteaux  de  cet  électeur.  De  retour 
à  Lyon,  il  y  fit  exécuter  avant  1700  la  chaire  de  marbres 
précieux  avec  bas-reliefs  de  bronze  doré  du  grand  collège 
des  jésuites  de  cette  ville.  Plusieurs  œuvres  de  Jean  de 
Lamonce  ont  été  gravées  par  J.-G.  Ambly,  Daudet,  C.  Du- 
flos  et  Poilly.  —  Ferdinand^  fils  du  précédent,  naquit  à 
Munich  en  1678  et  mourut  à  Lyon  le  30  sept.  175;-l. 
Après  avoir  fait  ses  études  d'architecture  à  Paris  et  les 
avoir  complétées  par  un  voyage  en  Italie,  cet  architecte  se 
fixa  à  Lyon  où  il  fit  exécuter  des  travaux  considérables, 
façade  pi'incipale,  ailes  et  dôme  de  l'Ilôtel-Dieu,  et  fit 
commencer  la  Loge  du  change,  plus  tard  convertie  en 
temple  protestant  et  terminée,  ainsi  que  l'IIôtel-Dieu,  par 
J.-G.  Souttlot.  On  doit  aussi  à  Ferdinand  de  Lamonce  la 
construction  des  quais  du  Rhône,  depuis  la  chapelle  du 
Saint-Esprit  jusqu'au  port  de  l'Hôpital  ;  de  nombreux  tra- 
vaux dans  les  églises  de  Lyon  et  les  plans  de  Pavant- 
dernier  sanctuaire  de  Fourvières,  remplacé  vers  le  milieu 


de  ce  siècle  par  la  chapelle  actuelle  près  de  laquelle  s'élève 
une  nouvelle  et  riche  église  encore  inachevée.    Ch.  Lucas. 

LAMONGERIE.  Com.  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr.  de 
Tulle,  cant.  d'Uzerche;  365  hab. 

LA  MONNERAYE  (C.-A.,  comtede)  (V.  Monneraye). 

LA  MONNOYE  (Bernard  de),  littérateur  français,  né  à 
Dijon  le  15  juin  1641,  mort  à  Paris  le  15  oct.  1728. 
Avocat  au  parlement  de  Dijon  (1662),  il  se  distingua  en 
remportant  cinq  fois  le  prix  de  poésie  à  PAcadémie  fran- 
çaise (1671-85),  où  il  fut  admis  le  23  déc.  1713.  Auteur 
d'une  édition  très  curieuse  du  Menagiana  (1715,  4  vol.) 
dont  l'apparition  suscita  une  vive  polémique,  La  Monnoye 
a  beaucoup  écrit.  Citons  :  Remarques  sur  les  jugements 
des  savants  de  Baillet  (Paris,  1722,  7  vol.);  Poésies 
françaises  (La  Haye,  1716,  in-8),  et  son  chef-d'œuvre, 
les  Noëls  bourguignons  (1700-2),  qui  a  eu  de  très  nom- 
breuses éditions.  R.  S. 

BiDL.:  R.  DE  JuviGNY,  Mém,oire  sur  La  Monnoye,  1769, 
2  voL  in-4.—  Girault,  Particularités  inédites  ou  peu  con- 
nues sur  La  Monnoye^  Crébillon  et  Piron;  Dijon,  1822, 
in-8.  —  Pjîignot.  Nouvelles  Recherches  sur  la  vie  et  les 
ouvrages  de  La  Monnoye;  Dijon,  1832,  in-8. 

LA  MONNOYE  (Jean-Baptiste- Alexis-Léon  d'Affry  de), 
jurisconsulte  français,  né  à  Paris  le  26  mars  1823.  Avocat 
au  barreau  de  Paris  (1844),  secrétaire  de  la  conférence 
des  avocats  (1847-48),  il  fut  nommé  en  1850  greffier  de 
la  chambre  civile  de  la  cour  de  cassation  en  1871,  juge 
de  paix  du  IV^  arrondissement  de  Paris  et  démissionna 
en  1880.  On  a  de  lui  une  Théorie  et  pratique  et  V ex- 
propriation pour   cause    d'utilité  publique  (Paris, 

1859,  in-8;  2«  éd.,  1879,  2  vol.  in-8)  qui  fait  autorité; 
une  traduction  en  vers  du  Marchand  de  Venise  et  de 
Homéo  et  Juliette  do  Shakespeare  ;  une  traduction  de 
liichilde  de  Musœus;  les  Trois  Sœurs ^  chronique  du 
temps  passé  (1889,  in-8)  ;  Vers  le  Pôle  nord^  la  Nor- 
vège, Venise  (1890,  in-8). 

LAIVI ONT  (Johann  de),  astronome  et  physicien  allemand, 
d'origine  écossaise,  né  à  Braemar  (comté  d'Aberdeen)  le 
13  déc.  1805,  mort  à  Bogenhausen,  près  de  Munich,  le 
6  août  1879.  Envoyé  à  douze  ans  dans  le  monastère  écos- 
sais de  Ratisbonne!^  il  demeura  en  Allemagne,  fut  admis, 
très  jeune,  à  l'observatoire  de  Bogenhausen,  près  de  Mu- 
nich, dont  il  devint  directeur  en  1835.  Il  était,  en  outre, 
depuis  1852.  professeur  d'astronomie  à  Puniversité  de  Mu- 
nich. Il  faisait  partie  de  l'Académie  des  sciences  de  cette 
ville  et  de  la  plupart  des  sociétés  savantes  de  l'étranger.  Il 
a  joui  d'une  grande  réputation  comme  astronome  et  comme 
physicien.  Au  premier  rang  de  ses  nombreux  et  importants 
travaux,  il  faut  placer  son  grand  catalogue  d'étoiles,  dont 
34,000,  de  faible  grandeur,  avaient  été  calculées  par  lui 
(années  1840  et  suiv.),  sa  détermination  de  la  masse  d'Ura- 
nus  par  l'observation  des  satellites  de  la  planète,  ses  re- 
cherches magnétiques  qui  furent  de  sa  part  l'objet  de  trois 
grands  ouvrages  :  H andbuch  des  Erdmagnetis mus  (Ber- 
lin, i  849, in-8);  Astronomie  undErdmagnelismus  (Stutt- 
gart, 1851, in-8);  Handbuch  des  Magnetismus  (Leipzig^ 

1860,  in-8).  On  lui  doit  encore  quelques  autres  publica- 
tions à  part,  entre  autres  des  Observationes  asfronomicœ 
(Munich,  1833-57, 26  vol.)  et  plus  de  cent  mémoires  épars 
dans  les  Astronomische  Nachrichten,  dans  les  Annalen 
de  Poggendorff,  dans  les  divers  recueils  de  PAcadémie  des 
sciences  de  Munich,  dans  celui  de  la  Société  autrichienne 
de  météorologie,  enfin  dans  les  Jahrbuch  der  Sternvmrte 
bei  Mïmchen  (1838-40)  et  les  Annalen  fur  météoro- 
logie (1824-44),  fondés  et  dirigés  par  lui.  L.  S. 

BiHï..  :  ScuAFH/EUTL,  J.  von^Lamout,  dans  les  Jœrg's 
hist.-polit.  Blaetiern,  1880,  p.  54.  —  Orff,  J.  von  Lamont, 
dans  le  CarVs  Repertorium^  1880,  p.  685.  —  Liste  de  ses 
mém.  dans  le  Gâtai,  of  scientif.  papers  de  la  Soc.  rov.  de 
Londres,  t.  III,  VIII  et  X. 

LA  MONTAGNE  (Pierre  de),  poète  français,  né  à Langon 
en  1755,  mort  vers  1825.  Auteur  de  nombreuses  poésies 
ou  comédies  en  vers.  Citons  :  les  Nouvellistes  (1 780,  in-8); 
la  Phijsicienne  (1781,  in-8);  la  Thédtromanie  (1783, 
in-3)  ;  r  Enthousiasme  (1785,  in-8),  comédies  ;  Arabella 


LA  MOiNTAGNE  —  LAMOTHE  ^  838 

et  Altamo7it  {il9\,  in-8),  tragédie;  Poésies  diverses 
(1789,  in-8)  ;  Laure  et  Pétrarque  (1822,  m-8)  et  plu- 
sieurs traductions  de  l'anglais, 

LAMONTÉLARI É.  Corn. du  dép.  duTarn,  arr. deCastres, 
cant.  d'Angles;  587  hab. 

LAMONTGIE.  Com.  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr. 
d'Issoire,  cant.  de  Jumeaux;  1,174  hab.  Fours  à  chaux. 
Intéressante  église  romane  au  hameau  de  Mailhat. 

LAMONTJÔIE.  Com.  du  dép.  du  Lot-et-Garonne,  arr. 
deNérac,  cant.  de  Francescas;  826  hab. 

LAMONZIE-MoNTASTRuc.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne, 
arr.  et  cant.  de  Bergerac;  694  hab. 

LAM  0  NZI  E-Saint-Martin.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne, 
ar.'.  de  Bergerac,  cant.  de  Sigoulès;  1,152  hab.  Stat.  du 
chem.  de  fer  d'Orléans,  ligne  de  Bordeaux  au  Buisson, 

LAMORICIÈRE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  d'Oran,  arr.de 
Tlemcen;  1,771  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  d'Oran  à  Ras- 
el-Ma.  Mines  de  phosphate  de  chaux. 

LAMORICIÈRE  (Christophe-Léon-Louis  Juchault  de), 
général  français,  né  à  Nantes  le  5  févr.  1806,  mort  à  Prouzel 
(Somme)  le  11  sept.  1865.  Lieutenant  du  génie  en  1828, 
il  alla  servir  en  Algérie  dès  1830,  s'y  fit  remarquer  par 
son  audace  et  son  intelligence  militaire  et  par  ses  talents 
administratifs,  organisa  notre  premier  bureau  arabe  et  notre 
premier  régiment  de  zouaves,  devint  après  de  nombreuses 
actions  d'éclat  maréchal  de  camp  (21  juin  1840)  et,  à 
partir  de  1841,  le  lieutenant  le  plus  actif  et  le  plus  heureux 
de  Bugeaud:  général  de  division  en  avr.  1843,  il  prit  avec 
le  duc  d'Aumale  la  smala  d'Abd-el-Kader  (16  mai  1843), 
battit  les  Marocains  à  Lalla-Maghnia  (10  mai  1844),  con- 
tribua puissamment  à  la  victoire  d'Isly  (14  août  1844),  fut 
quelque  temps  gouverneur  général  de  l'Algérie  par  intérim 
(18  45)  et  eut  enfin  (déc.  1847)  la  gloire  de  capturer  Abd- 
el-Kader.  Entre  temps,  il  était  venu  en  France  et  avait  été 
envoyé  par  les  électeurs  de  Saint-Calais  (10  oct.  1846)  à  la 
Chambre  des  députés,  où  il  avait  pris  place  dans  les  rangs  de 
la  gauche  dynastique.  H  était  à  Paris  quand  éclata  la  révolu- 
tion de  1 848.  Il  fit  de  vains  efforts  dans  la  journée  du  24  févr. 
pour  sauver  le  gouvernement  de  Juillet.  Représentant  de 
la  Sarthe  à  l'Assemblée  constituante  (avril),  il  commanda 
sous  Cavaignac  une  partie  des  troupes  qui  eurent  à  réprimer 
l'insurrection  de  Juin,  fut  ensuite  nommé  ministre  de  la 
guerre  par  ce  général,  cjui  était  devenu  chef  du  pouvoir  exé- 
cutif, se  retira  avec  lui  du  pouvoir  (20  déc.  1848),  com- 
battit la  politique  de  l'Elysée,  fit  partie  de  l'Assemblée 
législative  (13  mai  1849),  fut  chargé,  sous  le  ministère 
Odilon  Barrot,  d'une  mission  diplomatique  en  Russie,  d'où  il 
revint  vers  la  fin  de  1849,  prit  fréquemment  la  parole  en 
1850  et  1851  sur  les  questions  politiques,  militaires  et 
coloniales,  se  prononça  contre  la  revision  de  la  consti- 
tution (17  juil.  1851),  pour  la  proposition  des  questeurs 
(17  nov.),  fut  arrêté  dans  la  nuit  du  2  décembre,  expulsé 
de  France  peu  après  (9  janv.  1852)  et  ne  put  qu'en  1857 
rentrer  en  France.  11  avait  refusé  de  prêter  serment  à 
l'Empire.  Devenu  un  des  plus  fougueux  adversaires  de  la 
Révolution,  il  offrit  en  1860  ses  services  au  pape  qui  le 
mit  à  la  tête  de  son  armée,  mais  rentra  en  France  après 
la  défaite  de  Castelfidardo  (18  sept.)  et  la  reddition  d'An- 
cône  (28  sept.).  Depuis  lors  il  ne  sortit  plus  de  la  retraite. 
BiBL.  :  E.  Keller,  le  Générai  de  Lamoricière;  Paris, 
1873,  2  vol.  in-8. 

LAM  CRINIÈRE  (François),  paysagiste  belge,  né  à  An- 
vers en  1828.  Sa  manière  très  étudiée  et  très  finie  n'ex- 
clut pas  l'unité  de  l'ensemble,  et  sa  couleur  est  souvent 
d'une  très  grande  finesse.  Il  a  beaucoup  produit,  et  ses  ta- 
bleaux sont  appréciés  en  Amérique  autant  qu'en  Europe. 
Citons  parmi  ses  œuvres  les  plus  remarquables  :  la  Wart- 
burg,  le  Bois  de  Burnham,  à  M.  V.  Lynen;  HoiUen- 
craan,  au  roi  des  Belges;  le  Prinsenvyver^  au  musée 
d'Anvers;  la  Mare^  au  musée  de  Bruxelles;  les  Hêtres^ 
au  musée  de  Liège.  E.  Durand-Gréville. 

LAMORLAYE.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Sentis, 
cant.  de  Creil  ;  862  hab. 


L  AM  OR  LIER  E  (Adrien  de),  historien  français,  né  à  Mont- 
didier  vers  1 560,  mort  à  Amiens  le  1 9  oct.  1 639 .  Il  fut  cha- 
noine de  la  cathédrale  d'Amiens  depuis  1591  jusqu'à  sa 
mort.  Il  a  écrit  :  les  Antiguitez,  histoires  et  choses  plus 
remarquables  delà  ville  d'Amiens^  et  le  Recueil  de  plu- 
sieurs nobles  et  illustres  maisons  vivantes  et  esteintcs 
en  Vestendue  du  diocèse  d'Amiens,  etc.  Ces  deux  ou- 
vrages ont  eu  plusieurs  éditions,  dont  la  dernière  et  la  plus 
connue  est  de  Paris  (1642,  in-foL). 

BiBi..  :  Edmond  Soyez,  Adrien  de  La  Morlière,  historien 
d'Amiens,  dans  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires 
de  Picardie,  t.  XXXIl,  1894,  p.  451,  in-8. 

LA  WI ORLI  ÈRE  (Jacques  RocHETTE  de)  ,'homme  de  lettres 
et  aventurier  français,  né  à  Grenoble  le  22  avr.  1719,  mort 
à  Paris  le  8  févr.  1785.  Le  chevalier  de  La  Morlière,  comme 
on  l'appelle  plus  communément,  était  fils  de  Joseph  Ro- 
chette,  conseiller  à  la  chambre  des  comptes  du  Dauphiné, 
et  d'Anne  de  Biicher.  Sa  famille  le  destinait  au  barreau; 
mais  les  extravagances  et  les  déportements  auxquels  il  se 
livra  dès  son  jeune  âge  l'obligèrent  à  l'envoyer  à  Paris  et 
à  le  faire  entrer  dans  les  mousquetaires  du  roi.  Même  dans 
ce  milieu  peu  scrupuleux,  il  fit  scandale  et  on  l'en  chassa 
«  pour  des  choses  déshonorantes  »,  dit  le  Journal  de 
Collé.  Dès  lors  renié  par  sa  famille,  qui  lui  refuse  tout 
subside,  il  commence  une  vie  d'aventures,  se  lie  avec  des 
hommes  de  lettres  mal  famés,  Palissot,  le  chevalier  de 
Mouy,  et  roule  avec  eux  des  salles  d'armes  aux  coulisses 
et  des  coulisses  aux  tripots.  Il  publie  des  romans  licen- 
cieux dans  le  goût  de  Crébillon  le  fils  :  Angola,  histoire 
indienne,  qui  parut  en  1746,  eut  un  grand  succès  dans 
les  ruelles  et  les  boudoirs.  Encouragé,  il  publia  l'année 
suivante  les  Lauriers  ecclésiastiques  ou  Campagnes  de 
Vabbé  T.  (Terray),  ouvrage  obscène,  qui  lui  attira  les  ri- 
gueurs de  la  police.  Exilé  de  Paris,  il  se  réfugia  à  Rouen 
pendant  quelques  mois;  mais  il  ne  tarda  pas  à  reparaître, 
et  plus  effronté,  plus  querelleur  que  jamais,  une  grande 
épée  au  côté,  il  se  constitua  l'arbitre  du  théâtre.  Tous  les 
soirs  on  le  voyait  au  parterre,  commandant  à  une  bande  de 
jeunes  polissons,  groupés  autour  de  lui,  les  applaudisse- 
ments ou  les  sifflets.  Tout  auteur  dramatique  était  tenu  de 
compter  avec  lui  et  c'est  à  l'aide  du  produit  de  ces  tran- 
sactions qu'il  vivait. 

A  ce  jeu  il  était  devenu  odieux  à  tous  les  gens  de  lettres. 
Ils  se  vengèrent  en  sifflant  impitoyablement  le  Gouver- 
neur, comédie  en  prose  qu'il  donna  en  1751  au  Théâtre- 
Italien,  et  la  Créole  jouée  en  1754  au  Théâtre-Français  et 
que  les  acteurs  ne  purent  achever.  La  Morlière  riposta  par 
un  factum  contre  Fréron  intitulé  le  Contrepoison  des 
feuilles,  ou  lettres  sur  Fréron  (1754,  in-12).  En  1758, 
nouvel  échec  avec  l'Amant  déguisé.  La  muse  dramatique 
lui  étant  ingrate,  il  chercha  dans  les  intrigues  les  ressources 
qui  lui  manquaient.  Il  y  mit  si  peu  de  scrupules  qu'en  août 
1762  sa  famille  le  fit  entrer  à  Saint-Lazare.  Il  en  sortit  au 
bout  de  quatre  mois  et  reparut  dans  le  monde  «  avec  un 
front  d'airain  »,  dit  Bachaumont.  En  1769,  il  dédie  à  la 
Dubarry  deux  volumes  sur  le  Fatalisme  et  en  reçoit  une 
invitation  à  souper  en  tête  à  tête  et  une  bourse  de  cent  louis. 
Pendant  ses  dernières  années  il  descendit  plus  bas  dans 
l'ignominie  et,  méprisé  de  tous,  il  mourut  misérablement. 
On  trouvera  une  bibliographie  complète  des  œuvres  de  La 
Morlière  dans  Octave  Uzanne,  Contes  du  chevalier  de  La 
Morlière- Angola  (Paris,  1879,  in-8,  p.  LIV).    A.  Pr. 

BiBL.  :  Ch.  MoNSELET,  les  Aveux  d'un  -pamphlétaire  ; 
Paris,  1854,  in-12.  —  Rochas,  Biogr.  du  Dauphiné,  II,  p.  24. 

LAMORVILLE.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de 
Commercy,  cant.  de  VigneuUes;  264  hab. 

LAMOTHE.  Com.  du  dép.  des  Landes,  arr.  de  Saint- 
Sever,  cant.  (E.)  de  Tartas;  534  hab. 

LAMOTHE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Loire,  arr.  et 
cant.  de  Brioude  ;  900  hab. 

LAMOTHE-Capdeville.  Com.  du  dép.  du  Tarn-et- 
Garonne,  arr.  et  cant.  (E.)  de  Montauban,  sur  l'Aveyron  ; 
713  hab.  Ce  nom  moderne  désigne  l'ancienne  paroisse  de 
Cos,  prieuré-cure  à  la  collation  de  l'évêque  de  Cahors,  Ce 


-  839  — 


LAMOTHE 


lieu  de  Cos  {Cosa,  Cosdum)  est  inscrit  sur  la  carte  de  Peu- 
tinger  comme  station  de  la  voie  antique  de  Toulouse  à  Ca- 
hors  ;  on  trouve  encore  dans  le  pays  quantité  de  débris  de 
l'époque  romaine.  Le  château  de  Cossium  existait  encore 
au  moyen  âge.  A  Ardus,  église  du  xiv^  siècle,  reliquaire 
du  xu®,  provenant,  dit-on,  de  l'abbaye  de  Grandselve. 

BiBL.  :  Congrès  archéologique,  session  de  1865.  — Mou- 
LENQ,  Documents  historiques  sur  le  Tarn-et-Oaronne^ 
II,  182  et  suiv. 

LAMOTHE-GoÂS.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Lec- 
toure,  cant.  de  Fleura  nce  ;  140  hab. 

LAMOTHE-Lânderron.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde, 
arr,  et  cant.  de  La  Réole  ;  1 ,!  64  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  du 
Midi,  ligne  de  Bordeaux  à  Cette.  Grande  culture  de  tabac. 

LAMOTHE  (Pierre  Lambert  de),  missionnaire  fran{;ais, 
né  à  Bucherie  le  18  janv.  1624,  mort  à  Siam  le  15  juin 
1679.  Evêque  de  Bérythe  (1660),  il  eut  une  part  des  plus 
considérables  à  l'extension  de  l'influence  française  au  Siam 
oti  il  fonda  une  église,  un  séminaire,  un  hôpital.  11  étendit 
son  action  au  Tonkin,  à  la  Cochinchine,  au  Cambodge, 
avec  le  titre  de  gouverneur  général  de  ces  missions. 

LA  MOTHE  (Grostète,  sieur  de)  (V.  Grostéte). 

LA  IVIOTHE  (Le  Père),  historien  français,  né  en  1680, 
mort  vers  1740.  Jésuite,  il  fut  interdit  en  1718  pour  avoir 
prononcé  un  discours  contre  la  politique  du  gouvernement. 
11  passa  en  Hollande  où  il  écrivit  force  ouvrages  sous  le 
nom  de  La  Mode.  Citons  :  Vie  de  Philippe  \r Orléans 
(Londres  [La  lïaye],  1736,  2  vol.  in-12);  Histoire  des 
révolutions  de  France  (1738,  2  vol.  in4)  ;  Histoire  de 
Louis  XÎV  (1740  et  suiv.,  5  vol.  in-4).  Ce  dernier  ou- 
vrage fut  vivement  attaqué  par  Voltaire. 

LAMOTHE  (Léonce  de),  archéologue  et  économiste  fran- 
çais, né  à  Bordeaux  le  21  sept.  1811 .  Après  avoir  fait  ses 
études  de  droit,  Lamothe  devint  chef  de  bureau  à  la  préfec- 
ture de  la  Gironde,  inspecteur  des  établissements  de  bien- 
faisance, secrétaire  de  l'Académie  de  Bordeaux  et,  outre 
sa  collaboration  au  Journal  des  économistes,  aux  Actes 
de  l'Académie  et  à  la  presse  politique  locale,  publia  de 
nombreux  ouvrages  d'archéologie  et  d'économie  sociale, 
parmi  lesquels  il  faut  citer  :  Essai  historique  et  archéo- 
logique sur  la  cathédrale  Saint- André  de  Bordeaux 
(1842,  in-8);  Ctioix  des  types  les  plus  remarquables 
de  V architecture  du  moyen  dge  dans  le  dép.  de  la  Gi- 
ronde (1846,  in-8);  Moyens  d'améliorer  le  sort  de  la 
classe  ouvrière  (1849,  in-8);  les  Théâtres  de  Bordeaux 
(1852,  in-8,  etc.).  Charles  Lucas. 

LAMOTHE  (Pierre- Alexandre  Bessot  de),  archiviste  et 
romancier  français,  né  à  Périgueux  en  1823.  Sorti  de 
l'Ecole  des  chartes  en  4851,  M.  Bessot  de  Lamothe  fut 
chargé  de  plusieurs  missions  scientifiques  en  Europe,  en 
Asie  et  en  Afrique,  puis  fut  nommé  archiviste  de  la  ville 
de  Nîmes  et  édita,  en  cette  qualité,  les  Archives  du  dép. 
du  Gard  et  les  Archives  d'Uzès  et  de  Beaucaire.  Mais 
son  œuvre  comme  romancier  est  de  beaucoup  plus  consi- 
dérable et  comprend,  entre  autres  ouvrages,  parus  de  1858 
à  1870  :  Mémoires  d'un  déporté  à  la  Guyane,  la  Fée 
des  Sables^  les  Camisards,  les  Faucheurs  de  la  Mort, 
les  Martyrs,  les  Mystères  de  Machecoul,  V  Orpheline  de 
Jaumont,  l'Auberge  de  la  Mort,  les  Compagnons  du 
désespoir.  On  lui  doit  aussi  une  Histoire  populaire  de 
la  Prusse^  la  première  parue  dans  notre  langue  après  la 
guerre  franco-allemande,  en  1872.         Charles  Lucas. 

LA  MOTHE-Fénelon  (V.  Fénelon). 

LA  M OT H E-ÏÏOUDANCOURT  (Philippe, 'comte  de),  duc  de 
Cardona,  maréchal  de  France,  né  en  1605,  mort  le  24  mars 
1657.  Il  débuta  dans  l'armée  comme  cornette  des  chevau- 
légers  du  duc  de  Mayenne  et  servit  en  1622  dans  plusieurs 
sièges  contre  les  protestants.  De  1625  à  1632,  il  eut  une 
carrière  militaire  très  active  et  fut  blessé  à  l'attaque  du 
pont  de  Carignan.  11  fut  en  1632  gouverneur  de  Bellegarde 
et  bientôt  nommé  mestre  de  camp.  Ses  nouveaux  services 
lui  valurent  le  grade  de  maréchal  de  camp  en  1637.  Em- 
ployé à  l'armée  de  Bourgogne  sous  le  duc  de  Longueville, 


il  battit  un  corps  ennemi  à  Poligny.  Lieutenant  général  en 
1639,  il  passa  en  Piémont.  A  la  mort  du  cardinal  de  La 
Valette,  il  prit  le  commandement  de  l'armée  en  attendant 
l'arrivée  du  comte  d'Harcourt.  Sous  ce  chef,  La  Mothe 
s'empara  de  Quiers  et  secourut  plusieurs  fois  l'armée  du 
comte  d'Harcourt  ;  il  se  trouva  en  1640  à  la  bataille  de 
Casai  et  au  siège  de  Turin.  En  1641,  il  fut  promu  lieute- 
nant général  et  envoyé  à  Parmée  de  Catalogne  sous  les 
ordres  du  prince  de  Condé.  Il  défit  deux  fois  l'armée  espa- 
gnole et  entama  l'Aragon  par  la  prise  de  Tamarite  et  de 
Monzon.  Il  fut  récompensé  par  le  bâton  de  maréchal  de 
France.  A  ce  moment,  il  alla  au  secours  de  Lérida  que  les 
Espagnols  menaçaient,  et  contraignit  le  général  Lleganez  à 
abandonner  son  entreprise.  Ce  nouvel  exploit  lui  valut  le 
duché  de  Cardona  et  la  vice-royauté  de  Catalogne.  Mais 
bientôt  les  Espagnols  reprirent  l'offensive  ;  La  Mothe-Hou- 
dancourt  ne  put  faire  face  partout,  et  il  se  vit  enlever  les 
places  qu'il  avait  conquises,  Monzon,  puis  Lérida  notam- 
ment. Traité  en  coupable  par  Michel  Le  Tellier,  le  maré- 
chal de  La  Mothe  fut  destitué  et  emprisonné  ;  il  fut  tra- 
duit devant  le  parlement  de  Grenoble  et,  aucun  grief  Sérieux 
n'ayant  été  relevé  contre  lui,  il  fut  remis  en  liberté  en 
1648.  Pendant  la  Fronde,  il  se  rangea  parmi  les  mécon- 
tents. A  la  paix  de  Rueil,  il  se  réconcilia  avec  la  cour  et 
fut  renvoyé  en  Catalogne  où  il  recouvra  ses  dignités.  En 
1652,  il  força  les  fortifications  élevées  devant  Barcelone 
et  se  jeta  dans  cette  place  où  il  se  défendit  pendant  plu- 
sieurs mois.  Malgré  son  énergie,  il  dut  se  rendre  le  15  oçt., 
et  la  Catalogne  fut  perdue  pour  la  France  à  l'exception  de 
Roses.  En  1653,  La  Mothe  essuya  un  échec  devant  Girone, 
qu'il  ne  put  reprendre,  mais  il  secourut  Roses  et  défit  les 
Espagnols  qui  menaçaient  cette  place.  G.  R. 

BiBL.  '.  PiNARii,  Chronologie  historique  militaire,  1700, 
t.  II,  }).  529.  —  Dk  Quincy,  Histoire  militaire  du  règne  de 
Louis  le  Grand,  1726,  8  vol.  in-4.  —  De  Courgelles,  Dic- 
tionnaire des  généraux  français,  1823,  t.  Vlli,  p.  108.  — 
Le  cardinal  dk  Retz,  Mémoires. 

LAIVIOTHE-Langon  (Etienne-Léon,  baron  de),  littéra- 
teur français,  né  à  Montpellier  le  l®""  avr.  1786,  mort  à 
Paris  en  1864.  Il  eut  une  vie  assez  agitée,  fit  partie  du 
conseil  d'Etat  en  1809,  fut  préfet  de  Toulouse  en  1811, 
sous-préfet  de  Livourne  en  1813  et  préfet  de  l'Aude  pen- 
dant les  Cent-Jours.  Il  a  énormément  écrit.  Citons  :  Lé- 
gendes, ballades  et  fabliaux  (1829,  2  vol.  in-12)  ;  Clé- 
mence  Isaure  et  les  Troubadours  (1808,  3  vol.  in-12); 
la  Province  à  Paris  (1825,  4  vol.  in-12)  ;  la  Vampire 
ou  la  Vierge  de  Hongrie  (1828,  3  vol.  in-12)  ;  le  Ven- 
tru (1829,  4  vol.  in-12),  roman  de  mœurs  ;  le  Diable 
(1832,  5  vol.  in-12)  ;  le  Gamin  de  Paris  (1833,  5  vol. 
in-12)  ;  Trois  Mois  de  l'histoire  de  Paris  (1831,  in-8)  ; 
Napoléon  (1838,  in-8);  Monsieur  le  Préfet  (1824, 
4  vol.  in-12),  roman  qui  obtint  un  très  grand  succès;  des 
pièces  de  théâtre  comme  Isabelle  de  Bavière,  tragédie  en 
cinq  actes,  jouée  au  Théâtre-Français  enl829  ;  le  Ducd'En- 
ghien,  drame  en  dix  tableaux,  etc.  Mais  Lamothe-Langon 
a  surtout  conquis  la  célébrité  en  créant  de  toutes  pièces 
ou  en  arrangeant  des  mémoires  historiques  donnés  comme 
authentiques,  entre  autres  :  Mémoires  de  la  comtesse  du 
Barry  (1829-30,  6  vol.  in-8);  Mémoires  d'un  émigré 
(183Ô,  2  vol.  in-8);  Mémoires  et  Souvenirs  d'un  pair 
de  France  (Fabre  de  l'Aude)  (1829-30,  4  vol.  in-8)  ;  Mé- 
moires et  Souvenirs  d'une  femme  de  qualité  (1830-31 , 
12  vol.  in-8);  Mémoires  historiques  et  anecdotiques 
du  duc  de  Richelieu  (1829,  4  vol.  in-8)  ;  Mémoires  de 
la  vicomtesse  de  Fars  (1830,  3  vol.  in-8);  Mémoires 
de  Louis  XVIll  (1832-33,  12  vol.  in-8);  Mé7noires  de 
Napoléon  Bonaparte  (1834,  4  vol.  in-8);  Mémoires  de 
M^^^  Quinault,  aînée  (1836,  2  vol.  in-8);  Mémoires 
de  Sophie  Arnoult  (1837,  2  vol.  in-8)  ;  Mémoires  de  la 
comtesse  de  Valois  de  Lamothe  (1846,  2  vol.  in-8). 

LA  MOTHE  Le  Vayer  (François  de),  écrivain  français, 
né  à  Paris  en  1588,  mort  à  Paris  en  1672.11  appartenait 
à  une  famille  parlementaire  qui  le  destina  d'abord  aux 
affaires  ;  mais,  vers  l'âge  de  trente  ans,  il  abandonna  cette 


LAMOTHE  -  LA  MOTTE 


840  — 


carrière  pour  se  consacrer  entièrement  aux  belles-lettres. 
Il  fut  toute  sa  vie  un  amateur  bien  plutôt  qu'un  écrivain 
de  profession.  En  4640,  un  essai  sur  r Instruction  du 
Dauphin  lui  valut  l'accès  de  l'Académie  française,  et  Ri- 
chelieu le  désigna  pour  diriger  les  études  du  jeune 
Louis  XIV.  Il  conquit,  dans  l'exercice  de  ces  fonctions,  les 
bonnes  grâces  de  Mazarin  et  d'Anne  d'Autriche  ;  mais  il 
ne  chercha  jamais  à  sortir  de  la  studieuse  retraite  qu'il 
avait  su  se  créer  au  miheu  de  la  cour.  Sceptique,  il  sut, 
au  milieu  d'une  société  croyante  et  peu  tolérante,  n'éveiller 
aucune  susceptibilité  trop  vive  et  déjoua  sans  grande  lutte 
l'accusation  d'athéisme  qui  fut  lancée  contre  lui.  Il  avait 
écrit  un  grand  nombre  d'opuscules  philosophiques  et  mo- 
raux. Une  première  édition  complète  en  a  paru  à  Paris 
(1669,  45  vol.,  pet.  in-42).  La  plus  récente  et  la  meil- 
leure est  celle  de  Dresde (4766, 15  vol.in-8).Nous  citerons 
les  plus  connus  de  ces  opuscules  :  la  Contrariété  cVhu- 
meur  entre  la  nation  française  et  l'espagnole  (1636); 
l'Hexameron  rustique  (Amsterdam,  4674);  Quatre  Dia- 
logues faits  à  V imitation  des  anciens  (2  vol.  en  I , 
in-4).  Cet  ouvrage,  dans  lequel  Fauteur  se  dissimule  sous 
le  pseudonyme  d'Orasius  Tubero,  porte  l'indication,  inten- 
tionnellement fausse,  Francfort,  4606;  il  a  été  réimprimé 
à  Trévoux  (4756,  2  vol.  in--42),  également  avec  l'indica- 
tion fausse  de  Francfort  ;  les  Trente  et  un  Problèmes 
sceptiques^  etc.  La  Mothe  Le  Vayer  représente  la  tradition 
sceptique  en  France  au  xvu*^  siècle  et  forme  la  tradition 
entre  Montaigne  et  Bayle.  Comme  Montaigne,  il  tirait  parti 
en  faveur  de  son  doute  de  ses  vastes  connaissances  histo- 
riques, géographiques  et  littéraires.  Sa  dialectique  propre- 
ment dite  est  sans  originalité  ;  il  se  contente  de  reproduire 
celle  de  Sextus  Empiricus  pour  lequel  il  avait  une  grande 
admiration.  Son  pyrrhonisme  n'a  du  reste  rien  d'amer  ni  de 
sarcastique;  il  le  déguisait  sous  une  ironie  enjouée,  protes- 
tant d'ailleurs  que  sa  «  sceptique  »  servait  la  cause  de  la 
religion.  En  fait,  la  fin  toute  pratique  de  sa  philosophie  était 
d'arriver  au  bonheur  par  l'indifférence.  Th.  Ruyssen. 
BiBL.:  Etienne,  Essai  sur  La  Mothe  le  Vayer;  Paris,  1849. 

LANIOTTE-Brebière.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr. 
d*Amiens,  cant.  de  Corbie  ;  440  hab. 

LAMOTTE-en-Santerre.  Com.  du  dép.  de  la  Somme, 
arr.  d'Amiens,  cant.  de  Corbie  ;  59^  hab. 

LAMOTTE-les-Bains  (V.  Motte-Sainï-Martin  [La]). 

Eaux  MINÉRALES.  —  Ces  eaux  «  hyperthermales,  chloru- 
rées sodiques  et  sulfatées  calciques  moyennes,  carboniques 
faibles»,  sont  diaphorétiques  ou  diurétique  selon  la  dose  et 
la  température,  ou  même  purgatives  ;  elles  ont  également 
une  action  tonique  et  reconstituante.  En  bains  et  en  douches 
de  vapeur,  elles  s'emploient  avec  succès  dans  le  rhumatisme, 
les  paralysies  rhumatiques,  les  suites  des  grands  trauma- 
tisâmes. En  boisson  et  en  bains,  elles  sont  utiles  dans  toutes  les 
Ml.  nitestations  de  la  scrofule,  dans  le  rachitisme,  et  même 
dans  les  maladies  de  l'estomac,  du  foie  et  des  reins.  D^^L.  Hn. 

LAMOTTE  (Jeanne-Marie  Bouvier  de)  (V.  Guyon  [M"^^]). 

LAMOTTE  (Les  de).  Famille  d'architectes  français  des 
XVII®  et  xvm®  siècles.  Le  plus  anciennement  connu,  Co- 
quard  de  Lamotte,  fut  architecte  du  roi  Louis  XIV,  con- 
seiller d'Etat,  intendant  et  ordonnateur  des  bâtiments; 
il  fut  admis  en  4678  à  l'Académie  royale  d'architecture 
où  il  collabora,  avec  ses  confrères,  aux  travaux  de  la  com- 
mission instituée  par  Colbert  pour  l'étude  de  la  nature  et  de  la 
provenance  des  pierres  employées  dans  les  édifices  de  Paris  et 
des  villes  du  bassin  de  la  Seine.  —  Robert-Philippe^  proba- 
blement fils  du  précédent,  lui  succéda  dans  sa  charge  d'in- 
tendant et  ordonnateur  des  bâtiments,  jardins,  arts  et  manu- 
factures du  roi,  charge  qu'il  vendit  en  4740  à  Michel  Hazon. 
—  Un  autre  Lamotte,  qui  paraît  devoir  être  rattaché  à 
cette  famille,  habitait  en  4777  à  Saint-Pétersbourg,  oti  il 
était  architecte  de  l'empereur  de  Russie  et  correspondant 
de  l'Académie  royale  d'architecture.        Charles  Lucas. 

LA  MOTTE  (Antoine  Houdar  de),  littérateur  français, 
né  à  Pans  le  1 8  janv.  4672,  mort  à  Paris  le  26  déc.  1734. 
Fils  d'un  chapelier,  il  fit  de  bonnes  études  chez  les  jésuites 


et  débuta  dans  la  littérature  dramatique  par  une  comédie, 
les  Originaux,  qui  éprouva  un  échec  éclatant  au  Théâtre- 
Italien  (1693).  La  Motte  désespéré  se  retira,  dit-on,  à  la 
Trappe,  mais  il  en  sortit  bientôt  pour  donner  à  l'Opéra 
r  Europe  galante  (4697),  musique  de  Campra.  Cette  pièce 
réussit  et  Houdar  écrivit  un  grand  nombre  d'opéras,  d'opéras- 
comiques  et  de  ballets  parmi  lesquels  il  suffit  de  mention- 
ner :  Issé  (1697),  Amadis  (4699),  le  Triomphe  des  arts 
(1700),  Sémélé  (4709).  Les  tragédies  qu'il  composa  ensuite 
ne  firent  qu'accroître  sa  réputation  :  il  y  manifesta  quelques 
velléités  de  réformes  et  s'attaqua  notamment  à  la  fameuse 
règle  des  trois  unités.  Citons  :  les  Macchabées  (1 722,  in-8)  ; 
Romulus  (1722,  in-8);  hiès  de  Castro  (1723,  in-8); 
OEdipe  (4730).  Inès  surtout  obtint  un  succès  considérable 
au  Théâtre-Français.  On  compara  l'auteur  à  Corneille. 
La  Motte  avait  pris  parti  dans  la  querelle  des  anciens  et  des 
modernes  en  publiant  une  traduction  de  VIliade  en  vers 
français  avec  un  discours  sur  Homère  (1744,  in-4 2), 
où  il  se  déclara  en  faveur  des  modernes.  Cette  piteuse  tra- 
duction lui  attira  une  polémique  retentissante  avec  Rous- 
seau qui  lui  en  voulait  fort  d'ailleurs  qu'on  l'eût  élu  à  sa 
place  membre  de  l'Académie  française  le  8  févr.  4740.  La 
Motte,  qui  était,  dit-on,  devenu  aveugle  vers  sa  quarantiènjc 
année,  termina  doucement  son  existence,  amoureux  sur  le 
tard  de  la  duchesse  du  Maine  avec  laquelle  il  échangea  une 
correspondance  galante  (1726),  fréquentant  assidûment 
le  salon  de  M"^^  de  Lambert  et  se  réjouissant  de  l'amitié 
de  Fontenelle.  Il  a  laissé  encore  des  Fables  (1749,  in4) 
qui  sont  une  œuvre  de  valeur,  des  Réflexions  sur  la  cri- 
tique (1715,  in-12);  des  Odes  (1709,  in-12),etc.  On  a 
formé  plusieurs  recueils  de  ses  œuvres,  entre  autres  : 
OEuvres  {^AYÏs,  1754,  14  vol.  in-12);  OEuvres choisies 
(1814,  2  vol.  in-12);  OEuvres  de  théâtre  {iTSO,  2  vol. 
in-8)  et  publié  ses  Lettres  (175^i,  in-12).  R.  S. 

Bip>L.  :  Hérissa:, T,  Esprit  des  poésies  de  H.  de  La- 
moite,  1767,  in-12.  —  Trublet,  Eloge  de  A.  de  La  Motte; 
s.  d.,  in-8.  —  Sautreau,  Précis  sur  H.  de  Lamotte,  1785, 
in-8.  —  Jal,  Dictionnaire  critique^  1872,  gel.  in-8. 

LAMOTTE  (Marie-Hélène  Desmottes,  dite),  actrice  fran- 
çaise, née  à  Colmar  en  4704,  morte  le  30  nov.  4769. 
Issue  d'une  très  bonne  famille,  elle  fut  élevée  au  couvent 
des  ursulines  de  Metz,  d'où  elle  se  fit  enlever.  Elle  entre- 
prit la  carrière  théâtrale  et  débuta  à  la  Comédie-Française, 
le  4^'"  ou  le  2  oct.  1722,  dans  le  rôle  de  Cléopâtre  de 
Rodogune,  joua  ensuite  le  Comie  d'Essex  et  Héraclius, 
et  fut  reçue  le  31  nov.  Cependant  elle  abandonna  bientôt 
le  genre  tragique  pour  le  comique.  Malgré  sa  jeunesse,  elle 
ne  tarda  pas  à  adopter  l'emploi  des  «  caractères  »  qu'elle 
tint  en  chef  et  dans  lequel  elle  se  distingua  pendant  de 
longues  années.  W^^  Lamotte,  qui  était  liée  d'une  étroite 
intimité  avec  Adrienne  Lecouvreur,  prit  sa  retraite  en  4  759. 

LA  MOTTE  (Jeanne  de  Valois-Saint-Remy,  comtesse 
de),  née  à  Fontette  en  Languedoc  le  22  juil.  4756,  morte 
à  Londres  le  23  août  4794.  Elle  descendait  par  son  père 
de  Henri  de  Saint-Remy,  dit  de  Valois,  fils  naturel  de 
Henri  II  et  de  Nicole  de  Savigny.  L'inconduite  avait  ruiné 
sa  famille.  Elle  s'évada  de  l'abbaye  de  Longchamp  où  on 
l'avait  placée.  A  Bar-sur-Aube,  elle  épousa  un  gentilhomme 
champenois,  Marc-Antoine-Nicolas'de  La  Motte,  gendarme 
du  roi  ;  puis  tous  deux  vinrent  à  Paris  courir  les  aventures 
et  faire  des  dupes.  L'intimité  du  cardinal  de  Rohan  et  l'af- 
faire du  Collier  (V.  ce  mot)  la  tirèrent  de  l'obscurité.  Le 
31  mai4786,  elle  fut  condamnée  au  fouet,  à  la  marque  et  à  la 
détention  perpétuelle.  Elle  s'évada  le  5  juin  4787  de  la  Sal- 
pêtrière,  rejoignit*  à  Londres,  son  mari,  qui  avait  été  con- 
damné par  contumace  aux  galères  à  perpétuité,  et  publia 
des  Mémoires  justificatifs  (Londres,  1788-89,  in-8),  puis 
sa  Vie  (an  1,  2  vol.  in-8),  dont  une  première  édition  avait 
été  acquise  et  détruite  par  la  police.  Son  mari  et  elle  furent 
longtemps  pourchassés  par  les  agents  de  la  pohce  fran- 
çaise. On  la  trouva  mourante  dans  la  rue,  s'étant  ou  ayant 
été  jetée  par  la  fenêtre,  du  troisième  étage.  Après  sa  mort, 
son  mari  La  Motte  revint  en  France,  où  il  mourut  à  l'hô- 
pital de  la  Pitié  en  nov.  1834.  H.  Monin. 


—  841 


LA  MOTTE  —  LAMOUREUX 


BiBL.  :  Outre  les  écrits  de  la  comtesse  de  La  Motte  in- 
diqués ci-dessus,  V.  Collier  (Allaire  du)  et  Mémoires  du 
comte  de  La  Motte^  publiés  d'après  le  manuscrit  original 
par  L.  Lacour;  Paris,  1858,  in-12. 

LA  MOTTE  (Alphonse),  graveur  français  contemporain, 
né  au  Havre  en  1844.  Elève  de  J.  Outhwaite  et  de  Henri- 
quel-Dupont,  il  débuta  aux  Salons  de  4869  et  de  1870 
avec  les  portraits  de  M.  de  Lesseps  et  du  Bey  de  Tunis, 
et  montra,  dans  les  œuvres  qu'il  produisit  ensuite,  copies 
de  maîtres  anciens  et  modernes,  portraits  originaux  ou 
reproductions  de  sculptures,  une  vigueur  et  une  colora- 
tion remarquables.  Parmi  ses  principales  oeuvres,  citons  : 
le  Précurseur,  d'après  Perrault  (S.  d877);  l  Assomp- 
tion, d'après  Murillo  (1880)  ;  la  Source,  d'après  Munier 
(1883).  On  peut  citer  comme  ses  plus  belles  pièces  : 
la  Séance  du  20  juin  i789  aux  Etats  généraux, 
d'après  le  bas-relief  de  Dalou  (Exp.  univ.  1889);  les 
Bergers  d'Arcadie ,  d'après  Poussin ,  commande  de 
l'Etat,  et  l'Amateur  d'estampes,  d'après  Meissonier. 
Parmi  ses  portraits,  on  remarque  celui  de  M^*^^  Coralie 
Cahen,  chevalière  de  la  Légion  d'honneur  {iSSo).  Son 
œuvre  la  plus  récente,  la  Vérité,  d'après  J.  Lefebvre  (1 894), 
est  au  musée  du  Luxembourg.  M.  A.  Lamotte  a  encore 
gravé  rOEuvre  de  Gatteaux,  Ad.  Thiers. 

LA  MOTTE-Ango  (V.  Flers). 
LA  MOTTE  DE  La  Pérouse  (Gabriel de)  (V.  La  Pérouse). 
LA  MOTTE-FouQuÉ  (V.  Motte-Fouqué  [Baron  de  La]). 
LAMOTTE-Messemé  (François  Le  Poulchre,  sieur  de), 
poète  français,  né  à  Mont-de-Marsan  vers  1 540,  mort  en 
1597.  CEuvres  principales  :  les  Sept  Livres  des  Honnestes 
Loisirs  (Paris,  1587,  in-12)  ;  les  Passetemps  (1597,  in-8). 
LAMOTTE-Piqueï  (Toussaint-Guillaume,  comte  Picquet 
de  La  Motte,  connu  sous  le  nom  de),  marin  français,  né 
à  Rennes  en  1720,  mort  en  1791.  11  entra  dans  la  marine 
royale  dès  l'âge  de  quinze  ans  et  fit  vingt-huit  campagnes, 
de  1737  à  1783.  Il  se  distingua  particulièrement  lors  de 
la  guerre  d'Amérique.  Il  se  signala  à  la  bataille  d'Oues- 
sant  le  27  juil.  1788  ;  il  était  alors  le  conseil  du  jeune 
duc  de  Chartres  qui  commandait  l'une  des  escadres.  En 
1779,  au  combat  de  Fort-Royal,  il  eut  à  soutenir  avec 
trois  vaisseaux  le  feu  de  toute  une  flotte  anglaise  ;  il  fut 
alors  nommé  chef  d'escadre.  Il  captura  en  1781  vingt-six 
vaisseaux  de  l'escadre  de  l'amiral  Rodney,  et  fut  nommé 
lieutenant  général  des  armées  navales. 

LÀ  MOTTEROUGE  (Joseph-Edouard  de),  général  fran- 
çais, né  à  Pléneuf  (Côtes-du-Nord)  le  3  févr.  1804,  mort 
à  La  Motte  (Côtes-du-Nord)  le  29  janv.  1883.  Ancien  élève 
de  Saint-Cyr  (1819-1821),  il  fit  les  campagnes  d'Espagne 
(1823)  et  de  Belgique  (1832),  parvint  au  grade  de  colonel 
en  1848,  à  celui  de  général  de  brigade  en  1852,  conquit 
en  Crimée  celui  de  général  de  division  (22  juin  1855)  et 
prit  part  à  la  guerre  d'Italie  en  1859.  Admis  en  1869  dans 
le  cadre  de  réserve,  il  fut  la  même  année,  avec  l'appui  du 
gouvernement,  envoyé  au  Corps  législatif  par  la  première 
circonscription  des  Côtes-du-Nord.  Rappelé  à  l'activité  pen- 
dant la  guerre  de  1870,  il  fut  chargé  du  commandement  du 
15^  corps  d'armée  (5  oct.),  mais  le  perdit  peu  de  jours 
après  pour  s'être  laissé  battre  à  Artenay  et  avoir  évacué 
Orléans  (V.  Franco-allemande  [Guerre]).  Il  siégea  plus 
tard  parmi  les  juges  du  maréchal  Bazaine  (1873). 

LA  MOTTRAYE  (Aubry  de),  voyageur  français,  né  vers 
1674,  mort  à  Paris  en  1743.  Réfugié  en  Angleterre  pour 
échapper  aux  persécutions  dirigées  contre  les  protestants, 
il  passa  une  vingtaine  d'années  à  voyager  dans  les  pays  du 
Nord,  en  Tartarie,  en  Turquie.  Citons  de  lui  :  Voyage  en 
Europe,  Asie  et  Afrique  (La  Haye,  1727,  2  vol.  in-lbl.), 
trad.  en  anglais  et  en  allemand  ;  Voyage  en  diverses  pro- 
vinces de  la  Prusse,  de  la  Russie,  de  la  Pologne  (il M, 
in-fol.)  avec  dessins  de  Hogarth  (trad.  en  anglais  la  même 
année). 

LAMOU.  Petite  île  de  la  côte  E.  d'Afrique,  le  long  de 
la  côte  de  Souahéli  ou  Zanzibar,  par  2<»  16  lat.  S.,  au  S. de 
l'île  Patta  et  au  N.  de  l'embouchure  de  la  Tana.  Le  port 
a  8,000  hab.,  bien  que  très  déchu  de  son  ancienne  impor- 


tance ;  ce  fut  la  principale  escale  entre  Zanzibar  et  l'Ara- 
bie. Les  vapeurs  qui  font  le  service  entre  Aden  et  Zanzibar 
y  relâchent.  Un  fort  dépendant  du  sultan  est  occupé  par 
une  petite  garnison.  On  y  travaille  l'ivoire  et  l'acier. 

LAMOUILLY.  Corn,  dudép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Mont- 
médy,  cant.  de  Stenay  ;  235  hab. 

LÂMOURA.  Corn,  du  dép.  du  Jura,  arr.  etcant.de 
Saint-Claude  ;  886  hab, 

LAMOU RETTE  (Antoine-Adrien),  homme  politique  et 
prélat  français,  né  à  Frévent  (Pas-de-Calais)  en  1742, 
décapité  à  Paris  le  11  janv.  1794.  Membre  de  la  congré- 
gation des  lazaristes,  supérieur  du  séminaire  de  Toul,  di- 
recteur à  Saint-Lazare  et  grand  vicaire  à  Arras,  il  embrassa 
les  idées  nouvelles,  se  lia  avec  Mirabeau,  dont  il  fut  le 
collaborateur,  et  se  créa  une  popularité  par  ses  prônes 
civiques.  Il  prêta  serment  à  la  constitution  civile  du  clergé. 
Elu  en  févr.  1791  évêque  constitutionnel  de  Rhône-et- 
Loire,  sacré  le  27  mars,  il  devint  le  31  aoiît  1791  député 
de  ce  département  à  l'Assemblée  législative,  où  il  prit  place 
parmi  les  modérés.  Le  21  nov.  il  s'opposa  à  ce  qu'on 
changeât  le  litre  de  Constitution  civile  du  clergé,  et,  le 
24,  à  ce  qu'on  accordât  des  temples  aux  schismatiques . 
Mais  ce  qui  a  rendu  son  nom  célèbre,  c'est  la  motion  de 
concorde  et  de  fraternité  qu'il  proposa  et  fit  adopter  dans 
la  séance  du  7  juil.  1792  et  qui  est  connue  dans  l'histoire 
sous  le  nom  de  baiser  Lamouretle  (V.  Baiser).  Revenu  à 
Lyon  après  la  session,  il  s'y  trouvait  pendant  le  siège  et 
tomba  le  29  sept.  1793  aux  mains  des  républicains.  Amené 
à  Paris,  enfermé  à  la  Conciergerie  (28  oct.),  traduit  devant 
le  tribunal  révolutionnaire,  il  fut  condamné  à  mort  et  exé- 
cuté. Le  7  janv.  1794,  il  avait  rétracté  son  serment  consti- 
tutionnel. Etienne  Charavay. 

LAMOUREUX  (Abraham-César),  sculpteur  français,  né 
à  Lyon  en  1664,  mort  après  1690.  Un  des  meilleurs  élèves 
de  Nicolas  Coustou,  il  exécuta  plusieurs  sujets  religieux 
pour  les  églises  de  sa  ville  natale  :  le  Christ  au  milieu 
des  docteurs,  la  Mort  de  la  Vierge,  r Annonciation. 
On  lui  doit  aussi  le  modèle  de  la  statue  équestre  colossale 
de  Christiaii  V  à  Copenhague,  mais  sa  carrière  fut,  de 
bonne  heure,  tragiquement  brisée.  Il  se  noya  dans  la  Saône 
en  cherchant  à  la  traverser  à  la  nage.  G.  A. 

LAMOUREUX  (Charles),  violoniste  et  chef  d'orchestre 
français,  né  à  Bordeaux  en  1834.  Entré  au  Conservatoire  en 
1850,  il  en  sortit  avec  le  premier  prix  de  violon  en  1853  ; 
il  resta  plusieurs  années  comme  violoniste  à  l'Opéra  et  ter- 
mina ses  études  sous  la  direction  de  Tolbecque,  Leborne  et 
Chauvet,  et  fonda  une  société  de  musique  de  chambre  avec 
MM.  Colonne,  Adam  et  Rignault.  Devenu  second  chef  d'or- 
chestre du  Conservatoire,  il  eut  l'idée  de  faire  entendre  au 
public  français  les  grandes  compositions  instrumentales  et 
chorales  de  Bach  et  de  Hsendel  et  fonda,  en  1873,  la  Société 
de  l'Harmonie  sacrée  qui  débuta  par  une  magnifique  au- 
dition du  Messie  de  Hœndel,  le  19  déc.  1873  ;  de  ce  jour, 
M.  Lamoureux  popularisait  en  France  un  art  splendide  et 
presque  inconnu,  et  se  plaçait  au  premier  rang  des  chefs 
d'orchestre;  après  le  Messie,  on  entendit  la  Passion  de 
Bach,  puis  Judas  Macchabée  de  Haendel,  puis  Gallia  de 
Gounod  et  Eve  de  Massenet.  La  réputation  de  Charles  La- 
moureux grandissait  chaque  année,  et  le  moment  venait  où 
il  devait  être  appelé  à  conduire  un  des  grands  orchestres 
parisiens.  Il  fut  d'abord  nommé  à  î'Opéra-Comique,  puis, 
en  1877,  à  l'Opéra.  Décoré  en  1878,  il  quitta  l'Opéra  en 
1879  où  il  fut  remplacé  par  M.  Altès.  M.  Lamoureux  avait 
besoin  de  toute  son  indépendance  pour  exécuter  les  plans 
qu'il  avait  conçus.  Wagnérien  convaincu  et  intelligent,  il 
voulait  faire  connaître  ce  musicien  de  génie  au  public  pari- 
sien. De  plus,  pensant  non  sans  raison  que  le  Conserva- 
toire ne  donnait  pas  assez  de  place  à  la  musique  nouvelle  et 
à  certaines  grandes  œuvres  anciennes,  voyant  que  Pasde- 
loup,  le  créateur  des  concerts  populaires,  avait  vieilli,  il 
crut  pouvoir  établir  non  une  concurrence  aux  concerts  de 
l'Association  artistique  dirigée  par  M.  Colonne  et  établie 
depuis  1871,  mais  quelque  chose  comme  une  institution 


LAMOUREUX  —  LAMPADODROMIE 


—  842 


nouvelle  plus  avancée  et  plus  progressiste.  Après  avoir  fait 
à  Londres  une  tentative  des  plus  heureuses,  M.  Lamou- 
reux  fonda  à  Paris,  au  théâtre  du  Château-d'Eau,  puis  à 
l'Eden,  puis  au  Cirque  d'Eté  des  Champs-Elysées,  de 
grandes  auditions  auxquelles  il  donna  le  titre  de  ÎS^ouveaux 
Concerts  que  le  public  s'est  habitué  à  intituler  depuis  con- 
certs Lamoureux  et  dont  le  premier  eut  lieu  en  oct.  4881. 
Ces  concerts  renouvelèrent  le  goût  musical  déjà  éveillé  en 
France  par  Colonne  et  Pasdeloup  ;  leur  programme  tout  mo- 
derne comprenait  non  seulement  des  fragments  d'œuvres 
de  Wagner,  mais  aussi  nombre  de  compositions  de  musi- 
ciens modernes  français  et  étrangers.  Artiste  convaincu, 
instruit,  d'une  volonté  de  fer,  M.  î^amoureux  est  un  chef 
d'orchestre  magnifique  de  chaleur,  de  régularité  et  de  puis- 
sance, tenant  dans  sa  main  son  orchestre  avec  une  maestria 
qu'aucun  de  ses  concurrents  ne  peut  égaler.  Peut-être 
pourrait-on  désirer  chez  lui  plus  de  délicatesse  et  de  grâce 
dans  les  nuances,  mais  il  a  la  conviction  et  le  dévouement 
et  sait  communiquer  à  son  orchestre  ces  deux  qualités  sans 
lesquelles  il  n'est  pas  d'exécution  vraiment  artistique. 
Parmi  les  services  rendus  à  la  musique  par  les  Nouveaux 
Concerts  et  leur  chef,  il  faut  citer  l'exécution  presque  par- 
faite de  la  9<^  symphonie  de  Beethoven  qui,  jusqu'à  M.  La- 
moureux, n'était  guère  connue  que  du  public  bien  restreint 
du  Conservatoire. 

Enfin,  M.  Lamoureux  a  donné  en  1887  une  preuve  écla- 
tante de  sa  hardiesse  et  de  sa  haute  intelligence  artistique 
et  de  son  dévouement  à  la  musique  moderne.  En  effet, 
ayant  loué  la  salle  de  FEden-Théâtre,  il  résolut  de  faire 
connaître  aux  Parisiens  une  œuvre  qui  était  applaudie  dans 
le  monde  entier  depuis  plus  de  trente  ans,  Lohengrin  de 
Richard  Wagner.  Une  ridicule  cabale  l'empêcha  de  donner 
suite  à  son  projet,  ou  du  moins  on  ne  put  entendre  à  cette 
époque  que  la  répétition  générale  et  la  première  de  cet  admi- 
rable chef-d'œuvre  qui  depuis  a  été  joué  tant  de  fois  à  l'Opéra. 
M.  Lamoureux  n'a  pu  donner  que  ces  deux  auditions  de  Lo- 
hengrin^ mais  ceux  qui  aiment  vraiment  la  musique  lui 
ont  conservé  une  vive  reconnaissance  non  seulement  de  sa 
tentative  hardie,  qui  a  ouvert  la  voie  à  l'Opéra  dans 
l'exécution  des  œuvres  wagnériennes,  mais  aussi  de  la 
façon  véritablement  artistique  dont  la  partition  du  maître 
allemand  était  montée  et  interprétée.  H.  Lavoix. 

LAMOUROUX  (Jean -Vincent-Félix) ,  naturaliste  français, 
né  à  Agen  le  3  mai  1779,  mort  à  Caen  le  26  mai  iS'^o. 
Professeur  à  dix-sept  ans  à  l'Ecole  centrale  d'Agen,  il  vint 
à  Paris  en  4807  pour  y  étudier  la  médecine  et  fut  nommé 
en  4844  professeur  d'histoire  naturelle  à  l'Académie  de 
Caen.  Il  contribua  à  fonder  la  Société  linnéenne  et  le  musée 
de  Caen  et  devint  correspondant  de  l'Institut.  Ses  tra- 
vaux sont  très  connus  et  très  estimés  ;  à  part  sa  tentative 
de  classer  les  animaux  en  deux  grands  embranchements 
renfermant  l'un  les  animaux  symétriques  (Vertébrés 
actuels),  l'autre,  les  animaux  asymétriques  (tous  les  In- 
vertébrés actuels),  nous  mentionnerons  particulièrement 
ses  recherches  sur  les  plantes  marines  (Thalassophytes, 
qu'il  appela  plus  tard  Hydrophytes)  qui  le  placèrent  au 
premier  rang  de  nos  botanistes,  et  celle  sur  les  Polypiers 
qui  furent  l'occasion  pour  lui  de  bien  des  découvertes.  Ou- 
vrages principaux  :  Essai  sur  les  genres  de  la  famille  des 
Thalassophytes  non  artieulés  (Paris,  4  843,  in-4,  7  pL; 
inséré  aussi  dans  Ann,  du  Muséum,  4842,  t.  XX);  His- 
toire générale  des  Polypiers  coraligènes  flexibles  (Caen, 
4846,  in-4,  fig.);  Exposition  méthodique  des  genres  de 
V ordre  des  Polypiers  (Caen,  4846,  in-4,  7  pL),  etc.  La- 
mouroux  a  collaboré  à  V Encyclopédie  méthodique,  au 
Dictionnaire  classique  d'histoire  naturelle  et  à  un  grand 
nombre  de  recueils  périodiques,  etc.  D^  L.  Hn. 

LA  MOUSSAYE  (Louis-Toussaint,  marquis  de),  diplo- 
mate et  homme  politique  français,  né  à  Rennes  le  4o  nov. 
4778,  mort  à  Paris  le  29  mars  4834.  Emigré,  il  participa 
à  l'expédition  de  Quiberon  et  put  retourner  en  Angleterre 
où  il  servit  dans  l'artillerie.  Autorisé  à  rentrer  en  France 
50US  le  Consulat^  il  fît  la  campagne  de  Prusse  et  celle  de 


Pologne.  Puis  il  fut  employé  dans  Padministration  :  audi- 
teur au  conseil  d'Etat  (48Q9),  intendant  de  la  Haute- Au- 
triche, puis  du  cercle  de  Villach  (1869),  de  la  Carniole 
(1844).  Il  débuta  dans  la  diplomatie  par  l'emploi  de  con- 
sul général  à  Dantzig  (4812)  et,  après  avoir  occupé  un 
instant  la  préfecture  du  Léman  (1844),  il  devint  secrétaire 
d'ambassade  à  Saint-Pétersbourg  (4844),  ministre  pléni- 
potentiaire à  Stuttgart  (4847)  et  à  Munich  (4824),  am- 
bassadeur aux  Pays-Bas  (4827).  Il  fut  mêlé  à  toutes  les 
grandes  affaires  extérieures  de  l'époque  et  termina  assez 
malheureusement  sa  carrière  en  4830  en  s'opposant  à  la 
réunion  de  la  Belgique  à  la  France  que  voulaient  proclamer 
les  habitants  du  Brabant  soulevés  à  la  suite  de  la  fameuse 
représentation  de  la  Muette  de  Portici  (25  août).  Il  fut 
rappelé.  Entre  temps,  il  avait  été  député  des  Côtes-du- 
Nord  de  4820  à  4830  etil  fut  créé  pair  le  11  sept.  4835. 

LAiVIOUTES.  Peuplade  de  la  Sibérie  orientale  apparte- 
nant à  la  race  toungouze.  Leur  habitat  s'étend  depuis  les 
bords  de  la  rivière  Kolyma  (dans  le  gouvernement  d'Ia- 
koutsk) jusqu'au  littoral  de  l'océan  Pacifique,  entre  Okhotsk 
et  Ghiggighinsk.  Une  partie  de  cette  peuplade  nomadise 
dans  le  Kamtchatka.  Appelés  «  les  maritimes  »,  du  mot 
toungouz  «  lam  »  qui  veut  dire  «  mer  »,  les  Lamoutes 
s'adonnent  cependant  peu  à  la  pêche  et  passent  leur  vie  en 
nomades,  suivant  leurs  troupeaux  de  rennes.  Leur  nombre 
ne  dépasse  guère  3,000  individus.  J.  D. 

LAMPADAIRE  (Archit.).  Colonne,  console,  obélisque, 
petite  table,  trépied  et,  en  général,  tout  support  servant 
à  poser  une  lampe  ou  contre  lequel  on  applique  une  ou 
plusieurs  lampes.  Des  bronzes  anciens,  conservés  dans  les 
musées  d'Italie,  représentent  des  lampadaires  gréco-romains 
sous  la  forme  de  troncs  d'arbres  aux  branches  desquels 
étaient  suspendues  de  petites  lampes,  ou  sous  la  forme  de 
tables  et  de  trépieds  dont  les  pieds  pouvaient,  comme  ceux 
des  pupitres,  s'allonger  ou  se  raccourcira  volonté.  De  nos 
jours,  les  lampadaires  placés  sur  les  voies  publiques  ou 
aux  abords  des  monuments,  revêtent  souvent  une  forme 
architecturale  :  c'est  ainsi  qu'à  Paris,  place  de  la  Con- 
corde, des  colonnes  rostrales  de  fonte  bronzée  portent  des 
lampes  sur  chacun  de  leurs  rostres  et  qu'aux  abords  du 
nouvel  Opéra,  à  côté  de  deux  fort  jolis  modèles  de  statues 
de  femme  placées  sur  la  balustrade  d'enceinte  de  cet  édi- 
fice et  portant  une  lampe  sur  leur  tête,  on  voit,  aux  abords 
de  l'ancien  pavillon  impérial  (aujourd'hui  bâtiment  de  la 
bibliothèque-musée)  des  obéhsques  de  marbre  décorés  de 
bronze  et  portant,  à  chacune  des  arêtes  de  leur  socle,  un 
bras  horizontal  recevant  une  lampe.       Charles  Lucas. 

BiBL.  :  P.  Charot,  Dict.  de  la  Construction  ;  Paris, 
1881,  in-8,  2e  éd.,  t.  Ili,  fig. 

LAM  RADIUS  (Wilhelm-August),  chimiste  et  métallur- 
giste allemand,  né  à  Hehlen  (Brunswick)  le  8  août  4772, 
mort  à  Freiberg  (Saxe)  le  43  avr.  4  842.  D'abord  pharmacien 
à  Cœttuigue,  puis  professeur  à  l'académie  de  Freiberg,  il  s'oc- 
cupa surtout  de  métallurgie;  le  premier  il  obtint  le  sulfure 
de  carbone  à  l'état  liquide  et  lui  donna  le  nom  d'alcool 
sulfuré  ;  il  étudia  l'action  du  carbone  sur  les  alcalis  avant 
Davy,  reconnut  le  phénomène  de  réduction  sans  pouvoir 
isoler  les  métaux.  Lampadius  a  laissé  beaucoup  d'ouvrages 
sur  la  chimie  et  même  la  météorologie;  le  plus  important 
d'entre  eux  est  son  Manuel  de  V analyse  chimique  des 
minéraux  où  il  expose  une  méthode  d'ensemble  d'analyse 
quantitative  (1804).  On  peut  citer  encore  ses  écrits  sur  la 
Préparation  chimique  des  corps  simples  (4806);  ses 
Principes  d' électrochimie  (4807);  son  Manuel  de  mé- 
tallurgie ^n  ^i^  vol.  (4804-4840).  C.  M. 

LAMPADODROMIE.  Course  aux  flambeaux  pratiquée 
en  Grèce,  paticulièrement  à  Athènes,  Corinthe,  Byzance, 
Céos,  Téos,  llion,  Amphipolis,  Naples,  etc.,  par  des  nuits 
sans  lune  ;  c'était  une  cérémonie  des  Grandes  et  Petites 
Panathénées,  des  fêtes  d'IIéphaistos,  de  Prométhée,  d'Ar- 
témis  Bondis,  de  Bosparia,  etc.  A  Athènes,  le  parcours 
comprenait  le  Céramique  extérieur;  les  coureurs  allumaient 
leur  flambeau  sur  l'autel  de  Prométhée,  dans  l'Académie, 


et  le  portaient  à  rentrée  delà  ville.  Les  coureurs  étaient  des 
éphèbes  qui  s'étaient  exercés  dans  les  gymnases.  Quelque- 
fois ils  étaient  montés,  le  plus  souvent  à  pied  ;  tantôt  il 
s'agissait  pour  chacun  d'apporter  lui-même  son  flambeau 
jusqu'au  but  sans  l'éleindre;  tantôt  chacun,  après  avoir 
parcouru  une  partie  de  la  distance,  passait  le  flambeau 
allumé  à  un  autre  et  ainsi  de  suite.  Cette  transmission  pa- 
raît avoir  été  l'usage  le  plus  répandu  ;  il  a  donné  lieu  à  de 
célèbres  comparaisons  littéraires.  Divers  vases  peints  et 
autres  monuments  représentent  les  coureurs  à  pied,  à  che- 
val, en  course  ou  au  repos,  tenant  des  torches  ou  des  flam- 
beaux de  cire,  etc.  A. -M.  B. 
BiBL.  :  Jafn,  ap.  Persius  (VI,  Gl),  pp.  225-27. 

LAMPADOPHORIE  (Antiq.  gr.)  (V.  Lampâmdromïe). 

LAMPADORAMA  (Phys.).  C'est  un  appareil  destiné, 
comme  la  lanterne  magique,  à  projeter  sur  un  écran  des 
images  agrandies  d'objets  opaques  tels  que  gravures,  des- 
sins coloriés,  photographies  sur  papier,  etc.  Il  présente 
donc  cet  avantage  sur  la  lanterne  magique  de  se  prêter  à 
la  projection  de  dessins  tels  qu'on  les  trouve  dans  les  livres 
ou  tels  qu'on  peut  les  tracer  sur  le  papier,  au  lieu  d'exiger 
des  sujets  peints  ou  photographiés  sur  verre.  Mais  il  pré- 
sente cet  inconvénient  d'exiger  un  éclairage  beaucoup  plus 
intense,  et  par  suite  il  ne  permet  pas  d'obtenir  des  ai^ran- 
dissements  aussi  considérables,  la  clarté  devenant  absolu- 
ment insuffisante  dès  qu'on  dépasse  un  certain  grossisse- 
ment. En  outre,  l'éclairage  intense  qu'il  faut  employer 
échauffe  beaucoup  les  dessins  que  Ton  projette  et  peut  les 


—  843  -  LAMPÂDODROMIE  —  LAMPE 

LAMPAUL-GuiMiLiAu.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr. 
do  Morlaix,  cant.  de  Landivisiau  ;  2,510  hab.  Eglise  du 


altérer  si  on  les  laisse  trop  longtemps  dans  l'appareil.  La 
figure  ci-dessus  représente  le  plan  d'un  appareil  de  ce  genre  : 
L  et  IJ  sont  les  sections  des  lampes  qui  éclairent  le  dessin 
placé  en  D  ;  M  et  M^  sont  de  petits  réflecteurs  ;  F  et  F' 
sont  des  fentes  permettant  d'introduire  ou  de  retirer  le 
dessin  ;  0  est  une  lentille  convergente  ;  on  peut  n'employer 
qu'une  lentille,  mais  deux  lentilles  convenablement  combi- 
nées donnent  des  images  moins  déformées  et  non  irisées 
sur  les  bords.  Un  objectif  d'appareil  photographique 
constitue  un  système  optique  convenant  très  bien  à  un 
lampadorama.  E  est  l'écran  oii  vient  se  former  l'image. 
Comme  l'image  est  renversée  par  rapport  à  l'objet,  il 
suffit,  pour  l'avoir  dans  le  sens  convenable,  de  mettre 
le  dessin  à  reproduire  sens  dessus  dessous.  B  est  un  bou- 
ton servant  à  mouvoir  une  crémaillère  que  l'on  tourne 
jusqu'à  ce  que  l'image  du  dessin  1)  sur  l'écran  soit  bien 
nette.  A.  Joannis. 

LAMPANIA  (Paléont.)  (V.  Cérite). 

LAMPAS  (Etoffe).  Belle  et  forte  étoffe  de  soie  qu'on 
emploie  pour  l'ameublement,  et  qui  présente  ordinairement 
de  grands  dessins  dont  les  couleurs  sont  différentes  de 
celles  du  fond. 

LAMPASCOPE.  Instrument  d'optique  destiné  à  pro- 
duire des  efiets  de  fantasmagorie  (V.  Lanterne  ma- 
gique). 

LAWIPASSÉ  (Blas.).  Attribut  particulier  au  lion  et  aux 
autres  animaux  qui  laissent  voir  leur  langue.  Cette  langue 
est  d'un  émail  différent  de  celui  du  corps.  L'aigle  aussi 
se  dit  lampassé  ;  quant  aux  oiseaux,  ils  sont  dans  ce  cas 
langues. 


Clocher  de  Téglise  de  Lampaul-Guimiliau, 


xvi^  siècle,  porche  gothique;    calvaire  du   xvii*^  siècle. 

LAMPAUL-Plouarzel.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr. 
de  Brest,  cant.  de  Saint-Renan  ;  904  hab, 

LAMPAUL-Ploudalmézeau.  Com.  du  dép.  du  Finistère, 
arr   de  Brest,  cant.  de  Ploudalmézeau  ;  740  hab. 

LAMPE.  I.  Archéologie.  —  L'usage  des  lampes  est 
extrêmement  ancien.  Les  lampes  antiques  avaient  toutes  à 
peu  près  la  même  forme.  L'antiquité  romaine  nous  en  a 
laissé  un  très  i^rand  nombre,  tant  à  Pompéi  que  dans  les 
tombeaux  où  l'on  avait  coutume  d'en  déposer.  Cette  cou- 
tume fut  pratiquée  par  les  premiers  chrétiens  comme  elle 
l'avait  été  par  les  païens,  avec  cette  seule  différence  que 
des  emblèmes  de  la  nouvelle  religion  furent  figurés  sur  ces 
lampes.  La  lampe  romaine  était  en  terre  cuite  ou  en  bronze. 
Elle  était  toujours  petite  et  se  composait  d'un  godet  muni 
d'un  manche,  d'un  bec  et  d'un  couvercle  adhérent,  généra- 
lement orné  et  muni  d'une  ou  de  plusieurs  ouvertures 
rondes  avec  ou  sans  bouchon  pour  l'introduction  de  l'huile. 
Certaines  lampes  avaient  deux  ou  plusieurs  becs.  Quelques 
autres,  plus  rares,  avaient  des  formes  variées.  Au  musée  de 
Naples  on  en  voit  une  en  forme  d'oiseau,  une  autre  en  forme 
de  pied  humain  (fig.  1).  C'étaient  en  général  des  lampes  vo- 


tives. D'autres  lampes  ont  un  couvercle  surmonté  d'une  sta- 
tuette. On  a  trouvé  à  Pompéi  des  candélabres  en  forme  d'arbre 


LAMPE 


—  844  — 


ou  de  colonne  soutenant  des  bras  de  rinceaux  :  de  petites 
lampes  sont  suspendues  par  des  chaînettes  aux  branches  de 
ces  candélabres.  Un  porte-lampe  chrétien  trouvé  à  Orléans- 
ville  (Algérie)  a  la  forme  d'une  petite  église.  Il  existe  égale- 
ment au  musée  de  Naples  des  lampes  à  chaînettes  destinées  à 
être  suspendues  (l'une  figure  un  aigle  voiarit)  (fig.  2)  et 


Fig.  2. 

d'autres  pouvant  indifféremment  se  suspendre  et  se  poser. 
Au  moyen  âge,  les  lampes  appartenaient  le  plus  souvent  à 
un  modèle  tout  différent  qui  paraît  être  importé  d'Orient. 
C'est  un  godet  de  verre  arrondi  par-dessous  et  évasé  du 
haut  :  on  le  place  dans  un  cercle  de  métal  suspendu  à  des 
chaînettes  ou  muni  de  pieds  qui  permettent  de  le  poser.  La 
mèche  est  maintenue  au  moyen  d'un  flotteur  :  c'est  à  peu 
près  le  système  de  nos  veilleuses.  Quand  on  veut  obtenir 
beaucoup  de  lumière,  on  suspend  un  grand  nombre  de  ces 
lampions  à  un  lustre  ou  lampier.  Généralement  ce  lustre 
affecte  la  forme  d'un  cercle.  Il  s'appelle  alors  couronne  de 
lumières.  L'usage  de  la  lampe  en  forme  de  godet  a  persisté 
longtemps,  au  moins  dans  le  cérémonial  de  la  cour  de 
France  :  jusqu'au  siècle  dernier,  une  veilleuse  de  ce  genre 
brûla  dans  un  mortier  dans  h  chambre  à  coucher  du  roi. 

Le  moyen  âge  avait  aussi  des  lampes  portatives  en  fonte 
de  cuivre  ou  dinanderie,  en  fer  et  en  terre.  La  lampe  de 
dinanderie  a  été  usitée  au  moins  depuis  le  xv*^  siècle  jus- 
qu'au xviii«,  et,  selon  Viollet-le-Duc,  elle  aurait  été  en  usage 
dès  le  xin®.  Elle  était  formée  d'un  godet  demi-sphérique 
muni  d'un  bec  et  couronné  d'un  lanternon  à  anneau  par  où 
on  la  suspendait.  Une  ouverture  latérale  formant  comme 
un  second  bec  obtus  servait  d'entonnoir  à  huile  ;  sous  le 
eodet  était  suspendu  un  second  godet  plus  petit  facile  à 
décrocher.  Il  recueillait  les  gouttes  d'huile  qui  pouvaient 
glisser  du  bec  sur  la  panse  de  la  lampe.  Parfois,  surtout 
en  Italie,  ces  lampes  ont  plusieurs  becs.  Les  lampes  en  fer 
sont  plus  simples  ;  elles  ont  la  forme  d'une  cuiller  à 
manche  recourbé  terminé  par  un  anneau  de  suspension. 
Elles  peuvent  avoir  aussi  le  double  godet.  Elles  étaient  usi- 
tées dès  l'époque  gothique.  Ces  lampes  sont  généralement 
suspendues  par  une  tige  de  fer  plus  ou  moins  ornée,  ter- 
minée par  un  crochet.  Ce  système  est  un  grand  perfection- 
nement, car  on  peut  porter  commodément  la  lampe  en 
tenant  la  tige  verticalement  ou  horizontalement,  et  on  peut 
non  moins  commodément  l'accrocher,  non  seulement  aux 
anneaux,  mais  à  toutes  sortes  de  saillies,  et  cela  sans  le 
secours  d'escabeau. 

On  a  fait  durant  les  derniers  siècles  des  lampes  de  di- 
nanderie montées  sur  un  pied  fixé  à  un  plateau  allongé 
qui  recueille  les  gouttes  d'hidle  :  elles  répondent  au  nom  po- 
pulaire de  crasset  on  crachet.  En  Italie,  ce  plateau  n'existe 
pas,  mais  les  lampes  à  pied  dites  lumi  ont  plusieurs  becs  et 
peuvent  monter  et  descendre  sur  une  tige  munie  d'un  an- 
neau qui  sert  à  les  porter.  Ces  deux  types  de  lampes  peu- 
vent remonter  jusqu'au  moyen  âge,  mais  on  n'en  trouve 
que  des  exemples  récents.  Il  faut  encore  signaler  parmi  les 
lampes  en  dinanderie  les  lampes  à  sept  becs  usitées  dans 
la  liturgie  hébraïque.  Le  musée  de  Cluny  possède  une  de 
ces  lampes  de  travail  limousin  et  remontant  au  xni®  siècle. 


et  les  exemples  plus  récents  sont  communs.  Ces  lampes 
ont  la  forme  d'un  godet  rectangulaire  allongé  muni  d'une 
série  de  becs  sur  trois  côtés.  Le  quatrième  forme  une  plaque 
décorative  qui  s'applique  à  la  muraille  et  se  termine  en  an- 
neau de  suspension. 

Les  lampes  en  terre  du  moyen  âge,  dont  on  a  trouvé  un 
grand  nombre  dans  des  fouilles,  sont  en  général  tro[) 
simples  pour  qu'on  puisse  leur  assigner  une  date  certaine. 
Un  certain  nombre  cependant  paraissent  devoir  être  attri- 
buées au  XV®  siècle  à  cause  des  tons  de  leurs  vernis  verts 
et  de  la  forme  de  leurs  plateaux  semblables  à  ceux  des 
chandeliers  en  dinanderie  de  cette  époque.  Ces  lampes  ont 
un  plateau  circulaire  à  rebords,  d'où  s'élève  une  hampe 
facile  à  prendre  et  portant  le  godet  rond  muni  d'un  bec. 
L'ouverture  supérieure  est  circulaire,  large  et  relevée  de 
façon  à  empêcher  l'huile  de  déborder.  Un  couvercle  devait 
souvent  s'adapter  à  cette  ouverture.  Les  types  de  lampes 
plus  perfectionnés  ne  remontent  guère  au  delà  du  com- 
mencement de  ce  siècle.  C.  Enlart. 

IL  Technologie.  —  Si  les  formes  et  l'appareil  d'é- 
clairage sont  extrêmement  variés  dans  les  lampes,  les  prin- 
cipes qui  président  à  leur  construction  sont  constants.  La 
division  du  travail,  la  multiplicité  des  pièces,  leur  parfait 
rapport,  leur  emboîtement  non  moins  inaperçu  que  solide, 
tels  sont  les  principes  adoptés  chez  tous  les  lampistes. 
Lorsque  le  chef  d'atelier  a  adopté  une  forme  ou  une  di- 
mension particulière  pour  la  lampe  qu'il  veut  construire, 
après  qu'il  a  déterminé  le  nombre  de  lampes  à  construire, 
il  commence  par  tracer  chacune  des  pièces  qui  doivent  for- 
mer le  bec;  il  agit  de  même  pour  toutes  celles  qui  sont 
nécessaires  pour  constituer  le  pied,  le  garde-vue,  etc.  ;  puis 
il  découpe  en  fer-blanc  tous  ces  calibres  et  les  donne  à  un 
ouvrier  habile  qui,  en  appliquant  chacune  de  ces  pièces  sur 
des  feuilles  de  fer-blanc  ou  de  laiton,  trace  avec  une  pointe 
les  traits  sur  lesquels  il  doit  porter  la  cisaille.  Un  autre  ou- 
vrier contourne  et  confectionne  la  pièce  suivant  la  forme 
qu'elles  doivent  avoir.  On  en  fait  autant  pour  tous  les  calibres 
de  la  même  lampe,  et  chaque  ouvrier  est  occupé  d'une  par- 
tie; un  autre  les  assemble  et  forme  des  becs;  un  troisième 
est  occupé  des  pieds;  un  quatrième  assemble  les  becs  avec 
les  réservoirs  d'huile;  les  moins  habiles  s'occupent  du  cou- 
vercle, des  tubulures,  des  réservoirs,  des  objets  accessoires 
des  lampes.  Les  crémaillères,  les  pignons,  les  porte-mèche, 
avec  les  griffes  qu'on  a  généralement  adoptées  aujourd'hui, 
sont  en  laiton  et  se  fabriquent  dans  des  ateliers  spéciaux 
qui  les  fournissent  à  très  bon  marché  aux  lampistes.  Les 
boulons,  les  écrous,  les  filets  de  vjs  en  fer  qui  se  rencon- 
trent souvent  dans  le  pied  des  kmpes,  s'achètent  aussi  par 
le  lampiste  chez  les  fabricants  de  ces  sortes  d'objets.  Un 
ouvrier  est  chargé  de  placer  les  cuivres,  un  autre  d'ajus- 
ter les  fers.  Il  arrive  souvent  que  les  pieds  ne  sont  pas  en 
fer-blanc  :  le  lampiste  agit  pour  ces  pièces  comme  pour 
les  objets  précédents  ;  il  achète  chez  les  divers  maimfactu- 
riers  qui  les  fabriquent  les  pieds  de  cuivre  poli,  les  cris- 
taux, etc.  Il  en  est  de  même  pour  les  globes  en  cristal,  en 
verre  dépoli,  les  cheminées  de  verre,  les  mèches  plates,  les 
mèches  circulaires.  La  lampe  terminée,  un  ouvrier  chargé 
de  vernir  les  pieds  des  lampes,  les  garde-vue,  de  dorer 
les  parties  réservées  pour  la  dorure,  s'occupe  de  ces  di- 
vers embellissements.  Autrefois  toutes  les  pièces,  corps  do 
lampe,  becs,  rondelles  de  fond,  etc.,  se  découpaient  et  se 
façonnaient  à  la  main.  Aujourd'hui,  quantité  d'entre  elles, 
pour  ne  pas  dire  toutes,  s'exécutent  à  l'aide  de  procédés 
mécaniques  et  d'appareils  créés  exprès,  qui  permettent  de 
les  obtenir  à  bien  meilleur  compte.  Ce  travail  n'est,  il  est 
vrai,  avantageux  que  si  la  production  atteint  certaines  pro- 
portions; aussi  peu  de  maisons  s'occupant  de  lampes  font- 
elles  la  dépense  de  l'installation  d'un  pareil  matériel,  et  la 
plupart  des  lampistes  ont  recours  à  des  industriels  spé- 
ciaux ne  s'occupant  exclusivement  que  de  la  préparation 
de  certaines  pièces  qui,  complétées  souvent  par  d'autres 
faites  à  la  main,  forment  par  leur  ensemble  le  corps  de  la 
lampe  que  le  lampiste  ajuste  et  achève  de  terminer,  en  y 


845  — 


LAMPE 


plaçant  les  divers  mécanismes  qui  forment  la  lampe  pro- 
prement dite. 

L'application  du  pétrole  à  Téclairage  a  pris,  durant  ces 
dernières  années,  une  extension  considérable  (V.  Eclai- 
rage, t.  XV,  p.  338).  Ce  développement  de  la  consomma- 
tion coïncide,  il  faut  bien  le  dire,  avec  les  perfectionne- 
ments qui  ont  été  apportés,  d'une  part  dans  l'épuration  des 
huiles,  et,  d'autre  part,  dans  les  appareils  d'éclairage.  Parmi 
les  types  de  lampes  répandus  chez  les  particuliers,  on  peut 
remarquer  des  formes  d'appareils  vraiment  artistiques  et 
décoratives,  notamment  des  riches  lampadaires  surmontés 
de  globes  lumineux  ou  de  larges  abat-jour  plus  ou  moins 
chargés  d'ornementations  diverses.  Ces  derniers  genres 
d'appareils,  permettant  d'élever  ou  d'abaisser  à  volonté  la 
lumière,  sont  maintenant  à  la  mode  et  entrent  comme  un 
ornement  dans  les  salons  les  plus  luxueux  ;  ils  ont  fait  leur 
apparition  à  Paris  en  1887  et  on  les  compte  actuellement 
par  milliers;  grâce  à  eux,  l'éclairage  au  pétrole,  qui  avait 
été  presque  exclusivement  employé  par  la  classe  modeste, 
a  pris  place  aujourd'hui  dans  les  plus  riches  demeures  et 
y  constitue  même  un  éclairage  de  luxe.  Les  lampes  à  pé- 
trole sont  composées  d'une  manière  générale  d'un  réser- 
voir d'huile,  d'un  porte-mèche  et  d'un  verre  de  forme  par- 
ticulière. L'huile  s'élève  dans  la  mèche  par  simple  capillarité, 
et,  malgré  l'abaissement  du  niveau  dans  le  réservoir  de 
l'h'iile,  toujours  placé  à  la  partie  inférieure  de  la  lampe, 
la  fluidité  du  liquide  est  telle  que  l'ahmentation  de  la  mèche 
se  produit  d'une  façon  à  peu  près  constante.  Les  brûleurs 
sont  de  deux  genres  :  le  bec  à  mèche  plate,  et  le  bec 
à  mèche  ronde.  Le  bec  à  mèche  plate,  connu  aussi  sous 
le  nom  de  bec  américain,  se  compose  d'un  tube  aplati 
en  cuivre,  dans  lequel  se  meut  la  mèche  qu'on  remonte  au 
moyen  d'un  bouton  dont  la  tige  est  armée  de  deux  petits 
jignons  à  dents  pointues  ;  l'extrémité  de  cette  mèche  est 
recouverte  d'un  capuchon  en  cuivre,  présentant  à  son  som- 
met une  fente  longitudinale,  dans  le  même  sens,  et  de 
dimensions  correspondant  à  la  mèche  plate.  Le  verre  est 
renflé  à  la  base  pour  donner  à  l'air  plus  d'accès  et  assurer 
la  combustion  complète  de  la  matière  éclairante.  Le  bec  à 
mèche  ronde  est  une  disposition  de  brûleur  cyliûdrique  à 
double  courant  d'air,  composé  d'un  tube  conique  évasé  à 
la  base,  dans  lequel  s'introduit  une  mèche  qui,  quoique  de 
forme  plate,  se  replie  circulairement  autour  du  tube  en 
montant  dans  l'espace  annulaire  du  porte-mèche  et  pro- 
duit alors  l'effet  d'une  mèche  ronde.  Le  verre,  étranglé  à 
sa  partie  inférieure,  amène  le  courant  d'air  le  plus  près  pos- 
sible de  la  flamme  et  facilite  ainsi  la  combustion  qui  se 
fait  sans  fumée  et  avec  un  grand  éclat,  quand  les  disposi- 
tions respectives  de  la  mèche  et  du  verre  sont  convenable- 
ment réglées.  Malgré  la  facilité  avec  laquelle  l'huile  miné- 
rale s'élève  dans  la  mèche,  on  conçoit  que  l'action  de  la 
capillarité  s'affaibht  d'autant  plus  que  le  niveau  s'abaisse 
dans  le  réservoir,  et  que  la  distance  augmente  entre  ce  ni- 
veau et  l'extrémité  supérieure  de  la  mèche  ;  il  en  résulte 
qu'au  bout  de  quelques  heures  d'éclairage,  si  on  ne  renou- 
velle pas  l'approvisiojmement  d'huile,  l'alimentation  se  ra- 
lentit, la  combustion  s'affaiblit,  la  mèche  charbonne  et  la 
lampe  fume.  Pour  remédier  à  cet  inconvénient,  il  a  été  créé 
un  système  de  lampe  basé  sur  les  principes  de  la  lampe 
Carcel,  et  on  est  arrivé  à  obtenir,  par  un  mécanisme  simple 
et  pratique,  l'ascens'on  de  l'huile  et  par  conséquent  l'ali- 
mentation continue  et  régulière  de  la  mèche.  La  lampe  Pei- 
gniet-Changeur  comprend  un  tube  plongeant  dans  le  réci- 
pient d'huile  qui  constitue  le  corps  même  de  la  lampe,  des 
soupapes  et  un  piston  formé  d'une  membrane  mobile,  fixée 
entredeux  plateaux,enfin  un  mécanismed'horlogerie.L'huile, 
élevée  par  le  refoulement  de  la  pompe  aspirante  et  foulante, 
monte  dans  le  tube  ascensionnel  et  vient  se  déverser  dans 
le  récipient  supérieur  ou  elle  se  trouve  en  contact  avec  la 
mèche  qu'elle  maintient  toujours  au  même  degré  d'imbibi- 
tion.  Par  une  ingénieuse  disposition,  la  pompe  ne  se  met  en 
fonction  que  lorsque  le  liquide  s'est  abaissé  d'une  certaine 
quantité,  et  elle  ramène  aussitôt  le  niveau  à  son  point  initial. 


Un  des  premiers  perfectionnements,  et  celui  qui  a  peut- 
être  le  plus  contribué  au  développement  de  l'éclairage  au 
pétrole,  a  été  la  lampe  belge,  à  mèches  multiples,  imitée  et 
désignée  sous  diverses  dénominations,  suivant  les  modèles 
créés  par  les  fabricants,  notamment  la  lampe  Sepulchre,  la 
lampe  universelle,  la  mitrailleuse,  la  lampe  à  double  cou- 
rant d'air.  Ces  appareils  restaient  d'abord  dans  les  modèles 
courants  et  simples;  plus  tard  sont  venus  les  types  de 
lampes  riches,  tels  que  ceux  de  MM.  Schlosmmacber  et  Fer- 
reux, concessionnaires  de  la  lampe  Sepulchre,  ceux  de 
M.  Ristelhueber,  inventeur  de  la  lampe  universelle,  puis  la 
lampe  iïinks  et  la  lampe  Rochester.  La  lampe  Hinks,  d'ori- 
gine anglaise,  se  distingue  par  ses  deux  mèches  plates, 
parallèles,  se  manœuvrant  séparément  au  moyen  d'un  bou- 
ton double  ;  elle  peut  être  allumée  sans  qu'on  ait  besoin 
d'enlever  le  verre,  par  suite  du  mouvement  de  rotation  de 
la  clef  qui  soulève  le  porte-globe  et  le  verre.  Une  partie 
mobile,  qu'on  élève  et  qu'on  abaisse  à  volonté,  peut  inter- 
cepter, quand  elle  est  élevée,  l'accès  de  l'air  et  jouer  ainsi 
le  rôle  d'extincteur.  La  lampe  Rochester,  d'origine  améri- 
caine, diffère  de  la  précédente  par  la  forme  de  la  mèche 
qui  est  ronde  ;  elle  est  à  double  courant  d'air.  Nous  dirons 
quelques  mots  des  appareils  employant  les  huiles  lourdes, 
le  lucigène  et  la  lumière  Wells,  qui  s'appliquent  aux  éclai- 
rages industriels,  aux  travaux  de  nuit  sur  les  chantiers,  etc. 
Le  lucigène  brûle  des  huiles  lourdes  de  goudron  ou  de 
pétrole,  pulvérisées,  soit  au  moyen  d'un  courant  d'air  com- 
primé, soit  au  moyen  d'un  jet  de  vapeur  qui,  en  se  sur- 
chauffant dans  la  chambre  de  combustion,  favorise  la  volati- 
lisation des  molécules  les  plus  denses,  et  active  puissamment 
l'intensité  de  la  flamme.  Le  jet  de  flamme  a  généralement 
0°^10  de  diamètre  et  OnO  à  0"^oO  de  hauteur  ;  on  évalue 
à  200  carcels  environ  sa  puissance  lumineuse.  Avec  l'air 
comprimé,  une  force  de  quelques  kilogrammètres  suffit  pour 
produire  cette  intensité  d'éclairage.  La  lumière  Wells  pro- 
duit à  peu  près  les  mêmes  effets,  mais  elle  n'exige  pas  de 
force  motrice,  un  jet  de  vapeur  remplaçant  l'air  comprimé 
peut  produire  la  pulvérisation  de  l'huile  lourde. 

Lampe  a  incandescence.  —  Le  succès  des  lampes  à 
incandescence  dans  le  vide,  qui  répondent  le  mieux  aux 
exigences  de  l'éclairage  ordinaire,  a  provoqué  de  nom- 
breuses recherches  (V.  Eclaibage,  t.  XV,  p.  343).  Les 
lampes  récentes,  à  filament  tubulaire  surtout,  paraissent 
donner  un  meilleur  rendement,  c.-à-d.  une  transformation 
plus  complète  du  travail  dépensé  en  lumière.  D'après  cer- 
taines expériences,  le  rendement  serait  de  près  de  50  °/o 
sur  les  anciens  systèmes  à  filaments  pleins.  Aussi  cherche- 
t-on  de  tous  côtés  à  perfectionner  ce  filament  :  tandis 
qu'Edison  semble  vouloir  abandonner  le  bambou  qui  manque 
d'élasticité  pour  les  fibres  de  la  ramie,  et  que  Bernstein 
fabrique  les  charbons  tubulaires  avec  un  ruban  creux  de 
soie  blanche  carbonisée,  de  la  grosseur  d'une  paille  fine,  un 
dernier  inventeur  propose  simplement  d'étirer,  sous  forme 
de  tube  aussi  fin  qu'il  est  nécessaire,  une  pâte  composée 
soit  de  graphite,  soit  de  noir  de  fumée  malaxé  avec  20  % 
de  sirop  de  sucre  ;  ces  tubes  sont  ensuite  carbonisés  comme 
le  charbon  des  lampes  à  arc.  C'est  dans  le  même  ordre 
d'idées  que  sont  établies  les  lampes  de  Gérard  dont  le  fila- 
ment de  charbon  est  remplacé  par  deux  baguettes  inclinées 
et  soudées  au  sommet.  L'intensité  lumineuse  des  lampes  à 
incandescence  dépend  de  la  résistance  du  filament  à  la  rup- 
ture ou  à  la  désagrégation  par  la  chaleur.  Lorsque  les 
lampes  sont  maintenues  longtemps  à  une  température  su- 
périeure au  maximum  qui  lui  convient,  les  parois  de  l'am- 
poule de  verre  se  couvrent  d'un  voile  formé  par  la  matière 
subUmée,  voile  qui,  sous  une  épaisseur  à  peine  visible,  est 
d'une  opacité  extraordinaire  et  fait  perdre  une  énorme 
quantité  de  lumière.  Ce  mode  d'usure  des  filaments  est  à  peu 
près  inévitable,  mais  on  peut  chercher  à  le  ralentir.  Edi- 
son a  reconnu  par  expérience  qu'un  vide  trop  parfait  faci- 
lite la  désagrégation,  et  il  y  remédie  en  diminuant  le  degré 
du  vide  par  l'introduction  d'une  petite  quantité  d'azote  dans 
les  lampes.  Dans  tous  les  cas,  si  les  lampes  sont  simples, 


LAMPE 


—  846 


leur  fabrication  ne  l'est  pas  ;  elle  exige,  pour  arriver  à  un 
prix  de  vente  industriel,  un  outillage  considérable  et  par- 
faitement organisé.  Des  ateliers  spéciaux  sont  consacrés  à 
chacune  des  opérations  suivantes  :  le  soufflage,  avec  un 
verre  spécial  exempt  de  plomb,  des  tubes  qui  forment  la  base 
de  chaque  lampe  ;  Fintroduction  et  la  soudure  dans  ces  tubes 
des  bouts  de  til  de  platine,  qui  seul  possède  la  même  dila- 
tation que  le  verre;  les  soudures  aux  extrémités,  intérieure 
et  extérieure,  de  ces  mêmes  fils,  de  fils  de  cuivre,  dont  les 
unes  doivent  former  les  pinces  qui  recevront  les  extrémi- 
tés du  filament  et  les  autres  constitueront  les  raccordements 
avec  la  distribution  ;  la  préparation  des  filaments  et  leur 
carbonisation  dans  des  moules  spéciaux  en  nickel;  l'inser- 
tion des  bouts  du  filamant  dans  les  pinces  en  cuivre  et  la 
consolidation  du  joint  par  un  dépôt  de  cuivre  galvanique  ; 
la  soudure  des  ampoules  de  verre  sur  leur  base  ;  la  ra- 
réfaction de  l'air  dans  les  lampes  exige  une  installation 
suffisante  pour  opérer  sur  un  grand  nombre  de  lampes  à  la 
fois;  c'est  la  réalisation  en  grand  et  sous  forme  indus- 
trielle de  la  machine  à  mercure  des  laboratoires.  Il  faut, 
pendant  la  raréfaction,  pouvoir  envoyer  dans  les  filaments 
un  courant  électrique,  qui  les  réchauffe  progressivement,  afin 
de  faciliter  le  dégagement  des  gaz  occlus;  c'est  alors  que 
les  lampes  sont  fermées  définitivement,  en  soudant  au  cha- 
lumeau l'appendice  qui  les  mettait  en  communication  avec 
la  machine  pneumatique;  enfin  on  procède  à  la  fabrica- 
tion et  au  montage  des  socles  qui  servent  à  installer  les 
lampes  sur  leur  support  en  établissant,  du  même  coup,  les 
communications  avec  les  conducteurs.  Les  lampes  termi- 
nées doivent  passer  par  un  laboratoire  d'essai  et  de  clas- 
sement, dans  lequel  on  mesure  la  résistance  de  chacune 
d'elles  et  la  force  électro-motrice  qu'elle  exige  pour  pro- 
duire l'intensité  lumineuse  normale  qui  lui  est  attri- 
buée. Pour  les  lampes  Cruto,  la  fabrication  du  filament 
est  plus  simple,  et  présente  surtout  l'avantage  de  pouvoir 
être  conduite  avec  une  grande  précision;  ces  filaments 
sont  obtenus  par  le  dépôt  sur  un  fil  de  platine  main- 
tenu incandescent  du  charbon  provenant  de  la  décomposi- 
tion d'un  gaz  hydrocarbure;  le  fil  de  platine,  qui  n'a  qu'un 
centième  de  millimètre  de  diamètre,  est  obtenu  par  le  pro- 
cédé de  Wollaston,  en  le  tréfilant  après  l'avoir  recouvert 
d'une  couche  d'argent  que  l'on  dissout  ensuite  dans  un  bain 
d'acide  nitrique  étendu  d'eau  ;  le  gaz  est  fabriqué  avec  un 
mélange  d'un  tiers  d'alcool  éthylique  et  de  deux  tiers  d'acide 
sulfurique  exempt  de  soufre  ;  ce  gaz  doit  être  parfaitement 
lavé,  puis  desséché.  L'intensité  du  courant  qui  échauffe  le 
fil  est  augmentée  graduellement,  à  mesure  que  le  dépôt  aug- 
mente d'épaisseur,  et  un  dispositif  très  simple  permet  d'ar- 
rêter l'opération  dès  que  les  filaments  présentent  la  résis- 
taace  convenable  ;  la  jonction  des  extrémités  des  filaments 
avec  les  fils  de  platine  est  faite  également  par  un  dépôt  du 
même  charbon. 

Lampe  de  sûreté.  —  Sir  Humphrey  Davy  fut  chargé,  en 
4813,  par  un  comité  spécial  formé  pour  rechercher  la 
cause  des  accidents  que  produit  l'air  inflammable  des  mines 
et  les  moyens  de  les  prévenir,  d'étudier  l'importante 
question  des  lampes  de  sûreté.  11  communiqua,  deux  ans 
plus  tard,  le  résultat  de  ses  recherches  à  la  Société  royale 
de  Londres,  dans  un  rapport  qui  fut  lu  le  9  nov.  1815. 
Après  avair  essayé  sans  succès  de  se  servir  du  phosphore 
de  Canton,  de  rétincelle  électrique  renfermée  dans  des 
vaisseaux  clos,  Davy  reconnut  qu'il  était  possible  d'éviter 
l'inflammation  du  grisou  par  la  lampe  à  huile  ordinaire,  en 
l'entourant  d'une  enveloppe  ne  donnant  accès  à  l'air  exté- 
rieur que  par  des  orifices  sufiîsamment  étroits.  Des  tubes 
de  4  millim.  de  diam.  et  d'une  longueur  de  30  millim.  ne 
se  laissent  pas  traverser  par  la  flamme  des  mélanges  les 
plus  explosifs  de  grisou  et  d'air,  pourvu  que  ces  derniers 
soient  complètement  en  repos.  Les  toiles  métalliques  suf- 
fisent égalem^t  pour  arrêter  la  flamme.  Davy  s'arrêta  au 
modèle  de  lampe  très  simple,  celui  qui  porte  aujourd'hui 
encore  «on  nom,  dans  lequel  la  flamme  est  seulement  re- 
couverte d'un  tamis  cylindrique  renforcé  à  la  partie  supé- 


rieure (fig.  3).  La  lampe  primitive  de  Davy  ne  diffère 
guère  du  modèle  usité  aujourd'hui  encore  en  Angleterre. 
La  lampe  à  simple  treillis  présente  deux  graves  inconvé- 
nients :  elle  donne  peu  de  clarté,  le  tamis  absorbe  les  2/3 
de  la  lumière  émise  par  la  flamme  et  elle  ne  présente  de 
sécurité  réelle  que  lorsqu'elle  reste  en  repos  dans  une  at- 
mosphère également  en  repos.  Les  nombreuses  tentatives 
faites  pour  améliorer  la  lampe  Davy  donnèrent  naissance 
à  des  centaines  de  lampes  différentes,  parmi  lesquelles 
quatre  types  seulement  méritent  d'être  retenus,  tant  par 


Fiiï 


Fig.  4. 


la  valeur  théorique  des  principes  qui  ont  présidé  à  leur 
conception  que  par  la  sanction  pratique  qu'elles  ont  re(;ue 
de  leur  emploi  dans  les  travaux.  Ce  sont  :  la  lampe  Fumât, 
à  alimentation  directe,  dont  on  doit  rapprocher  la  lampe 
Gray  ;  la  lampe  Clanny,  à  verre  et  tamis,  dans  laqut^^lle 
l'alimentation  est  renversée  et  que  l'on  désigne  depuis 
quelques  années  en  France  sous  le  nom  de  lampe  Boty  ; 
la  lampe  Marsaut,  qui  est  une  lampe  Clanny  dont  le  tamis 
est  doublé  et  entouré  d'un  écran  métalhque  plein  ;  on  doit 
en  rapprocher  la  lampe  Evan  Thomas,  très  employée  en 
Angleterre  ;  la  lampe  Mueseler,  à  verre,  tamis,  cheminée 
et  diaphragme,  qui  possède,  ainsi  que  les  deux  précédentes, 
une  alimentation  renversée. 

La  lampe  Fumât  (fig.  4)  résume  toutes  les  autres, 
convenant  pour  le  cas  général,  c.-à-d.  pouvant  indifférem- 
ment séjourner  dans  un  milieu  gazeux  tranquille  et  dans 
un  milieu  agité.  Le  verre  repose  sur  un  anneau  de  cuivre 
évidé  à  travers  lequel  l'air  arrive  sur  la  flamme.  Cet  an- 
neau porte  vers  l'intérieur  une  toile  de  200  mailles  au 
cent,  carré  et  vers  l'extérieur  une  toile  de  122  mailles.  Au- 
dessus  du  verre  est  un  tamis  conique  en  toile  métallique  de 
122  mailles  qui  est  enveloppé  lui-même  par  une  cheminée 
métallique  pleine,  fermée  à  la  partie  supérieure  par  une 
toile  horizontale.  Les  toiles  métalhques  inférieures  au  verre 
sont  protégées  contre  l'action  des  courants  d'air  par  un 
anneau  en  cuivre  les  enveloppant  à  une  distance  de  5  millim. 
de  façon  à  ne  pas  gêner  l'accès  de  l'air.  Le  tirage  est  basé 
sur  la  diff'érence  de  poids  de  la  colonne  froide  et  de  la  co- 
lonne chaude;  si  la  lampe  s'échauffe,  la  colonne  froide 
perd  de  son  poids  et  le  tirage  dimimie.  Cette  lampe  résiste 
à  un  courant  horizontal  d'un  mélange  inflammable  à  une 
vitesse  de  90  pieds  par  seconde  pendant  trois  minutes, 
sans  explosion  et  brûlant  tout  le  temps.  La  commission  du 
grisou  a  adopté  un  type  de  lampe  à  éclairage  intensif  se 
composant  essentiellement  d'une  couronne  annulaire  d'en- 
trée d'air,  d'un  bec  à  blanc  à  double  courant  d'air,  d'un 
cône  directeur  du  gaz,  d'un  réservoir  latéral  à  huile  et 
enfin  d'un  verre  surmonté  d'un  ou  de  deux  treillis.  Les 
fuméesi  après  avoir  traversé  le  treillis,  sortent  au  bout  de 
la  lampe  ;  aucune  autre  ouverture  n'existe  dans  la  cuirasse. 


--  847 


ÎJMPE  ~  LAMPILLAS 


L^air  et  les  gaz  pénètreiît  donc  dans  la  lampe  uniquement 
par  le  bas.  Ces  dispositifs  ont  pour  objet  et  pour  effet  d'aug- 
menter considérablement  le  pouvoir  éclairant  à  consom- 
mation d'huile  égale  et  de  garantir  une  complète  sécurité. 

On  sait  avec  quelle  facilité  l'ouvrier  arrive  à  avoir  raison 
de  la  fermeture  avec  clef  à  simple  trou  carré.  La  question 
d'une  meilleure  fermeture  est,  depuis  longtemps,  l'objet 
de  nombreuses  recherches.  Le  mode  de  fermeture  Viaila 
comprend  une  tige  taraudée  à  son  extrémité  inférieure 
et  fixée,  par  une  autre  extrémité,  à  un  fort  ressort, 
qui  lui-même  est  fixé  sur  le  bord  supérieur  de  la  rive 
de  la  lampe.  Lorsque  la  lampe  est  fermée,  l'extrémité  su- 
périeure de  la  tige  vient  se  loger  dans  une  petite  cavité 
ménagée  dans  le  cercle  du  cadre  supérieur  et  fixe  ainsi  la 
rive  au  corps  de  la  lampe.  Lorsqu'on  veut  l'ouvrir,  on  se 
sert  d'une  clef  creuse  taraudée,  que  l'on  introduit  dans  la 
partie  vissée  de  la  tige  et  avec  laquelle  on  tend  alors  le 
ressort  ;  la  tète  de  la  vis  se  trouve  ainsi  dégagée  de  la  cavité 
et  la  lampe  peut  être  dévissée.  Un  autre  mode  de  ferme- 
ture, système  Villiers,  consiste  en  une  pièce  de  fer  doux 
affleurant  le  fond,  qu'un  électro-aimant  attire  de  son  en- 
castrement pour  ouvrir  la  lampe  posée  sur  les  deux  pôles 
de  l'aimant  fixé  à  une  table,  capable  de  soulever  50  kilogr., 
force  un  peu  supérieure  à  celle  du  ressort  maintenant  le 
verrou  dans  son  encastrement  existant  dans  les  deux  par- 
ties mobiles  de  la  lampe  et  empêchant  absolument  l'ouvrier 
d'ouvrir  sans  le  secours  d'une  attraction  magnétique  de 
50  kilogr.,  attendu  qu'il  n'existe  aucune  prise  pour  attirer 
la  pièce  de  fer  affleurant  le  fond,  par  un  tout  autre  moyen 
que  celui  de  l'électro-aimant.  Plus  récemment,  on  a  em- 
ployé le  rivet  ou  la  soudure  de  plomb  pour  fermer  les 
lampes  de  sûreté.  Deux  petites  lames  de  fer  ou  cuivre 
sont  soudées,  l'une  au  réservoir,  l'autre  à  la  bague  suppor- 
tant le  verre,  les  lames  sont  percées  chacune  d'un  œillet  et 
sont  soudées  de  telle  façon  que  ces  œillets  arrivent  juste 
en  face  l'un  de  l'autre  lorsque  la  lampe  est  fermée;  on  in- 
troduit alors  dans  le  trou  formé  par  ces  œillets  une  che- 
ville en  plomb  qu'on  rive  au  moyen  d'une  pince  spéciale 
qui  imprime  en  même  temps  sur  chaque  extrémité  du  rivet 
une  lettre  bien  apparente.  Cette  lettre  a  pour  effet  de  rendre 
plus  visible  toute  tentative  de  fraude.  Pour  dériver  on  em- 
ploie une  autre  pince,  l'une  des  branches  maintient  l'œillet 
pendant  que  l'autre  branche  qui  est  armée  d'un  poinçon 
chasse  le  rivet.  L'autre  disposition  adoptée  pour  la  soudure 
de  plomb  qui  est  également  très  simple,  et  dont  la  seule 
différence  existante  consiste  dans  les  deux  lames,  qui  sont 
horizontales  au  lieu  d'être  verticales  et  dont  la  lame  supé- 
rieure est  seule  percée  d'un  œillet  pour  recevoir  la  sou- 
dure et  la  laisser  pénétrer  sur  la  lame  inférieure.  Pour 
souder  et  pour  dessouder,  on  emploie  une  pince  spéciale. 

Parmi  les  lampes  électriques  de  mines  nous  ne  décrirons 
que  celle  de  M.  Pollak  qui  est  bien  étudiée  pour  répondre  aux 
conditions  multiples  exigées.  Une  boîte  de  section  carrée 
avec  angles  coupés,  en  ébonite,  renferme  deux  accumula- 
teurs genre  Planté  perfectionné  ;  elle  repose  sur  un  socle 
métallique  circulaire.  Un  couvercle  en  ébonite  sert  de 
support  à  une  lampe  à  incandescence  enfermée  dans  un 
cylindre  en  verre  épais.  Le  tout  est  recouvert  par  un  cha- 
peau métallique  serré  au  moyen  de  boulons  sur  le  cylindre 
en  verre.  Une  feuille  de  caoutchouc  doux,  interposée  entre 
le  couvercle  et  la  boîte,  rend  la  fermeture  hermétique. 
Dans  le  couvercle  sont  noyées  deux  lames  en  arc  de  cercle 
en  platine  ;  elles  sont  fixées  à  la  feuille  en  caoutchouc  par 
un  bouton  en  contact  avec  chaque  accumulateur.  Les  con- 
ducteurs de  la  lampe  sont  mis  en  contact  avec  chacun  des 
pôles  de  l'accumulateur  par  une  double  aiguille.  Les 
contacts  se  trouvant  à  l'intérieur  de  la  boîte  et  du  cou- 
vercle, ni  l'ouverture  ni  la  fermeture  du  courant  ne  peuvent 
déterminer  d'explosion.  La  lampe  peut  donc  être  allumée 
ou  éteinte  dans  une  atmosphère  inflammable.  En  démon- 
tant le  système  ou  en  cassant  le  cylindre  protecteur  en 
verre,  on  amène  l'extinction  de  la  lampe,  l'électricité  du 
caoutchouc  rompant  le  contact  intérieurement.  Cette  lampe 


pèse  4,900  gr.  et  donne  en  moyenne  douze  heures  d'une 
lumière  sensiblement  constante  dont  l'intensité  lumineuse 
varie,  suivant  le  degré  depoussage  de  la  lampe  et  le  degré 
d'avancement  de  la  décharge  de  raccumulateur  entre  0,5 
et  0,8  bougie.  L.  Knab. 

Lampe  électrique  (V.  EcLAmAGE,  t.  VX,pp.  341-350). 

Lampe  modérateur  (V.  Eclairage,  t.  XV,  p.  338). 

III.  Liturgie  (V.  Cierge,  t.  XI,  p.  368). 

Fête  des  lampes  (V.  Illuminations). 

BiBL.  :  Archéologie.  ~  Loriqvet,  Eclairage  chez  les 
Romains,  —  Viojllet-le-Duc,  Mobilier.  —  H.-K.  d'Alle- 
magne, Histoire  du  luminaire;   Paris,  1891,  in-4. 

LAMPE  (Friedrich-Adolf),  théologien  réformé  allemand, 


versité  d'Utrecht,  où  il  enseigna  un  système  dogmatique 
particulier  qui  fit  école.  Il  distinguait  sept  degrés  de 
perfection  dans  la  vie  chrétienne.  Il  raviva  aussi  la  théo- 
logie dite  fédéraliste  de  Coccejus  (V.  ce  nom).  En  4727, 
il  retourna  à  Brème.  Son  principal  ouvrage  est  intitulé 
Geheimniss  des  Gnadenbimdes  (Brème,  4742,  6  vol., 
souvent  réimprimé).  F. -11.  K. 

BiBi^:  0.  Thelemann,  Fr.-A.  Lampe,  sein  Leben  und 
seine  Théologie;  Bielefeld,  1868. 

LAMPEDUSA.  Petite  île  d'Italie,  située  à  220  kil.  de  la 
côte  sicilienne  et  seulement  à  430  kil.  de  la  côte  tuni- 
sienne. Bien  que  plus  rapprochée  de  l'Afrique  que  de  l'Italie, 
elle  a  été  acquise  en  1843  par  le  roi  des  Deux-Siciles  ; 
elle  est  rattachée  administrativementà  la  prov.  de  Girgenti. 
Son  périmètre  est  de  30  kil.  seulement  et  sa  population 
d'environ  4,400  hab.  Ce  fut  pendant  longtemps  un  repaire 
de  pirates  barbaresques.  Le  tsar  Paul  P»"  chercha  à  y  fonder 
une  station  maritime  rivale  de  celle  de  Malte.  Des  Anglais 
ont  mis  la  terre  en  culture.  La  vigne,  le  figuier,  le  caVou- 
bier,  le  sumac  y  viennent  bien.  Le  principal  port,  médiocre 
d'ailleurs,  où  ne  peuvent  pénétrer  que  des  navires  jaugeant 
au  plus  400  tonneaux,  est  au  N.-O.  —  Lampedusa  ai  le 
rocher  voisin  de  Lampione  doivent  leur  nom  aux  feux 
qu'y  allumaient  au  moyen  âge  des  ermites,  pour  guider  les 
navigateurs.  Un  phare  éclaire  le  port  de  Lampedusa. 

LAMPERTICO  (Fedele),  économiste  italien,  né  à  Vi- 
cence  le  43  juin  4833.  Professeur  à  l'université  dePadoue 
(1855),  député  en  4866,  sénateur  en  4873.  Outre  son 
grand  Jraité  Economia  dei  popoli  e  deglistati  (Milan, 
4874-79,  t.  I  à  IV,  inachevé)  et  de  nombreux  rapports 
parlementaires  et  articles  de  revues  et  journaux,  il  a  écrit 
Giammara  Ortesele  scienze  economiche  del  suo  tempo 
(Venise,  4879);  Sulla  Statistica  teorica  (Rome,  4879); 
Scritti  stoici  e  letterari  (Florence,  4882-83;  2  vol.); 
IlCredito  (Milan,  4884);  LoStatuto  eil  Senato  [home, 
4886),  etc.  Ses  doctrines  sont  transactionnelles,  voisines 
de  celles  des  réalistes  allemands  (V.  Economie  politique). 

LAMPETARI  (ArchéoL).  Etoffe  de  soie  que  l'on  fabri- 
quait à  Saint-Etienne  à  la  fin  du  xvi^  siècle,  peut-être  le 
lampas  sous  sa  première  forme  (V.  Lampas), 

LANIPI  (Giambattista,  chevalier),  peintre  italien,  né  à 
Romeno,  près  de  Trente,  le  34  déc.  4754,  mort  le  44  févr. 
4830.  Membre  de  l'Académie  de  Vérone,  il  travailla  à 
Trente,  Roveredo,  Klagenfurt,  Vienne  (4783),  peignit  le 
portrait  en  pied  de  l'empereur /os^/?/i //,  fut  appelé  à  Var- 
sovie par  le  roi  de  Pologne  (4787),  passa  à  Saint-Péters- 
bourg (4794),  où  il  fit  les  portraits  de  la  famille  impériale 
et  des  principaux  personnages  de  la  cour,  revint  à  Vienne 
(4798)  où  il  était  à  la  tête  de  l'Académie,  lors  des  inva- 
sions françaises  et  lui  rendit  de  grands  services.  Sa  facture 
est  très  molle. 

LAIVIPIER.  Appareil  destiné  à  être  suspendu  à  un  pla- 
fond ou  à  une  voûte  pour  servir  de  support  à  une  ou  plu- 
sieurs lampes.  Ce  mot  était  employé  aussi  jadis  dans  le 
sens  de  lampadaire. 

LAMPILLAS  ou  LLAMPILLAS  (LeP.Francisco-Javier), 
littérateur  hispano-italien,  né  en  Catalogne  en  4734,  mort 
à  Gènes  en  4810.  Membre  de  la  Compagnie  de  Jésus,  il  se 


LAMPILLAS  —  LAMPRIS  — 

fixa  en  Italie  après  l'expulsion  de  son  ordre,  et  publia  en 
italien  divers  ouvrages  en  vers  et  en  prose.  Celai  qui  le  fit 
connaître  est  le  Saggio  storico-apologetico  délia  lette- 
raiura  spagnuola  (Gênes,  1778-81,  6  vol.  in-8;  trad.  en 
esp.,  Saragosse,  1782-83  et  1784-89), œuvre  très  remar- 
quable, où  il  réfuta  les  théories  de  Bettinelli,  Tiraboschi 
et  autres,  au  sujet  de  l'action  de  Tltalie  sur  la  littérature 
espa^gnole  à  certaines  périodes.  Aux  critiques  de  ses  con- 
tradicteurs, il  répliqua,  avec  plus  d'aigreur  que  de  succès, 
par  une  Pdsposta  (1781)  dont  la  traduction  forme  le  t.  VII 
de  la  seconde  édition  espagnole.  Ce  rôle  de  champion  na- 
tional lui  valut  de  la  part  de  ses  compatriotes  beaucoup 
de  distinctions,  un  éloge  public  officiel  et  une  pension  du 
roi  Charles  III.  G.  P-i. 

L A IVl  PI  ON.  Le  k/n;?ron  (ancienne  forme  du  mot  lampion) 
désignait  autrefois  (du  xv®  au  xvii®  siècle)  soit  un  petit  vase 
de  cristal  rempli  d'huile  où  plongeait  la  mèche  d'une  lampe 
d'église,  soit  un  petit  cul-de-lampe  de  terre  très  grossier 
et  de  bas  prix  que  l'on  emplissait  d'huile.  Ces  petits  lumi- 
gnons répandaient  une  odeur  infecte.  Aujourd'hui  les  lam- 
pions sont  devenus  des  petits  verres  de  couleur  variée, 
bleu,  blanc  et  rouge,  dans  les  fêtes  nationales,  et  disposes 
en  guirlandes  pour  les  illuminations:  une  petite  mèche 
allumée  trempe  dans  l'huile  et  jette  une  lueur  un  peu  fu- 
meuse. Par  extension,  on  donne  le  nom  de  lampion  à  de 
petites  lanternes  de  papier  qui  contiennent  une  bougie  à 
l'intérieur.  Ph.  B. 

LAMPIONE.  Ilot  de  la  mer  Méditerranée,  à  13  kil.  0. 
de  Lampedusa  (V.  ce  mot). 

LAMPISTE  (V.  Lampe  [Techn.]). 
LAiVÎPONG.  Province  ou  résidence  méridionale  de  l'ile 
de  Sumatra;  28,155  kiL  q.;  120,000  hab.  Le  résident 
néerlandais  est  à  Telok-Betong.  C'est  une  ancienne  dépen- 
dance des  sultans  javanais  de  Bentam.  La  population  appar- 
tient à  un  groupe  particuher  de  la  race  malaise,  peut-être 
issu  d'un  croisement  avec  des  indigènes  de  Sumatra. 

LAMPOURDE  (Ia/zi/immT.)(Bot.).  Genre  de  Compo- 
sées du  groupe  des  Ambrosiacées.  Ses  représentants  sont  des 
herbes  annuelles  à  feuilles  alternes,  incisées,  à  fleurs  diclines, 
ordinairement  monoïques,  disposées  en  épis  de  capitules, 
les  supérieures  ordinairement  mâles.  Les  petits  capitules 
mâles  sont  placés  chacun  à  l'aisselle  d'une  bractée  ;  la  co- 
rolle est  gamopétale  à  cinq  dents,  l'androcée  composé  de  cinq 
étamines  monadelphes  à  anthères  biloculaires,  introrses  ; 


Xanthium  strumarium. 

les  fleurs  femelles  sont  formées  d'un  ovaire  uniloculaire, 
uniovulé,  surmonté  d'un  style  bifide  ;  le  fruit  est  sec,  la 
graine  dressée  ex  albuminée  ;  on  trouve  toujours  deux  fleurs 
ou  deux  fruits  semblables  rapprochés  l'un  de  l'autre  dans 
un  sac  commun  chargé  d'aiguillons  crochus.  Les  Lam- 
pourdes  habitent  les  régions  chaudes  et  tempérées  du  globe. 
La  Lampourde  aux  écrouelles  {X.  strumarium  L.)  ap- 


pelée aussi  Gletteron,  Petit  Gratteron,  Petite Bardane, etc., 
Vllerba  happœ  minoris  des  anciennes  oflîcines,  se  ren- 
contre dans  presque  toute  l'Europe,  sur  les  décombres,  le 
bord  des  routes,  des  cours  d'eau,  etc.  On  l'employait  jadis 
comme  antiscrofuleuse  et  antiscorbutique  et  dans  les  ma- 
ladies de  la  peau.  On  en  extrait  un  principe  colorant  utilisé 
dans  les  arts  et  qui  servait  aux  anciens  à  teindre  les  che- 
veux en  blond.  Les  X.  echinatum  Murr.  et  X,  macro- 
carpum  DG,  communs  à  l'Europe  et  à  l'Amérique,  olTrent 
les  mêmes  propriétés.  Le  X.  spinosum  L.,  commun  dans 
la  région  méditerranéenne,  a  été  préconisé  contre  la  rage. 
Enfin  le  X.  catharticum  H.  B.  K.  ou  Cazema  ronchaàes 
Péruviens,  est  doué  de  propriétés  purgatives.     D^  L.  Hn. 
LAMPRECHT  (Le  Curé  ou  der  Pfaffe),  auteur  d'un 
poème  allemand  sur  Alexandre,  qui  date  de  la  première 
moitié  du  xii«  siècle  et  où  les  exploits  du  conqiiérant  ma- 
cédonien sont  présentés  avec  tous  les  incidents  merveilleux 
qu'y  avaient  déjà  mêlés  certains  historiens  de  l'antiquité. 
Alexandre  ne  se  contente  pas  d'anéantir  les  armées  de  Da- 
rius et  de  mettre  l'Asie  à  ses  pieds,  il  veut  forcer  l'entrée 
du  paradis  terrestre,  et  il  faut  qu'un  philosophe,  une  sorte 
d'Aristote  chrétien,  lui  rappelle  qu'il  est  fait  de  poussière 
comme  un  autre  homme  et  qu'il  retournera  en  poussière. 
Le  curé  Lamprecht  avait  pris  pour  modèle  un  poète  fran- 
çais, Albéric  de  Besançon,  dont  un  court  fragment  a  été 
conservé  (V.  Bartsch,  Chrestomathie  de  Vancien  fran- 
çais; Leipzig,  1866).  V Alexanderlied,  avec  d'autres  docu- 
ments sur  le  même  sujet,  a  été  publié  par  H.  Weismann  en 
deux  volumes  (Francfort-sur-le-Main,  1850).        A.  B. 

LAMPRECHT  de  Bâtisbonne,  moine  franciscain  qui 
vivait  en  Allemagne  à  la  fin  du  xni^  siècle  et  écrivit  une 
vie  rimée  de  saint  François,  d'après  celle  de  Thomas  de 
Celano,  et  un  poème  mystique  [Tochter  von  Syon),  dé- 
crivant l'union  de  l'âme  et  de  Dieu. 

LAMPREDI  (Giovanni-Maria),  juriste  italien,  né  à  Ba- 
vezzano,  près  de  Florence,  le  6  avr.  1732,  mort  à  Pise  le 
M  mars  1793.  Professeur  à  l'université  de  Pise,  il  fut 
chargé  par  le  grand-duc  Léopold  de  codifier  les  lois  tos- 
canes. Parmi  ses  ouvrages,  on  peut  citer  :  Juris  piiblici  uni- 
versalis  theoremata  (Livonrne,  m 6-1  S,  3  vol.). 

LAMPRESSE  (Pêche).  On  donne  ce  nom,  à  l'embou- 
chure de  la  Loire,  à  un  filet  qui  sert  à  prendre  la  lamproie  ; 
c'esj  une  sorte  de  demi- folle  de  50  m.  de  long  sur  2  m.  à 
2^50  de  haut,  dont  les  mailles  ont  57  millim.  d'ouverture. 
LAMPRIDE  (^Hus  Lampridius),  écrivain  latin  de  la  se- 
conde moitié  du  iv^  siècle,  un  des  auteurs  de  VHistoire 
Auguste.  Les  manuscrits  lui  attribuent  les  biographies  d'Hé- 
hogabale,  d'Alexandre,  de  Commode  et  de  Diadumenus.  On 
croit  reconnaître  aussi  sa  main  dans  celles  de  Pertinax  et 
Géta.  11  ne  faut  pas  le  confondre  avec  Lampridius,  qui  flo- 
rissait  un  siècle  plus  tard,  à  Bordeaux,  comme  rhéteur  et 
comme  poète  ;  Sidoine  Apollinaire  le  porte  aux  nues,  et 
lui  prête  toutes  sortes  de  mérites,  mais  surtout  une  dex- 
térité incomparable  dans  les  tours  de  force  de  versification 
alors  en  honneur. 
BiBL.  ;  W.  Teuffel,  Litt.  rom.,  §§  402  et  466. 
LAMPRIDIO  (Benedetto),  humaniste  italien,  né  à  Cré- 
mone à  la  fin  du  xv^  siècle,  mort  en  1540.  Il  professa  à 
Bome,  à  Padoue  (1521),  fut  précepteur  de  Francesco  de 
Gonzague  (1536),  du  fils  de  Bembo,  etc.  Parmi  ses  poé- 
sies latmes,on  prisait  fort  ses  odes.  Elles  sont  reproduites 
au  t.  VI  des  Carmina  illustrium  poetarum  italorum 
(Florence,  1719). 

LAMPRIS  (Ichtyol.).  Genre  de  Poissons  osseux  (Téléos- 
téens),  de  l'ordre  des  Acanthoptérygiens  Cotto-Scombri- 
formes  et  de  la  famille  des  Corypha^nidse,  comprenant  des 
Poissons  à  corps  comprimé  et  très  élevé,  couvert  de  très 
petites  écailles  caduques,  une  seule  dorsale  sans  portion 
épineuse  et  des  ventrales  à  rayons  très  nombreux  (14  en- 
viron). Le  type  du  genre,  le  Lampris  luna,  forme  péla- 
gique, est  assez  commun  à  Madère,  et  s'étend  jusque  dans 
le  N.  de  l'Atlantique  ;  il  est  assez  rare  dans  la  Méditerra- 


née  ;  il  peut  atteindre  une  forte  taille  (environ  5  pieds  ;  Gun- 
ther)  et  se  fait  remarquer  par  ses  magnifiques  couleurs. 
BiBL.  :  GuNTHER,  Stiidy  of  Fishes.  —  Cuvier  et  Valen- 
ciENNEs,  Hist.  générale  aes  Poissons. 
LAMPRITE  (V.  Fer  météorique). 
LAMPROIE,  l.  Ichtyologie.  —  Nom  vulgaire  d'un  type 
de  Poissons  constituant  la  sous-classe  des  Cyclostomata  et 
comprenant  deux  familles,  celle  des  Petromyzontidœ  et 
celle  des  Myxinidœ^  dans  la  classification  de  Gunther.  Les 
Lamproies  ont  le  corps  toujours  allongé,  anguilliforme, 
recouvert  d'une  peau  nue,  lisse  et  visqueuse,  avec  rangées 
de  pores  et  de  sacs  muqueux  ;  les  branchies  sont  contenues 
dans  des  poches  bursiformes  au  nombre  de  6  à  7  de  chaque 
côté  ;  les  arcs  branchiaux  n'existent  pas  ;  il  n'y  a  qu'une 
seule  ouverture  nasale  ;  la  bouche  est  antérieure,  entourée 
d'une  lèvre  circulaire  et  disposée  en  forme  de  suçoir.  La 
Lamproie  marine,  Peîromyzon  marinus  L.,  est  le  type  du 
genre  Petromyzon  ;  elle  peut  atteindre  la  taille  de  1  mètre  : 


Lamproie. 

son  corps  est  arrondi  en  avant,  comprimé  en  arrière  ;  les 
yeux  sont  peu  apparents  ;  les  nageoires  sont  soutenues  par 
des  rayons  cartilagineux,  les  dorsales  séparées  l'une  de 
l'autre  ;  sa  couleur  est  d'un  blanc  jaunâtre  avec  des  taches 
et  des  marbrures  d'un  noir  plus  ou  moins  intense  ;  le  ventre 
est  blanc  ;  la  bouche  forme  une  énorme  ventouse  entourée 
d'une  lèvre  charnue  garnie  de  cirrhes  ;  elle  est  pourvue  sur 
toute  sa  surface  intérieure  de  rangées  circulaires  de  dents 
simples  ou  doubles,  décroissant  de  volume  du  centre  vers 
les  bords  ;  une  grosse  double  dent,  relevée  au-dessus  de  l'ori- 
fice buccal,  marque  la  place  de  la  mâchoire  supérieure  ;  une 
large  lame,  formée  de  7  à  8  dents,  représente  la  mâchoire 
inférieure  ;  la  langue  est  armée  de  trois  dents,  profondément 

dentelée  sur  les 
bords. —  La  Lam- 
proie marine  re- 
monte au  prin- 
temps dans  les 
fleuves;  elle  se 
trouve  dans  toute 
l'Europe,  excepté 
dans  la  mer  Noire. 
Les  deux  autres 
formes  connues  du 
même  genre  sont 
les  Petromyzon 
fluviatilislj.etP. 
planeri  Bloch. 

Les  Lamproies 
subissent  des  méta- 
morphoses, et  leurs 
larves,  bien  con- 
nues des  pêcheurs 
sous  le  nom  de 
Lmnprillons,  ont 
été  longtemps  dé- 
crites par  les  natu- 
ralistes comme  re- 
présentant le  genre  Ammocœtes^  dont  VA.  branchialis 
était  le  type.  A  l'état  d'Ammocète,  la  Lamproie  diffère  com- 
plètement de  l'adulte  ;  son  corps  est  moins  cylindrique  ;  la 
bouche  aôecte  la  forme  d'un  fer  à  cheval  ;  la  lèvre  inférieure 
forme  une  saillie  en  avant,  et  cette  bouche  est  absolument 
dépourvue  de  dents. 

Les  Lamproies,  qu'on  les  envisage  à  l'état  larvaire  ou 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XXI. 


Bouche^de  la  Lamproie. 


Appareil  respiratoire 
de  la  Lamproie. 


849  -  LAMPRIS  -  LAMPROIE 

adulte,  sont  des  animaux  très  inférieurs,  et,  malgré  leur  orga- 
nisation plus  complète  que  celle  de  VAmphioxus,  elles  sont, 
avec  ce  dernier,  les  Poissons  qui  se  rapprochent  le  plus  des 
Invertébrés.  Si,  en  effet,  chez  VAmphioxus,  la  colonne 
vertébrale  est  représentée  par  une 
corde  dorsale  gélatino-cartilagi- 
neuse, à  tissu  comparable  à  ce  que 
l'on  trouve  chez  les  A scidies,\\  est  à 
noter  que,  chez  les  Lamproies,  cette 
colonne  vertébrale  consiste  en  une 
corde  dorsale  offrant  des  traces  de 
segmentation  par  l'apparition  de 
pièces  cartilagineuses  ;  chez  elles 
encore  le  cerveau  est  protégé  par 
une  capsule  peu  développée  dont  les 
appendices  montants  se  réunissent 
plus  ou  moins  en  votîte.  Chez  VAm- 
phioxus,  les  pièces  qui  constituent 
la  paroi  du  crâne,  de  tissu  semblable 
à  celui  de  la  gaine  de  la  notocorde, 
s'appuient  sur  la  corde  dorsale  et 
s'élèvent  en  décrivant  une  courbe 
à  convexité  externe,  puis  se  réu- 
nissent pour  former  une  véritable 
voûte.  L'organe  de  l'olfaction  des 
Lamproies  est  constitué  par  un  sac 
placé  dans  une  capsule  spéciale.  Ce 
même  organe  chez  VAmphioxus 
existe  en  arrière  de  la  première 
paire  nerveuse,  sous  l'aspect  d'un 
bulbe  olfactif,  se  terminant  dans 
la  fossette  olfactive,  et  ne  peut  être 
que  l'équivalant  de  l'organe  de 
l'odorat  des  Lamproies  et  des  autres  Cyclostomes.  Nous 
ne  poursuivrons  pas  plus  loin  les  rapports  et  les  diffé- 
rences; mais,  quel  que  soit  le  degré  d'infériorité  du  type 
Amphioxvs,  quels  que  soient  les  caractères  qui  l'ont  fait 
classer  dans  une  sous-classe  particulière,  celle  des  Lepto- 
cardiens,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  les  Lamproies  et 
surtout  leurs  larves  présentent  avec  lui  de  singulières  ana- 
logies bien  propres  à  être  invoquées  en  faveur'des  théories 
transformistes .  Rochbr  . 

II.  Pêche.  —  La  lamproie  marine  s'engage  dans  les 
fleuves  qu'elle  remonte,  au  printemps,  parfois  à  une 
grande  distance  de  leur  embouchure  ;  la  pêche  se  fait  avec 
la  fouëne,  avec  la  nasse,  la  lampresse,  le  loup.  Le  loup  ou 
louve  peut  être  mobile;  pour  pêcher  avec  cet  engin,  deux 
hommes  tenant  les  perches  fixées  aux  extrémités  du  filet  le 
présentent  à  la  marée  montante  et  enveloppent  le  poisson  en 
rapprochant  les  perches.  On  emploie  également  un  filet 
semblable,  mais  plus  grand,  tendu  une  heure  avant  le  com- 
mencement de  la  marée  et  qu'on  relève  un  peu  avant  que 
celle-ci  ne  se  retire  ;  ce  filet  en  nappe  est  fixé  à  des  piquets  ; 
on  pêche  en  bateau  et  on  retire  les  piquets,  de  manière  à 
plier  le  filet  en  deux,  suivant  sa  longueur.  La  nasse  em- 
ployée pour  la  pêche  de  la  lamproie  a  la  forme  d'une  olive, 
dont  le  goulot  est  présenté  au  courant  le  plus  rapide  ;  à 
l'embouchure  de  la  Loire,  on  construit  en  bois  et  en  pierres 
des  chaussées  nommées  duits,  sur  lesquelles  on  établit  les 
nasses  ;  les  nasses,  qui  ont  2  m.  de  long,  sont  placées  vers 
la  fin  de  l'année  aux  endroits  où  la  marée  se  fait  sentir. 
La  lamproie  de  rivière,  qui  n'arrive  pas  à  une  taille  aussi 
grande  que  celle  de  l'autre  espèce,  se  pêche  aux  filets  à 
main  ou  dormants  :  verveux,  tramail,  guideau;  on  emploie 
ce  poisson  en  Hollande  pour  servir  l'appât  pour  la  pêche 
de  la  morue.  E.  Sauvage. 

m.  Art  culinaire.  —  La  chair  des  lamproies  est  aussi 
savoureuse  que  celle  de  l'anguille,  mais  plus  délicate  et 
d'une  digestion  plus  facile.  Chez  les  Romains  ce  poisson 
avait  une  grande  valeur.  On  les  mange  grillées  ou  apprê- 
tées aux  fines  herbes;  en  civet  dans  lequel  on  fait  entrer 
le  sang  de  la  lamproie  qui  doit  à  cet  effet  être  découpée 
vivante,  on  fait  une  sauce  au  vin  avec  des  poireaux,  et 


LAMPROIE  -  LAMPYRE 


-  850  - 


l'on  épaissit  avec  de  la  farine.  On  les  accommode  encore 
aux  champignons,  à  la  sauce  douce,  en  matelote  ;  on  en 
fait  aussi  des  pâtés  froids,  etc. 

BiBL.:  Ichtyologie.  —  Gunther,  Study  of  Fishes.  — 
Sauvage,  dans  Brehm,  édit.  franc.,  Poissons.— Moreau, 
Ilist.  nat.  des  Poiss.  de  France, 

LAMPROPHIS  (Erpét.).  Genre  de  Serpents  Colubri- 
formes  et  de  la  famille  des  Lycodontidse  dans  la  classifica- 
tion de  Duméril  et  Bibron,  ayant  pour  caractères  toutes  les 
écailles  du  milieu  du  dos  lisses,  hexagones  et  beaucoup  plus 
grandes  que  celles  des  flancs  qui  sont  losangiques.  Le 
Lamprophis  aurora  du  cap  de  Bonne-Espérance,  Tune 
des  formes  de  ce  genre,  est  d'un  brun  pâle  sur  les  par- 
ties supérieures  ;  une  bande  d'un  jaune  orangé  règne  sur 
le  milieu  du  dos  depuis  le  bout  du  museau  jusqu'à  l'extré- 
mité de  la  queue  ;  le  dessous  du  ventre  est  blanc.  C'est  un 
animal  nocturne  connu  au  Cap  sous  le  nom  de  Serpent  de 
nuit.  RocHBR. 

BiBL.  :  Duméril  et  Bibron,  Erpêt.  gén. 

LAMPROPHORE  (Celui  qui  porte  un  objet  brillant). 
Nom  donné  autrefois  aux  néophytes,  pendant  les  sept  jours 
qui  suivaient  le  baptême,  parce  que  durant  ce  temps  ils  por- 
taient un  vêtement  blanc,  i(s^r\^  Xafx^ipa.  Les  Grecs  don- 
naient aussi  ce  nom  au  jour  de  Pâques,  parce  que  cette  fête 
de  la  résurrection  illumine  les  âmes.  En  ce  jour-là,  les  mai- 
sons étaient  éclairées,  de  tous  les  côtés,  par  un  grand  nombre 
de  cierges. 

LAMPROPS  (ZooL).  Genre  de  Crustacés,de  Tordre  des 
Cumacés,  voisin  des  Diastylis  (V.  ce  mot).  Le  type  est  le 
L.  rosea,  dont  le  mâle  a  été  décrit  sous  le  nom  de  Cyria- 
nassa  elegans  et  qui  vit  dans  les  mers  de  Norvège. 

Ik^PHOSOME  (Lamprosoma)  (Entom.).  Genre  d'In- 
sectes Coléoptères  Phytophages,  fondé  par  Kirby  en  4818 
pour  des  Eumolpides  de  petite  taille  à  corps  globulaire 
dont  les  espèces  ont  été  souvent  réparties  par  les  auteurs 
dans  les  groupes  les  plus  divers.  Les  Lamprosomes  sont 
répandus  dans  les  régions  chaudes  de  l'Amérique  oti  l'on 
en  compte  plus  de  quatre-vingts  espèces.  Le  seule  espèce 
européenne  (Lamprosoma  concolor  Sturm)  habite  la  ré- 
gion méditerranéenne;  Curtis  en  avait  fait  le  type  du  genre 
Oomorphus  en  1834.  C'est  un  petit  Insecte  bronzé,  vivant 
dans  les  mousses  ou  parmi  les  plantes  basses.  Le  genre 
Lamprosoma  est  le  type  d'une  sous-famille  dite  des  Lam- 
prosominés  qui  contient  les  genres  Lamprosoma  et  Lych- 
nophaes  (Lacordaire,  1848),  propres  à  l'Amérique,  et 
Oomorphus  dont  une  espèce  habite  l'Europe  et  l'autre  For- 
mose.  M.  M. 

LAMPROTERA  (V.  Danse,  t.  XIII,  p.  864). 

LAMPROTORNINÉS  (Ornilh.).  Sous  le  nom  de  Lam- 
protorninés,  les  ornithologistes  désignent  les  Passereaux 
qui  sont  appelés  vulgairement  Merles  bronzés^  Merles  mé- 
talliques^ Merles  de  Juida  ou  simplement  Juidas  (V.  ces 
mots)  et  qui  appartiennent,  en  réalité,  à  la  grande  famille 
des  Sturnidés  ou  Etourneaux  (V.  ce  mot)  dont  ils  cons- 
tituent une  simple  tribu.  Cette  tribu  comprend,  outre  les 
Merles  bronzés  typiques  (Lamprotornis,  Lamprocolius^ 
Coccycolius,  Comopsarus,  Amydrus)  qui  sont  tous  afri- 
cains, les  Calornis  (V.  ce  mot)  qui  habitent  l'Asie  méri- 
dionale et  divers  archipels  de  l'Océanie. 

La  plupart  des  Lamprotorninés  africains  ne  dépassent 
pas  la  taille  d'un  Etourneau  ou  d'un  Merle.  Ils  ont  le  bec 
de  longueur  médiocre,  assez  effilé,  les  ailes  bien  dévelop- 
pées, la  queue  tantôt  coupée  carrément,  tantôt  allongée  et 
étagée,  le  plumage  généralement  plus  brillant  que  celui  des 
Calornis  et  offrant  souvent  des  teintes  bronzées,  cuivrées, 
dorées  ou  pourprées,  d'un  éclat  incomparable.  Ces  teintes, 
rehaussées  par  quelques  points  ou  par  des  taches  d'un  noir 
pourpré,  s'étendent  presque  toujours  sur  la  totahté  du 
corps  ;  parfois  cependant,  comme  chez  les  Pholidauges^ 
chez  les  Notauges  et  chez  les  Comopsarus,  elles  s'asso- 
cient à  du  blanc  pur,  à  du  roux  ou  à  du  jaune  orangé  cou- 
vrant les  parues  inférieures  du  corps. 

Les  Lamprotorninés  sont  répandus  sur  la  plus  grande 
partie  du  continent  africain,  depuis  la  Sénégambie,  le  Sou- 


dan et  l'Abyssinie  jusqu'au  cap  de  Bonne-Espérance  et  se 
montrent  particulièrement  communs  sur  la  côte  occiden- 
tale, au  Sénégal,  au  Gabon  et  au  Congo.  lisent  à  peu  près 
les  mœurs  des  Etourneaux  et,  comme  eux,  vivent  en 
troupes  pendant  une  partie  de  l'année  et  se  nourrissent  de 
vers,  d'insectes,  de  graines  et  de  fruits.  Leurs  allures  sur 
le  sol  sont  vives  et  légères,  et  leur  vol  est  facile,  quoique 
un  peu  lent.  Ils  nichent  tantôt  par  couples  isolés,  tantôt 
en  colonies  et  pondent  des  œufs  verdâtres  ou  grisâtres  ta- 
chetés de  brun,  de  rougeâtre  ou  de  gris  foncé. 

Les  Merles  métalliques  supportent  aisément  la  captivité 
et  par  la  beauté  de  leur  plumage  font  l'ornement  d'une  vo- 
lière; toutefois,  le  nombre  de  ces  oiseaux  qui  sont  capturés 
vivants  n'est  rien  à  côté  de  celui  des  Lamprotorninés  qui 
sont  sacrifiés  annuellement  et  dont  les  dépouilles  sont  uti- 
lisées par  l'industrie  de  la  plumasserie.  Parmi  les  espèces 
les  plus  recherchées,  nous  citerons  :  le  Lamprocolius  eau- 
datus  MulL,  du  Sénégal;  le  L.  splendidus  on  Merle  vert 
d'Angola,  de  Daubenton  ;  le  L.  glaucovirens  Elliot,  de 
la  région  du  Haut-Ogôoué  et  du  Congo;  le  L.  purpuras- 
cens  MùlL,  ou  Merle  violet  du  royaume  de  Juida,  de 
Guéneau  de  Montbéliard;  le  L,  chalybeus  Ehr.,  d'Abys- 
sinie  et  de  Sénégambie  ;  le  L.  chalcurus,  Nordm.,  de  la  Côte 
d'Or  ;  le  L.  purpureiceps  Verr.,  du  Congo  ;  le  Coccycolius 
iris  Oust.,  des  îles  Loss;  le  Notauges  ou  Spreo  bicolor 
Gm.,  de  l'Afrique  australe;  le  N.  superbus,  de  la  côte  occi- 
dentale d'Afrique;  le  Pholidauges  leucogaster  Gm.  ou 
Merle  violet  à  ventre  blanc  de  Juida;  le  Ph.  Verrenuxi 
Boc,  de  Zanzibar,  du  Congo  et  d'Angola,  et  le  Comopsa- 
rus  regius  Reich.,  du  pays  des  Çomalis.      E.  Oustalet. 

BiBL.:  R.-B.  Sharpe,  Cat.  B.  Bvil.  Mus.,  1890,  t.  XIII, 
pp.  120  etsuiv. 

LAMPSAKI.  Ville  d'Anatolie,  à  46  kil.  O.-N.-O.  de 
Bigha,  sur  le  détroit  des  Dardanelles,  en  face  de  Gallipoli, 
ch.-l.  d'un  caza  du  mutessarifat  de  Bigha;  3,000  hab.  Jo- 
lie mosquée.  Territoire  fertile,  planté'  de  vignes  et  d'oli- 
viers. Pas  de  restes  d'antiquités.  Près  de  là,  village  de 
Tchardak,  avec  une  jolie  mosquée.  —  Lampsaki  est  l'an- 
cienne Lampsaque  qui  joua  un  certain  rôle  dans  l'histoire 
grecque.  Son  nom  primitif  était  Pityusa  et  la  région  était 
occupée  par  les  Thraces  Bebryces;  les  colons  ioniens  (de 
Phocée  et  de  Milet)  lui  donnèrent  celui  de  Lampsaque.  Sa 
position  à  l'entrée  de  l'Hellespont  et  l'excellence  de  son 
port  lui  donnèrent  une  importance  stratégique.  Miltiade 
essaya  vainement  de  s'en  emparer.  Les  Perses  s'en  rendirent 
maîtres  1ers  de  la  révolte  de  l'Ionie,  mais  laissèrent  le  gou- 
vernement au  tyran  Hippoclès  et  à  son  fils  yEantides, 
mari  d'Archédice,  fille  de  Pisistrate.  Les  vignobles  très 
renommés  des  environs  furent  donnés  à  Thémistocle  par  le 
roi  de  Perse.  La  prospérité  de  Lampsaque  était  encore 
réelle  au  temps  de  Strabon.  Cette  ville  fut  le  centre  du 
culte  de  Priape.  L'historien  Charon,  l'orateur  Anaximène 
et  l'épicurien  Métrodore  étaient  nés  à  Lampsaque. 

LAMPSAR.  Fort  du  Sénégal,  sur  un  marigot  du  fleuve, 
à  21  kil.  E.  de  Saint-Louis;  il  date  de  1815. 

LAMPSON  ou  LAMPSONIUS  (Dominique),  poète  et 
peintre  flamand,  né  à  Bruges  en  1532,  mort  à  Liège  en 
1599.  Il  contribua  beaucoup  à  ramener  au  catholicisme 
Juste  Lipse,  avec  lequel  il  était  en  correspondance  suivie. 
Parmi  ses  poésies  écrites  en  latin,  un  certain  nombre  se 
rapportent  à  la  peinture.  Il  fut,  comme  peintre,  l'élève  de 
son  ami  Lambert  Lombard.  Ses  tableaux  sont  très  rares, 
mais  assez  estimés. 

LAWIPTÉRIES  (Aa(i;utTlpiûf).  Fêtes  des  flambeaux  célé- 
brées à  Pallène  en  l'honneur  de  Dyonisos,  qui  recevait  en 
cette  circonstance  le  surnom  de  Lampter  (Paus.,  VIL 
27,  2).  F      V         ,        , 

LAMPUGNANI  (Agostino),  écrivain  italien,  né  à  Milan 
en  1588,  mort  à  Milan  en  1668.  De  l'ordre  des  bénédic- 
tins, ses  œuvres  lui  valurent  une  grande  réputation  ;  citons  : 
Cecilia  predicante,  drame  sacré  (Bologne,  i64:3);Lumi 
délia  lingua  italiana  (1652),  etc. 

LAMPYRE  (Lampyris)  (Entom.).  Genre  d'Insectes Co- 


854 


LAMPYRE  —  LAMY 


léoptères  Malacodermes,  fondé  par  Geoffroy  et  type  d'une 
famille  dite  des  Lampyridés,  renfermant  des  animaux  lumi- 
neux vulgairement  appelés  Vers  luisants.  Le  genre  Lam- 
pyris  est  caractérisé  par  le  labre  corné,  arrondi  en  avant, 
les  mandibules  petites  et  peu  saillantes  avec  une  pointe 
aiguë  à  leur  extrémité  intérieure  ;  les  téguments  sont  assez 
mous  ;  le  corps,  allongé  en  ellipse,  est  élargi,  et  le  corse- 
let cache  la  tête  ;  la  coloration  est  grise  ou  jaunâtre,  bru- 
nâtre, et  la  taille  est  petite  ou  moyenne.  Les  mâles  seuls 
sont  ailés  et  volent  facilement,  mais  les  femelles,  complè- 
tement aptères  et  dépourvues  d'élytres,  gardent  toute  leur 
vie  la  forme  des  larves  ;  celles-ci  se  nourrissent  de  petits 
Mollusques  Gastropodes  qu'elles  dévorent  dans  leur  coquille. 


Lampyris  noctiluca  mâle.        Lampyris  noctiluca  femelle. 


Pendant  les  nuits  d'été,  on  voit  les  points  lumineux  ver- 
dâtres,  que  forme  chaque  Insecte,  se  traîner  le  long  des 
herbes,  sur  le  sol,  ou  voltiger  dans  les  airs.  Ces  appareils 
lumineux  sont  situés  à  la  face  ventrale  des  derniers  seg- 
ments abdominaux  et  ils  peuvent  luire  ou  s'éteindre  à  la 
volonté  de  l'Insecte;  c'est  un  signal  pour  le  rapprochement 
des  sexes,  mais  cette  question  est  encore  mal  connue,  car 
les  larves  sont  également  phosphorescentes.  Il  existe  une 
trentaine  d'espèces  de  Lampyres  en  Europe;  un  certain 
nombre  a  été  réparti  dans  les  sous-genres  Pelania  Muls., 
Lamprohiza  Mots,  et  Phosphœnapterus  Schauf.  Les 
Lampyris  noctiluca  Linn.  et  splendidula  Linn.  sont 
communs  partout  en  juin  et  juillet.  Le  genre  Lampyris 
compte  en  tout  soixante  espèces  répandues  par  tout  le  globe, 
surtout  dans  les  régions  chaudes  comme  celles  de  l'Amé- 
rique du  Sud.  Les  autres  genres  principaux  de  la  famille 
des  Lampyridés  sont  :  Liiciola  et  Phosphœnus,    M.  M. 

LAMSAKI  (V.  Lâmpsaki). 

LAMUEL  ou  LEMOUEL  C'est  à  un  roi  de  ce  nom  que 
sont  dédiés  par  sa  )nère  quelques  préceptes  de  conduite, 
qui  ont  trouvé  place  dans  le  livre  canonique  des  Proverbes 
(XXXI,  i-9).  Si  nous  lisons  avec  Reuss  :  Paroles  de  Le- 
mouel,  roi  de  Massa,  nous  pourrons  songer  au  chef  de 
quelque  principauté  judéo-arabe,  située  au  S. -E.  de  la  Pa- 
lestine. 

BiBL.  :  Reuss,  Philosophie  religieuse  et  morale  des  Hé- 
breux, 1878,  pp.  157-158. 

LAMURE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Rhône,  arr.  de 
Villefranche  ;  1,426  hab. 

LAIVIUS(Myth.)  (V.  Lestrygons). 

LAMY  (Dom  François),  philosophe  cartésien  français,  né 
au  château  de  Montereaù,  près  de  Chartres,  en  4636, 
mort  à  Saint-Denis  le  4  avr.  4744.  Il  entra  dans  la  car- 
rière des  armes  et  fut  capitaine  de  chevau-légers.  Mais  à 
vingt-trois  ans,  à  la  suite  d'un  duel,  il  renonça  aux  armes 
et  entra  dans  la  congrégation  de  Saint-Maur.  Il  y  enseigna 
la  philosophie  et  arriva  aux  plus  hautes  dignités  de  son 
ordre.  Il  passa  les  vingt  dernières  années  de  sa  vie  dans 
la  retraite  à  l'abbaye  de  Saint-Denis.  Dom  Lamy  fut  un 
ardent  disciple  de  Descartes  et  de  Malebranchc.  11  défen- 
dit ce  dernier  contre  Arnauld  et  Bossuet.  Toutefois,  il  se 
retourna  contre  Malebranche  quand  celui-ci  publia  le  Traité 


de  la  nature  et  de  la  grâce  et  engagea  une  polémique 
si  vive  que  ses  supérieurs  lui  interdirent  de  la  continuer. 
Son  principal  ouvrage.  De  la  Connaissance  de  soi-même 
(Paris,  4694-98,  6  vol.  in-12;  2^ éd.  augm,,  Paris,  4700, 
in-8),  est  une  imitation  de  la  Piccherche  de  la  Vérité;  la 
partie  morale  en  est  la  plus  développée  et  la  plus  originale. 
Dans  les  Lettres  philosophiques  (Trévoux  et  Paris,  4703, 
in-42),  et  dans  les  Premiers  Eléments  des  sciences  ou 
Entrée  aux  connaissances  solides  (4706),  il  résume 
fidèlement  les  idées  métaphpiques  de  Malebranche,  surtout 
la  théorie  des  causes  occasionnelles.  Comme  Blalebranche, 
il  était  soucieux  de  prévenir  toute  accusation  de  panthéisme 
et  il  écrivit  contre  Spinoza  le  Nouvel  Athéisme  ou  Réfu- 
tation du  système  de  Spinoza  (4696,  in-42).  Bossuet, 
Bayle  et  Voltaire  sont  d'accord  pour  louer  cet  ouvrage. 
Citons  encore  :  Vérité  évidente  de  la  religion  chrétienne 
(Paris,  4694,  in-12);  Lettres  d'un  théologien  à  un  de 
ses  amis  (Paris,  4699,  in-8);  Lettres  théologiques  et 
morales  (Paris,  4708,  in-42)  ;  De  la  Connaissance  et  de 
V Amour  de  Dieu  (Paris,  4742,  in-42,  posthume).  On 
trouvera  la  liste  complète  des  ouvrages  de  dom  Lamy  dans 
la  Bibliographie  des  auteurs  de  la  congrégation  de 
Saint-Maur,  par  dom  Tassin  (p.  3.^6).     Th.  Ruyssen. 

BiBL.  :  Dom  MABiLLON,(Eut;r.  posi/i.,  1. 1,  pp.  376  et  suiv. 
—  Dom  Deforis,  Œuvres  de  Bossuet^  t.  X.  —  Bayle,  Die- 
iionn.  et  Lettres,  p.  577.  —  Ntceron,  Mémoires^  t.  X.  — 
Fr.  BouiLLiER,  Hist.  de  la  philos,  cartes.,  t.  II,  chap.  xix. 

LAWIY  (Bernard),  oratorien  et  philosophe  français,  né  au 
Mans  en  juin  1640,  mort  à  Rouen  le  29  janv.  4745.  Il  fit 
ses  premières  études  au  collège  des  oratoriens  du  Mans. 
Dès  l'âge  de  dix-huit  ans,  il  entra  lui-même  à  l'Oratoire 
à  Paris,  étudia  la  philosophie  à  Juilly,  puis  à  Saumur,  et 
fut  appelé  à  l'enseigner  à  Angers.  Son  zèle  pour  Des- 
cartes lui  suscita  de  violentes  inimitiés.  Les  péripatéticiens 
du  collège  d'Anjou  obtinrent  contre  lui  l'interdiction  par 
lettre  de  cachet  d'enseigner  le  cartésianisme,  puis  un  arrêt 
du  conseil  du  2  août  1675  lui  défendant  d'enseigner  en 
France.  Ses  supérieurs  l'exilèrent  à  regret  dans  un  cou- 
vent du  Dauphiné.  Mais  Le  Camus,  évêque  de  Grenoble, 
reconnut  son  mérite,  et  le  fit  son  auxilliaire  dans  sa  cam- 
pagne de  conversion  en  Dauphiné.  C'est  Lamy  qui  amena 
au  catholicisme  le  ministre  réformé  Vignes.  Appelé  au  sé- 
minaire de  Saint-Magloire  à  Paris,  il  y  fut  encore  inquiété 
par  l'archevêque  du  Harlay  pour  son  Harmonie  évangé-^ 
tique.  Citons  parmi  ses  œuvres  :  Nouvelles  Réflexions 
sur  Vart  poétique  (Paris,  4668,  in-46;  2«  éd.,  4678, 
réimpr.  en  4744  avec  l'ouvrage  suivant  :  VArt  de  parler; 
Paris,  4670,  in-42;  8«  éd.,  4757,  trad.  en  allem.,  en 
angl.  et  en  ital.),  ouvrage  mis  à  côté  de  VArt  de  penser 
de  Nicole;  Traitez  de  méchanique  {Hyïs,  4679,  in-42; 
2*^  éd.,  4687)  ;  Traité  de  la  grandeur  en  général  (Paris, 
1680,  in-42  ;  2^  éd.  4694)  ;  Entretiens  sur  les  sciences 
(Grenoble,  4683,  in-42,  souvent  vmû^v.)';  Eléments  de 
géométrie  (Paris,  4684,  in-42;  7«  éd.,  4758)  ;  Appara- 
tus  Biblicus  (Grenoble,  4687,  in-8,  souvent  réimpr.), 
ouvrage  qui  a  obtenu  un  grand  succès  et  est  un  commen- 
taire historique  et  géographique  des  événements  de  l'Ecri- 
ture sainte;  De  Tabernaculo  fœderis,  de  sancta  civitate 
Jérusalem  et  de  templo  ejus  (Paris,  4720,  in-fol.),  autre 
ouvrage  archéologique  d'une  grande  valeur,  publié  avec 
de  très  belles  planches.  Lamy  y  avait  consacré  trente 
années  et  ne  put  l'achever.  Le  P.  Desmolets  le  publia  avec 
une  vie  de  B.  Lamy.  Th.  Ruyssen. 

BiBL.  :  EUies  Dupin,  Bihlioth,  des  auteurs  ecclés.,  t.  XIX 
de  rédition  in-4,  pp.  121  et  suiv.  —  Niceron,  Hommes 
illustres,  t.  VI.  —  Othon  Mencke,  Acta  eruditorum.  — 
B.  Hauréau,  Hist.  litt.  du  Maine,  t.  VI,  pp.  216  et  suiv. 
•—  Fr.  BouiLLiER,  Hist.  de  la  philos,  cartes.,  t.  II. 

LAMY  (Claude-Auguste),  chimiste  français,  né  à  Ney 
(Jura)  le  45  juil.  4820,  mort  à  Paris  le  20  mars  1878. 
Elève  de  l'Ecole  normale  (4843-45),  puis  successivement 
professeur  aux  lycées  de  Lille  et  de  Limoges,  il  revint  en 
4850  à  Lille,  y  épousa  en  4854  la  fille  de  l'industriel 
Kuhlmann  (V.  ce  nom)  et  y  occupa  de  4854  à  4866  la 
chaire  de  physique  de  la  nouvelle  faculté  des  sciences.  A  la 


LAMY  —  LAN^RUS 


852  — 


mort  de  Payen  (1866),  il  lui  succéda  comme  professeur 
de  chimie  industrielle  à  TEcole  centrale  des  arts  et  manu- 
factures. Il  donna  à  la  Sorbonne,  en  1869  et  1869,  des 
conférences  très  suivies.  11  devait  surtout  sa  grande  no- 
toriété à  ses  remarquables  travaux  sur  le  thallium  (Y.  ce 
mot)  et  sur  les  composés  de  ce  métal,  qu'il  est  parvenu  à 
isoler,  en  1862,  chez  son  beau-père,  des  boucs  des  cham- 
bres de  plomb  où  Ton  fabriquait  de  Tacide  sulfurique,  avec 
des  pyrites  belges,  et  dont  il  a  fait  connaître,  le  premier, 
la  véritable  nature.  Outre  des  mémoires  et  notes  parus 
dans  les  Mémoires  de  la  Société  des  sciences  de  Lille, 
dans  les  Comptes  rendus  de  V Académie  des  sciences^ 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  chimique  de  Paris,  etc. ^ 
il  a  publié  :  Leçons  de  chimie  professées  à  la  Société 
chimique  (Paris,  1864,  in-8).  L.  S. 

BiBL.  :  L.  Pasteur,  Notice  sur  CL-A.  Lamy  ;  Ver- 
sailles, 1879,  in-8.  —  Liste  des  mémoires  dus  à  Lamy  dans 
le  Catalogue  of  scientific  papers  de  la  Société  royale  de 
Londres,  t.  IIÏ  et  VIIL 

LAMY  (Thomas- Joseph),  orientaliste  belge,  né  à  Ohey 
en  1827.  Il  est  professeur  d'Ecriture  sainte  et  de  langues 
sémitiques  à  l'université  de  Louvain.  Il  a  publié  un  grand 
nombre  de  travaux  importants  dont  voici  les  principaux  : 
V Evangile  et  la  Critique,  Examen  de  la  vie  de  Jésus 
de  Renan  (Louvain,  1863,  in-8,  souvent  rééd.)  ;  Intro- 
ductio  in  Sanctam  Scripturam  (Malines,  1866-67, 2  vol. 
in-8;  rééd.,  1863,  1877,  1886);  Concilium  Seleuciœ  et 
Ctesiphonti  habitum  anno  4iO  (Louvain,  1868,  in-8); 
Commentarium  in  Genesin  (id,,  1880,2  vol.  in-8; 
rééd.,  Malines,  1883-84);  S.  Ephrem  syri  hymnes  et 
sermones  (Malines,  1884-86,  3  vol.  in-8).         E.  H. 

LAMY  (Etienne -Marie-Victor),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Gize  (Jura)  le  2  juin  1843.  Elève  des  domini- 
cains de  Sorèze,  puis  de  Stanislas,  il  fut  reçu  docteur  en 
droit  en  1869  avec  une  thèse  intitulée  Des  Opérations  de 
bourse  chez  les  anciens^  au  moyen  âge  et  dans  les 
temps  modernes  ;  il  avait  d'abord  présenté  une  thèse  sur 
les  Rapports  de  l'Eglise  et  de  l'Etat ,  mais  le  sujet  n'avait 
pas  été  accepté.  Le  8  févr.  1871,  il  fut  nommé  représen- 
tant à  l'Assemblée  nationale  ;  il  siégeait  à  gauche  et  demanda 
la  réorganisation  des  services  publics,  la  levée  de  l'état  de 
siège.  Réélu  le  20  févr.  1876,  dans  Tarr.  de  Saint- 
Claude,  il  continua  de  siéger  à  gauche  et  fut  l'un  des  363 
qui  votèrent  contre  le  cabinet  de  Broglie.  Réélu  le  14  oct. 
1877,  il  combattit  la  loi  sur  l'ens'eignement  supérieur 
présentée  par  Jules  Ferry  et  vota  contre  l'art.  7  (juil. 
1879).  Aux  élections  du  21  août  1881,  il  obtint  au  pre- 
mier tour  un  nombre  de  voix  très  faible  (le  cinquième  des 
votants)  et  ne  persévéra  pas  ;  il  devint  administrateur  du 
Gaulois.  On  cite  de  M.  Lamy  :  le  Tiers  Parti,  l'Assemblée 
natioîiale  et  la  Dissolution  (1872)  ;  il  a  collaboré  avec 
éclat  à  la  Revue  des  Deux  Mondes.  Ph.  B. 

LAMY  (Paul-Franc),  peintre  français,  né  à  Clermont- 
Ferrand  le  12  mai  1855.  Son  père  voyageant  pour  ses 
affaires,  il  alla  vers  l'âge  de  neuf  ans  avec  sa  mère  le  re- 
joindre à  Londres,  où  la  famille  resta  trois  ans.  De  retour 
à  Paris,  le  jeune  homme,  passionné  pour  le  dessin,  entra 
à  l'âge  de  quinze  ans  à  l'Ecole  des  beaux-arts,  et  à  partir 
de  dix-huit  ans  reçut  une  pension  de  sa  ville  natale.  Très 
séduit  par  la  jeune  école  impressionniste,  il  en  adopta  le 
coloris  et,  vers  1875,  exposa  à  l'un  des  premiers  Salons  de 
cette  école.  Ses  figures  nues  dans  le  plein  air  reflètent  vive- 
ment les  verdures  environnantes.  Mais  sa  grande  science 
du  dessin  l'empêcha  de  tomber  dans  les  excès.  Ses  plus 
importantes  toiles  sont  :  le  Conseil  de  revision  (1884, 
musée  de  Clermont-Ferrand)  ;  Femme  nue  après  le  bain 
(1885,  musée  de  Poitiers)  ;  le  Sommeil  (musée  de  Tunis)  ; 
Pâquerette  (1888,  musée  de  Mâcon);  Au  Fond  des  bois 
(1889,  musée  de  Nice);  Rêve  d'été  (1890);  Printemps 
fleuri  (1 891)  ;  le  Renouveau  (1 892)  ;  Au  Pays  des  fleurs 
(1893),  etc.  G.  Armeltn. 

LAN  (Charles-Romain),  ingénieur  et  métallurgiste  fran- 
çais, né  à  Beaulieu-les-Fontaines  (Oise)  le  28  févr.  1826, 
mort  à  Paris  le  2  mai  1885.  Sorti  en  1850  de  l'Ecole  des 


mines  de  Paris  et  nommé  ingénieur  en  1851,  il  enseigna 
pendant  douze  ans  la  métallurgie  à  l'Ecole  des  mines  de 
Saint-Etienne,  puis  quitta  le  service  de  l'Etat  (1862)  pour 
passer  à  la  Société  des  forges  et  fonderies  de  Commentry. 
Remis  en  activité  en  1872,  il  fut  nommé,  la  même  année, 
professeur  de  métallurgie  à  l'Ecole  des  mines  de  Paris, 
dont  il  devint  directeur  en  1884.  Il  montra,  dans  ces 
diverses  situations,  de  rares  qualités  comme  administra- 
teur et  comme  métallurgiste.  11  a  laissé  divers  écrits,  entre 
autres  un  volume  resté  classique  :  Etat  présent  de  la 
métallurgie  en  Angleterre,  en  collaboration  avec  Gruner 
(Paris,  1862,  in-8),  une  étude  sur  la  Métallurgie  à  l'Ex- 
position de  iSlS  (Paris,  1879,  in-8)  et  une  dizaine  de 
mémoires  dans  les  Annales  des  mines  (1851-59).  L.  S. 

LANA  (Lodovico),  peintre  et  graveur  italien,  né  à  Mo- 
dène  en  1597,  mort  à  Modène  après  1649.  H  eut  pour 
maître  Scarsellini  et  devint  ensuite  un  des  plus  habiles 
imitateurs  du  Guerchin.  Lana  fut  directeur  de  l'Académie 
de  peinture  de  Modène  et  eut  beaucoup  à  souffrir  des  attaques 
de  son  rival  Pesari.  Son  œuvre  capitale,  la  Peste  de  Mo- 
dène, se  trouve  dans  cette  ville,  sur  un  autel  de  l'église 
Santa  Maria  del  Voto,  qui  possède  aussi  de  sa  main  'une 
Crucifixion.  Dans  l'église  San  Giorgio,  on  voit  deux  œuvres 
de  Lana,  Saint  Cosme  et  saint  Damien  et  la  Vierge  dans 
la  gloire.  La  galerie  de  Modène  en  possède  également  une, 
la  Mort  de  Clorinde,  et  la  galerie  de  Ferrare  une  autre, 
Judith  et  Olopherne.  Lana  s'est  également  fait  connaître 
comme  graveur,  et  l'on  a  catalogué  neuf  de  ses  estampes  ; 
l'une  d'elles,  les  Saintes  Femmes  soignant  les  blessures 
de  saint  Sébastien,  est  signée  et  datée  de  1649. 

BiBL.  :  Vedriani,  RaccoUa  de'Pittori,  Scultori  ed  Ar- 
chitetti  Modenesi  ;  Modène,  1662,  in-4.  —  Lanzi,  Storia 
pittorica  dell'Italia;  Milan,  6  voL  in-18,  t.  IV.  —  Bartsch, 
le  Peintre-Graveur,  t.  XVIIL 

LANA  (Le  P.  Francesco-Terzi),  physicien  italien,  né  à 
Brescia  le  13  déc.  1631,  mort  à  Rome  le  26  févr.  1687. 
D'une  très  ancienne  famille,  il  entra  à  seize  ans  dans  la 
Société  de  Jésus,  enseigna  d'abord  les  belles -lettres,  la 
rhétorique  et  la  philosophie  dans  plusieurs  villes  d'Italie, 
puis  s'appliqua  à  l'étude  des  sciences  et  devint  professeur 
de  mathématiques  à  Ferrare.  Il  revint  ensuite  dans  sa  ville 
natale,  où  il  fonda  l'Académie  des  Filesotici,  qui  n'eut  du 
reste  qu'une  durée  éphémère.  Esprit  curieux  et  inventif, 
le  P.  Lana,  qui  jouissait  parmi  ses  contemporains  d'une 
grande  célébrité,  a  porté  ses  efforts  sur  toutes  sortes  de 
sujets  et  a  imaginé  un  nombre  incalculable  de  machines,  d'ap- 
pareils, d'instruments.  Au  premier  rang,  il  faut  placer  sa 
barque  volante,  décrite  dans  le  chap.  vi  de  son  Prodromo; 
c'est  le  plus  ancien  projet  d'aérostat  que  l'on  connaisse  (V.  Aé- 
rostats, t.  I,  p.  664).  Viennent  ensuite  un  ingénieux  se- 
moir, des  automates,  de  nouvelles  horloges,  un  canon  tirant 
sans  poudre,  etc^.  Il  fit,  dans  les  environs  de  Brescia  et  de 
Bologne,  en  1 665  et  en  1 668 ,  d'importantes  expériences  avec 
le  baromètre  et  il  tenta,  un  peu  plus  tard,  de  reproduire 
artificiellement  les  pierres  précieuses.  Il  s'occupa  aussi  de 
magnétisme  et  d'astronomie,  mais  il  versa  dans  l'astro- 
logie. Ses  deux  principaux  ouvrages  ont  pour  titres  :  Pro- 
dromo, ovvero  Saggio  di  alcune  inventioni  nuove 
(Brescia,  1670,  in-fol.)  ;  Magisterium  naturœ  et  artis 
(Brescia  et  Parme,  1684-92,  3  vol.  in-fol.  ;  rare).  Ce  der- 
nier, qui  devait  avoir  neuf  volumes,  contient  notamment 
un  chapitre  intitulé  De  Motu  quem  vocant  attractionis 
electricœ.  On  a  encore  du  P.  Lana  un  livre  curieux  de 
psychologie  ascétique  :  La  Relia  Svelata  (Brescia,  1681, 
in-8)  et  des  mémoires  parus  dans  le  recueil  de  l'Aca- 
démie des  Filesotici,  dans  les  Philosophical  Transac- 
tions, etc.  L.  S. 

BiBL.  :  TiRABOsciii,  storia  délia  letter.  ital,  VIII,  p.  216. 
—  Faujas  de  Saint-Fond,  la  Machine  aérostatique, 
pp.  x-xu.— Journal  des  savants,  1685,  p.  255.  —  F.  Hœfer, 
Hist.  de  la  chimie,  t.  II,  pp.  273  et  283. 

LAN>€RUS  (AndrsBus),  poète  suédois,  né  en  1738,  mort 
en  1810,  étant  pasteur  dans  le  diocèse  de  Lund.  Ses  poé- 
sies, où  le  talent  satirique  et  comique  se  joint  à  une  cer- 
taine profondeur  de  sentiments,  étaient  fort  goûtées  de 


—  853  — 


LANiERUS  —  LANCASTRE 


ses  contemporains.  Parmi  ses  œuvres,  qui  n'ont  été  impri- 
mées qu'en  partie  et  sont  conservées  en  manuscrit  à 
l'université  de  Lund,  on  peut  citer  le  Poème  sur  les  trois 
Gustave  de  Suède  (4772)  ;  des  psaumes,  des  fables  et, 
en  prose,  Un  Essai  sur  les  mœurs  des  peuples  de  l'Eu- 
rope et^  en  particulier,  du  peuple  suédois  (1788  ;  2*^  éd., 
1789).  Th.  G. 

LANAG,  LANKA  ou  RAKUS-TAL.  Lac  du  Tibet  occi- 
dental, d'où  sort  le  Sutledj,  au  S.  du  mont  Kaïlas;  il  a 
35  kii.  du  N.  au  S.  et  10  kil.  del'E.  à  l'O.,  et  se  trouve 
à  4,651  m.  d'alt. 

LAN  AÏ  ou  RANAÏ.  Une  des  îles  Hawaï  ou  Sandwich 
(V.  ce  mot). 

LAN  AN  S.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  et  cant.  de 
Baume-les-Dames  ;  261  Iiab. 

LANARCE.  Com.  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr.  de  Largen- 
tière,  cant.  de  Concouron;  884  hab. 

LANARK.  Ville.  —  Ville  d'Ecosse,  ch.-l.  du  comté  de  ce 
nom,  au-dessus  de  la  Clyde  ;  5,000  hab.  Elle  existait  dès 
le  x^  siècle  ;  Kenneth  II  y  réunit  les  Etats  du  royaume  en 
978.  Au  S.  est  New  Lanark,  théâtre  de  la  célèbre  expé- 
rience socialiste  de  Robert  Owen  (V.  ce  nom). 

Comté.  —  Comté  du  S.-O.  de  l'Ecosse;  2,283  kil.  q.  ; 
1,045,787  hab.  (en  1894).  Compris  entre  les  comtés  de 
Dumfries  au  S.,  Peebles,  Edimbourg,  Linlithgow  à  l'E., 
Stirling,  Dumbartonau  N.,  Renfrew,  Ayr  à  l'O.,  il  corres- 
pond au  bassin  de  la  Clyde,  ancienne  région  du  Clydes- 
date  (V.  Ecosse).  Les  terres  s'étagent  depuis  les  Souther 
Hills  (772  m.)  jusqu'à  la  Clyde  maritime:  dans  la  vallée 
supérieure  sont  de  vastes  espaces  incultes,  landes  et  ma- 
rais. Mais  la  vallée  inférieure  suffit  pour  en  faire  le  plus 
riche  comté  de  l'Ecosse,  renfermant  plus  du  quart  de  la 
population  totale  du  pays.  Il  possède,  en  effet,  la  grande 
ville  de  Glasgow,  A  ce  mot  et  à  Ecosse,  on  trouvera  des 
détails  sur  les  richesses  industrielles  du  comté  de  Lanark, 
sur  ses  mines,  etc.  Il  n'y  a  guère  que  3/7  du  sol  qui  soient 
cultivés  ;  les  prairies  occupent  la  plus  grande  partie  de 
cette  étendue  ;  les  champs  occupent  moins  de  4  0  °lo  de 
la  superficie  totale.  Les  moutons  et  les  bœufs  sont  nom- 
breux. 

Sur  la  géographie  physique,  V.  Grande-Bretagne.  Sur 
l'histoire  du  Clydesdale  ou  comté  de  Lanark,  V.  Ecosse  et 
les  noms  des  villes  ou  châteaux  placés  sur  son  territoire, 
Douglas,  Hamllton,  Bothwell,  Glasgow,  etc.  A.-M.  B. 

LANARK  (William,  comte  de)  (V.  Hamilton  [Famille]). 

LANARVILY.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  Brest, 
cant.  dePlabennec;  507  hab. 

LAN  AS.  Com.  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr.  de  Privas,  cant. 
de  Villeneuve-de-Berg  ;  580  hab. 

LANASSER  ou  EL-ANASSER  (V.  El-Anasseur). 

LANAUTTE  (Blanc  de)  (V.  Hauterive  [Comte  de]). 

LANCASTER  (Angleterre)  (V.  Lancastre). 

LANCASTER.  Ville  des  Etats-Unis  (Ohio),  aux  sources 
du  Hocking,  40  kil.  S.-E.  de  Columbus  ;  8,000  hab.  Expor- 
tations agricoles. 

LANCASTER.  Ville  des  Etats-Unis  (Pennsylvanie),  sur 
le  Conestoga,  affluent  navigable  de  la  Susquehanna,  à 
55  kil.  S.-E.  de  iïarrisburg;  30,000  hab.  Beaux  monu- 
ments (tribunal,  Fulton  hall,  etc.).  Fabriques  de  locomo- 
tives, voilures,  instruments  agricoles  ;  commerce  de  bois 
de  charpente  et  de  houille.  Fondée  en  4730  par  des  Alle- 
mands et  peuplée  encore  en  majorité  par  cette  race,  Lan- 
caster  fut  de  4  799  à  4842  la  capitale  de  la  Pennsylvanie  et 
le  gouvernement  fédéral  y  siégea  plusieurs  fois. 

LANCASTER  (Sir  James),  marin  anglais,  mort  en  4648. 
En  4593-94,  il  fit  deux  voyages  aux  Indes  d'où  il  rapporta 
une  cargaison  fort  riche.  Après  s'être  emparé  de  Pernam- 
bouc  oti  il  avait  trouvé  une  grande  quantité  de  marchan- 
dises, il  porta  ainsi  un  coup  fatal  au  monopole  que  les 
Portugais  avaient  constitué  à  leur  profit.  La  formation  de 
la  Compagnie  des  Indes  suivit  de  près  l'heureuse  expédition 


de  Lancaster  qui  fut  chargé  en  4600  du  commandement 
de  sa  première  flotte.  Il  fut  créé  baronnet  en  4603  et 
Baffin  donna  son  nom  au  détroit  de  Lancaster.      R.  S. 

Bjbl.  :  Hakluyt,  Principal  Navigations,  t.  H.  —  C.-R. 
Markham,  Voyages  of  sir  James  Lancaster. 

LANCASTER  (Nathaniel),  écrivain  anglais,  né  en  4704, 
mort  en  4775,  à  Stanford  Rivers,  dont  il  était  «  recteur  ». 
Il  a  laissé  une  réputation  de  brillant  causeur,  et  quelques 
écrits,  parmi  lesquels  un  essai  :  Public  Virtue,  or  the 
Love  of  our  Country  (4746)  et  une  satire  fine  et  mor- 
dante :  The  Pretty  Gentleman  (4764).         B.-H.  G. 

LANCASTER  (Joseph),  pédagogue  anglais,  né  à  Londres 
le  25  nov.  4774,  mort  à  New  York  le  24  oct.  4838.  II 
ouvrit  en  4798  dans  un  faubourg  de  Londres  une  école  où 
il  organisa  l'enseignement  mutuel;  en  4805,  il  donnait 
gratiiitement  l'instruction  à  un  millier  d'enfants  pauvres. 
Il  créa  ensuite  une  école  normale.  11  fut  encouragé  par  le 
roi  et  secondé  par  Corston  et  Fox,  fondateurs  de  la  British 
and  foreign  Society  for  éducation  (4808);  en  4814, 
on  comptait  déjà  95  écoles  du  système  Lancaster,  avec 
30,000  élèves.  Mais  il  échoua  quand  il  voulut  appliquer  sa 
méthode  à  l'enseignement  supérieur,  dans  une  autre  école 
fondée  à  Tooting  (4843).  î\  émigra  en  Amérique  (4846), 
essaya  d'organiser  l'enseignement  en  Colombie  (4820- 
29),  mais  dk  y  renoncer  après  la  mort  de  son  protecteur 
Bolivar  et  se  retira  à  Montréal  (4833),  où  il  vécut  du  tra- 
vail manuel.  Lancaster  a  décrit  son  système  dans  deux 
ouvrages:  împrovement  in  éducation  (Londres,  4805) 
et  The  British  System  of  éducation  (4840).  A.-M.  B. 
LANCASTER  (Albert-Benolt-Marie),  météorologiste  et 
bibliographe  belge,  né  à  Mons  le  24  mai  4849.  Météorolo- 
giste-inspecteur et  bibliothécaire-secrétaire  de  l'observa- 
toire de  Bruxelles,  il  a,  en  collaboration  avec  l'ancien  di- 
recteur de  cet  établissement,  Houzeau  (V.  ce  nom),  doté 
l'astronomie  d'importants  recueils  bibliographiques.  On  lui 
doit  en  outre  des  travaux  de  météorologie  d'une  certaine 
valeur.  Ses  principaux  ouvrages  ont  pour  titres  :  Traité 
élémentaire  de  météorologie^  avec  Houzeau  (Bruxelles, 
4880,  in-8;  2«  éd.,  4883);  Bibliographie  générale  de 
l'astronomie^  avec  le  même  (Bruxelles,  4881-4887,  2  vol. 
in-8;  3®  vol.  enprépar.)  ;  Tableaux  résumés  des  obser- 
vations météorologiques  faites  à  Bruxelles  de  iSSS  à 
i8S2  (Bruxelles,  4886-87,  2  vol.  in-46);  Quatre  Mois 
au  Texas  (Mons,  4887,  in-8);  le  Nord  du  Mexique 
(Mons,  4889,  in-8)  ;  Liste  générale  des  observatoires  et 
des  astronomes  (Bruxelles,  4890,  in-8;  3^  éd.).  Il  est 
aussi  l'auteur  de  nombreux  articles,  mémoires  originaux 
et  notes  d'observations  parus  dans  les  Bulletins  de  V Aca- 
démie des  sciences  de  Belgique,  dans  V Annuaire  et 
dans  les  Annales  de  l'Observatoire  de  Bruxelles^  dans 
Ciel  et  Terre,  etc.  L.  S. 

LANCASTRE.  Géographie.  —  Ville.  —  Ville  d'An- 
gleterre, chef-lieu  du  comté  de  ce  nom,  sur  la  r.  g.  delà 
Lune,  près  de  son  embouchure  dans  la  baie  de  Lancastre 
(V.  Grande-Bretagne,  t.  XIX,  p.  455)  ;  24,000  hab. 
C'est  une  jolie  ville  bâtie  en  pierre  de  taille,  au  pied  d'un 
vieux  château.  Elle  manufacture  des  cotonnades,  des  fla- 
nelles, des  soieries,  des  cuirs,  etc.,  exporte  du  charbon  et 
de  la  pierre. 

Comté.  —  Comté  maritime  du  N.-O.  de  l'Angleterre, 
4,880  kil.  q.  ;  3,936,798  hab. ,  soit  805  hab.  par  kil.  q.  Il  est 
compris  entre  la  mer  d'Irlande  à  l'O.,  les  comtés  de  Ches- 
ter  au  S.,  Derby  au  S.-E.,  York  (West  Riding)  à  l'E., 
Westmoreland  et  Cumberland  au  N.  Au  N.  de  la  baie  Mo- 
recambe  est  le  district  de  Furness,  isolé  du  reste  du  comté  ; 
il  a  40  kil.  de  long  sur  26  kil.  de  large;  c'est  une  région 
montagneuse,  au  S.  des  monts  Cumbriens,  comprenant  le 
bassin  du  Leven,  du  Duddon,  les  lacs  Winandermere  et 
Coniston.  La  partie  principale  du  comté  s'étend  de  la  mer 
aux  collines  de  la  chaîne  Pennine  (V.  Grande-Bretagne, 
t.  XIX,  p.  450);  sa  plus  grande  largeur  est  au  S.  de 
80  kil.,  au  N.  elle  se  réduit  à  20  kil.  ;  la  longueur  du  N. 
au  S.  est  de  430  kil.  Les  fleuves  côtiers  dont  l'importance 


LANCASTRE  —  LANCE 


854 


croît  du  N.  au  S.  sont  la  Lune,  la  Wyre,  la  Ribble,  la  Mer- 
sey.  Le  S.  du  comté  de  Lancastre  est  couvert  de  villes  indus- 
trielles ;  c'est,  en  effet,  le  comté  le  plus  peuplé  de  l'An- 
gleterre et  un  des  plus  grands  centres  de  l'activité  humaine, 
grâce  à  son  bassin  houiller,  au  magnifique  estuaire  de  la 
Mersey  (V.  Grande-Bretagne,  t.  XfX,  pp.  167  et  suiv.), 
avec  ses  villes  de  Liverpool,  Manchester,  Salford,  Oldham, 
Bol  ton,  Blackburn,  Preston,  etc.  —  Les  champs  occupent 
20  °/o,  les  prairies  48  «/o,  les  bois  3  ^1^  de  la  superficie 
totale.  On  y  compte  environ  37,000  chevaux,  250,000 
bœufs,  300,000  moutons,  45,000  porcs. 

Histoire.  —  Djché  de  Lancastre.  —  La  région  qui 
forme  le  comté  de  Lancastre  fut  occupée  à  l'époque  romaine 
par  les  Brigantes  qu'Agricola  soumit.  Après  l'invasion 
saxonne,  elle  conserva  longtemps  son  indépendance  et  ne 
fut  conquise  qu'en  927  par  les  gens  de  Nurthumbrie.  Après 
la  conquête  normande  le  titre  de  lord  de  Lancastre  fut 
attribué  à  Roger  de  Poitou,  fils  de  Montgomery.  Henri  IIÏ 
conféra  à  son  fils  puîné,  Edmond  le  Bossu,  né  à  Londres 
en  1245,  mort  à  Bayonne  en  1296,  le  titre  de  comte  de 
Lancastre,  après  ceux  de  comte  de  Chester  et  de  Derby. 
Il  érigea  pour  lui  le  comté  palatin  de  Lancastre.  Edmond, 
enrichi  des  biens  confisqués  à  la  famille  de  Montfort  (comté 
de  Leicester),  prit  part  à  la  croisade  de  1269  à  1271, 
assura  à  son  frère  aîné,  Edouard  P"^,  alors  absent,  l'avè- 
nement pacifique  au  trône  (1272),  négocia  avec  Phihppe 
le  Bel  et  mourut  au  début  de  la  campagne  entreprise  pour 
reprendre  la  Guyenne.  Il  eut  de  sa  seconde  femme.  Blanche 
d'Artois,  reine  douairière  de  Navarre,  trois  fils, Thomas,  Henri 
et  Jean.  —  Le  premier,  Thomas,  né  vers  1275,  fut  déca- 
pité en  1322  à  Pontefract.  Par  son  mariage  avec  Alice, 
héritière  de  Henri  de  Lacy,  comte  de  Lincoln,  il  se  trouva 
maître  de  cinq  comtés  (Lancastre,  Derby,  Leicester,  Lincoln, 
Salisbury) .  Il  fut,  contre  son  cousin  Edouard  ÏII,  le  chef 
de  la  noblesse  anglaise,  fit  décapiter  Gaveston  (1312), 
devint  président  du  conseil  avec  des  pouvoirs  dictatoriaux 
(1316);  son  agent  Spenser,  qu'il  avait  placé  près  du  roi, 
entra  en  lutte  avec  lui  ;  Lancastre  le  fit  bannir,  mais  bien- 
tôt après  fut,  malgré  l'alliance  des  Ecossais,  victime  de  la 
vengeance  royale  (V.  Edouard  II).  —Son  frère, Henri  de 
Lancastre,  né  vers  1281 ,  mort  en  1345,  n'eut  d'abord  que 
le  titre  de  comte  de  Leicester  ;  on  lui  rendit  ses  domaines 
après  l'emprisonnement  d'Edouard  II  dont  la  garde  lui  fut 
confiée  ;  Mortimer  la  lui  retira,  le  trouvant  trop  déférent 
envers  le  roi  ;  malgré  son  titre  de  président  du  conseil, 
Henri  de  Lancastre  dut  s'humilier  devant  le  favori  (1328) 
qui  le  fit  même  emprisonner  (1330).  —  Son  fils,  Henri, 
né  vers  1310,  mort  en  1362,  reçut  en  1337  le  titre  de 
comte  de  Derby  ;  il  prit  part  aux  campagnes  d'Edouard  III, 
s'empara  de  l'île  de  Cadsand  (nov.  1337),  traita  avec 
Alphonse  de  Castille  (1344),  débarqua  à  Bayonne  avec  une 
forte  armée  (juin  1345),  prit  Bergerac,  défit  les  Français 
devant  Auberoche  (23  oct.  1345).  Philippe  VI  rassembla 
contre  lui,  sous  les  ordres  du  duc  de  Normandie,  une  armée 
formidable  que  le  débarquement  d'Edouard  III  et  le  désastre 
de  Grécy  firent  ramener  au  N.  Le  comte  de  Lancastre  cou- 
vrit ensuite  le  siège  de  Calais  (1347),  commença  une  croi- 
sade, guerroya  en  Bretagne  et  mourut  de  la  peste. 

En  1352,  le  roi  lui  avait  donné  le  titre  de  duc  de  Lan- 
castre ;  ce  titre  fut  porté  par  sa  fille  Blanche  à  son  époux 
Jean  de  Gand,  troisième  fils  d'Edouard  III.  Celui-ci,  né  à 
Gand  en  1339,  mort  en  1399,  épousa  Blanche  en  1359  et 
devint  duc  de  Lancastre  en  1362.  Il  fit  la  campagne  d'Es- 
pagne en  1367;  après  la  mort  de  sa  première  femme 
(1369),  il  épousa  la  fille  aînée  de  Pierre  le  Cruel  (1370)  et 
prit  le  titre  de  roi  de  Castille  et  de  Léon.  Il  prit  en  janv. 
1371  le  gouvernement  de  la  Guyenne  et  alla  chercher  du 
secours  en  Angleterre;  en  juil.  1373,  il  débarqua  à  Calais 
avec  une  grande  armée  ;  harcelé  par  les  généraux  de 
Charles  V,  il  ne  put  que  traverser  la  France  au  prix  de 
fortes  pertes  et  n'amena  à  Bordeaux  que  les  débris  de  ses 
troupes.  Les  Anglais  lui  attribuèrent  la  responsabihté  de 
la  trêve  de  1375  qui  leur  enlevait  presque  toutes  leurs 


conquêtes.  La  vieillesse  d'Edouard  IIÏ,  la  maladie  du  prince 
Noir  et  la  jeunesse  de  son  fils  livrèrent  le  gouvernement 
au  duc  de  Lancastre  ;  le  Parlement  réclama  et  obtint  son 
éloignement,  mais  il  reprit  le  pouvoir  à  la  mort  de  son 
frère  (juin  1376).  Il  protégea  WycUffe.  A  la  mort 
d'Edouard  III  (juin  1377),  le  Parlement  ne  lui  donna 
qu'une  place  dans  le  conseil  de  régence  du  jeune  Richard  II. 
Un  nouvel  échec  contre  Saint-Malo  (1378)  accrut  l'impo- 
pularité du  duc.  L'insurrection  de  Tyler  le  visait  en  pre- 
mière Hgne;  il  se  retira  à  Edimbourg;  rappelé,  il  fut  me- 
nacé par  Jean  Holland,  se  réconcilia  pourtant  avec  son 
neveu  (1385)  et  entreprit  une  expédition  en  Espagne;  dé- 
barqué à  La  Corogne  avec  20,000  hommes,  il  conquit  la 
Galice,  s'unit  au  roi  de  Portugal  qui  épousa  sa  fille  aînée 
Phihppa  (1386);  la  seconde  campagne  fut  moins  brillante; 
il  fit  alors  la  paix  en  mariant  une  "autre  fille,  Catherine,  à 
Henri,  fils  du  roi  de  Castille,  et  renonçant  à  ses  prétentions 
contre  une  indemnité  de  200,000  couronnes  et  une  pen- 
sion de  100,000  florins.  Rentré  en  Angleterre,  il  récon- 
cilia le  roi  avec  le  duc  de  Gloucester,  reçut  la  Guyenne  où 
il  ne  put  se  faire  reconnaître.  Il  fut  marié  trois  fois  :  de 
Blanche  de  Lancastre,  il  eut  Philippa,  qui  épousa  le  roi 
Jean  I®^  de  Portugal,  morte  en  141 5  ;  Elisabeth,  qui  épousa 
Jean  Holland,  comte  d'Exeter;  et  un  fils,  Henri,  comte  de 
Derby,  puis  duc  deHereford,  qui  succéda  aux  titres  de  son 
père  et  monta  sur  le  trône  d'Angleterre  sous  le  nom  de 
Henri  1 V  (V.  ce  nom);  —  de  sa  seconde  femme,  Constance, 
fille  de  Pierre  le  Cruel,  il  eut  Catherine,  qui  épousa  le  roi 
Henri  III  de  Castille  ;  —  de  son  mariage  avec  sa  maîtresse 
Catherine  Rouet,  naquirent  des  enfants  que  le  roi  légitima 
sous  le  nom  de  Beaufort,  une  fille,  Jeanne,  qui  épousa  le 
comte  de  Westmorelaud,  et  trois  fils  :  Jean  de  Beau- 
fort,  comte  et  marquis  de  Somerset  ;  Thomas  de  Beau- 
fort,  duc  d'Exeter,  Henri  de  Beaufort,  cardinal  de  Win- 
chester. 

La  maison  de  Lancastre  (Rose  rouge)  monta  sur  le  trône 
d'Angleterre  avec  Henri  IV  et  ne  le  conserva  que  jusqu'en 
1461.  Son  histoire  se  trouve  aux  art.  Henri  IV,  Henri  V, 
Henri  VI  ;  temporairement  supplantée  par  la  maison  d'York 
(Rose  blanche),  au  cours  de  la  terrible  guerre  des  Deux 
Roses,  elle  transmit  ses  droits  aux  Tudors.  Le  duché  de 
Lancastre,  réuni  à  la  couronne  en  1399,  avait  cependant 
conservé  son  autonomie,  garantie  aussi  par  Edouard  IV  lors- 
qu'il s'en  empara.  La  volonté  des  rois  était  de  l'assurer  à 
leur  descendance  alors  même  que  celle-ci  perdrait  la  royauté. 
Henri  VII  compléta  l'union  de  ce  domaine  royal  avec  la  cou- 
ronne. Cependant  le  duché  de  Lancastre  a  conservé  jus- 
qu'à nos  jours  son  administration  distincte.  A  la  tête  est 
un  fonctionnaire  spécial,  le  chancelier  du  duché  de  Lan- 
castre, qui  a  rang  de  ministre  et  peut  faire  partie  du  cabi- 
net. Le  revenu,  ahmenté  par  des  loyers  et  redevances  di- 
verses, est  d'environ  65,000  livres  sterling;  l'excédent  sur 
les  dépenses  est  de  20,000  livres  qui  grossissent  le  do- 
maine privé  du  souverain.  Ce  revenu  échappe  au  contrôle 
du  Parlement.  Une  cour  ducale  de  Lancastre,  siégeant  à 
Westminster  et  présidée  par  le  chanceher,  exerce  la  juri- 
diction sur  le  duché.  Le  comté  palatin  est  moins  étendu 
que  le  duché  et,  en  théorie,  on  l'en  distingue  ;  en  pratique 
l'administration  est  dans  les  mêmes  mains.  L'assimilation  au 
reste  du  territoire  anglais  est  d'ailleurs  à  peu  près  com- 
plète. A.-M.  Berthelot. 

BiBL.  :  Baines,  Historyofthe  County  andduchyof  Lan- 
caster;  nouv.  éd.,  1887. 

LANCE.  I.  Archéologie.  —  Les  Latins  désignaient  du 
nom  de  hasta  une  arme  d'attaque  en  usage  chez  tous 
les  peuples  antiques,  et  composée  en  principe  d'un  fer 
pointu  adapté  à  une  longue  tige  de  bois.  On  a  pris  l'habi- 
tude de  traduire  le  terme  hasta  par  le  mot  lance,  qui  s'ap- 
plique alors  aussi  bien  aux  piques  et  aux  javelots  qu'aux 
lances  proprement  dites.  On  n'a  pas  jusqu'ici  distingué 
clairement  les  différentes  armes  d'hast  que  les  peuples  de 
l'antiquité  employaient.  Nous  les  réunirons  donc  dans  cet 
article,  et  c'est  seulement  pour  le  moyen  âge  que  nous 


—  855  - 


LANCE 


ferons  la  distinction.  Chez  les  Egyptiens,  ce  n'est  qu'à 
titre  d'exception  qu'on  voit  représentés  des  guerriers  com- 
battant avec  la  lance  ;  cette  lance  est  d'ailleurs  réduite  à 
sa  forme  la  plus  simple.  Ils  avaient  cependant,  à  l'époque 
des  guerres  médiques,  imaginé  une  sorte  de  lance  spé- 
ciale, destinée  aux  soldats  de  marine.  —  La  lance  est 
beaucoup  plus  fréquente  sur  les  monuments  de  l'Orient 
asiatique,  tantôt  entre  les  mains  des  guerriers,  tantôt  entre 
les  mains  des  dieux.  La  seule  forme  intéressante  que  nous 
ayons  notée  est  celle  d'une  lance  assez  courte,  ferrée  aux 
deux  bouts,  et  munie,  vers  l'une  des  extrémités,  d'une 
sorte  d'anse;  elle  est  portée  par  une  divinité  sur  un  cylindre 
chaldéen. 

Les  Phénicines  ont  adopté  la  lance;  les  dieux  et  les  sol- 
dats, surtout  les  cavaliers,  représentés  sur  les  monuments 
de  ce  peuple,  et  plus  particulièrement  des  Cypriotes,  portent 
souvent  cette  arme.  Il  est  à  remarquer  que  sur  un  plat 
d'argent  phénicien,  où  sont  figurés  plusieurs  cavaliers, 
ceux-ci  sont  armés  de  deux  lances  au  lieu  d'une  seule, 
suivant  une  mode  que  l'on  aurait  pu  croire  particulière 
aux  Grecs,  Mais  alors  ces  armes  rentrent  plutôt  dans  la 
catégorie  des  javelots. 

Parmi  les  peuples  qui  ont  habité  l'Asie  antérieure,  ce 
sont  les  Hétéens  et  les  Perses  qui  semblent  avoir  le  plus 
volontiers  adopté  la  lance;  les  premiers,  à  pied  ou  à  che- 
val, sur  les  chars,  ne  se  séparent  pas  de  cette  arme;  quant 
aux  Perses  et  aux  Mèdes,  ils  affectionnaient  beaucoup  la 
lance  ;  on  sait  que  le  grand  roi  avait  une  garde  de  dory- 
phores ^  c.-à-d.  de  porte-lance;  ce  sont  les  Immortels, 
dont  M.  Dieulafoy  a  retrouvé  les  images  sur  les  murs  du 
palais  de  Suse,  et  qu'il  a  rapportés  au  Louvre.  La  lance 
persane  est  caractérisée  par  sa  longueur  et  l'ornement  en 
forme  de  boule  qui  la  termine  à  son  talon. 

Les  Grecs  ont  perfectionné  la  lance  et  son  usage.  Il  y  eut 
chez  eux  une  certaine  variété  dans  les  formes  de  cette  arme. 
A  côté  de  la  lance  très  simple,  tige  de  frêne  ou  de  roseau 
terminée  par  une  pointe  de  bronze  ou  de  fer,  on  trouve  la 
lance  ferrée  aux  deux  extrémités,  la  lance  dont  le  bout  in- 
férieur est  façonné  comme  une  poignée,  ou  bien  terminée 
par  une  sorte  de  petite  douille  ou  capsule  en  métal,  et  qui 
était  souvent  pointue. 

La  forme  du  fer  variait  plus  encore  que  celle  du  bois  ; 
il  pouvait  être  plat,  en  figure  de  triangle  ou  de  feuille 
oblongue  ou  bien  encore  en  forme  de  pique  ;  il  pouvait  être 
aussi  arrondi  ou  à  faces  multiples.  On  a  trouvé  à  Olytnpie 
un  fer  de  lance  long  de  0^^267,  moins  simple;  il  est  qua- 
drangulaire  à  l'extrémité,  dont,  par  malheur,  la  pointe  est 
brisée  ;  mais  les  quatre  angles  sont  rabattus  à  l'autre  ex- 
trémité, sur  une  certaine  longueur,  ce  qui  donne  huit  faces 
à  cette  partie.  Elle  est  de  plus  creusée  d'un  trou  longitu- 
dinal en  forme  de  douille,  dans  lequel  s'insérait  le  bois. 
C'était  le  moyen  le  plus  usuel  d'insertion  de  la  hampe  ;  on 
maintenait  l'appareil  au  moyen  d'un  clou  transversal. 
La  lance  était  l'arme  la  plus  ordinairement  employée  par 
les  Grecs,  qui  l'avaient  attribuée  à  leurs  divinités  guer- 
rières, Athéné,  Ares,  Zeus.  Les  héros  d'Homère  combat- 
tent à  coups  de  lance,  et  ce  sont  toujours  des  javelots  que 
les  artistes  leur  mettent  au  poing  lorsqu'ils  les  repré- 
sentent armés.  Nous  savons  que  les  guerriers  homériques 
emportaient  au  combat  deux  javelots  ;  les  éphèbes,  à  l'é- 
poque classique,  étaient  armés  de  la  même  manière. 

En  Grèce,  la  lance  a  toujours  été  l'arme  essentielle  des 
troupes  régulières,  infanterie  ou  cavalerie.  A  l'exemple  des 
hopUtes  de  Lacédémone,  qui  portaient  la  lance  avec  une 
épée,  les  hoplites  athéniens,  avec  une  lourde  épée  à  deux 
tranchants,  avaient  une  lance  pointue  à  ses  deux  extré- 
mités ;  lorsqu'au  iv^  siècle  Iphicrate  créa  l'infanterie  lé- 
gère des  peltastes,  sur  le  modèle  de  l'infanterie  thessa- 
lienne,  les  peltastes  reçurent  aussi  deux  courtes  lances, 
sortes  de  javelots.  On  connaît  surtout  le  rôle  très  important 
de  cette  arme  dans  la  phalange  macédonienne;  en  effet, 
la  surisse  n'est  pas  autre  chose  qu'une  lance  très  longue 
{18  pieds)  dont  étaient  armés  les  combattants  du  premier 


rang;  ceux  qui  étaient  placés  derrière  eux,  les  hypaspistes, 
avaient  une  lance  plus  courte. 

Comme  les  Grecs,  les  peuples  de  l'Italie  ont  adopté  la 
lance  ;  elle  a  été  très  en  honneur  chez  les  Etrusques  ;  les 
guerriers  de  ce  pays  sont  très  souvent  figurés  la  lance  à 
la  main,  ainsi  que  les  athlètes;  il  est  de  plus  à  remarquer 
que  la  lance  étrusque  est  presque  toujours  pourvue  de 

I  amentum  ;  il  en  est  de  même  pour  la  lance  des  Samnites. 
Ces  armes  sont  plutôt  des  javelots.  Pour  la  lance  chez  les 
Romains,  V.  Armée  romaine  et  Armes  (Archéologie). 

L'importance  et  Pantiquité  de  l'usage  de  la  lance  chez 
les  Romains  est  attestée  par  ce  fait  qu'elle  est  le  symbole 
de  la  guerre.  Les  féciaux  jetaient  une  lance  ensanglantée 
et  brûlée  au  bout  sur  le  territoire  des  ennemis  de  Rome 
auxquels  ils  déclaraient  la  guerre.  Les  Carthaginois,  de  leur 
côté,  envoyèrent  une  lance  à  Rome  comme  signe  de  rup- 
ture. Les  soldats  vaincus  et  prisonniers  passaient  sous  une 
lance,  humiliation  suprême;  le  butin,  vendu  à  l'encan, 
était,  disaient  les  Romains,  yendnsub  hasta,  c.-à-d.  sans 
doute  qu'on  plantait  une  lance  auprès  du  monceau  des  ob- 
jets provenant  de  la  victoire  ou  du  pillage.  On  donnait  une 
lance  d'honneur  au  soldat  qui  le  premier  avait  vaincu  dans 
un  combat;  mais  cette  lance  était  pure  (hasta  pura)^ 
c.-à-d.  non  ferrée  au  bout.  La  lance  était  aussi  l'insigne 
de  la  royauté  et  de  la  divhiité,  quelquefois  même  d'une  puis- 
sance plus  humble,  celle  des  citoyens  romains,  dont  le  nom 
de  quirites,  dit-on,  n'était  autre  chose  que  le  mot  signi- 
fiant les  lances  dans  la  langue  des  Sabins  ;  elle  était  aussi 
attribuée  aux  centumvirs  qui,  lorsqu'ils  siégeaient  comme 
juges  au  forum,  faisaient  planter  une  lance  devant  leur  tri- 
bunal. On  explique  ce  fait  par  la  nature  même  des  affaires 
ressortissant  aux  centumvirs  ;  c'étaient  les  affaires  rela- 
tives à  la  propriété,  que  protège  et  garantit  la  force  des 
armes.  P.  Paris. 

Moyen  âge.  La  confusion,  pour  aujourd'hui  inextri- 
cable, qui  existe  dans  l'interprétation  des  termes  dési- 
gnant les  armes  de  jet  et  d'hast  de  l'antiquité,  rend  à 
peu  près  impossible  une  étude  systématique  de  la  lance 
chez  les  Grecs,  les  Romains  et  les  Orientaux.  Pour  en- 
tendre la  question  d'une  manière  claire,  il  faut  partir 
de  ce  principe  que  la  lance  représente  —  dans  sa  forme 
la  plus  simple,  composée  d'un  fer  (d'acier  ou  de  bronze) 
et  d'une  hampe  de  bois  —  l'arme  primitive  par  excel- 
lence et  notamment  celle  des  peuples  pasteurs  dont  les 
derniers  survivants  l'ont  encore  conservée,  qu'ils  paissent 
leurs  troupeaux  à  pied  ou  à  cheval.  De  cette  forme  pro- 
cèdent toutes  les  lances  légères  que  notre  moyen  âge  a 
connues  sous  le  nom  de  lances  gaies,  d'où  par  corrup- 
tion est  venu  le  mot  à'assagaie  et  de  sagaie  et  qui  sont 
la  véritable  souche  de  la  lance  de  la  cavalerie  moderne. 

II  n'y  a  en  effet  aucun  rapport  entre  la  lance  des  uhlans, 
des  lanciers,  des  dragons  et  celle  des  hommes  d'armes, 
non  plus  qu'avec  les  grandes  et  longues  armes  d'hast  des 
fantassins  auxquelles  il  convient  de  laisser  ce  nom  de 
piques  que  les  époques  anciennes  qui  les  virent  en  usage 
leur  ont  toujours  donné.  Nous  ne  traiterons  donc  ici  que 
la  lance  des  hommes  d'armes  du  xi^  au  xvii®  siècle,  en 
renvoyant  aux  mots  ci-après  énoncés  pour  les  autres  armes 
d'hast  improprement  appelées  lances  (V.  Sagaie,  Javeline, 
Pique  et  Hast  [Armes  d']). 

La  lance  ne  paraît  pas  avoir  été  employée  par  la  cheva- 
lerie avant  notre  xi®  siècle  ;  les  monuments  figurés,  les 
textes  ne  nous  apprennent  rien  sur  elle.  Elle  apparaît 
sur  la  tapisserie  de  Bayeux  entre  les  mains  des  Normands. 
Sa  hampe  cyHndrique  peut  avoir  de  3  à  4  m.  de  longueur; 
son  fer  est  en  losange,  et  près  de  la  douille  est  fixé  un  petit 
pennon  ou  bannière.  Cette  lance  ne  paraît  pas  comporter  de 
prise  de  main,  et  on  la  maniait  comme  la  lance  moderne,  à 
bras  libre,  la  main  à  lahauteur  du  genou,  dans  le  plus  grand 
nombre  de  cas.  Avec  le  temps,  la  hampe  alla  toujours  en 
se  renforçant  et  aussi  en  s'allongeant,  de  telle  sorte  qu'au 
xiv^  siècle  elle  atteint  et  dépasse  5  m.,  mais  elle  demeure 
partout  également  cylindrique  sans  renflement  pour  la 


LANCE  —  LANCE 


—  856 


prise  de  main.  Le  fer  très  aigu  et  à  section  losangique  ou 
triangulaire  peut  percer  même  les  armures  de  plates  et 
rien  ne  résiste  au  choc  de  la  lance  quand  Fhonune  d'armes 
charge  à  fond.  Pour  combattre  à  pied,  on  retaillait  la  hampe 
ou  le  fût,  comme  on  disait,  à  une  longueur  de  5  ou  6  pieds, 
de  manière  à  faire  de  la  lance  une  espèce  de  demi-pique. 
Depuis  quelque  temps,  déjà,  on  mettait  la  lance  en  ar- 
rêt au  moyen  d'une  courroie,  puis  d'un  crampon  de  fer  ou 
faucre  fixé  au  côté  droit  du  plastron,  à  la  hauteur  du  sein. 
On  devait  dès  lors,  au  moment  de  la  charge,  coucher  le  bois, 
c.-à-d.  porter  la  lance  horizontale  sous  l'aisselle,  appuyée 
sur  le  faucre  (V.  ce  mot),  l'arrière-bras  faisant  un  angle 
presque  droit  avec  le  buste,  l'avant-bras  rephé.  La  pointe  de 
la  lance  passait  à  gauche  de  l'encolure  du  cheval,  le  long 
de  la  ganache.  Cette  manœuvre  de  force  et  d'adresse  était 
difficile  à  exécuter  vu  le  poids  et  la  longueur  de  l'arme,  et 
elle  demandait  une  grande  habitude.  Pour  alléger  d'autant  la 
lance,  en  la  mettant  dans  une  meilleure  situation  d'équilibre, 
on  en  vint  à  épaissir  son  extrémité  inférieure  et  à  la  munir  d'un 
contrepoids  et  d'un  sabot  ;  puis  on  garnit  la  prise  de  deux 
rondelles  entre  lesquelles  s'abritait  la  main.  Cette  dernière 
modification  amena,  au  xv*^  siècle,  une  dissymétrie  notable 
dans  les  gantelets.  La  main  droite,  garantie  par  la  rondelle 
de  garde,  ne  porta  plus  qu'un  léger  gantelet  dit  gagne- 
pain,  tandis  que  la  gauche,  qui  tenait  la  bride,  se  proté- 
gea d'un  épais  miton  ou  bras  de  fer. 

Le  fût  des  lances  de  guerre  était  fait  de  bois  de  frêne  ; 
celui  des  lances  de  joute,  beaucoup  plus  massif  et  court, 
était  en  bois  de  sapin  (pour  les  lances  de  joute  à  garde  avec 
aggrappe,  V.  l'art.  Tournoi).  Au  xvi®  siècle,  le  fût  de  la 
lance  de  guerre  atteignit  une  longueur  de  20  pieds.  Les 
fers  de  lance  du  moyen  âge  affectent  des  formes  variées, 
mais  toujours  ils  sont  courts,  aigus,  massifs  jusqu'à  pré- 
senter une  pointe  taillée  en  diamant.  Souvent  ils  étaient 
mobiles  et  on  ne  les  fixait  à  la  hampe  qu'au  moment  du 
combat,  au  moyen  d'une  goupille  passant  par  un  oeillet 
latéral  de  la  douille.  En  marche,  on  les  portait  dans  des 
étuis  ou  custodes  de  cuir.  La  lance  demeura  en  usage  dans  la 
gendarmerie  jusqu'à  la  fin  du  xvi^  siècle;  mais,  dès  la 
seconde  moitié  de  celui-ci ,  on 
en  réduisit  de  plus  en  plus 
l'usage  à  mesure  que  la  charge 
par  escadrons  tendait  à  sup- 
planter la  charge  en  haie.  Ce 
^  MWk      '•        ^®  furent  plus  dès  lors  que  les 

mmk  î  hommes  d'armes  du  premier 
rang  qui  en  demeurèrent  ar- 
més, et  encore  les  chefs  de 
guerre  de  cette  époque  se  plai- 
gnaient-ils sans  cesse  de  ce 
que  les  cavaHers,  par  paresse 
de  porter  cette  arme  encom- 
brante, perdaient  ou  rom- 
paient intentionnellement  les 
lances.  En  marche,  l'homme 
d'armes  faisait  porter  sa  lance 
par  son  page.  Cette  habitude 
dura  jusqu'au  xvi*^  siècle,  tant 
qu'une  lance  signifia  non  seu- 
lement l'arme  elle-même,  mais 
aussi  le  maître  ou  cavalier  qui 
en  était  pourvu.  Une  lance,  au 
xv^  siècle,  comportait  jusqu'à 
six  hommes  qui  tous  étaient 
montés  :  écuyer,  page,  ar- 
chers, coutiliers.  Mais'au  xvi^ 
Longueur  de  la  lance,  5  m.  siècle  les  gendarmes  durent 
porter  eux-mêmes  leurs  lances  ; 
et  comme,  au  début,  on  n'avait  pas  encore  pris  l'habitude 
d'en  faire  reposer  le  sabot  dans  une  botte  de  cuir  attachée 
à  l'étrier  droit  tandis  qu'une  courroie  fixée  au  premier 
tiers  de  la  hampe  se  passait  au  bras,  ils  la  tenaient  verti- 
cale, le  sabot  appuyé  sur  Je  haut  de  la  cuisse  au  défaut  du 


K 


cuissot.  De  là  des  contusions  et  souvent  des  plaies  en  cette 
région  du  corps,  comme  nous  l'apprennent  bien  dos  gens 
de  guerre  qui  ont  laissé  des  mémoires. 

Vers  la  fin  du  xv^  siècle  les  Italiens  se  servaient  de 
lances  plus  légères  à  fût  longitudinalement  évidé  par  des 
gouttières  profondes  dont  les  saillies  intermédiaires  sont 
appelées  ailettes.  Ces  lances  sont  dites  bourdonasses. 
Trop  légères,  elles  se  brisaient  au  moindre  choc,  et  elles 
ne  demeurèrent  pas  en  usage  à  la  guerre,  tandis  qu'on 
continua  à  s'en  servir  jusqu'au  miheu  du  xvii*^  siècle  dans 
les  carrousels,  pour  courir  la  bague.  La  grande  rondelle 
d'acier  qui  servait  de  garde  à  la  lance  au  xv®  siècle  dis- 
parut au  milieu  du  xvi^  siècle,  et  la  main  se  trouva  suffi- 
samment protégée  par  l'échancrure  située  entre  les  deux 
troncs  de  cône  adossés  qui  formaient  le  dernier  quart  de 
la  hampe.  Celle-ci  était  toujours  ornée  de  bandes  spirales 
polychromes,  peintes  aux  couleurs  du  capitaine  de  la  com- 
pagnie; l'étendard,  le  guidon  étaient  attachés  à  ce  fût 
près  du  fer.  L'abandon  de  la  lance  au  xvu®  siècle  dépend 
surtout  du  peu  de  services  que  rendait  cette  arme,  car  les 
gendarmes  ne  pouvaient  la  manier  que  sur  un  terrain  uni. 
En  outre,  l'habitude  s'en  perdait.  Et  si,  au  xv^  siècle,  on 
avait  vu  les  hommes  d'armes  bourguignons,  à  la  journée 
de  Montlhéry,  ne  pouvoir  coucher  le  bois  faute  d'avoir 
fait  «  leurs  exercices  »,  ceux  de  Savoie  ne  firent  pas  mieux 
en  4591  au  combat  de  Pontcharra  où  Lesdiguières,  qui 
se  vantait  de  parer  de  pied  ferme  un  coup  de  lance  avec 
son  épée,  tua  le  capitaine  de  leur  compagnie  comme  il 
l'avait  annoncé.  Maurice  Maindron. 

II.  Art  militaire.  —  La  lance  ne  reparut  en  France  que 
lors  de  la  création  des  lanciers  par  Napoléon  P^  en  1807, 
et  subsista  jusqu'après  la  guerre  de  4870.  En  4874,  à  la 
suite  d'une  enquête  ordonnée  par  le  ministre  dans  un  grand 
nombre  de  régiments  de  cavalerie,  l'arme  des  lanciers  fut 
supprimée;  mais,  en  4  889,  suivant  l'exemple  de  l'Allemagne, 
on  rétablit  l'usage  de  la  lance  dans  nos  régiments  de  dra- 
gons, sans  toutefois  créer  de  corps  spéciaux  de  lanciers. 

Une  Instruction  pour  le  maniement  et  V emploi  de 
la  lance,  approuvée  par  le  ministre  le  6  avr.  4889,  pres- 
crit d'exercer  au  maniement  de  la  lance  tous  les  cavaliers 
du  régiment.  Elle  dispose  que  «  dans  les  prises  d'armes  à 
cheval,  les  cavaliers  armés  de  la  lance  portent  la  carabine 
à  la  grenadière  et  sont  placés  au  premier  rang  ».  La  lance 
devient  ainsi  l'arme  de  choc  et  le  sabre  est  réservé  pour  la 
mêlée.  La  lance  repose  par  le  bout  dans  la  botte  de 
l'étrier;  elle  est  maintenue  par  le  bras  droit  du  cavalier 
engagé  dans  la  courroie  jusqu'au-dessus  du  coude  ;  c'est 
la  position  de  reposer  la  lance.  Pour  porter  la  lance,  le 
cavalier  dégage  le  bras  de  la  courroie,  saisit  la  lance  avec 
la  main  droite  à  pleine  main  et  la  tient  verticalement,  la 
main  à  hauteur  du  col,  le  coude  et  l'avant-bras  collés  au 
corps.  Pour  la  charge,  la  lance  doit  être  dégagée  de  la 
botte  avant  de  prendre  le  galop  de  charge  ;  elle  est  tenue 
inclinée,  la  pointe  en  avant  comme  le  sabre. 

m.  Pyrotechnie  (V.  Artifices,  t.  IV,  p.  46). 

BiBL.  :  Archéologie.  —  Viollet-le-Duc,  Dictionnaire 
raisonné  du  mobilier,  t.  VI,  art.  Lance.  —  Penguilly- 
Lharidon,  Catalogue  du  musée  d'artillerie;  Paris,  1887, 
in-8.  —  Van  Vinkeroy,  Catalogue  des  armes...  du  Musée 
royal  d'antiquités  ;  Bruxelles,  1885.  —  Walhausen,  Art 
militaire  à  cheval;  Francfort,  1616.  —  Basta,  Gouf)erne- 
ment  de  la  cavalerie  légère;  An\ers, 1614.— -Melzo,  Règles 
militaires...  sur  le  service  de  la  cavalerie;  Anvers,  1615. 

—  De  Belleval,  Costume  militaire  des  Français  en  1^^5  ; 
Paris,  1869,  in-4.  —  D'"  Giraud,  Introduction  du  cata- 
logue de  la  collection Spitzer  (Armes);  Paris,  1890,  in-fol. 

—  De  Curzon  ,  la  Règle  du  Temple,  dans  Société  de 
l'Histoire  de  France:  Paris,  1892,  2  vol.  in-8. 

LANCÉ  (Tiss.).  Nom  donné  à  un  procédé  de  tissage  au 
moyen  duquel  on  produit  des  tissus  façonnés,  présentant 
des  dessins  de  couleurs  variées.  A  la  suite  de  chaque  duite 
de  fond,  on  lance  sur  toute  la  largeur  de  la  chaîne  une 
série  de  duites  fournies  par  des  trames  ayant  les  différentes 
couleurs  du  dessin,  et  Ton  fait  apparaître  chacune  de  ces 
duites  aux  endroits  où  le  dessin  doit  présenter  sa  couleur, 
en  le  faisant  au  contraire  flotter  à  l'envers  partout  ailleurs. 


~  857  — 


LANCE  —  LANCEMENT 


Les  flottés  d'envers  peuvent  être  liés  au  tissu  de  distance  en 
distance,  pu  bien  ils  sont  simplement  coupés  après  tissage. 

LANCÉ.  Coni.  du  dép.  de  Loir-et-Cher,  arr.  de  Ven- 
dôme, cant.  de  Saint- Amand  ;  700  hab. 

LANCE  (George),  peintre  anglais,  né  en  1802,  mort  en 
1864.  Elève  de  Ilaydon,  il  est  très  remarquable  dans  la 
nature  morte,  surtout  les  fleurs  et  les  fruits,  qu'il  exécutait 
avec  un  fini  minutieux  à  la  manière  hollandaise.  On  cite 
son  Paon  mort  et  son  Combat  de  hérons.  La  Chasse  au 
sanglier  do  Velasquez  à  la  Galerie  nationale  de  Londres 
a  été  en  grande  partie  repeinte  de  sa  main,  fort  habile- 
ment, à  la  suite  d'un  accident  de  rentoiiage.  Il  a  aussi 
laissé  quelques  tableaux  d'histoire,  valant  surtout  par  la 
facture  des  accessoires,  notamment  un  Melanchtkon. 

LANCE  (Etienne-Adolphe),  architecte  français,  né  à  Lit- 
try  (Calvados)  le  3  aoùtl813,mort  à  Rambouillet  le  ii4déc. 
1874.  Elève  de  Blouet  et  Visconti,  inspecteur  au  conseil  des 
bâtiments  civils  en  1830,  il  devint  architecte  du  gouverne- 
ment en  1854.  Sa  première  œuvre  importante  fut  l'abattoir  de 
Rambouillet  (concours  en  1837).  On  lui  doit  la  restauration 
de  la  cathédrale  de  Sens,  où  il  prit  le  parti  radical  de  restituer 
devant  les  chapelles  ajoutées  à  la  nef,  aux  xiv®  etxv®  siècles, 
les  murs,  arcatures  et  fenêtres  qui  avaient  été  alors  sup- 
primés, et  de  démonter  pour  les  déposer  dans  un  musée  la- 
pidaire les  dais  et  culots  qui,  à  l'époque  de  la  Renaissance, 
avaient  été  accrochés  aux  fûts  des  colonnes  de  la  nef.  L'as- 
pect imposant  de  l'église  du  xii^  siècle  fut  ainsi  restitué 
dans  sa  pureté,  mais  la  hardiesse  de  cette  restauration  fut 
et  demeure  très  discutée  des  archéologues.  Une  seconde 
grande  restauration,  celle  de  la  cathédrale  de  Soissons,  fut 
menée  avec  la  même  science  et  ne  prêta  pas  de  la  même  façon 
à  la  critique.  Ces  travaux  pratiques  n'empêchaient  pas  Lance 
de  s'occuper  activement  de  critique  d'art  et  d'archéologie, 
et  on  lui  doit  divers  écrits  estimés  :  Du  Concours  comme 
moyen  d'améliorer  r architecture  et  la  situation  des 
architectes  (1848,  in-8);  Excursion  en  Italie  (1859, 
in-8,  2^  édit.  en  1873  avec  eaux-fortes  de  L.  Gauche- 
rel)  ;  Dictionnaire  des  architectes  français  (1873, 2  vol. 
in-8  av.  pi.)  ;  divers  articles  de  V Encyclopédie  d'archi- 
tecture de  V.  Calliat  et  du  Moniteur  des  Architectes,  qu'il 
avait  fondé;  une  série  de  rapports,  et  des  notices  sur  les 
architectes  il c/i.I^d^r^,  i.  Blouet^  Letarouilly^J.  Bou- 
chet,  etc.  (broch.  in-8,  publ.  de  1854  à  1860).     C.  E. 

LANCELOT  (Dom  Claude),  grammairien  français,  né  à 
Paris  vers  1615,  mort  à  Quimperié  le  15  avr.  1695.  Fils 
d'un  tonnelier,  il  fut  élevé  à  Saint-Nicolas-du-Chardonnet 
et  fut  introduit  par  Saint-Cyran  dans  la  société  de  Port- 
Royal.  Dans  l'école  établie  en  1645,  rue  d'Enfer,  Lancelot 
professa  le  grec  et  les  mathématiques,  de  même  à  Port- 
Royal-des-Champs,  jusqu'en  1660.  Il  eut  la  plus  grande 
part  à  la  réforme  de  l'enseignement  accomplie  dans  ces 
écoles.  Il  fut  ensuite  précepteur  du  duc  de  Chevreuse,  des 
princes  de  Conti  jusqu'en  1672.  Il  se  retira  à  l'abbaye  de 
Saint-Cyran,  oti  il  fit  profession  de  sous-diacre  (1673).  11 
fut  relégué  à  Quimperié  en  1680;  c'est  là  qu'est  son  tom- 
beau dans  l'église  de  Tabbaye  de  Sainte-Croix.  Les  prin- 
cipaux ouvrages  de  Lancelot  sont  :  Nouvelle  Méthode  pour 
apprendre  la  langue  grecque  (Paris,  1655,  in-8),  clair 
et  superficiel  ;  Nouvelle  Méthode  pour  apprendre  la 
langue  latine  (1644;  3®  éd.  complète,  165o,  in-8);  le 
Jardin  des  racines  grecques  (165Tf ,  in-12),  dont  la  vogue 
fut  énorme  et  qui  resta  en  usage  dans  l'enseignement  se- 
condaire en  France  jusqu'après  1870  (c'est  un  dictionnaire 
des  mots  simples  ou  radicaux  de  la  langue  grecque,  suivis 
de  leurs  dérivés  ;  chaque  mot,  suivi  des  mots  français  qui 
le  traduisent,  forme  un  vers  de  huit  syllabes  ;  ces  vers 
puérils,  rimes  par  de  Sacy,  étaient  utilisés  comme  moyen 
mnémonique  ;  Lancelot  y  ajouta  un  Recueil  des  mots 
français  qui  ont  quelque  rapport  avec  ceux  de  la 
langue  grecque,  dissertation  remplie  d'erreurs)  ;  Gram- 
maire générale  et  raisonnée,  la  fameuse  grammaire  de 
Port-Royal  où  Lancelot  n'eut  pas  la  principale  part;  il 
rédigea  les  idées  d'Arnauld  et  Nicole.  A.-M.  B. 


LANCELOT  (Antoine),  historien  français,  né  à  Paris  le 
4  oct.  1675,  mort  à  Paris  le  8  nov.  1740.  Il  s'engagea 
dans  Tarmée  à  dix-huit  ans,  revint  à  Paris  où  il  travailla 
avec  Herbinot  à  un  Dictionnaire  étymologique,  obtint 
une  place  à  la  bibliothèque  Mazarine,  collabora  au  Diction- 
naire critique  de  Bayle,  à  VEistoire  du  Dauphiné  de 
Valbonnais.  Choisi  pour  arbitre  dans  la  querelle  de  pré- 
séance entre  les  pairs,  il  se  livra  à  de  profondes  études 
sur  leurs  généalogies,  d'où  sortit  son  grand  ouvrage  : 
Mémoires  pour  les  pairs  de  France  (1720,  in-foL). 
Commissaire  au  Trésor  des  chartes  (1732),  il  travailla  à 
la  Table  historique;  il  fit  l'inventaire  des  duchés  de  Bar 
et  de  Lorraine  (1737-40).  Il  a  écrit  la  préface  de  VHiS" 
toire  des  grands  officiers  de  la  couronne  du  P.  Anselme, 
publié  de  nombreux  mémoires  dans  le  Recueil  de  l'Aca- 
démie des  inscriptions  et  belles-lettres,  à  laquelle  il  appar- 
tenait depuis  4719.  A.-M.  B. 

LANCELOT  du  Lac.  Un  des  héros  du  cycle  de  la  Table 
ronde  (V.  cet  art.  et  Chrétien  de  Troyes).  Chevalier  de 
la  reine  Genièvre,  l'épouse  d'Arthur,  il  est  qualifié  aussi 
de  chevalier  de  la  Charrette.  Parmi  les  innombrables  adap- 
tations du  chef-d'œuvre  de  Chrétien  de  Troyes,  on  peut 
citer  un  roman  en  prose,  Lancelot  du  Lac  (Paris,  1494, 
3  vol.),  dont  le  succès  fut  considérable  dans  la  première 
moitié  du  xvi®  siècle. 

LANCELOTl  (Giavanni-Paolo),  canoniste,  né  à  Pérouse 
en  1511,  mort  en  1591.  (Euvres  principales  :  InstitiUio- 
num  juris  canonici,  quibus  jus  pontificium  singu- 
lari  methodo  libris  quatuor  comprehenditur  (Rome, 
1555;  Pérouse,  1563;  Venise,  159â).  Ce  hvre,  composé 
sur  l'ordre  de  Paul  ÏV,  fut  examiné  et  approuvé  par  une 
commission  de  juristes  et  de  prélats  instituée  par  le  pape. 
Il  est  inséré  dans  plusieurs  éditions  du  Corpus  juris  cano- 
nici,  et  jouit  auprès  des  ultramontains  d'une  autorité  presque 
égale.  Dans  ses  Commentarii  Institutionum  juris  cano- 
nici  et  ses  înstitutiones  pro  tyronibus,  sorte  de  manuel 
pour  les  commençants,  Lanceloti  défend  et  développe  sa  doc- 
trine sur  rinfaillibilité  et  la  suprématie  des  papes,  l'exter- 
mination des  hérétiques  et  la  confiscation  de  leurs  biens, 
Les  Institutiones  juris  canonici  ont  été  traduites  et  an- 
notées, avec  des  restrictions  gallicanes,  par  Durand  de  Mail- 
lane  (Lyon,  1770,  in-12).  E.-H.  V. 

LANCELOTTI  Câstello  (V.  Câstello  [Gabriele]). 

LANCEMENT.  I.  Marine.  —  Le  lancement  d'un  navire, 
surtout  avec  les  masses  actuelles,  est  une  opération  des 
plus  délicates  ;  aucune  précaution  ne  saurait  être  négligée, 
quelque  minime  et  insignifiante  qu'elle  paraisse  être.  Pour 
bien  comprendre  le  détail  de  l'opération,  nous  renver- 
rons d'abord  le  lecteur  aux  mots  Ber  et  Cale  de  cons- 
truction. Le  bâtiment  repose  sur  un  appareil  appelé  ber 
ou  berceau.  Le  ber  le  plus  employé  actuellement  est  le 
ber  sur  couettes  mortes  ou  sur  quille  (V.  le  dessin  au 
mot  Ber).  Dans  ce  cas,  la  quille  est  garnie  d'une  savate 
qui  glisse  sur  un  coulisseau,  et  les  ventrières  glissent  sur 
les  couettes.  Pour  empêcher  un  départ  prématuré,  voici 
les  organes  de  retenue  dont  on  dispose  :  1*^  A  l'extrémité 
de  l'avant-cale,  de  forts  arcs-boutants  dont  le  pied  bute 
contre  des  taquets  solidement  fixés  à  la  cale,  et  la  tête 
dans  une  entaille  pratiquée  dans  le  bout  de  la  couette  ou 
de  la  ventrière.  Entre  le  pied  de  l'arc-boutant  et  le  ta- 
quet, on  place  deux  coins  à  contre  l'un  de  l'autre.  En 
abattant  ces  coins  et  enlevant  le  taquet,  l'arc-boutant 
tombera  au  premier  coup  de  masse  quand  le  moment  sera 
venu.  2*^  Sur  chacun  des  côtés  des  couettes  se  trouvent 
des  arcs-boutants,  appelés  clefs,  placés  un  peu  obliquement 
de  l'avant  vers  l'arrière  de  la  cale  et  disposés  comme  les 
précédents.  3«  Aux  extrémités  des  couettes  et  ventrières, 
au  haut  de  la  cale,  on  trouve  les  saisines,  fortes  amarres 
faisant  plusieurs  tours,  passant  dans  une  mortaise  à  l'extré- 
mité des  couettes  et  de  là  dans  le  double  d'un  câble  fixé  à 
des  ancres  profondément  enterrées.  Il  y  a  une  saisine  par 
couette.  4^  Enfin  un  fort  arc-boutant  appelé  sous-barbe  est 


LANCEMENT  —  LANCHARÈS 


établi  sous  le  pied  de  Tétambot,  sous  les  ferrures  du  gou- 
vernail (un  navire  se  lance  toujours  par  l'arrière).  5°  Une 
série  d'épontilles  entoure  le  navire  comme  d'une  ceinture 
à  des  hauteurs  différentes,  et  le  soutient  latéralement. 

Ceci  dit,  quelques  jours  avant  le  lancement,  on  aura 
graissé  la  savate  et  les  couettes  avec  du  suif  et  du  savon 
mou  (à  titre  de  renseignement,  pour  un  navire  de  86  m.  de 
long,  49  m.  de  large,  il  a  été  employé  4,367  kilogr.  de  suif, 
254  kilogr.  de  savon  mou  et  250  litres  d'huile)  ;  on  aura 
aussi  enlevé  une  partie  des  accores  ou  épontilles.  A  la  tête 
et  aux  pieds  de  chacun  de  ceux  qui  restent  se  trouvent 
fixés  deux  cordages,  un  à  la  tête  venant  du  navire  et  per- 
mettant, quand  les  masses  les  frappent  au  pied,  au  moment 
où  l'on  veut  les  enlever,  d'empêcher  la  chute  trop  brusque 
de  cette  grosse  pièce  de  bois  qui  serait  dangereuse  pour  les 
ouvriers.  Le  jour  du  lancement,  l'ingénieur  qui  y  préside 
répartit  tout  son  monde  par  fractions  déterminées  d'avance  : 
d<>  à  l'avant  du  ber  pour  enlever  les  accores  d'étambot,  la 
sous-barbe  et  les  arcs-boutants  des  couettes  ;  2*^  aux  sai- 
sines et  au  billard  ou  bonhomme,  destiné  à  frapper  l'étrave 
et  à  déterminer  le  mouvement,  si  le  navire,  une  fois  hbre  de 
ses  retenues,  ne  partait  pas  de  lui-même  ;  3^  aux  accores 
restant  en  place  :  il  faut  le  nombre  d'hommes  voulu,  tant 
à  bord  qu'à  terre,  pour  qu'à  un  coup  de  baguette  du  tam- 
bour placé  près  de  l'ingénieur,  les  deux  accores  symétriques 
puissent  être  enlevés  rapidement. 

De  plus,  au  cas  où  le  billard  serait  insuffisant,  on  dis- 
pose aussi  des  béliers  hydrauliques  d'une  force  pouvant 
aller  jusqu'à  60  tonnes,  en  nombre  voulu,  qui,  en  agissant 
simultanément  autour  de  l'étrave  et  de  la  partie  avant  des 
couettes,  décollent  un  peu  la  partie  élevée  du  navire  et 
détermineront  le  départ.  En  plus  de  tout  cela,  deux  câbles 
de  retenue  sont  installés  à  bord  ;  ils  passent  par  les  écubiers 
et  sont  amarrés  à  terre  à  de  forts  points  fixes.  A  bord,  ils 
sont  tenus  sur  des  bosses  cassantes  ou  petites  cordes  des- 
tinées à  casser  successivement  et  à  amortir  la  vitesse  sans 
trop  de  secousses.  Quand  l'espace  est  restreint,  et  toujours 
dans  le  but  de  limiter  la  course  du  bâtiment,  on  dispose  en 
mer  à  la  distance  voulue  une  drome,  amas  de  grosses  pièces 
de  charpente,  sur  laquelle  viendra  buter  ce  bâtiment. 

Toutes  ces  dispositions  étant  prises,  on  attend  l'heure 
de  la  marée  dans  les  ports  de  l'Océan  et  de  la  Manche,  et 
l'heure  fixée  par  un  ordre  supérieur  dans  les  autres.  On 
enlève  alors,  au  commandement  donné  par  le  tambour,  les 
accores  dits  de  deuxième  rang.  C'est  à  ce  moment  qu'a  lieu 
une  cérémonie  empreinte  d'une  véritable  grandeur.  Un  au- 
mônier de  la  marine,  suivi  d'un  nombreux  cortège,  fait  le 
tour  du  navire,  le  bénit,  et  appelle  la  protection  de  Dieu 
sur  ce  qui  n'est  encore  qu'une  masse  inerte,  mais  qui  sera 
animée  et  représentera  la  patrie  quand  les  couleurs  flotte- 
ront à  la  corne,  et  sera  peut-être  appelée  un  jour  à  être  sa 
sauvegarde  et  son  espérance.  Après  cette  cérémonie,  on 
enlève  les  grands  accores.  Le  navire  ne  repose  plus  que  sur 
son  ber  ;  on  fait  sauter  alors  l'arc-boutant  appelé  sous- 
barbe  ou  poulain  fixé  à  l'étambot.  Anciennement,  c'était  un 
forçat  condamné  à  mort  qui  enlevait  cette  clef  qui  était  la 
dernière.  Un  trou  était  creusé  près  de  là  :  il  s'y  précipitait 
de  suite  et  le  navire  lui  passait  dessus.  Il  était  gracié  s'il 
en  réchappait.  Aujourd'hui,  ceux  qui  l'enlèvent  ne  courent 
plus  le  moindre  danger.  Après  la  sous-barbe  viennent  les 
deux  clefs  placées  aux  extrémités  des  couettes.  Enfin  on 
coupe  les  saisines  ;  généralement,  le  navire  part  à  ce  mo- 
ment, d'abord  lentement,  majestueusement,  accélérant  sa 
vitesse.  Si  le  départ  n'a  pas  heu,  on  fait  entrer  en  jeu  le 
bonhomme  et  les  béliers  hydrauliques.  Le  bâtiment  quitte 
alors  sa  cale  et  prend  possession  de  la  mer,  refoulant  des 
flots  d'écume  devant  lui,  se  balançant  sur  la  houle  qu'il  pro- 
duit lui-même,  tandis  que  derrière  il  laisse,  malgré  les  ma- 
tières grasses,  un  long  sillon  de  feu  et  de  fumée.  On  voit 
alors  les  câbles  se  raidir,  fouetter  avec  une  force  extraor- 
dinaire. Une  fois  arrêté,  le  bâtiment  est  alors  pris  par  des 
remorqueurs  et  conduit  au  bassin,  où  on  lui  enlèvera  ses  ven- 
trières et  on  procédera  à  son  achèvement.     K.  du  Crano. 


IL  Construction.  —  Lancement  des  ponts  métalliques 
(V.  Pont). 

LANCÉOLÉ  (Art  décor.)  (en  forme  de  fer  de  lance). 
Se  dit  surtout  des  feuilles  d'eau,  particulièrement  répandues 
dans  la  décoration  du  milieu  et  de  la  fin  du  xii®  siècle. 

LANCEREAUX  (Etienne),  médecin  français  contempo- 
rain, né  à  Brécy-Brière  (Ardennes)  le  27  nov.  d829. 
Interne  des  hôpitaux  en  4857,  médecin  des  hôpitaux  en 
4862,  chef  de  chnique  de  la  faculté  en  4863,  il  a  été 
nommé  agrégé  au  concours  de  4872.  On  lui  doit  de  bons 
et  solides  travaux  :  un  Traité  d'anatomie  pathologique 
(4875-89)  ;  un  Traité  de  Vherpétisme  (4883)  ;  un  Traité 
théorique  et  pratique  de  la  syphilis  (4866)  ;  des  Le- 
çons de  clinique  médicale^  faites  à  l'hôpital  de  la  Pitié 
(4883-92)  et  une  série  de  mémoires  sur  les  Thromboses 
et  embolies  veineuses,  publiés  dans  les  Comptes  rendus 
de  la  Société  de  biologie  et  la  Gazette  médicale  (4860 
à  4862).  Il  fait  partie  de  l'Académie  de  médecine  depuis 
4877.  D""  A.  Dureau. 

LANCETTE.  I.  Chirurgie.  —  La  lancette  est  un  instru- 
ment composé  d'une  lame  d'acier  mince,  de  3  centim.  envi- 
ron, et  d'une  châsse.  L'extrémité  libre  de  la  lame  se  termine 
en  pointe  plus  ou  moins  effilée.  La  lancette  la  plus  effilée  est 
appelée  lancette  à  langue  de  serpent  ;  un  peu  moins  pointue, 
c'est  la  lancette  à  grain  d'avoine.  La  moins  effilée  est  nommée 
lancette  à  grain  d'orge.  La  châsse  est  constituée  par  deux 
valves  minces  de  corne  ou  d'écaillé,  mobiles  autour  d'un 
pivot,  de  façon  à  pouvoir  découvrir  ou  dissimuler  la  lame. 
On  se  sert  de  cet  instrument  pour  pratiquer  la  saignée 
(V.  ce  mot),  pour  faire  à  la  peau  ou  aux  muqueuses  des 
mouchetures  ou  des  incisions  superficielles,  pour  la  vacci- 
nation et  autres  inoculations  virulentes.        D''  A.  Car. 

IL  Architecture.  —  On  emploie  le  mot  lancette  dans 
les  manuels  d'archéologie  pour  désigner  des  baies  entiers- 
point  étroites  et  surhaussées.  On  peut  entendre  par  lan- 
cettes ces  fenêtres  aiguës  très  hautes  et  très  étroites  qui 
se  voient  dans  le  N .  de  la  France  au  début  de  la  période 
gothique  souvent  groupées  par  deux  ou  plus  encore  par 
trois,  celle  du  milieu  plus  élevée,  et  qui  furent  plus  usitées 
encore  dans  le  Midi  et  dans  le  royaume  de  Naples  à  la  fin 
du  xiii®  et  au  xiv®  siècle.  On  peut  désigner  par  le  même 
terme  les  arcs  aigus  dont  les  impostes  ou  les  chapiteaux 
sont  placés  beaucoup  au-dessous  du  point  de  départ  réel  de 
l'arc  ;  cette  forme,  très  fréquente  à  la  fin  du  xiri^  et  au 
xiv^  siècle,  est  motivée  par  le  désir  de  placer  les  chapi- 
teaux ou  impostes  des  arcades  étroites  et  des  fenêtres  au 
même  niveau  que  ceux  des  voûtes  et  grandes  arcades  sans 
diminuer  pour  cela  la  hauteur  de  ces  baies  étroites.  On 
peut  citer  entre  mille  exemples  de  cette  disposition  très 
accentuée  les  arcades  du  chœur  de  la  cathédrale  d'Amiens, 
celles  du  porche  de  l'église  de  Michery,  près  de  Sens,  et  les 
fenêtres  de  presque  toutes  les  églises  gothiques  de  Cata- 
logne et  de  Chypre.  Quelques  archéologues  enfin  ont  donné 
le  nom  de  lancette  à  l'arc  suraigu  qui  est  particulier  à 
l'architecture  normande.  Cet  arc  a  ses  centres  sur  les  im- 
postes mêmes,  ou  parfois  au  delà,  C.  E. 

LANCEY  (Ruisseau  de)  (V.  Isère  [Dép.],  t.  XX,  p.  993). 

LAN-CHAN  ou  LIAN-CHAN.  Massif  montagneux  de  la 
Chine  occidentale,  dans  le  bassin  du  Yang-tse-kiang,  entre 
ses  affluents  de  gauche,  le  Min  et  le  Han  (V.  Chine  et  Asie). 

LANCHARÈS  (Antonio  de),  peintre  espagnol,  né  à  Ma- 
drid en  4586,  mort  à  Madrid  en  4658.  Il  eut  pour  maître 
ITtalien  Patricio  Caxès  dont  le  fils,  Eugenio,  fut  son  con- 
disciple et  son  émule.  Il  existe  entre  ces  deux  derniers  ar- 
tistes bien  des  points  de  contact,  et  leurs  ouvrages  ne  laissent 
pas  que  d'offrir  une  certaine  simiHtude  de  dessin  et  de  co- 
loris. Malheureusement,  la  plus  grande  partie  de  ceux  que 
Lancharès  avait  peints  pour  divers  couvents  et  chapelles  de 
Madrid  ont  été  dispersés  ou  ont  péri.  Tels  les  tableaux 
qu'il  avait  composés  pour  le  couvent  de  la  Merced  calzada 
et  qui  formaient  une  suite  allusive  à  la  vie  et  aux  miracles 
de  saint  Pierre  Nolasque,  et  telles  encore  les  fresques  dont 
il  avait  décoré  le  sanctuaire  de  la  Chartreuse  du  Paular  et 


-  859  - 


LANGHARÈS  —  J.ANÇON 


la  salle  du  chapitre.  Nous  ne  connaissons  aujourd'hui  d'autre 
toile  de  l'artiste  que  celle  qui  existe  au  musée  du  Fomento 
et  qui  représente  la  Vierge^  entourée  d'anges  ^remettant 
à  saint  lldephonse  la  chasuble  miraculeuse^  portant  la 
date  de  1622  et  la  signature  de  Lancharès,  plus  une  ins- 
cription relatant  que  ce  tableau  est  un  don  du  cardinal 
infant  D.  Fernando,  frère  de  Philippe  IV.  P.  L. 

BiBL.:  Cean  Bermudez,  Diccionario  de  los  mas  ilustres 
profesores;  Madrid,  1800.  —  Cruzada  Vilaamil,  Catàlogo 
de  las  pinturas  del  museo  del  Fomento ,  Madrid,  1865. 

LANCHÈRES.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  d'Abbe- 
ville,  cant.  de  Saint- Valery-sur-Somrae  ;  1,004  hab. 

LANCHES-Saint-Hilaïre.  Com.  du  dép.  de  la  Somme, 
arr.  de  DouUens,  cant.  de  Demart  ;  258  hab. 

LANCHOVE(V.  Elanchove). 

LANGHY.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Saint-Quen- 
tin, cant.  de  Vermand  ;  738  hab. 

LAN  G I  AN  I  (Rodolfo-Amadeo),  archéologue  italien,  né 
à  Rome  le  i^^  janv.  1847,  professeur  de  topographie  an- 
cienne à  l'université  de  Rome.  Elève  de  l'illustre  de  Rossi, 
il  commença  sa  carrière  en  1867,  comme  collaborateur  de 
M.  Carlo-Lodovico  Visconti,  aux  fouilles  d'Ostie.  Depuis 
lors,  il  a  pris  part  directement  ou  indirectement  à  toutes 
les  recherches  archéologiques  entreprises  soit  à  Rome,  soit 
dans  le  Latium,  en  relevant  jour  par  jour  les  vestiges  de 
l'antiquité  que  les  travaux  d'édilité  et  d'assainissement 
faisaient  reparaître.  Aussi  nul  archéologue  n'a-t-il  plus 
que  lui  contribué  à  la  connaissance  de  la  topographie  de 
la  Rome  antique  et  de  ses  monuments.  Le  produit  de  ces 
travaux  et  de  ces  observations  est  la  Forma  Urbis  Ro- 
mœ^  plan  de  la  ville  classique  en  46  feuilles  de  0,90  + 
0,60,  dont  la  publication  a  commencé  depuis  1892  sous  les 
auspices  de  l'Académie  des  Lincei  (édité  par  Hoepli,  Milan). 
On  trouvera  la  liste  complète  de  ses  nombreuses  publica- 
tions dans  le  t.  XII  des  Mélanges  d'archéologie  et  d'his- 
toire publiés  par  V Ecole  française  de  Rome.  Nous 
mentionnerons  parmi  ses  livres  :  Guida  del  Palatino 
(Rome,  1876);  I  Commentarii  di  Frontino  sulle  acque 
et  sugli  acquedotti  j^Rome,  1880),  ouvrage  couronné  par 
l'Académie  des  Lincei  ;  Rome  in  the  light  of  récent  ex- 
cavations (Boston,  ^1888);  Pagan  and  Christia7i  Rome 
(Boston,  1892)  ;  Vîtinerario  di  Einsiedlen^ei  UOrdo  di 
Benedetto  canonico  (Rome,  189J).  Ses  autres  monogra- 
phies sont  disséminées  dans  les  Notizie  degli  Scavi^  dans 
le  Bullet,  delta commissione  archeologica^àmsle  Bullet. 
et  Annali  deW  histituto^  dans  les  Atti  et  Memorie  des 
Lincei,  dans  le  Bullet.  CrisUano  du  Comm.  de  Rossi,  dans 
les  Mélanges  de  l'Ecole  française^  dans  V  Athenœum^  etc. 
M.  Lanciani  travaille  (1895)  au  texte  qui  accompagnera  la 
Forma  Urbis  Romœ.  L'ouvrage  en  six  volumes  illustrés 
aura  pour  titre  :  Storia  degli  scavi  di  Roma  daW 
anno  800  al  i894.  André  Bâudrillart. 

LANCIANO.  Ville  d'Italie,  prov.  d'Abruzze  citérieure, 
à  22  kil.  S.-E.  de  Chieti ,  ch.-l.  de  circondario  ; 
8,234  hab.  Elle  est  située  sur  trois  collines  qui  dominent 
l'Adriatique;  vignobles  et  filatures  de  chanvre,  de  lin,  de 
coton,  de  soie.  C'était  jadis  Anxenusa;  on  y  trouve  des 
ruines  de  temples  romains. 

LANCIÉ.  Com.  du  dép.  du  Rhône,  arr.  de  Villefranche- 
sur-Saône,  cant.  de  Belleville-sur^Saône  ;  698  hab. 

LANGIER  (Artmilit.).  Cavalier  armé  delà  lance  {V.  ce 
mot).  Les  lanciers  apparaissent  en  Allemagne  et  en  Au- 
triche au  xvm®  siècle.  Frédéric  II  et,  vers  la  même  époque, 
Marie-Thérèse  créèrent  des  régiments  de  lanciers,  qu'ils 
nommèrent  hulans  ou  /i6>wkw5(pandours).  Malgré  quelques 
essais  en  1742  et  en  1756,  l'arme  des  lanciers  n'était 
guère  connue  en  France  avant  1801,  où  l'on  en  créa  1  ré- 
giment; dès  1804  il  y  en  avait  4,  et,  en  1812,  il  y  en 
avait  9,  compris  celui  des  lanciers  polonais:  sous  la  Res- 
tauration, on  n'en  conserva  qu'un  régiment  qui  faisait  partie 
de  la  garde  royale,  et  quelques  escadrons  furent  en  outre 
attachés  aux  régiments  de  chasseurs  à  cheval.  En  1831, 
le  nombre  de  ces  régiments  fut  porté  à  6  et  à  8  en  1836. 


Sous  Napoléon  III,  il  y  en  avait  8  et  1  de  la  garde.  Uti- 
lisés d'abord  comme  cavalerie  légère,  les  lanciers  consti- 
tuaient en  dernier  lieu  la  cavalerie  de  ligne  avec  les  dra- 
gons. Mais  la  guerre  de  1870-71,  dans  laquelle  les  lanciers 
ne  rendirent  pas  les  services  qu'on  en  attendait,  fit  d'abord 
supprimer  radicalement  cette  arme.  Puis,  après  s'être 
mieux  rendu  compte  de  l'utilité  de  Ialan(îe  dans  les  charges, 
on  constata  qu'il  suffisait  d'en  armer  les  hommes  du  pre- 
mier rang.  On  a  décidé  en  conséquence  de  donner  la  lance 
aux  cavaliers  du  premier  rang  des  régiments  de  dragons, 
qui  conservent  d'ailleurs  leur  armement  habituel. 

LANCIERS  (V.  Danse,  t.  XIII,  pp.  875-876). 

LANCILOTTI  (Francesco),  peintre  et  poète  italien,  qui 
vivait  au  début  du  xvi^  siècle.  Il  peignit  des  effets  de  nuit 
à  la  manière  flamande.  Lancilotti  est  surtout  connu  par  son 
curieux  poème  sur  la  peinture,  écrit  en  terza  rim.a,  et  qu'il 
présente,  dans  une  lettre  à  Messer  Francesco  Tommasi, 
comme  ayant  été  composé  sur  mer,  pendant  une  tempête  : 
Trattato  di  pittura  (Rome,  1508).  Cet  opuscule  a  été  ré- 
imprimé dans  le  yoi.Yl  des  Lettere  pittoriche  de  Bottari. 

LAN  Cl  EUX.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Dinan,  cant.  de  Ploubalay  ;  780  hab. 

LANGISI  (Giovanni-Maria),  médecin  italien,  né  à  Rome 
le  26  oct.  1654,  mort  à  Rome  le  21  janv.  1720.  Il  étu- 
dia, puis  enseigna  l'anatomie  au  collège  de  Sapience.  Méde- 
cin du  Sacré  Collège  et  des  papes,  il  eut  une  immense 
réputation.  Ses  principaux  ouvrages.  De  Subitaneis  mor- 
iibus  (Rome,  t707,  in-4)  ;  De  Nosciis  paludum  efftuviis 
(1717,  in-4),  et  surtout  De  Motu  cor  dis  et  anevrisma- 
tibus  (1728,  in-fol.  av.  pi.)  renferment  des  observations 
personnelles  et  ont  fait  avancer  la  science.  Ses  œuvres  com- 
plètes ont  été  réunies  en  2  vol.  in-fol.  (Venise,  1739),  ou 
4  vol.  in-4  (Rome,  1745). 

LANGKORONA.  Ville  de  Galicie  (empire  d'Autriche),  dis- 
trict de  Wadovice;  15,000  hab.  Fondée  par  Kasimir  le 
Grand  en  1370,  Lanckorona  a  donné  son  nom  à  la  famille 
des  Lanckoronski. 

LANGKORONSKL  Famille  polonaise  qui  a  fourni  quel- 
ques guerriers  ou  hommes  d'Etat.  Le  plus  remarquable  fut 
Stanislaw  qui  vivait  au  xvii*^  siècle.  Il  fut  castellan  de 
Kamienice,  palatin  de  Bratslav  et  en  1654  hetman  de  camp. 
Il  combattit  les  Tatares,  les  Turcs,  les  Suédois,  et  mourut 
en  1657.^ 

L  AN  GÔM  E.  Com.  du  dép.  de  Loir-et-Cher,  arr.  de  Blois, 
cant.  d'Herbault  ;  293  hab. 

LANÇON  (Zool.).  (V.  Ammodyte). 

LANÇON.  Com.  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  deVouziers, 
cant.  de  Grandpré;  199  hab. 

LANÇON.  Com.  du  dép.  des  Bouches-du-Rhône,  arr. 
d'Aix,  cant.  de  Salon;  1,325  hab. 

LANÇON.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  de 
Bagnères-de-Bigorre,  cant.  d  Arreau;  64  hab. 

LANÇON  (Nicolas-François),  seigneur  de  Sainte-Cathe 
rine,  archéologue  français,  né  à  Metz  le  17  mars  1694, 
mort  à  Metz  le  6  mars  1767.  Il  fut  conseiller  au  parle- 
ment de  Metz  et  maître  échevin.  On  a  de  lui  :  Mémoire 
sur  l'état  de  la  ville  de  Metz  et  les  droits  de  ses  évêques 
(Metz,  1737,  in-fol.)  ;  Table  chronologique  des  édits, 
déclarations,  lettres  patentes  et  arrêts  du  Conseil,  re- 
gistres au  Parlement  de  Metz  depuis  sa  création  jus- 
qu'en il 40  (Metz,  1740,  in-4);  JJsages  locaux  de  la 
ville  de  Tout  et  pays  toulois  (Metz,  1746,  in-12).  M.  P. 

LANÇON  (Auguste- André),  peintre,  sculpteur  et  gra- 
veur français,  né  à  Saint-Claude  (Jura)  le  16  déc.  1836, 
mort  à  Paris  le  12  avr.  1886.  Apprenti  dans  une  impri- 
merie, il  fit  ses  premières  études  artistiques  à  Lyon,  puis 
vint  à  Paris,  oti  il  se  forma  en  copiant  des  toiles  au 
Louvre.  Il  s'est  surtout  consacré  à  la  peinture  de  batailles 
et  d'animaux.  Il  a  exposé:  Cuirassier  de  i8i  3  en  vedette 
(1868),  Arabe  terrassé  par  une  lionne  (1869),  Lioîi 
et  Lionne  ('1872),  le  5*  Régiment  de  cuirassiers  à 
Mouzon  en  1810  (1877),  la  Tranchée  devant  LeBour- 
get  (1882),  le  Repas  des  tigres  (1884).  Sa  peinture  est 


LANÇON  —  LANDAU  —  860  — 

un  peu  sombre  et  lourde,  mais  ses  eaux-fortes  sont  remar- 
quables ;  les  plus  connues  sont  celles  consacrées  à  la  guerre 
de  4870.  Ph.  B. 

LANCONELLO  (Gristoforo),  peintre  italien,  néà  Faenza 
dans  la  seconde  moitié  du  xvi^  siècle.  Il  fut  élève  de  Ba- 
rocci.  On  ne  connaît  de  lui  qu'un  tableau  authentique,  la 
Vierge  glorieuse  avec  saint  François^  sainte  Claire  et 
deux  autres  saints  au  palais  Ercolani,  à  Bologne. 

LAN  CRAN  S.  Corn,  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Gex,  cant. 
de  Collonges  ;  503  hab. 

LAN  GRE  (Pierre  de),  magistrat  français,  mort  en  1630. 
Conseiller  au  parlement  de  Bordeaux,  puis  conseiller  d'Etat, 
il  eut  à  instruire  le  fameux  procès  de  sorcellerie  du  Labourd. 
Il  fit  brûler  force  sorciers  et  écrivit  ex  professa  sur  la 
matière  :  Tableau  de  l'inconstance  des  mauvais  anges^ 
les  démons  (Paris,  4613,  in-4);  V Incrédulité  et  mes 
créance  du  sortilège  (1612,  in-4).  Citons  encore  de  lui  : 
Tableau  de  Vinconstance  et  instabilité  de  toutes  choses 
(4611,  in-4);  le  Livre  des  Princes  (1617,  in-4). 

LANCRENON  (Joseph- Ferdinand),  peintre  français,  né 
à  Lods  (Doubs)  le  11  mars  1791,  mort  à  Besançon  le 
5  août  1874.  Élève  de  Girodet,  deuxième  grand  prix  de 
Rome  en  1816,  cet  artiste  a  été  directeur  du  musée  de  Be- 
sançon et  correspondant  de  l'Académie  des  beaux-arts.  On 
remarque  parmi  les  tableaux  qu'il  a  exposés  depuis  4819  : 
Tobie  rendant  la  vue  à  son  père  (1819)  ;  Borée  enlevant 
Orythie  (1822);  le  Fleuve  Scamandre  (1824);  Apo- 
théose de  sainte  Geneviève  (1827)  (église  Saint-Laurent 
à  Paris)  ;  Alphée  et  Aréthuse  (1831)  ;  Scène  tirée  du 
Don  Juan  de  lord  Byron  (1833),  etc.         Challamel. 

LAN  CRET  (Nicolas),  peintre  français, néà  Parisle22janv. 
4690,  mort  à  Paris  le  44  sept.  4743.  Destiné  très  jeune  à  la 
profession  de  graveur  au  burin,  il  se  prit  de  goût  pour  la 
peinture  et  entra  chez  Dulin,  professeur  à  l'Académie  royale 
de  peinture  et  de  sculpture,  puis  chez  Gillot  qui  l'attirait 
surtout  parce  qu'il  avait  été  le  maître  de  Watteau.  Le 
grand  artiste  s'intéressa  d'abord  à  son  jeune  admirateur. 
Mais  l'élève  restait  comme  fasciné  par  les  conceptions  du 
maître  ;  il  exposa  à  la  place  Dauphine  deux  tableaux  que 
le  public  prit  pour  des  œuvres  de  Watteau.  Celui-ci  en  fut 
profondément  blessé  et  toute  relation  cessa  entre  eux. 

Dans  ses  Scènes  champêtres^  dans  ses  Conversations 
et  ses  Concerts  en  plein  air,  Lancret  donne  à  ses  fonds 
les  mêmes  paysages  que  Watteau,  mais  il  demeure  toujours 
dans  les  limites  d'une  aimable  convention.  Il  ignore  ce 
monde  de  féerie  amoureuse  créé  par  son  maître  ;  il  ne 
connut  pas  la  poésie  mélancolique,  la  douce  rêverie  des 
pèlerins  de  Cythère  —  Dans  les  Charmes  de  la  con- 
versation,  dans  les  Agréments  de  la  campagne,  il 
touche  de  très  près  au  maître  par  l'abandon  gracieux  des 
attitudes,  par  le  mystère  répandu  sur  la  nature  environ- 
nante. —  Son  imagination  n'est  pas  riche,  mais  il  est 
ingénieux  dans  le  détail.  Il  a  maintes  fois  représenté  les 
Quatre  Ages,  les  Quatre  Saisons,  les  Quatre  Eléments, 
les  Quatre  Heures  du  jour.  Il  a  bien  retracé  cette  société 
dont  le  raffinement  dans  le  plaisir  était  une  des  grandes 
joies  de  l'existence.  Tantôt  il  nous  montre  une  jeune  femme 
à  sa  toilette  qui  reçoit  un  abbé  et  lui  offre  du  thé  dans 
une  intimité  charmante  ;  tantôt  il  nous  peint  des  amis 
réunis,  par  une  soirée  d'hiver,  dans  un  salon  où  l'on  joue 
et  où  l'on  cause  avec  cette  liberté  et  cette  élégance  dont 
le  xvni^  siècle  a  emporté  le  secret.  Il  a  rendu  l'éveil  de 
l'amour  dans  la  première  adolescence  sans  licence  ni  gri- 
voiserie. Les  jeux  de  Cache-cache  Mitoulas,  des  Quatre 
Coins,  sont  des  chefs-d'œuvre  dans  cet  ordre  de  sentiments. 
Pour  la  décoration  des  appartements,  il  renonça  souvent 
aux  allégories  traditionnelles.  Le  marquis  de  Beringhen 
lui  ayant  demandé  de  lui  peindre  les  quatre  éléments  dans 
un  de  ses  salons  de  Jouy,  il  représenta  VEau  par  une 
scène  de  bain,  le  Feu  par  une  conversation  sous  le  man- 
teau de  la  cheminée,  VAir  par  une  jeune  femme  qui  s'aban- 
donne voluptueusement  au  jeu  d'une  escarpolette,  sans  souci 
du  vent  indiscret.  Il  voulut  entrer  à  l'Académie  au  même 


titre  que  Watteau  ;  il  y  fut  reçu  comme  peintre  des  fêtes 
galantes  le  24  mars  4749,  et  on  le  nomma  conseiller  le 
24  mars  4735.  Sa  vie  ne  fut  pas  accidentée  ;  il  la  consacra 
tout  entière  à  son  art  ;  il  n'eut  d'autre  passion  que  celle  de 
la  Comédie-Française  dont  il  était  un  habitué  assidu.  Il  nous 
a  conservé  les  mises  en  scène,  les  gestes  du  temps  dans  le 
Glorieux  de  Destouches  et  dans  le  Philosophe  marié.  Le 
plus  joli  de  ses  souvenirs  de  théâtre  est  le  portrait  de 
]}f^^  Salé  dansant  dans  un  décor  enchanteur,  réglant  ses 
pas  élégants  sur  un  air  exécuté  par  de  petits  musiciens. 
Lancret  fit  des  illustrations  pour  les  Contes  de  La  Fontaine 
dont  quelques-unes  sont  célèbres.  Il  procède  comme  Wat- 
teau de  leur  maître  commun  Gillot.  Ses  œuvres  furent  sou- 
vent reproduites  par  les  plus  habiles  graveurs  de  l'époque. 
Le  Louvre  possède  douze  toiles  de  Lancret,  la  National 
Gallery  quatre.  Il  s'en  trouve  vingt-six  à  Berlin  et  à 
Potsdam.  Marie  Bengesco. 

BiBL.  :  Ballot  de  Sovot,  Eloge  de  Lancret,  1743,  rééd. 
enl874.  — D'Argen VILLE,  A  brégré  de  la  vie  des  plus  fameux 
peintres.—  Charles  Blanc,  Histoire  des  peintres  de  l'école 
française. 

LAN  C UT.  Ville  de  Galicie  (empire  d'Autriche), sur  le  San, 
chef-lieu  de  cercle;  4,000  hab.  Château  remarquable. 

LANCY.  Village  de  Suisse,  dans  le  cant.  de  Genève; 
977  hab.  Située  sur  une  hauteur,  tout  près  de  l'Arve, 
cette  localité  est  un  des  plus  beaux  sites  de  la  contrée.  On 
y  remarque  un  établissement  subventionné  par  un  grand 
nombre  de  cantons  suisses  dans  lequel  on  prépare,  avec 
beaucoup  de  soin,  le  vaccin  animal  ;  cette  matière  est  livrée 
aux  médecins  vaccinateurs  après  qu'il  a  été  constaté  que  la 
génisse  dont  il  a  été  extrait  n'était  atteinte  d'aucune  maladie. 

LANCZY  (Jules),  économiste  et  historien  hongrois.  A 
dater  de  son  travail  en  allemand,  Zur  Entivickelungs- 
geschichte  der  Reformister  Ideen  in  Ungarn  (4877), 
il  a  fait  une  série  de  publications  en  langue  magyare  sur 
la  Réforme  de  l'instruction  (4879)  ;  r Origine  des  com- 
munautés rurales  (4884)  ;  Paul  Szechenyi,  archevêque 
de  Kalocsa  (1882)  ;  la  Révolution  de  Rdkôczy,  etc. 

LAN  DAI S  (Pierre),  favori  du  duc  de  Bretagne  François  II, 
né  à  Vitré,  pendu  à  Nantes  le  48  juil.  4485.  Fils  d'un 
tailleur  qui  l'avait  destiné  à  sa  profession,  il  entra  comme 
valet  de  garde-robe  au  service  du  duc  de  Bretagne,  sut 
gagner  sa  confiance  et  en  vint  à  gouverner  le  duché  sous 
son  nom.  Une  ligue  des  nobles  formée  contre  lui  échoua 
une  première  fois,  mais  bientôt,  secondée  par  la  cour  de 
France,  elle  obtint  du  duc  que  son  favori  serait  jugé.  Con- 
damné à  mort,  il  fut  aussitôt  exécuté. 

LANDAIS  (Napoléon),  écrivain  français,  mort  à  Paris  en 
4852.  Auteur  d'un  Dictionnaire  général  et  grammati- 
cal des  dictionnaires  français  (Paris,  4834,  2  vol.  in-4) 
qui  eut  une  certaine  vogue;  d'une  Grammaire  des  gram- 
maires françaises  (4836,  gr.  in-8),  et  de  quelques  ro- 
mans :  Une  Vie  de  courtisane  (4832,  3  vol.  in-42); 
Une  Femme  du  neuple  (4834,  2  vol.  in-8)  ;  la  Fille 
d'un  ouvrier  (4836,  3  vol.  in-8,  sous  le  pseudonyme 
d'Eugène  de  Massy),  etc. 

LANDAK.  Principauté  de  l'O.  de  Bornéo;  9,000  kil.  q.; 
22,000  hab.  Elle  a  une  capitale  du  même  nom  sur  le  fleuve 
Landak,  à  70  kil.  N.-E.  de  Pontianak.  Le  prince,  de  race 
malaise,  reconnaît  la  suzeraineté  hollandaise. 

LAN  DAM  MANN.  Titre  que  l'on  donne  en  Suisse  aux 
chefs  des  gouvernements  des  cant.  d'Uri,  Schwytz,  Unter- 
wald,  Zoug,Soleure,Argovie,  Glaris,  AppenzelletSaint-Gall. 

LANDANA.  Port  de  la  côteO.  d'Afrique  comprise  dans 
l'enclave  portugaise  de  Cabinda,  à  2  kil.  de  l'embouchure 
du  Chiloango  ou  «  Petit-Loango  ».  Son  accès  est  rendu 
difficile  par  la  barre.  Mission  catholique;  factoreries  fran- 
çaises, anglaises,  hollandaises. 

LANDAS.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Douai,  cant. 
d'Orchies;  2,063  hab. 

LANDAU  (Carr.).  Le  landau  est  une  voiture  extrême- 
ment pratique,  servant  à  la  fois  de  voiture  découverte  et 
de  voiture  fermée.  Il  a  deux  capotes  se  fermant  d'aplomb 
et  laissant  la  place  de  la  porte  et  de  la  glace  de  porte 


861  - 


LANDAU  ~  LANDE 


qui  ferme  ainsi  complètement  le  landau.  Des  ressorts  à 
boudin  aident  au  relevage  des  capotes  ;  une  glace  est 
placée  dans  la  capote  de  Pavant  et  contribue  avec  les  deux 
glaces  de  porte  à  donner  du  jour  à  l'intérieup  ;  divers  sys- 
tèmes permettent  de  maintenir  les  glaces  des  portes  quand 
on  ouvre  pour  monter  ou  pour  descendre.  Le  landau  est 
de  forme  bateau,  monté  à  huit  ressorts  et  pour  attelage  à 
la  Daumont,  qui  est  un  attelage  de  gala  ;  les  postillons  et 
les  cocardes  des  chevaux  sont  enrubanés  ;  le  postillon  de 
Daumont  porte  une  petite  toque,  une  veste  courte,  une 
culotte  en  peau  de  daim,  des  bottes  vernies  à  revers,  des 
gants  et  une  cravache  ;  il  a  une  perruque  poudrée  el  porte 
les  couleurs  de  la  maison.  Les  deux  valets  de  pied  assis 
sur  le  siège  de  derrière  font  le  service  des  portes.  L'atte- 
lage à  la  Daumont  s'applique  aussi  aux  vis-à-vis,  aux  ducs 
et  aux  berlines  à  deux  ou  à  cinq  glaces.  Le  landau  à 
cinq  glaces  n'a  que  la  capote  de  derrière  ;  celle  de  de- 
vant est  remplacée  par  trois  glaces  ;  la  glace  d'avant  des- 
cend dans  un  coulant  qui  se  trouve  dans  le  dossier  du 
siège  ;  on  fait  glisser  les  deux  glaces  de  côté  au-dessus  de 
la  porte,  dans  laquelle  on  les  laisse  ensuite  descendre  ; 
les  montants  qui  encadraient  ces  glaces  se  replient  à  char- 
nière et  le  landau  se  découvre  entièrement.  Ce  landau  est 
très  élégant.  Le  devant  des  cinq  glaces  se  replie  souvent 
en  parallélogramme  sous  le  siège  qui  est  monté  alors  sur 
ferrures.  On  replie  les  glaces  de  côté  sur  celle  de  devant; 


Landau  à  cinq  glaces. 

les  deux  cadres  latéraux  qui  tenaient  les  glaces  étant 
montés  à  charnières  sur  la  caisse  et  avec  le  devant  du  pa- 
villon, forment  un  parallélogramme  et  peuvent  se  replier 
sous  le  siège.  Le  montage  indiqué  au  dessin,  à  l'arrière, 
est  le  montage  à  demi-pincettes  ;  ce  montage  est  plus  doux 
avec  le  ressort  à  crosse  et  la  menotte.  Le  coffre-break, 
appliqué  au  siège  du  cocher,  est  un  siège  de  service  qui 
s'emploie  quelquefois  pour  le  landau  au  lieu  du  siège  à 
garde-crotte.  Avec  le  coffre-break,  la  voiture  s'attelle 
toujours  de  deux  chevaux.  On  a  fait  des  landaus  à  sept 
glaces  ou  à  panneaux  d'arrière  mobiles  ;  le  devant  est 
comme  dans  les  cinq  glaces  et  se  rabat  en  parallélogramme  ; 
la  capote  de  l'arrière  est  supprimée  et  remplacée  par  un 
système  analogue  à  celui  du  devant  des  cinq  glaces  ;  après 
avoir  replié  les  glaces  ou  panneaux  de  côté  sur  le  panneau 
de  derrière,  on  rabat  celui-ci  en  parallélogramme  avec  les 
deux  montants  de  porte  et  Tarrière  du  pavillon. 

Les  landaulets  deux  places  et  trois-quart  sont  de 
petits  landaus  n'ayant  que  la  capote  d'arrière;  le  devant 
se  rabat  à  peu  près  comme  dans  le  landau  à  cinq  glaces. 
Le  landaulet  deux  places  ressemble  au  petit  coupé,  mais 
avec  une  capote  derrière.  Le  landaulet  trois-quart  a  quatre 
petites  glaces  ;  il  se  rabat  comme  le  landau  cinq  glaces 
dont  il  diffère  en  ce  que  les  glaces  de  côté  à  l'avant  sont 
très  étroites  et  que  la  forme  de  la  caisse  ressemble  à  celle 
du  coupé  trois-quart.  On  fait  des  landaulets  trois-quart  à 
sept  glaces  à  panneaux  d'arrière  mobiles  ;  le  devant  se 
rabat  sur  le  siège  ;  les  deux  rabattements  sont  à  parallé- 
logramme. Le  landau-break  est  un  break  muni  de  deux 
capotes  de  landaus  se  rabattant  de  côté  par-dessus  les 
roues  ;  la  porte  est  munie  d'une  glace  comme  dans  le 
landau.  L.  Knab. 

LANDAU.  Ville  d'Allemagne,  ch.-l.  de  district  du  Pa- 


latinat  bavarois,  sur  la  Queich;  10,000  hab.  Eglise  go- 
thique de  4285,  ancien  chapitre  des  augustins  fondé  en 
1276,  église  gothique  du  couvent  des  augustins,  bâtie  en 
1405.  Commerce  actif  de  vin,  tabac,  denrées  coloniales, 
céréales  et  des  produits  de  l'industrie  locale,  savon,  para- 
pluies, chemises,  chapeaux,  meubles,  montres,  pâtés  de  foie 
gras,  etc.  —  Fondée  au  xiii®  siècle  par  le  comte  Enrich 
de  Leininsen,  elle  reçut  les  droits  de  ville  impériale  (1274) 
et  l'immédiateté  (1290).  Engagée  au  Palatinat  en  1331 
par  l'empereur,  elle  ne  s'affranchit  qu'en  1511,  accueillit 
la  Réforme  en  1522-54  ;  elle  fut  huit  fois  prise  ou  reprise 
durant  la  guerre  de  Trente  ans.  A  la  paix  de  Westphalie, 
Landau  fut  une  des  dix  villes  dont  le  roi  de  France  reçut 
l'avouerie.  Occupée  après  la  paix  de  Nimègue  (1678),  elle 
fut  fortifiée  par  Vauban  (1684).  Ces  ouvrages,  accrus  au 
xvm®  siècle  et  après  1815,  lui  maintinrent  son  importance 
stratégique.  Elle  fut  prise  en  1702  et  1704  parles  Impé- 
riaux, 1703  et  1713  parles  Français  auxquels  le  traité 
de  Rastadt  l'abandonna.  La  France  la  reperdit  en  1815  ; 
cédée  à  l'Autriche  et  déclarée  forteresse  fédérale,  elle  fut 
rétrocédée  en  1816  à  la  Bavière.  Le  démantèlement  com- 
mencé en  1867  fut  achevé  en  1871.  A.-M.  B. 

BiBL.  :  Lehmamn,  Gesch.  der  Stadt  LandaUy  1851. 

LANDAU.  Ville  de  Bavière,  ch.-l.  de  district  de  la  Basse- 
Bavière,  sur  risar  ;  3,200  hab.  Elle  repoussa  les  attaques 
des  Prussiens  en  1793,  des  Russes  en  1814. 

BiBL.  :  H^RTL,  Gesch,  der  Stadt  Landau  an  der  Isar  ; 
Landshut,  1863. 

LANDAU  (Marc),  écrivain  autrichien,  né  à  Brody  (Gali- 
cie)  le  21  nov.  1837.  D'abord  marchand,  il  s'adonna  à 
l'histoire  littéraire,  voyagea  dans  toute  l'Europe  occiden- 
tale et  pubha  Die  Quellen  desDecamerone  (Vienne,  1 869  ; 
2«éd.,  Stuttgart,  1881-84);  Beitrœge  zur  Geschichte 
der  italienischen  Novelle  (Vienne,  1875);  Giov.  Boc- 
cacio,  sein  Leben  imd  seine  Werke  (Stuttgart,  1877)  ; 
Die  italienische  Litteratur  am  œsterreichischen  Eof 
(Vienne,  1879),  etc. 

LANDAUL.  Corn,  du  dép.  du  Morbihan,  arr.  de  Lorient, 
cant.  de  Pluvigner  ;  988  hab. 

LANDAULET  (V.  Landau). 

LANDAULT  (Carross.)  (V.  Landau). 

LANDAVILLE.  Com.  du  dép.  des  Vosges,  arr.  et  cant. 
de  Neufchâteau  ;  446  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  l'Est, 
ligne  de  Neufchâteau  à  Epinal. 

LANDAVRON.  Com.  du  dép.  del'Ille-et-Vilaine,  arr.  et 
cant.  (0.)  de  Vitré;  318  hab. 

LANDAYRON.  Rivière  de  France  (V.  Hérault,  t.  XIX, 
p.  1141). 

LANDBER6  (Carlo,  comte  de),  orientaliste  suédois,  né 
en  1848.  Il  passe  ou  a  passé  une  partie  de  sa  vie  au  Caire, 
ce  qui  lui  a  permis  d'acquérir  une  connaissance  étendue  de 
l'arabe  vulgaire.  II  s'est  fait  connaître  par  de  nombreux  tra- 
vaux qu'il  publie  en  suédois,  en  itahen,  en  allemand,  ou 
surtout  en  français.  Voici  les  titres  de  ses  principaux  ou- 
vrages :  Dans  les  déserts  et  sous  les  palmiers  (1881 ,  en 
suédois);  Proverbes  et  dictons  du  peuple  arabe,.,  tra- 
duits et  annotés  en  français  (Leyde  et  Paris,  1883); 
Catalogue  des  manuscrits  arabes  provenant  d'une 
bibliothèque  privée  à  El-Medîna  (Leyde,  1883),  Con- 
quête de  la  Syrie  et  de  la  Palestine  par  Salâh  ed-dîn 
(vol.  I,  texte  arabe,  introduction  en  français;  Leyde, 
1888)  ;  Bâsim  le  forgeron  et  Hâ  rûn  Er-Rachid  (texte 
arabe  avec  traduction  française  ;  Leyde,  1888)  ;  Primeurs 
arabes  (fasc.  I  et  II,  texte  arabe,  avec  commentaire  en  fran- 
çais; Leyde,  1886  et  1889),  etc.  Th.  C. 

LANDE.  I.  Géographie.  ■—  On  donne  le  nom  de  landes 
à  de  vastes  espaces  de  terre  inculte  recouverts  d'une  vé- 
gétation pauvre  de  plantes  vivaces,  éricacées,  bruyères, 
ajoncs,  genêts,  laiches,  bugranes,  méliques,  et,  dans  le  Midi, 
ciste,  fétuque,  labiées  aromatiques,  astragales,  etc.  Les  pe- 
tits buissons  et  arbustes  s'y  rencontrent,'  mais  les  arbres  y 
font  défaut,  ou  ne  se  trouvent  gu'en  petits  bouquets.  La 
lande  ne  nourrit  guère  comme  animaux  domestiques  que  des 


LANDE  —  LANDELLE 


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moutons  ou  des  abeilles.  Sa  végétation  est  silicicole,  l'ab- 
sence de  calcaire  étant  une  des  caractéristiques  de  ces 
sols.  L'aspect  le  plus  fréquent  est  celui  d'une  plaine  recou- 
verte de  cailloux  et  de  sables  ferrugineux,  ou  d'une  mince 
couche  d'humus;  au-dessous,  le  sous-sol  est  imperméable. 
La  surface  de  la  lande  manquant  de  pente,  elle  est  cou- 
verte d'eau  en  hiver,  mais  se  dessèche  totalement  en  été, 
sauf  dans  les  régions  montagneuses  du  Nord  où  elle  est 
souvent  coupée  de  tourbières.  Le  défrichement  des  landes 
a  été  entrepris  sur  une  grande  échelle  dans  notre  siècle. 
On  trouvera  des  détails  plus  complets  dans  l'article  consacré 
au  dép.  des  Landes  (V.  ci-dessous)  qui  renferme  les  plus 
vastes  landes  de  France.  On  peut  encore  citer  celles  de 
Lannaux  dans  le  Morbihan,  du  Cumberland,  de  Lunebourg 
en  Allemagne  (Hanovre),  etc.  A.-M.  B. 

II.  Agriculture  (V.  Défrichement  des  landes,  t.  XIIÏ, 
pp.  4130-1). 

III.  Législation.  —  La  plupart  des  landes  et  autres 
terres  incultes  appartiennent  à  des  communes  ou  à  des 
sections  de  communes  qui  ne  savent  pas  ou  ne  peuvent 
pas,  faute  de  ressources,  les  convertir  en  terres  produc- 
tives. Aussi  le  gouvernement  s'est-iî,  à  plusieurs  reprises, 
occupé  des  moyens  qui  pourraient  être  employés  pour  remé- 
dier à  cette  situation.  Sous  le  règne  de  Louis-Philippe,  les 
conseils  généraux  furent  consultés  sur  la  mise  en  valeur 
dans  d'autres  conditions  que  celles  de  la  loi  du  10  juin  1793 
des  2,750,000  hect.  de  terres  incultes  qui  appartenaient 
aux  communes  ou  sections  de  communes  et  représentaient 
plus  de  la  moitié  de  la  contenance  totale  des  bien  commu- 
naux. La  loi  du  10  juin  1793  avait  permis,  sous  certaines 
conditions,  les  partages  des  biens  communaux  entre  les 
habitants,  mais  elle  fut  abrogée  au  bout  de  peu  de  temps 
par  la  loi  du  21  prairial  an  IV  et  par  celle  du  9  ventôse 
an  XIL  II  n'y  avait  en  effet  aucune  raison  juridique  pour 
partager  les  biens  communaux  entre  les  habitants,  car  le 
partage  se  fait  entre  copropriétaires  par  indivis  ;  or  les 
biens  communaux  n'appartiennent  pas  aux  habitants  de  la 
commune,  mais  à  la  commune  elle-même.  Toutefois  cette 
raison  juridique  ne  devrait-elle  pas  céder  devant  l'intérêt 
économique  ?  Sous  la  monarchie  de  Juillet,  la  majorité  des 
conseils  généraux  repoussa  le  partage  des  biens  commu- 
naux, soit  à  titre  gratuit,  soit  à  titre  onéreux,  et  se  pro- 
nonça pour  l'amodiation  aux  enchères.  En  1848,  un  projet 
soumis  à  l'Assemblée  constituante  tendait  au  rétablissement 
pur  et  simple  de  la  loi  de  1793.  A  l'Assemblée  législative 
qui  suivit,  plusieurs  projets  furent  également  proposés, 
mais  n'aboutirent  pas.  En  1857,  une  loi  du  19  juin,  pour 
faciliter  la  mise  en  valeur  des  sohtudes  des  dép.  des  Landes 
et  de  la  Gironde,  permit  à  l'Etat,  en  cas  d'inaction  des 
communes  de  ces  départements,  de  faire  en  leur  lieu  et 
place  les  travaux  nécessaires  à  l'amélioration  des  landes, 
sauf  au  Trésor  à  se  rembourser  ensuite  de  ses  avances  sur 
le  produit  des  coupes  et  sur  le  prix  des  terres  vendues 
après  leur  mise  en  culture.  Un  peu  plus  tard,  une  loi  du 
28  juil.  1860,  d'un  caractère  plus  général,  autorisa  l'Etat 
à  contraindre  les  communes  ou  sections  de  communes  à 
faire  des  travaux  d'assainissement,  de  dessèchement  et  de 
plantations,  à  la  condition  que  ces  travaux  seraient  au  préa- 
lable déclarés  d'utilité  publique  par  décret  rendu  en  conseil 
d'Etat  après  avis  du  conseil  général  du  département.  L'Etat 
peut  faire  aux  communes  des  avances  pour  ces  travaux, 
mais  alors  il  se  rembourse  sur  le  prix  provenant  de  la  vente 
d'une  partie  des  terrains  assainis.  La  commune  peut,  si  elle 
le  préfère,  se  hbérer  immédiatement  après  l'achèvement 
des  travaux  en  abandonnant  la  moitié  des  terrains.  Enfin 
le  gouvernement  a  aussi  le  droit  de  contraindre  la  com- 
mune à  affermer  les  terrains  pourvu  que  la  durée  du  bail 
ne  dépasse  pas  vingt-sept  ans.  E,  Glasson. 

LANDE  (CoRNULiER  DE  La)  (V.  Cornulier). 

LANDE  (La).  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  de  Pont- 
Audemer,  cant.  de  Beuzeville;  251  hab. 

LANDE  (La).  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  d'Auxerre, 
cant.  de  Toucy  ;  342  hab. 


LANDE-Chasles  (La).  Com.  du  dép.  de  Maine-et-Loire, 
arr.  de  Baugé,  cant.  de  Longue  ;  224  hab. 

LANDE-d'Airou  (La).  Com.  du  dép.  de  la  Manche,  arr. 
d'Avranches,  cant.  de  Villedieu  ;  814  hab. 

LANDE-de-Cubzag  (La).  Com.  du  dép.  de  la  Gironde, 
arr.  de  Libourne,  cant.  de  Fronsac  ;  460  hab. 
^  LANDE-de-Goult  (La).  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr. 
d'Alençon,  cant.  de  Carrouges  ;  425  hab. 

LANDE-de-Libourne  (La).  Com.  du  dép.  de  la  Gironde, 
arr.  et  cant.  de  Libourne  ;  484  hab. 

LANDE-DE-LouGÉ  (La).  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr. 
d'Argentan,  cant.  de  Briouze;  161  hab. 

LANDE-EN-SoN  (La).  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de 
Beauvais,  cant.  de  Coudray-Saint-Germer  ;  172  hab. 

LANDE-Patri  (La).  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  de 
Domfront,  cant.  de  Fiers;  1,534  hab. 

LANDE-Saint-Siméon  (La).  Com.  du  dép.  de  l'Orne, 
arr.  de  Domfront,  cant.  d'Athis  ;  390  hab. 

LANDE-sur-Drôme  (La).  Com.  du  dép.  du  Calvados, 
arr.  de  Bayeux,  cant.  de  Caumont  ;  146  hab. 

LANDE-sur-Eure  (La).  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr.de 
Mortagne,  cant.  de  Longny;  442  hab. 

LANDE-Vaumont  (La).  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr. 
et  cant.  de  Vire  ;  202  hab. 

LANDÉAN.  Com.  du  dép.  d'Ille-et- Vilaine,  arr.  et  cant. 
de  Fougères;  1,311  hab. 

LANbEBAËRON.  Com.  du  dép. des  Côtes- du-Nord,  arr. 
de  Guingamp,  cant.  de  Bégard  ;  556  hab. 

LANDEBIA.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Dinan,  cant.  de  Plancoët;  325  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer 
de  l'Ouest,  ligne  de  Lison  à  Lamballe. 

LAN  DEC  (La).  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr. 
de  Dinan,  cant.  de  Plélan-le-Petit  ;  435  hab. 

LANDECK.  Bourg  d'Autriche,  prov.  du  Tirol,  sur  l'Inn 
et  le  chem.  de  fer  del'Arlberg,  à  l'ait,  de  804  m.  ;  1,600 
hab.  Belle  église  gothique  ;  château  sur  un  rocher. 

LANDECK.  Ville  de  Prusse,  district  de  Breslau  (Silésie); 
2,800  hab.  Eaux  thermales  sulfureuses  sahnes  (-}-  20°  à 
+  29°)  ;  3,500  à  4,000  visiteurs  par  an.  Auprès  senties 
ruines  de  Karpenstein  et  les  grottes  à  stalactites  de 
Wolmsdorf. 

Eaux  minérales.  —  Ces  eaux,  protothermales  ou  hypo- 
thermales,  amétaUites,  sulfureuses  faibles,  se  prennent  en 
boisson,  bains,  douches  d'eau  et  de  vapeur,  dans  les  ma- 
ladies chroniques  des  voies  respiratoires  avec  aphonie,  le 
rhumatisme,  les  affections  nerveuses  des  femmes  ;  les  bains 
de  boue  s'appliquent  sur  les  engorgements  articulaires 
chroniques.  D^  L.  Hn. 

LAN  DÉCOURT.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Lunéville,  cant.  de  Bayon  ;  172  hab. 

LANDÉDA.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  Brest, 
cant.  de  Lannilis;  2,028  hab. 

LANDÉHEN.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Saint-Briouc,  cant.  de  Lamballe;  1,043  hab. 

LANDELEAU.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  deChâ- 
teaulin,  cant.  de  Ghâteauneuf  ;  1,510 hab. Eglise  :  portail  de 
1540  et  statue  tombale  d'un  seigneur  de  Châteaugal  (1612). 
Ruines  de  Châteaugal  ;  monolithe  ;  ancien  camp  ;  dolmen. 

LANDELLE  (La).  Com.  du  dép.  de  l'Oise, arr. de  Beau- 
vais, cant.  du  Coudray-Saint-Germer  ;  402  hab. 

LANDELLE  (Charles),  peintre  français,  né  à  Laval  le 
2  juin  1821.  Elève  de  Paul  Delaroche,  il  voyagea  beau- 
coup et  commença  à  exposer  en  1841,  avec  un  Portrait 
de  l'autevr.  On  lui  doit  un  grand  nombre  de  tableaux  his- 
toriques ou  religieux,  des  toiles  de  genre  et  des  portraits. 
Nous  citerons  :  Fra  Angelico  de  Fiesole  (1842)  ;  V Elé- 
gie^ la  Charité  (1844)  ;  la  Vierge  et  les  saintes  femmes 
au  tombeau  (1845);  les  Petits  Bohémiens,  Jeune 
Egyptienne  (1846-47);  la  République  (Wi9);  la  lie- 
naissance,  pour  le  Louvre  (1850-53)  ;  la  Juive  de  Tan- 
ger (1857)  ;  Farniente  (1863)  ;  Prison  de  Tanger,  à 
l'Exposition  universelle  de  1867  ;  Velléda  (1870);  Sal- 
macis  (1877);  Jeune  Fellahiîie  du  Caire  (1881)  ;  Lz- 


Grande  Encyclopédie_Toïtie  XXI. 


LANDES 


drané/  et  Jmp.  pu*  'HrJuxncLF^'?^'''.  1895. 


Il .  LAMIRAU  LT  ef  C^.^ .Editeurs. 


-  863  — 


LANDELLE  -  LA.NDERNEACÎ 


berté^  Loi,  Justice  et  Droit,  pour  la  ville  de  Laval  (4  885)  ; 
Cour  du  Cadi,  à  Alger  (4888)  ;  Femmes  de  Tlemcen  et 
Ruth  (1893),  etc.  Parmi  ses  portraits,  distinguons  ceux 
d'Alfred  de  Musset  ei  de  M^^*^  Fix.  Il  a  peint  six  dessus  de 
portes  pour  le  salon  des  Aides  de  camp,  au  palais  de  l'Elysée. 

LAN  DELIES.  Com.  du  dép.  d'Eure-et-Loir,  arr.  do 
Chartres,  cant.  de  Courville  ;  334  hab. 

LANOELLES-ET-GoupiGNY.  Com.  du  dép.  du  Calvados, 
arr.  de  Vire,  cant.  de  Saint-Sever  ;  4,546  hab. 

LAN  DEM  ONT.  Com.  du  dép.  de  Maine-et-Loire,  arr. 
de  Cholet,  cant.  de  Champtoceaux  ;  4,304  hab. 

LAN D EN.  Com.  de  Belgique,  prov.  de  Liège,  arr.  de 
Waremme;  2,500  hab.  Centre  des  lignes  de  chem.  de  fer 
de  Bruxelles  à  Cologne,  de  Landen  à  Ciney,  de  Lande n  à 
Saint-Trond  et  Hasselt,  de  Landen  à  Tamines.  Exploita- 
tions agricoles;  sucreries;  distilleries.  Ce  fut  jadis  un  lieu 
fortifié,  berceau  du  premier  Pépin  dit  de  Landen  (V.  Pé- 
pin). Le  champ  de  bataille  de  Neerwinde  comprend  ce 
bourg. 

BiBL.  :  Wautebs,  Landen,  description,  histoire,  insti- 
tutions ;  Bruxelles,  1883. 

LAN  0 EN  (John),  géomètre  anglais,  né  à  Peakirk,  près  de 
Peterborough,  le  ^3  janv.  4749,  mort  à  Milton  le  45  janv. 
4790.  Il  a  composé,  sur  divers  points  des  mathématiques 
supérieures,  d'importants  mémoires  insérés  dans  les  PhiL 
Trans,  à  partir  de  1754;  sa  réputation  est  surtout  fondée 
sur  ses  Mathematical  Lucuhrations  (Londres,  4755).  Il 
a  surtout  fait  progresser  la  théorie  des  séries  convergentes, 
et  en  mécanique  celle  des  mouvements  de  rotation.  On  doit 
signaler  également  sa  tentative  de  substituer  aux  méthodes 
du  calcul  infinitésimal  un  système  se  rapprochant  de  celui 
de  Fermât  et  qu'il  appela  analyse  résiduelle  (4764). 

LANDENBERG.  Colline  de  Suisse,  qui  domine  Sarnen, 
ch.-l.  du  demi-cant.  d'Obwald.  Elle  portait  jadis  le  châ- 
teau du  même  nom,  qui  a  joué  un  rôle  dans  l'histoire 
suisse.  Après  avoir  été  acquis  par  Rodolphe  de  Habsbourg-, 
empereur  d'Allemagne,  il  devint  la  résidence  des  baillis 
que  les  ducs  de  Habsbourg  envoyaient  dans  le  pays  pour 
gouverner  leurs  possessions  suisses.  En  1308,  les  habi- 
tants des  contrées  qui  forment  aujourd'hui  les  cant.  d'Uri, 
de  Schwytz  et  d'Unterwalden  se  soulevèrent  contre  les 
baillis  autrichiens  dont  les  abus  et  les  cruautés  avaient 
exaspéré  les  esprits.  Ils  furent  chassés  et  leurs  châteaux 
brûlés.  Landenberg  eut  le  même  sort  et  il  ne  reste  plus 
rien  de  ce  manoir.  La  landsgemeinde,  c.-à-d.  l'assemblée 
générale  des  citoyens  du  cant.  d'Obwald,  qui  forme  une 
république  démocratique  pure,  se  tient  sur  la  colline  que 
couronnait  jadis  le  château  de  Landenberg. 

LANDEPEREUSE.Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  de  Ber- 
nay,  cant.  de  Beaumesnil;  330  hab. 

LANDER  (Richard-Lemon),  voyageur  anglais,  né  à 
Truro  le  8  févr.  4804,  mort  à  Fernando-Po  en  févr.  4834. 
Il  accompagna  Clapperton  dans  ses  voyages  de  découvertes 
dans  l'Afrique  occidentale  et  écrivit  le  Journal  from 
Kano  to  the  Coast  (Londres,  4839,  in-4)  qui  complète 
le  journal  de  Clapperton  dont  il  publia  :  Records  ofcaptain 
Clapperton  last  expédition  to  Africa  (4830,  2  vol. 
in-4  2).  En  4830,  sous  les  auspices  de  lord  Bathurst,  il 
entreprit  une  expédition  pour  explorer  le  cours  du  Niger 
qu'il  remonta  jusqu'à  Yaourie.  Puis,  partant  de  Boussa,  il 
descendit  jusqu'à  Biafra.  Revenu  à  Londres,  il  écrivit 
son  Journal  of  an  Expédition  to  explore  the  course 
and  termination  of  the  Niger  (1832,  3  vol.  in-4 2)  qui 
fut  traduit  en  français,  en  allemand,  en  italien,  en  sué- 
dois, en  hollandais.  La  même  année  il  entreprit  une  expé- 
dition malheureuse,  au  cours  de  laquelle  il  mourut,  pour 
établir  des  relations  commerciales  entre  l'Angleterre  et 
l'Afrique  centrale.  Le  récit  en  a  été  publié  par  Mac  Gregor 
Laird  et  Oldfied  :  Narrative  of  an  expédition  into  the 
interior  of  Africa  (Londres,  4835).  —  Son  frère  John 
(4807-39)  Pavait  accompagné  dans  l'exploration  de  4830 
et  avait  contribué  à  la  rédaction  de  son  journal.    R.  S. 

LANDERNEAU.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Finistère, 


arr.  de  Brest,  sur  l'Elorn,  qui  se  transforme  là  en  un 
estuaire,  à  l'origine  duquel  est  le  port  maritime  ;  8,497  hab. 
Stat.  du  chem.de  fer  de  Paris  à  Brest,  embranchement  sur 
Savenay,  tête  de  ligne  du  chem.  de  fer  de  Landerneau  à 
Plounéour-Crez.  Hospice,  collège,  prison,  maison  centrale 
de  force  et  de  correction,  vice-consulats.  Siège  d'industries 
importantes  (la  filature  de  Traon-Elorn  de  la  Société  linière 
du  Finistère  a  été  abandonnée)  :  fabrique  de  bougies  stéa- 
riques,  tannerie,  fabriques  de  savon,  de  chaux,  d'engrais, 
fonderie  de  fer,  raffinerie  de  soude  de  varech,  scieries, 
minoteries,  construction  de  bateaux,  de  machines  agricoles, 
brasseries,  etc.  Le  mouvement  maritime  du  port  est  d'en- 
viron 500  navires,  avec  46,000  tonnes  de  marchandises  à 
l'entrée  et  8,000  à  la  sortie.  Les  importations  consistent 
en  engrais  marins,  houille  et  fer  d'Angleterre,  bois  de 
construction  du  Nord,  plantes  textiles,  vin,  sel,  blé  de 
Russie,  peaux.  L'exportation  consiste  en  grains  et  farines, 
fil,  toile,  bois  de  chaufî'age,  bougies. 

Landerneau  était,  au  temps  d'' Alexandre  Sévère  (230), 
une  mansio  sur  la  route  de  Carhaix  à  Brest.  Un  ermite, 
saint  Ernoc,  jr  aurait  fondé  un  monastère  au  vn^  siècle. 
Cette  ville  devint,  après  le  xi®  siècle,  la  capitale  du  Léon. 
Du  Guesclin  y  avait  établi  en  4373  une  garnison  française; 
mais,  en  437S,  le  duc  de  Bretagne,  avec  Paide  des  Anglais, 
la  fit  passer  au  fil  de  l'épée.  La  ville  fut  pillée  au  xvi® siècle 
par  tous  les  partis,  ainsi  que  par  le  bandit  La  Fontenelle, 
en  4592.  Landerneau  est  aujourd'hui  une  cité  fort  pai- 
sible, et  c'est  un  dicton  ironique  que  celui  passé  en  pro- 
verbe :  «  Il  y  aura  du  bruit  dans  Landerneau  !  » 

C'est  au  commencement  du  xvi^  siècle  que  Jacques,  vi- 
comte de^Rohan,  fit  construire  le  pont  de  Landerneau  avec 


Eglise  Saint-Thomas  de  Canterbury,  à  Landerneau. 

le  moulin  féodal  qu'il  supporte  en  son  milieu,  et  que  l'on 
y  voit  encore  ainsi  que  sa  double  ligne  d'anciennes  mai- 
sons :  sur  l'une  d'elles,  celle  de  la  sénéchaussée,  on  lit  la 
date  de  4548.  Curieuse  église  de  Saint-Thomas  de  Canter- 
bury, du  xvi«  siècle,  tour  de  4607.  L'église  de  Saint- 
Houardon  (1589-4604)  a  été  reconstruite  de  nos  jours  sur 


LANDERNEAU  —  LANDES 


—  864  — 


un  autre  emplacement.  Couvent  et  église  des  Ursulines, 
transformé  en  prison.  Hôtel  de  ville  de  1750.  Camp  de 
Gourel-ar-Chastel.  Promenade  des  quais.  —  Les  armes  de 
Landerneau  sont  :  D'azur,  à  un  vaisseau  de  guerre, 
équipé,  d'or,  ayant  au  pavillon  de  poupe  les  armes 
de  Rohan,  au  pavillon  du  grand  mât  les  armes  de 
Bretagne,  au  pavillon  du  mât  de  misaine  les  armes 
de  Léon,  Ch.  Delavaud. 

BiBL.  :  De  Courcy,  Notice  historiq.  sur  la  ville  de  Lan- 
derneau, 1842.  —  Daniel,  Historiq.  de  la  ville  de  Lander- 
neau et  du  Léon  ;  Brest,  1875,  —  Florent,  Notice  sur  le 
port  de  Landerneau,  dans  Ports  marit.  de  Fr.,  1879,  t.  IV. 
LANDERON.  Petite  ville  de  Suisse,  dans  le  cant.  de 
Neuchâtel,  à  l'embouchure  de  la  Thièle  dans  le  lac  de 
Bienne  ;  i  ,352  hab.  C'est,  avec  Cressier,  la  seule  localité 
du  cant.  de  Neuchâtel  dans  laquelle  on  professe  la  religion 
catholique.  On  a  découvert,  tout  près  du  Landeron,  un 
village  lacustre,  dont'  les  fouilles  ont  fourni  une  grande 
quantité  d'antiquités  intéressantes. 

LAN  DEBONDE.  Corn,  du  dép.  de  la  Vendée,  arr.  des 
Sables-d'Olonne,  cant.  de  La  Mothe-Achard;  1,095  hab. 

LANDERROUAT.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de 
La  Réole,  cant.  de  Pellegrue;  241  hab. 

LANDERROUET.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de 
La  Réole,  cant.  de  Monségur  ;  163  hab. 

LANDES.  Com.  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure,  arr. 
et  cant.  de  Saint-Jean-d'Angély  ;  597  hab. 

LANDES.  Com.  du  dép.  du  Loir-et-Cher,  arr.  de  Blois, 
cant.  d'Herbault  ;  769  hab. 

LANDES  (Les).  Com.  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure, 
arr.  de  Neufchâtel-en-Bray,  cant.  de  Blangy  ;  208  hab. 
LANDES  (Dép.  des).  Situation,  limites,  superficie. 
—  Le  dép.  des  Landes  doit  son  nom  aux  landei  de  Gas- 
cogne qui  en  couvrent  la  plus  grande  partie.  Toutefois  ses 
limites  ne  concordent  pas  avec  celles  de  cette  région  natu- 
relle (V.  ci-dessous).  Ce  département  est  situé  dans  la  ré- 
gion S.-O.  de  la  France.  Son  ch.-L,  Mont-de-Marsan, 
est  à  595  kil.  de  Paris  à  vol  d'oiseau,  et  à  733  kil.  par 
le  chemin  de  fer.  Le  dép.  des  Landes  est  maritime;  il 
est  compris  entre  le  golfe  de  Gascogne  (océan  Atlantique) 
à  rO.,  les  dép.  de  la  Gironde  au  N.,  du  Lot-et-Garonne  et 
du  Gers  à  l'E.,  des  Basses-Pyrénées  au  S.  Il  est  séparé  de 
la  frontière  espagnole  par  ce  dernier.  Il  est  compris  entre 
43<>  30'  10'"  et  440  32'  lat.  N.,  entre  2'  12'  et  3°  50'  long. 
0.  Il  n'a  de  limites  naturelles  qu'à  PO.  du  côté  de  la  mer 
qui  le  borde  sur  une  longueur  de  110  kil.  Partout  ailleurs 
la  limite  est  conventionnelle,  sauf  sur  quelques  points  où  elle 
suit  des  rivières  pendant  quelques  kilomètres  :  la  Gueyze,affl. 
de  la  Gélise,  sur  7  kil.,  entre  les  Landes  et  Lot-et-Garonne  ; 
la  Gélise  sur  16  kil.,  la  Douze  sur  2  kil.  et  la  Midouze  sur 
7  kil.  entre  les  Landes  et  le  Gers  ;  le  Gabas  sur  6  kil.,  le 
Gave  de  Pau  sur  deux  parcours  de  6  kil. ,  l'Adour  sur  20  kil. , 
entre  les  Landes  et  les  Basses-Pyrénées. 

La  superficie  des  Landes  est  de  932,100  hect.,  ce  qui 
le  classe  au  deuxième  rang  parmi  les  départements  fran- 
çais; seul  celui  de  la  Gironde  est  plus  étendu;  il  dépasse 
de  plus  de  moitié  la  superficie  départementale  moyenne. 
Sa  plus  grande  longueur  du  N.  au  S.  est  de  114  kil.  entre 
la  com.  de  Sanguinet  et  Saint-Barthélémy  (sur  l'Adour)  ;  sa 
plus  grande  largeur  de  l'E.  à  l'O.  entre  le  coursdelaGueyze 
(com.  d'Arx)  et  le  rivage  au  N.  de  Contis-Ies-Bains  est 
aussi  de  114  kil.  Le  plus  grand  diamètre  entre  Arx  et 
l'embouchure  de  l'Adour  est  de  145  kil.  La  forme  du  dé- 
partement est  celle  d'un  quadrilatère  irrégulier. 

Relief  du  soL  —  Au  point  de  vue  orographique,  le 
dép.  des  Landes  est  un  pays  de  plaine.  Les  mouvements 
de  terrain  y  sont  peu  accusés  ;  le  point  culminant,  à  l'angle 
S.-E.,  près  de  Lauret,  n'a  que  227  m.  au-dessous  du  ni- 
veau de  la  mer.  Néanmoins  on  distingue  à  première  vue 
deux  régions  fort  différentes  et  d'étendue  inégale,  celle  des 
Landes  au  N.  de  l'Adour,  celle  de  la  Chalosse  au  S.  du 
fleuve  ;  la  zone  entre  l'Adour  et  la  Midouze  est  intermé- 
diaire. 
Les  Landes  forment  une  région  naturelle  admirablement 


définie  dont  notre  département  ne  possède  que  la  partie 
méridionale,  la  partie  septentrionale  appartenant  à  celui 
de  la  Gironde,  tandis  qu'elle  se  prolonge  un  peu  vers  l'E. 
sur  ceux  du  Lot-et-Garonne  et  du  Gers.  La  région  des 
Landes  constitue  une  vaste  plaine  de  forme  triangulaire 
ayant  sa  base  sur  l'Océan,  de  l'embouchure  de  la  Gironde 
à  celle  de  l'Adour,  et  son  sommet,  vers  l'ait,  de  160  m.,  à 
Sainte-Maure,  près  de  Mezin  (Lot-et-Garonne).  Cette  plaine 
s'abaisse  en  pente  insensible  vers  la  mer  dont  elle  est  sé- 
parée par  la  chanie  des  dunes  qui  recouvrent  la  zone  cô- 
tière.  Dans  le  département  auquel  elle  donne  son  nom,  la 
plaine  des  Landes  occupe  tout  l'O.,  jusqu'au  coude  final  de 
l'Adour  et  au  canal  de  Boudigau,  le  N.  et  le  centre;  elle 
s'étend  au  S.  jusqu'à  la  plaine  alluviale  de  PAdour  et  à 
une  ligne  passant  à  peu  près  par  Grenade,  Maurrin,  Saint- 
Cricq- Villeneuve,  Saint -Justin,   Gabarret,    au  delà   de 
laquelle  commencent  les  terrains  caractéristiques  du  pla- 
teau de  l'Armagnac  (V.  Gers  [Dép.]).  La  plaine  des  Landes 
embrasse  donc  tout  Parr.  de  Mont-de-Marsan,  sauf  le  cant. 
de  Villeneuve,  la  moitié  de  celui  de  Dax  (cant.  de  Castets, 
Soustons,  Saint- Vincent-de-Tyrosse,  N.  de  celui  de  Dax)  et 
les  deux  cant.  de  Tartas  (arr.  de  Saint-Sever),  soit  environ 
700,000  hect.,  les  trois  quarts  de  la  surface  totale  du  dé- 
partement. 

L'ait,  de  la  lande  est  de  150  m.  à  Pextrémité  orien- 
tale, de  80  à  100  m.  dans  le  centre,  de  20  à  40  à  l'O., 
le  long  des  dunes.  La  pente  moyenne  ne  dépasse  guère 
i  millim.  par  mètre.  Les  vallées  des  cours  d'eau  ont  creusé 
des  dépressions  d'ailleurs  peu  marquées  entre  lesquelles  on 
peut  dessiner  une  ligne  de  partage  des  eaux  passant  entre 
Maillas,  Lencouacq,  Luglon,  Arpizanx,  Solférino,  Sindènes, 
Bion,  Laluque,  Saint- Jean-de-Marsacq  ;  c'est  ce  que  les 
théoriciens  de  la  géographie  ont  appelé  collines  landaires, 
la  démarcation  invisible  entre  les  bassins  de  PAdour,  de  la 
Garonne,  de  la  Leyre  et  des  Etangs.  L'aspect  des  landes  a 
beaucoup  changé  depuis  la  première  moitié  du  xix^  siècle, 
grâce  au  reboisement  méthodique  et  aux  travaux  de  toute 
sorte.  Cependant  dans  les  Grandes  Landes  qui  forment  la 
zone  centrale,  autour  du  chem.  de  fer  de  Bordeaux  à 
Bayonne,  de  vastes  étendues  présentent  encore  l'ancien 
aspect.  Le  sol  argilo-sableux  mélangé  de  détritus  d'ajoncs, 
de  bruyères,  etc.,  forme  une  terre  médiocre  reposant  sur 
Valios  (V.  ce  mot)  imperméable.  Les  eaux,  dont  la  faible 
déclivité  du  sol  retarde  l'écoulement,  ne  peuvent  s'absorber, 
étant  arrêtées  par  l'alios;  elles  séjournent  à  la  surface  et, 
en  hiver,  les  parties  basses  sont  transformées  en  immenses 
marécages  ou  prairies  mouillées,  qui  noient  toute  culture  ; 
on  ne  les  traverse  qu'en  sautant  de  l'une  à  Pautre  des 
mottes  formées  par  les  herbes  ou  les  bruyères,  ou  bien  à 
l'aide  des  échasses  dont  l'usage  était  autrefois  général.  En 
été,  le  soleil  dessèche  les  marais  et  dégage  des  miasmes  pa- 
ludéens qui  décimaient  jadis  la  poputation.  Puis,  quand  il 
a  achevé  son  œuvre,  la  plaine  de  sable  desséché,  tourbil- 
lonnant au  vent,  se  transforme  en  désert  torride.  La  «  lande 
rase  »  étiiit  ainsi  alternativement  inondée  et  brûlée  par 
l'effet  de  la  même  cause,  l'imperméabilité  du  sous-sol  l'em- 
pêchant d'absorber  et  d'emmagasiner  l'eau  pluviale. 

Le  long  du  rivage,  les  dunes  offrent  une  autre  phvsio- 
nomie.  Ce  sont  des  chaînons  de  sable  d'une  ait.  moyenne 
de  50  m.,  alignés  plus  ou  moins  régulièrement,  sur  une 
largeur  totale  d'environ  6  kil.  Elles  sont  un  peu  moins 
hautes  que  dans  le  dép.  de  la  Gironde.  Entre  les  collines 
sont  de  petits  vallons  où  croît  une  herbe  fine  excellente  ; 
on  les  appelle  lettes.  Au  pied  occidental  des  dunes,  les 
eaux,  ne  pouvant  s'écouler  vers  la  mer,  s'accumulent  en 
étangs.  Autrefois,  les  dunes  poussées  par  le  vent  d'O.  avan- 
çaient de  40  à  45  m.  par  an  vers  l'intérieur.  Dans  cette 
marche  (mesurée  au  xviii«  siècle),  elles  engloutissaient  les 
villages  et  faisaient  refluer  les  étangs.  Peut-être  à  l'époque 
carolingienne  ou  auparavant  avait-on  boisé  les  dunes  pour 
les  fixer,  mais  l'incurie  et  Panarchie  guerrière  du  moyen 
âge  avaient  laissé  disparaître  les  forêts  protectrices.  Les 
villages  de  Mimizan,   Saint-Juhen,  Lit-et-Mixe,   Léon, 


avaient  reculé  devant  les  sables.  Après  bien  des  efforts  de 
résistance,  les  frères  Desbiey,  à  la  fin  du  xvin«  siècle,  fixè- 
rent par  des  plantations  la  dune  de  Saint-Julien.  Le  paysan 
Berran  arrêta  celle  d'Udos  devant  Miniizan.  Ce  n'étaient 
que  des  succès  locaux.  L'ingénieur  Brémontier  les  érigea 
en  système;  dans  son  fameux  mémoire  de  '1787,  il  prouva 
que  les  semis  fixaient  les  dunes  et  que  les  arbres  pouvaient 
vivre  dans  ce  sable  quartzeux  réputé  stérile.  Depuis  lors, 
quelques  perfectionnements  ont  été  apportés  à  la  méthode, 
dans  le  choix  des  variétés  de  pins,  etc.  La  région  entière 
des  dunes  forme  aujourd'hui  une  vaste  forêt  de  plus  de 
36,000  hect.,  entièrement  créée  depuis  un  siècle  (V.  Dune 
et  Brémontier).  Dans  toute  la  lande  se  sont  prolongées  les 
plantations  de  pins  (pignadars)^  surtout  depuis  la  loi  du 
49  juin  1857  sur  l'assainissement  et  la  mise  en  valeur  des 
landes  ;  les  semis  ordonnés  par  l'Etat  ont  servi  de  modèle. 
Les  marais  (bouirits,  bourgs  ou  bouils)  diminuent  rapi- 
dement ;  les  crastes^  ruisseaux  artificiels,  ont  servi  à  créer 
un  système  de  drainage  ;  les  landes  ont  été  méthodique- 
ment boisées  ou  défrichées  par  l'initiative  de  l'Etat  ou  des 
communes,  si  bien  qu'il  ne  reste  plus  que  170,000  hect. 
de  véritables  landes. 

Dans  la  région  des  Landes,  on  distingue  les  Grandes 
Landes,  au  centre;  le  pays  àAlbret,  entre  la  Midouze  et 
la  Leyre,  à  l'E.  ;  les  Petites  Landes^  aux  confins  du  dép. 
de  la  Gironde,  au  N.-E.;  dans  la  zone  des  dunes,  la  partie 
septentrionale,  jusqu'à  l'étang  de  Saint-Julien,  correspond 
à  l'ancien  pays  de  Born  ;  au  S.  de  celle-ci,  autour  des 
étangs  de  Léon  et  de  Soustons  s'étend  le  Marensin,  cou- 
vert de  vastes  forêts  de  pins  entrecoupées  de  marais  ;  ce 
nom  est  d'ailleurs,  dans  une  acception  plus  générale,  appli- 
qué à  toute  la  zone  des  étangs  qui  borde  celle  des  dunes 
et  la  sépare  des  Grandes  Landes.  Au  S.  du  Marensin,  de 
l'étang  de  Soustons  jusqu'à  l'ancien  lit  de  l'Adour,  est  la 
Bîaremme,  chaude  et  marécageuse,  avec  une  merveilleuse 
végétation,  des  aubépines  arborescentes,  des  houx  de  10  m. 
de  haut,  des  bruyères  de  2  et  3  m.  et  surtout  de  magni- 
fiques chênes-lièges. 

La  région  du  S.-E.,  bassin  de  la  Midouze,  intermédiaire 
entre  les  Landes,  l'Armagnac  et  la  Chalosse,  est  le  pays 
de  Marsan  ;  la  Douze,  la  Midou  et  la  rivière  formée  par 
leur  confluent,  la  Midouze,  se  sont  creusées  des  lits  dans 
le  sable  et  l'alios,  à  une  profondeur  de  iO  m.  au-dessous  du 
niveau  de  la  plaine. 

La  Chalosse^  région  méridionale  du  département,  est 
tout  à  fait  différente  des  Landes.  Elle  est  située  sur  la  rive 
gauche  de  l'Adour,  entre  le  plateau  d'Armagnac  et  la  mer, 
au  N.  des  collines  crétacées  du  Béarn,  avant-monts  du 
massif  pyrénéen.  C'est  un  plateau  sillonné  de  nombreuses 
vallées  et  contrastant  vivement  avec  la  plaine  monotone  des 
Grandes  Landes.  L'opposition  est  saisissante  pour  le  spec- 
tateur monté  sur  les  collines  de  Saint-Sever  ou  de  Dax  ; 
au  N.  du  fleuve,  l'immense  plaine  unie  comme  la  mer  où 
l'alternance  des  bois  de  pins  et  du  steppe  forme  le  seul 
accident  visible  ;  de  l'autre,  les  lignes  onduleuses,  de  gais 
coteaux  creusés  de  jolies  vallées  bien  arrosées,  revêtus  de 
vignobles,  d'arbres  à  feuilles  caduques,  de  vertes  prairies. 
L'altitude  des  collines  de  la  Chalosse  s'accroît  à  mesure 
qu'on  va  vers  le  S.-E.  ;  de  HO  m.  au-dessus  de  Saint- 
Sever,  406  m.  à  Montfort,  elle  atteint  452  m.  à  Urgons, 
476  m.  à  Castelnau-Tursan,  248  m.  à  Mauriès,  227  m.  à 
Lauret.  La  partie  orientale  de  la  Chalosse,  répondant  aux 
cant.  d'Aire  et  de  Geaune,  limitrophes  du  dép.  du  Gers 
(région  de  l'Armagnac),  s'appelle  le  Tursan;  les  vallées 
peu  profondes  sont  coupées  de  landes.  A  l'O.,  dans  le  coude 
de  l'Adour,  sur  la  r.  dr.  du  fleuve,  au  S.  de  la  Maremme, 
entre  l'ancien  lit  du  fleuve  représenté  par  le  Boudigau  et 
le  lit  actuel,  s'étendent  les  pays  de  Seignanx  et  de  Gosse, 
qui  se  rattachent  à  la  Chalosse  par  leurs  caractères  géné- 
raux, mais  sont  moins  accidentés,  et  partiellement  boisés 
de  pins.  L'ait,  des  collines  n'y  dépasse  guère  400  m. 

Géologie.  —  Le  dép.  des  Landes  se  divise  en  deux  ré- 
gions bien  tranchées  dont  les  différences  géologiques  expli- 

GRÂNBE    ENCYCLOPÉDIE.   —  XXL 


^  -~  LANDES 

quent  le  contraste.  Le  sol  des  Landes  est  formé  de  sables 
pliocènes  reposant  sur  des  glaises  bigarrées  qui  sont  mises 
à  nu  au  fond  des  vallées  et  pointent  aussi  en  quelques 
points  de  la  plaine.  En  un  seul  point  apparaissent  des  ter- 
rains plus  anciens  :  à  Roquefort,  au  N.  de  la  Douze,  existe 
un  pointement  des  étages  crétacés  supérieurs,  ramenant 
au  jour  les  assises  éo cènes. 

La  Chalosse  est  essentiellement  formée  de  terrains  mio- 
cènes, coupés  de  larges  vallées  alluviales  (Adour,  Louts, 
Luy)  ;  outre  les  sables  fauves  caractéristiques  de  la  région, 
on  trouve  à  l'E.  dans  les  fonds  de  vallée  les  molasses  la- 
custres de  l'Armagnac  et  de  l'Agenais.  Le  Tursan  et  la 
moitié  du  Marsan  peuvent  se  rattacher  à  l'Armagnac  (V. 
Gers,  §  Géologie).  Dans  la  Chalosse  proprement  dite,  on 
ne  retrouve  pas  la  régularité  des  structures  des  trois 
régions  géologiques  voisines  (Landes,  Armagnac,  Agenais); 
des  soulèvements  ont  ramené  au  jour  les  assises  inférieures 
de  l'éocène,  le  crétacé  supérieur  (du  garumnien  au  cénoma- 
nien)  et  même  le  trias.  L'éocène  apparaît  dans  la  vallée  infé- 
rieure du  J^outs,  et  autour  des  soulèvements  crétacés  et 
triasiques.  La  protubérance  crétacée  d'Audignon,  au  S.  de 
Saint-Sever,  s'étend  sur  une  vingtaine  de  kilomètres,  de 
l'E.  à  rO.,  depuis  la  rive  droite  du  Bahus  jusqu'au  S.  de 
Montant,  le  long  du  Gabas.  Entre  le  Louts  et  le  Luy,  vers 
Gaujacq,  apparaissent  les  sédiments  triasiques.  Au  S.  de 
Dax,  le  trias  semble  fort  étendu,  mais  il  n'émerge  qu'au- 
près de  la  ville,  soulevé  par  une  éruption  d'ophite  qui  a 
formé  le  monticule  du  Pouy  d'Euze  où  s'élève  la  tour  qui 
servit  aux  observations  de  Borda.  La  plaine  alluviale  de 
l'Adour  a  une  dizaine  de  kilomètres  de  large,  d'Aire  à  Saint- 
Sever;  elle  se  rétrécit  ensuite  et  n'a  plus  qu'un  à  deuxkil. 
vers  Dax,  reprend  sa  largeur  quand  le  fleuve  tourne  au  S., 
mais,  après  le  confluent  du  Gave  de  Pau,  le  long  du  lit 
creusé  entre  les  hauteurs  crétacées  du  Labourd  et  les  hau- 
teurs tertiaires  du  pays  de  Seignanx,  la  vallée  alluviale  est 
très  étroite.  On  trouve  aussi  une  très  large  bande  d'alluvions 
anciennes  sur  la  rive  gauche  du  Luy.  Cette  formation  se 
rattache  à  celles  du  plateau  de  Lannemezan  et  de  l'Arma- 
gnac, et  se  retrouve  un  peu  moins  développée  le  long  des 
autres  rivières  qui  descendent  de  ce  plateau,  Louts,  Ga- 
bas, etc.  Dans  le  petit  pays  de  Seignanx,  compris  dans  le 
coude  de  l'Adour,  on  retrouve  les  terrains  de  la  Chalosse  : 
miocènes,  laissant  paraître  les  assises  éocènes  à  la  base  de 
leurs  escarpements,  pointements  crétacés  et  triasiques. 

En  résumé,  les  trois  quarts  du  dép.  des  Landes  appar- 
tiennent à  la  région  géologique  dite  des  Landes  de  Gascogne, 
caractérisée  par  ses  sables  pliocènes.  Au  S.-E.  on  trouve 
les  formations  lacustres  de  l'Armagnac  avec  leur  revête- 
ment d'alluvions  anciennes  en  grande  partie  déblayé  par 
les  rivières  (complètement  sur  leur  rive  gauche).  Au  S., 
les  terrains  mouvementés  de  la  Chalosse*  présentent  au- 
dessous  de  leurs  terrains  miocènes  des  assises  éocènes 
ramenées  au  jour  par  des  soulèvements  crétacés  et  tria- 
siques et  une  éruption  d'ophite. 

Au  point  de  vue  stratigraphique,  la  protubérance  créta- 
cée de  Saint-Sever  ou  Audignon  est  l'accident  le  plus  inté- 
ressant. Elle  est  située  dans  le  prolongement  de  la  grande 
ride  qui  part  des  Petites  Pyrénées  (Haute-Garonne)  et  se 
poursuit  parallèlement  à  l'axe  de  la  chaîne.  Toutes  les 
couches  crétacées  et  nummulitiques  sont  relevées  vers  un 
centre  commun  situé  au  fond  du  val  d'Audignon,  près  de 
l'éghse  ;  leur  disposition  est  celle  d'une  série  de  cuvettes 
renversées  s'emboîtant  l'une  dans  l'autre  ;  les  inclinaisons 
sont  très  fortes  au  N.,  faibles  au  S.,  à  l'E.  et  à  l'O.  Parmi 
les  accidents  qui  sont  en  rapport  manifeste  avec  la  grande 
ride  que  nous  signalons,  il  faut  indiquer  :  la  réapparition 
de  l'étage  nummulitique  inférieur  à  l'extrémité  de  la  vallée 
du  Louts,  près  de  Louer  ;  la  présence  du  falun  de  Gaas 
entre  Lour({uen  et  Lahosse  ;  l'existence  au  fond  de  cette 
vallée  ou  dans  son  prolongement  de  sources  minérales 
chaudes  ou  tempérées  (Préhacq,  Sainte-Marie,  Bulcheron, 
à  Gamarde).  A  Dax,  il  y  a  une  faille  très  nette  dirigée  de 
l'E.  à  l'O.,  qui  mot  en  contact  les  marnes ir risées  et  l'ophite 

55 


LAlVfPES 


~  866  — 


avec  les  calcaires  crétacés  de  l'étage  sénonien.  Klle  sert  de 
cheminée  aux  nombreuses  sources  thermales  qui  ont  fait 
la  célébrité  de  la  ville. 

Description  des  étages  sédimenlaires.  Les  terrains  les 
plus  anciens  sont  les  marnes  irrisées  des  environs  de  Dax, 
de  Gaujacq  et  de  Sainte-Marie-de-Gosse.  On  y  trouve  du  sel 
gemme  et  on  y  a  exploité  du  plâtre. 

Le  crétacé  supérieur  débute  par  l'étage  cénomanien  au 
fond  de  la  vallée  d'Audignon  :  on  y  trouve  des  marnes  noi- 
râtres à  Ostrea  flabella  et  Holectipus  excisus,  puis  des 
calcaires  dolomitiques  compacts  d'apparence  siliceuse  et  de 
véritables  dolomies.  —  L'étage  turonien  est  représenté  dans 
le  bois  de  Jouansalle,  près  d'Audignon,  par  une  masse  cal- 
caire d'une  vingtaine  de  mètres  de  puissance,  ne  présentant 
de  trace  de  stratification  qu'à  la  base  ;  au  milieu  est  un  lit 
de  Radiolites  lumbricalis;  au  sommet,  le  calcaire  est  la- 
mellaire et  passe  au  marbre.  — L'étage  sénonien  est  repré- 
senté dans  la  protubérance  d'Audignon  par  des  calcaires 
compacts  ou  marneux  et  des  marnes  à  silex  tuberculeux  ; 
on  y  trouve  les  fossiles  caractéristiques  de  cet  étage,  sou- 
vent silicifiés,  Echinocorys  vulgaris  et  Gibba,  Inocera- 
mus  GoldfusianuSy  Janira  qiiadricostata  ;  il  est  très 
apparent  dans  la  vallée  du  Gabas,  vers  Audignon  et  Hau- 
riet.  Il  paraît  aussi  à  Dax,  sur  la  promenade  des  Baignots, 
le  long  de  la  faille.  —  L'étage  qui  couronne  la  craie  d'Au- 
dignon est  assez  complexe  ;  on  y  distingue  trois  niveaux  : 
une  puissante  assise  de  marnes  de  couleur  foncée,  bleuâtre 
ou  grise  cendrée  et  de  calcaires  compacts  ou  marneux  à 
orbitolines,  Hemipneusles  pyroiaicus,  Ostrea  vulgaris 
et  pyrenaica,  thécidées  de  Boulin  et  de  Montaut,  nau- 
tiles, etc.  ;  les  assises  moyenne  et  supérieure,  également 
très  épaisses,  sont,  au  contraire,  à  peu  près  azoïques  ;  elles 
correspondent  à  l'étage  garumnien  ;  la  première  est  for- 
mée de  dolomie  brunâtre  tantôt  pulvérulente,  tantôt  com- 
pacte; la  seconde,  de  calcaire  grenu,  légèrement  cristallin, 
gris  ou  gris  rosé,  d'apparence  marmoréenne.  Un  des  carac- 
tères les  plus  constants  de  cet  étage  est  la  présence  de  no- 
dules géodiques  de  quartz  mamelonnés  à  la  surface  et  ta- 
pissés de  cristaux  à  l'intérieur. 

L'éocène  débute  par  des  grès  siliceux  à  pavés  de  Cou- 
dures  et  des  calcaires  à  alvéolines  qui  y  sont  associés  ;  ils 
sont  très  développés  à  l'E.  de  la  Chalosse,  enveloppent  la 
protubérance  crétacée  d'Audignon  et  reparaissent  dans  la 
vallée  du  Louts,  vers  Gamarde  et  Louer.  Les  grès  sont  en 
bancs  épais,  à  gros  grains  et  azoïques.  Ils  sont  inter- 
calés entre  deux  assises  de  calcaire  sableux  et  glauconieux, 
ayant  chacune  de  2  à  6  m.  de  puissance  ;  l'assise  inférieure 
renferme  des  alvéolines,  Nummulites  planulata^  etc.  ; 
l'assise  supérieure  y  ajoute  de  nombreuses  espèces  d'Echi- 
nides,  Maretia  Jacquoti^  Oriolampas  Michelim\  Cassi- 
dulus  Dubaleni^  etc.  Vient  ensuite  une  assise  presque 
exclusivement  composée  de  marnes  sableuses  et  micacées 
d'un  gris  bleuâtre,  ayant  une  tendance  marquée  à  se  déli- 
ter en  fragments  conchoïdaux,  assise  formant  une  masse 
d'une  douzaine  de  mètres  de  puissance,  sans  autre  trace 
de  stratification  que  celle  qui  résulte  de  son  agrégation  plus 
ou  moins  considérable.  Elle  est  caractérisée  par  ses  crus- 
tacés Xanthopsis  Dufourtii,  Delbosii  et  Quadrilobatus^ 
outre  de  nombreux  autres  fossiles  (  7'<?r^c^(?  Tournali,  Pec- 
ten  subimbricatus^  Ostrea  rarilamella^  etc.).  Ces  marnes 
sont  surmontées  d'une  assise  de  calcaire  marneux  blanc  à 
Orbitoides  papyracea^  Fortisii,  etc.  Dans  la  vallée  du 
Louts,  au  S.  et  à  l'O.  de  Larbey,  ces  marnes  renferment, 
à  l'état  de  lentilles,  un  calcaire  lamellaire  brun  jaunâtre 
rempli  de  milliolites  qu'on  exploite  pour  pierre  de  taille. 
Il  est  surmonté  d'une  petite  couche  lacustre  à  planorbes  et 
limnées.  —  L'assise  suivante  est  formée  de  marnes  et  cal- 
caires blanchâtres  à  JSummulites  complanata,  Conocly- 
pus  conoideus^  Echinolampas,  etc.  Le  calcaire  marneux 
tendre,  blanchâtre,  ressemble  fort  à  celui  de  l'assise  pos- 
térieure qui  couronne  la  formation  éocène  sur  une  hauteur 
de  42  à  15  m.,  aux  environs  de  Montfort,  de  Nousse  et 
de  Louer  ;  celui-ci  est  grisâtre  ou  légèrement  verdâtre,  riche 


en  échinides  et  Serpula  spinilœa.  —  Le  grès  de  Mugron, 
sans  relation  apparente  avec  les  autres  couches  éocènes  de 
la  Chalosse,  est  un  calcaire  gréseux  brunâtre,  à  grains  fins, 
bréchoïdes  àla  base,  avec  quelques  intercalations  marneuses, 
d'une  épaisseur  de  15  m.  environ  ;  on  y  trouve  des  oper- 
culines  et  des  polypiers. 

L'oligocène  est  représenté  par  le  falun  de  Gaas  et  de 
Lahosse,  la  molasse  lacustre  de  l'Agenais  et  le  falun  de 
Saint- A  vit  à  Cerithium  plicatum.  Le  falun  de  Gaas  et 
de  Lahosse,  caractérisé  par  des  moules  de  Natica  crassa- 
tina  et  divers  polypiers,  est  un  étage  de  calcaire  marneux 
épais  de  6  à  8  m.  qui  se  montre  au  bas  des  coteaux  rive- 
rains du  Louts,  entre  Lahosse  et  Lourquen,  et  vers  les 
sources  de  la  Bassée  à  Gaas  (à  l'O.  de  Pouilion).  •—  Les 
marnes  et  molasses  d'eau  douce,  jaunes,  veinées  de  gris, 
qui  sont  à  la  base  de  l'escarpement  septentrional  de  la 
Chalosse  entre  Banos  et  Cassen,  le  long  de  l'Adour,  et  le 
fond  de  la  vallée  du  Bahus,  vers  Montgadlard,  appartiennent 
à  la  grande  formation  lacustre  de  l'Agenais.  —  Le  falun  de 
Saint-Avit  apparaît  par  suite  de  son  relèvement  aux  abords 
des  protubérances  crétacées  ;  à  Saint-Avit,  sur  la  Douze, 
au  N.~E.  de  Mont-de-Marsan,  près  de  la  craie  de  Roque- 
fort ;  à  Saint-Paul,  au  N.  de  Dax,  près  du  sénonien  de 
cette  ville  ;  vers  Toulouzette,  le  long  de  l'escarpement  de 
la  Chalosse,  au  pied  duquel  coule  l'Adour,  au  N.  de  la  ride 
d'Audignon  :  c'est  un  étage  de  10  à  15  m.,  constitué  de 
sable  marneux,  avec,  dans  sa  partie  médiane,  le  calcaire 
lacustre  gris  de  l'Agenais  à  Planorbis  cornu  et  Limnœa 
pachygaster;  les  fossiles  caractéristiques  de  ce  falun  sont 
Cerithium  plicatum  et  pictum,  Ostrea  Gingensis,  Ne- 
ritina  subpicta^  etc. 

Le  miocène  proprement  dit  débute  par  la  molasse  et  le 
calcaire  lacustre  inférieurs  de  l'Armagnac  dont  la  puis- 
sance décroit  rapidement  vers  LO.  Cet  étage  est  visible  au 
fond  de  la  vallée  de  la  Midouze,  près  de  Mont-de-Marsan,  et 
forme  la  cuvette  de  la  vallée  de  l'Adour  et  la  base  des  collines 
entre  Saint-Sever  et  Saint-Maurice.  Il  est  essentiellement 
marneux.  —  L'étage  des  sables  fauves  et  falunsà  Cardita 
Jouanneti  est  très  développé;  sa  puissance  est  de  40  à 
50  m.  ;  il  couvre  la  plus  grande  partie  de  la  Chalosse,  forme 
la  pointe  occidentale  du  Marsan  et  se  montre  dans  toutes 
les  vallées  des  Landes  qui  aboutissent  à  la  Midouze  et  dans 
celle  de  la  Leyre.  L'élément  constitutif  de  cet  étage  est  un 
sable  quartzeux,  fin,  coloré  en  jaune  brunâtre  par  une 
petite  quantité  d'hydroxyde  de  fer.  Par  places  et  à  diffé- 
rents niveaux,  le  sable  fauve  est  agglutiné  par  un  cnnent 
calcaire  ou  ferrugineux.  Les  fossiles  se  trouvent  dans  les 
assises  calcaires  de  la  base  et  les  assises  ferrugineuses  du 
sommet  :  Cardita  Jouanneti,  Ostrea  crassissima,  Scu- 
tella  subrotunda,  Arca  turonica,  Cerithium  lignita- 
rum,  papaveraceum  et  Duboisii,  Pecten  solarium  et 
scabrellus,  Halitherium,  etc.  Dans  la  Chalosse,  entre 
Montfort  et  Dax,  à  Sains-Geours-de-Maremme,  à  Soustons, 
on  trouve  intercalé  au  miheu  des  sables  fauves  un  falun 
gris  bleuâtre  à  Ctypeaster  marginatus,  Conoclypus  se- 
miglobus,  Echinolampas  hemisphericus,~V^i2igQ  des 
glaises  bigarrées  est  aussi  important  que  le  précédent,  car 
il  forme  le  substratum  du  sable  des  Landes  dans  la  plus 
grande  partie  de  la  plaine.  Par  une  disposition  propre  au 
bassin  du  S.-O.,  ces  glaises  bigarrées  forment  des  buttes 
isolées  qui  surmontent  parfois  de  30  m.  le  niveau  du  sable 
des  Landes  ;  la  cause  de  ces  curieux  accidents  stratigra- 
phiques  n'est  pas  établie.  Les  glaises  bigarrées  constituent 
également  le  sommet  de  quelques  collines  des  alentours  de 
Saint-Sever.  Cet  étage  des  glaises  bigarrées  est  assez 
mince,  n'ayant  que  quelques  mètres  de  puissance  ;  il  débute 
par  des  argiles  magnésiennes  grises,  maculées  de  jaune 
clair,  ou  bien  rouges,  offrant  tous  les  caractères  d'un  dé- 
pôt chimique  ;  elles  sont  recouvertes  par  une  argile  bleuâtre 
ou  noirâtre  contenant  des  détritus  végétaux  et  du  bois  fos- 
sile. 

A  l'époque  pliocène  se  rattache  le  sable  des  Landes; 
cet  étage  présente  une  composition  simple  et  uniforme.  11 


est  constitué  par  des  grains  arrondis  de  quartz  blanc  trans- 
lucide, associés  en  faible  proportion  à  des  parcelles  de  fer 
oxydulé  de  mica,  de  grenat  et  de  débris  de  roches  volca- 
niques. A  la  base  existe  d'une  manière  constante  un  lit 
peu  épais  de  petit  gravier  blanc  et  noir  ;  on  y  trouve,  sous 
forme  de  lentilles,  quelques  dépôts  d'argile  bleuâtre  ou 
grise,  veinée  de  jaune,  et  ces  dépôts  renferment  par  places 
des  couches  de  lignite.  Sur  quelques  points  le  sable  est 
agglutiné  par  un  ciment  siliceux  ou  ferrugineux  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec  Valios  (V.  ce  mot),  matière  de 
nature  organique  analogue  à  Fulmine.  Enhn  il  renferme 
quelques  gîtes  superficiels  d'hydroxyde  de  fer  en  grains 
amorphes  ou  reproduisant  par  épigénie  la  texture  des  végé- 
taux ligneux.  Dans  les  Grandes  Landes,  le  sable  propre  à 
la  région  n'a  pas  plus  de  45  à  20  m.  de  puissance;  il  est 
azoïque  et  repose  indifféremment  sur  les  divers  étages  du 
terrain  miocène  et  môme  sur  la  craie. 

Les  alluvions  anciennes  font  défaut  dans  la  plaine  des 
Landes.  Elles  sont  au  contraire  très  développées  dans  la 
Chalosse,  notamment  sur  les  rives  de  l'Adour  et  à  gauche 
des  rivières  qui  divergent  du  plateau  de  Lannemezan. 
Elles  sont  constituées  par  un  limon  argilo-sableux  jaune 
ou  rougeâtre,  jaspé  de  gris  et  renfermant,  par  places,  des 
concrétions  ferrugineuses.  Dans  ce  limon  sont  incrustés  à 
différents  niveaux,  assez  bien  étages,  des  galets  de  roches 
quartzeuses,  d'autant  plus  volumineux  qu'ils  sont  plusrap 
proches  de  la  chaîne  des  Pyrénées  d'où  ils  proviennent.  — 
Les  alluvions  modernes  de  l'xidour  et  de  ses  affluents  de 
gauche  ont  seuls  quelque  importance.  Elles  renferment  un 
limon  argilo-sableux,  des  galets  de  toutes  les  roches  dures 
propres  aux  terrains  traversés  par  la  vallée.  Dans  les  Landes, 
les  vallons  étroits  à  flancs  ardus  n'ont  presque  pas  d'al- 
luvions.  —  Le  sable  des  dunes  est  celui  de  la  plaine  des 
Landes,  remanié  par  la  mer,  donc  presque  exclusivement 
quartzeux. 

Sur  quelques-uns  des  terrains  décrits  ici  on  trouvera 
de  plus  amples  détails  dans  les  art.  Gironde  et  Gers. 

Terrains  éruptifs.  L'ophite  qui  forme  le  sol  de  la  col- 
line du  Pouy  d'Euze  (tour  de  Borda)  se  montre  encore  à 
3  kil.  de  Dax,surla  route  de  Monlfort,  vers  l'église  d'Yzosse 
(où  la  recouvre  le  sable  des  Landes).  C'est  une  roche  gre- 
nue, lamellaire,  d'un  noir  verdâtre,  se  débitant  en  grosses 
boules  à  écailles  concentriques. 

Hydrologie  et  géologie  agricole.  Dans  la  région  landaise, 
il  n'y  a  qu'un  niveau  de  sources  important,  celui  qui  existe 
au  contact  du  sable  et  des  glaises  bigarrées  et  qui  constitue 
le  point  de  départ  de  tous  les  cours  d'eau  qui  arrosent  la 
contrée.  Il  existe  bien  une  autre  nappe  d'eau  à  la  surface 
de  l'alios,  mais  elle  est  souillée  par  la  présence  de  matières 
organiques.  La  Chalosse  est  beaucoup  mieux  partagée  ;  on 
y  trouve  de  belles  sources  jaillissait  au  niveau  des  nappes 
aquifères  qui  se  rencontrent  dans  les  alluvions  anciennes, 
la  molasse  marine,  le  falun  de  Saint-Avit,  les  grès  éo~ 
cènes  et  les  diverses  assises  calcaires  du  terrain  crétacé. 

Le  sol  des  Landes  et  des  dunes  est  quartzeux  et  mainte- 
nant en  grande  partie  couvert  de  forêts  de  pins  maritimes. 
Le  voisinage  des  habitations  est  généralement  signalé  par 
la  présence  de  chênes  séculaires.  Le  seigle  est  la  céréale 
dominante.  Les  pointements  de  glaises  bigarrées,  que  nous 
avons  mentionnés,  équivalent  à  de  petites  oasis  ;  leurs  cul- 
tures sont  celles  de  la  Chalosse.  Les  sables  fauves  du  Mar- 
san et  de  la  Chalosse  donnent  heu  à  des  terres  légères, 
dont  le  nom  de  sables  vifs  accuse  la  supériorité  sur  ceux 
des  Landes.  Les  sols  de  la  Chalosse  sont  d'ailleurs  très  va- 
riés :  il  y  a  des  terres  fortes  ou  calcaires  sur  les  terrains 
crétacés  et  nummulitiques,  sur  les  marnes  de  l'Agenais  et 
de  l'Armagnac;  des  terres  sihcéo-argileuses,  privées  de 
l'élément  calcique,  ou  boulbènes^  sur  les  alluvions  an- 
ciennes ;  on  les  améliore  de  longue  date  par  le  marnage. 
Les  cultures  de  la  Chalosse  sont  le  blé,  la  vigne,  les  arbres 
fruitiers,  de  belles  prairies,  des  bois  feuillus.  Dans  le  Tur- 
san  elles  alternent  avec  les  landes;  dans  le  Seignanx  avec 
les  bois  de  pins. 


-  867  --  LANDES 

Régime  des  eaux.  —  Le  dép.  des  Landes  se  partage 
entre  quatre  bassins  différents  :  celui  de  l'Adour  au  S.  et  au 
S.-E.,  celui  de  la  Garonne  àl'E.,  celui  delaLeyreau  N.-O., 
celui  des  Etangs  à  l'O.,  ce  dernier  subdivisé  entre  plusieurs 
courants  qui  portent  ses  eaux  à  l'Océan. 

Le  bassin  de  la  Garonne  ne  prend  que  quelques  com- 
munes frontières.  La  Gélise,  affl.  de  la  Baïse,  naît  dans  le 
Gers,  recueille  les  eaux  de  la  moitié  du  cant.  de  Gabarret; 
elle  sert  de  limite  au  département  pendant  10  kil.  et  reçoit 
à  g.  le  ruisseau  de  Rimbez  qui  le  limite  pendant  5  à  6  kil., 
puis  la  Gueyze  qui  y  a  sa  source  et  le  limite  pendant  7  kil. 
du  côté  d'Arx.  Le  Giron,  affl.  direct  de  la  Garonne,  n'a  que 
sa  source  dans  les  Landes  où  il  sort  de  l'étang  de  Lublon 
(cant.  de  Gabarret)  ;  un  de  ses  affluents  arrose  Maillas. 

Le  bassin  de  l'Adour  occupe  plus  de  la  moitié  du  dépar- 
tement, tout  l'arr.  de  Saint-Sever,  le  tiers  de  celui  de 
Mont-de-Marsan,  la  moitié  de  celui  de  Dax,  laissant  au 
bassin  de  la  Leyre  environ  le  tiers  de  l'arr.  de  Mont-de- 
Marsan,  au  bassin  des  Etangs  la  moitié  de  l'arr.  de  Dax  et 
le  dernier  tiers  de  celui  de  Mont-de-Marsan.  L'Adour  entre 
dans  le  dép.  des  Landes  au  sortir  de  celui  du  Gers  et  y 
parcourt  160  kil.  sur  les  335  de  son  cours  total.  Il  dé- 
roule son  cours  sinueux  à  travers  une  large  vallée  allu- 
viale de  l'E.  à  l'O.,  jusqu'au  confluent  de  la  Midouze,  puis 
du  N.-E.  au  S.-O.  jusqu'à  celui  du  Gave  de  Pau  où  il 
reprend  sa  direction  vers  l'O.  Il  arrose  Aire,  où  il  devient 
flottable,  Cazères,  Bordères,  Grenade,  Saint-Maurice,  passe 
au  pied  dé  la  coUine  de  Saint-Sever  où  il  devient  navi- 
gable à  32  m.  d'alt.,  près  de  Mugron  (r.  g.),  de  Pontonx 
(r.  dr.),  à  Dax  (ait.  6  m.),  à  Saubusse,  Josse,  sépare  le 
dép.  des  Landes  de  celui  des  Basses-Pyrénées  à  partir  du 
confluent  du  Gave  do  Pau,  entre  dans  les  Basses-Pyrénées 
en  amont  de  Saint-Esprit,  détaché  du  dép.  des  Landes  en 
1857,  et  huit  à  6  kil.  en  aval  de  cette  ville  et  de  Bayonne  ; 
les  2  derniers  kil.  à  partir  de  l'ancien  bras  'du  fleuve 
sont  limitrophes  du  dép.  des  Landes.  Cet  ancien  bras  de 
l'Adour  tournait  au  N.,  longeant  les  dunes  à  une  demi-lieue 
de  l'Océan,  sur  une  longueur  de  30  kil.  jusqu'au  Vieux- 
Boucau  ;  à  un  autre  moment,  l'embouchure  fut  à  moitié 
chemin  de  ce  parcours,  au  havre  de  Cap-Breton,  puis  à 
2  kil.  de  sa  place  actuelle,  au  Boucau-Neuf.  L'embouchure 
actuelle  est  obstruée  par  une  barre  qu'on  n'a  pu  faire  dis- 
paraître malgré  des  travaux  considérables.  L'Adour  a  un 
débit  moyen  de  222  m.  c.  par  seconde  ;  sa  masse  est  plus 
que  doublée  par  l'apport  du  Gave  de  Pau.  Flottable  depuis 
Aire,  il  est  navigable  théoriquement  depuis  Saint-Sever, 
mais  seulement  à  la  descente  ;  dans  les  deux  directions  de- 
puis Mugron.  Le  tirant  d'eau  est  très  irrégulier  sur  le  haut 
fleuve  ;  il  dépasse  4  m.  dans  certains  endroits,  et  généra- 
lement 1^50,  mais  surtout  autour  des  îles,  il  peut  s'abais- 
ser à  0"^35  et  même  0=^1 5.  Sur  le  bas  fleuve  où  la  pente 
est  moindre,  on  l'a  régularisé,  et  la  profondeur  est  à  peu 
près  partout  de  1  m.  ;  parfois  cependant  elle  s'abaisse  à 
0'^40.  En  aval  du  confluent  du  Gave,  elle  est  de  1"^60.  La 
marée  se  fait  sentir  jusqu'à  Vimport,  près  de  Saubusse. 

Les  affluents  de  l'Adour  dans  le  dép.  des  Landes  sont  : 
à  g.,  en  aval  d'Aire,  la  Grave  (11  kil.)  qui  passe  à  La- 
trille;  —  à  dr.,  à  Cazères,  la  Molle  (16  kil.),  venue  du 
dép.  du  Gers;  —  à  g.,  en  amont  de  Bordères,  l'Ourden 
(17  kil.),  qui  passe  à  Bachen  et  Pienung;  —  à  g.,  en 
aval  de  Saint-Sever,  le  Bahus  (50  kil.),  né  dans  les  Basses- 
Pyrénées,  près  de  Thèze,  qui  arrose,  dans  le  Tursan, 
Bahus-Soubiran,  Eugénie-les- Bains,  Classun,  où  il  forme 
un  étang,  Montgallîard  ;  —  à  g.,  près  de  Toulouzette,  leGabas 
(107  kil.,  dont  16  dans  le  dép.  des  Landes),  qui  vient  des 
landes  d'Ossun  (Hautes-Pyrénées),  traverse  les  Basses- 
Pyrénées,  les  sépare  du  dép.  des  Landes  pendant  6  kil., 
arrose  Pimbo,  Arboucane,  Coudures,  Eyres-Moncube, 
Montant,  Toulouzette;  il  reçoit  le  Bas  (dr.,  30  kil.),  qui 
passe  à  Clèdes,  Geauno,  Urgons,  et  se  grossit  du  Petit-Bas 
(8  kil.)  et  de  FEscu  (7  kil.),  la  Mère  (dr.,  5  kil.),  le 
Laudon  (g.,  11  kil.).  —  La  Midouze  est  le  premier  des 
grands  affluents  de  l'Adour  et  le  seul  considérable  de  la 


LANDES 


—  868  — 


rive  gauche.  Elle  a  43  kil.  de  long  ou  155  si  l'on  compte 
depuis  la  source  de  la  Douze  et  draine  un  bassin  de 
330,000  hect.  Au  confluent,  elle  apporte  souvent  autant 
d*eau  que  le  fleuve  épuisé  par  les  irrigations.  Elle  se  forme  à 
Mont-de-Marsan,  à  ^5  m.  d'alt.,  par  l'union  de  la  Douze 
et  du  Midou  ou  Midour.  Navigable  dès  l'origine  pour  les 
barques  de  25  tonnes,  elle  arrose  Tartas  et  finit  en  aval 
d'Audon,  auHourquet,  à  l'ait,  de  10  m.  ;  les  sources  des 
Landes  lui  assurent  un  niveau  constant  ;  elle  reçoit  l'Estri- 
gon  (dr.,  40  kil.)  venu  du  Sen  dans  les  Grandes  Landes, 
arrosant  Labrit,  Brocas,  Gère,  Uchacq;  le  Geloux  (dr,, 
20  kil.),  né  près  de  Garein,  qui  passe  à  Geloux  ;  le  Bez 
(dr.,  39  kil.)  formé  des  ruisseaux  qui  arrosent  Morcenx, 
Àrjuzanx,  Arengosse,  et  grossi  du  Suzan  qui  passe  à  Igos 
et  Suzan;  le  ruisseau  de  Laretjon  (dr.,  30  kil.)  qui  passe 
à  Rion.  Toutes  ces  petites  rivières  landaises  sont  abon- 
dantes. —  La  Douze  ou  Doulouze  (125  kil.,  dont  67  dans 
le  dép.  des  Landes),  naît  dans  le  dép.  du  Gers,  le  sépare  de 
celui  des  Landes  en  aval  de  Cazaubon,  passe  ensuite  à  La 
Bastide-d'Armagnac ,  Saint-Justin,  Roquefort,  où  elle 
change  de  direction;  au  lieu  de  se  diriger  vers  le  N.-O., 
devenue  flottable,  elle  coule  vers  le  S.-O.,  creusant  un 
profond  ravin  au  milieu  des  forêts  de  pins,  passe  à  Sainf- 
Avit  et  arrive  à  Mont-de-Marsan  ;  elle  reçoit  à  Roquefort 
l'Estampon  (dr.,  36  kil.),  beaucoup  plus  abondant  qu'elle 
parce  qu'il  vient  des  Landes  au  lieu  que  la  Douze  vient  de 
l'Armagnac;  elle  apporte  des  eaux  lourdes,  argileuses,  qui 
contrastent  avec  les  eaux  noirâtres,  mais  claires,  de  l'Es- 
tampon; celui-ci  vient  des  landes  du  Gabardan,  reçoit  la 
Launay,  alimentée  par  la  fontaine  d'Estigarde,  et  la  Housse 
grossie  du  Retgéous.  La  Douze  reçoit  ensuite  la  Gouaneyre 
(dr.,  21  kil.),  charmante  rivière  qui  passe  à  Lencouacq  et 
Cachen.  —  Le  Midou  (HO  kil.,  dont  39  dans  le  départe- 
ment) vient,*comme  la  Douze,  de  l'Armagnac;  la  distance 
entre  leurs  sources  n'est  que  de  2  kil.  1/2  ;  sauf  en  temps 
de  crue,  ses  eaux  sont  surtout  fournies  par  les  sources  du 
Marsan,  aux  niveaux  des  sables  fauves  et  des  glaises  bigar- 
rées (V.  ci-dessus  le  §  Géologie).  Il  quitte  le  dép.  du  Gers 
après  l'avoir  quelque  temps  séparé  de  celui  des  Landes, 
décrit  de  nombreuses  sinuosités  à  travers  le  Marsan,  où  il 
arrose  Villeneuve,  Saint-Cricq  et  Saint-Médard,  reçoit  à  g. 
le  Ludon  qui  passe  à  Hontanx  et  Sainî-Gein  et  Bougue. 
Au-dessous  du  confluent  de  la  Midouze,  l'Adour  reçoit  : 
le  Lizon  (dr.,  26  kiL)  qui  passe  à  Laluque  ;  —  le  Louts 
(76  kil.,  dont  56  dans  le  département),  gros  ruisseau  de 
la  Chalosse,  qui  naît  dans  les  Hautes-Pyrénées,  coule  vers 
le  N.-O.,  entre  dans  le  dép.  des  Landes,  passe  près 
d'Hagetmau,  à  Caupenne,  entre  Labosse  et  Lourquen,  à 
Louer  ;  il  reçoit  le  Rézenon  et  la  Gouangue.  —  Le  Luy 
(g.,  56  kil.  ou  127  depuis  la  source  du  Luy  de  France)  est 
formé  dans  le  département  par  la  jonction  du  Luy  de  France 
et  du  Luy  de  Béarn,  au  pied  de  la  colline  de  Gaujacq,  à 
l'ait,  de  30  m.  ;  il  a  un  débit  moyen  de  4  m.  c.  par  se- 
conde, très  peu  d'eau  en  été,  mais  des  crues  violentes  ;  il 
est  extrêmement  sinueux,  passe  au  pied  de  Donzacq,  près 
de  Pomarez,  devient  navigable  (en  théorie)  au  moulin  du 
pont  d'Oro,  passe  près  de  Mimbaste,  à  Saugnac,  à  Tercis 
et  à  Siest;  il  reçoit  l'Arrimbla  (dr.),  gros  ruisseau  formé 
par  de  belles  sources  ;  l'Arrigan  ou  Arrieugrand  (g., 
25  kil.)  qui  passeàTilh  et  Mimbaste;  la  Bassée  ou Bassecq 
(g.)  qui  passe  à  Gaas.  Le  Luy  de  France  (85  kiL,  dont  30 
dans  le  département),  venu  des  Basses-Pyrénées,  promène 
ses  eaux  troubles  au  pied  de  coteaux  argileux,  arrose  dans 
le  dép.  des  Landes  La  Bastide-Chalosse  etMomuy.  Le  Luy 
de  Béarn  (75  kil.,  dont  12  dans  le  département)  sort  des 
Basses-Pyrénées  après  Sault-de-Navailles,  passe  à  Bonne- 
garde,  Amou  et  Castel-Sarrasin.  —  Le  Gave  de  Pau  (g., 
484  kil.,  dont  24  dans  ou  le  long  du  département)  est  de 
beaucoup  le  cours  d'eau  principal  du  bassin  de  l'Adour  ;  il 
forme  la  limite  entre  les  Basses-Pyrénées  et  les  Landes  sur 
une  longueur  de  6  kil. ,  en  aval  de  Puyoo,  arrosant  Labatut,  { 
Saint-Criq,  Cauneille,  Peyrehorade,  où  il  reçoit  le  Gave  | 
d'Oloron  (g.,  67  kil.,  dont  5  dans  le  département)  entre 


Hastingues  et  Orthevielle  et  finit  au  Bec  de  Gave.  —  La 
Bidouze  (g.,  80  kil.)  sert  de  limite  aux  dép.  des  Landes 
et  des  Basses-Pyrénées  sur  une  longueur  de  2  kil.  1/2. 
Le  bassin  de  l'Adour  occupe  dans  fe  dép.  des  Landes 
494,000  hect. 

La  Leyre  (93  kil.  dont  53  dans  le  département)  se  forme 
près  de  Moustey  par  la  jonction  de  la  Grande-Leyre  ou 
Leyre  de  Pissos  (45  kil.)  et  de  la  Petite-Leyre  ou  Leyre  de 
Sore  (45  kil.).  La  Grande-Leyre,  née  près  de  Luglon,  coule 
du  S.  au  N.,  reçoit  à  dr.  l'Escamat  ou  Leyre  de  Sabres  et 
passe  à  Pissos.  La  Petite-Leyre,  née  au  N.  de  Labrit,  passe 
à  Luxey,  Sore  et  Belhade,'  où  elle  devient  flottable,  et 
reçoit  à  dr.  le  Gave  de  Callen.  La  Leyre,  formée  par  ces 
deux  rivières,  est  un  charmant  petit  fleuve  aux  eaux  claires, 
sur  fond  de  sable,  entre  de  hautes  berges  ;  elle  arrose  Sau- 
gnacq  et,  au  bout  de  8  kil.,  passe  dans  le  dép.  de  la  Gi- 
ronde. Le  bassin  de  la  Leyre  occupe  dans  le  dép.  des 
Landes '121,000  kil.  q. 

Les  étangs  formés  à  l'O.  de  la  barrière  des  dunes  sont 
assez  nombreux  et  étendus  ;  ils  caractérisent  une  des  zones 
du  pays  landais.  Leurs  eaux  se  sont  accumulées  jusqu'à  ce 
qu'elles  trouvent  un  écoulement  qui  complète  les  infiltra- 
tions souterraines.  Les  chenaux  étroits  et  peu  profonds  qui 
mènent  ces  eaux  à  la  mer  portent  le  nom  de  courants.  Au 
centre,  les  étangs  sont  assez  profonds,  mais  les  bords  sont 
marécageux,  bordés  d'aunes;  dans  ces  taillis  mouillés  qu'on 
appelle  barthes  pullulent  les  oiseaux  aquatiques.  On  tra- 
vaille à  dessécher  les  étangs,  surtout  depuis  la  loi  du 
28  juil.  1860  ;  le  reboisement  contribue  à  les  tarir,  et, 
depuis  la  fixation  des  dunes,  leur  niveau  s'est  abaissé.  Nous 
les  passerons  en  revue  du  N.  au  S.  L'étang  de  Cazaux  et  de 
Sanguinet,  vaste  de  6,000  hect.,  a  12  kil.  de  long,  5  de 
large,  40  de  tour,  à  une  ait.  de  19  m.  ;  sa  profondeur 
atteint  14  m.  ;  il  est  partagé  entre  les  dép.  de  la  Gironde 
et  des  Landes,  reçoit  à  l'E.  la  Gourgue.  Un  canal  déverse 
ses  eaux  dans  le  petit  étang  de  Biscarosse  qui  s'écoule 
dans  le  grand  étang  de  Biscarosse-et-Parentis  (3,540 
hect.)  sur  les  bords  duquel  est  Gastes  et  qui  reçoit  à 
l'E.  la  Moulasse,  petite  rivière  arrosant  Ichoux  et  Paren- 
tis-en-Born.  Cet  étang  s'écoule  lui-même  dans  celui  d'Au- 
reilhan  (663  hect.)  ;  celui-ci,  qui  renferme  l'îlot  de  Hous, 
reçoit  le  Cantelou,  venu  de  Labouheyre  par  Lue,  et  le  ruis- 
seau d'Escoune  qui  passe  à  Saint-Paul-en-Born  ;  le  courant 
de  Mimizan  porte  ses  eaux  à  l'Océan  ;  il  roule  4  m.  c.  par 
seconde  à  l'étiage.  —  L'étang  de  Saint-Julien  (969  hect.), 
formé  par  le  ruisseau  de  Mezos,  venant  de  Sindères,  se  dé- 
verse dans  l'Océan  par  le  courant  de  Contis  ;  cet  étang  est 
en  voie  de  dessèchement.  Celui  de  Lit,  un  peu  au  S.,  a 
presque  disparu  ;  il  reçoit  le  ruisseau  d'Uza  et  se  joint  à 
l'étang  de  Saint-Julien  par  le  courant  Mort.  — •  L'étang 
de  Léon  (970  hect.),  formé  par  le  Palu,  qui  passe  à  Cas- 
tets  et  Saint-Michel-Escalut,  et  par  le  Binaout  qui  passe  à 
Linxe,  se  déverse  dans  l'Océan  par  le  courant  de  Léon.— 
Le  canal  de  Messanges  porte  au  courant  de  Soustons  les 
eaitx  des  étangs  de  Moliets,  de  la  Prade  et  du  cap  Moisan 
qui  sont  en  voie  de  disparition.  L'étang  de  Soustons 
(740  hect.)  est  alimenté  par  les  ruisseaux  de  Magescq,  du 
Bourg  et  de  Hardy  venant  de  l'étang  de  Tosse,  lequel  est 
formé  de  l'étang  Noir,  de  l'étang  Blanc  et  de  l'étang  de 
Hardy,  et  reçoit  au  S.  le  ruisseau  de  Capdeil  qui  passe  à 
Tosse.  Le  courant  de  Soustons,  qui  écoule  ce  chapelet 
d*étangs,  aboutit  au  Vieux-Boucau  dans  l'ancienne  embou- 
chure de  FAdour.  Le  ht  primitif  du  fleuve  est  indiqué  par 
de  petits  étangs  dont  le  principal  est  celui  de  Hossegor  ; 
ses  eaux  vont  au  Bouret,  qui  réunit  celles  du  ruisseau  de 
Vignaou,  du  canal  de  Monbardon,  du  ruisseau  de  la  Mothe, 
qui  passe  à  Saint-Vincent-de-Tvrosse,  et  du  Boudigau;  ce 
ruisseau  canalisé  naît  vers  Saint-Jean-de-Marsacq,  passe 
à  Saubrigues,  reçoit  les  eaux  des  canaux  de  l'ancien  étang 
d'Orx,  aujourd'hui  desséché,  le  canal  de  Burret,  le  canal 
de  Biaudos,  le  canal  de  Moussehous,  les  eaux  des  petits 
étangs  d'irieu  et  de  Garros  et  les  porte  au  Bouret,  près  de 
son  embouchure  située  au  havre  de  Cap-Breton  ;  le  cours 


—  869  ~ 


LANDES 


inférieur  du  Boudigau  répond  au  lit  abandonné  par  l'Adour 
et  dont  les  traces  sont  très  visibles.  Le  bassin  des  étangs 
occupe  dans  le  dép.  des  Landes  289,000  liect. 

Côtes.  —  La  côte  du  dép.  des  Landes  est  une  des  plus 
uniformes  du  monde,  à  peu  près  rectiligne,  devant  un  bour- 
relet de  dunes.  Des  bains  de  mer  s'installent  à  Miraizan, 
Uchet,  Contis,  Vieux-Boucau,  Cap-Breton.  Le  seul  acci- 
dent notable  est  le  havre  de  Cap-Brelon,  en  face  duquel  se 
trouve  le  fameux  Gouf  ou  Fosse  de  Cap-Breton  ;  à  moins 
de  400  m.  de  la  terre  il  y  a  déjà  25  m.  d'eau  ;  des  rochers 
sous-marins  abritent  au  N.  et  au  S.  cette  rade  qui  offre  un 
bon  abri  aux  navires. 

Climat.  —  Le  climat  du  dép.  des  Landes  est  le  climat 
girondin  (V.  France)  ;  il  est  à  peu  près  le  même  dans  toute 
l'étendue  du  département,  doux  et  assez  égal,  avec  des  cha- 
leurs marquées  en  juin,  juillet  et  août,  des  froids  de  janvier 
à  mars,  presque  jamais  de  neige,  des  gelées  rares,  mais  tar- 
dives, du  brouillard  près  des  étangs  et  dans  les  vallées 
durant  l'hiver,  des  orages  et  chutes  de  grêle  en  été  ;  ils 
viennent  de  la  mer  et  suivent  la  vallée  de  l'Adour  ou  le 
Marensin.  Le  climat  est  un  peu  maritime  dans  les  Landes, 
continental  dans  la  Chalosse.  La  température  moyenne  an- 
nuelle est  de  -I-  12°,  donc  inférieure  à  celle  de  Bordeaux; 
elle  dépasse  4-  44*^  dans  la  Maremme.  La  chute  d'eau  an- 
nuelle est  de  140  centim.  à  Bayonne,  420  à  Cap-Breton  et 
à  Morcenx,  iOO  à  Vieux-Boucau,  80  près  de  Léon  et  de 
Roquefort,  70  près  de  Mimizan,  60  dans  la  région  orien- 
tale le  long  de  la  Douze,  du  Midou,  de  l'Adour  supérieur. 
Le  climat  de  la  Chalosse,  un  peu  plus  froid  et  sec,  est  fort 
salubre  ;  celui  des  Grandes-Landes  l'est  moins  à  cause  des 
marais,  des  brouillards,  de  la  mauvaise  qualité  des  eaux. 

Flore  et  faune  naturelles.  —  V.  Tart.  France  et 
l'art.  Lande. 

Histoire  depuis  1789.  —  Le  dép.  des  Landes  fut  formé 
en  1790  de  la  région  du  même  nom  ou  Lannes  (V.  ce  mot), 
vaste  de  604,492  hect. ,  et  deux  fractions  de  deux  pays  appar- 
tenant également  à  la  Gascogne,  la  Chalosse  (126,557  hect.) 
et  le  Coudomois  (43,900  hect.);  en  outre,  d'une  petite 
partie  du  Béarn  (33,830  hect.)  et  d'un  lambeau  du  Borde- 
lais (100,500  hect.).  On  trouvera  l'histoire  antérieure  dans 
les  art.  Gascogne,  Aquitaine,  Lannes,  Alrret,  etc.  Depuis 
là  Révolution,  il  ne  s'est  accompli  dans  le  département 
aucun  événement  notable.  En  1857,  la  corn,  de  Saint-Esprit 
en  fut  démembrée  et  rattachée  aux  Basses-Pyrénées. 

L'aspect  physique  des  gens  du  département  varie  beau- 
coup, selon  les  régions;  le  type  béarnais  domine  au  S., 
l'armagnac  à  l'E.,  le  bordelais  au  N.  Parmi  les  Landais 
proprement  dits,  on  discerne  les  gens  du  Marensin  au  S.-O., 
les  Coussiots  ou  Parents  au  N.-O.,  les  Lanusquets  ou  Lan- 
dais proprement  dits  de  la  Grande  Lande.  Dans  la  Chalosse, 
le  type  est  intermédiaire  entre  le  landais  et  le  béarnais. 
Chaque  canton  a  son  patois,  tous  dépendant  du  dialecte 
gascon. 

Les  personnages  célèbres  nés  dans  le  dép.  des  Landes 
au  XIX®  siècle  sont  (pour  la  période  antérieure,  V.  les  articles 
mentionnés  ci-dessus  et  ceux  qui  sont  consacrés  aux  villes): 
Roger  Ducos  (1754-1815),  né  à  Dax,  membre  du  Direc- 
toire et  troisième  consul  en  4799;  le  général  Ducos,  son 
frère  (1756-1823);  Thore  (1762-1815),  né  à  Dax,  natu- 
raliste; le  général  baron  Darricau  (1773-1847),  né  àTar- 
tas;  le  général  Lamarque  (Maximilien)  (1770-1832),  né 
à  Saint-Sever  ;  le  maréchal  Bosquet  (1810-61)  ;  le  baron 
dePoyféréde  Cère, agronome;  Dufour(Léon)  (1779-4865), 
né  à  Saint-Sever  ;  Bastiat  (Frédéric)  (480 1-50),  économiste 
célèbre,  né  à  Mont- de-Marsan. 

Divisions  administratives  actuelles.  —  Le  dép. 
des  Landes  comprend  trois  arrondissements  :  Mont-de-Mar- 
san, Dax  et  Saint-Sever.  Voici  leurs  superficies  respectives 
(d'après  la  Statistique  de  la  France  en  4886):  Mont-de- 
Marsan,  529,867  hect.  ;  Dax,  234,428  hect.  ;  Saint-Sever, 
471,136  hect. 

Cantons.  —  Les  trois  arrondissements  des  Landes  sont 
subdivisés  en  28  cantons  et  333  communes.  On  compte 


12  cantons  et  117  communes  pour  l'arr.  de  Mont-de-Mar- 
san; 8  cant.  et  107  com.  pour  l'arr.  de  Dax;  8  cant.  et 
109  com.  pour  l'arr.  de  Saint-Sever.  En  voici  la  liste  : 
Gabarret,  Grenade,  Labrit,  Mimizan,  Mont-de-Marsan, 
Morcenx,  Parentis-en-Born,  Pissos,  Roquefort,  Sabres, 
Sore,  Villeneuve-de-Marsan;  —  Castets,  Dax,  Montfort, 
Peyrehorade,  Pouillon,  Saint-Martin-de-Seignanx,  Saint- 
Vincent-de-Tyrosse,  Souslons;  —  Aire,  Amou,  Geaune, 
Hagetmau,  Mugron,  Saint-Sever,  les  deux  cant.  de  Tartas. 
Justice,  Police.  —  Le  dép.  des  Landes  ressortit  à  la 
cour  d'appel  de  Pau.  La  ville  de  Mont-de-Marsan  est  le 
siège  de  la  cour  d'assises.  Il  y  a  trois  tribunaux  de  pre- 
mière instance  à  Dax,  Mont-de-Marsan,  Saint-Sever;  un 
tribunal  de  commerce  à  Dax.  Le  nombre  des  justices  de 
paix  est  de  28,  une  par  chef-lieu  de  canton.  Le  nombre 
d'agents  chargés  de  constater  les  crimes  et  délits  était  en 
1888  de  174  gendarmes,  5  commissaires  de  police, 
48  agents  de  police,  158  gardes  champêtres,  323  gardes 
particuliers  assermentés,  52  gardes  forestiers,  38  agents 
des  ponts  et  chaussées  (police  delà  pêche),  62  douaniers. 
Il  y  eut  2,139  plaintes,  dénonciations  et  procès- verbaux. 
Finances.  —  Pour  les  contributions  indirectes,  il  y  a 
1  directeur  et  1  inspecteur  à  Mont-de-Marsan,  1  sous-di- 
recteur à  Dax,  2  receveurs  principaux  entreposeurs  à  Mont- 
de-Marsan  et  Dax,  1  receveur-entreposeur  à  Saint-Sever. 
Le  service  des  contributions  directes  comporte  1  direc- 
teur et  1  inspecteur  à  Mont-de-Marsan.  Il  y  a  1  trésorier- 
payeur  général  à  Mont-de-Marsan,  des  receveurs  particuliers 
à  Dax  et  Saint-Sever,  et  des  percepteurs  dans  chaque 
chef-heu  d'arrondissement.  L'enregistrement,  les  domaines 
et  le  timbre  ont  4  directeur  et  1  inspecteur  à  Mont-de- 
Marsan.  Il  y  a  3  conservateurs  des  hypothèques  à  Mont- 
Marsan,  Dax  et  Saint-Sever. 

Instruction  publique.  —  Le  département  relève  de  Faca- 
démie  de  Bordeaux.  L'inspecteur  d'académie  réside  à 
Mont-de-Marsan.  B  ya  4  inspecteurs  de  l'instruction  pri- 
maire, à  Mont-de-Marsan  (deux),  Dax  et  Saint-Sever. 
L'instruction  secondaire  se  donne  pour  les  garçons  au  lycée 
de  Mont-de-Marsan,  avec  collège  annexe  à  Saint-Sever.  Il 
existe  à  Dax  une  école  normale  d'instituteurs  et  à  Mont- 
de-Marsan  une  école  normale  d'institutrices. 

Cultes.  —  Aire  est  le  siège  d'un  évêché  suffragant  de 
l'archevêché  d'Auch  et  dont  le  diocèse  correspond  au  dé- 
partement. Il  compte  2  vicaires  généraux,  6  chanoines, 
28  curés,  291  desservants,  20  vicaires  de  paroisse  et  desser- 
vants de  chapelle,  10  prêtres  habitués,  16  aumôniers.  On 
a  ordonné,  dans  l'année  1890, 13  prêtres,  5  diacres  et  14 
sous-diacres. 

Armée.  —  Le  dép.  des  Landes  appartient  au  18^  corps 
d'armée  (Bordeaux)  et  en  forme  la  5^  subdivision  (Mont- 
de-Marsan).  La  compagnie  de  gendarmerie  fait  partie  de  la 
18*^  légion  (Bordeaux). 

Divers.  —  Les  Landes  font  partie  de  la  11®  inspection 
des  ponts  et  chaussées,  de  la  29^  conservation  des  forêts 
(Bordeaux),  de  l'inspection  des  mines  du  Sud-Ouest,  de 
Farrondissement  minéralogique  de  Bordeaux,  de  la  8^  ré- 
gion agricole  (Sud-Ouest).  Il  existe  à  Aire  une  école  pro- 
fessionnelle d'agriculture. 

Démographie.  —  Mouvement  de  la  population.  Le 
recensement  de  1894  a  constaté  dans  le  dép.  des  Landes 
une  population  totale  de  297,842  hab.  Voici  depuis  le  com- 
mencement du  siècle  les  chiffres  donnés  par  les  recense- 
ments précédents  : 

4856 309.832 

1861 300.839 

1866 306.693 

1872 300.528 

1876 303.508 

1881 301.143 

1886 302.266 

1891...,,..,  297.842 


1801 224.272 

1806 240.146 

1821 256.311 

1826 265.309 

1831 281.504 

1836 284.948 

4844 288.077 

4846 298.220 

1854 302.196 


LANDES 


—  870 


L'accroissement  est  régulier,  mais  assez  lent  jusqu'en 
^^"y6.  Depuis,  la  population  a  légèrement  diminué.  Tou- 
tefois, la  première  décroissance,  constatée  en  1861, 
n'était  qu'apparente  ;  elle  tenait  à  une  amputation  de 
territoire. 

La  commune  de  Saint-Esprit  et  ses  environs  ont  été  dé- 
tachés sous  le  second  Empire  (1857)  du  dép.  des  Landes 
pour  être  attribués  au  dép.  des  Basses-Pyrénées  (faisait 
partie  de  l'arr.  de  Dax). 

Par  contre,  la  guerre  de  1870-71  et  la  crise  agricole  ont 
entraîné  une  rétrogradation  sensible. 

Le  mouvement  de  la  population  n'a  pas  été  du  tout  le 
même  dans  les  différentes  parties  du  département.  On  s'en 
rendra  compte  en  comparant  les  recensements  de  1801  et 
de  1891,  arrondissement  par  arrondissement  : 


ARRONDISSEMENTS 

c 

O     0) 
Oh 

c 

1  i 

o   <v 

eu 

.2 
1 
1 

•r-(    O 

«2  00 

13,5 
32,4 
45,1 

■r-iOi 

coco 

20,5 

47.5 
46,7 

§ 

1 

-a: 

Mont-de-Marsan 
Dax 

71.707 
75.098 
77.467 

109.056 
108.801 

79.985 

87.849 

33.703 

2.518 

7 

15,1 

1,6 

Saint-Sever . . . 
Total 

224.272 

297.842 

73.570 

24,1 

31,9 

7,8 

Au  point  de  vue  de  la  densité  de  la  population,  il  n'y 
avait  en  France  en  1801  que  deux  arrondissements  (Sar- 
tène  et  Corte)  où  elle  fût  plus  faible  que  dans  celui  de  Mont- 
de-Marsan  ;  en  1891,  on  en  trouverait  une  dizaine.  Quant 
au  rang  du  département,  il  n'a  pas  changé  à  cet  égard  ; 
en  1891  comme  en  1801  il  n'y  en  a  que  trois  où  la  popu- 
lation soit  plus  clairsemée. 

L'arr.  de  Saint-Sever,  qui  appartient  à  la  Chalosse,  n'a 
presque  pas  gagné  ;  au  contraire,  les  deux  autres  ont  bé- 
néficié du  boisement  et  de  la  mise  en  culture  des  Landes. 

Voici  quelle  a  été  de  1801  à  1891,  dans  chacun  des 
arrondissements  et  dans  l'ensemble  du  département,  la  ysi- 
riation  proportionnelle  de  la  population  : 


ANNÉES 

P-i 

O 

Q 

>■ 

m 
m 

G 

II 

1801  

1.000 
1.075 
1.146 
1.182 
1.277 
1.300 
1.310 
1.384 
1.432 
1.482 
1.495 
1.542 
1.517 
1.523 
1.506 
1.525 
1.521 

1.000 
1.098 
1.203 
1.250 
1.323 
1.335 
1.409 
1.436 
1.464 
1.518 
1.416 
1.453 
1.432 
1.460 
1.459 
1.471 
1.449 

1.000 
1.044 
1.080 
1.115 
1.170 
1.171 
1.142 
1.172 
1.143 
1.155 
1.130 
1.119 
1.084 
1.090 
1.079 
1.065 
1.032 

1.000 
1.076 
1.144 
1.181 
1.253 
1.260 
1.281 
1.331 
1.350 
1.383 
1.343 
1.365 
1.343 
1.353 
1.344 
1.348 
1.828 

1806. 

1821 

1826 

1831 

1836 

1841 

1846 

1851 

1856 

1861 

1866 

1872 

1876 

1881 

1886 

1891 

L'arr.  de  Mont-de-Marsan,  après  avoir  rapidement  accru 
sa  population  jusqu'en  1866,  l'a  vu  diminuer  après  la 
guerre  et  rester  stationnaire  depuis.  Môme  situation  pour 
l'arr.  de  Dax,  en  tenant  compte  de  la  diminution  résultant 
de  la  perte  de  la  corn,  de  Saint-Esprit.  Quant  à  Tarr.  de 
Saint-Sever,  la  progression  y  fut  lente  jusqu'en  1 836  ;  la 
population  resta  à  peu  près  la  même  jusqu'en  1856  ;  depuis 
elle  décroît  assez  rapidement. 

Le  tableau  suivant  donne  les  chiffrée  absolus  pour  la 
dernière  période. 


ARRONDISSEMENTS 


Mont-de-Marsan 

Dax 

Saint-Sever 

Total 


1872 


108.787 
107.798 
83.943 


300.528 


1876   1881 


I 
109.272  108.041 
109.677  109.631 
84.559,  83.471 


.1- 


303.508,301.143 


1886 


109.830 
110.446 
82.490 


302.266 


1891 


109.056 
108.801 
79.985 


297.842 


Si  maintenant  nous  cherchons  à  voir  comment  se  répar- 
tissent les  habitants  des  Landes  entre  chaque  catégorie  de 
population,  nous  constatons,  pour  la  population  rurale  et 
urbaine,  les  chiffres  suivants  en  1881  et  1886  : 


POPULATION 

au  81  décembre  1881 

Urbaine 36.090 

Rurale 265.053 

Total....     301.143 


POPULATION 

au  31  mai  1886 

Urbaine 37.898 

Rurale 264.368 

Total.. 


302.266 

Voici  comment  se  décomposait,  en  1891,  la  population 
des  chefs-lieux  d'arrondissement  : 


POPULATION 


Agglomérée  . . . 

Eparse 

Comptée  à  part 
Totale 


8.713 

1.077 

2.241 

12.031 


8.403 

1.524 

313 

10.240 


m 


2.418 

2.342 

45 

4.805 


Le  nombre  des  communes  rurales  des  Landes  était  de 
327  en  1886,  leur  superficie  totale  de  896,634  hect., 
leur  population  totale  de  264,368  hab.,  la  superficie 
moyenne  de  2,740  hect.,  la  population  moyenne  de 
809  hab.  par  commune,  et  la  densité  moyenne  de  29,6  hab. 
par  kilomètre  carré  dans  les  communes  rurales.  On  comp- 
tait 6  communes  urbaines  d'une  superficie  totale  de 
35,497  hect.,  peuplées  de  37,898  hab.,  soit  5,916  hect. 
et  6,310  hab.  par  commune  en  moyenne,  et  une  densité 
urbaine  de  107  hab.  par  kilomètre  carré.  La  densité 
moyenne  du  département  ressortait  (à  cette  même  date)  à 
32,3  hab.  par  kilomètre  carré,  la  commune  ayant  en 
moyenne  2,809  hect,  et  906  hab. 

Voici  quelle  était  l'importance  respective  des  popula- 
tions urbaine  et  rurale  aux  recensements  de  1856, 1872, 
1886  : 

1856  1872  1886 

Population  urbaine.  .  .      5,23  9,16  12,55 

—         rurale  .  .  .     94,77  90,84  87,45 

Consultant  les  relevés  de  l'état  civil,  nous  voyons  que 
dans  la  population  urbainede  1881  à  1886, -en  quatre  ans 
et  cinq  mois,  il  y  eut  2,674  naissances  contre  2,779  dé- 
cès. L'excédent  des  décès  était  de  105,  proportion  défavo- 
rable ;  comme  la  population  urbaine  a  augmenté,  il  a  fallu 
une  immigration  de  1,913  personnes  pour  rendre  compte 
de  cette  augmentation.  Dans  la  population  rurale,  il  y  eut 
29,507  naissances  et  19,142  décès,  soit  un  excédent  de 
10,265  naissances  ;  mais  l'excédent  de  l'émigration  surl'im- 
migration  enleva  10,950  personnes,  soit  un  déchet  de 
685  personnes  dans  la  population  rurale.  Pour  l'ensemble  du 
département,  il  y  a  eu  32,181  naissances,  22,021  décès; 
soit  un  excédent  de  10,160  naissances,  et  malgré  que 
l'émigration  l'emporte  de  9,037  têtes  sur  l'immigration, 
il  y  eut  un  léger  accroissement  de  la  population. 

Au  point  de  vue  du  groupement  de  la  population,  il  faut 
noter  que  la  population  éparse  sur  le  territoire  des  com- 
munes est  beaucoup  plus  nombreuse  que  la  population  ag- 
glomérée; elle  forme  69  1/2  ^Jq  du  total,  proportion  qui 
n'est  dépassée  que  dans  la  Creuse  et  les  Côtes-du-Nord. 

La  population  rurale  conserve  son  énorme  prépondé- 
rance, mais  celle-ci  est  cependant  bien  moindre  qu'il  y 


-  811  - 


LANDES 


trente  ans.  La  population  des  villes  s'accroît  non  plus  seu- 
lement plus  vite  que  celle  des  compagnes,  mais  à  ses 
dépens. 

La  répartition  des  communes,  d'après  l'importance  de 
la  population,  a  donné  en  1886  pour  les  333  communes 
du  département  :  13  corn,  de  401  à  200  hab.  ;  28<;om.  de 
201  à  300  hab.  ;  34  corn,  de  301  à  400  hab.  :  39  corn, 
de  401  à  500  hab.  ;  iW  com.  de  501  à  1,000  hab.  ;  50 
corn,  de  1,001  à  1,500  hab.;  5  com.  de  2,001  à  2,500 
hab.  ;  5  com.  de  2,501  à  3,000  hab.  ;  2  com.  de  3,001 
à  3,500  hab.  ;  2  com.  de  3,501  à  4,000  hab.  ;  2  com.  de 
4,001  à  5,000  hab.  ;  2  com.  de  10,001  à  20,000  hab. 
(Dax  et  Mont-de-Marsan). 

Voici,  par  arrondissements  et  cantons,  la  liste  des  com- 
munes dont  la  population  totale,  en  1894,  dépassait  i  ,000 
hab.: 

Arrondissement  de  Dax  (8  cant.,  107  com.  ;  229,019 
hect.;  108,801  hab.).  —  Cant .  de  Castets  (10  com., 
61,013  hect.  ;  11,435  hab.)  :  Castets,  1,942  hab.  ;  Léon, 
1,733  hab.;  Linxe,  1,363  hab.;  Lit-et-Mixe,  1,711  hab.; 
Saint-Julien-en-Born,  1,668  hab.  —  Cant,  de  Dax  (21 
com.  ;  35,828  hect.  ;  26,789  hab.):  Dax,  10,240  hab.  ; 
Herm,  1,040  hab. ;  Heugas,  1,212  hab.;  Rivière-Saas- 
et-Gourby,  1 ,024  hab.  ;  Saint-Paul-lès-Dax,  3,614  hab.  ; 
Saint- Vincent-de-Paul,  1 ,800  hab .  ;  Saubusse,  1,016 hab. 

—  Cayit.  de  Montfort  (22  com.  ;  18,250  hect;  13,359 
hab.):  Gamarde,  1,202  hab.  ;  Montfort,  1,513  hab.  ; 
Sort,  1,016  hab.  —  Cant.  de  Peyrehorade  (13  com.  ; 
17,836  hect.;  11,091  hab.):  Peyrehorade,  2,669  hab.; 
Port-de-Lanne,  1,086  hab.;  Saint-Lon,  1,062  hab.; 
Sorde,  1,126  hab.  —  Cant.  de  Pouillon  (11  com.  ; 
21,147  hect.  ;  13,044  hab.):  Habas,  l,7d4  hab.  ;  Laba- 
tut,  1,423  hab.  ;  Mimbaste,  1,252  hab.  ;  Pouillon,  3,200 
hab.;  Tilh,  1,240  hab.  —  Caiit.  de  Saint-Martin-de- 
Seignanx  (8  com.  ;  15,030  hect.  ;  9,547  hab.)  :  Ondres, 
1,347  hab.;  Saint-Martin- de -Seignanx,  2,524  hab.  ; 
Tarnos,  2,645  hab.  -—  Cant.  de'  Saint-Vincent-de- 
Tyrosse  (11  com.  ;  21,482  hect.  ;  1 1,030  hab.)  :  Bénesse- 
Maremme,  1,144  hab.  ;  Capbreton,  1,284  hab.;  Samt- 
Jean-de-Marsacq,  1,162  hab.  ;  Sainte-Marie-de-Gosse, 
d,390hab.  ;  Sait-Martin-de-Hinx,  1,283  hab.;  Saint- 
Vincent-de-Tyrosse,  1,563  hab.  ;  Saubrigues,  1,012  hab. 

—  Cant.  de  Soustons  (11  com.  ;  38,433  hect.;  11,606 
hab.);  Magescq,  1,767  hab.  ;  Saint-Geours-de-Maremne, 
1,651  hab.;  Soustons,  3,848  hab.  ;  Tosse,  1,027  hab. 

Arrondissement  de  Mont-de-Marsân  (12  cant.;  117 
com.;  533,359  hect.  ;  109,056  hab.).  --  Cant.  de  Ga- 
barret  (15  com.  ;  44,939  hect.  ;  8,600  hab.)  :  Gabarrct, 
1,205  hab.  ;  Losse,  1,181  hab.;  Parleboscq,  1,230  hab. 

—  Cant.  de  Grenade  (10  com.;  16,856  hect.  ;  7,000 
hab.):  Ëenquet,  1,096  hab.;  Grenade,  1,474  hab, — 
Cant.  de  Labris  (9  com.;  37,841  hect.;  6,219  hab.)  : 
Brocas,  1,293  hab.;  Labris,  1,112  hab.  —  Cant.  de 
Mimizan  (6  com.;  35,962  hect,;  6,344  hab.):  Mezos, 
1,637  hab.;  Mimizan,  1,221  hab.;  Pontenx-les-Forges, 
1,905  hab.  —  Cant.  de  Mont-de-Marsan  (17  com.; 
43,476  hect.;  22,174  hab,):  Campagne,  1,005  hab.; 
Mont-de-Marsan,   12,031    hab.  ;    Saint-Martin-d'Oncy, 

1.050  hab,  ~  Cant.  de  Moreenx{9  com.  ;  52,144  hect.  : 
10,233  hab.)  :  Arengosse,  1,226  hab,  ;  Lesperon,  1,369 
hab,;  Morcenx,  2,193  hab.;  Onesse-et-Laharie,  1,378 
hab.  ;  Ygos-Saint-Saturnin,  1,830  hab.  —  Cant.  de 
Parentis-en-Born  (6  com,;  65,092 hect,  ;  7,478 hab.): 
Biscarosse,  1,985  hab.  ;  Parentis-en-Born,  1,941  hab.  ; 
Sanguinet,  1,236  hab.;  Ychoiix,  1,193  hab.  —  Cant. 
de  Pissos  (8  com,  ;  40,181  hect.  ;  6,047  hab.):  Moustey, 

1.051  hab.:  Pissos,  1,698  hab.;  Saugnacq-et-Muret, 
1,475  hab.  —  Cant.  de  Roquefort  (13  com.;  65,747 
hect.;  12,705 hab.):  Labastide-d'Armagnac,  1,438  hab.; 
Lencouacq,  1,157  hab,;  Lugaiit,  1,837  hab.  ;  Roquefort, 
1,685  hab.  ;  Saint-Justin,  1,630  hab.  —  Gant,  de  Sabres 
(8  com.;  68,033  hect.;  8,915  hab.):  Escource,  1,270 
hab.  ;  Labouheyre,  1 ,398  hab,  ;  Sabres,  2,585  hab.  — 


Cant,  de  Sore  (4  com,  ;  41,735  hect,  ;  4,343  hab.)„ 
Luxey,  1,511  hab,  ;  Sore,  1,911  hab.  —  Cant  de  Ville- 
neuve-de-Marsan (12  com.  ;  21,353  hect.  ;  8,998  hab,): 
Hontanx,  1,092  hab.  ;  Villeneuve-de-Marsan,  1,998  hab.  ; 

Arrondissement  de  Sâint-Sever  (8  cant.  ;  109  com,  ; 
171,153  hect.;  79,985  hab.),  —  Cant.  d'Aire  (12  com.; 
20,364  hect.  ;  10,174  hab.)  :  Aire,  4,451  hab.  —  Cant. 
d'Amou  (16  com.;  18,669  hect.;  10,755  hab.):  Amou, 
1,680  hab.  ;  Donzacq,  1,043  hab.;  Pomarez,  1,867  hab. 
—  Cant.  de  Geaune  (17  com.;  17,305  hect.;  7,126 
hab.):  Samadet,  1,329  hab.  —  Cant.  de  Hagetmau 
(18  com.;  19,220  hect.;  10,732  hab.)  :  Haguetmau, 
3,142  hab.  —  Cant.  de  Mugron  (12  com.;  12,886 
hect.  ;  8,710  hab.)  :  Doazit,  1,273  hab.  ;  Mugron,  2,016 
hab.  —  Cant.  de  Saint-Sever  (16  com.  ;  22,782  hect.; 
13,266  hab.)  :  Montaut,  1,035  hab.  ;  Saint-Sever,  4,805 
hab.  —  Cant.  de  fartas  [1^^  (8  com.;  16,811  hect.  ; 
7,167  hab.)  :  Meilhan,  1,103 hab.  ;  Souprosse,  1,851  hab.; 
Tartas,  3,086  hab.  —  Cant.  de  Tartas  [2*^]  (11  com.  ; 
43,116  hect.  ;  12,056  hab.)  :  Bégaar,  1,040  hab.  ;  Bey- 
longue,  1,025  hab.;  Laluque,  1,005  hab.;  Pontonx-sur- 
i'Adour,  1,955  hab.  ;  Rion,  2,535  hab. 

Nous  rappelons  que  les  chiffres  relatifs  à  la  superficie 
des  cantons  ne  coïncident  pas  rigoureusement  avec  ceux 
indiqués  pour  le  total  des  arrondissements  d'après  le  dé- 
nombrement :  la  nature  de  ces  divergences  a  été  indiquée 
dans  l'art.  France, 

Habitations.  —  Le  nombre  des  maisons  d'habitation 
était  en  1886,  dans  les  Landes,  de  55,021,  dont52,122 
occupées  en  tout  ou  en  partie  et  2,899  vacantes.  Sur  ce 
nombre  on  en  comptait  14,666  n'ayant  qu'un  rez-de- 
chaussée;  28,254,  un  seul  étage;  12,054,  deux  étages; 
43,  trois  étages  ;  4,  quatre  étages  ou  davantage.  Elles  com- 
portaient 81,912  appartements  ou  logements  distincts,  dont 
78,871  occupés  et  3,041  vacants;  en  outre  11,322 locaux 
servant  d'atehers,  de  magasins  ou  de  boutiques. 

Etat  des  personnes.  —  D'après  la  résidence.  — 
On  a  recensé,  en  1886,  8,652  individus  isolés  et  71,529 
familles,  plus  52  établissements  à  part.  Il  y  a  8,652  mé- 
nages composés  d'une  seule  personne;  11,623  de  deux 
personnes  ;  16,859  de  trois  personnes  ;  17,122  de  quatre 
personnes;  14,040  de  cinq  personnes  ;  10,523  de  six  per- 
sonnes ou  davantage.  La  population  résidente  comportait 
302,266  personnes,  dont  296,691  résidents  présents. 
1,726  résidents  absents  ;  3,849  personnes  comptées  à  part. 
La  population  présente  comportait  300,540  résidents  et 
542  personnes  de  passage  ou  de  population  accidentelle,  soit 
un  total  de  301,082.  La  population  présente  est  donc  un  peu 
inférieure  à  la  population  résidente,  ce  qui  est  le  cas  général 
en  France. 

D'après  le  lieu  de  naissance.  —  Classée  d'après  le  lieu 
de  naissance,  la  population  des  Landes  se  divisait  en  : 
Français  et  naturalisés  nés  dans  la  commune  où  ils  habitent, 
204,943  ;  nés  dans  une  autre  commune  du  département, 
81,832;  nés  dans  un  autre  département  ou  dans  une  colo- 
nie, 13,309  ;  nés  à  l'étranger,  333.  Soit  un  totalde300,417. 
Il  y  faut  ajouter  :  54  étrangers  nés  dans  la  commune  oii  ils 
habitent  ;  17  nés  dans  une  autre  commune  du  département; 
81  nés  dans  un  autre  département  ou  dans  une  colonie  ; 
513  nés  à  l'étranger  ;  soit  un  total  de  665  étrangers.  La 
population  présente,  envisagée  dans  son  ensemble  (301 ,082) , 
comprend  donc  204,997  hab.  nés  dans  leur  commune  ; 
81 ,849  nésdansuneautrecommunedudépartement;  13,390 
nés  dans  un  autre  département  ou  dans  une  colonie;  846  nés 
hors  du  territoire  français.  Classée  par  nationalité,  la  popula- 
tion des  Landes  compte,  en  1886,  300,417  Français,  dont 
300,288  nés  de  parents  français  et  129  naturahsés;  et 
665  étrangers  se  décomposant  en  :  25  Anglais,  Ecossais  ou 
Irlandais  ;  3  Américains  du  Nord  ou  du  Sud  ;  30  Alle- 
mands; 28  Belges;  44  Italiens  ;  511  Espagnols  ;  3  Por- 
tugais ;  8  Suisses  ;  1  Chinois,  6  d'autre  nationalité  et  6  de 
nationalité  inconnue. 

Il  y  a  7,201  familles  de  gens  mariés  sans  enfant  vivant; 


LANDES 


—  872 


6,020  avec-un  enfant;  9,054  avec  deux;  40,006  avec 
trois  ;  8,765  avec  quatre  ;  7,441  avec  cinq  ;  4,301  avec 
six  ;  226  avec  sept  entants  vivants  ou  davantage.  Si  l'on 
ajoute  les  veufs,  divorcés,  etc.,  on  arrive  aux  chiffres  sui- 
vants :  8,205  familles  sans  enfant  vivant;  40,957  en 
ayant  un;  45,455  deux;  43,684  trois;  5,422  quatre; 
2,494   cinq;  4,393  six;  282  sept  ou  davantage. 

D'après  la  profession.  —  La  population  des  Landes  se 
décompose  par  professions  de  la  manière  suivante  (en  4886). 
On  classe  sous  chaque  rubrique  non  seulement  ceux  qui 
exercent  la  profession,  mais  aussi  la  totalité  des  personnes 
qui  en  tirent  leur  subsistance  :  agriculture,  488,479;  in- 
dustries manufacturières,  34,578;  transports, 4, 984;  com- 
merce, 44,886;  force  publique,  2,852;  administration  pu- 
blique, 7,888;  professions  libérales,  8,254;  personnes 
vivant  exclusivement  de  leurs  revenus,  44,470;  enfin 
448  gens  sans  profession  ;  86  individus  non  classés  (en- 
fants en  nourrice,  étudiants  ou  élèves  des  pensionnats, 
vivant  loin  de  leurs  parents,  personnel  interné  des  asiles, 
hospices,  etc.)  et  457  de  professions  inconnues. 

Voici  le  détail  pour  chaque  catégorie,  en  distinguant  pour 
les  principales  les  deux  sexes  et  les  divers  groupes,  patrons 
ou  chefs  d'exploitations,  employés  ou  ouvriers,  famille, 
domestiques  attachés  à  la  personne. 

Agriculture.  Propriétaires  cultivant  exclusivement  leurs 
terres,  38,564  personnes,  à  savoir  :  patrons,  5,832 
(4,344 femmes); employés etouvriers,  3,474 (735 femmes); 
familles,  24,827;  domestiques,  7,774.  —  Fermiers,  mé- 
tayers ou  colons,  446,232  personnes,  à  savoir  :  44,035 
patrons  (45,400  femmes);  employés  et  ouvriers,  45,489 
(8,938  femmes);  familles,^  84,999;  domestiques,  4,709. 

—  Horticulteurs,  pépiniéristes  et  maraîchers,  887  per- 
sonnes, à  savoir  :  patrons,  230  ;  familles,  647  ;  domes- 
tiques, 40.  —  Bûcherons,  charbonniers,  2,796  personnes, 
à  savoir  :  490  patrons;  454  ouvrières  (aucun  homme); 
familles,  4,837;  domestiques,  345. 

Industrie,  Industrie  textile,  4,298  personnes,  dont  497 
patrons  et  283  employés  et  ouvriers  (96  femmes).  — 
Industrie  extractive,  2,200  personnes,  dont  368  patrons; 
414  employés  et  ouvriers  (90  femmes);  familles  914; 
domestiques,  504.  —  Industrie  métallurgique  (production 
des  métaux),  3,484  personnes,  dont  664  patrons  et  770 
employés  et  ouvriers.  —  Fabrication  d'objets  en  métal, 
2,748  personnes,  dont  696  patrons  et  484  employés  et 
ouvriers  (450  femmes).  —  Industrie  du  cuir,  4,749  per- 
sonnes, dont  554  patrons  et  280  employés  et  ouvriers 
(70  femmes).  —  Industrie  du  bois,  3,679  personnes, 
dont  694  patrons  et  902  employés  et  ouvriers,  —  Céra- 
mique, 4,399  personnes,  dont  469  patrons  et  238  em- 
ployés et  ouvriers.  —  Produits  chimiques,  747  personnes, 
dont  64  patrons  et  474  employés  et  ouvriers.  —  Industrie 
du  bâtiment,  3,870  personnes,  dont  4,064  patrons  et  901 
employés  et  ouvriers.  —  Industrie  de  l'éclairage,  4,927 
personnes,  dont  333  patrons  et  392  employés  et  ouvriers. 

—  Industrie  de  l'ameublement,  2,747  personnes,  dont 
748  patrons  et  377  employés  et  ouvriers.  —  Habillement 
et  toilette,  2,061  personnes,  dont  964  patrons  (845 
femmes);  408  employés  et  ouvriers  (260  femmes).  — 
Alimentation,  2,045  personnes,  dont  644  patrons  et  441 
employés  et  ouvriers.  —  Industries  relatives  aux  sciences, 
lettres  et  arts  (imprimerie,  papeterie,  etc.),  2,522  per- 
sonnes, dont  644  patrons  et  509  employés  et  ouvriers. — 
Industries  de  luxe,  4,442  personnes,  dont  443  patrons  et 
453  employés  et  ouvriers.  —  Etablissements  de  l'Etat 
(tapis,  porcelaines,  poudres,  tabacs,  armes,  etc.),  753  per- 
sonnes, dont  242  patrons  et  237  employés  et  ouvriers. 

Transports.  Transports  maritimes  (cabotage,  long 
cours,  pêche,  etc.),  447  personnes,  dont  38  patrons  et  458 
employés  et  ouvriers.  —  Transports  par  voie  fluviale  (ca- 
naux et  rivières),  446  personnes,  dont  45  patrons  et  49 
employés  et  ouvriers.  —  Transports  par  routes,  294  per- 
sonnes, dont  58  patrons  et  74  employés  et  ouvriers.  — 
Chemms  de  fer,  275  personnes,  dont  52  patrons  et  65 


employés  et  ouvriers.  —  Postes  et  télégraphes,  852  per- 
sonnes, dont  452  patrons  et  398  employés  et  ouvriers. 

Cominerce.  Financiers,  208  personnes,  dont  22  patrons 
et  83  employés  et  ouvriers.  —  Courtiers,  commissionnaires, 
négociants  en  gros,  9,060  personnes,  dont  480  patrons 
et  2,800  employés  et  ouvriers.  —  Hôteliers,  cabaretiers, 
27,586  personnes,  dont  5,426  patrons  (646  femmes)  et 
3,506  employés  et  ouvriers  (4,275  femmes).  —  Alimen- 
tation (marchands  au  détail),  4,035  personnes,  dont  522 
patrons  (484  femmes)  et  4,634  employés  et  ouvriers 
(990  femmes).  —  Ameublement  (détail),  314  personnes, 
dont  64  patrons,  82  employés  et  ouvriers  (23  femmes).  — 
Habillement  (détail),  254  personnes,  dont  48  patrons, 
57  employés  et  ouvriers.  —  Divers  marchands  au  détail, 
429  personnes,  dont  40  patrons  (5  femmes),  162  em- 
ployés et  ouvriers  (30  femmes). 

Force  publique.  Armée  de  terre,  2,133  personnes, 
dont  1,908  militaires.  —  Armée  de  mer,  179  personnes. 

—  Gendarmerie  et  police,  540  personnes,  dont  216  exer- 
çant la  profession;  soit  2,124  agents  de  la  force  publique, 
plus  728  personnes  de  leur  famille  ou  de  leur  domesticité. 

Administration  publique.  Fonctionnaires  de  l'Etat, 
3,928  personnes,  dont  4 ,082  fonctionnaires  (248  femmes). 

—  Fonctionnaires  du  département  ou  des  communes, 
3,960 personnes,  dont  4,072  fonctionnaires  (tous  hommes). 

Professions  libérales.  Clergé  cathoUque  séculier,  738 
personnes,  dont  248  prêtres. —  Clergé  catholique  régulier, 
802  personnes,  dont  175  moines  et  142  religieuses.  — 
Tribunaux,  586  personnes,  dont  452  du  personnel  judi- 
ciaire. —  Avocats,  agréés,  446  personnes,  dont  32  exer- 
çant la  profession.  —  Officiers  ministériels,  496  personnes, 
dont  435  exerçant  la  profession.  —  Agents  d'affaires,  380 
personnes,  dont  76  agents.  —  IWédecins,  554  personnes, 
dont  448  professionnels.  —  Pharmaciens,  herboristes, 
285  personnes,  dont  62  exerçant  la  profession.  —  Den- 
tistes, oculistes,  pédicures,  450  personnes,  dont  402  exer- 
cent. —  Sages-femmes,  268  personnes,  dont  78  exerçant 
la  profession.  —  Enseignement  public,  2,635  personnes, 
dont  767  enseignent  (352  femmes).  —  Enseignement  privé, 
349  personnes,  dont  403  enseignent  (38  femmes).  — 
Musique,  danse, escrime,  etc.,  480  personnes,  dont  50  en- 
seignent (34  femmes).  —  Sciences,  lettres  et  arts,  publi- 
cistes,  86  personnes,  dont  11  exercent  la  profession.  — 
Architectes,  ingénieurs,  442  personnes,  dont  46  exercent 
la  profession.  -^Artistes,  487  personnes,  dont  28  exer- 
cent la  profession. 

Personnes  vivant  exclusive me7it  de  leurs  revenus. 
Propriétaires  qui  ne  travaillent, pas,  40,441  personnes, 
dont  2,882  patrons  (1,586  femmes)  et  2,831  domestiques 
(1,268  femmes).  —  Rentiers,  pensionnaires  et  retraités, 
4,359  personnes,  dont  851  patrons  (293  femmes)  et  640 
domestiques  (588  femmes). 

Sans  profession  (saltimbanques,  filles  publiques,  gens 
sans  place,  etc.),  448  personnes  (385  femmes).  —  Non 
classés  (enfants  en  nourrice,  élèves  pensionnaires,  person- 
nel interne  des  asiles,  hôpitaux,  etc.),  86  (49  femmes). 

—  Profession  inconnue,  157  (154  femmes). 

Etat  économique  du  département.  —  Propriété. 

—  L'enquête  faite  par  l'administration  des  contributions 
directes  en  4884  a  relevé,  dans  le  dép.  des  Landes, 
56,910  propriétés  imposables,  savoir  :  39,209  appar- 
tenant à  la  petite  propriété,  44,310  à  la  moyenne,  et  3,394 
à  la  grande  propriété.  (V.  le  tableau  ci-après,  p.  873.) 

La  petite  propriété  occupe  donc  52,548  hect.,la  movenne 
263,650  hect.,  et  la  grande  572,324  hect. 

La  grande  propriété  domine,  ce  qui  s'explique  par  la 
prépondérance  des  forêts  et  des  landes  ;  la  petite  est  très 
peu  développée,  n'occupant  guère  plus  du  vingtième  de  la 
superficie  totale. 

L'enquête  sur  la  propriété  bâtie  (4887-89)  a  fourni  les 
résultats  suivants  : 

Maisons  Usines 

Nombre 66.384  1.604 


873 


LANDES 


Francs  Francs 

Valeur  locative  réelle. .         7.319.029  887.867 

Revenu  net  total 5.489.272  591. 9H 

Valeur  vénale 151 .685.410  14.401 .123 

Il  faut  y  ajouter  833  bâtiments  publics  (asiles,  presby- 
tères, préfectures,  etc.),  d'une  valeur  de  147,559  fr., 


Le  tableau  suivant  indique  la  superficie  et  le  rendement 
des  principales  cultures  en  1888.  Ces  chiffres  ont  peu  va- 
rié dans  les  années  suivantes  : 


DESIGNATION 


Petite  propriété: 
Biens  de  moins  de  10  ares. 

—  de  10  à  20  ares 

—  de  20  à  50    —    

—  de  50  ares  à  1  hect. . , 
--      de  1  à  2  hect 

—  de2à3—   

—  de8à4    —    

—  de  4  à  5    —    

—  de5à6    —    

Moyenne  propriété 
Biens  de    6  à    7  hect 

—  de7à8--    

—  de8à9-    

—  de    9  à  10    —    

—  de  10  à  20    —    

—  de  20  à  30    —    

—  de  30  à  40    —    

—  de  40  à  50    —    

Grande  propriété  : 
Biens  de    50  à    75  hect 

—  de   75  à  100    — 

—  de  100  à  200    — 

Au-dessus   de  200   — 

Total 


6.635 
2.624 

6.478 
6.827 
6.999 
3.761 
2.407 
1.904 
1.578 

1.258 

1.097 

943 

937 

5.246 

2.541 

1.448 

810 

1.235 

598 
931 

627 


56.910 


391 
2.152 
5.001 
10.139 
9.097 
8.405 
8.481 
8.634 

8.174 
8.255 
7.914 
9.250 
75.580 
64.283 
51.665 
38.529 

84.581 
51.743 

128.477 
307.523 


888.522 


non  passibles  de  la  contribution.  Ces  chiffres  indiquent  que 
le  dép.  des  Landes  est  pauvre  et  que  l'industrie  y  est  en- 
core peu  développée.  Sa  part  dans  la  valeur  de  la  propriété 
bâtie  sur  sol  français  représente  à  peine  1  /340  de  la  valeur 
totale. 

Agriculture.  — Le  dép.  des  Landes  est  un  département 
essentiellement  agricole  et  forestier.  Les  deux  tiers  des 
habitants  (65  1/2  ^/o)  vivent  de  l'agriculture.  Les  apti- 
tudes particulières  de  chaque  sol  ont  été  indiquées  dans  le 
§  Géologie,  Les  terres  labourées  n'occupent  que  les  2/1 1 
de  la  superficie  totale,  environ  167,500  hect.;  les  prés 
s'étendent  sur  environ  25,000,  les  vignes  sur  18  à  19,000, 
les  bois  sur  493,000  hect.  environ  ;  il  reste  plus  de 
170,000  hect.  de  landes,  pâtis  et  terres  incultes.  Ce  qui 
frappe  au  premier  abord,  c'est  la  vaste  étendue  des  bois; 
aucun  département  français  n'en  possède  autant  ;  ils  repré- 
sentent 53  o/o  de  la  superficie  totale.  Les  landes  sont 
encore  plus  étendues  que  les  champs  labourés,  mais  moins 
que  l'ensemble  des  cultures. 

Au  point  de  vue  agricole,  nous  retrouvons  la  division 
du  département  en  deux  parties.  Lande  et  Chalosse.  La 
Lande  est  un  pays  de  grande  propriété  exploitée  par  des 
métayers  ou  colons,  dont  la  condition  est  souvent  très  pré- 
caire et  misérable.  Sauf  dans  les  vallées,  les  oasis  dues 
aux  pointements  de  glaise  bigarrée,  le  sol  est  peu  fertile, 
produit  du  seigle,  du  millet,  du  maïs,  peu  de  froment  ;  on 
manque  de  fourrage  faute  de  prairies  ;  il  en  résulte  qu'on 
manque  aussi  d'engrais  pour  améliorer  les  champs  ;  ceux-ci 
sont  clairsemés  entre  les  forêts  et  lesiandes,  les  arbres 
fruitiers  peu  productifs  ;  autour  des  villages,  quand  il  y  a 
de  l'eau,  on  cultive  les  légumes  qui  réussissent  bien  ;  la 
Lande  est  surtout  un  pays  de  forêts  de  pins  et  de  pâtis  à 
moutons  et  même  à  bœufs.  Dans  la  Chalosse,  les  cultures 
sont  très  variées  et  peu  lucratives  ;  elle  fournit  le  froment, 
du  maïs,  un  peu  d'avoine;  elle  possède  des  vignes  dont 
l'importance  a  crû  après  le  phylloxéra,  de  belles  prairies 
naturelles  ou  artificielles  dans  les  vallées,  etc. 


CULTURES 


Froment 

Méteil 

Seigle 

Orge 

Avoine 

Maïs 

Millet 

Pommes  de  terre 

Betteraves  fourragères 

Trèfle 

Luzerne 

Prés  naturels 

Tabac 

Châtaignes 

Vin 


SUPERFICIE      PRODUCTION 


Hectares 
35.000 


LOOO 

48.000 

200 

1.000 
65.000 
12.000 

9.000 

500 

20.000 

1.000 

25.500 

270 


18.464 


Hectolitres 
470.000 
Quintaux 

361.900 

Hectolitres 

13.000 

630.000 

2.200 

18.000 

1.397.500 

136.000 

Quintaux 

225.000 

50.000 

800.000 

50.000 

688.500 

2.150 

1.000 

Hectolitres 

281.289 


La  production  des  céréales  et  spécialement  du  blé  est 
inférieure  aux  besoins  de  la  consommation,  et  il  faut  en 
importer  des  départements  voisins.  La  prédominance  de  la 
culture  du  seigle  est  un  fait  assez  rare  en  France,  sauf 
dans  les  montagnes  du  Massif  central.  Il  faut  aussi  signa- 
ler la  grande  extension  des  cultures  de  légumes  secs,  ha- 
ricots, fèves,  pois  chiches,  etc.  Les  cultures  industrielles 
sont  nulles,  même  celle  du  tabac  qui  diminue.  Les  châ- 
taignes sont  assez  abondantes  en  Chalosse.  Les  vignes  se 
trouvent  sur  ces  coteaux  et  un  peu  aussi  dans  laMaremme 
où  les  communes  de  Cap-Breton,  Vieux-Boucau,  Messanges, 
Soustons  produisent  des  «  vins  de  sable  »  très  estimés. 
On  a  également  planté  des  vignes  dans  la  lande  à  Solférino; 
ces  essais  faits  au  moment  des  progrès  du  phylloxéra  ont 
médiocrement  réussi. 

La  richesse  des  Landes  est  dans  ses  bois  de  pins,  dont 
la  surface  croît  d'année  en  année.  Ils  sont  habilement  et 
soigneusement  aménagés.  «  Pour  arrêter  la  cause  des  in- 
cendies que  le  hasard  ou  le  crime  allument  dans  ces  bois 
combustibles,  on  a  taillé  des  avenues  que  les  langues  de 
feu  ne  sauraient  franchir;  mais  il  arrive  parfois  que  des 
flammèches  vont  sur  Taile  du  vent  porter  au  delà  des  cou- 
pées le  flamboiement  qu'on  espérait  cerner.  Ces  avenues  et 
la  plupart  des  chemins  fuient  droit  jusqu'à  Thorizon, 
comme  une  étroite  allée  qui  n'atteindrait  jamais  son  châ- 
teau; puis,  tout  à  coup,  la  forêt  s'ouvre  et  la  plaine  est 
comme  un  golfe  entre  des  caps  et  des  falaises  d'arbres  ou 
comme  une  mer  dont  on  verrait  indistinctement  le  lointain 
rivage.  »  (On.  Reclus.)  Ces  plantations  de  pins  ont  doublé 
la  valeur  de  la  propriété  de  1851  à  1881,  et  depuis  cette 
année  leur  exploitation  a  progressé.  On  en  tire  du  bois  à 
brûler,  des  planches,  des  poutres,  des  poteaux  télégra- 
phiques, des  pieux,  mais  surtout  de  la  résine  ;  à  cet  effet, 
le  pin  est  gemmé,  c.-à-d.  zébré  d'entailles  longitudinales 
par  lesquelles  suinte  la  sève. 

Nous  parlerons  tout  à  l'heure  de  ces  industries.  Les  fo- 
rêts de  chênes-lièges  fournissent  dans  la  Maremme  un  revenu 
important  ;  leur  liège  est  le  meilleur  du  monde  pour  la 
fabrication  des  bouchons,  à  cause  de  son  élasticité  et  de  la 
finesse  du  grain.  L'écorçage  d'un  arbre  a  lieu  tous  les  sept 
ou  huit  ans.  Les  chênes  fournissent  par  leurs  glands  un 
aliment  aux  troupeaux  de  porcs  fort  nombreux  et  aux  mou- 
tons. 

Le  nombre  des  animaux  de  ferme  existant  en  1891 
était  : 

Espèce  chevaline 26 .  300 

—    mulassière 10 .  000 


UNDES  -~ 

Espèce  asine 6 .  000 

—  bovine 146 .  500 

—  ovine 429.500 

—  porcine 95 .  000 

—  caprine 22.000 

Les  chevaux  sont  d'une  race  très  endurante,  habitués  à 
vivre  en  plein  air  ;  on  élève  aussi  des  chevaux  de  sang, 
caries  étalons  de  l'Etat,  approuvés  ou  autorisés,  font  annuel- 
lement 3,000  saillies.  Les  bœufs  landais  sont  aussi  d'une 
race  endurante;  la  production  du  lait  est  faible,  100,000 
Iiectoi.  environ;  celle  de  la  viande  est  plus  considérable. 
De  même  pour  les  moutons  ;  on  n'en  retire  que  10,000  quin- 
taux de  laine.  Les  volailles  sont  nombreuses  et  de  bonne 
qualité,  poulets,  dindons,  canards,  pintades.  Les  abeilles 
fournissent  un  complément  de  ressources  appréciable.  On 
comptait  en  1890  plus  de  25,000  ruches  en  activité, 
fournissant  50,000  kilogr.  de  miel  et  25,000  de  cire, 
d'une  valeur  totale  de  150,000  fr.  ■—  Le  gibier  existe  en 
grande  quantité,  surtout  dans  les  forêts  voisines  des  étangs  : 
loups,  renards,  chats  sauvages,  chevreuils,  sangliers,  la- 
pins et  lièvres.  Les  oiseaux  pullulent  :  faisans  sauvages 
sur  les  rives  de  la  Leyre,  ramiers,  tourterelles  et  toutes 
les  espèces  aquatiques  dans  les  taillis  et  marais  voisins 
des  étangs  :  hérons,  spatules,  canards,  bécasses,  butors, 
foulques,  courlis,  goélands,  ansères;  les  landes  de  la  région 
forestière  nourrissent  des  outardes,  des  oies  sauvages,  des 
canepetières,  des  grues,  quelques  cygnes.  —  Le  poisson 
abonde  dans  les  étangs  et  sur  les  côtes  ;  d'une  part,  an- 
guilles, perches,  saumons,  etc.  ;  de  l'autre,  soles,  turbots, 
congres,  raies,  muges,  esturgeons,  sardines,  etc.,  sans  parler 
des  coquillages  (huîtres,  moules,  manches  de  couteau, 
peignes,  vis,  buccins,  volutes,  etc.). 

Inpustrie.  —  L'industrie  fait  vivre  11  °/o  de  la  popula- 
tion du  dép.  des  Landes.  Il  n'y  existe  pourtant  aucun 
centre  manufacturier  ou  minier. 

Mines  et  carrières.  Le  dép.  des  Landes  ne  produit  pas 
de  houille;  il  en  a  consommé  en  1892  environ  135,000 
tonnes,  d'une  valeur  moyenne  de  19  fr.  81  sur  les  lieux 
de  consommation;  presque  tout  vient  d'Angleterre.  Les 
deux  petites  mines  de  lignite  de  Saint-Lon  et  Larquier  et 
les  tourbières,  assez  nombreuses,  ne  sont  pas  exploitées  ; 
d'ailleurs  on  brûle  beaucoup  de  bois.  —  Il  y  a  quatre  mines 
de  sel  gemme  dont  deux  exploitées  à  Dax  (1 ,202  hect.)  et 
à  Lescourre  (295  hect.);  elles  ont  produit  en  1892  un 
total  de  10,853  tonnes  de  sel,  d'une  valeur  de  303,884  fr. 
Il  existe  environ  80  carrières  de  pierre  fournissant  des 
matériaux  de  construction.  —  Les  sources  minérales  sont 
importantes;  au  premier  rang  celle  de  Dax(y,  ce  mot), 
sulfatées  mixtes,  puis  celles  de  Tercis,  thermales,  chloru- 
rées sodiques  sulfureuses;  de  Pouillon,  thermales  chlo- 
rurées sodiques;  de  Préchacq,  l'une  froide  sulfurée  cal- 
cique,  l'autre,  thermale  chlorurée  sodique;  de  Gamarde, 
sulfureuses  froides;  d'Eugénie-les-Bains,  sulfurées  sodiques, 
calciques  ou  ferrugineuses  ;  les  boues  de  Saubusse  ;  les  eaux 
sulfureuses  froides  de  Morcenx,  Sindères,  Gourbera;  sul- 
furées calciques  de  Donzacq;  ferrugineuses  de  Lit,  Saint- 
Vincent-de-Tyrosse,  Morganx,  Mont-de-Marsan. 

Industries  manufacturières.  Il  existait,  dans  le  dép. 
des  Landes  (1892),  306  établissements  industriels  fai- 
sant usage  de  machines  à  vapeur.  Ces  appareils  au  nombre 
de  348  (non  compris  les  machines  des  chemins  de  fer), 
d'une  force  égale  à  6,497  chevaux-vapeur,  se  décompo- 
saient ainsi  : 

94  machines  fixes  d'une  force  de  4.359  chevaux- vapeur 
43      —       mi-fixes       —  195  — 

197       —       locomobiles    —         1.475  — 

14      — ■        locomotives   — -  468  — 

Cette  force  se  répartissait  de  la  manière  suivante  entre 
les  principaux  groupes  industriels  : 

Mines  et  carrières 217  chevaux-vapeur 

Usines  métallurgiques 3 .  976  — 


874 


Agriculture 66i'  chevaux-vapeur 

Industries  alimentaires 106  — 

—       chimiques 417  — 

Tissus  et  vêtements 31  — 

Papeterie ,  objets  mobiliers,  vête- 
ments   5  — 

Bâtiments  et  travaux 1 .445  — 

Services  pubHcs  de  l'Etat 6  — 

Ce  tableau  montre  que  les  industries  métallurgiques  ont 
une  réelle  importance  et  que  l'agriculture  commence  à  em- 
ployer les  machines.  On  travaille  le  fer,  important  d'Es- 
pagne le  minerai  (137,000  tonnes).  Il  y  avait  en  1892 
4  usines  à  fer  en  activité,  5  hauts  fourneaux  (dont  2  au 
bois),  1  four  à  puddler,  2  foyers  d'aflînerie,  2  fours  à  ré- 
chauffer, 2  foyers  Bessemer,  2  fours  Siemens-Martin, 
8  fours  de  chaufferie,  15  machines  hydrauliques  d'une  force 
de  324  chevaux  et  60  machines  à  vapeur  d'une  force  d'en- 
viron 4,000  chevaux.  La  production  totale  de  la  fonte  fut 
de  67,717  tonnes  valant4, 900, 000  fr.  ;  la  fonteau  bois  re- 
présente 3,541  tonnes  (dont  1,682  pour  moulage  en  2®  fu- 
sion) ;  le  reste  est  de  la  fonte  au  coke  (dont  6,000  tonnes 
.pour  moulage  en  2^  fusion) .  La  production  en  2®  fusion 
ressort  à  5^000  tonnes  valant  1  million  de  fr.  ;  celle  du 
fer  ouvré  à  4,345  tonnes  valant  714,300  fr.,  celle-ci 
résulte  surtout  du  réchauffage  de  vieux  rails.  La  pro- 
duction de  l'acier  ouvré  atteint  47,554  tonnes  d'une  va- 
leur de  7,114,118  fr,y  provenant  de  la  fonte  au  coke 
du  département;  elle  se  décompose  en  35,694  tonnes  de 
rails  (foyer  Bessemer)  valant  5,104,242  fr.,  et  11,860 
tonnes  d'aciers  marchands  et  spéciaux  dont  6,812  au  four 
Siemens-Martin  (valant  817,776  fr.).  Les  hauts  four- 
neaux et  usines  sont  à  Uza,  Castets,  Abesse,  Ardy,  Bu- 
glose,  Pontenx,  Labouheyre,  Ychoux,  Pissos,  Brocas, 
Mont-de-Marsan. 

Malgré  l'importance  relative  du  travail  du  fer  et  de  l'acier 
une  autre  industrie  l'emporte  sur  celle-là  dans  le  dép.  des 
Landes:  celle  de  la  résine.  On  extrait  du  pin  maritime  du 
galipot,  pâte  grisâtre,  et  de  la  gemme  (V.  Résine)  ;  on  les 
fond,  les  filtre  et  les  distille,  ce  qui  fournit  de  l'essence 
de  térébenthine;  des  résidus  de  la  distillation  on  tire  delà 
colophane,  du  brai  clair,  demi-clair  ou  noir  et  de  la  résine 
jaune  ;  cette  dernière  est  employée  à  l'éclairage  dans  les 
campagnes  ;  les  brais  noir  et  demi-clair  fournissent  des 
huiles  pyrogénées  et  des  graisses  à  voitures  et  à  chemins 
de  fer  ;  la  colophane  est  employée  à  fabriquer  des  vernis, 
des  cires,  bougies,  etc.  En  les  brûlant  on  retire  des  filtres 
en  paille  qui  ont  servi  à  épurer  la  résine  de  la  poix  noire. 
On  brûle  les  souches  de  pins  pour  en  retirer  le  charbon  de 
bois  qui  sert  à  la  métallurgie,  et  du  goudron.  L'acide  pyro- 
ligneux (vmaigre  de  bois)  complète  la  liste  des  produits 
qu'on  retire  du  pin  des  Landes.  Les  fours  à  goudron  et 
ateliers  de  distillation  sont  au  nombre  de  200,  surtout  dans 
les  Grandes  Landes  et  le  Marensin.  On  a  établi  quelques 
véritables  manufactures  de  produits  chimiques  à  Mont-de- 
Marsan,  une  fabrique  de  bougies.  Pour  compléter  la  no- 
menclature des  établissements  industriels,  nous  citerons 
les  scieries  de  bois  qui  le  débitent  en  poutres  et  en  planches 
pour  l'exportation  (les  Landes  fournissent  à  l'Angleterre 
la  majeure  partie  des  bois  employés  dans  ses  mines  et  de 
ses  poteaux  télégraphiques),  la  scierie  de  marbre  d'Aire, 
les  minoteries  et  moulins  des  bords  de  l'Adour,  de  la  Mi- 
douze,  du  Midou  et  de  la  Douze,  20  briqueteries  (dont  une 
considérable  à  Dûmes),  140  tuileries,  des  fabriques  de 
tuyaux  de  drainage  à  Dax  et  Lahosse,  de  nombreuses 
fabriques  de  poterie,  2  verreries,  une  douzaine  de  tanne- 
ries (dont  4  à  Hagetmau),  3  filatures  de  lin,  1  fabrique 
de  linge  de  table  à  Hagetmau,  2  usines  à  gaz  (Dax, 
Mont-de-Marsan),  des  brasseries  à  Dax,  Saint- Paul-lès- 
Dax,  Mont-de-Marsan,  Aire,  une  chocolaterie  (Dax),  une 
fabrique  d'eau-de-vie  de  maïs  (Saint-André),  quelques 
fabriques  de  liqueurs,  une  fabrique  de  cendres  gravelées 
à  Mugron,  etc.  Le  département  comptait  en  1888  46  bouil- 
leurs'de  cru  et  distillateurs  de  profession;  il  produisait 


875- 


UNDES 


4,875  hectol.  d'alcool  de  vin.  La  consommation  d'alcool  était 
très  faible,  0^^*9  par  habitant;  la  quantité  soumise  à  l'en- 
trepôt fut  de  3,012  hectol.  —  La  consommation  du  tabac 
fut  de  407,466  kilogr.  de  tabac  à  fumer  et  40,464  kilogr. 
de  tabac  en  poudre. 

On  constatait  dans  le  dép.  des  Landes,  en  Tannée  1890, 
l'existence  de  4  syndicat  ouvrier,  4  syndicat  patronal  et 
3  syndicats  agricoles. 

Commerce  et  circulation.  —  Le  commerce  du  dép.  des 
Landes  est  assez  actif;  il  nourrit  12  °lo  de  la  population, 
qui  est  une  proportion  très  forte  pour  un  département  rural, 
dépassée  seulement  dans  neuf  départements  ;  au  contraire 
c'est  (avec  le  Lot)  le  département  de  France  où  la  propor- 
tion des  gens  vivant  de  l'industrie  des  transports  est  le  plus 
faible  (0,7  %).  On  exporte  de  la  résine  et  ses  dérivés, 
essence  de  térébenthine,  goudron,  etc.,  des  bois  de  pin  en 
planches  ou  madriers  (en  particulier  vers  l'Angleterre),  du 
liège,  de  la  fonte  brute  ou  moulée,  de  l'acier,  du  miel  et 
de  la  cire,  un  peu  d'eau-de-vie,  de  tabac,  de  gros  draps.  — 
On  im.porte  des  houilles  anglaises,  des  farines,  des  mine- 
rais de  fer  et  de  vieux  rails,  les  produits  manufacturés, 
meubles,  objets  d'habillement  et  de  toilette,  épicerie,  li- 
queurs, etc. 

Voies  de  communications.  Le  dép.  des  Landes  avait, 
en  1888,  456^^^269  de  roures  nationales  sur  lesquelles  la 
circulation  (197  colliers  1  par  jour)  représentait  un  ton- 
nage brut  kilométrique  annuel  de  29,755,434  tonnes;  en 
tonnage  utile  15,208,398  tonnes,  soit  un  tonnage  utile 
quotidien  de  41 ,553  tonnes  kilométriques.  —  Il  possédait 
600^^^286  de  routes  départementales,  912î^i^980  de  che- 
mins vicinaux  de  grande  communication,  447^^^^384  de 
chemins  vicinaux  d'intérêt  commun,  6,321^^^^299  de  che- 
mins ordinaires. 

Il  était  desservi  en  4895  par  seize  voies  ferrées,  d'un 
développement  total  de  493  kil.  se  partageant  en  deux 
groupes,  les  lignes  d'intérêt  général  concédées  à  la  Compa- 
gnie du  Midi  et  les  chemins  de  fer  d'intérêt  local  du  dépar- 
tement. En  voici  la  liste  :  4^  Le  ch.  de  fer  de  Bordeaux  à 
Bayonne  et  vers  l'Espagne,  parcourt  430  kil.  dans  le  dépar- 
tement ;  il  y  entre  après  Lugos  (Gironde),  dessert  Ychoux, 
Labouheyre,  Solférino,  Morcenx,  Rion,  Laluque,  Buglose, 
Dax,  Rivière,  Saubusse,  Saint-Geours,  Saint-Vincent, 
Benesse  et  Labenne  et  passe  dans  les  Basses-Pyrénées.  — 
2°  L'embranchement  deMorcenx  à  Tarbes  parcourt  75  kil. 
dans  le  département  ;  il  se  détache  de  la  grande  ligne  à 
Morcenx,  dessert  Arjuzanx,  Arengosse,  Ygos,  Saint-Mar- 
tin-d'Oney,  Mont-de-Marsan,  Grenade,  Cazères,  Aire  et 
passe  dans  le  dép.  du  Gers.  —  3*^  L'embranchement  de 
Dax  à  Pau  parcourt  25  kil.  dans  le  département,  desservant 
Mimbaste  et  Misson-Habas  avant  d'entrer  dans  les  Basses- 
Pyrénées  à  Puyoo.  —  4*^  L'embranchement  de  Mont-de- 
Marsan  à  Marmande  parcourt  37  kil.  dans  le  département, 
où  il  dessert  Saint-Avit,  Roquefort,  Retjons-Lugaut,  Bour- 
riot-Bergous  avant  de  pénétrer  en  Lot-et-Garonne.  — 
5<^  L'embranchement  de  Mont-de-Marsan  à  Saint-Sever, 
par  Mauco-Benquet,  a  47  kil.  de  long.  —  6^  La  hgne  de 
Toulouse  à  Bayonne,  suivant  au  N.  le  Gave  de  Pau,  par- 
court 20  kil.  dans  le  dép.  des  Landes  où  il  entre  après 
Puyoo  (Basses-Pyrénées),  dessert  Labatut,  Léglise,  Pey- 
rehorade,  Orthevieîle,  avant  de  repasser  dans  les  Basses- 
Pyrénées.  —  7^^  Le  chem.  de  fer  de  Nizanà  Luxey  (V.  Gi- 
ronde), appartenant  à  la  Société  générale  des  chem.  de  fer 
économiques,  a  ses  derniers  16  kil.  dans  les  Landes  où  il 
dessert  Sore  et  Luxey.  —  Les  petites  lignes  suivantes,  d'un 
développement  total  de  473  kil.,  appartienent  au  réseau  dé- 
partemental d'intérêt  local;  elles  sont  destinées  à  l'exploi- 
tation des  forêts  de  pins.  —  8^  L'embranchement  d' Ychoux 
à  Parentis,  long  de  42  kil.,  dessert  Poms.  —  9°  Celui 
d'Ychoux  à  Pissos  (15  kil.)  dessert  Liposthey.  —  40"  La 
ligne  de  Labouheyre  à  Sabres  (19  kil.)  passe  par  Commen- 
sacq.  — - 11<>  La  ligne  de  Labouheyre  à  Mimizan,  longue 
de  28  kil.,  passe  à  Lue,  Pontenx,^  Saint-Paul-en-Born, 
Aureilhan.  —  12«Lahgne  de  Morcenx  à  Mézos  (23  kil.), 


par  Sindérès,  L^arie  et  Onesse.  —  IS^  L'embranchement 
de  Sindères  à  Uza  (23  kil.)  se  détache  de  la  ligne  précé- 
dente et  dessert  Le  Bouscat,  Lesperon  et  Levignacq.  — 
14<*La  ligne  de  Laluque  à  Tartas  (14  kil.)  dessert  Lesgor 
et  Begaar.  —  15*^  La  ligne  de  Laluque  à  Linxe  (27  kil.), 
dessert  Laluque-Boos,  Taller  et  Castets.  —  16°  La  ligne 
de  Saint- Vincent- de-Tyrosse  à  Soustons  (12  kil.)  dessert 
Tosse  et  Hardy. 

Les  voies  navigables  ont  une  longueur  totale  de  214  kil., 
savoir:  83  iil.  pour  l'Adour,  de  Mugron  au  confluent  du 
Gave  (tonnage  moyen,  31,851  tonnes),  et  23  kil.  en  aval 
de  ce  confluent  (tonnage  moyen,  159,615  tonnes);  9  kil. 
du  Gave  de  Peyrehorade  au  confluent  (tonnage  moyen, 
31,863  tonnes);  43  kil.  pour  la  Midouze  (tonnage  moyen, 
2,593  tonnes)  ;  32  kil.  pour  la  Douze,  depuis  Roquefort 
(tonnage  moyen,  350  tonnes)  ;  24  kil.  pour  le  Luy  d'Oro 
à  l'Adour  (tonnage  moyen,  72  tonnes)  ;  enfin,  la  Leyre 
est  flottable  à  partir  du  moulin  Rotgé. 

Les  12  bureaux  de  postes,  16  bureaux  télégraphiques  et 
53  bureaux  auxiliaires  mixtes  du  dép.  des  Landes  ont  donné 
lieu,  en  1888  à  un  mouvement  postal  de  3,534,430  timbres- 
poste,  18,320  cartes -lettres,  65,120  cartes  postales, 
85,950  enveloppes  timbrées  et  32,700  bandes  timbrées  re- 
présentant un  produit  net  de  439,395  fr.  82;  à  un  mou- 
vement télégraphique  de  88,697  dépêches  intérieures,  1 ,077 
dépèches  internationales  représentant  un  produit  net  de 
65,459  fr.  25. 

Finances.  —  Le  dép.  des  Landes  a  fourni,  en  1888, 
8,51 3, 760  fr.  06  au  budget  ordinaire  et  1, 567,209  fr.  97 
au  budget  sur  ressources  spéciales,  soit  un  total  de 
10,080,970  fr.  03. 

Ces  chiffres  se  décomposent  comme  suit  : 

Impôts  directs 1 .  721 .  383^^84 

Enregistrement 1 . 664. 940  42 

Timbre 349.645  61 

Impôt  de  3  **/o  sur  le  revenu  des  valeurs 

mobilières 2.585  35 

Contributions  indirectes 2 .  096 .  583  93 

Sucres 2,977  20 

Monopoles  et  exploitations  industrielles 

de  l'Etat 2.300,772  77 

Domaine^  de  l'Etat  (y  compris  les  forêts).  53 .  700  07 

Produits  divers  du  budget,  ressources 

exceptionnelles 165. 695  60 

Recettes  d'ordre 155.475  27 

Les    revenus  départementaux  ont    été  en  1888  de 
1,219,102  fr.  87  se  décomposant  comme  suit  : 
Produits  des  centimes  départementaux .         832.421f''21 
Revenu  du  patrimoine  départemental..  1.203  12 

Subventions  de  l'Etat,  des  communes,  des 

particuliers 363 .  777  74 

Revenus  extraordinaires,  produits   des 

emprunts,  aliénations  de  propriétés.  21.700    » 

La  dette  se  montait  à  4,608,621  fr.  95.  Il  y  a  eu  39«20 
portant  sur  les  quatre  contributions  dont  12  centimes  or- 
dinaires et  27^20  extraordinaires.  La  valeur  du  centime 
portant  sur  la  contribution  foncière,  la  contribution  per- 
sonnelle-mobilière et  sur  les  bois  de  l'Etat  était  de 
10,330  fr.  ;  le  produit  du  centime  départemental  était  de 
14,636  fr. 

Les  333  communes  du  département  avaient  en  1889  un 
revenu  de  1,206,481  fr.;  le  nombre  de  centimes  pour  dé- 
penses tant  ordinaires  qu'extraordinaires  était  de  6,689 
(4,896  ordinaires  et  1,793  extraordinaires);  le  nombre 
moyen  de  centimes  par  commune  atteignait  20.  Il  y  avait 
155  communes  imposées  de  moins  de  15  cent.,  137  de  15 
à  30  cent.,  40  de  31  à  50  cent.,  1  de  51  à  -100  cent. 
Le  nombre  des  communes  à  octroi  était  de  16,  le  produit 
des  octrois  montait  à  309,349  fr.  de  taxes  ordinaires. 
Le  revenu  ordinaire  du  bureau  de  bienfaisance  atteisçnait 
66,298  fr. 

État  intellectuel  du  département.  —  Au  point  de 
vue  de  l'instruction,  le  dép.  des  Landes  est  fort  au-dessous 


LANDES 


—  876 


de  la  moyenne.  En  1890,  sur  2,458  conscrits  examinés, 
600  ne  savaient  pas  lire.  Cette  proportion  de  235  illettrés 
sur  1,000  (moyenne  française,  77  7oo)  place  les  Landes 
au  87^  rang  (sur  90  dép.)  parmi  les  départements  fran- 
çais. Pour  l'instruction  des  femmes  en  4888,  il  est  au 
80^  rang  (sur  87  dép.),  avec  620  femmes  pour  1,000 
ayant  signé  leur  acte  de  mariage.  La  proportion  pour  les 
hommes  est  de  714. 

Le  dép.  des  Landes  comptait,  durant  l'année  scolaire 
1890-91,  25  écoles  maternelles,  dont  13  publiques  (4  laï- 
ques) et  12  privées  (toutes  congréganistes),  lesquelles 
avaient  un  personnel  enseignant  de  32  maîtresses,  dont 
18  publiques  (6  laïques)  et  14  privées  (14  congréganistes) 
et  recevaient  un  total  de  2,322  élèves,  dont  1,125  garçons 
et  1,197  filles,  340  inscrits  dans  les  écoles  laïques  et 
1,982  dans  les  écoles  congréganistes;  639  garçons  et 
690  filles  dans  les  écoles  publiques.  —  A  la  même 
époque,  il  y  avait  dans  le  département  581  écoles  primaires 
élémentaires  publiques,  dont  518  laïques  et  63  congréga- 
nistes, à  savoir:  235  écoles  laïques  de  garçons,  161^  de 
filles  et  122  mixtes,  contre  3  écoles  congréganistes  de  gar- 
çons et  60  de  filles.  D'autre  part,  64  écoles  privées,  dont 
8  laïques  et  56  congréganistes,  à  savoir  2  écoles  laïques 
de  garçons,  6  de  filles,  contre  9  écoles  congréganistes  de 
garçons,  45  de  filles  et  2  mixtes.  Au  total  :  645  écoles, 
249  de  garçons,  272  de  filles  et  124  mixtes.  Le  per- 
sonnel enseignant  comprenait  428  instituteurs  publics 
laïques,  8  instituteurs  publics  congréganistes,  228  ins- 
titutrices publiques  laïques,  96  institutrices  publiques 
congréganistes ,  soit  un  total  de  760  maîtres  dans  les 
écoles  publiques.  Dans  les  écoles  privées,  on  comptait  5  ins- 
tituteurs laïques  et  23  congréganistes,  17  institutrices 
laïques  et  123  congréganistes,  soit  un  total  de  168  maîtres 
dans  les  écoles  privées.  L'ensemble  du  personnel  enseignant 
dans  les  écoles  primaires  était  donc  de  928  personnes.  — 
Le  nombre  des  classes  était  de  916.  —  Le  nombre  des 
élèves  était:  écoles  publiques,  19,230  garçons  et  15,039 
filles  ;  en  tout  34,269  ;  écoles  privées  :  1,476  garçons  et 
3,804  filles  ;  en  tout  5,280.  Total  général,  39,549  élèves. 
Ces  élèves  se  répartissent  comme  suit  entre  l'enseignement 
laïque  et  l'enseignement  congréganiste  :  écoles  publiques 
laïques:  18,878  garçons,  10,660  filles;  écoles  privées 
laïques  :  164  garçons,  249  filles  ;  écoles  publiques  congré- 
ganistes :  352  garçons,  4,379  filles  ;  écoles  privées  con- 
gréganistes :  1,312  garçons,  3,555  filles;  soit  un  total  de 
19,043  garçons  et  10,909  filles  recevant  l'enseignement 
laïque  contre  1 ,667  garçons  et  7,934  filles  recevant  l'ensei- 
gnement congréganiste.  Le  total  des  enfants  de  six  à  treize 
ans  (âge  scolaire)  présents  dans  les  écoles  primaires  et  les 
écoles  maternelles  en  1890-91  était  de  34,696,  sur 
50,575  constatés  au  dernier  recensement. 

L'enseignement  primaire  supérieur  public  comptait  167 
élèves  (aucune  fille),  dont  24  dans  les  cours  complémen- 
taires. —  L'école  normale  d'instituteurs  de  Dax  (fondée 
en  1834)  comptait  30  élèves -maîtres.  L'école  normale 
d'institutrices  de  Mont-de-Marsan  (fondée  en  1886)  comp- 
tait 35  élèves-maîtresses  en  1891-92.  Ces  écoles  dé- 
pensèrent (en  1890)  84,490  fr.  —  Il  y  eut,  en  1891, 
701  garçons  et  465  filles  candidats  au  certificat  d'études 
primaires  élémentaires.  Sur  ces  1,166,  974  l'obtinrent  : 
599  garçons  et  375  filles.  Le  certificat  d'études  primaires 
supérieures  fut  brigué  seulement  par  18  garçons  et  obtenu 
par  12.  Le  brevet  de  capacité  élémentaire  fut  brigué  par 
23  aspirants,  dont  12  furent  admis,  et  par  65  aspirantes, 
dont  34  furent  admises.  Pour  le  brevet  supérieur,  il  y  eut 
21  candidats  et  13  admissions;  21  candidates  et  11  ad- 
missions. 

Il  existait  91  caisses  d'épargne  scolaire,  avec  1,192 
livrets  représentant  une  somme  totale  de  25,026  fr.  Les 
94  caisses  des  écoles  avaient,  dans  l'exercice,  fait 
20,448  fr.  de  recettes,  17,486  fr.  de  dépenses  et  possé- 
daient une  encaisse  de  2,962  fr.  Le  total  des  ressources 
de  l'enseignement  primaire  était  de  880,495  fr.  29,  dont 


38,000  fr.  pour  loyers  de  maisons  d'école,  indemnités  de 
logement,  frais  d'impression,  matériel  et  fournitures  sco- 
laires. Restaient  environ  840,000  fr.  pour  les  traitements, 
allocations  et  indemnités. 

L'enseignement  secondaire  se  donne  dans  un  lycée  de 
garçons  (Mont-de-Marsan),  auquel  est  annexé  un  petit 
lycée.  Ils  comptaient  en  1890  un  total  de  279  élèves,  dont 
160  internes  (20  boursiers,  19  demi-pensionnaires  (3  bour- 
sières) et  100  externes.  Sur  ces  élèves,  16  suivaient  l'en- 
seignement primaire,  142  l'enseignement  classique  et  12 
l'enseignement  spécial  ou  moderne. 

Etat  moral  du  département.  —  La  statistique  judi- 
ciaire de  1888  accuse  8  condamnations  en  cour  d'assises 
dont  5  pour  crimes  contre  les  personnes  ou  l'ordre  public. 
Les  3  tribunaux  correctionnels  examinèrent  1,1 53  affaires 
et  1,131  prévenus,  dont  74  furent  acquittés,  3  mineurs 
remis  à  leurs  parents,  et  7  envoyés  en  correction,  752 
prévenus  condamnés  seulement  à  des  amendes,  8  à  un  em- 
prisonnement de  plus  d'un  an.  On  a  compté  6  récidivistes 
devant  la  cour  d'assises  et  280  en  police  correctionnelle  ; 
8  furent  condamnés  à  la  relégation  ;  il  y  eut  3,962  contra- 
ventions de  simple  police.  Le  nombre  des  suicides  s'éleva 
à  42. 

Les  bureaux  de  bienfaisance,  au  nombre  de  99  en  1888, 
secoururent  3,751  personnes  sur  une  population  rie 
139,316  comprise  dans  leur  ressort;  leurs  recettes  s'éle- 
vèrent à  la  somme  de  72,867  fr.,  dont  45,571  fr.  pro- 
venaient de  leurs  revenus  propres,  10,167  fr.  des  sub- 
ventions, 7,095  fr.  de  la  charité  privée  et  10,034  fr.  des 
autres  recettes.  Les  dépenses  se  sont  élevées  à  la  somme 
de  64,743  fr.  Les  placements  des  bureaux  en  rentes 
représentaient  71,116  fr.  ;  en  immeubles,  7,614  fr.; 
les  fonds  libres  reportés  sur  l'exercice  courant,  45,492  fr.; 
On  comptait  12  hospices  et  hôpitaux  avec  528  lits,  dont 
279  affectés  aux  malades  civils,  57  aux  militaires,  73 
aux  vieillards,  infirmes,  etc.,  24  aux  enfants  assistés,  95 
au  personnel  des  établissements,  145,441  fr.  de  recettes  et 
144,843  fr.  de  dépenses,  et  un  personnel  composé  de 
18  médecins  et  chirurgiens,  39  religieuses,  15  employés  et 
37  servants.  Il  y  a  eu  un  nombre  total  de  30,619  journées 
de  présence  pour  660  hommes  ;  de  32,373  pour  321 
femmes  et  9,144  pour  67  enfants.  Le  service  des  enfants 
assistés  a  secouru  164  enfants  à  l'hospice  et  133  enfants 
a  domicile  et  dépensé  38,152  fr. 

La  caisse  des  retraites  pour  la  vieillesse  a  reçu,  en  1889, 
2,086  versements  se  montant  à  23,007  fr.  Elle  avait  reçu, 
depuis  son  origine  (1851),  43,777  versements  se  mon- 
tant à  644,383  fr.  77.  Il  y  avait  66S  rente.s  en  cours, 
pour  une  somme  de  61,971  fr. 

Les  3  caisses  d'épargne  des  Landes  avaient  au  1^^  janv. 
1888  12,470  livrets  et  au  31  déc.  12,742  livrets  valant 
5,567,876  fr.  90  (au  l-^janv.).  La  valeur  moyenne  du 
livret  était  de  464  fr.  La  caisse  nationale  d'épargne  avait 
reçu  6,764  dépôts.  L'excédent  des  versements  sur  les  rem- 
boursements était  de  454,690  fr.  38.  —  Les  sociétés  de 
secours  mutuels  étaient  au  nombre  de  134,  dont  76  approu- 
vées et  58  autorisées,  avec  11,536  membres  participants. 
Elles  avaient  un  avoir  disponible  (au  31  déc.  1888)  de 
315,568  fr.  pour  les  sociétés  approuvées  et  de  445,972  fr. 
pour  les  sociétés  autorisées.  Ces  chiffres  prouvent  que 
l'assistance  publique  et  les  institutions  de  prévoyance  sont 
fort  développées,  eu  égard  à  la  pauvreté  du  pays.  —  En 
1888,  les  libéralités  aux  établissements  publics  ont  atteint 
12,725  fr.  Ce  chiffre  se  décompose  comme  suit  :  5  dona- 
tions aux  établissements  religieux,  représentant  3,851  fr.; 
13  donations  aux  établissements  charitables  et  hospitaliers, 
représentant  5,374  fr.;  2  donations  aux  communes  ou  au 
département,  représentant  3,500  fr.     A. -M.  Berthelot. 

BiBL.  :  Annuaire  des  Landes,  m -12.  —  Annuaire  statis- 
tique de  la  France^  particulièrement  ceux  de  1885,  1886  et 
1891.  —  Dénombrements,  particulièrement  ceux  de  1886  et 
1891,  avec  les  résultats  développés.  —  A.  Joanne,  Géo- 
graphie des  Landes,  in-16.  —  Desbiey,  Mém.  sur  la  meil- 
leure manière  de  tirer  partie  des  Landes  de  Bordeaux^ 


—  877  --. 


LANDES  —  LANDIERS 


1776,  in-4.  —  Brémontier,  Mém.  sur  les  dunes^  1796, 
in-8.  —  B.  DE  Saint-Ama.ns,  Précis  d'un  voyage  agri- 
cole^ botanique  et  pittoresque  dans  les  Landes^  1799, 
in-8.  —  H.  Vandermey,  Mém.  sur  le  défrichement  des 
Landes^  1800,  in-8.  —  Description  abrégée  du  dép.  des 
Landes^  1199,  in-8.  —  Thork,  Promenade  sur  les  côtes  du 
golfe  de  Gascogne,  1810,  in-8.  —  Depère,  Voyage  agro- 
nomique dans  le  Sud-Ouest^  1812,  in-8.  —  U'Haussez, 
Elude  administrative  sur  les  Landes^  1826,  in-8.  —  Bour- 
DEAu,  Notices  statistiques  sur  les  communes  des  dép.  du 
Gers,  des  Landes,  etc.,  1835.  —  Mortemart  de  Boissé, 
Voyage  dans  les  Landes^  1840,  in-8.  —  Dorgan  de  Sainte- 
BazeÏlle,  Histoire  des  Landes,  1846,  in-8.  —  C.  de  Saul- 
pjiERS,  les  Landes  de  Gascogne^  1856.  —  Tartière,  Essai 
sur  la  géographie  ancienne  du  dép.  des  Landes.,  1865.  — 
El.  Reclus,  Etude  sur  les  dunes,  dans  Revue  des  Deux 
Mondes,  nov.  1863.  et  Bull.  Soc.  géogr.,  mars  1865.  —  R. 
DE  Beaumont,  Arcachon  et  les  Landes;  Genève,  1872,  in  8. 
—  Croizette-Desnoyers,  Notice  forestière  sur  les  Landes 
de  Gascogne  ;  Mont-de-Marsan,  1874.  —  Bulletins  de  la  So- 
ciété Borda;  Dax,  1876  et  suiv.  —  Jacquot  et  Raulin, Sia- 
tistique  géologique  du  dép.  des  Landes  ;  Mont-de-Marsan, 
1874.  —  Carte  géologique  de  France,  particulierôment  les 
feuilles  de  Mont-de-Marsan,  Montréal,  etc.  —  V.  aussi  les 
art.  Albret,  Gascogne,  Lannes,  Dax,  Défriche.meïs't, 
Dune,  etc. 

LANDES-Génusson  (Les).  Com.  du  dép.  de  la  Vendée, 
arr.  de  La  Roche-sur- Yen,  cant.  de  Mortagne-sur-Sèvre  ; 
1,520  hab. 

LANDESHUT.  Ville  de  Prusse,  district  de  Liegnitz  (Si- 
lésie),  sur  la  Rober,  au  pied  du  Rieseugebirge  ;  7,200  hab. 
Cordonneries,  tissages,  manufacture  de  vêtements  mili- 
taires, commerce  de  lin  et  de  toile.  —  Fondée  à  la  fin  du 
xiii®  siècle  par  le  duc  Rolesîaw  I*'^  de  Schweidnitz,  elle  fut 
le  théâtre  de  deux  batailles  au  xviii®  siècle  :  le  22  mai 
1845,  les  Autrichiens  sous  Nadasdy  furent  battus  par  les 
Prussiens  sous  Winterfeld  ;  le  23  juin  1 760,  le  feld-maréchal 
autrichien  Loudon  écrasa  et  obligea  à  capituler  le  corps 
prussien  commandé  par  Lamotte-Fouqué,  malgré  l'héroïque 
défense  de  ce  dernier.  A. -M.  B. 

BiBL.  :  Perschke,  Beschreibung  und  Geschichte  der 
Stadt  Liegnitz  ;  Breslau,  1829.  —  Sodenstern,  Feldzug 
der  Gênerais  Fouqué,  1760;  2«  éd.,  1867. 

LANDESMANN  (Heinrich),  littérateur  allemand  connu 
sous  le  pseudonyme  de  Hieronymus  Lorm^  né  à  Nikols- 
burg  (Moravie)  le  9  août  1821.  Il  devint  sourd  et  presque 
aveugle,  vécut  à  Vienne,  puis  à  Berlin  (1845-48),  à  Vienne 
(1848-73)  et  enfin  à  Dresde.  Il  a  publié  de  curieuses  poé- 
sies (édition  complète,  Dresde,  1885)  en  cinq  chants,  un 
poème,  Abdul  (181-3);  de  nombreux  romans  :  Ein  Zœgling 
des  Jahres  iÈiS  (Vienne,  1855,  3  vol.),  rééd.  sous  le 
titre  Gabriel  Selmar;  Tote  Scliuld  (Stuttgart,  1878, 
2  vol.)  ;  Spœte  Vergeltung  (Hambourg,  1879,  2  vol.)  ; 
Ein  Schatten  aus  ver  gang  enen  Tagen  (Stuttgart,  1882); 
Vor  dem.  Attentat  (Dresde,  1884)  ;  Die  schœne  Wiene- 
rin  (léna,  1886),  etc.;  des  nouvelles  :  Am  Kamin  (Ber- 
lin, Î8o6,  2  vol.);  Erzœhlungen  des  Heimgekehrten 
(Prague,  1858);  Intimes  Leben  (1860),  etc.;  des  études 
de  critique  politique  :  Wiens  poetische  Schwingen  und 
Federn  (1846),  philosophique  :  Philosopfiisch-kritische 
Streifzûge  (Berhn,  1873);  Geflilgelte  Stunden  (Leipzig, 
1875-78,  3  vol.);  Der  Abend  zu  Hause  (1881),  etc. 
C'est  le  plus  brillant  représentant  littéraire  et  poète  alle- 
mand du  pessimisme.  A. -M.  B. 

LAN  DEVANT.  Com.  du  dép.  du  Morbihan,  arr.  de  Lo- 
rient,cant.dePluvigner;  1,644  hab.  Stat.  de  eh.  de  fer  de 
rOuest. 

LANDÉVENNEC.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de 
Châteaulin,  cant.  de  Crozon;  1,057  hab.  Ruines  d'une 
ancienne  abbaye,  fondée  au  v^  siècle  par  Saint-Guénolé  et 
par  le  roi  Grallon.  Le  logis  abbatial  du  xiii^  siècle,  restauré 
en  1630,  subsiste,  ainsi  qu'une  chapelle  de  l'ancienne 
éghse  du  xi«  siècle,  avec  les  armes  sculptées  de  Rohan. 
L'église  actuelle  est  du  xvi*^  siècle  (flèche  gothique  du 
xvii^).  Le  port  consiste  en  une  simple  cale.  Poste  de  douane, 
Près  de  Landévennec  est  la  réserve  des  bâtiments  de  la 
marine.  Ch.  Del. 

BiBL.  :  Levot,  Notice  sur  Landévennec  et  son  abbaye  ; 
Nantes,  1864.  —  Mengin,  Notice  sur  le  port  de  Landé- 
vennec, dans  Ports  marit.  de  France,  1879,  t.  IV. 

LANDEVIEILLE.  Com.  du  dép.  delà  Vendée,  arr.  des 


Sables-d'pionne,  cant.  de  Saint-Gilles-sur- Vie  ;  559  hab. 

LAN  DÉVILLE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr. 
de  Wassy,  cant.  de  Doulaincourt  ;  44  hab. 

LAN  DEY  RAT.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  de  Murât, 
cant.  d'Allanche  :  376  hab. 

LANDGRAVE.  Titre  qui  fut  appliqué  dans  l'ancien  em- 
pire allemand  à  un  certain  nombre  de  comtes,  en  particulier 
à  ceux  de  Hesse  et  de  Thuringe  ;  il  est  encore  porté  par 
les  descendants  de  branches  cadettes  de  la  maison  de  Hesse 
(Hesse-Hombourg,  Hesse-Philippsthal,  Hesse-Barchfeld). 

LANDI  (Giulio,  comte),  htlérateur  italien,  né  à  Plai- 
sance vers  1500,  mort  vers  1580.  Auteur  d'un  roman  qui 
eut  un  succès  durable  :  La  Vita  di  Cleopatra  (Venise, 
1591,  in-8). 

LANDI  (Hortensius),  érudit  italien,  né  à  Milan,  mort 
vers  1560.  D'humeur  paradoxale  et  batailleuse,  il  dut  quit- 
ter l'Italie,  connut  Doletà  Lyon  (1534),  et  après  plusieurs 
voyages  se  fixa  à  Bâle  (1540),  puis  définitivement  à  Ve- 
nise (1546),  De  ses  nombreux  ouvrages  on  peut  retenir  : 
Cicerorelegatuset  Cicero  reuocatus  (Lyon,  1534,  in-8), 
où  il  attaque  la  moralité  du  grand  écrivain  ;  Forcianœ 
quœstiones  (Naples,  1536),  très  curieux  pour  les  mœurs 
et  coutumes  de  l'Italie  du  xvi«  siècle;  Paradossi  (Lyon, 
1543),  dont  il  publia  lui-même  une  réfutation  encore  plus 
paradoxale  (Confutazione  ;  Venise,  1545)  ;  Sermonifu- 
nebri  di  vari  autori  7iella  morte  di  diversi  animali 
(Venise,  1549),  ouvrage  burlesque;  La  Sferza  de  scrit- 
toriantichi  e  moder ni  (Venise,  1550),  violente  satire; 
une  série  de  lettres,  commentaires  ou  appréciations  qu'il 
met  sous  le  nom  de  n'importe  quel  auteur,  mais  qui  éma- 
nent de  lui.  '  A.-M.  B. 

LANDI  (Costanzo,  comte),  archéologue  italien,  né  à 
Plaisance  en  1521,  mort  à  Rome  le  26  juil.  1564.  Elève 
d'Amaseo  et  d'Alciat,  il  composa  des  poésies  latines,  un 
hvre  :  Ad  titulum  Pandectarum  de  justitia  et  jure  enar- 
rationum  (Plaisance,  1549,  in-fol.)  et  Vcterùm  numis- 
matum,  Romanorum  miscellaneœ  explicationes  (Lyon, 
1560,  in-4),  rééd.  sous  le  titre  :  Selectiorum  numis- 
matum  prœcipue  Romanorum  expositiones  (Leyde, 
1695,  in-4). 

LAND!  (Antonio),  littérateuritalien,  né  à  Livourne  avant 
1730,  mort  à  Berlin  en  1783.  Entré  dans  les  ordres,  il 
s'adonna  à  la  tragédie  lyrique  et  fut  envoyé  par  Métastase 
à  Frédéric  II;  au  bout  de  quelque  temps,  l'abbé  Landi  se 
défroqua;  outre  une  histoire  des  empereurs  saxons,  il  est 
connu  par  son  abrégé  de  Tiraboschi  :  Histoire  de  la  litté- 
rature italienne  (Berne,  1784,  5  vol.). 

LANDI  (Gaspardo),  peintre  italien,  né  à  Plaisance  en 
1756,  mort  à  Rome  en  1830.  Il  alla  travailler  à  Rome  sous 
la  direction  de  Battoni  et  de  Corvi.  En  1781,  son  tableau 
à' Abraham  et  Sara  remporta  le  prix  de  peinture  à  l'Aca- 
démie de  Parme.  Peu  de  temps  après,  Landi  fut  nommé 
membre  de  l'Académie  de  Saint-Luc,  dont  il  devint  prési- 
dent en  1817.  Ses  deux  ouvrages  les  plus  connus  sont 
l'Assomption  et  le  Couronnement  de  la  Vierge,  à  la  ca- 
thédrale de  Plaisance. 

LANDIERS.  Paire  de  pièces  de  ferronnerie  en  forme  de 
tréteaux  destinées  à  porter  et  à  maintenir  le  bois  qui  brûle 
dans  une  cheminée.  Le  landier  se  compose  d'une  queue 
horizontale  qui  porte  les  bûches  et  dont  l'extrémité  recour- 
bée s'appuie  au  sol  de  1  atre,  et  d'un  montant  antérieur 
dont  la  partie  basse  se  bifurque  en  deux  pieds,  et  dont  la 
partie  haute  forme  une  tige  verticale  empêchant  le  bois  de 
rouler  hors  de  la  cheminée.  Lorsque  les  landiers  sont  des- 
tmés  à  une  cuisine,  cette  tige  porte  une  série  de  crochets 
qui  reçoivent  les  broches  ou  servent  à  accrocher  les  pelles 
et  pincettes;  de  plus,  son  sommet  est  couronné  d'une  grille 
demi-sphérique  servant  de  réchaud  :  elle  peut  recevoir  un 
poêlon  et  même  contenir  de  la  braise.  Parfois,  la  tige  du 
landier  se  bifurque  et  porte  deux  de  ces  grilles  servant  de 
fourneaux  de  cuisine.  Dans  les  landiers  d'appartement,  cet 
appendice  utile  était  remplacé  par  un  ornement,  générale- 
ment une  tête  d'animal,  d'où  est  venu  sans  doute  que  le 


LANÛIERS  —  LANDIT  —  878 

mot  chenet,  autrefois  diminutif  de  chien,  désigne  aujour- 
d'hui les  landiers.  Jusqu'à  la  fin  du  xv<^  siècle,  les  landiers 
(dont  nous  n'avons  conservé,  du  reste,  que  de  bien  rares 
échantillons)  étaient  en  fer  forgé  ;  depuis  cette  époque,  les 
landiers  d'appartement  furent  souvent  coulés  en  fonte  de 


Landier  à  pomme  de  cuivre  et  landier  à  crosse. 

fer  et  parfois  dorés  ou  étamés.  On  les  orne  de  statuettes  et 
d'armoiries.  Au  xvii®  siècle,  leurs  tiges  qui  atteignaient 
parfois  1  m.  de  hauteur  furent  fortement  raccourcies  et 
généralement  remplacées  par  des  pommes  ;  de  plus,  la  fonte 
de  cuivre  remplaça  la  fonte  de  fer  dans  les  têtes  de  lan- 
diers, et,  à  partir  de  la  même  époque,  on  réunit  parfois  ces 
têtes  par  une  galerie  destinée  comme  elles  à  empêcher  les 
tisons  enflammés  de  rouler  dans  l'appartement.  C.  Enlart. 

LANDIFAY-et-Bertaignemont.  Com.  dudép.  de  l'Aisne, 
arr.  de  Vervins,  cant.  de  Sains  ;  i  ,003  hab. 

LANDIGOU.  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  de  Domfront, 
cant.  de  Fiers;  510  hab. 

LANDIN  (Le).  Com.  du  dép.  de  l'Eure,  arr.  de  Pont- 
Audemer,  cant.  de  Routot  ;  192  hab. 

LANDINES.  Tribus  cafres  du  S.  du  Zambèze,  sur  la 
côte  de  Sofala  et  de  Lourenço  Marques  ;  on  leur  donne  sou- 
vent le  nom  de  leur  principal  roi  Oumzila.  Ils  sont  en  lutte 
constante  avec  les  Portugais. 

LANDINI  (Taddeo),  sculpteur  et  architecte  italien,  mort 
à  Rome  en  1594.  Il  travailla  à  toutes  sortes  d'ouvrages 
d'utilité  pubUque  ou  d'embellissement  pour  les  papes  Gré- 
goire XIII,  Sixte  V  et  Clément  VIII,  et,  quelques  mois  avant 
sa  mort,  il  reçut  de  ce  dernier  le  titre  d'architecte  pontifi- 
cal et  de  surintendant  des  édifices.  Ses  deux  œuvres  les 
plus  connues  sont  la  statue  de  Sixte  V  au  palais  des  Con- 
servateurs, et  le  bas-relief  au-dessus  de  la  porte  de  la 
chapelle  Pauline,  représentent  le  Lavement  des  pieds. 

LANDINO  (Francesco),  organiste  et  compositeur  italien, 
surnommé  Francesco  Cieco  ou  Fî^ancesco  degli  organi, 
né  à  Florence  vers  1325,  mort  à  Florence  en  1390.  Fils 
d'un  peintre  et  descendant  d'une  famille  noble,  Landino 
devint  aveugle  dès  sa  jeunesse,  à  la  suite  de  la  variole, 
et  chercha  des  consolations  dans  la  musique  et  la  poésie. 


Il  fut  bientôt  bon  chanteur  et  exécutant  habile  sur  presque 
tous  les  instruments,  particulièrement  sur  l'orgue.  En 
1364,  il  se  fit  entendre  à  Venise,  dans  les  fêtes  célébrées 
en  l'honneur  du  roi  de  Chypre,  et  reçut  de  ce  prince  une 
couronne  de  lauriers.  Landino  écrivait  souvent  le  texte 
poétique  de  ses  compositions  musicales.  On  a  retrouvé  de 
lui  des  chansons  italiennes  à  deux  et  trois  voix  dans  deux 
manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris  et  de  la 
bibhothèque  Laurentienne  de  Florence.  Ce  dernier  manus- 
crit contient  le  portrait  du  compositeur,  qui  est  représenté 
jouant  de  l'orgue  portatif. 

LANDINO  (Cristoforo),  philologue  italien,  né  à  Florence 
en  1424,  mort  en  1504.  L'un  des  principaux  platoniciens 
de  la  cour  des  Médicis,  il  professa  les  belles-lettres,  fit 
partie  de  l'Académie  de  Cosme,  fut  précepteur  de  ses  fils 
Laurent  et  Jules  et  plus  tard  secrétaire  de  la  Seigneurie. 
On  cite  encore  son  Commento  sopra  la  Commedia  di 
Dante  (1481,  in-fol.)  ;  il  a  aussi  commenté  Horace  (Flo- 
rence, 1482,  in-foL),  Virgile  (Venise,  1520,  in-fol. ),  com- 
posé des  poésies  latines,  un  Formulario  de  letiere  vol- 
gare  (Rome,  1490,  in-4),  etc. 

LAN  DIRAS.  Ruisseau  du  dép.  de  la  Gironde  (V.  ce 
mot,  t.  XVIII,  p.  982). 

LAN  DIRAS.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Bor- 
deaux, cant.  de  Podensac  :  1,699  hab. 

LANDISACQ.  Com.  du  dép,  de  l'Orne,  arr.  de  Dom- 
front, cant.  de  Fiers;  1,010  hab. 

LANDIT  ou  LENDIT  (Foire  du).  Ce  nom,  que  l'usage  a 
défiguré  au  point  d'en  rendre  l'étymologie  méconnaissable, 
vient  du  latin  indictum,  signifiant  assemblée;  on  devrait 
donc  l'écrire  Pendit,  sans  répétition  de  l'article,  mais  depuis 
plusieurs  siècles  la  mauvaise  orthographe  a  prévalu.  Les  ori- 
gines de  cette  assemblée  sont  restées  douteuses  ;  l'abbé  Le- 
beuf,  qui  a  apporté  aies  étudier  toute  la  sagacité  de  son  esprit 
critique,  réfute  par  d'excellents  arguments  l'opinion,  cou- 
rante de  son  temps,  d'après  laquelle  elles  dateraient  du  don 
fait  à  l'abbaye  de  Saint-Denis,  par  Charles  le  Chauve  ou 
même  Chariemagne,  de  reliques  apportées  d'Aix-la-Cha- 
pelle. On  ne  saurait  trouver  à  ce  sujet  de  textes  plus  an- 
ciens que  le  commencement  du  xii®  siècle;  c'est  en  1109 
que  la  cathédrale  de  Paris  reçut  une  parcelle  du  bois  de  la 
vraie  croix  et  peu  après,  —  la  même  année  peut-être,  — 
que  son  évêque  autorisa  les  fidèles  à  la  contempler.  En  rai- 
son du  concours  de  peuple  que  cette  exhibition  devait  pro- 
duire, on  choisit  un  très  vaste  espace  compris  entre  le  flanc 
septentrional  de  la  butte  Montmartre  et  Saint-Denis,  c.-à.-d. 
dans  la  partie  de  la  plaine  circonscrite  aujourd'hui  par 
les  territoires  de  Saint-Ouen,  de  Saint-Denis  et  les  rem- 
parts de  Paris.  La  date  fixée  fut  le  second  mercredi  de 
juin,  époque  de  grandes  chaleurs,  déterminée  à  dessein, 
paraît-il,  en  vue  d'augmenter  le  mérite  et  la  pénitence  des 
pèlerins. 

Il  ne  s'agissait  alors,  en  effet,  que  d'un  pieux  pèlerinage  ; 
mais,  de  bonne  heure,  des  marchands  vinrent  s'installer 
sur  le  terrain  où  il  avait  lieu;  les  religieux  de  Saint-De- 
nis qui  en  étaient  propriétaires  les  y  encouragèrent,  réglè- 
rent leurs  emplacements,  jugèrent  des  différends  qui  pou- 
vaient s'élever  entre  eux,  et  la  foire  proprement  dite  du 
Landit  fut  créée.  On  a  des  preuves  qu'elle  existait  déjà  de 
cette  façon  sous  le  règne  de  Philippe-Auguste.  Vers  la 
même  époque,  l'usage  s'établit  pour  l'université  de  Paris 
de  se  joindre  à  la  procession,  recteur  en  tête,  pour  y  ache- 
ter, avec  droit  de  préemption,  le  parchemin  dont  on  avait 
besoin  durant  l'année.  Ce  fut  pour  les  écoliers  une  occasion 
de  désordres  qu'il  fallut  bien  des  fois  réprimer  sévèrement 
à  cause  des  scandales  inouïs  qui  se  produisaient.  La  foire 
du  Landit  eut  sa  plus  grande  vogue  du  xiv*^  au  xvi^  siècle  ; 
le  chroniqueur  parisien  Guillot,  qui,  au  temps  de  Philippe 
le  Bel,  a  écrit  un  poème  si  grossier  sur  les  rues  de  Paris, 
a  consacré  un  Dit  rimé  au  Landit  (Lebeuf  en  donne  le 
texte)  ;  c'est  une  pièce  intéressante  parce  qu'elle  énumère 
les  marchandises  qui  s'y  vendaient  et  les  villes  qui  y  en- 
voyaient le  plus  grand  nombre  de  marchands  ;  on  yoit  que 


879  - 


LANDIT  —  LANBOLPHË 


ce  sont  surtout  celles  de  la  Normandie,  du  Nord  et  des 
Flandres.  Les  abus  de  tous  genres  auxquels  donnait  lieu  cette 
assemblée,  l'emplacement  si  peu  hospitalier  qu'on  lui  avait 
fixé,  et  aussi  les  guerres  civiles  du  milieu  du  xvi®  siècle 
furent  les  raisons  pour  lesquelles,  à  dater  de  1556,  la  foire 
du  Landit  se  tint  définitivement  dans  l'intérieur  de  la  ville 
de  Saint-Denis.  Elle  perdit  dès  lors  toute  son  importance 
et  cessa  peu  à  peu  d'être  le  but  du  pèlerinage  religieux  au- 
quel elle  devait  son  origine.  Au  xviii®  siècle,  elle  devint 
presque  exclusivement  une  foire  aux  moutons,  et  il  en  fut 
encore  ainsi  pendant  la  première  moitié  de  notre  siècle  ; 
ce  n'est  plus  maintenant  qu'une  fête  foraine  des  plus  ba- 
nales, appelée  à  Saint-Denis  fête  de  Saint-Darnabé  ou  fête 
d'été.  Fernand  Bournon. 

Le  nom  du  Landit  ou  Lendit  a  été  repris  de  nos  jours 
par  la  Ligue  de  l'éducation  physique  pour  désigner  le 
grand  concours  interscolaire  qui  met  aux  prises  annuelle- 
ment, dans  les  épreuves  de  jeux  physiques,  les  élèves  des 
principaux  établissements  scolaires  de  la  région  parisienne. 

BiiîL.  :  L'abbé  Lebeuf,  Hist.  du  diocèse  de  Paris,  t.  II, 
pp.  687-556  de  Fédit.  de  1883.  —  Une  tlièse,  dont  les  posi- 
tions seules  ont  été  imprimées  :  Re-cherches  sur  la  foire 
du  Landit  depuis  son  origine  jusqu'en  Ik'SO,  a  été  sou- 
tenue à  l'Ecole  des  chartes  en  1884  par  M.  E.  Roussel. 

LANDIVISIAU.  Ch.-L  de  cant.  du  dép.  du  Finistère, 
arr.  de  Morlaix  ;  4,079  hab.  Stat,  du  chem.  de  fer  de 
Paris  à  Brest.  Commerce  de  toiles;  foires  où  se  vendent 
les  juments  du  Léon  ;  belle  église  moderne  sauf  le  portail 
de  la  Renaissance  (1534)  et  le  clocher  (1590)  ;  statue  de 
Tournemine,  fondateur  de  l'église.  Ossuaire  du  xvii® siècle. 
Nombreux  retranchements  antiques.  G.  Del. 

LANDIVY.  Ch.-L  de  cant.  du  dép.  de  la  Mayenne,  arr. 
de  Mayenne  ;  1,961  hab. 

LAN  DNÂMÂBÔK  ou  Liber  de  originibus Islandiœ.  Do- 
cument très  important  du  moyen  âge  islandais.  C'est  l'his- 
toire, village  par  village,  domaine  par  domaine,  de  la  prise 
de  possession  de  la  terre  islandaise,  par  les  colons,  des 
temps  les  plus  reculés  jusqu'au  xu^  siècle.  Plus  de  3,000 
personnes  et  plus  de  1 ,400  endroits  y  sont  nommés.  On 
en  a  un  très  grand  nombre  de  rédactions  ou  éditions, 
quelques-unes  avec  traduction  latine,  qui  se  trouvent  enu- 
mérées  à  la  page  126  de  Môbius  :  Catalocjus  librorum 
islandicorum  et  norvegicorum  œtatis  medice  (Leipzig, 
1856).  Th.  C. 

LAN  DO  (Michèle)  (V,  Florence,  t.  XVÏI,  p.  641). 

LAN  DO  (Ferrant-Manuel  de),  poète  castillan  de  la  fin 
du  XIV®  siècle  et  du  commencement  du  xv*^.  Sa  famille 
était  d'origine  française;  elle  descendait  d'un  compagnon 
de  Du  Guesclin,  Pedro  de  Lando  (probablement  Pierre  de 
Lande),  qui  s'était  établi  en  Castille  après  la  chute  de 
Pedro  I^^  et  avait  épousé  une  dona  Beatriz  Manuel.  Ferrant- 
Manuel  était  fils  de  Juan-Manuel  et  de  Juana  Peraza  et  fut 
doncel  ou  page  du  roi  Juan  I®^  En  1414,  il  assistait  au 
sacre  de  Ferdinand  I®^  d'Aragon,  à  Saragosse.  C'est  lui 
que  la  reine  dona  Catalina  de  Castille  avait  chargé  de  re- 
mettre à  soli  frère  la  magnifique  couronne  dont  elle  lui 
faisait  présent,  comme  le  rapporte  la  Chronique  de 
Juan  IL  Manuel  de  Lando  paraît  avoir  joui  comme  poète 
d'une  assez  grande  réputation  de  son  vivant  et  même  après 
sa  mort.  «  Ferrant-Manuel  de  Lando,  dit  le  marquis  de 
Santillana,  honorable  chevaher,  écrivit  nombre  de  bonnes 
choses  en  poésie;  il  imita  plus  que  tout  autre  Micer  Fran- 
cisco Impérial  ;  il  fit  de  bonnes  chansons  à  la  louange  de 
Notre-Dame.  »  Baena  admire  son  style.  Ce  qui  nous  reste 
deLando  :  cantiques,  dits,  réponses  (respuestas),  demandes 
(preguntas)  et  que  l'on  trouve  dans  le  Cancimiero  de 
Baena  (Leipzig,  1860,  2  vol.),  ne  dépasse  pas  la  moyenne 
des  rimeurs  de  l'époque.  Lucien  Dollfus 

LANDO  Di  PiETRo,  architecte  et  orfèvre  siennois,  mort 
le  3  août  1340.  On  trouve  le  nom  de  cet  artiste  cité  pour 
la  première  fois  en  1311,  à  propos  de  la  couronne  qu'il 
cisela  pour  le  couronnement  de  l'empereur  Henri  Vil,  à 
Sant'Ambrogio  de  Milan  ;  il  porte  alors  le  titre  d'orfèvre 
du  roi  des  Romains  qui  va  devenir  empereur,  aurifaber 


dummi  liegis.  En  1322,  il  travaille  à  Sienne  à  la  répara- 
tion de  la  grosse  cloche  du  palais  public.  Puis  il  passe  au 
service  du  roi  Robert  de  Naples  et  est  rappelé  à  Sienne  en 
1339,  à  la  suite  d'une  délibération  solennelle  des  magis- 
trats, pour  prendre  la  direction  des  travaux  d'agrandis- 
sements de  la  cathédrale.  Les  formules  de  l'acte  prouvent 
qu'il  était  considéré  non  seulement  comme  un  des  orfèvres, 
mais  comme  l'un  des  architectes  les  plus  habiles  de  son 
temps.  E.  Behtaux. 

BiBL.  :  MuRATORi,  RaccoUa  délie  opère  minori;  Na- 
ples, 1743,  in-4,  t.  XX  ;  Anecdota,  t.  II,  ch.  xiii,  p.  216. 

LANDO  SiTiNO,  antipape  (V.  Innocent  III). 

LANDOGNE.  Com.  du  dép.  du  Puv-de-Dôme,  arr.  de 
Riom,  cant.  de  Pontaumur;  450  hab." 

LAN  DOIS  (Hermann),  zoologiste  allemand  contempo- 
rain, né  à  Munster  le  19  avr.  1835.  Il  étudia  dans  sa  ville 
natale  la  théologie  et  les  sciences  naturelles  ;  il  fut  consa- 
cré prêtre  en  1859,  reçu  docteur  en  philosophie  à  Greifs- 
wald  en  1863.11  devint  en  1862  professeur  de  sciences 
naturelles  à  l'école  d'agriculture  de  Botzlar,  en  1869 
«  docent  »  de  zoologie  à  l'Académie  de  Mimster,  puis  en 
1873  professeur.  Landois,  qui  a  depuis  longtemps  renoncé 
aux  ordres,  est  en  outre  directeur  du  Musée  zoologique  et 
anatomique  de  Munster.  Il  s'est  occupé  de  toutes  les  par- 
ties de  l'histoire  naturelle  et  en  particulier  de  l'anatomie 
microscopique  des  insectes.  Onlui  doit,  entre  autres  :I^/ir- 
buch  der  Zoologie  (avec  Altum  ;  Fribourg,  1883,  in-8, 
5«  éd.);  ThiersUmmen  (Fribourg,  1875);  Lehrbiich  der 
Bolanik  (avec  Berthold;  Fribourg,  1872);  Ton  und  Stim- 
mapparale  der  Insekten  (Leipzig,  1867);  nombreuses 
éditions  de  :  Der  Mensch  und  die  drei  Reiche  der  Natiir 
(avec  Krass, Fribourg,  3  vol.);  un  roman  comique  :  Franz 
Essink,  etc.  (Munster,  1886,  6«  éd.).  D*"  L.  Hn. 

LAN  DOIS  (Léonard),  physiologiste  etanatomiste  contem- 
porain, né  à  Munster  le  l^'^  déc.  1837,  frère  du  précédent. 
Il  se  fit  recevoir  privat-docent  à  Greifswald  en  1863,  pro- 
fesseur extraordinaire  en  1868,  professeur  ordinaire  en 
1872  en  même  temps  que  directeur  de  l'Institut  physio- 
logique. Il  est  l'auteur  de  travaux  remarquables  parmi  les- 
quels :  Die  Lehre  vom  ArterienpuU  (Berlin,  1872, in-8); 
Die  Transfusion  des  Blutes  (Leipzig,  1875,  in-8)  ;  Lehr- 
buch  der  Physiologie  des  Menschen  (Vienne,  1880,  in-8, 
et  autres  éd.;  trad.  franc.,  Paris,  Î893,  in-8);  Gra- 
phische  Uniersuchungen  ûber  den  Herzschlag  (Berlin, 
1876,  in-8),  ses  études  sur  les  parasites  de  l'homme,  etc. 

LANOOLFE,  princes  lombards  (V.  Lombârdie). 

LANDOLINA  (Saverio),  savant  italien,  né  à  Catane  le 
17  févr.  1743,  mort  en  1813.  Naturaliste  et  antiquaire 
distingué,  il  découvrit  en  1780,  dans  le  lit  de  l'Anapo, 
en  Sicile,  le  papyrus  des  anciens  Egyptiens  et  en  fit  fabri- 
ques, d'après^les  procédés  indiqués  par  Pline,  des  bandes 
de  papier,  qu'il  envoya  aux  principaux  musées  et  sociétés 
savantes  de  l'Europe.  Il  a  écrit  plusieurs  mémoires  épars 
dans  divers  recueils.  L.  S. 

LANDOLPHE  (Jean-François),  navigateur  français,  né 
à  Auxonne  le5  févr.  1747,  mort  àParis  le  13  juil.  1825. 
D'abord  mousse,  puis  capitaine  au  long  cours  en  1775,  il 
fut  ensuite  muni  de  lettres  de  marque  et  fit,  pendant  les 
hostilités  entre  la  Irance  et  l'Angleterre,  plusieurs  courses 
à  la  suite  desquelles  il  fut  admis  dans  la  marine  royale.  En 
1786,  il  alla  fonder  un  comptoir  sur  la  rive  gauche  du  Bé- 
nin. Les  Anglais,  jaloux  de  ses  succès,  cherchèrent  à  s'em- 
parer de  lui  traîtreusement;  il  n'échappa  qu'à  grand'peine 
et  son  comptoir  fut  brûlé.  Il  fut  secouru  par  les  indigènes, 
et  ce  ne  fut  que  six  mois  après  qu'il  put  quitter  le  pays 
sur  un  vaisseau  français,  qui  le  conduisit  à  la  Guadeloupe. 
Là,  il  aida  à  préserver  la  colonie  contre  les  attaques  des 
Anglais  et  desliègres.  Plus  tard,  dans  un  combat  qu'il  eut 
à  soutenir  contre  des  forces  anglaises,  il  fut  fait  prison- 
nier. Remis  en  liberté,  Landolphe  fut  nommé  capitaine  de 
frégate,  et  fit  des  campagnes  aux  Antilles  et  à  la  côte 
d'Afrique.  Il  retourna  à  son  ancien  établissement  et  s'ef- 
força de  ruiner  le  commerce  anglais  sur  cette  côte.  Il  s'em- 


LANDOLPHE  —  LANDORTHE 


880 


para  aussi  do  l'île  du  Prince,  dans  le  golte  de  Guinée. 
Durant  une  croisière  en  Amérique,  Landolphe  fut  de  nou- 
veau fait  prisonnier  par  les  Anglais  en  1800,  et  perdit 
dans  le  combat  un  coifre  qui  contenait  sa  fortune.  Quand 
il  fut  rendu  à  la  liberté,  ses  forces  ne  lui  permirent  plus 
de  naviguer.  Landolphe  a  laissé  un  récit  de  ses  voyages  qui 
a  été  publié  sous  ce  titre  :  Mémoires  con tenant  P his- 
toire des  voyages  du  capitaine  Landolphe,  pendant 
trente-six  ans^  aux  côtes  d'Afrique  et  aux  deux  Amé- 
riques, rédigés  sur  son  manuscrit  par  J.  -S,  Quesné 
(Paris,  1823,  2  vol.  in-8). 

LANDOLT  (Salomon),  peintre  et  magistrat  suisse,  né  à 
Zurich  le  10  sept.  1741 ,  mort  le  26  nov.  1818.  Après  avoir 
étudié  à  l'atelier  do  Le  Paon  à  Paris,  il  retourna  à  Zurich,  fut 
successivement  conseiller  municipal  de  cette  ville,  membre 
du  Grand  Conseil  cantonal,  puis  (1778)  bailU  de  Grei- 
tensee.  Lors  delà  Révolution,  il  prit  parti  pour  les  Russes 
et  les  Autrichiens,  servit  quelque  temps  (1799)  dans 
l'armée  de  l'archiduc  Charles,  et  à  son  retour  de  Souabe, 
où  il  avait  passé  quatre  années,  il  rentra  dans  les  charges 
publiques  et  finit  par  devenir  président  du  tribunal  de 
Wiedikon.  Ce  fut  sur  le  lard  seulement  qu'il  dut,  par  né- 
cessité, tirer  parti  de  son  talent  de  peintre.  On  a  de  lui 
quelques  tableaux  assez  incorrects  et  un  peu  étranges, 
mais  non  dénués  d'originalité,  qui  représentent  des  scènes 
de  guerre,  des  chasses  ou  des  paysages  helvétiques. 

LAN  DON,  125^  pape,  né  dans  la  Sabine,  élu  le  4  oct. 
913,  mort  le  25  avj'.  914.  Il  succédait  à  Anastase  Ilï; 
Jean  X  lui  succéda. 

LAN  DON  (Charles-Paul),  peintre  et  graveur  français, 
critique  et  éditeur  artistique,  né  à  Nonant  (Normandie)  en 
1760,  mort  à  Paris  le  6  mars  1826.  Il  étudia  dans  l'ate- 
lier de  Regnault,  remporta  le  prix  de  Rome  et  se  fit  remar- 
quer, sous  le  premier  Empire,  comme  peintre  de  genre.  Il  a 
acquis  de  la  réputation  par  ses  écrits  sur  l'art.  Il  fut 
peintre  du  duc  de  Berry,  correspondant  de  l'Académie  des 
beaux-arts,  conservateur  des  tableaux  du  musée  du  Louvre 
et  de  la  galerie  de  la  duchesse  de  Berry.  Il  a  pubUé  :  Ex- 
plication des  ouvrages  de  peinture  et  dessin,  sculpture, 
arcfiitecture  et  gravure  des  artistes  vivants,  exposés  au 
Muséum  central  des  arts  le  15  fructidor  an  IX  ;  An7iales 
du  Musée  et  de  l'Ecole  modernes  des  beaux-arts,  etc. 
(1801-8)  ;  Nouvelles  des  arts,  peinture,  sculpture, 
architecture  et  gravure  (1802-3)  ;  Précis  historique 
des  productions  des  arts.  Vie  des  œuvres  des  peintres 
les  plus  célèbres  de  toutes  les  écoles,  etc.  (1803  et  an- 
nées suiv.,  25  vol.  in- 4)  ;  Clioix  de  tableaux,  sculp- 
tures et  autres  objets  d'art  conquis  par  les  armées 
françaises  (1805-6);  Galerie  historique  des  hommes 
les  plus  célèbres  de  tous  les  siècles  et  de  toutes  les  na- 
tions (1805-11 ,  13  vol.  in-12)  ;  les  Antiquités  d'Athènes 
(1806-23);  Descriptions  de  Paris  et  de  ses  édifices 
(1806-19)  ;  Recueil  des  principaux  tableaux,  statues 
et  bas-reliefs  exposés  au  Louvre  depuis  i808  jusqu'à 
1831  ;  Annales  du  Musée  et  de  l'Ecole  moderne  des 
beaux-arts,  travail  en  9  vol.,  continué  par  Fabien  Pillet. 
Outre  ces  ouvrages  et  quelques  autres,  dont  Fénumération 
serait  trop  longue,  il  collabora  au  Jourîial  des  Arts,  des 
Sciences  et  de  la  Littérature,  fut  un  des  propriétaires  de 
la  Gazette  de  France,  où  il  rendit  compte  pendant  long- 
temps des  expositions  des  beaux-arts  et  expliqua  les  mo- 
numents qui  accompagnent  les  grandes  vues  pittoresques 
des  Principaux  Sites  et  monuments  de  la  Grèce  de 
Cassas  (Pans,  1812).  Challamel. 

LAN  DON,  architecte  et  écrivain  français,  né  à  Paris  le 
14  janv.  1791,  mort  en  1845.  Ayant  obtenu  en  1813  le 
deuxième  grand  prix  d'architecture  et,  en  1814,  le  premier 
grand  prix  sur  un  projet  de  bibliothèque-musée,  Landon 
collabora  avec  Legrand  à  la  Description  de  Paris  et  de 
ses  édifices  (1818,  2  vol.  in-8,  pi. ),  ouvrage  précieux  pour 
les  travaux  exécutés  à  Paris  sous  le  premier  Empire.  Nommé 
en  1820  architecte  du  dép.  de  l'Oise,  il  construisit  l'hôtel- 
Dieu  et  le  théâtre  de  Beauvais,  fit  des  travaux  de  répara- 


tions à  la  cathédrale  de  cette  ville  et  fit  élever  la  maison 
centrale  de  Clermont  (Oise).  Charles  Lucas. 

LANDON  (Letitia-Elizabeth),  femme  de  lettres  anglaise, 
née  à  Chelsea  en  1801,  morte  au  Cap  le  16  oct,  1838. 
Elle  connut  à  l'école  primaire  miss  Mitford  et  lady  Caro- 
line Lamb.  W.  Jordan,  qui  accueillit  ses  premiers  vers  à 
la  Literary  Gazette,  trouva  bientôt  en  elle  un  aide  que  sa 
nonchalance  lui  rendait  précieux.  Pendant  de  nombreuses 
années,  elle  édita  le  Dranmig  Scrap-Book,  sous  les  ini- 
tiales transparentes  L.  E.  L.  ;  ses  productions  en  vers  ou 
en  prose  figurent  dans  presque  tous  les  recueils,  annuaires 
et  keepsakes  du  temps.  On  a  encore  d'elle  plusieurs  vo- 
lumes de  romans.  Sa  beauté  et  quelques  imprudences,  dif- 
ficiles à  éviter  dans  son  milieu,  l'exposèrent  à  des  pour- 
suites et  à  des  calomnies  dont  elle  crut  se  délivrer  en 
épousant  un  officier  en  service  au  Cap,  George  Maclean 
(1838).  Elle  suivit  son  mari  dans  son  gouvernement  et  y 
mourut  la  même  année,  empoisonnée  par  de  l'acide  prus- 
sique  qu'elle  s'était  —  la  chose  est  du  moins  probable  — 
imprudemment  administré.  L.  Blanchard  publia  ses  œuvres 
inédites  :  Life  and  literary  remains  (1840),  et  W.-B. 
Scott,  The  Poetical  Works  (1873).  B.-H.  G. 

LANDOR  (Walter- Savage),  littérateur  anglais,  né  à 
Ipsley  Court  (Warwickshire)  le  30  janv.  1775,  mort  à 
Florence  le  17  sept.  1864.  Il  manifesta  dès  son  enfance  un 
caractère  difficile  et  violent,  en  même  temps  qu'un  goût 
très  vif  pour  les  études  classiques.  La  Révolution  française 
trouva  en  lui  un  admirateur  enthousiaste.  Ses  relations 
avec  son  père  et  le  reste  de  sa  famille  devinrent  tendues. 
Il  mena  dès  lors  une  vie  assez  instable,  tantôt  à  Londres, 
tantôt  dans  le  pays  de  Galles,  tantôt  en  France  (1802), 
d'où  il  revint  désenchanté  ;  puis  à  Oxford,  à  Bath,  à  Bris- 
tol, écrivant,  fréquentant  les  gens  de  lettres  et  les  sociétés 
httéraires,  faisant  des  dettes  et  mangeant  d'avance  l'héri- 
tage de  son  père,  qui  mourut  en  1805.  En  1808,  il  partit 
pour  aider  l'Espagne  à  secouer  le  joug  du  tyran  français. 
De  retour  en  Angleterre,  il  entreprit  de  vivre  en  gentil- 
homme campagnard,  à  Llanthony  Abbey,  dans  le  comté  de 
Monmouth,  et  épousa  Julia  Thuillier,  jeune  fille  sans 
fortune,  d'origine  suisse,  qu'il  avait  rencontrée  dans  un 
bal  à  Bath  (1811).  Il  ne  tarda  pas  à  s'engager  dans  des 
difficiillés  et  des  querelles  qui  l'obligèrent  à  vendre  sa 
propriété,  et  à  quitter  l'Angleterre.  Il  alla  d'abord  à  Jer- 
sey, où  sa  femme  ne  le  suivit  qu'à  contre-cœur,  et  enfin 
en  Italie.  Pendant  un  court  voyage  en  Angleterre  (1832) 
il  visita  ses  amis,  les  poètes  lakistes  Coleridge  et  Southey. 
Grâce  à  la  générosité  d'un  compatriote,  Mr.  Ablett,  il  pos- 
sédait à  Fiesole  la  villa  Gherardini.  Des  querelles  de  mé- 
nage l'engagèrent  à  y  laisser  sa  femme  et  à  revenir  seul 
en  son  pays  (1835).  Il  vécut  à  Bath  quelque  temps; 
mais  son  bon  sens  s'affaiblissait  de  jour  en  jour,  ne  lui 
laissant  plus  que  la  violence  de  son  tempérament.  Pour- 
suivi pour  diffamation  (1857),  il  se  réfugia  à  Florence,  où 
il  rencontra  Browning.  Poète  et  prosateur  d'un  talent 
original  et  vigoureux,  nourri  des  chefs -d'œflvre  clas- 
siques, mais  inégal  et  mal  pondéré,  Landor  occupe  ce- 
pendant une  place  remarquable  parmi  les  littérateurs 
anglais  de  ce  siècle.  Il  a  laissé  un  grand  nombre  d'écrits 
dans  tous  les  genres,  dont  beaucoup  ont  été  réunis  dans 
ses  Collected  Works,  publiés  en  1846  (2  vol.  in-8). 
Ses  œuvres  complètes  forment  8  vol.  (Londres,  1876  et 
suiv.).  B.-H.  G. 

LANDOR  (Robert-Eyres),  auteur  dramatique  anglais, 
né  en  1781,  mort  en  1869.  Frère  du  précédent,  il  entra 
dans  les  ordres  et  vécut  pasteur  de  la  paroisse  de  Nafford 
(Worcester).  Il  a  laissé  quelques  tragédies  remarquables. 
La  première,  Count  Arezzi  (1823),  fut  attribuée  à  lord 
Byron  et  eut  du  succès  jusqu'à  ce  qu'on  en  connût  le  vé- 
ritable auteur.  Il  a  aussi  écrit  quantité  de  poésies  dissé- 
minées dans  les  recueils,  et  quelques  opuscules  devenus 
très  rares.  B.-H.  G. 

LANDORTHE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
et  cant.  de  Saint-Gaudens  ;  404  hab. 


-  881  - 


LÂNDOS  —  LANDRIANO 


LAN  DOS.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Loire,  arr.  du 
Puy,  cant.  de  Pradelles;  4,274  liab. 

LANDOUMAN  ou  LADOUMA.  Peuplade  nègre  de  Séné- 
gambie,  occupant  la  région  comprise  entre  l'O.  du  Fouta- 
Djalon  et  le  \?oisinage  de  la  mer.  Leur  pays  est  arrosé  par  le 
rio  Nunez  ;  les  Landoumans  sont  les  voisins  des  Malous  et 
des  Bazas  à  FO.,  des  Tchiapéri-s  au  N,,  des  Sausousau  S. 
L'islam  qui  fait  de  grands  progrès  à  la  côte  occidentale  ne 
s'est  pas  encore  trop  répandu  chez  les  Landoumans  ;  ceux- 
ci  sont  restés  fétichistes  dans  leur  ensemble.  Mais  déjà  cer- 
taines parties  de  leur  territoire  sont  entamées  et  on  voit 
par  places  des  groupes  musulmans  se  substituer  aux  Lan- 
doumans qui  sont  refoulés  peu  à  peu  vers  la  côte.  Le  pays 
des  Landoumans  produit  du  riz,  du  mil,  de  l'arachide,  mais 
l'industrie  est  nulle.  Les  Landoumans  sont  d'ailleurs  pa- 
resseux, ivrognes  et  misérables.  D^  Rouire. 

LANDOUZY-LiV-CouR.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  et 
cant.  de  Vervins  ;  376  hab. 

LANDOUZY-LÂ-ViLLE.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de 
Vervins,  cant.  d'Aubenton  ;  1,288  liab. 

LANDOUZY  (Marc-Hector),  médecin  français,  né  à 
Epernay  le  6  janv,  1812,  mort  à  Reims  le  l®*"  mars  1864. 
Interne  des  hôpitaux  de  Paris  en  183o,  il  a  été  reçu  doc- 
teur en  1 839  et  est  allé  pratiquer  la  médecine  à  Reims, 
où  il  est  devenu  directeur  de  l'Ecole  de  médecine.  H  était 
correspondant  de  l'Académie  de  médecine.  On  lui  doit  plu- 
sieurs mémoires  sur  la  pellagre  (1860,  1863),  qu'il  n'hésita 
pas  à  aller  étudier  sur  place,  en  Espagne  et  en  Italie,  et 
il  soutint  avec  énergie,  malgré  l'opinion  régnante  d'alors, 
que  cette  affection  n'est  pas  due  exclusivement  à  l'usage  du 
maïs.  D^  A.  Bureau. 

LANDOUZY  (Louis-Joseph-Théophile),  médecin  français 
contemporain,  né  à  Reims  le  27  mars  1845,  fils  du  pré- 
cédent. Docteur  en  médecine  à  Paris  en  1876,  chef  de  cli- 
nique de  la  faculté  en  1877,  médecin  des  hôpitaux  en 
1879,  agrégé  de  la  faculté  en  1880  et  professeur  de  thé- 
rapeutique et  matière  médicale  en  1893.  Il  est  l'auteur  de 
plusieurs  mémoires  importants  :  Sur  la  Tuberculose  m- 
faniile  (1875-88)  ;  Sur  la  Myopathie  atrophique  pro- 
gressive (avec  M.  Déjerine,  1886)  ;  Sur  les  Paralysies 
dans  les  maladies  aiguës  (1880)  et  des  Recherches  sur 
les  causes  de  l'ataxielotomotrice  progressive  (1882).  — 
M.  Landouzy  a  été  nommé  membre  de  l'Académie  de  mé- 
cine  en  1893.  D'^  A.  Bureau. 

LANDQUART.  Rivière  de  Suisse,  dans  le  cant.  des  Gri- 
sons, formée  de  plusieurs  petits  affluents  qui  se  réunissent 
près  de  Davos.  Elle  coule  de  l'E.  à  l'O.  à  travers  la  longue 
vallée  du  Praettigau  et  se  jette  dans  le  Rhin,  près  d'un 
petit  village  qui  porte  le  même  nom. 

LANDRAIS.  Com.  du  dép.  de  la  Charente-Inférieure, 
arr.  de  Rochefort-sur-Mer,  cant.  d'Aigrefeuille  ;  679  hab. 
LANDRÉ-BEAuvAfs  (Augustin-Jacob),  médecin  français, 
né  à  Orléans  le  4  avr.  1772,  mort  à  Paris  le  26  déc.  1840. 
Il  étudia  à  l'école  de  santé  de  Paris  (1795)  et  devint  en 
1800  médecin  adjoint  à  la  Salpêtrière  ;  outre  ces  fonctions, 
dont  il  se  démit  en  1821,  il  était  encore  médecin  de  l'Ecole 
polytechnique  et  médecin  consultant  du  roi.  En  1823,  il  fut 
nommé  d'office  doyen  de  la  faculté  de  médecine  et  profes- 
seur de  chnique.  Il  se  retira  en  1830.  Son  meilleur  ouvrage 
est  :  Sëméiotique  ou  Traité  des  signes  des  maladies 
(Paris,  1809,  in-8  ;  plusieurs  éditions).  B"*  L.  Hn. 

LANDREAU  (Le).  Com.  du  dép.  de  la  Loire-Inférieure, 
arr.  de  Nantes,  cant.  du  Loroux-Bottereau  ;  2,016  hab. 

LANDRECIES.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Nord,  arr. 
d'Avesnes,  sur  la  Sambre  canalisée  ;  3,867  hab.  Stat.  du 
chem.  de  fer  du  Nord,  ligne  de  Paris  à  Maubeuge.  Blan- 
chisseries de  toiles,  brasseries,  corderies,  imprimeries, 
serrurerie  artistique,  corroirie,  tannerie,  teinturerie,  ver- 
rerie. La  ville  paraît  devoir  son  origine  à  un  château  que 
construisit  en  1140  Nicolas  d'Avesnes,  qui  concéda  divers 
privilèges  aux  habitants.  Cette  charte  de  coutume  fut  con- 
firmée en  1190  par  son  petit-fils,  Jean  d'Avesnes.  Depuis 
lors  la  ville  et  le  château  jouèrent  un  rôle  dans  la  plupart  des 

GRANDE    ENCYCLOPÉDIE.    —    XXI. 


nombreuses  guerres  qui  désolèrent  le  pays.  Saccagée  par 
Jean  de  Luxembourg  en  1423,  incendiée  pendant  la  lutte 
de  Louis  XI  contre  Marie  de  Bourgogne,  attaquée  en  1521 
par  le  duc  de  Vendôme,  en  1543  par  les  troupes  de 
Charles-Quint,  la  ville  fut  cédée  à  l'empereur  par  le 
traité  de  Crépy  (1544).  Elle  était  jusqu'alors  restée  dans 
la  maison  d'Avesnes;  un  échange  avec  le  duc  d'Arschot, 
seigneur  d'Avesnes,  la  fit  alors  rentrer  dans  le  domaine 
particulier  de  l'empereur.  Au  xvn®  siècle,  les  Français 
s'emparèrent  de  Landrecies  le  26  juil.  1637,  la  perdirent 
en  1647,  la  reprirent  sur  les  Espagnols  en  juil.  1655. 
Elle  fut  laissée  à  la  France  par  le  traité  des  Pyrénées.  Au 
siècle  suivant,  elle  était  assiégée  par  le  prince  Eugène, 
lorsque  la  victoire  de  Benain  la  dégagea.  Pendant  les 
guerres  de  la  Révolution,  elle  fut  occupée  par  le  prince 
d'Orange  en  1794  et  bientôt  reprise  par  Scherer.  En  1815, 
elle  fut  assiégée  par  le  général  de  Kraft  et  dut  capituler. 

Landrecies  est  demeurée  de  nos  jours  une  place  forte 
entourée  d'une  enceinte  bastionnée.  Elle  n'a  conservé  aucun 
monument  ancien.  L'église  moderne  renferme  le  tombeau 
du  maréchal  Clarke,  né  à  Landrecies  en  1765.  Sur  la  place 
s'élève  une  statue  de  Bupleix,  autre  enfant  de  Landrecies, 
œuvre  de  Fagel,  inaugurée  en  1888. 

LANDRECOURT.  Com.  du  dép.  delà  Meuse,  arr.  de 
Verdun-sur-Meuse,  cant.  de  Souilly  ;  208  hab. 

LANDREMONT.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Nancy,  cant.  de  Pont-à-Mousson  ;  245  hab. 

LANDRES.Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr.  de 
Briey,  cant.  d'Audun-le-Roman  ;  371  hab. 

LANDRES-et-Saint-Georges.  Com.  du  dép.  des  Ar- 
dennes,  arr.  de  Vouziers,  cant.  deBuzancy;  509  hab. 

LANDRESSE.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Baume- 
les-Bames,  cant.  de  Pierrefontaine  ;  386  hab. 

LANDRETHUN-le-Nord.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais, 
arr.  de  Boulogne,  cant.  de  Marquise;  594  hab.  Mines 
de  houille  de  la  concession  de  Ferques.  Carrières  de  pierres 
dites  de  Marquise.  Monuments  mégalithiques. 

LANDRETHUN-lez-Ardres.  Com.  du  dép.  du  Pas-de- 
Calais,  arr.  de  Saint-Omer,  cant.  d'Ardres  ;  569  hab. 

LAN D REVILLE.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  de  Bar- 
sur-Seine,  cant.  d'Essoyes  ;  1,314  hab. 

LAN  D  RI  (V.  Landry). 

LANDRIANl  (Paolo-Camillo),  dit  Diichino,  peintre  ita- 
lien, né  à  Milan  vers  1570,  mort  vers  1615.  Il  eut  pour 
maître  Ottavio  Semini,  et  dès  sa  jeunesse  Lomazzo  lui 
donna  place  dans  le  nombre  des  grands  peintres.  On  cite 
parmi  ses  tableaux  :  la  Nativité  (église  Sant'  Ambrogio), 
et  Saint  Martin,  saint  Dominique  et  sainte  Agnès 
(église  Sant'  Eustorgio), 

BiBL.  :  Lomazzo,  Idea  del  tempio  délia  Pittura  ;  Milan, 
lo90,  in-4.  —  Lanzi,   Storia  pitlorica  delV  Italia. 

LANDRIANl  (Marsiglio,  comte),  physicien  italien  du 
xvHi^  siècle,  natif  de  Milan.  On  sait  seulement  qu'il  occupa 
l'emploi  de  maréchal  à  la  cour  du  duc  de  Saxe-Teschen 
et  qu'il  résida  alternativement  en  Italie  et  à  Vienne,  où  il 
mourut  avant  1815.  11  était  correspondant  de  l'Académie 
des  sciences  de  Paris.  Le  Journal  de  physique  {ilS'2-9i), 
le  recueil  de  la  Société  italienne  (1782),  les  Annales  de 
chimie  (1791-97),  les  Abhandlungen  de  la  Société  des 
sciences  de  Prague  (1795),  le  Giornale  di  Fisica  (1816- 
20),  contiennent  d'intéressants  mémoires  de  physique,  de 
chimie  et  de  météorologie  dus  à  ce  savant.  Il  a  en  outre 
publié  à  part  :  Ricerche  fisiche  intorno  alV  aria  (Milan, 
1775,  in-4;  trad.  allem.  ;  Bâle,  1778)  ;  Opuscoli  Jisico- 
chimici  (Milan,  1781,  in-8)  ;  DeW  Utilita  del  condut- 
tori  electrici  (Milan,  1784,  in-8;  trad.  allem.  ;  Vienne, 
1786),  etc.  —  Il  ne  faut  le  confondre  ni  avec  Giovanni- 
Battista  Landriani,  auteur  d'une  Nova  Electricitatis 
Theoria  (Milan,  1755),  ni  avec  Paolo  Landriani,  pro- 
fesseur de  mathématiques  à  l'université  de  Milan,  mort 
en  1839.  l   S 

LANDRIANO.  Bourg  d'Italie,  à  16  kil.  N.-E.  de  Pavie 
(Lombardie)  ;  2,797  hab.  Le  comte  de  Saint-Pol  y  fut  battu 

56 


LaNDRIANO  -  LANDSEER  —  : 

par  l'Espagnol  Antoine  de  Leyva  (1528),  et  les  Français 
durent  évacuer  le  Milanais  à  la  suite  de  cette  défaite. 

LAN  D  RI  CHAMPS.  Com.  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de 
Rocroi,  cant.  de  Givet;  469  hab. 

LANDRICOURT.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de 
Laon,  cant.  de  Coucy-le-Château  ;  238  hab. 

LANDRlCOURT.Com.dudep.de laMarne,arr.  de  Vitry- 
le-François,  cant.  de  Saint-Rémy-en-Bouzemont  ;  219  hab. 

LANDRIN  (Armand-Pierre-Emile),  homme  politique 
français,  né  à  Versailles  le  19  mai  1803,  mort  à  Ver- 
sailles le  7  juil.  1859.  Avocat  dans  sa  ville  natale  avant 
1830,  il  se  fit  inscrire,  après  la  révolution  de  Juillet,  au 
barreau  de  Paris,  où  il  acquit  une  honorable  notoriété,  fut 
nommé  procureur  de  la  République  près  le  tribunal  de  la 
Seine  par  le  gouvernement  provisoire  (févr.  1848)  et  en- 
voyé quelque  temps  après  (23  avr.)  par  le  dép.  de  Seine- 
et-Oise  à  l'Assemblée  constituante,  où  il  demanda  des  pour- 
suites contre  Louis  Blanc  et  vota  avec  le  parti  républicain 
modéré.  Elu  conseiller  d'Etat  le  20  avr.  1849,  il  reprit  peu 
après  sa  place  au  barreau,  devint  sous  l'Empire  membre  du 
conseil  de  l'ordre  des  avocats  de  Paris  et  se  présenta  sans 
succès  aux  élections  législatives  de  1857  comme  candidat 
de  l'opposition  dans  la  circonscription  de  Versailles. 

LANDRIN  (Emile),  homme  politique  français,  né  à  Paris 
le  3  juil.  1841.  Ouvrier  ciseleur,  il  prit  une  part  active  au 
mouvement  socialiste  ;  secrétaire  de  la  commission  de  V In- 
ternationale (V.  ce  mot),  chargée  de  remplacer  le  bureau 
de  Paris  après  la  condamnation  de  ses  membres,  il  fut  lui- 
même  condamné  bientôt  à  trois  mois  de  prison.  Il  servit 
dans  les  compagnies  de  marche  de  la  garde  nationale  du- 
rant le  siège  de  Paris,  prit  une  part  active  au  mouvement 
communaHste  et  à  la  lutte  armée  jusqu'à  la  dernière  heure. 
Il  réussit  à  s'échapper  et  resta  en  exil  à  Londres  jusqu'en 
1883.  Rentré  alors  à  Paris  il  devint  en  1889  le  secrétaire 
du  Comité  révolutionnaire  central  (parti  blanquiste).  En- 
voyé au  Conseil  municipal  de  Paris  par  le  quartier  du  Père- 
Lachaise  à  la  place  de  Vaillant  lors  des  élections  complé- 
mentaires de  févr.  1894,  il  fut  nommé  secrétaire  de  cette 
assemblée  pour  1895-96. 

LANDROL  (Joseph- Alexandre),  acteur  français,  né  le 
27  juin  1828,  mort  à  Paraméle  16  août  1888.  Son  père, 
qui  avait  été  capitaine  de  cuirassiers,  avait  quitté  l'état 
militaire  pour  s'adonner  au  théâtre,  et,  après  s'être  fait  re- 
marquer à  Bordeaux,  avait  été  engagé  à  la  Renaissance, 
d'où  il  était  passé,  en  1840,  au  Gymnase.  C'était,  dans  le 
genre  du  vaudeville,  l'une  des  plus  plaisantes  «  ganaches  » 
que  l'on  pût  voir.  Il  mourut  en  1851.  Alexandre  Lan- 
drol  commença  sa  carrière  sur  les  petites  scènes  de  la  ban- 
lieue de  Paris,  fut  ensuite  engagé  à  Rouen,  puis,  en  18^6, 
vint  débuter  au  Gymnase  aux  côtés  de  son  père.  Il  devait 
y  rester  quarante-deux  ans  ;  dans  les  dernières  années  de 
son  service,  il  joignait  les  fonctions  de  régisseur  général 
à  son  lourd  travail  scénique.  Landrol  n'a  pas  établi  moins 
de  195  rôles,  tout  en  en  reprenant  143  dans  les  pièces  du 
répertoire.  Une  telle  énumération  serait  impossible,  mais 
on  peut  citer,  parmi  ses  dernières  et  meilleures  créations, 
celles  qu'il  fit  dans  Un  Roman  parisien,  Serge  Panine^ 
le  Maître  de  forges^  Autour  du  mmiage,  Monsieur  le 
ministre,  le  Prifice  Zilah,  le  Bonheur  conjugal,  la 
Comtesse  Sarah^  etc.  A.  Pougin. 

LANDRY.  Com.  du  dép.  de  la  Savoie,  arr.  de  Moùtiers, 
cant.  d'Aimé;  504  hab. 

LANDRY,  évêque  de  Paris  au  vii*^ siècle.  L'abbé  Lebeuf 
a  publié  sur  ce  personnage,  au  t.  II  de  ses  Dissertations 
sur  l'histoire  ecclésiastique  et  civile  de  Paris  (pp.  xxiii- 
xcix),  un  mémoire  étendu  dont  le  titre  résume  suffisamment 
les  conclusions  :  «  Dissertation  contre  MM.  de  Valois  et 
Sauvai  où  l'on  assure  à  l'éghse  de  Paris  un  saint  évêque 
du  nom  de  Landry,  en  convenant  que  son  culte  a  commencé 
assez  tard.  Examen  de  l'origine  de  ce  culte  et  de  la  lé- 
gende de  ce  saint,  pour  suppléer  au  peu  que  les  Bollan- 
distes  en  ont  dit.  Preuves  qu'il  y  a  eu  au  vu®  siècle  un 
autre  saint  Landry,  qui  a  exercé  Toffice  de  corévêque  dans 


les  diocèses  de  Paris  et  de  Meaux  et  que  c'est  à  lui  plus 
vraisemblablement  que  Marculfe  dédia  son  recueil  de  for- 
mules. »  On  ne  connaît  que  deux  chartes  signées  par 
l'évêque  Landry  :  l'une,  douteuse,  de  652;  l'autre,  de  653  ; 
toutes  deux  ont  été  publiées  en  dernier  lieu  par  M.  de  Las- 
teyrie  dans  le  Cartulaire  général  de  Paris  (1, 12  et  16). 

LANDRY  (Pierre),  peintre,  graveur  et  éditeur  français, 
né  à  Paris  vers  1630,  mort  à  Paris  le  11  déc.  1701.  Très 
bon  buriniste,  il  exécuta  des  estampes  religieuses  d'après 
Annibal  Carrache,  Fr.  Albano,  le  Titien,  etc.,  et  un  cer- 
tain nombre  de  portraits  des  personnages  du  temps,  parmi 
lesquels  :  Louis  XIV,  Louis  de  Bourbon,  prince  de 
Conte,  le  Marquis  de  Louvois,  11  y  a  encore  à  signaler  de 
sa  main  une  grande  planche,  fort  rare  :  l'Arbalétrier.  Son 
nom,  comme  éditeur,  se  trouve  aussi  sur  des  thèses  et  des 
almanachs  d'un  très  grand  format.  G.  P-i. 

LANDRY  (Jean-Baptiste-Octave),  médecin  français,*né 
à  Limoges  le  10  oct.  1826,  mort  à  Auteuil  en  oct.  1865. 
n  s'occupa  de  bonne  heure  de  la  pathologie  du  système  ner- 
veux et  chercha  surtout  à  débrouiller  le  difficile  chapitre  des 
paralysies.  Reçu  docteur  en  1854,  il  devint  peu  après  mé- 
decin del'établissement  hydrothérapiqued'Auteuil.  Ouvrages 
principaux  :  Recherches  sur  les  causes  et  les  indications 
curatives  des  maladies  nerveuses  (Paris,  1855,  in-8); 
Traité  complet  des  mralysies  (Paris,  1859,  in-8,  t.  l', 
seul  paru).  j)v  i^  jjn. 

LAN  DS  End  (Cap)  (V.  Grande-Bretagne,  t.  XIX,  p.  151). 

LANDSCHAFT(V.  Constitution,  t.  XII,  p.  700). 

LAN  DSEER.  Famille  d'artistes  anglais,  composée  de  John 
et  de  ses  trois  fils,  Thomas,  Charles  et  Edwin-Henry. 

John  Landseer,  graveur,  né  à  Lincoln  en  1769,  mort 
à  Londres  le  29  févr.  1852.  Elève  de  Byrne,  il  a  exé- 
cuté d'un  burin  large  et  ferme  de  nombreuses  vignettes, 
entre  autres  pour  des  Bibles,  une  Histoire  d'Angleterre, 
le  Temple  de  Flore  de  Thornton  (1805  et  suiv.),  la  ga- 
lerie du  marquis  de  Stafford  (1818)  et  d'après  West  et 
son  fils  Edwin.  Il  a  professé  l'art  par  des  conférences  et 
des  écrits.  Parmi  ceux-ci  plusieurs  essais  d'érudition,  illus- 
trés de  sa  main,  sur  des  hiéroglyphes  chaldéens  et  des 
pierres  gravées  antiques. 

Thomas,  graveur,  né  à  Londres  en  1794,  mort  à  Saint- 
Johns  Wood  le  20  janv.  1880,  l\  se  fit  remarquer  par 
une  curieuse  série  de  caricatures  intitulée  Monkeyana 
or  men  in  miniatures  designed  (1827),  donna  ensuite  : 
Characteristic  Sketches  of  animais  (Londres,  1832, 
8  vol.);  Tiger  hunting^  (1836),  de  nombreuses  et  belles 
planches  d'après  son  frère  Edwin,  la  Foire  aux  chevaux 
de  Rosa  Bonheur,  etc. 

Charles,  peintre,  né  à  Londres  en  1799,  mort  à  Lon- 
dres le  22  juil.  1879.  Elève  de  son  père  et  de  l'Académie 
royale  (1816)  dont  il  devint  membre  en  1845  et  conser- 
vateur de  1851  à  1873.  Ses  principaux  tableaux  sont  : 
V Assaut  de  Basing  House  (1839,  Galerie  nationale); 
Pillage  d'une  maison  juive  au  temps  de  Richard  P^ 
(Galerie  nationale)  ;  Andrew  Marwell  (à  South  Kensins- 
ton),  etc. 

Edwin-Henry,  peintre,  né  à  Londres  le  7  mars  1802, 
mort  le  l^^oct,  1873.  Elève  de  son  père,  puisde  l'Académie 
royale,  où  il  exposa  à  quinze  ans  une  Chienne  d'arrêt  et  son 
petit.  Les  mœurs  des  chiens  l'avaient  intéressé  dès  l'en- 
fance, et  il  suivait  les  chasses  en  faisant  des  croquis  ra- 
pides. Afin  de  mieux  apprendre  l'anatomie  des  animaux, 
il  se  mit  à  en  disséquer,  notamment  des  Hons.  Plus  tard 
il  a  modelé  ceux  de  Trafalgar  Square,  d'ailleurs  froids  et 
conventionnels.  La  spécialité  dans  laquelle  il  excella  le  ren- 
dit dès  vingt  ans  célèbre  dans  un  pays  passionné  pour  les 
animaux.  Après  son  Combat  de  chiens  (1819),  il  acquit 
une  réputation  considérable  par  ses  Chiens  du  Saint- 
Bernard  (1820).  Elargissant  son  genre  en  1825,  il  exposa 
le  portrait  de  Lord  Cosmo  Russell  enfant,  galopant  sur 
un  petit  poney  hérissé,  qui  lui  valut  le  titre  d'associé  de 
l'Académie  royale,  dont  il  devint  membre  en  1831 .  L'Ecosse 
lui  fournit,  à  partir  de  1826,  un  vaste  champ  d'études  avec 


-  883 


LANDSEER  -  LANDTAÛ 


ses  moutons,  ses  daims,  ses  chiens  de  berger,  ses  bêtes  à 
cornes.  Il  y  trouva  le  sujet  de  son  Départ  du  bétail  des 
Highlands  pour  le  Sud^  vaste  composition  trop  touffue, 
mais  dont  le  défaut  d'unité  est  racheté  par  la  valeur  de 
chaque  détail.  Etudes  d'animaux  isolés  et  sujets  où  ils  jouent 
le  rôle  principal  ont  été  popidarisés  par  la  gravure.  Nom- 
breuses sont  ses  œuvres  à  la  Galerie  nationale  et  au  musée 
de  Kensington.  Bien  que  le  succès  lui  eût  souri  prématu- 
rément et  que  la  faveur  des  grands  lui  fût  acquise,  notam- 
ment celle  toute  particulière  de  la  reine,  Landseer  ne  gagna 
de  l'argent  qu'à  la  fin  de  sa  carrière.  En  pleine  maturité 
il  fut  atteint  de  graves  troubles  nerveux  causés  par  l'excès 
de  travail  (il  a  peint  un  millier  de  tableaux),  une  extrême 
sensitivité  lui  rendant  la  critique  insupportable  et  une 
surexcitation  fébrile  constitutionnelle  lui  ayant  usé  le  tem- 
pérament. Dès  lors  sa  facture  faiblit,  et  il  eut  une  ten- 
dance au  maniérisme.  De  l'ébranlement  profond  que  lui 
causa  en  4868  un  accident  de  chemin  de  fer,  il  ne  se  remit 
jamais,  et  cessa  presque  complètement  de  produire  jusqu'à 
sa  mort,  ayant  pourtant  cette  année-là  exposé  l'ébauche 
d'un  portrait  de  la  reine,  qui  fut  son  dernier  ouvrage.  Il 
avait  été  créé  baronnet  en  4850  et  avait  refusé  la  prési- 
dence de  l'Académie  royale.  Les  plus  grands  honneurs 
furent  rendus  à  sa  mémoire  et  il  est  enseveli  dans  la  cathé- 
drale Saint-Paul.  Pendant  cinquante  ans  il  avait  habité 
la  même  maison,  entouré  en  guise  de  famille  de  toute  une 
ménagerie  sans  cesse  renouvelée.  Parmi  ses  œuvres  on 
peut  citer  :  Pietour  de  chasse  (48ii7)  ;  Walter  Scott  et 
ses  chiens  {\  833)  ;  Singe  et  Chat  ;  Chien  de  chasse 
dormant  (4835);  Chasse  à  courre  (4858);  la  Paix  et 
la  Guerre  (Galerie  nationale)  ;  Cyg7ies  saisis  par  des 
aigles  ;  P Homme  propose  et  Dieu  dispose  (ours  sur  les 
épaves  d'un  navire)  ;  la  Défaite  de  Cornus  (fresque  au 
palais  Buckinghara,  4843,  d'ailleurs  médiocre)  ;  des  scènes 
des  Highlands,  le  Songe  d'une  nuit  d'étés  un  Dialogue 
à  Waterloo  (Wellington  visitant  le  champ  de  bataille  avec 
sa  belle-fille)  ;  etc.  En  4866  il  modela  un  Cerf  au  milieu 
des  chiens  (bronze).  Enfin  il  a  gravé  47  planches. 

Il  n'est  pas  d'animalier  peut-être  ayant  aussi  bien  com- 
pris que  Landseer  le  caractère  et  les  mœurs  de  ses  modèles 
aussi  bien  que  leur  structure.  Tous  ses  sujets  sont  d'un 
sentiment  très  vif,  soit  pathétique,  soit  comique.  Il  avait 
l'invention  fertile,  parfois  trop  ingénieuse,  avec  un  excès 
d'esprit  :  ainsi  à  la  Galerie  nationale  son  terre-neuve  dé- 
signé sous  le  titre  :  Un  Membre  distingué  de  la  Société 
de  sauvetage^  ou  bien  son  gros  dogue  et  son  terrier  d'ap- 
partement, Dignité  et  Impudence.  Au  point  de  vue  tech- 
nique, son  dessin  pur  et  juste,  son  exécution  large  et  souple, 
sa  touche  légère  et  facile  sont  sans  reproches,  mais  il  pèche 
souvent  par  une  couleur  lourde,  terne  et  plombée.  Il  a  laissé 
des  mémoires  édités  par  Stephens  (nouv.  éd.,  4873). 

BiBL.  :  Stephens,  Sir  Edwin  Landseer;  Londres,  1880. 

LANDSER  {Landisera,  4246).  Ch.-i.  de  cant.  de  la 
Haute- Alsace,  arr.  de  Mulhouse,  à  44  kil.  S.-E.  de 
Mulhouse;  385 hab.  Landser,  autrefois  petite  ville,  possé- 
dait un  château  et  un  couvent  de  capucins,  et  était  le  siège 
d'une  seigneurie,  fief  des  landgraves  de  la  Haute-Alsace. 

LANDSHUT.  Ville  de  Bavière,  ch.-l.  de  la  province  de 
Basse-Bavière,  surPIsar;  49,000  hab.  Elle  comprend  la 
vieille  ville,  la  ville  neuve  et  quatre  faubourgs  ;  il  y  sub- 
siste beaucoup  de  maisons  et  monuments  anciens  :  l'église 
Saint-Josse  (de  4338),  celle  du  Saint-Esprit  (1407-64), 
de  Saint-Martin  (4407-77),  avec  sa  tour  de  433  m.  et 
ses  minces  piliers  dont  le  diamètre  réduit  à  0^87  exa- 
gère la  hauteur  de  la  nef  ;  c'est  une  des  œuvres  les  plus 
audacieuses  de  l'art  gothique  ;  l'ancien  couvent  des  Do- 
minicains (fondé  en  4274);  la  Porte  (vieilles  fresques); 
le  monument  de  Louis  le  Riche  ;  auprès  de  la  ville,  le  châ- 
teau (restauré)  de  Trausnitz  renferme  des  fresques  allé- 
goriques du  XVI®  et  du  xvii*'  siècle.  Sur  l'autre  rive  de 
l'Isar,  le  couvent  de  femmes  de  Seligenlhal  renferme  les 
tombeaux  des  ducs  de  Basse-Bavière.  Le  commerce  de 
Landshut  est  assez  actif,  particulièrement  pour  les  céréales. 


et  ses  foires  (Dulten)  sont  fréquentées.  —  La  ville  a  été 
fondée  par  le  duc  Otton  de  Wittelsbach,  agrandie  par  son 
fils  Louis  l«^,  qui  bâtit  le  château  de  Trausnitz  (4232).  Ce 
fut  de  4204  à  4506  la  capitale  d'un  des  duchés  de  Ba- 
vière (V.  ce  mot).  Celte  place  forte  joua  un  certain  rôle  dans 
les  guerres  du  xvii*^  et  du  xvni'^  siècle,  fut  prise  plusieurs 
fois  durant  la  guerre  de  Trente  ans  par  les  Suédois,  par 
les  Autrichiens,  etc.  Le  46  avr.  4809,  les  Autrichiens  y 
défirent  les  Bavarois,  mais,  cinq  jours  après,  ils  furent  bat- 
tus par  les  Français.  En  4800,  l'université  d'Ingolstadt 
fut  transférée  à  Landshut,  mais,  en  4826,  elle  le  fut  à  Mu- 
nich. A.-M.  B. 

BiBL.  :  Kalcher,  Fûhrer   durch  Landshut  ;  Landshut, 
1887,  2«  éd.  —  Staudenraus,  Chronik  der  Stadt  Land- 
shut ;  Landshut,  1832,  3  vol,  —  Wiesend,  Topographische 
Geschichte  von  Landshut^  1858. 
LANDSKNECHT  (V.  Lansquenet). 

LÂNDSKRON.  Ville  de  Bohême,  sur  un  embranchement 
du  ch.  de  1er  d'Oimutz  à  Bœhmisch-Trubau  ;  5,400  hab. 
Manufacture  de  tabac,  cotonnades,  tapis,  etc. 

LANDSKRON.  Château  sur  une  ramification  du  Blauen, 
l'un  des  chaînons  du  Jura  suisse,  à  la  frontière  delà  Suisse 
et  de  TAlsace.  Après  avoir  appartenu  à  une  famille  noble 
de  ce  dernier  pays,  qui  fit  la  guerre  aux  Suisses  et  dont  le 
dernier  rejeton  fut  tué  à  la  bataille  de  Saint-Jacques  en 
4444,  il  passa  avec  l'Alsace  à  la  France,  fut  fortifié  sous 
Louis  XIV  et  servit  quelque  temps  de  prison  d'Etat.  Il  fut 
détruit  lors  de  la  première  invasion  des  alliés  en  France. 
Ses  ruines,  qui  couronnent  un  monticule  en  forme  de  cône, 
s'aperçoivent  de  loin  et  offrent  un  très  beau  coup  d'oeil 
sur  le  Jura,  l'Alsace  et  les  Vosges. 

LAN  DSKRONA.  Ville  maritime  de  Suède,  Isen  de  Malmœ, 
sur  un  promontoire  riverain  du  Sund  ;  42,000  hab.  Bon 
port  ;  constructions  navales  ;  raffinerie  de  sucre ,  fon- 
derie de  fer,  cuirs,  lainages,  etc.  Importation  de  sucre, 
houille,  sel,  machines;  exportation  de  grains  et  farines 
(vers  l'Angleterre),  bois,  bétail,  etc.  Les  entrées  dépassent 
200,000  tonnes.  Fondée  en  4440  par  des  moines  carmé- 
lites allemands,  elle  fut  longtemps  fortifiée.  Lel4juil.  1677, 
les  Suédois  y  vainquirent  les  Danois.  La  citadelle,  bâtie  dans 
l'île  Graeen,  a  été  rasée  en  4870. 

LANOSMANNSCHAFT.  Nom  des  plus  anciennes  asso- 
ciations d'étudiants  des  universités  allemandes  (V.  Uni- 
VEusiîÉ  et  Etudiant). 

LANDSTAO  (Magnus-Brostrup),  poète  norvégien,  né  à 
Maasœ  en  1802,  mort  à  Christiania  en  4880.  Fils  d'un 
pasteur  de  campagne,  il  fit  toutes  ses  études  dans  la  mai- 
son paternelle  jusqu'à  son  entrée  à  l'université,  où  il  s'ins- 
crivit à  la  faculté  de  théologie.  Précepteur  d'abord,  puis 
pasteur  en  divers  endroits,  il  garda  de  son  éducation  pre- 
mière un  goût  très  vif  pour  la  nature  et  pour  la  poésie  po- 
pulaire, que,  mieux  que  d'autres,  il  pouvait  comprendre.  En 
1876,  il  prit  sa  retraite  et  vint,  l'année  suivante,  s'établir 
à  Christiania,  où  il  passa  les  dernières  années  de  sa  vie. 
Son  œuvre  la  plus  importante  est  un  Recueil  de  chansons 
et  mélodies  populaires  norvégiennes  (Norske  folkviser, 
4853),  dans  lequel  il  reproduit  les  chansons,  telles  qu'il  les 
a  entendues  de  la  bouche  des  paysans,  avec  leurs  particu- 
larités dialectales.  Landstad  s'est  occupé  aussi  activement 
de  la  publication  du  Livre  des  psaumes  de  P église  de  Nor- 
vège (Kirkesalmebog,  4869)  qui  a  été  adopté  dans  la  plu- 
part des  éghses  du  pays.  Depuis  il  a  fait  paraître  un  vo- 
lume de  Chants  et  Poésies  (4878)  et  quelques  autres 
œuvres  de  joindre  importance.  Th.  C. 

LANDSTHIN6.  Nom  de  la  Chambre  haute  en  Danemark 
(V.  CoNSTiTUTmN,  t.  Xn,  p.  687). 

LAND8THUL.  Ville  de  Bavière,  prov.  du  Palatinat  rhé- 
nan ;  3,800  hab.  Située  au  croisement  des  ch.  de  fer  de 
Neunnkirchen  à  Worms  et  àKusel,  elle  possède  des  carrières. 
A  l'E.  sont  les  ruines  du  château  où  périt  Franz  de  Sickin- 
gen,  succombant  sous  la  coalition  des  princes  (4523). 

LANDSTURIVI  (V.  Armée). 
,   LA  N  DTAG.  Ce  mot  correspond  au  terme  français  à' Etats ^ 
désignant  les  assemblées  périodiques  des  représentants  du 


LANDTAG  —  LANE  —  884  — 

peuple  ou  des  diverses  classes  sociales  ;  il  désigne  aussi  bien 
les  Etats  provinciaux  que  ceux  de  l'Etat  entier.  On  trouvera 
des  détails  sur  le  Landtag  des  pays  allemands  dans  l'art. 
Constitution.  En  Autriche,  le  Landtag  désigne  la  représen- 
tation parlementaire  de  chacun  des  pays  de  la  couronne,  par 
opposition  à  l'assemblée  représentative  de  l'ensemble  de  la 
monarchie. 

LANDTMARSKALK,  grand  maréchal  de  la  Diète,  titre 
que  le  président  de  l'ordre  équestre  et  nobiliaire  portait 
en  Suède  au  temps  de  la  Diète  des  Etats  (Stâ7id-Riksdag), 
et  qu'il  porte  encore  en  Finlande  dans  la  Diète  actuelle 
(Landtdag).  —Emprunté  à  l'Allemagne,  ce  titre  apparaît 
en  Suède  en  1625;  les  fonctions  du  landtmarskalk  sont 
déterminées  par  la  loi  organique  de  l'ordre  équestre  {rid- 
darlius-ordning),  de  1626.  Choisi  par  le  roi  pour  chaque 
Riksdag,  le  landtmarskalk  devait  convoquer  l'ordre,  lui 
faire  connaître  les  propositions  du  roi,  conduire  les  délibé- 
rations, recueillir  les  votes,  veiller  à  la  rédaction  des  déci- 
sions, et  les  faire  exécuter  quand  le  roi  les  avait  sanction- 
nées ;  il  était  aussi  le  porte-parole  de  son  ordre.  —  Pendant 
r  «  ère  de  la  hberté  »  (1719-81),  le  landtmarskalk  passa 
à  la  nomination  de  la  noblesse  même  :  encore  fallut-il,  pour 
être  nommé,  être  né  Suédois,  appartenir  à  la  religion  évan- 
gélique,  avoir  droit  de  siège  et  de  vote  à  la  Chambre  des 
chevaliers.  Le  plus  illustre  de  ceux  qui  portèrent  alors  le 
bâton  de  grand  maréchal  de  la  Diète  fut  Arvid  Horn.  —  La 
constitution  de  d  772  rendit  à  la  royauté,  avec  ses  autres 
prérogatives,  le  droit  de  nommer  le  landtmarskalk,  droit 
qui  lui  fut  maintenu  par  la  constitution  de  1809  et  par  la 
loi  organique  du  Riksdag  de  1810.  En  cas  d'empêchement 
du  landtmarskalk,  le  membre  le  plus  élevé  de  l'ordre  de- 
vait le  suppléer  d'office.  Le  landtmarskalk  était  appelé  à 
présider  aussi  les  assemblées  générales  des  quatre  ordres 
réunis,  qui  furent  autorisées  depuis  le  Riksdag  de  1856-58. 
—  Par  la  loi  organique  du  Riksdag  de  1866,  le  titre  de 
landtmarskalk  disparut  en  Suède. 

En  Finlande,  le  landtmarskalk  a  mêmes  attributions  que 


suédois 


est  choisi 


celles  de  l'ancien  landtmarskall* 

par  le  prince  ré- 
gnant, lequel  désigne 

également   le   vice- 

landtmarskalk. 
Gaston  Lévy. 
LANDUDEC.Com. 

dudép.  du  Finistère, 

arr.    de  Quimper, 

cant.  de  Plogastel- 

Saint-Germain  ; 

1,380  hab. 
LANDUJAN.Com. 

du  dép.  d'IUe-et- Vi- 
laine, arr.  de  Mont- 

fort-sur-Meu,    cant. 

de    Montauban  ; 

1,083  hab. 

LANDUNVEZ. 

Corn,    du    dép.    du 

Finistère ,    arr.    de 

Brest,  cant.  de  Ploudalmézeau  ;  1,633  hab.  Petit  port  à  3  kil. 

à  l'O.-S.-O.,  sur  la  Manche,  au  village  d'Argenton.  C'est  là 

que  se  trouve  la  limite  conventionnelle  de  la  Manche  et  de 
l'Atlantique,  marquée  par  un  rocher,  le  Four,  situé  vis-à-vis, 
à  3  kil.  au  large;  un  phare  y  est  élevé.  Fabrique  de  soude; 
pêche.  Poste  sémaphorique.  —  Sur  le  territoire  de  la  com- 
mune, église  collégiale  de  Kersaint  (xv^  siècle),  but  de 
pèlerinage  ;  ruines  du  château  de  Trémazan  (xiii®  siècle)  ; 
Tanneguy  du  Châtel,  favori  de  Charles  VII,  y  naquit.  Dol- 
men et  menhir  d'Argenton  (mon.  hist.).  C.  Del. 
LANDWEHR  (V.  Armée). 

LANDZÉCOURT.  Corn,  du  dép.  de  la  Meuse,   arr.  et 
cant.  de  Montmédy;  76  hab. 

LANE  (La).  Rivière  de   France  (V.  iNDKK-ET-LomE, 
t.  XX,  p.  742). 


LANE  (Sir  Ralph),  marin  anglais,  mort  à  Dublin  en 
oct.  1603.  Il  prit  part  à  l'expédition  de  Richard  Gren- 
ville  dans  l'Amérique  du  Nord  (1585).  Une  colonie  fut 
fondée  sur  la  côte  de  la  Caroline  du  Nord,  et  nommée  la 
Virginie.  Lane  en  fut  nommé  gouverneur,  mais  les  colons 
tombèrent  bientôt  dans  une  épouvantable  misère  et  Francis 
Drake  dut  les  rapatrier  en  1586.  Lane  fut  employé  ensuite 
à  la  défense  des  côtes,  prit  part  à  diverses  expéditions  sur 
les  côtes  du  Portugal  et  contribua  à  la  répression  de  la 
rébellion  d'Irlande  en  1594.  11  avait  été  créé  baronnet 
en  1593.  R.  S. 

LANE  (Jane),  héroïne  anglaise,  morte  le  9  sept.  1689. 
Elle  est  célèbre  par  le  courage  et  le  sang-froid  qu'elle 
déploya  pour  sauver  Charles  II  après  la  bataille  de  Wor- 
cester  (1651).  Déguisé  en  domestique,  il  la  prit  en  croupe 
et  gagna  à  cheval  Abbots  Leigh,  puis  Trent,  d'où  il  put 
passer  en  France.  Elle  vint  à  Paris  un  mois  après  l'arrivée 
du  roi  et  fut  bien  reçue  à  la  cour.  Puis  elle  entra  au  ser- 
vice de  la  princesse  d'Orange.  A  la  Restauration,  elle  reçut 
une  pension  et  épousa  sir  Clément  Fisher.  On  a  son  por- 
trait par  Lely.  R.  S. 

LANE  (Richard-James),  £fraveur  anglais,  né  en  1800, 
mort  le  21  nov.  1872.  Elève  de  Heath,  il  excella  dans  la 
lithographie.  Parmi  ses  planches  d'un  fini  très  déhcat,  une 
série  de  croquis  de  Gainsborough  (dont  il  était  petit-neveu) 
et  de  Lawrence.  Lithographe  de  la  cour,  il  a  reproduit  aussi 
les  nombreux  portraits  de  la  famille  royale  d'après  Win- 
terhalter.  Possédant  une  large  connaissance  des  choses  de 
l'art,  il  a  tenu  avec  distinction  l'emploi  de  professeur  d'eau- 
forte  au  musée  de  Kensington.  A.  de  B. 

LANE  (Edward- William),  philologue  anglais,  né  à 
Hertford  le  17  sept.  1801,  mort  le  10  août  1876.  Il 
séjourna  longtemps  en  Egypte  (1825-28,  1833-35  et 
1842-49)  et  y  recueillit  les  matériaux  d'ouvrages  qui 
ont  rendu  son  nom  célèbre  :  Account  ofthe  nianners  and 
customs  of  the  modem  Egyptians  (Londres,  1836, 
2  vol.),  une  traduction  excellente  des  Mille  et  une  Nuits 
(1838-40)  enrichie  de  notes  précieuses  qui  ont  été  rééditées 

à  part  sous  le  titre 
de  :  Arabian  So- 
ciety in  the  Middle 

^.  Ages, -par  P.  Lane- 

-  r.;'- -  :w^'^  Poole  (  1883  )  ;  5^- 

-" — ::!_.-    -    --    -_  lections   from   the 

Kur-an  (1843),  un 
monnmentdil  Ara  bic- 
English   Lexicon 
édité   aux   frais   du 
duc  de  Northumber- 
land  (1863-92);  en- 
fin une  Description 
de  VEgypte,  illus- 
trée de  101  dessins 
à  la    sépia  qui   est 
jusqu'ici  demeurée  en 
manuscrit  (British 
Muséum)  à  cause  des 
frais  énormes  qu'en- 
traînerait sa  publication.  Lane  avait  été  élu  membre  cor- 
respondant de  l'Académie  des  inscriptions  en  1864.  R.  S. 
BiBL.  :  s.  Lane-Poole,  Life  of  Edward-William  Lane; 
Londres,  1877. 

LAN  E-PooLE  (Stanley),  orientaliste  anglais,  né  à  Londres 
le  18  déc.  1854,  petit-neveu  du  précédent.  Il  est  l'auteur 
de  travaux  remarquables  sur  la  numismatique,  dont  les 
principaux  sont  :  Essays  in  Oriental  Numismatics 
(1872-1877,  2  vol.);  Coins  of  the  Urtuki  Turkomans 
(1875);  Coi7is  and  Medals  their  place  in  History  and 
Art  (1885).  Citons  encore  de  lui  :  le  Koran,  sa  poésie 
et  ses  lois  (1882),  dans  la  Bibliothèque  elzéviriemie ; 
Social  Life  in  Egypt  (1883);  The  Art  of  the  Sara- 
cens  (1886);  The  Moors  in  S  pain  (1886);  Turkey 
(1888);  Ihe  Barbary  Corsairs  (1890),  une  important 


Ruines  du  château  de  Trémazan. 


—  885 


LANE  —  LANFKANC 


Life  of  Stratford Canning  (1888,  2  vol.)  et  ses  Cata- 
logue of  the  Mohammedan  Coins  in  the  Bodleia7i  li- 
brary  (1888),  et  Catalogue  of  the  Oriental  and  Indian 
Coins  in  the  British  Muséum  (187o--90,  12  vol.),  ce 
dernier  couronné  par  notre  Académie  des  inscriptions. 

LANÉRIA.  Corn,  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Lons-ie-Sau- 
nier,  cant.  de  Saint-Julien;  56  hab. 

LANESPÈDE.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr. 
de  Tarbes,  cant.  de  Tournay  ;  405  hab. 

LANESSAN  (Jean-Marie-Antoine  de),  homme  politique 
et  naturaliste  français  contemporain,  né  à  Saint-André-de- 
Cubzac  (Gironde)  le  13  juil.  1844.  Il  commença  ses  études 
de  médecine  à  Bordeaux,  puis  entra  dans  le  service  de  la 
marine  en  1862  et  passa  huit  années  sur  le  littoral  occi- 
dental de  l'Afrique  et  sur  les  côtes  de  la  Cochinchine.  Au 
début  de  la  guerre  de  1870,  il  s'engagea  comme  chirur- 
gien-major dans  les  mobilisés  de  la  Charente-Inférieure. 
Reçu  docteur  en  médecine  en  1872,  agrégé  de  la  faculté  de 
Paris  en  1876,  il  entra  en  1879  au  Conseil  municipal  de 
la  capitale  et  fut  réélu  en  1881  ;  il  s'y  montra  partisan 
de  l'autonomie  communale  et  contribua  au  maintien  du 
grand  prix  de  Paris  pour  les  courses  de  chevaux.  Il  fut  élu 
en  août  1881  membre  de  la  Chambre  des  députés,' à  titre 
de  candidat  radical  du  V^  arrondissement,  et,  fin  octobre, 
fonda  le  Piéveil,  qu'il  abandonna  en  févr.  1882  pour 
prendre  la  direction  de  la  Marseillaise.  Il  ne  la  conserva 
que  peu  de  temps,  mais  continua  à  collaborer  à  des  jour- 
naux républicains.  A  la  Chambre,  de  Lanessan  abandonna 
le  groupe  de  l'extrême  gauche  pour  se  rapprocher  de  l'Union 
républicaine  ;  il  fut  réélu  député  le  18  oct.  1885,  au  scrutin 
de  liste,  par  287,890  voixsur  414,360  votants.  En  1886, 
il  fut  chargé  d'une  mission  ayant  pour  objet  d'étudier  la 
situation  commerciale  des  colonies  françaises  en  vue  de  pré- 
parer leur  participation  à  l'exposition  de  1889.  Du  voyage 
qu'il  fit  ainsi,  il  rapporta  les  éléments  de  trois  livres  : 
la  Tunisie  (Paris,  1887,  in-8)  ;  V Expansion  coloniale 
de  la  France  (Paris,  1888,  in-8);  llndo-Chine  fran- 
çaise (Paris,  1889,  in-8).  En  sept.  1889,  il  fut  réélu  dé- 
puté du  V^  arrondissement  de  Paris  par  4,875  voix  contre 
4,368  données  à  M.  Lenglé,  candidat  boulangiste.  Enfin, 
au  mois  de  mai  189 1 ,  il  fut  nommé  gouverneur  général  du 
rindo-Chine,  avec  concentration  entre  ses  mains  des  divers 
pouvoirs  civils  et  militaires.  Les  services  rendus  par  lui 
dans  cette  haute  situation  ont  été  appréciés  très  contradic- 
toirement;  en  d892,  il  y  eut  rupture  entre  lui  et  l'amiral 
Fournier.  Il  fut  révoqué  le  29  déc.  1894,  en  raison  de  ses 
relations  avec  le  journaliste  Canivet,  directeur  du  Paris, 
et  publia  son  apologie  :  la  Colonisation  française  en 
Indo-Chine  (Paris,  1895,  in-12). 

M.  de  Lanessan  a  publié  une  série  d'ouvrages  d'histoire 
naturelle  remarquables  :  Du  Protoplasma  végétal  (Th. 
d'agrég.,  1876);  Manuel  d'histoire  naturelle  médicale 
(Paris,  1879-81,  2  vol.  in-18,  fig.);  Eludes  sur  la  doc- 
trine de  Darwin  (Paris,  1881,  in-i2)  ;  Trailé  de  zoolo- 
gie. Protozoaires  (Paris,  1882,  gr.  in-8,  fig.)  ;  la  Bota- 
nique (Paris,  1882,  in-18)  ;  Flore  de  Paris  (Paris,  1884, 
in-18),  etc.  D^  L.  Hn. 

LAN  ET  (Pèche).  Cet  engin,  principalement  en  usage  à 
Dieppe,  consiste  en  une  sorte  de  carrelet  monté  sur  un 
cercle  en  fer  de  2  m.  de  diamètre  ;  quatre  cordelettes  sus- 
pendent le  lanet  et  se  réunissent  à  une  corde  qui  est  tenue 
à  la  main.  On  donne  aussi  le  nom  de  lanet  à  un  petit  truble 
monté  sur  une  raquette  (V.  Haveneau). 

LAN  ET.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Carcassonne, 
cant.  deMouthoumet;  226  hab. 

LANEUVELOTTE.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Mo- 
selle, arr.  et  cant.  (S.)  de  Nancy;  242  hab. 

LANEUVEVILLE-Âux-Bbis.  Com.  du  dép.  de  Meurthe- 
et-Moselle,  arr.  et  cant.  (S.)  de  Lunéville;  429  hab. 

LANEUVEVILLE-devant-Nancy.  Com.  du  dép.  de 
Meurthe-et-Moselle,  arr.  de  Nancy,  cant.  de  Saint-Nicolas; 
1,463  hab.  Produits  chimiques  et  salines. 


LANEUVEVILLE-DERRiÈRE-FouG.  Com.  du  dép.  de 
Meurthe-et-Moselle,  arr.  et  cant.  (N.)  de  Toul;  268  hab. 

LÂNEUVEVILLE-devant-Bàyon.  Com.  du  dép.  de  Meur- 
the-et-Moselle, arr.  de  Nancy,  cant.  d'Haroué  ;  307  hab. 

LAN  EU  VlLLE-Au-RuPT.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr. 
deCommercy,  cant.  de  Void  ;  334  hab. 

LANEUVILLE-sur-Meuse.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse, 
arr.  de  Montmédy,  cant.  de  Stenay  ;  598  hab. 

LAN  FAI  N  S.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord ,  arr.  de 
wSaint-Brieuc,  cant.  de  Plœuc  ;  1,593  hab. 

LAN  FRANC,  archevêque  de  Canterbury,  né  vers  1005, 
mort  le  24  mai  1089.  Fils  d'un  jurisconsulte  de  Pavie,  de 
rang  sénatorial,  de  bonne  heure  célèbre  à  cause  de  sa 
science  et  de  son  éloquence,  il  fonda  en  1039  une  école 
à  Avranches.  Accompagné  d'un  de  ses  compatriotes  (son  fils, 
dit-on),  nommé  Paul  (plus  tard  abbé  de  Saint- Albans),  il 
entra  comme  moine  dans  l'abbaye  du  Bec,  dont  l'abbé  et 
fondateur,  llelluin,  lui  donna  en  1045  la  dignité  de  prieur. 
Là,  il  ouvrit  une  école  qui  fut  bientôt  fameuse  dans  tout 
l'Occident  ;  il  y  eut  pour  élèves  une  foule  de  personnages 
plus  tard  éminents  dans  l'Eglise  :  deux  évêques  de  Roches- 
ter,  un  archevèquede  Rouen,  lefutur  pape  Alexandre  11,  etc. 
Eu  1050,  il  se  rendit  à  Rome,  avec  une  mission  de  Guil- 
laume, duc  de  Normandie,  qui  était  désireux  d'obtenir  une 
dispense  pour  son  mariage  avec  Mathilde.  Il  y  combattit, 
devant  un  concile,  l'hérésie  de  Bérenger  de  Tours  qu'on 
l'accusait  de  partager.  Dès  lors,  il  ne  cessa  point  de  lutter 
contre  Bérenger,  par  la  parole  et  par  la  plume,  notamment 
au  concile  de  Latran  (1059)  et  dans  son  livre  si  célèbre: 
De  Cor  pore  et  sanguine  Domini.  C'est  au  mois  de  juin 
1066  qu'il  quitta  le  monastère  du  Bec,  pour  devenir,  à  la 
prière  de  Guillaume,  abbé  de  Saint-Etienne  deCaen.  (Juelle 
qu'ait  été  sa  part  dans  les  -négociations  entre  Rome  et  le 
duc  de  Normandie  qui  précédèrent  l'expédition  de  1066  et 
la  conquête  de  l'Angleterre,  Lanfranc  fut  élu  archevêque  de 
Rouen  en  août  1067.  Mais  il  refusa;  il  est  probable  qu'il 
avait  en  vue  une  récompense  plus  haute.  iVprès  la  déposi- 
tion de  l'archevêque  anglo-saxon,  Stigand  (1070),  Guil- 
laume le  Conquérant  lui  fit  accepter  en  eflet  le  siège  prima- 
tial  de  Canterbury. 

Archevêque  de  Canterbury,  Lanfranc  resta  le  premier 
conseiller  de  Guillaume  et  ne  cessa  jamais  d'agir  d'accord 
avec  lui.  Il  contribua  beaucoup  à  rattacher  l'Eglise  an- 
glaise aux  Eglises  du  continent;  il  la  peupla  d'étrangers; 
il  y  introduisit  l'habitude  du  célibat  ;  il  conseilla  sans 
doute  cette  mesure  capitale  :  la  constitution  de  tribunaux 
ecclésiastiques  à  côté  des  tribunaux  laïques.  Il  convoqua 
souvent  des  synodes,  mais  des  synodes  exclusivement  com- 
posés de  gens  d'Eglise,  bien  différents  de  ces  assemblées 
saxonnes  où  clercs  et  laïques  délibéraient  en  commun  sur 
toutes  les  questions,  même  sur  les  questions  ecclésiastiques. 
Avec  Rome,  ses  relations  furent  fréquentes:  il  visita 
Grégoire  VU  en  1076,  mais  il  obéissait  plutôt  au  roi  qu'au 
pape,  et  c'est  en  vain  que  Grégoire  l'ajourna  en  1082  à 
comparaître  devant  lui,  sous  peine  de  suspension.  Canter- 
bury lui  doit  beaucoup  ;  outre  qu'il  défendit  très  énergi- 
quement  les  droits  de  son  siège  contre  les  prétentions  de 
Thomas,  métropolitain  d'York,  il  fit  reconstruire  son  église 
cathédrale,  brûlée  en  1067  ;  il  dota  en  outre  la  ville  de 
deux  hôpitaux  et  de  l'église  de  Saint- Grégoire.  —  Pen- 
dant les  voyages  du  Conquérant  en  Normandie,  il  exerça 
plusieurs  fois  en  Angleterre  une  sorte  de  régence.  C'est 
lui  qui  couronna  Guillaume  le  Roux  (sept.  1087).  Son  der- 
nier acte  fut,  en  nov.  1088,  de  prendre  part,  et  une  part 
très  active,  au  jugement  de  Guillaume  de  Suint-Calais, 
évèque  de  Durham,  accusé  de  rébellion.  —  Ses  écrits  ont 
été  publiés  par  Luc  d'Achery,  à  Paris,  en  1648,  en  un  vo- 
lume in-fol.  (Cf.  Maxima  Bibliotheca  patrum,  t.  XVlïl, 
Lyon,  1677,  in-fol. ,  etle  t.  CLàehPatrologie  deMigne). 
Il  n'est  pas  l'auteur  de  V Elucidarium  qui  lui  a  été  sou- 
vent attribué  et  que  Giles  a  imprimé  parmi  ses  œuvres 
complètes,  dans  la  série  des  Patres  ecclesiœ  anglicanœ 
(Londres,  1844,  2  vol.  in-8).  ^     L. 


LANFRANG  —  LANFRANCUS  -  ^ 

BiBL.  :  J.  DE  Crozals,  Lanfranc^  archevêque  deCantor- 
béry  ;  Paris,  1877,  in-8.  Cf.  Revue  historique^  X,  180.  — 
Revue  des  questions  historiques,  1881,  XXX,  pp.  329-382. 
—  Dictionary  of  national  biography,  1892,  XXXII,  p.  89. 

LANFRANG,  célèbre  médecin  italien  du  xrii®  siècle,  de 
la  famille  des  Lanfranchi  de  Pise.  Chassé  de  la  péninsule 
par  la  querelle  des  guelfes  et  des  gibelins,  il  se  réfugia 
d'abord  à  Lyon,  où  il  écrivit  la  Petite  Chirurgie;  il  vint  à 
Paris  en  1295  et  y  fut  admirablement  accueilli  par  le 
doyen  Passavant  et  par  les  étudiants.  C'est  à  la  demande 
des  professeurs  de  médecine  et  en  l'honneur  de  Philippe  le 
Bel  qu'il  écrivit  la  Grande  Chirurgie.  C'était  un  chirur- 
gien aussi  prudent  Cfu'éclairé;  il  a  beaucoup  contribué  à  la 
rénovation  de  la  chirurgie  en  France.  Les  deux  Chirurgies 
de  Lanfranc  font  partie  de  la  Collectio  chirurgica  veneta 
dans  les  éditions  qui  se  succédèrent  de  4498  à  4546  ;  une 
édition  française  a  été  imprimée  en  4490.  D*"  L.  Un. 
Collyre  de  Lanfranc.  —  Le  collyre  de  Lanfranc  est 
plutôt  une  mixture  ou  solution  cathérétique  qu'on  em- 
ploie rarement  pour  les  yeux,  en  ayant  soin  alors  de  la 
filtrer  et  de  ne  l'employer  que  très  limpide.  C'est  une  très 
ancienne  préparation,  qui  n'a  été  que  très  légèrement  mo- 
difiée ;  dans  la  formule  primitive,  il  y  entrait  de  l'eau  dis- 
tillée de  plantain  et  de  l'eau  distillée  de  rose.  Voici  la  for- 
mule adoptée  par  le  Codex  de  4884  : 

Aloès 5  gr . 

Myrrhe 5  — 

Sous-acétate  de  cuivre 40  — 

Sulfure  jaune  d'arsenic  officinal  15  ~ 

Eau  distillée  de  rose 380  — 

Vin  blanc 4.000  ~ 

On  met  dans  un  mortier  en  verre  toutes  les  substances 
solides,  réduites  en  poudres  impalpables  ;  on  ajoute  le  vin 
blanc,  puis  l'eau  de  rose.  On  conserve  le  mélange  dans  un 
flacon  bouché  qu'on  agite  chaque  fois  au  moment  d'en  faire 
usage.  Le  collyre  de  Lanfranc  est  donc,  en  réalité,  un 
vin  arsenical  cuivreux.  Il  ne  s'emploie  qu'à  l'extérieur 
dans  les  ulcères  de  mauvaise  nature  et  s'applique  avec  un 
tampon,  en  lavages  ou  même  en  injections  détersives.  Ed.  B. 
LAN  FRANCO  ou  LANFRANCHI  (Giovanni),  peintre  ita- 
lien, né  à  Parme  en  4580  ou  4581,  mort  à  Rome  en  1647. 
Envoyé  très  jeune  encore  à  Plaisance,  comme  page  du  mar- 
quis de  Montalbo,  il  montra  de  si  singulières  dispositions 
pour  la  peinture,  que  son  maître  le  fit  lui-même  entrer  dans 
l'atelier  d'Augustin  Carrache,  alors  employé  à  Parme  par  le 
duc  Ranuccio  Farnèse.  Là  le  jeune  homme  se  forma  rapi- 
dement, non  seulement  par  les  leçons  de  son  maître,  mais 
par  des  copies  attentives  des  œuvres  de  Corrège.  A  la  mort 
d'Augustin  (4602),  Lanfranco  alla  s'enrôler  à  Rome  parmi 
les  aides  d'Annibal  Carrache,  et  il  est  probable  que  celui- 
ci  l'employa  à  peindre  quelques  figures  dans  la  grande  ga- 
lerie du  palais  Farnèse.  Déjà  connu  des  amateurs  par  sa 
remarquable  facilité,  il  fut  appelé  en  4607  par  le  marquis 
Sannesio,  qui  le  chargea  de  décorer  sa  ville  de  Borgo  Santo 
Spirito:  Lanfranco  y  peignit  plusieurs  fresques  de  VEis- 
toire  de  Samson  et  une  Nativité,  tableau  d'autel,  dont 
le  curieux  effet  de  lumière  était  imité  directement  de  Cor- 
rège. iVnnibal  mourut  à  son  tour,  et  Lanfranco,  désormais 
indépendant,  alla  passer  une  année  entière  à  Plaisance  ;  il 
y  peignit  difîérents  tableaux  pour  son  ancien  maître,  le 
marquis  de  Montalbo,  et  pour  l'église  Santa  Maria  in  Piazza 
une  fresque  dans  la  coupole,  qui  représente  des  Anges  dans 
une  gloire.  On  peut  dire  que  l'exécution  de  cette  fresque 
lui  révéla  à  lui-même  le  genre  de  peinture  pour  lequel  il 
était  le  mieux  doué  :  les  vastes  décorations  [bidonnantes  à 
la  manière  des  coupoles  de  Corrège.  Aussi,  de  retour  à 
Rome,  chercha-t-il  aussitôt  à  se  faire  donner  des  com- 
mandes de  ce  genre  ;  il  y  réussit  aisément  :  Buongiovanni 
le  chargea  d'abord  de  peindre  une  Assomption  sur  la  voûte 
de  la  chapelle  de  sa  famille  à  Sant'Agostino  ;  puis  le  car- 
dinal Alessandro  Montalto,  après  bien  des  difficultés  sus- 
citées parle  Dominiquin  à  qui  avait  été  d'abord  attribuée  l'en- 
treprise, confia  à  Lanfranco  la  décoration  de  la  coupole  de 
Sant' Andréa  del  Valle.  Il  travailla  quatre  ans  (4624-25)  à 


cette  œuvre  considérable,  et  lorsque  apparut  ce  Paradis 
d'opéra,  dans  sa  magnifique  lumière  dorée,  l'effet  en  fut  si 
grand  qu'un  moment  l'habile  compatriote  de  Corrège  ba- 
lança la  renommée  du  Dominiquin  lui-même,  qui  venait 
d'achever  dans  le  chœur  de  la  même  église  ses  fameuses 
fresques  de  la  Mort  de  saint  André.  Bientôt  Lanfranco 
fut  appelé  à  Naples  (4634),  pour  y  peindre  la  coupole  du 
Gesù  Nuovo.  Le  travail  était  à  peine  achevé  qu'un  incen- 
die le  détruisit  :  aussitôt,  avec  sa  facilité  et  sa  promptitude 
merveilleuses  d'exécution,  il  le  recommença.  Infatigable,  il 
accepta  la  tâche  de  décorer  l'église  de  la  chartreuse  de  San 
Martine,  celle  des  Santi  Apostoli,  la  chapelle  du  palais  du 
comte  de  Montercy,  gouverneur  espagnol  de  la  ville,  enfin 
la  coupole  de  la  chapelle  du  Trésor,  à  la  cathédrale,  où  le 
Dominiquin  avait  déjà  ébauché  quelques  figures.  De  retour 
à  Rome  en  4646,  il  fut  aussitôt  chargé  de  peindre  une 
grande  Annonciation  dans  la  tribune  de  l'église  San  Carlo 
de'Catenati.  Il  prépara  même  des  esquisses  pour  la  Loge  de 
la  Bénédiction  au  Vatican,  mais  la  malveillance  de  quelques 
famiHers  d'Innocent  XI  l'empêcha  de  donner  suite  à  ce 
grand  projet  de  décoration.  Lanfranco  mourut  dans  la  riche 
villa  qu'il  s'était  fait  bâtir  hors  de  la  Porta  San  Pancrazio  ; 
il  fut  enterré  à  Santa  Maria  del  Trastevere. 

Beaucoup  d'églises  d'Italie  et  la  plupart  des  grands  mu- 
sées contiennent  des  œuvres  de  ce  peintre  fécond  ;  on  peut 
citer  parmi  les  principales,  outre  celles  qui  ont  déjà  été 
signalées  :  dans  la  cathédrale  de  Plaisance,  le  Pape  Inno- 
cent J*^  reconnaissant  le  corps  de  saint  Alexis^  Saint 
Conrad  dans  le  désert;  à  Parme,  le  Paradis,  tableau 
d'autel  dans  l'éghse  d'Agnissanti  ;  à  Rome,  les  figures  dé- 
coratives de  la  chapelle  de  Saint-Pierre  où  se  trouve  la 
Pietà  de  Michel-Ange  ;  Saint  Pierre  et  saint  Paul  après 
le  martijre  (église  San  Sebastiano)  ;  la  Vierge  donnant 
un  collier  à  sainte  Thérèse  (église  San  Giuseppe)  ;  la 
Délivrance  de  saint  Pierre  (palais  Colonna)  ;  la  Cène 
(palais  du  Quirinal)  ;  le  Conseil  des  Dieux  (villa  Bor- 
ghèse)  ;  à  Florence,  le  Portrait  de  l'artiste  (musée  des 
Offices)  ;  l'Assomption,  Sainte  Marguerite  de  Cortone 
(palais  Pitti)  ;  à  l'Académie  de  Venise,  Saint  Louis  ser- 
vant les  pauvres;  au  musée  de  Naples,  la  Vierge  et  le 
Christ  délivrant  une  âme  du  Purgatoire,  Satan  en- 
chaîné par  les  Anges,  Sainte  Maine  l'Egyptienne,  Her- 
minie  revêtue  des  armes  de  Clorinde;  au  musée  du 
Louvre,  Agardans  le  désert,  Séparation  de  saint  Pierre 
et  de  saint  Paul,  le  Couronnement  de  la  Vierge;  au 
musée  de  Berlin,  Sainte  Marie-Madeleine  ;  au  musée  de 
Dresde,  les  Sorciers;  à  la  Pinacothèque  de  Munich,  Agar 
dans  le  désert,  le  Christ  au  mont  des  Oliviers;  au  mu- 
sée de  Madrid,  les  Funérailles  de  Jules  César,  etc. 

Lanfranco  avait  appris,  avec  Augustin  Carrache,  la  gra- 
vure à  l'eau-forte  aussi  bien  que  la  peinture.  Lors  de  son 
premier  séjour  à  Rome,  il  travailla  avec  Listo  Bardaloc- 
chio,  son  compatriote,  à  une  publication  des  Loges  de  Ra- 
phaël, dédiée  à  Annibal  Carrache,  qui  porte  le  titre  suivant  : 
Historia  del  testamento  Vecchio  dipinta  in  Roma  net 
Vaticano  da  Baffaelle  di  lirbino,  et  intagliata  da  S. 
Badalocchio  et  Giovanni  Lanfranchi  Parmigiani.  Sur 
les  57  feuilles,  28  sont  de  la  main  de  Lanfranco.  On  con- 
naît encore  de  lui  trois  estampes  authentiques  :  Sainte 
Marie  r Egyptienne  en  prière,  le  Triomphe  d'un  empe- 
reur romain  et  un  général  romain  distribuant  des 
couronnes  a  ses  soldats  (d'après  un  tableau  qui  se  trouve 
au  musée  de  Madrid).  E.  Bertaux. 

BiBL.  :  Lanzi,  Storia  pittorica  dell'Italia  ;  Milan,  t.  V. 
—  PisTojLESi,  Descrizione  di  Roma.  —  Charles  Blanc, 
Histoire  des  peintres  de  toutes  les  écoles,  Ecoles  de  Parme 
et  de  Modène,  —  Bartsch,  le  Peintre-Graveur,  t.  XVIII. 

LANFRANCUS,  architecte  italien  qui  commença  en  4099 
la  reconstruction  de  la  cathédrale  de  Modène.  Il  dirigeait 
encore  les  travaux  en  4406,  lors  de  la  consécration  de  l'autel 
Saint-Géminien  par  le  pape  Pascal.  Son  pays  d'orgine  est 
encore  inconnu  :  les  uns  lui  donnent,  sans  motif,  le  surnom 
de  Tacci  et  le  disent  Italien,  les  autres  lui  imposent  le  prénom 
de  Wilhelm  et  en  font  un  Allemand. 


887  ~ 


LANFHANCUS  —  LANGBAINE 


BiBL.  :  Campori,  GH  Artisti  negli  stati  Estensi  ;  Modène, 
1855,  in-8.  —  Mothes,  Die  Baukunst  des  Mittelalters  in 
Italien;  léna,  1884,  t.  IL 

LANFRANl  (Jacopo),  architecte  et  sculpteur  Ycnitien  du 
XIV®  siècle.  D'après  Vasari,  il  aurait  été,  conime  Jacobello 
et  Pietro  Paolo  délie  Massegue,  l'élève  de  deux  Siennois, 
Agostino  et  Agnolo.  Il  construisit  et  décora  de  sculptures 
les  deux  églises  de  Sant' Antonio,  à  Venise,  et  de  San  Fran- 
cesco  à  Imola,  qui,  toutes  deux,  sont  aujourd'hui  détruites. 
La  seule  œuvre  de  Lanfrani  qui  subsiste  est  le  Tombeau 
du  jurisconsulte  Taddeo  Pepoli  (1337),  dans  l'église  de 
San  Domenico  à  Bologne. 

BiBL.  :  Vasari,  éd,  Milanesi,  t.  I.  —  Perkins,  les  Sculp- 
teurs italiens,  trad.  HaussouUier,  t.  II. 

LANFREY  (Pierre),  écrivain  et  homme  politique  fran- 
çais, nécà  Chambéry  le  26  oct.  1828,  mort  à  Pau  le  15  nov. 
1877.  Fils  d'un  ancien  officier  de  Napoléon,  il  fut  élevé  au 
collège  des  jésuites  de  Chambéry,  puis  au  lycée  Bonaparte, 
à  Paris.  Il  signala  dès  Tenfance  la  tournure  anticléricale 
de  son  esprit  et,  après  avoir  employé  plusieurs  années  à 
étudier  le  droit,  la  philosophie,  l'histoire,  appela  sur  lui 
Tattention  du  grand  public  par  plusieurs  ouvrages  où  ses 
tendances  rationalistes,  comme  son  amour  de  la  liberté,  se 
manifestaient  avec  la  plus  éloquente  énergie  :  l'Eglise  et 
les  philosophes  au  xviii^  siècle  (1855);  Essai  sur  la 
Révolution  française  (1858),  d'une  critique  pénétrante; 
Histoire  politique  des  papes  (\S60)  ;  Lettres  d'Everanl 
(1860),  roman  social  sous  forme  de  lettres;  Histoire  po- 
litique des  papes  (1860);  le  Rétablissement  de  la  Po- 
logne; Etudes  et  portraits  politiques  (1863).  Il  entreprit 
ensuite,  dans  sa  belle  Histoire  de  Napoléon  I'^  dont  le 
premier  volume  parut  en  1 867,  de  détruire  par  une  critique 
rigoureuse  la  légende  impériale  si  complaisamment  entre- 
tenue en  France  jusqu'à  nos  jours  et,  sans  souci  des  préjugés 
ou  des  intérêts  qu'il  froissait,  poursuivit  virilement  son  œuvre 
jusqu'au  cinquième  volume,  dans  lequel  il  a  pu  raconter  les 
préliminaires  delà  guerre  de  Russie  (1 875).  La  mort  ne  devait 
malheureusement  pas  lui  permettre  d'achever  cette  œuvre 
réparatrice.  Après  la  guerre  de  1 870,  pendant  laquelle  il  ser- 
vit dans  les  mobiles  de  la  Savoie  et  se  montra  injuste  envers 
Gambetta,  il  fut  envoyé  (8  févr.  1871)  par  le  dép.  des 
Bouches-du-Rhône  à  l'Assemblée  nationale,  où  il  s'associa 
à  la  gauche  républicaine  et  soutint  le  gouvernement  de 
Thiers,  qui  le  nomma  ambassadeur  à  Berne  (9  oct.  1871). 
A  l'avènement  de  l'Ordre  moral  (1873),  il  résigna  ses 
fonctions  diplomatiques  et  vint  reprendre  son  siège  à  Ver- 
sailles, où  il  contribua,  comme  vice-président  de  la  gauche 
républicaine,  à  l'organisation  de  la  République.  Il  fut  élu 
sénateur  inamovible  le  15  déc.  1875.  Mais  la  maladie  à 
laquelle  il  devait  succomber  le  tint  dès  lors  à  peu  près 
constamment  éloigné  des  affaires  publiques.  On  a  publié  ses 
OEuvres  complètes  (1879  et  suiv.,  12  vol.)  et  sa  Car- 
respondance  (2  vol.).  A.  Debidour. 

LANFROICOURT.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Nancy,  cant.  de  Nomeny;  286  hab. 

LAN 6  (Karl-ÏIeinrich,  chevalier),  historien  allemand, 
né  à  Balgheim  (Bavière,  prov.  de  Souabe)  le  7  juil.  1764, 
mort  près  d'Ansbach  le  26  mars  1835.  Il  fit  sa  carrière 
dans  l'administration  wurttembergeoise,  prussienne  d'Ans- 
bach et  bavaroise  :  ses  principaux  écrits  sont  :  Historische 
Entwickelung  der  deutschen  Steuerverfassung  (Berlin, 
1793)  ;  Historische  Prûfang  des  vermeintliehen  Alters 
der  deutschen  Landstœnde  (Gœttingue,  1796)  ;  Neuere 
Geschichte  des  Fûrstentums  Baireuth  (1798-1811, 
3  vol.)  ;  Regesta  Bavarica  (Munich,  1822-28,  4  vol.)  ; 
une  fantaisie  humoristique,  Hammelburger  Reisen  in  elf 
Fah7'ten (iSiS-^i^  ;  rééd.,  1882).  Ses  mémoires  posthumes 
(Brunswick,  1841,  2  vol.  ;  rééd.,  Munich,  1881)  sont 
sujets  à  caution. 

LAN  G  (John-Dunmore),  écrivain  écossais,  né  àCreenock 
en  1799,  mort  en  1878.  Sorti  de  Tuniversité  de  Glasgow, 
l'Eglise  écossaise  l'envoya  à  Sydney,  en  Australie.  Il  s'y  fit 
une  situation  influence  grâce  aux  journaux  qu'il  y  fonda, 


contribua  puissamment  à  la  colonisation  du  pays  en  y  atti- 
rant d'honnêtes  artisans  d'Ecosse,  et  poussa  efficacement  le 
gouvernement  anglais  à  prendre  possession  delà  Nouvelle- 
Zélande.  On  a  de  lui  beaucoup  d'écrits  historiques  et  éco- 
nomiques, sans  compter  ses  sermons. 

LAN  G  (Heinrich),  théologien  protestant  allemand,  né  à 
Frommen,  près  de  Balingen  (  Wurttemberg) ,  mort  à  Zurich  le 
13  janv.  1876.  Elève  de  Baur,  il  fut  pasteur  en  Suisse,  à 
Wartau  (1848),  Meilen  (1863)  et  Zurich  (1871).  Il  a  pro- 
pagé les  idées  libérales  et  les  résultats  de  la  critique  scien- 
tifique par  sa  revue,  Zeitstimmen  filr  die  reformierte 
Schiveiz  (1859-72),  que  continua  la  Reform,  par  ses 
livres  et  par  ses  sermons  très  admirés  (Saint-Gall,  1853)  ; 
Religiœse  Reden  (Zurich,  1873-74,  2  vol.). 

BiBL.  :  BiEDERMANN,  H.  LanQ  ;  Zurich,  1876. 

LAN 6  (Heinrich),  peintre  allemand,  né  à  Ratisbonne  le 
24  avr.  1838,  élève  de  F.  Voltz.  Il  s'est  voué  à  la  pein- 
ture des  chevaux  et  de  la  cavalerie  militaire  ;  citons  ses 
Chevaux  de  la  Puszta  (1866)  ;  Courses  à  Longchamp  ; 
Bataille  de  Sedan ^  Attaque  des  chasseurs  d'Afrique  à 
Floing^  etc. 

LAN  G  (Andrew),  littérateur  anglais  contemporain,  né 
à  Selkirk,  en  Ecosse,  le  31  mars  1844.  Il  étudia  à  Oxford, 
professe  à  l'université  écossaise  de  Saint  Andrew,  édite  le 
Longman's  Magazine  et  préside  la  Société  londonienne  du 
Folk-lore.  On  a  de  lui  des  vers  élégants,  des  romans  in- 
génieux, quantité  d'essais  critiques  sur  les  sujets  les  plus 
divers.  Très  au  courant  du  mouvement  littéraire  en  France, 
M.  Lang  a  plus  d'une  fois  puisé  dans  nos  auteurs  des  élé- 
ments Imprévus  d'originalité.  Il  s'est  fait  une  grande 
réputation  d'écrivain  et  une  plus  grande  encore  de  mytho- 
logue et  de  bibliophile.  Parmi  ses  écrits  on  cite  :  Ballads 
ofold  France  (1872);  Helen  of  Troy  (1883),  poème 
épique  ;  Customs  and  Myths  (1885,  2*^  éd.)  ;  Letters  to 
dead  Authors  (1886);  In  the  wrong  paradise  (1886)  ; 
Myth,  ritual  and  religion  (1887,  2  vol.)  ;  Prime  Pri- 
gio  (1889);  Letters  in  literature  (1889)  ;  une  traduc- 
tion d'Homère,  etc. 

LANGADOIS.  Ancien  pays  de  France,  compris  dans  la 
Basse-Auvergne,  sur  les  deux  rives  de  l'Allier,  et  corres- 
pondant à  peu  près  au  cant.  de  Langeac  (Haute-Loire), 

LANGAGE.  1.  Physiologie  (V.  Voix). 

II.  Philosophie  (V.  Parole  et  Signe). 

III.  Linguistique  (V.  Linguistique). 

IV.  Télégraphie  (V.  Télégraphie). 
LANGALLERIE.  Château  de  la  com.  de  Saint-Quentin- 

de-Caplong  (Gironde),  qui  donne  son  nom  à  un  vin  rouge 
renommé  (V.  Vin). 

LANGALLERIE  (Philippe  de  Gentils,  marquis  de), aven- 
turier français,  né  à  Lamotte-Cha rente  vers  1656,  mort 
prisonnier  au  château  de  Raab  (Hongrie)  le  20  juin  1717. 
Ne  pouvant  obtenir  un  commandement  en  chef  de  Louis  XIV 
et  très  indiscipliné,  il  passa  au  service  de  l'Empire,  puis  de 
la  Pologne.  Après  un  séjour  à  Cassel,  il  vint  à  La  Haye  oti 
il  négocia  un  accord  avec  l'agha  turc,  à  l'effet  d'armer  une 
flotte  au  nom  du  sultan  et  de  s'emparer  de  l'Italie.  Arrêté 
à  Stade  par  ordre  de  l'empereur,  il  fut  emprisonné  à  Raab 
oii  il  mourut.  On  ne  sait  si  les  Mémoires  publiés  sous  son 
nom  à  La  Haye  (1743,  in-8)  sont  authentiques,  mais  il  a 
laissé  lui-même  un  Manifeste  (Cologne,  1707,  in-4)  et  la 
Guerre  dltalie  (Cologne,  1709,  2  vol.  in-12).   H.  Monin. 

LANGAN.  Com.  du  dép.  d'Ille-et-Vilaine,  arr.  de  Mont- 
fort-sur-Meu,  cant.  de  Bécherel  ;  649  hab. 

LANGAST.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Loudéac,  cant.  de  Plouguenast ;  l,348hab. Moulins.  Eglise 
du  XV®  siècle. 

LAN  G  BAI  NE  (Gérard),  VAîné,  philologue  anglais,  né  à 
Barton  en  1609,  mort  à  Oxford  le  10  févr.  1658.  Vicaire 
de  Crosthwaite  (1643),  prévôt  de  Queen's  Collège  d'Ox- 
ford (1646).  Ouvrage  principal  :  édition  renommée  du  Traité 
du  sublime  de  Longin  (1636)  avec  une  traduction  latine. 
Langbaine  témoigna  une  opposition  très  vive  aux  Parlemen- 


lANGBAINE  —  l.ANGE 


-  888  — 


taires,  mais  il  dut  à  sa  réputation  d'érudit  do  n'être  pas 
inquiété.  R.  S. 

LANGBAINE  (Gérard),  bibliographe  et  critique  anglais, 
fils  du  précédent,  né  à  Oxford  le  15  juii.  1656,  mort  à 
Oxford  le  23  juin  1692.  Il  eut  une  jeunesse  fort  dissipée, 
puis  vécut  retiré  près  d'Oxford,  s'occupant  exclusivement 
de  bibliographie  et  de  critique  dramatiques.  En  nov.  1687, 
il  publia  sous  le  titre  :  Momus  triumphans  or  the  Pla- 
giaries  of  the  english  stage,  un  catalogue  des  pièces  de 
théâtre  anglaises,  qui  contenait  l'indication  de  tous  les 
plagiats  relevés  par  lui  ou  avant  lui  et  qui  eut  un  tel  suc- 
cès qu'il  en  donna  dès  le  mois  suivant  une  seconde  édition 
sous  ce  nouveau  titre  :  A  New  Catalogue  of  the  english 
plays  (Londres,  1688,  in-4).  Cette  dernière  servit  de  base 
à  son  ouvrage  bien  connu  :  An  Account  of  the  English 
dramatic  poets  (Oxford,  169J,  in-8  ;  2®  éd.  par  Ch.  Gil- 
don,  1699);  on  y  trouve,  à  côté  de  critiques  intéressantes 
et  de  précieux  renseignements  bibliographiques,  pas  mal 
d'erreurs  de  détails. 

LANGBEIN  (August-Friedrich-Ernst),  poète  allemand, 
né  à  Radeberg,  près  de  Dresde,  le  6  sept.  1757,  mort  à 
Berlin  le  2  janv.  1835.  Il  étudia  le  droit  à  Leipzig,  fut 
ensuite  greffier  à  Hain,  avocat  à  Dresde  et  employé  aux 
archives  secrètes.  En  1800,  il  s'établit  à  Berlin,  et  il  fut 
nommé,  en  1820,  membre  de  la  commission  de  censure 
pour  les  ouvrages  littéraires.  Les  anthologies  ont  gardé, 
■de  ses  nombreux  écrits,  quelques  poésies  satiriques  et 
quelques  contes  en  vers.  Il  avait  recueilli  lui-même,  peu 
de  temps  avant  sa  mort,  ses  œuvres  complètes  en  31  vol. 
(Stuttgart,  1835-1837).  Ses  poésies  parurent,  en  édition 
complète,  en  4  vol.  (Stuttgart,  1854);  Tittmann  en  a  donné 
un  choix  dans  ssiBibliothek  humoristischer  Dichtungen^ 
au  11*^  vol.  (Halle,  1872).  A.  B. 

LANGDALE  (Marmaduke,  lord),  général  anglais,  né 
vers  1598,  mort  à  Holme  le  5  août  1661.  Catholique  et 
royaliste  ardent,  il  leva  un  régiment  pour  la  cause  du  roi 
en  1643.  En  1644,  il  battit  la  cavalerie  écossaise  à  Cor- 
bridge,  en  1645,  le  colonel  Rossiter  àMelton  Mowbray  et 
leva  le  siège  de  Pontefract.  Mais  à  Naseby,  après  une  bril- 
lante résistance,  il  fut  complètement  défait  par  Cromwell. 
Il  essaya  de  rejoindre  Montrose  en  Ecosse,  mais  ses  troupes 
furent  dispersées  à  Sherburn,  puis  à  Carlisle.  Il  se  réfugia 
en  France  (1646).  En  1648,  il  reprit  la  campagne,  sur- 
prit Berwick,  mais  à  Preston  il  eut  à  supporter  tout  l'effort 
de  l'armée  de  Cromwell  et  dut  plier  après  une  résistance 
qui  excita  l'admiration  des  vainqueurs.  Fait  prisonnier  à 
Nottingham,  il  s'échappa  au  moment  d'être  condamné  à 
mort  et  revint  en  France.  Charles  II  le  dépêcha  en  1649 
dans  l'Ile  de  Man  au  secours  du  comte  de  Derby.  Puis 
Langdale,  avide  de  combats,  entra  au  service  de  Venise,  se 
distingua  à  la  défense  de  Candie,  vint  en  Hollande,  où  il 
proposa  au  gouvernement  de  s'emparer  de  Newcastle  et  de 
Tynemouth  et  prit  part  au  complot  de  1658.  Charles  II  lui 
conféra  la  pairie  (4  févr.  1658).  R.  S. 

LANGÉ.  Com.  du  dép.  de  l'Indre,  arr.  de  CMteauroux, 
cant.  de  Valençay;  821  hab. 

LANGE  (Wilhelm),  mathématicien  danois,  né  à  Ilel- 
singôr  le  15  janv.  1624,  mort  à  Copenhague  le  22  mai 
1682.  Professeur  de  mathématiques  à  l'université  de  Co- 
penhague (1650),  il  fut  attaché  à  l'éducation  du  prince  hé- 
ritier (1656),  puis  chargé  de  fonctions  judiciaires  (1660). 
Il  a  donné  des  Exercitationes  mathematicœ  (astrono- 
miques; Copenhague,  1653),  et  deux  livres  De  Veritatibus 
geometricis  avec  une  Lettre  à  Meibomius  (1656). 

LANGE  (Joachim),  théologien  et  philosophe  allemand, 
né  à  Gardelegen  le  26  oct.  1670,  mort  à  Halle  le  7  mai 
1744.  Il  est  surtout  connu  comme  champion  du  piétisme, 
qu'il  défendit  contre  le  théologien  luthérien  Valentin  Lœ- 
scher,  dans  son  Antibarbarus  orthodoxiœ  dogmatico- 
hermeneuticus  (1709-11),  et  contre  le  philosophe  Chris- 
tian Wolff  (V.  ce  nom)  dans  divers  écrits,  entre  autres 
Causa  Dei  aduersus  Atheismum  et  Pseudophiloso^ 
phiam,  prœsertim  Stoicam,  Spinoz.  ad  Wolfianam. 


Il  fut  professeur  de  théologie  à  Halle  de  1709  jusqu'à  sa 
mort.  Il  a  écrit  lui-même  sa  biograghie  (Halle  et  Leipzig, 
1744)  et  publié  divers  ouvrages  théologiques. 

LANGE  (François),  peintre  savoyard,  né  à  Annecy  en 
1676,  mort  en  1756.  Imitateur  de  l'Albane,  ses  figures 
les  moins  retouchées  sont  généralement  les  plus  gracieuses. 
Il  a  traité  surtout  des  sujets  religieux  :  la  Descente  du 
Saint-Esprit,  la  Nativité  du  Christ,  Membre  de  l'Aca- 
démie de  Turin,  il  se  retira,  à  l'âge  de  soixante  ans,  chez 
les  oratoriens  de  Bologne  ;  là  il  continua  à  peindre  dans 
l'intervalle  de  ses  exercices  pieux. 

LANGE  (Samuel-Gotthold),  poète  allemand,  né  à  Halle 
en  1711,  mort  le  25  juin  1781.  Fils  de  Joachim  Lange 
(V.  ci-dessus),  il  fut  pasteur  à  Laublingen  (près  de  Halle), 
puis  inspecteur  des  églises  et  écoles  du  cercle  de  la  Saale 
(1755).  D'abord  partisan  de  Gottsched,  il  le  combattit 
ensuite  avec  son  amiPyra,  s'efforçant  de  repousser  l'intro- 
duction de  la  rime  et  de  ramener  le  vers  à  son  ancienne 
forme  ;  ils  publièrent  leurs  poésies  sous  le  titre  de  Thyrsis 
und  Damons  freundschaftliche  Lieder  (Zurich,  1745); 
l'échec  de  la  traduction  rythmée  des  Odes  d'Horace,  pu- 
bliée par  Lange  (Halle,  1752)  et  durement  critiquée  par 
Lessing,  consacra  l'avortement  de  ces  tentatives.  Lange  a 
donné  un  recueil  de  lettres  intéressant  pour  l'histoire  lit- 
téraire de  son  temps:  Sammlung  gelehrter  und  freund- 
schaftlicher  Briefe  (Halle,  1769-70,  2  vol.). 

LANGE  (Joseph),  acteur  et  compositeur  allemand,  né  à 
Wurzbourg  le  l^*"  août  1751,  mort  à  Vienne  le  18  sept. 
1831.  Fils  d'un  secrétaire  de  légation,  il  étudia  d'abord  la 
musique  et  la  peinture  ;  puis,  aimant  l'art  dramatique  avec 
passion,  il  s'essaya  sur  une  scène  d'amateurs  où  il  obtint 
des  succès,  bientôt  se  consacra  définitivement  au  théâtre, 
et  devint  rapidement  l'un  des  acteurs  favoris  du  public  de 
Vienne,  où  il  s'était  fixé.  Cela  pourtant  ne  l'empêchait  pas 
de  continuer  à  cultiver  la  peinture  et  la  musique.  Pianiste 
habile,  il  publia  des  chansons  et  divers  morceaux  de  mu- 
sique instrumentale,  et  écrivit  un  opéra  :  Adèle  de  Pon- 
thieu,  qui  fut  très  bien  accueilli.  Il  peignit  aussi  plusieurs 
grands  tableaux  religieux  qui  sont  estimés.  Cet  artiste 
épousa  en  1780  la  cantatrice  Aloysia  de  Weber,  dont  la 
sœur  épousa  Mozart. 

LAN  G  E  (Aloysia-Marie-Antoinelte  de  Weber,  M"^^),  can- 
tatrice allemande,  née  à  Mannheim,  morte  à  Francfort  en 
i  830.  Douée  d'une  voix  charmante,  servie  par  un  talent  vé- 
ritable, elle  devint  une  des  meilleures  cantatrices  de  l'Al- 
lemagne. Elle  débuta  à  Mannheim  en  1779,  puis  se  rendit 
à  Vienne,  où  elle  reçut  des  leçons  de  Mozart,  que  sa  coquette- 
rie fit  s'éprendre  d'elle,  mais  qu'elle  ne  comprit  pas,  si  bien 
que  celui-ci  épousa  sa  charmante  sœur  Constance.  Elle  n'en 
fit  pas  moins  de  grands  progrès  sous  sa  direction,  et  fut 
engagée  à  l'Opéra  impérial  de  Vienne,  où  elle  obtint  de 
beaux  succès,  succès  qu'elle  \ït  croître  encore  sur  diverses 
autres  scènes  allemandes.  Engagée  de  nouveau  à  Vienne, 
elle  eut  bientôt  avec  la  direction  des  démêlés  qui  la  firent 
s'éloigner  en  1785  pour  se  rendre  à  Hambourg,  où  elle 
resta  jusqu'en  1798.  Elle  se  fit  entendre  ensuite  à  l'Opéra 
allemand  d'Amsterdam,  qui  lui  accordait  un  traitement 
très  considérable  pour  l'époque.  C'est  à  Vienne  qu'elle  avait 
épousé  l'acteur  Joseph  Lange. 

LANGE  (Anne-Françoise-Elisabeth),  actrice  française, 
née  à  Gènes  le  17  sept.  1772,  morte  à  Florence  le  25  mai 
1816.  Son  père  était  musicien,  et  sa  mère,  née  Marie-Rose 
Pi  trot,  était,  en  1780,  sociétaire  de  la  Comédie-Italienne. 
Dès  1787,  la  jeune  Lange,  que  sa  rare  beauté  rendit 
célèbre  dès  son  jeune  âge,  faisait  partie,  à  Tours,  de  la 
troupe  de  la  fameuse  Montansier,  et  le  2  oct.  de  l'année 
suivante  elle  débutait  avec  succès  à  la  Comédie-Française 
dans  l'Ecossaise  et  dans  l'Oracle.  Elle  quitta  ce  théâtre 
en  1791  pour  suivre  Talma,  Dugazon,  M"^^  Vestris,  etc., 
à  celui  de  la  rue  Richelieu,  qui  allait  bientôt  prendre  le 
titre  de  théâtre  de  la  République.  Après  quelques  mois, 
elle  retourna  à  la  Comédie-Française.  Cette  fois,  après 
avoir  établi  encore  quelques  rôles  nouveaux,  elle  eut  un 


-  889  — 


LANGE 


succès  de  talent  et  de  beauté  dans  la  fam^se  pièce  de 
François  de  Neufchâteau,  Paméla  ou  la  Vertu  récom- 
pensée, qui  devait  attirer  sur  la  Comédie  les  foudres  du 
comité  de  Salut  public  après  avoir  bouleversé  tout  Paris. 
On  sait  ce  qu'il  en  advint:  le  3  sept,  au  matin,  l'auteur 
de  la  pièce  et  tous  les  artistes  du  théâtre  étaient  arrêtés 
en  masse  et  conduits  dans  les  différentes  prisons.  Grâce  à 
certaines  relations,  W^^  Lange  obtint  d'être  enfermée  dans 
la  maison  de  santé  du  docteur  Belhomme,  oii  sa  captivité 
fut  douce  et  d'oti  elle  sortit  après  le  9  thermidor.  Elle  alla 
rejoindre  alors  ceux  de  ses  camarades  qui  étaient  déjà 
réunis  au  théâtre  Feydeau,  mais  prit  sa  retraite  dès  le 
16  déc.  1791.  Une  semaine  après,  elle  épousait  le  fils  d'un 
riche  carrossier  de  Bruxelles,  nommé  Simons,  ce  qui  ne 
l'empêcha  pas  de  reprendre  plus  tard  une  vie  de  coquet- 
terie et  d'aventures.  Elle  rentra  un  instant,  en  4807,  à  la 
Comédie-Française,  et  la  quitta  de  nouveau  presque  aussi- 
tôt. C'est  à  cette  époque  qu'elle  fut  l'objet  d'une  vengeance 
odieuse  de  la  part  du  peintre  Girodet.  Comme  elle  avait 
refusé  à  cet  artiste  un  portrait  qu'elle  lui  avait  commandé, 
celui-ci  ne  trouva  rien  de  mieux  que  de  la  peindre  sous  les 
traits  d'une  Danaé  disparaissant  sous  une  pluie  d'or,  et 
d'envoyer  ce  tableau  au  Salon,  où  il  fit  le  scandale  que 
l'on  pense.  On  assure  que  c'est  le  chagrin  qu'elle  ressentit 
de  cette  injure  qui  causa  sa  mort.  Arthur  Pougin. 

LANGE  (Johann-Peter),  théologien  allemand,  né  àSonn- 
born  le  10  avr.  1802,  mort  à  Bonn  le  9  juil.  1884.  Il  fut  pas- 
teur en  1826,  et  professeur  de  théologie  en  1841  à  Zurich,  et 
à  partir  de  1853  à  Bonn.  Conférencier  très  brillant,  s'effor- 
çant  d'accommoder  les  doctrines  chrétiennes  au  goût  des 
gens  du  monde,  il  fut  un  écrivain  des  plus  féconds  dans 
toutes  les  branches  de  la  théologie  :  histoire  ecclésias- 
tique, dogmatique,  exégèse;  il  a  publié  aussi  des  poésies  et 
des  cantiques.  Son  ouvrage  le  plus  considérable,  pour 
lequel  il  s'est  adjoint  plusieurs  collaborateurs,  est  son 
Theologisch-  homiletisches  Bibelwer k  {Bklekld,  1861- 
77),  qui  contient  en  36  tomes  un  vaste  commentaire 
théologique  et  homilétique  de  tous  les  livres  de  l'Ancien 
et  du  Nouveau  Testament. 

LANGE  (Ludwig),  architecte  allemand,  né  à  Darmstadt 
le  22  mars  1808,  mort  à  Munich  le  31  mars  1868. 
Elève  de  Lerch,  professeur  à  l'Académie  d'architecture  de 
Munich  (1847),  il  publia  de  remarquables  dessins  des 
principaux  monuments  de  l'Allemagne  :  Malerische  An- 
sichten  der  merkwûrdichsien  Kathedralen^  Kirchen, 
und  Monumente  der  gotischen  Baukunst  am  Rhein, 
Main  undan  der  Lahn  (Francfort,  1833-34);  Werke 
der  hœheren  Baukunst  (Darmstadt,  1846-55,  3  vol.),  fit 
bâtir  dans  le  style  classique  de  la  Renaissance  italienne  la 
villa  royale  de  Berchtesgaden  et  le  musée  de  Leipzig. 
C'était  aussi  un  bon  peintre. 

Son  frère  Julius,  né  à  Darmstadt  le  17  août  1817, 
mort  à  Munich  le  25  juin  1878,  élève  de  Schirmer,  fut 
un  bon  peintre  de  paysages  dont  on  trouve  des  œuvres  aux 
musées  de  la  Brera  (Milan),  Stuttgart,  Darmstadt,  etc.  Il 
fut  le  professeur  de  l'archiduchesse  Charlotte,  plus  tard 
impératrice  du  Mexique. 

LANGE  (Christian-Christof-Andreas),  historien  et  archi- 
viste norvégien,  né  à  Baerum  en  1810,  mort  à  Christiania 
en  1861.  Après  avoir  fait  ses  études  de  théologie  à  Chris- 
tiania et  avoir  été  pendant  un  certain  temps  précepteur, 
puis  suffragant  de  pasteur  de  campagne,  il  entra  en  1834 
à  l'école  navale  de  Fredriksvern  comme  professeur  de  reh- 
gion,  de  norvégien  et  d'histoire.  En  1845,  s'étant  voué 
entièrement  aux  études  historiques,  il  obtint  la  place  d'ar- 
chiviste du  royaume  (Rigsarkivar),  qu'il  occupa  jusqu'à  sa 
mort.  Au  cours  des  années  1843-45,  il  avait  fait,  grâce 
à  des  subsides  accordés  par  la  Société  des  sciences  de  Trond- 
hjem,  de  nombreuses  recherches  en  Suède  et  en  Norvège 
pour  un  grand  ouvrage  qu'il  préparait  sur  les  couvents 
norvégiens  au  moyen  âge.  Il  continua  ses  investigations, 
en  les  généralisant,  les  années  suivantes  et  visita  la  Bel- 
gique, la  Hollande  et  le  N.  de  l'Allemagne.  Ses  travaux. 


admirablement  documentés,  et  la  collection  des  documents 
qu'il  a  publiés  sont  de  la  plus  grande  importance  pour 
l'étude  de  l'histoire  de  la  Norvège.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  les  suivants  :  Histoire  des  cloîtres  norvégiens  au 
moyen  âge  (1847  ;  2^  éd.,  remaniée,  1856,  en  danois); 
Dipiomatarium  Norvegicimi  (iS'ilSi,  en  collaboration 
avec  C.-R.  Unger,  continué  après  1861,  à  partir  du 
YoL  Xï,  par  H.-J.  Huitfeldt),  œuvre  capitale,  munie  de 
tables  chronologiques  et  de  répertoires,  qui  en  rendent 
l'accès  relativement  facile  ;  DicHoîmaire  des  écrivains 
norvégiens  de  1814 -i 856  (Norsk-forfatter-lexicon, 
1863,  publié  à  l'aide  de  documents  laissés  par  J.  Kraft)  ; 
Revue  norvégie7ine  de  science  et  de  littérature  (Norsk 
Ridskrift  for  Videnskab  og  Litteratur,  1847-51)  et  enfin 
un  grand  nombre  d'articles  dans  diverses  revues  ou  jour- 
naux. Th.  C. 

LANGE  (Philipp),  connu  sous  le  pseudonyme  de 
P/i.  Galen,  romancier  allemand,  né  à  Potsdam  le  21  déc. 
1813,  médecin  militaire  prussien  jusqu'en  1878.  Ses  prin- 
cipaux romans  sont:  Der  Inselkœnig  (Leipzig,  1852)  ; 
Der  Irre  von  Saint  James  (1853  ;  7^  éd.,  1883,  4  vol.), 
réputé  son  chef-d'œuvre  ;  Fritz  Stilling^  Erinnerungen 
aus  dem  Leben  eines  Arztes  (1854,  4  vol.);  Waltker 
Lund;   aus  dem  Leben  eines   Schriftstellen  (1855, 

3  vol.*);  Andréas  Burns  (1856,  4  vol.);  Der  Sohn  des 
Gœrtners  (1861,  4  vol.);  Die  Insulaner  (1861,  4  vol.), 
scènes  de  la  vie  de  Rùgen  ;  Der  Leuchtthurm  auf  Kap 
W7'ath  (1862,  3  vol.)  ;  Die  Tachter  des  Diplomaten 
(1865,  4  vol.)  ;  Der  Lœwe  von  Luzern  (1869,  5  vol.)  ; 
Die  Rastelbinder  (1874,  3  vol.);  Der  Einsiedler  vom 
Abendberg  (1876,  3  vol.)  ;  Die  Mosetnixe  (1877, 3  vol.); 
Die  Perle  von  der  Oie  (1880,  4  vol.),  etc.  Ces  romans, 
dont  la  plupart  ont  eu  plusieurs  éditions,  sont  des  peintures 
dramatisées  de  la  vie  moderne  où  l'intérêt  résulte  des 
situations;  la  psychologie  en  est  faible;  la  plupart  décri- 
yent  les  paysages  et  les  mœurs  du  Slesvig-Holstein.  Ph. 
Lange  a  aussi  composé  un  drame,  Friedrich  in  Rheims- 
berg  (Berlin,  1873,  2«  éd.). 

LANGE  (Ludwig),  archéologue  allemand,  né  à  Hanovre  le 

4  mars  1825,  mort  à  Leipzig  le  17  août  1885.  11  fit  ses 
études  à  l'université  de  Gœttingue,  et  fut  successivement 
professeur  aux  universités  de  Prague  (1855),  de  Giessen 
(1859)  et  de  Leipzig  (187 1).  Ses  principaux  ouvrages  sont  : 
Handbuch  der  rœmischenAlterthûmer  (Berlin,  1856-71, 
3  vol.,  inachevé  ;  3^  édit.,  1876  et  suiv.,  traduit  en  fran- 
çais par  A.  Berthelot  et  Didier),  grand  ouvrage  sur  les 
institutions  et  l'histoire  poHtique  de  Rome  ;  Der  home- 
ricshe  Gebrauch  der  Partikel  d  (Leipzig,  1872-73)  ;  Die 
Epheben  und  der  Areopag  des  Solon  (Leipzig,  1874).  Il 
a  publié  en  outre  divers  mémoires  d'histoire,  de  gram- 
maire et  d'épigraphie,  plusieurs  commentaires  de  discours 
de  Cicéron  et  des  articles  de  revue,  notamment  dans  les 
AbJiandlungen  der  k.  sœchs.  Gesellschaft  der  Wis- 
senschaften.  M.  P. 

Bi^L.  :  Neumann,  L.  Lanfige  ;  Berlin,  1886. 

LANGE  (Friedrich- Albert),  écrivain  politique  et  philo- 
sophe allemand,  né  à  Wald,  près  de  Solingen,  le  28  sept. 
1828,  mort  à  Marbourg  le  21  nov.  1875.  Fils  d'un  pas- 
teur calviniste,  il  commença  ses  études  dans  les  différentes 
villes  où  son  père  fut  successivement  appelé,  à  Duisbourg 
et  à  Zurich.  Il  vint  en  1848  à  Bonn  étudier  la  philologie 
et,  en  1851,  y  prit  son  doctorat  puis  le  diplôme  de  pro- 
fesseur de  gymnase.  N'ayant  pu,  après  trois  années  de 
suppléance  dans  un  gymnase  de  Cologne,  obtenir  un  poste 
de  professeur,  il  donna  sa  démission  et  se  fit  accorder  une 
chaire  de  privat-docent  de  philosophie  et  de  pédagogie  à 
l'université  de  Bonn.  Cependant,  en  1858,  il  accepta  les 
fonctions  de  professeur  en  titre  au  gymnase  de  Duisbourg. 
Il  demeura  huit  ans  dans  cette  ville,  s'occupant  avec  la 
plus  grande  activité  de  son  enseignement,  de  gymnastique, 
d'administration,  de  politique  locale  et  de  questions  écono- 
miques. En  1862,  il  abandonna  le  gymnase  pour  se  con- 
sacrer entièrement  à  la  politique.  Il  se  lança  dans  la  lutte 


LANGE  —  [ANGEAC 


—  890  — 


des  partis  avec  toute  l'ardeur  de  son  âme  généreuse  et 
profondément  idéaliste.  Il  attaqua  avec  la  plus  vive  énergie 
les  tendances  impérialistes  de  la  politique  prussienne  et 
combattit  résolument  pour  le  quatrième  état  à  côté  de  Be- 
bel  et  de  Sonnemann.  De  cette  époque  datent  une  quantité 
incalculable  d'articles  de  journaux  et  de  revues  politiques, 
ainsi  que  son  petit  livre  Die  Arbeiterfrage  in  ihrer  Be- 
deutung  fur  Gegenwart  u,  Zukunft  (Winterthur,  4865, 
in-12),  véritable  chef-d'œuvre  dans  lequel  il  recommande, 
comme  unique  moyen  de  résoudre  la  question  sociale, 
l'éducation  des  classes  populaires,  l'ennoblissement  des  ca- 
ractères, l'expansion  des  jouissances  intellectuelles  et  sen- 
timentales. Il  trouvait  aussi  le  temps  de  préparer  son 
grand  ouvrage  Die  Geschichte  des  Materialismus^  qui 
parut  à  Iserlohn  en  1866,  et  d'écrire  un  grand  nombre 
d'articles  dans  la  Pœdagogische  Encyclopœdie,  à  laquelle 
il  collabora  toute  sa  vie.  En  butte  à  des  visites  domici- 
liaires et  à  des  procès  de  presse  continuels,  il  alla,  en 
1866,  s'établir  en  Suisse,  à  Zurich,  puis  à  Winterthur  où 
il  ne  cessa  de  donner  à  la  presse  politique  articles  sur  ar- 
ticles. En  Suisse  même  l'opposition  ne  manqua  pas  de 
le  persécuter  et  en  4871  il  abandonna  la  lutte  pour  s'adon- 
ner exclusivement  aux  sciences.  En  4872,  le  ministère 
libéral  prussien  de  Falk  lui  offrit  une  chaire  de  philoso- 
phie à  l'université  de  Marbourg.  Il  accepta.  Mais  les  fati- 
gues de  la  polémique  avaient  épuisé  son  vigoureux  tempé- 
rament. Il  mourut  après  quelques  mois  d'enseignement 
et  de  longues  souffrances  stoïquement  supportées.  Après  sa 
mort  parut  son  dernier  ouvrage  :  Logische  Studien^  ein 
Beitrag  zur  Neubegrûndung  der  formalen  Logik  u, 
der  Erkenntnisstheorie  (Iserlohn,  4877).  Une  troisième 
édition  revue  et  augmentée  de  Die  Arbeiterfrage  avait 
paru  à  Winterthur  en  4875  (4^  éd.,  4879).  La  deuxième 
édition  revue  et  augmentée  de  VHistoire  du  matérialisme 
parut  à  Iserlohn  (1873-75;  3*^  éd.,  Leipzig  et  Iserlohn, 
4876-77  ;  4«  éd.,  éd.  popuL,  Iserlohn,  4882  ;  trad.  angl., 
Londres,  4877-79;  trad.  franc.,  Paris,  4878-80). 

En  philosophie,  Lange  admet  la  théorie  kantienne  des 
formes  de  l'intuition  et  du  jugement  ;  mais  il  attribue  la 
découverte  de  ces  formes  non  pas  à  une  déduction  à  priori, 
mais  à  une  induction  pure  et  simple.  Le  monde  sensible 
est  produit  par  notre  organisation  sous  l'action  d'un  monde 
inconnaissable  qu'aucune  métaphysique  ne  peut  atteindre. 
Le  matérialisme,  en  tant  qu'il  anéantit  les  prétentions  des 
métaphysiciens,  est  une  doctrine  bienfaisante;  mais  il  est 
impuissant  à  substituer  aux  hypothèses  transcendantales 
une  explication  valable  du  problème  universel.  C'est  d'ail- 
leurs le  rôle  légitime  des  fonctions  synthétiques  de  l'en- 
tendement de  chercher  hors  de  l'expérience  une  conception 
dans  laquelle  se  rejoignent  et  s'harmonisent  les  connais- 
sances particulières.  Mais  ce  sont  là  de  pures  constructions 
individuelles,  analogues  à  l'art  et  à  la  religion,  mais  dépour- 
vues de  toute  valeur  objective.  Th.  Ruyssen. 

BiBL.  :  H.  Cohen,  Preuss,  Jahrbûcher,  1876,  pp.  353- 
81.  —  M.  Heinze,  Vierteljahrsschrift  f.  wissensch.  ^ ki- 
los.^ 1876,  pp.  173-201.  —  H.  Vaihiivger.  Hartmann^  Dûh- 
ringu.  Lange;  Iserlohn,  1876.  —  H.  Braun,  F.-A.  Lange 
als  Sozialoèhonom  ;  Halle,  1881.  —  O.  Ellissen,  F.-A. 
Lange^  eine  Lebensbeschreibung  ;  Leipzig,  1891. 

LANGE  (Thomas),  romancier  danois,  né  à  Copenhague 
en  4829,  mort  en  4887.  Ses  études  de  théologie  achevées, 
il  se  consacra  aux  lettres  et  leur  resta  fidèle  jusqu'à  la 
fin  de  sa  vie.  En  4883,  il  reçut  le  titre,  purement  hono- 
rifique, de  professeur.  Dès  4855,  il  prenait  part  à  la  polé- 
mique qui  s'engageait  autour  des  doctrines  de  Kierkegaard 
par  un  opuscule  anonyme,  qui  parut  sous  le  titre  de  Lettre 
rimêe  au  «  Defensor  fidei  ».  Il  publia  les  années  suivantes, 
soit  sous  le  voile  de  l'anonyme,  soit  en  les  signant,  divers 
ouvrages  et  essais  qui  n'attirèrent  pas  sur  lui  l'attention 
du  pu'bhc.  Il  dut  son  premier  et  très  grand  succès  à  un 
volume  intitulé  Au  Pays  des  contes  (Eventyrets  Land, 
4865).  Depuis  lors,  ses  ouvrages,  plus  ou  moins  goûtés, 
ne  passèrent  jamais  inaperçus  et  lui  valurent  une  place  à 
côté  du  célèbre  romancier  danois  Goldschmidt,  dont  il  n'a 


ni  la  vivacité  spirituelle,  ni  le  style  sain,  mais  qu'il  sur- 
passe par  un  sentiment  profond  de  la  nature  et  par  la 
richesse,  parfois  exagérée  et  presque  maladive,  de  la 
langue.  S'il  abuse  des  descriptions,  il  a  su  mieux  que 
d'autres  faire  sentir  l'union  intime  de  l'âme  et  de  la  na- 
ture environnante.  Il  aime  la  nature  d'un  amour  mystique, 
et  par-dessus  tout  il  aime  la  mer  «  grandiose  et  terrible  », 
telle  qu'elle  s'était  révélée  à  lui  dans  son  enfance,  et  il 
excelle  à  la  décrire.  Son  sens  psychologique  est  très  fin. 
Ses  principaux  romans  ou  nouvelles,  à  partir  de  4865,  sont  : 
le  Ruisseau  et  la  Mer  (Aaen  og  Havet,  4870);  Descrip- 
tions romantiques  (4872);  les  Nuits  claires  (4875); 
Vie  et  nature  (4877);  Un  Banquet  (Et  Sym\iosion,iSll); 
Nouvelle  Vie  (4879);  Esquisses  et  Aventures  (1880); 
Noces  d'argent  à  Hôjsgârd  (4883),  etc.  Plusieurs  de  ses 
œuvres  ont  été  traduites  en  allemand.  Th.  C. 

LANGE  (Julius-Henrik),  critique  d'art  danois,  né  à  Vor- 
dingborg  en  4838.  Professeur  à  l'université  de  Copenhague, 
il  a  publié  plusieurs  ouvrages  très  importants  sur  l'histoire 
des  beaux-arts,  entre  autres  :  les  Arts  plastiques  (Bil- 
ledkunst,  4884);  PArt  moderne;  Sergelet  Thorvaldsen 
(4886),  études  sur  la  statuaire  classique  dans  les  pays  du 
Nord,  où  l'on  trouve  à  côté  d'une  science  très  sûre,  nombre 
de  vues  ingénieuses  et  fécondes  ;  Bastien  Lepage  et  autres 
études  (4889);  Etudes  sur  la  représentation  de  la 
figure  humaine  dans  l'art  primitif  jusqu'à  l'art  grec 
du  v^  siècle  av.  J.-C.  (en  danois,  avec  un  résumé  en 
français,  4892,  in-4),  etc.  Th.  C. 

LANGE  (Albert),  professeur  français,  né  à  Wissembourg 
le  27  mai  4842.  Agrégé  d'allemand,  docteur  es  lettres,  il 
professa  la  langue  allemande  en  divers  lycées  et  collèges 
de  province  et  de  Paris,  devint  maître  de  conférences  à  la 
faculté  des  lettres  de  Paris  et  entra  au  conseil  supérieur 
de  l'instruction  publique.  Citons  de  lui:  Un  Trouvère  alle- 
mand, Etude  sur  Walther  von  der  Vogelweide  (Paris, 
4879,  in-8);  Tableau  de  la  littérature  allemande 
(4885,  in-42),  des  éditions  classiques  de  Schiller,  de 
Lessing,  etc. 

LANGE  (Ina-Blenda),  pianiste  et  romancière  finlandaise, 
née  en  1849.  Elle  a  épousé  le  chanteur  suédois  Algot 
Lange  en  1876  et  a  publié  sous  le  pseudonyme  de  Daniel 
Sten  des  nouvelles  et  des  romans  qui  ont  été  fort  re- 
marqués :  A  Travers  les  déserts  et  les  rochers  (1884)  ; 
Petites  Gens  (Sâmre  folk,  1885);  Luba  (étude,  1889)  ; 
Récits  de  Finlande  (1890),  etc. 

LANGE  (Thor),  philologue  et  auteur  danois,  né  en  4854. 
Appelé  vers  4877  par  le  gouvernement  russe  comme  pro- 
fesseur dans  un  lycée  de  Moscou,  il  s'est  distingué  par 
des  poésies  d'une  facture  remarquable,  publiées  dans  di- 
verses revues,  et  par  ses  traductions  poétiques  d'après  des 
originaux  vieux  français,  italiens,  grecs  ou  russes.  Son 
ouvrage  principal  est  une  remarquable  anthologie  des  écri- 
vains russes  contemporains  (Wesnd,  4886).  En  4888  et 
1890,  Thor  Lange  a  publié  deux  volumes  :  Un  Mois  en 
Orient  et  Esquisses  et  Fantaisies,  où  il  fait  preuve  d'un 
grand  talent  descriptif  et  lyrique.  Son  dernier  ouvrage  est 
un  recueil  de  poésies  :  Au  Travers  d'un  verre  coloré 
(Gjennem  farvet  Glas,  4894).  Th.  C. 

LANGE-MtJLLER  (Peter-Erasmus),  compositeur  danois, 
né  à  Copenhague  en  4850.  A  peine  sorti  du  Conservatoire 
de  Copenhague,  il  produisit  des  œuvres  très  diverses,  où 
l'on  reconnaît  l'influence  de  Gade  et  de  Hartmann,  mais 
qui  ne  manquent  point  d'originalité.  Après  avoir  fait  jouer 
une  suite  d'orchestre,  Alhambra,  il  donna  au  public  entre 
autres  un  opéra,  Tove  (4878)  ;  une  symphonie,  Arrière- 
Saison  (Efteraaret),  puis  composa  la  musique  de  Fulvia 
et  d'un  opéra-comique,  Etudiants  espagnols  (i8S3),  qui 
le  fit  connaître  hors  de  sa  patrie.  C'est  un  des  chefs,  sinon 
le  chef  de  l'école  danoise  contemporaine. 

LANGEAC.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Haute-Loire, 
arr.  de  Brioude,  sur  la  rive  gauche  de  l'Allier;  4,348  hab. 
Stat.  du  ch.  de  fer  P.-L.-M.,  ligne  de  Saint-Germain- 
les-Fossés  à  Nîmes.  Bassin  houiller.  Carrières  de  spath- 


-  894  ~- 


LANGEAC  —  LAiNGENBECK 


fluor.  Carrières  de  pierres  de  taille  et  de  grès  à  Jahon.  Mi- 
nerai de  plonib  argentifère  et  sulfure  d'antimoine  à  Barlet. 
Source  ferrugineuse  à  Brugéroux.  Fabrique  de  perles  arti- 
ficielles. Cordcries,  huileries,  moulins.  Fabriques  de  sabots 
et  de  toiles.  Tuileries  et  briqueteries.  Ancien  ch.-l.  du 
Langadois.  Dolmen  (mon.  hist.). 

LANGEAC  (Jean  de),  prélat  et  diplomate  français,  né  à 
Langeac  (Haute-Loire)  à  la  fin  du  xv^  siècle,  mort  à  Paris 
le  22  mai  1541.  D'abord  protonotaire  apostolique,  il  fit 
une  rapide  et  brillante  carrière  ecclésiastique,  grand  au- 
mônier du  roi  en  1516,  évêque  d'Avranches  en  1526,  puis 
de  Limoges  en  1532.  Il  fut  envoyé  on  ambassade  par  le 
roi  de  France  en  Portugal,  en  Pologne,  en  Hongrie,  en 
Suisse,  en  Ecosse,  à  Venise,  à  Ferrare  et  enfin  à  Rome. 
n  a  laissé  la  réputation  d'un  ami  éclairé  des  arts. 

LANGEAC  (De  Lespinâsse  de),  littérateur  français,  né 
vers  1750,  mort  en  1839.  Fils  naturel  de  M"^*'  Sabbatin 
et  du  comte  Phélippeaux  de  Saint-Florentin ,  duc  de 
La  Vrillière,  il  fut  légitimé  par  le  mariage  de  sa  mère  avec 
le  comte  de  Lespinâsse  qui  reconnut  les  enfants.  D'abord 
abbé,  puis  chevalier  de  Malte,  il  fut  secrétaire  de  légation 
à  Vienne,  à  Pétersbourg  et  à  Moscou  et  chargé  même  en 
1774  d'une  mission  secrète  auprès  de  Catherine  IL  II 
n'émigra  point  pendant  la  Terreur,  mais  fut  un  instant 
proscrit  après  le  18  vendémiaire.  Conseiller  de  l'université 
lors  de  sa  réorganisation  (1801),  il  reçut  en  i  825  le  titre  de' 
garde  de  la  bibliothèque  et  des  archives  de  la  Sorbonne. 
Auteur  d'un  certain  nombre  de  pièces  de  vers  et  d'éloges  en 
prose  couronnés  par  l'ancienne  Académie  française,  d'une 
traduction  ou  plutôt  d'une  paraphrase  de  VEnéide  en  vers 
français,  il  donna  sous  l'Empire  un  Essai  d'instruction 
morale  ou  les  Devoirs  envers  Dieu,  le  prince,  la  patine 
et  soi-même  (1812,  2  vol.  in-4  et  in-18),  rempli  des  plus 
hyperboliques  flatteries  à  l'adresse  de  Napoléon,  et  en  1 821 
un  Journal  de  ranarchie,  de  la  terreur  et  du  despo- 
tisme (3  parties  in-16)  où  la  Révolution  et  l'Empire  sont 
également  malmenés.  Langeac  avait  formé  ou  reçu  en  hé- 
ritage une  galerie  de  tableaux  dont  une  partie  fut  vendue 
aux  enchères  en  i  809  et  dont  le  reste  fut  acquis  en  1 822 
par  Louis  XVIIÏ  pour  20,000  fr.  Quelques-uns  entrèrent 
au  Louvre,  d'autres  (des  portraits)  furent  attribués  au  musée 
de  Versailles  lors  de  sa  formation.  M.  Tx. 

LANGEAIS  (Alingavia^  Langiacum),  Ch.-l.  de  cant. 
du  dép.  dlndre-et-Loire,  arr.  de  Chinon,  au  confluent  de 
la  Roumer  et  de  la  Loire;  3,365  hab.  Pont  suspendu 
sur  la  Loire.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Tours  à  Nantes  ; 
fabrique  de  poteries.  —  La  paroisse  a  été  fondée  par  saint 
Martin,  et  des  monnaies  mérovingiennes  y  furent  frappées. 
Il  reste  les  ruines  d'un  fort  construit  par  Foulques  Nerra 
et  dont  les  Anglais  s'emparèrent  en  1427.  Dans  cette  ville 
eut  lieu,  en  1460,  la  première  rédaction  de  la  coutume  de 
Touraine,  et,  le  26  déc.  1 491 ,  le  mariage  de  Charles  VII  avec 
Anne  de  Bretagne.  L'église  remonte  en  partie  au  xi®  siècle 
et  le  château  à  la  seconde  moitié  du  xv®.    L.  Lhuillier. 

Concile  provincial  de  Langeais,  tenu  en  1278,  sous  la 
présidence  de  Jean  de  Montsoreau,  archevêque  de  Tours. 
On  y  fit  seize  canons.  IV.  Défense  aux  prêtres  de  garder 
auprès  d'eux  les  enfants  qu'ils  ont  eus  de  leurs  concubines, 
étant  déjà  dans  les  ordres  sacrés,  et  de  leur  rien  léguer. 
VIL  Ceux  qui  sont  restés  un  an  dans  l'excommunication, 
au  mépris  des  clefs  de  l'Eghse,  sont  déclarés  incapables  de 
faire  et  de  recevoir  des  legs.  XIV.  Défense  de  piller  les 
prieurés  vacants.  XV.  Pour  être  reçu  avocat  dans  les  tri- 
bunaux ecclésiastiques,  il  faudra  avoir  étudié  le  droit  cauon 
et  le  droit  civil,  au  moins  pendant  trois  ans.    E.-II.  V. 

LANGEAIS  (Raoul  de),  prélat  français  du  xi®  siècle. 
Doyen  de  l'égUse  de  Tours,  puis  promu  évêque  de  cette 
ville,  il  fut,  par  suite  de  calomnies,  déposé  et  excommu- 
nié ;  mais,  après  justification,  revint  sur  son  siège.  Chassé 
de  nouveau  par  Foulques  Réchin,  il  fut  rétabli  en  1084 
par  Grégoire  VIL  L.  Lhuillier. 

LANGEBEK  (Jacob),  historien  danois,  né  àThy  en  1710, 
mort  à  Copenhague  en  1775.  N'étant  encore  qu'étudiant, 


il  apprit  l'islandais  afin  de  donner  une  base  plus  solide  à 
ses  recherches  sur  l'histoire  primitive  du  Danemark.  Il  se 
fit  remarquer  d'abord  par  les  critiques  qu'il  publia  des  tra- 
vaux historiques  de  ses  contemporains;  ces  critiques  lui 
attirèrent  parfois  des  difiîcultés,  entre  autres  avec  l'histo- 
rien Erik  Pontoppidan,  auquel,  sur  un  ordre  du  roi,  il 
dut  présenter  des  excuses,  pour  avoir  trouvé  quelques  dates 
fausses  et  d'autres  erreurs  dans  son  Histoire  de  l'Eglise 
danoise.  Soutenu  par  l'historien  Gram  et  quelques  autres 
savants,  il  fonda  le  8  janv.  1845  la  Société  pour  l'étude 
de  la  langue  et  de  l'histoire  danoise,  et,  après  la  mort 
de  Gram,  lui  succéda  comme  archiviste  (1848),  fonctions 
qu'il  exerça  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie.  Très  faible  de  santé, 
il  travaillait  néanmoins  continuellement,  et  était  un  spiri- 
tuel et  agréable  causeur,  bien  que  d'extérieur  plutôt  sé- 
vère :  speciem  tristis  et  taciturni  prœ  se  ferebat  ;  in 
convictîi  taynen  hilaris  sempervultus.  Il  a  laissé,  à  l'état 
de  manuscrits,  des  notes  et  des  extraits  considérables  de  ses 
lectures  sur  toutes  les  matières  relatives  à  l'histoire  et  à 
la  linguistique,  entre  autres  un  dictionnaire  danois,  qui  va 
jusqu'à  la  lettre  H  et  comprend  16  vol.  in-fol.  Ses  œuvres 
les  plus  importantes  sont,  à  côté  d'un  nombre  considérable 
d'articles  de  journaux  et  de  dissertations  :  Die  dœnische 
Bihlioihek,  oder  Sammlung  von  alten  und  neuen  ge- 
lehrten  Sachen  aus  Dœnemark  (1838-39,  en  collabo- 
ration avec  Févêque  Harboe)  ;  Dansk  Magazin  (fascicules 
mensuels,  qui  parurent  de  1745  à  1752,  6  vol.),  et  Scrip- 
tores  rerum  danicarum  medii  œvi,  pariim.  hactenus 
inediti,  partim  emendatius  editi,  quos  collegit,  ador- 
navit  et  publici  juris  fecit  Jacobus  Langebek  (Hafniae, 
1772-74,  3  vol.  in-fol.) .  Ce  dernier  ouvrage,  dont  le  neu- 
vième et  dernier  volume  a  paru  en  1878,  fut  continué 
d'après  les  papiers  de  Langebek  par  Suhm,  Schœning  et 
autres  savants.  Le  volume  IV,  qui  avait  été  complètement 
rédigé  par  Langebek,  est  précédé  d'une  préface  de  Suhm 
qui  contient  la  vie  beati  Langebekii  (1776).  En  1794, 
Nyerup  a  publié  un  volume  de  Langebekiana,  ou  Contri- 
bution à  Vétude  de  Vhistoire  de  la  littérature  danoise, 
d'après  les  papiers  laissés  par  Langebek  ;  enfin  on  vient 
de  publier  à  Copenhague,  à  l'occasion  du  cinquantenaire  de 
la  fondation  de  la  Société  pour  l'étude  de  la  langue  et  de 
l'histoire  danoises,  un  recueil  fort  intéressant  des  Lettres 
de  Langebek  (Copenhague,  1895).  Th.  Cart. 

LANGEBERGEN  (Montagnes).  Ce  nom  a  été  donné  à 
plusieurs  chaînons  de  l'Afrique  australe  :  un  à  l'O.  du 
Griqualand  West  ;  un  autre  dans  le  district  de  Calvinia,  etc. 
Le  plus  connu  est  celui  qui  fait  partie  de  la  chaîne  méri- 
dionale du  Cap,  et  qui  court  de  l'O.  à  FE.,  entre  les  rivières 
Breede  et  Groote.  L*aît.  est  de  1,000  m.,  avec  quelques 
sommets  de  1,500  m.  Les  pentes  sont  rapides  et  boisées 
au  S.,  nues  au  N.  C.  Del. 

LANGELIER  (Nicolas),  canoniste  français,  né  vers  le 
milieu  duxvi^  siècle,  mort  en  1595.  Il  fut  élevé  à  la  di- 
gnité épiscopalele  5  août  1564.  Son  administration  fut  mar- 
quée par  de  graves  agitations.  Il  était  ligueur  dans  l'âme, 
en  effet,  et  son  diocèse  (le  diocèse  de  Saint-Brieuc)  était 
fermement  attaché  à  la  cause  royale.  Il  usa  sa  vie  à  s'ef- 
forcer de  briser  les  résistances  environnantes  et  n'eut  que 
la  consolation  de  les  neutraliser  un  peu.  En  lui  le  duc  de 
Mercœur  perdit  un  de  ses  plus  sincères  et  de  ses  plus  dé- 
voués partisans.  L.  M. 

LAN  G  EN  (Joseph),  théologien  vieux-catholique,  né  à 
Cologne  le  3  juin  1837.  Professeur  à  l'université  de  Bonn 
(1867),  il  fut  excommunié  pour  avoir  refusé  de  se  soumettre 
aux  décisions  du  concile  du  Vatican.  Parmi  ses  livres,  on 
peut  citer  :  Das  vatikanische  Dogma  von  dem  Univer- 
salepiskopat  un  der  Unfehlbarkeit  der  Papstes  (Bonn, 
1871-76,  4  vol.). 

LAN  G  EN  AU.  Ville  du  Wurttemberg,  cercle  du  Danube, 
sur  la  Nau;  3,800  hab.  Château;  machines,  cuirs,  mi- 
noterie. 

LANGENBECK (Conrad-Johann-Martin),  célèbre  anato- 
miste  et  chirurgien  allemand,  né  à  Horneburg,  dans  le  Ha- 


LANGENBECK  —  LANGENSOULTZBAGH 


892 


novre,  le  5  déc.  1776,  mort  le  M-  janv.  185i,  Re«;u  pri- 
vat-docent  à  Gœttingue  en  4802,  et  chirurgien  à  l'hôpital 
académique,  il  fut  nommé  en  1804  professeur  extraordi- 
naire, fonda  en  1807  un  Institut  clinique  de  chirurgie  et 
d'ophtalmologie  et  devint  en  1814  professeur  ordinaire 
d'anatomie  et  de  chirurgie  et  chirurgien  en  chef  de  l'armée 
hanovrienne.  En  1828-29,  il  créa  un  nouveau  théâtre  ana- 
tomique.  Langenbeck  fut  un  opérateur  très  habile  et  un 
professeur  hors  ligne,  mais  il  ne  suivit  pas  toujours  les  pro- 
grès de  son  art.  Ses  ouvrages  sont  remarquables  :  Ueber 
eine  ein fâche  und  sichere  Méthode  des  Steinchnittes 
(Wurzbourg,  181*2,  in-8);  Anatomisches  Handbuch 
(Gœttingue,  1806,  in-8);  Nosologie  und  Thérapie  der 
chirurg.  Krankheiten  (Gœttingue,  1822-50,  5  vol.  in-8)  ; 
Handbuch  der  Anatomie  (Gœttingue,  1831-47,  4  vol. 
in-8);  ton^5  anatomicœ  (Gœttingue,  1833-41,  8  fasc. 
gr.  in-fol.);  Mikroskopisch-anat,  A hhandkmg en  (Goit- 
tingue,  1848-51,  4  fasc.  in-fol.) ,  etc.  Il  publia  en  outre 
Bibliothek  fur  Chir,  u,  Ophthalm.  (1806-28).  D'L,  Hn. 

LANGENBECK  (Bernhard-Rudolf-Konrad  de),  chirur- 
gien allemand,  né  à  Padingleuttel  le  8  nov.  1810,  mort 
à  Wiesbaden  le  30  sept.  1887,  neveu  du  précédent.  Il 
étudia  à  Gœttingue,  en  Angleterre  et  en  France,  devint 
privat-docent  de  physiologie  à  Gœttingue  en  1838,  puis  en 
1842  fut  appelé  à  professer  la  chirurgie  à  Kiel,  et  en 
1 847  succéda  à  Dieffenbach  comme  professeur  de  clinique 
chirurgicale  et  directeur  de  la  clinique.  Il  dirigea  le  ser- 
vice de  santé  pendant  la  guerre  de  1864,  et  prit  part 
comme  médecin  général  à  la  suite  aux  campagnes  de  1 866 
et  de  1870-71.  Il  se  démit  de  ses  fonctions  en  1882.  — 
Langenbeck  a  été  l'un  des  premiers  chirurgiens  du  siècle  ; 
la  chirurgie  conservatrice  surtout  lui  doit  beaucoup  ;  c'est 
lui  qui  a  introduit  les  résections  dans  la  chirurgie  de  guerre. 
Il  a  fait  faire  aussi  de  grands  progrès  aux  opérations  auto- 
plastiques, à  l'ostéotomie  et  à  la  ténotomie  sous-cutanée,  etc. 
A  partir  de  1860,  il  publia  avec  Billroth  et  Gurlt  :  Ar- 
chiv  fur  klin.  Chirurgie  ;  on  lui  doit  encore  :  Chirur- 
gische  Beobachtungen  aus  dem  Kriege  (Berlin,  1874, 
in-8)  et  une  série  de  monographies  insérées  dans  les  recueils 
périodiques,  etc.  D^  L.  Hn. 

LANGENBER6.  Ville  de  Prusse,  district  de  Dusseldorf 
(Province  rhénane);  6,800  hab.  Importante  industrie  de 
soieries. 

LANGENBIELAU.  Corn,  de  Prusse,  district  de  Breslau 
(Silésie),  sur  le  Rotwasser;  15,000  hab.  Château  de  la 
famille  Seydlitz  ;  importants  tissages  de  laine  et  coton, 
teintureries,  etc. 

LANGENBRUCK.  Village  de  S  jisse,  cant.  de  Bâle-Cam- 
pagne  ;  826  hab.  Entouré  de  rameaux  du  Jura,  dont  les 
versants  sont  couverts  de  ricb  as  pâturages,  Langenbruck 
est  renommé  par  la  salubrité  de  son  site  et  la  beauté  des 
aspects  des  monts  environnan  ^s.  Séjour  d'été  très  fréquenté, 
notamment  par  les  familles  de  Bâle  et  de  l'Alsace. 

LANGENBRUCKEN.  Vi/iage  d'Allemagne,  grand-duché 
de  Bade,  cercle  de  Karlsrube,  sur  le  Kraichbach  ;  1 ,400  hab. 
Station  balnéaire  fréquentée. 

Eaux  minérales.  —  Athermales,  amétallites,  carboniques 
moyennes,  sulfureuses  faibles,  ces  eaux,  à  odeur  hépa- 
tique, sont  surtout  employées  dans  les  catarrhes  chro- 
niques des  voies  respiratoires,  le  catarrhe  de  la  vessie,  le 
rhumatisme  et  les  paralysies.  Il  est  toujours  bon  d'asso- 
cier à  la  cure  interne  les  bains  de  gaz,  les  bains  de  vapeur 
et  les  douches.  D^  L.  Hn. 

LANGENDREER.  Com.  de  Prusse,  district  d'Arnsberg, 
nœud  de  chem.  de  fer  du  bassin  houiller  de  la  Ruhr; 
10,000  hab.  Mines  de  houille. 

LANGENDYK  (Pierre),  poète  hollandais,  né  à  Langen- 
dyk,  près  d'Alkmaar,  le  25  juii.  1683,  mort  à  Haarlem  le 
18  juin  1756.  Il  devint  historiographe  de  la  ville  de  Haar- 
lem, et  composa  un  grand  nombre  d'œuvres  dramatiques 
qui  pèchent  par  la  trivialité,  mais  qui  furent  cependant 
représentées  avec  succès.  Il  est  aussi  l'auteur  de  poèmes 
descriptifs,  comme  la  Vie  de  Guillaume  l^^ ;  il  est  sur- 


tout célèbre  par  ses  chansons.  Ses  œuvres  complètes  ont 

été  publiées  à  Haarlem  en  1760  et  forment  4  vol.  in-4. 

BiBL.  :  Van  Kampen,  Histoire  des  lettres  néerlandaises 
(en  holland.)  ;  La  Haye,  1821-1826,  3  vol.  in-8. 

LANGÉNIEUX  (Benoît-lVlarie),  archevêque  de  Reims, 
né  à  Villefranche  (Rhône)  le  15  oct.  1824.  Après  avoir  été 
curé  de  Saint-Augustin  à  Paris,  puis  vicaire  général  de 
l'archevêché,  il  fut  nommé  évèque  de  Tarbes  en  1873,  ar- 
chevêque de  Reims  en  1874,  et  créé  cardinal -prêtre,  au 
titre  de  Saint- Jean-Porte-Latine,  en  1886.  H  est  un  des 
plus  ardents  promoteurs  de  la  béatification  de  Jeanne  d'Arc  : 
Cause  de  Jeanne  d'Arc,  panégyrique  prononcé  dans  la 
cathédrale  d'Orléans,  le  8  mai  1885,  pour  le  456®  anni- 
versaire de  la  délivrance  de  cette  ville  (Paris,  1885,  in-8). 

LANGENSALZA.  Ville  de  Prusse,  district  d'Erfurt,  sur 
la  Salza;  11,000  hab.  Filatures  et  tissages,  fabriques  d'ins- 
truments aratoires,  grandes  librairies,'etc.  Source  sulfu- 
reuse (établissement  balnéaire).  —  Elle  reçut  en  1211 
les  droits  urbains,  fut  achetée  en  1344  par  le  landgrave 
de  Thuringe,  passa  à  la  Saxe  (ligne  xAlbertine)  et  en  1815 
à  la  Prusse.  Au  N.  sont  les  ruines  du  couvent  bénédictin 
de  Homburg  (Hohenburg),  sécularisé  en  1541.  Le  9  juin 
1075,  l'empereur  Henri  IV  défit  les  Saxons  près  de  Hom- 
burg; le  15  févr.  1761  l'armée  de  l'Empire  sous  Stainville 
fut  battue  à  Langensalza  par  les  Anglo-Prussiens  de  Sydow 
et  Spœrcken;  le  17  avr.  1813,  les  Prussiens  y  vainquirent 
les  Bavarois.  Enfin,  les  27  et  29  juin  1866  s'accomplirent 
à  Langensalza  des  événements  militaires  considérables.  Les 
Hanovriens  (19,000  h.)  sous  Arentschildt  (auprès  duquel 
étaient  le  roi  Georges  et  son  fils  le  prince  royal),  après 
l'échec  de  leurs  eôbrts  pour  se  joindre  aux  Bavarois  par 
Gotha  ou  Eisenach,  s'étaient  repliés  à  Langensalza,  ap- 
puyant leur  aile  droite  au  N.  à  l'Unstrut.  Il  y  furent  atta- 
qués par  le  général  prussien  de  Flies  qui  ne  disposait  que  de 
8,200  hommes  ;  il  prit  la  ville  mais  fut  ensuite  repoussé  et 
culbuté  avec  de  grandes  pertes  (1,700  h.  et  2  canons).  Mais 
les  Hanovriens  ne  purent  profiter  de  leur  victoire.  Enve- 
loppés par  des  forces  supérieures,  ils  durent  capituler.  La 
capitulation  de  Langensalza  (29  juin  1866)  fut  l'arrêt 
de  mort  de  la  monarchie  hanovrienne.  A. -M.  B. 

BiBL.  :  Gœschel,  Chronik  der  Stadt  Langensalza,  1818- 
44,  4  vol.  —  Wengen,  Gesch.  der  Kriegser'eignisse  zvcis- 
chen  Hannover  und  Preussen  im  Jahr  1866  ;  Gotha,  1885. 
—  Du  môme,  Gen.  Vogel  von  Falckenstein^  1887. 

LANGENSHAWALBACH.  Ville  de  Prusse,  district  de 
Wiesbaden,  dans  un  vallon  riverain  du  Mimzenbach  ; 
2,700  hab.  Eaux  minérales  carbonatées  ferrugineuses  (sans 
autres  éléments). 

LANGENSKJŒLD  (Karl-Fabian-Theodor) ,  homme  d 'Etat 
et  mathématicien  finlandais,  né  à  Sseseksmseki  en  1810, 
mort  en  1863.  Après  avoir  fait  ses  études  à  Abo  et  y  avoir 
pris  le  grade  de  «  filosofie  magister  »,  il  fut  nommé  en 
1 843  traducteur  pour  la  langue  russe  au  sénat  impérial 
finlandais,  d'où  il  passa  au  secrétariat  d'Etat  pour  la  Fin- 
lande, à  Saint-Pétersbourg.  Adjoint  à  diverses  missions  di- 
plomatiques, il  assista  en  1851  le  ministre  russe  à  Stock- 
holm, lors  de  la  délimitation  entre  la  Laponie  norvégienne 
et  la  Laponie  finnoise.  Il  occupa  ensuite  de  hautes  situa- 
tions dans  l'administration  finlandaise  et  réussit  à  doter  la 
E^inlande  d'une  monnaie  qui  lui  fût  propre.  Sa  gestion, 
comme  chef  des  finances,  n'a  pas  été  sans  soulever  de  vives 
critiques,  provoquées  surtout  par  les  emprunts  qu'il  con- 
tracta à  l'étranger.  Il  cultivait  avec  succès  les  mathéma- 
tiques et  a  laissé  un  Manuel  de  trigonométrie  plane 
(l'^^  éd.,  1838  ;  3^  éd.,  1864),  qui  est  devenu  classique  en 
son  pays. 

LANGENSOULTZBACH  (en  allem.  Langensulzbach) . 
Com.  de  la  Basse-Alsace,  arr.  de  Wissembourg,  cant,  de 
Wœrth-sur-Sauer,  sur  le  Soultzbach,  à  4  kil.  au  N,-0.  de 
Wœrth  ;  655  hab.  Elle  faisait  autrefois  partie  de  la  seigneu- 
rie de  Schœneck  ;  église  en  style  roman,  probablement  sur 
l'emplacement  d'un  temple  gallo-romain,  dont  il  subsiste 
des  autels,  des  fragments  de  sculptures  et  quelques  ins- 


criptions  (Brambach,  Inscr,  rhen.^  n'^  1839).  Au  début  de 
la  bataille  de  Frœschwiller  (6  août  4870),  Langensoultz- 
bach  était  occupé  par  le  2®  corps  d'armée  bavarois. 

LANGENTHAL,  Grand  village  de  Suisse,  cant.  de  Berne  ; 
3,754  Iiab.  Stat.  du  chem.  de  fer  Berne-Olten.  Son  terri- 
toire fertile  en  a  fait  un  important  marché  de  bétail  et  de 
céréales,  qui  approvisionne  toute  la  contrée.  Il  s'y  tient  de 
grandes  foires.  L'industrie  y  prospère  aussi. 

LANGEOOK.  Ile  d'Allemagne,  sur  la  côte  de  la  Frise 
orientale,  district  d'Aurich,  longue  de  14  kil., [large  de  2. 
Bains  de  mer  dépendant  du  couvent  de  Lokkimi. 

LANGER  (Johann-Peter  de),  peintre  allemand,  né  à  Kal- 
kum,  près  de  Dusseldorf,  en  1756,  mort  à  Munich  le  6  août 
1824.  Elève  de  Krahe  à  Dusseldorf,  il  fut  successivement 
directeur  de  l'Académie  de  cette  ville  et  de  celle  de  Munich. 
On  a  de  cet  artiste,  qui  excellait  à  rendre  l'expression  des 
physionomies,  des  portraits  très  estimés,  entre  autres  celui 
de  la  reine  Thérèse  de  Bavière,  puis  des  scènes  tirées  de 
l'Ecriture  sainte,  telles  que  le  Christ  bénissant  les  en- 
fants (Carmélites  de  Munich)  ;  le  denier  du  cens,  et  une 
série  d'eaux-fortes  (notamment  le  Sauveur  avec  les 
apôtres)^  d'après  Marc-xAntoine. 

LANGER  (Robert  de),  peintre  allemand,  né  à  Dussel- 
dorf en  1783,  mort  à  Haidhausen  le  6  oct.  1846,  fils  du 
précédent.  Elève  de  son  père,  professeur  à  l'Académie  des 
beaux-arts  de  Munich  (1806),  dont  il  devint  secrétaire 
général  (1827),  on  peut  citer  ses  dessins  à  la  plume  pour 
la  Divine  Comédie^  huit  tableaux  pour  l'hôpital  général  de 
Munich,  etc. 

LANGER  (laroslav),  écrivain  tchèque,  né  à  Bohdanec 
(Bohême)  en  1806,  mort  à  Bohdanec  en  1846.  Après  avoir 
achevé  ses  études  à  Prague,  il  fut  attaché  aux  archives  du 
prince  Rodolphe  Kinsky.  Il  collabora  à  divers  recueils  et 
publia  des  idylles  et  des  poésies  satiriques  qui  furent  remar- 
quées .  L'une  d'entre  elles  valut  des  poursuites  à  Langer  qui, 
épouvanté,  se  retira  en  province  et  renonça  à  la  littérature. 

LANGER  (flermann),  organiste  et  professeur  allemand, 
né  à  ïleckendorf  (Saxe)  le  6  juil.  1819,  mort  à  Dresde  le 
8  sept.  1889.  Il  fit  ses  études  à  Leipzig,  se  fixa  en  cette 
ville  comme  organiste,  y  prit  la  direction  de  plusieurs  so- 
ciétés de  chant,  et  fit  à  l'université  des  lectures  sur  l'his- 
toire de  la  musique  qui  lui  valurent  en  1859  le  titre  de 
docteur  et  en  188^  celui  de  professeur.  Langer  a  publié  : 
Repertorium  fiir  den  Mœnnergesang  ;  Der  erste  U7iter- 
richt  im  Gesang  (1876,  3  vol.),  et  a  dirigé  la  publication 
périodique  intitulée  Musikalische  Gartenlaube.    M.  Br. 

BiBL.  :  H.  Langer,  ein  Lebensabriss  ;  Leipzig,  1889,  in-8, 

LANGER  (Anton),  écrivain  autrichien,  né  à  Vienne  le 
l^janv.  1824,  mort  à  Vienne  le  7  déc.  1879.  Le  succès 
de  sa  première  pièce  (Eine  deutsche  Fabrik)  fut  suivi  de 
beaucoup  d'autres;  citons  :  Ein  iviener  Freiwilliger, 
Strauss  und  Lanner,  Ein  Judas  von  Anna  neun,  Der 
Aktiengreisler,  Vont  Juristentag ,  Ein  Wort  am  Minis- 
ter,  etc.  Il  publia  aussi  une  série  de  romans  populaires  : 
Der  letzte  Fiaker  (Vïmne,  1855,  3  vol.);  Die  Rose  vom 
Jesuiterhof  (1860-61);  Dœmon  Brandwein  (1863);  Der 
Alte  JSaderer,  etc.  C'était  un  des  plus  intéressants  repré- 
sentants de  l'esprit  populaire  viennois,  écrivant  souvent 
en  dialecte  local. 

LANGER  (Siegfried),  orientaliste  contemporain,  né  à 
Schœnwald  (Autriche)  le  l®*"  sept.  1857,  mort  assassiné 
dans  le  Yémen  en  mai  1882  au  cours  d'une  mission  du- 
rant laquelle  il  avait  recueilli  19  inscriptions  himyarites. 
H.  Mullerles  a  éditées  :  Siegfried  Langer's  Reiseberichte 
aus  Syrien  und  Arabien  (Ld^zig,  iSS^). 

LANGERON.  Com.  du  dép.  de  la  Nièvre,  arr.  de  Nevers, 
cant.  de  Saint-Pierre-le-Moùtier  ;  715  hab. 

LANGERON  (Andrault,  comte  de),  général  russe,  d'ori- 
gine française,  né  à  Paris  le  13  janv.  1763,  mort  à  Saint- 
Pétersbourg  le  4  juil.  1831.  Après  avoir  pris  part  à  la 
guerre  d'Amérique  (1782-83),  ii  était  déjà  parvenu  au 
grade  de  colonel  dans  l'armée  française,  quand  éclata  la 
Révolution,  dès  le  début  de  laquelle  il  émigra  et  alla  prendre 


893  —  LANGENSOULTZBACH  —  LANGHANS 

du  service  en  Russie  (mai  1790).  Il  fit  d'abord  campagne 
contre  les  Suédois  (1790)  et  contre  les  Turcs  (1791),  passa 
cojnme  volontaire  dans  les  armées  du  duc  de  Brunswick  et 
du  duc  de  Saxe-Cobourg  (1792-93),  puis  retourna  en  Rus- 
sie, où  il  devint  général  en  1799.  La  division  qu'il  com- 
mandait à  Austerlitz  fut  écrasée  (2  déc.  1805),  ce  qui  lui 
valut  une  courte  disgrâce.  Mais  envoyé  en  1807  à  l'armée 
du  Danube,  il  contribua  puissamment  aux  succès  qui  ame- 
nèrent la  paix  de  Bucarest  (1812),  marcha  ensuite  sous 
Tchitchagov  jusqu'à  la  Bérésina  et  jusqu'à  Wilna,  com- 
manda un  corps  de  50,000  Russes  en  Allemagne  pendant 
la  campagne  de  1813,  participa  aux  batailles  de  la  Katz- 
bach  (26  août)  et  de  Leipzig  (16-18  oct.)  et,  en  1814,  de 
concert  avec  Bliicher,  marcha  sur  Paris,  où  il  entra  à  la 
suite  de  la  bataille  du  30  mars.  Le  retour  de  Napoléon 
ayant  fait  renaître  la  guerre  en  1815,  il  vint  occuper  l'Al- 
sace et  la  Lorraine,  fut,  quelque  temps  après,  nommé  gou- 
verneur d'Odessa,  puis  de  la  Nouvelle-Russie,  fut  disgra- 
cié de  nouveau  en  1822,  et  ne  reprit  faveur  que  sous 
Nicolas  P^  (1825).  Les  hostilités  ayant  recommencé  entre 
la  Russie  et  la  Turquie,  il  eut  un  commandement  impor- 
tant sur  le  Danube  pendant  la  campagne  de  1828,  mais  le 
quitta  en  1829  pour  ne  pas  servir  sous  Diebitch  et  dès 
lors  ne  sortit  plus  de  la  retraite.  A.  Debidour. 

LAN  G  ESSE.  Com.  du  dép.  du  Loiret,  arr.  et  cant.  de 
Gien;  263  hab. 

LANGETHAL  (Heinrich),  un  des  principaux  collabora- 
teurs de  Frœbel,  né  à  Erfurt  en  1792,  mort  à  Keilhau 
en  1879.  Fils  d'un  cordonnier,  il  fit  ses  études  classiques 
au  gymnase  de  sa  ville  natale  et  commença  à  dix-huit  ans 
ses  études  de  théologie,  tout  en  faisant  l'éducation  de  son 
jeune  frère  Christian,  né  en  1806,  qui  sera  un  des  pre- 
miers élèves  de  Frœbel, -  comme  lui  un  de  ses  premiers 
auxiliaires,  et  qui  racontera  ses  souvenirs  d'écolier  dans 
un  opuscule  :  Keilhau  in  seinen  Aufœngen  (léna,  1867). 
H.  Langethal  vint  à  l'université  de  Berlin  en  1811,  s'en- 
rôla en  1813  avec  son  ami  Middendorf,  rencontra  à  Dresde 
Frœbel  qui  était  dans  le  même  cas  et  qu'il  eut  deux  ans 
pour  compagnon  d'armes.  De  1 815  à  1817,  il  fut  précepteur 
chez  un  banquier,  tout  en  achevant  ses  études  à  Berlin  où 
il  eut  pour  maîtres  Neander  et  Schleiermachcr.  Docteur 
en  théologie,  il  renonça  au  ministère  pour  s'attacher  à 
Frœbel,  enseigna  à  Keilhau  jusqu'en  1834,  suivit  alors 
son  ami  en  Suisse,  à  Willisau  d'abord,  puis  à  Burgdorf, 
où  il  lui  succéda,  accepta  en  1841  la  direction  de  l'école 
supérieure  des  filles  de  la  ville  de  Berne,  revint  en  Alle- 
magne en  1852,  fut  dix  ans  pasteur  à  Schleusingen,  et, 
devenu  presque  aveugle,  se  retira  à  Keilhau,  où  il  enseigna 
encore  et  mourut  à  quatre-vingt-sept  ans.  Il  a  publié  :  Der 
Mensch  und  seine  Erziehung  (Berne,  iS^d)  et  Der  erste 
Schulunterricht  (1864).  Le  journal  Kinder garten  a 
publié  de  lui  des  notes  autobiographiques  (1882)  et  des 
lettres  de  Frœbel  à  lui  (1884).  ÏL  M. 

lANGETTl  (Giovanni-Battista),  peintre  italien,  né  à 
Gênes  en  1635,  mort  à  Venise  en  1676.  Il  fut  l'élève  de 
Pietro  da  Cortona  et  de  Cassana  dont  il  imita  le  coloris 
éclatant.  11  se  fixa  à  Venise  et  y  peignit  un  grand  nombre 
de  tableaux  représentant  des  ermites,  des  philosophes,  des 
vieillards  ;  sa  facilité  était  très  grande.  On  cite  comme  ses 
meilleurs  tableaux  :  un  Christ  crucifié  qui  se  trouve  à 
l'église  Sainte-Thérèse  de  Venise,  et  le  Supplice  de  Mar- 
syas,  à  Dresde.  Ph.  B. 

LANGEVIN  (V.  Bordereau  [Renée]). 

LANGEY.  Com.  du  dép.  d'Eure-et-Loir,  arr.  de  Chà- 
teaudun,  cant.  de  Cloyes;  686  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  de 
l'Etat,  ligne  de  Châteaudun  à  Nogent-le-Rotrou.  Ruines 
d'un  ancien  château  de  la  famille  du  Bellay,  où  le  séjour 
de  Rabelais  est  rappelé  par  un  buste  qui  surmonte  la 
porte.  Fontaine  de  César  à  Villebalay. 

LANGHAC  (Jean  de)  (V.  Langeâc). 

LANGHANS  (Karl-Gotthard),  architecte  allemand,  né  à 
Landeshut  (Silésie)  en  1733,  mort  à  Griineiche,  près  de 
Breslau,  le  1^^  oct.  1808.  Après  de  longs  voyages  en  Eu- 


LANGHANS—  LANGLE 


894 


rope,  il  fut  nommé  conseiller  supérieur  d'architecture  à 
Breslau,  et  dirigea  dans  cette  ville  la  construction  du  palais 
de  Hatzfeld  et  de  l'église  des  Onze  mille  Vierges,  puis  celle 
de  l'orphelinat  de  Landsberg,  Appelé  en  1791  à  Berlin  par 
Frédéric-Guillaume,  il  y  fut  chargé  des  travaux  intérieurs 
de  l'Opéra.  Son  œuvre  maîtresse,  toutefois,  ce  lut  l'érec- 
tion de  la  Porte  de  Brandebourg,  imitation  des  Propylées 
d'Athènes,  qui  lui  valut  de  devenir  directeur  du  départe- 
ment des  bâtiments  royaux.  On  lui  doit,  en  outre,  l'achè- 
vement du  Palais  de  marbre  de  Potsdam  et  V Am- 
phithéâtre d'anatomie  de  l'Ecole  vétérinaire  de  Berlin, 
Langhans,  dont  l'influence  fut  immense  sur  l'architecture 
de  son  temps,  a  laissé  divers  mémoires  relatifs  à  son  art. 

LANGHANS  (Edouard),  théologien  et  publiciste  suisse, 
né  à  Guttanen  (Oberland  bernois)  le  20  avr.  1832,  mort 
à  Berne  le  9  janv.  1891.  Il  lit  ses  études  à  Berne,  à  Berlin, 
puis  en  France,  et  fut  appelé  en  1861  à  l'école  normale  ré- 
formée de  Miinchenbuchsee  (Berne),  mais  ses  hardiesses 
théologiques  lui  valurent  un  procès  en  hérésie,  puis  une 
chaire  à  l'université  de  Berne.  Son  principal  hvre  qui  a  eu 
plusieurs  éditions  est  intitulé  Handbuch  der  bibiischen 
Geschichte  wid  Litteratur  îiach  den  Ergebnissen  der 
neuen  Wissenschaft  (Berne,  1865,  2  vol.).  Il  fut  un  des 
principaux  écrivains  du  journal  religieux  avancé  les  Schwei- 
%er  Reformblcetter,  E.  K. 

LANGHANS  (Wilhelm),  compositeur  allemand,  né  à 
Hambourg  le  21  sept.  1832.  Il  se  forma  à  Leipzig  et  à  Pa- 
ris, où  il  vécut  en  1854-57  et  1863-69,  et  se  fixa  à  Ber- 
lin en  1871.  De  ses  compositions,  on  cite  une  belle  sym- 
phonie, de  remarquables  morceaux  pour  violon  et  piano, 
ballades,  lieds,  etc.  Il  a  écrit  :  Die  Gesch.  der  Musik  des 
^jten^  iS^^^'und  i9*'''Jahrhunderts(iSS3-S6,'^  vol.). 

LANGHE  (Charles  de),  philologue  belge,  néàBerquiny, 
près  de  Cassel,  vers  1521,  mort  à  Liège  en  1573.  Il  em- 
brassa l'état  ecclésiastique  et  aha  occuper  un  canonicat  à 
la  cathédrale  de  Saint-Lambert,  à  Liège.  Il  consacra  ses 
loisirs  à  la  pubhcation  d'éditions  savantes  de  divers  au- 
teurs anciens  et  collationna  les  principaux  manuscrits  des 
bibliothèques  belges  et  étrangères  ;  il  fit  preuve  de  vastes 
connaissances  et  d'une  critique  pénétrante.  Nous  citerons 
les  éditions  des  œuvres  philosophiques  de  Cicéron  (Anvers, 
1563,  in-fol.)  et  des  comédies  de  Plaute  (ic^.,  1566;  rééd. 
à  Francfort,  1593  ;  à  Bâle,  1568,  in-12).  Il  forma  un  riche 
cartulaire  de  la  principauté  de  Liège  :  Collectio  variorum 
diplomatum  et  actorum  ecclesiœ  et  patriœ  Leodiensis, 
ex  archivis  ecclesiœ  cathedralis,  collegiatarum  ac  mo- 
nasteriorum,  qui  est  resté  inédit.  E.  H. 

BiBL.  :  Paquot,  Mémoir'es  pour  servir  à  l'histoire  lit- 
téraire des  XVII  provinces  des  Pays-Bas;  Louvain,  1765- 
70,  3  vol.  in-fol.  —  F.  Van  Hulst,  C.  de  Langhe^  dans  la 
Revue  belge^  t.  L 

LANGHECRUYSou  LONGHEGRUCIUS,  ou  de  LONGA 
CRU  CE  (Jean  Van),  canoniste  belge,  né  à  Hilvarenbeek 
vers  1530,  mort  à  Cassel  en  1604.  11  fut  professeur  de 
belles -lettres  et  plus  tard  de  droit  civil  à  l'université  de 
Louvain,  et  devint  prévôt  de  Saint-Pierre,  à  Cassel.  Il  re- 
fusa d'occuper  le  siège  épiscopal  de  Ruremonde  pour  se 
consacrer  à  ses  études,  et  publia  des  ouvrages  importants 
sur  le  droit  canonique  et  la  discipline  ecclésiastique. 

LANGHIEN  (Géol.)  (V.  Miocène). 

LANGHOLM.  Ville  d'Ecosse^coffité  de  DumfrieSjSurl'Esk; 
4,200  hab.  Mines  d'antimoine;  manufacture  de  plaids. 

LANGHORNE  (Daniel),  chroniqueur  anglais,  mort  en 
1681.  Agrégé  ou  fellovsr  de  Trinity  Collège  (Cambridge),  il 
obtint  en  1670  la  paroisse  de  Layston,  dans  le  comté  de 
Hertford.  Il  a  laissé  :  Elenchus  Antiquitatum  Albio- 
nensium^  Britannorum,  Scotorum^  Danorum^  Anglo- 
saxonum^  etc.  (1673,  in-8),  avec  un  Appendix  (1674), 
une  Introduction  to  the  History  ofEngland  (1676),  et 
Chronicum  Regum  Anglorum  (1679).  B.-H.  G. 

LANGHORNE  (John),poète  anglais,  né  en  1735,  mort  en 
1779.  Longtemps  précepteur  particuher,  il  occupa  plus  tard 
plusieurs  charges  ecclésiastiques,  et  fut  même  juge  de  paix 
à  Blaydon  (Somerset)  où  il  s'était  marié.  Il  publia  quel- 


ques volumes  de  vers,  d'un  tour  facile  et  d'une  inspiration 
aimable,  et  plusieurs  nouvelles  sentimentales.  Sa  traduc- 
tion des  Vies  de  Plutarque  (1770),  un  .peu  lourde,  mais 
plus  exacte  que  la  version  donnée  par  North  du  Plutarque 
d'Amyot,  a  été  souvent  réimprimée.  B.~H.  G. 

LANGî  EWICZ  (Marian),  insurgé  polonais,  né  à  Krotoszyn 
le  5  août  1827,  mort  à  Constantinople  le  11  mai  1887.  Il 
servit  dans  l'armée  prussienne  et  prit  part  aux  expéditions 
de  Garibaldi  dans  le  royaume  de  Naples.  En  1863,  lors  des 
débuts  de  l'insurrection  polonaise,  il  prit  le  commandement 
d'un  corps  franc  et  se  fit  remarquer  par  sa  bravoure.  Le 
10  mars,  il  fut  nommé  dictateur,  le  19  mars  il  dut  passer 
en  Galicie  et  fut  interné  par  le  gouvernement  autrichien. 
Relâché  peu  de  temps  après,  il  entra  au  service  de  la  Tur- 
quie et  prit  le  nom  de  Langie  Bey. 

LANGIS.  Rivière  (V.  Cher,  t.  X,  p.  1088). 

LANGKO  (Dietrich),  peintre  allemand,  né  à  Hambourg 
le  1®^  juin  1819.  Il  se  fixa  à  Munich  en  1840.  Il  excelle  dans 
les  eifets  de  plein  air  et  du  jeu  de  la  lumière  à  travers  les 
nuages. 

LANGLADE.  Corn,  du  dép.  du  Gard,  arr.  de  Nîmes, 
cant.  de  Sommières  ;  414  hab. 

LANGLADE  ou  L'ANGLADE  du  Châylà  (V.  Châyla). 

LANGLADE  (Favard  de)  (V.  Favardde  Lânglade). 

LAN  G  LAI  S  (Jacques),  homme  poH  tique  français,  né  à 
Mamers  le  26  févr.  1810,  mort  à  Mexico  le  23  févr.  1866. 
D'humble  extraction,  il  fit,  aux  frais  de  la  commune  de  Ma- 
mers, de  bonnes  études  au  collège  de  cette  ville,  puis  au 
séminaire  du  Mans,  et  songea  à  entrer  dans  les  ordres.  Puis 
il  fut  précepteur  libre,  étudia  le  droit  à  Paris  et  entra  dans 
la  rédaction  de  la  Dominicale.  Inscrit  au  barreau,  il  col- 
labora à  plusieurs  autres  journaux  et  revues,  notamment  à 
la  Presse  et  plaida  diverses  affaires  retentissantes.  Le 
23  avr.  1848,  il  était  élu  représentant  de  la  Sarthe  à  la 
Constituante  où  il  siégea  à  droite.  Réélu  à  la  Législative,  il 
appuya  la  politique  de  Louis-Napoléon.  Il  fut  élu  député  au 
Corps  législatif  comme  candidat  officiel  (1852)  et,  réélu  en 
1857,  démissionna  pour  entrer  au  conseil  d'Etat.  En  1866, 
il  devint  ministre  des  finances  dans  le  premier  cabinet  de 
Maximilien  au  Mexique  et  peu  après  mourut  d'ime  attaque 
d'apoplexie.  Le  bruit  courut  qu'il  avait  été  empoisonné. 

LAN  G  LAIS  (Félix),  architecte  français,  né  à  Paris  en 
1827,  mort  à  Paris  en  1889.  Elève  de  Henri  Labrouste  et 
de  l'Ecole  des  beaux-arts,  Langlais,  d'abord  inspecteur 
des  travaux  de  la  Ville  de  Paris  pour  le  bâtiment  annexe 
de  l'Hôtel  de  Ville  et  pour  les  barrières  de  la  nouvelle  en- 
ceinte, fit  de  fort  importants  travaux  d'architecture  privée, 
parmi  lesquels  les  gares  du  chemin  de  fer  des  Ardennes, 
les  magasins  généraux  de  Bercy,  des  hôtels  rue  Monceau 
et  faubourg  Saint-Honoré,  ainsi  que  la  restauration  par- 
tielle de  l'abbaye  des  Vaux-de-Cernay  (Seine-et-Oise),  pour 
la  famille  de  Rothschild,  etc.  Charles  Lucas. 

LAN  GLAND  (William),  poète  anglais,  né  vers  1330, 
mort  vers  1400.  Nommé  Robert  ou  William  par  le  ma- 
nuscrit d'Ashburnham,  et  Robert  par  Baie  (Scriptores 
Illustres  Majoris  Britanniœ),  on  ne  sait  rien  de  lui  sinon 
qu'il  naquit  dans  le  Shropshire,  fut  prêtre,  suivit  un  des 
premiers  John  Wiclef,  et  écrivit  la  Vision  of  Peter  the 
Ploughman,  le  plus  ancien  poème  épique  de  la  langue  an- 
glaise. B.-H.  G. 

LANGLE  ou  L'ANGLE  {Angulus),  Ancien  pays  de  la 
France,  formant  sous  l'ancien  régime  d'abord  une  châtel- 
lenie  puis  un  bailHage  de  l'Artois  et  compris  actuellement 
dans  le  canton  d'Audrincq  (Pas-de-Calais).  Les  paroisses 
qui  le  composaient  avaient  au  moyen  âge  un  échevinage 
commun. 

LANGLE  (  Honoré-François-Marie) ,  compositeur  et  pro- 
fesseur français,  né  à  Monaco,  d'une  famille  française,  en 
1741,  mort  à  Villiers-le-Bel  (Seine-et-Oise)  le  20  sept. 
1807.  Il  fit  ses  études  musicales  à  Naples  et  vint  se  fixer 
à  Paris  en  1768  comme  professeur  de  chant  et  de  clavecin. 
Il  fut  attaché  à  l'Ecole  royale  de  chant  et  de  déclamation 
lors  de  sa  fondation  en  1784  jusqu'en  1791,  et  fit  partie 


-  895  - 


LANGLÉ  —  LÂNGLOIS 


du  Conservatoire  de  musique  depuis  l'origine  en  1794,  en 
qualité  de  professeur  d'harmonie,  puis  de  bibliothécaire  à 
partir  de  1802.  Langléfit  représentera  l'Opéra  :  Corisandre, 
en  trois  actes,  le  8  mars  1791,  et  laissa  plusieurs  opéras 
inédits  dont  les  manuscrits  existent  à  la  bibliothèque  du 
Conservatoire  et  à  celle  de  l'Opéra.  Il  a  publié  :  Timlé 
d'harmonie  et  de  modulation  (1797);  Traité  de  la 
basse  sous  le  chant  (1 798)  ;  Nouvelle  Méthode  pour 
chiffrer  les  accords  (1801)  ;  Traité  de  la  fugue  (1805). 

LANGLE  (Paul-Antoine-Marie  Fleoriot  de),  marin 
français,  né  au  château  de  Kerlouet,  dans  les  Côtes -du- 
Nord,  en  1744,  mort  à  l'ile  Maouna,  dans  l'Océanie,  en 
1787.  Entré  dans  la  marine  en  1758,  il  fit  plusieurs  cam- 
pagnes, devint  enseigne  de  vaisseau  en  1766,  membre  de 
l'Académie  de  marine  en  1774  et  Meutenant  de  vaisseau 
en  1778.  Fait  prisonnier  par  les  Anglais  avec  la  corvette 
qu'il  commandait  en  1779,  il  fut  relâché  et  transporta  sur 
la  frégate  la  Résolue  les  envoyés  des  Etats-Unis  en  Amé- 
rique ;  un  peu  plus  tard,  sous  les  ordres  de  Lapérouse,  il 
alla  détruire  les  forts  d'York  et  de  Wales  dans  la  baie 
d'Hudson.  Nommé  capitaine  de  vaisseau,  il  partit  après  la 
paix  de  1782  avec  Lapérouse,  pour  un  voyage  de  décou- 
verte en  Océanie(l'î85)  ;  l'expédition  se  composait  de  deux 
frégates,  la  Boussole^  commandée  par  Lapérouse,  et  r Astro- 
labe par  Fleuriot  de  Langle  ;  après  avoir  découvert  l'île 
de  Langle,  lés  côtes  de  Corée,  les  vaisseaux  arrivèrent  à 
l'île  de  MaoUna  (archipel  des  Navigateurs).  Fleuriot  de 
Langle  étant  allé  faire  de  l'eau  sur  la  côte  fut  assommé 
à  coups  de  pierres  par  les  naturels  qui  avaient  feint  d'abord 
des  dispositions  conciliantes.  Ph.  B. 

LANGLE  (Jean-Marie- Jérôme  Fleuriot  de),  écrivain 
français,  né  à  Saint-Malo  en  1749,  mort  en  1807.  Entré 
dans  les  pages  de  la  dauphine,  il  fit  comme  volontaire  la 
guerre  d'Amérique.  A  son  retour,  il  publia  un  Voyage  de 
Figaro  en  Espagne,  qui  fit  scandale  :  c'était  une  satire 
très  vive  de  la  vie  espagnole.  Le  roi  Charles  III  se  plaignit 
et  le  livre  fut  brûlé  de  la  main  du  bourreau  (1786).  Ce 
succès  encouragea  de  Langle  qui  se  livra  à  de  véritables  es- 
croqueries littéraires  pendant  le  reste  de  sa  carrière.  Il  fit 
souscrire  d'avance  un  grand  nombre  de  personnes  à  un 
livre  intitulé  Tableau  de  la  Suisse^  qui  ne  parut  jamais  ;  il 
plagia  impudemment  desouvrages  étrangers,  etc.  Sa  vie  privée 
ne  fut  pas  plus  honorable  que  sa  vie  littéraire.     Ph.  B. 

LANGLÉ  (Joseph-Adolphe-Ferdinand),  littérateur  fran- 
çais, né  à  Paris  le  21  nov.  1798,  mort  à  Paris  le  18  oct. 
1867.  Fils  d'Honoré-François-Marie (V.  ci-dessus),  il  débuta 
de  benne  heure  dans  la  presse  libérale  et  publia  deux  vo- 
lumes de  pastiches  du  moyen  âge,  les  Contes  du  gay 
sçauoir  (1828,  in-8)  et  VHistorial  du  jongleur  (1829, 
in-8),  auxquels  les  vignettes  de  Bonington,  de  Henry 
Monnier  et  d'Eugène  Lami  ont  donné  une  certaine  valeur  ; 
mais  Langle  s'est  surtout  fait  connaître  comme  vaudevil- 
liste et  librettiste  en  signant  avec  Romieu  Apollon  II,  vau- 
deville en  un  acte  (1825,  in-8)  ;  avec  Dittmer  et  Cave  les 
Biographes,  comédie  en  un  acte  et  en  prose  (in-8)  ;  avec 
Rochefort  les  Deux  Elèves,  comédie  en  un  acte  (1827)  ; 
avec  de  Leuven,  Un  Tour  en  Europe,  comédie  en  quatre 
actes  (1830);  avec  Lockroy  le  Lansquenet,  comédie-vau- 
deville en  un  acte  (1843)  ;  avec  Ad.  de  Leuven  le  Sourd, 
opéra-comique  en  trois  actes,  imité  de  Desforges,  musique 
d'Ad.  Adam  (1853),  et  Maître  Pathelin,  opéra-comique 
en  un  acte,  musique  de  N.  Bazin  (1857),  etc.    M.  Tx. 

LANGLE  (Alphonse- Jean-René,  vicomte  de)  (V.  Fleuriot 
DE  Langle). 

LANGLÉ  (Allie),  auteur  dramatique  français,  né  à 
Paris  en  1829,  mort  à  Bar-le-Duc  le  12  janv.  1870,  fils 
du  précédent.  Chef  du  bureau  de  la  presse  au  ministère  de 
l'intérieur,  il  fut  en  1869  préfet  de  la  Meuse.  Citons  de 
lui  :  Murillo  ou  la  Corde  de  pendu  (1854,  in-12),  co- 
médie en  trois  actes  ;  la  Toile  d'araignée  (1864,  in-12); 
Un  Homme  de  rien  (1863,  in-12),  comédie  en  quatre 
actes;  la  Jeunesse  de  Mirabeau  (1864,  in-12),  pièce  en 
quatre  actes,  en  collaboration  avec  Raimond  Deslandes. 


LAN6LÈS  (Louis-Mathieu,  orientaliste  français,  né  à 
Perennes  (Somme)  en  1763)  mort  en  1824.  H  renonça  de 
bonne  heure  à  l'état  militaire,  à  cause  de  sa  santé,  et  suc- 
céda en  1785  à  son  père  comme  lieutenant  dans  la  garde 
des  maréchaux  de  France  :  c'était  une  sinécure  qui  lui  per- 
mit de  se  livrer  à  son  goût  par  les  langues  orientales.  En 
1787,  il  traduisit  les  Instituts  politiques  et  littéraires  de 
Tamerlan,^  soit  d'après  une  version  persane,  soit  seule- 
ment d'après  une  version  anglaise  du  même  ouvrage  parue 
en  1783  :  cet  ouvrage  passe  pour  sa  meilleure  publication  ; 
il  pubha  ensuite  un  Alphabet  tartare-mandchou  qui  n'est 
peut-être  pas  non  plus  son  œuvre  ;  il  fut  cependant  gratifié 
d'une  pension  à  cette  occasion.  En  1795,  il  fit  rendre  le  dé- 
cret créant  l'Ecole  spéciale  des  langues  orientales  vivantes 
à  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris  :  il  devint  administra- 
teur de  cette  école  et  professeur  de  persan.  A  la  fondation 
de  l'Institut,  il  fut  nommé  membre  de  la  section  qui  devint 
en  1816  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- lettres.  Peu 
en  faveur  sous  l'Empire,  il  fut  comblé  d'honneurs  par  la 
Restauration,  mais  sa  réputation  fut  profondément  atteinte 
par  deux  brochures  de  Jules  Klaproth  (1815)  qui  prou- 
vèrent que  Langlès  ne  savait  pas  un  mot  de  mandchou.  Son 
principal  titre  reste  l'impulsion  très  vive  qu'il  a  su  donner 
à  l'étude  des  langues  orientales.  H  a  publié  un  grand  nombre 
d'ouvrages  et  avait  réuni  une  très  belle  bibliothèque  dont 
la  vente  (1826)  fut  très  fructueuse  :  le  catalogue  de  sa  bi- 
bliothèque est  recherché  des  orientalistes.  Ph.  B. 

LANGLET  (Emil- Victor),  architecte  suédois,  né  à  Bo- 
râs  le  26  févr.  1824.  11  descend  d'une  famille  huguenote, 
qui  passa  en  Suède  sous  Charles  X  Gustave.  D'abord  élève 
de  l'Ecole  des  arts  et  métiers  de  Gœteborg,  il  se  rendit  en 
1845  à  Stockholm  où  il  suivit  les  cours  de  l'Ecole  des 
beaux-arts  jusqu'en  1850.  Ayant  obtenu  une  bourse  de 
voyage,  il  alla  à  Paris  et  y  tut  l'élève  de  Blouet  ;  il  sé- 
journa ensuite  en  Italie  jusqu'en  1857.  De  1861-66,  il 
construisit  le  palais  du  Storthing  à  Christiania,  ainsi  que 
quelques  édifices  publics  et  privés.  De  retour  à  Stockholm 
en  1867,^  il  devint  un  des  principaux  collaborateurs  delà 
Revue  d'architecture  et,  depuis  cette  époque,  n'a  pas 
cessé  de  publier  des  travaux  importants  sur  son  art,  tout 
en  continuant  à  le  pratiquer.  Il  a  construit  un  très  grand 
nombre  d'églises  de  campagne,  l'église  de  Saint-Paul  à 
Malmo,  la  maison  de  retraite  pour  veuves  à  Stockholm, 
et  a  dirigé  la  restauration  de  la  cathédrale  d'Upsal.  Son 
principal  ouvrage,  qui  parut  en  suédois  en  1879  et  dont 
une  édition  allemande  a  été  publiée  en  1893,  porte  le  titre 
de  :  les  Eglises  protestantes  suédoises  d'auprès  le  sys- 
tème central  (in-foL,  14  pL).  —  Sa  femme  Kara-Ma- 
tilda-Ulrika-Kleme7itina,  née  en  1832,  et  qu'il  épousa 
en  1864,  a  publié,  outre  plusieurs  excellentes  traductions, 
principalement  du  français,  un  recueil  lyrique  :  Feuilles 
et  Fleurs  (1871)  et  un  manuel:  la  Mère  de  famille  à  la 
ville  et  à  la  campagne  (1891,  2«  éd.),  qui  a  obtenu  un 
grand  succès  auprès  du  oublie  soécial  auquel  il  s'adresse. 
On  lui  doit  aussi  un  grana  nomore  d'ouvrages  pour  la  jeu- 
nesse et  des  études  sur  des  questions  contemporaines  :  Par 
soi-même  (Pâ  Eget  hand,  1889)  ;  Joyeux  Jours  d'enfance 
(i  890)  ;  Scènes  de  la  vie  des  animaux  (1 890)  ;  Un  Chez 
SOI  (Et  Eget  hem,  1891),  livre  pour  jeunes  femmes;  Fin 
de  siècle  (titre  en  français,  1893),  sur  quelques  questions 
du  jour,  Notre  Association  (Vârt  Bolag),  etc.       Th.  C. 

LANGLEY.  Com.  du  dép.  des  Vosges,  arr.  de  Mirecourt, 
cant.  de  Charmes;  108  hab. 

LANGLOIS  (Jean),  graveur  français,  né  à  Paris  vers 
1649,  mort  à  Paris  vers  1717.  H  a  gravé  :  la  Ville  de 
Pans  remerciant  Louis  XIV;  le  Maréchal  de  Villars, 
d'après  Rigaud;  la  Desceiite  de  Croix,  d'après  Lebrun; 
la  Guénson  du  Paralytique,  d'après  BouUongne;  Saint 
Luc  faisant  le  portrait  de  la  Vierge,  d'après  Raphaël. 
Il  passa  quinze  ans  de  sa  vie  en  Italie. 

LANGLOIS  (L'abbé),  diplomate  français  du  xvni^  siècle. 
On  ne  sait  rien  de  sa  vie.  H  était  vers  1728  envoyé  de 
France  en  Pologne.  En  1734,  il  fut  chargé  d'une  mission 


LANGLOIS 


—  896 


à  Saint-Pétersbourg  pour  tâcher  de  déterminer  la  tsarine 
à  reconnaître  Stanislas.  Après  la  chute  de  Dantzig,  Fleyry 
le  dépêcha  à  Kœnigsberg,  pour  inviter  Stanislas  et  ses  der- 
niers partisans  à  cesser  une  résistance  désormais  inutile. 
BiBL.  :  Recueil  des  instructions  données  aux  ambassa- 
deurs de  France.  Pologne,  par  Louis  Farges;  Paris,  1888, 
2  vol.  in-8. 

LANGLOIS  (Pierre-Gabriel),  graveur  français,  né  à 
Paris  en  4754,  mort  à  Paris  vers  1810.  Ses  gravures 
les  plus  connues  sont  :  le  portrait  du  Dominiquin,  d'après 
lui-même;  le  Silence^  d'après  Annibal  Carrache  ;  la  Vierge 
et  l'enfant  Jésus,  d'après  Titien  ;  le  Rémouleur,  d'après 
David  Teniers;  la  Leçon  de  violon,  d'après  Gaspard 
Netscher  ;  le  portrait  de  Fontenelle,  d'après  Voiriot. 

LANGLOIS  (Jean-Jacques-Jude),  marin  français,  né  à 
Dieppe  en  4769,  mort  en  4829.  Il  passa  par  la  marine  de 
commerce  avant  d'entrer  dans  celle  de  l'Etat  (4793)  ;  il  prit 
part  au  combat  de  Belle-Isle,  fit  l'expédition  d'Irlande,  et 
fut  envoyé  en  croisière  dans  les  mers  du  Nord.  En  4799 
il  fut  fait  prisonnier  par  les  Anglais  après  une  résistance 
acharnée  sur  la  Désirée,  àDunkerque.  En  1804,  il  recom- 
mença ses  croisières  et  fit  beaucoup  de  prises  ;  au  combat 
naval  du  27  sept.  4806  il  fut  de  nouveau  fait  prisonnier 
sur  VArmide,  malgré  son  courage  :  il  alla  passer  six  ans 
sur  les  pontons.  A  son  retour,  il  fit  encore  campagne,  puis 
fut  nommé  commandant  de  la  frégate-école  Tourville. 

LANGLOIS  (Eustache-Hyacinthe),  peintre,  dessinateur, 
graveur  et  écrivain  français,  né  à  Pont-de-l'Arche  le  3  août 
4777,  mort  à  Rouen  le  29  sept.  4837.  Elève  de  David,  il  a 
laissé  près  de  4,000  gravures  et  de  nombreux  dessins  à 
la  plume  et  à  la  mine  de  plomb.  Il  était,  depuis  4828, 
professeur  à  l'école  de  dessin  et  de  peinture  de  Rouen.  On 
doit  à  Langlois  des  mémoires  archéologiques  et  plusieurs 
ouvrages  :  Monuments,  sites  et  costumes  de  la  Nor- 
mandie (4847)  ;  Essai  historique,  philosophique  et 
pittoresque  sur  les  Danses  des  morts  (Rouen,  4854),  etc. 

LANGLOIS  (Jérôme-Marie),  peintre  français,  né  à  Paris 
en  1789,  mort  en  4838.  Imitateur  de  David,  son  maître, 
il  obtint  le  prix  de  Rome  en  4809  avec  Priam  aux  pieds 
d'Achille,  et  fut  nommé  plus  tard  membre  de  l'Institut.  Ses 
œuvres  les  plus  personnelles  sont  :  Diane  et  Endymion, 
qui  eut  un  grand  succès  au  Salon  de  4849  ;  Saint  Hilaire 
(cathédrale  de  Bordeaux),  et  Belsunce  (musée  de  Mar- 
seille) . 

LANGLOIS  (Jean-Charles),  peintre  français,  néàBeau- 
mont-sur-Auge  (Calvados)  le  22  juil.  4789,  mort  à  Paris 
le  24  mars  4870.  Sorti  en  4807  de  l'Ecole  polytechnique, 
Langlois  suivit  d'abord  la  carrière  des  armes  ;  entre  autres 
campagnes,  il  fit  celles  d'Espagne  et  de  Russie.  Sous  la 
Restauration,  il  fit,  comme  capitaine,  la  guerre  d'Espagne 
comme  aide  de  camp  du  maréchal  Gouvion-Saint-Cyr.  Il 
était  colonel  d'état-major  lorsqu'il  prit  sa  retraite,  en  4849. 
Comme  peintre,  Langlois  a  eu  poar  maîtres  Gros,  Girodet 
et  Horace  Vernet.  Il  a  exposé  en  4822  la  Bataille  de 
Sédiman,  et  en  4834  le  Combat  de  Sidi-Ferruch. 
Cette  dernière  toile  est  au  musée  de  Versailles,  avec  ses 
batailles  de  Smolensk,  de  laMoskowa,  de  Montereau,  son 
Combat  de  Champaubert,  et  d'autres  encore.  Mais  ce  qui 
a  surtout  fait  sa  réputation,  ce  sont  ses  panoramas,  les 
batailles  d'Eylau,  de  Solférino,  etc.  On  lui  doit,  entre 
autres  publications.  Voyage  pittoresque  et  militaire  en 
Espagne  (Paris,  4826-30,  in-foL). 

LANGLOIS  (Jean-Louis),  homme  politique  français,  né 
à  Saint-Pierre-la-Garenne  (Eure)  le  24  janv.  4805,  mort 
à  Goulet  (Orne)  le  48  avr.  4855.  Avocat  distingué  du  bar- 
reau de  Paris,  il  combattit  la  monarchie  de  Juillet  et  sié- 
gea comme  représentant  de  l'Eure  (4848-49)  à  l'Assemblée 
constituante,  dans  les  rangs  du  parti  républicain  conserva- 
teur. Comme  jurisconsulte,  il  a  publié  les  ouvrages  sui- 
vants :  Des  Institutions  locales  et  municipales  de  la 
Fm?2<?^(4838,  in-8)  ;  Administrations  locales  de  France 
et  de  Belgique  comparées  (4  846,  in-8)  ;  Du  Crédit  privé 
dans  la  société  moderne  (1848,  in-8).  A.  Debidour. 


LANGLOIS  (Amédée-Jérôme),  homme  poh tique  français, 
né  à  Paris  le  7  janv.  4819,  fils  du  peintre  d'histoire  Jé- 
rôme-Marie (V.  ci-dessus).  Il  entra  à  l'Ecole  navale  en 
4835,  fut  nommé  enseigne  de  vaisseau  en  4844  et  démis- 
sionna en  4848  pour  se  consacrer  au  journalisme.  Colla- 
borateur de  Proudhon  au  journal  le  Peuple,  il  obtint  aux 
élections  de  mai  4849  pour  l'Assemblée  législative,  sur  la 
liste  démocratique  socialiste,  105,000  voix,  mais  ne  fut  pas 
élu.  Le  13  juin,  il  fut  arrêté  dans  les  bureaux  du  journal 
et  condamné  (43  nov.)  à  la  déportation  par  la  haute  cour 
de  Versailles.  Revenu  à  Paris,  il  continua  à  s'occuper  de 
poHtique  et  d'économie  sociale  ;  il  vivait  dans  l'intimité  de 
Proudhon  qu'il  assista  à  son  lit  de  mort  et  dont  il  fit  pu- 
blier les  œuvres  posthumes  à  titre  d'exécuteur  testamen- 
taire (1865).  En  possession  d'une  belle  fortune,  il  vivait 
assez  retiré.  En  4867,  il  publia  un  livre  important  où  il 
exposait  ses  doctrines  politiques  et  philosophiques, /'i/omm(? 
et  la  Révolution.  Affilié  à  l'Internationale,  il  assista  en 
4869  au  congrès  de  Bàle  où  il  défendit  énergiquement  le 
principe  de  la  propriété  individuelle  contre  les  attaques  de 
Bakounine.  Après  la  chute  de  l'Empire  et  la  révolution  du 
4  sept.,  M.  Langlois,  nommé  chef  du  446«  bataillon  de  la 
garde  nationale,  l'organisa  et  se  signala  par  sa  bravoure  à  la 
prise  de  la  Gare-aux-Bœufs.  Promu  lieutenant-colonel  dans 
le  48«  régiment  de  marche,  blessé  grièvement  le  19  janv. 
1871  à  Buzenval,  il  fut  nommé  le  8  févr.  représentant  de 
la  Seine  à  l'Assemblée  nationale  par  95,851   voix  sur 
328,970  votants.  Dans  la  nuit  du  48  au  49  mars,  l'in- 
surrection communaliste  ayant  éclaté,  il  fut  nommé  par 
l'Assemblée  des  maires  et  députés  de  Paris  commandant 
des  gardes  nationales  de  la  Seine  ;  mais  il  n'accepta  pas, 
jugeant  qu'on  ne  pouvait  résister  au  Comité  central  ;  il 
partit  pour  Versailles  où,  le  20,  il  fut  désigné  comme 
chef  d'état-major  de  l'amiral  Saisset  dont  la  mission  échoua. 
A  l'Assemblée,  il  présenta  une  proposition  d'impôt  sur  les 
revenus  qui  fut  repoussée  ;  il  prononça  un  discours  remar- 
qué contre  le  projet  de  loi  sur  l'Internationale  ;  membre 
de  l'Union  républicaine,  il  rejeta  les  préliminaires  de  paix  ; 
à  la  fin  de  la  législature,  il  vota  l'amendement  Vallon  et 
les  lois  constitutionnelles.  Aux  élections  du  20  févr.  4876, 
il  se  présenta  à  Paris  où  il  se  désista  en  faveur  de  M.  Fré- 
bault,  et  à  Pontoise  où  il  fut  élu  au  scrutin  de  ballottage 
par  5,630  voix  ;  il  fut  un  des  363  qui  refusèrent  un  vote 
de  confiance  au  cabinet  de  Broglie.  Réélu  le  44  oct.  par 
7,522  voix,  il  fut  rapporteur  du  budget  de  la  guerre.  Le 
21  août  1881,  il  fut  réélu  à  Pontoise  par  8,558  voix  sans 
concurrent.  Inscrit  sur  la  liste  opportuniste  de  Seine-et- 
Oise  aux  élections  du  4  oct.  1885,  il  se  désista  avec  les 
autres  candidats  de  la  liste.  On  le  nomma  alors  en  déc. 
1885  percepteur  du  XVIII^  arrondissement  de  Paris,  et 
plus  tard  du  IIP  arrondissement.  Ph.  B. 

LANGLOIS  (Victor),  orientaliste  français,  né  à  Dieppe 
le  20  mars  1829,  mort  à  Paris  le  14  mai  1869.  Chargé 
d'une  mission  en  Cilicie  et  dans  la  Petite-Arménie,  il  en 
revint  en  1853  avec  une  belle  collection  de  figurines  et 
d'inscriptions.  En  1857  et  1861,  il  fit  des  études  en  Ita- 
lie où  il  recherchait  les  documents  concernant  les  rapports 
de  la  France  et  de  l'Arménie  pendant  les  croisades.  Il  se 
spécialisa  dès  lors  dans  l'histoire  et  les  antiquités  de  l'Ar- 
ménie. On  lui  doit  de  nombreux  ouvrages  spéciaux  parmi 
lesquels  il  faut  citer  :  Numismatique  des  nomes  d'Egypte 
sous  r administration  romaine  (1852);  Notice  sur  le 
couvent  arménien  de  l'île  Saint-Lazare  à  Venise  (1862); 
le  Mont  Athos  et  ses  monastères  (1867)  ;  Collection  des 
historiens  anciens  et  modernes  de  l'Arménie  (1868). 
La  mort  l'a  empêché  d'achever  ce  dernier  ouvrage.  Ph.  B. 

LANGLOIS  (Paul- Jean),  physiologiste  français,  né  à 
Paris  le  2  août  1862.  Docteur  en  médecine,  chef  du  labo- 
ratoire de  physiologie  à  la  faculté  de  médecine  depuis  i  887, 
secrétaire  de  la  Société  de  psychologie  physiologique,  membre 
de  la  Société  de  biologie  (1891),  élève  des  professeurs 
Brown-Séquard  et  Richet,  il  a  pubUé  :  De  la  Calorimétrie 
directe  chez  l'homme  (thèse  de  Paris,  1887,  in-4);  ce 


sont  les  premières  recherches  de  calorimétrie  directe  sur 
l'homme,  surtout  en  vue  de  démontrer  que  dans  la  fièvre, 
au  moins  à  certaines  périodes,  il  y  avait  réellement  exa- 
gération dans  la  radiation  calorique  ;  Recherches  sur  la 
physiologie  des  capsules  surrénales  {Arch.  dephysiol.^ 
1891-93  ;  prix  Montyon,  Institut  de  France,  1893)  ;  dans 
une  série  de  mémoires,  en  collaboration  avec  M.  Abelous, 
l'auteur  a  repris  l'étude  de  ces  organes  dont  la  fonction 
était  jusqu'ici  inconnue  (les  capsules  surrénales  sont  des 
glandes  v-ascuiaires  sanguines  qui  ont  pour  fonction  de  dé- 
truire des  poisons  curarisants  formés  par  les  muscles  en 
activité)  ;  Sensibilité  musculaire  de  la  respiration  (Re- 
vue philosophique^  1890)  ;  Influence  des  pressions  exté- 
rieures sur  la  ventilation  (Arch.  de  physiologie^  iSd\); 
De  V Influence  de  la  température  interne  sur  les  con- 
vulsions (Arch.  de  physioL,iSS9)  ;  Sur  la  Toxicité  des 
isomères  de  la  cinchonine  dans  la  série  animale  (Arch. 
de  physioL,  1893);  le  Lait  (Paris,  1893,in-12)  ;  Traité 
de  physiologie,  avec  M.  de  Varigny  (Paris,  1893,  in-12)  ; 
la  Fatigue^  traduction  de  l'ouvrage  de  Mosso  (Paris, 
1894,  in-l"2);  Ti^aité  d'hygiène  (Paris,  1895,  in-12); 
de  plus  une  série  d'articles  dans  la  Revue  scientifique, 
la  Revue  générale  des  sciences  et  dans  des  journaux  de 
médecine  divers.  —  Le  docteur  Langlois  est  un  des  princi- 
paux collaborateurs  de  la  Grande  Encyclopédie.  D*'  L.  Hn. 

LANGLOIS  (Charles-Victor),  historien  et  j3rofesscur 
français,  né  à  Rouen  le  26  mai  4863.  Après  avoir  pris  ses 
grades  à  l'Ecole  des  chartes,  à  l'Ecole  de  droit  et  à  la  Sor- 
bonne,  il  fut  nommé  maître  de  conférences  à  la  faculté  des 
lettres  de  Douai  (1885),  puis  chargé  de  cours  à  la  faculté 
des  lettres  de  Montpellier  (1886).  Chargé  du  cours  de 
sciences  auxiliaires  de  l'histoire  à  la  faculté  des  lettres 
de  Paris  depuis  1888,  il  y  enseigne  la  paléographie  et  la 
bibliographie.  11  a  publié  en  collaboration  avec  M.  H.  Stein 
un  inventaire  des  inventaires  d'archives  qui  intéressent 
l'histoire  de  France,  sous  ce  titre  :  les  Archives  de  Phis- 
toire  de  France  (Paris,  1891-93,  in-8).  Ses  travaux 
personnels  ont  porté  jusqu'ici  sur  l'histoire  du  xiii®  et  du 
xiv^  siècle  (le  Règne  de  Philippe  III  le  Hardi;  Paris, 
1887,  in-8,  etc.),  et  sur  l'histoire  de  la  littérature  latine 
du  moyen  âge;  ils  ont  été  publiés  pour  la  plupart  dans  la 
Revue  historique  et  dans  la  Bibliothèque  de  V Ecole  des 
chartes.  Il  a  écrit  en  outre  dans  les  revues  pédagogiques 
sur  la  question,  à  l'ordre  du  jour,  de  la  réforme  des  exa- 
mens supérieurs  (licence,  agrégation).  C'est  un  des  colla- 
borateurs de  la  Grande  Encyclopédie. 

LANGLOIS  DES  EssÂRTs  (V.  Essarts). 

LANGLOIS-DuBOucHET  (V.  Dubouchet  [Le  marquis]). 

LANGNAU.  Grand  village  de  Suisse,  cant.  de  Berne; 
Ch.-l.  du  district  de  Signau  ;  stat.  principale  du  chem.de 
fer  Berne-Lucerne ;  7,585  hab.  C'est  un  centre  de  pro- 
duction agricole  et  de  fabrication  du  fromage  dans  la  riche 
vallée  de  V Emmenthal  (V.  ce  mot).  On  y  trouve  aussi 
plusieurs  établissements  industriels,  fabriques  de  toiles,  tis- 
sages de  coton,  etc. 

LAN  GO.  Peuplade  galla,  vivant  à  lextrémité  E.  du 
pays  galia,  au  N.  de  l'Ougando  et  de  l'Oungaro,  au  S.  du 
pays  des  Barri,  à  l'E.  des  monts  Maddi  qui  forment  la  ligne 
de  faîte  entre  le  bassin  du  Nil  proprement  dit  et  celui  du 
Lobat,  son  tributaire.  Le  traité  de  déhmitation  anglo- 
italien,  déterminant  les  sphères  d'influence  de  l'Angleterre 
et  de  l'Italie  à  l'E.  de  l'Ethiopie  et  des  pays  gallas,  a 
placé  le  peuple  lango  dans  la  sphère  d'influence  de  l'An- 
gleterre. —  Comme  la  plupart  des  tribus  gallas,  les  Lan- 
ges se  livrent  à  l'élevage  ;  ils  vivent  par  groupes  de  familles 
indépendantes  et  n'élisent  de  chefs  qu'en  temps  de  guerre. 

LANGOAT.  Corn,  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Lannion,  cant.  de  Tréguier  ;  1,955  hab.  Moulins;  teiilage 
de  lin.  Eglise  moderne  conservant  le  tombeau  du  xiv''  siècle 
de  sainte  Pompée,  mère  de  saint  Tugdual,  surmonté  de  sa 
statue  en  marbre  blanc. 

LANGOBARDS  ou  LOMBARDS  (V.  Italie). 

LANGOÉLAN.  Corn,  du  dép.    du  Morbihan,  arr.  de 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  XXI. 


—  897  -  LANGLOIS  —  LANGON 

Pontivy,  cant.  de  Guéméné;  1,295  hab.  Eglise  gothique. 
Ruines  d'une  tour  ronde  qui  semble  d'origine  romaine, 
nommée  dans  le  pays  Ty  doué  Baris  (Temple  du  dieu  de 
Paris) . 

LANGOGNE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Lozère,  arr. 
de  Monde,  près  du  confluent  de  la  Langouyrou  et  de  l'Al- 
lier ;  3,56*2  hab.  Stat.  de  la  ligne  de  Clermont  à  Nîmes. 
Eglise  romane  extrêmement  curieuse,  mais  bien  délabrée, 
à  trois  nefs,  voûtée  en  berceau,  chapiteaux  historiés,  portail 
de  style  flamboyant,  chapelles  ajoutées  à  l'édifice  primitif. 
BiBL.  :  Soc.  dCagric.  de  Mende,  Bull.,  1858,  IX,  pp.  45-54. 

LANGOIRAN.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Bor- 
deaux, cant.  de  Cadillac,  sur  la  rive  droite  de  la  Garonne; 
1,829  hab.  Le  Port-de-Langoiran  est  l'agglomération  princi- 
pale. Le  château  de  Langoiran,  dont  il  subsiste  de  beaux 
restes  (mon.  hist.),  a  été  l'une  des  forteresses  les  plus  consi- 
dérables delà  Guyenne.  Son  histoire  n'est  assez  bien  connue 
qu'à  partir  du  xiu®  siècle.  Il  appartenait  alors  à  la  famille 
d'Escoussan  qui  se  montra  fidèle  aux  rois  d'Angleterre.  La 
terre  passa  ensuite  à  la  famille  d'Albret,  puis  à  celle  de 
Montferrand  qui  la  conserva  jusqu'à  la  fin  du  xvi^  siècle. 
La  baronnie  de  Langoiran  appartenait  en  1640  au  président 
Daffis.  En  1649,  le  parlement  de  Bordeaux  se  trouvant  en 
lutte  avec  le  duc  d'Epernon,  gouverneur  de  la  Guyenne, 
ce  dernier  s'empara  du  château  ;  il  fut,  vers  cette  époque, 
démoli  et  incendié.  Tout  ce  qui  reste  du  château  ne  paraît 
pas  remonter  au  delà  du  xiv®  siècle  ;  quelques  parties  datent 
du  xvi^,  La  vieille  église  (mon.  hist.)  est  de  l'époque  ro- 
mane. Une  nouvelle  église,  en  style  de  transition,  a  été 
construite,  dans  ce  siècle,  au  Port-de-Langoiran.  Les  vi- 
gnobles de  Langoiran  donnent  des  vins  très  estimés.  Lan- 
goiran est  la  patrie  du  littérateur  Berquin.  G.  R. 

BiBL.  :  DucouRNEAu,  Id  GuienuB  historique  et  monu- 
mentale; Bordeaux,  1842-44,  t.  I,  g"  part.,  p.  255.  —  Lco 
Drouyn,  la  Guienne  militaire,  1865,  t.  II,  p.  1, 

LANGOLEN.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  (Juim- 
per,  cant.  de  Briec  ;  1,154  hab. 

LANGON.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr. 
de  Bazas,  sur  la  rive  gauche  de  la  Garonne  ;  4,733  hab. 
Stat.  de  la  ligne  de  chem.  de  fer  de  Bordeaux  à  Toulouse. 
Langon,  autrefois  Alingo,  dépendait  au  iv®  siècle  des 
domaines  de  saint  Paulin.  Cette  ville  fut  saccagée  par  les 
Normands  aux  viu®  et  ix^  siècles.  En  1224,  Langon 
refusa  d'ouvrir  ses  portes  aux  Anglais,  mais  ceux-ci  l'as- 
siégèrent et  s'en  emparèrent.  La  ville  fut  plusieurs  fois 
assiégée  et  prise  par  les  Anglais  et  par  les  Français,  et 
se  soumit  définitivement  au  roi  de  France  en  1453.  Elle 
eut  beaucoup  à  souff'rir  des  guerres  de  religion.  Les  ca- 
tholiques, sous  les  ordres  d'Henri  de  Caudale,  s'en  empa- 
rèrent d'abord  ;  en  1566,  ce  fut  le  tour  de  Montgommery 
à  la  tête  des  protestants.  Les  frondeurs  bordelais  vinrent 
devant  Langon  en  1649,  ayant  à  leur  tête  le  marquis  de 
Sauvebœuf  ;  la  ville  ne  céda  qu'après  une  énergique  ré- 
sistance. Le  duc  d'Epernon  avait  déjà  rétabli  la  paix  à 
Langon,  quand,  en  1651,  la  ville  ayant  refusé  d'adhérer 
à  une  union  proposée  par  les  princes  de  Condé  et  de  Conti, 
ce  dernier  vint  s'en  emparer  et  y  établit  un  gouverneur 
tyrannique,  Galapian.  Enfin  en  1653,  le  duc  de  Candale 
s'en  rendit  définitivement  maître  avec  les  troupes  royales. 
Langon  est  aujourd'hui  une  ville  ouverte.  L'église  parois- 
siale, fort  ancienne,  a  été  refaite  aux  xm^  et  xvi^  siècles, 
et  restaurée  au  xix®.  L'église  Notre-Dame-du-Bourg  est  du 
xu*^  siècle.  Un  pont  suspendu  de  200  m.  de  longueur, 
terminé  en  1831,  traverse  la  Garonne  en  ce  point.  L'in- 
fluence de  la  marée  se  fait  sentir  encore  à  Langon.  Tout 
le  canton  produit  d'excellents  vins  ;  les  vins  blancs  sont 
les  plus  renommés.  Les  armes  de  Langon  sont  :  d'or  a 
trois  pals  de  gueules.  G.  B. 

BiBL.  :  P.-D.  Martin,  Description  du  pont  suspendu 
construit  sur  la  Garonne,  à  Langon  ;  Paris,  1832.  — 
O'RiHLLY,  Essai  sur  l'histoire  de  la  ville  et  de  l'arron- 
dissement de  Bazas  ;  Bazas,  1840,  p.  380.  —  Ducourneau, 
la  Guienne  historique  et  monumentale;  Bordeaux,  1842- 
44,  t.  I,  2«  part.,  p.  60.  —  Léo  Drouyn,  la  Guienne  mili- 
taire, 1865,  t.  II,  p.  68. 

lu 


LANGON  —  LANGRAYENS 


-  898  -' 


LANGON.  Com.  du  dép.  d'Ille-et-Vilaine,  arr.  et  caiit. 
de  Redon  ;  2,267  hab.  Moulins.  Eglise  du  xii«  siècle,  re- 
maniée au  xv^.  Chapelle  Sainte-Agathe  (mon.  hist.),  pèle- 
rinage très  fréquenté  par  les  nourrices.  Une  très  ancienne 
peinture  représentant  une  femme  nue  sortant  de  l'eau  a 
donné  à  croire  que  c'était  un  ancien  temple  de  Vénus.  Mé- 
galithes connus  sous  le  nom  de  Demoiselles  de  Langon. 
LANGON.  Com.  du  dép.  de  Loir-et-Cher,  arr.  de  Ro- 
morantin,  cant.  de  Mennetou-sur-Cher  ;  943  hab. 

LANGON  (Le).  Com.  du  dép.  de  la  Vendée,  arr.  et  cant. 
de  Fontenay-le-Comte  ;  1,555  hab. 

LANGON  NET.  Com.  du  dép.  du  Morbihan,  arr.  de 
Pontivy,  cant.  de  Gourdin;  3,666  hab.  Collège  ecclésias- 
tique de  Sainte-Marie.  Colonie  agricole  pénitentiaire.  Mou- 
lins; commerce  actif  de  beurres.  Eglise  romane  de  Saint- 
Pierre  et  Saint-Paul  ;  église  de  la  Trinité  de  l'époque  de 
la  Renaissance  avec  de  beaux  vitraux  du  xvi^  siècle.  L'ab- 
baye cistercienne  de  Langonnet  avait  été  fondée  en  1137; 
les  bâtiments,  datant  pour  la  plupart  des  xvii^  et  xviii*'  siècles, 
abritent  la  colonie  agricole;  il  subsiste  cependant  du 
moyen  âge  une  belle  salle  voûtée  d'ogives.  Nombreux  mo- 
numents mégalithiques. 

LANGOUÈT.  Com.  du  dép.  d'Ille-et- Vilaine,  arr.  de 
Rennes,  cant.  d'Hédé  ;  492  hab. 

LANGOURLA.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr. 
de  Loudéac,  cant.  de  Collinée;  1,550  hab. 

LANGOUSTE.  I.  Zoologie.  —  (Palinums  Fabr.), 
Genre  de  Crustacés-Décapodes,  du  groupe  des  Macroures 
et  de  la  famille  des  Palinuridés  ou  Cuirassés  (  Loricata  ) , 
caractérisé  comme  il  suit  :  le  rostre  est  simple,  aigu  et 
spiniforme,  laissant  à  découvert  le  segment  ophtalmique 
qui  est  calcaire  ;  les  antennes  externes  sont  terminées  par 
un  long  fouet  multiarticulé  et  dépourvues  d'écaillé  à  la  base  ; 
les  antennes  internes  ou  antennules  peuvent  atteindre  la 
longueur  du  corps,  mais  leurs  fouets  sont  courts.  L'article 
basilaire  des  antennes  externes,  très  volumineux,  est 
soudé  à  son  congénère  et  renferme  l'appareil  auditif.  Le 
céphalothorax  est  presque  cylindrique  ;  les  trois  derniers 
articles  sont  volumineux,  mobiles,  hérissés  d'épines  ;  le 
dernier  est  allongé  et  terminé  par  une  grande  nageoire  dor- 
sale. Les  pattes,  toutes  monodactyles,  sont  très  longues  ; 
les  palpes  sont  courts,  uniarticulés.  —  Les  Langoustes  su- 
bissent de  profondes  métamorphoses;  leurs  larves,  dé- 
crites d'abord  sous  le  nom  de  Phyllosomes  (V.  ce  mot), 
ont  été  longtemps  considérés  comme  formant  un  sous-ordre 
spécial.  L'espèce  type,  P.  vulgaris  Latr.  ou  Langouste 
commune,  est  très  répandue  le  long  des  côtes  rocheuses  de 
l'Océan  et  de  la  Méditerranée,  mais  ne  dépasse  pas  la 
Manche,  au  Nord  ;  elle  est  plus  commune  dans  la  Méditer- 
ranée que  le  Homard  ;  c'est  le  Karabos  d'Aristote  et  le 
Locusta  des  Romains.  Elle  est  d'un  brun  violet,  parfois 
verdâtre  avec  des  taches  jaunâtres  plus  ou  moins  nom- 
breuses ;  elle  devient  rouge  vif  par  la  cuisson.  La  Lan- 
gouste commune  pond  plus  de  cent  mille  œufs  en  une  seule 
année;  ils  sont  plus  petits  et  au  moins  cinq  fois  plus  nom- 
breux que  ceux  du  Homard.  Grâce  à  cette  fécondité,  la  re- 
production de  l'espèce  est  assurée,  car  la  larve  écloso  de 
l'œuf,  le  Phyllosome,  est  essentiellement  pélagique  et  expo- 
sée à  bien  des  chances  de  destruction.  Ce  n'est  qu'après  sa 
quatrième  mue  que  la  langouste  se  rapproche  des  côtes  pour 
vivre  désormais  sur  les  fonds  rocheux  de  la  mer,  où  elle  se 
nourrit  principalement  de  petits  mollusques.  Son  corps 
peut  atteindre  40  à  50  centim.  —  On  connaît  d'autres 
espèces  surtout  répandues  dans  les  mers  intertropicales. 

IL  Pêche.  —  On  pêche  la  langouste  avec  des  nasses  ou 
des  filets  auxquels  on  fixe  des  débris  de  poulpe  brûlé,  de 
petits  poissons,  des  crabes  ou  delà  chair  d'autres  animaux. 
On  les  descend  pendant  la  nuit  dans  des  endroits  rocail- 
leux ;  l'odeur  attire  les  langoustes  qui  ne  peuvent  s'échap- 
per assez  rapidement  quand  on  enlève  le  filet. 

IIL  Art  culinâtre.  — On  fait  une  grande  consommation 
de  la  langouste,  dont  la  chair  est  très  estimée  comme  ali- 
ment, bien  que  d'une  digestion  assez  difficile .  Les  femelles 


chargées  d  œufs  sont  parti^lièrement  recherchées.  Ce 
crustacé  subit  les  mêmes  préparations  culinaires  que  le  ho- 
mard (V.  ce  mot). 

LANGRAND-DuMONCEAu(André.  comte),  financier  bel^e 
né  à  Vossem,  près  de  Liège,  le  5  déc.  1826.  Après  une 
jeunesse  accidentée,  il  s'occupa  d'assurances,  puis  de  banque 
et  s'engagea  bientôt  dans  des  entreprises  importantes.  Repre- 
nant certames  idées  de  Law,  Langrand  emprunta  en  Belgique 
des  capitauxqui,  étant  abondants,  s'ylouaientà  bon  marché, 
et  les  employa  en  Hongrie  à  des  prêts  hypothécaires  et  à  des 
achats  de  domaines  rapportant  un  grand  intérêt  parce  que 
1  argent  y  était  rare.  En  même  temps,  voulant  attirer  les 
épargnes  des  campagnards  belges,  dévoués  au  clergé,  il  fit 
un  emprunt  pontifical  au  pair,  tandis  que  la  rente  romaine 
était  cotée  à  70  ^1^,  Le  clergé  reconnaissant  recommanda  les 
compagnies  Langrand  aux  catholiques  et  le  pape  octroya 
a  l'entreprenant  financier  le  titre  de  comte.  Les  capitaux 
amuèrent.  Pour  accroître  encore  son  prestige,  Langrand 
était  parvenu,  en  leur  donnant  de  grosses  rétributions  et 
en  faisant  valoir  qu'il  fallait  «  christianiser  les  capitaux  », 
à  enrôler,  comme  administrateurs  de  ses  sociétés,  des  per- 
sonnes très  haut  placées  dans  le  parti  catliohque  (V.  Decker 
[De]).  Le  succès  fut  d'abord  prodigieux,  mais  bientôt  arri- 
vèrent les  déceptions.  Les  domaines  de  Hongrie  achetés 
trop  cher  se  vendaient  difficilement.  Langrand  eut  recours 
aux  expédients  ;  il  créa  successivement  le  Roijale  belge, 
les  Pientiers  réunis,  V Ancre,  le  Crédit  foncier  interna- 
tional, h  Banque  du  commerce  et  de  l'industrie,  etc. 
La  débâcle  vint  cependant,  et  la  faiUite  fut  prononcée  en 
déc.  1870.  Les  principaux  chefs  du  parti  catholique  se 
trouvaient^  gravement  compromis  ;  par  un  concordat  avec 
les  créanciers  ils  restituèrent  presque  tous  leurs  bénéfices, 
et  l'action  pénale  fut  arrêtée  par  une  lacune  de  la  loi  qui 
ne  prévoyait  pas  l'existence  des  faux  bilans.  Langrand  fut 
moins  heureux  ;  la  cour  d'assises  du  Brabant  le  condamna 
par  contumace  le  11  mars  1872  à  dix  ans  de  réclusion  du 
chef  de  vol,  d'escroquerie  et  de  banqueroute  frauduleuse. 
U  s'était  enfui  au  Brésil,  et  parvint  à  se  soustraire  à  toutes 
les  recherches  de  la  justice.  E.  H. 

LANGRAYENS  (Ornith.).  Les  Lans^rayens,  qui  consti- 
tuent le  genre  Artamus  (V.  ce  mot)  "de  Vieillot  et  la  fa- 
mille des  Ariamidœ  de  Ch.-L.  Bonaparte,  sont  des  Passe- 
reaux de  petite  taille,  rappelant  un  peu  les  Hirondelles 
par  leur  tête  enfoncée  dans  les  épaules,  leur  queue  légère- 
ment fourchue,  leurs  pattes  courtes,  mais  se  rapprochant 
d'autre  part  des  Pies-Grièches  par  leurs  doigts  robustes  et 
munis  d'ongles  acérés,  par  leur  mandibule  supérieure 
pourvue  d'une  petite  échancrure  vers  la  pointe.  Aussi  dé- 
signe-t-on  parfois  ces  oiseaux  sous  le  nom  de  Pies-Grièches- 
Hirondelles,  Le  bec  des  Langrayens  difi'ère  cependant  par 
sa  forme  de  celui  des  Pies-Grièches  :  il  est  plus  large- 
ment fendu,  moins  comprimé,  latéralement  plus  arrondi 
en  dessus.  En  outre,  le  plumage  offre  des  teintes  qu'on 
n'observe  pas  chez  les  Pies-Grièches  :  il  est  d'un  gris 
cendré  ou  d'un  brun  fuligineux,  tantôt  uniforme,  tantôt 
varié  de  blanc,  et  le  bec  lui-même  est  d'une  nuance  plombée 
toute  particulière.  Les  jeunes  portent  une  livrée  grise  ou 
brunâtre,  striée  lougitudinalement.  L'aire  d'habitat  des  Lan- 
grayens s'étend  sur  l'Asie  méridionale,  les  îles  Malaises, 
les  Philippines,  Cèlèbes,  l'Australie,  la  Nouvelle-Calédonie 
et  quelques  autres  terres  de  l'Océanie.  Ces  oiseaux  se  plai- 
sent dans  les  bouquets  de  bois  disséminés  à  travers  la  cam- 
pagne et  nichent  sur  des  arbres  ou  dans  les  buissons.  Leurs 
nids,  faits  de  brindilles  entrelacées  et  de  racines,  renfer- 
ment des  œufs  d'un  blanc  sale,  piquetés  et  tachetés  de 
roussâtre.  — -  Les  Langrayens  sont  sédentaires  et,  sous  ce 
rapport,  diffèrent  des  Hirondelles  dont  ils  se  rapprochent 
par  leurs  allures  et  avec  lesquelles  on  les  trouve  parfois 
associés.  Comme  les  Hirondelles,  ils  se  nourrissent  d'insectes 
qu'ils  poursuivent  souvent  à  une  très  grande  hauteur  dans 
les  airs  en  poussant  de  petits  cris  aigus.  Leur  vol  est 
tantôt  lent,  tantôt  rapide,  et  quelquefofs  ils  planent  à  la 
manière  des  Rapaces. 


899  — 


LANGRAYENS  -  LANGUES 


Le  genre  Artamus  renferme  un  certain  nombre  d'es- 
pèces parmi  lesquelles  nous  citerons  seulement  VArta^nus 
fuscus  V.  de  i'Inde  méridionale,  VA.  leiicorhynchus  V. 
des  Philippines, Fi.  50 rc?z<iz^5  Lafli.  d'Australie  et  VA.  me- 
lanoleucus  Forst.  delà  Nouvelle-Calédonie.     E.  Oust. 

BiBL,  :  Vieillot  et  Oudart,  Galerie  des  oiseaux, 
pi.  144.  —  ValExNCIennes,  Annales  du  Muséum,  t.  IV, 
p.  25  et  pi.  7  et  8.  •—  J.  Gould,  Blrds  of  Australia^  1848, 
t.  II,  pi.  -Zl  à  33, 

LAN 6 R EN  (Michel-Florent  Van),  mathématicien  belge, 
né  à  Arnhem  vers  4600,  mort  à  Bruxelles  en  1675.  Il 
reçut  le  titre  de  cosmographe  et  mathématicien  du  roi  et  se 
coasacra  à  l'étude  de  questions  telles  que  la  détermination 
des  longitudes  en  mer  et  la  nomenclature  des  taches  et 
autres  détails  du  disque  lunaire;  c'est  à  lui  que  l'on  doit 
l'idée  de  désigner  ces  détails  par  les  noms  de  personnages 
célèbres;  il  s'occupa  aussi  de  la  comète  de  4652,  de  l'in- 
vention d'une  arme  à  feu  à  plusieurs  coups  et  fut  appelé 
par  le  gouvernement  à  présenter  un  projet  d'amélioration 
des  ports  de  Mardyck  et  d'Ostende.  Il  conçut  des  plans  de 
transformation  de  la  ville  de  Bruxelles  et  un  projet  de  ca- 
nal qui  aurait  réuni  la  capitale  à  Malines.  Il  était  aussi 
habile  ingénieur  que  savant  mathématicien  et  cartographe. 
Les  principaux  ouvrages  de  Van  Langren  sont  :  La  Verda- 
dera Lofigitud  por  mar  y  terra  (Bruxelles,  4644,  in-42)  ; 
fleni  Ltmi  hcmina  Austriaca  Philippica  (id.^  4645, 
in-8)  ;  Tormentum  bellicum  triphœrium  \id,^  'J640, 
in-fol.)  ;  Description  du  canal  de  Marianne  et  du  grand 
changement  que  le  banc  de  Maerdyck  fait  depuis  1624 
jusque  1653  (id,,  165^,  iû-8)  ;  Briefue  Description  de 
la  ville  et  havre  d'Oostende  {id.,  4659,  in-fol.).    E.  II. 

BiBL.  :  F.  Van  der  HAEGHEiN,  Bibliottieca  belgica;  Gand, 
1880-1894,  100  vol.  in-12.—  Wauters,  Biographie  de  Van 
Langren^  dans  la  Biographie  nationale  de  Belgique. 

LANGRES.  Ch.-L  d'arr.  du  dép.  de  la  Haute-Marne, 
sur  un  plateau  qui  s'élève  de  440  à  440  m.  au-dessus  des 
vallées  qui  l'entourent  ;  10,749  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  de  l'Est,  ligne  de  Paris  à  Belfort,  embranchements  sur 
Nancy  et  sur  Poinson-Beneuvre.  Un  chemin  de  fer  à  crémail- 
lère réunit  la  gare,  située  dans  la  vallée,  à  une  place  de  la 
ville.  Nombreux  couvents;  collège  communal  ;  bibliothèque; 
musée  de  tableaux  et  d'antiquités.  Société  d'agriculture  ; 
Société  historique  et  archéologique.  Commerce  de  fer  et  de 
fontes,  d'étoffes,  d'huiles,  de  grains  et  farines.  Coutellerie 
renommée  (V.  Coutellerie).  Filatures  de  laine;  scieries 
mécaniques.  Laugres,  place  forte  de  première  classe,  est 
le  centre  d'un  vaste  camp  retranché  d'environ  44  kil.  de 
rayon  et  d'un  développement  de  près  de  52  kil. 

Histoire.  —  La  situation  de  Langres,  si  favorable  à  la 
défense,  avait  fait  de  ce  lieu  un  centre  de  population  dès 
l'époque  la  plus  reculée.  Le  peuple  celtique  des  Lingones 
y  avait  établi  sa  capitale  nommée  Andomaturum  ou  An- 
dcmatunum.  Après  la  conquête  romaine,  la  ville  prit  le 
nom  du  peuple  et  conserva  d'abord  une  certaine  autonomie; 
mais,  après  la  révolte  de  Sabinus,  elle  fut  en  partie  ruinée 
et  réduite  à  l'état  de  simple  colonie.  Comprise  dans  la  Bel- 
gique, puis  dans  la  Celtique  et  enfin  dans  la  première 
Lyonnaise,  elle  reprit  peu  à  peu  de  l'importance  et  fut  en- 
richie des  grands  et  nombreux  monuments  dont  on  retrouve 
aujourd'hui  les  vestiges.  En  301,  Constance  Chlore  fit  re- 
culer sous  les  murs  de  la  ville  l'invasion  des  Alamans. 
Mais  au  siècle  suivant  elle  fut  brûlée  par  Attila  et  sacca- 
gée par  les  Vandales.  A  l'époque  mérovingienne,  la  ville 
fut  comprise  dans  le  royaume  de  Bourgogne.  Après  avoir 
eu  quelque  temps  des  comtes  particuliers,  elle  fut  placée 
sous  la  suzeraineté  de  ses  évèques  qui  lui  concédèrent  des 
franchises  communales  au  cours  du  xu^  siècle.  Langres  fut 
mêlée  au  xv®  siècle  aux  luttes  des  Armagnacs  et  des  Bour- 
guignons. Au  xvi*^  siècle  le  protestantisme  s'y  introduisit, 
mais  y  fut  réprimé  par  des  rigueurs  impitoyables.  Pendant 
la  Ligue,  les  Langrois  restèrent  fidèles  à  la  cause  royale, 
malgré  l'évèque  et  le  clergé.  En  4594,  assiégée  par  les 
Lorrains,  la  ville  fut  sauvée  par  un  boulanger  qui  découvrit 
un  pétard  placé  sous  une  des  portes  de  la  ville  et  donna 


l'alarme;  une  procession  solennelle  rappelle  chaque  année 
le  souvenir  de  cet  événement.  En  4636,  le  pays  fut  dévasté 
tour  à  tour  par  les  Suédois  du  due  de  Saxe-Weimar  et  par 
les  impériaux.  Les  Autrichiens  occupèrent  la  ville  en  4844 
sans  coup  férir,  et  y  entrèrent  une  seconde  fois  en  4845. 
Langres  est  la  patrie  du  graveur  Jean  Buvet,  de  Denis 
Diderot,  des  peintres  Pierre,  Piichard  et  Jean  Tassel,  des 
sculpteurs  Lescorné  et  Petitot. 

EvÈGHÉ.  —  L'évêché  de  Langres,  suffragant  de  Lyon, 
paraît  avoir  été  fondé  au  ii*^  siècle.  Le  premier  évêque 
mentionné  est  Senator,  puis  un  nommé  Juste  qu'on  doit 
placer  au  iii«  siècle,  et  enfin  Didier  ou  Dizier  (Desiderius) 
devenu  le  patron  de  la  ville,  massacré  par  un  chef  bar- 
bare du  nom  de  Crocus,  mais  qu'on  hésite  à  placer  au  m'\ 
au  ly^,  ou  même  au  commencement  du  v«  siècle.  Après  lui 
les  listes  épiscopales  donnent  les  noms  suivants  :  Marti- 
nus,  Honoratus,  Urbanus,  Paulinus  (au  temps  de  l'empe- 
reur Gralien),  Fraternus,  Aprunculus  (alias  Patrunculus), 
Armentarius,  Venantius,  Paulinus  II,  Patientius,  Albiso. 
Avec  le  vi^  siècle  la  liste  devient  plus  précise  et  l'on  peut 
donner  quelques  dates  :  Gregorius,  507-539  ou  544  ;  Te- 
tricus,  mort  V.  572;  Pappolus,  évoque  intrus  ;  Mummolus, 
588 ;  Migetius,  v.  609;  Modoaldus  ouBertoaldus.  Puis  au 
vu»  siècle  on  ne  trouve  plus  que  quelques  noms  :  Sigoaldus, 
Wulfrannus,  Godinus,  Adoinus,  Garobaldus,  Herulfus  ou 
Ariolfus,  v.  769-780;  Waldricus,  Beto,  v.  792.  La  série 
est  à  peine  plus  certaine  sous  les  Carolingiens  :  Albericus, 
V.  820-838;  Teutbaldus,  v.  849-859;  Vulfrad,  év.  in- 
trus; Ausgar,  Egilo  ou  Geilo,  v.  880-889  ;  Theobaldus  II, 
Agrinus,  v.  889  ou  899-943  ;  Warnerius,  942-923  ;  Gotze- 
linus,  925;  Letericus,  934;  Ericus,  934-942;  Archar- 
dus,  948-967  ;  Widricus,  v.  970-980.  Ce  fut  vers  cette 
époque  que  les  évêques  acquirent  sur  la  ville  le  pouvoir 
temporeL  Bruno  deRoncy,  984-4045  ou  4046;  Lambert, 
4046-24  août  4034  ;  Richard,  4034  ;  Hugues  de  Breteuil, 
4034-49;  Hardouin,  4050-29  sept.  1065;  Raynard 
Hugues,  4065-3  ou  5  avr.  4085  ;  Robert,  v.  4085-49  oct. 
4140;  Joceran,  4443-25;  Guillencus  Saulx,  4125-4-3 
août  4436;  Guillaume  de  Sabran,  4136-38  ;  Godefroi, 
V.  4440-8 nov.  1464;  Gautier,  4463-80;  Manassès,  4479- 
V.  4493;  Garnier  de  Rochefort,  v.  4193-95.  A  partir  du 
xm^  siècle,  l'évèché  de  Langres  a  rang  de  duché-pairie  et 
son  titulaire  comme  troisième  pair  ecclésiastique  porte  le 
sceptre  aux  sacres  des  rois  et  précède  son  métropolitain, 
l'archevêque  de  Lyon, dans  les  cérémonies  officielles.  Hilduin, 
4200-03;  Robert  de  Châtillon,  1204-nov,  4208;  Guil- 
laume de  Joinville,  4209-48;  Hugues  de  Montréal,  v. 
4219-v.  4232;  Robert  de  Torote,  4232-oct.  4240;  Hugues 
de  Rochecorbon,  4244-13  avr.  4250;  Guy  de  Rochefort 
4250-18  juin  4266;  Guy  II,  4268-mai  4294  ou  4292; 
Jean  de  Rochefort,  23  juil.  4295-4305;  Bertrand  de  Got, 
4306;  Guillaume  de  Durfort,  nov.  4306-25  avr.  4319; 
Louis  de  Poitiers,  1318-25;  Pierre  de  Rochefort,  1325-^ 

29  ou  4330;  Jean  de  Châlons,  4328-23  mai  4335;  Guy 
Baudet,  4336-37  ou  4338;  Jean  des  Prés,  42  mars  4338- 
42;  Jean  d'Arcy,  4343-13  août  4344;  Hugues  de  Po- 
marre,  1344-v.  4346  ;  Guillaume  de  Poitiers,  4346-6  sept. 
4374;  Bernard  de  La  Tour-d'Auvergne,  4374-46  janv. 
4395;  Louis  de  Bar,  4395-4443;  Charles  de  Poitiers, 
4443-7  déc.  4433;  Jean  Gobillon,  nov.  4435-v.  4436; 
Philippe  de  Vienne,  1436-52  ;  Jean  VI  d'Auxi,  4453-53; 
Guy  Bernard,  4453-28  avr.  4484  ;  Jean  VH  d'Araboise, 
4484-97;  Jean  VIII d'Amboise,  3  déc.  4497-26  sept.  4542; 
Michel  de  Boudet,  1512-22  juil.  4527  ;  Claude  de  Longwy, 
card.  de  Givry,  4528-9  août  1561;  Jacques  de  Ileluis^ 
1562-65;  Pierre  de  Gondy,  1565-70;  Charles  II  des  Cars 
de  Pérusse,  v.  1571-1614;  Sébastien  Zamet,  30  oct.  1615- 
2  févr.  1655;  Louis  Barbier  de  La  Rivière,  2  janv.  1656-30 
janv.  4670;  Louis-Marie-Armand  de  Simiane  de  Gordes, 

30  nov.  4674-24  nov.  4695;  François  Clermont-Tonnerre, 
24  déc.  1695-12  mars  4724;  Pierre  de  Par(laillan,27  déc. 
1724-2  nov.  1733;  Arthur-Gilbert  Montmorin  de  Saint- 
Hérem,  4734-70;  César  de  La  Luzerne,  30  oct.  1770-90; 


LANGRES  —  LANGTON 


~  900  — 


Antoine-Hubert  Wandelaincourt  (évêque  constitutionnel), 
lOavr.  1791-93.  L'évêché  de  Langres  fut  alors  attribué 
à  la  province  de  Besançon,  puis  supprimé  en  1802  pour 
être  réuni  au  siège  de  Dijon.  Rétabli  en  1817,  il  fut  rendu 
à  César  de  La  Luzerne  qui  ne  prit  pas  possession.  En  1822, 
il  fut  de  nouveau  attribué  à  la  métropole  de  Lyon.  I.-Ma- 
rie,  dom  Jacques  de  Poulpiquet,  13  janv.  1823;  Gilbert- 
Paul  Arragonès  d'Orcet,  21  janv.  1824-20  juin  1832; 
Jacques-Marie-Adrien-Césaire  Malbieu,  23  sept.  1832-22 
juin  1834;  Pierre-Louis  Parisis,  28  août  1834-12  août 
18ol;  Jean-Jacques-Antoine  Guérin,  lo  oct.  1851-19 
mars  1877;  Guillaume  Bonange,  21  nov.  1877-84; 
Alphonse-Martin  Larue,  13  nov.  1884. 

Monuments.  —  Parmi  les  vestiges  de  l'antiquité  gallo- 
romaine,  il  faut  citer  l'une  des  portes  de  la  cité  (mon.  hist.), 
composée  de  deux  arcades  jumelles  encadrées  par  des  pi- 
lastres et  un  entablement  corinthiens.  Il  est  probable  que 
cette  porte,  qui  était  en  même  temps  un  arc  de  triomphe, 
date  du  règne  de  Marc  Aurèle.  Des  anciennes  fortifications, 
il  ne  subsiste  que  des  pans  de  murailles  à  l'O.,  au  N.  et 
à  TE.,  et  plusieurs  tours  rondes  du  xvi^  siècle,  encastrées 
dans  la  nouvelle  enceinte.  La  cathédrale,  dédiée  à  saint 
Mammès,  est  un  bel  édifice  de  transition  ;  le  chœur,  qui  est 
la  partie  la  plus  ancienne,  doit  dater  du  milieu  du  xu^,  et 
la  nef  de  la  fin  de  ce  siècle  ou  du  commencement  du  sui- 
vant. Le  portai]  en  a  été  reconstruit  au  xviii^,  siècle  et  sur- 
monté de  deux  tours,  le  tout  dans  le  style  néo-classique. 
Il  s'y  conserve  de  nombreuses  oiuvres  d'art,  une  Vierge 
de  Rude,  des  tableaux  attribués  à  Rubens  et  au  Corrège, 
des  peintures  de  Tassel,  et  une  partie  du  mobilier  de  l'ab- 
baye de  Morimond.  Au  S.  de  la  cathédrale  se  trouve  un 
beau  cloître  du  xni^'  siècle.  —  Eglise  Saint-Martin,  édifice 
du  xiii®  siècle,  avec  remaniements  des  xvi^  et  xviii^,  à  cinq 
nefs.  Il  s'y  conserve  un  Cimst  en  bois,  du  xvi^  siècle,  œuvre 
du  sculpteur  Gentil,  qui  est  un  chef-d'œuvre  de  premier 
ordre.  —  L'église  romane  de  Saint-Didier  (mon.  hist.)  a 
donné  asile  au  très  remarquable  musée  de  la  Société  archéo- 
logique ;  c'est  un  des  mieux  classés  et  des  mieux  tenus  des 
musées  de  province.  Indépendamment  des  collections  locales 
qui  en  font  la  principale  richesse,  il  s'y  trouve  des  galeries 
de  tableaux,  d'histoire  naturelle,  d'antiquités  égyptienne, 
grecque,  romaine,  etc.  Langres  a  conservé  plusieurs  mai- 
sons de  la  Renaissance.  La  statue  de  Diderot  par  Bartholdi 
y  a  été  élevée  en  1884. 

Conciles  de  Langres.  —  1080  (?),  réprobation  des  in- 
vestitures données  parles  laïques.  —  1116,  assemblée  por- 
tant dans  les  collections  le  titre  de  concilium  Lingonense, 
mais  tenue  entre  Lux  et  Til-Châtel,  près  de  Bèze,  sous  la 
présidence  de  Gui,  archevêque  de  Vienne.  On  y  condamna 
le  brigandage  en  général,  et  tout  spécialement  les  dépréda- 
tions commises  sur  les  biens  ecclésiastiques.  —  1155,  ca- 
nons sur  la  discipline.  E.-H.  V. 

Coutellerie  de  Langres  (V.  Coutellerie). 

Plateau  de  Langres  (V.  Marne  [Haute-]). 

LANGRISHE  (Sir  Hercule),  homme  politique  irlandais, 
né  en  1738,  mort  à  Dublin  le  1^^  févr.  1811.  Membre  du 
parlement  irlandais  dès  1761,  il  y  joua  un  rôle  considé- 
rable et,  ami  de  Burke,  donna  occasion  à  sa  fameuse  Lettre 
à  sir  H*  Langrishe,  relative  à  l'abolition  des  incapacités  qui 
frappaient  les  catholiques. 

LANGROLAY.  Corn,  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr. 
de  Dinan,  cant.  de  Ploubalay  ;  662  hab. 

LANGSDORF  (Karl-Christian  de),  mathématicien  et 
ingénieur  allemand,  né  Nauheim  le  18  mai  1757,  mort  à 
Heidelberg  le  10  juin  1834.  Il  travailla  d'abord,  comme 
chimiste  et  comme  ingénieur,  dans  des  salines,  puis  fut 
professeur  de  mathématiques  et  de  technologie  aux  uni- 
versités d'Erlangen  (1796-1804),  de  Vilna,  en  Russie 
(1804-6),  d'Heidelberg  (1806-34).  Il  est  l'auteur  d'im- 
portants travaux  sur  l'exploitation  des  salines.  L'analyse 
mathématique  et  la  mécanique  lui  doivent  également  d'in- 
téressantes théories  et  quelques  solutions  fort  originales. 
Ses  écrits  sont  très  nombreux.  Ils  comprennent,  outre  des 


mémoires,  notes  et  articles,  insérés  dans  divers  recueils, 
notamment  dans  les  Annales  de  Crelle  et  dans  le  Journal 
de  Gren,  une  trentaine  d 'ouvrages  à  part,  au  premier  rang 
desquels  il  faut  mentionner  sa  Vollstœndige  auf  Théorie 
und  Erfahrimg  gegriiiideie  Anleitung  znr  Salzwerks- 
kunde  (Altenburg,  1784-96,  5  vol.  in-4),  et  son  Lehr- 
buch  der  Hydraulik  (id,,  1794,  in-4).  A  signaler  encore  : 
Erlœuterung  der  Kœsinef schen  Analysis  endlicher 
Grœssen (Mannheim,  1776-78, 2 vol.  in-8)  ;  Grundlehren 
der  Photometrie  (Erlangen,  1803-5,  2  vol.  in-8);  Vber 
die  Unstatthaftigkeit  des  Principes  der  unendlichen 
Theilbarkeit  (Erlangen,  1804,  in-8),  etc.  L.  S. 

BiBL.  :  Liste  complète  de  ses  ouvrages  dans  le  t.  I  du 
Biogr.-Liler.  Handwœrterbuch  de  Poggendortï". 

LANG-SON.  Ville  et  province  du  Tonkin.  La  province  de 
Lang-son,  située  au  N.-E.  du  Tonkin,  dans  un  pays  très 
montagneux,  n'est  pas  un  centre  agricole  bien  considé- 
rable; ses  principales  productions  sont  le  tubercule  appelé 
cunâu,  d'où  l'on  extrait  une  teinture  brun  rouge  et  la  ba- 
diane dont  l'essence  est  utilisée  en  pharmacie.  Cette  pro- 
vince parait  en  revanche  posséder  des  richesses  métallur- 
giques assez  grandes;  on  y  signale  des  gisements  de  fer,  de 
plomb  argentifère  etdecuivre.  Mais  la  principale  importance 
de  Lang-son  lui  vient  de  son  voisinage  de  la  frontière  chi- 
noise; elle  esta  cheval  sur  un  cours  d'eau  qui  pénètre  dans 
la  province  chinoise  de  Koang-si,  passe  à  Long-tcheou  et 
Tai-ping-fou  et  aboutit  à  la  mer  dans  la  province  de  Koang- 
tong  ;  la  ville  de  Lang-son  est  ainsi  la  tête  de  ligne  d'une 
des  plus  importantes  voies  de  pénétration  que  le  tonkin  ait 
en  Chine  ;  cependant  il  est  difficile  d'arriver  à  cette  tête  de 
ligne,  et  c'est  pour  cette  raison  que,  dès  les  premiers  temps 
de  notre  occupation,  on  songea  à  relier  Lang-son  avec  la 
région  du  Delta.  On  décida  la  construction  du  chemin  de 
fer  de  Phu-lang-thuong  à  Lang-son  ;  malheureusement, 
l'exécution  en  fut  fort  mal  conduite  au  début  ;  les  travaux 
furent  gênés  par  les  pirates  qui  infestaient  les  massifs  mon- 
tagneux du  Cai-kinh  et  du  Dao-day;  on  avait  commencé  la 
construction  de  cette  ligne  de  101  kil.  en  mars  1890  ;  ce 
n'est  que  le  28  déc.  1894  que  M.  de  Lanessan  a  pu  en 
faire  l'inauguration. 

La  province  de  Lang-son  a  une  superficie  évaluée  à 
1 ,110,000  hect.  ;  elle  comprend  3  préfectures  (phu),  7  sous- 
préfectures  (huyôn),  51  cantons  et  237  villages  ;  le  nombre 
des  habitants  indigènes  inscrits  était  de  3,500  en  1894. 
Le  cercle  de  Lang-son  est  réuni  au  cercle  de  Cao-bang  pour 
former  le  deuxième  territoire  militaire. 

Lors  de  l'expédition  française  au  Tonkin,  Lang-son  fut 
le  dernier  boulevard  de  la  résistance  chinoise  ;  c'est  en 
voulant  aller  occuper  Lang-son  que  la  colonne  du  lieute- 
nant-colonel Dugenne  rencontra,  le  24  juin  1884,  une  ré- 
sistance inattendue  à  Bac-lé  et  dut  battre  en  retraite. 
Lang-son  ne  fut  pris  que  le  12  févr.  1885  par  le  générai 
de  Négrier.  E.  Chavannes. 

^  LAN 610 FT  (Peter  de),  chroniqueur  anglais,  mort  vers 
1307.  Le  nom  sous  lequel  il  est  connu  est  celui  d'un  vil- 
lage du  Yorkshire,  où  l'on  suppose  qu'il  naquit.  C'était  un 
moine  augustin  du  prieuré  de  Bridlington,  non  loin  de  là. 
Il  écrivit  une  chronique  en  vers  français,  peu  corrects  de 
rythme  et  de  grammaire,  qui  va  jusqu'à  la  mort  d'Edouard  P'' 
et  n'a  quelque  valeur  historique  que  dans  la  partie  qui 
traite  du  règne  de  ce  prince.  Elle  a  été  partiellement  tra- 
duite en  anglais  par  Robert  Mannyng  de  Bourn,  ou  Robert 
de  Brunne,  et  publié  par  Hearne  en  1725.  La  première  édi- 
tion de  l'original  a  été  donnée  par  Thomas  Thorpe  dans  les 
Pxolls  Séries  (1866-68,  2  vol.). 

LANGTON  (Etienne),  archevêque  de  Canterbury,  mort 
le  9  juil.  1228.  Anglais  de  naissance,  il  étudia,  puis  en- 
seigna longtemps  à  Paris.  Telleétaitsa  réputation  en  1206, 
qu'Innocent  III  l'appela  à  Rome  et  le  fit  cardinal.  Hubert 
Walter  étant  mort,  deux  candidats  à  l'archevêché  de  Can- 
terbury furent  élus  par  deux  factions,  le  sous-prieur  Re- 
ginald  et  John  de  Grey;  Innocent  III  les  mit  d'accord  en 
procurant  l'élection  en  cour  de  Rome,  par  quelques  moines 


de  Christ  Church,  de  son  favori  Etienne  Langton,  à  la 
grande  colère  du  roi  Jean.  Etienne  fut  consacré  à  Viterbe 
le  il  juin  4207;  en  1208,  le  pape  frappa  l'Angleterre 
d'interdit  à  cause  de  la  conduite  du  roi,  qui  refusait  au 
nouvel  archevêque  l'accès  de  son  archevêché.  Langton, 
établi  àPontigny,  négocia  pendant  les  années  qui  suivirent 
et  fit  preuve  de  modération.  C'est  en  121 2  seulement  qu'il 
se  rendit  à  Rome  avec  les  évêques  de  Londres  et  d'Ely, 
pour  provoquer  des  mesures  énergiques  contre  Jean.  Il  re- 
vint avec  une  sentence  de  déposition,  dont  l'exécution  était 
confiée  au  roi  de  France  Philippe-Auguste  (janv.  4213). 
Jean  céda,  et,  en  juillet,  l'archevêque  rentra  triomphalement 
dans  son  pays  natal  qu'il  avait  quitté  depuis  si  longtemps 
pour  vivre  à  la  cour  des  rois  du  continent  et  des  papes. 
Aussitôt  il  prit  l'attitude  traditionnelle  de  ses  prédéces- 
seurs, porte-parole  du  parti  aristocratique  contre  l'auto- 
cratie royale,  déférents  envers  le  saint-siège,  mais  sans 
servilité.  En  1215,  il  servit  de  médiateur  entre  le  roi  Jean 
et  les  barons;  c'est  lui  qui  lut  au  roi,  le  45  juin,  les  ar- 
ticles qui  furent  par  la  suite  insérés  dans  la  Grande  Charte. 
Quant  aux  légats  Nicolas  de  Tusculum  et  Pandolfe,  qui 
soutenaient  maintenant  la  cause  royale,  il  fit  peu  de  cas  de 
leurs  ordres  ;  ils  le  suspendirent  de  toutes  fonctions  ecclé- 
siastiques, sentence  confirmée  à  Rome,  le  4  nov.,  par  Inno- 
cent ÏÏI,  en  présence  d'Etienne  lui-même.  L'archevêque  ne 
fut  autorisé  à  retourner  en  Angleterre  qu'après  la  mort 
d'Innocent  et  l'avènement  de  Henri  lll,  en  mai  4218.  Les 
années  qui  suivirent  furent  paisibles.  Etienne  Langton  pré- 
sida à  l'enquête  pour  la  canonisation  d'Hugues  de  Lincoln, 
au  second  couronnement  de  Henri  IIÏ,  à  la  fameuse  trans- 
lation des  reliques  de  saint  Thomas  (7  juil.  4220).  D'Ho- 
norius  III  il  obtint,  à  Rome,  en  4224,  le  rappel  du  légat 
Pandolfe  et  la  promesse  que  sa  vie  durant  aucun  légat  ne 
serait  envoyé  en  résidence  en  Angleterre.  Le  47  avr.  4222, 
il  ouvrit  le  fameux  synode  d'Osney,  dont  les  canons,  con- 
nus sous  le  nom  de  «  constitutions  d'Etienne  Langton  », 
ont  joui  longtemps  d'une  grande  autorité  dans  les  cours 
ecclésiastiques  du  royaume.  Pendant  les  troubles  qui  mar- 
quèrent la  minorité  de  Henri  III,  Langton  combattit  éner- 
giquetnent  les  conseillers  étrangers  et  les  fauteurs  de 
désordres,  tels  que  le  comte  de  Chester  et  F.  de  Bréauté. 
En  févr.  4225,  il  fut  de  ceux  qui  conseillèrent  à  l'assem- 
blée du  clergé  et  des  barons  de  voter  un  quinzième  pour 
la  guerre  de  Poitou,  en  échange  de  la  confirmation  de  la 
Grande  Charte.  H  mourut  dans  son  manoir  de  Slindon,  en 
Sussex.  —  Etienne  Langton  n'appartient  pas  seulement 
à  l'histoire  politique  de  l'Angleterre  ;  il  a  été  un  des  écri- 
vains les  plus  féconds  du  moyen  âge,  le  premier  théologien 
de  son  temps.  Il  a  laissé  des  gloses  et  des  commentaires  sur 
presque  tous  les  livres  de  l'Ancien  Testament  et  un  grand 
nombre  de  sermons.  «  Ces  sermons  ont,  dit  M.  B,  Hauréau, 
le  mouvement  vif  et  le  style  négligé  des  discours  impro- 
visés. On  y  sent  l'homme  d'action,  qui  dit  brusquement, 
en  des  phrases  courtes,  tout  ce  qu'il  veut  dire.  Cependant, 
il  jouait  trop  sur  les  mots  ;  c'était  la  mode  de  son  temps  ; 
mais  il  n'a  pas  seulement  le  tort  de  la  suivre,  il  l'exa- 
gère. »  Les  exemplaires  manuscrits  des  sermons  et  des 
commentaires  bibliques  de  Langton  (encore  inédits)  sont 
innombrables  dans  les  bibliothèques  publiques  de  France  et 
d'Angleterre.  C'est  Etienne  Langton  qui,  pendant  son  sé- 
jour à  Puniversité  de  Paris,  partagea  la  Bible  en  chapitres 
à  peu  près  égaux,  pour  faciliter  les  recherches  et  les  réfé- 
rences, et  en  intervertit  l'ordre  des  livres,  opération  qui  a 
donné  à  la  Vulgate  sa  forme  définitive,  la  forme  qu'elle  a 
conservée  jusqu'à  nos  jours.  On  lui  attribue  d'autres  ou- 
vrages en  vers  et  en  prose,  historiques  et  poétiques,  mais 
toutes  ces  attributions  ne  sont  pas  certaines.  Il  n'existe  pas 
non  plus  jusqu'ici  de  biographie  détaillée,  satisfaisante,  de 
cet  illustre  docteur.  ^      L. 

LANGTRY  (Mistress  Lily),  dite  le  «  Lys  de  Jersey  », 
comédienne  anglaise,  née  à  Jersey  en  4852.  Elle  tient  une 
place  considérable  dans  l'art  dramatique,  tant  par  sa 
beauté  que  par  son  talent.  Elle  a  dirigé  elle-même  à  plu- 


901  -  LANGTON  —  LANGUE 

sieurs  reprises  les  théâtres  où  elle  jouait,  et  n'est  pas  moins 
appréciée  en  Amérique  qu'en  Angleterre  dans  les  grands 
premiers  rôles  de  drame  et  de  comédie  modernes,  ainsi  que 
ceux  de  Shakespeare. 

LANGUE.  I.  Anatomie  et  physiologie.  —  La  langue 
est  un  organe  de  forme  ovale,  située  dans  la  cavité  buccale, 
et  qui  forme  avec  la  face  supérieure  de  la  région  sus-hyoï- 
dienne le  plancher  de  la  bouche.  Elle  sert  à  la  fois  à  la 
gustation  et  à  la  phonation  et  elle  aide  à  la  mastication.  La 
face  supérieure  de  la  langue  est  appliquée  à  la  voûte  pala 
tine  et  au  voile  du  palais,  dans  sa  partie  horizontale  ;  dans 
sa  partie  verticale,  elle  répond  au  sommet  de  la  luette. 
Plus  en  arrière,  elle  est  unie  à  l'épiglotte  par  trois  replis, 
un  médian  et  deux  latéraux,  désignés  sous  le  nom  de  replis 
glosso-épiglottiqiies.  La  face  inférieure  de  la  langue  n'est 
libre  que  dans  son  tiers  antérieur.  Les  bords  de  la  langue 
s'amincissent  au  fur  et  à  mesure  qu'ils  se  rapprochent  du 
sommet.  La  pointe  est  en  rapport  avec  la  face  postérieure 
des  incisives  supérieures.  La  base  est  fixée  à  l'os  hyoïde. 
Au  point  de  vue  de  sa  structure,  la  langue  est  un  corps 
musculaire,  recouvert  d'un  revêtement  muqueux.  La  mu- 
queuse de  la  langue  se  continue  avec  la  muqueuse  buccale. 
A  sa  surface  se  trouve  une  multitude  de  papilles  :  les  pa- 
pilles filiformes  ou  coniques;  les  papilles  fongiformes  ou 
mûriformes  ;  les  papilles  caliciformes,  qui  sont  les  plus 
volumineuses.  La  muqueuse  de  la  langue  comprend,  en 
outre,  des  glandes  (glandes  en  grappes,  glandes  intermuscu- 
laires et  deux  masses  plus  importantes,  logées  dans  l'épais- 
seur du  stylo-glosse  et  du  lingual  inférieur).  Les  folliciiles 
de  la  langue  (gl.  de  Weber)  sont  isolés  ou  réunis  par  groupes. 
Le  squelette  de  la  langue  est  osseux  (os  hyoïde)  et  fibreux 
(membr.  hyo-glossienne  et  fibro-cartilage  médian).  Les 
muscles  de  la  langue  proviennent  :  les  uns  des  os  voisins 
(stylo-glosse,  hyo-glosse,  génio-glosse)  ;  les  autres,  des 
organes  voisins  (pharyngo-glosse,  palato-glosse,  amygdalo- 
glosse).  D'autres  sont  propres  à  la  langue:  lingual  supé- 
rieur et  lingual  inférieur.  Les  vaisseaux  qui  se  rendent  à 
la  langue  sont  des  artères,  provenant  de  la  linguale,  de  la 
palatine  inférieure  et  de  la  pharyngienne  inférieure;  et  des 
veines  (veines  delà  muqueuse,  veines  raninesqui  se  jettent 
dans  la  faciale,  dans  les  veines  dorsales  de  la  langue,  rare- 
ment dans  la  jugulaire  interne,  et  les  veines  qui  accompa- 
gnent l'artère  linguale).  Les  nerfs  de  la  langue  comprennent 
sept  troncs.  Les  nerfs  sensitifs  sont  :  le  glosso-pharyngien 
pour  le  tiers  postérieur  et  le  lingual  pour  les  deux  tiers 
antérieurs.  Ces  deux  nerfs  président  à  la  sensibilité  géné- 
rale, au  tact  et  à  la  sensibilité  gustative  delà  langue;  les 
nerfs  moteurs  sont  :  le  grand  hypo-glosse  et  quelques  fibres 
du  facial  et  du  glosso-pharyngien  pour  les  muscles  de  la  ré- 
gion de  l'isthme  du  gosier  ;  la  corde  du  tympan,  qui  se  con- 
fond avec  le  lingual  au  delà  du  ganglion  sous-maxillaire  ;  le 
laryngé  supérieur,  que  traverse  la  membrane  hyo-hyoï- 
dienne,  et  enfin  des  filets  nerveux  ou  sympathiques  éma- 
nant du  plexus  intercarotidien.  Les  lymphatiques,  très 
nombreux  dans  la  muqueuse  et  la  sous-muqueuse,  se  ren- 
dent aux  ganglions  profonds  de  la  région  sous-hyoïdienne. 

IL  Pathologie.  —  Les  vices  de  conformation  de  la 
langue  s'observent  fréquemment.  Tels  sont  :  l'absence  de 
l'organe,  la  bifidité,  la  chute  en  dehors  de  la  cavité  buccale 
ou  prolapsus  chronique,  les  adhérences.  Les  inflammations 
ou  glossites  sont  des  plus  variées,  selon  la  cause  qui  les 
engendre.  La  glossite  s'observe  dans  le  cours  des  fièvres 
éruptives,  consécutivement  à  une  brûlure  ou  à  une  bles- 
sure de  l'organe,  de  piqûres  d'insectes,  du  traitement 
mercuriel,  etc.  Au  point  de  vue  de  la  marche  et  de  la  durée 
de  l'affection,  les  auteurs  distinguent  :  une  glossite  aiguë  et 
une  glossite  chronique,  et  ces  deux  variétés  sont,  à  leur 
tour,  superficielles  ou  profondes.  Les  abcès  chroniques  de 
la  langue  sont  rarement  observés,  mai^  le  diagnostic  en 
est  déhcat.  Les  abcès  phlegmoneux  sont  plus  fréquents. 
La  gangrène  succède  le  plus  souvent  à  une  glossite  pro- 
fonde ;  elle  est  exceptionnellement  primitive.  Les  plaies 
peuvent  être  produites  à  la  langue  comme  ailleurs  par  des 


LANGUE 


902  — 


instruments  piquants,  tranchants  et  contondants  (plaies 
par  armes  à  feu).  La  pustule  maligne  (anthrax  ou  charbon 
malin  de  la  langue),  qui  s'observe  chez  les  bouchers  et  les 
équarrisseurs,  est  le  résultat  d'une  inoculation  septique 
directe.  Les  ulcères  de  la  langue  ont  une  marche  spé- 
ciale, selon  FafFection  qui  les  a  produites  (ulcères  syphi- 
litiques, tuberculeux,  cancéreux).  Les  tumeurs  peuvent  être 
divisées  en  tumeurs  vasculaires,  relativement  rares  ;  les 
kystes  (pileux,  séreux,  muqueux,  hydatiques,  hématiques); 
les  lipomes,  les  fibromes,  et  surtout  les  épithéliomes  ou 
cancers,  les  tumeurs  syphilitiques.  Le  diagnostic  différen- 
tiel de  ces  tumeurs  est  souvent  entouré  de  véritables  diffi- 
cultés. D"^  A.  Câb. 

III.  Art  vétérinaire.—  La  langue  est  bornée  en  haut 
par  le  palais,  en  avant  par  les  incisives  et  les  lèvres  et  sur 
les  côtés  par  les  joues,  les  molaires  et  les  barres.  A  l'état 
normal,  elle  doit  être  contenue  dans  la  cavité  buccale;  elle 
supporte  le  mors  dont,  avec  les  lèvres,  elle  subit  la  pre- 
mière impression.  Pendant  le  travail,  elle  est  parfois  pen- 
dante chez  certains  chevaux  ;  on  la  dit  serpentine  quand 
elle  est  toujours  en  mouvement  et  sort  de  la  bouche  ou  y 
rentre  alternativement.  Elle  est  parfois  coupée  dans  sa 
partie  libre  et  le  siège  de  cicatrices  transversales  plus  ou 
moins  profondes  qui  prouvent  que  le  cheval  attaché,  la  longe 
dans  la  bouche,  a  tiré  au  renard.  L.  Gârnier. 

IV.  Art  culinaire.  —  Les  langues  employées  pour  l'ali- 
mentation sont  celles  de  bœuf,  de  veau,  de  porc,  de  mou- 
ton et  d'agneau.  Elles  sont  toutes  apprêtées  de  la  même 
manière  :  après  avoir  enlevé  de  la  langue  le  cornet,  on  la 
fait  blanchir  à  l'eau  bouillante  pour  en  retirer  la  peau  et 
on  la  met  cuire  sur  feu  doux  pendant  quatre  ou  cinq  heures 
dans  une  casserole  avec  bardes  de  lard,  carottes,  oignons, 
thym  et  laurier  ;  ou  bien  on  la  coupe  en  tranches  mises  à 
cuire  doucement  au  four  de  campagne  avec  une  farce  faite 
avec  persil,  échalottes,  estragon,  câpres,  anchois  et  mie 
de  pain,  le  tout  arrosé  de  bouillon  et  de  beurre  fondu.  La 
langue  se  mange  encore  cuite  sur  le  gril, par  morceaux  enve- 
loppés de  papier  huilé  avec  une  barde  de  lard  sur  chaque 
face  et  des  fines  herbes.  Le  papier  doit  être  plié  et  serré 
afin  que  le  jus  ne  puisse  s'échapper.  Enfin,  on  peut  encore 
l'apprêter  de  la  manière  suivante  :  après  l'avoir  débarras- 
sée de  sa  peau  on  la  frotte  avec  du  poivre  et  un  peu  de  sal- 
pêtre et  on  la  place  dans  un  vase  clos,  entourée  de  sel 
blanc,  de  quelques  clous  de  girolle,  de  thym  et  de  laurier. 
Au  bout  de  vingt-quatre  heures,  on  la  frotte  de  nouveau 
avec  du  sel  et  on  en  ajoute  chaque  jour  à  mesure  qu'il  fond. 
On  laisse  ainsi  pendant  douze  à  quinze  jours  en  ayant  soin 
de  la  retourner  souvent,  puis  on  la  fait  sécher  pendant  trois 
ou  quatre  jours  à  la  cheminée,  fourrée  dans  un  boyau. 
Pour  la  cuire  on  la  met  dégorger  pendant  deux  heures 
dans  de  l'eau  fraîche  et  on  la  place  ensuite  dans  une  mar- 
mite pleine  d'eau  avec  oignons,  clous  de  girofle,  thym, 
laurier.  On  la  laisse  refroidir  dans  la  cuisson  et  on  la  sert 
bien  égouttée  et  coupée  en  tranches  comme  un  saucisson. 
La  langue  se  mange  souvent  cuite  dans  un  pot-au-feu  et 
servie  avec  une  sauce  ou  une  garniture  quelconque. 

V.  Linguistique  (V.  Linguistique). 

VI.  Enseignement.-—  i^  Langue  maternelle  (V.  En- 
seignement primaire). 

2^  Langues  anciennes  (V.  Enseignement  classique).' 
3°  Langues  vivantes.  —  Une  langue  partage  les  des- 
tinées du  peuple  qui  la  parle.  Elle  fixe  sa  grammaire, 
elle  étend  son  vocabulaire;  en  un  mot,  elle  se  constitue 
et  se  développe,  à  mesure  que  le  peuple  prend  conscience 
de  son  originalité.  Elle  se  dépose  dans  des  rites  reli- 
gieux^ dans  des  actes  législatifs,  dans  des  monuments  lii- 
téraires.  Elle  s'altère  et  se  corrompt  avec  l'esprit  pu- 
blic ;  elle  se  désagrège  avec  la  nation  elle-même,  et  elle 
cesse  enfin  d'être  igi  moyen  de  communication  entre  les 
hommes.  Ce  jour-là,  si  elle  n'a  pas  reçu  une  forme  artis- 
tique de  la  main  des  poètes,  des  orateurs,  des  historiens, 
elle  meurt  tout  entière.  Mais  elle  peut  survivre,  toute 
morte  qu'elle  est,  si  elle  a  servi  à  l'expression  d'une  pen- 


sée immortelle,  et  son  action  peut  se  prolonger  durant  des 
siècles.  C'est  ainsi  que  les  langues  anciennes  et  spéciale- 
ment le  latin,  sont  restées  jusqu'à  la  fin  du  xviii^  siècle  la 
base  de  l'éducation  moderne.  Elles  n'avaient  plus,  cepen- 
dant, qu'une  sorte  de  vie  abstraite,  comme  celle  des  ombres 
qui  erraient  dans  l'antique  Elysée.  On  ne  faisait  plus  que 
les  Ure,  et  celui  qui  essayait  encore  de  les  parler  leur 
adaptait  tant  bien  que  mal  la  prononciation  de  sa  langue 
maternelle.  Dès  le  xvii*^  siècle  cependant,  la  connaissance 
du  français  était  considérée,  dans  la  société  aristocratique 
de  l'Europe,  surtout  en  Allemagne  et  en  Angleterre,  comme 
le  complément  nécessaire  d'une  bonne  éducation.  Il  était 
enseigné  par  des  maîtres  qu'on  faisait  venir  de  France  et 
qui  étaient  ordinairement  très  instruits;  on  l'apprenait 
pour  le  parler,  et  on  l'apprenait  en  le  parlant  ;  et  il  en  ré- 
sulta que  plus  tard  on  lui  appliqua,  dans  ces  pays,  la  même 
méthode,  lorsqu'il  fut  inscrit,  comme  partie  intégrante  do 
l'enseignement  public,  sur  les  programmes  des  écoles.  En 
l^Vance,  on  voit  apparaître  d'abord,  comme  langues  étran- 
gères, l'italien  et  l'espagnol,  moins  pour  eux-mêmes  que 
pour  être  comparés  au  grec,  au  latin  et  au  français  {Sta- 
iiits  et  règlements  de  V Académie  on  Collège  royal  en 
la  ville  de  liichelieu,  1641).  Il  semble  que,  chez  nous, 
dans  l'étude  des  langues  étrangères,  ce  soit  d'abord  le  point 
de  vue  littéraire  qui  domine.  Pendant  tout  le  xviii®  siècle, 
des  voix  s'élèvent  pour  recommander  cette  étude,  et  les 
Cahiers  de  1789  contiennent  des  demandes  du  même  genre. 
La  Convention  inscrit  les  langues  modernes  sur  le  pro- 
gramme des  écoles  centrales.  Enfin,  le  Statut  universi- 
taire de  i802  déclare  qu'  «  il  y  aura  près  de  plusieurs 
lycées  des  professeurs  de  langues  vivantes  ».  Dans  quels 
lycées  cette  disposition  a~t-elle  été  appliquée  ?  On  n'en 
trouve  point  de  trace.  Le  Statut  de  1821  reprend  la  ques- 
tion à  nouveau,  et  les  termes  dont  il  se  sert,  montrent 
combien  l'on  était  encore  embarrassé  d'un  enseignement 
qu'on  ne  savait  à  quoi  rattacher  :  «  Il  y  a  près  de  chaque 
collège  royal  plusieurs  maîtres  de  langues  vivantes;  les 
leçons  de  langues  vivantes  ne  sont  données  que  sur  la  de- 
mande des  parents  et  seulement  aux  élèves  des  quatre 
classes  supérieures  (en  1829,  on  y  ajouta  la  cinquième). 
Les  maîtres  de  musique  et  d'escrime  sont  payés  par  les 
parents  des  élèves  qui  reçoivent  leurs  leçons  ;  il  en  est  de 
même  des  maîtres  de  langues  vivantes.  Les  leçons  de  langues 
vivantes,  de  musique,  de  danse,  d'escrime  et  de  natation 
sont  données  pendant  les  heures  de  récréation.  »  Quant 
aux  maîtres,  dont  la  rétribution  était  fort  modeste,  c'étaient 
ordinairement  ou  des  réfugiés  politiques,  ou  des  Français 
qui  avaient  séjourné  à  l'étranger;  on  ne  leur  demandait 
aucune  garantie  de  savoir  ou  d'expérience.  Même  à  l'Ecole 
normale  supérieure,  oii  les  langues  vivantes  furent  intro- 
duites à  titre  facultatif  en  1834,  ces  langues  étaient  en- 
seignées ou  par  un  «  élève  qui  se  trouverait  connaître 
l'anglais  ou  l'allemand  »,  ou,  aucun  élève  ne  remplissant 
ces  conditions,  par  un  maître  venu  du  dehors.  En  1838, 
sous  le  ministère  de  M.  de  Salvandy,  on  exige  de  ces 
maîtres  le  baccalauréat  es  lettres  ou  un  diplôme  étranger 
équivalent.  La  même  année,  l'enseignement  d'une  langue 
vivante  est  déclaré  obligatoire  dans  tous  les  collèges  du 
royaume.  Tandis  qu'un  progrès  important  est  ainsi  réalisé 
dans  l'ensemble,  on  tâtonne  dans  les  détails,  La  langue 
vivante,  supprimée  en  cinquième  et  en  rhétorique  en  1840, 
est  rétablie  en  rhétorique  en  1841  ;  l'enseignement,  placé 
aux  heures  ordinaires  des  classes  en  1840,  est  encore  une 
fois  mis  hors  cadre  en  1841  ;  il  semble  même  redevenir 
facultatif,  car  il  ne  doit  être  donné  qu'aux  élèves  dont  la 
liste  a  été  arrêtée  par  le  proviseur  au  commencement  de 
l'année  scolaire.  Il  faudra  une  nouvelle  déclaration,  en 
1848,  pour  le  rendre  définitivement  obligatoire  depuis  la 
cinquième  jusqu'à  la  rhétorique,  et  pour  le  faire  rentrer 
dans  le  cadre  des  heures  de  classe. 

Dans  l'intervalle,  Villemain  avait  institué  le  concours  du 
certificat  d'aptitude  à  l'enseignement  des  langues  vivantes  : 
institution  excellente,  qui  devait  assurer  peu  à  peu  le  re- 


903 


LANGUE  —  LANGUEDOC 


crutement  du  personnel  dans  des  conditions  régulières. 
Le  certificat  fut  remplacé,  en  1849,  par  une  agrégation, 
qui  elle-même  fut  fondue,  ainsi  que  les  autres  agrégations 
spéciales,  dans  l'unique  agrégation  des  lettres,  créée  en 
1852  par  le  ministre  Fortoul.  Sous  le  ministère  Rouland, 
de  4857  à  1860,  les  agrégations  spéciales  reparaissent, 
mais  non  celles  des  langues  vivantes  ;  le  certificat  seul  fut 
rétabli  en  1860.  Ce  fut  Duruy  qui  mit  enfin  de  l'ordre 
dans  les  mesures  incohérentes  et  parfois  contradictoires 
qui  avaient  été  prises  sous  les  ministères  précédents;  il  fit 
commencer  l'étude  des  langues  vivantes  en  sixième,  et  lui 
donna  une  sanction  aux  épreuves  orales  du  baccalauréat  ; 
il  rétablit  l'agrégation  ;  il  mit  les  professeurs  sur  la  même 
ligne  que  leurs  collègues,  au  point  de  vue  du  traitement  ; 
enfin,  il  créa,  à  côté  de  l'enseignement  traditionnel  des  ly- 
cées, un  enseignement  spécial,  fondé  sur  les  lettres  mo- 
dernes. Les  réformes  de  Duruy  ont  été  développées  après 
lui,  et,  malgré  quelques  moments  d'arrêt  et  çà  et  là  un 
peu  d'hésitation  chez  les  autorités  universitaires,  le  domaine 
des  langues  vivantes  a  continué  de  s'aggrandir  ;  il  faut 
ajouter  qu'après  1 870  l'opinion  publique  leur  fut  décidé- 
ment favorable.  En  187^2,  l'enseignement  fut  reporté  jus- 
qu'aux classes  élémentaires,  et  s'étendit  désormais  sur  les 
neuf  années  (dix  depuis  1880)  du  stage  classique.  Une 
composition,  d'abord  une  version,  plus  tard  un  thème, 
fut  ajoutée  à  l'épreuve  orale  du  baccalauréat.  Depuis  189^2, 
on  ne  sait  pour  combien  de  temps,  on  est  revenu  à  l'unique 
épreuve  orale,  représentée,  il  est  vrai,  par  un  double  suf- 
frage ;  l'épreuve  écrite  a  été  maintenue  seulement  au  bac- 
calauréat de  l'enseignement  moderne,  qui  a  été  substitué 
en  1891  à  l'enseignement  spécial.  Dans  ce  nouvel  ensei- 
gnement, deux  langues  sont  obligatoires  et  sont  étudiées 
successivement;  ce  sont,  selon  les  régions,  l'allemand,  l'an- 
glais, l'italien,  l'espagnol  et  l'arabe.  On  ne  s'était  longtemps 
occupé  que  de  l'organisation  toute  matérielle  des  cours,  de 
Tâge  oti  l'on  devait  y  entrer,  du  nombre  d'heures  que  l'on 
pouvait  y  consacrer  :  une  commission  réunie  en  1890 
traça  les  lignes  générales  de  la  méthode  à  suivre,  tout  en 
laissant  les  détails  d'application  à  l'initiative  des  profes- 
seurs. Les  Instructions  de  1890  établissent  nettement 
qu'il  y  a  une  méthode  spéciale  pour  les  langues  vivantes, 
différente  de  celle  des  langues  mortes  ;  elles  insistent  sur  la 
nécessité  d'une  bonne  prononciation  ;  elles  recommandent 
les  exercices  oraux,  surtout  au  début  ;  enfin  elles  amènent 
peu  à  peu,  vers  la  fin  du  stage  scolaire,  l'étude  httéraire, 
qui  ne  doit  pas  absorber  tout  l'enseignement,  mais  qui  en 
est  le  couronnement  naturel.  A.  Bossert. 

VII.  Botanique.  —  Nomenclature.  —  L.  d'agneau. 
Le  Plantago  média  h.  —  L.  de  bœuf.  VAnclmsa  ilalica 
Retz,  VAnim  maculatum  L.,  etc.  —  L.  de  bœuf,  L.  de 
CHÂTAIGNIER.  Lc  Fistulifia  hepatica  Fr.  ~-  L.  de  cerf. 
Le  Botrychium  lunaria  Sw.  et  la  Scolopendre.  —  L. 
DE  CHAT.  UEupalorium  atriplicifolium  L.  et  le  Bidens 
tripartita  L.  —  L.  de  chien.  La  Cynoglosse  et  le  Pola- 
mogetoji  natans  L.  —  L.  de  serpent.  L'Ophioglosse.  -— 
L.  de  vache.  VEupatorimnrot'undifolhimL,,  la  Grande 
Consoude  et  la  Scabieuse  (Knautia arvensis  L.).  —  L.  de 
veau.  La  Scolopendre.  —  L.  d'oie.  La  Grassette,  la  Vipé- 
rine, etc.  D^  L.  Hn. 

VIII.  Liturgie.  —  Le  concile  de  Trente  (sess.  XXIÏ, 
ch.  vm)  a  déclaré  que,  bien  que  la  messe  contienne  de 
grandes  instructions  pour  le  peuple,  les  anciens  Pères  n'ont 
point  estimé  convenable  qu'elle  fût  célébrée  partout  en  langue 
vulgaire.  Chaque  Eghse  retiendra,  en  chaque  lieu,  l'ancien 
usage  qu'elle  a  pratiqué  et  qui  a  été  approuvé  par  la  sainte 
Eglise  romaine,  mère  et  maîtresse  des  autres  Eglises...  Les 
pasteurs  et  tous  ceux  qui  ont  charge  d'âme  devront  expli- 
quer souvent,  au  miheu  de  la  messe,  ou  faire  expliquer 
par  d'autres,  quelque  chose  de  ce  qui  s'y  lit.  Le  canon  IX 
de  la  même  session  prononce  l'anathôme  contre  ceux  qui 
disent  que  la  messe  ne  doit  être  célébrée  qu'en  langue 
vulgaire.  Ces  dispositions  consacrent  les  usages  établis, 
d'après  lesquels  la  messe  était  célébrée  partout  en  latin 


dans  les  églises  d'Occident  ;  mais  ils  ne  contiennent  point 
de  prohibition  formelle  des  langues  vulgaires.  Une  bulle 
de  Paul  V  permit  aux  jésuites  de  traduire  le  missel  en 
langue  chinoise,  et  de  dire  la  messe  en  cette  langue. 
Néanmoins,  la  congrégation  des  Rites  défend  aujour- 
d'hui, non  seulement  de  chanter  les  offices  divins  en  langue 
vulgaire,  mais  même  de  chanter  des  cantiques  en  cette 
langue  pendant  les  offices  ordinaires  de  la  paroisse  (10  déc. 
1870).  E.-H.  V. 

IX.  Histoire  religieuse.  —  Don  des  Langues.  —  On 
désigne  sous  ce  nom  un  phénomène  assez  curieux  qui  se 
rencontra  fréquemment  aux  débuts  de  l'Eglise  chrétienne. 
Il  consistait  dans  une  façon  extatique  de  parler,  dont  le  ca- 
ractère fut  méconnu  de  bonne  heure  et  qu'on  dénatura  en 
assurant  que  les  premiers  prédicateurs  de  l'Evangile  avaient 
reçu,  d'une  manière  surnaturelle,  la  faculté  de  s'exprimer 
dans  les  langues  étrangères  (V.  Gtlossolâlie).    M.  Vernes. 

X.  Télégraphie.  —  Langues  admises  en  télégraphie 
(V.  Télégraphie). 

LANGUE  (Blas.).  Attribut  particulier  aux  griffons  qui 
laissent  voir  leur  langue,  alors  qu'elle  est  d'un  émail  diffé- 
rent de  celui  du  corps.  Les  oiseaux,  sauf  l'aigle,  se  disent 
aussi  langues. 

LANGUEDIAS.  Com.  dudép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Dinan,  cant.  de  Plélan-le-Petit  ;  624  hab.  Carrières  de  granit. 
LANGUEDOC.  Ancienne  province  de  France,  qui  a  formé 
les  départements  suivants  :  Gard,  Hérault,  Aude,  Tarn, 
Lozère,  la  majeure  partie  de  la  Haute-Garonne,  une  par- 
tie du  Tarn-et-Garonne,  de  l'Ariège,  des  Pyrénées-Orien- 
tales, de  la  Haute-Loire  et  de  l'Ardèche.  Avant  de  faire 
l'histoire  de  cette  région,  il  nous  faut  d'abord  expliquer 
comment  s'est  formée  la  province  et  d'où  vient  le  nom 
qu'elle  a  porté  depuis  la  fin  du  xiii^  siècle. 

Origine  du  nom  de  Languedoc  et  formation  de  cette 
province.  —  Le  Languedoc  se  compose  principalement 
d'une  portion  de  l'ancienne  Provincia  romana^  appelée 
Narbonensis  prima  à  dater  du  v<^  siècle,  à  laquelle  sont 
venus  s'ajouter,  par  la  suite  des  temps,  des  lambeaux  de 
l'ancienne  Viennensis  et  de  VAquitania  prima.  Cet  an- 
cien gouvernement  ne  correspond  donc  ni  à  une  province 
ecclésiastique,  représentant  une  ancienne  province  romaine, 
ni  à  une  région  naturelle,  car  il  s'étend  à  la  fois  au  N.  et 
au  S.  delà  grande  chaîne  de  partage  des  eaux  de  la  France. 
C'est,  nous  le  disons  plus  haut,  au  xm®  siècle  que  le  Lan- 
guedoc apparaît  ;  il  se  compose  à  ce  moment  des  anciens 
domaines  de  la  maison  de  Toulouse  réunis  à  la  couronne 
en  1229  (traité  de  Paris  ou  de  Meaux;  départements  ac- 
tuels du  Gard,  de  l'Hérault,  partie  de  l'Aude,  du  Tarn  et 
de  l'Ariège),  et  en  1271  (à  la  mort  d'Alphonse  de  Poitiers  ; 
partie  de  la  Haute-Garonne,  du  Tarn,  Tarn-et-Garonne  et 
Aveyron).  A  ce  noyau  principal  s'ajoutent  successivement 
le  Gévaudan  (Lozère,  après  1229)  et  le  Vivarais,  terre 
d'Empire  (partie  de  l'Ardèche,  après  1307).  Enfin,  pour  fa- 
ciliter l'administration  de  ces  domaines  éloignés,  les  Capé- 
tiens rattachent  à  l'une  des  sénéchaussées  royales  le  Velay, 
où  leur  influence  s'est  fait  sentir  dès  le  règne  de  Louis  VII 
et  devient  prépondérante  au  début  du  xiv®  siècle. 

Ces  pays  avaient  autrefois  porté  bien  des  noms  diffé- 
rents ;  jusqu'au  xm«  siècle,  on  emploie  l'expression  Pro- 
vincia, souvenir  de  l'ancienne  Province  romaine.  On  a  dit 
encore  Septimania,  terme  qui  s'appliquait  à  la  partie 
orientale,  longtemps  possédée  par  les  Visigoths,  puis  re- 
gnum  ou  provincia  Gothiœ  en  souvenir  de  ce  même 
peuple;  enfin,  au  xiii*' siècle,  Albigeois  {conquesta  ou  terra 
/l/%é?W5Ù),parallusionauxhérétiques  proscrits  par  l'Eghse 
romaine.  A  la  fin  du  xiii®  siècle  paraît  l'expression  Lingua 
Occitana,  qui  veut  dire  le  pays  où  on  dit  oc  pour  oui. 
Cette  étymologie,  proposée  dès  le  xvi®  siècle,  et  soutenue 
par  D.  Vaissète,  a  fini  par  être  acceptée  de  tous.  C'est 
dans  les  foires  de  Champagne  que  l'expression  est  employée 
dès  d290  ;  elle  est  alors  opposée  à  celle  de  laiigue  d'oil 
qui  désigne  le  Nord  et  le  centre  du  royaume.  Mais  les 
limites  de  cette  région  restent  longtemps  indéterminées.  Elle 


LANGUEDOC 


904 


comprend  au  début  du  xiv^  siècle  tout  le  domaine  royal  dans 
le  S.  de  la  France,  et  elle  s'accroît  ou  diminue  du  côté  de 
l'Aquitaine,  suivant  les  hasards  de  la  guerre  avec  l'Angle- 
terre ;  les  limites  en  varient  également  suivant  les  caprices 
du  pouvoir  central,  qui  les  détermine  à  chaque  nomina- 
tion d'un  nouveau  lieutenant  en  Languedoc.  En  1360,  la 
Langue  d'oc  comprend  encore  quarante-quatre  évèchés. 
Après  le  traité  de  Brétigny,  les  possessions  royales  sont 
réduites  dans  cette  région  aux  trois  sénéchaussées  de  Tou- 
louse, Carcassonne  et  Beaucaire  ;  la  province  de  Languedoc 
est  désormais  constituée.  Elle  perdra  encore  en  1469,  lors 
de  la  formation  de  l'apanage  de  Charles  de  Guyenne,  le 
pays  situé  à  gauche  de  la  Garonne,  mais  c'est  bien  de 
1360  que  date  la  limitation  définitive  du  Languedoc  tel 
qu'il  existera  jusqu'à  la  Révolution,  et  on  n'y  unira  ni  le 
comté  de  Foix,  lors  de  l'avènement  de  Henri  IV,  ni  le  Rous- 
sillon,  cédé  par  l'Espagne  en  1659. 

Nous  n'avons  pas  à  parler  de  la  géographie  physique  de 
cette  région  (V.  les  art.  consacrés  à  chaque  département). 
Rappelons  seulement  qu'elle  se  compose  de  trois  parties 
bien  différentes  :  au  N.  le  massif  montagneux  des  Cévennes 
(bassins  duRhône,  delà  Garonne  et  de  la  Loire),  au  S.  une 
grande  plaine  assez  accidentée  (bassins  de  l'iVude,  de  l'Hé- 
rault et  partie  du  bassin  du  Rhône),  enfin  à  l'O.  le  bassin 
particulier  de  la  Garonne  et  de  quelques  affluents  de  ce 
fleuve.  Ce  sont  là  régions  très  diverses  ;  aussi  le  Languedoc 
ne  doit-il  son  unité  politique  qu'à  plusieurs  siècles  de  vie 
commune  tant  intellectuelle  que  politique. 

Epoque  préhistorique.  —  On  ne  sait  presque  rien 
des  premiers  habitants  du  Languedoc  ;  on  a  retrouvé  ici, 
comme  partout  en  France,  des  traces  des  différentes  civi- 
lisations qui  se  sont  succédé,  depuis  l'âge  de  la  pierre 
taillée.  Les  cavernes  des  Pyrénées,  les  tombes  deBruniquel 
ont  livré  des  pierres,  des  ossements  travaillés.  On  trouve 
aussi  dans  cette  partie  de  la  France  quelques  monuments 
mégalithiques  ;  très  rares  au  S.  et  à  l'E.  des  Cévennes,  ils 
sont  nombreux  dans  FAveyron  et  dans  la  Lozère.  On  sait 
en  somme  peu  de  chose  des  populations  anciennes  du  Lan- 
guedoc, et  le  peu  qu'on  sait  on  le  doit  aux  auteurs  anciens. 
Les  travaux  de  divers  savants  modernes  ont  montré  qu'il 
était  possible  de  concilier  les  renseignements  fournis  par 
les  écrivains  grecs  et  latins  et  les  résultats  des  découvertes 
modernes.  Le  S.  de  la  France  paraît  avoir  été  habité  par 
les  Ibères,  que  beaucoup  regardent  comme  les  ancêtres  des 
Basques.  Au  début  du  v^  siècle  av.  J.-C,  ce  peuple  occu- 
pait encore  le  rivage  de  la  Méditerranée,  jusqu'à  l'embou- 
chure du  Rhône.  Aux  Ibères  succèdent  les  Ligures  ou 
Ligyes,  peuple  probablement  d'origine  indo-européenne  ; 
enfin,  un  peu  plus  tard,  les  Gaulois,  qui  avaient  longtemps 
séjourné  dans  le  bassin  du  Danube,  étendent  leurs  con- 
quêtes vers  l'O.  ;  ils  se  mêlent  aux  Ligures  vers  Mar- 
seille et  refoulent  à  l'O.  les  Ibères,  qui  sous  le  nom 
d'Aquitains  occupaient  encore  au  temps  de  Strabon  le  pays 
entre  l'Océan,  la  Garonne  et  les  Pyrénées.  Les  Celtes  sont 
donc,  au  moment  où  l'histoire  commence  à  parler  d'eux, 
maîtres  de  ce  qui  deviendra  1,500  ans  plus  tard  le  Lan- 
guedoc, C'est  à  des  tribus  celtiques  qu'Annibal  en  218  de- 
mande le  passage,  quand  il  veut  gagner  l'Italie.  Mais  à  ces 
envahisseurs  descendus  du  N.  se  sont  joints  d'autres 
étrangers  venus  par  mer  ;  nous  Youlons  parler  des  Phéni- 
ciens, dont  les  courses  aventureuses  se  sont  étendues  bien 
au  delà  de  la  Mer  intérieure.  A  ces  Sémites,  qui  ne  pa- 
raissent avoir  laissé  aucune  trace  durable  de  leur  pas- 
sage, succèdent  les  Grecs  ;  la  colonie  phocéenne  de  Mar- 
seille, fondée  au  vi*^  siècle  av.  J.-C,  a  des  comptoirs  à 
rO.  comme  à  l'E.  du  Rhône,  et  l'un  d'eux,  Agde,  a  gardé 
son  nom  hellénique  ('AyaÔT)  T^yj]).  Aux  Grecs,  les  habi- 
tants primitifsdu  Languedoc  ont  peut-être  emprunté  l'usage 
de  la  jnonnaie,  mais  l'influence  de  ces  commerçants  sur  la 
masse  de  la  population  a  probablement  été  toujours  assez 
faible.  En  somme,  au  moment  où  les  Romains  vont  con- 
quérir le  S.  de  la  Gaule,  ce  pays  est  habité  en  majeure 
partie  par  des  peuples  de  race  celtique,  qui  sont,  au  S.  des 


Cévennes,  les  Volces  Arécomiques  (Nîmes),  et  les  Volces 
Tectosages  (de  Toulouse  à  Narbonne).  Au  N.  de  ce  massif 
montagneux,  les  Helvii  (Vivarais),  les  Vellavii  (Velay), 
les  Gabales  (Gévaudan),  les  Rutheni  (Rouergue  et  Albi- 
geois), les  Cadurci  (Quercy),  tous  peuples  qui  paraissent 
avoir  à  ce  moment  fait  partie  de  la  vaste  confédération 
arverne  qui  sera,  au  temps  de  César,  l  ame  de  la  résistance 
à  l'envahisseur. 

Epoque  romaine.  —  Telle  était  la  situation  du  futur 
Languedoc,  quand  les  Romains  pénétrèrent  en  Gaule.  Le 
pays  est  déjà  à  demi  civilisé  ;  les  Volces  ont  des  villes  po- 
puleuses et  à  leurs  voisins  de  la  côte  ils  ont  pris  une  tein- 
ture des  arts  grecs.  L'assimilation  do  cette  race  par  les 
Romains  en  sera  d'autant  plus  facile.  C'est  en  125  av.  J,-C. 
que  les  légions  romaines  commencent  la  conquête  du  pays  ; 
les  Ligures  des  bords  du  Rhône,  puis  les  Arvernes  sont 
vaincus  et,  en  l'an  119,  la  domination  romaine  s'étend  jus- 
qu'à la  Garonne;  Toulouse  reçoit  une  garnison  italienne,  en 
qualité  de  ville  alliée  ;  pour  tenir  la  nouvelle  province,  on 
fait  du  vieux  port  celtique  de  Narbôn  une  colonie  romaine 
(118).  L'invasion  des  timbres  et  des  Teutons  met  bientôt 
en  danger  ces  nouveaux  établissements  (109)  ;  ces  bar- 
bares occupent  Toulouse  que  reprend  eu  106  le  proconsul 
Q.  Servilius  Csepio,  mais  il  semble  bien  que,  durant  les  an- 
nées suivantes  jusqu'à  la  victoire  de  Marins  à  Aix  (102), 
les  envahisseurs  soient  restés  maîtres  de  tout  le  pays  à 
l'O.  du  Rhône.  L'autorité  de  la  République  rétablie  dans  la 
Province,  celle-ci  est  organisée  et  ses  limites  sont  fixées  ; 
elles  paraissent  avoir  été  à  peu  près  identiques  à  celles  que 
conservera  Auguste.  Dans  les  années  suivantes,  le  pays 
a  beaucoup  à  souff'rir  de  la  répression  par  Pompée,  de  la 
révolte  de  Sertorius(77),et  de  la  détestable  administration 
d'un  client  de  Cicéron,  le  célèbre  M.  Fonteius  (75-73). 
Pompée  marque  son  passage  dans  la  Province  en  fondant  la 
ville  de  Lugdunum  Convenarum  (Saint-Bertrand-de-Com- 
minges).  En  58,  César  devient  proconsul  de  la  Transal- 
pine pour  cinq  ans  ;  la  Province  lui  fournit  en  partie  les 
ressources  en  hommes  et  en  argent,  qui  lui  permettent  de 
conquérir  la  Gaule.  Ses  légions  hivernent  soit  chez  les  AUo- 
broges,  soit  chez  les  Volces.  Elle  a  fort  à  souffrir  des  guerres 
civiles,  tant  entre  César  et  Pompée  que  plus  tard  entre 
Antoine,  Octave  et  les  meurtriers  de  César,  et  le  traité 
de  Brindes  (40)  l'attribue  à  Octave  avec  tout  l'Occident. 
Le  nouveau  maître  la  réorganise,  et  une  fois  pacifiée,  en 
confie  l'administration  au  Sénat  ;  à  dater  de  l'an  22  av. 
J.-C,  la  Narbonnaise  est  une  province  consulaire. 

Les  trois  siècles  qui  suivent  sont  des  plus  prospères. 
L'organisation  du  pays  est  achevée,  et  l'assimilation  de 
l'ancienne  population  gauloise  va  s'efi'ectuer  avec  une  rapi- 
dité extraordinaire;  dès  le  temps  de  Pline,  c.-à-d.  avant  la 
fin  du  1^^  siècle  de  notre  ère,  rien  ne  distingue  le  S.  de 
la  Gaule  de  l'Italie  elle-même.  Les  villes  gauloises  sont 
devenues  des  colonies  de  droit  romain  ou  de  droit  latin  ; 
deux  villes  anciennes,  Narbonne  et  Béziers,  sont  colonies 
romaines  ;  des  colonies  latines  sont  établies  à  Carcassonne, 
Cessera  (Saint-Thibéry),  Lodève,  Nîmes,  Riiscino  (Cas- 
tel-Roussillon),  Pézenas,  Toulouse  et  Sextantio  (Substan- 
tion) .  Chaque  colonie  s'administre  librement  par  ses  décu- 
rions et  ses  magistrats,  et  le  pays  est  découpé  en  un  certain 
nombre  de  territoires,  dépendant  de  chacune  de  ces  villes 
principales.  Dans  les  limites  du  pays  qui  sera  plus  tard 
le  Languedoc,  on  trouve  encore  la  cité  d'Alba  Augusta 
(Helvii,  Vivarais),  la  ciuitas  Reuessio  (Velay),  la  civitas 
Riitenoriim  (Rouergue)  et  la  ciuitas  Gabalum  (ou  Javols, 
Gévaudan)  ;  ces  deux  derniers  pays  prennent  le  nom  des 
peuples  gaulois  habitant  le  territoire.  Chaque  colonie,  chaque 
cité  est  divisée  intérieurement  en  pagi  et  en  vici;  c'est  ainsi 
qu'au  rapport  de  Strabon  la  vaste  colonie  de  Nîmes  compre- 
nait vingt-quatre  xtoixat  (expression  grecque  correspondant 
au  viens  latin)  dont  une  inscription  célèbre  nous  a  con- 
servé une  liste  partielle.  L'organisation  intérieure  du  pays 
à  cette  époque  nej diffère  pas  en  Gaule  de  ce  qu'elle  est 
dans  le  reste  de  l'Empire  ;  inutile  de  l'exposer.  Notons 


seulement  que  le  S.  de  notre  pays  lui  dut  une  prospérité 
de  plusieurs  siècles.  Grâce  à  la  paix  romaine,  les  villes 
s'agrandissent,  s'ornent  de  monuments  admirables,  dont 
beaucoup  encore  aujourd'hui  conservés  ;  le  commerce  se 
développe;  des  routes  nombreuses,  savamment  construites, 
mettent  en  communication  les  villes  principales  et  serviront 
à  la  circulation  durant  tout  le  moyen  âge.  Une  seule  ville 
a  conservé  beaucoup  de  ces  monuments  antiques,  c'est 
Nîmes  ;  mais  les  inscriptions  sont  là  pour  indiquer  que  ni 
Narbonne,  ni  Béziers,  ni  Toulouse  n'avaient  rien  à  euvier 
à  leur  rivale,  et  partout,  dans  les  villages  les  plus  reculés, 
on  a  trouvé  des  débris  prouvant  que  le  pays  était  couvert 
de  villas  somptueuses,  de  riches  habitations  privées,  et 
témoignant  de  la  prospérité  de  l'agriculture,  de  l'adoucis- 
sement des  mœurs  et  des  progrès  de  la  civilisation. 

Cette  prospérité,  on  la  constate  aisément,  mais  on  n'en 
connaît  pas  exactement  les  causes,  et  le  développement  en 
est  difficiie  à  suivre.  En  effet,  l'histoire  de  la  Gaule  méri- 
dionale reste  durant  trois  siècles  assez  obscure.  Gou- 
vernée pendant  plusieurs  années  par  le  célèbre  Agrippa,  la 
Narbonnaise  reste  tranquille  durant  les  règnes  des  premiers 
empereurs,  et  Claude,  dans  un  discours  célèbre,  peut  vanter 
l'illustration  et  la  fidéhté  des  sénateurs  originaires  de  cette 
province.  Un  peu  plus  tard,  elle  embrasse  le  parti  de  Galba 
contre  Néron,  puis  s'attache  successivement  à  la  cause 
d'Othon  et  de  Vitellius  pour  se  soumettre  bientôt  sans  résis- 
tance à  Vespasien.  L'empereur  Adrien  y  séjourne,  et  Anto- 
nin  le  Pieux,  originaire  de  Nîmes,  y  fait  élever  plusieurs 
monuments  et  reconstruit  Narbonne  détruite  par  un  incen- 
die. Au  m®  siècle,  la  Narbonnaise  fait  partie  de  l'empire 
gaulois,  fondé  par  Postumus  et  régi  pendant  quelques 
années  par  le  célèbre  Tetricus.  A  la  fin  du  même  siècle,  se 
place  la  création  de  la  Viennoise,  premier  lambeau  détaché 
de  la  grande  province  romaine.  Un  peu  plus  tard,  cette  pro- 
vince est  de  nouveau  divisée,  la  partie  occidentale  jusqu'au 
Rhône  devient  la  Narbonnaise  première,  la  partie  orientale 
prenant  le  nom  de  Narbonnaise  seconde,  et  la  Notitia  civi- 
taHm,  dont  on  rapporte  la  rédaction  définitive  à  environ 
Pan  400,  nous  fournit  le  tableau  des  divisions  du  futur 
Languedoc,  telles  qu'elles  existent  à  la  fin  de  l'Empire. 
Cette  région  comprend  alors  la  Narbonnaise  première  avec 
cinq  cités:  Narbonne,  métropole,  Toulouse,  Béziers,  Nîmes, 
Lodève,  plus  le  château  d'Uzôs;  dans  la  Viennoise,  la 
ciuitas  Albensium,  ou  Vivarais;  dans  la  première  Aqui- 
taine, les  cités  Buthenorum,  Albigensium^  Gahalum  et 
Vellavorum  (Rouergue,  Albigeois, Gévaudan  et  Velay).  Cette 
division  va  servir  de  base  aux  premières  circonscriptions 
ecclésiastiques  de  cette  partie  de  la  Gaule. 

Dès  ce  moment,  en  effet,  la  majeure  partie  de  la  Gaule 
méridionale  est  convertie  au  christianisme  ;  ce  n'est  pas  que 
la  prédication  de  la  nouvelle  foi  dans  cette  partie  de  l'Empire 
n'ait  été  assez  tardive.  Si  dès  le  i^"^  siècle  il  a  pu  exister  de 
petites  chrétientés  dans  les  villes  de  la  côte,  en  rapports 
directs  avec  l'Orient,  la  masse  de  la  population  ne  s'est 
convertie  qu'assez  lentement.  La  Narbonnaise  dépend  long- 
temps de  l'Eglise  de  Lyon,  la  seule  qui  existe  sur  le  sol 
gaulois;  puis,  vers  2o0,  le  premier  évèque  de  Toulouse, 
saint  Sernin,  subit  le  martyre.  Le  même  temps  vit  peut-être 
Paul,  premier  évèque  de  Narbonne  ;  du  même  siècle  peut 
encore  dater  l'Eglise  de  Béziers,  mais  on  ne  connaît  point 
d'évêque  de  Nîmes  avant  396  et  de  Lodève  avant  421 .  La 
foi  chrétienne  d'ailleurs  dominait  dès  lors  dans  le  pays,  et 
déjà  même  quelques-unes  des  hérésies  de  ces  premiers 
siècles  y  avaient  des  partisans  et  des  ennemis  acharnés.  Dès 
le  ni*^  siècle  le  gnosticisme  est  apporté  par  les  mission- 
naires grecs;  un  peu  plus  tard,  au  iv^, l'arianisme  triomphe 
un  instant,  et  les  orthodoxes  ont  à  subir  une  violente  per- 
sécution. Puis  viennent  les  priscillianistes,  enfin  les  secta- 
teurs du  prêtre  Vigilance,  contre  lequel  saint  Jérôme  ne 
dédaigne  pas  d'écrire  un  lon^  traité.  Le  paganisme  a  dès 
lors  officiellement  disparu;  l'institut  monastique  commence 
à  paraître,  mais  la  culture  antique  n'a  pas  perdu  tous  ses 
partisans,  et  les  écoles  de  Toulouse  et  de  Narbonne  sont 


-  905  -  LANGUEDOC 

toujours  tlorissantes.  L'invasion  des  Barbares  et  le  triomphe 
définitif  des  nouvelles  idées  religieuses  va  bientôt  amener 
un  rapide  changement  dans  la  société  méridionale. 

Epoques  barbare  et  carolingienine.  —  La  Gaule  méri- 
dionale avait  déjà  subi  bien  des  désastres;  en  407,  une 
nuée  de  Barbares  l'inonde,  et  c'est  sans  doute  de  ce  moment 
que  date  la  ruine  d'une  foule  de  monuments  détruits  par 
le  feu,  dont  les  débris  se  retrouvent  un  peu  partout.  Tout 
d'abord  les  Vandales,  les  Suèves  et  les  Alains  ne  font  que 
passer  comme  un  torrent,  sans  rien  fonder;  la  domination 
romaine  semble  intacte,  mais  bientôt  les  Goths  leur  suc- 
cèdent et,  en  4P2,  quittant  l'Italie  qu'ils  ont  épuisée,  ils 
pénètrent  en  Gaule  sous  le  roi  Ataulphe,  successeur  d'Alaric. 
Cette  première  occupation  du  pays  ne  devait  pas  durer  long- 
temps ;  les  Goths  occupent  Narbonne  et  probablement  Tou- 
louse, mais  sans  s'étabhr  fortement  nulle  part.  En  413, 
Ataulphe  célèbre  à  Narbonne  son  mariage  avec  Placidia, 
sœurd'llonorius;  mais  bientôt,  harcelé  parle patrice  Cons- 
tance, il  quitte  la  Gaule,  passe  avec  sa  nation  en  Espagne 
et  commence  la  conquête  de  cette  province.  11  est  tué  à  Bar- 
celone en  août  4i5.  La  Narbonnaise  pendant  quelques 
années  redevient  entièrement  romaine.  Mais  les  Visigoths 
n'avaient  pas  renoncé  à  leurs  projets  sur  la  Gaule.  En  4i9, 
le  roi  Wallia  les  y  ramène,  et  l'empereur  Honorius  est  bientôt 
obligé  de  leur  céder  une  partie  des  sept  provinces  ;  Tou- 
louse est  la  capitale  du  nouveau  royaume,  qui  s'étend  sur 
une  partie  des  deux  Aquitaines;  le  domaine  occupé  par  les 
Barbares  reçoit  dès  lors  le  nom  de  Septimania  (V.  Septi- 
MÂNiE  et  Visigoths).  Vigoureusement  attaqué  au  début  du 
vi*^  siècle  par  les  Francs  de  Clovis,  le  royaume  des  Visigoths 
est  démembré  après  la  bataille  de  Vouillé  (507)  et  réduit 
à  la  région  comprise  entre  Carcassonne  et  le  Rhône  où  la 
.domination  visigothique  se  maintient  jusqu'au  commence- 
ment du  vin®  siècle.  Soumis  à  la  domination  franque,  le 
reste  de  la  Gaule  méridionale  est  morcelé  dans  les  divers 
partages  du  royaume;  les  princes  mérovingiens  qui  s'y  suc- 
cèdent s'attachent  surtout  à  combattre  les  Visigoths  de  Septi- 
manie.  A  partir  du  règne  de  Dagobert,  sous  l'influence  de 
causes  que  l'obscurité  et  la  rareté  des  sources  historiques  ne 
permettent  pas  de  discerner  clairement,  ces  provinces  méri- 
dionales commencent  à  se  détacher  du  reste  de  la  mo- 
narchie. Les  ducs  francs  qui  les  gouvernent  y  assurent 
leur  autorité  et  y  forment  sous  le  nom  de  duché  d'Aqui- 
taine un  véritable  royaume  indépendant  qui  s'étend  des 
Pyrénées  à  la  Loire  et  de  l'Océan  au  Vivarais  (V.  Aqui- 
taine). Au  commencement  du  vm^  siècle,  il  est  attaqué  au 
N.  par  les  princes  francs,  au  S.  par  les  Arabes.  Ceux- 
ci,  à  partir  de  720,  occupent  successivement  toute  la 
Septimanie,  Narbonne,  Carcassonne,  Ni  mes,  et  leur  cava- 
lerie étend  ses  courses  vers  le  N.  jusqu'à  Autun.  Charles- 
Martel  les  défait  à  Poitiers  en  732  et  un  quart  de  siècle 
après  ils  doivent  abandonner  la  Septimanie.  Le  duché 
d'Aquitaine  était  délivré  des  Arabes,  mais  il  avait  été 
frappé  du  même  coup.  Vainement  Hunald  et  Waïfre  luttent 
pour  résister  à  la  conquête  franque.  Le  dernier  périt  en 
768,  et  dès  lors  la  soumission  de  l'Aquitaine  aux  Francs 
est  définitive.  Charlemagne  créera  bien  pour  son  jeune  fils 
Louis  en  778  un  royaume  d'Aquitaine,  dont  les  limites  va- 
rieront et  qui  se  maintiendra  à  travers  beaucoup  de  vicissi- 
tudes jusqu'au  milieu  du  ix^  siècle.  Mais,  en  somme,  gou- 
verné par  des  princes  de  la  famille  carolingienne  et  par 
des  comtes  francs  ou  goths  d'origine,  ce  royaume  faisait 
partie  intégrante  du  royaume  de  France  lorsque  Charles 
le  Chauve  mourut  en  877. 

Epoque  féodale.  —  C'est  de  cette  date  de  877  qu'on 
fait  traditionnellement  dater  l'époque  féodale.  La  plupart 
des  grandes  maisons  princières  qui  vont  dominer  dans  le 
Midi  jusqu'au  xm^  siècle  sont  dès  lors  fondées.  A  Tou- 
louse, la  famille  des  Raimond,  qui  possède  ou  va  posséder 
le  Quercy,  les  comtés  d'Albi  et  de  Nîmes,  qui  enfin,  au  dé- 
but du  x^  siècle,  obtiendra  le  marquisat  de  Gothie  ;  à  Mau- 
guio,  règne  une  famille  d'origine  franque  ;  le  Velay  et  le 
Gévaudan  appartiennent  à  la  famille  d'Auvergne  ;  Carcas- 


LANGUEDOC 


90()  - 


sonne  est  au  pouvoir  d'une  famille  peut-être  gothique 
d'origine  qui  s'éteindra  au  début  du  x^  siècle.  Le  Vivarais 
et  rflzège,  après  la  mort  de  Charles  le  Chauve,  font  partie 
du  royaume  de  Provence,  créé  par  Boson.  Plus  tard,  Flizège 
est  définitivement  rattaché  au  royaume  de  France  ;  quant 
au  Vivarais,  il  fait  partie,  à  la  suite  de  circonstances  mal 
connues,  du  royaume  des  Rodolfiens  de  Bourgogne,  et 
devenu,  en  d082,  terre  d'Empire,  il  ne  sera  rattaché  à 
la  France  qu'au  début  du  xiv®  siècle. 

L'histoire  du  Languedoc  à  Fépoque  féodale,  de  la  fin  du 
x''  au  début  du  xiii®  siècle,  est  extrêmement  compliquée  et 
en  somme  assez  obscure  ;  on  n'a  pas  de  chroniques  com- 
posées dans  cette  partie  de  la  France,  et  la  plupart  des 
chartes  un  peu  anciennes  ne  portent  aucune  date.  L'étude 
de  ces  monuments  diplomatiques  permet  cependant  de  noter 
quelques  faits  très  importants  qui  aident  à  distinguer  dans 
cette  longue  période  plusieurs  époques.  Première  remarque  : 
de  877,  date  de  la  mort  de  Charles  le  Chauve,  au  règne  de 
Louis  VI,  l'action  de  la  royauté  va  en  s'afFaibUssant  dans 
cette  partie  de  la  France.  Les  grandes  dignités  sont  deve- 
nues héréditaires  ;  les  comtes  et  les  ducs  ont  usurpé  les  droits 
et  revenus  régaliens  ;  et  les  habitants  du  Midi  vivent  sans 
se  soucier  de  ce  qui  se  passe  dans  le  Nord,  connaissant  à 
peine  de  nom  les  souverains  qui  se  succèdent  à  Laon  ou  à 
Paris.  Indépendants  des  souverains  de  France,  ces  grands 
seigneurs  usurpateurs  n'en  sont  pas  plus  forts  chez  eux. 
La  forme  féodale  s'est  appliquée  à  tous  les  offices,  et  le 
moindre  officier  carolingien,  devenu  seigneur,  transmet 
ses  titres  et  ses  revenus  à  ses  héritiers.  C'est  en  un  mot 
un  morcellement  de  plus  en  plus  grand  du  territoire  et  de 
l'autorité.  Les  anciens  vicomtes,  naguère  amovibles,  devien- 
nent héréditaires  au  x«  siècle  à  Narbonne,  à  Béziers,  à 
Toulouse,  à  Albi,  en  Rouergue  et  en  Gévaudan.  Au  des- 
sous se  forment  d'autres  seigneuries  moins  importantes, 
dont  quelques-unes  doivent  leur  origine  aux  anciens  vi- 
guiers  carolingiens  :  citons  seulement  celles  de  Saissac,  de 
Lautrec,  d'Anduze,  de  Termes,  de  Minerve,  etc.  En  même 
temps,  une  partie  de  la  Marche  de  Gothie,  qui  jusque-là  a 
fait  partie  du  royaume  français,  le  Roussillon  et  la  Cer- 
dagne,  subit  l'influence  catalane  ;  ces  deux  comtés  sont  régis 
par  des  princes  issus  de  familles  espagnoles,  et,  dès  le 
xii«^  siècle,  on  peut  dire  qu'ils  ne  sont  plus  terre  de  France. 

Ce  qui  caractérise  le  régime  féodal  de  cette  partie  du 
royaume,  c'est  le  relâchement  extraordinaire  des  liens  qui 
ailleurs  unissent  le  vassal  au  seigneur.  Du  roi  de  France 
*  il  n'est  plus  question  ;  la  mention  du  nom  du  souverain 
dans  les  chartes  est  la  seule  marque  d'obéissance  que  ces 
sujets  peu  dociles  lui  accordent  et  encore  quand  ils  le  veulent 
bien.  Mais  ils  ne  montrent  pas  plus  de  respect  pour  leur 
suzerain  immédiat,  le  comte  de  Toulouse  ou  le  marquis  de 
Gothie  ;  toujours  en  querelle  entre  eux,  ils  n'hésitent  point 
à  se  hguer  contre  lui,  pour  l'empêcher  de  devenir  trop  puis- 
sant, et  il  faudra  plus  d'un  siècle  aux  Raimonds  pour 
établir  un  peu  fortement  leur  domination.  Le  Midi  payera 
plus  tard  chèrement  cette  indépendance  ;  en  face  de  l'en- 
nemi commun,  l'armée  do  la  croisade  en  4209,  il  restera 
longtemps  désuni  et  ne  se  groupera  sous  la  bannière  de 
son  chef  naturel,  le  comte  de  Toulouse,  qu'après  plusieurs 
années  d'irréparables  désastres. 

Faire  brièvement  l'histoire  du  futur  Languedoc  jusqu'à 
la  fin  du  xi«  siècle  est  donc  impossible,  mais  il  est  plus 
utile  de  donner  quelques  détails  sur  les  principales  mai- 
sons féodales  qui  dominent  dans  le  pays.  Commençons  par 
la  famille  de  Toulouse.  Après  le  comte  Eudes,  la  lignée  se 
partage  en  deux  branches  ;  à  l'une,  le  comté  de  Rouergue, 
des  terres  en  Quercy  et  en  Albigeois  et  le  titre  de  marquis 
de  Gothie;  elle  s'éteindra  au  milieu  du  xi®  siècle,  et  ses  do- 
maines reviendront  à  l'autre  branche,  celle  de  Toulouse. 
A  cette  dernière,  on  a  donné  le  comté  même  de  Toulouse 
avec  ses  dépendances  dans  la  marche  de  Gascogne,  des 
terres  dans  les  pays  de  Narbonne,  de  Béziers  et  même  en 
Quercy  et  en  Albigeois.  Au  début  du  xi^  siècle,  une  alliance 
matrimoniale  lui  apporte  des  domaines  étendus  en  Provence, 


qui  formeront  plus  tard  le  noyau  du  marquisat  de  ce  nom. 
Elle  a  également  la  suzeraineté  d'une  partie  du  Bas- 
Languedoc:  Lodève,  Carcassonne  et  Nîmes.  Enfin,  après 
1054,  elle  hérite  des  biens  de  la  branche  de  Rouergue;  ces 
biens  et  titres  sont  dévolus  à  Raimond,  frère  cadet  du 
comte  Guillaume  IV,  qui,  après  la  mort  de  son  aîné  (vers 
4093),  réunit  en  sa  main  tous  les  Etats  de  la  famille,  qui 
passeront  de  père  en  fils  sans  nouveau  partage  jusqu'au 
x!ii®  siècle. 

La  première  maison  de  Carcassonne  s'éteint  vers  l'an 
934  ;  ce  comté  et  celui  de  Razès  tombent  alors  au  pouvoir 
d'un  certain  comte  Arnaud ,  probablement  originaire  de 
Gascogne  et  allié  aux  anciens  comtes  de  Comminges.  Le 
comte  Roger  de  Carcassonne  possède  vers  4002  le  Carcasses, 
la  haute  vallée  de  l'Ariège  (futur  comté  de  Foix)  et  les  pays 
environnants,  le  comté  de  Couserans,  une  partie  du  Com- 
minges et  nombre  de  châteaux  dans  le  Toulousain  et  le 
Narbonnais.  L'un  de  ses  fils  reçoit  le  futur  comté  de  Foix 
et  de  celui-ci  descendent  les  comtes  de  ce  pays  jusqu'à  Gas- 
ton-Phœbus.  Un  autre  fils  de  Roger  acquiert  par  mariage 
les  vicomtes  de  Béziers  et  d'Agde.  La  suzeraineté  de  Car- 
cassonne et  de  Razès  est  vendue  un  peu  plus  tard  au  comte 
de  Barcelone^  vente  illusoire  qui  permettra  à  ces  princes, 
plus  tard  rois  d'Aragon,  d'intervenir  constamment  dans 
les  affaires  de  la  France  méridionale.  —  A  Melgueil  ou  Mau- 
guio,  au  diocèse  de  Maguelonne,  règne  durant  deux  siècles 
une  famille  comtale  d'origine  franque  ;  mais  elle  ne  jouera 
jamais  qu'un  rôle  assez  effacé,  et  de  bonne  heure  elle 
aura  à  lutter  contre  les  barons  de  la  nouvelle  ville  de 
Montpellier,  qui,  d'abord  modestes  vassaux  des  évêques  de 
Maguelonne,  s'élèvent  bientôt  au  rang  de  grands  seigneurs. 
Les  comtés  de  Foix  (créé  au  xi^  siècle)  et  de  Comminges 
dépendent  théoriquement  du  comte  de  Toulouse,  et  la  se- 
conde de  ces  circonscriptions  s'étend  avec  ses  enclaves 
jusqu'au  delà  de  Muret  dans  la  Haute-Garonne;  mais,  jus- 
qu'à la  guerre  des  Albigeois,  ces  princes  n'auront  qu'un 
rôle  modeste. 

Au-dessous  des  comtes  paraissent  les  vicomtes  deve- 
nus héréditaires  et  dont  quelques-uns  sont  aussi  puissants 
que  leurs  suzerains.  Nommons  d'abord  ceux  d'Albi  et  de 
Nîmes,  les  Trencavels,  qui  par  mariages,  acquisitions, 
conquêtes  heureuses,  arrivent  à  dominer  à  Carcassonne  et 
dans  le  Razès,  à  Agde,  à  Béziers,  et  possèdent  une  foule 
de  fiefs  souvent  très  importants  dans  le  Toulousain  et 
dans  le  Rouergue.  La  famille  subsistera  jusqu'au  xiii®  siècle 
et  sera  pendant  tout  le  xii^  à  la  tête  des  coalitions  contre 
le  suzerain  et  par  suite  l'ennemi  commun,  le  comte  de 
Toulouse.  — -  Au  milieu  du  x«  siècle,  les  vicomtes  de  Nar- 
bonne deviennent  héréditaires  ;  au  xi®  siècle,  ils  auront  à 
lutter  contre  l'archevêque  et  contre  le  marquis  de  Gothie, 
mais  ils  ne  reconnaîtront  expressément  l'autorité  des  Rai- 
monds qu'au  début  du  xm®  siècle.  A  la  vieille  famille  vicom- 
tale  éteinte  en  4194  se  substituera  la  famille  espagnole 
de  Narbonne -Lara.  —  Les  autres  familles  vicomtales 
jouent  un  rôle  plus  effacé  ;  ce  sont,  dans  le  Gévaudan,  ceux 
de  Grèzes,  qui  se  fondent  dans  ceux  de  Millau,  en  Rouergue  ; 
ces  deux  vicomtes  finissent  par  appartenir  à  la  maison  de 
Barcelone-Aragon  ;  ceux  de  Polignac  en  Velay,  qui  s'usent 
en  des  luttes  séculaires  contre  les  évêques  du  Puy  ;  ceux-ci 
triompheront  au  xu^  siècle,  grâce  à  l'appui  de  la  couronne 
capétienne.  Citons  encore  les  vicomtes  de  Lodève,  qui  de- 
viennent au  XII®  siècle  comtes  de  Rodez,  ceux  de  Bruniquel 
(anciens  vicomtes  amovibles  de  Toulouse),  ceux  de  Saint- 
Antonin,  de  Lautrec  et  de  Minerve,  issus  probablement 
d'anciens  viguiers  devenus  héréditaires.  Enfin,  pour  termi- 
ner, nommons  les  seigneurs  de  Montpellier,  déjà  puissants 
au  xi^  siècle,  et  les  familles  d'Anduze,  de  Sauve  et  d'Alais. 

On  voit  combien  était  extrême  le  morcellement  du  Midi 
vers  la  fin  du  xi®  siècle.  Raimond  de  Saint-Gilles,  vers 
1093,  réunit  dans  sa  main  tous  les  anciens  Etats  de  sa 
famille,  et  lui-même,  puis  ses  héritiers  vont  travailler  à 
donner  l'unité  à  tous  ces  domaines  épars,  à  faire  recon- 
naître leur  suzeraineté  par  tous  ces  vassaux  indociles.  Dans 


ce  long  et  patient  travail,  ils  ont  à  vaincre  plus  d'une  diffi- 
culté. Dès  le  milieu  du  xi^  siècle,  ligué  avec  l'archevêque  de 
Narbonne,  Guifred  de  Cerdagne,  Raimond  de  Saint-Gilles  a 
pu  rétablir  en  partie  son  autorité  à  Narbonne  ;  il  fait  égale- 
ment sentir  son  influence  à  Nîmes  et  dans  le  pays  nîmois  ; 
mais,  à  peine  devenu  comte  de  Toulouse,  il  remet  tout  en 
question  en  partant  pour  la  Terre  sainte  ;  il  y  fondera  une 
principauté  puissante,  le  comté  de  Tripoli,  mais  il  compromet- 
tra la  grandeur  de  sa  maison  en  Europe.  Son  frère,  Guil- 
laume IV,  avait  laissé  une  fille,  mariée  à  Guillaume  IX,  duc 
d'Aquitaine  et  comte  de  Poitiers,  le  célèbre  troubadour  ;  ce 
dernier  fait  valoir  les  droits  réels  ou  supposés  de  sa  femme,  et, 
en  4098,  on  le  trouve  installé  à  Toulouse  et  agissant  comme 
comte  de  cette  ville.  Cette  première  occupation,  que  n'a  pu 
empêcher  Bertrand,  fils  de  Raimond,  dure  au  moins  deux 
ans.  En  i  4  00,  Bertrand  est  rentré  dans  la  capitale  de  ses  p]tats; 
Guillaume  prend  la  croix  et  se  dispose  à  partir  à  son  tour 
pour  l'Orient.  Raimond  de  Saint-Gilles  meurt  en  Terre 
sainte  en  4105.  Il  laissait,  outre  son  fils  Bertrand,  un 
autre  enfant,  Alphonse  Jourdain,  né  en  ()rient,  et  que  Guil- 
laume de  Montpellier  amène  peu  après  en  Fronce  (4 107). 
Bertrand  donne  à  son  frère  le  comté  de  Rouergue  ;  puis 
bientôt,  saisi  d'un  zèle  pieux,  il  se  dispose  à  quitter  la 
France  et  fait  voile  pour  la  Palestine  (4409).  C'était  laisser 
le  champ  libre  à  l'ambitieux  duc  d'Aquitaine,  depuis  long- 
temps revenu  de  la  croisade.  En  4144,  Guillaume  IX  s'em- 
pare de  Toulouse  et  fait  reconnaître  son  usurpation  par  la 
plupart  des  princes  du  pays  ;  mais  sa  domination  est 
encore  cette  fois  bien  éphémère;  dès  4449,  les  troupes 
aquitaniques  sont  obligées  d'évacuer  Toulouse. 

A  ce  moment  la  province  est  en  pleine  guerre  civile.  Le 
comte  de  Barcelone,  qui  a  perdu  la  suzeraineté  de  Carcas- 
sonne  occupée  par  le  vicomte  de  Béziers,  Bernard- Aton, 
essaye  de  faire  revivre  ses  droits  plus  ou  moins  légitimes  ; 
il  se  ligue  avec  le  duc  d'Aquitaine,  Bernard-Aton  s'allie 
avec  Alphonse  Jourdain  et  les  efforts  de  ces  deux  derniers 
finissent  par  réussir.  Alphonse  rentre  définitivement  à  Tou- 
louse en  4423  et,  l'année  suivante,  Bernard-Aton  recouvre 
sa  capitale  de  Carcassonne.  En  4425,  les  comtes  de  Tou- 
louse et  de  Barcelone  font  la  paix  et  se  partagent  la  Pro- 
vence ;  le  souverain  espagnol  reçoit  le  comté  de  Provence 
entre  la  Durance  et  la  mer,  Alphonse  devient,  sous  le  nom 
de  marquis  de  Provence,  seigneur  du  pays  entre  la  Durance 
et  la  Drôme. 

Le  règne  d'Alphonse  Jourdain  se  prolongera  jusqu'en 
4448;  vers  4430,  il  est  déjà  dans  une  certaine  mesure 
suzerain  reconnu  de  tout  le  pays  de  Toulouse  au  Rhône, 
et  fait  à  plusieurs  reprises  accepter  son  arbitrage  par  quel- 
ques-uns de  ses  vassaux  ;  mais  il  veut  bientôt  aller  plus 
loin,  et  disposer  en  maître  de  deux  grands  fiefs  placés 
dans  sa  dépendance  et  tombés  en  quenouille.  A  Melgueil, 
il  veut  agir  en  tuteur  de  la  jeune  Béatrix,  unique  héritière 
du  comté  ;  Guillaume  de  Montpellier,  soutenu  par  le  comte 
de  Barcelone,  combat  cette  pohtique,  et  la  jeune  prin- 
cesse finit  par  épouser  le  comte  de  Provence,  frère  de  celui 
de  Barcelone.  A  Narbonne,  il  est  d'abord  plus  heureux  et, 
profitant  de  la  mort  du  dernier  vicomte  qui  ne  laisse  que 
des  filles,  il  occupe  la  vicomte.  Après  maintes  alternatives 
de  guerre  et  de  paix,  la  plupart  des  grands  barons  se 
liguent  contre  lui  et  l'obligent  à  abandonner  sa  proie  (4442). 
Quelques  années  plus  tard,  il  prend  la  croix  à  l'assemblée 
de  Vézelay,  part  pour  la  Terre  sainte  et  meurt  à  peine  ar- 
rivé en  Orient  (4448).  Ses  Etats  reviennent  à  son  h Is  aîné, 
Raimond  V. 

Celui-ci  est  dans  une  position  assez  diflîcile.  Le  roi  de 
France,  Louis  Vil,  abandonne,  il  est  vrai,  après  son  divorce 
avec  Eléonore  de  Guyenne,  ses  prétentions  sur  le  comté 
de  Toulouse,  prétentions  qu'il  a  essayé  de  faire  valoir  les 
armes  à  la  main  du  vivant  d'Alphonse,  mais  Eléonore  épouse 
Henri  II  d'Angleterre,  qui  sera  pour  le  jeune  comte  un 
ennemi  autrement  dangereux  et  actif.  Raimond  V,  contre 
lequel  se  sont  ligués  la  plupart  de  ses  vassaux,  s'allie  au 
roi  de  France  et  épouse  la  sœur  de  ce  prince,   Constance, 


—  907  —  LANGUEDOC 

En  4463,  après  de  longues  alternatives  de  succès  et  de 
revers,  il  fait  la  paix  avec  le  principal  de  ses  adversaires, 
Raimond  Trencavel,  mais  il  n'est  jamais  tranquille  vers 
le  Nord  et  il  a  toujours  à  compter  avec  l'hostilité  du  roi 
d'Angleterre.  D'autre  part  l'influence  du  roi  d'Aragon  dans 
le  Midi  grandit  tous  les  jours;  le  vicomte  de  Carcassonne, 
la  vicomtesse  de  Narbonne,  le  comte  de  Rodez,  le  sei- 
gneur de  Montpellier  sont  presque  constamment  les  alliés 
de  ce  prince  ;  enfin  Raimond  V,  qui  a  renvoyé  en  France 
sa  femme  Constance,  est  en  froid  avec  son  royal  beau- 
frère.  Il  se  tire  assez  adroitement  de  tous  ces  périls;  il 
apaise  le  roi  d'Angleterre  en  le  secourant  contre  ses  fils 
rebelles,  et,  au  milieu  même  de  ces  embarras,  il  trouve 
moyen  d'acquérir  définitivement  le  comté  de  Melgueil,  puis 
la  vicomte  de  Nîmes  et  d'Agde;  quand  il  meurt,  en  4494, 
il  lègue  à  son  fils  Raimond  VI  des  domaines  agrandis  et 
une  autorité  moins  contestée. 

Le  nouveau  comte,  moins  habile  que  son  père,  renonce 
définitivement  à  l'alliance  française  ;  il  épouse  Jeanne,  sœur 
de  Richard  Cœur  de  Lion,  et  cette  alliance  heureuse  lui 
vaut  la  restitution  du  Quercy  et  la  cession  de  l'Agenais. 
Le  vicomte  de  Carcassonne  est  un  mineur  ;  l'héritier  d'Er- 
mcngarde,  vicomtesse  de  Narbonne,  prête  hommage  à 
Raimond.  Enfin  Pierre  d'Aragon,  qui  a  fort  à  faire  pour 
conserver  sa  nouvelle  acquisition  de  Montpellier,  cherche 
moins  que  son  père,  le  grand  Alphonse,  à  faire  sentir  son 
influence  dans  la  province.  Le  comte  de  Toulouse,  dont 
l'autorité  est  souveraine  à  Toulouse,  Cahors,  Agen,  Nîmes 
et  Agde,  qui  possède  la  moitié  de  la  Provence,  et  qui  fait 
sentir  son  action  dans  PUzège,  le  Rouergue,  le  Gévaudan 
et  en  Vivarais,  est  à  ce  moment  un  des  plus  puissants  feu- 
dalaires  du  royaume.  La  guerre  des  Albigeois,  qui  éclate  en 
4209,  va  détruire  cette  souveraineté  si  péniblement  établie. 

Avant  de  raconter  comment  le  Midi  de  la  France  perdit 
son  indépendance,  il  convient  d'exposer  brièvement  l'orga- 
nisation et  la  situation  du  pays  à  la  fiai  du  xu®  siècle.  Le 
régime  féodal  ne  s'y  est  point  développé  comme  dans  le 
N.  de  la  France,  en  Normandie  par  exemple  ;  on  n'y 
trouve  pas  cette  superposition  savante  de  personnes  et  de 
terres  qui  fait  l'originalité  du  régime.  Beaucoup  de  petits 
propriétaires  ont  su  faire  respecter  leur  indépendance  et 
le  nombre  des  terres  allodiales  est  relativement  considérable. 
Dans  les  campagnes  et  principalement  dans  le  Toulousain 
et  sur  les  terres  d'Eglise,  on  trouve  encore  des  serfs  (/lo- 
ïnines  de  corpore,  de  caselagio),  mais  le  nombre  en  di- 
minue tous  les  jours,  et  dès  lors  la  majeure  partie  des 
cultivateurs  a  obtenu  la  liberté  personnelle.  La  condition 
des  habitants  des  centres  urbains  s'est  de  même  fort  amé- 
liorée. Tout  d'abord  on  trouve  de  grandes  républiques  mu- 
nicipales aussi  libres  d'allures,  aussi  puissantes  que 
certaines  cités  italiennes;  Toulouse,  Montpellier,  Nîmes, 
Béziers,  Narbonne  s'administrent  elles-mêmes;  elles  doivent 
encore  à  leurs  anciens  seigneurs  aide  matérielle  et  morale, 
mais  elles  traitent  avec  eux  de  puissance  à  puissance,  et 
n'hésitent  pas  à  recourir  à  la  guerre  quand  on  fait  mine 
de  violer  leurs  privilèges.  Les'consuls  de  Narbonne  con- 
cluent des  alliances  politiques  et  commerciales  avec  les 
cités  italiennes  ;  ceux  de  Montpellier,  allant  plus  loin  en- 
core, rachètent  de  leur  suzerain  à  beaux  deniers  comptants 
ses  droits  supérieurs;  ailleurs,  à  Toulouse,  à  Nimes,  par 
des  insurrections  savamment  menées,  on  oblige  le  comte 
à  renoncer  à  tous  droits  de  justice  sur  les  membres  de  la 
communauté.  Les  consuls  de  Toulouse  ont  leur  bannière, 
leur  armée,  et,  suppléant  à  l'impuissance  du  suzerain,  vont 
forcer  les  petits  barons  des  environs  à  supprimer  les 
péages  qui  gênent  le  commerce  de  la  grande  ville.  Moins 
libres  en  apparence,  les  habitants  des  villes  de  second 
ordre  ont  obtenu  l'adoucissement  des  taxes,  la  réglemen- 
tation des  droits  seigneuriaux  et  des  frais  de  justice,  et 
presque  partout,  en  Languedoc  la  justice  criminelle  est 
rendue  par  des  tribunaux  consulaires  qui  fixent  eux-mêmes 
l'amende  à  percevoir  et  décident  de  la  valeur  des  accu- 
sations. Enfin,  pour  les  serfs  désireux  d'échapper  à  la 


LANGUEDOC 


908 


tyrannie  de  leurs  seigneurs,  s'élèvent  de  nombreux  asiles, 
villes  neuves,  sauvetés  {salvitates),  où  tout  homme,  à 
condition  d'abandonner  à  son  maître  la  terre  qu'il  tient  de 
lui  à  titre  héréditaire,  est  sûr  de  trouver  du  travail  et 
la  liberté  civile. 

Au  milieu  de  cette  nouvelle  société,  qu'est  devenue 
l'Eghse?  Dans  le  Midi,  elle  ne  joue  presque  jamais  le  rôle 
prééminent;  elle  n'exerce  pas  Finttuence  extraordinaire 
que  les  croyances  du  temps  lui  accordent  ailleurs.  La  cul- 
ture religieuse  est  assez  faible;  jusqu'au  xiu^  siècle,  le  Midi 
ne  produit  aucun  grand  théologien.  H  paraît  même  n'avoir 
que  bien  rarement  éprouvé  ces  grands  élans  de  foi  mystique 
qui  secouent  de  temps  à  autre  les  Français  du  Nord  ;  les 
Méridionaux  suivent  leurs  seigneurs  à  la  croisade,  s'y  si- 
gnalentpar  leur  bravoure,  mais  scandalisentleurs  pieux  com- 
pagnons par  leur  entente  de  la  vie  pratique,  leur  manque  de 
sérieux  et  leur  légèreté.  Les  princes  languedociens  fondent 
de  grands  monastères,  enrichissent  les  églises  cathédrales, 
mais  sans  ce  zèle  pieux  qui  frappe  chez  les  seigneurs  du 
Nord,  et,  même  après  Grégoire  Yll,  la  réforme  de  TEglise 
ne  peut  s'opérer  dans  le  Midi.  Elle  ne  deviendra  effective 
qu'au  xiu^  siècle.  Enfin,  les  écrivains  du  Nord  comme  ceux 
du  Midi  sont  là  pour  l'attester,  la  foi  est  tiède  dans  cette 
partie  du  royaume  ;  non  seulement  les  croyances  albigeoises 
Y  recrutent  chaque  jour  de  nouveaux  partisans,  mais  encore, 
fait  plus  grave  pour  l'avenir  de  la  religion  catholique, 
l'indifférence  religieuse  y  fait  chaque  jour  des  progrès  sen- 
sibles. A  part  quelques  prélats,  personne  ne  comprend 
qu'on  puisse,  pour  une  question  de  croyance,  haïr  et 
persécuter  son  voisin,  son  ami,  son  frère.  Il  faudra  cent 
ans  de  persécution  pour  faire  perdre  aux  Méridionaux 
cette  opinion,  monstrueuse  au  xni*'  siècle,  si  naturelle  au- 
jourd'hui. Au  milieu  d'une  société  ainsi  constituée,  et  en 
somme  encore  assez  brutale,  l'Eglise  risquait  fort  d'être 
dépouillée;  sans  doute,  il  ne  faut  pas  toujours  prendre  au 
pied  de  la  lettre  les  plaintes  incessantes  des  prélats  du 
Midi,  mais,  on  doit  le  reconnaître,  les  biens  et  les  revenus 
ecclésiastiques  sont  trop  souvent  usurpés  par  les  barons 
et  par  les  princes.  Les  privilèges  des  clercs  sont  mal  res- 
pectés, les  dîmes  et  les  églises  saisies  par  les  laïques,  les 
bénéfices  brutalement  occupés  et  cette  situation  sera  une 
des  causes  de  la  guerre  des  Albigeois.  La  croisade  de  1209 
aura  du  reste  pour  premier  effet,  non  seulement  de  recons- 
tituer le  patrimoine  ecclésiastique ,  mesure  dans  un  certain 
sens  légitime,  mais  d'accroître  dans  des  proportions  inouïes 
ce  même  patrimoine.  Les  églises  languedociennes  seront 
les  premières  à  s'approprier  les  biens  des  vaincus,  et  il 
faudra  toute  la  ténacité  de  l'administration  royale  pour 
leur  imposer  tout  au  moins  un  partage  inégal. 

Le  Midi  diffère  donc  de  tout  point  du  Nord  de  la  France  : 
attiédissement  de  la  foi,  plus  grande  liberté  civile,  esprit 
de  tolérance.  Il  n'a  pris  aucune  part  à  la  renaissance  des 
études  ecclésiastiques  du  ix^  au  xn^  siècle,  mais,  par  contre, 
il  a  produit  une  littérature  brillante,  la  seule  peut-être  du 
moyen  âge  qui  ait  eu  des  écrivains  dignes  de  ce  nom.  On 
verra  ailleurs  comment  est  née,  comment  s'est  développée 
cette  belle  poésie  des  troubadours,  qui  ne  survivra  pas  à 
la  brutale  agression  de  1209.  Moins  variée  que  celle  du 
Nord,  elle  a  su  exprimer  des  sentiments  délicats,  et  les 
poètes  du  Midi  ont  les  premiers  en  Europe  su  trouver  une 
forme  harmonieuse  et  élégante. 

k  ce  tableau  brillant,  il  y  a  bien  quelques  ombres,  que 
l'on  doit  marquer  en  passant.  L'organisation  sociale  est 
plus  douce,  mais  moins  solide  que  dans  le  Nord  ;  la  poésie 
amoureuse  dés  troubadours  dénote  une  corruption  de  mœurs 
extrême,  enfin  l'absence  d'un  gouvernement  fort  a  laissé 
se  développer  le  brigandage,  et,  si  les  habitants  des  villes 
échappent  en  partie  à  ce  danger,  ceux  des  campagnes  ont 
grandement  à  souffrir  du  passage  de  bandes  armées,  que 
les  princes  soudoient  pour  leurs  guerres  personnelles.  En- 
fin, et  c'est  peut-être  lacause  principale  de  la  défaite  du  Midi, 
trop  civilisés,  les  habitants  du  futur  Languedoc  ont  désap- 
pris le  métier  des  armes,  et  les  chevaliers  de  Simon  de 


Montfort  triompheront  sans  peine  de  ces  masses  indisci- 
plinées, de  ces  hommes  affaiblis  par  un  long  repos. 

Croisade  des  Albigeois.  —  C'est  en  1209  que  commence 
la  croisade  contre  les  Albigeois,  préchée  par  ordre  du 
saint-siège;  nous  ne  raconterons  pas  ici  cette  sanglante 
aventure  ;  on  en  trouvera  le  détail  à  l'art.  Cathares. 
Remarquons  seulement  que  si  l'Eglise,  qui  l'avait  provo- 
quée et  soutenue,  en  tira  de  grands  et  immédiats  avantages, 
le  véritable  héritier  des  Montfort  fut  le  roi  de  France  qui 
n'y  avait  pris  part  qu'au  dernier  moment.  Les  conséquences 
politiques  de  cette  guerre  sont  extraordinaires  ;  l'unité  de 
la  France  capétienne  va  en  sortir  et  la  politique  capétienne 
en  sera  du  coup  orientée  vers  le  S.  plutôt  que  vers  le 
N.  de  l'Europe.  En/1229,  Louis  VL  se  trouve,  posséder 
tout  le  pays,  de  Carcassonne  au  Rhône,  moins  le  Roussil- 
lon;  ce  prince  et  ses  successeurs  pourront  plus  aisément 
travailler  à  l'annexion  des  provinces  situées  au  N.  des 
Cévennes,  où  jusque-là  les  rois  français  n'ont  exercé  qu'une 
influence  assez  restreinte  :  Gévaudan,  Velay  et  plus  tard 
Vivarais  ;  ce  travail  d'assimilation  durera  près  d'un  siècle 
et  ne  sera  achevé  que  sous  Philippe  le  Bel.  Bien  plus,  un 
fils  de  France  va  régner  à  Toulouse  dans  les  domaines 
laissés  à  Raimond  VII  et  ces  domaines  reviendront  à  la 
couronne  en  1271. 

Epoque  royale.  --  Le  Midi  était  vaincu,  mais  il  n'avait 
pas  renoncé  à  tout  espoir,  et,  de  1229  à  1249,  il  va  essayer 
à  plusieurs  reprises  de  recouvrer  l'indépendance  perdue, 
A  vrai  dire,  durant  ces  vingt  ans,  les  agents  de  la  royauté 
ne  s'inquiètent  guère  de  faire  accepter  par  les  populations 
le  nouvel  état  de  choses  ;  jusqu'à  l'arrivée  des  enquêteurs 
royaux  en  1248,  les  Méridionaux  sont  en  butte  à  toutes 
sortes  de  tracasseries  et  de  violences,  exposés  aux  exactions 
d'officiers  royaux,  ignorants  des  usages,  des  droits  du  Midi, 
peu  soucieux  des  privilèges  des  villes  et  qui  ne  pensent 
qu'à  remplir  le  trésor  royal  et  à  terroriser  les  habitants. 
Aussi  les  proscrits,  les  bandits  qui  ont  cherché  un  asile, 
les  uns  en  Aragon,  les  autres  dans  les  Etats  du  comte  de 
Toulouse,  dont  quelques-uns  occupent  encore  divers  châ- 
teaux fortifiés,  —  le  dernier,  Quéribus,  ne  succombera 
qu'en  1255,  —  entretiennent  avec  les  vaincus  des  relations 
constantes,  et,  à  deux  reprises  différentes,  ils  les  entraînent 
dans  de  nouvelles  aventures.  En  1240,  le  vicomte  dépos- 
sédé de  Carcassonne,  Trencavel,  soutenu  par  une  poignée 
de  proscrits,  soulève  tout  le  pays  de  Carcassonne  et 
une  partie  du  Bitterrois;  il  occupe  la  majeure  partie  des 
petites  villes,  massacre  les  garnisons  françaises  et  vient 
mettre  le  siège  devant  la  cité.  La  place,  commandée  par  le 
sénéchal  Guillaume  des  Ormes,  se  défend  vigoureuse- 
ment ,  et ,  après  de  rudes  attaques ,  les  envahisseurs 
doivent  lever  le  siège  et  fuir  devant  l'armée  de  secours 
amenée  de  France.  La  répression  est  sanglante  et  les  vain- 
queurs pénètrent  jusque  dans  la  haute  vallée  de  l'Aude, 
qu'ils  n'ont  pas  encore  parcourue.  —  Raimond  VII 
n'avait  pris  aucune  part  à  cette  tentative  ;  deux  ans  plus 
tard,  jugeant  les  circonstances  plus  favorables,  sûr  de 
l'alliance  du  roi  d'Angleterre  Henri  III  et  des  barons 
poitevins  soulevés  contre  le  jeune  Alphonse,  il  se  met  en 
pleine  révolte  contre  le  roi  de  France.  Mais  Louis  IX  con- 
duit l'affaire  avec  vigueur;  Henri  m  est  battu,  obligé  de 
regagner  Bordeaux,  Raimond  VII,  abandonné  de  son  prin- 
cipal allié,  le  comte  de  Foix,  et  la  paix  de  Lorris,  sollicitée 
humblement  par  lui  (1242),  est  suivie  de  la  soumission 
définitive  du  Midi.  L'Inquisition,  dont  le  comte  de  Toulouse 
a  voulu  modérer  l'action,  reprend  ses  poursuites  et  pro- 
cède à  ces  vastes  enquêtes  dont  nous  avons  quelques  dé- 
bris et  qui  englobaient  des  centaines  et  des  milliers  de 
prévenus.  En  1245,  le  château  deMontségur,  dans  la  sei- 
gneurie de  Mirepoix,  est  pris  de  vive  force;  c'était  le  der- 
nier asile  des  derniers  défenseurs  de  l'indépendance  méri- 
dionale, réduits  par  la  défaite  à  vivre  en  véritables 
bandits.  La  situation  du  pays  est  pire  que  jamais. 

Fort  heureusement  Louis  IX  va  dans  la  mesure  du  pos- 
sible apporter  à  ces  maux  quelque  remède.  Tout  d'al3ord 


-  909  - 


LANGUEDOC 


il  envoie  en  1248  des  clercs  enquêteurs,  chargés  d'infor- 
mer sur  II  conduite  des  agents  royaux,  de  réparer  les 
torts  causés  et  de  faire  toutes  les  restitutions  imposées 
par  l'équité.  Ces  longues  enquêtes  prouvent  la  délicatesse 
de  la  conscience  de  ce  prince;  sans  doute,  les  hérétiques  et 
leurs  partisans  restent  toujours  proscrits,  sont  toujours 
hors  la  loi  ;  mais  cette  exclusion  que  condamnent  nos  idées 
modernes  paraissait  toute  naturelle  aux  gens  du  xm<^' siècle. 
Rappelons  d'ailleurs  que  Louis  IX  ira  dans  cette  voie  des 
réparations  aussi  loin  que  le  lui  permettront  les  préjugés 
religieux  de  son  temps;  dès  1254,  il  publie  une  ordon- 
nance célèbre  dont  plusieurs  articles  ont  pour  but  de  pré- 
venir le  retour  de  certains  abus  constatés  par  les  enquê- 
teurs. Un  peu  plus  tard,  en  1259,  un  autre  statut,  encore 
plus  remarquable,  marque  les  cas  fort  nombreux  où  'on 
devra  restituer  les  domaines  confisqués  depuis  1209.  Jus- 
qu'à la  fin  du  règne  de  Louis  IX,  des  enquêteurs  vont  par- 
courir le  pays,  travaillant  à  cette  oeuvre  de  pacification 
et  d'apaisement.  —  De  ce  règne  date  également  l'orga- 
nisation administrative  du  Languedoc  royal  ;  deux  séné- 
chaussées sont  créées,  l'uneà  Carcassonne,  l'autre  à  Nîmes; 
dans  chacune  d'elles  des  vigueries  et  des  bailliages.  Le 
ressort  de  ces  circonscriptions,  à  la  fois  administratives  et 
militaires,  comprend  non  seulement  le  domaine  direct, 
mais  encore  les  fiefs  relevant  du  roi.  De  ce  règne  date  aussi 
la  création  du  port  royal  d'Aiguesmortes.  Enfin  n'oublions 
pas  que  le  Languedoc  renferme  à  cette  époque  deux  en- 
claves :  la  baronnie  de  Montpellier,  relevant  de  l'évêque 
de  Maguelonne  et  possédée  par  le  roi  d'Aragon,  et  le  comté 
de  Melgueil,  confisqué  jadis  par  la  papauté  sur  Raimond  VI 
et  confié  par  Innocent  III  à  la  garde  de  l'évêque  de  Mague- 
lonne. L'ancienne  noblesse  dans  les  territoires  de  Carcas- 
sonne, de  Razès  et  de  Béziers  a  été  dépossédée  en  majeure 
partie,  et  une  nouvelle  aristocratie  s'est  formée,  composée 
surtout  de  ceux  qu'on  appelle  seigneurs  terriers,  descen- 
dants des  compagnons  de  Simon  de  Montfort. 

Telle  est  la  situation  du  Languedoc  royal,  jusqu'à  a 
mort  de  Louis  IX  en  1270.  Un  mot  maintenant  du  sort  des 
pays  laissés  à  Raimond  VII  par  le  traité  de  1229.  Ce  prince 
avait  conservé  le  Toulousain,  l'Albigeois  méridional,   le 
Quercy,  le  Rouergue,  l'Agenais  et  le  Venaissin.  Pendant 
vingt  ans,  il  travaille,  par  des  acquisitions  multipliées,  par 
la  fondation  de  quantité  de  villes  neuves,  à  reconstituer 
ses  revenus  fortement  diminués.  En  1242,  il  tente  vaine- 
ment un  efibrt  pour  mettre  à  néant  le  funeste  traité  de 
Paris;  un  peu  plus  tard,  à  deux  reprises  différentes,  il 
cherche  à  se  marier  pour  avoir  un  fils  à  qui  léguer  ses 
Etats  dont  ce  même  traité  a  disposé.  Il  échoue  encore.  Il 
n'est  pas  plus  heureux  dans  ses  rapports  avec  l'Eglise  ro- 
maine ;  il  est  obligé  de  laisser  l'Inquisition  s'établir  dans 
ses  Etats  et  poursuivre  ses  sujets  ;  il  doit  payer  les  profes- 
seurs de  l'université  de  Toulouse  qui  travaillent  à  ramener 
le  Midi  à  la  foi  orthodoxe,  et  ces  marques  multipliées  de 
soumission  ne  paraissent  pas  encore  suffisantes  à  la  cour 
pontificale,  qui  ne  lui  accorde  jamais  la  consolation,  ardem- 
ment sollicitée  par  lui,  de  faire  inhumer  en  terre  sainte 
son  père  Raimond  VI.  Enfin  au  moment  oii  il  va  partir 
pour  l'Orient,  il  meurt  à  Millau  le  27  sept.  1249,  à  la 
grande  désolation  de  ses  sujets.  —  Il  a  pour  successeur 
sa  fille  Jeanne,  ou  plutôt  le  mari  de  celle-ci,  Alphonse, 
comte  de  Poitiers,  frère  puîné  de  Louis  IX  {V.  Alphonse 
DE  Poitiers,  t.  II,  p.  503-5),  prince  de  tempérament  débile 
et  d'âme  froide,  mais  bon  administrateur,  juge  conscien- 
cieux. Il  ne  s'attache  pas  à  gagner  l'affection  de  ses  nouveaux 
sujets  pour  lesquels  il  est  de  tout  point  un  étranger,  et, 
sauf  en  deux  occasions,  il  ne  visite  point  le  Midi,  résidant 
presque  toujours  aux  environs  de  Paris  ou  à  la  cour  de 
son  frère.  Il  n'en  fut  pas  moins  un  prince  excellent,  très 
soigneux  de  ses  intérêts,  mais  respectueux  des  droits  d'au-   ! 
Irui,  et  sous  ce  régime  sévère,  mais  équitable,  cette  partie   [ 
du  Midi  jouit  d'une  paix  absolue  et  d'une  prospérité  indé-   ' 
niable.   On  ne  saurait  lui  faire  un  grief  d'avoir  soutenu   i 
l'Inquisition  :  il  était  catholique  sincère,  et  considérait 


naturellement  l'hérésie  comme  un  crime.  Fidèle  à  la  tradi- 
tion monarchi(jue,  il  montre  peu  de  sympathie  pour  les 
libertés  municipales,  concède  de  nouvelles  chartes  de  pri- 
vilèges civils,  mais  cherche  à  restreindre  l'autorité  des 
consuls  de  Toulouse.  Il  avait  pris  part  à  la  funeste  expédi- 
tion d'Egypte  et  partagé  les  périls  et  la  captivité  de  son 
frère  ;  de  retour  en  Europe,  il  ne  se  mêle  que  par  occasion 
des  affaires  politiques  du  royaume.  Très  attaché  à  son 
frère,  il  prend  la  croix  une  seconde  fois  avec  lui,  prépare 
pendant  de  longues  années  une  nouvelle  expédition  et  suit 
Louis  IX  en  Afrique  ;  il  échappe  à  la  peste  qui  décime 
l'armée  et  revient  mourir  en  Italie,  à  Savone,  où  il  expire 
le  21  août  1271  :  sa  femme  Jeanne  de  Toulouse,  qui  l'a 
suivi,  succombe  à  son  tour  quatre  jours  plus  tard  (25  août). 
Le  gouvernement  d'Alphonse  a  laissé  des  traces  durables 
dans  l'organisation  administrative  du  Languedoc;  la  séné- 
chaussée de  Toubuse  avec  ses  juge  ries  (V.  ce  mot)  date 
de  ce  règne,  et  c'est  à  ce  prince  qu'on  doit  la  fondation 
d'une  foule  de  bastides  ou  villes  neuves  dont  quelques-unes 
sont  aujoia^d'hui  des  villes  importantes. 

A  qui  allaient  revenir  les  Etats  d'Alphonse  et  de  Jeanne  ? 
Ils  ne  laissaient  pas  d'enfants,  et,  d'après  le  traité  de  Paris, 
les  anciens  domaines  de  Raimond  VII  devaient  être  réunis 
à  la  couronne.  Jeanne,  par  testament  du  23  juin  1270, 
avait  cherché  à  prévenir  cette  réunion  en  léguant  à  Charles 
d'Anjou  le  Venaissin,  et  à  sa  cousine  Philippe  de  Lomagne, 
comtesse  de  Périgord,  le  reste  de  ses  Etats.  Mais  ces  dis- 
positions ne  devaient  point  être  respectées.  A  peine  la  mort 
des  deux  princes  connue,  le  roi  Philippe  III  ordonne  au 
sénéchal  de  Carcassonne  de  prendre  possession  des  terres 
vacantes,  pour  prévenir  une  tentative  de  l'infant  d'Aragon 
qu'appelaient  quelques  mécontents  de  Toulouse.  L'opération 
a  lieu  sans  résistance  ;  du  testament  de  Jeanne  de  Tou- 
louse, on  ne  tient  aucun  compte  ;  la  iégatrice,  Philippe  de 
Lomagne,  perd  le  procès  intenté  par  elle  en  parlement 
(1274),  et  le  ^^enaissin  comme  le  reste  est  occupé  par  les 
officiers  royaux;  toutefois,  après  de  longs  attermoiements, 
l'Agenais  est  restitué  à  Edouard  P%  roi  d'Angleterre 
(1279),  conformément  au  traité  de  1258;  pour  le  Quercy, 
le  souverain  anglais  reçoit  une  rente;  enfin  le  pape  Gré- 
goire X  se  fait  céder  le  Venaissin  (1274),  à  la  possession 
duquel  le  saint-siège  n'avait  d'ailleurs  en  réalité  aucun 
droit. 

Le  nouveau  régime  établi,  Philippe  III  juge  utile  de 
frapper  un  grand  coup  et  de  montrer  aux  Méridionaux 
la  puissance  de  la  royauté.  Roger-Bernard,  comte  do  Foix, 
avait  pris  les  armes  contre  le  sieur  de  Cazaubon  ;  pour  le 
réduire,  le  roi  convoque  ses  barons,  tout  l'ost  de  France, 
et  une  armée  formidable  envahit  le  comté  de  Foix.  Roger- 
Bernard  doit  se  rendre  à  discrétion,  est  emmené  en 
France,  et  tout  le  comté  occupé  par  les  troupes  royales  ; 
il  sera  d'ailleurs  restitué  au  possesseur  légitime  en  1277. 
Le  nouveau  roi  suit  pour  le  reste  la  même  politique  que 
son  père  ;  le  pays  ect  sagement  administré,  des  enquêteurs 
le  parcourent  sans  cesse,  redressant  les  torts,  restituant 
les  droits  ou  les  terres  injustement  occupées,  La  province 
envoie  des  troupes  en  Navarre,  sous  Eustache  de  Beau- 
marchais, sénéchal  de  Toulouse  (1275  et  années  suivantes). 
Un  peu  plus  tard,  elle  obtient  la  création  d'une  cour 
suprême  de  justice,  qui  siégea  Toulouse,  à  titre  de  déléga- 
tion du  parlement  de  Paris,  et  qui  épargne  aux  plaideurs 
languedociens  de  longs  voyages  et  des  frais  inutiles  (1 279)  ; 
cette  utile  institution  fonctionne  à  peu  près  régulièrement 
pendant  une  dizaine  d'années.  Les  années  suivantes  sont 
marquées  par  le  complot  d'Aimeri,  vicomte  de  Narbonne, 
qui  a  cherché  à  s'unir  avec  le  roi  de  Castille  (1282),  et  par 
l'occupation  momentanée  de  la  baronnie  de  Montpellier  par 
les  troupes  royales,  occupation  qui  obUge  le  roi  de  Majorque 
à  se  reconnaître  arrière-vassal  de  la 'couronne  de  France 
pour  cette  baronnie.  L'expédition  d'Aragon  (1285)  est 
funeste  au  Languedoc;  non  seulement  cette  province  con- 
tribue à  cette  entreprise  impolitique  et  fournit  de  l'argent 
et  des  hommes,  mais  elle  a  à  souffrir  du  passage  de  l'armée, 


LANGUEDOC  —  940 

puis,  après  Févacuatîon  de  la  Catalogne,  des  incursions  des 
troupes  espagnoles  et  des  attaques  des  corsaires  italiens  et 
catalans.  Le  pouvoir  royal  fait  chaque  jour  dans  la  province 
de  nouveaux  progrès.  Philippe  le  Bel  acquiert  la  partie  de 
MontpeUier  possédée  par  i'évèque  de  Maguelonne,  la  sei- 
gneurie de  Lunel,  entre  en  parcage  avec  les  évêques  de 
Mende,  du  Puy  et  de  Viviers  ;  d'autre  part,  l'organisation 
administrative  se  complète  et  à  dater  de  4302  appa- 
raissent les  Etals  de  Languedoc,  première  forme  de  l'as- 
semblée qui  administrera  cette  province  jusqu'en  4  790.  Enfin 
la  cour  soumet  et  punit  sévèrement  le  comte  de  Foix,  de- 
venu pourtant  plus  puissant  que  jamais  par  son  mariage 
avec  l'héritière  de  Béarn.  L'état  du  pays  serait  satisfaisant 
sans  les  exigences  du  Trésor  ;  pour  cette  nouvelle  admi- 
nistration, pour  les  guerres  incessantes  avec  l'Angleterre  et 
la  Flandre,  il  faut  des  ressources  que  ne  peuvent  donner 
les  anciens  impôts.  De  là  une  rapide  modification  dans  le 
gouvernement;  une  des  institutions  tutélaires  de  Louis  IX, 
les  enquêteurs  royaux,  se  transforme,  et  les  clercs  qui 
parcourent  sans  cesse  le  pays  n'ont  plus  qu'une  mis- 
sion, procurer  de  l'argent  au  pouvoir  central  par  tous  les 
moyens  possibles.  La  royauté,  n'ayant  pas  encore  de  budget 
fixe,  vit  de  ressources  extraordinaires  ou  d'emprunts  oné- 
reux. Cet  état  de  choses  se  perpétuera  jusqu'au  règne  de 
Charles  Vif,  moment  où  les  taxes  deviendront  régulières 
et  annuelles,  sauf  à  grossir  chaque  année.  Une  autre 
cause  de  mécontentement  pour  les  populations  méridionales, 
ce  sont  les  procédures  inquisitoriales.  L'hérésie  albigeoise 
est  agonisante,  et  c'est  ce  moment  que  ce  tribunal  extra- 
ordinaire choisit  pour  redoubler  de  rigueur;  Philippe  le 
Bel  un  instant  juge  opportun  d'intervenir  et,  au  moment 
même  où  il  lutte  contre  Boniface  VIII,  il  accueille  les  plaintes 
de  ses  sujets.  Trois  agents  royaux,  Jean  de  Picquigny, 
vidame  d'Amiens,  Richard  Neveu,  archidiacre  de  Lisieux, 
et  Gilles  de  Rémi,  viennent  s'informer  des  faits  (4301-4); 
les  inquisiteurs  sont  convaincus  d'excès  de  pouvoir,  et  les 
dominicains,  parmi  lesquels  se  recrutent  les  juges  delà  foi, 
sont  en  butte  aux  violences  des  populations  soulevées.  On 
décide  en  4  304  que  des  commissaires  royaux  visiteront  les 
prisons  inquisitoriales  et  que  les  juges  spéciaux  ne  pourront 
siéger  sans  les  évêques  du  pays.  Mais  cette  satisfaction 
incomplète  ne  pouvait  faire  oublier  leurs  longues  souffrances 
aux  malheureux  Méridionaux  ;  les  frères  mineurs  et  prin- 
cipalement le  célèbre  Bernard  Délicieux  se  mettent  à  la 
tête  du  mouvement.  On  brise  les  portes  du  mur  de  Carcas- 
sonne  ;  on  poursuit  partout  les  frères  prêcheurs  et  bientôt 
ne  trouvant  plus  d'appui  auprès  de  la  cour,  qui  a  aban- 
donné leur  cause,  quelques  désespérés  font  appel  à  l'étran- 
ger et  entrent  en  relations  avec  l'infant  de  Majorque,  don 
Ferrand,  entreprise  périlleuse,  bientôt  découverte  et  sévè- 
rement châtiée.  Bernard  Délicieux  est  arrêté  en  4305  par 
ordre  de  Clément  V,  et  les  consuls  de  Carcassonne  et  leurs 
complices  mis  à  mort.  Le  malheureux  Bernard,  après 
quatorze  ans  de  détention,  sera  définitivement  jugé  par 
ordre  du  cruel  et  vindicatif  Jean  XIII  en  4349.  Un  décret 
du  concile  de  Vienne  de  4342  adoucit  légèrement  la  rigueur 
des  tribunaux  d'inquisition,  mais  si  cette  juridiction  extra- 
ordinaire perd  un  peu  plus  tard  de  son  activité  (vers  4335), 
ce  n'est  pas  faute  de  zèle,  mais  faute  de  victimes  à  pour- 
suivre. Du  début  du  xiv^  siècle  datent  la  dernière  tenta- 
tive de  quelques  villes  méridionales  pour  secouer  le  joug 
des  Capétiens,  et  l'extinction  définitive  des  doctrines,  dont 
la  propagation  a  jadis  servi  de  prétexte  à  la  croisade  de 
4209. 

Au  même  règne  appartiennent  encore  plusieurs  faits  im- 
portants, la  suppression  de  l'ordre  du  Temple  dont  les 
biens  immenses  sont  en  partie  confisqués,  en  partie  dévolus 
à  l'ordre  de  Saint- Jean,  la  création  de  l'évêché  de  Pa- 
miers,  premier  essai  de  démembrement  du  vaste  diocèse 
de  Toulouse,  enfin  l'expulsion  des  juifs  et  la  confiscation 
de  leurs  biens.  Cette  race  malheureuse  avait  jusqu'à  l'ar- 
rivée des  officiers  royaux  joui  dans  le  Midi  de  la  France 
d'une  prospérité  relative;  pouvant  posséder  des  biens  im- 


mobiliers, commerçants  actifs,  les  juifs  avaient  contribué 
pour  une  bonne  part  à  la  prospérité  matérielle  du  pays . 
Dans  presque  toutes  les  villes  ils  avaient  des  synagogues, 
des  écoles  dirigées  par  des  rabbins  célèbres  dont  les  his- 
toriens vantent  la  science;  au  xu®  siècle  le  fameux  Benja- 
min de  Tudèle  ne  tarit  point  en  éloges  sur  les  maîtres 
de  Lunel,  de  Béziers  et  de  Montpellier.  Sous  Alphonse,  sous 
Louis  IX  même,  le  sort  des  juifs  a  changé,  et  ces  deux 
princes,  oublieux  de  leur  équité  ordinaire,  les  ont  soumis 
aux  plus  cruels  traitements,  confisquant  à  deux  reprises 
leurs  biens  et  les  obligeant  par  un  long  et  arbitraire  em- 
prisonnement à  racheter  leur  Hberté  et  leur  vie.  Philippe 
le  Bel  ne  manque  pas  de  suivre  un  si  bel  exemple  et  en 
4306,  mettant  le  comble  à  l'iniquité,  il  fait  saisir  leurs 
biens  et  les  chasse  du  royaume,  dénués  de  toutes  ressources. 
Mesure  impohtique  dont  la  prospérité  du  pays  devait  long- 
temps se  ressentir.  Plus  tard,  les  juifs  reviendront  en  Lan- 
guedoc, mais  ils  n'y  formeront  plus  une  caste  puissante  et 
respectée,  et  devront  acheter  chèrement  des  officiers  royaux 
une  précaire  et  éphémère  protection. 

Les  règnes  des  fils  de  PhiHppe  le  Bel,  de  1344  à  4328, 
ne  sont  marqués  en  Languedoc  que  par  quelques  événe- 
ments notables.  Tout  d'abord  le  remaniement  par  Jean  XXII 
des  circonscriptions  épiscopales  ;  de  l'évêché  de  Toulouse, 
ce  pape  fait  une  province  comptant  8  diocèses  :  Toulouse, 
Montauban,  Lavaur,Saint-Papoul,  Mirepoix,  Pamiers,  Rieux 
et  Lombez;  il  crée  également  le  diocèse  de  Castres,  détaché 
d'Albi,  ceux  de  Saint-Pons,  de  Thomières  et  d'Alet,  pris  sur 
celui  de  Narbonne.  La  mesure  était-elle  nécessaire  ?  On 
peut  assurément  en  douter;  la  vie  religieuse  n'en  sera 
pas  plus  active  en  Languedoc,  et  ces  nouveaux  sièges  seront 
durant  trois  siècles  distribués  un  peu  au  hasard  aux  favo- 
ris de  la  royauté  et  de  la  cour  pontificale.  Bien  plus  pros- 
pères sont  les  couvents  dominicains,  augustins  et  mineurs 
de  Toulouse,  de  Montpellier  et  de  Narbonne,  et  les  univer- 
sités de  Toulouse  et  de  Montpellier.  Dans  la  première  de 
celles-ci  l'enseignement  du  droit,  dans  la  seconde  l'ensei- 
gnement de  la  médecine  restent  toujours  florissants  ; 
quelques-uns  des  meilleurs  juristes  de  la  couronne  et  de 
la  papauté  et  des  praticiens  renommés  doivent  leur  instruc- 
tion à  ces  célèbres  écoles.  Vers  le  même  temps,  les  capi- 
touls  de  Toulouse  fondent  la  célèbre  académie  du  Gai  Sa- 
voir, tentative  louable,  mais  impuissante  ;  la  littérature 
provençale  est  morte  définitivement.  L'histoire  même  du 
pays  jusqu'au  début  de  la  guerre  de  Cent  ans  est  mar- 
quée par  les  événements  accoutumés,  demandes  de  sub- 
sides, exactions  des  officiers  royaux.  Les  pastoureaux  en 
4320  ravagent  le  pays,  puis  on  y  persécute  les  lépreux  ; 
les  comtés  de  Foix  et  d'Armagnac*^ recommencent  de  temps 
à  autre  à  se  faire  la  guerre,  enfin,  en  Albigeois,  les  héri- 
tiers du  dernier  seigneur  de  Castres  se  disputent  avec 
acharnement  les  lambeaux  de  ce  petit  territoire. 

Guerre  de  Cent  ans.  —  L'année  4337  marqueté  début 
de  la  funeste  guerre  de  Cent  ans  qui  va  couvrir  la  France 
de  ruines  et  compromettre  l'œuvre  de  plus  d'un  siècle  de 
paix  intérieure.  Le  Languedoc  tout  d'abord  ne  souftre 
qu'indirectement  ;  il  fournit  des  hommes  et  de  l'argent  ; 
mais  le  théâtre  de  là  guerre  se  trouve  hors  de  ses 
limites,  en  Agenais  et  en  Périgord.  Néanmoins,  à  mesure 
que  l'ennemi  fait  des  progrès,  le  danger  se  rapproche, 
et  après  les  courses  du  comte  de  Derby  (4345),  après  la 
bataille  de  Crécy  et  l'échec  de  Jean  de  Normandie  sous 
Aiguillon  (4346),  les  frontières  de  la  grande  province 
royale  sont  absolument  découvertes.  Les  villes  démantelées 
recommencent  à  s'entourer  de  hautes  murailles,  la  peste 
noire  décime  la  population;  la  situation  déjà  fort  critique 
va  encore  s'aggraver  par  les  fautes  du  nouveau  roi,  Jean  II, 
successeur  de  Philippe  VI.  Ce  dernier  prince,  si  malheu- 
reux à  Crécy,  a  marqué  son  règne  en  Languedoc  par  plu- 
sieurs actes  utiles,  notamment  l'achat  de  Montpellier  et  de 
Lattes,  acquis  en  4349  du  dernier  roi  de  Majorque,  l'in- 
fortuné Jacques  lï  (1349)  ;  par  contre,  une  partie  de  la 
seigneurie  d'Alais  a  servi  à  payer  l'achat  du  Dauphiné, 


-  9îi  — 


LANGUEDOC 


cédé  par  le  dernier  dauphin ,  Humbert.  Dès  i  350,  le 
pays  est  profondément  troublé,  et  les  différents  gouver- 
neurs qui  se  succèdent  ne  parviennent  pas  à  y  rétablir  la 
tranquillité.  Des  bandes  anglaises  commencent  à  parcourir 
le  territoire  et  pénètrent  jusqu'à  Saint-Antonin  ;  le  nouveau 
lieutenant  du  roi,  le  comte  Jean  d'Armagnac,  auquel  le 
roi  Jean  a  confié  la  province,  va  se  montrer  impuissant  à 
la  défendre.  En  4355,  la  trêve  expire  et  la  guerre  recom- 
mence, désastreuse  pour  le  Languedoc,  grâce  à  Fimpéritie 
du  comte  d'Armagnac.  Le  fameux  prince  Noir  parcourt  im- 
punément le  pays  jusqu'à  Narbonne,  brûlant  les  villes  ou- 
vertes, pillant  les  villages,  ruinant,  en  un  mot,  une  bonne 
moitié  de  cette  rielie  contrée.  Il  se  retire  après  avoir  atteint 
son  but,  terrorisé  le  Midi  français,  ouvert  la  voie  et  donné 
l'exemple  à  tous  les  bandits  qui  suivront  sa  trace.  La  bataille 
de  Poitiers,  perdue  en  1356  par  le  roi  Jean,  met  le  comble 
aux  malheurs  du  pays.  Sans  doute,  plus  sages  que  leurs 
compatriotes  du  Nord,  les  Etats  de  Languedoc  oublient  les 
fautes  du  pouvoir  central  et  octroient  les  ressources  néces- 
saires pour  lutter  contre  l'ennemi  extérieur  ;  ils  prêtent  un 
concours  dévoué  au  comte  d'Armagnac,  puis  à  son  succes- 
seur, le  comte  de  Poitiers,  fils  du  roi,  plus  tard  duc  de  Berry, 
mais  la  situation  n'en  est  pas  moins  terrible,  et  si  le  Lan- 
guedoc évite  heureusement  une  nouvelle  invasion,  il  ne 
s'épuise  pas  moins  d'hommes  et  d'argent.  Enfin  en  4360, 
le  traité  de  Brétigny  le  réduit  aux  trois  sénéchaussées  de 
Toulouse,  Carcassonne  et  Beaucaire  ;  de  province  centrale, 
il  devient  pays  frontière  ;  de  nouvelles  charges  lui  sont 
imposées  pour  racheter  de  captivité  le  misérable  Jean,  et 
les  grandes  compagnies  vont  l'envahir. 

Ces  bandes  indisciplinées  et  féroces,  que  la  paix  a  privées 
de  leur  gagne-pain,  se  jettent  sur  le  Bas-Languedoc  et  y 
commettent  les  plus  épouvantables  ravages  ;  du  Bhône  à 
Carcassonne,  le  pays  est  en  feu  et  les  routiers  étendent 
leurs  courses  jusqu'en  Gévaudan  et  en  Velay.  D'autre  part, 
le  comte  de  Foix,  Gaston-Phœbus,  attaqué  par  son  ennemi 
héréditaire  le  comte  d'Armagnac,  envahit  le  Languedoc 
occidental  et  triomphe  à  Launac  (déc.  1362);  enfin  un 
prétendant  au  trône  de  Castille,  Henri  de  Transtamare,  est 
venu  avec  une  foule  de  ses  partisans  chercher  un  asile  en 
France,  et  ces  hôtes  incommodes  traitent  le  pays  en  terre 
conquise.  Fort  heureusement,  à  Jean  II  succède  Charles  V, 
et  ce  nouveau  roi  va  travailler  énergiquement  à  rétablir 
la  paix  dans  les  provinces  qui  lui  restent .  Son  frère  Louis 
d'Anjou,  esprit  aventureux,  mais  capitaine  habile  et  admi- 
nistrateur actif,  devient  gouverneur  du  Languedoc  et  s'oc- 
cupe de  pacifier  le  pays.  On  trouve  de  l'argent  pour  ache- 
ter le  départ  des  grandes  compagnies,  que  Du  Guesclm 
emmène  en  Espagne  pour  chasser  don  Pèdre  le  Cruel  et 
établir  sur  le  trône  Henri  de  Transtamare  (1366);  il 
est  vrai  queles  mômes  aventuriers,  l'année  suivante,  viennent 
combattre  pour  don  Pèdre  avec  le  prince  Noir,  mais  nombre 
d'entre  eux  ont  laissé  leurs  os  dans  ces  périlleuses  entre- 
prises, et  c'est  déjà  un  résultat  notable.  Cependant  certains 
bandits  n'ont  point  suivi  Du  Guesclin  et  continuent  à  vivre 
de  rapines  dans  cette  grasse  terre  de  France,  moins  âpre  que 
la  Castille  ou  l'Estrémadure.  En  somme,  le  traité  de  Bréti- 
gny n'a  été  exécuté  ni  d'une  part  ni  de  l'autre,  et  quand 
Charles  V  juge  le  moment  venu  de  le  dénoncer  (1369) , 
il  ne  fait  que  reconnaître  officiellement  ce  qui  existe  ;  depuis 
neuf  ans ,  la  guerre  n'a  point  cessé.  Le  moment  était 
favorable  :  Edouard  HI  était  vieux  et  affaibli,  le  prince 
Noir  malade  venait  de  s'aliéner  la  noblesse  de  son  duché 
d'Aquitaine  et  de  mécontenter  tout  le  monde  par  sa  hauteur. 
Aussi  les  succès  des  troupes  françaises,  bien  commandées, 
bien  équipées,  dépassent  toutes  les  espérances  ;  c'est  au 
tour  des  Anglais  de  fuir  devant  les  armées  de  Charles  V. 

De  1370  à  1376,  grâce  aux  subsides  votés  libéralement 
par  les  assemblées  de  Languedoc,  le  duc  d'Anjou  peut 
reconquérir  par  les  armes  ou  à  force  d'argent  leRouergue, 
le  Quercy  et  l'Agenais  ;  les  grands  téudataires  de  Gascogne, 
Albret,  Armagnac,  etc.,  ont  vendu  chèrement  leur  adhé- 
sion à  la  cause  française.  vSi  les  villes  s^  soumettent,  ce 


n'est  point  par  enthousiasme,  mais  par  politique,  pour 
éviter  une  lutte  coûteuse,  d'issue  incertaine,  et  par  fatigue 
de  la  guerre  ;  le  patriotisme,  tel  que  nous  le  comprenons 
aujourd'hui,  est  encore  inconnu  aux  Méridionaux  du 
xivQ  siècle  —  la  fidélité  à  la  couronne  en  tient  lieu  en 
partie  -—  mais  il  naîtra  sous  Charles  VII  dont  les  Lan- 
guedociens seront  les  derniers  défenseurs  et  les  meilleurs 
auxiliaires. 

Toutes  ces  campagnes  au  surplus  sont  fort  coûteuses,  et, 
à  mesure  que  le  Languedoc  s'épuise,  les  exigences  du  duc 
d'Anjou  s'accroissent.  Bien  plus,  en  1376,  il  conçoit  de 
nouveaux  projets  ;  il  achète  les  droits  de  la  fille  du  dernier 
roi  de  Majorque,  Isabelle  de  Montferrat,  et  ce  projet  chi- 
mérique, pour  lequel  il  dépense  sans  compter,  risque 
d'amener  une  guerre  entre  la  France  et  l'Aragon.  En 
1377,  il  réconcilie,  il  est  vrai,  définitivement,  les  comtes 
d'x\rmagnac  et  de  Foix,  mais  la  province  est  épuisée,  elle 
succombe  sous  le  poids  des  taxes,  et  des  révoltes  sanglantes 
au  Puy,  à  Montpellier,  àClermont  de  Lodève,  sont  pour  ainsi 
dire  les  signes  avant-coureurs  de  l'insurrection  des  Tuchins 
(4378-79).  Ces  soulèvements  sont  durement  réprimés, 
mais  Charles  V,  qu'effraye  l'approche  de  la  mort,  se  décide 
à  donner  une  satisfaction  à  ses  malheureux  sujets,  dont  les 
plaintes  sont  venues  jusqu'à  lui  ;  il  rappelle  le  duc  d'Anjou 
et  fait  gouverner  le  pays  par  quelques  conseillers.  Du 
GuescUn  vient  une  dernière  fois  essayer  d'expulser  du 
Gévaudan  les  routiers  anglais  ;  il  meurt  devant  Châteauneuf- 
de-Randon  le  13  juil.  1380.  Deux  mois  plus  tard,  Charles  V 
expirait,  après  avoir,  si  l'on  en  croit  des  écrivains  contem- 
porains, témoigné  l'intention  de  confier  le  Languedoc  au 
comte  de  Foix. 

Cette  mesure  salutaire  ne  pouvait  être  du  goût  des 
oncles  et  tuteurs  du  nouveau  roi,  et,  dès  nov.  1380,  le 
duc  de  Berry  se  faisait  donner  le  gouvernement  du  Lan- 
guedoc, avec  les  pouvoirs  d'un  lieutenant  général  ;  c'était 
abandonner  une  moitié  du  royaume  à  l'influence  de  la 
maison  d'Armagnac,  aUiée  au  nouveau  gouverneur.  Le 
pays  était  dans  un  état  lamentable,  épuisé  d'argent,  ra- 
vagé par  les  bandes  armées  qui  occupaient  nombre  de 
places  fortes,  devenues  autant  de  repaires  de  bandits  ; 
aussi,  tandis  que  le  Languedoc  occidental,  après  quelques 
hésitations,  embrasse  le  parti  du  comte  de  Foix  et  soutient 
ce  prince  rebelle,  la  partie  orientale  de  la  province  va  de- 
venir le  théâtre  de  la  célèbre  insurrection  des  Tuchins.  La 
guerre  civile  dure  plusieurs  mois;  une  assemblée  des  com- 
munes convoquées  à  Mazères  par  le  comte  de  Foix  (avr. 
1381)  reconnaît  l'autorité  de  ce  dernier  et  lui  accorde 
des  subsides  ;  il  détruit  quelques  compagnies  de  routiers 
et  refuse  de  se  soumettre  à  l'autorité  du  duc  de  Berry. 
Celui-ci  n'en  continue  pas  moins  ses  préparatifs  et  arrive 
au  mois  de  juin.  Il  entre  en  négociation  avec  Gaston- 
Phœbus,  et  dès  le  mois  de  septembre  l'accord  était  conclu 
virtuellement,  le  comte  renonçait  à  ses  prétentions  et  le  duc 
de  Berry  pouvait  travaillera  la  soumission  de  la  province, 
qui  ne  s'opéra  pas  sans  résistance  de  la  part  des  habi- 
tants dont  ces  luttes  intestines  avaient  encore  accini  la 
misère.  Le  nouveau  gouvernement  fonctionne  à  peu  près 
régulièrement  à  dater  de  1382,  et  la  manière  dont  il  se 
conduit  justifie  toutes  les  cramtes  des  Languedociens.  La 
première  chose  à  faire  était  de  racheter  les  places  occupées 
par  les  routiers  ;  on  décide  la  levée  d'une  imposition,  mais 
il  fallait  la  percevoir  ;  d'où  la  révolte  des  Tuchins  qui, 
en  ^382  et  1383,  ensanglante  les  diocèses  de  Nîmes  et 
de  Maguelonne  et  quelques  pays  voisins.  Le  nom  de  Tu- 
chins désigne  plus  particulièrement  les  paysans  révoltés 
qui,  supportant  en  somme  tous  les  malheurs  sociaux, 
étaient  les  plus  misérables  et  les  plus  exaspérés;  aussi 
leur  soulèvement  eut-il  le  caractère  d'une  guerre  sociale 
et  sauvage.  Beaucoup  de  nobles  et  de  bourgeois  pacti- 
sèrent avec  eux.  La  répression  fut  épouvantable,  et,  une 
fois  le  pays  à  peu  près  pacifié,  le  duc  de  Berry,  dont 
l'avidité  est  célèbre,  se  mit  à  l'exploiter  largement.  Dès 
1383,  on  rétablit  les  aides  abolies  par  Charles  V,  et, 


LANGUEDOC 


-  912 


l'année  suivante,  on  accorde  à  tout  le  pays  des  lettres 
d'abolition  générale,  moyennant  le  payement  d'une  amende 
de  800,000  fr.  d'or.  C'est  à  la  levée  de  cette  somme 
énorme  dont  une  bien  faible  partie  devait  entrer  dans 
les  coffres  royaux,  que  le  duc  de  Berry  va  apporter  tous 
ses  soins  de  1384  à  1388.  L'état  du  pays  continue  donc 
d'être  absolument  misérable  ;  les  routiers  le  parcourent 
toujours  librement,  l'anarchie  administrative  est  au  com- 
ble; enfin  en  1389,  Charles  VI,  qui  a  résolu  de  gou- 
verner par  lui-même,  suspend  le  duc  de  Berry  de  ses 
fonctions  et  vient  lui-même  en  Languedoc  s'assurer  de  la 
situation  de  la  province  :  des  réformateurs  sont  nommés, 
quelques  officiers  du  duc  punis,  et  la  sollicitude  du  jeune 
prince  pour  ses  sujets  se  marque  plus  d'une  fois  durant 
ce  long  voyage.  Charles  s'abouche  avec  Gaston-Phœbus, 
qui,  vieiUi,  sans  enfant,  lègue  le  comté  de  Foix  à  la  royauté. 
Les  années  suivantes  sont  plus  tranquilles  ;  la  province 
est  administrée  sagement  par  le  maréchal  de  Sancerre  ; 
une  partie  des  routiers  est  expulsée,  et,  dans  un  second 
voyage  en  1394  et  1395,  Charles  VI  complète  son  œuvre. 
Malheureusement  la  maladie  dont  ce  prince  souffre  devient 
de  plus  en  plus  terrible  ;  en  1401,  le  duc  de  Berry  se 
fait  rétablir  dans  le  gouvernement  du  Languedoc  et  les 
mauvais  jours  recommencent;  le  duc,  après  la  mort  de 
son  neveu  d'Orléans,  s'attache  tout  d'abord  au  parti 
armagnac  ;  il  est  un  instant  dépouillé  de  son  autorité  ; 
la  guerre  civile  éclate  et  bientôt  la  guerre  étrangère 
vient  s'y  joindre.  En  1416,  Jean  de  Berry  meurt,  lais- 
sant tout  le  pays  en  feu  ;  les  comtes  de  Foix  et  d'Arma- 
gnac se  font  la  guerre,  et  les  deux  partis,  armagnac  et 
bourguignon,  se  disputent  le  pouvoir.  En  1417,  la  reine 
Isabeau  de  Bavière,  alliée  fidèle  du  duc  de  Bourgogne, 
parvient  à  occuper  une  bonne  partie  du  Languedoc;  le 
vicomte  de  Lomagne,  lieutenant  du  comte  d'Armagnac,  est 
expulsé,  et  le  prince  d'Orange,  chef  du  parti  bourguignon, 
semble  près  de  triompher.  Le  comte  de  Foix,  Jean  de 
Grailly,  se  met  alors  en  avant  et  arrive  à  se  faire  nommer 
gouverneur  du  pays,  à  la  fois  par  le  dauphin,  chef  du 
parti  armagnac,  et  par  le  roi,  instrument  du  duc  de  Bour- 
gogne. Mais,  fort  heureusement  pour  la  cause  légitime,  le 
dauphin  se  décide  bientôt  à  venir  en  personne  en  Langue- 
doc (1420);  il  chasse  les  derniers  chefs  bourguignons, 
destitue  le  comte  de  Foix,  et  c'est  cette  province  ainsi  re- 
conquise qui  va  pendant  dix  ans  lui  fournir  les  ressources 
nécessaires  pour  soutenir  la  lutte  contre  l'étranger,  maître 
du  Nord  et  de  la  capitale  du  royaume. 

L'histoire  des  années  suivantes  est  de  plus  en  plus 
triste  ;  le  Languedoc  prend  sa  part  et  sa  large  part  des 
maux  dont  souffre  la  France  entière.  Le  comte  de  Foix,  qui 
est  devenu  gouverneur  de  la  province,  ne  s'occupe  guère 
du  pays  que  les  routiers  ravagent  en  toute  sécurité.  Au 
premier  rang  de  ces  bandits  figure  le  célèbre  aventurier 
espagnol,  Rodrigue  de  Villandrando.  Une  fois  le  calme  un 
peu  rétabli,  le  roi  prend  différentes  mesures  pour  éloigner 
les  routiers;  les  uns  vont  se  faire  tuer  en  combattant 
contre  les  Suisses,  d'autres  servent  dans  les  dernières 
guerres  contre  les  Anglais  de  Guyenne  ;  enfin  le  reste  entre 
définitivement  au  service  de  la  royauté  et  forme  le  noyau 
des  premières  compagnies  d'ordonnances.  En  1453,  les 
Anglais  sont  enfin  expulsés  et  cette  fois  sans  espoir  de 
retour.  Une  ère  de  tranquilhté  relative  va  commencer 
pour  la  France  méridionale;  elle  ne  cessera  que  vers  1560, 
à  l'ouverture  des  guerres  de  religion. 

De  i453  à  i560.  Nous  disons  tranquillité  relative, 
car  ces  cent  ans  ne  se  passent  ni  sans  troubles,  ni  sans 
malheurs.  Tout  d'abord,  dans  les  dernières  années  de 
Charles  VII,  campagne  contre  le  comte  d'Armagnac  (1414) 
qui  voulait  conquérir  le  Comminges,  campagne  terminée 
par  la  réunion  de  ce  dernier  comté  à  la  couronne.  Sous 
l.ouis  XI,  le  Languedoc  est  obligé  de  payer  des  tailles  de 
plus  en  plus  fortes  et  plus  d'une  fois  ce  roi  despotique  lève 
les  impositions  sans  demander  le  consentement  des  Etats  ; 
il  a  en  effet  bien  des  affaires  sur  les  bras  ;  il  veut  conqué- 


rir le  Roussillon  et  la  Cerdagne  ;  il  lutte  contre  les 
grands  du  royaume  (ligue  du  Bien  pubhc),  enfin  il  doit 
soumettre  définitivement  la  maison  d'Armagnac.  Il  réussit 
dans  toutes  ses  entreprises  ;  les  deux  provinces  espagnoles 
sont  réunies  pour  un  temps  au  royaume,  et  il  triomphe  des 
grands  feudataires  ;  le  dernier  comte  d'Armagnac  périt  à 
Lectoure  en  4473,^  et  son  cousin  Nemours  est  décapité 
en  1477.  Les  domaines  d'Armagnac  sont  en  partie  réunis 
au  domaine  ;  une  bonne  part  paye  les  services  des  fidèles 
de  Louis  XI,  dont  l'un,  un  aventurier  italien,  Boffile  de 
Juge,  devient  comte  de  Castres.  Enfin  c'est  sous  Louis  XI 
que  la  limite  occidentale  du  Languedoc  est  définitivement 
fixée;  on  en  détache  en  1469  et  on  rattache  au  duché  de 
Guyenne,  apanage  de  Charles,  frère  unique  du  roi,  le  pays 
à  rO.  de  la  Garonne  ;  Charles  meurt  en  1472,  mais  jamais 
les  localités  ainsi  distraites  ne  seront  rendues  au  Langue- 
doc, perte  sensible  pour  la  sénéchaussée  de  Toulouse. 

A  dater  du  règne  de  Louis  XI,  le  gouvernement  de  Lan- 
guedoc est  confié  aux  princes  de  la  maison  de  Bourbon, 
qui  le  posséderont  jusqu'à  la  trahison  du  connétable,  en 
1523.  Sous  Charles  VllI,  les  représentants  de  la  province 
prennent  une  part  active  aux  délibérations  des  fameux 
Etats  de  Tours;  une  partie  des  terres  aliénées  par  le  pré- 
cédent roi  sont  de  nouveau  réunies  à  la  couronne,  puis  le 
pays  est  agité  par  une  longue  guerre  entre  les  deux  branches 
de  la  maison  de  Foix,  celle  de  Navarre-Albret  et  celle  de 
Narbonne,  guerre  sanglante  qui  durera  de  longues  années 
et  ne  se  terminera  qu'au  début  du  xvi^  siècle.  En  rendant 
le  Roussillon  et  la  Cerdagne  à  l'Aragon  pour  obtenir  la 
neutralité  de  cette  puissance  lors  de  l'expédition  de  Naples, 
Charles  VIII  fait  de  nouveau  du  Languedoc  une  province 
frontière,  et,  quand  Ferdinand  le  Catholique  s'est  déclaré 
contre  la  France,  le  diocèse  de  Narbonne  est  exposé  aux 
attaques  des  ennemis  ;  Salcesest  occupé  par  eux  en  1496. 
Sous  Louis  XII  (1498),  la  situation  du  pays  reste  la  même; 
il  paye  sa  part  des  sommes  destinées  aux  ruineuses 
expéditions  d'Italie,  et  en  1503,  lors  de  la  guerre  entre 
l'Espagne  et  la  France,  tout  le  pays  jusqu'à  Narbonne  est 
horriblement  ravagé  par  les  bandes  espagnoles. 

Sous  François  P%  l'histoire  du  Languedoc  est  peu  fer- 
tile en  événements.  En  1523,  le  connétable  de  Bourbon 
passe  à  l'ennemi  ;  trois  ans  plus  tard,  il  est  remplacé  par 
le  célèbre  Anne  de  Montmorency  qui  se  donne  pour  lieu- 
tenant Pierre  de  Castelnau-Clermont.  En  1533,  le  roi  par- 
court avec  la  famille  royale  et  toute  la  cour  la  province 
qui  s'épuise  pour  lui  faire  bon  accueil.  En  1536,  Charles- 
(juint,  qui  a  occupé  la  Provence,  arrive  jusqu'au  Rhône  et 
menace  le  pays  d'une  nouvelle  invasion  ;  il  échoue  dans 
son  entreprise,  mais  ses  troupes  ont  cependant  ravagé  les 
pays  frontières  vers  Narbonne  et  Leucate.  L'année  sui- 
vante, François  P'' vient  lui-même  à  Montpellier,  pendant, 
que  ses  plénipotentiaires  discutent  les  conditions  de  la  paix 
avec  les  envoyés  de  l'empereur  à  Fitou,  entre  Narbonne  et 
Perpignan  (1537-38),  Enfin,  en  juillet  de  la  même  année, 
la  paix  est  conclue  entre  les  deux  monarques  dans  la  cé- 
lèbre entrevue  d'Aiguesmortes.  Deux  ans  plus  tard,  la 
guerre  éclatait  de  nouveau  ;  les  milices  et  la  noblesse  du 
Languedoc  vont  servir  au  siège  de  Perpignan  (1542)  que 
fait  échouer  l'impéritie  du  maréchal  deMontpezat.  En 
1544,  tout  le  pays  est  en  alarme  ;  on  craint  une  descente 
de  l'ennemi  vers  Aiguesmortes  ;  on  s'attend  à  une  inva- 
sion du  côté  de  Carcassonne.  Le  traité  de  Crespy  met  fin 
pour  quelque  temps  aux  hostihtés  (1544). 

Henri  II  rend  au  connétable  de  Montmorency  le  gouver- 
nement du  Languedoc,  et  cette  charge  restera"  dans  la  fa- 
mille presque  sans  interruption  jusqu'en  1632.  Anne  lève 
des  troupes  dans  son  gouvernement  pour  aller  châtier  du- 
rement les  Bordelais  révoltés  (1548).  Un  peu  après,  le  roi 
crée,  pour  facihter  l'administration  de  la  justice,  un  cer- 
tain nombre  de  présidiaux,  connaissant  en  dernier  appel 
des  affaires  les  moins  importantes;  c'est  le  premier  essai 
qu'on  puisse  citer  de  simplification  de  l'organisation  judi- 
ciaire ;  la  réforme  fut  complétée  et  étendue  plus  tard  ;  elle 


—  918 


LANGUEDOC 


ne  supprima  pas  d'ailleurs  toutes  les  anomalies  et  tous  les 
abus.  L'histoire  du  pays  Jusque  vers  4560  ne  présente 
aucun  fait  bien  saillant  ;  c'est  toujours  la  même  succession 
monotone  de  sessions  d'Etats,  de  levées  d'impôts,  de  que- 
relles entre  les  différentes  administrations  ;  de  temps  à 
autre,  la  peste  ou  quelque  famine.  Vers  l'an  4560,  entre 
en  scène  un  nouvel  élément,  le  parti  réformé. 

Guerres  de  religion.  —  Les  origines  de  la  Réforme  en 
Languedoc  sont  aujourd'hui  assez  exactement   connues. 
Depuis  de  longues   années,  l'orthodoxie   paraissait  ré- 
tablie dans  cette  province,  et  dès  4340  l'Inquisition,  tou- 
jours conservée,  ne  trouvait  plus  de  dissidents  à  pour- 
suivre ;  bien  plus,  les  villes  les  plus  foncièrement  catholiques 
au  xvi^  siècle  seront  celles  qui  trois  cents  ans  plus  tôt  ont 
été  les  plus  durement  châtiées,  et  c'est  dans  les  pays  les 
plus  épargnés  par  Montfort  que  les  nouvelles  croyances 
vont  se  développer  avec  une  rapidité  extraordinaire.  Les 
premiers  prédicateurs  sont  des  cordeliers,  des  augustins  : 
dès  4520,  un  hérétique  est  brûlé  à  Toulouse.  Au  début, 
les  nouvelles  croyances  sont  en  faveur  surtout  auprès  des 
classes  lettrées,  des  humanistes,  que  la  religion  catholique, 
réduite  à  l'état  de  pure  idolâtrie,  ne  satisfait  plus,  que 
scandalisent  les  désordres  du  clergé  romain;  citons  seule- 
ment à  Toulouse  Jean  Boyssonné,  Etienne  Dolet,  plusieurs 
professeurs  et  quantité  d'étudiants  de  l'université.  Un  peu 
plus  tard,  malgré  les  supplices,  la  Réforme  s'étend:  c'est 
de  Genève,  à  dater  du  jour  où  Calvin  est  allé  s'y  établir 
(4536),  que  partent  les  ministres  qui  vont  au  péril  de  leur 
vie  évangéliser  le  Languedoc  ;  c'est  avec  Genève  que  cor- 
respondent les  nouvelles  Eglises,  persécutées  et  encore  lan- 
guissantes ;  aussi  les  doctrines  calvinistes  furent-elles  les 
seules  dominantes  en  Languedoc,  et  ce  n'est  qu'au  début 
du  mouvement  qu'on  trouve  dans  ce  pays  quelques  luthé- 
riens. La  répression  est  tout  d'abord  capricieuse  et  in- 
termittente; sous  Henri  II,  elle  devient  la  règle,  et  le 
parlement  se  charge  de  procéder  à  la  place  de  l'Inquisition, 
tribunal  ecclésiastique  peu  aimé  des  magistrats  royaux.  Les 
juges  laïques  se  montrent  d'ailleurs  aussi  cruels  que  les 
juges  ecclésiastiques  ;  mais,  malgré  leurs  efforts,  la  Réforme 
progresse  chaque  jour,  et  en  4560,  les  protestants  tiennent 
la  meilleure  partie  du  Languedoc  ;  ils  sont  les  maîtres  à 
Montauban,  très  nombreux  dans  le  pays  de  Foix  et  dans  le 
Vivarais,  le  Velay,  leGévaudan  et  le  pays  albigeois.  On  en 
trouve  même  à  Toulouse,  la  ville  catholique  par  excel- 
lence ;  les  nouvelles  idées  ont  pénétré  partout,  dans  les 
châteaux  de  la  noblesse,  dans  les  cloîtres  réguliers;  elles 
n'ont  pas  moins  de  partisans  dans  la  bourgeoisie  et  dans 
le  peuple.  Etant  données  la  rudesse  des  mœurs,  l'ardeur 
des  convictions,  un  conflit  entre  cette  minorité  ardente  et 
zélée  pour  sa  foi  et  la  majorité  rebelle  au   changement 
était  inévitable;  il  va  se  produire  en  1564,  après  l'échec 
de  la  conjuration  d'Amboise,  et  ce  sera  d'abord  une  réac- 
tion contre  le  gouvernement  des  Guises  et  la  violence  im- 
prudente des  agents  de  la  royauté. 

Dès  avril  4560,  des  troubles  éclatent  à  Nîmes,  puis  un 
peu  partout  dans  la  province;  partout  les  prêches  se  tien- 
nent publiquement,  et  les  heutenants  du  connétable  de 
Montmorency  se  déclarent  incapables  de  réagir.  En  octobre 
arrive  le  comte  de  Villars,  avec  des  forces  importantes  ; 
il  est  chargé  de  calmer  le  pays  ;  il  y  travaille  à  grand  ren- 
fort de  pendaisons  et  d'exécutions  sommaires  ;  on  ne  lui 
oppose  d'ailleurs  que  peu  de  résistance.  En  mai  1561,  un 
premier  édit  de  pacification  arrête  un  instant  les  hostilités. 
Les  émeutes,  les  querelles  journalières  n'en  sont  pas  em- 
pêchées ;  les  deux  partis  contreviennent  journellement  à 
l'édit;  les  rehgionnaires  s'emparent  en  maint  endroit  des 
églises  pour  y  célébrer  leur  culte  ;  en  octobre  1561,  ils 
sont  les  maîtres  de  Montauban,  de  Nîmes,  de  Montpellier 
et  d'une  foule  de  places  moins  importantes.  C'est  alors  que 
sont  détruits  quantité  de  beaux  monuments  religieux,  que 
par  fanatisme,  par  goût  de  pillage,  les  sectaires  mettent  à 
sac  et  incendient  ;  on  tue  les  prêtres,  on  vole  les  trésors, 
on  jette  les  reliques  au  vent.  Loin  de  chercher  à  apaiser 
grande  encyclopédie.  —  XXI. 


ces  désordres  lamentables  par  quelques  concessions,  les 
agents  royaux  s'entêtent  à  une  répression  qu'ils  n'ont  pas 
le  moyen  de  faire  efficace.  Enfin  le  massacre  de  Wassy 
{1«5  mars  1562)  donne  le  signal  de  la  première  guerre 
civile.  A  Toulouse,  après  une  lutte  sanglante  de  plusieurs 
jours,  les  rehgionnaires  finissent  par  être  expulsés (17  mai), 
et  cette  victoire  qui  va  faire  de  cette  ville  l'un  des  boule- 
vards du  catholicisme  est  souillée  par  les  plus  abominables 
excès  ;  Montluc  accourt  pour  prendre  sa  part  du  massacre 
et  aider  à  sa  manière  à  la  pacification.  Par  contre,  une 
foule  de  villes  sont  occupées  par  le  lieutenant  du  prince  de 
Condé  ;  partout  on  se  massacre,  et  la  confusion  est  à  son 
comble.  Le  baron  des  Adrets  accourt  à  la  rescousse,  et 
Reaudiné,  l'un  des  meilleurs  lieutenants  de  Condé,  défait 
le  27  sept.  1562,  à  Saint-Gilles,  les  bandes  italiennes, 
qu'amenaient  en  Languedoc  le  comte  de  Suze  et  Somme- 
rive  ;  cette  action  assure  aux  protestants  la  possession  du 
Ras-Languedoc  ;  ils  s'y  établissent  fortement  sous  la  direc- 
tion du  comte  de  Crussol.  L'édit  d'Amboise  (mars  1563) 
interrompt  uh  instant  les  hostilités. 

Au  mois  de  mai  suivant,  le  gouvernement  de  Languedoc 
est  donné  à  Henri  de  Montmorency,  seigneur  de  Damville, 
qui  va  le  tenir  jusqu'à  sa  mort,  et  exercer,  grâce  à  cette 
haute  charge,  une  influence  prépondérante  sur  les  affaires 
du  royaume.  Le  désarmement  des  deux  partis,  telle  est  la 
première  affaire  qu'il  doit  traiter,  négociation  difficile  qu'il 
conduit  avec  zèle,  mais  sans  pouvoir  contenter  ni  catho- 
liques ni  protestants.  En  1564,  Charles  IX  visite  la  pro- 
vince avec  sa  mère  et  sa  cour  ;  il  écoute  les  plaintes  des 
uns  et  des  autres  et  essaye,  par  le  prestige  de  l'autorité 
royale,  de  rétablir  définitivement  la  paix,  mais  c'était  lâche 
difficile  ou  plutôt  impossible,  et  l'année  1565  est  marquée 
par  des  émeutes  et  des  troubles,  les  rehgionnaires  s'opposant 
là  où  ils  sont  les  maîtres  au  rétablissement  du  culte  catho- 
lique, les  orthodoxes  entravant  ailleurs  l'exercice  du  culte 
réformé.  Enfin,  en  sept.  1567,  la  guerre  civile  recom- 
mence ;  elle  est  conduite  par  Coligny  et  le  prince  de  Condé. 
A  Nîmes,  les  catholiques  sont  massacrés  le  jour  de  Saint- 
Michel.  Une  fois  maîtres  du  Bas-Languedoc,  les  rehgion- 
naires s'unissent  à  l'armée  levée  par  les  vicomtes  de  Bru- 
niquel,  de  Paulin,  de  Montclar  et  de  Caumont,  et  essayent 
de  pénétrer  en  Dauphiné;  puis,  vainqueurs  de  l'armée  ca- 
tholique près  de  Gannat,  ils  vont  rejoindre  le  prince  de 
Condé  devant  Chartres  (janv.  1568).  La  guerre  cependant 
continue  en  Languedoc  et  un  peu  partout,  sans  qu'aucune 
des  deux  factions  remporte  de  succès  bien  décisifs  ;  la  paix 
de  Lonjumeau  (mars  1568)  suspend  les  hostilités  qui  re- 
prennent dès  le  mois  d'août  suivant.  Une  grosse  armée 
de   rehgionnaires   se   forme  vers  le   Rhône   et   occupe 
une  partie  de  l'Albigeois;  de  leur  côté,  les   catholiques 
opèrent  dans  le  comté  de  Foix,  puis  vont  sous  Joyeuse 
rejoindre  le  duc  d'Anjou,  qui  bat  à  Jarnac  l'armée  hugue- 
note (13  mars  1569)  ;  le  prince  de  Condé  est  tué  dans  l'ac- 
tion. En  Languedoc,  les  troupes  protestantes  passent  sous 
le  commandement  du  fameux  Montgommery,  qui  occupe 
le  Béarn.  Enfin,  Damville  reparaît  en  scène  et  reprend  la 
direction  de  la  guerre,  de  concert  avec  Montluc,  union 
qui  dure  peu,  les  deux  associés  s'étant  bientôt  brouillés. 
Damville  poursuit  d'ailleurs  les  protestants  avec  vigueur,  et, 
après  plusieurs  mois  de  succès  et  de  revers,  il  parvient  à 
obliger  à  évacuer  le  pays  l'armée  des  princes,  qui  se  venge 
en  ravageant  horriblement  tous  les  cantons  qu'elle  traverse 
(avr.-mai    1570).  La  paix  de   Saint-Germain-en-Laye, 
suivie  de  la  réconciliation  apparente  de  Coligny  et  de  la 
cour,  met  fin  à  la  campagne. 

Après  deux  années  plus  tranquilles,  le  massacre  de  la 
Saint-Rarthélemy  (24  août  1572)  remet  tout  en  ques- 
tion. Partout  les  rehgionnaires  reprennent  les  armes: 
dans  beaucoup  de  villes  il  n'y  a  ni  émeutes,  ni  mas- 
sacres, mais  il  n'en  est  pas  de  même  à  Toulouse;  le  par- 
lement et  les  capitouls  de  cette  ville  font  d'abord  mine 
de  vouloir  observer  l'édit  de  pacification;  puis,  quand  les 
protestants  sont  rentrés,  on  les  arrête  brusquement  et  le 

58 


LANGUEDOC 


914 


4  oct.  on  les  laisse  massacrer  en  prison  par  quelques 
assassins  soldés.  Aussi  les  religionnaires  rentrent  de  toute 
part  en  campagne,  et  Damville  recommence  à  les  combattre  ; 
ce  sont  chaque  jour  de  nouveaux  combats,  jusqu'à  l'édit 
de  pacification  qui  suit  la  levée  du  siège  do  La  Rochelle 
(juil.  1573).  Mais  les  religionnaires,  instruits  par  la  tra- 
gédie de  4572,  ne  désarment  pas  ;  ils  ont  dès  lors  complété 
leur  organisation  politique  ;  ils  ont  leurs  chefs,  leurs  places 
fortes,  et  sont  décidés  à  tenir  tête.  Jusque-là  ils  ont  trouvé 
en  Damville  un  adversaire  résolu  et  persévérant;  les  intri- 
gues de  la  cour  le  rendent  suspect  au  roi,  qui,  le  4  mai 
1574,  le  destitue  et  le  remplace  par  François  de  Mont- 
pensier,  dauphin  d'Auvergne.  Damville  ne  se  soumet  pas, 
et  dès  lors  il  va  se  rapprocher  des  religionnaires,  s'ap- 
puyer sur  eux  pour  créer  le  tiers  parti  auquel  Henri  IV 
devra  la  couronne,  le  parti  politique.  La  mort  de  Charles  IX, 
auquel  succède  Henri  III,  ennemi  du  maréchal,  ne  va  que 
faire  persévérer  ce  dernier  dans  sa  nouvelle  politique. 

Dès  août  1574,  l'accord  est  conclu  entre  Damville,  qui 
devient  gouverneur  de  la  moitié  de  la  France,  et  l'assem- 
blée religionnaire  de  Millau.  Une  entrevue  de  Damville  à 
Turin  avec  Henri  III  lui  prouve  qu'il  ne  doit  compter 
que  sur  lui-même  ;  une  armée  royale  commandée  par  le 
duc  d'Anjou  marche  contre  lui,  et  le  13  nov.,  dans  un 
manifeste  célèbre,  il  se  décide  à  lever  toute  équivoque 
et  à  se  poser  en  partisan  de  la  liberté  de  conscience  et  en 
réformateur  de  l'Etat.  Abandonné  par  Toulouse  et  les 
grandes  villes  catholiques,  il  se  fortifie  en  Languedoc  ;  le 
roi  qui  de  Lyon  est  descendu  jusqu'à  Avignon  ne  peut  l'em- 
pêcher de  prendre  Saint-Gilles  (nov.  1574).  Henri  III  tient 
à  Villeneuve-lès-Avignon  les  Etats  de  la  province,  et  obtient 
de  l'argent  ;  mais,  ne  pouvant  entrer  dans  le  pays,  il  se 
décide  à  regagner  le  N.  du  royaume.  La  guerre  continue 
d'ailleurs  entre  le  vicomte  de  Joyeuse,  chef  des  catholiques 
du  Haut-Languedoc,  et  les  religionnaires,  et,  dès  1575, 
le  parti  ligueur  commence  à  se  former  dans  la  province, 
principalement  à  Toulouse  et  à  Carcassonne.  La  paix  est 
un  instant  rétablie  par  l'édit  de  pacification  de  mai  1576  ; 
mais  les  négociations  traînent  en  longueur,  et,  quand  le  roi 
s'est  mis  publiquement  à  la  tête  de  la  Ligue  aux  Etats  de 
Blois  (déc.  1576)  les  hostilités  reprennent  avec  une  nou- 
velle fureur.  Cependant  la  brouille  s'est  mise  entre  Dam- 
ville et  les  rehgionnaires  ;  le  gouverneur  se  réconcilie  avec 
le  roi  et  essaye  de  se  passer  de  l'appui  de  ses  exigeants 
alliés  (mars-juil.  1577);  il  s'unit  aux  troupes  royales  et 
assiège  inutilement  Montpellier  (septembre);  la  paix  de 
Bergerac  arrête  les  hostilités;  elle  est  conclue  le  17  sept, 
entre  les  députés  du  roi  de  Navarre  et  ceux  de  Henri  III,  et 
Damville,  malgré  ses  promesses  formelles,  refuse  d'échan- 
ger le  gouvernement  de  Languedoc  contre  le  marquisat  de 
Saluées. 

Un  nouvel  édit  de  pacification  avait  été  signé  ;  la  reine 
mère  vient  en  personne  dans  le  Midi  pour  tenir  la  main  à 
l'exécution.  Elle  arrive  à  Bordeaux  en  août  1578,  et  pen- 
dant près  de  huit  mois  elle  séjourne  en  Languedoc,  négo- 
ciant avec  les  catholiques  et  les  protestants,  avec  Henri 
de  Navarre  et  Damville.  Enfin,  après  de  longues  discus- 
sions, elle  signe  la  paix  de  Nérac  qui  concède  aux  réfor- 
més vingt-cinq  villes  de  sûreté  et  consacre  le  principe 
d'une  chambre  mi-partie  pour  juger  les  procès  entre  catho- 
liques et  protestants;  c'est  ce  qu'on  appela  la  chambre  de 
l'édit  (5  févr.  1579).  Contentedeson  œuvre,  Catherine  par- 
court triomphalement  la  province,  est  reçue  partout  avec 
honneur,  même  à  Montpellier,  et  gagne  la  Provence  (juin 
1579).  Damville,  devenu  duc  de  Montmorency  par  la  mort 
de  son  aîné,  François,  l'avait  activement  secondée,  et  s'était 
ainsi  affermi  dans  son  gouvernement  ;  il  s'attache  à  faire 
exécuter  la  paix  de  Nérac,  confère  avec  le  roi  de  Navarre 
(Mazèrcs,  9  déc).  Mais  le  pays  était  dans  un  état  misé- 
rable, et,  comme  au  xiv^  siècle,  des  bandes  de  brigands 
commandés  par  des  aventuriers  ravageaient  tout  et  pil- 
laient sans  trop  distinguer  entre  catholiques  et  protestants. 
Le  plus  célèbre  de  ces  partisans  est  le  capitaine  Merle  qui 


le  25  déc.  1579  surprend  et  pille  la  ville  de  Monde.  Aussi, 
dès  avr.  1580,  on  reprend  les  armes  de  toutes  parts,  et  la 
quatrième  guerre  civile  commence  ;  elle  durera  presque  sans 
interruption  jusqu'à  1594.  Le  chef  des  religionnaires  est  le 
jeune  roi  de  Navarre,  qui  débute  le  5  mai  par  la  prise  de 
Cahors;  il  a  pour  lieutenant  le  vicomte  de  Turenne  et,  dans 
le  Bas-Languedoc,  Châtillon.  Montmorency  ne  joue  cepen- 
dant qu'un  rôle  assez  passif,  laissant  à  Joyeuse  le  soin  de 
soutenir  la  cause  catholique.  Après  la  conférence  de  Fleix 
(nov.  1580),  les  deux  chefs  s'unissent  pour  rétablir  la 
paix.  Mais  la  brouille  se  met  bientôt  entre  eux,  Joyeuse 
cherche  à  faire  excommunier  son  rival,  et  la  paix  ne  sera 
rétablie  par  les  commissaires  de  Henri  III  qu'à  la  fin  de 
1584.  On  devine  dans  quel  état  dut  se  trouver  le  pays  du- 
rant ces  malheureuses  années  ;  ce  n'était  plus  seulement 
une  guerre  religieuse,  mais  une  complète  anarchie  militaire 
et  administrative.  La  vieille  machine  royale  est  en  train  de 
se  détraquer.  Henri  III,  dont  le  roi  de  Navarre  est  mainte- 
nant Théritier  direct  et  que  les  Guises  pressent  de  plus  en 
plus,  cherche  à  s'appuyer  sur  le  parti  des  politiques,  et 
de  son  côté  ceux-ci  et  leurs  chefs  se  rapprochent  de  nou- 
veau du  parti  protestant,  pour  lutter  contre  la  Ligue,  leur 
ennemie  à  tous. 

Mais  il  ne  fallait  pas  faire  grand  fond  sur  Henri  III  ;  dès 
juil.  1585,  ce  prince  se  rapproche  des  Guises  et  des  li- 
gueurs et  supprime  la  chambre  de  l'édit.  La  nouvelle  est 
accueillie  avec  enthousiasme  par  Toulouse  et  par  le  parle- 
ment, avec  douleur  par  les  esprits  modérés.  Montmorency 
se  rapproche  définitivement  du  roi  de  Navarre  (août)  et  est 
privé  de  son  gouvernement.  Le  Languedoc  est  encore  une 
fois  divisé  en  deux  parties:  l'une,  sous  le  maréchal  de 
Joyeuse,  est  dévouée  à  la  Ligue  ;  l'autre,  sous  Montmorency, 
forme  le  noyau  du  nouveau  parti  politique  ;  il  y  aura  dès 
lors  presque  chaque  année  deux  assemblées  d'Etats.  La 
guerre  se  rallume,  et  ce  sont  continuellement  de  petites 
expéditions,  des  combats  minuscules  qui  fatiguent  et  épuisent 
le  pays.  Fort  heureusement,  chaque  année  on  convient  d'une 
trêve  pour  le  labourage,  sans  quoi  la  famine  aurait  bientôt 
mis  fin  à  toutes  ces  funestes  hostilités.  En  1586,  le  duc  de 
Joyeuse,  fils  du  maréchal  et  l'un  des  mignons  du  roi,  des- 
cend en  Languedoc  avec  une  armée  relativement  considé- 
rable ;  il  parcourt  le  Gévaudan  et  l'Albigeois  et  soumet 
quelques  places  de  ces  deux  pays. 
^  La  situation,  déjà  fort  tendue,  devient  encore  plus  cri- 
tique après  l'assassinat  du  duc  et  du  cardinal  de  Guise  à 
Blois  (déc.  1588)  :  les  ligueurs  du  Languedoc,  qui  n'ont 
point  ouvertement  abandonné  Henri  III  après  la  journée 
des  Barricades,  lèvent  alors  le  masque;  à  Toulouse,  no- 
tamment, excitée  par  quelques  guisards,  la  populace  se 
soulève,  et  Duranti,  premier  président  du  parlement,  qui 
a  pourtant  prouvé  plus  d'une  fois  son  orthodoxie,  mais  qui 
est  resté  fidèle  à  Henri  IH,  est  massacré  le  10  févr,  1589 
avec  l'avocat  général  Daffis.  Par  contre,  Henri  III  se  rap- 
proche de  Montmorency  et  du  roi  de  Navarre  et  suspend  le 
parlement  de  Toulouse  ;  après  la  mort  de  ce  prince  (août 
1589),  une  trêve  de  quatre  mois  permet  à  la  province  de 
respirer.  Les  esprits  sont  d'ailleurs  aussi  exaltés,  à  preuve 
la  brouille  qui  se  met  entre  le  maréchal  de  Joyeuse  et  la 
populace  fanatique  de  Toulouse,  brouille  qui  dégénère  un 
instant  en  une  lutte  à  main  armée  (oct.  1589),  à  preuve 
encore  la  déclaration  des  Etats  de  Lavaur  contre  Henri  IV, 
héritier  légitime  de  la  couronne  (décembre).  Bien  plus, 
dans  leur  exaltation  criminelle,  ces  mêmes  Etats,  rassem- 
blés de  nouveau  en  mars  1590,  se  décident  à  faire  apj^el  à 
l'étranger  et  engagent  le  maréchal  de  Joyeuse  à  demander 
les  secours  de  l'Espagne.  Philippe  II  écoute  cet  appel  et 
envoie  à  Narbonne  une  troupe  de  5,000  hommes  qui  est 
battue  par  les  royalistes  ;  puis  il  fait  assiéger  inutilement 
Leucate  (V.  ce  mot). 

En  mars  1592,  le  vieux  maréchal  de  Joyeuse  meurt  ;  il 
est  remplacé  comme  gouverneur  de  la  province  pour  le 
parti  ligueur  par  son  fils,  Antoine-Scipion,  duc  de  Joyeuse, 
qui  depuis  longtemps  dirigeait  les  opérations  militaires  ; 


-  9iB 


LANGUEDOC 


mais  le  nouveau  chef  est  battu  à  Villemur  le  49  oct.  sui- 
vant et  se  noie  dans  le  Tara  en  voulant  passer  la  rivière 
à  la  nage.  On  le  remplace  par  un  de  ses  frères,  le  capucin 
Ange  de  Joyeuse  (le  célèbre  comte  du  Bouchage),  qui,  après 
quelques  hésitations,  dépouille  le  froc  et  prend  la  direction 
de  cette  nouvelle  croisade.  Mais  il  débute  par  conclure  une 
trêve  d'un  an  avec  Montmorency  (déc.  1592);  cette  me- 
sure fera  plus  que  de  longues  campagnes  pour  la  ruine  de 
la  Ligue.  Sur  ces  entrefaites,  Henri  IV  abjure  la  foi  pro- 
testante (juil.  1593),  et  beaucoup  de  catholiques  langue- 
dociens, même  des  évêques,  deviennent  royalistes.  Le  parti 
de  la  Ligue  est  dès  lors  bien  ébranlé  ;  il  se  soutient  pour- 
tant à  Toulouse  et  dans  quelques  autres  villes,  grâce  sur- 
tout aux  intrigues  du  capucin  Joyeuse.  L'année  1594  tout 
entière  se  passe  en  négociations,  et  malgré  les  efforts  des 
capucins,  des  cordeliers  et  de  Joyeuse,  le  parti  de  la  paix 
gagne  chaque  jour  du  terrain  ;  en  avr.  1595,  le  parle- 
ment de  Toulouse,  jadis  si  dévoué  à  la  Ligue,  quitte  lui-même 
cette  ville  et  se  transporte  à  Castelsarrasin,  où  la  cour 
suprême  royahste  de  Béziers  vient  le  rejoindre  (septembre). 
Enfin  Joyeuse  lui-même  renoue  les  négociations,  et  l'édit 
de  Folembray  (fév.  1596)  achève  la  soumission  du  Lan- 
guedoc ;  Joyeuse  devient  maréchal  de  France  et  gouver- 
neur pour  le  roi  de  tous  les  lieux  qu'il  tient  encore  ;  il 
réunira  à  l'avenir  des  Etats  particuliers  de  son  gouverne- 
ment, le  reste  du  pays  députant  aux  assemblées  convoquées 
par  le  due  de  Ventadour,  lieutenant  de  Montmorency.  Les 
Etats  réunis  à  Toulouse  acceptent  ce  compromis;  la  sou- 
mission du  S.  du  royaume  devient  définitive,  et  llenri  IV 
est  reconnu  de  tous  les  anciens  ligueurs. 

Ce  partage  du  Languedoc  devait  durer  jusqu'en  1599, 
date  de  la  rentrée  de  Joyeuse  au  couvent.  Les  deux  gou- 
verneurs, durant  les  années  suivantes,  s'appliquent  à  réta- 
blir la  paix  dans  le  pays,  détruisant  les  forteresses,  cassant 
les  garnisons,  soumettant  les  dernières  bandes.  Fosseuse, 
qui  tenait  Monde,  occupe  cette  ville  jusqu'en  oct.  1597. 
Enfin,  pour  achever  la  pacification,  Henri  IV  publie  l'édit 
de  Nantes  (1598),  qui  accorde  aux  religionnaires  dix  places 
de  sûreté  en  Languedoc,  dont  Montpelher,  Villemur, 
Clermont-de-Lodève  et  Sommières.  Mal  accueilli  par  les 
catholiques  et  notamment  par  les  parlementaires  de  Tou- 
louse, cet  édit  met  fin  pour  un  instant  aux  guerres 
civiles,  mais  la  mise  en  vigueur  des  nouvelles  dispositions 
ne  laisse  pas  de  soulever  parfois  quelques  difficultés,  même 
parmi  les  protestants:  à  MontpeUier,  notamment,  ils  s'op- 
posent à  la  restitution  d'une  église  réclamée  par  les  catho- 
liques (déc.  1601),  et  de  leur  côté  ceux-ci  ne  montrent 
guère  plus  de  modération  ;  on  est  encore  bien  loin  des 
idées  de  tolérance.  La  mort  de  Henri  IV,  qui  maintenait  la 
paix  à  grand' peine,  et  la  faiblesse  du  gouvernement  de 
Marie  de  Médicis,  vont  bientôt  amener  le  renouvellement 
des  troubles.  En  1614,  le  connétable  Henri  de  Montmo- 
rency meurt  à  l'âge  de  quatre-vingts  ans  ;  il  a  pour  succes- 
seur en  Languedoc  son  fils,  nommé  comme  lui,  auquel  son 
parrain  Henri  IV  a  dès  longtemps  assuré  la  survivance  de 
ces  hautes  fonctions.  Dès  l'année  suivante,  les  protestants 
de  la  province  commencent  à  s'agiter  ;  l'assemblée  de 
Nîmes  s'unit  au  prince  de  Condé  et  décide  des  levées  de 
troupes;  Châtillon  se  met  à  leur  tête,  et  tout  le  pays  est  en 
feu  (1616).  Puis  les  troubles  s'apaisent  un  instant,  après  les 
conférences  de  Loudun,  pour  renaître  en  Vivarais  (1619), 
et  enfin  en  1620  commence  de  nouveau  la  guerre  civile. 

Les  protestants  de  la  France  entière  se  concertent  à 
l'assemblée  de  La  Rochelle  (nov.  1620)  ;  malgré  les 
efforts  de  Montmorency,  le  mouvement  gagne  tout  le 
Languedoc,  et  les  religionnaires,  sous  la  conduite  de  Châ- 
tillon et  du  fameux  duc  de  Rohan,  prennent  les  armes, 
occupent  une  foule  de  places  et  se  mettent  en  état  de 
défense.  Louis  XÏII  et  son  favori,  le  duc  de  Luynes,  se 
décident  à  avoir  recours  aux  armes  et  viennent  en  Guyenne 
avec  une  forte  armée  ;  le  18  aoiît  1621,  ils  investissent 
Montauban.  Rohan,  qui  s'est  substitué  à  Châtillon^  lève 
des  troupes  pour  venir  au  secours  de  la  place  ;  elles  sont 


battues  en  Albigeois  par  le  duc  d'Angoulême  ;  les  catho- 
liques arment  de  leur  côté,  et  Montmorency  vient  rejoindre 
le  roi  sous  les  murs  de  Montauban.  Mais  la  place  était 
forte,  l'armée  royale  avait  perdu  une  foule  de  monde, 
surtout  de  maladie,  et  le  10  nov.  Louis  XIH  lève  le  siège, 
vient  séjourner  quelques  jours  à  Toulouse,  puis  retourne 
en  France.  Le  Bas-Languedoc  reste  tout  entier  aux  mains 
de  Rohan,  auquel  Montmorency  fait  en  vain  une  guerre 
incessante  ;  la  situation  reste  indécise  durant  les  premiers 
mois  de  1622,  et  des  négociations  ouvertes  à  plusieurs 
reprises  restent  sans  effet. 

Louis  XIH  se  décide  alors  à  intervenir  en  personne  ;  lais- 
sant de  côté  Montauban,  il  prend  Nègrepelisse  (11  juin) 
et  arrive  à  Béziers,  où  il  passe  quelques  jours  ;  aucune 
place  n'a  pu  tenir  devant  lui,  et  ses  lieutenants  ont  soumis 
la  majeure  partie  du  pays  de  Foix  et  de  l'Albigeois.  Puis 
il  atteint  Montpellier,  que  Rohan  a  muni  d'hommes  et  de 
vivres,  et,  après  avoir  soumis  toutes  les  places  des  envi- 
rons, il  commence  le  siège  le  31  août  1622.  Les  assiégés 
font  une  résistance  des  plus  vives,  mais  la  place  était  for- 
tement investie,  ils  n'attendaient  aucun  secours  du  dehors, 
et  le  19  oct.,  la  paix  est  signée;  le  roi  accorde  une 
amnistie  complète,  ordonne  le  rétablissement  du  culte  ca- 
tholique à  Montpellier,  et  y  met  une  garnison.  Les  chefs 
protestants  sont  comblés  d'honneurs  et  de  richesses  ;  on 
démoht  les  fortifications  d'une  foule  de  places  grandes  et 
petites;  les  réformés  conservent  Montauban  à  titre  de 
place  de  sûreté.  La  paix  est  enfin  rétablie  pour  un  temps, 
et  avant  de  s'éloigner  le  roi  tient  en  personne  les  Etats 
de  la  province  à  Beaucaire. 

En  réalité  aucun  des  deux  partis  n'avait  désarmé. 
Si  les  religionnaires  regrettaient  la  perte  d'une  partie  de 
leurs  privilèges,  le  roi  ou  plutôt  Richelieu,  devenu  pre- 
mier ministre  en  1624,  ne  pouvait  supporter  longtemps 
l'existence  d'un  Etat  dans  l'Etat.  Dès  1625,  Soubise, 
frère  de  Rohan,  soulève  la  Bretagne  et  le  Poitou,  et 
Rohan  entraîne  dans  la  révolte  la  plupart  des  réformés 
du  Languedoc.  Le  roi  charge  le  maréchal  de  Thémines 
d'arrêter  la  rébellion  (mai  1625);  mais  Richelieu  lui- 
même  ne  demandait  pas  mieux  que  de  traiter  ;  une  fois 
encore,  il  entre  en  pourparlers  avec  les  rebelles,  et,  dès 
févr.  1626,  la  paix  est  conclue  et  le  pays  purgé  tant  bien 
que  mal  des  bandes  qui  l'exploitent. 

Le  duc  de  Rohan,  esprit  supérieur  mais  ambitieux,  ne 
pouvait  se  résoudre  à  n'être  qu'un  simple  sujet.  Dès 
janv.  1627,  comptant  sur  l'appui  de  l'Angleterre  et  des 
ducs  de  Savoie  et  de  Lorraine,  il  reprend  les  hostilités. 
Richelieu  se  décide  alors  à  en  finir;  tandis  que  lui-même 
et  le  roi  vont  assiéger  La  Rochelle,  le  prince  de  Condé, 
avec  une  forte  armée,  descend  en  Languedoc;  Montmo- 
rency, en  attendant  l'arrivée  de  ce  renfort,  ne  peut  que 
retarder  les  progrès  des  chefs  religionnaires.  Condé  ar- 
rive à  Toulouse  le  15  janv.  1628  ;  on  se  bat  partout 
dans  la  province,  vers  Pamiers,  en  Albigeois,  sur  les 
bords  du  Rhône,  en  Vivarais.  La  Rochelle  ouvre  ses 
portes  le  29  oct.  1628  ;  se  sentant  perdu,  Rohan  adresse 
de  nouvelles  supplications  au  roi  d'Angleterre,  entre  en 
négociations  avec  l'Espagne,  le  tout  sans  effet.  Richelieu 
décide  bientôt  Louis  XHÏ  à  donner  de  sa  personne  ;  ce 
prince,  qui  vient  de  combattre  le  duc  de  Savoie  et  de 
forcer  le  pas  de  Suze,  marche  vers  le  Languedoc;  il  fran- 
chit le  Rhône  le  14  mai  1629  et  met  le  siège  devant 
Privas  ;  la  place  est  prise  le  27,  pillée  et  incendiée,  ac- 
tion qui  fait  peu  d'honneur  au  roi  et  à  Richelieu,  car  le 
massacre  paraît  avoir  été  prémédité.  La  suite  de  l'expé- 
dition n'est  plus  qu'une  promenade  mihtaire,  et,  après 
avoir  soumis  tout  le  pays  de  Privas  à  Alais,  Louis  XIH, 
ou  plutôt  Richelieu,  accorde  leur  grâce  aux  rebelles,  fait 
raser  les  fortifications  de  toutes  les  places  du  parti  pro- 
testant, mais  confirme  l'édit  de  Nantes  (paix  d'Alais, 
27  juin  1629).  C'était  un  acte  de  haute  politique;  Rohan 
se  retire  à  Venise  et  les  guerres  de  religion  finissent  pour 
un  temps  en  Languedoc;  elles  ne  se  rallumeront  que 


LANGUEDOC 


—  916  -- 


quatre-vingts  ans  plus  tard,  au  temps  des  Camisards. 
Le  Languedoc  est  lui-même  puni  de  sa  révolte  ;  un  édit 
de  juil.  1629  divise  la  province  en  bureaux  d'élection, 
supprimant  ainsi  le  droit  si  cher  aux  habitants  de  s'im- 
poser eux-mêmes  ;  l'assemblée  des  Etats  proteste  ;  Riche- 
lieu l'oblige  à  se  séparer,  et  le  duc  de  Montmorency  ne 
fait  aucune  démarche  pour  défendre  le  pays  dont  il  est 
gouverneur.  Toutefois,  la  conduite  de  Richeheu  avait 
blessé  ce  grand  seigneur,  âme  faible  et  esprit  un  peu 
borné,  dont  la  malheureuse  fin  a  fait  oublier  les  torts. 
Dès  4631,  il  entre  en  relation  avec  le  duc  d'Orléans, 
ennemi  juré  du  premier  ministre,  avec  la  reine  mère  et, 
fait  plus  grave,  avec  l'Espagne  ;  il  a  pour  principal  agent 
un  intrigant,  Alphonse  d'Elbène,  évèque  d'Albi,  et  compte 
sur  l'affection  des  Languedociens  pour  sa  maison,  espé- 
rant que  le  pays  entier  le  suivra.  Richelieu  était  au  cou- 
rant de  toute  l'aventure.  En  juil.  4632,  Montmorency 
obtient  des  Etats  une  sorte  d'acte  d'adhésion  conçu  en 
termes  vagues,  lève  le  masque,  arrête  les  commissaires 
royaux,  dont  l'agent  du  premier  ministre,  d'Hémery,  et 
se  déclare  pour  Gaston  d'Orléans.  Mais  il  ne  fait  que  peu 
de  recrues  et  ne  peut  s'assurer  que  d'un  petit  nombre 
de  villes.  Rejoint  par  le  frère  du  roi,  qui  à  la  tête  de 
2,000  chevaux  a  traversé  la  France  entière,  de  la  Lor- 
raine au  Gévaudan,  il  entre  en  campagne  ;  mais  le  Haut- 
Languedoc  était  occupé  par  le  maréchal  de  Schomberg, 
le  maréchal  de  La  Force  tenait  le  Rhône,  et  le  roi  s'ap- 
prochait avec  une  forte  armée.  Montmorency  et  Gaston, 
qui  jusque-là  se  sont  cantonnés  dans  le  Ras-Languedoc, 
marchent  contre  Schomberg,  le  joignent  vers  Castelnau- 
dary  et  engagent  l'action.  Malgré  des  prodiges  de  valeur. 
Montmorency  est  battu,  blessé  grièvement  et  fait  prison- 
nier (1®"^  sept.  1632).  Fidèle  à  ses  habitudes  de  prudence 
égoïste,  Gaston  d'Orléans  n'avait  rien  fait  pour  secourir 
son  malheureux  allié  ;  peu  de  jours  après,  l'armée  rebelle 
se  dispersait  d'elle-même.  Montmorency  est  transporté  à 
Lectoure,  la  province  se  soumet  et  Louis  XIII  vient  lui- 
même  en  recevoir  la  soumission  et  punir  les  coupables. 
D'abord  la  province  :  aux  Etats  de  Réziers  (11  sept.),  le 
roi  annonce  qu'il  lui  retire  ses  privilèges  financiers  ;  il 
supprime  les  bureaux  d'élection  établis  en  1629,  mais 
fixe  arbitrairement  le  montant  des  impositions  annuelles 
demandées  au  pays,  et  décide  que  les  Etats  ne  pourront 
siéger  chaque  année  que  quinze  jours  et  les  assiettes  dio- 
césaines huit.  C'était  la  ruine  des  vieilles  libertés  provin- 
ciales. Gaston  obtient  naturellement  sa  grâce  ;  on  ne 
pouvait  décapiter  un  fils  de  France,  héritier  du  trône, 
mais  on  intente  à  Montmorency  un  procès  criminel,  et  le 
samedi  30  oct.,  il  est  condamné  à  mort  et  exécuté  le 
même  jour  dans  la  cour  de  l'hôtel  de  ville  de  Toulouse. 
Louis  Xin  et  Richelieu  avaient  été  inflexibles;  ils  voulaient 
faire  un  exemple,  et  malgré  la  sympathie  qu'inspire  le 
nom  de  Montmorency,  il  faut  bien  avouer  que  le  malheu- 
reux duc  était  coupable. 

Le  Languedoc,  définitivement  soumis,  est  remis  au 
maréchal  de  Schomberg,  nommé  gouverneur.  Les  pour- 
suites contre  les  complices  de  Montmorency  cessent,  sauf 
contre  cinq  prélats,  objets  de  l'animosité  particulière  de 
Richelieu.  Les  années  suivantes  sont  plus  tranquilles.  En 
1637,  les  Espagnols  menacent  le  pays  d'une  invasion.  Ils 
assiègent  Leucate,  mais  sont  défaits  par  le  duc  d'Halluin, 
fils  de  Schomberg  (28  sept.),  après  un  combat  fort  pro- 
longé et  dans  lequel  les  milices  de  la  province  se  couvrent 
de  gloire.  Deux  ans  plus  tard,  commence  la  conquête  du 
Roussillon  par  les  troupes  françaises  ;  Louis  XIIÏ  vient 
en  personne  presser  le  siège  de  Perpignan  ;  obligé  bientôt 
par  la  maladie  à  quitter  le  camp,  il  rentre  à  Paris  et 
meurt  le  14  mai  1643. 

L'histoire  de  Languedoc  devient  dès  lors  forcément 
moins  dramatique  ;  sauf  au  temps  de  la  Fronde  et  lors  , 
de  la  guerre  des  Camisards,  on  n'y  saurait  trouver  d'évé- 
nements bien  marquants.  La  province  supporte  naturelle- 
ment sa  part  des  charges  publiques,  qui,  grâce  à  des 


guerres  ruineuses,  à  une  administration  compliquée  et 
coûteuse,  s'accroissent  d'année  en  année.  En  oct.  1649, 
le  fameux  édit  de  Réziers  est  rapporté,  et  le  Languedoc 
recouvre  ses  immunités  financières,  garantie  en  partie 
illusoire  sous  un  gouvernement  despotique,  mais  le  contact 
direct  entre  les  agents  du  pouvoir  central  et  les  habitants 
n'existe  pas,  et  les  Méridionaux  peuvent  croire  qu'ils 
s'administrent  eux-mêmes.  On  doit  du  reste  reconnaître 
que  Faction  des  Etats  de  Languedoc,  secondée  par  des 
administrateurs  tels  que  le  premier  Daguesseau  et  Lamoi- 
gnon  de  Rasville,  fut  plutôt  bienfaisante;  les  travaux 
publics  sont  poussés  activement,  et  sans  parler  du  fameux 
canal  du  Midi,  la  province  est  dotée  d'une  foule  de  ponts, 
de  jetées,  de  routes,  bien  entendues  et  bien  tracées  ;  on 
essaye  un  peu  partout  de  corriger  le  cours  des  rivières, 
torrents  inutiles  ou  dévastateurs  ;  on  encourage  les  cul- 
tures spéciales  ;  on  s'efforce  de  faire  prospérer  l'agri- 
culture, de  doter  le  pays  d'industries  nouvelles.  Sous 
Colbert,  les  manufactures  de  drap  sont  des  plus  actives, 
et  quand  ce  grand  ministre  est  mort  (1683),  l'impulsion 
donnée  par  lui  au  travail  national  se  fait  sentir  longtemps 
encore.  Au  xviii«  siècle,  grâce  aux  idées  nouvelles,  pro- 
pagées par  les  économistes  et  les  philosophes,  on  essaye 
des  améliorations  souvent  fort  importantes,  dont  beaucoup 
ne  réussissent  pas,  mais  qui  prouvent  chez  les  adminis- 
trateurs les  meilleures  intentions.  En  somme,  le  Languedoc, 
pendant  ce  siècle  et  demi,  a  été  sinon  heureux,  du  moins 
moins  malheureux  que  les  provinces  voisines. 

Une  partie  notable  de  la  population  a  pourtant  eu  for- 
tement à  souffrir;  nous  voulons  parler  des  protestants. 
Tolérés  par  Richelieu  et  par  Mazarin,  qui  ne  voient 
plus  en  eux  des  ennemis  politiques,  ils  sont,  à  dater  du 
règne  personnel  de  Louis  XIV,  en  butte  à  une  persécu- 
tion systématique,  dirigée  avec  une  égale  persévérance 
par  le  clergé  catholique,  les  parlements  et  le  pouvoir  cen- 
tral. De  1661  à  1685  paraissent  à  tout  moment  des  déci- 
sions judiciaires  ou  administratives  qui  restreignent  la 
liberté  des  non-catholiques.  Sous  tous  les  prétextes,  on 
leur  enlève  quelques-uns  des  privilèges  que  leur  a  sage- 
ment octroyés  l'édit  de  Nantes.  On  ferme  les  temples,  on 
poursuit  les  ministres,  on  affecte  en  toute  occasion  de  les 
considérer  comme  des  factieux  et  des  suspects.  On  obtient 
ainsi  un  certain  nombre  de  conversions  plus  ou  moins  sin- 
cères :  les  missions  bottées  précipitent  le  mouvement,  et 
quand  le  clergé  de  France  croit  le  moment  venu,  il  arrache 
à  Louis  XIV,  dont  la  dévotion  s'est  accrue  avec  Page,  la 
révocation  de  l'édit  de  Nantes  (oct.  1685).  Les  protestants 
étaient  trop  découragés,  le  pouvoir  central  trop  fort,  pour 
qu'une  pareille  mesure  pût  amener  sur-le-champ  une  ré- 
volte générale.  Le  feu  couve  pendant  plus  de  quinze  ans, 
mais  le  clergé,  les  intendants  ne  font  rien  pour  ménager 
la  transition,  faciliter  la  vie  aux  nouveaux  catholiques,' et 
la  guerre  des  Camisards  éclate  (1702),  guerre  qui  va  du- 
rer plus  de  deux  ans,  ensanglanter  tout  le  Ras-Languedoc 
et  ajouter  à  tous  les  maux  dont  la  France  souffre  les  hor- 
reurs d'une  guerre  civile  (V.  Camisards).  Comprimée  à 
grand^eine,  la  révolte  laissera  longtemps  des  traces. 
Puis,  durant  plus  de  soixante  ans,  les  nouveaux  catho- 
liques, les  protestants  sont  tantôt  tolérés,  tantôt  persécu- 
tés, suivant  les  caprices  du  pouvoir  royal  ou  des  autorités 
locales.  La  persécution  s'éteint  peu  à  peu;  de  temps  en 
temps  elle  se  ranime,  et  on  a  des  drames  tels  que  ceux  de 
Calas  ou  du  ministre  Rochette.  Enfin,  grâce  au  progrès  de 
ces  idées  philosophiques,  dont  il  est  de  bon  goût  aujour- 
d'hui de  se  moquer,  les  protestants  recouvrent  peu  à  peu 
la  liberté  civile,  et  le  roi  Louis  XVI,  au  grand  scandale  du 
clergé  et  du  parlement  de  Toulouse,  publie  le  fameux  édit  de 
1787,  minimum  de  ce  que  réclament  aujourd'hui  nos  idées 
de  tolérance.  Dans  l'intervalle  et  au  milieu  des  plus  grands 
dangers,  au  prix  de  fatigues  inouïes,  les  églises  protes- 
tantes du  Languedoc  avaient  été  reconstituées  par  quelques 
ministres  intrépides,  dont  le  plus  célèbre  est  Antoine  Court. 
L'histoire  intérieure  de  la  province,  durant  ces  cent 


—  917  — 


LANGUEDOC 


cinquante  ans,  est  encore  signalée  par  des  querelles  entre 
jésuites  et  jansénistes,  querelles  dont  l'histoire  serait  fasti- 
dieuse, mais  qui  n'en  ont  pas  moins  passionné  tous  les  con- 
temporains. Puis  viennent  les  disputes  entre  la  cour  et  le 
parlement  de  Toulouse,  corps  toujours  batailleur,  toujours 
prêt  à  parler  du  bien  public  et  qui  ne  défendit  jamais  que 
les  intérêts  d'une  classe  et  ses  propres  privilèges.  Autant 
que  le  parlement  de  Paris,  cette  cour  souveraine  qui  n'était 
rien  moins  que  libérale,  qui  se  montrait  en  toute  occasion 
hostile  à  la  moindre  réforme  et  dont  la  sévérité  implacable 
est  bien  connue,  contribue  à  entretenir  cette  agitation 
d'esprit  qui  devait  préparer  et  rendre  possible  la  Révolu- 
tion ;  jamais  les  idées  libérales  n'ont  eu  plus  singuliers 
précurseurs.  Mais  nous  n'insisterons  pas  sur  ce  point  ;  les 
conseillers  de  Toulouse,  comme  ceux  de  Paris,  ne  tardè- 
rent pas  échanger  d'avis,  et  cela  dès  4789,  et  se  mon- 
trèrent ennemis  résolus  et  implacables  de  toutes  les  mesures 
du  nouveau  gouvernement. 

La  province  de  Lanfijuedoc  allait  elle-même  cesser  d'exis- 
ter. Dès  nov.  4789,  l'Assemblée  nationale  décide  la  divi- 
sion du  territoire  en  départements.  En  vain  on  proteste 
timidement,  en  vain  on  demande  que  le  Languedoc  con- 
serve son  ancienne  unité,  ait  une  Assemblée  unique.  On 
passe  outre,  et  dès  4790  les  nouveaux  départements  étaient 
créés  un  à  un;  le  Languedoc  avait  vécu,  et  ce  nom  même 
devait  disparaître  peu  à  peu  de  l'usage. 

Géographie  administrative.  —  En  terminant  ce  long 
article,  il  ne  sera  pas  inutile  de  dire  quelques  mots  de  la 
géographie  administrative  de  la  province  de  Languedoc 
depuis  le  xni®  siècle,  c.-à-d.  à  dater  du  moment  où  elle  se 
constitue  définitivement.  Elle  formait  trois  sénéchaussées, 
dites  de  Toulouse,  de  Carcassonne  et  de  Nîmes;  la  pre- 
mière comprenait  une  partie  des  dép.  actuels  de  Haute- 
Garonne,  Tarn-et-Garonne,  Gers,  Tarn  et  Aude;  elle  était 
subdivisée  en  jugeries  d'Albigeois,  Villelongue,  Lauragais, 
Rieux,  Rivière  et  Verdun,  plus  la  viguerie  de  Toulouse; 
en  4469,  une  partie  notable  des  jugeries  de  Rivière,  Ver- 
dun et  Rieux  avait  été  rattachée  à  la  Guyenne  (V.  Juge- 
rie).  La  sénéchaussée  de  Carcassonne  s'étendait  sur  les 
dép.  actuels  du  Tarn,  de  l'Aude,  de  l'Ariège  et  de  l'Hérault; 
elle  était  divisée  en  vigueries  :  Carcassonne,  Cabardès, 
Minervois,  Les  Allemans,  Limoux,  Fenouiilèdes,  Béziers, 
Narbonne,  Gignac,  plus  la  châtellenie  de  Montréal  et  le 
bailliage  de  Sault,  ces  différentes  circonscriptions  furent 
créées  successivement  et  remaniées  plusieurs  fois.  La  séné- 
chaussée de  Nîmes  ou  de  Beaucaire  s'étendait  de  l'Hérault 
au  Rhône  et  comprenait  de  plus  les  diocèses  du  Nord  :  Vi- 
viers, Le  Puy  et  Monde.  Elle  se  divisait  en  vigueries  :  Beau- 
caire, Nîmes,  Sommières,  Meyrueis,  Anduze,  Alais,  Uzès, 
Bagnols,  Roquemaure,  Saint-André,  Le  Pont-Saint-Esprit, 
Aiguesmortes,  Lunel,  une  rectorie  et  baylie,  Montpellier, 
et  trois  bailliages,  Gévaudan,  Velay  et  Vivarais,  De  cha- 
cune de  ces  sénéchaussées  dépendaient  les  différents  feu- 
dataires  du  roi;  le  comté  de  Foix  fut  de  4242  à  4336 
dans  le  ressort  de  Carcassonne  ;  à  cette  dernière  date  il 
tut  rattaché  au  siège  de  Toulouse. 

La  plupart  de  ces  circonscriptions  devinrent  plus  tard  de 
simples  ressorts  judiciaires  et  furent  remaniées  plusieurs 
fois.  Au  xvi®  et  au  xvii^  siècle,  beaucoup  de  cours  infé- 
rieures furent  érigées  en  cours  présidiales.  Jusqu'au  com- 
mencement du  xv^  les  impôts  sont  établis  par  vigueries  et 
bailliages.  Mais  bientôt  paraît  une  nouvelle  division,  celle 
des  diocèses  civils.  Le  terme  est  empruntée  la  terminologie 
ecclésiastique,  mais  les  diocèses  civils  ne  correspondent  pas 
fort  exactement  aux  diocèses  religieux;  tantôt  un  diocèse 
a  formé  deux  circonscriptions  civiles,  tantôt  au  contraire 
le  diocèse  civil  ne  renferme  qu'une  partie  du  diocèse  reli- 
gieux. Ces  diocèses  s'administrent  eux-mêmes  par  des  as- 
semblées nommées  assiettes,  composées  généralement  de  re- 
présentants des  trois  ordres.  Ce  sont  pour  ainsi  dire  des 
succédanés  des  Etats  de  Languedoc;  en  Gévaudan,  en 
Velay  et  en  Vivarais,  les  anciens  Etats  provinciaux  qui  ont 
subsisté  jouent  le  rôle  d'assiettes.  A^dater  du  xv®  siècle,  ces 


assiettes  règlent  toutes  les  affaires  locales,  répartissent 
les  impôts,  connaissent  des  contestations  entre  les  com- 
munautés ;  elles  jouent  en  somme  le  rôle  de  nos  conseils 
généraux.  Au  point  de  vue  judiciaire,  le  Languedoc  a  un 
parlement  siégeant  à  Toulouse  ;  dès  le  règne  de  Philippe  le 
Hardi,  tous  les  ans  le  parlement  de  Paris  envoie  dans 
cette  ville  une  commission  judiciaire  chargée  de  juger  en 
dernier  ressort  les  causes  des  pays  de  droit  écrit;  cette 
commission  est  supprimée  en  4294,  et  n'est  point  rétablie 
en  4302,  comme  on  l'a  affirmé  trop  souvent.  En  4420,  le 
dauphin  Charles  établit  à  Toulouse,  puis  à  Béziers,  un  par- 
lement pour  le  Midi  du  royaume,  qui  lui  est  resté  fidèle  ; 
en  4428,  cette  cour  est  réunie  à  celle  de  Poitiers,  puis  en 
4436  le  parlement  royaliste  est  rétabli  à  Paris.  Mais,  dès 
4443,  le  parlement  de  Toulouse  est  institué,  et  son  ressort 
définitivement  réglé  après  4462,  date  de  la  création  du 
parlement  de  Bordeaux  ;  il  comprend  l'ancien  Languedoc 
tout  entier,  moins  le  Périgord  et  l'Agenais,  qui  dépendent 
de  Bordeaux.  La  justice  administrative  et  financière  est 
rendue  par  une  cour  des  aides  et  une  chambre  des  comptes, 
dont  la  première  mention  remonte  au  xiv*^  siècle  et  qui, 
après  avoir  été  longtemps  ambulatoire,  fut  établie  définiti- 
vement à  Montpellier  en  4486. 

Pour  finir,  un  mot  des  Etats  de  Languedoc.  Dès  le 
xiii^  siècle,  les  sénéchaux  de  Carcassonne  sont  tenus  de 
prendre  pour  certaines  affaires  administratives  l'avis  d'une 
assemblée  où  figurent  des  représentants  des  trois  ordres. 
Ces  assemblées  n'ont  point  à  s'occuper  de  l'octroi  ni  de  la 
levée  des  impôts.  En  4294,  elles  sont  supprimées.  Mais 
en  1302  Philippe  le  Bel  convoque  les  Etats  de  la  Langue 
d'oc  comme  ceux  delà  Langue  d'oil.  Toutefois,  ce  n'est  pas 
avant  le  règne  de  Jean  II  que  les  sessions  deviennent  à  peu 
près  annuelles,  et  qu'au  lieu  d'aller  de  ville  en  ville  obtenir 
le  consentement  des  habitants  à  de  nouveaux  subsides,  les 
commissaires  royaux  réunissent  les  représentants  de  toute 
la  province.  A  ces  Etats  figurent  les  évêques  du  pays,  mais 
à  titre  de  grands  propriétaires,  un  certain  nombre  de  nobles, 
puis  les  consuls  des  villes  principales.  Peu  à  peu  le  nombre 
des  personnes  convoquées  diminue;  on  n'y  admet  plus 
qu'un  ou  deux  nobles  par  diocèse  et  en  plus  des  villes  dio- 
césaines, une  ou  deux  communautés  par  circonscription. 
En  somme,  cette  assemblée  était  très  singulièrement  com- 
posée, et  ces  bizarreries  choquaient  fort  les  gens  du 
xviii®  siècle,  amoureux  de  régularité  et  de  proportion.  Evi- 
demment, elle  n'était  rien  moins  que  populaire,  et  les  inté- 
rêts surtout  y  étaient  représentés.  Elle  n'en  a  pas  moins 
rendu  des  services  signalés  au  Midi  de  la  France,  et  grâce 
à  cette  institution,  trop  décriée  aujourd'hui,  le  Languedoc  a 
été  une  des  provinces  du  royaume  les  mieux  administrées  et 
les  moins  malheureuses. 

Lettres,  sciences  et  arts.  —  La  culture  littéraire  dans 
l'ancien  Languedoc  a  été  fort  inégale  suivant  les  temps. 
Dans  les  premiers  siècles  de  l'Empire,  la  Gaule  méridionale 
était  florissante  ;  Pline  affirme  que  les  habitants  de  cette 
partie  de  l'Empire  étaient  dès  lors  aussi  civilisés  que  ceux 
de  l'Italie  ;  un  peu  plus  tard,  Ausone  vante  les  professeurs 
de  Toulouse  et  de  Narbonne  et  célèbre  leur  science  et  leur 
habileté.  Cette  culture  survit-elle  aux  invasions  barbares? 
On  ne  saurait  l'affirmer  ;  toutefois,  il  est  probable  qu'à 
l'époque  visigothique  cette  partie  de  la  Gaule  participa  dans 
une  certaine  mesure  à  la  renaissance  des  études  en  Espagne 
au  vii^  siècle.  Mais  l'Aquitaine,  ravagée  chaque  été  durant 
plus  de  trente  ans  par  les  bande  franques,  la  Septimanie, 
dévastée  par  les  envahisseurs  musulmans,  perdent  les  der- 
nières traces  de  l'ancienne  culture,  et  les  etiorts  de  Charle- 
magne  pour  le  relèvement  des  études  ecclésiastiques  restent 
sans  résultats  appréciables  dans  cette  partie  de  l'Empire.  Le 
pays  se  couvrira  d'abbayes  nouvelles  richement  dotées  ;  les 
églises  cathédrales  obtiendront  du  pouvoir  suprême  des  pri- 
vilèges étendus;  rien  n'y  fera,  et  durant  trois  siècles,  de 
l'an  900  à  4200,  le  Midi  de  la  France  ne  produira  aucun 
théologien,  aucun  écrivain  latin  digne  de  mention.  Le  latin 
des  anciennes  chartes,  seuls  monuments  historiques  que 


LANGUEDOC 


918  — 


nous  possédions  pour  cette  longue  période,  prouve  suffisam- 
ment rignorance  extraordinaire  du  clergé  languedocien  à 
cette  époque.  Le  Midi,  au  surplus,  a  une  culture  particu- 
lière, mais  de  caractère  tout  différent,  tout  laïque  ;  la  lit- 
térature provençale  brille  pendant  cent  ans  d'un  vif  éclat 
(V.  Provençale  [Littérature])  ;  en  même  temps  prend  nais- 
sance à  Montpellier  une  science  plus  spéciale,  celle  du  droit 
romain,  si  utile  dans  un  pays  de  droit  écrit.  Le  xiii^  siècle 
est  marqué  par  la  renaissance  des  études  ecclésiastiques. 
Comme  plus  tard,  au  xvi*^,  l'Eglise  romaine  éprouve  le 
besoin  d'enlever  à  ses  adversaires  un  de  leurs  griefs  les 
mieux  fondés  ;  elle  veut  guérir  le  clergé  de  son  ignorance 
séculaire.  Le  traité  de  1229  institue  l'université  de  Tou- 
louse qui,  longtemps  languissante,  deviendra  au  xiv®  siècle 
une  des  meilleures  écoles  de  droit  de  l'Europe.  Dans  toutes 
les  villes  importantes  s'élèvent  des  couvents  de  dominicains, 
d'augustins,  de  carmes,  de  franciscains,  dont  chacun  a  son 
école  théologique.  Mais  ces  nouvelles  écoles  ne  peuvent 
enseigner  que  la  science  du  temps,  c.-à-d.  la  scolastique, 
et  les  nombreux  travaux  qui  en  sortent  sont  des  œuvres 
rebutantes  et  stériles,  écrites  dans  un  latin  déplorable  et 
ne  prouvant  qu'une  chose,  à  savoir  la  subtilité  de  leurs  au- 
teurs ;  dans  le  Midi  comme  dans  le  Nord,  la  scolastique, 
arbre  desséché,  ne  pouvait  rien  produire.  Plus  fécondes, 
les  universités  de  Toulouse  et  de  Montpellier  fournissent  à  la 
France  entière  des  juristes  éminents,  des  administrateurs 
éprouvés,  malheureusement  trop  dévoués  aux  idées  d'abso- 
lutisme, et  des  médecins  renommés,  dont  quelques-uns, 
comme  Guy  de  Chauliac,  jouiront  d'une  réputation  euro- 
péenne. Le  Languedoc,  qui  n'est  encore  qu'à  demi  français, 
ne  voit  naître,  jusqu'à  la  Renaissance,  aucun  écrivain  cé- 
lèbre de  langue  vulgaire  ;  la  littérature  provençale  est  morte 
et  bien  morte,  et  ce  ne  sera  pas  l'Académie  instituée  par 
les  capitouls  de  Toulouse  qui  pourra  la  faire  renaître. 

Le  Languedoc,  dans  les  siècles  plus  modernes,  produira 
plus  d'un  homme  illustre  dans  les  sciences  et  les  lettres, 
mais  il  serait  impossible  de  trouver  dans  les  œuvres  d'un 
Cujas,  d'un  Fermât  ou  d'un  Guy  du  Faur  de  Pibrac  trace 
d'une  culture  particulière  propre  à  cette  province.  Au  xvii«  et 
au  xviii*^  siècle,  les  sciences  historiques  et  archéologiques 
sont  en  grand  honneur  dans  le  Midi  ;  des  cabinets  d'anti- 
quités, des  collections  importantes  de  manuscrits  se  forment, 
dans  lesquels  des  amateurs  éclairés  recueillent  tout  ce  qui 
peut  intéresser  l'ancienne  histoire  du  Languedoc.  Citons 
seulement  les  collections  du  marquis  Baschi  d'Aubais,  et  les 
travaux  du  grand  épigraphiste  nîmois  Joseph  Séguier. 
Longtemps  avant  la  publication  de  V Histoire  générale  de 
Languedoc  des  bénédictins,  la  province  avait  trouvé  des 
historiens  tels  que  le  conseiller  au  parlement  de  Toulouse, 
Guillaume  Catel,  ou  l'annaliste  de  la  même  ville,  Lafaille  ; 
un  peu  plus  tard,  Léon  Ménard  dote  Nîmes,  sa  ville  natale, 
d'une  monumentale  histoire,  et  il  n'est  guère  de  villes  im- 
portantes dont  le  passé  ne  soit  étudié  avec  amour.  En 
même  temps  paraissent  les  premières  sociétés  savantes  :  à 
Nîmes,  une  académie  (1682)  ;  à  Toulouse,  on  réorganise,  en 
1614,  le  vieux  collège  du  Gai  Savoir,  qui  devient  l'Aca- 
démie des  jeux  floraux  ;  dans  la  même  ville,  la  Société  des 
Lanternistes  (1640)  devient,  en  1729,  l'Académie  des 
sciences  et  belles-lettres,  encore  aujourd'hui  existante. 
On  trouve  encore  à  Béziers  une  académie  royale  datant 
de  1723  ;  à  Montpellier,  dès  1706,  une  Société  royale  des 
sciences,  etc.  Quelques-unes  de  ces  compagnies  littéraires 
publient  des  mémoires  assez  intéressants,  toutes  s'occupent 
de  recherches  intellectuelles,  et  leur  zèle  prouve  l'existence 
d'une  certaine  culture  générale  dans  les  classes  élevées. 
L'instruction  est,  depuis  le  xvi^  siècle,  donnée  principale- 
ment dans  les  collèges  établis  par  les  jésuites  dans  les 
principales  villes  de  la  province  ;  la  puissante  compagnie 
est  arrivée  à  se  substituer  à  peu  près  partout  aux  anciens 
établissements  analogues,  dont  quelques-uns,  celui  de  Nîmes 
notamment,  n'avaient  pas  laissé  de  briller  au  xvi®  siècle  ; 
elle  a  également  fait  oublier  les  vieilles  universités  de 
Toulouse  et  de  Montpellier.  La  première,  en  dépit  de  quel- 


ques tentatives  de  réforme,  restera  tx>ujours  languissante, 
et  seul  l'enseignement  du  droit  y  restera  brillant  jusqu'à 
la  Révolution  ;  à  Montpellier,  la  médecine,  par  contre, 
est  toujours  en  grand  honneur,  et  au  xviii®  siècle  encore, 
l'école  de  cette  ville,  la  meilleure  de  France,  est  célèbre 
dans  l'Europe  entière. 

Ces  indications,  fort  brèves,  une  fois  données  sur  l'état 
des  sciences  et  des  lettres  en  Languedoc  avant>la  Révolu- 
tion française,  un  mot  maintenant  des  arts  proprement 
dits.  A  l'époque  romaine,  la  province  était  couverte  de 
monuments  somptueux  ;  les  inscriptions  en  citent  un 
grand  nombre,  dont  les  débris  couvrent  encore  le  sol  ; 
d'autres,  plus  heureux,  ont  été  épargnés  par  le  temps,  et 
Nîmes,  par  exemple,  peut  montrer  avec  orgueil  d'admi- 
rables constructions,  rivalisant  avec  les  plus  beaux  restes 
romains  de  l'Italie.  Des  derniers  temps  de  la  domination 
romaine  date  encore  une  partie  de  l'enceinte  de  Carcas- 
sonne,  construite  à  la  hâte  au  moment  des  invasions  et  qui, 
pendant  plus  de  1600  ans,  a  mis  la  Cité  à  l'abri  de  tout 
coup  de  main.  —  Les  débris  de  l'âge  barbare  sont  peu 
communs  en  Languedoc  ;  on  y  trouve  quelques  monnaies 
visigothiques;  on  sait  que  des  églises  somptueuses  déco- 
raient plusieurs  des  grandes  vilîes  de  la  province,  Nar- 
bonne  par  exemple,  Toulouse,  où  une  riche  basilique  s'éleva 
au  VI®  siècle,  sur  la  tombe  de  saint  Sernin,  mais  rien  de 
tout  cela  n'a  subsisté. 

De  l'époque  romane,  au  contraire,  on  a  beaucoup  de 
monuments  de  grande  importance,  et  le  patriotisme  local 
s'est  donné  carrière  à  leur  propos.  Viollet-le-Duc  a  créé 
de  toutes  pièces  une  école  de  sculpture  toulousaine  qui 
aurait  fleuri  pendant  plus  de  deux  siècles,  jusqu'à  la 
guerre  des  Albigeois,  et  qui  serait  en  partie  un  produit 
de  rinfluence  byzantine.  Cette  théorie  a  fait  fortune;  elle 
paraît  malheureusement  de  tous  points  erronée.  Bien  plus, 
il  n'y  a  pas  eu  à  proprement  parler  à  l'époque  romane 
d'école  architecturale  languedocienne.  En  effet,  prenons 
les  plus  célèbres  monuments  religieux  de  cette  période  : 
Saint-Sernin  de  Toulouse  qui  date  de  la  fin  du  xi®  siècle 
et  en  majeure  partie  du  xn<^,  la  cathédrale  du  Puy  qui  re- 
monte au  xn®,  et  la  célèbre  éghse  de  Saint-Gilles  sur  le 
Rhône  dont  la  dédicace  remonte  à  l'an  1115.  Voilà  trois 
monuments  d'aspect  bien  divers,  situés  tous  trois  en  Lan- 
guedoc. Mais  le  premier  est  visiblement  une  imitation  de  la 
célèbre  église  abbatiale  de  Conques  en  Rouergue,  à  laquelle 
l'architecte  a  emprunté  la  disposition  curieuse  du  transept 
à  triple  vaisseau  ;  Notre-Dame-du-Puy  est  un  monument 
auvergnat  ;  enfin  l'admirable  façade  de  Saint-Gilles  est, 
sans  aucun  doute  possible,  l'œuvre  d'un  artiste  de  l'école 
provençale,  émule  de  l'auteur  du  porche  Saint-Trophime  à 
Arles.  Sans  doute,  à  Toulouse,  la  sculpture  fut  extrême- 
ment florissante  durant  cette  période,  mais  ces  œuvres, 
puissantes  bien  que  frustes,  n'ont  point  de  caractère  par- 
ticulier et  rappellent  plutôt  les  statues  similaires  de  Mois- 
sac,  de  Beaulieu  et  de  Souillac.  Voilà  donc  une  nouvelle 
influence  dont  on  peut  constater  l'action,  celle  de  l'école 
limousine  du  xi®  siècle.  Inutile  de  discuter  la  partie  de  la 
théorie  de  Viollet-le-Duc  relative  à  l'action  de  l'art 
byzantin;  la  question  est  trop  générale  et  trop  com- 
pliquée ;  on  sait  d'ailleurs  qu'aujourd'hui  on  a  prudemment 
réduit  à  peu  de  chose  cette  part  d'influence,  trop  exagérée 
par  les  archéologues  d'antan. 

Faut-il  conclure  que  le  Languedoc  n'a  pas  eu  un  art 
particulier  au  moyen  âge?  Ce  serait  trop  dire;  au  début 
du  XIII®  siècle,  le  mode  de  construction  qui  devait  rester 
en  faveur  pendant  le  reste  du  moyen  âge  dans  cette  pro- 
vince était  tout  établi,  et  le  meilleur  spécimen  en  est  la  nef 
de  Saint-Etienne  de  Toulouse;  ce  beau  vaisseau,  en  brique, 
voûté  d'ogives,  est  une  imitation  évidente  des  grands 
monuments  du  centre  de  la  France,  une  seule  nef,  fort 
vaste,  et  ce  type  va  se  répéter  un  peu  partout  jusqu'à  la 
fin  du  XV®  siècle.  La  plupart  des  églises  seront  donc  à  une 
seule  nef;  tantôt  ce  seront  des  constructions  de  faibles 
dimensions  (église  de  la  ville  basse  de  Carcassonne,  le  Taur 


919  -- 


LAlNGUEDOC  ~  LANGUETTE 


à  Toulouse,  etc.),  tantôt  au  contraire  ce  seront  des  mo- 
numents gigantesques  (Sainte-Cécile  d'Albi).  La  plupart  de 
ces  monuments  datent  de  l'époque  gothique.  Le  Languedoc 
renferme  d'autres  spécimens  fort  intéressants  de  l'art  ro- 
man, cette  fois  monuments  civils;  citons  seulement  :  rhô- 
tel  de  ville  de  Saint-Antonin,  les  maisons  de  (bordes  encore 
romanes,  bien  que  du  plein  xni®  siècle,  et  enfin  une  quan- 
tité énorme  de  constructions  militaires.  Les  plus  intéres- 
santes sont  à  Carcassonne  ;  elles  sont  d'ailleurs  moins  impor- 
tantes que  celles  du  N.  de  la  France,  et  on  ne  saurait 
trouver  en  Languedoc  des  châteaux  aussi  vastes  et  aussi 
habilement  disposés  que  le  donjon  de  Gisors  ou  le  Château- 
Gaillard. 

Avec  la  domination  française,  l'art  gothique  pénètre  en 
Languedoc,  mais  assez  lentement  et  sans  faire  oublier  en- 
tièrement aux  artistes  méridionaux  leurs  anciennes  tradi- 
tions. Toutefois,  dès  le  xm*^  siècle,  des  architectes  du  Nord 
élèvent  dans  les  nouveaux  domaines  de  la  royauté  capé- 
tienne des  constructions  entièrement  gothiques  ;  citons  seu- 
lement les  chœurs  de  Saint-Nazaire  de  Carcassonne,  de 
Saint-Just  de  Narbonne  et  de  Saint-Etienne  de  Toulouse. 
Ailleurs  l'influence  du  nouvel  art  se  fait  sentir  dans  l'or- 
nementation, notamment  à  Sainte-Cécile  d'Albi,  et  de  là 
sort  un  mélange  assez  heureux  et  fort  original.  Mais  peu 
à  peu  le  nouvel  art  gagne,  et  les  artistes  languedociens 
subissent  les  mômes  influences  que  leurs  congénères  du 
Nord.  Le  style  gothique  flamboyant  apparaît,  au  jubé  de 
Sainte-Cécile  par  exemple,  puis  nous  trouvons  le  style  Re- 
naissance qui  produit  quantité  de  belles  constructions 
civiles,  notamment  à  Toulouse  une  foule  d'hôtels  parle- 
mentaires des  plus  luxueux  et  des  plus  variés  comme  plan 
et  comme  décoration.  L'art  religieux  se  transforme  à  son 
tour  et  on  a  de  ce  chef  quantité  de  monuments,  en  géné- 
ral peu  agréables  d'aspect.  L'un  des  plus  remarquables 
est  l'église  de  Saint-Pierre-des-Cuisines  à  Toulouse,  vais- 
seau clair  et  spacieux,  admirablement  construit,  d'aspect 
froid  il  est  vrai  et  déplaisant.  Mais  il  n'y  a  point  là  trace 
d'art  à  proprement  parler  méridional;  le  Languedoc  pro- 
duira des  artistes  en  tout  genre  ;  il  en  verra  naître  plus 
encore  dans  notre  siècle,  et  l'école  toulousaine  de  sculp- 
ture sera  justement  renommée,  mais  bien  clairvoyant  serait 
le  critique  qui  pourrait  dire  à  quels  signes  on  distingue 
une  œuvre  produite  par  un  artiste  du  S.  de  celle  d'un 
artiste  du  N.  de  la  France.  A.  Molïnier. 

BiBL.  :  En  fait  d'imprimés,  nous  n'en  indiquerons  qu'un 
seul  :  DD.  de  Vie  et  Vaissète,  Histoire  générale  de  la 
province  de  Languedoc  ;  Paris,  1730-1745,  5  vol.,  in-fol.  Une 
réédition  de  cet  ouvrage,  Tun  des  meilleurs  qu'ait  produits 
l'érudition  bénédictine,  a  paru  en  15  vol.  in-l  (Toulouse, 
1872-92).  Cette  réédition  ne  renferme  pas  tout  ce  que  l'on 
sait  sur  l'histoire  de  cette  province,  mais  aux  tomes  II, 
V,  VIII,  X  et  XII,  on  trouvera  la  liste  de  tous  les  ou- 
vrages cités;  on  ne  saurait  mieux  faire  que  d'y  renvoyer 
le  lecteur.  D.  Vaissète  avait  arrêté  son  récit  à  l'année 
1643;  dans  la  nouvelle  édition,  M.  E.Roschach,  archiviste 
de  la  ville  de  Toulouse,  a  complété  l'ouvrage  jusqu'en 
1790;  son  récit  remplit  le  t.  XIII  ae  la  nouvelle  édition,  ec 
le  t.  XIV  est  occupé  par  une  riche  collection  de  preuves. 
—  Les  sources  manuscrites  de  l'histoire  de  Languedoc 
sont  encore  aujourd'hui  en  partie  inexplorées.  On  les 
trouve  d'abord  dans  les  arcliives  départementales  du 
Midi  (les  plus  riches  sont  celles  de  la  Haute-Garonne  et 
de  l'Hérault);  les  archives  municipales  sont  également 
fort  riches,  principalement  à  Toulouse,  à  Narbonne,  à 
Nîmes,  à  Montpellier;  à  la  mairie  de  cette  dernière  ville 
on  conserve  les  archives  mêmes  de  la  province,  du  début 
du  XIV*  au  xvi«  siècle.  Les  titres  de  la  maison  d'Armagnac 
sont  à  Montauban  et  à  Pau  ;  à  Pau  également  (archives 
de  la  préfecture)  on  trouve  les  titres^  de  la  maison  de 
Foix  depuis  le  xiv«  siècle.  A  Paris,  aux  Archives  natio- 
nales, au  Trésor  des  chartes,  titres  de  la  maison  de  Tou- 
louse, des  Montfort  et  d'Alphonse  de  Poitiers  ;  riche  collec- 
tion sur  les  Etats  de  Languedoc  et  quantité  énoroje  de  do- 
cuments anciens  et  modernes  dispersés  un  peu  partout  et 
dans  les  différentes  séries.  A  la  Bibliothèque  nationale, 
outre  une  foule  de  manuscrits  histori({ues  dans  les  diffé- 
rents fonds, deux  collections  particulièrement  précieuses: 
la  collection  Doat,  recueil  de  copies  faites  par  ordre  de 
Colbert  dans  les  différents  dépôts  publics  du  Languedoc 
(258  volumes),  et  collection  de  Languedoc  (papiers  des  Bé- 
nédictins auteurs  de  Vllistoire  générale).  La  collection 
Doat  nous  a  conservé  une  bonne  {jartie  du  trésor  de  Foix, 


brûlé  en  1808.  Ajoutons-y  des  milliers  de  pièces  origi- 
nales conservées  dans  les  différents  fonds  de  la  même 
bibliothèque,  et  beaucoup  de  manuscrits  précieux  dans 
les  autres  bibliothèques  de  Paris  et  de  la  province. 

LANGUENAN.  Coin,  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr. 
de  Dinan,  cant.  de  Plancoët  ;  d,i68  hab. 

LAN  GU  ET  (Hubert),  écrivain  français,  néà  Vitteaux,  dans 
l'Auxois,  en  1518,  mort  à  Anvers  le  30  sept.  doSl.  Il  lit 
de  brillantes  études  à  l'université  de  droit  de  Poitiers  et  à 
celle  de  Padoue,  voyagea  beaucoup,  se  liant  avec  les  hommes 
célèbres  du  temps,  notamment  avec  Melanchthon  qu'il  ai- 
mait fort.  Il  fut  chargé  par  l'électeur  de  Saxe  de  diverses 
missions  diplomatiques  et  s'occupa  surtout  à  le  renseigner 
sur  les  nouveautés  politiques  et  militaires  qui  se  produi- 
saient dans  les  principaux  Etats  d'Europe  ;  en  France  prin- 
cipalement où  il  séjourna  de  ioGl  à  d562  et  de  1563  à 
4566.  Il  eût  voulu  y  rentrer  tout  à  fait;  mais,  appartenant 
à  la  religion  réformée,  il  n'y  put  réussir.  En  do70,  am- 
bassadeur des  princes  allemands  auprès  de  Charles  IX,  il 
prononça  devant  ce  prince  une  harangue  tellement  hardie 
qu'il  courut  danger  de  mort,  [l  échappa  à  grand'peine  aux 
massacres  delà  Saint-Barthélémy.  De  1573  à  1577,  il  re- 
présenta l'électeur  de  Saxe  à  la  cour  de  Vienne,  puis  il 
sollicita  la  permission  de  revenir  en  France  qui  lui  fut  ac- 
cordée. Mais  les  troubles  religieux  le  forcèrent  de  s'établir 
à  Anvers.  Languet  jouit  au  xvi^  siècle  d'une  célébrité  eu- 
ropéenne. Ses  ouvrages  d'une  hardiesse  extrême  pour 
l'époque  ont  excité  d'ardentes  polémiques.  Citons  :  Histo- 
rica  descriplio  susceptœ  executionis  contra  S.  Romani 
imperii  rebelles  (1567,  in-4,  trad.  en  franc,  en  1570)  ; 
Harangue  au  roi  Charles  IX  (1570)  ;  Vindicice  contra 
i^?/rar^7^os(l  579,  in-8),  trad.  en  franc,  sous  le  titre  de  :  De  la 
Puissance  légitime  du  prince  sur  le  peuple  et  du  peuple 
sur  le  prince  {Genè\e^  1581,  in-12),  le  plus  retentissant  de 
ses  ouvrages  et  au  dire  de  Lenglet-Dufresnoy  «  un  des  ou- 
vrages les  plus  dangereux  qui  se  soit  fait  en  ce  genre  »  ; 
Apologie  de  Guillaume  d'Orange  (1582,  in-8)  ;  Epistolœ 
politicœ  et  historicœ  (1633,  in-lS);  Epistolœ  oh  res 
politicas  et  historicas  {iQ^S,  in-4 2)  ;  Epistolœ secretœ 
(1699,  in-4);  Décades  très  epistolarum  H.  Langiieti 
(1702,  in-4),  correspondance  des  plus  intéressantes  et 
des  plus  utiles  pour  l'histoire  du  xvi^  siècle.  R.  S, 

BiBL.  :  Ph.  DE  La  Mare,  Vie  de  Languet,  trad.  en  latin  et 
publ.  par  Ludwig;  Halle,  1700,  in-12.  —  Haag,  ia  France 
protestante.  —  Henri  Ciievreul,  Etude  sur  le  xvi°  siècle, 
Hubert  Languet;  Paris,  1852,  in  12.  —  Scholz,  H.  Languet; 
Halle,  1875.  —  Blasel,  Hubert  Languet;  Oppeln,  1872. 

LANGUET  DE  Gergy  (Jean-Baptiste-Joseph),  abbé  de 
Bernay,  curé  de  Saint-Sulpice  à  Paris,  né  à  Dijon  en  1675, 
de  très  noble  et  ancienne  famille,  mort  en  1750.  11  fit  re- 
prendre et  achever  la  construction  de  son  église,  interrom- 
pue depuis  cinquante  ans.  En  4732,  il  fonda,  rue  de  Sèvres, 
un  hôpital  pour  les  femmes  de  sa  paroisse.  Pendant  la  peste 
de  Marseille,  il  recueillit  et  envoya  en  Provence  des  sommes 
considérables.  Un  monument  a  été  érigé  à  sa  mémoire  dans 
l'église  de  Saint-Sulpice. 

"  LANGUET  DE  Gergy  (Jean- Joseph),  archevêque  de  Sens, 
membre  de  l'Académie  française,  né  à  Dijon  le  45  août 4  677, 
mort  à  Sens  le  3  mai  4753,  frère  du  précédent.  Il  avait 
été  lecteur  de  M"^*'  la  Dauphine  et  abbé  de  Coëtmalouen  ;  il 
était  abbé  de  Saint-Juste  lorsqu'il  fut  nommé  évêque  de 
Soissons  (4745).  Quinze  ans  après,  il  fut  promu  à  l'arche- 
vêché de  Sens.  En  4721,  il  fut  élu  à  l'Académie.  Partisan 
passionné  de  la  bulle  Unigenitus,  il  combattit  le  jansénisme 
avec  tontes  les  armes,  joignant  aux  actes  de  sa  juridiction 
épiscopale  les  productions  d'une  plume  singulièrement  fé- 
conde: Avertissements,  ï^ettres  pastorales,  Instructions-^ 
Mandements,  Lettres  privées,  dont  le  recueil  forme  2  vol. 
in-fol.  (Sens,  1752).  Parmi  ses  autres  œuvres,  la  plus  re- 
cherchée aujourd'hui  est  la  Vie  de  la  vénérable  Marie- 
Angélique  (Marie  Alacoque),  religieiise  de  la  Visitation 
(Pans,  1729,  in-4).  E.-If.  V. 

LANGUETTE.  I.  Technologie.  —  Sorte  de  tenon  continu 
pratiqué  sur  l'épaisseur  d'une  planche,  pour  le  faire  entrer 
dans  unerainure  faite  sur  l'épaisseur  d'une  autre  planche.  Cet 


LANGUETTE  —  LANINO 


920  - 


assemblage  est  ordinairement  employé  pour  réunir  longitu- 
dinalement  deux  ou  un  plus  grand  nombre  de  planches 
ensemble.  Pour  opérer  cette  réunion  sur  le  champ  de  l'une 
des  deux  parties  à  assembler,  on  pratique,  parallèlement 
à  sa  face  et  dans  toute  sa  longueur,  une  cavité  quadran- 
gulaire  qu'on  nomme  rainure  ;  les  parois  latérales  de  cette 
rainure  portent  le  nom  de  joue.  Sur  le  champ  de  l'autre 
partie,  on  dégage  un  filet  aussi  quadrangulaire,  correspon- 
dant exactement  à  la  rainure  et  à  la  joue  de  face  ;  c'est  ce 
filet  qu'on  nomme  languette  ;  les  petites  facettes  formant 
les  arêtes  de  rive  prennent  le  nom  d'arasement.  C'est  en 
cela  que  consiste  l'assemblage  à  rainure  et  languette. 

II.  Musique  (V.  Orgue  et  Harmonium)  . 

III.  Entomologie  (V.  Insectes,  t.  XX,  p.  824). 
LANGUEUX.  Gom.  du  dép.  des  Gôtes-du-Nord,  arr.  et 

cant.  (S.)  de  Saint-Brieuc  ;  2,940  hab. 

LANGUEVOISIN-QuiQUERY.  Corn,  du  dép.de  la  Somme, 
arr.  de  Péronne,  cant.  de  Nesle  ;  299  hab. 

LANGUEYA6E.  Dans  la  plupart  des  cas  de  ladrerie  chez 
le  porc  (V.  Taenia),  les cysticerques  se  développent  en  cer- 
tains points  de  la  bouche,  et  leur  présence  est  le  signe  le  meil- 
leur et  le  plus  constant  que  l'on  possède  pour  reconnaître  la 
maladie  chez  l'animal  vivant.  Pour  découvrir  la  ladrerie,  il 
faut  donc  recourir  à  une  exploration  de  la  bouche  désignée 
depuis  fort  longtemps  sous  le  nom  de  langueyage.  Au  moyen 
âge  et  jusque  vers  le  commencement  de  notre  siècle,  cette 
opération  était  exclusivement  pratiquée  par  des  hommes  spé- 
ciaux, officiers  du  roi,  qu'on  appelait  jurés  langueyeurs. 
Aujourd'hui,  le  langueyage  est  libre  et  facultatif,  mais  son 
exercice  constitue  toujours  une  profession  spéciale,  en  rai- 
son de  l'habitude  et  de  l'adresse  qu'il  exige.  Certaines  villes 
ont  même  un  langueyeur  assermenté  et  payé  par  elles  pour 
examiner  les  porcs  conduits  sur  les  marchés.  Pour  faire 
cet  examen,  dit  Trasbot,  on  saisit  le  porc  par  le  membre 
antérieur  gauche  et,  par  un  coup  de  genou  donné  dans  le 
flanc  droit,  on  le  renverse  à  terre,  où  on  le  maintient  en 
posant  le  genou  gauche  sur  le  cou.  Aussitôt  après,  le  lan- 
gueyeur écarte  les  mâchoires  avec  un  bâton  d'un  mètre  de 
long  environ  qu'il  appuie  fortement  à  terre  par  l'extrémité 
passée  dans  la  bouche  du  patient  et  dont  l'autre  bout  est 
fixé  sous  son  aisselle  droite.  Ayant  les  deux  mains  libres, 
il  tire  la  langue  hors  de  la  bouche  et  l'examine  par  la  vue 
et  le  toucher  en  passant  la  pulpe  des  doigts  sur  les  côtés 
et  la  face  inférieure  de  cet  organe.  Ce  procédé  est  simple, 
rapide  et  conséquemment  pratique.  Pourtant  il  est  loin 
d'être  sans  inconvénient.  D'abord,  il  contusionne  fortement 
et  fatigue  l'animal.  Si  celui-ci  doit  être  conservé,  il  mange 
mal  après  l'opération,  peut  souffrir  pendant  plusieurs  jours 
et  maigrir  dans  une  certaine  mesure.  Le  véritable  défaut 
du  procédé  est  d'exiger  une  très  grande  habitude  sans  la- 
quelle l'explorateur  peut  non  seulement  blesser  l'animal, 
mais  encore  et  surtout  se  faire  blesser  lui-même  quand  il 
veut  saisir  la  langue  et  l'examiner.  Aussi  les  vétérinaires 
appelés  à  pratiquer  le  langueyage  doivent-ils  se  servir 
d'aides  pour  coucher  et  maintenir  le  sujet,  employer  un  pas 
d'âne  pour  écarter  les  mâchoires  et  tirer  la  langue  à  l'aide 
d'une  pince.  De  cette  façon,  ils  opéreront  en  toute  sécurité. 

LANGUIDIC.  Corn,  du  dép.  du  Morbihan,  arr.  de  Lo- 
rient,  cant.  d'Hennebont  ;  7,122  hab. 

LANGUIER.  Petit  meuble  destiné  à  porter  les  langues 
de  serpents  que  l'on  plaçait  sur  les  tables  seigneuriales 
pour  faire  l'essai  des  mets  :  le  contact  de  la  langue  de 
serpent  passait,  en  effet, comme  celui  de  la  corne  de  licorne, 
pour  détruire  les  poisons  ou  faire  reconnaître  leur  présence. 
Divers  inventaires  du  xiv"^  siècle  mentionnent  des  languiers 
soit  à  pied,  ou  en  forme  de  salière,  ou  en  forme  d'arbre. 
L'un  d'eux  (ducs  de  Bourgogne,  1408)  est  un  corail  dont 
les  branches  portent  des  dents  et  langues  de  serpent.  Il  est 
difficile  de  restituer  les  formes,  sans  doute  assez  variées,  de 
ces  objets  dont  aucun  n'est  parvenu  jusqu'à  nous.     C.  E. 

LANGULIYA.Fleuvedel'Mri^(V.cemot,t.  XX,p.672). 

LANGY.  Corn,  du  dép.  de  l'Allier,  arr.  de  La  Palisse, 
cant.  de  Varennes-sur-AUier  ;  523  hab. 


LAN  H  ELI  N.  Com.  du  dép.  d'IUe-et-Vilaine,  arr.  de 
Saint-Majo,  cant.  deCombourg;  641  hab. 

LAN  HÈRES.  Com.  du  dép.  delà  Meuse,  arr.  de  Verdun- 
sur-Meuse,  cant.  d'Etain  ;  454  hab. 

LAN-HO,  LOUAN-HO  ou  LAO-MOU-HO  (mongol 
CHANGTON-Gol).  Fleuve  de  Chine,  prov.  de  Petchili; 
né  au  N.  du  Taibakhan  (Mongolie  orientale),  il  descend  au 
N.-E.,  passe  près  des  ruines  de  Boro-khoto,  tourne  vers 
le  S.~E.,  reçoit  le  Hibing  à  dr.,  l'Ourting-gol  à  g.,  près 
des  ruines  de  Tsagan-balgasson,  passe  à  Lan-ping,  reçoit  à 
g.  l'Issoun,  le  Pao,  le  Jo,  franchit  la  Grande  Muraille  à 
Pan-kia-koou,  reçoit  le  Tsin-loung  et  se  jette  dans  le  golfe 
de  Liao-toung  par  un  vaste  delta.  Sa  haute  vallée  est  boisée  ; 
la  partie  inférieure  est  une  large  plaine  cultivée, 

LANHOUARNEAU.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de 
Morlaix,  cant.  de  Plouescat;  4,204  hab. 

LANIERE  (Nicolas),  peintre,  graveur  et  musicien  ita- 
lien, né  en  4558  (et  non  4568),  mort  à  Londres  le4nov. 
4646.  Fils  de  Jérôme  Lanière,  établi  en  Angleterre  vers  la 
fin  du  règne  d'Elisabeth  et  admis  dans  son  entourage,  il 
devint  à  la  fois  peintre  et  musicien  distingué.  Charles  1^^ 
lui  confia  la  mission  d'acheter  des  tableaux  de  maîtres  en 
Italie,  opération  qu'il  sut  rendre  fructueuse  pour  lui-même. 
Il  se  fit,  par  la  même  occasion,  une  remarquable  collec- 
tion de  dessins.  Musicien  favori  de  la  cour  et  maître  de  la 
chapelle  du  roi  depuis  4626,  il  fit  la  musique  de  nombreux 
intermèdes  et  mascarades  qui  eurent  grand  succès.  Van 
Dyck  consacra  sa  célébrité  en  peignant  son  portrait.  La- 
nière se  portraitura  aussi  lui-même,  et  cette  œuvre,  qui 
existe  encore  au  conservatoire  d'Oxford,  est  d'un  dessin, 
d'un  coloris  et  d'une  expression  excellents.  Il  grava  à  Peau- 
forte  une  série  d'études  et  de  sujets,  d'après  le  Parmesan, 
et  quelques  portraits.  G.  P-i. 

LAN  i  I  DÉS  (Ornith.).  Famille  naturelle  et  bien  caracté- 
risée de  l'ordre  des  Passereaux,  comprenant  des  oiseaux  de 
la  grosseur  d'un  Moineau,  d'un  Geai  ou  d'une  Corneille, 
ayant  un  bec  robuste,  plus  ou  moins  nettement  caréné  en 
dessus  et  muni  d'une  petite  dent  vers  la  pointe  de  la  man- 
dibule supérieure  qui  se  termine  par  un  crochet.  Chez  les 
Laniidés,  les  pattes,  de  hauteur  moyenne,  ont  le  doigt  mé- 
dian plus  développé  que  les  autres  ;  les  ailes  possèdent  dix 
rémiges,  dont  la  troisième,  la  quatrième  et  la  cinquième  ou 
quelquefois  la  cinquième  et  la  sixième  dépassent  les  autres 
pennes,  et  la  queue  compte  douze  rectrices  tantôt  étagées, 
tantôt  arrivant  au  même  niveau.  Les  Pies-Grièches  (genre 
Laiiius)  constituent  l'un  des  principaux  groupes  de  cette 
famille  qui  comprend  aussi  les  Téléphones^  les  Dryosco- 
pus,  les  Corvinelles,  les  Pachycephala^  les  Eopsaltria, 
les  Cassicans^  les  Gymnorhines^  etc.     E.  Oustalet. 

LANILDUT.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  Brest, 
cant.  de  Ploudalmézeau,  sur  la  rive  dr.  de  l'estuaire  de 
l'Aber-Ildut  ;  4, 156  hab.  Petit  port  qui  reçoit  de  la  houille 
et  exporte  du  sable  à  bâtir  et  des  pierres  de  taille  :  le  gra- 
nit rose  des  rochers  est  très  recherché  ;  il  constitue  le  pié- 
destal de  Tobélisque  de  Louqsor.  Usine  de  produits  chi- 
miques. 

LANINO  (Bernardino),  peintre  italien,  né  à  Verceil  en 
4540,  mort  en  4578.  Il  fut  le  meilleur  élève  deGaudenzio 
Ferrari,  dont  il  garda  la  profonde  gravité  et  le  coloris  ve- 
louté, avec  un  modelé  plus  arrondi  et  un  contour  moins 
ferme.  Ses  fresques  de  Sant'  Ambrogio,  représentant  la  Lé- 
gende de  saint  Georges  (vers  4548),  ont  encore  toute  la 
fierté  virile  des  œuvres  de  son  maître,  et  les  Scènes  de  la 
Genèse  qu'il  peignit  à  Saronno  soutiennent  la  comparaison 
avec  les  grandes  fresques  de  Luini.  Lanino  a  peint  encore  des 
fresques  importantes  à  Milan,  dans  l'église  Santa  Catarina, 
le  Martyre  de  saiiite  Catherine  (4546)  ;  dans  l'église  San 
Nazzaro,  la  Cène,  et  à  Novare,  dans  la  cathédrale,  le 
Père  éternel,  les  Sibylles  et  des  Scènes  de  la  vie  de  la 
Vierge.  Ses  tableaux  les  plus  connus  sont:  la  Vierge 
avec  des  saints,  datée  de  4539,  dans  l'église  San  Pietro, 
à  Borgo  Sesia,  et  la  Vierge  avec  sainte  Marthe,  saint 
Joseph  et  un  donateur,  au  musée  de  Brera.     Ed.  B. 


924  — 


LANINO  —  LANKRINK 


BiBL.  :  LoMAZzo,  Idea  del  Tempis  délia  pittura,  1590.  — 
Lanzi,  Storia  pittorica  delV  Italia,  t.  IV.  —  Burckhardt, 
le  Cicérone. 

LANISCAT.  Corn,  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Loudéac,  cant.  de  Goarec  ;  4,587  hab. 

LANISCOURT.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Laon, 
cant.  d'Anizy-le-Chàteau  ;  480  hab. 

LANISTA  (V.  Gladiateur). 

LANJUINAIS  (Joseph),  publiciste  français,  né  près  de 
Rennes  vers  4730,  mort  à  Moudon  (Suisse)  en  4808.  Béné- 
dictin de  Saint-Maur,  il  passa  au  protestantisme,  s'établit  en 
Suisse  et  devint  principal  du  collège  de  Moudon.  Il  a  laissé  : 
le  Monarque  accompli  (Lausanne,  4774,  3  vol.  in-8), 
panégyrique  du  prince  philosophe,  qui  fit  grand  bruit  et 
qui  fut  condamné  en  France  comme  séditieux  en  4776; 
Esprit  du  pape  Clément  XIV  (Moudon,  4775,  in-12), 
vive  satire  de  Rome,  qui  fut  interdite  en  France  ;  Manuel 
des  jeunes  orateurs  (4777,  2  vol.  in-42)  ;  Supplément 
à  l'Espion  anglais,  ou  Lettres  intéressantes  sur  la  re- 
traite de  Necker  (1784,  in-8),  etc. 

LANJUINAIS  (Jean-Denis),  homme  politique  français, 
né  à  Rennes  le  42  mars  4753,  mort  à  Paris  le  43  janv. 
4827.  Professeur  de  droit  à  Rennes,  avocat  conseil  des 
trois  ordres  des  Etats  de  Bretagne,  il  se  rendit  célèbre  par 
ses  plaidoiries,  ses  mémoires  et  ses  libelles  en  faveur  du 
tiers  état.  Député  du  tiers  état  de  la  sénéchaussée  de  Rennes 
aux  Etats  généraux  et  «  patriote  »  prononcé,  il  se  signala 
surtout,  à  l'Assemblée  constituante,  comme  membre  et  rap- 
porteur du  comité  ecclésiastique  et  fut  un  des  auteurs  de 
la  constitution  civile  du  clergé.  Député  d'Ille-et-Vilaine  à 
la  Convention  nationale,  il  s'y  montra  très  ardent  à  com- 
battre la  politique  de  la  Montagne  et  vota  le  plus  souvent 
avec  les  Girondins.  H  essaya  de  sauver  Louis  XVI,  tout  en 
le  déclarant  coupable,  et  vota  pour  la  réclusion  jusqu'à  la 
la  paix  et  le  bannissement  ensuite.  C'est  son  attitude  éner- 
gique dans  la  journée  du  2  juin  4793  qui  le  rendit  cé- 
lèbre. Au  milieu  des  haines  et  des  menaces,  en  face  de 
l'insurrection  victorieuse,  il  osa  accuser  la  Commune  et 
demander  que  l'on  cassât  toutes  les  autorités  révolution- 
naires de  Paris.  Le  conventionnel  L^^^wc^r^  (V.  ce  nom), 
boucher  de  son  état,  lui  ayant  crié  :  «  Descends  de  la  tri- 
bune, ou  je  vais  t'assommer  »,  il  lui  répondit  :  «  Fais 
décréter  que  je  suis  bœuf,  et  tu  m'assommeras.»  Quelques- 
uns  de  ses  amiss'étant  démis  de  leur  fonction,  pour  apaiser 
la  colère  du  peuple,  il  déclara  avec  fermeté  :  «  N'attendez 
de  moi  ni  démission  ni  suspension.  »  Chabot  l'ayant  alors 
insulté,  il  répondit  :  «  Je  dis  au  prêtre  Chabot  :  on  a  vu 
dans  l'antiquité  orner  les  victimes  de  fleurs  et  de  bande- 
lettes, mais  le  prêtre  qui  les  immolait  ne  les  insultait  pas.  » 
Décrété  d'arrestation  avec  les  Girondins,  il  s'évada  et  passa 
en  Bretagne,  où,  fidèle  aux  opinions  républicaines  qu'il 
avait  proclamées  à  la  tribune,  il  vécut  caché  et  inoffensif. 
La  Convention  le  rappela  dans  son  sein  en  4795  et,  si  les 
royalistes  bénéficièrent  alors  de  sa  politique  modérée  et  anti- 
jacobine, il  ne  semble  pas  avoir  été  infidèle  à  la  République. 
Le  44  prairial  an  III,  comme  rapporteur  des  comités  de 
Sûreté  générale,  de  Salut  public  et  de  législation,  il  pré- 
senta la  restitution  aux  fidèles  des  temples  non  aliénés 
comme  un  moyen  de  ramener  les  esprits  à  la  République, 
et  fit  voter  un  décret  conforme.  Le  souci  des  intérêts  re- 
ligieux inspirait  sa  politique,  et  le  rendit  si  populaire  qu'il 
fut  élu  député  au  Conseil  des  Anciens  par  73  départements. 
Il  opta  pour  rille-et-Vilaine,  sortit  du  Corps  législatif  en 
4797  et  devint  professeur  de  législation  à  l'Ecole  centrale 
de  Rennes.  Après  le  48  brumaire,  il  fit  partie  du  Sénat 
conservateur  et  y  garda  une  attitude  assez  indépendante  et 
libérale.  Il  fonda  à  Paris  une  Académie  de  législation,  avec 
Target  et  autres  juristes,  y  professa  le  droit  romain,  tout 
en  s'occupant  aussi  d'orientalisme,  et  fut  élu,  en  4808, 
membre  de  l'Institut  pour  la  classe  d'histoire  et  de  littéra- 
ture ancienne.  La  même  année,  il  fut  fait  comte  de  l'Empire. 
En  4814,  il  fut  un  des  sénateurs  qui  provoquèrent  le  vote 
de  déchéance,  et  Louis  XVIII  le  nomma  pair  de  France. 


Député  à  la  Chambre  des  Cent-Jours,  il  fut  élu  président  de 
cette  assemblée,  dont  il  refléta  fidèlement  les  sentiments 
d'indépendance.  Réintégré  à  la  Chambre  des  pairs  sous  la 
seconde  Restauration,  il  y  fut  un  des  orateurs  de  la  mino- 
rité libérale,  un  des  adeptes  de  la  monarchie  constitution- 
nelle selon  l'esprit  de  4789.  Pendant  les  dernières  années 
de  sa  vie,  il  publia  nombre  de  brochures  et  d'articles  de 
journaux  sur  des  sujets  politiques  et  de  religion.  Un  recueil 
de  ses  œuvres  parut  en  4832  (4  vol.  in-8).       F.~A.  A. 

BiBL.  :  Victor  Lanjuinais,  Notice  historique  sur  la  vie 
et  les  ouvrages  du  comte  de  Lanjuinais^  en  tête  des 
Œuvres.  — -  Robert  et  Cougny,  Dictionnaire  des  Parle- 
mentaires. —  F.- A.  AuLARD,  les  Orateurs  de  la  Législa- 
tive et  de  la  Convention. 

LANJUINAIS  (Victor-Ambroise,  vicomte  de),  homme 
politique  français,  né  à  Paris  le  5  nov.  4802,  mort  à  Pa- 
ris le  1^^  janv.  48(i9,  fils  du  précédent.  Député  de  Loire- 
Inférieure  (47  févr.  1838),  membre  du  tiers  parti,  il  fut 
réélu  par  le  même  collège  en  4839,  en  4842  et  en  4846. 
Il  avait  fait  partie  du  centre  gauche,  mais  il  inclina  vers 
les  conservateurs  après  la  campagne  des  banquets  réfor- 
mistes. Elu  représentant  à  la  Constituante  (23  avr. 
4848),  il  fut  un  des  adversaires  les  plus  déterminés  des 
socialistes  et  s'occupa  avec  compétence  des  questions 
financières.  C'est  à  lui  qu'on  doit  la  consolidation  des 
bons  du  Trésor  et  l'emprunt  de  200  millions.  Il  ne  fut  pas 
réélu  à  la  Législative  par  son  département.  Devenu  tout  de 
même  ministre  de  l'agriculture  et  du  commerce  dans  le 
cabinet  Odilon  Barrot  du  2  juin  4849,  il  fut  élu  représen- 
tant de  la  Seine  le  8  juil.  suivant.  Comme  ministre,  il 
supprima  les  quarantaines  du  Levant  et  tenta  de  supprimer 
le  monopole  de  la  boulangerie  parisienne.  Il  fit  aussi  l'in- 
térim du  ministère  de  l'instruction  publique  et  des  cultes 
du  44  sept,  au  34  ocE.  4849,  date  de  la  chute  du  cabinet. 
Il  combattit  vivement  le  coup  d'Etat  du  2  décembre;  il  fut 
un  des  protestataires  de  la  mairie  du  X®  arrondissement  et 
fut  emprisonné  à  Vincennes.  Il  ne  voulut  reparaître  sur  la 
scène  poUtique  qu'en  4863.  Député  de  Loire-Inférieure  au 
Corps  législatif,  il  fut  membre  du  tiers  parti.  Il  a  écrit: 
Notice  historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages  du  comte 
de  Lanjuinais  (Paris,  4832,  in-8)  ;  Notice  historique  sur 
Paul-Eugène^  comte  de  Lanjuinais  (4848,  in-8). 

Son  frère  aîné,  Paul-Eugène,  comte  de  Lanjuinais,  né  à 
Rennes  le  6  août  4  799,  mort  à  Paris  le  ,H  mars  4  872,  siégea 
à  la  Chambre  des  pairs  de  4827  à  4848. 

LANJUINAIS  (Paul-Henri,  comte  de),  homme  pohtiquc 
français,  né  à  Paris  le  24  juil.  4834,  fils  de  Paul-Eugène 
(V.  ci-dessus).  Elève  de  l'Ecole  de  Saint-Cyr,  il  fut  élu  dé- 
puté de  Pontivy  le  24  août  4881,  réélu  en  4885,  4889  et 
4893.  Membre  de  l'extrême  droite,  il  combattit  vivement 
la  politique  opportuniste  et  appuya  le  boulangisme. 

LANKA  (V.  Ceylan). 

LANKA  (Lac)  (V.  Lanâg). 

LA NK ESTER  (Edwin-Ray),  naturaliste  anglais  contem- 
porain, né  à  Londres  le  45  mai  4847.  Il  étudia  à  Londres 
et  à  Oxford,  fut  chargé  en  4874  du  cours  d'anatomie 
comparée  à  l'University  Collège  de  Londres  et  devint 
en  1875  fellow  de  la  Société  royale.  Enfin,  il  fonda  en 
4884  l'Association  marine  biologique.  Il  est  l'auteur  de 
nombreux  travaux  sur  l'embryologie,  l'anatomie  comparée 
et  la  paléontologie.  Citons  entre  autres  :  Comparative 
Longevity  (1874);  Degeneration,  a  chapter  in  Darwi- 
nism  (4880);  des  monographies  sur  les  Poissons  du  vieux 
grès  rouge  (4870),  sur  V Embryologie  des  Mollusques 
(1875),  sur  les  Limules  et  les  Arachnides  (1881),  sur 
V Amphioxus  (4889),  etc.,  des  articles  dans  les  revues 
périodiques,  des  traductions  de  Haeckel,  de  Gegenbaur,  etc. 
Son  ouvrage  :  De  VEmbrifologie  et  de  la  classification 
des  animaux  (Paris,  1882,  in-42,  fig.),  publié  dans 
la  Bibliothèque  internationale,  n'est  que  la  traduction  d'un 
de  ses  mémoires  dans  le  Quart.  Journal  of  microsc, 
science,  qu'il  dirige  depuis  1869.  D"^  L.  Hn. 

LANKRINK  (Prosper-Henricus),  peintre,  né  à  Anvers 
en  4628,  mort  à^Londres  en  ^4692.  Après  avoir  travaillé 


LANKRJNK  —  LANNES 


-  922  — 


en  Italie,  il  s'établit  en  Angleterre,  où  Peter  Lely  le  chargea 
souvent  de  peindre  les  fonds  de  ses  portraits.  Ses  tableaux 
représentent  généralement  des  sites  sauvages  ;  c'est  un  imi- 
tateur de  Salvator  Rosa. 

LANLEFF.  Corn,  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Saint-Brieuc,  cant.  de  Plouha;  359  hab.  Curieuse  église 
ronde  du  xii^  siècle  (mon.  hist.),  bâtie  sur  le  plan  du 
Saint-Sépulcre  de  Jérusalem,  ancienne  église  de  templiers, 
qui  a  passé  jusqu'en  ces  derniers  temps  pour  un  temple 
romain. 

LANLOUP  ou  SAINT-LOUP.  Com.  du  dép.  des  Côtes- 
du-Nord,  arr.  de  Saint-Brieuc,  cant.  de  Plouha;  507  hab. 

LANMAN  (Charles),  publiciste  américain  contemporain, 
né  à  Monroe  (Michigan)  le  14  juin  1819.  Il  a  publié  plu- 
sieurs volumes  d'impressions  de  voyages,  une  Vie  de  Daniel 
Webster,  dont  il  fut  le  secrétaire,  et  le  Dictionary  oj  Con- 
gress^  son  ouvrage  le  plus  important. 

LANIVIERIN.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Lannion,  cant.  de  Tréguier;  507  hab. 

LAN  M  EUR.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Finistère,  arr. 
de  Morlaix  ;  2,508  hab.  Hôpital.  Suivant  la  légende,  ce 
bourg  (Grande-Lande)  était  jadis  une  ville  assez  importante, 
appelée  Ker-Feunteun.  La  principale  église,  dédiée  à  saint 
Mélair,  prince  breton,  dont  elle  renfermait  jadis  le  sépulcre, 
a  conservé  un  porche  roman  ;  au-dessous  est  une  crypte 
(mon.  hist.)  également  romane,  renfermant  une  fon- 
taine vénérée.  Une  autre  église,  celle  du  prieuré  de  Notre- 
Dame  de  Kernitrou,  est  mieux  conservée;  portail  de  plein 
cintre.  Maisons  anciennes;  cimetière  celtique  de  Vénéven; 
tumulus  ;  ancien  camp.  G.  Del. 

LANIVIODEZ.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Lannion,  cant.  de  Lézardrieux;  558  hab. 

LAN  NE.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr,  d'Olo- 
ron-Sainte-Marie,  cant.  d'Aramitz  ;  1 ,048  hab. 

LAN  NE.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  de 
Tarbes,  cant.  d'Ossun;  436  hab. 

LAN  NE- Arqué  (La).  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de 
Mirande,  cant.  de  Masseube;  313  hab. 

LANNE-SouBfRAN.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de 
Condom,  cant.  de  Nogaro;  264  hab. 

LANNÉANOU.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  Mor- 
laix, cant.  de  Plouigneau  ;  895  hab. 

LAN N EAU  DE  Marey  (Pierre- Antoine-Victor  de),  pé- 
dagogue français,  né  à  Bard  (Côte-d'Or)  le  24déc.  1758, 
mort  à  Paris  le  31  mars  1830.  Théatin,  il  fut  principal  du 
collège  de  Tulle  et  vicaire  épiscopal  d'Autun  (1791).  Il 
fonda  en  1808  l'institution  Sainte-Barbe.  On  a  de  lui: 
Diction7iaire  portatif  des  rimes  françaises  (Paris,  1828, 
in-32)  ;  Dictionnaire  de  poche  de  la  langue  française 
(1827,  in-32),  souvent  réimprimés,  et  plusieurs  ouvrages 
d'enseignement.  —  Son  fils,  Ré  gu  lus -Adolphe,  né  à  Paris  le 
17  juil.  1796,  mort  à  Paris  le  5  sept.  1881,  secrétaire 
du  général  Mathieu  Dumas,  adjoint  aux  commissaires  des 
guerres,  fit  la  campagne  de  Russie,  et,  en  qualité  de  com- 
missaire des  guerres,  celle  de  1815.11  succéda  à  son  père 
dans  la  direction  de  Sainte-Barbe  et  devint  en  1858  direc- 
teur de  l'institution  nationale  des  Sourds-Muets.  Il  fut 
longtemps  maire  du  XÏI^  arrondissement  de  Paris. 

LANNEBERT.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr,  de 
Saint-Brieuc,  cant.  de  Lanvollon  ;  788  hab. 

LANNEGAUBE-ET-MEILLÂ.C.  Com.  du  dép.  des  Basses - 
Pyrénées,  arr.  de  Pau,  cant.  de  Lembeye  ;  417  hab. 

LANNÉDERN.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  Châ- 
teaulin,  cant.  de  PJeyben  ;  751  hab. 

LAN  N  EL  (Jean  de),  sieur  de  Chaintroau  et  du  Chambort, 
littérateur  français  du  xvii®  siècle,  connu  surtout  pour 
un  roman  à  clef  :  le  Roman  satyrique  (Paris,  1624,  in-8), 
relatif  à  la  cour  de  Henri  ÏH  et  de  ses  successeurs.  Ce 
livre  fit  beaucoup  de  bruit  et  eut  do  nombreuses  éditions. 
Lannel  le  réimprima  avec  les  changements  matériels  indis- 
pensables sous  le  titre  de  Roman  des  Indes  (1625,  in-8). 
Citons  encore  de  lui  :  Discours  et  avis  d'affaires  d'Etat 
de  quelques  grands  officiers  de  la  couronne  (1622,  in-8)  ; 


la  Vie  de  Godefroy  de  Bouillon  (1625,  in'8);  Histoire 
de  la  vi&  et  de  la  mort  d'Arthémise  (1622,  in-12)  ; 
Histoire  de  don  Jean  de  Castille  (1622,  in-8),  qui  fut 
attribuée  à  Richelieu;    Lettres  (1626,  in-8). 

LANNEL0N6UE  (Odilon-Marc),  chirurgien  français 
contemporain,  né  à  Casteran  (Gers)  le  4  déc.  1841.  Doc- 
teur en  médecine  à  Paris  en  1867,  médecin  des  hôpitaux 
en  1869,  agrégé  de  la  faculté  la  même  année  et  profes- 
seur de  pathologie  externe  en  1888.  On  lui  doit:  De  V Os- 
téomyélite aiguë  pendant  la  croissance  (1879)  et  divers 
mémoires  complémentaires  sur  l'ostéomyélite  aiguë  et  chro- 
nique (1879-81).  Un  autre  ouvrage:  Abcès  froids  et 
tuberculose  osseuse  (1881)  ;  Tuberculose  vertébrale 
(1888)  ;  Traité  des  kystes  congénitaux  (1888,  en  colla- 
boration avec  Achard);  Affections  congénitales,  en  col- 
laboration avec  Ménard  (1891),  et  un  grand  nombre 
d'articles  et  communications  publiés  dans  les  Bulletins 
de  la  Société  anatomique  et  de  la  Société  de  chirurgie. 
M.  Lannelongue  a  été  élu  membre  de  l'Académie  de  méde- 
cine en  1 882  et  député  de  Condom  en  1893.  D^  A.  Dureau. 

LANNEMAlGNAN.Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Con- 
dom, cant.  de  Cazaubon;  403  hab. 

LANNEMEZAN.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  des  Hautes- 
Pyrénées,  arr.  de  Bagnères-de-Bigorre  ;  1,872  hab.  Lan- 
nemezan  est  situé  sur  le  plateau  de  ce  nom,  près  de  la 
source  de  la  Baïsole,  et  non  loin  de  celles  du  Gers  et  de 
la  Save.  L'église  est  de  l'époque  romane  et  possède  une 
ouverture  destinée  aux  cagots.  On  voit  aux  environs  de 
Lannemezan  des  traces  d'une  voie  romaine  qui  se  prolon- 
geait jusqu'à  Bordeaux.  La  commune  possède  une  forêt 
de  114  hect. 

Plateau  de  Lannemezan  (V.  Pyrénées  [Hautes-]  et  Gers.) 

LANNEPAX.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Condom, 
cant.  d'Eauze:  1,185  hab. 

LANNEPLAA.  Com.  du  dép,  des  Basses-Pyrénées,  arr. 
et  cant.  d'Orthez  ;  365  hab. 

LANNER  (Josef-Franz-Carl),  compositeur  autrichien, 
né  à  Oberdœbhng,  près  de  Vienne,  le  11  avr.  1802,  mort  à 
Oberdœbling  le  30  mars  1843.  Auteur  agréable  et  fécond 
de  musique  de  danse,  il  excella  dans  la  composition  de  la 
valse  viennoise  et  acquit  en  ce  genre  léger  et  charmant 
une  popularité  universelle,  que  les  succès  plus  récents  des 
deux  Strauss  n'ont  pas  entièrement  effacée. 

BiBL.:  Saghs,  J.  Lannei\  ein  Lebensbild ;  Vienne,  1889, 

LANNERAY.  Com.  du  dép.  d'Eure-et-Loir,  arr.  et  cant. 
de  Châteaudun  ;  774  hab. 

LANNERSTIERNA  (Johan-Magnus),  poète  suédois,  né 
en  i  758,  mort  à  Strœmstad  en  1797.  Page  du  roi,  il  se  fit 
bientôt  remarquer  à  la  cour  par  sa  vivacité  et  son  esprit. 
En  1777,  il  composait  une  petite  pièce,  intitulée  la  Pa- 
geade,  qui  se  répandit  en  manuscrit,  mais  dont  Gustave  IH 
défendit  la  publication,  à  cause  de  quelques  allusions  qu'elle 
renfermait.  Il  quitta  brusquement  la  cour  en  1779,  pour 
contracter,  peu  après,  un  mariage  que  désapprouvait  le 
roi.  Il  se  retira  alors  à  Strœmstad,  et  y  passa  assez  obcu- 
rément,  presque  dans  le  besoin,  le  reste  de  sa  vie.  Ses 
oeuvres,  d'une  langue  élégante  et  spirituelle,  consistent 
principalement  en  traductions  ou  imitations  du  français,  de 
Favart,  de  Desforges,  de  Collin  d'Harleville,  de  Marmon- 
tel,  etc.  Voici  le  titre  de  quelques-unes  :  Zaïde  (d'après 
M"^^  de  La  Fayette,  1784)  ;  rAvejiturier  ou  le  Voyage  à 
Vile  de  la  Lune  (inspiré  peut-être  de  Marivaux  ou  du 
Théâtre  delà  Foire,  1790);  les  Fausses  Confidences 
(d'après  Barîhe,  1791)  ;  la  Paysanne  à  la  Cour  (imité  de 
Ninette  ci  la  Cour,  de  Favart,  1793)  ;  la  Caravane  (d'après 
Morel  de  Chédeville,  1796);  les  Rivaux  amis  (d'après 
Forgeot,  joué  en  1793,  imprimé  en  1837)  ;  le  Repos  (pu- 
blié dans  Nornan,  1876).  —  Ses  OEuvres  littéraires  ont 
été  publiées  en  partie  par  Hanselli,  en  1861,      Th.  C. 

LANNES.  Ancien  pays  de  Gascogne,  qui  correspond  ac- 
tuellement à  une  partie  du  dép .  des  Landes.  Lannes  est 
le  mot  vulgaire  qui  a  prédominé  jusqu'à  la  Révolution,  de 
préférence  à  celui  de  Landes  en  usage  depuis  cette  époque. 


^  9^23  - 


LANNES 


Mais,  géographiquement  parlant,  les  deux  mots  ne  sont 
pas  synonymes  :  si,  dans  son  acception  la  plus  large,  on 
entend  par  le  mot  de  Landes  toute  l'étendue  comprise 
entre  Bayonne  et  Bordeaux,  le  pays  des  Lannes  a  toujours 
été  considéré  comme  beaucoup  moins  vaste,  et  comprend 
uniquement  la  région  dont  Dax  est  le  centre. 

Histoire.  —  Dans  les  premiers  siècles  du  moyen  âge  et 
jusqu'à  l'établissement  de  la  domination  anglaise  en  Guyenne, 
ce  furent  les  vicomtes  de  Dax  qui  exercèrent  la  suprématie 
dans  ce  pays  ;  le  premier  vicomte  de  Dax  qui  prenne  ce 
titre  est  Arnaud-Loup  en  963.  Les  vicomtes  de  Dax  dé- 
pendirent des  ducs  de  Gascogne,  puis  des  rois  de  France, 
mais  le  pays  conserva  ses  franchises  et  ses  privilèges,  et 
les  vicomtes,  d'abord  simples  fonctionnaires,  s'affermirent 
par  l'hérédité  et  devinrent  peu  à  peu  propriétaires  du 
pays;  à  côté  de  la  vicomte  de  Dax,  mais  d'une  importance 
moindre,  existaient  les  vicomtes  de  Marennes  et  de  Tartas, 
les  baronnies  de  Gosse,  de  Seignanx,  d'Orthe  et  de  Cap- 
breton.  En  4452,  Eléonore  de  Guyenne  ayant  divorcé 
avec  Louis  VU  et  épousé  Henri  Plantagenet,  les  Anglais 
occupèrent  la  Guyenne  et  dès  ce  moment  l'autorité  réelle 
des  vicomtes  de  Dax-Tartas  s'évanouit  pour  faire  place  à 
celle  des  sénéchaux  anglais.  Dax  devint  le  siège  de  la  sé- 
néchaussée des  Lannes  qui  eut  à  sa  tête  un  sous-sénéchal 
dépendant  du  sénéchal  de  Guyenne,  lequel  était  chargé, 
avec  le  connétable  de  Bordeaux  et  le  chancelier  d'Aquitaine, 
de  gouverner  toute  la  province.  A  Saint-Sever  et  à  Bayonne 
furent  placés  des  prévôts,  officiers  de  police,  administrant 
la  justice  au  nom  du  roi  et  chargés  en  outre  de  la  percep- 
tion des  revenus  de  la  couronne,  dont  ils  rendaient  compte 
au  connétable.  Au  degré  supérieur,  la  justice  était  rendue 
par  les  cours  féodales  de  Dax  et  de  vSaint-Sever  ;  la  compé- 
tence de  ces  cours  se  trouva  bientôt  restreinte,  au  point 
de  vue  judiciaire,  par  la  création  de  la  cour  de  souverain 
ressort  en  4370,  et  au  point  de  vue  politique  par  l'impor- 
tance que  prirent  au  xiv^  siècle  les  Etats  particuliers  de  la 
sénéchaussée.  Il  ne  semble  pas  cependant  que,  sous  la  do- 
mination anglaise,  les  Etats  de  la  sénéchaussée  des  Lannes 
aient  eu  une  organisation  régulière,  des  réunions  pério- 
diques et  des  droits  politiques  nettement  définis. 

Lorsque  les  armées  victorieuses  de  Charles  VU  eurent 
conquis  la  Guyenne,  la  situation  se  modifia.  On  sait  la 
rapidité  avec  laquelle  eut  lieu  cette  conquête  :  Dax  fut 
pris  en  4450  et  Bayonne  capitula  l'année  suivante  devant 
les  armées  réunies  des  comtes  de  Foix  et  de  Dunois.  Les 
Lannes  ne  prirent  aucune  part  en  4452  à  la  révolte  des 
Bordelais,  qui  fut  suivie  d'une  nouvelle  campagne  de 
Charles  VU  et  de  l'expulsion  définitive  des  Anglais  après 
la  bataille  de  Castillon  (juil.  4453).  Charles  VIÏ  ayant  dès 
4454  confirmé  les  franchises  et  libertés  du  pays,  rien  ne 
fut  changé  en  apparence  dans  la  situation  du  pays  des 
Lannes  jusqu'en  4454;  quelques-unes  des  formes  de  l'ad- 
ministration anglaise  semblent  s'être  même  conservées. 
Mais  en  4454  l'administration  royale  porta  une  première 
atteinte  à  l'état  de  choses  existant  avant  la  conquête  et 
menaça  les  privilèges  du  pays  par  la  création  d'un  sénéchal 
des  Lannes  :  le  capitaine  écossais  Bobin  Petilo  fut  appelé 
à  cette  charge.  Cette  innovation  devait  avoir  de  graves 
conséquences  :  car,  tandis  que  sous  la  domination  anglaise 
la  sénéchaussée  des  Lannes  n'était  qu'une  des  divisions 
de  la  sénéchaussée  de  Guyenne,  et  que  le  sous-sénéchal  qui 
l'administrait  était  un  lieutenant  du  grand  sénéchal  de 
Guyenne,  Robin  Petilo  maintint  son  indépendance  vis-à-vis 
de  ce  dernier,  ne  tint  aucun  compte  des  appels  faits  devant 
lui  ou  le  juge  de  Gascogne  et  déclara  ne  relever  que  du 
roi  et  du  parlement.  Un  procureur  du  roi  fut  établi  dans 
la  sénéchaussée  pour  l'exercice  de  la  justice.  —  Au  point 
de  vue  financier,  le  roi  qui  avaitbesoin  d'argent  pour  la  solde 
des  gens  de  guerre  et  l'entretien  des  places  fortes,  fut  plus 
prudent:  il  recourut  dans  la  sénéchaussée  des  Lannes  à  un 
moyen  de  gouvernement  employé  avec  succès  dans  le  centre 
de  la  France  de  4448  à  4454  en  réunissant  à  plusieurs 
reprises  des  assemblées  d'Etats  de  la  sénéchaussée  et  leur 


conférant  certains  droits  administratifs  et  politiques  en 
échange  des  aides  et  subsides  qu'il  obtenait  d'eux.  Des 
assemblées  furent  ainsi  tenues  de  4455  à  4463;  les  Etats 
présentaient  leurs  doléances  sur  l'administration  des  officiers 
royaux  ;  elles  étaient  examinées  par  le  grand  conseil  qui 
prescrivait  des  enquêtes,  s'il  y  avait  lieu,  et  réformait  les 
abus.  Pendant  plusieurs  années,  le  roi  ne  leva  d'autres 
tailles  et  aides  que  celles  consenties  par  les  Etats  ;  mais, 
peu  à  peu,  les  Etats  ne  furent  plus  consultés  que  pour  la 
forme,  et  dès  4463  des  tailles  permanentes  furent  imposées 
dans  la  sénéchaussée  pour  l'entretien  des  gens  d'armes. 
A  partir  de  4463,  on  ne  trouve  plus  trace  d'assemblées 
d'Etats  de  la  sénéchaussée  des  Lannes;  leur  existence  fut 
éphémère,  mais  le  souvenir  ne  s'en  perdit  pourtant  pas  : 
car  en  4789  les  cahiers  de  la  noblesse,  du  clergé  et  du 
tiers  état  de  la  sénéchaussée  sont  unanimes  à  réclamer  la 
restauration  des  Etats  particuliers  de  l'élection  des  Lannes. 

Au  moment  de  la  Révolution,  les  Lannes  étaient  pays 
d'élection  ;  l'élection  des  Lannes  était  divisée  en  trois  sub- 
délégations: Bayonne,  Dax,  Saint-Sever.  Au  point  de  vue 
judiciaire,  la  sénéchaussée  avait  deux  sièges,  à  Dax  et  à 
Saint-Sever.  Henri  Courtfault. 

BiBL.  :  DoMPNiER  DE  S^uviAG,  Ghroiiiques  de  la  cité  et 
du  diocèse  d'Acqs;  Dax,  1869-73,  2  vol.  m-4.  —  Tartière, 
Essai  sur  la  géographie  ancienne  du  dép.  des  Landes  ; 
Mont-de-Marsan,  1864,  in-8.  —  Cadier,  la  Sénéchaussée 
des  Lannes  sous  Charles  VII;  Paris,  1885,  in-8. 

LANNES.  Com.  du  dép.  du  Lot-et-Garonne,  arr.  de 
Nérac,  cant.  de  Mézin  ;  745  hab. 

LANNES.  Com.  du  dép.  delà  Haute-Marne,  arr.  de 
Langres,  cant.  de  Neuilly-l'Evêque  ;  538  hab. 

LAN  N  ES  (Jean),  duc  de  Montebello,  maréchal  de  France, 
né  à  Leetoure  (Gers)  le  44  avr.  4769,  mort  à  Vienne  (Au- 
triche) le  34  mai  4809.  Fils  d'un  garçon  d'écurie,  ap- 
prenti teinturier,  il  s'engagea  en  4792,  se  distingua  dans 
l'armée  des  Pyrénées-Orientales,  et  parvint  dès  4795  au 
grade  de  chef  de  brigade,  Bonaparte  l'emmena  en  Italie 
et  le  fit  général  de  brigade  après  Lodi.  Lannes  fit  partie 
de  l'expédition  d'Egypte,  d'où  il  revint  général  de  divi- 
sion (oct.  4799),  contribua  au  coup  d'Etat  des  48  et 
49  brumaire,  fut  nommé  commandant  de  la  garde  con- 
sulaire (46  avr.  4800),  accompagna  peu  après  le  premier 
consul  en  Italie,  culbuta  les  Autrichiens  à  Montebello 
(9  juin)  et  prit  une  part  importante  à  la  victoire  de  Ma- 
rengo  (44  juin).  Envoyé  l'année  suivante  en  Portugal 
comme  ambassadeur,  il  n'y  fit  pas  long  séjour,  les  qualités 
nécessaires  à  un  diplomate  lui  faisant  absolument  défaut. 
Maréchal  de  l'Empire  en  4804,  il  fut  un  des  principaux 
lieutenants  de  Napoléon  pendant  la  campagne  de  4  805.  Un 
peu  plus  tard,  il  commandait  le  centre  de  la  grande  armée 
àléna  (14  oct.  1806),  battait  les  Busses  à  Pultusk  (26  déc.) 
et  protégeait  victorieusement  le  siège  de  Dantzig  (mai  4807). 
L'empereur,  après  lui  avoir  décerné  le  titre  de  duc  de  Monte- 
bello, l'emmena  en  Espagne  (4808)  où  Lannes,  après  sa 
victoire  de  Tudela  (22  nov,),  mena  glorieusement  à  bonne 
fin  le  siège  de  Saragosse  (24  févr.  1809).  Appelé  un  peu 
plus  tard  en  Allemagne  (avr.  4809),  le  maréchal,  qui  s'é- 
tait couvert  de  gloire  à  Eckmùhl,  Batisbonne  et  Amstet- 
ten,  fut  frappé  à  la  bataille  d'Essling  (22  mai)  d'un  boulet 
qui  lui  fracassa  les  deux  jambes.  Il  mourut  au  bout  de  peu 
de  jours  et  l'empereur  lui  décerna,  l'année  suivante,  les 
honneurs  du  Panthéon.  Napoléon  lui  a  rendu  à  Sainte- 
Hélène  cet  hommage  qu'il  était  infiniment  supérieur  à 
Moreau  et  à  Soult,  et  que  ses  talents  n'avaient  cessé  de 
grandir  depuis  son  entrée  dans  la  carrière  militaire.  Il 
avait  fait  annuler  son  premier  mariage  avec  M^^^  Méric 
(dont  le  fils  fut  déclaré  plus  tard  illégitime)  et  épousa 
M^^®  de  Guéhéneuc  qui  vécut  jusqu'en  4856.    A.  Debidour. 

LANNES  (Napoléon-Auguste),  duc  de  Montebello,  di- 
plomate français,  né  à  Paris  le  30  juil.  4801,  mort  à  Ma- 
reuil-sur-Ay  (Marne)  le  48  juil.  4874,  fils  aîné  du  précé- 
dent. Appelé  à  la  Chambre  des  pairs  en  4827,  il  fut  quelque 
temps  attaché  à  l'ambassade  de  Borne  sous  Chateaubriand 
(4828-29),  se  rallia  au  gouvernement  de  Juillet  qu'il  sou- 


LANNES  -  LANNOY 


—  924 


tint  par  de  nombreux  discours,  alla  représenter  la  France  en 
Danemark  (i833),  en  Prusse  (4833),  en  Suisse  (1836), 
fut  appelé  le  l^^avr.  1839  au  ministère  des  affaires  étran- 
gères, où  il  ne  resta  que  quelques  semaines,  négocia, 
comme  ambassadeur  à  Naples,  le  mariage  du  duc  d'Aumale 
(1844)  et  fut  ministre  de  la  marine  et  des  colonies  du  9  mai 
1847  au  23  févr.  1848.  Ecarté  des  affaires  par  la  révo- 
lution de  Février,  il  fut,  en  1849,  envoyé  par  le  dép.  de 
la  Marne  à  l'Assemblée  législative,  où  il  combattit  la  poli- 
tique de  l'Elysée.  Il  protesta  contre  le  coup  d'Etat  du 
2  déc.  1851,  mais  se  rallia  quelques  années  plus  tard  à 
l'Empire,  qu'il  représenta  (de  1858  à  1866)  à  Saint-Péters- 
bourg, et  fut  nommé  sénateur  le  5  oct.  1 867. 

LANNES  (Gustave-Olivier),  comte  de  Montebello,  gé- 
néral français,  né  à  Paris  le  4  déc.  1804,  mort  à  Blosseville, 
près  du  Havre,  le  29  août  1875,  frère  du  précédent.  En- 
gagé volontaire  en  1830,  il  servit  longtemps  en  Afrique, 
parvint  au  grade  de  colonel  en  1847,  coopéra  au  coup 
d'Etat  du  2  déc.  1851  comme  aide  de  camp  de  Louis-Na- 
poléon, qui,  peu  de  jours  après,  le  nomma  général  de  bri- 
gade, fut  promu  général  de  division  le  28  déc.  1855,  com- 
manda le  corps  d'occupation  de  Rome  de  1862  à  1864,  et 
fut  appelé  au  Sénat  le  5  janv.  1867.  Admis  dans  le  cadre 
de  réserve  en  1869,  il  rentra  dans  la  vie  privée  en  1870. 

LANNES  (Gustave-Louis),  comte  de  Montebello,  diplo- 
mate français,  né  à  Lucerne  le  4  oct.  1 838,  fils  du  duc  Napo- 
léon-Auguste (V.  ci-dessus).  Entré  dans  la  diplomatie  en 
1858,  il  devint,  après  avoir  passé  par  les  ambassades  de 
Madrid,  du  Japon,  de  Saint-Pétersbourg,  de  Washington, 
de  Londres,  chargé  d'affaires  à  Munich  (1880).  Ministre 
plénipotentiaire  à  Bruxelles  en  1882,  il  fut  nommé  en  1886 
ambassadeur  à  Conslantinople  et  en  1891  ambassadeur  à 
Saint-Pétersbourg. 

LAN  N  ES  DE  Montebello  (Adrien-Jean),  homme  politique 
français,  né  à  Paris  le  9  août  1851,  frère  du  précédent. 
Chef  de  cabinet  de  M.  Léon  Say  au  ministère  des  finances 
et  à  la  présidence  du  Sénat,  il  fut  l'un  des  fondateurs  de 
r  «  Union  libérale  »,  dont  il  soutint  la  politique  dans  la 
Petite  République  française.  Après  des  candidatures  sans 
succès  à  Mirande  contre  M.  P.  de  Cassagnac  (1881),  en 
Seine-et-Oise  (1885)  et  à  Pontoise  (1889),  il  fut  élu  en 
1893  député  de  la  deuxième  circonscription  de  Reims  avec 
un  programme  républicain. 

LAN  N  EU  FRET.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de 
Brest,  cant.  de  Ploudiry;  237  hab. 

LAN  NI  LIS.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Finistère,  air. 
de  Brest,  entre  l'Aber-Vrac'h  et  l'Aber-Benoît  ;  3,323  ha  ). 
Tête  de  ligne  du  chem.  de  fer  de  Brest  à  Lannilis.  Hospic(  . 
Fabriques  de  poterie  commune  et  de  tuiles  ;  manufactui  f 
de  couvertures  de  lit,  dites  bernes.  Eglise  des  xiv^  e  1 
xviii®  siècles.  Fontaine  de  Troubérou,  xv®  siècle.  Châteai 
de  Kerhouarz  (xvn®  siècle).  C.  Del. 

LAN  N  ION  (Lanium^Lanionum),  Ch.-l.  d'arr.  dudép. 
des  Côtes-du-Nord,  sur  la  rive  droite  du  Guer  ou  Léguer, 
à  8  kil.  en  amont  de  l'embouchure  :  le  fleuve  y  devient 
navigable  et  forme  un  port  ;  6,002  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  Paris-Brest  ;  tète  de  ligne  de  celui  de  Plouaret  à  Lan- 
nion.  Collège,  bibhothèque,  cours  normal  d'institutrices, 
chambre  consultative  d'agriculture,  hospice,  prison;  consu- 
lat de  Suède  et  Norvège.  Usine  de  soude,  fabriques  d'ins- 
truments aratoires,  de  conserves,  de  toiles,  de  papier; 
tanneries,  blanchisserie  de  cire,  etc.  Commerce  de  chevaux, 
bestiaux,  beurre,  lin,  chanvre  teille,  draps,  cordages,  pro- 
duits de  mer.  Petit  port  d'échouageet  de  refuge.  La  rivière 
coule  entre  des  coteaux  de  80  m.  de  hauteur  ;  large  de  50  m. 
à  Lannion,  elle  a  300  m.  de  largeur  au  Yaudet,  près  de  son 
embouchure  dans  une  rade  pouvant  recevoir  de  grands 
navires,  au  fond  d'une  large  baie  ouverte  auN.-O.,  sur  la 
Manche.  —  Dans  la  guerre  de  succession  de  Bretagne  (1341- 
64),  les  comtes  de  Lannion  prirent  parti  pour  Charles  de 
Blois.  En  1346,  les  Anglais  prirent  la  ville  et  égorgèrent 
ses  habitants.  En  1592,  une  juridiction  royale  y  fut  trans- 
portée de  Tréguier. 


La  ville,  aux  rues  tortueuses  et  escarpées,  offre  plu- 
sieurs maisons  anciennes  ;  l'église  Saint-Jean-du-Baly 
(xvi^  et  xvii«  siècles),  avec  une  tour  carrée  de  1519; 
quelques  vestiges  de  l'église  de  Kermaria-an-Traon  (1178); 
la  chapelle  Sainte-Anne  (1650)  dépendant  du  couvent 
des  dames  de  Saint-Augustin;  ancien  monastère  d'ur- 
sulines  (1670),  avec  une  belle  façade  de  l'église  (occupé 


Vieilles  maisons  à  Lannion. 

par  le  collège  et  la  prison)  ;  promenades  des  Quais  et 
de  l'Allée-Verte.  Aux  environs  :  sources  ferrugineuses; 
menhirs  celtiques.  Au  N.,  sur  une  hauteur  qui  domine  Lan- 
nion, église  de  la  com.  de  Brélevenez,  sorte  de  faubourg 
delà  ville  (mon.  hist.  du  xn*^  siècle).  Armoiries  :  D'azur  a 
un  agneau  pascal  d'argent  diadème  d'or,  couché  sur 
une  terrasse  de  sinople,  tenant  une  croix  d'or  où  est 
un  guidon  d'argent  à  la  croix  de  gueules.  C.  Del. 
BiBL.  :  A.  Lenepvou  de  Carfort,  Notice  histor.  sur 
Lannion  et  ses  environs,  1875.  —  Joijrjon,  Notice  sur  le 
port  de  Lannion,  dans  Ports  marit.  de  Fr.,   1878,  t.  III. 

LAN  NO  (François-Gaspard- Aimé),  sculpteur  français, 
né  à  Bennes  en  janv.  1800,  mort  à  Beaumont-sur-Oise  le 
7  janv.  1872.  Elève  de  Cartellier,  il  obtint  le  prix  de  Rome 
en  1827  ;  ses  principales  œuvres  sont  :  Lesbie  (ronde  bosse, 
1832);  le  Maréchal  Brune  (bronze,  1841,  à  Brive-la- 
Gaillarde),  des  statues  et  bustes  pour  le  Louvre,  le  musée 
de  Versailles,  le  théâtre  de  Rennes,  etc. 

LANNOY.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Nord,  arr.  de 
Lille;  1,945  hab.  Stat.  du  Nord,  ligne  d'Ascq  à  Tour- 
coing. Fabrique  de  couvertures  piquées,  de  tapis,  de  tissus 
d'ameublement  ;  tissages  de  lin  et  d'étoupes  ;  fabrique  de 
coutils;  brasseries. 

LANNOY-Cuillère.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de 
Beauvais,  cant.  de  Formerie  ;  373  hab. 

LAN  NOY  (Guillebeit  de),  diplomate  et  voyageur  français, 
né  en  1386,  mort  le  22  avr.  1462.  Il  devint  chancelier  et 
chambellan  du  duc  de  Bourgogne,  et  fit  preuve  de  sérieuses 
qualités  militaires,  notamment  dans  la  guerre  des  Arma- 
gnacs et  plus  tard  à  la  bataille  de  Brouwershaven.  Il  reçut 
en  récompense  de  sa  valeur  le  poste  de  gouverneur  de  la 
forteresse  de  l'Ecluse  et  fut  un  des  négociateurs  du  traité 
de  Troyesdel420,  qui  donnait  la  France  au  roi  d'Angle- 
terre Henri  V.  Ce  monarque  chargea  de  Lannoy  de  procéder 


—  925 


LANNOY  -  LANGUE 


en  Palestine  à  une  enquête  sur  la  possibilité  de  faire  revivre 
le  royaume  chrétien  de  Jérusalem.  De  Lannoy  rédigea 
une  relation  de  son  voyage  intitulée  les  Pèlerinages  de 
Surye  et  de  Egipte,  et  en  fît  exécuter  deux  copies  desti- 
nées l'une  au  duc  de  Bourgogne,  l'autre  au  roi  d'Angle- 
terre. Ce  dernier  manuscrit  existe  encore  aujourd'hui  et  a 
été  publié  dans  le  l.  XXI  de  VArcheologia  britannica.  On 
a  retrouvé  de  nos  jours  le  manuscrit  original  de  Guillebert 
de  Lannoy  ;  il  est  beaucoup  plus  complet  et  plus  intéres- 
sant que  la  copie,  et  il  a  été  publié  en  4842  par  la  Société 
des  Bibliophiles  de  Mons,  sous  le  titre  de  Voyages  et 
Ambassades  de  messire  Guillebert  de  Lannoy.  E,  H. 
BiBL.  :  Lelewel,  Guillebert  de  Lannoy  et  ses  voyages  en 
ikiS^  iki^  et  1^21^  commentés  en  français  et  en  polonais  ; 
Posen,1844,  in-8;  rééd.,  Bruxelles,  1845,  in-8.  —  Potvin, 
Ghillebert  de  Lannoy  ;  Bruxelles,  1878,  in-4. 

LANNOY  (Charles  de),  homme  d'Etat  belge,  né  à  Va- 
lenciennes  vers  4487,  mort  à  Gaëte  en  4527.  11  fut  élevé 
avec  le  jeune  Charles,  depuis  Charles-Quint,  qui  eut  tou- 
jours pour  lui  une  vive  affection  et  le  nomma  chevalier  de 
la  Toison  d'or'dès  4545.  De  Lannoy  accompagna  son  sou- 
verain au  siège  de  Tournai  en  4524  et  devint.  Tannée  sui- 
vante, vice-roi  de  Naples.  Il  se  distingua  à  la  bataille  de 
Pavie  et  fit  le  roi  de  France  prisonnier.  Il  fut  un  des  négo- 
ciateurs du  traité  de  Madrid,  et  conclut  également  avec  le 
pape  un  traité  que  les  bandes  du  connétable  de  Bourbon 
refusèrent  de  respecter  ;  les  lansquenets  se  soulevèrent, 
chassèrent  de  Lannoy  de  leur  camp  et  livrèrent  Rome  au 
pillage.  Le  vice-roi,  découragé,  mourut  quelque  temps 
après  de  la  peste.  E.  H. 

BiBL.  :  Th.  Juste,  Charles  de  Lannoy,  vice-roi  de  Na- 
ples^ et  CharleS'Quintf  dans  les  Bulletins  de  l'Acad.  royale 
de  Belgique^  2«  série,  XXIV. 

LAN  N  UX.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Mirande,  cant. 
de  Riscle  ;  428  hab. 

LANO.  Com.  du  dép.  de  la  Corse,  arr.  de  Corte,  cant. 
de  San-Lorenzo;  427  hab. 

LANOBRE.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  de  Mauriac, 
cant.  de  Champs  ;  4 ,644  hab. 

LA  NOCLE  (Beauvoir)  (V.  Beauvoir). 

LANOUAILLE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Dor- 
dogne,  arr.  de  Nontron  ;  4,776  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer  du 
Périgord,  ligne  de  Périgueux  à  Saint-Yrieix.  Briqueteries  ; 
fabrique  d'extrait  tannique;  corroiries;  forges;  moulins. 

LA  NOUE  (François  de),  capitaine  français,  dit  Bras  de 
fer^  né  aux  environs  de  Nantes  en  4534,  mort  à  Montcon- 
tour  le  4  août  4594,  Il  appartenait  à  une  vieille  famille 
bretonne.  Il  fit  ses  premières  armes  en  Piémont,  sous  les 
ordres  du  maréchal  de  Brissac.  La  paix  de  Cateau-Cambrésis 
le  ramena  dans  son  château  patrimonial.  Ce  fut  vers  ce 
temps  qu'il  fit  adhésion  à  la  Réforme.  La  première  guerre 
civile  le  compta  parmi  les  lieutenants  de  l'amiral  de  Coli- 
gny.  Au  début  de  la  deuxième,  il  assura  Orléans  à  «  la 
cause  ».  Il  conduisait  l'arrière -garde  à  la  bataille  de 
Jarnac,  et  fut  fait  prisonnier  à  celle  de  Moncontour.  Bien- 
tôt délivré  par  voie  d'échange  (4569),  il  s'empara  peu 
après  de  Luçon  (4570),  mais  le  surlendemain  de  ce  succès, 
le  47  juin,  assiégeant  Fontenay-le-Comte,  il  reçut  un  coup 
d'arquebuse  qui  nécessita  l'amputation  du  bras  gauche.  Un 
mécanicien  de  La  Rochelle  ajusta  toutefois  au  moignon 
une  sorte  de  crochet  métallique  lui  permettant  de  tenir  la 
bride  de  son  cheval,  d'où  le  surnom  de  Bras  de  fer  que 
lui  donnèrent  ses  soldats.  L'édit  de  pacification  de  Saint- 
Germain  fut  signé  sur  ces  entrefaites  ;  presque  aussitôt  il 
fut  grand  bruit  d'une  expédition  qu'allait  diriger  le  roi  de 
France  dans  les  Pays-Bas  contre  les  Espagnols.  La  Noue 
partit  pour  ravitailler  Mons  ;  il  ne  tarda  pas  à  être  obligé 
de  capituler  entre  les  mains  du  duc  d'Albe(49se|)t.  4572). 
Bien  qu'il  connût  la  Saint-Barthélémy,  il  n'hésita  pas,  à 
l'appel  de  Charles  IX,  à  quitter  le  camp  du  duc,  oii  il  était 
traité  avec  distinction,  et  à  se  rendre  dans  la  ville  où,  un 
mois  auparavant,  tant  des  siens  avaient  trouvé  une  mort 
tragique  ;  ce  (jui  montre  clairement  qu'il  ne  faisait  pas  re- 
monter au  roi  la  responsabilité  du  massacre.  Il  fut  chargé 


par  lui  de  s'entremettre  auprès  des  assiégés  de  La  Rochelle, 
pour  amener  leur  soumission  moyennant  des  garanties  rai- 
sonnables. Il  y  joua  un  rôle  très  singulier,  tantôt  négocia- 
teur, tantôt  belligérant.  L'équivoque  de  sa  conduite  n'a 
jamais  été  éclaircie.  C'est  la  seule  ombre,  du  reste,  qui  plane 
sur  cette  grande  mémoire.  Lors  du  soulèvement  de  4574, 
il  revint  sur  le  littoral  saintongeais,  arma  une  flotte  qui 
donna  Fempire  de  la  mer  à  ses  coreligionnaires.  Les  an- 
nées suivantes  sont  remplies  pour  lui  de  petites  expéditions 
heureuses,  d'ailleurs  sans  grande  portée.  En  i  578,  il  re- 
partit pour  la  Flandre  où  il  était  appelé  parles  Etats-Géné- 
raux et  y  reçut  la  charge  importante  de  grand  maréchal 
de  campl  II  prit  Louvain,  Bruges,  Cassel  (4589),  Ninove 
(30  mars  4580)  ;  mais  le  40  mai  de  la  même  année,  il 
tomba  à  son  tour  aux  mains  de  l'ennemi,  et  subit,  de  4580 
à  4585,  la  plus  dure  des  captivités.  Pour  se  désennuyer, 
il  écrivit  ses  admirables  Discours  politiques  et  mili- 
taires (im,  i^^  éd.).  Redevenu  libre  le  28  juin  4585,  il 
eut  à  s'acquitter  de  la  délicate  mission  dont  son  ami  le  duc 
de  Bouillon  l'avait  chargé  au  lit  de  mort  :  assurer  sa  riche 
succession  à  sa  fille,  Charlotte  de  La  Marck.  Il  en  vint 
à  bout,  non  sans  peine.  Cette  affaire  liquidée,  il  rallia  le 
camp  du  roi  de  Navarre,  qui  venait  de  se  réconcilier  avec 
Henri  III  (30  avr.  4589).  Il  combattit  à  SenUs  (1589),  à 
Arques,  à  Ivry  et  fut  mortellement  blessé  à  l'attaque  de 
Lamballe  (4591).  «  Nous  perdons  un  grand  homme  de 
guerre  et  encore  plus  un  grand  homme  de  bien  »,  dit 
Henri  IV  en  apprenant  sa  mort.  La  postérité  a  ratifié  ce 
jugement.  Léon  Marlet. 

BiBL.  :  Hauser,  François  de  La  Noue;  Paris,  1892,  in-8. 

LA  NOUE  (Odet  de),  sieur  de  Téligny,  mort  à  Paris  en 
août  4618,  fils  aine  du  précédent.  Blessé  et  pris  devant 
Tournai  (1584),  libéré  en  4591,  il  prit  une  grande  part 
au  siège  de  Paris,  à  la  préparation  de  l'édit  de  Nantes, 
aux  négociations  avec  les  Provinces-Unies  (jusqu'en  4647). 
Il  a  écrit  des  Poésies  chrétiennes  (Genève,  4594,  in-8); 
un  Dictionnaire  des  rimes  françoises  (4596,  in-8),  etc. 

LA  NOUE  (Jean  Sauvé,  dit  de),  acteur  et  auteur  dra- 
matique français,  né  à  Meaux  le  20  oct.  4701,  mort  à 
Paris  le  45  nov.  476L  Fils  d'un  simple  chaudronnier,  il 
fut  protégé  par  le  cardinal  de  Bissy,  qui  lui  fit  commencer 
ses  études  au  collège  des  chanoines  réguliers  de  Sainte- 
Geneviève,  et  qui  l'envoya  les  terminer  ensuite  à  Paris, 
au  collège  d'Harcourt.  Pourtant,  dès  l'âge  de  vingt  ans,  il 
avait  pris  le  parti  du  théâtre  et  débutait  à  Lyon  dans  les 
premiers  rôles.  De  Lyon  il  allait  à  Strasbourg  tenir  le 
même  emploi,  et  c'est  là  qu'il  fit  ses  débuts  Uttéraires  en 
donnant  une  petite  comédie  en  un  acte  et  en  vers  libres, 
intitulée  les  Deux  Bals.  En  4735,  il  donnait  à  Paris,  à 
la  Comédie-Italienne,  un  autre  petit  acte  en  vers  libres,  le 
Retour  de  Mars,  qui  fut  fort  bien  accueilli.  Il  prit,  avec 
une  demoiselle  Gautier,  la  direction  du  théâtre  de  Rouen, 
où  il  resta  cinq  années,  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  faire 
jouer  pendant  ce  temps,  à  la  Comédie-Française,  le  23  févr. 

4739,  une  tragédie  intitulée  Mahomet  II,  qui  eut  du 
succès  et  resta  longtemps  au  répertoire.  l\  entra  à  la  Co- 
médie-Française et  débuta  dans  une  représentation  de  la 
cour,  à  Fontainebleau,  le  44  mars  4742,  puis  à  Paris  ;  il 
fut  aussi  bien  accueiUi  de  l'un  que  de  l'autre  côté,  malgré 
sa  laideur  et  son  physique  ingrat.  Il  y  créa  des  rôles  im- 
portants dans  Mahomet,  l'Epoux  par  supercherie,  l'Ecole 
des  Mères,  la  Gouvernante,  le  Méchant,  le  Dissipa- 
teur, ç^Xo,,,  et  y  donna,  le  23  févr.  4756,  sa  fameuse 
comédie  de  la  Coquette  corrigée,  dans  laquelle  il  remplis- 
sait le  rôle  principal  et  qui  obtint  un  succès  considérable. 
On  cite  encore  ses  vers  : 

Le  bruit  est  pour  le  fat,  la  plainte  est  pour  le  sot  : 
L'honnête  homme  trompé  s'éloigne  et  ne  dit  mot. 

La  Noue  prit  sa  retraite  en  4757  ;  sa  dernière  repré- 
sentation est  du  26  mars.  Arthur  Pougin. 
LANGUE  (René- Joseph  de),  général  français,  né  vers 

4740,  guillotiné  à  Paris  le  45  avr.  4793.  H  entra  de 
bonne  heure  au  service  militaire,  était  lieutenant  général 


LANGUE  —  LANSINGBURGH 


--  ne 


lors  de  la  Révolution  ;  traduit  en  justice  pour  n'avoir  pas 
marché  au  secours  de  Lille,  il  fut  acquitté  et  commanda 
une  division  de  l'armée  de  Dumouriez  ;  il  fut  battu  sur  la 
Roer  le  1^^  mars  -1793,  traduit  devant  le  tribunal  révolu- 
tionnaire et  condamné  à  mort. 

LANGUE  (Féiix-Hippolyte),  peintre  français,  né  à  Ver- 
sailles lel4oct,  1812,  mort  à  Versailles  le  22janv.  1872. 
Elève  de  Victor  Bertin  et  d'Horace  Vernet,  il  remporta  en 
1841  le  premier  grand  prix  de  paysage.  Il  a  reproduit  des 
sites  nombreux  de  Fontainebleau  et  des  environs  de  Ver- 
sailles. On  remarque  surtout  sa  Vue  de  la  Seine  à  Rouen 
(1833)  ;  celle  des  Aqueducs  de  Bue  (1835)  ;  sa  Vue 
prise  à  Sassenage  (1844)  ;  sa  Vue  de  Terracine;  Saint 
Benoît  dans  les  solitudes  de  Subiaco  (1854),  tableau 
qui  se  trouve  dans  l'église  Saint-Etienne-du-Mont,  à  Paris  ; 
une  Vue  prise  à  Pont-Rousseau,  près  de  Nantes,  et  les 
Bords  de  la  Neva  (1855).  Challamel. 

LA  NOUE  (Charles-Marie-Adolphe,  vicomte  de),  homme 
politique  français,  né  à  Saint-Brieuc  le  6  mars  1843.  Zouave 
pontifical  (1867),  il  fit  la  campagne  de  1870  dans  les  vo- 
lontaires de  l'Ouest.  Grand  propriétaire,  conseiller  général 
des  Côtes-du-Nord,  il  fut  élu  député  de  ce  département  le 
25  nov.  1888,  en  remplacement  de  M.  de  Belizal,  et  (ut 
réélu  en  1889  et  en  1893.  Membre  de  la  droite,  il  appuya 
le  boulangisme. 

LA  NOUÉE.  Corn,  du  dép.  du  Morbihan,  arr.  de  Ploër- 
mel,  cant.  de  Josselin  ;  2,403  hab.  Forges  et  haut  fourneau. 
Forêt  particulière  d'une  contenance  d'environ  3,500  hect. 
Bel  étang. 

LANOUX.  Lac  de  France  (V.  Pyrénées-Orientales). 

LANOUX.  Com.  du  dép.  de  l'Ariège,  arr.  de  Pamiers, 
cant.  du  Fossat;  123  hab. 

LANQUAIS.  Com.  du  dép,  de  la  Dordogne,  arr.  de  Ber- 
gerac, cant.  de  Lalinde  ;  660  hab.  Carrières  de  pierres  de 
taille.  Ancien  château  de  la  famille  de  Gourgues;  cons- 
truction du  xiv^  siècle  avec  remaniements  de  la  Renais- 
sance. On  y  conserve  une  belle  collection  des  objets  pré- 
historiques provenant  des  grottes  du  Périgord. 

LANQUES.  Com.  du  dep.  de  la  Haute-Marne,  arr.  de 
Chaumont,  cant.  de  Nogent  ;  465  hab.  Coutellerie. 

LANQUETOT.Com.  du  dép.  de  la  Seine-Inférieure,  arr. 
du  Havre,  cant.  de  Bolbec;  1,158  hab. 

LANRELAS.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Dinan,  cant.  de  Broons;  1,925  hab. 

LANRIEC.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  Quim- 
per,  cant.  de  Concarneau;  2,103  hab.  Fabriques  de  con- 
serves alimentaires  et  de  sardines  à  l'huile. 

LANRIGAN.  Com.  du  dép.  d'IUe-et-Vilaine,  arr.  de 
Rennes,  cant.  d'Hédé;  218  hab. 

LAN  Ri  VAIN.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Guingamp,  cant.  de  Saint-Nicolas-du-Pélem  ;  1,551  hab. 

LANRIVOARÉ.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de 
Brest,  cant.  de  Saint-Renan  ;  783  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  de  Brest  à  Ploudalmézeau.  Granit,  engrais.  Cimetière 
célèbre  des  7,777  martyrs,  peuplade  chrétienne  massacrée 
par  les  païens  ;  il  s'y  tient  un  pardon  annuel.  Eglise  de 
1727,  sur  l'emplacement  d'une  autre  dont  on  ignore  l'an- 
tiquité ;  château  de  Penandreff.  C.  Del. 

LAN RO DEC.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Guingamp,  cant.  de  Plouagat:  1,680  hab. 

LANS  (Glacier)  (V.  Isère,  t.  XX,  p.  988). 

LAN  S  (Monts  de)  (V.  Isère,  t.  XX,  p.  989). 

LANS.  Com.  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Grenoble,  cant. 
du  Villard-de-Lans;978hab. 

LANS.  Com.  du  dép.  de  Saône-et-Loire,  arr.  et  cant.  de 
Chalon-sur-Saône  ;  201  hab. 

LANS-LE-BouRG.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Savoie, 
arr.  de  Saint-Jean-de-Blaurienne,  sur  la  r.  dr.  de  l'Arc; 
914  hab.  Mine  de  cuivre  ocreux  de  la  concession  de  Cléry. 
Commerce  de  bestiaux,  de  beurre,  de  fromages.  Forêt 
communale.  Clocher  du  xii^  siècle. 

LANS-le-Vjllard.  Com.  du  dép.  de  la  Savoie,  arr.  de 
Saint-Jean-de-Maurienne,  cant.  de Lans-le- Bourg;  545 hab. 


LANSAC.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Blaye, 
cant.  de  Bourg-sur-Gironde;  617  hab. 

LANSAC.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  de 
Tarbes,  cant  de  Pouyastruc:  118  hab. 

LANSAC.  Com.  du  dép.  des  Pyrénées-Orientales,  arr.  de 
Perpignan,  cant.  de  Latour-de-France ;  91  hab. 

LANSAC  (François- Emile  de),  peintre  français,  né  à 
Tulle  (Corrèze)  en  1804,  mort  à  Paris  le  2  avr.  1890. 
Elève  de  Langlois  et  d'Ary  Scheffer,  il  s'adonna  d'abord  à 
la  pemture  d'histoire,  puis  devint  surtout  portraitiste.  Ses 
tableaux  prmcipaux  sont  :  Episode  du  siège  de  Missolon- 
ghi;  Chasseurs  au  marais  (1852)  ;  V Aumônier  du  ré- 
giment (1855)  ;  Chevaux  en  liberté  (1857)  ;  Un  Page 
(1878).  Parmi  ses  portraits,  nous  citerons  ceux  de  Napo- 
léon i«^,  d'Olivier  de  Clisson,  du  Duc  d'Orléans  et  du 
Prince  Louis-Napoléon,  Challamel. 

LANSARGUES.  Com.  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  de 
Montpellier,  cant.  de  Mauguio  ;  1,618  hab. 

LANSBER6E  (Philip  Van),  mathématicien  belge,  né  à 
Gand  le  25  août  1561,  mort  à  Middelburg  le  8  nov.  1632. 
Après  avoir  étudié  la  théologie  en  Angleterre,  il  fut  mi-^ 
nistre  protestant  à  Anvers;  après  la  prise  de  cette  ville  en 
1585  par  les  Espagnols,  il  se  réfugia  à  Goes  en  Zélande, 
puis  s'établit  en  1615  à  Middelburg,  oti  il  se  consacra  aux 
mathématiques.  Son  premier  ouvrage,  Triangulorum  geo- 
metricorum  libri  quinque,  est  daté  de  1591  ;  sa  Cyclo- 
metria  nova  de  1616  (nouv.  éd.  en  1628)  renferme  un 
calcul  de  tt  avec  30  décimales. 

LANSBERGEN  (Jacques  Van),  mathématicien  hollan- 
dais, né  à  Goes  vers  1590,  mort  en  1657.  Il  soutint  bril- 
lamment le  système  de  Copernic  contre  Phocyhdes,  Bartho- 
lin,  Libert  Froidmont,  Morin ,  etc.  Les  deux  principaux 
ouvrages  de  J.  Van  Lansbergen  sont  :  Disputatio  episto- 
laris  et  scholastica  de  moscho  adversus  medicos  Mittel- 
burgenses  (Middelburg,  1613-14,  in-8);  Apologia  pro 
commentationibus  Lansbergii  in  motum  terrœ  diur- 
num  et  annmim(id,  1633,  in-4). 

BiBL.  :  Paquot,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  litté- 
raire des  XVII  prov,  des  Pays-Bas;  Louvain,  1765,  3  voL 
m-foL  —  Gaillard,  De  l'Influence  exercée  par  la  Belgique 
sur  les  Provinces-Unies  sous  le  rapport  politique  et  in- 
tellectuel, depuis  l'abdication  de  Charles-Quint  jusqu'à  la 
paix  de  Munster  ;  Bruxelles,  1855,  in-8. 

LANSCASTÉRITE  (V.  Hydromagnésite). 

LANSDELL  (Henry),  missionnaire  anglais,  né  à  Ten- 
terden  (Kent)  vers  1840.  Entré  dans  les  ordres  en  1867, 
il  s'occupa  activement  des  missions  irlandaises,  fonda  le 
Clergyman's  Magazine  qui  tira  à  300,000  exemplaires 
et  fut  très  répandu  en  Angleterre  et  en  Amérique.  Grand 
voyageur,  il  parcourut  l'Irlande,  l'Allemagne,  les  pays  Scan- 
dinaves, l'Autriche,  la  Bussie,  l'Asie  centrale,  l'Amérique, 
l'Afrique,  faisant  partout  de  la  propagande  religieuse  et 
charitable,  et  recueillant  d'importantes  collections,  notam- 
ment sur  la  faune  du  Turkestan.  Il  a  écrit  :  Trough  Sibe- 
ria  (Londres,  1882,  2  vol.),  traduit  en  allemand,  en  sué- 
dois, en  danois;  Russian  central  Asia{i^^^,1  voL),etc. 

LANSDOWNE.  Plaine  d'Angleterre,  comtéde  Salisbury, 
près  de  Bath,  où  fut  livrée  une  bataille  entre  les  royalistes 
et  les  parlementaires  le  5  juil.  1643.  On  y  élève  une  belle 
race  de  moutons. 

LANSDOWNE  (Lord)  (V.  Granville). 

LANSDOWNE  (Marquis  de)  (V.  PETir). 

LANSIN6.  Ville  des  Etats-Unis,  cap.  de  l'Etat  de  Michi- 
gan,  sur  le  Grand  River,  au  S.  de  la  grande  presqu'île; 
12,000  hab.  Fondée  en  1847  par  des  colons  venus  de 
Lansingburgh,  au  milieu  de  vastes  forêts,  elle  utihse  pour 
en  exploiter  les  produits  la  force  hydraulique  de  sa  rivière 
et  fait  un  commerce  actil  de  bois,  planches,  farines,  etc. 

LANSINGBURGH.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  New 
York,  sur  la  r.  g.  de  l'Hudson,  près  du  confluent  du 
Mohawk;  9,000  hab.  Située  en  face  de  Waterford,  c'est 
comme  elle  une  cité  manufacturière  et  très  commerçante  ; 
ûh  fabrique  des  brosses,  toiles  cirées,  etc.  Elle  a  été 
fondée  en  1770. 


LAN  SON  (Alfred-Désiré),  sculpteur  français,  né  à  Or- 
léans le  il  mars  4851.  Entré  à  l'Ecole  des  beaux-arts  à 
l'âge  de  dix -huit  ans  dans  les  ateliers  de  Jouffroy  et  de 
Millet,  il  remporta  le  grand  prix  de  Rome  en  1876,  sur  ce 
sujet  :  Jason  enlevant  la  Toison  cVor,  Il  exposa  depuis  : 
Diane  (1875)  ;  la  Fontaine  (1876);  Jason  (1878),  qui 
appartient  au  musée  d'Orléans;  la  Résurrection  (1879)  ; 
Juditk  (1880);  l'Age  de  fer  (1884);  Douleur  mater- 
nelle (1883);  le  Sphinx  (1884);  la  Vierge  et  V Enfant 
{i%%%)\laDernière  Orgie  d'Attila^  la  Géographie  (1 889), 
et  nombre  de  bustes.  G.  A. 

LAN  SON  (Gustave),  litlérateur  français,  né  à  Orléans 
le  5  août  18o7.  Elève  de  l'Ecole  normale  supérieure,  doc- 
teur es  lettres,  professeur  de  rhétorique  au  lycée  de 
Toulouse,  puis  à  Paris  (lycée  Michelet,  Charlemagne  et 
Louis-] e-Grand),  il  fut  ensuite  nommé  suppléant  de  M.  Bru- 
netière  à  l'Ecole  normale  pour  les  conférences  de  littéra- 
ture française.  On  lui  doit  :  Nivelle  de  La  Chaussée  et 
la  Comédie  larmoyante  (Paris,  1887,  in-8);  Bossuet 
(Paris,  1891,  in-18);  Boileau  (Collection  des  grands 
écrivains)  (Paris,  1892,  in-16)  ;  Histoire  de  la  littéra- 
ture française  (Paris,  1894,  in-16);  Choix  de  lettres 
du  xvii^  et  du  xviii^  siècle  (Paris,  1890-91 , 2  vol.  in-16); 
Principes  de  composition  et  de  style,  des  conseils  sur 
Vart  d'écrire  (Paris,  1887,  in-16),  outre  plusieurs  articles 
de  la  Revue  des  Deux  Mondes^  la  Revue  bleue,  la  Revue 
universitaire,  etc. 

LANSQUENET.  I.  Histoire.—  Ce  nom  (aliem.  Lands- 
knecht)  fut  donné  à  la  iin  du  xv^  et  au  xvi®  siècle  aux  merce- 
naires allemands  qui  jouèrent  un  grand  rôle  dans  les  guerres 
de  cette  époque.  L'empereur  Maximilien  P^  n'étant  secondé 
dans  ses  guerres  ni  par  la  noblesse  de  ses  Etats  hérédi- 
taires, ni  par  la  chevalerie  de  l'Empire,  fit  lever  en  1487, 
par  le  comte  de  Zollern  et  Georg  de  Frundsberg,  dans  ses 
Etats  autrichiens,  des  gens  de  la  campagne  et  des  villes  qu'il 
solda  et  équipa  sur  le  modèle  des  Suisses  avec  de  longues 
piques  ou  hallebardes  et  des  épées.  Il  leur  donna  le  nom  de 
«  gens  du  pays  ou  de  la  campagne  »,  par  opposition  aux 
Suisses,  «  gens  de  la  montagne  »,  Ceux  qui  furent  levés  en 
Souabe  furent  quaHfiés  de  soldats  du  haut  pays  {Oberlœn- 
dische  Knechte),  ceux  des  cercles  septentrionaux  de  soldats 
des  pays  bas.  Les  nobles,  pour  ne  pas  être  mis  à  l'écart,  bri- 
guèrent bientôt  les  places  d'officiers  ou  même  s'enrôlèrent 
dans  le  rang.  Le  recrutement  s'opérait  très  simplement. 
L'empereur  donnait  à  un  militaire  une  patente  de  colonel 
avec  mission  de  lever  un  régiment  de  lansquenets  dont  il 
indiquait  le  règlement.  Le  colonel  désignait  son  lieutenant- 
colonel  et  un  capitaine  par  compagnie  ;  ceux-ci  faisaient 
tambouriner  l'annonce  de  la  formation  du  corps,  et  l'af- 
fluence  des  recrues  était  telle  qu'ils  se  montraient  fort  dif- 
ficiles dans  le  choix.  Il  fallait  que  l'homme  fût  vêtu  d'un 
pourpoint,  chaussé,  muni  d'un  casque,  d'une  cuirasse,  d'une 
bonne  épée  et  d'une  forte  pique  ou  de  l'argent  nécessaire 
pour  les  acheter.  Une  fois  enrôlé,  le  soldat  recevait  une 
pièce  de  monnaie  et  l'indication  du  lieu  de  rassemblement. 
Un  officier  expéiimenté  les  y  passait  en  revue,  en  présence 
du  colonel  et  du  capitaine,  et  l'on  inscrivait  l'équipement 
de  chacun,  les  faisant  passer  sous  des  piques  dressées 
comme  celles  du  joug  romain.  Le  soldat  complètement  har- 
naché recevait  double  solde  ;  on  lisait  le  règlement  et  on 
faisait  prêter  serment.  Le  colonel  constituait  alors  le  corps 
d'officiers  et  l'état-major,  remettait  le  drapeau  ;  puis  chaque 
compagnie  s'assemblait  à  part;  le  capitaine  désignait  le 
lieutenant  et  le  maréchal  des  logis  ;  les  soldats  élisaient  le 
sergent,  le  fourrier  et  le  caporal.  Un  régiment  compor- 
tait de  10  à  16  compagnies,  dont  l'effectif  pouvait  se  mon- 
ter à  400  hommes;  chacune  comptait  sous  Charles-Quint 
50  arquebusiers,  mais  ce  nombre  tendait  à  croître,  l'arme- 
ment à  feu  étant  moins  coûteux  que  l'autre.  Un  régiment 
avait,  outre  le  colonel,  le  lieutenant-colonel  et  les  capi- 
taines; la  maison  de  ceux-ci,  ordonnances  {Trabants), 
valets,  secrétaires,  chapelain  ;  un  enseigne,  un  maréchal  des 
logis  et  un  sergent  par  compagnie  ;  un  juriste  au  courant 


-  927  —  LANSON  —  LANSQUENET 

du  droit  civil  et  pénal  ;  un  maréchal  des  logis  chef,  un 
officier  comptable  des  subsistances  et  un  quartier-maître, 
plusieurs  courriers  ;  un  prévôt  destiné  à  statuer  sur  les 
affaires  de  police  et  les  délits  légers,  le  geôlier  et  ses  aides  ; 
le  bourreau  vêtu  d'un  pourpoint  rouge,  une  plume  rouge 
sur  son  chapeau,  armé  du  large  glaive  de  justice;  le  fonc- 
tionnaire préposé  à  la  surveillance  des  familles  des  soldats 
et  des  femmes  qui  suivaient  le  régiment  était  assisté  d'un 
prévôt  ;  enfin  il  y  avait  un  tambour  et  un  fifre  par  com- 
pagnie. La  marche  se  faisait  sans  ordre  ;  avant  le  com- 
bat, les  lansquenets  mettaient  genou  en  terre  pour  prier, 
puis  avançaient  piques  baissées.  En  avant  étaient  les  «  en- 
fants perdus  »,  puis  le  gros  de  la  troupe  en  bataillon  carré 
avec  nombre  impair  de  files  (afin  de  porter  bonheur).  La 
justice  était  rendue  par  un  jury  de  41  soldats,  le  prévôt 
jouant  le  rôle  d'accusateur  public,  le  prévenu  recevant  un 
avocat.  S'il  était  condamné  à  mort,  le  coupable  était  amené 
entre  une  double  rangée  de  piquiers  qui  le  transperçaient. 

Cette  organisation  s'altéra  dès  que  les  lansquenets  en- 
trèrent à  la  solde  de  princes  étrangers,  en  particulier  des 
rois  de  France.  Au  xvii®  siècle,  ils  disparurent  au  moment 
de  la  guerre  de  Trente  ans,  les  armées  de  mercenaires 
ayant  perdu  tout  caractère  national.  A. -M.  B. 

IL  Jeu.  —  Jeu  de  cartes  introduit  en  France  vers  la  fin 
du  xvi«  siècle,  par  les  reîtres  et  les  lansquenets  que  Henri  IV 
avait  pris  à  sa  solde,  et  qui  se  signalèrent  notamment  à  la 
bataille  d'Ivry  (L590).  Ce  jeu  eut  dès  son  apparition  une 
grande  vogue  à  l'armée  et  à  la  cour  sous  Louis  XIIL  Mais 
à  la  suite  des  scandales  qui  furent  provoqués  par  l'abus  des 
jeux  de  hasard,  Colbert  dut  rendre  une  ordonnance  inter- 
disant ce  jeu  dans  le  royaume.  L'usage  du  lansquenet  n'en 
continua  pas  moins  à  régner  dans  tous  les  tripots,  brelans 
et  tapis  francs  mal  famés  qui  pullulaient  à  cette  époque. 
Mais  il  disparut  néanmoins,  détrôné  par  d'autres  jeux  de 
hasard  où  la  fraude  paraissait  moins  aisée.  De  nos  jours  il 
est  devenu  plutôt  un  jeu  de  famille. 

Le  lansquenet  se  joue  avec  un  jeu  complet  de  cinquante- 
deux  cartes,  ou  avec  plusieurs  jeux  réunis.  Les  joueurs  se 
décomposent  en  deux  camps  :  d'un  côté  un  banquier,  dé- 
signé par  le  sort;  do  l'autre,  un  nombre  illimité  de  joueurs 
ou  pontes.  Le  banquier,  après  avoir  battu  les  cartes,  fait 
couper  à  sa  gauche,  et  déclare  ensuite  la  somme  qu'il  met 
en  banque,  c.-à-d.  qu'il  entend  risquer  sur  le  coup.  Le 
premier  joueur  à  sa  droite  a  la  parole,  et  peut  tenir  tout 
ou  partie  de  la  somme  engagée  par  le  banquier.  S'il  en  tient 
la  totalité,  on  dit  que  le  jeu  est  fait,  et  la  partie  s'engage 
entre  le  banquier  et  le  premier  ponte  seul.  S'il  n'en  tient 
qu'une  partie,  le  second  joueur  a  la  parole,  et  ainsi  de 
suite  jusqu'à  ce  que  la  totalité  do  la  somme  en  banque  soit 
faite.  Cha(jue  joueur  peut  faire  à  lui  seul  la  somme  entière, 
en  se  substituante  tous  les  autres,  quelle  que  soit  sa  place  au 
jeu.  C'est  ce  que  l'on  appelle  faire  une  relance.  Si  les  pontes 
n'arrivent  pas  à  parfaire  la  somme  entière  mise  en  banque, 
le  banquier  peut  ou  diminuer  cette  somme,  ou  passer  la  main. 

Quand  le  jeu  est  fait,  le  banquier  tourne  une  carte  qu'il 
place  à  sa  gauclie,  en  disant  «  pour  moi  »  et  une  autre  à 
sa  droite,  en  disant  «  pour  vous  ».  Puis  il  tourne  des 
cartes  qu'il  place  entre  les  deux  j)remières  jusqu'à  ce  qu'il 
en  tire  une  carte  semblable,  soit  à  la  sienne  auquel  cas  il  a 
gagné,  soit  à  celle  des  pontes  ;  il  a  alors  perdu,  abandonne 
sa  mise  et  cesse  d'être  banquier.  S'il  tire  pour  lui,  et  pour 
les  pontes  une  carte  identique,  il  y  a  un  refait;  il  a  alors 
gagné.  Dans  ce  cas,  il  peut  retirer  le  gain  réaHsé  et  conti- 
nuer la  partie.  Si  le  banquier  a  gagne,  il  doit  laisser  son 
gain  et  sa  mise,  jusqu'à  ce  qu'il  perde,  de  sorte  que  le 
jeu  est  doublé,  quadruplé,  etc.  Si  le  banquier  vient  à  perdre, 
il  passe  la  main  à  son  voisin  de  droite,  qui  devient  banquier 
à  son  tour. 

Si  le  banquier  gagne,  il  garde  la  main  tant  qu'il  gagne. 
Toutefois,  il  n'y  est  pas  forcé.  Il  peut  la  passer,  la  donner 
ou  la  vendre.  Mais,  quand  celui  auquel  la  main  a  été 
donnée  ou  vendue  vient  à  perdre,  la  main  revient  à  celui 
qui  Taurait  eue  dans  l'ordre  naturel.        Lucien  Saint. 


LANSQUENET  —  LANTENNES 


—  928  — 


BiBL.  :  Histoire.  -—  Leitner,  Das  Kriegswesen  in 
Deutschland  unter  Maximilian  /^r  und  Karl  V  ;  Leipzig, 
1859.  —  Wessely,  Die  Landshnechte  (av.  31  fig.  d'après  les 
originaux  contemp.);  Gœrlitz,  1877.— Blau,  Die  deutschen 
Landshnechte,  1882. 

LANSYER  (Maurice-Emmanuel),  peintre  français,  né  à 
l'île  de  Bouin  (Vendée)  le  18  févr.  1835,  mort  le  22  oct. 
1893.  Il  se  destina  d'abord  à  l'architecture  et,  étant  entré 
chez  Viollet-le-Duc,  il  travailla  en  d860  à  la  restaura- 
tion de  la  cathédrale  d'Auxerre;  mais,  s'étant  essayé  au 
fusain,  il  ne  tarda  pas,  grâce  aux  conseils  de  Courbet  et  de 
M.  Harpignies,  à  acquérir  un  joli  talent  de  paysagiste. 
Au  Salon  de  1861,  il  exposa  un  paysage  d'hiver;  et  de- 
puis ce  fut,  chaque  année,  une  suite  de  paysages  dont  la 
Bretagne  fournit  le  plus  grand  nombre  de  sujets':  Matinée 
de  .septembre  à  Douarnenez  (4865)  ;  Bords  de  VEllée  au 
Faouet  {Wovh'ûidLïi);  Lavoir  à  marée  basse  (1866),  qui 
appartient  au  musée  de  Tours;  Source  en  Bretagne  (i  868), 
au  musée  de  La  Roche-sur- Yon  ;  Rivière  de  Pouldakut 
(1870),  au  musée  d'Auxerre  ;  Lande  de  Kerlouarnech,  au 
musée  du  Luxembourg;  Rochers  d'Arvechen  (musée  de 
Lille)  ;  V Escalier  du  Bac  du  Port  Ru,  le  Ruisseau  de 
Kilrouarn.  En  dehors  de  ces  paysages,  souvent  un  peu  gris, 
mais  très  clairs  et  d'une  atmosphère  limpide,  Lansyer,  seVes- 
souvenant  de  ses  études  premières  en  architecture,  revint 
souvent,  et  surtout  vers  la  fin  de  sa  carrière,  à  la  reproduction 
des  monuments.  Une  Vue  du  château  de  Pierre  fonds  est 
au  musée  du  Luxembourg.  On  lui  doit  encore  des  vues  de 
Trianon,  deVInstitut  de  France,  de  Notre-Dame  de  Pa- 
ris, du  Palais  de  la  Légion  d'honneur,  etc.  G.  Armelin. 
LANTA.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne, 
arr.  de  Villefranche  ;  4,331  hab. 

LAN  TA  BAT.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  de 
Mauléon,  cant.  d'Jholdy:  577  hab. 

LANTA6ES.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  de  Bar-sur- 
Seine,  cant.  de  Chaource  ;  475  hab. 

LANTAN.  Com.  du  dép.  du  Cher,  arr.  de  Saint-Amand, 
cant.  de  Dun-sur-Auron  ;  310  hab. 

LANTANA.  I.  Botanique.  —  {Lantana  L.).  Genre  de 
Verbénacées,  voisin  des  Verbena  (V.  ce  mot),  dont  il  dif- 
fère principalement  par  la  corolle  à  lobe  quadrilobé,  l'ovaire 
à  2  loges  uniovulées.  Le  fruit  est  une  drupe  à  1  ou  2  graines 
exalbuminées.  Les  fleurs  sont  disposées  en  épis  ou  m  capi- 
tules axillaires  pédoncules.  Les  Lantana  sont  des  arbustes 
répandus  dans  les  régions  des  deux  mondes.  Ils  ont  à  peu 
près  les  propriétés  des  Labiées.  Plusieurs  espèces  brésiliennes 
servent  en  infusion  comme  le  thé;  telles  sont  :  L.pseudo- 
ihea  A.-S.  H.,  le  Capitao  do  mato  ou  cha  de  pédestre  des 
indigènes,  et  L.  macrophylla  Mart.,  correspondant  pro- 
bablement, avec  le  L.  Camara  L.,  espèce  des  Indes  occiden- 
tales, aux  Camara  de  Pison  ;  ces  plantes  jouissent  toutes 
de  propriétés  diaphorétiques,  anticatarrhales  et  antirhuma- 
tismales ;  ces  propriétés  se  retrouvent  dans  une  foule  d'autres 
espèces  du  même  genre.  Les  feuilles  pulvérisées  du  L.  sal- 
vifolia  Jacq.,  probablement  le  Pulquin  de  Feuillée,  servent 
à  faire  des  cataplasmes  émollients.  Les  fruits  des  L.  an- 
mia  L  et  L.  trifolia  L.  sont  comestibles.     D*"  L.  Hn, 

II.  Horticulture.  —  Plusieurs  espèces  âe  Lantana  sont 
cultivées  en  pleine  terre:  L.  camara  L.,  à  fleurs  jaunes  ; 
L,  nivea  Vent.,  à  fleurs  blanc  de  neige,  d'une  odeur 
agréable;  L.  odorataL.,  à  fleurs  lilas;  L,  flava  Jacq., 
à  fleurs  orangé.  Ces  arbrisseaux  et  leurs  nombreuses  va- 
riétés ne  supportent  le  plein  air  que  pendant  la  belle  sai- 
son. Ils  croissentrapidement  et  servent  à  faire  des  corbeilles 
d'un  charmant  efl^et,  des  bordures  autour  des  massifs  de 
bois.  Ils  supportent  bien  la  taille  et  se  plient  aisément 
aux  diverses  formes  qu'on  leur  donne.  Les  Lantana  se 
plaisent  en  terre  franche  à  l'exposition  du  S.  Ils  veulent 
des  arrosages  fréquents  en  été.  On  les  multiplie  de  bou- 
tures prises  sur  des  pieds  rentrés  en  serre,  et  qu'on  élève 
sur  couche  et  sous  châssis,  en  février.  Les  boutures  se  font 
aussi  en  automne,  sous  cloche.  G.  Boyer. 

LANTANOTHERIUM  (Paléont.).  Genre  de  Mammifères 


fossiles  du  miocène  de  France,  voisin  des  Cladobates  (V. 
ce  mot  et  Insectivores  [Paléont.]). 

LAN-TAO.  Ile  de  la  baie  de  Canton  à  11  kil.  0.  de  Hong- 
kong, séparée  du  continent  par  un  détroit  de  2  kil.  et  demi. 
Elle  a  26  kil.  de  long  du  S.-E.  au  N.-E.,  8  kil.  de  large, 
150  kil.  q.  de  superflcie;  son  plus  haut  pic  atteint  930  m. 

LANTARA  (Simon-Mathurin),    peintre   français,  né  à 
Oncy  (Seine-et-Oise)  le  24  mars  1729,  mort  à  Paris  le 
22  déc.  1778.  Fils  d'un  ouvrier  tisserand,  il  fut  occupé 
aux  champs  pendant  son  enfance.  Ayant  montré  des  dis- 
positions naturelles  pour  le  dessin,  il  fut  emmené  à  Paris 
par  le  fils  du  propriétaire  chez  lequel  il  travaillait,  et  placé 
d'abord  chez  un  peintre  établi  à  Versailles.  H  revint  ensuite 
à  Paris,  se  mit  au  service  d'un  autre  artiste,  et  commença 
à  se  faire  connaître  par  ses  croquis  et  ses  paysages.  Nature 
sincère,  observateur  doué  d'une  certaine  vivacité  d'obser- 
vation, fidèle  à  son  origine  populaire  et  peu  porté  à  des 
œuvres  académiques,  Lantara  se  fit  le  paysagiste  de  la  ban« 
lieue  parisienne.  Il  créa  un  genre  où  il  aurait  pu  occuper 
une  plus  belle  place,  s'il  avait  été  moins  insouciant,  moins 
livré  à  son  humeur  vagabonde  d'artiste  «  bohème  ».  H  avait 
le  laisser-aller  de  l'ouvrier  qui  ne  compte  pas  ;  vivant  au 
cabaret,  il  vendait,  sans  en  tirer  le  plussouventun  bon  parti, 
ses  jolis  dessins,  ses  tableaux  des  bords  de  la  Seine  et  des 
environs  de  la  capitale.  Lantara  se  plaisait  à  animer  ses 
paysages  par  des  effets  de  soleil  :  il  imitait  Claude  Lorrain, 
tout  en  rendant  la  nature  dans  sa  réalité;  il  était,  lui 
aussi,  en  petit,  un  peintre  de  la  lumière.  Ses  œuvres 
étaient  assez  goûtées,  puisqu'il  eut  comme  collaborateur, 
pour  les  figures,  Casanova  et  Taunay.  Quelques-unes  de 
ses  peintures  furent  gravées  par  Lebas  (V.  dans  l'œuvre 
de  celui-ci  cette  suite  :  Premier  Livre  de  Vues  en  douze 
feuilles  des  environs  de  Paris,  d'après  Lantara),  Mal- 
heureusement, ce  peintre  ingénieux  et  primesautier  lutta 
avec  la  misère,  et  entra  à  l'hôpital  de  la  Charité,  où  il 
mourut.  Sa  biographie  est  demeurée  un  peu  romanesque  ; 
il  a  inspiré  une  pièce  de  théâtre,  un  vaudeville  dont  il  est 
le  héros  très  fantaisiste.  Le  Louvre  possède  un  de  ses  ta- 
bleaux, Effet  du  Matin;  quelques  toiles  et  quelques' des- 
sins se  trouvent  dans  des  musées  de  province  (à  Besançon, 
Montargis,  Châteauroux,    etc.),  et   dans  des  collections 
d'amateurs.  Ant.  Valabrègue. 

BiBL.  :  Bellier  de  La  Chavignerie,  Recherches  bio- 
graphiques, historiques  et  littéraires  sur  le  peintre  Lan- 
tara, 1882.  —  Ch.  Blanc.  Histoire  des  Peintres  de  toutes 
les  écoles.— Archives  de  Vart  français,  1857-1858,  t.  V.  — 
Le  Magasin  pittoresque,  1887. 

LAN-TCHÉOU-Fou.  Ville  de  Chine,  capitale  du  Kan-sou, 
sur  la  r.  dr.  du  Hoang-ho,  à  40  kil.  avant  son  coude  vers 
le  N.  et  1,600  m.  d'alt.  ;  500,000  hab.  (d'après  Kreit- 
ner).  C'est  un  centre  commercial  de  premier  ordre  au  point 
de  convergence  des  routes  de  la  Chine  et  de  la  Mongolie 
vers  les  pays  du  Thian-chan  (Dzoungarie,  Turkestan  chi- 
nois) et  vers  le  Koukou-nor  et  le  Tibet.  La  ville  est  au  pied 
des  contreforts  des  monts  Maha-chan  ;  son  enceinte  crénelée 
est  petite,  mais  flanquée  de  trois  vastes  faubourgs  eux- 
mêmes  entourés  de  murs.  Ses  rues  dallées  sont  très  propres. 
Un  pont  de  bateaux  traverse  le  Hoang-ho,  large  de  300  m. 
Le  fleuve  fournit  l'eau  à  de  magnifiques  réservoirs  publics 
qui  alimentent  la  ville.  On  y  fabrique  des  draps,  des  étofl'es 
en  poil  de  chameau,  des  soieries,  des  objets  en  bois  et 
pierre  sculptés,  de  la  bijouterie  d'argent  et  de  jade,  des 
instruments  de  laiton  et  de  fer  qui  sont  avec  les  denrées 
agricoles  (légumes,  fruits,  tabac,  thé)  l'objet  du  trafic.  La 
houille  des  mines  voisines  est  consommée  dans  les  usines 
où  les  Européens  ont  installé  des  machines  à  vapeur  et  dans 
la  fonderie  de  canons. 

LANTÉFONTAINE.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Mo- 
selle, arr.  et  cant.  de  Briey  ;  243  hab. 

LANTENAY.  Com.  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Nantua, 
cant.  de  Brenot  ;  322  hab. 

LANTENNES-Vertière.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr. 
et  cant.  de  Besançon  ;  405  hab. 


929  - 


LANTENOT  -  LANTERNE 


LANTENOT.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Saône,  arr.  de 
Lure,  cant.  de  Luxeuil;  385  hab. 

LANTERNE.  I.  Technologie.  —-Nom  de  divers  appa- 
reils d'éclairage,  les  uns  portatifs,  les  autres  fixes,  ordi- 
nairement composés  d'une  enveloppe  vitrée  dans  laquelle 
est  renfermée  la  source  lumineuse.  La  lanterne  portative 
n'a  pas  besoin  de  description  ;  elle  a  du  reste  peu  varié  de 
forme  depuis  l'ancien  falot  de  nos  pères  jusqu'aux  appareils 
plus  élégants  et  plus  commodes  qu'on  emploie  aujourd'hui. 
La  lanterne  sourde  est  disposée  de  telle  liaçoji  que  celui  qui 
la  porte  peut  à  volonté  cacher  sa  lumière  et  voir  sans  être 
vu.  Les  lanternes  fixes,  généralement  appliquées  à  l'éclai- 
rage public,  sont  supportées  par  des  consoles  ou  par  des 
candélabres  en  fonte,  et  peuvent  recevoir  des  lampes  à 
l'huile  ou  des  becs  de  gaz  ;  ce  sont  des  cages  vitrées  des- 
^tinées  à  mettre  les  flammes  à  l'abri  de  l'action  du  vent  ; 
elles  doivent  être  munies  d'ouvertures  suffisantes  pour 
permettre  l'introduction  de  l'air  de  la  combustion  et  l'éva- 
cuation des  gaz  brûlés.  Les  lanternes  employées  dans  les 
rues  de  Paris  sont  de  deux  catégories  principales.  Dans  les 
quartiers  riches,  elles  sont  rondes;  dans  les  quartiers 
excentriques,  elles  sont  carrées.  Le  remplacement  des 
verres  bombés  est  en  effet  beaucoup  plus  onéreux  que  celui 
des  verres  plans.  Les  verres  sont  soutenus  par  quatre 
montants  ;  pour  rendre  étanches  les  joints  avec  les  mon- 
tants, on  a  l'habitude,  à  Paris,  de  mastiquer  les  verres. 
L'un  des  quatre  verres  latéraux  des  lanternes  est  monté 
sur  une  porte  que  l'allumeur  ouvre  pour  le  nettoyage.  Le 
fond  vitré  de  la  lanterne  est  muni  d'une  petite  porte  dite 
tapillon,  qui  permet  le  passage  de  la  lampe  d'allumage. 
Le  nettoyage  des  verres  des  lanternes  est  généralement 
effectué  par  le  personnel  chargé  de  l'allumage  et  de  l'extinc- 
tion. Le  traité  passé  entre  la  ville  de  Paris  et  la  Compa- 
gnie parisienne  stipule  que  ce  nettoyage  doit  être  exécuté 
tous  les  jours.  L.  Knab. 

II.  Archéologie.  —  Appareil  d'éclairage  entouré  d'une 
cage  qui  protège  la  flamme  contre  le  vent  ou  la  pluie. 
Il  faut  distinguer  les  lanternes  portatives  et  les  lanternes 
fixes,  et,  parmi  les  unes  ou  les  autres,  diverses  variétés. 
On  trouvera  sur  les  uns  et  les  autres  d'amples  détails 
dans  l'art.  Eclairage,  t.  XV,  pp.  333  et  suiv.  Nous  les 
compléterons  au  point  de  vue  archéologique.  Les  lanternes 
portatives  étaient  très  usitées  des  Romains.  11  semble, 
d'après  une  épigramme  de  Martial,  qu'on  les  portait  atta- 
chées sur  le  vêtement,  prebablement  à  la  ceinture.  Les 
gens  riches  se  faisaient  accompagner  le  soir  d'un  esclave 
porte-lanterne  (lafiternarius) .  L'armature  de  la  lanterne 
devait  être  en  métal.  Une  lanterne  de  bronze  trouvée  à 
Pompéi  est  conservée  au  musée  de  Naples.  Quant  aux 
parties  transparentes,  Martial  nous  apprend  qu'elles  se 
taisaient  en  corne  ou  en  peau  de  vessie,  et  Cicéron 
(lettre  LXXIX)  parle  des  lanternes  closes  en  toiles  huilées 
dont  se  servaient  les  pauvres.  Pour  le  moyen  âge,  outre 
de  très  nombreux  textes,  on  a  des  lanternes  dont  les  plus 
anciennes  remontent  au  xii^  siècle.  Telle  était  sans  doute 
la  lanterne  dite  de  Malchus  ou  de  Judas  conservée  jusqu'à 
la  Révolution  dans  le  trésor  de  Saint-Denis  et  assez  sem- 
blable à  une  lanterne  du  xii«  siècle  du  musée  d'Oxford. 
Celle-ci  est  de  même  en  fonte  de  cuivre  percée  de  petites 
ouvertures  garnies  de  cabochons  en  cristal  de  roche.  Elle 
est  cylindrique  et  a  un  toit  en  poivrière  bojubé  et  côtelé. 
Une  lanterne  de  même  métal  et  d'un  système  analogue,  cou- 
verte d'ornements  et  remontant  au  xin^  siècle,  fait  partie  de 
la  collection  Onghena,  à  Gand.  On  distinguait  à  cette  époque 
les  lanternes  suspendues  par  des  chaînes  des  es-conces 
(absconsa)^  sorte  de  lanterne  sourde  dont  le  couvercle 
avait  une  poignée.  Vilard  de  llonnecourt  donne  dans  son 
album  le  dessin  d'une  esconce  tournée,  probablement  en 
cuivre.  Elle  a  la  forme  d'une  sphère  surmontée  d'une  che- 
minée, et  a  diverses  ouvertures  découpées,  assez  petites. 
On  remarque  une  ornementation  très  soignée  sur  les  lan- 
ternes qui  viennent  d'être  citées  ;  bien  plus,  beaucoup  de 
comptes  des  xfii^,  xiv*^  et  xv^  siècles  mentionnent  des  lan- 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —  XXI. 


ternes  en  or  et  en  argent,  parfois  ornées  d'émaux  et  d'autres 
décorations  précieuses.  C'est  qu'en  un  temps  où  aucun  pro- 
cédé connu  n'était  assez  puissant  pour  éclairer  l'exté- 
rieur et  les  grands  espaces,  nul  ne  pouvait  ne  pas  faire 
usage  de  lanternes,  et  les  seigneurs  tenaient  à  mettre  du 
luxe  dans  toute  pièce  de  mobilier.  De  plus,  lorsque  le  via- 
tique était  porté  de  nuit  aux  malades,  le  prêtre  était  es- 
corté d'un  clerc  portant  une  lanterne  ornée  en  raison  de 
son  usage  sacré  :  de  là  vient  que  des  lanternes  riches  étaient 
conservées  dans  les  trésors  d'église.  Les  comptes  mention- 
nent aussi  du  xiii^  au  xvi«  siècle  des  lanternes  très  petites 
en  métaux  précieux  :  celles-là  étaient  des  joyaux  que  les 
femmes  suspendaient  à  leur  ceinture  et  où  l'on  renfermait 
non  une  lumière,  mais  des  parfums,  spécialement  des  0/5^- 
lets  de  Chypre  (V.  ce  mot). 

La  plupart  des  lanternes  du  moyen  âge,  du  xvi^  et  du 
XVII®  siècle  étaient,  comme  celles  de  l'antiquité,  garnies  de 
plaques  de  corne  :  c'est  pourquoi  nous  voyons  dans  le  livre 
des  Mestiers  d'Etienne  Boileau  qu'au  xm®  siècle  les  lan- 
terniersne  formaient  qu'une  corporation  avec  les  peigniers. 
Au  XIV®  et  au  xv®  siècle,  l'usage  des  lanternes  de  cuivre 
ou  dinanderie  persiste  :  on  en  fait  en  plaques  de  laiton  ré- 
percées à  jour  (xv^  siècle,  collection  Figdor,  à  Vienne).  Au 
xvii®  siècle,  on  fait  grand  usage  des  lanternes  pliantes  en 
toile  ou  en  papier  que  nous  nommons  lanternes  véni- 
tiennes ;  mais,  pour  plus  d'économie  encore,  les  gens  du 
peuple  circulent  la  nuit  avec  des  chandelles  entourées  d'un 
cornet  de  papier.  Les  falots  montés  sur  un  axe  au  bout 
d'une  hampe  constituent  un  autre  genre  de  lanternes  por- 
tatives. Dès  le  XIV®  siècle  elles  étaient  en  usage,  comme  le 
montre  une  miniature  de  manuscrit  de  la  bibliothèque  de 
Besançon  représentant  un  cavalier  du  guet.  Ce  genre  de 
lanterne  était  aussi  usité  dans  les  églises  pour  les  proces- 
sions et  pour  l'accompagnement  du  viatique.  L'église  de 
Vézelay  en  conserve  un  beau  spécimen  du  xv^  siècle  en  tôle 
découpée  entourée  de  clochetons  et  coiffée  d'une  poivrière. 
Les  exemples  analogues  des  xvi^,  xvii®  et  xvm®  siècles  sont 
communs  dans  les  églises  du  N.  de  la  France.  Les  appa- 
reils portatifs  d'éclairage  appelés  mestriers  et  palettes 
sont  plutôt  des  bougeoirs  que  des  lanternes. 

Les  lanternes  fixes  ou  réverbères  sont  en  usage  au 
moins  depuis  le  xiv®  siècle,  époque  où  l'on  suspendait  dans 
les  appartements  de  grandes  lanternes  à  monture  de  mé- 
tal. Elles  devinrent  surtout  communes  au  xviii®  siècle.  Au 
XV®  siècle,  on  voit  dans  l'escalier  de  Dunois,  au  château  de 
Châteaudun,des  cages  en  pierre  découpée  ménagées  dans  les 
angles  de  la  cage  d'escalier  pour  recevoir  des  lampes.  Quant 
aux  lanternes  extérieures,  au  début  du  moyen  âge,  on  avait 
des  lumières  brûlant  devant  les  images  saiiites,  nombreuses 
aux  façades  et  aux  angles  des  maisons  ;  au  xvi®  siècle, 
d'autres  lanternes  vinrent  s'y  ajouter.  On  connaît  pour  cette 
époque  les  belles  lanternes  qui  ornent  les  angles  du  palais 
Strozzi  à  Florence;  à  Paris,  sous  Henri IV,  de  nombreuses 
lanternes  servent  d'enseigne  aux  barbiers,  dont  l'exemple 
est  suivi  par  les  pâtissiers.  Ces  lanternes,  dont  se  déco- 
raient aussi  les  salles  et  tréteaux  de  spectacles,  s'appe- 
laient lanternes  vives  parce  qu'elles  étaient  pourvues  de 
figures  en  carton  découpé  formant  ombres  chinoises;  elles 
étaient  placées  entre  la  lumière  et  la  paroi  en  toile  ou  en 
papier  de  la  lanterne;  une  hélice  placée  dans  la  cheminée 
de  celle-ci  était  mise  en  mouvement  par  l'air  chaud  et  la 
fumée  et  leur  communiquait  un  mouvement  giratoire.  Au 
XVI®  siècle,  c'étaient  des  défilés  de  gens  d'armes  que  l'on 
y  figurait;  un  peu  plus  tard,  la  vogue  était  aux  animaux 
fantastiques. 

Les^  lanternes  de  voitures  sont  usitées  depuis  le 
xvn®  siècle.  Les  lanternes  ou  fanaux  de  navires  sont  au 
contraire  d'un  usage  très  ancien.  Un  bas-relief  de  la  co- 
lonne Trajane  montre  une  grande  lanterne  cylindrique  à 
dessus  plat,  suspendue  à  la  poupe  d'un  vaisseau.  Les  navires 
du  XVII®  siècle  avaient  aussi  à  la  poupe  d'énormes  lanternes 
se  dressant  au-dessus  du  traffail.  VArmeria  real  de  Madrid 
conserve  plusieurs  de  ces  lanternes  remontant  à  l'époque  de 

59 


LANTERNE  —  930 

la  Renaissance.  Les  lanternes  de  phares  sont  également 
d'invention  très  ancienne  (V.  Phare). 

Lanterne  des  morts.  —  Fanal  placé  clans  un  cime- 
tière. Ces  lanternes  ont  pu  être  usitées  durant  tout  le 
moyen  âge,  mais  en  France  il  n'en  existe  plus  guère  que 
dans  le  S.  et  dans  l'O.,  et  presque  toutes  celles  que  l'on 
conserve  sont  du  xii®  siècle  ;  on  sait  de  plus  que  l'usage 
s'en  perdit  au  xiii^.  Dans  les  pays  germaniques,  au  con- 
traire, c'est  du  xiv^  au  xvi'^  siècle  que  datent  les  exemples 
qui  nous  sont  conservés,  et  pour  l'Italie  nous  savons  par 
un  texte  qu'au  xiv*^  siècle  les  moines  cisterciens  de  San  Gal- 
gano,  près  de  Sienne,  entretenaient  un  fanal  sur  la  chapelle 
de  leur  cimetière,  et  y  sonnaient  la  nuit  une  cloche  appelée 
la  Smarrita  (l'égarée  ou  l'attristée).  Cet  usage  rappelle 
le  fanal  et  la  clochette  du  clochetenr  des  trépassés.  Les 
lanternes  des  morts  avaient  une  double  raison  d'être.  C'était 
un  honneur  que  l'on  rendait  aux  morts,  comme  les  flambeaux 
de  la  veillée  et  du  service  funèbre  :  c'était  aussi  un  aver- 
tissement donné  aux  vivants  de  prier  pour  eux,  aux  heures 
où  ils  ne  voyaient  pas  d'autres  signes,  comme  la  croix  du 
cimetière  ;  et,  de  même  que  le  clocher  dans  le  jour,  le  fa- 
nal du  cimetière  dans  la  nuit  était  un  point  de  repère  pré- 
cieux pour  le  voyageur.  C'est  ainsi  que  la  lanterne  des 
morts  de  l'île  d'Oléron  n'a  jamais  cessé  d'être  jusqu'à  nos 
jours  utilisée  comme  signal  par  les  navigateurs.  Les  lan- 
ternes des  morts  se  composent  d'un  lanternon  (V.  ce  mot) 
couronnant  un  pilier  creux  à  la  base  duquel  est  une  petite 
porte.  Une  pouhe  est  fixée  sous  le  couronnement  du  lanter- 
non, et  sert  à  hisser  au  moyen  d'une  corde  la  lampe  que 
l'on  introduit  par  la  petite  porte.  Comme  au  pied  des  cal- 
vaires de  cimetières,  un  autel  est  souvent  adossé  à  la  base 
des  lanternes  des  morts.  Quelquefois  même  le  fanal  s'élève 
au-dessus  d'une  chapelle  comme  à  Monlmorillon  (édifice 
appelé  l'Octogone^  xii^  siècle),  au  cimetière  des  Innocents  à 
Paris  (tour  dite  de  Notre-Dame-des-Bois,xii®ouxin^siècle),  à 
Comelle  (Oise,  fin  du  xu®  siècle),  à  Fontevrault,  près  de  Sau- 
mur  (xiii®  siècle),  San  Galgano,  près  de  Sienne  (xiv^  siècle) 
et  Avioth  (Meurthe-et-Moselle,  chapelle  de  cimetière  dite  la 
Receveresse).  (Quelquefois  aussi  la  lanterne  couronne  un 
contrefort  de  l'église  dans  lequel  un  vide  a  été  ménagé 
comme  à  Ayen  (Corrèze,  édifice  démoK  en  1894)  et  à  Long- 
jumeau,  ou  une  tourelle  d'escalier  (abbaye  de  Golden- 
krom,  en  Bohême),  ou  bien  elle  a  la  forme  d'une  petite 
échauguelte  (V.  ce  mot)  accrochée  au  contrefort.  Une 
lanterne  de  4505  et  deux  autres  de  même  type  et  de  date 
analogue  se  voient  à  Saint-Etienne  de  Vienne  (Autriche). 
Mais  le  type  en  forme  de  piher  surmonté  d'un  lanternon 
est  le  plus  répandu.  On  peut  en  citer  comme  exemples  les 
lanternes  des  morts  d'Antigny  (Vienne),  Cellefrouin  (Cha- 
rente), Ciron  (Indre),  Fenioux  (Charente-Inférieure),  Pei- 
letin  (Creuse),  Journet,  Périgné-L'évêque  (Sarthe).  Tous 
ces  exemples  datent  du  xii^  ou  du  xni^  siècle.  On  en  trouve 
en  Autriche  une  série  déplus  récents  appartenant  au  même 
type  :  Klosterneubourg  (1381,  très  beau  monument),  Gurk 
(Carinthie),  Brixen  (1483),  Friestadt  (Haute-Autriche, 
1488),  Penzing,  près  de  Vienne,  Leonhardsthor  et  An- 
gerkreiz  (1-^84),  près  d'Oldenbourg,  etc.      C.  Enlart. 

ni.  Architecture.  —  Tour  élevée  au-dessus  d'un  édi- 
fice et  percée  de  baies  pour  l'éclairer.  Beaucoup  d'églises 
ont  des  tours-lanternes,  différentes  des  clochers  en  ce 
qu'elles  n'ont  pas  de  voûte  basse  les  séparant  du  vaisseau 
qu'elles  surmontent.  Leséghses  byzantines  ont  souvent  une 
lanterne  centrale  circulaire  couverte  d'une  coupole  (catho- 
licon  d'Athènes;  églises  de  Mistra;  cathédrale  de  Stilo  en 
Calabre,  etc.).  Certaines  églises  romanes  reproduisent  cette 
disposition  (Le  Dorât,  Haute-Vienne).  Les  églises  de  Gaulo 
à  l'époque  mérovingienne  semblent  avoir  eu  des  tours-lan- 
ternes au-dessus  de  l'autel,  comme  l'a  établi  Quicherat  d'après 
Grégoire  de  Tours.  Cette  tradition  subsiste  à  l'époque  caro- 
lingienne, comme  le  prouve  la  petite  église  de  Germigny-les- 
Près,  dans  l'Orléanais,  élevée  en  806.  Elle  est  surmontée 
d'unelanternecentralecarrée.Al'époqueromaneetà  l'époque 
gothique,  les  tours-lanternes  sont  d'un  usage  général  dans 


la  région  germanique  et  dans  l'école  normande.  Ces  deux 
écoles,  qui  ont  d'autres  points  de  ressemblance,  se  touchent 
du  reste,  l'école  romane  normande  exerçant  son  influence 
jusqu'en  Artois  (éghse  de  Lillers,  abbaye  de  Vaucelles,  près 
de  Cambrai)  tandis  que  l'école  germanique  étend  son  domaine 
jusqu'à  Saint-Quentm  et  aux  environs  de  Saint-Omer.  C'est  à 
l'influence  de  l'école  normande  sans  doute  que  les  églises  ro- 
manes des  environs  de  Péronne  (Falvy,  Fresnes,  Voyennes), 
la  cathédrale  de  Laon,  l'église  de  Nouvion-le-Vineux  qui  en 
est  proche,  doivept  leurs  tours-lanternes.  Hors  de  France 
les  architectes  normands  ont  porté  cette  mode  en  Angle- 
terre, en  Norvège  (cathédrale  deThrondhjem,  église  d'Aker, 
près  de  Christiania)  et  en  Sicile  (Monreale  et  Santo  Spirito, 
près  de  Palerme  ;  San  Nicole,  près  de  Girgenti),  C'est  au  con- 
traire à  une  influence  germanique  que  l'on  peut  attribuer 
l'usage  des  tours-lanternes  dans  l'école  bourguignonne 
(abbatiale  et  église  Notre-Dame  do  Cluny,  Notre-Dame  de 
Dijon,  cathédrale  de  Lausanne)  ainsi  qu'en  Lombardie.  Les 
lanternes  lombardes  sont  octogones,  comme  celles  des 
églises  romanes  du  Maçonnais  :  elles  ont  parfois  les  mêmes 
proportions  élevées  (Chiaravalle,  près  de  xMilan;  Saint- 
Gothard  de  Milan;  Saint-André  de  Verceil),  mais  elles  en 
diffèrent  par  leurs  galeries  extérieures,  et  les  plus  an- 
ciennes sont  basses,  comme  à  Saint-Ambroise  de  Milan  et 
Saint-Michel  de  Pavie.  Une  lanterne  de  ce  type  existe  à 
Lyon,  à  l'éghse  Saint-Paul.  Ce  type  est  le  plus  répandu. 
Il  existe  aussi  des  tours-lanternes  en  Espagne.  Elles  sont 
octogones  et  portent  le  nom  de  cimborio.  On  en  voit  depuis 
l'époque  romane  (Ripoll  en  Catalogne)  jusqu'au  xvi^  siècle 
(Saint-Jean-des-Rois,  à  Tolède).  C.  Enlart. 

ÏV.  Physique.  —  Lanterne  magique.  —  La  lanterne 
magique  a  été  inventée  au  xvi«  siècle  par  le  P.  Kircher.  Elle 
se  compose  essentiellement  d'un  système  de  deux  lentilles, 
d'un  dessin  transparent  et  d'une  source  de  lumière,  le  tout 
enfermé  dans  une  caisse  métallique,  de  telle  façon  que 
seuls  les  rayons  lumineux  qui  ont  traversé  le  dessin  trans- 
parent et  les  lentilles  puissent  sortir  de  l'appareil  ;  ils 
vont  peindre  sur  un  écran  une  image  agrandie  et  renversée 
du  dessin  placé  dans  la  lanterne.  Ce  dessin  est  disposé  sens 
dessus  dessous  pour  que  l'image,  qui  est  renversée  par 
rapport  au  dessin,  soit  dans  le  sens  convenable.  Dans  cer- 
tains appareils  appelés  lampascopes,  la  boite  en  tôle  est 
percée  à  la  partie  inférieure  d'une  ouverture  circulaire 
dans  laquelle  on  introduit  la  cheminée  en  verre  d'une  lampe 
ordinaire.  Le  dessin,  peint  sur  verre,  que  l'on  veut  pro- 
jeter, est  placé  devant  la  lumière,  à  quelques  centimètres; 
il  s'appuie  sur  une  lentille  plan  convexe  qui  concentre  les 
rayons  divergents  émis  par  la  lumière  et  ayant  traversé  le 
verre  point  sur  une  lentille  plus  petite  qui  les  concentre 
de  nouveau  et  les  fait  converger  sur  un  écran.  Les  deux 
lentilles  sont  placées  dans  une  monture  qui  permet  de  faire 
varier  leur  distance  afin  d'arriver  par  tâtonnements  à  avoir 
sur  l'écran  une  image  nette  de  l'objet.  Depuis  que  les 
progrès  de  la  photogra{)hie  ont  permis  d'obtenir  facilement 
les  photographies  positives  sur  verre,  on  emploie  souvent 
des  lanternes  magiques  puissantes,  plus  communément 
appelées  alors  lanternes  de  projection,  qui  permettent  de 
projeter  des  photographies  d'appareds,  de  paysages,  etc., 
ou  même  de  projeter  l'image  de  petits  instruments  ou  de 
parties  d'instrument.  Pour  pouvoir  employer  un  grossisse- 
ment considérable,  on  emploie  une  source  de  lumière  éner- 
gique, telle  que  la  lumière  Drummond  ou  mieux  l'arc 
électrique.  On  peut  ainsi  montrer  l'ascension  des  liquides 
dans  les  tubes  capillaires,  la  liquéfaction  des  gaz  dans  des 
tubes  étroits,  etc.  Dans  ces  derniers  temps,  on  a  même 
pu  projeter  des  images  donnant  simultanément  à  de  nom- 
breux spectateurs  l'impression  d'un  relief  analogue  à  celui 
que  donne  à  un  seul  oi3servateur  l'emploi  du  stéréoscope. 
Pour  cela,  on  projette  un  cliché  obtenu  par  le  procédé 
anaglyphe  de  Ducos  de  Hauron.  Sur  ce  cliché  se  tiouvent 
deux  impressions  à  peu  près  juxtaposées,  l'une  en  bleu, 
l'autre  en  rouge  orangé,  ces  deux  teintes  étant  aussi  exacte- 
ment que  possible  complémentaires  l'une  de  l'autre.  L'une 


—  93-1 


LANTERNli:  —  LANTHANE 


des  impressions  est,  par  exemple,  la  vue  d'un  paysage 
prise  d'un  certain  point,  et  l'autre  la  \ue  du  même  paysage 
prise  d'un  point  voisin  du  premier,  comme  pour  les  épreuves 
stéréosco piques.  Regardée  sur  l'écran,  à  l'œil  nu,  cette 
double  image  est  confuse  ;  mais  si  chaque  spectateur  porte 
un  lorgnon  dont  l'un  des  verres  est  orangé  et  l'autre  bleu, 
il  aperçoit  aussitôt  le  paysage  photographié,  en  blanc,  et 
avec  un  relief  d'autant  plus  accentué  que  la  distance  des 
deux  points  où  l'on  a  photographié  le  paysage  est  plus 
grande.  L'œil,  armé  d'un  verre  bleu,  ne  voit,  en  effet,  que 
l'impression  bleue,  l'œil  armé  d'un  verre  orangé  que  l'im- 
pression orangée,  mais  ces  deux  impressions  se  superpo- 
sent comme  les  images  du  stéréoscope. 

C'est  le  plus  récent  des  perfectionnements  apportés  aux 
projections  de  la  lanterne  magique  ;  diverses  modifications 
apportées  à  cet  appareil  et  déjà  décrites  (V.  Dissolving  Views, 
t.  XIV,  p.  688,  et  Fantâscope,  t.  XVI,  p.  il%)  permet- 
tent d'obtenir  des  effets  assez  curieux.        A.  Joannis. 

V.  Artillerie.  —  Pour  s'éclairer  la  nuit,  les  batte- 
ries de  campagne  disposaient  autrefois  de  flambeaux  La- 
marre (V.  Flambeau).  Depuis  4891,  elles  sont  pourvues 
de  lanternes  qui,  au  nombre  de  neuf  par  batterie,  sont 
transportées  par  les  caissons  et  par  la  forge.  Ces  lanternes 
brûlent  des  bougies. 

VI.  Zoologie.  —  Lanterne  d'Aristote.  —  Appareil 
masticateur  d'un  grand  nombre  d'Ecliinides  (V.  Oursin)  et 
essentiellement  formé  par  cinq  pyramides  triangulaires  à 
sommet  inférieur,  prolongé  par  une  tige  calcaire  pointue 
et  saillante  qui  est  la  dent  ;  cette  tige,  interradiale,  est  in- 
tercalée entre  les  deux  pièces,  demi-pyramides,  qui  com- 
posent chaque  pyramide  ;  sur  la  face  externe  de  chaque 
demi-pyramide  s'insère  un  ruban  musculaire  qui  va  d'autre 
part  s'attacher  au  test.  Entre  deux  pyramides  consécutives 
existent  deux  pièces  calcaires  superposées,  l'inférieure  rec- 
tangulaire (faux),  la  supérieure  bifurquée  (compas)^  qui 
sont  également  reliées  au  test  par  des  rubans  musculaires; 
les  faux  sont  réunies  entre  elles  par  d'autres  muscles,  d'où 
à  la  base  de  la  lanterne  une  figure  pentagonale  très  régu- 
lière. Cet  appareil  se  simplifie  chez  les  Cidarides  et  les 
Clypéastroïdes.  D^  L.  Un. 

VII.  Mécanique.  —  Engrenage  a  lanterne.  -  -  On 
a  dit  quelques  mots  de  cet  appareil  à  l'art.  Engrenage. 
Dans  l'une  des  roues,  le  profil  des  dents  se  compose  de 
petites  circonférences  dont  le  centre  se  trouve  sur  la  cir- 
conférence primitive,  dans  l'autre  roue  le  profil  des  dents 
est  une  développante  d'épicycloïde,  le  tracé  n'offre  rien  de 

particulier  et  s'effectue 
d'après  les  règles  qui  ont 
été  indiquées  dans  l'article 
précité.  La  roue  dont  les 
dents  ont  pour  profil  des 
circonférences  porte  le  nom 
de  lanterne;  elle  se  com- 
pose de  deux  disques,  et  les 
dents  ont  la  forme  de  pe- 
tits cylindres  appelés  allu- 
chons,  ce  qui  donne  à  cette 
roue  la  forme  d'une  lan- 
terne. Les  engrenages  à 
lanterne  sont  aujourd'hui  peu  employés  ;  ils  s'usent  rapi- 
dement, mais  comme  l'usure  a  lieu  surtout  sur  les  allu- 
chons,  ceux-ci  peuvent,  à  cause  de  leur  forme,  être  facile- 
ment remplacés  ;  c'est  le  seul  avantage  que  présente  cet 
engrenage  qui  peut  être  employé  dans  les  machines  dont 
l'installation  doit  se  faire  à  peu  de  frais.  II.  L. 

VIII.  Fonderie.  —  On  donne  le  nom  de  lanternes  à  cer- 
tains noyaux  qui  permettent  de  conserver  aux  pièces  mou- 
lées leur  creux  intérieur.  Dans  le  moulage  des  tuyaux,  par 
exemple,  la  lanterne  est  un  tube  en  fonte  ou  en  fer,  percé 
de  nombreuses  ouvertures  et  recouvert  d'un  enduit  de  terre  ; 
cet  enduit  doit  avoir  une  certaine  porosité,  pour  i)ermcttre 
au  gaz  résultant  de  l'action  de  la  fonte  sur  le  noyau  de 
s'échapper  par  Tintérieur  du  tube,  et  de  là  au  dehors.  Le 


Engrenage  à  lanterne. 


garnissage  des  lanternes  se  fait  en  les  plaçant  sur  deux 
supports  en  forme  de  tour  et  enlevant  avec  une  raclette 
l'excédent  de  terre.  On  les  sèche  ensuite  à  l'étuve.     L.  K. 

BiBL.  :  Archéologie.  —  Dreux  du  Radier,  Essai  his- 
torique sur  les  lanternes.—  Gay,  Glossaire  archéoL,  a,u. 
mot  Esconce.  —  Henry  d'Allemagne,  Histoire  du  lumi- 
naire.—  Caumont,  Abécédaire. —  ANTiiYME-SAiiNx-PAUL, 
Lanternes  des  morts,  dans  Encyclopédie  d'architecture 
de  Planât.  ~  Essenwein,  Uber  einige  T odtenleuchten 
in  Q^sterrelch. 

LANTERNE.  Rivière  de  France  (V.  Saône  [Haute-]). 

LANTERNE-et-les-Armonts.  Corn,  du  dép.  de  la 
Haute-Saône,  arr.  de  Lure,  cant.  de  Luxeuil;  707  hab. 

LANTERNEAU.  Chapeau  de  verre  couvrant  une  ouver- 
ture du  toit  ou  de  la  voûte  d'un  édifice.  On  pense  qu'un 
lanterneau  a  pu  couvrir  l'orifice  de  la  coupole  du  Panthéon 
d'Agrippa,  et  au  ix"^  siècle  le  célèbre  plan  de  l'abbaye  de 
Saint- Gall  montre  des  pièces  sans  parois  extérieures  qui 
pouvaient  être  éclairées  aussi  par  des  lanterneaux.  Ce  sys- 
tème, précaire  par  la  fragilité  du  verre  et  par  les  infiltra- 
tions qu'il  entraine,  a  été  répudié  par  les  constructeurs  du 
moyen  âge;  les  modernes,  au  contraire,  en  font  grand 
usage,  surtout  pour  éclairer  des  cages  d'escalier. 

LANTERNON.  Petit  édifice  en  forme  de  tour-lanterne 
et  remplissant  le  même  office  d'éclairage  (sur  une  tourelle 
d'escalier,  par  exemple)  ou  servant  d'observatoire  et  domi- 
nant un  édifice.  Sorte  de  cloclieton  à  jour.  Les  peintures  de 
Pompéi  nous  montrent  des  lanternons  de  charpente  couron- 
nant des  toitures  de  maisons.  Cette  forme  de  l'architecture 
romaine  paraît  s'être  conservée  à  l'époque  carolingienne; 
d'après  Quicherat,  les  églises  franques  auraient  eu  des  tours- 
lanternes  couronnées  de  lanternons  en  retraite.  A  l'époque 
carolingienne,  des  pavillons  de  ce  genre  couronnaient  en- 
core les  tours  rondes  de  l'église  de  Saint-Riquier  (peinture 
d'un  manuscrit  reproduite  par  Mabillon).  A  l'époque  ro- 
mane (x^ouxi*^  siècle),  le  clocher  de  Saint-Front  de  Péri- 
gueux  est  surmonté  d'une  coupole  conique  que  couronne 
un  lanternon,  et  les  tours  et  tourelles  des  églises  du  Poi- 
tou et  de  la  Saintonge  ont  de  ces  amortissements  (Notre- 
Dame  de  Poitiers,  Saint-Jouin-de-Marnes).  Les  tours  cen- 
trales de  ces  églises  sont  flanquées  de  quatre  lanternons 
(Sainte-Marie-des-Dames,  à  Saintes;  Montier-Neuf,  à  Poi- 
tiers) et  cette  mode  est  introduite  en  Espagne  (Salamanque, 
Zamora,  Toro).  A  l'époque  gothique  et  à  la  Renaissance, 
des  lanternons  couronnent  fréquement  les  tourelles  d'esca- 
lier (transept  de  Notre-Dame  de  Paris,  Saint-Jacques  de 
Dieppe,  château  de  Chambord  [V.  fig.,  t.  IIl,  p.  732],  etc.); 
mais  les  tours  gothiques  couronnées  de  lanternons  ne  se 
voient  guère  qu'en  Allemagne  (chapelle  Sainte-Foi,  à  llei- 
ligenstadt,  1270)  ou  en  Italie  (église  de  Fossonova,  vers 
iilOO;  c^hédrale  de  Modène).  A  la  Renaissance,  au  con- 
traire, la  mode  des  coupoles  surmontées  de  lanternons 
devient  universelle  (Saint -Pierre  de  Rome,  clochers  de 
Bressuire,  de  Sainte-Corneille  deCompiègne,  etc.).  On  pousse 
même  l'abus  jusqu'à  placer  de  petit  lanternons  tout  à  fait 
inutiles  sur  les  très  petites  coupoles  qui  coiiïent  les  tou- 
relles (hôtel  d'Ecoville,  à  Caen;  transept  de  Saint-Merri, 
église  Saint-Jacques  de  Dieppe,  etc.). 

LANTEUIL.  Com.du  dép.  de  la  Corrèze,  arr.  deBrive, 
cant.  de  Beynat;  1,117  hab. 

LANTHANE.  Form.  S  ^^'V-     \'^=  .tl' 
(  Poids  atom.     La==:138. 

Le  lanthane  est  un  métal  très  rare  que  Mosander  a 
trouvé  en  1839  à  côté  du  cérium  dans  un  certain  nombre 
de  minéraux,  la  cérite,  l'euxéuite,  la  monazite,  la  gadoli- 
nite.  La  découverte  récente  de  gisements  assez  importants 
de  monazite  dans  la  Caroline  du  Nord  a  permis  d'isoler  dans 
ces  derniers  temps  plus  d'un  millier  de  kilogr.  de  sel  de 
lanthane.  Le  lanthane  est  un  métal  très  voisin  du  cérium 
qu'on  obtient  comme  ce  dernier  par  l'électrolyse  de  son 
chlorure  fondu  ;  il  est  blanc,  s'oxyde  quand  on  le  chauffe 
à  l'air  et  s'enflamme  à  une  température  assez  peu  élevée. 

L'oxyde  de  lanthane,  La"^0'%  s'obtient  par  la  calcination 
de  l'oxalate  et  de  beaucoup  de  sels  de  ce  métal  ;  il  forme 


LANTHANE  —  LANUSSE 


—  932  — 


une  matière  blanche,  terreuse,  infusible,  qui  s'hydrate  quand 
on  la  traite  par  l'eau  chaude  et  s'éteint  comme  la  chaux 
vive.  Le  chlorure  de  lanthane,  La^Gl'^.14H0,  forme  de 
grands  cristaux  incolores  appartenant  au  système  du  prisme 
clinorhombique  ;  il  s'unit  facilement  à  un  grand  nombre 
d'autres  chlorures  métaUiques  pour  former  des  chlorures 
doubles  hydratés.  Le  sulfate  cristallise  avec  9  équivalents 
d'eau  en  prismes  hexagonaux  isomorphes  avec  ceux  du 
sulfate  de  cérium.  La  solution  acétique  d'oxyde  de  lan- 
thane donne  avec  l'ammoniaque  un  précipité  gélatineux  qui 
bleuit  par  l'iode  à  la  manière  de  l'amidon.  Les  acides  et  les 
alcalis  font  disparaître  cette  coloration.  C.  M. 

BiBL.  :  MosANDER,  Poggeud.  Ann.^  XLVI,  p.  648, 
t.  XLVII,  p.  207,  et  t.  LVI,  p.  504.—  Marignac,  Annales 
de  chim.  et  de  phys.  [3],  t.  XXVÏI,  p.  209. 

LANTHENANS.  Com.  dudép.  du  Doubs,  arr.  deBaume- 
les-Damos,  cant.  de  L'lsle~sur-le-Doubs  ;  103  hab. 

LANTHENAS  (François),  homme  politique  français,  né 
au  Puy  le  48  avr.  1754,  mort  à  Paris  le  2janv.  1799. 
Médecin  et  auteur  de  nombreuses  brochures  politiques,  il 
se  lia  avec  les  époux  Roland  et,  en  1792,  lors  du  premier 
ministère  girondin,  devint  premier  commis  à  l'administra- 
tion de  l'instruction  pubhque  au  département  de  l'intérieur. 
Député  du  Rhône-et-Loire  à  la  Convention  nationale,  il  fit 
partie  du  comité  d'instruction  publique  (13  oct.  1792)  et 
déploya  de  l'activité.  C'est  au  nom  de  ce  comité  qu'il  pré- 
senta, le  18  déc.  1792,  un  célèbre  rapport  sur  les  écoles 
primaires.  Dans  le  procès  de  Louis  XVI,  il  vota  pour  la 
mort,  mais  avec  des  restrictions.  Dans  lajournéedu2  juin 
1793,  compris  d'abord  dans  la  proscription  de  ses  amis 
les  Girondins,  il  fut  rayé  de  la  liste  sur  une  observation 
dédaigneuse  de  Marat,  qui  le  traita  àa  panure  d'esprit.  Il 
siégea  au  Conseil  des  Cinq-Cents  comme  député  d'Ille-et- 
Vilaine.  F--A.  A. 

BiBL.  :  F.  Buisson,  Dictionnaire  de  pédagogie  et  d'ins- 
truction primaire. 

LANTHENAY.  Com.  du  dép.  du  Loir-et-Cher,  arr.  et 
cant.  de  Romorantin  ;  2,350  hab. 

LANTHES.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de 
Beaune,  cant.  de  Seurre  ;  212  hab. 

LANTHEUIL.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr.  deCaen, 
cant.  de  Creully,  sur  la  Gronde  ;  376  hab.  Dentelles.  Châ- 
teau de  l'époque  de  Louis  XlII. 

LA  NTIC.  Com.  dudép.  desCôtes-du-Nord,  arr.  de  Saint- 
Brieuc,  cant.  d'Etaples;  1,274  hab. 

LANTIER  (Etienne-François  de),  littérateur  français,  né 
à  Marseille  le  1^^  oct.  1734,  mort  à  Marseille  le  31  janv. 
1826.  Officier  au  régiment  d'Angoumois,  il  gagna  par  une 
poésie  élogieuse  la  faveur  de  Choiseul  et  une  pension  ;  et, 
usant  d'un  moyen  qui  lui  réussissait  si  bien,  il  obtint  du 
comte  d'Artois  son  brevet  de  capitaine.  Très  répandu  dans 
les  salons  où  l'on  goûtait  fort  son  esprit  léger  et  ses  petits 
vers  erotiques,  il  donna  en  1778  une  comédie,  l'Impa- 
tient, qui  eut  grand  succès;  en  1782,  une  autre  comédie, 
le  Flatteur  (cinq  actes  en  vers)  qui  fut  encore  mieux  ac- 
cueillie. Citons  encore  de  lui  :  Travaux  de  l'abbé  Moiiclie 
(1784,  in-12);  ce  sont  des  pièces  légères;  Erminie 
(1788,in-12,  poème  en  trois  chants)  ;  Voyage  dWntènor 
en  Grèce  et  en  yi5féj(1798,  in-8),  son  chef-d'œuvre,  qui 
n'eut  pas  moins  de  seize  éditions,  connu  encore  sous  le  so- 
briquet de  l'Anacharsis  des  Boudoirs  ;  Conles  en  prose  et  en 
vers  (1801,  in-8,  plus,  éd.)  ;  les  Voyageurs  en  Suisse 
(1803  ,  in-8)  ;  Correspondance  de  Suzette  Césarine 
d'Arly  (1814-15,  2  vol.  in-8)  ;  [lecueil  de  poésies  (1817, 
in-8).  Ses  OEuvres  complètes  (Paris,  1836,  in-8)  ont  été 
données  par  G.  de  Flotte,  avec  une  notice  biographique. 

LANTIGNIÉ.  Com.  du  dép.  du  Rhône,  arr.  de  Ville- 
franche,  cant.  de  Beaujeu;  783  hab. 

LANTILLY.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  et  cant. 
de  Semur  ;  239  hab. 

LANTINE  (La)  (V.Garonne  [llaute-J,  t.  XVIII,  p. 554). 

LANTINGSHAUSEN  ( Jakob-Albrekt  de),  officier  sué- 
dois, né  à  Reval  en  1699,  mort  à  Stockholm  en  1769.  Il 
se  distingua,  en  1718-19,  dans  l'expédition  de  Norvège, 


mais  quitta  le  service  de  la  Suède  en  1722  pour  entrer, 
en  1723,  au  service  de  la  France;  en  1745,  il  était  bri- 
gadier d'infanterie.  II  se  retira  l'année  suivante  avec  une 
pension  de  2,000  Hvres.  De  retour  en  Suède  en  1747, 
il  reprit  son  service  dans  l'armée  suédoise  avec  le  grade  de 
major  d'abord,  puis  de  colonel  deux  ans  plus  tard.  En  1757, 
il  prit  glorieusement  part  à  la  guerre  de  Sept  ans,  en  qua- 
lité de  lieutenant  général  ;  ayant  dû  se  retirer  devant  les 
Allemands  à  Stralsund,  il  reprit  bientôt  l'oôensive,  et  re- 
poussa, en  1760,  les  Prussiens  de  la  Poméranie.  Il  prit 
définitivement  sa  retraite  l'année  suivante.  En  politique,  il 
appartenait  au  parti  des  Chapeaux  et  joua  un  rôle  impor- 
tant à  la  Chambre  du  royaume,  dont  il  fit  partie  à  plusieurs 
reprises. —  Son  fils  Albrekt  (1751-1820)  s'est  distingué 
comme  officier  pendant  la  guerre  de  Finlande.  Littérateur 
et  artiste  de  mérite,  il  a  traduit  les  Nuits  d'Young  et  a 
laissé  des  dessins  et  des  gravures  remarquables.     Th.  C. 

LANTOINE  (Henri-Eugène),  philologue  français,  né  à 
Guise  (Aisne)  le  12  juiL  1845.  Il  fit  de  brillantes  études 
au  lycée  Charlemagne  (institution  Jauffret),  entra  à  FEcole 
normale  en  1865  et  en  sortit  agrégé  des  lettres.  Professeur 
de  rhétorique  aux  lycées  de  Saint-Etienne  (1868-70),  puis 
de  Nevers,  il  fut  rappelé  en  1873  comme  surveillant  à  l'Ecole 
normale.  L'année  suivante,  il  est  reçu  docteur  avec  ces 
thèses  :  De  Cicérone  contra  oratores  Atticos  disputante 
(Paris,  1874,  in-8)  et  Histoire  de  renseignement  secon- 
daire en  France  au  xvii^  et  au  début  du  xvin«  siècle 
(in-8).  Nommé  suppléant  à  la  faculté  des  lettres  de  Clermont 
pour  la  littérature  française  (1875),  il  est  chargé  du  cours 
de  littérature  ancienne  à  celle  de  Besançon  (1876)  et  devient 
titulaire  de  la  chaire  (1877).  Mais  rentrant  dans  l'enseigne- 
ment secondaire  pour  revenir  à  Paris,  il  professe  la  seconde 
au  lycée  Henri  IV  (1878)  et  la  troisième  au  lycée  Condorcet, 
avant  de  devenir  maître  de  conférences  de  poésie  latine  à 
laSorbonne  (1879).  Depuis  1882,  il  est  secrétaire  de  la 
faculté  des  lettres  de  Paris.  Outre  ses  thèses,  il  a  publié  : 
une  édition  classique  du  V®  livre  de  Lucrèce.,  en  collabora- 
tion avec  Benoist  (1,884)  ;  Leçons  de  littérature  latine,  en 
collaboration  avec  Lallier  (1888);  Epitome  Historiœ 
Grœcœ  (1890)  ;  Guide  pratique  des  candidats  au  bac- 
calauréat (classique  et  moderne,  1891);  les  Historiens 
latins  (choix  de  traductions  et  analyses,  1892)  ;  Virgile 
(extraits  traduits  en  français,  1894).  M.  Lantoine  dirige 
une  collection  de  traductions  et  extraits  des  classiques  grecs 
et  latins.  H.  M. 

LANTON.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Bor- 
deaux, cant.  d'Audenge  ;  801  hab.  Ostréiculture. 

LANTOSQUE.  Com.  dudép.  des  Alpes-Maritimes,  arr. 
de  Nice,  cant.  d'Utelle  ;  1,974  hab. 

LANUÉJOLS.  Com.  du  Gard,  arr.  du  Vigan,  cant.  de 
Trêves  ;  1,036  hab. 

LANUÉJOLS.  Com.  du  dép.  de  la  Lozère,  arr.  et  cant. 
de  Mende;  506  hab.  Localité  connue  des  archéologues  à 
cause  du  très  important  monument  funéraire  qui  existe  sur 
son  territoire.  Ce  tombeau  rappelle  par  sa  forme  le  fameux 
tombeau  de  Trion,  découvert  à  Lyon;  il  renfermait,  d'après 
les  inscriptions,  les  ossements  de  la  famille  Bassianus.  On 
en  rapporte  la  construction  au  m®  siècle.  Il  affecte  la  forme 
d'un  parallélogramme,  flanqué  du  côté  de  l'entrée  d'une 
sorte  de  porche  surmonté  d'une  arcade,  vers  le  fond,  d'une 
double  chambre  funéraire.  Il  est  d'ailleurs  en  assez  mau- 
vais état.  Il  a  été  dégagé  définitivement  en  1858.  Château 
du  Boy  (xviïi^  siècle). 

BiBL.  :  Congrès  archéologique  de  France,  XXIV«  session, 
pp.  200  et  suiv. 

LANUSQUET  (V.  Echâsse). 

LANUSSE  (François),  général  français,  né  à  Habas 
(Landes)  le  3  nov.  1772,  mort  à  Alexandrie  (Egypte)  en 
mars  1801 .  Chef  d'un  bataillon  de  la  Haute-Vienne  en  1792, 
il  servit  avec  éclat  aux  armées  des  Pyrénées-Orientales  et 
d'Italie,  fut  nommé  général  de  brigade  (1796)  et  alla  plus 
tard  (1798)  rejoindre  en  Egypte  Bonaparte,  qui  le  mit  à 
la  tête  d'une  division  et  qui,  pendant  son  expédition  de 


933  - 


LANUSSE  —  J.ANZAC 


Syrie  (1799),  lui  confia  le  commandement  du  Delta.  Il  com- 
manda ensuite  la  place  d'Alexandrie  sous  Kleber,  fut  rap- 
pelé au  Caire  par  Menou,  et  fut  blessé  à  mort  lors  du  dé- 
barquement des  Anglaisa  Aboukir.  A.  Deiudour. 

LANUVIUIVI.  Ancienne  ville  du  Latium,  auj.  Civita 
Lavinia.  Elle  était  située  sur  une  colline,  contrefort  méri- 
dional des  monts  Albains,  à  environ  ^0  milles  de  Rome,  à 
dr.  de  la  voie  Appienne,  à  i  mille  de  cette  route.  Elle  a 
été  souvent  confondue  avec  Lavinium  (V.  ce  mot),  sur- 
tout au  moyen  âge  et  dans  les  manuscrits.  On  en  l'ait  une 
colonie  d'Albe;  c'était  une  des  principales  cités  latines; 
elle  coopéra  à  la  consécration  du  temple  de  Diane  d'Aricie, 
à  la  ligue  des  Latins  contre  Home  (496)  ;  elle  fut  ensuite 
la  fidèle  alliée  des  Romains  contre  les  Eques  et  les  Volsques  ; 
mais,  en  383,  elle  prit  ombrage  des  progrès  des  Romains 
et  s'allia  contre  eux  aux  Volsques.  Elle  prit  aussi  une  part 
active  à  la  grande  guerre  latine  de  340.  Ses  habitants 
reçurent  le  droit  de  cité  romaine,  probablement  sans  le 
droit  de  suffrage  qui  leur  fut  conféré  ultérieurement.  Dans 
la  condition  de  municipe,  Lanuvium  garda  sa  prospérité; 
son  magistrat  suprême  portait  le  nom  de  dictateur.  Au 
temps  des  guerres  civiles,  elle  eut  beaucoup  à  souff'rir, 
perdit  une  partie  de  son  territoire  attribué  à  des  colonies 
de  vétérans  par  César  et  Octave,  les  trésors  de  son  temple 
pris  par  Octave.  C'était  la  patrie  de  plusieurs  grandes 
familles  ou  gentes  romaines  :  Annia,  à  laquelle  appartenait 
Milon;  Papia,  Roscia,  Thoria,  Procilia,  Mettia  ;  de  l'acteur 
Roscius,  de  l'empereur  Antonin  ;  ceci  lui  valut  une  faveur 
particulière  sous  Antonin,  Marc  Aurèle  et  Commode  qui  y 
résidèrent  souvent  ;  ce  dernier  y  figura  souvent  dans  les 
combats  des  gladiateurs.  —  Quand  se  fit  la  confusion  des 
légendes  grecques  et  latines,  on  fit  remonter  à  Diomède  la 
fondation  de  Lanuvium  et  on  rattacha  à  l'Héra  d'Argos  le 
culte  de  Juno  Sospita,  la  déesse  locale.  Ce  culte  fut  une 
cause  essentielle  de  la  fortune  prolongée  de  la  ville.  La 
déesse  de  Lanuvium  était  vénérée  dans  toute  la  région  ;  les 
Romains  lui  rendaient  hommage  et  se  firent  garantir  la 
libre  participation  à  son  culte  ;  plus  tard,  ils  lui  bâtirent 
un  temple  chez  eux,  mais  les  consuls  devaient  venir  annuelle- 
ment lui  sacrifier  à  Lanuvium.  Le  temple  s'enrichit  non 
seulement  du  trésor  pillé  par  Octave,  mais  d'oeuvres  d'art. 
La  déesse  était  représentée  coiffée  d'une  peau  de  chèvre, 
une  lance  à  la  droite,  un  petit  bouclier  à  la  gauche, 
chaussée  de  bottines  à  bouts  relevés  {calceoli  repandi)  ; 
à  ses  pieds  un  serpent;  en  effet,  on  nourrissait  dans  le 
temple  un  serpent  que  les  vierges  consultaient.  Il  ne  sub- 
siste que  des  ruines  insignifiantes  de  Lanuvium.  A. -M.  B. 

LANUZA  (Vicente-Blasco  de),  historien  espagnol  de  la 
première  moitié  du  xvu*^  siècle,  né  en  Aragon.  Il  entra 
dans  les  ordres  et  professa  la  théologie  à  Saragosse.  On 
lui  doit  une  première  continuation  des  Annales  de  /Airita 
(V.  ce  nom)  qu'il  poursuivit  de  i516  à  1616:  Historias 
de  Aragon  (Saragosse,  1619-22,  2  vol.  in-foL),  travail 
qui  fut  repris  et  développé  par  d'autres,  et  un  ouvrage 
d'hagiographie  :  Peristephanon,  seu  de  coronis  sancto- 
riim  Aragonensium  (Saragosse,  1623,  in-8).    G.  P-i. 

LANVALLAY.  Corn,  du  dép.  des  Côtcs-du-Nord,  arr. 
et  cant.  (E.)  de  Dinan  ;  1,190  hab. 

LANYAUDAN.  Corn,  du  dép.  du  Morbihan,  arr.  de  Lo- 
rient,  cant.  de  Plouay  ;  1,038  hab. 

LANVAUX  (Lande  de)  (V.  Morbihan). 

LANVELLEC.  Corn,  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr. 
de  Lannion,  cant.  de  Plestin  ;  1,639  hab. 

LANVÉNÉGÊN.  Corn,  du  dép.  du  Morbihan,  arr.  de 
Pontivy,  cant.  du  Faouét  ;  2,234  hab. 

LANVÉOC.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  Château- 
lin,  cant.  de  Crozon,  sur  la  rive  S.  et  à  l'entrée  de  lar- 
rière-rade  de  Brest;  1,240  hab.  Carrières  (roches  siliceuses 
pour  pavés,  roches  calcaires  pour  chaux).  Le  village  est 
à  1  kil.  au  S.  de  la  pointe  de  Lanvéoc,  où  il  y  a  un  fort 
et  un  petit  port,  consistant  en  une  simple  cale,  qui  dessert 
Brest.  C.  Del. 


BiBL.  :  Annuaire  cieBi'est  de  1866.  —  Mengin,  Notice  sur 
le  port  de  Lanvéoc,  dans  Ports  marit.  de  Fr.^  1880,  t   IV. 

LANVÉZÉAC.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr. 
de  Lannion,  cant.  de  La  Roche-Derrien  ;  133  hab. 

LANVOLLON.Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord, 
arr.  de  Saint-Brieuc  ;  1,510  hab.  Fabrique  d'instruments 
aratoires.  Moulins.  Eglise  des  xii«et  xiv®  siècles.  Hôtel  Kéra- 
try  ;  construction  en  bois  du  milieu  du  xvi*^  siècle  avec  de  jo- 
lies sculptures.  Ruines  du  château  de  Coëtmen  (xui^^  siècle). 

LA NZ  (Charles-Alfred),  sculpteur  suisse,  né  à  Rohrbach 
(Berne)  le  25  oct.  1847.  D'abord  destiné  à  la  gravure  in- 
dustrielle, il  se  tourna  vers  la  sculpture  qu'il  étudia  en 
Allemagne  et  à  Paris  à  l'Ecole  des  beaux-arts.  Les  princi- 
paux monuments  publics  qu'il  a  exécutés  en  Suisse  sont 
la  statue  équestre  du  Général  Du  four  k  Genève,  le  monu- 
ment Pestalozzi  à  Yverdon  et  le  monument  Zschokke  à 
Aarau.  On  lui  doit  aussi  un  des  grands  bas-reliefs  du 
nouveau  Palais  fédéral  à  Berne.  E.  K. 

LANZA  (Giovanni),  homme  politique  italien,  néà  Vignale, 
près  de  Casale,  en  1815,  mort  à  Rome  le  9  mars  1882. 
Beçu  docteur  en  médecine  à  Turin,  il  commença  à  se  faire 
connaître  dans  VAssociatio7i  agraire,  et  fut  un  des  fon- 
dateurs du  iourm\l'Opi7iw7ie.EniSA8,ïl  s'enrôla  comme 
volontaire.  Elu  député  à  Frassineto,  il  prit  place  à  gauche, 
mais  fit  toujours  preuve  de  modération  et  prépara  la  for- 
mation d'un  centre  gauche.  Les  questions  économiques  et 
financières  Foccupaient  particulièrement.  Le  31  mai  1855, 
Cavour  lui  confia  le  ministère  de  l'instruction  publique,  où 
il  accomplit  d'importantes  améliorations.  Le  15janv.  1858, 
il  reçut  l'intérim  des  finances,  dont  il  avait  été  déjà  chargé 
en  1856,  et,  le  17  oct.,  quittant  l'instruction  publique,  il 
garda  les  finances  comme  titulaire.  Ferme,  persévérant, 
d'une  activité  infatigable,  il  a  laissé  dans  les  différentes 
administrations  des  traces  durables  de  son  passage.  Sorti 
du  pouvoir  avec  Cavour  après  la  paix  de  Villafranca  (juil. 
1859),  il  devint  président  de  la  Chambre  en  avr.  1860, 
mais,  l'année  suivante,  il  voulut  rester  simple  député.  Il 
entra  dans  le  cabinet  La  Marmora  comme  ministre  de  l'in- 
térieur le  28  sept.  1864,  et  dut  effectuer  la  translation 
de  la  capitale  à  Florence  ;  il  se  sépara  de  ses  collègues  le 
20  août  18Ô5.  Porté  de  nouveau  à  la  présidence  de  la 
Chambre  (16  nov.  1869),  il  fut  appelé  par  le  roi  à  cons- 
tituer le  cabinet  du  14déc.,  dans  lequel  il  géra  l'intérieur, 
et  qui  eut  l'honneur  d'achever  l'unité  italienne  en  prenant 
possession  de  Rome  (20  sept.1870).  Ce  ministère  fut  ren- 
versé par  une  coalition  le  25  juin  1863,  à  l'occasion  des 
projets  financiers  de  Sella.  Dans  les  derniers  temps,  Lanza 
représentait  à  la  Chambre  la  ville  de  Turin.  Simple  de  ma- 
nières, voire  un  peu  rude,  d'une  élocution  parfois  pénible, 
mais  esprit  solide  et  caractère  résolu,  d'un  libéralisme 
sincère  et  d'un  entier  dévouement  à  l'intérêt  public  , 
Lanza  est  un  des  hommes  qui  ont  le  mieux  mérité  de 
l'Italie.  Félix  Henneguy. 

LANZA  DE Casâlanza  (François),  archéologue  et  natu- 
raliste italien,  néà  Spalato  en  1808.  Il  a  fait  ses  études  de 
philosophie  et  de  médecine  à  Padoue,  à  Vienne  et  à  Pavie. 
Il  a  rempli  les  fonctions  de  podestat  à  Spalato  et  a  été 
reçu  dans  la  noblesse  de  l'empire  autrichien.  Comme  ar- 
chéologue, il  a  débuté  en  1 834  par  un  mémoire  sur  les 
fouilles  de  Salona,  dirigées  par  son  père,  et  présenté  à 
l'Institut  archéologique  de  Rome.  On  lui  doit  encore  :  Le 
Anliche  Lapidi  salonitane,  inédite,  illustrate  (Spalato. 
181'8;  Zara,  1850)  ;  lllustrarÀone  suWantico  palazxo 
di  Diocleziano  in  Spalato  (Trieste,  1855);  Monumenti 
salonitaîninediti  (Vienne,  1856,  in-4).  Comme  médecin 
et  naturaliste,  il  a  écrit  divers  mémoires  relatifs  à  la  zoo- 
logie et  à  la  géologie  de  la  Dalmatie,  un  rapport  sur  un 
voyage  scientifique  en  Grande-Bretagne  qu'il  fit  en  1855  à 
l'occasion  du  congrès  international  de  Glasgow .  Il  a  publié 
deux  journaux  :  L'Agronomo  raccoglitore,  à  Zara,  et  // 
Progressa  industriale  agronomico  del  secolo,  à  Spalato. 
LANZAC.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Gourdon,  cant. 
de  Souillac;  619  hab. 


LANZANI  —  LAODICE 


-  984 


LANZANI  (Polidoro),  surnommé  Venexdano,  peintre 
italien,  né  à  Venise  vers  4515,  mort  en  1565.  C'est  un  de 
ces  artistes  obscurs  qui  se  sont  formés,  à  côté  des  maîtres, 
dans  l'atelier  fécond  du  Titien.  Les  tableaux  qu'on  connaît 
de  lui  sont  hors  d'Italie  ;  c'est  un  Mariage  de  sain  le 
Catherine  au  musée  de  Dresde,  et  une  Sainte  Famille  au 
musée  de  Vienne.  Ils  ont  été  gravés,  l'un  par  Troyen, 
l'autre  par  Sadeler. 

BiBL.  :  RiDOLFi,  Le  Meraviglie  deW  Arie  overo  le  vite 
degli  illustri  pitiori  veneti. 

LANZANI  (Andréa),  peintre  italien,  né  à  Milan,  mort  à 
Vienne  en  1712.  Il  travailla  d'abord  dans  sa  ville  natale, 
sous  la  direction  de  Scaramuzza,  puis  partit  pour  Rome 
où  il  eut  pour  maître  Carlo  Maratta.  Il  revint  ensuite  à 
Milan,  où  se  trouvent  presque  toutes  ses  œuvres  :  Saint 
Charles  Borromée  dans  une  gloire,  à  la  cathédrale  ;  une 
Scène  de  la  vie  du  cardinal  Federigo  Borromée,  à  la 
bibliothèque  Ambrosienne;  la  Dernière  Communion  de 
saint  Ambroîse,  à  Sant'  Ambrogio  ;  Saint  Pierre  mar- 
chant sur  la  mer,  à  San  Pietro  in  (iessate,  etc. 
BiBL.  :  Lanzi,  Storia  pittorica.  delV  Italia;  Milan,  t.  IV. 

LANZAROTEou  LANCEROTE.  Une  des  îles  Canaries 
(V.  cet  art.  pour  les  généralités,  les  productions,  l'his- 
toire, etc.).  Elle  mesure  806  kil.  q.,  et,  si  l'on  y  adjoint 
les  îlots  voisins  d'Alegranza,  Montana,  Clara  et  Graciosa, 
845  kil.  q.  avec  18,000  hab.  Elle  est  de  formation  volca- 
nique, et  plusieurs  de  ses  volcans  alignés  parallèlement 
ontlait  éruption  en  1736  et  1824.  Elle  n'a  ni  eau  de  source, 
ni  bois.  Les  principales  villes  sont  Teguisa  (3,700  hab.) 
et  Ar récif e  (2,700  hab.),  le  chef-lieu.  Elle  exporte  delà 
cochenille,  de  l'orseille,  etc. 

LANZELLOTTI  (Biagio),  philologue  italien,  né  à  Chieti 
(Abruzzes)  en  1829.  Il  a  beaucoup  contribué  par  son  en- 
seignement comme  par  ses  nombreuses  publications  à  pro- 
pager les  nouvelles  méthodes  philologiques.  On  cite  surtout 
de  lui  un  remarquable  travail  sur  Asinius  Pollion  (Prato, 
4875). 

LANZI  (L'abbé  Luigi),  archéologue  et  historien  d'art  ita- 
lien, né  à  Montolmo,  prèsdeFermo,  le  13juin  1732,  mort 
à  Florence  le  31  mars  1810.  Membre  de  la  Compagnie  de 
Jésus  en  1749,  il  professa  les  humanités  dans  divers  col- 
lèges de  son  ordre,  après  la  suppression  duquel  il  fut 
nommé  en  1773  sous-directeur  du  musée  des  Offices  à  Flo- 
rence. 11  étudia  alors  la  langue  et  les  antiquités  des 
Etrusques,  et  son  savant  ouvrage  :  Saggio  di  lingua 
etrusca  e  di  altre  antiche  dltalia  (Rome,  1789,3  voL 
in-8  ;  Florence,  1 824,  3  vol.  in-8  ;  comprenant  des  Notiiie 
délia  scultura  degli  antichi)  contribua  puissamment  à 
élucider  la  question  des  origines  de  cet  idiome.  Ses  trois 
dissertations  De'  Vasi  antichi  dipinti,  volgarmente  chia- 
mati  etruschi  (Florence,  1806, 1807,  in-8,  fîg.)  eurent 
le  mérite  de  débarrasser  l'étude  des  vases  peints  de  l'étrus- 
comanie  de  l'époque  et  d'établir  les  vrais  principes  en  y  fai- 
sant intervenir  l'action  de  l'art  hellénique.  Entre  temps, 
il  avait  publié  son  grand  et  intéressant  travailsur  l'histoire 
de  la  peinture  en  Italie,  depuis  la  renaissance  des  beaux- 
arts:  Storia  pittorica  deWUalia  (Florence,  1792,  6  vol. 
in-8,  souv.  réimpr.,  notamment  à  Milan,  1824,  4  vol.  in-8, 
et  Florence,  1845,  6  vol.  gr.  in-8,*  trad.  franc.,  Paris, 
1824,  5  vol.).  On  lui  doit  encore  d'autres  ouvrages  d'ar- 
chéologie et  de  philologie,  et  Boni  a  édité  ses  Opère  pos- 
tume  (Florence,  1817,  2  yoI.  in-4).     G.  Pawlowski. 

BiBL.  :  0.  Boni,  Elogîo  di  Lanzi;  Florence,  1814,  in-4. 
—  A.  Cappi,  Biografia^di  Lanzi;  Florence,  1840,  in-8. 

LANZO.  Bourg  d'Italie,  prov.  de  Turin,  sur  le  Stura, 
au  confluent  de  trois  vallées  pittoresques;  1,500  hab. 
Mines  de  houille  et  de  fer  (non  exploitées);  plusieurs  cou- 
\ents.  Un  chemin  de  fer  la  relie  à  Turin. 

LAO  ou  LA-HO-KÉOU.  Ville  de  Chine,  prov.  de  Hou-pé, 
r.  dr.  du  Han-kiang,affl.  g.  du  Yang-tse-kiang  ;  200,000 
hab.  (d'après  Kreitner).  C'est  une  ville  ouverte,  très  com- 
merçante, au  point  où  le  Han  devient  navigable;  c'est  un 
grand  centre  d'expédition  de  coton  vers  ïïan-kcou,  et  un 
entrepôt  du  commerce  vers  le  N.-O.  de  la  Chine. 


LAOCOON  (Myth.  gr.).  Héros  troyen  qui  joue  un  grand 
rôle  dans  les  légendes  relatives  à  la  prise  de  Troie,  racon- 
tées dans  riX(ou  Tzipaiç,  (V.  Troie).  Fils  d'Anténor  ou 
d'Acoétès,  prêtre  de  Poséidon  ou  d'Apollon  Thymbrèen,  il 
s'opposa  à  l'introduction  dans  la  ville  du  fameux  cheval  de 
bois.  Peu  après,  tandis  qu'il  offrait  un  sacrifice  à  son  dieu, 
il  fut  saisi  avec  ses  enfants  par  deux  serpents  venus  à  la 
nage  de  l'île  de  Ténédos,  qui  les  étouffèrent,  puis  se  réfu- 
gièrent dans  l'Acropole  et  disparurent  dans  le  sanctuaire 
d'Athénée  Tritonis.  Ni  le  récit  d'Arctinos  de  Milet,  ni  la 
tragédie  de  Sophocle,  traitant  cette  tragique  aventure,  n'ont 
été  conservés  ;  elle  nous  est  surtout  connue  par  ['Enéide  et 
parle  fameux  groupe  de  marbre  dit  du  Laocoon.  Ce  groupe, 
en  marbre  blanc  à  gros  grains  (Salino),  de  taille  surhu- 
maine, œuvre  des  sculpteurs  rhodiens  Agésandros,  Polydo- 
ros  et  Athénodoros,  représente  le  prêtre  et  ses  fils  enlacés 
par  les  serpents.  Il  a  été  retrouvé  en  1506  dans  les  dépen- 
dances des  thermes  de  Titus,  acheté  par  le  pape  Jules  II 
qui  le  plaça  au  Belvédère  du  Vatican.  Il  fut  transporté  à 
Paris  par  Bonaparte  en  1796  et  rendu  à  Rome  en  1815. 
L'ensemble  est  composé  de  cinq  morceaux  ;  il  ne  manque 
que  le  bras  droit  de  Laocoon  et  de  son  plus  jeune  fils  qui 
ont  été  mal  restaurés  par  Montorsoli  (sous  Clément  VII), 
puis  par  Comacliini  (au  xvn<^  siècle).  Baccio  Bandinelli  en  a 
fait  une  copie  qui  existe  à  Florence.  On  n'est  pas  d'accord 
sur  la  date  du  Laocoon;  Thiersch,  Hermann,  Friedrich  le 
reportent  au  i^**  siècle  ap.  J.-C.  ;  Welcker,  0.  Muller 
et  Brunn  au  milieu  du  second  siècle  av.  J.-C;  Winckel- 
mann,  à  l'époque  d'Alexandre  (ce  qui  paraît  insoutenable)  ; 
on  a  retrouvé  dans  la  frise  de  Pergame  une  composition 
analogue,  qui  paraît  antérieure,  plus  originale  et  supé- 
rieure. Malgré  l'habileté  de  la  composition,  la  science  de 
l'anatomie  et  l'intensité  de  l'expression,  on  est  revenu  de 
l'admiration  qu'inspirait  au  siècle  dernier  cette  œuvre  ma- 
niérée. On  sait  qu'elle  fournit  à  Lessing  le  thème  de  sa 
dissertation  sur  les  Hmites  de  la  peinture  et  de  la  poésie 
(1763).  A.-M.  B. 

BiBL.  :  On  trouvera  une  bibliographie  complète  dans  la 
2"  éd.  du  Laocoon  de  Lessing  par  Blûmner  (Berlin,  1880;. 
V.  aussi  Kekulé,  Zut  Deutunq  und  Zeitbestimmunq  der 
Laokoon,  1883. 

LAODÂPiflAS  (Myth.  gr.).  Roi  légendaire  de  Thèbes, 
fils  d'Etéocle.  Il  régna  sous  la  tutelle  de  son  oncle  Créon, 
et  eut  à  faire  face  à  l'expédition  des  Epigones;  il  les  com- 
battit sur  les  bords  du  Glisas,  tua  leur  chef  /Egialée,  mais 
tomba  sous  les  coups  d'Alcméon  (Apollod.,  III,  7,  3); 
d'après  d'autres,  il  se  réfugia  en  Illvrie,  près  des  Enché- 
léens  (Hérod.,  V,  61  ;  Paus.,  IX,  5"^,  7). 

LAODAIVIIE  (Myth.  gr.).  1»  Fille  de  Bellérophon,  mère 
de  Sarpédon  qui  fut  tuée  par  Artérnis  (Hom.,  //.,  VI,  197 
et  suiv.).  —  2°  Fille  d'Acaste,  épouse  de  Protésilas;  après 
la  mort  de  son  mari,  elle  obtint  de  le  faire  revenir  au  jour 
pendant  trois  heures  et  mourut  avec  lui.  —  3^  Fille  d'Amy- 
clas  et  Diomède,  épouse  d'Arcas,  mère  de  Triphylus.  — 
4^  Nourrice  d'Oreste,  aussi  nommée  Arsinoé.  —  5^  Fille 
d'Alcméon,  épouse  de  Pelée. 

LAODICE.  Nom  de  plusieurs  princesses  de  la  mytho- 
logie et  de  l'histoire  grecque.  Parmi  les  premières  nous 
citerons  :  1^  Fille  de  Priam  et  d'Hécube,  épouse  d'Hé- 
licaon,  ou  de  Télèphe,  ou  d'Acamas  (appelé  aussi  Démo- 
phon),  fils  de  Thésée, venu  en  ambassadeur  avec  Diomède; 
elle  eut  d'Acamas  un  fils  du  nom  de  Munitus,  qui  fut  élevé 
par  il^^thra,  grand'mère  de  son  mari,  auquel  on  le  rendit 
après  la  prise  de  Troie  ;  quant  à  Laodice,  elle  fut  engloutie 
dans  la  terre  ou  se  suicida  de  douleur  de  la  mort  de  son 
fils,  tué  par  un  serpent  à  Olynthe.  —  2°  Fille  d'Agamem- 
non  et  de  Clytemnestre  queles  poètes  tragiques  nomment 
Electre  (V.  ce  nom).  —  3°  Fille  de  Cinyras,  mère  de 
Stymphale." 4'^  Nymphe,  épouse  de  Phoronée,  mère  d'Apis 
et  Niobé. 

Les  principaux  personnages  historiques  sont  :  l*'  Mère 
de  Séleucus,  le  fondateur  de  la  monarchie  syrienne, 
femme  d'Antiochus,  général  macédonien  ;  son  fils  fonda  cinq 
cités  qu'il  nomma  Laodicée  en  l'honneur  de  sa  mère.  — 


~-  935 


LAODICE  —  LAO-KAY 


2^  Femme  d'Antiochus  II  Théos,  roi  de  Syrie,  fille 
d'Achgeiis  et  mère  de  Séleucus  Callinicus.  Ptolémée  Phila- 
delphe  imposa  à  Antiochus  de  la  répudier  pour  épouser  sa 
sœur  Bérénice  (248).  Mais,  dès  que  le  roi  d'Egypte  fut 
mort,  Antiochus  reprit  Laodice.  Celle-ci  l'empoisonna 
(246),  fit  tuer  Bérénice  et  son  fils  et  proclama  le  sien,  Sé- 
leucus Callinicus  ;  mais  Ptolémée  Evergète  vengea  sa  sœur 
par  la  conquête  de  la  Syrie;  d'après  Appien,  il  fit  périr 
Laodice  ;  d'après  Plutarque,  elle  survécut  et  excita  son  plus 
jeune  fils  Antiochus  Hiérax  contre  Séleucus.  Elle  avait  en- 
core deux  filles  du  nom  de  Stratonice  qui  épousèrent,  l'une 
Mithridate  IV,  roi  de  Pont;  l'autre  Ariarathe,roi  de  Cappa- 
doce.  —  3°  Femme  de  Séleucus  Callinicus,  roi  de  Syrie, 
sœur  d'Andiomachus,  père  d'Achaeus,  mère  de  Séleucus 
Ceraunus  et  d'Antiochus  le  Grand.  —  4**  Femme  d'Antio- 
chus  le  Grand,  roi  de  Syrie,  fille  de  Mithridate  IV,  roi  de 
Pont,  et  petite-fille  de  la  seconde  Laodice.  Elle  épousa 
Antiochus  vers  222,  fut  proclamée  reine  régente  tandis 
qu'il  combattait  Molon,  et  en  eut  neuf  enfants  (V.  Antio- 
CFius).  —  5°  Femme  d'Achœus,  cousin  et  rival  d'Antiochus 
le  Grand,  sœur  de  la  précédente;  elle  défendit  vaillamment 
la  citadelle  de  Sardes,  après  la  capture  de  son  mari  (214). 
—  6°  Fille  d'Antiochus  le  Grand  et  la  quatrième  Laodice, 
elle  épousa  son  frère  aîné  Antiochus.  —  7^  Fille  de  Séleu- 
cus IV  Philopator,  mariée  à  Persée,  roi  do  Macédoine,  vers 
i  11  av.  J.-C.  —  8^  Fille  d'Antiochus  IV  Epiphane  ;  amenée 
à  Rome  par  Héraclide,  elle  fut  proclamée  reine  avec  son 
frère  supposé  Alexandre  après  la  défaite  de  Démétrius  So- 
ter.  —  9^  Femme  d'Ariarathe  V,  roi  de  Cappadoce,  qui  fit 
successivement  périr  les  cinq  aines  de  ses  six  fils  afin  de 
garder  le  pouvoir;  le  peuple  se  révolta  et  la  fit  périr.  — 
10°  Sœur  et  femme  de  Mithridate  le  Grand,  roi  de  Pont,  le 
trompa  en  son  absence,  essaya  de  l'empoisonner  et  fut  tuée 
par  son  ordre.  —  11**  Une  autre  sœur  de  Mithridate  le 
Grand,  mariée  à  Ariarathe  VI  de  Cappadoce;  après  l'assas- 
sinat de  celui-ci,  victime  des  intrigues  de  Mithridate,  elle 
épousa  Nicomède,  roi  de  Bithynie,  et  lui  livra  la  Cappadoce  ; 
quand  ses  deux  fils  furent  morts,  elle  en  supposa  un  troi- 
sième et  se  rendit  à  Rome  pour  le  faire  reconnaître  roi  de 
Cappadoce  ;  elle  n'y  parvint  pas.  A.-M.  B. 

BiBL.  :  V.  Syrie. 

LAODICÉE.  Nom  de  plusieurs  cités  antiques  de  l'Asie 
occidentale  : 

Laodicée  sur  Mer  était  un  port  de  Syrie,  au  S.  d'Hé- 
raclée,  au  milieu  de  beaux  vignobles  ;  fondée  par  Séleucus 
Nicator  à  la  place  de  la  ville  phénicienne  de  Raraitha,  elle 
reçut  le  nom  de  sa  mère.  Admirablement  bâtie,  avec  un 
excellent  port,  elle  prospéra,  approvisionnant  iVlexandrie 
de  vin.  César  lui  octroya  l'autonomie;  mais,  ayant  servi 
de  refuge  à  Dolabella,  elle  fut  saccagée  par  Cassius  (43  av. 
J.-C),  Septime  Sévère  en  fit  une  colonie.  Au  moyen  âge 
elle  fut  dévastée  par  le  tremblement  de  terre  de  d  170  qlii 
renversa  ses  remparts.  Saladin  la  détruisit  en  1488.  Il 
subsiste  encore  de  nombreuses  ruines  de  la  cité  antique,  en 
particulier  une  belle  porte  à  l'angle  S.-E.  La  ville  mo- 
derne s'appelle  Ladikieh  ou  Latakia  ;  c'est  le  chef-lieu 
d'un  livadu  vilayet  de  Syrie;  elle  compte  6,000  hab.  Son 
port  est  ensablé.  Néanmoins  elle  a  un  commerce  assez  actif 
de  soie,  d'épongés,  et  surtout  de  tabac,  donnant  son  nom 
à  une  espèce  de  tabac  très  fort,  récolté  dans  les  environs. 

Laodicée  du  Liban,  fondée  par  Séleucus  Nicator,  à  FO. 
de  l'Oronte,  dans  la  plaine  de  Marsyas,  fut  bientôt  détruite 
par  les  Arabes  et  les  Ituréens.  On  l'appelle  parfois  Laodi- 
cée Cabiosa;  elle  donna  son  nom  au  district  de  Laodicêne. 

Laodicée  du  Lycus.  Ville  du  S.-E.  de  la  Phrjgie,  au 
N.  du  mont  Cadmus,  sur  une  colline  escarpée  cntre'les  ra- 
vins de  FAsopus  et  du  Caprus,  affluents  du  Lycus,  distant 
de  1  kil.  1/2,  voisine  de  Colosses  et  d'Hiérapolis.  Elle  s'ap- 
pela d'abord  Diospolis,  puis  Rhoas  et  fut  rebâtie  par  An- 
tiochus II  Théos  qui  changea  son  nom  en  l'honneur  de  sa 
femme  Laodice.  Annexée  au  royaume  de  Pergame,  elle 
devint  très  prospère  malgré  la  fréquence  des  tremblements 
de  terre  ;  un  des  plus  destructeurs  eut  lieu  sous  le  règne 


de  Tibère.  Ce  fut  le  centre  d'une  école  de  médecine  d'où 
sortirent  les  sceptiques  Antiochus  et  Thérodas.  C'était  un 
des  centres  commerciaux  de  l'Asie  Mineure.  Les  Juifs  y 
étaient  très  nombreux  et  Laodicée  devint  une  des  métro- 
poles du  christianisme  naissant,  souvent  citée  par  saint 
Paul  (Ep.  Coloss.),  FApocalypse,  Josèphe,  etc.  A  l'époque 
byzantine,  elle  conserva  son  importance,  spécialement  au 
temps  des  Comnènes.  Les  ravages  des  Turcs  et  des  Mon- 
gols la  ruinèrent.  Conquise  parles  Turcs  en  125d,  elle  fut 
détruite  en  1402.  Le  lieu  s'appelle  aujourd'hui  Eski-his- 
sar,  près  de  Denisli .  C'est  un  site  d'une  grande  tristesse, 
couvert  de  ruines  très  étendues  (stade,  gymnase,  théâtre, 
aqueduc,  temples,  etc.). 

Laodicée  Katakékaumdné  (c.-à-d.  la  brûlée)  ;  bâtie  par 
Séleucus  Nicator,  sur  la  route  vers  Mélitène  et  Euphrate, 
au  N.-O.  d'Iconium,  rattachée  tantôt  à  la  Lycaonie,  tantôt 
à  la  Pisidie,  tantôt  à  la  Galatie.  On  ignore  la  cause  de  son 
surnom.  Ses  ruines  très  vastes  se  trouvent  à  Jourgan-La- 
dik  (d'après  Leake  et  Hamilton). 

On  cite  encore  une  Laodicée  en  Médie  et  une  autre  en 
Mésopotamie,  entre  Séleucie  et  Artemita.         A.-M.  B. 

Concile  de  Laodicée.  —  Il  a  été  tenu  à  Laodicée,  en 
Phrygie,  un  concile  dont  les  décisions  ont  été  considérées 
par  le  concile  œcuménique  de  Chalcédoine  (451)  comme 
faisant  partie  des  canons  de  l'Eglise  universelle.  Trente- 
deux  évoques  y  assistèrent.  La  réunion  de  cette  assemblée 
a  été  rapportée  à  des  dates  fort  différentes  :  314,  c.-à-d. 
avant  le  concile  de  Nicée,  suivant  Baronius,  Binius  et  bon 
nombre  d'historiens  et  de  canonistes;  341,  343,  352, 
360,  370,  380,  suivant  divers  autres.  Les  dates  les  plus 
récentes  semblent  les  plus  vraisemblables,  à  cause  du  déve- 
loppement de  la  discipline,  de  la  hiérarchie  et  de  la  liturgie 
qu'indiquent  les  dispositions  arrêtées  à  Laodicée.  —  Le 
LIX«  canon  fait  défense  d'employer  dans  les  églises  d'autres 
livres  que  les  livres  canoniques  de  l'Ancien  et  du  Nou- 
veau Testament.  Une  énumération,  dont  on  a  fait  le  LX« 
et  dernier  canon,  n'admet,  parmi  les  livres  canoniques  de 
l'Ancien  Testament,  que  ceux  qui  sont  reconnus  comme 
tels  par  les  Juifs.  Elle  omet  les  livres  de  Tobie,  de  Judith, 
de  V Ecclésiastique,  de  la  Sapience,^  des  Macchabées,  etc. 
V Apocalypse  n'est  point  mentionnée  parmi  les  livres  du 
Nouveau  Testament.  Ce  catalogue  n'a  point  été  reproduit 
par  Denys  le  Petit,  ni  par  Jean  le  Scolastique  :  ce  qui  en  a 
fait  contester  l'authenticité.  E.-H.  V. 

BiBL.:  Leake,  AsiaMinor,  182i.  --  Fellows,  Journal 
written  in  Asia  Minnr,  —  Hamilton,  Researches.  —  Dro y- 
SEN,  Gesch.  der  Hellenen  (trad.  Bouché-Leclercq).  —-  Po- 
cocKE,  Description  ofthe  EasL  - 

LAO-KAY.  Ville  du  Tonkin,  située  sur  la  rive  gauche  du 
fleuve  Rouge,  au  confluent  de  la  rivière  Nam-thi.  Lao-kay 
est,  sur  la  rive  gauche  du  fleuve  Rouge,  la  limite  septen- 
trionale du  Tonkin  :  il  n'est  séparé  que  par  le  Nam-thi  de 
la  ville  chinoise  de  Song-phong  qui  se  trouve  dans  la  pro- 
vince de  Yun-nan  ;  sur  la  rive  droite  du  fleuve  Rouge  le 
territoire  français  remonte  plus  haut  et  ne  s'arrête  qu'à 
Mang-hao,  point  extrême  de  la  navigation.  Lao-kay  est  un 
centre  important  pour  la  batellerie  ;  on  y  voit  deux  sortes 
de  jonques  :  les  jonques  annamites  dont  la  charge  est  de 
15  à  16  tonnes  et  les  jonques  de  Mong-hao  qui  sont  plus 
spécialement  construites  pour  la  navigation  du  haut  fleuve 
et  ne  portent  que  6  tonnes.  En  1893,  les  entrées  ont  été 
de  222  jonques  de  Hanoi  et  de  425  jonques  de  Mang-hao; 
les  sorties  ont  été  de  195  jonques  de  Hanoï  et  495  jonques  de 
Mang-hao.  La  Société  des  correspondances  fluviales  a  entre- 
pris de  créer  un  service  régulier  de  navigation  h  vapeur  entre 
Hanoï  et  Lao-kay;  avant  que  ce  service  puisse  prendre  une 
grande  extension,  il  sera  nécessaire  d'améliorer  le  cours 
du  fleuve  qui  est  semé  de  nombreux  rapides  à  partir  de 
Yenbai;  les  travaux  sont  commencés;  dès  l'année  1894 
des  essais  heureux  ont  été  faits  qui  prouvent  la  possibilité 
de  cette  navigation.  Le  bateau  le  Bao-ha,  construit  par  la 
Société  des  correspondances  fluviales,  a  accompli  les  voyages 
suivants  :  parti  de  Yenbai  le  9  mai  1 894  à  cinq  heures  trente 
du  matin,  il  est  arrivé  à  Lao-kay  le  H ,  à  deux  heures  de 


LAO-KAY  —  LAON 


036  — 


Taprès-midi  ;  le  retour  s'est  effectué  du  13  mai  à  cinq  heures 
quarante-cinq  du  matin  au  47,  à  neuf  heures  du  matin;  un 
second  voyage  a  duré  du  22  mai  à  cinq  heures  quinze  du 
matin  au  24  à  huit  heures  quarante  du  matin  pour  l'aller. 
Comme  il  faut  un  peu  moins  de  deux  jours  pour  se  rendre 
de  Hanoï  à  Yenbai,  on  voit  que  la  durée  totale  du  voyage 
de  Hanoï  à  Lao-kay  est,  en  tenant  compte  des  escales  né- 
cessaires, de  cinq  jours  environ. 

La  province  de  Lao-kay  produit  du  tabac  et  du  cunâu, 
tubercule  dont  on  extrait  une  teinture  brun  rouge  ;  on  y 
trouve  du  cuivre,  de  l'étain,  de  l'argent,  du  plomb,  du  gra- 
phite :  les  Chinois  y  exploitaient  il  y  a  quelque  trente  ans 
une  mine  d'or  ;  c'est  par  Lao-kay  que  passe  le  sel  importé 
du  Tonkin  dans  le  Yun-nan.  Ed.  Cha^vannes. 

BiBL,  :  Revue  indo-chinoise  illustrée,  mai  1894  :  Notes 
sur  le  premier  voyage  du  Bao-ha  à  Lao-kay  et  la  navi- 
gation du  fleuve  Rouge. 

LAOIVIÉDON  (Myth.  gr.).  Roi  légendaire  de  Troie,  fils 
d'Ilus  et  d'Eurydice,  père  de  Priam.  Il  bâtit  Troie  avec  le 
concours  de  Poséidon  et  d'Apollon  exilés  du  ciel  ;  le  pre- 
mier éleva  les  remparts  (avec  l'aide  d'Eaque,  d'après  Pin- 
dare,  0/.,  VIII,  M)  ;  mais,  quand  le  travail  fut  achevé,  il 
refusa  la  récompense  promise.  Poséidon  le  punit  en  en- 
voyant en  Troade  un  monstre  marin  qui  la  ravagea;  il  fallut 
pour  l'éloigner  lui  sacrifier  périodiquement  une  vierge.  Le 
sort  tomba  sur  Hésione,  fille  de  Laomédon.  Héraclès,  qui 
revenait  de  l'expédition  contre  les  Amazones,  offrit  de  la 
sauver  si  Laomédon  lui  promettait  les  chevaux  divins  donnés 
par  Zeus  à  Tros  en  échange  de  Ganymède  ;  quand  le  monstre 
fut  tué,  Laomédon  viola  de  nouveau  sa  promesse.  Héraclès 
revint  avec  six  navires,  tua  le  roi  et  tous  ses  fils,  sauf 
Priam,  et  donna  Hésione  en  mariage  à  Télamon. 

LAOMÉDON  DE  MiTYLÈNE,  un  des  lieutenants  d'Alexandre 
le  Grand.  Fils  de  Larichus,  il  fut  avec  son  frère  Erigyius, 
Ptolémée  et  Néarque,  des  confidents  du  prince  du  vivant  de 
son  père.  Parlant  la  langue  persane,  il  eut  la  garde  des  cap- 
tifs. A  la  mort  d'Alexandre,  il  reçut  le  gouvernement  de 
Syrie,  que  lui  conserva  le  partage  de  Trîparadisus  ;  mais 
Ptolémée  le  lui  enleva,  n'ayant  pu  le  lui  acheter;  il  envoya 
contre  lui  une  armée  commandée  par  Nicauor.  Laomédon, 
emmené  prisonnier  en  Egypte,  s'échappa,  rejoignit,  en  Pi- 
sidie,  Alcétas,  et  avec  Attale  et  les  àei  niers  partisans  de  Per- 
diccas  il  prit  part  à  leur  lutte  contre  Antigène  (320).  H 
disparut  dans  leur  défaite.  '    A. -M.  B. 

LAON.  Ch.-l.  dudép.  de  l'Aisne,  sur  une  colline  isolée 
et  escarpée,  dominant  d'environ  iOO  m.  la  vallée  de  l'Ar- 
don;  44,129  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  du  Nord  et  de 
l'Est,  au  croisement  des  lignes  de  Paris,  Tergnier,  Guise, 
Hirson,  Liart  et  Reims.  Lycée  de  garçons,  collège  com- 
munal de  jeunes  filles,  écoles  normales  d'instituteurs  et 
d'institutrices,  institution  de  jeunes  filles  aveugles  et  de 
sourdes-muettes.  Bibliothèque  fort  riche  en  manuscrits. 
Place  de  guerre  de  première  classe.  Société  académique. 
Société  hippique.  Culture  maraîchère.  Commerce  des  tissus 
de  Saint-Quentin,  des  glaces  de  Saint-Gobain.  L'industrie 
est  représentée  par  des  fabriques  de  biscuits,  de  boissel- 
lerie,  des  brasseries,  des  corderies,  des  fabriques  de  cou- 
tellerie, des  sucreries  et  enfin  une  fonderie  de  cuivre. 

La  ville  de  Laon  occupe  le  sommet  d'une  colline  de 
forme  singuUère,  qui  se  divise  en  deux  branches  dont 
Lune,  à  TE.,  porte  la  ville,  la  cathédrale  et  à  son  extrême 
pointe  la  citadelle  ;  l'autre,  au  S.,  le  quartier  des  Creuttes 
et  l'ancienne  abbaye  de  Saint-Vincent.  Au  point  de  vue 
stratégique,  cette  position  commande  la  trouée  de  l'Oise, 
c.-à-d.  les  routes  et  voies  ferrées  de  Paris  à  la  Belgique. 
Au  bas  de  la  colline  et  complètement  séparés  de  la  ville 
sont  divers  faubourgs  :  La  Neuville-sous-Laon  avec  l'hos- 
pice départemental  de  Montreuil  établi  dans  une  ancienne 
abbaye  cistercienne,  Saint-Marcel,  le  quartier  de  la  gare, 
relié  au  centre  de  la  ville  haute  par  un  immense  escalier. 
Vaux-sou s-Laon,  Semilly,  Ardon  et  Leuilly. 

HisTomE.  —  Le  site  de  la  ville  de  Laon  a  été  certaine- 
ment très  anciennement  peuplé;  beaucoup  d'archéologues 


pensent  y  retrouver  l'antique  Bibrax,  place  de  guerre  des 
Rémois,  alliés  de  César,  qui  délivra  leur  ville  attaquée  en 
57  av.  J.-C.  par  les  Suessions.  Le  nom  de  Laudunum 
n'apparaît  qu'à  la  fin  du  v®  siècle  après  les  invasions  bar- 
bares, lors  de  la  création  du  diocèse.  Sous  les  Mérovin- 
giens, la  ville  fit  successivement  partie  des  royaumes  de 
Soissons  et  d'Austrasie.  Prise  et  pillée  en  682"  par  Gis- 
lemar,  maire  du  palais  de  Neustrie,  elle  fut  reprise  par 
Pépin  le  Bref  en  742  et  demeura  depuis  lors  dans  le  do- 
maine carolingien.  Les  Normands  échouèrent  devant  ses 
murailles  en  882.  Au  x^  siècle,  elle  fut  l'un  des  derniers 
domaines  des  derniers  souverains  de  la  race  de  Charle- 
magne.  Eudes  s'en  était  emparé,  il  est  vrai,  en  892,  mais 
Charles  le  Simple  la  reprit  en  897  ;  Robert  s'en  rendit 
maître  en  920,  mais  après  sa  mort  Louis  IV  s'y  fit  sacrer, 
et  si,  pour  recouvrer  sa  liberté,  en  946,  il  la  céda  au  duc 
des  Francs,  il  ne  tarda  pas  à  la  reprendre  par  surprise. 
Un  an  après  l'avènement  de  Hugues  Capet,  Charles  de  Lor- 
raine s'établit  encore  dans  la  ville  et  repoussa  le  monarque 
usurpateur  qni  l'assiégeait.  Mais  celui-ci  avait  noué  des 
intrigues  avec  l'évêque  Adalbéron  qui  l'introduisit  dans  la 
place  par  trahison. 

Sous  la  royauté  capétienne,  la  cité  de  Laon,  placée  sous 
la  suzeraineté  de  ses  évêques,  devint  l'une  des  communes 
les  plus  turbulentes  du  N.  de  la  France.  Guibert  de 
Nogent  en  a  raco)ité,  au  xii^  siècle,  la  dramatique  histoire 
qu'Augustin  Thierry  a  vulgarisée^  Lors  d'un  voyage  à 
Rome  d'un  évéque  intrus  et  simoniaque,  les  habitants  de 
la  ville  avaient  obtenu  du  chapitre  une  charte  de  commune 
qu'ils  firent  confirmer  par  le  roi  Louis  VII  en  4144. 
L'évêque  Gaudry,  de  retour,  obtint  du  roi  à  prix  d'argent 
la  révocation  de  cet  acte,  et,  non  content  d'avoir  supprimé 
la  commune,  il  voulut  se  faire  rembourser  par  les  citoyens 
de  la  somme  qu'il  avait  payée  au  roi.  Une  insurrection 
éclata  où  l'évêque  et  nombre  de  ses  partisans  trouvèrent 
la  mort,  en  même  temps  qu'un  incendie  détruisait  l'évêché, 
la  cathédrale  el  une  grande  partie  de  la  ville.  Inquiets  des 
suites  de  leur  révolte,  un  grand  nombre  d'habitants,  les  plus 
compromis,  se  placèrent  sous  la  protection  de  Thomas  de 
Marie  et  se  réfugièrent  dans  son  château  de  Coucy.  Cette 
ville,  abandonnée  de  ses  défenseurs,  tenta  la  cupidité  des 
paysans  des  environs  ;  excités  par  les  partisans  de  l'évêque 
qui  avaient  fui  devant  l'insurrection,  ils  se  ruèrent  avec 
eux  dans  ces  ruines  encore  fumantes,  saccagèrent  tout  ce 
qui  restait  debout  et  se  livrèrent  aux  pires  excès.  Pendant 
ce  temps,  le  roi  Louis  VI  assiégeait  les  fugitifs  dans  le 
château  de  Coucy,  l'emportait  de  vive  force  et  les  faisait 
pendre  (1443).  En  4428  cependant,  la  commune  fut  réta- 
blie, une  charte  royale  la  confirma  à  prix  d'argent  ;  mais, 
dès  4134,  elle  fut  de  nouveau  abolie.  Moins  d'un  demi- 
siècle  après,  les  Laonnois  entraient  encore  en  lutte  contre 
leur  évéque;  soutenus  par  le  roi  Louis  VII,  ils  recouvraient 
leur  charte  (4174);  mais  quatorze  ans  plus  tard,  le  roi 
Philippe-Auguste  supprimait  de  nouveau  leurs  privilèges. 
Rétablie  encore  en  4239,  la  commune  fut  définitivement 
abolie  par  Philippe  de  Valois  en  4334. 

Au  xv^  siècle,  Laon  dut  se  soumettre  en  4444  au  duc 
Jean  sans  Peur,  chassa  la  garnison  bourguignonne  en  4414, 
mais  fut  reprise  en  4448.  Philippe  le  Bon  la  livra  aux 
Anglais  qui  en  furent  expulsés  en  4429.  Au  xvi^  siècle, 
elle  embrassa  le  parti  de  la  Ligue  et  ne  fut  soumise  par 
Henri  IV  qu'en  4594. 

Pendant  la  campagne  de  France,  Laon  dut  se  rendre  au 
général  prussien  Biilow  (24  févr.  1814)  et  servit  quelques 
jours  plus  tard  de  point  d'appui  à  Blucher  lors  des  combats 
que  Napoléon  livra  sous  les  murs  de  la  ville  (9  et  40  mars 
4814).  En  1815,  l'armée  vaincue  à  Waterloo  essaya  vai- 
nement de  se  reformer  à  Laon  qui  se  rendit  à  Bkicher  après 
quinze  jours  de  siège.  En  1870,  enfin,  elle  capitula  le 
9  sept.  ;  au  moment  oti  les  Allemands  pénétraient  dans  la 
citadelle,  un  garde  du  génie  indigné  en  fit  sauter  la  pou- 
drière. 

EvÊcHÉ.  —  L'évêché  de  Laon  fut  démembré  en  497  de 


-  937  — 


LAON 


celui  de  Reims  par  saint  Rémy  ;  voici  la  liste  des  évèques 
qui  en  ont  occupé  le  siège  :  Saint  Génebaud,  497-5  sept. 
550;  Larro;  Elinand;  Robert;  Rigobert,  614;  saint  Ca- 
gnoald,  625-24  août  633  ;  Attola,  21  mars  634-664  ; 
saint  Wulfad  ;  Pèlerin  ;  Gérard  ;  Seron  ;  Ontier,  v.  688- 
707;  Mauger,  v.  710-743  ;  Sigoald  ;  Bertefroi;  Madelin; 
Génebaud  II,  746-765;  Wenilon,  v.  768  ;  Cylon  ;  Rain- 
froi;  Sigebaud,  v.  797;  Geffroi,  798-799;  Wenilon  II, 
V.  799-814;  Ostrold,  814-826;  Rernoin,  829;  Simon, 
835-847  ;  Pardule,  848-aoùt  856  ;  Hincmar,  21  mars 
858-876  ;  Hedenulf,  28  mars  876-v.  882;  Didon,  v.  882- 
14déc.  893;  Rodohard,  v.  893-921;  Adelme,  v,  921- 
930;  Gosbert,  930-932;  Enguerrand,  932-936  ;  Raoul, 
936-948;  Roricon,  949-20  déc.  976;  Adalbéron  (Asce- 
iin),  l^^avr.  977-19  juil.  1030;  Gibuin,  1047-1049; 
Létry,  1019-1052;  Hélinand,  1052-1098;  Enguerrand  de 
Coucv,  avr.  1100-1104;  vacance  du  siège  de  1104  à 
1106;  Gaudry,  1106-25  avr.  1112;  Hugues,  4  août 
1112-1119  ;  Barthélémy  de  Jura,  1113-1151  ;  Gautier  de 
Saint-Maurice,  11 51 -II 55;  Gautier  II  de  Mortagne,  1155- 
1174;  Roger  de  Rozov,  1174-1201;  Renaud  Surdelle, 
1201-nWl2I0;  Robert  de  Chàtillon,  1210-I2I5;  An- 
selme de  Mauuy,  1215-3  sept.  1238;  Garnier,  1238- 
7  sept.  1249;"lthier  de  Mauny,  1249-22  mai  1261; 
Guillaume  des  Moustiers,  1261-5  mars  1270;  Godefroi 
de  Beaumont,  1271-mars  1279;  Guillaume  de  Châtillon- 
Jaligny,  1279-3  août  1285  ;  Robert  de  Torote,janv.  1286- 
1297;  Gazon  de  Champagne,  1297-1306  ;  G.  (Guillaume?), 
1315-1317  ;  Raoul  Rousseiet,  1317-16  oct.  1323;  Albert 
de  Roye,  1324-25  avr.  1338;  Roger  d'Armagnac,  1338- 
1339  ;  Hugues  d'Arcy,  1339-1351  ;  Robert  le  Coq,  1351- 
1358  (?)  ;  Godefroi  le  Meingre,  1363-30  nov.  1370  ; 
Pierre  Aycelin  de  Montégut,  1371-1386;  Jean  de  Roucv, 
1386-12  juin  1 41 8;  Guillaume  de  Champeaux,!  5  oct. 141 9- 
23  mars  14M;  Jean  Jouvenel  des  Ursins,  3  avr.  1444- 
1449  ;  Antoine  du  Bec-Crespin,  4  mars  1449-1 4  janv.  1460  ; 
Jean  de  Gaucourt,  30  nov.  1460-10  juin  1468;  Charles 
de  Luxembourg,  13  mars  1473-24  nov.  1509;  Louis  de 
Rourbon-Vendôme,  avr.  1510-1552;  Jean  Doc,  1552- 
!<""  juil.  1560;  Jean  de  Rours,  2  nov.  1564-22  juin 
158Ô;  Valentin  Douglas,  1581-5  août  1598;  Godefroi  de 
Billy,  7  mai  1601-28  mars  1612;  Benjamin  de  Brichan- 
teau,  1612-14  juil.  1619;  Louis  Séguier;  Philibert  de 
Brichanteau,  1620-21  déc.  1652;  César  d'Estrées,  sept. 
1655-1681;  Jean  d'Estrées,  avr.  1681-1^^  déc.  1694; 
Louis-Anne  de  Clermont  de  Chaste  de  Roussillon,  6  nov. 
1695-5  oct.  1721  ;  Charles  de  Saint-Aubin,  26  avr.  1722- 
17  oct.  1723;  Etienne-Joseph  de  La  Fare,  25  juil.  1724- 
23  avr.  1741  ;  Jean-François-Joseph  de  Rochechouart  de 
Faudous,  15  oct.  1741-20  mars  1777;  Louis-tlector- 
Honoré-Maxime  de  Sabran,  26  avr.  1778-1790.  L'évèché 
fut  supprimé  à  cette  époque.  Depuis  la  fin  du  xii*^  siècle, 
révêque  de  Laon  avait  le  rang  de  2®  pair  ecclésiastique, 
et  à  ce  titre  portait  la  sainte  ampoule  au  sacre  du  roi. 

Monuments.  —  Le  plus  remarquable  des  monuments  de 
Laon  est  sa  cathédrale,  particulièrement  à  cause  de  son 
importance  dans  l'histoire  de  Farchitecture  gothique.  Com- 
mencée par  Févêque  Gautier  de  Mortagne,  au  milieu  du 
XII®  siècle,  Notre-Dame  de  Laon  (V.  fig.,  t.  VU,  p.  47)  ne 
fut  complètement  achevée  qu'en  1 225.  C'est  un  magnifique 
édifice  gothique,  de  109  m.  de  longueur  dans  œuvre,  com- 
prenant une  nef  principale  voûtée  d'ogives,  haute  de  24  m., 
terminée  à  FE.  par  un  chevet  plat,  percé  de  trois  longues 
fenêtres  surmontées  d'une  rose,  entourée  de  bas  côtés  au- 
dessus  desquels  régnent  des  tribunes  surmontées  d'un  trifo- 
rium,  et  qui  sont  eux-mêmes  entourés  de  chapelles  qui  en 
ont  remplacé  les  fenêtres  à  la  fin  du  xiii^  siècle.  La  nef  et 
les  bas  côtés  sont  coupés  par  un  transept  dont  le  carré 
est  surmonté  d'une  tour  carrée  formant  lanterne,  percée 
de  deux  fenêtres  sur  chacune  de  ses  faces,  et  dont  les 
bras  sont  terminés  par  des*^ roses  et  flanqués  à  FE.  de  cha- 
pelles absidales.  Entre  elles  et  le  chœur  sont  ménagées  des 
salles  carrées  dont  les  voûtes  retombent  sur  une  colonne 


centrale.  A  l'extérieur,  la  façade  occidentale,  restaurée  par 
E.  Boeswillwald,  est  surmontée  de  deux  tours  carrées  à 
la  hase,  terminées  par  des  clochers  de  forme  octogonale 
dont  les  contreforts  supportent  des  clochetons  à  deux  étages 
ajourés.  Au  second  de  ces  étages,  des  animaux  de  propor- 
tions colossales  représentent,  d'après  la  tradition,  les  atte- 
lages de  bœufs  qui  transportaient  les  matériaux  sur  la 
colline.  Quatre  autres  tours  devaient  s'élever  aux  angles 
des  croisillons;  il  en  subsiste  deux.  Au  S.  de  la  nef  est 
une  salle  capitulaire  et  un  cloître,  élevés  au  xni^  siècle  et 
sous  lesquels  règne  une  crypte  gothique.  La  cathédrale  a 
conservé  de  beaux  vitraux  et  de  nombreuses  pierres  tom- 
bales. Au  N.-E.,  le  palais  épiscopal,  édifice  du  xin®  siècle 
(mon.  hist.),  sert  aujourd'hui  de  palais  de  iustice.  — 


Palais  de  justice  de^Laon. 

Uéglise  Saint-Martin  (mon.  hist.),  ancienne  collégiale, 
puis  abbaye  de  Prémontrés  en  1124,  a  été  construite  vers 
1140.  C'est  un  bel  édifice  de  transition,  sur  le  plan  des 
églises  cisterciennes;  la  façade  est  du  xiv^  siècle.  Deux 
tours  carrées  s'élèvent  à  l'angle  des  bras  du  transept  et  de 
la  nef  ;  Fune  d'elles  a  été  reconstruite  au  xviii®  siècle. 
Les  bâtiments  de  Fabbaye,  où  subsistent  des  parties  du 
xiii®  siècle,  servent  aujourd'hui  d'hôtel-Dieu.  —  La  pré- 
fecture est  installée  dans  les  anciens  bâtiments  de  Saint- 
Jean-au-Bourg,  fondée  au  xn^  siècle;  dans  leur  état  actuel, 
ils  datent  des  xin^,  xv®  et  xvm®  siècles.  —  L'église  des 
Templiers  (mon.  hist.),  enclavée  dans  l'école  des  frères, 
est  un  curieux  édifice  octogonal,  construit  en  1134.  Les 
anciens  bâtiments  de  Fabbaye  de  Saint- Vincent,  fondée  en 
610,  ne  sont  pas  antérieurs  au  xvii<^  et  au  xviii^  siècle  ; 
quelques  vestiges  de  fortifications  rappellent  seuls  le  moyen 
âge.  Ils  sont  occupés  aujourd'hui  par  le  génie  militaire. 
Laon  a  conservé  beaucoup  de  maisons  anciennes,  la  plu- 


lAON  —  LAO-TSE 


-  938 


part  des  xv®  et  xvj®  siècles  ;  une  seule  est  plus  ancienne  et 
remonte  à  l'époque  romane.  L'ancien  beffroi  de  la  com- 
mune, tour  carrée  du  xn^  siècle,  se  trouve  aujourd'hui  dans 
l'enceinte  de  la  citadelle.  On  retrouve  des  vestiges  des 
anciennes  fortifications  du  xiii*^  siècle  dans  les  portes  de 


Porte  de  Soissons,  à  Laon. 

Saint-Martin,  Royer  et  des  Chenizelles.  Des  promenades 
ombragées  d'ormes  et  de  tilleuls  contournent  toute  la  ville 
en  contre-bas  des  remparts.  Le  musée  d'art  et  d'antiquités 
a  été  fondé  en  1851  par  la  Société  académique;  il  contient 
les  résultats  de  nombreuses  explorations  locales. 

Collège  de  Laon  (V.  Faculté  [Théologie]). 

Conciles  de  Laon.  —  948,  le  comte  Hugues  y  fut  cité  par 
lettres  de  Marin,  légat  du  pape,  pour  répondre  sur  ses 
méfaits  à  l'égard  du  roi  Louis  d'Outre-Mer  et  des  évêques. 
—  1146,  assemblée  d'évêques  et  de  seigneurs  convoquée 
par  Louis  le  Jeune,  pour  délibérer  sur  les  préparatifs  de 
la  croisade.  —  1233,  sur  la  plainte  de  Milon,  évêque  de 
Beauvais,  qui  prétendait  que  le  roi  Louis  IX  avait  violé 
les  droits  de  son  église,  en  exerçant  justice  à  Beauvais 
contre  les  auteurs  d'une  sédition,  les  évoques  décrétèrent 
un  interdit.  Cette  censure  fut  réprouvée  par  les  chapitres 
des  cathédrales,  et  finalement  révoquée  par  un  concile  de 
Saint-Quentin  en  Vermandois,  statuant  que  les  évêques  ne 
pourraient  rien  ordonner  sans  la  participation  de  leurs  cha- 
pitres. 

BiBL.  :  Devismes,  Histoire  de  la,  ville  de  Laon;  Laon, 
1822,  2  vol.  in-8. 

LAONNOIS  (Pagiis  Laudunensis).  Ancien  pays  de  la 
France.  Ce  fut  d'abord  un  pagus  de  la  cité  de  Reims  qui 
forma,  à  la  fin  du  v®  siècle,  le  diocèse  de  Laon,  et  eut 
rang  de  comté,  puis  de  duché,  lorsque  les  évêques  en  eurent 
acquis  la  seigneurie  temporelle.  Cette  désignation  tendit 
cependant  à  se  restreindre  aux  domaines  propres  de  l'évêque. 
Les  habitants  des  paroisses,  au  nombre  d'une  vingtaine, 
qui  les  composaient,  étaient  serfs  directs  de  l'évêque.  A  la 
mort  de  l'évêque  Gautier  de  Mortagne  (1174)  et  pendant 
la  vacance  du  siège,  ils  formèrent  sous  le  nom  de  commune 
du  Laonnois  une  confédération  et  achetèrent  au  roi  Louis  VU 
une  charte  d'affranchissement.  L'évêque  Roger  de  Rozoy, 
n'ayant  pu  en  obtenir  l'abolition,  marcha  contre  ses  vas- 
saux et  les  tailla  en  pièces  en  1177,  près  d'Anizy  ;  mais  il 
dut  se  retirer  devant  l'intervention  de  Louis  VIL  Philippe- 
Auguste  céda,  au  contraire,  aux  sollicitations  de  l'évêque, 
et  la  commune  du  Laonnois  fut  supprimée  en  1190. 

LAON  S.  Com.  du  dép.  d'Eure-et-Loir,  arr.  de  Dreux, 
cant.  deBrezolles;  637  hab. 


LAOS.  Ville  du  Bruttium  (V.  Laûs). 

LAOS.  L  Géographie.  —  Région  centrale  de  l'Indo- 
Chine,  correspondant  au  bassin  central  du  Mékong,  entre 
le  Cambodge  au  S.,  le  Yunnan  au  N.,  la  Birmanie  à  l'O., 
l'Annam  à  i'E.  Elle  se  partage  entre  Iç  Siam  et  l'Annam  ; 
le  traité  franco- birman,  puis  le  traité  franco-siamois  de 
1894,  fixent  pour  limitele  Mékong  ;  le  Laos  siamois  s'étend 
aussi  sur  le  bassin  supérieur  du  Ménam  et  s'étend  jusqu'à 
la  Salouen  qui  le  sépare  des  Etats  chans,  vassaux  de  la 
Birmanie.  Sur  la  géographie  physique,  le  climat,  la  flore, 
la  faune,  la  géographie  économique,  V.  Asie,  Mékong  et 
Siam,  Au  point  de  vue  politique,  le  Laos  est  divisé  en  plu- 
sieurs principautés  ou  royaumes;  les  principales,  dont  les 
autres  dépendent,  sont  celles  de  Xieng-maï,  Lam-poun, 
Lakhon,  Mouang-phé,  Movang-nan^  Mouang-lo7n, 
Loiiang-Prabang  (V.  ces  mots).  Parmi  les  principautés 
laotiennes  voisines  de  la  Chine  et  de  la  Birmanie,  les  prin- 
cipales sont  celles  de  Mouang-lem,  Xiang-houng,  Xiang- 
toungy  Xiang-khen,  Xaing-ma  et  Mouarig-ting  {\ .  ces 
mots).  A.-M.  B. 

IL  Ethnographie.  —  On  donne  le  nom  de  Laotiens  aux 
peuples  de  race  thaï  habitant  le  Laos  oriental  qui ,  aujourd'hui , 
rentre  en  partie  dans  l'Indo-Chine  française.  Par  extension, 
ce  nom  est  appliqué  aux  habitants  du  Laos  occidental,  que 
l'on  connaît  aussi  sous  le  nom  de  Chan  en  usage  courant 
dans  le  Laos  birman.  D'ailleurs,  ce  nom  devient  générique, 
puisqu'on  reconnaît  qu'il  n'y  a  presque  pas  de  différence 
entre  les  Laotiens  proprement  dits  et  les  Tho  et  les  Yao 
du  Tonkin  ou  les  Penongs  et  les  Phouen  ou  Phon  de 
l'Annam.  Les  Laotiens  de  l'Indo-Chine  française  et  du 
Siam  sont  en  général  petits  de  taille  (1"^59,  d'après  Har- 
mand),  mais  assez  forts  et  bien  pris.  Leur  tête  est  arron- 
die, brachycéphale  (indice  céphalique  moyen,  83,6  sur  le 
vivant)  ;  le  front  est  haut,  étroit,  les  pommettes  modéré- 
ment saillantes  et  les  yeux  peu  obliques  ;  le  nez  est  con- 
cave, retroussé,  les  lèvres  moyennement  grosses.  Les  che- 
veux coupés  à  la  siamoise,  c.-à-d.  rasés,  sauf  sur  le  sommet 
de  la  tête  où  ils  se  dressent  en  tronc,  sont  durs,  droits  et 
noirs  ;  la  couleur  de  la  peau  est  jaune  pâle  ou  brunâtre. 
Au  moral,  les  Laotiens  sont  caractérisés  par  leur  insou- 
ciance, leur  gaieté  et  leur,  goût  pour  les  plaisirs  et  dis- 
tractions bruyantes.  Ils  habitent  des  maisons  sur  pilotis, 
disposées  ordinairement  le  long  d'un  cours  d'eau.  Le  cos- 
tume se  compose  de  l'inévitable  langoiiti  chez  les  hommes, 
d'une  sorte  de  jupon  court  chez  les  femmes,  plus  les  orne- 
ments. La  plupart  des  Laotiens  sont  tatoués  sur  le  ventre  et 
sur  les  cuisses  ;  cet  usage  est  moins  répandu  chez  les  Laotiens 
du  Sud  qu'on  appelle  pour  cela  «  ventres  blancs  ».  La  majo- 
rité des  Laotiens  vivent  encore  à  l'état  de  tribus,  quoiqu'ils 
aient  des  villes,  qu'ils  ne  soient  pas  étrangers  à  la  culture 
du  sol  et  qu'ils  entretiennent  même  un  commerce  avec  les 
Chinois,  les  Siamois  et  les  Birmans  ;  ils  sont  dans  une 
phase  de  transition  entre  la  barbarie  et  la  vraie  civilisa- 
tion. Tous  ne  sont  pas  arrivés  au  même  point;  il  est  parmi 
eux  des  tribus  comme  par  exemple  les  Lova  de  la  frontière 
birmano-siamoise,  qu'eux-mêmes  regardent  comme  des  sau- 
vages. —  Les  Laotiens  sont  bouddhistes  de  nom,  mais  le 
fond  de  leur  religion  est  un  mélange  de  croyances  fétichistes 
et  de  superstitions  de  toute  sorte.  Néanmoins  le  nombre  de 
prêtres  bouddhistes  est  considérable  parmi  eux.  J.  Deniker. 

BiBL.  :  Bastian,  Die  Vôlker  des  œstlichen  Asien^  t.  I; 
Leipzig, 1866.  —  Aymonnier,  Notes  sur  les  Laos;  Saigon, 

1885. 

LAO-TSE,  philosophe  chinois  dont  les  enseignements 
sont  regardés  comme  l'une  des  sources  les  plus  importantes 
pour  Fétude  de  la  doctrine  appelée  taoïsme.  Lao-tse  est  un 
personnage  sur  lequel  nous  ne  possédons  que  des  rensei- 
gnements vagues  et  contradictoires.  Parmi  les  auteurs  qui 
nous  ont  raconté  sa  vie,  on  ne  peut  ajouter  foi  à  ceux  qui 
sont  taoïstes;  en  effet,  un  des  dogmes  essentiels  du  taoïsme 
est  que  ses  adeptes  jouissent  de  l'immortalité;  c'est  pourquoi 
les  maîtres  de  cette  doctrine  passent  pour  avoir  vécu  sous 
divers  noms  pendant  des  centaines  et  même  des  milliers 


-  939  - 


LAO-TSE 


d'années.  Le  seul  écrivain  non-taoïste  auquel  nous  puis- 
sions nous  adresser  est  Se-ma  Tsien  qui  nous  donne  au 
63®  chapitre  de  ses  Mémoires  historiques  une  courte  no- 
tice sur  Lao-tse.  Se-ma  Tsien  raconte  une  entrevue  qu'eut 
Confucius,  alors  dans  la  force  de  F  âge,  avec  Lao-tse  déjà 
vieux,  ce  qui  semblerait  prouver  que  Lao-tse  est  un  peu 
plus  ancien  que  Confucius (551-479  av.  J.-C).  Mais  cer- 
tains auteurs,  ajoute  l'historien  chinois,  identifient  Lao-tse 
avec  Lao-lai-tse  ;  or,  si  Lao-lai-tse  passe  aussi  pour  être 
contemporain  de  Confucius,  les  légendes  qui  se  sont  formées 
autour  de  son  nom  sont  fort  différentes  des  traditions  rela- 
tives à  Lao-tse  ;  voilà  donc  une  première  cause  d'incerti- 
tude. Bien  plus,  Se-ma  Tsien  dit  que  Lao-tse  vécut  cent 
soixante  ans,  suivant  les  uns,  et,  d'après  les  autres,  plus 
de  deux  cents  ans;  ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  longévités 
n'est  vraisemblable.  En  outre  les  textes  historiques  rap- 
portent que,  plus  de  cent  ans  après  la  mort  de  Confucius, 
en  374  av.  J.-C,  le  grand  astrologue  des  Tcheou,  Tan, 
eut  une  entrevue  av-ec  le  duc  Hien,  de  Tsin,  et  lui  lit  une 
prédiction  touchant  la  grandeur  future  de  sa  maison  ;  ce 
Tan  n'est  autre  que  Lao-tse,  disent  quelques  auteurs; 
d'autres  le  nient,  et,  ajoute  Se-ma  Tsien,  on  ne  peut 
savoir  qui  a  raison  ou  tort,  car  Lao-tse  fut  un  sage  caché. 

Le  récit  que  Se-ma  Tsien  nous  fait  de  la  manière  dont 
Lao-tse  disparut  vers  la  fin  de  sa  vie  n'est  pas  moins  sujet 
à  caution.  Lao-tse,  dit  l'historien,  renonça  à  la  charge  qu'il 
occupait  à  la  cour  des  Tcheou  pour  aller  vivre  dans  la 
retraite  ;  à  son  arrivée  à  une  passe  célèbre  du  Ho-nan,  il 
fut  retenu  quelque  temps  par  le  gardien  de  ce  passage, 
Yn  Hi,  à  la  requête  de  qui  il  écrivit  un  livre  en  deux  par- 
ties dans  lequel  il  traitait,  en  cinq  mille  mots  environ,  de 
la  Voie  et  de  la  Vertu  ;  telle  aurait  été  l'origine  du  fameux 
ouvrage  intitulé  Tao4é-king.  Puis  le  sage  s'éloigna  et  per- 
sonne n'a  pu  connaître  oti  ni  quand  il  mourut.  Les  boud- 
dhistes chinois  ont  recueilh  précieusement  cette  vague  indi- 
cation; ils  ont  prétendu  que  Lao-tse  s'était  rendu  dans  les 
pays  d'Occident  et  que  c'étaient  ses  doctrines  qui  avaient 
donné  naissance  en  Inde  au  bouddhisme  lui-même  (Cf.  So7îg 
kao  seng  tchoan^  chap,  m).  L'iconographie  taoïste  repré- 
sente volontiers  Lao-tse  assis  sur  un  buffle,  parce  que 
c'est  ainsi,  d'après  la  légende,  qu'il  apparut  à  Vn  Hi. 

Lao-tse  n'est  qu'un  surnom  qui  signifie,  suivant  l'inter- 
prétation la  plus  vulgaire,  le  vieil  enfant  :  sa  mère  l'aurait 
en  effet  porté  soixante-douze  ans  dans  son  sein  et  il  serait 
né  avec  les  cheveux  tout  blancs.  D'après  Se-ma  Tsien,  son 
nom  de  baptême  aurait  été  Li,  son  nom  personnel  Eul,  son 
appellation  Po-yang  et  son  titre  posthume  Tan.  Il  aurait 
vu  le  jour  dans  un  hameau  dépendant  de  la  sous-préfec- 
ture de  Kou  (laquelle  était  à  5  kil.  environ  à  l'E.  de  la 
sous-préfecture  de  Lou-i,  préfecture  de  Koei-té,  province 
deito-nan).  Ce  personnage  étant  si  légendaire,  peut-on  lui 
attribuer  avec  quelque  certitude  la  paternité  du  livre  qui 
porte  son  nom  ?  En  1888,  M.  Giles  Ta  contesté  avec  une 
grande  vivacité  dans  un  article  (The  Hemains  ofLao-tze^ 
l\e-translalecï)  qui  a  suscité  une  longue  polémique  entre 
les  sinologues  ;  d'après  M.  Giles,  tout  ce  qui  ne  serait  pas 
cité  comme  étant  de  Lao-tse  par  des  auteurs  antérieurs  au 
premier  siècle  avant  notre  ère  serait  un  pathos  inintelli- 
gible ou  sans  valeur;  en  partant  de  ce  principe,  il  rejette 
les  neuf  dixièmes  du  livre  comme  apocryphes  et  n'y  voit 
qu'une  compilation  maladroite  faite  dans  les  environs  du 
commencement  de  l'ère  chrétienne.  Ce  procédé  de  critique 
ne  saurait  être  admis.  On  a  fort  bien  prouvé  à  M.  Giles 
qu'il  n'avait  pas  su  trouver  plusieurs  citations  de  Lao-tse 
dans  les  textes  mêmes  dont  il  invoquait  le  témoignage  et 
que  d'ailleurs  aucun  ouvrage  ne  résisterait  à  un  examen 
qui  prétendrait  ne  reconnaître  comme  authentiques  que  les 
seuls  passages  qui  sont  expressément  attribués  à  l'auteur 
par  d'autres  écrivains.  Malgré  ces  objections,  M.  Giles  nous 
paraît  avoir  eu  raison  d'appeler  l'attention  sur  le  peu  de 
garanties  qu'on  a  de  l'authenticité  du  livre  de  la  Voie  et 
de  la  Vertu;  ce  livre  est  un  recueil  d'aphorismes  qui  por- 
tent la  marque  d'une  école,  mais  non  celle  d'un  homme  ; 


si  on  lui  donne  pour  auteur  Lao-tse,  c'est  parce  que  ce  per- 
sonnage mythique  est  regardé  comme  le  patron  du  taoïsme; 
mais  on  ne  saurait  fournir  aucune  preuve  décisive  que 
Lao-tse  l'ait  écrit. 

Abel  Rémusat  fut  le  premier  en  Europe  qui  attira  l'at- 
tention sur  Lao-tse,  en  publiant  en  1823  son  célèbre  Mé- 
moire sur  la  vie  et  les  opinioiis  de  Lao-fseu,  philosophe 
chinois  du  vi^  siècle  avant  notre  ère,  Abel  Rémusat 
rapprochait  les  idées  du  penseur  chinois  de  celles  de  Pytha- 
gore  et  de  Platon  ;  il  avançait,  en  outre,  une  hypothèse  qui 
fit  un  bruit  considérable.  Au  chap.  xiv  du  Tao-té-king, 
on  lit  :  «  Celui  qu'on  ne  voit  pas  quand  on  le  regarde  est 
appelé  /;  celui  qu'on  n'entend  pas  quand  on  l'écoute  est 
appelé  Hi;  celui  qu'on  ne  touche  pas  quand  on  le  palpe 
est  appelé  Wei.  »  Rémusat  était  d'avis  que  les  trois  mots 
J-hi-wei  n'avaient  aucun  sens  en  chinois  et  il  crut  y  re- 
trouver une  transcription  du  nom  de  Jéhova.  —  Stanislas 
Julien,  le  disciple  et  le  successeur  d'Abel  Rémusat  au  Col- 
lège de  France,  donna  en  1842  une  traduction  intégrale 
du  livre  De  la  Voie  et  de  la  Vertii;en  se  fondant  sur 
l'autorité  des  commentateurs  chinois,  il  traduisit  les  trois 
mots  î-hi^wei  comme  signifiant  «  incolore  »,  «  aphone  » 
et  «  incorporel  ».  Quoique  l'identification  des  trois  mots 
I-!ii'Wei  avec  Jéhova  soit  aujourd'hui  reconnue  fausse,  il 
se  trouve  encore  aujourd'hui  des  sinologues  qui  refusent 
de  les  traduire  littéralement  comme  le  faisait  Julien  (avec 
raison,  à  notre  avis),  et  qui  prétendent  y  reconnaître  la 
transcription  des  noms  de  quelque  trinité  babylonienne  ou 
indienne  (Edkins,  Onl-hi-wei  inthe  Tao-tehking^  CM- 
nese Recorder ^  vol.  XVII,  pp.  306  etsuiv.  ;  Terrien  de  La- 
couperie,  Western OriginofChinesecivilization, p.  123). 

La  doctrine  du  Tao-té-king  est  difficile  à  bien  com- 
prendre parce  qu'il  faudrait,  au  préalable,  avoir  pénétré 
le  sens  du  mot  tao.  Stanislas  Julien  traduisait  les  deux 
mots  Tao-té  comme  signifiant  la  voie  et  la  vertu;  il  n'y  a 
pas  d'hésitation  possible  sur  le  sens  du  second  mot  :  té 
est  la  vertu  qui  n'est  autre  pour  l'homme  que  la  conformité 
au  tao.  Mais  qu'est-ce  que  le  tao  lui-même?  Le  mot  «  voie  » 
qu'a  choisi  Stanislas  Julien  nous  paraît,  malgré  les  cri- 
tiques dont  il  a  été  l'objet,  être  l'équivalent  le  plus  exact 
de  l'expression  chinoise  si  l'on  considère  que  dans  la  trans- 
position des  termes  métaphysiques  dans  une  langue  formée 
par  une  pensée  étrangère,  on  devra  toujours  se  contenter 
d'une  approximation.  Le  tao  est  cette  entité  mystérieuse 
de  laquelle  tout  émane,  qui  est  antérieur  à  toute  chose, 
qu'on  ne  peut  exprimer  par  aucun  mot  ;  en  l'appelant  le 
tao^  la  «  voie  »,  on  ne  fait  que  symboliser  son  action  ;  elle 
est  ce  qui  imprime  aux  êtres  la  direction  suivant  laquelle 
ils  se  développent;  elle  est  au  fond  ce  qui  cause  leur 
marche  en  avant  ;  elle  est  le  principe  même  de  leur  évo- 
lution. —  La  morale  taoïste  enseigne  la  conformité  au  tao; 
le  tao  étant  la  loi  qui  régit  la  vie  universelle,  la  règle  que 
l'homme  devra  suivre  sera  de  ne  point  obéir  à  des  motifs 
d'intérêt  personnel,  mais  d'identifier  son  activité  avec  celle 
de  la  nature  immense  et  divine.  Il  sera  donc  humble,  se  pliant 
aux  circonstances  et  ne  cherchant  à  imposer  sa  volonté  à  au- 
cun être  ;  il  méprisera  les  connaissances  qui  ne  sont  qu'un 
moyen  de  domination  et  trouvera  le  bonheur  dans  la  non- 
science  ;  enfin,  comme  il  fera  de  plus  en  plus  abstraction  de  sa 
personnalité  pour  se  confondre  avec  les  lois  directrices  du 
monde,  on  pourra  dire  qu'il  pratique  le  non-agir.  Le  Tao-té- 
king  prêche  donc  l'inaction,  l'ignorance  et  l'humihté;  mais 
ces  trois  vertus,  qui  ne  sont  que  des  négations  au  regard  de 
la  morale  égoïste  des  hommes,  sont,  au  contraire,  celles  qui 
identifient  le  sage  avec  la  seule  réalité  positive,  à  savoir  le 
tao,  qui  renferme  éminemment  action,  science  et  puissance 
dans  son  unique  perfection.  Ed.  Chavannes. 

BiBL.  :  Outre  les  ouvrages  d'Abel  Rémusat,  Stanislas 
Julien,  Edkins,  Giles,  Terrien  de  Lacouperie,  cités 
dans  cet  article,  consulter  aussi  :  G.  Pautiiier,  Mémoire 
sur  l'origine  et  la  propagation  de  la  doctrine  du  Tao, 
fondée  par  Lao-tseu;  Paris,  1831.—  J.  Ghalmers,  The 
Spéculation  on  metaphysics^  politij  and  morality  ofLao- 
tze;  GhanghaT,  18G8.  —V.  von  Strauss,  Lao-tse  Tào-té~ 
Teachings  of  Lao-tze,  China  Kevfew,  1889,  vol.  XVII.  — 


LAO-TSE  —  LAPEROUSE 


940 


D»"  Leege,  The  Texts  of  Taoism^  dans  Sacred  Books  of 
the  East,  vol.  XXXIX,  pp.  47-124.  —  Dk  Harlez,  Lao-tse  ; 
Bruxelles,  1885.  —  Du  même,  Textes  taoïstes  dans  An- 
nales du  musée  Guimet^  t.  XX,  pp.  1-74. 

LA  PALICE  (Ghabannes,  sieur  de)  (V.  Chabannes). 
LAPA  L  U  D.  Corn,  dudép.  deVaucluse,  arr,  d'Orange,  cant. 
de  BoUène;  i  ,900  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  P.-L.-M. 

LAPAN.  Com.  du  dép.  du  Cher,  arr.  de  Bourges,  cant. 
de  Levet;  266  hab. 

LAPANOUSE.  Com.  du  dép.  de  l'Aveyron,  arr.  de  Mil- 
lau, cant.  de  Sévérac-le-Château  ;  928  hab. 

LAPANOUSE-de-Cernon.  Com.  du  dép.  de  l'Aveyron, 
arr.  de  Saint-Affrique,  cant.  de  Cornas;  525  hab. 
LA  PAPE  (Gui  de)  (V.  Gui-Pape). 
LAPARADE.  Com.  du  dép.  du  Lot-et-Garonne,  arr.  de 
Marmande,  cant.  de  Castelmoron;  737  hab. 

LAPAROTOMIE  (Chir.).  Opération  ayant  pour  but  d'ou- 
vrir Tabdomen  soit  pour  compléter  le  diagnostic  d'une  ma- 
ladie d'un  des  organes  renfermés  dans  cette  cavité,  soit 
pour  traiter  chirurgicalement  cette  maladie  ou  une  lésion 
traumatique  de  ces  organes.  On  a  désigné  longtemps  cette 
opération  sous  le  nom  de  gastrotomie  (V.  ce  mot). 

LAPARROUQUIAL.Com.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  d'Albi, 
cant.  de  Monestiès;  262  hab. 

LAPASSET  (Ferdinand-Auguste),  général  français,  né  à 
Saint-Marlin-de-Réle  29  juil.i817,  mort  à  Toulouse  le  16 
sept.  1875.  Sorti  de  l'Ecole  de  Saint-Cyr  dans  l'état-major 
le  1^^  oct.  1837,  il  partit  dès  le  début  de  sa  carrière  pour 
l'Afrique  où  il  resta  de  1840  à  1867.  Sa  brillante  conduite 
pendant  cette  longue  période  lui  valut  plusieurs  citations 
à  l'ordre  de  l'armée;  il  s'était  particulièrement  distingué, 
en  1846,  aux  combats  de  Mazouna  et  de  Sidi-Khelila. 
Promu  général  de  brigade  le  7  juin  4865,  il  commandait 
à  Lyon  lors  de  la  déclaration  de  guerre  à  l'Allemagne.  A 
la  tête  d'une  brigade  du  5^  corps,  il  fut  détaché  à  Sarre- 
guemines,  mais  les  événements  ne  lui  ayant  pas  permis  de 
rejoindre  le  général  de  Failly,  il  se  rallia  au  corps  du  général 
Frossard  avec  ses  troupes  qui  firent  alors  partie  de  l'armée 
de  Metz  sous  le  nom  de  brigade  mixte.  Le  général  La- 
passet  assiste  à  toutes  le's  batailles  livrées  sous  Metz  ;  il  se 
distingue  à  Rezonville  et  principnlement  au  coup  de  main 
tenté  sur  Peltre  dans  le  but  de  s'emparer  des  approvision- 
nements de  l'ennemi.  Il  lut  jusqu'au  dernier  jour  partisan 
de  la  lutte  à  outrance.  Lors  de  la  capitulation  de  Metz,  il 
refusa  de  livrer  les  drapeaux  de  sa  brigade  qu'il  fit  brûler 
en  sa  présence.  La  lettre  qu'il  écrivit  à  cette  occasion  au 
maréchal  Bazaine  rendit  son  nom  populaire.  Il  fut  promu 
divisionnaire  le  20  avr.  1871.  E.  Bernard. 

LAPATHINE  (V.  Chrysopiianique). 

LA  PAUSE  (Jean  Plantavit  de),  prélat  français  et  orien- 
taliste, né  au  château  de  Marcassargue  (Gévaudan)  en  1 576, 
mort  au  château  de  Margon,  près  de  Béziers,  le  21  mai 
1651.  Né  et  élevé  dans  la  religion  réformée,  il  fut  ministre 
à  Béziers,  passa  au  catholicisme  en  1604,  étudia  les  langues 
orientales  à  Borne,  fut  ensuite  aumônier  de  Catherine  de 
Médicis  et  d'Elisabeth  de  France.  Celle-ci  lui  fit  obtenir 
en  1625  l'évèché  de  Lodève,  dont  il  se  démit,  pour  cause 
d'infirmités,  en  1648.  On  a  de  lui:  Chronologia  presu- 
lum  Lodouensium  in  Gallia  Narbonensi  (krsLmon,  1634, 
in-4),  et  l'énorme  compilation  :  Thésaurus  synonymicus 
hebraieo-chaldaico-rabbinicus  (Lodève,  1644-45,  3  vol. 
in-fol.).^ 

LAPÈGE.  Com.  du  dép.  de  l'Ariège,  arr.  de  Foix, 
cant.  de  Tarascon-sur-Ariège  ;  403  hab. 

LAPENCHE.  Com.  du  Tarn-et-Garonne,  arr.  de  Mon- 
tauban,  cant.  de  Montpezat;  395  hab. 

LAPENNE.Com.  du  dép.  de  l'Ariège,  arr.  dePamiers, 
cant.  de  Mirepoix  ;  506  hab. 

LAPENTY.  Com.  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de  Mor- 
tain,  cant.  de  Saint-Hilaire-du-Iïarcouët;  906  hab. 

LAPERCHE.  Com.  du  dép.  du  Lot-et-Garonne,  arr.  de 
Marmande,  cant.  de  Lauzun  ;  334  hab. 

LAPEREAU  (Art  cuL)  (V.  Lapin). 

LA  PÉRELLE  (Auguste  Jubé,  baron  de)  (V.  Jubé). 


LAPEROUSE  (Jean-François  de  Galaup,  comte  de), 
navigateur  français,  né  au  Gô,  près  d'Albi,  le  22  août 
1741,  mort  à  File  de  Vanikoro,  en  Océanie,  vers  1788. 
Entré  dans  la  marine  en  1756,  il  fit  dès  les  premières 
années  de  nombreuses  campagnes,  fut  fait  prisonnier  par 
les  Anglais  devant  Belle-ïsle  en  1759,  combattit  brillam- 
ment en  Amérique  contre  l'amiral  anglais  Byron,  et  fut 
promu  capitaine  de  vaisseau  en  1780.  A  bord  de  VAstrée, 
il  lutta  avec  succès  contre  plusieurs  navires  anglais.  En 
1782,  il  fut  chargé  de  détruire  les  étabhssements  de  la 
Compagnie  anglaise  de  la  baie  d'Hudson.  A  cette  époque, 
le  gouverneaient  français,  voulant  compléter  les  travaux 
de  Cook  et  de  Clarke,  avait  résolu  d'envoyer  une  expé- 
dition sur  la  trace  des  voyageurs  anglais.  Deux  frégates 
furent  armées  à  Brest,  la  Boussole^  commandée  par 
Lapérouse,  l'Astrolabe,  par  le  capitaine  de  Langle.  Après 
avoir  doublé  le  cap  Horn,  Lapérouse  remonta,  en  1786, 
jusqu'au  mont  Saint-iïélie,  sur  la  côte  N.-O.  de  l'Amé- 
rique, d'où  Cook  avait  été  constamment  repoussé  par  les 
courants.  Sur  cette  côte,  la  baie  Monti,  le  port  des  Fran- 
çais, l'ile  du  Cénotaphe,  sont  quelques-uns  des  points  qu'il 
découvrit  et  nomma.  Cette  première  reconnaissance  a  été 
plus  tard  complétée  par  Vancouver.  De  là,  Lapérouse  mit 
le  cap  sur  les  îles  Sandwich,  découvrit  l'île  Necker  et,  le 
3  janv.  1787,  mouilla  dans  la  rade  de  Macao.  Un  mois 
après,  il  faisait  route  pour  les  Philippines  et,  après  avoir 
touché  à  l'île  (Juelpaert,  il  se  dirigea  vers  le  Japon.  Il 
relâcha  dans  une  baie  qui  reçut  le  nom  de  Ternay.  Le 
27  juin,  il  reprit  la  mer  et  s'avança  vers  le  N.  en 
longeant  les  côtes  de  la  Tartarie  chinoise.  Le  2  août,  il 
découvrit  le  détroit  qui  porte  aujourd'hui  son  nom.  Puis, 
traversant  par  le  canal  de  la  Boussole,  le  chapelet  d'îles 
qui  prolonge  l'archipel  du  Japon  jusqu'au  Kamtchatka, 
il  parvint  le  7  sept,  dans  la  baie  d'Avatscha.  Il  y  fut  ac- 
cueilh  par  les  Russes.  De  là,  Lapérouse  envoya  de  Lesseps, 
embarqué  comme  interprète  sur  l'Astrolabe,  porter  ses 
dépèches  en  France,  à  travers  la  Sibérie.  Lapérouse  reprit 
la  mer  le  29  sept.  ;  il  se  proposait  de  reconnaître  et  de 
relever  les  îles  Kouriles,  mais  les  vents  d'O.  l'obli- 
gèrent à  abandonner  son  projet.  Il  fît  route  vers  le  S., 
traversa  pour  la  troisième  fois  Féquateur  le  21  nov.,  et 
mouilla  le  9  déc.  sous  l'île  Maouna,  dans  l'archipel  des 
Navigateurs.  Le  commandant  de  V Astrolabe,  de  Langle, 
aborda  dans  une  baie  où  il  fut  entouré  par  des  hordes 
sauvages,  et  il  fut  massacré  avec  plusieurs  de  ses  com- 
pagnons. Lapérouse  contint  prudemment  son  équipage  et 
s'éloigna.  Il  reconnut  les  îles  des  Amis,  l'île  Norfofk,  et 
vint  mouiller  le  26  janv.  1 788  à  Botany  Bay,  dans  l'Aus- 
tralie. C'est  de  ce  port,  et  du  7  ïé\r.,  qu'est  datée  la 
dernière  lettre  écrite  par  Lapérouse  au  ministre  de  la 
marine.  Gomme  on  ne  recevait  de  lui  aucune  nouvelle, 
on  envoya  visiter  tous  les  points  où  l'on  savait  qu'il  de- 
vait toucher.  Les  recherchev  ;  faites  par  d'Entrecasteaux 
n'eurent  pas  de  résultat.  En  1826,  le  capitaine  anglais 
Peter  Dillon,  naviguant  au  N.  des  Hébrides,  trouva  sous 
Peau,  au  milieu  des  récifs  qui  entourent  l'île  de  Vanikoro, 
des  débris  de  navire,  des  canons  et  divers  objets  ;  il  re- 
connut qu'ils  provenaient  de  la  Boussole  et  de  l'Astrolabe, 
En  1828,  Dumont  d'Urville  visita  Vanikoro  lors  de  son 
voyage  autour  du  monde  et  recueillit  encore  des  débris 
du  naufrage.  Il  éleva  sur  la  côte  un  mausolée  à  Lapérouse 
et  à  ses  compagnons,  le  14  mars  4828.  La  ville  d'Albi 
lui  consacra  une  statue  en  1844,  et  la  Société  de  géogra- 
phie de  Paris  a  célébré,  le  29  avr.  1888,  le  centenaire  de 
la  mort  de  Lapérouse.  Millet-Mureau  a  publié,  d'après  le 
journal  de  Lapérouse,  une  relation  de  son  Voyage  autour 
du  monde  (1797,  4  vol.  in-4  et  atlas  gr.  in-fol.),  et  de 
Lesseps  en  donna  une  autre,  plus  exacte  (1831,  in-8, 
carte  et  plan).  G.  Rpxelsperger. 

BiBL.  :  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie  ;  Paris, 
1888.  On  y  trouvera,  dressée  par  M.  Gabriel  Marckl, 
une  bibliographie,  contenant  386  numéros,  de  tous  les 
ouvrages  se  rapportante  Lapérouse  ou  à  son  expédition. 

LAPÉROUSE  (Léon-Pierre-Emile  Dalmas  de),  marin 


français,  né  à  Brest  le  i8  août  1805,  mort  à  Paris  le 
!2(i  ocl.  1874.  Il  prit  part  à  l'expédition  d'Alger  et  fit  le 
tour  du  monde  sur  la  Vénus,  commandée  par  Dupetit- 
Thouars.  Il  fut  major  général  à  Cherbourg,  puis  à  Brest, 
et  fut  nommé  contre-amiral  en  1864.  La  famille  Dalmas  do 
Lapérouse  descend  de  Tune  des  deux  sœurs  du  navigateur, 

LAPERRIÈRE.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de 
Beaune,  cant.  de  Saint- Jean-de-Losne;  451  liab. 

LA  PERRIÈRE  (Guillaume  de),  poète  et  historien  fran- 
çais, né  à  Toulouse  en  1499,  mort  en  1565.  Issu  d'une 
famille  de  petite  noblesse,  il  avait  fait  des  études  en  droit 
et  prit  le  titre  de  licencié.  Ses  nombreux  ouvrages  lui 
valurent  de  son  temps  une  réputation  qui  paraît  aujour- 
d'hui tout  à  fait  imméritée.  En  1552,  il  fut  chargé  par 
le  corps  municipal  de  sa  ville  natale  de  rédiger  pour 
cette  année  les  annales  de  Toulouse  ;  mais  il  abandonna 
sans  doute  cet  ouvrage  qu'il  ne  semble  pas  avoir  jamais 
publié.  La  plupart  de  ses  écrits  sont  en  vers  et  portent  des 
titres  bizarres  ;  ils  n'ont  de  nos  jours  quelque  valeur  que 
parce  qu'ils  sont  devenus  extrêmement  rares.  Le  plus  connu 
est  intitulé  les  Annalles  de  Foix  (Toulouse,  1539,  pet. 
in-4) .  La  valeur  historique  en  est  d'ailleurs  très  médiocre  ; 
l'auteur,  ainsi  qu'il  le  dit  dans  la  préface,  a  utilisé  le  tra- 
vail antérieur  d'un  cordelier,  qui  n'est  autre  queMiégeville. 
—  La  Perrière  a  revu  et  augmenté  la  traduction  française 
anonyme  de  l'ouvrage  de  Nicolas  Bertrandi,  De  Tolosa- 
norum  gestis,  qui  avait  paru  en  1517,  in-4. 

BiBL.  :  Biographie  toulousaine,  par  une  société  de  gens 
de  lettres  ;  Paris,  1823,  2  vol.  in-8.  —  Lelong,  Bibliothèque 
historique  de  la  France  ;  Paris,  1766-78,  in-fol.  —  La  Croix 
DU  Maine,  Bibliothèque  française;  Paris,  1772-73,  G  vol. 
in-4. 

LA  PÉRUSE  (Jean  Bâstier  de),  poète  français,  né  vers 
1530,  mort  en  1555.  Sa  vie  est  peu  connue.  Il  est  l'au- 
teur d'une  tragédie  en  cinq  actes  tirée  de  Sénèque,  la  Mé- 
dée,  qui  lui  valut  une  renommée  exagérée  parmi  ses  con- 
temporains et  le  surnom  du  premier  tragique  de  France.  Il 
a  laissé  d'assez  nombreuses  pièces  de  poésies  :  épigrammes, 
sonnets,  odes,  élégies,  etc.,  qui  ont  été  réunies  par  ses 
amis,  Guillaume  Bouchet  et  Jean  Boiceau  :  Œuvres  (Poi- 
tiers, 1556,  in-4;  Paris,  1573,  in-12;  Lyon,  1577, 
in-16,  etc.). 

LAPEYRE.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  de 
Tarbes,  cant.  de  Trie;  103  hab. 

LAPEYRÈRE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
de  Muret,  cant.  de  Montesquieu-Volvestre  ;  26^2  hab. 

LA  PEYRÈRE  (ïsaac  de),  littérateur  français,  né  à 
Bordeaux  en  1594,  mort  le  30  janv.  1676.  Il  figura  au 
siège  de  Montauban,  entra  dans  la  maison  du  prince  de 
Condé,  suivit  en  1644  en  Danemark  l'ambassadeur  La 
Thuillerie,  et  était  de  nouveau  au  service  de  Condé  en 
Flandre  lorsqu'il  publia  :  Prœadamitœ  (1655,  in-4), 
livre  oti  il  prouve  que  la  terre  de  Chanaan  était  peuplée 
longtemps  avant  l'apparition  d'Adam.  Cet  ouvrage  fit  un 
bruit  énorme.  La  Peyrère  fut  arrêté  à  Bruxelles  sur  l'ordre 
de  l'autorité  ecclésiastique  et  enfermé  jusqu'à  ce  (fu'il 
voulût  bien  se  convertir,  car  il  était  protestant,  et  signer 
un  acte  de  rétractation  des  doctrines  soutenues  dans  son 
livre,  ce  qu'il  fit.  Le  pape  Alexandre  VII  lui  témoigna  une 
grande  estime  et  voulut  se  l'attacher,  mais  La  Peyrère  pré- 
féra le  poste  de  bibliothécaire  du  prince  de  Condé  et  bientôt 
se  retira  tout  à  fait  au  séminaire  de  Notre-Dame-des-Vertus. 
Citons  encore  de  lui  :  Traité  du  rappel  des  Juifs  (Paris, 
1643,  in-8);  Relation  du  Grœnland  (1647,  in-8);  la 
Bataille  de  Lens  (1649,  in-fol.)  ;  Epistola  ad  Philoti- 
num  (1657,  in-4),  c'est  son  apologie;  Lettres  écrites 
au  comte  de  La  Suze  (1661-62,2  vol.  in-12);  ïielaiion 
d'Islande  (1663,  in-8). 

LA  PEYRONIE  (François Gigot  de)  (V.  Peyronie). 

LAPEYROUSE.  Com.  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  de 
Riom,  cant.  de  Montaigut;  1,638  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  d'Orléans,  ligne  de  Montluçon  à  Gannat. 

LAPEYROUSE-FossAT.  Com.   du    dép.  de  la  Haute- 


-  941  --  LAPÉROUSE  -  LAPIDAIRE 

Garonne,  arr.  de  Toulouse,  cant.  de  Montastruc  ;  533  hab. 

LAPEYROUSE-MoRNAY.  Com.  du  dép.  de  la  Drôme, 
arr.  de  Valence,  cant.  du  Grand-Serre;  812  hab. 

LAPEYRUGNE.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  d'Auril- 
lac,  cant.  de  Montsalvy;  511  hab. 

LAPHRIE.  I.  Mythologie  (V.  Artémis). 

IL  Entomologie.  —  Genre  d'Insectes  Diptères  Brachy- 
cères,  famille  des  Asilidés,  fondé  par  Meigen  et  ainsi  ca- 
ractérisé :  troisième  article  des  antennes  en  massue  sans 
stylet  terminal  ;  pattes  robustes  poilues,  à  tibias  postérieurs 
recourbés.  Les  Laphria  sont  des  IVlouches  carnassières  de 
formes  grêles,  d'allures  agiles,  volant  rapidement  au  soleil 
et  se  posant  sur  le  tronc  des  arbres.  Laphria  gilva  Fab., 
13  à  17  millim.,  noire  avec  l'abdomen  marqué  de  rouge, 
tout  l'Insecte  recouvert  d'une  fourrure  feutrée,  commun 
en  France  ;  L,  gibbosa  Fab.,  L.  flava  Linn.  et  autres 
espèces  de  nos  régions.  Chez  les  Laphystia,  genre  très 
voisin,  il  existe  une  soie  à  la  massue  des  antennes  :  La- 
phystia  sabulicola  0\.,  i\skW\nmre.  M.  M. 

LAPHYSTIUS.  Mont  de  Boétie,  un  des  centres  du  culte 
de  Dionysos  ;  ce  dieu  et  Zeus  recevaient  un  culte  sous  le 
vocable  de  Laphystius. 

LAPI  (Niccolo),  peintre  italien,  né  à  Florence  en  1661, 
mort  en  1732.  Il  fut  élève  et  aide  de  Luca  Giordano,  pen- 
dant que  ce  peintre  séjournait  à  Florence  pour  peindre 
ses  fresques  du  palais  Riccardi.  Son  œuvre  la  plu  s  connue 
est  le  Saint  Laurent  délivrant  lésâmes  du  Purgatoire, 
dans  l'église  San  Lorenzo.  11  a  peint  encore  un  Jugement 
de  Paris  au  palais  Capponi,et  il  est  l'auteur  de  plusieurs 
de  ces  fresques  représentant  la  Vie  de  saint  Dominique, 
dans  le  cloître  de  San  Marco,  qui,  par  la  négligence  de 
l'exécution,  la  crudité  de  la  couleur  et  la  grossièreté  des 
formes,  font  un  contraste  si  choquant  avec  Tes  œuvres  voi- 
sines de  Fra  Angelico.  Le  musée  des  Offices  contient  une 
Transfiguration  de  Lapi  et  son  portrait  par  lui-même. 

BiBL.  :  Lanzi,  Storia  pittorica  deW  Italia;  Milan,  t.  L 

LAPI  (Lorenzo-Maria),  né  à  San  Lorenzo  (Toscane)  en 
1703,  mort  à  Florence  en  1754.  Il  s'était  acquis  quelque 
réputation  comme  poète  et  faisait  partie  de  l'Académie  des 
Apathistes.  Il  composa  contre  les  vices  du  clergé  une  sa- 
tire qui  fit  scandale,  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  se  vouer 
au  sacerdoce  et  de  devenir  professeur  de  philosophie  au 
séminaire  florentin.  Il  publia  une  traduction  des  anciens 
chants  de  l'Eglise  (1753),  un  traité  de  théologie  scolastique 
et  un  volume  d'Institutions  chrétiennes.      G.  Mâzzoni. 

LAPIDAIRE.  L  Technologie.  —  Le  lapidaire  est  l'arti- 
san qui  taille  et  polit  les  pierres  précieuses,  qui  concourt 
par  son  habileté  au  perfectionnement  de  diverses  branches 
de  la  lapidairerie  (V.  Joaillerie).  Au  xin^  siècle,  les  lapi- 
daires se  nommaient  cristalliers  ou  pierriers  ;  ils  taillaient 
les  pierres  précieuses  et  le  cristal  de  roche,  mais  ils  avaient 
beaucoup  de  points  de  contact  avec  les  orfèvres,  les  joail- 
liers et  les  batteurs  d'or  ;  déjà,  à  cette  époque,  «  les  faulsses 
pierres  sont  si  semblables  aux  vraies  que  ceulx  qui  myeulx 
si  cognoissent  y  sont  bien  souvent  déceulz  »  :  de  là,  pour 
les  lapidaires,  la  nécessité  de  bien  connaître  les  pierres 
qu'ils  avaient  à  travailler. 

IL  Archéologie.  —  Le  terme  de  lapidaire  a  trois  signi- 
fications bien  distinctes.  H  désigne  l'artiste  qui  grave  les 
pierres  dures,  intailles  ou  camées  ;  les  livres  où  sont  rele- 
vées les  inscriptions  sur  pierres,  enfin  les  traités  dans  les- 
quels sont  relatées  les  traditions  et  les  légendes  des  pierres. 

La  liste  des  lapidaires,  cœlatores,  sculptores  pour  les 
graveurs  de  camées,  cavatores,  signarii  pour  les  gra- 
veurs d'intailles,  est  fort  longue.  Les  noms  des  graveurs  de 
l'antiquité  qui  nous  sont  parvenus  appartiennent  tous  à 
la  période  grecque  ou  romaine,  car  bien  que  nous  ayons 
beaucoup  de  pierres  chaldéennes,  arméniennes,  égyptiennes 
et  étrusques,  les  lapidaires  de  ces  pays  n'ont  pas  signé 
leurs  œuvres.  Dès  400  av.  J.-C.  commence  la  série  des 
pierres  grecques  signées.  Nous  y  relevons  les  noms  suivants  : 
Athénades,  Phrygillos,  Dexaménos,  Pergamos,  Oiympios, 


LAPIDAIKE  ~  LA  PIJARDIÈRE 


—  942 


Onatas,  Pyrgolète,  Pheidias,  Lycomède,  Philon,  Onésas, 
Athénion,  Séleucos,  Protarchos,  Anaxilas,  Scopas,  Boéthos, 
Nicandre. 

Pendant  la  période  romaine  :  Dioscoride,  Soloa,  Aspa- 
sios,  Glycon,  Riifus,  Agathopus,  Sosos,  Pamphyie,  Apol- 
lonios,  Euthychès,  Hérophyie,  Hylius,  Alexas,  Aulus  fils 
d'Alexas,  Quintus,  fils  d'Alexas,  Polyclète,  Epitynchanus, 
Agathange,  Agothopus,  Félix,  Cneius,  Saturninus,  Teu- 
cros,  Anteros,  Philémon,  Scylax,  Lucius,  Gains,  Koinos, 
Mycon,  Sostratos,  Diodote,  Tryphon,  Evodus. 

Jusqu'à  l'époque  de  la  Renaisssance,  bien  que  les  pierres 
gravées  n'aient  jamais  cessé  d'être  en  honneur,  nous  ne 
rencontrons  en  France  que  le  nom  du  lapidaire  Pierre 
Cloet,  cité  dans  les  comptes  d'Etienne  de  La  Fontaine,  pour 
l'année  1352.  Mais  avec  la  lienaissance  italienne  nous 
trouvons  parmi  les  graveurs  les  noms  les  plus  célèbres  : 
Giovanni  Castelbolognese  qui  est  au  service  du  cardinal 
Alexandre  Farnèse,  Valerio  Belli  de  Florence,  qui  person- 
nifie Fapogée  de  la  gravure  en  pierres  fines  au  xvi^  siècle, 
et  qui  travaille  pour  Clément  Vil  et  pour  Paul  IK,  Proper- 
tia  de'  Rossi,  Pescia,  l'auteur  du  cachet  de  Michel-Ange, 
Pompeo  Leoni.  En  France,  on  suppose  que  René  d'Anjou 
s'exerça  à  la  gravure  sur  pierre;  puis  on  rencontre  les 
noms  de  Matteo  del  Nassaro,  un  Italien  au  service  de 
François  P^,  d'Ollivier  Coldoré,  de  Julien  de  Fontenay,  de 
Guillaume  Dupré.  Au  xviii®  siècle,  l'Allemagne  possède  un 
excellent  graveur  sur  pierres,  Philippe- Christophe  de 
Becker.  Enfin  pour  s'arrêter  avec  le  xvm^  siècle,  on  trouve 
sous  Louis  XV,  Jacques  Guay,  protégé  de  M°^*^  de  Pompa- 
dour,  qui  fut  son  élève  et  qui,  livrée  à  sa  propre  initiative, 
signa  quelques  pierres  gravées  qu'elle  aurait  exécutées. 

111.  Littérature.  —  Nom  donné  au  moyen  âge  aux  ou- 
vrages traitant  spécialement  de  la  vertu  des  pierres  pré- 
cieuses. Nous  avons  dit  (à  l'art.  Bestiaires)  comment  les 
lapidaires  étaient  peu  à  peu  sortis  de  l'ancien  Physiologus  : 
ce  n'est  pas  leur  seule  source.  On  distingue  deux  courants 
dans  la  littérature  très  abondante  des  lapidaires  du  moyen 
âge,  le  courant  païen,  dont  les  origines  n'ont  pas  été  com- 
plètement élucidées,  et  qui  est  surtout  représenté  parle  poème 
latin  De  Gemmis  ou  De  Lapidibus^  composé  au  commence- 
ment du  xii^  siècle,  par  l'évêque  de  Rennes,  Marbode,  et  le 
courant  chrétien,  qui  se  rattache  aux  différentes  mentions 
de  pierres  précieuses  qui  se  trouvent  dans  la  Bible  (les  douze 
pierres  du  Rational,  de  l'Apocalypse,  etc.).  Dans  la  première 
série,  on  se  préoccupe  surtout  des  vertus  pratiques  des 
pierres  ;  dans  la  seconde,  de  leur  valeur  symbolique.  La 
littérature  française  du  moyen  âge  possède  un  grand 
nombre  de  lapidaires  en  vers  et  en  prose,  qui  pour  la  plus 
part  sont  anonymes.  Nous  mentionnerons  seulement  une 
très  ancienne  traduction  en  vers  de  l'ouvrage  de  Marbode, 
qui  offre  un  réel  intérêt  linguistique,  un  lapidaire  en  prose 
composé  à  la  demande  du  roi  Philippe-Auguste,  et  enfin  un 
lapidaire  plus  récent,  également  en  prose,  souvent  publié 
sous  le  nom  du  célèbrevoyageur  Jean  de  Mandeville,  attri- 
bution qui  ne  repose  sur  aucun  fondement  sérieux.  Ant.  T. 
BiBL.:  Archéologie.  —  Stkfhani  (Ludolf),  Ueber  einige 
angebliche  S tein Schneider  des  AUerthums,  dans  les  Mé- 
inoires  de  l'Acadéinie  impériale  des  sciences  de  Saint-Pé- 
tersbourg ^Ç»^  sérient  VIII,  1855. —  Berinoulli,  Iconographie 
romaine)  Stuttgart,  1886,  in-4.  —  E.  Babelon,  la  Gravure  en 
pierres  fines;  Paris,  1894,  in-8. —  F.  de  Mély,  le  Grand 
Camée  de  Vienne '/Toulouse^  1894,  in-4;  Du  Rôle  des  pierres 
gravées  au  moyen  âge  ;  Lille,  1893,  in-4  ;  le  Traité  des  Fleuves 
de  Piutarque  ;  Paris,  1892,  in-8;  le  Lapidaire  d'Aristote: 
Paris,  1893,  in-8. 

Littérature.  —  L.  Pannier,  les  Lapidaires  français  des 
xip,  xiip  et  xiv«  siècles  ;  Paris,  1882  (fasc.  52*^  de  la  Bibl. 
de  VEcole  des  hautes  études). 

LAPIDATION.  Supplice  primitif  qui  consistait  à  mettre 
à  mort  les  condamnés  en  les  frappant  à  coups  do  pierres. 
Ce  supplice  ne  fut  employé  comme  exécution  légale  que  par 
la  législation  juive.  Le  Lévitique  et  le  Deutéronome  don- 
nent une  énumération  exacte  de  tous  les  crimes  dont  la 
lapidation  devait  être  la  sanction.  La  lapidation  était  encore 
prononcée  contre  certains  crimes  religieux,  contre  les  blas- 
phémateurs, les  sorciers,  les  idolâtres,  etc.  Le  condamné 


était  conduit  hors  de  la  ville,  précédé  par  les  témoins  dont 
les  dépositions  avaient  contribué  à  faire  prononcer  contre  lui 
la  peine  capitale.  Devant  lui  marchait  un  soldat  portant  une 
pique  à  laquelle  était  attaché  un  drapeau  de  couleur  éclatante 
pour  faire  remarquer  de  plus  loin  le  cortège,  afin  que  ceuxqui 
auraient  eu  quelque  chose  à  dire  pour  la  justification  du  con- 
damné le  pussent  proposer  avant  qu'on  fût  allé  plus  avant. 
L'exécution  se  faisait  de  deux  manières.  Les  témoins  jetaient 
les  premières  pierres  et  tous  les  assistants  ou  passants 
jetaient  la  leur  au  malheureux  jusqu'à  ce  que  mort  s'en- 
suivit, ou  bien  encore  on  le  jetait  dans  un  trou,  que  l'on 
comblait  ensuite  avec  une  énorme  pierre,  qui  l'écrasait. 
Souvent  aussi,  le  condamné  était  précipité  par  l'un  des 
témoins  du  haut  d'un  endroit  élevé,  tandis  qu'un  autre  fai- 
sait rouler  sur  lui  une  grosse  pierre.  Si  la  mort  n'était  pas 
nnmédiate,  le  misérable  était  achevé.  Parfois,  encore,  le 
peuple  lapidait  en  dehors  detout  jugement  ceux  qui  avaient 
encouru  sa  disgrâce.  C'est  ce  qu'on  appelait  hjugememt 
du  zèle.  Au  dire  des  historiens,  Jésus  faillit  être  lapidé 
aussi  comme  blasphémateur.  Saint  Etienne  périt  de  cette 
manière.  La  lapidation  était  aussi  en  usage  chez  les  Ro- 
mains comme  châtiment  militaire.  L'histoire  fait  mention 
de  quelques  rares  exécutions  de  ce  genre.  C'est  ainsi  que 
•  le  roi  Gontran  fit  attachera  un  poteau  et  lapider  son  cham- 
bellan Chundon  accusé,  mais  non  convaincu,  d'avoir  tué 
un  buffle  dans  un  domaine  royal.  Aridius,  évêquede  Lyon, 
conseiller  et  complice  de  Brunehaut,  fit  lapider  son  frère 
Desiderius,  évêque  de  Vienne.  Au  cours  des  persécutions 
dont  furent  l'objet  les  prisciilianistes,  sectateurs  de  Pris- 
cillien,  il  fut  édicté  qu'on  emploierait  contre  eux  pour  les 
faire  périr  la  corde,  le  glaive  et  la  pierre.  Une  jeune 
femme,  soupçonnée  d'avoir  professé  qu'il  fallait  jeûner  le 
dimanche,  fut  lapidée  à  Bordeaux.  Lucien  Saint. 

LAPIDE  (Cornélius  a)  (V.  Corneille  de  La  Pierke). 
LAPIERRE  (Louis-Emile),  peintre  français,  né  à  Paris 
en  1818,  mort  à  Paris  le  25  mars  1886.  Elève  de  Victor 
Bertm,  il  cultiva  d'abord  le  paysage  historique  et  exposa 
dans  ce  genre  :  Daphnis  et  Chloé (Salon de  1 845),  l'Abbaye 
de  Thélème  (  1847)  ;  puis,  après  un  voyage  en  Italie  où  il 
peignit  le  Jardin  Boboli,  à  Florence,  exposé  au  Salon  de 
1848,  il  se  laissa  entraîner  par  le  charme  de  la  nature, 
et  pendant  tout  le  reste  de  sa  carrière  il  s'apphqua  à  étu- 
dier les  soleils  couchants,  les  sous-bois,  notamment  dans 
la  forêt  de  Fontainebleau,  qui  fut  la  grande  école  de  toute 
cette  génération  de  paysagistes.  G.  A. 

LAPIEZ.  Terme  appliqué  dans  la  Suisse  française  à 
ces  singuliers  ravinements  en  forme  de  rigoles  ou  d'ornières 
sinueuses  que  les  eaux  pluviales  s'appliquent  souvent  à 
creuser  sur  les  surfaces  calcaires  horizontales  ou  peu  in- 
clinées quand  elles  se  présentent  fissurées  et  surtout  por- 
tées à  une  grande  altitude.  Dans  ce  cas,  l'origine  première 
de  ces  accidents  {Karrenfelder  dans  la  Suisse  allemande, 
Edscles  en  Provence)  doit  être  cherchée  dans  les  phéno- 
mènes habituels  de  dégradation  et  de  dissolution  exercés  par 
les  eaux  météoriques  qui  se  chargent  ainsi,  après  avoir  dis- 
sous les  parties  les  plus  attaquables  des  affleurements  cal- 
caires, de  mettre  en  saillie  les  plus  résistantes;  le  ruissel- 
lement, quand  il  peut  s'exercer  activement  sur  des  espaces 
privés  de  végétation,  intervient  ensuite  pour  entraîner 
toutes  les  particules  désagrégées,  en  contribuant  de  la  sorte 
largement  à  exagérer  l'allure  capricieuse  d'un  relief  acci- 
denté qu'on  ne  saurait  à  aucun  titre  attribuer,  quoi  qu'on 
en  ait  dit,  à  l'érosion  glaciaire.  La  meilleure  preuve,  c'est 
que  les  glaciers,  quand  ils  envahissent  les  lapiez,  les  ra- 
botent au  point  de  les  faire  disparaître  complètement  et  de 
parvenir  à  rendre  au  plateau  sa  forme  plane  initiale.  On 
peut  citer  parmi  les  plus  caractéristiques  les  lapiez  du  mont 
Parmelan,  près  d'Annecy. 

LA  PIJARDIÈRE  (Louis  de  La  Cour  de),  plus  connu 
sous  le  pseudonyme  de  Louis  Lacour,  littérateur  français, 
né  à  Nantes  le  16  sept.  1832,  mort  à  Montpellier  le  8  sept. 
1891.  Elève  de  l'Ecole  des  chartes  (1854),  archiviste  à  la 
bibliothèque  Sainte-Geneviève  (1860),  il  devint  archiviste 


-  943  - 


LA  PIJARDIÈRE 


LAPIN 


de  l'Hérault  (187^2).  Il  se  suicida.  Citons  de  lui  :  les  Gar- 
çons de  café  de  Paris  (Paris,  iS^o6,  in~8),  publié  sous 
le  nom  de  Gaston  Vorlac  ;  le  Parc  aux  cerfs  (18o9, 
iR-12);  la  Question  des  femmes  à  r Académie  (1861), 
in-32);  Rapport  sur  la  découverte  d'u7i  autographe  de 
Molière  (1873,  io-8),  et  plusieurs  autres  publications  con- 
cernant Molière  ;  Histoire  et  description  des  archives  de 
l'Hérault  (1884,  gr.  in-8),  etc.  Il  a  donné  de  bonnes  édi- 
tions de  Brantôme,  de  Bon.  Despériers,  de  Mercier,  etc. 

LAPILLI.  Les  lapilli  ou  rappilli  sont  ces  petites 
pierres  provenant  des  parois  craquelées  du  cratère  que  les 
volcans  projettent  avec  des  fragments  de  lave  incandes- 
cente et  d'écumes  scoriacées  quand  l'appareil  volcanique, 
au  début  des  éruptions,  devient  le  siège  de  phénomènes 
explosifs  intenses  (V.  Volcan). 

LAPIN.  I.  Zoologie  (V.  Lièvre). 

II.  Economie  rurale.  — En  agriculture,  le  lapin  peut 
être  considéré  à  deux  points  de  vue,  d'abord  comme  animal 
nuisible,  puis  comme  animal  domestique. 

Lapin  sauvage.  —  Le  lapin  des  bois  recherche  les 
terrains  légers  et  secs  où  il  se  creuse  des  terriers  ;  il  vit 
en  famille,  caché  pendant  le  jour,  cherchant  sa  nourriture 
la  nuit  ;  il  est  très  nuisible,  non  seulement  parce  qu'il  est 
gros  mangeur,  mais  aussi  par  la  nourriture  qu'il  gaspille 
et  par  sa  multiplication  rapide.  Il  fait  des  invasions  cons- 
tantes dans  les  champs  voisins  des  bois  qu'il  habite  et 
cause  de  sérieux  dommages  dans  les  jeunes  céréales,  les 
légumes,  les  racines,  les  prairies  naturelles  et  artificielles. 
Pour  préserver  les  jeunes  arbres  des  lapins  qui  en  rongent 
l'écorce,  surtout  en  hiver,  et  en  font  périr  un  grand  nombre, 
on  recommande  de  prendre  de  la  bouse  de  vache  qu'on 
mélange  à  de  la  chaux  éteinte  et  à  de  l'ocre,  dans  la  pro- 
portion d'un  tiers  en  poids  pour  chaque  substance  ;  on 
arrose  le  tout  avec  du  sang  de  bœuf  étendu  d'eau  en  fai- 
sant une  pâte  semi-liquide  susceptible  de  s'étendre  au 
pinceau.  Ce  mélange  s'applique,  en  automne,  à  la  partie 
inférieure  des  arbres  ou  arbustes.  On  peut  aussi  remplacer 
cette  composition  par  du  coaltar.  Pour  détruire  les  lapins, 
le  meilleur  procédé  est  de  leur  faire  une  chasse  active  au 
fusil  et  au  furet  ;  on  a  calculé  qu'un  lapin  valant  1  fr.  50 
fait  pour  environ  20  fr.  de  dégâts  par  an.  C'est  donc  un 
animal  dont  on  ne  saurait  trop  encourager  la  destruction, 
d'autant  plus  que  sa  chair  est  très  estimée  et  que  sa  four- 
rure est  utilisée  dans  la  chapellerie.  En  Australie,  notam- 
ment dans  la  Nouvelle-Galles  du  Sud,  quelques  couples  de 
lapins,  introduits  il  y  a  quelques  années,  s'y  sont  tellement 
multipliés  que  dans  certaines  parties  la  culture  y  est  de- 
venue impossible  et  que  l'homme  se  trouve  désarmé  devant 
leurs  déprédations. 

Lapin  domestique.  —  La  chair  blanche,  savoureuse 
et  parfumée  du  lapin,  ainsi  que  son  duvet,  le  font  recher- 
cher comme  animal  domestique.  On  le  produit  dans  les 
garennes  (V.  ce  mot)  et  dans  les  clapiers.  Cet  animal  se 
trouve  partout  ;  il  constitue  ce  qu'on  pourrait  appeler  le 
cheptel  du  pauvre;  on  le  rencontre  dans  la  plus  humble 
demeure  du  villageois.  Les  épluchures  de  légumes,  les 
mauvaises  herbes  du  jardin,  qui  sans  lui  seraient  perdues, 
constituent  sa  nourriture  journalière.  C'est  dans  ces  condi- 
tions surtout  que  l'élevage  du  lapin  est  productif,  car  il 
n'y  a  aucune  dépense  à  taire  pour  son  alimentation  et  il 
multiplie  abondamment.  En  effet,  une  lapine  est  adulte  à 
cinq  ou  six  mois,  la  durée  de  la  gestation  est  d'un  mois, 
celle  de  l'allaitement  de  cinq  semaines  et  elle  donne  à 
chaque  portée  de  quatre  à  douze  lapereaux,  soit  sept  en 
moyenne.  Or  une  lapine  peut  faire  aisément  six  portées 
par  an.  Quoique  très  simple,  l'élevage  du  lapin  demande 
cependant  quelques  soins  afin  d'éviter  les  maladies,  souvent 
mortelles,  qui  peuvent  l'atteindre.  Le  logement  ou  clapier 
consiste  en  étables  dans  lesquelles  des  loges  sont  alignées; 
celles-ci  doivent  être  établies  au-dessus  du  sol  ;  elles  sont 
pleines  sur  cinq  faces  et  à  claire- voie  sur  le  devant  for- 
mant porte  ;  le  plancher  doit  être  incliné  et  percé  de  trous 
pour  l'écoulement  des  urines.  Les  loges  destinées  aux  mères 


doivent  avoir  80  centim.  q.  de  surface;  celles  des  mâles 
0"^70  ;  chacune  de  ces  cabanes  est  pourvue  d'un  râtelier 
et  d'un  vase  à  boire.  Un  autre  moyen  simple  et  économique 
de  loger  les  lapins  consiste  à  les  mettre  dans  des  tonneaux 
couchés  sur  le  flanc,  la  bonde  en  bas,  munis  sur  l'un  des 
fonds  d'une  porte  grillagée  et  sur  l'autre  de  quelques  petites 
ouvertures  pour  l'aération  ;  un  plancher  à  claire-voie, 
supporté  par  deux  tasseaux,  offre  un  sol  horizontal  pour 
le  séjour  des  animaux,  dont  les  urines  s'écoulent  très  faci- 
lement par  la  bonde  placée  en  dessous.  On  peut  utiliser  de 
vieux  barils  à  pétrole  qui  s'achètent  à  très  bas  prix  ;  on  y 
jette  au  préalable  un-e  poignée  de  paille  que  l'on  enflamme  ; 
il  en  résulte  une  carbonisation  superficielle  enlevant  toute 
odeur  et  préservant  le  tonneau  de  la  pourriture.  D'ailleurs 
quelle  que  soit  la  disposition  donnée  au  clapier,  l'élevage 
réussit,  pourvu  qu'on  réunisse,  à  une  alimentation  suffi- 
sante et  appropriée,  les  conditions  de  salubrité  nécessaires 
et  qu'on  évite  surtout  l'humidité.  C'est  dire  qu'il  faut 
renouveler  les  litières,  faites  de  paille  ou  de  feuilles  sèches, 
au  moins  deux  fois  par  semaine.  Le  fumier  de  lapin  est 
chaud  et  convient  très  bien  pour  les  jardins  légumiers.  La 
nourriture  du  lapin  doit  être  abondante  et  variée  ;  il  doit 
absorber  journellement  une  quantité  égale  à  6  "^/^  de  son 
poids  brut  ;  les  aliments  doivent  être  frais,  car  ce  petit 
rongeur  dédaigne  la  nourriture  souillée.  On  donnera  des 
herbes  vertes,  des  racines,  des  légumes,  de  la  luzerne,  du 
trèfle,  du  plantain,  en  vert  ou  fané  ;  un  peu  d'avoine,  sur- 
tout pour  les  reproducteurs,  donne  d'excellents  résultats. 
Il  faut  avoir  soin  de  ne  pas  lui  servir  une  nourriture  trop 
aqueuse,  surtout  de  l'herbe  mouillée  par  la  pluie  ou  la 
rosée  :  il  en  résulterait  des  diarrhées  ou  des  irritations 
intestinales  souvent  mortelles.  D'autre  part,  une  nourriture 
trop  exclusivement  sèche  ne  serait  pas  sans  inconvénient, 
si  l'on  n'avait  la  précaution  de  lui  donner  de  l'eau  à  boire, 
car,  malgré  le  préjugé  répandu  dans  les  campagnes,  le  lapin 
boit.  La  nourriture  doit  être  distribuée  régulièrement  à 
heures  fixes.  Lorsqu'on  veut  faire  l'engraissement  des  la- 
pins, on  commence  vers  l'âge  de  cinq  mois  ;  dans  ce  but, 
il  y  a  avantage  à  châtrer  les  mâles  à  la  fin  du  troisième 
mois.  Pour  l'engraissement,  on  isole  les  lapins  dans  dos 
caisses  obscures  et  étroites,  dans  un  repos  complet  ;  on 
leur  distribue  à  manger  trois  fois  par  jour.  On  leur  donnera, 
par  exemple,  la  ration  journalière  suivante  :  luzerne  verte 
ou  sainfoin,  400  gr.  ;  avoine  verte,  300  gr.  ;  persil  ou 
céleri,  10  gr.  ;  farine  d'orge  ou  de  maïs,  100  gr.  Avec  ce 
régime,  un  lapin  arrivé  à  l'âge  de  six  ou  sept  mois  pèse  2  à 
3  kilogr.  et  il  est  bon  pour  la  vente  ou  la  consommation. 
Chez  certains  petits  cultivateurs  des  Flandres,  on  pra- 
tique parfois  un  autre  mode  d'engraissement  qui  s'effectue 
en  ([uinze  jours  ou  trois  semaines  ;  on  fixe  un  bout  de 
planche  contre  le  mur,  à  1  m.  environ  du  sol,  et  ou  y 
place  l'animal  qui  peut  à  peine  se  retourner.  Ainsi  con- 
damné à  un  repos  forcé,  on  lui  sert  sa  nourriture  trois  fois 
par  jour,  en  y  ajoutant  du  pain  trempé  dans  du  lait.  Ce 
mode  d'engraissement  rapide  exige  toutefois  une  certaine 
attention,  car  il  amène  souvent  la  constipation  qu'il  faut 
combattre  avec  un  peu  de  nourriture  verte.  Il  existe  plu- 
sieurs races  de  lapins  ayant  des  aptitudes  assez  différentes  ; 
les  quatre  principales  sont  :  le  lapin  gris  ou  commun  ; 
c'est  le  lapin  sauvage  dont  l'état  de  domesticité  a  beaucoup 
développé  la  taille  ;  quelquefois  il  arrive  à  peser  5  kilogr.  ; 
c'est  la  race  à  préférer  pour  l'engraissement  :  2^  le  lapin 
bélier^  encore  plus  gros,  caractérisé  par  une  tète  énorme 
et  les  oreilles  pendantes  ;  cette  race  est  d'une  fécondité 
trop  limitée  pour  que  son  élevage  soit  avantageux  ;  3^  le 
lapin  riche  ou  argenté^  dont  le'poil  est  gris  blanc  tacheté 
de  poils  noirs;  il  est  long  et  soyeux  avec  des  reflets  bril- 
lants ;  cette  race  est  surtout  élevée  en  vue  de  sa  fourrure 
qui  est  vendue  comme  petit  gris;  ce  sont  les  mâles  qui 
donnent  la  plus  belle  ;  ces  lapins  sont  très  prolifiques  et  les 
petits  à  leur  naissance  sont  presque  noirs  ;  ¥  le  lapin 
angora,  également  remarquable  par  ses  poils  longs  et 
soyeux  ;  élevé  en  vue  de  sa  belle  toison,  que  par  le  pei- 


LAPIN  --  LAPISSE 


—  944 


gnage  on  recueille  de  deux  à  cinq  fois  par  an,  ce  lapin 
exige  des  soins  spéciaux  pour  éviter  de  souiller  la  fourrure. 
Un  beau  mâle  peut  donner  annuellement  500  gr.  de  poil 
vendu  de  15  à  20  fr.  le  kilogr.  ;  ce  poil  est  utilisé  dans 
la  fabrication  de  certaines  étoffes. 

Les  lapins  mal  soignés,  mal  nourris,  maintenus  sur  une 
litière  humide  contractent  des  maladies,  dont  la  plus  com- 
mune est  le  «  gros  ventre  »  ;  quelquefois  aussi  ils  sont  at- 
teints d'une  maladie  grave  des  yeux  qui  sévit  surtout  sur  les 
lapereaux  et  qui  est  due  aux  émanations  ammoniacales  de 
leur  fumier.  La  gale  est  moins  commune,  mais  également 
incurable.  On  évalue  le  nombre  des  lapins  versés  tous  les 
ans  dans  la  consommation  générale  à  55  millions.  Paris 
consomme  par  an  environ  3,500,000  lapins  qui  sont  sur- 
tout fournis  par  le  dép.  du  Loiret  ;  cependant,  c'est  le 
dép.  de  l'Aisne  qui  en  produit  le  plus,  environ  620,000, 
mais  ils  sont  surtout  consommes  sur  place.  Les  lapins  pro- 
duits dans  le  Nord  et  le  Pas-de-Calais  sont  en  grande  partie 
exportés  en  Angleterre.  A.  Larbalétrier. 

m.  Chasse  (V.  Chasse). 

IV.  Droit  administratif.  —  Aux  termes  de  la  loi  du 
3  mai 4 844,  le  préfet  de  chaque  département  détermine,  par 
un  arrêté,  les  espèces  d'animaux  malfaisants  ou  nuisibles  que 
les  propriétaires  ou  fermiers  peuvent,  en  tout  temps,  détruire 
sur  leurs  terres.  Il  résulte  de  la  discussion  de  la  loi  que 
les  lapins  doivent  être  compris  dans  cette  catégorie  et 
peuvent,  par  conséquent,  figurer  dans  la  liste  dressée  par 
le  préfet.  Le  préfet  fixe  également  les  conditions  d'exer- 
cice de  ce  droit  et  le  maire  prend  les  mesures  nécessaires 
pour  assurer  la  destruction  des  animaux  considérés  comme 
nuisibles  (L.  5  avr.  1884,  art.  90,  n°  9).  Le  maire,  en 
vue  de  la  salubrité  publique,  peut  défendre  d'élever  des 
lapins  dans  les  villes  (Cass.,  l®""  juil.  1808),  et  l'ordon- 
nance de  police  du  3  déc.  1829  interdit,  d'une  manière 
générale,  d'en  avoir  dans  l'intérieur  des  habitations.  On 
peut  donc  en  élever  seulement  dans  les  cours  et  enclos 
situés  soit  hors  des  villes,  soit  dans  les  villes,  pourvu  que, 
dans  ce  dernier  cas,  il  n'existe  aucun  arrêté  prohibitif. 
Les  lapins  de  garenne  placés  sur  un  fonds  par  le  proprié- 
taire, pour  le  service  et  l'exploitation  de  ce  fonds,  sont 
immeubles  par  destination  (C.  civ.,  art.  524).  Le  proprié- 
taire est  responsable  des  dégâts  que  ces  animaux  peuvent 
causer  aux  propriétés  voisines.  Quand  un  lapin  passe  dans 
une  autre  garenne,  il  appartient  au  propriétaire  de  cette 
garenne,  à  moins  qu'il  n'ait  été  attiré  par  fraude  ou  arti- 
fice, auquel  cas  le  délinquant  est  puni  comme  voleur  (id.^ 
art.  564;  C.  pén.,  388).  Jules  Forestier. 

V.  Art  culinaire.  —  Le  lapin  se  prépare  de  plusieurs 
manières  :  1*^  Dépouillé  et  vidé,  mais  en  y  laissant  le  foie, 
il  est  passé  sur  de  la  braise  ardente,  puis  piqué  sur  le  dos 
de  fins  lardons  assaisonnés  et  mis  à  cuire  à  la  broche  pen- 
dant une  demi-heure  environ.  2«  On  fait  une  gibelotte  de 
lapin  en  le  faisant  sauter,  pendant  sept  à  huit  minutes, 
coupé  en  morceaux  de  4  à  5  centim.  dans  une  casserole  où 
on  a  fait  revenir  du  petit  lard  dessalé  du  volume  d'un  dé. 
On  saupoudre  de  farine  tout  en  remuant  et  on  ajoute  par- 
ties égales  de  vin  blanc  et  de  bouillon,  sel,  poivre,  bouquet 
garni.  Après  vingt-cinq  minutes  de  cuisson,  on  ajoute 
des  champignons  blanchis  et  on  laisse  mijoter  quelques 
instants  avant  de  servir.  3<*  On  apprête  le  lapin  sauté 
en  passant  au  beurre  du  persil,  une  ou  deux  échalottes, 
des  champignons,  le  tout  haché  finement.  On  y  place  l'ani- 
mal coupé  en  morceaux  d'égale  grosseur  avec  assaisonne- 
ment de  sel,  poivre,  bouquet  garni,  un  verre  de  vin  blanc. 
On  laisse  cuire  vingt  à  vingt-cinq  minutes,  puis  on  ajoute  à 
la  sauce  le  jus  d'un  citron  e't  un  morceau  de  beurre  frais.  — 
La  chair  du  lapin  de  garenne  est  supérieure  et  préférable  à 
celle  du  lapin  domestique,  mais  on  peut  donner  à  celui-ci  le 
fumet  particulier  qui  distingue  le  premier  en  le  nourrissant, 
pendant  une  quinzaine  de  jours  avant  de  le  tuer,  de  plantes 
aromatiques,  mêlées  à  du  son,  de  l'orge  ou  de  l'avoine. 

LAPIS-Lazuli  (Miner.).  Le  lapis-lazuli  ou  outremer 
et  une  roche  complexe  qui  doit  sa  belle  couleur  bleue  à 


un  minéral  spécial,  la  lazurite,  souvent  associée  à  de  la 
haûijne.  Ces  deux  minéraux  sont  accompagnés  de  pyroxène 
diopside  non  ferrifère,  d'une  amphibole  blanche  (Kokaha- 
roffite),  de  mica  muscovite,  de  calcite,de  pyrite,  parfois  de 
napohte,  de  feldspath,  d'apatite,  de  sphène,  de  zircon,  etc. 
Cette  roche  est  utilisée  pour  l'ornementation  ;  on  la  trouve 
au  milieu  de  calcaires,  dans  la  vallée  de  la  Kokchn,  affluent 
de  rOxus.  Elle  s'y  présente  sous  trois  variétés  :  l'une  d'un 
bleu  indigo  {nili),  une  autre  bleu  clair  {asmani),  alors 
que  la  troisième  est  verte  (sabzi)  ;  elle  existe,  en  outre, 
en  divers  points,  au  S.  du  lac  Baïkal,  dans  les  Andes  du 
Chili  ;  enfin  le  lapis-lazuli  a  été  trouvé  en  petite  quantité 
dans  les  blocs  de  projection  de  la  Sam  ma  et  du  Latium. 
Dans  tous  les  cas,  c'est  un  produit  de  métamorphisme. 

La  lamrite  est  cubique  ;  elle  se  présente  généralement 
en  rhombododécaèdres,  possédant  un  clivage  difficile  paral- 
lèlement à  leurs  faces.  La  dureté  est  de  5,  la  densité 
de  2,38  à  2,45.  D'après  les  dernières  recherches  de 
MM.  Brôgger  et  Backstram,  la  lazurite  serait  essentielle- 
ment formée  par  le  composé  Na^[NaS%Al]AFSi30^^  avec 
parfois  de  la  chaux  et  un  peu  de  chlore.  Certaines  variétés 
(Chili)  deviennent  vertes  quand  on  les  chauffe  dans  le  tube 
et  redeviennent  bleues  par  le  refroidissement.  Au  chalu- 
meau, le  minéral  fond  facilement  en  se  boursouflant  et  en 
donnant  un  verre  incolore.  Décomposé  par  l'acide  chlor- 
hydrique  avec  dépôt  de  silice  gélatineuse  et  dégagement 
d'hydrogène  sulfuré.  A.  Lacroix. 

Le  lapis  est  employé  dans  la  joaillerie.  Réduit  en  poudre, 
il  constitue  le  bleu  d'outremer  des  peintres.  On  en  fait 
aussi  des  vases,  des  coupes  et  même  des  meubles. 

LAPIS  (Gaetano),  peintre  italien,  né  à  Caglil  (Ombrie), 
en  1704,  mort  en  1776.  Il  alla  étudier  à  Rome,  dans  l'ate- 
lier de  Sebastiano  Corico,  alors  en  pleine  célébrité.  Ses 
principaux  tableaux  sont  :  à  Carpi,  dans  la  catéhdrale,  la 
Nativité  et  la  Cène  ;  dans  les  autres  églises  plusieurs  Ma- 
dones, dont  il  a  su  varier  le  type  aveclngéniosité  ;  à  Pé- 
rouse,  dans  l'église  San  Bernardino,  la  Vierge  avec  saint 
Jean- Baptiste,  saint  André  et  saint  Bernardin.  Lapis 
a  également  peint  à  Rome  un  plafond  au  palais  Borghèse, 
la  Naissance  de  Vénus, 

LAPISSE  (Pierre  Belon),  baron  de  Sainte -Hélène,  gé- 
néral français,  né  à  Lyon  le  25  nov.  1762,  mort  le 
28  juil.  1809.  Il  fit  comme  soldat  d'infanterie  les  cam~ 
pagnes  d'Amérique  de  1780  à  1783,  Lieutenant  en  1789 
aux  chasseurs  corses,  il  lutta  contre  les  montagnards  ré- 
voltés et  devint  capitaine  en  1793.  Il  fit  avec  Bonaparte 
la  campagne  d'Italie,  puis,  passé  à  l'armée  d'IIelvétie,  il 
prit  une  part  glorieuse  à  la  bataille  de  Zurich,  qui  lui 
valut  le  grade  de  général  de  brigade.  Employé  à  l'armée 
d'Italie  après  Marengo,  il  eut  encore  l'occasion  de  faire 
apprécier  ses  services  sous  Masséna  et  Brune.  En  1806, 
il  se  distingua  en  s'em parant  de  Plousk  défendue  par  une 
division  russe.  Nommé  général  de  division  le  30  déc.  1806, 
il  continua  la  campagne  en  Pologne.  Napoléon  le  créa 
baron  de  l'Empire  en  1808  et  l'autorisa  à  ajouter  à  son 
nom  celui  de  Sainte-Hélène.  Envoyé  en  Espagne,  il  assista 
au  siège  de  Madrid  où  il  rendit  d'importants  services. 
Investi  des  fonctions  de  gouverneur  de  Léon,  le  général 
Lapisse  parvint,  par  sa  vigoureuse  attitude,  à  y  maintenir 
le  calme.  Il  combattit  ensuite,  avec  le  dévouement  le  plus 
héroïque,  à  la  bataille  de  Talavera  de  la  Reina  où  il  fut 
blessé  mortellement.  E.  Bernard. 

LAPISSE  (Anne-Pierre-Nicolas),  général  français,  né 
à  Rocroy  le  23  mars  1773,  mort  à  Laneu ville  (Meuse) 
le  24  févr.  1850.  Sous-lieutenant  à  l'école  de  Mézières 
en  1792,  il  fut  choisi  comme  aide  de  camp  par  le  géné- 
ral Bouchet  avec  lequel  il  fit  les  campagnes  de  1792  et 
de  d793;  il  assista  aux  sièges  de  Namur  et  de  Breda. 
Enfermé  dans  Valenciennes,  il  y  fut  blessé.  Après  la  capi- 
tulation de  cette  place,  il  vint  à  Paris  ;  mais,  arrêté  par 
ordre  du  comité  de  Salut  public  qui  attribuait  à  la  trahison 
la  reddition  de  la  ville  aux  alliés,  il  ne  dut  la  vie  qu'aux 
événements  du  9  thermidor.  De  4795  à  1810,  il  fut  chargé 


945 


LAPÏSSE  —  LAPLâCE 


de  nombreux  travaux  de  fortifications  en  Hollande,  Bel- 
gique et  Piémont  :  il  était  colonel  du  génie  à  Mayeïice 
pendant  le  blocus  de  cette  place  en  1814.  Il  fut  nommé 
maréchal  de  camp  en  1831.  E.  Bernard. 

LAPITH  ES.  Peuple  légendaire  de  ia  Thessalie,  célèbre  par 
sa  lutte  contre  les  Centaures  (V.ce  nom).  Elle  éclata  aux 
noces  de  leur  roi  Piritlioiis,  filsd'Ision;  les  Centaures  suc- 
combèrent. Mais  bientôt  après  Héraclès  extermina  les  La- 
pithes.  On  rattachait  ceux-ci  à  un  héros  éponyme,  Lapithès, 
fils  d'Apollon  et  frère  de  Centaurus.  On  les  appelait  aussi 
Phlégyens. 

LA  PLACE  (Pierre  dQ),Plateaniis  ou  a  Pk^m, juriscon- 
sulte, moraliste  et  historien  français,  né  à  Angoulème  vers 
1520,  mort  en  1572.  H  avait  été  nommé  avocat  du  roi,  puis 
président  à  la  cour  des  Aides,  sous  Henri  II.  Après  la  mort 
de  François  H,  il  fit  ouvertement  profession  de  la  religion 
réformée  (1560).  Lorsque  la  première  guerre  de  religion 
éclata,  il  fut  chassé  de  Paris  et  se  réfugia  en  Picardie.  Après 
la  conclusion  de  la  paix,  Charles  IX  le  rétablit  dans  ses 
fonctions  (1563).  Il  en  fut  destitué  de  nouveau  lors  de  la 
seconde  guerre.  Quand  la  paix  de  Saint-Germain  eut  été 
signée,  sa  charge  lui  fut  rendue  (1570).  Il  fut  assassiné 
dans  la  journée  qui  suivit  la  nuit  de  la  Saint-Barthélémy 
(25  août  1572).  —  Œuvres  :  Paraphrasis  intUulos  Ins- 
tituiionum  imperalium  de  aciionibus,  excepUonibus  et 
interdictis  (Paris,  1548,  in-4);  Traicté  de  la  vocation 
et  manière  de  vivre  à  laquelle  chacun  est  appelé  (Pa- 
ris, 1561,  in-4),  réimprimé  sous  le  titre:  Discours  poli- 
tiques sur  la  voie  d'entrer  deuement  aux  estais  et  la 
manière  de  constamment  s'y  maintenir  et  conserver 
(Paris,  1574,  in-8)  ;  Traicté  du  droict  usage  de  la  philo- 
sophie morale  avec  la  doctrine  chrestienne{?dns,  1562, 
in-8  ;  Leyde,  1658,  in-d2)  ;  Commentaires  de  restât  de 
la  religion  et  de  la  république  sous  les  rois  Henri  II, 
François  II,  Charles  IK  (s.  L,  1565,  in-8,  2  éd.  en  la 
même  année)  (cet  ouvrage,  écrit  avec  une  modération  et 
une  impartialité  fort  rares  alors,  a  été  inséré  dans  la  plu- 
part des  collections  de  mémoires  sur  l'histoire  de  France  ; 
il  a  été  traduit  en  latin)  ;  Traicté  de  l'excellence  de 
Vhomme  chrétien  et  manière  de  le  cognoistre  (s.  1., 
1575,  in-8  ;  1581 ,  in-12):  application  sévère  de  la  doctrine 
calviniste  sur  l'élection  et  la  prédestination.     E.-H.  V. 

BiBL.  :  Eug.  et  Em.  Haag,  la  France  protestante  ;  Paris, 
1846-58,  10  voL  in-8. 

LA  PLACE  (Josué),  latinisé  en  Placeus,  dogmatiste  ré- 
formé, né  en  Bretagne  vers  1605,  mort  à  Saumur  le  1 7  août 
1665.  Dès  la  fin  de  ses  études,  il  enseigna  la  philosophie 
à  Saumur,  fut  ensuite  pasteur  à  Nantes  de  1625  à  1633, 
quand  on  le  rappela  comme  professeur  de  théologie  à  l'Aca- 
démie de  Saumur,  dont  il  représentait  les  opinions  libérales. 
Son  nom  est  attaché  à  la  controverse  sur  l'imputation  du 
péché  originel.  Avec  une  remarquable  pénétration  logique, 
La  Place  rejetait  l'imputation  du  péché  actuel  d'Adam  aux 
descendants  de  celui-ci  ;  il  n'admettait  pour  les  descendants 
d'Adam  qu'une  corruption  de  l'équilibre  moral  premier, 
c.-à-d.  un  penchant  au  mal.  Il  nomme  cela  l'imputation 
indirecte.  Cette  opinion  -fut  condamnée  par  le  synode  de 
Charenton  en  1645,  et  définitivement  écartée  par  la  For- 
mula consensus  de  1675,  qui  est  l'expression  du  calvi- 
nisme non  mitigé.  Pour  l'analyse  des  écrits  de  La  Place 
publiés  à  Franeker  (1699  et  1703,  2  vol.  in-4),  V.  la 
France  protestante,  t.  VI,  pp.  310  et  suiv.     F. -H.  K. 

LA  PLACE  (Pierre-Antoine  de),  littérateur  français,  né 
à  Calais  en  1707,  mort  en  1793.  Collaborateur  du  Mer- 
cure, il  a  laissé  une  infinité  d'ouvrages,  la  plupart  des 
plus  médiocres.  Citons  :  Adèle,  comtesse  de  Ponthieu 
(Paris,  1758,  in-i2),  tragédie  en  cinq  actes,  jouée  sur 
Tordre  formel  du  duc  de  Richelieu  ;  Amusements  d'un 
convalescent  (1761,  in-8);  les  Désordres  de  l'amour 
(1768,  2  vol.  in-12);  les  Forfaits  de  l'intolérance 
sacerdotale  (1791,  in-8)  ;  Jeanne  Gray  (1781,  in-8), 
tragédie;  Recueil  d'épitaphes  (1782,3  vol.);  Venise 
sacrée  {M^ial,  in-8),  tragédie.  On  a  donné  une  édition, 

GRANDE    ENCYCLOPÉDIE.    —    XXL 


d'ailleurs  incomplète,  de  son  Théâtre  (Paris,  1783,  in-8). 

LAPLACE  (Pierre-Simon,  marquis  de),  géomètre  et  as- 
tronome français,  né  à  Beaumont-en-Auge  (Calvados)  le 
23  mars  1749,  mort  à  Paris  le  5  mars  'l827.  Fils  d'un 
pauvre  cultivateur,  il  eut  la  faiblesse,  une  fois  parvenu  aux 
honneurs,  de  vouloir  cacher  cette  humble  origine;  aussi 
ne  sait-on  que  peu  de  chose  sur  son  enfance,  dont  il  évi- 
tait de  parler.  Probablement  placé  au  collège  de  Caen  par 
des  personnes  charitables,  il  en  revint  pour  suivre,  comme 
externe,  les  cours  de  l'Ecole  militaire  étaWie  dans  l'ancien 
prieuré  de  son  village  natal.  Il  excellait  alors,  paraît-il, 
dans  les  controverses  théologiques  (ce  qui  a  fait  supposer 
à  quelques  biographes  qu'il  se  destinait  à  la  prêtrise)  ; 
mais  son  étude  de  prédilection  était  déjà  celle  des  mathé- 
matiques, et  il  les  professa  quelque  temps,  d'élève  passé 
maître,  à  l'école  de  Beaumont.  Puis  il  se  rendit  à  Paris,  où 
d'Alembert,  enthousiasmé  par  une  lettre  qu'il  lui  écrivit  et 
qui  traitait  des  plus  hautes  questions  de  mécanique,  le  fit 
nommer  presque  aussitôt  professeur  de  mathématiques  à 
l'Ecole  militaire.  Il  avait  à  peine  vingt  ans.  En  1773,  à 
vingt-quatre  ans,  il  entra  comme  adjoint  mécanicien  à  l'Aca- 
démie des  sciences  et,  en  1785,  il  y  remplaça  Leroy  comme 
pensionnaire  de  la  classe  de  mécanique.  Un  an  auparavant, 
en  1784,  il  avait  succédé  à  Bezout  comme  examinateur  des 
élèves  du  corps  royal  d'artillerie.  Il  devint  ensuite  profes- 
seur d'analyse  à  l'Ecole  normale  (1794),  membre  (1795) 
et  plus  tard  président  du  Bureau  des  longitudes,  membre 
de  ia  section  de  géométrie  du  nouvel  Institut  de  France 
(1795),  président  de  la  commission  de  réorganisation  de 
l'Ecole  polytechnique  (1816),  membre  de  l'Académie  fran- 
çaise (1816).  Toutes  les  académies  et  sociétés  savantes  de 
l'Europe  se  l'étaient  en  outre  associé.  Malheureusement,  il 
no  sut  pas  se  contenter  d'être,  avec  Lagrange,  le  plus  illustre 
mathématicien  de  son  temps.  Egaré  par  une  inquiète  am- 
bition, il  ne  recula,  pour  se  ménager  les  faveurs  du  pou- 
voir, devant  aucune  adulation  et,  comme  il  vécut  à  une 
époque  tourmentée,  il  offrit  le  triste  spectacle  d'une  sou- 
plesse et  d'une  versatilité  politiques  qui  touchaient  de  bien 
près  à  la  serviUté  et  dont  on  trouve  la  trace  jusque  dans 
les  préfaces  de  ses  ouvrages,  modifiées  à  chaque  change- 
ment de  régime.  Il  avait  d'abord  fait  montre,  durant  la 
période  révolutionnaire  et  aux  débuts  du  Directoire,  d'un 
ardent  républicanisme.  Après  le  18  brumaire,  Bonaparte, 
qu'il  avait  aidé  pour  la  formation  delà  commission  d'Egypte, 
lui  confia  le  portefeuille  de  l'intérieur.  Il  dut,  il  est  vrai, 
le  lui  retirer  au  bout  de  six  semaines.  «  Administrateur 
plus  que  médiocre,  Laplace  cherchait,  dit-il,  des  subtilités 
partout  et  portait  dans  les  affaires  l'esprit  des  infiniment 
petits.  »  Mais  il  lui  donna  en  compensation  un  siège  au 
Sénat  (1799),  dont  il  devint  en  1803  vice-président  et 
chancelier,  et  il  lui  conféra,  en  même  temps  que  beaucoup 
d'autres  distinctions,  le  titre  de  comte  (1806).  Laplace  n'en 
signa  pas  moins  en  1814  l'acte  de  déchéance  et  protesta, 
l'un  des  premiers,  de  son  dévouement  à  Louis  XVIIl,  qui 
le  fit  pair  de  France  et  marquis  (1817).  Cette  conduite  lui 
aliéna,  jusque  dans  le  sein  même  de  l'Académie  des  sciences, 
de  nombreux  esprits  ;  les  libéraux  surtout  ne  le  ména- 
gèrent pas  dans  leurs  attaques,  d'ailleurs  souvent  injustes, 
et  il  ne  fallut  rien  moins  que  son  incomparable  génie  pour 
que  son  renom  scientifique  n'en  fût  pas  amoindri.  H  passa, 
très  retiré,  la  plus  grande  partie  de  ses  dernières  années 
dans  sa  maison  de  campagne  d'Arcueil,  contiguë  à  celle  de 
BerthoUet.  Il  succomba  à  une  courte  maladie,  à  soixante- 
dix-huit  ans,  un  siècle,  presque  jour  pour  jour,  après  New- 
ton. (Quelques  semaines  auparavant,  au  mois  dejanv.  1827, 
il  avait  donné  au  gouvernement  une  dernière  marque  de 
déférence  en  se  séparant  bruyamment  de  ses  collègues  de 
l'Académie  française  qui  proposaient  l'envoi  d'une  adresse 
de  protestation  contre  le  projet  de  loi  sur  la  répression  des 
délits  de  presse. 

C'est  par  un  remarquable  mémoire  présenté  en  1772  à 
l'Académie  des  sciences  et  intitulé  Sur  les  Solutions  par- 
ticulières des  équations  différentielles  et  sur  les  iné- 

60 


LAPLACE  —  946 

galités  séculaires  des  planètes  que  Laplace  préluda  à 
l'admirable  série  de  travaux  qui  a  abouti  à  la  composi- 
tion de  son  immortel  chef-d'œuvre,  le  Traité  de  méca- 
nique céleste  (Paris,  1799-1825,  5  vol.  in-4;  2^  édit,, 
18^29-39;  trad.  angl.  et  allem.).  Cet  ouvrage,  que  Fou- 
rier  a  qualifié  à'Almageste  du  xviii'^  siècle  et  qui,  s'il  n'est 
appelé  à  surpasser  eu  longévité  le  livre  de  Plolémée,  oiï're, 
à  tout  le  moins,  un  caractère  beaucoup  plus  personnel,  ré- 
sume, en  un  corps  de  doctrine  homogène,  toutes  les 
recherches  entreprises  depuis  Newton  pour  arrivera  expli- 
quer, à  l'aide  du  seul  principe  de  la  gravitation  universelle, 
les  différents  phénomènes  astronomiques  ;  il  donne  en  outre 
les  raisons  des  inégalités  des  mouvements  célestes;  il  con- 
tient enfin  la  solution  de  problèmes  et  de  difficultés  de 
toutes  sortes.  Il  est  divisé  en  deux  parties  et  en  seize  livres. 
La  première  partie  (livres  1  à  V)  forme  la  matière  des  deux 
premiers  volumes,  parus  en  1799.  Laplace  y  démontre 
sans  hypothèse  et  eu  partant  des  principes  généraux  de 
l'équilibre  et  du  mouvement  de  la  matière  que  la  gravita- 
tion universelle  n'est  qu'un  cas  particulier  de  la  pesanteur. 
Il  formule  ensuite  les  expressions  générales  des  mouve- 
ments de  translation  et  de  rotation  des  corps  pesants,  celles 
de  leurs  figures  ;  il  en  déduit  l'explication  des  marées,  de 
la  précession  des  équinoxes,  de  la  hbration  de  la  lune,  de 
la  rotation  des  anneaux  de  Saturne,  des  grandes  inégalités 
des  planètes,  principalement  de  Jupiter  et  de  Saturne,  et  il 
trouve,  entre  les  mouvements  moyens  et  entre  les  longi- 
tudes des  trois  premiers  satellites  de  Jupiter,  deux  rela- 
tions simples,  qui  sont  connues  sous  le  nom  de  lois  de 
Laplace  et  que  l'on  énonce  ainsi  :  L  La  somme  du  mou- 
vement moyen  du  premier  satellite  et  du  double  de  celui 
du  troisième  est  exactement  égale  au  triple  de  celui  du 
second.  IL  La  somme  delà  longitude  moyenne  du  premier 
satellite  et  du  double  de  celle  du  troisième,  diminuée  du 
triple  de  celle  du  second,  est  exactement  égale  à  180*^. 
La  deuxième  partie  du  traité  (livres  Vi  à  XVI)  comprend 
les  trois  derniers  volumes,  parus  en  1802,  en  1805  et  en 
1823-25.  Jillle  est  surtout  consacrée  à  la  perfection  des 
tables  astronomiques.  Elle  a  été  la  base  des  célèbres  tra- 
vaux de  Bouvard,  de  Delambre  et  de  Le  Verrier.  Les  per- 
turbations du  mouvement  des  planètes  et  des  comètes  au- 
tour du  Soleil,  de  la  Lune  autour  de  la  Terre,  des  autres 
satellites  autour  de  leurs  planètes,  y  sont  soumises,  malgré 
la  complication  extraordinaire  du  sujet,  à  l'analyse  la  plus 
rigoureuse,  et  deux  propositions  d'une  importance  capitale 
y  sont  pour  la  première  fois  mises  en  lumière  et  érigées 
en  principes  :  l'invariabilité  des  moyennes  distances  des 
planètes  au  Soleil  et  la  stabilité  indéfinie  du  système  pla- 
nétaire. La  théorie  de  la  Lune,  dont  traite  exclusivement  le 
septième  livre,  est  aussi  parmi  les  chapitres  les  plus  re- 
marquables de  l'ouvrage.  Plus  heureux  qu'Euler,  que 
Lugrange,  que  d'Alembertet  que  liernoulii,  l'auteur  avait 
reconnu  en  1787  la  véritable  cause  de  l'équation  séculaire 
de  notre  satelfite  :  l'action  du  soleil  combinée  avec  la  va- 
riation de  l'excentricité  de  l'orbite  terrestre.  L'étude  des 
perturbations  lunaires  lui  fournit  une  multitude  d'autres 
découvertes;  il  en  déduisit  notamment  la  mesure  de  la  dis- 
tance de  la  Terre  au  Soleil  et  celle  de  son  aplatissement. 
Cet  impérissable  monument,  l'une  des  productions  les 
plus  merveilleuses  et  les  plus  considérables  de  la  science 
moderne,  ne  constitue  pas  toute  l'œuvre  de  Laplace.  Ses 
travaux  en  analyse  pure,  quoique  d'importance  moindre, 
sont  également  de  tout  premier  ordre,  et  sa  Théorie  ana- 
lytique des  probabilités  (Paris,  1812,  in-4  ;  3''  éd.,  1820) 
en  fait  le  digne  rival  de  son  contemporain  Lagrange,  avec 
lequel  il  offre,  du  reste,  bien  des  points  de  ressemblance. 
C'est  dans  ce  livre,  unique  en  son  genre,  mais  d'une  lec- 
ture des  plus  difficiles,  que  se  trouve  exposée  sa  théorie  des 
fonctions  génératrices  (V.  Gî^nérâtuice,  t.  XVlll,  p.  720). 
Ses  autres  découvertes  purement  analyticiues  ont  trait  au 
théorème  de  d'Alembert  sur  la  forme  des  équations  algé- 
briques, dont  il  a  donné  la  première  démonstration  com- 
plète, aux  équations  aux  différences  mêlées,  qu'il  a  ima- 


ginées, aux  méthodes  d'intégration  des  équations  aux 
différences  partielles,  qu'il  a  perfectionnées,  à  la  théorie 
des  séries,  etc.  Il  s'est  enfin  beaucoup  occupé  de  physique, 
et  ses  recherches,  généralement  théoriques,  sur  les  réfrac- 
tions astronomiques,  sur  les  phénomènes  capillaires,  sur  la 
mesure  barométrique  des  hauteurs,  sur  la  vitesse  du  son, 
sur  la  dilatation  des  solides  et  sur  les  vapeurs  (ces  der- 
nières en  commun  avec  Lavoisier),  sur  les  actions  molé- 
culaires, sur  les  propriétés  statiques  de  l'électricité,  eussent 
suffi  à  lui  assurer  la  célébrité.  11  n'a  fait,  relativement,  que 
très  peu  d'astronomie  pratique. 

Outre  les  deux  ouvrages  tondamentaux  cités  au  cours  de 
cette  notice,  il  a  publié  à  part  :  Ttiéorie  du  mouvement 
et  de  la  figure  elliptique  des  planètes  (Paris,  1784,  in-4); 
Théorie  des  attractions  des  sphéroïdes  et  de  ta  figure 
des  plaîiètes  (Paris,  1785,  in-4)  ;  Exposition  du  sys- 
tème du  monde  (Paris,  1796,  2  vol.  in-8  ;  6«  éd.,  1835, 
in-4),  sorte  de  traduction  anticipée  en  langue  vulgaire, 
sans  formules  analytiques  ni  calculs,  du  Traité  de  méca- 
nique céleste^  dont  les  premiers  volumes  devaient  paraître 
trois  ans  plus  tard;  Essai  philosophique  sur  les  proba- 
bilités (Paris,  1814,  in-8;  6«  éd.,  1840),  qui  est  à  la 
Théorie  des  probabilités  ce  que  V Exposition  du  système 
du  monde  est  à  la  Mécanique  céleste.  Quant  aux  70  mé- 
moires et  articles  qu'il  a  fait  paraître  à  partir  de  1772  dans 
les  recueils  de  l'Académie,  dans  celui  de  la  Société  d'Ar- 
cueil,  dans  le  Journal  de  V Ecole  polytechnique,  dans  la 
Conyiaissance  des  temps,  etc.,  et  dont  les  plus  impor- 
tants se  trouvent  reproduits  et  développés  dans  la  Méca- 
nique céleste,  nous  renvoyons,  pour  leurs  titres,  au  dic- 
tionnaire de  Poggendorff  ou  au  Catalogue  of  scientific 
papers  (V.  ci-dessous  Bibl.  ),  qui  en  donnent  la  liste  à  peu 
près  complète.  —  Une  loi  du  15  juin  1842  a  ordonné  une 
première  édition  d'ensemble,  aux  frais  de  l'Etat,  des  OEu- 
vres  de  Laplace  (Paris,  1843-48,  7  vol.  in-4).  Outre 
qu'elle  est  hmitée  aux  principaux  ouvrages,  elle  renferme 
beaucoup  d'incorrections.  Une  nouvelle  édition,  qui  doit 
comprendre  treize  volumes,  dont  six  de  mémoires,  et  qui  est 
intitulée  Œuvres  complètes,  est  en  cours  de  publication 
(Paris,  1878-94, 10  vol.  in-4)  ;  la  rédaction  et  l'impression, 
très  soignées,  sont  dirigées  et  surveillées  par  MM.  Puiseux, 
llouel.  Tisserand,  sous  les  auspices  de  l'Académie  des 
sciences  ;  la  dépense  sera  couverte,  partie  par  un  legs  de 
70,000  fr.  fait  parle  fils  de  Laplace  (V.  le  suivant),  par- 
tie par  un  don  de  M"'^'  la  marquise  de  Colbert,  sa  petite- 
fille.  Léon  Sagnet. 

Bibl  :  Discours  aux  funérailles  de  Laplace^  dans  le 
Monit.  univ.  du  20  mars  1827,  suppl.  ~  Fourier,  Eloge 
historique  de  Laplace,  lu  à  la  séance  de  TAcadémie  des 
sciences  du  15  juin  1829.  ~  Kaufmann,  Laplace  ;  Paris, 
1841,  in-4.  —  Arago,  Rapport  à  la  Chambre  des  députés, 
dans  le  Monit,  univ.  du  18  mai  1842.  ~  L.  Puiseux,  No- 
tices scientifiques;  Caen,  1847,  in-l2.  —  J.-B.  Bior,  Une 
Anecdote  relative  à  M.  Laplace,  dans  le  Journ.  des  sav., 
1850,  p.  05.  ~  L  ToDïivisrFAi/Hislory  ofthe  tkcory  of  pro- 
babil ily^lSiJb. —  Da  inôiiie,  Treatise  on  the  Laplace' s b\inc- 
tions,  1875.  ~  Edm.  Dubois,  Résumé  amUytiqne  de  la 
théorie  des  marées  ;  Paris,  1885,  in-8.  —  J.  Bertrand,  la 
Théorie  des  probabilités  de  Laplace,  dans  le  Journ.  des 
sav.,  1887,  p.  080.—  F.  Kerze,  Weitere  Ausbildung der  La- 
place'schen  NebularhypoUiese ;  Leipzig^  1890,  in-8.  —  Ca- 
talogue of  scientific  papers,  publié  par  la  Société  royale 
do  Londres,  1869,  t.  III.  ~  Poggendoref,  Biogr.-LÏter. 
Hand.\çœrterbuch  ;  Leipzig,  1863,  t.  I. 

LAPLACE  (Lharles-Emilc-Pierre-Josepfi,  marquis  de), 
général  et  homme  politique  français,  né  à  Paris  le  15  avr. 
1789,  mort  à  Paris  le  30  oct.  1874,  fils  du  précédent. 
Ancien  élève  de  l'Ecole  polytechnique,  il  fit,  à  partir  de 
1809  comme  officier  d'artillerie,  les  dernières  campagnes 
de  l'Empire,  entra  par  droit  héréditaire  à  la  Chambre'  des 
pairs  en  1817,  se  rallia  en  1830  à  la  monarchie  do  Juil- 
let, qui  le  fit  maréchal  de  camp  (1837),  puis  lieutenant 
général  (1843)  et,  après  le  coup  d'Etat  du  2  déc.  1851, 
accoptn  également  le  second  lùnpire,  qui  lo  fit  sénateur  le 
31  doc.  1852.  il  rentra  dans  la  vie  privée  en  1870. 

Bibl.  :  Pi-éface  des  Œuvres  complètes  (édit.  1878)  de 
P. -S.  Labbace. 

LAPLACE  (Cyrille-Pierre-Théodore),  amiral  français,  né 


—  947  — 


LAP1.ACE  —  JAPOINTE 


en  mer  le  7  nov.  1793,  mort  à  Brest  le  22  jauv.  1875. 
Entré  dans  la  marine  en  1809,  il  devint  capitaine  de  vais- 
seau (1834)  et  contre-amiral  (1841)  à  la  suite  de  deux 
voyages  de  circumnavigation  demeurés  célèbres  dans  les  an- 
nales de  la  science,  obtint  le  grade  de  vice-amiral  en  1853 
et  fut  préfet  maritime  à  Brest  en  1857  et  1858,  époque  où 
il  se  retira  du  service  actif.  On  a  de  lui  deux  importants 
ouvrages  :  Voyage  autour  du  monde  'par  les  mers  de 
rhide  et  de  la  Chine  (1833-39,  5  vol.  in-8  avec  allas)  ; 
Campagne  de  circiimnavigatUm  de  la  frégate  VArté- 
mise  pendant  les  années  1837,  iS38,  i839  et  i840 
(1841-48,  B  vol.  in-8).  A.  Dedidour. 

LÀ  PLACETTE  (Josué),  moraliste  protestant,  né  à  Pon- 
tacq  le  19  janv.  1629,  mort  à  Utrecht  le  '25  avr.  1718. 
11  fut  pasteur  à  Orthez  de  1059  à  1663,  puis  à  Nay  jus- 
qu'en 1685.  Encore  avant  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes, 
il  alla  en  Allemagne  et  de  là  à  Copenhague,  où  il  exerça 
les  fonctions  pastorales  jusqu'en  1711  ;  à  cette  date,  il  se 
retira  chez  sa  fille  en  Hollande,  La  Placette  a  été  nommé 
le  Nicole  protestant;  il  est,  en  effet,  un  moraliste  distingué, 
parfois  aussi  un  casuiste  habile  ;  mais  l'élégance  de  Port- 
Royal  manque  au  réfugié.  Parmi  ses  nombreux  écrits,  dans 
lesquels  il  polémise  volontiers  contre  le  scepticisme  de  Bayle, 
et  dont  on  trouve  l'énumération  dans  la  France  proies- 
tanlc  (t.  Vï,  pp.  315-318),  il  suiïit  de  nommer  la  Morale 
chrétienne  abrégée^  etc.  (Cologne,  1695,  in-14;  4^  éd. 
à  Rotterdam,  1734).  E.-II.  K. 

LA  PLANCHE  (Louis  Régnier  de), homme  politique  et 
historien  français,  mort  vers  1580.  Comme  raestre  de  camp 
d'un  régiment  d'infanterie,  il  s'attacha  au  lils  aîné  du  con- 
nétable de  Montmorency  et  le  servit  contre  les  Guises.  11 
est  Fauteur  de  V Histoire  de  l' estât  de  France,  tant  de 
la  république  que  de  la  religion  sous.,,  François  H 
(s.  1.,  1576,  in-8;  réédité  à  Paris,  1836,  2  vol.  in-8), 
un  récit  de  témoin  oculaire,  vigoureusement  pensé  et  écrit, 
abondant  en  renseignements  détaillés  et  pittoresques,  et  ren- 
fermant un  grand  nombre  do  pièces  intéressantes. 

LAPLANCHE  (Goyre  de)  (V.  Goyre). 

LA  PLATA  (V.  Plata  [La]). 

LAPLEAU.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr. 
de  Tulle,  non  loin  des  gorges  de  la  Luzège  ;  1,012  hab. 

BiBL.  :  René  Fage,  Excursions  limousines  :  de  Tulle  à 
Ussel,  1880. 

LA  PL  LIME.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  Lot-et-Garonne, 
arr.  d'Agen;  1,413  hab.  Cette  ville  a  été  la  capitale  de 
l'ancienne  vicomte  de  Bruillois,  dont  le  territoire  s'éten- 
dait du  N.~E.  au  S.-E.,  depuis  la  Garonne  jusqu'à  la 
limite  de  la  juridiction  de  Nomdieu  (15  kil.).  La  position 
de  Laplume  sur  un  point  culminant,  un  coteau  isolé,  avec 
des  bancs  de  rochers  à  pic  formant  une  défense  naturelle, 
en  faisait  une  place  forte.-— Sur  le  territoire  de  Laplume, 
anciens  prieurés  de  Cazaux  et  de  Plaichac  ;  quelques  maisons 
fortes.  L'éghse,  (|ui  fut  fondée  en  1511,  est  ornée  de  cu- 
rieuses sculptures. 

BiBL.  :  D^'  d'Antiîs,  Une  Commune  gasconne  pendant 
les  guerres  de  religion^  d'après  les  archives  de  Laplume, 
dans  Revue  de  VÀgenais,  années  1898  et  1894. 

LAPO  (Jacopo,  dit),  architecte  du  xiii*^  siècle.  D'après 
Vasari,  un  architecte  allemand  de  ce  nom  serait  venu  en 
Italie  à  la  suite  de  Frédéric  II  et  aurait  construit  l'église 
San  Francesco,  à  Assise,  en  1228.  Cet  ouvrage  avait 
rendu  son  nom  célèbre  dans  toute  l'Italie  ;  appelé  aussitôt 
en  Toscane  par  les  seigneurs  et  les  magistrats  des  répu- 
bliques, il  y  aurait  bâti  une  foule  d'édifices  :  le  ])alais 
de  Poppi,  le  château  de  Pietramala,  le  palais  é[)is-- 
copal  d'Arezzo;  à  Florence  même,  il  aurait  jeté  deux 
ponts,  dessiné  le  modèle  des  églises  (aujourd'hui  dis- 
parues) de  San  Salviulore  del  Vescovado  et  de  San  Michèle 
a  Piazza  Padella,  bâti  le  palais  de  Podestà  (aujourd'hui  le 
Bargello),  pavé  les  rues  de  dalles  magnifiques.  Enfin,  il 
aurait  été  rappelé  en  Sicile  jmur  y  sculpler,  dans  la  cathé- 
drale de  iMonreaîe,  le  tombeau  de  son  premier  protecteur, 
Frédéric.  H  y  serait  mort,  laissant  un  fils,  Arnolfo,  qui 
fut  le  fameux  architecte  du  Dôme  de  Florence.  Tous  ces 


faits  doivent  être  considérés  comme  autant  de  fables.  Sans 
relever  en  détail  tous  les  anachronismes  de  ces  attributions 
et  rappeler  les  dates  certaines  de  beaucoup  des  monuments 
cités,  qui  ne  sont  pas  antérieurs  au  xiv^  siècle,  il  suffira 
de  remarquer  que  les  archives  d'Assise  n'ont  conservé  au- 
cune mention  d'un  Allemand  ou  même  d'un  «  Tedesco  » 
de  la  Valteiine  ou  du  Frioul.  La  construction  de  San  Fran- 
cesco a  été  dirigée  par  le  moine  italien  ou  peut-être  fran- 
çais Philippus  de  Campello,  et  le  style  en  est,  non  pas 
allemand,  mais  bourguignon.  t)uant  à  x4rnolfo,  il  eut 
pour  père,  non  le  légendaire  Lapo,  mais  un  certain  Cambio, 
comme  le  prouve  le  texte  d'un  privilège  donné  à  l'archi- 
tecte par  la  République  llorentine.  Il  ne  faut  donc  voir  dans 
Lapo  qu'une  sorte  de  personnification  mythique  de  l'archi- 
tecture gothique,  que  les  savants  du  xvi®  siècle  croyaient 
être  venue  d'Allemagne  enitahe,  alors  qu'elle  y  a  été  im- 
portée (le  fait  est  maintenant  démontré)  par  les  moines 
cisterciens  de  France.  —  11  a  bien  existé  un  autre  Lapo, 
architecte  et  sculpteur  florentin,  fils  de  Ciuccio  di  Cinto, 
mais  on  ne  sait  de  lui  qu'une  chose,  c'est  qu'il  travaillait 
en  1272  à  la  construction  du  Dôme  de  Sienne,  avec  ses 
frères  Donato  et  Goro.  E.  Bertaux. 

BiBL.  :  Vasari,  éd.  Milanesi,  t.  I,  pp.  281-283.  —  Gaye 
Carteggio  InedUo  d'Artisti;  Florence,  1839,  t.  L  --  C.  En- 
LART,  Origijies  françaises  de  Varckilecture  gothique  en 
Italie;  Paris,  1894,  in -8. 

LAPO  DA  Castiglioncuio,  jurisconsulte  et  philologue  ita- 
lien, né  à  Castiglionchio  (Toscane),  mort  à  Rome  en  1381. 
Il  fit  ses  études  à  l'université  de  Bologne  et  enseigna  le 
droit  avec  un  grand  éclat  à  Florence,  Barcelone  et  Padoue, 
Il  dut  à  sa  réputation  de  jurisconsulte  des  charges  ou  mis- 
sions importantes  :  il  fut  envoyé  comme  ambassadeur  par 
la  république  de  Florence  aux  papes  Urbain  V  et  Gré- 
goire XI,  et  aux  républiques  de  Gênes,  Lucques  et  Sienne  ; 
Charles  de  Duras,  roi  de  Naples,  le  choisit  pour  conseiller 
et  Urbain  Vî  le  nomma  avocat  consistorial  et  sénateur  de 
Rome.  Il  a  donné  des  ouvrages  de  droit  canon  fort  estimés  : 
Allegationes  juris  (dont  on  a  trois  éditions  du  xvi^'  siècle); 
De  Hospitalitate,  De  Canonica  portione.  Mais  il  nous 
est  surtout  connu  comme  humaniste  :  il  est  en  ell'et  l'une 
des  figures  les  plus  remarquables  de  la  Renaissance  ita- 
lienne. Ami  de  Pétrarque,  qui  eût  voulu  le  détourner  du 
droit  au  profit  des  lettres,  il  l'aida  dans  la  tâche  qu'il 
s'était  donnée  de  remettre  au  jour  les  classiques  latins  ;  il 
édita  les  Institutions  de  Ouintilien  et  quelques-uns  des 
Discours  de  Cicéron,  et  traduisit  en  latin  les  Caractères 
de  Théophraste,  une  partie  des  œuvres  de  Lucien  et  dTso- 
crate  et  ([ueh]ues  autres  auteurs  grecs.  On  n'a  édité  qu'une 
partie  de  ses  nombreux  manuscrits.  L'abbé  iVlehus  a  publié 
de  lui  en  1753  une  Epistola  en  italien,  fort  intéressante, 
en  l'accompagnant  de  notes  très  érudites.  G.  Mazzonj. 
BiBi,.  :  L.  Mkous,  Epistola  di  M.  L.  da  Castiglionchio, 
1753.  "-  Wesselofsky,  Introduzione  al  Pai'adiso  detpi 
Alberti;  Bologne,  1861. 

LAPOINTE-SÂiNT-SuLPici<:  (V.  Saint-Sulpice). 

LAPO I  NIE  (Savinien),  littérateur  français,  né  à  Sens 
(Yonne)  le  28  févr.  1811.  Fils  d'un  ouvrier  cordonnier 
qui  lui  enseigna  son  métier  et  mourut  à  l'hôpital,  il  prit 
part  aux  journées  de  Juillet  et  aux  insurrections  qui  trou- 
blèrent les  premières  années  du  règne  de  Louis-PhiUppe. 
Pendant  une  détention  à  Sainte-Pélagie,  il  compléta  de  son 
mieux  l'instruction  sommaire  qu'il  s'était  donnée  et  publia 
sous  le  patronage  de  Béranger,  de  Victor  Hugo  et  d'Eu- 
gène Sue,  diverses  poésies  réunies  plus  tard  sous  le  titre 
de  :  Une  Voix  d'en  bas  (1844,  in-8,  portrait).  Candidat 
malheureux  à  l'Assemblée  constituante  de  1848,  il  publia 
dans  les  journaux  démocratiques  les  Prolétariennes  et  ta 
Baraque  à  Polichinelle,  satires  inspirées  parles  idées  et 
les  événements  du  jour.  Il  a  donné  depuis  les  Echos  de  la 
rue  (18-'>2,  in-18),  dédiés  à  Déranger;  Il  était  une  fois, 
cmU's  du  foyer  (iHl'wl,  iu-:)2;  2«cd\,  1879,  in-18;  3^- éd., 
188G,  in-8);  kémoires  sur  Béranger  (1857,  in-18); 
Mes  Chansons  (1859,  in-32);  En  ce  temps-là,  contes 
(1888,  in-8,  ill.).  M.  Tx. 


LA  POIX  —  LAPONÏE 


—  948  — 


LA  POIX  (Edme  de)  (V.  Fréminville) . 

LA  POMARÈDE  (V.  Pomarède  [La]). 

LA  PONIMERAYE  (Pierre-Iïenri-Victor  Berdalle  de), 
littérateur  français,  né  à  Rouen  le  20  oct.  1839,  mort  à 
Paris  le  23  déc.  1891.  Après  de  brillantes  études  au  col- 
lège de  sa  ville  natale,  il  dut,  pour  raison  de  santé,  renon- 
cer à  l'Ecole  normale  à  laquelle  il  se  destinait  et  entra  dans 
les  bureaux  de  la  Préfecture  de  la  Seine  d'où  il  passa  au 
secrétariat  du  grand  référendaire  du  Sénat.  Lors  de  la  ré- 
organisation de  cette  assemblée  en  1876,  il  fit  partie  des 
secrétaires-rédacteurs  dont  il  devint  chef  adjoint  et  fut 
appelé  par  M.  Bardoux  à  occuper  la  chaire  d'histoire  et  de 
littérature  dramatique  au  Conservatoire.  Dès  1862,  La  Pom- 
meraye  s'était  fait  connaître  comme  conférencier  à  l'Asso- 
ciation polytechnique  et  aux  matinées  théâtrales  dont  il 
contribua  pour  une  large  part  à  répandre  le  goût.  Outre 
le  «  feuilleton  parlé  »  qu'il  avait  imaginé,  il  rédigea  la 
chronique  dramatique  du  Bien  public  (1871)  et  de  la 
France  (1874).  Quelques-unes  de  ses  études  ont  été  réu- 
nies en  volumes,  telles  que  :  sa  Critique  de  la  Visite  de 
noces  (de  Dumas  fils)  (1871,  in-18),  sa  Critique  de 
Francillon  (du  même)  (1887,  in-18):  Molière  et  Bos- 
sîiet.  Réponse  à  M.  Louis  Veuillot  (1867,  in-18),  etc. 

LAPON lE  (suédois  Lappmark^  russe  Laplandya). 
L  Géographie.  —  Région  septentrionale  de  l'Europe,  com- 
prenant le  N.  de  la  presqu'île  Scandinave,  le  N.  de  la  Fin- 
lande et  la  presqu'île  de  Kola  ;  on  admet  que  la  limite  mé- 
ridionale est  le  cercle  polaire.  Cette  limite  physique  ne 
coïncide  pas  avec  les  divisions  administratives  ni  avec  les 
divisions  ethnographiques.  La  Laponie  se  divise  entre  quatre 
Etats  :  la  Norvège,  la  Suède,  la  Finlande  et  la  Russie  ;  en 
Nor\ègc  ce  nom  est  appliqué  à  la  prov.  de  Finmark;  en 
Suède  à  cinq  districts  des  Isen  de  Norbotten  et  Wester- 
botten  (Ascle  ou  Angermanland,  Umeâ  ou  Lycksele,  Piteâ, 
Luleâ  et  Torneâ);  en  Finlande,  il  doit  l'être  à  la  fraction 
du  district  de  Torneâ-Lappmark  et  au  district  de  Kemi- 
Lappmark  enlevés  à  la  Suède  par  le  traité  de  Frederiks- 
hamn  (17  sept.  1809);  en  Russie  aux  districts  de  Kola 
et  de  Kem.  Ces  diverses  circonscriptions  dépassent  la  limite 
du  centre  polaire,  et  les  Lapons  nomades  ou  sédentaires  se 
rencontrent  en  grand  nombre  au  S.  de  cette  latitude.  La 
Laponie  norvégienne  dépasse  47,000  kil.  q.  ;  la  Laponie 
suédoise  en  a  environ  116,000,  la  Laponie  finlandaise  et 
russe  130,000.  La  plus  peuplée  est  la  partie  norvégienne 
(2  hab.  1/2  par  kil.  q.);  puis  la  suédoise  (1,2  hab.  par 
kil.  q.);  la  finlandaise  (0,4  hab.  par  kil.  q.)  et  enfin  la 
russe  (0,3  hab.  par  kil.  q.);  mais, surtout  dans  la  pre- 
mière, les  Lapons  ne  forment  qu'une  fraction  de  la  popu- 
lation totale.  On  trouvera  dans  les  art.  Scandinavie,  F[n- 
LANDE,  Russie,  la  description  physique  de  la  Laponie, 
d'autant  que  la  région  Scandinave  (jusqu'à  la  Tana)  mon- 
tagneuse diffère  sensiblement  de  la  Laponie  russe  sensi- 
blement moins  élevée.  Les  principaux  cours  d'eau  sont 
tributaires  du  golfe  de  Botnie,  la  Luleâ,  la  Piteâ,  la  Skel- 
lefteâ  etrUmeâ;  dans  Tocéan  Glacial,  bordé  de  hautes 
falaises  et  découpé  de  fjords  profonds  se  jettent  la  Tana, 
le  Pasvig,  déversoir  du  grand  lac  Enaré.  Les  lacs  sont  ex- 
trêmement nombreux.  Le  climat  est  très  rigoureux  ;  la 
moyenne  annuelle  à  l'intérieur,  autour  du  lac  Enaré,  est 
de  —  2^^  ;  le  long  des  cotes  norvégiennes  réchauffées  par 
le  gulf-stieam  elle  varie  de  -f-  14^  à  H-  2«  (au  S.  et  au 
N.  des  îles  Lofoten),  mais  c'est  là  une  situation  locale 
exceptionnelle  ;  cependant  la  mer  ne  gèle  jamais  le  long  des 
côtes  septentrionales  ;  à  l'intérieur  les  froids  dépassent  en 
hiver  —  40^  ;  il  gèle  encore  en  août  ;  l'été  ne  dure  que 
trois  mois  de  juin  à  août  et  septembre.  Dans  la  Laponie  sué- 
doise la  température  moyenne  est  de  —  2<*,5  en  octobre, 
—  17*^,0  en  janvier,  —  3°  en  avril.  H- 9^,7  en  juin, 
H- 15^,3  en  juillet  et  août.  H-  5*^,4  en  septembre.  Le  plus 
long  jour  et  la  plus  longue  nuit  durent  vingt-quatre  heures 
à  l'extrémité  S.  de  la  Laponie,  trois  mois  à  l'extrémité  N. 
La  flore  est  très  riche  ;  la  végétation  se  développe  très  vite, 
à  partir  du  mois  de  mai  ;  le  froment  et  les  fruits  ne  mûris- 


sent pas,  les  plantes  alimentaires  qui  parviennent  à  ma- 
turité sont  le  seigle,  l'orge,  la  pomme  de  terre,  la  fraise, 
le  myrtille,  l'airelle  rouge,  la  mûre  de  ronce.  Parmi  les 
arbres  les  plus  nombreux  sont  les  sapins,  pins  et  bouleaux 
au  S.,  puis  les  bouleaux  et  les  saules  au  N.  Les  forêts  ne 
sont  pas  très  vastes,  moins  que  les  tourbières.  La  faune 
comprend  l'ours,  le  glouton,  le  loup,  des  renards,  des 
loutres,  le  Uèvre,  l'écureuil,  l'hermine,  quelques  élans,  le 
renne  sauvage,  le  grand  et  le  petit  tétras,  les  lagopèdes, 
alpin  et  subalpin,  le  cygne,  plusieurs  palmipèdes,  un  seul 
reptile  {Lacerta  palus  tris),  une  foule  de  poissons,  etc. 
Les  animaux  ^domestiques  sont  le  renne  et  le  chien.  Le 
fléau  du  pays  est  l'abondance  des  moustiques  qui  pullulent 
dans  les  marais  et  tourbières  chauffés  par  le  soleil  durant 
les  longs  jours  d'été.  Pour  s'en  préserver  dans  leurs  hut- 
tes, les  Lapons  s'enferment  complètement.       A.-M.B. 

IL  Ethnographie.  —  En  ne  considérant  que  le  pays  in- 
grat qu'ils  habitent  et  qui  ne  fut  habitable  qu'à  une  époque 
géologiquement  toute  moderne,  on  reconnaît  de  suite  que 
les  Lapons  sont  les  derniers  descendants  d'un  ancien  peuple 
absorbé  et  refoulé.  Ils  diffèrent  par  leurs  caractères  de 
toutes  les  populations  qui  les  environnent.  Et  c'est  un  pre- 
mier point  qu'il  importe  avant  tout  de  bien  établir.  On  les 
a  confondus  avec  les  Finnois,  à  cause  de  leur  langue,  et 
c'est  même  eux  que  certains  anthropologistes  ont  décrits 
quelquefois  comme  les  représentants  du  type  finnois,  ce 
que  personne  d'ailleurs  ne  pourrait  faire  aujourd'hui.  Mais 
leur  situation  de  peuple  dépossédé  et  refoulé  suffirait  bien, 
à  défaut  d'autres  faits  patents,  à  prouver  que  ce  ne  sont 
pas  eux  qui  ont  imposé  leur  langue  aux  peuples  finnois  si 
importants  et  si  nombreux  naguère.  Entourés  depuis  des 
siècles  et  traversés  de  toutes  parts  par  les  colons  finlan- 
dais, c'est  de  ceux-ci,  au  contraire,  qu'ils  ont  dû  prendre 
le  fond  actuel  de  leur  vocabulaire.  Il  ne  faut  donc  plus 
parler  à  propos  d'eux,  comme  on  l'a  fait,  d'un  peuplement 
préhistorique  de  l'Europe  par  les  Finnois.  Ils  se  distinguent 
des  Finlandais  tout  d'abord  par  deux  caractères  très  appa- 
rents, bien  que  les  Finlandais  et  jusqu'aux  Ostiaks  aient  quel- 
ques traits  lapons  en  raison  de  métissages  anciens  comme  il 
s'en  fait  aujourd'hui  sous  nos  yeux  jusque  dans  l'extrême 
Nord.  (A  Wavangerfjord,  sur  1 ,900  âmes,  il  y  a  852  Finnois 
et  185  métis  finno-lapons.  A  Enaré,  il  n'y  a  que  600  Lapons 
sur  1,100  hab.  [Rabot.])  Ces  deux  caractères  sont  la  taille 
et  la  couleur  des  cheveux  et  des  yeux.  Ils  appartiennent 
au  groupe  des  races  les  plus  petites  (1"*52  ou  53  pour  les 
hommes,  1^45  pour  les  femmes),  alors  que  les  Finlandais 
sont  de  taille  moyenne  (1"^61)  et  comptent  parmi  eux, 
comme  d'autres  Finnois,  beaucoup  de  grandes  tailles  (  1  "^71  ). 
Leurs  cheveux  sont  noirs,  uniformément,  avec  des  yeux 
constamment  bruns,  tandis  que  chez  les  Finlandais,  lors- 
qu'il se  rencontre  des  cheveux  foncés,  leur  association  avec 
des  yeux  gris  bleu  ou  gris  clair,  des  barbes  rousses,  une 
peau  gris  blanc  parsemée  de  taches  de  rousseur  prouve 
bien  qu'ils  sont  dus  à  un  sang  étranger  au  fond  de  la  race. 
Ces  différences,  importantes  en  elles-mêmes,  sont  encore 
rehaussées  par  celles  plus  stables  encore  tirées  de  la  mor- 
phologie comparée  des  crânes.  Le  crâne  lapon,  en  etiet, 
nous  offre  un  des  types  les  plus  accentués  de  la  véritable 
brachycéphalie  (indice  céphafique  moyen  de  85  à  86).  On 
l'a  même  donné  d'abord  comme  le  plus  accentué;  alors  que 
les  Finlandais,  avec  leur  indice  moyen  de  80  chez  les  Ta- 
rastes  et  de  82  chez  les  Caréliens,  se  présentent  comme  un 
mélange  de  dolichocéphales  et  de  brachycéphales.  Le  crâne 
lapon  n'est  pas  seulement  large  et  court  par  réduction  des 
pariétaux,  il  est  bas.  Comparativement  à  sa  largeur,  c'est 
le  plus  bas,  bien  qu'il  soit  voisin,  sous  ce  rapport  et  sous 
d'autres,  des  Bas-Bretons.  Son  indice  de  hauteirr-largeur 
est  seulement  de  86  et  celui  du  crâne  finlandais  est  de  plus 
de  92.  Sa  capacité  est  très  grande,  eu  égard  surtout  à  la 
petite  stature  des  individus.  A.  Bertillon  a  trouvé  1 ,492  c.  c. 
pour  cinq  crânes  masculins  adultes,  alors  que  vingt  Pari- 
siens du  même  âge  ne  lui  ont  donné  que  1,490  c.  c.Mais, 
sous  ce  rapport,  les  Lapons  me  paraissent  avoir  subi  les 


949 


LAPONIE 


mêmes  influences  déterminantes  que  les  Finlandais  dont  la 
capacité  moyenne  est  de  4,533  à  1,596  c.  c.  Ils  se  sépa- 
rent enfin  encore  nettement  de  ceux-ci  par  le  nez  osseux, 
souvent  très  large  (indice  moyen,  50),  chose  rare  chez  les 
Finlandais,  leptorhiniens  (indice  de  44  à  47).  —  Devons- 
nous,  en  raison  même  de  ces  traits  distinctifs,  assimiler  les 
Lapons  aux  peuples  mongols,  et  admettre,  par  exemjde, 
qu'ils  sont  une  enclave  de  populations  asiatiques  donnant 
la  main  aux  Samoyèdes  de  chez  qui  on  les  a  fait  venir 
(d'après  leur  nom  de  Sabemi,  semblable  pourtant  au  Suomi 
des  Finlandais,  dans  le  sens  duquel  [landes]  certains 
[Maury,  Guillard]  ont  vu  la  désignation  des  loiindras)^. 
Les  Samoyèdes  (V.  ce  mot),  en  contact  bien  des  fois 
séculaire  et  en  mélange  avec  les  Ostiaks  et  autres  Finnois, 
ont  emprunté  à  ceux-ci  beaucoup  de  traits.  C'est  ainsi 
qu'en  moyenne  ils  sont  faiblement  brachycéphales  comme 
les  Finlandais  et  qu'on  rencontre  parmi  eux  quelques  yeux 
bleus  et  verts  (Zograf).  Mais  la  prédominance  du  sang 
mongoHque  chez  m\  est  tout  d'abord  évidente.  Leur  corps 
est  glabre,  leur  barbe  rare,  leurs  cheveux  toujours  gros  et 
raides,  leurs  orbites  souvent  très  hautes,  leur  peau  jaune. 
Chez  les  Lapons,  les  cheveux,  droits,  ne  sont  jamais  raides  ; 
le  nez  est  toujours  bien  saillant,  même  lorsqu'il  se  présente 
assez  souvent  avec  un  grand  élargissement  à  sa  base.  Mal- 
gré la  grande  largeur  des  pommettes,  les  orbites  ne  sont 
pas  très  hautes,  car  leur  front  aussi  est  large  ;  et  ce  aui 
fait  précisément  l'originalité  de  leur  physionomie,  c'est, 
associé  à  ce  grand  diamètre  transversal  du  haut  de  la  face 
courte,  un  menton  étroit,  petit  et  presque  pointu.  Leur  peau 
est  blanc  gris,  assez  claire.  Enfin  leurs  yeux  sont  droits, 
et  lorsque  parfois  ils  sont  obhques,  c'est  de  haut  en  bas, 
en  sens  inverse  des  yeux  mongoliques.  Leur  musculature 
est  peu  puissante,  leurs  jambes  petites,  leurs  extrémités 
fines,  leur  air  timide.  11  est  impossible  de  les  confondre 
avec  aucun  de  leurs  voisins.  Et  ils  ne  partagent  même  avec 
aucun  peuple  une  telle  association  de  caractères. 

D'après  un  bon  nombre  de  crânes  recueiUis  à  partir  de 
la  fin  du  quaternaire,  depuis  l'Europe  occidentale,  ils  au- 
raient des  rapports  assez  étroits  avec  un  de  nos  peuples 
préhistoriques  les  plus  importants  par  l'espace  qu'il  a  occupé 
successivement  et  par  ses  habitudes  pastorales  et  son  atta- 
chement exclusif  au  renne.  Ces  crânes,  qualifiés  à  bon  droit 
de  mongoloïdes,  comme  on  peut  qualifier  les  Lapons  eux- 
mêmes,  passent,  dans  le  S.,  au  type  hgure  (V.  Espagne, 
Italie,  Ligures),  et,  postérieurement,  dans  le  centre,  au 
type  celte.  Ce  qu'on  a  appelé  la  théorie  laponoïde  a  donc 
quelque  fondement  sérieux.  De  Quatrefages  a  toujours  pré- 
tendu reconnaître  dans  les  montagnards  du  Dauphiné  des 
descendants  de  ces  Laponoides.  On  se  convainc  de  plus  en 
plus  qu'ils  se  sont  maintenus  dans  la  population  bas-bre- 
tonne (Hervé)  et  en  certaines  parties  de  la  Belgique,  où  ils 
eurent  à  l'époque  des  cavernes  des  représentants  nombreux 
bien  typiques  (V.  Belgique,  Fukfooz).  On  suit  bien  leurs 
traces  en  Danemark  et  en  Suède  (Nilsson).  Les  Lapons 
d'aujourd'hui  nous  apparaissent  donc  comme  les  descen- 
dants de  quelques  familles  de  certains  de  nos  pasteurs  de 
renne  quaternaires,  échappées  à  la  destruction  grâce  à  une 
migration  hâtive  vers  les  régions  arctiques  dont  le  climat 
les  a  longtemps  protégés  contre  toute  invasion.  Les  légendes 
germaniques  et  Scandinaves  nous  entretiennent  en  termes 
assez  positifs  de  nains  qui  ne  peuvent  être  qu'eux.  M.  Van- 
derkindere  a  vu  dans  des  légendes  de  la  Belgique  une  rémi- 
niscence de  leur  présence  ancienne.  «  Dans  la  Campine, 
dit-il,  des  nains  vivaient  dans  des  trous,  et  à  Gelrode,  dans 
des  creux  de  montagnes.  A  Hasselt,  on  les  accusait  d'en- 
terrer vivantes  leurs  vieilles  femmes,  comme  font  plusieurs 
peuplades  oural-altaiques.  Généralement,  on  les  représen- 
tait coiffés  d'un  bonnet  rouge,  et  Nilsson  nous  apprend 
qu'aujourd'hui  encore  les  Lapons  portent  un  bonnet  rouge 
ou  bleu.  Enfin  à  Langdorp,  près  d'Aerschot,  on  leur  don- 
nait expressément  le  nom  de  Lapplanders.  »  Il  est  cepen- 
dant bien  invraisemblable,  bien  improbable  que  des  Lapons 
qui  semblent  devoir  leur  nom  actuel  aux  Suédois  se  soient 


trouvés  en  Belgique  en  groupe  distinct  jusqu'aux  époques 
modernes.  De  même  dans  l'Allemagne  du  Nord,  de  Quatre- 
fages a  signalé  avec  insistance  l'existence,  en  Prusse  et 
sur  les  bords  de  la  Baltique,  de  nains  qu'il  appelle  des  Fin- 
nois {la  race  prussienne)  et  qui  seraient  des  Lapons. 
Rien  n'est  venu  prouver  que  des  Lapons  ont  jadis  occupé 
ces  régions.  Au  contraire,  on  a  découvert  sur  les  rives  de 
la  Baltique  des  civilisations  préhistoriques  bien  plus  éle- 
vées que  celles  qu'ont  jamais  pu  atteindre  les  Lapons,  Non 
seulement  on  n'y  a  recueilli  aucune  trace  de  leur  pré- 
sence, mais  les  plus  anciens  crânes  connus  se  rapportent 
au  type  crânien  opposé.  Il  en  est  tout  autrement  en  Suède 
et  en  Norvège.  Au  siècle  dernier  encore,  lorsque  Linné 
voulut  visiter  la  Laponie  (1737),  il  put  se  borner  à  l'Os- 
Irobotnie,  une  de  ses  trois  provinces  suédoises  d'alors.  Le 
premier  district  de  cette  province  était  celui  d'Lmeâ,  des- 
cendant au-dessous  du  64*^  de  lat.  Les  trois  autres,  égale- 
ment sur  le  golfe  de  Botnie,  étaient  ceux  de  Piteâ,  Luleâ 
et  Torneâ.  L'occupation  de  la  Finlande  par  les  Lapons  est 
également  certaine.  Les  noms  géographiques  en  témoignent 
et  les  Finlandais  en  ont  conservé  des  souvenirs,  désignant 
ironiquement,  sous  le  nom  de  tombes  lapones,  d'anciennes 
cabanes.  Mais  c'est  par  la  Suède  qu'ils  semblent  y  avoir 
anciennement  pénétré.  Aujourd'hui,  on  n'en  trouve  plus  à 
l'état  de  pureté  qu'au  deïk  du  cercle  polaire.  Et  encore 
môme,  sur  les  rives  de  l'océan  Arctique,  les  Finnois  se 
mêlent  à  eux  ainsi  que  des  Suédois  et  des  Russes.  D'après 
les  documents  de  l'époque  (1869),  A.  Maury  estimait  leur 
nombre  à  26,000.  Quelque  dix  ans  après,  Guillard  n'en 
comptait  plus  que  9,000,  dont  4,000  en  Suède  et  3,000 
en  Norvège.  Ils  ne  disparaissent  cependant  pas  avec  cette 
rapidité.  Mais  comme  ils  n'ont  à  peu  près  rien  qui  les  rat- 
tache les  uns  aux  autres  et  les  isole,  en  dehors  de  leurs 
caractères  physiques  et  de  leurs  habitudes  non  sédentaires, 
leur  individualité  s'efface,  presque  toujours  de  leur  plein 
gré.  Ils  ne  sont  pas  anéantis,  ils  se  fondent.  Les  dernières 
statistiques,  d'après  M.  Rabot,  accusent  seulement  927  La- 
pons en  Finlande.  C'est  un  chiffre  bien  trop  faible,  s'il 
s'agit  d'estimer  la  proportion  de  sang  lapon  encore  bien 
reconnaissable.  Mais  dans  tout  le  N.  de  la  Finlande,  oui  il 
y  en  a  encore,  les  Lapons  sont  fennisés.  Dans  la  presqu'île 
de  Kola,  grande  comme  le  tiers  de  la  France,  on  n'en 
compte  pas  plus  de  2, 182.  Et,  dès  le  xiii®  siècle,  tous  les 
Lapons  de  la  Russie  actuelle  se  croisèrent  avec  les  Caré- 
liens.  Sous  l'influence  de  l'administration  russe,  ils  ont, 
depuis  le  xiii®  siècle,  adopté  les  dehors  de  la  religion  grecque 
orthodoxe.  Ceux  de  la  Finlande,  comme  ceux  de  la  Suède 
et  do  la  Norvège,  sont  protestants  luthériens.  Et  supérieurs 
de  ce  fait,  dans  leurs  mœurs  et  par  un  peu  d'instruction, 
ils  dédaignent  leurs  congénères  russes.  La  langue  de  ceux- 
ci  d'ailleurs,  divisée  en  trois  dialectes  et  mêlée  de  mots 
russes  et  finnois,  n'est  que  difficilement  comprise  des  La- 
pons norvégiens.  Leur  vocabulaire  a  récemment  été  publié 
par  M.  Arvid  Genetz  (Helsingfors,  1891).  Les  dialectes  (au 
nombre  de  quatre)  et  les  légendes  des  Lapons  de  la  Suède 
ont  été  particulièrement  étudiés  par  MM.  Qvigstad  et  Wik- 
land.  Ce  dernier  a  donné  le  vocabulaire  des  Lapons  du 
Lule-Lappmark,  qui  comprennent  le  suédois  pour  la  plu- 
part (1890).  Les  principales  grammaires  du  lapon  sont 
celles  de  Possart  (allemand,  Stuttgart,  1840),  Stockfleth 
(norvégien.  Christiania,  1850)  et  Friis  (norvégien,  1856). 
Stockfleth  (Norsk-lappisk  Ordbog,  1850)  et  Friis  {Lexi- 
con  lapponicum,  1885-87)  ont  donné  le  vocabulaire  des 
Lapons  norvégiens. 

Tous  ceux  qui  ont  conservé  leurs  habitudes  à  demi 
nomades  ont  à  peu  près  le  même  genre  d'habitation  :  la 
tente  de  perches  dressées  circulairement  et  se  rejoignant 
par  le  sommet,  comme  dans  la  Kota  finlandaise,  mais  recou- 
verte de  toile,  sauf  au  sommet  qui  reste  ouvert  pour  la 
fumée.  Ils  se  tiennent  dans  ces  tentes  circulaires,  assis  ou 
couchés  autour  du  foyer,  sur  des  fagots  de  brindilles  de- 
bouleau.  Leur  mobilier  consiste  donc  uniquement  en  quel- 
ques couvertures  de  laine  ou  de  peaux  de  renne,  une  mar- 


LAPONIE  —  LA  POPRLÏNIÈRE 


950  — 


mite  et  des  ustensiles  en  bois.  Ceux  qui  sont  à  demi  séden- 
taires élèvent  des  charpentes  plus  solides  qu'ils  couvrent 
d'écorces  de  sapin,  de  tourbe  ou  de  terre.  Au  voisinage  des 
Finlandais,  ils  construisent  des  maisons  de  bois,  comme 
ceux-ci,  et  au  voisinage  des  Russes,  des  maisons  de  troncs 
de  pins  équarris.  Ils  fabriquent  avec  beaucoup  de  soin  leurs 
vêtements  en  peaux  de  renne,  une  sorte  de  houppelande, 
des  chaussures,  des  gants.  Ils  portent  toujours  une  sorte 
de  pantalon  étroit  sous  leur  houppelande.  En  été,  ils  rem- 
placent les  fourrures  par  un  lainage  grossier,  générale- 
ment marron.  Mais  ils  agrémentent  et  bigarrent  leur  cos- 
tume avec  des  pièces  d'étoffes  rouges  et  jaunes.  Comme 
coiffure,  les  pêcheurs  portent  une  toque  et  les  pasteurs  le 
bonnet  carré,  bleu  pour  les  hommes  et  rouge  pour  les 
femmes.  Ces  coiffures,  ou  au  moins  leurs  formes  carrées, 
ont  dû,  me  semblo-t-il,  être  empruntées  à  leurs  anciens 
voisins  du  Sud.  Les  Lapons  sont,  d'ailleurs,  encore  en  train 
d'emprunter  à  leurs  voisins  actuels  de  nouvelles  pièces  de 
vêtement,  des  chemises,  des  gilets,  lis  en  obtiennent  aussi 
facilement,  contre  du  poisson  fumé,  de  la  viande  séchée, 
des  fourrures,  quelques  menus  objets  mobiliers,  aiguilles, 
couteaux,  étoffes,  tabac,  eau-de-vie,  farine.  Ils  courent 
sur  la  neige  avec  une  grande  vélocité,  grâce  à  leurs  patins 
qui  sont  deux  longues  planchettes,  fixées  par  le  milieu  à 
leurs  pieds.  Ils  travaillent  le  bois  pour  fabriquer  leurs 
canots,  des  plats  et  autres  vases.  Avec  l'os,  ils  fabriquent 
des  grattoirs  pour  les  peaux,  des  cuillers,  des  mortiers  pour 
broyer  les  écorces.  Ceux  qui  sont  à  demi  sédentaires  vivent 
surtout  de  pêche,  bien  que  l'hiver  ils  se  retirent  dans  les 
forêts  où  ils  se  livrent  à  la  chasse.  Les  autres  vivent  du 
renne  et  avec  le  renne.  Pour  être  bien  à  l'aise,  il  faut  qu'ils 
aient  plus  do  500  de  ces  animaux.  Ils  ne  gardent  de  tels 
troupeaux  que  grâce  à  une  surveillance  incessante  et  avec 
l'aide  des  chiens.  Ils  boivent  le  lait  et  en  font  aussi  du 
fromage.  Ils  tuent  un  renne  par  semaine,  font  une  sorte 
de  boudin  avec  le  sang  et  mangent  la  viande  fraîche  ou 
sèche,  après  l'avoir  fait  bouillir,  sans  pain,  et  avec  les  dix 
doigts,  sur  les  genoux.  Certains  Lapons  russes  connaissent 
le  pain.  Les  autres  font  une  bouillie  au  suif  et  au  sang  gelé 
de  renne,  avec  la  farine  qu'ils  peuvent  se  procurer;  ou 
s'ils  n'ont  pas  ou  ont  peu  de  farine,  ils  font  un  pain  avec 
le  tissu  fibreux  de  dessous  l'écorce  de  sapin  qu'ils  raclent 
et  pilent  avec  un  pilon  en  bois,  ou  une  bouillie  avec  cette 
même  écorce,  de  la  graisse  et  de  la  farine.  Ils  mangent 
encore  Fangélique,  cuite  ou  crue,  del'épiderme  de  bouleau 
trempé  dans  l'huile,  des  baies  acidulés  qu'ils  font  geler 
avec  du  lait  dans  des  vases  de  bouleau.  Ce  sont  les  hommes 
qui  font  la  cuisine.  Les  femmes  font  les  filets,  traient  les 
rennes,  préparent  les  peaux  et  sèchent  le  poisson.  L'orga- 
nisation de  la  famille  est  patriarcale,  le  père  étant  maître 
absolu.  Pour  se  marier,  le  jeune  homme  se  préoccupe 
d'abord  de  séduire  le  beau-père  de  celle  qu'il  a  choisie  en 
lui  offrant  des  bouteilles  d'eau-de-vie;  et,  le  mariage  ac- 
compli, devant  le  prêtre  ou  le  pasteur  de  la  paroisse,  il  le 
sert  pendant  un  temps  déterminé  avant  d'emmener  sa 
femme.  Les  mères  portent  leurs  enfants  sur  le  dos,  dans 
des  boîtes  faites  d'un  morceau  de  bois  creusé,  aminci  aux 
deux  bouts  et  garni  de  mousse  à  l'intérieur.  Ces  boîtes 
sont  souvent,  à  ce  que  j'ai  vu,  garnies  de  cuir  qui  ne  laisse 
à  découvert  que  la  tète  de  renfant.  Bien  que  soumis  exté- 
rieurement aux  deux  religions  qui  les  partagent,  les  Lapons 
ont  conservé  un  certain  nombre  de  leurs  vieilles  pratiques 
de  sorcellerie.  Et  ils  envisagent  les  maladies  comme  les 
peuples  sans  culture.  Ce  serait  une  grande  erreur  de  les 
croire  inférieurs  sous  ce  rapport  à  la  très  grande  majorité 
de  leurs  voisins,  les  habitants  de  l'empire  russe.  Chez  ceux 
de  Scandinavie  s'est  conservé  l'usage  de  déposer  les  morts 
sous  un  tas  de  pierres  ou  dans  des  cavernes,  et,  presque 
partout,  celui  de  mettre  avec  ces  morts  les  objets  indis- 
pensables à  la  vie.  On  les  dit  d'une  indolence  silencieuse 
et  presque  morne.  Cependant,  lorsqu'ils  ont  des  motifs  do 
contentement,  ils  savent  être  rieurs  et  pleins  d'entrain. 
Très  honnêtes,  doux  et  hospitaliers,  offrant  un  complot 


contraste  avec  les  peuplades  guerrières,  ils  ne  se  laissent 
cependant  pas  facilement  duper.  Ça  été  une  surprise,  par- 
fois désagréable,  pour  ceux  qui,  se  fiant  à  leur  lourdeur 
apparente,  ont  montré  trop  de  sans  gène  dans  les  marchés 
avec  eux,  de  se  voir  parfaitement  devinés  et  déjoués.  Ils 
disparaîtront  à  coup  sur  comme  race  originale  et  distincte, 
par  leur  fusion  avec  leurs  voisins  qui  s'accroissent  à  leurs 
dépens.  Mais  avant  qu'ils  disparaissent  nous  aurons 
sur  eux  un  recueil  de  connaissances  complet,  si  la  So- 
ciété finno-ougrienne  d'ÏIelsingfors  poursuit  sa  carrière 
comme  elle  Fa  commencée,  ce  que  nous  souhaitons  assu- 
rément. Zâborowski. 

IlL  HrsToiRK.  ■—  Les  Lapons,  dont  le  nom  actuel  ne  paraît 
qu'au  xni''  siècle,  ont  été  souvent  dans  la  période  antérieure 
confondus  avec  les  Finnois  dont  on  leur  appliquait  le  nom. 
Us  semblent  avoir  appris  la  métallurgie  et  leurs  usages 
agricole  des  Scandinaves,  mais  dès  une  antiquité  reculée. 
Ils  étaient  alors  à  la  phase  patriarcale  de  l'évolution  ;  ils 
ignoraient  les  mesures  de  poids  et  ne  comptaient  que  jus- 
qu'à dix.  Après  les  grandes  migrations  Scandinaves  ou  le 
temps  de  la  grande  peste  noire  (xiv^  siècle),  ils  s'avancèrent 
jusqu'au  61"  lat.  N.  Politiquement,  ils  furent  bientôt  su- 
bordonnés à  leurs  voisins  plus  avancés.  Au  xi^-  siècle,  ceux 
de  rO.  étaient  tributaires  des  Norvégiens,  ceux  de  l'E.  de 
Novgorod.  Leurs  adversaires  Caréliens  furent  refoulés  vers 
rO.  par  les  Mongols  et  Tatares  et  durent  empiéter  sur  les 
Lapons.  En  1326,  un  traité  entre  la  Russie  et  la  Norvège 
reconnut  à  celle-ci  la  suzeraineté  de  la  Laponie  jusqu'à  Voljo 
sur  la  mer  Blanche  et  celle  de  la  Russie  sur  la  Carélie  jus- 
qu'au Maas  Elv  et  à  Lyngen.  Au  xvi^  siècle,  la  Suède  s'éten- 
dit vers  le  N.  et  en  Io95,  par  le  traité  de  Teusina,  la 
Russie  lui  reconnut  la  suzeraineté  sur  les  Lapons  qui  ha- 
bitent les  bois  entre  la  Botnie  occidentale  et  Varauger.  Les 
rois  de  Danemark  revendiquèrent  vainement  la  Laponie 
orientale  jusqu'à  Kola,  mais  le  traité  de  Knycrœd  (1613) 
leur  garantit  la  prov.  de  Finmark.  Les  frontières  actuelles 
entre  la  Norvège  et  la  Suède  furent  précisées  en  4751  ; 
entre  la  Suède  et  la  Russie  en  1809.  La  condition  sociale 
des  Lapons  fut  au  moyen  âge  une  sorte  de  servage  au  profit 
des  birkalian,  aventuriers  marchands  Scandinaves,  ou  des 
moines  du  couvent  russe  de  Solovetzkyi  et  de  quelques 
autres.  Au  xix'^  siècle,  leur  situation  a  été  améliorée  sur- 
tout dans  les  Etats  Scandinaves  qui  exercent  sur  eux  une 
tutelle  philanthropique.  A. -M.  B. 

Btrl.  :  A.  GuiLLARD  a  donné  dans  le  Dictionnaire  en- 
cyclopédique des  sciences  nuédicstles  une  biblmgraphie 
complète  aa  sujet  des  Lapons.  —  Sur  les  Lapons"norvé- 
giens,  il  faut  consulter  les  travaux  de  Friis,  sa  carte  eth- 
nographique, son  Lappisk  Mythologie  Eventyr  og  Folke- 
sa(7en; Christiania,  1871;  Laila  (trad.  allem.  Schilàerungen 
aus  Lappland;  Leipzig,  188G),  etc.—  Sur  la  Laponie  sué- 
doise, le  meilleur  ouvrage  est  celui  de  Duuen,  Om  Lap- 
pland; Stockholm,  1873,'analysé  dans  le  t.  I  du  Congres 
internat,  des  se.  géogr.  ;  Pans,  1876.  —  V.  aussi  Vax- 
DKRKiNDERp]^  RechcTches  sur  Vethnologie  de  la  Belgique, 
1872,  in-8,  et  surtout  les  recherches  toutes  récentes  de 
M.  Rabot  (V.  Finnois).  — Il  faut  aussi  signaler  plusieurs 
articles  du  Journal  de  la  Société  finno-ougrienne  ;  Hel- 
singfors,  D  vol.  in-8. 

LAPON NERAYE  (Albert),  littérateur  français,  né  à 
Tours  le  8  mai  d  808,  mort  à  Marseille  en  sept.  1849.  Chef 
d'institution,  il  créa  en  1848  à  Marseille  le  journal  la 
Voix  du  peuple,  organe  du  parti  libéral.  Il  a  laissé,  outre 
quelques  ouvrages  classiques  :  Histoire  de  l'amiral  de 
Coligny  (Paris,  '1830,  in~8)  ;  Commentaire  sur  les 
droits  de  riiomme  (1832,  in-8);  Lettres  aux  prolé- 
taires (1833,  in-8);  Description  de  Paris  (1836,  in-4); 
Histoire  de  la  Piévolution  française  (1840,  3  vol.  gr. 
in-8)  ;  Histoire  des  rivalités  et  des  luttes  de  la  France 
et  de  V Angleterre  (1846-47,  2  vol.  in-8),  en  collaboration 
avec  H.  Lucas,  etc.  Il  a  publié  les  OEuvres  deMaximilien 
Robespierre  (1842,  3  vol.  in-8). 

LA  POPELINIÈRE  (Lancelot  Voisin  de),  homme  de 
guerre  et  historien  français,  né  vers  1540,  mort  en  1608.  Il 
appartenait  à  une  famille  d'ancienne  noblesse  et  se  convertit 
de  bonne  heure  à  la  Réforme.  Il  prit  part  aux  premières 


-  951 


\A  POPELÏNIÈRE  -  LAPORTE 


guerres  civiles  et,  dans  celles  de  1574-76,  commanda  Pexpé- 
dition  des  protestants  contre  l'île  de  Ré.  A  partir  de  l'édit 
de  Bcaulieu,  confirmatif  de  la  paix  d'Etigny-lès-Sens  (mai 
1576),  il  ne  s'occupa  que  do  travaux  littéraires.  En  1581, 
il  lit  paraître  une  Histoire  de  France  depuis  l'an  i550 
(La  Rochelle,  2  vol.  in-foL),  d'un  style  très  négligé,  mais 
précieuse  par  la  quantité  de  renseignements  puisés  aux 
meilleures  sources  et  de  pièces  officielles  qu'elle  fournit  et 
remarquable  par  la  modération  des  jugements  et  leur  im- 
partialité. Celle-ci  parut  aux  meneurs  du  parti  huguenot  un 
sanglant  outrage.  L'auteur  fut  cité  à  comparaître  devant 
le  synode  ;  malgré  la  vivacité  digne  et  le  bien-fondé  de  la 
défense,  il  fut  censuré  par  ses  juges  et,  après  une  longue 
résistance,  dut  se  résigner,  en  1585,  à  une  demi-rétrac- 
tation, pour  éviter  de  provoquer  une  scission  entre  ces 
énergumènes  et  le  roi  de  Navarre,  qui  l'avait  toujours  sou- 
tenu de  son  crédit  (V.  sur  cette  afll'aire  l'excellente  note  de 
M.  de  Ruble  dans  son  édition  de  V Histoire  universelle 
d'Agrippa  d'Aubigné,  1886,  t.  l,  pp.  371,  576).  La  Po- 
pehnière  a  encore  publié  :  les  Trois  Mondes  (158^2,  in-8), 
comprenant  surtout  l'histoire  et  la  description  de  TAmé- 
rique  ;  une  Histoire  des  Histoires  (1599,  in-8)  et  une  His- 
toire de  la  conquête  des  pays  de  Bresse  et  de  Savoie 
(16Dl,in-8).  '  LéonM\RLET. 

LA  POPELlNlÈREou  LA  POU  PLI  N  1ÈRE  (Alexandre- 
Joseph  Le  Rïche  de),  fermier  général,  musicien  amateur 
et  homme  de  lettres,  né  à  Paris  en  1692,  mort  le  8  déc. 
1762.  Fils  d'un  receveur  général  des  finances,  il  fui  nommé 
fermier  général  en  1718.  11  prit  pour  maîtresse  la  comé- 
dienne Mimi  Dancourt  (M"^^  Deshayes),  qu'au  bout  de  douze 
ans  de  vie  commune  le  cardinal  Fleury  l'obligea  d'épouser. 
Elle  le  trompa  avec  le  duc  de  Richelieu,  et  La  Pouplinière 
obtint  la  séparation  (1748).  Le  fermier  général,  malgré  ses 
soixante  ans,  donna  libre  carrière  à  ses  goûts  de  faste  et 
de  débauche  élégante.  Sa  maison  dePassy  devint  «  le  temple 
dos  Muses  et  du  plaisir  ».  Il  se  fit  le  mécène  de  Rameau, 
de  Marmontel,  de  La  Tour,  de  Carie  Vanloo,  de  Vaucanson. 
Il  maria  des  rosières  et  produisit,  devant  «  sa  basse-cour 
bigarrée  »,  nombre  d'acteurs,  d'actrices  et  de  danseuses. 
11  se  piquait  de  musique  et  de  littérature.  On  lui  attribue 
des  Immettes  (Y.  ce  mot)  et,  entre  autres,  l'air  :  0  ma 
tendre  musette^  dont  le  fond  paraît  toutefois  d'inspiration 
populaire.  A  soixante-huit  ans,  il  se  remaria  avecM^^^Mon- 
dran  de  Toulouse  ;  il  en  eut  un  fils  posthume,  «  l'ouvrage 
seul  qui  ne  lui  coûta  rien  »,  dit  un  épigramme  du  temps. 
Rayé  de  la  ferme  générale  en  janv.  1762,  il  continua  ses 
fêtes  jusqu'à  la  mort  de  sa  belle-mère  à  laquelle  il  ne  sur- 
vécut qu'un  mois.  En  1760,  il  avait  publié  un  roman  inepte, 
Dana,  histoire  orientale  (1760,  in-8),  son  seul  écrit 
signé.  Les  chansons  qu'on  lui  attribue  ont  sans  doute  été 
au  moins  retouchées  par  les  littérateurs  de  son  entourage. 
Ce  qui  est  bien  de  lui,  c'est  le  texte  obscène  d'une  sorte 
d'autobiographie  erotique  intitulée  Tableau  des  mœurs  du 
temps  dans  les  différents  âges  de  la  vie.  11  en  fit  impri- 
mer sous  ses  yeux  un  exemplaire  unique  (in~4),  qui  fut 
enrichi  de  belles  miniatures,  et  cet  exemplaire  a  atteint  le 
prix  de  24,000  fr.  à  la  vente  de  la  bibl.  de  M.  Ch.  Cou- 
sin, en  1891. 

BiDL.  :  Mémoires  do  Bacitaumonï  et  Correspondance  de 
Grimm.  —  L'Artiste,  n°  du  16  sept.  1855  (art.  de  Monse- 
let).  —  Le  Livre  et  l'image^  avec  une  reprod.  exacte  de  l'une 
des  miniatures,  la  Zaïrette  ;  Paris,  1893,  in-8  (5«livr.). 

LA  PORRETTA  (V.  Porretta  [La]). 

LA  PORTE  (Pierre  de),  valet  de  chambre  de  Louis  XIV, 
né  en  1603,  mort  le  15  nov.  1680.  Sa  famille  était 
d'origine  noble,  mais  l'un  de  ses  ancêtres  avait  dérogé 
et  perdu  sa  noblesse.  Il  fut  attaché  au  service  d'Anne 
d'Autriche  de  1621  à  1625,  puis  fit  la  campagne  de 
1631  en  Italie  dans  une  compagnie  de  gendarmes.  Etant 
rentré  dans  sa  place  auprès  de  la  reine,'  il  devint  l'agent 
le  plus  actif  par  lequel  celle-ci  correspondait  avec  le"  roi 
d'Espagne,  le  duc  de  Lorraine  et  la  duchesse  de  Chevrouse, 
alors  disgraciée.  Richelieu,  ayant  eu  connaissance  de  ses 
menées,  le  fit  enfermer  à  la  Rastille  en  1637,  mais  il  ne 


put  obtenir  de  lui  aucune  révélation,  parce  qu'on  avait 
mis  le  prisonnier  au  courant  des  déclarations  de  la  reine. 
Mis  en  liberté  en  1638,  il  fut  exilé  à  Saumur,  et  ne  ren- 
tra en  grâce  qu'en  164eH  après  la  mort  de  Louis  XIÏI.  11 
fut  attaché  au  jeune  roi  comme  premier  valet  de  chambre, 
mais  des  accusations  qu'il  porta  contre  Mazarin  le  perdirent 
et  il  dut  quitter  la  cour  en  1653.  Réhabilité  en  1666,  il  y 
reparut,  mais  pour  peu  de  temps.  Il  a  laissé  des  Mémoires 
qui  portent  sur  les  événements  écoulés  de  1624  à  i3C)6; 
on  ne  doit  les  consulter  qu'avec  une  grande  réserve.  Ils 
ont  été  réimprimés  à  Genève  (1756,  in-12),  puis  insérés 
dans  les  collections  de  Petitot  (2*^  sér.,  t.  LIX),  et  de 
Michaud  et  Poujoulat  (1839,  t.  VIIl).  G.  R. 

Bibl.  :  Voltaire,  Siècle  de  Louis  XIV.  —  Notices  en 
tête  des  Mémoires  dans  les  deux  collections  Petitot.  et 
Michaud  et  Poujoulat. 

LAPORTE,  chef  camisard,  né  au  Mas-Soubeyran,  mort 
en  1702.  Il  avait  servi  dans  l'armée.  Ayant  obtenu  son 
congé,  il  s'établit  maître  de  forges  près  du  Collet-de-Dèze. 
Après  la  défaite  deFontmorte  et  le  supplice  de  Pierre  Sé- 
guier  (12  août  1702),  il  releva  le  courage  des  Enfants  de 
Dieu  qui  se  préparaient  à  quitter  le  pays,  les  exhortant  à 
mourir  en  combattant  pour  délivrer  et  venger  leurs  frères 
et  faire  respecter  leurs  droits  iniquement  violés.  Ils  le  choi- 
sirent pour  chef.  En  quelques  jours,  Laporte  réunit  une 
centaine  d'hommes  qu'il  divisa  en  trois  bandes.  Se  réser- 
vant le  commandement  de  celle  qui  était  composée  des  an- 
ciens compagnons  de  Séguier,  il  confia  celui  des  deux  autres 
à  son  neveu  Roland  et  à'Castanet.  Bientôt  après,  il  défit  une 
colonne  catholique  et  lui  enleva  les  prisonniers  et  le  butin 
qu'elle  ramenait  à  Florac.  Poursuivi  par  trois  brigades,  il 
guerroya  pendant  deux  mois  avec  ardeur  et  habileté,  sou- 
vent avec  succès.  Mais  il  fut  surpris  près  de  Temelac  et 
atteint  d'une  balle  comme  il  gravissait  un  rocher  pour  s'en- 
fuir (22  oct.  1702).  Sa  tête  fut  exposée  sur  le  pont  d'An- 
duze  et  le  lendemain  sur  le  fort  Saint-Rippolyte,  enfin 
clouée  au-dessus  de  la  porte  de  la  citadelle  de  Montpellier. 
Pendant  les  deux  mois  et  demi  qu'il  avait  exercé  le  com- 
mandement, Laporte  avait  ranimé  les  camisards,  assigné 
un  but  à  leur  révolte  et  fait  d'une  bande  de  pâtres  des 
combattants  aguerris.  Ils  élurent  son  neveu  Roland  pour 
le  remplacer.  E.-H.  Vollet. 

Bibl.  :  Eug.  et  Em.  Haag,  la  France  protestante  ;  Paris, 
1846-58,  IQ  vol.  in-8. 

LAPORTE  (Roland  ou  Rolland),  généralement  désigné 
sous  son  prénom,  chef  camisard,  né  au  Mas-Soubeyran  en 
1675,  mort  en  1704,  neveu  du  précédent.  Engagé  très 
jeune  dans  un  régiment  de  dragons,  il  avait  quitté  le  ser- 
vice après  la  paix  de  Ryswick.  Lorsque  son  oncle  prit  le 
commandement  de  la  révolte,  il  alla  le  rejoindre  avec  ses 
deux  frères.  Une  petite  bande  lui  ayant  été  confiée,  il  se 
jeta  dans  la  vallée  du  Gardon  d'iUais,  traversa  les  mon- 
tagnes de  Mialet  et  désarma  les  catholiques  de  La  Salle. 
Après  la  mort  de  son  oncle  (22  oct.  1702),  les  camisards 
le  choisirent  unanimement  pour  chef.  Il  se  donna  le  titre  de 
général  des  Enfa7its  de  Dieu,  qu'il  changea  plus  tard 
j)our  celui  de  général  des  troupes  protestantes  de  France 
assemblées  dans  les  Ce  venues.  Ces  troupes  comprenaient 
alors  un  millier  de  combattants.  Ils  furent  divisés  en  cinq 
légions,  dont  les  chefs  agirent  d'une  manière  à  peu  près 
indépendante.  En  quelques  mois,  avec  la  légion  qu'il  con- 
duisait, Roland  défit  une  compagnie  de  soldats  à  Manda- 
jors,  surprit  la  ville  de  Sauve,  dont  il  désarma  les  ha- 
bitants et  brûla  l'église,  puis  s'empara  du  château  de 
Saint-Félix  et  de  la  ville  de  Ganges.  Mais  il  échoua  dans 
une  attaque  contre  Pompignan,  et  subit  près  de  cette  ville 
une  défaite  qui  le  mit  pendant  quelque  temps  dans  l'im- 
possibilité de  rien  entreprendre.  Il  tint  alors  des  assemblées 
de  prières.  Quand  il  eut  réparé  ses  pertes,  il  brûla  Saint- 
Julien-des-Ponts,  Sainte-Cécile-d'Andorre  et  se  rendit  maître 
de  Genouillac  après  un  combat  acharné.  Le  12  janv.  1704, 
il  détruisit  deux  bataillons  du  régiment  du  Dauphiné,  au 
pont  de  Valogne;  le  12  mai,  il  battit  à  Fontmorte  un  dé- 
tachement catholique.  Mais,  vers  le  même  temps  (22  mai), 


LAPORTE 


952 


le  maréchal  de  Villars,  qui  avait  été  envoyé  dans  le  Langue- 
doc pour  remplacer  Montrevel,  traitait  avec  Cavalier.  Celui- 
ci  se  soumit,  moyennant  Foctroi  d'un  brevet  de  colonel, 
une  pension  de  4,200  livres  et  la  promesse  qu'il  serait 
formé  un  régiment  de  camisards  destiné  à  servir  à  l'étran- 
ger. Quarante  seulement  des  compagnons  de  Cavalier  le 
suivirent  dans  sa  défection.  Les  autres  se  joignirent  à  Ro- 
land. Des  négociations  furent  entamées  avec  lui.  On  lui 
offrit  les  avantages  personnels  que  Cavalier  avait  acceptés 
et,  pour  ses  coreligionnaires,  l'élargissement  des  prison- 
niers, le  rappel  des  exilés,  une  amnistie  générale  et  sans 
réserve,  le  droit  de  vendre  leurs  biens  et  de  sortir  du 
royaume,  la  promesse  que  personne  ne  serait  inquiété  pour 
cause  de  religion.  C'était  à  peu  près  la  liberté  de  la  con- 
science, sans  la  liberté  du  culte  {projet  de  traité  d'An- 
diize).  Roland  refusa,  exigeant  le  rétablissement  de  l'édit 
de  Nantes  dans  tous  ses  chefs.  Il  fut  vendu  par  Malarte 
d'Uzès  pour  100  louis.  Surpris  dans  le  château  de  Castel- 
nau  et  poursuivi  par  les  dragons,  il  s'adossa  contre  un 
arbre  pour  se  défendre.  Un  coup  de  feu  l'abattit  (14  oct. 
1704).  Son  corps  fut  transporté  à  Nîmes  et  brûlé  sur  un 
bûcher,  après  avoir  été  traîné  sur  une  charrette,  par  toute 
la  ville.  E.-H.  Vollet. 

BiBL.:  Eug.  et  Em.  Haag,  la  France  protestante  ;  Paris, 
1816-58,  10  vol.  in-8. 

LA  PORTE  (Joseph,  abbé  de),  littérateur  français,  né  à 
Belfort  en  1718,  mort  à  Paris  le  19  déc.  1779.  D'abord 
jésuite,  il  abandonna  la  congrégation  en  1742  après  le  suc- 
cès qu'obtint  à  Strasbourg  une  Pastorale  héroïque  en 
l'honneur  du  mariage  du  prince  de  Soubise  et  vint  cher- 
cher fortune  à  Paris.  Surpris  dans  une  imprimerie  clandes- 
tine, exilé  pour  ce  fait  à  Auxerre  et  détenu  quelques  jours 
à  la  Bastille  pour  avoir  enfreint  l'ordre  du  roi  (1743),  il 
devint  le  collaborateur  de  Fréron  avec  qui  bientôt  il  se 
brouilla.  Il  se  fit  surtout  du  métier  de  compilateur  une  vé- 
ritable spécialité  et  en  tira  de  réels  bénéfices  dont  il  laissa 
en  mourant  la  majeure  partie  aux  pauvres  de  sa  ville  na- 
tale; il  n'est  que  juste  de  reconnaître  d'ailleurs  qu'il  y  ap- 
portait un  véritable  talent  et  que  plus  d'un  de  ses  livres 
est  encore  consulté  aujourd'hui  avec  fruit,  tels  que  les  sui- 
vants :  Ecole  de  littérature  tirée  de  nos  meilleurs  écri- 
vains (1763,  2  vol.  in- 12)  ;  le  Portefeuille  d'un  homme 
de  goùi  ou  l'Esprit  de  nos  meilleurs  poètes  (  1 763,  ;',  vol. 
in-Î2)  ;  Histoire  littéraire  des  femmes  françaises  (1769, 
T)  vol.  in-8),  avec  Lacroix  de  Compiègne  ;  le  Voyageur  [rar.- 
çais  ou  Connaissance  de  V ancien  et  du  nouveau  monde 
(1763-95,  42  vol.in-12,  dont  La  Porte  rédigea  les  ^inot- 
six  premiers),  etc.,  puis  toute  une  série  d'extraits  ou  à' Es- 
prits, comme  ceux  de  VAbbé  Desfontaines  (1737,  in-12), 
de  Bourdaloue  (1762,  in-12),  de  J.-J.  Rousseau  (1763, 
2  vol.  in-i2),  souvent  réimpr.,  du  P.  Castel  (1763,  in-12)  ; 
de  V Encyclopédie  (1768,  3  vol.  in-12),  etc.  La  Porte 
qui  avait  écrit  pour  un  théâtre  de  société  le  Danger  des 
épreuves,  com.  en  un  acte  et  en  vers  (1749,  in-4)  et  l'Anti- 
quaire, com.  en  trois  actes  et  en  vers  (1731),  composée  à 
l'usage  des  collèges  et  réimpr.  de  nos  jours  par  M.  Davil- 
her,  rédigea  de  1731  à  1778  les  Spectacles  de  Paris  ou 
Calendrier  historique  et  chronologique  de  tous  les 
théâtres  (in-16),  et  puWiaavec  Clément  des  Anecdotes 
dramatiques  (en  forme  de  dictionnaire)  (1775,  4  vol. 
in-8).  Comme  journaliste,  il  prit  part  aux  Observations 
sur  la  littérature  moderne  et  aux  Lettres  sur  quelques 
écrits  de  ce  tonps  et  à  V Année  littéraire  de  Fréron 
et  fonda,  pour  lui  faire  pièce,  VObservateur  littéraire 
(1739-61,  13  vol.  in-12).  Enfin  il  aida  l'abbé  d'Hébraîl 
dans  la  préparation  de  sa  France  littéraire  (1769,  2  vol. 
in-8),  à  laquelle  il  fournit  un  Supplément  (1778,  2  par- 
ties in-8).  M.  Tx. 

LAPORTE  (Henri-Horace  de),  peintre  français,  né  en 
1724,  mort  à  Paris  en  1783.  Il  essaya  de  rivaliser  avec 
Chardin,  mais  il  resta  toujours  froid  et  puéril.  Le  26  nov. 
1763,  il  fut  reçu  à  l'Académie,  avec  le  Vase  de  lapis,  qui 
est  au  Louvre.  Il  a  souvent  peint  des  animaux. 


LAPORTE  (Marie-François-Sébastien-Christophe  de), 
plus  connu  sous  le  nom  de  Delaporle,  homme  politique 
français,  né  à  Belfort  le  13  sept.  1760,  mort  à  Belfort  le 
23  mars  1823.  Avoué  près  le  tribunal  de  Belfort,  député 
du  Haut-Rhin  à  l'Assemblée  législative,  puis  à  la  Conven- 
tion, Laporte  remplit  de  nombreuses  missions  qui  le  tinrent 
éloigné  pendant  plus  d'un  an.  Il  alla  en  particulier  à  Lyon 
oi:i  il  s'associa  à  toutes  les  mesures  de  rigueur  prises  par 
Fouché  etCollot  d'Horbois;  mais,  après  Thermidor,  il  chan- 
gea d'attitude,  fit  emprisonner  les  principaux  chefs  des  Ja- 
cobins, renouvela  la  municipalité  et  la  Société  populaire.  Le 
16  sept.  1794,  il  rentra  à  Paris  et,  le  22  du  même  mois, 
fut  élu  secrétaire  de  la  Convention.  Il  entra  successivement 
au  comité  de  Sûreté  générale,  puis  au  comité  de  Salut  pu- 
blic. Depuis  prairial  an  IH,  il  fut  particulièrement  chargé 
de  la  force  armée  de  Paris.  Au  Conseil  des  Cinq-Cents,  où 
il  siégea  jusqu'au  28  mai  1798,  il  s'occupa  de  questions 
financières,  puis  reprit  son  étude  d'avoué  près  le  tribunal 
de  Belfort.  On  a  parfois  accusé  Laporte  d'avoir  détourné 
3  millions  de  la  caisse  de  l'armée  d'Italie,  comme  commis- 
saire du  Directoire  ;  le  fait  est  évidemment  faux,  puisqu'il 
ne  fut  jamais  commissaire  du  Directoire,  ni  en  ItaHe,  ni 
ailleurs.  A,  Kuscinski. 

LAPORTE,  agent  de  change  à  Bordeaux,  avant  la  Ré- 
volution, publiciste  girondin  qui  représente  le  courant 
d'opinion  qui  se  produisit  en  1789.  On  lui  doit  un  livre 
fort  curieux  concernant  l'ancien  régime  et  les  réformes 
nécessaires  :  Essai  sur  la  législation  des  finances  de 
la  France.  Cet  essai  est  plutôt  à  consulter  sur  l'état  finan- 
cier spécial  de  la  France  en  1789  que  sur  les  réformes  à 
y  introduire.  Toutefois  Laporte  a  émis  le  premier  l'idée 
des  Banques  provinciales  pour  liquider  l'ancien  régime. 
Cette  idée  valait  mieux  que  la  planche  aux  44  milliards 
d'assignats. 

LAPORTE  (Hippolyte,  marquis  de),  littérateur  français, 
né  à  Paris  en  1770,  mort  en  1832.  Emigré  en  1792,  il 
ne  put  entrer  définitivement  en  France  qu'après  le  18  bru- 
maire. Collaborateur  assidu  de  la  Biographie  des  hommes 
vivants  et  de  la  Biographie  universelle,  il  a  fourni  des 
notices  historiques  et  descriptives  aux  Souvenirs  du  vieux 
Paris  de  Turpin  de  Crissé,  et  laissé  un  assez  grand  nombre 
d'écrits,  parmi  lesquels  nous  citerons  :  Juelina  (Paris, 
1830,  3  vol.  in-12);  Apparitions  historiques  (1832, 
in-8);  Souvenirs  d'un  émigré  (1843,  in-8). 

LAPORTE  (Rozn<:RE,  dit),  acteur  français  (V.  Rozière). 

LAPORTE  (Henri-Gaston),  homme  politique  français, né 
à  Nevers  le  16  avr.  1842.  Ancien  élève  de  l'Ecole  cen- 
trale, avocat  à  Nevers,  directeur  du  Patriote  du  Centre, 
il  eut  une  polémique  électorale  des  plus  vives  avec  M.  Gi- 
rerd  et  fut  nommé  contre  lui,  député  de  Nevers,  en  1881 . 
Il  fit  partie  de  l'extrême  gauche  de  la  Chambre,  fut  réélu 
en  1883  et  1889,  appuya  vigoureusement  le  boulangisme, 
fit  partie  du  comité  républicain  national,  et  en  1893  fut 
encore  réélu  avec  un  programme  radical-révisionniste.  On  a 
de  lui,  outre  sa  collaboration  à  ['Impartial  du  Centre,  à 
la  République  de  Nevers  et  à  son  journal  :  l'Ordre  et 
la  Liberté  (1876)  ;  la  Féodalité  industrielle  (1886). 

LA  PORTE  ( Jean-Roger -Amédée  de),  homme  politique 
français,  né  à  Niort  le  20  juin  1848.  Inscrit  au  barreau  de 
Paris  en  1869,  il  fit  dans  les  mobiles  des  Deux-Sèvres  la 
guerre  franco-allemande  de  1870-71 ,  entra  comme  auditeur 
au  conseil  d'Etat  en  1873,  et  après  avoir  occupé  les  fonc- 
tions de  chef  du  cabinet  du  ministre  des  travaux  publics 
(M.  Christophle,  1876-1877),  fut  élu  le  14  oct.  1877  dé- 
puté de  la  2®  circonscription  de  Niort.  Membre  de  la  gauche 
républicaine,  il  fut  réélu  en  1881  et  en  1883,  devint  sous- 
secrétaire  d'Etat  aux  colonies  en  1886  et  de  nouveau  en 
1888.  Il  eut  une  polémique  très  vive  avec  M.  Constans, 
dont  il  blâmait  les  procédés  de  gouvernement  en  Indo-Chine 
et  qu'il  contraignit  à  donner  sa  démission  de  gouverneur 
général.  Non  réélu  aux  élections  générales  de  1889,  oii  il 
échoua  contre  M.  Pontois,  boulangiste,  il  prit  sa  revanche 
en  1893  contre  son  ancien  concurrent  Pontois  et  M.  Vallée, 


9i53 


LA  PORTE  —  LAtSANA 


révisionniste.  Il    est   gendre  de  M,  AUain-Targé  (V.  ce 
nom). 

LAPORTE-BisQuiT  (Jean-Maurice),  homme  politique 
français,  né  à  Limoges  le  5  nov.  4842.  Grand  fabricant 
d'eau-de-vte  de  Cognac,  maire  de  Jarnac,  il  fut  élu  séna- 
teur de  la  Charente  le  7  janv.  4894.  Il  siège  à  gauche. 

LÂPORTEA  {Laportea  Gaud.)  (Bot.).  Genre  d'Urtica- 
cées,  du  groupe  des  Urticées,  voisin  des  Oi^ties  (V.  ce  mot), 
dont  il  se  distingue  principalement  par  le  fruit  oblique.  Il  y  a 
4étamines,  un  périanthe  femelle  à  4  lobes  inégaux  ou  égaux, 
un  ovaire  uniovulé.  Ce  sont  des  herbes,  des  arbustes  ou  des 
arbres,  à  feuilles  alternes  avec  stipules  axillaires,  àglomé- 
rules  floraux  souvent  en  grappes.  Les  Laportea  sont  ré- 
pandus dans  les  régions  tropicales  des  deux  mondes  et  dans 
l'Amérique  boréale.  Le  Laportea  gigas  Wedd.  atteint  plus 
de  30  m.  de  haut.  Les  feuilles  du  L.  decumana  Wedd. 
{Urtica  decumana  Rumph.)  sont  employées  pour  produire 
des  uptications  méthodiques.  Les  piqûres  occasionnées  par 
celles  de  L.  crenulata  Gaud.  {Urtica  Javanensis  Juss.)  et 
du  L.  stimulans  Miq.  sont  très  douloureuses  et  déter- 
minent une  fièvre  intense  et  parfois  des  accidents  tétani- 
formes  suivis  de  mort.  IK  L.  Hn. 

LAPOSTOLET  (Charles),  peintre  français,  né  à  Vélars 
(Côte-d'Or)  en  4824,  mort  à  Domène  (Isère)  en  4890.  Elève 
de  Léon  Cogniet,  cet  artiste  peignit  des  paysages  pris  dans 
son  pays  natal,  en  Bourgogne  et  en  Normandie,  des  vues 
perspectives  de  villes,  des  marines  et  des  scènes  de  genre. 
On  observe  dans  ces  œuvres  un  choix  ingénieux  des  points 
de  vue,  un  sentiment  juste  de  l'effet,  des  groupes  bien 
disposés;  son  dessin  est  assez  correct,  mais  sa  touche 
souvent  lourde.  On  peut  citer  comme  ses  meilleurs  ta- 
bleaux :  Vue  du  Canal  Saint-Martin,  prise  des  Buttes- 
Chaumont  (S.  4870,  diU  Luxembourg)  ;  Plage  de  Viller- 
ville  (4876)  ;  Vue  de  Rouen,  prise  de  IHle  liollet  (4882). 
Il  fit  aussi  un  voyage  à  Londres  et  à  Venise.  Les  dernières 
œuvres  qu'il  exposa  furent  :  Un  Quai  à  Rouen,  et  l' Avant- 
port,  à  Dunkerque  (S.  4889).  Ce  dernier  tableau,  simple 
étude  de  dimensions  réduites  et  d'une  touche  assez  molle, 
est  au  Luxembourg.  Ad.  Thiers. 

LAPOUYADE.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Li- 
bourne,  cant.  de  Gultres;  712  hab.  Stat.  (Lapouyade-Ma- 
ransin)  du  chem.  de  fer  de  l'Etat,  ligne  de  Saint-Mariens 
à  Coût  ras. 

LA  PGYPE  (Jean-François,  baron  de),  général  fran- 
çais, né  à  Lyon  le 34  mai  4738,  mort  aux  Brosses  (Rhône) 
le  27  janv.  4  854 .  Deuxième  enseigne  au  régiment  des  gardes 
françaises  le  6avr.  4777,  sous-lieulenant  le  27  août  4780, 
il  démissionna  10  4^"^  juil.  4787.  Elu  lieutenant-colonel  en 
premier  du  2®  bataillon  des  volontaires  de  Seine-et- 
Oise  le  49  oct.  4791 ,  colonel  du  404®  de  hgne  le  46  mai 
4792,  maréchal  de  camp  le  4^^  sept,  suivant,  il  fut  em- 
ployé le  8  sept,  au  camp  sous  Paris,  devint  chef  d'état- 
major  de  l'armée  d'Italie  le  2  févr.  4793  et  général  de 
division  le  45  mai.  Commandant  de  Toulon  et  des  côtes 
méditerranéennes,  il  contribua  à  la  reprise  de  Toulon  et 
alla  servir  à  Larmée  des  Alpes  (30  avr.  1794).  Suspendu 
de  ses  fonctions  (27  oct.  4795),  rappelé  à  l'activité  le 
47  sept.  4797,  employé  à  l'armée  du  Rhin,  puis  à  celle 
d'Italie,  il  se  distingua  à  la  bataille  de  Novi  (45  août  4799). 
Le  5  juil.  4802,  il  partit  pour  Saint-Domingue,  où  il  resta 
jusqu'à  l'évacuation  de  cette  île  par  les  Français.  Embar- 
qué avec  le  général  Rochambeau,  il  fut  pris  par  les  Anglais 
(30  nov.  1804)  et  ne  rentra  en  France  que  le  29  juin 
4806.  Il  servit  à  l'intérieur,  fut  créé  baron  de  l'Empire  le 
29  janv.  4842  et  employé  en  Allemagne.  Gouverneur  de 
Wittenberg  le  12  mars  4843,  il  se  défendit  avec  vigueur, 
mais  dut  capituler  le  43  janv.  4844.  Rendu  à  la  liberté 
lors  de  la  première  Restauration,  La  Poype  devint,  pen- 
dant les  Cent-Jours,  gouverneur  de  Lille  (30  avr.  4845)  ; 
aussi  fut-il  retraité  par  la  seconde  Restauration  (4  sept. 
4845).  Elu  le  9  mai  4822  député  de  Villefranche  (Rhône), 
il  siégea  à  l'extrême  gauche.  Non  réélu  en  4824,  il  fut 
relevé  de  la  retraite,  admis  dans  le  cadre  de  réserve  par 


Louis-Philippe  (7  févr.  4831),  et  définitivement  retraité  le 
41  juin  4832.  Etienne  Châravay. 

BiBL.  :  Arch.  adm.  de  la.  guerre.  —  L.  Calvet  de  Ro- 
GNiAT,  Biographie  et  obsèques  du  général  de  La  Poype, 
1851, in-8. 

LAPPA  ou  LAMPA  (Géogr.  anc).  Ville  de  Crète,  dont  le 
territoire  s'étendait  d'une  mer  à  l'autre  ;  c'était  peut-être 
une  colonie  de  Tarrha.  Elle  avait  Phœnix  pour  port.  Mé- 
tellus  la  saccagea  ;  elle  prit  le  parti  d'Octave  qui  la  restaura. 
Ce  fut  un  évèché  chrétien.  Ses  ruines  se  voient  près  de 
Polis, 

LA P PARENT  (Cochon  de)   (V.  Cochon  de  Lappabent). 

LAPPION.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Lacn,  cant. 
de  Sissonne  ;  543  hab. 

LAPPUYE.  Com.  du  dép.  de  la  Vienne,  arr.  de  Châtel- 
lerault,  cant.  de  Pleumartin  ;  4,008  hab. 

LAPRADE.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Carcas- 
sonne,  cant.  de  Mas-Cabardès  ;  656  hab. 

LAPRADE.  Com.  du  dép.  de  la  Charente,  arr.  de  Rar- 
bezieux,  cant.  d'Aubeterre  ;  466  hab.  Papeteries. 

LAPRADE  (Pierre-Martin-Victor  Richard  de),  littéra- 
teur français,  né  à  Montbrison  (Loire)  le  43  janv.  4842, 
mort  à  Lyon  le  43  déc.  1883.  Fils  d'un  médecin  distingué 
de  sa  ville  natale,  il  s'inscrivit  au  barreau  de  Lyon,  mais 
n'exerça  point  et  publia  (4844),  sous  le  titre  d'Odes  et 
Poèmes  (in-i8j,  des  poésies  empruntées  aux  traditions 
antiques,  à  la  Rible  et  à  l'Evangile,  très  remarquées 
des  lettrés.  Charge  par  M.  de  Salvandy  d'une  mission 
littéraire  en  Itahe  (4845)  il  occupa,  à  son  retour, 
de  4847  à  4864,  la  chaire  de  littérature  française  à  la 
faculté  des  lettres  de  Lyon.  Une  satire  politique  intitulée 
les  Muses  d'Etat,  inspirée  par  les  colères  que  soulevaient 
les  EfJro7îtés  d'Emile  Augier,  provoqua  sa  destitution  et 
valut  au  Correspondant  un  avertissement  comminatoire. 
Victor  de  Laprade  ne  rentra  dans  la  vie  publique  que  dix 
ans  plus  tard  comme  représentant  du  dép.  du  Rhône  à 
l'Assemblée  nationale  de  4874,  mais  sa  santé  le  força  de 
résigner  son  mandat  en  mars  1873. 

Par  une  dérogation  aux  règlements  de  l'Académie  fran- 
çaise qui  exigent  la  résidence  à  Paris  de  tous  ses  membres, 
Laprade  avait  succédé  le  44  févr.  4858  à  Alfred  de  Musset. 
Celte  haute  distinction  lui  avait  été  conférée  après  la 
publication  de  deux  autres  recueils  sortis  des  mêmes  inspi- 
rations, les  Poèmes  évangéliques  (4852,  in-48)  et  les 
Symphonies  (4855,  in-^8).  Il  avait  donné  depuis  :  les 
Idylles  historiques  (1858,  in-48);  Periiette,  poème 
(4868,  in-8);  Harmodius  tragédie  (4870,  in-48); 
Poèmes  civiques  (\ SI 3,  in-48),  ainsi  quediverses  études 
en  prose  :  Questions  d'art  et  de  morale  (4867,  in-8)  ; 
le  Sentiment  de  la  nature  avant  le  christianisme 
(1866,  in-8);  l'Education  homicide  (4867,  in-8),  ré- 
quisitoire contre  l'enseignement  moderne;  l'Education 
libérale  (4873,  in-48)  ;  \e  Livre  d'un  père  {\Sl%,m-\%). 
BiBL.  :  Edmond  Biré,  Victor  de  Laprade,  sa  vie  et  ses 
œuvres,  1886,  in -18. 

LAPRAIRIE.  Ville  du  Canada,  ch.-l.  d'un  comté  de  la 
prov.  de  Québec,  r.  dr.  du  Saint-Laurent,  entre  Montréal 
et  le  SauU-Saint-Louis  ;  4,000  hab.  à  peu  près  tous  Fran- 
çais. Ancien  fort  français. 

LA  PRESTE  (V.  Prats-de-Mollo). 

Eaux  minérales.  —  Ces  eaux  «  hyperthermales,  sulfu- 
reuses sodiques  faibles,  azotées  »,  sont  particulièrement 
efficaces  dans  la  gravelle,  les  coliques  néphrétiques,  l'ictère, 
le  diabète,  la  goutte,  le  rhumatisme,  les  affections  chro- 
niques des  voies  respiratoires,  les  dyspepsies  gastriques  et 
intestinales  consécutives  aux  dermatoses,  la  scrofule,  l'ané- 
mie, les  roideurs  musculaires,  etc.  On  les  emploie  en  bois- 
son, bains,  douches  et  inhalations.  D'^  L.  Hn. 

LAPRUGNE.  Com.  du  dép.  de  l'Allier,  arr.  de  LaPa- 
lisse,  cant.  du  Mayet-de-Montagne  ;  1,547  hab. 

LAPS.  Com.  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  de  Cler- 
mont,  cant.  de  Vic-le-Comte  ;  540  hab.  Chapelle  romane. 

LAPS  AN  A  (Lapsana  T.,Lampsana  Vaill.)  (Bot.).  Genre 
de  Composées-Chicoracées,  dont  la  fleur  présente  presque  les 


LAPSANA  —  LAQUE 


—  954 


caractères  de  celle  de  la  Chicorée  ;  elle  est  jaune.  Les  capi- 
tules sont  petits  et  disposés  en  cymes  lâches  ;  Finvolucre 
est  glabre  et  le  réceptacle  nu  ;  les  fruits  sont  oblongs  et 
pluricostés.  On  ne  connaît  que  4  ou  5  espèces  glabres  ou 
poilues,  à  feuilles  alternes,  toutes  répandues  dans  l'hémi- 
sphère boréal  de  l'ancien  monde.  Le  L.  communis  L.  ou 
herbe  aux  mamelles  sert  dans  les  campagnes  à  préparer 
des  cataplasmes  pour  guérir  les  gerçures  des  seins  ;  ses 
feuilles  se  mangent  cuites  ou  en  salade.  D^.  L.  ÏIn. 

LAPS!  (V.  Donâtisme). 

LAPTE.  Corn,  du  dép.  de  la  llaute-Loiro,  arr.  et  cant. 
d'Yssingeaux  ;  2,766  hab. 

LAPUGNOY.  Corn,  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  et 
cant.  de  Béthune;  i,6T7  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  du 
Nord,  ligne  de  Béthune  à  Saint-Pol  et  Abbeville.  Distillerie 
de  betterave  et  filature  de  coton. 

LAPUSNEANU,  prince  de  Moldavie  (V.  Roumanie). 

LAQUE.  I.  Art  décoratif .  — C'est  de  l'extrême  Orient 
que  nous  vient  le  laque,  sorte  de  vernis  spécial  fabriqué  avec 
la  gomme  du  Rhus  verni ficera.  Les  Chinois  et  les  Japo- 
nais produisent  à  la  fois  le  laque  peint  et  le  laque  sculpté, 
mais  les  procédés  de  ce  travail  varient  suivant  les  provinces 
d'où  il  provient.  Le  laque  s'applique  sur  des  surfaces  lisses 
en  bois  ou  en  carton  et  mémo  en  métal.  Le  vernis  brut 
avant  d'être  employé  doit  subir  plusieurs  préparations;  on 
y  ajoute  de  l'huile,  du  sulfate  de  fer  et  du  vinaigre  de  riz, 
dont  les  doses  sont  calculées  suivant  le  degré  de  consis- 
tance et  de  transparence  que  l'on  veut  obtenir.  En  outre, 
on  colore  les  laques  en  noir  avec  un  mélange  de  noir  ani- 
mal et  d'huile  de  thé;  en  jaune  avec  de  Thude  additionnée 
de  fiel  de  porc  ;  en  aventurine,  en  saupoudrant  le  vernis 
jaune  de  poudre  d'or  ;  en  rouge  avec  de  la  cochenille.  Les 


Panneau  de  laque  noir  à  dessin  d'or  en  relief. 

laqueurs  savent  obtenir  des  tons  nombreux  d'un  éclat  par- 
ticulier, dont  les  principaux  sont  le  rouge  franc  et  le  rouge 
vineux,  le  rose  tendre  et  le  rose  corail,  le  violet,  le  bleu 
indigo  et  le  bleu  ardoisé,  le  vert  oliv^  et  le  jaune  d'ocre. 

L'ouvrier  laqueur  doit,  avant  d'appliquer  son  vernis, 
placer  le  bois  et  le  polir  avec  soin,  garnir  les  joints  d'étoupe 
fine  et  coller  sur  les  joints  des  bandes  étroites  de  papier, 
en  recouvrant  le  tout  d'un  mince  canevas  de  soie.  Là-des- 
sus, il  étend  à  la  brosse  dure  un  mélange  de  poudre 
d'émeri,  de  vermillon,  de  gomme  et  de  fiel  de  bœuf,  qu'il 
laisse  sécher.  Quand  cet  enduit  est  sec,  on  le  polit,  puis 
on  recommence  une  application  nouvelle  et  on  possède  le 


fond  sur  lequel  devra  être  tracé  le  décor,  au  moyen  d'un 
dessin  plat  ou  en  relief.  Les  couches  de  laque  que  Ton  ap- 
plique sur  ce  fond  varient  en  nombre  suivant  la  qualité 
de  l'ouvrage  que  l'on  veut  obtenir.  On  n'en  appose  jamais 
ujoins  de  trois  et  jamais  plus  de  dix-huit.  Le  vernis  est 
disposé  en  couches  minces  et  égales,  au  moyen  d'un  pin- 
ceau plat  et  fin.  Après  chaque  couche,  la  pièce  est  portée 
dans  un  séchoir,  puis  ensuite  elle  est  reprise  et  polie. 
Lorsque  l'artiste  veut  exécuter  un  décor,  il  décalque  son 
dessin  et  commence  à  le  peindre,  mais  il  lui  faut  une  grande 
légèreté  de  main,  car  il  ne  peut  jamais  revenir  sur  le  pre- 
mier coup  de  pinceau  qu'il  a  apposé.  Pour  l'application  de 
l'or,  il  se  sert  d'un  tampon  contenant  de  la  poudre  d'or  et 
additionnée  de  camphre  qui  sert  de  mordant.  Les  laques 
sont  souvent  incrustés  d'ivoire,  do  nacre,  de  corail,  de 
pierres  dures  et  de  lapis-Jazuli  qui  s'harmonisent  avec  la 
composition  générale  du  sujet. 

On  laque  également  des  pièces  sculptées  en  les  recou- 
vrant d'une  pâte  épaisse,  sorte  de  vernis  rouge  composé  de 
filasse,  de  papier  réduit  en  bouillie  et  de  coquilles  d'œufs, 
broyés  ensemble  et  mélangés  avec  de  l'huile  de  caméha. 

A  l'aide  de  ces  procédés  qui  exigent  une  adresse  parti- 
culière et  qui  réclament  un  temps  énorme,  les  artistes  de 
la  Chine  et  du  Japon  exécutent  des  chefs-d'œuvre  de  goût 
et  d'élégance,  qui  ont  mérité  de  prendre  place  dans  les 
collections  des  amateurs  et  dans  les  vitrines  des  musées 
d'Europe.  Les  ouvriers  do  jJvioto  et  de  Ycdo  se  sont  parti- 
culièrement distingués  dans  l'exécution  do  ces  petits  chefs- 
d'œuvre  dont  la  solidité  et  la  durée  égalent  la  légèreté. 
L'industrie  moderne  du  Japon  n'a  pas  renoncé  à  cette 
branche  d'art  décoratif,  mais  l'élévation  delà  main-d'œuvre 
et  le  besoin  de  produire  vite  et  beaucoup  pour  l'exporta- 
tion ne  permettent  plus  de  produire  des  pièces  aussi  ex- 
quises que  celles  des  siècles  derniers. 

Les  laques  du  Japon  commencèrent  à  être  introduits  en 
Europe  vers  le  commencement  du  xvu^  siècle.  Leur  beauté 
y  fut  vite  appréciée  et,  sous  le  règne  de  Louis  XV,  ils  de- 
vinrent un  des  principaux  éléments  de  la  curiosité.  Cette 
vogue  donna  à  de  nombreux  industriels  l'idée  de  fabriquer 
des  panneaux  d'appartement,  des  carrosses,  des  meubles  et 
des  bijoux  de  toute  sorte,  recouverts  de  vernis  peint  imi- 
tant celui  de  la  Chine.  Les  plus  connus  de  ces  peintres- 
vernisseurs  furent  les  frères  Martin,  qui  obtinrent  un  pri- 
vilège pour  leur  manufacture,  d'où  sortirent,  pendant  près 
de  cinquante  années,  des  produits  très  remarquables. 
Malgré  ces  qualités,  le  vernis  des  frères  Martin  n'était  pas 
un  laque  véritable  ;  il  n'en  rappelait  que  l'aspect,  et  il  n'en 
avait  nullement  la  durée  presque  indestructible.  11  était 
obtenu  par  des  procédés  différents,  comme  le  sont  tous  les 
meubles  et  les  objets  laqués  produits  par  l'ébénisterie  ou 
la  tabletterie  de  notre  époque,  qui  sont  revêtus  de  peintures 
vernies.  A.  de  Ch. 

II.  Peinture.  —  L'usage  des  laques  dans  la  peinture  à 
l'huile  doit  être  fait  avec  précaution.  J^e  contact  de  l'acier 
les  ternit  et  leur  mélange  avec  certaines  couleurs  les  déna- 
ture. 11  est  préférable  de  ne  les  employer  qu'en  glacis,  sur 
des  dessous  bien  secs. 

III.  Chimie  industrielle.  —  L\que  de  cochenille 
(V.  Cochenille). 

Laque  de  garance.  —  La  garance  est  mise  à  fermenter 
et  lavée  puis  versée  dans  quatre  fois  son  poids  d'acide  sul- 
furique  non  nitreux,  marquant  55°  B.  Le  mélange  est  fait 
dans  un  vase  de  plomb  entouré  d'eau  froide  ;  toutes  ces 
précautions  sont  prises  pour  éviter  la  trop  grande  élévation 
de  température.  On  obtient  ainsi  une  bouillie  qu'on  aban- 
donne pendant  trois  heures,  puis  qu'on  délaye  avec  5  par- 
ties d'eau.  On  filtre  à  travers  le  verre  pilé  et  on  étend 
d'une  grande  quantité  d'eau  aussi  pure  que  possible.  Au 
moyen  de  cette  dilution,  la  matière  colorée  devenue  inso- 
luble se  précipite  en  entraînant  des  matières  minérales, 
mais  en  moindre  quantité  que  dans  la  laque.  Cette  belle 
couleur  est  composée  pour  la  plus  grande  partie  d'alizarine, 
principe  immédiat  de  la  garance  dont  on  doit  la  découverte 


—  955 


LAQUE  -  LAR 


à  Robiquet  et  à  M.  Colin.  Pour  préparer  la  laque  de  ga- 
rance, on  peut  suivre  la  recette  suivante  :  la  garance  est 
lavée,  épurée,  afin  de  séparer  le  sucre  et  les  matières  gom- 
meuses  ;  Tcau  de  lavage  est  acidulée  pour  éviter  toute  perte 
de  colorant.  Cela  fait,  elle  est  traitée  par  dix  fois  son  poids 
de  dissolution  d'alun  (1  d'alun  10  d'eau)  ;  la  décoction  se 
fait  au  bouillon,  elle  dure  quinze  à  vingt  minutes;  le  liquide 
est  filtré  à  travers  une  chausse.  On  laisse  tomber  la  tem- 
pérature à  40^  ;  on  ajoute  en  cristaux  de  soude  12  à  15  ^/^ 
du  poids  de  l'alun  employé  et  on  porte  à  l'ébullition,  la  cou- 
leur se  forme  et  se  dépose  (V.  Couleur,  t.  XIll,  p.  44). 

Laque  de  bots.  —  La  laque  de  bois  rouge  se  prépare  en 
faisant  une  forte  décoction  de  fcrnambouc,  et  délayant 
dans  ce  liquide  un  mélange  de  craie  et  d'alun  avec  do  l'ami- 
don; la  matière  amylacée  se  recouvre  de  sous-sulfate  d'alu- 
mine, lequel  fixe  la  matière  colorée.  C'est,  ainsi  qu'on  le 
voit,  une  laque  additionnée  de  substances  étrangères. 

Laque  jaune  de  caude.  —  De  la  craie  bien  pure  est  dé- 
layée dans  l'eau,  on  y  ajoute  1/5  de  son  poids  d'alun,  fine- 
ment pulvérisé;  on  obtient  ainsi  du  sulfate  de  chaux,  du 
sous-sulfate  d'alumine,  et  tandis  que  ce  précipité  com- 
plexe est  en  suspension,  on  ajoute  une  forte  décoction  de 
gaude.  Après  décantation,  la  pâte  obtenue  est  portée  sur 
des  tables  de  plâtre  ou  de  craie  qui  en  absorbent  l'humi- 
dité ;  enfin,  moulée,  on  la  fait  sécher  à  l'ombre. 

Constituiion  des  laques.  Elles  sont  formées  par  l'union 
des  oxydes  de  certains  métaux,  comme  l'aluminium,  l'étain, 
le  plomb,  l'antimoine,  avec  des  matières  colorantes,  phé- 
nomène analogue  à  celui  de  la  coloration  des  textiles. 
M.  Léo  Vignon  a  cherché  s'il  n'existait  pas  un  étroit  rap- 
port entre  l'énergie  de  la  fonction  acide  ou  basique  de 
l'oxyde  métallique  et  la  fixité  de  la  laque  obtenue.  Il  a 
étudié  les  laques  obtenues  par  l'union  des  différents  oxydes 
stanniques  avec  la  matière  colorante  connue  sous  le  nom 
de  safranine.  On  saitque  l'oxyde  d'étain,  appelé  acide  stan- 
nique  se  présente  sous  plusieurs  états  polymériques  à  fonc- 
tion acide  décroissante,  cette  fonction  étantmesurée  d'après 
les  quantités  de  chaleur  dégagée  lors  de  combinaisons  avec 
la  soude  caustique. 

On  est  arrivé  aux  conclusions  suivantes  :  l'^  l'absorption 
de  la  matière  colorante  coïncide  avec  l'existence  dans  la 
substance  absorbante  d'une  fonction  acide  intense  ; 
T  lorsque  cette  fonction  s'affaiblit,  le  pouvoir  absorbant 
s'affaiblit  aussi.  Ainsi,  avec  l'acide  stannique  proprement 
dit,  il  obtint  une  laque  d'un  beau  rouge,  avec  l'acide  métas- 
tannique,  elle  était  à  peine  teintée  de  rose.  Signalons,  pour 
terminer,  à  titre  de  curiosité,  une  application  fort  originale 
d'une  laque  que  les  Japonais  emploient  depuis  longtemps 
pour  peindre  mille  objets  divers  qu'ils  nous  envoient.  On 
vient  de  l'employer  comme  enduit  protecteur  pour  la  ca- 
rène des  navires.  Lors  d'expériences  faites  au  Japon, 
M.  Hotta  avait  remarqué  que  la  laque  pouvait  séjour- 
ner longtemps  dans  l'eau  salée  sans  altération  appré- 
ciable. En  juin  1886,  la  carène  du  Fuso-Kan,  bâtiment 
de  guerre,  fut  recouverte  d'un  enduit  de  laque.  En  sept. 
1887  elle  entra  au  bassin  de  radoub.  La  protectioa  avait 
été  si  efficace  qu'on  ne  toucha  aucunement  à  la  carène. 
En  1888,  1889  et  1890,  il  en  fut  encore  de  même  au 
grand  étonnement  du  personnel  de  l'arsenal.  Après  ces 
expériences  concluantes,  M.  Hotta  forma  une  société  qui 
depuis  a  eu  entre  les  mains  neuf  navires  japonais.  Le  bâti- 
ment étant  au  bassin,  on  nettoie  soigneusement  la  carène, 
des  toiles  sont  tendues  tout  autour  pour  arrêter,  pendant 
l'opération,  les  poussières  des  vents.  La  première  couche 
apphquée,  on  laisse  sécher  un  jour,  puis  trois  autres  couches 
avec  même  temps  de  séchage.  Dans  ces  conditions,  les  co- 
quillages ne  s'attachent  plus  à  la  carène.  Ajoutons  que  le 
prix  payé  à  la  Société  est  de  13  cents  (du  dollar  d'or)  par 
pied  carré.  A.  Riegel. 

BiBL.  :  Art  décoraj'ii'.  —  L.  G<,'N-f;,  l'Art  japonais.   — 
M.  Paléologue,  VArt  chinois.  —  8.  Bing,  le  Japon. 

LAQUEDIVES  ou  LÂKADIVES  {Lakcha  Dvipa,  les 
«  cent  mille  îles  »).  Archipel  de  l'océan  Indien,  au  S.  de 


la  mer  d'Oman,  entre  Tïnde  et  l'Arabie,  à  300  kil.  0.  de 
la  côte  de  Malabar,  entre  10^  et  U''  lat.  N.,  69'>  W  et 
71^  W  long.  E.  Ce  sont  des  îles  coralliaires  (V.  Atoll), 
construites  au  N.  du  plateau  sous-marin  qui  porte  les  Mal- 
dives. Leur  formation  est  beaucoup  moins  réguhère  que 
celle  des  Maldives,  et  les  atolls  parfaits  y  sont  peu  nom- 
breux ;  en  général,  c'est  le  côté  oriental  de  l'anneau,  le 
mieux  abrité  et  le  plus  étroit,  qui  constitue  l'île  ;  le  reste 
est  une  large  frange  de  récifs  ;  dans  le  lagon  intérieur, 
l'eau  est  toujours  calme^  même  par  les  tempêtes.  Aucun 
point  n'émerge  de  plus  de  5  m.  au-dessus  des  flots.  L'ar- 
chipel se  compose  de  dix  îles  principales  et  d'une  foule  de 
récifs  et  d'îlots.  La  superficie  des  îles  est  de  1,927  kil.  q. 
avec  une  population  d'environ  15,000  âmes  (y  compris 
Minikoi).  Elles  se  divisent  en  deux  groupes.  Celui  du  N. 
comprend  Amini,  Tchetlat,  Kadamat,  Kiltan  et  Bitra*;  celui 
du  S.,  Agathi,  Kavarathi,  Antrot,  Kalpeni,  Souheli.  Au 
S.  se  trouve,  entre  9*^ et  8« de  lat.  N.,  l'île  de  Minikoi,  qui 
dépend  géographiquement  des  Maldives,  mais  administra- 
tivement  des  Laquedives.  Le  sol  est  peu  fertile  ;  outre  les 
cocotiers  qui  sont  la  ressource  essentielle  et  dont  on  vend 
surtout  la  fibre  tressée  (pour  les  navires  arabes),  on  récolte 
un  peu  de  riz  et  de  patates.  Les  habitants  sont  d'origine 
hindoue,  descendant  des  Naïrs,  parlant  le  malayalam,  mais 
convertis  à  l'islamisme.  Les  îles  du  S.  ont  gardé  la  famille 
maternelle  des  Naïrs  (V.  Famille);  celles  du  N.  ont  adopté 
la  descendance  masculine.  A  Minikoi,  la  population  est  la 
même  que  celle  des  Maldives.  Dans  tout  l'archipel,  le  nombre 
des  femmes  dépasse  de  plus  d^  10  ^/o  celui  des  hommes  à 
cause  de  l'émigration  et  des  naufrages.  Les  îles  sont  sou- 
vent ravagées  par  des  cyclones.  Les  habitants  sont  de  har- 
dis marins  possédant  environ  700  barques  et  200  navires 
de  plus  grande  taille.  Les  îles  du  N.  sont  une  possession 
directe  de  l'Angleterre  ;  les  îles  du  S.  dépendent  nomina- 
lement du  radja  de  Cananore,  mais  sont,  depuis  1877, 
administrées  directement  par  l'Angleterre.  Le  commerce  se 
fait  avec  l'Inde  et  représente  une  exportation  de  400  à 
500,000  fr.  de  fil  de  coco,  copra,  écaille  de  tortue,  co- 
quilles de  cauris,  etc.  Les  lies  Laquedives  sont  connues 
de  temps  immémorial  par  les  Hindous  et  les  Arabes,  étant 
sur  la  route  entre  ces  deux  peuples  ;  mais  elles  sont  si 
basses  sur  l'eau  qu'on  ne  les  voyait  pas  toujours  et  la  lé- 
gende en  fit  des  îles  errantes.  En  1499.  Vasco  de  Gama 
les  aperçut.  Elles  passèrent  avec  le  Maïssour  (Mysore)  sous 
la  domination  britannique.  A. -M.  B. 

LAQUEUILLE.  Com.  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  de 
Clermont,  cant.  dcRochefort,  à  1,000  m.  d'alt.;  l,034hab. 
Stat.  du  chem.  de  fer  de  Clerment-Ferrand  à  Eygurande, 
desservant  les  villes  d'eau  de  la  Bourbouleet  du  Mont  Dore. 
Carrières  d'où  l'on  extrait  des  dalles  employées  aux  toitures 
du  pays.  lîeurre  et  fromages  bleus.  Commerce  important 
de  bestiaux.  Tuileries.  Vestiges  d'un  ancien  château  des 
comtes  d'Auvergne. 

LAQU  EU I  LIE  (Jean-Claude-Marie-Victor,  marquis  de), 
général  et  homme  politique  français,  né  à  Châteaugay  (Puy- 
de-Dôme)  le  2  janv.  1742,  mort  à  Paris  le  30  avr.  1810. 
Mousquetaire  en  1750,  capitaine  en  1771,  colonel  en  1776 
et  maréchal  de  camp  le  12  oct.  1788,  il  fut  élu,  le  25  mars 
1789,  député  de  la  noblesse  aux  États  généraux  par  la 
sénéchaussée  deRiom.  Il  témoigna  une  grande  hostilité  aux 
réformes  et  démissionna  le  6  mai  i  790.  Il  émigra  et  devint 
l'agent  des  princes,  avec  lesquels  il  fut  décrété  d'accusa- 
tion le  i^^  janv.  1792.  C'était  chez  lui  que  se  tenait  à 
Coblentz  le  club  des  princes.  Il  rentra  en  France  sous  le 
Consulat.  Etienne  Charâvây. 

LA  QUINTINIE  (Jean  de)  (V.  Quintinie  [La]). 

LAR.  Rivière  de  la  Perse  septentrionale,  qui  naît  au 
S.-O.  du  Demavend,  le  contourn.e  et  se  jette  dans  la  mer 
Caspienne;  sa  haute  vallée,  ancien  fond  de  lac  formé  par 
les  coulées  de  laves  du  Demavend,  est  très  fertile  et  est 
une  villégiature  fréquentée  en  été  à  cause  de  son  climat  et 
de  ses  sources  sulfureuses. 
BiHL.  :  RosENBURG,  Das  Larlhal.,  dans  Mitth.  Soc.  geogr. 


LAR  —  LARAGNE 


—  956 


de  Vienne,  1876.  —  Lovett,  Itinerary  Notes  in  Northern 
PersiaUf  dans  Proceed.  ofroy.  geogr.  Soc,  1883. 

LAR.  Ville  de  la  Perse  méridionale,  cli.-l.  de  la  prov. 
de  Laristaii,à  400kil.  S.-O.  de  Kirman;  12,000  hab.  Elle 
est  complètement  déchue  de  son  ancienne  prospérité  qui 
fut  surtout  grande  après  Chah  Abbas.  Sa  monnaie  d'ar- 
gent en  forme  de  datte  fut  au  xvi®  siècle  la  plus  répandue 
en  Perse.  On  y  voit  une  citadelle  au  haut  d'un  roc  ardu, 
un  magnifique  bazar  à  quatre  portes  avec  coupole,  les 
ruines  de  plus  de  3,000  citernes,  etc.  Elle  fait  encore  un 
commerce  actif  de  tabac  très  apprécié,  de  coton,  de  fruits, 
de  grains,  de  chameaux  excellents,  etc. 

LARA.  Etat  du  Venezuela  formé  en  4881  ;  24,085  kil.  q.; 
246,760  hab.  Il  comprend  les  sections  de  Barquisimeto  et 
Yaracuy;  le  N.  etl'O.  sont  des  pays  de  plaine,  le  S.  est 
montagneux  et  renferme  le  Paramo  de  Cavimbu  (2,200  m.). 
11  est  arrosé  par  le  Tocuyo  et  le  Yaracuy,  tributaires  de  la 
mer  des  Antilles,  par  de  petits  cours  d'eau  qui  aboutissent 
au  golfe  de  Maracaïbo  et  à  l'Orénoque  (V.  Venezuela). 
C'est  un  pays  médiocrement  fertile,  à  grands  troupeaux  de 
bœufs  et  de  chèvres. 

LARA  ou  LARUNDA,  déesse  latine  regardée  comme  la 
mère  desLar^5  (V.  ce  mot).  C'était  peut-être  une  divinité 
tellurique  de  la  mort,  et,  par  suite,  du  silence.  L'introduc- 
tion de  son  culte  à  Rome  fut  attribuée  à  Titus  Tatius.  Les 
mythographes  grécisants  firent  de  Lara  une  nymphe,  fille 
d'Almon,qui  aurait  dénoncé  à  Junonles  amours  de  Jupiter 
et  de  Juturne;  privée  de  la  parole,  elle  fut  remise  à  Mer- 
cure pour  être  conduite  en  enfer;  il  s'en  éprit  et  de  leur 
commerce  naquirent  les  Lares. 

LARA  (Infants  de).  Légende  espagnole  du  moyen  âge. 
On  la  place  à  la  fin  du  x^  siècle,  au  temps  du  comte  Garci 
Fernandez  de  Castille  et  du  roi  de  Léon,  Bermudo  IL  Sui- 
vant la  Chronique  générale  et  le  Romancero,  comme 
Ruy  Velazquez  épousait  dona  Lambra,  en  la  ville  de  Bur- 
gos,  une  querelle  survint  entre  celle-ci  et  sa  belle-sœur, 
dona  Sancha,  femme  de  Gonzalo  Gustiosde  Lara,  seigneur 
de  Salas.  Les  deux  femmes  s'insultèrent  publiquement. 
Ln  des  sept  fils  de  dona  Sancha,  le  plus  jeune,  Gonzalvico, 
outragea  dona  Lambra,  la  menaçant,  disent  les  romances, 
de  lui  couper  les  jupes  au-dessus  du  genou,  une  palme  et 
plus  encore.  A  l'annonce  de  l'injure  faite  à  son  épouse, 
Ruy  Velazquez  jure  de  la  venger.  Il  simule  une  réconcilia- 
tion avec  les  infants  et  leur  père,  Gonzalo  Gustios.  Quelque 
temps  après,  l'implacable  dona  Lambra  pousse  un  esclave 
à  jeter  sur  Gonzalvico  un  concombre  plein  de  sang  «  vi- 
vant ».  Les  infants  poursuivent  l'esclave  et  viennent  le 
daguer  jusqu'aux  pieds  de  sa  maîtresse.  Là-dessus,  seconde 
réconciliation.  Ruy  Velazquez  propose  aux  infants  une 
chevauchée  en  terre  infidèle  et  les  livre  aux  musulmans 
qui  finissent  par  les  exterminer  avec  leur  ayo  Nufio  Sa- 
lido,  après  une  lutte  furieuse.  Pendant  ce  temps,  Gonzalo 
Gustios  que  le  traître  avait  envoyé  à  Cordoue,  sous  pré- 
texte de  porter  un  message  au  roi  Almanzor  (l'hadjib  Al- 
Mansour  de  l'histoire), [était  retenu  prisonnier  par  le  mu- 
sulman qui  lui  faisait  servir  en  un  festin  les  sept  têtes  de 
ses  enfants  et  celle  de  leur  ayo.  Emu  par  une  si  grande 
infortune,  le  roi  more  rendit  la  liberté  au  Castillan.  En 
quittant  Cordoue,  Gonzalo  Gustios  laissait  enceinte  une 
sœur  d*Almanzor.  La  Sarrazine  mit  au  monde  un  fils, 
Mudarra;  l'enfant  fut  élevé  parmi  les  infidèles.  Ayant 
appris  le  sort  de  ses  frères  et  le  secret  de  sa  naissance,  il 
partit  pour  la  Castille,  à  la  recherche  de  Ruy  Velazquez, 
le  tua  et  vint  présenter  la  tête  à  son  vieux  père.  Gonzalo 
Gustios  reconnut  le  bâtard,  le  fit  baptiser  et  armer  cheva- 
lier par  Garci  Fernandez.  Dans  la  suite,  Mudarra  brûla 
vive  dona  Lambra.  (D'aucuns  disent  qu'elle  fut  lapidée.) 
C'est  de  Mudarra  que  prétendaient  descendre  lesManrique 
Lara.  —  Cette  tragique  légende  qui  repose  probablement 
sur  quelque  fait  historique  altéré,  a  longtemps  passé  pour 
vérité  prouvée.  Mariana  la  rapporte  encore  en  détail  dans 
son  Histoire  cT Espagne,  Elle  a  inspiré  aux  poètes  du 
moyen  âge  et  de  la  Renaissàice  une  trentaine  de  romances 


fort  populaires  et  dont  plusieurs  ont  tous  les  caractères  de 
Fancienneté  (V.  le  Romancero  gênerai  de  Durân,  t.  I). 
Juan  de  La  Cueva,  Lope  de  Vega,  Matos  Fragoso  et  Félicien 
Mallefille  l'ont  mis  en  drame.  Victor  Hugo  a  imité,  dans  la 
Romance  mauresque  de  ses  Orientales,  un  des  plus  beaux 
chants  du  Romancero  des  sept  infants,  celui  où  le  bâtard 
Mudarra  tue  Ruy  Velazquez  à  la  chasse.     Lucien  Dollfus. 

LARA  (Juan-Nunez  de)  (V.  Cerda). 

LARA  BIT  (Marie-Denis),  homme  politique  français,  né 
à  Roye  (Somme)  le  45  août  1792,  mort  à  Paris  le 
24  janv.  1876.  Elève  de  l'Ecole  polytechnique  en  1810, 
il  fit  les  dernières  campagnes  de  l'Empire,  prit  part  en 
1823  à  l'expédition  d'Espagne  et,  après  la  révolution  de 
Juillet,  se  jeta  dans  la  carrière  politique.  Envoyé  en  1831 
par  le  collège  d'Auxerre  à  la  Chambre  des  députés,  il  y 
siégea  jusqu'en  1848  et  s'associa  à  la  politique  de  l'oppo- 
sition dynastique.  Nommé  par  le  gouvernement  provisoire 
févr.  1848)  directeur  adjoint  du  personnel  au  ministère 
de  la  guerre,  envoyé  peu  après  (23  avr.)  par  le  dép.  de 
l'Yonne  à  l'Assemblée  constituante,  il  fit  preuve  de  cou- 
rage et  de  dévouement  pendant  les  journées  de  Juin.  Réélu 
à  l'Assemblée  législative  (1849),  il  vota  d'ordinaire  avec 
la  droite.  Après  le  2  décembre,  il  se  rallia  au  nouveau 
régime  et  entra  avec  l'appui  du  gouvernement,  comme 
député  de  l'Yonne,  au  Corps  législatif  (29  févr.  1852), 
d'où  il  passa  bientôt  au  Sénat  (4  mars  1853).  La  révolu- 
tion du  4  sept,  le  rejeta  pour  toujours  dans  la  vie  privée. 

LARACHE  (en  marocain  El  Araish).  Ville  du  Maroc, 
située  à  l'embouchure  et  sur  la  rive  g.  du  fleuve  Loukkos, 
par  8«  29'  9''  long.  0.  de  Paris  et  35°  13'  lat.  N.,  pitto- 
resquement  bâtie  sur  la  pointe  rocheuse  qui  domine  le 
fleuve;  8,000  hab.,  dont  une  très  forte  proportion  de  juifs 
pour  la  plupart  d'origine  espagnole  ou  portugaise  et  quelques 
familles  de  négociants  européens.  L'intérieur  de  la  ville  a 
conservé  en  grande  partie  sa  physionomie  espagnole,  et  les 
défenses  de  la  place  sont  encore  celles  qui  existaient  en 
1689  au  moment  où  le  sultan  Moulaylsmaïls'en  empara. 
C'est  une  ville  de  très  grande  ancienneté,  citée  dès  le  dé- 
bat du  ix^  siècle.  Il  y  existe  des  agents  consulaires  de  la 
plupart  des  nations.  Il  s'y  fait  un  commerce  assez  actif 
par  la  rivière  où  de  petits  voiliers  espagnols  et  portugais 
viennent  charger  des  graines,  et  par  la  rade  extérieure 
où  les  vapeurs  anglais,  français,  allemands  apportent  des 
cotonnades,  des  bougies,  du  thé,  du  sucre,  et  embarquent  de 
la  laine  et  les  produits  agricoles  du  pays.  Larache  tend  de 
plus  en  plus  à  remplacer  Tanger  comme  port  de  la  ré- 
gion de  Fez  dont  il  est  plus  rapproché.  L'ensablement  de 
l'embouchure  du  fleuve,  les  difficultés  de  franchir  la  barre 
surtout  durant  la  période  hivernale  et  une  partie  du  prin- 
temps, nuisent  au  mouvement  du  port  de  Larache.  Au 
point  de  vue  commercial,  Larache  occupe  néanmoins  le  cin- 
quième rang  parmi  les  ports  marocains.  Son  chiff're  d'affaires 
en  1890  s'est  élevé  à  2,967,950  fr.  à  l'importation,  et  à 
2,418,350  fr.  à  Fexportation.  La  ville  est  commandée  par 
un  pacha  dont  la  juridiction  administrative  varie,  mais  qui 
s'étend  en  général  à  une  partie  de  la  province  marocaine  du 
Gharb.  Il  existe  de  très  beaux  jardins  aux  environs  de  la 
ville,  le  long  de  la  rive  gauche  du  fleuve,  en  remontant  les 
méandres  du  Loukkos;  on  y  récolte  des  oranges  renommées 
et  célèbres  dans  tout  le  Maroc  pour  leur  saveur  et  leur 
taille.  C'est  là  du  reste  que  la  tradition  place  le  jardin  des 
llespérJdes.  Le  climat  de  Larache  est  un  des  plus  humides 
qui  existent  au  monde.  La  ville  est  en  eff'et  soumise  cons- 
tamment soit  aux  vents  du  large,  soit  aux  vents  d'E.  qui 
qui  passent  sur  les  grands  marécages  que  forme  le  fleuve 
et  que  recouvre  à  chaque  marée  le  flux,  soit  aux  vents  du 
S.  qui  longent  la  côte  marocaine.  Il  y  règne  des  fièvres 
intermittentes  et  paludéennes,  dont  la  fréquence  aussi  bien 
que  la  gravité  ont  un  peu  diminué  depuis  que  l'on  y  a 
planté  des  eucalyptus.  L'eau  y  est  de  mauvaise  qualité  et 
la  ville  est  fort  sale.  II.-M.-P.  de  La  Martinière. 

LARAGNE.  Ch.-L  de  cant.  du  dép.  des  Hautes-Alpes^ 
arr.  de  Gap,  sur  la  Véragne;  1,104  hab.  Stat.  du  chem. 


957 


LARAGNE  -  LARCHE 


de  fer  de  Lyon,  section  de  Veyncs  à  Saint-Auban.  Mine  de 
plomb.  Carrière  de  gypse.  Commerce  de  chevaux,  de  cuirs, 
de  laines.  Ruines  d'un  château  féodal  et  chœur  d'une 
église  du  xiii^  siècle  à  Arzeliers. 

LARAJASSE.  Corn,  du  dép.  du  Rhône,  arr.  de  Lyon, 
cant.  de  Saint-Symphorien-sur-Coise  ;  2,341  hab. 

LA  RAMÉE  (V.  Ramée  [La]). 

LARAMIE.  Grand  massif  montagneux  des  Etats-Unis, 
EtatdeWyoming,  dominé  par  le  pic  Laramie  (3,033  m.), 
enveloppant  d'un  demi-cercle  de  300  kil.  de  développement 
la  plaine  Laramie  (ait.  2,100  m.),  arène  régulière  de 
130  kil.  de  diamètre,  arrosée  parla  Platte  qui  y  reçoit  du 
S.-E.  la  rivière  Laramie  (250  kil.  de  long,  pente  de  5  m. 
par  kil.).  La  ville  de  Laramie  City  (3,000  hab.)  est  sur 
la  r.  dr.  de  la  rivière  Laramie  et  sur  le  chemin  de  fer 
transcontinental,  à  2,177  m.  d'alt. 

LARAMIÈRE.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.de  Cahors, 
cant.  de  Limogne  ;  833  hab. 

LARAN.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  de  Ra- 
gnères-de-Rigorre,  cant.  de  Castelnau-Magnoac  ;  115  hab. 

LARAN  DA  (Géogr.  anc).  Ancienne  cité  de  la  Lycaonie, 
auj.  Karaman  (V.  ce  mot).  Ce  fut  un  des  centres  des  pi- 
rates isauriens. 

LARANGEI  RAS.  Ville  du  Rrésil,  Etat  de  Sergipe,  au  con- 
fluent du  Calobro  et  du  Cotindiba  (navigable)  ;  4,000  hab. 
Commerce  actif. 

LARARIUM  (Antiq.  rom.).  Edicule  où ,  dans  chaque 
maison  romaine,  étaient  conservées  les  images  des  Lares 
protecteurs  de  la  famille.  Tantôt  le  lararium  est  une  pe- 
tite chapelle  à  part,  tantôt  il  consiste  en  une  sorte  d'ar- 
moire placée  dans  Vatrium^de  sorte  que  ceux  qui  venaient 
saluer  le  maître  saluaient  d'abord  ses  dieux  (Lampride, 
Alex.  Sév.^  29,  31  ;  Pétrone,  20).  fl  y  avait  aussi  des  la- 
raria  publics  ;  chaque  quartier  même  possédait  son  petit 
sanctuaire.  Il  n'en  existait  pas  moins  de  265  au  temps  de 
Pline  (III,  V).  And.  B. 

L'ARBA  (V.  Arba). 

LARBAI G  {Larvallum^ pagus Larvallensis),Velil pays 
du  Béarn,  compris  aujourd'hui  dans  le  dép.  des  Basses- 
Pyrénées  et  Farr.  d'Orthez.  La  vallée  de  Larbaig  tire  son 
nom  du  ruisseau  de  Làa  qui  l'arrose  ;  elle  se  compose  des 
locahtés  d'Argagnon,  Biron,  Castetner,  Départ,  Làa-Mon- 
drans,  Lanneplàa,  Loubieng,  Les  Marmous,  Maslacq,  Mon- 
testrucq,  Ozenx,  Sainte-Suzanne,  Sarpourenx  et  Sauve- 
lade.  Le  pagus  Larvallensis  était  au  vi®  siècle  une  des 
subdivisions  de  la  ciuitas  Benarnensium.  11  forma  au 
moyen  âge  un  archidiaconé  du  diocèse  de  Lescar  qui  avait 
pour  ressort  le  Larbaig,  plus  le  cant.  de  Monein,  sauf  la 
com.  de  Lucq  ;  il  comprenait  les  archiprêtrés  de  Lou- 
bieng, Maslacq,  Monein  et  Pardies.       H.  Courteault. 

BiBL.  :  P.  Raymond,  Dictionnaire  topographique  des 
Basses-Pyrénées  ;  Paris,  1863,  in-1. 

LARBALÉTRIER  (Albert),  agronome  français,  né  à 
Paris  en  1863.  Adonné  de  bonne  heureà  l'étudede  l'agri- 
culture et  des  sciences  agricoles,  il  fit  de  solides  études  à 
l'Ecole  nationale  d'agriculture  de  Grignon.  Nommé  profes- 
seur à  l'Ecole  d'agriculture  de  la  Sarthe  en  1883,  il  s'occupa 
surtout  d'organiser  l'enseignement  théorique  et  pratique 
de  la  pisciculture  dans  cet  établissement.  M.  Larbalétrier 
a  été  nommé,  en  1885,  professeur  à  l'Ecole  d'agriculture 
du  Pas-de-Calais  et  au  collège  de  Saint-Pol.  Il  a  publié 
un  grand  nombre  d'ouvrages,  notamment:  Traité  pra- 
tique de  pisciculture  d'eau  douce  (1885,  in-1 6)  ;  l'Agri- 
culture et  la  science  agronomique  (1888,  in-12);  les 
Engrais  et  la  fertilisation  du  50^1 89 1 ,  in-1 6).  M.  Lar- 
balétrier est  un  des  collaborateurs  de  la  Grande  Encyclo- 
pédie. 

LARBEY.  Com.  du  dép.  des  Landes,  arr.  de  Saint- 
Sever,  cant.  de  Mugron  ;  448  hab. 

LARBOUST  (Vallée  de).  Cette  vallée  del'O.  du  cant.  de 
Bagnéres-de-Luchon,  sur  laquelle  se  ramitient  celles  d'Oo 
et  d'Oueil,  s'étend  du  col  de  Peyresourde  à  Bagnères-de- 
Luchon  (V.  Garonne  [Haute-]).  La  population  a  conservé 


beaucoup  de  traces  de  ses  origines  celtiques,  ibères  et  la- 
tines. Le  Larboust  forma  au  moyen  âge  une  petite  vicomte 
dont  la  capitale  était  Bernet  (auj.  hameau  de  la  com.  de 
BilHère). 

BiBL.  :J.SACAZE,EpigraphiedeLuchon;  Paris,  1880, in-8. 

LARBOUT.  Com.  du  dép.  de  l'Ariège,  arr.  de  Foix, 
cant.  de  La  Bastide-de-Sérou  ;  2,504  hab. 

LARBROYE.  Com.dudép.  dePOise,  arr.  de  Compiè^^ne, 
cant.  deNoyon;  174  hab.  "^ 

LARCAN.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr.  et 
cant.  de  Saint-Gaudens  ;  321  hab. 

LARCAT.  Com.  du  dép.  de  l'Ariège,  arr.  de  Foix,  cant. 
des  Cabannes  ;  439  hab. 

LARÇAY  (Larcayum).  Com.  du  dép.  d'Indre-et-Loire, 
arr.  de  Tours,  cant.  (S.)  de  Tours,  sur  le  Cher  ;  521  hab. 
~  Ruines  d'un  important  castellum  gallo-romain  for- 
mant un  parallélogramme  de  80  m.  de  long  et  composé  de 
10  tours  reliées  entre  elles  par  une  muraille  de  4  m. 
d'épaisseur  ;  obélisque  au  lieu  où  fut  assassiné  Paul-Louis 
^^ourier.  L.  Lhuillier. 

LARGEVEAU-Akros-Gibils.  Com.  du  dép,  des  Basses- 
Pyrénées,  arr.  de  Mauléon,  cant.  d'ihoîdv  ;  467  hab. 

LARCHAMP.  Com.  du  dép.  de  la  Mayenne,  arr.  de 
Mayenne,  cant.  d'Ernée  ;  2,049  hab. 

LARCHAMP.  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  de  Domfront, 
cant.  de  Tinchebray;  507  hab. 

LARCHANT  (Liricantus) .  Com.  du  dép.  de  Seine-et- 
Marne,  arr.  de  Fontainebleau,  cant.  de  La  Chapelle-la- 
Reine  ;  659  hab.  Ce  bourg  doit  sinon  son  origine,  au  moins 
sa  réputation  passée,  à  la  présence  dans  son  église  du  corps 
de  saint  Mathurin.  Durant  tout  le  moyen  âge,  le  culte  de  ce 
saint  y  amena  un  nombre  infini  de  pèlerins  ;  la  châsse  du 
saint  était  en  outre,  à  certaines  dates,  promenée  proces- 
sionnellement  dans  la  région.  La  ville  était  jadis  fortifiée, 
mais  ses  remparts  et  presque  toutes  ses  maisons  mômes 


W\^^^/^/  // 


Ruines  do  Téglise  de  Larchant, 

furent,  en  1778,  ruinées  par  un  incendie.  L'église,  datant 
du  xiii^  siècle,  subit  en  1567  les  ravages  des  huguenots 
et  la  nef  est  depuis  lors  restée  en  ruine  ;  on  y  remarque 
surtout  une  très  belle  tour,  haute  de  plus  de  70  m.  Lar- 
chant est  aujourd'hui  fréquemment  visité  par  les  touristes 
qui  font  des  excursions  dans  la  forêt  de  Fontainebleau  ; 
c'est  un  agréable  lieu  de  villégiature. 

BiBL.  :  E.  TiioLsoN,  Saint  Mathurin^  Etude  historique 
et  iconographique;  Paris,  1889,  in-8. 

LARCHE  (Col  de)  (V.  Italie,  t.  XX,  p.  1030). 
LARCHE.  Com.  du  dép.  des  Basses-Alpes,  arr.  de  Bar- 
celonnette,  cant.  de  Saint-Paul  ;  552  hab. 

LARCHE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr. 


LARCHE  —  LARCIN 


958 


de  Brive,  au   confluent  de  la   Vézère  cl  de  la  Couze  ; 
783  hab. 

LARCHER  (Werre-Henri),  célèbre  helléniste  français,  né 
à  Dijon  le  12  oct.  4726,  mort  a  Paris  le  22  déc.  d812.  Il 
passa  presque  toute  son  existence  dans  une  retraite  stu- 
dieuse, après  avoir  pourtant  fait  un  voyage  en  Angleterre. 
Il  eut  une  polémique  extrêmement  vive  avec  Voltaire  dont 
il  avait  relevé  force  erreurs  dans  la  Philosophie  de  V His- 
toire. Entré  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres 
le  10  mai  1778,  il  devint  professeur  de  littérature  à  la 
faculté  des  lettres  le  6  mai  1809.  Citons  de  lui  :  traduc- 
tions de  V Electre  d'Euripide  (Paris,  1751,  in-12);  de 
Chereas  et  Qallirhoé  do  Chariton  (1763,  2  vol.  in~l2), 
surtout  de  V Histoire  d'Hérodote  (1786,  7  vol.  in-4,  plus, 
éd.)  et  de  VAnabase  de  Xénoplion  (1778,  2  vol.  in-12)  ; 
Supplément  à  la  Philosophie  de  l'histoire  (1767,  in-8)  ; 
Pieponseà  la  Défense  de  mon  Oncle  (1767,  in-8),  opus- 
cules contre  Voltaire;  Mémoire  sur  F^'rms  (1775,  in-12); 
llemarques  critiques  sur  les  Ethiopiques  (1791,  in-18), 
un  grand  nombre  de  Mémoires  dans  les  Recueils  de  l'Aca- 
démie des  inscriptions. 

BiBL.  :  BoissoNADE,  A^oiice  sur  Larcher  ;  Paris,  1813, 
in-8.  —  Dacier,  Eloge  de  Larcher,  dans  Mémoires  de 
l'Académie  des  inscriptions^  nouv.  série,  t.  V. 

LARCHEVÊQUE  (Famille).  Cette  famille,  comme  celle 
des  Lusignan,  descend  dc^  anciens  comtes  de  Poitou.  Son 
principal  domaine  était  la  seigneurie  de  Parthenay,  dans 
la  Gâtine  (Doux-Sèvres).  Parmi  les  seigneurs  de  Parthenay 
on  remarque  :  Josselin  I^^  (f  v.  1012)  ;  —  Guillaume  l^^ 
(f  V.  1058)  qui  fit  la  guerre  aux  ducs  d'Aquitaine  ;  —  son 
tils,  Josselin  U  le  Grand  (f  v.  1086),  archevêque  de 
Bordeaux,  dont  la  célébrité  explique  le  surnom  de  sa 
famille;  —  Hugues  H  (f  1271)  qui  agrandit  beaucoup 
ses  domaines;  —  Guillaume  VI  (1271-13U8),  qui  servit 
Philippe  le  Bel  en  Flandre  et  eut  deux  fils,  dont  le  second, 
Guy,  fut  la  tige  de  la  branche  cadette  des  Parthenay -Sou - 
bise;  —  Guillaume  VU  (1358-1401),  le  plus  remarquable 
des  Larchevéque,  qui  fut  lieutenant  général  de  Philippe  VI 
dans  le  Poitou  (1358),  devint  vassal  d'Edouard  III,  par  le 
traité  de  Brétigny  (1360),  suivit  le  prince  Noir  en  Castille 
(1368),  et  au  sac  de  Limoges  (1370),  fit  sa  soumission 
à  Charles  V  (1372),  aida  ensuite  à  chasser  les  Anglais  du 
Poitou  11373),  prit  part  à  la  croisade  de  Nicopohs  (1396) 
et  protégea  le  poète  Couldrette,  auteur  du  Livre  de  Lusi- 
gnan. Il  avait  marié  sa  seconde  fille,  Jeanne  Larchevéque, 
à  G.  de  Harcourt,  comte  de  Tancar ville  (1390).  Son  fils, 
Jean  II  (1401-27)  fut  le  dernier  rejeton  mâle  de  la  branche 
aînée  des  Larchevéque.  C'est  hii  qui  fît  rédiger  les  coutumes 
du  Poitou.  Ayant  abandonné  le  parti  armagnac  pour  le  parti 
bourguignon,  il  fut  puni  de  cette  défection  par  la  confisca- 
tion de  ses  biens  qui  furent  donnés  au  dauphin  Louis  (mai 
1415)  puis  au  comte  de  Richemont  (mai  1415).  Après 
une  longue  lutte  contre  Richcmont  et  ses  {>arlisans  Jean 
Larchevéque  finit  par  le  reconnaître  pour  son  héritier. 
Tous  ses  domaines  (Parthenay,  Secondigny,  Vouvant,  Mer- 
vent,  Châtelaillon,  etc.)  paseèrent,  après  sa  mort  (1427)  à 
Richcmont,  puis,  en  1458,  au  comte  de  Dunois,  qui  avait 
éf)ousé  Marie  de  Harcourt,  petite-nièce  de  Jean  II. 

BiBL.  :  B.  Ledain,  Uist.  de  Parlheniiy;  Pans,  1858,  in-8. 
LARCHEVÊQUE,  sculpteur  français,  né  en  1721,  mort 
à  Montpellier  le  25  sept.  1778.  Elève  de  Bouchardon,  il 
partit  en  1760  pour  la  Suède,  oii  il  résida  jusqu'en  1776  ; 
il  y  exécuta  les  statues  de  Gustave  Wasa  et  de  Gustave- 
Adolphe  .^  qui  ornent  encore  deux  places  de  Stockholm. 

BiBL.  :  DuysiEux,  les  Artistes  français  à  Vétranger  ; 
Paris,  1876.  3°  éd. 

LARCHEY  (Etienne-Lorédan),  littératoîur  français,  né  à 
Metz  le  26  jaav.  1831.  Fils  d'un  général  d'artillcjie,  il 
fut  successivement  étudiant  en  droit,  canonnior,  élève  de 
l'Ecole  des  chartes,  et  entra  en  1852  à  la  bibliothèque  Ma- 
zarinc  d'où  il  passa  à  celle  de  l'Arsenal  où  il  entreprit  et 
poursuivit  le  récolement  des  brochures  et  des  manuscrits. 
Il  prit  en  1889  sa  retraite  avec  le  grade  de  conservateur 
adjoint.  A  part  une  relation  de  voyage  intitulée  Un  Mois 


à  Constantinople  (1855,  in-8),  et  une  publication  d'his- 
toire locale  :  Journal  de  Jehan  Aubrion,  bourgeois  de 
Metz  (Metz,  1887,  in-8),  ses  premières  recherches  por- 
tèrent sur  les  Origines  de  V artillerie  française  (1862, 
in-18),  accompagnées  de  planches  autographiées  d'après  les 
monuments  des  xiv^  et  xv^  siècles  et  d'un  texte  descriptif 
(1865,  petit  in-foL).  Il  s'adonna  ensuite  à  des  études  de 
philologie  moderne  dont  témoignent  ses  Excentricités  du 
langage  (1860,  in-18),  devenues  un  Dictionnaire  histo- 
rique^ étymologique  et  anecdotique  de  l'argot  français 
(1883,  9«éd.  et  supplément,  1890,  in-12),  au  sujet  du- 
quel il  eut  à  soutenir  contre  Delvau  une  revendication  de 
priorité,  ainsi  que  son  Dictionnaire  des  noms  (1880, 
in-18),  curieuses  recherches  sur  l'origine  et  la  transforma- 
tion des  noms  de  famille,  complétées  par  un  Almanach 
spécial  (1881,  in-16).  M.  Larcheya  publié  comme  éditeur 
un  grand  nombre  de  textes  inédits  ou  peu  connus,  tels  que 
le  lioman  de  Parise  la  duchesse  (1860,  in-16),  dans  la 
collection  des  Anciens  Poètes  français,  dirigée  par 
M.  Guessard  ;  Jourîial  des  inspecteurs  de  M.  de  Sartines 
(Bruxelles  et  Paris,  1863,  in~18),  dont  l'introduction 
en  France  ne  fut  autorisée  qu'en  1871  ;  la  Mystification 
de  Caillot-Duval  (1864,  in-16)  ;  Correspondance  intime 
de  r armée  d'Egypte  (1866,  in-16)  ;  Notes  de Picné  d'Ar- 
genson,  lieutenant  général  de  police  (1866,  in-12)  et  Sou- 
venirs de  Jean  Bouhier,  président  au  parlement  de  Dijon 
(s.  d.,  in-12),  avec  Emile  Mabille;  Documents  pour  ser- 
vir à  lliisloire  de  nos  mœurs  (1868-74,  9  vol.  in-32); 
Bibliothèque  des  mémoires  du  xix®  siècle  (iSli,  in-18), 
premier  volume  d'une  série  qui  n'a  pas  été  continuée  dans 
ce  format,  mais  k  laquelle  se  rattachent  les  Cahiers  du 
capitaine  Coignet  (1882,  in-12;  éd.  illustrée  par  J.  Le 
Blant,  1887,  in-'^);  les  Suites  d'une  capitulation  (1884, 
in-8),  extrait  des  récits  des  prisonniers  de  Cabrera;  le 
Journal  de  marche  du  sergent  Fricasse  (1881 ,  in-1 8)  ;  le 
Journal  du  canonnier  Bricard  (1890,  in-1 8)  ;  puis  pour 
d'autres  périodes  de  l'histoire  de  France,  une  édition  «  raj)- 
prochée  du  français  moderne  »  de  l'Histoire  du  gentil 
seigneur  de  Bayard,  composée  par  le  Loyal  Serviteur 
(1882,  gr.  in-8  ill.)  ;  Ancien  Armoriai  équestre  de  la 
Toison  d'or  et  de  l'Europe  au  xv^  siècle  (1890,  in-fol., 
orné  de  nombreuses  planches).  Enfin  M.  Larcliey  a  publié 
un  certain  nombre  de  compilations  telles  que  les  Joueurs 
de  mots  (1867,  in-12)  ;  Gens  singuliers  (1867,  in-12); 
Nos  Vieux  Proverbes  (1886,  iû-16),  etc.        M.  Tx. 

LARCHIPRÊTRE  (V.  Archiprètre). 

LARCIN  (Ancien  droit  et  droit  actuel).  L'expression 
«  larcin  »  est  ordinairement  rapprochée  de  l'expression 
«  filouterie  ».  L'une  et  l'autre  dénominations  désignent 
une  variété  du  vol  ;  elles  sont  empruntées  à  notre  ancien 
droit.  Dans  l'ancien  droit,  les  larcins  ou  filouteries  se  dis- 
tinguaient du  vol  en  ce  que  l'agent  les  commetlait  <i  par 
surprise  ou  industrie,  ou  en  cachette  »  ;  tandis  que  le  vol 
impliquait  l'idée  de  la  force  ou  d'une  violence  dans  le  fait 
même  de  la  soustraction  de  la  chose  volée.  Dans  notre  droit 
actuel,  les  larcins  sont  prévus  par  l'art.  401  du  C.  pén. 
Ce  texte  assimile  les  larcins  et  filouteries  au  vol  dégagé  de 
tous  les  faits  et  incidents  d'exécution  qui  peuvent  le  com- 
pliquer et  l'aggraver,  c.-à-d.,  en  un  mot  et  suivant  l'ex- 
pression de  la  pratique,  au  vol  simple.  L'art.  401  du  C.  pén. 
ne  s'explique  pas,  d'ailleurs,  sur  les  circonstances  de  ruse 
et  d'adresse  caractéristiques  des  larcins  et  filouteries.  Ces 
circonstances  ne  doivent  être  considérées  que  pour  la  dé- 
nomination et  non  pour  la  qualification  du  vol.  Les  larcins 
comme  les  filouteries  sont  de  véritables  vols,  qui  ont  né- 
cessairement tous  les  caractères  des  autres  vols  ;  ils  sont 
soumis  aux  mêmes  conditions  de  criminalité,  aux  mêmes 
éléments  constitutifs,  c.-à-d.  qu'ils  supposent  la  soustrac- 
tion frauduleuse  de  la  chose  d'autrui.  La  tentative  de  lar- 
cin est  pimie  comme  le  larcin  lui-même.  Quant  à  la  peine 
a()plicable,  l'art.  401  la  détermine  ainsi  :  ces  faits  «  seront 
punis  d'un  emprisonnement  d'un  an  au  moins  et  de  cinq 
ans  au  plus,  et  pourront  même  l'être  d'une  amende  qui 


—  959  — 


LARCIN  —  LARDNER 


sera  de  46 Jr.  au  moins  et^de  500  fr.  au  plus;  —  les 
coupables  pourront  encore  être  interdits  des  droits  men- 
tionnés en  l'art.  4^2  du  présent  code,  pendant  cinq  ans  au 
moins  et  dix  ans  au  plus,  à  compter  du  jour  où  ils  auront 
subi  la  peine  ;  —  ils  pourront  aussi  être  mis,  par  Farrét 
ou  le  jugement,  sous  la  surveillance  de  la  haute  police 
(actuellement,  en  état dHnter diction  de  s^/oz/r),  pendant 
le  même  nombre  d'années  ».  Louis  André. 

BiBL.  :  Blanche,  Etudes  de  droit  pénal,  t.  V,  n»  485. 
—  BoiTARD,  Leçons  sur  le  C.  pên.,  n»  491.  — -  Chauveau 
et  IIÉLiE,  Théorie  du  G.  pén.^  t.  V,  pp.  80  et  suiv.  — 
JoussE,  Traité  de  la  Just.  crim.f  t.  IV,  pp.  16G  et  suiv. 
-—  Garraud,  Traité  théor.  et  prat.  du  dr.  pén.  franc., 
t.  V,  n«  105. 

LARCOM  (Sir  Thomas  Aiskew),  administrateur  irlan- 
dais, né  le  2^2  avr.  1801,  mort  à  lleathfield  le  15  juin 
1879.  Il  lit  des  études  très  brillantes  à  Woolwich  et,  lieu- 
tenant aux  ingénieurs  militaires  en  18^20,  dressa  les  plus 
belles  cartes  d'Irlande  qu'on  ait  jamais  exécutées.  Il  voulut 
y  joindre  une  description  détaillée  du  pays,  mais,  après  la 
publication  du  Mcmoir  of  Templemore  (Dublin,  1837, 
in-4) ,  le  gouvernement  ne  lui  permit  pas  d'achever  cette 
entreprise  pour  raison  d'économie.  Il  accomplit  encore  le 
premier  recensement  systématique  de  l'Irlande  (1841), 
dressa  des  statistiques  agricoles,  dirigea  les  travaux  pu- 
blics, combattit  la  famine  de  1846-48  et  devint  sous-se- 
crétaire pour  l'Irlande  en  1833.  Il  déploya  dans  ce  poste 
une  activité  extraordinaire,  s'occupa  surtout  de  l'éducation 
du  peuple  et  lutta  avec  succès  contre  le  mouvement  fenian 
de  1866.  Il  démissionna  en  4868  laissant  l'Irlande  en  paix, 
ayant  fait  progresser  l'agriculture  et  obtenu  une  notable 
diminution  de  la  criminalité.  R.  S. 

LARCY  (Charles-Paulin-Roger  Saubert,  baron  de), 
homme  politique  français,  né  au  Vigan  le  W  août  1805, 
mort  à  Pierrelatte  le  6  oct.  1882,  Il  débuta  dans  la  ma- 
gistrature, démissionna  après  la  révolution  de  4830  et 
plaida  avec  éclat  divers  procès  politiques.  Klu  député  du 
Gard  le  4  mars  4839,  réélu  en  184'2,  il  se  montra  légiti- 
miste ardent  et  combattit  avec  acharnement  le  cabinet 
Guizot,  qui,  à  l'aide  d'une  pression  électorale  intense, 
réussit  à  le  faire  échouer  aux  élections  de  1846.  L'Hérault 
et  le  Gard  le  choisirent  pour  représentant  à  l'Assemblée 
nationale  de  1848.  Il  opta  pour  le  Gard,  fut  réélu  à  l'As- 
semblée législative  et  siégeant  à  la  droite  monarchiste  pro- 
testa vigoureusement  contre  le  coup  d'Etat  du  2  déc. 
Aussi  demeura- 1- il  dans  la  vie  privée  pendant  tout 
l'Empire.  Représentant  du  Gard  à  l'Assemblée  natio- 
nale de  1871,  il  entra  le  49  févr.  comme  ministre  des 
travaux  publics  dans  le  «  cabinet  de  conciliation  »  ;  il  dé- 
missionna le  30  nov.  4872  parce  que  le  gouvernement 
de  M,  Thiers  n'était  pas  assez  orienté  à  droite.  M.  de 
Larcy  devint  président  de  la  réunion  des  Réservoirs.  Il 
reprit  le  portefeuille  des  travaux  publics  dans  le  deuxième 
ministère  de  Broglie  le  26  nov.  1873  et  tomba  avec  lui 
le  22  mai  4874.  Il  fut  élu  sénateur  inamovible  le  4  déc. 
4877  et  au  Sénat  ne  se  distingua  guère  que  par  ses  reten- 
tissantes interruptions.  On  a  de  lui  :  la  liévolution  et  la 
France  (Paris,  1831,  in-8);  Des  Vicissitudes  politiques 
de  la  France,  Etudes  kisloriques  (Paris,  4860,  2  vol. 
in-8);  Louis  XVI et  les  Etats  généraux  (1868,  in-8),  etc. 

LARD  (Art  cul.)  (V.  Poac). 

LARDERET  (Le).  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Poli- 
gny,  cant.  de  Cbampagnole  ;  440  hab. 

LARDIER.  Saloir  où  l'on  conserve  le  lard.  C'était  une 
huche  ou  collVe,  peut-être  aussi  parfois  une  jarre.  Ce  meuble 
alVeclait  probablement  de  tout  temps  les  dispositions  qu'il 
conserve  de  nos  jours. 
Buii..  :  Du  Canck,  au  mut  LardiU'liuu. 

LARDIER-ET-V ELANÇA.  Com.  du  dép.  des  Hautes-iiipes, 
arr.  de  Gap,  cant.  de  Tallard  ;  407  hab. 

LARDIERES.  (!om.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Beauvais, 
cant.  de  Méru  ;  280  hab. 

LARD! ERS.  Com.  du  dép.  des  Basses-Alpes,  arr.  de 
Forcalquier,  cant.  de  Saint-Etienne-les-Orgues  ;  235  hab. 


LA'RDIMALIE  (Louis  de)  (V.  FoucàULu), 

LARDINOiS  (Clara-Augustine-Mélanie),  actrice  d'opé- 
rette, née  en  Belgique  vers  1860.  Elle  se  montra  pour  la 
première  fois  à  Paris  en  1882,  sur  la  scène  de  TOpéra- 
Comique  qu'elle  quittait  au  bout  de  deux  ans  pour  se  con- 
sacrer au  genre  de  l'opérette,  où  son  joli  physique,  sa  jolie 
voix,  son  adresse  scénique  et  son  habileté  vocale  lui  assu- 
raient le  succès.  Sous  le  pseudonyme  de  Blanche  Arall, 
elle  jouait  à  la  Gaité,  en  1884,  le  Droit  du  seigneur, 
puis,  reprenant  bientôt  son  nom  de  Lardinois,  elle  allait 
créer  aux  Menus-Plaisirs  :  //  était  une  fois...,  la  Fiancée 
des  verts-poteaux  et  V Etudiant  pauvre;  aux  Nou- 
veautés, le  Puits  qui  parle,  et  reprenait  divers  ouvrages 
à  la  Renaissance  et  aux  Bouffes-Parisiens.  Engagée  ensuite 
en  Russie,  M^^«  Lardinois  a  obtenu  à  Saint-Pétersbourg  de 
très  vifs  succès. 

LARDIZABALÉES  (Bot.).  Groupe  de  plantes  Dicotylé- 
'dones,  de  la  famille  des  Berbéridacées,  dont  le  genre  prin- 
cipal est  Lardiz'.ibala  R.  et  Pav.  Les  Lardizabala  sont 
des  li^anes  du  Chili  et  du  Pérou,  à  feuilles  alternes,  munies 
en  général  de  deux  stipules  et  trifoUolées  ou  bitriternées. 
Les  Heurs  sont  axillaires,  les  mâles  ordinairement  réunies 
en  grappe,  les  femelles  le  plus  souvent  sohtaires  ;  le  récep- 
tacle convexe  porte  six  sépales  pétaloides  sur  deux  rangs  et 
six  pétales  beaucoup  plus  petits  égaleinent  sur  deux  rangs, 
superposés  chacun  à  un  sépale  ;  six  étamines  monadelphes, 
à  anthères  biloculaires,  extorses,  stériles  et  libres  dans  les 
fleurs  femelles  ;  trois  carpelles  libres,  stériles  dans  les  fleurs 
mâles  ;  l'ovaire  uniloculaire  est  pluriovulé  ;  le  fruit  est 
formé  d'une  à  trois  baies  allongées,  polyspermes  ;  les 
graines  sont  réniformes,  albuminées,  avec  un  embryon 
minime  excentrique,  à  radicule  conique  épaisse.  A  côté  des 
Lardizabala  se  placent  trois  genres  asiatiques  qui  n'en 
diffèrent  que  très  peu  ;  Parvatia  Dec,  Decaisîiea  Hook.  f. 
et  Thoms  et  Stauntonia  DC.  Les  Holbœltia  Wall,  sont 
analogues  aux  Stauntoniadont  ils  se  distinguent  parles  éta- 
mines libres.  Les  Akebia  Dec, ,  lianes  chinoises  et  japonaises, 
sontles moins  régulières  des  Lardizabalées  (V.  Akéhie). 

LARDNER  (Nathaniel),  théologien  anglais,  né  à  llawk- 
hurst  (Kent)  en  1684,  mort  à  Hawkhurst  le  24  juil.  1768. 
Elève  de  Graivius  et  Burmann,  à  Utrecht,  chapelain  de  lady 
Treby  et  prédicateur  médiocre,  il  eut  une  grande  réputation 
de  théologien.  Il  était  socinien.  Ses  principaux  livres  sont  : 
Credibility  oftlie  Gospel  histonj  (1727-45,  5  vol.  in-8) 
et  [listorij  of  the  lieretics  of  the  [irst  two  centuries 
(1780).  Kippis  a  publié  ses  œuvres  complètes,  avec  bio- 
graphie (1788,  11  vol.  in-8). 

LARDNER  (Dionysius),  mathématicien  et  écrivain  scien- 
tifi(|ue  anglais,  né  à  Dubhn  le  3  avr.  4793,  mort  à  Naples 
le  29  avr.  4859.  Fils  d'un  soliciter,  qui  le  destinait  aux 
affaires,  il  proféra  l'étude  des  sciences,  prit  ses  degrés  au 
Trinity  Collège  de  Dublin  en  4817,  y  enseigna  quelque 
temps  et  fut  appelé  à  Londres  en  4827,  lors  de  la  fonda- 
tion de  la  nouvelle  université,  pour  y  occuper  la  chaire  de 
physique.  Il  la  conserva  jusqu'à  ce  qu'en  4840,  ayant  en- 
levé et  épousé  la  femme  d'un  capitaine  et  s'étant  fait  con- 
damner, pour  ce  fait,  à  200,000  fr.dedommagesetintércts, 
il  se  vit  obUgé,  à  cause  du  scandale,  de  quitter  l'univer- 
sité. Il  résida  dès  lors  successivement  aux  Etats-Unis,  où 
ses  conférences  lui  rapportèrent,  en  quatre  ans,  4  million 
de  fr.,  à  Cuba,  à  Paris,  où  il  se  fixa  déhnitivement  (4845- 
59).  Il  était  membre  de  la  Société  royale  de  Londres.  On 
lui  doit  d'excellents  traités  de  mathématiques  et  de  phy- 
sique :  Alyebraical  Geometry  (Londres,  4823);  Dijfe- 
rential  and  viitegral  calculas  (id,,  1827);  Lectures  on 
tlie  steam  engine  (id.,  1827;  2«  éd.,  485(i);  Treatise 
on  heat  {id.,  iSii)  ;  Uandbooli  of  natural  pliilosophy 
and  astrononiy  (id.,  1852,  6  vol.;  2*^  éd.,  1855),  etc. 
Mais  il  est  surtout  connu  par  ses  ouvrages  de  vulgiuisation 
et  principalement  ()ar  sa  Cabinet  Gyclopœdia,  vaste  ency- 
clopédie populaire,  qu'il  pubhaavec  îe  concoursde  Brewster, 
Herschel,  etc.,  et  à  laquelle  il  fournit  personnellement  de 
nombreux  traités  (Londres,  4830-44,  434  vol.  in-42  ; 


LARDNER  --  LARES 


—  960  — 


2^  éd.,  48o4).  Il  entreprit  encore  d'autres  collections  de 
moindre  importance  :  D^  Lardnefs  Cabinet  Library 
(Londres,  4830-32,  9  vol.);  Muséum  of  science  and  art 
(Londres,  1834-56,  12  vol.),  etc.  Il  collabora  activement 
à  de  nombreuses  revues  et  fournit  plusieurs  mémoires  ori- 
ginaux aux  recueils  de  TAcadémie  de  Dublin,  de  la  Société 
royale,  de  l'Astronomical  Society.  L.  S. 

LA  R  DO  IRE.  Aiguille  à  larder;  grosse  et  longue  aiguille 
terminée  par  une  pince  dans  laquelle  on  engage  une  lamelle 
de  lard  qui  demeure  dans  la  viande  au  travers  de  laquelle 
on  passe  cet  instrument.  La  forme  de  cet  objet  n'a  pas  dû 
varier  depuis  l'antiquité  jusqu'à  nos  jours. 

LARDON.  I.  Technologie.  —  Petit  morceau  de  fer  ou 
d'acier  armé  de  griffes  que  l'ouvrier  forgeron  enfonce,  à 
froid,  dans  une  partie  défectueuse  ou  entre  les  lèvres  d'une 
soudure.  Dans  cet  état,  la  soudure  est  remise  au  feu  et, 
lorsque  le  morceau  rapporté  a  atteint  la  température  de 
l'ensemble,  on  le  bat  de  man'ère  à  combler  le  vide  pri- 
mitif. L.  K. 

II.  Art  culinaire  (V.  Porc). 

LARDY.  Corn,  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  d'Etampes, 
cant.  de  La  Ferté-Alais;  720  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer 
d'Oiléans,  ligne  de  Paris  à  Etampes. 

LARDY  (Charles),  diplomate  et  juriste  suisse,  né  à 
Neuchàtel  le  27  sept.  1847.  Docteur  en  droit  en  1867,  il 
devient  en  1869  secrétaire  de  la  légation  suisse  à  Paris; 
il  eut  à  déployer  une  activité  spéciale  au  milieu  de  la  co- 
lonie suisse,  lors  du  siège  de  Paris,  et  à  gérer  la  légation 
pendant  la  Commune.  A  la  retraite  de  son  ancien  chef, 
M.  le  D"^  Kern,  M.  Lardy  lui  a  succédé  en  1883  comme 
ministre  de  Suisse  en  France.  Son  poste  diplomatique  l'a 
appelé  à  prendre  part  à  de  nombreuses  négociations  de 
traités  de  commerce,  de  monnaie  et  autres.  Il  a  également 
négocié  l'arrangement  commercial  franco-suisse  rejeté  par 
la  Chambre  en  1892  et  qui  fut  suivi  de  relations  écono- 
miques tendues  entre  la  France  et  la  Suisse.  M.  Lardy  est 
membre  du  tribunal  militaire  de  cassation  et  membre 
associé  de  l'Institut  de  droit  international.  On  lui  doit 
une  très  remarquable  étude  sur  les  Législations  des  can- 
tons suisses  en  matière  de  tutelle,  de  contrat  de  ma- 
riage et  de  successions  et  une  traduction  de  l'ouvrage 
classique  de  Bluntschli,  le  Droit  international  codifié; 
la  traduction  a  eu  plus  d'éditions  que  l'original.  E.Kuhni:. 

LAREDO.  Ville  d'Espagne,  prov.  de  Santander,  sur  la 
lagune  du  Manon,  à  l'embouchure  de  l'Ason,  en  face  de 
Santona  ;  4,500  hab.  Port  de  pêche. 

LAREDO.  Ville  des  Etats-Unis  (Texas) ,  sur  le  rio  Grande  ; 
4,000  hab.  Située  en  face  de  la  ville  mexicaine  de  ISuevo 
Laredo  (pont  de  chemin  de  fer),  elle  fait  un  commerce  actif 
avec  le  Mexique  ;  c'est  un  des  principaux  points  de  transit. 

LAREDO  (Juan  Fernandez  de)  (V.  Fernandez). 

LARtE.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Condom,  cant. 
de  Cazaubon;  399  hab. 

LAREINTY  (Clément-Gustave-Henri  Baïllardel,  baron 
de),  homme  politique  français,  né  à  Toulon  le  19  janv. 
d824.  Il  débuta  dans  la  diplomatie,  puis  servit  dans  la 
garde  nationale  et  fut  officier  d'ordonnance  de  Changarnier. 
11  fit  comme  chef  de  bataillon  des  mobiles  de  Loire-Infé- 
rieure la  guerre  franco-allemande  et  fut  fait  prisonnier  à 
Montretout.  Revenu  en  France,  il  prit  part  à  la  répression 
de  la  Commune.  Le  30  janv.  1876,  il  fut  élu  sénateur  de 
Loire-Inférieure  où  il  possède  de  grandes  propriétés.  Roya- 
liste et  catholique,  il  appuya  le  gouvernement  du  16  mai 
et  combattit  avec  acharnement  les  divers  ministères  répu- 
blicains. Réélu  en  1879,  il  eut  en  juin  1886,  en  pleine 
séance,  avec  le  général  Boulanger,  ministre  de  la  guerre, 
une  vive  altercation  qui  aboutit  à  un  duel.  Il  soutint  pour- 
tant de  ses  votes  le  boulangisme  et  fut  encore  réélu  en 
1888.  M.  de  Lareinly,  qui  possède  d'importantes  sucreries 
à  La  Martinique,  s'est  fait  une  spécialité  des  questions 
relatives  aux  colonies,  à  la  marine  et  à  l'armée. 

LARENTALIA  (V.  Lares). 

LARENTIE  (Lar  en  lia)  (Entom,).  Genre  d'Insectes  Lépi- 


doptères, sous-ordre  des  Géométrines,  fondé  par  Treitschke 
en  1835  et  type  d'une  famille  dite  des  Larentidés.  Les  La- 
renties  sont  des  phalènes  à  antennes  courtes  avec  lames 
minces  chez  les  mâles  et  simplement  filiformes  chez  les 
femelles;  les  palpes  dépassent  le  front.  Les  Chenilles  allon- 
gées, cylindriques,  vivent  sur  diverses  plantes  basses.  Le 
genre  Larentie  est  répandu  dans  les  régions  tempérées, 
surtout  dans  les  montagnes.  Larentia  viridaria,  ailes  su- 
périeures vertes  avec  une  bande  médiane  diffuse  brun  ver- 
dâtre,  les  inférieures  grises  ;  la  femelle  est  un  peu  plus 
grande  que  le  mâle  dont  l'envergure  ne  dépasse  guère 
2  centim.  ;  en  juin  et  juillet,  très  commun  ;  chenille  sur  le 
caille-lait.  —  Larentia  hostata,  forêts  de  bouleaux.  la- 
rentia  tristata,  dans  les  bois.  Larentia  {Cidaria)  cheno- 
podiata,  etc.  M.  M. 

LARÉOLE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr.  de 
Toulouse,  cant.  de  Cadours;  290  hab. 

LARES.  Divinités  de  la  religion  romaine,  appartenant, 
avec  les  Génies,  les  Pénates,  les  Mânes  et  les  Lémures  au 
groupe  très  nombreux  des  esprits  domestiques.  On  les 
trouve  invoqués  sous  la  forme  de  Lases  dans  un  des  plus 
anciens  monuments  de  la  langue  latine,  dans  le  chant  des 
frères  Arvales.  Cette  circonstance  et  le  fait  que  les  Lares 
ne  sont  jamais  employés  à  diviniser  des  personnalités,  soit 
isolées,  soit  collectives,  a  fait  conjecturer  avec  raison  qu'ils 
n'étaient,  à  l'origine,  que  les  esprits  de  la  campagne  ro- 
maine, les  personnifications  de  sa  fertilité  et  par  suite  les 
protecteurs  de  la  vie  familiale.  A  ce  titre,  ils  ne  tardent 
pas  à  être  associés  aux  dieux  mêmes  de  la  maison,  notam- 
ment aux  Pénates  qui  sont  les  pourvoyeurs  du  garde- 
manger  ipenus)  et  aux  Génies  qui  représentent  la  force 
productrice  et  conservatrice  de  la  race.  Ils  sont  à  Rome 
l'objet  d'un  culte  public  et  d'une  vénération  privée.  Dans 
le  chant  des  frères  Arvales,  ils  sont  associés  à  Mars  lequel 
n'est  lui-même  tout  d'abord  qu'une  divinité  champêtre  ;  puis 
ils  deviennent  les  dieux  protecteurs  des  quartiers  urbains, 
spécialement  \  énérés  dans  les  carrefours  (V.  Compitaliâ)  .  Ils 
étaient  au  nombre  de  deux;  plus  tard,  Auguste  leur  adjoi- 
nit  son  génie  propre,  personnification  rehgieuse  de  l'Em- 
pire. Ce  culte  restauré  par  lui  comptait,  au  temps  de  Pline 
l'Ancien,  deux  cent  soixante-cinq  chapelles  dans  les  di- 
vers quartiers  de  la  ville.  On  rapportait  à  Titus  Tatius  le 
culte  des  Lares  Praestites,  honorés  dans  le  temple  même  de 
Vesta  comme  la  représentation  souveraine  de  l'Etat  ro- 
main tout  entier.  Enfin  à  La vinium,  métropole  religieuse  de 
la  confédération  latine,  existait  un  culte  des  Lares  ou  des 
Pénates  publics.  Cette  religion  nationale  des  Lares  vénérés 
au  nom  de  l'Etat  était  entièrement  tombée  en  désuétude 
vers  la  fin  de  la  République  ;  Auguste  ne  réussit  à  le  res- 
taurer qu'en  y  associant  sa  propre  divinité. 

Cependant  le  culte  familial  des  Lares  se  maintint  fidèle- 
ment à  travers  le  siècle  ;  il  semble  que  le  Lare  domestique 
ait  été  unique  à  l'origine.  Bientôt  l'usage  d'en  invoquer  plu- 
sieurs prévalut.  Dans  le  lararium  (V.  ce  mot)  de  chaque 
famille,  on  plaçait  trois  figures  dont  celle  du  milieu  représen- 
tait à  proprement  parler  le  Lare,  et  les  deux  autres  les  Pé- 
nates ;  mais  les  trois  ensemble  étaient  invoqués  sous  le  vo- 
cable dcLares, quelquefois  sous  celui  de  Pénates, les  deux  étant 
considérés  comme  synonymes.  Ils  étaient  figurés  comme  des 
jeunes  gens,  couronnés  de  fleurs,  élevant'  dans  l'une  des 
mains  le  rhyton  ou  corne  à  boire,  quelquefois  la  corne 
d'abondance,  dans  l'autre  une  patèreou  une  coupe  ;  ils  por- 
taient la  tunique  courte  ou  la  toge  retroussée.  On  leur 
offrait  des  guirlandes,  du  vin  et  de  l'encens  ;  on  les  as- 
sociait à  toutes  les  joies  de  la  famille,  à  tous  les  événe- 
ments heureux  ou  malheureux  de  la  vie.  C'est  ainsi  qu'au 
dehors  les  Lares  sont  invoqués  à  titre  de  viales  (gardiens 
dans  les  voyages),  de  militares,  de  marini  ou  perma- 
rini.  Au  calendrier  on  ne  trouve  qu'une  seule  fête  pu- 
blique en  leur  honneur,  les  Larenlalia  ou  Lareniinalia, 
placée  au  23  déc,  ;  on  y  célébrait  spécialement  Acca  La- 
rentia^ coBsidérèe  commQ  leur  mère.  J.-A.  11. 
BiBL.  :   Hempel,  De  Diis  Laribus  ;   Zwickau,    1797.  — 


ScHŒMANN,  De  DUS  manibus,  laribus  et  geniis  (1840),  au 
t.  I  des  Opuscula  academica;  Berlin,  1856.  —  IIert/berg, 
De  Diis  Romanorum  patriis;  Halle,  1840;  et  d'une  manière 
générale/les  ouvrages  sur  la  religion  romaine  (V.  Religion). 
LA  RÉVELLIÈRE-Lépeaux  (Louis-Marie  de),  homme 
d'Etat  français,  né  à  Montaigu  (Vendée)  le  24  août  i  753, 
mort  à  Paris  le  27  mars  1824.  Destiné  par  sa  famille  au 
barreau,  il  se  dégoûta  de  bonne  heure  de  la  procédure  et 
se  fit  connaître  à  Angers  par  un  cours  public  de  bota- 
nique qu'il  y  ouvrit  en  4787.  Nourri  des  doctrines  phi- 
losophiques du  xvni'^  siècle,  il  adopta  les  principes  de 
la  Révolution,  alla  représenter  le  tiers  état  de  la  province 
d'Anjou  aux  États  généraux  (4789),  prit  une  part  impor- 
tante aux  travaux  de  l'Assemblée  constituante,  fut  ensuite 
(4794)  nommé  juré  de  la  haute  cour  nationale  et  membre 
de  l'administration  de  Mayenne-et-Loire,  s'efforça  de  pré- 
venir le  soulèvement  préparé  dans  l'Ouest  par  le  parti 
clérical  et  royaliste  et  fut  envoyé  par  son  département  à 
la  Convention  (sept.  1792).  Après  avoir  volé  la  mort  de 
Louis  XVI,  il  combattit  la  Commune  de  Paris,  fut  mis 
hors  la  loi  après  le  2  juin  4793  pour  avoir  protesté  contre 
la  proscription  des  Girondins  et  resta  longtemps  caché  chez 
de  fidèles  amis.  Il  put  rentrer  dans  la  Convention  grâce  à 
la  réaction  thermidorienne,  aux  excès  de  laquelle,  d'ailleurs, 
il  ne  s'associa  jamais.  Il  fit  partie  de  la  commission  char- 
gée d'élaborer  la  constitution  de  l'an  III  et  du  comité  de 
Salut  public.  Sa  popularité  devint  telle  à  cette  époque  qu'il 
fut  élu  membre  du  Directoire  exécutif  à  la  quasi-unanimité 
des  voix  (oct.  4795).  Ses  ennemis,  ne  pouvant  le  déshono- 
rer, essayèrent  de  le  ridiculiser.  Ils  le  représentèrent 
comme  le  grand  pontife  de  la  Théophilanthropie ^  essai  de 
culte  philosophique  dont  il  n'était  nullement  l'inspirateur, 
et  qu'il  n'encouragea  guère  qu'indirectement,  par  plusieurs 
discours  prononcés  à  l'Institut  (auquel  il  appartenait 
depuis  sa  création).  Les  progrès  du  parti  royaliste  et 
l'imminence  d'une  contre-révolution  ramenèrent  à  coopé- 
rer au  coup  d'Etat  du  48  fructidor  (4  sept.  4797),  par 
lequel  il  crut  avoir  sauvé  la  constitution  et  la  République. 
On  sait  que  le  Directoire  ne  fut  pas  pour  cela  consolidé. 
Les  revers  éprouvés  par  nos  armées  au  commencement  de 
4799  rébranlèrent  au  point  que,  dans  la  journée  du 
30  prairial  (juin  4799)  le  Conseil  des  Anciens  et  le  Conseil 
des  Cinq-Cents  purent  obliger  trois  de  ses  membres  à 
démissionner.  La  Révellière-Lépeaux  était  du  nombre.  Le 
48  brumaire  l'affligea  sans  le  surprendre.  Depuis  long- 
temps il  suspectait  Ronaparte  et  redoutait  son  ambition. 
Etranger  au  nouveau  gouvernement,  qui  l'exclut  de  l'Ins- 
titut pour  refus  de  serment,  il  se  retira  en  Sologne  et  y 
partagea  son  temps  pendant  plusieurs  années  entre  l'agri- 
culture, la  botanique  et  l'archéologie.  Il  reparut  en  4809 
à  Paris,  où  il  vint  surveiller  l'éducation  de  son  fils.  Napo- 
léon lui  fit  proposer  par  Fouché  une  pension  qu'il  refusa. 
Resté  répubhcain  au  fond  de  l'âme,  il  n'applaudit  pas  à  la 
Restauration  en  4814.  Mais  il  ne  se  rallia  pas  non  plus  à 
Pempereur  pendant  les  Cent-Jours  ^4845).  Aussi  ne  fut-il 
pas  banni  en  4846  comme  la  plupart  des  régicides  de  la 
Convention.  Il  mourut  presque  oublié  en  4824,  après  avoir 
donné  toute  sa  vie  des  exemples  de  désintéressement,  de 
droiture  et  de  fermeté  politique  que  la  postérité  n'a  pas 
suffisamment  relevés.  —  Il  avait  écrit  d'importants  Mé- 
moires qui,  imprimés,  mais  non  mis  en  vente  (1870-73), 
viennent  d'être  enfin  livrés  au  public  en  1895  (Paris, 
3  vol.  in-8).  On  a  de  lui  des  publications  nombreuses, 
parmi  lesquelles  nous  citerons  :  Modèle  de  doléances 
pour  les  paroisses  de  V Anjou  (4789)  ;  Adresse  au 
Clergé  et  à  la  noblesse  d'Anjou  (1789);  Rapport  du 
voyage  des  commissaires  de  la  Société  des  amis  de  la 
Constitution  au  club  ambulant  établi  dans  les  Maiièges 
(4792);  Réflexions  sur  le  Culte,  sur  les  cérémonies 
civiles  et  sur  les  fêtes  nationales  (1797)  ;  Essai  sur 
les  moyens  de  faire  participer  l'universalité  des  spec- 
tateurs à  tout  ce  qui  se  pratique  dans  les  fêtes  natio- 
nales {ilQl);  Réponse  deL.-M.  La  Révellière-Lépeaux 
aux  dénonciations  portées  au  Corps  législatif  contre 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  —  XXL 


—  961  —  LARES  -  LARGENTIÈRE 

lui  et  ses  anciens  collègues  (1799)  ;  Notice  du  patois 
vendéen,  suivie  de  chansons  et  d^un  vocabulaire  ven- 
déen, etc.  A.  Debidour. 

BïBL.  —  Avchmes  nationales,  A.  F.  III*  (Registres  des 
délibérations  du  Directoire).  —  De  Barame,  Histoire  du 
Directoire.  —  Besxard,  Souvenirs  d'un  nonagénaire. 
—  L.  Blanc,  Histoire  de  la  Révolution.  —  Bougler,  Mou- 
veynent  provincial  en  1189.  —  Bûchez  et  Roux,  Histoire 
parlementaire  de  la  Révolution,  —  H.  Carnot,  Mémoires 
sur  Carnot.  —  L.  Carnot,  Réponse  au  rapport  de  Bail- 
leul  sur  la  conspiration  du  18  fructidor.  —  Grille,  Essai 
sur  la  vie  et  les  œuvres  de  La  Révellière-Lépeaux. —  Du 
môme,  la  Vendée.—  Lamartine,  Histoire  des  Girondins. — 
La  Ri:vellièrj<>Lépeaux,  Mémoires.  —  Moniteur  (de  1789  à 
1799).—  V.  Pierre,  Dix-huit  Fructidor.—  Port,  Diction- 
naire géographique  et  biographique  de  Maine-et-Loire.  — 
Du  même,  la  Vendée  angevine,  —  Sandoz-Rollin,  Corres- 
pondance. —  Taine,  les  Origines  de  la  France  contempo- 
raine. —  TiiiBAUDi'Au,  Mémoires  sur  la  Convention  et  le 
Directoire.  —■  Thiers,  Histoire  de  la  Révolution  fran- 
çaise. 

LA  RÉVELLIÈRE-LÉPEAUX  (Ossian),  publiciste  fran- 
çais, fils  du  précédent,  né  à  Paris  le  2  avr.  4797,  mort  au 
Gué-du-Beri^e  (Maine-et-Loire)  le  27  sept.  4876.  Ecarté 
du  barreau  dès  son  début  par  le  mauvais  vouloir  de  la 
magistrature  (4820),  il  prit  part  aux  luttes  du  parti  libé- 
ral contre  la  Restauration,  collabora  plus  tard  à  V Ency- 
clopédie des  gens  du  moride  (4833-44),  publia  plusieurs 
traductions,  alla  visiter  l'Inde,  d'où  il  revint  en  4848, 
écrivit  un  important  ouvrage  sur  le  Monopole.,  cause  de 
tous  nos  maux  (4849-50,  3  vol.  in-8)  et  passa  ses  der- 
nières années  dans  la  retraite,  non  sans  reprendre  parfois 
la  plume  pour  défendre  la  mémoire  de  son  père. 

LAR6EASSE.  Com.  du  dép.  des  Deux-Sèvres,  arr.  de 
Parthenay,  cant.  de  Moncoutant  ;  1,292  hab. 

LARGEAU  (Victor),  explorateur  français,  né  à  Niort  en 
1840.  Il  fit  deux  tentatives  pour  traverser  le  Sahara  par 
Ghadamès  (1875)  ei  pour  gagner  Tombouctou  (1877)  et 
publia  :  le  Sahara  (Paris,  1870);  le  Pays  de  Rirha- 
Ouargla  (1879)  ;  le  Sahara  algérien  (2«  éd.,  1882). 

LARGE  NT  (Hubert-Augustin-Pierre-Joseph),  théolo- 
gien français,  né  à  La  Bassée  le  26  juin  1834.  Professeur 
de  théologie  à  Tours,  prédicateur  en  renom,  il  devint  secré- 
taire général  du  conseil  de  la  congrégation  de  l'Oratoire 
dont  il  fait  partie  depuis  1 859  et  professeur  d'histoire 
ecclésiastique  à  l'Institut  catholique  de  Paris.  Il  a  beau- 
coup écrit  ;  citons  :  Notice  sur  le  P.  de  La  Bastie  (Paris, 
1867,in-12);  Notice  sur  leP.  Magnier  (1875,  in-12); 
la  Vie  de  sainte  Thérèse  (1884,  in-16)  ;  V Infanticide 
en  Chine  (1885,  in-i2). 

LARGENTAYE  (Marie-Ange  Rioust  de),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Largentaye  (Côtes-du-Nord)  le  30  juin 
1797,  mort  à  Saint-Brieuc  le  8  mars  1856.  Il  fut  élu 
représentant  de  Dinan  à  l'Assemblée  législative  le  8  juil. 
1849,  siégea  à  droite,  combattit  le  2  déc.  et  se  représenta 
sans  succès  aux  élections  législatives  du  29  févr.  1852. 

Son  fils,  Marie- Ange- Julien-Char  les,  né  à  Pluduno 
le  26  oct.  1820,  mort  à  Saint-Brieuc  le  18  déc.  1883, 
fut  élu  représentant  des  Côtes-du-Nord  à  l'Assemblée  na- 
tionale de  1871  et  siégea  à  la  droite  monarchiste.  Elu  dé- 
puté de  Dinan  le  20  févr.  1876,  il  appuya  le  gouvernement 
du  46  mai,  fut  réélu  le  44  oct.  1876  et  le  24  aotît  4881. 

Son  petit-fils,  Frédéric- Marie- A  nge- Anne- Augustin^ 
né  à  Saint-Brieuc  le  6  mars  1854,  devint  député  de  Dinan  le 
24 févr.  4884.  Membre  de  la  droite,  il  fut  réélu  en  4885, 
4889  et  4893.  Il  a  appuyé  de  ses  votes  le  boulangisme. 

LARGENTIÈRE.  Ch.-l.  d'arr.  du  dép.  de  l'Ardèche; 
2,820  hab.  Cette  ville  est  située  au  fond  d'une  étroite  vallée, 
arrosée  par  la  rivière  de  Ligne >  affl.  de  l'Ardèche.  Ses 
principales  cultures  sont  la  vjgne  et  le  mûrier. 

Histoire.  —  Ce  lieu  s'appelait  autrefois  Segualaria\ 
qui  fut  remplacé  psiV  Argentaria,  à  cause  de  ses  mines  de 
plomb  argentifère.  D'après  une  tradition  locale,  une  colo- 
nie sarrasine  serait  venue  s'établir  là  vers  le  viii°  siècle.  La 
charte  d'obédience  des  chanoines  de  Viviers  (x^  siècle  en- 
viron) mentionne  Argentaria  comme  un  des  bénéfices  des 
chanoines.  Largentière  entre  vers  le  xii*^  siècle  dans  le 

61 


LARGENTIÈRE  —  LARGILLÏÈRE 


-   962 


domaine  de  l'histoire  générale  par  les  démêlés  dont  ses 
mines  sont  l'objet.  L'évêque  et  d'autres  seigneurs  en  avaient 
alors  repris  l'exploitation  commencée  probablement  par  les 
Romains  et  peut-être  même  par  les  Gaulois  :  un  bas-relief 
encastré  dans  le  mur  d'une  maison  particulière  a  été  attri- 
bué tantôt  à  l'époque  gallo-romame,  tantôt  seulement  au 
xiiï^  siècle.  Les  comtes  de  Toulouse  réclamant  une  part  du 
produit,  l'évêque  demanda  et  obtint  de  l'empereur  Fré- 
déric en  4177  une  confirmation  des  droits  et  privilèges 
déjà  accordés  par  les  souverains  allemands  à  ses  prédéces- 
seurs ;  diverses  transactions  intervinrent  entre  les  comtes 
et  l'évêque  ;  un  des  règlements  les  plus  importants  fut 
celui  qui  eut  lieu  en  1198  :  l'évêque  céda  au  comte  de  Tou- 
louse la  moitié  du  château  de  Ségualières  (Largentière)  et 
de  toutes  les  mines  découvertes  ou  à  découvrir  dans  la 
région  argentifère.  En  retour,  le  comte  promettait  fidélité 
et  protection  à  l'évêque.  Une  dernière  transaction  intervint 
en  1210  pour  consolider  la  précédente.  Les  évêques  de 
Viviers  profitèrent  ensuite  de  la  guerre  des  Albigeois  pour 
assurer  leur  domination  à  Largentière.  En  1215,  Simon 
de  Montfort  reçoit  des  mains  de  l'évêque  le  château  de 
Fanjaux  ;  mais,  trois  ans  après,  le  pape  oblige  le  général 
des  croisés  à  rendre  Fanjaux  à  l'évêque.  Jusqu'en  1224, 
le  comte  de  Toulouse  ne  cesse  de  revendiquer  la  possession 
de  Fanjaux  et  des  mines  de  Largentière.  Enfin,  en  1229, 
Raymond  VU  fait  la  paix,  abandonnant  à  l'Eglise  romaine 
tout  ce  qu'il  possédait  au  delà  du  Rhône,  et  au  roi  de 
France  tous  les  droits  qui  lui  appartenaient  depuis  les  limites 
du  diocèse  de  Toulouse  et  depuis  la  rivière  du  Tarn  jus- 
qu'au Rhône.  La  même  année,  Adhémar  de  Poitiers  renonce, 
au  profit  de  l'évêque  de  Viviers,  à  tous  ses  droits  sur  Lar- 
gentière et  reçoit  en  échange  le  château  d'Antraigues.  —  Les 
évêques  de  Viviers  restent  alors  les  maîtres  incontestés 
de  Largentière  et  de  ses  mines  ;  mais  d'autres  difficultés 
leur  viennent  bientôt  des  rois  de  France,  qui,  ayant  réuni 
le  Languedoc  à  la  couronne,  réclament,  comme  héritiers 
des  comtes  de  Toulouse,  la  moitié  de  la  ville  de  Largentière 
et  autres  forteresses  de  la  contrée.  Après  divers  incidents, 
les  évêques  de  Viviers  renoncent  à  la  suzeraineté  de  Fem- 
pereur  d'Allemagne  (1309)  et  reconnaissent  celle  du  roi 
de  France,  qui  leur  accorde,  en  échange  de  leur  soumis- 
sion, le  droit  de  frapper  monnaie  à  Largentière.  Par  suite, 
l'exploitation  des  mines  fut  activée,  mais  la  concurrence  de 


Château  de  Largentière. 

l'argent  américain  la  fit  plus  tard  abandonner.  Reprise 
en  1876,  elle  n'a  pas  tardé  à  être  abandonnée  de  nou- 
veau. La  tranquillité  fut  plusieurs  fois  troublée  à  Largen- 
tière pendant  les  guerres  religieuses.  En  1562,  des  bandes 
de  reformés  vinrent  piller  le  couvent  des  cordeliers; 
en  1581,  la  ville  se  défendit  contre  une  nouvelle  invasion 


Armoiries  de  Largen- 
tière. 


des  protestants  du  dehors,  Largentière  possédait  depuis 
longtemps  un  régime  municipal  et  des  libertés  fort  appré- 
ciables pour  le  temps.  Dès  l'année  1208,  l'évêque  Rurnon, 
voulant  s'attacher  les  habitants  que  cherchait  à  gagner  le 
comte  de  Toulouse,  leur  avait  accordé  une  charte  de 
privilèges  qui  furent  confirmés  par  chacun  de  ses  suc- 
cesseurs. Largentière  était  une  des  douze  baronnies  de  tour 
du  Vivarais.  Elle  fut  vendue  en  1716  par  l'évêque  Martin 
do  Ratabon  à  François  de  Beaumont,  marquis  de  Brison, 
au  prix  de  44,500  livres  qui  servirent  à  bâtir  le  palais 
épiscopal  de  Viviers. 

Monuments.  —  Les  monuments  sont  :  IMe  château 
féodal  qui  fut  embelh  et  agrandi  au  xvm®  siècle  par  le 
marquis  de  Brison  ;  ses  vastes  bâtiments  sont  occupés  par 
l'hôpital  et  la  salle  d'asile;  2^  l'église,  bel  édifice  à  trois 
nefs,  qui  paraît  être  de  la  première  moitié  du  xiii«  siècle  ; 
son  clocher  gothique  est  de  date 
récente  ;  3°  le  nouveau  palais  de 
justice,  construit,  en  1845,  dans 
le  style  grec  alors  à  la  mode  ;  les 
prisons  sont  installées  dans  la 
partie  basse  des  bâtiments. 

Les  notabilités  de  Largentière 
depuis  un  siècle  sont  :  le  natu- 
raliste et  historien  Giraud-Sou- 
lavie;  Privat-Garilhe,  membre 
de  la  Convention  nationale  ;  l'avo- 
cat Ronchon,  membre  du  Con- 
seil des  Cinq-Cents  et  député  sous 
la  Restauration,  etc.  Les  armes  de  la  ville  sont  :  d'azur  au 
château  crénelé  de  cinq  créneaux  et  donjonné,  ayant 
deux  guérites,  le  donjon  aussi  crénelé  et  surmonté 
dhine  girouette,  le  tout  d'argent  ouvert  et  maçonné 
de  sable,  a.  Mazon. 

BiBL.  :  CoLUMBi,  De  Rébus  gestis  episcoporum  Vivarien- 
sium;  Lyon,  165L  —  Soulavie,  Histoire  de  Largentière; 
Pans,  1784.  —  Vander  Haeghen,  Recherches  historiques 
concer?iani  la  souveraineté  des  empereurs  d'Allemagne 
sur  le  Vivarais  ;  Béziers,  1860.  —  Léon  Vedel,  Notice  sur 
Largentière,  dans  la  Revuedu  Dauphiné,  1878.  — Auguste 
Roche,  Armoriai  généalogique  et  biographique  des  évêques 
de  Viviers  ;  Aubenas,  1894.  ^    /-    ^ 

LARGET  (Métall.).  On  entend  par  larget  des  plaques  de 
fer  ou  d'acier  destinées  à  être  ultérieurement  transformées 
en  tôles  minces.  On  leur  donne,  comme  longueur,  la  lar- 
geur que  doit  avoir  la  tôle,  et  on  les  lamine  en  travers. 

LARGETEAU  (Charles-Louis),  astronome  français,  né 
à  Mouilleron-en-Pareds  (Vendée)  le  22  juil.  1791,  mort  à 
Pouza.uges  (Vendée)  le  11  sept.  1857.  H  entra,  à  sa  sortie 
de  l'Ecole  polytechnique,  dans  le  corps  des  ingénieurs  géo- 
graphes, prit  part  à  d'importants  travaux  géodésiques,  de- 
vint astronome  adjoint  (1832),  puis  membre  du  Bureau 
des  longitudes,  et  fut  élu  le  13  déc.  1847  membre  libre 
de  l'v^cadémie  des  sciences  de  Paris,  en  remplacement  de 
Pariset.  n  est  l'auteur  de  nombreuses  tables  d'équinoxes, 
de  solstices,  d'aberration  et  de  nulation  d'étoiles,  de  ma- 
rées, de  syzygies,  de  réfractions,  etc.,  parues  principale- 
ment dans  la  Connaissance  des  Temps  (1833-47),  dont 
il  a  été  l'un  des  plus  actifs  collaborateurs,  et  dans  lesM^'- 
moires  de  l'Académie  des  sciences  (18o0).       L.  S. 

LARGILLAY.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Lons-le- 
Saunier,  cant.^de  Clairvaux;  186  hab. 

LARGILLIÈRE  (Nicolas),  peintre  français,  né  à  Paris 
(baptisé  le  10  oct.  1656),  mort  le  20  mars  1746.  Fils 
d'un  chapelier,  le  jeune  peintre  se  forma  de  bonne  heure. 
Il  avait  suivi  son  père  à  Anvers,  où  l'appelaient  ses  aff^aires  : 
il  entra,  à  douze  ans,  dans  l'atelier  d'Antoine  Goubau 
(V.  ce  nom),  artiste  flamand  imbu  d'influences  italiennes, 
et  qui  représentait  des  marchés,  des  foires,  des  paysages 
et  des  scènes  d'histoire.  Largillière,  qui  devait  être  un  de 
nos  grands  coloristes  dans  l'art  du  portrait,  fut  à  ses  dé- 
buts un  peu  de  l'école  des  Flandres.  Il  alla  à  Londres  et 
travailla  chez  Lely,  premier  peintre  de  Charles  IL  Lors- 
qu'il revint  en  France,  il  connut  Lebrun  et  Van  der  Meu- 
len,  et  fit  le  portrait  de  l'un  et  de   l'autre.  Celui  de 


968 


LARGILLIÈRE  -»-  J.ARIDKS 


Lebrun  —  au  musée  du  Louvre  —  lui  servit  de  morceau  de 
réception  à  l'Académie  de  peinture.  Il  retourna  en  Angle- 
terre, pour  peindre  le  Boi  Jacques  II  et  la  Reine;  malgré 
les  offres  qu'on  lui  fit  à  Londres,  il  regagna  Paris,  et  y 
fut  occupé  à  des  commandes  très  importantes.  Portraitiste 
qui  avait  la  faveur  des  échevins,  plus  encore  que  celle  de 
la  cour,  il  peignit,  pour  la  grande  salle  de  l'Hôtel  de  Ville  : 
les  Vœux  de  la  France  pour  la  santé  du  Roi;  le 
Repas  donné  en  i687  à  Louis  XIV  et  à  toute  la  cour 
au  sujet  de  sa  convalescence  ;  le  Mariage  du  duc  de 
Bourgogne  avec  Marie-Adélaïde  de  Savoie.  Il  a  exé- 
cuté une  autre  grande  peinture  —  placée  aujourd'hui  à 
Saint-Etienne-du-Mont  — et  représentant  le  vœu  de  la  ville 
de  Paris  à  Sainte-Geneviève,  à  la  suite  de  deux  ans  de  sté- 
rilité. Le  nombre  des  ouvrages  de  Largillière  est  considé- 
rable :  il  s'est  peint  lui-même  avec  sa  famille,  dans  un 
admirable  tableau  (galerie  Lacaze,  au  Louvre).  On  retrouve 
au  musée  de  Lille  et  au  musée  de  Berlin  le  portrait  du 
paysagiste  For  est  ^  son  beau-père,  portrait  répété  par  notre 
artiste.  Largillière  est  un  maître  brillant  et  élégant  ;  il  est 
moins  solennel  et  moins  ample  qu'Hyacinthe  Rigaud,  qu'il 
suit  pourtant  de  près;  on  reconnaît  souvent  en  lui  un  vir- 
tuose de  la  couleur,  mais  il  échappe  au  maniérisme  de  Nat- 
tier,  et  à  la  sécheresse  de  Tocqué.      Ant.  Valabrègue. 

BiBL.  :  Paul  Mantz,  Nicolas  Largillière^  dans  la  Gazette 
des  beaux-arts,  août  et  oct.  1893. 

LAR6NAC.  Hameau  de  la  corn.  d'Ydes  (Cantal,  cant.  de 
Saignes).  Stat.  du  chem.  de  fer  d'Eygurande  à  Mauriac. 

LAR6NY.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Boissons, 
cant.  de  Villers-Cotterets  ;  Ml  hab.  Eghse  de  la  fin  du 
xn^  siècle  avec  une  belle  sculpture  sur  bois  du  xv®;  ruines 
du  monastère  de  Longpré. 

LA RGS.  Ville  maritime  d'Ecosse,  au  N.  du  comté  d'Ayr, 
en  face  des  îles  Cumbrâs;  3,100  hab.  Bains  de  mer.  En 
4263,  les  Norvégiens  y  furent  vaincus. 

LARGUE  (Mar.).  Ce  mot  a  plusieurs  significations.  H 
s'emploie  d'abord  pour  exprimer  une  des  allures  du  bâti- 
ment. Courir  largue  indique  que  l'angle  formé  par  la  direc- 
tion du  vent  régnant  avec  la  quille  du  navire  est  un  angle 
de  l'i2*^  ou  de  40  quarts.  Lorsque  cet  angle  atteint  12  quarts 
ou  135o,  on  court  grand  largue.  Du  temps  de  la  marine  à 
voiles,  le  largue  était,  en  général,  Fallure  donnant  le  maxi- 
mum de  vitesse  :  la  dérive  est  insignifiante  et  toutes  les 
voiles  portent.  Dans  une  autre  acception,  largue  s'emploie 
adjectivement  et  veut  dire  lâché,  en  bande.  Exemple  :  les 
bras  sont  largues  ;  cela  signifie  que  les  manœuvres  appelées 
bras  ne  sont  plus  attachées,  ont  du  mou.  Du  mot  largue  on 
a  fait  le  verbe  larguer,  qui  veut  dire  :  lâcher,  détendre  et 
laisser  tomber  quand  il  s'agit  de  voiles.  Ainsi  le  comman- 
dement :  A  larguer  les  voiles  !  qui  est  un  commandement 
d'avertissement,  indique  que  les  hommes  doivent  aller  sur 
les  vergues,  détacher  tout  ce  qui  les  tient  serrées  pour  les 
laisser  tomber  au  commandement  de  :  Larguez  !  fait  par 
l'officier  de  quart,  qui  les  fera  ensuite  établir. 

LARlÂNS-ET-MuNANs.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Saône, 
arr.  de  Vesoul,  cant.  de  Montbozon  ;  326  hab. 

LARIBOISIERE  (Hôpital).  La  création  de  cet  hôpital 
avait  été  décidée  en  principe  dès  1839  ;  la  construction  n'en 
fut  entreprise  que  sept  ans  plus  tard.  H  fut  d'abord  désigné 
sous  le  nom  d'Hospice  du  Nord^  puis  il  s'est  appelé,  au 
hasard  des  fluctuations  de  la  politique,  hôpital  Louis-Phi-- 
lippe  (1841),  hôpital  de  la  République  (1848).  En  1853,  à 
la  suite  d'une  importante  donation  (près  de  3  millions)  de 
la  comtesse  de  La  Riboisière,  l'hôpital  prit  le  nom  de  sa  bien- 
faitrice. H  ne  fut  définitivement  ouvert  que  le  13  mars  1854. 

Complètement  isolé  par  la  rue  Ambroise-Paré,  qui  longe 
sa  façade,  l'hôpital  Lariboisière  est  borné  :  au  N,,  par 
le  boulevard  de  la  Chapelle;  à  TE.,  par  la  rue  de  Mau- 
beuge  ;  à  PO.,  par  la  rue  Guy-Patin.  Les  pavillons  des- 
tinés aux  malades  sont  au  nombre  de  six,  reliés  entre  eux 
par  des  salles  annexes  ;  les  trois  pavillons  de  droite  sont 
réservés  aux  femmes,  les  trois  de  gauche,  aux  hommes. 
L'hôpital  est  pourvu  de  quatre  cours.  Une  longue  galerie, 


qui  occupe  les  quatre  angles  de  la  cour  la  plus  vaste,  dite 
cour  d'honneur,  nermet  àe  faire  le  service  à  couvert.  Elle 
est  éclairée  par  88  baies  cintrées,  et  est  surmontée  de 
terrasses  ^couvertes  de  fleurs.  Outre  les  6  pavillons  prin- 
cipaux, l'hôpital  comporte  4  pavillons  accessoires  (direc- 
tion et  économat,  pharmacie,  salles  de  garde  des  internes, 
salles  de  consultation,  de  femmes  enceintes,  cuisine,  lin- 
gerie, service  d'accouchement).  Depuis  quelques  années, 
il  a  été  construit  une  maternité,  avec  section  d'isolement; 
un  pavillon  pour  les  affections  contagieuses  ;  un  pour  les 
opérées  d'ovariotomie  ;  et  enfin  5  laboratoires  d'histologie. 
L'hôpital  Lariboisière  est  un  des  plus  vastes  de  Paris.  Sa 
population,  personnel  et  malades,  ne  représente  pas  moins 
de  1,000  personnes.  Au  point  de  vue  de  la  bonne  instal- 
lation des  services,  Lariboisière  est  un  des  hôpitaux  les 
mieux  organisés,  mais,  ce  qui  est  surtout  fâcheux,  c'est 
que  l'effectif  est  communément  dépassé,  et  que,  comme  on 
l'a  justement  dit,  «  l'encombrement  y  est  de  règle  », 
alors  que  ce  devrait  être  l'exception.  D''  A.  Câb. 

LA  RIBOISIÈRE  (Jean-Ambroise  Baston,  comte  de), 
général  français,  né  à  Fougères  en  août  1759,  mort  à 
Kœnigsberg  le  29  déc.  1812.  Lieutenant  d'artillerie  en 
1781,  capitaine  en  1791,  il  servit  avec  la  plus  grande 
distinction,  contribua  comme  général  de  brigade  à  la 
bataille  d'Austerlitz  (1805),  puis  à  celle  d'Iéna  (1806), 
fut  nommé  général  de  division,  prit  une  part  considérable 
au  siège  de  Dantzig,  ainsi  qu'à  la  bataille  de  Friedland 
(1807),  suivit  Pempereur  en  Espagne  (1808),  commanda 
l'artillerie  à  Essling,  à  Wagram  (1809),  à  la  Moskowa 
(1812),  et,  après  avoir  vu  périr  un  de  ses  fils,  mourut 
lui-même  d'épuisement  à  la  fin  de  la  retraite  de  Russie. 

LA  RIBOISIÈRE  (Honoré-Charles  Baston,  comte  de), 
homme  politique  français,  fils  du  précédent,  né  à  Fougères 
le  21  sept.  1788,  mort  à  Paris  le  21  mars  1868.  Elève 
de  l'Ecole  polytechnique  en  1807,  il  fit,  de  1809  à  1812, 
les  campagnes  de  la  Grande  Armée  comme  aide  de  camp 
de  son  père,  devint  en  1813  chambellan  de  l'empereur, 
qui  le  prit  pendant  les  Cent-Jours  pour  officier  d'ordon- 
nance. Il  quitta  le  service  après  Waterloo.  Envoyé  à  la 
Chambre  des  députés  par  le  collège  de  Fougères  en  1828, 
réélu  en  juin  1830,  il  applaudit  à  la  révolution  de  Juillet, 
obtint  le  renouvellement  de  son  mandat  en  1831,  ainsi 
qu'en  1834,  soutint  la  politique  conservatrice  et  fut  appelé 
le  11  sept.  1835  à  la  Chambre  des  pairs.  Après  la  révolu- 
tion de  Février,  il  fit  partie,  comme  représentant  d'Hle-et- 
Vilaine,  de  l'Assemblée  législative,  où  il  se  montra  favo- 
rable à  la  politique  de  f'Elysée  (1849-51).  Aussi  fut-il, 
après  le  coup  d'Etat  (26  janv.  1852),  appelé  au  Sénat,  où 
il  se  montra  constamment  fidèle  au  nouveau  gouvernement. 

LA  RIBOISIÈRE  (Ferdinand-Marie-Auguste  Baston, 
comte  de),  hommepolitique français,  né  le  l^^'janv.  1856. 
H  se  présenta  comme  républicain  le  30  avr.  1882  dans 
l'arr.  de  Fougères  à  l'élection  partielle  qui  suivit  l'annu- 
lation de  l'élection  de  M.  Riban  ;  il  fut  ^u  par  12,313  voix 
contre  6,799  données  à  M.  de  La  Villegontier,  monarchiste. 
Présenté  sur  la  liste  républicaine  du  dép.  d'Ille-et-Vilaine 
aux  élections  du  4  oct.  1885,  il  fst  élu  le  premier  avec 
62,282  voix  sur  122,927  votants;  il  donna  sa  démission 
peu  après  (16  nov.  1885). 

LARIDÉS  (Ornith.).  Sous  le  nom  de  Laridés,  les  orni- 
thologistes désignent  une  famiHe  de  Tordre  des  Palmipèdes 
qui  comprend,  outre  les  Mouettes  et  les  Goélands  (genre 
Larus  de  Linné),  les  Sternes  ou  Hirondelles  de  mer  (Sterna) 
et  les  Labbes  ou  Stercoraires  {Lestris  ou  Stercorarius). 
Cette  famille  paraît  fort  naturelle  ;  cependant  elle  se  ratta- 
che à  certains  égards  aux  Glaréoles,  aux  Bécasseaux  et  aux 
Chevahers  que  Cuvier  rangeait  dans  l'ordre  desEchassiers. 
Elle  comprend  trois  tribus  :  les  Larinés,  les  Sterninés  et 
les  Lestrinés,  dont  la  première  compte  à  son  tour  trois 
genres  (Pagophila,  Rissa  et  Larus),  \di  seconde  cinq  genres 
(Hydrochelidon,  Sterna,  Nœnia,  Gygis  et  Anous)  et  la 
troisième  un  seul  genre  (Lestris). 
Les  Laridés  ont  le  bec  de  longueur  variable,  tantôt  droit 


LARIDES  —  LARIVEY 


964 


et  plus  ou  moins  épais,  tantôt  effilé  et  légèrement  arqué, 
mais  toujours  comprimé  latéralement,  les  mandibules  à 
bords  lisses  et  tranchants,  les  narines  percées  à  une  cer- 
taine distance  du  front,  le  corps  allongé  et  porté  sur  des 
pattes  relativement  courtes  et  terminées  généralement  par 
quatre  doigts,  plus  rarement  par  trois  doigts  seulement. 
Le  pouce,  en  effet,  est  quelquefois  complètement  atrophié 
(chez  les  Mouettes  du  genre  Rissa)  ;  mais,  d'ordinaire,  il  est 
très  apparent  et  s'insère  à  une  certaine  hauteur  sur  le 
tarse,  restant  complètement  indépendant  des  autres  doigts 
qui  sont  rattachés  les  uns  aux  autres  par  des  membranes 
entières  ou  légèrement  échancrées.  Si  quelques  Laridés 
s'avancent  assez  loin  dans  l'intérieur  des  terres,  la  plupart 
de  ces  oiseaux  vivent  sur  les  côtes  en  colonies  nombreuses 
et  se  nourrissent  exclusivement  d'animaux  marins.  Ils  na- 
gent avec  aisance  et  sont  doués  d'un  vol  extrêmement  puis- 
sant. E.  OUSTALET. 

BiBL.  :  Ch.-L.  Bonaparte,  Tableaux  paralléliques^  dans 
les  Comptes  rendus  de  VAcadémie  des  sciences,  1856, 
t.  XLIII.  —  H.  Saunders,  Revision  des  Larinœ  et  des  Ster- 
nlnœ,  dans  les  Proceed.  of  the  Zool,  Soc.  Lond. ,  1876  et  1878. 

LARIGOT  (Mus.)  (V.  Orgue). 

LARIN.  Ancienne  monnaie  d'argent  persane  d'un  titre 
d'environ  970  millièmes  et  pesant  un  peu  moins  de  T)  gr. 

LARIN  (Larinus)  (Entom.).  Genre  d'Insectes  Coléop- 
tères, famille  des  Curculionidés,  fondé  par  Germar  pour 
des  Charançons  de  la  tribu  des  Cléoninés  ainsi  caractéri- 
sés :  corps  épais  et  court,  ovoïde  ;  rostre  épais  et  un  peu 
arqué,  antennes  courtes;  prothorax  court  avec  deux  sinuo- 
sités à  la  base.  Les  espèces  connues  de  ce  genre,  au  nombre 
de  plus  de  cent,  habitent  l'ancien  monde  et  beaucoup  sont 
particulières  à  la  région  circaméditerranéenne  ;  elles  vivent 
surtout  sur  les  Carduacées  dont  se  nourrissent  leurs  larves 
qui  y  développent  souvent  des  galles  ou  coques.  Certaines 
de  ces  coques,  riches  en  principes  astringents,  sont  em- 
ployées en  pharmacopée,  notamment  le  Tréhala  de  Syrie 
que  l'on  récolte  sur  un  Onopordon  et  qui  contient  du  sucre 
réductible,  de  l'amidon  et  une  substance  albuminoïde. 

LARINO.  Ville  d'Italie,  prov.  de  Campobasso,  à  35  kil. 
N.-E.  de  cette  ville,  ch.-l.  de  circondario,  sur  le  Biferno; 
6,872  hab.  Elle  a  remplacé  l'antique  Larinum  détruite 
par  les  Sarrasins  en  842,  qui  fut  une  des  principales 
cités  de  l'Italie  méridionale.  Elle  possédait  le  pays  entre 
le  Tiferne  (Biferno)  et  le  Frento  (Eortore),  séparant 
l'Apulie  des  Frentans  ;  elle  prit  peu  de  part  aux  guerres 
contre  Rome  et  conserva  longtemps  son  opulence.  Elle 
était  bâtie  à  5  kil.  au  S.  du  Biferno,  au  sommet  de  la 
colline  de  Monterone,  un.  peu  à  l'O.  de  la  ville  moderne. 
On  voit  encore  les  ruines  d'un  grand  amphithéâtre,  des 
murs,  d'un  palais,  etc. 

LARIO  (V.  CôME  [Lac  de]). 

LARIOSAURUS  (Paléont.j.  Curioni  a  établi  ce  genre  en 
1847  pour  un  reptile,  I.  Balsami^  trouvé  dans  le  mus- 
chelkalk  de  Perledo,  lac  de  Côme.  Le  crâne  est  court,  les 
fosses  temporales  sont  grandes  ;  le  cou,  qui  est  long,  se 
compose  de  20  vertèbres  qui  portent  des  côtes.  La  région 
dorsale  comprend  24  à  26  vertèbres  ;  les  côtes,  très  fortes 
et  arquées,  sont  reliées  par  des  côtes  ventrales.  La  queue 
se  compose  d'environ  35  vertèbres  dont  les  dix  premières 
portent  de  larges  côtes.  La  ceinture  pectorale  est  confor- 
mée comme  celle  du  Nothosaurus^  mais  il  n'existe  pas 
d'échancrure  à  l'extrémité  glénoïdale  du  coracoïde.  Le  ra- 
dius et  le  cubitus  sont  séparés  ;  le  carpe  est  formé  de  deux 
séries  d'osselets  arrondis  ;  les  métacarpiens,  au  nombre  de 
cinq,  sont  allongés  ;  les  phalanges  sont  courtes.  Les  pubis 
sont  larges  et  aplatis  ;  le  fémur  est  grêle,  allongé  ;  les  pha 
langes  du  pied  sont  courtes  et  épaisses.  La  taille  de  la  seule 
espèce  connue  n'atteint  que  0"^20  à  0™30.  D'après  Zittel, 
«  LariosauTUS  appartient  aux  Sauroptérygiens,  comme  le 
prouvent  la  structure  du  crâne,  de  la  ceinture  pectorale, 
de  la  ceinture  pelvienne,  le  long  cou  et  les  vertèbres  fai- 
blement biconcaves.  L'aspect  général  est  pourtant  plutôt 
celui  du  Lézard,  et,  en  particulier,  les  membres  sont  plutôt 
des  pattes  marcheuses  que  des  nageoires.  »  Lydekker,  qui 


établit  pour  les  genres  Lariosaunis  et  Neusticosaurus  la 
famille  des  Lariosauridées,  fait  remarquer  que  cette  famille 
paraît  relier  les  Plésiosauridés  aux  Nothosauridés  terrestres 
ou  d'eau  douce.  E.  Sauvage. 

BiBL.  :  Curioni,  Giorn.  Inst.  Lombard..,  1847,  t.  XVI.  — 
Lydekker, Cat.  foss.  Reptîlia  Brifis/i  Mms.,  1889,  t.  II, p. 284. 
— ■  H.  Zittel,  Traité  de  paléontologie^  éd.  fr.,  1893,  t.  111. 

LARISSA.  Nom  d'un  grand  nombre  de  villes  de  la  Grèce 
antique;  outre  celle  de  la  Thessalie  (V.  ci-dessous),  on 
connaît  :  4*^  la  citadelle  d'Argos;  —  2°  Larissa  Cré- 
masté^  dans  la  Phthiotide,  dont  on  voit  les  ruines  dans  le 
val  de  Gardikhi  ;  —  3«  une  cité  du  territoire  d'Ephèse. 
au  N.  du  Caystre  ;  —  4^^  Larissa  Pfiriconis^  une  des 
cités  de  la  confédération  d'Eolide  ;  —  5^  une  ville  de  Troade, 
à  14  kil.  au  S.  d'Alexandrie.  A  toutes  on  attribue  une 
origine  pélasgique.  —  Xénophon  donne  également  ce  nom 
à  une  ville  déserte  d'Assyrie  qu'on  identifie  avec  Nim- 
roud.  — ^  Il  y  en  avait  encore  une  en  Syrie,  entre  Emèse 
et  Apamée. 

^  LARISSA.  Ch.-l.  d'un  nome  de  Grèce,  à  213  kil. 
d'Athènes,  à  125  kil.  de  Salonique,  sur  la  rive  droite  de 
la  Salamyrya  (ou  Pénée)  ;  14,000  hab.  dont  5,000  Grecs, 
3,000  juifs,  3  000  musulmans.  Elle  est  située  au  milieu 
d'une  vaste  plaine,  couverte  de  champs  de  coton,  de  plan- 
tations de  tabac,  de  vignobles,  (^est  l'entrepôt  naturel  de 
tout  le  pays.  C'est  une  ville  très  étendue,  entourée  de  vastes 
faubourgs,  et  dont  une  grande  partie  est  occupée  par  des  jar- 
dins. Du  temps  des  Turcs,  ce  n'était  qu'un  village  en  bois, 
connu  sous  le  nom  de  Yenitcheri  Fanar.  Les  musulmans  ont 
émigré  en  grand  nombre  depuis  l'annexion  de  la  Grèce. 
Peu  de  ruines  antiques  (quelques  bas-reliefs  funéraires). 
Ruines  du  moyen  âge  (fortifications,  théâtre,  portes) .  Palais 
archiépiscopal,  église  métropolitaine,  minarets.  Siège  d'une 
cour  d'appel  et  d'un  évêché;  musée  thessalien.  Chemin  de 
fer  de  Volo  à  Larissa  ;  chemin  de  fer  projeté  du  Pirée  à 
Larissa.  Excursions  à  l'Ossa,  à  l'Olympe,  à  la  vallée  de 
Tempe.  —  La  situation  de  Larissa  en  a  fait,  de  tout  temps, 
la  capitale  naturelle  de  la  Thessalie  :  elle  fut  le  chef-lieu 
de  la  confédération  thessalienne  sous  la  dynastie  des 
Aleuades.  Alliée  d'Athènes,  elle  fut  conquise  par  Philippe 
de  Macédoine.  Le  roi  Philippe  V  y  transporta  ses  trésors 
dont  les  Romains  s'emparèrent.  Elle  fut  successivement 
conquise  par  les  Valaques,  les  despotes  d'Epire,  le  roi  de 
Thessalonique,  les  Grecs,  les  Turcs.  Cédée  à  la  Grèce  en 
1881.  —  Le  nome  de  Larissa  comprend  la  partie  orientale 
de  la  Thessalie,  au  S.  du  vilayet  de  Salonique,  à  l'E.  du 
nome  de  Trikkala.  Il  comprend  six  éparchies  :  Larissa,  Tir- 
novo,  Agya,  Volo,  Halmyro,  Domokos-Pharsalos.     L.  Del. 

BiBL.  :  Heuzey,  le  Mont  Olympe,  1866.  —P.  Monceaux, 
Voyage  en  Thessalie,  dans  le  Tour  du  Monde,  1887. 

LARISTAN.  Province  maritime  du  S.  de  la  Perse,  re- 
présentant le  S.-O.  du  Kirman,  contisçuë  auFarsistan; 
elle  mesure  60,000  kil.  q.  et  n'a  pas  100,000  hab.  Elle 
s'étend  du  golfe  Persique  jusqu'au  rebord  méridional  du 
plateau  d'Iran.  L'eau  y  manque  presque  complètement,  sur- 
tout le  long  de  la  mer,  dans  le  Dechtistan.  Elle  est  peu- 
plée de  Kourdes,  de  Tadjiks  et,  sur  le  littoral,  d'Arabes 
pillards  et  pirates.  Le  Laristan  forma  un  royaume  fondé 
au  milieu  du  xi^  siècle  par  un  chef  kourde;  il  s'étendit  au 
N.  du  golfe  Persique  et  de  la  mer  d'Oman  depuis  Bahrein 
jusqu'à  l'îlot  de  Diu  dans  le  Kathiawar.  En  1601,  Chah 
Abbas  le  conquit. 

LARIVE  (Jean  Mauduit  de),  acteur  fram;ais,  né  à  La 
Rochelle  le  6  août  1747,  mort  à  Montlignon  le  30  avr. 
1827.  Il  débuta  à  la  Comédie-Française  le  3  déc.  1770,  y 
remplaça  Lekain,  mais  fut  éclipsé  par  Talma.  Emprisonné 
en  1793,  relaxé  après  le  9  thermidor,  il  joua  à  la  salle 
Louvois,  fut  professeur  de  déclamation  à  l'Athénée  et  eut 
la  fâcheuse  idée  de  reparaître  à  la  scène,  le  25  avr.  1816, 
au  Théâtre-Italien.  Il  a  écrit  :  Réflexions  sur  l'art  théâ- 
tral (1801)  ;  Cours  de  déclamation  (1810,  2  vol.  in-8)  ; 
Pyrame  et  Thishé,  scène  Ivrique  représentée  le  2  juin 
1783,  etc. 

LARIVEY  (Pierre  de),  auteur  dramatique  français,  né  à 


Troyes  vers  1550,  mort  vers  4612.  On  ne  sait  rien  de 
précis  sur  sa  vie.  Il  débuta  au  théâtre  en  1577  par  une 
série  de  pièces  arrangées  de  l'italien,  et  écrites  en  prose, 
ce  qui  était  une  nouveauté.  Elles  obtinrent  un  grand  succès. 
Les  comédies  de  Larivey,  les  meilleures,  avec  la  Farce  de 
Patelin^  de  l'ancien  théâtre  français,  ont  eu  une  influence 
considérable  sur  le  progrès  de  l'art  dramatique  en  France 
et  ont  fourni  des  sujets  à  Molière  et  à  Regnard.  Citons  : 
les  Six  Premières  Comédies  face  denses  de  Pierre  de 
Larivey,  à  savoir  :  le  Laquais^  la  Veuve,  les  Esprils, 
le  Morfondu^  le  Jaloux^  les  Ecoliers  (Paris,  1579, 
in-12)  ;  Trois  Comédies,  à  savoir  :  la  Constance,  le  Fi- 
dèle, les  Tromperies  (Troyes,  1611,  in-1 2),  réimprimées 
dans  les  t.  V  à  Vil  de  V Ancien  Théâtre  français  de 
Viollet-le-Duc  et  P.  Jannet.  On  a  encore  de  Larivey  un 
certain  nombre  de  traductions  de  l'Arétin,  de  Capelloni,  de 
Piccolomini,  d'Arnigio,  à^s,  Facétieuses  ISuils  de  Strapa- 
role  (1573)  ;  de  Deux  Livres  de  'philosophie  fabuleuse 
(1577,  in-16).  R.  S. 

LARIVIÈRE.  Corn,  du  territoire  de  Relfort,  cant  de 
Fontaine  ;  1 99  hab. 

LA  RIVIÈRE  (Nicolas  de  Grouchy,  sieur  de)  (V.  Grou- 
chy). 

LARIVIÈRE  (Pierre-François- Joachim  Henry-),  homme 
politique  français,  né  à  Falaise  le  6  déc.  1761,  mort  à 
Paris  le  3  nov.  1838.  Homme  de  loi  dans  sa  ville  natale, 
il  fut  nommé  député  du  Calvados  à  l'Assemblée  législative  ; 
il  s'y  montra  patriote  exalté,  et  demanda  l'abolition  du 
serment.  Réélu  à  la  Convention,  Henry-Larivière  changea 
brusquement  de  conduite  et  fut  l'un  des  rares  royalistes 
avérés  de  cette  assemblée;  aussi  c'est  à  tort  qu'on  le  classe 
parfois  parmi  les  Girondins,  avec  lesquels  il  n'avait  rien 
de  commun.  Membre  de  la  commission  des  Douze,  il  fut 
décrété  d'arrestation  le  2  juin,  se  sauva  à  Caen  et  fut  mis 
hors  la  loi.  Après  le  9  thermidor,  il  demanda  à  la  Con- 
vention de  se  prononcer  sur  son  sort,  mais  il  ne  fut  réad- 
mis à  siéger  que  le  8  mai  1795.  H  ne  tarda  pas  alors  à 
soutenir  toutes  les  mesures  de  réaction,  proclamant  que 
«  les  royalistes  étaient  bien  moins  à  craindre  que  les  ter- 
roristes ».  11  attaqua  Carnot  et  Robert  Lindet  et  demanda 
que  les  députés  arrêtés  fussent  jugés  par  une  commission 
militaire.  Cela  ne  l'empêcha  pas  d'entrer  au  comité  de  Sa- 
lut public,  dont  il  fit  partie  du  3  juin  au  7  oct.  1795. 
Henry-Larivière  passa  au  Conseil  des  Cinq-Cents,  devint 
l'un  des  chefs  du  parti  de  Clichy  et,  comme  tel,  fut  porté 
sur  la  liste  de  déportation  au  18  fructidor  an  V.  Il  réussit 
encore  à  se  sauver,  passa  à  Neuchâtel,  puis  à  Londres  et 
y  devint  agent  du  comte  d'Artois,  prenant  part  à  toutes 
les  intrigues  royalistes  à  l'étranger.  Rentré  avec  les  Rour- 
bons  en  1814,  il  fut  nommé  avocat  général  à  la  cour  de 
cassation,  retourna  en  Angleterre  aux  Cent-Jours  et  reprit 
sa  place  à  la  seconde  Restauration.  Après  la  révolution 
de  Juillet,  il  refusa  le  serment,  s'exila  à  Turin  et  mourut  à 
Paris  où  il  se  trouvait  de  passage  pour  aller  se  fixer  à 
Londres. 

LARIVIÈRE  (Auguste)  (V.  Engelspach). 

LARIVIÈRE  (Philippe-Charles  de),  peintre  français,  né 
à  Paris  en  1798,  mort  à  Paris  en  1876.  Elève  de  Guérin, 
de  Girodel  et  de  Gros,  il  remporta  le  grand  prix  de  Rome 
en  1824.  En  1830,  il  envoya  d'Italie  la  Peste  de  Rome 
sous  Nicolas  F,  composition  dramatique  en  figures  plus 
grandes  que  nature  (a  figuré  au  Luxembourg).  De  retour 
en  France,  il  peignit  Le  Tasse  malade  à  Saint-Onuphre 
(S.  1831).  Ces  belles  œuvres,  dont  on  ne  saurait  trop 
louer  la  grandeur  de  conception  et  la  puissance  expressive, 
lui  donnèrent  une  grande  réputation.  Il  reçut  de  nom- 
breuses commandes  de  portraits  d'après  les  célébrités  de 
l'époque  ;  le  musée  de  Versailles,  que  Louis-Philippe  com- 
mençait à  former,  lui  valut  aussi  des  travaux  considérables, 
tableaux  d'histoire  et  de  batailles  pris  dans  toutes  les  époques, 
exécutés  on  grandes  ou  petites  dimensions.  Parmi  les  grandes 
batailles,  les  plus  remarquables  sont  :  F  Assaut  de  Birscia, 
la  Bataille  des  Dunes,  le  Duc  d'Orléans,  lieutenant 


965  -  LARIVEY  -  LARME 

général  du  royaume,  arrive  à  VHôtel  de  Ville,  après 
les  journées  de  Juillet  (S.  1836).  Le  musée  contient 
encore  de  lui  de  nombreux  portraits  d'amiraux  et  de  maré- 
chaux. Sous  le  second  Empire,  les  commandes  officielles  ne 
lui  firent  pas  non  plus  défaut  ;  mais  son  talent,  tout  en 
conservant  encore  quelques-unes  des  hautes  qualités  d'école 
qui  le  distinguaient  autrefois,  n'avait  plus  la  même  énergie, 
gâté  qu'il  était  par  une  exécution  trop  hâtive.  On  lui  doit 
encore  les  cartons  des  vitraux  de  la  chapelle  de  Dreux 
(1855).  Ad.  Thiers. 

LARIX  (Rot.)  V.  Mélèze). 

LARKHALL.  Ville  d'P]cosse,  comté  de  Lanark,  à  5  kil. 
S.-E.  de  Hamilton  ;  7,000  hab.  Mines  de  houille,  tis- 
sage. 

LARME.  I.  Physiologie.  —  Les  larmes  sont  consti- 
tuées par  un  liquide  clair,  de  saveur  franchement  salée, 
renfermant  des  traces  d'albumine  et  de  mucine.  Versées 
dans  l'eau,  les  larmes  donnent  un  précipité  qui  paraît  être 
de  la  globuline.  Les  larmes  sont  produites  :  par  un  appa- 
reil spécial,  l'appareil  lacrymal,  constitué  par  un  groupe 
de  glandes  ;  par  les  paupières  dont  les  mouvement  ont  pour 
effet  de  répandre  sur  toute  la  surface  du  globe  oculaire  le 
liquide  sécrété  par  ces  glandes,  et  enfin  par  un  système  de 
canaux  lacrymaux  qui  assurent  l'écoulement  des  larmes 
vers  les  fosses  nasales. 

La  glande  lacrymale  située  à  la  partie  supérieure  de 
l'angle  externe  de  l'œil  est  une  glande  en  grappe  analogue 
aux  glandes  salivaires.  Les  larmes  qui  s'en  écoulent  d'une 
façon  continue  sont  étalées  sur  toute  la  surface  du  globe 
oculaire  par  les  contractions  fréquentes  de  l'orbiculaire  et 
par  les  mouvements  des  paupières.  Le  rôle  essentiel  des 
larmes  est  de  lubréfier  la  cornée,  et  d'empêcher  ainsi  son 
dessèchement.  Si  pour  une  cause  quelconque  leur  action 
est  empêchée  (atrophie  de  la  glande  ou,  cas  plus  fréquent, 
paral^jsie  des  paupières  qui  n'assurent  plus  alors  une  ré- 
partition convenable  du  liquide  sur  toute  la  surface),  on 
voit  rapidement  la  cornée  perdre  son  éclat  brillant,  s'en- 
flammer et  bientôt  s'ulcérer.  L'anatomie  comparée  montre 
que  cet  appareil  n'existe  pas  chez  les  animaux  vivant  dans 
l'eau.  Parmi  les  mammifères,  les  cétacés  sont  dans  ce  cas; 
l'œil  étant  constamment  baigné  par  l'eau  ambiante,  les 
larmes  n'auraient  aucun  rôle  à  jouer. 

Une  partie  du  liquide  sécrété  par  la  glande  lacrymale 
s'évapore  directement  ;  mais ,  même  dans  les  conditions  or- 
dinaires, il  en  reste  un  excès,  qui  vient  s'accumuler  dans 
l'angle  interne  de  l'œil,  dans  une  excavation  désignée  sous 
le  nom  de  lac  lacrymal.  De  là  les  larmes,  pénétrant  par  les 
points  lacrymaux  et  passant  par  une  série  de  canaux,  les 
canaux  lacrymaux,  le  sac  lacrymal,  le  canal  nasal,  arrivent 
dans  les  fosses  nasales,  qu'elles  contribuent  à  lubréfier, 
continuant  ainsi  à  jouer  un  rôle  de  protection,  non  plus  de 
l'organe  de  la  vue,  mais  des  organes  respiratoires,  en  char- 
geant l'air  inspiré  d'une  certaine  humidité. 

Quand  un  corps  étranger  ou  un  gaz  irritant  vient  en 
contact  avec  la  cornée,  il  se  produit  par  un  réflexe  de  dé- 
fense une  hypersécrétion  des  larmes  destinées  soit  à  en- 
traîner le  corps  étranger,  soit  à  protéger  la  cornée  contre 
les  causes  destructives.  Les  voies  centripètes,  qui  déter- 
minent l'hypersécrétion  de  la  glande  lacrymale,  sont  nom- 
breuses. L'excitation  du  trijumeau,  du  lingual,  du  glosso- 
pharyngien,  du  pneumogastrique^  amène  cette  suractivité, 
mais  la  voie  centrifuge  est  unique.  C'est  une  branche  du 
trijumeau,  le  nerf  lacrymal  qui  va  déterminer  l'activité 
fonctionnelle  de  la  glande.  Ce  nerf  coupé,  la  sécrétion  des 
larmes  est  presque  tarie  ou  tout  au  moins  l'excitation  des 
autres  nerfs  reste  sans  effet.  Il  existe  toutefois,  comme 
pour  les  glandes  salivaires,  avec  lesquelles  la  glande  lacry- 
male a  tant  d'analogie,  une  sécrétion  spéciale  quand  on 
excite  les  filets  sympathiques.  On  voit  alors  sourdre  des 
larmes  troubles,  visqueuses,  comparables  à  la  sécrétion 
salivaire  sympathique. 

Tant  que  la  sécrétion  de  l'appareil  lacrymal  est  normale, 
le  liquide  s'écoule  par  le  système  des  canaux  indiqués,  grâce 


LARME  —  LARMIER 


—  966 


à  une  aspiration  déterminée  par  la  raréfaction  de  l'air  dans 
les  fosses  nasales  au  moment  de  l'inspiration.  On  a  invo- 
qué encore  d'autres  causes  :  la  capillarité  de  ces  canaux, 
le  siphonage  ;  la  première  force  paraît  être  la  seule  en  cause. 
Mais,  quand  la  sécrétion  augmente,  soit  sous  l'influence 
d'un  réflexe  oculaire,  soit  encore  sous  l'influence  d'un  ré- 
flexe psychique,  car  l'écoulement  des  larmes  à  la  suite 
d'une  émotion  morale  se  ramène  à  un  simple  phénomène 
de  réflexe  psychique,  l'écoulement  par  les  voies  ordi- 
naires ne  suffît  plus  et  le  liquide  lacrymal  s'échappe  plus 
ou  moins  abondamment  des  paupières.  C'est  cet  excès 
qu'ordinairement  on  appelle  les  larmes. 

Il  est  difficile  d'indiquer  même  approximativement  la 
quantité  de  larmes  que  les  glandes  lacrymales  peuvent  sé- 
créter dans  leur  maximum  d'activité.      D^  P.  Langlois. 

II.  Archéologie.  —  Dans  l'antiquité,  des  pleureurs 
salariés  jouaient  un  rôle  important  dans  les  cérémonies 
funèbres.  On  a  môme  cru  que  les  petits  vases  de  verre 
appelés  lacrymatoires  que  l'on  trouve  dans  des  tom- 
beaux antiques  étaient  destinés  à  contenir  des  larmes.  Au 
moyen  âge,  ces  démonstrations  théâtrales  de  deuil  ne  sont 
plas  en  honneur;  cependant,  les  larmes  figurent  dans 
divers  emblèmes  et  devises  à  partir  surtout  du  xv^  siècle. 
C'est  ainsi  que  Valentine  de  Milan  avait  pris  pour  emblème 
le  chantepleure  et  que  quatre  larmes  (qui  peut-être  à 
l'origine  n'étaient  que  les  clous  de  la  passion)  figurent  dans 
les  armes  des  bénédictins  de  la  congrégation  de  Saint- 
Vannes  et  trois  larmes  de  sang  dans  celles  de  la  ville  de 
Douai  en  mémoire  des  300  Douaisiens  tués  à  la  bataille  de 
Mons-en-Pevele.  Les  statues  de  pleureurs  deviennent  de  mode 
vers  la  même  époque  sur  les  tombeaux  :  déjà  depuis  le 
xu'^  siècle  on  s'était  mis  à  y  figurer  les  cérémonies  funè- 
bres ;  le  xv^  siècle,  qui  avait  un  goût  prononcé  pour  les  re- 
présentations réalistes,  développe  ce  thème  :  on  connaît 
les  admirables  cortèges  de  statuettes  de  pleureurs  qui  dé- 
filent sous  les  arcatures  des  tombeaux  de  divers  grands 
personnages  :  Jean  de  Berry  à  Bourges,  les  ducs  de  Bour- 
gogne à  Dijon  ;  les  princes  de  la  maison  d'Autriche  à 
Bourg,  etc. 

Les  pleureurs  et  pleureuses  sont  nombreux  sur  les 
tombeaux  du  xvn^  et  du  xvui®  siècle,  mais  ce  sont  alors 
des  statues  allégoriques,  tel  l'ange  pleureur  trop  vanté  de 
la  cathédrale  d'Amiens,  par  Duquesnoy.  A  ces  époques, où 
l'art  de  la  sculpture  perd  la  notion  de  ce  qu'il  peut  et  doit 
représenter,  on  affectionne  la  représentation  de  grosses 
larmes  sculptées  à  l'égal  de  celles  des  nuages,  et  sans  plus 
de  bonheur.  En  iconographie,  les  larmes  sont  parmi  les 
caractères  distinctifs  de  certains  personnages  ;  dans  l'An- 
cien Testament,  Jérémie  et  David;  dans  le  Nouveau,  sainte 
Marie-Madeleine,  sont  célèbres  par  les  larmes  qu'ils  ont 
versées.  Dans  certaines  scènes,  comme  la  Contrition  de 
saint  Pierre,  la  Passion  du  Christ,  sa  Mise  au  tombeau,  on 
a  figuré  des  personnages  pleurant,  surtout  la  Vierge,  saint 
Jean  et  la  Madeleine;  dans  la  scène  du  Jugement  dernier, 
les  damnés  conduits  en  enfer  versent  aussi  des  larmes. 
Enfin,  une  propension  particuhère  aux  larmes  a  été  consi- 
dérée chez  un  certain  nombre  de  saints  comme  un  don  et 
une  faveur  céleste.  Les  PP.  Martin  et  Cahier  citent  pour 
ce  fait  saint  Grégoire  VII,  saint  Macaire,  saint  Just, 
évèque  de  Lyon;  saint  Hugues,  évoque  de  Grenoble;  saint 
Godefroi,  évêque  d'Amiens  ;  saint  Guillaume,  archevêque 
de  Bourges  ;  sainte  Paule,  Romaine  ;  sainte  Monique,  sainte 
Rusticule,  abbesse  à  Arles;  sainte  Catherine  de  Suède,  fille 
de  sainte  Brigitte.  En  outre,  divers  personnages  allégori- 
ques peuvent  être  représentés  pleurants  dans  les  monuments 
figurés  du  moyen  âge.  Ce  sont  les  Vierges  folles  que 
l'Epoux  n'a  pas  reçues  ;  la  Synagogue  déchue,  la  Tristesse 
(Tristitia)  qui  figure  parfois  dans  la  série  des  péchés,  et, 
par  contre,  l'une  des  huit  béatitudes,  symbolisant  la  parole 
du  Christ  :  beati  qui  lugent,  C.  Enlarï. 

III.  Verrerie.  —  Imperfection  dans  la  fabrication  du 
verre  causée  par  la  volatilisation  des  alcafis  qui  se  vitrifient 
avec  l'argile  de  la  voûte  du  four  et,  retombant  dans  le 


creuset,  forment  dans  le  verre  des  gouttelettes  coloriées. 
Larmes  bataviûues  (V.  Batavique). 

IV.  Architecture.  —  Ornements  d'architecture  dorique 
affectant  la  forme  d'une  pyramide  ou  d'un  cône  de  petite 
dimension  engagé  par  la  pointe  dans  la  surface  inférieure 
d'un  modillon  cubique  ou  dans  le  filet  de  l'architrave  au- 
dessous  des  triglyphes.  Le  moyen  âge,  qui  n'a  presque  ja- 
mais rien  emprunté  à  Tordre  dorique,  n'a  jamais  fait  usage 
d'ornements  de  ce  genre  ;  la  première  Renaissance  les  a 
peu  ou  point  connus  ;  ils  sont  redevenus  en  faveur  depuis 
que  l'on  a  cherché  l'imitation  exacte  des  ordres  antiques. 

V.  Art  héraldique.  — Figure  des  corps  naturels  dont 
la  partie  supérieure  en  pointe  devient  ondoyante,  s'élargit 
et  se  termine  en  rond.  Elle  est  toujours  représentée  d'argent. 

LARWIESSIN.  Famille  d'artistes  français.  Philippe 
Larmessin,  peintre,  mort  à  Paris  en  1654,  fut  père  de 
Nicolas,  libraire.  Celui-ci  eut  deux  fils  du  même  prénom, 
tous  deux  graveurs,  dont  les  œuvres  sont  généralement 
confondues.  L'aîné  Nicolas  /^^,  né  à  Paris  vers  1636, 
mort  à  Paris  le  23  juil.  4694,  est  qualifié  de  «  marchand 
graveur  en  tailles  douces  » .  Le  cadet,  Nicolas  lU  né  à 
Paris  en  1640,  mort  à  Paris  le  18  déc.  1725,  n'était  que 
graveur.  L'un  et  l'autre  adjoignirent,  vers  1685,  la  par- 
ticule à  leur  nom.  C'est  au  cadet  que  les  iconographes 
attribuent  toutes  les  estampes  portant  ce  nom  ;  il  faut  en 
restituer  un  bon  nombre  à  l'aîné,  en  raison  des  dates.  Ce 
sont  les  portraits  qui  dominent  dans  leur  œuvre,  et  il  y  en 
a  d'intéressants,  tels  que  :  Adhémar  de  Monteil^  arche- 
vêque d'Arles  (1658)  ;  le  Cardinal  de  Bouillon; 
Louis  XIV  Qt  il/"^  de  la  Vallière,  en  pendants  ;  plusieurs 
membres  de  la  maison  royale  ;  W^^  de  Mojitespan,  etc. 
•—  Nicolas  lU  de  Larmessin,  fils  de  Nicolas  II,  né  à  Paris 
le  28  janv.  1684,  mort  à  Paris  le  28  févr.  1755,  fut  gra- 
veur du  cabinet  du  roi  et  membre  de  l'Académie  royale. 
11  exécuta  plusieurs  planches,  d'après  Raphaël,  pour  le 
Cabinet  Crozat^  de  nombreux  sujets  de  genre  et  allégo- 
ries d'après  Lancret,  Vleughels,  Boucher  et  Watteau,  qu'il 
interpréta  avec  une  étonnante  habileté;  il  suffira  de  citer 
le  Voyage  pour  Vile  de  Cythère^  d'après  ce  dernier  ar- 
tiste. 11  excella  aussi  dans  la  gravure  de  portraits,  comme 
en  témoignent  ceux  du  sculpteur  G.  Coustou  (1730),  de 
Louis  AT,  d'après  IL  Higaiid,  L.-M.  Vanloo,  Parrocel  ; 
de  Marie  Leckùnska,  du  Roi  Stanislas  de  Pologne,  de 
W^^  Salle,  danseuse  de  l'Opéra,  etc.       G.  Pawlowski. 

BiBL.  :  Actes  d'états  civils  d'artistes  français;  Paris, 
1873.  —  A.  FiRMiN-DiDOT,  les  Graveurs  de  portraits  en 
France,  1875-77,  2  vol.  —  Baron  R.  Portalis  et  H.  Be- 
RALDT,  les  Graveurs  du  xviii^  siècle,  1880-82,  3  vol. 

LARMIER  (Archit.).  Moulure  entaillée  par-dessous  de 
façon  à  rejeter  les  eaux  pluviales.  Les  Grecs  avaient  soin 
d'entailler  d'un  canal  carré  le  dessous  des  corniches  qui 
protègent  leurs  entablements;  l'eau  de  pluie  ne  pouvant 
remonter  dans  ce  canal  s'égouttait  ainsi  à  l'angle  inférieur 
de  la  corniche  au  lieu  de  couler  sur  les  frises,  parements 
et  colonnes,  et  de  pénétrer  dans  les  joints  de  la  constructiop. 
Les  Romains  ont  imité  cette  sage  disposition  ;  de  plus,  ils 
ne  se  sont  jamais  fait  scrupule  de  reproduire  dans  les 
intérieurs  ce  tracé  de  moulure  qui  y  perd  sa  raison  d'être. 
Le  larmier  antique  n'a  pas  été  adopté  par  les  architectes 
romans;  ils  s'en  passèrent  d'abord,  puis,  au  xn®  siècle, 
un  larmier  tout  différent  et  mieux  compris  apparut  à  l'état 
rudimentaire,  se  perfectionna  vers  1190  et  resta  en  usage, 
avec  diverses  variantes  secondaires  de  tracé,  jusqu'au 
triomphe  de  la  Renaissance  qui  remit  en  honneur  le  lar- 
mier antique.  Celui-ci  a  l'inconvénient  de  présenter  une  face 
supérieure  horizontale,  qui  raccourcit  à  l'œil  le  monument 
lorsqu'il  est  vu  de  près,  et  qui  (chose  plus  grave  surtout 
dans  nos  climats)  arrête  les  eaux  pluviales,  les  fait  rejaillir 
sur  les  parements  et  pénétrer  dans  les  joints,  recueille  la 
poussière  où  naissent  bientôt  des  plantes  et  l'humidité  qui, 
à  la  gelée,  fait  éclater  ces  moulures.  Ayant  expérimenté 
ces  inconvénients,  les  architectes  du  moyen  âge  inclinent, 
à  partir  du  miheu  du  xii^  siècle,  la  face  supérieure  de  leurs 
moulures,  et  bientôt  donnent  à  ce  talus  un  petit  rebord 


Larmiers. 


saillant,  servant  d'égouttoir.  Vers  il 70,  on  creuse  les 
larmiers  d'une  gorge  profonde,  non  pas  de  section  carrée 
comme  dans  Tantiquité,  mais  en  canal  demi-circulaire. 
Pour  suivre  le  même  tracé,  les  talus  des  larmiers  sont 
bombés,  et  sous  la  gorge  règne  généralement  une  baguette. 
Au  xui^  et  au  xiv^  siècles,  les  talus  des  larmiers  redeviennent 
généralement  droits,  ou  peu  bombés,  pour  mieux  faire 
écouler  l'eau,  et,  pour  mieux  l'arrêter,  ils  prennent  un 

biseau  anguleux.  De  la 
fin  du  XIV®  siècle  jus- 
qu'au XVI®  leurs  talus  se 
gondolent  le  plus  sou- 
vent suivant  un  tracé 
analogue  à  une  doucine 
atténuée  ;  ce  tracé  peut, 
comme  les  coyaux  des 
toits,  servir  à  rejeter 
l'eau  plus  loin  qu'une 
simple  pente  aiguë  ; 
d'autre  part,  il  s'har- 
monise avec  le  système 
d'oppositions  perpé- 
tuelles de  courbes  et 
contre-courbes  qui  cons- 
titue le  style  dit  flam- 
boyant» Les  architectes 
gothiques  avaient  tou- 
jours soin  de  disposer 
des  larmiers  à  chaque 
étage  pour  protéger  les 
parements  de  leurs 
murs,  et  de  protéger  les 
voussures  de  leurs  baies 
par  des  archivoltes  en 
larmier.  — D'autre  part, 
depuis  le  xiii®  siècle,  ils 
prirent  souvent  comme  les  antiques  l'habitude  de  reproduire 
à  l'intérieur  des  édifices,  par  exemple  aux  tailloirs  des  chapi- 
teaux, les  larmiers  qui  n'y  avaient  plus  d'utilité.  Cependant, 
ils  y  sont  moins  nombreux  et  ils  sont  presque  toujours  déco- 
ratifs, la  gorge  du  larmier  gothique  produisant  une  ligne 
d'ombre  vigoureuse  qui  accuse  fortement  et  généralement 
très  à  propos  les  hgnes  horizontales.         C.  Enlart. 

LARNÂC  (Marie-Gustave),  homme  politique  français, 
né  à  Nîmes  le  2  févr.  1793,  mort  à  Courbevoie  le  12  avr. 
d868.  Maître  d'études  au  lycée  d'Avignon,  il  devint  pro- 
fesseur de  rhétorique  au  collège  de  Lyon,  puis  précepteur 
du  duc  de  Nemours  qui  se  l'attacha  par  la  suite,  en  lui 
conférant  le  titre  de  secrétaire  de  ses  commandements. 
Elu  député  des  Landes  le  27  sept.  4845,  réélu  en  1846, 
il  fut  un  des  partisans  les  plus  fidèles  de  Guizot.  Il  a  laissé  : 
Hêves  et  Souvenirs  ^poésies  nouvelles  et  philosophiques 
(Paris,  1844,  in-8)  ;  la  Question  nmiaijie  (18B2,  in-8); 
le  Cosmos  moral  (1862,  in-8),  etc. 

LÂRNAGE.  Com.du  dép.  de  la  Drôme,  arr.  de  Valence, 
cant.  de  Tain  ;  706  hab.  Carrières  de  terre  réfractaire  et 
de  kaohn. 

LARNAGOL.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Figeac,  cant. 
de  Cajarc;  683  hab.  Phosphates  de  chaux. 

LARNAKA  (turc  Touzia).  Ville  du  S.-E.  de  Chypre, 
près  de  la  côte,  à  l'O.  du  cap  Greco,  à  la  place  de  l'antique 
Kittim,  Kition  ou  Citium;  6,000  hab.  (en  grande  partie 
musulmans).  La  rade  est  mauvaise  ;  les  lagunes  voisines 
rendent  le  site  insahibre  ;  néanmoins,  c'est  un  des  prin- 
cipaux centres  de  l'île  et  le  ch.-l.  d'un  des  six  districts 
(885  kil.  q.,  21,000  hab.).  A  500  m.  de  la  ville,  est,  sur 
le  rivage,  La  Marine  ({m  lui  sert  de  port.  On  trouve  au- 
tour de  Larnaka  une  foule  de  grottes  sépulcrales  remon- 
tant à  l'époque  phénicienne. 

LARNAS.  Com.  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr.  de  Privas, 
cant.  de  Bourg-Saint-Andéol  ;  109  hab. 

LARNAT.  Com.  du  dép.  de  l'Ariège,  arr.  de  Foix,  cant. 
des  Cabannes  ;  245  hab. 


967  —  LARMIER  —  LAROCHE 

LARNAUD.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Lons-le- 
Saunier,  cant.  de  Bletterans  ;  684  hab. 

LARN  E.  Ville  maritime  d'Irlande,  comté  d'Antrim, à  l'en- 
trée du  lough  Larne  ;  4,500  hab.  Château  ruiné,  cromleck, 
pierre  branlante  :  toiles  de  hn,  toiles  à  voiles,  cuirs, etc. 

LARN  ED.  Ville  des  Etats-Unis  (Kansas),  sur  la  r.  g.  de 
l'Arkansas;  stat.  du  ch.  de  fer  transcontinental  par  Kan- 
sas City  et  Santa  Fé.  Ancien  fort.  Non  loin  est  le  Pawnee 
Rock,  le  seul  rocher  de  cette  région  de  la  Prairie,  couvert 
d'inscriptions  ;  ce  fut  un  des  principaux  lieux  de  rallie- 
ment des  Indiens. 

LARN  CD.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Besançon, 
cant.  de  Boussières;  180  hab. 

LAROCHE.  Ville  de  Belgique,  prov.  de  Luxembourg, 
arr.  de  Marche,  sur  l'Ourthe,  tête  de  ligne  d'un  chem.  de 
fer  vers  Melreux  ;  2,500  hab.  Exploitations  forestières;  tan- 
neries. Laroche  est  situé  à  l'embranchement  de  sept  vallées 
fort  pittoresques,  et  de  nombreux  touristes  viennent  y  sé- 
journer en  été.  Le  château  fort,  à  moitié  ruiné,  date  proba- 
blement du  XI®  siècle;  Louis  XIV  s'en  empara  en  1680. 
Laroche  était  autrefois  la  capitale  du  comté  de  ce  nom,  qui 
était  un  fief  namurois.  Les  armoiries  de  la  ville  sont  :  de 
gueules,  au  lion  d'argent,  la  queue  fourchue  et  passée 
en  sautoir,  à  la  face  crénelée,  un  bras  d'or  sur  le  tout. 
BiBL.  :  Deleuze,  Histoire  de  Laroche  ;  Arlon,  1881,  in-8. 

LAROCHE.  Hameau  de  la  com.  de  Migennes  (dép.  de 
l'Yonne,  cant.  de  Joigny).  Gare  delà  hgne  de  Paris-Lyon, 
d'où  se  détache  l'embranchement  qui  dessert  Auxerre. 

LARGCHE-près-Feyt.  Com.  du  dép.  de  la  Corrèze, 
arr.  d'Ussel,  cant.  d'Elvgurande  ;  360  hab. 

LAROCHE-sm^~YoN  (V.  Roche-sur-Yon  [La]). 

LAROCHE  (Marie-Sophie),  femme  de  lettres  allemande, 
née  à  Kaufbeuren  le  6  déc.  1731,  mort  à  Offenbach  le 
18  févr.  1807.  Fille  du  médecin  Gutermann,  noble  d'Augs- 
bourg,  elle  vécut  à  Biberach  auprès  de  son  grand-père'  et 
du  pasteur  Wieland,  le  père  du  poète.  Celui-ci  s'en  éprit, 
mais  cet  amour  se  réduisit  à  une  durable  amitié,  et  la 
jeune  fille  à  qui  Wieland  avait  donné  le  goût  de  la  littéra- 
ture, épousa,  en  1754,  G.-M.-F.  de  Lichtenfels,  dit  La- 
roche, fonctionnaire  de  l'électorat  de  Mayence,  puis  de 
celui  de  Trêves,  où  les  époux  tinrent  à  Ehrenbreitstein  un 
salon  célèbre.  Quand  Laroche  fut  révoqué  pour  ses  Briefe 
ilber  das  Mœnchwesen,  ils  se  retirèrent  à  Spire,  puis  à 
Offenbach  oti  le  mari  mourut  en  1789.  Sophie  Laroche,  à 
la  réputation  de  laquelle  sa  beauté  remarquable  contribua 
fort,  écrivit  de  nombreux  romans  et  des  histoires  morales 
en  forme  de  lettres,  selon  la  manière  des  romanciers  fran- 
çais et  de  Richardson  ;  on  peut  citer  :  Gesch.  des  Frœu- 
leins  von  Slernheim(Leip7Àg,  1771,  2  vol.)  ;  Rosaliens 
Briefe  (1779)  ;  Moralische  Erzœhlimgen  (1782)  ;  Ble- 
lusinen's  Sommer lieder  (Halle,  1806). 

BiBL.  :  L.  AssiiSG,  Sophie  von  Laroche,  die  Freundin 
Wielands  ;  Berlin,  1859.  —  Neumann-Strela,  Sophia  La- 
roche und  Wieland;  Weimar,  1862.  —  Lœper,  Gœthes 
Briefe  an  Sophie  Laroche,  und  Bettina  Brentano;  Berlin, 
1879. 

LA  ROCHE  (CiiAuiUEu  DE  (V.  Charrier). 

LAROCHE  (Karl,  chevalier  de),  acteur  allemand,  né  à 
Berlin  le  14  oct.  1794,  mort  le  11  mars  1884.  11  débuta 
à  Dresde,  joua  à  Dantzig,  Lemberg,  Berlin,  Kœnigsberg, 
Weimar  (1823),  etc.,  et  s'engagea  en  1833  au  théâtre  âe 
la  Hofburg  à  Vienne  auquel  il  appartint  jusqu'à  sa  mort. 
Il  fut  anobli  en  1873.  Dans  son  répertoire,  extrêmement 
étendu,  il  visa  toujours  au  naturel  et  à  l'expression  fidèle 
de  la  pensée  de  l'auteur;  ses  |>rinci[)aux  rôles  furent  Mé- 
phistophélès  (de  Gœthc),  Franz  Moor,  Malvolio,  Shylock, 
le  roi  Lear,  etc. 

BiBL.  :  Mautner,  K.  Laroche,  Gedenkhlœtter;  Vienne, 
1873. 

LAROCHE  (Benjamin),  publiciste  français,  né  à  Paris  le 
23  mars  1797,  mort  à  Paris  le  8  janv.  1852.  Professeur, 
il  fut  condamné  en  1820  à  six  ans  de  prison  pour  la  pu- 
blication ÛQ^  Lettres  de  Vabbé  Grégoire  (2  vol.  in-8). 
Il  passa  en  Angleterre,  d'où  il  revint  en  1827.  Outre  un 


LAROCHE 


968 


grand  nombre  de  bonnes  traductions  de  l'anglais  (Gold- 
smith,  Bentham,  W.  Irving,  Shakespeare,  Cooper,  Byron, 
Dickens,  W.  Scott,  etc.),  il  a  laissé  :  le  Cri  des  Patriotes 
français  (Paris,  1819,  in-8);  les  Funérailles  de  la 
Liberté  (1820,  in-8);  les  Singes  économistes  (1832, 
in-8)  ;  Histoire  de  U abolition  de  V Esclavage  (1851, 
in-8),  etc. 

LAROCHE  (Armand),  peintre  français  contemporain,  né 
à  Saint-Cyr  (Seine-et-Oise)  en  1826.  Elève  de  Drolling 
et  de  Wachsmuth,  cet  artiste  peint  le  genre,  le  paysage  et 
surtout  le  portrait.  Les  principales  œuvres  qu'il  a  exposées 
sont  :  Portrait  de  l'auteur  (1847),  début  ;  le  Repos  des 
Moisso7ineurs  (1848)  ;  Faune  faisant  danser  des  Naïades 
(1849);  Café  arabe  près  du  Mahmoudieh  (1865); 
Bords  de  la  Seine  à  Chaton  (1866)  ;  la  Chanson  (1891). 
Ces  tableaux  se  distinguent  par  une  composition  gracieuse, 
une  touche  facile  et  une  coloration  juste.  Parmi  les  por- 
traits, citons  comme  les  meilleurs  ceux  de  il/.  Lapostolel, 
artiste  peintre  ('J887);  M"^  Laînê,  de  l'Odéon  (1888);  do 
M.  Ranc (iSS9);  deM'^^L.  Baigneur (iSd^)Xes  portraits 
sont  d'un  dessin  élégant  et  serré  qui  assure  à  l'artiste  une 
place  distinguée  dans  ce  genre.  Disons  enfin  qu'au  Salon 
de  1894,  cet  artiste  consciencieux  avait  deux  portraits  de 
jeunes  filles,  à  l'huile  et  au  pastel,  qui  ne  le  cédaient  pas 
ei  mérite  aux  précédents.  Ad.  Thiers. 

LAROCHE  (Jules-Armand-Félix  de  La  Roche,  dit),  ac- 
teur français,  né  en  1841.  Elève  du  lycée  Charlemagne, 
il  ressentit  de  bonne  heure  la  passion  du  théâtre,  entra  au 
Conservatoire  dans  la  classe  de  Provost,  débuta  le  19  août 
1860  à  la  Comédie-Française,  dans  le  rôle  de  Valère  de 
Tartufe.  Dès  l'année  suivante,  il  y  faisait  une  création 
intéressante  dans  le  Fils  de  Giboyer  d'Emile  Augier. 
Pourtant  il  s'impatienta  du  peu  qu'on  lui  faisait  faire,  et; 
bientôt  il  quitta  la  Comédie  pour  aller  chelcher  fortune 
ailleurs.  On  le  vit  alors  successivement  au  Gymnase,  à 
l'Odéon,  au  Vaudeville,  puis  il  pai  tit  pour  l'Amérique  avec 
une  troupe  que  son  directeur  laissa  en  plan  à  New  York 
ou  à  Boston,  sans  payer  personne.  De  retour  en  France, 
M.  Laroche  trouva  l'occasion  de  jouer  le  drame  tantôt  à  la 
Gaité,  tantôt  à  la  Portc-Saint-Martin,  se  faisant  remar- 
quer, entre  autres,  dans  le  rôle  de  Montéclain  de  la  Clo- 
serie  des  Genêts,  et  enfin,  en  mai  1870,  il  reparaissait 
à  la  Comédie-Française  dans  le  Néron  de  Britannicus  ; 
cette  fois,  il  ne  devait  plus  la  quitter.  Il  s'y  fit  remarquer 
par  des  qualités  plus  solides  et  sérieuses  que  brillantes, 
par  une  conscience  rare,  par  le  soin  qu'il  apportait  dans 
tous  ses  rôles.  Que  ce  fût  dans  la  comédie,  dans  le  drame 
ou  dans  la  tragédie,  c'était  toujours  l'artiste  amoureux  de 
son  art,  un  peu  dépourvu  de  flamme,  sinon  de  passion, 
mais  sachant  tirer  parti  de  tous  les  personnages  et  mettre 
en  leur  plein  relief  ce  qu'ils  pouvaient  offrir  d'intéressant. 
En  dehors  du  répertoire,  oti  il  a  occupé  une  place  impor- 
tante, on  lui  a  vu  faire  diff'ércntes  créations,  entre  autres 
dans  Antoinette  Rigaud,  la  Fille  de  Roland,  Rome 
vaincue^  Œdipe  roi,  etc.,  etc.  M.  Laroche,  qui  avait  été 
reçu  sociétaire  en  1875,  a  pris  sa  retraite  au  mois 
d'avril  1893.  Arthur  Poogin. 

LA  ROCHE-Aymon  (Antoine-Charles-Etienne-Paul,  comte 
de),  général  et  homme  politique  français,  né  à  Paris  le 
28  févr.  1772,  mort  à  Paris  le  16  mai  1849.  Lieutenant 
à  seize  ans,  il  prit  parti  contre  la  Révolution,  fil  la  cam- 
pagne de  1792  à  l'armée  des  princes,  puis  entra  au  service 
de  la  Prusse,  qu'il  ne  quitta  qu'en  1812,  avec  le  grade  de 
général-major.  Nommé  par  Louis  XVIII  maréchal  de  camp 
(1814),  puis  pair  de  France  (1815),  il  prit  part  en  1823 
à  l'expédition  d'Espagne,  d'où  il  revint  lieutenant  général. 
RaUié  en  1830  à  la  monarchie  de  Juillet,  il  ne  rentra  dans 
la  vie  privée  qu'après  la  révolution  de  Février  (1848).  On 
lui  doit  plusieurs  ouvrages  techniques,  parmi  lesquels  nous 
citerons  :  Introduction  à  Vétude  de  l'art  de  la  guerre^ 
(1802-4,  4  vol.  in-8  avec  atlas);  Manuel  du  service  de 
la  cavalerie  légère  en  campagne  (1821,  in-8)  ;  De  la 
Cavalerie  (1828-29,  3  vol.  in-8).  A.  Debidour. 


LAROCHE-DuBouscAT  (Antoine,  baron),  général  fran- 
çais, né  à  Condom  le  16  déc.  1757,  mort  le  21  juin  1831. 
Destiné  au  barreau  par  des  traditions  de  famille,  ses  goûts 
pour  la  carrière  militaire  le  décidèrent  en  1774  à  prendre 
du  service  d'abord  comme  simple  dragon  dans  le  régiment 
de  Monsieur,  puis  il  passa  ensuite  au  service  de  la  Hol- 
lande dans  la  légion  de  Luxembourg  oii  il  fut  nommé  ca- 
pitaine aide-major.  Rentré  en  France  quelques  années 
avant  la  Révolution  dont  il  embrassa  la  cause  avec  ardeur, 
Laroche  prit  part  à  la  prise  de  la  Bastille  et  revint  en  Gas- 
cogne pour  accélérer  le  mouvement  révolutionnaire.  Elu  chef 
de  bataillon  des  volontaires  des  Landes,  il  servit  à  l'armée 
des  Pyrénées-Occidentales  où  il  remplit  les  fonctions  de  chef 
d'état-major.  Nommé  général  de  brigade  le  2  oct.  1793, 
il  attaqua  Saint-Jean-de-Luz,  défendu  par  15,000  Espa- 
gnols, et  les  mit  en  déroute.  Envoyé  par  le  Directoire  à 
l'armée  du  Rhin  sous  les  ordres  de  Moreau,  il  s'y  signala 
dans  plusieurs  occasions,  particulièrement  à  la  victoire  de 
Neresheim  gagnée  sur  les  Autrichiens.  Couvert  de  bles- 
sures, il  prit  sa  retraite  en  1808.         Emile  Bernard. 

LAROCHE  DU  Maine  (Jean-Pierre-Louis  de  Luchet, 
marquis  de),  littérateur  français,  né  à  Saintes  le  13  janv. 
1740,  mort  à  Paris  en  1792.  Officier  de  cavalerie  sans 
fortune,  il  démissionna  pour  se  livrer  à  des  spéculations 
industrielles  qui  ne  réussirent  pas.  Voltaire  le  fit  nommer 
bibliothécaire  du  landgrave  de  Hesse  ;  de  Laroche  entra 
ensuite  au  service  de  Henri  de  Prusse.  Rentré  en  France 
au  début  delà  Révolution,  il  fonda  h  Journal  de  la  Ville 
{{^''^  août  1789)  dont  le  programme  était  d'abord  fort  dé- 
mocratique, mais  qui  adoucit  bientôt  sa  nuance  en  devenant 
le  Joîirnal  de  la  Ville  et  des  Provinces  ou  le  Modéra- 
teur, avec  la  collaboration  de  Fontanes,  deFlins  et  autres. 
Laroche  du  Maine  a  beaucoup  écrit.  Citons  :  les  Nymphes 
de  la  Seine  (Paris,  1763,  in-12)  ;  Considérations  sur 
rétablissement  de  la  religion  réformée  en  Angleterre 
(1765,  in-12);  Histoire  de  V Orléanais  (1766,  in-4)  ; 
Nouvelles  de  la  République  des  lettres  (c'est  un  journal 
qu'il  créa  à  Lausanne  en  1775  et  qui  forme  8  vol.  in-12)  ; 
Dissertation  sur  Jeanne  d'Arc  (1776,  in-8)  ;  Recueil 
de  poésies  (1777,  in-12);  Eloge  de  M.  de  Voltaire 
(1778,  in-8);  le  Pot-Pourri  (1781,  4  vol.  in-8)  (c'est 
encore  une  gazette,  qui  fut  continuée  [de  1782  à  1785, 

10  vol.  in-8]  par  le  Journal  des  gens  du  monde;  Laroche 
publiait  vers  la  même  époque  en  Allemagne  un  autre  journal, 
le  Conteur,  qui  jouissait  d'une  grande  Nogue);Histoire  litté- 
raire de  M.  de  Voltaire  (1782, 6  vol.  in-8)  ;  Petit  Tableau 
de  Paris  (1783,  in-J2);  la  Comtesse  de  Tessan  (1783, 
in-12);  le  Vicomte  de  Barjac  (1784,  2  vol.  in-12); 
Paris  en  miniature  (1784,  ïn-12)  ;  Mémoires  de  i¥"«  de 
Baudéon  (1784,  in-12);  Mémoires  pour  servir  à  lliis- 
toire  du  comte  de  Cagliostro  (1785,  in-8)  ;  Essai  sur 
la  secte  des  Illuminés  (1789, in-8);  U7îe  Seule  Faute  ou 
les  Mémoires  d'une  demoiselle  de  qualité  (1788-90, 
2  vol.  in-12);  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de 
l'année  1189  (1790,  4  vol.  in-8).  Mentionnons  encore /a 
Galerie  des  Etats  généraux,  puis  la  Galerie  des  Dames 
françaises  (1789-90)  qu'il  rédigea  avec  Mirabeau,  Ri- 
varol  et  Choderlos  de  Laclos.  R.  S. 

LA  ROCHE-Fontaine  (V.  Fontaine  [Jacques]). 

LAROCHE-JouBËRT  (Jean-Edmond),  homme  politique 
français,  né  à  La  Couronne  (Charente)  le  12  janv.  1820, 
mort  à  Angoulêmele  23  juil.  1884.  Directeur  d'une  grande 
fabrique  de  papier  dont  il  accrut  considérablement  l'impor- 
tance, il  fut,  avec  l'appui  du  gouvernement,  envoyé  au 
Corps  législatif  par  la  première  circonscription  de  la  Cha- 
rente en  1868,  et  réélu  l'année  suivante.  Il  joua  un  rôle 
assez  marqué  dans  le  tiers  parti  qui  provoqua  l'éclosion 
de  l'empire  libéral  (1869-70).  La  révolution  du  4  sept,  le 
rejeta  dans  la  vie  privée.  Mais,  après  plusieurs  candidatures 
malheureuses,  il  fut  élu  député  d'Angoulême  le  20  févr.  1876. 

11  siégea  dans  le  groupe  bonapartiste  de  la  Chambre,  sou- 
tint le  ministère  de  Broglie  pendant  la  crise  du  16  mai  et 
fut  réélu  le  14  oct.  1877,  puis  le  21  août  1881.  Son 


hostilité  à  l'égard  de  la  République  ne  l'empêchait  pas 
(ses  nombreux  discours  en  font  foi)  de  poursuivre  certaines 
réformes  financières  et  sociales  réclamées  depuis  long- 
temps par  la  démocratie.  A.  Debidour. 

LAROCHE -JouBERT  (Edgar- Jean),  homme  politique 
français,  né  à  Angoulême  le  12  sept.  1843,  fils  du  pré- 
cédent. Il  succéda  à  son  père  dans  la  direction  de  la  pape- 
terie, et,  le  14  sept.  1884,  comme  député  de  la  première 
circonscription  d'Angoulème,  siégea  dans  le  groupe  bona- 
partiste et  prit  aux  déî)ats,  surtout  sur  les  questions  bud- 
gétaires, une  part  considérable.  Réélu  en  1885,  il  appuya 
le  boulangisme  et  fut  encore  réélu  en  1893  avec  le  pro- 
gramme des  ralliés. 

LA  ROCH  E-GuiLHEM  (Mii«  de)  (V.  Rochë-Gcjilhem  [La]). 

LA  ROCHE-GuYON  (Perrette  de  La  Rivière,  dame  de) 
(V.  Roche-Guyon). 

LA  ROCHEFOUCAULD  (V.  Rochefoucauld  [La]). 

LA  ROCHEJAQUELEIN  (V.  Rochejaquelein  [La]). 

LA  ROCHELLE  (V.  Rochelle  [La]). 

LAROCH  ELLE  (Barthélemy),acteur  français,  né  en  1751 
ou  1752,  mort  à  Paris  le  9  avr.  1807.  Il  faisait  partie  de 
la  troupe  de  Versailles  lorsqu'il  vint  débuter  à  la  Comédie- 
Française,  le  12  déc.  1782,  dans  l'emploi  des  valets  et  ce 
qu'on  appelait  alors  «  la  grande  livrée  ».  Il  joua  le  pre- 
mier soir,  avec  un  grand  succès,  VAndrienne  et  Crispin 
rival  de  son  maître^  et  se  montra  successivement  dans 
le  Dépit  amoureux^  les  Plaideurs,  Vlmpromptu  de 
campagne^  le  Joueur^  les  Folies  amoureuses,..,  D'une 
taille  ordinaire  et  bien  dégagée,  avec  un  masque  mobile  et 
expressif,  un  œil  vif,  perçant  et  spirituel,  une  tournure 
leste,  des  mouvements  décidés,  Larochelle  apportait  dans 
tous  ses  rôles  un  feu,  un  aplomb,  une  intelligence  remar- 
quables, en  y  joignant  un  débit  plein  de  verve  et  de  mor- 
dant. Il  a  été  certainement  l'un  des  meilleurs  «  valets  » 
qu'on  ait  connus  à  la  Comédie-Française. 

LA  ROCHEPOSAY(V.  Rocheposay  [La]). 

LA  ROCHETTE  (V.  Rochette  [La]), 

LARODDE.  Com.  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  d'Is- 
soire,  cant.  de  Tauves;  1266  hab. 

LAROIN.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  a?rr.  et 
cant.  (0.)  de  Pau;  459  hab. 

LAROMBIÈRE  (Léobon- Valéry-Léon  Jupile),  magistrat 
français,  né  à  Saint- Vaury  (Creuse)  le  23  déc.  1813,  mort 
à  Saint- Vaury  le  12  juin  1893.  Il  était  entré  dans  la  ma- 
gistrature en  1841  et,  après  avoir  commencé  sa  carrière 
dans  les  parquets,  il  devint  en  1855  président  de  chambre 
à  la  cour  d'appel  de  Limoges  où  il  était  auparavant  avocat 
général.  En  1869,  il  fut  nommé  conseiller  à  la  cour  de  cas- 
sation et,  en  1875,  premier  président  de  la  cour  d'appel  de 
Paris.  Il  avait  été  élu  membre  de  l'Académie  des  sciences 
morales  et  politiques  le  1®'  févr.  1879.  Le  plus  important 
de  ses  ouvrages  est  :  Théorie  et  pratique  des  obligations 
(Paris,  1857-58,  5  vol.  in-8).  Une  nouvelle  édition  a  été 
publiée,  augmentée  de  la  jurisprudence  belge  (Bruxelles, 
1862,  3  vol.  gr.  in-8).  Larombière  a  aussi  donné  des  tra- 
ductions en  vers  du  de  Natura  rermn  de  Lucrèce  (Paris, 
1878  ;  2^^  éd.,  1879,  in-8),  et  des  Géorgiques  de  Virgile 
(Paris,  1882,  gr.  in-8).  '  G.  R^. 

BiriL.  :  Le  Tribunal  et    la  Cour   de  cassation;   Paris, 
187U;  p.  319. 

LAROMIGUIÈRE  (Pierre),  philosophe  français,  né  à 
Livignac  (Aveyron)  le3  nov.  1756,  mort  à  Paris  le  12  août 
1837.  Membre  de  la  congrégation  des  doctrinaires,  il  tit  sou- 
tenir à  Toulouse  par  ses  élèves,  dès  1784,  une  thèse  —  le 
Droit  de  propriété  est  violé  toutes  les  fois  que  les  im- 
pôts sont  levés  arbitrairement^  —  que  censura  le  par- 
lement. Six  ans  plus  tard,  il  y  enseignait  pubhquement  la 
philosophie  sociale.  En  1793  ]^diVÛ%^d^XmiPro jet  d'éléments 
de  rnétaphysique,  «  chef-d'œuvre  de  clarté  et  de  style  », 
fort  bien  accueilli  deSieyès,  deCabanisetde  DestuttdeTracy. 
Bientôt  associé  à  l'Institut,  Laromiguière  y  lit  deux  Mé- 
moires, où,  comme  dans  le  Projet^  il  se  sépare  de 
Condillac,  pour  accorder  à  l'attention  une  place  importante. 


-  969  -  LAROCHE  ~  LAROMIGUIÈRE 

Editeur  de  Condillac  (1798),  qu'il  admire,  il  devient  pour 
un  temps  son  fidèle  disciple.  Le  18  brumaire  le  fait  en- 
trer au  Tribunat,  dont  il  est  éliminé  avec  Daunou  et 
J.-B.  Say,  Benjamin  Constant,  Chénier  et  Desrenaudes.  Bi- 
bliothécaire au  Prytanée,  il  publie  les  Paradoxes  de  Con- 
dillac (1805),  où  il  pousse  les  théories  de  la  Langue  des 
Calculs  jusqu'à  leur  dernier  terme.  Dans  la  science,  il  ne 
voit  qu'une  longue  série  d'identités  ;  dans  le  raisonnement, 
qu'un  calcul  où  l'on  passe  d'une  proposition  identique  à 
une  proposition  identique  ;  dans  les  idées  générales,  que 
des  signes,  des  mots,  des  dénominations.  Professeur  à  la 
faculté  des  lettres,  il  y  attire,  de  1811  à  1813,  la  jeunesse 
et  «  tout  ce  que  la  capitale  a  d'esprits  éclairés  et  élégants 
dans  les  deux  sexes  ».  C'est,  avec  Garât  et  La  Harpe,  aux- 
quels il  est  bien  supérieur,  avant  Villemain,  Guizot  et  Cou- 
sin, le  premier  en  date  de  nos  professeurs  éloquents.  Eloi- 
gné de  sa  chaire  par  une  inflammation  intermittente  de  la 
vessie,  il  fit  imprimer  ses  Leçons  de  philosophie  (4815- 
18).  L'écrivain  n'eut  rien  à  envier  au  professeur;  la  cin- 
quième édition  est  de  1833. 

La  doctrine  est  celle  du  Projet  et  des  Mémoires,  L'âme, 
active  par  essence,  tire  les  idées  des  sentiments  et  produit 
les  facultés  de  l'entendement,  attention,  comparaison,  rai- 
sonnement. Par  l'attention,  nous  avons  des  idées  exactes 
et  précises  ;  par  la  comparaison,  des  analogies,  des  liai- 
sons, des  rapports  ;  par  le  raisonnement,  les  principes  et 
leurs  conséquences  les  plus  éloignées.  L'attention  fournit 
les  faits,  et,  par  une  longue  patience,  rencontre  les  idées 
de  génie;  la  comparaison,  par  les  rapports,  donne  de  l'éten- 
due au  génie,  que  le  raisonnement  rend  profond  par  les 
systèmes.  En  cherchant  ce  qui  lui  agrée  et  en  fuyant  ce 
qui  lui  répugne,  l'âme  active  produit  les  facultés  de  la  vo- 
lonté, besoin,  préférence  et  liberté.  Entendement  et  volonté 
constituent  la  pensée,  et,  bien  employés,  la  raison.  L'âme, 
par  cela  qu'elle  est  active,  est  immortelle. 

On  a  exagéré  l'originalité  de  Laromiguière,  pour  faire 
oublier  de  Tracy  et  Cabanis;  on  ne  s'est  pas  souvenu  que 
de  Tracy  et  Lamarck,  Draparnaud  et  Degérando  ont  traité 
de  l'attention  et  de  l'activité  de  l'âme.  Mais  on  n'a  pas 
exagéré  son  influence,  qui  a  été  considérable.  Il  y  a  eu  en 
France  une  école  de  Laromiguiéristes,  dont  les  membres 
les  plus  connus  sont  Armand  Marrast  et  Cardaillac.  L'Italie  a 
rangé  Laromiguière  parmi  les  «  métaphysiciens  classiques  »; 
Victor  Cousin,  Jouffroy,  l'ont  continué"  et  loué  plus  encore 
que  combattu.  Les  Leçons  sont  restées  «  un  livre  consa- 
cré »,  sous  le  second  Empire,  pour  des  criticistes  comme 
pour  des  spiritualistes.  M.  Taine,  cherchant  à  concilier 
Comte  et  Hegel,  complétait  l'éloge  de  Laromiguière  par  une 
virulente  critique  de  ses  successeurs.  C'est  que  Laromi- 
guière rassurait,  par  ses  doctrines  spiritualistes  et  chré- 
tiennes, ceux  qu'effrayait  l'idéologie  physiologique  et  ra- 
tionaliste de  ses  illustres  amis  ;  sa  méthode,  qui  rappelait 
Condillac,  et  ses  habitudes  de  probité  scientifique  attiraient 
ceux  qui,  continuateurs  des  idéologues,  voulaient  faire  de 
la  psychologie  une  science  positive  ;  son  style  aimable,  sobre 
et  insinuant,  charmait  les  lecteurs  comme  l'homme  avait 
enchanté  ses  disciples  et  séduit  les  adversaires  de  ses  doc- 
trines. Pour  toutes  ces  raisons,  Fcpuvre  de  Laromiguière 
sera  mentionnée  et  consultée  par  les  historiens  des  idées 
au  xix^  siècle.  F.  Pkîwet. 

BiBL.  :  Les  articles  Biran,  Destutt  de  TjiacYj  Idéo- 
logie {avec  leur  bibliographie).  La  septième  édition  des 
Leçons  (1858)  est  la  plus  complète  ;  il  faut  y  joindre  le 
Projet,  qui  n'a  pas  été  réimprimé  et  les  Mémoires  (Insti- 
tut national,  1. 1,  p. 451  à  461  ;  467  à  474).  —  Mignet,  Notice 
historique,  dans  Comptes  rendus  de  CAc,  des  se.  m.  et  p. 

—  Damiron,  Essai  sur  la  philosophie  en  France  au 
xix«  siècle.  —  Biran,  Examen  des  Leçons  de  philoso- 
phie. —  Victor  Cousin,  De  Methodo  sive  de  anaîysi;  Le- 
çons de  M.  Laromiguière  (Fragm.  pli.)  ;  préface  de  la 
seconde  édition  des  Fragments  (1833). —  Daunou,  Notice 
sur  Laromiguière  — A.  Marrast,  id.—  S aphary,  TEcoie 
éclectique  et  l'Ecole  française.,  1844.  ■—  Mallet,  Mém.  de 
l'Ac.  des  se.  m.  et  p.,  1847.  —  Paul  Janet,  Liberté  de 
penser.,  1849.  —  Valette,  Laromiguière  et  l'Eclectisme. 

—  TissoT,  Mémoires  de  V Académie  de  Dijon,  1854-55.  — 
Lamé,  Philosophie  de  Laromiguière.,  1867.  —   H,  Taine 


LAROMIGUIÈRE  —  LARRA 


~  970  — 


les  Philosophes  classiques  du  xix«  siècle.  —  Gatien  Ar- 
NOULT,  Etude  sur  Laromiguière.  —  Compayré,  Notice  sur 
Laromiguière  (Ac.  des  Jeux  floraux,  1869  et  1878).  —  Fer- 
RAz,  Spiritualisme  et  Libéralisme.  —  F .  Pigavet^Ics  Idéo- 
logues (avec  des  lettres  inédites  de  Laromiguière),  1891.— 
Du  môme,  les  Idéologues^  pp.  548-570. 

LA  RONCIÈRE  Le  Noury  (V.  Rongière  [La]). 

LARONXE.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr.  et 
cant  (S.)  de  Lunéville;  480  hab. 

LAROQUE.  Corn,  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Bor- 
deaux, cant.  de  Cardillac  ;  497  hab. 

LAROQUE.  Corn,  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  de  Mont- 
pellier, cant.  de  Ganges;  505  hab. 

LAROQUE-de-Fa.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Car- 
cassonne,  cant.  de  Mouthoumet;  !278hab. 

LAROQUE-des-Albères.  Corn,  du  dép.  des  Pyrénées- 
Orientales,  arr.  de  Céret,  cant.  d'Argelès;  1,245  hab. 

LAROQUE-GAGEÂG.Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr. 
cl  cant.  de  Sarlat;  643  hab. 

LAROQUE-TiMBAUD.  Gh.-l.  de  cant.  du  dép.  de  Lot- 
et-Garonne,  arr.  d'Agen;  4,179  hab.  Cette  ancienne  ju- 
ridiction a  appartenu  simuUanément,  du  xiv*^au  xyi*^  siècle, 
à  de  nombreux  coseigneurs,  les  Durfort  de  Bajamont,  du 
Laurier,  Laberganter,  de  Cours,  Darvies,  Monfabès.  Les 
Villemont  d'Auterive,  Nesmond,  Raffin  l'ont  possédée  aux 
XYii®  et  xYiu^  siècles.  Un  château  fort,  totalement  dé- 
truit, dominait  le  Yillage.  Occupé  par  les  Anglais  au  mi- 
lieu du  XI Y®  siècle,  il  fut  pris  et  repris  en  1417  par  les 
Agenaisque  gênait  ce  Yoisinage.  —  Dans  le  Yallon  de  Saint- 
Germain,  une  source  dite  miraculeuse  était  autrefois  un  but 
de  pèlerinage.  G.  Tholin. 

LAROQU  E-Toirag.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Figeac, 
cant.  de  Cajarc  ;  346  hab. 

LAROQUE  (S. -G.  de),  poète  français,  né  à  Clermont 
(BeauYaisis)  en  1550,  mort  vers  1615.  Disciple  de  Ron- 
sard, imitateur  de  l'Arioste  et  d'Ovide,  il  publia  :  Premières 
Œuvres  (Paris,  1590),  jointes  à  ses  Œuvres  (1619),  trois 
liYres  de  poésies  amoureuses  et  d'odes,  d'élégies,  etc. 

LAROQUE  (Jean  de),  littérateur  français,  né  à  Mar- 
seille en  1661,  mort  à  Paris  le  28  déc.  1745.  Il  est 
connu  par  ses  Yoyages  en  Orient.  Œuvres  princi- 
pales :  Voyage  dans  V Arabie  Heureuse  (Paris,  1716, 
in-12);  Voyage  dans  la  Palestine  (1717,  in-'12); 
Voyage  en  Syrie  et  au  mont  Liban  (1722, 2  yoI.  in-12); 
Marseille  savante  ancienne  et  moderne  (1726,  in-12). 

LA  ROQUE,  pseudonyme  de  Louis  Boyer  (V.  ce  nom). 

LA  ROQUELROU  (V.  Roquelrou [La]). 

LAROQU  EVl El LLE.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  et 
cant.  (N.)  d'Aurillac  ;  855  hab. 

LAROUCO  (Sierra  de).  Montagnes  d'Espagne  (au  S.  de 
la  Galice)  et  du  Portugal  ;  elles  se  dirigent  du  N.  au  S.  ; 
leur  point  culminant,  le  pic  de  Larouco  (1,580  m.)  est  sur 
la  frontière,  de  même  que  la  Raya  Seca  et  la  sierra  de 
Gérez  (1,468  m.)  qui  s'en  détachent  vers  i'O.  Au  S.,  en 
Portugal,  la  sierra  de  Larouco  se  prolonge  par  la  serra  da 
Cabreira  (1,279  m.)  et  la  serra  da  Catalina  jusqu'à  Porto. 
Sa  flore  est  très  riche. 

LAROUILLIES.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  et  cant. 
(S.)  d'Avesnes;  424  hab. 

LA  ROUNAT  (Aimé-Nicolas-Charles  Rouyenat  de),  lit- 
térateur français,  né  à  Paris  le  16  avr.  1818,  mort  à  Pa- 
ris le  25  déc.  1884.  Secrétaire  de  la  commission  du  travail 
instituée  en  1848  au  Luxembourg  et  présidée  par  Louis 
Blanc,  il  abandonna  bientôt  la  politique  militante  pour  le 
théâtre  et  fit  représenter  soit  seul,  soit  en  collaboration 
avec  Montjoie  et  Siraudin,  un  certain  nombre  de  vaude- 
villes, avant  de  prendre  la  direction  de  l'Odéon  (1^^  juil. 
1856-juin  1867),  durant  laquelle  furent  jouées,  entre  autres 
pièces  importantes,  Gaëtana  d'Edmond  About,  le  Marquis 
de  Villemerôe  GeorgeSamàet  la  Contagioné'EmilQAngier. 
Chargé  pendant  quelques  années  du  feuilleton  dramatique 
du  X/X*  Siècle^  il  reprit,  le  8  févr.  1880,  la  direction  do 
rOdéon  et  la  conserva  jusqu'à  sa  mort.  M.  Tx. 


LAROUSSE  (Pierre),  lexicographe  et  éditeur  français, 
né  à  Toucy  (Yonne)  le  23  oct.  1817,  mort  à  Paris  le  3  janv. 
1875.  Elève  de  l'école  primaire  de  son  village,  puis  du 
collège  de  Versailles,  il  fut  ensuite  directeur  de  l'école  pro- 
fessionnelle de  Toucy  et  professeur  libre  à  Paris.  En  1851 , 
il  fonda  une  hbrairie  classique  où  il  édita,  outre  une  col- 
lection de  livres  élémentaires  rédigés  par  lui-même  et  par 
son  associé,  M.  Aug.  Boyer,  ainsi  que  deux  journaux 
spéciaux,  V Ecole  normale {i%^^)  et  l  Emulation  {\%^Q)., 
deux  répertoires  de  citations:  Fleurs  latines  (1862,  gr. 
in-8);  Fleurs  historiques  (1863,  gr.  in-8).  L'année  sui- 
vante, il  entreprit  la  mise  au  jour  du  Grand  Dictionnaire 
universel  du  xix^  siècle  (1864-76, 15  vol.  in-4),  auquel 
son  nom  est  désormais  attaché  (V.  Encyclopédie,  t.  XV, 
p.  1013). 

LA  ROUSSELIÈRE-Clouard  (Le  baron  Amédée  de), 
officier  et  littérateur  français,  né  à  Londres  le  11  déc. 
1805,  mort  à  Liège  le  13  mai  1872.  Fils  d'un  émigré, 
il  entra  en  1816  à  l'Ecole  de  Saint-Cyr,  prit  part  à  la 
campagne  d'Espagne  de  1823,  à  l'expédition  d'Alger  (1830) 
et  servit  en  Belgique  comme  aide  de  camp  du  général 
Magnan  (1832).  Il  démissionna  (1836)  peu  avant  son 
mariage  avec  W^^  de  Floen  Adlercrona.  Il  est  l'auteur  de 
plusieurs  pièces  de  théâtre  jouées  avec  succès  en  Belgique, 
entre  autres  Don  Carlos^  drame  en  vers,  imité  de  Schiller. 

LAROUT.  District  N.  du  Pérak  (presqu'île  de  Malacca), 
célèbre  par  ses  mines  d'étain. 
BiBL.  :  V.  Pérak. 

LAROZE  (Louis- Alfred),  homme  politique  français,  né 
à  Bordeaux  le  5  avr.  1834.  Avocat  à  Bordeaux,  bâtonnier 
de  l'ordre,  il  fut  élu  en  1881  député  de  Blaye  et  s'inscrivit 
à  l'Union  républicaine.  Du  17  mai  1881'  au  30  mars  1885, 
il  occupa  les  fonctions  de  sous-secrétaire  d'Etat  à  l'inté- 
rieur dans  le  second  cabinet  Ferry.  Réélu  en  1885,  il 
combattit  le  boulangisme  et  fut  battu  aux  élections  géné- 
rales de  1889  par  le  marquis  de  Lur-Saluces  dans  Tarr. 
deBazas.  Il  ne  s'est  pas  représenté  en  1893. 

LAROZE  (Pierre),  homme  pohtique  français,  né  à  Li- 
bourne  le  25  mai  1861.  Auditeur  au  conseil  d'Etat,  il  fut 
élu  en  1893  député  de  l'arr.  de  La  Réole  par  7,619  voix 
contre  5,436  à  M.  Robert-Mitchell. 

LARRA  (Mariano-José  de),  poète,  auteur  dramatique  et 
célèbre  pamphlétaire  espagnol,  né  à  Madrid  le  24  mars 
1809,  mort  à  Madrid  le  43  févr.  4837.  Fils  d'un  médecin 
qui  suivit  la  fortune  du  roi  Joseph,  il  fit  ses  premières 
études  en  France  et  retourna  en  Espagne  en  1817.  Lancé 
passionnément  dans  la  littérature,  il  devint  célèbre,  dès 
l'âge  de  vingt-trois  ans,  par  son  pamphlet  périodique,  sous 
forme  épistolaire:  El  Pobrecito  Hablador  (1832),  que  le 
gouvernement  fit  supprimer  après  le  quatorzième  numéro. 
Il  publia  ensuite,  dans  la  Revista  espanola  et  dans  El 
Mundo^  sous  le  pseudonyme  de  Figaro,  une  série  d'études 
de  mœurs  et  d'articles  satiriques,  œuvre  géniale,  grâce  à 
de  rares  qualités  de  style  et  d'expression.  Sous  l'ana- 
gramme de  Ramon  Arriala,  il  arrangea  pour  la  scène  espa- 
gnole plusieurs  pièces  de  Scribe  et  de  Ducang  e  et  donna 
au  théâtre  deux  œuvres  originales,  une  comédie  :  JSo  mas 
mostrador,  et  un  drame  historique,  Macias,  dont  le  héros 
est  le  célèbre  troubadour  galicien  de  ce  nom.  Il  consacra 
au  même  personnage  une  charmante  nouvelle  :  El  Doncel 
de  Don  Enrique,  el  doliente,  mais  la  vérité  historique 
n'est  observée  dans  aucune  de  ces  œuvres.  Il  écrivit  encore 
un  essai  d'histoire  contemporaine:  De  iSSO  d  i835,  o 
la  Espana  desde  Fernando  Vllhasta  Mendizabal  (1836) 
et  traduisit  les  Paroles  d'un  croyant,  de  Lamennais.  Son 
dernier  morceau  célèbre,  le  Figaro  au  cimetière,  écrit  le 
jour  des  morts  4836,  reflète  une  lassitude  et  une  mélan- 
colie extrêmes.  Dégoûté  de  la  société,  frappé  au  cœur  par 
suite  de  l'abandon  de  la  part  d'une  femme  aimée,  il  s'ôta 
la  vie.  Tout  Madrid  suivit  ses  funérailles,  et  sur  sa  tombe 
se  révéla,  par  des  strophes  enflammées  et  dolentes,  un  jeune 
poète  de  dix-huit  ans,  José  Zorrilla  (V.  ce  nom) .  Ses  œuvres 
complètes  ont  été  publiées  à  Madrid  en  1843  (4  vol.  in-8, 


-  971 


LAMA  -  LARREY 


avec  une  biographie  de  l'auteur  par  C.  Certes),  et  à  Paris 
en  1848  (2  vol.  gr.  m-8). 

Son  fils,  Luis-Mariano  de  Larra,  se  fit  aussi  connaître 
comme  auteur  dramatique,  mais  il  gaspilla  un  talent  consi- 
dérable dans  une  production  surabondante  et  hâtive.  Ses 
meilleures  pièces  sont  :  Las  Hijas  de  Eva,  comédie  de 
cape  et  d'épée;  Los  Infiernos  de  Madrid;  Bienaventu- 
rados  los  que  lloran,  G.  Pawlowski. 

BiBL.:  Ch.  DE  Mazade,  l'Humoriste  espagnol  Larra, 
dans  Revue  des  Deux  Mondes,  15  janv.  1848-  —  Calvo- 
AsENsro,  El  Teatro  hispano-lusitano  en  el  siglo  XIX  ; 
Madrid,  1869. 

LARRABURE  (Augustin-Raymond),  homme  politique 
français,  né  à  Saint-Jean-Pied-de-Port  le  16  janv.  1799, 
mort  à  Argagnon  (Basses-Pyrénées)  le  18  avr.  1875. 
Ancien  négociant,  il  représenta,  de  1849  à  1851,  les 
Basses-Pyrénées  à  l'Assemblée  législative,  où  il  soutint  la 
politique  de  l'Elysée,  fut  présenté  en  1857  comme  candi- 
dat ofliciel  dans  la  deuxième  circonscription  de  ce  départe- 
ment, siégea  près  de  douze  ans  au  Corps  législatif,  oti  il 
prit  une  part  active  aux  discussions  budgétaires  et  montra 
un  dévouement  sans  réserve  au  gouvernement  impérial, 
prit  place  au  Sénat  le  6  mai  1869  et  fut  rejeté  dans  la  vie 
privée  par  la  révolution  du  4  septembre.     À.  Debidour. 

LARRAGA  (Apolinario),  peintre  espagnol,  né  à  Valence 
dans  la  seconde  moitié  du  xvii*^  siècle,  mort  à  Valence  en 
1728.  S'il  ne  fut  pas  élève  de  Pedro  Orrente,  ainsi  qu'on 
le  croit  généralement  dans  sa  patrie,  il  étudia  du  moins 
les  ouvrages  de  ce  maître,  car  les  siens  propres  s'en  ins- 
pirent aussi  bien  pour  le  coloris  que  pour  le  caractère. 
Larraga  fut  surtout  un  habile  clair-obscuriste.  Il  fut  chargé 
de  décorer  de  peintures  et  d'ornements  le  monument  que 
l'on  élève  pendant  la  semaine  sainte  dans  la  cathédrale  de 
Valence.  Plusieurs  de  ses  peintures  exécutées  pour  les  églises 
de  cette  ville  ont  disparu  ainsi  que  des  portraits  de  domi- 
nicains célèbres  qui  existaient  jadis  dans  le  couvent  de  Saint- 
Dominique.  11  eut  une  fille,  Josefa-Maria,  qui,  malgré 
qu'elle  fût  estropiée  des  mains,  exerça  la  peinture  et  devint 
surtout  une  assez  habile  miniaturiste.  Elle  avait  ouvert  chez 
elle  un  cours  de  dessin  très  fréquenté  et  qui  existait  encore 
en  1738.  P.  L. 

LARRAMENDI  (Manuel  de),  philologue  espagnol,  né 
dans  le  Guipùzcoa  en  1690,  mort  en  1776.  Fils  de  D.  Ga- 
ragorri,  il  adopta  le  nom  de  sa  mère  en  entrant  dans  la 
Compagnie  de  Jésus.  Professeur  de  théologie  à  Salamanque 
et  confesseur  de  la  veuve  de  Charles  II,  il  se  voua  exclu- 
sivement à  l'étude  de  la  langue  basque  et  contribua  sé- 
rieusement à  en  élucider  les  origines  et  à  faire  apprécier 
la  richesse.  Il  publia  à  cet  égard  :  De  la  Antiguedad  y 
universalidad  del  bascuense  en  Espana  (Salamanque, 
1728,  in-8)  ;  El  Impossible  vencido.  Arte  de  la  lengua 
bascongada  (id,,  1729)  ;  Diseur so  historico  sobre  la 
antigua  famosa  Cantabria  (Madrid,  1736;  Saint-Sébas- 
tien, 1853)  ;  Diccionario  trilingue  castellano,  bas- 
cuense y  latin  (Saint-Sébastien,  1745,  2  vol.  in-fol.  ; 
id,,  1853,  2  vol.  in-4),  précédé  d'une  grammaire  (trad. 
en  fr.  par  S.-H.  Blanc  ;  Lyon,  1854).  G.  P-i. 

BiBL.  :  Julien  Vinson,  Bibliographie  basque^  1893,  in-8- 

LARRAU.  Corn,  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  de 
Mauléon,  cant.  de  Tardets;  857  hab. 

LARRAZ  (Carlos),  peintre  espagnol  contemporain,  né  à 
Sarragosse  et  élève  des  cours  des  académies  de  San  Luis 
et  de  San  Fernando.  Venu  à  Paris  pour  se  perfectionner 
dans  son  art,  Larraz  entra  dans  l'atelier  de  Couture.  Deux 
de  ses  compositions,  exécutées  en  1856  et  1858  et  exposées 
à  Madrid  aux  mêmes  époques,  furent  acquises  par  l'Etat  et 
font  partie  du  musée  du  Fomente.  La  première  est  intitulée 
Paysanne  de  la  Manche  en  prières,  et  la  seconde,  Ar- 
restation de  Lanuza,  P.  L. 

LARRAZ  ET  (Aresetum),  Com.  du  dép.  de  Tarn-et- 
Garonne,  arr.  de  Gastelsarrasin,  cant.  de  Beaumont  ;  728 
hab.  Bastide  fondée  par  Guillem  Jaufrei,  abbé  de  Belle- 
Perche;  les  coutumes  de  la  nouvelle  ville  datent  de  1265; 


on  en  a  une  rédaction  en  provençal,  assez  défectueuse, 
publiée  par  Cabié,  Chartes  de  coutumes  inédites  de  la 
Gascogne  toulousaine  (pp.  144  et  suiv.).  Dès  1284, 
Larrazet  est  ville  consulaire.  Eglise  du  xm^  siècle,  château 

du  xv^. 

BiBL.  :  MouLENQ,  Documents  sur  le  Tarn-el-Garonne, 
I,  passim. 

LARRÉ.  Com.  du  dép.  du  Morbihan,  arr.  de  Vannes, 
cant.  de  Questembert  ;  752  hab. 

LARRc.  Com.  du  dép.  de  l'Orne,  arr.  et  cant.  (E.) 
d'AIençon;  273  hab. 

LARRESINGLE.  Com.  dudép.  du  Gers,  arr.  et  cant.  de 
Condom  ;  278  hab. 

LARRESORRE.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées, 
arr.  de  Bayonne,  cant.  d'Ustarits;  810  hab. 

LARRET.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  Brest,  cant. 
de  Ploudalmezeau  ;  144  hab. 

LARRET.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Saône,  arr.  de 
Gray,  cant.  de  Champlitte;  158  hab. 

LARR  EU  LE(/?^^2z/a).  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées, 
arr.  d'Orthez,  cant.  d'Arzacq;  346  hab.  Vestiges  d'une 
ancienne  abbaye  bénédictine  fondée  en  977  et  supprimée 
au  XYiii®  siècle. 

LARREULE.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr. 
de  Tarbes,  cant.  de  Maubourguet;  634  hab. 

LARREY.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de  Châ- 
tillon-sur-Seine,  cant.  de  Laignes;  341  hab. 

LARREY  (Isaac  de), sieur  de  Grand-Champ  et  de  Cour- 
menil,  historien  français,  né  à  Montivilliers  le  7  sept.  1638 
ou,  suivant  d'autres,  le  25  janv.  1639,  mort  à  Berlin  le 
17  mars  1719.  Avocat  en  renom  à  Montivilliers,  il  subit 
des  persécutions  parce  qu'il  appartenait  à  la  reUgion  ré- 
formée et  passa  en  Hollande,  puis  en  Prusse  où  il  devint 
conseiller  aulique  et  lecteur  de  Sophie-Charlotte.  OEuvres 
principales  :  Histoire  d'Auguste  (Berlin,  1690,  in-8); 
Histoire  d'Eléonore  de  Guyenne  (1691,  in-12)  ;  Histoire 
d'Angleterre,  d'Ecosse  et  d'Irlande  (1697-1713,  4  vol. 
in-fol.)  ;  Histoire  des  Sept  Sages  (1713-16,  2  vol.  in-8)  ; 
Histoire  de  France  sous  le  règne  de  Louis  A7F(1718- 
1721,  3  vol.  in-4),  qui  fut  continuée  par  Bruzen  de  La 
Martinière. 

LARREY  (Alexis),  chirurgien  français,  né  à  Baudéan 
(tIautes-Pyrénées)  en  1750,  mort  à  Toulouse  le  17  déc. 
1827.  Ayant  fait  ses  études  à  Toulouse,  sous  la  direction 
d'un  chirurgien  distingué.  Bonnet,  il  concourut  pour  une 
place  de  chirurgien  de  cette  ville  et  succéda  bientôt  à  son 
maître,  comme  chirurgien  en  chef  de  l'hôpital  général.  Il 
professa  librement  l'anatomie  et  la  chirurgie,  devint  lau- 
réat et  correspondant  de  l'Académie  de  chirurgie,  et  la 
Société  de  médecine  de  Toulouse,  dont  il  fut  l'un  des  fon- 
dateurs, ayant  pris  l'initiative  d'un  ensemble  complet  de 
cours  destinés  aux  étudiants,  Alexis  Larrey  continua  son 
enseignement  avec  succès  et  devint  directeur  de  l'Ecole  de 
médecine  de  la  ville.  Il  était  correspondant  de  l'Académie 
de  médecine.  D^  A.  Bureau. 

LARREY  (Dominique-Jean,  baron),  chirurgien  français, 
né  à  Baudéan  (Hautes-Pyrénées)  le  8  juil,  1766,  mort  à 
Lyon  le  1®'  août  1842,  neveu  du  précédent.  Il  avait  com- 
mencé ses  études  médicales  près  de  son  oncle,  à  Toulouse, 
et  en  1787,  à  la  suite  d'un  concours,  il  s'embarquait  d'abord 
sur  la  frégate  la  Vigilante,  envoyée  en  mission  dans  PAmé- 
rique  du  Nord.  De  retour  à  Paris,  il  continue  ses  études, 
puis  en  1792,  il  est  attaché  à  l'armée  du  Nord.  Dès  les 
premiers  combats,  la  lenteur  avec  laquelle  les  blessés  étaient 
transportés  du  champ  de  bataille  dans  les  ambulances  sou- 
vent éloignées  l'impressionna  vivement,  et  il  improvisa  un 
système  d'ambulances  volantes,  création  qui  le  rendit  bientôt 
célèbre.  11  fut  promu  au  grade  de  chirurgien  principal  de 
l'armée  et  reçut  une  récompense  de  l'Académie  de  chirur- 
gie. Un  intervalle  de  paix,  en  1796,  le  fait  nommer  profes- 
seur à  l'Ecole  pratique  du  Val-de-Grâce,  créée  récemment, 
puis  il  part  pour  l'Egypte.  Dès  lors,  il  assiste  à'  toutes  les 
grandes  expéditions  militaires  de  la  République  et  de  l'Em- 


LARREY  —  L'ARRONGE 


972 


pire;  tous  les  champs  de  bataille  sont  témoins  de  son 
dévouement  ;  on  l'a  vu  avec  son  ambulance  enlever  les 
blessés  pendant  l'action.  Il  surveillait  ensuite  les  soins 
consécutifs,  l'alimentation  et  l'hygiène  de  tous  ceux  qui  de- 
vaient séjourner  dans  les  hôpitaux  ou  ambulances  fixes; 
aussi  les  soldats  Favaient-ils  surnommé  :  la  Providence. 
Successivement  chirurgien  en  chef  de  divers  corps  d'armée, 
inspecteur  général  du  service  de  santé,  chirurgien  en  chef 
delà  garde,  baron  de  l'Empire,  tenu  à  l'écart,  après  la  chute 
de  Napoléon,  parce  qu'il  n'était  pas  courtisan  ;  mais  la  noto- 
riété de  Larrey  le  fit  rappeler  à  l'activité.  Il  fut  nommé 
membre  de  l'Académie  de  médecine  dès  sa  fondation,  en  déc. 
1820,  et  membre  de  l'Institut  en  d829.  Le  baron  Larrey  est 
une  des  gloires  de  la  chirurgie  militaire.  Nous  citerons  de 
lui  :  Dissertation  sur  les  amputations  des  membres  à  la 
suite  des  coups  de  feu  (1803)  ;  Relation  historique  et 
chirurgicale  de  r expédition  de  f armée  d'Orient  en 
Egypte  et  en  Syrie  (1803)  ;  Mémoires  de  chirurgie 
militaire  et  campagnes  (1812-17);  Recueil  de  chi- 
rurgie (1821)  ;  Mémoire  sur  une  nouvelle  manière  de 
réduire  ou  de  traiter  les  fractures  des  membres^  com- 
pliquées de  plaies  (1825);  Clinique  chirurgicale  exer- 
cée particulièrement  dans  les  camps  et  les  hôpitaux 
militaires  depuis  1192  jusqu'en  iSkO  (1829-36,  5  vol. 
et  atlas)  ;  Relation  médicale  des  campagnes  et  voyages 
de  1815  à  1840  (1841).  Nombreux  articles  dans  les 
BiUletins  et  Mémoires  de  l'Académie  de  médecine  et 
de  r  Académie  des  sciences,  les  Actes  de  la  faculté  de 
médecine  de  Paris,  le  Dictionnaire  des  sciences  mé- 
dicales, D*"  A.  DUREAU. 

LARREY  (Félix-Hippolyte,  baron),  chirurgien  français 
contemporain,  né  à  Paris  le  18  sept.  1808,  fils  du  précé- 
dent. Après  de  bonnes  études  au  collège  Louis-Ie-Grand, 
il  a  parcouru  tous  les  grades  de  la  hiérarchie  du  corps  de 
santé  militaire,  depuis  sa  nomination  de  chirurgien-élève 
en  1828  jusqu'au  grade  de  médecin  inspecteur  de  l'armée 
en  1838.  Reçu  docteur  en  médecine  à  Paris  en  1832,  il  fut 
reçu  au  concours  professeur  agrégé  de  la  facuhé  en  1835. 
C'est  aussi  au  concours  qu'il  fut  nommé  en  1841  profes- 
seur de  pathologie  chirurgicale  à  l'Ecole  de  perfectionne- 
ment du  Val-de-Grâce.  Il  a  fait  les  campagnes  de  Belgique 
et  du  siège  d'Anvers  comme  aide-major,  celles  d'Italie  et  du 
Rhin  comme  médecin  en  chef.  Suivant  les  traditions  qu'il 
tenait  de  son  père,  il  s'est  multiplié  pour  assurer  autant  que 
cela  était  possible  le  bien-être  des  blessés  et  la  bonne  tenue 
des  ambulances.  Elu  député  en  1877,  on  doit  reconnaître 
que  son  discours  du  14  juin  1880,  à  propos  du  projet  de 
loi  sur  l'administration  de  l'armée,  a  rallié  tous  ses  col- 
lègues sur  l'indispensabilité  de  consacrer  d'une  manière 
définitive  l'autonomie  du  corps  de  santé  militaire.  Membre 
de  l'Académie  de  médecine  en  1830  et  son  président  en 
1863,  il  a  été  nommé  membre  de  l'Institut  en  1867. 
M.  Larrey  jouit  d'une  grande  autorité  dans  ces  deux  com- 
pagnies, où  son  remarquable  bon  sens,  sa  courtoisie  parfaite 
et  son  élégante  élocution  sont  toujours  appréciées.  Ajoutons 
que  M.  le  baron  H.  Larrey  a  employé  la  moitié  restante  des 
100,000  fr.  provenant  du  legs  de  Napoléon  l^**  à  son  père 
à  la  création  d'une  salle  d'asile  et  d'une  école  dans  le  pays 
natal  de  Larrey.  Nous  citerons  de  ses  nombreux  travaux  : 
Traitement  des  fractures  des  membres  par  l'appareil 
inamovible  (1832)  ;  De  la  Méthode  analytique  en  chi- 
rurgie (1841)  ;  Etude  sur  la  trépanation  du  crâne 
dans  les  lésions  traumatiques  de  la  tête  (1869),  et  un 
grand  nombre  de  mémoires  et  notices  publiés  dans  les  Bul- 
letins et  Mémoires  de  l'Académie  de  médecine,  de  la 
Société  de  chirurgie,  et  dans  le  Recueil  de  médecine  et 
de  chirurgie  militaires.  D^  A.  Bureau. 

LARRlBAR-SoRHAPURU.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyré- 
nées, arr.  de  Mauléon,  cant.  de  Saint-Palais  ;  266  hab. 

LARRIEU  (Jean-Baptiste-Amédée),  homme  politique 
français,  né  à  Brest  le  2  févr.  1807,  mort  à  Paris  le 
30  sept.  1873.  Grand  propriétaire  dans  le  Bordelais,  il 
représenta  en  1848  le  dép.  de  la  Gironde  à  l'Assemblée 


constituante  (1848),  où  il  vota  d'ordinaire  avec  le  parti 
répubUcain  modéré.  Non  réélu  en  1849,  il  combattit  l'Em- 
pire et  fut  en  1869,  comme  candidat  de  l'opposition 
démocratique,  envoyé  au  Corps  législatif  par  les  électeurs 
de  Bordeaux .  Nommé  préfet  de  la  Gironde  par  le  gouver- 
nement de  la  Défense  nationale  (sept.  1870),  il  résigna  ses 
fonctions  peu  après  (novembre),  mais  fut,  le  2juil.  1871, 
envoyé  par  ce  département  à  l'Assemblée  nationale,  où, 
comme  membre  de  la  gauche  républicaine,  il  soutint  le 
gouvernement  de  Thiers.  A.  Debidour. 

LARRIN6ES.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Savoie,  arr.  de 
Thonon,  cant.  d'Evian  ;  661  hab. 

LARRIVÉE  (Henri),  chanteur  dramatique  français,  né 
à  Lyon  le  8  sept.  1733,  mort  à  Vincennes  le  7  août  1802. 
D'abord  garçon  perruquier  et  venu  jeune  à  Paris,  le  hasard 
le  fit  remarquer  pour  sa  belle  voix  de  basse  par  Rebel, 
directeur  de  l'Opéra,  qui  le  fit  entrer  dans  les  chœurs  de 
ce  théâtre  et  lui  fit  enseigner  la  musique.  Engagé  deux  ans 
après  comme  seconde  basse,  il  débuta  le  13  mars  1753 
dans  Castor  et  Pollux,  et  ne  tarda  pas  beaucoup  à  se 
mettre  en  évidence.  La  pureté  de  son  organe  vibrant  et  so- 
nore, l'accent  qu'il  savait  donner  à  sa  déclamation  le 
firent  remarquer  en  effet  et  ramenèrent  assez  rapidement 
au  rang  de  chef  d'emploi,  qui  lui  valut  de  brillants  succès. 
Il  fut,  dit-on,  le  premier  qui  sut  donner  à  ce  théâtre  le 
mouvement  et  le  nerf  que  comporte  le  récitatif.  Il  fit  de 
nombreuses  et  heureuses  créations,  particulièrement  dans 
Hercule  mourant,  Silvie,  Ernelinde,  Omphale,  Adèle 
de  Ponthieu,  Sahinus,r Union  de  l'amour  et  des  arts. 
Mais  c'est  surtout  lors  de  l'arrivée  de  Gluck  en  France  que 
ses  succès,  grâce  aux  conseils  de  ce  grand  homme,  de- 
vinrent éclatants  et  que  son  talent  prit  toute  son  ampleur. 
Il  se  fit  applaudir  dans  Agamennon  &'lphigénieen  Aulide^ 
dans  Hercule  à'Alceste,  dans  Ubalde  à'Armide,  dans 
Oreste  d'iphigénie  en  Tauride;  puis  il  brilla  dans  les 
grandes  œuvres  de  Piccinni,  de  Sacchini  et  de  Salieri  : 
Atys,  Didon,  les  Danaïdes,  Dardanus,  Pénélope,  ainsi 
(fue  dans  la  Caravane  du  Caire  de  Grétry,  Thésée  de 
Gossec,  Persée  de  Philidor,  etc.  Larrivée  se  retira  en 
1786,  après  plus  de  trente  ans  de  services,  et  s'en  alla  en 
province  donner  des  concerts  avec  sa  femme  et  ses  deux 
filles,  dont  l'une  jouait  de  la  harpe,  et  l'autre  du  violon. 
Il  se  fixa  ensuite  à  Vincennes,  où  il  occupait  l'emploi  de 
garde-consigne  au  château.  A.  Pougin. 

LARRIVEE  (Marie-Jeanne Lemierre,  épouse),  cantatrice 
scénique  française,  née  à  Sedan  le  29  nov.  1733,  morte  à 
Paris  en  oct.  1786.  Sœur  d'un  violoniste  habile,  elle  était 
douée  d'une  voix  charmante  et  d'une  rare  beauté  et  devint 
l'une  des  artistes  les  plus  remarquables  de  l'Opéra,  où  elle 
débuta  en  1730  sous  son  nom  de  M^^^  Lemierre.  Après 
avoir  fait  quelques  créations  intéressantes,  entre  autres 
dans  Eîiée  et  Lavinie  et  les  Fêtes  de  Paphos,  elle  fut 
sur  le  point  de,  quitter  ce  théâtre,  par  suite  d'une  que- 
relle avec  Sophie  Arnould,  à  qui  elle  disputait  le  rôle 
très  dramatique  d'Oriane  dans  Amadis  de  Gaule,  créa 
quelques  années  après,  avec  un  véritable  succès,  le  rôle 
très  dramatique  d'Ernelinde  dans  le  bel  opéra  de  Phi- 
lidor qui  porte  ce  titre.  Parmi  ses  autres  créations,  il 
faut  citer  encore  celles  qu'elle  fit  dans  Silvie ,  Om- 
phale, Ovide  et  Julie,  Sabinus  et  Céphale  et  Procris. 
Cette  excellente  artiste  prit  sa  retraite  en  1777.  C'est 
en  1762  que  M^^®  Lemierre  avait  épousé  son  camarade 
Larrivée,     ^  A.  Pougin. 

LARRIVIÈRE.  Com.  du  dép.  des  Landes,  arr.  et  cant. 
de  Saint-Sever  ;  766  hab. 

LARRIVOIRE.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Saint- 
Claude,  cant.  des  Bouchoux  ;  194  hab. 

L'ARRONGE  (Adolf),  auteur  dramatique  allemand,  né 
à  Hambourg  le  8  mars  1838.  Fils  d'un  acteur  et  directeur 
de  théâtre  (mort  en  1878),  il  fit  jouer  en  1866  sa  pre- 
mière comédie  bouffe,  Das  grosse  Los,  suivie  de  plusieurs 
autres,  écrites  en  collaboration  (comme  Spiizenkœnigin, 
Die  Klœffer,  etc.)  ou  par  lui  seul  (Papa  haVs  erlaubt. 


—  973  — 


L'ARKONGE  —  LARROUMET 


Die  weisse  KaUe,  etc.).  Le  grand  succès  de  sa  pièce  po- 
pulaire, Mein  Leopold  (1873)  le  conduisit  à  essayer  de  la 
comédie  de  mœurs  où  il  se  consacra  à  la  peinture  de  la  vie 
berlinoise.  A  partir  de  1881 ,  il  devint  dans  la  capitale  pro- 
priétaire du  théâtre  de  Friedrich-Wilhelmstadt  reconstitué 
sous  le  titre  de  Deutsches  Theater.  Parmi  ses  meilleures 
comédies,  on  peut  citer  :  Alttagsleben  (1874)  ;  Doktor 
Klaus  (1878);  Hans  Lonei({S^O);  Der  Kompagnon 
(1880)  ;  Die  Sorglosen  (1882)  ;  Der  Weg  %iim  llerzen 
(1885)  ;  elles  sont  à  tendance  sentimentale.  L'Arronge  a 
fait  jouer  aussi  une  tragédie,  Die  Loreley  (1886). 

LARRONS  (ïconogr.).  Les  Evangiles  rapportent  que 
Jésus-Christ  fut  crucifié  entre  deux  condamnés,  des  voleurs 
selon  saint  Mathieu,  saint  Marc  et  saint  Luc.  L'un  de  ces 
malheureux  se  convertit  au  Christ,  tandis  que  l'autre  se 
joignait  à  ses  insulteurs.  Le  bon  et  le  mauvais  larron  sont 
figurés  dans  les  tableaux  complets  de  la  Crucifixion,  mais 
on  sait  que  les  premiers  chrétiens  ne  figuraient  pas  les 
scènes  pénibles  de  la  Passion  :  ce  fut  k  l'époque  mérovin- 
gienne que  l'on  prit  goût  à  ces  représentations,  traitées 
d'abord  d'une  façon  sommaire  et  conventionnelle.  Depuis 
l'époque  carolingienne,  on  trouve  la  Crucifixion  représentée 
comme  aujourd'hui.  Les  deux  larrons  n'y  apparaissent  fré- 
quemment que  depuis  le  xiv^  siècle  ;  ils  sont  généralement 
sur  des  croix  plus  petites  que  celles  du  Christ,  et  faites 
autrement,  soit  d'un  seul  poteau,  auxquels  les  bras  sont 
attachés  au-dessus  de  la  tête,  soit  en  forme  de  T,  soit  avec 
une  courte  traverse  à  laquelle  les  patients  sont  attachés  par 
les  coudes  au  moyen  de  cordes:  on  a,  en  tout  cas,  cherché 
à  leur  donner  un  aspect  moins  noble  qu'au  Christ.  Les  Evan- 
giles ne  mentionnent  pas  les  noms  de  G  estas  et  Dysmas  par 
lesquels  le  moyen  âge  a  connu  le  mauvais  et  le  bon  larron, 
pas  plus  qu'il  ne  nomme  les  personnages  dont  on  a  fait 
après  coup  sainte  Véronique,  saint  Longin  et  le  porte- 
éponge  Stéphaton.  Mais  la  piété  curieuse  des  fidèles  a  sup- 
pléé à  ce  silence  sinon  par  une  imagination  pure,  du  moins 
par  des  interprétations  fautives  de  quelques  inscriptions 
grecques  dont  les  artistes  accompagnaient  les  représenta- 
tions de  la  Passion.  M.  Clermont-Ganneau  s'est  livré  à  de 
savantes  recherches  sur  les  noms  de  Gestas  et  Dysmas.  Ce 
dernier  peut  venir  de  oua[j.ai,  accident,  ou  de  Auatç,  nom 
qui  figure  en  regard  de  'AvaToXri  sous  les  disques  du  soleil 
et  de  la  lune  dans  les  médailles  de  Syrie  et  les  tessères  de 
Palmyre.  On  sait,  en  effet,  que  souvent  ces  astres  figurent 
aussi  au-dessus  de  la  tète  des  larrons.  Gestas,  de  son  côté, 
pourrait  venir  du  mot  IriaxoLi^  pris  dans  l'Evangile  de  saint 
Marc  (XV,  17).  Enfin,  les  deux  noms  peuvent  être  tout 
simplement  la  mauvaise  lecture  d'une  phrase  grecque  inter- 
rompue par  la  croix  du  Christ  et  qui  pourrait  être  soit  zlç 
Tàç-|-8ua[xaç,  soit,  plus  probablement  :  xoù;  86o  ArjdTaç. 
Les  noms  de  Dysmas  et  Gestas  se  lisent  dès  le  x^  siècle 
dans  Tévangéliaire  de  l'évêque  Egbert  à  Trêves,  au  xi^  siècle 
dans  une  peinture  de  Sant'Urbano  alla  Caffarella  près  de 
Rome  ;  au  début  du  xii^-,  sur  un  bois  sculpté  des  collections 
du  Louvre  et  sur  une  peinture  du  prieuré  de  Saint-Remy- 
la~Varenne.  Les  croisés  crurent  avoir  retrouvé  la  patrie 
du  personnage  appelé  saint  Dysmas,  dans  une  localité  voi- 
sine d'Emmaiis  et  appelée  Latroun  par  corruption  de  Na- 
troun  (de  natar^  garder).  Ils  lui  décernèrent  le  titre  de 
«  bourg  du  bon  larron  ».  C.  Enlart. 

BiBL.:  R.  DE  Lasteyrie,  Gazette  archéologique^  1883.  — 
Clermont-Ganneau,  Revue  critique,  1883, 21  mai  et  20 août; 
1884,  29  sept. 

L/VRROQUE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
de  Saint-Gaudens,  cant.  de  Boulogne-sur-Gesse  ;  869  hab. 

LARROQUE.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  de 
Bagnères-de-Bigorre,  cant.  de  Castelnau-Magnoac ;  337  hab. 

LARROQUE.  Com.  du  dép.  du  Tarn,  arr,  de  Gaillac, 
cant.  de  Castelnau-de-Montmiral  ;  616  hab. 

LAR ROQUE-DES- Arcs.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  et 
cant.  (N.)  de  Cahors;  388  hab.  Ancien  château  avec  don- 
jon du  xin®  siècle. 

LARROQUE-d'Olmès.  Com.  du  dép.  de  l'Ariège,  arr.  de 


Pamiers,  cant.  de  Mirepoix;  1,121  hab.  Fabriques  de  lai- 
nages et  de  draps,  carrières  de  pierres  de  taille.  Larroque 
existait  dès  l'époque  romaine.  L'église  d'Oîmès  n'est  men- 
tionnée qu'en  1163,  mais  le  pays  dit  ULmensis  est  plus 
anciennement  cité;  il  paraît  avoir  compris  la  vallée  de  la 
Lectouire,  affluent  de  l'Hers;  vers  1034,  un  acte  nomme  la 
vicaria  Olmensis.  L'archidiaconé  d'Olmès  et  de  Savartès 
était  une  subdivision  de  Févêché  de  Toulouse,  et  ce  titre  ca- 
pitnlaire  subsistera  à  Toulouse  même  après  la  création  des 
évêchés  de  Pamiers  et  de  Mirepoix  (131 7).  Le  pays  d'Olmès 
fit  partie,  à  dater  de  la  croisade,  de  la  seigneurie  de  Mire- 
poix. Le  lieu  de  Larroque  fut  complètement  brûlé  par  les 
religionnaires  en  1562,  et  à  cette  occasion  exempté  des 
tailles  pour  dix  ans.  —  Débris  des  anciennes  murailles  et 
(le  trois  églises.  Dans  la  forêt  de  Pujols,  grotte  de  Peyro- 
Trencado.  L'église  Notre-Dame-de-la-Roque  dépendait  au 
xvi«  siècle  de  l'abbaye  Saint-Sernin  de  Toulouse. 

LARROQUE-Engalin.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  et 
cant.  de  Lectoure;  142  hab. 

LARROQUE-Saint-Sebnin.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr. 
de  Condom,  cant.  de  Valence;  557  hab. 

LARROQUE-sur-l'Osse,  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de 
Condom,  cant.  de  Montréal;  511  hab. 

LARROQUE  (Matthieu  de),  controversiste  réformé,  né  à 
Leyrac  en  1619,  mort  à  Rouen  le  31  janv.  1684,  Il  fut 
pasteur  à  Vitré  de  1644  à  1671,  puis  à  Rouen  jusqu'à  sa 
mort.  Son  Histoire  de  V FMcharistie  (Amsterdam,  1669, 
in-4;  2^  éd.  en  1671,  in-12)  est  le  traité  le  plus  com- 
plet sur  cette  matière,  et  le  plus  important  des  ouvrages  de 
M.  de  Larroque,  que  l'on  trouve  énumérés  dans  \di  France 
protestante  {i.  VI,  pp.  366  et  suiv.). 

LARROQUE  (Daniel  de),  littérateur  français,  né  à  Vitré 
vers  1660,  mort  à  Paris  le  5  sept.  1731.  Fils  du  précédent,  il 
fut  pasteur  réformé,  dut  quitter  la  France  en  1685,  y  revint 
en  1690  pour  abjurer  le  protestantisme.  On  a  de  lui  une 
Vie  de  Mahomet  (Paris,  1699,  in-12),  traduite  de  l'an- 
glais, une  Vie  de  Mézeray  (km%i^vàm\^  1726,  in-12),  et 
les  premiers  volumes  d'une  Histoire  romaine  (Paris, 
1744,  16  vol.),  continuée  par  l'abbé  Guyon. 

LARROQUE  (Patrice),  philosophe  français,  né  à  Beaune 
(Côte-d'Or)  le  27  mars  1 801 ,  mort  à  Paris  le  15  juin  1879. 
Après  de  fortes  études,  il  prit  son  doctorat  en  1827,  fut  pro- 
fesseur de  philosophie  de  l'université  de  1821  à  1828,  ins- 
pecteur de  l'académie  de  Toulouse  de  1830  à  1836  et  rec- 
teur de  l'académie  de  Lyon  jusqu'en  1849,  époque  à  laquelle 
il  fut  mis  en  disponibilité.  Il  demanda  sa  retraite  après  le 
coup  d'Etat  du  2  déc.  —  On  a  de  lui  :  Theodicea  (1827)  ; 
Influence  du  théâtre  sur  les  mœurs  (1827, 2  vol.  in-4); 
Mémoire  sur  V  instruction  publique  (1831,  in-8);  Prin- 
cipes de  lecture  (1837,  in-8);  Eléments  des  sciences 
(1837;  2«  éd.,  1852,  in-12):  Cours  de  philosophie 
(1840,  in-8);  De  la  Guerre  (1856,  in-8;  1869,  in-12); 
De  l'Esclavage  (1857;  3«  éd.,  1859,  in-12);  la  Rénova- 
tion religieuse  (1859,  in-8;  2^  éd.,  1865-69,  in-12); 
Doctrine  de  la  Religion  chrétienne  (1859,  2  vol.  in-8; 
2^  éd.,  1865-69,  2  vol.  in-12);  Opinion  des  déistes  sur 
la  Vie  de  Jésus  de  Renan  (1863,  in-8).  Th.  R. 

LARROUMET  (Gustave),  littérateur  français,  né  à 
Gourdon  (Lot)  en  1852.  D'abord  simple  maître  répétiteur 
au  lycée  d'Aix,  il  suivit  les  cours  d'Eug.  Benoist  à  la 
faculté  de  cette  ville  et  prit  le  grade  de  licencié  es  lettres. 
Successivement  professeur  à  Stanislas,  à  Vanves  et  à 
Henri  IV,  il  passa  brillamment  en  1884  ses  thèses  de 
doctorat  es  lettres  et  fut  nomme  maître  de  conférences  de 
littérature  française  à  la  Sorbonne.  Chef  du  cabinet  de 
M.  Lockroy  lors  de  son  passage  au  ministère  de  l'instruc- 
tion publique,  il  succéda,  le  12  juin  1888,  à  Castagnary 
comme  directeur  des  beaux -arts  et  fut  élu  en  1.891 
membre  libre  de  l'Institut  dans  la  même  section.  Il  rentra 
peu  après  à  la  Sorbonne  avec  le  titre  de  chargé  des  cours 
de  langue  et  de  littérature  françaises  et  reprit  avec  succès 
ses  conférences  aux  matinées  classiques  del'Odéon.  M.  Lar- 
roumet,  dont  la  thèse  française  :  Marivaux^  sa  vie  et  ses 


LARROUMET  —  LARTIGUE 


—  974  ~ 


œuvres  (1883,  in-8)  avait  été  couronné  par  l'Académie 
française,  a  publié  en  même  temps  sa  thèse  latine  :  De 
Quarto  TibiiUi  libro^  et  donné  depuis  :  Lord  Brougham 
(1879,  in-8)  ;  /a  Comédie  de  Molière,  l'auteur  et  le 
milieu  (1886,  in-18)  ;  Eludes  d'histoire  et  de  critique 
dramatique  (1892,  in~18  :  réunion  de  conférences  et 
d'articles  de  la  Revue  des  Deux  Mondes)  ;  Meissonier^ 
étude  (1893,  in-4  illustré).  M.  Tx. 

LARRUN  ou  RHUNE.  Montagne  de  900  m.  d'alt.,  au 
S.  d'Ascain  (Basses-Pyrénées)  et  au  S.-E.  de  Saint-Jean- 
de-Luz,  entre  la  Nivelle  et  la  Bidassoa. 

LARSCHE  (Henri-Ferdinand  de),  philosophe  neucMte- 
lois,  né  en  1790,  mort  à  Neucliâtel  en  sept.  \H^'^,  11 
étudia  à  Neuchâtel,  Genève,  Zurich  et  Gœttingue,  s'épre- 
nant  surtout  de  philosophie.  La  mort  l'empêcha  de  donner 
sa  mesure.  On  cite  de  lui  une  Dissertation  sur  le  degré 
de  certitude  qu'on  peut  obtenir  au  moyen  du  témoi- 
gnage, un  Essai  sur  la  raison  (Genève,  1822),  très 
discuté,  et  un  Cours  de  philosophie  resté  manuscrit. 

LARSEN  (Johannes-Efraim),  jurisconsulte  danois,  né  à 
Copenhague  en  1799,  mort  à  Copenhague  en  18o6.  Après 
avoir  fait  ses  études  de  droit  dans  sa  ville  natale,  il  fut 
nommé  secrétaire  de  police  en  1826,  puis  commissaire  de 
police  en  1828.  Il  publia  la  même  année  un  travail  impor- 
tant sur  l'histoire  des  lois  provinciales  danoises.  Trois  ans 
plus  tard,  il  fut  appelé  à  l'université  comme  professeur 
extraordinaire,  et  y  fut  nommé  professeur  ordinaire  en 
1836.  A  la  Chambre,  dont  il  fit  partie  à  plusieurs  reprises, 
il  était  un  des  membres  les  plus  influents  du  parti  national- 
libéral.  Ses  travaux  les  plus  remarquables,  dont  quelcjues- 
uns  ont  été  traduits  en  allemand,  sont  :  De  Comitiis  et 
senaiu  regni  Danice  anie  mutatam  A,  i660  reipu- 
hlicœ  formam  (Hauniae,  1838)  ;  De  la  Participation  per- 
sonnelle des  rois  de  Danemark  dans  V administration 
de  la  justice,  des  temps  les  plus  anciens  jusqu'à  nos 
jours  (en  danois,  1839);  Exposition  systérnatique  de  la 
procédure  danoise  (en  collaboration  avecP.-G.  Rang,  en 
danois,  1841-43  5  vol.)  ;  Rapport  de  la  commission  char- 
gée par  la  Diète  du  royaume  de  Danemark  d'examiner 
le  message  royal  relatif  à  l'ordre  de  succession  au  trô7ie 
(en  danois  et  en  français,  Copenhague,  1853).  Ses  OEuvres 
complètes  (Samlede  Skrifter,  Copenhague,  1 857-61 , 1 0  vol.) 
contiennent  une  partie  de  ses  cours.  Th.  C. 

LARSEN  (Nikolai-August),  écrivain  et  voyageur  norvé- 
gien, né  à  Christiania  en  1839,  mort  en  1893.  Sorti  de 
l'Ecole  navale,  il  fut  nommé  en  1863  lieutenant  de  marine 
en  second.  De  1866  à  1869  il  servit  dans  la  marine  de 
guerre  française  ;  il  était  à  bord  de  l'Invincible,  lorsque  ce 
cuirassé  se  rendit  en  Candie,  en  1 866  ;  il  fit  ensuite  le  tour  du 
monde  sur  Vîphigénie,  et  accompagna  nos  marins  sur  la 
Clorinde,  lors  de  la  révolution  d'Espagne  (1868).  En  1869, 
il  reprit  son  service  dans  la  marine  norvégienne.  Il  a  écrit 
ses  Souvenirs  d'un  voyage  autour  du  monde  (1871); 
et  de  nombreux  articles  de  revues.  On  lui  doit  aussi  une 
traduction  du  Voyage  au  centre  de  la  terre,  de  Jules 
Verne  (1873).  Th.  C. 

LARSEN  (Alfred-Kristian),  théologien  danois,  né  en 
1840.  En  1862  il  fit  son  examen  de  candidat  en  théologie; 
depuis  1870  il  est  attaché  à  la  biWiothèque  royale.  C'est 
un  des  principaux  sinon  le  principal  représentant  du  nou- 
veau rationalisme  protestant  danois.  Ses  premières  publi- 
cations, de  1866-1871,  furent  des  travaux  d'exégèse  sur 
les  Epîtres  de  Paul;  il  publia  ensuite  de  nombreux  ar- 
ticles ou  ouvrages  de  polémique  contre  les  doctrines  ortho- 
doxes (souvent,  à  partir  de  1876,  sous  le  nom  de  Theo- 
dorus):  sur  la  Communion  (1871),  sur  l'Ascension 
(1872),  Mort  et  Immortalité  (1878),  Politique  et  Re- 
ligion (1879),  Religion  et  Moralité  (1882),  la  Religion 
de  l'Avenir  (1887),  l'Esthétique  et  la  Vie  (1891),  etc. 
Ces  dernières  années  il  semble  être  revenu  spécialement  à 
l'exégèse,  et  il  a  donné  coup  sur  coup,  à  l'usage  du  peuple, 
la  traduction,  accompagnée  de  commentaires,  des  Epîtres 
de  Jacques  (1889),  du  Pentateuque  (1890),  du  Cantique 


des  Cantiques  (1892),  du  Prophète  Daniel  et  d'Esther 
(1893),  de  VEcclésiaste  (1894),  du  Livre  de  Job  (1895). 
En  politique,  il  s'est  toujours  montré  un  partisan  très  dé- 
terminé de  la  liberté  et  a  écrit,  pour  la  défendre,  un  ou- 
vrage intitulé.  Sur  la  Liberté  (1885),  et  de  nombreux 
articles  de  journaux.  Th.  C. 

LARSSÔN  ou  LARSON  (Siméon-Markus),  pavsagiste sué- 
dois, né  en  Ostrogothie  en  1825,  mort  à  Londres  en  1864. 
Fils  de  simples  cultivateurs,  il  alla  tout  d'abord  à  l'école 
de  Lmkœping,  puis,  son  père  étant  mort,  se  rendit  à  Stock- 
holm, où  il  entra  en  apprentissage  chez  un  sellier;  ce- 
lui-ci remarqua  bientôt  les  grandes  aptitudes  de  son  apprenti 
pour  le  dessin  et  lui  facilita  l'entrée  à  l'école  prépara- 
toire de  l'Académie  des  beaux-arts.  Après  avoir  hésité  quel- 
que temps  entre  la  scène,  qui  l'attirait  vivement,  et  la  pein- 
ture, il  se  décida  enfin  pour  celle-ci,  fut  reçu  élève  de 
l'Académie,  et  se  mit  à  peindre  des  portraits  pour  gagner 
sa  vie,  tout  en  étudiant  le  paysage.  Chargé  d'un  cours  de 
dessin  à  Helsingborg,  il  subit  le  charme  de  la  mer  et,  sous 
la  direction  de  Melbye,  se  mit  à  peindre  des  marines  qui 
firent  sensation  lorsqu'il  les  exposa  à  Stockholm,  en  1849. 
Il  voyagea  ensuite  dans  la  mer  du  Nord  et  en  Norvège,  où 
il  prit  de  nombreuses  études  de  chutes  d'eau,  puis  parcou- 
rut l'Allemagne  et,  de  1855  à  1858,  séjourna  à  Paris,  où 
son  talent  acheva  de  mûrir,  et  où  il  remporta  un  grand  suc- 
cès en  1855,  avec  un  tableau  intitulé  Paysage  et  Chute 
d'eau.  Il  reprend  en  1858  le  cours  de  ses  pérégrinations, 
visite  la  Finlande,  la  Russie  et  l'Angleterre  avec  des  arrêts 
peu  prolongés  dans  son  pays  natal,  et  vient  mourir  à  Lon- 
dres encore  dans  la  force  de  l'âge,  mais  usé  déjà  par  une 
vie  singulièrement  agitée.  Ses  toiles,  dont  la  vogue  était 
extrême  et  qu'il  peignait  parfois  en  quelques  heures,  lui 
avaient  assuré  par  leur  vente  de  larges  moyens  d'existence. 
Ses  bons  tableaux  sont  très  harmonieux,  malgré  la  vigueur 
de  la  peinture  ;  mais  tous  ses  tableaux  sont  lom  d'être  bons 
et  trop  souvent,  surtout  vers  la  fin,  ils  sont  violents,  visent 
à  l'effet  et  trahissent  la  rapidité  de  facture  d'une  peinture 
de  commande.  Voici  quelques-uns  des  plus  connus:  Pay- 
sage de  montagne  avec  chute  d'eau  en  Norvège  (1850), 
le  Château  de  Kronborg  au  clair  de  lune  (1856),  Orage 
sur  la  côte  du  Bohuslœn  (1857),  Incendie  d'un  vaisseau 
sur  une  mer  orageuse  au  clair  de  lune  (1858),  etc.  En 
1880  on  a  organisé  à  Stockholm  une  exposition  de  ses  œu- 
vres, qui  comptait  une  centaine  de  toiles.  Th.  C. 

LARSSON  (Cari),  peintre  suédois,  né  à  Stockholm  le 
28  mai  1853.  Elève  de  l'Ecole  des  beaux-arts  de  Stockholm, 
il  expose,  en  1875,  un  Gustave  Vasa  accusant  l'évéque 
Peder  Sunnanvœder,  qui  est  remarqué.  L'année  suivante, 
il  réussit  encore  mieux  avec  son  tableau  de  Sten  Sture  le 
Vieux  délivrant  la  reine  Christine  de  Danemark.  C'est 
cependant  surtout  comme  aquarelliste,  dessinateur  et  illus- 
trateur qu'il  s'est  acquis  une  grande  réputation.  Il  a  illustré 
entre  autres  les  Contes  d'Andersen  (1876),  l'Ange  de  la 
ilfor/de  Wallin  (iS^O),  la  Première  Communion  deTegner 
(1881),  et  quelques  œuvres  de  M^«  Lenngren,  de  Topelius 
et  de  Strindberg,  etc.  En  1883,  il  obtenait  aux  Champs- 
Elysées  une  récompense  pour  une  aquarelle  :  A  la  Cam- 
pagne, et,  en  1855,  venait  s'établir  à  Paris.  Depuis  lors 
il  a  exposé  à  presque  tous  nos  Salons  :  Petite  Fille  (1885), 
En  Suède  (1886),  Croquis  instantanés  (1887),  les  Der- 
niers Rayons  en  Suède  (Champ  de  Mars,  1890),  En  Clo- 
seau,  Un  Ruisseau  {id.,  1893),  etc.  Th.  C. 

LARTIGUE.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  d'Auch,  cant. 
de  Saramon  ;  396  hab. 

LARTIGUE.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  deBazas, 
cant.  de  Captieux;  197  hab. 

LARTIGUE  (Henri),  ingénieur  français,  né  à  Saint- 
Mandé  (Seine)  le  30  sept.  1830,  mort  à  Paris  le  16  nov. 
1884.  11  fut  d'abord  professeur  de  lycée,  puis  travailla  à 
l'Observatoire  de  Paris  avec  Leverrier.  En  1859,  il  entra, 
comme  ingénieur  télégraphiste,  à  la  C^®  des  chemins  de  fer 
du  Nord,  et,  en  1880,  comme  directeur,  à  la  Société  des 
téléphones.  Il  est  bien  connu  par  ses  nombreuses  inven- 


tions,  toutes  relatives  à  la  sécurité  des  trains  de  voyageurs  : 
électro-sémaphore  Tesse-Lartigue  et  Prudliomme,  contrô- 
leur d'aiguilles,  appareil  de  déclenchement  du  frein  et  ap- 
pareil de  protection  électro-automatique  T.artigue,  Forest 
et  Digney,  etc.  L.  S. 

LARTIGUE  (Charles),  ingénieur  français,  frère  du  pré- 
cédent, né  à  Toulouse  en  1834.  Comme  son  frère  Charles, 
il  fut  d'abord  professeur  de  mathématiques,  puis  élève- 
astronome  à  l'Observatoire  de  Paris,  et  s'occupa,  à  partir 
de  1856,  de  travaux  de  chemins  de  fer  en  Espagne  et  en 
Algérie.  C'est  en  cherchant  un  mode  de  transport  rapide 
et  économique  pour  les  alfas  qu'il  imagina  le  chemin  de 
fer  monorail  (V.  Chemin  de  feu  aérien,  t.  X,  p.  1047). 

LARTIGUE  (Arthur-Charlemagne)  (V.  Delâcour). 

LARTIUS  (Titus),  consul  en  501  et  très  vraisemblable- 
ment, la  môme  année,  premier  dictateur  de  Rome  (V,  Dic- 
tature). Il  força  Fidènesà  se  rendre,  et  conclut  une  trêve 
avec  les  Latins.  En  496,  après  la  bataille  du  lac  Régille,  il 
se  montra  partisan  des  mesures  clémentes  envers  les  vain- 
cus. Il  prit  part  aux  dissensions  civiles.  En  49<^,  il  fut  l'un 
des  députés  du  Sénat,  chargés  de  négocier  avec  la  plèbe 
retirée  sur  le  mont  Sacré  ;  il  s'employa  à  obtenir  pour  le 
peuple  la  remise  des  dettes  et  s'ahéna  ainsi  les  patriciens. 
11  était  d'origine  étrusque,  comme  l'indique  son  nom  que 
l'on  rapproche  du  mot  Laris  (seigneur).  Cette  famille  était 
probablement  venue  à  Rome  après  l'expulsion  des  Tar- 
quins,  sous  la  conduite  de  Spurius,  qui  fut  consul  en 
506;  un  autre  Spurius  Lartius  fut  consul  en  490,  prit 
part  aux  négociations  du  Sénat  avec  Coriolan  en  488  et 
commanda  une  armée  dans  la  guerre  des  Volsques  en  487. 

LA  RUE  (Pierre  de),  compositeur  français,  surnommé 
Pierresson,  Pierchon  de  La  Rue,  en  latin,  Petrns  Pla- 
tensis,  né  en  Picardie,  mort  à  Courîrai  le  20  nov.  1518. 
Il  était  en  1492-95  ténor  dans  la  chapelle  de  Marie  de 
Bourgogne,  chapelle  que  reprit  à  son  service  le  roi  des 
Romains,  Maximilien.  En  1501,  il  faisait  partie  de  celle  de 
l'archiduc  Philippe  le  Beau  qu'il  suivit  deux  fois  en  Es- 
pagne. 11  servit  ensuite  la  princesse  Marguerite,  puis  l'ar- 
chiduc Charles,  le  futur  Charles-Quint.  On  connaît  aujour- 
d'hui de  La  Rue  trente-six  messes,  dont  vingt-trois  inédites 
et  trente-huit  motets.  Magnificat,  lamentations,  chansons 
françaises,  etc.,  répandus  dans  des  recueils  imprimés  depuis 
1501  juqu'à  la  fin  du  xvi^  siècle.  Ces  œuvres  placent  leur 
auteur  parmi  les  plus  remarquables  maîtres  de  son  temps. 
Un  petit  nombre  d'entre  elles  ont  été  publiées  de  nos 
jours  en  partition  moderne  dans  les  ouvrages  historiques 
de  Burney,  Kiesewetter,  Forkel  et  Ambros.       M.  Br. 

LA  RUE  (Charles  de),  jésuite,  prédicateur  et  humaniste, 
né  à  Paris  en  1643,  mort  le  25  mai  1725.  Ses  supérieurs 
l'employèrent  avec  succès  à  une  mission  dans  les  Cévennes 
pour  la  conversion  des  réformés  ;  ils  lui  confièrent  ensuite 
la  chaire  de  rhétorique  au  collège  Louis-îe-Grand.  Il  avait 
acquis  de  bonne  heure  une  grande  réputation  comme  poète 
latiniste.  Il  n'était  pas  âgé  de  vingt  ans  lorsqu'il  composa 
sur  les  conquêtes  du  roi  une  épopée,  que  P.  Corneille  se 
chargea  de  traduire  en  français  (De  Victoria  Ludovici  XIV; 
Paris,  1662).  Ses  Idylles  furent  imprimées  à  Rouen  en 
d669,  in-12.  Le  recueil  de  ses  vers  latins  forme  quatre 
livres  (Carminum  libri  IV;  Paris,  1688).  On  y  trouve 
même  une  ode  grecque  sur  V Immaculée  Conception,  cou- 
ronnée en  1670  par  l'académie  de  Caen.  La  Rue  a  pré- 
paré des  éditions  estimées  de  Virgile  et  A' Horace  pour  la 
collection  Ad  usum  Delphini.  Comme  prédicateur,  il 
faisait  admirer  son  débit  et  l'art  avec  lequel  il  variait  ses 
effets.  Il  reste  de  lui  quatre  volumes  de  Sermons  (Paris, 
1719,  in-8;  Montrouge,  1847,  gr.  in-8),  parmi  lesquels 
des  oraisons  funèbres  sur  le  duc  de  Luxembourg,  le  ma- 
réchal de  Noailles,  Bossuet,  le  grand  Dauphin,  le  duc  et 
la  duchesse  de  Bourgogne  et  leur  fils  aîné,  le  duc  de  Bre- 
tagne. La  plus  estimée  est  celle  du  maréchal  de  Boufflers. 
On  le  comparait  et  plusieurs  le  préféraient  à  Fléchier. 
P.  Corneille  louait  ses  tragédies  latines  :  Lysimachns  et 
Cyrus,  et  mémo  sa  tragédie  française,  Sylla.  Une  large 


~  9T5  -  LARTIGUE  -  LARUELLE 

part  de  collaboration  lui  a  été  attribuée  dans  les  comédies 
produites  sous  le  nom  de  son  ami  Baron  :  VAndrienne  et 
l'Homme  à  bo7ines  fortunes.  Louis  XIV  l'avait  imposé 
comme  confesseur  à  la  duchesse  de  Bourgogne  ;  mais,  lors- 
qu'elle fut  sur  son  lit  de  mort,  cette  princesse  refusa  enfin 
son  ministère  et  demanda  les  secours  de  la  religion  à  un 
prêtre  de  la  mission  de  Versailles.  Saint-Simon,  parlant  de 
la  maison  de  Pontoise,  où  La  Rue  recevait  nombreuse  et 
brillante  compagnie,  dit  qu'il  avait  une  manière  de  s'agrandir 
qui  aurait  perdu  tout  homme  d'une  autre  robe.    E.-H.  V. 

LA  RUE  (Charles  de),  bénédictin  de  la  congrégation  de 
Saint-Maur,  né  à  Corbie  (Picardie)  le  12  juil.  16'84,  mort 
à  Paris  le  5  oct.  1739.  Chargé  par  Montfaucon  de  préparer 
l'édition  des  OEuvres  d'Origène  (Paris,  1733-59,  4  vol. 
in~foL),  il  ne  put  en  publier  que  les  deux  premiers  vo- 
lumes; il  mourut  en  surveillant  l'impression  du  troi- 
sième. Cette  entreprise  fut  achevée  par  son  neveu,  dom 
Vincent  (né  aussi  à  Corbie  en  1707,  mort  en  d  762). 

LA  RUE  (Gervais  de),  érudit  français,  né  à  Caen  le 
7  sept.  1751,  mort  à  Caen  le  24  sept.  1835.  Entré  dans 
les  ordres,  il  séjourna  en  Angleterre  de  1792  à  1797, 
devint  en  1808  professeur  d'histoire  à  Caen  et,  ayant  été 
élu  correspondant  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  en  1815,  devint  membre  libre  en  1832.  Parmi  ses 
œuvres,  mentionnons  :  Piecherchcs  historiques  sur  la 
prairie  de  Caen  (1804,  in-8)  ;  la  Ville  de  Caen  et  son 
arrondissement  (1820,  2  vol.  in-8);  Becherches  sur  la 
tapisserie  de  Bayenx  (1824,  in-4)  ;  Recherches  S2ir  les 
ouvrages  des  bardes  de  la  Bretagne  armoinenne  du 
moyen  âge  (1815,  in-8)  ;  Essais  historiques  sur  les 
bardes,  les  jongleurs  et  les  trouvères  normands  (1834, 
3  vol.  in-8)  ;  Nouveaux  Essais  sur  la  ville  de  Caeji 
(1842,  2  voL  in-8). 

BiBL.  :  Vaultier,  Notice  historique  sur  la  vie  et  les 
ouvrages  de  l'abbé  de  La  Rue  ;  Caen,  1841,  in-8.  -—  Gale- 
RON,  Notice  sur  les  travaux  littéraires  de  l'abbé  de  La 
Rue  ;  Caen,  1838,  in-8.  ~  David,  Notice  sur  l'abbé  de  La 
Rue,  dans  le  Moniteur  du  6  déc.  1837. 

LARUE  (Isaac-Etienne,  chevalier  de),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Gouzon  (Creuse)  le  4  janv.  1760, 
mort  à  Paris  le  13  août  4830.  Député  de  la  Nièvre  au 
Conseil  des  Cinq-Cents  (24  vendémiaire  an  IV),  il  fit  au 
Directoire  une  opposition  acharnée  et,  après  le  4  8  fructi- 
dor, fut  déporté  à  la  Guyane.  Il  s'évada  et  revint  en  France 
en  l'an  VI.  Il  était  très  lié  avec  Pichegru  qu'il  accom- 
pagna en  Allemagne  pour  le  service  des  princes,  et  beau- 
frère  de  Hyde  de  Neuville  qu'il  aida  dans  ses  entreprises 
en  faveur  de  la  cause  royale.  Poursuivi  par  la  police  con- 
sulaire, il  se  réfugia  à  Bilbao,  puis  revint  dans  la  Nièvre 
où  il  fut  soumis  à  une  étroite  surveillance.  La  Restauration 
lui  donna  la  croix  de  Saint-Louis  et  le  poste  de  conserva- 
teur des  Archives  de  France,  où  il  remplaça  Daunou.  Il  a 
laissé  :  Histoire  du  Dix-huit  Fructidor  an  V  (Paris, 
1821,  2  vol.  in-8),  dont  une  partie  vient  d'être  rééditée 
sous  le  titre  de  la  Déportatio7i  des  députés  à  la  Guyane, 
leur  évasion  et  leur  retour  en  France  (Paris,  1895 
in-8).  ^  R.  s. 

LA  RUE  (Aristide-Isidore- Jean-Marie,  comte  de),  géné- 
ral français,  né  à  Rennes  le  4  mars  4795,  mort  à  Paris  le 
21  mars  1872.  Sous-lieutenant  de  cavalerie  en  1814,  il 
passa  dans  Pétat-major  et  fut  successivement  aide  de  camp 
du  duc  de  Raguse  et  du  maréchal  Maison  en  1832.  Colonel 
en  1839,  le  gouvernement  de  Louis-Philippe  le  chargea 
de  différentes  missions  en  Russie,  en  Espagne,  puis  au 
Maroc.  Mais  il  avait  néanmoins  pris  part  à  de  nombreuses 
expéditions  pendant  les  guerres  d'Afrique,  entre  autres  à 
celle  de  Médéa,  en  1836,  où  il  se  distingua  particulière- 
ment. Général  de  brigade  en  1844  et  de  division  en  1851 , 
il  fut  créé  sénateur  la  même  année.  Il  a  été  pendant  de 
longues  années  inspecteur  général  de  la  gendarmerie. 

LA  RUE  (Warren  de)  (V.  De  la  Rue). 

LARUELLE  (Sébastien  de),  agitateur  belge,  né  à  Liège 
vers  1580,  mort  à  Liège  en  1637  (V.  Ferdinand  de  Ba- 
vière, t.  XVII,  p.  256). 


LARUETTE  —  LARYNGÉS 


976  — 


LARUETTE  (Jean-Louis),  acteur  et  compositeur  fran- 
çais, né  à  Paris  le  7  mars  1734,  mort  à  Paris  le  10  janv. 
1792.  Il  débuta  à  Paris,  à  l'Opéra-Comique  de  la  Foire, 
en  1752,  dans  les  rôles  d'amoureux,  emploi  qu'il  ne 
tarda  pas,  malgré  son  âge,  à  échanger  contre  celui  des 
pères,  dans  lequel  il  se  fit  remarquer  à  ce  point  qu'il  y 
attacha  son  nom  ;  on  sait,  en  effet,  qu'aujourd'hui  encore 
on  désigne  sous  le  nom  de  «  laruettes  »  les  rôles  de  pères 
et  de  financiers  dans  l'opéra-comique.  Chanteur  de  goût, 
bien  que  doué  d'une  voix  médiocre,  il  était  surtout  comé- 
dien excellent,  plein  de  naturel  et  de  vérité.  Pendant  les 
vingt-sept  années  que  dura  sa  carrière,  il  fit  avec  succès 
nombre  de  créations,  notamment  dans  le  Diable  à  quatre, 
Biaise  le  savetier.  Rose  et  Colas,  r Ecole  de  la  jeu- 
nesse, To7n  Jones^  Toinon  et  Toinette^  etc.  Artiste  ins- 
truit d'ailleurs,  Laruette  ne  se  contentait  pas  de  chanter 
la  musique  des  autres,  il  en  écrivait  lui-même  d'agréable. 
Il  donna  ainsi  à  l'Opéra-Comique  :  le  Docteur  Sangrado 
(1756);  le  Médecin  de  V amour  (1758);  Cendrillon 
(1759),  et  à  la  Comédie-Italienne:  le  Dépit  généreux 
(1761);  le  Gui  de  chêne  (1763);  les  Deux  Compères 
(1772).  Laruette  prit  sa  retraite  en  1779  et  se  retira  à 
Toulouse.  Arthur  Pougin. 

LARUETTE  (iW^^  Villette,  épouse),  cantatrice  fran- 
çaise, née  vers  1740,  morte  vers  la  fin  du  xviii®  siècle. 
Elle  fut  l'une  des  actrices  les  plus  charmantes  et  les  plus 
célèbres  de  l'ancienne  Comédie-Italienne.  Elle  débuta  avec 
le  plus  grand  succès,  le  9  sept.  1758,  à  l'Opéra-Comique 
de  la  Foire,  puis  à  l'Opéra,  où  elle  se  vit  surtout  bien 
accueillie  dans  le  rôle  de  Colette  du  Devin  du  village.  Sa 
voix,  brillante  et  légère,  manquait  un  peu  de  puissance, 
et  W}^^  Villette,  au  bout  de  trois  ans,  quitta  l'Opéra  pour 
entrer  à  la  Comédie-Italienne  (1761).  Elle  y  excita  aussitôt 
une  sorte  d'enthousiasme  et  y  occupa  bientôt  une  situation 
prépondérante.  Cantatrice  exquise,  elle  devint  rapidement 
une  comédienne  accompHe,  pleine  de  grâces,  de  charmes  et 
de  séductions,  et  pendant  l'espace  de  seize  années  se  vit 
l'idole  du  public.  Elle  créa,  dans  l'emploi  des  ingénues  et 
des  amoureuses,  plus  de  quarante  rôles;  il  faut  citer  sur- 
tout: Rose  et  Colas^  le  Roi  et  le  Fermier^  Lucile,  la 
Fée  Urgèle,  les  Deux  Chasseurs  et  la  Laitière,  l'Ecole 
de  la  jeunesse,  etc.  Cependant,  M^^®  Villette,  qui  avait 
épousé  en  1763  son  camarade  Laruette,  se  vit  obligée  par 
l'état  de  sa  santé  de  prendre  sa  retraite  en  1778.  Elle  a 
été,  on  peut  le  dire,  l'une  des  gloires  de  cet  aimable 
théâtre  de  la  Comédie-Italienne,  précurseur  et  devancier 
de  notre  Opéra-Comique  actuel.  Arthur  Pougin. 

LARUNS.  Ch.-l.  de  cant.  dudép.  des  Basses-Pyrénées, 
arr.  d'Oloron,  près  de  la  rive  gauche  du  gave  d'Ossau  ; 
2,193  hab.  Une  ligne  de  ch.  de  fer  unit  Laruns  à  Pau. 
Laruns  est  au  fond  d'une  vallée  assez  large  où  viennent 
déboucher  les  deux  vallées  resserrées  des  Eaux-Bonnes  et 
des  Eaux-Chaudes.  L'église  est  du  xv^  siècle.  Laruns  pos- 
sède des  scieries,  et  dans  les  environs  on  exploite  des  gise- 
ments de  nickel  arsenical  et  de  kaolin.  La  forêt  communale 
contient  5,917  hect. 

LARUSCADE.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de 
Blaye,  cant.  de  Saint-Savin;  1,667  hab. 

LARVE.  I.  Entomologie  (V.  Métamorphose). 

IL  Helminthologie.  —  La  larve  des  Helminthes  n'est  pas 
susceptible  d'une  autre  définition  que  celle  des  autres  animaux 
et  elle  ne  devrait  pas  porter  un  nom  particulier.  Mais  étant 
donné  ce  fait  que,  pour  beaucoup  d'entre  eux,  on  a  été  pen- 
dant longtemps  dans  l'ignorance  du  cycle  évolutif  de  l'espèce 
et  que  les  anciens  observateurs  avaient  donné  à  des  larves 
d'Helminthes,  qu'ils  croyaient  des  animaux  parfaits,  des 
noms  génériques  particuUers,  l'usage  a  prévalu  et  ces  an- 
ciens noms  de  genre  désignent  maintenant,  par  un  véritable 
abus,  la  forme  larvaire  de  certains  genres.  Ex.  :  les  mots 
cysticerque,  cœnure^  échinocoque,  etc.  Souvent  même 
on  adjoint  à  ces  faux  noms  génériques  des  noms  spécifiques 
distincts  de  celui  de  l'espèce.  Des  appellations  analogues  se 
rencontrent  dans  bien  d'autres  groupes  du  règne  animal  ; 


elles  ne  trouvent  leur  raison  d'être  que  quand  la  larve  d'une 
espèce  n'a  pas  une  forme  unique  et  constante,  comme  par 
exemple  chez  hs  Trématodes  ou  encore  chez  les  Acariens 
où  le  nom  à'hypope  désigne  un  état  particulier  de  la  larve, 
bien  distincte  de  la  larve  ordinaire.  —  Au  reste,  l'histoire 
naturelle  des  Helminthes  présente  d'autres  termes  aussi 
illogiques  inspirés  par  les  théories  bizarres  de  ce  qu'on 
a  appelé  la  génération  alternante  qui  viennent  bien  inu- 
tilement la  compliquer  en  la  rendant  plus  difficile  à  com- 
prendre. R.  MONIEZ. 

LARVES.  On  appelait  de  ce  nom,  chez  les  anciens  Ro- 
mains, non  des  divinités,  mais  des  personnifications  su- 
perstitieuses qui  tourmentent  dans  les  enfers  les  âmes  des 
morts  coupables  et  viennent  sur  la  terre  épouvanter  et 
tracasser  les  hommes.  On  les  identifiait  avec  les  Manias, 
plus  tard  avec  les  Lares  et  surtout  avec  les  Lémures,  dont 
on  avait  fait  les  esprits  vengeurs  de  Remus  tué  par  son 
frère  Romulus.  Ovide  {Fastes,  vers  419  et  suiv.)  dé- 
crit les  pratiques  par  lesquelles  le  père  de  famille  écarte 
ces  esprits  ^e  sa  maison  ;  il  jetait  notamment  derrière  lui 
des  fèves  durant  la  nuit  et  croyait  ainsi  expulser  les  Larves 
ou  Lémures  en  personne.  Ces  Lemuria  figurent  au  calen- 
drier du  9  au  13  mai  ;  ils  duraient  trois  jours  non  consé- 
cutifs. 

LARY  (Le).  Rivière  dudép.  de  la  Charente-Inférieure 
(V.  ce  mot,  t.  X,  p.  630). 

LARY  (Le).  Rivière  du  dép.  de  la  Gironde  (V.  ce  mot, 
t.  XVm,  p.,983). 

LARYNGÉS  (Nerfs).  H  existe  deux  nerfs  laryngés,  ra- 
meaux apparents  tout  au  moins  du  nerf  pneumogastrique. 
Nous  disons  apparents,  car  nous  verrons  plus  loin  que  le 
laryngé  inférieur  est  en  réalité  une  branche  du  spinal. 
Le  nerf  laryngé  supérieur  naît  du  ganglion  plexiforme 
et  se  porte  vers  le  larynx  en  décrivant  une  courbe  à  conca- 
vité antérieure;  il  donne  naissance  à  deux  rameaux,  l'un 
inférieur,  l'autre  supérieur,  qui  vont  innerver  la  muqueuse 
laryngée  et  deux  muscles  seulement,  le  constricteur  infé- 
rieur du  pharynx  et  le  crico-thyroïdien. 

Il  existe  une  branche  anastomotique  connue  sous  le  nom 
d'anse  nerveuse  de  Gafien,  qui  réunit  le  nerf  laryngé  su- 
périeur au  laryngé  inférieur.  D'après  François  Franck, 
l'anastomose  de  Galien  représente  des  filets  sensitifs  re- 
montant du  laryngé  inférieur  au  supérieur  et  qui  assurent 
plus  spécialement  la  sensibilité  de  la  muqueuse  trachéale. 
Le  laryngé  inférieur  est  désigné  aussi  sous  le  nom  de  récur- 
rent, parce  qu'après  avoir  contourné  l'aorte  ou  l'artère 
sous-clavière,  suivant  qu'il  s'agisse  du  récurrent  gauche 
ou  droit,  il  remonte  vers  le  larynx  en  suivant  l'œsophage. 
Outre  son  anastomose  déjà  décrite  et  ses  branches  motrices 
destinées  aux  muscles  du  larynx,  le  récurrent  donne  encore 
des  filets  cardiaques  qui  vont  se  perdre  à  la  base  du  cœur 
dans  le  plexus  cardiaque,  des  filets  œsophagiens,  trachéens 
et  pharyngiens.  A  l'exception  du  crico-thyroïdien,  tous  les 
autres  muscles  du  larynx  sont  innervés  par  le  nerf  récur- 
rent ou  laryngé  inférieur. 

La  section  du  laryngé  supérieur,  en  amenant  la  paralysie 
du  crico-thyroïdien  modifie  peu  la  phonation.  Cette  der- 
nière est  simplement  altérée  par  le  fait  que  le  thyroïde 
n'est  plus  immobilisé  quand  lesthyro-aryténoïdiens  (cordes 
vocales)  se  contractent,  mais  cette  section  peu  importante 
au  point  de  vue  de  la  motricité  amène  une  perturbation 
profonde  dans  la  sensibilité  de  la  muqueuse  laryngée,  car 
c'est  la  branche  interne  du  laryngé  supérieur  qui  donne  la 
sensibilité  à  toute  la  muqueuse  du  larynx. 

Par  suite  de  l'insensibilité  consécutive  à  la  section  du 
nerf  laryngé  supérieur,  les  corps  étrangers  peuvent  s'in- 
troduire dans  le  larynx,  de  là  dans  les  poumons  et  déter- 
miner des  accidents  asphyxiques  immédiats,  ou  tout  au 
moins  une  inflammation  de  la  muqueuse  pulmonaire  et  une 
pneumonie  consécutive.  Le  nerf  laryngé  inférieur  innerve 
les  autres  muscles  du  larynx;  mais  ce  nerf,  qui  paraît  se 
détacher  du  pneumogastrique,  renferme  surtout  des  fibres 
motrices  provenant  du  spinal.  Cl.  Bernard  a  montré  que  la 


section  intracranienne  du  spinal  rend  l'animal  aphone.  Ce 
sont  finalement  les  fibres  du  spinal  qui  vont  aux  muscles 
phonateurs  ;  le  crico-aryténoïdien  postérieur,  qui  ne  joue 
aucun  rôle  dans  l'émission  de  la  voix,  reçoit  par  la  même 
branche  des  fibres  du  pneumogastrique.  L'étude  des  centres 
moteurs  cérébraux  confirme  cette  distinction.  Il  n'existe 
pas  de  centre  cortical  pour  le  crico-aryténôïdien  postérieur 
alors  que  les  muscles  phonateurs  peuvent  être  mis  en  jeu 
par  une  excitation  portant  sur  le  pied  de  la  circonvolution 
frontale  ascendante,  immédiatement  en  arrière  de  l'extré- 
mité inférieure  du  sillon  précentral.  Une  excitation  faite 
sur  la  partie  antérieure  de  cette  région  détermine  le  rap- 
prochement des  cordes  vocales.  D^  P.  Lânglois. 

LARYNGISME  (Méd.).  D'après  les  laryngologistes,  le 
mot  laryngisme  désigne  l'asphyxie  pour  cause  laryngée. 
Cette  asphyxie  s'observe  surtout  à  la  suite  de  la  contrac- 
tion spasmodique  des  muscles  du  larynx,  produite  dans 
certaines  aff'ections  nerveuses,  telles  que  l'épilepsie,  l'hys- 
térie, etc.  IK  A.  Câb. 

LARYNGITE  (V.  Larynx  [Pathol.J). 

LARYNGOSCOPIE.  Opération  dont  le  but  est  l'examen 
du  larynx  sur  le  vivant.  Au  siècle  dernier,  des  tentatives 
ayant  pour  but  l'inspection  de  la  gorge  furent  faites  à  diffé- 
rentes reprises  ;  ainsi  Levret,  chirurgien  français,  se  ser- 
vit d'un  spéculum  spécial  ;  mais  ses  essais  restèrent  in- 
fructueux. Plus  tard,  Bozzini  (1844)  et,  vers  la  même 
époque,  Babington,  Anery,  se  servirent  d'instruments  plu§ 
perfectionnés,  mais  leurs  efforts  furent  sans  résultat.  Vers 
185'^,  le  chanteur  Manuel  Garcia,  se  livrant  à  des  études 
physiologiques  sur  la  voix  humaine  et  voulant  connaître 
le  fonctionnement  du  larynx,  se  servit  d'un  miroir  de  den- 
tiste éclairé  par  la  lumière  solaire  ;  il  arriva  à  voir  suffi- 
samment l'organe  pour  en  donner  une  description.  Quelques 
années  plus  tard,  Tiirck  de  Vienne  et  Czermak  de  Pest  mul- 
tiplièrent les  examens  du  larynx,  et  entre  leurs  mains  le 
miroir  donna  lieu  à  une  série  de  connaissances  jusque-là 
ignorées  en  pathologie.  Mais  c'est  Czermak  qui  vulgarisa 
l'emploi  de  la  lumière  artificielle  et  créa  ainsi  l'art  de  la 
laryngoscopie  que  Fauvel  un  des  premiers  pratiqua  en 
France. 

Pour  examiner  le  larynx,  la  première  condition  est 
d'éclairer  vivement  le  voile  du  palais  et  la  paroi  posté- 
rieure du  pharynx.  Dans  ce  but,  deux  modes  d'éclairage 
ont  été  préconisés  :  l'éclairage  par  concentration  et  l'éclai- 
rage par  réflexion.  Dans  le  premier,  les  rayons  lumineux 
fournis  par  une  lampe,  l'électricité,  la  lumière  oxhy- 
drique, etc.,  sont  concentrés  au  moyen  de  lentilles  conver- 
gentes plan-convexes  ou  bi-convexes.  Beaucoup  de  laryn- 
goscopistes  emploient  de  préférence  l'éclairage  par  réflexion  ; 
les  réflecteurs  varient  selon  qu'ils  sont  fixés  à  l'opérateur 
ou  aux  objets  environnants  ;  on  emploie  souvent  comme 
réflecteur  un  miroir  concave  fixé  au  front  de  l'opérateur 
par  un  ruban.  Ce  miroir  frontal  a  en  général  une  distance 
focale  d'environ  0,35  et  est  percé  au  centre  d'un  trou  des- 
tiné à  laisser  passer  les  rayons  visuels.  Tels  sont  les  appa- 
reils destinés  à  l'éclairage.  L'examen  laryngoscopique  se 
fait  au  moyen  du  laryngoscope  proprement  dit,  petit  miroir 
plan  de  forme  variable,  de  20  à  i25  millim.  de  diamètre, 
fixé  sous  un  angle  de  120<^  à  l'extrémité  d'une  tige  métal- 
lique de  40  à  12  centim.  adaptée  à  un  manche. 

Technique,  Le  malade,  ayant  les  genoux  rapprochés,  se 
tient  assis  en  face  de  l'opérateur.  On  conçoit  que  le  manie- 
ment des  appareils  photogéniques  varie  selon  que  l'on  em- 
ploie la  lumière  directe  artificielle  ou  la  lumière  réfléchie  ; 
disons  seulement  que  dans  ce  dernier  cas  l'appareil  d'éclai- 
rage est  placé  à  côté  du  malade,  de  telle  sorte  que  la 
flamme  soit  à  la  hauteur  de  sa  bouche  ;  le  maniement  du 
laryngoscope  reste  le  même  dans  les  deux  cas. 

Le  malade  renverse  légèrement  la  tête  en  arrière,  ouvre 
largement  la  bouche  et  tire  la  langue,  qu'on  saisit  entre  le 
pouce  et  l'index  de  la  main  gauche,  munie  préalablement 
d'un  petit  linge  de  toile;  dans  certains  cas,  quand  l'opéra- 
teur doit  utiliser  ses  deux  mains,  le  malade  tient  lui-même 

GRANDE    ENCYCLOPÉDIE.   XXL 


-  9*77  -  J.ARYNGÉS  -  LAR\NX 

sa  langue;  on  recommande  ensuite  de  rester  immobile,  de 
respirer  tranquillement.  C'est  alors  qu'il  faut  éclairer  le 
fond  de  la  bouche.  Ce  résultat  obtenu,  on  introduit  le 
laryngoscope  après  l'avoir  chauffé  suflisarament  pour 
qu'il  ne  soit  pas  terni  par  l'haleine  du  malade;  on  le  tient 
de  la  main  droite;  le  manche  est  d'abord  dirigé  en  bas  et 
en  dehors,  tandis  que  la  surface  réfléchissante  est  tenue 
parallèle  à  la  surface  de  la  langue  sans  la  toucher  ;  puis 
le  miroir  est  introduit  doucement  sans  brusquerie  ;  la  face 
postérieure  de  la  glace  est  appliquée  franchement  à  l'union 
de  la  luette  et  du  voile  du  palais  ;  pendant  ce  temps,  le 
manche  du  laryncoscope  est  relevé  lentement  et  vient  se 
placer  dans  la  commissure  labiale  droite.  On  engage  alors 
lemalade  à  pousser  un  petit  cri  aigu  (è),  ce  qui  fait  relever 
l'épiglotte  et  permet  de  voir  la  glotte.  Les  principales  dif- 
ficultés de  la  technique  tiennent  à  une  sensibilité  exagérée 
de  la  muqueuse  bucco-pharyngée  déterminant  des  nausées 


Laryngoscope. 

chez  certaines  personnes.  Une  conformation  anormale  ou 
pathologique  de  la  langue,  des  amygdales,  du  voile  du  pa- 
lais, de  l'épiglotte,  rend  l'examen  du  larynx  très  difficile 
aux  personnes  peu  exercées. 

Auto  laryngoscopie.  Nom  donné  à  la  méthode  qui  con- 
siste à  examiner  son  propre  larynx  et  qui  s'applique  aux 
démonstrations  laryngoscopiques  et  à  l'exercice  du  manuel 
opératoire.  Elle  est  soumise  aux  règles  énoncées  plus  haut, 
mais  nécessite  de  plus  l'emploi  d'un  miroir  plan  placé  au 
devant  de  la  bouche  et  destiné  à  faire  passer  par  l'axe 
visuel  de  l'observateur  les  rayons  lumineux  réfléchis  par  le 
laryngoscope.  Dans  ce  but  on  se  sert  souvent  de  l'appareil 
de  Fauvel.  Très  nombreux  sont  les  instruments  employés  en 
laryngoscopie  ;  parmi  les  plus  utilisés  se  trouvent  les  porte- 
ouate,  les  pinces  coupantes,  les  dilatateurs,  les  électrodes 
laryngiens.  Un  grand  nombre  de  pulvérisateurs,  d'inhala- 
teurs sont  également  mis  en  usage.  G.  Coupard. 

LARYNGOTOMIE  (Chir.)  Opération  pratiquée  sur  des 
points  déterminés  du  larynx  et  ayant  pour  but  l'extraction 
de  tumeurs,  de  polypes,  de  corps  étrangers  engagés  dans 
les  voies  aériennes,  ou  l'introduction  de  l'air  dans  un  cas 
d'asphyxie  provoquée  par  une  affection  du  larynx.  Elle  se 
pratique  soit  par  incision  sur  la  ligne  médiane  du  cartilage 
thyroïde  seul,  soit  par  incision  avec  lui  de  la  membrane 
thyrohyoïdienne,  et  présente  de  nombreuses  analogies  avec 
la  trachéotomie  (V.  ce  mot  et  Larynx  [PathoL],  p.  981, 
ci-dessous). 

LARYNX.  L  ANATOMIE.  —  Le  larynx  est  un  organe 
qui  sert  à  la  fois  au  passage  de  l'air  de  la  respiration  et  à 
la  phonation  ;  il  est  situé  au-dessus  de  la  trachée,  en  avant 

62 


LARYNX  -  978 

du  pharynx,  au-dessous  de  l'os  hyoïde  et  de  la  langue 
c.-à-d.  au  niveau  des  corps  des  quatrième  et  cinquième 
vertèbres  cervicales.  ïl  est  plongé  dans  une  atmosphère 
ceiluleuse  à  larges  mailles,  dépourvue  de  graisse,  disposi- 
tion qui  permet  une  mobilité  très  grande,  ce  qui  fait  fré- 
quemment varier  ses  rapports  avec  les  organes  voisins  ;  ces 
déplacements  se  font  dans  le  sens  vertical  comme  dans  la 
déglutition,  dans  le  sens  antéro-postérieur  et  dans  le  sens 
latéral. 

Conformation  extérieure.  ■—  Le  larynx  a  la  forme 
d'une  pyramide  triangulaire  dont  la  base,  dirigée  en  haut, 

correspond  à  la  partie 
^  postérieure  de  la  lan- 

f  gue  et  présente  l'ori- 

fice supérieur  de  l'or- 
gane muni  en  avant 
d'un  couvercle  qui  le 
protège  pendant  la  dé- 
glutition. Le  sommet 
de  cette  pyramide  est 
tronqué;  il  présente 
un  orifice  arrondi,  se 
confondant  avec  la  tra- 
chée; il  répond  à  la 
sixième  vertèbre  cer- 
vicale. La  face  posté- 
rieure est  recouverte 
par  la  muqueuse  pha- 
ryngienne. Les  faces 
latérales  sont  recou- 
vertes par  les  lobes  du 
corps  thyroïde,  les 
muscles  sterno-thyroï- 
dien  et  thyro- hyoï- 
dien et  superficielle- 
ment par  le  sterno- 
hyoïdien.  Le  bord  an- 
térieur, situé  sur  la 
ligne  médiane,  répond 
à  l'isthme  du  corps 
thyroïde  et  présente  à 
sa  partie  supérieure  une  saillie,  la  pomme  d'Adam.  Les 
bords  postérieurs  répondent  à  la  colonne  vertébrale  et  sont 
en  rapport  avec  la  carotide  primitive,  le  nerf  pneumogas- 
trique et  la  veine  jugulaire  interne. 

Constitution  anatomique.  ■—  Le  larynx  est  com- 
posé d'un  squelette  cartilagineux  composé  de  cinq  pièces, 
d'articulations  et  do  hgamenls  qui  les  unissent  entre  elles, 
de  muscles,  d'une  muqueuse  tapissant  la  cavité,  de  vais- 
seaux et  de  nerfs. 

Cartilages.  —  lis  sont  au  nombre  de  neuf  dont  trois 
impairs  qui  sont,  en  allant  de  bas  en  haut  :  le  cartilage  cri- 
coïde,  le  cartilage  thyroïde,  Fépiglotte,  et  six  pairs  (trois 
de  chaque  côté)  :  les  cartilages  aryténoïdes,  les  cartilages 
corniculés  de  Santorini  et  les  cartilages  de  Wrisberg. 

Cartilage  cricoïde.  Son  nom  vient  de  sa  forme  annu- 
laire ;  on  l'a  comparé  à  une  bague  dont  le  chaton  serait 
placé  en  arrière  ;  cette  dernière  partie  (postérieure)  est 
donc  la  plus  élevée  et  supporte  les  cartilages  aryténoïdes. 
Il  sert  de  support  à  l'organe,  et  son  bord  inférieurcor  res- 
pond  au  premier  anneau  de  la  trachée.  Sa  hauteur  est 
de  2  à  3  centim.  en  arrière  et  de  5  à  7  millim.  seulement 
en  avant . 

Cartilage  thyroïde.  Ainsi  appelé  parce  qu'il  se  présente 
à  la  manière  d'un  bouclier;  il  occupe  la  partie  antérieure 
et  supérieure  de  l'organe  et  a  la  forme  d'une  lame  qua- 
drilatère pliée  sur  la  ligne  médiane.  On  peut  le  comparer  à 
un  livre  demi-ouvert,  dont  l'ouverture  regarderait  en  ar- 
rière. Sa  face  antérieure  présente  sur  la  ligne  médiane  une 
saillie,  la  pomme  d'Adam,  qui  est  plus  développée  chez 
l'homme  que  chez  la  femme  ;  c'est  sur  sa  face  postérieure 
que  s'insèrent  en  avant  les  cordes  vocales  supérieures  et 
inférieures.  Son  bord  supérieur  donne  insertion  à  la  mem- 


Coupetransversale  du  larynx  (seg- 
ment antérieur).  —  a,  epiglott'e; 
5,  prolongement  supérieur  du 
ventricule  ;  d,  ventricule  ;  e,  mus- 
cle crico-aryténoidien  latéral  ; 
f,  muscle  thyro-aryténoïdien  ; 
gf,  corde  vocale  supérieure;  i, 
corde  vocale  inférieure;  j,  cri- 
coïde. 


brane  thyro-hyoïdienne  qui  l'unit  à  l'os  hyoïde.  Ses  bords 
postérieurs  se  terminent  à  leurs  extrémités  par  deux  pro- 
longements :  l'un,  supérieur,  ou  grande  corne  du  cartilage 
thyroïde,  mesure  1  centim.  et  se  rattache  avec  la  grande 
corne  de  l'os  hyoïde  au  moyen  d'un  cordon  fibreux;  l'autre, 
inférieur,  petite  corne,  n'a  que  6  à  7  millim.  de  lon- 
gueur. 

Cartilages  aryténoïdes.  Ils  sont  au  nombre  de  deux, 
l'un  droit  et  l'autre  gauche,  et  sont  situés  à  la  partie  pos- 
térieure et  supérieure  du  cartilage  cricoïde.  L'aryténoïde 
a  la  forme  d'une  pyramide  triangulaire.  La  base  s'ar- 
ticule avec  le  bord  supérieur  du  cartilage  cricoïde;  elle 
présente  deux  prolongements  :  1°  V apophyse  antérieure, 
ou  interne^  encore  appelée  apophyse  vocale^  faisant  saiHie 
dans  la  cavité  même  du  larynx  et  donnant  insertion  à  la 
corde  vocale  inférieure  ;  2°  V apophyse  postérieure  ou 
externe,  encore  appelée  musculaire,  oti  viennent  s'in- 
sérer les  muscles  crico-aryténoïdien  postérieur  et  crico- 
aryténoïdien  latéral.  Sur  le  sommet  se  trouve  fixé  le  car- 
tilage corniculé  de  Santorini.  La  face  interne  recouverte 
par  la  muqueuse  limite  la  glotte  intercartilagineuse  ;  la 
face  postérieure  donne  insertion  aux  fibres  du  muscle  ary- 
aryténoïdien  ;  la  face  antéro-externe  donne  attache  à  la 
corde  vocale  supérieure,  et  plus  bas  au  muscle  thyro- 
aryténoïdien. 

,  _  Cartilages  corniculés  de  Santorini.  Ce  sont  deux  pe- 
tits noyaux  cartilagineux  de  la  grosseur  d'un  grain  de  mil- 
let et  situés  au  sommet  des  cartilages  aryténoïdes. 

Cartilages  de  Wrisberg.  fissent  au  nombre  de  deux, l'un 
droit,  l'autre  gauche,  et  sont  situés  dans  les  replis  aryténo- 
épigiottiques  ;  ils  ne  sont  pas  constants. 

Epiglotte.  Lame  fibro-cartilagineuse  triangulaire  située 
sur  la  ligne  médiane  en  avant  de  l'orifice  supérieur  du 
larynx  qu'elle  ferme  pendant  les  mouvements  de  déglu- 
tition. Son  sommet  s'attache  à  l'angle  rentrant  du  carti- 
lage thyroïde,  au-dessus  des  cordes  vocales,  au  moyen  du 
ligament  thyro-épiglottique.  Sa  face  antérieure  regarde  la 
base  de  la  langue  ;  sa  moitié  supérieure  est  libre  et  pré- 
sente des  replis  glosso-épiglotiiques  au  nombre  de  trois, 
constitués  par  la  muqueuse  qui  passe  de  la  langue  à  l'épi- 
glotte;  entre  ces  replis  se  trouvent  les  fossettes  glosso-épi- 
glottiques  ou  vallécules.  Dans  sa  moitié  inférieure,  elle 
répond  à  l'os  hyoïde  et  à  la  membrane  thyro-hyoïdienne 
dont  elle  est  séparée  par  un  paquet  adipeux  appelé  glande 
de  Morgagni. 

La  face  postérieure  est  recouverte  par  la  muqueuse 
laryngienne.  Les  deux  bords  donnent  insertion  aux  prolon- 
gements pharyngo-épiglottiques  et  aryténo-épiglottiques.  Les 
cartilages  cricoïde,  les  aryténoïdes,  thyroïde,  sont  consti- 
tués par  du  cartilage  hyalin.  L'épiglotte  et  les  cartilages 
de  Wrisberg  sont  formés  par  du  cartilage  élastique  ;  les 
cartilages  de  Santorini  appartiennent  au  groupe  des  fibro- 
cartilages. 

Articulations  du  larynx.  Ligaments.  —  Elles  se  di- 
visent en  intrinsèques  et  en  extrinsèques  ;  les  premières 
sont  les  articulations  des  diverses  pièces  du  larynx  entre 
elles  (articulations  crico-thyroïdienne,  crico-aryténoïdienne, 
et  celles  des  cartilages  de  Santorini)  ;  dans  la  seconde 
catégorie  rentrent  les  articulations  crico-thyroïdienne  et 
thyro-hyoïdienne.  Des  différents  mouvements  de  l'articula- 
tion crico-aryténoïdienne,  le  plus  important  est  un  mou- 
vement de  bascule  d'après  lequel  Fapophyse  postérieure 
ou  musculaire  se  porte  dans  un  sens  diamétralement  op- 
posé à  l'apophyse  antérieure  ou  vocale,  quand  celle-ci  se 
déplace  dans  un  sens  quelconque.  Ce  sont  les  mouve- 
ments de  cette  apophyse  antérieure  qui  causent  les  varia- 
tions de  Forifice  glottique.  11  faut  également  mentionner 
ici  un  certain  nombre  de  hgaments  qui  unissent  entre 
elles  des  pièces  cartilagineuses  dépourvues  de  surfaces  arti- 
culaires, comme  les  ligaments  thyro-épiglottiques,  aryténo- 
épiglottiques,  la  membrane  thyro-hyoïdienne  et  aussi  les 
ligaments  thyro-aryténoïdiens  supérieurs  constituant  la 
charpente  fibreuse  des  cordes  vocales   supérieures,  les 


979 


LARYNX 


ligaments  thyro-aryténoïdiens  inférieurs  situés  dans  l'épais- 
seur des  cordes  vocales  inférieures. 

Muscles  du  larynx.  —  Les  muscles  du  larynx  se  di- 
visent en  extrinsèqneH  se  portant  de  cet  organe  aux  parties 
voisines,  et  en  iritrinsègues  fixés  au  larynx  par  leurs 
deux  extrémités.  Nous  ne  nous  occuperons  ici  que  de  ces 
derniers,  les  premiers  étant  étudiés  ailleurs.  Ils  portent  les 
noms  des  cartilages  sur  lesquels  ils  s'insèrent  et  sont  au 
nombre  de  neuf,  dont  un  impair,  le  muscle  ary-aryténoï- 
(lien,  situé  à  la  partie  postérieure  des  deux  cartilages  ary- 
ténoïdes,  qui  est  constricteur  de  la  glotte.  Les  muscles  pairs 
sont  :  le  muscle  crico-thyroïdien  situé  à  la  partie  anté- 
rieure et  inférieure  du  larynx  et  tenseur  des  cordes  vo- 
cales, le  muscle  crico-aryténoïdien  postérieur  situé  à  la 
partie  postérieure  et  inférieure  du  larynx  et  dilatateur  de 
la  glotte  ;  le  muscle  crico-aryténoïdien  latéral  situé  sur 
les  parties  latérales  de  l'organe  en  dedans  des  ailes  du  car- 
tilage thyroïde  et  constricteur  de  la  glotte;  le  muscle 
thyro-aryténoïdien  situé  au-dessus  du  précédent  et  éga- 
lement contricteur  de  la  glotte.  Il  faut  mentionner  égale- 
ment le  muscle  pair  aryténo-épiglottique^  abaisseur  de 
l'épiglotte. 

Muqueuse.  —  Elle  adhère  intimement  aux  différentes 
parties  du  larynx,  sauf  à  la  face  externe  des  ligaments  ary- 
téno-épiglottiques,  où  elle  est  doublée  d'un  tissu  cellulaire 
lâche  ;  elle  est  également  faiblement  adhérente  à  la  partie 
supérieure  des  aryténoïdes.  On  peut  donc  observer  dans  ces 
différents  points  une  infiltration  séreuse. 

La  muqueuse  laryngée  comprend  :  i^  un  épithélium  qui 
est  pavimenteux,  stratifié  sur  l'épiglotte,  la  partie  supé- 
rieure des  replis  aryténo-épiglottiques,  le  bord  libre  des 
cordes  vocales,  et  à  cellules  cylindriques  à  cils  vibratiles 
dans  tout  le  reste  de  l'organe  ;  2*^  un  chorion  constitué 
par  du  tissu  conjonctif  riche  en  fibres  élastiques;  o^  on 
trouve  enfin  àa^  glandes,  qu'on  distingue  en /b//ictt/<??/5^s, 
occupant  la  partie  superficielle  du  chorion,  et  nombreuses 
dans  la  région  du  ventricule,  et  en  muqueuses,  glandes 
en  grappe. 

Vaisseaux  et  nerfs.  —  Les  artères  destinées  au  larynx 
sont  au  nombre  de  trois  de  chaque  côté;  ce  sont  :  Varlère 
laryngée  supérieure^  branche  de  la  thyroïdienne  supé- 
rieure; V artère  laryngée  inférieure,  qui  vient  aussi  de 
la  thyroïdienne  supérieure,  et  Vartère  laryngée  posté- 
rieure, branche  de  la  thyroUlienne  inférieure.  —  Les 
veines^  également  au  nombre  de  trois  de  chaque  côté,  vont 
dans  la  jugulaire  interne. 

La  muqueuse  possède  un  riche  réseau  lymphatique;  les 
lymphatiques  supérieurs  vont  dans  les  ganglions  situés 
au-dessous  du  sterno-cléido-mastoïdien,  et  les  lympha- 
tiques inférieurs  aboutissent  aux  ganglions  situés  sur  les 
côtés  du  cartilage  cricoïde.  ~  Les  nerfs  laryngés  provien- 
nent du  pneumogastrique,  soit  par  le  laryngé  supérieur 
qui  donne  le  laryngé  externe,  soit  par  le  laryngé  infé- 
rieur ou  nerf  récurrent  (V.  Laryngés  [Nerfs]). 

Conformation  intérieure.  —  Vu  intérieurement,  le 
larynx  présente  à  sa  partie  moyenne  une  portion  rétrécie, 
la  glotte  ;  on  peut  lui  considérer  trois  zones.  La  zone  su- 
périeure ou  sus-g  lot  tique,  appelée  encore  vestibule  du 
larynx;  elle  s'étend  de  l'orifice  supérieur  de  l'organe  à  la 
glotte  ;  ses  limites  sont  en  avant  l'épiglotte,  latéralement 
les  replis  aryténo-épiglottiques,  en  arrière  le  muscle  aryté- 
noïdien  et  les  cartilages  de  Santorini;  la  paroi  épiglot- 
tique  présente  parfois  une  sorte  de  saillie,  le  bourrelet 
épiglottique.  —  La  %one  glottique  est  la  portion  essen- 
tielle du  larynx.  Elle  présente  sur  la  ligne  médiane  une  fente 
antéro-postérieure,  c'est  la  glotte  limitée  latéralement  par 
des  bandelettes  membraneuses  appelées  cordes  vocales  ; 
celles-ci  sont  au  nombre  de  quatre  (deux  de  chaque  côté), 
deux  supérieures  et  deux  inférieures.  Les  cordes  vocales 
supérieures  s'attachent  en  avant  à  la  partie  la  plus  élevée 
de  l'angle  rentrant  du  cartilage  thyroïde  et  vont  horizonta- 
lement en  arrière  se  fixer  sur  la  face  antérieure  du  cartilage 
aryténoïde  correspondant.  Leur  bord  externe  se  continue  avec 


le  repli  aryténo-épiglottique  ;  le  bord  interne  libre  regarde 
la  fente  glottique.  Elles  sont  constituées  par  la  muqueuse 
laryngienne  renfermant  le  ligament  thyro-aryténoïdien  su- 
périeur.  Les  cordes  vocales  inférieures  "^s'attachent  en  avant 
à  l'angle  rentrant  du  cartilage  thyroïde  à  3  millim.  au-dessous 
des  précédentes  et  en  arrière  à  l'apophyse  interne  des  carti- 
lages aryténoïdes.  Elles  ont  deux  faces,  deux  bords;  le  bord 
interne  seul  est  libre.  Leur  longueur  est  de  20  à  25  millim. 
chez  riiomme,  16  à  20  chez  la  femme  ;  elles  sont  constituées 
par  un  repli  de  la  muqueuse  dans  l'épaisseur  duquel  se  trouve 
le  ligament  thyro-aryténoïdien  inférieur  et  un  faisceau  du 
muscle  thyro-aryténoïdien  :  ce  qui  les  distingue  des  cordes 
supérieures  no  renfermant  pas  de  fibres  musculaires.  Les 
cordes  vocales  inférieures  seules  servent  à  la  phonation, 
les  supérieures  n'ayant  qu'un  rôle  accessoire.  La  glotte  est 
l'espace  qui  se  trouve  entre  les  cordes  vocales  inférieures 
et  la  face  interne  des  cartilages  aryténoïdes,  d'où  deux  por- 
tions, glotte  interligamenteuse  ou  vocale,  et  glotte  inter- 
coHilagineuse  ou  respiratoire  ;  celle-ci  mesure  6  à  7  mil- 
lim. chez  l'homme  et  un  peu  moins  chez  la  femme.  Dans 
cette  zone  se  trouvent  les  ventricules  de  Morgagni  qui 
sont  au  nombre  de  deux.  Ce  sont  les  cavités  comprises 
entre  les  cordes  vocales  supérieures  et  inférieures.-— -  Lazone 
sous-glottique  se  continue  directement  avec  la  cavité  de 
la  trachée.  Le  larynx  de  l'homme  est  plus  développé  que 
celui  de  la  femme  ;  cet  organe  subit  de  profondes  modifica- 
tions à  l'époque  de  la  puberté,  époque  à  laquelle  on  observe 
la  m,ue  de  la  voix  ;  mais  ces  modifications  sont  beaucoup 
plus  marquées  chez  les  jeunes  garçons.      J.  Flammarion. 
IL  PHYSIOLOGIE  (V.  Phonation  et  Voix). 
m.  PATHOLOGIE.--  Laryngites.  —  Les  laryngites 
constituent  les  affections  les  plus  communes  de  l'organe. 
Elles  sont  dues  à  une  inflammation  aiguii  ou  chronique;  le 
larynx  peut  présenter  en  outre  des  troubles  circulatoires, 
nerveux  et  peut  être  le  siège  de  néoplasmes  divers.  On 
reconnaît  plusieurs  classes  de  laryngites  :  1°  les  laryngites 
algues  parmi  lesquelles  on  distingue  la  laryngite  catarrhale 
simple,  la  laryngite  striduleuse,  la  laryngite  phlegmoneuse 
due  à  l'inflammation  du  tissu  sous-muqueux,  des  cartilages 
ou  des  articulations  comme  dans  la  chondrite,  la  périchon- 
drlte,  les  arthrites;  2^*  les  laryngites  chroîiique  s  telles  que 
la  laryngite  glanduleuse,  la  laryngite  atrophique  ou  hyper- 
troplîique,  etc.  ;  3^  les  laryngites  spécifiques  on  constitu- 
tionnelles, provoquées  par  la  tuberculose  ou  la  syphilis  et 
pouvant  revêtir  le  caractère  aigu  ou  chronique  ;  on  peut 
décrire  avec  ce  groupe  les  laryngites  secondaires  se  déve- 
loppant dans  le  cours  des  fièvres  cruptives  :  fièvre  l:yphoïde, 
variole,  rougeole,  etc.  Enfin  il  existe  une  aff'ection  inflam- 
matoire par  son  début,  aiguë  par  sa  marche  et  spécifique 
par  son  essence,  c'est  la  laryngite  diplité  ri  tique  dont  la 
description  a  été  faite  au  mot  Croup. 

Laryngites  aiguës.  —  La  laryngite  catarrhale  est  géné- 
ralement causée  parles  variations  brusques  de  température, 
l'impression  du  froid,  les  fatigues  vocales,  cris,  chant,  etc., 
l'inspiration  d'air  froid,  de  vapeurs  irritantes;  souvent 
elle  est  due  à  la  propagation  d'une  inflammation  de  voisi- 
nage :  pharyngite,  catarrhe  nasal,  etc.  Elle  se  développe 
sous  l'influence  des  micro-organismes  de  l'arrière-gorgo 
dont  l'action  se  manifeste,  quand,  pour  une  des  raisons 
énoncées  plus  haut,  la  muqueuse  laryngée  se  trouve  dans 
des  conditions  de  résistance  moindre.  Le  laryngoscope  ré- 
vèle une  muqueuse  rouge,  légèrement  infiftrée  avec  une 
coloration  rosée  des  cordes  vocales.  Dans  les  cas  de  laryn- 
gite intense,  les  lésions  anatomo-patbologiques  sont  plus 
profondes,  le  tissu  sous-muqueux  prend  part  k  l'inflamma- 
tion. La  laryngite  striduleuse,  encore  Sii)pelcB  faux  croup, 
est  causée  par  une  tuméfaction  de  la  muqueuse,  détermi- 
nant un  rétrécissement  momentané  du  larynx  ;  cette  tu- 
méfaction est  surtout  marquée  dans  la  partie  supérieure  de 
la  région  sous-glottique;  souvent  cette  forme  se  rencontre 
chez  les  sujets  atteints  de  tumeurs  adénoïdes. 
^  Les  principaux  symptômes  sont  la  toux  généralement 
sèche  et  sifflante,  l'enrouement  et  une  dyspnée  plus  ou 


LARYNX 


—  980  - 


moins  intense.  L'expectoration  nulle  au  début  devient  plus 
épaisse  et  plus  tard  muco-purulente.  La  dyspnée  est  due  à 
un  rétrécissement  de  la  fente  glottique  ;  peu  marquée  chez 
l'adulte,  elle  a  parfois  chez  l'enfant  une  intensité  inquié- 
tante, d'oii  le  nom  de  faux  croup  ou  laryngite  striduleuse 
qui  lui  a  été  donné  ;  les  petits  malades  sont  réveillés  brus- 
quement dans  la  nuit  par  un  accès  pendant  lequel  l'inspi- 
ration est  longue  et  sifflante,  l'expiration  entrecoupée  de 
secousses  de  toux  rauque  ;  le  pouls  est  fréquent,  la  peau 
chaude,  la  face  violacée  ;  il  peut  y  avoir  plusieurs  accès 
dans  la  nuit  et  quelquefois  même  le  jour  ;  l'affection  dure 
en  moyenne  huit  à  dix  jours,  mais  il  n'est  pas  rare  de  la 
voir  disparaître  rapidement.  La  laryngite  aiguè  s'accom- 
pagne parfois  de  symptômes  généraux  le  plus  souvent  peu 
intenses:  anorexie,  courbature  légère,  céphalalgie, sensa- 
tion de  chatouillement  au  larynx,  sécheresse  de  l'arrière- 
gorge  avec  déglutition  pénible,  surtout  quand  Fépiglotte  est 
enflammée. 

Le  traitement  est  simple  ;  il  varie  avec  la  cause  de 
l'affection  ;  on  commande  le  repos ,  le  séjour  dans  une 
pièce  à  température  constante  ;  on  prescrit  contre  la  toux 
le  sirop  de  bourgeon  de  sapin,  de  codéine,  etc.  ;  la  tein- 
ture d'aconit,  les  applications  de  compresses  chaudes  au- 
devant  de  la  gorge  sont  également  mises  en  usage.  Le  trai- 
tement de  la  laryngite  striduleuse  est  le  môme  ;  quelquefois 
dans  les  cas  graves  avec  menace  d'asphyxie,  on  est  obligé 
de  pratiquer  la  trachéotomie  ;  le  sulfate  de  quinine  rend 
souvent  de  grands  services.  Il  peut  exister  des  inflam- 
mations isolées  de  certaines  parties  du  larynx ,  comme 
Vepiglottite  qui  rend  généralement  la  déglutition  difficile 
pendant  quelques  jours. 

Laryngites  chroniques.  —  La  laryngite  chronique  est 
généralement  consécutive  à  la  forme  aiguë  ;  toutes  les  causes 
qui  ont  provoqué  celle-ci  favorisent  le  développement  de 
la  laryngite  chronique  ;  on  l'observe  chez  les  personnes  qui 
respirent  habituellement  par  la  bouche  ;  on  a  incriminé  aussi 
le  développement  exagéré  de  la  luette  et  certaines  profes- 
sions, comme  celle  de  chanteur,  d'orateur,  de  prédicateur, 
de  professeur,  etc.  L'abus  du  tabac  et  de  l'alcool  joue  un 
rôle  important  dans  le  développement  de  cette  affection. 
Le  principal  symptôme  est  l'enrouement  ;  la  douleur,  la 
toux  font  le  plus  souvent  défaut.  Les  lésions  sont  assez 
variables;  l'inflammation  ne  peut  toucher  qu'une  partie 
de  l'organe,  par  exemple  la  muqueuse  des  cartilages 
aryténoïdes  et  de  la  région  interaryténoïdienne  très  riche 
en  glandules  comme  dans  la  laryngite  granuleuse  ou  glan- 
duleuse qui  est  souvent  chronique  d'emblée.  Dans  la  la- 
ryngite hypertrophique,  on  remarque  un  épaississement  et 
une  induration  du  tissu  sous-muqueux.  Le  pronostic  est 
assez  sérieux,  en  ce  sens  que  la  guérison  est  lente  à 
obtenir. 

Le  traitement  consiste  dans  l'usage  d'eaux  sulfureuses; 
localement  on  pratique  des  badigeonnages  avec  des  solutions 
astringentes,  caustiques:  chlorure  de  zinc,  nitrate  d'ar- 
gent. On  devra  chercher  à  supprimer  la  cause  à  laquelle 
on  rapporte  l'affection. 

Laryngites  spécifiques.  —  Elles  font  partie  d'un  en- 
semble symptomatique  d'une  maladie  générale.  Elles  ont 
une  grande  tendance  à  l'ulcération  et  attaquent  souvent  les 
cartilages. 

Tuberculose,  Les  lésions  causées  par  cette  maladie 
peuvent  être  primitives  ou  consécutives.  Dans  le  premier 
cas,  qui  est  rare,  le  reste  de  l'organisme  n'est  pas  encore 
touché  d'une  façon  appréciable  ;  dans  le  second,  la  locali- 
sation laryngée  n'apparaît  que  comme  une  nouvelle  ma- 
nifestation de  la  maladie.  Anatomiquement,  on  remarque 
la  présence  de  granulations  tuberculeuses  aboutissant  à 
l'ulcération  ;  la  muqueuse  de  la  région  aryténoïdienne  et 
interaryténoïdienne  est  généralement  le  siège  de  cette  al- 
tération ;  Fépiglotte  et  les  cordes  vocales  sont  aussi  fré- 
quemment atteintes.  On  observe  des  troubles  dyspnéiques, 
de  la  dysphagie;  la  toux  et  l'expectoration  sont  habituelles, 
l'enrouement  existe  presque  toujours,  et  le  malade  peut 


devenir  complètement  aphone.  Le  pronostic  est  très  sombre. 
Comme  traitement  on  a  recours  à  la  révulsion  cutanée  (tein- 
ture d'iode,  emplâtres  vésicants)  ;  on  prescrit  des  pulvérisa- 
tions, des  inhalations  ;  on  fait  des  badigeonnages  de  li- 
quides caustiques  et  anesthésiques. 

Syphilis.  La  syphilis,  à  ses  différentes  périodes,  peut 
s'accompagner  de  manifestations  laryngées.  Au  début,  il  peut 
n'y  avoir  qu'un  simple  catarrhe,  mais  à  la  période  secondaire 
on  observe  des  érosions,  des  végétations,  des  ulcérations. 
L'ulcère  syphilitic{ue  se  développe  d'une  façon  particulière 
à  la  période  tertiaire.  Le  sommet  de  l'épiglotte  en  est  le  siège 
de  prédilection.  La  région  aryténoïdienne,  les  cordes  vo- 
cales sont  aussi  souvent  atteintes.  Le  pronostic  varie  avec 
l'étendue  des  lésions  ;  la  phonation  peut  être  fortement 
compromise  dans  les  cas  où  l'ulcération  a  détruit  en  partie 
les  cordes  vocales.  Enfin  la  présence  de  végétations,  de 
gommes  peut  gêner  considérablement  la  respiration  qui 
devient  sifflante.  Comme  traitement  on  a  recours  aux  cau- 
térisations au  nitrate  d'argent,  aux  badigeonnages  de  tein- 
ture d'iode  ;  la  première  place  doit  être  accordée  au  trai- 
tement antisyphilitique  ;  mais  il  faut  se  méfier  de  l'iodure 
dans  la  paralysie  en  adduction  des  cordes  vocales. 

Laryngites  secondaires.  —  Une  des  plus  fréquentes  est 
la  laryngite  de  la  fièvre  typhoïde,  remarquable  par  sa  ten- 
dance à  revêtir  la  forme  ulcéreuse  ;  elle  est  presque  tou- 
jours concomitante  des  ulcérations  des  pihers  du  voile  du 
palais,  signalées  dans  la  fièvre  typhoïde  par  Duguet.  Les 
symptômes  varient  selon  le  siège  des  lésions  ;  le  pronostic 
doit  être  réservé  par  suite  des  complications  qu'elles  peuvent 
causer.  Pour  en  finir  avec  les  inflammations  du  larynx, 
il  faut  mentionner  les  périchondrites,  les  chondrites  et  les 
arthrites  ;  il  n'est  pas  rare  d'observer  des  arthrites  rhu- 
matismales; dans  les  cas  de  chondrite  avec  suppuration,  le 
pronostic  est  très  sérieux,  vu  les  modifications  anatomiques 
consécutives. 

Troubles  circulatoires.  —  1^  V anémie  provoque 
des  phénomènes  de  sensibilité  réflexe  consistant  en  quintes 
de  toux.  2°  Vhyperômie  peut  être  active  (fatigues  vo- 
cales, abus  du  tabac)  ou  passive  (affections  du  cœur);  la 
toux  est  habituelle.  L'aconit  est  souvent  prescrit  dans  ces 
cas.  3^  OEdème  du  larynx.  On  donne  ce  nom  à  l'infiltra- 
tion sous-muqueuse  des  différentes  parties  de  l'organe, 
que  cette  infiltration  soit  séreuse,  séro-purulente  ou  puru- 
lente ;  les  abcès  sont  évidemment  classés  à  part.  L'œdème 
laryngé  peut  être  consécutif  à  une  inflammation  locale  (ar- 
thrite, périchondrite),  à  certains  processus  ulcéreux  (fièvre 
typhoïde,  syphilis,  tuberculose),  à  la  présence  de  corps  étran- 
gers, etc.  ;  dans  tous  ces  cas,  l'œdème  n'existe  pas  iso- 
lément, il  constitue  un  symptôme,  un  élément  de  l'affec- 
tion laryngée  en  voie  d'évolution.  Dans  d'autres  cas  l'œdème 
survient  à  titre  de  manifestation  locale  d'une  maladie  gé- 
nérale, c.-à-d.  comme  complication  d'une  affection  extra- 
laryngée ;  il  peut  être  dû  à  la  présence  de  phlegmons,  de 
néoplasmes  d'organes  voisins  et  produisant  de  la  compres- 
sion ;  les  lésions  du  cœur  droit,  la  maladie  de  Bright, 
l'iodisme  peuvent  déterminer  son  apparition.  Les  troubles 
qu'il  produit  sont  eux-mêmes  très  variables  et  dépendent 
de  la  région  envahie  ;  la  voix  n'est  pas  forcément  altérée  ; 
les  accidents  dyspnéiques  sont  fréquents  et  nécessitent 
parfois  la  trachéotomie.  Le  traitement  devra  s'adresser  à 
la  cause;  dans  les  cas  d'inflammation,  on  pratiquera  la 
révulsion  (vésicatoires,  ventouses)  ;  dans  la  dyscrasie  hy- 
dropigène,  les  purgatifs  hydragogues  sont  indiqués. 

Troubles  nerveux.  —  Ces  troubles  sont  de"  deux 
ordres:  troubles  de  sensibilité,  troubles  de  motilité. 

d^  Troubles  de  sensibilité,  La  sensibilité  peut  être  aug- 
mentée (hyperesthésie),  diminuée  (anesthésie).  Ces  acci- 
dents surviennent  surtout  chez  les  hystériques.  L'anesthé- 
sie  se  manifeste  par  des  troubles  de  la  déglutition  ;  l'hyper- 
esthésie,  qu'on  observe  parfois  au  début  de  la  phtisie, 
provoque  une  augmentation  très  prononcée  de  l'excitabilité 
réflexe;  cet  accident  n*est  pas  rare  chez  les  femmes  en- 
ceintes. Le  traitement  varie  d'après  la  cause.  Dans  les  cas 


—  984  — 


LARYNX  —  LASALLE 


d'hystérie,  on  prescrira  les  douches,  les  laxatifs;  l'éleclri- 
cité,  la  strychnine  rendront  service  dans  l'anesthésie. 

2<*  Troubles  moteurs.  La  paralysie  est  fréquemment 
observée  ;  elle  peut  être  unilatérale  ou  bilatérale,  suivant 
qu'une  corde  vocale  seulement  est  troublée  dans  son  fonc- 
tionnement ou  que  toutes  deux  sont  paralysées.  La  corde 
vocale  peut  être  en  adduction,  en  abduction  ou  en  position 
intermédiaire;  cela  dépend  de  l'action  du  muscle  paralysé, 
qui  peut  être  dilatateur  ou  constricteur  de  la  glotte.  Outre 
les  troubles  phoniques,  on  observe  aussi  des  troubles  res- 
piratoires. La  paralysie  peut  être  consécutive  à  une  lésion 
nerveuse  centrale  ou  périphérique  ;  dans  le  premier  cas, 
elle  reconnaît  pour  cause  une  maladie  du  cerveau,  du  bulbe, 
la  présence  d'une  tumeur  (gomme).  Les  paralysies  d'origine 
périphérique  sont  causées  par  les  lésions  du  nerf  spinal, 
du  récurrent  ;  elles  sont  consécutives  à  la  compression 
exercée  par  les  tumeurs  du  cou,  du  raédiastin  (anévrysmcs 
de  la  crosse  aortique,  ganghons  trachéo-bronchiques,  tu- 
meurs du  poumon). 

Enfin  il  existe  des  paralysies  hystériques.  Le  traitement 
varie  avec  la  cause.  L'électricité  a  donné  de  bons  résultats. 
Parmi  les  troubles  nerveux, «n  classe  certains  accidents,  tels 
que  le  spasme  de  la  glotte  dépendant  de  l'excitation  des  nerfs 
présidant  à  la  contraction  des  muscles  de  la  glotte,  ou  bien 
d'autres  nerfs  dont  l'excitation  est  due  à  un  phénomène  ré- 
flexe comme  on  le  remarque  souvent  chez  les  enfants  à 
l'époque  de  la  première  dentition.  Ces  accidents  surviennent 
habituellement  à  la  suite  d'impressions  psychiques  pro- 
fondes ou  d'obstructions  du  nez.  L'accès  débute  brusque- 
ment, la  respiration  devient  difficile,  le  malade  suffoque  ; 
ordinairement  tout  rentre  dans  l'ordre  après  quelques  se- 
condes. Comme  traitement,  on  prescrit  des  pulvérisations  de 
cocaïne,  des  applications  de  compresses  imbibéesd'eau  chaude 
et  on  a  quelquefois  recours  à  la  chloroformisation.  Chez  les 
nouveau-nés,  le  spasme  glottique  est  fréquent  et  provoque 
souvent  les  convulsions  ;  il  est  toujours  accompagné  de 
spasme  du  diaphragme  et  des  muscles  thoraciques  ;  ce  n'est 
donc  pas  une  afi'ection  spéciale  au  larynx. 

Nous  allons  maintenant  indiquer  les  maladies  du  larynx 
qui  rentrent  dans  le  cadre  de  la  pathologie  externe. 

Chirurgie  du  larynx.  —  Plaies.  Elles  sont  assez 
rares  et  suivent  la  marche  des  plaies  ordinaires.  Les  frac- 
tures sont  le  plus  souvent  dues  à  des  causes  directes  : 
chocs,  constriction.  C'est  généralement  le  cartilage  thyroïde 
qui  est  atteint  ;  la  fracture  peut  être  simple  ou  compliquée. 
Les  symptômes  sont  la  gêne  de  la  respiration,  la  toux,  la 
mobiUté  anormale  des  cartilages  et  quelquefois  de  l'em- 
physème. Dans  les  cas  simples,  on  prescrit  les  antiphlogis- 
tiques  ;  mais,  quand  il  y  a  menace  d'asphyxie,  il  ne  faut  pas 
hésiter  à  pratiquer  la  trachéotomie  (V.  ce  mot)  dès  le  début, 
puis  on  cherche  à  immobiliser  le  larynx. 

Corps  étrangers.  Il  s'agit  généralement  de  pièces  de  mon- 
naie, d'aiguilles,  de  noyaux,  de  clous,  de  fragments  alimen- 
taires, de  liquides,  etc.  ;  cet  accident  se  produit  au  moment 
d'une  forte  inspiration , quand  un  corps  étranger  se  trouve  à  ce 
moment  dans  l'arrière-bouche.  Certaines  conditions  comme 
la  paralysie  de  l'épiglotte  y  prédisposent.  Le  premier  symp- 
tôme est  une  toux  convulsive,  puis  apparaissent  des  accès 
intermittents  de  suffocation,  la  déglutition  est  gênée  ;  on  peut 
observer  consécutivement  de  l'emphysème  ou  un  abcès.  Le 
pronostic  doit  être  réservé,  surtout  si  le  volume  du  corps 
étranger  lui  permet  de  franchir  les  lèvres  de  la  glotte  et 
de  passer  dans  la  trachée.  Le  traitement  consiste  à  cher- 
cher par  tous  les  moyens  possibles  à  extraire  le  corps 
étranger;  mais,  quand  on  rencontre  trop  de  difficultés  et 
qu'il  y  a  menace  d'asphyxie,  on  pratique  la  trachéotomie. 

Polypes.  On  désigne  ainsi  toutes  les  tumeurs  bénignes 
du  larynx .  Les  causes  sont  assez  mal  connues  ;  on  invoque 
généralement  l'hérédité,  un  état  diathésique  particulier. 
Les  congestions  fréquentes,  certaines  professions  déter- 
minant des  inflammations  répétées  de  l'organe,  ont  été 
incriminées.  Ils  siègent  le  plus  souvent  à  la  partie  anté- 
rieure du  bord  libre  des  cordes  vocales  inférieures  ;  mais 


on  peut  en  observer  aux  autres  parties  de  l'organe.  Anato- 
miquement  on  classe  les  polypes  en  papillomes,  adénomes, 
fibromes,  myxomes,  angiomes.  La  présence  des  polypes 
dans  le  larynx  amène  l'altération  de  la  voix  qui  peut 
aller  du  simple  enrouement  à  l'aphonie  complète;  cette 
altération  est  en  rapport  avec  le  siège  et  le  volume  de  la 
tumeur;  la  gêne  respiratoire  est  un  symptôme  fréquemment 
observé.  L'oppression  est  d'autant  plusmarquée  quel'orifice 
glottique  est  plus  rétréci.  C'est  ce  qui  arrive  généralement 
clans  le  cas  d'insertion  du  polype  sur  les  cordes  vocales. 
Quand  un  polype  s'est  développé  sur  l'épiglotte  ou  dans  la 
région  aryténoïdienne,  surtout  à  la  partie  postérieure,  il 
provoque  une  gêne  de  la  déglutition.  Souvent  le  malade 
accuse  une  douleur  assez  vive  au  niveau  de  la  fourchette 
sternale  ;  c'est  généralement  le  seul  signe  douloureux  dont 
s'accompagne  cette  aftection.  Les  polypes  ont  une  marche 
lente;  ils  n'ont  aucune  tendance  à  disparaître  spontané- 
ment; quelques-uns  récidivent  rapidement  et  revêtent  par- 
fois un  caractère  malin.  Le  pronostic  est  bénin  en  ce  sens 
que  la  vie  des  malades  est  rarement  en  danger  ;  il  devient 
plus  sérieux  au  point  de  vue  de  la  phonation  et  dans  les 
cas  de  transformation  en  tumeur  maligne. 

L'intervention  chirurgicale  par  les  voies  naturelles  est 
le  mode  de  traitement  le  plus  employé  ;  on  peut  procé- 
der par  arrachement,  par  écrasement,  par  abrasion,  exci- 
sion. On  se  sert  aussi  des  caustiques  chimiques,  de  la 
galvanocaustie. 

Le  cancer  du  larynx  débute  dans  le  tissu  sous-muqueux 
par  de  petites  nodosités  arrondies  qui  soulèvent  la  mu- 
queuse ;  celle-ci  devient  rouge  foncé  et  ne  tarde  pas  à  s'ul- 
cérer. On  a  observé  aussi  des  enchondromes,  des  tumeurs 
osseuses  du  larynx.  L'opération  qui,  dans  ces  cas,  a  donné  le 
meilleur  résultat,  est  l'extirpation  du  larynx.   G.  Coupard. 

BiBL.  :  Anatomie.  —  Testut,  Traité  d'ansit.  humaine. 

Pathologie.—  Fauvel,  Traité  pratique  des  maladies  du 
larynx.-  G.  Poyet,  Manuel  pratique  de  laryngoscopie  et 
de  laryngologie.—  Nouveau  Dictionnaire  de  médecine  et  de 
chirurgie  pratique^  art.  Larynx.  —  Ruault,  Traité  de 
médecine.  —  Morell  Mackenz'ie,  Hygiène  des  organes  de 
la  voix.,  traduit  par  L.  Brachet  et  G.  Coupard.  —  Mau- 
riac, Syphilose  du  larynx.  —  G.  Coupard,  les  Tumeurs 
adénoïdes  du  pharynx  et  les  laryngites  striduleuses.  — 
Moure,  Cas  rares  de  polypes  du  larynx.  —  Latoupiiis, 
Gommes  syphilitiques  du  larynx.  —  Schwartz,  Tumeurs 
du  larynx.—  Luc,  Névropatfiies  laryngées. 

L ARZAG  (V.  Cévennes,  Aveyron  et  Hérault  [Dép.  de  1']) . 

LARZAC.  Corn,  du  dép.  delà  Dordogne,  arr.  de  Sarlat, 
cant.  de  Belvès;  "274  hab. 

LARZICOURT.  Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  de  Vi- 
try-le-François,  cant.  de  Thiéblemont;  568  hab. 

LAS-Illâs.  Com.  du  dép.  des  Pyrénées-Orientales,  arr. 
et  cant.  de  Cérêt;  198  hab. 

LA  SABLIÈRE  (M"^«de)  (V.  Sablière). 

LAS>EA  (Zool.  et  Paléont.)  (V.  Erycine  et  Kicllya). 

LASAGNA  (Giovanni-Pietro),  sculpteur  milanais  de  la 
lin  du  xvi^  siècle.  Il  travailla  à  la  décoration  de  la  cathé- 
drale de  Milan  et  particulièrement  à  la  chapelle  San  Carlo, 
où  il  sculpta  des  motifs  d'ornement,  et  à  la  façade  où  il 
exécuta  les  bas-reliefs  représentant  le  Puits  de  Jacob,  la 
Vision  de  Daniel,  Sisara  et  Joël.  Son  nom  apparaît  dans 
les  comptes  de  la  fabrique  en  1596. 

BiBL.  :  CicoGNARA,  Storia  delta  scultura;  Prato,  1821. 

LA  SALA  (Manuel)  (V.  Sala  [La]). 

LA  SALGETTE  (Colaud  de)  (V.  Colaud). 

LASALLE.  Ville  des  Etats-Unis,  Etat  de  l'Illinois,  sur 
rillinois,  au  point  de  jonction  du  canal  venu  de  Chicago  ; 
9,000  hab.  Mines  de  charbon. 

LASALLE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Gard,  arr.  du 
Vigan  ;  2,404  hab.  Filatures  de  soie. 

LA  SALLE  (V.  Salle  [Lai). 

LA  SALLE  (Jean-Baptiste)  (V.  Ecoles  chrétiennes, 
t.  XV,  p.  475). 

LA  SALLE  (Gadiffi':r  de)  (V.  Gadiffer). 

LASALLE  (Henri),  publiciste  français,  né  à  Versailles 


LASALLE  —  LASCARIS 


982  — 


en  1765,  mort  en  1833.  Commissaire  de  police  à  Brest 
(1799),  commissaire  général  de  police  dans  les  dép.  de 
l'Est  (1815).  Collaborateur  du  Journal  des  Débats,  il  a 
laissé,  entre  autres:  Sur  le  Commerce  de  /7?24^  (Paris, 
J802,  in-8)  ;  Finances  de  f  Angleterre  (4803,  in~8)  ; 
le  Concordat  de  lEil  (1818,  in-8);  George  lîl,  sa  cour 
et  sa  famille  (1822,  in-8);  Maison  hospitalière  (4827, 
in-8),  projet  d'un  établissement  destiné  à  recevoir  les  femmes 
domestiques  aux  époques  où  elles  sont  sans  place  ;  Du  Prix 
du  pain  à  Paris  (4829,  in-4). 

LA  SALLE  (Acliille-Etienne  Gigault  ni:),  littérateur 
français,  né  à  Paris  le  2o  févr.  J772,  mort  en  1855.  Ré- 
férendaire à  la  cour  des  comptes (1 800),  préfet  de  la  lïaute- 
Marne  (1845-19),  greffier  chef  à  la  cour  des  comptes,  il 
a  exercé  en  1807  les  fonctions  de  censeur  de  la  librairie. 
Collaborateur  de  la  Gazette  de  France^  de  la  Biographie 
universelle^  etc.,  il  est  surtout  connu  par  son  grand  ou- 
vrage archéologique  :  Voyage  pittoresque  e7i  Sicile(?ms, 
1822-25,  2  vol.  gr.  in-foi.),avec  92  planches.  Citons  en- 
core de  lui:  la  Sicile  (1836,  in-8),  et  plusieurs  notices 
insérées  dans  les  Souvenirs  du  vieux  Paris. 

LASALLE  (Antoine-Chevalier-Louis  Colll\et,  comte  de), 
général  français,  né  à  Metz  le  10  mai  1775,  tué  à  Wagraui 
le  6  juil.  1809.  Issu  d'une  ancienne  famille  de  Lorraine, 
petit-fiis  du  maréchal  Fabert,  les  inclinations  guerrières  du 
jeune  Lasalle  se  manifestèrent  dès  l'enfance.  11  entra  au 
service  à  onze  ans  comme  sous-lieutenant  de  remplacement 
dans  le  régiment  d'Alsace.  Sous-heutenant  de  cavalerie  au 
moment  de  la  Révolution,  il  dut  bientôt  renoncer  à  son 
grade,  les  idées  nouvelles  tendant  à  éloigner  la  noblesse 
du  corps  d'officiers;  il  s'engagea  alors  comme  simple  soldat 
attendant  de  sa  valeur  l'épauletto  que  sa  naissance  lui  en- 
levait. Sa  bravoure  no  tarda  pas  à  le  signaler  aux  généraux 
de  la  République.  A  l'armée  du  Nord  il  enleva  avec  quelques 
cavaliers  une  batterie  ennemie.  Nommé  officier  en  1795  el 
aide  de  camp  de  Kellermann  il  suivit  ce  général  à  l'armée 
d'Italie;  ses  traits  d'audace  et  de  bravoure  ne  se  comptent 
dès  lors  plus.  C'est  d'abord  à  Vicence,  oii,  pris  à  partie 
par  quatre  hussards  autrichiens  et  sommé  de  se  rendre, 
il  blesse  ses  adversaires  et  leur  échappe  en  se  précipitant 
avec  son  cheval  dans  la  Bachiglono  qu'il  traverse  à  la  nage, 
puis  à  l'armée  d'Orient  il  accomplit  des  prodiges  de  valeur 
à  la  bataille  des  Pyramides  et  aux  combats  de  Salahieh  et 
de  Remedieh  où  il  sauva  la  vie  au  général  DavouL 
Colonel  en  Italie,  il  eut  au  combat  de  Vilnadella  trois 
clievaux  tués  sous  lui  et  brisa  sept  sabres  sur  l'en- 
nemi. Nommé  général  de  brigade  le  31  janv.  1804,  il 
assista  à  la  bataille  d'Austerliiz,  et  l'année  suivante  se 
couvrit  de  gloire  en  s'emparant  de  la  forteresse  de  Stet- 
tin  qui  ouvrit  ses  j)ortes  aux  deux  seuls  régiments  de 
cavalerie  de  la  brigade  Lasalle.  Général  de  division  le 
30  déc.  1806,  il  sauve  la  vie  au  prince  Murât  qui,  au 
combat  d'ileislberg  ,  était  entouré  par  douze  dragons 
russes.  Envoyé  en  Espagne  en  1808,  il  y  rendit  les  plus 
grands  services,  particulièrement  aux  batailles  de  Médina 
del  Rio  Seco,  de  Burgos  et  de  Medellin,  où  il  tailla  en 
pièces  l'armée  espagnole.  Napoléon  le  rappela  d'Espagne 
pour  prendre  le  commandement  d'une  division  de  cavalerie 
de  la  grande  armée.  A  Altenbourg,  à  Essling,  à  Raab,  par- 
tout Lasalle  soutint  sa  réputation  de  bravoure,  et  il  trouva 
une  mort  glorieuse  sur  le  champ  de  bataille  de  Wagram.  Les 
cendres  du  général  Lasalle  ont  été,  en  1891,  rapportées  d'Au- 
I riche  et  déposées  en  grande  pompe  aux  Invalides.  La  ^  illc  de 
Luné\iîle  lui  a  élevé  une  statue  en  'j  893.       E.  1>eunard. 

LA  SALLE  (JousLiN  de)  (V,  Jousijn). 

LASALLE  (Albert  de),  httérateur  et  musicographe  fran- 
çais, né  au  Mans  le  16  août  1833,  mort  à  Paris  le  24  avr. 
1886.  Critique  musical  du  Monde  illustré  (i  8^1)  et  de 
diverses  revues,  collaborateur  du  Figaro^  du  Charivari,  de 
la  Vie  parisienne.,  où  il  écrivit  sous  les  pseudonymes  de 
Double- Wé,  Halbeer,  et  autres,  il  a  laissé:  la  Musique  h 
Paris  (Paris,  1863,  in-12);  Histoire  des  lioulJés-Pari- 
siens  {iSOO,  in-46);  V Hôtel  des  Haricots {{8i)^k,'mA^D; 


Meyerbeer,  sa  vie  et  ses  œuvres  (1864,  in-16);  Diction- 
naire de  la  musiqîie  (iSQS.  in-12);  la  Musique  pendant 
lesiègedeParis{i%l^,m-i^)\  les  Treize  Salles  deV  Opéra 
(;i875,  in-12)  ;  Mémorial  du  Théâtre-Lyrique  (1877, 
in"-8),  etc. 

LA  SARRAZ.  Village  de  Suisse,  cant.  de  Vaud;  848  hab. 
Il  formait  une  baronnie  assez  importante  et  possède  un 
château  qui  remonte,  dit-on,  au  v^  siècle.  A  l'occasion  de 
la  reconstruction  de  l'église,  on  a  mis  au  jour  un  sarco- 
phage intéressant  d'un  noble  de  La  Sarraz. 

LASAULX  ou  LASSAULX  (Johann-Claudius  de),  archi- 
tecte allemand,  né  à  Coblentz  le  27  mars  1781,  mort  le 
14  oct.  1848.  Il  étudia  d'abord  à  Wurzbourg  le  droit  et 
la  médecine,  puis,  tout  en  dirigeant  une  brasserie  qui 
appartenait  à  son  père,  il  se  livra,  en  ses  heures  de  loisir, 
à  des  travaux  d'art  mécanique.  Chargé  d'abord  par  le 
gouvernement  de  réorganiser  l'administration  des  bâtiments 
publics,  il  devint  ensuite  (4  815)  inspecteur  royal  des  bâti- 
ments de  la  couronne  dans  la  province  de  Coblentz.  On  lui 
doit  les  plans  de  plus  de  soixante  édifices  publics  et  privés, 
dont  il  a  dirigé  la  construction,  et  parmi  lesquels  nous 
citerons  le  château  de  Reinecli  et  diverses  églises  de  style 
ogival.  Il  a  collaboré,  en  outre,  à  des  journaux  d'architec- 
ture, et  laissé  un  ouvrage  inédit  sur  Part  de  bâtir. 

LASAULX  (Peter-Ernst  de),  philologue  allemand,  né 
à  Coblentz  le  16  mars  1805,  mort  àMuDichIe9mai  1861. 
Après  avoir  suivi  à  l'université  de  Bonn  les  cours  de 
Schlegel,  Niebuhr,  Brandis  et  Welcker,  il  alla  poursuivre 
ses  études  à  Munich  sous  Franz  von  Baader,  Gôrres  et 
Schelling.  Il  versa  dans  le  mysticisme  chrétien.  Après  un 
séjour  à  Vienne,  il  visita  l'Italie  et  l'Orient  de  1831  à  1833. 
En  1835,  il  fut  nommé  professeur  extraordinaire  à  Wurz- 
bourg et,  en  1837,  professeur  ordinaire.  En  1844,  il  fut 
})romu  à  la  chaire  de  philologie  de  l'université  de  Munich. 
Mis  à  la  retraite  en  1847,  à  la  suite  d'une  proposition 
d'adresse  au  ministre  ultramontain  Abel,  qui  avait  dû  se 
retirer,  il  fut  choisi  par  le  cercle  d'Abensberg  comme  re- 
présentant à  l'assemblée  de  Francfort,  où  il  vota  avec  le 
parti  grand-germanique.  Il  fut  rétabli  dans  sa  chaire  en 
mars  1849.  Ses  travaux  ont  plutôt  un  caractère  philoso- 
phique qu'un  caractère  scientifique  ;  ce  fut  un  romantique 
de  la  philologie  classique,  et  il  mit  sa  science  au  service  de 
la  doctrine  théosophique  de  Baader,  cherchant  à  montrer 
que  toutes  les  vérités  chrétiennes  étaient  contenues  en  subs- 
tance dans  l'antiquité  païenne,  voyant  par  exemple  en  Pro- 
méthée  un  prototype  du  Sauveur,  et  mettant  en  parallèle 
Socrate  et  Jésus.  Ses  principaux  ouvrages  sont  :  De  Mor- 
tis  dominatu  in  veteres  (Munich,  1835);  Das  pelagi- 
sche  Orakel  des  l^eus  zii  Dodona  (Wurzbourg,  4  841 ,  in-4)  ; 
Ueber  den  Sinn  des  OEdipus-Sage  (^surzhourg,  4  844, 
in-4)  ;  Die  Siihnopfer  der  Griechen  und  Rœmer  uncl 
ilir  VerJiœltnisz  zum  dem  Einen  auf  Golgotha  (Wurz- 
bourg, 1841  ,  in-4)  ;  PrometJieus,Die  Sage  und  ihr  Sinn 
(Wurzbourg,  1 843, in-4)  ;  Der  Eid  bei  den  Grieclien  und 
denliœmern  (Wurzbourg,  1844,  in-4)  ;  Der  Untergang 
des  He l lenismus  {Munkh,  1854,  in-S)  ;Neuer  Versuch 
elner  Ptiilo Sophie  der  Geschictite  {Mmiidi,  1856,  in-8)  ; 
Des  Solcrates  Leben  und  Lehre  und  Tod  (1857);  Die 
PJiilosophie  der  scliœnen  Ki'mste  (1860,  in-8);  7.ur 
Philosophie  der  rœmischen  Geschichte  (1861,  in-4). 

LA  SAUSSAYE  (V.  Saussâye  [La]). 

LASAU  VETAT-de-Savi>rks.  Com.  du  dép.  du  Lot-et-Ga- 
ronne, arr.  d'Agen,  cant.  de  Laroque-Timbault;  415  hab. 

LASâUVETAT-sur-Lèdf,.  Com.  du  dép.  du  Lot-et-Ga- 
ronne, arr.  de  Villeneuve,  cant.  de  Monflanquin;  533  hab. 

LASBORDES.Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  et  cant.  (S.) 
de  Castelnaudary;  575  hab. 

LASGABANES.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Cahors, 
cant.  de  Montcucq  ;  558  hab. 

LASCAR! S.  Grande  famille  byzantine  du  xiiî^  siècle, 
dont  le  premier  membre  illustre  est  Pempereur  de  Nicée, 
Tliéodore  Lascaris  (V,  ce  nom).  Plusieurs  des  frères  de 


983 


LASCxVRIS  -  LAS  CASES 


ce  personnage  jouèrent  un  grand  rôle  dans  l'histoire  de 
l'empire  grec  de  Nicée  :  Constantin,  qui,  après  avoir 
vaillamment  contribué  à  la  défense  deConstantinople  contre 
les  croisés,  fut  un  des  meilleurs  i^énéraux  de  Théodore  ; 
le  sébastocrator  Alexis^  qui  plus  tard  soutint  l'empereur 
latin  Robert  de  Courtenay  contre  le  basileus  Jean  Vatat- 
zès  et  fut  condamné,  après  la  défaite  de  Poimanchos, 
à  perdre  les  yeux  ;  Manuel  entin  et  Michel^  qui,  après 
avoir  fui  Nicée  par  crainte  de  Yatatzès,  furent  ensuite 
rappelés  par  Théodore  II  et  conquirent  une  grande  répu- 
tation militaire.  —  Par  les  fdles  de  Théodore,  dont  Fune, 
Irène,  épousa  Jean  Vatatzès,  l'autre,  Marie,  le  roi  de 
Hongrie,  Bêla  IV,  la  famille  Lascaris  porta  son  nom  dans 
les  plus  illustres  maisons  ;  les  empereurs  Théodore  11 
(1254-58)  et  Jean  IV  ('i::258-o9)  tinrent  à  honneur  de 
prendre  le  nom  de  Lascaris,  et,  pendant  le  cours  du  xin^ 
et  du  XIV®  siècle,  on  le  trouve  porté  par  de  nombreux  per- 
sonnages. Dans  quelle  mesure  les  savants  du  xv®  siècle, 
Constantin  et  Jean  Lascaris,  se  rattachaient  à  cette  illustre 
famille,  il  est  ditRcile  de  le  dire.  Au  xyiii®  siècle  encore, 
on  trouvait  des  Lascaris  en  Crète,  à  Chypre  et  à  Céphalonie. 

LASCARIS  (Constantin),  grammairien  grec,  issu  de  la 
famille  impériale  de  ce  nom,  vivait  au  xy^  siècle.  Il  quitta 
sa  patrie  après  la  prise  de  Constantin ople  par  les  Turcs 
et  se  rendit  en  Italie.  Il  composa  sa  Grammaire  grecque 
(Milan,  1476,  in-4)  pour  Hippolyte  Sforza,  fille  du  duc 
de  Milan.  C'est  le  premier  livre  de  langue  grecque  imprimé 
en  Italie.  Il  professa  ensuite  publiquement  le  grec  à  Naples, 
puis  à  Messine,  où  il  se  fixa  jusqu'à  sa  mort.  Il  eut  beau- 
coup d'élèves,  entre  autres  Pierre  Bembo.  Sa  Grammaire 
grecque  fut  réimprimée  à  Milan  en  1480,  puis  à  Vicence 
en  1489.  Les  Aide  en  donnèrent  cinq  éditions  succes- 
sives. R.  B. 

LASCARIS  (André-Jean),  philologue  grec  de  la  même 
famille  que  le  précédent,  né  vers  1445,  mort  en  1535. 
Après  la  ruine  de  l'empire  grec,  il  se  rendit  à  la  cour  de 
Laurent  de  Médicis.  Celui-ci  l'envoya  à  deux  reprises  cher- 
cher à  Constantinople  et  dans  d'autres  villes  grecques  des 
manuscrits  qui  risquaient  d'être  détruits  sous  la  domina- 
tion turque.  Quant  Lascaris  revint  de  son  second  voyage 
avec  deux  cents  manuscrits,  acquis  pour  la  plupart  au  mo- 
nastère du  mont  Athos,  Laurent  était  mort,  Lascaris,  appelé 
par  Charles  VII,  alla  enseigner  le  grec  à  Paris,  oii  il  fut  le 
maître  de  Budé.  Puis  Léon  X  le  fit  venir  à  Rome,  Fran- 
çois P"^  le  rappela  à  Paris,  Paul  ÏII  enfin  le  fit  revenir  à 
Rome.  Bien  qu'il  ait  laissé  peu  d'ouvrages,  Lascaris,  par 
son  enseignement  oral,  fut  un  des  savants  qui  contribuèrent 
le  plus  à  répandre,  dans  l'Europe  occidentale,  la  connais- 
sance de  la  Grèce  antique,  R.  B. 

LAS  CASAS  (V.  Casas). 

LAS  CASES  (Emmanuel-Augustin-Dieudonné,  mar- 
quis de),  historien  français,  l'un  des  compagnons  de  Napo- 
léon 1^^'  à  Sainte-Hélène,  né  au  château  de  l.as  Cases,  près 
de  Revel  (Languedoc),  en  1766,  mort  à  Passy-sur-Seine  le 
15  mai  1842.  Il  fit  ses  études  à  Vendôme  chez  les  orato- 
riens,  puis  à  Paris  à  l'Ecole  militaire.  Il  entra  comme 
aspirant  dans  la  marine  militaire  et  assista  le  20aot\t  1782 
au  combat  de  Cadix.  Après  la  signature  de  la  paix  (févr. 
1783),  il  visita  les  Antilles,  Terre-Neuve  et  Boston.  Il 
passa  à  Brest,  avec  Monge,  l'examen  de  lieutenant  de  vais- 
seau. Il  avait  alors  vingt  et  un  ans.  (Juand  la  Révolution 
eut  éclaté,  il  émigra  (1790),  fit  en  1792  la  campagne 
contre  la  France,  passa  en  Angleterre  après  la  défaite  des 
Prussiens  et  prit  part  à  l'expédition  de  Quiberon.  De  re- 
tour à  Londres,  il  fut  réduit  à  donner  des  leçons  pour 
vivre;  c'est  à  cette  époque  qu'il  conçut  le  plan  de  V Atlas 
historique,  chronologique,  géographique  et  généalo- 
gique, qu'il  pubUa  avec  succès  plus  tard,  en  1802,  sous 
le  pseudonyme  de  Le  Sage.  Rentré  en  France  après  le 
18  brumaire,  il  s'établit  à  Paris  comme  libraire.  Son  atlas 
attira  sur  lui  l'attention  de  Napoléon,  qui  lui  donna  le  titre 
de  baron.  En  1809,  les  Anglais  s'étant  emparés  de  Fies- 
singue,  il  s'engagea  dans  l'armée  de  Bernadotte.  Napoléon 


le  récompensa  en  le  nommant  maître  des  requêtes  au  con- 
seil d'Etat  (1809),  puis  en  l'attachant  à  sa  personne  en 
qualité  de  chambellan  et  en  le  créant  comte  de  l'Empire 
(1810).  Il  le  chargea  en  1811  de  liquider  la  dette  austro- 
illyrienne,  et,  en  1812,  d'inspecter  dans  un  certain  nombre 
de  départements  les  dépôts  de  mendicité,  les  prisons,  les 
hospices,  les  établissements  de  bienfaisance  et  de  dresser 
un  état  exact  de  tous  les  ports  et  stations  navales  depuis 
Toulon  jusqu'à  Amsterdam.  En  1814,  Las  Cases  commahda 
contre  les  alliés  un  bataillon  de  la  dixième  légion  de  la 
garde  nationale,  et  il  refusa  comme  membre  du  conseil 
d'Etat  de  signer  un  acte  d'adhésion  à  la  déchéance  de  Na- 
poléon. Il  s'exila  volontairement  en  Angleterre,  après  la 
restauration  des  Bourbons,  reprit  sa  place  au  conseil  d'Etat 
pendant  les  Cent-Jours,  et,  après  Waterloo,  suivit  Napoléon 
à  La  Malmaison,  à  Rochefort,  où  son  maître  le  chargea  de 
la  négociation  du  Bellerophon;  enfin  il  raccompagna  à 
Sainte-Hélène,  avec  Emmanuel,  son  tils  aîné.  Chaque  soir 
il  consignait  par  écrit  les  entretiens  qu'il  avait  eus  avec 
Napoléon.  Il  consacra  au  service  de  son  maître  une  somme 
de  4,000  livres  sterling  environ,  composant  toute  sa  for- 
tune, qui  était  placée  en  fonds  anglais.  Mais  le  27  nov. 
1816,  à  la  suite  d'une  lettre  qu'il  avait  adressée  à  Lucien 
Bonaparte  à  l'insu  de  Hudson  Lowe.  pour  se  plaindre  des 
mauvais  traitements  que  celui-ci  faisait  subir  à  l'empereur, 
il  fut  transféré  au  cap  de  Bonne-Espérance  avec  son  fils  ; 
puis,  au  bout  de  huit  mois,  il  fut  ramené  en  Europe,  où  on 
lui  assigna  pour  résidence  Francfort-sur-le-Main.  Il  échoua 
dans  ses  tentatives  pour  obtenir  des  rois  réunis  à  Aix-la- 
Chapelle  un  adoucissement  du  sort  do  Napoléon.  Plus  tard, 
l'empereur  d'Autriche  lui  fit  permettre  le  séjour  de  la  Bel- 
gique. Il  ne  put  rentrer  en  France  qu'après  la  mort  de 
Napoléon  et  commença  aussitôt  la  publication  du  célèbre 
Mémorial  de  Sainte-Hélène^  ou  Journal  où  se  trouve 
consigné,  jour  par  jour,  ce  qu'a  dit  et  fait  Napoléo7i 
pendant  dix-huit  mois  (Paris,  1822-23,  8  vol.  in-8; 
une  autre  édition,  illustrée  par  Charlet,  a  paru  en  1843, 
2  vol.  gr.  in-4).  On  évalue  à  2  millions  le  profit  de  la 
vente  du  Mémorial.  Sous  le  règne  de  Louis-Philippe,  Las 
Cases  fut  élu  député  à  Saint-Denis  en  1831  et  1839  et 
siégea  à  l'extrême  gauche.  Il  avait  épousé,  en  1799,  W^^  de 
Kergariou  qui  lui  donna  deux  fils  et  une  fille.  En  dehors 
du  Mémorial  il  a  laissé  des  mémoires  :  Mémoires  d'Ë,- 
A.-D.,  comte  de  Las  Cases,  communiqués  par  lui- 
même,  co7itenant  l'histoire  de  sa  vie  (Paris,  1819, 
in— 8).  Pour  le  jugement  qu'il  faut  porter  sur  le  Mémo- 
rial, V.  l'art.  Napoléon.  R.  Bertuelot. 

BiBL.  :  Notice  biographique  sur  le  comte  de  Las  Cases; 
Paris,  15  aoiit  18d0,  in-i.  —  Walter  Scott,  History  of 
Napoléon  Buonaparte.  —  Sir  Hudson  Lowe,  Memoirs. 

LAS  CASES  (Emmanuel-Pons-Dieudonné,  baron,  puis 
comte  de),  sénateur  français,  né  à  Saint-Meen  (Finistère) 
le  8  juin  1800,  mort  à  Passy  le  8  juil.  1854,  fils  du  pré- 
cédent. A  l'âge  de  quinze  ans,  il  accompagna  son  père  a 
Sainte-Hélène,  où  il  servit  plusieurs  fois  de  secrétaire  à 
Napoléon.  Il  fut  transporté  avec  son  père  au  cap  de  Bonne- 
Espérance,  puis,  revenu  en  Europe,  il  fut  autorisé  en  1819 
à  rentrer  en  France.  La  mort  de  Napoléon  ayant  ramené 
lludson  Lowe  à  Londres,  il  alla  l'y  joindre  pour  lui  donner 
un  coup  de  cravache  en  plein  visage.  Hudson  Lowe  n'ayant 
pas  demandé  réparation  les  armes  à  la  main,  Las  Cases 
dut  rentrer  en  France  pour  échapper  à  la  police  anglaise. 
Trois  ans  plus  tard  (nov.  1825),  il  fut  l'objet  d'une  tenta- 
tive d'assassinat  à  Passy.  Le  séjour  de  îludson  Lowe  à 
Paris  à  la  même  époque  et  son  départ  aussitôt  après  l'at- 
tentat l'ont  fait  soupçonner  d'avoir  soudoyé  les  assassins. 
Las  Cases  prit  part  à  la  révolution  de  juil.  1830  et  fut 
élu  député  la  même  année  dans  le  Finistère.  Il  fit  partie 
de  la  Chambre  élective  de  1830  à  1848  et  accompagna  en 
1840  le  prince  de  Joinville,  que  Louis-Philippe  avait 
chargé  de  ramener  de  Sainte-Hélène  les  restes  de  Napo- 
léon f*'^".  Napoléon  IH  le  nomma  sénateur  le  31  <léc.  1852. 
Il  a  laissé  un  récit  de  son  voyage  à  Sainte-Hélène  avec  le 


LAS  CASES  —  LA  SERNA 


—  984 


prince  de  Joinville  :  Journal  écrit  à  bord  de  la  (régate 
ta  Belle-Poule  (Paris,  4844,  in-8).  R.  B. 

LASCAUX.  Corn,  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr.  de  Brive, 
cant.  de  Juillac  ;  504  hab. 

LASCAZÈRES.  Corn,  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr. 
de  Tarbes,  cant.  de  Castelnau-Rivière-Basse  ;  449  hab. 

LASCELLE.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  et  cant. 
d'Aurillac  ;  656  hab.  Eglise  du  xii^  siècle.  Cascade  de  la 
Vergne-Blanque.  Au  Mousset,  grottes  taillées  dans  le  roc 
et  qui  passent  pour  avoir  servi  de  refuge  aux  huguenots. 
A  Paliès,  ruines  d'un  donjon  féodal. 

LASCELLES  (Lady  Henrietta)  (V.  Chatterton). 

LASCELLES  (Rowley),  littérateur  anglais,  né  à  West- 
minster en  4774,  mort  le  49  mars  4844.  Avocat  au  bar- 
reau irlandais,  il  fut  chargé  de  la  publication  du  Liber 
munerum  publicorum Hibernice  ([4452-4827],  4824- 
30,  2  vol.  in-ibl.),  auquel  il  ajouta  de  sa  propre  autorité 
une  fort  curieuse  et  fort  partiale  histoire  dlrlande  :  Res 
Gestœ  Anglorum  in  Hibernia.  Il  fut  de  ce  fait  poursuivi 
par  le  gouvernement  qui  réussit  à  peu  près  à  supprimer 
tous  les  exemplaires  d'une  œuvre  considérée  comme  «  im- 
pertinente». Citons  encore  de  Lascelles  :  A  General  Out- 
line  of  the  Swiss  Landscapes  (4845);  Letters  of  Pu- 
blicola{\H\6,  in-8);  Letters  a fYorik  (4817,  in-8);  The 
Heraldic  Origin  of  gothic  architectm'e(iSW,  în-8); 
The  University  and  city  of  Oxford,  avec  de  belles  gra- 
vures desStorer  (4821,  in-8);  The  Ultimate  Remedy  for 
Ireland  (4834,  in-8).  ^  R.  S. 

LASCH  (Jean-Charles),  peintre  allemand,  né  à  Leipzig 
en  4822,  mort  à  Moscou  en  1888.  Il  commença  par  s'adon- 
ner au  commerce,  mais  bientôt,  attiré  par  la  peinture,  il 
entra  dans  l'atelier  de  Bendemann.  A  l'âge  de  vingt-deux 
ans,  il  partit  pour  Munich,  et  se  mit  sous  la  direction  de 
Schnorr,  puis  de  Kaulbach,  qui  lui  enseignèrent  l'art  his- 
torique et  religieux  dans  la  manière  abstraite  alors  en 
vogue  dans  l'école  bavaroise.  Après  avoir  peint  un  certain 
nombre  de  tableaux  dans  cette  formule,  il  quitta  Munich 
et  se  rendit  à  Moscou,  où  il  fut  très  recherché  pour  ses 
portraits  pleins  de  caractère.  Cet  artiste  vagabond,  qui 
pratiqua  les  procédés  d'écoles  assez  disparates,  se  fixa 
enfin  à  Dusseldorf  en  4860,  et  y  ouvrit  un  atelier  d'élèves 
(4869).  On  cite  comme  sa  meilleure  œuvre  :  U^ie  Arres- 
tation, gvdinde  composition  dramatique.  Comme  peintre  de 
genre,  il  a  produit  des  tableaux  pleins  de  fine  observa- 
tion :  la  Fête  du  maître  d'école;  le  Retour  de  la 
foire,  le  Médecin  de  campagne,  le  Théâtre  de  Polichi- 
nelle. Ad.  Thiers. 

LASCLAVERIES.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées, 
arr.  de  Pau,  cant.  de  Thèze  ;  292  hab. 

LASCLOTTES.  Com.  du  dép.  du  Tarn,  arr.  deGaillac, 
cant.  de  Salvagnac;  646  hab. 

LASCOIVIBES(Antonin),  homme  pohtique  français,  né 
à  Chalvignacle  43  juil.  4840.  Avocat  au  barreau  de  Mau- 
riac, il  fut  élu  député  du  Cantal  le  4  oct.  1885,  après  avoir 
échoué  aux  élections  triennales  pour  le  Sénat,  en  janv. 
4885  ;  membre  de  l'Union  répubhcaine,  il  combattit  le 
boulangisme  et  fut  réélu  en  4889  et  4893. 

LASCOURS  (Jérôme-Annibal-Joseph  Reynâud  de  Bo- 
logne, baron  de),  homme  politique  français,  né  à  Boisset- 
et-Gaujac  (Gard)  le  5  juin  4764,  mort  à  Mézières  le  40  mai 
4835.  Après  de  bons  services  militaires,  il  entra  au  Conseil 
des  Cinq-Cents  comme  député  du  Gard  (oct.  4795)  et  s'as- 
socia dans  cette  assemblée  à  la  politique  du  parti  royaliste. 
Il  n'en  applaudit  pas  moins  au  48  brumaire  et  siégea  au 
Corps  législatif  de  4799  à  4843.  Il  se  rallia  ensuite  aux 
Bourbons,  fut,  de  4845  à  4824,  préfet  du  Lot,  de  la 
Vienne,  du  Gers,  perdit  sa  place  pour  avoir  fait  de  l'oppo- 
sition au  ministère  Villèle  à  la  Chambre  des  députés  (où 
il  représenta  le  dép.  du  Gard  de  4848  à  4827),  occupa 
ensuite  les  préfectures  de  la  Drôme  (nov.  4828)  et  des 
Ardennes  (déc.  4828),  et  se  retira  de  la  vie  publique  après 
les  journées  de  Juillet.  A.  Debidour. 


LASCY  (Pierre,  comte  de),  général  russe,  né  dans  le 
comté  de  Limerick  (Irlande)  en  4678,  mort  en  Livonie  en 
4754.  Il  émigra  d'abord  en  France,  servit  sous  Catinat, 
puis  passa  en  Autriche,  en  Pologne  et  enfin  en  Russie, 
En  4709,  il  commandait  une  brigade  à  Poltava.  En  4749 
et  4720,  il  combattit  les  Suédois  ;  en  4733,  il  commanda 
les  troupes  envoyées  au  secours  d'Auguste  II  de  Pologne, 
devint  feld-maréchal  et  gouverneur  de  la  Livonie.  En  4742, 
il  défit  les  Suédois  devant  Helsingfors.  Il  tomba  en  disgrâce 
sous  le  règne  d'Elisabeth.  L.  L. 

LASCY  ou  LACY  (Eranz-Moritz,  comte  de),  général  au- 
trichien, né  à  Saint-Pétersbourg  en  4725,  mort  à  Vienne 
le  24  nov.  4804,  fils  du  précédent.  Il  prit  du  service  dans 
l'armée  autrichienne,  était  colonel  au  début  de  la  guerre  de 
Sept  ans,  se  distingua  à  la  bataille  de  Lobosice  (Lowositz) 
et  fut  nommé  général,  puis  gênerai  quartier -meister ,  Il 
débloqua  Olmùtz  et  contribua  à  la  victoire  de  Hochkirch. 
Promu  feld-maréchal-lieutenant,  il  poussa  en  4  760  jusqu'à 
Potsdam.  Sa  conduite  à  Torgau  lui  valut  le  titre  de  feld-ma- 
réchal. Il  devint  en  4765  inspecteur  général  et,  l'année  sui- 
vante, président  du  conseil  de  guerre.  Joseph  II  le  tenait  en 
haute  estime.  En  1788,  il  l'accompagna  dans  l'expédition 
contre  les  Turcs.  Mais  la  campagne  ne  fut  pas  heureuse. 
Lascy  tomba  malade  et  retourna  à  Vienne.  Cette  expédition 
fut  le  dernier  acte  de  sa  carrière  militaire.  L.  L. 

LASÈGUE  (Ernest-Charles),  médecin  français,  né  à 
Paris  le  5  déc.  4846,  mort  à  Paris  le  20  mars  4883. 
Docteur  en  médecine  en  4846,  chef  de  clinique  en  4852, 
agrégé  de  la  faculté  de  Paris  en  4853,  médecin  des  hôpi- 
taux en  4854,  il  fut  chargé  en  4862,  4865  et  4866  du 
cours  complémentaire  sur  les  maladies  mentales  et  du  ser- 
vice nerveux,  et  nommé  professeur  de  pathologie  et  de 
thérapeutique  générales  en  4867,  puis  professeur  de  cli- 
nique en  4870.  Lasègue,  un  des  plus  brillants  élèves  de 
Trousseau,  avait  avec  son  maître  bien  des  points  de  res- 
semblance. Il  a  été  l'un  des  derniers  représentants  de 
l'ancienne  médecine  classique  et  traditionnelle  qui  procède 
de  la  seule  observation  du  malade,  remettant  au  second 
plan  la  méthode  expérimentale.  Bien  qu'il  fût  lié  avec 
Claude  Bernard,  depuis  le  commencement  de  leurs  études, 
ce  dernier  n'a  jamais  pu  le  convaincre.  Lasègue  avait  toutes 
les  qualités  du  professeur  ;  il  était  érudit,  éloquent,  spiri- 
tuel ;  ses  leçons,  suivies  par  de  nombreux  élèves,  eurent 
un  grand  succès;  un  de  ses  meilleurs,  devenu  son  gendre, 
M.  Blum,  les  a  réunies  avec  ses  divers  mémoires  en  2  vol. 
(4884).  Elles  se  liront  toujours  avec  profit.  Il  avait  été 
nommé  membre  de  l'Académie  de  médecine  en  4876. 

LA  SELVE  (Edgar)  (V.  Selve  [La]). 

LA  S  EN  A  (Pietro),  savant  italien,  né  à  Naplesen  4590, 
mort  à  Rome  le  3  sept.  4636.  Il  était  d'origine  française 
(son  nom  véritable  était  La  Seine)  ;  il  embrassa  d'abord  la 
carrière  du  droit,  puis,  après  la  mort  de  son  père,  il  re- 
nonça aux  succès  qu'il  obtenait  au  barreau  pour  se  consa- 
crer entièrement  aux  études  philologiques.il  possédait  une 
immense  érudition,  mais,  comme  la  plupart  des  savants 
d'alors,  il  n'en  fit  pas  toujours  un  bon  usage.  Parvenu  à 
une  véritable  célébrité  grâce  aux  ouvrages  qu'il  avait  pu- 
bliés et  à  ceux  qu'il  gardait  en  manuscrit,  mais  dont  on  van- 
tait le  mérite,  il  fut  appelé  à  Rome  par  le  cardinal  Bar- 
berini  et  logé  au  Vatican  où  il  mourut.  On  a  de  lui  les 
ouvrages  suivants  :  Vergati  (mélanges  philologiques, 
Naples,  4646)  ;  Homeri  Nepenthes  seu  de  abolendo  luctu 
liber  (Lyon, '4  624)  ;  Cleombrotus  sive  de  iis  qui  in  aquis 
pereunt  (Rome,  4637);  DeW  Antico  Ginnasio  napole- 
tano  (Rome,  4644).  G.  Mazzoni. 

BiBL.  :  J.-J.  BuccARDO  (BoucHARDj,  Pétri  la  Sena  vita, 
1637.  —  Toppi,  Bibliotheca  napoletana.  —  Biografia  degli 
uomLni  illustri  del  Regno  di  Napoli,  t.  III. 

LA  SERNA  Y  Santander  (Charles-Antoine  de),  biblio- 
graphe français,  d'origine  espagnole,  né  à  Colindres  (Vieille- 
Castille)  le  4^^  févr.  4752,  mort  à  Bruxelles  le  23  nov.  4813. 
Fixé,  dès  4772,  dans  cette  dernière  ville  auprès  de  son  oncle 
maternel,  secrétaire  de  S.  M.  Catholique  et  bibliophile  émi- 


-  98o  - 


LA  SERNA  —  L4SI0PETALUM 


nent,  dont  il  devint  l'héritier.  Il  rédigea  alors  le  catalogue 
delà  bibliothèque  du  défunt  (1792,  4  vol.),  œuvre  de  va- 
leur, réimprimée  en  1803  (5  vol.).  Bibliothécaire  du  dép. 
de  la  Dyle  en  1797,  c'est  lui  qui  forma  la  bibliothèque 
de  Bruxelles,  avec  les  débris  de  celle  des  ducs  de  Bour- 
gogne, les  livres  des  abbayes  supprimées,  etc.,  et  il  en  fit 
connaître  l'histoire  {Mémoire,  1809).  En  dehors  de  plu- 
sieurs autres  travaux  de  ce  genre,  on  lui  doit  un  Diction- 
naire bibliographique  choisi  du  xv^  siècle  (Bruxelles, 
180o-7,  3  vol.  in-8),  précédé  d'un  essai  sur  l'origine 
de  rimprimerie  et  très  apprécié.  Le  baron  de  Reifïenberg 
lui  a  consacré  une  notice  détaillée  {le  Bibliophile  belge, 
1847).  G.  P-i. 

LASERPITIUM  {Laserpitium  L.)  (Bot.).  Genre  de 
plantes  de  lafamilledesOmbeUifèreset  du  groupe  des  Daucées 
«  dont  les  fleurs  ressemblent  beaucoup  à  cellesdes  carottes, 
à  sépales  ou  à  calice  peu  développés,  à  stylopodes  coniques 
ou  déprimés,  non  marginés  ou  à  peine  bordés  »  (Bâil- 
lon). Chaque  carpelle  présente  quatre  ailes,  formées  parles 
côtes  secondaires  ;  la  graine  est  comprimée  suivant  le  dos. 
Les  Laserpitium  sont  des  herbes  vivaces,  européennes  et 
asiatiques,  ou  nord-africaines  ;  leurs  feuilles  sont  pennées  ou 
subternées  et  décomposées,  leurs  fleurs  blanches  ou  jaune 
verdâtre.  Ce  sont  en  général  des  plantes  aromatiques 
amères,  et  l'on  a  employé  en  médecine  les  L.  Archange- 
lica  Jacq.,  espèce  de  la  Carniole  et  des  Karpates,  qui 
fournit  une  sorte  d'opopanax  stimulant  et  pectoral;  L.  Si- 
1er  L.  {Siler  montanum  Crantz,  Ligusticum  gargani- 
cumTm,)  ou  Laser  officinal  du  S.  de  l'Europe,  dont  la 
racine,  très  anière,  est  préconisée  comme  vulnéraire,  et 
les  graines  comme  toniques,  emménagogues  et  diurétiques. 
On  employait  de  même  le  L.  latifolium  L.  (L.  asperum 
Crantz),  espèce  des  bois  montueux  de  l'Europe,  connue 
sous  les  noms  vulgaires  de  Centaurée  blanche  et  de 
Turbith  de  montagne,  et  dont  la  racine  sert  dans  les 
campagnes  comme  purgative  sous  le  nom  de  racine  de  gen- 
tiane blanche,  puis  d'autres  espèces,  les  L.  gummiferum 
Dosfr.,  L,  pruthenicum  L.,  L.  galliciim  C.  Bauh.,  etc., 
qui  jouissent  des  mêmes  propriétés.  D^  L.  Hn. 

LASERRE(Pugetde)  (V.  Serre). 

LA  SERVE  (Râbinetde)  (V.  Serve). 

LASFAILLADES.Com.dudép.  du  Tarn,  arr.de  Castres, 
cant.  d'Angles  ;  220  hab. 

LASGRAISSES.  Corn,  du  dép.  du  Tarn,  arr.  de  Gaillac, 
cant.de  Cadaien;  527  hab.  La  seigneurie  du  village,  après 
avoir  appartenu  du  xiii^  au  xv®  siècle  à  la  famille  Pierre  de 
Brens,  était  au  xvii^  aux  mains  dos  marquis  de  Malauze. 
Dès  le  xiii®,  on  trouve  à  Lasgraisses  des  consuls  nommés  par 
le  seigneur  sur  une  liste  dressée  par  les  officiers  munici- 
paux sortants.  —  Eglise  moderne.  Château  de  Castela,  an- 
cienne résidence  du  marquis  de  Malauze  (xvi*^  siècle),  tour 
du  moyen  âge. 

BiBL.:  Rossignol,  Monographies  communales  du  Tarn, 
I,  126-134. 

LASICKI  ou  LASICI  US  (Jean),historienpolonais,  né  dans 
la  Grande-Pologne  en  1534,  mort  à  Zaslawie  en  1605.  Il 
exerça  les  fonctions  de  précepteur  dans  diverses  familles  et 
fut  chargé  par  Batory  de  missions  diplomatiques.  Il  a  écrit 
en  latin  un  certain  nombre  d'ouvrages  historiques  :  His- 
toria  de  Gressu  Polonorum  in  Valachia  cwn  Bog- 
dano  et  cutde  Turcarum  (imprimé  à  Francfort,  1578, 
dans  l'ouvrage  de  Gorecki,  Descriptio  belli  Ivoniœ,  plu- 
sieurs fois  réimprimé  et  traduit  en  polonais  par  Syrokomla); 
Clades  Dantiscorum  (Poznan,  1577,  et  Francfort,  1578); 
De  Russorum,  Moscovitarumet  Tartarorum  religione 
(Spire,  1582);  DeDiis  Samogitarum  cœterumque  Sar- 
matarum,  etc.,  etc.  Cet  ouvrage,  publié  d'abord  dans  le 
recueil  de  Michel  Lithuanus,  ÎJe  Moribus  Tartarorum 
(Bâle,  1615),  réimprimé  chez  EIzevier  (1626  et  1642),  a 
été  réédité  par  Mannhardt(avec  notes  de  Bielenstein  [Riga, 
1615J).  11  a  été  l'objet  de  nombreux  commentaires  (V.  no- 
tamment Mierzinski,  Lasicki  comme  historien  de  la 
mythologie  lithuanienne,  en  poL,  Cracovie,  1870)  et 


paraît  aujourd'hui  fort  suspect.  Lasicki  a  en  outre  écrit  en 
latin  l'histoire  des  frères  bohèmes  :  Historia  ecclesias- 
tica...  fratrum  Bohemarum  (publié  à  Amsterdam  par 
Komensky,  1640  et  iù66).  L.  L. 

LA  SICOTIÈRE  (Duchesne  de)  (V.  Sicotière  [La]). 

LASINIO  (Carlo,  comte),  graveur  à  l'eau-forte  et  au 
burin  italien,  né  à  Trévise  en  1757,  mort  à  Pise  en  1839. 
Il  a  gravé  nombre  de  belles  planches  pour  le  grand  ouvrage 
consacré  à  l'histoire  de  la  peinture  florentine  :  Etruria 
pittrice  (1791-95,  2  vol.  gr.  in-fol.);  d'autres  estampes 
d'après  Giotto,  Orcagna,  Ghirlandajo,  et  surtout  Benozzo 
Gozzoli,  et  des  portraits. 

Son  fils,  Giovanni-Paolo,  né  en  1796,  mort  en  1855, 
exécuta  des  planches  pour  plusieurs  publications  :  la 
Galerie  de  Turifi,  le  Musée  de  Bourbon  de  Naples,  la 
Metropolitana  fiorentina  (1820),  la  Galleria  Riccar- 
diana  (1822-24),  etc. 

LASINIO  (Fausto),  orientaliste  contemporain,  ne  à  Flo- 
rence le  1^'^  déc.  1831.  11  étudia  l'hébreu  et  le  syriaque 
dans  cette  ville  et  fut  envoyé  en  1855  à  Rome  par  le  gou- 
vernement de  Toscane  pour  y  continuer  ses  études.  Il 
apprit  l'arabe,  devint  professeur  d'arabe  à  l'Institut  des 
études  supérieures  de  Florence  et  publia  dès  lors  une  série 
d'ouvrages  et  d'articles,  parmi  lesquels  :  //  Commenta  me- 
dîco  di  Averroe  alla  Rettorica  di  Aristotile,  texte  arabe 
(Florence,  1860);  Il  Commenta  medico  di  Averroe  alla 
poetica  di  Aristotile,  texte  arabe  et  hébreu  et  traduction  ita- 
lienne (Florence,  1860)  ;  Prolusione  al  corso  straordinario 
di  conferenze  sopra  il  testa  ebraico  del  libro  di  Isaia 
(Florence,  1862);  Come  gli  studii  orient ali  possano 
aiutare  l'opéra  del  vocabolario  (Florence,  1877)  ;  /  Co- 
dici  orientali  délie  bibliotheche  italiane  (Florence, 
1880).  Enfin,  M.  Lasinio  est  Fauteur  de  quelques  travaux 
d'étymologie  italienne,  tels  que  :  Délie  Voci  italiane  di 
origine  orientale  [Florence,  1886);  Di  Alcune  Voci  ita- 
liane crédule  di  origine  orientale  (Florence,  1879).    , 

LASIOCAMPE  (Entom.).  Genre  d'Insectes  Lépidoptères, 
sous-ordre  des  Bombycines,  famille  des  Bombycidés,  ren- 
fermant de  gros  et  lourds  papillons  vulgairement  nommés 
Bombyx  feuilles  mortes,  à  cause  de  la  couleur  rouillée  et 
des  dentelures  de  leurs  ailes.  Leurs  chenilles,  de  mœurs 
nocturnes,  pubescentes  sur  le  dos,  très  poilues  sur  les  flancs, 
plates  en-dessous,  se  dissimulent  le  long  des  branches  où 
elles  passent  l'hiver,  même  par  les  températures  les  plus 
rigoureuses.  Nombreuses  espèces  répandues  surtout  dans 
la  région  paléarctique.  Lasiocampe  du  prunier  {Lasiocampa 
pruni),  65  centim.  d'envergure  ;  fauve  rougeâtre  avec  une 
ligne  noire  et  un  point  blanc  sur  l'aile  supérieure,  rare; 
L.  quercifolia,  plus  grand,  roux  ferrugineux  avec  une 
pruinosité  violette  à  l'extrémité  des  ailes;  assez  commun  ; 
la  chenille  vit  sur  les  arbres  fruitiers.  Le  Lasiocampa 
otus  de  la  région  circaraéditerranéenne  est  le  Bombyx  dit 
de  Vile  de  Cos  qui  fournissait  une  soie  dans  l'antiquité  ; 
la  Chenille  file  son  cocon  sur  les  cyprès,  les  térébinlhes, 
les  frênes  et  les  chênes.  M.  M. 

LAS  10 NEW! A  {Lasionema  Don)  (Bot.).  Genre  de  Rubia- 
cées-Cinchonées  qui  se  confond  avec  les  Macrocnemum 
(V.  ce  mot). 

LASIONYCTERIS  (Paléont.)  (V.  Vespertilion). 

LASIOPETALUM  (Bot.).  Genre  de  Malvacées  qui  a  donné 
son  nom  au  groupe  de  Lasiopétalées,  caractérisé  par  les 
fleurs  hermaphrodites,  pentamères,  à  calice  bien  développé,  à 
corolle  peu  visible  ou  nulle,  avec  cinq  étamines  oppositi- 
pétales  et  autant  de  staminodes  alternes,  par  l'ovaire  à 
3-5  loges  renfermant  chacune  deux  ovules  ascendants  colla- 
téraux ou 2  séries  verticales  d'ovules,  enfin  par  le  fruit  sec, 
capsulaire,  loculicide.  Les  Lasiopetalum  sont  des  arbustes 
australiens,  couverts  de  poils  étoiles,  à  feuilles  alternes, 
entières,  stipulées,  à  cymes  pauciflores  souvent  disposées 
en  grappes.  On  en  connaît  une  vingtaine  d'espèces.  Ce 
genre  était  plus  compréhensif  ;  on  en  a  détaché  plusieurs 
genres  secondaires,  tels  que  :  Guichenotia,  Lysioselum , 


LASÏOPETALUM  —  LASKÏ 


-  986 


Thomasia^  Seringia,  Keraudrenia,  etc.,  qui  n'en  dif- 
fèrent que  par  des  caractères  peu  importants.     D''  L.  Hn. 

LâSIOPTERA  (Lasioptera  Meig.)  (Entom.).  Genre  de 
Diptères,  de  la  famille  desCécidomyida^,  caractérisé  par  le 
premier  article  des  tarses  plus  court  que  les  suivants,  les 
deux  nervures  très  rapprochées  du  bord  de  l'aile  et  presque 
confondues,  et  la  trompe  courte.  Ces  Insectes  forment  sur 
les  pousses  du  genévrier,  des  ronces,  etc.,  des  galloides 
souvent  triquètres.  Les  espèces  principales  sont  :  L. 
juîiiperina  deg.  et  L.  rubi  Meig.  {Cecidomyia  rubi 
Schrank). 

LASIUROIVIYS(Zool.)  (V.Echimis). 

LASl  US  (Entom.).  Genre  d'Insectes  Hyménoptères  Porte- 
Aiguillons  fondé  en  1804  par  Fabricius  pour  des  Fourmis 
ainsi  caractérisées  :  fossettes  clypéales  confondues  avec  les 
antennaires  ;  épistome  convexe,  en  forme  de  trapèze  ;  palpes 
maxillaires  de  six  articles,  labiaux  de  quatre  ;  abdomen 
large  ne  s'avançant  pas  au-dessus  de  l'écaillé.  Les  Lasius 
sont  de  taille  petite  ou  moyenne  et  de  couleurs  sombres  ; 
on  en  connaît  environ  vingt  espèces  dont  la  plus  grande 
partie  habite  l'Europe  et  l'Amérique  du  Nord.  Leurs  mœurs 
ne  sont  pas  les  mêmes  chez  toutes  les  espèces,  mais  leurs 
larves  se  métamorphosent  toujours  dans  un  cocon.  A  ce 
genre  appartiennent  la  fourmi  fuligineuse  {Lasius  fiili- 
ginosus  Latr.)  qui  fait  ses  nids  dans  les  bois  avec  une 
sorte  de  carton  ligneux  et  qui  recherche  les  Pucerons  du 
chêne  ;  la  Fourmi  noire  {Lasius  niger  Linn.)  aussi  com- 
mune dans  les  bois  et  qui  fait  ses  nids  dans  les  vieux  arbres, 
sous  les  pierres  ou  en  terre  à  forme  de  dôme  maçonné.  Le 
Lasius  emarginatus  pénètre  souvent  dans  les  maisons  où 
il  pille  les  provisions  ;  il  répand  une  odeur  musquée  par- 
ticulière. M.  M. 

LASK.  Ville  de  Pologne,  chef-heu  de  district  du  gouv. 
de  Piotrkow,  sur  la  Nevolka;  6,000  hab.  Filatures. 

LASKARS.  Matelots  ou  canonniers  indiens;  ài'oxiLaskar^ 
corps  des  troupes  coloniales  anglo-britanniques  composé 
d'infanterie,  d'artillerie  et  de  cavalerie,  fort  de 278  hommes, 
à  Ceylan  et  Hong-Kong.  Ce  mot  est  devenu  en  France  un 
nom  commun  et  désigne  les  matelots  dans  la  conversation 
familière.  R.  B. 

LASKER  (Eduard),  homme  politique  allemand,  né  à 
Jarotschin  (province  de  Posen,  Prusse)  le  4  4  oct.  4829, 
mort  à  New  York  le  5  janv.  4884.  Né  de  parents  juifs,  il 
étudia  à  partir  de  4847  les  mathématiques  et  le  droit  à 
Breslau  et  à  Berlin.  Il  passa  trois  ans  en  Angleterre,  revint 
en  Allemagne  en  d856  et,  après  avoir  avancé  régulière- 
.  ment  dans  la  carrière  judiciaire,  il  fut  nommé  en  4865 
à  la  Chambre  des  députés  {Abgeordnetenhaus)  par  la 
quatrième  circonscription  électorale  de  Berlin,  à  la  suite 
de  plusieurs  articles  remarqués  qu'il  avait  publiés,  de  4864 
à  4864,  dans  les  Deutsche  Jahrbilcher  d'Oppenheim.  Il 
prit  place  dans  le  parti  progressiste  {Fortschrittspartei)^ 
où  son  talent  oratoire  lui  assura  bientôt  un  des  premiers 
rangs.  Il  se  distingua  par  la  manière  dont  il  traitait  les 
questions  constitutionnelles.  En  4866,  il  fut  un  des  fon- 
dateurs et  depuis  l'un  des  chefs  du  parti  national-hbé- 
ral,  d'une  part  dans  la  Chambre  des  députés,  où  il  repré- 
senta Magdebourg  de  4868  à  4874,  Francfort-sur-le-Main 
de  4874 à  4879,  et  d'autre  part,  dans  le  Reichstag,  où  il 
représenta  la  deuxième  circonscription  électorale  de  Mei- 
ningen.  Il  prit  part  aux  lois  qui  organisèrent  l'adminis- 
tration allemande  et  prussienne,  spécialement  aux  lois  ju- 
diciaires. Il  défendit  avec  la  même  ardeur  la  cause  de 
l'unité  nationale  et  celle  de  la  liberté  constitutionnelle. 
Son  discours  du  7  févr.  4873  sur  les  tripotages  financiers 
émut  vivement  l'opinion.  vSon  influence  diminua  dans  son 
parti  à  la  suite  des  attaques  violentes  que  Bismarck  diri- 
gea contre  lui  à  cause  de  sa  politique  d'opposition  ;  il  ne 
fut  pas  réélu  à  Francfort  le  7  oct.  4879;  il  se  sépara  en 
mars  4880  du  parti  national-libéral  avec  la  majorité  du- 
quel il  était  en  désaccord  sur  plusieurs  points  :  réformes 
financières,  loi  sur  les  socialistes,  etc.  Déjà  souffrant  depuis 
quelque  temps^  il  entreprit  en  4883  un  voyage  aux  Etats- 


Unis,  pendant  lequel  il  mourut.  Citons  parmi  ses  ouvrages  : 
Zur  Geschichte  der  parlamentarischen  Entivickelang 
Preussens  {hà^Lig,  4873);  Zur  Verfassungsgeschichte 
Preussens  (Leipzig,  4874)  ;  Die  Zulamft  dés  Deutschen 
Pieichs  {Leipzig,  4877);  Wege  und  Ziele  der  Kultur- 
entwickelung  (Leipzig,  4884).  R.  Berthelot. 

LAS  KL  Nom  d'une  puissante  famille  polonaise  du 
xvi'^  siècle,  originaire  de  la  ville  de  Lask  (V.  ci-dessus). 
Les  principaux  membres  de  cette  famille  sont  :  Jean, 
grand  chancelier  de  Pologne,  archevêque  de  Gniezno  et 
primat  du  royaume,  né  à  Lask  en  4456,  mort  à  Kalisz 
en  4534.  Il  commença  sa  carrière  en  4502  sous  le  règne 
du  roi  Alexandre  qui  le  nomma  d'abord  grand  secrétaire 
de  la  couronne  et  ensuite  grand  chancelier.  Sur  l'ordre  du 
roi,  Laski  publia  à  Cracovie  en  4506  un  recueil  des  lois, 
édits  et  ordonnances  royales  sous  le  titre  :  Commune  in- 
clyti  Uegni  Poloniœ  privilegium.  Ce  recueil  célèbre  n'a 
jamais  eu  un  caractère  officiel,  mais  il  a  servi  de  base  à 
tous  les  travaux  analogues  postérieurs.  En  outre,  Laski  a 
publié  les  Statuta  provinciœ  Gnesnensis  et  autres  tra- 
vaux très  importants  pour  l'histoire  ecclésiastique  et  le 
droit  canon  en  Pologne  ;  c'est  sur  son  ordre  enfin  que 
l'archidiacre  de  Gniezno,  Matthias  Skotnicki,  écrivit  une 
description  très  détaillée  de  toutes  les  églises  du  diocèse  de 
Gniezno,  sous  le  titre  :  Liber  Beneficiorum  archidiœcesis 
Gnesnensis,  Comme  homme  politique,  Laski  est  un  des 
meilleurs  diplomates  de  son  temps.  Les  talents  diploma- 
tiques sont  d'ailleurs  l'apanage  de  toute  cette  famille  qui 
remplit  de  son  histoire  le  xvi^  siècle.  Il  fut  l'àme  de  l'ac- 
tion politique  contre  l'Ordre  teutonique,  défendu  par  l'em- 
pereur Maximilien  P^  ;  il  proposait  de  poloniser  l'Ordre  et 
de  le  transférer  en  Podolie,  mais  ce  plan  ne  fut  pas  agréé 
par  le  roi  Sigismond  P'*.  Comme  évêque,  Laski  appartient 
aux  personnages  lesplus  marquants  de  l'épiscopat  polonais. 

Jérôme,  neveu  du  précédent,  palatin  de  Siradie  (Sieradz), 
célèbre  diplomate  polonais  au  service  du  roi  Sigismond  P^ 
et  du  roi  Jean  Zapolya  de  Hongrie,  né  ie  27  sept.  4496, 
mort  le  22  déc.  4541.  Au  commencement  de  sa  carrière, 
il  ne  fut  que  l'exécuteur  des  plans  de  son  oncle,  le  primat 
Jean  ;  mais  bientôt  il  le  dépassa  comme  homme  politique. 
H  entreprit  les  premières  négociations  avec  François  P^  de 
France,  lorsque  l'alliance  entre  la  Pologne  et  la  maison  de 
Habsbourg  conclue  au  congrès  de  Vienne  4515  ne  répon- 
dait plus  aux  intérêts  de  Sigismond  P^  Laski,  au  nom  de 
son  roi,  favorisa  beaucoup  la  candidature  de  François  P^' 
au  trône  impérial  contre  Charles-Quint.  Ses  deux  ambas- 
sades en  4549  et  4523  en  France  aboutirent  aux  traités 
de  4524;  on  proposait  deux  mariages  entre  les  familles 
royales  ;  cette  alliance  avait  pour  but  de  donner  un  con- 
trepoids à  la  prépondérance  des  deux  couronnes,  impé- 
riale et  espagnole,  réunies  sur  la  tête  de  Charles-Quint. 
Laski  représentait  aussi  à  la  cour  de  France  les  intérêts  de 
la  Hongrie.  Après  la  défaite  de  Mohacs  (4526),  Laski  fit 
son  premier  voyage  à  Conslantinople.  Cette  ambassade  fut 
couronnée  du  succès,  Laski  conclut  un  traité  entre  Soli- 
man P^',  la  Pologne  et  le  roi  de  Hongrie,  Jean  Zapolya, 
contre  Ferdinand  d'Autriche.  C'est  encore  lui  qui  déclarait 
la  guerre  en  4528  à  Ferdinand.  Révoqué  en  Pologne,  il 
envoya  des  troupes  auxiliaires  à  Jean  Zapolya  et  s'efforça 
d'impliquer  la  Pologne  dans  une  guerre  active  contre  l'Au- 
triche. Après  la  prise  de  Bude,  Laski,  brouillé  avec  le  gou- 
vernement de  son  pays,  entre  définitivement  au  service  du 
roi  hongrois.  Ses  nombreuses  ambassades  à  Conslantinople, 
en  France,  chez  les  princes  allemands  et  en  Angleterre,  son 
activité  infatigable  et  son  esprit  éminemment  politique  dé- 
cidèrent le  roi  Ferdinand  P^  (nommé  auparavant  prince 
palatin  de  Transylvanie)  à  l'attacher  à  son  service.  Laski, 
dont  l'action  remplit  toute  l'histoire  du  rattachement  de  la 
Hongrie  à  la  maison  d'Autriche,  meurt  retiré  en  Pologne 
après  une  vie  mouvementée  dont  l'histoire  nous  offre  peu 
d'exemples.  Il  représente  le  type  rare  et  curieux  du  diplo- 
mate-condottiere. 

Stanislas  Laski,  né  en  4500,  mort  le  43  avr.  4549, 


987  ^ 


LASKl  —  LASPEYRES 


guerrier,  diplomate  et  écrivain  distingué,  frère  du  précé- 
dent, après  la  mort  de  celui-ci,  palatin  de  Siradie.  Il 
accompagna  son  frère  Jérôme  en  France  en  1524,  resta 
à  la  cour  de  François  P^',  fit  la  campagne  d'Italie  avec  le 
roi,  aux  côtés  duquel  il  fut  fait  prisonnier  à  la  bataille  de 
Pavie  (1525).  De  retour  en  France  avec  le  roi  après  le 
traité  de  Madrid,  il  fut  envoyé  par  François  P^'  en  Hongrie 
en  mission  secrète.  En  1527,  il  retourne  en  France,  accom- 
pagne l'ambassadeur  français,  en  Pologne,  en  1527.  L'année 
suivante,  nous  le  voyons  combattre  encore  à  côté  des  Fran- 
çais en  Italie  sous  les  ordres  de  Lautrec.  Guerrier  accompli, 
ayant  fini  en  1530  en  Hongrie  sa  carrière  militaire,  il  se 
retire  en  Pologne,  où  il  compose  ses  livres  Sur  V Art  mi- 
litaire. Envoyé  deux  fois  par  le  roi  Sigismond  P^'  en  mis- 
sions diplomatiques  à  l'électeur  Joacliim  de  Brandebourg  et 
à  Charles-Quint,  sa  deuxième  mission  ne  donna  pas  le 
succès  qu'on  en  attendait. 

Jecm  Laski ,  frère  des  précédents ,  né  à  Lask  en 
1491),  mort  à  Pinczow  le  8  janv.  1560,  célèbre  réfor- 
mateur polonais.  Il  consacra  ses  premières  années  aux 
études  en  Italie,  aux  voyages  et  aux  missions  diploma- 
tiques et  se  lia  d'amitié  avec  Erasme.  Jean  Laski,  qui 
était  déjà  possesseur  de  quelques  bénéfices  ecclésiastiques, 
renonça  en  1540  à  la  carrière  brillante  qui  l'attendait 
dans  l'Eglise,  se  maria  et  embrassa  la  doctrine  réformée. 
C'est  probablement  son  séjour  prolongé  à  Bàle  chez  Erasme, 
son  commerce  avec  OEcolampade,  Zwingli  et  autres  som- 
mités de  la  réforme  religieuse,  ses  relations  suivies  avec 
Melanchthon  et  ses  amis,  ainsi  que  son  amitié  avec  un 
grand  nombre  d'humanistes  allemands  (BeatusRhenanus, 
Glareanus,  Amerbach,  etc.),  qui  l'inclinèrent  du  côté  de 
la  Réforme.  Il  épousa  la  fille  d'un  modeste  bourgeois  de 
Louvain  et,  comme  le  clergé  conçut  quelques  soupçons,  il 
s'en  alla  en  Frise  orientale.  Après  la  nouvelle  de  son  ma- 
riage, Laski  fut  excommunié  en  Pologne  et  ses  bénéfices 
déclarés  vacants,  mais  ses  frères  réussirent  à  faire  annuler 
le  décret,  Laski  ayant  déclaré  qu'il  ne  reniait  aucun  dogme 
catholique.  Revenu  à  Emden  (Frise),  Laski  rompt  défini- 
tivement avec  l'Eglise  et  organise  là,  comme  superintendant 
des  églises  protestantes,  une  nouvelle  Eglise  à  sa  manière. 
Sa  doctrine  est  éclectique  ;  il  rejette  la  prédestination  de 
Calvin  tout  en  acceptant  la  base  de  ses  dogmes  ;  à  Zwingli, 
il  emprunte  la  base  de  la  doctrine  de  l'Eucharistie.  Au 
point  de  vue  pratique,  il  organise  une  hiérarchie  ecclésias- 
tique et  vise  à  réformer  les  mœurs  et  l'organisation  de 
FEglise.  Il  publie  un  catéchisme  et  fait  accepter  par  le  gou- 
vernement de  la  Frise  son  système  de  l'enseignement  reli- 
gieux du  peuple.  Appelé  par  Cranmer,  l'archevêque  de 
Canterbury,  il  organise  à  Londres  son  Ecclesia  peregri- 
norum;  c'est  à  son  influence,  paraît-il,  qu'il  faut  attribuer 
la  nuance  calviniste  de  l'Eglise  anglaise  d'alors.  L'action 
réformatrice  de  Jean  Laski  en  Angleterre  prit  fin  à  l'avè- 
nement au  trône  de  la  reine  Mario.  L'«  Eglise  des  étran- 
gers »,  création  de  Laski,  fut  dispersée,  lui-même  devait 
s'enfuir  et  chercher  vainement  l'hospitalité  à  la  cour  luthé- 
rienne de  Danemark.  Pendant  quelques  années,  il  resta  en 
Frise,  mais  bientôt  chassé  de  là,  sans  pouvoir  se  trouver 
un  lieu  sûr,  il  pense  au  retour  en  Pologne.  Quelques  mem- 
bres de  la  haute  noblesse  polonaise  appartenant  aux  nou- 
velles doctrines  religieuses  l'invitaient  à  revenir,  pour 
organiser  FEglise  réformée  de  Pologne.  Les  exhortations  de 
Calvin  ne  manquant  pas  non  plus,  Laski  se  décida  enfin  à 
retourner  dans  sa  patrie  vers  la  fin  de  1556.  Les  quatre 
dernières  années  de  sa  vie  furent  consacrées  à  l'unification 
de  différentes  confessions  protestantes  en  Pologne  ;  mais 
Laski  n'y  réussit  point.  Il  a  publié  de  nombreux  écrits 
exégétiques  et  polémiques  ;  ses  lettres  et  ses  œuvres  iné- 
dites ont  été  dernièrement  publiées  par  Kuyper  (V.  ci- 
dessous  Bibliogr.). 

Albert  Laski,  fils  de  Jérôme,  palatin  de  Siradie,  né  en 
1533,  mort  en  1605,  guerrier  et  diplomate  polonais.  Connu 
surtout  par  son  expédition  contre  Alexandre,  hospodar  de 
Moldavie,  en  faveur  d'un  aventurier,  Jacques  Heraclides  Ba- 


silicos,  duc  de  Samos,  en  1557.  Il  appartenait  en  1573  au 
brillant  cortège  des  seigneurs  polonais  qui  invitèrent  Henri 
de  Valois  au  trône  de  Pologne.  J.  Korzeniowski. 

BiBL.  :  Nous  citons  seulement  les  ouvrages  récents  sur 
les  différents  membres  de  cette  famille  :  Zakrzewski,  la 
Famille  des  Laski  au  xvi«  siècle;  Atencum,  1882  et  1883 
(en  polon.).  —  Korytkowski,  Jean  Laski,  archevêque  de 
Gniezno  ;  Gniezno,  1880  (en  polon.).  —  Hirsciiberg,  Hie- 
ronim  Laski;  Lwow,  1888  (en  polon.).  —  Malinowski,  les 
Travaux  scientifiques  et  diplomatiques  de  Stanislas  Lashi; 
Wilno,  1864  (en  polon.).  —  Ku  vper,  Joannis  a  Lasco  opéra  ; 
Amsterdam,  1866,  2  vol.—  Walewski,  Jean  Lashi^ réfor- 
mateur; Varsovie,  1872  (en  polon.).  — -  Dalton,  Johannes  a 
Lasco  ;  Gotha,  1881  (en  allem.).  —  Pascal,  Jean  de  Lasco  ; 
Paris,  1894.—  Kraushar,  Olbracht Laski ;YarsoYie^  2  vol. 

LASKOVSKY  (Ivan-Fedorovitch),  musicien  russe,  né  en 
1799,  mort  en  1855.  H  ne  reçut  pas  d'éducation  musicale; 
il  a  écrit  pour  le  piano  environ  soixante-dix  compositions 
ou  il  s'inspire  de  Glinka,  de  Chopin  et  de  Mendelssohn. 
Los  plus  estimées  sont  :  Berceuse^  Kinder lied^  le  Conte  de 
la  vieille.  Laskovsky  était  attaché  au  ministère  de  la  guerre 
de  Saint-Pétersbourg. 

LAS  KO WS  Kl  (Sigismond-Ladislas),  médecin  polonais, 
né  à  Varsovie  le  19  janv.  1841.  Il  était  étudiant  à  l'Aca- 
démie de  sa  ville  natale  lorsque  l'insurrection  de  1863  le 
vit  sur  les  champs  de  bataille  au  rang  des  patriotes.  Empri- 
sonné dans  la  forteresse  de  Varsovie,  il  réussit  à  s'échapper. 
Il  se  réfugia  à  Paris  et  en  Angleterre  et  devint  en  1867 
docteur  en  médecine  de  la  faculté  de  Paris.  Voué  à  l'ana- 
tomie,  il  professe  à  Paris  dès  1869,  reçoit  la  grande  na- 
turalisation pour  ses  services  aux  ambulances  pendant  la 
guerre  et  la  Commune  et  part  en  1876  pour  Genève  où  il 
est  appelé  à  la  chaire  d'atiatomie  de  l'université  de  cette 
ville.  11  y  enseigne  encore  et  a  beaucoup  fait  pour  le  déve- 
loppement de  la  nouvelle  faculté  de  médecine  qui  compte  au- 
jourd'hui (1895)  plus  de  deux  cents  étudiants.  M.  Laskowski 
est  connu  pour  sa  découverte  d'un  liquide  spécial  per- 
mettant la  conservation  des  cadavres  et  des  pièces  anato- 
miques.  On  lui  doit  aussi  un  Atlas  anatomiqiie  remar- 
quable et  un  certain  nombre  de  mémoires.     E.  Kujine. 

LASLADES.  Corn,  da  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  de 
Tarbes,  cant.  de  Pouyastruc;  3-22  hab. 

LAS  NE  (Michel),  dessinateur  et  graveur  français,  né  à 
Cacn  vers  1595,  mort  à  Paris  le  4  déc.  1667.  Elève  pré- 
sumé de  L.  Gaultier,  et  aussi  des  burinistes  flamands  à 
Anvers,  il  fut  avant  tout  un  excellent  graveur  de  portraits 
et  occupe  à  cet  égard  une  belle  place  dans  l'Ecole  fran- 
çaise. Il  en  exécuta  environ  deux  cents,  parmi  lesquels  on 
doit  en  citer  plusieurs  d'/l?^?^<9  lV Autriche^  de  Louis  X/F, 
du  Grand  Condé,  du  Cardinal  de  Richelieu  (6  portr.), 
de  P.  Corneille  ;  puis  ceux  de  Callot,  du  Cardiîial  de 
Retz,  de  l'iconophile  Jabach,  du  fameux  Père  Joseph^  le 
confident  de  Richelieu,  de  Mazarin,  etc.  On  lui  doit  en- 
core plusieurs  belles  estampes  d'après  Simon  Vouet,  Rii- 
bens,  etc.,  et  une  trentaine  de  sujets  de  genre,  d'après 
Abr.  Bosse.  Très  bon  dessinateur,  buriniste  des  plus  habiles, 
artiste  dans  l'âme,  on  un  mot,  il  pèche  souvent  par  la  sé- 
cheresse et  tombe  même  dans  la  négligence.  Apprécié  par 
Louis  XIV,  qui  lui  donna  le  titre  de  son  graveur  ordinaire, 
Lasne  fut  le  premier  parmi  les  artistes  de  sa  profession 
qui  ait  été  logé  au  Louvre.  G.  P-i. 

LASO  (V.  Garcilaso  et  Lasso). 

LA  SOURCE  (M.-D.-A.)  (V.  Source  [La]). 

LASPEYRES  (Ernst-Adolf-Theodor),  canoniste,  né  à 
Berlin  en  1800,  mort  en  1869.  OEuvres  principales  : 
Bernardi  Papiensis  Favent.  episcopi  siimma  decreta- 
lium  (Ratisbonne,  1860);  Gescfiichie  und  heutige  Ver- 
fassimg  der  Kath.  Kirche  Preussens  (Halle,  1840). 

LASPEYRES  (Etienne),  économiste  et  statisticien  alle- 
mand, né  à  Halle  le  28  nov.  1834.  Professeur  en  1864  à 
Bàle,  en  1866  à  Riga,  en  1869  à  Dorpat,  en  1873  à 
Karlsruhe,  en  1874  à  Giessen.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  Die  Wechselbeziehungen  zwischen  der  Volksver- 
mehrung  und  der  Hœhe  des  Arbeitslohns  (Heidelberg, 
1860);  Geschiehte  der  volkswirthschafllichen  Anschau- 
ungen  der  Niederlœ?ider  und  ihrer  Litteratur  zur  Zeit 


LASPEYRES  —  LASSALLE 


—  988 


der  Republik  (Leipzig,  4863);  Liebigs  Théorie  der  Bode- 
nerschœpfung  ,vom  nationalœkonomischeii  Standpunkt 
aus  beleuôhtet  {R\%2i,  1869);  Der  Einfluss  der  Wohîi- 
ungen  auf  die  Sittlichkeit  (Berlin,  1869);  Die  Kathe- 
dersozialisten  uud  die  statisiischen  Kongresse  (Berlin, 
■1875);  Das  Aller  der  Deutschen  Professoren  (Berlin, 
1876).  R.  B. 

LASPEYRES  (Hugo),  minéralogiste  allemand,  né  à 
Halle  le  3  juil.  1836,  frère  du  précédent.  Rentra  en  1856 
dans  l'administration  des  mines,  la  quitta  en  1864  pour  se 
consacrer  à  la  science,  fut  élève  de  Bunsen  à  Heidelberg, 
enseigna  à  Berlin  à  partir  de  1867,  puis  à  Aix-la-Chapelle 
à  partir  de  1870,  à  Kiel  à  partir  de  1884,  à  Bonn  à  par- 
tir de  1886.  R  a  étudié  un  grand  nombre  de  minéraux  au 
point  de  vue  chimique  et  cristallographique.  Citons  parmi 
ses  travaux  sa  carte  d'une  partie  de  la  province  de  Saxe, 
sa  carte  de  la  région  minière  de  la  Saar  et  du  Rhin  (Ber- 
lin, 1868)  et  sa  Beognostische  Darstellwig  des  Stein- 
kohlengebirges  und  Botliegenden  von  Halle  (Berlin, 
1875).  R.  B. 

LASSAI GNE  (Jean-Louis),  chimiste  français,  né  à  Paris 
le  22  sept.  1800,  mort  à  Paris  le  18  mars  1859.  R  tra- 
vailla d'abord  dans  le  laboratoire  de  Vauquelin,  fut  nommé 
en  1828  professeur  de  chimie  à  l'Ecole  vétérinaire  d'Al- 
fort  et  conserva  cette  chaire  jusqu'en  1854.  R  était  en  der- 
nier lieu  expert-chimiste  du  tribunal  de  la  Seine.  On  lui 
doit  de  très  importants  travaux  qui  ont  porté  à  la  fois  sur 
la  chimie  pure,  la  chimie  minérale,  la  chimie  industrielle, 
la  chimie  animale,  la  chimie  légale,  et  qui  ont  abouti  à  de 
nombreuses  découvertes.  Il  a  notamment  trouvé  ou  étudié 
l'un  des  premiers  la  delphine  (avec  Feneulle) ,  la  cathartine 
(avec  le  même),  i'éther  phosphorique,  l'acide  pyrocitrique, 
les  acides  pyrogénés  de  l'acide  malique,  s'est  beaucoup 
occupé  des  sels  de  chrome,  des  composés  de  l'iode,  dont  il 
a  indiqué  diverses  propriétés  nouvelles,  et  imaginé  d'ingé- 
nieux procédés  pour  la  carbonisation  des  matières  orga- 
niques en  vue  de  la  recherche  des  substances  toxiques, 
pour  la  confection  de  l'émail  des  poteries,  etc.  Il  a  écrit, 
outre  un  Abrégé  de  chimie  inorganique  et  organique 
(Paris,  1829,  2  vol.  in-8,  1846),  et  un  Dictionnaire  des 
réactifs  chimiques  (Paris,  1839,  in-8),  une  centaine  de 
mémoires  originaux  qui  ont  paru  dans  les  Annales  de 
chimie  et  de  physique  (1818-49),  dans  les  Comptes  ren- 
dus de  V Académie  des  sciences  (1839-56),  etc.    L.  S. 

BiBL.  :  Pour  les  titres  des  mémoires  de  Lassaigne,  V. 
le  CsLlalogue  ofscientificpapersde  la  Soc.  roy.de  Londres, 
t.  III,  et  le  Biogr.-liter.  Handcooerterbuch  de'Poggendori'f, 

LASSALES.  Corn,  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr.  de 
Bagnères-de-Bigorre,cant.  deCastelnau-Magnoac;  141  hab. 

IaSSALLE  (Emile),  lithographe  français,  né  à  Bordeaux 
le  30  déc.  1813,  mort  à  Paris  le  2  févr,  1877.  Il  apprit 
le  dessin  dans  sa  ville  natale,  en  suivant  les  leçons  de  Pierre 
Lacour,  puis,  étant  venu  à  Paris,  il  se  spécialisa  dans  la 
lithographie  et  travailla  pour  diverses  pubhcations  illus- 
trées. Il  débuta  au  Salon  en  1834.  Son  œuvre  se  compose 
surtout  de  reproductions  de  tableaux  contemporains,  tels 
que  la  Pèlerine,  de  Lehmann;  Dante  et  Virgile^  d'Eug. 
Delacroix  ;  la  Source,  d'Ingres,  etc. 

LASSALLE  (Ferdinand),  célèbre  sociahste  allemand,  né 
à  Breslau  le  11  avr.  1825,  mort  le  31  août  1864.  Rétait 
fils  d'un  riche  négociant  en  soie  Israélite,  Lassai  (il  ne 
donna  à  son  nom  la  forme  Lassalle  qu'après  un  séjour  à 
Paris  en  1846).  Son  père  le  destinait  au  commerce  et  l'en- 
voya à  l'école  de  commerce  de  Leipzig.  Mais  Lassalle  vou- 
lait se  consacrer  à  la  science.  Au  bout  de  deux  ans,  il  quitta 
secrètement  Leipzig  (été  1841),  passa  V Abiturientenexa- 
men  qui  répond  au  baccalauréat  français,  et  obtint  de  son 
père  l'autorisation  d'étudier  aux  universités  de  Breslau  et 
de  Berlin  la  philosophie,  la  philologie  et  l'archéologie.  Sa 
brillante  intelligence  attira  suriui  l'attention  de  ses  maîtres 
et  il  se  lia  de  bonne  heure  avec  des  savants  célèbres,  comme 
Bœckh  et  Alexandre  de  Humboldt.  Heine,  dont  il  fit  en 
1846  la  connaissance  à  Paris,  n'admira  pas  moins  son  éner- 


gie. Lassalle  devint  un  disciple  enthousiaste  de  la  philoso- 
phie hégéUenne.  Il  était  encore  à  l'université  qu'il  préparait 
déjà  un  ouvrage  sur  le  philosophe  grec  Heraclite.  Mais  ses 
études  furent  interrompues  pendant  l'hiver  de  1844-45. 
Il  fit  alors  à  Berlin  la  connaissance  de  la  comtesse  Sophie 
Hatzfeldt.  La  comtesse,  âgée  de  quarante  ans,  était  encore 
belle.  Elle  se  trouvait  dans  une  situation  pénible.  On  l'avait 
mariée  à  seize  ans,  pour  des  raisons  de  convenance,  au 
comte  Edmond  de  Hatzfeldt- Weisweiler.  Le  mariage  ayant 
été  très  malheureux,  elle  s'était  décidée  à  se  séparer  de 
celui-ci,  et,  quand  Lassalle  la  rencontra,  le  comte  qui  dé- 
pensait avec  des  maîtresses  une  fortune  énorme,  lui  avait 
refusé  tout  moyen  d'existence  et  voulait  lui  enlever  le  seul 
fils  qu'elle  avait  gardé  auprès  d'elle,  le  jeune  comte  Paul. 
Lassalle  offrit  à  la  comtesse  sa  fortune  et  ses  services  et 
se  rendit  avec  elle  dans  la  Prusse  rhénane,  pour  engager 
la  lutte  contre  le  comte.  Cette  lutte  dura  près  de  dix  ans. 
Lassalle  demeura  vainqueur.  En  1851,  le  divorce  fut  pro- 
noncé contre  le  comte.  Les  tribunaux  donnèrent  à  la  com- 
tesse une  partie  de  la  fortune  de  son  mari.  La  comtesse 
ne  quitta  plus  Lassalle.  Elle  vécut  dans  les  mêmes  villes 
que  lui,  et  les  liens  d'amitié  qui  les  unissaient  ensemble 
restèrent  toujours  très  étroits.  Au  cours  de  la  lutte,  Las- 
salle s'était  trouvé  impliqué  dans  un  procès  criminel  qui 
fit  sensation.  Deux  amis  de  Lassalle  et  de  la  comtesse,  le 
D^  Mendelssohn  et  l'assesseur  Oppenheim,  s'étaient  empa- 
rés à  Cologne,  au  mois  d'août  1846,  d'une  cassette  appar- 
tenant à  la  baronne  de  Meyendorff,  la  maîtresse  du  comte, 
et  où  ils  pensaient  trouver  un  contrat  par  lequel  le  comte  de 
Hatzfeldt  s'engageait  à  servir  à  la  baronne  une  pension 
annuelle  de  25,000  fr.  Après  avoir  soustrait  la  cassette  dans 
les  bagages  de  la  comtesse,  ils  avaient  dû  l'abandonner  et 
s'enfuir.  Ils  furent  poursuivis  pour  vol.  Oppenheim  fut  jugé 
et  acquitté  en  1846.  Mendelssohn,  accusé  en  1846,  fut 
jugé  en  1848.  Lassalle,  poursuivi  comme  l'instigateur  du 
vol,  fut  emprisonné  en  mai  1848,  et  acquitté  au  mois 
d'août,  à  la  suite  d'un  plaidoyer  très  brillant  (V.  Der 
Kriminalprozess  wider  mich  wegen  Verleitung  zum 
Kassettendiebstahl  ;  Cologne,  1848;  Meine  Verteidi- 
gungsrede  ivider  die  Anklage  der  Verleitung  zum 
Kassettendiebstahl  ;  Cologne,  1848).  Quand  il  fut  sorti 
de  prison,  il  se  jeta  dans  la  politique.  Il  prit  place  parmi 
les  chefs  de  la  démocratie  radicale,  à  côté  de  Freiligrath  et 
de  Marx  ;  il  se  lia  particulièrement  avec  ce  dernier  et  de- 
vint socialiste.  Un  discours  tenu  à  Neuss  le  fit  poursuivre 
pour  avoir  excité  le  peuple  à  la  révolte  à  main  armée  contre 
le  pouvoir  royal.  Après  six  mois  passés  en  prison,  il  fut 
acquitté  par  les  jurés  de  Dusseldorf  (3  mai  1849).  Mais 
on  le  retint  en  prison  pour  avoir,  dans  le  même  discours, 
excité  la  garde  nationale  à  la  résistance  contre  les  fonc- 
tionnaires, et  le  tribunal  correctionnel  le  condamna  le 
5  juil.  1849  à  six  mois  de  prison.  Après  la  fin  des  procès 
Hatzfeldt  (1854),  Lassalle  se  consacra  à  des  études  scienti- 
fiques et  publia  deux  ouvrages  qui  fondèrent  sa  réputation 
dans  le  monde  savant  :  un  ouvrage  relatif  à  l'histoire  de 
la  philosophie  :  Die  Philosophie  Herakleitos  des  Dun- 
keln  von  Ephesos  (Berlin,  1858,  2  vol.),  et  un  ouvrage 
relatif  à  la  philosophie  du  droit  :  Das  System  der  erwor- 
benen  Rechte,  eine  Versœhnung  der  positiven  Rechts 
und  der  Rechtsphilosophie  (Leipzig,  1860,  2  vol.  ; 
2"^  éd.,  1880).  R  défendait  dans  ce  second  ouvrage  ses 
théories  politiques.  Il  fit  paraître  en  même  temps  une  tra- 
gédie historique,  Franz  von  Sickingen  (Berlin,  1859), 
qui  ténioigne  de  son  enthousiasme  passionné  pour  la  cause 
de  l'unité  allemande.  Cette  passion  est  plus  visible  encore 
dans  une  brochure  qu'il  écrivit  pendant  la  guerre  d'Italie  : 
Der  italienische  Krieg  und  die  Aufgabe  Preussens  (Ber- 
lin, 1859),  et  où  il  conseillait  à  la  Prusse  d'utiliser  la 
guerre  pour  mettre  la  main  sur  le  Slesvig-Holstein  et 
pour  faire  l'unité  allemande  aux  dépens  de  l'Autriche. 
Même  tendance  dans  son  article  sur  Fichtes  polilisches 
Vermœchtniss  wid  die  neueste  Gegenwart  (dans  les  De- 
mokratische  Studien  de  Y 2ihsrode;  Hambourg,  1860)  et 


dans  son  discours  sur  Die  Philosophie  Fichtes  imd  die 
Bedeutung  des  deutschen  Volksgeistes  (Berlin,  1862). 
En  1862,  Lassalle  essaya  de  pousser  les  membres  du  parti 
progressiste  {Fortschritt  spart  ci)  à  la  résistance  passive 
et  à  une  déposition  en  masse  de  leur  mandat.  Il  échoua  et 
crut  le  moment  venu  de  fonder  lui-même  un  nouveau  parti 
démocratique  pour  tenter  de  résoudre  la  question  sociale. 
Il  exposa  son  programme  dans  une  réunion  publique  (1  '^avr. 
1862),  à  la  suite  de  laquelle  il  fut  arrêté  pour  avoir  com- 
promis la  paix  publique  en  excitant  les  membres  de  l'Etat 
à  la  haine  des  uns  contre  les  autres.  Il  fut  condamné  à 
quatre  mois  de  prison  le  16  janv.  1863,  mais  acquitté  en 
seconde  instance.  Le  lOfévr.  1863,  un  comité  d'ouvriers, 
réuni  à  Leipzig  et  qui  voulait  convoquer  un  congrès  général 
des  ouvriers  allemands,  s'adressa  à  Lassalle  pour  lui  de- 
mander son  opinion  sur  ce  congrès  et  sur  la  question  sociale. 
Lassalle  répondit  au  bout  de  deux  semaines  par  une  bro- 
chure où  il  exposait  son  programme  socialiste  :  Offertes 
Antwortschreiben  an  das  Zentralkomitee,  etc,  (Zurich, 
1863;  5®  éd.,  Leipzig,  1871).  Il  préconisait  dans  cette 
brochure  la  fondation  de  sociétés  coopératives  de  produc- 
tion avec  l'aide  de  l'Etat.  Il  engagea  le  comité  qui  s'adres- 
sait à  lui  à  ne  pas  convoquer  de  congrès,  mais  à  créer  une 
«  association  générale  des  ouvriers  allemands  »  (Allge- 
meiner  deutseher  Arbeiterverein)^  dont  le  but  immédiat 
serait  d'obtenir  le  suffrage  universel  direct  au  scrutin  se- 
cret, pour  conquérir  ainsi  la  puissance  légale  nécessaire  à 
la  réalisation  du  programme  socialiste.  Le  comité  suivit  son 
conseil  ;  il  chargea  Lassalle  de  développer  ses  idées  dans 
des  discours  tenus  à  Leipzig,  à  Francfort  et  ailleurs,  et  le 
23  mai  1863  VAllgemeiner  deutseher  Arbeiterverein 
était  fondé  à  Leipzig.  Il  comptait  environ  600  membres 
venus  de  toutes  les  régions  de  l'Allemagne.  Lassalle  fut 
nommé  président.  Il  gagna  au  Verein  plusieurs  milliers 
d'adhérents.  Ses  attaques  violentes  contre  la  bourgeoisie 
libérale  le  firent  impliquer  dans  une  série  de  procès  crimi- 
nels. Il  fut  même  accusé  de  haute  trahison  pour  avoir  publié 
une  brochure  {An  die  Arbeiter  Berlins,  1863),  où  il  en- 
gageait les  ouvriers  à  entrer  dans  le  Verein,  afin  de  tra- 
vailler à  détruire  la  constitution  prussienne.  Il  fut  acquitté 
dans  ce  procès  le  12  mars  1864,  mais  condamné  dans 
d'autres  procès.  Il  publia  la  même  année  un  volume  où  il 
critiquait  la  thèse  des  économistes  classiques  de  l'école  de 
Manchester  et  où  il  exposait  les  théories  scientifiques  qui 
servaient  de  base  à  son  socialisme  :  Herr  Bastiat-Schultze 
von  Delitzsch,  der  œkonomische  Julian,  oder  Kapital 
und  Arbeit  (Berlin,  1864;  deux  traductions  françaises  : 
Capital  et  travail  ou  M.  Bastiat-Schulze  [de  Delitzsch'], 
parB.  Malon,  Paris,  1880;  2^  éd.  1881;  Monsieur  Bas- 
tiat-Schidze  de  Delitzsch  ou  Capital  et  Travail,  par 
E.  Monti,  avec  une  bibliographie  par  César  de  Paepe, 
Bruxelles,  1881).  L'activité  qu'il  déployait  dans  son  rôle 
d'agitateur  avait  ébranlé  sa  santé  et,  après  un  voyage 
triomphal  dans  les  districts  ouvriers  de  la  région  rhé- 
nane (mai  1864),  il  se  rendit  en  Suisse  pour  se  soigner 
(juin  1864).  Il  y  trouva  Hélène  de  Dœnniges,  la  fille  d'un 
diplomate  bavarois,  qu'il  avait  connue  antérieurement  et 
qui  était  alors  fiancée  à  un  Valaque,  Janko  de  Rakowitz. 
Lassalle,  qui  avait  demandé  sans  l'obtenir  la  main  d'Hé- 
lène de  Dœnniges,  provoqua  son  fiancé  à  un  duel  au  pisto- 
let, qui  eut  lieu  à  Genève  (28  août  1864).  Lassalle  fut 
blessé  mortellement.  R.  Berthelot. 

BiBL.  :  Nous  avons  indiqué  dans  notre  article  les  prin- 
cipaux ouvrao;es  de  Lassalle  ;  on  trouvera  la  liste  com- 
plète de  ses  œuvres  dans  là  Bibliographie  des  Sozialismus 
und  Communismus^  par  Josef  Stammhammer;  léna,  1893. 

—  On  peut  consulter  sur  Lassalle,  B.  Bkcker,  Geschichte 
der  Arbeiteragitation  F.  Lassalles;  Brunswick,  1874.  — - 
E.  DE  Laveleye,  le  Socialisme  contemporain  en  Alle- 
magne^ II,  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes,  2b  dôc.  1876,  et 
Paris,  1889,  4»  éd.—  G.  Brandes,  F.  Lassalle;  Berlin,  1877. 

—  A.  Aaberg,  F.  Lassalle;  Leipzig,  1883.  —  E.  von  Ple- 
NER,  F.  Lassalle;  Leipzig,  1884.  —  W.-H.  Dawson,  Ger- 
man  Socialism  and  F .  Lassalle  ;  Londres,  1888;  2°  éd.,  1891. 

LASSALLE  (Jean-Louis),  chanteur  français,  né  à  Lyon 
en  1847.  Ses  parents  étaient  négociants.  Il  fut  engagé  à 


989  -  LASSALLL  -•  LASSELL 

vingt-deux  ans  par  M.  Campocasso,  comme  premier  bary- 
ton, au  théâtre  du  Capitole  à  Toulouse.  Il  entra  ensuite  au 
théâtre  de  la  Monnaie  à  Bruxelles,  où  il  parut  dans  Ham- 
let.  M.  Haknzier  le  fit  venir  à  l'Opéra.  Il  y  débuta  en  juin 
1872,  dans  Guillaume  Tell,  avec  un  grand  succès.  Il 
joua  ensuite  dans  VAfricairie,  dans  les  Huguenots.  Puis 
il  créa,  à  la  salle  Ventadour,  Vassili  dans  V Esclave  (1874), 
et,  au  Théâtre-Lyrique,  Lusace  dans  Uvmiiri  de  Jon- 
cières  (1876).  II  rentra  à  l'Opéra  en  mai  1876  et  créa  en 
1877  Scindia  dans  le  RoideLahore  deMassenet.    R.  B. 

LASSAULX  (V.  Lasaulx). 

LASSAY.  Gom.  du  dép.  du  Loir-et-Cher,  arr.  deRomo- 
rantin,  cant.  de  Selles-sur-Cher  ;  264  hab. 

LASSAY.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Mayenne,  arr. 
de  Mayenne,  sur  un  ruisseau  affluent  de  la  Mayenne  (g.)  ; 
2,568  hab.  Construction  de  machines,  tanneries,  teintu- 
reries. La  châtellenie  de  Lassay  fut  érigée  en  marquisat  en 
1 647  ;  elle  fut  également  le  siège  d*un  grenier  à  sel.  En 
1790,  le  tribunal  du  district  de  Villaines-la-Juhel  y  sié- 
gea, et  en  1793,  le  siège  même  de  l'administration  du  dis- 
trict fut  transporté  à  Lassay.  Le  château  de  Lassay,  fondé 
au  xi^'  siècle,  a  été  construit  dans  son  état  actuel,  avec  ses 
cinq  tours  cylindriques  et  ses  mâchicoulis,  versle  xtv*^  siècle. 
Il  subsiste  en  outre  à  Lassay  des  ruines  de  deux  autres 
châteaux,  celui  de  Bois-Thibaut,  qui  date  du  xv®  siècle,  et 
celui  de  Bois-Frou,  de  la  Renaissance. 

LASSAY  (Armand-Léon  de  Madaillan  de  Lesparre, 
marquis  de),  écrivain  français,  né  le  28  mai  1652,  mort 
à  Paris  le  20  févr.  1738.  Aide  de  camp  de  Condé  (1672), 
il  se  distingua  à  Senef  et  au  siège  de  Valenciennes.  Puis 
il  quitta  l'armée.  Il  est  célèbre  par  ses  aventures  roma- 
nesques. Il  épousa,  en  secondes  noces,  Marianne  Pajot,  fille 
de  l'apothicaire  de  Mademoiselle,  qui  avait  été  recherchée 
par  Charles  de  Lorraine.  Elle  mourut  en  1678,  et  Lassay, 
désolé,  se  confina  dans  la  retraite.  Puis  il  voyagea,  fut  en 
galanterie  avec  Sophie-Dorothée  de  Hanovre,  et  épousa  le 
6  mars  1696  la  fille  du  duc  d*Enghien  et  de  M"^®  de  Ma- 
rans,  légitimée  sous  le  nom  de  Julie  de  Bourbon,  demoi- 
selle de  Châteaubriant.  Ses  infortunes  conjugales  défrayèrent 
bientôt  la  chronique  scandaleuse.  Lassay,  qui  avait  réalisé 
de  gros  bénéfices  dans  les  spéculations  de  Law,  se  fit  cons- 
truire l'hôtel  qui  est  actuellement  l'hôtel  du  président  de  la 
Chambre  des  députés.  Il  fit  partie  de  la  Société  de  VEn- 
tresol  (V.  ce  mot),  et  il  a  laissé  des  mémoires  sous  le  titre 
de  :  Recueil  de  différentes  choses  (Lassay,  s.  d.  [1727], 
2  vol.  in-4,  et  Lausanne,  1756,  4  vol.  in-8).      R.  S. 

LASSBERG  (Joseph,  baron  de),  critique  et  archéo- 
logue allemand,  né  à  Donaueschingen  le  10  avr.  1770, 
mort  au  château  de  Meersburg  sur  le  lac  de  Constance  le 
15  mars  1855.  Il  s'occupa  longtemps  de  l'administration 
des  forêts  du  prince  de  Fiirstenberg  ;  mais,  depuis  1817,  il 
se  consacra  tout  entier  à  ses  recherches  archéologiques.  Il 
a  été  un  de  ceux  qui  ont  le  plus  contribué  à  remettre  au 
jour  les  documents  de  l'ancienne  littérature  germanique, 
et  sa  maison  était  ouverte  aux  érudits  qu'attirait  de  toute 
part  sa  belle  collection  de  manuscrits.  Il  a  fait  paraître  : 
Liedersaal  {^dmi-GiûX,  1820-25,  4  vol.);  Einschm 
und  anmuetig  Gedicht^der  Littower  (Constance,  1826); 
Sigenot  (Constance,  1830);  Das  Eggenlied  (Constance, 
1832).  Les  trésors  qu'il  avait  rassemblés,  et  parmi  les- 
quels se  trouve  un  des  manuscrits  importants  des  Nibe- 
lungen,  furent  transportés,  après  sa  mort,  à  la  biblio- 
thèque de  Donaueschingen.  Pfeiffer  a  publié  sa  correspon- 
dance avec  Uhland  (Vienne,  1870).  A.  B. 

LASSE.  Com.  du  dép.  de  Maine-et-Loire,  arr,  de  Beaugé, 
cant.  de  Noyant  ;  741  hab. 

LASSELL  (William),  astronome  anglais,  néàBolton, 
comté  de  Lancastre,  le  18  juin  1799,  mort  à  May  Lodge, 
près  de  Maidenhead,  le  5  oct.  1880.  D'abord  employé  de 
commerce  (1814-21),  puis  brasseur  à  Liverpoor(1825), 
il  prit  goût,  vers  cette  époque,  aux  études  astronomiques, 
se  fabriqua  lui-même  en  1830  deux  télescopes,  l'un  new- 
tonien,  l'autre  grégorien,  de  7  pouces  et  7  pouces  1/2  de 


LASSELl.  -  LASSERRE 


990  -- 


diam.,  et,  encouragé  par  ce  premier  succès,  établit  en 
1839  un  newtonien  de  9  pouces,  et  en  1844  un  équa- 
torial  de  24  pouces.  Le  dernier  qu'il  construisit  fut  érigé  à 
Malle  en  1860;  il  mesurait  6  pieds  de  diam.  et  55  pieds 
de  longueur  ;  c'était  le  plus  grand  du  monde  entier. 
W.  Lassell,  qui  était  depuis  1849  membre  de  la  Société 
royale  de  Londres  et  qui  fut  élu  on  1870  président  de  la 
Royal  astronomical  Society,  a  effectué,  avec  ses  puissants 
instruments,  d'importantes  observations.  Ll  a  notamment 
découvert  :  en  1846  le  satellite  de  Neptune;  en  1848, 
en  même  temps  que  G.-P.  Bond,  un  huitième  satellite  de 
Saturne,  Hypérion;  en  1851,  le  troisième  et  le  quatrième 
satellites  d'Uranus,  Ariel  et  Umbriel.  11  se  rendit  à  Malte 
d'oct.  1852  à  mars  1853  et  do  1861  jusqu'en  1865.  11 
rapporta  de  son  premier  voyage  dos  observations  sur  la 
nébuleuse  d'Orion  et  de  son  second  voyage  un  catalogue 
de  600  nébuleuses.  L,  S. 

LASSEN  (Christian),  orientaliste  allemand,  né  à  Dergen 
en  Norvège  le  22  oct.  1800,  mort  à  Bonn  le  9  mai  1876. 
Il  fit  ses  études  d'abord  à  Christiania,  puis  à  Heidelbcrg 
et  à  Bonn,  où  A.-W.  de  Schlegcl  le  poussa  à  s'occuper  do 
rinde.  Il  obtint,  grâce  à  Schlegel,  une  bourse  de  voyage 
pour  passer  deux  ans  à  Paris  et  à  Londres.  A  Paris,  il  se 
consacra  avec  Burnouf  à  l'étude  du  pâli,  la  langue  des 
bouddhistes  du  Sud,  qui  était  alors  inconnue,  et  il^publia, 
en  1826,  en  collaboration  avec  Burnouf,  V Essai  sur  le 
pâli.  De  retour  à  Bonn,  il  passa  en  1827  sa  thèse:  De 
Pentapotamia  Indica,  et  fut  nommé  en  1830  professeur 
extraordinaire,  en  1840  professeur  ordinaire  de  l'ancienne 
littérature  hindoue.  Il  y  resta  jusqu'à  sa  mort.  De  1829  à 
1831,  il  publia  avec  A.-W.  de  Schlegel  la  collection  de 
fables  Hitopadesa  (Bonn,  2  vol.  ;  le  second  volume  presque 
entier  est  de  Lassen).  Les  travaux  de  Colebrooke  le  pous- 
sèrent à  s'occuper  de  la  philosophie  hindoue,  et  il  pubha 
le  résultat  de  ses  recherches  dans  la  Gymnosophista 
(Bonn,  1832).  Plus  tard  il  donna  une  édition  et  une  tra- 
duction latine  du  Gitagovinda  de  Dschayadewa  (Bonn, 
1837)  et  une  nouvelle  édition  de  l'ouvrage  de  Schlegel  in- 
titulé Edition  du  Bhagavad-Gita  (Bonn,  1846).  11 
publia  pour  les  commençants  une  Anthologia  sanscrita 
(Bonn,  1838).  Dans  ses  InstiliUiones  lingnœ  pracriticœ 
(Bonn,  1837),  il  s'occupe  des  langues  parentes  du  sanscrit 
qui  sont  employées  dans  les  drames  hindous.  Il  contribua 
par  deux  articles  à  l'explication  des  Tables  Eugubines 
(Bonn,  1833),  et  par  une  étude  sur  Die  altpersischen 
Keilinschrifien  zu  Persepolis  (Bonn,  1836)  à  l'explica- 
tion des  inscriptions  cunéiformes.  Il  publia  en  1838  une 
étude  Zur  Geschichte  der  griechischen  iind  indoskij- 
thischen Kœnige in  Baktrien^ Kalml  und Indien  (Bonn). 
Son  ouvrage  capital  est  îndische  AUertumskunde  (Bonn, 
1844-1861,  4  vol.  ;  les  volumes  I  et  II  ont  paru  dans  une 
édition  augmentée  en  1867  et  1874).  Il  y  a  résumé  nos 
connaissances  sur  les  antiquités  hindoues.  Il  a  donné  en 
outre  un  grand  nombre  d'articles  dans  les  recueils  intitulés  : 
îndische  Bibliothek,  Rheinisclies  Muséum,  et  Zeitschrift 
filr  Kunde  des  Morgenlandes.  R.  B. 

LASSEN  (llartvig-Marcus),  littérateur  norvégien,  neveu 
du  précédent,  né  à  Bergen  le  9  août  1824.  Depuis  1853 
professeur  à  une  école  de  jeunes  filles  à  Christiania,  il  a 
très  régulièrement  publié  des  traductions  ou  des  études 
littéraires  et  dirigé  des  journaux.  De  1857  à  1891,  il 
fut  le  principal  rédacteur  du  Skilling-Magazin  et  est, 
depuis  mars  1891,  à  la  tête  du  Folkebladet.  Sa  colla- 
boration au  Folkevennen  a  été  aussi,  à  partir  de  1868, 
fort  active.  Pendant  les  années  1873  à  4878,  étant  attaché 
comme  censeur  au  théâtre  de  Christiania,  il  fit  jouer  plu- 
sieurs traductions  d'œuvres  dramatiques  dont  quelques-unes 
seulement  ont  été  publiées  :  le  Jeu  de  l'amour  et  du  ha- 
sard^ de  Marivaux  (1874)  ;  Egmont  de  Gœthe  (1875); 
Etincelle,  de  Pailleron  (1880)  ;  Divorço7is,  de  Sardou 
(1881)  ;  le  Monde  oii  l'on  s'ennuie^  de  Pailleron  (1881); 
puis  de  Shakespeare  :  le  Marchand  de  Venise  (1881)  ; 
Mes  César  (1882);  Macbeth  (1883),  etc.  Il  a  une  réelle 


importance  comme  critique  littéraire  et  s'est  occupé  tout 
particulièrement  de  Henrik  Wergeland,  dont  il  a  édité  les 
œuvres  (1852-57,  9  vol.),  publié  des  lettres  (1867),  et 
sur  lequel  il  a  écrit  une  remarquable  étude,  //.  Werge- 
land  et  son  temps  (1866;  2®  éd.  augm.,  1877).  On  lui 
doit  enfin  des  Etudes  sur  Vhistoire  de  la  littérature 
(1877)  ;  un  recueil  intitulé  Critique  et  Polémique  (1883) 
et  divers  Choix  de  lectures  littéraires.  Th.  C. 

LASSEN  (Edouard),  compositeur  danois,  né  à  Copen- 
hague le  13  avr.  1830.  Il  fit  son  éducation  à  Bruxelles  oii 
il  obtint  le  prix  de  Rome  en  1851,  fit  jouer  en  1857,  à 
Weimar,  son  opéra  le  Pm  Edgar ^  dont  le  succès  fut  écla- 
tant et  qui  lui  valut  l'emploi  de  maître  de  chapelle  du  grand- 
duc.  Parmi  ses  œuvres  ultérieures,  on  cite  :  deux  opéras, 
Frauenlob  (1860),  le  Captif  (iS6S),  la  musique  du  Faust 
de  Gœthe,  des  chœurs  de  VOEdipe  roi,  des  symphonies, 
des  ouvertures,  des  lieds,  etc. 

LASSER  ])i]  ZoLLHEiM  (Joseph),  homme  d'Etat  autrichien, 
né  à  Werfen  (Salzbourg)  le  30  sept.  1815,  mort  à  Vienne  le 
18  nov.  1879.  Il  étudia  le  droit,  entra  dans  l'administration 
(1846),  En  1848,  il  fut  nommé  député  au  Reichstag.  Après 
avoir  servi  au  département  de  l'intérieur,  il  devint  ministre 
sans  portefeuille  en  oct.  1860,  puis  ministre  de  l'intérieur 
dans  le  cabinet  Schemerling  (févr.  1861-juil.  1865).  Il  fut 
nommé  gouverneur  du  Tirol,  anobli  en  1861.  De  1871  à 
1878,  il  eut  le  portefeuille  de  l'intérieur  dans  le  cabinet 
Auersperg,  dont  il  fut  un  des  membres  les  plus  actifs. 

LASSÉRADE.  Gom.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Mirande, 
cant.  de  Plaisance  ;  514  hab. 

LASSE RAN.  Corn,  du  dép.  du  Gers,  arr.  et  cant.  (N.) 
d'Auch  ;  223  hab. 

LASSER  ET  (Techn.).  Espèce  de  tarière  qui  sert  apercer 
le  bois  pour  y  introduire  des  chevilles.  C'est  aussi  un  piton 
à  vis  et,  lorsqu'il  est  sans  vis  et  rivé  en  dehors  pour  tour- 
ner en  tous  sens,  on  le  nomme  lasseret  tournant. 

LASSERRE.  Com.  du  dép.  de  PAriège,  arr.  de  Saint- 
Girons,  cant.  de  Sainte-Croix;  536  hab. 

LASSERRE.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Limoux, 
cant.  d'Alaigne;  284  hab. 

LASSERRE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
de  Toulouse,  cant.  de  Léguevin  ;  347  hab. 

LASSERRE.  Com.  du  dép.  du  Lot-et-Garonne,  arr.  de 
Nérac,  cant.  de  Francescas  ;  209  hab. 

LASSERRE.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  de 
Pau,  cant.  de  Lambeye  ;  176  hab. 

LASSERRE-Berdoues.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  et 
cant.  de  Mirande  ;  475  hab.  (V,  Berdoues). 

LASSERRE  (Henri  de  Monzie-),  littérateur  français, 
né  à  Carlux  (Dordogne)  le  25  févr.  1828.  Collaborateur 
au  Piéueil  et  au  Pays,  il  publia  une  brochure  sensation- 
nelle en  faveur  du  coup  d'Etat  du  2  décembre  :  rOpi- 
nion  et  le  coup  d'Etat  (Paris,  1851,  in-18).  Puis  il  se 
passionna  pour  la  Pologne  et  entreprit  un  voyage  à  Rome 
pour  obtenir  du  pape  la  condamnation  des  massacres  de 
Varsovie.  11  attaqua  ensuite  la  Vie  de  Jésus  de  Renan 
avec  acharnement  et  fut  un  des  plus  zélés  propagateurs 
des  pèlerinages  de  Lourdes,  ce  qui  l'amena  à  une  polémique 
aussi  violente  que  les  précédentes  avec  Emile  Zola  (1894). 
Citons  de  lui  :  l'Esprit  et  la  Chair  (Paris,  1859,  in-12); 
la  Pologne  et  la  Catholicité  [i^M,  in-12);  les  Ser- 
pents (1862,  in-12)  ;  l'Evangile  selon  Renan  (1862, 
in-12);  Notre-Dame  de  Lourdes  (1869,  in-12,  plus  de 
100  éd.);  Be7'7iadette  (i^l 9,  in-S);  Episodes  miracu- 
leux de  Lourdes  (1883,  in-12),  etc. 

LASSERRE  (Joseph),  homme  politique  français,  né  à 
Saint-Nicolas-de-la-Grave(Tarn-et-Garonne)  en  1836,  mort 
le  28  déc.  1889.  Il  fit  ses  études  de  droit,  fut  nommé 
maire  de  Saint-Nicolas-de-la-Grave  au  4  sept.  1870, 
puis  successivement  conseiller  général  en  1871,  député  en 
1876  et  fit  partie  de  la  Chambre  jusqu'à  sa  mort.  Grand 
propriétaire  terrien,  il  s'est  consacré  surtout  à  Fétude  des 
questions  agricoles. 

LASSERRE  (Maurice),  homme  politique  français,  fils 


991 


LASSERRE  ---  LASSON 


du  précédent,  né  à  Saint-Nicolas-de-la-Gravé  en  1862.  Il 
fit  ses  études  de  droit  et  fut  nommé  en  1889  chef  adjoint 
du  cabinet  du  garde  des  sceaux.  Elu  député  de  Tarn-et- 
Garonne  le  16  ïévr.  1890  après  la  mort  de  son  père,  réélu 
en  1893,  il  fut  nommé  rapporteur  du  budget  des  cultes 
en  1893  ;  en  1894,  il  a  été  rapporteur  du  projet  de  loi 
contre  les  anarchistes. 

LASSEUBE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  des  Basses-Pyré- 
nées, arr.  d'Oloron-Sainte-Marie  ;  2,073  hab. 

LASSEUBE-Propre.  Corn,  du  dép.  du  Gers,  arr.  et 
cant.  (S.)d^Auch;  250  hab. 

LASSEUBETAT.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées, 
arr.  d'Oloron-Sainte-Marie,  cant.  de  Lasseube  ;  404  hab. 
LASSICOURT,  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  de  Bar- 
sur-Aube,  cant.  de  Brienne-le-Château  ;  ^43  hab. 

LASSIGNY.  Gh.-l.  de  cant.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de 
Compîègne,  sur  le  Pissot;  902  hab.  Fabrique  de  sabots. 
Tuilerie.  Fontaine  ferrugineuse.  Eglise  des  xv*",  xvi®  et 
xYii^  siècles  avec  de  beaux  vitraux  de  la  Renaissance.  An- 
cienne motte  féodale  connue  sous  le  nom  de  Tour  Roland. 
Dolmen  appelé  la  Pierre  du  Parvis. 
LASSITHI  (Massif)  (V.  CÂNDfE). 
LASSO  ou  LAZO.  Arme  de  chasse  et  de  guerre  en  usage 
chez  différents  peuples  de  l'Amérique,  les  Araucans,  les 
Patagons,  les  Mexicains,  ainsi  que  parmi  les  Kirghiz  et  les 
Kalmouks,  chez  lesquels  cette  arme  porte  le  nom  à'arkan. 
Le  lasso  a  dû  être  importé  en  Amérique  par  les  Espagnols, 
en  môme  temps  que  le  cheval,  comme  l'indique  d'ailleurs 
son  nom,  qui  est  une  corruption  du  latin  laqueus  (dont  nous 
avons  fait  lacs  et  lacet).  C'est  une  corde  tressée,  en  la- 
nières de  cuir,    en  fibres  végétales  ou  en  crin  de  cheval, 
longue  d'une  douzaine  de  mètres,  et  dont  une  extrémité 
munie  d'anneau  forme  un  nœud  coulant.  On  s'en  sert 
presque  toujours  à  cheval  ;  mais  on  ne  tourne  jamais  le 
nœud  coulant  au-dessus  de  la  tète  comme  le.  représentent 
la  plupart  des  images  d'  «  Indiens  lan- 
çant le  lasso  »,  car  dans  ce  mouvement 
le  nœud  ne  ms^nquerait  pas  de  se  fermer 
au  premier  tour  décrit  par  la  corde.  Voici 
la  vraie  manière  de  se  servir  du  lasso.  Le 
cavaher  prend  l'anneau  A  de  la  main 
droite  et  tire  le  nœud  (en  B)  de  la  main 
gauche,  de  façon  à  avoir  son  extrémité 
(B)  à  1  m.  1/2  environ  de  l'anneau  ;  en 
même  temps,  la  main  gauche  soutient  la 
partie  de  la  corde  qui  se  trouve  au  voisi- 
nage (en  G),  tandis  que  le  reste  est  en- 
roulé autour  du  pommeau  de  la  selle.  Par 
un  mouvement  brusque,  l'Indien  passe  de 
la  main  gauche  dans  la  main  droite  l'ex- 
trémité du  nœud  et  le  bout  de  la  corde 
(B  et  G),  tandis  que   la   main  gauche 
tient  le  reste  du  lasso  enroulé.  Alors,  par 
les  rotations  rapides  du  poignet  de  la  main 
droite,   l'homme  fait  exécuter  au  nœud 
coulant  un  mouvement  de  moulinet,  puis 
lance  le  tout  sur  l'animal  qu'il  poursuit  (cheval,  guanaco 
ou  autruche,  peu  importe)  dès  qu'il  peut  s'en  approcher 
suffisamment  ;  le  lasso  part,  la  corde  se  déroule,  sou- 
tenue par  la  main  gauche,  et  le  nœud  coulant  enlace  le  cou 
ou  les  pieds  de  l'animal  :  on  n'a  qu'à  tirer  la  corde  pour 
l'étrangler.  Pour  cela,  on  fait  galoper  sa  monture  en  sens 
contraire  de  celui  dans  lequel  court  le  gibier.  On  prétend, 
dans  beaucoup  d'ouvrages,  que  l'extrémité  du  lasso  est 
munie  d'une  ou  de  deux  boules  massives.  Plusieurs  dessins 
ont  même  reproduit  cette  assertion  erronée  qui  provient 
de  la  confusion  du  lasso  avec  une  autre  arme  à  projection 
en  usage  parmi  les  Indiens  et  les  Gauchos  de  l'Amérique 
du  Sud  et  qu'on  appelle  holas  (ce  qui  veut  dire  boules  en 
espagnol).  Ce  sont  ordinairement  deux  ou  trois  boules  en 
cuivre  ou  en  pierre,  pesant  chacune  une  livre  et  demie  en- 
viron, fixées  à  des  lanières  de  cuir,  longues  de  1  m.  1/2 
et  rattachées  par  leurs  bouts  libres.  Après  l'avoir  fait  tour- 


Lasso. 


ner  au-dessus  de  la  tête,  on  lance  tout  l'appareil  qui  s'en- 
roule soit  autour  du  cou  de  l'animal  et  l'étourdit,  soit  au- 
tour de  ses  pieds  et  l'empêche  de  fuir.  Les  Esquimaux  se 
servent  de  holas  analogues,  mais  plus  petites,  pour  tuer 
les  oiseaux  au  vol.  Le  lasso  est  rarement  employé  comme 
arme  de  guerre  ;  cependant  il  a  été  encore  d'un  usage  cou- 
rant dans  les  guerres  d'indépendance  que  soutenaient  les 
républiques  sud-américaines  contre  les  Espagnols  et  les 
Portugais.  J.  Deniker. 

LASSO  DE  La  Yegâ  (Gabriel),  poète  espagnol,  né  en 
1559,  mort  après  1601.  On  a  de  lui  un  poème  épique,  en 
25  chants,  consacré  à  la  conquête  du  Mexique  :  La  Mexi- 
cana  {Msiàvià,  1594,  pet.  in-8),  qu'il  avait  d'abord  publié 
en  12  chants,  sous  le  titre  de  El  Cortès  valoroso  (1588); 
Manojuelo  de  Romances  nuevos  y  otras  ohras  (Barcelone, 
1601,  in-1 6),  recueil  de  136  romances,  partie  historiques, 
partie  amoureuses  et  burlesques,  parmi  lesquelles  il  y  en 
a  de  fort  belles  ;  Elogios  en  loor  de  D.  Jayme,  rey  de 
Aragon,  D.Fern,  Cortès^  y  B.  A.  Bazan,  marques  de 
Santacruz  (Saragosse,  160! ,  in-8).  G.  P-i. 

LASSON.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de  Caen,cant. 
de  GreuUy,  sur  la  Mue;  223  hab.  Elglise  en  partie  ro- 
mane, avec  clocher  construit  au  xvii^  siècle  en  style  go- 
thique du  xin®  siècle.  Beau  château  de  la  Benaissance  dont 
on  attribue  la  construction  à  l'architecle  Hector  Sohier. 

LASSON.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  de  Tonnerre, 
cant.  de  Flogny  ;  306  hab. 

LASSON  (Peter-Karl),  jurisconsulte  norvégien,  né  h 
Ba^rum  en  1798,  mort  en  1873.  Juge  à  la  cour  supérieure 
de  1855  à  sa  mort,  il  avait  été  conseiller  d'Etat  et  chef  du 
département  de  la  justice  lors  de  la  maladie  du  roi  Oscar  I^^"" 
(1852-53),  puis  avait  voyagé  en  France  et  en  Allemagne 
pendant  un  an  pour  étudier  la  législation  criminelle  de  ces 
pays.  De  1837  à  1848,  il  avait  été  le  principal  rédacteur 
de  la  lievue  de  droit  7iorvégienne,  Ses  œuvres  juridiques 
très  nombreuses  se  rapportent  principalement  à  la  procé- 
dure norvégienne  et  à  l'organisation  ou  à  l'histoire  de  la 
justice  criminelle.  Jurisconsulte  perspicace,  il  a  pris  part 
avec  distinction  aux  travaux  des  commissions  législatives 
du  royaume. 

LASSON  (Adolf),  philosophe  allemand  contemporain,  né 
à  Strelitz,dans  leMecklembourg-Strelitz,le  12  mars  1832. 
Il  tu  ses  études  secondaires  à  l'école  de  Strelitz  et  au  gym- 
nase de  Neu-Strelitz.  En  1848,  il  vint  étudier  la  philolo- 
gie à  l'université  do  BerUn  ;  mais  il  se  consacra  plus  tard 
au  droit  et  étudia  cette  science  sous  la  direction  de  Bœckh, 
K.  Lachmann,  R.  v.  Gneist  et  F.-L.  v.  Keller.  L'univer- 
sité de  Leipzig  lui  décerna  en  1861  le  grade  de  docteur;  il 
devint  en  1858  professeur  au  Friedrichs-Gymnasium  de 
Berlin;  il  passa  en  1859  au  Luisenstiidlisches  Real-Gymna- 
sium  de  cette  ville  oii  il  enseigne  encore  en  même  temps 
qu'à  l'université  qui  lui  ouvrit  en  1877  une  chaire  de  pri- 
vat-docent.  M.  Lasson  est  aujourd'hui  le  plus  autorisé  re- 
présentant de  l'hégélianisme  en  Allemagne.  Sans  modifier 
la  doctrine  proprement  dite  de  Hegel,  il  cherche  dans  l'his- 
toire, dans  le  droit,  dans  la  morale,  dans  l'art,  à  saisir  les 
rapports  rationnels  immanents  de  toute  réalité.  Son  acti- 
vité s'est  appliquée  aux  objets  les  plus  variés.  Parmi  ses 
nombreux  ouvrages  nous  citerons  :  J.  G.  Fichteim  Ver- 
hœltniss  zuKirclie  u.  Staat  (Berlin,  1863,  in-8);  Meis- 
ter  Eckhard  der  Mystiker  (Berlin,  1868,  in-8);  Bas  Cul- 
turideal  u.  der  Krieg  (Berlin,  1863,  in -4);  Prùicip  il 
Zukunft  des  Vœlkerrechts  (Berlin,  1871,  in-8);  Ueb» 
Gegenstand  u,  Behandlung  der  Pieligioiisphilos.  (Hei- 
delberg,  1880,  in-8);  System  der  Rechtspliilosophie 
(Berlin  et  Leipzig,  1882,  iii-8),  son  principal  ouvrage; 
Zeilliches  u,  Zeitloses  (Leipzig,  1891,  in-8);  en  outre  un 
certain  nombre  do  travaux  dans  les  Philosopldsche  Vor- 
trœge  de  la  Société  philosophique  de  BerHn  {Ber  Satz  vom 
Widersprncli,  1885,  livr.  10;  Realismiis  u,  Naturalis- 
miis  in  der  Kimst,  1892,  livr.  22  et  23  ;  Bas  Geda'chtnis, 
1894,  m,  livr.  2),  de  nombreux  articles  dans  les  revues 
ou  recueils   suivants  :   Volkswirthschaftl,  Zeitfragen^ 


LASSON  —  LASSUS 


-  99^ 


Philos.  Monatskefte,  Zeitschr.  filr  Philos,  u.  philos, 
Kritik,  Preuss.  Jahr bûcher.  Th.  Ruyssen. 

BiBL.  :  Kaiilk,  Lasson's  System  der  Rechtsphilos.,  dans 
les  Philos.  Vortrœge  der  Philos.  Gesellchs.  in  Berlin, 
r,  livr.  10. 

LASSON  E  (Joseph-Marie-François  de),  médecin  français, 
né  à  Carpentras  le  3  juii.  4717,  mort  à  Paris  le  8  déc. 
1788.  Il  fut  reçu  fort  jeune  abrégé  à  la  faculté  de  méde- 
cine de  Paris  et  à  l'Académie  des  sciences  (1742)  ;  en 
1751,  il  devint  le  médecin  de  la  reine,  puis  de  Marie-An- 
toinette et  de  Louis  XVI.  Pour  alléger  le  poids  des  attri- 
butions qui  incombaient  au  premier  médecin  du  roi,  il 
provoqua  la  formation  d'une  société  qui  devint  la  célèbre 
Société  royale  de  médecine  et  donna  tant  de  tablature  à 
la  faculté.  Lassone  a  publié  un  très  grand  nombre  de  mé- 
moires parmi  ceux  de  l'Académie  des  sciences,  de  l'Aca- 
démie de  chirurgie  et  de  la  Société  royale  de  médecine. 

LASSOUCHE  (Bouquin  de),  acteur  français,  né  à  Paris 
vers  1828.  D'abord  employé  de  commerce,  il  fit  ses  dé- 
buts en  1850  au  théâtre  Montmartre,  puis  passa  à  celui 
des  Batignolles,  oii  il  gagnait,  dit-on,  vingt-cinq  francs 
par  mois.  En  1852,  il  fut  engagé  au  théâtre  de  la  Mon- 
naie de  Bruxelles,  y  resta  une  année,  puis,  de  retour 
à  Paris,  entra  au  théâtre  Beaumarchais,  d'où  il  passa  peu 
de  temps  après  à  la  Gaîté.  Après  un  séjour  de  quatre  ans 
à  ce  dernier  théâtre,  il  débuta  avec  succès  au  Palais-Royal 
où  ses  rares  qualités  comiques  trouvaient  leur  emploi  mieux 
que  partout  ailleurs.  Vers  1878,  M.  Lassouche  quitta  le 
Palais-Royal  pour  entrer  aux  Variétés  où  il  se  trouve  en- 
core aujourd'hui,  et  où  il  a  obtenu  de  très  grands  succès. 
M.  Lassouche  est  un  bibliophile  distingué. 

LASSO UTS.  Corn,  du  dép.  de  l'Aveyron,  arr.  et  cant. 
d'Espalion;  1,000  hab. 

LASSUR.  Com.  du  dép.  de  l'Ariège,  arr.  deFoix,  cant. 
desCabannes;  130  hab. 

LASSUS  (Roland  de  Lattre,  dit)  (en  italien  Orlando  di 
Lasso),  compositeur  belge,  né  à  Mons  (Hainaut)  en  1530, 
mort  à  Munich  le  14  juin  1594.  Placé  depuis  l'âge  de  sept  ans 
au  choeur  de  l'église  Saint-Nicolas  de  Mons,  et,  dès  ce  mo- 
ment, remarqué  pour  sa  jolie  voix  et  ses  dispositions  musi- 
cales, il  entra  en  1544  au  service  de  Ferdinand  Gonzague 
qui  dirigeait  alors  le  siège  de  Saint-Dizier  à  latête  d'une  ar- 
mée impériale.  Lassus  suivit  son  maître  en  Sicile  et  à  Mi- 
lan ;  il  habita  Naples  et  Rome  avant  de  revenir  à  Anvers, 
où  il  publia  en  1555  ses  premières  compositions  :  des  vil- 
lanelles,  souvenirs  de  son  séjour  à  Naples,  des  chansons 
françaises  et  des  motets.  Engagé  au  service  du  duc  de 
Bavière,  Albert  V,  il  se  rendit  à  Munich  avec  plusieurs 
autres  artistes,  dans  l'automne  de  1556,  et  devint  en 
1563  maître  de  la  chapelle  ducale,  en  remplacement  de 
Louis  Daser.  Il  jouit  bientôt  d'une  grande  faveur  près 
du  duc  qui  le  combla  de  bienfaits  et  le  chargea,  à  plu- 
sieurs reprises,  de  lui  recruter  des  musiciens  à  l'étranger, 
ce  qui  le  mit  en  rapports  avec  plusieurs  souverains.  En 
1570,  l'empereur  Maximilien  lui  conféra  des  lettres  de 
noblesse  ;  en  1571,  Lassus  se  rendit  à  Paris  et  fut  accueilli 
avec  de  grands  honneurs  par  Charles  IX  et  par  les  musi- 
ciens français  ;  en  1574,  il  reçut  du  pape  Grégoire  Xltl 
le  titre  de  chevalier  de  l'Eperon  d'or,  comme  récompense 
de  la  dédicace  du  second  livre  de  son  grand  ouvrage  inti- 
tulé Patrocinium  musices.  Malgré  ses  travaux  à  la  cour 
et  ses  fréquents  voyages,  ses  productions  se  succédaient 
avec  une  rapidité  surprenante.  En  1568,  les  noces  de  Guil- 
laume avec  Renée  de  Lorraine  avaient  été  l'occasion  de 
fêtes  magnifiques  auxquelles  Lassus  avait  pris  part  comme 
compositeur  et  comme  acteur  bouffon  d'une  comédie  ita- 
lienne improvisée.  C'était  le  même  homme  qui  venait  d'écrire 
la  série  des  Psaumes  de  la  pénitence,  imprimée  seulement 
en  1584,  mais  copiée  de  1559  à  1570  par  l'ordre  d'Al- 
bert V,  dans  ces  manuscrits  splendidement  ornés  qui  sont 
aujourd'hui  une  des  richesses  de  la  Bibliothèque  de  Munich. 
Lassus,  en  même  temps,  groupait  autour  de  lui  des  élèves 
dont  plusieurs  devinrent  d'excellents  compositeurs.   En 


1569  il  se  fit  dégager  de  ses  fonctions  de  maître  de  la 
chapelle  ducale.  A  la  mort  d'Albert  V,  en  1579,  le  per- 
sonnel de  cette  chapelle  fut  réduit  de  moitié. 

Fortement  attaché  au  duc  Guillaume,  Lassus  refusa  cepen- 
dant le  poste  de  maître  de  chapelle  à  Dresde,  qui  lui  était 
offert  par  la  cour  de  Saxe  ;  son  dernier  voyage  en  Italie 
eut  lieu  en  1587.  Peu  d'années  après,  revenant  d'un  sé- 
jour dans  sa  propriété  de  Schœngeising,  Lassus  donna  des 
signes  subits  de  maladie  et  d'affaiblissement  cérébral  ;  il 
parut   guérir,   mais  pour  peu   de  temps,  et   mourut  à 
xMunich.  Sa  femme,  Regina  Weckinger,  qu'il  avait  épou- 
sée en  1558,  mourut  en   1600.  Ses  tils  et  élèves,  Fer- 
dinand et  Rodolphe  de  Lassus,  moururent  l'un  en  1609 
et  le  second  en  1626,  laissant  des  œuvres  intéressantes. 
Ils  avaient  été  attachés  tous  deux  à  la  chapelle  bavaroise. 
L'année  1594  vit  mourir  Lassus  et  Palestrina.  En  ces 
deux  illustres  maîtres  s'était  personnifié  en  même  temps  et 
avec  une  splendeur  égale  l'épanouissement  suprême  de  la 
musique  vocale  polyphonique,  née  au  moyen  âge  de  l'al- 
liance du  chant  grégorien  avec  le  chant  populaire,  et  dé- 
veloppée à  travers  trois  siècles  par  le  travail  de  plusieurs 
générations  d'artistes.  Ce  qui  frappe  au  premier  abord  et 
presque  avant  tout  examen  dans  le  génie  de  Lassus,  c'est 
la  fécondité  et  la  variété  de  l'invention.  Initié  par  ses  fré- 
quents voyages  à  la  vie  musicale  de  tous  les  pays,  Lassus 
montra,  dès  sa  jeunesse,  une  souplesse  d'esprit  qui  lui  per- 
mit de  s'approprier  toutes  les  formes  artistiques  et  de  les 
rendre  siennes  ;  la  villanelle  napolitaine,  le  madrigal  ro- 
main ou  vénitien,  la  chanson  française  et  allemande  sont 
représentés  chacun  dans  son  œuvre  par  un  nombre  consi- 
dérable de  productions.  Si  l'on  classe  ensuite  les  travaux 
de  Lassus  dans  l'ordre  chronologique,  on  suit  l'évolution 
de  son  esprit  ;  l'élément  profane,  qui  l'emportait  au  début, 
cède  peu  à  peu  à  l'élément  religieux,  qui  devient  à  la  fin 
prépondérant.  A  la  même  époque,  Palestrina  désavouait  les 
compositions  amoureuses  de  sa  jeunesse  pour  composer  des 
madrigaux  spirituels,  et  nombre  de  musiciens  français 
abandonnaient  la  chanson  profane  pour  écrire  des  psaumes. 
Lassus,  dont  les  œuvres  avaient  débordé  jadis  d'entrain  et 
de  grosse  gaieté  flamande,  se  montra,  dans  ses  messes  et 
ses  grands  motets,  plein  de  force,  de  gravité  et  d'élévation. 
On  est  forcé  de  renvoyer  le  lecteur  aux  ouvrages  spé- 
ciaux pour  le  catalogue  des  œuvres  de  Lassus,  le  nombre 
total  des  morceaux  connus  sous  son  nom  dépassant  deux 
mille.  Le  Magnum  opus  musicum,  imprimé  en  1604, 
contient  à  lui  seul  516  motets  ;  129  chansons  sont  réunies 
dans  les  Meslanges  que  Le  Roy  imprima  à  Paris  en  1575; 
les  cinq  livres  intitulés  Patrocinium  musices,  publiés  de 
1573  à  1576,  renferment  21  motets,  5  messes,  divers 
offices,  psaumes,  1  Passion  et  10  Magnificat  ;  les  célèbres 
Psaumes  de  la  pénitence,  composés  en  1560-70,  furent 
imprimés  en  1584.  De  nombreux  morceaux  de  Lassus  ont 
été  publiés  dans  notre  siècle  en  partition  moderne.  A  l'oc- 
casion du  troisième  centenaire  de  sa  mort,  fêté  en  1894  à 
Mons  et  à  Munich,  la  maison  Breitkopf  et  Haertel,  de  Leip- 
zig, a  commencé  l'édition  de  ses  œuvres  complètes  ;  la  ré- 
daction a  été  confiée  à  MM.  Haberl  et  Sandberger. 

Les  principaux  portraits  de  Lassus  sont  :  deux  miniatures 
exécutées  de  1565  à  1570  par  Jean  Mielich  dans  le  ma- 
nuscrit des  Psaumes  de  la  pénitence  (Bibliothèque  royale 
de  Munich)  ;  un  portrait  anonyme,  attribué  à  Hans  von 
Aachen,  et  daté  de  1580  (au  Kgl.  Erziehungsinstitut,  de 
Munich)  ;  une  gravure  de  Sadeler,  exécutée  en  1593.  Deux 
statues  de  Lassus  ont  été  érigées,  l'une  à  Munich  en  1849, 
l'autre  à  Mons  en  1851.  Le  bas-relief  placé  en  1594  sur 
le  tombeau  de  Lassus,  au  cimetière  des  Franciscains,  est 
aujourd'hui  au  musée  de  Munich.  Michel  Brenet. 

BiBL.  :  Delmotte,  Notice  biographique  sur  Roland  de 
Lattre  ;  Valenciennes,  1885,  in-8.  —  Eitxer,  Verzeichniss 
der  gedruhten  Werke  von  H.  L.  von  Hassler  und  Orlan- 
dus  de  Lassus  ;  Berlin,  1874,  in-8.  —  Vax  der  Straeten, 
Cinq  Lettres  intimes  de  Roland  de  Lassus  ;  Gand,  1891, 
in-12.  —  Sandberger,  Beitrœge  zur  Geschichte  der  baye- 
rischen  Hofkapelleunter  Orlando  di  Lasso  ;  Leipzig,  1894, 
in-8.  —  Rivista  musicale  italiana  ;  Turin,  1894,  t.  I. 


~  993  - 


LASSUS  —  LASTEYRIE 


LASSUS  (Pierre),  chirurgien  français,  né  à  Paris  le 
11  avr.  1741,  mort  à  Paris  le  7  mars  1807. 11  fut  succes- 
sivement démonstrateur  à  rilcadémie  de  chirurgie,  chirur- 
gien de  Mesdames,  filles  de  Louis  XV  (1770),  lieutenant  du 
premier  chirurgien  du  roi  (1779),  inspecteur  des  écoles  de 
chirurgie,  professeur  d'histoire  de  la  médecine  aux  écoles 
de  santé,  membre  de  l'Institut,  professeur  de  pathologie 
externe,  chirurgien  consultant  de  Napoléon.  Lassus  était 
plutôt  un  érudit  qu'un  praticien.  Parmi  ses  publications, 
citons  :  Essais  on  dise,  histor,  et  critique  sur  les  décou- 
vertes faites  en  anatomie^  etc.  (Paris,  1783,  in-8);  Traité 
élém,  de  médecine  opératoire  (1795,  in-8);  Traité  de 
pathologie  chirurgicale  (1805-6,  in-8),  etc. 

LASSUS  (Jean-Baptiste-Antoine),  architecte  français, 
né  à  Paris  le  1 9  mars  1807,  mort  à  Vichy  le  1 5  juil .  1 857 . 
Entré  à  l'Ecole  des  beaux-arts  en  1828,  il  s'adonna  tout  de 
suite  aux  études  archéologiques.  En  1833,  il  était  l'élève 
de  H.  Labrouste  et  se  faisait  déjà  remarquer  par  divers 
projets  de  restauration  d'édifices  gothiques  et  de  la  Renais- 
sance. Ce  fut  vers  cette  époque  que  ses  études  le  rappro- 
chèrent de  Viollet-le-Duc,  un  peu  plus  jeune  que  lui,  et  qui 
devint  bientôt  son  ami  intime.  En  1840,  Duban,  chargé  de  la 
restauration  de  la  Sainte-Chapelle,  prit  Lassus  pour  premier 
et  Viollet-le-Duc  pour  second  inspecteur  des  travaux,  qu'ils 
surveillèrent  jusqu'à  leur  achèvement  en  1856.  Lorsque, 
en  1842,  fut  ouvert  un  concours  pour  la  restauration  de 
Notre-Dame  de  Paris  et  la  construction  d'une  nouvelle  sa- 
cristie de  la  cathédrale,  les  deux  amis  travaillèrent  en  col- 
laboration de  la  façon  la  plus  active  ;  leur  projet  commun, 
auquel  le  conseil  des  bâtiments  civils  donna  la  préférence, 
fut  mis  à  exécution  dès  1845.  Dès  lors,  les  restaurations 
ou  les  constructions  nouvelles  exécutées  sur  ses  plans  et 
sous  sa  direction  ne  se  comptent  plus  ;  citons  seulement  les 
principales  :  la  restauration  de  Saint-Germain-l'Auxerrois, 
qui  put  être  restitué  au  culte;  celle  de  la  cathédrale  de 
Moulins  ;  la  construction  de  l'église  Saint-Nicolas  de  Nantes 
et  d'un  grand  nombre  de  couvents  à  Paris  et  en  province. 
En  1853,  ce  fut  lui  qui  donna  les  plans  et  fit  bâtir  la  nou- 
velle église  paroissiale  de  Belleville,  «  monument  élevé  avec 
rapidité  et  dans  lequel  il  mit  tout  ce  qu'il  avait  de  savoir  et 
de  goût  ».  Il  avait  été  chargé  en  outre  du  service  des  édi- 
fices diocésains  de  la  Sarthe,  de  l'Eure-et-Loir  et  de  l'Al- 
lier et  partageait  avec  Viollet-le-Duc  ce  même  service  dans 
le  dép.  de  la  Seine.  En  1855,  il  était  entré  dans  le  conseil 
des  bâtiments  civils,  près  le  ministère  d'Etat.  —  Esprit  droit, 
aux  opinions  très  nettes,  mais  formulées  parfois  avec  une 
certaine  âpreté,  «  il  excellait  dans  la  mise  à  flot  d'une  en- 
treprise et  savait  faire  pénétrer  ses  convictions  dans  l'esprit 
des  personnes  les  plus  étrangères  aux  arts»  (Viollet-le-Duc). 
—  Il  exposa  plusieurs  fois  au  Salon  de  1833  à  1837  et  en 
1855.  Il  publia  divers  ouvrages  :  Monographie  de  la 
cathédrale  de  Chartres:  architecture,  sculpture  d'or- 
nements et  peinture  sur  verre  (Paris,  1843,  in-fol.), 
en  collaboration  avec  Didron  et  Amaury  Duval  ;  Réaction 
de  r Académie  des  beaux-arts  contre  fart  gothique 
(Paris,  1846,  in-8) .  Il  collabora  enfin  aux  Annales  archéo- 
logiques^ et  annota  V Album  de  Villard  de  Eonnecourt^ 
qui  ne  fut  publié  qu'en  1858,  en  fac-similé,  par  Alfred 
Darcel.  M.  P. 

BiBL.  :  ViOLLET-LE-Duc,  Lettre  sur  M.  Lassus,  dans 
l'Artiste  du  26  juil.  1857. 

LASSWADE.  Bourg  industriel  de  l'Ecosse  (Edinburgh- 
shire);  4,232  hab.  en  1881.  Dans  le  voisinage  se  trouve 
Hawthorndon  Caslle,  qui  fut  le  séjour  de  Drummond,  poète 
et  ami  de  Shakspeare  et  de  Ben  Jonson. 

LASSY.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr.  de  Vire,  cant. 
de  Condé-sur-Noireau  ;  736  hab. 

LASSY.  Com.  du  dép.  d'Ille-et- Vilaine,  arr.  de  Redon, 
cant.  de  Guichen  ;  702  hab. 

LASSY.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Oise,  arr.  de  Pon- 
toise,  cant.  de  Luzarches;  156  hab. 

LAST.  Unité  de  compte  en  usage  dans  les  contrées  du 
N.  de  l'Europe,  principalement  pour  l'estimation  du  char- 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —   XXL 


gement  des  navires,  mais  variable  suivant  les  localités  ; 
c'est  ainsi  que  le  last  de  froment,  qui  représentait  ^Id^HS 
à  Amsterdam,  en  représentait  30  à  Anvers,  39,57  à  P)crlin 
et  28,71  à  Cologne;  on  pourrait  relever  des  différences 
semblables  pour  les  autres  marchandises.  Actuellement,  on 
trouveenDanemarklelastde4,0001ivres(ou2,000kilogr.), 
le  last  de  navire  de  5,200  livres,  le  last  ou  laste  de  22  tonnes 
ou  30''^6  ;  en  Suède,  le  nouveau  last  de  10,000  livres  ou 
4,250^^876;  en  Norvège,  le  laste  pour  le  commerce  des 
bois,  de  51  1/5  planches  (1  planche  ayant  3"^452  de  long, 
0^235  de  large  et  0"^065  d'épaisseur).  En  Hollande,  le  last 
pour  marchandises  sèches  égale  30  hectol.  ;  en  Angleterre, 
le  last  égale  29^^1078  ;  dans  les  Etats-Unis,  28^^^1897  ;  en 
Russie,  33^*1584.  En  Russie,  le  last  de  navire  égale  2  ton- 
neaux ou  1,965  kilogr.  ;  aux  Etats-Unis,  le  last  de  na- 
vire, pour  les  liquides,  égale  775  Htres  ;  en  Belgique,  il 
égale  1,000  kilogr.         '  G.  François. 

LASTANOSA  de  Figueruelas  (Vicente-Jnan),  numisma- 
tiste  espagnol,  né  à  Huesca  vers  1606,  mort  en  1685.  Il 
avait  réuni  une  collection  d'antiquités  célébrée  par  André 
d'Ustarroz  dans  un  poème  intitulé  Descripcion  de  las 
antiguedades  y  jardines  de  V.-J.  de  Lastanosa  (Sara- 
gosse,  1647,  in-8).  On  a  de  lui  :  Museo  de  las  medallas 
desconocidas  espanolas  (Huesca,  1645,  in-4*^),  et  Tra- 
tado  de  la  moîieda  Jaque  sa  y  de  otras  de  oro  y  plata 
del  reyno  de  Aragon  (Saragosse,  1681,  in-4).    M.  P. 

LASTARRIA  (José-Victorino),  homme  politique,  juris- 
consulte et  littérateur  chilien,  né  vers  1810.  Professeur 
de  droit  à  l'Institut  national  de  Santiago,  il  ne  tarda  pas 
à  entrer  dans  la  politique,  où  il  fit  une  opposition  décidée 
et  éloquente  au  président  de  la  République,  Manuel  Monte 
(1851).  Lastarria  a  laissé  de  nombreux  ouvrages  trai- 
tant de  la  constitution  du  Chili  et  de  son  histoire  au 
xix^'  siècle.  L.  Saint. 

LASTELLE.  Com.  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de  Cou- 
tances,  cant.  de  Périers;  170  hab. 

LASTEYRIE  du  Saillant  (Charles-Philibert,  comte  de), 
publiciste,  agronome  et  philanthrope  français,  né  à  Brive  le 

4  nov.  1759,  mort  à  Paris  le  3  nov,  1849.  Après  avoir  long- 
temps voyagé  pour  étudier  l'économie  rurale,il  fonda  sous  le 
Consulat  en  faveur  des  savants  et  des  gens  de  lettres  une  So- 
ciété d'encouragement  qui  fut  bientôt  dissoute  par  la  police 
de  Napoléon.  A  partir  de  1812,  il  s'attacha  à  propager  en 
France  l'industrie  naissante  de  la  lithographie.  Il  fut,  pen- 
dant la  seconde  moitié  de  sa  vie,  un  des  fondateurs  et  des 
membres  les  plus  actifs  de  la  Société  d'encouragement  pour 
l'industrie  nationale,  de  la  Société  philanthropique,  de  la 
Société  centrale  d'agriculture,  de  la  Société  asiatique,  de  la 
Société  de  vaccine,  de  la  Société  pour  renseignement  mu- 
tuel, etc.  Parmi  ses  nombreux  ouvrages,  nous  citerons  : 
Traité  des  bêtes  à  laine  d'Espagne  (1799)  ;  Société  en 
faveur  des  savants  et  hommes  de  lettres  (180i)  ;  De 
l' Engraissement  des  bestiaux  (1804)  ;  Du  Cotonnier  et 
de  sa  culture  (1808);  Nouveau  Syslèîne  d'éducation 
pour  les  écoles  primaires  (1815)  ;  Méthode  naturelle 
de  V enseignement  des  langues  (1826)  ;  De  la  Liberté 
de  la  presse  illimitée  (1830)  ;  Histoire  naturelle  et  éco- 
nomique du  chien,  du  mouton^  de  la  chèvre,  du  che- 
val, de  l'âne,  du  mulet,  du  cochon,  du  lapin,  du 
chat,  du  furet,  du  dromadaire,  du  bœuf,  de  la  vache, 
du  buffle,  etc.  (1830-34)  ;  la  Lecture  par  les  images 
(1834);  Typographie  économique  (1837);  Des  Droits 
naturels  de  tout  individu  vivant  en  société  {\^'l^', 
Histoire  de  la  confession  (1846),  etc.    A.  Debidour. 

LASTEYRIE  du  Saillant  (Ferdinand-Charles-Léon, 
comte  de),  homme  politique  et  archéologue  français,  né  le 

5  juin  1810,  mort  à  Paris  le  13  mai  1879',  fils  du  précédent. 
Après  de  solides  études  littéraires  et  artistiques  faites  sous 
la  surveillance  de  ses  parents,  il  entra  comme  élève  libre  à 
l'Ecole  des  mines  (1827).  En  1830,  son  parent  La  Fayette  le 
choisit  comme  aide  de  camp.  Il  fut  ensuite  employé  dans  les 
ponts  et  chaussées,  puis  aux  ministères  de  l'instruction  pu- 
bliaue  et  de  l'intérieur.  Elu  député  du  XIV'^  arrondissement 

63 


LASTEYRIE  —  LASTIC 


—  994 


de  la  Seine  en  1842,  il  se  rangea  dans  l'opposition  de  gauche  ; 
à  la  Chambre,  il  se  montra  le  défenseur  des  lettres  et  des 
arts;  à  deux  reprises,  le  9  juil.  1844  et  le  26  mai  1846, 
il  prononça  des  discours  en  faveur  de  l'Ecole  des  chartes  ; 
le  8  mars  1845,  il  pr-t  la  parole  pour  les  professeurs  de 
l'Ecole  des  beaux -arts .  il  intervint  pour  appuyer  les  res- 
taurations de  l'église  'Saint-Ouen  de  Rouen,  de  Notre- 
Dame  de  Paris.  Après  la  révolution  de  Février,  il  représenta 
Paris  à  la  Constituante  et  à  la  Législative  ;  il  fut  membre 
du  conseil  d'Etat  provisoire  et  du  conseil  municipal  de 
Paris  de  1848  à  1851 .  Sous  l'Empire,  il  rentra  dans  la  vie 
privée  et  partagea  son  temps  entre  l'archéologie  et  les  ques- 
tions administratives,  critiquant  l'Empire  dans  une  série 
de  mémoires  remplis  de  vues  intéressantes.  Il  a  particu- 
lièrement étudié  Porganisation  des  musées  ;  il  souhaitait  la 
création  à  Paris  d'un  musée  d'art  industriel  analogue  au 
musée  de  South  Kensington.  Dans  les  sciences  archéolo- 
giques, il  a  été  le  premier  et  il  est  resté  jusqu'ici  le  seul 
historien  de  la  peinture  sur  verre  ;  il  a  démêlé  les  origines 
de  Fémaillerie  limousine  ;  il  a  le  premier  mis  en  lumière 
les  caractères  de  Porfèvrerie  barbare  et  restitué  aux  peuples 
germaniques  les  monuments  où  Labarte  voyait  des  produits 
de  l'art  byzantin.  Il  devînt  membre  de  la  Société  des  an- 
tiquaires de  France  le  22  avr.  1851  et  membre  libre  de 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  en  avr.  1860. 
Ses  principaux  ouvrages  sont:  Rubens,  biographie,  ûixns 
la  Revue  des  Enfants  (2  mai  1835)  ;  Histoire  de  la 
peinture  sur  verre  en  France  (Paris,  1838-57,  in-foL), 
avec  un  atlas  de  1 08  planches  dessinées  et  coloriées  par 
l'auteur  ;  Quelques  Mots  sur  la  théorie  de  la  peinture 
sur  verre  (Paris,  1852,  in-18);  la  Cathédrale  d'Aoste 
(Paris,  1854,  in-8)  ;  Notice  sur  une  lampe  chrétienne 
en  forme  de  bélier,  dans  Mémoires  de  la  Société  des 
antiquaires  de  France  (1855,  t.  XXII,  p.  225)  ;  Notice 
sur  les  vitraux  de  V abbaye  de  Rathhausen  {id.,  1857, 
t.  XXIII,  p.  116);  VElectrum  des  anciens  était-il  de 
V émail?  (Paris,  1857,  in-8);  Description  du  trésor  de 
Guarramr  (Paris,  1860,  in-4);  les  Travaux  de  Paris 
(Paris,  1861,  in-dè)  ;  Causeries  artistiques  (Paris,  1862, 
in-12);  la  Peinture  à  l'Exposition  universelle  (Paris, 
1862,  in-18);  Observations  sur  le  trésor  de  Conques^ 
dans  Mémoires  de  la  Société  des  antiquaires  de  France 
(1865,  t.  XXVIIÏ,  p.  48)  ;  Histoire  du  travail  à  f  Ex- 
position universelle  (Paris,  1869,  in-S);  Histoire  de 
l'orfèvrerie  (Paris,  1875,  in-8)  ;  les  Peiîdres  verriers 
étrangers  à  la  France,  dans  Mémoires  de  la  Société  des 
antiquaires  de  France  (1879,  t.  XL,  p.  1).  Il  a  collaboré 
au  Siècle,  de  1853  à  1863  ;  au  Temps,  en  1863  ;  à  V Opi- 
nion nationale,  de  1865  ù  1876,  et  à  la  Gazette  des 
beaux-arts.  M.  P. 

BiBL.  :  NicARi),  Notice  sur  la  vie  et  les  travaux  de 
M.  Ferdinand  de  Lasteyrie  du  Saillant,  dans  Mémoires 
de  la  Société  des  antiquaires  de  France,  t.  XLIV,  p.  143. 

LASTEYRIE  nu  Saillant  (Adrien-Jules,  marquis  de), 
homme  politique  français,  né  à  Courpalay  (Seine-et-Marne) 
le  29  oct.  1810,  mort  à  Paris  le  14  nov.  1883,  cousin  du 
précédent  et  petit-fils  de  La  Fayette.  Il  alla  dans  sa  jeu- 
nesse servir  sous  dom  Pedro  en  Portugal  (1832-34), 
écrivit  quelques  articles  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes 
et  représenta  de  1842  à  1848  le  collège  de  La  Flèche  à  la 
Chambre  des  députés,  où  il  s'associa  à  la  pohtique  du 
centre  gauche.  Après  avoir  signalé  son  dévouement  à  la 
dynastie  d'Orléans  dans  la  journée  du  24  février,  il  entra > 
comme  représentant  de  Seine-et-Marne,  à  l'Assemblée  cons- 
tituante (1848),  puis  à  l'Assemblée  législative  (1849), 
devint  vice-président  de  cette  dernière,  où  il  combattit  la 
politique  de  l'Elysée,  fut  arrêté  au  2  décembre,  puis 
expulsé  de  France  (9  janv.  1852),  où  il  obtint  de  rentrer 
quelques  mois  après,  publia  en  1860  son  Histoire  de  la 
liberté  politique  cîi  France,  se  présenta  sans  succès  aux 
élections  législatives,  comme  candidat  de  l'opposition,  dans 
la  première  circonscription  de  Seine-et-Marne  en  1 863  et 
1869,  mais  fut  envoyé  par  ce  département  (8  févr.  1871) 


à  l'Assemblée  nationale,  où  il  se  rallia  au  gouvernement  de 
Tliiers  et,  après  sa  chute  (1873)^  contrecarra  celui  de  V ordre 
moral.  Elu  sénateur  inamovible  le  10  déc.  1875,  il  siégea 
dans  la  haute  Assemblée  sur  les  bancs  du  centre  gauche, 
et,  affaibli  par  la  maladie,  ne  joua  plus  dans  ses  dernières 
années  qu'un  rôle  fort  effacé.  A.  Debidour. 

LASTEYRIE  du  Saillant  (Robert-Charles,  comte  de), 
érudit  et  homme  politique  français,  né  à  Paris  le  15  nov. 
1849,  fils  de  Ferdinand-Charles-Léon  (V.  ci-dessus).  Elève 
de  l'Ecole  des  chartes,  archiviste  aux  Archives  nationales, 
il  fut  nommé  en  1880  professeur  d'archéologie  du  moyen 
âge  à  l'Ecole  des  chartes,  dans  la  chaire  qu'avait  occupée 
Quicherat,  et  entra  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  le  7  févr.  1890.  Il  a  été  élu  député  de  la  Corrèze 
(2^  circonscription  de  Brive)  le  17  déc.  1893  avec  un 
programme  républicain.  On  lui  doit  d'importants  travaux 
d'érudition,  entre  autres  :  Etude  sur  les  comtes  et  vicomtes 
de  Limoges  antérieurs  à  Pan  iOOO(?dim,  1874,  in-8); 
Cartulaire  général  de  Paris  (1887,  in-4)  ;  Bibliogra- 
phie générale  des  travaux  publiés  par  les  sociétés  sa- 
vantes de  France,  t.  I  et  II  (1888-90,  in-4,  en  collab. 
avec  E.  Lefèvre-Pontalis);  Album  archéologique  des 
musées  de  province  (1890,  in-4). 

LASTHÉNlS,  chef  olynthien.  Les  Olynthiens  le  mirent 
en  348  av.  J.-C.  à  la  tête  de  la  cavalerie  qu'ils  opposaient 
à  Philippe  de  Macédoine.  Mais  Lasthénès  se  vendit  à  Phi- 
lippe et  conduisit  ses  cavaliers  dans  une  embuscade  où  ils 
furent  pris  par  les  Macédoniens.  Lasthénès  est  mentionné 
dans  plusieurs  discours  de  Démosthène. 

LASTHÉNÈS,  général  crétois,  qui  lutta  pendant  trois 
ans  (68-65  av.  J.-C.)  contre  les  Romains  commandés  par 
Métellus. 

LASTIC.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  et  cant.  (N.)de 
Saint-Fiour;  327  hab.  Eglise  du  xv^'  siècle.  Ruines  d'un 
château  féodal, 

LASTIC.  Com.  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  arr.  de  Cler- 
mont-Ferrand,  cant.  de  Bourg-Lastic  ;  504  hab.  Moulins. 
Eglise  du  xn«  siècle  ;  ancienne  église  d'une  commanderie 
de  templiers,  dont  il  subsiste  quelques  tombes  mutilées. 

LASTIC  (Famille  de).  Une  des  plus  anciennes  familles 
d'Auvergne.  La  tradition  veut  que  Henri  de  Thierstein,  du 
diocèse  de  Râle,  en  Suisse,  soit  venu  se  fixer  à  la  fin  du 
xi«  siècle  en  Auvergne  et  y  ait  épousé  Aldéarde  de  Mer- 
cœur.  Celle-ci  lui  aurait  apporté  en  dot  la  seigneurie  de 
Lastic  (désignée  plus  tard  sous  le  nom  de  Lastic-Montsuc) . 
D'où  le  nom  donné  à  la  famille.  Ces  faits  sont  bien  en  par- 
tie consignés  dans  un  acte  daté  de  1161,  mais  dont  une 
copie  présentant  très  peu  de  caractères  d'authenticité  est 
seule  conservée  dans  les  archives  des  de  Lastic.  Ces  mêmes 
archives  nous  permettent  du  moins  de  constater  le  rôle 
prééminent  que  joua  cette  maison  dès  le  commencement  du 
xiii«  siècle.  Il  ne  peut  être  question  d'en  donner  ici  une 
généalogie  complète.  Citons  seulement  les  noms  de  quelques- 
uns  de  ses  membres  les  plus  marquants.  Et  d'abord  Hugues 
de  Lastic,  qui  en  1211  participe  sous  les  ordres  de  Simon 
de  Montfort,  dont  il  est  le  conseiller  écouté,  à  la  croisade 
contrôles  Albigeois.  —  Etienne III  de  Lastic,  qui  assiste 
en  1356  à  la  bataille  de  Poitiers.  —  Bayard  Bompar  de 
Lastic,  commandeur  de  l'ordre  de  Rhodes  en  Auvergne,  et 
commis  par  le  roi  Charles  V  à  la  garde  et  défense  du  pays. 
Nous  passons  sur  plusieurs  des  membres  de  la  famille,  qui 
se  firent  remarquer  comme  abbés  des  abbayes  de  Pébrac, 
de  Saint-Julien  de  Brioude,  de  Saint-Amable  deRiom,  pour 
arriver  au  nom  le  plus  glorieux  de  la  généalogie,  à  Jean  III 
Bompar  de  Lastic,  grand  maître  de  l'ordre  de  Rhodes.  H 
naquit  en  1371,  prit  part  dès  l'âge  de  quatorze  ans  aux 
luttes  que  soutint  son  père  contre  les  Anglais,  puis  résolut 
d'imiter  son  oncle  et  d'entrer  dans  Tordre  des  chevaliers  de 
Saint-Jean  de  Jérusalem.  Il  se  rendi  à  Rhodes  et  y  fit  pro- 
fession vers  1397,  fut  nommé  successivement  commandeur 
des  commanderies  de  Montehamp,  de  Celles  et  de  Cariât  en 
Auvergne  et  enfin  grand  prieur  de  l'ordre  dans  la  même 
province  vers  1428.  En  cette  année,  il  assista  du  moins  à 


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LASTIC  -  LÂTANIER 


ce  titre  au  chapitre  général  que  le  grand  maître  ouvrit  à 
Rhodes.  Le  6  nov.  1437,  il  était  proclamé  grand  maître 
de  l'ordre.  La  construction  à  Rhodes  d'un  magnifique  hos- 
pice et  les  généreux  efforts  tentés  par  lui  au  moment  du 
concile  de  Florence  (4  43 9),  pour  amener  l'union  des  Eglises 
grecque  et  latine,  sont  les  premiers  actes  de  son  magis- 
tère. En  4440  et  4444,  il  défendit  victorieusement  Rhodes 
contre  la  flotte  d'Abouzaïd  Yacmak,  sultan  d'Egypte.  Mal- 
gré son  activité,  il  ne  put  malheureusement  intéresser, 
comme  il  l'aurait  voulu,  la  chrétienté  à  la  lutte  héroïque 
que  soutenait  l'ordre  contre  les  infidèles,  et  il  dut  plus  d'une 
fois  user  de  diplomatie  vis-à-vis  des  hérétiques.  Le  souve- 
nir de  ses  habiles  négociations  avec  Amurat  II  mérite  à  ce 
point  de  vue  d'être  conservé.  Mais  Mohammet  II,  fils 
d' Amurat,  après  la  prise  de  Constantinople,  envoya  à  Jean 
de  Lastic  un  défi  si  outrageant,  que  celui-ci  dut  se  pré- 
parer activement  à  la  guerre.  Il  avait  déjà  fait  augmenter 
les  fortifications  de  Rhodes  et  s'était  assuré  l'appui  de 
Charles  Vil  et  du  roi  d'Angleterre  Henri  VI,  lorsqu'il  mou- 
rut le  49  mai  4454,  à  l'âge  de  quatre-vingt-trois  ans.  Il 
fut  enterré  à  Rhodes.  —  Après  le  grand  maître,  nommons 
comme  ayant  à  leur  tour  illustré  la  famille  :  Draguinet  de 
Lastic,  conseiller  et  chambellan  des  rois  Charles  Vil  et 
Louis  XL  —  Jean  U  de  Lastic,  qui  se  distingua  dans  les 
guerres  de  la  Ligue  en  Auvergne.  —  François  IV  de 
Lastic,  lieutenant  général  des  armées  du  roi  au  xvm^  siècle. 
—  De  honne  heure  s'était  formé  dans  la  maison  de  Lastic 
un  très  grand  nombre  de  branches.  Les  Lastic  d'Unzac 
(branche  éteinte),  les  Lastic- Vigou roux,  les  Lastic  de  Four- 
nel,  les  Lastic-Saint-Jal,  les  Lastic  de  Naxos,  les  Lastic 
de  Lescure  (branche  éteinte),  se  rattachent  tous  à  la  sou- 
che commune.  La  branche  aînée  s'éteignit  en  4783  en  la 
personne  de  Anne-François  F,  marquis  de  Lastic,  comte 
de  Sieujac.  Sa  fille  unique  épousa  Annet  VU  Joseph  de 
Lastic- Vigouroux,  dont  les  descendants  actuels  sont  établis 
au  château  de  Parentignat  (Puy-de-Dôme).  —  L'inventaire 
des  riches  archives  de  la  famille  de  Lastic  est  préparé  par  les 
soins  de  M.  le  marquis  Jean  de  Lastic.  P.  de  Vaissière. 
BiBL.  :  Baluze,  Histoire  généalogique  d'Auvergne.  — 
Deribier  du  Ghatelet,  Dict.  historique  et  statistique  du 
Cantal  (aux  mots  Lastic  et  Celles)'^  Aurillac,  1859.  — 
A.  Tardieu,  Dict.  des  anciennes  familles  de  l'Auvergne  ; 
Moulins,  1884.  —  Comte  R.  de  Lastic-Saint-Jal,  Généa- 
logie historique  de  la  maison  de  Lastic  ;  Poitiers,  1868.  — 
A.-B.  Magni,  Histoire  de  Jean  de  Lastic^  grand  maître  de 
Rhodes  ;  Moulins,  1886. 

^  LASTING  (angl.  Prunelle  autrefois  nommé  Kalmank). 
Tissu  ras,  croisé,  en  laine  peignée.  On  le  tisse  en  écru  et 
on  le  teint  en  pièces.  L'armure  est  celle  du  s^tin  de  cinq 
lisses  par  effet  de  chaîne.  Les  largeurs  ordinaires  sont  de 
70  centim.  pour  pantalons  et  de  85  centim.  pour  l'article 
meubles.  Dans  le  lasting-luxor^  on  emploie  une  chaîne  mé- 
rinos et  une  trame  en  bourre  de  soie. 

LASTMAN  (Pieter),  peintre  et  graveur  hollandais,  né, 
selon  les  uns,  à  Haarlem  en  4562,  selon  d'autres  à  Ams- 
terdam vers  4584,  mort  à  Amsterdam  vers  4649.  Elève 
de  Gerrit  Pieterzson,  il  fit  un  long  séjour  en  Italie  et  subit 
l'influence  d'Elsheimer.  Longtemps  il  chercha  sa  voie  : 
d'abord  sincère  et  naif  {Repos  en  Egypte  et  le  Baptême 
de  Veunuque,  au  musée  de  Berlin),  puis  mmxêvé  [Ulysse 
et  Naiisicaa  [4609],  David  au  Temple  [4643],  le  Èlas- 
saere  des  innocents.,  au  musée  de  Brunswick,  et  plu- 
sieurs tableaux  à  Copenhague),  ensuite  imitateur  des  Ca- 
ravaggio  {le  Christ  en  croix  [4625],  à  La  Haye,  etc.), 
il  devmt  enfin  docile  à  l'ascendant  de  son  immortel  élève, 
Rembrandt  {Adoration  des  bergers,  à  llaarlem).  On  lui 
doit  quelques  eaux-fortes,  rares  et  très  appréciées,  et  des 
essais  d'impression  de  gravures  en  couleurs.     G.  P-i. 

LASTOURS.  Corn,  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Carcas- 
sonne,  cant.  du  Mas-Cabardès  ;  25i'  hab.  Draperie  im- 
portante. Sur  le  territoire,  mine  de  fer,  exploitée  au  moyen 
âge,  aujourd'hui  abandonnée.  Ce  village  a  pris  son  nom 
des  tours  ou  châteaux  de  Cabaret  situés  sur  son  territoire 
(V.  Cabardès).  Ces  châteaux,  cités  dès  le  vt^  siècle,  par 
Grégoire  de  Tours,  ont  eu  longtemps  une  grande  impor- 


tance militaire,  et  au  xviii^  siècle  encore  on  projetait  de 
les  remettre  en  état  pour  tenir  le  pays.  Lastours  s'appelait 
autrefois  Rivière  de  Cabardès;  le  nom  actuel  ne  paraît 
pas  avant  le  xvii*^  ou  même  le  xvni»  siècle.  Lastours,  comme 
plusieurs  autres  villages  des  environs,  était  exempt  de  tout 
impôt,  mais  les  habitants  étaient  forcés  de  tenir  garnison 
dans  les  châteaux  de  Cabaret  et  de  veiller  à  l'entretien 
des  fortifications  ;  ils  jouissaient  encore  de  ces  privilèges  au 
xviu^  siècle.  Après  avoir  appartenu  aux  seigneurs  de  Ca- 
baret, vassaux  des  vicomtes  de  Carcassonne,  le  lieu  de 
Lastours  passa  sous  la  domination  royale  et  fit  partie  de 
la  viguerie  et  chàtellenie  de  Cabardès. 

BiBL.:   Mahul,   Cartulaire  de  Carcassonne,  III,  28-56. 

LASTOURVILLE.  Station  fortifiée  du  Con|o  français, 
sur  la  rive  gauche  de  l'Ogôoué,  à  425  kil;  N.-O.  de  Fran- 
ceville,  dans  une  contrée  très  salubre. 

LASTRICATI  (Zenobio),  sculpteur  florentin  du  xvi^ siècle. 
En  4564,  il  fut  un  des  artistes  qui  concoururent  à  la  déco- 
ration du  char  funèbre  qui  ramena  à  Florence  les  restes  de 
Michel-Ange. 

LASTRICO  (Constr.).  Béton  en  usage  à  Naples  et  aux 
environs  du  Vésuve  dès  les  temps  les  plus  reculés.  On  com- 
pose ce  béton  de  pierrailles  de  pierre  ponce  et  de  tuf  brûlé 
appelées  kipilli  (V.  ce  mot),  que  l'on  broie  à  trois  ou  quatre 
reprises  dans  la  chaux  bien  éteinte  afin  de  donner  au  mé- 
lange toute  la  consistance  et  toute  l'homogénéité  nécessaires. 
On  emploie  le  lastrico  en  revêtement  du  sol,  soit  à  rez-de- 
chaussée,  soit  sur  les  terrasses  servant  de  couverture  aux 
maisons.  Dans  le  premier  cas,  on  donne  au  revêtement  une 
épaisseur  de  0'^40,  tandis  que,  dans  le  second,  l'épaisseur 
doit^êlre  au  moins  du  double.  Charles  Lucas. 

LÂT.  Une  des  divinités  qu'adoraient  les  Arabes  avant 
d'embrasser  l'islamisme.  C'était  une  sorte  de  Vénus  dont 
le  temple  principal  était  à  Thaïf,  ville  voisine  de  La  Mecque, 
et  dont  le  culte  était  surtout  répandu  dans  la  tribu  des 
Benou  Tsaqîf.  Au  combatd'Ohod,  dans  lequel  Mohammed  fut 
vaincu  par  les  Qoréichites,  l'image  de  Lât  avait  figuré  sur  le 
champ  de  bataille  ;  aussi  les  Benou  Tsaqîf  montrèrent-ils  une 
vive  résistance  avant  d'accepter  la  destruction  de  leur  idole 
que  le  Prophète  leur  imposa  vers  la  fin  de  l'année  630. 

LA  TAILLE  (Jean  de),  poète  français,  né  à  Bondaroy, 
près  de  Pithiviers,  vers  4540,  mort  après  4607.  11  servit 
sous  Henri  IV  dans  les  guerres  de  religion  et  même  s'y 
distingua,  quoiqu'il  eût  peu  de  goût  pour  les  armes.  Il  eut 
de  son  temps  une  réputation  que  la  postérité  n'a  pas  rati- 
fiée ;  pourtant,  imitateur  des  anciens,  il  a  laissé  des  poésies 
et  des  tragédies  qui  ne  manquent  pas  de  valeur.  Citons  : 
Remonstrance  pour  le  roy  (Paris,  1563,  in-8)  ;  Saill  le 
furieux,  tragédie  (4572,  in-8)  ;  la  Famine  ou  les  Ga- 
béonites,  tragédie  (4574,  in-8);  les  Corivaux,  comédie 
(4574,  in-8);  le  Négromant,  comédie  (4574,  in~8); 
Elégies,  chansons,  sonnets  (4574,  in-8)  ;  la  Géomance 
(4571,  in-4)  ;  Discours  notable  des  duels  (4607,  in-42). 
On  lui  attribue  :  Histoire  abrégée  des  singeries  de  la 
Ligue  (4595,  in-8). 

Son  frère  Jacques,  né  en  4542,  mort  en  4562,  a  laissé  : 
Alexandre (Vôl'd,  in-8);  Daire  (1574,  in-8),  tragédies, 
et  la  Manière  de  faire  des  vers  en  français  comme  en 
grec  (4573,  in-8). 

LATAKIEH  (V.  Laodicée). 

LATANIER.  I.  Botan[oue.  —  {Latania  Commers.). 
Genre  de  Palmiers-Borassées  qui  se  réduit  à  trois  espèces 
des  Mascareignes,  caractérisées  par  les  fleurs  dioïques, 
les  mâles  solitaires  dans  les  alvéoles  des  divisions  du  spa- 
dice  et  les  étamines  en  nombre  indéfini,  par  l'ovaire  à 
trois  loges  uniovulées  et  le  fruit  qui  est  une  drupe  à 
i-3  noyaux,  enfin  par  les  graines  à  albumen  homogène 
corné.  11  se  rencontre  à  l'état  fossile  dans  l'oligocène  du 
Vicentin.  L'arbre  désigné  à  Maurice  sous  le  nom  de  La- 
tanier  de  Chine  n'est  autre  que  le  JAvistonia  Chinensis 
Mart.  (V.  Livistonia).  Ijr  L.,  Hn. 

U.  Horticulture.  —  On  cultive  le  Latanier  rouge  et 
surtout  le  /..  de  Bourbon.  Ces  beaux  Palmiers  réclament 


LATANEER  —  LATERITE 


—  996  — 


la  serre  chaude.  On  les  multiplie  de  graines  semées  en  go- 
dets sur  couche  chaude.  Cultivés  dans  les  appartements, 
dans  un  air  sec,  ils  dépérissent  bientôt.  G.  B. 

LATAULE.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Compiègne, 
cant.  de  Ressons  ;  220  hab. 

LATEAU  (Louise),  stigmatisée  belge, née  à  Bois-d'Haine 
le  30  janv.  4850,  morte  à  Bois-d'Haine  le  25  août  4883. 
Elle  était  fille  d'ouvriers,  de  nature  débile  et  d'une  piété 
ardente.  En  janv.  4868,  elle  devint  malade  et  raconta  que 
le  Christ  lui  était  apparu  ;  bientôt  se  manifestèrent  des 
stigmates  aux  pieds,  aux  mains  et  au  côté,  puis  des  hémor- 
ragies tous  les  vendredis,  des  extases,  bref  tous  les  phé- 
nomènes de  la  passion  du  Christ,  tels  que  saint  François 
d'Assise  les  présenta  lui  aussi,  d'après  la  tradition.  On  ne 
tarda  pas  à  crier  au  miracle  ;  la  modeste  maison  de  la  stig- 
matisée de  Bois-d'Haine  devint  l'objet  d'un  véritable  pèle- 
rinage. Des  médecins  catholiques  de  grand  renom  décla- 
rèrent que  les  faits  ne  pouvaient  s'expliquer  naturellement. 
L'évêque  Dumont  de  Tournai  proclama  pendant  plusieurs 
années  que  l'état  de  Louise  Lateau  était  un  miracle  accordé 
par  Dieu  à  l'Eglise  catholique.  Les  incrédules  crièrent  à 
la  tromperie,  et  Virchow  posa  le  célèbre  dilemme  :  super- 
cherie ou  miracle.  Les  progrès  récents  des  études  sur 
l'hystérie  ont  permis  d'expliquer  de  la  manièie  la  plus  na- 
turelle les  phénomènes  de  l'espèce.  Après  quelques  années, 
Louise  Lateau  rentra  dans  une  retraite  absolue  ;  elle  mou- 
rut presque  oubliée.  E.  H. 

BiBL.  :  Warlomont,  Rapport  médical  sur  la  stigma- 
tisée de  Bois-d'Haine;  Bruxelles,  1875. 

LA  TÊNE  (V.  Tène  [La]). 

LATÉRITE.  Dans  les  régions  tropicales  où  la  chaleur 
est  extrême  et  les  pluies  d'une  abondance  sans  égale  dans 
certaines  saisons,  les  causes  habituelles  d'altération  et  de 
désagrégation  des  roches  sont  développées  à  l'excès.  En 
particulier,  puissamment  aidés  par  de  brusques  change- 
ments de  température  capables  de  fendre  les  roches  et  de 
les  réduire  en  fragments  anguleux,  les  phénomènes  d'oxy- 
dation et  de  dissolution  des  eaux  météoriques  peuvent 
s'exercer,  même  sur  celles  silicatées,  jusqu'à  une  profon- 
deur d'une  centaine  de  mètres.  Si  bien  qu'aux  lieu  et  place 
du  limon  brun  (terre  à  brique),  qui,  dans  les  pays  de 
la  zone  tempérée,  devient  le  produit  final  de  cette  double 
action,  on  voit  le  sol,  dans  toutes  ces  régions  chaudes 
abondamment  pourvues  de  précipitations  atmosphériques, 
se  montrer  largement  recouvert  par  d'épaisses  couches 
d'une  terre  argileuse  rouge  brique,  dont  l'allure  et  la  com- 
position, indépendantes  de  celle  des  roches  qui  l'ont  engen- 
drée, restent  assez  constante.  Cette  terre  rouge,  caractéris- 
tique, c'est  la  latérite  de  l'Inde  et  de  tant  d'autres  régions 
tropicales  de  l'Amérique  du  Sud  et  de  l'Afrique, 

Le  caractère  fondamental  de  cette  latérite  [later^  brique) 
c'est  de  présenter,  en  proportion  toujours  forte  (25  à 
36  ^/o),  ses  éléments  ferrugineux  à  l'état  de  sesquioxyde 
franc  ou  bien  hydraté  (limonite),  circonstance  indiquant 
clairement  qu'elle  s'est  formée  à  l'air  libre  sous  des  in- 
fluences franchement  oxydantes.  En  même  temps,  de  cette 
forte  teneur  en  fer  il  résulte  un  produit  très  consistant 
capable  de  se  maintenir  verticalement  sur  les  parois  des 
ravins  ou  des  chemins  creux  qui  l'entament,  et  de  repro  - 
duire,  par  suite,  aux  dimensions  près,  les  particularités 
de  la  célèbre  terre  jaune  de  Chine.  Mais,  à  l'inverse  de 
ce  lœss  chinois  qui  constitue  un  sol  d'une  grande  fertilité, 
la  latérite  aride  et  sèche  stérilise  sur  de  vastes  étendues 
tous  les  pays  qu'elle  envahit.  De  sa  surface  dénudée  ou 
ne  supportant,  par  places,  qu'une  maigre  végétation,  s'en- 
lèvent des  poussières  colorant  en  rouge  jusqu'à  une  grande 
distance,  non  seulement  les  routes,  mais  les  différents  traits 
de  paysage  qui  semblent  rouilles.  D'autres  fois  cette  même 
surface,  noircie  par  du  manganèse  peroxyde,  apparaît  ccl- 
luleuse,  scoriacée,  au  point  de  ressembler,  à  s'y  méprendre, 
à  une  coulée  de  lave;  dans  ce  cas,  c'est  seulement  quand 
on  a  percé  cette  croûte  noire  durcie  qu'on  peut  voir  réap- 
paraître dans  le  dessous  la  terre  rouge,  et  constater  que 


cette  couverture  d'apparence  lavique  n'est  autre  qu'une 
forme  superficielle  exagérée  de  la  suroxydation  des  élé- 
ments ferro-manganésiieres  de  ce  produit  d'altération. 

Rarement  localisée,  cette  formation  s'étale  librement  sur 
les  plateaux  en  les  couvrant  d'un  manteau  uniforme  ou  bien, 
en  contre-bas,  suit  le  parcours  des  vallées  en  s'échelonnant 
sur  leurs  flancs  sous  la  forme  de  terrasses  étagées.  Sa  distri- 
bution est  alors  complètement  indépendante  de  l'altitude.  A 
Ceylan,  par  exemple,  où  elle  se  trouve  très  répandue  dans  la 
région  accidentée  du  Sud,  la  plus  soumise  au  régime  essen- 
tiellement pluvieux  des  moussons,  on  l'observe  depuis  le 
niveau  de  la  mer,  à  Colombo^  jusqu'au  sommet  d'un  pointe- 
ment  granitique  (Pedrotallagalla),qui  marque  à  2,524  m. 
le  point  culminant  de  l'Ile.  Entre  deux  crêtes,  dans  une  ré- 
gion montagneuse  comme  l'est  cette  partie  méridionale  de 
Ceylan,  cette  argile  ferrugineuse  remplit  généralement  l'in- 
tervalle en  y  acquérant  une  grande  épaisseur.  Inversement, 
devenue  rare  ou  même  absente  dans  les  plaines  inférieures, 
elle  n'y  apparaît  que  comme  un  produit  de  remaniement 
de  latérites  descendues  des  parties  hautes  sous  l'influence  des 
vents  ou  du  ruissellement.  Dans  ce  cas,  le  dépôt  argileux 
apparaît  stratifié,  mélangé  de  petites  pierres  arrachées  au 
sol  raviné  par  les  pluies  et  souvent  assez  riche  en  coquilles 
de  mollusques  terrestres,  c.-à-d.  avec  des  caractères  tout 
à  fait  différents  de  ceux  des  latérites  des  plateaux,  demeu- 
rées en  place  et  qui,  complètement  privées  de  toute  trace 
de  stratification  aussi  bien  que  du  moindre  débris  de  corps 
organisé,  se  signalent,  sur  toute  leur  épaisseur,  par  une 
parfaite  homogénéité. 

Dans  les  argiles  très  ferrugineuses  de  ce  type,  comme 
celles  qui  dérivent  de  l'altération  des  roches  basaltiques, 
la  concentration  par  places  du  fer  hydroxydé  en  excès 
amène  la  formation,  soit  de  nodules  concrétionnés  de 
limonite  implantés  dans  la  masse  argileuse  à  la  manière 
de  ces  concrétions  calcaires  qui,  dans  le  lœss  jaunâtre  de 
Chine  ou  d'Europe,  sont  bien  connues  sous  le  nom  de 
poupées  du  lœss,  soit  d'un  véritable  minerai  de  fer  en 
grains  pisolithiques,  comme  celui  qui  s'isole  volontiers 
sous  cette  forme  dans  les  argiles  à  meulières  des  environs 
de  Paris  (plateau  des  Bruyères  de  Sèvres),  argiles  rouges 
qui  ne  sont  également,  sur  les  plateaux  largement  décou- 
verts ou  sur  les  lignes  d'affleurement  à  flanc  de  coteau, 
qu'un  faciès  d'altération  de  calcaires  primitivement  sili- 
ceux, et  dans  lesquelles  cette  séparation  du  fer  à  l'état  de 
minerai  en  grains  est  en  grande  partie  due  à  l'intervention 
de  matières  organiques  ;  sous  l'influence  de  certains  pro- 
duits de  la  décomposition  des  matières  végétales,  en  par- 
ticulier de  l'acide  crénique(Berzenus),  les  éléments  ferru- 
gineux diffusés  dans  les  terrains  superficiels  se  trouvent 
rassemblés  et  dissous  par  les  eaux  météoriques,  puis  pré- 
cipités au  contact  de  l'air  sous  cette  forme  concrétionnée. 
Or  cette  intervention  des  organismes  dans  la  formation  du 
minerai  de  fer  en  grains  des  argiles  superficielles  étant 
réalisée  au  maximum  sous  la  forêt  tropicale,  son  dévelop- 
pement parvient,  en  Afrique,  à  fournir  des  gîtes  ferrugi- 
neux exploitables. 

L'altération  non  moins  profonde  des  gneiss  et  granités 
à  mica  noir,  et  surtout  des  gneiss  plus  basiques,  chargés 
d'amphibole,  de  pyroxène  et  de  grenat,  puis  celle  de 
diabases,  c.-à-d.  de  roches  éruptives  formés  des  mêmes 
silicates  ferro-magnésiens,  fournit  également  de  pareilles 
latérites  ferrugineuses  d'un  rouge  brique  très  accentué, 
tandis  que,  sur  les  afileurements  de  schistes  argileux  ou 
de  roches  feldspathiques  privées  de  silicates  ferrugi- 
neux, ces  produits  d'altération  sont  nécessairement  moins 
colorés.  Les  terres  rouges  reparaissent  ensuite,  non  seu- 
lement sur  les  calcaires,  dans  des  conditions  semblables, 
voire  même  exagérées,  à  celles  qui  donnent  naissance 
en  pleine  Carniole  et  autres  pays  calcaires,  à  la  teira 
rossa^  mais  sur  les  grès,  quartzites  et  micaschistes,  tou- 
jours par  suroxydation  des  sels  ferreux  que  ces  roches 
contiennent.  La  seule  différence  pour  ces  derniers,  c'est 
que  leurs  grains  de  quartz  subsistent  dans  le  résidu  argi- 


—  997  — 


LATERITE 


leux  qui,  par  ce  fait,  devient  sableux.  En  somme,  dans  la 
composition  remarquablement  uniforme  de  cette  terre  rouge 
si  caractéristique  des  régions  tropicales,  les  variations  qui 
s'introduisent  ne  portent  guère  que  sur  la  proportion  plus 
ou  moins  grande  du  fer  hydroxydé  qu'elle  contient,  et, 
quand  s'y  présentent  des  éléments  quartzeux,  il  est  tou- 
jours facile  de  reconnaître  que  ce  sont  des  débris  em- 
pruntés au  sol  sous-jacent  et  demeurés  en  place  dans  un 
résidu  argileux  dont  l'épaisseur  est  en  fonction  de  la  durée 
du  phénomène  d'altération  qui  l'a  produit  ;  absolument 
comme  au-dessus  des  massifs  granitiques  reste  sou- 
vent en  saillie  au  milieu  de  leur  épaisse  couverture  argi- 
leuse la  ièle  des  filons  de  quartz  qui,  nombreux,  les  tra- 
versent. Nul  exemple  ne  peut  fournir  une  preuve  plus 
convaincante  que  les  latérites  résultent  de  l'altération  et 
de  la  désagrégation  des  roches  qu'elles  recouvrent,  et  que, 
dans  aucun  cas,  on  ne  saurait  les  attribuer,  comme  cer- 
tains auteurs  l'ont  pensé,  au  remaniement  par  les  grandes 
pluies  équatoriales  de  cendres  volcaniques,  ou  bien  à  des 
phénomènes  chimiques  d'ordre  hydrothermal. 

Il  convient  ensuite  d'ajouter,  pour  montrer  la  généralité 
du  phénomène,  que,  sur  les  flancs  des  vallées,  les  allu- 
vions  anciennes  sont  généralement  recouvertes  par  une 
épaisse  zone  d'argile  rouge  superficielle,  chargée  à  la  base  de 
limonite  scoriacée  comme  la  latérite  typique,  et  représentant 
cette  fois  dans  ces  régions  tropicales,  sous  une  forme  exagé- 
rée, la  couche  argileuse  rubéfiée  qui,  sous  le  nom  de  diln- 
vium  roiiye,  couronne,  avec  des  apparences  de  ravinement, 
dans  les  pays  de  la  zone  tempérée,  ces  mêmes  alluvions 
anciennes  (diliwium  gris).  Les  mêmes  veines  de  sable  et 
de  cailloux,  demeurées  en  place  dans  le  dépôt  altéré,  s'y 
observent,  ainsi  que  les  fragments  anguleux  caractéris- 
tiques de  cailloux  éclatés  par  les  brusques  changements 
de  température  ;  tous  ceux  de  nature  siliceuse  sont  aussi 
revêtus  de  la  patine  blanche  qui  devient  la  marque  expres- 
sive d'une  altération  superficielle  exercée  par  l'action  pro- 
longée des  eaux  d'infiltration.  C'est  en  Afrique,  dans  le 
bassin  du  Congo,  que  les  meilleurs  exemples  de  ce  faciès 
latéritique  d'altération  des  alluvions  anciennes  peuvent 
s'observer.  Dans  ces  couches  meubles  d'origine  fluviale, 
l'air  et  l'eau  ayant  libre  accès,  leur  action  peut  s'étendre 
très  loin  en  profondeur,  si  bien  qu'en  certains  points  la 
couche  superficielle  rubéfiée,  envahissant  tout  le  dépôt, 
peut  atteindre  une  centaine  de  mètres  ;  en  même  temps  à 
sa  base  la  limonite  réunie  en  masses  distinctes,  cimentant 
des  cailloux  roulés  sur  2  à  3  m.,  fournit  un  minerai  lar- 
gement exploité  par  les  indigènes  (Dupont,  Lettres  sur  le 
Congo,  p.  502).  Il  est  à  remarquer  que  cette  concentra- 
tion du  fer  hydracide,  en  profondeur  sous  cette  forme 
concrétionnée,  ne  se  fait  que  sur  les  points  où  la  nappe 
souterraine  d'infiltration  est  obhgée  de  stationner  sur  une 
couche  imperméable.  C'est  ainsi  que  le  minerai  de  fer  limo- 
niteux,  si  abondant  à  la  base  des  dépôts  la téri tiques  du 
cours  inférieur  et  moyen  du  grand  fleuve  africain,  fait 
complètement  défaut  dans  son  cours  supérieur  où  les  terres 
rouges  s'étendent  sur  des  grès  tendres  franchement  per- 
méables (J.  Cornet,  les  Formations  post-primaires  du 
Congo,  p.  231). 

Ajoutons  que,  comme  conséquence  cette  fois  fâcheuse 
du  développement  pris  par  la  latérite  aussi  bien  dans  l'Inde 
qu'en  Afrique  moyenne  et  australe,  il  résulte,  quand  ces 
formations  ferrugineuses  associées  sont  mises  à  jour  sur 
une  certaine  étendue  après  l'entraînement  de  l'argile  par 
ruissellement,  un  sol,  non  seulement  d'une  infertilité  rare, 
mais  franchement  insalubre,  étant  donné  ce  fait  —  sou- 
vent signalé  par  les  médecins  de  Dakar  et  du  Sénégal, 
précisé  depuis  par  le  D^'  G.  Treille,  dans  son  récent  rapport 
sur  le  service  de  santé  de  nos  colonies  {lievue  d'hygiène, 
4893,  t.  XIV,  n*'  7)  —  qu'indépendamment  des  flaques 
d'eau  marécageuses  qui  stationnent  souvent  sur  les  parties 
déprimées  des  terres  rouges,  toutes  les  fois  que  les  plaques 
de  limonite  scoriacée  affleurent  sur  une  certaine  étendue, 
leurs  interstices  et  leurs  vacuoles  sont  remplis  de  débris 


organiques  entraînés  par  les  pluies  et  capables  de  dégager, 
par  leur  rapide  décomposition,  des  miasmes  pestilentiels. 
Influence  funeste  qui  se  transmet  aux  habitations  quand, 
sur  les  vastes  territoires  uniformément  recouverts  par 
d'épaissses  couches  de  ces  argiles  superficielles,  ces  masses 
ferrugineuses  deviennent  les  seuls  matériaux  solides  qu'on 
puisse  utiliser  pour  les  constructions  (D*'  G.  Treille,  Con- 
ditions  sanitaires  de  r Afrique  intertropicale,  dans 
Revue  des  sciences  appliquées,  n^  du  15  nov.  1894). 

[léguer.  Par  contre,  il  est  des  points  dans  l'Inde  où  ces 
accumulations  de  matières  végétales  largement  étalées  sur 
de  vastes  surfaces  se  présentent  sous  une  forme  plus  pro- 
fitable. Ce  fait  se  produit  sur  les  plateaux  indiens  quand 
les  formations  latéritiques  devenues  sableuses  sont  placées 
dans  des  conditions  favorables  au  développement  de  la  vé- 
gétation herbeuse  des  steppes.  Dans  ce  cas  la  décomposi- 
tion sur  place  de  ces  hautes  herbes,  jointe  à  celle  de 
quelques  arbustes  associés,  donne  naissance  à  d'épaisses 
couches  d'humus  que  les  eaux  d'infiltration  dissolvent  en 
partie,  puis  entraînent  dans  la  masse  argileuse  rendue  suf- 
fisamment perméable  par  ses  éléments  sablonneux,  surtout 
aussi  par  les  racines  qui  deviennent  tout  autant  de  points 
de  pénétration  facile.  L'ensemble  fournit  une  terre  noire 
très  fertile  analogue  à  la  célèbre  tchernoziom  de  la  Russie, 
mais  portant  ici.  le  nom  de  régur  ou  «  terre  à  coton  ». 
Cette  terre,  où  la  proportion  de  matières  organiques  peut 
s'élever  jusqu'à  10  %,  couvre  des  espaces  considérables, 
et  représente  un  ancien  sol  progressivement  enrichi  en 
humus  parles  produits  de  la  végétation  herbeuse  qui  pen- 
dant longtemps  la  recouvrait.  Son  développement  est  alors 
en  raison  inverse  de  celui  des  latérites,  ces  dernières  ne 
pouvant  plus  se  former  quand  une  pareille  couverture  vient 
protéger  le  sous-sol  contre  les  actions  atmosphériques. 

Distribution.  Que  la  latérite  soit  un  fait  de  climat, 
qu'elle  doive  son  caractère  particulier  aux  grandes  pluies 
orageuses  des  tropiques,  vraisemblablement  aussi  aux  in- 
fluences électriques  et  au  développement  d'ozone  qui  en 
résulte,  cela  ne  fait  aucun  doute.  Ce  qui  n'est  pas  moins 
vrai,  c'est  que  dans  les  régions  de  l'hémisphère  Sud,  où  se 
fait  son  principal  développement,  la  forme  topographique 
dominante  étant  celle  de  hauts  plateaux  brûlés  par  le  so- 
leil, soumis  par  suite  à  une  chaleur  intense  et  faisant  office 
de  foyer  d'appel  pour  les  chaudes  pluies  des  moussons, 
toutes  les  causes  habituelles  d'altération  des  roches  sont 
singulièrement  aiguisées  par  ces  circonstances  particulières 
du  sol,  surtout  si  on  songe  qu'étant  donnée  la  grande 
élévation  de  ces  plateaux,  les  eaux  d'infiltration,  entraî- 
nées par  la  pesanteur  et  sollicitées  à  descendre  très  bas, 
peuvent  exercer  leur  action  à  de  grandes  profondeurs. 

La  forte  teneur  en  fer  peroxyde  des  latérites  est  ensuite 
motivée  par  la  richesse  en  éléments  ferrugineux  des  roches 
soumises  à  de  pareilles  influences  atmosphériques.  De  ce 
nombre  sont,  dans  THindoustan,  les  épaisses  nappes  basal- 
tiques du  Dekhan  étalées  en  plateaux  sur  un  espace  de 
plus  de  300,000  kil,  q.  ;  en  Afrique  australe,  notamment 
sur  les  vastes  territoires  du  Katanga,  des  gîtes  d'oligiste 
et  de  fer  oxydulé  figurant  parmi  les  plus  importants  du 
globe  ;  puis,  d'une  façon  plus  générale,  de  larges  affleure- 
ments de  gneiss  et  de  granités  très  micacés,  et  surtout  de 
puissantes  assises  de  grès  rouges  largement  étalées  en 
couches  épaisses,  horizontales,  aussi  bien  dans  l'Inde  {grès 
de  Gonduana)  qu'en  Afrique  {grès  de  Karoo),  sur  la  sur- 
face parfaitement  nivelée  des  formations  plus  anciennes, 
archéennes  et  primaires,  très  phssées.  La  distribution  de 
la  latérite  est,  en  eff*et,  en  rapport  si  étroit  avec  celle  de 
ces  dépôts  gréseux  qu'elle  en  suit  au  delà  des  mers  le  dé- 
veloppement, aussi  bien  dans  l'Amérique  du  Sud  sur  les 
grès  horizontaux  de  même  nature  qui  donnent  naissance 
au  grand  plateau  du  Brésil,  qu'en  Australie.  Dans  toute  la 
partie  plate  occidentale  de  ce  petit  continent,  la  latérite  en 
elfet  se  retrouve  non  moins  bien  développée  sur  de  pareilles 
nappes  gréseuses,  horizontalement  appliquées,  comme  dans 
les  précédentes  régions,  sur  un  substratum  archéen  plissé. 


LATERITE 


998  - 


et  divisées  de  même  en  plateaux  étages  par  de  grandes  frac- 
tures. 

Or,  ces  grès  continentaux,  c.-à-d.  d'origine  fluviale  ou 
lacustre,  avec  leur  flore  à  Glossopleris,  leur  riche  faune 
terrestre  de  grands  reptiles  anomodontes  {Dicynodon, 
PUjchognatus,  Plaiypodosaurus)^  leurs  mammifères  (Trz- 
tylodon)  devenant  les  plus  anciens  connus,  leur  horizon- 
talité attestant  que  depuis  leur  formation  qui  s'étend  du 
permien  au  jurassique  inférieur  [infra-lias)^  les  régions 
ou  ils  se  sont  déposés  en  masses  continues,  sont  demeurées 
stables,  ne  sont  autres  que  les  témoins  incontestables  d'un 
ancien  continent  indo-africain  [continent  de  Gondvana 
de  M.  Suess,  Lemuria  des  zoologistes)  qui,  constitué  dès 
la  fin  de  l'époque  carbonifère,  s'étendait  du  Brésil  à  l'Aus- 
tralie après  avoir  pris  son  point  de  départ  juste  au  tropique 
du  Cancer  ;  continent  intertropical  qui  n'a  été  ensuite  mor- 
celé que  beaucoup  plus  tard  pour  l'ouverture  graduelle 
dans  sa  masse  des  dépressions  marines  de  l'Atlantique 
méridional,  du  golfe  Persique,  de  la  mer  Rouge  et  de 
l'océan  Indien.  Dès  lors,  étant  donnée  cette  longue  phase 
d'émersion,  on  conçoit  aisément  que,  sur  ces  territoires 
livrés  sans  défense  à  l'action  des  érosions  atmosphériques, 
la  formation  d'un  produit  d'altération  superficielle  telle 
que  la  latérite  ait  pu  prendre  une  grande  extension  ;  en 
même  temps  reconnaître  que  son  âge  est  difficile  à  fixer, 
puisqu'elle  se  forme  encore  de  nos  jours  et  qu'elle  ne  porte 
en  elle-même  aucun  signe  permettant  de  déterminer  le  dé- 
but d'un  phénomène  dont  le  point  de  départ  doit  certaine- 
ment remonter  à  une  date  très  éloignée.  Tout  ce  qu'on 
peut  dire,  c'est  que,  dès  l'ouverture  de  l'océan  Indien  et 
de  l'Atlantique  méridional,  les  vastes  terres  concentrées 
entre  les  tropiques  désormais  morcelées  et  cessant,  par 
suite,  d'absorber  pour  elles  toute  la  chaleur  et  d'intro- 
duire dans  le  climat  de  l'hémisphère  austral  des  conditions 
de  sécheresse  absolue,  ont  dû  commencer  à  ressentir  l'in- 
fluence de  phénomènes  météoriques  tout  différents,  vrai- 
semblablement même  inverses  et  se  traduisant  par  un  en- 
semble de  circonstances  bien  voisines  de  celles  qui  les 
régissent  aujourd'hui,  c.-à-d.  par  un  régime  de  saisons 
sèches  et  brûlantes,  alternant  avec  des  saisons  pluvieuses 
plus  tempérées.  Dès  lors,  la  latérite  apparaît  dans  ces 
régions  tropicales  comme  une  manifestation  extérieure  bien 
expressive  de  ces  conditions  plus  tempérées,  si  bien  qu'on 
est  en  droit  d'admettre  que  la  latérite,  sur  ces  vieux  ter- 
ritoires indo-africains,  devient  la  manifestation  extérieure 
bien  expressive  de  ces  conditions  physiques  spéciales,  éta- 
blies d'ancienne  date,  et  multipliées  par  ce  facteur  d'une 
puissance  infinie  qui  s'appelle  le  temps. 

Rôle  pris  par  les  formations  latéritiques  aux  époques 
anciennes.  Dans  l'Amérique  tropicale  si  bien  arrosée  de 
pluies  diluviennes  par  les  alizés,  le  grand  plateau  triangu- 
laire du  Brésil,  construit  sur  le  mhmQ  type  que  ceux  de 
l'Inde  et  de  l'Afrique  australe,  mais  privé  de  toute  forma- 
tion marine  postérieure  au  trias  (sauf  dans  le  N.-E.  où  la 
mer  crétacée  après  avoir  envahi  le  bassin  des  Amazones  a 
légèrement  empiété  sur  cette  plate-forme  doucement  incli- 
née vers  cette  plaine  basse  alluviale),  et  de  plus  soumis  à 
des  alternatives  da  froid  et  de  chaud,  de  sécheresse  et  de 
grande  humidité  capable  d'émietter  les  granités  au  point  que, 
dans  les  tranchées  de  route  ou  de  chemin  de  fer,  les  pa- 
rois faites  de  cette  roche  doivent  être  garnies  de  briques, 
la  latérite,  sous  le  nom  de  terra  rossa^  prend  un  grand 
développement  ;  si  bien  même  qu'elle  peut  livrer  annuelle- 
ment aux  grands  fleuves  qui  drainent  ce  plateau  une  masse 
de  limons  capable  de  tapisser  d'une  couche  rouge  continue 
non  seulement  le  fond  de  leurs  estuaires,  mais  celui  de  la 
mer  jusqu'à  une  grande  distance  de  la  côte.  M.  de  Rich- 
tofen,  en  mentionnant  ce  fait  [Filrher,  p.  206),  n'a  pas 
manqué  de  signaler  que  ce  phénomène  serait  plus  accentué 
si  la  mer  venait  envahir  un  pareil  territoire  couvert  de  laté- 
rite (l'abrasion  marine  qui  en  résulterait  ayant  pour  effet 
de  provoquer  non  seulement  le  remaniement  complet  de  cette 
formation  argileuse,  mais  d'en  déterminer  le  mélange  avec 


les  divers  éléments  de  cette  nouvelle  phase  de  sédimenta- 
tion), puis  d'en  déduire  cette  conclusion  intéressante  que 
des  faits  semblables  ont  dû  se  passer  anciennement  lors  de 
la  formation  des  puissantes  assises  de  grès  7'ouge  (ju'on 
rencontre  fréquemment  dans  les  terrains  stratifiés  de  divers 
âges  au  début  des  grandes  phases  de  transgressions  ma- 
rines ou  lacustres.  Tels  sont,  à  titre  d'exemples  les  mieux 
caractérisés,  le  vieux  grès  rouge  d'Ecosse  [old  red  sand- 
stone)  dont  les  épaisses  masses  de  conglomérats  et  de  grès 
grossiers  d'un  rouge  vif,  entassés,  au  pied  de  l'ancienne 
chaîne  calédonienne,  dans  les  parties  les  plus  déprimées 
d'une  région  plissée  faite  de  gneiss  et  de  couches  silu- 
riennes, deviennent  le  produit  d'une  invasion  de  la  mer 
dévonienne  après  une  phase  d'émersion  consécutive  des 
mouvements  qui  avaient  donné  naissance  et  déterminé  le 
redressement  de  la  bordure  de  l'ancien  continent  boréal  sous 
la  forme  de  cette  ride  montagneuse  calédonienne;  phase  suf- 
fisamment prolongée  pour  que  les  érosions  atmosphériques 
aient  pu  faire  disparaître  sur  ce  territoire  ses  principales 
inégalités.  Puis  et  surtout  les  grès  rouges  per miens,  qui, 
en  pleine  Europe,  nettement  transgressifs  depuis  la  Silésie 
jusqu'en  Angleterre  sur  les  formations  antérieures,  annon- 
cent un  retour  très  accentué  de  la  mer  sur  des  territoires 
qu'elle  avait  depuis  longtemps  abandonnés.  Ce  qui  pré- 
cède, en  effet,  dans  ces  mêmes  régions  cette  nouvelle  et 
bien  plus  étendue  transgression  marine,  c'est  cette  grande 
phase  d'émersion  qui,  vers  la  fin  des  temps  carbonifères, 
faisait  de  l'Europe  extra-méditerranéenne  un  immense  con- 
tinent très  accidenté  et  couvert  de  l'abondante  végéta- 
tion qui  a  donné  lieu  à  la  houille.  Or,  étant  donnés  les 
caractères  bien  connus  du  cUmat  d'alors,  en  particulier 
cette  température  tropicale  et  cette  grande  humidité  dont 
les  végétaux  houillers  aussi  bien  que  les  phénomènes  tor- 
rentiels de  l'époque  portent  la  marque  si  expressive,  on  est 
en  droit  d'admettre  que,  sur  les  espaces  bien  découverts  de 
ces  vastes  terres  émergées,  les  conditions  pour  donner 
naissance  à  un  produit  d'altération  analogue  à  la  latérite 
devaient  se  trouver  pleinement  réalisées,  et  que  les  eaux 
permiennes,  en  reprenant  possession  de  ce  domaine,  aient 
pu  s'en  charger. 

On  ne  s'écarterait  guère  aussi  de  la  vérité  en  attribuant 
à  de  pareils  faits  la  coloration  rouge  qu'affectent  également 
les  grès  vosgieris  triasiques.  De  nouveau,  nettement  trans- 
gressive  et  dépassant  de  beaucoup  les  limites  atteintes  par 
les  dépôts  permiens,  cette  assise  marque,  en  e^et,  dans  la 
région  vosgienne,  le  début  d'une  formation  marine  très 
étenriue  et  qui  pour  la  première  fois  a  recouvert  tout  ce 
massif  alors  soudé  avec  celui  de  la  Forêt-Noire  et  ayant 
perdu,  par  voie  d'érosion  et  d'affaissement,  le  relief  qu'il 
avait  acquis  à  la  fin  des  temps  carbonifères  par  les  plisse- 
ments hercyniens. 

Enfin,  dans  les  assises  tertiaires  des  chaînes  subalpines 
d'entre  Gap  et  Digne,  le  caractère  bien  particuHer  qu'affec- 
tent les  grès  aquitaniens  en  prenant  la  forme  d'une  mo- 
lasse rouge  doit  vraisemblablement  être  attribué  à  la  même 
cause;  M.  Haug  [les  Chaînes  subalpines,  dans  le  Bulletin 
des  services  de  la  carte  géologique  de  France,  1891, 
t .  m,  n^  21  )  ayant  montré  que  ces  grès  accompagnés  comme 
d'habitude  de  puissantes  nappes  de  conglomérats  et  repo- 
sant en  discordance  marquée  sur  la  tranche  de  couches 
plissées  jurassiques  et  crétacées,  sont  des  formations  d'eau 
douce  d'origine  torrentielle  déposées  dans  des  lacs  établis 
au  pied  de  ces  chaînes  subalpines  de  Provence  en  voie 
d'exhaussement.  Or  si  on  tient  compte  qu'antérieurement  à 
cette  formation,  l'époque  tongrienne  qui  précède  corres- 
pond, pour  ces  régions  méridionales  de  la  vallée  du  Rhône, 
à  une  phase  continentale  pendant  laquelle  la  Provence, 
placée  au  sommet  d'une  grande  péninsule  méditerranéenne 
dont  la  Corse  et  la  Sardaigne  jalonnent  l'ancienne  direc- 
tion, se  présentait  montagneuse  et  couverte  de  grands  lacs 
entourés  d'une  abondante  végétation  forestière  l'attestant 
soumise  à  un  climat  chaud  à  saisons  extrêmes,  on  verra 
qu'à  cette  date  les  conditions  pour  la  formation  de  dépôts 


999  - 


lATÉRlTE  ~  L4TICIFÈRE 


latéritiques  étaient  encore  bien  réalisées,  et  que  c'est  sur 
des  terres  couvertes  de  pareilles  formations  que  les  eaux 
torrentielles  aquitaniennes  ont  exercé  leur  action.  Puis 
finalement  en  conclure  que  tous  les  dépôts  de  cet  ordre  ne 
sont  en  somme  qu'une  manifestation  d'un  grand  phéno- 
mène de  métamorphisme  extérieur  qui  s'est  poursuivi 
de  tout  temps  à  la  surface  du  sol,  quel  que  soit  le  substra- 
tum,  partout  où,  sous  l'influence  d'une  chaleur  extrême  et 
d'un  régime  suivi  de  pluies  abondantes,  les  phénomènes 
d'oxydation  et  d'altération  superficielle  des  roches  ont  pu 
se  développer  avec  une  grande  ampleur,     €h.  Yélain. 

BiBL.  :  Neumayr,  AnleUung  zu  wissenschaftlichen  J3eo- 
bachtimgen  auf  Reisen;  Leipzig,  1875,  —  Von  Richtofen, 
Fûrhrer  fur  Forscliungsreisende;  Berlin,  1886.  — D'-  Wal- 
THER,  Rep.  of  a  Joùrney  in  India;  Bombay,  1889.  — 
Recort  geolog.  survey  India^  1890,  t.  XXIII,  'pp.  110  et 
suiv. 

LATERRADE  (Jean-François),  botaniste  français,  né  à 
Bordeaux  vers  1780,  mort  en  oct.  1858.  Il  fut  professeur 
d'histoire  naturelle  à  Bordeaux,  directeur  du  jardin  bota- 
nique de  cette  ville,  etc.,  fonda  VAmi  des  champs,  jour- 
nal d'agriculture,  etc.,  et  entre  autres  publications  mit 
au  jour  une  Flore  bordelaise  (Bordeaux,  18H,  in-12  ; 
5«édit.,  1842).  D^  L.  Un. 

LATES  (IchtyoL).  Genre  de  Poissons  osseux  (Téléos- 
téens),  de  l'ordre  des  Acanthoptérygiens  Perciformes  et  de 
la  famille  des  Percidge,  ayant  pour  caractères  deux  nageoires 
dorsales,  la  première  avec  7  ou  8  rayons  épineux,  l'anale 
avec  2  ou  3  épines,  des  dents  en  velours,  sans  canines,  des 
dents  palatines  et  vomériennes,  pas  de  dents  à  la  langue, 
le  préopercule  avec  une  forte  épine  à  l'angle  du  limbe,  le 
préorbitaire  finement  denticulé,  les  écailles  de  dimensions 
moyennes.  La  forme  la  plus  anciennement  connue,  le  Lates 
niloticus  ou  Perche  du  Nil,  atteint  de  25  à  30  centim. 

BiBL.  :  GuNTHER,  Study  of  Fishes.  —  Cuvier  et  VALEiN- 
ciENNES,  Hist.  gén.  des  Poissons.  —  Rochebrune,  Faune 
de  la  Sênégambie,  Poissons. 

LATET  (Le).  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Poligny, 
cant.  de  Champagnole  ;  102  hab. 

LATETTE  (La).  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Poligny, 
cant.  de  Nozeroy  ;  210  hab. 

LATEX  (Bot.).  Nom  donné  au  suc  propre  des  végétaux 
(V.  Latiofère  et  Nutrition). 

LATH  AM  (John),  naturaliste  anglais,  né  à  Eltham  (Kent) 
le  27  juin  1740,  mort  à  Winchester  le  4  fév.  1837.  Il 
étudia  la  médecine  à  Londres,  où  il  eut  pour  maître  Wil- 
liam llunter,  et  alla  en  1763  exercer  son  art  à  Dartford. 
Il  s'occupa  en  même  temps  d'ornithologie  et  d'anatomie 
comparée  et  forma  une  belle  collection  d'oiseaux.  En  1796, 
il  quitta  la  médecine  et  se  retira  d'abord  à  Bamsay,  puis  à 
Winchester,  enfin  fut  appelé  à  remplir  les  fonctions  de 
chirurgien  à  l'hôpital  Saint-Barthelemy  de  Londres.  On  lui 
doit  :  A  General  Synopsis  of  thebirds  (Londres,  1881- 
85,  3  vol.  en  6  part.  in4,  fig.  et  suppl.  en  1787  et  1801)  ; 
A  General  History  ofthe  lirds  (Winchester,  1821 -24, 
10  vol.  in-4,  fig.  avec  index,  1828);  Index  ornitholo- 
gicus,  sive  systema  ornithologiœ...  (Londres,  1790, 
2  vol.  in-4;  2^  éd.,  1801  ;  Paris,1805,  in-12)  ;  puis  des 
opuscules  médicaux  sur  le  rhumatisme  et  la  goutte  (1796), 
sur  le  diabète  (1811),  et  des  articles  d'histoire  naturelle 
et  d'archéologie  dans  les  recueils  périodiques.    D'^  L.  Hn. 

LATHAM  (Robert-Gordon),  ethnologiste  et  philologue 
anglais,  né  à  Billingborough,  dans  le  comté  de  Lincoln,  en 
1812,  mort  le  9  mars  1888.  Il  étudia  la  médecine  à  Cam- 
bridge, fut  médecin  assistant  à  Middlesex  Hospital,  passa 
dix  ans  (1823-33)  en  Danemark  et  en  Suède  et  obtint 
enfin  le  titre  de  professeur  de  langue  et  de  littérature  an- 
glaises à  University  Collège  à  Londres.  Ce  sont  ses  recherches 
ethnographiques  et  linguistiques  qui  ont  fait  sa  réputation. 
W  soutint  en  particulier  une  polémique  pour  prouver  que 
le  plateau  central  asiatique  n'est  pas  le  berceau  de  la  race 
aryenne.  Citons  comme  ses  œuvres  principales  :  Norway 
and  Nonvegia7îs  (Londres,  1840,  2  vol.);  Treatise  on 
the  English  Language  (1841;  5«  éd.,  18()2)  ;  History 
and  Etymology  of  the  English  Language  (1849);  Hand- 


book  of  the  English  Language  (1854;  9^  éd.,  1875); 
Natural  History  of  the  varieties  of  man  (1850);  une 
édition  de  la  Germania  de  Tacite  (1 850)  ;  Man  and  his 
■migrations  (1851)  ;  Ethnology  of  British  Colonies 
(1851);  Ethnology  of  the  British  Islands  (1852); 
Ethnology  of  Europe  (1852);  The  Native  Races  ofthe 
Russian  Empire  (1854);  Varieties  of  the  hiiman  spe- 
des  (1855)  ;  Ijogic  in  its  application  to  language 
(1 856);  Descriptive  Ethnology  (1859, 2  vol.);  Eléments 
of  comparative  philology  (Ï862);  The  Nationalities 
of  Europe  (1863,  2  vol.);  Dictionary  of  the  English 
Language,  founded  on  that  of  Johnson  and  Todd 
(1867-70,  2  vol.);  Russian  and  Turk(iSn).—  Latham 
est  un  des  fondateurs  de  la  Philological  Society  de 
Londres.  '  R.  B. 

LATH  AN.  Rivière  de  France  (V.  Indre-et-Loire,  t.  XX, 
p.  742). 

LA  THAUMASSIÈRE  (Gaspar  Thaumas  de)  (V.  Thau- 
massière). 

LATHBURY  (Thomas),  historien  anglais,  né  à  Brackley 
(Northamptonshire)  en  1798,  mort  à  Bristol  le  11  févr. 
1865.  Entré  dans  les  ordres,  il  devint  vicaire  de  Saint- 
Simon  de  Bristol.  Il  fut  un  des  principaux  organisateurs 
du  congrès  ecclésiastique  de  Bristol  (1864).  Il  a  beaucoup 
écrit.  Citons  :  A  History  of  the  english  episcopacy 
(Londres,  1836,  in-8)  ;  The  State  of  Popery  and  Jesui- 
tism  in  England  (1838,  in-8)  ;  Guy  Faïukes,  a  complète 
history  of  the  Gunpowder  treason  (1839,  in-8);  The 
Spanish  Armada  (1840,  in-8)  ;  Memorials  of  the  Er- 
nest the  Pious,  first  duke  of  Saxe-Gotha  (1843,  in-8)  ; 
A  History  of  the  nonjurors  (1845,  in-8)  ;  Oliver 
Cromwell  (1862,  in-8).  '  R.  S. 

LATHON  U  RA  (Lilljeborg.)  (ZooL). Ce  genre,  synonyme  de 
Pasithœa,^  été  établi  pour  une  élégante  espèce  de  Crustacés 
Cladocères  (L.  rectirostris),  peu  commune  dans  notre  pays 
ainsi  que  dans  le  N.  de  l'Europe  et  qui  a  été  retrouvée 
en  Afrique  et  en  Amérique.  La  forme  générale  du  corps 
est  ovoïde,  élargie  en  arrière,  un  peu  déprimée  entre  la  tète 
et  le  thorax  ;  la  tète  est  épaisse,  le  bec  à  peine  saillant, 
le  fornix  fort  peu  développé  ;  les  palpes  qui  saillent  de 
la  pointe  du  bec  sont  longs  et  cylindriques  ;  les  rames  sont 
courtes  et  leurs  branches  portent  cinq  grandes  soies  ciliées  ; 
la  coquille  n'offre  pas  de  dessins  ;  l'intestin  est  simple,  sans 
cul-de-sac  ni  enroulement  ;  le  post-abdomen  est  petit  et  se 
prolonge  en  arrière  en  un  long  tubercule  conique,  ses  ai- 
guillons sont  volumineux,  simples,  dentés  en  arrière.  Les 
mâles  ne  sont  pas  connus.  R.  Moniez. 

LA  THORILLÈRE  (V.  Tuorillière). 

LATHR/EA  (Bot.)  (V.  Clandestine). 

LATH  U  ILE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Savoie,  arr. 
d'Annecy,  cant.  de  Faverges;  502  hab. 

LATH  US.  Com.  du  dép.  de  la  Vienne,  arr.  et  cant.  de 
Montmorillon  ;  2,290  hab.  Eglise  romane  à  coupole. 
Dolmen  (mon.  hist.)  de  Marchain.  Pont  d'Ousilly  sur  la 
Gartempe.  Débris  du  donjon  féodal  de  Cluzeau,  massif 
édifice  carré  à  contreforts,  du  xii^  siècle. 

LATH  Y  (Thomas  Pike),  littérateur  anglais,  né  àExeter 
en  1771,  mort  à  une  date  inconnue.  Œuvres  principales  : 
Memoirs  of  the  Court  of  Louis  XIV  (Londres,  1819, 
3  vol.  in-8),  qui  ne  manquent  pas  de  valeur  ;  des  romans  : 
Paraclete  (1805,  5  vol.);  Usurpation  (iSOo,  3  vol.); 
The  Invisible Enemy  (iSi)6,  4  vol.);  Gabriel  Forrester 
(1807,  4  vol.);  Love,  Hatred,  and  Revenge  (1809, 
3  vol.),  etc.,  et  une  pièce  qui  eut  un  grand  succès  à  Bos- 
ton :  Réparation  or  the  School  for  libertines  (1800). 

LATHYRUS  (Bot.)  (V.  Gesse). 

LATICIFÈRE  (Bot.).  Les  laticifères  sont  constitués  par 
des  réservoirs  (vaisseaux,  canaux,  lacunes,  cellules  di- 
verses, etc.)  renfermant  le  latex  ou  suc  propre,  élaboré, 
des  végétaux  (sucs  résineux,  gommes,  etc.,  diversement 
colorés,  formant  la  sève  descendante)  ;  dans  les  sucs  colo- 
rés qui  remplissent  les  laticifères  nagent  de  fines  granula- 


LATICIFÈRE  —  LATJNI 


—  1000  -^ 


lions  visibles  au  microscope.  Les  laticifères  constituent  un 
plexus  ou  roseau  dont  les  canaux,  de  calibre  variable, 
s'anastomosent  très  irrégulièrement  dans  l'épaisseur  de  l'en- 
veloppe cellulaire  de  Técorce  (V.  Ecorce).  Le  rôle  du  latex 
sera  étudié  à  l'art.  Nutrition.  D""  L.  11n. 

LATICLAVE  (latus  claviis)  (Antiq.  rom.).  Large  bande 
de  pourpre,  descendant  suivant  une  direction  perpendicu- 
laire le  long  de  la  poitrine  sur  la  tuniçiue  blanche  des  sé- 
nateurs romains.  Le  laticlave  ne  constituait  pas  un  orne- 
ment à  part  ;  c'était  simplement  une  partie  de  la  tunique, 
teinte  en  couleur  pourpre.  A  l'origine,  les  sénateurs  seuls 
avaient  le  droit  déporter  cette  marque  de  distinction  ;  mais, 
à  partir  du  règne  d'Auguste,  les  chevaliers  dont  le  cens 
atteignait  un  certain  chiffre  y  furent  autorisés,  ainsi  qu'à 
siéger  au  Sénat.  And.  B. 

LATIL  (Jean-Baptiste-Marie-Anne- Antoine,  duc  de), 
prélat  français,  né  à  l'île  Sainte-Marguerite  (Var)  le  6  mars 
1761,  mort  à  Gemenos  (Bouches-du-Rhône)  le  1^^  déc.  1839. 
Entré  dans  les  ordres  en  1784,  il  se  prononça  en  1789 
contre  les  principes  de  la  Révolution,  refusa  le  serment  pres- 
crit par  la  constitution  civile  du  clergé  (1791)  et  quitta  la 
France  où  il  revint  en  1792  comme  agent  de  l'émigration. 
De  retour  en  Allemagne,  il  devint  aumônier  du  comte  d'Ar- 
tois et,  par  la  faveur  de  1"^°  de  Polastron,  acquit  un  grand 
ascendant  sur  ce  prince  qui  ne  voulut  plus  se  séparer  de 
lui.  Après  la  Restauration,  l'abbé  de  Latil  devint  évêque 
d'Amyclée  in  partibus  (1816),  évêque  de  Chartres  (1817) 
et  pair  de  France  (1822).  A  peine  monté  sur  le  trône, 
Charles  X  le  nomma  comte  et  archevêque  de  Reims  (1 824); 
en  1826  ce  prélat  fut  élevé  au  cardinalat  et  reçut  le  titre 
de  duc.  Inspirateur  de  la  politique  cléricale  et  rétrograde 
à  laquelle  Charles  X  s'abandonna  sous  les  ministères  Vil- 
lèle  et  Polignac,  de  Latil  contribua  pour  une  bonne  part 
à  la  révolution  de  1830,  après  laquelle  il  suivit  son  sou- 
verain en  exil.  Il  refusa  de  prêter  serment  à  Louis-Phi- 
lippe comme  pair  de  France  et,  fidèle  au  roi  qu'il  avait  si 
longtemps  servi,  il  l'assista  à  son  lit  de  mort  (nov.  1836). 

LATIL  (François- Vincent),  peintre  français,  né  à  Aix 
le  8  févr.  1796,  mort  vers  1890.  Elève  de  Gros,  il  a  peint 
des  sujets  religieux,  des  tableaux  d'histoire  et  des  por- 
traits. 11  exposa  pour  la  première  fois  au  Salon  de  1824  : 
Byram  abandonnant  Olympe,  sujet  tiré  de  Pioland 
furieux;  puis,  entre  autres  :  le  Lavement  des  pieds 
(1827),  à  l'église  des  Blancs-Manteaux;  Moralité  du 
peuple  en  V absence  des  lois  en  juillet  iSSO  (1835); 
Episode  de  l'histoire  des  naufrages  (1841). 

Sa  femme,  Eugénie  Henry,  née  à  Moscou  en  1808,  morte 
à  Saint-Girons  en  1879,  a  peint  des  portraits  et  des  scènes 
de  genre:  la  Dormeuse  (1839)  ;  V  Aumône  de  l'ouvrier 
(1841);  Saint  Jean  le  Précurseur  (1839).       E.  Br. 

LATIL  LÉ.  Com.  du  dép.  de  la  Vienne,  arr.  de  Poitiers, 
cant.  de  Vouillé;  1,416  hab. 

LATIL LY.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Château- 
Thierry,  cant.  de  Neuiily-Saint-Front ;  278  hab. 

L  ATI  NIER.  Ancienne  famille  anglaise  du  Yorkshire  dont 
les  membres  principaux  sont  :  William^  baron  Latimer, 
mort  le  5  déc.  1304,  qui  se  croisa  en  1271,  fit  l'expédi- 
tion de  Gascogne  en  1292,  combattit  à  Falkirk  (1298). 
De  lui  descendent  les  lords  Braybrooke  actuels,  —  Wil- 
liam, quatrième  baron,  né  vers  1329,  mort  le  28  mai 
1381,  servit  en  Gascogne  en  1359,  fut  gouverneur  de  Bé- 
cherel  en  Bretagne,  fit  le  siège  d'Auray  avec  Jean  de  Mont- 
fort  en  1364.  Il  fut  chargé  d'importantes  missions  diplo- 
matiques entre  autres  auprès  de  Fernan  de  Portugal  (1 373), 
en  France,  en  Flandre.  Grand  favori  d'Edouard  III,  il  fut 
dépouillé  de  ses  charges  et  expulsé  du  conseil  du  roi  et 
môme  emprisonné  sur  l'initiative  du  Parlement  qui  lui 
reprochait  toutes  sortes  d'exactions  commises  en  Bretagne 
(1375).  Mais  en  moins  d'un  an  il  était  redevenu  plus  puis- 
sant que  jamais.  Après  la  mort  d'Edouard  III,  il  fut  envoyé 
en  mission  à  Londres  pour  proposer  la  réconciliation  entre 
les  citoyens  et  la  maison  de  Lancastre.  En  1377,  il  fut 
nommé  gouverneur  de  Calais  et  prit  part  à  l'expédition  du 


comte  de  Buckingham  en  France.  C'est  lord  Willoughby 
de  Broke  qui  a  hérité  de  la  baronnie  de  Latimer.     R.  S. 

LATIMER  (William),  érudit  anglais,  né  vers  1460, 
mort  en  sept.  1545.  Après  avoir  étudié  à  Oxford  et  à 
Padoue  (où  il  apprit  le  grec),  il  devint,  au  commencement 
du  règne  de  Henri  VIII,  précepteur  de  Reginald  Pôle,  le 
futur  archevêque  de  Canterbury.  Erasme,  Linacre,  Grocyn, 
Pace,  ses  amis,  l'estimaient  fort.  Il  n'a  rien  publié. 

LATIMER  (Ilugh),  réformé  anglais,  né  dans  le  comté 
de  Leicester  en  1475,  mort  le  16  oct.  1555.  Chapelain 
d'Anne  de  Boleyn,  puis  évêque  de  Worcester  à  partir  de 
1535,  il  refusa,  en  1539,  de  souscrire  aux  six  articles  de 
foi  prescrits  par  le  Parlement  et  fut  emprisonné  dans  la 
Tour.  Après  l'avènement  d'Edouard  VI,  il  fut  remis  en 
liberté.  Il  fut  alors,  avec  Cranmer  et  Ridley,  l'un  des 
chefs  des  Réformés.  Il  fut  condamné  au  bûcher  avec  eux 
sous  le  règne  de  Marie  et  mourut  en  disant  :  «  Nous  allu- 
merons aujourd'hui  en  Angleterre  un  feu  qui  ne  s'éteindra 
plus.  »  Corrie  a  publié  les  œuvres  de  Latimer  (Londres, 
1845,  4  vol.). 

BiBL.  :  Dkmau.s,  Hiigh  Latimer,  a  bioqraphy  ;  Londres, 
1881,  2»  éd. 

LATIN.  L  LiNCxUiSTiQUE  et  PHfLOLOGiE  (V.  Romanes 
[Langues]). 

II.  Littérature  (V.  Rome). 

III.  HisTomE  (V.  Latium). 

IV.  Enseignement  (V.  Enseignement  classique). 
LATINE.  I.  Histoire  religieuse.  — ■  Eglise  latine 

(V.  Eglise  catholique  romaine). 

IL  Marine.  —  C'est  le  nom  donné  aux  voiles  trian- 
gulaires, en  usage  surtout  dans  la  Méditerranée.  On  les 
appelle    aussi 

voiles   à   an-  ^  V 

tennes.  Elles 
sont  enver- 
guées  sur  une 
très  longue 
vergue  pliante 
VV  se  hissant 
sur  un  mât  as- 
sez court.  La 
partie  avant  de 
la  voile  est  re- 
liée au  navire 
par  un  palan 
qui  se  nomme 

le  mouton  p  et  qui  n'est  autre  chose  que  l'amure.  La 
voile  est  tendue  à  l'arrière  par  un  autre  cordage  E  ap- 
pelé écoute.  Ces  voiles,  d'une  manœuvre  assez  délicate,  ne 
sauraient  convenir  aux  mers  tourmentées  et  aux  grains  du 
golfe  de  Gascogne  et  de  la  Manche. 

LATI N I  (Brunetto),  polygraphe  italien  du  xiii®  siècle.  Vil- 
lani  l'appelle  «  grand  philosophe  et  souverain  maître  de  rhéto- 
rique »  et  le  loue  d'avoir  le  premier  «  dégrossi  »  les  Florentins , 
Né  vers  1210,  il  figure  en  1254  et  1255  comme  notaire 
dans  les  actes  publics  ;  en  1260,  le  parti  guelfe,  dont  il 
était  l'un  des  principaux  appuis,  l'envoya  implorer  le  se- 
cours d'Alphonse  X  de  Castille;  c'est  pendant  son  absence 
qu'eut  lieu  le  désastre  de  Monteaperti  (4  sept.)  qui  l'em- 
pêcha de  rentrer  à  Florence  et  le  força  à  chercher  un  re- 
fuge en  France,  probablement  à  Paris  ;  il  y  fut  accueilli 
par  un  de  ses  compatriotes  qui  partageait  ses  opinions  et 
qu'il  appelle  son  sauveur;  c'est  pour  complaire  à  ce  protec- 
teur qu'il  entreprit  quelques-unes  de  ses  traductions  et 
c'est  là  qu'il  compila  sa  grande  œuvre,  le  Trésor.  Il  est 
vraisemblable  qu'il  rentra  en  Italie  après  la  victoire  de 
Bénévent.  Nous  le  voyons  en  effet  de  1269  à  1289  occu- 
per des  charges  plus  ou  moins  importantes  dans  l'adminis- 
tration de  Florence. 

En  1269,  il  était  protonotaire  du  gouverneur  de  Tos- 
cane pour  Charles  d'Anjou;  en  d273,  notarius  necnon 
scriba  co7isiliorum  communis  Florentiœ  (chancelier 
chargé  de  la  rédaction  des  actes)  ;  en  1 284,  l'un  des  syn- 


—  1001  — 


LATINI  -  LATITUDE 


dics  qui  conclurent  l'alliance  de  Florence  avec  Lucques  et 
Gênes  contre  Pise  ;  en  4287,  membre  du  conseil  des 
Prieurs.  Il  mourut  vieux,  en  i^M  ou  9o.  On  connaît 
l'hommage  de  respect  et  de  filiale  gratitude  que  lui  rend 
Dante  (Inf.^  XV,  82-7)  et  que  l'on  n'a  pas  réussi  à  conci- 
lier d'une  manière  satisfaisante  avec  le  fait  qu'il  le  place 
non  seulement  en  enfer,  mais  dans  un  cercle  particulière- 
ment infamant  (celui  des  pécheurs  contre  nature).  Il  est 
plus  que  probable  qu'il  n'a  pas  été  pour  Dante  un  maître 
au  sens  propre  du  mot,  mais  plutôt  un  ami  et  un  conseiller 
paternel;  il  est  du  moins  à  peu  près  assuré  qu'il  n'a  point 
tenu  à  Florence  une  école,  comme  on  l'a  dit  de  bonne 
heure,  Timportance  des  charges  qu'il  remplit  ne  s'accor- 
dant  guère  avec  une  fonction  aussi  modeste  et  assujettis- 
sante. Outre  quelques  opuscules  en  vers  (Favolello,  Lauda 
perunmorto,  etc.),  ses  principales  œuvres  itahennes  se 
composent  surtout  de  traductions  en  prose  (du  De  Inven- 
tione  de  Cicéron  sous  le  titre  de  Rettorica,  etc.)  et  du 
Tesoretto.  Ce  dernier  ouvrage,  composé  en  même  temps 
que  le  Trésor,  est  un  abrégé  de  celui-ci,  resté  incomplet  et 
original  pourtant  en  quelques  parties  ;  Brunetto  l'écrivit 
en  vers  et  lui  donna  la  forme  allégorique  pour  le  rendre 
plus  attrayant  et  plus  accessible  au  grand  public. 

Mais  lui-même  considérait  comme  son  ouvrage  capital  le 
Trésor,  qu'il  rédigea  en  français  parce  que  c'est  la  «  par- 
ieiire  plus  delitable  et  plus  commune  à  toutes  gens  »,  en 
d'autres  termes,  le  langage  qui  devait  lui  assurer  la  plus 
grande  popularité.  Le  xii®  siècle  et  surtout  le  xiiie  avaient 
vu  naître  plusieurs  encyclopédies  latines  dont  la  prétention 
était  d'embrasser  l'ensemble  des  connaissances  humaines 
(Imago  mundi  deHonoriusd'Autun,  Spéculum univer- 
sale  de  Vincent  de  Beauvais,  etc.).  L'œuvre  de  Brunetto  est 
une  des  premières  tentatives  faites  pour  rendre  ce  genre 
d'ouvrages  accessible  aux  personnes  qui  ignoraient  le  latin 
(il  avait  cependant  été  précédé  par  Gautier  de  Metz  dont 
V Image  du  monde  est  de  4245).  Brunetto  divise  son 
Trésor  en  trois  parties  :  la  première  comprend  la  philo- 
sophie théorique,  c.-à-d.  la  science  des  choses  en  elles- 
mêmes,  considérées  comme  objet  de  connaissance  :  il  y 
traite  de  la  création  du  monde,  de  Dieu  et  de  la  nature  des 
anges  (d'après  le  livre  des  Sentences  d'Isidore  de  Séville), 
de  l'homme,  de  la  loi  divine  et  humaine,  de  l'institution  de 
la  royauté  ;  il  y  rattache  un  abrégé  d'histoire  universelle, 
sacrée  (d'après  la  Bible  et  Isidore)  et  profane,  qui  s'arrê- 
tait d'abord  à  1260  et  qu'il  prolongea  ensuite  jusqu'en 
4268.  Brunetto  fait  aussi  rentrer  dans  cette  partie  la  phy- 
sique, l'astronomie,  la  géographie  (cette  partie  surtout  est 
presque  uniquement  composée  de  traditions  fabuleuses) 
(d'après  Sohn  et  Isidore),  l'économique  (d'après  Palladius), 
l'histoire  naturelle  (d'après  Aristote,  Pline,  Palladius, 
Solin,  Isidore,  le  Physiologus  d'Ilildebert,  le  De  Naiura 
rerum  de  Martin  de  Cantimpré,  les  Bestiaires  français  et 
le  poème  provençal  de  Daude  de  Prades).  Le  second  livre 
«  parle  des  vices  et  vertus  »  :  c'est  donc  un  traité  de 
morale.  Il  s'ouvre  par  un  résumé  de  {'Ethique  à  Nico- 
maque  d'Aristote  (d'après  une  traduction  latine)  ;  le  reste 
est  composé  de  considérations  et  de  sentences  morales,  em- 
pruntées soit  à  des  anciens,  comme  Horace,  Sénèque,  Ju- 
vénal,  soit  surtout  à  des  ouvrages  modernes  (surtout  le 
Moralium  dogma,  de  Gautier  de  Lille,  le  De  Arte  lo- 
quendi  et  tacendi^  d'Albert  de  Brescia,  h  De  ÏV  Virtu- 
tibus  cardinalibus  de  Martin  de  Dumium,  la  Summa  de 
viriutibus  de  Guillaume  Perrault;  les  Libri  sententia- 
rum  d'Isidore  de  Séville).  Le  troisième  hvre  n'est  pas  seu- 
lement un  traité  de  rhétorique  (surtout  d'après  le  premier 
livre  du  De  Inventione  de  Cicéron),  mais  aussi  de  poli- 
tique. Cette  dernière  partie,  malgré  les  quelques  emprunts 
que  Brunetto  y  a  fait  au  De  Officiis  de  Cicéron,  au  De 
Clementia,  au  De  Ira  de  Sénèque,  est  fort  originale  : 
l'auteur  y  traite  presque  uniquement  du  gouvernement  des 
républiques  italiennes  et  en  particulier  de  l'institution  du 
podestat  :  bien  qu'il  ait  connu  et  utilisé  un  ouvrage  sur  le 
même  sujet  (VOculus  pastoralis),  il  y  a  surtout  déposé  le 


fruit  de  ses  réflexions  et  de  son  expérience  personnelles,  et 
c'est  ce  qui  donne  à  cette  partie,  médiocrement  en  harmo- 
nie avec  le  reste  de  l'ouvrage,  une  valeur  toute   spéciale. 

A.  Jkanroy. 

BiBL.  :  Editions  :  de  laRettorlca  (Rome,  1546,  etNaples, 
1851);  du  Tesoretto  et  du  Favolello,  par  G.-B.  Zakxom 
(Florence,  1824);  du  Tesoretto  seul,  f)arB.  Wiese,  dans  la 
Zeitschrift  fur  romanische  Philologie  (VII,  236,  avec  une 
importante  étude  philologique);  des  trois  discours  de 
Cicéron  prononcés  devant  César,  par  Rkzzi  (Milan,  1832, 
et  Naples,  1850)  ;  du  Trésor,  par  P.  Ciiabaille  (Paris, 
1863,  dans  Ha  Collection  des  documents  inédits  sur  l'his- 
toire de  France).  Le  Trésor  avait  été  traduit  en  italien  dès 
le  xiii»  siècle  par  Bono  Giamboni  ;  éd.  de  cette  trad.  par 
L.  Carrkr  (Venise,  1839)  et  L.  Gaiter  (Bologne,  1878). 

Etudks  critiquj^s.  —  Histoire  littéraire  de  la  France, 
t.  XX,  pp.  276-304  (article  de  Fauriel).  —  Thor  Sundby, 
Délia  Vita  e  délie  opère  di  Brunetto  Latini...  tradotto  da 
H.  Renier  (Florence,  1884.)  —A.  Gaspary,  Storia  délia  let- 
teratura  italiana,  1887,  t.  I,  chap.  ix.  — A.  d'Ancona, /i 
Tesoro  di  Brunetto  Latini  versiftcato,  dans  les  Mémoires 
de  TAcadémie  des  Lincei  ;  Rome,  1889.  —-  P.  Toynbee, 
Brunetto  Latino's  obligations  to  Solinus..  dans  Roynania, 
1894,  t.  XXIII. 

LATINI  (Liatino),  philologue  italien,  né  à  Viterhe  en 
1513,  mortà  flomele  21  janv.  1593.  Il  étudia  le  droit  et 
les  lettres  dans  sa  ville  natale  et  à  Sienne,  puis  il  entra 
dans  les  ordres  et  fut  attaché  comme  secrétaire  aux  cardi- 
naux del  Pozzo,  Pio  et  Colonna  ;  il  travailla  à  la  re vision 
du  Décret  de  Gratien  et  obtint  une  pension  dont  il  jouit  jus- 
qu'à sa  mort.  11  était  fort  érudit,  mais  encore  plus  mo- 
deste et  ne  publia  que  quelques  rares  opuscules.  Sa  cor- 
respondance avec  Manuce,  Muret,  Mercuriali  et  d'autres 
savants  fut  imprimée  en  1659  et  1667  :  Epistolœ,  con- 
jecturœ  et  observationes  sacra  profanaque  eruditione 
ornatœ  (RomeetViterbe).  On  a  également  publié  un  choix 
des  annotations  qu'il  avait  mises  en  marge  de  ses  livres 
(légués  par  lui  au  chapitre  de  Viterhe)  sous  le  titre  de  : 
Bibliotheca  sacra  et  profana,  sive  observationes,  co7i- 
jecturœ  et  varice  lectiones  in  sacros  et  profaîios  scrip- 
tores.  Enfin  on  trouvera  dans  le  Thésaurus  antiquitatum 
Sicilimûe  Qrœviusdeux  articles  de  lui,  relatifs  aux  études 
de  Sigonius,  De  Antico  Jure.  G.  Mazzoni. 

BiBL.  :  Magri,  Vita  Latini,  en  tête  des  Epistolœ  et  de  la 
Bibliotheca  citées  plus  haut.  —  Tiradoschi,  Storia  délia 
letteratura  italiana,  t.  VII. 

LATIN 0-CoELHo  (José-Maria),  littérateur  et  homme  po- 
litique portugais,  né  à  Lisbonne  le  29  nov.  1825,  mort  à 
Lisbonne  le  2  sept.  1891.  Officier  supérieur  du  génie,  pro- 
fesseur de  géologie  à  l'Ecole  polytechnique,  député  depuis 
1854,  ministre  de  la  marine,  puis  sénateur,  il  a  d'abord 
appartenu  au  parti  libéral,  puis  au  groupe  des  républi- 
cains, et  s'est  distingué  comme  orateur  et  publiciste.  Il 
laissa  plusieurs  ouvrages  élémentaires,  de  nombreux  ar- 
ticles, et  fut  secrétaire  de  l'Académie  des  sciences.   G.  P-t. 

LATINS  (V.  Latium). 

L  ATI  RUS  (Paléont.)  (V.  Fuseau). 

LATISELLÉES  (Paléont. )(V.  Ammonite). 

LATITUDE.  L  Astronomie.  —  Ce  mot  employé  iso- 
lément désigne  l'angle  que  fait  la  verticale  d'un  lieu  avec 
le  plan  de  Féquateur.  Très  souvent  on  précise  cette  signi- 
fication en  ajoutant  à  la  suite  du  mot  latitude  un  des 
adjectifs  astronomique  ou  géographique,  La  latitude 
astronomique  est  égale  à  l'angle  de  la  ligne  des  pôles  avec 
le  plan  de  l'horizon  du  lieu  considéré,  c.-à-d.  à  la  hau- 
teur du  pôle  au-dessus  de  l'horizon.  Cette  propriété, 
dont  la  démonstration  est  évidente,  est  utilisée  pour  la 
mesure  de  la  latitude.  Or  la  terre  n'est  point  une  sphère, 
mais  bien  un  ellipsoïde  de  révolution,  de  telle  sorte  que 
la  verticale,  qui  est  en  réalité  la  perpendiculaire  au  plan 
tangent  à  la  surface  terrestre  au  point  considéré,  ne 
passe  pas  par  le  centre  de  la  terre  (fig.  1).  Il  en  résulte 
que  la  position  d'un  parallèle  sera  définie  plus  aisément 
par  la  connaissance  de  l'angle  MCE  que  fait  le  rayon 
terrestre  avec  le  plan  de  l'équateur.  Cet  angle  s'appelle 
latitude  géodésique  ;  il  n'est  pas  susceptible  d'être  mesuré 
directement,  mais  on  le  déduit  très  simplement  de  la  lati- 


LATITUDE 


—  1002 


tude  astronomique  par  la  relation  tgl/  : 


dans  laquelle  V  représente  la  latitude  géodésique,  L  la  lati- 
tude astronomique,  p  Taplatissement  de  Fellipsoide.  Il  est 
facile  de  concevoir  que  Fou  peut  construire  une  table  numé- 
rique donnant  immédiatement  la  latitude  géodésique  qui 
correspond  à  une  latitude  astronomique  donnée.  Enfin,  dans 

la  théorie  du 
mouvement 
des  planètes, 
on  emploie 
sous  le  nom 
de  latitude  hé- 
liocentrique , 
pour  l'une 
des  coordon- 
nées servant  à 
repérer  la  po- 
sition des  pla- 
nètes sur  la 
sphère  cé- 
leste, l'angle 
formé  par  la 
droite  qui  joint 
le  centre  de  l'astre  au  centre  du  soleil  avec  le  plan  de  l'éclip- 
tique.  Cette  coordonnée  ne  se  mesure  pas  directement  parce 
qu'il  n'existe  pas  de  moyen  de  repérer  dans  l'espace,  avec 
une  précision  suffisante,  la  ligne  des  pôles  de  l'éclip- 
tique.  Les  tables  astronomiques  du  mouvement  des  pla- 
nètes fournissent  les  éléments  qui  permettent  de  calculer 
les  latitudes  héliocentriques.  On  passe  de  celles-ci  aux  dé- 
clinaisons qui  figurent  dans  les  éphémérides  publiées  à 
l'avance,  au  moyen  de  formules  trigonométriques  ;  mais  on 
peut  également  calculer  la  latitude  héliocentrique  qui  corres- 
pond à  une  déclinaison  observée.  Nous  nous  contenterons 
d'indiquer  ces  deux  problèmes  très  compliqués  dans  la 
pratique.  On  considère  également  quelquefois  l'angle  formé 
par  la  droite  qui  joint  le  centre  de  l'astre  au  centre  de  la 
terre  avec  le  plan  de  l'écliptique  :  c'est  la  latitude  géocen- 
trique.  Des  formules  trigonométriques  permettent  de  passer 
de  la  latitude  héliocentrique  à  la  latitude  géocentrique  et  de 
celle-ci  à  la  déclinaison. 

Il  convient  de  diviser  les  méthodes  employées  dans  la 
mesure  de  la  latitude  astronomique  en  deux  groupes  :  mé- 
thodes de  haute  précision  appliquées  dans  les  observatoires 
et  méthodes  convenant  aux  déterminations  pratiquées  sur 
terre  et  sur  mer  en  vue  des  besoins  de  la  géographie.  Dans 
le  premier  groupe,  on  trouve  les  méthodes  fondées  sur 
l'observation  de  l'étoile  polaire  et  celles  qui  sont  basées 
sur  l'observation  méridienne  d'étoiles  de  déclinaison  connue 
ou  sur  l'observation  des  instants  des  passages  d'étoiles  con- 
nues au  travers  du  plan  vertical  E.-O. 

Premier  groupe.  Méthodes  astronomiques.  —  Déter- 
mination de  la  latitude  par  V observation  méridienne 
de  l'étoile  polaire.  Cette  méthode  suppose  l'emploi  d'un 
cercle  mural  ou  d'un  instrument  méridien  pourvu  d'un 
cercle  vertical  gradué  d'assez  grand  diamètre.  Elle  exige 
que  les  constantes  de  l'instrument  aient  été  préalable- 
ment déterminées  avec  soin.  Ces  constantes  sont  la  cor- 
rection du  tour  de  la  vis  micrométrique  des  microscopes, 
la  flexion,  l'erreur  des  traits.  De  plus,  il  conviendra 
que  le  pointé  de  l'étoile  soit  effectué  à  très  peu  près  au 
moment  de  son  passage  au  méridien,  afin  d'éviter  d'avoir 
à  introduire  un  petit  terme  correctif,  pour  tenir  compte 
de  la  faible  variation  de  distance  zénithale  correspon- 
dant au  petit  angle  horaire.  Enfin  dans  le  cas  où  l'étoile 
aurait  été  visée  hors  du  méridien,  il  faudra  en  général  cal- 
culer un  nouveau  petit  terme  correctif  pour  tenir  compte  de 
l'inclinaison  du  fil.  On  se  bornera  ici  à  signaler  la  nécessité 
de  ces  corrections  sans  entrer  dans  l'exposition  des  for- 
mules qui  permettent  de  les  calculer.  D'ailleurs,  pour  ne 
point  avoir  à  parler  de  réduction  méridienne,  ni  d'incli- 


naison du  fil,  nous  supposerons  que  les  pointés  des  étoiles 
ont  été  opérés  avec  le'point  du  fil  des  hauteurs  oti  ce  dernier 
est  coupé  par  le  méridien.  Si  la  lunette  est  réglée  de  manière 
que  l'axe  optique  décrive  exactement  le  méridien  et  si  cet 
axe  optique  est  repéré  par  un  fil  vertical,  il  suffira  d'ob- 
server l'étoile  à  l'instant  où  elle  coupe  la  croisée  des  fils.  On 
peut  utiliser  les  distances  zénithales  de  la  polaire,  pour  la 
mesure  de  la  latitude,  de  trois  manières  différentes  :  i°  Com- 
binaison du  nadir  avec  les  passages  supérieurs  et  inférieurs 
de  la  polaire.  Ce  procédé  suppose  que  l'on  connaît  la  lec- 
ture du  cercle  gradué  qui  correspond  à  la  position  verti- 
cale de  la  lunette.  Dans  ce  but,  celle-ci  étant  dirigée  de 
haut  en  bas,  on  amène  un  bain  de  mercure  sous  l'objectif. 
Le  fil  des  hauteurs  étant  situé  dans  le  plan  focal  de  l'ob- 
jectif, chaque  point  de  ce  fil  couvre  la  lentille  d'un  faisceau 
divergent  qui  sort  après  avoir  subi  l'effet  delà  réfraction, 
suivant  un  faisceau  parallèle  à  l'axe  secondaire  de  ce  point. 
Ce  faisceau  parallèle  se  réfléchit  sur  le  mercure  suivant  un 
autre  faisceau  parallèle  qui  rencontre  à  son  tour  la  len- 
tille et  en  sort  transformé  en  un  faisceau  convergent  qui 
donne une  image dans 
le  plan  focal,  au  point 
où  aboutit  le  rayon 
réfléchi  passant  par 
le  centre  optique , 
d'après  un  théorème 
d'optique  bien  connu 
(fig.  2).  Tous  les 
points  du  fil  horizon- 
tal AB  agiront  de 
même,  de  telle  sorte 
qu'il  est  aisé  de  se 
représenter  que 
l'image  résultante  ab 
est  une  droite  paral- 
lèle à  ce  fil.  Pour 
avoir  ab,  il  suffirait 
de  mener  un  plan  par 
AB  et  le  centre  op- 
tique 0  ;  ce  plan  cou- 
perait la  surface  du  mercure  suivant  une  droite  a^  parallèle 
à  AB .  On  mènerait  ensuite  un  plan  vertical  par  a  j5  et  l'on  cons- 
truirait le  plan  symétrique  du  plan  ABa[3  par  rapport  à  ce  plan 
vertical:  l'intersection  avec  le  plan  focal  donnerait  ab.  On 
voit  immédiatement  que  ces  trois  plans  coïncident,  lorsque 
le  plan  ABO  sera  lui-même  vertical  :  dans  ce  cas  l'image  ab 
coïncidera  avec  AB.  Par  conséquent,  après  avoir  serré  la 
pince  du  cercle  mural  dans  une  position  où  la  lunette  est 
très  sensiblement  verticale,  on  amènera  celle-ci  à  prendre 
exactement  une  position  telle  que  ab  coïncide  avec  AB,  en 
agissant  sur  la  vis  de  rappel  de  la  pince.  Dans  cette  posi- 
tion, le  fil  horizontal  AB  se  trouve  rigoureusement  dans  le 
plan  vertical  passant  par  l'axe  optique,  ainsi  qu'il  vient 
d'être  dit.  On  lit  alors  les  microscopes  disposés  sur  le  pour- 
tour du  cercle.  Ces  microscopes,  toujours  en  nombre  pair, 
sont  placés  deux  à  deux  aux  extrémités  d'un  même  diamètre, 
de  façon  à  éliminer  l'erreur  d'excentricité.  Le  cercle  mural 
de  rObservatoire  de  Paris  en  possède  "six  qui  sont  disposés 
aux  sommets  d'un  hexagone,  mais  beaucoup  d'appareils  de 
haute  précision  n'en  comptent  que  quatre.  Généralement,  les 
microscopes  sont  construits  de  manière  qu'un  tour  de  la 
vis  micrométrique  déplace  le  fil  mobile  de  4^  d'arc.  On 
connaît  d'ailleurs,  par  des  opérations  préalables  très  atten- 
tives et  très  précises,  la  valeur  exacte  du  déplacement 
correspondant  à  i  tour  ;  et  comme  i  tour  équivaut  très 
sensiblement  à  i\  on  représente  par  une  correction  posi- 
tive ou  négative  appelée  tare  le  changement  toujours  très 
petit  qu'il  faut  appliquer  à  l'arc  exprimé  en  tours  et  frac- 
tions de  tour  pour  qu'il  représente  le  même  arc  en  minutes 
et  secondes.  La  transformation  s'opère  pour  ainsi  dire  à 
vue.  En  principe,  la  détermination  de  la  valeur  d'un  tour 
de  la  vis  micrométrique  s'obtient  immédiatement  en  mesu- 
rant avec  le  fil  mobile  de  chaque  microscope  l'intervalle 


-  d003  - 


LATITUDE 


de  deux  traits  consécutifs  de  la  graduation  du  cercle.  Cet 
intervalle  est  habituellement  de  ^\  de  telle  sorte  qu'il  doit 
correspondre  à  5  tours.  L'excès  du  nombre  de  tours  obtenu 
sur  lo  chiffre  5  représente  le  quintuple  de  la  tare,  c.-à-d. 
de  la  correction  à  appliquer  à  1  tour  pour  avoir  Tare  cor- 
respondant. Il  est  impossible  d'entrer  ici  dans  de  plus  longs 
développements  sur  cette  question  qui  est  du  ressort  de  la 
théorie  des  instruments  ;  on  trouvera  tous  les  détails  dé- 
sirables dans  les  Annales  de  l'Observatoire  de  Paris 
pour  1887.  Il  a  été  parlé  plus  haut  des  lectures  des  micros- 
copes, c.-à-d.  du  nombre  de  tours  indiqué  par  les  peignes 
des  microscopes  ainsi  que  des  fractions  de  tour  marquées 
par  le  tambour  de  la  vis  micrométrique  ;  on  pointe  avec  le 
fil  mobile  l'un  des  deux  traits,  celui  des  traits  qui  est  le 
plus  proche  du  0  du  peigne.  Mais  pour  éviter  d'avoir  à 
considérer  des  tours  positifs  et  des  tours  négatifs,  nous 
supposerons  que  l'on  a  toujours  pointé  le  trait  dont  la  lec- 
ture est  plus  faible.  Si  les  microscopes  étaient  parfaitement 
réglés,  chacun  d'eux  devrait  marquer  0  tour  0  partie 
de' tour  00  (0*,0p,00)  lorsque  l'index  serait  exactement 
en  coïncidence  avec  l'un  des  traits  de  la  graduation. 
Alors  la  lecture  du  microscope,  le  fil  mobile  de  celui- 
ci  étant  pointé  sur  le  trait  dont  la  lecture  est  plus 
faible,  245"  25^  par  exemple,  exprimerait  en  tours  et  par- 
ties de  tour,  le  petit  arc  complémentaire  de  la  lecture 
^245°  ^^\  Ce  petit  arc  lu  en  tours  et  parties  de  tour 
s'exprimerait  en  minutes,  secondes  et  centièmes  de  seconde, 
au  moyen  de  la  correction  de  tare.  Mais  il  n'est  pas  du 
tout  nécessaire  que  ce  réglage  idéal  soit  réalisé  exactement  ; 
seulement  dans  ce  cas,  qui  est  le  cas  habituel,  les  arcs 
complémentaires  évalués  au  moyen  de  chaque  microscope 
se  rapportent  à  un  index  idéal  qui  correspond  pour  chaque 
microscope  à  la  position  0S0p,00  du  fil  mobile.  La  moyenne 
des  lectures  corrigées  chacune  de  la  tare  se  rapportera  à 
un  microscope  fictif;  mais,  comme  on  n'a  jamais  besoin  de 
connaître  la  lecture  absolue  sur  une  direction  donnée  de 
l'espace,  peu  importe  l'index  de  référence. 

Dans  la  pratique,  en  effet,  on  se  sert  des  distances 
zénithales,  c.-à-d.  d'angles  résultant  de  la  différence  de 
deux  lectures,  une  lecture  sur  l'étoile  et  une  lecture  sur 
le  zénith.  Il  est  clair  que  dans  cette  différence,  l'angle  formé 
par  le  trait  index  avec  l'axe  de  la  lunette  s'élimine  complè- 
tement; par  suite,  le  résultat  de  cette  différence  mesure 
véritablement  l'angle  cherché.  Quant  à  l'opération  maté- 
rielle du  pointé  d'un  trait,  elle  s'effectue,  en  général,  au 
moyen  d'un  artifice  d'observation,  qui  a  pour  but  d'aug- 
menter la  précision,  car  la  superposition  d'un  fil  et  d'un 
trait  gravé  est  une  entreprise  toujours  un  peu  douteuse. 
Dans  le  but  d'écarter  cette  difficulté,  chaque  microscope 
est  muni,  non  point  d'un  fil  mobile  parallèle  aux  traits  de 
la  graduation,  mais  d'un  système  mobile  de  deux  fils  paral- 
lèles entre  eux  très  rapprochés.  Ce  système  est  mû  par  la 
vis  micrométrique  ;  il  est  amené  dans  une  position  telle 
que  l'image  du  trait  à  pointer  tombe  entre  l'image  des  deux 
fils,  en  laissant  de  chaque  côté  une  bande  lumineuse  d'égale 
épaisseur.  On  lit  le  nombre  de  tours  au  moyen  des  dents 
du  peigne,  le  nombre  de  parties  sexagésimales  et  de 
dixièmes  de  parties  sexagésimales  de  tours  sur  le  tambour 
de  la  vis  micrométrique.  Ces  notions,  bien  qu'incomplètes 
au  point  de  vue  de  certains  détails  pratiques,  suffisent  pour 
l'intelligence  des  méthodes  que  nous  allons  décrire.  Ayant 
donc  déterminé  la  lecture  qui  correspond  au  pointé  du 
nadir,  ainsi  qu'il  a  été  dit,  par  superposition  de  l'image 
réfléchie  du  fil  mobile  sur  un  bain  de  mercure  et  de  l'image 
directe,  on  en  déduit  la  lecture  sur  le  zénith  en  ajou- 
tant 180^.  Puis,  ayant  dirigé  la  lunette  sur  l'étoile  polaire, 
on  rectifie  le  calage  de  façon  que  l'étoile  coupe  le  fil  des 
hauteurs,  au  moment  de  son  passage  au  méridien.  On  ht 
alors  l'index  et  les  microscopes,  ainsi  qu'il  a  été  dit.  On 
conclut  de  ces  trois  lectures,  après  application  de  la  cor- 
rection de  tare,  la  lecture  complète  qui  correspond  au 
pointé  de  l'étoile.  Cette  lecture  est  altérée  de  l'effet  de  la 
réfraction  et  de  celui  des  erreurs  instrumentales.  La  dis- 


tance zénithale  déduite  par  différence,  au  moyen  de  la  lec- 
ture sur  le  zénith  sera  donc  affectée  des  mêmes  erreurs.  La 
réfraction  se  calcule  aisément  à  l'aide  des  tables  spéciales 
que  l'on  trouve  dans  tous  les  recueils  astronomiques,  en 
fonction  de  la  température  et  de  la  pression  barométrique; 
elle  s'applique  toujours  positivement  à  la  distance  zénithale 
observée.  Quant  aux  erreurs  instrumentales,  elles  se  cal- 
culent séparément.  Si  l'on  suppose  que  l'azimut  de  l'axe 
optique,  ainsi  que  l'inchnaison  de  l'axe  de  rotation  de  la 
lunette,  est  nul  ou  n'atteint  qu'une  valeur  inférieure  à  la 
limite  qu'il  peut  avoir  sans  altérer  les  distances  zé- 
nithales, ce  qui  a  toujours  lieu  avec  des  instruments 
bien  réglés,  il  ne  reste  qu'à  tenir  compte  :  1°  de  la  ré- 
duction méridienne  pour  le  calcul  de  laquelle  une  con- 
naissance approchée  du  petit  angle  horaire  de  l'astre 
suffit  ;  2"  de  l'inclinaison  du  fil  ;  3°  d'une  correction  de 
flexion  de  la  lunette  ;  4^  de  l'erreur  de  division  du  trait 
du  cercle  gradué  sous  l'index.  En  fait,  les  deux  premières 
sources  d'erreurs  disparaissent,  si  l'on  a  observé  l'astre 
à  peu  près  dans  le  méridien  ;  la  troisième  et  la  quatrième 
sont  seules  inévitables  ;  mais  on  a  calculé  d'avance,  pour 
chaque  instrument,  des  tables  numériques  donnant  la  cor- 
rection de  flexion  correspondant  aux  distances  zénithales 
et  les  corrections  à  appliquer  à  chacun  des  traits  sous 
l'index.  L'effet  de  ces  deux  dernières  corrections  s'obtient 
donc  immédiatement  à  l'aide  des  tables  en  question  ;  il  est 
d'ailleurs  toujours  très  faible.  La  distance  zénithale  ainsi 
rectifiée  va  pouvoir  être  employée  au  calcul  de  la  latitude. 
Dans  les  lieux  dont  la  latitude  est  supérieure  à  30°,  le 
passage  inférieur  de  la  polaire,  c.-à-d.  celui  qui  a  lieu  entre 
le  pôle  et  l'horizon,  tombe  assez  haut  pour  pouvoir  être 
observé  utilement.  Si  l'on  a  observé  deux  passages  supé- 
rieur et  inférieur  consécutifs  de  la  polaire,  la  moyenne  des 
distances  zénithales  réduites  donnera  la  distance  zénithale 
du  pôle,  c.-à-d.  la  colatitude  90  —  L  et  par  suite  la  lati- 
tude. Cette  latitude  est  absolue,  en  ce  sens  qu'elle  est 
indépendante  de  toute  erreur  sur  la  distance  polaire  moyenne 
et  le  mouvement  propre  adoptés  pour  l'étoile,  ainsi  que  de 
toute  erreur  sur  les  constantes  de  l'observation,  de  la  mu- 
tation et  de  la  précession.  La  seule  source  d'erreur  qui 
subsiste,  en  dehors  des  erreurs  propres  à  l'instrument,  est 
l'imperfection  de  la  connaissance  de  la  réfraction.  Mais  il 
arrive  très  souvent  que  l'on  ne  peut  observer  que  l'un  des 
deux  passages  parce  que  l'autre  tombe  en  plein  jour.  Comme 
l'on  peut  affirmer  que  la  distance  polaire  moyenne  de  l'étoile 
polaire  est  connue  très  exactement,  la  distance  polaire  appa- 
rente qui  en  est  déduite  par  le  calcul  peut  être  considérée 
également  comme  très 
bien  connue,  et  l'on 
en  pourra  déduire  la 
latitude  avec  une 
grande  certitude. 
D'ailleurs,  si  l'on  dis- 
pose d'observations 
embrassant  une  lon- 
gue période,  on  aura 
deux  séries  de  valeurs 
de  la  latitude. 

La  moyenne  du 
couple  de  valeurs 
fournies  par  les  deux 
séries  est  affranchie 
de  l'erreur  qui  pour- 
rait exister  sur  la 
déclinaison  moyenne 

adoptée,  car  on  a,  en  effet,  les  deux  formules  où  L  repré- 
sente la  latitude,  D  la  déclinaison  apparente  (Do  +  dD^) 
pour  la  date  considérée  : 

L  m:  D  —  Z  (passages  supérieurs)  ; 

L  =:  180  —  D  —  7/  (passages  inférieurs). 
La  possibilité  d'observer  la  polaire  par  réflexion  sur  la  sur- 
face d'un  bain  de  mercure,  fournit  une  autre^manière  d'agen- 
cer les  observations  de  cette  étoile,  dans  le  but  d'en  tirer 


Fig.  3. 


LATITUDE 


—  J004 


la  latitude.  Supposons  qu'il  s'agisse  d'un  passage  supérieur 
et  que  la  lunette  soit  pointée  suivant  CI  sur  l'image  réfléchie 
(fig.  3).  On  a  lE'  parallèle  à  CE  ;  par  suite,  la  distance  zéni- 
thale ZCEr=:VlE'=:ICN.  Or,  la  distancezénithale  de  l'image 
réfléchie  ZCI  nr  180  —  ICN  =  180  —  ZGE,  c.-à-d.  que  la 
distance  zénithale  de  l'image  réfléchie  est  égale  au  supplé- 
ment de  la  distance  zénithale  directe.  En  faisant  usage  des 
mêmes  notations  que  plus  haut,  on  a  entre  la  distance  zéni- 
thale directe  ZCE  zn  Z  et  la  distance  zénithale  réfléchie  Z^ 
donnée  par  l'observation,  la  relation  Z  =  180  —  Z;  par 
suite  à  cause  de  la  formule  (1)  L  :=:  Z,,  +  D  — 180  et  dans 
le  cas  d'un  passage  inférieur  L=://^  —  D. 

On  voit  que  si  Ton  a  observé  dans  la  même  journée  le 
passage  supérieur  et  le  passage  inférieur,  par  réflexion  sur 
le  hain  de  mercure,  la  moyenne  des  deux  valeurs  de  L  sera 


encore  une  valeur  absolue  :  L 


2 


•  — 90«.0nvoit 


aussi  que  si  l'on  a  observé  consécutivement  un  même  pas- 
sage directement  et  par  réflexion,  la  moyenne  sera  indé- 
pendante du  pointé  sur  le  nadir,  car  l'on  a  pour  le  passage 

supérieur,  par  exemple  :  L  =  D  -f-  '-^ 90° .  La 

différence  des  distances  zénithales  est  donnée  directement 
par  la  différence  des  deux  lectures  réfléchies  et  directes. 
Pour  donner  une  idée  de  la  précision  à  laquelle  on  peut 
atteindre  par  ces  procédés,  on  rapportera  ici  les  résultats 
obtenus  par  M.  Périgaud  pour  la  latitude  de  l'Observatoire 
de  Paris  en  1888.  La  combinaison  du  nadir  avec  les  obser- 
vations des  passages  supérieurs  et  inférieurs  de  la  polaire, 
lui  a  donné  48*^00^1 0'''89.  La  combinaison  des  nadirs  avec 
les  observations  réfléchies  des  passages  supérieurs  et  infé- 
rieurs de  la  polaire  48^50^10^^92.  Enfin,  la  combinaison 
des  observations  directes  et  réfléchies,  sans  intervention 
du  nadir,  48^50^1 0^''9'1 .  Toutefois,  l'imperfection  delà  con- 
naissance de  la  réfraction  ne  permet  pas  d'espérer  que  ces 
valeurs  aient  toutel'exactitude  qu'elles  paraissent  comporter. 
Détermination  de  la  latitude  à  l'aide  d'étoiles  con- 
nues, La  détermination  de  la  latitude  par  l'observation  de 
la  polaire  n'est  pas  pratique  lorsque  les  circonstances  re- 
quièrent de  la  rapidité  d'exécution  ou  lorsque  la  hauteur 
du  pôle  au-dessus  de  l'horizon  n'est  pas  au  moins  de  30°. 
Dans  ces  deux  cas,  on  opère  ainsi  qu'il  suit.  On  dispose 
un  catalogue  de  30  à  40  étoiles  culminant  à  moins  de  30° 
du  zénith,  à  l'époque  des  observations,  pendant  la  première 
partie  de  la  nuit,  en  éliminant  les  étoiles  de  première  gran- 
deur dont  le  pointé  n'est  pas  aussi  certain  que  celui  des 
étoiles  de  moindre  éclat,  ainsi  que  les  étoiles  trop  faibles 
que  le  fil  des  hauteurs  couvre  complètement.  Les  étoiles 
qui  composent  ce  catalogue  sont  choisies  dans  les  éphénié- 
rides  publiées  par  la  Connaissance  des  Temps  ou  plus 
souvent  dans  celles  publiées  par  le  Berliner  Jahrbuch, 
On  les  répartit  en  trois  ou  quatre  séries  et  l'on  détermine 
la  lecture  sur  le  zénith,  au  commencement  et  à  la  fin  de  la 
soirée  ainsi  qu'entre  les  séries.  On  pointe  successivement 
chaque  étoile  au  moment  de  son  passage  au  méridien  à 
l'aide  du  fil  des  hauteurs,  en  effectuant  chaque  fois  la  lec- 
ture de  l'index  et  les  lectures  des  microscopes.  En  outre, 
on  note  à  des  intervalles  rapprochés  la  température  et  la 
pression  atmosphérique.  Celles-ci  serviront  au  calcul  des 
réfractions.  On  calcule  ensuite  les  distances  zénithales  vraies 
des  étoiles,  ainsi  qu'il  a  été  expliqué  plus  haut  à  propos 
de  la  polaire.  Enfin  l'on  déduit  la  latitude  par  la  formule 
L  =:  D  zp  Z  dans  laquelle  D  représente  la  déclinaison  ap- 
parente pour  le  jour  de  l'observation,  prise  dans  les  éphé- 
mérides.  Le  signe  —  convient  aux  étoiles  qui  culminent 
entre  le  zénith  et  le  pôle,  le  signe  -f-  aux  étoiles  qui  cul- 
minent entre  le  zénith  et  l'équateur,  dans  l'hémisphère  N. 
Chacune  des  valeurs  de  la  latitude  renferme  l'erreur  de  la 
déclinaison  de  l'étoile  correspondante  ;  mais  outre  que  les 
déclinaisons  de  ces  étoiles  sont  bien  connues  par  de  nom- 
breuses observations  d'observatoires,  on  peut  espérer  que 
la  moyenne  des  30  ou  40  valeurs  sera  affranchie  de  toute 


erreur  provenant  de  cette  source.  Cette  méthode  convient 
surtout  au  cas  où  l'on  observe  avec  un  instrument  méridien 
portatif.  Dans  ces  instruments,  on  ne  détermine  pas  l'er- 
reur des  traits  de  la  graduation,  parce  qu'il  ne  convient 
d'exécuter  cette  opération  longue  et  pénible  que  pour  les 
instruments  fixes  des  observatoires.  De  plus,  la  correction 
de  flexion  se  déduit  des  observations  mêmes.  Enfin,  les 
instruments  méridiens  portatifs  donnent  en  général  des  ré- 
sultats légèrement  différents,  suivant  que  l'on  observe  avec 
le  cercle  gradué  à  l'E.  ou  le  cercle  gradué  à  l'O.  (V.  la  des- 
cription du  Cercle  méridien  portatif).  Pour  éliminer  autant 
que  possible  ces  différentes  sources  d'erreur,  on  multiplie 
les  observations  d'une  façon  systématique,  en  variant  à  la 
fois  la  division  correspondant  au  point  zénithal  et  la  posi- 
tion du  cercle  gradué.  On  admet  qu'une  valeur  de  la  lati- 
tude doit  résulter  de  la  combinaison  des  moyennes  fournies 
par  deux  soirées  effectuées  sur  le  même  trait  origine,  dans 
des  positions  alternées  du  cercle  gradué.  Si  en  effet  la 
moyenne  des  lectures  des  microscopes  correspondant  au 
pointé  du  zénith  dans  deux  positions  Est  et  Ouest  du  cercle 
gradué  est  affectée  d'une  certaine  erreur,  les  distances  zé- 
nithales d'une  même  étoile  seront  affectées,  dans  chaque 
soirée  d'observation,  de  signes  contraires  parce  que  dans 
une  position  on  aura  dist.  zénith,  étoile  =:  Lect.  étoile 
—  lect.  zénith.,  et  dans  l'autre,  dist.  zénith,  étoile  =: 
Lect.  zénith  —  lect.  étoile.  De  là  résulte  évidemment  que 
la  moyenne  des  latitudes  fournies  par  ces  deux  distances 
zénithales  sera  affranchie  de  l'erreur  du  trait  du  nadir. 
Mais  elle  est  entachée  de  l'effet  de  la  flexion  et  de  la  demi- 
différence  des  erreurs  afférentes  aux  traits  du  limbe  em- 
ployés dans  le  pointé  de  l'étoile.  L'effet  de  la  flexion  s'éli- 
minera tout  naturellement,  si  au  lieu  d'observer  une  seule 
étoile,  dans  chaque  position  de  l'instrument,  on  a  observé 
une  couple  d'étoiles  culminant,  de  part  et  d'autre  du  zénith, 
à  une  distance  identique.  En  effet,  dans  une  position  quel- 
conque du  cercle  gradué  les  deux  distances  zénithales 
observées  seront  trop  grandes  ;  mais  comme  la  valeur 
finale  de  la  latitude  résultera  des  formules  L  =  D  -|-  Z  et 
L  =  D  —  Z,  la  moyenne  des  valeurs  de  L  fournies  la  couple 
d'étoiles  sera  affranchie  de  l'effet  de  la  flexion.  Ainsi  une 
couple  d'étoiles  culminant  à  égale  distance  du  zénith,  mais, 
de  part  et  d'autre  observée  consécutivement  dans  les  deux 
positions  de  l'instrument  et  dans  le  même  calage  zénithal, 
fournirait  une  valeur  de  la  latitude  affranchie  de  l'erreur 
de  division  du  trait  zénithal  et  de  la  flexion.  Pour  éliminer 
l'eflet  de  l'erreur  des  traits  servant  au  pointé  des  étoiles, 
il  suffirait  évidemment  de  répéter  cette  détermination  un 
certain  nombre  de  fois  en  faisant  varier  la  division  placée 
sous  l'index.  Il  suffira  pour  cela  de  desserrer  les  vis  qui 
servent  à  fixer  le  cercle  gradué,  de  faire  tourner  celui-ci 
autour  de  son  axe,  puis  de  le  fixer  à  nouveau  au  moyen  des 
vis.  Si  l'on  a  décidé  d'avance  d'observer  sur  n,  traits  zéni- 
thaux, c.-à-d.  pendant  ^n  soirées,  on  prend  7i  origines 

90° 
équidistantes  de  la  quantité  — ,  de  manière  à  utiliser  des 

traits  symétriquement  disposés  sur  toute  l'étendue  du  cercle. 
Enfin  au  lieu  d'observer  une  couple  d'étoiles  on  observe  un 
catalogue  soigneusement  préparé  d'avance  dans  lequel  les 
étoiles  se  trouvent  réparties  par  rapport  au  zénith,  à  peu 
près  symétriquement.  On  élimine  ainsi  l'effet  de  la  flexion, 
comme  il  vient  d'être  expliqué,  ainsi  que  l'erreur  des  traits 
et  de  plus  l'effet  des  erreurs  accidentelles  du  pointé.  Si 
l'on  forme  le  tableau  résumé  des  valeurs  de  la  latitude  four- 
nies séparément  par  chacune  des  étoiles  employées,  on  peut 
en  déduire  le  coefficient  de  la  flexion  propre  à  l'instrument 
et  corriger  ensuite  chacune  des  valeurs  dudit  tableau.  Ces 
corrections  n'atteignent  en  général  que  quelques  centièmes. 
Il  n'est  pas  nécessaire  d'ailleurs  d'opérer  ce  dernier  calcul 
puisque  l'effet  de  la  flexion  disparaît  de  la  moyenne  des 
résultats  fournis  par  chaque  groupe  de  séries  conjuguées 
cercle  à  l'E.  et  cercle  à  l'O. 

Méthode  de  Horrebow.  Cette  méthode  a  été  vulgarisée 


—  lOOo  - 


LATITUDE 


par  l'usage  qui  en  a  été  fait  aux  Etats-Unis,  dans  les  opé- 
rations du  Coast  Survcy  sous  le  nom  de  méthode  de  Tal- 
cott;  mais  elle  est  due  en  réalité  à  Pierre  Horrebow,  astro- 
nome danois  (1679 -1764)  qui  l'a  exposée  au  chap.  vi  d'un 
livre  paru  en  1732  sous  le  titre  Atrium  astronomiœ.  Elle 
exige  l'emploi  d'un  théodolite  ou  d'un  instrument  dont  la 
lunette  peut  tourner  autour  de  l'axe  vertical  du  système, 
ou  mieux  d'une  sorte  de  théodolite  construit  spécialement 
pour  les  observations  circumzénithales  et  connu  sous  le 
nom  de  lunette  zénithale.  Imaginons  en  effet  une  couple 
d'étoiles  culminant  de  part  et  d'autre  du  zénith  à  des  dis- 
tances zénithales  presque  égales,  de  telle,  façon  que  la  lu- 
nette étant  pointée  sur  l'une  d'elles  et  attachée  au  cercle 
gradué  par  la  pince,  on  pourra,  sans  changer  le  calage,  poin- 
ter l'autre  étoile  après  avoir  fait  décrire  à  l'instrument  une 
rotation  de  180^  autour  de  son  axe  vertical.  Si  l'oculaire  de 
la  lunette  est  pourvu  d'un  fil  mobile  horizontal  mû  par  une 
vis  micrométrique,  on  pourra  même  déterminer  la  différence 
des  distances  zénithales  des  deux  astres  au  moyen  de  ce  fil, 
sans  que  la  graduation  ni  les  microscopes  aient  à  jouer  au- 
cun rôle,  uniquement  au  moyen  du  déplacement  imprimé 
au  fil  mobile  pour  pointer  le  second  astre,  déplacement 
qui  sera  exprimé  en  tours  et  parties  sexagésimales  de  tour 
de  la  vis  micrométrique.  En  appelant  L  la  latitude,  D'  et 
D''''  les  déclinaisons  des  deux  astres,  7/  et  Z^^  les  distances 
zénithales,  on  a  les  deux  équations  : 

L  ~  D'  —  7/  et  L  =  W  +  7/^ 
d'oti  l'on  déduit  par  sommation  : 


h=z^ 


W  +  d'' 


7/  —  r' 


Or  l'instrument  donne  précisément  7/  —  7/^  par  les  me- 
sures micrométriques  ;  on  aura  donc  la  latitude,  si  l'on  a 
opéré  sur  des  étoiles  de  déclinaisons  bien  connues.  Enfin 
l'on  doit  remarquer  que  la  correction  de  réfraction  dont 
le  calcul  laisse  toujours  subsister  une  légère  incertitude , 
disparaît  presque  intégralement  de  la  différence  7/  —  7/\ 
Il  ne  peut  subsister  trace  d'erreur  provenant  de  la  réfrac- 
tion que  dans  le  cas  d'une  distribution  irrégulière  des 
couches  de  l'atmosphère.  Il  résulte  de  cet  exposé  qu'un 
instrument  composé  simplement  d'une  lunette  à  micromètre, 
susceptible  d'être  fixée  dans  une  position  déterminée,  dont 
l'axe  de  sus()ension  peut  décrire  un  arc  de  480*',  suffît 
pour  déterminer  la  latitude  qui,  par  cette  méthode,  est  ob- 
tenue tout  à  fait  indépendamment  des  erreurs  de  division 
du  limbe  et  de  l'effet  de  la  flexion.  Nous  allons  emprunter 
aux  Comptes  rendus  de  l'Association  géodésique  inter- 
nationale pour  1892  le  détail  de  l'agencement  des 
observations  adopté  par  les  astronomes  allemands,  pour 
donner  à  cette  méthode  toute  la  précision  qu'elle  peut  com- 
porter. Ces  observateurs,  MM.  Marcuse  de  Berlin,  Schnau- 
der  de  Potsdam,  Weineck  et  Gruss  de  Prague,  Kobold  de 
Strasbourg  ont  composé  un  catalogue  des  groupes  de  couples 
d'étoiles,  chaque  groupe  contenant  8  à  9  couples.  Chaque 
soir  on  observait  au  moins  2  groupes,  soit  un  minimum  de 
32  à  33  étoiles,  avant  deux  heures  du  matin.  Les  deux 
étoiles  de  chaque  groupe  étaient  d'égale  grandeur  et  la 
différence  de  leurs  ascensions  droites  de  3  à  4  minutes. 
Enfin  la  différence  de  leurs  distances  zénithales  comprise 
entre  —  12'  et  -f- 12'.  De  plus,  ces  couples  étaient  toutes 
à  moins  de  27*^  de  distance  zénithale.  Par  un  surcroît  de 
précaution,  la  somme  algébrique  des  différences  des  dis- 
tances zénithales  des  étoiles  de  chaque  couple  était  à  peu 
près  nulle  dans  chaque  groupe,  afin  d'éliminer  toute  erreur 
pouvant  provenir  d'une  imparfaite  détermination  de  la  va- 
leur du  tour  de  la  vis  micrométrique  de  l'oculaire.  De  même, 
la  réunion  d'étoiles  d'égale  grandeur,  dans  chaque  groupe, 
avait  pour  but  d'éhrainer  l'erreur  qui  aurait  pu  provenir 
de  la  comparaison  des  pointés  presque  simultanés  d'objets 
d'un  éclat  différent.  L'étendue  donnée  au  catalogue  est  en 
rapport  avec  la  durée  pendant  laquelle  on  entend  prolonger 
l'observation,  car  chaque  groupe  passe  au  méridien  avec  un 
retard  quotidien  de  quatre  minutes  environ,  soit  deux  heures 


par  mois;  donc  ces  groupes  deviendront  successivement 
inobservables,  parce  qu'ils  arriveront  à  passer  au  méridien 
en  plein  jour.  Par  suite,  pour  rendre  les  résultats  d'une 
longue  suite  d'observations  comparables  entre  eux,  il  faut 
ramener  le  résultat  donné  par  un  groupe  quelconque  à  la 
valeur  que  l'on  aurait  obtenue,  si  l'on  avait  observé  un 
groupe  déterminé,  le  premier  par  exemple,  c.-à-d.  rendre 
tous  les  groupes  équivalents.  On  atteindrait  à  ce  desidera- 
tum en  déterminant  les  différences  des  moyennes  déclinai- 
sons de  chacun  des  groupes  I-II,  II-III,  IIl-IV,  etc.  Pour 
cela,  on  observe  pendant  plusieurs  nuits  consécutives  les 
groupes  I  et  II,  puis  les  groupes  11  et  III,  puis  les  groupes 
III  et  IV,  etc.  Les  différences  sont  indépendantes  des  varia^ 
tions  de  la  latitude  ;  elles  permettent  de  rapporter  un  groupe 
de  rang  n  au  premier. 

Latitude  a  l'aide  de  la  polaire  observée  à  un  instant 
quelconque.  Cette  détermination  s'effectue  à  l'aide  d'un 
théodolite  ou  même  d'un  sextant.  On  mesure  la  distance 
zénithale  et  l'on  note  l'heure  de  l'observation  sur  un  chro- 
nomètre dont  on  connaît  l'état  absolu. 

Après  avoir  corrigé  de  la  réfraction  la  distance  zénithale 
observée,  on  effectue  le  calcul  de  la  latitude  en  s'aidant 
des  tables  numériques  spéciales  que  l'on  trouve  dans  la 
Connaissance  des  temps  ou  de  celles  qui  sont  insérées 
dans  un  ouvrage  de  M.  Albrecht  intitulé  Formeln  und 
liillstafeln  fur  Ortsbestimmungen  geographische.  L'une 
et  l'autre  méthode  donnent  sans  fatigue  et  presque 
sans  travail  la  latitude  cherchée.  Nous  renvoyons  à  ces 
deux  ouvrages  le  lecteur  désireux  d'apprendre  comment 
ces  tables  sont 

construites,  v  Z 

à  cause  de  la 
longueur que né- 
cessiterait l'ex- 
position des  for- 
mules dont  elles 
proviennent. 
Les  tables  de 
la  Confiais- 
s  a 71  ce  des 
temps  convien- 
nent particuliè- 
rement au  cas 
où  l'on  a  noté 
l'heure  de  l'ob- 
servation  sur 
une  pendule  ré- 
glée sur  le  temps  moyen,  parce  qu'elles  comportent  comme 
argument  le  temps  vrai  local  qui  dérive  immédiatement  du 
temps  moyen  observé,  à  l'aide  du  temps  vrai  à  midi  moyen 
de  Paris  donné  dans  la  Connaissance  des  temps,  pour 
chaquejour  de  l'année  interpolé  pour  l'heure  moyenne  de  Pa- 
ris correspondant  à  l'instant  de  l'observation.  Les  tables  de 
M.  Albrecht  conviennent  particulièrement  au  cas  où  l'heure 
de  l'observation  a  été  notée  sur  une  pendule  réglée  sur  le 
temps  sidéral,  parce  qu'elles  emploient  comme^'argument 
l'angle  horaire  de  l'étoile  qui  résulte  de  la  différence  entre 
l'heure  sidérale  de  l'observation  et  l'ascension  droite  de  la 
polaire  pour  le  jour  de  Inobservation,  donnée  pour  chaque  jour 
de  l'année  par  la  Connaissance  des  temps.  Il  est  clair 
d'ailleurs  que,  dans  l'un  et  l'autre  cas,  l'heure  notée  sur 
la  pendule  devra  être  corrigée  de  la  correction  de  la  pendule 
supposée  connue  par  des  observations  spéciales.  Il  est  évi- 
dent que  ces  deux  méthodes  s'appliqueront  très  bien  au 
cas  où  l'on  a  observé  la  polaire  dans  le  voisinage  du  méri- 
dien. Pour  ce  dernier  genre  d'observations,  on  emploiera 
de  préférence  un  instrument  méridien  pourvu  d'un  fil  mo- 
bile horizontal  mû  par  une  vis  micrométrique,  à  cause  du 
mouvement  lent  de  la  polaire  qui  maintient  cet  astre  dans 
le  champ  de  la  lunette  pendant  un  temps  fort  long.  Dans 
le  cas  des  observations  circumméridiennes,  on  pourra  cal- 
culer la  distance  zénithale  méridienne  par  la  formule  sui- 
vante où  Z^  représente  la  distance  méridienne,  Z  la  distance 


Fig.  4. 


LATITUDE 


1006  — 


observée,  L  la  latitude,  D  la  déclinaison,  P  l'angle  horaire: 

rj  rj       cosL  cosD  2sin*|P 

^       '         sinZ^       sinj''^ 
4-  /cQsL^osPy  2cotgZ^sin^-|P 
\    sinZjL    /  sinl^^ 

Dans  le  cas  de  la  polaire,  ce  calcul  est  fort  simple,  car 

le  facteur  — t-t, —  une  fois  calculé  servira  pour  tous  les 
sm/jL 

pointés  ;  on  en  déduira  immédiatement  — r-j^ —  ;  d'autre 

SIU   Lt 

part,  on  trouve  dans  beaucoup  de  recueils  astronomiques 

Ssin^-P 
des  tables  qui  donnent  immédiatement  les  facteurs     .    '\ 
^  sinr'^ 

2sin^-P 
et  ■  .  ,^,r  en  fonction  de  P.  D'ailleurs,  le  second  terme 
sml'^ 

sera  toujours  négligeable  jusqu'à  30°^  du  méridien. 

Détermination  de  ta  latitude  par  des  observations 
dans  le  premier  vertical.  Cette  méthode  est  due  à  Bessel, 
mais  elle  a  été  indiquée  par  Rœmer  au  siècle  dernier.  Elle 
présente  ce  caractère  remarquable  qu'elle  ne  nécessite  pas 
l'emploi  d'un  cercle  vertical  gradué  servant  à  la  mesure 
des  distances  zénithales  et  qu'elle  est  indépendante  de  la 
réfraction.  La  latitude  est  conclue  de  l'instant  du  passage 
d'une  étoile  derrière  le  fil  vertical  d'une  lunette  mobile  dans 
un  plan  perpendiculaire  au  méridien.  Elle  nécessite  l'em- 
ploi d'une  lunette  semblable  à  la  lunette  méridienne,  dont 
l'axe  est  orienté  N.-S.,  de  telle  façon  que  l'axe  optique 
décrit  un  vertical  ayant  pour  azimut  90^.  Le  retournement 
permet  d'agencer  les  observations  d'une  façon  convenable 
pour  la  détermination  des  erreurs  instrumentales.  Le  cercle 
horaire  d'une  étoile  coupe  le  vertical  E.-O.  (premier  ver- 
tical) en  deux  points  symétriques  par  rapport  au  méridien 
A  et  A^  Chacun  de  ces  triangles,  ZPA,  par  exemple,  est 
rectangle  en  Z  ;  l'angle  en  P  est  l'angle  horaire  (iîg.  5).  Le 
côté  PA  =  90  —  D,  le  côté  PL  =:  90  —  L.  En  appliquant 
la  formule  des  triangles  sphériques  rectangles  relative  au 
cas  oîi  l'on  connaît  l'hypoténuse  et  un  dièdre,  on  a  : 
tg(90  — L)=tg(90  — D)cosP,c.-à-d.cotgL=:zcotgDcosP 
on  tire  tgL  =:  tgDsecP.  Si  au  moyen  d'un  instrument 
parfaitement  réglé,  on  a  observé  les  passages  E.  et  0.  et 
noté  les  instants  des  passages  sur  une 
pendule  sidérale  dont  la  marche  horaire 
est  bien  connue,  on  aura  immédiatement 
l'angle  horaire  en  prenant  la  moitié  de 
l'intervalle  du  temps  écoulé  (intervalle 
corrigé  de  la  marche  horaire).  La  con- 
naissance de  l'état  absolu  de  la  pen- 
dule est  donc  superflue,  celle  de  la 
marche  horaire  suffit.  Or,  cette  dernière 
quantité  est  susceptible  d'être  déterminée 
avec  une  très  grande  précision.  On  remarquera  que  les 
seules  étoiles  auxquelles  cette  méthode  peut  s'appHquer 
sont  celles  dont  la  déclinaison  est  comprise  entre  0  et  L, 
car  les  plans  des  cercles  horaires  des  autres  étoiles  ne 
coupent  pas  le  plan  vertical  E.-O.  Enfin,  la  différentiation 
de  la  formule  qui  lie  l'angle  horaire,  la  latitude  et  l'azimut, 
montre  que  les  étoiles  qui  conviennent  le  mieux  sont  voi- 
sines du  zénith. 

Pour  une  étoile  zénithale,  L  est  indépendant  de  l'erreur 
qui  peut  être  commise  sur  l'angle  horaire  P.  Tel  est  le 
principe  de  cette  remarquable  méthode  ;  dans  la  pratique, 
l'application  en  est  moins  simple,  parce  que  l'axe  de  rota- 
tion n'est  pas  orienté  exactement  N.-S.  D'où  il  suit  que 
l'axe  optique  de  la  lunette  décrit  un  plan  qui  n'est  pas 
rigoureusement  le  premier  vertical;  de  plus,  cet  axe 
fait,  en  général,  un  petit  angle  avec  l'horizon.  Enfin  la 
lunette  est  pourvue  de  plusieurs  fils  verticaux,  sept  au 
moins  dans  le  but  d'augmenter  la  précision  des  résultats  ; 
il  est  donc  nécessaire  de  ramener  les  temps  des  passages 
observés  à  la  valeur  que  l'on  aurait  trouvée  si  l'astre  avait 
été  pointé  avec  le  fil  moyen  idéal,  en  ajoutant  ou  en  re- 


Fis 


tranchant  aux  passages  observés  les  intervalles  de  temps 
employés  par  l'étoile  pour  passer  du  fil  considéré  au  fil 
moyen  et  réciproquement.  Ces  intervalles  se  calculent 
aisément  en  fonction  de  la  distance  équatoriale  des  fils  et 
de  la  déclinaison  de  l'étoile. 

Mais  ce  fil  moyen  ne  coïncide  pas,  le  plus  souvent,  avec 
l'axe  optique,  d'où  la  nécessité  d'appliquer  une  correction 
de  coUimation.  11  est  impossible  d'entrer  ici  dans  l'exposi- 
tion des  formules  et  dans  les  détails  d'application  de  cette 
méthode,  car  la  manière  de  traiter  les  observations  dépend 
de  l'ordonnance  de  celles-ci. 

Deuxième  groupe.  Méthodes  géographiques.  —  Déter- 
mination de  la  latitude  par  les  observations  circum- 
méridiennes  du  soleil.  Afin  de  pouvoir  effectuer  plusieurs 
pointés  donnant  chacun  la  latitude,  il  est  nécessaire  d'em- 
ployer comme  instrument  d'observation  un  théodolite  ou 
un  sextant,  à  cause  de  la  rapidité  du  mouvement  en  azimut 
de  l'astre  qui  oblige  à  déplacer  incessamment  le  plan  ver- 
tical d'observation.  On  trouvera  aux  art.  Théodolite  et 
Sextant  la  manière  d'obtenir,  à  l'aide  de  ces  instruments, 
la  distance  zénithale  d'un  astre.  Il  conviendra,  avant  d'in- 
troduire ces  distances  zénithales  observées,  dans  le  calcul 
de  la  latitude,  de  les  corriger  préalablement  de  la  réfrac- 
tion, du  demi-diamètre  et  de  la  parallaxe.  Les  éphémérides 
du  soleil  fournissent  pour  chaque  jour  de  l'année  le  demi- 
diamètre  et  la  parallaxe.  Le  demi-diamètre  ne  requiert 
point  de  correction  ;  il  faudrait  toutefois  l'interpoler  grosso 
modo  pour  l'heure  de  l'observation,  si  la  longitude  était 
considérable.  Mais  la  parallaxe  donnée  dans  la  Connais- 
sance des  temps  est  la  parallaxe  horizontale  ;  il  faudra  la 
multiplier  par  le  sinus  de  la  distance  zénithale  pour  avoir 
la  parallaxe  de  hauteur  à  appliquer  à  la  distance  zénithale 
observée.  Enfin,  on  devra  noter  exactement  l'heure  de 
chaque  pointé  sur  un  chronomètre.  Il  sera  préférable  pour 
ce  genre  d'observations  d'employer  un  chronomètre  réglé 
sur  le  temps  moyen.  En  effet,  la  conversion  de  l'heure 
moyenne  en  temps  vrai  est  une  opération  qui  s'effectue  très 
simplement  en  ajoutant  à  l'heure  observée  rectifiée  de  la 
correction  du  chronomètre  le  temps  vrai  à  midi  moyen 
local,  que  l'on  prend  dans  la  Connaissance  des  temps  en 
interpolant  le  temps  vrai  à  midi  moyen  du  jour  pour  l'heure 
moyenne  de  Paris  qui  correspond  à  l'instant  de  l'observa- 
tion. Ayant  ainsi  calculé  l'heure  vraie  locale  de  l'observa- 
tion, on  en  déduit  l'angle  horaire  P  par  différence  à  douze 
heures.  De  plus,  il  conviendra  de  prendre  pour  valeur  de 
D  la  déclinaison  du  soleil  qui  correspond  au  milieu  des 
observations.  On  appliquera  à  chaque  distance  zénithale 
corrigée  de  -+-  réfraction  —  parallaxe  db  |  diamètre,  une 
correction  calculée  par  la  formule  : 

cosL  cosD   ^sin^-gP 

"■  ""  sin(L-D)  Imï^ 
/  cosLcosDX  2  2cotgZ^s}n^-|P 
"^  Vsin(L  —  D)/  ûnV 

Cette  formule  sera  toujours  suffisante  pour  des  observa- 
tions au  sextant  et  au  théodolite,  si  celles-ci  n'ont  pas  été 
prolongées  plus  de  vingt  minutes.  Toutefois,  s'il  s'agissait 
d'observations  très  précises  du  soleil  au  théodolite,  ayant 
embrassé  une  certaine  durée  et  un  peu  éloignées  du  méri- 
dien, on  résoudra  poui' chaque  pointé  l'équation  fondamen- 
tale du  triangle  pôle-zénith-étoiie 

cosZ  :=:  sinL  sinD  -f-  cosL  cosD  cosP 
en  posant  m%\n^  =  sinD 

mcos  ^1^  ==:  cosD  cosP 
L'équation  proposée  se  transforme  en  la  suivante  : 

mcos  [^  —  L)  :=:  cosZ 
qui  détermine  «^  — •  L  et  par  suite  L. 

Il  est  clair  que  les  formules  ci-dessus  peuvent  s'appliquer 
à  des  observations  circumméridiennes  d'étoiles  ou  de  pla- 
nètes. Mais,  comme  il  n'est  point  possible  de  commettre 
d'erreur  d'astre,  en  opérant  sur  le  soleil,  elle  est  surtout 
appliquée  par  les  voyageurs  et  les  marins  aux  observations 
du  soleil.  Dans  la  pratique  le  calcul  est  beaucoup  simplifié, 


4007 


LATITUDE 


,         a.  -     ,  cosL  cosD  ,     ,        ,        „  . 

car  le  coeflicient  -r—r, r:  ne  se  calcule  qu  une  lois  pour 


sin(L  — D 

De  plus,  on  en  déduit  immédiatement 

,  Des  tables  numériques  très  répandues 


toute  la  série 
r  cosL  cosD 

Lsin(L--D)_ 

donnent  immédiatement  pour  une  valeur  quelconque  de 

,,      ,    .      .     1     .   ,        2sin2^P      2sin^|P 
1  angle  horaire  les  facteurs     .  .v"  et     .  ,;,  -. 
®  sml^^         sinl"^ 

Il  existe  beaucoup  d'autres  méthodes  qui  permettent 
d'obtenir  la  latftude,  mais  ces  méthodes  sont  fort  peu  em- 
ployées et  n'ont  guère  qu'un  intérêt  spéculatif.  On  ren- 
verra donc  le  lecteur  aux  ouvrages  spéciaux. 

Il  semble  que  l'emploi  de  tant  de  méthodes  différentes, 
l'usage  d'instruments  tels  que  ceux  qui  sortent  des  mains 
des  constructeurs  actuels,  les  perfectionnements  de  l'as- 
tronomie, ne  devraient  plus  laisser  planer  la  moindre  in- 
certitude sur  le  problème  des  latitudes.  Mais  au  contraire 
la  précision  des  observations  modernes  a  eu  pour  consé- 
quence de  ramener  sur  le  sujet  une  obscurité  au  moins  re- 
lative. Une  question  nouvelle  s'est  en  effet  posée  devant 
les  astronomes  et  les  géodéskns  :  la  latitude  d'un  lieu  de 
la  terre  est-elle  constante  ou  sujette  à  des  variations  pério- 
diques ou  continues  ?En  d'autres  termes,  l'inclinaison  de 
l'axe  de  rotation  de  la  terre  sur  l'horizon  d'un  lieu  est-elle 
variable?  Chose  singulière,  cette  question  s'était  posée, 
dès  l'époque  du  premier  Cassini,  à  propos  de  la  latitude  de 
l'Observatoire  de  Paris.  Mais  alors  les  doutes  provenaient 
au  contraire  de  la  grossièreté  des  observations,  dont  on  ne 
pouvait  tirer  que  des  résultats  erronés.  D'ailleurs,  on  soup- 
çonnait alors  une  variabilité  d'une  amplitude  énorme,  sans 
rapport  avec  l'amplitude  possible.  Si  le  phénomène  existe 
en  effet  réellement,  la  variation  affecterait  un  caractère  pé- 
riodique, et  son  amplitude  ne  dépasserait  pas  une  demi- 
seconde.  Devant  le  congrès  géodésique  de  Rome  en  d883, 
le  problème  a  été  officiellement  abordé  par  M.  Fergola  en 
ces  termes  :  Les  pôles  de  l'axe  de  rotation  de  la  terre 
peuvent-ils  être  regardés  comme  sensiblement  fixes  sur  la 
surface  de  notre  planète,  ou  bien  sont-ils  assujettis,  pour 
des  causes  géologiques  diverses,  à  de  très  petits  mouve- 
ments appréciables  toutefois  à  l'aide  de  nos  instruments  les 
plus  précis,  avec  les  méthodes  d'observation  très  exactes 
de  l'astronomie  moderne  ?  D'après  ce  savant,  une  solution 
complète,  dans  les  limites  de  précision  que  comportent  à 
présent  les  déterminations  de  latitude,  pourrait  évidemment 
être  obtenue  en  exécutant  des  déterminations  dans  plu- 
sieurs lieux  convenablement  choisis  pour  le  but  dont  il 
s'agit,  pourvu  que  les  observations  fussent  faites  avec  des 
instruments  et  des  méthodes  uniformes,  à  des  époques  suf- 
fisamment éloignées.  M.  Fergola  proposait  en  même  temps 
de  discuter  devant  le  congrès  un  programme  des  travaux  à 
entreprendre  en  commun  par  les  astronomes  des  obser- 
vatoires les  mieux  placés.  Cette  proposition  fut  renvoyée  à 
l'examen  d'une  commission  dont  le  rapporteur,  M.  Schiapa- 
relli  concluait  bientôt  ainsi  :  La  latitude  d'un  lieu  peut  être 
altérée  aussi  bien  par  l'effet  d'une  variation  de  la  verticale 
que  par  celui  d'un  changement  de  position  de  l'axe  de  ro- 
tation dans  l'intérieur  de  la  terre.  Si  l'on  supposait,  dans 
le  voisinage  du  lieu,  un  déplacement  de  masses  considé- 
rables produit  par  des  phénomènes  géologiques,  il  en  ré- 
sulterait d'abord  une  variation  de  la  verticale  sensible 
seulement  dans  un  rayon  assez  faible,  et,  en  second  lieu,  un 
léger  changement  dans  la  direction  de  l'axe  maximum 
d'inertie  et  par  suite  dans  l'axe  de  rotation,  ce  dernier 
changement  devant  se  répercuter  sur  les  latitudes  de  tous 
les  points  de  la  terre.  On  pourrait  arriver  à  séparer  les 
deux  effets  si  l'on  disposait  d'observations  faites  en  assez 
grand  nombre  en  des  stations  convenablement  choisies. 
Pour  M.  Schiaparelli  la  question  se  réduit  en  fait  à  celle  du 
changement  de  l'axe  principal  d'inertie.  Or  le  calcul  montre 
qu'il  faudrait  un  déplacement  énorme  de  matière  pour  chan- 
ger de  V^  la  position  de  l'axe  d'inertie.  Mais  ce  calcul 
suppose  la  terre  absolument  rigide  ;  si  on  lui  attribue  une 


plasticité  suffisante,  la  question  devient  différente,  et  il 
paraît  possible  que  les  effets  deviennent  sensibles»  Les  ob- 
servations de  la  latitude  de  Greenwich  ont  bien  donné  des 
indices  d'une  variation  séculaire  de  la  latitude,  mais  celte 
variation  n'a  pas  été  confirmée  par  les  résultats  des  qua- 
rante dernières  années.  M.  Nyren  a  trouvé,  d'autre  part, 
dans  les  observations  de  Poulkowa,  la  trace  d'une  variation 
s'élevant  à  V^  environ.  Pour  l'étude  des  variations  de  la 
latitude,  M.  Fergola  recommande  deux  observatoires  ayant 
des  latitudes  presque  identiques,  mais  des  longitudes  très 
différentes  :  Rome  et  Chicago  par  exemple.  Il  est  clair  que 
si  la  direction  de  l'axe  de  rotation  change,  l'effet  résultant 
sera  différent  en  chaque  station.  Si,  de  plus,  les  astronomes 
sont  munis  d'instruments  identiques,  et,  s'ils  observent  les 
mêmes  étoiles,  la  différence  de  latitude  sera  indépendante 
de  l'erreur  des  déclinaisons  et  en  grande  partie  de  celle 
provenant  de  la  réfraction.  M.  Schiaparelli  pense  qu'il  con- 
viendrait d'employer  l'instrument  des  passages  dans  le  pre- 
mier vertical,  comme  étant  susceptible  de  donner  la  plus 
grande  précision  à  ce  genre  de  mesures.  Il  signalait  les 
cinq  couples  suivants  d'observatoires  comme  particulière- 
ment convenables  à  cette  recherche  :  Cap  de  Bonne-Espé- 
rance-Sydney, Santiago-Windsor,  Rome-Chicago,  Naples- 
New  York,  Lisbonne- Washington. 

Les  vœux  du  congrès  de  Rome  devaient  cependant  rester 
sans  action  pratique;  mais  néanmoins  ils  eurent  le  très 
heureux  effet  d'avoir  provoqué  les  recherches  les  plus  nom- 
breuses sur  le  phénomène.  Les  résultats  furent  souvent,  il 
est  vrai,  contradictoires,  de  telle  sorte  que  l'opinion  des 
astronomes  est  loin  d'être  fixée.  Ce  furent  les  observations 
de  M.  Kustner  à  l'observatoire  de  Berlin,  faites  avec  le 
grand  instrument  des  passages  appliqué  à  la  méthode  de 
llorrebow,  dans  le  but  de  déterminer  la  valeur  du  coeffi- 
cient de  l'aberration  annuelle,  qui  enflammèrent  le  zèle  des 
investigateurs.  Cet  astronome  trouva  par  ses  observations 
d'ayr.  j  884  à  mai  4  886  que  la  valeur  du  coefficient  de  l'aber- 
ration donnée  par  Struve  devait  être  diminuée  de  C'^IS, 
alors  qu'une  détermination  récente,  d'un  grands  poids,  due 
à  M.  Nyren,  indiquait  que  ce  coefficient  devait  être  aug- 
menté de  O^'^Oo.  M.  Kustner  ne  vit  d'autre  expUcation  pos- 
sible de  cette  anomalie  que  dans  l'hypothèse  d'une  varia- 
tion de  la  latitude  de  Berlin.  Il  a  publié  plus  tard,  en  4890, 
une  discussion  de  ses  observations  de  4884-86,  en  adoptant 
cette  fois  la  constante  de  l'aberration  donnée  par  Nyren,  et 
il  a  montré  que  les  observations  de  la  polaire  laites  à  la 
même  époque,  au  cercle  vertical  de  Poulkowa,  accusaient 
des  variations  identiques. 

En  communiquant  les  premiers  résultats  de  M.  Kustner 
au  congrès  de  Salzbourg  (4888),  M.  Forster  indiquait, 
comme  cause  probable  des  variations  de  latitude,  les  phé- 
nomènes météorologiques.  C'est  l'opinion  à  laquelle  parait 
s'être  rallié,  en  fin  de  compte,  le  géodésien  le  plus  distin- 
gué de  l'Allemagne,  M.  Helmert. 

A  la  fin  de  4888,  une  entente  s'établit  entre  les  obser- 
vatoires de  Berlin,  Potsdam,  Prague  et  Strasbourg,  en  vue 
d'une  coopération  méthodique,  dans  le  but  de  constater  les 
variations  qui  pourraient  se  manifester  dans  leurs  latitudes. 
A  Berlin  et  à  Potsdam,  la  latitude  après  être  restée  cons- 
tante pendant  les  six  premiers  mois  de  l'année  4889  a  com- 
mencé à  croître  à  l'approche  de  l'automne,  puis  elle  a  di- 
minué et  cette  diminution  a  continué  jusqu'au  mois  de  janv. 
4890.  Elle  a  atteint  0'^^  a  0'^6.  Ce  résultat  est  confirmé 
par  les  observations  de  Prague  et  de  Strasbourg.  D'autres 
observations  effectuées  de  mai  4889  à  mai  489Ô  à  l'obser- 
vatoire de  Kuffner  ne  s'accordeçt  pas,  il  est  vrai,  avec  ce 
résultat  ;  les  faibles  variations  sont  de  signe  contraire. 
Mais  M.  Tisserand,  en  comparant  les  moyennes  mensuelles 
de  la  valeur  de  la  latitude  de  Paris  déduites  de  4,077  ob- 
servations faites  au  cercle  de  Gambey  de  4836  à  4864,  à 
la  valeur  moyenne  générale  fournie  par  l'ensemble  des 
4,077  valeurs,  a  obtenu  une  liste  d'écarts  qui  s'accorde  très 
bien  avec  ceux  qu'il  a  déduits,  de  la  même  manière,  des 
observations  de  Potsdam  en  4889.  M.  Nobile  a  discuté  au 


LATITUDE 


—  d008  — 


môme  point  de  vue  les  observations  de  Greenwich,  Milan, 
Oxford,  Washington,  Poulkowa.  Il  a  observé  à  Greenwich  un 
maximum  enjuiilet  et  août,  un  minimum  en  décembre  et  jan- 
vier ;  à  Milan  un  minimum  en  mai,  à  Oxford  un  maximum  en 
automne,  à  Washington  un  minimum  vers  la  fin  de  l'année. 
A  Poulkowa,  on  ne  constate  pas  de  variation  certaine,  mais 
les  valeurs  sont  quelque  peu  discordantes.  On  voit  par  ces 
quelques  mots  que  le  phénomène  reste  obscur;  on  peut 
toutefois  conjecturer  que,  soit  pour  l'atmosphère,  soit  pour 
les  instruments,  la  température  joue  un  certain  rôle.  Toute- 
fois, il  convient  de  noter  qu'une  expérience  d'un  poids  con- 
sidérable semble  militer  en  faveur  de  l'hypothèse  d'une 
variation  périodique  de  latitude.  Pendant  une  année,  du 
i^'  juin  1891  au  18  mai  1892,  des  observations  ont  été 
poursuivies  à  Berlin  et  à  Honolulu.  Or  ces  deux  stations 
sont  situées  sur  des  méridiens  dont  la  longitude  diffère 
d'environ  180^.  Il  résulte  de  cette  circonstance  que  si  le 
déplacement  de  la  ligne  des  pôles  est  un  fait  réel,  les  va- 
riations de  la  latitude  devront  être  synchroniquement  de 
sens  contraire.  Les  résultats  ont  complètement  réalisé  les 
prévisions  des  observateurs  allemands.  L'amplitude  de  la 
variation  serait  de  0^^5  avec  une  période  de  385  jours. 
Mais  d'autre  part  des  observations  continuées  pendant  un  an, 
de  1891  à  1892,  n'indiqueraient  qu'une  amplitude  de  0'''i26 
avec  une  période  différente.  Enfin  depuis  le  mois  de  juil- 
let 1891,  des  observations  sont  poursuivies  à  Poulkowa; 
elles  ont  donné  : 

1891      Octobre      14  Maximum 

^1892  S  ^^^^  ^^  Minimum 

(  Novembre   15  Maximum 

1893      Juillet         21  Minimum 

Soit  une  période  moyenne  de  397  jours. 

Quelques  auteurs  se  sont  préoccupés  de  rechercher  s'il 
ne  serait  pas  possible  d'expliquer  par  des  causes  géolo- 
giques les  variations  de  latitude.  M.  Tisserand  semble  avoir 
épuisé  la  question  dans  le  t.  Il  de  son  Traité  de  méca- 
nique céleste.  Examinons  l'action  particulière  d'un  fleuve, 
dit-il,  en  substance,  le  Gange  et  le  Brahmapoutra  réunis 
par  exemple.  On  peut  estimer  à  1  kilomètre  cube  la  quan- 
tité de  limon  qu'ils  entraînent  chaque  année  dans  le  golfe 
du  Bengale,  d'après  une  évaluation  qui  n'est  peut-être 
pas  exagérée.  C'est  donc  une  masse  d'un  poids  de  2  à 
3  millions  de  tonnes  qui  se  trouve  déplacée.  Au  bout  de 
mille  ans,  ce  transport  ne  produirait  encore  qu'un  chan- 
gement de  quelques  millièmes  de  seconde  dans  les  latitudes. 
En  résumé,  l'action  séculaire  des  fleuves  travailleurs  ne 
peut  guère  être  considérée  comme  une  cause  de  perturba- 
lion  sensible,  à  moins  d'admettre  avec  M.Waters  que  l'ap- 
port total  des  fleuves  est  distribué  par  les  courants  marins 
de  façon  que  l'hémisphère  S.  reçoive  chaque  année  un  ex- 
cédent de  3  kil.  c.  En  calculant  d'après  cette  hypothèse,  un 
poids  de  9  millions  de  tonnes  transporté  de  Féquateur  à  la 
latitude  45®,  ne  donne  qu'environ  O^'^IS  pour  mille  ans. 
Cet  auteur  remarque  ensuite  que  le  dessèchement  d'une 
mer  intérieure  ou  la  fonte  des  glaces  polaires  produiraient 
des  effets  plus  sensibles,  mais  il  ne  s'arrête  point  à  exa- 
miner ces  causes  qui  n'intéresseraient  que  les  temps  géo- 
logiques ;  il  se  borne  à  calculer  l'effet  produit  par  une 
couche  d'eau  de  0^10  d'épaisseur  occupant  une  superficie 
égale  au  dixième  de  la  surface  terrestre,  qui  serait  trans- 
portée de  la  latitude  -f-  45*  à  la  latitude  —  45<^  L'axe 
terrestre  serait  déplacé  de  O^-'IG.  Or  le  poids  d'une  colonne 
d'eau  de  0^10  équivaut  à  celui  d'une  colonne  de  mercure 
de  0"^008.  On  peut  donc  entrevoir,  par  le  calcul  ci-dessus, 
la  possibilité  de  variations^  sensibles  de  la  latitude  dues  à 
la  seule  influence  des  phénomènes  météorologiques. 

Quelle  que  soit  la  cause  de  la  variabilité  des  latitudes, 
bien  des  formules  ont  été  proposées  pour  représenter  les 
variations.  Celle  qui  paraît  donner  la  représentation  la  plus 
exacte  est  due  au  docteur  Chandler.  Elle  a  pour  expression  : 
L  -  Lo  4- r^ Sin(0«,83526^  +  3o7) 
-|-r,Sin(0,98563^+20«5) 
dans  laquelle  L  représente  la  latitude  observée,  L^  la  latitude 


moyenne  r^  et  r^  des  coefficients  numériques  très  faibles.  On 
remarquera  quele  premier  terme  comporte  une  période  de  i3I 
jours  et  le  second  une  période  de  365J25.  Enfin  t  est  le  nombre 
de  jours  écoulés  depuis  le  janvier  0  de  1891.  Si  l'on  dispose 
d'une  série  d'observations  un  peu  longue,  on  détermine 
par  la  méthode  des  moindres  carrés  les  valeurs  de  \^Q,r^,r^, 
puis,  au  moyen  de  ces  quantités,  on  calcule  la  latitude.  La 
comparaison  des  résidus  latitude  observée  —  latitude  cal- 
culée, fournit  un  critérium  excellent  de  la  convenance  de 
la  formule.  Cette  méthode  appliquée  à  6,768  valeurs  indi- 
viduelles de  la  latitude  de  San  Francisco  déterminées  par 
M.  Davidson  assistant  du  Coast  and  Geodetic  Survey  des 
Etats-Unis  a  donné  les  résultats  les  plus  heureux.  On  re- 
lève de  plus,  dans  ces  observations,  un  minimum  à  la  date 
du  22  oct.  1891  et  un  maximum  à  la  date  du  15  mai.  La 
contribution  des  astronomes  américains  à  l'étude  des  phé- 
nomènes de  la  variabilité  des  latitudes  est  des  plus  consi- 
dérables. En  effet,  en  même  temps  que  M.  Marcuse  de 
Berlin  s'établissait  aux  Iles  Hawai,  M.  Preston  du  Coast 
Survey  s'installait  dans  une  localité  voisine  de  la  station 
allemande,  à  Waikiki,  et  y  poursuivait  des  observations  de 
latitude  par  la  méthode  de  Horrebow.  Des  observations  du 
même  genre  étaient  également  entamées  et  continuées  à 
Rockville  près  de  Washington  et  à  San  Francisco  de  Cali- 
fornie. Il  vient  d'être  question  précisément  de  ce  dernier 
travail.  «  L'ensemble  des  observations  en  ces  trois  stations 
indique  pleinement  la  révolution  de  l'axe  instantané  de  ro- 
tation autour  de  l'axe  du  moment  principal,  dans  la  direc- 
tion de  rO.  à  l'E.  et  à  une  distance  actuelle  de  0'^^  envi- 
ron. »  (D^^  Mendenhall,  superintendant  U.  S.  Coast  and 
Geodetic  Survey.)  A  peine  cette  variabilité  à  longue  période 
est-elle  un  fait  acquis  à  la  science,  sur  des  bases  encore 
précaires,  que  l'on  voit  poindre  la  révélation  d'une  inéga- 
lité diurne.  En  effet,  il  résulte  des  conclusions  d'un  très 
important  travail  sur  la  latitude  de  l'observatoire  géogra- 
phique mihtaire  de  Vienne  inséré  dans  les  Mitthelungen 
des  K.  K.  milit.-geogr.  Instituts  que  les  observations 
montrent,  indépendamment  de  maximas  et  minimas,  une 
variation  journalière    de  la  hauteur  du   pôle  évaluée  à 
0''^13,  avec    un  minimum  vers  six  heures  du  soir  et  un 
maximum  vers  minuit.  La  constatation  de  cette  dernière 
inégahté  demandera  encore  bien  des  efforts,  mais  il  est 
légitimement  permis  d'espérer  qu'elle  est,  dans  cette  voie, 
le  dernier  terme  de  la  série  des  difficultés  ouvertes  par  le 
perfectionnement  des  moyens  d'observation  et  résolues  par 
le  génie  humain,  "  Ch.  de  Villedeuil. 

II.  Marine.  — Considérons  la  sphère  terrestre,  ou  pour 
généraliser  la  sphère  céleste,  dont  le  centre  c  est  celui  de 
la  terre  (fig.  6).  SoitQQ'  Féquateur,  PP'  la  ligne  des  pôles. 

P 


Prenons  un  point  quelconque  A  sur  le  méridien  PAP''.  La 
latitude  du  lieu  A,  c'est  l'arc  du  méridien  AQ'  compris 
entre  la  verticale  du  lieu  c7.  et  Féquateur,  ou  l'angle  A^^Q' 


-  4009 


LATITUDE  -  LATlUM 


formé  par  la  verticale  du  lieu  cAZ  et  l'équateur.  C'est  donc 
aussi  rinclinaison  de  la  verticale  du  lieu  sur  Téquateur. 
Elle  se  compte  de  l'équateur  au  pôle  de  0**  à  90°  par  suite, 
et  porte  le  nom  de  l'hémisphère  oii  l'on  se  trouve.  Ceci 
posé,  traçons  en  A  l'horizon  apparent  du  lieu  HH'.  En  A, 
élevons  une  parallèle  à  la  ligne  des  pôles  AP^ .  on  aura 
Pj^  AH  =:ZcQ^  comme  ayant  leurs  côtés  perpendiculaires  : 
c'est  donc  encore  l'élévation  du  pôle  au-dessus  de  l'horizon 
du  lieu  :  remarque  utile  parla  détermination  de  la  latitude. 
Le  complément  Pj^  AZ  est  la  colatitude.  Le  marin  a  besoin  à 
chaque  instant  de  connaître  la  position  du  navire  sur  le 
globe,  surtout  depuis  que  la  vitesse  des  bâtiments  a  aug- 
menté d'une  façon  aussi  considérable.  Or  cette  position  se 
trace  sur  la  carte  par  l'intersection  de  deux  lignes  (méri- 
diens, parallèles)  ou  de  lieux  géométriques  différents.  La 
connaissance  de  la  latitude  qui  s'observe  directement  est 
donc  de  la  plus  haute  importance  :  d'autant  qu'à  la  rigueur, 
si  on  doit  atterrir  sur  une  côte  courant  N.-S.  ou  même 
N.-O.,  S.-E.,  il  suffit,  étant  à  la  latitude  du  point  que  l'on 
veut  atteindre,  de  mettre  le  cap  à  l'Est  ou  à  l'Ouest  jus- 
qu'à ce  que  l'on  voie  la  terre.  Ce  serait  parfaitement 
suffisant  s'il  n'y  avait  ni  courants  ni  dérive.  Les  pêcheurs 
de  Terre-Neuve,  entre  autres,  atterrissent  au  retour  en 
France  de  cette  façon.  Ce  n'est  pas  d'ailleurs  ce  qu'ils  font 
de  mieux  et  nous  sommes  loin  de  préconiser  une  pareille 
méthode  :  nous  l'indiquons  seulement.  Nous  ne  pouvons, 
étant  donné  le  peu  d'espace  dont  nous  disposons,  montrer 
les  diverses  méthodes  de  trouver  la  latitude,  nous  ne  pou- 
vons que  les  indiquer  sommairement,  en  renvoyant  le  lec- 
teur aux  Traités  de  navigation.  Cependant  nous  allons, 
pour  faire  comprendre  la  laçon  de  procède]*,  prendre  le  cas 
le  plus  simple:  le  cas  des  hauteurs  méridiennes.  Cette  mé- 
thode s'appuie  sur  le  principe  suivant  :  Pour  le  soleil  ou  les 
étoiles,  pour  tous  les  astres  en  général,  dont  la  distance 
polaire  reste  constante,  la  hauteur  méridienne  supérieure 
est  un  maximum  de  hauteur  de  l'astre  au-dessus  de  l'ho- 
rizon, la  hauteur  méridienne  inférieure  est  un  minimum. 
Pour  la  lune,  quoiqu'elle  ne  culmine  pas  toujours  à  son 
passage  au  méridien,  on  peut  à  la  mer  regarder  la  hauteur 
méridienne  comme  maxima.  L'erreur  commise  ne  dépasse 
pas  V  W^  pour  les  lat.  de  65*^  et  est  intérieure  par  des 
latitudes  moindres. 

Considérons  un  astre  à  son  passage  au  méridien.  Prenons 
la  sphère  céleste  (fig.  7),  soit  Z  la  verticale  du  lieu  consi- 
déré, IllL  l'hori- 
zon, QQ'  Féqua- 
teur,  PP'  la  ligne 
des  pôles,  Pétant 
le  pôle  Nord.  Par 
définition  la  lati- 
tude du  lieu  est 
ZQ',  elle  porte  le 
nom  du  pôle  élevé, 
donc  elle  est  N. 
Supposons  l'astre 
en  A  :  la  hauteur 
méridienne  sera 
IL  A,  son  complé- 
ment ou  distance 
zénithale  ZA  :  on 
lui  donne  le  nom  du  pôle  auquel  on  tourne  le  dos  pour  obser- 
ver :  elle  est  donc  N.  Or  on  a  évidemment  :  7.Qf=:7A  —  XiV 
ou  :  lat.  N.  :=:  dist.  zénith.  N.  —  décl.  S. 

Si  l'astre  est  en  A^  on  a  :  l(y=  7A'  4-  A'  ()'  ou  lat. 
N.  =  dist.  zén.  :  N.  4-décl.  N. 

En  A''  on  a  :  ZQ'  =  Q  A'^  —  V'Z  ou  lat.  N.  =  décl. 
N.  —  dist.  zénith.  S. 

Enfin  en  iSf'^  qui  est  un  passage  au  méridien  inférieur  et 
dans  ce  cas,  la  hauteur  méridienne  est  un  minima  :  on  a  : 
ZQ; z=:  180°  —  (ZA'^'  -h y''Q)  oulat.N.  —  ISOo  — dist. 
zénith.  S  +  décl.  N.  On  voit  donc  que,  pour  trouver  la 
latitude,  deux  éléments  seuls  sont  nécessaires  :  la  hauteur 
de  l'astre  ou  son  complément  à  90^,  la  distance  zénithale  et 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —    XXL 


Fig.  7. 


la  déclinaison.  Or  les  Tables  de  calculs  nautiques,  Con- 
naissance des  temps,  etc.,  donnent  les  déclinaisons  des 
astres,  soleil,  lune,  principales  étoiles,  calculées  jour  par 
jour  pour  le  midi  moyen  de  Paris.  Il  n'y  a  plus  qu'à  corri- 
ger par  interpolation  pour  l'heure  de  l'observation.  Quant 
à  la  hauteur,  on  l'observe  directement  à  l'aide  du  sextant. 
Le  degré  de  précision  de  la  latitude  dépend  donc  du  degré 
de  précision  de  l'observateur.  D'ailleurs,  une  latitude  à  30'^ 
près  est  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  suffisant  dans  la  pratique. 

Malheureusement,  le  ciel  peut  être  couvert  à  l'heure  du 
passage  au  méridien  du  soleil  ou  de  l'astre  observé.  Comme 
sous  peine  de  vie  parfois  on  ne  peut  rester  sans  observa- 
tions astronomiques,  dans  certains  parages  surtout,  on  a  dû 
chercher  d'autres  procédés.  L'un  des  plus  employés  est 
l'observation  des  hauteurs  circumméridiennes  ;  la  formule 
sur  laquelle  s'appuie  cette  méthode  est  : 

H  —  H^  ±  Sp  —  ap"^,  dans  laquelle  Hq  est  la  hauteur 
observée.  La  correction  8/?  —  a/?^  se  nomme  la  réduction 
au  méridien.  Il  suffit  de  l'ajouter  à  Hq  pour  avoir  la  hau- 
teur méridienne  ;  o  est  en  secondes  la  variation  de  A  ou  dis- 
tance polaire,  égale  au  complément  de  la  déclinaison,  en 
V'^  ;  p  l'intervalle  séparant  l'heure  de  l'observation  de 
l'heure  du  passage  au  méridien  calculée  d'avance  ;  a  est  le 
mouvement  en  hauteur  de  l'astre  pendant  la  minute  (temps 
de  cet  astre)  qui  précède  ou  suit  le  passage  au  méridien. 
On  le  trouve  sous  ce  titre  Table  XXVI  de  Callet.  Ayant 
alors  la  hauteur  méridienne,  on  la  corrige  de  la  dépression, 
de  la  réfraction,  de  la  parallaxe,  etc.,  du  demi-diamètre, 
s'il  y  a  lieu,  et  à  l'aide  de  la  déclinaison  on  a  la  latitude 
comme  précédemment. 

Quant  à  la  limite  des  circumméridiennes,  il  suffit  de  re- 
garder le  tableau  préliminaire  de  la  Table  XXVL  En  divi- 
sant le  nombre  indiqué  par  la  racine  carrée  à  l'unité,  prise 
en  excès,  on  a  le  nombre  de  minutes  pendant  lesquelles 
on  peut  prendre  des  circumméridiennes  sans  commettre  une 
erreur  de  plus  de  1^^\ 

On  peut  aussi  déterminer  la  latitude  par  les  hauteurs  de 
l'étoile  polaire  dans  l'hémisphère  N.  La  formule  est  : 
L=:1I  Acos  P  :  où  H  est  la  hauteur  corrigée,  A  la  dis- 
tance polaire,  P  l'angle  au  pôle  du  triangle,  ZPA  appelé 
triangle  de  position,  base  de  tout  calcul  nautique  (V.  Lon- 
gitude). 

Enfin  on  peut  déterminer  encore  le  point  (V.  ce  mot)  et 
par  suite  la  latitude  par  les  droites  de  hauteur  et  les  pro- 
cédés Lalande-Pagel,  Marcq  Saint-Hilaire.  Nous  ne  pou- 
vons que  les  indiquer  sans  les  décrire,  cela  nous  mènerait 
trop  loin.  On  en  trouvera  le  détail  dans  tous  les  traités  de 
calculs  nautiques  et  de  navigation.     Kerlero  du  Crano. 

IIL  Mathématiques  (V.  Polaires). 

LATITUDINARISME.  Au  xvii«  siècle,  le  nom  de  latitu- 
dinaires  {latitude  men)  fut  donné  en  Angleterre  aux  théo- 
logiens qui  répugnaient  à  l'étroitesse  des  épiscopalistes  qui 
damnaient  les  dissidents,  des  dissidents  qui  damnaient  les 
épiscopalistes,  et  généralement  de  tous  ceux  qui  prétendent 
que  le  salut  n'est  possible  que  dans  leur  propre  Eglise.  Les 
principaux  représentants  du  latitudinarisme  étaient  alors 
Schillingsworth,  John  Haies,  More,  Abbot,  Carlton,  Cud- 
worih,  Burnet,  Tillotson,  Whiston,  Spencer,  Dury.  Ils 
considéraient  comme  chrétienne  toute  Eglise  ayant  conservé 
sur  les  points  fondamentaux  les  croyances  et  les  pratiques 
essentielles  au  christianisme,  et  ils  accordaient  une  large 
tolérance  aux  diversités  de  discipline  et  d'organisation  et 
même  aux  erreurs  sur  les  points  accessoires,  plaçant  la 
bonne  foi  et  la  piété  au-dessus  de  l'orthodoxie. 

LATlUM.  I.  Géographie  historique.  —  Contrée  de 
l'ancienne  Italie,  située  au  centre  de  la  péninsule,  entre  la 
mer  Tyrrhénienne  et  l'Apennin,  le  Tibre  et  le  Liris  qui  la 
séparaient  l'un  de  lEtrurie,  l'autre  de  la  Campanie.  Le 
nom  de  Latium  équivaut  à  celui  de  pays  des  Latins.  Son 
étymologie  est  inconnue.  Les  anciens  la  dérivaient  d'un  roi 
fabuleux,  Latinus.  L'étendue  de  la  région  à  laquelle  fut 
appliqué  ce  nom  de  Latium  varia  selon  les  époques.  Après 
avoir  désigné  seulement  le  territoire  habité  par  le  peuple 

(54 


LATIUM 


—  1010  — 


latin,  il  s'étendit  ensuite  à  celui  des  peuplades  voisines 
annexées  et  absorbées  ou  exterminées  par  les  Romains  : 
Eques,  Berniques,  Volsques  et  Aurunces,  de  sorte  qu'il 
désigna  toute  la  contrée  intermédiaire  entre  la  Campanie  et 
l'Etrurie.  Néanmoins,  on  continua  de  distinguer  les  deux 
acceptions,  et,  bien  que  la  dernière  eût  prévalu  au  temps 
de  l'Empire,  les  géographes  réservaient  au  territoire  pri- 
mitif des  Latins  l'appellation  de  Vieux  Latiiim  (anti- 
qunm),  aux  parties  adjointes  ultérieurement  celle  de 
Nouveau  Latium  (novum  ou  adjectum). 

Le  Vieux  Latium  était  borné  à  l'O  par  la  mer,  au  N.  par 
le  Tibre,  à  l'E.  par  l'Apennin  ;  au  S.  ses  limites  étaient 
moins  précises  et  semblent  avoir  varié  ;  originairement  les 
Latins  occupaient  la  côte  de  l'embouchure  du  Tibre  au  pro- 
montoire de  Circeii  (monte  Circello)  ;  mais  cette  région  où 
s'étalent  aujourd'hui  les  marais  Pontins  leur  fut  enlevée 
par  les  Volsques.  De  même,  du  côté  septentrional,  les  Sabins 
empiétèrent  sur  le  Latium  ;  il  est  probable  que  celui-ci 
s'étendit  d'abord  au  delà  de  l'Anio  qui  devint  ensuite  sa 
limite  conventionnelle  ;  d'ailleurs,  dans  ces  districts,  il  se 
produisit  un  mélange  des  deux  peuples  et  plusieurs  cités 
sont  qualifiées  tantôt  sabines,  tantôt  latines  ;  on  sait  que 
le  fait  se  produisit  à  Rome.  Si  l'on  tient  à  préciser,  on  le 
peut  à  l'aide  des  listes  des  cités  latines  données  par  Denys 
et  Pline.  Le  Tibre  constituait  la  frontière  entre  le  Latium 
et  l'Etrurie;  cependant  les  Etrusques  l'ont  certainement 
dépassée,  et  réciproquement  les  Romains  dès  l'époque  la 
plus  reculée  avaient  occupé  sur  la  rive  droite  du  fleuve  la 
colline  du  Janicule,  le  Campus  Varwanus^  et  les  Seplem 
Pagi  (sept  cantons).  Au  N.  de  l'Anio,  Fidènes,  Grustume- 
rium  Nomentum  étaient  latines;  de  Nomentum  à  Tibur  la 
ligne  de  démarcation  est  inconnue,  mais  les  Latins  possé- 
daient les  monts  de  Corniculum  (monte  San  Angelo  et  Mon- 
ticelli)  et  la  base  du  mont  Lucretilis  [monte  Gennaro), 
puis  les  pentes  occidentales  de  l'Apennin  de  Tibur  à  Prae- 
neste  (Palestrina) ,  l'intérieur  appartenant  aux  Eques,  et 
tout  le  massif  des  monts  Albains  au  delà  duquel  la  fron- 
tière entre  Latins  et  Volsques  fut  flottante  dans  la  plaine 
qui  sépare  ce  massif  de  celui  auquel  demeure  attaché  le 
nom  de  monts  des  Volsques  {monte  Lepini).  Le  Vieux 
Latium  comprenait  environ  1,500  kil.  q.,  ayant  45  à 
50  kil.  du  Tibre  à  la  frontière  sabine  et  autant  du  N.  au  S. 
Une  journée  de  marche  suffisait  donc  à  le  traverser  dans 
l'un  ou  l'autre  sens> 

Le  Nouveau  Latium  était  beaucoup  plus  vaste,  compre- 
nant, outre  le  territoire  des  Latins,  ceux  des  Eques,  des 
Herniques,  des  Volsques  et  des  Aurunces  ou  Ausoniens.  La 
frontière  septentrionale  restait  la  même,  celles  de  l'E.  et 
du  S.  étaient  reculées  jusqu'aux  confins  des  Marses,  des 
Samnites  et  de  la  Campanie.  Mais  dès  l'époque  d'Auguste 
le  sens  géographique  fut  modifié  ;  quand  l'empereur  divisa 
l'Italie  en  régions,  il  comprit  dans  la  même  le  Latium  et  la 
Campanie,  mais  en  détachant  les  districts  orientaux  ;  ceux 
du  Vieux  Latium,  situés  au  N.  de  l'Anio,  une  partie  du 
pays  des  Eques  et  des  Equicoles  (Carseoli  et  vallée  du  Tu- 
rano)  ;  le  reste  du  pays  des  Eques,  ceux  des  Herniques  et 
des  Volsques,  c.-à-d.  le  bassin  supérieur  de  l'Anio,  le  bas- 
sin supérieur  du  Liris  et  le  bassin  inférieur  de  ce  fleuve. 
La  limite  du  Latium  agrandi  vis-à-vis  de  la  Campanie  est 
définie  par  Strabon  :  sur  la  voie  Latine,  la  dernière  cité 
latine  était  Casinum  ;  la  première  de  la  Campanie,  Teanum 
(du  peuple  dos  Sidicins)  ;  sur  la  voie  Appienne,  près  de  la 
côte,  Sinuessa  était  la  dernière  cité  latine.  La  frontière  dé- 
passait donc  un  peu  le  Liris  vers  le  S. 

La  géographie  physique  du  Latium  était  assez  complexe. 
Il  comprenait  la  partie  maritime  du  bassin  du  Tibre,  celle 
de  son  affluent  l'Anio,  les  monts  Albains  et  presque  tout 
le  bassin  du  Liris,  soit  les  contreforts  occidentaux  de  l'Apen- 
nin central,  la  plaine  comprise  entre  ceux-ci  et  la  mer  et 
les  massifs  montagneux  qui  s'élèvent  dans  cette  plaine. 
C'est  une  région  essentiellement  volcanique.  A  une  époque 
géologique  relativement  récente,  la  mer  battait  le  pied  de 
l'Apennin  et  seuls  le  massif  des  monts  des  Volsques  et  le 


promontoire  de  Circei  émergeaient  en  îles.  Bien  plus  que 
les  alluvions  du  Tibre  et  de  quelques  petits  torrents,  les 
laves  ont  constitué  le  sol  actuel.  Les  principaux  furent 
ceux  des  monts  Albains  où  l'on  discerne  encore  six  cratères  : 
le  principal,  au  centre,  portait  le  temple  de  Jupiter  Latiaris 
et  forme  le  point  culminant  de  cette  région  {monte  Cavo, 
956  m.);  d'autres,  au  S.-O.,  remplis  par  les  eaux  du  lac 
Albain  (d'Albano  ou  lago  di  Castello),  du  lac  de  Nemi,  ou  le 
furent  par  celles  du  lac  (aujourd'hui  desséché)  d'Aricie  ; 
à  l'E.  et  au  N.  les  hauteurs  du  Vecilius  et  de  l'Algide  des- 
sinent autour  du  mont  Albain  un  vaste  hémicycle  dominant 
la  plaine.  Dans  celle-ci  s'ouvrent  un  certain  nombre  de 
petits  cratères  où  dormirent  de  petits  lacs,  à  l'E.  celui  de 
Giulianella,  au  N.  celui  de  Cornufelle  ou  lac  Régille,  et 
celui  de  Castighone  ou  de  Gabies  (desséché  en  1838).  Les 
vestiges  de  l'activité  volcanique  se  retrouvent  dans  les  sol- 
fatares des  environs  de  Tivoli  (Tibur)  qu'on  identifie  avec 
les  Aqiiœ  Albulœ  des  Romains  et  de  la  route  d'Ardée  où 
fut  un  oracle  de  Faunus.  Les  matériaux  volcaniques  furent 
remaniés  par  les  eaux,  convertis  en  tuf^  péperin,  pouz- 
zolaîie  qui  constituent  le  sol  de  la  Carripagne  romaine 
(V.  ces  articles).  Le  péperin,  plus  dur,  où  les  anciens  dis- 
tinguaient les  pierres  d'Albe  ou  de  Gabies,  a  servi  à  cons- 
truire les  monuments  de  Rome.  Au-dessus  de  ces  tufs 
s'épanchèrent  encore  quelques  coulées  de  laves  descendues 
des  monts  Albains  ;  la  principale  s'arrête  aux  portes  de 
Rome,  à  Capo  di  Bove  (sur  la  voie  Appienne).  Nous  avons 
décrit  ailleurs  la  structure  de  la  Campagne  romaine  et  les 
conséquences  qui  résultent  pour  le  climat  et  la  salubrité  du 
manque  d'écoulement  des  eaux  dans  ce  sol  bossue  de  toutes 
parts  (V.  Campagne  romaine).  Une  plaine  d'une  dizaine  de 
kilomètres  de  large  sépare  le  massif,  nettement  accusé,  des 
monts  Albains,  des  contreforts  de  l'Apennin  au  N.-E.  et 
des  monts  des  Volsques  au  S.-E.  Les  monts  des  Volsques 
ou  monti  Lepini  forment  une  sorte  d'avant-mont  du  grand 
massif  Apennin,  séparé  de  celui-ci  par  la  large  vallée  du 
Sacco  (Trerus)  et  dominant  au  S.-O.  les  marais  Pontins.  Ils 
se  développent  du  N.-O.  au  S.-E.,  atteignant  la  mer  auprès 
de  Terracine  et  la  longeant  ensuite  jusqu'à  l'embouchure  du 
Liris.  Leur  longueur  totale  est  de  100  kil.,  leur  largeur  de 
20  à  30  kil.  Ils  sont  calcaires  comme  l'Apennin  central  ; 
leurs  principaux  sommets  sont  du  N.  au  S.  :  les  monts  For- 
tino,  Semprevisa  (1,535  m.),  Cacume,  délia  Fate  et  Petrella 
(1 ,533  m.).  Ces  montagnes  forment  une  barrière  naturelle 
entre  les  plaines  du  Latium  et  de  la  Campanie. 

Les  régions  latines  de  l'Apennin  s'élèvent  comme  une 
muraille  de  1,000  à  1,500  m.  au-dessus  de  la  Campagne 
romaine,  à  laquelle  elles  forment  un  cadre  magnifique. 
Elles  s'étendent  du  Tibre  au  cours  supérieur  du  Vulturne  ; 
on  y  remarque  au  N.-E.  le  mont  Gennaro  (Lucretilis^ 
1,268  m.),  le  Pennecchio  un  peu  au  N.-E.,  le  mont  de 
Guadagnolo,  au-dessus  de  Palestrina  (Praeneste),  dont  la 
citadelle  fut  bâtie  sur  un  de  ses  contreforts.  Derrière 
s'élèvent  les  pics  abrupts  que  couronnent  les  bourgs  de 
l'ancien  pays  des  Eques.  On  peut  encore  citer  à  drohe  du 
Garigliano  (Liris)  le  Passeggio  (2,062  m.),  et  à  gauche 
le  Meta  (2,241  m.)  et  le  mont  Cassin.  Ce  sont,  comme 
les  monts  des  Volsques,  des  masses  calcaires  souvent 
abruptes,  parfois  boisées  de  chênes,  de  châtaigniers,  etc.  ; 
les  collines  qui  s'abaissent  sur  les  vallées  du  Sdicco  (Trerus) 
et  du  Garigliano  (Liris)  sont  couvertes  de  vignes,  d'oli- 
viers, de  champs  de  céréales.  Malgré  leur  aspect  rude  et 
chaotique,  ces  montagnes  n'ofl'rent  pas  un  obstacle  très  con- 
sidérable aux  communications  ;  la  vallée  du  Sacco  ouvre 
une  route  naturelle  entre  le  Latium  et  la  Campanie  ;  celle 
du  Garigliano  en  ouvre  une  de  la  Campanie  au  bassin  du 
lac  Fucin,  région  centrale  de  l'Apennin  (Abruzze),  et  l'Anio 
mène  également  à  celle-ci  en  partant  du  Tibre,  par  une 
vallée,  il  est  vrai,  fort  étroite,  de  la  source  (vers  Trevi) 
aux  gorges  de  Tivoh  par  où  il  se  fait  jour  dans  la  plaine. 

Le  littoral  du  Latium  se  développe  sur  une  longueur  de 
190  kil.  environ,  depuis  l'embouchure  du  Tibre  jusqu'à 
Sinuessa,  entre  celles  du  Garigliano  et  du  Vulturne.  Il 


1011  — 


LATiUM 


court  d'abord  du  N.-O.  au  S.-E,  jusqu'au  promontoire  de 
Circeii,  puis  de  l'O.  à  TE.  jusqu'à  l'embouchure  du  Gari- 
gUano.  La  côte  du  Vieux  Latium  forme  une  large  lisière 
sablonneuse,  le  long  des  tufs  de  la  Campagne  romaine  ; 
cette  bande  est  couverte  de  forêts  depuis  le  Tibre  jusqu'au 
promontoire  d'Anzio  (Aîitium)  ;  aujourd'hui,  comme  dans 
l'antiquité,  les  sables  empêchant  l'écoulement  des  eaux 
vers  la  mer,  transforment  le  pays  en  marécage  ;  le  littoral 
est  très  régulier,  sans  accident  et  sans  port.  Le  promontoire 
d'Antium  est  une  masse  calcaire  peu  élevée  au  delà  de 
laquelle  s'ouvre  une  baie  largement  évasée  jusqu'au  pro~ 
montoire  d'Astura  d'abord,  puis  jusqu'à  celui  de  Circeii  ou 
monte  Circello,  Entre  les  deux  derniers,  le  rivage  est  bordé 
de  collines  sablonneuses  derrière  lesquelles  se  sont  formées 
des  lagunes  qu'une  seconde  bande  sablonneuse  admirable- 
ment boisée  sépare  des  fameux  marais  Pontins,  lesquels 
s'étendent  jusqu'au  pied  des  monts  des  Volsques,  Cette 
région  de  45  kil.  de  long  sur  48  kil.  de  large  esta  peu  près 
inhabitée  ;  s'il  faut  en  croire  Pline,  elle  aurait  renfermé 
jusqu'à  24  cités.  En  face  du  promontoire  de  Circeii  se 
trouve  en  pleine  mer  l'archipel  des  îles  Pontiennes  ou  de 
Ponza  {Palmaria,  Po7itia,  Sinonia^  Pandataria).  La 
côte  italienne  se  creuse  en  deux  baies  ;  au  fond  de  la  pre- 
mière est  Terracine  (Tarracina  ou  Anxur)  ;  au  fond  de 
la  seconde,  que  ferme  le  promontoire  do  la  Gaete  [Caieta)^ 
Formies  et  les  marais  de  Minturnes,  où  finit  le  Garigliano. 
A  partir  de  Terracine  les  montagnes  bordent  le  rivage. 

Nous  avons  indiqué  déjà  tous  les  cours  d'eau  notables 
du  Latium  :  le  Tibre,  son  affluent  l'Anio  ou  Teverone,  le 
Garigliano  (Liris)  et  son  confluent  le  Sacco  (Trerus).  Il 
reste  à  citer  quelques  ruisseaux  qui  ont  une  notoriété  his- 
torique ou  littéraire  :  les  émissaires  artificiels  des  lacs 
d'Albano  et  de  Nemi;  le  premier,  creusé  en  397  av.  J.-C, 
et  représentant  un  des  plus  merveilleux  travaux  de  l'anti- 
quité, ahmcnte  l'Albano  qui  se  jette*  dans  le  Tibre;  le 
second  forme  le  rio  de  Nemi,  qu'on  identifie  parfois  avec  le 
Numicius,  assimilé  plutôt  au  rio  Torto,  entre  Lavinium  et 
Ardée.  L2iFerentina  est  identifiée  à  la  Marrana  degli  Orti, 
affï.  du  Tibre,  né  près  de  Marino  et  de  l'ancienne  Bovillae; 
la  Conca  (Astura)  prend  sa  source  au  S.  des  monts  Albains, 
près  de  Velletri  (Velitrœ)^  l'Ufente  {Ufens)  parcourt 
du  N.-O.  au  S.-E.  le  centre  des  marais  Pontins  ;  avec  ses 
affluents,  dont  les  principaux  sont  la  Ninfa  (Nymphœus) 
et  l'Amaseno  venu  des  monts  des  Volsques,  il  a  donné 
naissance  à  ces  marécages,  la  pente  étant  trop  faible  pour 
l'écoulement  des  eaux. 

Le  Latium  est  aujourd'hui  médiocrement  fertile  et  fort 
insalubre  ;  sans  avoir  jamais  égalé  l'opulence  de  la  Campa- 
nie,  il  paraît  avoir  pu  fournir  une  population  assez  dense  à 
l'époque  oii  le  drainage  des  eaux  avait  assaini  la  Campagne 
romaine  et  les  marais  Pontins  ;  la  ruine  politique  des  cités 
latines,  dévorées  par  Rome,  fut  la  cause  probable  de 
l'abandon  de  ces  travaux  hydrologiques  et  de  la  dépopula- 
tion consécutive  aux  progrès  du  paludisme  (V.  Campagne 
romaine).  Les  anciens  célébraient  le  vin  des  monts  Albains, 
les  figues  de  Tusculum,  les  fruits  de  Tibur,  les  noisettes 
de  Praeneste.  Mais,  dès  l'Empire,  la  substitution  des  pâtu- 
rages aux  champs  et  l'insalubrité  de  la  plaine  Poutine  et 
des  environs  d'Ardée  sont   attestées  par  les   écrivains. 

La  topographie  historique  du  Latium  offre  de  grandes  dif- 
ficultés. Les  cités  énumérées  par  les  auteurs  sont  presque 
toutes  disparues  et  il  est  souvent  malaisé  de  retrouver  leurs 
emplacements.  A  l'embouchure  du  Tibre  était  Ostie;  près 
de  la  côte,  on  rencontrait  à  8  milles  romains  (12  kil.), 
Laiirentum  (au  lieu  dit  aujourd'hui  Tor  di  Paterno)  ;  la 
capitale  présumée  des  Aborigines ;  à  6  kil.  au  S.,  mais 
plus  loin  de  la  mer,  Lavinium  (au  heu  dit  Pralica)  ;  à 
7  kil.  au  S  de  Lavinium  et  6  kil.  de  la  mer,  Ardée,  la 
cité  des  Hulules,  qui  a  gardé  son  ancien  nom.  A 15  milles 
au  S.-E.  sur  la  mer,  Porto  d'Anzo,  autrefois  Antium;  un 
peu  plus  loin,  le  petit  port  &' Astura;  enfin  Circeii^  géné- 
ralement regardée  comme  la  dernière  cité  latine  dans  cette 
direction.  —  Dans  la  région  du  Tibre  et  de  l'Anio,  au  N. 


de  Rome,  on  trouvait,  en  remontant  le  Tibre,  Antemnœ 
(au  S.  du  confluent  de  l'Anio),  Fidenœ,  Crustumerium ; 
un  peu  à  l'E.  de  celle-ci,  Nomentum,  puis  dans  les  col- 
lines dites  monts  Corniculani,  entre  le  fleuve  et  le  mont 
Lucretilis,  Corniculum,  MeduUia^  Ameriola^  Cameria, 
bourgades  dont  on  ignore  la  place  précise  ;  au  S.  de  No- 
mentum,  sur  la  route  de  Rome,  Ficulea.  Sur  l'Anio,  à  sa 
sortie  des  montagnes,  Tibur;  un  peu  en  aval,  Collatia, 
peut-être  Cœnina,  et  enfiu,  sur  la  rive  droite  de  la  rivière, 
la  colline  du  Mont  Sacré.  Sur  les  contreforts  ultimes  de 
l'Apennin,  dominant  la  plaine,  on  rencontrait  au  S.  de 
Tibur  /Esula  et  Prœneste.  —  Les  monts  Albains  étaient 
entourés  de  cités  :  sur  l'Algide,  Tusculum,  à  TO.  (au- 
dessus  de  la  ville  moderne  de  Frascati),  Corbio  (Rocca 
priera)  à  l'E.;  sur  le  lac  Albain,  du  côté  oriental,  Alba 
Longa,  la  cité  prépondérante  du  Latium  ;  au  S.,  Aride; 
en  dehors  du  massif  et  sur  ses  pentes  étaient  Lanuvium 
au  S.  et  F^/i^rce (Velletri)  au  S.-E.;  citons  enûn  Bouillce 
au  pied  des  monts  Albains,  à  l'O.,  sur  la  route  de  Rome 
(voie  Appienne),  et  à  l'E.  de  celle-ci,  au  N.  du  grand  lac, 
Castriniœnium.  Enfin  il  importe  de  mentionner  le  temple 
de  Jupiter  Latiaris  au  sommet  du  mont  Albain,  centre  de 
la  confédération  latine  où  se  célébraient  annnuellement  les 
Feriœ  Latinœ,  et  le  sanctuaire  de  Ferentina,  à  l'E.  de 
Bovillse,  où  se  réunissaient  les  assemblées  fédérales.  — 
Sur  le  bord  du  massif  des  monts  des  Volsques  étaient 
Cora,  Norba,  Setia,  au-dessus  de  la  plaine  des  marais 
Pontins  ;  auN.  de  celle-ci,  Ulubrœ,  et,  en  un  site  inconnu, 
Suessa  Pometia  dont  le  nom  est  resté  au  pays.  Les  loca- 
lités échelonnées  le  long  de  la  voie  Appienne  (Forum  Appii, 
Très  Tabernœ,  Tripontium),  dans  ces  parages,  ne  cor- 
respondent pas  à  d'anciennes  cités  latines.  Dans  la  zone 
limitrophe  entre  la  Campagne  et  le  Marais,  entre  les  monts 
Albains  et  Antium  furent  les  cités  de  Corioli,  Longula^ 
Pollusca,  dont  on  ne  sait  que  le  nom,  et  Satricum  qu'on 
propose  de  placer  sur  l'iVstura.  Dans  la  partie  de  la  Cam- 
pagne comprise  entre  la  zone  ïorestiGve  (Laure^is  tractus) 
et  la  voie  Appienne  et  qu'on  dénommait  Campus  Sol&nius, 
s'élevaient  probablement  Tellenœ,  PolitoriumetApiolœ; 
sur  la  route  d'Ostie  à  Rome,  près  du  Tibre,  était  Ficana, 
Dans  le  N.  de  la  Campagne  romaine,  entre  les  monts 
Albains  et  l'Anio,  à  mi-route  de  Rome  et  de  Prseneste,  on 
trouvait  Gabies;  plus  près  de  l'Apennin,  entre  Gabies  et 
Pr?eneste,  Scaptia,  Pedum  et  probablement  Querguetu- 
l'um  ;  entre  Gabies  et  Tusculum,  une  petite  colline  portait 
Labicum  [La  Colonna),  Au  S.  de  Praeneste,  dans  la 
plaine  qui  forme  carrefour  entre  les  bassins  de  l'Anio,  du 
Trerus  et  de  F  Ufens,  entre  l'Apennin,  les  monts  Albains  et 
des  Volsques,  on  place  Bola,  Ortona,  Tolerium,  Viiellia, 
dont  le  site  exact  est  inconnu  ;  sur  le  versant  septentrional 
des  monts  des  Volsques  étaient  Signia  et  Ecetra,  mais 
cette  dernière  ne  fut  jamais  latine.  —  Sur  les  villes  des 
Egues,  Herniques,  Volsques  et  Aurunces,  V.  les  art. 
consacrés  à  ces  divers  peuples. 

La  nomenclature  que  nous  venons  de  donner  n'épuise 
pas,  à  beaucoup  près,  la  liste  des  cités  latines.  Sans  en- 
trer dans  les  débats  très  épineux  qu'elles  soulèvent,  nous 
reproduisons  ici  les  listes  données  par  Denys  et  par  Pline. 
Le  premier  énumère  les  trente  cités  de  la  ligue  ou  confé- 
dération latine  lors  du  traité  de  493  avec  Rome  :  Ardea, 
Aricia,  Bovilhe,  Bubentum,  Corniculum,  Carventum,  Cir- 
ceii, Corioli,  Corbio,  Cora,  Fortinei  (?),  Gabii,  Laurentum, 
Lavinium,  Lanuvium,  Labicum,  Nomentum,  Norba,  Prao- 
neste,  Tellenœ,  Tibur,  Tusculum,  Toleria,  Tricrinum  (?), 
Velitrae.  L'emplacement  de  Bubentum  est  totalement  ignoré; 
Carventum  était  limitrophe  des  Eques.  Pline  cite  parmi  les 
villes  qui  étaient  complètement  disparues  de  son  temps  : 
Satricum,  Pometia,  Scaptia,  Politorium,  Tellenae,  Cœnina, 
Ficana,  Crustumerium,  Ameriola,  Meduliia,  Corniculum, 
Antemnœ,  Cameria,  Collatia,  mais  aussi  :  Saturnia  qu'on 
suppose  avoir  occupé  remplacement  de  Rome  ;  Antipolis 
qui  aurait  été  bâtie  sur  le  Janicule  ;  Sulmo  qu'on  identifie 
avec  Sermoneta  (entre  Norba  et  Setia)  ;  Norbe  (?)  (appa- 


LATIUM 


io-i^ 


remment  Norba),  Anitmum  (?).  Pline  donne  ensuite  une 
liste  des  peuples  ou  communautés  qui  offraient  des  sacri- 
fiés sur  le  mont  illbain  :  Albani,  i^^sulani,  Accienses,  Abo- 
lani,  Bubetani,  Bolani,  Cusuetani,  Coriolani,  Fidenates, 
Foretii,  Hortenses,  Latinienses,  Longulani,  Manates,  Ma- 
crales,  Mutucumenses,  Munienses,  Numinienses,  Ollicu- 
îani,  Octulani,  Pedani,  PoUuscini,  Querquetulani,  Sicani, 
Sisolenses,  Tolerienses,  Tutienses,  Vimitellarii,  Yelienses, 
Venetulani,  Vitellenses.  On  trouve  dans  cette  liste  les  noms 
de  onze  cités  latines,  de  la  Bubentum  de  Denys  ;  on  peut 
identifier  les  Hortenses  avec  les  gens  d'Ortona  et  les  Mu- 
nienses avec  ceux  de  Castrimœnium,  les  Velienses  seraient 
les  habitants  de  Velia,  l'une  des  bourgades  qui  consti- 
tuèrent la  Rome  primitive  du  Septimontium  (V.  Rome). 
Des  autres,  on  ne  sait  rien,  mais  il  est  fort  possible  qu'une 
partie  des  communautés  qui  sont  énumérées  dans  cette  liste, 
assurément  fort  ancienne,  ne  fussent  pas  des  villes  ou  cités. 
Niebuhr  conjecture,  non  sans  motif,  qu'il  s'agit  là  d'une 
liste  des  villes  dépendant  d'Albe. 

Pour  compléter  la  topographie  du  Latium,  il  nous  reste 
à  dire  un  mot  des  grandes  routes  stratégiques  qu'y  tracèrent 
les  Romains.  La  via  Appia  (de  Rome  à  Capoue)  allait  en 
ligne  droite  de  Rome  à  Tcrracine,  par  le  S.  des  monts 
Albains.  Sur  elle  s'embranchait  la  via  5^^ma  allant  à  Setia 
et  longeant  la  base  des  monts  des  Volsques.  —  La  via 
Latina,  qui  menait  également  en  Campanie  (de  Rome  à  Bé- 
névent),  passait  au  N.  des  monts  Albains  ;  entre  le  mont 
principal  et  l'Algide  un  embranchement  desservait  Tuscu- 
lum  {via  Tusculana).  —  La  via  Labicana^  allant  de  la 
porte  Esquiline  à  Labicum,  rejoignait  la  voie  Latine  à 
30  milles  de  Rome,  au  lieu  dit  ad  Bivium ;  ceWe-ci  suivait 
ensuite  la  vallée  du  Trerus  au  N,  des  monts  des  Volsques, 
celles  du  Liris  et  du  Vulturne.  —  La  via  Prœnestina, 
partie  du  même  point  que  la  voie  Labicane,  passait  par 
Gabies,  Prœneste  et  rejoignait  la  voie  Latine  près  d'Ana- 
gnia. —  La  via  Tibur tina,  remoinant  PAnio,  continuait 
sous  le  nom  de  via  Valeria  à  travers  le  pays  des  Eques 
jusqu'à  Corfinium  et  à  l'Adriatique.  —  La  via  Salaria 
(Rome  à  Ancone)  remontait  le  long  de  la  rive  gauche  du 
Tibre  par  Fidènes.  —  La  via  Nomentana^  partie  du  même 
point,  la  rejoignait  à  Eretum. 

IL  Ethnographie  (V.  Italie). 

III.  Histoire. —  L'histoire  des  Latins  ne  nous  est  guère 
connue  que  dans  leur  rapport  avec  Rome.  Nous  avons  ex- 
posé dans  l'art.  Italie  l'opinion  commune  sur  leurs  ori- 
gines. On  les  regarde  comme  un  mélange  d'une  population 
préexistante,  les  Sicules,  avec  des  envahisseurs  venus  de 
l'Apennin  central  ;  le  nom  d'Aborigines  est  appliqué  tantôt 
aux  conquérants,  tantôt  au  peuple  conquis.  Il  ne  subsiste  à 
l'époque  historique  aucune  trace  certaine  de  cette  dualité. 
Les  légendes  helléniques  du  cycle  troyen  font  aborder  dans 
le  pays  des  colons  troyens  commandés  par  Enée  ;  elles  ne 
paraissent  avoir  nul  fondement  historique,  bien  qu'on  ait 
tenté  de  rapprocher  le  culte  des  Pénates  de  Lavinium  de 
celui  des  Cabires  (V.  ces  mots),  si  répandu  parmi  les  popu- 
lations pélasgiques.  Il  faut  seulement  retenir  de  ces  récits 
le  fait  que  Lavinium  exerçait  une  vieille  primauté  religieuse. 
D'autre  part,  à  l'époque  où  l'on  plaçait  la  fondation  de 
Rome  (753  av.  J.-C),  toutes  les  traditions  s'accordent  à 
représenter  Albe  comme  la  métropole  du  Latium  ;  sa  su- 
prématie se  traduisait  par  cette  assertion  que  les  trente  cités 
latines  étaient  ses  colonies,  tandis  que  d'autres  traditions 
présentent  Ardée,  Prseneste,  Tusculum  comme  de  fonda- 
tion antérieure  à  celle  d'Albe.  On  a  proposé  d'admettre 
qu'Albe  était  la  cité  du  peuple  conquérant  qui  aurait  gra- 
duellement soumis  le  reste  du  Latium.  On  remarque  que, 
dans  la  liste  donnée  par  Pline  des  trente  populi  Albenses 
ayant  leur  centre  religieux  au  mont  Albain,  ne  figure  qu'une 
partie  des  cités  latines  parmi  lesquelles  Bola,  Pedum,  To- 
ieria,  Vitellia  au  N.  du  massif,  Corioli,  Longula,  Pollusca 
au  S.,  tandis  que  d'autres  plus  voisines  du  mont  Albain  et 
plus  considérables  n'y  sont  pas  nommées,  Aricie,  Lanu- 
vium,  Tusculum,  etc.  OrCaton  (ap.  Priscian.,IV,  p.  629) 


raconte  que  le  temple  de  la  Diane  d'Aricie  fut  fondé  en 
commun  par  les  cités  de  Tusculum,  Aricie,  Lanuvium, 
Laurentum,  Cora,  Tibur,  Pometia,  Ardée  et  les  Rutules. 
Il  semble  bien  en  résulter  l'existence  d'une  ligue  latine  op- 
posée à  la  figue  albaine  et  contemporaine.  Peut-être  serait- 
ce  à  celle-là  que  s'appliquerait  le  nom  de  Prisci  Latini 
que  nous  voyons  employer  au  temps  des  guerres  d'Ancus 
Martius  et  de  Tarquin  PAncien,  c.-à-d.  après  la  destruc- 
tion d'Albe.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  nombre  de  trente  paraît 
avoir  été  liturgique  pour  la  composition  des  diverses  con- 
fédérations latines  et  peut-être  introduit  sous  l'influence 
d'Albe,  car  dans  la  liste  des  cités  qui  traitèrent  avec  Rome 
en  493  on  retrouve  ce  nombre.  Après  la  fondation  de 
Rome  par  la  fusion  de  communautés  latines  et  sabines,  la 
cité  nouvelle  entra  en  conflit  avec  Albe  et  la  détruisit,  trans- 
plantant sa  population  sur  les  rives  du  Tibre.  Les  Romains 
revendiquèrent  la  suprématie  exercée  par  Albe  sur  le  La- 
tium, mais  les  autres  peuplades  la  rejetèrent,  et  c'est  alors 
que  parait  la  ligue  des  Prisci  Latini  des  Vieux  Latins.  Ce- 
pendant, au  temps  de  Tarquin  le  Superbe,  la  suzeraineté 
romaine  était  reconnue.  Dans  le  fameux  traité  de  509  avec 
Carthage,  Rome  stipule  pour  les  gens  d'Ardée,  Antium, 
Laurentum,  Circeii,  Terracine  et  autres  cités  dépendantes 
du  Latium.  Mais  bientôt  après  l'établissement  de  la  répu- 
blique, et  peut-être  à  l'occasion  de  l'invasion  étrusque  de 
Porsena,  les  Latins  s'aff'ranchirent.  Une  guerre  s'ensuivit, 
dont  le  principal  événement  fut  la  batadle  du  lac  Régille 
(496),  représentée  par  les  Romains  comme  une  victoire,  et, 
en  493,  Spurius  Cassius  conclut  avec  les  Latins  un  traité 
qui  régla  leurs  relations  avec  Rome  pour  plus  d'un  siècle. 
La  confédération  latine  (dont  nous  avons  énuméré  plus  haut 
les  trente  cités),  contractait  avec  Rome  sur  le  pied  d'égalité 
un  pacte  d'alliance  off'ensive  et  défensive  ;  il  semble  que  le 
commandement  militaire  dût  alterner.  Cette  alliance  visait 
la  lutte  contre  les  Eques  et  les  Volsques  ;  on  y  admit  en 
486  les  Herniques.  L'invasion  gauloise  disloqua  cette  union; 
l'anarchie  fut  un  moment  complète;  non  seulement  les 
Latins  et  les  Herniques  se  séparent  des  Romains  pour 
s'allier  parfois  aux  Volsques,  mais  la  ligue  latine  semble 
dissoute.  En  383,  Tusculum,  Gabies,  Labicum  tiennent 
pour  Rome,  Lanuvium  et  Prseneste  contre  elle  pour  les  Vols- 
ques. En  380,  Prseneste  fait  isolément  la  guerre  à  Rome; 
de  même  Tibur  en  360.  Cependant,  la  ligue  subsistait  no- 
minalement, et,  en  358,  son  alliance  avec  Rome  fut  renou- 
velée dans  les  termes  anciens.  Les  ennemis  séculaires  des 
Latins  étaient  à  peu  près  épuisés  ;  les  Volsques  ont  reperdu 
le  pays  Pontin,  d'Antium  à  Terracine  ;  après  lesacdePri- 
vernum  (329)  leur  nom  disparaît. 

La  victoire  ne  profitait  qu'aux  Romains.  Après  la  guerre 
faite  en  commun  contre  les  Samnites  pour  le  protectorat 
de  la  Campanie,  les  Latins  protestèrent.  Ils  demandèrent 
aux  Romains  ce  qu'elle  venait  d'accorder  aux  plébéiens,  la 
fusion  complète  des  deux  peuples,  l'égalité  politique  et  le 
partage  des  magistratures.  C'était  la  'fin  du  dualisme  ro- 
mano -latin.  Mais  il  ne  pouvait  plus  se  terminer  par  une 
transaction  tenant  la  balance  égale,  La  cité  du  Tibre  l'em- 
portait de  beaucoup  sur  la  confédérafion  latine.  Les  de- 
mandes apportées  au  Sénat  par  les  deux  préteurs  latins 
Annius  de  Setia  et  Numisius  de  Circeii  furent  dédaigneu- 
sement rejetées  et  la  guerre  latine  éclata  (340)  ;  d'un 
côté  les  Latins  et  les  Campaniens  qui  avaient  continué  seuls 
la  guerre  contre  les  Samnites,  de  l'autre  les  Romains  alliés 
aux  Herniques  et  aux  Samnites  ;  Ostie,  Laurentum,  Ardée 
se  prononcèrent  pour  Rome  ;  Fundi,  Formies  restèrent 
neutres;  en  revanche,  Signia,  Setia,  Velitrse,  Circeii,  malgré 
la  présence  de  colons  romains,  embrassèrent  le  parti  latin. 
Les  deux  consuls  Decius  Mus  et  Manlius  se  portèrent  en 
Campanie  par  la  montagne  et  remportèrent  une  sanglante 
victoire  sur  les  pentes  du  Vésuve,  aux  bords  du  Ve^seris. 
L'armée  latine  se  ralha  àVescia,  chez  les  Aurunces,  et  fut 
battue  de  nouveau.  Mais  le  dictateur  Crassus  échoua  devant 
Antium,  un  consul  devant  Pedum  (339).  En  338,  la  vic- 
toire du  consul  C.  Mœnius  sur  l'Astura  et  la  prise  de  Pe- 


lOiB  — 


LâTIUM  —  LATOMUS 


dum  par  son  collègue  Furius  Camilius  terminèrent  la  guerre. 
L'une  après  l'autre  les  cités  latines  se  soumirent.  La  con- 
fédération fut  dissoute  et  le  Sénat  romain  prit  toutes  ses 
mesures  pour  en  empêcher  la  reconstitution.  Les  habitants 
de  chaque  cité  se  virent  interdire  de  faire  des  assemblées 
générales,  de  faire  la  guerre,  d'acquérir  des  propriétés,  de 
contracter  mariage  (commercmm  et  conubiwn)  dans  une 
autre  cité.  Les  villes  voisines  de  Rome  reçurent  le  droit 
de  cité  romaine  (V.  Cité)  :  Lanuvium,  Aricie,  Pedum, 
Nomentum  et  peut-être  Gabies;  Tusculum  le  reçut,  mais 
sans  le  droit  de  suffrage  ;  Velitrte  l'obtint  un  peu  plus  tard. 
Tibur  et  Pneneste  gardèrent  leur  indépendance  nominale, 
mais  perdirent  une  grande  partie  de  leur  territoire;  Velitr.T. 
et  Antium  perdirent  tout,  Privernumles  trois  quarts;  des 
colonies  romaines  y  furent  établies  (V,  Colonisation).  La 
nation  latine  disparaît  ainsi  et  graduellement  s'achève  son 
absorption  dans  la  nationalité  romaine.  Tout  ce  que  nous 
savons  des  Latins,  de  leurs  mœurs,  de  leur  religion,  de 
leurs  institutions,  est  inséparable  do  l'étude  des  mœurs, 
religion  et  institutions  romaines.  Il  est  remarquable  que, 
sauf  dans  les  légendes  albaines,  il  ne  soit  jamais  question 
d'un  gouvernement  monarchique;  les  cités  avaient  un  ma- 
gistrat suprême  électif  appelé  dictateur.  On  ignore  leur  cons- 
titution intérieure  et  l'organisation  de  leur  ligue  fédérale. 
Après  la  conquête  romaine,  elles  durent  conserver  leurs  lois 
sous  le  régime  municipal. 

Le  nom  latin  ne  disparut  pas  avec  la  nationalité  et  il 
continua  d'être  usité  pour  désigner  des  catégories  particu- 
lières de  membres  de  l'Etat  romain  ;  la  formule  socii  et 
nomen  Latinum,  alliés  et  Latins,  est  constamment  em- 
ployée dans  l'histoire  romaine  ultérieure.  Mais  il  ne  faut 
pas  oublier  que  ce  nom  de  Latins  s'appliquait  non  seule- 
ment aux  Vieux  Latins,  mais  aussi  aux  habitants  des  colo- 
nies dites  latines  (V.  Colonisation).  «  Le  nomen  Latinum 
comprend  maintenant  ce  qui  restait  des  anciens  peuples 
latins  non  encore  agrégés  à  la  cité  romaine  et  ceux  qui 
avaient  reçu  le  jus  Latii  comme  les  colonies  de  nom 
latin  ;  mais,  parmi  les  peuples  du  nom  de  latin,  il  s'éta- 
blit aussi  des  différences  :  les  uns  conservèrent  quelques- 
uns  des  privilèges  de  l'antique  alliance  conclue  par  Sp. 
Gassius  ;  les  autres,  qui  peut-être  furent  d'abord  les  ha- 
bitants des  douze  colonies  latines  fondées  depuis  268, 
n'eurent  pas  le  droit  de  battre  monnaie,  si  ce  n'est  des 
pièces  de  cuivre,  et  ne  gardèrent  h  jus  commercii  qu'avec 
des  restrictions.  De  là  une  distinction  entre  le  Latium 
îïiajus  et  le  Latium  minus  qui  se  répandit  beaucoup 
sous  l'Empire.  Ce  Latium  minus  ouvrait  la  cité  romaine  à 
ceux  des  Latins  qui  avaient  ^èrè  une  charge  municipale  ou 
convaincu  un  magistrat  romain  de  concussion.  »  Ce  fut  en 
effet  une  des  habiletés  de  la  politique  romaine  de  s'assurer 
l'appui  des  meilleurs  éléments  des  cités  latines  en  octroyant 
le  droit  de  cité  romaine  à  quiconque  avait  exercé  une 
charge  dans  une  des  cités  latines  ;  on  le  leur  donnait  éga- 
lement quand  ils  émigraient  à  Rome  en  laissant  dans  leur 
cité  natale  un  descendant  mâle.  Aussi  les  Latins  furent-ils 
désormais  fidèles  auxiliaires  des  Romains,  recrutant  la 
moitié  de  leurs  armées,  de  leurs  colonies;  les  guerres  de 
Pyrrhus  etd'Annibal  attestèrent  la  fusion  des  deux  peuples. 
Elle  fut  consommée  quand  la  loi  Julia  et  la  loi  Plautia 
Papiria  donnèrent  à  toute  l'Italie  le  droit  de  cité  romaine; 
le  droit  civil  distinct  qu'avaient  conservé  certaines  villes 
disparut  alors.  Mais  le  droit  latin  {jus  Latii)  ne  disparut 
pas  alors.  Il  continua  de  désigner  une  condition  politique 
inférieure  au  droit  de  cité  proprement  dit  et  fut  conféré  par 
les  empereurs  à  une  quantité  de  cités  des  provinces.  Même 
après  l'admission  de  tous  les  sujets  libres  dans  la  cité 
romaine  par  Caracalla  (212),  il  y  eut  encore  ce  qu'on 
appela  Latini  Juniani,  descendants  d'esclaves  que  des 
citoyens  romains  avaient  affranchi  sans  observer  les  pres- 
criptions légales.  Cette  dernière  distinction  fut  abolie  par 
Constantin.  A.-M.  B. 

BiEiL.  :  Outre  les  ouvrages  généraux  sur  l'Italie  et  Rome, 
parmi  lesquels  il  faut  faire  une  place  spéciale  à  celui  de 


Cluvier  [Italia  antiqua;  Leyde,  1624, 2  vol.  in-fol.),  base  des 
travaux  ultérieurs,  nous  citerons:  Kircher^V etus Latium; 
Amsterdam,  1671,  in-fol.  (médiocre).  —  Volpi,  Vfitus  La- 
tium profanum  et  sacrum;  Rome,  1704-48,  10  voi.  in-4 
(très  médiocre).  —  WE.STPiiAL,Die  RœmischeKampagne  in 
topographischer  und  antiquarischer  Hinsicht  dargestellt; 
Berlm,  1829,  in-1.  —  W.  Gkll,  Topography  of  Rom  and 
Us  vicinity  ;  Londres,  1834,  2  vol.  in-8  (avec  excellente 
carte);  2"  éd.,  1846.  —  Nibby,  Analisi  slorlco-topogvafico- 
antiquaria  délia  Carta  dei  dintovni  di  Roma;  Rome,  1837, 
3  vol.  in-8;  2«  éd.,  1840.  —  Bor.maxn,  Altlatinische  Choro- 
graphie  und  Stsedtegeschichte;  Halle,  1852,  in-8.—  Abeki^n, 
Mittelitalien  zur  Zèit  der  rœmischen  Herrschaft  ;  Stutt- 
gart, 1843.  —  Zœller,  Latium  und  Rom,  Forscfiungen 
ûber  Vire  gemeinsame  Geschicfite  bis  zum  Jahr  338  vor 
C/irii'/us  ,•  Leipzig,  1878.  —  Dj<:  la  I^lanchkre,  Terracine, 
dans  Bihl.  des  Éc.  d'Athènes  et  de  Rome. 

LATMUS  (Mont).  Montagne  de  l'Asie  Mineure,  de 
4,500  m.  d'alt.,  à  l'E.  de  Milet,  dans  la  Carie;  c'est  là 
que  la  légende  plaçait  les  amours  d'Artémis  et  d'Endy- 
myon;  ce  dernier  y  avait  son  tombeau  et  une  chapelle.  Au 
pied  s'étendait  le  golfe  Lalmique  comblé  depuis  par  les 
alluvions  du  Méandre;  il  n'en  reste  que  le  lac  de  Baffi  ou 
Akis  tchau  long  de  18  kil.,  large  de  il  kil. 

LATOMIES  (Archit.).  De  nombreux  exemples  pris  dans 
les  auteurs  et  dans  les  inscriptions  montrent  que  ce  mot 
grec,  transporté  dans  la  langue  latine  après  la  conquête  de 
la  Sicile,  désignait,  en  général,  les  carrières  d'où  étaient 
extraites  les  pierres  de  construction  ;  mais,  par  suite  delà 
conversion,  à  Syracuse,  d'une  ancienne  carrière  aban- 
donnée en  prison  publique  de  la  ville,  le  mot  latomies  prit 
peu  à  peu  ce  dernier  sens.  Cicéron,  qui  avait  probablement 
vu  les  latomies  de  Syracuse,  les  décrit  {Contre  Verres, 
27)  comme  un  ouvrage  grandiose  bien  digne  des  anciens 
tyrans  de  Sicile  et  consistant  en  une  immense  cavité  creusée 
très  profondément  dans  le  roc,  mais  laissée  à  ciel  ouvert, 
de  sorte  que  les  prisonniers  y  étaient  exposés  à  toutes  les 
intempéries  des  saisons.  Cette  prison  avait  un  stade  (env. 
200  m.)  de  longueur  et  deux  plèthres  (env.  3P>  m.)  de  lar- 
geur et  servait  non  seulement  à  renfermer  les  prisonniers 
de  Syracuse,  mais  encore  ceux  des  autres  villes  de  la 
Sicile.  A  Rome,  le  Tullianum  (V.  ce  mot)  était  aussi 
quelquefois  appelé  Latomies.  Charles  Lucas. 

LATOMUS  (Barthélémy),  surnommé  Steinmetz  ou  le 
Masson,  philologue  belge,  né  à  Arlon  vers  1485,  mort  à 
Coblentz  en  1570.  Il  enseigna  de  bonne  heure  la  philolo- 
gie à  Fribourg-en-Brisgau,  à  Trêves,  à  Cologne,  et  fut  enfin 
appelé  à  occuper  la  première  chaire  d'éloquence  latine  créée 
par  François  I^"*  au  Collège  de  France.  Il  quitta  l'enseigne- 
ment vers  1542  pour  devenir  conseiller  de  l'électeur  de 
Trêves.  Là  il  fut  entraîné  dans  les  querelles  religieuses  qui 
agitaient  l'Allemagne,  écrivit  des  livres  de  polémique  ar- 
dente, notamment  contre  Dathenus  (V.  ce  nom)  et  prit  part 
aux  fameux  colloques  de  Ratisbonne  et  de  Worms.  Comme 
philologue,  Latomus  fit  preuve  d'une  érudition  extraordi- 
naire et  d'une  critique  pénétrante.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  Summa  totius  rationis  disserendi^  uno  eodemque 
corpore  et  dialeciices  et  rhetorices  partes  complectens 
(Cologne,  1527,  in-8,  souv.  rééd.);  Epitome  coynmen- 
tariorum  Dialecticœinventionis  ÈodolphiAgricolœ  (icL, 
1530  ;  rééd.,  1534,  in-8)  ;  Georgii  TropexMntii  de  Ile  dia- 
lecfica  libelliis,  una  cum  scholiis  Joannis  Noviomagi 
et  B.  Latomiillustratus  (id.^  1544,  in-8;  Lyon,  1545, 
in-8;  Cologne,  1549,  in-8);  De  Laudibus  eloquentiœ 
et  Ciceronis  (Paris,  1535,  in-8).  Il  avait  aussi  donné  des 
éditions  savantes  de  plusieurs  auteurs  classiques,  notam- 
ment de  Cicéron  et  d'Horace.  Les  œuvres  polémiques  de 
Latomus  présentent  un  grand  i)itérêt  pour  l'histoire  reli- 
gieuse de  l'Allemagne  au  xvi^  siècle  ;  nous  citerons  notam- 
ment :  /].  Latomi  adversus  ili.  Bucerum  de  controver- 
siis  quibusdam  ad  religionem  pertinentibus  altéra 
plenaque  d6/<?rmo  (Cologne,  4544,  in-4);  Uandlungeyi 
des  Colloquiums  zuRegenspurg  (id.,  1546,  in-8);  lïes- 
ponsio  B.  Latomi  ad  impudentissima  conviiia  et  ca- 
lumnias  P.  Datheni  {id.,  4558,  in-4).  E.  H. 

BiBL.  :  L.  IIOERSCH,  B.  Latomus,  le  premier  profes- 
seur d'éloquence  latine  au  Collège  royal  de  France,  dans 
Bullet.  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3«  sér.,  XIV. 


LATOMUS  —  LA  TOUCHE 


1014 


LATOMUS  (Jean),  prieur  du  monastère  du  Trône~de~ 
la-Vierge,  à  Grobbendonck,  né  à  Berg-op-Zoom  en  1523, 
mort  en  1578.  On  lui  attribue  la  découverte  dans  le  cou- 
vent de  Sainte-Agnès,  près  de  Zwolle,  du  manuscrit  de 
Vlmiiation  par  Thomas  a  Kempis. 

LATO N  A  (ZooL).  Genre  de  Crustacés  Cladoccres,  famille 
des  Sidides,  établi  pour  une  espèce  (L.  setifera)  dont  l'aire 
paraît  fort  circonscrite, découverte  en  Norvège  dans  les  lacs 
profonds,  mais  qu'on  aurait  retrouvée  au  lac  Michigan  ;  ce 
genre  se  distingue  des  autres  Sidides  par  la  tête  à  bouclier 
médiocre  et  au  bec  aplati,  par  les  antennes  antérieures 
longues,  enferme  de  fouet,  par  le  rameau  inférieur  des  an- 
tennes postérieures  tri-articulé,  le  rameau  supérieur  est 
bi-articulé,  avec  l'article  basilaire  prolongé  en  un  appendice 
sétigère.  Le  mâle  possède  des  appendices  copulateurs  à 
l'abdomen,  mais  la  première  paire  de  pattes  est  dépourvue 
de  crochets.  Le  genre  Latonopsis  Sars  paraît  représenter 
ce  type  en  Australie.  R.  Montez. 

LATONE  (Myth.)  (V.  Lêto). 

LATO  PO  LIS  (Archéol.  égypt.).  Nom  donné  par  les 
Grecs  à  la  ville  de  Sni,  aujourd'hui  Esneh,  qui  à  l'époque 
gréco-romaine  devint  la  capitale  du  nome  Latopolitès 
(nom  hiéroglyphique  Ten).  Le  nom  de  Sni  s'écrivait  par 
l'hiéroglyphe  du  poisson  latiis  vénéré  en  cette  ville  :  d'où 
son  appellation  grecque. 

LATOUCHE  (Claude  Guimondde)  (V.  Guimond). 
LA  TOUCHE  (FiLLEAu  de)  (V.  Filleau  de  La  Touche). 
LATOUCHE(Gervaise  de)  (V.  GervaisedeLa  Touche). 
LATOUCHE  (L'abbé  Robert- Auguste),  théologien  et 
orientaliste  français,  né  à  Avranches  en  avr.  1783,  mort  à 
Paris  le  8  août  1878.  Soldat  en  1800,  il  fut  réformé  pour 
faiblesse  de  constitution  et  entra  au  grand  séminaire.  Or- 
donné prêtre  en  1808,  il  professa  la  rhétorique  au  collège 
d'Avranches  et  prit  une  part  active  aux  missions  diocé- 
saines organisées  sous  la  Restauration.  11  créa  à  Paris,  en 
1824',  les  premières  écoles  du  soir  pour  les  ouvriers  et  fut 
ensuite  aumônier  du  collège  royal  de  Strasbourg,  puis 
principal  à  Colmar.  Il  quitta  l'université  en  1834  pour  se 
consacrer  à  la  prédication  et  à  l'étude  de  l'hébreu  ;  il  vint 
alors  à  Paris  où  il  est  resté  jusqu'à  sa  mort,  enseignant 
l'hébreu  et  les  différentes  langues  orientales  ou  européennes 
qu'il  ramenait  à  l'hébreu  par  la  comparaison  des  racines 
primitives  ;  il  prétendait  que  l'hébreu  pouvait,  aussi  bien 
que  le  sanscrit,  servir  de  point  de  comparaison  pour  l'étude 
des  langues  indo-européennes,  et  il  allait  même  jusqu'à  lui 
rattacher  le  chinois  et  les  idiomes  océaniens.  Il  est  inutile 
de  dire  que  ce  système  ne  pouvait  qu'engendrer  des  erreurs 
et  des  déceptions,  car  il  ne  s'appuyait  que  sur  les  analogies 
entre  les  sons  des  mots  sans  avoir  au  préalable  fixé  les 
lois  phonétiques  qui  sont  la  base  de  toute  grammaire  com- 
parative. L'abbé  J^atouche  a  laissé  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages, principalement  des  grammaires  et  des  dictionnaires 
basés  sur  sa  méthode.  Les  principaux  sont  :  Grammaire 
hébraïqîic  {Paris ^  1836)  ;  Panorama  des  langues,  Clef 
de  V étymologie  (1836);  Dictionnaire  hébreu  raisonné 
initiant  à  la  connaissance  de  toutes  les  /aw^w^s  (Rennes, 
1845)  ;  Psaumes  de  David,  traduction  d'après  le  texte 
hébreu  (Rennes,  1845);  Chrestomatie  héb7mque(Var\s, 
1849)  ;  Dictionnaire  idio-étijmologique  hébreu- français 
(1855);  Dictionnaire  grec-hébreu  (1856);  llacines 
grecques  ramenées  aux  langues  orientales^  etc.  (1856); 
Cosmogonie  mosaïque,  etc.  (1858)  ;  Philosophie  des 
la7igues(iSQ'd). 

Son  neveu,  Emmanuel,  ne  k  Avranches  en  1812,  mort 
à  Paris  en  1881,  a  été  répétiteur,  puis  secrétaire  de  l'Ecole 
des  langues  orientales  et  bibliothécaire  de  la  Sorbonne. 
On  a  de  lui  :  Firouz  ben  Kaous,  Pend  7idmeh  ou  Code 
moral,  etc.  (Paris,  1847,  in-8).  E.  Drouin. 

LATOUCHE  (Hyacinthe-Joseph-Alexandre  Tharaut  de), 
dit  Henri  de  Latouche,  littérateur  français,  né  à  La  Châtre 
(Rerry)  le  2  févr.  1785,  mort  à  Aulnay,  près  de  Paris,  le 
9  mars  1851.  Neveu  d'un  conventionnel  devenu  adminis- 
trateur de  la  Loterie,  il  ne  reçut  qu'une  première  éduca- 


tion classique  fort  imparfaite  et  ne  poussa  loin  non  plus 
l'étude  du  droit  qu'il  abandonna  bientôt  pour  une  modeste 
place  dans  l'administration  des  Droits  réunis.  Son  début 
littéraire  fut  une  mention  au  concours  de  l'Académie  fran- 
çaise pour  un  poème  sur  la  Mort  de  Pwtrou  (1811),  suivi 
bientôt  d'une  comédie  en  un  acte  et  en  vers  :  les  Projets 
de  sagesse,  qui  n'obtint  qu'un  demi-succès.  Latouche  passa 
ensuite  trois  ans  en  Italie,  chargé  par  François  de  Neu- 
château  d'une  mission  dont  le  but  est  demeuré  inconnu. 
Revenu  en  France  au  début  de  la  Restauration  et  n'ayant 
plus  l'emploi  qui  assurait  sa  vie  matérielle,  il  écrivit  divers 
ouvrages  de  circonstance,  dont  quelques-uns  lui  procurèrent 
des  ressources,  tels  que  :  Histoire  et  procès  complet  des 
prévenus  de  V assassinat  de  Fualdès  (1818,  2  vol.  in-8) 
et  complétépar  des  Mémoires  deM''^^  Manson  (1818,  in-8), 
l'une  des  accusées  de  ce  même  procès,  et  une  Biographie  pit- 
toresque des  députés  (1820,  in-8).  Vers  le  même  temps, 
il  publia  les  Dernières  Lettres  de  deux  amants  de  Bar- 
celone (1821,  in-8),   supposées  écrites  pendant  la  peste 
qui  venait  de  ravager  la  ville  ;  Un  Guide  à  Montmorency 
(1823,  in-18).  Il  fut  collaborateur  d'Emile  Deschamps 
pour  deux  comédies  en  vers,  Selrnours  et  le  Tour  de  fa- 
veur, jouées  toutes  deux  au  théâtre  Favart  et  dont  la 
seconde  obtint  plus  de  cent  représentations.  C'est  alors 
aussi  que  lui  furent  confiés  les  manuscrits  d'André  Chénier 
(V.  ce  nom)  et  qu'il  en  tira  un  premier  recueil  (1819)  où 
il  n'avait  pas,  quoi  qu'on  en  ait  dit  plus  tard,  outrepassé 
ses  devoirs  d'éditeur.  Collaborateur  du  Constitutionnel, 
suspendu  en  1817  pour  un  article  sur  le  Salon  de  1817  où 
il  avait  risqué  une  vague  allusion  au  roi  de  Rome,  et,  direc- 
teur du  Mercure  du  XW  siècle,  il  fit  à  la  Restauration 
et  à  ses  représentants  une  guerre  impitoyable,  qu'il  renou- 
vela d'ailleurs  dans  le  Figaro,  après  les  journées  de  Juillet, 
contre  Louis-Philippe  et  ses  ministres.  Il  passa  les  vingt 
dernières  années  de  sa  vie  dans  l'ermitage  qu'il  avait 
acquis  près  de  Sceaux  d'oti  il  a  daté  de  nombreuses  poé- 
sies et  la  plupart  de  ses  ouvrages.  Antérieurement  à  cet 
exil  volontaire,  motivé,  dit-on,  par  la  chute  retentissante 
d'une  comédie  en  cinq  actes,  la  Reine  d'Espagne  (Théâtre- 
Français,  1831)  et  par  les  représailles  que  lui  attira  de 
la  part  de  G.  Planche  un  article  célèbre  sur  la  Camara- 
derie^   littéraire    {Revue    de   Paris),    Latouche   avait 
publié  plusieurs  romans  et  nouvelles  :  Olivier  Brussen 
(1823,  2  vol.  in-12),  traduction  ou  plutôt  imitation  du 
conte  d'Hoffmann    intitulé   M^^^  de  Scudéry;    Olivier 
(1826,  in-12),  mystification  anonyme,  et  sur  une  donnée 
scabreuse,  dirigée  contre  les  admirateurs  de  M^^^  de  Duras 
qui  avait  écrit  mais  non  publié  un  récit  sentimental  sous 
ce  même  titre;  Clément  XIV et  Carlo  Bertinazzi  (1827, 
in-18),  correspondance  apocryphe  dont  un  passage  d'une 
lettre  de  Galiani  à  M^«  d'Epniay  lui  avait  fourni  l'idée 
première;  Fragoletta,  Naples  et  Paris  en  1199  (1829, 
2  vol.  in-8),  etc.,  histoire  d'un  hermaphrodite.  De  1833 
à  1850, on  lui  dut  encore:  Vallée  aux  loups  (1833,  in-8), 
mélange  de  vers  et  de  prose;  Grangeneuve  (1835,  2  vol. 
in-8);  France  et  Marie  (1836,  2  vol.  in-8);  Léo  (1840, 
2  vol.  in-8);  Un  Mirage  [iS^d,  in-8);  Adrienne  {;iS4!^, 
in-8),  et  trois  recueils  de  poésies  :  Adieux  (1844,  in-12). 
lypi®  Pauline  de  Flougergues,  qui  avait  veillé  sur  les  der- 
nières années  de  l'écrivain,  a  donné  un  recueil  posthume  : 
Encore  Adieu  (iSo'i,  in-12).  Les  papiers  de  Latouche 
(renfermant,  dit-on,  des  fragments  inédits  de  Chénier)  ont 
été  pillés  et  détruits  lors  de  l'invasion  de  1870.      M.  Tx. 
BiiiL.  :  Sainte-Beuve,   Causeries  du  lundi,  t.    III.   — 
G.  Sand,  Histoire  de  ma  vie.  -—  Lefèvre-Dauaiier,  Célé- 
brités   d'autrefois,    1853,   in-12.  —   Henry  Monnier,  Mé- 
moires de  M.  Joseph  Prudhomme,  1857,  2  vol.  in-18. 

LA  TOUCHE  (Gaston),  peintre  et  graveur  français,  né 
à  Sainl-Cloud  en  1854.  Il  fut  élève  de  Manet.  On  cite 
parmi  ses  envois  aux  Salons  :  Conversation  et  Le  Tréport 
(1880);  le  Trépassé  (1881);  Un  Incendie  à  Londres 
(1882)  ;  Misère  (1883)  ;  la  Légende  dupoint  d'Argentan 
(1884)  ;  Napoléon  UI  à  Wilhemshœhe  et  la  Sainte  Fa- 
mille, triptyque  (1886)  ;  Première  Communion  (1889). 


1015  - 


LA  TOUCHE  —  LA  TOUR 


En  1890,  m  Champ  de  Mars  :  les  Pivoines^  Portrait  de 
ma  mère  ;  en  1892  :  la  Sainte-Cène^  Lever  de  Inné  sur 
la  mer^  le  Rêve  du  Dante  et  des  pastels  ;  en  1893  :  Cha- 
grin d'amour^  le  Charme,  rOrage,  Communion  bre- 
tonne ;  en  1894:  les  Amoureux,  Vague  de  V Océan, 
le  Logis  de  la  Belle  au  bois  dormant.  Charité  chré- 
tienne. M.  La  Touche  est  au  nombre  des  peintres  qui 
ont  cherché,  en  ces  derniers  temps,  à  placer  dans  des 
cadres  modernes  les  scènes  de  l'Evangile.  Il  a  aussi 
sculpté  des  médaillons  (Enijo,  1874;  Portrait  de  Got, 
1877),  gravé  des  eaux-fortes  et  des  pointes  sèches:  la 
Ferme  de  La  Haye  (1877)  ;  la  Prière  pendant  la  tem- 
pête (1880)  ;  la  Comptabilité,  d'après  Ribot;  Un  Inté- 
rieur d'étudiant;  les  Esprits  des  ténèbres  (1890)  ;  et 
12  pointes  sèches  pour  r Assommoir  en  1879.  E.  Br. 
LATOUCHE-Tréville  (Louis-René-Madeleine  Le  Vas- 
soR  de),  amiral  français,  né  à  Rochefort  le  3  juin  1745, 
mort  le  30  août  1804.  Il  était  entré  jeune  dans  la  marine 
et  y  resta  jusqu'en  1768.  Après  avoir  été  quelque  temps 
capitaine  d'une  compagnie  de  cavalerie,  il  demanda  à  ren- 
trer dans  la  marine.  Il  se  distingua  plusieurs  fois  dans  la 
guerre  de  l'indépendance  de  l'Amérique.  En  1786,  il  con- 
courut à  la  rédaction  du  code  maritime  et,  en  1789,  il  fut 
envoyé  comme  député  aux  Etats  généraux  par  le  bailliage 
de  Montargis.  Il  reprit  du  service  dans  la  marine  en  1792 
et  conduisit  avec  succès  plusieurs  expéditions.  Il  fut  néan- 
moins destitué  et  emprisonné  en  1793,  et  ne  fut  rendu  à 
la  liberté  qu'à  la  réaction  de  Thermidor  ;  il  ne  put  même 
être  réintégré  sur  les  cadres  de  la  marine  qu'après  le 
18  brumaire,  il  commanda  une  escadre  à  Brest  et  se  ren- 
contra devant  Boulogne  avec  l'amiral  anglais  Nelson  qu'il 
obligea  à  la  retraite  (1801).  Chargé  ensuite  de  diriger 
l'expédition  de  Saint-Domingue,  il  força  la  rade  de  Port- 
au-Prince.  A  son  retour  en  1804,  il  commanda  l'escadre 
delà  Méditerranée,  et  sa  présence  empêcha  les  Anglais  de 
prendre  la  rade  de  Toulon.  Il  mourut  à  bord  du  Bucen- 
taure  qu'il  montait.  G.  R. 

BiBL.  :  ViAui)  et  Fleurv,  Histoire  de  la,  ville  et  du  port 
de  Rochefort  ;  Rochefort,  1815,  t.  II. 

laïque.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr.  de 
Saint-Gaudens,  cant.  d'Aurignac;  620  hab. 

LATOUKA.  Peuplade  africaine  du  bassin  du  Nil,  établie 
à  l'E.  des  monts  Lofit,  entre  le  Nil  blanc  et  le  Sohat.  Ils 
sont  de  race  galla,  mais  fortement  métissés  par  les  unions 
avec  les  nègres  de  la  vallée  du  Nil. 

LATOUR.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr.  de 
Muret,  cant.  de  Montcsquieu-Volvestre  ;  206  hab. 

LA  TOUR-d'Auvergne.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Puy- 
de-Dôme,  arr.  d'Issoire  ;  2,142  hab.  Elevage  de  bestiaux. 
Fabrique  de  fromages.  La  ville,  aux  rues  étroites  et  escar- 
pées, s'étage  sur  une  colline  terminée  par  des  orgues 
basaltiques  et  dominant  la  Burande.  C'était  au  moyen  âge 
une  importante  seigneurie. qui  a  donné  son  nom  à  la  famille 
de  La  Tour,  dont  le  plus  ancien  représentant  connu  est 
Bertrand,  qui  vivait  au  commencement  du  xiii^  siècle.  La 
maison  de  La  Tour  a  donné  naissance  aux  seigneurs  de 
Montgascon,  à  ceux  d'Oliergues,  aux  vicomtes  de  Turenne, 
aux  ducs  de  Bouillon,  à  ceux  d'Albret  et  de  Château- 
Thierry,  aux  comtes  d'Auvergne,  aux  seigneurs  de  Mu- 
rait, etc.  Il  ne  subsiste  que  des  vestiges  informes  de  l'an- 
cien château  seigneurial. 

LATOUR-de-Cârol.  Com,  du  dép.  des  Pyrénées-Orien- 
tales, arr.  do  Prades,  cant.  de  Saillagouse  ;  602  hab. 

LATO  UR-de-France.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  des  Pyré- 
nées-Orientales, arr.  de  Perpignan;  l,37o  hab. 

LATOUR-en-Woëvre.  Coïïu  du  dép.  de  la  Meuse,  arr. 
de  Verdun-sur-Meuse,  cant.  de  Fresne-en-Woëvre;  198  hab. 

LATOUR  (De)(V.  Tour  [De  La]). 

LA  TOUR  (CAGNrARD  de)  (V.  Câgntârd  de  La  Tour). 

LA  TOUR  (Maurice-Quentin  de),  pastelliste-portraitiste 
français,  né  à  Saint-Quentin  le  5  sept.  1701',  mort  à  Saint- 
Quentin  le  17  févr.  1788.  La  Tour  est  l'artiste  qui  comprit 
le  mieux  son  époque  et  qui  fut  le  plus  imprégné  de  l'esprit  du 


xvni«  siècle.  Il  n'eut  pas  de  maître  à  proprement  parler  ;  il 
se  loue  beaucoup  des  bons  conseils  que  lui  donna  Restent  ; 
le  nom  de  cet  artiste  revient  à  chaque  instant  dans  ses  cause- 
ries et  sa  correspondance,  n  se  forma  lui-même.  Contrarié  par 
son  père  dans  sa  vocation  naissante,  il  quitte  à  quinze  ans  la 
maison  familiale  et  demande  aide  à  Tardieu  dont  il  avait 
lu  le  nom  au  bas  d'une  gravure  :  Tardieu  le  prit  sous  sa 
protection,  l'adressa  à  Delaunay,  puis  à  Vernansal,  qui 
reconduisirent.  Il  fut  enfin  accueilli  par  Spoède.  Nous  ne 
savons  pas  combien  de  temps  il  resta  chez  cet  artiste  mé- 
diocre, ni  ce  qu'il  put  y  apprendre.  Il  alla  à  Reims,  peut- 
être  en  1722,  lors  du  sacre  de  Louis  XV.    Nous   le 
trouvons  au  congrès  de  Cambrai  en  1724.  Les  plénipo- 
tentiaires se  ruinaient  en  réceptions  magnifiques  ;  La  Tour 
ne  se  laisse  pas  gagner  par  ces  dehors  factices,  il  ne  s'ins- 
pire que  de  la  vérité.  Il  fait  le  portrait  de  l'ambassadrice 
d'Espagne  avec  tant  de  naturel,  il  attrape  si  bien  la  res- 
semblance de  ceux  qui  ont  recours  à  son  talent,  que  tous 
les  grands  personnages  du  congrès  veulent  avoir  leur  eflî- 
gie  de  sa  main.  L'ambassadeur  d'Angleterre  s'intéresse 
vivement  au  dessinateur  ;  il  l'emmène  à  Londres  et  le  loge 
dans  son  palais.  A.  l'abri  du  besoin,  La  Tour  songe  à  se 
donner  une  éducation  intellectuelle  :  il  étudie  les  lettres  ; 
son  esprit  s'ouvre  aux  libertés  politiques  ;  il  devient  un  pen- 
seur. C'est  peut-être  grâce  à  ce  séjour  en  Angleterre  que 
La  Tour  devint  un  des  plus  grands  physionomistes  de  l'école 
française.  Dès  lors,  il  verra  son  modèle  autant  en  psycholo- 
gue qu'en  peintre.  «  Ils  croient  que  je  ne  saisis  que  les 
traits  de  leur  visage,  mais  je  descends  au  fond  d'eux-mêmes 
à  leur  insu  et  je  les  remporte  tout  entiers.  »  La  Tour  expose 
pour  la  première  fois  en  1737.  Champfleury  a  relevé  dans 
les  Hvrets  officiels  les  envois  de  La  Tour  aux  Salons  jus- 
qu'en l'année  1773.  On  peut  y  suivre  le  développement  de 
son  talent  et  la  formation  de  sa  prodigieuse  fortune.  Dès 
qu'il  paraît,  il  fait  impression  sur  le  public  ;  le  Mercure 
de  France  parle  de  l'effet  avantageux  qu'il  produit.  En 
1739,  le  portrait  du  Père  Fiacre  le  met  hors  de  pair; 
M^^  de  Mailly,  la  maîtresse  du  roi,  veut  être  peinte  par 
lui.  Chaque  exposition  est  un  triomphe.  Le  roi,  la  cour, 
les  philosophes  et  les  artistes  recherchent  la  faveur  d'être 
portraiturés  par  La  Tour.  Il  est  logé  dans  les  galeries 
du  Louvre  avec  une  petite  pension.  On  défile  dans  son 
ateher.  n  est  reçu  académicien  en  1746  et  nommé  conseil- 
ler en  1756.  On  ne  connaît  pas  une  seule  peinture  à  l'huile 
de  La  Tour  :  une  excessive  sensibilité  de  nerfs  lui  avait 
rendu  pénible  le  maniement  des  couleurs  déliées  dans  ce 
liquide.  Il  reprend,  en  les  multipliant,  les  crayons  des  pas- 
telhstes  du  xvi^  siècle  et,  pour  la  seconde  fois,  l'art  fran- 
çais crée  un  genre  inimitable,  fait  d'élégance,  de  finesse 
et  de  profondeur.  Il  met  peu  de  couleurs  dans  ses  tableaux. 
Ses  gammes  ne  sont  que  des  associations  de  gris  et  rose, 
de  gris  et  bleu,  de  gris  et  lilas  ;  mais,  par  la  multiplicité  des 
tons,  les  chairs  rayonnent,  les  étoffes  chatoient,  l'être  res- 
pire et  la  matière  s'agite.  Toute  sa  vie,  il  fut  préoccupé 
des  moyens  de  donner  la  durée  à  ses  œuvres  et  essaya  de 
divers  vernis.  Ce  travail  acharné,  des  spéculations  d'un 
ordre  philosophique  et  social  auxquelles  il  se  livra  sans 
mesure,  troublèrent  sa  raison.  Il  se  retira  à  Auteuil,  puis 
à  Saint-Quentin,  où  il  mourut  en  d788,  ayant  perdu  la 
direction  de  cette  volonté  qui  l'avait  conduit  à  la  fortune  et 
à  la  gloire.  L'œuvre  de  La  Tour,  en  Angleterre,  est  encore 
à  rechercher.  La  National  Galleryne  possède  aucun  pastel 
de  lai,  le  Louvre  en  expose  douze,  presque  tous  de  premier 
ordre,  et  le  musée  de  Saint-Quentin,  qui  est  l'atelier  même 
de  l'artiste,  a  quatre-vingts  numéros  du  maître.  Le  plus 
célèbre  des  pastels  du  Louvre  est  le  grand  portrait  de 
i¥'^^^  de  Pompadoiir.  Tout  ce  que  le  ra'ffinement  des  ha- 
bitudes peut  donner  d'élégance  à  une  femme  a  été  rendu 
par  le  dessinateur;  tout  ce  que  la  coquetterie  et  le  luxe 
peuvent  lui  prêter  d'éclat  a  été  saisi  :  c'est  le  triomphe  du  joli  ; 
La  Tour  est  resté  vrai  en  restant  superficiel.  Deux  mo- 
dèles qu'il  a  étudiés  avec  passion  sont  Marie  Leczinska  et 
la  Dauphine  Marie- Josèphe  de  Saxe,  Il  faut  citer  encore 


LA  TOUR 


1016 


les  effigies  du  Maréchal  de  Saxe,  de  René  Fremin^  le 
sculpteur,  et  son  propre  portrait  :  l'artiste  s'est  représenté 
sans  poudre,  dans  sa  blouse  de  travail.  Nulle  part  le 
xYiii^  siècle  n  est  plus  vivant  qu'au  musée  de  Saint-Quen- 
tin. La  cour,  le  théâtre,  les  artistes  et  les  philosophes  nous 
livrent  leur  âme  dans  ce  sourire  que  des  juges  prévenus 
ont  parfois  reproché  au  pastelliste,  mais  qui  n'est  que 
l'expression  de  la  vérité  à  une  époque  spirituelle  et  aimable 
entre  toutes.  Les  préparations  de  La  Tour  du  musée  de 
Saint-Quentin  sont  encore  plus  précieuses  que  les  beaux 
portraits  si  achevés  du  peintre  Silvestre  et  de  VAbbé  Hu- 
bert, ce  liseur  passionné  dont  la  figure  semble  se  transfor- 
mer à  chaque  ligne  du  livre  sur  lequel  il  reste  penché.  Le 
dessinateur  a  eu  la  main  particulièrement  délicate  pour 
exprimer  le  charme  féminin  :  M^^  Mondonville,  M^^^  Ca- 
margo,  M^^*^  Dangeville,  nous  enchantent  encore  par  la 
séduction  de  leur  regard  et  de  leur  sourire.  Latcte  de  l'ado - 
rable  3i"*  Fel,  le  chef-d'œuvre  de  l'artiste,  est  touchée  d'un 
crayon  si  léger  qu'elle  semble  entrevue  dans  un  rêve  de 
grâce  voluptueuse.  —  La  Tour  fit  un  bel  usage  de  la  fortune 
qu'il  avait  glorieusement  acquise  :  il  fonda  en  1776,  à  Paris, 
trois  prix  :  le  premier,  d'anatomie;  le  second,  de  perspec- 
tive ;  le  troisième,  de  demi-figure  peinte.  Celui-ci  se  distri- 
bue encore  aux  élèves  de  l'Ecole  des  beaux-arts.  En  1778, 
il  établit  à  Saint-Quentin  une  école  gratuite  de  dessin  et 
un  bureau  de  charité.  Marie  Bengesco. 

BiBL.:  Du  Plaquet,  Eloge  historique  de  Maurice-Quen- 
tin de  Lu  Tour,  peintre  du  roi  ;  Saint-Quentin  et  Pads, 
1788,  in-8.  —  Bucelly  d'Estrées,  De  La  Tour,  1831.  — 
Ch.  Desmaze,  Maurice-Quentin  de  La  Tour,  peintre  du 
roi;  Saint-Quentin,  1853,  in-8,  et  Paris,  1854.  —  Ph.  de 
Chenevières,  Maurice-Quentin  de  La  Tour  [Portraits  iné- 
dits d'artistes  français),  1854,  in-fol.  —  Champfleury,  les 
Peintres  de  Laon  et  de  Saint-Quentin  ;  Paris,  1855,  in-fol. — 
E.  et  J.  DE  GoNCouRT,  La  Tour  ;  Paris,  1867,  in-4.  —  Guif- 
FRE  Y  etM.  TouRNEux,  Correspondance  inédite  de  Maurice- 
Quentin  de  La  Tour;  Paris,  1885,  in-8.  —  Champfleury, 
La  Tour^  dans  Collection  des  A  rtistes  célèbres  ;  Paris,  1886. 

LATOUR  (Jean-Baptiste  Tenant  de),  littérateur  et  bi- 
bliographe français,  né  en  Périgord  en  1779,  mort  au 
Chaland  (Haute-Vienne)  en  sept!  4862.  Garde  du  corps 
auprès  de  Louis  XVIII  de  4814  à  4815,  puis  chef  du  per- 
sonnel de  l'administration  des  postes,  enfin  bibliothécaire 
du  roi  Louis-Philippe  au  château  de  Coaipiègne.  On  lui  doit 
une  édition  de  Poésies  de  Malherbe,  avec  un  commentaire 
inédit  d'André  Chénier  (4842)  ;  les  éditions  critiques  des 
OEuures  de  Chapelle  et  Bachaumont  (4834)  et  de  Ra- 
can  (1857);  Mémoires  d'un  bibliophile  (1863). 

LATOUR  (Jean-Raimond-Jacques-Amédée) ,  médecin 
français,  né  à  Toulouse  le  42  juin  4805,  mort  à  Châtillon 
(Seine)  le  28  juin  4882.  Il  se  livra  au  journalisme  médical 
et  ne  tarda  pas  à  s'y  placer  au  premier  rang.  Il  fut  suc- 
cessivement rédacteur  en  chef  du  Journal  hebdomadaire 
de  médecine  (1836),  de  h  Presse  médicale  (4837)  et  de 
la  Gazette  des  médecins  praticiens  (4839);  il  publia  de 
1841  à  4847, sous  le  pseudonyme  da  Jea7i-Raimond,  des 
feuilletons  pleins  d'esprit  dans  la  Gazette  des  hôpitaux, 
fonda  en  1845  le  Congrès  médical,  et  en  1847  V Union 
médicale,  dont  il  resta  le  rédacteur  en  chef  jusqu'à  sa 
mort.  C'est  lui  qui  eut  l'idée  de  l'Association  générale  de 
prévoyance  et  de  secours  mutuels  des  médecins  de  France, 
qu'un  décret  impérial  de  1858  fonda  définitivement.  Les 
services  qu'il  a  rendus  à  la  profession  médicale  sont  du  reste 
très  nombreux.  D*"  L.  Hn. 

LATOUR  (Antoine  Tenant  de),  littérateur  français,  né 
à  Saint- Yrieix  le  30  août  4808,  mort  à  Sceaux  le  27  août 
1881,  fils  de  Jean-Baptiste  (V.  ci-dessus).  Elève  de 
l'Ecole  normale  (promotion  de  1826),  il  devint  en  1832 
précepteur  du  duc  de  Montpensier  et  en  1843  secrétaire  des 
commandements  de  ce  prince.  11  a  laissé  :  la  Vie  intime, 
poésies  (Paris,  1839,  in-8);  Essai  sur  l'étude  de  l'his- 
toire de  France  au  xix^  siècle  (1835,  in-8);  Luther 
(1835,  in-12);  Poésies  complètes  (1841,  in-4  2)  ;  Petits 
Chefs-d'œuvre  historiques  (1846,  in-4  2);  Relation  du 
voyage  en  Orient  du  duc  de  Montpensier  (4847,  in-8)  ; 
Etudes  sur  l'Espagne  (1855, 2  vol.  in-12);  Don  Miguel  de 


Manara  (1857,  in-12)  ;  la  Baie  de  Cadix  (1838,  in-12)  ; 
V  Espagne  religieuse  et  littéraire  (1862,  in-12);  Tolède 
et  les  bords  du  Tage  (1860,  in-12);  Etudes  littéraires 
sur  l'Espagne  contemporaine  (1864,  in-12);  Espagne, 
Traditions,  mœurs  et  littérature  (1868,  in-12);  Va- 
lence et  Valladolid  {iSll ,  in-4 2)  ;  Psyché  en  Espagne 
(4879,  in-4 2),  etc.,  et  des  traductions,  avec  éludes, 
d'Alfiori,  de  Manzoni,  de  Silvio  Pellico,  de  Calderon,  etc. 

LATOUR  (Gustave,  comte  de),  homme  politique  français, 
né  dans  les  Côtes-du-Nord  en  1809.  Compromis  en  1832 
dans  les  troubles  de  la  Vendée,  il  fut  obligé  de  quitter  la 
France  et  prit  du  service  dans  l'armée  autrichienne  où  il 
parvint  au  grade  de  capitaine.  Après  le  coup  d'Etat  du 
2  décembre  1831,  il  rentra  en  France  et  fut  nommé  avec 
l'appui  du  gouvernement  député  au  Corps  législatif  par 
l'arr.  de  Lannion  qui  le  réélut  jusqu'à  la  chute  de  l'Em- 
pire. Depuis  lors,  il  a  vécu  dans  la  retraite.  M.  de  La- 
tour  a  collaboré  à  la  Revue  contemporaine  ainsi  qu'à 
d'autres  journaux  et  recueils  littéraires  et  politiques,  et 
dirigé  la  Bretagne,  journal  de  Saint-Brieuc.  Il  a  publié: 
Bu  Mouvement  social  (1851,  in-8);  Stérilité  des  mis- 
sions protestantes  (iSljS,  in-18);  Scènes  de  la  vie  hon- 
groise (4860,  in-48);  Nouvelles  Scènes  de  la  vie  hon- 
groise (1864,  in-18),  etc. 

LA  TOUR  d'Auvergne  (V.  Bouillon  [Ducs  de]  et  Tour 
d'Auvergne). 

LATOUR  DE  Saint- Ybars  (Isidore  Latour,  dit),  littéra- 
teur français,  né  à  Saint-Ybars  (Ariège)  le  19marsl810, 
mort  à  Saint-Ybars  le  28  janv.  1891.  Après  avoir  terminé 
ses  études  à  Toulouse,  concouru,  non  sans  succès,  aux  Jeux 
floraux  et  fait  représenter  un  premier  drame,  le  Comte 
de  Gourie  (1836),  il  vint  à  Paris  et  donna  au  Théâtre- 
Français  :  Virginie,  tragédie  (1845),  qui,  malgré  le  con- 
cours de  Rachel,  ne  réussit  qu'à  demi,  et  le  Vieux  de  la 
Montagne  (1847),  dont  le  sort  ne  fut  pas  meilleur.  Les 
autres  tentatives  dramatiques  de  Latour  de  Saint-Ybars  : 
le  Tribun  de  Palerme  (Odéon,  1842)  ;  le  Syrien  (1847)  ; 
le  Droit  Chemin  (1853);  les  Routiers  (Porte-Saint-Mar- 
tin, 1834)  ;  l'Affranchi  (Odéon,  1870),  n'ont  pas  été  plus 
favorisées.  En  1868,  les  démêlés  de  l'auteur  avec  le  comité 
de  lecture  du  Théâtre-Français  au  sujet  de  l'admission  à 
correction  d'Alexandre  le  Grand,  drame  en  vers,  ame- 
nèrent la  modification  de  ce  comité,  mais  la  pièce  ne  fut 
pas  jouée.  Latour  de  Saint-Ybars  avait  publié  une  étude 
historique  sur  Néron,  sa  vie  et  son  époque  [i^^Q,  in-8), 
collaboré  durant  quelques  semaines  au  Figaro  (4868)  et 
donné  au  Temps  des  Nouvelles  romaines.        M.  Tx. 

LATO  U  R-DuMOULiN  (Pieri  e-Célestin),  publiciste  et  homme 
politique  français,  né  à  Paris  le  18  févr.  1822,  mort  à 
Beauvoir  (Doubs)  le  23  févr.  1888.  Après  s'être  fait  con- 
naître comme  économiste  sous  la  monarchie  de  Juillet,  il 
fut,  sous  la  seconde  Piépublique,  un  des  journalistes  les  plus 
dévoués  au  prince  Louis-Napoléon.  Nommé  en  4832  direc- 
teur de  l'imprimerie,  de  la  librairie  et  de  la  presse  au  mi- 
nistère de  la  police  générale,  il  fut  l'année  suivante  élu 
député  (avec  l'appui  du  gouvernement)  dans  le  dép.  du 
Doubs,  obtint  le  renouvellement  de  son  mandat  en  1857 
et  en  1863  ;  mais,  à  partir  de  cette  dernière  époque,  se 
prononça  contre  l'Empire  autoritaire  qu'il  avait  jusque-là 
si  docilement  servi.  Aussi  l'appui  de  l'administration  lui 
fiL-il  défaut  en  1869.  Il  n'en  fut  pas  moins  réélu,  soutint 
l'interpellation  des  116  et  espéra  quelque  temps  parvenir 
au  pouvoir,  grâce  a  l'Empire  parlementaire.  Mais  la  révo- 
lution du  4  sept,  le  rejeta  pour  toujours  dans  la  vie  privée. 
—  Parmi  les  ouvrages  de  ce  publiciste,  nous  citerons  :  lJ7ie 
Solution  (4850)  ;  Etudes  politiques  sur  V administra- 
tion départementale  (4850)  ;  Lettres  sur  la  Consti- 
tution de  i852  (1864);  la  Marine  française  (4864)  ; 
Questions  constitutionnelles  {iSQl)  ;  Autorité  et  liberté 
(1874);  la  France  et  le  Septennat  (1875). 

LATOUR-Du-PiN  (V.  Tour-du-Pin). 

LATOUR-Foissac  (Philippe-François  de),  général  fran- 
çais, né  le  1 1  juil.  1 750,  mort  à  Hacqueville,  près  de  Poissy, 


1017 


LÂTOUR  —  LATOVICI 


en  févr.  1804.  Après  avoir  servi  comme  officier  du  génie 
avant  la  Révolution,  il  prit  part  à  la  bataille  de  Jemappes 
(6  nov.  1792),  devint  général  de  brigade  (15  mai  1793), 
parvint  bientôt  au  grade  de  général  de  division,  fut  envoyé 
en  Italie  au  mois  de  juil.  1798  et,  chargé  l'année  suivante 
de  la  défense  de  Mantoue,  capitula,  après  quatre  mois  de 
siège  (27  juil.  1799),  ce  qui  lui  valut  d'être,  après  le 
18  brumaire,  destitué  sans  jugement  par  Bonaparte.  Malgré 
la  publication  d'un  important  mémoire  (1801),  il  ne  put 
jamais  se  relever  de  cette  disgrâce  au  sujet  de  laquelle  l'em- 
pereur s'exprima  plus  tard  à  Sainte-Hélène  en  termes  qui 
permettent  de  croire  qu'elle  n'était  pas  tout  à  fait  méritée. 

LA  TOUR-Lândry  (V.  Tour-Landry). 

LATOUR-Maubourg  (Jean-Hector  de  Fay,  marquis  de), 
maréchal  de  France,  né  au  château  de  Maubourg  en  1674 
selon  les  uns,  et  en  1684,  selon  d'autres,  mort  à  Paris  le 
1 5  mai  1764.  Entré  aux  mousquetaires  en  1698,  il  obtint  le 
régiment  de  Ponthieu  en  1707.  Créé  inspecteur  général  de 
l'infanterie  le  1 5  mai  171 8,  il  fut  promu  brigadier  le  1^^' févr. 
1719.  Nommé  maréchal  de  camp  le  20  févr.  1734,  puis 
lieutenant  général  des  armées  du  roi  en  1738,  il  se  signala 
particulièrement  à  la  bataille  de  Dettingen  le  27  juin 
1743.  Employé  en  1746  à  l'armée  du  prince  de  Conti,  il  fit 
capituler  les  villes  de  Mons  et  Charleroi.  A  la  bataille  de 
Raucoux,  le  11  oct.  1746,  il  fut  blessé  à  la  hanche  en 
emportant  le  village.  A  l'armée  de  Flandre,  en  1747,  il 
resta  auprès  du  roi  le  jour  de  la  bataille  de  Lawfeld  (2  juil.  ) . 
En  1754,  après  s'être  démis  de  son  inspection,  il  obtint 
le  gouvernement  de  Saint-Malo  et  fut  créé  maréchal  de 
France  trois  ans  plus  tard,  le  24  févr.  1757. 

LATOUR-Maubourg  (Marie-Charles-César  de  Fay,  comte 
de),  général  et  homme  politique  français,  né  à  Grenoble 
(Isère)  le  11  févr.  1757,  mort  à  Paris  le  28  mai  1831. 
Colonel  du  régiment  de  Soissonnais  en  1789  et  député  de 
la  noblesse  aux  Etats  généraux,  il  se  rallia  au  tiers  état  et 
fut  l'un  des  commissaires  envoyés  à  Varennes  parl'Assemblée 
pour  ramener  Louis  XVI  à  Paris.  Rappelé  à  la  tête  de  son 
régiment  à  la  suite  de  la  déclaration  de  guerre,  il  fit  partie  de 
Farmée  de  La  Fayette  en  qualité  de  maréchal  decamp.  Latour- 
Maubourg  n'ayant  pu  cacher  son  indignation  après  les  événe- 
ments du  20  juin  1792  et  menacé  pour  ce  motif  de  la  pros- 
cription, quitta  l'armée  et  tenta  de  se  réfugier  en  Hollande. 
Arrêté  aux  avant-postes  autrichiens,  il  fut  livré  au  roi  de 
Prusse,  puis  ensuite  rendu  aux  Autrichiens  après  une  cap- 
tivité fort  pénible.  Mis  en  liberté  par  une  clause  spéciale 
du  traité  de  Campo-Formio,  mais  sans  toutefois  obtenir 
l'autorisation  de  rentrer  en  France,  Latour-Maubourg  ré- 
sida à  l'étranger  jusqu'au  18  brumaire,  époque  à  laquelle 
il  put  revenir  à  Paris.  Il  devint  en  1801  membre  du  Corps 
législatif  et  sénateur  en  1806.  Il  fut  alors  envoyé  en  qua- 
lité de  commissaire  extraordinaire  dans  les  dép.  de 
l'Orne,  de  la  Manche  et  du  Calvados  pour  l'organisation  de 
la  garde  nationale.  Dans  toutes  ces  missions  importantes, 
oti  il  avait  des  pouvoirs  presque  illimités,  il  montra  une 
très  grande  modération  et  fit  preuve  d'un  grand  esprit  de 
conciliation.  Il  fut  nommé  pair  de  France  en  1814. 

LATOU  R-Maubourg  (Marie- Victor-Nicolas  de  Fay,  mar- 
quis de),  général  français,  né  à  La  Motte-Galaure  (Drôme) 
le  22  mai  1768,  mort  au  château  du  Lys  le  11  nov.  1850, 
frère  du  précédent.  Sous-lieutenant  d'infanterie  en  1782, 
puis  officier  des  gardes  du  corps,  il  était  de  service  au  château 
de  Versailles  lors  des  journées  des  5  et  6  oct.  1789,  et  c'est 
lui  qui  conduisit  la  reine  près  de  Louis  XVI  lorsque  le  château 
fut  envahi  par  le  peuple.  Colonel  de  cavalerie  en  1792,  il 
émigra  après  le  1 0  août  et  tenta  de  gagner  la  Hollande, 
mais  de  même  que  son  frère  il  fut  arrêté  par  les  Autri- 
chiens ;  sa  captivité  ne  fut  cependant  pas  de  longue  durée. 
Rentré  en  France  au  commencement  de  1798,  il  devint 
successivement  à  l'armée  d'Egypte,  aide  de  camp  de  Kleber 
et  de  Menou  ;  il  reçut  sa  première  blessure  à  l'assaut 
d'Alexandrie .  Son  bouillant  courage  lui  en  réservait 
d'autres  dans  l'avenir.  Colonel  de  cavalerie  en  1805,  fait 
général  de  brigade  sur  le  champ  de  bataille  d'Austerlitz, 


général  de  division  quelques  jours  avant  la  bataille  de 
Friedland  oti  il  fut  encore  blessé,  envoyé  en  Espagne  en 
1808,  il  rendit  les  plus  grands  services  aux  batailles  de 
Madrid,  de  Cuenca  et  surtout  àMedellin  où  il  seconda  ha- 
bilement le  général  Lasalle.  Pendant  quatre  années  que 
Latour-Maubourg  resta  dans  la  péninsule,  il  sut  mériter, 
par  son  intégrité  et  sa  modération  la  reconnaissance  du 
peuple  espagnol.  Rappelé  en  France  en  1812  pour  prendre 
le  commandement  d'une  division  de  cavalerie  de  la  grande 
armée  il  se  distingua  à  la  Moskowa  et  à  Mojaïsk  et  pen- 
dant la  terrible  retraite  de  Russie.  Dans  la  campagne  de 
1813,  il  eut  la  cuisse  emportée  à  Leipzig  en  chargeant  la 
garde  impériale  russe,  iimbasseur  à  Londres  sous  la  Res- 
tauration ,  Louis  XVIIÏ  lui  confia  le  portefeuille  de  la 
guerre  et  pendant  son  ministère  de  1819  à  1821  il  fit 
rendre  plusieurs  ordonnances  importantes,  entre  autres 
celle  qui  portait  réorganisation  de  l'infanterie.  Gouverneur 
des  Invalides  jusqu'en  1830,  il  devint  ensuite  gouverneur 
du  duc  de  Bordeaux.  E.  Berinard. 

LATOUR-Maurourg  (Just-Pons-Florimond  de  Fay,  mar- 
quis de),  diplomate  français,  fils  de  Marie-Charles-César 
(V.  plus  haut),  né  à  Paris  le  9  oct.  1781,  mort  à  Rome  le 
23  avr.  1837.  Entré  dans  la  diplomatie  sous  le  Consulat, 
secrétaire  d'ambassade  à  Copenhague,  puis  à  Constantinople 
(1806),  ministre  plénipotentiaire  à  Stuttgart  (1813),  il 
lut,  sous  la  Restauration,  envoyé  au  même  titre  à  Hanovre 
(1816)  et  à  Dresde  (1819).  Nommé  ambassadeur  à  Cons- 
tantinople en  1823,  il  fut  rappelé  peu  après  et  resta  sans 
emploi  jusqu'à  la  révolution  de  Juillet.  En  1830,  il  obtint 
l'ambassade  de  Naples  et  enfin  (1831)  celle  de    Rome. 

LATOUR-Maubourg  (Rodolphe  de  Fay,  comte  de),  gé- 
néral français,  né  à  Paris  le  8  oct.  1787,  mort  au  château 
de  Boissise,  près  de  Melun,  le  27  mai  1871,  frère  du  pré- 
cédent. Il  entra  au  service  en  1806  comme  sous-lieutenant 
dans  un  régiment  de  chasseurs  à  cheval.  Il  prit  part  à  la 
grande  armée  aux  campagnes  de  1806  et  de  1807  en  Alle- 
magne. Aide  de  camp  du  général  Latour-Maubourg,  il  le 
suivit  en  Espagne  où  il  devint  capitaine  en  1809.  Colonel 
en  1815,  maréchal  de  camp  en  1826,  lieutenant  général  en 
1835,  pair  de  France  en  1845,  il  prit  sa  retraite  "en  1848. 

LATOUR-Maubourg  (Armand-Charles-Septime  de  Fay, 
vicomte  de),  diplomate  français,  né  à  Passy  le  22  juil.  1801 , 
mort  à  Marseille  le  18  avr.  1845,  frère  des  précédents. 
Attaché  à  l'ambassade  de  Constantinople  (1823),  secrétaire 
de  légation  à  Lisbonne  (1826),  puis  à  Hanovre  (1827),  il 
fut,  peu  après  la  révolution  de  Juillet,  envoyé  à  Vienne 
comme  chargé  d'affaires  (oct.  1830).  De  là  il  passa  à 
Bruxelles  comme  ministre  plénipotentiaire  (1832),  fut  en- 
suite chargé  de  l'ambassade  de  Madrid  (1836),  succéda 
l'année  suivante  à  son  frère  aîné  dans  celle  de  Rome  et  fut 
nommé  pair  de  France  le  20  juil.  1841. 

LATOUR-Maubourg  (César-Florimond  de  Fay,  marquis 
de),  homme  politique  français,  fils  du  marquis  Just-Pons- 
Florimond  (V.  plus  haut),  né  à  Dresde  (Saxe)  le  14  juil. 
1820,  mort  à  Paris  le  25  févr.  1886.  Ancien  officier  de 
cavalerie,  puis  administrateur  du  Grand-Central,  il  se  pré- 
senta comme  candidat  officiel  dans  la  première  circonscrip- 
tion de  la  Haute-Loire,  qui  l'envoya  au  Corps  législatif  en 
1852,  obtint  au  même  titre  le  renouvellement  de  son  mandat 
en  1857  et  1863,  et  à  partir  de  cette  épocjue  manifesta  une 
certaine  tendance  à  l'opposition,  ce  qui  lui  fit  perdre  l'appui 
du  gouvernement.  Il  n'en  fut  pas  moins  réélu  en  1869.  La 
révolution  du  4  sept,  le  rejeta  pour  toujours  dans  la  vie 
privée. 

Son  fils  unique,  Just  de  Fay,  comte  de  La  Tour-Mau- 
bourg,  avait  été  tué  au  combat  de  Ladon  le  24  nov.  1870. 

LATOURRETTE.  Com.  du  dép.  de  FAude,  arr.  de  Car- 
cassonne,  cant.  du  Mas-Cabardès  ;  254  hab. 

LATOURRETTE.  Com.  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr.  et 
cant.  d'Ussel;  207  hab. 

LA  TOURRETTE  (Marquis  de)  (V.  Tourrette  [La]). 

LATOVICI  (Géogr.  anc).  Peuple  celtique  qui  habitait 


LATOVICI  —  LATRAN 


1018  ~ 


sur  la  Save,  au  S.-O.  de  la  Pannonie.  On  identifie  Prœ- 
torium  Latovicarum  avec  NeustîBdt. 

BiBL.  :  Zeuss,  Die  Deutschen.  p.  256.  —  Ptolémée,  II, 
15,  2.  —  Plink,  111,28. 

LATRADE  (Louis  Châssaïgnag  de),  homme  politique 
français,  né  à  Sauvebœuf  (Dordogne)  le  23  nov.  1814, 
mort  le  26  déc.  1883.  Ancien  élève  de  l'Ecole  polytech- 
nique, il  quitta  Farmée  dès  1833  et  prit  une  part  active  à 
la  longue  campagne  du  National  contre  le  gouvernement 
de  Juillet.  Envoyé,  après  la  révolution  de  Février,  counne 
commissaire  du  gouvernement  provisoire  dans  la  Gironde, 
puis  dans  la  Corrèze,  il  représenta  ce  dernier  département 
à  l'Assemblée  constituante  (1848)  et  à  l'Assemblée  légis- 
lative (1849),  où  il  combattit  la  politique  de  l'Elysée. 
Expulsé  de  France  au  2  décembre,  il  y  rentra  en  1 868  et  lutta 
énergiquement  contre  l'Empire.  Après  avoir  administré  la 
Corrèze  comme  préfet  sous  le  gouvernement  de  la  Défense 
nationale  (1870-71),  il  la  représenta  de  nouveau,  à  partir 
d'avr.  1871,  à  l'Assemblée  nationale,  dans  les  rangs  du 
parti  républicain.  Elu  député  de  Brive  le  20  févr.  1876, 
il  fut,  pendant  la  crise  du  16  mai,  au  nombre  des  363, 
obtint  le  renouvellement  de  son  mandat  à  deux  reprises 
(14  oct.  1877,  21  août  1881)  et  resta  jusqu'à  sa  mort 
fidèle  au  programme  politique  de  Gambetta.  A.  Debidour. 

LATRAN.  Palais  et  basilique  du  S.-E.  de  Rome  (V.  ce 
mot)  qui  tinrent  une  grande  place  dans  son  histoire  au 
moyen  âge.  Il  doit  son  nom  à  la  famille  des  Laterani^ 
parmi  lesquels  on  cite  L.  Sextius  Sextinus  Lateranus,  col- 
lègue de  Licinius  Stolo  dans  le  tribunat  de  la  plèbe  de  376 
à  367  av.  J,-G.  et  premier  consul  plébéien  en  366  av. 
J.-C,  deux  consuls  de  l'époque  impériale  du  nom  de  J.  Sex- 
tius Lateranus  (en  94  et  154  ap.  J.-C.)  et  un  Plautius 
Lateranus,  amant  de  Messaline,  neveu  du  conquérant  de 
la  Grande-Bretagne,  qui  fut  impliqué  dans  la  conspiration 
de  Pison  contre  Néron  et  décapité  en  66  ap.  J.-C.  Proba- 
blement par  la  confiscation  de  ses  biens,  le  palais  de  Latran 
devint  propriété  impériale.  Il  passa  plus  tard  aux  mains  de 
l'impératrice  Fausta,  femme  de  Constantin  ;  elle  y  bâtit 
une  église  et  le  donna  à  l'évêque  de  Rome.  Le  palais  de 
Latran  devint  alors  la  résidence  des  papes  et  le  resta  jusqu'à 
leur  exode  à  Avignon.  Il  tomba  en  ruine  pendant  leur 
absence,  et,  à  leur  retour,  ils  se  fixèrent  au  Vatican,  Le 
palais  actuel  fut  édidé  sur  l'ordre  de  Sixte-Quint  et  les 
plans  de  D.  Fontana  en  1586.  Bientôt  transformé  en  orphe- 
linat,'il  fut  affecté  par  Grégoire  XVI  à  un  musée  de  sculp- 
ture (qui  occupe  seize  salles)  ;  on  y  adjoignit  un  musée  de 
peinture  (dix  salles),  et  Pie  IX  créa  à  côté  un  très  impor- 
tant musée  d'antiquités  chrétiennes  oii  Ton  réunit  les  sar- 
cophages, inscriptions,  etc.,  tirés  des  catacombes  et  des 
vieilles  basiliques.  Sur  la  place  de  Latran,  située  devant  le 
palais,  une  chapelle  renferme  la  Scala  sania^  escalier  de 
marbre  de  vingt-huit  marches  qui,  d'après  les  traditions, 
serait  celui  de  la  maison  de  Pilate,  point  de  départ  de  la 
Passion  du  Christ;  on  ne  le  monte  qu'à  genoux.  Sur  cette 
même  place  s'élève  un  obélisque  de  32  m.  de  haut  (47  m. 
avec  le  piédestal);  érigé  par  Thoutmès  lïl  (1597-60  av. 
J.-C.)  devant  le  temple  du  Soleil  à  Thèbes,  transporté 
par  Constance  dans  le  Grand  Cirque  (357  ap.  J.-C),  il  a 
été  dressé  ici  en  1588.  C'est  le  plus  ancien  de  Rome.  Au 
S.  du  palais  de  Latran  et  contiguë  est  la  basilique  de  San 
Giovanni  in  Laterano,  église-cathédrale  de  l'évêque  de 
Rome  et  la  première  de  la  chrétienté  catholique.  La  basi- 
lica  Laterensis,  édifiée  par  Constance,  s'écroula  au 
ix^  siècle  et  fut  rebâtie  par  Serge  ÏII  (904-9-11).  A  partir 
de  1123,  on  y  tint  une  série  de  grands  conciles  (V.  ci- 
dessous).  C'est  probablement  l'église  du  monde  la  plus  riche 
en  reliques.  Au  point  de  vue  architectural,  elle  est  com- 
posée de  parties  d'époques  très  diverses,  car,  à  partir  du 
pontificat  de  Grégoire  XI,  un  grand  nombre  de  papes 
y  ont  fait  ajouter  ou  modifier  quelques  parties.  Dans  les 
dépendances  se  trouve  le  plus  vieux  baptistère  de  Rome, 
San  Giovanni  in  fonte^  dont  la  coupole  est  supportée  par 
huit  colonnes  de  porphyre.  C'est  du  haut  du  balcon  qui 


surmonte  le  portail  que  le  pape  bénit  les  fidèles  le  jour  de 
l'Ascension.  Le  palais  et  la  basilique  de  Latran  partagent 
avec  ceux  du  Vatican  et  Castel  Gandolfo  le  privilège  de 
l'exterritorialité  conféré  par  la  loi  des  garanties  du  13  mai 
1871.  A.-M.  B. 

Conciles  de  Latran.  —  Il  a  été  tenu  jusqu'en  1725, 
dans  la  basilique  de  Latran,  quinze  conciles,  parmi  lesquels 
quatre  sont  considérés  comme  généraux  par  toutes  les 
Eglises  d'Occident.  Le  môme  titre,  attribué  par  les  ultra- 
montains  à  un  cinquième  concile,  est  sérieusement  con- 
testé. —  1123,  concile  général  présidé  par  le  pape  Ca- 
lixte  II  en  personne.  Plus  de  trois  cents  évoques  et  de  six 
cents  abbés  y  assistèrent.  L'objet  principal  de  la  convoca- 
tion était  la  confirmation  du  concordat  de  Worms  conclu 
l'année  précédente  avec  l'empereur  Henri  V  (V.  Investi- 
ture, t.  XX,  p.  923,  col.  2).  On  y  publia  vingt-deux 
canons,  dont  la  plupart  sont  des  règlements  disciplinaires 
empruntés  à  des  conciles  antérieurs.  111  et  XXI  :  Défense  aux 
prêtres,  aux  diacres,  aux  sous-diacres  et  aux  moines  de  se 
marier  ou  de  prendre  des  concubines,  et  de  garder  chez 
eux  des  femmes  autres  que  celles  qui  étaient  tolérées  par 
les  anciens  canons.  Les  mariages  contractés  par  eux  sont 
déclarés  nuls,  et  eux-mêmes  seront  soumis  à  la  péni- 
tence. XIV  :  Excommunication  des  laïques  qui  s'approprie- 
ront les  oblations  faites  à  l'Eglise  ou  qui  enfermeront  des 
églises  dans  des  châteaux.  XVII  :  Restriction  des  entre- 
prises du  clergé  régulier,  c.-à-d.  interdiction  aux  abbés  et 
aux  religieux  d'admettre  les  pécheurs  à  la  pénitence,  de 
visiter  les  malades,  de  leur  administrer  l'extrême  onction, 
de  chanter  des  messes  solennelles  et  pubhques.  Ils  devront 
recevoir  de  leur  évêque  le  saint  chrême,  les  saintes  huiles 
et  l'ordination.  XVIII:  Personne  ne  recevra  église  ou  dîme 
de  la  main  des  laïques,  sinon  du  consentement  de  l'évêque. 

1139,  concile  général,  convoqué  par  Innocent  II,  qui  en 
fit  l'ouverture  (8  avr.).  Il  s'y  trouva  environ  mille  prélats. 
L'objet  le  plus  prochain  de  la  convocation  paraît  avoir  été 
de  supprimer  les  derniers  vestiges  du  schisme  qui  avait 
tenu  Innocent  II  en  échec  depuis  son  élection  jusqu'à  la 
mort  de  l'antipape  Anaclet  (22  janv.  1138)  et  la  soumis- 
sion de  l'antipape  Victor  (29  mai).  Après  ces  événements, 
Roger  de  Sicile,  protecteur  d' Anaclet,  avait  reconnu  Inno- 
cent II,  mais  il  persistait  à  maintenir  dans  l'Italie  méridio- 
nale la  position  qu'il  y  avait  prise  avec  l'assistance  de  son 
protégé.  Le  concile  le  condamna  ;  il  condamna  en  outre 
les  doctrines  des  Pétrobusiens  et  des  Henriciens  (V.  Pierre 
DE  Bruys  et  Henri  de  Lausanne),  et  il  entendit  les  accu- 
sations de  l'évêque  Manfred  contre  Arnaud  de  Brescia 
(V.  ce  nom,  t.  IH,  p.  1057,  col.  2).  Mais  il  n'est  pas  cer- 
tain que  ces  accusations  aient  déterminé  une  condamna- 
tion formelle.  Parmi  les  trente  canons  publiés  à  Latran,  la 
plupart  reproduisent  des  dépositions  arrêtées  à  Reims 
(1131).  On  les  cite  ordinairement  sous  le  nom  du  concile 
do  Latran.  IV  :  Injonction  aux  évêques  et  aux  ecclésias- 
tiques de  ne  scandaliser  personne  par  les  couleurs,  la  forme 
et  les  superfluités  de  leurs  habits,  mais  de  se  vêtir  d'une 
manière  modeste  et  réguUère.  VI,  VII,  XXI  :  Répression 
du  mariage  et  du  concubinage  des  prêtres,  diacres  ou  sous- 
diacres,  et  des  religieuses.  X  :  Excommunication  des  laïques 
qui  ne  rendront  point  aux  évêques  les  dîmes  ou  églises 
qu'ils  détiennent,  soit  qu'ils  les  aient  reçues  des  évêques, 
soit  que  les  princes  ou  d'autres  personnes  les  leur  aient 
attribuées  (V.  Dîme,  t.  XIV,  p.  575,  col.  2).  XII  :  époques 
et  durée  de  la  trêve  de  Dieu.  XIV  :  Prohibition,  sous  peine 
de  privation  de  la  sépulture  ecclésiastique,  des  joutes  et 
des  tournois  qui  mettent  la  vie  en  péril.  XX  :  Les  rois  et 
les  princes  ont  pouvoir  d'exercer  la  justice,  en  consultant 
les  évêques.  XXV  :  Défense  de  recevoir  des  bénéfices  de  la 
main  des  laïques.  XX VII  :  Défense  aux  religieuses  de  se 
trouver  dans  un  même  chœur,  avec  des  moines  et  des 
chanoines,  pour  chanter  l'office  divin. 

1179.  Concile  général  convoqué  par  Alexandre  III,  après 
la  soumission  de  l'antipape  Calixte  III.  Le  pape  le  présida, 
assis  sur  un  siège  élevé,  entouré  des  cardinaux,  des  préfets, 


-  4049  — 


LATRAN 


des  sénateurs  et  des  consuls  de  Rome.  Trois  cent  deux 
évoques  s'y  rendirent,  parmi  lesquels  plusieurs  prélats  la- 
tins de  rOrient.  Nectaire,  abbé  des  Gabules,  représentait 
les  Grecs.  —  Trois  sessions  :  5,  44  et  49  mars.  —  Vingt- 
sept  canons.  Le  P^  donne  ou  confirme  aux  cardinaux 
le  droit  exclusif  d'élire  le  pape,  et  fixe  aux  deux  tiers  des 
voix  la  majorité  nécessaire  à  Félection.  Le  III®  défend  de 
nommer  un  évêqueâgé  de  moins  de  trente  ans.  Les  doyen- 
nés, les  archidiaconés,  les  cures  et  autres  bénéfices  à 
charge  d'âmes  ne  seront  donnés  qu'à  ceux  qui  auront 
atteint  l'âge  de  vingt-cinq  ans.  Le  IV*^  règle  le  nombre  des 
chevaux  que  les  supérieurs  ecclésiastiques  pourront  mener 
avec  eux,  en  faisant  la  visite  dans  leurs  diocèses  :  pour  les 
archevêques,  quarante  ou  cinquante  ;  pour  les  évoques, 
vingt  ou  trente;  pour  les  archidiacres,  cinq  ou  sept  ;  pour 
les  doyens,  deux.  Les  supérieurs  prendront  garde  de  ne 
point  surcharger  leurs  inférieurs  en  visitant  les  églises 
pauvres.  Le  V®  renouvelle  la  défense  d'ordonner  des  clercs, 
sans  titres  ecclésiastiques  :  Si  un  évêque  ordonne  un  prêtre 
ou  un  diacre  sans  lui  assigner  un  titre  certain  dont  il 
puisse  subsister,  il  lui  fournira  de  quoi  vivre  jusqu'à  ce 
qu'il  lui  assure  un  revenu  ecclésiastique,  à  moins  que  le 
clerc  ne  puisse  subsister  de  son  patrimoine.  Le  VP  régle- 
mente les  formalités  des  jugements  ecclésiastiques.  Le 
VIP  condamne  l'abus,  passé  en  coutume,  d'exiger  de  l'ar- 
gent pour  la  sépulture  des  morts,  la  bénédiction  des  ma- 
riages et  l'administration  des  sacrements.  Le  VHP  ordonne 
aux  coUateurs  de  nommer  aux  bénéfices  dans  les  six  mois 
de  leur  vacance  (V.  Dévolution).  LeXP  réitère  la  prohi- 
bition aux  ecclésiastiques  qui  sont  dans  les  ordres  sacrés 
d'avoir  des  femmes  avec  eux  ;  il  leur  défend  de  fréquenter 
les  monastères  de  filles,  sans  nécessité  ;  et  il  condamne  les 
sodomites  à  des  peines  très  rigoureuses.  Le  XIV®  fait  dé- 
fense aux  laïques  de  transférer  à  d'autres  laïques  les  dîmes 
qu'ils  possèdent,  au  péril  de  leur  âme.  On  trouva  le  moyen 
de  se  servir  de  ce  canon  pour  conserver  aux  laïques  les 
dîmes  dont  on  jugeait  qu'ils  se  trouvaient  en  possession 
avant  le  temps  du  IIP  concile  de  Latran  (V.  Dîme,  t.  XIV, 
p.  575,  col.  2).  LeXIX'^  excommunie  ceux  qui  exigent  des 
contributions  des  églises  et  des  ecclésiastiques,  sans  le 
consentement  des  évêqueset  du  clergé.  Le  XX^  prohibe  les 
tournois.  Le  XXP  concerne  la  trêve  de  Dieu.  Le  XXIIP  or- 
ganise les  léproseries.  Le  XXVIP  enjoint  aux  princes  de 
réprimer  les  hérétiques. 

'1215,  concile  général  convoqué  et  présidé  par  Inno- 
cent III.  Dès  le  commencement  de  son  règne,  ce  pape  s'était 
proposé  de  réunir  un  concile  universel  ;  mais  il  ne  put  réa- 
liser ce  projet  que  sur  la  fin  de  sa  vie.  La  convocation  fut 
faite  par  bulle  du  49  avr.  4213,  avec  indication  pour  le 
mois  de  nov.  4245.  Le  concile  s'assembla  le  41  et  dura 
tout  le  reste  du  mois.  Il  est  ordinairement  cité  dans  le 
droit  canonique  sous  le  nom  absolu  de  Concile  géné- 
raL  On  lui  a  donné  souvent  aussi  celui  de  Grand  Concile^ 
à  cause  du  nombre  des  prélats  qui  y  assistèrent.  Pourtant 
le  IP  concile  général  de  Lyon  (1274)  en  réunit  un  nombre 
plus  considérable.  A  Latran,  Innocent  II[  était  entouré  de 
74  patriarches  et  métropolitains,  parmi  lesquels  les  pa- 
triarches de  Constantinople  et  de  Jérusalem,  de  442  évêques 
et  de  près  de  900  abbés  et  prieurs.  Les  patriarches  d'An- 
tioche  et  d'Alexandrie  étaient  représentés  par  des  députés. 
Il  y  avait  aussi  des  ambassadeurs  des  principaux  princes 
de  la  chrétienté.  Le  pape  ouvrit  le  concile  par  un  discours 
plein,  comme  tous  ses  sermons,  de  pensées  profondes  et 
d'allégories  forcées.  Les  objets  de  la  convocation  étaient  : 
la  «  réforme  de  l'Eglise  universelle  »,  l'extirpation  de  l'hé- 
résie et  la  conquête  de  la  Terre  sainte.  On  définit  des 
dogmes,  on  détermina  des  points  très  importants  du  droit 
canonique  et  de  la  discipline,  on  décréta  des  mesures  d'ex- 
trême rigueur  contre  les  hérétiques,  et  on  régla  les  condi- 
tions de  la  prochaine  croisade.  Mais,  en  tous  ces  actes,  les 
pères  du  concile  ne  jouèrent  qu'un  rôle  fort  subordonné. 
En  fait,  ils  ne  firent  guère  qu'assister  à  la  publication 
de  canons  présentés  par  le  pape  et  décrétés  en  son  nom. 


A  quelques-uns  on  ajouta  la  mention  :  approbante  sancto 
concilia.  —  Les  soixante-dix  canons,  généralement  longs, 
de  ce  concile,  sont  rédigés  en  forme  de  chapitres.  I  :  Défi- 
nition du  dogme  de  la  transsubstantiation  (V.  Eucharistie, 
t.  XVI,  p.  720,  col.  1).  II  :  Condamnation  des  doctrines  de 
Joachim  de  Flore  et  de  celles  d'Amaury.  III  :  Poursuites 
et  pénalités  contre  les  hérétiques  et  leurs  protecteurs. 
IV  :  Les  Grecs  sont  exhortés  à  se  réunir  et  à  se  conformer 
à  l'Eglise  romaine,  afin  qu'il  n'y  ait  qu'un  seul  pasteur  et 
qu'un  seul  troupeau.  V  :  Après  le  pape,  reconnu  de  toute 
antiquité  pour  le  premier,  la  primatie  est  attribuée  aux 
patriarches  dans  l'ordre  suivant  :  Constantinople,  Alexan- 
drie, Antioche,  Jérusalem.  Jusqu'alors,  la  tradition  cons- 
tante de  l'Eglise  de  Rome  plaçait  le  siège  d'Alexandrie  au- 
dessus  du  siège  de  Constantinople.  VI  :  On  assemblera 
tous  les  ans  des  conciles  provinciaux  pour  la  réforme  des 
mœurs,  principalement  du  clergé.  VIII  :  Manière  de  procé- 
der dans  les  accusations  des  ecclésiastiques.  Ce  canon  a 
servi  de  fondement  à  toute  la  procédure  criminelle,  même 
des  tribunaux  séculiers,  avant  la  Révolution.  IX  :  Célé- 
bration du  culte  dans  les  lieux  dont  les  habitants  appar- 
tiennent à  des  nations  suivant  des  rites  différents.  XIÏ  : 
Les  abbés  et  les  moines  tiendront  des  chapitres  généraux 
tous  les  trois  ans.  XIII  :  Défense  d'établir  de  nouveaux 
ordres  religieux,  de  peur  que  la  trop  grande  diversité 
n'apporte  la  confusion  dans  l'Eglise.  De  tous  les  règlements 
qu'elle  a  faits,  ce  canon  est  peut-être  celui  qu'elle  a  le 
moins  observé.  XlV-XVll  :  Contre  les  dérèglements  des 
ecclésiastiques  :  incontinence,  ivrognerie,  habitude  de  la 
chasse,  fréquentation  des  farces  et  des  spectacles  d'his- 
trions. XVIII  :  Défense  aux  prêtres,  diacres  et  sous-diacres 
de  procéder  à  des  opérations  de  chirurgie.  XIX  :  Défense 
de  faire  aucune  bénédiction  sur  l'eau  et  sur  le  fer  chaud 
pour  les  épreuves  judiciaires.  Le  XXP  est  le  célèbre  ca- 
non :  Omnis  utriusque  sexus;  il  ordonne  à  tout  fidèle, 
parvenu  à  l'âge  de  discrétion,  de  confesser  seul  à  son 
propre  prêtre  tous  ses  péchés,  au  moins  une  fois  Tan,  et 
de  communier  au  moins  à  Pâques.  C'est  le  premier  canon 
qui  ait  ordonné  formellement  la  confession  sacramentelle. 
XXII  :  Avant  de  rien  prescrire  aux  malades,  les  médecins 
devront,  sous  peine  d'être  exclus  de  l'Eglise,  les  exhorter 
à  appeler  un  prêtre,  afin  de  pourvoir  premièrement  au  sa- 
lut de  leur  âme.  XXIIÏ-XXX  :  Réglementation  des  élections 
ecclésiastiques  et  de  la  collation  des  bénéfices.  XXVI- 
XLIV,  XLVIII  :  Procédure  ecclésiastique.  L-LIl  :  Sur  le 
mariage  ;  parenté,  publication.  LXVIII-LXIX  :  Les  juifs  et 
les  mahométans  porteront  des  habits  particuliers,  pour  les 
distinguer  des  chrétiens.  Il  est  enjoint  aux  princes  de  les 
empêcher  de  blasphémer  contre  Jésus-Christ,  et  défendu  de 
leur  donner  des  charges  et  des  offices  publics.  —  Après 
l'adoption  de  ces  canons,  le  pape  fit  publier  le  décret  pour 
la  croisade.  Le  concile  jugea  en  outre  la  contestation  pour 
l'Empire,  en  faveur  de  Frédéric  contre  Otton  ;  il  repoussa 
la  demande  de  Raimond,  comte  de  Toulouse,  demandant  la 
restitution  de  ses  domaines,  dont  il  avait  été  dépouillé  par 
les  croisés. 

4542-47,  concile  compté  par  les  ultramontains  comme 
V*^  concile  général  de  Latran.  Dans  la  notice  sur  Jules  II 
(t.  XXI,  p.  287,  col.  2),  on  trouvera  des  indications  sur 
la  convocation,  la  composition  et  les  premiers  actes  de  cette 
assemblée,  dont  la  première  session  eut  lieu  le  3  mai  4512, 
et  la  dernière  le  16  mars  1547.  Convoquée  par  Jules  II, 
elle  avait  été  maintenue  par  Léon  X.  Dans  la  VHP  session 
(47  déc.  4513)  fut  lu  un  acte  du  roi  Louis  XII,  désavouant 
le  concile  de  Pise  et  adhérant  au  concile  de  Latran.  Dans 
la  session  suivante  (5  mai  4514)  les  prélats  français  firent 
humblement  leur  soumission,  et  Léon  X  leur  accorda  l'ab- 
solution des  censures  prononcées  contre  eux  par  son  pré- 
décesseur. Dans  laX«  session  (4  mai  1515)  le  pape  publia 
quatre  décrets.  Le  premier  approuve  l'institution 'des  monts- 
de-piété;  le  second  concerne  la  liberté  ecclésiastique,  la 
dignité  épiscopale,  et  réprime  quelques  abus  des  exemp- 
tions; le  troisième  défend,  sous  peine  d'excommunication, 


LATKAN  —  LATRINES 


—  10-20  — 


d'imprimer  aucun  livre  avant  qu'il  ait  été  examiné  dans  le 
diocèse  où  il  est  publié  :  à  Rome,  par  le  vicaire  du  pape 
et  le  maître  du  Sacré  Collège;  dans  les  autres  villes,  par 
l'évêque  ou  l'inquisiteur  du  lieu;  le  quatrième  décerne  une 
citation  péremptoire  et  finale  contre  les  Français,  au  sujet 
de  la  pragmatique  sanction.  Cette  pragmatique  fut  solen- 
nellement condamnée  et  révoquée,  et  le  Concordat  avec 
François  P**  approuvé  dans  la  XP  session  (19  déc.  d516). 
Dans  les  bulles  contenant  ces  dispositions,  Léon  X  inséra 
une  énonciation  affirmant  que  le  pape  a  une  autorité  entière 
et  une  pleine  puissance  sur  les  conciles,  pour  les  convo- 
quer, transférer  et  dissoudre.  Le  dernier  acte  publié  dans 
ce  concile  fut  un  décret  prescrivant  la  guerre  contre  les 
Turcs,  et  ordonnant,  pour  y  pourvoir,  la  levée  pendant 
trois  ans  de  décimes  sur  tous  les  bénéfices  de  la  chrétienté. 

1725,  concile  convoqué  par  Benoît  XIII,  qui  y  appela  les 
évêques  dépendant  directement  de  la  métropole  de  Rome, 
les  archevêques  sans  suffragants,  les  évêques  relevant  im- 
médiatement du  saint  siège  et  les  abbés  exerçant  une  juri- 
diction quasi  épiscopale.  Les  actes  furent  souscrits  par  le 
pape  et  32  cardinaux,  5  archevêques,  32  évêques,  3  abbés 
et  2  secrétaires.  Outre  ces  81  signataires,  4  cardinaux, 
26  évêques,  3  abbés  et  2  chapitres  assistèrent  par  procu- 
reurs. Parmi  les  nombreux  officiers  du  concile,  on  comp- 
tait 82  théologiens  et  canonistes,  au  nombre  desquels  se 
trouvait  Lambertini,  alors  archevêque  de  Théodosie  et  qui 
devint  plus  tard  le  pape  Benoît  XIV.  Sept  sessions  furent 
tenues  du  ISavr.  au  29  mai.  On  y  fit  plusieurs  règlements 
sur  les  devoirs  des  évêques  et  des  autres  pasteurs,  sur  les 
instructions  chrétiennes,  la  résidence,  les  ordinations,  la 
tenue  des  synodes  et  de  diverses  autres  matières  de  discipline 
ecclésiastique.  Mais  les  objets  principaux  de  la  convocation 
étaient  la  soumission  de  tout  le  clergé,  la  répression  du 
jansénisme  et  la  confirmation  solennelle  de  la  bulle  Uni- 
genitus.  Le  premier  décret  publié  dans  ce  concile  ordonne 
aux  évêques,  bénéficiers,  prédicateurs  et  confesseurs  de 
signer  et  observer  la  profession  de  foi  décrétée  par  Pie  IV 
le  13  nov.  1564.  Le  second  enjoint  à  tous  les  évêques  et 
pasteurs  des  âmes  de  veiller,  avec  la  plus  grande  exacti- 
tude, à  ce  que  la  constitution  Unigenitus,  qu'il  déclare 
règle  de  la  foi^  soit  observée  et  exécutée  par  tous,  de 
quelque  grade  et  quelque  condition  qu'ils  soient,  avec 
robéissance  entière  qui  lui  est  due.  S'ils  apprennent  que 
quelqu'un,  demeurant  dans  leur  diocèse,  ne  pense  pas  bien 
ou  parle  mal  de  cette  constitution,  qu'ils  ne  négligent  point 
de  procéder  et  de  sévir  contre  lui,  selon  leur  pouvoir  et 
juridiction  pastorale.  Lorsqu'ils  le  croiront  utile,  qu'ils  dé- 
noncent au  siège  apostolique  ces  opiniâtres  et  rebelles  à 
l'Eglise.  Qu'ils  recherchent  diligemment  les  Uvres  composés 
contre  cette  constitution,  ou  qui  soutiennent  les  doctrines 
qu'elle  a  condamnées,  et  qu'ils  se  les  fassent  remettre  pour 
le  déférer  au  saint-siège.  E.-H.  Vollet. 

LATRAPE.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de  Sar- 
lat,  cant.  de  Villefranche-de-Belvès  ;  76  hab. 

LATRAPE,  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr.  de 
Muret,  cant.  de  Rieux;  850  hab. 

LATRECEY.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr.  de 
Chaumont,  cant.  de  Chàteauvillain  ;  685  hab.  Stat.  du  ch. 
de  fer  de  l'Est,  ligne  de  Châtillon  à  Chaumont. 

LATREILLE  (Pierre-André),  naturaliste  français,  né  à 
Brive  le  29  nov.  1762,  mort  à  Paris  le  6  févr.  1833.  Ses 
commencements  furent  difficiles;  abandonné  de  ses  pa- 
rents, il  dut  son  éducation  à  des  personnes  étrangères.  Le 
baron  d'Espagnac  le  fit  venir  à  Paris  en  1778  et  le  plaça 
au  collège  du  cardinal  Lemoine.  Il  fut  ordonné  prêtre  en 
1786,  puis  se  retira  à  Brive  et  consacra  tous  ses  loisirs 
à  l'étude  des  insectes.  Il  revint  à  Paris  en  1788,  mais  lors 
de  la  Révolution,  fut  condamné  à  la  déportation  ;  ses  dé-^ 
couvertes  en  entomologie  l'avaient  fait  connaître  à  Bory 
de  Saint- Vincent  et  à  Dargelas  qui  le  sauvèrent.  Il  resta 
donc  à  Brive  et  y  publia  en  1796  un  ouvrage  dans  lequel 
il  établissait  les  bases  de  la  science  entomologique  :  Pré- 
cis des  caractères  généraux  des  Insectes  disposés  dans 


un  ordre  naturel  (Brive,  1796,  in-8).  Proscrit  de  nou- 
veau en  1797,  il  fut  de  nouveau  sauvé  par  ses  amis.  L'an- 
née suivante,  il  fut  nommé  correspondant  de  l'Institut  et 
obtint  un  emploi  au  Muséum.  En  1814,  il  succéda  à  Oli- 
vier à  l'Académie  dos  sciences.  Dans  l'intervalle,  il  avait 
professé  la  zoologie  à  l'Ecole  d'AIfort.  Enfin,  à  la  mort  de 
Lamarck  en  1829,  il  obtint  l'une  des  deux  chaires  créées 
par  le  dédoublement  de  celle  qu'occupait  ce  savant.  La- 
treille  a  beaucoup  écrit;  nous  citerons  parmi  ses  ouvrages 
les  plus  importants  :  Essai  sur  T liistoire  des  fourmis  de 
la  France  (Brive,  1798,  in-12);  Histoire  naturelle 
des  Salamandres  de  France,  etc.  (Paris,  1800,  in-8) 
Histoire  7iatur elle  des  5m^ês  (Paris,  1801,2  vol.  in-8) 
Histoire  naturelle  des  Fourmis,  etc.  (Paris,  1802,  in-8) 
histoire  naturelle  des  Reptiles  (Paris,  1802,  1826, 
4  vol.  in-18)  ;  Histoire  naturelle  des  Crustacés  et  In- 
sectes (Paris,  1802-05,  14  vol.  in-8);  Gênera  Crusta- 
ceorum  et  Insectoram,  etc.  (Paris,  1806-9,  4  vol. 
in-8)  ;  Considération  sur  V ordre  naturel  des  animaux 
composant  les  classes  des  Crustacés,  des  Arachnides  et 
des  Insectes  (Paris,  1810,  in-8)  ;  Centuries  de  planches 
de  l'Encyclopédie  méthodique  :  Crustacés,  Arachnides, 
hisecles  (Paris,  '1818,  in- 4)  ;  Mémoires  sur  divers  su- 
jets d'histoire  naturelle  des  Insectes,  etc.  (Paris,  1819, 
in-8)  ;  Passage  des  animaux  invertébrés  aux  vertébrés 
(Paris,  d820,  in-8)  ;  Recherches  sur  les  zodiaques  égyp- 
tiens (Paris,  1821,  in-8);  Histoire  naturelle  et  icono- 
graphie des  Insectes  coléoptèresd' Europe  {di\ec  Dejean  ; 
Pans,  1822,  in-8);  Familles  naturelles  du  règne  ani- 
mal, etc.  (Paris,  1825,  in~8)  ;  Cours  d'entomologie,  etc. 
(Paris,  1831,  in-8).  Une  partie  des  ouvrages  précédents 
ont  été  incorporés  dans  l'œuvre  deBulFon.  Latreille  colla- 
bora en  outre  au  Règne  animal  de  Cuvier,  dont  il  publia 
une  nouvelle  édition  en  1829  (5  vol.  in-8).  Il  a  en  outre 
publié  une  foule  d'articles  dans  les  recueils  périodiques,  les 
dictionnaires,  etc.  — Pour  les  services  rendus  par  Latreille 
principalement  à  V Entomologie,  V.  ce  mot.  D^  L.  Hn. 

LA  TRÉIVIOILLE(V.  Trémoille  [La]). 

L  AT  R  ES  NE.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Bor- 
deaux, cant.  de  Créon  ;  1,778  hab.  Stat.  du  ch.  de  fer 
d'Orléans,  ligne  de  Bordeaux  à  La  Sauve. 

LATRIE  (ThéoL)  (V.  Adoration). 

LATRILLE. Com.  du  dép.  des  Landes,  arr.  de  Saint- 
Sever,  cant.  d'Aire-sur-l'Adour  ;  210  hab. 

LA  TRIMOUILLE  (V.  Trémoille  [La]). 

LATRINES  ou  LIEUX  d'aisances.  On  désigne  sous  ce 
nom  un  retrait  où  l'on  satisfait  les  besoins  naturels.  Cette 
pièce,  appelée  encore  garde-robe,  privé  ou  water-closet^ 
exige,  au  point  de  vue  de  la  commodité  et  de  la  salubrité, 
des  dispositions  spéciales,  au  sujet  desquelles  nous  devons 
entrer  dans  quelques  développements.  Le  cabinet  d'aisances 
peut  être  compris  dans  Pintérieur  de  l'habitation  ou  placé 
au  dehors.  Dans  le  premier  cas,  un  petit  vestibule  ou  pièce 
d'accès  doit  précéder  le  privé  proprement  dit,  si  cette 
pièce  ne  s'ouvre  pas  directement  à  l'extérieur.  Il  est  bon 
que  ce  vestibule  ait  une  baie  spéciale  donnant  de  l'air  et 
de  la  lumière.  Le  cabinet  doit  être  pourvu  également  d'une 
fenêtre  servant  à  l'éclairage  et  à  la  ventilation  et  garnie 
d'un  châssis  vitré;  l'exposition  au  N.  est  la  meilleure 
dans  nos  pays.  Un  siège,  établi  suivant  divers  systèmes, 
communique,  par  un  tuyau,  avec  la  fosse  d'aisances  qui 
sert  de  récipient.  Les  conduits  doivent,  autant  que  pos- 
sible, avoir  pour  base  des  matériaux  imperméables.  Il  est 
bon  de  faire  partir  un  conduit  de  ventilation  de  la  par- 
tie la  plus  élevée  du  plafond  ou  de  la  voûte  qui  recouvre 
la  pièce.  Le  sol  est  parqueté  ou  carrelé.  Les  tuyaux  de 
chute  en  poterie  ou  en  fonte,  ayant,  les  premiers  0"^25  de 
diamètre  et  les  seconds  0"'20,  sont  scellés  avec  des  colliers 
en  métal  dans  les  angles  des  murs  ou  noyés  dans  leur 
épaisseur.  La  porte  doit  s'ouvrir,  de  préférence,  en  dedans 
du  cabinet  et  être  garnie  d'un  verrou  à  l'intérieur.  Les 
dimensions,  en  plan,  d'un  cabinet  privé  sont,  au  minimum, 
1™I0  sur  O'^SO.  Les  privés  doivent  recevoir  jour  et  air 


—  1021  — 


LATRINES 


au  moyen  d'une  baie  de  dimensions  suffisantes.  Au  dernier 
étage,  ils  peuvent  être  éclairés  et  aérés  à  l'aide  d'une 
trémie  fermée  à  son  extrémité  par  un  châssis  à  tabatière. 
Il  est  admis  qu'un  cabinet  peut  servir  à  l'usage  de  quatre 
logements  au  plus. 

La  salubrité  des  cabinets  d'aisances  se  ressent  directe- 
ment du  système  de  réceptacles  employés;  il  faut  se  repré- 
senter en  effet  tout  réceptacle  de  matières  comme  un  foyer 
plus  ou  moins  actif  de  dégagements,  duquel  les  émanations 
tendent  incessamment,  quoi  qu'on  fasse,  à  gagner  les 
appartements.  La  véritable  condition  de  l'assainissement 
des  cabinets,  c'est  donc  la  suppression  même  des  récep- 
tacles ou  l'envoi  direct  des  déjections  aux  égouts.  Mais,  en 
dehors  de  ce  moyen  radical,  il  est  clair  que  les  inconvé- 
nients sont  d'autant  moindres  que  les  réceptacles  sont 
eux-mêmes  plus  réduits  ou  que  les  matières  y  ont  moins 
de  facilité  à  se  putréfier.  A  ce  point  de  vue,  les  fosses 
mobiles  valent  mieux  que  les  fosses  fixes,  et  les  appareils 
avec  diviseur  mieux  que  les  appareils  sans  diviseur  ;  de 
même  encore,  les  agents  chimiques  qui  préviennent  la 
fermentation  sont  un  progrès  sur  l'état  naturel.  Ainsi,  en 
thèse  générale,  la  première  condition  à  rechercher,  c'est 
de  réduire  le  foyer  des  émanations.  La  seconde  condition 
d'assainissement,  bien  connue  aujourd'hui  de  tout  le 
monde,  c'est  l'usage  d'une  abondante  quantité  d'eau.  Tous 
les  systèmes  de  fosses  qui  ont  pour  objet  de  garder  la  tota- 
lité des  matières,  comme  aussi  ceux  où  l'on  veut  retenir 
des  éléments  plus  ou  moins  susceptibles  d'être  entraînés 
par  l'eau,  sont,  évidemment,  un  grand  obstacle  à  la  salu- 
brité. Aussi  pour  avoir  des  cabinets  véritablement  dignes 
du  nom  de  water-closets^  a-t-on  installé  à  Paris  et  à  Lyon 
des  diviseurs,  soit  fixes,  soit  mobiles,  qui  laissent  filtrer 
immédiatement  la  totalité  des  liquides  et,  graduellement, 
par  voie  de  dissolution  ou  d'entraînement,  la  plus  grande 
partie  des  solides,  si  bien  qu'il  ne  reste  pour  ainsi  dire 
plus  dans  le  réceptacle  que  des  corps  inertes,  souillés  de 
matières.  Mais  alors  on  se  demande  à  quoi  sert  d'intro- 
duire dans  le  mécanisme  de  l'expulsion  une  semblable 
complication  qui,  sans  préserver  efficacement  les  galeries  de 
l'infection  que  l'on  redoute  pour  elles,  entretient  néanmoins 
au  bas  du  tuyau  de  chute  une  source  de  mauvaises  odeurs  ; 
car,  si  la  quantité  de  matières  retenues  par  le  filtre  est  insi- 
gnifiante par  rapport  à  celle  qui  passe,  elle  suffit  cependant 
pour  engendrer  des  émanations  considérables.  De  tels 
appareils  ne  se  justifient  que  dans  les  maisons  0(1  la  faible 
inclinaison  du  tuyau  de  chute,  par  exemple,  fait  craindre 
l'obstruction  que  pourraient  déterminer  les  parties  les  plus 
consistantes  et  surtout  les  corps  étrangers.  Sauf  ce  cas,  ils 
constituent  évidemment  une  disposition  fort  illogique,  puis- 
qu'ils manquent  à  la  condition  première,  qui  est  en  même 
temps  la  raison  d'être  des  réceptacles,  à  savoir  de  conserver 
les  déjections  sous  une  forme  plus  ou  moins  concentrée. 
Quand  on  se  propose  de  réaliser  ce  dernier  objet,  l'usage 
de  l'eau  est  forcément  limité  ;  pour  y  suppléer  on  a  imaginé 
diverses  dispositions  de  cuvettes.  Mais  ne  vaut-il  pas  mieux 
employer  des  systèmes  qui  imposent  le  départ  immédiat  de 
tous  les  résidus  domestiques,  tels  que  les  systèmes  pneu- 
matiques (V.  Cerlieh,  t.  VI,  p.  330)? 

Une  troisième  condition  pour  prévenir  les  mauvaises 
odeurs,  c'est  d'intercepter  les  communications  entre  le 
siège  et  le  tuyau  de  chute  ;  il  faut  que,  d'une  part, 
toutes  les  fissures  soient  exactement  fermées  et  que, 
d'autre  part,  la  cuvette  soit  munie  d'une  soupape  joignant 
hermétiquement.  C'est  ordinairement  ce  dernier  point  qui 
laisse  à  désirer,  sauf  dans  les  cabinets  bien  pourvus  d'eau, 
où  il  est  dès  lors  aisé  de  maintenir  sur  la  soupape  une 
tranche  liquide  qui  masque  les  rainures.  Mais,  quand  l'eau 
manque  ou  encore  quand  la  propreté  de  la  cuvette  est  mal 
entretenue,  le  siège  devient  un  foyer  de  mauvaises  odeurs, 
et  il  est  désirable  que  son  ouverture  soit  soigneusement 
fermée.  La  planche  qui  se  rabat  dessus  est  généralement 
insuffisante,  puisque  l'ajustement  est  imparfait  et  que  les 
émanations  trouvent  une  issue  entre  la  table  du  siège  et  la 


face  inférieure  du  couvercle.  Nous  parlons  surtout  ici 
bien  entendu  des  cabinets  de  la  classe  peu  aisée.  Or,  c'est 
pour  eux  principalement  que  les  précautions  sont  néces- 
saires, parce  que  la  salubrité  tend  plus  qu'ailleurs  à  y  être 
compromise.  D'autre  part,  il  faut  que  les  moyens  em- 
ployés soient  peu  coûteux  et  d'un  système  très  simple, 
pouvant  braver  une  certaine  rudesse  dans  la  manœuvre. 
Sous  ce  rapport,  on  peut  recommander  la  disposition 
adoptée  dans  les  prisons  cellulaires  belges  nouvelles.  La 
cuvette  du  siège  est  en  faïence  ou  en  grès  vernissé  ;  on  y 
ménage  une  rainure  qu'on  remplit  de  sable  fin.  Le  cou- 
vercle à  tabatière  fermant  hermétiquement  est  muni  d'un 
rebord  qui  plonge  dans  la  rainure  et  intercepte  l'issue  des 
gaz.  Parfois  même,  comme  à  la  maison  de  réclusion  de 
Vilvorde,^  le  couvercle  est  installé  de  manière  à  se  refer- 
mer par  l'effet  de  son  propre  poids,  dès  que  le  détenu  quitte 
le  siège.  Enfin,  dans  les  cabinets  d'aisances,  on  ne  doit 
jamais  négliger  la  ventilation.  On  ne  saurait  à  aucun  prix 
se  passer  de  ce  moyen,  puisqu'il  permet,  jusqu'à  un 
certain  point,  de  se  passer  de  tous  les  autres.  Il  ne  fau- 
drait pas  se  borner  à  placer  les  cabinets  contre  un  des 
murs  extérieurs,  dans  lequel  on  pratique  une  ouverture 
directe  sur  l'air  libre,  car  il  arrive  souvent  que  c'est  par 
cette  ouverture  et  les  fentes  de  la  porte  du  cabinet  que 
l'air  extérieur  pénètre  dans  l'appartement  après  s'être 
chargé  de  miasmes  et  de  virus  dans  le  cabinet  d'aisances. 
Un  danger  beaucoup  plus  grave  résulte  encore  de  la  fer- 
meture de  la  fenêtre  du  cabinet,  car  l'appartement  aspire 
alors  non  sur  l'air  extérieur  plus  ou  moins  vicié,  mais 
sur  les  gaz  excessivement  dangereux  dégagés  par  le  water- 
closet  et  sa  canalisation,  si  une  fuite' accidentelle  ou  un 
défaut  d'alimentation  d'eau  du  syphon  permettent  une 
communication  directe  entre  le  drainage  et  l'atmosphère 
confinée  du  cabinet  d'aisances:  aspiration  qui  pourrait 
alors  introduire  par  jour  et  en  certains  cas  plusieurs  mil- 
liers de  mètres  cubes  d'air  infect  et  chargé  de  virus  dans 
l'appartement.  Nous  pensons  donc  qu'il  y  a  lieu  de  sépa- 
rer l'atmosphère  plus  ou  moins  contaminée  de  chaque  ca- 
binet d'aisances,  de  l'atmosphère  confinée  de  l'apparte- 
ment, et  qu'il  faut  ainsi  non  seulement  isoler  ces  cabinets 
au  moyen  d'un  corridor,  mais  qu'il  est  encore  nécessaire  de 
ventiler  ce  corridor  de  séparation  au  moyen  d'une  large 
ouverture  en  communication  permanente  avec  l'air  libre  du 
dehors,  air  libre  qui  pourra  ainsi  s'opposer,  par  sa  pression 
positive,  à  toute  aspiration  de  l'air  du  cabinet  par  la  pres- 
sion négative  de  l'atmosphère  confinée  de  l'appartement 
qui  sera  enfin  mise  à  l'abri  de  toute  pollution  par  les  gaz 
toxiques  ou  les  virus  du  drainage  des  water-closets  et  des 
urinoirs. 

Toutes  les  fois  que  les  circonstances  du  local  le  com- 
portent, la  manière  la  plus  simple  et  en  même  temps  la 
plus  efficace  de  réaliser  la  ventilation,  c'est  de  pratiquer 
une  large  croisée  prenant  jour  sur  un  emplacement  étendu 
et  découvert.  Malheureusement,  cette  disposition  n'est  pas 
toujours  possible  dans  les  quartiers  populeux  où  le  terrain 
a  beaucoup  de  prix,  ni  dans  les  édifices  publics  où  les 
constructions  sont  profondes  et  où  l'on  ne  veut  cependant 
pas  reléguer  les  cabinets  aux  extrémités  du  bâtiment 
L'aération  ordinaire  est  alors  insuffisante.  Le  meilleur 
moyen  d'y  suppléer  paraît  être  d'adopter  un  tuyau  ou  che- 
minée d'aspiration,  partant  soit  du  plafond  du  cabinet,  soit 
de  1  intérieur  du  siège  et  débouchant  au-dessus  du  toit 
II  est  bon  que  ce  tuyau  soit  échauffé  par  le  contact  de 
quelque  cheminée  à  feu  ou,  à  défaut,  qu'on  v  maintienne 
allume  un  bec  de  gaz.  Cette  disposition  est  surtout  d'une 
application  facile  dans  les  établissements  industriels  où  l'on 
peut,  en  général,  faire  déboucher  le  tuyau  dans  quelque 
haute  cheminée  de  fourneau  et  produire  ainsi  une  aspira- 
tion énergique. 

Quand  les  cabinets  sont  construits  en  dehors  de  l'ha- 
bitation, on  recouvre  généralement  le  sol  d'un  dallage 
avec  joints  en  ciment,  en  y  ménageant  une  pente  diri  Je 
vers  le  trou  d'écoulement  qui  communique  par  un  tube 


lATRINES 


1022  — 


avec  le  tuyau  de  chute,  suivant  le  système  de  lunette  em- 
ployé pour  remplacer  le  siège  (V.  Lunette).  Dans  les 
campagnes,  les  cabinets  d'aisances  sont  à  peu  près  incon- 
nus, à  cause  de  la  répugnance  que  le  paysan  éprouve  à 
utiliser  les  matières  fécales  comme  engrais.  Il  est,  en 
outre,  très  difficile  de  trouver  des  ouvriers  qui  retirent 
les  matières  des  fosses  d'aisances  lorsqu'elles  y  ont  été 
déposées.  Il  y  a  donc  lieu  de  rechercher  quels  sont  les 
moyens  les  plus  commodes  pour  le  fermier  d'arriver  k 
faire  exécuter  cette  besogne  par  ses  propres  ouvriers.  On 
a  proposé  plusieurs  solutions,  soit  qu'on  veuille  employer 
les  matières  à  l'état  liquide,  soit  qu'on  les  fasse  absorber 
par  les  terres  ou  par  les  fumiers  de  ferme,  ou  bien 
encore  que  les  liquides  soient  recueillis  à  part  et  les 
matières  solides  converties  en  poudrette.  Le  procédé  le 
plus  simple  consiste  dans  l'établissement  d'une  fosse 
creusée  en  terre  avec  une  profondeur  de  1  m.  à  l"^oO. 
Un  abri  serait  placé  pour  les  gens  de  la  ferme  à  l'une 
des  extrémités,  le  reste  étant  recouvert  de  planches.  On 
jetterait  de  temps  en  temps  des  terres  dans  la  fosse,  des- 
tinées à  absorber  les  matières  ;  puis  ces  terres  seraient 
retirées  pour  être  transportées  dans  les  champs  comme 
engrais.  Au  besoin,  on  garnirait  le  fond  et  les  parois  de 
cette  fosse  de  revêtements  en  maçonnerie  hydraulique. 
Les  fosses  mobiles,  qui  sont  d'un  usage  fréquent  à  Paris, 
pourraient  être  adoptées  dans  les  campagnes.  L'appareil 
se  composerait  d'un  tonneau  en  bois  fort,'  percé,  sur  l'un 
de  ses  fonds,  d'une  ouverture  que  l'on  ferme  au  moyen 
d'un  tampon  lors  de  l'enlèvement.  Ce  tonneau,  placé  au- 
dessous  d'un  siège  d'aisances,  reçoit  la  matière  par  un 
tuyau  comme  le  montre  la  fig.  4  ;  ce  tuyau  est  pourvu  à 


Fig.  1. 

la  partie  inférieure  d'un  manchon  de  0'^25  à  0'"30  qui 
lui  forme  enveloppe  et  peut  glisser  sur  une  longueur  de 
0^20  à  O'^Sd,  de  manière  à  pouvoir  descendre  jusqu'à 
l'ouverture,  qu'il  recouvre  entièrement  de  façon  à  ce  que 
les  matières  s'écoulent  sans  épanchement.  Quand  le  ton- 
neau est  plein,  on  fait  remonter  le  manchon  pour  faciliter 
l'enlèvement.  11  suffit  de  deux  tonneaux  d'un  hectol. 
chacun,  avec  enlèvement  tous  les  quinze  jours,  pour  une 
terme  de  dix  personnes.  La  fig.  2  montre  l'installation 
complète  du  cabinet.  Le  tonneau,  placé  dans  une  fosse  peu 
profonde,  est  supporté  par  deux  barres  de  fer  maintenues 
en  travers  d'une  cuvette  en  maçonnerie  hydraulique,  des- 


tinée à  recevoir  les  liquides  qui  pourraient  s'épancher  et 
à  en  empêcher  la  filtration.  Dans  les  campagnes,  on  peut 
simplement  poser  le  tonneau  sur  deux  traverses  de  bois. 
Dans  le  cas  d'un  cabinet  construit  à  part,  comme  cela  se 
présente  fréquem- 
ment dans  les  ha- 
bitations agricoles, 
on  pourrait  élever 
le  siège  et  le  pour- 
voir de  quelques 
marches,  afin  que 
le  tonneau  soit 
placé  au  niveau  du 
sol  et  puisse  être 
plus  facilement  en- 
levé, ce  qui  est  im- 
portant, eu  égard 
à  la  mauvaise  vo- 
lonté que  montre  le 
cultivateur  quand  il 
s'agit  d'employer 
ces  matières.  Voici 
un  autre  mode  de 
construction  très  Fig.  2. 

simple,  qui  permet 

d'éviter  tout  transport  immédiat  des  matières  fécales  et  de 
les  mélanger  aisément  aux  fumiers  d'étable  de  manière  à  les 
améhorer.  La  fosse  des  fumiers  étant  munie  d'une  citerne  à 


Fig 


purin,  on  place  le  cabinet  d'aisances  près  de  cette  citerne, 
de  manière  à  ce  que  les  matières  viennent  se  mélanger  au 
purin  (fig.  3).  Toutefois,  au  moment  de  l'emploi  de  ces 
liquides,  il  faut  ajouter  une  assez  grande  quantité  d'eau  et 
remuer  fortement  toute  la  masse.  Ces  liquides  servent  à 
l'arrosage  des  fumiers.  Toute  cette  construction  doit  être 
exécutée  en  bonne  maçonnerie  hydraulique. 

On  donne  aussi  le  nom  de  cabinets  d'aisances  ou  water- 
closets  à  des  locaux  spéciaux,  disposés  dans  les  gares  et 
stations  du  chemin  de  fer  pour  l'usage  des  voyageurs  et 
qui  sont  tantôt  isolés,  tantôt  attenant  au  bâtiment  princi- 
pal. Ces  water-closets  comprennent  des  cabinets  distincts 
pour  les  deux  sexes,  situés  dans  des  pièces  séparées  l'une 
de  l'autre  et  ayant  chacune  une  entrée  particulière.  La 
partie  réservée  aux  hommes  contient,  outre  les  cabinets 
fermés,  un  certain  nombre  d'urinoirs  ainsi  que  le  montre 
la  fig,  4,  qui  représente  le  plan  et  la  coupe  d'un  de  ces 
établissements.  La  pièce  est  rectangulaire  et  construite 
au-dessus  de  la  fosse  qui  reçoit  directement  les  matières 
provenant  des  lunettes  et  les  liquides  des  urinoirs.  Ceux- 
ci  sont  au  nombre  de  cinq  et  forment  des  petites  stalles 
de  l'^SO  de  hauteur,  0"^63  de  largeur  et  0«^45  de  pro- 
fondeur. Les  séparations  et  les  parois,  jusqu'à  une  certain 


—  1023 


LATRINES  —  LATTAIGNANT 


hauteur,  sont  faites  en  matériaux  inattaquables  par  les 
urines  (V.  Urinoir).  Il  est  préférable  de  diriger  les  liquides 


Fig.  4. 

vers  un  canal  d'écoulement  et  non  dans  la  fosse  d'aisances, 
qui  serait  trop  fréquemment  remplie  dans  les  water-clo- 
sets  importants.  Les   cabinets  fermés  sont  au   nombre 


Fig.  5. 


de  trois  ;  ils  sont  pourvus  de  lunettes  avec  col  en  pente 
vers  un  orifice  qui  communique  avec  le  tuyau  de  chute. 
Les  murs  sont  en  briques  ;  la  partie  supérieure  est  à 


jour  ;  la  ventilation  est  établie  par  un  tuyau  adossé  au 
mur  du  fond.  La  fig.  5  représente  le  plan  de  cabinets 
dans  lesquels  on  a  ménagé  la  séparation  des  deux  sexes 
au  moyen  d'un  compartiment  divisé  lui-même  en  deux 
parties  :  la  première  ne  renfermant  que  des  urinoirs  et 
possédant  sur  la  voie  une  entrée  masquée  par  une  clôture 
en  menuiserie  ;  la  seconde  contenant  des  urinoirs  et  des 
sièges  et  ayant  son  entrée  du  côté  opposé  à  la  voie. 

En  vertu  de  l'ordonnance  du  20  nov.  4848,  concernant  la 
salubrité  des  habitations,  et  de  l'instruction,  de  même  date, 
concernant  les  moyens  d'assurer  la  salubrité  des  habita- 
tions, les  conditions  suivantes  sont  imposées  pour  l'éta- 
blissement d'un  cabinet  d'aisances  :  ventilation  par  des 
ouvertures  ou  par  des  tuyaux  d'évent,  convenablement 
disposés  ;  sol  imperméable.  L.  Knab. 

LATRIS  (Ichtyol.).  Genre  de  Poissons  osseux  (Téléos- 
téens),  de  l'ordre  des  Acanthoptérygiens  Perciformes  et  de 
la  famille  des  Girrhitidse,  à  corps  couvert  de  petites  écailles, 
à  nageoire  dorsale  profondément  divisée,  la  portion  épi- 
neuse portant  dix-sept  épines,  l'anale  à  nombreux  rayons;  à 
dents  en  velours  et  absence  complète  de  canines,  au  pro- 
percule  finement  denticulé.  Deux  formes  sont  seulement  con- 
nues ;  elles  habitent  la  Tasmanie  et  la  Nouvelle-Zélande  ; 
l'une  d'elles,  le  Latris  hecateia^  est  l'objet  d'un  commerce 
important,  et  entre  pour  une  large  part  dans  l'alimenta- 
tion. ROCHBR. 
BiBL.  :  GuNTiiER,  Siudy  ofFishes. 
LÂTROBE  (Fleuve).  Un  des  rares  cours  d'eau  de  la  co- 
lonie de  Victoria  (Australie),  et  un  des  principaux  du  Gipps 
Land.  Il  naît  dans  le  mont  Baw-Baw,  dans  le  Dividing 
Rang,  court  d'abord  au  S.-E.,  puis  à  partir  de  Moe  à  l'E., 
en  suivant  presque  constamment  le  chemin  de  fer  de  Mel- 
bourne à  Sale,  jusqu'à  cette  ville,  se  jette  dans  le  lac  Wel- 
lington et  rejoint  la  mer  par  une  série  de  lagunes  au  même 
point  que  le  Mitchell.  Principal  affluent,  Macallister  ;  dé- 
veloppement, 215  kil. 

LATROBE  (Benjamin-Henry),  architecte  et  ingénieur 
américain,  né  dans  le  Yorkshire  (Angleterre)  le  1^^  mai  4  767, 
mort  à  la  Nouvelle -Orléans  en  sept,  4820.  D'abord  employé 
du  Timbre,  Latrobe,  qui  étudia  l'architecture  de  1783  à 
1793,  se  rendit  en  Amérique  où  il  fit  exécuter  de  fort  im- 
portants travaux  de  génie  civil  et  d'art  parmi  lesquels  :  la 
régularisation  du  cours  de  la  rivière  James,  des  travaux  de 
fortification  et  l'érection  de  phares  en  Virginie  ;  la  Banque 
nationale,  édifice  tout  en  marbre  blanc,  et  le  château  d'eau, 
à  Philadelphie  ;  la  cathédrale  et  la  Bourse  de  Baltimore  ; 
enfin  l'ancienne  salle  des  représentants  à  Washington. 
Latrobe,  qui  avait  été  nommé  inspecteur  des  travaux  publics 
de  la  Confédération  des  Etats-Unis,  mourut  de  la  fièvre 
jaune  à  la  Nouvelle-Orléans  pendant  qu'il  dirigeait  les  tra- 
vaux d'assainissement  et  d'adduction  d'eau  de  cette  ville. 
Son  fils,  Benjamiii-Eenry  (4806-1878),  fut  aussi  un 
ingénieur  marquant.  Ch.  Lucas. 

\aTROBE  (Charles-Joseph),  voyageur  anglais,  né  en 
4801,  mort  en  1875.  Pris  de  la  passion  des  voyages,  il 
parcourut  l'Europe  (Suisse  et  Tirol,  4824-30),  puis 
l'Amérique  (483^).  Chargé  d'une  mission  du  gouverne- 
ment, il  visita  les  Antilles  en  4837  et,  en  1839,  fut  nommé 
surintendant  du  district  de  Port  Philip  dans  la  Nouvelle- 
Galles  du  Sud.  Il  devint  heutenant  gouverneur  de  la  colo- 
nie de  Victoria,  au  moment  où  la  découverte  des  mines 
d'or,  attirant  subitement  une  énorme  afiluence  d'aventu- 
riers de  toutes  les  nations,  multipliait  les  difficultés  de  ces 
fonctions,  qu'il  remplit  avec  tact  et  énergie.  On  a  de  lui  des 
relations  de  vovage  et  un  recueil  de  poésies,  The  Solace  of 
Song{iS3T)/  B.-H.  G. 

LATRONCHE.  Corn,  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr.  de 
Tulle,  cant.  de  Lapleau;  648  hab. 

LATRUNCULI.  Jeu  des  anciens  Romains  (V.  Dames  et 
Echecs). 

LATTAIGNANT  (L'abbé  Gabriel-Charles  de),  chanson- 
nier français,  né  à  Paris  en  1697,  mort  à  Paris  le  10  janv. 
1779.  Bien  qu'il  fût  pourvu  d'un  canonicat  à  Reims,  il 


LATTAÏGNANT  —  LAUBANIE 


1024 


passa  la  majeure  partie  de  sa  longue  vie  dans  les  salons  et 
les  cabarets  à  la  mode  de  sa  ville  natale.  Outre  quelques 
opéras-comiques  et  vaudevilles  pour  lesquels  il  fut  le  col- 
laborateur d'Anseaume,  de  Vadé  et  de  Marcouville,  et  quel- 
ques épîtres  publiées  isolément,  on  ne  cite  de  Lattaignant 
que  les  recueils  de  ses  chansons  :  le  premier,  publié  sous  le 
titre  de  Pièces  dérobées  à  un  ami  (Amsterdam  [Paris], 
1750,  2  vol.  in-12),  dû  à  Meusnier  deQuerlon;  le  second, 
plus  complet,  intitulé  Poésies^  recueillies  par  l'abbé  de  La 
Porte  (1757,  4  vol.  in-12),  et  complété  par  des  Chansons 
et  autres  poésies  posthumes  (1779,  in-12)  ;  un  Choix 
de  ces  pièces  a  été  pratiqué  par  Millevoye  et  Beuchot  (4  810, 
in-48).  Parmi  les  chansons  les  plus  connues  dont  Lattai- 
gnant est  l'auteur,  il  faut  rappeler  au  moins  fai  du  bon 
tabac  dans  ma  tabatière.  M.  Tx. 

LATTAIN VILLE.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Beau- 
vais,  cant.  de  Chaumont  ;  94  hab. 

LATTARI  (Francesco),  directeur  des  archives  de  Ca- 
gliari,  né  à  Fuscaldo  (prov.  de  Cosenza)en  1822.  Pour  le 
récompenser  de  la  part  qu'il  avait  prise  à  l'insurrection  de 
la  Calabre,  Garibaldi  lui  fit  donner  en  1860  un  emploi  aux 
archives  ;  il  passa  de  là  au  secrétariat  de  l'université  de 
Pavie,  et  rentra  ensuite  dans  le  service  des  archives.  Il  a 
publié,  entre  autres  brochures,  un  Cenno  storico  sulVar- 
chivio  di  Stato  di  Cagliari  et  une  Histoire  de  file  de 
Caprera.  G.  Mazzoni. 

LATTE.  L  Archéolo(;ie.  —  Grand  sabre  de  cavalerie  à 
lame  droite  à  un  ou  deux  tranchants  qui  peut  être  considéré 
comme  la  forme  dérivée  de  l'épée  d'armes  ancienne  et  dont 
la  première  apparition  a  lieu  au  xvii®  siècle  avec  l'épée  wal- 
lonne (V.  Epée  et  Sabre). 

IL  Construction.  —  Morceau  de  bois  de  cœur  de  chêne, 
long  et  mince,  refendu  suivant  le  fil  (V.  Lattis). 

LATTES.  Com.  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  et  cant.  (2®) 
de  Montpellier,  sur  le  Lez;  653  hab.  Stat.  de  la  ligne  de 
Montpellier  à  Palavas.  Localité  fort  ancienne,  on  croit  que 
c'est  l'ancien  castellum  Latara  mentionné  par  Pline, 
Pomponius  Mêla  et  l'Anonyme  de  Ravenne.  Au  moyen 
âge,  c'était  le  port  de  Montpellier,  et  on  l'appelait  Latiœ 
ou  Palus,  ce  dernier  nom  venant  des  marais  qui  entourent 
le  village.  Les  seigneurs  de  Montpellier  y  avaient  un  châ- 
teau, où  ils  se  réfugièrent  en  1141,  lors  de  la  révolte  de 
la  ville  contre  leur  autorité.  Le  port  date  de  d  151 .  La  ville 
suivit  le  sort  de  la  seigneurie  de  Montpellier.  —  Lattes  était 
chef-lieu  d'une  châtellenie  ou  baylie  au  xm^  siècle;  au  xiv® 
elle  faisait  partie  de  la  baron  nie  de  Montpellier.  L'église, 
autrefois  dédiée  à  la  Vierge,  puis  à  saint  Jean,  est  une 
construction  romane  du  x;i^  siècle  avec  portail  orné  do 
sculptures.  —  Pépinières. 

BiBL.  :  Hist.  de  Lamjuedoc,  nouv.  édition,  p;(ssim.  ~ 
V.  la  bibliograpiiie  de  l'art.  Montpellier, 

LATTIS  (Constr.).  On  désigne  ainsi  l'ensemble  des  lattes 
ou  pièces  de  bois  très  légères  (jue  l'on  cloue,  dans  un  plan- 
cher en  bois,  sur  la  surface  inférieure  des  solives,  pour 
faciliter  l'établissement  des  augets  en  plâtre  formant  le 
remplissage,  et  recevoir  l'enduit  du  plafond  ;  dans  une  cloi- 
son, sur  les  faces  des  poteaux,  pour  maintenir  également 
les  remplissages  et  les  enduits  ;  sur  les  chevrons  d'une  toi- 
ture, pour  arrêter  les  tuiles.  Les  lattis  pour  planchers  et 
pour  cloisons  se  composent  de  lattes  presque  jointives,  po- 
sées perpendiculairement  à  la  direction  des  pièces  sur  les- 
quelles on  les  cloue.  Les  lattes  pour  couvertures  en  tuiles 
se  posent  par  cours  horizontaux,  distants  entre  eux,  de 
milieu  en  milieu,  d'une  quantité  égale  au  pureau  des  tuiles. 
Elles  portent  sur  plusieurs  chevrons  et  sont  disposées  en 
liaison,  c.-à-d.  que  leurs  extrémités  sont,  autant  que  pos- 
sible, également  distribuées  entre  tous  les  chevrons  au  lieu 
d'être  seulement  clouées  sur  quelques-uns.  L.  K. 

L  ATTRE-Saint-Quentin.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais, 
arr.  de  Saint-Pol,  cant.  d'Avesnes-le-Comte  ;  250  hab. 

LATUDE  (Jean-Henry,  dit  Danry  ou  Masers  de),  né  à 
Montagnacle  23  mars  1 725,  mort  à  Paris  le  1^^'  janv.  1 805. 
Enfant  naturel  d'une  pauvre  fille  nommée  Jeanneton  Au- 


brespy,  il  était  à  dix-sept  ans  garçon  chirurgien  dans  l'armée 
du  Languedoc.  Arrivé  à  Paris  vers  la  fin  de  1748,  il  y  mena 
une  existence  misérable.  Le  27  avr.  1749,  il  imagina  d'adres- 
ser à  la  marquise  de  Pompadour  une  sorte  de  petite  machine 
explosive,  de  la  poudre  de  vitriol  sur  de  petites  bouteilles 
qui  éclataient  au  choc  ;  puis  il  courut  à  Versailles  annoncer 
lui-même  l'envoi  de  cette  boîte,  qui  aurait  été  mise  à  la  poste 
à  Paris  par  des  gens,  disait-il,  dont  il  avait  surpris  des 
débris  de  conversation  suspecte.  La  ruse  fut  découverte  et 
Danry  fut  écroué  à  la  Bastille  le  1^^  mai  1749,  transféré 
le  21  juil.  suivant  à  Vincennes,  d'où  il  s'évada  le  25  juin 
1750.  Réintégré  à  la  Bastille  le  28  juil.  1750,  il  s'évada 
une  seconde  fois  le  25  févr.  1756.  Saisi  en  Hollande  et 
mis  à  la  Bastille  le  9  juin  1756,  il  fut  transféré  à  Vin- 
cennes le  15  août  1764;  il  s'évada  une  troisième  fois  le 
17  nov.  1765.  Malesherbes  le  fit  placer,  le  27  sept.  1775, 
comme  fou,  à  Charenton,  d'où  il  sortit  le  7  juin  1777. 
Danry  était  un  vilain  homme.  Il  fut  arrêté  de  nouveau  et 
conduit  au  Petit-Châtelet,  le  16  juil.  1777,  pour  s'être 
introduit  chez  une  dame  et  lui  avoir  demandé  de  l'argent, 
armé  d'un  pistolet.  Mis  définitivement  en  liberté  le  25 'mars 
1784,  Danry  sut  merveilleusement  exploiter  sa  longue 
captivité,  se  faire  passer  pour  un  ancien  officier  du  génie, 
fils  du  marquis  La  Tude,  qui  serait  tombé  victime  des 
intrigues  de  la  Pompadour.  L'histoire  d'une  brave  mer- 
cière, M'^^  Legros,  qui  trouva  l'un  des  mémoires  de  Danry, 
égaré  au  coin  d'une  borne  par  un  porte-clefs  ivre,  et  qui 
s'employa  à  la  délivrance  du  prisonnier  avec  le  dévouement 
le  plus  admirable,  contribua  beaucoup  au  succès  d'atten- 
drissement qu'eut  l'ancien  garçon  chirurgien.  Latude  avait 
la  manie  de  rédiger  des  mémoires  sur  les  questions  les  plus 
diverses.  Plusieurs  de  ces  mémoires  ont  été  imprimés  à 
l'époque  de  la  Révolution  :  Mémoire  sur  les  moyens  de 
rétablir  le  crédit  public  et  l'ordre  dans  les  finances 
de  la  France  (Paris,  1799,  in-8);  Projet  de  coalition 
des  quatre-vingts  départements  de  la  France  pour 
sauver  la  République  en  moins  de  trois  mois  (Paris, 
1799,  in-8).  Son  principal  ouvrage,  le  récit  de  sa  déten- 
tion, rédigé  en  collaboration  avec  l'avocat  Thiéry,  eut  le 
plus  grand  retentissement  au  moment  de  la  Révolution.  Il 
est  intitulé  le  Despotisme  dévoilé  ou  Mémoires  de 
Henri  Masers  de  La  Tude,  détenu  pendant  trente-cinq 
ans  dans  les  diverses  prisons  d'Etat  (Paris,  1790, 3  fasc. 
in-8).  C'est  un  tissu  de  mensonges.  La  Bibliothèque  de  la 
ville  de  Paris  (hôtel  Carnavalet)  a  acquis  la  fameuse 
échelle  de  corde  qui  servit  à  Latude  lors  de  son  évasion 
de  la  Bastille.  Frantz  Funck-Brentano. 

BiBL.  :  Georges  Bertin,  Notice  ea  tête  d'une  nouvelle 
édition  des  Mémoires  de  Henri  Masers  de  Latude  ;  Paris, 
1889,  in-12.  -—  Frantz  Fuxck-Br]:ntano,  Latude,  dans  la 
Revue  des  Deux  Mondes,  1«^-  oct.  1889,  pp.  638-76.  —  Du 
morne,  Catal.  des  archives  de  la  Bastille  (t.  IX  du  Catal. 
des  manusc.  de  la  Bibl.  de  TArsenal);  Paris,  1892-94,  in-8. 

LATYCHES  (V.  Lithuaniens). 

LAU-Balâgnas.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr. 
et  cant.  d'Argelès;  355  hab. 

LAU  (Jean-Marie  du)  (V.  Du  Lau). 

LAUB,  violoniste  allemand,  né  à  Prague  le  19  janv. 
1832,  mort  àGries,  près  de  Botzen,  le  17  mars  1 875.  Entré 
au  Conservatoire  en  1840,  il  y  montra  de  très  grandes  dis- 
positions. Ses  succès  s'affirmèrent  à  l'âge  de  dix-huit  ans 
dans  des  tournées  qu'il  fit  en  Bavière.  Attaché  à  la  chapelle 
du  duc  de  Saxe-Weimar  quelques  années  après,  il  y  resta 
environ  jusqu'en  1862,  Il  professa  au  conservatoire  de 
Moscou  de  1866  à  1873.  Laub  était  surtout  remarquable 
par  le  mécanisme  de  la  main  gauche.  Il  a  laissé  quelques 
compositions  très  appréciées  pour  la  profondeur  du  senti- 
ment, particulièrement  une  polonaise. 

LAU  BAN.  Ville  de  Prusse,  district  de  Liegnitz,  sur  la 
Queis  ;  12,000  hab.  Filatures,  fabrication  de  mouchoirs, 
impressions,  teintureries,  etc.  Citée  dès  le  x®  siècle,  elle 
fut  dévastée  par  les  Hussites  en  1427  et  1431  et  par  les 
Suédois  en  1640. 

LAUBANIE  (Yrieix  de  Magonthier  de),  général  fran- 


-  1025 


LAUBANIE  —  LAUCHHAMMER 


çais,  néà  Saint-Yrieix  (Haute-Vienne)  le6  févr.  1644,  mort 
à  Paris  le  25  juil.  1706.  Il  entra  au  service  en  1665  en 
qualité  d'enseigne,  dans  le  régiment  de  La  Ferté.  Lieute- 
nant en  1666,  il  servit  aux  sièges  de  Tournai  et  de  Lille, 
puis  en  1672  à  ceux  d'Arnhem,  de  Nimègue  et  de  Crève- 
cœur.  Il  fit  la  campagne  de  1674,  en  Alsace,  sous  Turenne, 
et  assista  à  la  bataille  d'Entzheim.  Il  prit  également  part 
au  siège  de  Fribourg,  sous  le  maréchal  de  Créqui,  et  en 
1684  à  la  prise  de  Luxembourg.  Maréchal  de  camp  le 
25  avr.  1691  et  lieutenant  général  des  armées  du  roi  le 
29  janv.  1702,  il  passa  à  Farmée  d'Allemagne  comman- 
dée par  Catinat.  Gouverneur  de  Landau  en  1704,  il  y  fut 
assiégé  par  le  prince  Eugène  et  le  prince  de  Bade.  Ayant 
perdu  la  Yue  à  la  suite  d'une  blessure  reçue  au  cours  du 
siège,  il  n'en  continua  pas  moins  à  diriger  la  défense  et 
n'ouvrit  ses  portes  qu'après  avoir  obtenu  les  conditions  les 
plus  honorables  pour  la  garnison. 

LAUBARDEMONT  (Gironde)  (V.  Coutras). 

LAUBARDEMONT  (Jean-Martin,  baron  de),  chancelier 
d'Agen  (7  mai  1630),  premier  président  de  la  cour  des 
aides  de  Guyenne,  mort  à  Paris  en  mai  1653  (la  date  et 
le  lieu  de  sa  naissance  ne  sont  pas  connus).  Ce  fut  un  des 
agents  les  plus  actifs  et  les  plus  rigoureux  de  la  politique 
de  Richelieu.  Le  8  juil.  1634,  il  lui  fut  donné  com^mission 
de  faire  le  procès  à  Urbain  Grandier  ;  il  fut  rapporteur  et 
juge  dans  l'affaire  de  trahison  de  Cinq-Mars,  oti  fut  impli- 
qué de  Thou.  C'est  à  lui  qu'on  attribue  le  mot  typique  : 
«  Donnez-moi  une  ligne  de  l'écriture  d'un  homme  et  je  me 
charge  de  le  faire  pendre.  » 

LAUBE  (Henrich),  célèbre  écrivain  allemand,  né  à 
Sprottau  (Silésie)  le  18  sept.  1806,  mort  à  Vienne  le 
1^**  août  1884.  Il  étudia  la  théologie  à  Halle  et  Brcslau, 
fut  précepteur,  puis  vécut  de  sa  plume.  Il  fut  emprisonné 
neuf  mois  à  Berlin  à  cause  de  ses  opinions  libérales  (1834) 
et  de  nouveau  en  1838,  voyagea  en  France  et  en  Algérie, 
revint  se  fixer  à  Leipzig,  fut  élu  député  d'Elbogen  (Bohême) 
au  Parlement  de  i848  où  il  se  déclara  partisan  de  l'em- 
pire héréditaire.  En  1849,  il  prit  la  direction  du  théâtre 
de  la  Hofburg  à  Vienne,  la  garda  jusqu'en  1869,  dirigea 
ensuite  le  théâtre  de  Leipzig  (1869-71  )  et  le  Stadttheater 
de  Vienne  (1872-80).  Il  eut  une  grande  influence  dans 
ces  fonctions,  travaillant  à  créer  un  répertoire  où  il  fit  une 
large  place  aux  œuvres  françaises.  Il  a  exposé  ses  prin- 
cipes et  ses  actes  dans  trois  ouvrages  :  Das  Burgtheater 
(Leipzig,  1868)  ;  Das  Norddeidscke  Theater  (1872)  ; 
DasWiener  Stadttheater  (1875).  Les  œuvres  littéraires 
de  Laube  sont  des  pièces  de  théâtre,  des  romans  et  des 
études  historiques  ou  politiques.  Au  théâtre,  il  a  donné 
dans  sa  jeunesse  (à  Breslau)  Zaganini,  farce,  et  Gustav 
Adolf^  drame;  puis  Monaldeschi,  tragédie  (1839);  Ro- 
koko,  comédie  (1842);  Die  Bernteinhexe,  drame  (1843)  ; 
Struensee,  tragédie  (1847),  le  premier  de  ses  grands 
succès;  GottschedundGeller(,ç,omèà\e(iMd);  DieKaiH- 
scliûler,  drame  (1847);  Prinz  Friedrich,  drame;  Graf 
Essex,  tragédie  (1856);  Mo7itrose,  tragédie  (1859)  ;  Der 
Statthalter  von  Bengalen,  drame  (i  866)  ;  Cato  von 
Eisen,  comédie;  Bœse  Zungeii,  comédie  (1868);  il 
acheva  le  Demetrius  de  Schiller.  Ces  œuvres  dramatiques 
sont  caractérisées  par  l'imitation  des  modèles  français,  une 
habile  conduite  de  l'action,  des  scènes  vivantes;  la  poésie 
et  la  psychologie  sont  assez  rudimentaires.  —  Les  romans 
principaux  de  Laube  sont  :  Das  junge  Europa  (Mann- 
heim,  1833-37,  3  vol.);  Die  Schauspielerin  (1836); 
Reisenovellen  (1834-37,  6  vol.  ;  2^^  éd.,  1846-47, 
dO  vol.),  qui  continue  les  Reisebilder  de  Heine  par  une 
description  complète  de  l'Allemagne;  Die  Bandomire 
(Mitau,  1842,  2  vol.)  ;  Der  Prœtendent  (Leipzig,  1842)  ; 
Die  Grœfin  Châteaubriant  (1843,  3  vol.)  ;  Der  deiitsche 
Erieg  (Leipzig,  1865-66,  9  vol.)  qui  passe  pour  son  chef- 
d'œuvre;  Die  Bœhminger  (Stuttgart,  1880,  3  vol.); 
Louison  (Brunswick,  1881);  Entweder-Oder  {iSH^)  ; 
Die  kleine  Prinzessin;  Blond  mus  sie  sein  (Breslau, 
1883)  ;  Der  Schatten  Wilhelm  (Leipzig,  1883);  Ruben 

GRANDE    ENCYCLOPÉDIE    —    XXL 


(1885).  —  Parmi  ses  autres  écrits,  citons  son  édition  des 
œuvres  de  W.  Heinse  (Leipzig,  1838,  10  vol.);  Moderne 
Charakieristiken  (Mannheim,  1835,  2  vol.)  ;  Gesch,  der 
deiitschen  Litteratur  (Stuttgart,  1840,  4  vol.);  Jagd- 
brevier  (Leipzig,  1841),  ouvrage  humoristique;  Paris 
iSil  (Mannheim,  1848),  intéressant  tableau  de  la  vie 
politique  d'alors  ;  une  biographie  de  Fr.  Grillparzer  (1884), 
enfin  ses  sonyemrs,  Erinnerungen (iS\0-^iO et  \SH-S\) 
qui  ouvrent  et  ferment  la  publication  de  ses  œuvres  com- 
plètes (Vienne,  1875-82, 16  vol.).  Ses  œuvres  dramatiques 
avaient  été  réunies  déjà  (Leipzig,  1845-75,  13  vol.). 

LAUBE  (Gustav-Karl),  géologue  autrichien,  né  à  Teplitz 
(Bohême)  le  9  janv.  1839.  Il  était  depuis  deux  ans  privat- 
docent  de  paléontologie  à  l'université  de  Vienne,  lorsqu'en 
1869  il  accompagna  Koldewey,  sur  la  Hansa,  dans  sa 
seconde  expédition  au  pôle  Nord .  Peu  après  son  retour  (1870) , 
il  tut  nommé  professeur  à  l'Ecole  technique  supérieure  de 
Prague.  Il  occupe,  depuis  1876,  la  chaire  de  géologie  et 
de  paléontologie  de  l'université  de  cette  ville.  C'est  sous  sa 
direction  que  furent  conduits  les  travaux  qui  rendirent  à 
Teplitz,  en  mars  d879,  ses  célèbres  sources  thermales, 
quelque  temps  taries.  Ses  écrits,  très  nombreux,  traitent 
surtout  des  échinodermes  fossiles:  DieFaimades  Scfiich- 
tcn  von  St.  Cassian  (Vienne,  1865-70,  5  vol.);  Die  Gas- 
tropoden,  Bivalven  und  Echinodermen  des  braunen 
Jura  von  Balin  (Vienne,  1867);  Geolog.  Beobachtun- 
gen  gesammelt  au f  der  Beise  auf  der  Ransa  {Simm ^ 
1874)  ;  Géologie  des  bœhm  Erzgebirges  (Prague,  1876); 
Geolog.  Exkursio7ien  im  Thermalgebiet  des  N.-W. 
Bœkmens  (Leipzig,  1884),  etc.  L.  S. 

LAUBERT.  Corn,  du  dép.  de  la  Lozère,  arr.  de  Mende, 
cant.  de  Ghâteauneuf-de-Randon  ;  302  hab. 

LA  USES  PIN  (Léonel-Antoine  de  Mouci«t-Battefort, 
comte  de),  homme  politique  français,  né  à  Paris  le  6  sept. 
-1810.  Elève  de  l'Ecole  polytechnique  (1829),  il  fut  aide 
de  camp  du  maréchal  Valée,  gouverneur  général  de  l'Al- 
gérie, se  distingua  pendant  les  campagnes  de  1840  et 
démissionna  en  1848  avec  le  grade  de  capitaine.  Grand 
propriétaire  dans  la  Nièvre,  maire  de  Tracy-sur-Loire,  il 
fut  élu  sénateur  de  la  Nièvre  le  5  janv.  1888  et  siégea  à 
droite.  Le  comte  de  Laubespin,  membre  d'un  grand  nombre 
de  sociétés  philanthropiques,  a  fait  des  donations  considé- 
rables à  des  œuvres  charitables  comme  l'hospitalité  de 
nuit,  l'Institut  Pasteur,  etc.  11  a  publié,  en  collaboration 
avec  L.  Marlet,  VEphéméride  de  l'expédition  des  Alle- 
mands en  France  (1587)  de  Michel  de  La  Huguerye 
(Paris,  1892,  in-8),  qui  fait  partie  des  publications  de  la 
Société  de  l'histoire  de  France. 

L'AUBESPINE  (V.  Aubespine  [Famille  de  L']). 

LAUBIES  (Les).  Corn,  du  dép.  de  la  Lozère,  arr.  de 
Mende,  cant.  de  Saint-Amans  ;  894  hab.  Eaux  minérales 
du  Mazel. 

LAUBRESSEL.  Com.  dudép.  de  l'Aube,  arr.  deTroyes, 
cant.  de  Lusigny  ;  339  hab. 

LAU  BRI  ÈRES.  Com.  du  dép.  de  la  Mayenne,  arr.  de 
Château-Gontier,  cant.  de  Cossé-Ie-Vivien  ;  503  hab. 

LAUCH.  Rivière  de  la  Haute-Alsace,  affl.  g.  de  rHl,qui 
descend  du  Laucheck,  passe  à  Guebwiller  et  finit  à  Col- 
mar  après  un  cours  de  53  kil. 

LAUCHART.  Rivière  d'Allemagne,  affl.  g.  du  Danube, 
qui  descend  du  Rauhe  Alb,  arrose  dans  la  principauté  de 
Hohenzollern  une  vallée  très  pittoresque,  et  finit  près  de 
Sigmaringen  ;  il  a  57  kil.  de  long. 

LAUCHE  (Wilhelm),  horticulteur  allemand,  né  à  Gar- 
tow  (Hanovre)  le  21  mai  1827,  mort  le  12  sept.  1883.  H 
créa  une  maison  de  commerce  renommée  et  transforma  le 
verger  de  Potsdam.  11  a  publié  Deutsche  Pomoloqie  (Ber- 
lin, 1879-84,  6  vol.,  avec  300  pi.  col.). 

LAUCHERT  (Richard),  peintre  allemand,  né  à  Sigma- 
nngen  en  1825,  mort  à  Berlin  en  1868.  Il  se  forma  à 
Paris  et  eut  beaucoup  de  vogue  dans  les  cours  d'Alle- 
magne comme  portraitiste  de  l'aristocratie. 

LAUCHHAIVIIVIER.  Bourg  de  Prusse,  district  de  Merse- 

65 


LAUCHiiÂMMER  —  LAUDANUM 


1026 


bourg  (Saxe),  sur  l'Elster  Noire.  Grand  établissement  mé- 
tallurgique créé  en  4725.  On  y  a  fondu  de  grandes  pièces 
de  bronze  et  préparé  d'importantes  charpentes  de  fer  (palais 
d'été  du  khédive  au  Caire,  gares  de  Berlin,  etc.). 

LAIJCHST>€DT.  Ville  décrusse,  district  de  Mersobourg 
(Saxe),  sur  la  Laucha  ;  2,100  hab.  Source  saline  ferru- 
gineuse. Château  (bâti  en  4600)  des  ducs  de  Saxe-Merse- 
jjourg,  dont  ce  fut  la  résidence  d'été. 

LÂU COURT.  Coîîi.  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de  Mont- 
didier,  cant.  de  Roye;  499  hab. 

LAUD  (William),  théologien  et  homme  politique  anglais, 
né  à  Reading  le  5  oct.  4573,  mort  le  40  janv,  4645.  Fils 
d'un  drapier  de  Reading,  fellow  de  Saint-John's  Collège  à 
Oxford  en  4593,  il  fut  ordonné  prêtre  en  4604.  Il  subit 
pendant  sa  jeunesse  riniluence  de  John  Buckeridge,  le 
meneur  de  la  réaction  épiscopalicnne  contre  le  calvinisme 
triomphant.  Ennemi  des  controverses  doctrinales,  attaché 
à  l'exacte  observation  des  rites  extérieurs  et  à  la  hiérar- 
chie, il  se  fit  connaître  de  bonne  heure  comme  un  polémiste 
vigoureux,  et  il  fut  au  commencement  du  xvii*^  siècle  un 
des  leaders,  à  Oxford,  du  parti  que  ses  adversaires  accu- 
saient d'inchner  vers  le  papisme.  Docteur  en  théologie  et 
chapelain  de  l'évêque  Neile  en  4608,  il  fut  pourvu  par  son 
patron  de  la  cure  de  (^uxton  (Kent)  en  4610  et  fut  élu,  le 
40  mai  4644,  «  président  »  de  Saint-John's  Collège.  Le  roi 
le  fit  doyen  de  Gloucester  en  4646.  A  Gloucester,  il  pro- 
céda sans  ménagements  à  la  réforme  du  culte,  malgré 
révoque  Miles  Smith,  un  calviniste  convaincu.  En  4621,  il 
fut  promu  à  révêché  de  Saint-Da vids.  Appelé  par  Jacques T*' 
à  disputer  contre  le  jésuite  Eisher,  cpii  avait  réussi  à  con- 
vertir à  moitié  la  comtesse  de  Buckingham,  il  y  consentit 
et  discuta  la  question  de  l'infaillibilité  de  l'Eglise  (24  mai 
4622)  d'une  manière  qui  lui  assura  l'estime  particulière  de 
lord  Buckingham,  fils  de  la  coiiitosse.  Il  était  le  théologien 
préféré  de  Buckingham  et  du  prince  de  Galles  qui,  le 
27  mars  4625,  devint  roi  sous  le  nom  de  Charles  1^*'.  Dès 
son  avènement,  Charles  I'^'^  lui  accorda  toute  sa  confiance 
en  matière  de  politique  religieuse.  Le  puritanisme  préva- 
lait dans  le  clergé  anglican  comme  dans  la  société  laïque  ; 
j^aud  entreprit  défaire  triompher,  par  le  moyen  de  l'auto- 
rité royale,  l'orthodoxie  ritualiste,  la  tradition  anglicane 
du  xvi®  siècle,  également  éloignée  du  dogmatisme  romain 
et  du  dogmatisme  genevois.  Il  se  servit  du  roi  comme  d'un 
instrument,  au  risque  de  le  briser,  et  il  le  brisa.  —  C'est 
surtout  après  la  dissolution  du  premier  Parlement  du  règne 
(2  mars  4629)  que  Laud,  devenu  conseiller  privé  (4627) 
et  évéque  de  Londres  (1628),  régenta,  au  nom  de  Charles  i^^^, 
l'Eglise  d'Angleterre.  Il  agit  avec  une  rudesse,  une  intolé- 
rance égales  à  la  rudesse  et  à  l'intolérance  do  ses  adver- 
saires. La  Chambre  étoilée  et  la  cour  de  Haute  Commis- 
sion furent  à  son  service  pour  frapper  les  apologistes  du 
presbytérianisme,   les  adversaires  des  génufiexions,   les 
iconoclastes,  etc.  ;  l'université  d'Oxford,  dont  il  était  chan- 
celier depuis  le  47  avr.  4629,  permettait  en  môme  temps, 
pour  lui  plaire,  l'impression  des  livres  destinés  à  combattre 
les  polémistes  puritains,  tels  que  Prynne.  Archevêque  de 
Canterbury  au  mois  d'août  4633  après  la  mortd'Abbot,  il 
fit  partie  de  la  commission  du  Trésor  après  celle  du  comte 
de  Portland  (1635).  Comme  il  tenait  beaucoup  à  ce  que  la 
table  de  communion  fût  placée  à  l'extrémité  orientale  de 
chaque  église  et  comme  les  clergymcn  opposés  à  cette 
pratique  furent  persécutés  par  lui,  sans  acception  de  per- 
sonnes, l'indignation  grandit  contre  lui;  on  Paccusa  de 
papisme.  Bien  à  tort,  car  il  ne  répondit  jamais  aux  avances 
des  agents  pontificaux,  et  il  proposa  môme  contre  les  ca- 
tholiques des  mesures  qui  lui  aliénèrent  la  bonne  volonté 
de  la  reine.  Son  célèbre  différend  avec  l'Eghse  écossaise 
contribua  à  le  perdre.  «  Le  pape  de  Canterbury  »,  comme 
l'appelaient  les  Ecossais,  leur  fit  imposer  par  Charles  1^^' 
de  nouveaux  canons  et  un  nouveau  prayer-book.  11  fut 
ainsi  la  cause  directe  des  émeutes  d'Edimbourg  en  juil, 
4637.  I^'avènement,  comme  conseiller  du  roi,  de  son  ami 
Wentworlh,  lord  Straiford  (1639),  lui  rendit    quelque 


espoir,  mais  après  la  dissolution  du  Short  Parlia^nent, 
il  fit  promulguer  en  Convocation  de  nouveaux  canons,  à  la 
fois  maladroits,  tyranniques  et  ridicules.  Le  droit  divin  des 
rois  y  était  ouvertement  proclamé;  toute  opposition  à  Ja 
volonté  absolue  des  rois  y  était  qualifiée  de  damnable  ;  tout 
le  monde  était  désormais  forcé  de  jurer  fidélité  «  au  gou- 
vernement de  l'Eglise  par  les  archevêques,  les  doyens,  les 
archidiacres,  etc.  ».  On  rit  beaucoup  de  cet  et  cetera^  et 
la  prestation  de  YEt  cetera  Oaih  dut  être  bientôt  sus- 
pendue. Cependant  le  gouvernement  royal  était  désarmé 
contre  les  Ecossais;  dos  foules  furieuses  demandaient  le 
châtiment  de  Laud,  considéré  comme  le  plus  coupable 
complice  de  l'ioipopulaire  Strafford.  Le  48  déc.  4640,  il 
fut  mis  on  accusation  par  la  Chambre  des  communes,  en- 
fermé cà  la  Tour  le  4^^*  mars  4644.  A  la  Tour,  on  Poublia 
quelque  temps  ;  mais,  le  31  mai  4643,  Prynne  fut  chargé 
de  saisir  ses  papiers  personnels.  Son  procès  commença  le 
42  mars  4644;  condamné,  hm\  que  les  lords  eussent  timi- 
dement essayé  de  sauver  sa  tète,  il  fut  décapité  à  Tower 
jlill.  Ses  restes  furent  transportés  dans  la  chapelle  de 
Saint-John's  Collège,  Oxford,  le  24  juil.  4663.  —  Laud 
a  laissé  des  sermons  (publ.  en  1654,  réédités  en  4829), 
quelques  écrits  de  controverse  et  un  journal  dont  Prynne 
donna,  dès  4644, une  édition  mutilée;  Wliarton  l'a  publié 
intégralement  en  4695.  Uneédition  complète  de  ses  œuvres 
forme  7  vol.  de  la  Library  ofAnglo-Catholic  Theology 
(Oxford, 4 847-60,  in-8).  Sa  vie  a  été  écrite  par  un  de  ses 
disciples,  îleylyn,  sous  le  titre  de  Cyprianus  Anglicus. 
—  Sur  l'ouvrage  récent  de  M.  Sinep-Kinson,  Life  and 
Unies  of  yV.  Laud,  V.  VAthenœum  du  8  déc.  4894.  L. 
LAUDANUM  (Thérap.).  H  y  a  lieu  de  distinguer  le  lau- 
danum dit  de  Sydenham  et  celui  dit  de  Rousseau.  Le  pre- 
mier, beaucoup  plus  employé,  en  Erance  du  moins,  est 
constitué  par  une  macération  d'opium,  de  safran,  de  can- 
nelle et  de  girofle  dans  du  vin  de  Malaga.  4  gr.  de  lauda- 
num représentent  50  centigr.  d'opium  ou  25  centigr.  d'ex- 
trait, chaque  gramme  contenant  35  gouttes  de  laudanum. 
Le  laudanum  de  Rousseau  est  obtenu  par  fermentation 
de  l'opium.  Sa  richesse  en  opium  est  le  double  de  celui 
de  Sydenham,  Ne  renfermant  ni  safran,  ni  cannelle,  il  est 
souvent  mieux  supporté  par  certaines  personnes.  En  réa- 
lité le  laudanum  est  un  extrait  d'opium,  renfermant 
tous  ou  presque  tous  les  alcaloïdes  de  cette  substance. 
Son  action  physiologique  et  thérapeutique  se  rattache  donc 
à  l'étude  de  l'opium  (V.  Opium).  Toutefois,  le  laudanum 
étant  d'un  usage  très  courant,  nous  croyons  devoir  signa- 
ler briè^^ement  son  mode  d'emploi  et  sa  toxicologie. 

Le  laudanum  s'administre  soit  par  la  voie  digestive  en 
potion  ou  en  gouttes  dans  un  peu  d'eau,  soit  par  la  voie 
rectale  en  lavement,  soit  encore  comme  calmant  local  : 
liniment,  cataplasme  laudanisé.  Sous  cette  dernière  forme 
son  action  est  à  peu  près  nulle,  Pabsorption  par  Pépiderme 
intacte  étant  tout  au  moins  fort  discutable.  Par  la  voie  di- 
gestive, le  laudanum  peut  être  donné  à  la  dose  de  5  à  20 
gouttes,  dans  le  cas  de  coliques,  de  diarrhée.  L'emploi  du 
laudanum  contre  la  dysenterie  et  le  choléra  a  été  très 
vanté;  il  agit  surtout  en  immobihsant  l'intestin.  Les  lave- 
ments laudanisés  ont  souvent  un  double  but  :  calmer  les 
douleurs  et  diminuer  le  réflexe  anal  et  les  contractions  in- 
testinales, pour  permettre  de  garder  le  liquide  :  lavement 
nutritif,  lavement  créosote. 

Si  le  laudanum  peut  être  donné  à  dose  assez  forte  chez 
l'adulte,  bien  qu'il  faille  tenir  compte  des  réactions  et  des 
susceptibilités  individuelles,  son  maniement  devient  plus 
dangereux  chez  l'enfant.  Les  doses  suivantes  doivent  être 
considérées  comme  des  maxima  :  4  goutte  jusqu'à  un  an, 
2  gouttes  de  un  à  deux  ans,  3  gouttes  de  deux  à  trois 
ans,  3  à  6  gouttes  de  cinq;  à  huit  ans,  encore  ces  quanti- 
tés ne  doivent-elles  jamais  être  administrées  en  une  fois. 
Les  gouttes  sont  diluées  dans  une  potion  et  données  à  l'en- 
fant dans  les  vingt-quatre  heures.  Au  premier  symptôme 
de  somnolence  ou  de  contraction  des  pupilles,  cesser  l'ad- 
ministration du  médicament.  Les  symptômes  d'intoxication 


^  4027  --- 


LAUDANUM  ^^  LAUDlVtO 


par  le  laudanum  sont  évidemment  ceux  de  toutes  les  pré- 
parations opiacées.  A  côté  en  effet  des  alcaloïdes  somnifères 
comme  la  morphine,  la  narcéine,  il  renferme  de  redoutables 
convulsivants  :  la  thébaïne,  la  papavérine.  Il  faut  ajouter 
que  la  morphine  elle-même  est  convulsivantc  à  une  certaine 
dose.  Le  syndrome  de  rempoisonnement  par  le  laudanum 
varie  considérablement.  Très  souvent  les  empoisonnements 
volontaires  échouent  parce  que  la  quantité  de  laudanum  in- 
géré détermine  des  vomissements  presque  immédiats.  Quand 
l'absorption  a  eu  lieu,  on  constate  une  somnolence  exagé- 
rée, coupée  quelquefois  par  des  mouvements  convulsifs 
violents,  un  spasme  énergique  du  diaphragme  et  des  muscles 
abdominaux,  faisant  suite  à  urf  relâchement  plus  ou  moins 
prolongé.  Les  pupilles  sont  rétrécies,  punctiformes.  Le  pouls 
devient  filiforme,  à  peine  perceptible,  jusqu'au  moment  où 
il  cesse  d'être  senti,  le  cœur  lui-même  s'arrôtant  dans  une 
dernière  systole. 

Contre  l'intoxication  laudaniquo,  administrer,  après  le 
vomitif  de  rigueur  si  l'empoisonnement  est  récent,  du  café 
noir  à  haute  dose,  et  une  piqûre  d'atropine  do  I/IO  de 
milligr.  Faire  la  respiration  artificielle  même  en  cas  de 
mort  apparente.  De  nombreuses  observations  ont  montré  en 
effet  que  la  mort  arrivait  par  asphyxie  et  qu'il  était  sou- 
vent possible  de  ramener  des  intoxiqués  chez  lesquels  toute 
manifestation  vitale  avait  cessé.  Les  tractions  rylhmées  de 
la  langue,  d'après  le  procédé  de  Laborde,  sont  ici  absolu- 
ment indiquées  ;  elles  doivent  être  poursuivies  plus  d'une 
heure  au  besoin,  même  quand  elles  paraissent  au  début  ineffi- 
caces. Quand  les  accidents  les  plus  pressants  sont  conju- 
res, le  lavage  plusieurs  fois  répété  de  l'estomac  doit  être 
tenté;  il  est  prouvé  en  effet  que  les  sels  d'opium  s'éliminent 
en  grande  partie  par  l'estomac  ;  il  faut  donc  éviter  qu'ils 
pénètrent  de  nouveau  dans  l'intestin  et  par  les  vaisseaux 
absorbants  dans  la  grande  circulation.     D^  P.  Langlois. 

LAUDATI  (Giuscppe),  peintre  italien,  né  à  Pérouse 
en  1672,  mort  à  Pérouse  en  1748.  11  travailla  d'abord 
dans  sa  patrie  sous  la  direction  de  Pietro  Montarini,  puis 
à  Rome,  sous  celle  de  Carlo  Maralta.  Il  revhil  en  1700  à 
Pérouse  ;  on  y  voit  dans  l'église  San  Domenico  ses  deux 
ouvrages  les  plus  vantés  par  Orlandi  :  Sainte  Rose  de 
Lima  et  Pie  V  do7vnant  à  L'ambassadeur  de  Pologne  un 
peu  de  terre  prise  dans  V enceinte  sacrée  du  Vatican. 

LAUDEMIUM  (Droit).  L'empliytéoto  peut-il  céder  sondroit 
à  un  tiers,  meliorationes  suas  vendere^  jus  emphyteuti- 
cum  trahis  ferre,  sans  le  consentement  du  dominus?  Une 
constitution  de  Justinien  s'occupe  de  cette  question.  Elle 
décide  entre  autres  que  l'assentiment  du  propriétaire  est 
nécessaire.  Mais,  comme  il  est  à  craindre  que  le  maître  ne 
se  fasse  acheter  son  consentement  à  prix  d'argent,  Justi- 
nien décide  qu'il  ne  pourra  exiger  que  le  cinquantième  du 
prix  de  cession,  ou,  à  défaut  de  prix,  de  la  valeur  estimative 
du  fonds.  Bien  que  le  texte  ne  le  dise  pas,  il  semble  que  le 
propriétaire  puisse  à  son  choix  demander  la  somme  au  cé- 
dant ou  au  cessionnaire.  Au  moyen  âge,  les  interprètes 
ont  appelé  cette  somme  :  laudemium,  mot  qui  dérive  de 
laudare^  dont  le  sens  dans  la  basse  latinité  est  approuver, 
consentir  et  qui  avec  d'autres  formes  analogues,  laudemia, 
laudes^  signifie  ce  qui  est  payé  au  seigneur  du  fief  pour  le 
consentement  qu'il  donne  au  vassal  d'aliéner  son  fief. 

BiBL.  :  3,  Cod.  Just.,  De  Jur.  emphijt.^  IV,  05.  —  Acca- 
RTAs,  Précis  de  droit  romain;  Paris',  1886-91,  t.  I,  n»  283 
bis,  p.  728,  noto  1.  —  Mainz,  Cours  de  droit  romain  ; 
Bruxelles,  1876,  1. 1,  §  M8.  —  Ducange,  Glossarium  mediœ 
et  infîmse  latinitatis,  v  Laudare. 

LAUDER  (Sir  John),  lord  Fountaiuhall,  chroniqueur 
écossais,  né  à  Edimbourg  le  2  août  1646,  mort  le  22  sept. 
1722.  Avocat  renommé,  il  représenta  le  comté  d'Hadding- 
ton  au  Parlement  écossais  en  1685,1690, 1702.  Il  s'y  mon- 
tra protestant  zélé  et  partisan  de  la  révolution,  qui  lui  valut 
le  poste  de  lord  de  session  (1689)  et  le  titre  de  lord  Foun- 
tainhall.  Lord  de  justice  en  1690,  il  repoussa  l'union  avec 
l'Angleterre.  Il  a  laissé  des  ouvrages  qui  sont  des  sources 
de  haute  valeur  pour  l'histoire  de  l'Ecosse.  Ce  sont  :  The 
Décisions  ofthe  lords  ofcoiincil  and  session  from  the 


i678  lo  m 2  (Edimbourg,  1759-61,  2  vol.)  ;  Eistorical 
Observes  of  mémorable  occurents  from  1680  to  1101 
(publiés  en  1840  par  le  Bannatync  Club,  qui  fit  imprimer 
aussi,  en  1848,  les  Historical  Notices  ofscottishajfairs, 
extrait  des  décisions).  R.  S. 

LAUDER  (William),  littérateur  anglais,  mort  aux  Bar- 
bades  en  1771.  Professeur  d'humanités  à  Edimbourg,  il 
s'était  fait  connaître  par  sa  publication  de  Poelarum  Scolo- 
rum  musœ  Sacra'.  (1739,  2  vol.),  lorsqu'il  suscita  une 
polémique  très  vive  en  attaquant  Buchanan  et  en  le  déclarant 
bien  inférieur  à  Johnston.  Il  excita  encore  plus  de  bruit  en 
essayant  de  démontrer  dans  le  Gentleman'' s  Magazine  que 
le  Paradis  perdu  de  Milton  n'était  qu'un  plagiat  d'un 
obscur  poète  latin,  Jacobus  Masenius.  Cette  assertion  donna 
naissance  à  une  foule  de  brochures,  et  il  fut  prouvé  par 
Richardson  que  Lauder  avait  inventé  de  toutes  pièces  les 
passages  de  Masenius  qu'il  accusait  Milton  d'avoir  copiés. 
Cependant  Johnson  lui-même,  l'impeccahlc  critique,  s'était 
fourvoyé  dans  cette  aventure  et  avait  été  un  des  plus 
chauds  défenseurs  de  Lauder  qu'il  contraignit  à  avouer 
publiquement  son  imposture.  Lauder  était  disquaiitié.  Il  dut 
émigrer  aux  Barbades  après  avoir  essayé  vainement  d'atti- 
rer de  nouveau  l'attention  du  public  par  des  pamphlets 
comme  King  Charles  I  vlndicated  from  Ihe  charge  of 
plagiarism  (Londres,  1734).  R.\S. 

BiDL.  :  PHrLALjrj'iiES,  Pandœmonium;  Londres,  1751, 
in-i.  —  Tfie  Progress  of  Envy  ;  Londres,  17Gl,in-l.—HEN- 
DERSON,  Life  and  surprising  exploits  ofthe  famous  W.  L., 
1751.  —  BoswELL,  Life  of  Samuet  Johnson. 

LAUDER  (Sir  Thomas  Dick),  littérateur  anglais,  né  en 
1784,  mort  le  28  mai  1848.  Son  début  httéraire  fut  un 
roman,  Simon  lloy  gardener  at  Dumphail,  publié  eu 
1817  dans  hBlackwood's  MagaùneeX  qui  fut  attribué  à 
Walter  Scott.  Bientôt  suivirent  :  Lochindhu  (1825);  The 
Wolf  of  Badenoch(iH'il),  empruntés  à  l'histoire  et  aux 
légendes  du  comté  do  Moray.  Ces  romans  obtinrent  uu 
grand  succès  et  furent  traduits  dans  presque  toutes  les 
langues  d'Europe.  Ce  succès  fut  encore  dépassé  par  son 
Account  of  the  Great  Moray  Floods  of  18:20  (1850) 
qui  est  demeuré  populaire.  Citons  encore  :  llighland 
Hambles  (1837,  3  vol.)  ;  Lege?ids  and  Talls  of  the  lîi- 
ghlands  (1841,  3  voL)  ;  .1  Tour  round  tfie  Coast  of 
Scotland  (18i2).  R.  S. 

LAUDER  (Robert-Scott),  peintre  écossais,  né  en  1802, 
mort  en  1869.  Ayant  commencé  ses  études  artistiques  à 
l'Académie  d'Edimbourg,  il  les  compléta  à  Londres,  oii 
pendant  trois  ans  il  dessina  d'après  l'antique  au  British 
Muséum,  11^  débuta  par  de  petits  portraits,  puis,  de  retour 
d'Italie  où  il  séjourna  cinq  ans,  s'adonna  aux  sujets  ro- 
mantiques et  bibliques.  Ses  ouvrages  sont  d'un  style  élevé, 
d'un  sentiment  juste,  d'une  couleur  riche  et  puissante.  — 
Son  frère,  James-Eckford,  fut  aussi  un  artiste  distingué. 

LAUDERDALE  (Maitlând,  ducs  de)  (V.  Maitland). 

LAU  DES  (Liturg.)  (V.  Heures  canoniales,  t.  XX,  p.  48), 

LÂUDIN  (Noël), peintre  émailieur  français,  né  en  1657, 
mort  à  Limoges  en  1727.  Il  apprit,  dit-on,  au  Régent,  alors 
duc  d'Orléans,  le  dessin  et  la  fabrication  de  l'émail,  art 
dans  lequel  il  était  d'une  très  grande  habileté.  Ou  voit 
un  certain  nombre  do  ses  émaux  aux  musées  du  Louvre  et 
de  Cluny  ;  les  plus  estimés  sont  ceux  qui  servent  do  car- 
tons d'autel  à  la  cathédrale  de  Limoges  :  la  Mort  d'Abel, 
le  Sacrifice  d'Abraha^i,  les  Noces  de  Cana,  l'Adoration 
des  Mages  et  le  Christ  sur  la  croix.  Il  faut  citer  aussi 
V Empereur  Auguste  à  cheval  (mus.  de  Limoges),  émail 
en  forme  de  bouclier  rond.  Cet  artiste  signait  Naudin  en 
mariant  la  lettre  N  à  la  lettre  L. 

LAUDIN  (Joseph),  émailieur  français,  né  en  1667,  mort 
à  Limoges  en  1727.  Il  a  exécuté  un  assez  grand  nombre 
d'œuvres  d'art,  entre  autres  le  portrait  à'Etéonore  Gali- 
gaï  (musée  du  Louvre),  des  cliasses,  des  pêches,  etc. 

LAUDINI  DA  Casentino  (Jacopo)  (V.  Casentino). 

LAU  DIVIO  DA  Vezzano,  humaniste  italien  du  xv^  siècle. 
Il  était  de  la  famille  génoise  des  Nobili,  mais  on  s'est 


LAUDIViO  —  LAUFBERGER 


d028  — 


habitué  à  le  désigner  par  le  nom  de  son  lieu  de  naissance 
(bourg  delà  Ligurie).  Chevalier  de  Saint- Jean  de  Jérusalem, 
il  adressa  au  cardinal  Ammanati,  dans  les  lettres  qu'il  lui 
écrivit,  les  appels  les  plus  pressants  afin  qu'il  secouât  la 
torpeur  des  princes  chrétiens  et  les  décidât  à  s'opposer  aux 
envahissements  de  l'islamisme.  11  prit  lui-même  les  armes 
cl  participa  à  la  glorieuse  défense  de  Rhodes.  Rentré  en 
Italie,  il  y  mena  une  vie  aventureuse  non  exempte  de  pé- 
rils, et  dut  à  la  culture  des  lettres,  à  laquelle  il  se  consa- 
cra, de  précieuses  amitiés,  entre  autres  celle  de  J.-B.Gua- 
rino,  et  la  protection  des  grands,  notamment  du  duc  Borso 
de  Ferrare,  dont  il  fréquenta  la  cour,  et  du  pape  Mar- 
tin V.  Mais  en  revanche  il  eut  à  souifrir,  comme  la  plupart 
des  humanistes,  de  la  jalouse  susceptibilité  de  ses  rivaux  ; 
Pontanus  alla  jusqu'à  l'appeler  inanissimiis  et  ineptissi- 
mus  poêla.  Las  de  ces  attaques,  il  se  retira  à  Ciciano,  en 
Campanie,  où  il  mourut.  On  a  de  lui  :  Epistolœ  magni 
Turci  editœ  (Naples  et  Rome,  '1473,  in-4),  recueil  de 
prétendues  lettres  de  Mohammed  II,  qui  sont  toutes  de  son 
invention  et  qui  eurent  alors  beaucoup  de  retentissement  ; 
De  Vita  B.Hieronymi  (s.  d.,  vers  1472);  De  Laudibus 
sapienliœ  et  virtutis  (s.  d.).  En  -1884,  M.  0.  Braggio  a 
publié  de  lui  sous  le  titre  de  Una  Tragedia  inedita  del 
liisorgimento  une  pièce  assez  intéressante  :  De  Captiui- 
iate  ducis  Jacobi.  C'est  une  imitation  des  tragédies  de  Sé- 
nèque,  faite,  comme  la  plupart  des  pièces  des  humanistes, 
pour  la  lecture.  Le  choix  d'un  sujet  moderne,  et  même 
contemporain  (le  héros  est  Jacques  Piccinino,  qui  fut  arrêté 
et  étranglé  dans  sa  prison  en  1465,  sur  l'ordre  du  roi 
Ferdinand  de  Naples)  serait  de  la  part  de  Laudivio  une 
remarquable  hardiesse,  si  Albertino  Mussato  n'eût  pas 
composé,  dès  le  commencement  du  xiv^  siècle,  son  Ece- 
rinis;  néanmoins,  cette  pièce  où  sont  juxtaposés  les  pro- 
cédés scéniques  des  mystères  du  moyen  âge  et  ceux  des 
tragédies  de  Sénèque  est  un  des  plus  curieux  spécimens 
du  théâtre  de  la  Renaissance.  G.  Mazzoni. 

BinL.  :  TiRABosciii,  Storia  délia  lelteratura  italiaiw., 
liv.  III,  §  XXIX.—  A.  Np:ri,  Giornale  ligustico,  t. II,  147  et 
suiv.  —  C.  Braggio,  Una  Tragedia  inedita  del  Risorgi- 
inento;  Gènes,  1884.  —  Pour  les  prédécesseurs  de  Laudivio, 
W.  Ci.oETTA,  Die  Anfœnge  der  Renaissancc-Traqœdie; 
Ilalle,  1892. 

LAUDON,  général  autrichien  (V.  Louijon). 

LAU DON N  1ERE  (René  Goulâine  de),  capitaine  calvi- 
niste et  explorateur  français,  mort  en  1566.  Il  était  parti 
de  Dieppe  pour  la  Floride,  avec  Jean  Ril}aut,  en  1562, 
envoyé  par  Coiigny  qui  voulait  fonder  en  Amérique  une 
colonie  protestante.  Les  navigateurs,  arrivés  sur  les  côtes 
de  la  Floride,  y  installèrent  une  colonie  sous  le  nom  de 
Port-Royal.  Laudonnière  et  Ribaut  rentrèrent  ensuite  à 
Dieppe  et  la  colonie  ne  prospéra  pas  ;  ce  qui  restait  de 
colons  fut  rapatrié  par  les  Anglais  en  1564.  Laudonnière, 
qui  était  parti  avec  de  nombreux  gentilshommes  pour 
porter  secours  aux  colons,  ne  les  rencontra  pas.  Il  apprit, 
en  arrivant  à  la  Floride,  la  ruine  de  la  colonie  et  résolut 
d'en  fonder  une  autre  sous  le  nom  de  Caroline  en  l'iion- 
neur  de  Charles  IX.  L'indiscipline  des  matelots  l'empêcha 
à  son  tour  de  réussir;  ils  provoquèrent,  par  leurs  incur- 
sions maritimes,  les  Espagnols  des  Antilles  qui  jurèrent 
l'anéantissement  delà  nouvelle  colonie.  A  ce  moment,  Jean 
Ribaut  amenait  de  Dieppe  des  navires  chargés  de  colons, 
avec  la  mission  de  remplacer  Laudonnière.  Une  escadre 
espagnole,  conduite  par  Pedro  Melendez  de  Avila,  attaqua 
lUbaut  (Y.  ce  nom),  tandis  que  Laudonnière  parvenait  à 
gagner  le  large;  il  arriva  en  France  en  janv.  1566.  On  a 
de  lui:  Histoire  notable  de  la  Floride,  contenant  les 
trois  vogages  faits  en  icelle  par  des  capitahies  et  des 
pilotes  français  (Paris,  1586,  in-8).  G.  R. 

BiBL.  :  Basanier,  Vllistoire  notable  de  la  Floride,  1586, 
réimprimée,  Paris,  1853,  in-12.  —  Archives  curieuses  de 
Vhistoire  de  France^  t.  Vî,  p.  200. 

LÂUDUN.  Corn,  du  dép.  du  Gard, arr.  d'Uzès,  cant.  de 
Roqucmaurc;  1,959  hab.  Stat.  duchem.  de  ferP.-L.-M., 
ligue  d' A  lais  à  L'Ardoise.  Sucrerie  et  fabrique  de  ciments. 

LAUENB0UR6.  Ville  de  Prusse,  district  de  Kœsîin  (Po- 


méranie),  sur  la  Leba  ;  7,500  hab.  Elle  appartint  tour  à 
tour  à  l'ordre  Teutonique  (1322),  à  la  Pologne  (1454),  à  la 
Poméranie,  à  la  Pologne  (1637),  au  Brandebourg  (1657). 
On  y  fabrique  du  vinaigre  de  bois,  des  machines  agri- 
coles, etc. 

LAUENBOURG.  Ville.  —  Ville  de  la  province  prus- 
sienne de  Slesvig-Holstein,  sur  la  r.  dr.  de  l'Elbe,  à  Pembou- 
chure  de  la  Delvenau  (canal  de  Steckenitz)  ;  5,000  hab. 
Ancien  château  d'Artlenburg,  rebâti  en  1182  par  le  duc 
Bernard  de  Saxe  sous  le  nom  de  Lauenburg  qui  devint  celui 
du  duché. 

DuGïiÉ.  —  Le  duché  de  Lauenbourg  ou  Saxe-Lauenhourg 
s'étendait  au  N.  de  l'Elbe  e%tre  les  territoires  de  Hambourg 
à  rO.,  de  Holstein  au  N.-O.  et  au  N.,  de  Lubeck  au  N.,  de 
Ratzeburg  (Mecklembourg-Strelitz)  et  de  Mecklembourg- 
Schwerin  à  l'E.  ;  le  fleuve  le  séparait  du  Hanovre  (Saxe- 
Lunebourg).  Ce  pays  appartenait  vers  le  xi^  siècle  aux  Po- 
labes,  Slaves  du  groupe  wende.  Il  fit  partie  de  l'évêché  de 
Ratzeburg  fondé  par  Henri  le  Lion.  A  la  chute  de  celui-ci, 
il  passa  aux  mains  de  Bernard  l'Ascanien.  Waldemar  II 
de  Danemark  le  conquit  en  1203,  mais  le  reperdit  en  1227. 
A  la  mort  d'Albert  I«^\  dans  le  partage  qui  eut  lieu  entre 
ses  fils  (V.  Saxe),  l'aîné,  Jean  I«%  reçut  la  Basse-Saxe  et 
fonda  la  hgne  de  Saxe-Lauenbourg  (1260).  Le  titre  élec- 
toral, d'abord  partagé  entre  celle-ci  et  celle  de  Saxe-Wit- 
tcnberg,  fut  attribué  exclusivement  a  la  ligne  cadette  par 
la  Bulle  d'Or.  En  1369,  intervint  entre  les  ducs  de  Lauen- 
bourg et  ceux  de  Brunswick  un  pacte  garantissant  à  cha- 
cun l'héritage  de  l'autre  en  cas  d'extinction  de  sa  famille. 
Magnus  l^^  (1507-43)  décida  au  contraire  que  dans  cette 
hypothèse  la  succession  reviendrait  aux  ducs  de  Saxe-Wit- 
tenberg  (ligne  Ernestine).  Un  troisième  pacte  fut  conclu  en 
1671  avec  les  électeurs  de  Saxe  (ligne  Albertine),  par  Ju- 
lius-Franz.  Quand  l'extinction  se  produisit,  parla  mort  de 
ce  dernier,  le  29  sept.  1689,  huit  prétendants  se  présen- 
tèrent. Le  duc  de  Brunswick -Lunebourg  l'emporta,  fut 
reconnu  en  1702,  et  investi  par  l'empereur  en  1728.  Le 
duché  de  Lauenbourg  suivit  les  destinées  du  Hanovre;  il 
fut  conquis  par  la  France  en  1803,  incorporé  au  dép.  des 
Bouches-de-l'Elbe  (1810),  rendu  au  Hanovre  en  1813, 
cédé  à  la  Prusse  (sauf  les  cant.  de  Hadeln  et  Neuhaus)  le 
16  juil.  1816  et  échangé  par  elle  avec  le  Danemark  contre 
l'ancienne  Poméranie  suédoise  (qu'il  avait  reçue  au  lieu  de 
la  Norvège).  Il  reçut  une  administration  particulière,  fut 
incorporé  à  l'Etat  danois  en  1853,  uni  au  Holstein  en  i  855, 
conquis  par  la  Prusse  en  1864;  elle  indemnisa  l'Autriche 
de  sa  part  par  un  versement  de  i  ,875,000  thalers.  L'union 
personnelle  du  duché  de  Lauenbourg  et  de  la  couronne  de 
Prusse  fut  convertie  au  1«^  juil.  1876  en  union  complète, 
et  le  duché  fut  incorporé  à  la  prov.  de  Slesvig-llolstein. 
L'empereur  Guillaume  II,  en  congédiant  Bismarck,  lui 
donna  le  titre  de  duc  de  Lauenbourg. 

BiBL.  :  KoBBE,  Gescli.  und  Landesbeschreibung  des  lier- 
zogtums  Lauenburg;  Altona,  1836,  3  vol.  —  Manecke, 
Topographisch-historisclie  Beschreibung  des  Herzoqtums 
Lauenburg  ;  Mœlln,  1884. 

LAU  FACH.  Bourg  de  Bavière,  prov.  de  Franconie  infé- 
rieure, sur  la  Laufach,  près  d'Aschaffcnburg  ;  le  13  juil. 
1866,  les  Prussiens  y  battirent  les  Hessois. 

LAUFBERGER  (Ferdinand),  peintre  autrichien,  né  à 
Mariaschein  (Bohême)  le  16  févr.  1829,  mort  à  Vienne  le 
16  juil.  1881.  Il  étudia  à  Prague,  puis  à  Vienne,  où 
il  eut  pour  maître  Christian  Ruben,  et  s'adonna  à  la 
peinture  d'histoire  et  de  genre.  Parmi  ses  œuvres  déco- 
ratives, nous  citerons  ses  cartons  pour  le  rideau  de 
l'Opéra-Comique  de  Vienne  et  pour  la  verrière  du  grand 
portail  du  palais  de  l'exposition,  ses  peintures  de  la  cage 
de  l'escalier  du  Musée  autrichien  {Vénus  et  les  Arts); 
parmi  ses  tableaux  :  Fête  de  la  moisson,  Cortège  nup- 
tial, le  Public  au  Louvre,  le  Vieux  Garçon,  Un  Marché 
daiis  la  Haute-Hongrie,  Reddition  de  Calais,  Eclipse 
de  soleil.  Voyageurs  en  montagne.  Soir  d'été  auPrater. 
Signalons  en  outre  des  gravures  [Paysans  delaRamsau), 
des  illustrations  du  genre  humoristique,  et  d'excellentes 


1029 


AUFBERGER  —  iAlAMii 


copies  des  œuvres  de  Délia  Robbia  notamment,  rapportées 
par  lui  d'Italie. 

LAUFEN-lJiiwiESEiN.  Bourg  de  Suisse,  cant.  de  Zurich, 
surtout  connu  par  la  chute  du  Rhin  ;  2,400  hab.  Près  de 
cette  localité,  le  fleuve  coule  entre  deux  coUines  de  moyenne 
élévation,  sur  Tune  desquelles  est  situé  le  château  de  Laufen. 
Ces  collines  sont  reliées  à  travers  le  lit  du  fleuve  par  une 
haute  paroi  de  rochers,  d'où  le  Rhin  se  précipite,  divisé 
par  les  rocs  en  plusieurs  bras,  avec  un  bruit  étourdissant 
qui  s'entend  de  fort  loin,  dans  un  abîme  de  25  m.  de  pro- 
fondeur. La  chute  du  Rhin  rivalise  avec  les  grandes  chutes 
d'eau  du  monde  par  le  pittoresque  du  site  et  par  les 
rochers  de  toutes  formes  qui,  contrariant  le  courant,  don- 
nent au  fleuve  mugissant  un  aspect  grandiose. 

LAUFENBOURG.  Bourg  de  Suisse,  cant.  d'Argovie  ; 
815  hab.  Située  sur  la  rive  gauche  du  Rhin,  en  face  du 
village  badois  de  Klein-Laufenburg,  cette  localité  est  connue 
par  les  rapides  du  Rhin  formés  par  les  blocs  de  granit 
qui  émergent  du  lit  du  fleuve  et  par  la  pêche  du  saumon, 
très  fructueuse  dans  cette  partie  du  Rhin.  Elle  appartint 
à  l'Autriche  jusqu'en  1803, 

LAUFEY  (Myth.  scand.).Nom  donné  à  lamèredeLoki  ; 
il  signifie  île  ombragée.  Laufey  est  l'épouse  du  géant 
Farbauti;  elle  est  souvent  appelée  Ndl,  c.-à-d.  aiguille. 

LAUFFER  (Jacques),  historien  suisse,  né  à  Zofingue  le 
25  juil.  1688,  mort  le  26  févr.  1734.  Après  avoir  étudié 
l'histoire  et  la  théologie  à  Halle  et  Utrecht,  il  fut  quelque 
temps  pasteur,  puis,  dès  1718,  professeur  dliistoire  et 
d'éloquence  à  Berne.  vSon  principal  ouvrage  est  une  Expo- 
sition exacte  et  complète  de  r histoire  helvétique  (Zu- 
rich, 1736-38,  18  vol.), 

LAUFON.  Petite  ville  de  Suisse,  dans  le  cant.  de  Berne; 
1,277  hab.  Elle  est  située  dans  une  vallée  fertile  du  Jura, 
qu'arrose  la  Birse  (V,  ce  mol),  sur  la  route  de  Berne  à 
Râle  par  le  Jura.  A  proximité  de  Baie,  Laufon,  qui  pos- 
sède d'importantes  carrières  de  pierres  calcaires,  fournit  à 
cette  ville  des  matériaux  de  construction.  Fabriques  de 
ciment  et  briqueterie.  Il  se  trouvait  près  de  Laufon  une 
station  romaine  sur  l'emplacement  de  la(juelle  on  a  recueilli 
récemment  un  grand  nombre  de  monnaies. 

LAUGÉE  (Désiré-François),  peintre  français,  né  à  Ma- 
romme  (Seine-Inférieure)  le  25  janv.  1823.  Elève  de 
Picot  et  de  l'Ecole  des  beaux-arts,  il  débuta  au  Salon 
de  1845.  Parmi  ses  tableaux,  il  faut  citer  surtout  son 
Van  Dyck  à  Sauelthem  et  la  Mort  de  Zurbaran  (1850)  ; 
Lesueur  chez  les  chartreux  (1855);  Sainte  Elisabeth 
de  France  lavant  les  pieds  des  pauvres  (1865),  à 
l'Exposition  universelle  de  1867  ;  des  peintures  murales 
dans  l'église  Sainte-Clotilde,  à  Paris  (1870)  ;  le  Triomphe 
de  Flore,  peinture  décorative  pour  l'Hôtel  continental 
(1879);  Victor  Hugo  sur  son  lit  de  mort  (1880);  les 
Approches  de  l'automne  (1892);  le  Fil  de  la  Vierge 
(1893).  On  lui  doit  des  peintures  murales  exécutées  dans 
l'église  de  Saint-Pierre  et  Saint-Paul,  à  Saint-()uentin,  et 
à  la  Trinité,  à  Paris.  Ciiallamel. 

LAUGÉE  (Georges),  peintre  français,  né  à  Montivilliers 
(Seine -inférieure)  le  19  déc.  1853,  fds  du  précédent. 
Elève  de  son  père,  de  Pils  et  de  Lehmann.  Les  scènes  de 
M.  Georges  Laugée  sont  presque  toutes  des  scènes  de 
plein  air,  claires  et  vivantes.  Il  a  débuté  au  Salon  de 
1877  avec  le  Repas  des  Moissonneurs.  Parmi  ses  autres 
envois  aux  Salons,  citons  :  Arracheuses  de  betteraves  en 
Picardie  (1879);  En  octobre  (1881),  au  musée  de  Bou- 
logne-sur-Mer  ;  les  Premiers  Pas  (1883),  au  musée  de 
Carcassonne  ;  Soleil  couchant  (i^SQ)  ;  Enterrement  de 
jeune  fille,  au  hameau  d'Etricourt  (1887),  au  musée 
de  Saintes  ;  le  Retour  des  champs  et  le  Repos  (1890)  ; 
Au  Printemps  de  la  vie  (1891);  la  Rentrée  au  hameau, 
fin  du  jour  (1892)  ;  Glaneuses^  fin  de  jour  (1893)  ; 
Au  Pays  normand  et  les  Lapùis  (1894).  M.  Georges 
Laugée  est  le  beau-frère  du  peintre  Julien  Dupré. 

LAUGEL  (Antoine-Auguste),  littérateur  français,  né  à 
Strasbourg  le  20  janv.  1830.  Il  entra  à  l'Ecole  polytech- 


nique en  1849,  puis  à  l'Ecole  nationale  des  mines  d'où  il 
sortit  en  1854  avec  le  diplôme  d'ingénieur  des  mines.  Mais 
il  se  fit  bientôt  mettre  en  disponibilité  pour  se  consacrer,  dans 
la  vie  privée,  à  des  travaux  scientifiques,  philosophiques 
et  littéraires  très  variés.  Il  fut  quelque  temps  secrétaire 
du  duc  d'Aumale  et  compte  aujourd'hui  (1895)  au  nombre 
des  administrateurs  du  chemin  de  fer  Paris-Lyon.  Depuis 
la  fondation  du  Temps  jusqu'en  1894,  M.  Laugel  a  rédigé 
sans  interruption  la  chronique  scientifique  de  cejournal  sous 
le  pseudonyme  d'A.  Vernier.  Il  a  aussi  collaboré  avec  une 
grande  activité  à  la  Revue  de  Géologie  et  à  la  Revue  des 
Sciences  et  deV  Industrie.  Parmi  ses  ouvrages,  tous  publiés 
à  Paris,  citons  d'abord  les  travaux  scientifiques  :  Etudes 
scientifique  s  {i  859,  in-1 8)  ;  Science  et  Philosophie  (1 862, 
in-18);  la  Voix,  l  Oreille  et  la  Musique  (1867,  in-1 8); 
r  Optique  et  les  Arts  (1869,  in-18);  les  Problèmes 
(1873,  in-8).  Mais  les  ouvrages  les  plus  appréciés  do 
M,  Laugel  sont  ses  essais  historiques  et  biographiques  : 
les  Etats-Ujiis  pendant  la  guerre  (1861-ë5,  in-18), 
ouvrage  d'une  impartialité  douteuse  où  l'auteur  cherche  à 
montrer  les  conditions  du  fonctionnement  régulier  d'une 
démocratie;  V/higlelerre  politique  et  sociale  (1873, 
in-18);  Lord  Palmerston  et  Lord  Russel  (1876,  in-18); 
Louise  de  Coligny  (1877,  in-8);  la  Réforme  au 
xvi^  siècle,  études  et  portraits  {iHM,  in-8);  Fragments 
d'histoire  :  Philippe  H,  Cathcriîie  de  Médias,  Coli- 
gny, Gust.-Adolphe,  Richelieu  (1886,  in-8);  Henry  de 
Rohan,  son  rôle  politique  et  militaire  sous  Louis  XI II 
(1889,  gr.  in-8).  Th.  Ruyssen. 

LAU61ER  (Marie- Antoine),  historien  et  littérateur  fran- 
çais, né  à  Manosque  le  25  juil.  1713,  mort  à  Paris  le 
7  avr.  1769.  Jésuite,  prédicateur  à  la  cour,  il  fut  secré- 
taire d'ambassade  à  Cologne.  Rédacteur  de  la  Gazette  de 
France,  il  a  laissé  un  certain  nombre  d'ouvrages  qui  ne 
manquent  pas  de  valeur  et  qui  sont  surtout  remarquables 
au  point  de  vue  du  style.  Citons  :  Essais  sur  V architec- 
ture (Paris,  1753,  in-8);  Apologie  de  la  musiijue  fran- 
çaise (1754,  in-8);  Histoire  de  la  llépublique de  Venise 
(1759-68,  12  vol.  in-12);  Histoire  de  la  paix  de  Bel- 
grade {Um-m,  2  vol.  in-1 2). 

LAUGIER  (André),  chimiste  et  minéralogiste  français, 
né  à  Lisieux  (Calvados)  le  l^^'août  1770,  mort  à  Paris  le 
19  avr.  1832.  D'abord  élève  pharmacien,  puis  professeur 
de  chimie  et  de  pharmacie  aux  écoles  d'instruction  militaire 
de  Toulon  et  de  Lille,  il  suppléa,  à  partir  de  1802,  Four- 
croy,  son  parent,  dans  la  chaire  de  chimie  du  Muséum 
d'histoire  naturelle  et  lui  succéda  comme  professeur  titu- 
laire en  1810.  Dans  l'intervalle,  il  avait  été  nommé  chef 
du  secrétariat  de  la  direction  générale  de  l'instruction  pu- 
blique, professeur  d'histoire  naturelle,  directeur  adjoint  et 
directeur  de  l'Ecole  de  pharmacie  de  Paris.  11  faisait  partie 
de  l'Académie  de  médecine  depuis  sa  création  (1820).  Il  fut 
enlevé  par  le  choléra.  Savant  de  grande  valeur  et  manipu- 
lateur des  plus  habiles,  Laugier  a  été  l'un  des  fondateurs, 
en  France,  de  la  chimie  minérale.  Ses  analyses,  qui  riva- 
hsent,  comme  élégance  et  comme  rigueur,  avec  celles  de 
son  contemporain  Vauquelin,  ont  révélé  ou  précisé  la  cons- 
titution chimique  d'un  grand  nombre  de  substances  miné- 
rales encore  mal  connues,  il  a  aussi  beaucoup  étudié  la 
composition  des  aérolithes.  Il  a  indiqué  enfin  d'excellents 
procédés  pratiques  pour  séparer  le  cobalt  du  nickel,  le  fer 
du  titane,  le  cérium  du  fer.  Il  n'a  publié  à  part  que  ses 
leçons  du  Muséum,  sous  le  titre  :  Cours  de  chimie  géné- 
rale et  pratique  (Paris,  1828,  3  vol.  in-8,  et  atlas). 
Mais  il  a  donné  dans  les  Annales  (1804-11)  et  dans  les 
Mémoires  (1815-30)  du  Muséum  d'histoire  naturelle, 
dans  les  Annales  de  chimie,  dans  le  Bulletin  de  la  So- 
ciété philomaihique,  de  nombreux  et  importants  mémoires 
dont  on  trouvera  la  liste  dans  le  Biogr.-liter.  Handwœr- 
lerbuchôe  Poggendorff.  Il  a  en  outre  collaboré  d^u  Diction- 
naire technologique.  L.  S. 

LAUGIER  (Jean-Nicolas),  graveur  français,  né  à  Tou- 
lon le  22  juil.  1785,  mort  à  Argenteuille  24  févr.  1875. 


TAUGI1<:R  —  LAUMONT 


—  1030 


Il  exposa  pour  la  première  fois  en  4817.  Elève  de  Girodet, 
il  s'est  adonné  principalement  à  la  gravure  d'histoire.  Ses 
planches  sont  très  recherchées.  On  admire  surtout  son  lUro 
et  Léandrej  d'après  Deîorme;  les  Pestiférés  de  Jaffa, 
Léonidas  aux  Thermopyles  et  le  portrait  en  pied  de 
Napoléon  ¥'\  d'après  L.  David  ;  le  portrait  de  Chateau- 
briand, d'après  Girodet;  Washington^  d'après  Léon  Coi- 
gnct;  le  ïiavissement  de  saint  PaiiU  du  Poussin;  la 
Vierge  sur  les  genoux  de  sainte  Anne^  de  Léonard  de 
Vinci;  la  Belle  Jardinière,  de  Kaphaël;  la  Vierge  au 
Lapin  blanc,  du  Titien.  H  a  gravé,  en  outre,  nombre  de 
vignettes  pour  des  ouvrages  importants,  tels  que  :  Ihjmen 
et  Naissance,  recueil  dédié  à  Napoléon  et  à  Marie-Louise 
(4842),  et  Don  Quichotte  (4820).  Cuâllamel. 

LAUGIER  (César  de  Bellecouk,  comte  de),  général 
toscan,  né  à  Portofcrrajo  (île  d'Elbe)  le  5  oct.  4  789, 
>nort  à  Florence  le  25  mars  4871,  d'une  famille  d'origine 
française.  Il  fit  avec  honneur  les  campagnes  d'Espagne  et 
de  Russie  et  se  rendit  auprès  de  Murât  à  la  chute  de 
l'Empire.  Fait  prisonnier  par  les  Autrichiens  (481S),  il 
rentra  dans  son  pays  en  4846,  prit  du  service  dans  Far- 
niée  toscane  comme  capitaine  en  4849,  et  fit  nne  carrière 
rapide.  Le  29  mai  48-^8,  il  commandait  le  contingent 
toscan  qui  s'ilkistra  au  combat  de  Curtatone [Y .  co  moi). 
En  4849,  chargé  de  défendre  la  frontière  de  la  Lunigiane, 
il  prit  parti  pour  le  grand-duc  fugitif  (février);  'mais, 
a])andonné  par  ses  troupes,  il  dut  se  retirer  en  Piémont. 
Après  le  retour  du  grand-duc  (juillet),  il  fut  ministre  de 
la  guerre.  Faiblement  soutenu  dans  ses  essais  de  réorga- 
niskion  de  l'armée,  il  donna  sa  démission  le  12  oct.  4851. 
Ecrivain  militaire,  le  général  Laugier  a  ymblié  aussi  des 
ouvrages  d'histoire  contemporaine  et  même  un  roman, 
Cosimo  e  Lavinia  (Florence,  4829).  F.  11. 

LAUGIER  (Stanislas),  chirurgien  français,  né  à  Paris  le 
28  janv.  4799,  mort  à  Paris  le  45  févr.  4872,  fds  d'André 
Laugier  (V.  ci-dessus).  Elève  de  Dupuytren,  agrégé  de  la 
faculté  de  médecine  en  4829,  chirurgien  du  bureau  central 
en  4831,  il  devint  peu  après  chirurgien  consultant  du  roi 
Louis-Philippe  et  en  1818  professeur  de  clinique  chirurgi- 
cale. Elu  membre  de  F  Académie  de  médecine  en  4844,  il 
entra  à  l'Institut  en  4808.  Outre  ses  thèses  de  concours, 
il  a  laissé  une  série  de  Mémoires  insérés  dans  le  Bulletin 
chirurgical  publié  par  lui,  dans  le  dictionnaire  en  30  vo- 
lumes, le  Dictionnaire  de  médecine  et  de  chirurgie  pra- 
tiijues,  etc.  Laugier  imagina  une  nouvelle  opération  de  la 
listule  lacrymale,  de  la  cataracte  par  aspiration,  du  sym- 
biépharon,  etc.,  la  suture  osseuse  dans  les  fractures  obli- 
ques, etc.,  et  décrivit  une  variété  de  hernie  crurale,  un  signe 
nouveau  de  la  fracture  du  crâne  (écoulement  de  sérosité  par 
l'oreille),  le  moyen  de  reconnaître  la  présence  de  l'intestin 
dans  l'étranglement  herniaire,  etc.  D''  L.  Hn. 

LAUGIER  (Paul-Augustc-Ernest),  astronome  français, 
né  à  Paris  le  22  déc.  4842,  mort  à  Paris  le  5  avr.  4872, 
frère  du  précédent.  A  sa  sortie  de  FEcole  polytechnique 
(4854),  il  entra  comme  élève  astronome  à  l'Observatoire  do 
l^aris,  alors  dirigé  par  Fr.  Arago,  qui  l'associa  à  ses  re- 
cherches et  dont  il  épousa  la  nièce,  M^^^  Lucie  Mathieu, 
iille  de  l'astronome  de  ce  nom,  et  secrétaire  de  son  oncle 
de  4836  jusqu'à  sa  mort.  ¥m  4843,  il  fut  élu  membre  de 
l'Académie  des  sciences.  Attaché,  la  même  année,  au  Bureau 
des  longitudes,  il  en  devint  membre  titulaire  en  4862.  Il 
était  en  outre  depuis  1848  examinateur  à  FEcole  navale. 
On  lui  doit  d'importants  travaux  sur  les  taches  du  soleil, 
dont  il  a  le  premier  déterminé  le  mouvement  propre,  sur 
la  comète  de  lîalîey,  sur  les  nébuleuses,  dont  il  a  donné 
un  catalogue,  sur  Fisochronisme  du  pendule,  sur  la  com- 
pensation des  horloges  astronomiques,  sur  le  magnétisme 
terrestre.  Les  résultats  s'en  trouvent  exposés  dans  des  mé- 
moires et  des  articles  qu'il  a  publiés  dans  les  Comptes 
rendus  de  V Académie  des  sciences  et  dans  la  Connais- 
sance des  Temps.  L.  S. 

LAUGIER  (Louis-Pierre),  acteur  français,  né  à  Paris 
le  44  mai  4864,  fils  du  précédent.  Il  entra  fort  jeune  au 


Conservatoire,  dans  la  classe  de  Delaunay,  et  obtint  en 
1 885  le  premier  prix  de  comédie.  Engagé  alors  à  la  Comé- 
die-Française, il  y  débuta  le  23  sept.  1885  dans  Orgon  de 
Tartufe,  prenant  ainsi,  malgré  son  jeune  âge,  l'emploi  des 
pères  nobles  et  des  rôles  à  manteau,  que  comportait  son 
génie  et  son  physique.  Il  ne  tarda  pas  à  occuper  une  place 
honorable  dans  le  répertoire.  Il  a  été  nommé  sociétaire  le 
4«^  janv.  1894. 

LAUGIER  deChartrouse  (Baron)  (V.  Chartrouse). 
LAUGNAG.   Corn,  du  dép.  de  Lot-et-Garonne,  arr. 
d'Agen,  cant.  de  Prayssas;  702  hab. 

LAUINGEN.  Yille  de  Bavière,  prov.  de  Souabe,  sur  le 
Danube;  4,000  hab.  Belle  église  renfermant  les  tombeaux 
des  ducs  de  Palatinat-Neubourg  ;  beau  clocher  isolé  de 
55  m.  Important  commerce  agricole.  Bâtie  sur  l'emplace- 
ment d'un  camp  romain,  quelque  temps  capitale  des  ducs 
de  Neubourg,  elle  fut  ruinée  par  la  guerre  de  Trente  ans. 
LAUJON  (Pierre),  chansonnier  et  auteur  dramatique 
français,  né  à  Paris  le  3  janv.  4727,  mort  à  Paris  le 
43  juiî.  1841.  Fils  d'un  procureur  et  condisciple  de  Turgot 
au  collège  Louis-le-Grand,  il  fut,  dès  Fâge  de  vingt  ans, 
secrétaire  du  comte  de  Clermont,  occupa  les  mêmes  fonc- 
tions auprès  du  duc  de  Bourbon  et  succéda  en  1775  à 
Gentil  Bernard  comme  secrétaire  général  des-  dragons. 
Collaborateur  de  Favart  pour  divers  ballets,  divertissements 
et  pastorales,  joués  à  Choisy,  à  Chantilly  et  au  Théâtre- 
Italien,  il  donna  seul  V Amoureux  de  quinze  ans,  comédie 
lyrique  en  trois  actes  (1771),  son  plus  grand  succès,  et 
livrait  en  1771  sous  le  titre  &' A-Propos  de  société  (3  voL 
in-8)  un  choix  de  ses  chansons.  Ruiné  par  la  Révolution, 
il  ne  fit  pas  moins  partie  des  sociétés  bachiques  qui  se 
formèrent  sous  le  Directoire  et  se  multiplièrent  au  début 
du  siècle.  En  1809,  il  fut  élu  membre  de  l'Académie  fran- 
çaise, en  remplacement  de  Portahs  et  allégua  dans  son 
remerciement  que,  vu  son  grand  âge,  «  il  y  avait  urgence  ». 
Sous  le  titre  cVÔEuvres  choisies  (1811,  4  vol.  in-8, 
portrait),  il  avait  rassemblé  une  partie  de  son  théâtre  et 
quelques-unes  de  ses  meilleures  chansons.  M.  Tx. 

LAUJUZAN.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Condom, 
cant.  de  Nogaro  ;  508  hab. 

LAULNE.  Com.  du  dép.  de  la  Manche,  arr.  de  Cou- 
tances,  cant.  de  Lessay;  483  hab. 
LAULNE  (Etienne  de)  (V.  Delâune). 
LAUMONT  (François-Pierre-Nicolas  Gillet  de),  miné- 
ralogiste français,  né  à  Paris  le  28  mai  1747,  mort  le 
l^^juin  1834.  D'abord  avocat  au  parlement  de  Paris,  puis 
élève  de  FEcole  militaire,  il  en  sortit  enseigne  en  1772,  fut 
promu  capitaine  en  1779,  mais  renonça  en  1784  à  la  car- 
rière des  armes  pour  se  consacrer  tout  entier  à  l'étude  de 
la  minéralogie,  qu'il  cultivait  depuis  longtemps  déjà  dans 
ses  moments  do  loisir.  Nommé  la  même  année  inspecteur 
des  mines  et  en  1794  l'un  des  trois  membres,  avec  Le- 
febvre  d'Hellencourt  et  Lelièvre,  de  l'Agence  des  mines,  il 
organisa  avec  eux  la  nouvelle  Ecole  des  raines  de  Paris, 
fut  membre  du  Conseil  des  mines  et  devint  en  1810  ins- 
pecteur général.  Il  prit  sa  retraite  en  1832.  Il  avait  été 
élu  en  1816  membre  libre  de  l'Académie  des  sciences  de 
Paris.  Gillet  de  Laumont  a  eu  une  grande  part,  comme  sa- 
vant et  comme  organisateur,  aux  progrès  faits  parla  miné- 
ralogie et  la  métallurgie  et  à  l'essor  imprimé  à  leur  enseigne- 
ment à  la  fm  du  xviii®  siècle  et  au  commencement  du  xix*^. 
il  avait  débuté  en  1784  par  une  exploration  des  mines 
de  la  Bretagne  et  des  Pyrénées,  au  cours  de  laquelle  il  avait 
découvert,  entre  autres  substances  nouvelles,  une  zéolite 
efflorescente,  dénommée  laumonite  par  Haiiy.  Il  reconnut 
vers  la  même  éfjoque  la  véritable  nature  des  gisements  de 
lignite  qui  entourent  Paris  et  qui  avaient  été  pris  un  ins- 
tant pour  de  la  houille.  En  1789,  il  présenta  sur  l'en- 
semble des  mines  en  exploitation  un  travail  qui  fut  le  point 
de  départ  de  la  loi  de  1810.  H  s'occupa,  d'autre  part, 
d'améliorer  les  procédés  de  conversion  de  l'argent  chloruré 
en  argent  natif,  de  trempe  de  l'acier,  d'analyse  qualita- 
tive du  fer.  Il  réunit  enfm  un  riche  cabinet  de  minéralogie. 


i031 


LAUMONT  ^^  LAUNOY 


Il  n'a  donné  à  part  aucun  ouvrage,  mais  il  a  publié  de   | 
nombreux   mémoires  et  articles  dans  le  Journal  des 
mines,  dans  les  Àmiales  des  mines,  dans  le  Journal  de 
physique,  dans  le  Bulletin  de  la  Sociéié  philonia- 
tkique,  etc.  L.  S. 

BiBL.  :  Moniteur  unioersel  du  2  sept,  1831.  —  ÏIÉiircART 
DE  TiiuiiY,  Notice  surGiltet  de  Launiont,  dans  les  Annales 
des  mineS)  1834,  p.  523.—  J.-C.  Poggendoiiff,  Biogr.-lUer. 
Ifandwœrterbuch;  Lcipziii;,  1863. 

LÂUNAG  (Le)  (V.  Garonne  [Haute-],  t.  XVIIt,  p.  ^M), 

LAUNAC.  Com.  du  dép.  de  la  Haute- Garonne,  arr.  de 
Toulouse,  cant.  de  Grenade-sur-Garonne;  842  hab. 

LAUNA6UET.  Gom.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
et  cant.  (N.)  de  Toulouse;  6i2  liab. 

LAUNAY.  Com,  du  dép.  de  FEure,  arr.  de  Bernay, 
cant.  de  Beaumont-le-Roger  ;  3^20  liab. 

LÂUNÂY-ViLLiERs.  Com.  du  dép.  de  la  Mayenne,  arr. 
de  Laval,  cant.  de  Loiron  ;  514  liab. 

LAUNAY  (Philippe  et  Gautier  de)  (V.  Aulnât). 

LAUNAY  (Pierre  de),  sieur  de  La  Motte  et  de  Vaufer- 
lan,  hébraïsant  et  théologien  laïque,  né  à  Pdois  en  1573, 
mort  à  Paris  le  27  juin  '4661.  D'origine  huguenote,  il  fut 
d'abord  contrôleur  général  des  guerres  en  Picardie,  mais 
renonça  à  cette  situation  en  4613,  pour  se  consacrer  en- 
tièrement à  l'étude  des  textes  sacrés.  Parmi  ses  écrits, 
analysés  dans  la  France  protestante  (t.  VI,  pp.  428  et 
suiv^),  le  principal  est  intitulé  llemarques  sur  le  texte  de 
la  Bible,  etc.  (Genève,  16()7,  in-4)  ;  c'est  une  classifica- 
tion de  tous  les  idiotismes  de  la  langue  biblique,  qui  peut 
encore  servir  de  concordance  grammaticale  ou  rhétorique. 

LAUNAY  (Nicolas  de)  (Y.  Delaunay). 

LAUNAY,  comte  (xAntraigiies  (V.  ce  nom). 

LAUNAY  (Alphonse-Henry  Henryrt  de),  littérateur  fran- 
çais, né  à  Nevers  le  10  août  1822,  mort  le  10  sept.  1891. 
Capitaine  de  cuirassiers  pendant  !a  guerre  franco-alle- 
mande. On  lui  doit  :  1°  des  pièces  de  théâtre,  entre 
autres  :  IJrie  Epreuve  après  la  lettre  (1866,  in- 1 2),  comédie 
représentée  à  l'Odéon  ;  Adieu  paniers  (1864,  in-12),  co- 
médie jouéeau  Théâtre-Français;  le  Cousin  Pons  (1874), 
drame  d'après  Balzac,  joué  à  Cluny  ;  le  J5^  Hussards, 
joué  au  Vaudeville  (1874);  les  Campagnes  de  Bois- 
Fleury  (id. ,  1 877)  ;  2^*  dos  romans  :  Mademoiselle  Miqnon 
(1873,  in-12)  ;  les  Demoiselles  Sevelle  (1883,  in~12)  ; 
les  Joyeuses  (1886,  in-12);  le  Crime  de  la  rue  des  Li~ 
las  (1889,  2  vol.  in-12),  etc.  ;  3^  des  études  de  la  vie 
militaire  qui  ont  été  remarquées,  entre  autres  :  Père  in- 
connu (1880,  in-12)  ;  Culottes  rouges  (1883,  in-12)  ; 
Discipline  (188.^>,  in-12). 

LAUNAY  (Georges-Alexis,  baron  de),  général  français, 
né  à  Versailles  le  3  déc.  1827.  Elève  do  l'Ecole  do  Saint- 
CyrenlSif),  sous-lieutenant  d'infanterie  le  l^^oct.  1847, 
il  partit  pour  l'Afrique  dès  le  début  de  sa  carrière.  Envoyé 
en  Crimée  avec  son  régiment,  il  assista  au  siège  de  Sébas- 
topol.  Chef  de  bataillon  en  1858,  il  commandait  en  1870 
un  régiment  d'infanterie  à  l'armée  <lu  Rhin  et  prit  part  aux 
opérations  qui  eurent  lieu  sous  Metz.  Général  de  brigade 
le  4  nov.  1874  et  divisionnaire  le  27  déc.  1881,  il  était 
à  la  tête  du  XIL-  corps  d'armée  quand^il  est  passé  dans  le 
cadre  de  réserve  en  1892.  E.  Bernard. 

LAUNAY  (Jules-Paul-Louis),  romancier  français,  né  à 
Paris  en  1850.  H  débuta  très  jeune  dans  le  journalisme, 
et,  dès  1877,  collabora  activement  à  la  Marseillaise, 
au  Mot  d'ordre  et  m  Pièveil.  En  1884,  il  entra  à  laiYa- 
tion,  où  il  exerça  longtemps  les  fonctions  de  secrétaire  de 
la  rédaction.  Louis  Launay  a  écrit  de  nombreux  romans  et 
feuilletons.  On  peut  citer  :  le  Parc  aux  cerfs,  le  Petit 
Mari,  etc.  Il  écrivit  en  collaboration  avec  Maxime  Ville- 
mer:  la  Fille  du  renégat;  avec  BlauriccGogand,  Vidocq, 
dont  le  succès  fut  très  grand;  les  Drames  de  r inquisi- 
tion, V Orpheline  du  Temple,  etc.  H  a  fait  jouer  avec  suc- 
cès deux  drames  :  Hoche (i  879),  et  la  Sainte  Ligue(iSS()). 

LAUNCESTON.  Ville  d'Angleterre,  comté  do  Cornwall, 
sur  l'Attery,  alîl.  du  Tamer;  3,800  hab.  Château  ruiné; 
église  gothique  de  1533. 


L  A  U  N  C  ESTO  N .  Deuxième  ville  de  Tasmanie  (Australasie) , 
principal  centre  commercial  dans  le  Nord,  ch.~I.  du  comté 
de  Cornwall  ;  sur  la  rivière  Tamar,  à  64  kil.  de  son  em- 
bouchure et  sur  sa  partie  maritime,  à  192  kil.  (213  par 
chemin  de  fer)deHobart;  21,926  hab.  Elle  possède  comme 
avant- port  Georgetown  sur  l'estuaire  appelé  Port  Dalrymple, 
mais  peut  recevoir  directement  les  navires  de  3  m.  à  la 
marée.  Aux  environs,  cultures,  blés,  pommes  de  terre, 
fruits,  etc.  Reliée  par  chemin  de  fer  à  Scottsdale. 

LÂUNE.  Rivière  à'îrlande  (V.  ce  m.ot,  t.  XX,  p.  949). 

LAUNE  (Etienne  de)  (V.  Delâune). 

LÂUNER  (Marinette  Boisière,  épouse)»  danseuse  fran- 
çaise, née  vers  la  lin  du  xvni®  siècle,  morte  à  Paris  en 
1853.  Cette  artiste  fort  distinguée  entra  dès  ses  plus 
jeunes  années  à  Fécole  de  danse  de  l'Opéra,  et  débuta 
comme  «sujet»  (1812),  do  la  façon  la  plus  heureuse. 
Elle  se  fit  surtout  apprécier  comme  mime,  et  reprit  avec 
succès  les  rôles  de  M"^«  Courtin.  Sa  renommée  en  ce  genre 
fut  absolument  exceptionnelle  ;  elle  prit  sa  retraite  en 
1828.  Quelques  années  plus  tard  elle  se  fit  éditeur  de 
musique,  et  montra  dans  ce  commerce  un  sentiment  de 
l'art  remarquable. 

LAUNEY  (Bernard-René  Jourdan  de).  Celui  qui  devait 
être  le  dernier  gouverneur  de  la  Bastille,  naquit  en  1740 
dans  ce  château  môme,  dont  son  père,  René  Jourdân  de 
Launey,  eut  le  commandement  en  chef  de  1718  à  4  749. 
Par  son  mariage  avec  M^^^  de  Jumilhac,  Bernard  de  Lau- 
ney obtint  la  survivance  du  gouvernement  et  il  en  fut  in- 
vesti grâce  à  la  démission  de  son  beau-père,  au  mois  d'oct. 
1774.  Son  rôle  aurait  été  certainement  des  plus  efïacées 
sans  la  journée  du  14  juil.  1789.  Chargé  de  défendre  la 
Bastille,  il  ne  sut  faire  qu'à  demi  son  devoir,  hésitant  à 
résister  aussi  bien  qu'à  se  rendre  ;  aussi  sa  conduite  a-t- 
eilo  été  généralement  blâmée  par  les  innombrables  écrivains 
qui  ont  eu  à  juger  les  événements  de  cette  journée.  Per- 
sonne n'ignore  que  de  Launey,  conduit  à  l'Hôtel  de  Ville  par 
ses  vainqueurs,  qui  sans  doute  voulaient  ainsi  le  sauver, 
fut  massacré  sur  la  place  de  Grève,  décapité,  et  que  sa  tète 
fut  pendant  deux  jours  promenée  au  bout  d'une  pique  à 
travers  Paris.  Les  papiers  très  nombreux,  provenant  de  la 
famille  de  Launey,  sont  conservés  à  la  bibliothèque  de 
l'Arsenal,  dans  le  fonds  des  archives  de  la  Bastille.     F.  B. 

LAUNEY  (Jean-Baptiste  de),  archéologue  français,  né  à 
îsigny  en  1752,  mort  à  Bayeux  le  6  déc.  1831.  Avocat 
et  poète,  il  fut  nommé  en  1789  député  du  tiers  aux  Etats 
généraux  ;  il  fut  l'un  de  ceux  qui  travaillèrent  le  plus  à  la 
division  de  la  l*'rance  en  {Ié[)artements,  et  ce  fut  lui  qui  fit 
adopter  le  nom  de  Calvados,  proposé  concurrennnent  à  ce- 
lui cVOrne-Inférieure.  11  s\Kicu()a  beaucoup  de  littérature 
et  d'art,  et  fut  chargé  de  recueillir  et  conserver  les  objets 
d'art  et  de  science  provenant  des  établissements  supprimés 
dans  son  dé[)artement.  On  a  de  lui:  Mémoires  sur  un 
tableau  conservé  à  Bayeux,  qu'on  dit  représenter  la 
bataille  de  Formigny  (t.  I  des  Mémoires  de  la  So- 
ciété des  antiquaires  de  Normajidie)  ;  Bayeux  et  ses 
environs,  poème  (Bayeux,  1804,  in~8);  divers  morceaux 
de  poésies  insérés  dans  le  Journal  de  Bayeux,  entre  autres 
Bayeux  rebâti  ou  les  Amours  de  Pioilon.  M.  P. 

LAUNOY.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr  do  Boissons, 
cant.  (rOulchy-le~Château  ;  164  liab. 

LÂUNOY-sur-Vence.  ('om,  du  dép.  desArdennes,  arr. 
de  Mézières,  cant.  de  Signy-l'AbbaNo;  909  hab.  Stat.  du 
chem.  de  fer  de  l'Est. 

LAUNOY  ou  LAUNAY  (Matthieu  de),  prédicateur  de  la 
Ligue,  né  à  La  Forté-Alais.  On  croit  généralement  qu'il 
mourut  en  Elandre.  Lliislorien  de  Thmi  écrit  qu'il  était 
prêtre  lorsqu'il  passa  au  calvinisme  (1560).  Il  se  maria  et 
fut  nominé  ministre  des  Eghses réformées.  Hétait  pasteur  à 
Sedan,  lorsqu'on  découvrit  qu'il  entretenait  des  relations 
adultères  avec  une  de  ses  cousines.  H  s'enfuit  à  Paris  et 
rentra  dans  l'Eglise  romaine.  Mais  le  procès  suivit  son 
cours  à  Sedan,  et  Launoy  fut  pendu  en  erfigie.  Pour  se  jus- 
tilier,  il  publia  la  Défense  de  Launoy,  tant  pour  Inique 


LAUNOY  ~  LAURACEES 


-  1082  --- 


pour  Henri  Pennetier^  contre  les  fausses  accusations 
et  perverses  calomnies  des  ministres  (Paris,  4578).  Il 
avait  d'abord  écrit  contre  ceux  qui  discutaient  l'obéis- 
sance due  au  roi  ;  mais,  lorsque  la  Ligue  eut  ébranlé  le 
pouvoir  de  Henri  III,  il  se  fit  ligueur  fougueux;  les  Guises 
l'avaient  fait  nommer  chanoine  de  Saint-Gervais,  à  Sois- 
sons;  il  entraîna  cette  ville  dans  leur  parti.  Appelé  par 
eux  à  Paris,  il  devint  un  des  membres  des  plus  ardents  du 
conseil  des  Quarante,  puis  des  Seize.  Suivant  de  Thou,  il 
fut  le  principal  meneur  des  assemblées  oii  fut  décidé  l'assas- 
sinat du  président  Brisson.  Après  la  capitulation  de  Paris, 
il  se  réfugia  en  Flandre,  quoiqu'il  eût  été  compris  dans 
l'amnistie  accordée  par  Henri  IV.  E.-H.  V. 

BiBL.  :  Bayle,  Dictionnaire  historique  et  critique;  Baie, 
1741,4  vol.  in-fol. —  Cli.  Labitte,  De  la  Démocratie  chez 
les  prédicateurs  de  la  Ligue  ;  Paris,  1841,  in-8. 

LAUNOY  (Jean  de),  théologien  et  critique  français,  né 
au  Val-de-Lis  (Manche)  le  21  déc.  1603,  mort  à  Paris  le 
10  mars  1678.  Prêtre  et  docteur  de  Sorbonne,  il  devint 
célèbre  par  la  hardiesse  avec  laquelle  il  attaqua  les  légendes 
pieuses  du  martyrologe,  ce  qui  lui  valut  le  surnom  de  «  dé- 
nicheur de  saints  ».  Ses  œuvres,  qui  se  composent  de  nom- 
breux écrits  de  polémique,  la  plupart  en  latin,  de  travaux 
sur  la  théologie  et  sur  la  discipline,  d'histoires  du  collège  de 
Navarre,  des  écoles  pendant  et  après  Charlemagne,  des 
vicissitudes  de  la  doctrine  d'Aristote  dans  l'université  de 
Paris,  ont  été  réunies  après  sa  mort  (Genève,  1731-32, 
5  tom.  en  10  vol.  in-fol.). 

LAUPEN.  Bourg  de  Suisse,  cant.  de  Berne,  sur  la  Sin- 
gine  ;  922  hab.  Un  château,  perché  sur  une  colline,  do- 
mine la  localité.  Laupen  est  célèbre  par  la  bataille  qui  eut 
lieu  sous  ses  murs,  le  2 1  juil.  1339,  entre  les  Bernois,  d'une 
part,  et  la  noblesse  coalisée  et  les  Fribourgeois,  d'autre  part. 
La  première  constitution  de  Berne,  franchement  démocra- 
tique, favorisait  l'émancipation  des  serfB  du  joug  des  nobles 
et  le  développement  de  la  République  naissante;  ce  fut  le 
motif  de  l'agression  de  la  noblesse  des  environs  qui,  sous 
la  conduite  du  comte  de  Nadau,  vint  assiéger  Laupen.  Les 
Bernois,  commandés  par  Rodolphe  d'Erlach,  remportèrent 
une  victoire  qui  les  mit  pour  toujours  à  l'abri  des  attaques 
de  la  noblesse. 

LAUPIE  (La).  Com.  dudép.  de  la  Drôme,  arr.  de  Mon- 
télimar,  cant.  de  Marsanne  ;  404  hab. 

LAUR  (Francis),  homme  politique  et  ingénieur  fran- 
çais, né  à  Nevers  le  5  sept.  1844.  Sorti  en  1866  de  l'Ecole 
des  mines  de  Saint-Etienne,  conseiller  général  de  Constan- 
tine  en  1869,  commandant  du  génie  pendant  la  guerre  de 
1870,  il  était  ingénieur  à  Saint-Etienne  et  adjoint  au  maire 
de  cette  ville,  lorsqu'aux  élections  de  1885  il  fut  élu  au 
second  tour  député  de  la  Loire.  A  la  Chambre,  il  prit  place 
à  Pcxtrême  gauche  et  se  posa  tout  de  suite  en  antagoniste 
de  l'administration  :  à  propos  de  l'affaissement  du  Pont- 
Neuf,  de  l'assassinat  du  préfet  Barrême,  etc.  En  1886, 
il  prit  une  grande  part  aux  interpellations  sur  les  événe- 
ments de  Decazeville,  réclama  du  gouvernement  le  retrait 
des  troupes,  offrit,  sans  succès  du  reste,  sa  médiation  entre 
les  ouvriers  et  la  Compagnie  et  proposa,  l'un  des  pre- 
miers, l'exploitation  directe  de  la  mine  par  les  mineurs. 
Au  mois  de  juil.  1887,  il  déclara,  dans  un  article  sensa- 
tionnel publié  par  la  France,  dont  il  était  rédacteur,  et 
signé  XX,  que,  quelques  mois  auparavant,  le  général 
Boulanger,  alors  ministre  de  la  guerre,  avait  reçu  de 
94  généraux  et  d'une  délégation  de  la  droite  deux  pro- 
positions de  coup  d'Etat.  M.  Paul  de  Cassagnac  lui  ayant 
opposé  dans  V Autorité  un  démenti  formel,  il  s'ensuivit, 
entre  les  deux  journaux ,  une  retentissante  polémique, 
qui  eut  à  la  Chambre  plus  d'un  écho  et  qui  se  termina 
par  des  poursuites  mutuelles  en  diliamation  :  M.  de  Cassa- 
gnac fut  condamné,  sur  la  plainte  de  M.  Laur,  à  10  fr. 
d'amende,  et  M.  Laur^  sur  celle  de  M.  de  Cassagnac,  à 
1 ,000  fr.  Le  député  de  la  Loire  fut,  à  partir  de  cette 
époque,  de  toutes  les  manifestations  et  de  toutes  les  pro- 
pagandes en  faveur  du  général,  dont  il  devait  demeurer 


l'un  des  derniers  partisans.  Aux  élections  du  22  sept. 

1889,  il  fut  élu  au  second  tour  dans  la  troisième  circonscrip- 
tion de  Saint-Denis,  par  10,724  voix  contre  8,359  ù 
M.  Antoine,  de  Metz.  Invalidé,  il  fut  réélu,  le  16  févr. 

1890,  par  10,191  voix  contre  4,953  à  M.  Lissagaray, 
socialiste,  et  2,163  à  M.  Houdard,  modéré.  A  la  nouvelle 
Chambre,  il  se  signala  par  ses  interpellations  presque  quo- 
tidiennes et  par  ses  violentes  sorties  contre  ses  collègues  de 
la  majorité.  Le  10  janv,  1892,  au  cours  de  l'une  des  nom- 
breuses scènes  de  tumulte  provoquées  dans  la  salle  des 
séances  par  cette  attitude  agressive,  le  ministre  de  l'in- 
térieur, M.  Constans,  contre  lequel  il  venait  de  reproduire  à 
la  tribune  quelques-unes  des  imputations  outrageantes  de 
V Intransigeant,  se  précipita  sur  lui  et  le  frappa  sans 
ménagement.  Assigné  en  police  correctionnelle  pour  voies 
de  fait,  M.  Constans  fut  renvoyé,  presque  sans  débats,  des 
fins  de  la  plainte,  faute  d'autorisation  de  poursuites.  Vers 
la  même  époque,  M.  Laur  fonda  une  nouvelle  feuille  :  la 
Guerre  aux  abus.  Il  ne  s'est  pas  représenté  aux  élections 
de  1893,  et  il  paraît  avoir  renoncé  à  la  politique  militante 
pour  se  consacrer  à  des  entreprises  industrielles.  lia  publié 
Revisioiî  de  ta  législation  des  mines  (1876,  in-8  ;  2«  éd., 
1884)  ;  Géologie  et  hydrologie  de  la  plaine  du  Forez 
(1882,  in-8);  le  Paris- Hanoï-Pékin  (1885,  in-8);  la 
Mine  aux  mineurs  (1887,  in-32)  ;  les  Mines  et  usines 
en  i889  (1890,  4  vol.  in-8),  etc.  Il  est  un  des  collabora- 
teurs de  la  Gravide  Encyclopédie.  L.  S. 

LAURABUC.  Com.  du  dép.de  l'Aude,  arr.  et  cant.  (S.) 
de  Castelnaudary  ;  468  hab. 

LAURAC.  Com.  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr.  et  cant.  de 
Largentière  ;  1 ,053  hab. 

LAURAC.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Castelnau- 
dary, cant.  deFanjeaux;  466 hab. 

l^UMOÉESo\ll^\}mHÉES(LauraceœUnd\,,Lauri- 
nece  DC.)  (Bot.).  Famille  de  plantes  dicotylédones,  à  pétales 
périgynes,  composée  d'arbres  et  d'arbustes  aromatiques  à 
feuilles  alternes,  plus  rarement  opposées,  coriaces,  persis- 
tantes et  ponctuées,  sans  stipules.  Seuls  lesCassyiha  sont 
de  petites  herbes  aphylles,  parasites,  qui  ont  la  manière  de 
vivre  de  nos  Cuscutes.  Les  fleurs,  en  général  petites,  sont 
hermaphrodites  ou  unisexuées,  ordinairement  nombreuses 
et  disposées  en  grappes  simples  ou  ramifiées  de  cymes  ou 
de  glomérules;  le  périanthe  simple,  calycoïde,  à  préflorai- 
son imbriquée,  est  garni,  dans  son  fond,  d'un  réceptacle 
charnu,  concave,  sur  les  bords  duquel  s'insèrent  les  éta- 
mines;  celles-ci,  deux,  trois  ou  quatre  fois  plus  nombreuses 
que  les  lobes  du  périanthe,  portent  des  anthères  introrses 
ou  extrorses,  présentant  la  particularité  très  caractéris- 
tique de  s'ouvrir  de  bas  en  haut,  lors  de  l'émission  du 
pollen,  au  moyen  de  trois  ou  quatre  petits  panneaux  ou 
valvules  fixés  à  la  partie  supérieure.  L'ovaire,  uniloculaire,  ne 
renferme  qu'un  pvule  anatrope  suspendu  au  sommet  de  la 
loge,  avec  un  micropyle  supère.  Le  fruit,  d'ordinaire  une 
baie,  rarement  une  drupe  ou  une  achaine,  est  accompagné, 
à  sa  base,  par  le  périanthe  et  le  réceptacle  accrescents.  La 
graine,  dépourvue  d'albumen,  contient  un  embryon  très 
volumineux  à  cotylédons  épais  et  charnus.  —  Les  Laura- 
cées,  répandues  surtout  dans  les  régions  chaudes  du  globe, 
sont  divisées  en  huit  tribus  :  l'^  CinnamOxMées  (genres  : 
Cinnamomum  Burm.^Machilus  Rumph.,  Persea  G^rtn. , 
Aionea  AubL,  etc.)  ;  2^  Cryptocaryées  (genres  :  Crypto- 
carya  R.  Br.,  Boldu  FeuilL,  Ravensara  Sonner.,  Ay- 
dendron  Nées  et  Mart.,  Acrodiclidium  Nées,  Silvia 
AUem.,  Endia7idra  R.  Br.,  etc.);  3°  Ocotées  (genres  : 
Ocotea  AubL,  JSectandra}\(A.,  Dicypellium  Nées,  Sas- 
safras Bauh.,  Gœppertia  Nées,  etc.)  ;  4^  Tétranthérées 
(genres  :  Tetranthera  Jacq.,  Actinodaphne  Nées,  Litsœa 
Juss. ,  Daphnidium  Nées,  Lindera'ïïmnh.^Laurus  Tourn . , 
etc.)  ;  5°  CàssYTHÉES  (genre  :  Gassytlia  L.);  6^  Gyrocar- 
PÉES  (genres:  Girocarpus  Jacq.,  etc.);  7»  Illigérées 
genre  :  llligera  Bl.)  ;  8^  Hernàndiées  (genre  :  Hernan- 
th*<2  Plum.).  Les  Lauracées  qui  ne  sont  guère  représen- 
tées aujourd'hui  en  Europe  que  par  les  Lauriers,  paraissent 


4033 


LAURACEES  —  LAURE 


à  l'époque  crétacée  (Sassafras  Nées,  Daphnophyllum 
Heer)  et  sont  très  développées  dans  le  tertiaire  (Laurus 
L.,  Pcrsea  Ga'rtn.,  Cimiamomum  Burm.,  etc.)  (V.  Lau- 
rier). —  Un  grand  nombre  de  Lauracées  sont  employées 
en  médecine;  elles  sont  toutes  excitantes,  chaudes,  parfois 
acres,  piquantes,  irritantes.  D^  L.  Hn. 

LAURAËT.  Corn,  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Condom, 
cant.  de  Montréal;  437  hab. 

LAURAGArS.  Circonscription  administrative  et  judi- 
ciaire du  Languedoc,  prenant  son  nom  du  lieu  de  Laurac 
(Aude),  cant.  de  Fanjeaux.  Cette  localité  n'est  pas  mentionnée 
avant  1071  ;  à  cette  date,  elle  appartenait,  ainsi  que  le  pays 
avoisinant,  anx  comtes  (plus  tard  vicomtes  de  Carcassonne) 
qui  la  tenaient  en  fief  des  comtes  de  Toulouse.  Auxiii^  siècle, 
ce  pays  faisait  partie  du  comté  de  Toulouse,  possédé  par  Al- 
phonse de  Poitiers,  frère  de  saint  Louis.  Laurac  devient  peu 
après  chef-lieu  d'une  jugerie  de  la  sénéchaussée  de  Toulouse,  et 
le  nom  de  Lauragais  s'étend  alors  à  tout  le  pays  situé  dans 
les  limites  de  cette  circonscription  judiciaire,  pays  qui  depuis 
1317  dépendit  au  spirituel  des  quatre  diocèses  de  Toulouse, 
Lavaur,  Saint-Papoul  et  Mirepoix.  En  1477,  la  jugerie 
est  érigée  ©n  comté  et  donnée  par  Louis  XI  à  Bernard  de 
La  Tour  en  échange  du  comté  de  Boulogne.  Le  comté  ap- 
partient plus  tard  à  Catherine  de  Médicis,  puis  à  Margue- 
rite de  Valois,  fille  de  cette  princesse;  en  1558,  on  avait 
créé  à  Castelnaudary  un  siège  de  sénéchaussée.  Plus  tard, 
le  pays  fut  en  partie  engagé  aux  ducs  de  Brancas  qui 
prirent  le  nom  de  ducs  de  Lauragais.  Ce  pays  s'étendait 
sur  les  deux  versants  de  la  Montagne  Noire,  dans  les  dép. 
de  l'Aude,  de  la  Haute-Garonne,  plus  quelques  localités 
du  Tarn  et  de  l'Ariège. 

BiBL.:  Hlst.  de  Languedoc^  nouv.  éd.,  XII,  passim  et 
principalement  333-334. 

LAURAGAIS  (Louis-Léon-Félicité  de  Brancas,  duc  de), 
écrivain  et  savant  français,  né  à  Versailles  le  3  juil.  1733, 
mort  à  Paris  le  8  oct.  1824.  Fils  d'un  duc  de  Brancas- 
Villars,  qui  fut  pair  de  France  et  lieutenant  général 
des  armées  du  roi,  il  goûta  peu,  malgré  une  grande  bra- 
voure, le  métier  des  armes  et  quitta  le  service  dès  1758. 
Il  protégea  dès  lors  avec  la  plus  grande  munificence  les 
arts,  les  lettres,  les  sciences,  racheta,  pour  une  somme  con- 
sidérable, aux  comédiens  du  Théâtre-Français  le  droit  de 
placer  des  banquettes  des  deux  côtés  de  la  scène,  reçut 
dans  cette  circonstance  et  dans  bien  d'autres  les  encoura- 
gements et  les  éloges  de  Voltaire,  qui  lui  dédia  son  Ecos- 
saise,  cultiva  lui-même  avec  fruit  la  chimie,  le  droit,  la 
médecine,  eut  part,  notamment,  aux  recherches  deLavoi- 
sier  sur  la  composition  du  diamant  et  défendit  contre  ses 
détracteurs,  au  prix  même  de  sa  liberté,  l'inoculation  de 
la  petite  vérole.  En  1771,  l'Académie  des  sciences  de 
Paris,  dont  il  était  depuis  1758  adjoint  mécanicien,  le 
reçut  associé  vétéran.  Il  fut  moins  heureux  comme  auteur 
dramatique  :  ses  deux  tragédies,  Cly  terrines  Ire  (1761)  et 
Jocasle  (1781),  ne  virent  jamais  la  rampe.  Mais,  d'un 
esprit  naturellement  frondeur  etsarcastique,  il  s'acquit  une 
véritable  célébrité  par  ses  épigrammes  et  par  ses  bons  mots, 
qui  remplirent  longtemps  les  recueils  d'anas  et  qui  lui  va- 
lurent, sous  l'ancienne  monarchie,  cinq  exils  et  quatre  empri- 
sonnements. La  Révolution,  qu'il  avait  d'abord  accueillie,  ne 
lui  laissa  guère  que  sa  tête  :  sa  femme,  qu'il  avait  abandon- 
née, du  reste,  depuis  longtemps,  pour  la  célèbre  Sophie  Ar- 
noult,  périt  sur  l'échafaud,  et  ce  qui  lui  restait  d'une  fortune 
grandement  compromise  par  ses  largesses,  et  aussi  par  ses 
dispendieuses  liaisons,  fut  entièrement  confisqué.  Il  ne  mé- 
nagea, par  la  suite,  ni  le  Directoire,  ni  le  Consulat,  ni 
l'Empire,  ni  la  Restauration.  Louis  XVIII  le  comprit  néan- 
moins dans  la  première  promotion  des  pairs  de  France  et 
il  fut  parmi  les  membres  libres  de  l'Académie  des  sciences 
créés  en  181 6.  Il  mourut  à  un  âge  très  avancé  sans  que  sa 
bonne  humeur  et  sa  libérale  générosité  se  soient  jamais 
démenties.  Son  neveu,  Louis- M arie-Biif file  de  Brancas 
(V.  Brancas,  t.  VU,  p.  988),  lui  succéda  dans  ses  titres 
et  dignités.  II  a  publié  un  nombre  considéiabie  d'ouvrages, 


d'opuscules  et  de  recueils  de  lettres  parmi  lesquels  nous 
citerons  seulement  :  Mémoire  sur  rinoculation  (Paris, 
1763,  in-12);  Du  Droit  des  Français  (Paris,  1771,  in-4); 
Mémoire  'pour  moi^  par  moi  (Londres,  1773,  in-8)  ; 
Aperçu  historique  sur  la  cause  et  la  tenue  des  Etats 
généraux  (Paris,  1789,  in-8);  Lettres  de  L.-B,  Laura- 
guais  à  madame  ***  (Paris,  1802,  in-8);  Lettre  à  l'abbé 
Geoffroy  (Paris,  1802,  in-8).  Il  avait  réuni,  à  grands  frais, 
une  riche  bibliothèque  ;  mais  il  avait  dû  la  vendre  pour 
subvenir  à  ses  prodigalités.  L.  S. 

LAURAGUEL.  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr.  de  Limoux, 
cant.  d'Alaigne  ;  473  hab. 

LAURAHÙTTE.  Ville  de  Prusse,  district  d'Oppeln  (Silé- 
sie),  dans  le  bassin  houiller  de  Haute-Silésie  ;  10,000  hab. 
Mines  de  houille,  hauts  fourneaux,  fonderies,  forges,  usines 
métallurgiques,  briqueteries,  etc. 

L  A  U  R  A  N  A  (Francesco  da) ,  sculpteur  italien  du  xv°  siècle, 
probablement  originaire  du  bourg  de  Laurana  en  Dalmatie. 
Il  a  passé  sa  vie  au  service  du  roi  René  d'Anjou  et  des 
princes  de  sa  maison  ;  le  royaume  de  Napleset  la  France  se 
partagent  ses  oeuvres.  De  1461  à  1466,  il  fondit  pour  le  roi 
René  diverses  médailles.  De  1468  à  1471,  il  travailla  en 
Sicile  (statue  de  la  Vierge  tenant  l'Enfant^  au  dôme  de 
Palerme).  En  1474,  il  est  à  Naples  où  il  fait  une  statue 
de  la  Vierge  pour  le  Château  Neuf.  De  1477  à  1483,  il  est 
domicilié  à  Marseille,  où  il  se  marie.  Il  a  laissé  en  France 
trois  œuvres  importantes:  le  Tombeau  de  Charles  IV 
d'Anjou^  à  la  cathédrale  du  Mans  (de  1475  environ);  la 
décoration  de  la  Chapelle  Saint-Lazare  à  l'église  de  la 
Major  à  Marseille  (de  1475-79  à  1481)  ;  et  le  Retable  de 
r  église  Saint-Didier  d' Avignon  [à^  1478  à  1481),  com- 
mandé par  le  roi  René  pour  l'église  des  Célestins  de  cette 
ville.  Jean-J.  Marquet  de  Vasselot. 

BiBL.  :  Courajod  et  Marcou,  Catalogue  raisonné  du 
Musée  de  sculpture  comparée  du  Trocadéro.  —  Muntz, 
Histoire  de  Vart  pendant  la  Renaissance. 

LAURATI  (Pietro)  (V.  Lorenzetti). 

LAURÉ  (Terme  d'art).  Se  dit  d'un  buste,  d'une  effigie 
monétaire,  dont  le  front  est  ceint  d'une  couronne  de  lau- 
rier. Le  laurier  est  l'emblème  de  la  victoire  et  l'attribut 
des  souverains  triomphateurs  qui  le  font  reproduire  sou- 
vent sur  leurs  monnaies  et  médailles  commémoratives. 
A  Rome,  le  laurier  était  porté  par  le  général  victorieux,  et  le 
jour  où  César  triompha  au  retour  de  ses  grandes  guerres,  il 
se  fit  décerner  par  le  Sénat  le  privilège  de  le  porter  cons- 
tamment. Les  empereurs  romains  continuèrent  cet  usage 
et  se  firent  souvent  représenter  avec  la  tête  laurée.  A 
l'époque  de  la  formation  des  grandes  monarchies  euro- 
péennes, les  rois  et  les  empereurs  reprirent  cette  tradition 
dans  leurs  portraits  officiels  et  leurs  monnaies.  En  ce  mo- 
ment même,  il  y  a  encore  en  circulation  des  pièces  fran- 
çaises, autrichiennes,  belges  qui  portent  l'effigie  laurée  du 
souverain.  La  couronne  de  laurier  a  été  aussi,  à  l'époque 
des  Cours  d'amour  et  la  Gaie  Science^  l'apanage  des 
poètes,  par  allusion  au  mythe  d'Apollon,  dieu  des  arts  et 
de  la  poésie,  qui,  lorsque  Daphné  lui  eut  échappé  en  se  mé- 
tamorphosant en  laurier,  se  fit  une  couronne  des  feuilles 
de  cet  arbuste  et  déclara  qu'il  lui  était  consacré.  De  là  était 
venu  l'usage  en  Italie  et  dans  quelques  cours  galantes  du 
midi  de  la  France  de  couronner  solennellement  les  grands 
poètes  :  Le  Tasse  et  Pétrarque  sont  les  plus  illustres  de 
ces  exemples.  Ad.  Thiers. 

LAURE.  L'origine  de  ce  mot  est  fort  incertaine  et,  par 
conséquent,  très  diversement  indiquée.  Dans  l'histoire  du 
régime  monastique,  il  désigne  un  groupe  de  cabanes,  dans 
lesquelles  les  anachorètes  devaient  vivre  solitairement , 
quoique  soumis  à  la  direction  d'un  supérieur  commun.  Ils 
ne  se  réunissaient  que  le  samedi  et  le  dimanche,  pour 
prendre  ensemble  leur  repas,  dans  le  réfectoire,  et  pour 
assister  au  culte,  dans  une  chapelle  située  au  centre  de  la 
«  laure  ».  Les  autres  jours,  chacun  d'eux  devait  rester  en 
silence  dans  sa  cabane,  se  nourrissant  de  pain  et  d'eau  . 
Ordinairement  une  cabane  ne  contenait  qu'un  anachorète  ; 


LAURE  -^  LAURENÇOT 


1034  — 


mais  à  Tabenna,  elle  en  recevait  trois,  au  temps  de  Pa- 
côme.  E.  1I.~V. 

LAURE  (Lauranum).  Com.  du  dép.  de  l'Aude,  arr. 
de  Carcassonne,  cant.  de  Peyriac-Minervois  ;  1,324  liab. 
Citée  dès  le  ix®  siècle;  seigneurie  mouvante  des  vicomtes 
de  Carcassonne.  La  famille  de  Laure  fut  dépossédée  par 
Simon  de  Montfort;  le  château,  concédé  pendant  quelques 
années  à  Raimond  Vlï,  comte  de  Toulouse,  fut  bientôt  réuni 
au  domaine  royal.  Dès  le  xid^  siècle,  il  y  avait  des  consuls 
à  Laure 0 

BiBL.:  D.  Vaissète,  lîist.  de  Languedoc^  passim.  — 
Maiiul,  Carlulaire  de  Carcassonne^  lîl,  198-222. 

LAURE  (Jean-François-Hyacinthe- Jules),  peintre  fran- 
çais, né  à  fxrenoble  en  mai  4806, mort  à  Parisen  mai  1861 . 
Elève  d'Ingres,  il  voyagea  en  Italie  et  en  Espagne.  Ses  meil- 
leurs tableaux  sont  :  Mozart  cl  Clément  XÎV;  VAssomp- 
tion  de  la  Vierge^  au  ministère  de  l'intérieur;  Millon 
aveugle^  dictant  le  «  Paradis  perdu  »  à  ses  filles,  au 
musée  de  Lisieux.  On  lui  doit  surtout  des  portraits  :  sa 
mère,  son  cousin  Delorme,  Lola  Montés^  Hippolyte 
Carnot,  etc. 

LAURE,  dite  de  Noves  (V.  Pétharque). 

LAURÉAT  (V.  Laurieb). 

LAURÉAULT  de  Foncemagne  (V.  Foncemagne). 

LAURÈDE.  Com.  du  dép.  des  Landes,  arr.  de  Dax, 
cant.  de  Montfort  ;  660  hab. 

LAU RELIE  (Laurelia  Juss.)  (Bot.).  Genre  de  Monimia- 
cées  qui  ne  dilFère  guère  des  Atherosperma  (V.  ce  mot) 
auxquels  il  a  été  rattaché.  Il  est  représenté  à  l'époque 
miocène  par  le  L.  rediuiva  Ung.,  qu'Unger  a  découvert 
à  Radoboj  en  Croatie.  l)^  L.  Hn. 

LAURELL  (Axel-Adoîf), érudit  et  pédagogue  finlandais, 
né  à  Pieksœmœki  en  1804,  mort  à  Helsingfors  en  4852. 
Encouragé  et  soutenu  par  le  grand  poète  finlandais  Rune- 
berg  et  parNervander,  il  fonda  le  lycée  d'Helsingfors,  qu'il 
dirigea  pendant  plusieurs  années.  La  vigoureuse  impulsion 
qu'il  donna  à  l'étude  du  français,  de  l'allemand  et  du 
russe,  à  côté  du  grec  et  du  latin,  contribua  au  grand  suc- 
cès de  cet  établissement.  Nommé  en  1 836  professeur  de 
dogmatique  à  l'université,  il  n'en  resta  pas  moins  recteur 
du  lycée  jusqu'en  4840.  Il  a  publié  des  dissertations  sur 
V éducation  (4834  et  4833),  et  a  dirigé  pendant  quelques 
années  une  revue  pédagogique  :  Vaktaren  (1847-49). 

LAURELLE  (Bot.).  Nom  iwX^àiv^àwlSeritunoleander 
(V.  Nerium). 

LAUREMBERG  (Johann),  satirique  allemand, né  à Ros- 
tock  le  26  févr.  1590,  mort  à  Sorœ  le  28  févr.  4658.  Il  fit 
ses  études  à  Rostock,  où  son  père  enseignait  la  médecine, 
et  voyagea  ensuite  en  Hollande,  en  Angleterre,  en  France 
et  en  Italie.  C'est  à  Reims  qu'il  prit  son  grade  de  docteur. 
A  sou  roiour,  il  fut  nommé  professeur  de  médecine  à  Puni- 
versité  de  Rostock,  et  enfin  professeur  de  mathématiques 
à  l'académie  de  Sorœ  en  Danemark.  Il  a  été  l'adversaire 
des  réformes  d'Opitz  (V.  l'art.  Atxemagne  [Littérature]). 
Ses  quatre  satires  en  bas -allemand,  Veer  Schertz  Ge- 
dichte,  ont  d'abord  été  imprimées  à  Copenhague  en  4652  ; 
une  édition  nouvelle,  avec  une  introduction,  des  notes  et 
un  glossaire,  en  a  été  donnée  par  W.  Braune  (Halle, 
4879).  Lauremberg  est  aussi  l'auteur  de  deux  comédies 
latines  avec  des  intermèdes  en  allemand,  comprises  dans 
Triumphus  Nuptialis  Danicus  (Copenhague,  4648).  V. 
Jafirbuch  des  Vereins  fiir  uiederdeutsche  Spraclifor- 
schung  (4877).  A.  B. 

LAÛREN  (Ludvig -Léonard),  écrivain  finlandais,  né  à 
Vas^a  en  4824,  mort  à  Vasa  en  4884.  Professeur  de  fran- 
çais à  Vasa  (4854),  professeur  adjoint  de  théologie  (!868), 
puis  recteur  du  lycée  (4871),  il  a  laissé  de  très  nombreux 
écrits  pour  le  peuple  :  Bourdons  (Hundor);  Un  Hécit  de 
Noël,  Souvenirs  d'école  et  d'université  (4877);  Fleurs 
sans  parfum  cueillies  dans  V arrière-saison  (recueil  de 
234  sonnets,  4883),  etc.  Il  a  collaboré  à  plusieurs  jour- 
naux, entre  autres  à  Vllmarinen^  a  dirigé  le  Vasabladet, 
de  4803  à  4874  et  de  4877  à  4880.  On  lui  doit  enfin  des 


Etudes  sur  la  langue  française  (4866)  et  un  Résumé  des 
principaux  faits  de  l'histoire  de  l'Eglise  de  Fin- 
lande (4875). 

LAURENAN.  Com.  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  de 
Loudéac,  cant.  de  Merdrignac ;  4,626  hab. 

LAURENCE.  Rivière  (V.  GmoNDE,  t.  XVIII,  p.  983). 

LAURENCE  (Justin),  homme  politique  français,  né  à 
Mont-de-Marsan  (Landes)  le  28  août  4794,  mort  à  Ville- 
neuve-la-BataiHe  (Lot-et-Garonne)  le  28juiL  4863.  Avo- 
cat, protégé  du  général  Lamarque,  il  devint  avocat  général 
à  Pau  (44  nov.  4830)  et  député  des  Landes  (5  juil.  4831  ). 
H  s'occupa  spécialement  des  affaires  de  l'Algérie,  où  il  alla 
organiser  la  justice  (21  août  4834).  Directeur  des  affaires 
d'Afrique  le  23  juil.  4837,  il  fut  constamment  réélu  dé- 
puté jusqu'en  1848. 

LAURENCIN  (Jean-Espérance-Blandine,  comte  de), lit- 
térateur français,  né  à  Chaleuil  le  47  janv.  4733,  mort  le 
24  janv,  1842.  Il  prit  part  à  la  campagne  de  4757,  fut 
grièvement  blessé  à  Minden  et  quitta  l'armée.  Il  a  beau- 
coup fait  pour  l'agrandissement  de  la  ville  de  Lyon.  Il 
accompagna  Montgolfier  dans  son  ascension  de  4783.  Fort 
lié  avec  Voltaire,  d'Alembert,  Rousseau,  Ducis,  il  a  laissé 
quelquesjpoésies  :  la  Mort  du  juste  (4771);  Philémon  ou 
le  Triomphe  de  lavertu  sur  V amour  (4755);  la  Vie  cham- 
pôtre{{"Vù),  etc.,  et  Lettre  à  Montgolfier  (4780,  in-8). 

Sa  femme,  Julie  d'Assier  de  La  Chassagîie,  a  écrit 
beaucoup  de  poésies  agréables,  éparses  dans  les  recueils 
du  temps  et  :  Alceste  etMéloé  (4777,  in-8);  Epître  d'une 
femme  à  son  amie  sur  P obligation  et  les  avantages  qui 
doivent  déterminer  les  mères  d  allaiter  leurs  enfants 
conformément  au  vœu  de  la  nature  (4774,  in-8). 

LAURENCIN  (Aimé-François,  comte  de),  général  fran- 
çais, né  à  Marcy  (Rhône)  le  25  oct.  4764,  mort  à  La 
Chassaigne  (Rhône)  le  7  oct.  4833.  Après  avoir  servi  dans 
l'émigration,  il  rentra  en  France  après  le  48  brumaire, 
fut  adjoint  au  maire  de  Lyon,  obtint  sous  la  Restauration 
les  grades  de  colonel  (4844)  et  de  maréchal  de  camp  (4829) 
et  fut  député  du  Rhône  de  4824  à  4827.     A.  Debidour. 

LAURENCIN  (Paul-Aimé  Chapelle,  plus  connu  sous  le 
nom  de),  auteur  dramatique  français,  né  à  Beaumont  (Cal- 
vados) le  40  janv.  4808,  mort  à  Monaco  le  9  déc.  4890. 
Directeur  du  théâtre  des  Variétés,  il  a  donné  soit  seul,  soit 
en  collaboration,  un  très  grand  nombre  de  pièces  dont  la 
plupart  ont  été  représentées  au  Gymnase.  Citons  :  Ma 
Femme  et  mon  paraphiie  (4835):  Lestocq  (4836); 
rA  bbé  galant  { 1 844  )  ;  Turlurette  (4 844);  la  Chasse  aux 
millions  (4847);  Pal  marié  ma  fille  (1854);  Brelan 
de  maris  (1854);  le  Beau-Père  {i^^l);  Une  Femme  em- 
bellie (1861);  Monsieur  et  madame  Denis  (4862); 
Folambo  (4863)  ;  Ces  Scélérates  de  bonnes  (4865)  ; 
Monsieur  attend  madame  (1876). 

Son  fils,  Paul- Adolphe^  né  à  Paris  en  4837,  rédac- 
teur scientifique  de  divers  journaux  et  recueils,  a  donné, 
entre  autres  :  P Etincelle  électrique  (4870,  in-42)  ;  la 
Pluie  et  le  beau  temps  (4873,  in-42  ;  le  Télégraphe 
(Î877,in-12);  la  Galvanoplastie {iSS'S,  m-i^); Explo- 
rations  sous-marine  s  dii<i  Travailleur  »  et  du  «  Ta/w- 
m(m»(1884,  in-12);  ^^os  Zmtflw^s  (1888,  in-8). 

LAURENÇON  (Léon-André-Hîppolyte),  homme  politique 
français,  né  à  Chantemerle  (Hautes-Alpes)  le  46  oct.  4844. 
Avocat  au  barreau  de  Briançon,  il  fit  comme  volontaire  la 
guerre  franco-allemande,  et  fut  éhi,  avec  l'appui  du  gou- 
vernement du  46  mai,  député  de  Briançon  le  44  oct.  4877. 
Membre  du  centre  gauche,  il  fut  réélu  en  4881  avec 
un  programme  de  républicain  modéré  et  devint  un  des  par- 
tisans les  plus  convaincus  de  la  politique  opportuniste. 
Réélu  en  1 885,  4889,  1893,  il  a  combattu  le  boulangisme. 

LAUHENÇOT  (Jacques-Henri),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Arbois  le  48  janv.  4763,  mort  à  Màcon  le 
19  août  4833.  Député  du  Jura  à  la  Convention  le  4  sept. 
4792,  il  vota  la  réclusion  du  roi  et,  partisan  des  Girondins, 
fut  incarcéré  jusqu'au  9  thermidor.  Il  reprit  son  siège  à  la 
Convention,  en  fut  élu  secrétaire  (4795)  et  attaqua  vive- 


-  1035  — 


LAURENÇOT  -~-  LAURËNS 


ment  Fouché.  Treize  départements  Télurent  au  Conseil  des 
Cinq-Cents  en  Tan  IV.  Il  opta  pour  le  Jura  et  disparut  de 
la  scène  politique  en  l'an  VllI. 

LAURENÇOT  (Charles-ilenri-Ladislas),  auteur  drama- 
tique français,  né  à  Arbois  le  15  oct.  1805,  mort  à 
Grange-Fontaine  (Jura)  le  30  avr.  1862,  parent  du  pré- 
cédent. Sous  le  pseudonyme  do  Léonce^  il  a  écrit  soit  seul, 
soit  en  collaboration,  une  infinité  de  vaudevilles  et  de  co- 
médies, entre  autres  :  la  Nouvelle  Clary  (1829);  les 
Boudeur  s  {i%?i'à)  ;  le  Marquis  de  Brancas  (1839)  ;  Cha- 
cun chez  soi  (1845);  Un  liêve  (1845)  ;  le  Gendre  d'un 
million7iaire  (1846)  ;  la  Fille  a  Nicolas  (1849)  ;  Dans 
la  rue  (1859)  ;  le  Revers  de  la  médaille  (1861). 

LAURENS.  Com.  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  de  Bézicrs, 
cant.  de  Muryiel;  1,044  liab.  Stat.  du  chem.  de  fer  du 
Midi,  ligne  de  Béziers  à  Bédarieux. 

LAURENS  (Henri-Joseph)  V.  Du  Laurens). 

LAURENS  (Joseph- Bonaventurc),  littérateur  et  artiste 
français,  né  à  Carpentras  le  14  juil.  1801,  mort  le  28  juin 
1890.  Secrétaire  de  la  faculté  de  médecine  de  Montpellier, 
Collaborateur  du  baron  Taylor  pour  les  Voyages  dans 
Vancieniie  France^  de  lienouvier  pour  les  études  d'ar- 
chéologie locale  intitulées  Monographies  monunieniales 
(1835-39),  il  a  donné  :  Souvenirs  d\m  voyage  d'art  à 
r île  de  Majorque  (1840,  in-8);  Promenade  h  Lava- 
lette  (1841^  in-8)  ;  De  Lyon  à  la  Méditerranée  (1834, 
in-8);  Album  des  Dames  {'\H6A'.  in-fol.),  illustré  de 
jolies  aquarelles  de  son  frère  ;  Eludes  Ihéoriques  et  pra- 
tiques sur  le  beau  pittoresque  dans  les  arts  du  des- 
sin (\Si9,  in-8),  etc. 

LAURENS  (Joseph-Augustin-Jules),  peintre  et  lithogra- 
phe français,  né  à  Carpentras  Ie26juilletl825,  frère  du  pré- 
cédent. Elève  de  son  frère  et  de  Paul  Delaroche,  il  cultiva 
surtout  l'aquarelle  et  la  lithographie.  En  1847,  il  fut 
chargé  par  le  gouvernement  d'accompagner  la  mission 
archéologique  envoyée  en  Turquie,  en  Perse  et  en  Asie 
Mineure,  et  il  dessina  pendant  ce  voyage  des  sites  et  des 
costumes  encore  à  peu  près  inconnus.  Ces  dessins  furent 
publiés  en  1856  dans  un  ouvrage  intitulé  Voyage  en 
Turquie  et  en  Perse  (in-fol.).  11  exposa  plusieurs  litho- 
graphies au  Salon  de  1853.  Parmi  les  peintures  à  l'huile 
et  à  l'aquarelle  de  cet  artiste,  nous  citerons  :  Sur  la 
route  de  Téhéran  (1855)  ;  Campagiie  de  Téhéran, 
Près  Marlotte  (1857)  ;  Souvenir  de  décembre  sur  les 
toits  à  Téhéran  (1864);  r  hiver  en  Perse  {iSiyl)  ; 
Chemin  des  Sables  (1869)  ;  la  Femme  de  Loth  (1875)  ; 
le  Hocher  de  Vannes  (1880);  Souvenir  du  Bosphore 
(1882)  ;  A  Sinope  {ï^^^è)  ;  En  Comtat-Venaissin,  Der- 
nières Feuilles  (1860)  ;  A  Keban-Maden  (1891);  Sur 
les  Monts  de  Vaucluse  (1892),  etc.  Parmi  ses  nombreuses 
lithographies  et  gravures,  il  faut  mentionner  :  Chiens, 
d'après  Diaz;  le  Christ  au  tombeau,  V Amour  couronné, 
Solitude,  Religieuse  (1859)  ;  l'Abreuvoir,  d'après  llosa 
Bonheur  ;  Moine  romain,  d'après  Cabanel  ;  le  Lac,  d'après 
Decamps  ;  Chloé,  d'après  Delafosse  (1866);  En  Janis- 
saire (1873);  le  Soir,  d'après  Corot,  Lavandières  auver- 
gnates. Frontières  du  Khoraçan(i^l3);  le  Lac  dcMon- 
trion  (1880),  etc. 

LAURENS  (Jean-Paul),  célèbre  peintre  français,  né  à 
Fourquevaux  (Haute-Garonne)  le  28  mars  1838.  Son  père 
le  laissa  partir  tout  jeune  à  la  suite  d'un  Piémontais,  Pe- 
doya,  qui  était  venu  décorer  l'église  et  emmenait  des  élèves. 
L'enfant  s'arrêta  dans  l'Ariège,  malade,  écœuré  de  la  du- 
reté de  son  maître,  puis  s'enfuit  à  Toulouse,  chez  son  oncle. 
Son  père  dut  payer  un  dédit  à  l'impitoyable  Pedoya.  11 
entra  à  l'Ecole  des  beaux-arts  de  Toulouse.  En  1860,  il 
eut  le  prix  au  concours  do  la  ville  de  Toulouse  et  fut  en- 
voyé à  Paris.  Elève  de  Coignet,  il  débuta  au  Salon  par  un 
Caton  d'Utique,  En  1864,  il  exposa  Tibère  étouffe  par 
Caligula,  composition  d'un  sentiment  classique,  mais  déjà 
très  énergique  d'expression.  De  1861'  à  1870,  il  exposa 
Morias,  l'ange  de  la  nuit,  offrant  au  Christ  la  cou- 
ronne d'épines  ;  Après  le  bal,  petite  fille  trouvée  morte 


par  sa  mère  ;  un  Eamlet,  un  Saint  Jean,  Jésus  et  le  Dé- 
moniaq7ie.  Enfin,  il  fut  nommé  professeur  de  dessin  de  la 
ville  de  Paris.  C'était  la  sécurité  pour  lui.  En  1870,  son 
Jésus  chassé  de  la  synagogue  et  son  Sai7it  Ambroise 
instruisant  Ilonorius  révélèrent  amplement  sa  vigueur  et 
son  coloris  robuste  porté  aux  teintes  sombres. 

En  1870,  il  donna  VEpée  de  Dieu  et  la  Mort  de 
M^"^  Darboy,  compositions  romantiques.  Le  Duc  d'En-- 
ghien  et  le  Pape  Formose,  en  1872,  produisirent  un  eftet 
énorme.  Le  duc  d'Enghien,  debout,  est  éclairé  par  une  lan- 
terne, et  écoutant  l'arrêt  de  mort.  Le  pape  Formose,  mort 
et  exhumé  par  son  successeur,  est  accusé  solennellement 
d'usurpation.  En  1873,  sa  Piscine  de  Bethsaïda  nous  ra- 
menait aux  tonalités  éteintes  des  visions  angéliques.  En 
1874,  le  peintre  retrouve  ses  succès  avec  Saint  Bruno 
rel usant  les  présents  de  Roger,  comte  de  Calabre,  ta- 
bleau lumineux  où  le  ciel  du  Midi  rayonne  sur  des  costumes 
aux  tons  vifs.  H  y  est  resté  bien  personnel  et  sans  aucun 
archaïsme.  Dans  l'Interdit  (1875),  le  sens  profond  que 
possède  J.-P.  Laurens  des  époques  reculées  apparaît  avec 
intensité.  L'interdit  a  été  lancé  sur  l'église  barricadée  et 
maudite  et  en  a  tué  la  vie  religieuse  ;  les  cadavres  d'un 
jeune  homme  et  d'une  jeune  fille  attendent  vainement  sur 
l'herbe  les  prières  du  temple  muet.  1/ Excommunication 
de  Robert  le  Pieux  (1875)  respire  aussi  les  tristesses  du 
moyen  âge.  Le  roi,  rejeté  de  l'Eglise  pour  avoir  épousé  sa 
cousine  Berthe,  est  seul  et  désolé  avec  elle  dans  le  palais. 
Le  cortège  de  l'excommunication  se  retire,  un  cierge  fume 
encore  à  terre.  La  Répudiation  est  la  suite  de  ce' drame. 
Le  roi,  obligé  de  se  séparer  de  sa  bien-aimée,  pleure  dans 
le  fond  du  palais,  et  la  reine,  à  Pavant,  se  désole  tragique- 
ment. Même  sentiment  poignant  dans  le  François  Borgia 
devant  le  cercueil  d'Isabelle  de  Portugal  (1876),  Le 
prince,  reconnaissant  le  cadavre  de  la  femme  aimée,  le  salue  ; 
les  tons  sourds  du  tableau  ajoutent  à  la  philosophie  du  sujet. 
En  1877,  la  Mort  de  Marceau  révélait  chez  le  peintre  une 
aptitude  au  modernisme,  et  ce  général  français  mort, 
honoré  par  Pétat-major  autrichien,  produisit  une  vive  ^mi- 
s'àiion.  Ses  Emmurés  de  Car cassonne  le  ramenèrent  l'an- 
née suivante  au  moyen  âge.  L'épisode  choisi  est  celui  de 
Bernard  Délicieux,  au  milieu  de  la  foule  qui  s'apaise  et  des 
démolisseurs  qui  abattent  les  portes  des  cachots  où  péris- 
saient les  victimes  derin(]uisition,  les  emmurés.  Les  Mu- 
railles du  saint  office  (1883),  sinistres  et  rouges,  mena- 
cent le  ciel  ;  c'est  le  tombeau  terrible  des  condamnés.  J^e 
Torturé  nous  montrera  la  vengeance  de  l'Inquisition  contre 
Bernard.  Honorius  nous  offre  un  type  de  jeune  César 
hébété.  Dans  les  Derniers  Moments  de  Maximilien 
(1882),  nous  retrouvons  la  tragédie  avec  l'empereur  em- 
brassant le  prêtre  devant  la  })rison  ;  peu  de  temps  après 
c'est  le  Pajpe  et  l'Inquisiteur  (Torquemadaet  Sixte  IV); 
le  moine  lit  avec  autorité  au  vieux  pape  les  statuts  Urn- 
hks.Torquemada  et  les  rois  calholiques  nous  représentent 
Ferdinand  et  Isabelle  inclinés  devant  le  vieil  inquisiteur. 

Jean-Paul  Laurens  a  composé  \)0\\r  i'hnitation  d,e  Jésus- 
Christ  des  dessins  très  vivants. Dans  son  Faust,  il  a  su"mêler 
le  drame  et  la  fantaisie.  Sa  Mort  de  sainte  Geneviève, 
au  Panthéon,  est  une  vaste  composition  où  la  sainte, expire 
environnée  de  pauvres,  assistée  de  la  reine  Clotildeet  véné- 
rée des  barbares  eux-mêmes.  Les  Récits  des  temps  wzr/ro- 
^;^;^f/^>/^5  ne  pouvaient  être  indifférents  à  ce  psychologue  du 
passé.  Ses  quarante-deux  dessins  consacrés  à  cette^  époque 
sont  un  commentaire  précis  et  saisissant  de  l'admirable  récit 
d'Aug.  Thierry.  Parmi  les  dernières  œuvres  de  Jean-Paul 
Laurens,  signalons  le  Plafotïd  de  VOdéon  (1888).  En 
1890,  il  exposa  les  Sept  Troubadours  (fondation  des  Jeux 
floraux).  Son  Louis  XVI,  exécuté  pour  l'Hôtel  de  Ville 
(1891),  représente  le  roi  recevant  du  maire  Bailly.la  co- 
carde aux  trois  couleurs  en  présence  d'hommes  du  tiers 
état  et  de  gentilshommes.  En  1894,  il  mit  en  scène  la 
fameuse  Entrevue  de  Napoléon  [^^  et  de  Pie  VU,  captif  à 
Fontainebleau.  Charles  Grandmougin. 

BiiiL.  :  Gaston    ScIiefer,   Etudes,^  dans  V Artiste,  oct. 


LAURENS  —  LAURENT 


^  i036  -. 


1887,  janv.   et  sept.   1888,  mars  1891.  —  Ferd.  Fabre,  le 
Roman  d'un  peintre. 

LAURENS  (Paul-Pierre),  homme  politique  français,  né 
à  Venterol  le  27  sept.  4847.  Médecin,  il  fit  comme  aide- 
major  volontaire  la  guerre  franco-allemande.  Maire  de 
Nyons,  il  a  été  élu  sénateur  de  la  Drôme  le  9  avr.  1893, 
en  remplacement  de  M.  Clievandier,  décédé,  et  réélu  au 
renouvellement  triennal  du  7  janv.  4894.  Républicain  ra- 
dical, il  fait  partie  de  la  gauche  démocratique, 

LAURENT  (Saint),  diacre  et  martyr,  patron  des  rô- 
tisseurs, mort  en  258.  Fête  le  40  août.  Conformément  à 
une  passio  reproduite  par  Adon,  les  Espagnols  prétendent 
qu'il  est  né  à  Iluesca  en  Aragon,  fils  d'un  père  qui  s'appe- 
lait Orense  et  d'une  mère  nommée  Patience;  les  Romains 
le  retiennent  pour  leur  ville.  Ce  qui  paraît  certain,  c'est 
qu'il  était  le  premier  des  sept  diacres  de  Rome,  au  temps 
où  saint  Sixte  II  y  était  évêque  ;  d'où  le  titre  d'archi- 
diacre, qui  lui  est  attribué  par  saint  Ambroise  et  par  saint 
Augustin.  Laurent  accompagna  en  son  supplice  Sixte  II, 
qui  avait  été  surpris  pendant  qu'il  célébrait  les  mystères  au 
cimetière  de  Callixte.  Comme  il  se  plaignait  de  ne  point 
participer  à  sa  glorieuse  confession,  l'évêque  lui  annonça 
qu'il  serait  prochainement  appelé  à  un  martyre  beaucoup 
plus  glorieux,  et  il  lui  recommanda  de  distribuer  aux 
pauvres  les  richesses  dont  il  était  le  gardien.  Laurent  se 
prépara  au  martyre  ;  ayant  fait  assembler  les  pauvres,  il 
leur  distribua  tout  l'argent  qu'il  avait  entre  les  mains  ;  il 
vendit  même  les  vases  sacrés,  pour  augmenter  la  somme. 
S'imaginant  que  les  chrétiens  possédaient  de  grands  tré- 
sors, le  préfet  de  la  ville  ordonna  à  Laurent  de  les  lui  re- 
mettre. Le  saint  répondit:  «Notre  Eglise  est  riche,  et  l'em- 
pereur n'a  point  d'aussi  grands  trésors.  Je  te  ferai  voir  ce 
qu'elle  a  de  plus  précieux.  Donne-moi  du  temps  pour  mettre 
tout  en  ordre.  »  On  lui  accorda  trois  jours,  pendant  les- 
quels il  réunit  les  pauvres  que  l'Eglise  nourrissait,  les 
aveugles,  les  boiteux,  les  estropiés.  Il  les  présenta  au  préfet, 
en  lui  disant:  «  Voici  les  trésors  de  l'Eglise  que  je  t'ap- 
porte. L'or,  vil  métal  tiré  de  la  terre,  est  l'occasion  de  beau- 
coup de  crimes.  L'or  véritable  est  la  lumière  divine  que 
ces  pauvres  ont  reçue.  »  Le  préfet  furieux  le  fit  déchirer 
à  coups  de  fouet,  puis  étendre  sur  un  gril  de  fer  rougi, 
sous  lequel  on  plaça  de  la  braise  demi-éteinte.  Mais  ce  sup- 
plice devint  pour  le  martyr  un  rafraîchissement.  Son  visage 
parut  aux  fidèles  environné  de  lumière,  et  son  corps  exha- 
lait une  odeur  suave.  Toutefois  les  païens  ne  virent  point 
cette  lumière  et  ne  sentirent  point  cette  odeur.  Laurent 
possédait  son  âme  dans  une  si  grande  paix,  qu'il  dit  tran- 
quillement au  préfet  :  «j'ai  été  assez  longtemps  de  ce  côté; 
fais-moi  retourner  pour  rôtir  l'autre.  »  Enfin  :  «  Mon  corps 
est  assez  cuit;  tu  peux  en  manger  si  tu  le  désires.  »  Alors 
regardant  au  ciel,  il  pria  Dieu  pour  la  conversion  des  Ro- 
mains et  il  rendit  l'esprit.  Des  sénateurs,  que  sa  constance 
avait  convertis,  emportèrent  son  corps.  On  l'enterra  près 
de  la.voie  Tiburtine,  dans  Vager  Veraniis,  en  la  propriété 
d'une  veuve  nommée  Cyriaca,  qu'il  avait  guérie  d'affreux 
maux  de  tète.  Après  les  persécutions,  on  y  éleva  la  basi- 
lique de  Saint-Laurent-hors-les-Murs.  Pelage  11(578-590), 
qui  avait  rapporté  de  Constantinople  les  reliques  de  saint 
Etienne,  les  déposa  dans  le  tombeau  de  saint  Laurent. 
Lorsqu'on  voulut  les  placer  près  de  lui,  le  corps  de  saint 
Laurent  se  déplaça  pour  céder  la  droite  au  corps  du  pre- 
mier diacre  et  du  premier  martyr  de  l'Eglise  chrétienne. 
Saint  Grégoire  le  Grand  raconte  qu'au  temps  de  Gélase, 
son  prédécesseur,  comme  on  voulait  réparer  le  tombeau  de 
saint  Laurent,  on  découvrit  son  corps  ;  mais  que  tous  ceux 
qui  le  virent  moururent  dans  les  dix  jours.  Fortunat,  cité 
par  Grégoire  de  Tours,  écrit  que,  dans  une  bourgade  d'Ita- 
lie, nommée  Rironas,  on  faisait  rebâtir  l'église  de  Saint- 
Laurent.  Une  poutre  se  trouvant  trop  courte,  le  curé  pria 
le  saint,  qui  avait  fait  tant  de  bien  aux  pauvres,  d'avoir 
pitié  de  sa  pauvreté.  Aussitôt  la  poutre  s'allongea  plus  qu'il 
n'était  besoin  pour  le  bâtiment.  On  scia  l'excédent,  dont 
on  fit  des  copeaux,  que  le  peuple  garda  comme  reliques  : 


ils  rendaient  la  santé  aux  malades  et  la  vue  aux  aveugles. 
Les  églises  élevées  en  l'honneur  de  ce  saint  sont  innom- 
brables ;  plus  nombreux  encore  les  miracles  opérés  par  son 
intercession.  E.-ÏI.  Vollet. 

BiBL.  :  Outre  les  recueils  de  Vies  des  Saints,  Bayer, ûa- 
masus  et  Laurentius  hispanis  asserli;  Rome,  1756,  in-4.  — 
Pour  la  thèse  contraire,  Vita  di  san  Lorenzo  mart.  et  cit- 
tadino  romano  ;  Rome,  1756. 

LAURENT,  antipape.  Quatre  jours  après  la  mort  d'Anas- 
tase  (22  nov.  498),  il  fut  élu  dans  la  basilique  de  Constan- 
tin, parle  parti  qui  désirait  entrer  en  accommodement  avec 
l'empereur,  au  sujet  de  VHénoticon.  Le  même  jour,  le 
parti  contraire,  assemblé  dans  l'église  de  Sainte-Marie,  éli- 
sait Symmaque.  Cette  rivalité  occasionna  de  sanglants  con- 
flits. Pour  y  mettre  fin,  on  convint  de  soumettre  l'élection 
au  jugement  de  Théodoric.  Ce  roi  se  prononça  en  faveur 
de  celui  qui  aurait  été  consacré  le  premier  et  qui  aurait 
obtenu  le  plus  grand  nombre  de  suffrages.  11  se  trouva  que 
c'était  Symmaque  qui  remplissait  ces  conditions  :  il  fut 
proclamé  pape  légitime.  Mais  après  une  courte  soumission 
les  partisans  de  Laurent  renouvelèrent  leur  opposition  et  la 
soutinrent  violemment  pendant  quelques  années.  E.-H.  V. 
BiBL.  :  DucHESNE,  Etudes  sur  te  Liber  pontifîcaHs  ;  Pa- 
ris, 1877,  in-8. 

LAURENT  (Gaspard),  théologien  français,  né  dans  la 
seconde  moitié  du  xvi^  siècle,  mort  à  Genève.  De  religion 
réformée,  il  alla  s'établir  à  Genève,  y  reçut  la  bourgeoisie, 
une  chaire  de  belles-lettres  et  y  devint  en  1600  recteur 
de  l'Académie.  Il  a  laissé  de  nombreuses  dissertations  tliéo- 
logiques  en  latin  et  des  manuscrits  conservés  à  Genève. 

LAURENT  (Pierre-Joseph),  ingénieur  français,  né  à  Bou- 
chain  en  1715,  mort  à  Rennes  en  1773.  Il  entreprit  avec 
succès  de  dessécher  les  marais  de  la  Elandreet  du  Hainaut, 
et  restitua  ainsi  à  l'agriculture  des  terrains  immenses.  Il 
réussit  ensuite  à  mener  à  bonne  fin  les  travaux  du  canal 
de  jonction  de  la  Somme  avec  l'Escaut  et  creusa  le  fameux 
souterrain  de  Saint-Quentin.  Nommé  directeur  des  canaux 
de  Picardie  et  de  Flandre  par  Louis  XV,  Laurent  procéda 
ensuite  au  dessèchement  des  mines  de  Bretagne,  et  cette 
opération  lui  rapporta  une  fortune  immense.  Le  roi  de 
France  l'anoblit.  E.  H. 

LAURENT  (André),  graveur  anglais,  né  à  Londres  en 
1720,  mort  à  Paris  en  1750.  Elève  de  Lebas,  il  a  gravé 
avec  succès,  dans  sa  courte  carrière,  diverses  œuvres  de 
Greuze,  de  Boucher,  de  Loutherbourg  et  de  David  Teniers. 

LAURENT  (Claude-Hilaire),  homme  politique  français, 
né  dans  la  Haute-Saône  en  1741,  mort  à  Strasbourg  le 
40  avr.  1801.  Docteur  en  médecine,  il  fut  attaché  en 
1782  au  service  militaire  comm^  médecin  libre,  entra  en 
1790  dans  la  première  administration  municipale  de  Stras- 
bourg. 11  devint  ensuite  médecin  des  hôpitaux  ambulants 
de  l'armée  du  Rhin  et  fut  élu  à  la  Convention  par  le  dép. 
du  Bas-Rhin.  En  févr.  1793,  il  fut  envoyé  à  Porrentruy 
pour  la  réunion  de  ce  pays  à  la  France  ;  le  mois  suivant, 
il  fut  commissaire  à  l'armée  du  Rhin.  Au  commencement 
de  l'an  II,  on  l'envoya  à  l'armée  du  Nord  ;  il  s'occupa  de 
l'approvisionnement  de  cette  armée  et  y  resta  près  d'une 
année,  après  avoir  assisté  à  la  prise  de  Louvain  et  de  Ma- 
lines.  Non  réélu  au  Corps  législatif,  Laurent  devint  méde- 
cin de  l'hôpital  militaire  de  Strasbourg  en  1796  et  pro- 
fesseur au  même  hôpital  en  1797.  Elu  au  Conseil  des 
Cinq-Cents  en  1798,  il  fut  exclu  au  18  brumaire  du  Corps 
législatif  et  reprit  son  poste  de  médecin  en  chef  de  l'hôpital 
de  Strasbourg.  A.  Kuscinski. 

LAURENT  (Jean-Antoine),  peintre  français,  né  à  Bacca- 
rat en  1763,  mort  à  Epinal  en  1833,  Peintre  d'histoire, 
il  a  laissé  aussi  des  tableaux  de  genre,  l'Amour  dans  une 
rose,  U Amour  enchaîné,  etc.  Il  a  été  directeur  du  musée 
des  Vosges. 

LAU  RENT  (Jean-Louis-Maurice),  anatomiste  français,  né 
à  Toulon  le  8  juin  1784,  mort  à  Paris  le  30  janv.  1854. 
D'abord  chirurgien  de  la  marine,  il  fut  nommé  en  1825  pro- 
fesseur d'anatomie  à  l'Ecole  de  médecine  navale  de  Toulon, 


1037  - 


LAURENT 


en  1830  chirurgien  en  chef  du  port  de  Cherbourg.  En  1832, 
il  vint  à  Paris,  concourut  en  1836  pour  la  chaire  d'ana- 
tomie  de  la  faculté,  fut  en  1837  reçu  docteur  es  sciences 
naturelles  et  suppléa  plusieurs  fois  de  Blainville  à  la  fa- 
culté des  sciences.  Il  a  laissé  des  travaux  remarquables  sur 
l'anatomie  et  la  physiologie  comparées.  Citons  entre  autres  : 
Atlas  d'anatomie  physiologique  (Paris,  1826,  in-foh)  ; 
Prodrome  d'analomie  et  de  physiologie  comparées 
(Paris,  1837,  in-8);  Propositions  générales  relatives  à 
la  doctrine  philosophique  des  sciences  (Paris,  1837)  ; 
Pech.  sur  lliydre  et  réponse  d'eau  douce,  mémoire  cou- 
ronné par  l'Académie  des  sciences  (Paris,  gr.  in-8,  atlas); 
Zoophytologie  (Paris,  1844,  in-8);  Annales  françaises 
et  étrangères  d'anatomie  et  de  physiologie,  avec  Hol- 
lard,  etc.  (Paris,  1837-39,  3  vol.  in-8),  etc.  b^  L.  Hn. 

LAURENT  (Paul-Mathieu),  ait  de  VArdèche,  historien 
et  homme  politique  français,  né  au  Bourg-Saint-Andéol  le 
14  sept.  1793,  mort  à  Versailles  le  7  août  1877.  Avo- 
cat à  Grenoble,  puis  à  Privas,  il  fut  un  des  plus  ardents 
propagateurs  des  doctrines  saint-simoniennes  dans  le  Midi. 
Juge  à  Privas  en  1840,  élu  député  de  l'Ardèche  à  la 
Constituante  de  1848  et  à  la  Législative  de  1849,  il  siégea 
dans  ces  deux  assemblées  à  l'extrôme  gauche.  Après  le 
2  décembre,  le  président  le  nomma  bibliothécaire  de  l'Ar- 
senal. Son  Histoire  de  Napoléon,  illustrée  par  Horace 
Vernet,  a  eu  plusieurs  éditions  de  1829  à  1810.  Il  a  pu- 
blié beaucoup  d'autres  ouvrages,  notamment  des  Mémoires 
de  Saint-Simon  et  d' Eiifantin,  travail  dont  l'avait  chargé 
Enfantin  dans  son  testament  et  qui  est  resté  inachevé. 

LAURENT  (Auguste),  chimiste  français,  né  à  La  Folie, 
commune  d'Arc  (iïaute-Saône),  le  14  nov.  1807,  mort  à 
Paris  le  15  avr.  1853.  Fils  do  simples  paysans,  il  ne  reçut 
dans  son  enfance  qu'une  instruction  élémentaire,  se  fit 
recevoir  en  1826  élève  externe  de  l'Ecole  des  mines  de 
Paris  et  en  sortit  en  1829  avec  le  diplôme  d'ingénieur 
civil.  Deux  ans  après,  il  devint  répétiteur  du  cours  de  Dumas 
à  l'Ecole  centrale  des  arts  et  munufactures,  puis  fut  atta- 
ché, en  qualité  de  chimiste,  à  divers  établissements  indus- 
triels, entre  autres  à  la  fabrique  de  porcelaine  de  Sèvres 
et  à  celle  de  Luxembourg,  dans  le  grand-duché  du  même 
nom.  De  1838  à  1846,  il  professa  la  chimie  à  la  faculté 
des  sciences  de  Bordeaux.  Il  revint  ensuite  se  fixer  à  Paris, 
y  fonda  avec  son  collaborateur  et  ami,  Gerhardt,  pour 
la  défense  de  leurs  idées  nouvelles,  un  journal  intitulé 
Comptes  rendus  mensuels  des  travaux  chimiques  de 
l'étranger,  fit  quelque  temps  une  suppléance  à  la  Sorbonne 
(1847)  et  fut  nommé  en  1848  essayeur  à  la  Monnaie.  Sa- 
vant modeste  et  désintéressé,  il  vécut  et  mourut  pauvre. 
Il  avait  été  initié  par  Dumas,  alors  qu'il  était  répétiteur 
de  son  cours,  aux  procédés  de  l'analyse  organique.  Il  réus- 
sit bientôt  à  extraire  du  goudron  de  houille  la  naphtaline, 
détermina  sa  composition,  étudia  ses  combinaisons  chlorées, 
qu'il  envisagea  d'abord  comme  des  chlorures  d'un  nouveau 
carbure  d'hydrogène,  puis,  adoptant  l'idée  des  substitutions 
et  se  posant  en  adversaire  déclaré  des  doctrines  duafis- 
tiques  de  Berzehus,  il  conclut  à  l'identité,  dans  ces  com- 
binaisons, du  rôle  du  chlore  et  de  celui  de  l'hydrogène  et 
fut  ainsi  amené  à  sa  théorie  des  noyaux  (V.  Chimie,  t.  XI, 
p.  74),  qui  se  trouve  développée  dans  sa  thèse  de  doctorat 
(1837).  Elle  n'eut,  il  est  vrai,  qu'assez  peu  de  succès. 
Elle  n'en  marquait  pas  moins  le  premier  pas  dans  la  voie 
nouvelle  où  devait  s'engager  plus  avant  Gerhardt  (V.  ce 
nom),  en  créant  la  théorie  des  types,  fondée  comme  la 
sienne  sur  celle  des  substitutions.  Elle  lui  avait,  en  outre, 
fourni  à  lui-même  les  moyens  de  classer,  le  premier,  les 
corps  par  séries  et  d'établir  pour  chaque  série  un  certain 
nombre  de  types,  dont  quelques-uns  subsistent  encore  : 
anhydrides,  amides,  imides,  aldéhydes,  etc.  En  réalité,  Lau- 
rent et  Gerhardt,  dont  les  noms  sont  désormais  insépa- 
rables dans  l'histoire  de  la  science,  ont  été  les  fondateurs 
communs  de  la  doctrine  atomique.  L'apôtre  le  plus  ardent 
de  la  nouvelle  théorie.  Ad.  Wurfz,  les  a,  du  reste,  con- 
fondus dans  un  même  hommage.  Si  Gerhardt,  dit-il,  l'em- 


portait par  l'esprit  de  généralisation,  Laurent  lui  était  su- 
périeur comme  analyste  et  comme  classificateur.  On  doit 
encore  à  celui-ci  une  foule  d'autres  recherches  et  décou- 
vertes, qui  ont  profité  surtout  à  la  chimie  organique  et  à 
la  chimie  industrielle  et  dont  il  a  exposé  les  résultats  dans 
plusieurs  centaines  de  mémoires  originaux,  notes  et  articles, 
écrits  pour  une  partie  avec  Gerhardt  et  publiés  par  les 
Annales  de  chimie  et  de  phijsique,  par  les  Comptes 
rendus  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris,  dont  il  était 
correspondant  depuis  1845,  par  le  Journal  de  phar- 
macie, etc.  Il  a  seulement  donné  à  part  :  Méthode  de  chi- 
mie (Paris,  1854,  in-8).  L.  S. 

BiBL.  :  Ad.  WuRTz,  Laurent  et  Gerhardt,  dans  la  pré- 
lace du  Dict.  de  chimie,  t.  I,  p.  xxxvir. 

LAURENT  (François),  jurisconsulte  et  historien  belge, 
né  à  Luxembourg  en  juillet  1810,  mort  à  Gand  en  févr. 
1887.  Il  fut  d'abord  chef  de  division  au  ministère  de  la 
justice,  puis  devint,  en  1836,  professeur  de  droit  civil 
à  l'université  de  Gand.  Il  défendit  avec  ardeur  les  idées 
libérales  par  son  enseignement  et  par  ses  écrits.  Le  parti 
catholique  essaya  de  se  débarrasser  de  cet  adversaire  re- 
doutable et  mit  tout  en  œuvre  pour  obtenir  sa  destitution. 
Pourtant  le  ministre  de  Decker  maintint  Laurent  dans 
sa  chaire.  Laurent  se  livrait  en  même  temps  à  d'autres  tra- 
vaux; nous  citerons  d'abord  ses  Ettides  sur  l'histoire  de 
Vhumanité  ((Bruxelles,  '1861-70,  18  vol.  in-8),  ouvrage 
dont  la  sincérité  souleva  des  tempêtes.  Les  Etudes  sur 
r histoire  de  r humanité  fondèrent  la  gloire  de  leur  auteur 
et  firent  sensation  en  France,  en  Allemagne,  en  Angleterre 
et  jusqu'en  Amérique.  Laurent  commença  ensuite  la  rédac- 
tion de  ses  Principes  de  droit  civil  (Bruxelles,  1869-79, 
33  vol.  in-8)  qui  le  placèrent  au  premier  rang  des  juris- 
consultes. Le  succès  des  Principes  du  droit  civil  fut  uni- 
versel ;  l'ouvrage  ne  tarda  pas  à  devenir  classique  dans  tous 
les  pays  où  le  code  Napoléon  est  en  vigueur.  Vint  ensuite 
le  traité  de  Droit  civil  international  (Bruxelles,  1880- 
82,  8  voL  in-8).  En  1879,  M.  Para  (V.  ce  nom),  ministre 
de  la  justice,  chargea  Laurent  de  préparer  un  Avant-Pro- 
jet de  revision  du  code  civil  (Bruxelles,  1882-84,  6  vol. 
in-4) .  Laurent  était  un  philanthrope  généreux  et  actif.  Il  fonda 
à  Gand  la  société  Collier,  destinée  à  répandre  dans  la  classe 
ouvrière  l'esprit  d'ordre  et  d'économie;  cette  œuvre  réussit 
pleinement  en  répandant  le  goût  de  l'épargne  dans  la  jeu- 
nesse scolaire. 

LAURENT  (Pierre-Alphonse),  officier  et  mathématicien 
français,  né  en  1813,  mort  à  Paris  en  1854.  Ancien  élève 
de  l'Ecole  polytechnique  et  chef  de  bataillon  du  génie,  il  a 
beaucoup  cultivé  les  mathématiques  et  il  a  communiqué  à 
l'Académie  des  sciences  (Comptes  rendus,  1843-55)  une 
vingtaine  de  mémoires  très  intéressants  sur  les  fonctions, 
sur  les  mouvements  infiniment  petits,  sur  la  polarisation 
mobile,  sur  les  ondes  sonores  et  lumineuses,  etc.  Quel- 
ques-uns ont  fait  l'objet  de  rapports  élogieux  :  Sur  le  Cal- 
cul des  variations  (1843)  ;  Extension  du  théorème  de 
Cauchy  relatif  à  la  convergence  du  développement 
d'une  fonction  suivant  les  puissances  ascendantes  de 
la  variable  (id.)  ;  Examen  de  la  théorie  de  la  lumière 
dans  le  système  des  Oîides  (posth.)  ;  Théorie  des  imagi- 
naires (id,).  h.  S. 

.n^r^^^-lS^^P^^^  '^^nd'^s  de  l'Acad.   des  se.  de  Paris: 

18o5,  p.  632.  ' 

LAURENT  (Jean-Baptiste-Emile),  littérateur  français, 
né  à  Colombey  (Meurthe)  en  1819.  Attaché  à  la  Biblio- 
thèque nationale  (1844),  puis  à  la  bibliothèque  de  la 
Chambre  des  députés  (1847)  où  il  occupe  depuis  1880  le 
poste  de  bibliothécaire  en  chef,  son  expérience  des  travaux 
législatifs  lui  suggéra  l'idée  de  l'importante  collection  des 
Archives  parlementair es,  comi^YQmni  la  reproduction  des 
débats  de  nos  Assemblées  depuis  1789  jusqu'en  1860.  Il 
entreprit,  en  1862,  avec  son  collègue  M.  Mavidal,  l'exé- 
cution de  cette  œuvre  considérable,  qui  compte  déjà  cent 
quatorze  volumes.  On  lui  doit  aussi  un  intéressant  opus- 
cule sur  V Indemnité  législative  en  France  et  à  l'étran- 
ger (Paris,  1882,  in-8).  ~  De  plus,  sous  le  pseudonyme 


LAURENT 


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d'Emile  Colombey,  iia  donné  en  1856,  chez  Aubry,  une 
édition  de  la  Journée  des  madrigaux  (avec  îa  carte  de 
Tendre),  tirée  ponr  la  première  fois  des  manuscrits  de  Con- 
rart.  il  a  réimprimé  en  4858  la  Vraie  Histoire  comique 
de  Francion  de  Charles  Sorel  et  les  Aventures  burles- 
ques de  Dassoucy  (Paris,  2  yoI.  in-42);  en  4880,  le 
Roman  bourgeois  de  Furetière  (Paris,  in-H);  en  1885 
et  en  4891,  les  Lettres  à  Babet  et  les  Lettres  à  Monsei- 
gneur extraites  des  œuvres  de  Boursault  ("2  vol.  in- 12);  en 
Ï88G,  la  Corj^espondance  authentique  de  ISinoyi  de  Len- 
clos^  augmentée  de  lettres  inédites  (in-8).  îl  a  publié  de 
plus,  en  1858,  Ruelles,  Salons  et  Cabarets,  \\\%iQ\vQ  anec- 
dotique  de  la  littérature  française  pendant  le  xvii«  siècle 
(in-l:2,  dont  il  a  été  donné  en  1889  une  nouvelle  édition, 
augmentée  d'un  second  volume  sur  le  xviu*^  siècle),  et 
Ninon  de  Lenclos  et  sa  cour,  roman  (in-8);  de  4860  à 
1862,  r Histoire  anecdolique  du  duel  dans  toiis  les 
temps  et  dans  tous  les  pays  (réimprimée  avec  des  aug- 
mentations); les  Originaux  de  la  dernière  heure,  V Es- 
prit au  tliédtre,  le  Monde  des  voleurs  et  les  Causes 
gaies  (5  vol.,  in-8);  enfin,  en  1889,  les  Aventures  de 
Babolin,  roman  (in-8). 

LAURENT  (Charles-Auguste),  ingénieur  et  géologue 
français,  né  à  Ecouen  (Seine-et-Oise)  le  9  mail 821 .  An- 
cien élève  de  FEcole  des  arts  et  métiers  d'Angers,  il  vint 
compléter  son  instruction  scicntitiquo  à  Paris,  travailla 
ensuite  comme  ouvrier  chez  Derosne  et  Cail,  puis  comme 
sous-ingénieur  dans  les  ateliers  d'Essonncs,  et  passa  de 
là  chez  Degousée  (V.  ce  nom),  dont  il  devint  le  gendre  et 
l'associé  (1848).  Il  a  effectué  de  nombreux  sondages  arté- 
siens :  dans  le  Sahara  algérien  (1855),  dansl'Attique  pour 
le  compte  du  gouvernement  grec  (1856),  en  Espagne  pour 
la  Compagnie  des  chemins  de  fer  de  Madrid  à  Alicante  (1 858) 
et  pour  le  gouvernement  espagnol  (1860-61),  etc.  Il  a  en 
même  temps  étudié,  au  point  de  vue  géologique,  les  nom- 
breuses régions  qu'il  a  été  appelé  à  visiter,  et  il  a  rendu 
compte  de  ses  recherches  dans  des  mémoires  publiés  par 
les  recueils  de  diverses  sociétés  savantes.  11  a  donné  à 
psrt  :  Mémoire  sur  le  Sahara  oriental  (Paris,  1859, 
in-8)  ;  Guide  du  sondeur^  avec  Degousée  (Paris,  1861, 
2  Yol.  in-8,  2«  éd.),  etc.  '  L.  S. 

LAURENT  (Joseph),  acteur  français,  né  en  1822,  moit 
à  Champ-sur-Marne  le  8  déc.  1893.  11  avait  été  d'abord 
menuisier,  mais  prit  le  goût  du  tliéâtre  de  bonne  heure  et 
devint  en  peu  d'années  l'un  des  fovoris  des  théâtres  du 
boulevard,  grâce  à  sa  ronde  gaieté,  à  sa  bonhomie  et  à  la 
sobriété  de  son  jeu.  il  passa  avec  succès  à  l'Ambigu- 
Comique,  puis  à  la  Gaîté  et  à  la  Porte-Saint-Martin.  Il 
établit  plus  de  cent  rôles  dans  les  drames  et  les  féeries 
représentées  à  ces  deux  théâtres  ;  les  plus  marquants  sont 
ceux  de  Mousqueton  dans  Vingt  Ans  après  et  de  Gorenflot 
dans  la  Dame  de  Monsoreau  ;  dans  l'ordre  pathétique,  il 
se  montra  admirable  dans  le  sonneur  de  Patrie^  le  drame  de 
BI.  Sardou. 

LAURENT  (Marie  LuGUET,  dame),  artiste  dramatique 
française,  née  à  Tuile  en  4826.  D'une  famille  d'acteurs, 
elle  parut  en  scène  dès  l'âge  de  trois  ans,  joua  en  province, 
à  Amiens,  Rouen,  Toulouse,  Bruxelles  (1846)  où  elle 
épousa  le  baryton  Pierre-Marie  I^aurent  (1821-54),  à  Mar- 
seille, à  Paris  où  elle  débuta  à  i'Odéon  (1848)  dans  Isa- 
belle de  Castille,  y  reparut  Tannée  suivante  et  fut  remar- 
quée dans  François  le  Champi  (déc.  1849)  et  les  Contes 
d'Hotfpian7i  (1851),  passa  à  la  Porte-Saint-Martin,  à 
FAmbigu-Comique,  au  Châtelet,  etc.  Elle  a  surtout  réussi 
dans  le  drame  populaire.  Parmi  ses  meilleurs  rôles,  on 
cite  :  la  mère  Pailleux  de  la  Poissarde;  llose  Marquis  des 
Mères  repenties;  V Aïeule;  Klytaimnestra  des  Erynnies; 
Marfa  de  Michel  Sti^ogojf,  etc.  Elle  a  fondé  l'Orphelinat 
des  arts.  Elle  se  remaria  en  1859  avec  l'acteur  Desrieux, 
mort  en  1876. 

LAURENT  (Jean-Emile),  économiste  français,  né  à  Bor- 
deaux le  40  août  4830.  Après  avoir  occupé  divers  postes 
dans  l'administration  préfectorale,  il  fut  promu  en  4874 


préfet  du  Tarn  et  devint  successivement  préfet  de  la  Dor- 
dogne  (4872),  secrétaire  général  de  la  préfecture  de  la 
Seine  (1873),  préfet  de  la  Manche  et  du  Doubs  (4877), 
préfet  du  Calvados  (4878)  et  enfin  président  du  conseil  de 
préfecture  de  la  Seine  (4879).  Auteur  d'importants  tra- 
vaux d'économie  politique,  il  fut  nommé  en  4872  membre 
correspondant  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  poli- 
tiques. Citons  de  lui  :  Etudes  sur  les  Sociétés  de  secours 
mutuels  (Paris,  4857,  in-42)  ;  le  Compag^ionnage 
(1860,  in-8);  le  Paupérisme  et  les  associations  depré- 
voyance  (1860,  gr.  in--8)  ;  les  Friendly  Societies  an-- 
glaises  {{%^{),  in-12)  ;  la  Liberté  de  r  imprimerie  et  de 
la  librairie  (1869,  in-8);  la  Législation  et  V adminis- 
tration des  hôpitaux  et  Iwspices  (1875,  in-8)  ;  l'Etat 
actuel  de  la  question  des  enfants  assistés  (1876,  in-8)  ; 
les  Logements  insalubres  (1882,  in-8). 

LAlJRENT(Mathieu-Paul-llermann),  mathématicien  fran- 
çais, lils  du  chiuiiste  Augtîste  Laurent  (V.  ci-dessus),  né 
à  Luxembourg  le  2  sept.  1844.  Sorti  de  l'Ecole  polytech- 
nique en  1862  et  de  l'Ecole  d'application  de  Metz  en  1864, 
il  fut  un  an  lieutenant  du  génie,  démissionna,  se  lit  rece- 
voir en  1865  docteur  es  sciences  mathématiques  avec  deux 
thèses  intitulées  :  De  la  Continuité  dans  les  séries  et  Sur 
les  Lignes  isothermes,  et  fut  nommé  l'année  suivante  ré- 
pétiteur d'analyse  à  l'Ecole  polytechnique.  Pendant  la  guerre 
de  1870,  il  reprit  du  service  actif  dans  le  génie,  fut  déta- 
ché après  la  paix  à  l'Ecole  polytechnique  comme  inspecteur 
des  études,  mais  quitta  de  nouveau  l'armée  en  1872  et  ne 
conserva  à  l'Ecole  polytechnique  que  ses  fonctions  de  répé- 
titeur. 11  les  exerce  toujours  (1895).  11  est  en  outre  depuis 
1883  examinateur  d'admission  à  la  même  école  et  depuis 
\  889  professeur  de  mathématiques  à  l'institut  agronomique. 
On  lui  doit  d'importants  travaux  sur  l'élimination,  sur  les 
séries,  sur  les  imaginaires,  etc.  Il  a  donné  notamment  une 
théorie  nouvelle  de  l'élimination  qui  permet  de  mettre 
la  résultante  sous  forme  explicite  pour  un  nombre  quel- 
conque d'équations,  une  théorie  des  équations  aux  déri- 
vées partielles  fondée  sur  ce  principe  nouveau  que  les  con- 
ditions d'intégrabilité  regardées  comme  nécessaires  et  suffi- 
santes peuvent  être  réduites  à  un  nombre  moindre,  une 
théorie  des  différentielles  à  indices  quelconques  établie, 
pour  la  première  fois,  sur  des  bases  rigoureuses,  il  est, 
d'autre  part,  l'auteur  d'ouvrages  classiques  très  estimés, 
dans  lesquels,  fervent  disciple  de  Cauchy,  il  s'est  surtout 
inspiré  des  méthodes  de  l'illustre  analyste  :  Traité  d'aU 
gcbre  (Paris,  1867,  3  vol.  in-8  ;  4«  éd.,  1887  ;  5«  éd.  du 
t.  Ill,  4894)  ;  Traité  de  mécanique  rationnelle  (Paris, 
4874,  2  vol. in-8;  3'^  éd., 4889);  Traité d' analyse [Va.^ 
ris,  4885-94,  7  vol.  in-8),  le  plus  complet  et  le  plus  étendu 
sur  la  matière.  Il  a  encore  publié  :  Théorie  des  séries  (Pa- 
ris, 4864,  in-8);  Théorie  des  mic[2is(Paris,4865,  in-8); 
Tliéorie  des  équations  différentielles  ordinaires  simul- 
tanées (Paris,  4873,  in-8)  ;  Théorie  élémentaire  des 
fonctions  elliptiques  (Paris,  4882,  in-8);  Théorie  des 
jeux  de  hasard  (Paris,  4893,  in-42);  Tliéorie  et  pra- 
tique des  assurances  sur  la  vie  (Paris,  4895,  in-42);  -— 
ainsi  qu'un  grand  nombre  de  mémoires  originaux  épars 
A-àXi^\e&  ISouvelles  Annales  de  mathématiques,  dans  le 
Journal  de  Liouville,  dans  le  Journal  de  P Ecole  polq- 
technique,  dans  les  Comptes  rendus  de  V Académie  des 
sciences,  etc.  il  dirige,  avec  M.  Laisant,  la  partie  mathé- 
matique de  la  Grande  Encyclopédie.  L.  S. 

LAURENT  (Charles-Michel-Ciément  Quilleveré,  dit), 
pubhciste  français,  né  à  La  Haye  le  40  août  4849,  fils  de 
Marie  Laurent  (V.  ci-dessus).  Secrétaire  de  la  rédaction  de 
la  France  sousE.  de  Girardin,  il  fonda  en  4884  le  jour- 
nal Paris  où  il  fit  une  campagne  très  vive  contre  le  bou- 
langisme,  et  en  4890  le  Jour,  il  fut  de  4894  à  4893  con- 
seiller municipal  de  Paris  pour  le  quartier  du  faubourg 
Montmartre. 

LAURENT  DE  IliLLÉ(V.  Rillé). 
LAURENT  DE  ViLLEDEmL  (Pierre-Charles),  administra- 
teur  français,  né  à  Paris  en  4740,  mort  à  une  date  incon» 


—  1039  - 


Î.AURENT  ~-  LAURENTUM 


nue,  dans  l'émigration.  Il  était  fils  de  Pierre-Joseph  Lau- 
rent (V.  ci -dessus)  et  remplaça  M.  de  Fourqueux  au 
contrôle  général  des  finances  le  3  mai  1787,  passa  au  mi- 
nistère de  la  maison  du  roi  et  de  Paris  le  25  juil.  4788, 
donna  sa  démission  le  46  juil.  4789  ;  pourtant  sa  corres- 
pondance ministérielle  n'est  close  que  le  21  juil.  de  la  môme 
année.  Il  avait  succédé  au  baron  de  Breteuil,  mais  il  n'eut 
d'abord  dans  ses  attributions  ni  les  lettres  de  cachet  ni  le 
clergé,  que  Loménie  de  Brienne  s'était  réservés.  C'est  seu- 
lement après  le  rappel  de  Necker  que  l'ancien  département 
de  4757  recouvra  son  intégrité.  11  fut  de  la  première  émi- 
gration, mais  reparut  en  France  à  diverses  reprises  :  le 
26  févr.  4793,  Jean  Debry  signale  sa  présence  à  Boulogne, 
au  cours  d'une  délibération  de  la  Convention  sur  les  émigrés. 
On  perd  sa  trace  à  partir  de  cette  époque.      IL  Monin. 

BiBL.  :  Almanachs  royaux.  —  Moniteur  7'êimprimê^  In- 
troduction^ p.  226,  t,  1,'  pp.  107,  228  ;  t.  XV,  p.  567.  ~ 
H.  Monin,  t:tat  de  Pans  en  n89;Vixvis,  1889,  in-8,ch.  xii 
et  passim. 

LAURENT  GiusTiNiANi  (Saint),  dit  saint  Laurent  Justi- 
nien^  premier  patriarche  de  Venise,  né  en  4381,  mort  en 
4465.  Béatifié  en  4524  par  Clément  Vil,  canonisé  en  4690 
par  Alexandre  Vlll.  Fête  le  5  sept.  Ba  connaissance  de  la 
r>ible  et  des  éci'its  des  Pères  lui  lit  donner  io  surnom  de 
Philosophas,  OEuvres  principales  :  hisiituliones  monaS' 
ticœ  (Brescia,  4502),  apologie  de  la  vie  monastique  et  de 
la  continence  ;  De  Comptinctione  et  complanctu  chris- 
tianœperfectionis  (Brescia,  4506),  plaintes  sur  les  mœurs 
du  clergé  et  nécessité  de  les  réformer  ;  Sermones  in  sanc- 
torum  solemnitatibus  (Brescia,  4506),  plusieurs  fois  tra- 
duits en  langue  vulgaire  ;  De  Corpore  Christi  (Brescia, 
4506). 

LAURENT-l*iCîiAT  (Léon),  homme  politique  et  pubhciste 
français,  né  à  Paris  le  42  jud.  4  823,  mort  à  Paris  le  12  juin 
4886.  Mis  en  possession  dès  l'âge  de  dix-huit  ans  d'une  for- 
tune considérable,  il  entreprit  avec  son  ami  Henri  Chevreau 
une  longue  excursion  en  Italie,  en  Grèce  et  en  Orient,  et 
tous  deux  publièrent,  au  retour,  un  premier  recueil  collectif 
de  poésies:  les  Voyageuses  (48i4,  gr.  in-8).  Collabora- 
teur du  Progrès  de  l'Aube,  journal  pohtique,  rédigé  à 
Troyes  par  Louis  Ulbach,  son  autre  ami  intime,  il  fonda 
en  4854  avec  lui  la  Pievue  de  Paris^  dont  Maxime  Du  Camp 
partagea  la  direction  jusqu'à  sa  suppression  par  décret 
(janv.  4858).  En  même  temps  il  subventionna  un  recueil 
d'érudition,  la  Coirespondance  littéraire,  adressait  au 
Phare  de  la  Loire  à  Nantes  un  courrier  politique  très 
remarqué,  donnait  une  série  de  conférences  rue  de  la  Paix, 
préparait  la  publication  d'une  Encyclopédie  générale, 
dont  il  abandonna  ensuite  la  direction,  et  fut  le  principal 
bailleur  de  fonds  du  lléueil  de  Deiescluze  (4869).  Elu  re- 
présentant delà  Seine  le  8  févr.  4874,  il  siégea  à  Pextrême 
gauche  et  prit  part  à  quelques-unes  des  plus  importantes 
discussions  de  l'Assemblée  nationale  qui  le  comprit  au  nom- 
bre des  sénateurs  inamovibles  nommés  par  elle.  Tour  à  tour 
poète,  romancier  et  critique,  Laurent-Pichat  a  publié: 
Libres  Paroles  (4847,  iïi-8),  poésies  ;  la  Chronique  rimée 
(4856,  in-8);  Avant  le  jour  (4870,  in-48)  ;  les  liéveils 
(4880,  in-8)  ;  des  romans  et  nouvelles:  Cartes  sur  table 
(4855,  in-48);  la  Païenne  (4857,  in-48);  la  Sibylle 
(4869,  in-48)  ;  Gaston  (4860,  in-42)  ;  le  Secret  de  Poli- 
chinelle (4862,  in-48)  ;  Commentaires  de  la  vie  (4868, 
in-12);  les  Poètes  de  combat  (1862,  in-18),  recueil  des 
conférences  mentionnées  plus  haut  ;  VArt  et  les  Artistes 
en  France  (4859,  in-46),  faisant  partie  de  la  Bibliothèque 
utile.  M.  Tx. 

LAURENTIDES  (Montagnes)  (V.  Canada). 

LAURENTIE  (Pierre-Sébastien),  publiciste  français,  né 
à  Houga  (Gers)  le  24  janv.  1793,  mort  à  Paris  le  9  févr. 
4876.  Répétiteur  de  littérature  à  l'Ecole  polytechnique 
(4848),  il  devint  en  4822  inspecteur  général  des  études, 
fut  révoqué  pour  sa  collaboration  à  la  Quotidienne,  en 
4834  fonda  le  Courrier  de  V Europe  et  le  Rénovateur 
qui  finirent  par  se  fondre  avec  la  Quotidienne  dont  il  prit 


la  direction  et  où  il  publia  sa  fameuse  thèse  «  sur  la  Li- 
berté fondée  sur  le  Droit  divin  ».  Poursuivie  par  le  gouver- 
nement, la  Quotidienne  devint  V Union  monarchique, 
puis  r (J»io/i  (1848),  que  Laurentie  dirigea  Jusqu'en  1859. 
Il  a  énormément  écrit.  Citons  :  De  V Eloquence  publique 
(Paris,  4819,  in-8);  Considérations  sur  les  constitu- 
tions démocratiques  (4826,  in-8);  Histoire  des  ducs 
d'Orléans  (4832-34,  4  vol.  in-8)  ;  De  la  Piévolution  en 
Europe  (4832,  in-8);  Lettres  sur  V éducation  {i^'dlS, 


2  vol.  in-8);  les  Crimes  de  T  éducation  française  {l^l'i, 
in*8). 

LAURENTIEN  (Terrain)  (V.  Paimitif  [Terrain]  et 
Canada,  t.  Vlll,  p.  4459). 

LAURENTIUS  (Pétri),  réformateur  suédois  (V.Petrï). 

LAURENTIUS  Andre.e  ou  Mâster  LARS,  réformateur 
suédois,  né  probablement  à  Strengnses  vers  4480,  mort  à 
Strengnœs  en  1552.  On  sait  fort  peu  de  chose  de  sa  jeu- 
nesse ;  ce  qui  semble  certain,  c'est  qu'il  fut  reçu  bachelier 
à  l'université  d'Upsal  en  4498,  et  que,  la  même  année,  il 
séjourna  quelque  temps  à  Rome  d'abord,  puis  à  Kostock, 
où  il  fut  inscrit  comme  étudiant,  et  enfin  à  Leipzig.  Acquis 
par  Olaus  Pétri  aux  doctrines  de  Luther,  il  fut  bientôt  en 
Suède  un  des  propagateurs  les  plus  ardents  du  protestan- 
tisme ;  il  était  alors  archidoyen  à  Strenguics.  En  4523,  il 
fut  présenté  au  roi,  sur  l'esprit  duquel  il  exerça  bientôt 
une  grande  intluenco  :  aussi  c'est  avec  raison  qu'on  lui 
attribue  d'avoir  gagné  aux  nouvelles  doctrines  Gustave 
Vasa,  qui  lit  de  lui  son  chancelier.  Jusqu'en  4534  4.auren- 
tius  jouit  de  la  faveur  royale  ;  mais  il  rompit  avec  son  souve- 
rain lorsque  celui-ci  commença  à  subir  l'influence  du  Hol- 
landais Peutingcr  et  du  Pomèranien  Georg  Neuman.  Il  fut 
mémo,  en  4539,  accusé,  ainsi  qu'Olaus  Pétri,  du  crime  de 
haute  trahison  ;  tous  deux  furent  condamnés  à  mort,  et  ne 
purent  se  racheter  qu'en  faisant  abandon  de  tous  leurs 
biens  à  l'Etat.  H  passa  dans  la  retraite,  à  Strengnœs,  les 
douze  dernières  années  de  sa  \ie.  C'était  un  des  hommes 
les  plus  instruits  de  son  temps,  mais  il  n'a  laissé  qu'un 
traité  sur  la  foi  et  les  bonnes  oeuvres  (4528),  et  c'est  sans 
doute  à  tort  qu'on  lui  a  attribué  la  traduction  suédoise  du 
Nouveau  Testament,  publiée  avec  des  commentaires  en 
4526.  En  4879,  on  a  élevé  à  Strengnœs  un  monument  à 
sa  mémoire.  Th.  C. 

BiBL.  :  Th.  Strômberg,  Minnesieckning  af  Laur.  An- 
dreœ.  —  8ghûuk,  Svensh  Literatur  histoha;  Stockholm, 
1890, 1,  p.  219.  — Du  même,  ŒfversàLiaren  afNya  Testamen- 
tet,  dans  lo.  Siimlaren,  152(5.  —  Du  môme,  Cancelleren  Laur. 
Andréas  tankar  om  presterkapet  ;  id.,  1886.  --  Rundgrkn, 
Minne  af  Kyrkoreformatoi^en  Laurontius  Andreoi,  dans 
Svenska  Akad.  llandL,  1803. 

LAURENTIUS  Norvegus  ou  LAURENTIUS  Nigolai, 
appelé  aussi  Klosterlasse,  jésuite  norvégien,  né  en  4538, 
mort  à  Yilna  en  4622.  Disciple  des  jésuites  de  Louvain,  il 
fut  envoyé  en  Suède  pour  ramener,  si  possible,  ce  pays  à 
la  foi  catholique  ;  il  déploya  à  cette  œuvre,  de  4576  à 
4580,  sous  le  règne  de  Jean  III,  une  activité  que  le  roi 
approuvait  presque  publiquement.  Au  début  de  sa  mission, 
il  ne  s'était  d'ailleurs  pas  fait  connaître,  et  s'était  appliqué 
à  ne  prêcher  et  à  n'enseigner  que  des  doctrines  admises 
par  les  protestants  ;  bientôt,  grâce  à  son  éloquence,  il  ras- 
sembla de  nombreux  disciples  dans  le  collège  qu'il  dirigeait 
à  Riddarholm,  dans  un  ancien  couvent.  En  4580,  ayant 
perdu  la  faveur  du  roi,  à  la  suite,  croit-on,  de  négocia- 
tions avec  le  saint-siège,  qui  n'avaient  pas  abouti,  il  se 
retira  à  Drottningholm  et  quitta  peu  après  lo  royaume  pour 
se  retirer  à  Riga,  puis  à  Vilna  où  il  mourut.      Th.  C. 

LAURENTUM.  Ville  très  ancienne  du  Latium  (V.  ce 
mot),  au  S.-O.  d'Oslie,  au  Heu  dit  aujourd'hui  Tor  di  Pa- 
tcrno.  Elle  paraît  avoir  eu  une  certaine  importance  com- 
merciale au  temps  des  rois  de  Rome.  l*lus  tard  elle  resta 
fidèle  à  Rome  lors  de  la  guerre  latine,  La  légende  y  j)la- 
çait  la  capitale  du  roi  Latmus,  auprès  de  laquelle  Enée  dé- 


LAURENTUM  —  LAURIE 


d040 


barqua  en  Italie  (Enéide)  ;  elle  fut  redevable  à  son  impor- 
tance religieuse  d'être  associée  à  toutes  les  histoires  légen- 
daires sur  la  fondation  de  Rome  (V.  Layinium). 

LAURÉOLE  (Bot.)  (V.  Dàphné). 

LAURESSES.  Corn,  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Hgeac, 
cant.  de  La  Tronquière;  4,023  hab. 

LAURET.  Com.  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  de  Mont- 
pellier, cant.  de  Claret  ;  160  hab. 

LAURET.  Com.  du  dép.  des  Landes,  arr.  de  Saint- 
Sever,  cant.  de  Geaune;  249  hab. 

LAURET!  (Tommaso),  dit  II  Siciliano,  architecte  et 
peintre  italien,  né  à  Palerme  en  4508,  mort  à  Rome 
en  4564.  Il  vint  travailler  à  Rome  sous  la  direction  de 
Sebastiano  del  Piombo,  puis  il  alla  passer  plusieurs  années 
à  Bologne  où  il  construisit  en  4564  la  fontaine  qui  fut 
ensuite  surmontée  de  la  statue  de  Neptune  par  Jean  Bou- 
logne et  peignit  pour  l'église  San  Giacomo  Maggiore  plu- 
sieurs tableaux,  la  Vierge  avec  des  saints  y  les  Funé- 
railles de  saint  Augustin  et  la  Résurrection.  Le  pape 
Grégoire  XIII  l'appela  à  Rome  où  il  exécuta  des  fresques 
importantes  :  au  Vatican,  le  plafond  de  la  Stanza  de  Cons- 
tantin, avec  des  sujets  moitié  historiques,  moitié  allégo- 
riques, empruntés  au  Triomphe  du  christianisme,  d'ans 
le  palais  des  Conservateurs  (deuxième  salle  à  droite  après 
l'ancienne  chapelle),  Brwte  et  ses  fils^  Horatius  Codés, 
Miicius  Scevola,  Aulus  Postumius  au  lac  Régille.  Lau- 
reti  fut  directeur  de  l'Académie  de  Saint-Luc.      E.  Bx. 

BiBL.  :  Vasari,  éd.  Milanesi,  t.  V,  pp.  585-86,  et  VII, 
p.  645.  —  Baglione,  Vite  de'  pittori,  scultori  ed  archit- 
teili,  1573-i6i2;  Rome,  1642,  in-4.  —  Lanzi,  Storia  pitto- 
rica  delV  Italia,  t.  IL 

LAURÉUS  ou  LAUR/EUS  (Alexander), peintre  suédois, 
né  à  Âbo  en  4783,  mort  à  Rome  en  4  823.  Elève  de  l'Ecole 
des  beaux-arts  de  Stockholm,  il  peignit  d'abord  des  por- 
traits et  quelques  tableaux  d'histoire,  puis  s'essaya  aux 
tableaux  de  genre,  qui  lui  valurent  ses  premiers  succès. 
Son  dessein  manque  parfois  de  vigueur,  mais  il  est  toujours 
exact  ;  les  scènes  familières  qu'il  reproduit  sont  pleines  de 
fraîcheur  et  très  souvent  curieuses  par  les  effets  de  lumière 
qu'il  se  plaît  à  étudier:  clair  de  lune,  lueur  d'orage  ou 
clarté  incertaine  de  la  lampe.  En  4847,  grâce  à  une  bourse 
de  voyage,  il  se  rendit  à  Paris  et  y  suivit,  sans  grand 
avantage,  semble-t-il,  l'enseignement  de  Hersent;  de  Paris, 
il  passa  à  Rome,  où  il  étudia  le  plein  air  et  donna  plus  de 
largeur  à  sa  peinture.  Voici  le  titre  de  quelques-unes  de 
ses  toiles  les  plus  connues  :  Finnois  autour  du  feu  au  pied 
dhine  montagne;  Vieille  Femme  qui  chante  dans  son 
livre  de  psaumes,  en  remuant  la  soupe;  Barque  chargée 
de  gens  et  de  bétail  à  la  lueur  d'un  éclair;  Famille 
lisant  autour  d'une  table;  Soirée  dansante  {i%\i)\ 
Gustave  Vasa  échappant  aux  Danois  (4845);  Jeunes 
Filles  de  Tivoli;  Brigands  au  milieu  des  ruines  de  la 
campagne  romaine  ;  Deux  Brigands  italiens  interro- 
geant une  famille  de  paysans  (4823)  ;  Brigands  enle- 
vant des  femmes^  éclairés  par  des  torches,  — En  4824 
on  fit  à  Stockholm,  au  profit  de  sa  veuve,  une  exposition 
où  l'on  put  réunir  soixante-cinq  de  ses  œuvres.     Th.  C. 

LAURI  (Baldassare),  peintre  flamand,  né  à  Anvers 
en  4570,  mort  à  Rome  en  4642.  Son  nom  n'est  connu 
que  sous  cette  transcription  italienne.  Après  une  série  de 
voyages  sur  lesquels  on  ne  sait  rien  de  précis,  il  se  fixa  à 
J\ome,  où  il  peignit  des  paysages  dans  la  manière  de  son 
ami,  Paul  Bril. 

LAURI  (Francesco),  peintre  italien,  né  à  Rome  en  4  640, 
mort  en  4635,  fils  du  précédent.  Il  fut  d'abord  élève 
de  son  père,  puis  il  entra  dans  Tatelier  d'Andréa  Sacchi, 
qui  lui  promit  le  plus  brillant  avenir  et  l'appelait  un  second 
Raphaël.  A  une  époque  où  les  peintres  du  Nord  venaient, 
comme  avait  fait  le  père  de  Francesco,  chercher  des  leçons 
en  Italie,  le  jeune  artiste  eut  assez  d'esprit  d'indépendance 
pour  ne  pas  se  contenter  des  modèles  jqu'il  avait  sous  les 
yeux  et  alla  étudier  les  maîtres  étrangers,  en  Allemagne, 
en  Flandre,  en  Hollande  et  même  à  Paris.  Il  serait  curieux 
de  voir  l'influence  que  des  modèles  si  différents  avaient  pu 


produire  sur  un  artiste  bien  doué  ;  malheureusement,  Fran- 
cesco mourut,  tout  jeune  encore,  quelques  mois  après  son 
retour  à  Rome.  Sa  seule  œuvre  connue,  assez  insignifiante, 
est  un  plafond  du  palais  Crescenzi,  représentant  les  Trois 
Grâces.  H  est  impossible  d'admettre,  avec  Fidrillo,  qu'il 
ait  peint  des  personnages  dans  les  tableaux  de  Claude 
Lorrain.  E.  Bx. 

BiBL.  :  Orlandi,  Abecedario  piltorico,  accreschUo  da 
P.  GuARiENTi;  Venise,  1753,  in-4.  —  Baldixugci,  Notizie 
di  professori  del  disegno;  Florence,  1681-1728,  t.  IV.  — 
FioRiLLo,  Geschichte  der  zelchnenden  Kûnste ;  Gœttingue, 
1798-1808,  t.  IV. 

LAURI  (Filippo),  peintre  italien,  né  à  Rome  en  4628, 
mort  à  Rome  en  4694,  frère  du  précédent.  Il  eut  pour 
maître  son  beau-frère,  Angelo  Caroselli,  et  dut  beaucoup 
à  l'exemple  de  son  père.  Comme  celui-ci,  il  ne  peignit 
guère  que  des  tableaux  de  petite  dimension,  où  le  paysage 
tient  une  grande  place  ;  ce  n'est,  dit-on,  qu'à  la  suite 
d|une  gageure  qu'il  peignit  les  deux  figures  colossales 
d'Adam  et  à'Eve,  dans  la  chapelle  Mignatelli,  à  Santa 
Maria  délia  Pace.  Raphaël  Mengo  avait  une  grande  admi- 
ration pour  un  Saint  Xaxier  de  Filippo  Lauri,  qui  se 
trouvait  dans  une  collection  particulière.  Les  œuvres  prin- 
cipales de  ce  peintre  sont  :  Vénus  avec  les  Saisons  (pa- 
lais Doria)  ;  une  suite  de  paysages  au  palais  Borghèse  : 
Saint  François  malade  ravi  par  la  musique  des  anges, 
un  Sacrifice  à  Pan  (musée  du  Louvre),  Madeleine  aux 
pieds  du  Christ  (musée  de  l'Ermitage,  à  Saint-Péters- 
bourg); Vénus,  r Amour  et  Pan  (collection  de  lord  Mon- 
tagu).  Un  assez  grand  nombre  des  tableaux  de  Filippo 
Lauri  ont  été  gravés,  en  France  par  Valé  et  Levasseur, 
en  Angleterre  par  Byrne,  Majori,  Wright,  etc.  E.  Bx. 

BiBL.  :  Orlandi,  Abecedario  piltorico,  accresciuto  da 
P.  Guarienti;  Venise,  1753,  in-4. 

LAURIA.  Ville  d'Italie,  prov.  de  Potenza  (Basilicate),  à 
4  5  kil.  S.  de  Lagonegro,  sur  la  r.  g.  de  la  Noce  ;  4  0,000  hab. 
(pour  la  com.).  La  ville  haute  entourée  de  murs,  sur  la 
colline,  domine  la  ville  basse  située  dans  la  vallée.  C'est  la 
patrie  du  célèbre  amiral  italien  Roger  deLauria  (ou  Loria). 

LAURIAN  (A. -T.),  écrivain  et  homme  politique  roumain, 
né  en  Transylvanie,  dans  le  village  de  Fofeldea,  en  1840, 
mort  en  févr.  4884.11  compléta  ses  études  à  Vienne  et  fut 
professeur  de  philosophie  au  collège  de  Saint-Sabbas, 
à  Bucarest,  entre  4842  et  4848.  En  48  i8,  il  revient 
dans  son  pays  natal  pour  y  jouer  un  rôle  important  dans 
le  mouvement  révolutionnaire  roumain .  Il  passe  ensuite  en 
Moldavie(4854),otiil  futinspecteurdes  écoles  jusqu'en4858. 
Après  cette  date,  il  se  fixa  à  Bucarest  comme  professeur 
(plus  tard  doyen)  à  la  faculté  des  lettres.  Ses  œuvres  sont  : 
Tentamen  criticum  in  originem,  derivationem  et  for- 
mam  linguœ  Romanœ,  in  utraque  Dada  vigentis,  vulgo 
valachicœ  (Vienne,  4848);  la  Témisienne,  avecN.  Bal- 
ccscu  (trad.  franc,  d'un  livre  paru  en  roumain  en  4848)  ;  le 
Magasin  historique  pour  la  Dacie,  publication  périodique, 
qu'il  rédigea  avec  Nicolas  Balcescu  de  4845  à  4847  (Buca- 
rest, 5  vol.)  ;  une  Histoire  des  Roumains  {hssy ,  4853, 
3  vol.,  supplément,  4857  ;  2^  éd.,  Bucarest,  4862,  en  un 
vol.)  ;  le  Dictionnaire  et  le  Glossaire  de  la  langue  rou- 
maine, avec  J.  Massimu  (1874-76).  On  lui  doit  aussi  la 
publication  de  la  Chronique  de  Sincai.  Distingué  comme 
historien,  Laurian  représente,  comme  philologue,'  de  la  ma- 
nière la  plus  parfaite,  le  courant  latiniste,  qui  voulait  im- 
poser aux  Roumains  une  langue  réformée,  ramenée  jus- 
qu'au ridicule  au  type  latin  et  purgée  de  tout  élément 
étranger.  N.  Jorgâ. 

BiBL.  :  J.  Bianu,  dans  la  Nouvelle  Revue  roumaine,  II. 

LAURICOGHA.  Lac  du  Pérou,  à  220  kil.  N.  de  Lima, 
une  des  deux  sources  du  Maranon. 

LAURIE.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  de  Saint-Flour, 
cant.  deMassiac;  508  hab.  Eglise  du  xiv®  siècle,  qui  a 
conservé  de  curieuses  sculptures  grotesques.  Ancien  châ- 
teau du  xve  siècle  avec  remaniement  du  xvir\ 

LAURIE  (André)  (V.  Grousset  [Paschal]). 

LAURIE  (Simon  Sommer  ville),  philosophe  écossais,  né 
à  Edimbourg  le  43  nov.  4829.  Fils  d'un  ministre  presby- 


1041  — 


LAURÏE  —  LAURIER 


térien,  il  prit  ses  grades  à  l'université  d'Edimbourg,  puis 
voyagea  comme  précepteur  sur  le  continent.  De  retour,  à 
vingt-cinq  ans,  il  fut  nommé  secrétaire  du  comité  d'édu- 
cation de  l'Eglise  d'Ecosse,  qui  avait  alors  (elle  l'eut  jus- 
qu'en 1872)  la  haute  main  sur  l'éducation  publique.  Dans 
cette  fonction,  qui  impliquait  l'inspection  des  écoles,  voire 
des  écoles  normales,  il  s'initia  à  toute  la  vie  scolaire  et  au 
détail  des  questions  pédagogiques.  En  1856,  il  devint  en 
outre  visitor  de  la  grande  fondation  Dick  (Dick  Bequest) 
qui  avait  pour  but  d'élever  la  culture  littéraire  des  institu- 
teurs dans  le  N.-E.  de  l'Ecosse  et  le  niveau  de  l'instruction 
dans  les  écoles  paroissiales  en  convertissant  celles-ci  en 
écoles  primaires  supérieures,  ce  qu'on  appelle  en  Angle- 
terre iïi^/i^r-^rari^  elementary  schools.  Le  but  fut  atteint. 
Aujourd'hui  la  grande  majorité  des  instituteurs  sont  gra- 
dués d'une  université  et  dans  aucune  autre  contrée  du 
monde  une  aussi  large  proportion  d'enfants  des  districts 
ruraux  ne  reçoivent  une  instruction  aussi  complète.  —  La 
question  de  la  réforme  des  hôpitaux  en  Ecosse  fut  soulevée 
en  1869  par  M.  Laurie.  Pourvus  de  riches  dotations,  ces 
établissements  devaient  élever  et  instruire  les  orphelins  de 
la  classe  commerçante  :  la  réforme,  préparée  par  une  com- 
mission dont  M.  Laurie  était  le  rapporteur,  consista  à 
étendre  à  tous  ces  enfants  le  bénéfice  de  l'instruction 
secondaire.  —  En  1876  fut  fondée  pour  M.  Laurie  àTuai- 
versité  d'Edimbourg  une  chaire  de  «  théorie,  histoire  et 
art  de  l'éducation  »,  la  première  qui  ait  existé  en  Grande- 
Bretagne.  Bien  des  gens  doutaient  que  ce  fût  là  un  objet 
d'enseignement  supérieur  :  le  professeur  triompha  des  ré- 
sistances de  l'opinion  et  fit  reconnaître  de  tous  non  seule- 
ment la  nécessité  de  cet  enseignement  pour  la  préparation 
des  maîtres,  mais  sa  valeur  pour  la  culture  générale  des 
étudiants.  Aujourd'hui,  dans  toutes  les  universités  d'Ecosse, 
les  questions  d'éducation  sont  parmi  celles  dont  la  connais- 
sance est  requise  pour  le  grade  de  Master  of  arts, 

M.  Laurie  a  publié  en  1866  :  Primary  Instruction  in 
relation  to  Education (Mmhonrg,  1890,4®  éd.);  puis, 
des  nombreux  articles,  essais  et  rapports  écrits  dans  l'exer- 
cice de  ses  fonctions,  il  a  recueilli  les  principaux  en  trois 
volumes  parus  à  intervalles  :  ïhe  Training  of  the  Teacher 
and  oiher  educational  papers  (Londres,  1881);  Occa- 
sional  Addresses  on  educational  subjects  (Cambridge, 
1888)  ;  Teachers'  Guild  Addresses  (Londres,  1892).  Il  a 
donné  d'autre  part  :  ïhe  Rise  and  early  Constitution 
of  Universities^  wiih  survey  of  Mediœual  éducation 
(Londres,  1886)  ;  The  Life  and  educational  writings 
of  Comenius  (tmnïmàge,  1892,  3®  éd.);  Lectures  on 
Language  and  Linguistic  Method  in  the  school  (Cam- 
bridge, 1890;  2«  éd.,  1893)  ;  Institutes  of  Education, 
with  an  Introduction  to  rational  psychology  (Edim- 
bourg, 1892)  :  tous  ouvrages  très  répandus  en  Angleterre 
et  en  Amérique.  En  outre,  M.  Laurie  a  publié  sous  le 
pseudonyme  de  Scotus  Novanticus  deux  livres  de  philoso- 
phie pure  :  Metaphysica  nova  et  vetusta  (1889,  2®  éd.)  ; 
Ethica  or  the  Ethics  of  Reason  (1891,  2®  éd.).  Le  pre- 
mier est  une  critique  de  la  connaissance.  L'idée  dominante 
de  l'auteur  est  la  distinction  qu'il  établit  entre  la  vie  ani- 
male de  «  récipience  et  d'association  »  et  la  vie  humaine 
de  «  percipience  et  de  raison  ».  Le  passage  de  l'une  à 
l'autre  est  l'œuvre  de  l'activité  pure  de  la  volonté  et  fait 
du  sujet  animal  un  moi,  une  personne  consciente.  Par  ce 
processus,  «  la  raison  universelle  ou  divine  se  reproduit 
dans  les  individus  finis  ».  Cette  vue  ne  serait  cas  sans 
analogie  avec  celles  de  Hegel,  si  l'auteur  n'insistait  forte- 
ment sur  le  dualisme  de  la  pensée  et  de  la  nature,  sur  la 
réalité  de  la  personnalité  individuelle  et  de  la  liberté.  En 
morale,  M.  Laurie  combat  à  la  fois  l'intuitionisme  et  l'hé- 
donisme, identifie  l'idée  et  le  sentiment  du  devoir  avec 
ridée  et  le  sentiment  de  l'harmonie  intérieure.  Réaliser  en 
soi-même  sa  loi  ou  h^ixrhiie  harmonia  morum,  en  pre- 
nant pour  signe  certain  et  pour  récompense  la  paix  qui  en 
résulte,  voilà  la  tâche  de  tout  homme.  Là  est  aussi  la  base 
de  la  philosophie  sociale  et  politique  de  M.  Laurie.  H.  M. 

GRANDE    ENCYCLOPÉDIE.    —    XXL 


LAURIER.  I.  Botanique.  —  {Laurus  Tourn.).  Genre 
de  plantes  Dicotylédones  qui  a  donné  son  nom  à  la  famille 
des  Lauracées.  Des  nombreuses  espèces  qui  y  entraient 
naguère,  il  ne  reste  plus  que  deux  caractérisées  comme  il 
suit  :  fleurs  hermaphrodites  ou  dioïques,  régulières,  cons- 
truites sur  le  type  binaire  ;  dans  les  fleurs  hermaphrodites, 
le  réceptacle  concave  porte  deux  sépales  extérieurs  et  deux 
folioles  (sépales  ou  pétales)  alternes  plus  intérieures,  puis 
plus  intérieurement  six  verticilles  de  deux  étamines,  les 
deux  plus  extérieures  oppositisépales,  les  deux  suivantes 
alternes,  et  ainsi  de  suite;  filets  accompagnés  de  deux 
glandes  latérales,  anthères  biioculaires  déhiscentes  par  deux 
panneaux  et  introrses  ;  gynécée  libre,  inséré  au  centre  du 
réceptacle  ;  il  est  constitué  par  un  ovaire  uniloculaire,  sur- 
monté d'un  style  à  extrémité  stigmatifère  renflée,  renfer- 
mant un  seul  ovule  anatrope  et  suspendu  ;  dans  les  fleurs 
mâles,  l'ovaire  est  stérile  ;  dans  les  fleurs  femelles  n'exis- 
tent que  quatre  étamines  stériles  ;  le  fruit  est  une  baie 
monosperme  ;  la  graine,  dépourvue  d'albumen,  renferme  un 
embryon  épais  et  charnu .  Les  Laurus  sont  des  arbres  de 
l'Asie  Mineure  et  des  Canaries,  à  feuilles  alternes,  simples, 
coriaces,  persistantes,  à  fleurs  réunies  sur  de  petits  axes 
communs,  insérés  dans  l'aisselle  des  feuilles  ;  l'inflores- 
cence est  formée  de  glomérules  réunis  autour  d'un  bour- 
geon central  et  enveloppés  par  de  grandes  bractées  imbri- 
quées. —  Le  Laurus  nobilis  L.  (I.  vulgaris  C.  Bauh.), 
encore  appelé  Laurier  d'Apollon,  L.  commun,  L.  sauce, 


Laurus  nobilis. 

L.  franc,  L.  à  jambons,  est  un  bel  arbre  de  3  à  13  m.  de 
haut,  originaire  de  l'Asie  Mineure  et  répandu  sur  les  côtes 
de  la  Méditerranée  ;  il  se  trouve  à  l'état  rustique  jusqu'en 
Corse;  il  est  cultivé  dans  la  plupart  des  jardins,  mais 
supporte  difficilement  les  hivers  de  Paris.  Le  fruit  est  une 
baie  ovoïde,  à  pédoncule  grêle,  lisse,  odorante,  aroma- 
tique ;  on  en  retire  une  huile  grasse,  concrète,  de  couleur 
verte,  accompagnée  d'une  huile  essentielle  aromatique  ;  les 
feuilles  renferment  la  même  essence;  elles  sont  surtout 
employées  dans  l'art  culinaire  ;  elles  sont  excitantes  et,  à 
haute  dose,  narcotiques.  L'huile  de  laurier  s'emploie  en 
médecine  vétérinaire.  On  s'en  sert  aussi  pour  badigeonner 
les  boucheries  parce  que  son  odeur  écarte  les  mouches.  Le 
L.  canariensis  Webb.  habite  les  îles  occidentales  du  N. 
de  l'Afrique. 

66 


LAURIER  —  1042 

Beaucoup  d'anciens  Laurus^  tels  que:  L.  camphora  L., 
L.  cassia  Burm.,  L.  cinnamomumL.^  L,  culilawan  L., 
L.  malabathnim  Burm.,  L.  porrecta  Roxb.,  etc.,  ren- 
trent dans  le  genre  Carinellier  (V.  Cinnamoiium)  ;  le  L.  cas- 
sia L.,  le  L.  glauca  Tlibg.  et  le  L.  involucraia  Valil 
sont  des  Litsœa  (V.  ce  mot),  le  L.  benjoin  L.  est  un 
Lindera  (V.  ce  mot);  le  L.  persca  L.  un  Persea  (V.  ce 
mot),  le  L.  picimrim  un  Nectandra  (V.  Negtandre),  le 
L.  sassafras  L.  un  Sassafras  (V.  ce  mot).  Enfin  on  donne 
vulgairement  le  nom  de  Lauriers  à  des  plantes  qui  s'en 
rapprochent  plus  ou  moins  par  le  feuillage,  mais  appar- 
tiennent à  d'autres  genres  et  même  à  des  familles  distinctes. 
Le  Laurier  alexandrin  est  un  Fragon  (V.  Ruscus),  le 
L.  cerise  un  Prunier  ou  Cerisier  (V.  Lâurier-Gerise),  le 
L.  rose  un  Nerium  (V.  ce  mot),  le  L.  de  montagne  un 
Kalmia  (V.  ce  mot),  le  L.  de  Saint- Aîitoine  un  Épilobe 
(V.  ce  mot),  le  L.  tin  une  Viorne  (V.  ce  mot),  le  L.  tu- 
lipier un  Magnolia  (V.  ce  mot). 

IL  Paléontologie.  — Le  genre  Laurus  fait  sa  première 
apparition  dans  le  crétacé  et  se  trouve  représenté  à  la  fois 
dans  le  turonien  de  France  (L.  prœatavia  Sap.  et  Mar., 
à  Bagnols),  le  cénomanien  du  Missouri  (Dakota-Group)  et 
le  cénomanien  du  Groenland  (flore  d'Atané).  Le  type  du 
L.  nobilis^  dont  le  L.  canariensis  n'est  qu'une  race,  est 
représenté  dans  le  paléocène  (forêt  de  Gelinden,  étage 
heersien)  par  le  L.  Omalii  Sap.  et  Mar.  et  dans  l'éocène 
par  le  L.  Decaisneana  Heer.  «  Lors  de  l'éocène  supé- 
rieur des  gypses  d'Aix,  dit  de  Saporta,  le  même  type  com- 
prend un  certain  nombre  de  formes,  parmi  lesquelles  il  faut 
distinguer  le  L.  primig enia  \]ng. ,  dont  les  variétés  larges 
conduisent  insensiblement  au  L.  canariensis.  Il  semble 
que  les  formes  étroites  de  ce  même  L.  primigenia  sont  en 
même  temps  les  plus  anciennes,  marquant  l'existence  d'une 
race  due  à  l'influence  du  climat  éocène  ;  les  effets  de  cette 
influence  s'atténuent  graduellement,  à  mesure  que  Ton 
s'avance  vers  l'aquitanien  et  à  Armissan  d'abord,  à  Ma- 
nosque  ensuite,  la  liaison  entre  les  feuilles  amplifiées  du 
L,  primigenia  et  celles  des  L.  canariensis  et  nobilis  se 
prononce  de  plus  en  plus.  Le  L.  pr inceps  Heer,  du  mio- 
cène supérieur,  se  rapproche  plus  encore  de  notre  laurier, 
dont  la  race  canarienne  se  montre  enfin,  avec  tous  les  ca- 
ractères que  nous  lui  connaissons,  dans  le  pliocène  infé- 
rieur (calcaires  concrétionnés)  de  Meximieux.  »  C'est  le 
L.  nobilis  lui-même  qui  se  trouve  dans  les  tufs  calcaires 
(quaternaires)  de  Montpellier.  On  voit  que  le  genre  Laurus 
a  été  refoulé  de  plus  en  plus  par  le  froid,  depuis  les  ré- 
gions circumpolaires  (crétacé)  vers  le  centre  de  l'Europe 
(miocène)  et  vers  la  région  méditerranéenne  (quaternaire). 

Dr  L.  Hn. 

ni.  Thérapeutique.  —  Les  anciens  lui  attribuaient  des 
propriétés  médicatrices  nombreuses.  Sous  l'empire  d'idées 
religieuses,  ils  le  considéraient  comme  purifiant  et  en  fai- 
saient un  préservatif  assuré  contre  les  morsures  veni- 
meuses et  les  maladies  contagieuses.  Plus  tard,  on  en  fit 
une  véritable  panacée  :  Dioscoride  regardait  les  feuilles 
comme  astringentes  et  vomitives,  la  partie  verte  de  l'écorce 
comme  lithontriptique  ;  Myrepsus  recommandait  les  fruits 
contre  la  toux  ;  Actuarius  vantait  les  feuilles  comme  car- 
minatives.  Le  laurier  est  aujourd'hui  descendu  de  l'officine 
à  la  cuisine.  D^  R.  Bl. 

IV.  Horticulture.—  Le  Laurier,  Laurus  nobilis  L., 
L,  d'Apollon^  L.  sauce,  est  cultivé  partout  en  France, 
Sous  le  climat  de  Paris,  on  le  place  à  l'abri  d'un  mur,  à 
l'exposition  du  midi  et,  bien  souvent,  il  convient  de  le  pro- 
téger contre  les  froids  de  l'hiver,  par  une  couche  de  feuilles 
ou  de  paille.  Il  y  reste  de  petite  taille  et  on  l'y  recherche  moins 
pourrornomenlation  que  pour  ses  feuilles  aromatiques.  Dans 
le  Midi,  bien  qu'il  succombe  parfois  sous  les  hivers  rudes, 
dans  rOuest,  en  Algérie,  en  Corse,  il  atteint  de  belles  di- 
mensions. Son  feuillage  touffu  et  luisant  le  rend  très  déco- 
ratif. On  le  plante  en  massifs  ou  par  pieds  isolés  dans  les 
jardins  paysagers.  On  en  fait  aussi  des  haies  durables, 
belles  et  très  denses.  Le  Laurier  se  plaît  dans  une  terre 


fraîche  et  substantielle;  mais,  lorsque  le  climatlui  convient, 
il  prospère  encore  dans  les  sols  de  qualité  médiocre.  On  le 
multiplie  de  boutures,  de  marcottes,  d'éclats  du  pied  et 
aussi  par  le  semis  des  fruits,  en  pleine  terre  ou  sur  couche 
selon  le  climat.  Il  a  fourni  des  variétés  à  larges  feuilles, 
à  feuilles  panachées  ou  ondulées  que  l'on  multiplie  par 
greffes  et  par  boutures.  On  cultive  encore  le  L.  camphrier 
(L.  camphora  L.),  dans  les  jardins  méridionaux,  le  L. 
sassafras  L.,  jusque  dans  le  N.  de  la  France.  Ces 
espèces  se  multiplient  de  boutures,  de  marcottes  et  de  re- 
jetons. G.   BOYER. 

V.  Histoire.  —  Le  laurier,  que  les  Grecs  appelaient 
Daphné  (V.  ce  mot),  dut  à  son  parfum  d'être  de  bonne 
heure  consacré  aux  dieux.  Il  le  fut  spécialement  à  Apollon, 
dieu  purificateur.  Quand  Oreste  eut  expié  le  meurtre  de  sa 
mère,  sur  la  fosse  où  étaient  enfouies  les  victimes  immo- 
lées en  sacrifice,  on  vit  croître  un  laurier.  Apollon  lui-même, 
se  purifiant  de  la  souillure  encourue  en  tuant  le  monstre 
Python,  entra  à  Delphes  une  branche  de  laurier  à  la  main. 
Le  laurier  étant  consacré  au  dieu  des  oracles,  de  la  poésie, 
des  arts,  on  admit  qu'il  donnait  la  double  vue  ;  on  tressa  des 
couronnes  de  laurier  aux  artistes  et  en  général  aux  héros 
victorieux.  Elles  demeurèrent  le  symbole  de  la  gloire.  C'est 
probablement  parce  qu'on  présentait  une  branche  de  laurier 
au  candidat  qui  avait  subi  avec  succès  les  épreuves  de 
rhétorique  qu'il  fut  quaMè  de  baccalaïu^eatus  (bachelier). 
—  En  Angleterre,  le  roi  voulut  avoir  son  poète  lauréat. 
Ce  fut  peut-être  d'abord  le  même  que  le  lauréat  de  rhéto- 
rique mis  à  son  service  ;  le  dernier  de  ceux-ci  fut  R.  Whit- 
tington,  de  l'université  d'Oxford  (1512).  Mais  la  dignité 
de  poète  lauréat  s'est  conservée.  La  première  mention  en 
est  faite  sous  Edouard  IV.  En  1630,  un  traitement  de 
100  livres  sterling  y  fut  attaché  ;  on  y  joignait  une  bar- 
rique de  vin  des  Canaries  que  remplaça  au  temps  de  Sou- 
they  un  supplément  de  pension  de  27  livres.  Le  poète  lau- 
réat était  tenu  de  composer  une  ode  pour  l'anniversaire  de 
la  naissance  du  souverain  et  parfois  pour  célébrer  une  vic- 
toire nationale.  Ces  obligations  tombèrent  en  désuétude  à 
la  fin  du  règne  de  Georges  111.  Les  poètes  lauréats  furent 
depuis  1670:  J.  Dryden,  Nahum  Tate,  Nicholas  Rowe, 
Laurence  Eusden,  Colley  Cibber,  W.  Whilehead,  Th.  War- 
ton,  Henry  James,  Pye,  Rob.  Southey,  W.  Wordsworth, 
A.  Tennyson.  A.-M.  B. 

VL  Architecture.  —  Les  couronnes  de  feuilles  de  lau- 
rier, employées  dans  l'antiquité  gréco-romaine  pour  ré- 
compenser les  vainqueurs  des  jeux  publics  et  pour  orner 
la  tète  du  général  qui  revenait  victorieux  d'une  guerre 
contre  l'ennemi,  se  retrouvent  aussi,  non  seulement  sur 
les  médailles  frappées  en  l'honneur  des  victoires,  mais  en- 
core sur  les  monuments  d'architecture  destinés  à  en  per- 
pétuer le  souvenir.  C'est  ainsi  que  des  couronnes  déhcate- 
ment  sculptées  décorent  la  frise  du  monument  choragique 
de  Thrasyllus  à  Athènes  et  que,  à  Pompéi  et  à  Rome,  des 
couronnes  et  des  guirlandes,  composées  en  tout  ou  en  partie 
de  feuilles  de  laurier,  se  voient  encore  sur  des  tombeaux 
et  sur  des  temples.  Depuis  la  Renaissance,  des  branches 
et  des  couronnes  de  feuilles  de  laurier,  souvent  mêlées  à 
des  feuilles  d'autres  arbres  et  à  des  fruits,  ont  entouré  les 
chiffres  disposés  sur  des  tambours  de  colonnes,  des  frises, 
des  piles  de  pont  ou  tous  autres  motifs  d'architecture;  par- 
fois même  des  fûts  de  colonnes,  comme  dans  la  pompe  by- 
zantine, furent  recouverts  de  feuilles  de  laurier  sculptées 
et  comme  imbriquées  et  dorées.  Charles  Lucas. 

LAURIER-Cerise.  I.  Botanique.  ~  Nom  vulgaire  du 
Prunus  lauro-cerasus  L.,  de  la  famille  des  Rosacées, 
de  la  section  Cerasus  du  grand  genre  Prunus  (V.  Ceri- 
sier); on  l'appelle  encore  Laurier-Amandier,  L.  aux  crèmes, 
L.  au  lait,  Amandier  d'Espagne.  Les  principaux  caractères 
sont  indiqués  à  l'art.  Cerisier;  ajoutons  qu'il  a  le  récep- 
tacle court  et  les  drupes  peu  charnues.  Les  feuilles  allon- 
gées, coriaces  et  lisses  exhalent,  quand  on  les  froisse,  une 
odeur  d'amande  amère  ;  elles  renferment  en  effet  de  l'amyg- 
daline  qui  sous  l'influence  de  l'émulsine  se  dédouble  en 


—  1043  ~ 


LAURIER  —  LAURIN 


glycose,  essence  d'amandes  amères  et  acide  cyanhydrique  ; 
les  graines  renferment  le  même  glycoside,      D'*  L.  Hn. 

II.  TisÉRAPEUTiQUE.  —  Lcs  feuiiles  de  cette  plante  sont  un 
toxique  des  plus  dangereux,  par  leur  essence  et  surtout 
par  l'acide  cyanhydrique  qu'elles  dégagent.  Quand  on  les 
broie  au  contact  de  Feau,  leurs  propriétés  sont  celles  de 


Laurier-cerise  (Prunus  lauro-cerasus). 

cette  dernière  substance  :  elles  agissent  comme  un  sédatif 
nerveux  et  cardio-vasculaire.  On  les  emploie  contre  la  toux 
en  général  et  contre  les  palpitations  nerveuses.  L'huile 
essentielle,  dont  une  seule  goutte  est  un  poison  le  plus 
souvent  mortel,  n'est  jamais  employée.  On  ne  se  sert  que 
de  l'eau  distillée;  celle-ci  est  une  préparation  assez  déli- 
cate et  sa  teneur  en  acide  cyanhydrique  est  très  variable 
selon  qu'elle  provient  de  feuilles  d'Italie  on  de  France, 
récoltées  en  juillet  ou  au  printemps,  etc.  ;  il  faut  donc  la 
titrer  soigneusement  avant  de  l'employer  :  le  plus  souvent 
on  l'utilise  comme  véhicule  de  potions  calmantes,  à  la  dose 
de  4  à  ']  5  gr.  Extérieurement  elle  est  employée  en  lotions 
contre  le  prurit  ;  enfin  elle  sert  de  véhicule  ordinaire  aux 
solutions  hypodermiques  de  morphine.  Ajoutons  que  l'eau 
de  laurier-cerise  est  un  désodorant  très  énergique  utilisé 
en  pharmacie  pour  détruire  l'odeur  si  tenace  du  musc,  et 
en  médecine  pour  combattre  les  sueurs  fétides  des  pieds. 
Les  feuilles  sont  quelquefois  employées  en  nature,  dans  la 
médecine  populaire,  pour  aromatiser  le  lait  et  les  crèmes 
et  leur  donner  des  propriétés  calmantes  :  cette  pratique 
n'est  pas  sans  danger.  En  Amérique,  on  fait  usage  de 
l'écorce  du  laurier-cerise.  D^'  R.  Bl. 

laurier-Rose  (y.  Nerium). 

LAU  RI  ER  (Clément),  avocat  et  homme  politique  français, 
né  à  Sainte-Radegonde  (Indre)  le  3  févr.  1832,  mort  à 
Marseille  le  20  sept.  1878.  Après  s'être  fait  connaître  à 
Paris  comme  avocat  d'affaires,  il  plaida,  vers  la  fin  de 
l'Empire,  des  causes  politiques  retentissantes  et  acquit  une 
grande  popularité  dans  le  parti  républicain.  Candidat  irr^'- 
conciliaÙe  dans  le  Var  aux  élections  de  1869,  il  fut, 
après-  le  4  sept.,  attaché  par  (xarabetta  au  ministère  de 
l'intérieur,  comme  directeur  du  personnel  et  du  cabmet, 
se  rendit  un  peu  plus  tard  en  province,  puis  en  Angleterre, 
où  il  négocia  l'emprunt  Morgan  (oct.  1870)  et  fut,  jusqu'à 
la  fin  de  la  guerre,  un  des  principaux  auxiliaires  du  gou- 
vernement de  la  Défense  nationale.  Envoyé  par  le  dép.  du 
Var  à  l'Assemblée  nationale  (8  févr.  1871),  il  donna  sa 


démission  après  le  vote  des  préliminaires  de  la  paix,  fut 
réélu  le  2  juil.,  proposa  en  1872  le  rachat  des  chemins  de 
fer  par  l'Etat,  demanda  peu  après  que  les  princes  d'Orléans 
fussent  remis  en  possession  de  leurs  biens  et,  à  partir  de 
cette  époque,  tourna  le  dos  à  ses  anciens  amis  politiques 
pour  se  rapprocher  de  la  droite,  à  laquelle  il  ne  tarda  pas 
à  se  donner  corps  et  âme.  Après  avoir  contribué  au  ren- 
versement de  Thiers  (24  mai  1873),  il  soutint  le  gouver- 
nement de  Vordre  moral.  Désavoué  par  ses  électeurs  du 
Var,  il  se  fit  envoyer  à  la  Chambre  des  députés,  le  20  févr. 
1876,  par  l'arr.  du  Blanc,  soiitint  le  ministère  de  Broglie 
pendant  la  crise  du  16  mai  et,  le  14  oct.  1877,  obtint, 
comme  candidat  officieL  le  renouvellement  de  son  mandat. 
-—  On  a  publié  de  lui  après  sa  mort  un  volume  de  Plai- 
doyers et  Œuvres  choisies  (1885,  in-8).   A.  Debidour. 

LAURIÈRE  {Aureria).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  delà 
Haute-Vienne,  arr.  de  Limoges  depuis  1822  (antér.  arr. 
de  Bellac)  ;  1,434  hab.  —  Du  château  féodal  plusieurs  fois 
détruit  et  relevé,  il  ne  subsiste  qu'une  tour  carrée.  L'église 
possède  un  beau  reliquaire  ciselé  provenant  des  dépouilles 
de  l'abbaye  do  Grandmont. 

LAURIÈRE  (Eusèbe-Jacob  de),  jurisconsulte  français, 
né  à  Paris  le  31  juil.  1639,  mort  à  Paris  le  19  jaHv.  1728. 
Sa  fumille  était  originaire  de  Loudun  et  son  père  occupa 
successivement  chez  Monsieur,  frère  du  roi,  et  chez  le  duc 
de  Longueville  la  charge  de  cliirurgien  en  chef.  Eusèbe  de 
Laurière  fut  avocat  au  parlement  de  Paris  en  1669,  mais 
renonça  à  plaider  pour  se  livrer  aux  travaux  d'érudition. 
Il  s'appliqua  à  l'étude  des  diverses  sources  du  droit  fran- 
çais et  compulsa  tous  les  documents  relatifs  aux  lois  et 
usages  qui  avaient  été  en  vigueur  en  France  depuis  le  droit 
romain.  On  lui  doit  d'avoir'commencé  le  Recueil  chrono- 
logique des  ordonnaîîces  des  rois  de  France  de  la  troi- 
sième race,  recueil  connu  sous  le  nom  ^' Ordonnances  du 
Louvre  (1723  et  années  suiv.),  et  continué  depuis  par  Se- 
cousse, Pastoret,  Pardessus,  jusqu'en  1847  (V.  Ordon- 
nance). Il  a,  avec  Berroyer,  annoté  les  traités  de  Duplessis 
sur  la  coutume  de  Paris  (1702  ;  nouv.  éd.,  1754).  Il  a 
aussi  édité  et  annoté  les  Institutes  coutumières  de  Loisel 
(1710).  On  doit  citer  également  :  Sur  l  Origine  du  droit 
d'amortissement  (1692,  in-12);  Sur  le  Ténement  de 
cinq  ans  (Paris,  1698,  in-12)  ;  Texte  des  coutumes  de 
la  prévôté  de  Paris  (1698,  in-8;  1777,  3  vol.  in-12); 
Traité  des  institutions  et  des  substitutions  contrac- 
tuelles (1715,  in-12).  Enfin,  Laurière  a  édité,  en  l'an- 
notant et  en  l'augmentant,  le  Glossaire  du  droit  fran- 
çais de  Ragueau  (Paris,  1704,  in-4).  G.  R. 

BiBL.  :  Eloge  de  Laurière,  en  tôte  du  t.  II  des  Ordon- 
nances des  rois  de  France.  —  Gaston  de  Rousiers, 
Eloge  d'Eusèbe  de  Laurière^  discours  de  rentrée  de  la 
conférence  des  avocats  stagiaires,  le  23  ianv.  1875  ;  Poi- 
tiers, 1875. 

LAURILLARD  (Charles-Léopold),  naturaliste  français, 
né  à  Blontbéhard  le  21  janv.  1783,  mort  à  Paris  le  27janv. 
1853.  Il  s'occupa  d'abord  de  peinture  et  fut  chargé  par 
Cuvier  de  l'exécution  de  ses  dessins  anatomiques";  il  se 
livra  ensuite  à  l'anatomie  comparée  et  à  l'histoire  natu- 
relle en  général  et  enrichit  le  Muséum  d'un  grand  nombre 
de  préparations  anaîomiques  et  d'ossements  fossiles,  entre 
autres  d'un  squelette  de  mastodonte.  Ouvrages  principaux  : 
Eloge  de  Cuvier...  {IWis,  1844,  in-8);  les  Mammifères 
et  les  races  humaines  (Paris,  1849,  in-8,  av.  121  pL), 
ouvrage  qui  fait  partie  du  Règne  animal  de  Cuvier. 

LAURIN  ou  LAUWERYN  (Marc),  numismatiste  belge, 
né  à  Bruges  en  1530,  mort  à  Calais  en  1581.  Il  se  voua  à 
l'étude  de  l'histoire  ancienne  et  réunit  de  magnifiques  col- 
lections de  numismatique  et  d'archéologie.  Il  écrivit  la  bio- 
graphie des  premiers  empereurs  romains  et  illustra  son 
ouvrage  en  y  introduisant  la  reproduction  des  monnaies. 
H  parut  sous  le  titre  de  :  C.  Julius  Cœsar  sive  ïïistoriœ 
imperatorum  ùesarumque  Romanorum  ex  antiquis 
numismatibus  resliiutœ  (1563-76,  3  vol.  in-foL);  c'est 
une  merveille  au  point  de  vue  typographique. 

Son  frère,  Guido  Laurin,  jurisconsulte  et  philologue, 


LAURIN  —  LAUS 


—  iOU 


né  à  Bruges  vers  1532,  mort  à  Lille  en  4589,  écrivit  un 
commentaire  des  monnaies  reproduites  dans  le  Julius  Cœsar, 

BiBL.  :  Feys,  Documents  inédits  concernant  les  frères 
Laurin^  àâns  les  Ann.  de  la  Soc.  d'émulation  de  Bruges^ 
4«  sér.,  t.  IX. 

b^  LAURIN  (Kail-Oskar-Johan),  compositeur  suédois,  né 
en  Gotland  en  1813,  mort  au  Brésil  en  1853.  Directeur 
du  chœur  des  étudiants  à  Upsal,  il  donna  une  vigoureuse 
impulsion  à  l'étude  du  chant  parmi  la  jeunesse  académique. 
Nommé  en  1846  professeur  au  collège  de  Visby,  il  n  y 
resta  que  peu  d'années  et  se  rendit,  pour  cause  de  santé, 
au  Brésil,  où  il  mourut  de  la  fièvre  jaune.  On  lui  doit  un 
grand  nombre  de  chants  très  populaires  en  Suède  et  entre 
autres  le  quatuor  :  Ma  Vie  est  une  onde  (Mittlif  âr  en  vâg). 
LAURIN  US  (Laurentinus-Laurentii),  écrivain  suédois, 
né  en  1573,  mort  en  1655.  Pasteur  aux  environs  de  Lin- 
kœping,  il  a  laissé  des  œuvres  suédoises  et  latines,  curieuses 
par  l'érudition,  souvent  déplacée,  qu'il  y  étale  :  Courte 
Chronique  de  la  Suède,  de  Magog  au  règne  de  dame 
Christine  (1647;  2®  éd.,  1717);  Symbola  Heroum  et 
Eeroïdum  (1647);  Musicœrudimenla(\66^).]\  a  com- 
posé en  outre  quelques  psaumes. 

LAURION  (V.  Ergastiria  et  Grèce,  t.  XIX,  pp.  Ti^6 
et  297). 

LAURIQUE  (Série)  (Chim.).  Les  composés  les  plus  inté- 
ressants appartenant  à  cette  série  sont  :  l'acide  laurique,  l'al- 
déhyde correspondant  et  son  éther  glycérique  ou  trilaurine. 
Acide  laurique,  C^^IP^O^.  C'est  un  acide  gras  homo- 
logue de  l'acide  acétique  dont  l'éther  glycérique  constitue 
une  partie  importante  des  baies  de  laurier  ;  on  le  rencontre 
aussi  dans  les  fèves  péchurines,  dans  le  beurre  de  coco, 
dans  la  graisse  de  Cylicodaphne  sebiferaBi.,  dans  la 
graine  des  fruits  de  Maugifera  gabonensis  et  même  en 
petite  quantité  dans  le  blanc  de  baleine.  L'acide  est  inso- 
luble dans  l'eau  et  se  volatilise  avec  la  vapeur  d'eau  ;  il 
fond  à  44^.  Les  laurates  sont  généralement  fusibles,  le  lau- 
rate  de  magnésie  fond  à  75°,  la  plupart  des  autres  fondent 
vers  120**.  La  distillation  d'un  mélange  de  laurate  et  de 
formiate  de  baryum  donne  l'aldéhyde  laurique.      C.  M. 

LAURIS-suR-DuRANCE.  Corn,  du  dép.  de  Vaucluse,  arr. 
d'Apt,  cant.  de  Cadenet;  1,436  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  P.-L.-M. 

LAURISTON  (Jacques-François  Law  de),  comte  de  Tan- 
carville,  général  français,  né  le  20  janv.  1724,  mort  en 
1785.  De  la  famille  de  Law,  il  se  distingua  dans  l'Inde,  où 
il  reçut  le  commandement  des  troupes  en  1766  et  devint 
maréchal  de  camp  en  1780. 

LAU  RISTON  (Jacques-Alexandre-Bernard  Law,  marquis 
de),  maréchal  de  France,  né  à  Pondichéry  le  1^^  févr. 
1768,  mort  à  Paris  le  12  juin  1828,  fils  du  précédent. 
Il  entra  à  l'Ecole  militaire  en  1784  et  s'y  lia  avec  Bona- 
parte. Capitaine  en  second  en  août  1791,  il  devint  aide  de 
camp  du  général  de  Beauvoir,  fit  les  campagnes  de  1792-95 
aux  armées  du  Nord,  de  la  Moselle  et  de  Sambre-et-Meuse 
et  fut  promu  chef  de  brigade  d'artillerie  (1795).  Il  démis- 
sionna le  5  avr.  1796,  fut  rappelé  au  service  par  Bona- 
parte qui  le  prit  pour  aide  de  camp  (1800).  Il  eut  succes- 
sivement la  direction  de  l'Ecole  d'artillerie  de  La  Fère  et 
une  mission  diplomatique  en  Danemark  (1801),  porta  en 
Angleterre  la  ratification  de  la  paix  d'Amiens  (1802),  fut 
nommé  général  de  brigade,  puis  de  division  (févr.  1805)  et, 
préposé  à  l'expédition  que  Villeneuve  conduisit  aux  An- 
tilles, débarqua  avant  le  désastre  de  Trafalgar.  Il  fit  la  cam- 
pagne de  1805,  prit  possession  des  arsenaux  de  Venise  en 
1806,  occupa  Raguse  où  il  se  défendit  contre  les  Russes 
et  les  Monténégrins,  fut  nommé  gouverneur  général  de 
Venise  (déc.  1807),  assista  aux  conférences  d'Èrfurt,  fut 
créé  comte,  prit  part  à  l'attaque  de  Madrid,  à  la  campagne 
du  prince  Eugène  en  Hongrie,  s'empara  de  Raab,  commanda 
l'artillerie  de  la  garde  à  Wagram,  où  il  contribua  à  la  vic- 
toire, fut  envoyé  en  mission  en  Hollande,  chargé  d'accom- 
pagner en  France  l'archiduchesse  Marie-Louise,  de  ramener 
les  enfants  du  roi  de  Hollande  après  son  abdication.  Le 


5  févr.  1811,  Napoléon  le  nommait  ambassadeur  en  Russie, 
le  chargeant  de  demander  l'exclusion  des  navires  anglais 
de  la  Baltique  et  l'occupation  de  Riga  et  Revel  par  les 
Français.  Après  l'échec  de  cette  mission,  Lauriston  prit 
part  à  la  campagne  de  Russie,  conclut  avec  Koutousov 
l'armistice  qui  suivit  la  prise  de  Moscou,  commanda  l'ar- 
rière-garde  durant  la  retraite.  En  1813,  il  organisa  à 
Magdebourgle  5^  corps  d'armée  qu'il  commandaità  Lutzen, 
Bautzen,  Wurschen,  et  y  joignit  le  commandement  du 
11*^  corps.  A  la  bataille  de  Leipzig,  il  était  encore  en  deçà 
de  l'Elster  quand  le  pont  sauta,  se  jeta  dans  la  rivière, 
mais  fut  pris  et  interné  à  Berlin.  Il  rentra  en  France  après 
la  Restauration  et  s'attacha  à  Louis  XVîiï  qui  le  nomma 
capitaine  des  mousquetaires  gris.  Au  moment  des  Cent- 
Jours,  il  suivit  le  roi  jusqu'à  Béthune,  puis  se  retira  dans 
sa  terre  de  Richecourt  (près  de  La  Fère)  et  après  Waterloo 
revint  au-devant  du  roi  jusqu'à  Cambrai.  Il  fut  créé  pair 
de  France  le  17  aoiit  et  nommé  commandant  de  la  l''^  di- 
vision d'infanterie  de  la  garde.  Il  présida  les  conseils  de 
guerre  qui  jugèrent  l'amiral  Linois,  le  baron  Boyer  de  Pey- 
releau  et  le  général  Delaborde  (1816).  En  1817,  il  fut  créé 
marquis;  en  1820,  préposé  auxl2«  et  13^  divisions  mili- 
taires (côtes  de  la  Manche).  Il  fut  ministre  de  la  maison 
du  roi  dans  les  cabinets  Richelieu  et  Villèle,  du  l'^'"  nov. 
1821  au  4  août  1824,  promu  maréchal  de  France  le  6  juin 
1823.  Chargé  de  commander  le  2®  corps  de  réserve  dans 
l'expédition  d'Espagne,  il  prit  Pampelune. 

Son  fils  aîné,  le  marquis  Auguste- Jea7i' Alexandre,  né 
à  La  Fère  le  10  oct.  1790,  mort  en  juil.  1860,  fut  maré- 
chal de  camp,  membre  de  la  Chambre  des  pairs  de  Charles  X 
et  de  Louis-Philippe,  député  de  l'Aisne  à  l'Assemblée  na- 
tionale (1849-51).  ~  Le  fils  cadet,  le  comte  Napoléon, 
a  répondu  dans  ses  Observations  sur  les  Mémoires  du 
duc  de  Raguse  (1857)  au  sévère  jugement  porté  par  Mar- 
mont  sur  son  père.  ^  A.-M.  B. 

BiBL.  :  V.  Napoléon  1°'^. 

LAURIUM  (Grèce)  (V.  Ergastiria). 

LAURON  (Jean),  archéologue  et  physicien  français  du 
xvi^  siècle,  né  à  Châteauroux.  Avocat,  procureur  et  enfin 
proTcureur  fiscal  au  siège  de  Châteauroux.  On  a  de  lui  : 
V Anémographie  ou  description  des  vents,  avec  la  cause, 
source,  nature  et  propriété  d'iceulx(?ms,  1586,  in-8)  ; 
les  Dernières  Volontés  de  feu  monsieur  d'Aulmont, 
comte  de  Chasteauroux,  avec  les  soupirs  de  Jean  Lau- 
ron  sur  les  misères  de  ce  temps  (Bourges,  1596,  in-8)  ; 
les  Deux  premières  Parties  de  Chasteauroux,  ancien- 
nement dit  Déolz,  où  il  est  discouru  au  poème  épique 
de  r antiquité,  progrès  et  estendue  de  cette  terre  (Pa- 
ris, 1613).  Ce  poème,  qui  devait  avoir  cinq  chants,  ne  fut 
probablement  jamais  terminé.  M.  P. 

LAU  ROUX.  Com.  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  et  cant.  de 
Lodève;  310  hab. 

LAURVIG.  Ville  maritime  de  Norvège,  ch.-l.  de  l'arr. 
de  Jarlberg-Laurvig,  sur  le  fjord  de  Laurvig,  à  l'embou- 
chure du  Farrés-elv  ;  11,200  hab.  Commerce  assez  actif, 
d'une  valeur  de  10  miUions  de  fr.  environ;  exportation 
de  feret  de  bois. 

LAU  S.  Ancienne  ville  de  l'Italie  méridionale,  aujourd'hui 
Laïno,  sur  la  côte  de  Lucanie,  à  l'embouchure  de  la  petite  ri- 
vière de  Laïno,  au  S.  du  golfe  de  Palicastro. 

LAUS  (M. -A.),  dit  de  Boissy,  littérateur  français,  né  à 
Paris  en  1747,  mort  à  une  date  inconnue.  Bel  esprit,  au- 
teur de  comédies,  de  petits  vers,  d'épigrammes  agréables; 
amant  de  Fanny  de  Beauharnais,  il  joua  quelque  rôle  dans 
la  société  littéraire  de  ia  fin  du  xvm^  siècle.  Citons  de  lui  : 
le  Quiproquo,  comédie  (1768)  ;  r  Impromptu,  YaudeviMe 
(1768);  le  Double  Déguisement,  opéra-comique  (1771); 
la  Course  ou  les  Jockeys,  comédie  (1777);  Roberti,  drame 
(1776);  les  Vierges  de  vingt  ans,  opéra-comique  (1793); 
les  Travers  du  jour,  comédie  (1792);  la  Vraie  Répu- 
blicaine, vaudeville  (1794),  etc.  ;  des  romans:  Quinze  Mi- 
nutes, ou  le  Temps  bien  employé  (1767,  in-8);  V Infor- 
tuné (1768,  in-12);  Mes  Délassements  (1771-72,  3  vol. 


ioi^;^  ~- 


MALAISIE 


les  hautes  montagnes  de  Sumatra  comme  dans  le  Tibf 
Les  Chevrotains  (TragiUiis)^  les  plus  petits  et  les  p^ 
primitifs  de  tous  les  Rufninants,  ont  leur  centre  de  ^ 
persion  dans  la  Malaisie.  Les  Cerfs  de  la  même  région  s 
blent  des  races  insulaires,  c.-à-d   de  taille  amoindrie, 
espèces  d'Asie   {Cervus  philippensis,  C,   mariann 
C.  molucennsis),  et  cette  dernière  a  été  importée  par 
Malais  jusqu'à  la  Nouvelle-Guinée.  On  trouve  à  Bornéo 
race  de  chevaux  domestiques  (poneys),  dont  la  taille 
dépasse  pas  celle  d'un  chien  de  montagne.  La  présence  d 
Pan-iolin  {Manls  javanica)  à  Java  est  nn  lien  de  j 
entre  la  faune  de  cette  région  et  celle  de  TAfrique. 

Les  Oiseaux  nous  offrent  les  types  les  phis  caracté; 
tiques  de  la  faune  orieniale.  Au  premier  rang  se  p(a( 
les  ('.2ihos  {Bucerolidœ)  qui  sont  très  varies  et  renfern 
les  plus  gros  de  tous  les  Passereaux  percheurs.  Parmi 
Gallinacés,  l'Argus  {Argiisanus  giganteus,  est  propre 
Malaisie,  et  les  Gallus  ferruyineus  et  G.  Temmmcki 
Java,  sont  probablement  les  progénileurs  sauvages  de 
Coqs  et  Poules  domestiques.  Mais,  comme  on  le  con 
facdement,  la  ligne  de  Wallace  n'a  pas  ici  l'imporia 
qu'elle  présente  pour  les  Mammifères  ou  les  Poissons  d' 
douce.  Des  types  australiens  tels  que  les  Mégapodes, 
espèce  de  Cacatoès,  se  trouvent  jusqu'aux  Philifipines  ; 
genre  de  Pigeon  australien  et  océanien  (Ptilofms)  se 
pand  jusque  dans  la  x^alaisie.  En  résumé,  la  faune  omit 
logique  de  cette  sou^ -région  relie  la  faune  australienîi 
la  faune  de  l'Afrique.  —  Les  Reptiles  et  les  Batiaciens  i 
fèrent  peu  de  ceux  de  l'Inde,  et  les  Poissons  d'eau  do 
se  rattachent  à  la  faune  indo-chinoise.  La  limite  est  ici  1 
nette  entre  la  région  orientale  ou  indienne  et  la  région  a 
tralienne,  conmie  on  peut  le  constater  en  passant  de  I 
à  Lo'isbok.  Les  Cyprinidœ  ont  encore  vingt  trois  genre 
Java  et  à  Bornéo,  tandis  que  cette  famille  fait  couipU 
ment  défaut  à  Célèbes  et  aux  Moluques,  à  partir  de  Le 
bok,  comme  dans  toute  la  région  australienne.  Le  fait 
d'autant  plus  frappant  que  les  Mollusques  terrestres  ( 
ferent  très  peu  de  Bali  à  Lombok.  (  es  Mollusques,  l 
intéressants  par  leur  grande  taille  et  la  variété  de  lei 
formes,  sont  surtout  abondants  aux  Philippines  qui  ne  p 
sèdent  pas  moins  de  400  espèces  :  les  genres  Cochlosty 
Cyclophorus,  Leptopoma  sont  les  plus  remarquables. 

La  Malaisie  est,  après  le  N.  du  Brésil,  la  région 
gb.be  la  plus  riche  en  Insectes  de  tous  les  ordres.  Les  I 
pillons  les  plus  caractéristiques  sont  les  genres  Euplo 
Hestia,  Elymiiias,  Thamantis^  Zeuxidia.  etc.  Les  grai 
Ornithoptères  aux  couleurs  brillantes  s'étendent  jusqu 
N.  de  l'Australie.  Les  Coléoptères  sont  représentés  pai 
genre  spécial  Mormolyce^  des  Buprestes  géants  (Catoxt 
tha),  des  Lucanidœ  dont  Odontotobis  est  le  plus  car 
téristique,  des  Cétoines  et  surtout  des  Longicornes  qui  si 
ici  très  abondants  et  de  tonne  élégante  comme  dans  tou 
les  régions  de  forêts  {Euryarthrum,  Cœlosterna^  Ai 
lasta,  Astatlies).  En  résumé,  si  la  ligne  de  Wallace  exi 
pour  les  Mammifères,  les  Poissons  d'eau  douce  et  mê 
jusqu'à  un  certain  point  pour  les  Oiseaux,  elle  n'a  plus 
même  importance  pour  les  Reptiles,  les  Mollusques  et 
Insectes.  Pour  ces  trois  groupes,  la  faune  de  la  Mala 
s'étend  jusqu'à  la  Nouvelle-Guinée  et  au  N.  de  l'Ai 
traiie. 

Paléontologie.  —  La  paléontologie  de  la  Malai 
n'est  que  très  imparfaitement  connue  par  les  recherci 
faites,  à  Java,  par  les  naturalistes  hollandais.  Tout  indi( 
que  cette  région  est  restée  rattachée  au  continent  asiati( 
jusqu'à  la  fin  de  la  période  tertiaire.  La  faune  pliocèm 
quaternaire  de  Java  et  de  Sumatra,  étudiée  par  Martin 
Dubois  aux  monts  Kendeng,  est  identique  à  celle  des  Si^ 
liks  dans  le  N.  de  l'Inde.  On  trouve  ici  les  genres  i/i/tt? 
Stegodorij  Anoa,  Hippopotamus  ^  Sivatherium^  < 
caractériisent  la  faune  des  Siwaliks.  Plus  récemment  D 
bois  a  décrit,  sons  le  nom  de  Pithecanthropus  erect\ 
des  débris  provenant  du  même  gisement  et  qui  sembl 
indiquer  un  type  intermédiaire  entre  les  grands  Sinj 


anthropoïdes  et  l'homme.  Les  naturalistes  ne  sont  pas 
encore  d'accord  sur  la  véritable  nature  de  ces  ossements 
fossiles.  E.  Trouessart. 

Ethnographie.  — La  population  primitive,  dont  on  dis- 
cerne des  vertiges  dans  l'intérieur  des  grandes  îles,  semble 
avoir  été  formée  de  Négritos  et  certainement  d'une  race  à 
peau  noire  de  bonne  heure  refoulée  par  d'autres  à  peau 
plus  claire,  spécialement  par  les  Malais  que  nous  voyons  à 
partir  du  xii*'  siècle  essaimer  de  Sumatra  sur  l'archipel  en- 
tier, fondant  des  Etats  qu'au  xvi®  siècle  les  Européens  sub- 
juguèrent. II  faut  aussi  tenir  compte  des  immigrants  chinois 
actuellement  au  nombre  de  2  millions,  des  Arabes,  des  Eu- 
ropéens, etc.  Les  Malais  {Oran  Malayou,  hommes  errants) 
sont  une  des  principales  races  humaines  (V.  Race)  et 
s'étendent  non  seulement  sur  la  Malaisie  et  la  presqu'île  de 
Malacca,  mais  sur  une  grande  partie  de  l'Océanieet  jusqu'à 
Madagascar.  On  en  rapproche  même  les  Japonais.  Ils  vont 
de  l'île  de  Pâqi^^s  auxComores,  du  249°  long.  (111°  long. 
0.)  à  44°  long.  E.  et  de  la  Nouvelle-Zélande  aux  îles  Hawaï, 
du  23°  lat.  N.  au  47°  lat.  S.  Leur  lieu  d'origine  serait  le  S. 
de  rindo-Chine.  On  les  divise  en  deux  groupes  :  Malais  et 
Polynésiens{\.  Race  et  Polynésie).  lisse  seraient  d'abord 
répandus  sur  la  Malaisie  ju>qu'à  l'île  de  Bouro  (Moluques), 
d'où  ils  auraient  gagné  les  îles  Samoa  et  Tonga,  pour  se 
propager  do  là  sur  les  autres  îles  polynésiennes.  C'est  un 
millier  d'années  av.  J.-C.  que  se  serait  accomplie  la  scis- 
sion en  Malais  ocidentaux  on  asiatiques  et  orientaux  ou 
océaniques.  Les  premiers  sont  plus  petits  et  plus  voisins  du 
type  mongol,  cheveux  longs,  droits  et  rudes,  barbe  rare, 
couleur  allant  du  jaune  froment  au  brun  sombre,  yeux 
obliques  ;  ils  sont  mésocéphales,  alors  que  les  Polynésiens 
sont  brachycéphales;  le  prognathisme  n'est  pas  exagéré. 
Parmi  les  Malais  aï>iatiques,  on  distingue  deux  types  :'Bat- 
taks  et  Malais,  les  premiers  plus  grands,  plus  forts,  à 
peau  plus  claire,  cheveux  moins  drus,  pommettes  moins 
saillantes.  D'une  manière  générale,  les  veux  sont  d'autant 
plus  obliques  qu'on  se  rapproche  de  l'Asie. 

Les  Malais  occidentaux  (pour  les  autres,  V.  Race  et  Poly- 
nésie) comprennent  les  subdivisions  suivantes  :  Tagals  ou 
Bisaya  dans  les  îles  Philippines,  fortement  métissés  de 
Négritos  ;  on  y  rattache  les  indigènes  de  Formose  et  des 
îles  Soulou  ;  —  Malais  proprement  dits  à  Sumatra  et  dans 
la  presqu'île  de  Malacca  ;  —  Sundanais  à  l'O.  de  Java, 
intermédiaires  entre  les  Malais,  lesBattaks  et  les  Javanais  ; 
—  Javanais  à  l'E.  de  Java,  les  plus  civilisés  de  tous;  on 
y  rattache  les  Madourans  et  les  Balinais;  —  Batlaks  ou 
Battas  à  l'intérieur  de  Sumatra,  auxquels  on  rattache  les 
insulaires  des  îles  Nias  et  Batou  et  les  Hovas  de  Madagas- 
car ;  —  Dayaks  {Olo-Ngadjou)  dans  l'île  de  Bornéo,  com- 
prenant au  S.  les  Biadjou,  au  centre  les  Ot-Danom;  — 
Macassars  et  Bouginais  au  S.-O.  et  au  S.-E.  de  Célèbes  ; 
Alfmmms  au  N.  de  Célèbes  et  dans  les  Moluques. 

Les  Malais  proprement  dits  sur  lesquels  il  y  a  lieu  d'in- 
sister, en  renvoyant  pour  les  autres  aux  articles  qui  leur 
sont  consacrés  et  aux  art.  Bornéo,  Java,  Philippines,  Su- 
matra, etc.,  sont  au  nombre  de  4  millions  environ.  Leur 
centre  fut  dans  Sumatra  le  royaume  de  Manany-Kabaou, 
qui  comprenait  au  xv«  siècle  le  milieu  de  l'île.  En  4160, 
sous  leur  chef  Sri  Tri  Bouwana,  ils  conquirent  le  littoral 
oriental,  puis  la  presqu'île  de  Malacca  où  ils  fondèrent  Sin- 
gapour ;  en  1252,  les  Javanais  le  leur  prirent  ;  ils  fondèrent 
alors  Malacca,  se  répandirent  sur  la  presqu'île  et  prirent 
un  rôle  prépondérant  sur  la  navigation  et  le  commerce  qui 
adopta  leur  langue  depuis  Ceylan  jusqu'à  la  Nouvelle-Gui- 
née. Convertis  à  l'islamisme,  ils  le  propagèrent,  mais  sans 
intolérance.  C'est  une  race  bien  douée,  d'inteUigence  souple, 
extraordinairement  passionnée,  témoignant  d'un  amour- 
propre  et  d'une  susceptibilité  maladive  ;  une  bravoure 
poussée  jusqu'à  la  folie,  une  réelle  honnêteté.  Ils  excellent 
dans  la  navigation  et  le  négoce,  dédaignent  l'agriculture, 
font  cultiver  leurs  champs  (surtout  de  riz)  par  des  enclaves 
(pour  dettes  ou  captifs  de  guerre).  Ils  sont  bien  doués  pour 
l'industrie:  tissage  et  teinture  des  étoffes  ;  travail  du  cuir, 


MALAISIE  --"  MALAMBO 


■_™  i04i-  --- 


du  bois,  des  métaux  ;  armes,  bijoux,  etc.  —  Leur  régime 
politique  est  aristocratique  ;  le  chef  radja,  maharadja  ou 
djaiigdi  pertouan  conmiande  à  des  vassaux  tributaires 
{oran  kaya),  parmi  lesquels  il  choisit  les  hauts  dignitaires 
{mantri).  Leurs  armes  sont  l'épée  (klewang)  et  le  kriss; 
le  fusil  a  éhminé  la  sarbacane  (flèches  empoisonnées)  et  la 
fronde.  Les  praos  des  corsaires  malais,  aruiésà  la  moderne 
de  longs  canons,  furent  la  terreur  de  l'archipel  malais  jus- 
qu'au jour  ou  les  Hollandais  les  mirent  à  la  raison. —  Les 
maisons  sont  de  bois  ou  de  bambous,  sur  pilolis,  couvertes 
de  feuilles  de  palmier  (aiap),  accessibles  par  un  escalier  ;  on 
fait  le  feu  en  dehors.  Les  villages  sont  entourés  de  palis- 
sades ou  d'un  mur  en  terre,  avec,  au  milieu,  une  place 
pour  rassemblée.  Le  bétail  est  parqué  sous  la  maison.  — 
La  coutume  {adai)  que  les  Hollandais  ont  respectée  est  for- 
mée d'usages  malais,  hindous  et  de  prescriptions  du  Co- 
ran, La  peme  de  mort  peut  être  rachetée  par  une  compo- 
sition ;  celle-ci  est  la  peine  du  vol.  L'offensé  peut  provoquer 
en  duel  son  offenseur.  Le  Malais  achète  sa  femme  et  a  sur 
elle  un  droit  absolu.  Les  pauvres  s'en  procurent  en  servant 
un  certain  temps  leurs  beaux-parents.  Les  neveux,  enfants 
de  la  samr,  héritent  de  préférence  à  ceux  du  père  (V.  Fa- 
mille). Les  Malais  sont  généialement  musulmans.  Tous 
mâchent  le  bétel.  Us  sont  aussi  passionnés  pour  le  jeu  que 
pour  les  armes,  jouant  aux  dès,  aux  cai1es(à  la  chmoise), 
aux  échecs,  pariant  dans  les  combats  de  coqs. 

Linguistique.  —  La  langue  malaise  appartient  au 
groupe  des  langues  maléo  ou  malayo-polynésiennes. 
Celles-ci  se  parlent  sur  tout  l'océan  Pacifique,  de  i'ile  de 
Pâques  à  Madagascar  et  à  Lormose.  Fr.  Mulîer  y  discerne 
trois  divisions  :  langues  malaises  parlées  dans  la  pre^- 
qu'île  de  Malacca,  laMalaisie,lesiles  Mariannes.  Formose, 
JMadagascar  ;  —  langues  mélanésiennes  padées  dans  les 
lies  Palau  et  des  Carolines  occidentales  jusqu'à  l'archi- 
pel Marshallan  N.-O.,  jusqu'aux  îles  Viti  et  aux  Nou- 
veUes-Hébrides  au  S.-E.  ;  —  langues  polynésiennes^ 
parlées  des  îles  Hawaï  à  la  Nouvelle-Zélande;  celles-ci  se- 
raient dérivées  dans  Tordre  suivant  (d'après  Whiîmee): 
le  tronc  primitif  serait  représenté  par  le  samoan  duquel 
dériveraient  d'une  part  le  tongan  et  le  maori  ;  de  l'auîre  les 
langues  des  îles  Hervey,  Touamotou,  Hawai,  Marquises; 
du  troisième  celles  des  ifs  Ellice  et  Tokelau. 

Sur  lesgénéralités,V.  l'art.  LïNGuisTiûUE,  Lcbnomspropres 
sont  en  général  de  deux  syllabes,  et  les  mêmes  peuvent  ser- 
vir de  noms  et  do  verbes,  etc.  Les  langues  polynésiennes 
ignorent  le  g,  le  d,  le  b,  expriment  tous  les  rapports  gram- 
maticaux par  des  particules  isolées.  Les  langues  mélané- 
siennes ont  six  à  sept  consonnes  de  plus,  y  compris  les 
doubles  consonnes  ;  des  suffixes  pronominaux  possessifs. 
Les  langues  malaises  sont  très  riches  en  consonnes  et  em- 
ploient les  particules  sous  forme  de  préfixes,  infixes  et 
suffixes.  On  se  deniande  pourtant  si  Je  malais  n'a  pas  rè- 
gressivement  dégénéré  en  les  types  inférieurs.  Le  mélané- 
sien a  subi  l'influence  du  pa[)ou  ;  le  malais  celle  des  langues 
indiennes;  les  dialectes  uialais  et  javanais  renferment  beau- 
coup de  mois  sanscrits.  H  est  le  seul  qui  ait  une  littéra- 
ture écrite  en  alph.sbet  arabe  ou  hindou,  GiU  a  rédigé  des 
contes  et  chants  polynésiens  {Myths  and  Sujigs  from  Ihe 
'Pacific;  Londres,  4876);  Whilmee,  un  dictionnaire  com- 
paré des  langues  polynésiennes. 

Le  malais  proprement  dit,  parlé  à  Sumalra  et  Malacca, 
est  encorela  langue  commerciale  de  l'Australasie,  mélangée 
d'éléments  sanscrits,  arabes  et  portugais,  utilisant  l'al- 
phabet arabe,  sauf  à  Palcnibang  (E.  de  Sumalrji)  où  l'on 
conserve  le  vieil  alphabet  dérivé  de  Fhindou.  On  distingue 
le  dialecte  malais  de  Menangkabau,  au  centre  de  Sumatra. 
Les  principales  grammaires  malaises  sont  celles  de  Craw- 
furd  (Londres,  1852);  Pioorda  van  Eysinga  (Nieuwediep, 
4856);  Hollander  (6«  éd.,  Bréda,  4893);  Pijnappel  (La 
Haye,  4866);  l<^avre(Paris,4876);  KhnkertfLeyde,  4882). 
Les  principaux  dictionnaires  ceux  de  Wilde  (Amsterdam, 
4844)  ;  Roorda  van  Eysinga  (La  Hâve,  4869,  43*^-  éd.); 
Cra^vfurd  (Londres,  1852)  ;  de  Wall  (Batavia,  4872, 2^éd. 


par  de  Tunck,  4877-84);  Pijnappel  (Amsterdam,  4884, 
3^  éd.);  Klinkert  (Leyde,  4885);  Swettenhaiii  (Londres, 
1886-87,  2  voL). 

La  littérature  malaise  est  originale.  Son  œuvre  la  plus 
célèbre  est  le  poème  Bidasan  (éd.  Favre,  Vienne,  4875  ; 
Khnkert,  Leyde,  iSS6).  Le  javanais  (Y.  Java)  possède  une 
série  d'adaptations  d 'œuvres  hindoues.  —  11  existe  de  nom- 
breuses chroniques  historiques  des  divers  Etats  malais,  par 
exernple,d'Atjeh,  Djohor,  Samba,  Soukadana,  etc.  Dulaurier 
a  édité  le  code  maritime  (Paris,  1845),  dont  certaines  parties 
remontent  au  xn^  siècle;  Keijzer  (La Haye,  1835)etMeur- 
singe  (Amsterdam,  1844)  le  droit  musulman.  Citons  en- 
core les  récits  de  voyages  et  l'autobiographie  d'Abdullah 
ibn  Abd  ul  Kadir,  de  Malacca  (f  1854). 

Géographie  politique.—  Les  trois  quarts  de  la  Malai- 
sie  appartiennent  aux  Pays-Bas  (Hollande);  le  reste  se 
partage  entre  l'Espagne  (Philippines),  l'Angleterre  (Bornéo 
septentrional),  le  Portugal  (E.  de  Timor).  V.  Part.  Coloni- 
sation et  pour  les  détails  le  nom  de  chaque  île.     A. -M.  B. 

BiBL.  :  Wallace,  l'Archipel  malais.  —  Rosenberg, 
Der  Malaiische  Arcfiipet;  Leipzig,  1818,  2  vol.—  Backer; 
V Archipel  indien  ;  Paris,  1874.  ~  Bastian,  Indonésien  , 
Berlin,  1884-94,  5  livr.  —  Forbes,  A  Naluralist's  -wander- 
ings  in  the  Eusiern  Archipelago  ;  Londres,  1875.—  Ha- 
GEN,  Anthropoloyische  Studien  ans  Insulinde  ;  Leipzig, 
l891.~GuiLLEMARD,  Australasia,tAl  {Malaysia):,  Londres, 
1894.  —  DuLAURiKR,  Mém.  relatifs  au  cours  de  langue  ma- 
laise et  javariaise;  Paris,  1843.  —  Fr.  Mûller,  Griindriss 
derSprachwissenschaft;  Vienne,  1879,  t.  II.  —  Codring- 
TON,  The  Melanesian  Language  ;  Londres,  1895.  —  V. 
aussi  la  bibl.  de  l'art.  Colonisation,  t.  XI,  p.  1118. 

iVlALAKOFF  (V.  Sébasïopol). 

MALAKOFF.  Com.  du  dép.  delà  Seine,  arr.  etcant.  de 
Sceaux  ;  9,444  liab.  Commune  créée  en  1883  aux  dépens 
de  celle  «le  Yanves.  Elle  doit  son  nom  à  une  tour  érigée 
vers  1 860,  en  souvenir  de  la  tour  Malakoff,  prise  par  les 
Erançais  à  Sébastopol. 

MALAKOFF  (Duc  de)  (V.  Pélissier). 

WIALALAS  (Jean),  écrivam  byzantin  du  vi«  siècle.  Ori- 
ginaire d'Antioche  en  Syrie,  il  a  composé  une  chronique 
universelle  (XpovoYpaoïa),  en  dix-huit  livres,  qui  va  des 
preaders  tenips  de  l'histoire  d'Egypte  jusqu'aux  dernières 
auneeb  du  règne  de  Justinieu  (563;.  Au  point  de  vue  his- 
torique, Fouvrage  est  d'une  valeur  médiocre,  sauf  pour  les 
événements  dont  l'auteur  a  été  le  contemporain;  on  n'y 
trouve  ni  connaissance  exacte,  ni  intelligence  des  faits  im- 
poj'lants  de  Phisloire,  ni  emploi  critique  des  sources  :  à 
côlé  de  Julius  Africanus  et  de  Jean  d'Antioche,  Malalas 
paraît  avoir  consulté  les  auteurs  les  plus  sujets  à  caution  ; 
d'ailleuïs  son  ignorance  est  extrême  et  son  point  de  vue, 
qui  fait  d'Anlioche  le  centre  du  monde,  singulièrement 
étroit.  —  Néanmoins,  dans  l'histoire  littéraire,  le  travail 
de  Malalas  a  une  réelle  importance  :  il  est  le  type  le  plus 
ancien  et  le  plus  parfait  de  ces  chroniques  byzantines, 
moins  destinées  au  public  lettré  qu'écrites  pour  l'instruc- 
tion des  moines  et  du  peuple;  et  ce  caractère  populaire 
apparaît  jusque  dans  la  langue  qu'a  employée  l'écrivain. 
Aussi  l'ouvrage  a-t-il  eu  une  prodigieuse  fortune  ;  jusqu'au 
xi^  siècle,  il  a  servi  de  source  et  de  modèle  à  tous  les  cîiro- 
niqueurs  byzantins,  Théophaue,  Georges  le  Moine,  Skylit- 
zès,  etc.;  il  a  même  été  traduit  en  slave.  Un  seul  manus- 
crit d'Oxîord,  mutilé  au  commencement  et  à  la  fin,  nous 
a  conservé  la  chronique  de  Malalas  sous  une  forme  nota- 
blement abrégée,  surtout  dans  les  derniers  livres  :  quelques 
fragments  seulement  ont  été  retrouvés,  provenant  de  la 
rédaction  originale.  La  première  édition,  donnée  à  Oxford, 
1691,  a  été  reproduite  dans  la  Byzantine  de  Bonn  et  la 
Patrologie  grecque  de  Migne  (t.  XCVII).       Ch.  Diehl. 

Bibl.  :  Mommsen,  Hermès^  VI,  323-383.  ~  Sotiriadis, 
Ziir  kritik  des  Johannes  von  Anliochia^  1888.  —  Krumba- 
cuER,  Gesch.  d.  hyz.  Litt.^  112-115. 

MALASVIBO  (Bot.).  Nom  commercial  d'une  écorce qu'on 
rapportait  soit  au  Drimys  Winteri  Forst.,  soit  à  un  Cus- 
paria^  soit  enfin  à  un  Cannella.  Depuis  1860,  on  sait 
positivement  que  cette  écorce  vient  d'un  arbre  des  côtes  de 
Venezuela  et  de  la  Nouvelle-Grenade,  le  Croton  Malambo 


—  i047 


LAUTREG 


elle  est  occupée  par  les  protestants  qui  la  perdent  dès 
l'année  suivante  ;  elle  reste  dès  lors  fidèle  au  parti  de  la 
Ligue  et  n'accepte  la  domination  de  Henri  IV  qu'en  1595. 

La  vicomte  de  Lautrec  occupait  la  partie  du  diocèse 
d'Albi  située  entre  FAgoùt  et  le  Dadou,  affluent  de  cette 
rivière;  en  1^:538,  on  y  comptait  vingt-cinq  localités  prin- 
cipales, qu'on  appelait  les  forteresses,  forciœ.  Les  vicomtes 
l'administraient,  en  qualité  de  seigneurs  dominants,  mais 
ils  étaient,  beaucoup  plus  qu'ailleurs  en  Languedoc,  tenus 
de  prendre  l'avis  de  leurs  fidèles  (chevaliers  et  bourgeois, 
ces  derniers  jouent  ce  rôle  dès  1209).  En  1256,  on  règle 
les  relations  et  les  droits  réciproques  des  vicomtes  et  de 
leurs  vassaux  nobles  ;  l'année  suivante,  les  nobles  et  les 
bourgeois  réunis  obtiennent  des  vicomtes  la  reconnaissance 
de  leurs  libertés.  Dès  ce  moment,  Lautrec  a  des  consuls, 
auxquels  appartient  la  justice  criminelle.  A  l'origine,  ces 
consuls  sont  communs  à  toutes  les  communautés  du  Lau- 
trégoîs  qui  ne  forme  qu'un  seul  corps;  en  1328,  il  y  a 
six  consuls,  dont  trois  pour  le  chef-lieu,  trois  pour  le  reste 
du  pays.  La  dissolution  de  cette  association  singulière,  dont 
on  connaît  d'autres  exemples,  eut  lieu  un  peu  avant  1410. 
Au  xvni®  siècle,  les  institutions  consulaires  étaient  en 
pleine  décadence. 

L'église  Saint- Rémy  de  Lautrec,  dont  on  attribuait  la 
fondation  à  Charlemagne,  était  depuis  1110  un  prieuré 
dépendant  de  l'abbaye  de  Saint-Pons  de  Thomières  ;  le 
chapitre  de  Burlats,  au  diocèse  de  Castres,  s'y  installa  à 
dater  des  guerres  de  religion.  Les  templiers,  puis  les  hos- 
pitaliers avaient  des  biens  à  Lautrec  et  aux  environs; 
l'ordre  de  Saint-André  de  Viennois  y  fonda  une  maison  au 
xni®  siècle  et  les  cordeliers  s'y  établirent  en  1281  ;  le 
couvent  fut  dévasté  et  les  religieux  massacrés  par  les  pro- 
testants en  1568.  Enfin,  au  xvii®  siècle,  les  consuls  appe- 
lèrent dans  la  ville  quelques  religieuses  bénédictines  du 
couvent  de  Longueville  à  Gaillac.  —  En  fait  de  monu- 
ments, Lautrec  n'offre  aujourd'hui  qu'une  partie  des  an- 
ciens remparts,  quelques  vieilles  maisons  du  xvi®  siècle 
et  l'église  Saint-Rémy,  en  partie  gothique,  en  partie  du 
xvn^  siècle.  A.  Molinier. 

BiBL.:  Hist.  de  Languedoc,  nouv.  édit.,  passim  et  prin- 
cipalement t.  VII,  note  18,  et  t.  X,  note  4.  —  Rossignol, 
Monographies  des  communes  du  canton  de  Lautrec;  Tou- 
louse, 1883,  in-8. 

LAUTREC  (Famille  de).  Elle  paraît  vers  le  milieu  du 
x'^  siècle  et  s'est  perpétuée  jusqu'à  nos  jours.  Dom  Vaissète, 
sans  aucune  raison  valable,  faisait  des  premiers  vicomtes 
des  cadets  de  la  famille  vicomtale  d'Albi  ;  en  réalité,  Lautrec 
étant  siège  de  viguerie  à  Tépoque  carolingienne,  les  pre- 
miers vicomtes  sont  très  vraisemblablemont  les  anciens 
viguiers  royaux  devenus  héréditaires.  On  connaît  fort  mal 
la  généalogie  de  cette  famille  durant  les  deux  siècles  sui- 
vants; on  voit  seulement  les  vicomtes  tenir  leurs  domaines 
tantôt  du  comte  de  Toulouse,  tantôt  du  vicomte  d'Albi  ; 
comme  ils  observent  scrupuleusement  la  règle  du  partage 
égal,  la  vicomte  se  divise  à  l'infini,  et  par  suite  jamais  cette 
maison  féodale  ne  jouera  un  rôle  important  dans  les  aff'aires 
politiques  du  pays.  Au  début  du  xiii^  siècle,  un  vicomte, 
dont  on  ne  sait  pas  le  nom,  se  range  parmi  les  partisans  de  la 
croisade  et  épouse  Agnès  de  Mauvoisin,  fille  de  Robert  de 
Mauvoisin,  l'un  des  meilleurs  lieutenants  de  Montfort.  Il 
évite  ainsi  la  confiscation,  et  sa  femme,  en  1220,  marque 
ses  sentiments  en  sauvant  une  partie  de  la  garnison  de 
Lavaur,  lors  de  la  reprise  de  cette  ville  par  Jeanne,  femme 
du  jeune  comte  Raimond  de  Toulouse.  On  a  dit  et  on  croit 
»  encore  aujourd'hui  communément  que  ce  vicomte  de  Lau- 
trec était  fils  du  frère  puîné  de  Raimond  Vï,  Baudouin, 
tué  par  ordre  de  son  frère  en  1214,  lequel  Baudouin  au- 
rait épousé  l'héritière  de  Lautrec,  Alix.  A  vrai  dire,  on 
n'a  jamais  apporté  aucune  preuve  à  l'appui  de  celte  asser- 
tion ;  la  seule  sérieuse  qu'on  donne  est  l'identité  des  armes 
de  Lautrec  et  des  anciens  comtes  de  Toulouse  (de  gueules 
à  la  croix  vidée,  cléchetée  et  pommelée  d'or)^  mais  cette 
identité  s'explique  par  le  fait  que  les  vassaux  des  comtes 
de  Toulouse,  les  vicomtes  de  Lautrec,   ont  pu  prendre  les 


armes  de  leur  suzerain,  saas  appartenir  aucunement  à  la 
famille  de  ces  derniers.  Baudouin,  frère  de  Raimond  VI, 
paraît  être  mort  sans  enfants,  et  malgré  tout  son  désir  de 
concilier  des  dates  contradictoires,  dom  Vaissète  n'a  pu 
parvenir  à  prouver  sa  thèse  (V. nouv.  éd., t.  VII,  note  18). 
Nous  croyons  donc,  jusqu'à  preuve  du  contraire,  que  les 
vicomtes  de  Lautrec  du  xiii«  siècle  et  du  suivant  des- 
cendent des  anciens  vicomtes  du  x^,  maïs  sans  avoir  la 
prétention  de  marquer  exactement  tous  les  degrés  de  cette 
filiation.  Quoi  qu'il  en  soit,  au  xiii^  siècle,  la  famille  est 
divisée  en  trois  branches  :  1«  celle  de  Bertrand,  l'aîné 
de  deux  frères;  son  petit-fils  cède  au  roi  Philippe  IV,  en 
1 306,  sa  part  de  la  vicomte  ;  de  lui  descendent  les  vicomtes 
de  Carmaing  ;  2°  celle  de  Sicard  Fi,  dont  les  descendants 
se  partagent  encore  leur  moitié  de  vicomte  ;  les  uns  pos- 
sèdent un  quart,  les  autres  un  sixième  ou  un  huitième  de 
la  seigneurie  ;  3^  une  autre  branche  de  la  maison,  les  Lau- 
trec-Venès,  avait  d'autre  part  acquis  en  1305  une  par- 
tie de  la  même  vicomte,  qu'elle  possède  jusqu'en  1408, 
date  de  la  vente  de  cette  portion  des  domaines  de  la  fa- 
mille à  l'un  des  descendants  de  Sicard  VI.  De  la  seconde 
branche  est  issue,  par  Pierre  IV  de  Lautrec,  la  lignée  des 
barons  de  Montfa  dont  l'un  en  1670  vend  sa  part  de  la 
vicomte  au  marquis  d'Ambres  qui  prend  alors  le  titre  de 
comte  de  Lautrec.  De  ces  marquis  d'Ambres  descendent  les 
Toulouse-Lautrec.  Enfin  de  Pierre  11,  vicomte  de  Lautrec, 
qui  vivait  vers  1340,  descendent  les  Lautrec-Saint-Germier 
qui  subsistaient  encore  au  xviii®  siècle.      A.  Molinier. 

BiBL.:  Le  P.  Anselme,  Histoire  généalogique  de  la 
maison  de  France^  IL  —  D.  VaissètÈ:,  Histoire  de  Lan- 
guedoc, nouv.  édit.,  t.  VII,  note  18,  et  t.  X,  note  4.  —  La 
Chbinaye-Desbois,  Dict.  de  la  noblesse. 

LAUTREC  (Odet  de  Foix,  vicomte  de),  capitaine  français, 
né  en  1485,  mort  le  15  août  1 528.  Fils  de  Jean  de  Foix  et  de 
Jeanne  d'Aydie,  il  eut  pour  frère  le  maréchal  de  Lescun  et 
pour  sœur  la  célèbre  maîtresse  de  François  P^,  Françoise 
de  Chàteaubriant,^  Dès  1507,  il  sert,  lors  de  la  guerre  de 
Gênes,  sous  le  roi  Louis  XÏI  et  est  blessé  dans  un  combat. 
En  1511,  il  accepte,  à  la  grande  risée  de  ses  compagnons 
d'armes,  la  charge  d'escorter  et  de  protéger  les  prélats  du 
parti  français  réunis  au  concile  de  Pise.  L'année  suivante, 
servant  sous  les  ordres  de  son  cousin  Gaston  de  Foix,  il 
essaye  vainement  de  sauver  ce  général  à  Ravenne  et  est 
laissé  pour  mort  sur  le  champ  de  bataille.  Devenu  gouver- 
neur de  Guyenne,  il  suit  François  P^*  en  Italie  et  se  dis- 
tingue à  la  journée  deMarignan;  l'année  suivante,  il  rem- 
place le  connétable  de  Bourbon  comme  gouverneur  du 
Milanais  qu'il  administre  avec  trop  de  dureté  ;  sans  l'appui 
de  sa  sœur,  au  rapport  do  Brantôme,  il  serait  tombé  en 
disgrâce.  En  1521,  il  défend  heureusement  le  pays  contre 
les  troupes  espagnoles  et  papales,  mais,  l'année  suivante,  la 
mutinerie  de  ses  auxiliaires  suisses  qu'il  n'a  pu  payer 
faute  d'argent,  lui  fait  perdre  la  bataille  de  la  Bicoque 
(27  avr.  1522)  que  suit  l'évacuation  de  la  Haute-Italie.  Il  se 
disculpa  en  àidiVgemt  Semblançay  (V.  ce  nom).  Après  la 
défection  de  Bourbon,  il  devient  gouverneur  de  Languedoc 
(1523)  et  met  la  province  en  état  de  défense  contre  les  inva- 
sions possibles  des  Espagnols.  Il  était  dès  lors  maréchal  de 
France.  En  1525,  il  ratifie  le  traité  passé  par  Louise  de 
Savoie  avec  Henri  VIII  d'Angleterre  et  prend  dans  l'acte 
les  titres  suivants  :  Comte  de  Foix,  de  Rethel  et  de 
Beaufort^  seigneur  de  Lautrec,  d'Orval  et  de  Lesparre^ 
vicomte  de  Fronsac^  Villemur  et  Barbazan,  grand 
sénéchal  et  gouverneur  d'Aquitaine,  lieutenant  géné- 
ral du  roi  en  Aquitaine  et  en  Languedoc.  En  août 
1527,  il  prend  le  commandement  de  l'armée  d'Italie,  oc- 
cupe une  partie  du  Milanais  et  rétablit  la  domination  fran- 
çaise dans  le  N.  de  la  péninsule.  La  cour  l'oblige  à  entre- 
prendre la  conquête  du  royaume  de  Naples.  l\  délivre  en 
passant  le  pape  Clément  VII  et  met  le  siège  devant  Naples 
en  mai  1528.  Mais  la  peste  se  met  dans  le  camp  français 
et  lui-même  meurt  de  la  contagion.  De  son  mariage  avec 
Charlotte  d'Albret,  il  avait  eu  trois  fils  :  Odet,  Henri  et 
François,  et  une  fille,  Claude.  —  Lautrec  laissa  la  repu- 


LAUTKEC  —  LAVA 


—  1048 


tation  d'un  vaillant  homme  de  guerre,  habile  à  ses  heures 
et  capable  des  plus  belles  actions,  mais  entêté,  ne  se  fiant 
qu'à  lui-même  et  sourd  à  toutes  les  représentations.  Il  fut 
néanmoins  un  des  meilleurs  capitaines  de  François  P"^  et, 
bien  des  années  après,  son  souvenir  était  encore  assez  vi- 
vant pour  que  Brantôme  lui  consacrât  un  long  chapitre 
dans  son  livre  des  Capitaines  français.  Son  tombeau  est 
à  Naples  dans  l'église  Santa  Maria  la  Nuova;  il  fut  élevé 
en  4556  par  les  soins  du  duc  de  Serra,  neveu  du  grand 
Gonzalve  de  Cordoue.  A.  Molinier. 

LAUVERGNE  (Hubert),  médecin  français,  né  à  Toulon 
le  20  janv.  1796,  mort  à  Toulon  le  22  déc.  4859.  Il  servit 
dans  la  médecine  navale,  fut  professeur  de  matière  médi- 
cale à  Toulon  (4832)  et  plus  tard  directeur  du  service 
de  santé  (1858).  On  lui  doit  :  Géographie  botanique  du 
port  de  Toulon  et  des  îles  d'Hyères  (Th.  Montpellier, 
4829)  ;  le  Choléra  morbus  en  Provence  (Toulon,  4886, 
in-8)  ;  Histoire  de  la  Révolution  dans  le  Var^  etc. 
(Toulon,  4838-39,  in-8)  ;  les  Forçats  considérés  sous 
le  rapport  physiologique,  moral  y  etc.  (Paris,  4844, 
in-8)  ;  De  l'Agonie  et  de  la  mort,  etc.  (Paris,  4844, 
2  vol.  in-8);  Divers  Mémoires  sur  les  fonctions  du  cer- 
veau, etc.  (Toulon,  4846,  in-8),  etc.  D*"  L.  Hn. 

LAU  WIN -Planque.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  etcant. 
(0.)  de  Douai  ;  748  hab. 

LAUX-MoNTAux.  Com.  du  dép.  de  la  Drôme,  arr.  de 
Nyons,  cant.  de  Rémuzat  ;  74  hab. 

LAUZACH.  Com.  du  dép.  du  Morbihan,  arr.  de  Vannes, 
cant.  de  Questemberg  ;  445  hab. 

LAUZANNE  de  Vaux-Roussel  (Augustin-Théodore, 
chevalier  de),  vaudevilliste  français,  né  à  Vernelle  (Seine- 
et-Marne)  le  4  nov.  4805,  mort  à  Paris  le  45  oct.  4877. 
Collaborateur  et  gendre  de  Duvert  (V.  ce  nom),  il  a  par- 
tagé tous  ses  succès,  et  il  suffit  d'y  renvoyer,  ainsi  qu'au 
Théâtre  choisi,  publié  sous  le  seul  nom  de  son  beau-père 
(4876-78,  6  vol.  in-48). 

LAUZE  (La)  (V.  Gers,  t.  XVIII,  p.  865). 

LAUZE-Deperret  ou  Duperret  (Claude-Romain),  homme 
pohtique  français,  né  à  Apt  le  28  févr.  4747,  mort  à 
Paris  le  34  oct.  1793.  Fondateur  du  club  de  la  liberté 
d'Apt  en  4789,  il  fut  élu  député  des  Bouches-du-Rhône  à 
l'Assemblée  législative  le  4  sept.  4  794 ,  fut  réélu  à  la  Con- 
vention le  7  sept.  4792,  et  appuya  la  pohtique  des  Giron- 
dins. Il  parut  souvent  à  la  tribune  où  il  combattit  les  Mon- 
tagnards avec  une  violence  singulière.  Le  44  avr.  4793 
notamment,  il  les  menaça  de  son  épée,  ce  qui  provoqua  un 
des  incidents  les  plus  tumultaeux  qui  se  soient  produits 
dans  l'Assemblée.  Poursuivi  avec  les  Girondins,  il  fut  con- 
damné à  mort  et  décapité.  Il  fut  accusé  surtout  d'avoir 
favorisé  ou  facilité  le  meurtre  de  Marat,  car  Barbaroux 
l'avait  mis  en  relation  avec  Charlotte  Corday  qu'il  logea 
quelques  jours  chez  lui.  Lauze-Duperret  était  fort  riche  ; 
ses»  biens  furent  confisqués.  Il  laissait  quatre  enfants  aux- 
quels le  Conseil  des  Cinq-Cents  vota  une  pension  le  20  ven- 
tôse an  V. 

LAUZERTE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  Tarn-et-Garonne, 
arr.  de  Moissac;  2,377  hab.  Bastide  fondée  vers  4240 
par  Raimond  VU,  comte  de  Toulouse.  On  a  l'analyse  des 
coutumes  accordées  par  ce  prince  à  la  nouvelle  ville  ;  elles 
sont  tout  à  fait  analogues  à  celles  de  Montdenard,  qui 
datent  de  1246  ;  elles  sont  de  4242.  Les  consuls  de  Lauzerte 
paraissent  dès  4243  et  1249.  Ce  fut  le  chef-lieu  d'une 
châtellenie  royale.  —  Eglise  du  xiii®  siècle,  vieilles  maisons. 

BiBL.  :  Rébouis,  Cinq  Coutumes  inédites  de  Tarn-et- 
Garonne,  1886,  in-8.  —  D.  Vaisséte,  Hist,  de  Languedoc, 
nouv.  éd.,  passim. 

LAUZERVILLE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne, 
Arr.  de  ViHefranche,  cant.  de  Lanta;  456  hab. 

LAUZÈS  ou  LAUZÈS-Du-LoT.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép. 
du  Lot,  arr.  de  Cahors  ;  407  hab. 

LAUZET  (Le).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  des  Basses-Alpes, 
arr.  de  Barcelonnette  ;  707  hab.  Scierie  mécanique.  Moulin. 

LAUZON.  Rivière  (V.  Drôme,  t.  XIV,  p.  4424). 


LAUZON.  Ville  du  Canada,  faubourg  de  Québec  (V.  ce 
mot). 

LAUZOUE.  Rivière  (V.  Gers,  t.  XVIII,  p.  866). 

LAUZUN.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  Lot-et-Garonne, 
arr.  de  Marmande  ;  4,243  hab.  Lauzun  fut  une  des  plus 
importantes  juridictions  seigneuriales  de  l'Agenais  ;  cepen- 
dant son  histoire  est  peu  connue.  Le  château,  très  fort,  a 
appartenu  aux  Nompar  de  Caumont  au  moins  depuis  le  com- 
mencement du  xvi^  siècle.  En  4437,  il  avait  été  repris  aux 
Anglais  par  Rodrigue  de  Viîlandrando.  A  l'époque  de  la 
Renaissance,  il  fut  richement  décoré.  Malgré  des  mutila- 
tions relativement  modernes,  il  subsiste  de  cet  ensemble 
une  porte  monumentale  et  deux  cheminées  des  plus  remar- 
quables .  Dans  le  parc  du  château,  inscription  votive  à  la 
déesse  Tutelle.  Cet  autel,  sur  l'origine  duquel  on  a  beau- 
coup disserté,  était  déposé  à  Tonneins  au  commencement 
du  xvi<^  siècle.  G.  Tholin. 

LAUZUN  (Antoine-Nompar  DE  Caumont,  comte,  puis  duc 
de),  courtisan  et  officier  français,  né  en  4633,  mort  le 
19  nov.  4723.  La  maison  de  Lauzun  à  laquelle  il  appar- 
tenait était  une  branche  de  la  maison  de  Caumont  (V.  ce 
mot),  et  la  baronnie  de  Lauzun  avait  été  érigée  en  4570. 
Lauzun  vint  à  la  cour  sans  aucun  bien,  sous  le  nom  de 
marquis  de  Puyguilhem.  Il  fut  accueilli  par  le  maréchal  de 
Gramont,  allié  à  sa  famille.  Bientôt  le  roi  le  remarqua,  lui 
donna  son  régiment  de  dragons,  le  fit  maréchal  de  camp, 
et  enfin  créa  pour  lui  la  charge  de  colonel  général  de  dra- 
gons. Il  allait  même  le  nommer  grand  maître  de  Tardlle- 
rie,  quand  Louvois,  qui  l'apprit,  l'en  empêcha.  Puyguil- 
hem fit  une  scène  au  roi,  ce  qui  lui  valut  d'être  envoyé  à 
la  Bastille.  Il  en  sortit  presque  aussitôt  et  reçut  la  charge 
de  capitaine  des  gardes  du  corps.  A  la  mort  de  son  père, 
il  prit  le  titre  de  comte  de  Lauzun.  Ce  fut  en  déc.  4670 
que  Lauzun  obtint  de  Louis  XIV  son  consentement  pour 
épouser  W^^  de  Montpensier.  Le  retard  qu'il  mit  à  faire 
célébrer  cette  union  donna  le  temps  aux  princes  de  faire 
des  représentations  au  roi  et  le  projet  de  mariage  fut 
rompu.  La  même  année,  il  remplit  la  charge  de  général 
d'armée  en  Flandre.  Cette  haute  faveur  indisposa  encore 
contre  lui  Louvois  qui  s'unit  à  M^®  de  Montespan  pour  ame- 
ner sa  disgrâce  ;  aussi  Lauzun  fut-il  envoyé  à  la  Bastille  en 
nov.  4674,  et  de  là  à  Pignerol  où  il  demeura  cinq  ans  dé- 
tenu. Cependant  Mademoiselle  faisait  des  démarches  en  sa 
faveur.  On  lui  insinua  qu'en  faisant  des  avantages  au  duc 
du  Maine,  fils  de  M"^®  de  Montespan,  elle  obtiendrait  la 
liberté  de  Lauzun.  Celui-ci  consentit,  non  sans  peine,  aux 
conditions  qui  lui  furent  imposées,  à  savoir  l'abandon  de 
la  donation  du  comté  d'Eu  et  du  duché  d'Aumale,  pour  que 
Mademoiselle  pût  en  disposer  en  faveur  du  duc  du  Maine. 
Alors  sa  prison  fut  changée  en  exil  et,  quatre  ans  après, 
toujours  à  la  sollicitation  de  Mademoiselle,  il  put  rentrer  à 
Paris.  En  4688,  il  se  rendit  en  Angleterre  où  Jacques  H 
le  chargea  de  conduire  en  France  la  reine  et  le  prince  de 
Galles.  De  Calais,  Lauzun  écrivit  au  roi  qu'il  avait  fait  ser- 
ment de  remettre  la  reine  et  son  fils  entre  ses  mains,  et  il 
demanda  ce  qu'il  devait  faire  ;  Louis  XIV  lui  répondit  de 
venir  à  la  cour.  Il  n'y  eut  pas  toutefois  les  mêmes  faveurs 
qu'autrefois.  Le  roi  d'Angleterre  lui  donna  l'ordre  de  la  Jar- 
retière, et  en  nov.  4689,  Lauzun  conduisit  un  corps  d'ar- 
mée en  Irlande.  En  mai  4692,  il  fut  créé  duc.  On  a  dit 
que  Lauzun  avait  épousé  secrètement  M^^®de  Montpensier; 
toujours  est-il  qu'à  sa  mort  il  prit  le  grand  deuil  et  que  ce 
ne  fut  que  deux  ans  après  qu'il  se  maria  avec  M^^^  de  Durfort, 
fille  du  maréchal  de  Lorges.  11  mourut  sans  laisser  d'enfant,  , 
Le  duché  de  Lauzun  échut  à  sa  nièce,  mariée  à  Charles- Ar- 
mand de  Gontaut,  duc  de  Biron  ;  le  titre  de  duc  de  Lauzun 
a  été  porté  en  dernier  lieu  par  Armand-Louis  de  Gontaut, 
duc  de  Biron  (V.ce  nom).  G.  Regelsperger. 

BiBL.  :  Saint-Simon,  Mémoires.  — •  W^^  de  Montpen- 
sier, Mémoires.  —  M"«  de  Sévigné,  Lettres. —  La  Bruyère, 
Caractères.  —  Dangeau,  Journal.  —  Voltaire,  Siècle  de 
Louis  XIV. 

LAUZU  N  (Armand-Louis  de  Gontaut,  ducde)  (V.  Biron). 

LAVA  ou  LOVA.  Tribu  sauvage  du  Laos  septentrional, 


—  1049  — 


LAVA  —  LAVAL 


où  elle  vit  dans  les  forêts  entre  le  Siam  et  le  Yunnan,  près 
de  la  prov.  anglaise  de  Martaban. 

LAVABO.  I.  Archéologie. — L'usage  des  fréquentes  ablu- 
tions, comme  beaucoup  d'autres  traditions  antiques,  s'est 
conservé  durant  le  moyen  âge.  Outre  Fusago  des  bains  à  peu 
près  quotidiens,  les  personnes  cultivées  avaient  l'habitude  de 
se  laver  les  mains  au  moins  àleur  lever  et  avant  et  après  chaque 
repas.  Ce  dernier  usage  était  en  quelque  sorte  nécessaire 
puisque  les  convives  ne  disposaient  le  plus  souvent  que  d'un 
couteau  pour  couper  leur  nourriture  et  la  portera  la  bouche. 
Chez  les  gens  aisés,  des  serviteurs  faisaient  le  tour  de  la 
table  avec  un  bassin,  une  aiguière  et  une  toilette,  pour  «don- 
ner à  laver  »  ;  dans  les  établissements  monastiques,  les  reli- 
gieux passaient  à  une  fontaine  située  à  l'entrée  du  réfectoire  ; 
enfin,  pour  le  sacrifice  de  la  messe,  qui  est  un  repas  sacré, 
le  célébrant  avait  près  de  l'autel  une  piscine  à  ablutions. 
Le  lave-mains  est  donc  fixe  ou  portatif.  Dans  la  première 
catégorie,  il  faut  classer  les  piscines  d'église  (V.  Piscine), 
les  éviers  qui  se  voient  dans  le  dortoir  de  certaines  abbayes 
(Fossanova,  près  deTerracine,  et  San  Galgano,  près  de  Sienne, 
XIII®  siècle) ,  Ils  sont  portés  sur  d'élégantes  colonnettes  et 
des  creux  circulaires  sont  ménagés  pour  recevoir  les  cruches 
à  eau  ;  enfin,  les  fontaines  de  cloîtres,  qui  font  vis-à-vis 
aux  portes  de  réfectoire.  Elles  sont  en  pierre  et  faites  de 
façon  que  plusieurs  personnes  puissent  s'y  laver  à  la  fois. 
Les  unes  sont  en  forme  d'auge  assez  allongée  (le  Moncel, 
près  de  Pont-Sainte-Maxence,  xiv^  siècle,  Valvisciolo,  près 
de  Terracine,  xvi*^  siècle;  abbaye  de  Flines,  musée  de  Douai, 
XVI®  siècle),  les  autres  ont  une  vasque  supérieure  circu- 
laire munie  de  nombreuses  petites  gargouilles  (Pontigny, 
XII®  siècle;  ancienne  vasque  de  Saint-Denis,  cour  de 
l'Ecole  des  beaux-arts,  xiii®  siècle  ;  Maulbronn,  Allemagne, 
xni®  siècle  ;  Fossanova, vers 
1300).  Ces  fontaines  sont 
abritées  sous  des  édicules 
faisant  saillie  sur  le  préau 
du  cloître,  et  présentant  un 
plan  carré  (  Fossanova , 
Monreale,  près  de  Pa- 
lerme  ;  Pampelune)  ou  oc- 
togone (Valmagne,  près  de 
Montpellier  ;  Poblet  etSan- 
tas  Creus  en  Catalogne; 
Alcobala  en  Portugal  ; 
Maulbronn  en  Allemagne, 
en  Bohême).  Parfois  les 
lave-mains  étaient  de  pe- 
tites fontaines  de  métal  : 
on  en  accrochait  dans  les 
cloîtres  aussi  bien  que  dans 
les  églises  et  dans  les  ap- 
partements des  laïques.  Le 
musée  de  Throndhjem  (Nor- 
vège) conserve  une  curieuse 
fontaine  d'étain  du  xv«  siè- 
cle en  forme  de  petit  châ- 
teau crénelé.  Elle  est  munie 
de  deux  robinets.  Près  de 
ces  fontaines  se  plaçaient 
des  des  tournettes(Y,ce  mot) 
souvent  figurées  dans  les 
manuscrits,  et  anciennes 
gravures.  Enfin,  le  lave-mains  portatif  se  composait  soit,  au 
xiii®  et  au  XIV®  siècle,  de  gémellions,  ou  paire  de  petits 
bassins  généralement  en  cuivre  émaillé,  dont  l'un,  servant 
à  verser,  avait  une  gargouille  (musées  du  Louvre,de  Nantes, 
de  Stockholm,  de  Christiania,  cathédrale  de  Sienne),  soit,  du 
XII®  au  XVI®  siècle,  d'un  bassin  et  à' une aquamanile,  aiguière 
en  dinanderie  afiéctant  la  forme  d'un  animal  fantastique  ou 
d'un  cavalier.  Au  xvi®  siècle,  le  bassin  et  l'aiguière  en  forme 
de  buire  prévalurent,  et  nos  modernes  lavabos  dérivent  de 
ce  type.  C.  Enlart. 

II.  Ameublement.  —  Ce  terme,  emprunté  à  l'ancienne 


Lavabo   de  la  chapelle 
Morts,  à  Thouars. 


liturgie  ecclésiastique,  servait  à  désigner  le  réceptacle  où 
le  prêtre  se  lavait  les  mains  pendant  le  sacrifice  de  la  messe. 
Il  a  été  abandonné  depuis  et  l'on  donne  le  nom  de  pis- 
cines, de  lavoirs  et  de  lave-mains  aux  constructions  lé- 
gères et  aux  vasques  qui,  sur  les  murs  des  chapelles  et  dans 
l'enceinte  des  cloîtres  conventuels,  servaient  à  contenir  l'eau. 
De  nos  jours,  le  lavabo  n'est  plus  qu'une  sorte  de  trépied 
en  fer  forgé  ou  en  bois,  de  forme  triangulaire,  qui  soutient 
la  cuvette  et  dont  l'entre-jambe  reçoit  le  pot  à  l'eau. 
Quelques-uns  sont  surmontés  d'une  tige  terminée  par  une 
glace  destinée  à  servir  pour  la  barbe,  et  supportant  en 
même  temps  les  serviettes.  Les  lavabos  en  fer  forgé  sont 
encore  en  usage  à  Venise  depuis  le  xvi®  siècle  ;  les  plus 
anciens  sont  d'un  beau  travail,  et  le  fer  en  est  souvent 
doré.  Vers  l'époque  du  premier  Empire,  on  adopta  en 
France  les  lavabos  d'acajou  à  pieds  grêles,  d'usage  aussi 
incommode  que  disgracieux  d'aspect,^ dont  les  plus  riches 
spécimens  ont  été  composés  par  Percier  et  exécutés  par 
l'ébéniste  Jacob  Desmalter.  On  ne  les  voit  plus  que  dans 
les  hôtels  meublés  et  dans  les  pièces  trop  exiguës  pour 
contenir  des  tables  de  toilette.  A.  de  Ch. 

[IL  Liturgie.  —  Nom  désignant  la  partie  de  la  messe 
où  le  célébrant,  placé  du  côté  del'épître,  se  lave  les  doigts 
en  récitant  le  psaume  XXVI  :  Lavabo  inter  innocentes 
maniis  meas  et  circumdabo  altare  tuum  ou  seulement 
quelques  versets  de  ce  psaume.  Dans  l'ordre  romain,  cette 
ablution  se  fait  immédiatement  avant  l'oblation  ;  dans  les 
liturgies  gallicanes,  elle  est  placée  généralement  après. 
Amalaïre  (mort  en  837)  ne  mentionne  pas  cet  acte  :  ce  qui 
fait  supposer  qu'il  a  été  introduit  plus  tard  dans  les  litur- 
gies latines.  En  Orient,  Cyrille  de  Jérusalem  (mort  en  386), 
commence  la  description  du  rite  eucharistique,  en  disant 
que  le  diacre  présente  de  l'eau  au  prêtre  célébrant  et  aux 
prêtres  qui  entourent  l'autel;  il  ajoute  que  cette  ablution 
n'a  pas  seulement  pour  objet  la  propreté  corporelle,  mais 
qu'elle  figure  le  symbole  de  la  pureté  spirituelle,  expri- 
mée par  le  psaume  de  David.  Néanmoins,  il  ne  parle  ni 
du  chant  ni  de  la  récitation  de  ce  psaume.  Mais  suivant  la 
liturgie  de  saint  Chrysostome,  le  prêtre  et  le  diacre  doi- 
vent le  réciter,  en  se  lavant  les  mains  dans  la  prothèse, 
après  s'être  revêtus  de  leurs  habits  sacerdotaux.  —  On 
appelle  aussi  lavabo  le  linge  avec  lequel  le  prêtre  s'essuie 
les  doigts,  et  la  carte  sur'laquelle  les  paroles  du  psaume 
sont  écrites.  E.-H.  Vollet. 

LAVAGE.  I.  Technologie  (V.  Minerai). 

Lavage  des  houilles  (V.  Coke). 

IL  Médecine.  —  Lavage  de  V estomac  (¥<  Estomac). 

LAVAGNA.  Port  d'Italie,  à  2  kil.  S.-E.  de  Chiavari, 
prov.  de  Gênes,  à  l'embouchure  du  petit  torrent  de  la  La- 
vagna  ;  chantiers  de  construction  de  navires  et  carrières 
d'ardoise.  Les  Fieschi  furent  comtes  de  Lavagna  du  x®  à 
la  fin  du  xii®  siècle. 

LAVA ISSI ÈRE  de  Layergne  (V.  Lavergne). 

LAVAL.  Corn,  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Laon,  cant. 
d'Anizy-le-Chàteau  ;  245'îiab. 

LAVAL.  Corn,  du  dép.  de  la  Corrèze,  arr.  de  Tulle,  cant. 
de  Lapleau  ;  573  hab. 

LAVAL.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Montbéliard, 
cant.  de  Russey;  145  hab. 

LAVAL.  Com.  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Grenoble, 
cant.  de  Domène  ;  812  hab. 

LAVAL. Com.  du  dép.  delà  Haute-Loire,  arr.  de  Brioude, 
cant.  de  La  Chaise-Dieu  ;  554  hab, 

LAVAL  ou  LAVAL-suR-TouRRE.  Com.  du  dép.  de  la 
Marne,  arr.  et  cant.  de  Sainte-Menehould  ;  141  hab. 

LAVAL.  Ch.-l.  du  dép.  de  la  Mayenne,  dans  une  jolie  si- 
tuation sur  deux  collines  que  sépare  la  Mayenne  ;  29,889  hab. 
Tribunal  de  première  instance,  tribunal  de '^commerce, 
lycée,  école  normale  d'instituteurs,  muséum,  biblio- 
thèque, grand  séminaire.  Laval  est  leîsiège  d'un  évêché, 
créé  en  1855  ;  jusqu'à  cette  époque,  elle  relevait  du  dio- 
cèse du  Mans.  Une  des  plus  anciennes. industries  de  Laval 
est  l'industrie  des  toiles,  qui  y  était  établie  au  xiv®  siècle  ; 


LAVAL 


—  1050  — 


elle  a  fait  place  à  la  fabrication  des  coutils-nouveautés.  Les 
autres  industries  à  citer  sont  :  des  ateliers  de  construction 
de  machines,  des  filatures  de  coton  et  de  laine,  des  fa- 
briques de  passementerie,  de  chapeaux  et  de  chaussures, 
de  bougies  et  de  chandelles,  des  briqueteries,  tuileries,  tan- 
neries, teintureries,  minoteries,  des  scieries  de  bois  et  de 
marbre,  etc.  Station  de  la  ligne  de  Paris  à  Brest  (0.)  et 
point  d'attache  des  embranchements  sur  Caen,  Sablé  etChâ- 
teaubriant. 

Histoire.  —  Laval  ne  semble  pas  avoir  existé  avant  le 
ix^  siècle  ;  elle  figure  dans  des  actes  du  xi«  siècle,  sous  le 
nom  de  Hamo  de  Lavallo.  On  pourrait  dire  d'elle  à  cette 
époque  lointaine  ce  que  Jules  Le  Fizeiier  a  dit  du  Bas- 
Maine,  dentelle  était  la  capitale  :  «  Son  histoire  est  comme 
son  ciel,  terne,  brumeuse.  Peu  de  faits  importants  s'en 
détachent.  »  Pays  de  marche  entre  la  Bretagne  et  la 
France,  la  région  de  Laval  fut,  à  la  fin  de  la  période  caro- 
lingienne, souvent  rançonnée,  et  c'est  sans  doute  la  cons- 
truction du  château,  vers  d002,  qui  commença  pour  elle 
une  période  moins  troublée  ;  la  position  stratégique  de  La- 
val conserva  du  reste  à  ses  barons  une  importance  consi- 
dérable dans  la  région.  Hamon  de  Laval  passa  en  An- 
gleterre avec  Guillaume  le  Conquérant.  Pendant  la  guerre 
de  Cent  ans,  Jeanne  de  Laval  épousa  Bertrand  du  Guesclin. 
Anne  de  Laval  défendit  sa  ville  contre  Talbot,  qui  la  prit 


cependant  en  4428.  C'est  en  récompense  des  services  ren- 
dus par  la  famille  de  Laval,  et  aussi  pour  diminuer  l'im- 
portance du  comté  du  Maine,  dont  Laval  relevait,  que 
Charles  VII  érigea  en  '1429  la  baronnie  de  Laval  en  comté- 
pairie  ;  Louis  XI  compléta  la  mesure  en  établissant  à  La- 
val un  siège  judiciaire  et  un  siège  financier  qui  relevaient 
du  parlement  et  de  la  chambre  des  comptes  de  Paris, 
Henri  IV  séjourna,  en  1589,  à  Laval  ;  après  son  départ, 
la  ville  fut  prise  par  les  ligueurs  (1592),  puis  reprise  en 
1594  pour  le  roi  par  le  duc  d'Aumont.  Le  comté  de 
Laval  fut  possédé  jusqu'en  1518  par  la  descendance  directe 
des  premiers  possesseurs  ;  à  partir  de  cette  époque,  il  passa 
successivement  aux  Rieux,  aux  Cohgny,  puis  aux  La  Tré- 
moille,  qui  en  étaient  encore  maîtres  en  1789,  dans  la  per- 
sonne de  Philippe  de  La  Trémoille,  prince  de  Talmont.  C'est 
dans  le  Bas-Maine  que  se  développa  la  chouannerie,  parmi 
les  hardis  faux-sauniers  que  l'oppression  de  la  gabelle 
avait  préparés  à  la  guerre  d'embuscade.  Jean  Cottereau, 
dit  Jean  Chouan,  en  fut,  avec  ses  frères,  l'un  des  premiers 
chefs.  Laval  se  ressentit  de  sa  situation  à  proximité  de  la 
Bretagne  et  delà  Vendée.  En  1793,  elle  fut  prise  par  les 
Vendéens;  Westermann,  qui  essaya  de  les  déloger,  se  fit 
battre  complètement.  Occupée  deux  fois  encore  par  les  Ven- 
déens après  l'affaire  de  Granville  et  après  la  déroute  du 
Mans,  elle  fut  délivrée  par  la  ruine  définitive  du  parti,  et  le 


Le  Palais  de  Justice  et  le  Vieux  Château,  à  Laval. 


prince  de  Talmont,  fait  prisonnier,  fut  fusillé  devant  son 
château.  En  1871,  Laval  fut  le  point  autour  duquel  Chanzy 
concentra  son  armée,  après  la  bataille  du  Mans. 

Monuments.  —  La  partie  la  plus  ancienne  de  Laval  est 
située  sur  la  rive  droite  de  la  Mayenne.  L'église  de  la  Tri- 
nité (cathédrale)  est  un  édifice  dont  l'origine  remonte  au 
début  du  xn^  siècle,  mais  qui  a  été  complété  à  la  fin  du 
même  siècle  et  plus  tard  au  xvi^  siècle  ;  elle  a  été  de  nos 
jours  l'objet  d'importantes  restaurations.  Eglise  Saint- 
Vénérand,  du  xv^  siècle,  avec  de  belles  verrières  anciennes. 
Notre-Dame  des  Cordeliers  date  des  xiv^  et  xv®  siècles  et 
a  été  défigurée  au  xvii^  par  des  autels  à  retables  qui  mas- 
quent en  partie  le  style  primitif.  Le  château  renferme  un 
donjon  du  xu®  siècle,  remarquable  par  l'épaisseur  de  ses 
murs,  la  disposition  de  sa  charpente  et  son  escalier  tour- 
nant; à  l'intérieur,  les  bâtiments  qui  bordent  la  cour 
présentent  des  fenêtres  à  lucarnes,  ajoutées  au  début  du 
xvi^  siècle  ;  la  chapelle  date  du  xi®.  Le  nouveau  château, 
qui  touche  à  l'ancien,  est  delà  Renaissance.  La  porte  Beu- 
cheresse,  en  ogive,  flanquée  de  deux  tours,  est  un  spéci- 
men bien  conservé  de  l'ancienne  enceinte.  L'hôtel  de  ville 
a  été  construit  en  1826.  Laval  est  la  patrie  du  chirurgien 
Ambroise  Paré,  auquel  une  statue  a  été  élevée  sur  le  square 
de  Bel-Air,  et  du  voyageur  Pyrard  (commencement  du 
xvii^  siècle).  J.  Gautier. 

Concile  de  Laval,  Concilium  apud  Vallem  GuidoniSy 
tenu  en  1240  et  présidé  par  Juhel  de  Mayenne,  archevêque 
de  Tours.  On  y  fit  sept  canons.  IV.  Défense  aux  archi- 
diacres de  connaître  des  causes  de  mariasçe,  de  simonie  et 


autres  impliquant  dégradation  ou  perte  de  bénéfice,  sans 
un  pouvoir  spécial  de  l'évêque  ;  ils  ne  pourront  avoir  des 
officiaux  hors  de  la  ville.  V-  Défense  aux  clercs  de  plai- 
der devant  les  tribunaux  civils.  VI.  Pendant  l'interdit,  les 
chanoines  célébreront  l'office  à  voix  basse,  portes  fer- 
mées; ils  en  excluront  les  excommuniés  et  les  interdits, 
VIII.  Si  un  prince  ou  un  autre  laïque  demeure  un  an  dans 
l'excommunication,  on  le  punira  par  l'interdit  du  lieu  où  il 
habite. 

BiBL.  :  Léon  Maître,  Dictionnaire  topographique  du 
département  de  la  Mayenne,  1878.  —  Jules  Le  Fizelier, 
Etudes  et  récits  sur  Laval  et  le  Bas-Maine,  1884. 

LAVAL.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.  de  Fon- 
tainebleau, cant.  de  Montereau  ;  379  hab. 

LAVAL.  Com.  du  dép.  des  Vosges,  arr.  d'Epinai,  cant. 
de  Bruyères  ;  404  hab. 

LAVAL-Atger.  Com.  du  dép.  de  la  Lozère,  arr.  de 
Mende,  cant.  de  Grandrieu  ;  435  hab. 

LAVAL-d'Aix.  Com.  du  dép.  de  laDrôme,  arr.  et  cant. 
de  Die  ;  168  hab. 

LAVAL-d'Aurelle.  Com.  du  dép.  de  PArdèche,  arr. 
de  Largentière,  cant.  de  Saint-Etienne  -  de -Lugdarès; 
210  hab, 

LAVâL-du-Tarn.  Com.  du  dép.  de  la  Lozère,  arr.  de 
Marvejols,  cant.  de  La  Canourgue;  539  hab. 

LAVAL-Morency.  Com.  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  et 
cant.  de  Rocroi;  215  hab. 

LAVAL-Notre-Dame.  Com.  du  dép.  du  Gard,  arr.  d'Alais, 
cant.  de  La  Grand'Combe;  1,606  hab. 


1051 


[AVAL  —  LAVALLÉE 


LAVAL-RoûUECEziÈRE.  Corn,  du  dép.  de  rAveyroii,  arr. 
de  Saint-Affriqiie,  cant.  de  Saint-Sernin  ;  4,587  hab. 

LAVAL-Sâint-Romàn.  Corn,  du  dép.  du  Gard,  arr. 
d'Uzès,  caiit.  de  Pont-Saint-Esprit  ;  291  bab. 

LAVAL  (André  DE  Monïfort  de),  seigneur  de  Lohéac  et 
de  Retz,  maréchal  de  France,  né  en  1411,  mort  en  janv. 
1486  ou,  d'après  quelques  historiens,  le  29  déc.  1485. 
Il  était  le  second  fils  de  Jean  de  Montfort,  seigneur  de  Ker- 
gorlay  et  d'Anne  de  Laval,  dame  de  Retz,  veuve  de  Prégent 
de  Coctivy.  Armé  chevalier  à  la  bataille  de  la  Gravelle,  à 
l'âge  de  douze  ans,  il  fut  fait  prisonnier  en  1428  par  les 
Anglais  dans  son  château  de  Laval,  paya  sa  rançon  et  assista 
au  siège  d'Orléans,  à  la  bataille  de  J^atay  et  au  sacre  de 
Charles  VIL  Amiral  de  France  en  1437,  il  échangea  en  1439 
cette  charge  contre  celle  de  maréchal.  De  1436  à  1453,  il  prit 
part  à  presque  toutes  les  expéditions  du  règne  de  Charles  VIL 
Dans  les  dernières  années  de  ce  règne,  il  fut  chargé  de 
diverses  missions  de  confiance,  dont  la  principale  fut  l'oc- 
cupation du  Dauphiné,  en  1456,  après  la  fuite  du  dauphin 
à  la  cour  de  Bourgogne,  Il  devait  payer  cher  sa  fidélité 
inébranlable  à  son  roi  :  à  la  mort  de  Charles  NU  et  à 
l'avènement  de  Louis  XI,  il  tomba  en  disgrâce,  comme  la 
plupart  des  conseillers  du  feu  roi  et  perdit  sa  charge  de 
maréchal.  Il  ne  la  recouvra  qu'en  noY.  1465  après  la  ligue 
du  Bien  public,  et  dès  lors  semble  avoir  regagné  complète- 
ment la  faveur  de  Louis  XL  Chargé  par  lui  de  la  lieutenance 
générale  du  gouvernement  de  Paris,  il  fut  un  des  seize 
premiers  chevaliers  de  l'ordre  de  Saint-Michel,  créé  en  1469 
par  ce  prince,  et  devint  plus  tard  gouverneur  et  lieutenant 
général  en  Picardie  :  c'est  en  cette  qualité  qu'assiégé  dans 
Beau  vais  par  Charles  le  Téméraire  en  1472,  il  le  repoussa 
victorieusement.  Il  se  retira  du  gouvernement  de  Picardie 
en  1475.  Henri  Courteâult. 

BiBL.  :  Le  P.  Anselme,  Histoire  généalogique  de  la 
maison  de  France;  Paris,  1783,  t.  VII,  in-fol.  —  G.  pu 
Fresne  de  Beaugourt,  Histoire  do  Charles  VII '^  Paris, 
1881-92,  6  vol.  in-8. 

LAVAL  (René  de),  sieur  de  Boisdauphin  (V.  ce  nom). 

LAVAL  (Urbain  de),  marquis  de  Sablé,  mort  le  27  mars 
1629.  Il  fit  ses  premières  armes  en  1585,  servit  au  siège 
de  La  Fère  (1580),  ainsi  que  dans  Fexpédition  du  duc  de 
Guise  contre  les  auxiliaires  allemands  du  roi  de  Navarre 
(1587),  se  jeta  dans  la  Ligue  après  la  mort  de  Henri  III  et  fut 
pris  à  la  bataille  d'Ivry  (1590).  Il  n'en  fut  pas  moins  con- 
firmé dans  la  dignité  de  maréchal  de  France  qu'il  avait  reçue 
du  duc  de  Mayenne,  chef  de  la  rébellion  depuis  la  mort  de 
ses  frères  à  Blois,  puis  créé  chevalier  du  Saint-Esprit 
(1595)  et,  un  peu  plus  tard  encore  (1604),  gouverneur 
d'Anjou.  Il  reçut,  en  1615,  le  commandement  de  l'armée 
destiné  à  combattre  les  princes  mutinés.  Ce  fut  sa  der- 
nière campagne.  Il  se  retira  après  la  paix  de  Sainte-Mene- 
hould  dans  sa  terre  de  Sablé,  acquise  par  lui  en  1593, 
et  n'en  sortit  plus  jusqu'à  sa  mort, 

LAVAL  (Pierre-Louis  de)  (V.  Delaval). 

LAVAL  (Eugène-Jean-Baptiste-Gabriel),  architecte  fran- 
çais, né  à  Vilfefranche  (Rhône)  le  23  févr.  1818,  mort  à 
Paris  le  21  févr.  1869.  Elève  de  l'Ecole  des  beaux-arts  de 
Lyon  et  de  l'atelier  Henri  Labrouste,  cet  architecte  se  dis- 
tingua par  de  nombreux  relevés  d'édifices  en  Italie  et  en 
France  ;  la  cathédrale  de  Sainte-Marie-des-Fleurs  et  son 
campanile  et  l'église  de  San  Michèle  à  Florence  ;  les  mo- 
numents anciens  des  villes  d'Arles,  d'Orange,  de  Nîmes  et 
de  Viviers.  Attaché  à  la  commission  des  monuments  his- 
toriques, La  val  fit  restaurer  les  églises  de  Sylvacane  (Avey- 
ron),  de  Sainte-Marthe  à  Tarascon;  de  Saint-Théodore  à  Uzès, 
de  Saint-Bertrand-de-Comminges  et  de  Saint-Just-de-Val- 
cabrères  (Haute-Garonne).  Il  fut  nommé  en  1849  archi- 
tecte des  diocèses  de  Nîmes  et  de  Viviers.  Mais  les  œuvres 
les  plus  importantes  de  cet  architecte  sont  l'Hôpital  géné- 
ral de  Bordeaux,  que  la  mort  le  força  de  laisser  inachevé, 
et  les  deux  asiles  de  convalescence  pour  les  ouvriers  pari- 
siens qu'il  fit  élever,  sur  un  programme  alors  nouveau,  à 
Vincennes  et  au  Vésinet.  Nommé  en  1861  membre  de  la 
première  commission  des  bâtiments  des  lycées,  Laval  fit 


élever  le  lycée  de  Toulon.  On  doit  encore  à  cet  architecte 
des  églises  dans  le  dép.  du  Gard  et  le  palais  de  justice  de 
la  ville  d'Alais  et,  parmi  les  constructions  privées,  la  belle 
villa  Dubochet,  près  de  Clarens,  sur  le  lac  de  Genève, 
l'hôtel  de  la  Banque  à  Bilbao  (Espagne)  et  d'importantes 
niaisons  sur  le  boulevard  Pereire  à  Paris.     Ch.  Lucas. 

LAVALADE.  Corn,  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de 
de  Bergerac,  cant.  de  Montpazier  ;  158  hab. 

LAVALOENS.  Com.  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Gre- 
noble, cant.  de  Valbonnais  ;  449  hab. 

LAVALETTE.  Com.  du  dép.  de  FAude,  arr.  de  Carcas- 
sonne,  cant.  de  Montréal  ;  382  hab. 

LAVALETTE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
de  Toulouse,  cant.  de  Verfeil  ;  479  hab. 

LAVALETTE.  Com.  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  de  Lo- 
dève,  cant.  de  Lunas;  141  hab. 

LA  VALETTE.  Capitale  de  l'île  de  Malte  (V.  ce  mot). 

LA  VALETTE  (Nogaret  de)  (V.  Epernon). 

LAVALETTE  (Antoine  de),  jésuite,  né  près  de  Vabres 
le  21  oct.  1707,  mort  après  1762.  Entré  à  treize  ans  dans 
la  Société  de  Jésus,  il  devint  en  1747  supérieur  des  mis- 
sions de  la  Martinique.  Son  emploi  devait  être  de  vaquer  à 
la  conversion  et  à  l'instruction  rehgieuse  des  nègres.  Il  pré- 
•  fera  les  faire  travailler  à  ses  intérêts,  inséparables,  d'ail- 
leurs, de  ceux  de  sa  Compagnie,  d'après  les  statuts  de  laquelle 
un  membre  ne  doit  rien  posséder  en  propre.  Il  monopohsa 
en  quelque  sorte  l'importation  et  l'exportation  de  l'Ile,  et 
eut  partout  des  correspondants,  entre  autres,  à  Paris,  le 
jésuite  Sacy.  Sur  la  plainte  des  colons,  il  fut  rappelé  par 
le  roi  en  1753  ;  mais  le  crédit  de  la  Compagnie  ne  tarda 
pas  à  le  faire  renvoyer,  sur  la  promesse  écrite  de  se  bor- 
ner à  son  ministère  religieux.  Ce  fut  sous  les  titres  de  visi- 
teur général  et  de  préfet  apostolique  qu'il  reprit  le  cours 
de  ses  opérations  commerciales.  Sans  la  guerre  de  Sept  ans, 
elles  auraient  sans  doute  continué  à  prospérer  ;  elles  se 
soldèrent,  au  contraire,  par  un  passif  de  1,800,000  livres, 
dont  1,500,000  étaient  dues  à  deux  négociants  marseil- 
lais, Gouffre  et  Lioncy.  La  justice  consulaire  de  Marseille 
le  condamna  solidairement  avec  Sacy  (19  nov.  1759), 
puis  avec  toute  la  Société  établie  en  France  (sentence, 
par  défaut,  du  29  mai  1760).  Au  lieu  d'en  appeler  des 
consuls  de  Marseille  à  la  commission  du  conseil  établie 
pour  juger  les  procès  commerciaux  de  l'Amérique,  les 
jésuites  plaidèrent,  sur  le  conseil  de  leur  affilié  de  La 
Grandville,  conseiller  d'Etat,  par-devant  la  grand'chambre 
du  parlement  de  Paris.  L'avocat  général  Le  Peletier  de 
Saint-Farjeau  adopta  entièrement  les  conclusions  de  Ger- 
bier,  qui  parla  contre  eux,  et  l'arrêt  du  8  mai  1761  fut 
rendu  contre  toute  la  Société.  Le  parlement,  soutenu  par 
l'opinion,  marcha  alors  de  victoires  en  victoires,  jusqu'à 
l'aboUtion  des  jésuites  en  France  (nov.  1764).  On  ne  sait 
où  ni  à  quelle  date  mourut  La  Valette,  dont  le  procès  fut 
l'occasion  bien  plus  que  la  cause  de  ce  dénouement  ines- 
péré. H.  MONIN. 

BiBL.  :  Voltaire,  Œuvres  complètes;  Paris,  1885,  t.  XV, 
p.  398  ;  t.  XVI,  p.  101,  in-8.  V.  Jésuites. 

LA  VALETTE  (Famille  de)  (V.  Valette  [La]). 

LA  VALETTE  (Sophie  Mïchâult  de)  (V.  Gay  [M"^«]). 

LAVALLÉE.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Com- 
mercy,  cant.  de  Pierrefitte  ;  231  hab. 

LAVALLÉE  (Fouques-Deshayes  (V.  Desfontaines). 

LA  VALLÉE  (V.  Vallée  [De  La]). 

LAVALLÉE  (Joseph-Adrien-Félix),  écrivain  cynégétique 
français,  né  à  Paris  le  8  août  1801,  mort  en  juil.  1878. 
Fondateur  du  Journal  des  chasseurs  (1836),  il  a  donné 
un  certain  nombre  d'ouvrages  spéciaux,  parmi  lesquels  : 
la  Chasse  à  tir  en  Franc/ (1854,  in-12,  plus,  éd.)  ;  la 
Chasse  à  courre  (1856,  in-12);  la  Chasse  de  Gaston 
Phœbus,  comte  de  Foix  (1854,  in-8)  ;  les  Récits  d'un 
vieux  chasseur  (1858,  in-12);  une  traduction  en  vers  de 
la  Partie  de  Chasse  d'Hercule  Strozzi,  etc. 

LAVALLÉE  (Théophile),  historien  français,  m  à  Paris 


LA  VALLEE  —  LAVARDAC 


4052 


le  13  oct.  1804,  mort  à  Versailles  le  '29  août  1866.  Pro- 
fesseur de  géographie  et  de  statistique  militaire  à  l'Ecole 
de  Saint-Cyr,  il  a  laissé  des  ouvrages  d'histoire  et  de  géo- 
graphie qui  ont  obtenu  un  très  grand  succès.  Citons  :  Jean 
sans  Peur  (Paris,  1829,  in-12);  Géographie  physique, 
historique  etmilitaire  de  la  France(iSd^,  in-12,  nombr. 
éd.);  Histoire  des  Français  (iS?)d>-li ,  2  vol.  gr.  in-8  ; 
20^  éd.,  1874,  6  vol.  in-12);  Atlas  de  géographie  mi- 
litaire {\SM-ï:>S,  in-fol.);  Histoire  de  Paris  (-1852,  in-8); 
M^^  de  Maintenon  et  la  maison  de  Saint-Cyr  (1853, 
in-8);  Histoire  de  f Empire  ottoman  (1855,  gr.  in-8); 
la  Famille  d'Aubigné  et  l'enfance  de  M'^^  de  Mainte- 
non  (1863,  in-8);  les  Frontières  de  la  France  (1864, 
in-1^),  etc.  Il  a.  publié  la  Correspondance  de  M^^  de 
Maintenon  (1865-66,  4  vol.  in-12),  et  réédité  avec  mise 
au  courant  la  Géographie  de  Malte-Brun  (1872,  6  vol. 
gr.  in-8). 

LA  VALLETTE  (Louis  de)  (V.  Vallette  [Louis  de  La]). 

LAVALLEY  (Alexandre-Théodore),  ingénieur  et  homme 
politique  français,  né  le  9  oct.  1821,  mort  au  château 
de  Bois-Thillard,  com.  de  Heux  (Calvados),  le20  juil.  1892. 
Sorti  en  1842  de  l'Ecole  polytechnique,  il  choisit  l'arme 
du  génie,  mais  démissionna  presque  aussitôt  et  se  rendit 
en  Angleterre,  où  il  s'embaucha  comme  simple  ouvrier, 
puis  comme  mécanicien  chaufiéur.  De  retour  en  France, 
il  entra  comme  ingénieur  dans  la  fabrique  de  machines 
a  vapeur  et  de  locomotives  de  son  ancien  condisciple 
Ernest  Gouin,  puis  s'associa  avec  Borel  pour  l'entreprise 
des  dragages  du  canal  de  Suez.  Il  exécuta  plus  tard,  à  la 
Réunion,  les  travaux  du  port  et  du  chemin  de  fer  de  la 
Pointe-des-Galets.  Candidat  malheureux  à  Lisieux  et  à 
Falaise  lors  des  élections  législatives  de  1876  et  de  1877, 
il  fut  élu  sénateur  du  Calvados  en  janv.  1885  et  siégea  à 
la  Chambre  haute  sur  les  bancs  de  la  majorité  républicaine. 
Il  a  publié:  Communications  à  la  Société  des  ingé- 
nieurs civils  sur  les  travaux  de  V isthme  de  Suez  (Paris, 
1866-69,  2  vol.  in-8);  JSote  sur  le  tunnel  entre  la 
France  et  l'Angleterre  (Paris,  1877,  in-4),  etc.     L.  S. 

LA  VALU  ÈRE  (V.  Vallière  [De  La]). 

LA  VAN  CIA.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  et  cant.  de 
Saint-Claude;  165  hab. 

LAVANDE.  I.  Botanique.  —  {Lavandulalomvi.),(^mvQ 
de  plantes,  de  la  famille  des  Labiées,  tribu  des  Ocymoï- 
dées,  caractérisées  par  le  calice  tubuleux,  à  bords  presque 
entiers  ou  découpés  par  quatre  dents  très  courtes  en  cinq 
divisions  dont  la  postérisure  la  plus  développée  forme  un 
lobe  distinct  d'abord  couché  sur  le  sommet  du  bouton, 
puis  redressé  ;  par  la  corolle  bilabiée,  à  lèvre  supérieure 
plus  développée  que  l'inférieure;  parles  quatre  étamines 
didynames,  les  deux  supérieures  plus  courtes,  à  anthères 
confluentes  ;  par  le  gynécée  formé  de  quatre  demi-loges  ova- 
riennes, et  le  style  gynobasique  dilaté  à  son  sommet  en 
une  tête  stigmatifère  à  deux  lobes  aplatis  et  obtus;  le 
fruit  est  une  tétrachaine  à  calice  persistant.  Les  Lavandes 
sont  des  herbes  vivaees  méditerranéennes,  à  feuilles  op- 
posées, étroites,  entières  ou  découpées  ;  les  inflorescences 
sont  portées  sur  des  axes  allongés,  dressés.  Le  genre  La- 
vande peut  se  subdiviser  en  deux  sections  :  1"*^  section  . 
Spica.  Lavandes  à  bractées  florales  pluriflores,  les  supé- 
rieures fertiles,  peu  développées,  plus  courtes  que  les 
fleurs  qui  occupent  leur  aisselle.  Elle  comprend  la  Lavande 
vraie  ou  L.  femelle  (L.  vera  D.C.,  L.  vulgaris  Larnk., 
L.  officinalis  Chaix)  ;  on  l'appelle  encore  Garde-Robe, 
Nard  d'Italie  ou  Nard  faux  ;  la  Lavande  mâle  ou  Spic 
(L.  Spica  D.G.,  L.  latifolia  Vill.),  qui  peut  être  consi- 
dérée comme  une  variété  de  la  précédente  et  cfui  est  dé- 
signée dans  le  Midi  sous  les  noms  de  Badase,  Espic  ou  Aspic, 
Espido  ou  Spicanard  commun.  2®  section  :  Stœchas.  La- 
vandes à  inflorescence  surmontée  d'une  couronne  de  brac- 
tées stériles  développées,  souvent  colorées.  Elle  renferme 
la  Lavande  Stœchas  ou  Stœchas  arabique  (L.  Stœchas 
h.,  Stœchas  officinarum  Mill. ,  S,purpurea  Tourn.)  et  des 
espèces  telles  que  L,  viridis  Ait.  et  L,  pedunculata  Cav., 


parfois  employées  comme  succédanées  du  vrai  Stœchas. 

IL  Thérapeutique.  —  Toutes  les  lavandes  sont  douées 
de  propriétés  aromatiques,  excitantes  et  antispamodiques. 
Les  fleurs  de  la  lavande  vraie  servent  comme  sternuta- 
toires.  On  prescrit  les  fleurs  de  lavande  en  poudre  à  la 
dose  de  2  à4  gr.,  en  infusion  à  dose  double  ;  l'eau  distillée 
se  donne  à  la  dose  de  30  à  60  gr.,  Talcoolat  à  celle  de  2 
à  4  gr.  en  potion  ;  par  la  distillation  des  fleurs  on  obtient 
une  huile  essentielle  de  lavande  d'odeur  aromatique  forte 
et  de  saveur  brûlante  et  amère,  qui  intéresse  plus  la  par- 
fumerie que  la  thérapeutique  ;  elle  sert  cependant  à  com- 
poser des  bains  aromatiques  très  actifs.  Les  fleurs  de  la- 
vande entrent  dans  la  confection  du  vinaigre  aromatique 
des  hôpitaux,  du  vinaigre  antiseptique  ou  des  quatre  vo- 
leurs et  du  baume  tranquille  ;  elles  entraient  jadis  dans 
Peau  vulnéraire,  le  baume  nerval,  etc.  La  lavande  spic 
sert  à  fabriquer  de  l'esprit  de  lavande  et  particulièrement 
de  Pessence  d'aspic  ou  huile  de  spic,  qui  renferme  presque 
le  quart  de  son  poids  d'une  stéaroptène  analogue  au 
camphre;  cette  huile  est  employée  contre  la  teigne  et  en 
frictions  contre  la  paralysie,  mais  sert  principalement  dans 
rindustrie.  Enfin,  la  lavande  stœchas  est  employée  sur- 
tout dans  certaines  gastralgies,  l'aménorrhée  torpide  et  le 
catarrhe  pulmonaire.  On  prescrit  les  sommités  fleuries  à  la 
dose  de  4  à  8  gr.  ;  elles  entrent  dans  le  sirop  de  stœchas 
simple  ou  composé,  le  mithridate,  le  sirop  d'érysimum 
composé,  etc.  D^  L.  Hn. 

Essence  de  lavande  (V.  Essence). 

LAVANDIÈRE  (Ornith.).  On  désigne  sous  le  nom  de 
Lavandières  ou  de  Hochequeues  deux  espèces  de  Mota- 
cilla  (M.  lugubris  Tem.  et  M.  alba  L.),  qui  se  distin- 
guent des  autres  espèces  du  même  genre  par  leur  livrée 
sombre  (V.  Bergeronnette). 

LAVANGEOT.Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Dole,  cant. 
de  Rochefort;  102  hab. 

LAVANNES.Com.  du  dép.  de  la  Marne,  arr.  de  Reims, 
cant.  de  Bourgogne;  545  hab. 

LAVANS.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Besançon, 
cant.  de  Quingey;  172  hab. 

LAVANS.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Dole,  cant. 
de  Rochefort  ;  280  hab. 

LAVANS-lès-Saint-Claude  ou  lès-Louvières.  Com.  du 
dép.  du  Jura,  arr.  et  cant.  de  Saint-Claude;  707  hab. 
Stat.  du  chem.  de  fer  P.-L.-M.,  ligne  de  La  Cluse  à  Saint- 
Claude.  Fabriques  d'articles  de  tournerie. 

LAVANS-sur-Valouse.  Com,  du  dép.  du  Jura,  arr.  de 
Lons-le-Saunier,  cant.  d'Arinlhod  ;  323  hab. 

LAVANS-Vuillafans.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de 
Besançon,  cant.  d'Ornans;  313  hab. 

LAVANT.  Rivière  d'Autriche  (Carinthie),  affl.  g.  de  la 
Drave,  longue  de  60  kil.  Sa  vallée,  orientée  du  N.-O.  au 
S.-E.,  est  suivie  par  un  ch.  de  fer;  elle  renferme  Saint- 
Leonhard,  W^olfsberg,  Saint-Andrae,  Saint-Paul,  Lavamiind. 
BiBL.  :  H.EGEL,  Fàhrer  in  dus  Lavantthall  ;  Wolfsber^, 
1884. 

LAVAQUERESSE.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de 
Vervins,  cant.  de  Guise  ;  545  hab. 

LAVARANDE.  Village  d'Algérie,  dép.  d'Alger,  arr.  et  à 
13  kil.  S.-O.  de  Miliana  ;  1 ,084 hab.  Sol  fertile,  bien  arrosé. 

LAVARANDE  (Louis -Léon  de  Pecqueult  de),  général 
français,  néà  Paris  le  25mail813,  mort  le  7  juin  1855. 
Elève  de  l'Ecole  de  Saint-Cyr,  il  fut  nommé  sous -lieutenant 
d'infanterie  le  27  déc.  1833.  Parti  pour  l'Afrique  en  1840 
oti  il  fut  officier  d'ordonnance  du  duc  d'Aumale,  il  ne  revint 
en  France  qu'en  1854  pour  faire  la  campagne  de  Crimée 
à  la  tête  du  7*^  de  ligne.  Promu  général  de  brigade  le 
21  mars  1855,  il  fut  tué  devant  Sebastopolà  Pattaque  du 
Mamelon  vert. 

LAVARDAC.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  Lot-et-Garonne, 
arr.  de  Nérac;  2,470  hab.  Cette  bastide  fut  fondée,  dans 
la  seconde  moitié  du  xni®  siècle,  sur  un  plan  régulier, 
aux  abords  de  la  Ténarèze,  voie  romaine  très  fréquentée 
au  moyen  âge.  Ses  premiers  habitants  entrèrent  en  conflit 


-  10.^3 


LAVARDAC  -  lAVATER 


avec  le  bailli  de  Vianne  et  les  seigneurs  de  llsle,  qui  avaient 
des  possessions  dans  le  voisinage.  Lavardac,  qui  devint  au 
XI v*'  siècle  un  chef-lieu  de  bailliage  et  une  châtellenie,  fut 
administré  tour  à  tour  aux  hasards  de  la  guerre  par  des 
barons  anglais  et  français.  Il  fut  cédé  par  le  roi  Charles  VI 
à  Amanieu  d'Albret.  En  1621,  cette  ville  tenta  vainement 
de  résister  à  Mayenne  ;  la  démolition  de  ses  remparts  et  de 
son  château  paraît  dater  de  cette  époque.  —  Lavardac,  des- 
servi par  le  chemin  de  fer  de  Port-Sainte-Marie  à  Riscle 
et  par  la  Bayse  canalisée,  est,  avec  Barbaste,  qui  semble 
être  son  faubourg,  une  des  villes  du  Lot-et-Garonne  où  se 
fait  le  plus  grand  trafic  de  produits  agricoles,  vins  et  eaux- 
de-vie  du  Gers,  bois  et  lièges  des  landes  néracaises,  etc. 
BiBL.  :  J.-B.  Truaut,  Monographie  historique  du  can- 
ton de  Lavardac;  Agen,  1851,  i'n-S. 

LAVARDENS.  Corn,  du  dép.  du  Gers,  arr.  d'Auch,  cant. 
de  Jegun;  912  hab.  Eaux  minérales  bicarbonatées  cal- 
ciques,  d'une  température  de  19°,  employées  en  bains  et 
en  boisson  pour  le  traitement  de  la  dyspepsie,  de  la  gas- 
tralgie, des  fièvres  intermittentes  et  du  lymphatisme. 

LAVARDIN  (Lauardmum),  Com.  du  dép.  de  Loir-et- 
Cher,  arr.  de  Vendôme,  cant.  de  Montoire,  sur  la  rive 
gauche  du  Loir  ;  443  hab.  On  y  voit  une  très  intéressante 


Ruines  du  château  de  Lavardin. 

éghse  du  xi^'  siècle  et  les  ruines  fort  imposantes  d'un  châ- 
teau fort  construit  du  xi^  au  xv^  siècle  et  démoli  en  1590 
par  le  canon  des  troupes  de  Henri  IV. 

BiBL.  :  Marquis  de  Rociiaaibeau,  Epigraphie  et  icono- 
graphie du  Vendômois,  t.  II,  pp.  133-155. 

LAVARDIN.  Com.  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  du  Mans, 
cant.  de  Conlie;  441  hab. 

LAVARDIN  DE  Beaumânoir  (V.  Beaumanoir). 

LAVARÉ.  Com.  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  de  Saint-Ca- 
lais,  cant.  de  Vibraye;  1,267  hab. 

LA  VARENNE  (Marquis  de)  (V.  Fouquet  [Guillaume]). 

LA  VARENNE  (Mathon  be)  (V.  Varenne). 

LAVARET.  I.  Ichtyologie.  — Nom  vulgaire  d'une  forme 
appartenant  au  genre  Coregonus,  Poissons  osseux  (Téléos- 
téens)  de  Tordre  des  Physostomes  et  de  la  famille  des  Salmo- 


Lavaret  (Coregonus  lavaretus). 

nid8e,ayant  pour  caractères  le  corps  un  peu  comprimé,latérale- 
ment  couvert  d'écaillés  caduques  assez  grandes  et  arrondies, 
la  bouche  petite,  le  maxillaire  court,  fes  dents,  quand  elles 
existent,  petites  et  tombant  facilement,  une  dorsale  haute 


eu  avant,  obliquement  tronquée  en  arrière,  placée  en  avant 
des  ventrales.  Le  type  du  genre,  le  Coregonus  lavare- 
tus, le  Lavaret,  est  un  poisson  à  dos  gris  bleuâtre  ;  les 
flancs  et  le  ventre  sont  d'un  blanc  d'argent  brillant;  la  ligne 
latérale  est  ponctuée  de  noir  ;  les  nageoires  sont  lavées  de 
gris  vers  leur  extrémité  et  teintées  de  noir;  l'œil  est  ar- 
genté. Cette  forme  est  très  commune  dans  le  lac  du  Bour- 
get  et  manque  dans  le  lac  de  Genève  ;  on  la  rencontre  éga- 
lement dans  les  lacs  de  la  Bavière  et  de  l'Autriche.  Elle  se 
nourrit  de  larves  d'insectes,  de  petits  crustacés  et  de  débris 
organiques.  Les  Lavarets  se  tiennent  habituellement  dans 
les  eaux  profondes  ;  au  moment  du  frai,  ils  se  réunissent 
en  troupes  souvent  si  pressées  que,  les  animaux  se  frottant 
les  uns  contre  les  autres,  leurs  écailles  se  détachent  et 
troublent  l'eau  sur  une  grande  étendue.  Rochbr. 

II.  Pèche.  —  La  pêche  se  fait  à  la  senne  et  au  moyen 
de  deux  bateaux  ou,  au  moment  du  frai,  au  moyen  d'un 
seul  bateau,  une  des  extrémités  de  la  senne  étant  amarrée 
à  un  pieu. 

III.  Art  culinaire.  —  Le  lavaret,  dont  la  chair  est  très 
estimée,  subit  les  mêmes  préparations  culinaires  que  la 
truite  (V.  ce  mot). 

BiBL.  :  Ichtyologie.  —  Gunther,  Study  of  Fishes.  — 
Sauvage,  dans  Brehm,  éd.  franc.,  Poissons. 

LAVARS.  Com.  du  dép.  de  l'Isère,  arr.  de  Grenoble, 
cant.  de  Mens;  285  hab. 

LAVASTRIE.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  et  cant.  (S.) 
deSaint-Flour;588hab.  ^ 

LAVATER  (Johann-Kaspar) ,  écrivain  suisse,  né  à 
Zurich  le  15  nov.  1741,  mort  à  Zurich  le  2  janv.  1801. 
Son  père  était  médecin  et  membre  du  conseil  de  la  ville. 
Le  jeune  Lavater  étudia  la  théologie  à  Zurich  ;  il  reçut 
l'ordination  sacrée  en  1762,  et  il  commença  son  ministère 
par  un  acte  de  courage.  Il  accusa  publiquement  un  fonc- 
tionnaire prévaricateur,  contre  lequel  personne  n'osait  éle- 
ver la  voix,  et  il  le  fit  condamner.  Il  fit  ensuite,  avec  son 
ami  Fiissli,  un  voyage  à  Leipzig,  à  Berlin  et  jusqu'en 
Poméranie,  où  il  visita  le  théologien  Spalding.  Au  retour, 
il  publia  ses  Schweizerlieder  (Berne,  1767),  et  ensuite 
les  Aussichten  in  die  Eivigkeit  (Zurich,  1768-73, 4  vol.) 
qui  ne  furent  que  le  prélude  d'autres  ouvrages  mystiques.  Il 
fut  nommé  diacre  en  1769,  et  pasteur  à  la  Waisenhaus- 
kirche  en  1775.  Trois  ans  après,  il  passa  à  la  Peters- 
kijrche,  où  se  trouve  son  tombeau.  Ayant  eu  à  faire,  en 
1772,  une  lecture  devant  la  Société  des  sciences  naturelles 
de  Zurich,  il  prit  pour  sujet  l'Art  d'étudier  la  physio- 
nomie. Il  envoya  son  discours  au  médecin  Zimmermann, 
qui  le  fit  imprimer.  L'opuscule  fit  sensation,  on  le  discuta, 
Lavater  répondit,  et  ainsi  se  forma  peu  à  peu  l'ouvrage 
qui  a  fait  sa  célébrité  :  Physiognomische  Fragmente  zur 
Befœrderung  der  Menschenkenntniss  und  Menschen- 
/z^/?^  (Leipzig  et  Winterthur,  1775-78,  4  vol.).  En  1774, 
il  se  rendit  aux  eaux  d'Ems,  et  fit  avec  Gœthe  un  voyase 
le  long  du  Rhin,  où  ils  se  rencontrèrent  avec  Basedow, 
Jung-Stillmg  et  le  philosophe  Jacobi  (V.  Gœthe,  Wahr- 
heit  und  Dichtung,  livre  XIV).  En  1798,  la  ville  de  Zu- 
rich s'étant  montrée  hostile  à  l'établissement  de  la  Répu- 
blique helvétique,  dix  des  principaux  citoyens  furent 
arrêtés  et  conduits  à  Bâle.  Lavater  était  du  nombre;  il  pro- 
testa et  fut  relâché  avec  ses  compagnons.  L'année  suivante, 
lors  de  la  bataille  de  Zurich,  pendant  qu'il  était  occupé  à 
secourir  les  fugitifs,  un  soldat  vaudois,  qui  le  connaissait 
comme  l'un  des  chefs  du  parti  conservateur,  lui  tira  un 
coup  de  fusil,  qui  le  blessa  mortellement.  —  Un  choix  de 
ses  œuvres  a  été  publié  par  Orelli  (Zurich,  1841-44, 
8  vol.).  Ses  cantiques,  Zwei  Hundert  christlicher  Lie- 
der  (Zurich,  1806),  dont  une  partie  servent  encore  mi 
culte,  ont  souvent  été  réimprimés  séparément.  —  Lavater, 
comme  physionomiste,  eut  pour  contradicteurs  le  satirique 
Lichtenberg  et  le  conteur  Musaîus,  l'un  dans  un  article  de 
l'Almanach  de  Gœttingue  de  1778,  Ueber  die  Physiogno- 
mik  wider  die  Physiognomen,  l'autre  dans  ses  Physio- 
gnomiscke  Reisen  (Altenburg,  1778).  Par  contre,  Gœthe 


LAVATER  —  LAVAUR 


—  105/1. 


suivait  avec  intérêt  les  observations  de  Lavater,  et  Ton  a 
vu  que  Zimmermann  les  signala  d'abord  à  l'attention  du 
monde  savant,  il  ne  faut  pas  oublier,  lorsqu'on  veut  juger 
Lavater,  que  la  physiognomonie  n'était  pas  pour  lui  une 
science,  mais  un  art,  et  même  moins  que  cela,  un  exer- 
cice. Ce  qu'il  observait,  ce  n'était  pas  la  configuration  ma- 
térielle d'une  tête,  mais  l'expression  des  yeux  et  de  la 
bouche  et  tout  le  jeu  vivant  de  la  physionomie.  La  phy- 
siognomonie est,  en  un  sens,  le  contraire  de  la  phrénolo- 
gie.  Lavater  était  arrivé,  dans  son  exercice  favori,  à  un 
degré  de  sûreté  qui  étonnait  ses  contemporains.  On  le  met- 
tait à  l'épreuve.  On  lui  envoya  un  jour,  au  lieu  du  por- 
trait de  Gœthe,  celui  du  docteur  Bahrdt  ;  il  protesta  contre 
l'exactitude  du  portrait,  quoiqu'il  ne  connût  encore  Gœthe 
que  par  ses  ouvrages.  Au  reste,  il  avouait  modestement  que, 
dans  l'art  qu'il  pratiquait,  on  n'était  jamais  qu'un  apprenti, 
et  il  ajoutait,  dans  l'excellence  de  son  cœur,  que  le  peu  de 
progrès  qu'il  avait  faits  dans  la  connaissance  des  hommes  ne 
lui  avait  appris  qu'à  les  aimer  davantage.        A.  Bossert. 

BiBL.  :  G.  Gessner,  Lebensbeschreibung  Lavaters  ; 
Winterthur,  1802,  3  vol.—  Gœtfie's  Briefe  an  Lavater,  éd.  par 
Hirzel;  Leipzig,  1833.  —  IIegner,  Beitrœge  zur  nœheren 
Kenntniss  Lavaters;  Leipzig,  1836.  —  Bodemann,  Lavater 
nach  seinem  Leben^  Lehren  und  Wirken;  Gotha,  1856. 
—  MuNCKER,  Lavater,  eine  Skizze  seines  Lebens  und 
Wirkens;  Stuttgart,  1883.  ~  A.  Bossert,  Gœthe,  ses 
précurseurs  et  ses  contempofains;  Paris,  1892,  3«  éd. 

LAVATÈRE  (Lavatera  L.)  (Rot.).  Genre  de  Malvacées, 
très  voisin  des  Guimauves  (V.  ce  mot  et  Alth^â),  dont  il  ne 
diffère  que  par  les  deux  caractères  suivants  :  calicule  formé 
de  3  à  6  folioles  unies  à  leur  base  ;  portion  ovarienne  des 
carpelles  recouverte  par  une  sorte  d'auvent  circulaire  que 
forme  au-dessus  d'eux  le  sommet  dilaté  de  l'axe  floral.  Ce 
sont  des  plantes  mucilagineuses  qui  servent  aux  mêmes 
usages  que  les  Mauves  et  les  Guimauves.  Espèces  princi- 
pales :  L.  thuringica  L.  (Allemagne),  L.  arborea  L. 
(S.  de  la  France),  L.  triloba  L.  (Espagne).        D**  L.  Hn. 

LAVATOGGIO.  Com.  du  dép.  de  la  (^orse,  arr.  de  Cahi, 
cant.  de  Muro;  356  hab. 

LAVATORlUiVl  (Archit.).  On  donnait  ce  nom,  dans  les 
anciens  monastères,  à  un  bassin  souvent  surmonté  d'une 
vasque  avec  jet  d'eau  et  qui  servait  aux  religieux  à  faire 
leurs  ablutions  ou  à  laver  les  corps  des  défunts  avant  l'in- 
humation. L'abbaye  du  Mont-Saint-Michel  possédait  autre- 
fois un  très  beau  lavatorium  et  on  voit  encore,  de  nos 
jours,  dans  un  angle  du  cloître  de  l'abbaye  de  Monreale 
en  Sicile,  un  de  ces  bassins  de  forme  octogonale,  avec  vasque 
au-dessus  et  jet  d'eau,  affecté  à  la  même  destination.  Les 
lavatoriums  servant  spécialement  au  lavage  des  morts  étaient 
surtout  fréquents  dans  les  monastères  des  ordres  de  Cluny 
et  de  Cîteaux,  et  Viollet-le-Diic  {Dict.  de  V Architecture, 
t.  VI)  décrit  ainsi,  d'après  les  Actes  des  Apôtres  du  sieur 
de  Moléon,  le  lavatoire  ou  lavatorium  de  l'abbaye  de  Cluny  : 
«  Au  milieu  d'une  chapelle  fort  spacieuse  et  fort  longue  où 
l'on  entre  du  cloître  dans  le  chapitre,  est  le  lavaloire,  qui 
est  une  pierre  longue  de  6  à  7  pieds,  creusée  environ  de 
6  à  8  pouces  de  profondeur  avec  un  oreiller  de  pierre  qui 
est  d'une  même  pièce  que  l'auge,  et  un  trou  au  bout,  du 
côté  des  pieds,  par  où  s'écoulait  l'eau  après  qu'on  avait 
lavé  le  mort.  »  Une  figure,  jointe  à  la  description,  ne  laisse 
aucun  doute  sur  l'usage  spécial  de  ce  lavatorium.    Ch.  L. 

LAVAU.  Com.  du  dép.  de  l'Aube,  arr.  et  cant.  (1®^)  de 
Troyes;  179  hab. 

LAVAU.  Com.  du  dép.  de  la  Loire-Inférieure,  arr.  de 
Saint-Nazaire,  cant.  de  Savenay  ;  841  hab. 

LAVAU.  Com.  du  dép.  de  l'Yonne,  arr.  de  Joigny,  cant. 
de  Saint-Fargeau  ;  1,332  hab. 

LAVAU  (V!  BOMBELLES). 

LAVAU  DIEU.  Com.  du  dép.  de  la  llaute-Loire,  arr.  et 
cant.  de  Brioude  ;  658  hab. 

LA  VAUGUYON  (V.  Vauguyon). 

LAVAU LT-Sainte-Anne.  Com.  du  dép.  de  l'Allier,  arr. 
et  cant.  (E.)  de  Montluçon  ;  468  hab. 

LAVAUR.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de  Sarlat, 
cant.  do  Villefranche-de-Belvès  ;  297  hab. 


LAVAUR  (Vaurum).  Ch.-l.  d'arr.  du  dép.  du  Tarn, 
sur  l'Agoût;  6,477  hab.  L'origine  de  cette  ville  est  incon- 
nue ;  le  château  est  cité  pour  la  première  fois  en  l'an  1035. 
La  ville  naît  à  la  fin  du  xi^  siècle  ;  les  éghses  de  Saint- 
Christophe  et  de  Saint-Elan  sont  données  la  première 
à  l'abbaye  de  Conques  en  Rouergue,  la  seconde  à  l'abbaye 
de  Saint-Pons  de  Thomières.  Le  saint,  patron  de  l'église  de 
Saint-Elan,  est  d'ailleurs  inconnu;  plus  tard  on  a  mis  sous 
son  nom  les  actes  du  célèbre  saint  Amand  d'Elnone,  et 
cette  fraude  pieuse  a  trompé  beaucoup  d'érudits  modernes 
qui  ont  cru  que  Lavaur  existait  déjà  à  l'époque  mérovin- 
gienne. Lavaur  au  xii"^  siècle  fait  partie  des  Etats  de  la 
maison  des  Trencavels;  Simon  de  Montfort  vient  l'assiéger 
(1211)  et  s'en  empare  le  3  mai  après  une  résistance 
acharnée  :  les  défenseurs  furent  massacrés  et  les  hérétiques 
brûlés  vifs.  Lavaur  ainsi  réduit  sert  d'asile  aux  pères  du 
concile  qui,  en  janv.  1213,  rejette  les  demandes  du  roi 
d'Aragon  en  faveur  des  comtes  du  Midi  ;  il  est  réoccupé 
par  le  jeune  Raimond  en  1220  et  la  paix  de  1229  laisse 
la  place  aux  comtes  de  Toulouse.  Possédé  par  Alphonse  de 
Poitiers,  de  1249  à  1271,  il  passe  ensuite  sous  la  domi- 
nation royale.  Au  xiv^  siècle,  devenu  chef-lieu  de  la  juge- 
rie  de  Viïielongue  et  évêché,  Lavaur  est  un  instant  menacé 
par  les  Anglais  en  1369.  En  1375,  le  duc  d'Anjou,  gou- 
verneur de  la  province,  cède  la  ville  et  la  chàteilenie  à 
Isabelle  de  Montferrat,  mais  les  habitants  réclament  et 
Charles  Y  annule  l'acte  de  son  frère.  Vers  1439,  Louis  XI 
les  donne  avec  le  titre  de  comte  à  Jean  de  Foix,  aliénation 
révoquée  à  la  requête  des  habitants  après  la  mort  du  roi. 
Au  XVI®  siècle,  la  Réforme  s'étabht  de  bonne  heure  à  La- 
vaur. Réoccupée  plus  tard  par  les  catholiques,  la  ville  de- 
vient une  des  places  fortes  du  parti  ligueur  qui  y  rassemble 
trois  fois  les  Etats  de  Languedoc  (1589-1590  et  1594). 
Elle  ne  se  soumet  à  Henri  IV  qu'en  1595  et  reste  dès  lors 
fidèle  à  la  couronne.  Au  xvn®  siècle,  elle  devient  définiti- 
vement le  siège  de  l'assiette  aux  assemblées  du  diocèse, 
qui  s'y  tiendra 'chaque  année  jusqu'en  1789.—  Lavaur  avait 
des  consuls  dès  le  xiii®  siècle  ;  l'élection  de  ces  magistrats 
fut  réglementée  en  1357  par  le  duc  de  Normandie.  Ses 
plus  anciennes  chartes  de  liberté  remontent  à  1209. 

L'évêché  de  Lavaur,  créé  en  1317  aux  dépens  de  celui 
de  Toulouse,  comptait  une  centaine  de  paroisses,  situées 
toutes  aujourd'hui  dans  le  dép.  du  Tarn,  sauf  une  seule, 
Revel  (Haute-Garonne).  L'ancien  prieuré  de  Saint-Elan 
était  desservi  par  un  chapitre  comptant  12  chanoines,  pré- 
sidés par  un  prévôt.  Voici  la  liste  sommaire  des  évêques 
de  Lavaur  jusqu'à  la  Révolution,  date  de  la  suppression 
de  ce  siège  :  Roger  d'Armagnac,  1317-1338;  Robert  de 
Foix,  1338-1348;  Archambault  de  Lautrec,  1348-1357; 
Robert  de  Villemur,  1358-1383;  Gilles  de  Bellemère, 
1383-1390,  canoniste  justement  célèbre;  Gui  de  La  Roche, 
1391-1393;  Bernard  de  Chevenon,  1395-1397;  Pierre  de 
Vissac,  1397-1405;  Bertrand  de  Maumont,  1405-1408; 
Pierre  Neveu,  1408-1410  ;  Pierre  Giraud,  administrateur 
perpétuel,  dit  le  cardinal  du Puy,  1410-1415;  JeanBelin, 
auteur  de  divers  ouvrages  de  droit  canonique,  1415-1433; 
Jean  Bouchet,  1433-1458  ;  Jean  de  Beausoleil,  élu  en 
1458,  non  confirmé;  Jean  Gentien,  1451-1469;  Jean 
Vigier,  1469-1497;  Hector  de  Bourbon,  1497-1502; 
Pierre  de  Rouer^çue,  prévôt  de  la  cathédrale  de  Toulouse, 
1502-1515;  Simon  de  Beausoleil,  1515-1525  ;  Pierre  du 
Buis,  prévôt  de  Saint- Etienne  de  Toulouse,  1525-1526; 
Georges  de  Selve,  diplomate  employé  souvent  par  FrançoisP^, 
1526-1542  ;  Pierre  de  Mareuil,  1542-1557  ;  Pierre  Danès, 
helléniste  connu,  1557-1576;  Pierre  du  Faur,  1576-1584  ; 
Horace  de  Birague,  neveu  du  chancelier  de  ce  nom,  1583- 
160  i .  Vacance  de  six  ans.  Claude  du  Vergier,  1 606-1 63(>  ; 
Charles  Fran(;ois  d'Abra  de  Raconis,  1637-1646;  Jean 
François  de  Tulles,  1646-1668  ;  Louis  d'Anglure  de  Bour- 
lemont,  nommé  en  1669,  n'accepta  pas;  Michel  Amelot 
de  Gournay,  1670-1673;  René  le  Sauvage,  1673-1677; 
Charles  Le  Goux  de  La  Berchère,  1677-1685;  Esprit  Flé- 
chier,  nommé  par  le  roi,  mais  non  consacré,  1685-1687  ; 


—  4055 


LAVAUR  —  LAVEAUGOUPET 


\^ictor-AugustiQ  de  Mailly,  1687-1712  ;  Nicolas  de  Maie- 
zieu,  1713-1748;  Jean-Baptiste-Joseph  de  Fontanges, 
1748-1764;  Jean-de-Dieu  Raimond  de  Boisgelin  de  Cicé, 
1764-1770;  Jean-Antoine  de  Castellane  résigna  son  titre 
en  1801  lors  du  Concordat,  Î770-1790. 

L'église  Saint-Elan  ou  x41ain  de  Lavaur  fut  reconstruite, 
en  partie,  aux  frais  des  consuls  après  1255.  Continuée  au 
xiv^  siècle,  elle  ne  fut  terminée  qu'au  xvi*',  sous  le  ponti- 
ficat de  Simon  de  Beausoleil.  Nef  unique  entourée  de  cha- 
pelles, tour  remarquable  avec  un  jaquemart  du  xvi«  siècle. 
Dans  l'une  des  deux  sacristies,  peintures  du  xvu^  siècle 
aujourd'hui  en  mauvais  état^  représentant  les  armoiries 
des  évéques  de  Lavaur  et  rappelant  les  principaux  événe- 
ments de  l'histoire  de  cette  ville.  Pont  du  xvin«  siècle  sur 
l'Agoût.  Es^lise  Saint-François  (xiv®  siècle)  avec  peintures 
murales.  Filatures  de  laines  et  de  soie;  élève  de  vers  à  soie 
et  culture  du  mûrier.  A.  Molinier. 

Conciles  de  Làvâur.  —  1 168,  concile  composé  des  métro- 
politains et  des  évéques  de  trois  provinces.  On  n'en  con- 
naît point  l'objet  {Gallia  christiana,  1. 1,  col.  1229).  — 
1215,  concile  assemblé  et  présidé  par  l'archevêque  de  Nar- 
bonne,  légat  du  pape,  pour  statuer  sur  les  demandes  du 
roi  d'Aragon,  tendant  à  faire  restituer  aux  comtes  de  Tou- 
louse, de  Béarn,  de  Foix,  de  Comminges  et  de  Béziers,  les 
terres  qu'on  leur  avait  enlevées.  Ces  demandes  furent  re- 
jetées, et  le  roi  d'Aragon  déclara  qu'il  prenait  sous  sa 
protection  les  excommuniés  et  leurs  domaines.  — 1568, 
concile  présidé  par  Pierre  de  La  Jugie,  archevêque  de  Nar- 
bonne.  Les  prélats  des  trois  provinces  d'Auch,  de  Nar- 
bonne,  de  Toulouse  s'y  réunirent.  Le  concile  fut  ouvert  le 
3  juin,  et  dura  quatre  jours.  On  y  publia  cent  trente-trois 
canons,  dont  une  grande  partie  est  tirée  des  conciles  tenus 
à  Auch  en  1300,  à  Avignon  en  1326  et  en  1337.  En 
outre,  le  CXXIIl*^  canon  confirme  les  conciles  provinciaux  de 
Narbonne,  de  Toulouse  et  d'Auch.  I  :  Résumé  de  la  doc- 
trine chrétienne,  pour  montrer  aux  cures  ce  qu'ils  doivent 
enseigner  au  peuple.  XIV  :  Abolition  de  toute  confrérie, 
assemblée  ou  association  n'ayant  point  pour  objet  l'hon- 
neur de  Dieu,  de  la  Sainte  Vierge  ou  des  saints.  XXXVII  : 
On  empêchera  les  excommuniés  d'exercer  aucune  fonction 
publique.  LXII  :  Quand  on  fera  un  testament,  on  devra 
appeler  le  curé.  LXXXII  :  On  ne  soufî'rira  point  qu'un 
prêtre  se  serve  de  son  bâtard  pour  lui  répondre  à  la  messe. 
CXI  :  Excommunication  ipso  facto  de  ceux  qui  contractent 
mariage  sans  la  permission  du  curé.  CXXXI  :  Injonction 
aux  seigneurs  et  aux  juges,  sous  peine  d'excommunication, 
de  contraindre  par  toutes  sortes  de  moyens  les  excommu- 
niés à  se  faire  absoudre.  E.-H.  Vollet. 

BiBL.  :  Histoire  de  Languedoc  (nouv.  éd.)?  passim. 
—  CoMPAYRÉ,  Etudes  historiques  et  documents  inédits 
sur  t' Albigeois^  pp.  458-474.  —  Congrès  archéologique^ 
session  de  1863,  pp.  448-4G0.  —  Hippolyte  CROZES,Mono- 
graphie  de  l'ancienne  cathédrale  de  Saint-Alain  de  La- 
vaur; Toulouse,  1865,  m-8.  —  E.-A.  Rossignol,  Assem- 
blées du  diocèse  de  Lavaur;  Paris,  1881,  in-8. 

LAVAURETTE.  Com.  du  dép.  de  Tarn-et-Garonne, arr. 
de  Montauban,  cant.  de  Caussade  ;  507  hab. 

LAVA USS EAU.  Com.  du  dép.  de  la  Vienne,  arr.  de  Poi- 
tiers, cant.  de  Veuille  ;  874  hab. 

LAVAUX  (Le  bief  des)  (V.  Doubs,  t.  XIV,  p.  1005). 

LAVAUX.  District  de  Suisse,  cant.  de  Vaud,  connu  par 
son  vignoble  bien  cultivé,  qui  produit  des  vins  renommés. 
Situé  sur  le  versant  méridional  du  Jorat  (V.  ce  mot),  il 
occupe  un  espace  d'environ  15  kii  ,  le  long  du  lac  Lé- 
man, entre  Vevey  et  Lausanne.  Le  cru  dit  «  le  Désaley  » 
fait  partie  du  district  de  La  vaux.  Le  vignoble  monte  du  lac 
vers  les  hauteurs  du  Jorat.  Les  villes  de  Lutry,  Cully  et 
Saint-Saphorin  sont  les  principales  localités  de  La  vaux. 

LAVAVEIX-LES-MfNEs.  Com.  du  dép.  de  la  Creuse,  arr. 
d'Aubusson,  cant.  de  Chénérailies;  3.888  hab.  Stat.  du 
ch.  de  fer  de  Felletin  à  Busseau-d'Ahun.  Autrefois  simple 
hameau  de  la  commune  de  Saint-Pardoux-les-Cards,  La- 
vaveix  a  pris  un  développement  rapide  à  la  suite  de  l'ex- 
ploitation de  la  houille,  et  a  été  érigée  en  commune  dis- 


tincte en  1868.  C'est  à  la  fin  du  siècle  dernier  seulement 
qu'on  a  découvert  le  gisement  houiller  du  bassin  d'Ahun 
dont  Lava veix  est  le  centre  :  en  1779  et  1786,  deux  eon^ 
cessions  de  quinze  ans  furent  accordées  à  des  particuliers 
pour  exploiter  les  mines  situées  à  Chanteaux  et  à  Four- 
neaux. Ant.  T. 

LAVAZAN.  Com.  du  dép.  de  la  Gironde,  arr.  de  Bazas, 
cant.  de  Grignols;  313  hab. 

LAVE.  ï.  Géologie.  —  Terme  communément  appliqué 
aux  roches  en  fusion  que  les  volcans  rejettent  sous  la  forme 
de  coulées  ou  de  projections  (V.  Volcan). 

IL  Technologie.  —  Certaines  laves  sont  très  employées 
dans  l'industrie  :  la  ponce  ou  pumite  s'utilise  en  morceaux 
et  en  poudre  ;  les  basaltes  découpés  en  tranches  minces 
peuvent  servir  pour  le  pavage  ;  la  pierre  de  Volvic  est 
employée  dans  les  usines  de  produits  chimiques  pour  faire 
des  cuves  inattaquables  ;  elle  a  servi  à  bâtir  la  cathédrale  de 
Clermont  et  on  en  fait  des  tombeaux,  des  statues  :  la  pierre 
d'Ecosse  sert  aux  graveurs  sur  cuivre  pour  polir  leurs  rou- 
leaux ;  la  cathédrale  de  Cologne,  l'établissement  thermal 
du  Mont-Dore  sont  construits  avec  l'espèce  de  roche  vol- 
canique appelée  trachyte  ;  la  domite  servait  aux  anciens  à 
faire  des  sarcophages;  la  pouzzolane,  récoltée  à  Pouzzole, 
près  de  Naples,  de  temps  immémorial,  était  très  recher- 
chée avant  les  travaux  de  Vicat  :  c'est  une  lave  décompo- 
sée; l'obsidienne  du  Mexique,  du  Pérou,  de  l'Islande  ser- 
vait à  faire  des  armes  chez  les  Incas,  des  miroirs  ;  on  en 
fait  encore  parfois  des  bijoux.  Dutrieux,  fabricant  de  faïence, 
mort  en  1828,  découvrit  la  manière  d'émailler  la  lave, 
procédé  encore  bien  imparfait  qu'il  communiqua  au  chi- 
miste Mortelèque,  étabh  à  Paris.  Mortelèque  perfectionna 
l'émail,  le  rendit  plus  propre  à  son  nouvel  usage  et  pro- 
duisit définitivement  le  premier  la  peinture  en  émail  sur 
lave.  Le  procédé  consiste  à  remplacer  par  des  plaques  de 
lave,  pour  la  peinture  monumentale,  la  toile,  le  bois  et  les 
mortiers  usités  jusqu'à  présent.  On  exécute  les  dessins  sur 
ces  plaques  avec  des  couleurs  vitrifiables  qui,  soumises  en- 
suite à  l'action  du  feu,  s'incorporent  à  la  matière  subjec- 
tive et  deviennent  indestructibles  ;  c'est  ce  qu'on  appelle 
la  peinture  en  émail  sur  lave,  dont  les  grès  psammites 
émaillés  et  les  ardoises  cmaillées  ne  sont  que  des  applica- 
tions particulières.  La  peinture  sur  lave  s'exécute  avec 
des  couleurs  de  porcelaine  sur  de  grandes  dalles  de  laves 
de  Volvic,  que  Ton  émaille  auparavant  à  la  cuisson  du 
moufle.  On  arrive  à  produire  ainsi  des  plaques  de  '2  et  3  m. 
de  dimension  et  d'une  seule  pièce.  L.  K. 

III.  Beaux-Arts.  —  Cette  matière,  par  sa  solidité  et  sa 
résistance  à  toutes  les  variations  de  la  température,  se 
prête  admirablement  à  la  décoration  intérieure  et  extérieure 
des  édifices.  Taillée  en  rectangles  plus  ou  moins  grands, 
ses  assises  d'un  gris  bleuâtre,  d'un  brun  foncé  ou  d'un 
jaune  clair,  aux  tons  fins,  s'harmonisent  très  bien  avec 
d'autres  matériaux  plus  grossiers.  Le  procédé  de  Morte- 
lèque (V.  plus  haut)  a  été  repris  plus  récemment  par 
M.  Paul  Balze  (V.  ce  mot)  pour  la  décoration  extérieure 
des  églises  ;  on  peut  voir  à  Paris  plusieurs  portails  d'églises 
dont  les  tympans  sont  ornés  de  ces  peintures  indélébiles. 
M.  Balze  a  aussi  exécuté  par  ce  procédé  diverses  copies 
d'après  les  maîtres.  La  meilleure  œuvre  qui  ait  été  pro- 
duite en  ce  genre  est  la  Madone  de  Contestabile,  diaprés 
Raphaël,  qui  orne  actuellement  le  musée  de  l'Ermitage,  à 
Saint-Pétersbourg.  Ad   Thiers 

LAVEAUGOUPET  (Sylvain-François-Jules  Merle  de  Lâ- 
BRUGfÈRE  de),  général  français,  né  à  Saint-Sulpice-le-Dunois 
(Creuse)  le  ^i8  avr.  1806,  mort  le  18  mai  1892.  Elève  de 
n^xole  de  Saint-Cyr,  puis  de  l'Ecole  d'état-inajor,il  prit  part, 
comme  lieutenant,  à  la  prise  d'Alger.  Promu  capitaine  en 
1833,  il  devint  aide  de  camp  du  général  Trézel  qui  com- 
mandait l'armée  d'Afrique.  Colonel  en  1852,  il  se  distin- 
gua particulièrement  pendant  la  campagne  d'Italie  où,  bien 
que  blessé  à  Magenta,  il  assista  néanmoins  à  la  bataille  de 
Solférino.  Général  de  brigade  en  1859  et  de  division  en 
1868,  il  commandait  pendant  la  guerre  de  d870  une  divi- 


LAVEAUCOUPET  —  LAVM.EYE 


1056  — 


sion  de  Tarmée  du  Rhin  (corps  Frossard)  avec  laquelle  il 
assista  aux  différentes  batailles  livrées  sous  Metz.  Prison- 
nier de  guerre  à  la  suite  de  la  capitulation,  il  quitta  le  ser- 
vice actif  en  4871.  Em.  Bernard. 

LAVEAUX  (Jean-Charles  Thibault  de),  grammairien  et 
publiciste  français,  né  à  Troyes  le  17  nov.  1749,  mort  à 
Paris  en  1827.  Professeur  de  français  en  Allemagne,  il 
dirigea  de  1791  à  1792  le  Courrier  de  Strasbourg,  vint 
à  Paris  et  rédigea  le  Premier  Journal  de  la  Conven- 
tion nationale  (1792-93),  puis  le  Journal  de  la  Mon- 
tagne (1793-96)  qui  publia  les  débats  des  Jacobins.  Il 
entra  ensuite  dans  les  bureaux  de  la  préfecture  de  la  Seine 
et  devint  inspecteur  général  des  prisons  et  hospices.  Il  a 
laissé  des  travaux  de  linguistique  qui  ont  de  la  valeur.  Ci- 
tons: le  Maître  de  langues  (Berlin,  1783,  in-8);  Dic- 
tionnaire synonymique  de  la  langue  française  (Paris, 
1826,  2  vol.  in-8);  Dictionnaire  des  difficultés  de  la 
langue  française  (1818,  gr.  in-8),  etc.  Mentionnons 
aussi  :  Vie  de^  Frédéric  II,  roi  de  Prusse  (Strasbourg, 
1788,  7  vol.  in-8),  et  Histoire  de  Pierre  IIl^  empereur 
de  Russie  (1798,  3  vol.  in-8). 

LAVEAUX  (Charles  Marty-)  (V.  Marty-Laveaux). 

LAVEDAN  (pagus  Levitanensis).  Petit  pays  du  comté 
de  Bigorre  qui  a  formé  pendant  plusieurs  siècles  une  vi- 
comte ayant  ses  seigneurs  particuliers.  La  vallée  de  Lave- 
dan  est  la  plus  grande  et  la  plus  belle  de  toutes  les  vallées 
de  la  Bigorre,  car  on  y  comprend  d'habitude  les  vallées 
latérales  ou  rivières  de  Batsouriguère,  de  Castelloubon, 
d'Estrem  de  Salles,  d'Azun,  de  Davantaigue,  de  Saint- 
Savin  et  de  Barèges.  La  petite  ville  d'Argelès  occupe  le 
fond  de  la  vallée  qui  aboutit  à  Lourdes,  la  capitale. 

Histoire.  —  Les  vicomtes  de  Lavedan  qui  ont  possédé  ce 
pays  pendant  plus  de  six  siècles  tenaient  dans  la  région  le 
second  rang  après  les  comtes  de  Bigorre.  Outre  leurs  terres 
du  Lavedan,  où  s'élevait  le  fort  château  de  Beaucens,  rési- 
dence seigneuriale,  ils  étaient  maîtres  de  la  seigneurie 
d'Andrest,  et  en  dehors  de  la  Bigorre  des  baronnies  d'Aure, 
de  Magnoac,  de  Barousse,  de  la  Neste,  de  Chaudesaigues 
et  de  Malause.  Les  premiers  vicomtes  de  Lavedan  dont  on 
ait  mention  s'appelaient  Anermans  et  Anerils  ;  ils  vivaient 
avant  945,  à  l'époque  oii  Raymond,  vicomte  de  Bigorre, 
rebâtit  le  monastère  de  Saint-Savin.  On  ne  possède  pas  la 
liste  chronologique  complète  des  seigneurs  de  Lavedan  ;  mais 
on  est  fondé  à  croire  que  la  même  famille  resta  maîtresse 
de  la  vicomte  depuis  Fortaner,  successeur  d'Anermans  et 
d'Anerils,  jusqu'à  la  seconde  moitié  du  xv^  siècle.  En  1467, 
la  vicomte  passa  à  la  maison  du  Lion  ;  Charles,  fils  naturel 
de  Jean  II,  duc  de  Bourbon,  devint  vicomte  de  Lavedan 
à  la  mort  de  Gaston  du  Lion,  dont,  en  1495,  il  avait 
épousé  la  fille.  Le  Lavedan  passa  au  xvn*^  siècle  à  la 
maison  de  Montaut-Bénac,  dans  la  personne  de  Philippe  II 
de  Montant,  marquis  de  Bénac  ;  Louis  XIV  érigea  en  sa 
faveur  le  Lavedan  et  la  baronnie  de  Beaucens  en  duché- 
pairie. 

L'histoire  du  Lavedan  se  confond  avec  celle  de  la  Bigorre 
(V.  ce  mot),  dont  il  formait  en  1300  une  des  sept  vigue- 
ries.  Des  luttes  fréquentes  avec  les  vallées  voisines  ensan- 
glantèrent à  plusieurs  reprises  le  pays  :  Tune  d'elles,  avec 
les  habitants  de  la  vallée  d'Aspe,  est  restée  célèbre  par  suite 
des  légendes  qui  s'en  sont  emparées;  il  ne  fallut  rien  moins 
que  l'intervention  du  pape  pour  y  mettre  fin  en  1348.  Au 
xvii®  siècle,  une  révolte  eut  lieu  en  Lavedan,  suscitée  par 
le  brigand  Audigeos  à  l'occasion  de  l'établissement  de  la 
gabelle;  commencée  en  1665,  elle  durait  encore  en  1675. 
—  Au  point  de  vue  ecclésiastique,  le  Lavedan  formait  sous 
Tancien  régime  un  des  huit  archidiaconés  de  Bigorre  et  de 
lui  relevaient  les  archiprètrés  de  Préchac,  Juncalas,  Salles, 
Sère  en  Barèges  et  Aucun.  Henri  Courteault. 

BiBL.  :  OiHÉNART,  NotiUa  utriiisque  Vasconiœ;  Paris, 
1638,  in-8.  —  Marca,  Histoire  de  Béarn  ;  Paris,  1640,  in- 
fol.  —  Davezag-Macava,  Essais  historiques  sur  le  Bi- 
gorre ;  Bagnères,  1823,  2  vol.  in-8.  —  Bois  et  Durier,  les 
Hautes-Pyrénées;  Orléans,  1884,  in-16.  —  Eug.  Cordier, 
Etude  sur  le  dialecte  du  Lavedan  ;  Bagnères,  1878,  in-8. 


—  Bascle  de  Lagrêze,  Monographie  de  Saint-Savin  de 
Lavedan;  Paris,  1850,  in-12.  —  Durier,  Cartulaire  des 
Bénédictins  de  Saint-Savin  de  Lavedan  ;  Tarbes,  1880, 
in-8.  —  Barberen,  Tribut  du  pays  de  Lavedan  à  la  vallée 
d'Aspe,  dans  Revue  de  Béarn,  1885,  in-8. 

LAVEDAN  (Hubert-Léon),  écrivain  français,  né  à  Tours 
en  juin  1826.  Précepteur  à  Orléans,  il  y  entra  en  rela- 
tions avec  le  parti  catholique  et  légitimiste,  rédigea  la 
France  centrale  (1848)  de  Blois,  fonda  à  Orléans  le  Mo- 
niteur du  Loiret  (18o0)  que  la  hardiesse  de  ses  critiques 
fit  supprimer  par  l'Empire  en  1858.  Il  vint  à  Paris,  écri- 
vit dans  VAmi  de  la  religion,  la  Gazette  de  France,  le 
Correspondant;  en  1870,  il  combattit  violemment  Gam- 
betta  dans  le  Français.  Thiers  le  nomma  préfet  de  la 
Vienne  (mars  1871);  son  intransigeance  légitimiste,  hos- 
tile à  l'union  conservatrice,  le  fit  déplacer  ;  il  fut  envoyé  en 
Loire-Inférieure  (janv.  1874),  puis  nommé  administrateur 
général  adjoint  de  la  Bibliothèque  nationale  (sept.  1874), 
poste  que  supprima  la  commission  du  budget  (1875).  Le 
gouvernement  du  Seize-Mai  en  fit  un  directeur  de  la  presse 
au  ministère  de  l'intérieur;  il  rentra  ensuite  dans  la  vie 
privée.  Il  est  rédacteur  en  chef  du  Correspondant  et  publie 
dans  le  Figaro  des  articles  politiques  sous  le  pseudonyme 
de  Philippe  de  Grandlieu, 

LAVEDAN  (llenri-Léon-Emile),  écrivain  français,  né  à 
Orléans  en  avr.  1859,  fils  du  précédent.  Après  de  bril- 
lantes études,  il  débuta  dans  les  journaux  mondains  {Gil 
Blas,  Figaro,  Vie  parisienne,-  Echo  de  Paris,  etc.)  par 
des  chroniques  d'une  observation  pénétrante  et  gaiement 
satirique  sur  la  société  parisienne  du  boulevard  et  du  high- 
life.  Ses  articles  ont  été  successivement  réunis  en  volumes 
[Mamselle  Vertu,  Lydie,  Reine  Janvier,  Inconsolables, 
Sire,  la  Haute,  Petites  Fêtes,  Nocturnes,  le  Nouveau 
Jeu,  etc.)  et  souvent  réédités.  M.  Lavedan  aborda  le  théâtre 
où  son  succès  fut  éclatant  avec  Une  Famille  (Comédie- 
Française,  1 7  mai  1890)  et  le  Prince d'Aurec  (Vaudeville, 
oct.  1892^. 

LAVEISSENET.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  et  cant. 
de  Murât  ;  401  hab. 

LAVEISSIÈRE.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  et  cant. 
de  Murât;  746  hab.  Mines  de  lignite. 

LAVELANET  (Avellanetum).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép. 
de  l'Ariège,  arr.  de  Foix,  sur  la  Touyre,  affluent  de  l'Hers  ; 
2,981  hab.  Petite  ville  industrielle,  renfermant  un  grand 
nombre  de  fabriques  et  de  filatures,  draps  de  toute  espèce, 
tanneries,  scieries,  tonnelleries,  briqueteries,  etc.  Cette 
localité,  dont  le  nom  signifie  lieu  planté  d'avelines,  faisait 
primitivement  partie  de  la  seigneurie  de  Mirepoix;  en 
1212,  elle  est  occupée  de  vive  force  par  les  croisés  de 
Simon  de  Montfort.  Le  lieu  fait  ensuite  partie  de  la  baron- 
nie de  Mirepoix,  créée  pour  la  famille  de  Lévis.  Restes  du 
vieux  château  appelé  Castel  sarrasin,  chapelle  de  Sainte- 
Rufine. 

LAVELANET.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
de  Muret,  cant.  de  Rieux  ;  650  hab. 

LAVELINE.  Com.  du  dép.  des  Vosges,  arr.  et  cant.  de 
Saint-Dié;  2,232  hab.  Tissage  mécanique  de  coton.  Scieries 
mécaniques. 

LAVELINE-devant-Bruyères.  Com.  du  dép.  des  Vosges, 
arr.  d'Epinal,  cant.  de  Bruyères;  342  hab. 

LAVELINE-Du-Houx.  Com.  du  dép,  des  Vosges,  arr. 
d'Epinal,  cant.  de  Bruyères;  508  hab, 

LAVELEYE  (Emile-Louis-Victor,  baron  de),  économiste 
et  publiciste  beige,  né  à  Bruges  le  5  avr.  1822,  mort  à 
Doyon  le  2  janv.  1892.  Il  suivit  à  Gand  les  leçons  du 
cartésien  François  Huet  (V.  ce  nom)  ;  il  en  subit  l'influence 
à  un  haut  degré  et  on  en  retrouve  la  trace  visible  dans  la 
plupart  de  ses  écrits.  Il  fit  ensuite  de  grands  voyages  pour 
étudier  de  près  les  questions  politiques,' économiques  et  so- 
ciales. Il  écrivit  d'abord  dans  les  périodiques  belges  du 
parti  libéral,  puis  à  la  Revue  des  Deux  Mondes,  dont  il 
resta  le  collaborateur  assidu.  En  1863,  Laveleye  devint 
professeur  d'économie  politique  à  l'université  de  Liège  et 
se  rangea  dès  lors  à  l'extrême  gauche  du  socialisme  de 


1057 


LAVELEYE  —  LAVEMENT 


la  chaire.  L'enseignement  ne  suffit  pas  à  absorber  sa 
grande  activité  ;  il  prêta  l'appui  de  sa  plume  et  de  sa  parole 
à  tous  les  mouvements  généreux  et  à  toutes  les  œuvres  de 
justice  de  l'opinion  publique  ;  c'est  ainsi  qu'avec  son  ami 
Gladstone,  il  contribua  par  ses  écrits  à  émouvoir  les  gouver- 
nements en  faveur  de  l'émancipation  des  Bulgares  opprimés 
par  les  Turcs.  La  fécondité  de  l'écrivain  était  extrême  :  on 
connaît  de  lui  plus  de  trois  cents  travaux  disséminés  dans 
les  revues  belges,  françaises,  anglaises,  américaines,  etc.  ; 
il  étudia  de  près  toutes  les  questions  sociales  et  écono- 
miques de  notre  temps.  Plusieurs  de  ses  livres  doivent 
être  mis  hors  de  pair  :  la  Propriété  et  ses  formes  primitives 
(Paris,  1874,  in-8  ;  4°  éd.,  1891).  L'auteur  y  démontre  par 
l'étude  précise  et  détaillée  des  formes  primitives  de  la  pro- 
priété que  celle-ci,  d'abord  confuse  entre  les  groupes,  ne 
s'est  affirmée  ensuite  que  sous  la  forme  collective  et  qu'elle 
n'est  devenue  individuelle  et  héréditaire  que  plus  tard  et 
dans  la  mesure  où  la  culture  devenait  plus  intensive.  Par- 
tant de  ces  faits,  Laveleye  considère  la  propriété  comme 
un  droit  naturel  inhérent  à  l'homme.  Son  idéal  serait  que 
les  sociétés  modernes  pussent  assurer  à  chacun  un  lot  de 
terre  ou  bien,  dans  les  villes,  son  équivalent,  un  instrument 
de  travail,  etc.  Le  Socialisme  contemporain  (Paris,  1881, 
in-12,  9  fois  réédité)  présente  en  un  tableau  largement 
conçu  les  tendances  nouvelles  de  l'économie  politique,  ré- 
sultant de  l'influence  exercée  par  les  socialistes.  Ses  Elé- 
ments d'économie  politique  sont  un  manuel  très  clair 
et  précis.  Dans  la  Monnaie  et  le  bimétallisme  interna- 
tional (Paris,  1891,  in-8),  Laveleye  résume  ses  actives 
campagnes  en  faveur  du  bimétallisme.  Le  Gouvernement 
dans  la  démocratie  (Paris,  1891, 2  vol.  in-8)  est  un  exa- 
men approfondi  des  problèmes  qui  concernent  la  formation 
des  Etats.  Indépendamment  des  ouvrages  énumérés  plus 
haut  nous  citerons  :  les  Nibelungen,  traduction  nouvelle, 
précédée  d'une  étude  sur  la  formation  de  V épopée  {id., 
'1861,in-12);  l'Instruction  du  peuple  (u^.,1872,  in-8); 
le  Parti  clérical  en  Belgique  (Anvers,  1873,  in-4); 
Essai  sur  l'économie  rurale  de  la  Belgique  (Bruxelles, 
1862;  rééd.,  1875,  in-8);  le  Protestantisme  et  le  Ca- 
tholicisme dans  leurs  rapports  avec  la  liberté  et  la 
prospérité  des  peuples  (id.,  1875  ;  rééd.,  1876).  Lave- 
leye avait  été  fait  baron  en  1891.  E.  Hubert. 

BiBL.  :  Le  Roy,  Liber  Memorialis  de  VUniversité  de 
Liège  ;  Liège,  1869,  in-8. 

LAVELLO.  Ville  d'Italie,  prov.  dePotenza  ;  6,500  hab. 
Détruite  par  un  tremblement  de  terre  en  185d.  Conrad  IV 
y  mourut  (1254). 

LAVE-MAINS  (Archéol.)  (V.  Lavabo). 

LAVEMENT.  I.  Thérapeutique.  ■—  Le  lavement  est 
une  sorte  d'injection  ou  plutôt  d'irrigation  intestinale.  Sa 
base  est  l'eau  ou  une  solution  médicamenteuse.  Les  matières 
injectées  peuvent  pénétrer  assez  haut,  et  il  n'est  point  im- 
possible de  les  faire  parvenir  jusqu'à  la  valvule  iléo-csecale. 
Lelavementestpratiquéàl'aided'appareilsspeciaux  :  clysoir, 
seringue,  clysopompe,  douche  d'Esmarch,  irrigateur  Egui- 
sier,  etc.  Nous  maintenant  sur  le  terrain  de  la  pratique,  nous 
n'étudierons  les  lavements  qu'aupointde  vue  thérapeutique. 
On  distingue  les  lavements  en  lavements  simples  et  lavements 
composés  ou  médicamenteux.  Le  lavement  simple,  à  l'eau 
ordinaire,  peut  n'avoir  pour  but  que  de  laver,  de  rafraîchir 
le  tube  intestinal.  Mais  il  devient  un  agent  thérapeutique 
d'une  réelle  puissance  par  sa  fréquence,  la  quantité  d'eau 
injectée  et  le  degré  de  température  de  ce  liquide.  Ainsi 
les  grands  lavements  d'eau  chaude  ont-ils  été  préconisés 
pour  le  traitement  de  certaines  inflammations  abdominales, 
pour  le  traitement  de  la  dysenterie,  sauf  quand  elle  se 
complique  d'une  affection  paludéenne.  On  les  a  même  em- 
ployés dans  le  traitement  du  choléra.  Bovry  a  appliqué  les 
grandes  irrigations  intestinales  au  traitement  de  la  fièvre 
typhoïde.  Dans  les  cas  d'invagination  intestinale,  ce  mode 
de  traitement  a  donné  parfois  de  bons  résultats.  Les  lave- 
ments médicamenteux  sont  des  plus  variés  ;  ils  ont  une 
action  différente  selon  la  nature  du  médicament  que  l'eau 

GRANDE    ENCYCLOPÉDIE.    —    XXL 


sert  à  véhiculer.  Tels  sont  les  lavements  émoOients  qui 
contiennent  une  substance  mucilagineuse  ou  huileuse  ;  les 
lavements  laxatifs,  à  base  de  glycérine,  ou  de  toute  autre 
substance  dite  laxative  (gros  miel,  miel  de  mercuriale,  etc.)  ; 
les  lavements  purgatifs,  à  base  de  séné,  aloès,  sulfate  de 
magnésie  ou  de  soude,  crème  de  tartre,  sel  de  Seignette, 
savon  médicinal,  gomme-gutte,  rhubarbe,  etc.  ;  les  lave- 
ments astringents,  tanin  et  autres  corps  tannigènes  (kino, 
cachou,  ratanhia,  monésia)  ;  aux  sels  de  plomb,  à  l'iode 
(dans  ce  cas,  on  fait  usage  d'une  solution  de  ce  métalloïde 
dans  de  l'iodure  de  potassium).  Les  lavements  iodés  modi- 
fient très  favorablement  la  muqueuse  rectale  dans  la 
diarrhée,  la  dysenterie  et  autres  affections  chroniques  de 
l'intestin.  Dans  ces  dernières  affections,  on  a  également 
préconisé  les  lavements  au  nitrate  d'argent.  On  a  aussi 
administré  par  la  voie  rectale  l'arsenic  sous  forme  d'arsé- 
niate  alcalin  ou  d'arsénite  de  potasse,  le  mercure  à  l'état 
de  calomel,  en  suspension  dans  un  mucilage  de  gomme  ara- 
bique, mais  on  n'a  enregistré  aucun  résultat  appréciable. 
Les  lavements  opiacés  (solution  d'extrait  thébaïque  ou  lau- 
danum de  Sydenham)  sont  très  utiles  pour  calmer  les 
cohques,  de  quelque  nature  qu'elles  soient  (coliques  intes- 
tinales, néphrétiques,  hépatiques,  utérines,  etc.).  Les 
lavements  à  la  belladone,  à  la  jusquiame,  rendent  des  ser- 
vices en  bien  des  circonstances.  Les  lavements  de  tabac 
ont  été  utilisés  dans  le  traitement  du  volvulus,  de  la  hernie 
étranglée,  des  coliques  de  plomb.  On  les  a  aussi  conseillés 
comme  anthelminthiques,  comme  purgatifs,  et  aussi  pour 
combattre  l'asphyxie  produite  par  la  submersion.  Les  lave- 
ments de  musc,  d'asa-fœtida,  de  valériane,  de  castoréum, 
de  camphre  sont  des  sédatifs  utiles  du  système  nerveux. 
Les  lavements  de  quinquina,  de  quinine  sont  d'assez  bons 
fébrifuges.  Les  lavements  boriques  ou  borates  donnent 
d'excellents  résultats  dans  le  traitement  de  certaines  enté- 
rites, l'entérite  mucino-membraneuseplus  particulièrement. 

S'il  entre  plusieurs  substances  dans  la  composition  du 
lavement,  on  dit  que  le  lavement  est  composé.  Tels  sont: 
le  lavement  anodin  des  peintres  (huile  de  noix  et  vin  rouge); 
le  lavement  purgatif  des  peintres  (séné,  jalap,  nerprun)  ; 
le  lavement  anthelminthique  (mousse  de  Corse,  huile  de 
ricin)  ;  les  lavements  dits  nutritifs  (bouillon,  poudre  de 
viande,  jaune  d'œuf),  etc.  Les  appareils  les  plus  employés 
pour  administrer  les  lavements  sont  :  l'injecteur  en  caout- 
chouc à  poire,  avec  ou  sans  pompe  ;  l'irrigateur,  qui  se 
monte  comme  un  réveil  et  qui  fonctionne  automatiquement  ; 
le  bock  en  porcelaine,  qu'on  suspend  à  une  hauteur  suffi- 
sante pour  avoir  la  pression  voulue  et  auquel  on  adapte  un 
tube  en  caoutchouc  d'une  longueur  appropriée,  sans  compter 
tous  les  autres  instruments  dus  à  l'ingéniosité  plus  ou 
moins  inventive  de  nos  fabricants.         D"^  A.  Cabanes. 

IL  Liturgie.—  Lavement  des  pieds.—  Dans  V Evangile 
de  saint  Jean  (ch.  xiii),  on  lit  que,  avant  la  fête  de  Pâques, 
Jésus,  soupant  avec  ses  disciples,  se  leva  de  table,  à  la  fin 
du  repas,  et  ôta  sa  robe.  Ayant  pris  un  linge,  il  s'en  ceignit. 
Ensuite,  il  se  mit  à  laver  les  pieds  de  ses'disciples  et  à  les 
essuyer  avec  le  linge  dont  il  était  ceint.  S'étant  remis  à 
table,  il  leur  recommanda  de  faire  comme  il  avait  fait,  et 
de  se  laver  les  pieds  les  uns  aux  autres.  Il  est  vraisem- 
blable que  cette  recommandation  fut  observée  dès  les  pre- 
miers siècles.  On  lavait  les  pieds  à  ceux  qu'on  venait  de 
baptiser;  puis  on  institua,  le  jeudi  saint,  une  cérémonie 
spéciale  rappelant  l'acte  de  Jésus-Christ.  Saint  Augustin 
en  fait  déjà  mention  (Ep,  ad  Januarium).  Un  concile  de 
Tolède  (694)  exclut  de  l'Eucharistie  celui  qui  refuse  de  la- 
ver les  pieds  des  autres  ou  de  laisser  laver  les  siens.  Cet 
usage  s'est  maintenu  à  la  cour  de  Rome,  dans  les  cathé- 
drales de  l'EgUse  latine  et  dans  les  couvents  grecs.  — 
A  Rome,  le  pape,  escorté  du  Sacré  Collège,  se  rend,  le 
jeudi  saint,  dans  une  salle  de  son  palais  affectée  au  lave- 
ment des  pieds.  Il  prend  une  étole  violette,  une  chape 
rouge,  une  mitre  simple.  Le  cardinal-diacre  lit  l'Evangile 
reproduisant  le  récit  de  saint  Jean  ;  et  le  pape  baise  le 
livre.  Puis  il  ôte  sa  chape  et  sa  mitre,  prend  un  tablier  et 

67 


LAVEMENT  —  f  AVERGNE 


—  1058  — 


lave  les  pieds  à  douze  pauvres  prêtres  étrangers,  qui  figu- 
rent les  douze  apôtres,  placés  sur  une  estrade,  vêtus  d'un 
habit  de  camelot  blanc,  avec  un  espèce  de  capuchon  fort 
ample.  Le  trésorier  remet  à  chacun  de  ces  apôtres  une  mé- 
daille d'or  et  une  d'argent,  du  poids  d'une  once  (ancien- 
nement c'était  un  gobelet  d'argent) .  Le  majordome  fait 
aussi  cadeau  à  chacun  d'eux  d'une  serviette,  avec  laquelle 
le  doyen  des  cardinaux,  ou  le  cardinal  le  plus  ancien,  leur 
essuie  les  pieds.  Le  pape  retourne  à  sa  chaire,  lave  ses 
mains,  reprend  la  mitre  et  la  chape,  dit  l'Oraison  domini- 
cale et  d'autres  prières.  Puis  il  ôte  ses  habits  pontificaux 
et  se  retire  dans  son  appartement,  suivi  du  même  cortège. 
Les  douze  pauvres  sont  conduits  dans  une  autre  salle  du 
Vatican,  où  on  leur  sert  à  dîner.  Le  pape  vient  présenter 
à  chacun  le  premier  plat  et  verser  le  premier  verre  de  vin  ; 
après  leur  avoir  accordé  des  indulgences,  il  se  retire.  Pen- 
dant le  reste  du  repas,  son  prédicateur  ordinaire  fait  un 
sermon.  La  cérémonie  finit  par  le  dîner  que  le  Saint-Père 
donne  aux  cardinaux.  Sous  notre  ancienne  monarchie,  le  roi 
lavait  les  pieds  à  douze  jeunes  garçons  ou  à  douze  pauvres. 
Un  usage  analogue  subsiste  en  Autriche,  en  Bavière  et  en 
Espagne.  —  L'Eglise  anglicane,  qui  avait  conservé  d'abord 
la  cérémonie  du  lavement  des  pieds,  ne  tarda  pas  à  l'abo- 
lir, comme  avaient  fait  la  plupart  des  Eglises  protestantes. 
Les  anabaptistes  la  maintinrent,  en  lui  attribuant  la  valeur 
d'un  sacrement,  institué  par  Jésus-Christ,  à  l'égal  de  la 
Sainte-Gène  et  du  baptême.  Les  frères  Moraves  la  prati- 
quèrent jusqu'en  1818,  mais  seulement  comme  symbole  de 
l'amour  qui  doit  régner  parmi  les  vrais  disciples  de  Jésus- 
Christ.  E.~H.   VOLLET. 

LAVENAY.  Corn,  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  de  Saint- 
Calais,  cant.  de  La  Chartre-sur-Loir  ;  465  hab. 

LAVENG  (La).  Rivière  du  dép.  de  l'Hérault  (V.  ce 
mot,  t.  XIX,  p.  1141). 

LAVENO.  Bourg  d'Italie,  prov.  de  Côme,  sur  le  rivage 
oriental  du  lac  Majeur  ;  2,200  hab.  Poteries,  soieries, 
chapellerie,  etc. 

LAVENTIE.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Pas-de-Calais, 
arr.  de  Béthune;  3,999  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  du 
Nord,  ligne  d'Armentières  à  Berguette.  Ancienne  capitale 
du  pays  de  l'Alleu.  Culture  du  tabac.  Clouteries;  fabriques 
de  galoches,  de  gélatine  de  colle  ;  scierie  mécanique,  tan- 
nerie, /abriques  de  toiles  de  lin. 

LAVÉRAËT.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de  Mirande, 
cant.  de  Marciac;  345  hab. 

LAVERAN  (Charles),  médecin  militaire  français,  né  à 
Dunkerque  le  30  mai  1812,  mort  à  Paris  le  7  août  1879. 
D'abord  élève  à  l'hôpital  d'instruction  de  Lille,  il  fut  en 
1840  médecin  adjoint  de  l'hôpital  d'Alger,  Tannée  sui- 
vante professeur  à  l'hôpital  militaire  de  Metz;  en  1850,  il 
passa  dans  les  hôpitaux  d'Algérie,  puis,  en  1856,  lors  de 
la  réorganisation  de  l'Ecole  du  Val-de-Grâce,  fut  chargé 
de  l'enseignement  de  l'épidémiologie  et  nommé  médecin  en 
chef,  puis  directeur  de  l'Ecole.  Lorsque  éclata  la  guerre 
contre  l'Allemagne,  il  fut  attaché  à  l'armée  du  Nord  avec 
le  titre  d'inspecteur  du  service  de  santé  des  armées  ;  après 
la  mort  de  Michel  Lévy,  en  1872,  il  reprit  la  direction  de 
l'Ecole  du  Val-de-Grâce  Ses  travaux  d'épidémiologie  mi- 
litaire sont  remarquables  ;  ils  sont  disséminés  dans  le  Re- 
cueil de  mémoires  de  médecine  militaire^  les  Travaux 
de  la  Société  des  sciences  médicales  de  la  Moselle,  etc.; 
le  Dictionnaire  encyclopédique  des  sciences  médicales 
renferme  plusieurs  articles  de  lui  ;  enfin,  on  lui  doit  : 
Traité  des  maladies  et  des  épidémies  des  armées 
(Paris,  1875,  in-8),  publié  par  son  fils.         D^  L.  Hn. 

LAVERAN  (Charles-Louis-Alphonse),  né  à  Paris  le 
18  juin  18  i5,  fils  du  précédent.  Elève  de  l'Ecole  de  mé- 
decine militaire  de  Strasbourg  en  1863,  il  a  fait  ses  études 
médicales  dans  cette  ville.  Reçu  docteur  en  1867,  il  a  été 
nommé  médecin  principal  en  1891.  Professeur  agrégé  au 
Val-de-Grâce  de  1874  à  1878,  titulaire  de  1884  à  1894, 
il  est  aujourd'hui  médecin  en  chef  de  l'hôpital  de  Lille. 
Son  ouvrage  le  plu3  important  est  sa  Découverte  de  V hé- 


matozoaire du  paludisme^  couronné  par  l'Institut  en 
1891.  M.  Laveran  a  été  nommé  membre  de  l'Académie  de 
médecine  en  1893.  D''  L.  Hn. 

LAVERCANTIÈRE.Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  deGour- 
don,  cant,  de  Salviac;  569  hab. 

LAVERDINES.  Com.  du  dép.  du  Cher,  arr.  de  Bourges, 
cant.  de  Baugy;  220  hab. 

LA  VERDURE  (V.  Verdure). 

LÂVERGNE.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Gourdon, 
cant.  de  Gramat;  512  hab. 

LAVERGNE.  Com.  du  dép.  de  Lot-et-Garonne,  arr.  de 
Marmande,  cant.  de  Lauzun  ;  780  hab. 

LAVERGNE  (Gabriel-Joseph  de)  (V.  Guilleragues). 

LAVERGNE  (Alexandre- Marie-Anne  de  Lavaissière  de), 
littérateur  français,  né  à  Paris  le  17  mars  1808,  mort  à 
Paris  le  21  avr.  1879.  Employé  au  ministère  de  la  guerre, 
puis  à  celui  de  l'instruction  publique,  il  a  écrit  un  certain 
nombre  de  romans  :  l'Aîné  de  la  famille  (1839,  in-8; 
2^  éd.,  1863,  in-12);  le  Comte  de  Mansfeld  (1841,  in-8), 
qui  lui  fournit  la  même  année  le  sujet  d'un  drame  en  quatre 
actes;  la  Pension  bourgeoise  (1841,  in-8);  la  Duchesse 
de  Mazarin  (1843,  2  vol.  in-8);  la  Recherche  de  Vin- 
connue  (1844,  2  vol.  in-8);  le  Secret  de  la  confession 
(1845,  in-8);  le  Dernier  Seigneur  de  village  (1845, 
in-8);  la  Princesse  des  Ursins  (1845,  2  vol.  in-8);  la 
Circassienne  (1847,  2  vol.  in-8)  d'où  il  tira  en  1854, 
avec  la  collaboration  de  Paul  Foucher,  un  drame  intitulé 
Mademoiselle  Aissé;  Il  faut  que  jeunesse  se  passe 
(1853,  3  vol.  in-8);  le  Cadet  de  famille  (1857,  3  vol. 
in-8);  le  Chevalier  du  silence  (1864,  in-12);  le  Roi  des 
rossignols  (1864,  4  vol.  in-8);  l'Ut  de  poitrine  (1866, 
in-12);  le  Lieutenant  Robert  (1868,  in-12),  etc.  Citons 
à  part  :  Châteaux  et  ruines  historiques  de  France  (1844, 
in-8;  nouv.  éd.,  1864,  in-12).  M.  Tx. 

LÂVERGNE  (Louis-Gabriel-Léonce  Guilhaud  de),  éco- 
nomiste français,  né  à  Bergerac  le  24  janv.  1809,  mort  à 
Versailles  le  18  janv.  1880.  Publiciste  à  Toulouse  où  il  fut 
maître  des  Jeux  floraux  en  1830,  il  se  destina  à  la  Htté- 
rature  :  il  écrivait  avec  beaucoup  de  goût.  Professeur  de 
Httérature  étrangère  à  la  faculté  des  lettres  de  Montpellier 
(1838),  il  connut  Charles  de  Rémusat,  lui  plut  infiniment  et 
fut  choisi  par  lui  comme  chef  de  cabinet  lorsqu'il  prit  le 
portefeuihe  de  l'intérieur  (1840).  Léonce  de  Lavergne  fut 
ensuite  appelé  par  Guizot,  au  ministère  des  affaires  étran- 
gères avec  le  grade  de  chef  de  division  (1844).  Use  trouva 
ainsi  lancé  dans  la  politique.  Dès  1842,  il  se  présentait 
aux  élections  législatives  à  Lombez.  Il  échoua,  mais  prit 
sa  revanche  dans  la  même  circonscription  le  1®^'  août  1846. 
La  révolution  de  1848  changea  de  nouveau  le  cours  de 
ses  idées.  Il  se  retira  dans  la  Creuse  et  s'occupa  avec  suc- 
cès d'agriculture  et  d'économie  politique,  collaborant  entre 
temps  à  la  Revue  des  Deux  Mondes  où  ses  articles  d'his- 
toire, de  diplomatie,  de  voyages  étaient  fort  appréciés.  En 
1850,  il  était  nommé  professeur  d'économie  rurale  à  l'Ins- 
titut agronomique.  Il  s'adonna  de  plus  en  plus  à  l'économie 
rurale'^et  lorsque  l'Institut  agronomique  fut  supprimé  (1 852) , 
il  continua  en  quelque  sorte  ses  cours  dans  la  Revue  des 
Deux  Mondes  et  dans  le  Journal  des  Economistes,  En 
1855,  il  entrait  à  l'Académie  des  sciences  morales  et  poli- 
tiques. Le  8  févr.  1871,  le  dép.  de  la  Creuse  l'envoyait 
siéger  à  l'Assemblée  nationale  où  il  combattit  la  politique 
de  M.Thiers  et  où  il  vota  généralement  avec  les  orléanistes. 
Peu  à  peu,  il  incKna  vers  la  République  et  fonda  le  «  groupe 
Lavergne  »,  qui  favorisa  l'adoption  de  la  constitution  de 
1875.  Président  de  la  commission  des  Trente,  il  contribua 
largement  à  l'organisation  du  nouveau  régime.  Le  13  déc. 
1875,  il  était  élu  par  l'Assemblée  sénateur  inamovible.  Il 
combattit  le  gouvernement  du  1 6  mai  avec  une  vigueur  qui 
ne  fut  pas  sans  influence  sur  le  délabrement  de  sa  santé. 
Depuis  1877,  il  resta  presque  constamment  éloigné  du  Sé- 
nat. En  1876,  il  avait  repris  sa  chaire  à  Flnstitut  agro- 
nomique réorganisé.  Il  a  laissé  des  ouvrages  fort  importants, 
recommanda  blés  aussi  bien  par  l'originalité  des  idées  que 


-  1059  — 


LAVERGNE  —  LAVEUR 


par  Féclatdu  style.  Citons:  Dictionnaire  encyclopédique 
usuel  (Paris,  4841-42,  2  vol.  in-S)  ;  V Agriculture  et  la 
population  (4857,  in-12)  ;  Essai  sur  V économie  rurale 
de  V Angleterre  (1854,  in-8)  ;  les  Assemblées  provin- 
ciales sous  Louis  XVI  (1863,  in-8)  ;  la  Banque  de  France 
(1865,  in-8)  ;  le  Marquis  de  Chastellux  (1865,  iii-8)  ; 
les  Economistes  frajiçais du xmi^  siècle {iSlO,  in-8), 

LAVERGNE  (Claudius),  peintre  et  critique  d'art  fran- 
çais, né  à  Lyon  en  1814,  mort  à  Paris  en  4887.  Elève 
de  l'Ecole  de  Lyon,  il  remporta  le  grand  prix  en  1834  et 
se  mit  ensuite  sous  la  direction  d'Ingres  qu'il  suivit  à 
Rome.  Il  exposa  à  Paris  plusieurs  tableaux  dans  le  genre 
religieux,  mais  sa  vocation  et  ses  goûts  mystiques  le  por- 
taient plutôt  vers  l'art  du  vitrail,  et  après  1856  il  laissa  la 
toile  et  se  consacra  tout  entier  à  la  composition  et  à  la 
peinture  de  ses  verrières  qu'il  exécutait  entièrement  de  sa 
main.  Ses  œuvres  se  distinguent  par  une  ordonnance  aus- 
tère, un  dessin  savant,  mais  un  peu  froid.  On  peut  en  voir 
aux  églises  Saint-Augustin  et  Saint-Merry  de  Paris,  à  la 
chapelle  royale  de  Versailles,  à  la  cathédrale  de  Beauvais, 
au  château  de  Blois  et  dans  divers  châteaux  étrangers.  En 
1877,  il  reconstitua  à  Paris  l'ancienne  corporation  des 
peintres- verriers,  dont  il  fut  élu  syndic  président.  Comme 
critique  d'art,  il  a  publié  dans  VUnivers  divers  articles 
sur  l'Exposition  universelle  de  i8o5;  les  Peintures 
dH,  Flandrin  à  Saint- Vincent-de- Paul  (iSM^  in-4); 
la  Part  du  lion  à  l'Ecole  des  beaux-arts  (1864,  in-8). 

LAVERGNE  (Bernard-Martial-Barthélemy,  dit  Ber- 
nard-), homme  politique  français,  né  à  Montredon  (Tarn) 
le  14  juin  1815.  Médecin  à  Montredon,  il  fut  élu  député 
du  Tarn  à  l'Assemblée  de  1849,  vota  avec  la  gauche  démo- 
cratique, reprit  sa  profession  après  le  coup  d'Etat  et  fit 
une  opposition  persistante  à  l'Empire,  en  écrivant  dans  le 
Temps,  la  Gironde,  etc.  Elu  député  de  Gaiilac  le  20  févr. 
1876,  il  fut  l'un  des  363  ;  réélu  en  1877, 1881  et  1885, 
il  fut  parmi  les  adversaires  modérés  de  la  politique  de 
Gambetta;  il  fut  élu  sénateur  le  18  août  1889  et  réélu 
en  janv.  1891. 

LAVERNA  (Myth.  rom.).  Divinité  protectrice  des  voleurs 
dont  l'autel  s'élevait  à  Rome  près  de  la  porte  Lavernahs  ; 
elle  avait  un  bois  sacré  sur  la  via  Salaria. 

LAVERNAT.  Com.  du  dép.  de  la  Sarthe,  arr.  de  La 
Flèche,  cant.  de  Mayet  ;  692  hab. 

LAVERNAY.  Com.  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Besançon, 
cant.  d'Âudeux  ;  302  hab. 

LA  VERNE  (V.Verne). 

LAVERN  H E.  Com,  du  dép.  de l'Aveyron,  arr.  de  Millau, 
cant.  de  Sévérac;  669  hab. 

LAVERNOSE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
et  cant.  de  Muret;  525  hab. 

LAVERNOY.  Com.  du  dép.  delà  Haute-Marne,  arr.  de 
Langres,  cant.  de  Varennes-sur-Amance  ;  205  hab. 

LAVERSANNE.  Com.  du  dép.  de  la  Loire,  arr.  de  Saint- 
Etienne,  cant.  de  Bourg-Argental  ;  774  hab. 

LAVERSINE.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Sois- 
sons,  cant.  de  Vic-sur-Aisne  ;  153  hab. 

LAVERSINES.  Com.  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Beau- 
vais, cant.  de  Nivillers;  573  hab. 

LAVERTUJON  (André),  homme  politique  français,  né  à 
Périgueux  le  22  juil.  1827.  Collaborateur  du  Républicain 
de  la  Dordogne,  il  fit  en  1851  une  telle  propagande  contre 
la  politique  de  Louis-Napoléon  qu'il  fut  obligé  de  quitter 
la  France.  Après  un  voyage  dans  les  principautés  danu- 
biennes, il  devint  en  1855  rédacteur  en  chef  de  la  Gi- 
ronde queM.  GounouilhoUjSon  beau-frère,  venait  d'acqué- 
rir. A.  Lavertujon  donna  à  ce  journal  une  extension 
considérable,  puis  il  contribua  avec  Pelletan  à  la  fondation 
de  la  Tribune  (1869)  et  fit  une  campagne  des  plus  vives 
contre  l'Empire.  Aussi  fut-il  nommé  secrétaire  général  du 
gouvernement  de  la  Défense  nationale  (1870),  puis  direc- 
teur du  Journal  offlciel,  président  de  la  commission  de 
classement  des  papiers  saisis  aux  Tuileries  et  délégué  au- 
près de  Jules  Simon  à  Bordeaux.  Candidat  aux  élections 


pour  l'Assemblée  nationale,  il  ne  fut  pas  élu,  et  fut  alors 
nommé  consul  général  à  Amsterdam  (1871),  poste  qu'il 
quitta  de  son  plein  gré  après  la  chute  de  Thiers  (1873) 
pour  rentrer  dans  le  journalisme.  Il  collabora  au  Temm, 
fut  consul  général  à  Anvers  en  1880,  puis  à  Naples  (1881  ) 
ministre  plénipotentiaire  à  Buenos  Aires  (1883),  délégué 
à  la  commission  européenne  du  Danube  el  président  de  la 
commission  de  délimitation  des  Pyrénées  (1886).  Le  31  Juil. 
1887,  il  était  élu  sénateur  de  la  Gironde  en  remplace- 
ment de  M.  Issartier,  décédé.  Réélu  au  renouvellement 
triennal  de  1888,  il  fut  un  des  plus  ardents  adversaires 
du  boulangisme  et  fit  partie  de  la  commission  des  neuf. 
Citons  de  lui  :  Monographie  des  produits  de  la  Gironde 
(1856,  in-12)  ;  l'Amélioration  des  landes  (1857,  in-8)  ; 
VEau  à  Bordeaux  (1858,  in-12);  l'An  i862  (1863, 
in-8);  la  Législature  de  i 857-63  (1863,  in-8),  et  de 
remarquables  études  d'histoire  religieuse. 

LAVERTUJON  (Henri),  homme  politique  français,  né  à 
Périgueux  le  49  avr.  4855,  neveu  du  précédent.  Chef  de 
cabinet  de  M.  Raynal,  sous-secrétaire  d'Etat  aux  travaux 
pubhcs  (1880),  collaborateur  du  Rappel  et  du  Petit  Pa- 
risien^ il  créa  en  1882  à  Limoges  le  Petit  Centre  qui 
obtint  rapidement  un  fort  grand  succès.  Il  eut  de  vives  po- 
lémiques de  presse,  d'où  résultèrent  plusieurs  duels  (entre 
autres  avec  MM.  Harden-Hickey,  Vacher,  Georges  Perin). 
Elu  député  de  Saint- Yrieix  en  1889,  réélu  en  1893,  M.  La- 
vertujon, républicain  de  gouvernement,  a  été  secrétaire  de 
la  Chambre  et  a  souvent  pris  la  parole  sur  des  questions 
d'affaires,  notamment  sur  le  tarif  général  des  douanes. 

LAV  tRU  N  E.  Com.  du  dép.  de  l'Hérault,  arr.  et  cant.  (4^^) 
de  Montpellier;  616  hab. 

LAVES  (Georg-Ludwig-Friedrich),  architecte  allemand, 
né  à  Uslar  (Hanovre)  le  17  déc.  1789,  mort  à  Hanovre  le 
30  avr.  1864.  Il  a  bâti  le  nouveau  palais  de  Hanovre 
(d'après  les  plans  de  Jussow),  le  nouveau  théâtre  et  un 
grand  nombre  d'édifices,  privés  ou  publics,  en  style  gréco- 
romain.  Il  inventa  un  nouveau  système  de  disposer  les 
poutres  dans  les  grandes  constructions,  les  ponts,  etc. 

LAV  ET  (Le).  Rivière  de  France  (V.  Garonne  [Haute-], 
t.  XVHI,  p.  554). 

LA  VETA  (V.  Veta). 

LAVEUR  de  racines  (Agric).  Les  racines  fourragères, 
telles  que  betteraves,  navets,  carottes,  panais,  ou  bien 
encore  les  tubercules,  tels  que  pommes  de  terre  et  topi- 
nambours, sont  le  plus  souvent  recouverts  d'une  quantité 
plus  ou  moins  considérable  de  terre,  qu'il  convient  de  ne 
pas  laisser  lorsqu'on  les  donne  à  consommer  au  bétail,  car 
ces  matières  terreuses  surchargent  les  intestins  et  sont 
souvent  la  cause  de  maladies  graves.  Dans  les  fermes,  sui- 
vant la  quantité  de  racines  qu'on  a  à  distribuer,  on  enlève 
la  terre  adhérente,  soit  au  couteau,  soit  par  un  lavage  dans 
un  baquet,  soit  encore  par  un  laveur  mécanique.  Il  y  a 
deux  sortes  de  laveurs  :  les  uns  opèrent  à  sec,  les  autres 
par  voie  humide.  Les  premiers  consistent  en  un  tambour 
à  claire-voie,  garni  à  l'intérieur  de  chevilles  en  fer  dis- 
posées en  hélice,  qui  remuent  les  racines  de  manière  à  en 
détacher  les  substances  terreuses.  Une  trémie,  placée  à 
une  des  extrémités,  sert  à  introduire  les  racines  qui  tra- 
versent le  tambour  animé  d'un  mouvement  de  rotation.  Les 
laveurs  par  voie  humide  opèrent  à  eau  dormante  ou  à  eau 
courante.  Les  !premiers  ont  l'inconvénient  de  laver  dans 
l'eau  sale  les  dernières  racines  qui  passent.  Le  laveur  à 
eau  courante  le  plus  répandu  est  celui  de  Crosskill.  Il  se 
compose  d'un  cylindre  à  claire-voie,  tournant  autour  d'un 
arbre  horizontal  et  baignant  dans  un  bac  en  bois  ou  en 
tôle  rempli  d'eau.  Les  racines  sont  introduites  dans  la 
trémie  t  et  traversent  le  cylindre  en  se  frottant  les  unes 
contre  les  autres;  arrivées  à  l'autre  extrémité,  elles  sont 
prises  par  une  paroi  en  forme  de  portion  de  vis  qui  les 
soulève  et  les  rejette.  Les  dépôts  de  terre  qui  se  font  dans 
le  bac  sont  enlevés  par  un  trou  d'homme  inférieur  fermé 
par  un  tampon.  Cette  machine  est  montée  sur  roues,  afin 
d'en  faciliter  le  déplacement  (V.  fig.,  p.  1060). 


LAVEUR  —  LAVIGERIE 


1060 


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Laveur  de  racines,  de  Crosskill. 


Dans  les  fabriques  de  sucre,  les  distilleries  de  betteraves 
et  de  pommes  de  terre  et  les  féculeries,  on  fait  usage  de 
laveurs  à  fiches.  Le  laveur  à  fiches,  dit  M.  Lindet,  se  com- 
pose d'une  caisse  hémisphérique  en  tôle,  dont  le  fond  est 
incliné  ou  disposé  en  forme 
d'entonnoir  ;  à  la  partie 
inférieure  se  trouve  un 
orifice  fermé  par  une 
trappe  pour  évacuer  les 
boues.  A  l'intérieur  de 
cette  caisse  est  placé  un 
berceau  hémicylindrique, 
en  tôle  percée  de  trous  à 
travers  lesquels  s'échap- 
pent les  pierres  et  la  terre 
que  l'eau  a  détachées.  En- 
fin, dirigé  suivant  l'axe  de 
ce  berceau,  se  meut  avec 
une  vitesse  de  48  à  20 
tours  par  minute  un  arbre 
de  fonte  sur  lequel  sont 
montées  et  disposées  en 
hélice  des  fiches  en  bois 
longues  de  40  centim.  Le 
laveur  est  remph  d'eau, 
qu'on  renouvelle  constam- 
ment, et  les  betteraves  entraînées  par  le  mouvement  héli- 
coïdal des  fiches,  frottant  les  unes  sur  les  autres,  se  dé- 
barrassent de  la  terre  et  des  pierres  adhérentes  à  leur  sur- 
face. Alb.  Larbalétrier. 

LAVEUSE  (Industr.)  (V.  Blanchiment). 

LAVEY.  Village  de  Suisse,  cant.  de  Vaud;  349  hab. 
Jl  est  situé  en  face  de  la  ville  valaisanne  de  Saint-Maurice 
(V.  ce  mot)  avec  laquelle  il  est  relié  au  moyen  d'un  beau 
pont  en  pierre  sur  le  Rhône.  Bains  renommés  d'eau  ther- 
male dont  la  source  se  trouve  dans  le  ht  du  fleuve. 

Eaux  minérales.  —  Les  eaux  de  Lavey  sont  «  hyper- 
thermales  ou  athermales,  sulfatées  strontianiques  moyennes 
(1,0023  p.  1000),  chlorurées  sodiques  faibles,  azotées 
moyennes  »  (Rotureau).  Elles  s'administrent  en  boisson, 
bains  et  douches  dans  le  lymphatîsme  et  la  scrofule,  le 
rachitisme,  les  engorgements  viscéraux  chroniques,  les 
catarrhes  graves  de  la  vessie,  les  dyspepsies,  les  diarrhées 
incoercibles,  etc.  D^  L.  Hn. 

LAVEYRON.Com.  du  dép.  de  la  Drôme,  arr.  de  Valence, 
cant.  de  Saint- Vallier  ;  453  hab. 

LAVEYSSIÈRE.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de 
Bergerac,  cant.  de  Villamblard;  225  hab. 

LA  VEYSSIÈRE  (V.  Veyssière). 

LA  VICOIVITERIE  de  Saint-Samson  (V.  Vicomterie). 

LAV I E I L  L  E  (Jacques-Eugène-Adrien) ,  graveur  français, 
né  à  Paris  en  181 8,  mort  à  Paris  le  1 5  juil.  1862.  Fils  d'un 
tapissier,  ses  précoces  dispositions  artistiques  le  portèrent 
à  l'Ecole  des  beaux-arts,  où  il  se  lia  intimement  avec 
Tony  Johannot.  Il  prit  ensuite  quelques  leçons  de  Porret 
et  passa  en  Angleterre,  où  il  se  mit  sous  la  direction  du 
célèbre  graveur  Williams  (1837).  11  revint  en  France  avec 
un  talent  déjà  remarquable  pour  la  gravure  sur  bois,  et 
Horace  Vernet,  qui  partait  pour  Saint-Pétersbourg,  le  dé- 
cida à  l'accompagner  (1842).  Il  eut  en  effet  de  belles  com- 
mandes, par  la  faveur  du  monde  officiel,  et  on  lui  offrit  un 
emploi  de  professeur  à  l'Académie  impériale.  Mais  l'obli- 
gation de  se  faire  naturaliser  lui  fit  décliner  la  proposition, 
et,  après  avoir  terminé  ses  travaux,  il  repartit  pour  Paris. 
C'est  dans  VHistoire  des  peintres  qu'on  peut  juger  du 
talent  de  Lavieille,  fougueux  et  inégal,  ferme  et  puissant 
parfois,  mais  parfois  aussi  d'un  lâché  regrettable.  On  peut 
faire  la  même  observation  aussi  pour  un  autre  ouvrage, 
les  Contes  drolatiques^  où  l'œuvre  du  maître  est  si  mal- 
menée dans  nombre  de  planches.  Heureusement  pour  la 
mémoire  de  Lavieille,  il  a  laissé  quelques  planches  de 
plus  grand  format,  d'après  des  tableaux  de  Rosa  Bonheur, 


j>^^gi^i«^ 


Daubigny,  Millet,  Ch.  Jacques,  traitées  avec  un  soin  tout 
particulier,  et  dont  l'éUte  figura  au  Salon  de  1857. 

LAVIEILLE  (Eugène- Antoine-Samuel),  peintre  français, 
frère  du  précédent,'  né  à  Paris  en  1820,  mort  à  Paris  en 

1889.  Apprenti  chez  un 
entrepreneur  de  peinture, 
il  fréquentait  le  soir  l'école 
de  dessin.  Il  alla  enfin 
demander  des  conseils  à 
Corot,  et  en  profita  si  bien 
qu'au  Salon  de  1844  il  se 
faisait  déjà  apprécier  avec 
le  Site  de  Fontainebleau 
(musée  de  Marseille).  Son 
talent  suivit  dès  lors  une 
progression  rapide  :  les 
Vues  de  Radepont,  de 
Ta7icarville,  du  Plateau 
de  Mar lotte  (musée  de 
Marseille).  C'est  aussi  à 
la  forêt  de  Fontainebleau 
qu'il  prit  sa  plus  belle  ins- 
piration à  cette  époque  : 
Barbizon  en  janvier 
(1855),  œuvre  des plusre- 
marquables  par  la  justesse 
d'impression  hivernale  qui  s'en  dégage.  Les  tableaux  qui  sui- 
virent le  mirent  hors  de  pair  :  Soleil  couchant,  Paysage 
après  midi  [18^1),  Un  Soir  aux  étangs  de  Bourcq,  sont 
dans  toutes  les  mémoires.  D'un  caractère  naturellement 
porté  à  la  mélancolie,  il  peignit  surtout  dans  la  dernière  partie 
de  sa  carrière  les  couchers  de  soleil,  les  nuits,  les  effets  d'au- 
tomne, mais  avec  un  charme  pénétrant  qui  leur  donnait  une 
valeur  infinie.  Tels  sont  :  les  Derniers  Piayons  (1861)  ;  la 
Pointe  de  Vile  Saint  Ouen,  le  soir  (1866);  Une  Soirée 
de  septembre  dans  la  forêt  de  Fontainebleau  (musée  de 
Nantes,  1874)  ;  Un  Soir  d'hiver  (oct.  1875),  avec  la  Nuit 
à  La  Celle-sous-Moret  (musée  de  Melun,  i  878),  un  véritable 
chef-d'œ.uvre.  Il  commença  une  suite  de  paysages  lunaires, 
dont  les  plus  remarquables  furent  :  la  Nuit  d'octobre 
(S.  1880,  musée  du  Luxembourg);  Nuit  d'été  à  Moret- 
sur-Loing  (1885).  Ses  dernières  œuvres  exposées  furent  : 
la  Nuit  à  Courpalay  et  les  Premières  Neiges  (1888). 

LAVIERS-le-Grand  (Latœrum),  Com.  du  dép.  de  la 
Somme,  arr.  et  cant.  (N.)  d'Abbeville,  sur  la  rive  droite 
de  l'ancien  lit  de  la  Somme;  223  hab. 

LAVIEU  {Laviacum,  Ladvieu),  Com.  du  dép.  de  la 
Loire,  arr.  de  Montbrison,  cant.  de  Saint-Jean-Soleymieux  ; 
270  hab.  —  Cette  localité  a  donné  son  nom  à  une  des  plus 
anciennes  famille  du  Forez;  elle  apparaît  dans  l'histoire  dès 
le  xi«  siècle  par  le  mariage  de  Guigue  Lavieu  avecRotulfe, 
fille  de  Gérard  II,  comte  de  Forez.  Elle  occupait  dans  la 
province  une  situation  exceptionnelle  et  son  fief  avait  titre 
de  vicomte.  La  plupart  de  ses  membres  marquèrent  dans 
l'Eglise  :  Brian  de  Lavieu  (xii«  siècle)  contribua  à  la  fon- 
dation de  l'abbaye  de  Val-Benoite  ;  plusieurs  Lavieu  furent 
prieurs  d'Ainay,  de  Montverdun,  de  Saint-Romain-le-Puy. 
La  sépulture  de  la  famille  était  dans  Téglise  des  Cordeliers 
de  Montbrison.  La  maison  de  Lavieu  se  fondit  par  les  filles 
avec  la  maison  de  Lévis-Cousan  et  avec  celle  de  Talaru- 
Chalmazel,  au  xv^ siècle.  Les  armes  des  Lavieu  sont:  d'or 
diapré  de  gueules  à  la  bande  dentelée  de  sable  ;  on 
leur  donne  quelquefois  :  de  gueules  au  chefvairé  de  deux 
traits  qui  est  contre-Urfé;  c'est  l'écusson  de  la  terre  de 
Feugerolles  qu'ils  possédaient.  M.  Dumoulin. 

LA  VIEUVILLE(V.  Vieuville). 
LAVIGERIE.  Com.  du  dép.  du  Cantal,  arr.  et  cant.  de 
Murât  ;  464  hab. 

LAVIGERi  E  (Charles-Martial-Allemand),  cardinal-arche- 
vêque de  Carthage  et  d'Alger,  primat  d'Afrique,  né  à 
Bayonne  le  31  oct.  1825,  mort  à  Algérie  26  nov.  1892. 
Fils  d'un  ancien  receveur  des  douanes,  il  se  destina  à  la 
carrière  ecclésiastique,  vint  à  Paris  en  1840  au  séminaire 


—  1061 


LAVIGERIK 


de  Saint-Nicolas,  où  ses  brillantes  facultés  le  firent  vite 
remarquer,  passa  en  1843  à  Saint-Sulpice,  mais  suivit 
l'Ecole  des  Carmes,  créée  alors  pour  préparer  de  jeunes 
prêtres  à  prendre  leurs  grades  universitaires.  En  1847,  il 
fut  reçu  licencié  es  lettres  ;  ordonné  prêtre  le  2  juin  1 849, 
il  fut  appelé  aussitôt  après  à  enseigner  la  littérature  latine 
à  l'Ecole  des  Carmes.  Il  soutint  sa  thèse  de  doctorat  sur 
l'Ecole  chrétienne  d'Edesse  (Paris,  4850),  le  d2  juil. 
1850  ;  la  thèse  latine  traitait  dllégésippe.  Puis  il  se  fit  re- 
cevoir docteur  en  théologie  à  la  Sorbonne.  En  1852,  il  fut 
premier  dans  le  concours  pour  une  chapellenie  de  Sainte- 
Geneviève.  Deux  ans  après,  il  fut  nommé  comme  suppléant 
à  la  chaire  d'histoire  ecclésiastique  à  la  faculté  de  théolo- 
gie de  la  Sorbonne  et  professa  pendant  deux  ans.  A  cette 
période  de  sa  vie,  appartiennent  une  série  de  publications 
classiques,  des  Cours  de  thèmes  grecs^  Cours  de  ver-^ 
sions  grecques^  Dictionnaire  grec- français,  Histoire 
sainte.  Histoire  de  l'Eglise  abrégée  et  ses  Leçons  sur 
le  jansénisme  (Paris,  1856,  in-8).  Ce  n'est  que  la  pre- 
mière étape  d'une  carrière  prodigieusement  active.  Ses 
supérieurs  avaient  découvert  que  le  savant  était  doublé  en 
lui  d'un  administrateur.  A  la  fin  de  1856,  on  lui  proposa 
de  prendre  la  direction  de  l'œuvre  des  écoles  d'Orient.  Il 
accepta,  partit  bientôt  pour  la  Syrie  et  fut  ainsi  pour  la 
première  fois  mis  en  contact  avec  le  monde  infidèle,  dont 
l'attrait  irrésistible  domine  sa  vie  :  «  C'est  là,  a-t-il  écrit, 
que  j'ai  connu  enfin  ma  vocation.  »  Lors  des  massacres  du 
Liban,  l'abbé  Lavigerie  fut  chargé  d'aller  distribuer  trois 
millions  de  fr.  aux  victimes  des  Druses.  Dans  la  répartition 
de  cette  somme  considérable,  il  révéla  d'insignes  qualités 
d'homme  d'action,  un  coup  d'œil  juste,  une  prompte  déci- 
sion. Il  parcourut  à  cheval  tout  le  pays  et  fonda  les  orphe- 
linats de  Beyrouth  et  de  Zahlé.  A  peine  de  retour  en  Europe, 
il  fut  nommé  auditeur  de  rote  à  Rome  en  oct.  1861,  et, 
deux  ans  après,  él'^vé  au  siège  épiscopal  de  Nancy.  Pie  IX, 
qui  le  tenait  en  haute  estime,  avait  voulu  lui-même  le 
sacrer  évèque  en  l'église  Saint-Louis-des-Français,  mais 
en  fut  empêché  par  la  maladie.  Le  nouvel  évèque  s'elForça 
de  développer,  dans  son  diocèse,  le  goût  des  fortes  études 
parmi  le  clergé  et  les  séminaristes  ;  il  organisa  également 
les  congrégations  religieuses.  C'est  là  que  Mac-Mahon  fit 
la  connaissance  de  Mgr  Lavigerie,  En  i  866,  le  maréchal, 
alors  gouverneur  général  de  l'Algérie,  apprit  à  Compiègne 
que  l'évêque  d'Alger  venait  de  mourir  le  16  nov.  ;  le  17, 
il  proposa  à  l'évêque  de  Nancy  de  prendre  la  succession  de 
Mgr  Pavy;  le  19,  Mgr  Lavigerie  accepta,  de  préférence  à 
la  coadjutorerie  de  Paris  qu'on  lui  offrait.  L'apostolat  en 
Afrique  le  séduisait  :  «  Il  fera  moins  dur  de  mourir  à  Al- 
ger »,  écrivait-il  à  un  ami.  Ainsi  se  termine  la  première 
partie  de  sa  vie  ;  c'est  une  remarquable  préparation  aux 
travaux  qui  attendaient,  au  S.  de  la  Méditerranée,  le  futur 
primat  d'Afrique. 

Le  siège  d'Alger  avait  été  élevé  au  rang  d'archevêché, 
par  une  bulle  datée  du  25  juil.  1866  déjà;  la  transforma- 
tion fut  autorisée  par  décret  du  12  janv.  1867  ;  Mgr  La- 
vigerie fut  nommé  archevêque  le  même  jour  et  préconisé 
le  27  mars  suivant  ;  il  avait  quarante  et  un  ans.  Il  débar- 
qua en  Afrique  le  16  mai.  La  famine  qui  allait  décimer  la 
population  indigène  se  faisait  déjà  sentir  ;  dès  le  mois  de 
novembre,  l'archevêque  recueillit  des  orphelins  ;  il  en  réu- 
nit bientôt  un  si  grand  nombre  que  l'administra tion  mili- 
taire s'en  émut  comme  d'une  tentative  de  propagande 
qu'elle  disait  périlleuse  pour  l'avenir  de  la  colonie;  elle 
aurait  surtout  désiré  cacher  à  la  France  l'étendue  du  fléau. 
Mais,  dès  le  1^'janv.  1868,  Mgr  Lavigerie  avait  publié  une 
lettre  vibrante  sur  la  désolante  situation  des  indigènes.  Le 
gouvernement  général  avertit  le  prélat  que  sa  tâche  unique 
était  de  moraliser  les  colons.  L'archevêque  protesta  hau- 
tement et  publiquement,  continua  à  fonder  des  villages 
arabes  pour  les  orphelins,  refusa  le  siège  primatial  de  Lyon 
que  l'empereur  lui  fit  offrir  et  eut,  en  somme,  le  dernier 
mot  :  l'autorité  civile  succéda  peu  après  à  celle  de  l'armée 
en  Algérie,  et  l'amiral  Gueydon,  qui  remplaça  le  maréchal 


Mac-Mahon,  en  félicita  l'archevêque.  —  Le  concile  du  Va- 
tican, en  1870,  où  Mgr  Lavigerie  se  rangea  du  côté  des 
prélats  français  qui  se  montrèrent  dès  l'abord  favorables 
à  la  proclamation  de  l'infaillibilité  papale,  n'est  qu'un 
épisode  sans  importance  dans  la  carrière  de  l'archevêque 
d'Alger.  L'action  a  pris  pour  lui  plus  d'importance  que  le 
dogme.  Le  contact  avec  les  indigènes  pendant  la  famine 
avait  fait  concevoir  à  Mgr  Lavigerie  des  espérances  exa- 
gérées au  sujet  de  leur  conversion.  Encore  en  1868,  il  créa 
la  Société  des  missionnaires  d'Alger,  définitivement  orga- 
nisée en  oct.  1874;  mais,  dès  le  mois  d'août  iS6S,  l'ar- 
chevêque d'Alger  fut  chargé  par   la  Congrégation  de  la 
Propagande  du  gouvernement  de  la  préfecture  apostolique 
du  Sahara.  Le  costume  blanc  qu'adoptèrent  les  mission- 
naires d'Alger  leur  valut  le  surnom  de  Pères  blancs.  Ils 
allèrent  aider,  en  1873,  les  jésuites  établis  depuis  1868  en 
Kabyiie;  en  1875  et  de  nouveau  en  1878,  trois  d'entre 
eux  qui  essayèrent  de  se  rendre  à  Tombouctou  furent  as- 
sassinés en  route.  Mgr  Lavigerie  se  passionna  à  tel  point 
pour  l'Afrique  qu'il  offrit  au  pape  la  démission  de  son 
archevêché  au  commencement  de  1877,  afin  de  pouvoir  se 
consacrer  uniquement  à  ses  missions.  Pie  IX  refusa,  mais 
accorda  un  coudjuteur  à  l'archevêque,  qui  obtint  en  févr, 
1878,  pour  ses  missionnaires,  toute  l'Afrique  équatoriale, 
où  il  occupa  bientôt  les  rives  du  lac  Nyanza  et  dulacTan- 
ganyika  ;  plus  tard,  il  y  ajouta  deux  autres  juridictions, 
les  proyicariats  de  l'Ounyanyembé  et  du  Haut-Congo.  Vers 
1888,  il  se  mêla  à  l'agitation  antiescîavagiste  ;  l'ardente 
éloquence  avec  laquelle  il  flétrit  la  traite  africaine  émut 
d'immenses  auditoires  à  Paris,  à  Londres,  en  Belgique,  en 
Suisse,  en  Italie.  Il  créa  des  agences  ;  des  sommes  énormes 
furent  réunies  ;  il  convoqua  et  assembla  à  Paris  le  con- 
grès antiesclavagiste  de  sept.  1890.  Les  Frères  armés  du 
Sahara,  sorte  de  milice  religieuse  organisée  par  l'infati- 
gable apôtre  pour  appliquer  èfi'ectivement  le  programme  du 
congrès,  n'eurent  qu'une  existence  éphémère  en  raison  de 
considérations  internationales.  —  Avant  que  les  missions 
de  l'archevêque  d'Alger  eussent  pris  cette  extension,  le  con- 
flit tunisien  avait  ouvert,  en  1880,  un  nouveau  champ  à  son 
insatiable  besoin  d'action.  Dès  1875,  il  avait  fait  relever 
par  les  Pères  blancs  les  ruines  de  l'établissement  de  Saint- 
Louis  à  Carthage.  Après  l'expédition  française  en  Tunisie, 
la  diplomatie  de  Mgr  Lavigerie  seconda  vigoureusement 
l'influence  française.  Par  une  entente  entre  le  saint-siège 
et  la  France,  MgrSuter,  un  capucin  italien  de  quatre-vingt- 
six  ans,  vicaire  apostolique  de  Tunis,  fut  amené  à  donner 
sa  démission,  et  l'archevêque  d'Alger  fut  nommé  adminis- 
trateur apostolique  de  la  Tunisie  par  un  bref  du  28  juin 
1881.  Entre  oct.  1881  et  janv.  1884,  il  dépensa  dans  le 
nouveau  diocèse  tout  près  de  2  millions,  faisant  partout 
admirer  et  aimer  la  France,  une  politique  qui  arracha  à 
Gambetta  le  mot  célèbre  :  «  L'anticléricalisme  n'est  pas  un 
article  d'exportation.  »  Cela  contribua  sans  doute  aussi  à 
faire  exempter  l'Algérie,  grâce  aux  démarches  de  Mgr  La- 
vigerie, de  l'application  des  décrets  sur  les  congrégations 
religieuses.  Peu  de  temps  auparavant  le  27  mars  1882,  la 
pourpre  cardinalice  avait  été  conférée  à  l'archevêque  d'Alger. 
Mais  cela  ne  suffisait  pas  à  son  ambition  apostolique.  En 
remerciant  Léon  XIII,  le  nouveau  cardinal  énonça,  comme 
une  sorte  de  vœu  suprême,  son  désir  de  voir  restaurer  le 
siège  de  saint  Cyprien.  La  préoccupation  de  ranimer  les 
souvenirs  de  la  vieille  Eglise  d'Afrique  s'était  du  reste  fait 
jour  dès  son  débarquement  en  Algérie.  Là  encore,  il  réus- 
sit. Une  bulle  du  10  nov.  1884  rétablit  le  siège  primatial 
de  Carthage,  et,  le  25  janv,  suivant,  l'archevêque  d'Al- 
ger reçut  lepallium,  insigne  de  sa  nouvelle  dignité  d'ar- 
chevêque de  Carthage,  primat  d'Afrique.  —  Finalement,  il 
intervint  directement  dans  la  poHtique  intérieure  en  France. 
Le  12  nov.  1890,  il  ofi'rit  un  déjeuner  à  l'état-major  de 
l'escadre  de  la  Méditerranée,  à  la  résidence  archiépisco- 
pale de  Saint-Eugène.  Après  le  repas,  il  porta  un  toast  à 
la  marine  française  et  à  l'union  de  tous  les  partis,  au  pro- 
fit de  la  patrie  «  quelle  que  soit  la  forme,  d'ailleurs  régu- 


LAVIGERIE  —  LAVIS 


—  1062  — 


lière,du  gouvernement  qu'abrite  le  drapeau  national  ».  Puis 
les  élèves  des  Pères  blancs  jouèrent  la  Marseillaise.  Le 
désarroi  fut  indescriptible  dans  les  rangs  du  parti  clérical 
et  monarchiste  ;  mais  le  cardinal  était  «  certain  de  n'être 
désavoué  par  aucune  voix  autorisée  ».  Il  se  savait  couvert 
par  Rome;  un  bref  du  9  févr.  1891  lui  en  répéta  l'assu- 
rance. C'était  l'inauguration  d'une  nouvelle  politique  du 
saint-siège,  à  l'égard  de  la  France  républicaine,  ainsi  qu'il 
«  convenait  aux  besoins  du  temps  »,  dit  le  bref  en  ques- 
tion. Malgré  cela  les  rancunes  des  légitimistes  intransi- 
geants paraissent  avoir  sensiblement  diminué  les  res- 
sources pécuniaires  des  œuvres  du  cardinal.  Il  se  peut 
que  ces  soucis  aient  hâté  sa  fin.  Il  souffrait  déjà  d'une 
paralysie  rhumatismale  ;  il  mourut  d'un  épanchement  cé- 
rébral. Une  première  partie  de  l'œuvre  littéraire  de  ce 
prélat,  qui  rappelle  les  grandes  figures  de  la  première  pé- 
riode du  moyen  âge,  a  été  publiée  sous  le  titre  d'OEuvres 
choisies  de  S.  E,  le  cardinal  Lavigerie  (Paris,  1884, 
2  vol.  in-8).  Ce  sont  surtout  des  mandements,  des  lettres 
et  des  allocutions,  dont  la  langue  souple  et  colorée  attire 
l'attention.  F.-H.  Kruger. 

BiBL.  :  Mgr  A.-C.  Grussenmayer,  Vingt-cinq  Années 
d'épiscopat  en  France  et  en  Algérie.  Documents  biogra- 
phiques sur  S.  E.  le  cardinal  Lavigerie  ;  Alger ^  1888,  2  vol. 
in-8.  --  L'abbé  F.  Klein,  le  Cardinal  Lavigerie  et  ses  mis- 
sions d'Afrique  ;  Paris,  1890,  in-12.  —  F.  Bournand,  S.  E. 
le  cardinal  Lavigerie  ;  Paris,  1893,  in-8.  —  Mgr  Ricard, 
le  Cardinal  Lavigerie  ;  Lille,  1893,  in-8. 

LAVIGNAC.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Vienne,  arr.  de 
Saint- Yrieix,  cant.  de  Châlus  ;  299  hab. 

LA  VIGNE  (V.  Vigne). 

LAVIGNE  (Antoine-Joseph),  hautboïste  français,  né  à 
Besançon  le  23  mars  1816.  Elève  de  Vogt  au  Conserva- 
toire de  Paris,  il  obtint  le  prix  de  hautbois  au  concours  de 
1837  et  fut  attaché  à  l'orchestre  du  Théâtre-Italien  de  Pa- 
ris, puis  à  celui  du  Her-Majesty's  Theater  à  Londres.  Il 
appliqua  partiellement  au  hautbois  le  système  de  clefs  in- 
venté par  Bœhm  pour  la  flûte. 

LAVIGNE  (Hubert),  sculpteur  français,  né  à  Cons-la- 
Granville  (Meurthe-et-Moselle)  en  1818,  mort  en  1881. 
Il  entra  à  l'Ecole  des  beaux-arts  en  1835  où  il  eut  pour 
maîtres  Régamey  et  Dumont  et  débuta  au  Salon  de  1849 
par  la  Vierge  immaculée,  statue  en  plâtre.  Il  continua 
d'exposer  aux  Salons  suivants  des  statues  et  des  bustes. 
Cet  artiste  a  exécuté  un  grand  nombre  de  travaux  pour  les 
monuments  publics,  entre  autres  le  bas-relief  des  Enfants 
(fontaine  Saint-Michel),  Pt^rr^  Lombard  (statue  en  pierre, 
église  de  la  Sorbonne),  le  buste  de  Cuvier  (Ecole  normale 
supérieure),  la  Télégraphie  (statue  en  plâtre,  Troca- 
déro),  etc.  Il  a  aussi  publié  un  recueil  intitulé  Etat  civil 
d'artistes  français^  billets  d'enterrement  ou  de  décès 
depuis  y^:^^  (1881,  in-8). 

LAVIGNE  (M^^®  Alice  Pettet,  dite),  actrice  française 
contemporaine,  née  à  Buenos  Aires.  Elle  faisait  partie  en 
1883  de  la  troupe  que  dirigeait  M.  Montrouge  à  l'Athé- 
née-Comique.  Ce  théâtre  ayant  été  démoli  l'année  suivante, 
M^^^  Lavigne  fut  aussitôt  engagée  au  Palais-Royal  pour  y 
tenir  l'emploi  des  soubrettes.  Comédienne  charmante  et  dé- 
lurée, pleine  de  fantaisies  excentriques  sans  jamais  dépasser 
le  but,  M^^®  Lavigne,  qui  a  ce  don  rare  chez  une  femme 
d'une  gaieté  étonnamment  communicative  sans  jamais  verser 
dans  la  caricature,  s'est  fait  au  Palais-Royal,  où  sa  seule 
entrée  en  scène  amène  le  rire  sur  les  lèvres  du  spectateur, 
une  renommée  justement  méritée.  Dans  les  Petites  Godin, 
elle  avait  une  scène  de  mal  de  mer  qui  faisait  pâmer  la 
salle  entière,  et  dans  Gotte  elle  faisait  preuve  d'un  véri- 
table talent  de  comédienne  en  jouant  à  ravir  une  scène 
sentimentale.  Parmi  ses  nombreuses  créations,  il  faut  citer 
encore  :  le  Train  de  plaisir,  le  Club  des  panés,  Un  Prix 
Montyon,  Leurs  Gigolettes,  les  Noces  d'un  réserviste, 
les  Joies  de  la  paternité,  etc.  M^^®  Lavigne  est  une  des 
meilleures  actrices  de  Paris.  A.  Pougin. 

LAVIGNÉVILLE.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de 
Commercy,  canL  de  VigneuUes  ;  226  hab. 


LAVI6NEY.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Saône,  arr.  de 
Vesoul,  cant.  de  Vitrey;  334  hab. 

LAVIGNY.  Com,  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Lons-le-Sau- 
nier,  cant,  de  Voiteur;  505  hab, 

LAVILLE  (Adolphe),  homme  politique  français,  né  à 
Montaigut-en-Combraille  (Puy-de-Dôme)  le  6  juin  1831 . 
Propriétaire,  maire  de  Montaigut,  il  fut  élu  député  de  la 
deuxième  circonscription  de  Riorale  21  août  1881,  fit  par- 
tie de  l'union  républicaine,  fut  réélu  en  1885,  1889  et 
1893,  et  combattit  le  boulangisme. 

LA  VILLE  DE  MiRMONT  (V.  Ville  de  Mirmont). 

LAVILLEDIEU.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de 
Sarlat,  cant.  de  Terrasson  ;  358  hab. 

LA  VILLEGILLE  (Nouail  de)  (V.  Villegille). 

LAVILLEHEURNOIS  (Berthelot  de)  (V.  Villeheur- 

NOIS). 

LA  VILLEMARQUÉ  (V.  Villemârqué) . 

LAVILLENEUVE.  Com.  du  dép.  de  Saône-et-Loire,  arr. 
de  Chalon-sur-Saône,  cant.  de  Verdun  ;  359  hab. 

LA  VILLETTE  (V.  Villette). 

LAVINCOURT.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Bar- 
Îe-Duc,  cant.  d'Ancerville  ;  176  hab. 

LAVINIE  (Myth.  lat.).  Fille  de  Latinus,  roi  des  Abori- 
gènes, épouse  d'Enée  et  mère  d'Ascagne  ou  de  Silvius,  an- 
cêtre de  la  nation  romaine.  D'abord  promise  à  Turnus,  roi 
des  Rutules,  elle  n'appartint  à  Enée  qu'après  les  combats 
livrés  par  lui  pour  la  conquête  de  l'Italie.  Suivant  les  Grecs, 
Lavinie  était  la  fille  d'un  prêtre  de  Délos,  qui  aurait  accom- 
pagné Enée  dans  ses  aventures  et  serait  morte  sur  l'em- 
placement où  le  héros  fonda  la  ville  de  Lavinium. 

LAVINIUM.  Ville  sacrée  des  Latins,  près  de  la  côte,  à 
16  milles  au  S.-O.  de  Rome,  au  lieu  dit  aujourd'hui  Pra- 
tica  (V.  Latium),  fondée  suivant  les  uns  par  Enée,  sui- 
vant les  autres  par  Latinus  en  souvenir  de  sa  fille  Lavinie. 
Elle  était  célèbre  dès  la  plus  haute  antiquité  par  un  sanc- 
tuaire de  Vénus  surnommée  Frutis,  nom  où  il  est  facile 
de  reconnaître  une  corruption  d'Aphrodite.  Comme  la  lé- 
gende racontait  cju'Enée  apporta  dans  cette  ville  le  culte 
d'Aphrodite  Erycine,  on  a  pu  conclure  avec  vraisemblance 
que  le  culte  de  cette  divinité,  venue  de  Sicile,  apporta  en 
Italie  le  nom  d'Enée.  Lavinium  possédait  également  un 
culte  des  Pénates  ou  Lares  publics  de  la  confédération  la- 
tine et  celui  d'un  dieu  topique,  le  fleuve  Numicius,  suc- 
cessivement identifié  avec  Jupiter  Latiaris  et  Enée,  appelé 
Divus  Pater  Indig es.  C'est  dans  ce  bourg  qu'il  faut  cher- 
cher l'explication  de  la  légende  d'Enée,  ancêtre  de  la  na- 
tion romaine.  Lavinium  passa  pour  la  métropole  d'Albe  et 
indirectement  de  Rome.  Au.  temps  de  Trajan,  on  réunit  les 
cités  de  Lavinium  et  Laurentum  et  on  les  repeupla  de  nou- 
veaux colons. 

BiBL.  :  HiLD,  la  Légende  d'Enée,  pp.  40  et  suiv.  —  Bois- 
siER,  Promenades  archéologiques. 

LAVIOLLE.  Com.  du  dép.  de  l'Ardèche,  arr.  de  Privas, 
cant.  d'Antraigues  ;  786  hab. 

LAVIR-Chevalier  (V.  Branchu  [M"^^]). 

L AVIRON.  Com,  du  dép.  du  Doubs,  arr.  de  Baume -les- 
Dam.es,  cant.  de  Pierrefontaine  ;  639  hab. 

LAVIS  (Beaux-Arts).  Sorte  de  peinture  à  l'eau  qui  dif- 
fère de  Vaqnarelle  (V.  ce  mot)  en  ce  que  les  couleurs 
sont  plus  largement  délayées  et  employées  uniquement  en 
teintes  pâles  ;  lorsqu'on  l'exécute,  on  semble  laver  le  pa- 
pier. Pour  être  expressif,  il  faut  que  ce  genre  de  travail 
soit  contenu  dans  des  lignes  précises  et  des  contours  fermes. 
Il  sert  le  plus  souvent  dans  les  plans  et  les  esquisses  de 
l'architecture  et  de  la  décoration,  pour  les  teintes  conven- 
tionnelles qui  expriment  les  différents  matériaux.  Dans  les 
cartes  de  géographie,  ce  sont  des  teintes  de  lavis,  choisies 
arbitrairement,  qui  servent  à  différencier  les  contrées  d'un 
même  continent,  et  à  rendre  leurs  frontières  plus  faciles  à 
suivre,  tandis  qu'une  même  teinte  bleue  dégradée  contourne 
toutes  les  côtes  et  sépare  nettement  la  terre  ferme  de  la 
mer.  —  Dans  une  acception  plus  artistique,  on  appelle 
quelquefois  de  ce  nom  un  dessin  à  la  plume  ou  à  la  mine 


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JAVIS  —  LAVOCAT 


de  plomb,  de  dimensions  plutôt  petites  que  grandes,  dont 
les  modelés  et  le  clair-obscur  sont  obtenus  au  moyen  de 
la  sépia  ou  de  Tencre  de  Chine.  Ce  genre,  ainsi  que  la  gra- 
vure à  V aquatinte  (V.  ce  mot)  qui  fut  inventée  pour  l'imiter, 
est  tombé  en  désuétude  Ad.  Thiers. 

LAVISSE  (Ernest),  professeur  et  historien  français,  né 
au  Nouvion-en-Thiérache  (Aisne)  le  47  déc.  1842.  Quand 
la  Revue  de  Paris ^  qu'il  dirige  aujourd'hui,  fut  fondée, 
M.  La  visse  fit  annoncer  qu'il  y  publierait  des  souvenirs  de 
jeunesse;  mais  ses  ouvrages  connus  contiennent  déjà  des 
anecdotes,  des  confidences,  qui  sont  précieuses  pour  ses 
biographes.  Il  a  raconté  lui-même  comment  il  fut  éduqué, 
jusqu'à  l'âge  de  dix  ans,  par  le  bon  maître  d'école  du  Nou- 
vion-en-Thiérache (.4  Propos  de  7ios  écoles,  pp.  1-4)  ; 
comment  il  passade  l'école  du  Nouvion  au  collège  deLaon, 
et  ce  qu'il  y  fit  {Etudes  et  étudiants^  pp.  98  et  suiv.). 
Il  compléta  ses  études  au  lycée  Charlemagne,  à  Paris,  et 
il  a  parlé  de  ces  «  grandes  rhétoriques  »  de  Charlemagne, 
si  florissantes  sous  l'Empire,  où  se  sont  formés,  sous  la 
discipline  de  MM.  Lemaire  et  Boissier,  tant  de  futurs 
hommes  de  talent  {Etudes  et  étudiants^  p.  12).  Admis  à 
l'Ecole  normale  supérieure  en  1862,  il  en  sortit,  trois  ans 
après,  agrégé  d'histoire  et  de  géographie.  Il  n'a  pas  encore 
rapporté  tous  les  souvenirs  que  lui  a  laissés  son  séjour 
dans  cette  maison  (V.  cependant  Etudes  et  étudiants^ 
p.  58,  etc.)  ;  mais  il  a  dit  récemment,  dans  un  article  sur 
«  la  jeunesse  d'autrefois  et  la  jeunesse  d'aujourd'hui  »,  les 
relations  qu'il  eut,  à  cette  époque  de  sa  vie,  avec  les  princes 
de  la  jeunesse  d'alors;  il  fréquenta  le  café  Procope;  il  y 
vit  Floquet,  Gambetta,  Clemenceau  ;  il  fut  chargé  par  des 
camarades  d'aller  demander  des  explications  à  Vermorel, 
qui  avait  fait,  sans  réserves,  l'éloge  de  Falloux  et  de  Mon- 
talembert  ;  toutefois,  il  ne  fut  jamais  «  engagé  à  fond  dans 
le  mouvement  de  la  jeunesse  »  républicaine.  «  Mon  éduca- 
tion, dit-il,  dans  une  famille  très  respectueuse  de  l'auto- 
rité, le  souvenir  des  récits  dont  de  chers  vieux  soldats 
émerveillèrent  mon  enfance,  l'admiration,  qui  m'en  était 
restée,  de  la  grandeur  de  l'empereur  et  de  sa  force,  une 
défiance  naissante  de  la  rhétorique,  l'ambition  de  com- 
mencer au  plus  vite  une  vie  active,  agissante  et  qui  eut 
de  la  suite...,  m'arrêtèrent  sur  la  pente  oti  je  me  préci- 
pitai un  moment.  »  {A  Propos  de  nos  écoles^  p.  230.)  En 
1865,  il  fut  nommé  professeur  au  lycée  de  Nancy  {A  Propos 
de  nos  écoles,  p.  49)  ;  M.  Duruy,  ministre  de  l'instruction 
publique,  l'attacha  bientôt  à  son  cabinet;  il  fut  mis  en 
relations  avec  l'empereur,  et  devint  le  maître  préféré  du 
jeune  prince  impérial.  Après  la  chute  du  régime,  il  ensei- 
gna au  lycée  de  Versailles,  puis  au  lycée  Henri  IV,  à 
Paris,  pendant  plusieurs  années.  Docteur  es  lettres  en 
1875,  maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale  supérieure 
en  1876,  il  fut  appelé  à  suppléer  M.  Fustel  de  Coulanges 
dans  la  chaire  d'histoire  du  moyen  âge  à  la  faculté  des 
lettres  de  Paris  de  1880  à  1883.  En  oct.  1883,  il  fut 
nommé  professeur  adjoint  et  directeur  d'études  pour 
l'histoire  à  ladite  faculté.  C'est  le  1^^  mars  1888  qu'il  a 
succédé  à  M.  Wallon  dans  la  chaire  d'histoire  moderne. 
Il  a  été  élu  membre  de  l'Académie  française  le  2  juin  1892. 

M.  Lavisse  a  étudié  d'abord  et  fait  connaître  en  France 
l'histoire  de  Prusse.  Ses  thèses  sont  intitulées  :  De  Ber- 
manno  Salzensi,  ordinis  teutonici  magistri,  et  la 
Marche  de  Brandebourg  sous  la  dynastie  ascanienne, 
étude  sur  Vune  des  origines  de  la  monarchie  prus- 
sienne (1875).  Il  n'a  jamais  perdu  de  vue  ce  sujet,  et 
c'est  à  l'histoire  de  Prusse,  moderne  ou  contemporaine, 
que  se  rattachent  quelques-uns  de  ses  plus  beaux  livres  : 
Etudes  sur  l'histoire  de  Prusse  (Paris,  1879,  in-l8); 
la  Jeunesse  du  grand  Frédéric  (Paris,  1891,  in-8);  le 
Grand  Frédéric  avant  Vavènemejit  (Paris,  1893,  in-8); 
Trois  Empereurs  d'Allemagne,  Guillaume  i*'^,  Fré- 
déric III,  Guillaume  II  (Paris,  1888,  in-18).  Professeur 
d'histoire  du  moyen  âge,  il  a  laissé  dans  ce  domaine,  où 
tant  d'érudits  travaillent  minutieusement  sans  y  voir  clair, 
une  trace  lumineuse  ;  il  a  traité  avec  largeur  et  avec  éclat 


le  problème  des  origines  germaniques  de  la  France  et  l'his- 
toire du  Saint-Empire,  dans  une  série  d'articles  publiés 
par  la  Revue  des  Deux  Mondes,  qui  n'ont  pas  été,  malheu- 
reusement, réunis  en  volume.  En  même  temps,  il  travaillait 
avec  les  directeurs  successifs  de  l'enseignement  supérieur, 
MM.  Albert  Dumont  et  L.  Liard,  à  préparer  la  transfor- 
mation de  cet  enseignement  en  France.  Par  des  articles  de 
journal  et  de  revue,  par  des  conférences,  par  des  dis- 
cours, il  a  saisi  l'opinion  publique  de  cette  grave  question  ; 
il  s'est  attaqué  aux  examens  de  baccalauréat,  de  licence  et 
d'agrégation,  dont  le  joug  pesait  sur  les  études,  et  le  bac- 
calauréat, la  licence  et  l'agrégation  d'histoire  ont  été  ré- 
formés ;  il  a  plaidé  pour  l'établissement  d'universités  en 
France  ;  il  a  encouragé  de  son  approbation  et  de  ses  con- 
seils les  associations  d'étudiants  qui  se  sont  créées  à  Paris, 
à  Lyon,  à  Bordeaux,  à  Montpellier,  etc.  Son  œuvre  péda- 
gogique écrite  a  étérecueiUie  dans  trois  volumes  intitulés: 
Questions  d'enseignement  national  (Paris,  1885,  in- 
18)  ;  Etudes  et  étiidiaîits  (Paris,  1890,  in-18)  ;  A  Propos 
de  nos  écoles  (Paris,  1895,  in-18).  «  Je  redis  toujours 
les  mêmes  choses  »,  déclare-t-il  dans  la  préface  du  dernier 
de  ces  volumes  quinquennaux;  mais  il  redit  les  mêmes 
choses  avec  une  vigueur  toujours  nouvelle,  et  son  champ 
d'activité  s'élargit  sans  cesse.  M.  Lavisse  a  publié  en  outre 
quelques  brochures  de  circonstance:  Sully  (Paris,  1880, 
in-12)  ;  Discours  de  réception  à  l'Académie  française 
(séance  du  16  mars  1893);  la  Question  d'Alsace  dans 
une  âme  d'Alsacien  (Paris,  1891,  in-16)  ;  la  Bataille  de 
Bouvines  (Paris,  s.  d.,  in-36),  etc.  Enfin,  il  est  l'auteur 
d'une  Vue  générale  de  l'histoire  politique  de  l'Europe 
(Paris,  1890,  in-12),  et  d'un  grand  nombre  d'ouvrages  clas- 
siques {l'Année  préparatoire  d'histoire  de  France;  His- 
toire générale,  notions  sommaires  d' histoire  ancienne, 
du  moyen  âge  et  des  temps  modernes;  la  Deuxième  An- 
née d'histoire  de  France,  etc.),  qui  ont  eu  un  grand  succès. 
Il  dirige,  avec  M.  A.  Rambaud,  une  Histoire  générale  du 
iv^  siècle  a  nos  jours,  qui,  rédigée  par  des  spécialistes,  est 
destinée  à  mettre  le  grand  public  au  courant  des  principales 
conclusions  actuelles  delà  science  historique;  cette  Histoire 
générale  paraît  depuis  1893  par  fascicules  bi-mensuels.  Il 
prépare  une  grande  Histoire  originale  du  règne  de  Louis  XIV. 
En  déc.  1894,  il  est  devenu  directeur  de  la  Revue  de 
Paris.  —  Cette  énumération,  qui  n'est  pas  complète,  est 
faite  assurément  pour  donner  une  haute  idée  de  l'œuvre  de 
M.  Lavisse  depuis  vingt  ans.  Nous  n'avons  rien  dit  cepen- 
dant de  son  influence  personnelle  sur  les  jeunes  gens,  qui 
est  très  grande,  à  la  Sorbonne  et  ailleurs,  ni  de  son  talent, 
sobre  et  puissant.  H  est  peu  d'hommes  plus  vivants,  plus 
séduisants,  à  cause  de  la  force  poétique,  de  la  noblesse 
naturelle  et  de  la  bonté  qui  sont  en  lui.  Il  en  est  peu  qui 
soient  aussi  visiblement  faits  pour  commander.  Ce  qu'il  a 
dit  d'Albert  Dumont  s'applique  très  bien  à  ce  professeur 
qui  a  l'air  d'un  général  et  qui,  sans  doute,  eût  été,  au 
besoin,  un  homme  d'Etat  de  premier  ordre:  «  Justement 
parce  qu'il  était  capable  de  remplir  des  devoirs  plus  diffi- 
ciles, il  a  excellé  dans  l'accomplissement  des  siens.  On 
rencontre  ainsi  des  hommes  à  qui  la  destinée  n'a  pas  donné 
vêtement  à  leur  taille,  mais  qui  gardent  le  grand  air  qu'ils 
tiennent  de  la  nature.  Ils  ne  savent  être  médiocres  en 
rien.  La  force  qui  est  en  eux  de  faire  davantage,  ils  la 
dépensent  à  grandir  les  choses  qu'ils  font.  »  {Études  et 
étudiants,  p.  22.) 

LAVIT.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  Tarn-et-Garonne, 
arr.  de  Castelsarrasin  ;  1,509  hab. 

L  AVOCAT  (Gaspard),  homme  politique  français,  né  à 
Montïgny-sur-Meuse  le  10  déc.  1794,  mort  à  Paris  le 
8  nov.  1860.  Entré  dans  l'armée,  il  fit  dans  la  garde  les 
campagnes  de  1814  et  1815.  H  servit  ensuite  dans  les  cui- 
rassiers de  Berry,  et,  impliqué  dans  les  complots  militaires 
de  l'époque,  fut  condamné  à  mort  en  1820  et  en  1824. 
Protégé  par  M.  de  Peyronnet,  il  fut  gracié  :  il  fonda  alors 
une  tannerie.  Un  des  plus  ardents  combattants  de  juil. 
1830,  il  fut  en  faveur  auprès  du  nouveau  gouvernement, 


LAVOCAT  -  LAVOISIER 


1064  — 


devint  commandant  supérieur  du  Luxembourg  pendant  que 
s'y  déroulait  le  procès  des  ministres  qu'il  escorta  ensuite  à 
Ham.  Il  fut  nommé  en  1833  directeur  de  la  manufacture 
des  Gobelins.  Elu  député  de  Vouziers  le  23  juin  1834,  avec 
l'appui  du  gouvernement,  réélu  en  1837,  en  1839,  on 
1842,  en  1846,  il  ne  se  distingua  que  par  son  zèle  minis- 
tériel. Battu  aux  élections  pour  le  Corps  législatif  en  1852, 
il  disparut  depuis  lors  de  la  vie  politique. 

LAVOINE.  Corn,  du  dép.  de  l'Allier,  arr.  de  La  Palisse, 
cant.  du  Mayet-de-Montagne  ;  703  hab. 

LAVOINNE  (Edouard),  ingénieur  français,  né  à  Saint- 
Valery-en-Caux  le  11  juin  1834,  mort  à  Rouen  le 
24oct.  1884.  Il  appartenait  au  corps  des  ponts  et  chaus- 
sées et  dirigeait,  en  qualité  d'ingénieur  en  chef,  le  ser- 
vice de  la  Seine  maritime.  Bien  qu'il  soit  mort  jeune, 
Lavoinne  laisse  un  nom,  et  le  grand  public  spécial  con- 
naît et  admire  ses  Chemins  de  fer  en  Amérique,  pu- 
bliés avec  la  collaboration  de  Fami  de  sa  jeunesse  et  de 
son  âge  mûr  (Ernest  Pontzen).  Lavoinne  s'est  aussi  dis- 
tingué dans  les  travaux  du  port  de  Dieppe,  dans  ceux  des 
chemins  de  fer  du  dép.  de  l'Yonne,  et  par  le  projet  du  nou- 
veau pont  de  Rouen  sur  la  ^eine.  Enfin  on  Jui  doit  un 
important  ouvrage  sur  la  Seine  maritime,  paru  après  sa  mort 
dans  V Encyclopédie  des  travaux  publics.  On  a  de  lui 
beaucoup  de  mémoires  dans  les  Annales  de  son  corps  ;  nous 
citerons:  Flexion  des  entreioises  (portes  d'écluses),  mé- 
moire devenu  classique  (1867)  ;  Résistance  des  parois 
planes  des  chaudières  (1872)  ;  Répartition  des  charges 
sur  les  tabliers  des  ponts  (1874)  ;  Chemins  de  fer  de 
Suède  et  de  Norvège  (1 874)  ;  louage  sur  les  canaux 
en  Amérique  (1874)  ;  Pont  de  Saint-Louis  des  Etats- 
Unis  (1877)  ;  Tramway  à  câblé  sans  fin  de  San  Fran- 
cisco (1877)  ;  Locomotives  sans  feu  (1878)  ;  Dragages 
dans  l'Amérique  du  Nord  (1 880)  ;  Assainissement  de 
Memphis  (1880)  ;  Viaduc  de  Chastellux  (1882). 

LAVOIR.  I.  Architecture.  —  Dans  ses  données  les 
plus  simples,  un  lavoir  consiste  en  un  bassin  couvert  à 
l'aide  d'un  abri  en  charpente  et  alimenté  d'eau  courante, 
bassin  entouré  d'une  bordure  en  pierres  plates,  dite  car- 
reau à  laver,  et  sur  laquelle  les  femmes  lavent,  savonnent 
et  battent  le  linge  pour  le  nettoyer.  Souvent  les  lavoirs  sont 
installés  sur  les  rivières  et  consistent  en  bateaux  flottants, 
couverts  et  amarrés  à  l'une  des  rives.  De  nombreuses  villes 
ont  des  lavoirs  publics  rentrant,  avec  plus  ou  moins  de 
perfectionnement,  dans  l'un  ou  l'autre  de  ces  systèmes  ; 
mais  depuis  que  les  hygiénistes  ont  constaté  que  dans  ces 
lavoirs  la  première  opération  du  lavage,  Vessangeage,  se 
faisant  à  froid,  les  germes  malsains  sont  entraînés  en  aval 
et  peuvent  devenir  une  cause  de  contagion,  on  s'efforce  de 
créer  des  lavoirs  publics  ou  privés  comprenant  tous  les  ser- 
vices indispensables  au  nettoyage,  séchage  et  repassage  du 
linge.  Un  de  ces  lavoirs  complets,  installés  comme  une  vé- 
ritable usine,  peut  contenir,  outre  une  écurie,  remise  et 
logement  du  maître  et  des  employés,  le  lavoir  proprement 
dit,  la  buanderie  avec  cuves,  chaudières  et  essoreuses,  un 
étendoir  ou  séchoir,  ce  dernier  disposé  partie  en  plein  air 
et  partie  dans  un  grenier  largement  aéré,  une  salle  de 
repassage  et  des  magasins  pour  les  divers  ustensiles 
et  les  produits  servant  au  lavage  ainsi  que  pour  le  com- 
bustible. 

II.  Administration.  —  Lavoirs  publics  (V.  Bain 
[Admin.],  t.  V,  p.  19). 

III.  Métallurgie.  —  Lavoir  a  bras  (V.  Débourbage). 
LAVOISIER  (Antoine-Laurent),  fondateur  de  la  chimie 

moderne,  né  à  Paris  le  27  août  1743,  mort  sur  l'échafaud 
à  Paris  le  8  mars  1794.  Fils  d'un  avocat  au  parlement,  il 
perdit  sa  mère  à  l'âge  de  cinq  ans  et  fut  élevé  dans  les  condi- 
tions modestes  et  laborieuses  d'une  bourgeoisie  aisée.  Elève 
brillant  du  collège  Mazarin,  grand  prix  de  discours  fran- 
çais en  1760  au  concours  général,  son  goût  le  porta  bientôt 
vers  l'étude  des  sciences  naturelles.  Ses  premiers  travaux 
sur  l'éclairage  des  villes,  sur  la  préparation  d'un  Atlas 
minéralogique  de  France,  dirigé  par  Guettard,  sur  le 


tonnerre  et  l'aurore  boréale,  sur  Tanalyse  des  gypses  des 
environs  de  Paris,  etc.,  commencèrent  à  le  faire  connaître 
comme  un  jeune  homme  intelligent.  Pour  l'encourager,  on 
le  fit  débuter  en  1768  à  l'Académie,  à  l'âge  de  vingt-cinq 
ans,  avec  le  titre  d'adjoint  chimiste.  Lalande  rapporte  qu'il 
contribua  à  le  faire  nommer,  pensant  «  qu'un  jeune  homme 
qui  avait  du  savoir,  de  l'esprit,  de  l'activité,  et  que  la 
fortune  dispensait  d'embrasser  une  autre  profession,  serait 
très  utile  aux  sciences».  Lavoisier  se  trouva  ainsi,  tout 
jeune,  associé  à  titre  d'auxiliaire  provisoire  aux  travaux 
de  l'Académie.  On  a  de  lui  une  multitude  de  notes  et  de 
rapports  sur  les  sujets  les  plus  divers  ;  mais,  pendant  cinq 
ans,  il  ne  se  manifeste  guère  que  comme  un  membre  utile, 
attentif  à  ses  devoirs,  un  jeune  savant  d'espérance. 

En  dehors  de  la  science,  c'était  un  homme  doux,  pru- 
dent, moral  et  méthodique,  avisé,  entendant  fort  bien  les 
affaires.  Dans  le  même  mois  où  il  était  agrégé  à  l'Académie, 
il  entra  dans  les  fermes  à  titre  d'adjoint  du  fermier  géné- 
ral Baudon  qui  lui  céda  un  tiers  de  son  intérêt  dans  le 
bail  du  sieur  Alaterre  sur  lequel  reposait  le  privilège  des 
fermiers  généraux.  Lavoisier  devint  fermier  titulaire  en 
1779,  et  il  prit  un  rôle  de  plus  en  plus  important  dans 
l'administration  des  fermes ,  la  production  du  salpêtre , 
la  fabrication  des  poudres,  etc.,  jusqu'au  moment  où 
l'Assemblée  nationale,  le  ^0  mars  1791,  résilia  le  bail  des 
fermiers  généraux  et  supprima  l'institution.  N'oublions 
pas  la  direction  supérieure  des  entrées  de  la  ville  de  Paris  : 
sur  la  proposition  de  Lavoisier,  la  ville  fut  entourée  en 
1787  d'un  mur  d'octroi,  abattu  seulement  il  y  a  trente- 
cinq  ans.  L'impopularité  de  cette  mesure  est  attestée  par 
un  dicton  du  temps  :  «  Le  mur  murant  Paris,  rend  Paris 
murmurant.  »  Joignons-y  le  comité  d'agriculture  (1785), 
où  Lavoisier  joua  un  rôle  important.  Dans  un  ordre  plus 
général,  Lavoisier  s'honora  en  provoquant  en  1786  l'abo- 
lition d'un  impôt  odieux  transmis  par  le  moyen  âge,  droit 
de  péage  désigné  sous  le  nom  de  pied  fourchu  et  perçu 
sur  les  juifs  et  sur  les  porcs  dans  le  Clermontois  en  Ar- 
gonne.  Sa  bienfaisance  s'étendit  jusqu'aux  villes  de  Blois 
et  de  Romorantin,  à  qui  il  prêta  de  grosses  sommes  pour 
acheter  du  blé  pendant  la  famine  de  1788,  sans  vouloir  en 
toucher  aucun  intérêt. 

A  partir  de  1775,  époque  où  Lavoisier  fut  nommé  régis- 
seur des  poudres,  il  installa  son  laboratoire  à  l'Arsenal, 
dans  un  hôtel  qui  a  été  brûlé  en  1871,  durant  les  incen- 
dies de  la  Commune.  Il  y  avait  résidé  jusqu'en  1792, 
époque  où  on  le  dépouilla  de  ses  fonctions.  Pendant  dix-sept 
ans,  ce  fut  le  sif'ge  d'un  travail  incessant.  Les  savants 
étrangers  de  passage  en  France,  Priestley,  Watt,  Blagden, 
Fontana,  Franklin,  Young  l'économiste,  étaient  accueillis 
avec  empressement  dans  cette  maison  devenue  le  principal 
centre  scientifique  de  Paris.  En  1771,  à  l'âge  de  vingt- 
huit  ans,  Lavoisier  épousa  la  fille  de  son  collègue  dans 
les  fermes,  Jacques  Paulze,  directeur  de  la  Compagnie  des 
Indes,  ami  de  l'abbé  Raynal  et  allié  du  contrôleur  général 
Terray.  M^^^  Paulze  n'avait  que  quatorze  ans.  Vive,  intelli- 
gente, instruite,  elle  ne  tarda  pas  à  s'associer  passionné- 
ment à  l'œuvre  scientifique  de  son  époux.  Ardente  à  propager 
sa  gloire,  elle  traduisit  pour  lui  les  travaux  des  savants 
anglais,  et  elle  publia  même,  en  1788,  la  traduction  de 
l'ouvrage  de  Kirwan  sur  le  phlogistique,  en  y  joignant  une 
réfutation. 

Quelques  mots  sur  son  rôle  académique  :  Adjoint  à 
l'Académie  des  sciences  en  1768,  associé  en  1772,  pen- 
sionnaire en  1778,  directeur  de  l'Académie  en  1785,  il 
en  parcourut  tous  les  grades,  sans  cesse  mêlé  à  ses 
travaux  et  à  ses  rapports  sur  les  sujets  divers  soumis  au 
jugement  de  l'Académie  :  je  me  bornerai  à  citer  les  aéros- 
tats et  le  magnétisme  animal.  En  1791,  Lavoisier  fut  tré- 
sorier de  l'Académie,  puis  membre  de  la  commission 
chargée  d'établir  un  système  uniforme  de  poids  et  mesures  : 
il  s'agit  du  système  métrique. 

Au  moment  où  éclata  la  Révolution  française,  Lavoisier 
avait  réalisé  les  rêves  de  bonheur  et  de  gloire  conçus  au 


—  1065 


LAVOiSIER 


début  de  sa  carrière.  Il  était  riche,  estimé,  entouré  d'amis, 
investi  de  fonctions  élevées,  regardé  comme  l'un  des  pre- 
miers savants  de  la  France  et  du  monde,  l'honneur  de 
l'Académie  des  sciences,  dont  il  avait  été  à  son  jour  le  di- 
recteur .  Son  laboratoire  de  l'Arsenal  était  le  centre  de  sa 
vie  et  celui  de  la  science  française  ;  les  théories  qui  en 
étaient  sorties  avaient,  après  dix-sept  ans  de  luttes,  trans- 
formé la  chimie,  dont  Lavoisier  était  devenu,  d'un  accord 
presque  unanime,  le  nouveau  créateur.  Tel  est  le  comble 
d'honneur  et  de  félicité  d'où  il  allait  être  précipité,  dépouillé 
de  ses  fonctions,  de  ses  honneurs,  de  ses  biens  et  conduit 
au  supplice.  —  Résumons  cette  dernière  période  de  sa 
vie.  En  1787,  il  fut  nommé  membre  de  l'assemblée  provin- 
ciale de  l'Orléanais.  Il  était,  comme  tous  les  esprits  élevés 
de  son  époque,  sympathique  à  la  cause  populaire,  et  il  dé- 
buta dans  cette  assemblée  par  proposer  l'abolition  de  la 
corvée,  réclamer  l'institution  de  règlements  favorables  à  la 
Hberté  et  au  commerce,  ainsi  que  celle  d'une  caisse  d'assu- 
rance, destinée  à  garantir  le  peuple  contre  les  atteintes  de 
la  misère  et  de  la  vieillesse.  Administrateur  de  la  Caisse  d'es- 
compte, il  en  présenta  le  compte  rendu  le  21  nov.  1789  à 
l'Assemblée  nationale;  adjoint  à  la  commission  des  monnaies 
et  au  comité  de  salubrité,  nommé  commissaire  de  la  Tréso- 
rerie en  1791 ,  chargéd'un  autre  côtéde  faire  des  expériences 
sur  l'hygiène  des  hôpitaux  et  d'assister  à  la  fonte  des  canons, 
il  était  absorbé  par  des  occupations  officielles  multipliées. 
—  La  ferme  générale  à  laquelle  il  appartenait  depuis 
vingt-deux  ans  fut  supprimée  le  20  mars  1791.  Après  le 
10  août  1792,  il  quitta  précipitamment  son  logement  et 
son  laboratoire  de  l'Arsenal. 

L'Académie  des  sciences  dont  il  était  le  plus  illustre 
représentant  ne  tarda  pas  à  être  entraînée  dans  la  ruine 
générale  des  institutions  anciennes.  Dès  la  fin  du  mois  de 
nov.  1792,  un  décret  interdisait  à  l'Académie  des  sciences 
de  procéder  jusqu'à  nouvel  ordre  à  des  nominations  aux 
places  vacantes.  Rien  n'honore  plus  Lavoisier  que  les  efforts 
persévérants  qu'il  fit  pour  sauver  l'Académie  et,  après  sa 
suppression,  pour  faire  au  moins  poursuivre  l*œuvre  scien- 
tifique, en  invoquant  les  services  qu'elle  ne  cessait  de 
rendre  à  la  République.  La  conduite  des  pouvoirs  publics, 
partagés  entre  deux  tendances  opposées,  celle  de  Lakanal, 
jeune  et  enthousiaste  de  tous  les  progrès,  et  celle  de  Four- 
croy,  prépondérant  au  comité  d'instruction  publique  et  en- 
nemi acharné  de  l'Académie,  étaient  contradictoires.  Tandis 
que  la  Convention,  le  1*^^  août  1793,  décrétait  l'uniformité 
des  poids  et  mesures,  félicitait  l'Académie  de  ses  travaux  sur 
la  question  et  la  chargeait  d'en  surveiller  l'exécution,  le 
8  août,  cette  même  Convention  ordonnait  la  suppression  de 
toutes  les  académies  et  sociétés  littéraires  patentées  et  dotées 
par  la  nation.  Le  10  août  1793,  l'Académie  tint  sa  dernière 
séance;  elle  ne  se  réunit  plus  désormais. 

La  personne  même  de  Lavoisier  allait  être  atteinte. 
Le  24  nov,,  sur  la  proposition  de  Bourdon  de  l'Oise, 
la  Convention  décréta  l'arrestation  des  fermiers  généraux. 
Ni  les  services  rendus  à  la  nation  par  Lavoisier  ni  la 
gloire  de  ses  découvertes  ne  le  protégèrent.  En  vain 
s'adressa-t-il  au  comité  de  Sûreté  générale  pour  être  auto- 
risé à  continuer  son  concours  aux  travaux  de  la  commis- 
sion des  poids  et  mesures.  Le  28,  il  dut  se  constituer  pri- 
sonnier à  la  prison  de  Port-Libre  (Port-Royal).  Il  fut 
enveloppé  dans  la  proscription  commune.  Le  plus  dange- 
reux ennemi  des  fermiers  généraux  était,  comme  il  arrive 
d'ordinaire,  un  de  leurs  anciens  agents,  Antoine  Dupin, 
naguère  contrôleur  général  surnuméraire  des  fermiers,  en- 
voyé à  la  Convention  par  le  dép.  de  l'Aisne.  Il  présenta, 
le  lundi  9  mai  1774  (5  floréal  an  II),  un  long  réquisitoire 
et  provoqua  sans  discussion  le  décret  qui  les  envoyait  au 
tribunal  révolutionnaire,  c.-à-d.  à  la  mort. 

L'arrêt  de  mort  fut  prononcé  le  19  floréal  an  II  (8  mai 
1794)  et  exécuté  le  jour  même.  Lavoisier  mourut  avec 
calme  et  résignation  philosophique,  comme  on  mourait 
alors.  Il  périssait  comme  son  confrère  Condorcet,  en  ayant 
l'amertume  d'avoir  assisté  à  la  ruine  de  l'Académie,  de  la 


culture  scientifique  et  des  hautes  idées  auxquelles  il  avait 
consacré  son  existence.  Il  était  âgé  de  cinquante  ans  et 
huit  mois.  Le  génie  de  la  victime  et  l'ingratitude  des  bour- 
reaux augmentaient  l'horreur  tragique  de  l'événement, 
«  Il  ne  leur  a  fallu  qu'un  moment  »,  disait  le  lendemain 
Lagrange  à  un  ami,  «  pour  faire  tomber  cette  tête,  et  cent 
ans  peut-être  ne  suffiront  pas  pour  en  reproduire  une  sem- 
blable. »  Quelque  douloureuse  qu'ait  été  une  telle  perte 
pour  la  science  et  pour  la  patrie,  la  gloire  personnelle  de 
Lavoisier  n'en  a  pas  souffert.  Peut-être  au  contraire  a-t-elle 
profité  de  ce  qu'y  ont  ajouté  le  prestige  d'une  fin  tragique 
et  le  sentiment  de  la  pitié,  si  puissant  parmi  les  hommes. 
Ce  qui  subsiste,  ce  que  nous  avons  le  droit  d'admirer,  ce 
que  le  jugement  universel  du  monde  civilisé  consacre  chaque 
jour  davantage,  c'est  l'œuvre  positive  qu'il  a  accomplie  ; 
c'est  la  constitution  décisive  de  l'une  des  sciences  fonda- 
mentales, la  chimie,  fixée  sur  ses  bases  définitives.  Nulle 
œuvre  n'est  plus  grande  dans  l'histoire  de  la  civilisation,  et 
c'est  par  là  que  le  nom  de  Lavoisier  vivra  dans  la  mémoire 
de  l'humanité. 

Lavoisier  avait  vingt-neuf  ans  lorsqu'il  entreprit  la  sé- 
rie d'expériences  d'où  sortirent  ses  grandes  découvertes. 
Il  n'y  fut  pas  conduit  par  hasa^rd  et  par  accident,  mais  de 
propos  délibéré.  Il  vit  tout  d'abord  la  grandeur  et  l'intérêt 
du  problème  et  se  traça  à  l'avance  le  plan  de  ses  recherches, 
où  il  se  proposait  de  tenter  la  réforme  de  la  chimie  :  ce 
qu'il  accomplit  en  effet.  Elle  repose  sur  les  recherches  et 
les  interprétations  de  Lavoisier  relatives  à  la  formation 
des  chaux  métalliques,  à  la  composition  de  l'air,  au  rôle 
de  l'oxygène  dans  les  combustions  vives,  dans  la  formation 
des  acides  et  dans  la  respiration,  à  la  nature  des  gaz  en 
général  et  à  celle  de  la  chaleur,  à  la  production  de  celle-ci 
dans  les  combustions,  les  oxydations  et  au  sein  même 
des  animaux,  enfin  à  la  composition  de  l'eau,  qui  fut  le 
couronnement  de  l'édifice. 

Jusque  vers  le  milieu  du  xvm^  siècle,  l'air  atmosphé- 
rique, regardé  comme  un  élément  indécomposable,  était 
réputé  seul  de  son  espèce.  Ce  n'est  pas  que  les  alchimistes 
n'eussent  aperçu  dans  bien  des  expériences  le  dégagement 
de  fluides  incoercibles  qui  déterminaient  parfois  l'explosion 
des  appareils,  mais  ils  les  confondaient,  avec  les  autres 
matières  volatiles,  sous  le  nom  commun  à'esprits,  La 
constitution  physique  de  l'air,  la  détermination  exacte  de 
son  poids,  de  son  ressort  et  de  ses  autres  propriétés  ne  com- 
mencèrent à  être  étudiées  d'une  façon  rigoureuse  que  par  les 
physiciens  de  la  fin  du  xvn«  siècle,  Mariette  et  Boyle  surtout. 
Haies,  au  xvnf  siècle,  fit  une  étude  approfondie  des  gaz  et 
découvrit  les  procédés  les  plus  propres  à  les  recueillir  et  aies 
étudier,  tout  en  demeurant  fidèle  à  cette  conception  vague 
qui  les  identifiait  tous  avec  l'air  atmosphérique,  plus  ou 
moins  diversifié  par  le  mélange  d'exhalaisons  ou  vapeurs 
étrangères.  Ce  fut  l'i^nglais  Biack,  l'auteur  de  la  décou- 
verte de  la  chaleur  latente  en  physique,  qui  démontra  sans 
réplique  l'existence  en  chimie  d'un  gaz  absolument  distinct 
de  l'air  ordinaire  :  c'est  notre  acide  carbonique,  appelé 
alors  air  fixé  ou  esprit  sylvestre. 

En  1767,  Cavendish  démontra  par  des  preuves  décisives 
Texistence  spéciale  de  l'hydrogène.  Alors  vint  Priestley, 
qui  découvrit  en  peu  d'années,  de  1771  à  1774,  les  prin- 
cipaux gaz  aujourd'hui  connus  :  oxygène,  azote,  oxydes 
d'azote,  acides  chlorhydrique ,  sulfureux,  ammoniaque, 
sans  en  comprendre  d'ailleurs  la  véritable  constitution.  Ces 
découvertes  transformaient  complètement  l'antique  opinion 
relative  à  la  nature  de  l'air  :  à  la  conception  d'une  sub- 
stance déterminée,  unique,  toujours  la  même,  se  substi- 
tuait la  notion  d'un  état  général,  l'état  gazeux,  applicable 
à  une  multitude  de  corps,  sinon  à  tous.  C'est  à  Lavoisier 
qu'il  était  réservé  d'interpréter  ces  faits  accumulés,  en  les 
prenant  pour  point  de  départ  de  ses  propres  expériences, 
et  d'en  déduire  le  système  général  de  la  chimie  moderne. 
Le  nom  même  de  chimie  pneumatique  atteste  le  point  de 
départ  de  la  révolution. 

Lavoisier  répète  d'abord  une  expérience  qui  avait  été  faite 


LAVOÏSIER 


i066  — 


avant  lui  un  grand  nombre  de  fois,  celle  de  la  calcination 
de  rétain  en  présence  de  l'air;  il  opère  dans  un  vase  lier- 
métiquement  clos  et  il  constate  aussitôt  que  le  poids  total 
du  système  ne  varie  pas,  contrairement  à  l'ancienne  opi- 
nion de  Boyle,  qui  croyait  avoir  constaté  un  accroissement 
de  poids  résultant  de  la  fixation  de  la  matière  du  feu.  Ce- 
pendant Fétain  changé  en  chaux  a  réellement  augmenté  de 
poids,  comme  Lavoisier  le  vérifie.  C'est  donc  aux  dépens 
de  l'air  intérieur,  absorbé  pendant  l'opération,  que  s'est 
faite  l'augmentation  de  poids  du  métal,  et  elle  est  précisé- 
ment égale  à  la  perte  de  poids  éprouvée  par  cet  air.  Cette 
expérience,  qui  nous  paraît  si  simple  aujourd'hui,  était  en 
opposition  formelle  avec  les  idées  régnantes. 

En  effet,  les  oxydes  métaUiques  et  leur  formation  au 
moyen  des  métaux  étaient  connus  de  toute  antiquité,  et 
l'augmentation  de  poids  qui  accompagne  leur  production 
avait  été  constatée  par  bien  des  observateurs,  depuis  la  fin 
du  xvi®  siècle.  Mais,  dans  l'ignorance  où  l'on  était  des 
propriétés  des  gaz,  on  attribuait  cette  augmentation  à  la 
fixation  de  la  matière  du  feu,  qui  avait  traversé  les  pores  du 
verre.  D'après  le  système  de  Stahl,les  corps  combustibles, 
tels  que  le  soufre,  les  huiles,  le  charbon,  renferment  un 
principe  particulier,  le  phlogistique,  susceptible  de  se  trans- 
former dans  la  matière  du  feu  lorsqu'il  est  soumis  à  l'in- 
fluence d'une  élévation  de  température.  Cette  matière  du 
feu  se  dissipe  avec  flamme,  chaleur  et  lumière.  Les  corps 
combustibles  sont  donc  formés  par  cette  substance,  asso- 
ciée avec  une  dose  plus  ou  moins  considérable  de  terre. 
Les  métaux  échauffés  perdent  la  même  substance,  en  se 
changeant  en  chaux  métalliques.  Les  métaux  sont  donc 
des  corps  combustibles,  formés  par  l'union  d'une  terre  ou 
chaux,  avec  le  principe  inflammable.  Réciproquement,  il 
suffit  d'ajouter  à  une  chaux  métallique  du  phlogistique 
pour  reconstituer  le  métal  primitif  ;  et  l'on  y  parvient  en 
effet  en  la  chauffant  avec  un  corps  combustible,  tel  que 
l'huile,  le  charbon  ou  le  soufre,  corps  particulièrement 
riches  en  phlogistique.  Une  multitude  de  phénomènes  divers 
se  trouvaient  ainsi  ramenés  à  une  même  conception  gêné 
raie.  C'était  cette  conception  que  l'expérience  de  Lavoisier 
sur  l'oxydation  de  l'étain  venait  contredire. 

11  importe  de  préciser  le  caractère  véritable  de  sa  dé- 
couverte, car  elle  a  donné  lieu  aux  affirmations  les  plus 
étranges.  Il  n'est  pas  vrai  que  Lavoisier  ait  promulgué  le  pre- 
mier cet  axiome  que:  «  Rien  ne  se  perd  et  rien  ne  se  crée.» 
Cette  doctrine  était  fort  répandue  en  science  et  en  philo- 
sophie, depuis  l'antiquité  :  «Rien  ne  vient  de  rien,  rien  ne 
retourne  à  rien  !  »  disait  Lucrèce,  après  Epicure.  Les  alchi- 
mistes eux-mêmes  n'ont  jamais  prétendu  créer  l'or  ou  les 
métaux,  mais  seulement  en  transmuter  la  matière  première 
et  préexistante.  Lavoisier  n'a  pas  davantage  découvert  l'em- 
ploi de  la  balance,  comme  on  l'a  répété  souvent  par  une 
erreur  non  moins  singulière.  En  effet,  les  chimistes  ont  em- 
ployé de  tout  temps  cet  instrument  :  les  alchimistes  gréco- 
égyptiens,  auteurs  du  papyrus  de  Leyde,  le  plus  vieux  monu- 
ment connu  de  notre  science,  procèdent  continuellement  par 
pesées.  Dans  la  célèbre  image  de  la  Mélancolie,  d'Albert 
Durer,  parmi  les  instruments  et  les  symboles  de  la  science, 
on  voit  à  côté  du  sablier,  qui  mesure  le  temps,  la  balance 
qui  mesure  les  poids.  C'étaient  là  des  notions  courantes. 
Mais  si  la  permanence  de  la  matière  en  général  était  admise 
et  si  la  balance  a  été  employée  de  tout  temps  dans  les 
laboratoires,  son  emploi  ne  démontrait  pas  alors,  comme 
il  le  fait  aujourd'hui,  la  permanence  du  poids  des  corps 
spéciaux  sur  lesquels  travaillaient  les  chimistes.  En  effet, 
ce  poids  spécial  semblait  changer  sans  cesse  dans  les  opé- 
rations, et  particulièrement  sous  l'influence  de  la  chaleur. 
Tantôt  on  voyait  les  métaux  augmenter  de  poids  par  la 
calcination  ;  tantôt,  au  contraire,  les  corps  combustibles 
disparaissaient  en  brillant,  laissant  à  peine  quelques  traces 
de  cendre  ou  terre  comme  résidu.  De  là  cette  opinion,  en 
apparence  évidente,  que  les  corps  combustibles  sont  sus- 
ceptibles de  se  changer  dans  la  matière  ou  élément  du  feu  ; 
ou  plutôt  de  régénérer  cette  matière,  qui  y  était  réputée 


latente.  «Le  soufre  renferme  du  feu  en  abondance,»  disait 
déjà  Pline  dans  l'antiquité.  Ce  même  élément  du  feu  sem- 
blait au  contraire  se  fixer  sur  les  corps  qu'il  transformait, 
tels  que  les  métaux. 

Le  système  de  Stahl  était  l'expression  scientifique  de  ces 
idées,  expression  admise  depuis  deux  générations,  et  c'était 
cette  doctrine  acceptée  de  tous  que  Lavoisier  prétendait 
renverser.  11  démontrait  en  effet  que  la  calcination  des 
métaux  résulte  de  l'union  du  métal  avec  une  portion  de 
l'air  qui  l'environne,  au  lieu  d'être,  comme  on  l'imaginait 
alors,  le  résultat  de  la  séparation  d'une  portion  de  phlo- 
gistique, précédemment  combinée.  Les  rôles  respectifs  sont 
intervertis  entre  le  métal,  qui  devient  un  être  simple,  et 
la  chaux  métalHque,  qui  est  regardée  comme  composée  : 
les  bases  de  la  science  se  trouvent  par  là  changées . 

Non  seulement  l'air  est  fixé  dans  la  formation  des  chaux 
métalliques  ;  mais  Lavoisier  constate  au  même  moment 
que  l'air  est  également  fixé  dans  la  formation  des  acides 
produits  par  la  combustion  du  soufre  et  par  celle  du  phos- 
phore :  d'où  résulte  un  rapprochement  inattendu  entre  la 
formation  des  chaux  mélalliques  et  la  formation  des  acides. 
C'est  une  seconde  base  du  nouvel  édifice  qu'il  commençait 
à  élever. 

Les  premières  expériences  de  Lavoisier  sur  les  chaux 
métalliques  étaient  à  peine  publiées  qu'il  fut  conduit  à  leur 
donner  un  développement  nouveau  et  une  signification 
inattendue,  par  suite  de  la  découverte  de  l'oxygène.  Cette 
découverte  est  due  à  Priestley,  qui  l'exposa  dans  des  idées  et 
un  langage  conformes  au  système  régnant  du  phlogistique. 
Perfectionnée  par  les  travaux  de  Bergmann  et  de  Scheele, 
elle  n'a  pris  son  véritable  caractère  qu'entre  les  mains  de 
Lavoisier.  On  savait  dès  longtemps  —  le  fait  est  signalé  dès 
le  xiii^  siècle  —  que  le  mercure  chauffé  à  l'air  se  change 
en  une  matière  rouge,  appelée  précipité  pev  se^  comparable 
aux  chaux  métalliques,  et  que  cette  matière,  par  la  seule 
action  de  la  chaleur,  régénère  son  métal,  sans  le  contact 
direct  du  charbon  ou  d'aucun  corps  combustible.  Bayen, 
en  févr.  4774,  annonce  qu'il  a  répété  cette  expérience  et 
constaté  qu'il  s'y  dégage  un  gaz  dont  il  ne  reconnaît  pas 
le  caractère  particulier  et  qu'il  assimile  au  gaz  observé  par 
Lavoisier  dans  la  réduction  des  chaux  métaUiques.  Bayen 
touchait  ainsi  à  la  découverte  de  l'oxygène,  mais  il  ne  l'a 
pas  faite.  En  chauffant  ce  même  précipité  per  se,  au  moyen 
des  rayons  solaires  concentrés  par  une  forte  lentille, 
Priestley  obtint  le  même  gaz,  le  1^^  avr.  1774,  et  il  sut 
le  caractériser.  Il  constata  d'abord  que  ce  gaz  entretenait 
avec  une  extrême  vivacité  la  flamme  d'une  chandelle;  puis, 
en  mars  1775,  il  observa  que  ce  gaz  entretenait  également 
la  respiration  et  même  la  rendait  plus  aisée  ;  ce  qui  le  fit 
penser  aussitôt  aux  applications  médicales  de  l'oxygène. 
Les  faits  étaient  exacts;  mais  Priestley  se  trompa  dans  leur 
interprétation.  En  effet,  il  regarda  son  nouveau  gaz  comme 
formé  par  la  matière  même  de  l'air  privé  de  son  phlogis- 
tique, qu'il  aurait  cédé  au  mercure  pour  le  régénérer  à 
l'état  métallique,  et  il  le  désigna  sous  le  nom  d'azr  déphlo- 
gisliqué,  terme  corrélatif  de  cet  autre  nom,  air  phlogis- 
tique, que  Priestley  donna  à  l'azote,  découvert  par  lui 
presque  en  même  temps.  En  effet,  l'air  chauffé  avec  les 
métaux  et  avec  le  mercure  en  particulier  n'est  pas  absorbé 
en  totalité.  Une  portion  reste,  devenue  impropre  à  entre- 
tenir la  combustion  vive  des  chandelles,  la  calcination  des 
métaux,  aussi  bien  que  la  respiration  des  animaux  :  c'est 
notre  azote. 

D'après  cette  manière  de  voir  et  ce  langage  de  Priestley, 
l'air,  je  le  répète,  est  envisagé  comme  un  être  homogène, 
non  composé,  mais  modifiable  en  deux  sens  opposés,  par 
les  actions  auxquelles  il  est  soumis,  c.-à-d.  susceptible  de 
perdre  ou  de  gagner  du  phlogistique,  en  formant  ainsi  deux 
nouveaux  gaz  qui  dériveraient  l'un  et  l'autre  de  la  matière 
môme  de  l'air  atmosphérique. 

Lavoisier  se  servit  aussitôt  des  faits  découverts  par 
Priestley  pour  en  conclure  au  contraire  que  l'air  atmosphé- 
rique et  les  gaz  qui  en  dérivent  ne  sont  pas  un  seul  et 


4067  — 


LAVOÎSIER 


même  élément,  plus  ou  moins  chargé  de  phlogistique,  mais 
un  véritable  corps  composé.  Reprenant  les  mêmes  faits,  avec 
plus  de  détail  et  de  précision,  il  en  tire  cette  conclusion 
nette,  hardie^  et  que  personne  n'avait  osé  jusque-là  mettre 
en  avant  :  «  L'air  est  un  mélange  de  deux  gaz  différents  : 
l'air  vital  (qu'il  nomma  plus  tard  oxygène)  et  la  moffette 
ou  azote  (nom  qui  semble  dû  à  Guy  ton  de  Morveau)  :  mais 
le  phlogistique  n'a  rien  à  voir  dans  sa  composition.  »  Ce 
sont  ces  affirmations  qui  constituent  sa  découverte. 

Non  seulement  il  fait  la  synthèse  de  l'air  ordinaire,  en 
mélangeant  à  la  moffette  l'air  vital  absorbé  dans  la  calci- 
nation  du  mercure,  puis  régénéré  ;  mais  il  montre  que  le 
gaz  produit  par  l'oxyde  de  mercure  et  le  charbon  est  de 
l'air  fixé,  qui  prend  dès  lors  le  nom  d'acide  carbonique, 
air  identique  au  gaz  des  autres  réductions  métalliques,  et 
il  établit  par  là  un  autre  fait  fondamental,  à  savoir  la  com- 
position même  de  cet  air  fixé.  Ces  expériences  étaient  dé- 
cisives par  le  jour  qu'elles  jetaient  sur  la  combustion,  ainsi 
que  sur  la  constitution  des  combustibles  et  des  matières 
végétales.  Ainsi  l'oxygène  est  le  générateur  de  l'acide  car- 
bonique et  le  charbon  ne  contient  pas  de  phlogistique.  Cette 
vérité  une  fois  acquise  pour  la  combustion  du  charbon,  La- 
voisier  Fétend  aussitôt  à  la  combustion  du  phosphore  et  du 
soufre.  Il  montre  que  les  acides  sulfurique  et  phosphorique 
résultent  de  l'union  de  ces  radicaux  avec  l'oxygène  et  en 
représentent  les  poids  réunis.  Le  phlogistique,  réputé  jus- 
que-là la  base  du  soufre  et  du  phosphore,  n'a  donc  aucune 
part  à  ces  phénomènes.  Ces  découvertes  jetaient  un  jour 
inattendu  sur  la  constitution  des  acides,  en  la  reliant  avec 
la  composition  même  de  l'air  atmosphérique  ;  l'air  vital  de- 
venait ainsi  le  principe  acide  par  excellence.  De  là  le  nom 
d'oxygène,  que  Lavoisier  ne  tarda  pas  à  lui  imposer.  Ses 
opinions  à  cet  égard  étaient,  nous  le  savons  aujourd'hui, 
trop  absolues.  A  peine  a-t-il  éclairci  la  nature  véritable  des 
oxydes  et  des  acides,  la  nature  de  l'air  et  celle  de  l'oxy- 
gène, qu'il  montre  les  applications  de  ces  résultats,  tant  à 
la  respiration  animale,  assimilée  à  une  combustion,  qu'à  la 
théorie  plus  générale  encore  de  la  chaleur. 

La  respiration  de  l'homme  et  des  animaux  supérieurs 
donne  lieu  à  des  phénomènes  trop  manifestes  et  trop  im- 
portants pour  ne  pas  avoir  attiré  l'attention  dès  les  temps 
les  plus  reculés.  La  nécessité  de  l'air  pour  son  exercice, 
aussi  bien  que  pour  celui  de  la  combustion,  est  évidente. 
Si  l'on  y  ajoute  l'entretien  d'une  chaleur  propre  à  l'homme 
et  aux  animaux  supérieurs,  on  concevra  comment  on  fut 
porté  dès  l'antiquité  à  rapprocher  la  respiration  de  la  com- 
bustion :  ce  que  marquent  les  métaphores  même  des  poètes 
sur  le  flambeau  de  la  vie. 

Les  partisans  du  phlogistique  n'avaient  pas  manqué  de 
se  saisir  de  ces  idées;  mais,  suivant  leur  usage,  en  ren- 
versant la  signification  du  phénomène  :  l'air,  disaient-ils, 
en  passant  par  les  poumons,  enlève  à  l'organisme  l'excès 
de  phlogistique  dont  il  s'est  chargé.  Lavoisier,  guidé  par 
la  suite  logique  de  ses  recherches  sur  l'oxydation  des  mé- 
taux et  sur  la  combustion,  écarte,  comme  toujours,  la 
notion  du  phlogistique  ;  il  démontre  par  des  expériences 
précises  que  tout  s'explique  par  l'absorption  de  l'oxygène 
au  sein  du  poumon  et  par  la  production  simultanée  de 
l'acide  carbonique  :  c'est  l'absorption  de  l'oxygène  qui  fait 
le  sang  artériel  et  qui  produit  la  chaleur  animale.  Lavoisier 
et  Laplace  allèrent  plus  loin  :  ils  en  donnèrent  la  preuve, 
en  enfermant  un  animal  dans  leur  calorimètre,  et  en  me- 
surant à  la  fois  l'oxygène  que  l'animal  absorbe,  l'acide 
carbonique  qu'il  produit,  la  chaleur  qu'il  développe.  — 
Ces  expériences  sont  le  point  de  départ  d'une  ère  physio- 
logique nouvelle  (V.  Chaleur  animale,  t.  X,  p.  269). 

Lavoisier,  à  ce  moment,  avait  déjà  résolu  le  problème 
plus  général  de  la  combustion.  Dans  toute  combustion,  il 
y  a  dégagement  de  la  matière  du  feu  et  de  la  lumière.  Les 
corps  ne  peuvent  brûler,  dit-il,  que  dans  une  seule  espèce 
d]air,  l'oxygène,  la  combustion  n'ayant  lieu  ni  dans  le 
vide  ni  dans  les  autres  gaz.  Dans  toute  combustion,  il  y  a 
disparition  d'oxygène,  et  le  corps  brûlé  augmente  de  poids, 


exactement  dans  la  proportion  de  Pair  détruit.  Ces  faits 
avaient  été  expliqués  par  Stahl,  ajoute-t-il,  par  cette  sup- 
position qu'il  existerait  de  la  matière  du  feu,  du  phlogis- 
tique fixé  dans  les  métaux,  dans  le  soufre  et  dans  les  corps 
combustibles;  mais  c'est  là  une  hypothèse  qui  n'est  pas 
nécessaire,  et  tous  les  faits  peuvent  s'expliquer  d'une  façon 
en  quelque  sorte  inverse,  en  admettant  que  la  base  ou 
matière  réelle  de  l'air  et  des  gaz  en  général,  celle  de  l'oxy- 
gène en  particulier,  est  combinée  avec  un  fluide  subtil, 
matière  commune  du  feu  et  de  la  lumière,  lequel  dissout 
la  base  de  l'air  et  lui  communique  son  élasticité.  Le  corps 
qui  brûle  s'empare  de  la  base  de  l'air  pendant  la  combus- 
tion, ce  qui  en  augmente  le  poids;  tandis  que  la  matière 
du  feu,  privée  elle-même  de  toute  pesanteur,  s'échappe 
avec  flamme,  chaleur  et  lumière.  Ces  phénomènes,  qui  sont 
extrêmement  lents  et  difficiles  à  saisir  dans  la  calcination 
des  métaux,  sont,  au  contraire,  presque  instantanés  dans 
la  combustion  du  soufre,  du  phosphore  et  du  charbon. 
Ainsi  Lavoisier  établissait  une  séparation  radicale  entre 
la  matière  pesante,  constitutive  des  métaux,  des  corps 
combustibles  et  de  l'oxygène,  matière  dont  la  balance  cons- 
tatait l'invariabilité  avant,  pendant  et  après  la  combustion, 
d'une  part  ;  et  de  l'autre,  le  fluide  igné,  dont  l'introduction 
par  une  source  extérieure,  ou  le  départ  pendant  la  com- 
bustion même,  ne  concourait  ni  à  augmenter  le  poids  des 
corps,  ni  à  le  diminuer  :  contrairement  à  ce  que  suppo- 
saient tour  à  tour,  et  suivant  les  cas,  les  partisans  du 
phlogistique.  Il  est  vrai  que  le  charbon,  le  soufre,  le  phos- 
phore enflammés  en  vase  clos  par  une  lentille  brûlent  avec 
flamme  et  lumière  ;  mais  il  faut  pour  cela  la  présence  de 
l'oxygène;  et  la  chaleur  ainsi  produite  se  dissipe  au  dehors, 
sans  que  le  poids  du  vase  ou  de  son  contenu  éprouve  le 
moindre  changement. 

Boerhaave  et  d'autres  avaient  déjà  constaté  que  la  cha- 
leur accumulée  dans  les  corps  sous  une  forme  sensible, 
dans  une  barre  de  métal  rougi  par  exemple,  n'en  change 
pas  le  poids  :  mais  il  s'agissait  de  phénomènes  purement 
physiques,  et  toute  la  chimie  reposait  alors  sur  une  hypo- 
thèse opposée.  Le  même  Boerhaave  écrivait  en  1754, 
quelques  années  avant  Lavoisier  :  «  La  chimie  nous  a  fait 
voir  qu'elle  sait  réduire  le  feu,   qu'elle  peut  le  fixer,  le 
peser,  l'unir  aux  corps,  l'en  chasser.  »  La  distinction  abso- 
lue entre  la  matière  pondérable  et  les  fluides  éthérés  sous- 
traits à  l'action  de  la  pesanteur,  dans  l'ordre  chimique 
aussi  bien  que  dans  l'ordre  physique,  est  fondamentale  en 
philosophie  naturelle:  c'est  Lavoisier  qui  l'a  clairement 
aperçue  et  démontrée.  En  partant  de  ces  idées,  il  a  jeté 
i   avec  Laplace,  dans  un  mémoire  justement  célèbre,  les  pre- 
I   mières  bases  de  la  thermochimie. 
j       La  connaissance  de  la  composition  de  l'air  avait  permis 
I   à  Lavoisier  d'expliquer  les  phénomènes  de  la  combustion, 
I   ainsi  que  la  formation  des  oxydes  et  des  acides  et  la  res- 
i   piration.  La  découverte  de  la  composition  de  l'eau  jeta  un 
I  jour  définitif  sur  la  théorie  et  détermina  l'abandon  du  sys- 
I  tèmedu  phlogistique.  En  i  778,  Macquer  disait  encore  :  «L'eau 
I   paraît  une  substance  inaltérable  et  indestructible,  du  moins 
;  jusqu'à  présent;  il  n'y  a  aucune  expérience  connue,  de  laquelle 
<   on  puisse  conclure  que  l'eau  peut  être  décomposée.  »  L'eau 
continuait  donc  à  être  regardée,  conformément  à  la  tradi- 
'  tion  de  tous  les  siècles  et  de  toutes  les  écoles,  comme  un 
;   élément.  La  formation  de  l'air  inflammable,  c.-à-d.  de 
notre  hydrogène,  demeurait  inexplicable.  L'hydrogène  ap- 
paraît, en  effet,  dès  qu'on  traite  les  métaux,  tels  que  le  fer 
ou  le  zinc,  par  la  plupart  des  acides.  Il  apparaît  également 
lorsque  le  fer  est  attaqué  par  la  vapeur  d'eau,  et  même 
par  l'eau  liquide.  Si  donc  l'eau  est  un  élément  indécom- 
posable, il  semble  nécessaire  d'admettre  que  l'hydrogène 
résulte  de  la  décomposition  du  métal,  une  chaux  métal- 
lique étant  formée  simultanément  :  soit  que  cette  chaux 
demeure  libre,  comme  dans  la  réaction  directe  du  fer  sur 
l'eau,  ou  qu'elle  se  combine  à  l'acide  pour  engendrer  un 
sel,  comme  dans  la  réaction  des  acides.  Nous  retournons 
ainsi  à  la  théorie  du  phlogistique. 


LAVOISIER 


LAVOIX 


1068 


Aussi,  à  la  suite  de  la  découverte  de  l'hydrogène,  la  plupart 
des  chimistes  regardèrent-ils  ce  gaz  comme  représentant  le 
principe  combustible  par  excellence,  le  phlogistique  lui- 
même,  ou  plutôt  comme  l'une  des  formes  et  la  plus  pure  de 
cet  être  subtil  que  l'on  supposait  contenu  dans  les  métaux. 
Telle  était  au  début  l'opinion  de  Cavendish  qui  avait  dé- 
couvert l'hydrogène.  Il  ne  tarda  pas  à  constater  que  la  com- 
bustion de  l'air  inflammable  ne  donne  pas  naissance  à  autre 
chose  qu'à  de  l'eau  :  c'est  le  point  de  fait  capital  dans  la  dé- 
couverte. Cependant  Cavendish  n'en  donna  pas  tout  d'abord 
la  véritable  interprétation  et  demeura  flottant  à  cet  égard. 
Lavoisier,  Priestley,  Monge  concoururent  ensuite  à  l'étude 
progressive  du  fait,  dont  la  filiation  a  donné  lieu  à  de  longues 
discussions.  Mais  Lavoisier  eut  seul  la  claire  vue  de  la  théorie, 
théorie  que  ses  travaux  antérieurs  sur  le  rôle  de  l'oxygène 
dans  la  formation  des  oxydes  et  des  acides  devaient  l'aire 
pressentir  à  tous  les  chimistes  éclairés  de  l'époque  :  il  osa  le 
premier  proclamer  clairement  et  publiquement  la  composi- 
tion de  l'eau,  vérité  qui  est  devenue  l'une  des  pierres  angu- 
laires de  la  science  chimique.  S'il  l'a  fait  tout  d'abord  et 
hardiment,  alors  que  les  autres  savants  hésitaient  encore 
sur  l'interprétation  des  faits,  c'est  parce  que  son  esprit 
était  libre  des  entraves  de  cette  hypothèse  du  phlogistique 
qui  troublait  à  la  fois  le  langage  et  la  pensée  de  ses  con- 
temporains. 

Il  en  tira  des  conséquences  qui  donnèrent  à  sa  doctrine 
une  extension  plus  grande.  Les  ordres  de  phénomènes  qu'il 
aborda  aussitôt  pour  les  expliquer  sont  la  formation  de 
l'eau  dans  la  réduction  des  oxydes  métalliques  par  l'hydro- 
gène, ainsi  que  dans  la  combustion  des  matières  organiques. 
Si  l'on  ajoute  que,  dans  cette  combustion,  il  se  forme  de 
l'acide  carbonique,  on  comprendra  comment  l'analyse  élé- 
mentaire des  matières  organiques  fut  ainsi  démontrée  pour 
la  première  fois  et  la  nature  de  la  fermentation  alcoolique 
éclaircie.  Lavoisier,  d'autre  part,  complétant  la  synthèse 
par  l'analyse,  démontra  la  décomposition  de  l'eau  par  les 
métaux,  soit  seuls,  soit  avec  le  concours  des  acides  :  phé- 
nomènes demeurés  jusque-là  obscurs  et  invoqués  comme 
l'une  des  preuves  les  plus  certaines  à  l'appui  de  leur  théo- 
rie par  les  partisans  du  phlogistique. 

La  théorie  pneumatique  était  des  lors  complète,  et  la 
révolution  accomplie  en  principe.  La  clarté  de  la  nouvelle 
doctrine,  la  précision  de  ses  appHcations  à  toutes  les 
branches  de  la  physique,  aussi  bien  qu'à  l'explication  des 
altérations  et  des  changements  chimiques  des  corps,  soit 
dans  les  phénomènes  de  la  nature,  soit  dans  les  opérations 
de  l'art,  entraînèrent  peu  à  peu  toutes  les  convictions. 
Les  mathématiciens  et  les  physiciens  de  l'Académie,  qui 
n'avaient  cessé  de  soutenir  Lavoisier  par  leurs  encourage- 
ments, se  déclarèrent  tout  d'abord.  Berthollet  se  rangea  aux 
idées  nouvelles,  par  une  déclaration  publique,  en  1 783  ;  Guy- 
ton  de  Morveau  constata  sa  conversion  en  1786,  à  la  fin  du 
premier  volume  du  Dictionnaire  de  chimie  de  r Encyclo- 
pédie méthodique;  Fourcroy  s'y  rallia  en  1787  et  l'in- 
troduisit pour  la  première  fois  dans  l'enseignement  pubhc. 
Kirwan,  célèbre  chimiste  anglais  d'alors,  après  avoir  écrit 
un  livre  en  1784  pour  réfuter  la  nouvelle  théorie,  eut  en 
1791  la  loyauté  rare  de  se  déclarer  convaincu.  Si  Caven- 
dish ne  donna  jamais  son  adhésion  aux  nouvelles  doctrines, 
si  Priestley  et  de  La  Méthérie  les  combattirent  jusqu'au 
bout,  ils  demeurèrent  seuls,  et  Lavoisier  triompha,  après 
une  lutte  soutenue  pendant  dix-sept  ans. 

Voilà  comment  il  a  réussi  à  faire  sortir  la  chimie  des 
idées  vagues,  des  systèmes  mystiques  où  elle  s'était  complu 
pendant  tant  de  siècles,  et  à  définir  l'origine  et  le  terme 
des  transformations.  Ce  terme  et  cette  origine  résident  en 
effet  dans  l'invariabilité  de  poids  de  la  matière  pondérable: 
je  ne  dis  pas  seulement  en  général,  mais  pour  chaque  corps 
simple  en  particulier.  De  là  résulte  l'existence  d'une  équa- 
tion du  poids  des  corps  simples  dans  les  métamorphoses 
chimiques,  équation  sur  laquelle  reposent  toutes  nos  ana- 
lyses et  toutes  nos  interprétations.  Cette  équation  est  aussi 
Tœuvre  de  Lavoisier,  qui  l'a  formulée  en  1785,  dans  son 


mémoire  sur  la  dissolution  des  métaux  dans  les  acides,  en 
l'accompagnant  même  d'une  représentation  symbolique, 
première  ébauche  de  nos  formules  actuelles.  Ainsi  les  corps 
simples  et  l'analyse  devinrent  le  but  extrême  des  efforts  de 
la  chimie.  Lavoisier  revient  sans  cesse  sur  ce  point  de  vue: 
«  La  chimie,  dit-il,  en  soumettant  à  des  expériences  les 
divers  corps  de  la  nature,  a  pour  objet  de  les  décomposer 
et  de  se  mettre  en  état  d'examiner  séparément  les  différentes 
substances  qui  entrent  dans  leur  composition.  »  La  chimie 
était  pour  lui,  et  par  excellence,  la  science  de  l'analyse, 
dont  la  synthèse  était  regardée  comme  une  simple  contre- 
épreuve.  C'est  ainsi  qu'il  dit  encore  :  «  La  chimie  marche 
donc  vers  son  but  et  vers  sa  perfection  en  divisant,  sub- 
divisant et  resubdivisant  encore,  et  nous  ignorons  quel  sera 
le  terme  de  ses  succès.  » 

La  notion  purement  empirique  des  corps  simples,  étant 
ainsi  fixée,  devint  la  base  d'une  nomenclature  nouvelle, 
destinée  à  remplacer  par  des  noms  rationnels,  fondés  sur 
la  composition  des  corps,  les  vieux  noms  empiriques  et 
traditionnels.  Ce  fut  Guyton  de  Morveau  qui  commença 
l'entreprise  en  1782  et  qui,  pour  l'accomphr,  s'adjoignit 
un  peu  plus  tard  les  principaux  chimistes  français.  Elle 
reposait  sur  la  distinction  des  composés  binaires  et 
spécialement  des  composés  oxygénés  en  oxydes  et  acides 
qui,  s'opposant  les  uns  aux  autres  suivant  un  mode  dua- 
listique,  donnent  naissance  aux  composés  ternaires,  spécia- 
lement aux  composés  salins.  Cette  nomenclature  futaccueiUie 
d'abord  avec  enthousiasme  et  identifiée,  par  suite  d'une 
illusion  singulière  due  aux  idées  de  Condillac,  avec  la  science 
elle-même.  La  langue  nouvelle  fut  présentée  en  détail  dans 
le  traite  de  Lavoisier,  le  premier  ouvrage  méthodique  écrit 
dans  le  nouveau  système,  et  elle  fut  aussitôt  adoptée  dans 
l'Europe  entière,  comme  base  de  l'enseignement  et  de  l'ex- 
posé des  recherches  scientifiques  en  chimie.  La  clarté  de  la 
langue  influa,  par  un  retour  légitime,  sur  l'adoption  de  la 
théorie.  M.  Berthelot. 

BiBL.  :  Œuvres  de  Lavoisier,  publiées  par  le  ministère 
de  l'Instruction  publique,  1864-98,  6  vol.  in-8.  —  Grimaux, 
Biographie  de  Lavoisier^  1888,  in-8.  —  Berthelot,  la 
Révolution  chimique^  Lavoisier  (avec  l'analyse  des  re- 
gistres de  son  laboratoire),  1890,  in-8. 

LAVOIX  (Henri-Michel),  litlérateur  et  numismatiste 
français,  né  à  Nant  (Aveyron)  le  1 9  janv.l  820,  mort  à  Paris 
le23oct.  1892.  Il  entra  en  1849  à  la  Bibliothèque  nationale, 
au  département  des  médailles;  là,  il  s'occupa  spécialement 
des  médailles  arabes;  il  en  compléta  ou,  pour  mieux  dire,  en 
forma  véritablement  la  collection,  puis  entreprit  le  cata- 
logue dont  il  ne  put  achever  que  les  deux  premiers  volumes. 
La  voix  fut  nommé  conservateur  en  chef  au  département  des 
médailles  et  antiques  en  1890.  Ces  travaux  d'érudition 
n'avaient  pas  empêché  M .  Lavoix  de  se  H vrer  à  ses  goûts  litté- 
raires. En  effet,  après  avoir  fait  du  théâtre,  il  entra  comme 
critique  littéraire  au  Moniteur  (1 830) ,  puis  m  Journal  offi- 
ciel jusqu'en  1870  environ.  Quelques  années  après,  il  était 
nommé  lecteur  au  Théâtre-Français.  Il  était  depuis  long- 
temps chargé  de  la  critique  musicale  kV Illustration,  Lavoix 
a  été  un  érudit  de  premier  ordre,  un  fin  et  délicat  lettré, 
mais  il  a  été  surtout  un  des  hommes  les  plus  spirituels  et 
les  plus  écoutés  de  son  temps  en  matière  de  théâtre.  Il 
avait  ce  que  l'on  pourrait  appeler  l'instinct  de  ce  qui  con- 
venait à  la  scène  ;  les  plus  grands  maîtres,  Dumas,  Augier, 
Pailleron  l'ont  consulté  et  avec  profit  ;  modeste,  discret, 
d'une  impeccable  loyauté,  aimant  à  rendre  service,  Lavoix 
s'était  fait  aimer  et  estimer  même  des  auteurs  pour  les- 
quels il  s'était  montré  parfois  un  peu  sévère,  dans  ses 
fonctions  de  lecteur  au  Théâtre-Français.  Voici  la  liste  de 
ses  ouvrages  :  les  Arts  musulmans  ;  les  Peintres  arabes 
(1876,  in-8)  ;  Mo7inaies  et  légendes  arabes  frappées  en 
Syrie  (1877-78);  la  Première  Représentation  du  «  Mi- 
santhrope »  (1877,  in-12);  Catalogue  des  monnaies 
musulmanes  de  la  Bibliothèque  nationale  (1888, 
t.  l-ll). 

LAVOIX  (Henri-Marie  Tâllemant,  dit),  écrivain  fran- 
çais, né  à  Paris  le  26  avr.  1846.  Entré  à  la  Bibliothèque 


—  1069  - 


LAVOIX  —  LAVROV 


nationale,  au  département  des  imprimés,  en  4866,  M.  Lavoix 
fut  promu  en  4884  conservateur  adjoint  au  même  dépar- 
tement. En  4885,  il  fut  nommé  administrateur  de  la  biblio- 
thèque Sainte-Geneviève.  Elève  de  M.  Henri  Cohen  pour 
l'harmonie  et  le  contrepoint,  M.  Lavoix  s'est  occupé  de 
l'histoire  de  la  musique,  sur  laquelle  il  a  publié  de  nom- 
breux ouvrages  dont  voici  la  liste  :  les  Traducteurs  de 
Shakespeare  en  musique  (4869,  in-8)  ;  la  Musique 
dans  la  nature  (4877,  in-8)  ;  la  Musique  dans  V ima- 
gerie du  moyen  âge  (4875,  in-8)  ;  Histoire  de  Vins- 
trumentation  (couronné  par  l'Institut,  4878,  in-8); 
le  Chant  des  principes  et  son  histoire  (avec  M.  Th. 
Lemaire;  4884,  in-4)  ;  la  Musique  du  siècle  de  saint 
Louis  (t.  II  du  Recueil  des  motets^  publié  par  G.  Ray- 
naud;  4884-83,  couronné  par  l'Institut)  ;  Histoire  de  la 
musique,  in-42)  ;  la  Musique  française  (4894,  in-8); 
Daunou  et  la  bibliothèque  Sainte- Geneviève  (1892, 
in-8)  ;  les  Bibliothèques  et  leur  public  (Paris,  4891). 
Il  est  un  des  principaux  collaborateurs  de  la  Grande  En- 
cyclopédie, 

LAVOLLÉE  (Paul-Aimé),  administrateur  et  publiciste 
français,  né  à  Dammartin  le  25  avr.  4795,  mort  à  Paris 
le  42  avr.  4886.  Inspecteur  des  finances  en  4834,  il  rem- 
plit en  4837  une  mission  en  Italie,  Grèce,  Turquie,  Egypte 
pour  l'établissement  du  service  des  paquebots-postes  de 
l'Orient,  en  4839  une  mission  aux  Etats-Unis  et  aux  An- 
tilles relative  aux  questions  de  colonisation,  devint  sous- 
directeur  des  postes,  puis  directeur  du  commerce  extérieur 
(4843),  et  enfin  conseiller  maître  à  la  cour  des  comptes 
(4852).  Il  a  laissé  divers  ouvrages,  parmi  lesquels  :  Notes 
sur  la  culture  et  les  productions  de  la  Martinique  et  de 
la  Guadeloupe  (Paris,  4839,  in-4)  ;  Question  de  douanes 
(1849,  in-8). 

LAVOLLÉE  (Charles-Hubert),  littérateur  français,  né 
à  Paris  le  44  oct.  4823,  neveu  du  précédent.  Il  prit  part 
à  la  mission  de  M.  de  Lagrenée  en  Chine  (4843),  devint 
chef  de  bureau  au  ministère  de  l'intérieur,  puis  adminis- 
trateur de  la  Compagnie  des  omnibus.  Outre  une  collabo- 
ration assidue  aux  revues  littéraires,  on  peut  citer  de  lui  : 
Voyage  en  Chine  (Paris,  4852,  in-8)  ;  la  Chine  contem- 
poraine {iH60,  in-12)  ;  les  Chemins  de  fer  en  Franm 
(4866)  ;  les  Expositions  de  l'industrie  (4867). 

LAVOLLÉE^  (René),  littérateur  français,  né  à  Paris  le 
42  mai  4842.  Rédacteur  au  ministère  des  affaires  étran- 
gères, il  parvint  en  4  880  au  grade  de  consul  général  hors 
cadre.  Docteur  es  lettres,  il  a  donné,  outre  ses  thèses  :  Por- 
talis,  sa  vie  et  ses  œuvres  (4869,  in-8)  et  De  Poetis  la- 
tino-polonis  (4869,  in-8),  un  grand  nombre  d'ouvrages 
parmi  lesquels  nous  citerons  :  Channing,  sa  vie  et  sa  doc- 
trine (4876,  in-4 2);  les  Classes  ouvrières  en  Europe 
(4883,  2  vol.  in-8)  ;  Essais  de  littérature  et  d'histoire 
(1891,  in-4 2)  ;  la  Morale  dans  lliistoire  (4892,  in-8). 

LAVONCOURT  (Lavonis  Curtis).  Corn,  du  dép.  delà 
Haute-Saône,  arr.  de  Gray,  cant.  de  Dampierre-sur-Salon, 
sur  la  Gourgeonne  ;  344  hab.  Carrières  de  pierre.  Moulin. 
Trouvailles  de  poteries  gallo-romaines.  Eglise  du  xvii^  siècle 
(boiserie  ancienne  dans  le  chœur,  tableau  sur  bois  daté  de 
4504  dans  la  chapelle  du  Rosaire).  La  terre,  qui  appartint 
à  l'origine  aux  de  Vergy,  se  divisa  ensuite  en  trois  seigneu- 
ries :  celle  d'Avilley,  celle  de  Lavoncourt  et  celle  d'Arson- 
court.  On  y  voit  encore  les  ruines  de  deux  châteaux  féodaux. 
Lavoncourt  a  été  chef-lieu  de  cant.  sous  la  Révolution. 

BiBL.  :  Abbé  Gousset,  Essai  sur  Lavoncourt;  Besan- 
çon, 1857,  in-8. 

LAVOURS.  Corn,  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  et  cant.  de 
Relley  ;  297  hab. 

LAVOÛTE-Chilhac.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Haute- 
Loire,  arr.  deRrioude;  744  hab. 

LAVOÛTE-suR-LoiRE.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Loire, 
arr.  du  Puy,  cant.  de  Saint-Paulien  ;  850  hab. 

LAVOUX.  Com.  du  dép.  de  la  Vienne,  arr.  de  Poitiers, 
cant.  de  Saint- Julien-Lars  ;  725  hab. 


LAVOYE.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Rar-le- 
Duc,  cant.  de  Triaucourt;  346  hab. 

LA  VOYE-MiGNOT  (V.  Voye-Mignot). 

LAVRA.  Forme  russe  du  mot  Laure.  Ce  nom  s'applique 
à  certains  monastères  (V.  Lâure). 

lAVRAS  DO  FuNiL.  Ville  du  Brésil,  Etat  de  Minas  Ge- 
raes,  sur  un  affl.  du  rio  Grande,  à  470  kil.  S.-O.  d'Ouro 
Preto.  Fondée  en  4720  par  les  Paulistes,  au  centre  d'un 
fertile  district  agricole  et  près  de  mines  d'or  (abandonnées 
depuis),  elle  a  une  certaine  importance  industrielle  et  pro- 
duit beaucoup  de  cotonnades. 

LAVREINCE,  peintre  suédois  (V.  Lâfrensen). 

LAVRENTIi  (forme  russe  de  Laurent),  moine  russe, 
qui  vivait  à  Souzdal  dans  la  seconde  moitié  du  xiv«  siècle. 
Il  copia  et  continua  jusqu'à  l'année  4377  la  chronique  fon- 
damentale vulgairement  connue  sous  le  nom  de  Chronique 
de  Nestor,  Son  manuscrit  fut  publié  pour  la  première  fois 
en  4846  dans  la  Collection  complète  des  chroniques 
russes.  Il  a  été  réimprimé  à  Saint-Pétersbourg  en  1872, 
par  les  soins  de  la  commission  archéologique. 

BiBL.  :  L.  Léger,  Chronique  dite  de  Nestor,  éd.  franc. 
Paris,  1884. 

LAVRENTII  ou  LAURENT Zizanii,  théologien  russe  du 
xvii«  siècle,  né  à  Vilna.  Il  fit  ses  études  à  Lwow,  puis  il 
s'établit  à  Korets  en  Volynie.  Il  écrivit  un  cathéchisme 
qu'il  soumit  au  jugement  du  patriarche  de  Moscou  et  qui, 
après  des  controverses  assez  longues,  fut  imprimé  à  Moscou 
en  4627.  Il  fut  réimprimé  à  Grodno  en  4788. 

LAVROV  (Pierre),  philosophe  et  socialiste  russe,  né  à 
Melekhovo,  dans  le  gouvernement  de  Pskov,  le  2/44  juin 
4823.  Il  était  colonel  d'artillerie  et  professeur  de  mathé- 
matiques à  l'Académie  d'artillerie  de  Saint-Pétersbourg, 
lorsque  survint  l'attentat  de  Karakosov  contre  la  vie 
d'Alexandre  II  (V.  ce  nom).  Suspect  au  pouvoir,  comme 
beaucoup  des  hommes  qui  faisaient  preuve  d'activité  scien- 
tifique et  philosophique,  P.  Lavrov,  qui  était  membre  de  la 
douma  (conseil  municipal)  et  du  zemstvo  (conseil  de  gou- 
vernement) de  Saint-Pétersbourg,  fut  arrêté  au  mois  de  mai 
4866,  et,  l'année  suivante,  interné  dans  le  gouvernement 
de  Vologda.  Le  conseil  de  guerre,  devant  lequel  il  ne  com- 
parut que  pour  entendre  sa  condamnation,  l'avait  reconnu 
coupable  :  4°  d'avoir  composé  quatre  poésies  irrespec- 
tueuses envers  l'empereur  et  son  père  Nicolas  ;  2<*  d'avoir 
montré  de  la  sympathie  pour  des  hommes  connus  par  leurs 
tendances  criminelles,  en  particulier  pour  le  grand  écono- 
miste et  pubhciste  Tchernyschevsky  ;  3°  d'avoir  publié  des 
«  idées  nuisibles  ».  Etant  parvenu  à  s'évader  en  1870,  il 
se  rendit  à  Paris,  qu'il  n'a  quitté  qu'en  4873-77,  pour 
diriger,  d'abord  à  Zurich,  ensuite  à  Londres,  une  revue 
socialiste  russe,  et  pendant  quelques  mois  de  4882,  sous  le 
coup  d'un  arrêt  d'expulsion.  II  est  depuis  4870  membre  de 
la  Société  d'anthropologie  de  Paris,  et  il  faisait  partie  du 
comité  de  rédaction  de  la  Revue  d'anthropologie,  lors- 
qu'elle fut  fondée  par  Broca. 

Bien  qu'éloigné  de  la  Russie,  P.  Lavrov  n'a  cessé  de 
prendre  une  part  active  au  mouvement  littéraire  et  poli- 
tique de  son  pays.  Connu,  longtemps  avant  son  interne- 
ment et  son  évasion,  par  de  nombreux  travaux  scientifiques 
et  philosophiques,  il  publia,  sous  le  pseudonyme  de  Mir- 
tov,  ses  Lettres  historiques,  qui  éclatèrent,  dit  un  Russe, 
comme  un  coup  de  foudre;  sa  notoriété  devint  alors  uni- 
verselle en  Russie.  Il  serait  trop  long  d'énumérer  les 
œuvres  de  Lavrov  —  livres,  brochures,  articles  de  revues 
et  d'encyclopédies,  conférences  —  dont  la  plupart  n'ont  été 
publiées  qu'en  langue  russe  ;  il  faut  citer  son  cours  public, 
De  l'Influence  du  progrès  des  sciences  exactes  sur 
l'art  militaire,  l'Histoire  des  sciences  physico-mathé- 
matiques (iSQ6);  une  traduction  de  h  Logique  de  Stuart 
Mill  ;  Trois  Conférences  sur  le  sens  actuel  de  la  philo- 
sophie, l'Idée  de  progrès  dans  l'anthropologie  (publié 
en  français  dans  le  Bulletin  de  la  Société  d'anthropo- 
logie de  Paris),  enfin  un  Essai  de  l'histoire  de  la  pensée, 
dont  la  censure  russe  interrompit  la  publication  en  4875, 


LAVROV  —  LAW 


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et  que  Fauteur  a  complètement  remanié  dans  un  nouvel 
ouvrage  dont  les  deux  premières  parties  ont  paru  à  Genève 
en  4894. 

Le  système  philosophique  de  P.  Lavrov,  —  qu'il  appelle 
«  anthropologisme  »,  comme  pour  marquer  la  subjectivité 
de  nos  connaissances,  —  est  le  matérialisme  combiné  avec 
les  idées  de  Kant,  de  Feuerbach  et  des  néo-kantiens.  Il 
admet  l'existence  du  monde  réel  soumis  aux  lois  de  cau- 
salité du  déterminisme,  mais  en  même  temps  la  possibilité 
pour  l'homme  de  se  poser  des  buts  à  atteindre,  de  choisir 
des  moyens  pour  y  arriver,  en  obéissant  aux  notions  du 
plus  agréable,  du  plus  utile,  et  enfin,  de  l'obligatoire.  Le 
«  moi  »  est,  d'une  part,  un  produit,  un  effet,  l'aboutissant 
du  système  mécanique  du  monde,  et,  d'autre  part,  une 
cause  constructrice  de  tout  ce  qu'il  conçoit  dans  sa  ten- 
dance vers  la  vérité  et  vers  le  progrès  individuel  et  social. 
Il  y  a  des  faits  qui  se  répètent,  des  lois  impératives,  et 
des  phénomènes  d'évolution  qui  traversent  des  phases  suc- 
cessives. Prendre  conscience  de  ces  phénomènes  :  telle  est 
la  propriété  du  monde  organique,  qui  se  traduit  par  la  vie 
individuelle  et  sociale.  Mais  les  deux  organismes,  biolo- 
gique et  sociologique,  sont  très  diftérents  :  le  premier  en- 
gendre la  conscience  d'un  seul  élément  qui  tend  à  annihiler 
tous  les  autres,  tandis  que  le  second  s'efforce  de  solidariser 
le  plus  possible  tous  ces  éléments  et  de  créer  la  conscience 
collective  favorable  à  leur  développement.  La  sociologie  est 
l'étude  scientifique  des  phénomènes  de  solidarité  consciente, 
la  recherche  des  moyens  les  plus  propres  à  réahser  cette 
solidarité  en  vue  du  bonheur  social  ;  mais  le  bonheur  so- 
cial n'est  que  le  bonheur  des  individus,  qui  ont  toujours 
le  droit,  par  conséquent,  de  modifier  les  formes  existantes 
de  société  ;  c'est  la  théorie  de  l'évolution.  L'activité  humaine 
a  quatre  mobiles  :  la  coutume,  qui  est  une  servitude  dont 
l'homme  s'affranchit  à  mesure  qu'il  se  perfectionne;  la 
passion,  tantôt  obstacle,  tantôt  aide  au  progrès,  qui  s'élève 
et  s'épure  par  la  critique,  et  se  transforme  de  passion  per- 
sonnelle en  passion  sociale;  l'intérêt,  qui  est  le  plus  sou- 
vent la  seule  règle  des  majorités;  enfin  la  conviction,  pri- 
vilège des  minorités,  qui,  pour  contribuer  au  progrès,  doit 
coïncider  avec  l'intérêt  de  la  masse.  Nous  sommes  à  une 
époque  où  cet  accord  paraît  possible,  où  l'idéal  socialiste 
s'harmonise  avec  les  tendances  instinctives  des  individus. 
La  lutte  est  continuelle  entre  la  critique  et  la  coutume, 
entre  la  civilisation  présente  et  celle  qui  se  prépare.  Si  la 
nouvelle  conception  imaginée  par  la  minorité  des  intellec- 
tuels est  pratique,  tant  qu'elle  n'est  pas  réalisée,  la  société 
traverse  une  période  de  transition  :  telle  la  société  bour- 
geoise, dans  sa  résistance  au  socialisme  scientifique,  qui 
représente  actuellement  l'idéal  de  l'humanité,  unie  par  les 
intérêts  du  travail  collectif  et  la  recherche  de  la  justice 
sociale.  Seule,  l'organisation  des  hommes  en  un  seul  groupe 
solidaire  permettra  de  résoudre  les  trois  problèmes  prin- 
cipaux de  l'évolution  historique  :  la  domination  de  la  pen- 
sée humaine  sur  la  nature,  la  conquête  du  monde  animal, 
la  suppression  de  la  lutte  pour  l'existence  dans  le  milieu 
humain.  La  philosophie  de  l'histoire  nous  fait  assister  à 
l'avènement  de  l'ordre  socialiste,  par  la  diminution  pro- 
gressive des  intérêts  antagoniques  et  de  la  coutume,  par  le 
triomphe  des  convictions  morales  et  de  la  pensée. 

Tout  en  poursuivant  ses  remarquables  travaux  d'histoire 
et  de  philosophie,  P.  Lavrov  est  resté  sans  interruption 
l'un  des  chefs  du  socialisme  russe  militant.  Il  fut  en  1870 
membre  de  la  section  des  Ternes  de  l'Internationale.  De 
1873  à  1876,  il  dirigea  la  revue  Vpered  (En  avant!), 
qui  lui  attira  les  attaques  des  anarchistes  du  parti  de  Ba- 
kounine  et  des  jacobins  du  parti  de  Tkatchev.  En  1882, 
il  s'allia  au  parti  révolutionnaire  de  la  «  Narodnaia  Voiia  » 
et  devint  l'un  des  directeurs  de  la  revue  russe  Vestnik 
Narodnoï  Voli  (le  Messager  de  la  volonté  du  peuple). 
Depuis  1893,  il  est  membre  du  groupe  qui  dirige  la  revue 
socialiste  russe  Matériaux  pour  lliistoire  du  mouvement 
socialiste-révolutionnaire  en  Russie^  publiée  à  Genève. 
Les  idées  politiques  de  P.  Lavrov  sont  exposées  plus  parti- 


culièrement dans  une  série  de  brochures  parues  au  cours 
des  dix  dernières  années,  parmi  lesquelles  la  Situation 
du  socialisme  en  Russie,  rapport  en  français  qu'il  pré- 
senta au  nom  de  la  délégation  des  groupes  russes  au 
Congrès  international  ouvrier  tenu  à  Paris  en  1889.  Lavrov 
est  partisan  de  la  révolution  sociale  par  la  propagande  des 
principes,  par  l'agitation  dans  le  peuple,  par  l'organisation 
des  forces  sociahstes,  par  l'exemple  personnel  d'une  vie 
conforme  aux  doctrines.  M.  Chaknay. 

LAVROVSKY  (Pierre-Alexiéiévitch),  savant  russe,  né  à 
Vychny-Volotchok  en  1827,  mort  en  1 886.  Il  fit  ses  études  à 
Saint-Pétersbourg  et  se  consacra  à  la  philologie  slave .  Il  a 
enseigné  aux  universités  de  Kharkov  et  de  Varsovie  et  rem- 
pli des  fonctions  administratives.  Ses  principales  publica- 
tions en  russe  sont  :  De  la  Langue  des  chroniques  du 
Nord  (1852);  Cyrille  et  Méthode  (Kharkov,  1863); 
Lomonosov  {id.,  1865)  ;  les  Particularités  du  dialecte 
petit-russien  (1869).  Il  a  collaboré  activement  au  Jour- 
nal (russe)  du  ministère  de  l'instruction  publique. 

LAW  (John),  célèbre  financier,  né  à  Edimbourg  en  1671 , 
mort  à  Venise  en  mai  1729.  Son  père,  William,  était  orfèvre 
et  en  même  temps  changeur  et  banquier;  sa  mère,  Jeanne 
Campbell,  descendait  de  la  noble  maison  d'Argyle.  La  mort 
de  son  père  le  mit  en  possession  d'une  grande  fortune,  dans 
laquelle  était  compris  le  domaine  de  Lauriston,  dont  il 
ajouta  le  nom  à  son  nom  patronymique.  A  vingt  ans,  il  vint 
se  fixer  à  Londres.  Il  eut  le  malheur  de  tuer  en  duel  un  rival, 
le  sieur  Whilston,  fut  condamné  à  mort,  puis,  par  grâce,  à 
la  prison  perpétuelle.  Il  s'évada  (1695),  gagna  le  continent 
et  visita  en  peu  d'années  Amsterdam,  Paris^Venise,  Gênes, 
Naples  et  Rome,  partout  préoccupé  du  système  financier 
dont  il  recueillait  à  loisir  les  éléments.  Il  obtint  enfin  sa 
grâce  complète,  et,  de  retour  en  Ecosse,  fit  paraître  les  Coîi- 
sidérations  sur  le  numéraire  et  le  commerce  (La  Haye, 
1705,  in-8).  Persuadé  que  l'abondance  du  numéraire  était 
la  grande  source  de  la  prospérité  publique,  que,  d'autre 
part,  la  valeur  attribuée  à  l'or  et  à  l'argent  tenait  non  à 
leur  rareté  ni  à  leur  utilité  intrinsèque,  mais  au  fait  que 
ces   métaux  servaient   presque  uniquement  de   moyens 
d'échange,  il  prétendait  les  monopoliser  dans  une  banque 
dlEtat,  et  les  remplacer  dans  la  circulation  par  des  billets 
de  crédit  pour  une  valeur  triple  ou  quadruple.  La  Banque 
percevrait  les  impôts,  émettrait  les  emprunts  publics.  Elle 
centrahserait  toute  espèce  de  grand  commercé  et  de  grande 
industrie.  Elle  ferait  d'ailleurs  aussi  les  opérations^  ordi- 
naires des  banques  (comptes  de  dépôts,  escompte,  etc.).  Le 
capital  nécessaire  au  fonctionnement  serait  divisé  en  actions. 
Law^  développa  aussi  le  plan  d'une  banque  foncière  qui 
aurait  délivré  aux  propriétaires  écossais,  avec  hypothèque 
sur  leurs  terres,  un  papier-monnaie  ayant  cours  forcé.  Ni 
la  banque  d'Etat,  ni  la  banque  foncière  ne  furent  accueil- 
lies en  Ecosse  :   les  principes  de  Lav^  parurent  utopiques. 
Law  reprit  le  cours  de  ses  voyages  ;  à  Paris,  il  joua  si  grand 
jeu  et  avec  tant  de  bonheur,  que  le  lieutenant  de  police 
d'Argenson  le  pria  de  partir  :  «  Il  en  savait  trop  aux  jeux 
que  lui-même  avait  introduits  dans  la  capitale.  »  Law  se 
rendit  à  Gênes,  à  Rome,  à  Venise,  à  Turin,  où  Victor- 
Amédée  lui  répondit  qu'il  n'était  pas  assez  riche  pour  se 
ruiner  ;  partout  il  menait  grand  train,  vivant  d'agiotage  et 
de  jeu:  en  1715,  il  avait  réuni  une  fortune  de  l',600,000 
livres  (près  de  3  millions  actuels),  tout  en  jetant  l'or  k 
pleines  mains.  Après  la  mort  de  Louis  XIV,  Law  vit  que 
le  moment  était  favorable,  La  dette  française  s'élevait  à 
2,412,000,000,  et  les  impôts  étaient  écrasants.  Le  con- 
seil des  finances  repoussa  la  banque  d'Etat  comme  avait 
fait  le  Parlement  d'Ecosse.  Mais  Law  obtint  aisément  de 
fonder  à  ses  risques  et  périls  une  banque  privée  (lettres 
patentes  du  2  mai  1716,  registrées  en  Parlement  le  23), 
qu'il  surnomma  toutefois  «  générale  ».  Elle  fut  constituée 
au  capital  de  6  millions  (1,200  actions  payables  un  quart 
en  espèces  et  trois  quarts  en  billets  d'Etat).  Outre  l'es- 
compte des  lettres  de  change  (abaissé  successivement  de 
12  à  6  et  à  4  *^/o),  les  comptes  des  négociants,  et  les  dé- 


—  1071 


LAW  -  LAWLESS 


pots,  la  Banque  eut  le  droit  d'émettre  des  billets  payables 
au  porteur  en  écus  du  même  poids  et  du  même  titre 
que  ceux  du  jour  de  rémission.  Comme,  d'une  part,  les 
billets  d'Etat  perdaient  les  trois  quarts  de  leur  valeur  et 
que  Law  les  prenait  au  pair  ;  que,  d'autre  part,  les  varia- 
tions des  monnaies  étaient  perpétuelles  et  que  Law  garan- 
tissait les  porteurs  de  ces  billets  contre  cet  aléa,  la  Banque 
(unique  d'ailleurs  en  son  genre  à  Paris  et  en  France)  fit 
bientôt  des  affaires  énormes  et  émit  jusqu'à  2lO  millions  de 
billets  sans  ébranler  la  confiance.  L'édit  du  40  avr.  1717 
lui  permit  de  rayonner  en  province.  Le  crédit  public  et  le 
commerce  national  se  ranimèrent  partout.  Mais  Law  se 
perdit  par  le  succès. 

En  1718,  il  obtint  le  privilège  du  commerce  de  la  Loui- 
siane et  du  Mississippi,  et  ressuscita  la  Compagnie  des 
Indes  occidentales  (V.  ce  mot)  :  il  émit  de  nouvelles  ac- 
tions. La  même  année,  sa  banque  fut  déclarée  royale,  ce 
qui  n'était  qu'un  titre  honorifique,  mais  plein  de  consé- 
quences :  le  parlement  s'y  était  vainement  opposé.  Les  fer- 
miers généraux,  de  leur  côté,  lancèrent  les  actions  dites  de 
l'anti-système.  Mais  Law  l'emporta,  et  le  cours  des  actions 
de  la  Banque,  de  la  Compagnie,  monta  de  plus  en  plus  ; 
quant  aux  billets,  ils  faisaient  prime  sur  l'argent.  La  folie 
de  l'agiotage  augmenta,  à  mesure  qu'on  apprit  que  Law 
avait  obtenu  le  monopole  du  commerce  des  Indes  (1719), 
puis  l'administration  et  la  fabrication  des  monnaies,  puis 
les  fermes  générales,  puis  enfin  les  recettes  générales  par 
sa  nomination  (après  qu'il  eut  abjuré)  au  contrôle  général 
des  finances.  La  rue  Quincampoix,  centre  de  l'agiotage,  de- 
vint le  théâtre  de  scènes  burlesques,  odieuses  ou  tragiques. 
Il  n'était  question  dans  le  public  ignorant  que  des  mines 
d'or,  des  champs  de  diamants  et  d'émeraude  que  l'on  dé- 
couvrait soi-disant  chaque  jour.  Comme  pourtant  les  colons 
manquaient,  la  police  faisait  pour  y  pourvoir  des  rafles  de 
vagabonds  dans  les  rues  de  Paris.  Mais  les  bénéfices  atten- 
dus ne  répondirent  pas  à  l'aveugle  confiance  de  ceux  qui 
avaient  fait  monter  les  actions  de  500  livres  à  10,000  et 
à  20,000  même.  Les  plus  habiles  semirentàréaHser.  Law 
essaya  d'enrayer  la  baisse  par  ses  Lettres  à  un  créan- 
cier (1720).  Il  recourut  aux  moyens  toujours  aisés  en  ap- 
parence du  despotisme  monarchique  (cours  forcé  des  billets, 
défense  aux  particuliers  d'accaparer  le  numéraire,  réduction 
progressive,  bientôt  révoquée,  de  la  valeur  des  actions  et 
des  billets).  La  banqueroute  commençait:  Law  dut  se  re- 
tirer du  contrôle  général.  La  Banque  ne  remboursa  plus 
les  billets  au-dessus  de  10  livres.  Le  peuple  murmura  et 
Law  fut  poursuivi  par  les  huées  et  les  menaces  jusqu'au 
Palais-Royal  où  il  s'était  réfugié.  La  Banque  fut  supprimée, 
et  les  actions  ou  billets  changés  en  rente  après  de  notables 
réductions.  Law  s'enfuit  à  Bruxelles,  sans  presque  rien 
emporter.  Il  reprit  avec  moins  d'éclat  sa  vie  d'aventurier. 
Il  se  fixa  enfin  à  Venise  où  il  mourut.  —  Les  conséquences 
du  système  avaient  été  tellement  effrayantes  pour  l'Etat  et 
pour  les  particuliers,  que,  jusqu'à  l'époque  de  Louis  XVI 
(V.  Tarto  Caisse  d'escompte),  aucun  établissement  de  crédit 
ne  fut  autorisé  en  France.  H.  Monin. 

BiBL.  :  E.  Daire,  Œ'uî;res  complètes  de  John  Law,  dans 
la  Collection  des  économistes  français  du  xyiii^  siècle; 
Paris,  1843,  in-8.  —  Thiers,  Histoire  de  J.  Law;  Paris, 
1826;  rééd.  1878.  —  A.  Cochut,  Law,  son  système  et  son 
époque;  Paris,  1853,  in-8.  —  E.  Levasseur,  Recherches 
historiques  sur  le  système  de  Law  ;  Paris,  1857,  in~8.  — 
(V.  l'art.  Banque).  —  (La  prononciation  usuelle  en  France, 
Lass,  vient  du  génitif  anglais  Law's  abusivement  employé. 
On  devrait  prononcer  Là.) 

LAW  (William),  théologien  anglais,  né  en  1686,  mort 
en  1761.  Son  refus  de  prêter  les  serments  exigés  par 
Georges  I®'  à  son  avènement  le  mit  dans  l'impossibilité  de 
prétendre  à  aucun  bénéfice  ou  fonction  ecclésiastique.  Il 
s'attacha,  comme  précepteur,  à  la  famille  Gibbon  et  fit 
l'éducation  d'Edward,  le  père  de  l'historien.  Il  s'était  déjà 
acquis  un  grand  renom  de  prêcheur  et  de  polémiste.  Vers 
la  fin  de  sa  vie,  les  écrits  de  Jacob  Behmen  eurent  une 
grande  influence  sur  son  esprit  dont  ils  développèrent  en- 
core davantage  le  côté  mystique.  La  charité  de  Law  était 


très  grande.  Il  fonda  des  écoles  et  d'autres  œuvres  chari- 
tables, aidé  par  miss  Gibbon  et  par  Mrs.  Hutcheson,  veuve 
d'un  membre  du  Parlement  que  son  mari  avait,  en  mou- 
rant, confiée  à  la  direction  spirituelle  de  Law.  Parmi  les 
très  nombreux  ouvrages  qu'il  a  laissés  et  qui  intéressent 
surtout  l'histoire  des  sectes  religieuses  en  Angleterre,  il 
faut  citer  le  plus  célèbre  :  A  Serions  Call  to  a  Devout 
and  Holy  Life  (1731,  4  vol.),  qui  a  eu  au  moins  dix  édit. 

LAW  (Edward)  (V.  Ellenborough). 

LAWARDE-Mâuger.  Com.  du  dép.  de  la  Somme,  arr. 
de  Montdidier,  cant.  d'Ailly-sur-Noye  ;  268  hab. 

LAWE.  Rivière  de  France  (V.  Nord  et  Pas-de-Calais 
[Dép.]). 

LAWES  (William),  compositeur  anglais,  né  à  Salis- 
bury  vers  158o,  tué  au  siège  de  Chester  en  1645.  Fils 
de  Thomas  Lawes,  vicaire  du  chœur  de  l'église  de  Sa- 
lisbury,  il  reçut,  aux  frais  du  comte  de  Hertford,  les 
leçons  de  Goperario  et  entra  en  1602  dans  la  chapelle  de 
Charles  I«^.  En  1611,  il  quitta  cet  emploi,  mais  resta 
attaché  à  la  musique  de  la  chambre  du  roi.  Son  dévoue- 
ment à  son  souverain  le  porta  à  prendre  du  service  dans 
la  guerre  civile  où  il  périt.  Ses  œuvres  consistaient  sur- 
tout en  fantaisies  instrumentales,  et  en  canons,  catches  et 
airs.  Quelques  psaumes  à  trois  voix  et  basse  continue  de 
Lawes  ont  été  imprimés  en  1648  par  son  frère  Henry. 

^LAWES  (Henry),  compositeur  anglais,  né  àSalisbury  en 
1595,  mort  à  Londres  le  21  oct.  1662,  frère  du  précé- 
dent. Elève  de  Goperario,  il  entra  en  1625  dans  la  cha- 
pelle de  Charles  l^^,  écrivit  en  1633  avec  Simon  Ives  la 
musique  d'un  divertissement  ou  masque  représenté  à  Whi- 
tehall  et  en  1634  la  musique  du  Cornus  de  Milton,  joué 
au  château  de  Ludlow.  Il  composa  sur  la  paraphrase  des 
psaumes  de  Sandy  une  série  d'airs  à  voix  seule  qui  furent 
imprimés  en  1638  et  de  nouveau  en  1676.  En  1648  il  fit 
paraître  un  recueil  intitulé  Choice  Psalms  put  into  mu- 
sick  for  three  voices  with  a  thorough  bass,  qui  contenait, 
à  côté  de  ses  propres  compositions,  plusieurs  morceaux  de 
son  frère  William.  Ses  Ayres  and  dialogues  for  one 
two  and  three  voices  parurent  en  1653.  Henry  Lawes 
écrivit  en  1660  l'antienne  du  couronnement  de  Charles  II. 
Un  grand  nombre  de  ses  airs  furent  reproduits  dans  des 
recueils  de  chants  anglais,  et  quelques-uns  ont  joui  d'une 
longue  vogue.  M.  Br. 

LAWLESS  (John),  agitateur  irlandais,  né  à  Dublin  en 
1773,  mort  à  Londres  le  8  août  1837.  Doué  de  remar- 
quables facultés  oratoires,  il  joua  un  grand  rôle  dans  le 
comité  de  V Association  catholique^  s'opposa  avec  succès 
à  la  politique  d'O'Connell  en  diverses  circonstances,  sou- 
leva le  comté  de  Clare  en  1828  ;  mais,  combattu  à  outrance 
par  les  Orangistes,  se  résigna,  pour  éviter  une  répression 
sanglante,  à  dissoudre  un  meeting  monstre  qu'il  avait  pro- 
voqué à  Ballybay.  O'Connell,  qu'il  gênait  fort,  le  taxait  de 
folie.  Mais  il  était  très  populaire  et  universellement  connu 
sous  le  nom  de  r«  honnête  Jack  ».  11  a  beaucoup  écrit  dans 
les  périodiques  irlandais.  Citons  de  lui  :  A  Compendium  of 
the  Eistorifof  Ireland  (Dublin,  1814;  3«  éd.,  1824); 
The  Belfast  Politics  (Belfast,  1818),  suite  du  précédent. 

LAWLESS (Valentine-Browne),  lord  Cloncurry,  homme 
politique  irlandais,  né  à  Dublin  le  19  août  1773,  mort  le 
28  oct.  1853.  Après  avoir  fait  de  brillantes  études,  il  se 
lança  dès  1795  dans  la  politique  et  devint  un  des  membres 
les  plus  ardents  de  la  société  secrète  des  United  Irishmen, 
En  1797,  il  publiait  des  Thoughts  on  the  projected 
union  between  Great  Britain  and  Ireland,  qui  firent 
grand  bruit  et  donnèrent  naissance  à  une  foule  d'écrits  du 
même  genre.  Un  des  organisateurs  de  la  pétition  de  Kildare 
et  des  meetings  de  protestation  contre  l'union,  il  fut  en 
1798  arrêté  par  le  gouvernement  anglais  et  emprisonné 
à  la  Tour  de  Londres  de  1799  à  1801.  Après  un  long 
séjour  à  Rome,  où  il  contracta  avec  Elizabeth-Georgiana 
Morgan  une  union  qui  aboutit  en  1807  à  un  divorce  écla- 
tant, il  revint  en  Irlande  où  il  s'occupa  avec  zèle  de  tra- 
vaux publics  et  de  l'amélioration  des  systèmes  de  culture. 


LAWLESS  —  LAWRENCE 


1072 


Il  entra  en  1831  à  la  Chambre  des  lords  où  il  employa  la 
grande  influence  dont  il  jouissait  à  détourner  le  gouverne- 
ment d'une  politique  agressive  en  Irlande.  Il  a  laissé  une 
renommée  très  pure.  Il  fit  imprimer  en  1849  des  Personal 
Réminiscences  qui  ne  manquent  pas  d'intérêt.  R.  S. 
BiBL.  :  V.-J.  FiïzPATRicK,  Life^  limes  and  contempora- 
ries  of  lord  Cloncurry . 

LAWN -Tennis  (Sport).  Le  îawn-tennis  se  joue  à  deux, 
à  quatre  ou  à  un  plus  grand  nombre  de  partenaires.  Pour 
l'établir,  on  choisit  un  terrain  plan,  pelouse  ou  plage,  sur 
lequel  on  trace  deux  trapèzes  de  10  m.  de  hauteur,  ayant 
leur  petite  base  commune  et  séparés  par  un  filet  vertical 
formant  la  limite  des  deux  camps.  Au  centre  du  camp  de 
l'attaque  ou  du  dedans  est  tracé  un  petit  carré  :  carré  de 
service.  L'autre  camp,  camp  du  dehors,  est  divisé  en 
deux  parties  par  une  ligne  parallèle  au  filet.  Les  joueurs 
doivent  s'abstenir  de  se  placer  dans  l'esnace  compris  entre 
le  filet  et  cette  ligne.  Ceci  établi,  les  deux  camps,  com- 
posés d'un  nombre  égal  de  joueurs,  se  forment.  On  tire  au 
sort  auquel  des  deux  appartiendra  l'attaque.  Ensuite  deux 
joueurs  du  camp  du  dedans  et  deux  joueurs  du  camp  du 
dehors  entrent  en  lice.  Le  premier  joueur  du  camp  du 
dedans  se  place  dans  le  carré  de  service  et  sert  la 
balle,  en  la  lançant  en  l'air  de  la  main  gauche  et,  lors- 
qu'elle retombe,  en  la  frappant  vigoureusement  de  sa  ra- 
quette. S'il  ne  réussit  pas  à  lui  faire  franchir  le  filet,  il  a 
mis  dessous  et  perd  son  coup.  S'il  réussit,  il  a  mis  dessus. 
Alors  l'un  des  joueurs  de  l'autre  camp  repousse  la  balle 
d'un  coup  de  raquette.  Pour  qu'elle  soit  bonne^  il  faut 
qu'elle  soit  renvoyée  soit  de  volée.,  c.-à-d.  sans  avoir 
touché  le  sol,  soit  à  son  premier  bond,  c.-à-d.  de  demi- 
volée.  Le  camp  du  dedans  la  renvoie  à  son  tour.  Les  deux 
camps  opèrent  ainsi  en  vue  de  maintenir  la  balle  en  l'air 
le  plus  longtemps  possible.  Si  le  camp  du  dedans  la  laisse 
choir,  il  perd  un  point  ;  de  môme  qu'il  en  marque  un  si  le 
camp  du  dehors  ne  parvient  pas  à  lui  renvoyer  la  balle  soit 
qu'elle  ait  été  mise  en  dessous,  soit  qu'elle  ait  franchi  les 
limites  du  jeu,  auquel  cas  la  balle  est  morte,  et  l'on  doit  en 
servir  une  autre.  Sitôt  que  tous  les  membres  du  camp  du 
dedans  ont  servi  chacun  deux  balles  au  plus,  ceux  du  camp 
du  dehors  prennent  leur  place,  occupent  le  carré  de  ser- 
vice, et  le  jeu  continue,  les  rôles  étant  intervertis. 

La  grande  science  du  Iawn-tennis  consiste  à  tromper 
ses  adversaires  sur  la  direction  donnée  à  la  balle  et  à  les 
mettre  dans  l'impossibilité  de  la  renvoyer  tout  en  la  leur 
donnant  bonne.  C'est  une  lutte  continuelle  d'adresse  et 
d'agilité  qui  demande  du  coup  d'œil  et  du  sang-froid.  A 
mesure  qu'on  y  acquiert  de  l'habileté,  les  mouvements 
aussi  acquièrent  de  la  souplesse  et  de  la  grâce.  Le  Iawn- 
tennis  constitue  un  excellent  exercice  gymnastique  qui 
convient  également  aux  deux  sexes.  Ce  jeu  jouit  d'une 
grande  vogue  dans  l'aristocratie  anglaise  au  xvi®  siècle, 
fut  délaissé  à  la  fin  du  xvii"  et  remis  à  la  mode  au  xix®. 

D^   COLLINEAU. 

LAWŒSTINE  (Anatole-Charles-Alexis  Becelair,  mar- 
quis de),  général  et  homme  politique  français,  né  à  Paris 
le  14  déc.  1786,  mort  à  Paris  le  24  avr.  1870.  Sous- 
lieutenant  de  dragons  en  1806,  il  servit  avec  éclat  en 
Espagne,  fit  les  campagnes  de  Russie  et  de  Saxe,  la  cam- 
pagne de  France  et  à  Waterloo  où  il  commandait  les  chas- 
seurs et  les  dragons,  mit  en  pleine  déroute  la  cavalerie  de 
Wellington.  Exilé  en  Belgique  par  la  Restauration  à  cause 
de  son  dévouement  inébranlable  pour  Napoléon,  il  devint 
après  la  révolution  de  Juillet  colonel  du  6^  hussards.  Il 
était  parvenu  au  grade  de  lieutenant  général,  quand  le  gou- 
vernement provisoire  de  1848  le  raya  des  cadres.  Prési- 
dent du  comité  de  cavalerie  en  1849,  placé  par  Napoléon  Ilï 
le  1"^^*  déc.  1851  à  la  tète  de  la  garde  nationale  de  Paris, 
il  entra  au  Sénat  le  26  janv.  1852  et  prit  sa  retraite  avec 
le  grade  de  général  de  division.  Il  fut  pourvu  en  1863 
des  fonctions  de  gouverneur  des  Invalides. 

LAWRENCE.  Ville  des  Etats-Unis  (Massachusetts),  sur 
le  Merrimac  ;  50,000  hab.  Elle  doit  sa  prospérité  indus- 


trielle à  la  force  motrice  fournie  par  le  Merrimac,  dont  un 
barrage,  construit  en  1845,  relève  le  niveau,  créant  une 
chute  de  8™50.  Cette  digue  coûta  8  millions  ;  mais  Law- 
rence qui  n'était  qu'un  hameau  devint  une  grande  ville. 
Un  canal  de  1,600  m.  de  long,  30  m.  de  large,  4^25  de 
profondeur  distribue  l'eau  aux  usines.  Les  principales  sont 
des  minoteries,  des  papeteries,  des  filatures  et  tissages  de 
laine  et  de  coton. 

LAWRENCE. Ville  des  Etats-Unis  (Kansas),  sur  le  Kan- 
sas;  15,000  hab.  Fondée  en  1854,  elle  servit  de  centre 
aux  abolitionnistes,  fut  saccagée  par  les  Missouriens  en 
1856  et  1863.  C'est  le  siège  de  l'université  de  l'Etat.  On 
y  fabrique  des  instruments  agricoles,  des  voitures,  des 
machines,  des  meubles,  etc.  Commerce  très  actif. 

L  A  W  R  E N  C E  (Henry) ,  parlementaire  anglais,  né  en  1 600, 
mort  en  1664.  Puritain  renforcé,  il  connut  de  bonne  heure 
Cromwell,  locataire  d'une  de  ses  maisons  à  Saint- Yves 
(1631-36),  résida  en  Hollande  de  1638  à  1646,  pour  échap- 
per aux  persécutions  religieuses,  et,  de  retour  en  Angle- 
terre au  début  de  la  guerre  civile,  désapprouva  hautement 
le  procès  de  Charles  P^  ce  qui  gêna  fort  Cromwell.  Nommé 
colonel  en  1652,  il  parcourut  l'Irlande  avec  le  titre  de 
commissaire.  Il  entra  au  conseil  d'Etat  en  1653,  représenta 
le  Hertfordshire  au  Parlement,  fut  bibliothécaire  de  Saint- 
James,  devint  président  du  conseil  d'Etat,  entra  à  la 
Chambre  des  lords  en  1657.  C'est  lui  qui,  à  la  mort  de 
Cromwell,  procéda  à  la  transmission  des  pouvoirs  à  son  fils 
Richard  (1658).  La  Restauration  ne  l'inquiéta  pas. 
Lawrence  a  laissé  un  certain  nombre  de  traités  religieux. 

LAWRENCE  (Stringer),  général  anglais,  né  le  6  mars 
1697,  mort  à  Londres  le  10  janv.  -1775.  Entré  jeune  dans 
l'armée,  il  servit  à  Gibraltar  et  en  Flandre.  Sa  réputation 
d'habileté  et  de  prudence  lui  valut  d'être  envoyé  en  1748 
dans  l'Inde  pour  y  combattre  les  plans  de  Dupleix.  Pourvu 
du  brevet  de  major,  il  réorganisa  complètement  l'armée, 
d'où  son  surnom  du  «  père  de  l'armée  indienne  »,  et  com- 
niença  contre  les  Français  une  campagne  extrêmement  ha- 
bile. Mais  bientôt  il  était  fait  prisonnier  dans  les  environs 
de  Pondichéry.  Délivré  par  la  paix  d'Aix-la-Chapelle  il  re- 
prit les  armes  en  \  749.  Il  battit  notre  allié  Morari  Rao  qui 
périt  sur  le  champ  de  bataille  et  entra  à  Trichinopoly  en 
1753.  Il  commanda  le  fort  Saint-George  pendant  le 
fameux  siège  qu'en  fit  Lally-Tollendal  en  1758-59  et 
y  tint  jusqu'à  ce  que  la  flotte  de  l'amiral  Pocock  vînt  le  dé- 
livrer. Sa  santé,  compromise  par  toutes  ces  campagnes, 
l'obligea  à  prendre  sa  retraite  en  1759.  Il  fut  promu  alors 
major  général.  Il  a  laissé  :  Narrative  of  affairs  on  the 
Coast  of  Coromandel  from  IISO  to  i754  (Londres, 
1759,  in-4).  Clive  avait  servi  sous  ses  ordres  en  1748  et 
en  i  752  et  ils  furent  unis  d'une  étroite  amitié.  On  a  le 
portrait  de  Lawrence  par  Joshua  Reynolds.  R.  S. 

LAWRENCE  (Sir  Thomas),  peintre  anglais,  né  à  Bristol 
le  4  mai  1769,  mort  à  Londres  le  7  janv.  1830.  Son  père, 
fils  d'un  clergyman,  était  un  aubergiste  faisant  fort  mal 
ses  affaires.  Deux  ans  d'école  et  quelques  leçons  de  fran- 
çais constituèrent  toute  son  éducation.  Bel  enfant  et  très 
inteUigent,  également  doué  pour  la  déclamation  et  pour 
le  dessin,  il  attira  à  Bath  l'attention  du  peintre  Hoare, 
qui  lui  donna  des  conseils,  et  il  commença  sa  carrière  en 
exécutant  des  têtes  au  fusain  à  une  guinée  pièce.  A  dix- 
huit  ans,  il  vint  à  Londres,  où  il  travailla  à  l'Académie 
royale,  exposant  quatre  portraits,  six  l'année  suivante,  en- 
suite treize,  dont  celui  du  Duc  d'York,  et  en  1790  parmi 
douze  autres  ceux  de  la  Reine  et  de  la  Princesse  Amélie. 
La  faveur  du  public  lui  vint  avec  celle  de  la  cour.  A  vingt- 
deux  ans,  avant  l'âge  réglementaire,  il  fut  élu  associé  de 
l'Académie  royale  et  membre  titulaire  en  1794.  La  mort 
de  Reynolds  lui  laissant  le  champ  libre,  il  fut  nommé  à  sa 
place  portraitiste  ordinaire  du  roi  (1792),  et  jouit  dès  lors 
d'une  situation  artistique  sans  rivale  en  Europe.  En  1815 
le  régent,  en  le  créant  chevalier,  lui  commanda,  outre  son 
portrait,  ceux  des  principaux  hommes  d'Etat  et  de  guerre 
ayant  contribué  à  la  chute  de  Napoléon,  destinés  à  former 


1073  — 


LAWRENCE 


une  galerie  commémorative  à  Windsor.  Ce  prince  était 
sans  rancune,  car  Lawrence  avait  été  impliqué  dans  Ten- 
quête  faite  sur  la  vie  privée  de  la  princesse  de  Galles,  chez 
qui  il  logeait  alors  sous  prétexte  de  peindre  son  portrait. 
Afin  d'exécuter  sa  commande  l'artiste  alla  à  Aix-la-Chapelle 
pendant  le  Congrès,  puis  à  Rome  où  il  fit  le  portrait  du 
pape  Pie  F//,  et  demeura  plusieurs  années  en  Italie.  Le  jour 
même  de  son  retour,  en  1820,  il  était  élu  président  de 
l'Académie.  Il  fut  envoyé  à  Paris  par  son  roi  pour  por- 
traiturer Charles  X  et  le  Duc  d'Angoulême  (18*25).  A 
l'apogée  de  la  gloire  et  de  la  fortune,  il  mourut  presque  su- 
bitement et  fut  inhumé  en  grand  apparat  dans  la  cathédrale 
Saint-Paul.  Ses  succès  précoces  et  son  extrême  facilité  de 
production  ont  empêché  Lawrence  de  mûrir  et  de  renou- 
veler sa  manière.  Aussi  est-il  très  inférieur  au  grand  Rey- 
nolds, auprès  de  qui  son  exécution  paraît  mince,  sa  cou- 
leur artificielle,  son  dessin  lâché,  son  style  fade,  avec  de 
la  monotonie  dans  la  composition  et  de  la  banalité  dans 
l'arrangement.  Cependant,  quoic[ue  surfait  en  son  temps, 
il  survit  par  de  séduisantes  qualités  de  finesse,  de  raffine- 
ment, de  distinction,  la  légèreté  de  la  touche,  la  subtilité 
du  ton,  la  grâce  expressive  et  spirituelle  des  physionomies 
et  des  attitudes.  Il  était  bien  le  peintre  des  élégances  pa- 
triciennes, et  il  n'est  guère  de  grandes  dames  ni  de  hauts 
personnages  du  temps  qui  n'aient  posé  devant  sa  palette. 
Aussi  gagnait-il  beaucoup  d'argent,  ce  qui  ne  l'empêchait 
pas  d'être  toujours  à  court  et  de  se  faire  avancer  le  prix 
de  ses  portraits,  variant  de  210  guinées  pour  une  tête  à 
1 ,500  pour  un  groupe.  Il  n'avait  cependant  pas  de  besoins 
de  luxe,  mais  entretenait  généreusement  toute  une  famille 
de  frères  et  sœurs,  et  dépensait  sans  compter  pour  sa  col- 
lection de  dessins  et  d'estampes,  qui  lui  coûta  60,000  livres 
sterling.  Sa  popularité  était  telle  qu'une  exposition  de 
9i  toiles  faite  aussitôt  après  sa  mort  rapporta  3,000  livres 
d'entrées.  Le  plus  vulgarisé  par  la  gravure  de  ses  portraits 
est  celui  du  petit  Lambton^  fils  de  lord  Durham.  Il  a  laissé 
aussi  quelques  tableaux  d'histoire  :  Rolla,  Hamiet,  Corio- 
lan^  Caton,  un  Satan  très  sévèrement  critiqué  en  1797, 
qu'il  mettait  au-dessus  de  toute  son  œuvre.      A.  de  B. 

BiBL.  :  Williams.  Life  and  Correspondence  of  sir 
Th.  Lawrence;  Londres,  1831. 

LAWRENCE  (James-Henry),  littérateur  anglais,  né  en 
1773,  mort  le  26  sept.  1840.  Fils  d'un  riche  colon  de  la 
Jamaïque,  il  fit  son  éducation  à  Eton  et  en  Allemagne.  11 
écrivit  de  bonne  heure  des  pièces  galantes  et  des  romans 
en  anglais  et  en  allemand  (bas  Heich  der  Nairen^  etc.). 
Interné  à  Verdun  en  1803  avec  les  autres  Anglais  qui 
voyageaient  ou  résidaient  en  France  au  moment  de  la  dé- 
claration de  guerre,  il  s'évada  et  publia  :  A  Picture  of 
Verdun  or  the  English  detained  in  France  (Londres, 
1810,  2  vol.  in-8),  le  plus  intéressant  de  ses  écrits.  Il 
passa  le  reste  de  sa  vie  à  voyager,  en  amateur.        L. 

LAWRENCE  (William),  chirurgien  anglais,  né  à  Ciren- 
cester  (Gloucestershire)  le  16  juil.  1783,  mort  à  Londres 
le  5  juil.  1867.  Elève  d'Albernethy,  il  fut  pendant  douze 
ans  prosecteur  à  l'hôpital  Saint-Barthélémy,  y  devint  en 
1813  chirurgien  adjoint,  et  en  1815  fut  nommé  chirurgien 
des  hôpitaux  de  Brîdewell  et  Bethlehem  et  professeur  d'ana- 
tomie  et  de  chirurgie  au  Collège  de  chirurgie,  puis  au  bout 
de  quel(|ues  années  succéda  à  Abernethy  comme  professeur 
à  l'hôpital  Saint-Barthélémy.  Lawrence  était  le  premier 
chirurgien  de  la  reine.  Il  a  beaucoup  fait  pour  les  pro- 
grès de  la  chirurgie  et  de  l'ophtalmologie.  Ses  ouvrages 
sont  remarquables  :  Treatise  on  hernia^  etc.  (Londres, 
1807,  in-8  et  nombr.  édit.  et  trad.  ;  trad.  en  franc,  par 
Béclard  et  F.  Cloquet,  Paris,  1818,  in-8);  Introduction 
to  comparative  anatomy  (Londres,  1816,  in-8);  Lec- 
tures on  physiology^  zoology  and  natiiral  histoi^y  of 
man  (Londres,  1819,  in-8)  ;  A  Treatise  on  venereal  di- 
seases  of  the  eye  (Londres,  1830,  in-8);  Treat,  on  the 
diseases  of  the  eye  (Londres,  1833,  1841,  in-8);  Lect. 
on  surgery  (Londres,  1863,  in-8);  un  grand  nombre 
d'articles  dans  les  journaux,  en  particulier  ffieLancet,  où 


GRANDE    ENCYCLOPEDIE. 


XXI. 


il  publia  d'abord  les  leçons  sur  les  maladies  des  yeux  tra- 
duites en  français  par  Billard  :  Traité  pratique  desma- 
ladies des  yeux  (Paris,  1830,  in-8).  D^  L.  Hn. 

LAWRENCE  (William-Beach),  jurisconsulte  américain, 
né  à  New  York  le  23  oct.  1800,  mort  le  26  mars  1881. 
Il  fit  ses  études  à  Paris  (1818),  devint  avocat  à  New  York 
(1823),  secrétaire  de  légation  à  Londres  (1826-32),  tra- 
duisit en  anglais  VHistoire  de  la  Louisiane  de  Barbé- 
Marbois,  professa  l'économie  politique  à  Columbia  Collège 
(New  York),  réédita  les  Eléments  of  international  laiv 
de  Wheaton,  publia  des  ouvrages  remarqués  sur  les  ques- 
tions sociales  ou  internationales.  Citons  :  Disabilities  of 
american  women  married  abroad  (1871)  ;  Adminis- 
tration of  equity  jurisprudence  (Boston,  1874),  etc. 

LAWRENCE  (Sir  Henry  Montgomery),  célèbre  général 
anglais,  né  à  Ceylan  le  28  juin  1806,  mort  à  Lucknow  le 
4  juil.  1857.  Fils  d'un  colonel,  il  fut  élevé  au  collège  mi- 
litaire d'Addiscombe,  entra  en  1823  dans  l'artillerie  du 
Bengale,  servit  dans  la  campagne  de  Birmanie  de  1824 
et  se  distingua  par  son  habileté  dans  l'administration  de 
divers  districts.  Il  fut  employé  à  des  négociations  dans  le 
Pendjab,  prit  une  part  importante  à  la  campagne  contre 
les  Afghans  et  les  Sikhs  (1842-43).  Il  employait  ses  loi- 
sirs à  écrire  de  fort  intéressants  articles  dans  la  Revue  de 
Calcutta.  Sa  femme,  Honoria  Marshall,  intelligente  et  bien 
douée,  l'aidait  dans  ses  travaux  littéraires  qui  ne  doivent 
qu'à  elle  leur  style  élégant.  En  1846,  il  reprenait  la  lutte 
contre  les  Sikhs  et  occupait  Lahore  où  il  était  nommé  ré- 
sident le  8  janv.  1847.  Il  y  réforma  complètement  l'admi- 
nistration. Après  l'annexion  du  Pendjab,  il  fut  nommé 
président  de  la  commission  administrative  (14  avr.  1849) 
avec,  pour  sa  part  d'attributions,  les  négociations  avec  les 
chefs  indigènes,  l'organisation  d'une  nouvelle  armée,  la 
surveillance  et  l'éducation  du  jeune  maharajah.  Il  accom- 
plit supérieurement  cette  tâche  écrasante;  mais  en  1853, 
à  la  suite  de  dissentiments  avec  son  frère,  également  com- 
missaire, relatifs  à  la  question  financière,  il  fut  envoyé  à 
Ajmeer  où  il  eut  à  gouverner  dix-huit  Etats.  En  1857, 
il  était  nommé  commissaire  général  d'Aoudh.  Il  était  à 
peine  installé  à  Lucknow  lorsque  la  grande  révolte  éclata. 
Il  déploya  une  énergie  extraordinaire  pour  maintenir  l'ordre. 
Mais  il  n'avait  à  sa  disposition  qu'une  petite  troupe  de  5  à 
600  hommes.  Une  armée  de  7,000  révoltés  envahit  Luck- 
now. Lawrence,  déterminé  à  lutter  jusqu'au  dernier  mo- 
ment, fut  grièvement  blessé  le  2  juil.  Le  4,  il  mourait  en 
réclamant  cette  épitaphe  :  «  Ici,  gît  Henry  Lawrence  qui 
essaya  de  faire  son  devoir.  »  La  nouvelle  de  sa  mort  causa 
en  Angleterre  une  profonde  consternation.  On  lui  éleva 
une  statue  dans  la  cathédrale  de  Saint-Paul,  de  Londres. 
Ha  laissé  :  Some  Passages  in  the  life  of  an  adventurer 
in  the Pmijaub (iM%  in-8);  Adoentures  ofanofficer 
in  the  service  of  Runjeet  Singh  (1845,  2  vol.  in- 12); 
Essays  military  and  political  (1859,  in-8);  Essays  on 
the  Ïndia7i  Army  and  Om?^(1859,  in-8).        R.  S. 

BiBL.  :  Edwardes  et  Merivale,  Life  of  sir  Henry  La.vf- 
rence;  Londres,  2  vol.  in-8.  —  J.-S.  Éanks,  Threelndian 
Heroes. 

LAWRENCE  (John-Laird-Mair,  lord),  gouverneur  gé- 
néral de  l'Inde,  né  à  Richmond  (Yorkshire)  le  4  mars 
1811,  mort  à  Londres  le  26  juin  1879,  frère  du  précédent. 
Entré  dans  le  service  civil  de  l'Inde  en  1827,  il  attira  en 
1845  l'attention  de  lord  Hardinge  qui  lui  confia  (1846) 
l'administration  d'un  territoire  récemment  annexé,  le  Jul- 
lundur  Doab.  Il  s'y  distingua  fort  et,  homme  d'action  au 
premier  chef,  étouffa  en  1 848  une  révolte  sérieuse.  Membre 
de  la  commission  administrative  du  Pendjab,  aussitôt  après 
l'annexion,  il  eut  avec  son  frère  (V.  ci-dessus)  de  très 
graves  diflicultés  relatives  surtout  à  la  collection  des  taxes. 
Le  vice-roi,  lord  Dalhousie,  supprima  alors  la  commission 
et  le  nomma  seul  chef  commissaire  du  Pendjab  (1853).  Il 
déploya  dans  ce  poste  une  activité  et  une  habileté  extraor- 
dinaires, fit  avorter  un  mouvement  préparé  dans  l'Afgha- 
nistan au  moment  de  la  guerre  de  Crimée,  et,  à  la  suite  de 

68 


LAWRENCE  —  LAXMAN  —  1074 

la  révolte  descipayes  (1857),  il  dirigea  les  opérations  mi- 
litaires qui  aboutirent  à  la  reprise  de  Dehli  et  opéra  la 
pacification.  11  fut  comblé  d'bonneurs  et  créé  baronnet;  la 
Compagnie  des  Indes  lui  fit  une  pension  de  2,000  £.  Il 
devint  un  héros  populaire  et,  en  1863,  il  était  nommé 
vice-roi  de  l'Inde.  Son  administration  fut  une  période  de 
paix  et  de  prospérité  pour  l'Inde.  Il  développa  les  travaux 
d'irrigation,  les  chemins  de  fer,  s'occupa  passionnément  de 
l'hygiène  deTarméeet  des  villes,  réorganisa  la  justice,  etc. 
Ses  réformes  financières,  qui  lésèrent  des  intérêts  puis- 
sants, lui  valurent  mille  calomnies  ;  il  eut  à  lutter  contre 
d'effroyables  difficultés  :  la  crise  commerciale,  la  famine 
de  rOrissa  oii  périrent  un  millier  de  personnes.  Energique, 
travailleur  infatigable,  il  les  surmonta  toutes.  Lel2janv. 
1869,  il  remettait  les  pouvoirs  à  lord  Mayo.  Il  fut  élevé  à 
la  pairie  avec  le  titre  de  baron  Lawrence  du  Pendjab  et  de 
Grately.  A  la  Chambre  des  lords,  il  ne  s'occupa  guère  que 
des  affaires  de  l'Inde,  et  en  1878,  notamment,  il  combattit 
très  vivement  la  politique  du  gouvernement  qui  devait 
aboutir  à  la  guerre  contre  les  Afghans.  Il  fut  enterré  à 
Westminster.  On  lui  a  élevé  deux  statues,  l'une  à  Calcutta, 
l'autre  sur  la  place  de  Waterloo,  à  Londres.        R.  S. 

BiBL.  :  BoswoRTH  Smith,  Life  of  lord  Lawrence.  — 
R.  Temple,  Life  of  lord  Lawrence. 

LAWRENCE  (Frederick),  publiciste  anglais,  né  à  Bisham 
(Berkshire)  en  4821,  mort  à  Londres  le  25  oct.  1867. 
Entré  en  1846  au  département  des  imprimés  du  British 
Muséum,  il  travailla  au  grand  catalogue  jusqu'en  1849.  Il 
s'inscrivit  alors  au  barreau  de  Londres  et  acquit  une  cer- 
taine notoriété.  Il  a  donné  un  grand  nombre  d'articles 
httéraires  à  divers  journaux  de  Londres  et  laissé  quelques 
ouvrages  parmi  lesquels  il  faut  citer  sa  remarquable  Life 
of  Henry  Fielding  with  notices  of  his  writings^  his 
Urnes  and  his  conte mporaries  (Londres,  1855). 

'LAWRENCE  (George-Alfred),  romancier  anglais,  né 
en  1827,  mort  en  1876.  Le  succès  de  son  premier  livre, 
Guy  Livingstone  (1857),  le  décida  à  abandonner  le  bar- 
reau pour  la  littérature.  Il  a  fait  depuis  paraître  un  grand 
nombre  de  romans,  dont  les  plus  remarquables  sont  :  Sword 
and  Gown  (i^^9)  ;  Border  and  Bastile  (1863)  ;  Sans 
Merci,  or  Kestrels  and  Falcons  (1866);  Brakespeare: 
Fortunes  of  a  Free  Lance  (1868);  Anteros  (1871),  et 
Hagarene  (1874).  B.-H.  G. 

LAWRENCEBURG.  Ville  des  Etats-Unis  (Indiana),  sur 
rOhio  et  le  White  Water  Canal;  5,000  hab.  Grand  com- 
merce de  bois. 

LAWSON  (John-Parker),  littérateur  anglais,  mort  en 
1852.  Aumônier  militaire,  il  a  laissé  un  grand  nombre 
d'ouvrages  dont  les  principaux  sont  :  Life  and  times  of 
William  Laud  (Londres,  1829,  2  vol.  in-8);  The  His- 
tory  of  remarkahle  conspiracies  (xv®-xvri^  siècles)  (Edim- 
bourg, 1829,  in-8)  ;  Historical  Taies  of  the  luars  of 
Scotland  (1839,  2  vol.  in-8);  History  of  the  scottish 
episcopal  Church  from  the  révolution  to  the  présent 
time  (1843,  in-8),  qui  fait  encore  autorité. 

LAWSON  (Henry),  astronome  anglais,  né  à  Greenwich 
le  23  mars  1774,  mort  à  Bath  le  22  août  1855.  Il  tra- 
vailla quelque  temps  chez  un  fabricant  d'instruments  d'op- 
tique. Ayant  hérité  d'une  parente  une  fortune  considérable, 
il  se  consacra  aux  études  astronomiques  et  se  fit  construire 
à  Bath,  en  1841,  un  observatoire  particulier,  qu'il  pourvut 
d'excellents  instruments.  Il  était  membre  de  l'Astronomical 
Society  depuis  1833  et  de  la  Société  royale  de  Londres 
depuis  1840.  li  a  effectué  de  nombreuses  observations  ; 
mais  ses  notes  ont  presque  toutes  été  perdues.  Il  a  publié 
à  part  :  Arrangement  of  an  Obsejwatory  {iSAS)  ;  His- 
tory of  the  ?iew  Planets  (1847);  Military  Exercises 
(1855).  Il  a  inventé  plusieurs  instruments  et  appareils 
d'astronomie  et  de  physique.  L.  S. 

LAWSON  1 A  (Lawsonia  L.)  (Bot.).  Genre  de  Lythraria- 
cées,  du  groupe  des  Salicaires.  Leurs  Heurs,  petites,  sont 
tétramères,  l'androcée  diplostémoné  (8  étamines)  ;  le  fruit 
est  une  capsule  globuleuse,  polysperme.  La  seule  espèce 


connue,  le  Henné  (V.  ce  mot)  ou  L.  inermis  L.  (L.  alba 
Lamk),  est  un  arbuste  glabre,  de  2  à  4  m.  de  haut,  à  feuilles 
opposées,  à  fleurs  en  cymes  axillaires,  corymbiformes.  On 
le  croit  originaire  de  l'Arabie  ou  des  régions  voisines  de 
l'Afrique  et  de  l'Asie.  On  l'a  introduit  dans  la  plupart  des 
contrées  tropicales.  D''  L.  Un. 

LAX  (Gaspar),  mathématicien  espagnol  du  xvi«  siècle, 
né  près  d'Huesca,  mort  à  Saragosse  le  23  févr.  1560.  Il  a 
professé  à  l'université  de  Paris  et  est  auteur  d'une  Arith- 
metica  speculativa  en  douze  livres  et  d'un  traité  de  De 
Proportionibus  arithmeticis,  imprimés  à  Paris  (1525, 

LAX  (Wilham),  astronome  anglais,  né  vers  1761,  mort 
le  29  oct.  1836  à  Saint- Ippolytos  (Herfortdshire),  où  il 
était  vicaire  et  avait  construit  un  petit  observatoire.  An- 
térieurement, il  avait  été  professeur  d'astronomie  à  Cam- 
bridge (1795);  il  faisait  partie  de  la  Royal  Society  depuis 
1796.  Il  a  publié  :  Remarks  on  a  supposed  errorin  the 
Eléments  of  Euclid  (1807)  ;  Tables  to  be  iised  with  the 
Nautical  Almanach  (1821),  et  dans  les  Philos.  Trans., 
deux  mémoires  sur  une  méthode  d'observation  de  la  lati- 
tude (1799),  et  sur  la  vérification  des  graduations  (1809). 

LAX  (Jules),  ingénieur  français,  né  à  Saint-Etienne 
(Loire)  le  6  juin  1842.  Entré  en  1862  à  l'Ecole  polytech- 
nique et  en  1864  à  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées,  nommé 
ingénieur  ordinaire  en  1867,  ingénieur  en  chef  en  1882, 
inspecteur  général  en  1891,  il  a  été  de  1882  à  1883 
directeur  de  la  construction  des  chemins  de  fer  au  minis- 
tère des  travaux  publics,  de  1886  à  1888  directeur  des 
chemins  de  ferau  même  ministère, del891  à  1893  directeur 
du  nouvel  oftîce  du  travail  au  ministère  du  commerce  et 
de  l'industrie.  Il  a  repris  ensuite  du  service  dans  les  ponts 
et  chaussées . 

LAXATIF  (V.  Purgatif). 

LAXDŒLASAGA  {onHistoria  de  rébus  gestis  Laxdœ- 
lensium).  Légende  Scandinave  qui  date  du  xiii^  siècle  et 
rapporte  des  faits  qui  se  seraient  passés  au  xi^ siècle.  C'est 
Phistoire  de  Olav  Pâ  et  de  son  fils  Kjartan  :  celui-ci  aime 
Gudrun,  mais  elle  lui  est  traîtreusement  ravie  par  Bolii 
qui,  non  content  d'enlever  à  Kjartan  sa  fiancée,  finit  par 
le  tuer.  Olav  Pâ  et  son  fils  vivent  à  Laxardal  :  de  là  le  nom 
que  porte  la  saga.  Th.  C. 

BiBL.:  LaxdœlasagaL...cum  interpretatione  latina;  Hafnife, 
1826,  in-4.  —  Mûller,  Sagabibliothek;  Copenhague,  1817, 
I,  pp.  193-224.  —  Jôn  Thorkeuson,  Akureyri,  1867.  —  Vig- 
FussoN,  Icelandic  Reader.  —  Kalund,  Laxdœlasaqa;  Co- 
penhague, 1889. 

LAXE  Fjord.  Fjord  du  N.  de  la  Norvège,  à  l'E.  du  cap 
Nordkyn,  sur  l'océan  Glacial  ;  il  a  135  kil.  de  long  sur  25 
de  largeur  maxima,  se  ramifiant  par  le  Porsanqerfjord 
à  l'O.  et  VEidsfjord  à  l'E. 

LAXENBURG.  Locahté  d'Autriche,  prov.  de  Basse-Au- 
triche, à  15  kil.  de  Vienne,  sur  la  Swechat  ;  1,200  hab. 
Château  impérial  bâti  en  1377,  complété  en  1660.  Admi- 
rable parc  de  293  hect.,  aménagé  en  jardin  anglais,  com- 
prenant 17  îles  formées  par  la  Vivière;  dans  un  étang  de 
26  hect.,  un  îlot  porte  la  Franzensburg ,  palais  de  style 
médiéval  que  fit  élever  en  1801  l'empereur  François  P^ 
Il  renferme  les  portraits  des  familles  impériales  d'Autriche, 
un  musée  artistique  et  archéologique,  etc.  A  Laxenburg 
fut  signé  le  traité  de  1725  entre  l'Autriche  et  l'Espagne. 

LAXMAN  (Erik),  naturahste  finlandais,  né  à  Nyslott  en 
1738,  mort  en  1796.  Il  fit  ses  études  à  Abo,  puis  entra 
comme  professeur  dans  une  école  particulière  allemande  à 
Saint-Pétersbourg  (1762).  En  1764,  envoyé  comme  pasteur 
dans  une  paroisse  luthérienne  à  Barnaul,  en  Sibérie,  il  s'oc- 
cupa beaucoup  plus  de  ses  recherches  scientifiques  que  de 
son  église  :  créa  un  jardin  botanique,  construisit  des  appa- 
reils  météorologiques  et  étudia  avec  grand  soin  la  faune  et 
la  flore  de  la  Sibérie.  Il  fit,  en  1766-67,  un  grand 
voyage  jusqu'aux  confins  de  la  Chine,  et,  quand  il  revint  à 
Saint-Pétersbourg  en  1768,  il  était,  grâce  à  ses  commu- 
nications à  l'Académie  des  sciences,  uii  homme  célèbre.  Il 
fut  chargé  par  la  suite  de  nombreuses  missions  scienti- 


-  1075 


L4XMAN  -  LAYARD 


fiques  par  le  gouvernement  russe  ;  il  occupa  même  un  poste 
assez  important  en  Sibérie  dans  l'administration,  mais  n'y 
réussit  guère  et  fut  rappelé  à  Saint-Pétersbourg.  En  1784, 
il  fut  ahaché  au  cabinet  impérial  de  minéralogie  comme 
voyageur  et  occupa  ces  fonctions  jusqu'à  sa  mort,  vivant 
continuellement  en  Sibérie.  Il  a  laissé  un  grand  nombre  de 
Rapports  insérés  dans  diverses  revues.  Th.  C. 

BiBL.  :  Lagus,  Eri/i  Flaxman;  Helsingfors,  1880. 

LAXOU.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr.  et 
cant.  (N.)  de  Nancy,  sur  le  versant  E.  de  la  forêt  de  Haye  ; 
3,494  hab.  Mines  de  fer.  Vaste  établissement  pour  les 
aliénés. 

LAY.  Fleuve  de  France,  dép.  de  la  Fé;^c^^^(V.cemot). 

LAY.  Com.  du  dép.  de  la  Loire,  arr.  de  Roanne,  cant. 
de  Saint-Symphorien-de-Lay  ;  i  ,004  hab. 

LAY-Lamidou.  Gom.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr. 
d'Orthez,  cant.  de  Navarrenx  ;  2o2  hab. 

LAY'Saint-Christophe.  Gom.  du  dép*  de  la  Meurthe- 
et-Moselle,  arr.  et  cant.  (E.)de  Nancy;  1,039  hab.  Stat. 
du  ch.  de  fer  de  l'Est. 

LAY-Sâint-Rémy.  Com.  du  dép.  de  la  Meurthe-et- 
Moselle,  arr.  et  cant.  (N.)  de  Toul  :  268  hab. 

LAYA  (Jean-Louis),  auteur  dramatique  français,  né  à 
Paris  le  4  déc.  1761,  mort  à  Bellevuele  25  août  1833.  Il 
débuta  dans  les  lettres  par  une  comédie  en  collaboration 
avec  Legouvé,  le  Nouveau  Narcisse^^  qui  ne  fut  pas  re- 
présentée. Toujours  avec  Legouvé,  il  publia  un  recueil 
d'élégies  sous  le  titre  à' Essais  de  deux  amis  (1786, 
in-8) ,  et  parut  enfin  avec  éclat  sur  la  scène  de  la  Comédie- 
Française  avec  deux  pièces  à  thèse  :  une  tragédie,  Jean 
Calas  (1 791 ,  in-8),  où  il  exposait  la  barbarie  et  le  danger  de 
nos  lois  criminelles,  et  une  comédie,  les  Dangers  de  l'opi- 
nion (1790,  in-8),  où  il  s'attaquait  au  préjugé  qui  rend 
commune  à  des  parents  vertueux  l'infamie  due  au  seul 
coupable.  Le  2  janv.  1793,  il  donnait  au  théâtre  de  la 
Nation  VAmi  des  Lois,  violente  satire  contre  les  Jacobins 
où  Robespierre  transparaissait  sous  le  nom  de  Nomophage 
et  Marat  sous  le  nom  de  Duricrâne.  Le  succès  fut  immense, 
mais  il  eut  des  conséquences  funestes  pour  la  Comédie- 
Française  dont  il  amena  un  peu  plus  tard  la  suppression. 
Les  Jacobins  exaspérés  fulminèrent  contre  une  pièce  quali- 
fiée de  contre-révolutionnaire.  La  Commune  de  Paris,  la 
Convention,  le  comité  de  Salut  public  intervinrent.  Le  con- 
seil général  interdit  les  représentations  à  la  requête  des 
fédérés.  Laya  protesta,  et  la  Convention,  refusant  de  recon- 
naître aux  municipalités  le  droit  d'exercer  la  censure  sur 
des  œuvres  dramatiques,  annula  cette  interdiction.  L'Ami 
des  Lois  fut  donc  joué  jusqu'au  4  févr.,  dateà  laquelle  les 
comédiens,  effrayés  par  les  menaces  qu'ils  recevaient,  sup- 
plièrent le  pubhc  de  ne  pas  les  obliger  à  jouer  cette  pièce. 
Lorsque  la  Montagne  devint  toute-puissante,  Laya,  mis  hors 
la  loi,  réussit  à  se  cacher.  11  reparut  après  le  9  thermi- 
dor, rédigea  diverses  gazettes  littéraires,  collabora  no- 
tamment au  Moniteur  et  retrouva  au  théâtre  de  nouveaux 
succès  avec  les  Deux  Stuarts  (1797),  avec  Falkland 
(1799),  un  des  triomphes  de  Talma,  avec  Une  Journée 
du  jeune  Néron  (1799).  Après  avoir  suivi  à  Dresde 
l'ambassadeur  de  France  Alex,  de  La  Rochefoucauld,  il  fut 
nommé  professeur  de  belles-lettres  au  lycée  Charlemagne, 
puis  au  lycée  Napoléon  et  succéda  en  1813  à  Delille  dans 
la  chaire  d'histoire  littéraire  et  de  poésie  française  de  la 
faculté  des  lettres.  Il  devint  en  1817  membre  de  l'Acadé- 
mie française  en  remplacement  de  Ghoiseul-Gouffier.  Ci- 
tons encore  de  Laya  :  Voltaire  aux  Français  sur  leur 
constitution  (F arïs,  1789,  in-8);  Régénération  des  co- 
médiens en  France  (1789,  in-8)  ;  Epître  à  un  jeune 
cultivateur  nouvellement  élu  député  (1799,  in-8)  ;  les 
Derniers  Moments  de  la  présidente  de  Tourvel  (1799, 
in-8);  Essai  sur  la  Satire  (1801,  in-8);  Abus  de  la 
censure  théâtrale  (1819,  in-8),  etc.  Ses  fils  ont  publié 
ses  OEuvres complètes  (Paris,  1836, 5  vol.  in-8).  R.  S. 
BiBL.  ;  Notice  biographique  sur  J.~L.  Laya  ;  Paris,  1833, 
in-8.  —  Ch.  Nodier,  Discours  de  réception  à  L'Académie 
française  le  26  déc.  1833.  —  Aulard,  Actes  du  Comité  de 


Salut  public,  t.  I.  —  Welschinger,  le  Théâtre  de  la  Ré- 
volution ;  Paris,  1880,  in-12.  —  Du  même,  le  Comité  de 
Salut  public  et  la  Comédie-Française  ;  Paris,  1890,  in-12. 

LAYA  (Alexandre),  littérateur  français,  né  à  Paris  en 
1809,  fils  du  précédent.  Chef  de  bureau  au  ministère  de 
l'intérieur,  il  démissionna,  s'inscrivit  au  barreau  de  Paris, 
devint  en  1849  rédacteur  en  chef  de  ï Ordre  et  fut 
nommé  en  1852  professeur  de  droit  romain,  puis  de  droit 
international  à  l'Académie  de  Genève.  Citons  de  lui  :  Droit 
anglais  (Paris,  1845,  3  vol.  in-8);  Etudes  historiques 
sur  la  vie  privée,  politique  et  littéraire  de  M,  Thiers 
(1846,  2  vol.  in-8);  De  la  Présidence  de  la  République 
(1848,  in-121)  ;  les  Romains  sous  la  République  (1850, 
in-8);  Philosophie  du  droit  (1865,  in-8);  l Armée 
noire  (1873,  in-8);  Caïn  (1873,  in-12),  drame  biblique; 
Causes  célèbres  du  mariage  (1883,  in-12).        R.  S. 

LAYA  (Adrien-Augustin-Léon),  littérateur  français,  né  à 
Paris  le  4  déc.  1811,  mort  à  Paris  le  5  sept.  1872,  frère 
du  précédent.  Bibliothécaire  du  palais  de  Fontainebleau, 
il  est  surtout  connu  comme  auteur  dramatique,  et  il  a  ob- 
tenu au  Théâtre-Français  de  brillants  succès.  Il  se  suicida. 
Citons  de  lui  :  la  Liste  de  mes  maîtresses  (Paris,  1838, 
in-8)  ;  la  Lionne  (1840,  in-8)  ;  le  Hochet  d'une  co-^ 
quette  (1840,  in.7)  ;  l'OEil  de  verre  (1840,  in-8);  Je 
connais  les  femmes  (1840,  in-8)  ;  Un  Mari  du  bon 
temps  (1841,  in-8);  Une  Maîtresse  anonyme  (1842, 
in-8)  ;  Un  Poisson  d'avril  {i  845,  in-8)  ;  les  Demoiselles 
de  noce  (1846)  ;  Un  Coup  de  lansquenet  (1847,  in-'12)  ; 
les  Jeunes  Gens  (1856,  in-12)  ;  les  Pauvres  d'esprit 
(1857,  in-12);  le  Duc  Job  (1859,  in-12);  la  Loi  du 
cœur  (1862,  in-12)  ;  Madame  Desroches  (1868,  in-8); 
la  Gueule  du  loup  (1873,  in-12),  comédies,  etc.  ;  JJo- 
nie  (1848,  in-12),  drame,  etc.  Beaucoup  de  ses  pièces 
ont  été  données  sous  son  seul  prénom  de  Léon.     R.  S. 

LAYAMON,  chroniqueur  anglais,  delà  seconde  partie  du 
xiï®  siècle.  Il  était  prêtre  à  Arcley  Régis,  dans  le  comté  de 
Worcester.  Il  eut  assez  tard  l'idée  d'écrire  l'histoire  des 
premiers  temps  de  l'Angleterre,  sous  le  titre  de  Brut.,  à 
l'imitation  du  Roman  de  Brut  de  Wace.  Cette  chronique, 
un  des  premiers  monuments  de  la  langue  anglaise,  a  été 
éditée  par  sir  Frederick  Madden  en  1847.      B.-H.  G. 

LAYARD  (Sir  Austen-Henry),  homme  d'Etat  et  archéo- 
logue anglais,  né  à  Paris  le  5  mars  1817,  mort  le  3  juil. 
1894.  D'une  famille  française  depuis  longtemps  établie 
en  Angleterre,  il  passa  sa  jeunesse  en  Italie  et  ne  se  fixa 
en  Angleterre  qu'en  1833.  Laissant  inachevées  ses  études 
juridiques,  il  entreprit  en  1839  des  voyages  en  Orient, 
apprit  l'arabe  et  le  persan  et  eut,  après  Botha,  l'idée  de 
rechercher  près  de  Mossoul  les  ruines  de  Ninive  (V.  ce 
mot).  Attaché  à  l'ambassadeur  anglais  à  Constantinople, 
sir  Strafford  deRedcliffe,  il  en  obtint  les  fonds  nécessaires 
pour  des  fouilles  qu'il  entreprit  au  lieu  dit  Nimroudetqui 
aboutirent  à  la  découverte  des  palais  assyriens  du  S.  de 
l'ancienne  Ninive  (1845).  En  1848,  le  British  Muséum 
fit  les  frais  de  nouvelles  fouilles  de  Layard  au  centre  de 
Ninive  et  sur  l'emplacement  de  Babylone  ;  elles  mirent  à 
jour  quantité  de  sculptures,  de  bas-reliefs,  d'inscriptions,  de 
tablettes  d'argile  ou  de  briques,  en  particulier  la  biblio- 
thèque d'Assourbanipal,  etc.  (V.  Cunéiformes).  Les  résultats 
de  ces  découvertes  ont  été  exposés  par  Layard  dans  deux 
ouvrages  :  Niniveh  and  its  Remains  (Londres,  1848, 2  vol. 
av.  100  pi.)  et  Niniveh  and  Babylon  (1853).  Devenu  cé- 
lèbre, Layard,  rentré  en  Angleterre,  devint,  pour  peu  de 
temps,  sous-secrétaire  d'Etat  pour  les  affaires  étrangères 
dans  le  cabinet  Russell  (1852),  puis  fut  élu  au  Parlement 
par  Ailesbury.  Il  s'allia  au  parti  hbéral  et  s'attacha  à 
la  réforme  administrative.  Il  assista  sur  place  à  la  guerre 
de  Crimée  et  alla  étudier  dans  l'Inde  les  causes  de  la  ré- 
volte des  cipayes.  Il  redevint  sous-secrétaire  d'Etat  pour 
les  aifaires  étrangères  dans  le  cabinet  Palmerston  (1861- 
QQ),  ministre  des  travaux  publics  (1868),  ambassadeur  à 
Madrid  (1869)  et  enfin  à  Constantinople  (1877).  Il  y  était 
au  moment  de  la  guerre  russe- turque  et  des  négociations 


L4YARD  —  LAYNÈS 


—  d076  — 


qui  suivirent.  Il  embrassa  complètement  la  politique  de 
Beaconsfield,  contrairement  à  son  attitude  antérieure,  né- 
gocia la  convention  du  4  juin  iSl8  (occupation  de  Chypre) 
et  dut  se  retirer  à  la  chute  du  ministère  tory.     xi. -M.  B. 

LAYBACH  (Y.  Uibach). 

LAYE.  I.  Construction  (V.  Laie  [Constr.]). 

II.  Musique  (V.  Orgue). 

LAYE.  Corn,  du  dép.  des  Hautes-Alpes,  arr.  de  Gap, 
cant.  de  Saint-Bonnet-en-Champsaur  ;  338  hab. 

LAYENS  (Mathieu  de),  architecte  flamand,  mort  à 
Louvain  en  4484.  Maître  maçon  de  la  ville  de  Louvain 
et  de  la  banlieue,  Layens  construisit  de  4448  à  4463, 
sur  la  grande  place  de  cette  ville,  et  après  approbation  de 
ses  plans  par  Gilles  Pauwels,  architecte  du  duc  de  Bour- 
gogne Philippe  le  Bon,  le  fameux  hôtel  de  ville  de  Louvain, 
qui  est  sans  contredit  le  palais  municipal  le  plus  remar- 
quable de  la  Belgique  et  peut-être  le  monument  du  moyen 
âge  le  plus  richement  décoré  et  le  mieux  conservé  dans  les 
grandes  dispositions  primitives  de  ses  façades  (V.  Lou- 
vain). Layens  fit  aussi  élever,  vers 4480,  laTable  ronde 
ou  siège  des  Chambres  de  rhétorique  de  Louvain,  édifice 
d*un  style  moins  riche  que  Fhôtel  de  ville,  mais  s'har- 
monisantavec  lui  et  décorant,  jusqu'en  4819,  date  de  sa 
démolition,  un  des  petits  côtés  delà  grande  place. 

LAYER  (Christopher,  dit,  à  tort,  Richard),  conspirateur 
anglais,  né  à  Londres  le  42  nov.  4683,  mort  le  47  mai 
4723.  Avoué,  puis  avocatrenommé  du  barreau  de  Londres, 
il  attendait  d'une  restauration  le  poste  de  chancelier.  Il 
vit,  en  4724,  à  Rome  le  prétendant  jacobite  et  lui  soumit  les 
plans  d'un  complot  en  sa  faveur.  Il  revint  à  Londres  et 
commença  à  les  mettre  à  exécution.  Trahi  par  deux  femmes, 
il  fut  pendu  à  Tyburn.  R.  S. 

BiBL.  :  Life  of  Layer,  by  a  Gentleman  of  Norwich,  1723. 
—  DoRAN,  London  in  the  Jacobite  Times,  t.  L 

LAYET  (Alexandre-Elzéar),  médecin  français  contem- 
porain, né  à  Toulon  le  28  avr.  4840.  Il  fut  successive- 
ment professeur  agrégé  de  l'Ecole  de  médecine  navale  de 
Toulon' (4874),  puis  médecin  en  chef  de  la  marine,  et  de- 
puis 4878  il  est  professeur  d'hygiène  à  la  faculté  de  Bor- 
deaux. Ouvrages  principaux  :  Hygiène  et  pathologie  des 
ouvriers  des  arsenaux  maritimes  (Paris,  4873,  in-8); 
Traité  d'hygiène  des  professions  (Paris,  4875,  in«48; 
trad.  ail.,  4877);  Démographie patholog,  de  la  ville  de 
Bordeaux  (4882);  Hygiène  et  maladies  des  paysaîis 
(Paris,  4882,  in-8)  ;  et  un  grand  nombre  d'articles  dans 
les  recueils  périodiques.  D^  L.  Hn. 

LAYETIER.  Ancienne  corporation  de  métier,  dont  le^ 
premiers  statuts,  assez  anciens,  ne  sont  rappelés  que  par 
une  sentence  du  Châtelet  de  4  524 .  Leslayetiers  fabriquaient 
en  bois  seulement,  des  huches,  boîtes,  écrins  ou  layettes, 
cages,  ratières,  souricières,  etc. 
BiBL.  :  Encyclopédie  méthodique^  t.  XXVI,  pp.  223-235. 
LAYETTE.I.  Archéologie.  —  Cassette  ou  coffret  dé  bois, 
diminutif  d'une  huche.  Elle  pouvait  être  simple  ou  renforcée 
ou  ornée  d'applications  de  métal  émaillé  ou  non,  de  cuir 
simple  ou  gaufré,  ou  de  peintures  ou  d'ornements  sculptés. 
En  général,  elles  avaient  des  pentures,  une  serrure  et  des 
poignées.  L'usage  de  ces  meubles  remonte  à  une  haute  an- 
tiquité. Les  cofiPrets  de  bois  et  d'ivoire  étaient  communs  dans 
les  temps  antiques  comme  au  moyen  âge  et  en  Orient  comme 
en  Occident.  On  renfermait  dans  des  layettes  les  objets 
précieux,  souvent  des  reliques  et  plus  particulièrement 
encore  les  pièces  d'archives  qui  s'y  trouvaient  mieux  proté- 
gées que  dans  nos  modernes  cartons.  Le  trésor  des  chartes 
de  France  est  encore  classé  par  layettes  :  ce  terme  a  sur- 
vécu aux  meubles  qu'il  désignait.  —  On  appelle  aussi 
layette  le  trousseau  d'un  enfant  en  bas  âge,  comme  on  dit 
corbeille  de  mariage,  en  souvenir  des  meubles  dans  lesquels 
on  mettait  ces  effets.  On  sait  que  les  vêtements  se  serraient 
dans  des  huches  ou  bahuts  ;  à  la  campagne,  chaque  per- 
sonne ou  chaque  ménage  tient  encore  souvent  à  avoir  un 
de  ces  meubles  à  son  usage  personnel  et  en  fait  parfois  un 


luxe.  Pour  le  vestiaire  d'un  enfant,  une  layette  suffisait  ; 
de  là  le  terme  encore  en  usage.  C.  Enlart. 

IL  Economie  domestique.  —  On  nomme  layette  l'ensemble 
des  vêtements  et  du  linge  de  corps  nécessaires  pour  vêtir 
un  enfant  nouveau-né  jusqu'à  ce  qu'il  ait  acquis  les  forces 
nécessaires  pour  marcher.  Une  layette  se  compose  d'un 
nombre  illimité  de  pièces  plus  ou  moins  luxueuses,  et  dont 
la  forme  peut  varier  à  l'infini,  ainsi  que  les  ornements. 
Elle  comprend  essentiellement  en  France  des  chemisettes 
courtes,  des  brassières,  des  bonnets,  des  langes,  des  cou- 
ches en  laine,  en  coton  blanc  ou  en  finette  pelucheuse,  des 
chaussons,  des  bas,  des  bavettes.  Certaines  règles  dictées 
par  l'hygiène  doivent  présider  à  la  composition  d'une 
layette.  11  faut  en  effet  protéger  le  corps  contre  la  déper- 
dition de  chaleur,  régulariser  la  circulation  de  l'air  entre 
le  corps  et  l'extérieur.  Les  étoffes  de  laine,  de  lin  et  de 
coton  sont  de  beaucoup  les  meilleures.  De  même  la  couleur 
blanche  a  été  reconnue  la  meilleure  par  l'expérience,  comme 
par  la  théorie.  La  flanelle  assure  mieux  que  toute  autre 
étoffe  l'aération  du  corps.  Le  pouvoir  hygrométrique  des 
étoffes  joue  aussi  un  rôle  ;  ainsi  la  flanelle  absorbe  davan- 
tage Feau,  mais  elle  sèche  plus  rapidement.  Certaines  règles 
pratiques  pour  la  forme  des  vêtements  sont  aussi  indispen- 
sables :  il  faut  que  le  vêtement  de  l'enfant  ne  soit  pas  serré, 
qu'il  n'irrite  pas  la  peau,  qu'il  ne  gêne  ni  la  respiration  ni 
la  circulation;  il  doit  être  attaché  avec  des  boulons  ou  des 
cordons  et  non  avec  des  épingles  ;  il  se  compose  essentiel- 
lement d'une  chemine  de  toile  douce,  d'un  lange  en  toile, 
de  forme  triangulaire,  attaché  sur  les  reins  et  ramené  en 
avant,  d'un  lange  carré  en  flanelle  blanche  et  d'un  gilet  de 
flanelles  à  manches,  et  d'un  petit  t)onnet  ;  il  n'est  pas  indis- 
pensable de  couvrir  la  tête  de  l'enfant,  tant  qu'il  reste  dans 
la  chambre.  Ces  vêtements  servent  à  l'enfant  jusqu'à  ce 
qu'il  ait  atteint  l'âge  de  deux  mois  et  demi  ou  trois  mois. 
Alors  on  allonge  la  chemise,  on  lui  met  des  bas  de  laine 
écrue  montant  jusqu'aux  genoux,  qu'il  faut  se  garder  d'atta- 
cher par  des  jarretières;  on  lui  met  des  chaussons  en  tricot 
de  laine  ;  enfin  on  adapte  par  des  boutons,  à  son  gilet  de 
flanelle,  un  jupon  assez  long,  et  on  le  revêt  entièrement 
d'une  grande  robe  très  longue.  En  Angleterre,  la  layette  est 
différente  ;  elle  comprend,  outre  les  bas,  chaussons,  bon- 
nets, etc.,  de  grandes  robes  de  flanelle  ou  de  coton  fendues 
par  derrière  de  haut  en  bas  et  attachées  par  une  coulisse 
au  cou  et  à  la  ceinture.  Ce  système  a  l'avantage  de  laisser 
l'enfant  libre  de  ses  mouvements,  tandis  qu'en  France  l'en- 
fant est  étroitement  emmaillotté  dans  ses  langes  ;  depuis 
quelque  temps,  sur  Favis  des  médecins,  les  langes  laissent 
à  l'enfant  plus  de  liberté  et  plus  d'air.    Lucien  Saint. 

LAYMONT.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  et  cant.  de 
Lombez;  505  hab. 

LAYNÈS  ou  LAINES,  LEINEZ,  LEYNEZ  (Jacques), 
deuxième  général  de  la  Compagnie  de  Jésus,  né  à  Almancero, 
dans  le  diocèse  de  Sigiienza  (Castille),  en  4512,  élu  le 
2  juil.  4558,  mort  à  Rome  le  49  janv.  1565.  Il  étudia  la 
philosophie  et  reçut  le  garde  de  maître  es  arts  à  l'univer- 
sité d'Alcala,  puis  alla  à  Paris  pour  compléter  ses  études. 
Attiré  auprès  d'Ignace  de  Loyola  par  la  réputation  de  sain- 
teté que  celui-ci  avait  laissée  en  Espagne,  il  en  devin (  le 
disciple  fervent  et  fut  un  des  sept  qui  firent  dans  la  cha- 
pelle de  Montmartre  (45  août  4534)  le  vœu  célèbre  qui 
fut  le  germe  de  la  Compagnie  de  Jésus  (V.  Ignace  de 
Loyola).  Lorsqu'elle  fut  organisée,  il  prit  une  part  impor- 
tante à  son  œuvre,  par  des  prédications  et  des  conférences 
qui  eurent  un  grand  succès  à  Parme,  à  Plaisance  et  à  Ve- 
nise. Paul  III  l'envoya  au  concile  de  Trente  comme  théo- 
logien attaché  à  ses  légats.  Lay nés  y  assista  dès  le  mois  de 
mai  4546.  Sa  science  en  théologie  scolastique  et  le  talent 
d'exposition  qu'il  déploya  dans  ses  rapports,  notamment 
sur  les  questions  de  la  justification  et  de  l'Eucharistie,  lui 
valurent  une  telle  autorité,  que,  pendant  une  maladie  qu'il 
fit,  le  concile  décida  de  suspendre  les  séances  solennelles, 
tant  qu'il  serait  dans  l'impossibilité  de  s'y  rendre.  Paul  IV, 
qui  voulait  le  créer  cardinal,  l'appela  au  Vatican  pour  ré- 


-  1077  - 


LAYNÈS  -  LAYS 


former  la  Daterie  ;  Laynès  déclina  bientôt  cet  office,  et  se 
retira  à  la  maison  professe.  Après  la  mort  de  Loyola 
(31  juil.  4556),  il  fut  choisi  comme  vicaire  général  pen- 
dant la  vacance,  et  une  congrégation  générale  fui  indiquée 
pour  le  mois  de  novembre.  Mais,  à  cause  de  la  guerre  qui 
survint  entre  le  pape  et  le  roi  d'Espagne,  cette  convoca- 
tion ne  put  avoir  d'effet  qu'en  1558.  Le  2  juil.,  Laynès 
lut  élu  général.  —  Pendant  la  vacance,  Paul  IV  avait 
ordonné  de  soumettre  les  constitutions  de  la  Société  à  un 
nouvel  examen;  après  l'élection,  il  voulut  réduire  à  trois 
années  la  durée  du  généralat,  et  imposer  aux  jésuites  les 
offices  de  chœur  établis  dans  les  autres  ordres.  Laynès 
céda  momentanément  sur  le  dernier  point;  mais  il  sut  élu- 
der les  deux  autres  jusqu'à  la  mort  du  pape.  Alors  la 
Compagnie  reprit  tous  ses  usages.  Le  plan  des  Constitu- 
tions appartient  incontestablement  à  Loyola,  mais  on  a 
prétendu  que  Laynès  avait  collaboré  à  la  rédaction.  Ce  fait 
est  fort  douteux,  et  il  nous  semble  qu'on  peut  affirmer  avec 
exactitude  que  Loyola  est  le  seul  auteur  des  Constitu- 
tions, Néanmoins,  il  est  certain  que  la  première  édition 
fut  imprimée  sous  le  généralat  de  Laynès.  En  outre,  dans 
la  congrégation  qui  l'avait  élu  et  qui  ne  prit  fin  que  le 
10  sept.  1558,  il  fit  annexer  aux  Constitutions  les  Dé- 
clarations, qui  étaient  son  œuvre  et  celle  de  Salmeron. 
Les  Déclarations  ont  été  ainsi  investies  de  la  même  auto- 
rité que  les  Constitutions;  en  réalité,  elles  jouissent  d'une 
autorité  supérieure,  car  elles  en  déterminent  le  sens  et 
fixent  la  pratique.  La  même  congrégation  adopta  une  réso- 
lution conférant  au  général  le  droit  exclusif  de  prescrire 
des  règles  à  Tordre. 

Au  mois  de  sept.  1561,  Laynès  alla  en  France,  avec  le 
cardinal  llippolyte  d'Esté,  légat  du  pape.  Ce  voyage  avait 
deux  objets  :  négocier  l'admission  de  son  ordre  en  France, 
empêcher  la  conciliation  que  le  chancelier  de  L'Hôpital 
s'efforçait  de  ménager  entre  les  catholiques  et  les  réformés. 
Accompagné  de  Polanque,  son  admoniteur,  il  assista  à 
l'assemblée  de  l'Eglise  gallicane  réunie  à  Poissy,  et  il  obtint 
d'elle  une  approbation  restreinte  par  des  conditions  sévères, 
qu'il  accepta,  estimant  qu'il  importait  avant  tout  de  faire 
autoriser,  à  un  titre  quelconque,  l'introduction  des  jésuites  : 
ils  sauraient  bien  s'affranchir  tôt  ou  tard  des  conditions 
imposées  à  leur  admission.  L'assemblée  de  l'Eglise  de 
France  approuva  leur  Compagnie,  par  forme  de  société  et 
de  collège,  non  d'ordre  religieux  nouvellement  institué,  et 
à  la  charge  de  prendre  un  autre  titre  que  celui  de  Société 
de  Jésus.  L'évêque  diocésain  aurait  toute  superintendance, 
juridiction,  correction  et  faculté  d'expulsion  sur  les  frères 
de  cette  Société.  Ils  devaient  n'entreprendre,  ni  au  spiri- 
tuel ni  au  temporel,  aucune  chose  préjudiciantaux  évoques, 
chapitres,  curés,  paroisses  et  universités;  mais  se  soumettre 
entièrement  au  droit  commun,  renonçant  à  tous  privilèges 
contraires  portés  par  les  bulles.  Un  édit  daté  de  Poissy 
homologua  cet  acte,  et  l'année  suivante  (13  févr.  1562), 
le  Parlement  enregistra  l'édit.  Avec  une  audacieuse  habi- 
leté, les  jésuites  firent  graver  sur  le  frontispice  du  collège 
de  Clermont:  Collegium  Societatis  Nominis  Jesu,  se 
servant  précisément  du  mot  Nominis  pour  éluder  la  prohi- 
bition du  nom  qu'ils  reprenaient.  —  Dans  les  premières 
conférences  du  colloque  entre  catholiques  et  calvinistes, 
qui  avait  été  adjoint  à  l'assemblée  de  Poissy,  Laynès  écouta 
les  discussions  sans  y  prendre  part;  mais,  le  26  sept.,  il 
répondit  à  Pierre  Martyr  et  prononça  en  italien  un  dis- 
cours, dans  lequel  il  représentait  le  danger  de  traiter  avec 
ceux  qui  sont  hors  de  l'Eglise  :  il  ne  fallait  ni  s'approcher 
d'eux  ni  les  écouter,  car  ils  étaient  des  serpents  et  des 
loups.  Il  termina  en  faisant  entendre  à  Catherine  de  Médicis 
que  tolérer  les  hérétiques,  c'était  mettre  en  péril  son  salut 
et  la  couronne  de  son  fils.  Après  la  clôture  du  colloque,  il 
séjourna  encore  pendant  quelque  temps  à  Paris,  agissant 
auprès  du  peuple  par  ses  prédications,  auprès  de  la  Sor- 
bonne  et  de  la  cour  par  ses  démarches,  pour  démontrer  à 
tous  que  la  moindre  concession  faite  aux  calvinistes  per- 
drait la  religion  et  le  royaume.  Il  s'opposait  surtout  à  ce 


qu'on  leur  permit  de  posséder  des  temples  et  des  lieux 
d'assemblée  ;  il  adressa  même  à  la  reine  un  mémoire  fort 
habilement  composé  sur  ce  sujet;  il  y  disait  que  pour  con- 
tenter la  partie  la  plus  faible  et  la  plus  mauvaise,  elle  se 
rendait  odieuse  à  la  partie  la  plus  nombreuse  et  la  plus 
saine  du  royaume...  Si  les  catholiques  étaient  poussés  au 
désespoir  et  s'ils  pensaient  à  changer  de  gouvernement,  ils 
pourraient  faire  plus  de  mal  que  les  protestants  mécon- 
tentés* 

Lorsque  le  concile  de  Trente,  après  dix  années  d'inter- 
ruption, reprit  ses  sessions  (18  janv.  1562),  Laynès  y 
soutint  que  l'Eglise  romaine  a  plus  de  puissance  à  elle  seule 
que  toutes  les  autres  Eglises  réunies  ;  elle  peut  exercer  sur 
elles  un  droit  de  réforme,  que  celles-ci  ne  possèdent  point 
à  son  égard...  Le  pape  est  investi  d'une  autorité  égale  à 
celle  de  Jésus-Christ...  Lui  seul  a  reçu  le  suprême  privi- 
lège de  l'infaillibilité,  pour  la  foi,  les  mœurs  et  tout  ce 
qui  concerne  la  reli^^ion.  Un  concile  n'acquiert  le  nom  et 
les  vertus  d'un  concile  œcuménique  que  lorsqu'ils  lui  sont 
reconnus  par  le  pape  ;  le  pape  seul  lui  adresse  des  propo- 
sitions, et  il  n'a  qu'à  y  donner  son  assentiment.  Le  pape 
se  garda  bien  de  proposer  au  concile  des  définitions  repro- 
duisant ces  doctrines,  que  le  zèle  persévérant  des  jésuites 
devait  faire  prévaloir  trois  siècles  plus  tard .  —  (Éuvres  : 
Prolégomènes  sur  r Ecriture  sainte;  -—  quatre  livres 
Sur  la  Providence  et  la  Trinité;  —  traités  Sur  le 
Change  et  Vusure  ;  -—  Sur  la  Pluralité  des  bénéfices  ; 

—  Sur  la  Parure  des  femmes;  —  Sur  le  Royaume  de 
Dieu;  —  Sur  r  Usage  du  calice.         E.-H.  Vollet. 

BiBL.  :  RîBADENKiRA,  Vies  de  saint  Ignace^  de  Laynès, 
de  Salmeron  et  de  saint  François  Borgia;  Madrid,  1594, 
in-f'ol,,  traduction  en  Jatin  par  A.  Schott;  Anvers,  1598. 

—  Crétineau-Joly,  Histoire  de  la  Compagnie  de  Jésus; 
Paris,  1859,  in-12. 

LAYON.  Rivière  du  dép.  de  Maine-et-Loire  (V,  ce  mot). 

LAYRAC.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr.  de 
Toulouse,  cant.  de  Villemur;  377  hab. 

LAYRAC.  Com.  du  dép.  de  Lot-et-Garonne,  arr.  d'Agen, 
cant.  d'Astaffort,  agréablement  située  sur  un  plateau  élevé, 
au  confluent  de  la  Garonne  et  du  Gers;  2,609  hab.  Stat. 
de  la  ligne  de  chemin  de  fer  d'Agen  à  Tarbes.  Elle  reçut, 
dans  la  seconde  moitié  du  xiii®  siècle,  des  coutumes  recon- 
nues par  de  nombreux  coseigneurs  dont  tous  les  droits 
furent  bientôt  après  absorbés  par  les  abbés.  L'établisse- 
ment d'un  prieuré  de  bénédictins  à  Layrac  remontait  à 
la  fin  du  xi^  siècle.  La  ville  se  fortifia  au  moyen  âge, 
non  sans  inquiéter  les  habitants  d'Agen  dont  la  juridic- 
tion était  limitrophe.  Pendant  les  guerres  de  religion  du 
xvi*'  siècle,  Layrac  soutint  le  parti  de  la  Réforme  et  de- 
vint, depuis  l'avènement  de  Henri  IV,  une  sorte  de  place  de 
refuge  administrée  par  des  gouverneurs  énergiques,  Pierre 
de  Mérens  et  le  baron  de  Moncaut.  Ses  remparts  et  son 
château  furent  démolis  par  ordre  de  Louis  XHI,  en  1622. 

—  L'ancienne  chapelle  du  prieuré,  aujourd'hui  église 
paroissiale  (mon.  hist.),  est  un  des  édifices  romans  les  plus 
remarquables  de  l'Agenais.  G.  Tholin. 

LAYRAUD  (Fortuné-Joseph-Séraphin),  peintre  fran- 
çais, né  à  La  Roche-sur-le-Buis  (Drôme)  le  13  oct.  1834. 
Entré  à  l'Ecole  des  beaux-arts  en  4856,  à  l'atelier  de  L. 
Cogniet  et  de  Robert-Fleury,  il  remporta,  en  1863,  le  grand 
prix  de  Rome.  Il  a  peint  un  grand  nombre  de  portraits, 
entre  autres  ceux  de  Pierre  Dupont  (1861),  de  VAbbé 
Liszt  (1870),  de  M"*  Rousseil  (1873),  de  Dom  Fernand 
de  Portugal,  de  M«^«  la  Comtesse  d'Edla  (1878).  En 
1882,  il  produisit  une  véritable  sensation  avec  son  grand 
tableau  Inès  de  Castro,  Il  dirige  actuellement  l'Académie 
des  beaux-arts  de  Valenciennes.  G.  A. 

LAYRISSE.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Pyrénées,  arr. 
de  Tarbes,  cant.  d'Ossun  ;  161  hab. 

LAYS-suR-LE-DouBS.  Com.  du  dép.  de  Saône~et-Loire, 
arr.  de  Louhans,  cant.  de  Pierre;  502  hab. 

LAVs  (François  Lây,  dit),  chanteur  français,  né  à  La 
Barthe-de-Neste  le  14  févr.  1758,  mort  à  Ingrande  le 


LAYS  —  LAZARE 


—  '1078  — 


40  mars  1831.  Il  commença  son  éducation  musicale  au 
couvent  de  Notre-Dame  de  la  Guaraison  (Hautes-Pyrénées), 
reçut  du  roi  Tordre  de  chanter  à  FOpéra  où  il  débuta  sous 
le  nom  de  Lays  en  oct.  1779.  Gros  et  court,  avec  une 
forte  voix,  il  réussit  dans  le  comique  :  le  Seigneur  bien- 
faisant, Panurge,  Husca  de  la  Caravane,  etc.  Il  em- 
brassa ardemment  les  idées  révolutionnaires  et  faillit  être 
victime  de  la  réaction  thermidorienne.  Il  prit  sa  retraite  en 
oct.  1822  et  professa  au  Conservatoire  de  181 9  à  déc.  1826. 

L  AZ.  Com.  du  dép.  du  Finistère,  arr.  de  Châteaulin,  cant. 
de  Châteauneuf,  dans  les  montagnes  Noires;  4,203  hab. 
Monuments  mégalithiques;  camp  de  Tu-Duval. 

LAZAGNES  (Art  cul.).  On  donne  ce  nom  à  une  pâte 
d'Italie  en  forme  de  rubans  larges  et  ondes  dont  la  com- 
position et  les  usages  sont  les  mêmes  que  ceux  du  maca- 
roni (V.  ce  mot).  On  l'emploie  aussi  pour  les  potages 
gras  ou  maigres. 

LAZAR  (Georges),  écrivain  roumain,  né  à  Avrig  (Tran- 
sylvanie) en  1779,  mort  en  1823.  Il  compléta  ses  études 
à  Vienne.  Revenu  dans  son  pays,  son  élection  comme  évêque 
grec-oriental  du  Banat  fut  cassée.  Il  passa  alors  en  Valachie 
et  commença  au  collège  de  Saint-Sabbas  des  cours  de  gram- 
maire, géographie,  mathématiques,  dessin,  en  langue  rou- 
maine (la  langue  de  l'enseignement  était  depuis  longtemps 
la  langue  grecque).  Il  professa  de  1816  à  1821,  quand 
l'école  fut  fermée  par  suite  du  mouvement  hétairiste  et  des 
complications  qui  suivirent.  Ses  œuvres  sont  :  un  alphabet 
roumain  (1826),  une  arithmétique  (ms.),  des  discours  et  des 
livres  à  l'usage  de  son  école  (mss.,  pour  la  plupart  perdus). 
On  a  élevé  à  Georges  Lazar  une  statue  à  Bucarest.     N.  J. 

BiBL.  :  Annales  de  l'Académie  roumaine,  série  I,  t.  IV, 
pp.  111  et  suiv.  —  Philippide  et  Densusianu,  Histoire  de 
la  litt.  roumaine. 

LAZARE.  Forme  grécisée  du  nom  hébreu  Eléazar.  Un 
homme  de  ce  nom  figure  dans  une  parabole  très  connue  de 
l'Evangile  selon  saint  Luc;  il  y  joue  le  rôle  du  pauvre  dé- 
laissé par  le  riche.  Dans  l'Evangile  selon  saint  Jean, 
Lazare  reparaît  comme  frère  de  Marthe  et  de  Marie  ;  il 
succombe  à  la  maladie,  mais  Jésus  le  ressuscite.  La  légende 
le  fait  voyager  en  Occident  avec  ses  sœurs  et  prêcher 
l'Evangile  dans  la  Provence. 

LAZARE  (Saint),  évêque  de  Marseille,  mort  pour  la  se- 
conde fois  en  l'an  60  (?)  Fête  le  17  déc.  Tout  ce  qu'on  sait 
de  précis  sur  lui  se  trouve  dans  VEvangile  selon  saint 
Jean  (ch.  xi,  xii)  qui  ne  contient  guère  que  ce  qui  se 
rapporte  à  sa  mort  et  à  sa  résurrection.  Il  y  est  dit  que  La- 
zare était  de  Béthanie,  et  (ju'il  avait  pour  sœurs  Marthe 
et  Marie  (xi,  1).  Jésus  les  aimait  tous  les  trois  (3,  5,  11). 
Lazare  étant  tombé  dangereusement  malade,  on  avertit  Jé- 
sus, qui  se  trouvait  alors  au  delà  du  Jourdain,  au  Heu  où 
Jean  avait  été  baptisé.  Néanmoins,  Jésus  resta  encore  deux 
jours  dans  ce  lieu  :  il  déclara  à  ses  disciples  qu'il  avait 
attendu  la  mort  de  leur  ami,  parce  qu'elle  devait  donner 
occasion  à  un  fait  qui  confirmerait  leur  foi  (6,  13,  14). 
Lorsqu'il  arriva  à  Béthanie,  Lazare  était  enseveli  et  dé- 
posé depuis  quatre  jours  dans  une  grotte  qui  lui  servait  de 
sépulture  (17,  38,  39).  Jésus  le  ressuscita  (43,  44).  Ce 
-miracle  convertit  plusieurs  juifs,  mais  détermina  les  prin- 
cipaux sacrificateurs  et  les  pharisiens  à  conspirer  la  mort 
.  de  celui  qui  l'avait  accompli  (47,  53).  Jésus  se  retira  à 
■  Ephraïm,  dans  une  contrée  voisine  du  désert  (54).  Six 
'  jours  avant  la  Pàque,  il  revint  à  Béthanie.  On  lui  fit  un 
*  souper;  Marthe  servait,  et  Lazare  était  à  table  avec  lui, 
Marie  prit  une  livre  d'huile  parfumée  de  nard  pur,  qui 
était  d'un  grand  prix  ;  elle  en  oignit  les  pieds  de  Jésus  et 
les  essuya  avec  ses  cheveux  (xn,  1-3).  Cependant  une 
grande  multitude  de  Juifs,  ayant  appris  que  Jésus  était  là, 
y  vinrent,  non  seulement  à  cause  de  Jésus,  mais  aussi  pour 
voir  Lazare,  qu'il  avait  ressuscité.  C'est  pourquoi  les  princi- 
paux sacrificateurs  décidèrent  de  faire  aussi  mourir  Lazare 
(9-11).  Dès  lors,  il  n'est  plus  question  dans  aucun  écrit  du 
Nouveau  Testament  ou  dans  aucun  document  sérieux  des 
premiers  siècles,  ni  de  Lazare,  ni  de  Marthe,  ni  même  de 


Marie,  leur  sœur,  à  moins  qu'on  ne  l'identifie  avec  Marie- 
Madeleine  (V.  ce  nom). 

La  légende  devait  suppléer  copieusement  à  ce  silence  :  Au 
temps  de  la  grande  persécution  qui  suivit  le  martyre  du 
diacre  Etienne,  les  Juifs  saisirent  un  grand  nombre  de  fidèles 
parmi  lesquels  Lazare,  Marthe,  Marie,  Marcelle,  leur  pieuse 
servante,  celle  qui  s'était  écriée  pendant  que  Jésus  parlait  : 
Heureux  le  ventre  qui  t'a  porté,  heureuses  les  mamelles 
qui  t'ont  allaité  !  Firmin,  un  des  soixante-douze  disciples, 
qui  avait  baptisé  toute  cette  famille  ;  Marie,  femme  de 
Cléopas  ;  Célidoine,  l'aveugle-né  à  qui  Jésus  avait  donné  la 
vue  ;  Joseph  d'Arimathie,  le  sénateur  qui  avait  descendu 
de  la  croix  le  corps  de  Jésus  et  l'avait  déposé  dans  un  sé- 
pulcre neuf.  On  les  abandonna  à  la  mer  sur  un  vaisseau 
sans  voiles,  sans  gouvernail,  sans  avirons,  sans  matelots. 
Ce  vaisseau  vogua  miraculeusement  jusqu'au  port  de  Mar- 
seille. Les  habitants  reçurent  hospitalièrement  ceux  qu'il 
apportait,  et  furent  convertis  par  eux.  Lazare  devint  évêque 
de  Marseille,  Firmin,  évêque  d'Aix.  Joseph  d'Arimathie 
passa  en  Angleterre  et  y  planta  l'Evangile.  Epiphane  (Hœres., 
I,  652)  dit  que  Lazare  vécut  trente  années  après  sa  résur- 
rection et  qu'il  mourut  à  l'âge  de  soixante  ans.  Suivant 
quelques  auteurs,  il  finit  de  mort  naturelle  ;  suivant  d'autres, 
il  souffrit  le  martyre.  Les  Marseillais  affirment  qu'il  fut 
enterré  en  leur  ville  ;  leur  principale  église  porte  son  nom, 
et  possède  sa  tête,  ses  habits  et  ses  ornements  pontificaux. 
Les  Grecs  sont  persuadés  qu'il  fut  enterré  à  Citium,  dans 
l'île  de  Chypre.  De  là,  son  corps  et  celui  de  Marie  furent 
transportés  à  Constantinople  (890)  et  déposés  dans  une 
église  que  Léon  le  Philosophe  fit  élever  en  son  honneur.  — 
On  a  attribué  à  Lazare  un  écrit  apocryphe  racontant  ce 
qu'il  a  vu  entre  sa  première  mort  et  sa  résurrection.  Cet 
ouvrage  comprenait  quatre  livres  ;  les  trois  premiers  furent 
cachés  par  les  apôtres  ;  le  dernier  fut  porté  à  Rome.  Il  est 
décrit  dans  un  catalogue  de  174  livres  trouvés  par  les  Vé- 
nitiens à  Constantinople,  parmi  d'autres  antiquités  (Du 
Verdier,  Supplementum  epitomes  bibliothecœ  Gesne- 
rianœ  (Lyon,  1585). 

Marie,  que  la  légende  identifie  avec  Marie-Madeleine, 
après  avoir  prêché  de  sa  propre  bouche  et  converti  beau- 
coup d'âmes,  se  retira  au  rude  désert  de  la  Beaume,  pour 
y  pleurer  ses  péchés.  Elle  y  demeura  trente  ans,  se  nou- 
rissant  d'herbes  et  de  racines  d'arbres.  Ses  habits  étant 
usés.  Dieu  la  couvrit  de  ses  cheveux.  Sa  vie  étant  plus 
angélique  qu'humaine,  les  anges  relevaient  sept  fois  par 
jour,  pour  lui  faire  ouïr  leur  céleste  musique.  Au  bout  de 
trente  ans,  elle  fit  avertir  saint  Maximin  devenir  seul  dans 
l'Eglise,  le  dimanche  suivant,  à  l'heure  de  matines.  Il  la 
trouva  en  oraison,  élevée  en  Tair  et  les  bras  étendus  en 
haut.  Elle  reçut  le  saint-sacrement,  d'une  merveilleuse 
dévotion,  et,  quelques  instants  après,  elle  rendit  l'esprit. 
Les  anges  emportèrent  son  âme  au  ciel,  chantant  et  psal- 
modiant. Son  corps  fut  enterré  là.  Sylvestre  Pruère,  de 
l'ordre  de  Saint-Dominique  et  maître  du  Sacré  Palais,  écrit 
en  un  sermon  que  l'an  1497,  visitant  la  grotte  où  Marie- 
Madeleine  fit  pénitence,  il  vit  sa  tête,  qui  était  fort  grosse; 
elle  n'avait  qu'un  peu  de  chair,  halée  et  desséchée  à  la 
partie  du  front  où  le  Sauveur  la  toucha,  quand  il  lui 
apparut  après  sa  résurrection.  Les  marques  des  deux 
doigts  de  Jésus-Christ  y  étaient  restées  imprimées.  On  lui 
montra  aussi,  dans  une  fiole  de  verre,  une  partie  des  che- 
veux dont  Marie-Madeleine  avait  essuyé  les  pieds  de  Jésus. 
Dans  une  autre  fiole,  de  la  terre  détrempée  dans  du  sang, 
de  couleur  entre  rouge  et  noire;  laquelle  avait  été  ramas- 
sée par  Madeleine,  au  pied  de  la  croix.  Tous  les  ans,  au 
vendredi  saint,  quand  on  avait  achevé  de  lire  la  Passion, 
ce  qui  était  dans  cette  fiole  se  liquéfiait,  comme  si  c'était 
du  sang.  L'Eglise  célèbre  la  fête  de  cette  sainte  le  22  juil. 

Après  avoir  édifié  le  peuple  de  Marseille  par  sa  sainteté 
et  sa  charité,  Marthe  se  retira  dans  les  champs,  avec  sa 
fidèle  servante  Marcelle.  Elle  y  fit  bâtir  un  monastère  où 
plusieurs  autres  vierges  la  suivirent,  levant  les  premières 
la  bannière  de  la  virginité,  dont  elles  firent  vœu.  Saint 


-  1079  - 


LAZARE  —  LAZARISTES 


Antonin,  évêque  de  Florence,  écrit  que  Marthe  s'abstenait 
de  chair,  d'œufs  et  de  fromage.  Elle  ne  mangeait  qu'une 
fois  par  jour  et  ne  buvait  que  de  Teau.  Cent  fois  par  jour 
et  autant  de  fois  la  nuit,  elle  s'agenouillait  pour  adorer 
Dieu.  En  faisant  le  signe  de  la  croix  et  en  l'aspergeant 
d'eau  bénite,  elle  tua  un  horrible  dragon  qui  infestait  le 
pays.  Le  même  auteur  dit  aussi  qu'étant  près  de  mourir, 
elle  se  fit  étendre  sur  de  la  cendre,  une  croix  placée  devant 
les  yeux.  On  lui  lut  la  Passion  écrite  par  saint  Luc,  et  en 
oyant  ces  paroles  de  Jésus-Christ  :  «  Je  remets  mon  âme 
entre  tes  mains  »,elle  rendit  la  sienne  à  Dieu.  Saint  Fron- 
tin,  évêque  de  Périgueux  (où  saint  Pierre  l'avait  envoyé), 
disant  la  messe,  un  ange  lui  apparut  et  lui  commanda 
d'aller  ensevelir  sainte  Marthe.  Il  la  porta  à  Tarascon,  où 
il  fit  l'office  en  présence  de  Jésus,  qui  aida  à  l'enterrement. 
—  Fête  le  29  juillet.  —  La  vie  de  cette  sainte,  écrite  en 
hébreu  par  sa  servante  Marcelle,  a  été  traduite  en  latin. 

Une  mosaïque,  exécutée  en  1891  pour  l'église  de  Sainte- 
Madeleine,  à  Paris,  représente  vingt  personnages  contem- 
porains de  Jésus-Christ  et  devenus  missionnaires  en  France  : 
les  trois  Marie,  Marthe,  Lazare  et  Marcelle,  leur  servante- 
saint  Maximin,  saint  Sidoine,  saint  Martial,  sainte  Véro- 
nique, saint  Zacchée,  saint  Georges,  saint  Flour,  saint 
Front,  saint  Austremoine,  saint  Trophime,  saint  Eutrope, 
saint  Ursin,  saint  Julien.  E.-H.  Vollet. 

Hospitaliers  de  Saint-Lazare. —  Lazariani  équités^ 
ordo  sancti  Lazari,  Ils  furent  établis  en  Palestine,  vers 
1120,  pour  recevoir  les  pèlerins  dans  des  maisons  fondées 
avec  cette  destination,  les  conduire  par  les  chemins  et  les 
défendre  contre  les  infidèles.  Dès  1154,  Louis  le  Jeune  leur 
donna  la  terre  de  Boigny,  près  d'Orléans.  En  1255,  leur 
ordre  fut  confirmé  par  Alexandre  VII,  qui  le  plaça,  deux 
années  après,  sous  la  protection  du  saint-siège.  Lorsque 
les  chrétiens  eurent  été  chassés  de  la  Terre  sainte,  l'insti- 
tut de  ces  chevaliers  hospitaHers  perdit  son  objet  princi- 
pal ;  ils  tombèrent  dans  un  extrême  relâchement.  En  1490, 
Innocent  VIII  les  unit  aux  chevaliers  de  Malte,  mais  Léon  X 
rétablit  leur  ordre.  Enfin,  en  1572,  Grégoire  XIII  unit 
Tordre  de  Saint-Lazare  à  l'ordre  de  Saint-Maurice  en  Sa- 
voie, déférant  la  dignité  de  grand  maître  à  Philibert-Em- 
manuel et  à  ses  successeurs.  En  France,  il  l'avait  uni  à 
l'ordre  de  Saint-Michel;  mais  le  parlement  décida  qu'il 
serait  maintenu  séparé.  Sous  Henri  IV  (1607),  on  lui  ad- 
joignit l'ordre  de  Notre-Dame-du-Mont-Carmel.  Les  che- 
valiers étaient  au  nombre  de  cent  ;  ils  avaient  la  faculté  de 
se  marier,  et  ils  pouvaient  recevoir  des  pensions  sur  tous 
les  bénéfices,  même  consistoriaux.  Leurs  assemblées  se 
tenaient  dans  la  maison  de  Boigny,  où  leurs  titres  étaient 
gardés.  L'insigne  était  une  croix  à  huit  pointes,  éraaillée 
de  pourpre  et  de  vert  alternativement,  bordée  d'or,  anglée 
de  quatre  fleurs  de  lis  d'or  et  portant  au  centre,  d'un 
côté  l'image  de  la  Vierge,  de  l'autre  celle  de  saint  Lazare 
le  pauvre.  Parmi  les  grands  maîtres  de  l'ordre  de  Saint- 
Lazare,  commandeurs  de  Boigny,  figurent  le  duc  d'Orléans 
(1721-52)  et  le  duc  de  Berry,  alors  dauphin  de  France 
(1752-55).  E.-H.  Vollet. 

Prison  de  Saint-Lazare  (V.  Salnt-Lâzare). 

BiBL.  :  Hklyot  continué  par  Bullot,  Histoire  des  ordres 
monastiques  religieux  et  militaires  ;  Paris,  1714-21,  8  vol. 
in-4,  lig. 

LAZARE,  moine  et  peintre  byzantin  du  ix^  siècle,  per- 
sécuté sous  le  règne  de  l'empereur  Théophile  à  cause  de 
son  attachement  aux  images.  Relâché  à  la  prière  de  l'im- 
pérotrice  Théodora,  il  continua  secrètement  à  pratiquer 
son  art  et  revint  en  grande  faveur  après  la  restauration 
de  l'orthodoxie.  On  lui  attribuait  une  célèbre  et  miraculeuse 
figure  du  Précurseur  ainsi  que  l'image  du  Christ  placée 
au-dessus  de  la  porte  de  la  Chalcé.  Ch.  Diehl. 

LAZARE,  prince  de  Serbie,  tué  à  la  bataille  àeKossovo 
(V.  ce  mot  et  Gbblianovitch). 

LAZARE  (Louis-Clément),  publiciste  français,  né  à 
Paris  le  7  oct.  181 1 ,  mort  le  16  mars  1880.  Il  est  connu  par 
ses  ouvrages  sur  Paris,  parmi  lesquels  nous  citerons  :  Dic- 


tionnaire des  rues  de  Paris  et  de  ses  monuments  (Paris, 
1843,  in-8;  nouv.  éd.,  1855),  en  collaboration  avec  son 
frère  Félix  ;  les  Quartiers  pauvres  de  Paris  (1869,  in- 
12)  ;  le  XX*  arrondissement  (1870,  in-12);  Paris,  son 
administration  ancienne  et  moderne  (1856,  in-12); 
Légendes  parisiennes  (1862,  in-12);  la  France  et 
Paris  (1872,  in-8),  etc. 

LAZARE  (Martin),  pianiste  et  compositeur  belge,  né  à 
Bruxelles  le  27  oct.  1829.  Elève  du  Conservatoire  de  Paris, 
il  voyagea  en  Hollande,  en  Angleterre,  en  Allemagne,  puis 
fit  un  long  séjour  en  Amérique.  Revenu  en  Europe,  il  se 
fixa  à  Bruxelles,  où  il  enseigne  la  musique.  Parmi  ses 
œuvres,  citons  le  Roi  de  Bohême^  opéra-comique. 

LAZARET  (V.  Ambulance,  Quarantaine). 

LAZAREV  (V.  Port-Lâzarev). 

LAZAREV,  Famille  russe,  d'origine  arménienne.  Elle 
doit  son  nom  à  L.  Lazare,  qui  s'établit  à  Moscou  au 
xviii^  siècle,  y  fit  le  commerce  des  pierres  précieuses  et 
fonda  aux  environs  de  cette  ville  une  manufacture  d'étoffes 
de  soie  et  de  coton.  Son  fils  Ivan,  mort  à  Pétersbourg  en 
1801,  fut  l'un  des  plus  riches  négociants  de  la  Russie;  il 
fonda  des  hôpitaux  dans  plusieurs  villes,  construisit  à  ses 
frais  quatre  éghses  arméniennes  (deux  à  Pétersbourg),  et 
créa,  de  concert  avec  son  îrèveJoachim,  l'institut  Lazarev 
pour  l'étude  des  langues  orientales. 

Institut  Lazarev.  —  Etablissement  d'instruction  pu- 
blique, fondé  à  Moscou  en  1816  par  les  frères  Lazarev. 
Il  était  d'abord  destiné  à  l'instruction  de  la  jeunesse  armé- 
nienne. Depuis  1848,  ses  cadres  ont  été  élargis  ;  il  est 
particulièrement  consacré  à  l'étude  des  langues  orientales. 
On  y  enseigne  l'arménien,  l'arabe,  le  persan,  les  langues 
turques,  tatares,  le  géorgien,  la  littérature  russe,  la  calli- 
graphie orientale.  Un  gymnase  de  sept  classes  est  adjoint  à 
l'institut. 

BiBL.  :  DuLAURiER,  VlvstHut  Lazareff  ;  Paris,  2«  éd.,  1884. 
—  Histoire  de  V Institut  Lazarev  (en  russe)  ;  Moscou,  1891, 

LAZAREV  (Michel-Petrovitch),  amiral  russe,  né  en 
1788,  mort  en  1851.  Il  entra  en  1883  au  corps  des 
cadets  de  la  marine  et  servit  quelque  temps  sur  la  flotte 
anglaise  pour  se  perfectionner.  Il  prit  part  en  1819-20 
aux  explorations  de  Bellingshausen.  De  1827  à  1830 
il  commanda  la  frégate  Azov  et  se  distingua  particulière- 
ment à  la  bataille  de  Navarin.  Il  fut  mis  ensuite  à  la  tête 
de  la  flotte  de  la  mer  Noire  et  reçut  le  titre  d'amiral. 

LAZARÉVITCH  (Louka),  pope,  héros  des  guerres  de 
l'indépendance  serbe,  né  dans  les  environs  de  Chabats  en 
1774,  mort  à  Chabats  le  11  mai  1852.  En  1804,  il  aban- 
donna la  profession  religieuse  et  devint  un  des  lieutenants 
de  Karageorges,  se  distinguant  par  sa  folle  bravoure  non 
moins  que  par  ses  qualités  d'administrateur.  L'insurrection 
réprimée  en  1813,  il  se  réfugia  en  Russie.  Il  rentra  en 
Serbie  en  1 832  et  devint  successivement  juge  au  tribunal 
de  Chabats  et  membre  du  conseil  d'Etat.  Il  passa  les  der- 
nières années  de  sa  vie  dans  la  retraite. 

LAZARÉVITCH  (Lazare),  médecin  et  homme  de  lettres 
serbe,  né  à  Chabats  le  13  mai  1851,  mort  à  Belgrade  le 
1 0  janv.  1 892.  Il  a  écrit  huit  nouvelles  donnant  des  fableaux 
intéressants  de  la  vie  serbe  et  particulièrement  remar- 
quables par  la  rare  connaissance  du  cœur  humain  qu'elles 
dénotent  chez  leur  auteur.  Ces  récits  ont  pour  titre  :  Com- 
ment f  allai  pour  la  première  fois  aux  Matines  avec 
mon  père  (1879)  ;  rieone  de  V école  (1879)  ;  A  la  bonne 
heure,  haïdouks!  (1880)  ;  Au  puits  (1881)  ;  Werther 
(1881);  Tout  cela,  le  peuple  le  couvrira  d'or  (1882)  ; 
le  Vent  (1890);  //  sait  tout!  (1890). 

LAZARISTES  ou  PÈRES  DE  Saint-Lazare,  congréga- 
tion étabhe  en  1632  par  Urbain  VIII  sous  le  titre  de  «  Con- 
grégation de  la  mission  ».  L'origine  de  cette  congrégation 
remonte  plus  haut  :  W^  de  Gondi,  ayant  le  dessein  de  fon- 
der une  communauté  de  prêtres  qui  iraient  faire  des  mis- 
sions à  la  campagne,  obtint  de  son  beau-frère,  l'archevêque 
de  Paris,  le  collège  des  Bons-Enfants,  rue  Saint- Victor,  et 
y  plaça  en  1626  Vincent  de  Paul  (V.  ce  nom),  comme 


LAZARISTES  —  LÂZULITE 


—  1080  - 


supérieur  de  quelques  ecclésiastiques  qu'il  avait  groupés 
autour  de  lui  depuis  4623.  Autorisée  par  lettres  patentes  de 
1627  et  érigée  en  congrégation  par  le  bref  de  1632,  la 
communauté  des  prêtres  de  la  mission  se  transporta  dans 
le  prieuré  de  Saint-Lazare ,  qui  devint  la  maison  mère 
et  donna  à  ces  prêtres  leur  nom  populaire.  Le  but  de  la 
congrégation,  à  laquelle  saint  Vincent  donna  une  règle,  est 
de  travailler  à  l'instruction  des  populations  de  la  campagne, 
de  former  de  jeunes  ecclésiastiques  aux  devoirs  de  leur 
ministère,  de  s'employer  au  secours  et  au  rachat  des  es- 
claves chrétiens  de  Barbarie,  ce  qui  fut  ajouté  par  saint 
Vincent  au  plan  primitif  de  M'"^  de  Gondi,  et  enfin,  depuis 
1640,  de  faire  des  missions  en  terre  païenne.  L'œuvre  se 
développa  très  rapidement  ;  un  siècle  environ  après  sa  créa- 
tion, on  comptait  déjà  84  maisons  divisées  en  9  provinces. 
Aujourd'hui  (1894),  la  maison  mère  où  réside  le  supérieur 
est  à  Paris,  rue  de  Sèvres,  95  (depuis  1817).  En  1894,  il 
existait  en  tout  227  maisons,  divisées  en  31  provinces,  dont 
8  provinces  avec  12  maisons  sont  en  France.  On  compte  envi- 
ron 1,500  prêtres,  dont  692  sont  en  Europe;  ils  dirigent 
22  grands  séminaires  et  évangélisent  la  Chine  depuis  1783, 
le  Levant  depuis  1784,  la  Perse  depuis  1811,  l'Amérique 
du  Sud  depuis  1820,  l'Abyssinie  depuis  1839  et  l'Amé- 
rique du  Nord  depuis  1850.  F.-H.  K. 

LAZARUS  (Moritz),  philosophe  allemand  contemporain, 
né  à  Filehne,  enPosnanie,  le  15  sept.  1824.  Fils  d'un  sa- 
vant rabbin,  il  étudia  lui-même  l'hébreu  dès  l'école,  ter- 
mina ses  études  classiques  au  gymnase  de  Brunswick  et 
étudia  l'histoire,  la  philosophie  et  le  droit  à  l'université  de 
Berlin.  En  1860,  il  fut  appelé  comme  professeur  extraor- 
dinaire de  philosophie  à  l'université  de  Berne  ;  il  y  devint 
professeur  ordinaire  en  1862  et  recteur  en  1863.  De  retour 
à  Berlin  en  1866,  il  fut  nommé  en  1868  professeur  de  philo- 
sophie à  la  Kriegsakademie  et  en  1873  professeur  ordinaire 
de  philosophie  à  l'université  de  Berlin  où  il  a  enseigné  vingt 
ans  avant  de  rentrer  dans  la  vie  privée.  Il  vient  de  recevoir 
(1894),  à  l'occasion  de  son  soixante-dixième  anniversaire, 
le  titre  de  conseiller  intime.  —  L'un  des  grands  mérites  de 
M.  Lazarus  est  d'avoir  fondé  en  1859  avec  M.  Steinthal  la 
Zeitschrift  fur  Vœlkerpsychologie  und  Sprachwissen- 
schaft,  destinée  à  étudier  les  éléments  psychologiques  de 
la  vie  des  peuples  dans  ses  manifestations  diverses,  art, 
religion,  langage,  etc.  Il  y  a  publié  lui-même  un  nombre 
considérable  d'articles  de  grande  valeur.  En  philosophie, 
le  principal  ouvrage  de  M.  Lazarus  est  aussi  le  premier 
en  date  :  Das  Lebender  5^^/g (Berlin,  1855-57,  3  vol.; 
3^  éd.,  1883-85,  4  vol.   in-8).  Cet  ouvrage  est  l'un 
des  plus  importants  essais  de  psychologie  collective.  En 
réaction  contre  la    psychologie  individualiste    classique, 
M.  Lazarus  cherche  à  montrer  que  les  éléments  de  la  vie 
interne,  langue,  coutume  morale,  culture  supérieure,  sont 
la  résultante,  la  condensation  de  la  vie  sociale.  La  société 
n'est  pas  par  l'individu,  mais  l'individu  par  la  société.  Il  a 
encore  écrit  en  philosophie  :  Veb,  den  Ursprwig  der 
Sitten  (conférence  faite  à  Berne,  1860;  2®  éd.,  Berlin, 
1867,  gr.  in-8);  Ueb.die  Ideeninder  Geschichte (conîë- 
rence  faite  à  Berne,  1865;  2« éd.,  Berlin,  1872,  gr.  in-8); 
Zur  Lefire  von  den  Sinnestœuschungen  (Berlin,  1867); 
Idéale  Fragen  (discours  et  conférences,  Berlin,  1878; 
3^  éd.,  Leipzig,  1885,  gr. in-8)  ;  Erûehung  u.  Geschickte 
(Bresîau,  1881,  in-8);  Ueb,  die  Reize  des   Spiels  (Ber- 
lin, 1883,  gr.  in-8).  La  philosophie  de  M.  Lazarus  se 
rapproche  sensiblement  du  réalisme  de  Herbart  ;  mais  sa 
méthode  rappelle  davantage  le  procédé  discursif  de  Lotze. 
M.  Lazarus  a  enfin  joué  un  rôle  important  dans  la  que- 
relle de  l'antisémitisme  allemand.  Il  publia  à  ce  propos 
un  grand  nombre  de  brochures  et  d'articles  réunis  de- 
puis en  un  volume  :  Treu  und  Frei,  Reden  u.  Vortrœge 
ilb.  Juden  u.  Judentum  (Leipzig,  1887,  gr.  in-8).  Mal- 
gré la  grande  modération  de  ses  plaidoyers  contre  l'anti- 
sémitisme et  ses  protestations  de  patriotisme  allemand,  il 
fut  l'objet  d'attaques  et  de  calomnies  éhontées  de  la  part 
de  la  presse.  Citons  encore  Der  Prophet  Jeremias,  essai 


de  psychologie  collective  (Breslau,  1894,  gr.  in-8).  M.  La- 
zarus passe  pour  un  conférencier  de  grand  talent,  et  la  langue 
de  ses  ouvrages  est  excellente.  Th.  Ruyssen. 

BiBL.:  R.  Flint,  The  Philos,  of  History  in  Europe,  1. 1, 
dernier  cliap.  —  M.  Brasgh,  Gesammelte  Essays  u.Cha- 
rakterkœpfe  zur  neuer.  Philos,  u.  Literatur  ;  Leipzig, 
1885.—  E.  Berliner,  Prof.  Dr.  M.  Lazarus  u.  dieœffentl. 
Meinung,  pamphlet  relatif  à  la  lutte  contre  Tantisémitisme  ; 
Berlin,  1887.  —  M.  Brasch,  Der  Begrunder  der  Vœlker- 
psychologie., dans  Nord  et  Sud.,  sept.  1894. 

LAZENAY.  Com.  du  dép.  du  Cher,  arr.  de  Bourges, 
cant.  de  Lury  ;  751  hab. 

LAZER.  Com.  du  dép.  des  Hautes-Alpes,  arr,  de  Gap, 
cant.  de  Laragne  ;  252  hab. 

LAZERGES  (Jcan-Raimond-Hippolyte),  peintre  fran- 
çais, né  à  Narbonne  le  5  juil.  1817,  mort  à  Mustapha 
(Algérie)  le  24  oct.  1887.  Fils  d'un  boulanger,  il  reçut  peu 
d'encouragements  à  suivre  la  carrière  artistique ,  pour  laquelle 
il  montrait  cependant,  dès  l'enfance,  une  vocation  marquée. 
A  vingt  ans  seulement,  il  put  se  rendre  à  Paris  et  fréquenter 
les  ateliers  du  sculpteur  David  d'Angers  et  du  peintre 
F.  Bouchot.  Trois  ans  après,  il  faisait  admettre  un  portrait  au 
Salon.  Depuis,  s'adonnant  tout  spécialement  à  la  peinture 
religieuse,  il  peignit  en  1841  une  Descente  de  croix  pour 
la  chapelle  d'Eu,  Jésus  aux  Oliviers  pour  l'hôpital  de 
Beaune,  puis  par  la  suite  la  Mort  de  la  Vierge  qui  décora 
la  chapelle  des  Tuileries.  Il  n'en  fit  pas  moins  quelques  ta- 
bleaux profanes,  le  Génie  éteint  par  la  Volupté  (musée 
de  Carcassonne)  ;  VAlbane  dam  son  atelier  (1853);  le 
Foyer  du  théâtre  de  VOdéon  un  jour  de  première  repré- 
sentation (1869)  et  rapporta  d'un  voyage  en  Algérie  les 
Kabyles  moissonnant  et  la  Danse  des  Aïssaouas.  Cet  ar- 
tiste a  publié  dans  divers  journaux  des  articles  sur  les 
arts  et  fait  paraître  quelques  brochures  :  Des  Associations 
artistiques  (1869);  Etudes  sur  la  réorganisation  des 
beaux-arts  (1871),  etc. 

LAZES  (V.  Caucase,  t.  X,  pp.  881-2). 
LAZIENKL  Parc  et  palais  de  Varsovie  (V.  ce  mot). 
LAZISTAN.  Région  de  la  Turquie  d'Asie,  dans  la  partie 
N.-E.  de  ce  pays;  elle  faisait  partie  du  vilayet  de  Batoum 
à  l'exception  du  caza  d'Atina,  compris  dans  le  vilayet 
de  Trébizonde;  le  traité  de  Berlin  a  attribué  à  la  Russie 
la  plus  grande  partie  du  vilayet  de  Batoum,  comprenant 
le  Lazistan  oriental;  la  Turquie  n'a  gardé,  de  ce  vilayet, 
que  les  deux  cazas  occidentaux,  ceux  de  Khopa  et  de  Rizi 
qui,  réunis  à  celui  d'Atina,  forment  actuellement  un  sand- 
jak  du  vilayet  de  Trébizonde,  connu  sous  le  nom  de  Lazis- 
tan. Le  gouverneur  ou  musellim  réside  à  Khopa;  les  chefs 
indigènes  ou  aïan  conservent  leur  autorité.  Le  nom  de  La- 
zistan, réservé  autrefois  au  littoral,  s'est  étendu  jusqu'à  la 
crête  des  montagnes.  C'est  un  pays  élevé,  riche  en  prai- 
ries, en  arbres  fruitiers  et  en  forêts. 

BiBL.  :  Deyrolle,  le  Lazistan  et  l'Arménie.,  dans  le 
Tour  du  Monde,  1875-76.  —  Balansa,  Catalogue  des  gra- 
minées du  Lazistan;  Paris,  1874. 

LAZULITE  (Miner.).  La  lazulite  ou  ktaprothine  est 
un  phosphate  hydraté  d'alumine,  de  magnésie  et  de  pro- 
toxyde  de  fer,  qui  doit  son  nom  à  sa  belle  couleur  bleue, 
rappelant  celle  du  lapis-lazuli.  Il  se  présente  en  cristaux 
monocliniques  dérivant  d'un  prisme  de  92°ph^=::90°47^ 
Les  formes  sont  assez  nombreuses  ;  les  combinaisons  les 
plus  fréquentes  sont  les  suivantes:  g^o^a^d^l'^b^l^,  et 
o^d^l^b^l^:  les  macles  suivant  h^  sont  fréquentes.  Il  existe 
un  clivage  imparfait  suivant  m.  Dureté,  5  à  5,5  ;  densité, 
3,06  à  3,121.  Le  minéral  possède  l'éclat  vitreux;  il  est 
transparent  en  lames  minces  et  flischroïqnes.  Le  plan  des 
axes  optiques  est  parallèle  à  ^^  la  bissectrice  est  négative; 
l'écartement  des  axes  optiques  (2  E)  est  d'environ  135<* 
(rayons  rouges).  Au  chalumeau,  le  minéral  est  infusible, 
mais  il  se  fendille  et  gonfle.  Il  donne  de  l'eau  dans  le  tube 
et  blanchit.  La  klaprothine  se  trouve  à  Werfen,  en  Salz- 
bourg,  dans  de  petits  filons  traversant  des  schistes  argileux, 
dans  le  Valais,  en  Suède  et  surtout  aux  monts  Crantes, 
dans  le  Lincoln  (Géorgie),  où  de  très  beaux  cristaux  ac- 


1081 


LAZULITE  -  LEADER 


compagnent  du  rutile,  du  disthène,  etc.,  dans  des  grès 
métamorphiques,  etc.  A.  Lacroix. 

LAZZARI,  architecte  itahen  (V.  Bramante  [Donato]). 

LAZZARI  (Michèle),  archéologue  italien,  d'une  famille 
originaire  de  la  Dalmatie,  né  à  Venise  en  1694,  mort  en 
1770.  Après  avoir  fait  ses  études  chez  les  jésuites,  il 
s'adonna  à  l'étude  des  mathématiques,  puisa  celle  de  l'his- 
toire et  spécialement  de  l'épigraphie  et  delà  numismatique. 
On  a  de  lui  :  Inquisitio  in  epistolam  Scipionis  MaffeU 
marchionis  ad  Gisbertum  Cuperum  de  fabula  equestris 
ordinis  Constantiniani  (Yemse^  1725,  in-4);  Confu- 
tazioni  di  alcuni  errori  del  doit,  don  Benardino  Zan- 
netti  7iella  storia  del  regno  de'  Longobardi  (Roveredo, 
1746,  in-4);  Appendice  a'  discorsi  apologetici  sopra  la 
ciità  di  Asolo  e  il suo  vescovado (Ferreire,  1752,  in-4); 
Due  Lettere  di  M.  Lazzari  al  marchese  Soleni  traite 
dai  mss.  délia  Libreria  di  S.  Michèle  di  Murano  (dans 
Iscrixdoni  Veneziane  raccolte  ed  illustrate  da  F.  Ci- 
cogna,  vol.  Ill,  fasc.  12,  p.  50).  Il  a  inséré  divers  mé- 
moires épigraphiques  et  numismatiques  dans  la  Raccolta 
Calogeriana  (t.  IX,  XV,  XX  et  XI)  et  dans  la  Nuova 
Raccolta  (t.  X  et  XX).  Il  a  composé  quelques  poésies. 

LAZZARI  NI  (Gregorio),  peintre  italien,  néà  Villanuova, 
près  de  Venise,  en  1635,  mort  à  Venise  en  1740,  suivant 
Zanetti,  ou  en  1755,  suivant  Longhi.  Son  maître  fut  le 
Génois  Francesco  Rosa.  D'ailleurs  il  ne  conserva  pas  long- 
temps la  couleur  noire  et  enfumée  de  ce  dernier,  et,  en 
s'inspirant  des  grands  maîtres  vénitiens,  il  essaya  de 
retrouver  une  harm.onie  de  tons  plus  claire  et  plus  chan- 
tante, donnant  ainsi  un  exemple  dont  devait  profiter  son 
élève  Tiepolo.  Lazzarini  passa  de  son  temps  pour  un  des 
plus  grands  peintres  de  l'Italie  entière  ;  Lanzi  l'appelle  encore 
le  Raphaël  de  Venise.  Il  est  difficile  aujourd'hui  de  com- 
prendre cet  enthousiasme,  car,  si  le  dessin  de  Lazzarini 
est  correct  et  sa  couleur  moins  sombre  que  celle  de  ses 
prédécesseurs  immédiats,  il  est  encore  bien  froid  et  bien 
maniéré.  Ses  œuvres  principales  sont  à  Venise  :  Six  A  llégo- 
ries  sur  le  monument  du  doge  Francesco  Morosini,  de 
Péloponnésiaque,  dans  la  Sala  dello  Scrutinio  ;  Saint  Lo- 
renzo  Giustiniani  faisant  r aumône  (église  San  Pietro 
in  Gessate)  ;  la  Manne  dans  le  désert  (église  San  Gio- 
vanni e  Paolo)  ;  V Adoration  des  Mages  (église  San  Clé- 
mente); à  Murano,  le  Veau  d'or  (église  San  Michèle);  à 
Vicence,  Scènes  de  la  vie  de  sainte  Catherine  (chœur 
de  réghse  Santa  Caterina).  E.  Bx, 

BiBL.  :  Lanzi,  Storia  pitlorica  deU'Italia;  Milan,  t.  V. 
-—  Zanetti,  Délia  Piltura  veneziana^  libri  V  ;  Venise,  1771, 
in-8.  —  Longhi,  Compendio  délie  vite  di  Pittori  Veneziani 
îstorici  del  présente  secolo;  Venise,  1762,  in-foL 

LAZZARINI  (Domenico),  poète  italien,  néà  Morrovalle, 
près  de  Macerata,  le  20  août  1 668,  mort  à  Padoue  le  22  juiL 
1734.  Elève  des  jésuites  de  Macerata,  professeur  à  cette 
université  (1690),  puisa  celle  de  Padoue  (1711),  il  se  fit 
un  nom  en  ramenant  ses  compatriotes  à  leurs  classiques, 
de  Dante  à  Politien,  et  en  combattant  avec  acharnement 
l'enseignement  des  jésuites.  Ses  œuvres  sont  faibles  :  Ulisse 
il  giovane,  tragédie  (1720);  La  Sanese^  comédie  (1734); 
Poésie  (1736,  sonnets,  canzoni,  vers  grecs,  latins,  etc.); 
Tobia^  drame  sacré,  etc. 

LAZZARINI  (Giovanni-Andrea),  écrivain  et  peintre  ita- 
lien, né  à  Pesaro  en  1710,  mort  à  Pesaro  en  1801.  Il 
apprit  la  peinture  dans  l'atelier  de  Mancini,*et  il  continua 
à  exercer  cet  art  après  avoir  reçu  la  prêtrise.  Savant  plus 
encore  que  peintre,  il  a  montré  cette  préoccupation  de  res- 
susciter l'antiquité,  qui  fut  celle  de  beaucoup  d'hommes 
de  son  temps,  dans  deux  tableaux  qu'il  peignit  pour  Fré- 
déric II,  roi  de  Prusse  :  Cincinnatus  à  la  charrue  et  la 
Mort  d'Archimède.  Il  a  exécuté  également  nombre  de 
tableaux  de  sainteté,  dont  le  plus  admiré  par  Lanzi  est  celui 
de  la  chapelle  Fantuzzi,  à  Gualdo,  près  de  Rimini.  Lazza- 
rini a  laissé  des  descriptions  intéressantes  des  œuvres  d'art 
conservées  à  Osimo  et  à  Pesaro  et  six  Dissertations  sur 
rinvention^  la  composition^  le  dessin,  le  coloris^  l'ex- 


pression et  l'architecture;  ses  œuvres  complètes  ont  été 
publiées  à  Pesaro  en  1806.  E.  Bx. 

BiBL.  :  Lanzi,  Storia  pitlorica  deU'Italia^  t.  IL  —  Ti- 
PALDO,  Biografia  deqli  Italiani  illustri  del  secolo  XVIII°  e 
di  contemporanei  ;  Venise,  1837,  t.  IV. 

LAZZARO  (Andréa  di)  (V.  Cavalcanti). 

LAZZARONI.  On  a  donné  ce  nom,  évidemment  dérivé 
de  celui  de  saint  Lazare,  à  la  populace  paresseuse  et 
encombrante  des  rues  et  des  quais  de  Naples.  Gens  sans 
profession  et  sans  domicile,  vivant  en  partie  de  la  cha- 
rité publique,  les  lazzaroni  restent  insoucieusement  éten- 
dus au  soleil  et  couchent  la  nuit  à  la  belle  étoile  dans  de 
grands  paniers  d'osier.  Leurs  besoins  sont  très  restreints, 
et  les  quelques  sous  qu'ils  gagnent  par  jour  soit  à  faire  des 
commissions,  soit  en  vendant  les  poissons  qu'ils  pèchent  à 
la  ligne,  soit  en  mendiant,  suffisent  à  leurs  besoins.  Ils 
étaient  fort  nombreux  au  siècle  dernier,  et  formaient  alors 
une  population  turbulente  et  dangereuse,  évaluée  à  près  de 
40,000  individus.  Au  reste,  ils  ont  donné  la  note  des  excès 
auxquels  ils  étaient  capables  de  se  porter  lors  de  l'insur- 
rection de  1647  contre  l'Espagne  où  ils  acclamèrent  pour 
cheïMasaniello  (V.  ce  nom)  et  la  campagne  du  général  Cham- 
pionnetdans  le  royaume  de  Naples  (1798).  Armés  par  le  roi, 
ils  s'emparèrent  de  Naples  et  y  commirent  mille  exactions. 
Quand  la  ville  se  fut  livrée  aux  Français,  Championnet  se 
hâta  de  désarmer  cette  troupe  dangereuse,  et  proclama  la 
république.  —  Ils  ont  formé  une  grande  partie  des  forces  de 
la  Camorra  (V.  ce  mot),  si  longtemps  maîtresse  de  Naples. 
Ils  ont,  comme  elle,  en  grande  partie  disparu  devant  les 
transformations  de  Naples  (V.  ce  mot).  Le  vagabond  qu'on 
rencontre  encore  dans  les  rues  de  la  ville  n'est  plus  le  lazza- 
rone  d'autrefois,  si  fièrement  drapé  dans  sa  paresseuse  mi- 
sère. On  a  souvent  prêté  une  certaine  poésie  à  cette  vie 
insouciante  et  libre,  assez  voisine  de  celle  des  cyniques  de 
l'antiquité.  Musset  les  a  chantés  sommeillant  sur  la  pierre, 
nus  ou  déguenillés  : 

Ne  les  écrase  pas,  ils  te  laisseraient  faire  ; 
Ne  les  méprise  pas,  car  ils  te  valent  bien. 

Lucien  Saint. 

LEA.  Affl.  gauche  de  la  Tamise  (V.  Grande-Bretagne, 
t.  XIX,  p.  156,  et  Londres). 

LEA,  romancier  suédois  (V.  Wettergrund) . 

LEADBEATER  (Mary  Shackleton,  Mrs.)  femme  au- 
teur anglaise,  née  à  Ballitore  en  déc.  1758,  morte  à  Bal- 
litore  le  27  juin  1826.  Fille  de  quakers,  elle  a  décrit  dans 
ses  poésies  et  dans  divers  ouvrages  les  mœurs  de  ses  co- 
religionnaires, la  vie  provinciale  en  Irlande,  les  événements 
auxquels  elle  a  assisté,  comme  le  sac  et  les  massacres  de 
Ballitore  en  1798.  Elle  a  aussi  laissé  un  Journal  intéres- 
sant et  des  Annales  de  Ballitore,  qui  vont  de  1766  à 
1823  et  sont  le  meilleur  de  ses  écrits.  Ses  œuvres  ont  été 
rassemblées  sous  le  titre  de  The Leadbeater  Papers  (1862, 
2  vol.),  par  Richard-Davis  Webb  qui  a  écrit  une  vie  de 
l'auteur.  Mary  Leadbeater  fut  en  relations  amicales  avec 
Burke,  J.  Reynolds  et  George  Crabbe.  R.  S. 

LEADE  (Jane),  mystique  anglaise,  née  dans  le  comté  de 
Norfolk  en  1623,  morte  en  1704.  Jane  Leade  avait  pour 
les  spéculations  du  philosophe  mystique  Bœhm  une  pro- 
fonde admiration.  Comme  lui,  elle  se  croyait  l'objet  d'une 
faveur  spéciale  de  la  Providence,  avec  laquelle  elle  commu- 
niquait directement.  Elle  eut  de  bonne  heure  des  révéla- 
tions et  des  visions  :  une  de  ses  convictions  les  plus  chères 
était  que  la  sagesse  divine  lui  était  apparue  sous  les  traits 
d'une  vierge.  Elle  passa  sa  vie  à  composer  des  petits  traités 
pour  propager  la  doctrine  mystique  de  la  communion  immé- 
diate de  l'âme  avec  Dieu.  Elle  réussit  à  former  un  certain 
nombre  de  disciples,  dont  le  plus  connu  est  John  Pordage, 
à  la  fois  alchimiste,  astrologue,  médecin  et  théosophe.  Ses 
écrits  sont,  paraît-il,  inintelligibles  pour  les  non-initiés. 

LEADER.  On  donne,  en  Angleterre,  ce  nom  à  l'homme 
politique  autour  duquel,  dans  les  débats  du  Parlement, 
viennent  se  grouper  ceux  qui  ont  la  même  opinion  et  qui 
tendent  au  même  but.  C'est  toujours  l'homme  le  plus  émi- 


LEADER  —  LÉANDRE 


—  1082  — 


nent  du  parti  qu'il  représente,  et  c'est  lui  qui  joue  le  rôle 
principal.  Cette  expression  est  également  usitée  en  France 
avec  la  même  acception. 

LEADHILLITE(4Pb.0S032C02H0)(Minér.).Laleadhil- 
lite  cristallise  dans  le  système  monoclinique 

Ses  cristaux  sont  toujours  aplatis  suivant  la  base,  direction 
d'un  clivage  très  facile  donnant  des  lames  possédant  un  vif 
éclat  nacré.  Le  minéral  possède  une  dureté  de  2,o,  une 
densité  de  6^W  à  6,44  ;  il  est  sectile.  Sa  couleur  est  le 
blanc,  le  jaune,  plus  ou  moins  verdâtre.  L'éclat  est  rési- 
neux sur  toutes  les  faces  autres  que  la  base.  La  leadhillite 
est  transparente  ou  translucide.  Le  plan  des  axes  optiques 
est  parallèle  à  /i^,  la  bissectrice  aiguë  négative  est  sensible- 
ment perpendiculaire  au  clivage/?.  L'angle  des  axes  optiques 
est  petit  (2Ez=  20^32^  pour  le  rouge  à  45°  C).  M.  des 
Cloizeaux  a  fait  voir  qu'il  décroît  avec  l'augmentation  de  la 
température  :  à  446**,  le  minéral  est  uniaxe.  Cette  obser- 
vation est  fort  intéressante  en  montrant  l'identité  probable 
de  la  leadhillite  et  de  la  suzannite,  regardée  autrefois 
comme  rhomboédrique,  uniaxe  et  dimorphe  de  la  leadhillite. 

La  leadhillite  est  fusible  au  chalumeau  ;  elle  se  dissout 
avec  effervescence  dans  l'acide  azotique  en  laissant  un 
résidu  de  sulfate  de  plomb.  Elle  donne  de  l'eau  dans  le 
tube.  Elle  se  rencontre  avec  d'autres  minéraux  plombifères 
dans  quelques  mines  de  galène  (Leadhills,  en  Ecosse), 
leadhillite  et  suzannite  (Cumberland,  Derbyshire  ;  environs 
d'Iglesias,  Sardaigne)  (V.  Maxite).  A.  Lacroix. 

LEADHILLS.  Village  d'Ecosse,  comté  de  Lanark,  dans 
les  Louther  Hills;  4,000  hab.  Mines  de  plomb. 

LEADVILLE.  Ville  des  Etats-Unis  (Colorado),  sur  l'Ar- 
kansas,  à  3,400  m.  d'alt.  ;  45,000  hab.  Elle  a  été 
fondée  en  4876  auprès  de  belles  mines  de  plomb  argen- 
tifère et,  dès  4880,  comptait  44,820  hab. 

LE>€NA,  hétaïre  athénienne,  maîtresse  d'Aristogiton  ou 
d'Harmodius  ;  mise  à  la  torture,  elle  se  coupa  la  langue 
avec  les  dents  afin  d'éviter  de  trahir  le  secret  des  conspi- 
rateurs. On  éleva  en  son  honneur  à  l'entrée  de  l'Acropole 
une  statue  de  lionne  sans  langue. 

LEAGUE  (The)  (V.  Anti-Corn-Law-League) . 

LEAKE  (John),  amiral  anglais,  né  à  Rotherhithe  en 
46o6,  mort  le  24  aoùt4720.  Il  entra  dans  la  marine  mili- 
taire après  quelques  voyages  marchands ,  prit  part  à 
l'action  de  la  baie  de  Bantry  en  4688,  où  il  se  rendit  cé- 
lèbre par  sa  bravoure.  Il  défendit  Londonderry  attaquée 
par  les  Français,  soumit  la  ville  de  Cork,  se  distingua  à  la 
bataille  de  Barfleur  le  49  mai  4692,  puis  à  La  Hogue  le 
24  mai.  11  navigua  dans  la  Méditerranée  jusqu'à  la  paix 
de  Ryswick  (1697).  Envoyé  comme  gouverneur  à  Terre- 
Neuve,  il  ruina  la  pêcherie  française,  détruisit  et  prit  un 
grand  nombre  de  vaisseaux.  Promu  vice-amiral  en  4702, 
il  prit  part  à  la  guerre  de  la  succession  d'Espagne.  Il  par- 
ticipa à  la  soumission  de  Barcelone  et  ravitailla  Gibraltar. 
Appelé  de  nouveau  par  l'archiduc  Charles,  roi  titulaire  d'Es- 
pagne, il  força  les  Français  à  lever  le  siège  de  Barcelone,  puis 
reçut  la  soumission  d'Ahcante,  de  Carthagène,  de  Majorque  et 
d'Iviça.  Comblé  d'honneurs  et  de  présents  à  son  retour  en  An- 
gleterre, il  fut  nommé  amiral  en  janv.  4708,  secourut  Bar- 
celone, menacée  de  la  famine  après  la  victoire  française  d'Al- 
manza,  réduisit  la  Sardaigne  et  l'île  Minorque.  Nommé 
contre- amiral  de  Grande-Bretagne,  puis  président  de  l'ami- 
rauté en  4709,  il  prit  possession  deDunkerque,  accordée 
par  traité.  Ses  charges  ne  lui  furent  pas  renouvelées  à 
l'avènement  de  Georges  I^^.  Desservi  auprès  du  roi,  il  fut 
mis  à  l'écart  et  se  retira  à  Greenwich.  R.  S. 

BiBL.  :  Steph en-Martin  Leake,  Life  of  Sir  John  Leake^ 

LEAKE  (William-Martin),  topographe  et  archéologue 
anglais,  né  à  Londres  le  44  janv.  4777,  mort  à  Brighton 
le  6  janv.  4860.  Après  un  séjour  de  quatre  ans  aux  An- 
tilles, il  fut  nommé  capitaine  en  4799  etenvoyé  en  mission 
à  Constantinople  pour  instruire  les  Turcs  dans  la  pratique 
de  l'artillerie.  Il  visita  l'Asie  Mineure,  alla  en  Egypte  par 
Athènes,  Chypre  et  Jaffa,  traversa  le  désert  pour  rejoindre 


l'armée  turque  et  la  secourir  contre  les  Français,  mais  la 
capitulation  était  signée  lorsqu'il  arriva.  Il  visita  l'Egypte 
jusqu'aux  sources  du  Nil,  la  Syrie,  les  environs  d'Athènes. 
Revenu  en  Grèce  en  4804,  il  visita  tout  le  pays,  puis 
Malte,  Corfou,  Zante,  fit  de  nombreuses  et  belles  collec- 
tions aujourd'hui  dans  les  musées  nationaux  d'Angleterre. 
Retenu  prisonnier  pendant  quelques  mois  en  4807,  au 
moment  de  la  guerre  entre  la  Turquie  et  l'Angleterre,  il 
eut  une  entrevue  secrète  avec  le  pacha  d'Albanie,  Ali, 
qu'il  revint  secourir  contre  la  France  en  4809.  Promu 
lieutenant-colonel  en  4843,  il  fut  envoyé  au  quartier  gé- 
néral de  l'armée  suisse  en  4845,  étudiâtes  forces  militaires 
suisses  et  la  frontière  française.  De  retour  en  Angleterre, 
il  s'adonna  à  des  travaux  littéraires.  Ses  principaux  ou- 
vrages sont  :  Topography  of  Athens  (Londres,  4821, 
in-8;  2^  éd.,  Cambridge,  4844,  2  vol.);  Researches  in 
Gr^<?c^  (Londres,  4844,  in-8);  Journal  of  a  Tour  in 
Asia  Minor  (Londres,  4824,  in-8);  An  Historical  Oiitline 
ofthe  Greek Révolution  (Londres,  4825,  in-8);  les  Prin- 
cipaux Monuments  éggptiens  du  Musée  britannique^  en 
collaboration  avec  Charles  Yorke  (4827,  in-fol.)  ;  Travels 
in  Morea  (Londres,  4830,  in-8);  Travels  in  Norther7i 
Greece  (Cambridge,  4835-44,  4  vol.);  Peloponnesiaca 
(Londres,  4846,  in-8);  Numismata  hellenica  (Londres, 
4854-59,  3  vol.).  R.  S. 

BiBL.  :  Marsden,  Memoir  of  the  Ufe  and  writings  of 
Leahe  ;  Londres,  1864. 

LEAL  (GoMÈs)  (V.  GoMÈs  Leal). 

LEAL  (José  DA  SiLVA  Mendês(V.Mendês-Leal). 

LÉALVILLERS.  Corn,  du  dép.  de  la  Somme,  arr.  de 
Doullens,  cant.  d'Acheux  ;  328  hab. 

LEAM.  Monnaie  chinoise  valant  un  peu  plus  de  4  fr. 

LEAWllNGTON.  Ville  d'Angleterre,  comté  de  Warwick, 
sur  la  Leam,  affl.  de  TA  von,  dans  une  gracieuse  vallée; 
26,930  hab.  Station  balnéaire  fréquentée.  Fabriques  de 
gravures  pour  la  Saint- Valentin.  Les  eaux  furent  décou- 
vertes en  4797  ;  en  4844,  Leamington  n'avait  encore  que 
540  hab. 
BiBL.  :  Smitiï,  Leamington  Waters;  Londres,  1884. 

LEAN  DER  (Per-Johan-Herman),  philosophe  suédois,  pro- 
fesseur à  Lund,  né  à  Hjelmseryd  le  34  mai  4834.  Inscrit 
comme  étudiant  à  Lund  en  4854,  il  fit  en  4862  son  doc- 
torat en  philosophie,  et  fut  nommé  l'année  suivante  pro- 
fesseur adjoint  de  philosophie  théorique  et  pratique  à  l'Uni- 
versité. Disciple  de  Bostrœm,  il  a  publié  en  suédois  des 
études  très  approfondies  sur  la  philosophie  de  son  maître 
et  sur  les  philosophes  étrangers  :  Du  Concept  de  la  subs- 
tance chez  Descartes,  Spinoza  et  Leibniz  (4862);  Du 
Concept  de  la  substance  chez  Kant  et  les  penseurs  qui 
dérivent  de  lui  (4863)  ;  Exposé  et  examen  du  point  de 
vue  philosophique  de  Herbart  (Akad.  Afhandl;  Lund, 
4865);  Sur  Quelques  Propositions  inscrites  au  pro^ 
gramme  du  Congres  philosophique  de  Prague  (en ail., 
dans  Philos.  Monatshefte,  4869,  III);  Quelques  Mots  sur 
la  philosophie  contemporaine  en  Allemagne,  en  Dane- 
mark et  en  France  (dans  Svensk  Tidskr,  f,  Lit.^  4876)  ; 
la  Doctrine  de  Bostrœm  sur  les  idées  de  Dieu,  étude  très 
complète  de  la  théorie  idéaliste  du  philosophe  suédois  (dans 
Actauniv.  Lund,  4885-4886,  t.  XXII).  Th.  C. 

LÉANDRE.  Personnage  légendaire  de  la  Grèce  antique; 
c'était  un  jeune  homme  d'Abydos  qui  s'éprit  d'Héro,  prê- 
tresse d'Aphrodite,  à  Sextos,  sur  la  rive  opposée  de  l'Hel- 
lespont.  La  situation  de  la  jeune  fille  et  l'opposition  des 
parents  contrariant  cet  amour,  chaque  nuit  Léandre  tra- 
versait à  la  nage  le  détroit,*  guidé  par  un  fanal  qu'allumait 
sa  maîtresse  sur  une  tour  du  rivage  opposé.  Une  nuit  la 
tempête  éteignit  la  flamme,  et  Léandre  se  noya.  Au  matin, 
les  flots  roulèrent  son  cadavre  sur  le  rivage,  et  Héro,  l'aper- 
cevant, se  précipita  du  haut  de  sa  tour  dans  la  mer.  Cette 
légende  fournit  à  Musée  le  sujet  d'un  poème  ;  elle  a  été 
traitée  par  Schiller  dans  une  ballade,  par  Grillparzer  dans 
un  drame,  etc.  A. -M.  B. 

LÉANDRE  (Saint),  archevêque  de  Séville,  mort  vers 


—  4088 


LEANDRE  —  LEAVENWORTH 


597.  Le  peu  que  l'on  sait  de  sa  vie  reflète  l'antagonisme 
qui  mettait  aux  prises  les  intérêts  des  Hispano-Romains 
et  des  Visigoths,  dans  la  seconde  moitié  du  vi^  siècle. 
Le  roi  Léovigild,  arien,  avait  épousé  une  catholique,  fille 
de  Se vérien,  l'ancien  préfet  de  la  province  de  Carthagène, 
et  sœur  de  Léandre.  Celui-ci,  après  avoir  été  moine,  fut 
nommé  archevêque  de  Séville.  Il  attira  vers  le  catholi- 
cisme son  neveu  Hermingild,  le  fils  du  roi,  tandis  que 
Léovigild,  qui  avait  épousé  en  secondes  noces  une  arienne 
fanatique,  devenait  le  champion  du  christianisme  tel  que 
les  Visigoths  l'avaient  accepté.  Hermingild  se  révolta 
contre  son  père,  fut  pris  et  décapité  (585),  pendant  que 
Léandre,  exilé,  cherchait  vainement  à  Constantinople  du 
secours  pour  son  protégé  et  pour  le  christianisme  catho- 
lique. C'est  là  qu'il  fit  la  connaissance  d'un  apocrisiaire 
de  Pelage  II,  qui  devint  plus  tard  le  pape  Grégoire  le 
Grand.  L'influence  de  Léandre  s'exerça  également  sur  le 
frère  d'Hermingild,  Reccared,  qui  succéda  à  son  père  en 
586  et  qui  se  convertit  avec  tout  son  peuple  au  catholi- 
cisme, 9  ou  iO  mois  après  son  avènement.  Aussitôt  l'élé- 
ment romain,  dirigé  par  les  clercs  qui  en  formaient  la 
majorité,  prit  le  dessus  en  Espagne  ;  il  se  prépara  ainsi 
une  théocratie  qui  donnera  pour  longtemps  à  l'Espagne 
sa  physionomie  propre,  un  fanatisme  intolérant.  Et  c'est 
encore  Léandre  qui  conduisait  ce  mouvement,  présidant 
le  fameux  troisième  concile  de  Tolède  (589),  prononçant 
son  lîomelia  de  triumpho  Ecclesiœ  ob  conversionem 
Gothorum,  et  tenant  les  rênes  des  affaires  publiques. 
L'homélie  citée  et  une  règle  monastique,  rédigée  par 
Léandre  pour  une  congrégation  fondée  par  sa  sœur  Flo- 
rentine, ont  été  réimprimées  par  Migne  (Patrologia,  ser, 
lat.,  t.  LXXH).  F.-H.  K. 

LEANE  (Lough).  Un  des  lacs  de  Killarney  (V.  Irlande, 
t.  XX,  p.  949). 

LEAO.  Dynastie  d'empereurs  khitans  (V.  ce  mot,  t.  XXI, 
p.  542). 

LEARED  (Arthur),  voyageur  anglais,  né  à  Wesford  en 
4822,  mort  à  Londres  le  46  oct.  4879.  Promu  docteur  en 
médecine  en  4850,  il  pratiqua  aux  Indes  en  4854,  puis  à 
Londres,  et  fut  reçu  membre  de  l'Académie  de  médecine 
en  4874.  Attaché  à  l'armée  pendant  la  guerre  de  Crimée, 
il  visita  la  Terre  sainte,  et,  de  retour,  fit  des  voyages 
en  Islande,  en  Amérique  et  dans  le  Maroc.  Il  étudia  sur- 
tout les  bruits  du  cœur  et  les  désordres  de  la  diges- 
tion, et  concourut  à  l'invention  du  double  stéthoscope. 
Parmi  ses  ouvrages,  il  faut  citer  :  On  the  Sounds  cau- 
sed  by  the  Circulation  of  the  Blood  (Londres,  4864, 
in-8)  ;  Mental  Exertion  in  relation  to  Health  (4864, 
in-8);  Morocco  and  the  Moors  (Londres,  4876,  in-8)  ; 
A  Visit  to  the  court  of  Morocco  (Londres,  4879,  in-8). 

LÉARQUE  ou  CLÉARQUE  de  Rhegium,  sculpteur  grec 
(vi^  siècle  av.  J.-C),  Il  passait  pour  avoir  été  l'élève  de  Dé- 
dale ou,  selon  d'autres,  et  avec  plus  de  vraisemblance,  de 
Dipoïnos  et  de  Scyllis.  Pausanias  avait  vu  de  lui  dans  la 
maison  d'airain  à  Sparte,  une  statue  du  Jupiter  en  plaques 
d'airain  travaillées  au  repoussé,  et  parfaitement  rappro- 
chées les  unes  des  autres  (Paus.,  IH,  47,6).  Ce  procédé 
indique  assez  l'antiquité  de  ce  maître.  Il  semble  pourtant 
avoir  eu  quelque  influence,  et  Pythagoras  de  Rhegium  fut 
son  élève  (Paus.,  VI,  4,  3).  And.  Baudrillart. 

BiBL.:  CoLLïGNON,  Hîst.  (le  la  sculpture  grecque, 
pp.  111,  329,  409. 

LÉAU,  en  flamand  Zout-Leeuw.  Corn,  de  Belgique, 
prov.  de  Brabant,  arr.  de  Louvain,  sur  la  petite  Cette, 
affl.  de  la  Dyle  ;  2,000  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Tir- 
îemont  à  Tongres.  Exploitations  agricoles,  distilleries. 
A  Léau  se  trouvait,  il  y  a  quelques  années,  le  seul  lac  de 
la  Belgique  ;  il  avait  une  étendue  de  95  hect.  ;  il  est  au- 
jourd'hui desséché  et  livré  à  l'agriculture.  L'église,  dédiée 
à  saint  Léonard,  est  une  des  plus  belles  du  pays  ;  la  ma- 
jeure partie  est  du  plus  pur  style  gothique  du  xiii®  siècle. 
Elle  contient  une  grande  quantité  de  splendides  objets 
d'art,  notamment  un  tabernacle  célèbre,  chef-d'œuvre  de 


la  Renaissance,  d'une  hauteur  de  30  m.,  dû  à  Corneille 
Florys.  VHôtel  de  ville  est  un  beau  monument  de  la 
Renaissance  flamande  ;  il  a  été  construit  au  xvi«  siècle. 
Léau  est  une  très  ancienne  commune.  Au  xii®  siècle,  c'était 
déjà  une  forteresse  importante,  vrai  boulevard  du  duché 
de  Brabant  contre  la  principauté  de  Liège.  Elle  fut  prise 
notamm^ent  par  les  Français  en  4678  et  par  les  alliés 
en  1705.  —  Les  armoiries  de  Léau  sont  :  de  sable^  au 
lion  armé  et  lampassë  de  gueules  au  chef  de  gueules, 
BiBL.  :  A.  Wauti£rs,  Histoire  du  canton  de  Léau  : 
Bruxelles,  1887,  in-8. 

LÉAU  PARTI  E.Com.  dudép.du  Calvados,  arr.  dePont- 
l'Evêque,  cant.  de  Cambremer;  437  hab. 

LÉAUTÉ  (Henri),  mathématicien  et  ingénieur  français, 
né  le  26  avr.  4847.  Entré  en  4866  à  l'Ecole  polytechnique 
et  en  4868  à  l'Ecole  des  manufactures  de  l'Etat,  il  fut 
d'abord  attaché  comme  sous-ingénieur  à  la  manufacture 
des  tabacs  de  Toulouse.  En  4876,  il  se  fit  recevoir  docteur 
es  sciences  mathématiques  avec  deux  thèses  Sur  V Intégra- 
tion des  équations  différentielles  partielles  du  premier 
ordre  à  trois  variables  et  Sur  le  Frottement  de  pivote- 
ment. Il  est,  depuis  4877,  répétiteur  de  mécanique  à  l'Ecole 
polytechnique.  En  4890,  il  a  été  élu,  en  remplacement  de 
Phillips,  membre  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris.  Ma- 
thématicien de  très  grande  valeur,  il  a  enrichi  la  science 
d'importants  travaux  d'analyse  et  de  mécanique  qui  se  trou- 
vent exposés,  sous  forme  de  mémoires,  dans  les  Comptes 
rendus  de  V Académie  des  sciences,  dans  le  Journal  de 
VEcole  polytechnique,  dans  le  Bulletin  de  la  Société 
philo mathique,  dans  le  Journal  de  Lioiwille,  etc.,  et 
qui  portent  notamment  sur  les  courbes,  sur  les  fonctions 
eUiptiques,  sur  les  équations  du  mouvement,  sur  les  sys- 
tèmes articulés,  sur  les  engrenages,  sur  les  moteurs  hydrau- 
liques et  à  vapeur,  sur  les  transmissions  télédynamiques. 
Il  a  donné  à  part  :  Méthode  d'approximation  graphique 
(Paris,  4880,  in-4)  ;  Sur  un  Perfectionnement  appli- 
cable a  tous  les  régulateurs  à  force  centrifuge  (Paris, 
4880,  in-4)  ;  Etude  géométrique  sur  les  fonctions  ellip- 
tiques de  première  espèce  (Paris,  1880,  in-4);  Théorie 
générale  des  transmissions  par  câbles  métalliques  (Pa- 
ris, 4882,  in-4)  ;  Mémoires  sur  les  oscillations  à  longues 
périodes  (Paris,  4885,  in-4),  etc.  Il  dirige  depuis  4892 
la  publication  d'une  intéressante  collection,  V Encyclopédie 
scientifique  des  Aide-Mémoires,  qui  doit  comprendre 
300  vol.  in-8,  dont  la  moitié  sont  déjà  parus  (mars  4895), 
et  qui  embrasse  dans  deux  sections,  celle  de  l'ingénieur  et 
celle  du  biologiste,  toutes  les  sciences  appliquées.     L.  S. 

LÉAUTEY  (Eugène),  comptable  et  publiciste  français, 
né  à  Paris  le  10  mai  4843.  Doué  d'aptitudes  spéciales  pour 
les  questions  se  rattachant  aux  finances  et  à  l'enseignement 
commercial,  M.  Léautey  entra  au  Comptoir  d'escompte  de 
Paris,  ou  il  arriva  au  poste  de  chef  de  division.  Il  pour- 
suivait en  même  temps  ses  recherches  sur  l'enseignement 
technique  dont  il  préconisait  la  réorganisation.  Son  ouvrage 
sur  V Enseignement  commercial  et  les  Ecoles  de  com- 
merce en  France  et  dans  le  monde  entier^  publié  en 
1886,  faisait  établir  au  ministère  du  commerce  une  direc- 
tion de  l'enseignement  technique  et  amenait  une  réforme 
sérieuse  dans  l'enseignement  commercial.!.  liautey  prit 
une  part  active  à  la  réfection  des  programmes''  (commerce 
et  comptabilité)  sur  les  bases  qu'il  avait  indiquées  dans 
l'ouvrage  mentionné  ci-dessus,  programmes  adoptés  et 
appliqués  maintenant  par  les  écoles  supérieures  de  com- 
merce et  par  les  écoles  primaires  supérieures.  M.  Léautey 
a  également  publié  :  Questions  actuelles  de  comptabilité 
et  d'enseignement  commercial  (I88I)  ;  la  Science  des 
comptes  (4889),  où  la  comptabilité  est  traitée  de  la  même 
manière  que  les  sciences  exactes  ;  Principes  généraux 
de  comptabilité;  Cours  de  comptabilité  et  de  tenue 
des  livres  (1894)  ;  il  termine  un  ouvrage  sur  la  Compta- 
bilité agricole  et  la  Comptabilité  de  la  famille.     G.  F. 

LEAyENWORTH.  Ville  des  Etats-Unis  (Kansas),  sur  le 
Missouri;  25,000  hab.  C'est  le  marché  le  plus  important 


LEAVENWORTH  —  LEBAS 


—  1084  — 


de  l'Etat.  A  2  kil.  au  iN.  est  le  fort  du  même  nom,  établi 
en  1827  et  jadis  très  important  comme  point  de  départ  des 
expéditions  vers  le  Far  West  et  des  convois  de  ravitail- 
lement des  forts. 

LÉAZ.  Corn,  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  de  Gex,  cant.  de 
Collonges  ;  788  hab. 

LEBA,  Fleuve  côtier  de  Prusse,  prov.  de  Poméranie, 
tributaire  de  la  Baltique,  long  de  135  kil.  Il  naît  dans  la 
Prusse  occidentale,  forme  un  lac  de  20  kil.  de  long  sur  8 
de  large  et  finit  près  de  la  ville  de  Leba. 

LEBADÉE.  Ancienne  ville  de  Boétie  (V.  Livadia). 

LEBAILLY  (Antoine-François),  poète  français,  né  à 
Caen  le  1^^  avr.  1756,  mort  le  13  janv.  1832.  Il  occupa 
un  modeste  emploi  dans  l'administration  des  finances.  Il 
est  surtout  connu  par  ses  fables,  qui  ont  joui  dans  le  temps 
d'une  réputation  considérable  et  qui,  pleines  de  bonhomie 
et  de  vivacité,  ne  manquent  pas  de  valeur.  Citons  :  Fables 
nouvelles  suivies  de  poésies  fugitives  (Paris,  1784, 
in-12)  ;  Fables  nouvelles  (1814,  in-12),  un  grand  nombre 
d'opéras,  entre  autres  :  Diane  et  Endymion  (1814)  ; 
des  cantates,  comme  la  Chute  des  Titans  (1825,  in-8), 
qui  fut  chantée  à  l'occasion  du  sacre  de  Charles  X  ;  Notice 
sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  feu  GrainvilLe  (1808,  in-8)  ; 
le  Procès  d'Esope  avec  les  animaux  (1812,  in-12),  co- 
médie; le  Gouvernement  des  animaux  (1816,  in-8), 
poème;  Hommages  poétiques  à  La  Fontaine  (1821, 
in-12),  etc. 

LEBAILLY  (Armand),  littérateur  français,  né  à  Ga- 
vray  (Manche)  le  22  avr.  1838,  mort  à  Paris  le  6  sept. 
1864.  Protégé  par  Legouvé  qui  écrivit  une  préface  très 
touchante  à  son  volume  de  vers  :  îtalia  mia{PsLVÏs,  1860, 
in-12),  Lebaillyse  consacra  tout  entier  à  la  littérature  et, 
comme  tant  d'autres  poètes  auxquels  on  en  a  fait  presque 
un  titre  de  gloire,  il  mourut  à  l'hôpital.  Citons  de  lui  : 
Chants  du  Capitale  (1861,  in-12)  ;  Maria  Grazia  (1863, 
in-12);  Hégésippe  Moreau,  documents  inédits  (1863, 
in-12)  ;  Madame  de  Lamartine  (1863,  in-12). 

LEBANON.  Ville  des  Etats-Unis  (Pennsylvanie),  à  50  kil. 
E.  de  Harrisburg  ;  10,000  hab.  Fondée  en  1750  près  des 
mines  de  fer  et  de  cuivre  de  Cornwall.  Beau  marbre  ;  hauts 
fourneaux. 

LEBANON  Springs.  Ville  des  Etats-Unis  (iNew  York), 
à  35  kil.  S.-E.  d'Albany  ;  3,000  hab.  Eeau  thermales 
chlorurées  sodiques.  A  3  kil.  S.  est  une  communauté  de 
Shakers, 

LE  BARBIER  (V.  Barbier  [François- Jean]). 

LEBARBIER  (Jean-Jacques-François),  peintre  français, 
né  à  Rouen  en  1738,  mort  à  Paris  en  1826.  Elève  de 
Pierre,  ses  premières  (euvres  furent  des  modèles  pour  les 
écoles  de  dessin  ;  mais,  en  1 776,  le  gouvernement  le  chargea 
d'aller  en  Suisse  prendre  ses  vues  pour  l'ouvrage  de  Zur- 
lauben  :  Tableau  topographique  de  la  Suisse.  Après  un 
retour  à  Paris  et  un  voyage  à  Rome,  étant  de  nouveau 
rentré  en  France,  il  se  livra  à  la  peinture  à  l'huile  et,  en 
1788,  fut  reçu  membre  de  l'Académie  royale  de  peinture 
et  de  sculpture  pour  son  tableau  Jupiter  endormi  sur 
le  mont  Ida,  qui  décore  le  musée  de  Versailles.  Dès  lors 
il  se  trouva  occuper  une  situation  assez  importante  parmi 
les  peintres  de  son  temps  et  servit  de  transition,  bien  pâle 
il  est  vrai,  entre  l'école  de  Greuze  et  celle  de  L.  David.  Au 
moment  de  la  Révolution,  il  peignit  le  portrait  de  Henri 
Dubois,  le  soldat  des  gardes  françaises,  qui,  le  preaiier, 
entra  dans  la  Bastille;  il  fit  la  décoration  de  la  salie  des 
Etats  généraux  et,  l'année  suivante,  en  1790,  c'est  lui  que 
l'Assemblée  constituante  chargea  de  représenter  l'héroïque 
dévouement  du  jeune  officier  Desilles  pendant  les  émeutes 
de  Nancy.  On  ne  sait  si  ce  tableau  fut  exécuté,  mais  on 
peut  citer  parmi  ses  œuvres  principales  :  le  Premier  Homme 
et  la  Première  Femme,  Hélène  et  Paris,  àntigone, 
Ulysse  et  Pénélope,  Apothéose  de  saint  Louis  (à  Saint- 
Denis),  Sully  et  Henri  /F (aux  Gobelins),  Aristomène  (au 
château  de  Compiègne),  un  Christ  (à  la  cathédrale  de  Lens), 


le  Siège  de  Nancy  (à  l'hôtel  de  ville  de  Nancy),  le  Siège 
de  Beauvais  (à  Beau  vais). 

Son  frère  Jean-Louis,  peintre  et  littérateur  français, 
né  en  1740,  fit  remarquer  en  1787  un  grand  tableau,  le 
Courage  des  femmes  de  Sparte,  et  composa  un  drame 
en  cinq  actes,  en  prose,  intitulé  Asgill.  G.  A. 

LEBARBIER  de  TiNÂN(Marie-Charles-Adalbert),  marin 
français,  né  le  30  août  1803,  mort  à  Paris  le  18  déc.  1876. 
Contre-amiral  (févr.  1851),  il  commandait  dans  la  guerre 
de  Crimée  la  station  du  Levant,  puis  le  corps  débarqué  au 
Pirée. 

LEBARILLIER  (Louis-Constant),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Lebisey,  près  de  Caen,  le  29  nov.  1805,  mort 
à  Genillé  (Indre-et-Loire)  le  2  janv.  1880.  Riche  agricul- 
teur, connu  dans  le  Calvados  pour  son  opposition  à  la  mo- 
narchie de  Juillet,  il  fut,  après  la  révolution  de  Février, 
nommé  par  le  gouvernement  provisoire  commissaire  de  la 
République  dans  ce  département  qui,  peu  après  (23  avr. 
1848),  l'envoya  à  l'Assemblée  constituante,  où  il  vota  d'or- 
dinaire avec  la  gauche  et  combattit  la  politique  de  l'Ely- 
sée. Il  ne  fut  pas  réélu  en  1849  et,  dès  lors,  ne  sortit 
plus  de  la  vie  privée.  A.  Debidour. 

LEBAS  ou  LE  BAS  (Jacques-Philippe),  dessinateur  et 
graveur  français,  né  à  Paris  le  8  juil.  1707,  mort  à  Paris 
le  14  (et  non  le  12  ou  le  15)  mai  1783.  Orphelin  de  père, 
un  maître  nerruquier,  il  fut  mis,  à  quatorze  ans,  en  appren- 
tissage chez  Hérisset,  graveur  d'architecture.  Remarqua- 
blement doué  pour  le  dessin,  il  acquit  en  peu  de  temps  la 
pratique  du  burin,  et  sut  se  servir  merveilleusement  delà 
pointe  sèche.  Il  ouvrit  une  école  de  gravure  et  compta 
parmi  ses  élèves  toute  une  pléiade  de  charmants  dessinateurs 
et  de  graveurs  marquants,  tels  que  Eisen,  Cochin,  Moreau 
le  Jeune,  Ficquet,  Gaucher,  Le  Mire,  Cathelin,  etc.,  ainsi 
que  les  graveurs  anglais  Strange  et  Ryland.  Il  y  joignit  un 
important  commerce  d'estampes.  L'œuvre  qui  porte  son  nom 
est  considérable,  en  raison  delà  collaboration  de  ses  élèves. 

11  a  reproduit  des  tableaux  de  Boucher,  de  Chardin,  de 
Lancret,  de  Watteau,  de  Rubens,  et  surtout  de  Teniers. 
On  peut  citer  à  part  :  l'Assemblée  galante,  d'après  Wat- 
teau, et  la  Conversation  galante,  d'après  Lancret,  ainsi 
que  les  Ports  de  France,  d'après  J.  Vernet,  publiés  en  as- 
sociation avec  Cochin.  Les  livres  illustrés  du  temps  lui  doi- 
vent un  très  grand  nomibre  de  pièces,  souvent  de  son  propre 
dessin.  Il  eut  le  titre  de  premier  graveur  du  roi.     G.  P-i. 

LE  BAS  (Philippe-François-Joseph),  homme  politique 
français,  né  à  Frévent  (Pas-de-Calais)  en  1765,  tr.ort  à 
Paris  le  28  juil.  1794.  Avocat  à  Saint-Pol,  il  représenta 
les  habitants  de  cette  ville  à  la  fédération  du  14  juil.  1790. 
Membre  de  l'administration  du  district  de  Saint-Pol  (1791), 
puis  de  celle  du  dép.  du  Pas-de-Calais  (1792),  il  fut  élu 
par  ce  département  député  à  la  Convention  nationale,  oti 
il  siégea  à  la  Montagne  et  vola  la  mort  de  Louis  XVI.  Lié 
d'amitié  avec  Robespierre,  il  épousa  la  plus  jeune  des  filles 
de  Duplay.  Membre  du  comité  de  Sûreté  générale,  il  fut 
envoyé  en  mission  avec  Saint-Just  aux  armées  du  Rhin  et 
de  la  Moselle  (oct.  1793),  puis  à  l'armée  de  Sambre-et- 
Meuse  (janv.  1794)  ;  il  fut  l'actif  et  courageux  auxiliaire 
de  son  célèbre  collègue  et  contribua  pour  sa  part  à  nos 
victoires.  Au  retour  de  cette  mission,  il  fut  chargé  de  la 
surveillance  de  l'Ecole  de  Mars.  Ce  n'était  pas  un  orateur, 
mais  il  avait  un  caractère  très  noble.  Dans  la  séance  du 
9  thermidor,  il  demanda  héroïquement  à  partager  le  sort 
de  Robespierre  et  de  Saint-Just,  et  fut  décrété  d'arresta- 
tion avec  eux.  Il  était  à  l'Hôtel  de  Ville  dans  la  nuit  du  9 
au  10  et,  ayant  essayé  vainement  de  décider  Robespierre 
à  donner  le  signal  de  l'insurrection,  il  se  tua  d'un  coup  de 
pibtolet.  F.-A.  A. 

BiBL.  :  Ph.  Le  Bas,  France,  Dictionnaire  encyclopé- 
dique; Paris,  1843,  t.  X,  in-8. 

LEBAS  (Louis-Hippolyte),  architecte  et  archéologue 
français,  né  à  Paris  le  30  mars  1782,  mort  à  Paris  le 

12  juin  1867.  Fils  d'un  procureur  au  Châtelet,  il  suivit 
les  cours  de  l'Ecole  des  beaux-arts;  en  1806,  il  obtint  le 


-  1085  - 


LEBAS  —  LEBEAU 


second  grand  prix  d'architecture.  Nommé  inspecteur  des 
travaux  de  la  Bourse  et  de  la  chapelle  expiatoire  du  Roule, 
il  entreprit,  en  IS^'â,  le  monument  de  Malesherbes  au  Pa- 
lais de  Justice,  obtint  en  1824  la  direction  des  travaux  de 
Notre-Dame-de-Lorette,  et  de  la  prison  modèle  de  la  Ro- 
quette. Ce  sont  là  ses  deux  œuvres  principales.  Il  dirigea 
un  atelier  d'élèves  pendant  plus  de  trente  ans,  devint  pro- 
fesseur d'histoire  de  l'architecture  à  l'Ecole  des  beaux-arts 
et  membre  du  jury.  Il  fut  membre  du  conseil  des  bâtiments 
civils  jusqu'en  1854  ;  il  avait  succédé  à  Delespine  à  l'xVca- 
démie  des  beaux-arts  dès  1825.  Il  exposa  fréquemment  et 
commença  en  i  827,  avecDebret,  la  publication  des  Œuvres 
complètes  de  Jacques  Barozzi  et  Vignole.  Il  en  parut 
14  livraisons  de  1827  à  1835.  M,  P. 

LE  BAS  (Philippe),  historien  et  archéologue  français,  né 
à  Paris  le  18  juin  1794,  mort  à  Paris  le  16  mai  1860,  fils  du 
conventionnel.  Après  avoir  servi  dans  la  marine  et  la 
garde  impériale,  il  devint  sous-chef  de  bureau  à  la  pré- 
fecture de  la  Seine  ;  puis  il  fut  successivement  précepteur 
du  futur  Napoléon  III  (1820-27),  professeur  au  lycée 
Saint-Louis  (1829),  maître  de  conférences  à  l'Ecole  nor- 
male supérieure  (1830).  En  1842  le  gouvernement  le 
chargea  d'une  mission  archéologique  en  Grèce  et  en  Asie 
Mineure.  Il  devint  en  1846  conservateur  administrateur 
de  la  bibliothèque  de  l'Université.  Il  avait  été  élu  membre 
de  l'Académie  des  inscriptions  en  1838.  On  lui  doit  un 
certain  nombre  de  dissertations  relatives  à  l'épigraphie 
grecque,  des  précis  historiques  et  aussi  des  méthodes  pour 
l'enseignement  du  grec  et  de  l'allemand.  Mais  son  prin- 
cipal ouvrage,  et  qui  l'a  rendu  célèbre,  est  son  Voyage 
archéologique  en  Grèce  et  en  Asie  Mineure  (Paris,  1847- 
1868,  6  vol.  in-4  et  in-fol.)  ;  cette  publication  fut  conti- 
nuée après  la  mort  de  Le  Bas  par  H.  Waddington.  M.  S. 
Reinach  a  reproduit  les  planches  accompagnées  d'un  com- 
mentaire, dans  la  Bibliothèque  des  monuments  grecs  et 
romains  (Paris,  1888,  in-4).  M.  P. 

LEBAS  (Jean-Baptiste-Apollinaire),  ingénieur  français, 
né  le  13  août  1797,  mort  à  Paris  le  1^^  janv.  1873.  Il 
entra  le  second  à  l'Ecole  polytechnique  en  1816,  en  sortit 
dans  le  génie  maritime,  fut  attaché  à  divers  ports  de  guerre 
et  eut  une  grande  part  à  l'organisation  des  expéditions  de 
Barcelone  (1823)  et  d'Alger  (1830).  En  1836,  le  gouver- 
nement l'envoya  en  Egypte  pour  y  chercher  l'un  des  obé- 
lisques de  Louqsor  ;  il  procéda  avec  beaucoup  d'habileté  à 
l'enlèvement,  au  transport  par  eau  et  à  la  réédification  sur 
la  place  de  la  Concorde,  à  Paris,  de  cet  énorme  monolithe 
de  230,000  kilogr.  Quelques  mois  après,  il  fut  nommé  con- 
servateur du  musée  naval  du  Louvre.  Il  prit  sa  retraite  en 
1858.  lia  publié:  V Obélisque  de  Luxor^  histoire  de  sa 
translation  à  Paris  (Paris,  1839,  in-4).  L.  S. 

LE  BASTARD  (Edgar-Denis-Marie-François),  homme 
politique  français,  né  à  Tinchebrai  (Orne)  le  21  janv.  1836, 
mort  à  Rennes  le  27  juin  1892.  Très  populaire  à  Rennes, 
où  il  s'était  fait  dans  l'industrie  une  place  importante,  il 
fut  maire  de  cette  ville  sous  le  gouvernement  de  la  Défense 
nationale,  contribua  puissamment  au  progrès  et  au  succès 
du  parti  républicain  dans  l'ille-et- Vilaine,  surtout  pendant 
la  crise  du  16  mai,  et  fut,  le  5  janv.  1879,  envoyé  par  ce 
département  au  Sénat,  où  il  vota  d'abord  avec  la  gauche 
républicaine,  mais  où  il  finit  par  s'associer  à  la  politique 
boulangiste.  Il  ne  sollicita  pas  le  renouvellement  de  son 
mandat  en  1888.  A.  Debidour. 

LE  BAUD  (Pierre) ,  historien  français,  mort  le  19  sept. 
1505.  Conseiller  et  aumônier  d'Anne  de  Bretagne,  il  est 
l'auteur  de  VHistoire  de  Bretag^ie,  avec  les  chroniques 
des  maisons  de  Vitré  et  de  Laval  (Paris,  1638,  in-fol.), 
comprenant  le  Bréviaire  des  Bretons^  qui  est  une  sorte 
de  manuel  en  vers  de  l'histoire  précédente.  C'est  un  do- 
cument précieux  pour  l'histoire  de  Bretagne,  pour  la  pé- 
riode comprise  entre  le  v®  et  le  x^  siècle. 

LEBAU  DY  (Jean-Gustave),  industriel  et  homme  pohtique 
français,  né  à  Paris  le  26  iévr.  1827,  mort  à  Paris  le 
19  déc.  1889.  Il  fit  ses  études  au  collège  Rollin,  puis 


s'adonna  à  l'industrie  sucrière  et  fonda  à  Paris,  avec  son 
frère,  la  grande  raffinerie  qui  porte  son  nom.  Membre  de 
la  chambre  de  commerce  de  1850  à  1867  et  du  Con- 
seil municipal  de  Paris  (alors  non  élu)  de  1860  à  1869, 
il  se  présenta  dans  l'arr.  de  Mantes,  comme  candidat 
constitutionnel,  aux  élections  législatives  de  1876,  ob- 
tint 6,826  voix  contre  6,221  au  député  républicain  sor- 
tant, M.  Hèvre,  prit  place  à  la  Chambre  au  centre  gauche, 
fit  partie  des  363,  fut  réélu  en  1877  et  en  1881,  échoua 
en  1885,  mais  reconquit  son  siège  en  1889.  Très  compé- 
tent dans  toutes  les  questions  commerciales  et  industrielles, 
il  fut,  pendant  trois  législatures,  président  de  la  commis- 
sion des  douanes  et  de  celle  des  chemins  de  fer.  Il  laissa 
en  mourant  une  fortune  considérable  qu'il  avait  acquise 
dans  sa  raffinerie.  Il  était  propriétaire,  notamment,  du  beau 
château  de  Bosny-sur-Seine  (V.  ce  nom),  près  de  Mantes, 
et  du  théâtre  du  Vaudeville,  à  Paris.  L.  S. 

LEBAU  DY  (Paul),  industriel  et  homme  pohtique  fran- 
çais, né  à  Enghien  (Seine-et-Oise)  le  4  juil.  1858,  fils 
du  précédent.  Conseiller  général  de  Bonnières  (Seine-et- 
Oise)  depuis  1884,  il  a  succédé  à  son  père,  à  la  mort  de 
celui-ci,  comme  directeur  de  la  raffinerie  de  sucres  et  comme 
député  de  l'arr.  de  Mantes.  Il  a  été  réélu  en  1893  par 
8,569  voix  contre  3,787  à  M.  A.  Maréchaux,  républicain 
plus  avancé.  Il  siège  au  centre  gauche.  L.  S. 

LEBBÉE.  L'un  des  apôtres  de  Jésus  d'après  saint  Ma- 
thieu, inconnu  des  autres  évangélistes,  qui  mettent  à  sa 
place,  saint  Marc  un  certain  Thaddée,  saint  Luc  un  nommé 
Jude,  On  a  voulu  reporter  ces  trois  noms  sur  un  même 
personnage,  qui  aurait  évangélisé  la  Syrie  et  la  Perse  avant 
de  succomber  au  martyre  dans  ce  dernier  pays.  Une  autre 
forme  de  la  légende  ecclésiastique  veut  qu'il  ait  été  mis  à 
mort  en  Arménie.  M.  Vernes. 

LEBDA  (V.  Leptis). 

LE  BÉ.  Famille  parisienne  de  libraires,  et  surtout  de 
graveurs-fondeurs  en  caractères. 

^Guillaume  I"'',  né  à  Troyes,  libraire  en  1539,  mort  en 
1598,  fut  choisi  par  le  roi"François  P'"  pour  graver  tous 
les  caractères  orientaux  dont  se  servit  Robert  Estienne. 
PhiUppe  II,  roi  d'Espagne,  lui  confia  l'exécution  des  types 
pour  la  Bible  polyglotte  qui  devait  s'imprimer  à  ses  frais 
chez  Plantin,  à  Anvers.  Le  Bé  fit  aussi  faire  des  progrès 
à  la  gravure  de  caractères  de  musique.  —  Son  fils,  Guil- 
laume /f,  reçu  libraire  en  1625,  mort  après  1680,  joi- 
gnit la  science  des  langues  orientales  à  son  habileté  dans 
l'art  de  la  fonte  des  caractères.  —  Guillaume  III,  fils  du 
précédent,  hbraire  en  1636,  mort  en  1685,  continua  de 
perfectionner  les  poinçons  et  les  matrices  de  ses  père  et 
aïeul,  et  sa  fonderie  était  l'une  des  plus  considérables  de 
Paris.  Sa  veuve,  puis  ses  quatre  filles,  continuèrent  l'ex- 
ploitation de  cette  fonderie  sous  la  direction  de  J.-C.  Four- 
nier  (V.  ce  nom),  dont  le  fils  acquit,  en  1730,  cet  im- 
portant établissement.  G.  P-i. 

LEBEAU  (Charles),  historien  français,  né  à  Paris  le 
15  oct.  1701,  mort  à  Paris  le  13  mars  1778.  Professeur 
de  seconde  au  collège  du  Plessis,  de  rhétorique  au  collège 
des  Grassins,  il  devint  en  1752  professeur  d'éloquence  au 
Collège  de  France  et  entra  en  1748  à  l'Académie  des  ins- 
criptions et  belles-lettres,  qui  le  nomma  secrétaire  perpé- 
tuel en  1755.  Il  est  célèbre  par  son  Histoire  du  Bas-Em- 
pire (Wvh,  1756-79,  22  vol.  in-12),  qui  a  eu  grand 
succès,  mais  qui  a  été  dépassée  depuis  par  l'œuvre  de  Gib- 
bon. Outre  un  grand  nombre  de  mémoires  dans  le  recueil 
de  l'Académie,  entre  autres  un  travail  fort  étendu  sur  la 
Légion  romaine  (t.  XXV  à  XLII),  on  ne  peut  plus  guère 
citer  de  Lebeau  que  des  œuvres  latines  qui  n'ont  pas  grand 
intérêt:  Operalatina  (1816,  2  vol.  in-8). 

LEBEAU  (Joseph),  homme  d'Etat  belge,  né  à  Huy 
en  1794,  mort  à  Huy  en  1865,  Il  devint  avocat  à  Liège 
et  fonda  en  1824  le  Mathieu  Laensbergh,  journal  littéraire 
d'abord  assez  bienveillant  pour  le  gouvernement  hollandais, 
où  il  eut  pour  collaborateurs  Paul  Devaux,  Rogier,  Van 
Hulst  et  J.-B.  Nothomb.  Le  Mathieu  Laensbergh  ne  tarda 


LEBEAU  —  LEBEL 


1086  — 


pas  à  acquérir  une  grande  importance  et  contribua  puis-^ 
samment  à  amener  la  coalition  des  catholiques  et  des  libé- 
raux contre  le  ministère  en  18:28.  Alors  le  journal  changea 
de  nom  et  s'appela  le  Politique,  Lebeau  attaquait  sans 
relâche  tous  les  abus  de  la  politique  hollandaise,  mais  il 
ne  songeait  pas  à  la  séparation  des  deux  pays  ;  il  ne  deman- 
dait pas  même  l'autonomie  administrative  des  provinces 
du  Sud.  Quand  éclata  à  Bruxelles  le  soulèvement  de  sep- 
tembre, le  directeur  du  Politique^  surpris,  s'efforça  d'en- 
rayer le  mouvement  et  défendit  une  politique  de  concilia- 
tion, mais  il  était  trop  tard.  Lebeau  fut  élu  membre  du 
Congrès  national  par  l'arrondissement  de  Huy.  Dans  les 
discussions,  il  fut  un  des  orateurs  les  plus  écoutés  et  l'on 
peut  dire  que  la  constitution  de  1830  est  en  grande  partie 
son  œuvre.  Cependant  toute  son  éloquence  ne  parvint  pas 
à  faire  triompher  la  candidature  du  duc  de  Leuchtenberg. 
Après  le  refus  du  duc  de  Nemours,  on  élut  régent  Sur- 
let  de  Chokier,  et  Lebeau  devint  ministre  des  affaires 
étrangères.  A  ce  moment,  l'anarchie  était  complète.  Lebeau 
sauva  la  révolution  en  proposant  la  candidature  du  prince 
Léopold  de  Saxe-Cobourg,  ce  qui  rendit  l'Angleterre  favo- 
rable à  la  cause  belge.  Léopold  ayant  été  élu,  la  confé- 
rence de  Londres  signa  le  traité  dit  des  XVUI  articles  qui 
reconnaissait  l'indépendance  de  la  Belgique,  mais  exigeait 
la  restitution  à  la  Hollande  d'une  petite  partie  du  Limbourg 
et  du  Luxembourg.  C'était  un  réel  succès  pour  le  minis- 
tère, mais  la  nation  belge  ne  vit  que  l'humiliation  de 
l'abandon  d'une  partie  du  territoire  ;  on  prodigua  contre 
Lebeau  les  accusations  et  les  calomnies  ;  sa  vie  fut  même 
menacée.  Les  délibérations  du  Congrès  furent  des  plus 
orageuses  ;  les  députés  du  Limbourg  et  du  Luxembourg, 
soutenus  par  le  parti  populaire,  suppliaient  l'assemblée  de 
ne  pas  les  abandonner.  Or,  le  refus  de  ratification  des 
XVIII  articles,  c'était  la  guerre  non  seulement  avec  la 
Hollande,  mais  avec  l'Europe.  Lebeau  prononça  un  discours 
admirable  et  entraîna  le  Congrès;  126  voix  contre  70 
adoptèrent  le  traité.  Immédiatement  après  l'avènement 
du  roi,  Lebeau  donna  sa  démission  de  ministre.  Les  diffi- 
cultés extérieures  de  1832  le  déterminèrent  à  accepter  de 
nouveau  un  portefeuille;  il  l'abandonna  en  1834  à  la  suite 
d'un  désaccord  avec  le  roi.  H  devint  alors  gouverneur  de 
la  province  de  Namur  et  fut  quelque  temps  ambassadeur 
auprès  de  la  Diète  germanique  de  Francfort.  En  1840,  il 
constitua  le  premier  ministère  libéral  ;  jusque-là  les  diffé- 
rents cabinets  qui  s'étaient  succédé  aux  affaires  avaient 
compris  des  hommes  appartenant  aux  deux  partis.  Le  ca- 
binet Lebeau,  à  force  de  ménagements,  obtint  la  majorité 
à  la  Chambre  des  représentants,  mais  succomba  au  Sénat. 
Le  roi  n'ayant  pas  voulu  accorder  la  dissolution  de  la  haute 
assemblée,  les  ministres  se  retirèrent.  Depuis  cette  époque, 
Lebeau  refusa  constamment  les  portefeuilles  qui  lui  furent 
offerts  ;  il  continua  à  siéger  au  Parlement  et  prit  une  part 
très  active  aux  travaux  législatifs  ;  il  combattit  avec  vigueur 
l'intrusion  du  clergé  dans  la  politique,  et  fut  un  des  défen- 
seurs les  plus  dévoués  des  mmistères  libéraux  de  1847, 
de  18.i2  et  de  1857.  l\  a  laissé  d'importants  Souvenirs 
personnels  ({Ml  ont  été  publiés  après  sa  mort  par  A.  Freson 
(Bruxelles,  1883,  in-8).  La  ville  de  Huy  a  érigé  à  J.  Le- 
beau une  statue  de  bronze.  E.  Hubert. 

BiBL.  :T.  Juste,  J.  Lebeau;  Bruxelles,  186G,  in-8.  — 
A.  Freson,  Biographie  de  J.  Lebeau^  dans  la  Biographie 
nationale  de  Belgique. 

LEBEDEV  (Alexis-Ivanovitch),  portraitiste  russe,  né  en 
1826  dans  le  gouvernement  de  Vladimir.  H  étudia  à  l'école 
de  peinture  et  de  sculpture  de  Moscou;  en  1847,  il  passa 
à  l'Académie  des  beaux-arts  de  Pétersbourg  où  il  eut 
pour  maître  Karkov.  En  1858,  son  portrait  et  celui  de  sa 
femme  lui  firent  décerner  le  titre  d'académicien.  A  partir  de 
1861,  il  enseigna  le  dessin  à  l'Institut  patriotique.  L'égUse 
de  l'Académie  des  beaux*arts  possède  deux  do  ses  plus  beaux 
tableaux  :  Saint  Grégoire  et  Marie-Madeleine. 

LEBEDEV  (Nicolas-Constantinovitch),  écrivain  russe, 
connu  sous  le  pseudonyme  du  Marin ^  né  a  Simbirsk  en 


1846,  mort  en  1888.  H  fit  ses  études  à  Saratov  et  ensuite 
à  Pétersbourg.  Ayant  eu  l'occasion  de  donner  des  leçons 
dans  la  Société  des  marchands,  il  en  profita  pour  étudier 
à  fond  la  vie  de  cette  classe  et  publia  U Aristocratie  du 
Gosthiuy  Dvor  (des  grands  magasins).  Le  corps  des 
marchands  a  subi  de  notables  changements  depuis  les 
célèbres  tableaux  d'Ostrovky  ;  la  civilisation  européenne 
l'a  pénétré  ;  il  en  a  surtout  subi  les  mauvais  côtés;  la 
vieille  famille  des  marchands  s'est  peu  à  peu  décomposée. 
Lebedev  a  peint  cette  décomposition  dans  Sodome,  roman 
bien  écrit  et  d'une  lecture  facile.  Ses  autres  ouvrages 
offrent  peu  d'intérêt  ;  ils  ont  paru  dans  la  Niva,  Lebedev  était 
collaborateur  du  Nord  et  de  la  Gazette  de  Pétersbourg.   M. 

LEBEDIAN.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du  gouv. 
de  ïambov,  sur  la  r.  dr.  du  Don;  10,000  hab.  Trois 
grandes  foires  annuelles  ;  commerce  de  cuirs,  peaux,  grains, 
chevaux.  Fondée  au  xv^  siècle.  Le  district  a  3,174  kil.  q. 

LEBEDIN.  Ville  de  Russie,  ch.-l.  de  district  du  gouv. 
de  Kharkov,  sur  l'Olkhana,  afïl.  du  Psiol  (Dniepr); 
18,000  hab.  Fabriques  de  sucre,  commerce  de  céréales.  Ce 
fut  le  centre  d'opérations  de  Pierre  le  Grand  contre  Mazeppa 
dont  900  partisans  furent  exécutés  à  Lebedin.  Le  district 
a  3,093  kiL  q. 

LEBEDOS  (Géogr.  anc).  Cité  de  l'ancienne  lonie,  au 
N.-O.  d'Ephèse.  Elle  portait  le  nom  d'Artis  avant  la  colo- 
nisation ionienne  que  dirigea  ici  Andropompe.  Ses  eaux 
thermales  et  son  commerce  lui  valurent  une  grande  pros- 
périté. Elle  fut  ruinée  par  Lysimaque  qui  transplanta  la 
population  à  Ephèse.  Les  Romains  pour  la  relever  y  trans- 
portèrent le  siège  de  la  Compagnie  des  acteurs  (fondée  à 
Téos)  ;  elle  y  célébrait  annuellement  ses  fêtes  en  l'honneur 
de  Dionysos.  Les  ruines  encore  visibles  deLebedos  sont  au 
lieu  dit  Xiîigi  onEcclesia. 

LE  BÈGUE  (Alphonse-Nicolas),  éditeur,  né  à  Paris 
en  1814,  mort  à  Bruxelles  en  1885.  Fils  d'un  éditeur  pa- 
risien, il  fut  d'abord  ouvrier  typographe,  puis  se  rendit  en 
Belgique  et  y  fonda  une  librairie  et  un  journal,  V Office  de 
publicité^  qui  prospérèrent  l'une  et  l'autre  ;  la  librairie 
devint  la  plus  puissante  maison  d'édition  de  la  Belgique  et  le 
journal  fut  pendant  trente-trois  ans  un  des  organes  les  plus 
populaires  du  parti  libéral.  Lebègue  était  un  écrivain  plein 
de  finesse,  de  verve  et  d'esprit;  il  publia  de  nombreux 
romans  dont  le  succès  fut  très  vif.  Nous  citerons  notam- 
ment :  la  Vie  et  ses  éciieils  (Bruxelles,  1865,  2  vol.  in-8  ; 
rééd.  1866  et  1878);  l'Héritage  des  Sommerville  (id.., 
1870,  in-4)  ;  le  Père  Bronchard  (id.,  1877,  in-12)  ;  Une 
Conspiration  sous  la  Régence  (id.,  1878,  in-12),  etc. 

LEBÈGUE  (Charles-Gabriel)  (V.  Germiny [Comte  de]). 

LE  BcGUEde  Presle  (AchiJle-Guillaume),  médecin 
français,  né  à  Pilhiviersvers  1735,  mort  à  Paris  le  18  mai 
1807.  Ami  de  Rousseau,  collaborateur  delà  Bibliothèque 
physico-économique,  il  a  été  plutôt  un  vulgarisateur 
qu'un  savant.  Rédacteur  de  deux  petites  feuilles  spéciales  : 
le  Conservateur  de  la  Santé  et  les  Etrennes  salutaires., 
il  a  laissé  plusieurs  traductions  d'ouvrages  médicaux  an- 
glais, un  Manuel  du  naturaliste  pour  Paris  et  ses  en- 
virons (Paris,  1766,  in-8);  Economie  rurale  et  civile 
(1789,  2  vol.  in-8)  ;  Relation  des  derniers  jours  de 
Jean-Jacques  Bousseau  (1778,  in-8),  etc. 

LEBEL  ou  Ll  BEAULX  (Jean),  chroniqueur  belge,  né 
à  Liège  vers  la  fin  du  xm^  siècle,  mort  à  Liège  en  1370. 
Il  entra  dans  le  chapitre  de  la  cathédrale  de  Saint-Lambert 
à  Liège,  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  se  rendre  en  Angleterre 
et  d'y  prendre  part  à  l'expédition  d'Edouard  IH  contre  les 
Ecossais.  On  ne  possède  guère  d  autres  détails  sur  sa  bio- 
graphie. Il  est  l'auteur  d'une  chronique,  écrite  en  fran- 
çais, découverte  vers  1848  par  Paulin  Paris  à  la  biblio- 
thèque  de  Chàlons-sur-Marne  ;  c'est  une  des  œuvres 
littéraires  remarquables  du  xlv^  siècle  ;  elle  a  été  pu- 
bliée par  Poiain  en  1863  (Bruxelles,  in-4).  Lebel  doit 
avoir  commencé  la  rédaction  de  son  œuvre  vers  1357;  il 
écrit  d'après  ses  souvenirs  et  aussi  d'après  les  renseigne- 
ments fournis  par  son  ami  Jean  de  Beaumont,  qui  joua  un 


1087  - 


LEBEL  -^  LEBERT 


rôle  important  dans  la  guerre  de  Cent  ans.  Il  s'intéresse 
surtout  au  côté  militaire  de  l'histoire  et  néglige  complète- 
ment la  politique.  A  la  différence  de  la  plupart  de  ses  con- 
temporains, il  est  très  soucieux  d'être  véridique,  et,  plus 
d'une  fois,  il  déclare  se  taire,  faute  de  renseignements 
certains.  Son  style  vaut  celui  de  Froissart  et  on  a  aujour- 
d'hui la  preuve  que  ce  dernier  a  emprunté  à  Jean  Lebel 
quelques-uns  des  plus  beaux  épisodes  de  son  histoire,  par 
exemple  la  mort  de  Robert  Bruce  et  le  dévouement  des 
bourgeois  de  Calais.  E.  II. 

BiBL.  :  Kervyn  de  Lettenhove,  Jean  Lehel,  dans  les 
Bull,  de  la  Soc.  d'émulation  de  Bruges,  2«  sér.,  IX.  — 
PiRENNE,  Biographie  de  Jean  Lebel,  dans  la  Biographie 
nationale  de  Belgique. 

LE  BEL  (Antoine)  (V.  Bel  [Antoine  Le]). 

LEBEL  (CoMPAN,  dit),  acteur  français,  né  en  1802, 
mort  en  1878.  Après  plusieurs  années  passées  en  pro- 
vince, où  il  jouait  les  bas  comiques,  il  vint  jouer  à  Paris, 
vers  1828,  et  passa  quelques  années  au  théâtre  de  Belle- 
ville.  En  1834  il  entra  à  la  Gaîté,  et  de  là  enfin  au  Cirque- 
Olympique,  où  il  se  fit  une  véritable  réputation  dans  les 
rois  de  féeries  et  dans  les  troupiers  des  pièces  militaires. 
En  1862  il  passa  au  Châtelet. 

LEBEL  (Nicolas),  officier  français, né  le  18  août  1838, 
mort  à  Vitré  le  6  juin  1891 .  Entré  à  l'Ecole  spéciale  militaire 
en  1855,  il  en  sortit  comme  sous-lieutenant  d'infanterie  en 
1857,  devint  capitaine  en  1869  et  chef  de  bataillon  en  1876. 
C'est  dans  ce  dernier  grade  qu'il  fut  chargé  de  la  direction  de 
l'Ecole  régionale  de  tir  établie  au  camp  du  Ruchard,  et  qu'il 
commença  ses  travaux  sur  les  armes  à  feu,  qui  lui  valurent, 
après  sa  nomination  de  lieutenant-colonel,  de  faire  partie 
de  la  commission  chargée  de  rechercher  une  nouvelle  arme 
pour  l'infanterie.  Après  de  longues  recherches  auxquelles 
Lebel  prit  une  large  part,  notamment  en  ce  qui  concerne 
l'étude  des  balles  à  enveloppe  métallique,  cette  commission 
finit  par  présenter  un  fusil  qui,  expérimenté  à  l'Ecole  nor- 
male de  tir  de  Chàlons,  dont  le  lieutenant-colonel  Lebel 
était  devenu  directeur,  fut  adopté  sous  le  nom  de  fusil 
modèle  1886  et  est  connu  généralement  sous  le  nom  de  fusil 
Lebel  (V.  Fusil).  Devenu  colonel  en  1887,  Lebel  fut  placé 
à  la  tête  du  120^  régiment  d'infanterie,  qu'il  commanda 
jusqu'en  1890,  époque  à  laquelle  il  dut  demander  sa  mise 
à  la  retraite  pour  cause  de  santé,  et  fut  nommé  receveur 
des  finances  à  Vitré. 

LE  BEL  (Joseph- Achille),  chimiste  français,  néà  Pechel- 
bronn  (Alsace)  le  21  janv.  1847.  Sorti  de  l'Ecole  polytech- 
nique en  1867,  il  a  été  préparateur  de  chimie  dans  les 
laboratoires  de  la  faculté  de  Strasbourg  (1869),  de  Baiard 
(1871),  de  Wurtz  (1872-82),  et  il  a  dirigé,  de  1882  à 
1889,  l'exploitation  de  pétrole  de  Pechelbronn.  Il  s'est 
ensuite  monté  à  Paris  un  laboratoire  particulier,  où  il 
se  livre  à  la  recherche  des  relations  entre  la  composition 
et  la  forme  cristalline  des  bases  ammoniacales.  11  a  été  en 
1892  président  de  la  Société  chimique.  L'Académie  des 
sciences  de  Paris  lui  a  décerné  en  1881  le  prix  Jecker,  et 
la  Société  royale  de  Londres  en  1893  la  médaille  Davy 
pour  ses  beaux  travaux  de  chimie  organique.  Ils  ont  plus 
spécialement  porté  sur  le  pouvoir  rotatoire,  qu'il  a  étudié 
au  double  point  de  vue  théorique  et  expérimental  (prépa- 
ration nouvelle  de  l'alcool  amylique  actif  et  manière  de  le 
rendre  inactif,  décomposition  de  l'alcool  amylique  racémisé 
et  production  de  l'alcool  droit,  production  synthétique  du 
méthyl-propylcarbinol  actif,  préparation  du  propylglycol 
actif,  création  du  pouvoir  rotatoire  dans  les  dérivés  du 
chlorure  d'ammonium,  recherches  sur  le  changement  de 
signe,  etc.),  sur  la  fermentation  (observation  de  l'alcool 
amylique  à  l'état  normal  dans  les  liqueurs  fermentées),  sur 
les  pétroles  naturels  et  les  hydrocarbures  non  saturés.  Il 
en  a  exposé  les  résultats  dans  de  nombreux  mémoires  parus 
depuis  1872  dans  le  Bulletin  de  la  Société  chimique  et 
dans  les  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences  (V.  aussi 
les  art.  Chimie,  t.  XI,  p.  77,  et  Stéuéochimie).        L.  S. 

BiBL.  :  Notice  sur  les  travaux  scientifiques  de  M.  Le 
Bel  ;  Paris,  1891-94,  2  broch.  in-4. 


LE  BELIN  (Jean-Jacques)  (V.  Belïn). 

LEBER  (Jean-Michel-Gonstant),  historien  français,  né 
à  Orléans  le  8  mai  1780,  mort  à  Orléans  le  22  déc.  1859. 
Fils  de  simples  artisans,  il  apprit  de  lui-même  les  langues 
anciennes  et  modernes  et  fut  chargé  en  1802  d'enseigner 
la  littérature  italienne  et  la  grammaire  générale  au  lycée 
d'Orléans.  Il  vint  à  Paris  en  1803  et  travailla  pendant  un 
an  avec  Ternisien  d'Haudricourt,  archiviste  historiographe. 
Il  s'adonna  à  la  poésie,  mais  sans  grand  succès  ;  il  n'y  renonça 
jamais  complètement,  car,  plus  tard,  il  composa  des  vaude- 
villes qui  furent  joués  à  des  théâtres  secondaires,  et  des 
opéras-comiques,  spécialement  r  Aventurier  (13  nov.  1813) 
et  Une  Matinée  de  Frontin  (17  août  1815)  dont  la  mu- 
sique était  de  Catrufo.  Un  ouvrage  d'un  tout  autre  genre, 
Grammaire  générale  synthétique  (Paris,  1808,  in-8), 
avait  été  communiqué  en  1804  en  manuscrit  à  Degérando, 
alors  secrétaire  général  du  ministère  de  l'intérieur.  Celui- 
ci,  frappé  de  la  valeur  de  cet  ouvrage,  fit  obtenir  à  Leber 
une  place  de  surnuméraire  au  ministère  de  l'intérieur. 
Degérando,  nommé  par  Pempereur  en  1809  l'un  des  cinq 
membres  de  la  consulte  chargée  de  prendre  possession  des 
Etats  romains,  l'emmena  avec  lui  à  Rome.  Les  fonctions 
qu'il  eut  à  remplir  s'accordant  mal  avec  ses  opinions  reli- 
gieuses, il  obtint  de  reprendre  son  poste  au  ministère  de 
l'intérieur,  où  il  poursuivit  sa  carrière  qu'il  acheva  comme 
chef  de  bureau  du  contentieux  des  communes.  Leber  con- 
sacrait tous  ses  loisirs  à  la  formation  d'une  bibliothèque 
et  à  des  recherches  d'érudition.  Il  fut  élu  membre  résidant 
de  la  Société  des  antiquaires  de  France  en  1832.  Sa  biblio- 
thèque fut  acquise  le  19  mars  1838  parla  ville  de  Rouen. 
Le  catalogue  qu'il  en  avait  rédigé  est  intitulé  Catalogue 
des  livres  imprimés^  manuscrits,  estampes.,  dessins  et 
cartes  à  jouer  composant  la  bibliothèque  de  M.-C.  Leber, 
avec  des  notes  par  le  collecteur  (Paris,  1839-52,  4  vol. 
in-8)  ;  il  a  publié  plus  tard  à  Orléans  une  demi-feuille  in-4 
formant  supplément  sous  le  titre  :  Description  sommaire 
des  principaux  manuscrits  et  livres  précieux  du  sup- 
plément à  une  bibliothèque  rouennaise.  Parmi  ses  ou- 
vrages historiques,  nous  citerons  :  Histoire  critique  du 

pouvoir  municipal depuis  V origine  de  la  monar^ 

chie  jusqu'à  nos  jours  (Paris,  1828,  in-8),  ouvrage 
composé  sous  l'empire  de  préoccupations  contemporaines  et 
où  l'auteur  s'élevait  contre  l'esprit  centralisateur.  C'est 
aussi  à  l'occasion  d'un  événement  contemporain,  le  sacre  de 
Charles  X,  qu'il  commença  des  recherches  sur  les  Céré- 
monies  du  sacre  qu'il  publia  en  1825.  Mais  c'est  par  ses 
travaux  d'histoire  économique  qu'il  s'est  acquis  un  nom 
dans  l'érudition  française,  et  son  ouvrage  intitulé  Essai  sur 
V appréciation  de  la  fortune  privée  au  moyen  âge  (Pa- 
ris, 1847,  in-8)  fait  encore  autorité.  Sa  Collection  des 
meilleures  dissertations.,  notices  et  traités  particu- 
liers relatifs  à  l'histoire  de  France  (Paris,  1826-40, 
20  vol.  in-8)  est  également  célèbre.  Comme  bibliographe, 
il  a  publié  des  Plaisantes  Recherches  d'un  homme  grave 
sur  un  farceur  (Paris,  1835,  in-18),  où  il  a  fait  une 
étude  critique  des  éditions  de  Tabarin.  On  lui  doit  encore 
un  Code  municipal  annoté  (Paris,  1838,  2  vol.  in-8), 
composé  en  collaboration  avec  M.  de  Puibusque  et  qui  est 
un  commentaire  de  la  législation  municipale  de  1831  à 
1837.  En  1838,  il  prit  sa  retraite  à  Orléans.        M.  P. 

BiBL.  :  Taillandier,  Notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
de  M,  Leber,  dans  Bulletin  de  la  Société  impériale  des 
antiquaires  de  France.^  année  1860,  pp.  61  à  79. 

LEBEBT  (Hermann),  de  son  vrai  nom  Lewy,  célèbre 
clinicien  prussien,  né  à  Breslau  le  9  juin  1813,  mort  à 
Bex  (Suisse)  le  l^"*  aoûtl878.  Il  étudia  à  Berlin,  à  Zurich 
et  à  Paris,  et  habita  alternativement  Paris  et  Bex,  s'oc- 
cupant  spécialement  d'anatomie   comparée.  En  1853,  il 

i  devint  professeur  de  clinique  médicale  à  Zurich,  puis  en 
1859  passa  à  Breslau;  en  1874,  il  se  retira  à  Bex.  L'un 
des  premiers  il  appUqua  le  microscope  à  l'anatomie  patho- 

I  logique  et  par  ses  excellents  travaux  a  fait  grandement 
progresser  la  pathologie  et  la  clinique  médicales.  Parmi 


LEBERT  ~  LE  BLANC 


~  4088  — 


ses  nombreux  ouvrages,  citons  :  Physiologie  patholo- 
gique (Paris,  1845,  "i  voL  avec  atlas)  ;  Traité  d'ana- 
tomie  pathologique  générale  et  spéciale  (Paris,  d852~ 
64,  2  voL  in-tbl.),  magnifique  ouvrage;  Handbuch  der 
praktischen  Medicin  (Tubingue,  4855-56,  2  voL  in-8); 
Traité  pratique  des  maladies  scrofuleitses^  etc.  (ouvr. 
couronné,  Paris,  1849,  in-8);  Traité  pratique  des  mala- 
dies cancéreuses^  etc.  (Paris,  4851,  in-8)  ;  Klinik  der 
Brustkrankheiten  (Tubingue,  4874,  2  voL  in-8)  ;  Die 
Krankheiten  des  Magens  (Tubingue,  4878,  in-8),  etc. 

LEBETAIN.  Com.  du  territoire  de  Belfort,  cant.  de 
Délie  ;  267  hab. 

LEBEUF  (L'abbé  Jean),  l'un  des  meilleurs  érudits  fran- 
çais du  xvni^  siècle,  né  à  Auxerre  le  7  mars  4687,  mort  à 
Paris  le  dO  avr.  4760.  La  vie  de  Lebeuf,  exclusivement 
consacrée  à  la  science,  peut  se  raconter  en  quelques  lignes. 
Sa  famille  appartenait  à  la  petite  bourgeoisie  de  Bourgogne 
et  son  père  occupait  à  Auxerre  la  modeste  charge  de  rece- 
veur des  consignations.  Il  destina  son  fils  à  l'état  ecclé- 
siastique et  n'eut  pas  lieu  de  s'en  repentir,  car  l'enfant  s'y 
consacra  dès  son  plus  jeune  âge  avec  un  zèle  très  vif;  c'est, 
a-t-il  dit  plus  tard,  en  regardant  les  manuscrits  liturgiques 
de  l'église  Saint-Regnobert,  sa  paroisse,  qu'il  commença  à 
se  familiariser  avec  les  anciennes  écritures  et  prit  le  goût 
de  la  paléographie.  Venu  vers  vingt  ans  à  Paris,  où  il  com- 
pléta ses  études  au  collège  Sainte-Barbe,  il  se  livra  tout 
entier  aux  travaux  les  plus  austères  de  critique  historique 
et  archéologique,  et  n'eut  plus  désormais  d'autre  préoccu- 
pation, partageant  son  temps  entre  l'examen  des  manus- 
crits conservés  dans  les  maisons  religieuses,  les  dépôts 
publics,  les  cabinets  de  collectionneurs  et  l'étude  des  mo- 
numents sur  les  lieux  mêmes  ;  on  sait,  pour  n'en  citer 
qu'un  exemple,  qu'il  visita  pédestrement  les  450  paroisses 
du  diocèse  de  Paris.  Son  infatigable  activité  le  mit  en  rap- 
port avec  tous  les  savants  de  l'époque,  comme  en  fait  foi 
sa  volumineuse  correspondance,  dont  la  majeure  partie  a 
été  publiée.  Si  son  style  est  un  peu  lourd,  sa  plume  était 
des  plus  alertes  et  il  n'hésitait  pas  à  adresser  sous  forme 
de  lettre  au  Mercure  de  France  ou  au  Journal  de  Ver- 
dun une  dissertation  qui,  parfois,  ne  remplit  pas  même 
une  page  ;  aussi  la  liste  de  ses  travaux  dépasse-t-elle 
260  articles.  H.  Cocheris,  qui  a  écrit  en  tête  de  sa  nouvelle 
édition  de  VHistoire  du  diocèse  de  Paris  une  excellente 
notice  biographique  et  bibliographique  sur  Tabbé  Lebeuf, 
s'exprime  ainsi  avec  raison  :  «  Tant  qu'il  vécut,  les  bran- 
ches les  plus  diverses  de  l'érudition  ne  restèrent  pas  im- 
productives :  l'histoire,  la  géographie,  la  liturgie,  l'hagio- 
graphie, la  diplomatique,  la  philologie,  la  numismatique, 
l'épigraphie,  l'histoire  littéraire,  l'archéologie,  l'étude  des 
mœurs  et  des  coutumes  lui  fournirent  tour  à  tour  l'occa- 
sion d'agrandir  le  domaine  déjà  si  vaste  de  la  science.  » 

Après  avoir  obtenu  plusieurs  récompenses  de  l'Acadé- 
mie des  inscriptions  et  belles-lettres,  Lebeuf  fut  nommé 
membre  de  cette  compagnie  en  4740;  cela  ne  ralentit  pas 
son  ardeur  et  les  meilleurs  travaux  qu'il  produisit  datent 
de  ce  moment  jusqu'à  sa  mort  ;  il  était  alors  chapelain  de 
la  collégiale  du  Saint-Sépulcre,  rue  Saint-Denis,  à  Paris. 
Cocheris  a  donné  la  liste  complète  des  œuvres  de  Lebeuf; 
les  plus  importantes  sont  celles  qu'il  a  consacrées  à  la 
Bourgogne  et  à  l'Ile-de-France,  notamment  ses  Disserta- 
tions sur  r histoire  civile  et  ecclésiastique  de  Paris 
(1739-43,  3  vol,  in-42)  et  surtout  son  Histoire  de  la 
ville  et  de  tout  le  diocèse  de  Paris  en  45  vol.  in-42. 
Cette  dernière  se  place  au  premier  rang  des  ouvrages  sur 
Paris  et  la  région  environnante,  à  côté  de  ceux  de  Sauvai, 
de  Félibien  et  de  Jaillot.  En  4863,  Hippolyte  Cocheris 
en  commença  la  réimpression  accompagnée  de  précieuses 
additions  ;  la  mort  l'interrompit  au  milieu  du  t.  IV, 
et  la  publication  n'a  pas  été  continuée.  Un  magistrat, 
M.  Adrien  Augier,  a  fait  paraître  une  nouvelle  édition  de 
VHistoire  du  diocèse  de  Paris  (1883,  6  vol.)  et,  en 
1890,  M.  F.  Bournon  a  publié  des  Rectifications  et 
additions  dans  le  format  et  avec  renvois  aux  pages  de  l'édi- 


tion de  4883.  Ce  travail  comprend  maintenant  les  cha- 
pitres sur  Paris  et  l'ancienne  banlieue.  La  Société  des 
sciences  historiques  et  naturelles  de  l'Yonne  a  publié  en 
4866-67  les  Lettres  de  l'abbé  Lebeuf  (2  vol.  in-8  avec 
un  fasc.  de  tables).  Quelques  fragments  inédits  ont  été 
depuis  imprimés  dans  les  Bulletins  de  cette  Société,  parmi 
lesquels  il  faut  citer  la  Correspondance  de  l'abbé  Lebeuf 
et  du  président  Bouhier,  publiée  en  4885  par  M.  Ernest 
Petit.  Rappelons  que  M.  le  baron  Pichon  avait  entrepris 
de  donner  un  Reciieil  de  dissertations  de  Lebeuf  sur  dif- 
férents sujets  d'histoire  et  de  littérature  ;  un  seul  tome  en 
a  paru  (Paris,  4843,  in-42).  F.  Bournon. 

LEBEUVILLE.  Com.  dudép.de  Meurthe-et-Moseile,arr. 
de  Nancy,  cant.  d'Haroué  ;  245  hab. 

LEBIASINA  (IchtyoL).  Petit  genre  de  Poissons  osseux 
(Téléostéens),  de  l'ordre  des  Physostomes  et  de  la  famille 
des  Characinidae,  section  des  Erythrinina  (V.  ce  mot),  et 
comprenant  des  animaux  de  l'Amérique  tropicale. 

LEBlDj^fils  de  Rebia,  célèbre  poète  arabe  qui  naquit 
vers  l'an  560.  Ce  fut  en  se  rendant  à  Hira,  à  la  cour  du 
roi  Noaman,  qu'il  récita  les  premiers  vers  qui  attirèrent 
l'attention  sur  lui.  Outre  quelques  vers  détachés,  on  a  con- 
servé de  lui  un  poème  qui  fait  partie  du  groupe  des  Moal- 
laqâ  et  une  élégie  en  l'honneur  de  son  frère  Arbed.  C'est 
surtout  dans  la  peinture  du  désert  que  Lebid  a  trouvé  ses 
plus  heureuses  expressions.  Il  était  renommé  pour  son 
courage  et  sa  générosité,  vertus  qu'il  a  aussi  célébrées  dans 
ses  vers  avec  un  grand  talent.  Il  embrassa  l'islamisme  et 
mourut  à  Koufa  vers  664.  Les  historiens  arabes  assurent 
que  Lebid  vécut  cent  quarante  ans  au  moins  ;  ils  le  font 
naître  en  540  et  mourir  en  672.  La  Moallaqâ  de  Lebid  a 
été  traduite  par  de  Sacy. 

LE81DA  (V.  Leptis). 

LEBIE  (Entom.).  Genre  d'Insectes  Coléoptères  Penta- 
mères,  famille  des  Carabidés,  type  d'une  tribu  dite  des 
Lébiinés.  Les  Lébies  sont  de  taille  petite,  rarement  moyenne, 
à  corps  élargi,  aplati  et  de  couleurs  vives  ;  elles  se  carac- 
térisent essentiellement  par  leur  corselet  ou  prothorax  for- 
tement transversal,  profondément  entaillé  au-dessous  des 
angles  postérieurs,  lobé  au  milieu  de  sa  base  ;  les  tarses 
postérieurs  ont  leur  avant-dernier  article  échancré  ou  bilobé 
et  tous  les  ongles  sont  pectines.  On  a  subdivisé  ce  genre  à 
l'infini  pour  essayer  de  faire  rentrer  dans  ses  sous-genres 
les  très  nombreuses  espèces  qu'il  renferme  et  qui  sont  dis- 
séminées sur  tout  le  globe,  excepté  à  Madagascar  et  dans 
la  région  australienne  et  malaise  où  elles  restent  rares. 
Les  Lébies  sont  d'élégants  petits  Insectes  de  couleurs  vives 
et  tranchées,  souvent  métalliques  ;  elles  fréquentent  sur- 
tout sur  les  plantes,  mais  aussi  sous  les  écorces,  les  pierres. 
De  nombreuses  espèces  habitent  la  France,  plus  de  six  se 
rencontrent  aux  environs  de  Paris  :  Lebia  cyanocephala 
Linn.,  chlorocephala  Hof.,  pubipennis  Duf. ,  rufipes 
Dej.  ;  elles  ont  le  corps  rouge  et  les  élytres  bleues  ;  d'autres 
sont  échiquetées  de  brun,  de  fauve  et  de  roux:  Lebiasca- 
pularis  Fons.,  trimacxdata  Vil.,  crux  minor  Linn.,  ou 
sont  noires  et  rouges  :  Lebia  hœmorrhoïdalis  Fab.  M.  M. 
BiBL.  :  Baron  de  Chaudoir,  Monographie  des  Lebia, 
dans  Bidletin  des  naturalistes  de  Moscou,  1871,  XLIIl 
et  XLIV.  —  L.  Bedel,  Faune  des  Coléoptères  du  bassin  de 
la  Seine;  Paris,  1881,  in-4. 

LESIEZ.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  deMon- 
treuil-sur-Mer,  cant.  de  Fruges  ;  544  hab. 

LEBINTHUS.  Petite  île  de  la  mer  Fgée,  au  N.-E. 
d'Amorgos  dont  elle  est  séparée  par  l'îlot  de  Cinarus. 

LEBLANC  (Vincent),  voyageur  français,  né  à  Marseille 
en  4554,  mort  vers  4640,  auteur  des  Voyages  fameux 
du  sieur  Vincent  Leblanc  qu'il  a  faits  depuis  l'âge  de 
douze  ans  jusques  à  soixante,  aux  quatre  parties  du 
monde  (Paris,  1649,  in-4),  qui  sont  amusants,  mais  aux- 
quels il  ne  faut  pas  trop  se  fier. 

LE  BLANC  (Louis)  (V.  Beaulieu  [Sieur  de]). 

LE  BLANC  (Horace),  peintre  français,  né  à  Lyon,  mort 
vers  4650.  Elève  de  l'Italien  Lanfranc,  imitateur  du  José- 
pin,  il  a  décoré  la  galerie  du  château  de  Gros-Bois,  et,  en 


—  1089  — 


LEBLANC 


partie,  le  petit  cloître  des  Chartreux,  à  Lyon.  Ses  œuvres 
les  plus  renommées  sont:  le  Christ  au  tombeau,  le  Mar- 
tyre de  saint  Irénée,  la  Mère  de  Dieu  accompagnée  de 
la  cour  céleste.  On  appréciait  beaucoup  aussi  ses  tableaux 
de  genre  et  ses  portraits. 

LEBLANC  (Claude),  homme  d'Etat  français,  né  le 
i«^  déc.  4669,  mort  à  Versailles  le  19  mai  1728.  Fils 
d'un  intendant  de  Normandie,  il  fut,  après  avoir  suivi  la 
même  carrière,  appelé  au  conseil  de  la  guerre  en  1716. 
Quand  les  ministères  eurent  été  rétablis,  il  devint  secré- 
taire d'Etat  de  la  guerre  (24  sept.  1718)  et  rendit  d'utiles 
ordonnances  sur  la  maréchaussée,  l'habillement,  la  disci- 
pline, etc.  La  marquise  de  Prie  et  son  amant  le  duc  de 
Bourbon  se  liguèrent  contre  lui  par  des  motifs  de  haine 
privée  et  profitèrent  de  la  banqueroute  du  trésorier  des 
guerres,  La  Jonchère,  pour  accuser  la  probité  du  ministre. 
Mis  à  la  Bastille,  Leblanc  obtint  de  comparaître  devant  le 
parlement  et  fut  acquitté,  mais  éloigné  de  la  cour.  Le 
19  juin  1726,  il  fut  rappelé  au  poste  qu'il  avait  très  bien 
occupé,  en  remplacement  du  marquis  de  Breteuil,  et  mou- 
rut en  fonctions.  H.  Monin. 

LE  BLANC  (Nicolas),  chimiste  et  industriel  français, 
né  à  Issoudun  (Indre)  en  1755,  mort  à  Saint-Denis  (Seine) 
le  16  janv.  1806.  Fils  d'un  maître  de  forges,  il  étudia  la 
médecine,  devint  chirurgien  du  duc  d'Orléans  (1780)  et 
s'occupa  vers  le  même  temps  de  recherches  sur  les  phéno- 
mènes de  cristallisation  des  sels  neutres.  En  1789,  il 
trouva  un  procédé,  qu'il  perfectionna  quelques  mois  plus 
tard  avec  l'aide  de  Dizé,  préparateur  de  Darcet,  pour  la 
fabrication  artificielle  de  la  soude  (V.  ce  mot)  avec  du  sel 
marin.  Cette  mémorable  découverte,  dont  les  conséquences 
industrielles  ont  été  immenses,  ne  devait  guère  profiter  à 
son  auteur.  Le  12  févr.  1790,  une  association  fut  formée 
entre  le  duc  d'Orléans,  Henri  Shée,  Dizé  et  lui  pour 
l'exploitation  de  l'invention,  et  une  usine  fut  élevée  à  Saint- 
Denis.  Les  débuts  furent  heureux.  Mais  les  événements  de 
la  Terreur  et  la  mort  du  duc  d'Orléans  ruinèrent  bientôt 
l'entreprise  ;  les  secrets  de  la  fabrication  furent  rendus 
publics,  et  Le  Blanc,  réduit  à  solliciter  des  indemnités  du 
gouvernement,  qui  ne  lui  accorda  que  quelques  allocations 
dérisoires,  mena  une  existence  misérable  jusqu'au  jour  où, 
à  bout  de  ressources  et  de  courage,  il  se  tua.  Il  avait 
occupé  pendant  la  Révolution  quelques  situations  élevées  : 
administrateur  du  dép.  de  la  Seine,  député  à  l'Assemblée 
législative,  régisseur  des  poudres  et  salpêtres,  membre  de 
commissions  et  de  comités  scientifiques,  etc.  Il  avait  con- 
tinué, d'autre  part,  ses  recherches  de  chimie  et  il  avait 
indiqué  divers  procédés  nouveaux  pour  la  fabrication  ou 
l'extraction  de  l'ammoniaque,  du  salpêtre,  des  engrais,  du 
sulfate  de  magnésie,  de  l'alun,  du  nickel,  du  cobalt,  etc. 
Outre  plusieurs  articles  parus  dans  le  Journal  de  physique^ 
il  a  publié  :  Mémoires  sur  la  fabrication  du  sel  ammo- 
niac et  de  la  soude  (Paris,  M^%);Dela  Cristallotechnie, 
travail  de  grande  valeur  communiqué  dès  i  786  à  l'Académie 
des  sciences  de  Paris  (Paris,  1802,  in-8).  Une  statue  en 
bronze  lui  a  été  élevée  à  Paris  en  1887.  L.  S. 

BiBL.  :  Comptes  rendus  de  VAcad.  des  sciences  de  Paris^ 
1856,  p.  553.  —  H.  de  Mannoury  d'Egtot,  Notice  sur  la 
vie  et  les  travaux  de  N.  Le  Blanc  ;  Paris,  1880,  in-4.  — 
A.  Anastasi,  Nicolas  Le  Blanc,  sa  vie,  ses  travaux,  etc.  ; 
Paris,  1884,  in-16.  —  Scheurer-Kestner,  Nicolas  Lé 
Blanc  et  la  soude  artificielle  ;  Paris,  1885,  in-8.  —  E.  Pe- 
LiGOT,  Inauguration  de  la  statue  de  N.  Le  Blanc  ;  Paris, 
1887,  in-4. 

LEBLANC  (Urbain),  vétérinaire  français,  né  à  Cersay 
(Deux-Sèvres)  le  27  déc.  1797,  mort  à  Paris  le  6  avril  i  871 . 
Entré  à  l'Ecole  d'Alfort  en  1814,  il  était  répétiteur  en  1815. 
Reçu  maréchal  vétérinaire,  puis  médecin  vétérinaire,  il  alla 
d'abord  s'établir  dans  son  pays  natal,  mais  Paris  l'attirait  et, 
homme  de  science  rigoureuse  en  même  temps  que  praticien 
habile,  il  publia  successivement  une  série  d'ouvrages  qui  le 
conduisirent  à  l'Académie  de  médecine  en  1852.  Plusieurs 
de  ces  ouvrages  étaient  des  œuvres  de  clairvoyance,  ainsi, 
par  exemple,  ses  Recherches  relatives  à  la  détermination 
de  rage  des  lésions  des  plèvres  et  des  poumons  (iSM); 

GRANDE   ENCCYLOPÉDIE.    —    XXL 


son  Mémoire  sur  les  diverses  espèces  de  morve  et  de 
farcin  considérées  comme  des  formes  variées  d'une  affec- 
tion générale  contagieuse  (1839);  ses  Recherches  expéri- 
mentales sur  les  caractères  physiques  du  sang,  en  col- 
laboration avec  Trousseau  (1828).  Leblanc  avait  fondé 
la  Société  centrale  de  médecine  vétérinaire  ;  il  était  expert 
près  les  tribunaux  et  fut  le  rapporteur  de  la  commission 
ministérielle  instituée  pour  examiner  l'état  de  la  législa- 
tion qui  régissait  alors  (1848)  l'art  vétérinaire. 

LE  BLANC  (Félix),  chimiste  français,  né  à  Florence,  de 
parents  français,  le  15  nov.  1813.  Il  entra  à  l'Ecole  des 
mines  de  Paris  comme  élève  externe,  en  sortit  en  1836 
avec  le  diplôme  d'ingénieur  civil,  travailla  de  1839  à  1845 
dans  le  laboratoire  de  Damas,  puis  fut  nommé  répétiteur 
de  chimie  à  l'Ecole  polytechnique  (1846),  où  il  suppléa 
Fremy  à  diverses  reprises,  chef  des  laboratoires  d'analyse 
de  l'Ecole  centrale  des  arts  et  manufactures  (1854),  pro- 
fesseur à  cette  école.  On  lui  doit  d'importants  travaux  de 
chimie  organique,  entre  autres  des  recherches  sur  l'air 
confiné  et  sur  l'oxyde  de  carbone,  dont  il  a  découvert  le 
rôle  vénéneux,  sur  les  gaz  rejetés  par  les  volcans  (soffioni 
et  lagoni),  sur  la  dissolution,  qu'il  a  le  premier  constatée, 
de  l'oxygène  dans  la  litharge  en  fusion,  sur  l'hématine  du 
bois  de  campêche,  sur  l'éther  acétique  perchloruré,  sur 
l'essence  d'absinthe,  sur  les  amides,  sur  la  caséine  extraite 
du  sang,  des  expériences  comparatives  sur  l'effet  des 
liquides  excitateurs  de  la  pile,  sur  le  pouvoir  photomé- 
trique des  diverses  sortes  de  lumière  artificielle.  Outre  de 
nombreux  mémoires  insérés  dans  les  Comptes  rendus  de 
l'Académie  des  sciences  et  dans  les  Annales  de  chimie 
et  de  physique,  il  a  publié  :  Couj^s  de  chimie  analytique 
(Paris,  1875,  in-4)  ;  Rapport  sur  le  matériel  des  arts 
chimiques  de  la  pharmacie  et  de  la  tannerie,  avec 
Limousin  et  Schmitz  (Paris,  1883,  in-8).  L.  S. 

BiBL.  :  Notice  sur  les  travaux  et  titres  scientifiques  de 
M.  F,  Le  Blanc  ;  Paris,  1871,  in-4. 

LEBLANC  (Léonide-Alexandrine),  actrice  française,  née 
à  Dampierre  (Loiret)  le  8  déc.  1842,  morte  à  Paris  le 
l*^'^  févr.  1894.  Fille  d'un  simple  journalier,  dit-on,  elle 
était  à  peine  âgée  de  (juinze  ans  lorsqu'elle  débuta  sur  la 
petite  scène  de  Belleville  (Paris).  Elle  était  très  jolie,  ce 
qui  la  fit  engager  aussitôt  aux  Variétés,  d'où  elle  passa  au 
Vaudeville  et  ensuite  au  Gymnase,  pour  revenir  au  Vaude- 
ville. Elle  fut  longtemps  au  premier  plan  de  la  galanterie 
parisienne.  On  la  vit  d'ailleurs  sur  la  plupart  des  théâtres 
de  Paris,  entre  autres  à  la  Gaîté,  où  elle  joua  Léonard,  et 
à  la  Porte-Saint-Martin,  où  elle  se  montra  dans  Patrie  et 
dans  la  Dame  de  Montsoreau,  Engagée  même  un  instant 
à  la  Comédie-Française,  elle  n'y  fit  jamais  ses  débuts  et 
entra  en  1872  à  l'Odéon,  où  elle  joua  l'Ecole  des  maris, 
le  Mariage  de  Figaro,  le  Jeu  de  l  Amour  et  du  Hasard  y 
le  Menteur,  le  Marquis  de  Villemer,  la  Maîtresse  légi- 
time. Après  avoir  été  créer  en  i  880  au  Gymnase  Nina 
la  brune,  de  M.  Meilhac,  les  Braves  Gens,  de  Gondinet, 
Serge  Panine,  de  M.  Ohnet,  elle  revint  à  l'Odéon  en 
1 886  pour  jouer  Un  Fils  de  famille  et  Henriette  Maré- 
chal, que  reprenait  ce  théâtre.  Comédienne  adroite  et  non 
sans  intelligence,  Léonide  Leblanc  avait  aussi  des  préten- 
tions quasi  littéraires  ;  elle  a  publié  sous  son  nom  un 
roman  intitulé  les  Petites  Comédies  de  V Amour  (1865) 
et  sous  un  pseudonyme  les  Joueuses, 

LEBLANC  DE  GuiLLET  (Antoine  Blanc, dit),  littérateur 
français,  né  à  Marseille  le  2  mars  1730,  mort  à  Paris  le 
2  juil.  1799.  Oratorien,  professeur  en  divers  collèges  de 
l'ordre,  il  l'abandonna  vers  1756,  collabora  au  Conser- 
vateur, donna  quelques  pièces  de  théâtre  qui,  s'attaquant 
à  divers  abus,  déplurent  au  pouvoir  et  ne  restèrent  pas 
longtemps  à  la  scène,  entra  dans  la  Société  des  écono- 
mistes et  devint  en  1798  membre  de  l'Institut.  Citons  de 
lui  :  les  Mémoires  du  comte  de  Guines  (1761,  in-12), 
roman  d'aventures  qui  eut  du  succès  et  qui  peut  être  con- 
sidéré comme  son  chef-d'œuvre;  Manco-Capac  (1763), 
tragédie  en   cinq  actes;  V Heureux  Evénement  {\Wd), 

69 


LEBLANC  —  LEBLOND  —  i090 

comédie  en  trois  actes;  les  Druides  (1772),  tragédie; 
Albert  P'^  (\11d)  ;  Virginie  (il m,  iîi-8),  tragédie  ;  le 
Clergé  dévoilé  {1791),  tragédie  (ces  deux  dernières  pièces 
ne  furent  jamais  représentées);  Tarqvin  ou  la  Royauté 
abolie,  tragédie  jouée  en  1794,  etc. 

LEBLANC  DE  pRÉBOis (Louis-Frédéric-François),  homme 
politique  français,  né  à  Yverdun  (Suisse)  le  2  nov.  1804, 
mort  à  Paris  le  21  févr.  1875.  Ancien  élève  de  l'Ecole 
militaire  de  Saint-Cyr,  il  fit  les  campagnes  d'Afrique  de 
1830  à  1843,  fut  renvoyé  en  France  à' cette  époque  pour 
avoir  demandé,  dans  plusieurs  publications,  l'établissement 
du  régime  civil  en  Algérie  et  Fassirailation  de  ce  pays  à  la 
France,  mais  continua  de  plaider  la  même  cause  et  vint  en 
1848  représenter  la  colonie  à  l'Assemblée  constituante, 
ou  il  vota  d'ordinaire  avec  les  républicains  modérés  et  sou- 
tint la  politique  de  l'Elysée.  Non  réélu  en  1849,  il  rentra 
dans  l'armée  et  prit  sa  retraite  sous  l'Empire  comme  chef 
d'escadrons.  A.  Debidour. 

LE  BLANT  (Edmond-Frédéric),  archéologue  français,  né 
à  Paris  le  12  août  1818.  Après  avoir  terminé  ses  études  de 
droit,  il  entra  au  ministère  des  finances.  Un  voyage  à  Rome 
en  1847  éveilla  en  lui  le  goût  de  l'archéologie  ;  la  vue  des 
inscriptions  chrétiennes  conservées  au  musée  Kircher  lui 
donna  l'idée  de  rechercher  et  d'étudier  les  inscriptions  du 
même  genre  trouvées  et  conservées  en  Gaule.  Dès  lors  il  se 
consacra  à  l'étude  de  l'archéologie  et  entreprit  de  réunir  les 
inscriptions  chrétiennes  de  la  Gaule  ;  le  premier  il  les  com- 
menta suivant  une  méthode  scientifique  et  critique,  et,  en 
môme  temps  qu'il  les  déchiffrait,  il  en  tirait  de  nombreux 
renseignements  pour  les  origines  religieuses  de  l'Eglise  de 
France,  pour  les  moeurs,  les  institutions,  la  chronologie  de 
la  période  mérovingienne.  Il  a  été  vraiment  le  fondateur  de 
Fépigraphie  chrétienne  en  France  et  il  en  est  resté  le  lé- 
gislateur, marchant  de  pair  avec  Rossi.  En  même  temps, 
il  recueillait  les  sarcophages  des  iv®  et  v^  siècles,  décorés 
de  sujets  dont  le  sens  avait  échappé  à  ses  devanciers  et 
que,  grâce  à  sa  connaissance  des  Ecritures  saintes,  il  expH- 
qua  d'une  façon  définitive,  montrant  leur  corrélation  avec  la 
liturgie.  Elu  membre  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  le  15  nov.  1867,  il  devint  directeur  de  l'Ecole  fran- 
çaise de  Rome  du  l'^'^  janv.  1883  au  1^^  janv.  1889.  Parmi 
ses  travaux,  nous  citerons  :  luscripiions  chrétiennes  de 
la  Gaule  autérieures  au  mi^ siècle  (1856-65, 2  vol.  in-4), 
et  Nouveau  Recueil  des  inscriptions  chrétiennes  de  la 
Gaule  (1862,  in-4);  Manuel  d'épigraphie  chrétienne 
(1869,  in-12);  Etude  sur  les  sarcophages  chrétiens 
antiques  de  la  ville  d'Arles  (1878,  in-fol.)  et  les  Sar- 
cophages chrétiens  de  la  Ga^//^(  1886,  in-fol,);  les  Actes 
des  martyrs^  supplément  aux  Acta  sincera  de  Boni 
Ruinart {iSS'i,  in-4)  ;  V Epigraphie chrétienne  en  Gaule 
et  dans  V Afrique  romaine  {iSSS,  in-8,  instructions  du 
comité  des  travaux  historiques)  ;  les  Persécuteurs  et  les 
martyrs  aux  premiers  siècles  de  notre  ère  (i  893,  in-8) . 
Il  a  inséré  un  grand  nombre  de  mémoires,  la  plupart  rela- 
tifs à  l'archéologie  chrétienne  et  à  l'histoire  de  l'Eglise, 
dans  les  principales  revues  archéologiques  de  France  et 
d'Italie.  Il  a  en  outre  publié,  en  collaboration  avec  Jac- 
quemart, une  Histoire  artistique  de  la  Porcelaine 
(1861-62,  in-4).  M.  Prou. 

BiBL.  :  Catalogue  des  publications  de  M.  Edmond  Le 
Blant  (jusqu'en  1892),  dans  Ecole  française  de  Rome,  Mé- 
langes, t.  XIII,  p.  197. 

LE  BLANT  (Julien),  peintre  français,  né  à  Paris  le 
30  mars  1851,  fils  du  précédent.  Il  fit  d'abord  des  études 
d'architecture  sous  la  direction  de  M.  Trélat,  puis  il  étudia 
la  peinture  sous  Girard.  D'un  talent  sobre  et  distingué, 
mais  plein  d'une  émotion  souvent  profonde,  M.  Le  Blant 
s'est  fait  une  brillante  spécialité  des  scènes  de  la  chouan- 
nerie. Il  avait  débuté  au  Salon  de  1874  par  l'Assassinat 
de  Lepelletier  de  Saint- Far  g  eau.  Il  exposa  ensuite  : 
la  Mort  du  général  d'Elbée  (1878),  au  musée  de  Nantes  ; 
Eenri  de  La  Rochejacquelin  (1879)  ;  le  Bataillon  carré, 
affaire  de  Fougères,  il9S  (1880),  au  musée  de  Sidney; 


Exécution  du  général  de  Charette  (1883),  à  M.  de 
Charette,  au  château  de  La  Contrie  ;  le  Repas  de  l'équi- 
page (1884),  au  ministère  de  la  marine;  le  Combat  de 
Fère-Champenoise  (1886),  au  palais  de  l'Elysée;  Prise 
d'armes  en  Bretagne  (i889)  ;  le  Prisonnier  et  le  Billet 
de  logement  (1890);  le  Grand-Père  (1891);  le  Retour 
du  régiment  (1892).  M.  Le  Blant  a  illustré  des  ouvrages 
d'Alexandre  Dumas  père,  de  Balzac  et  d'Alfred  de  Vigny, 
les  Cahiers  du  capitaine  Coignet,  etc. 

LE  BLOND  (Laurent)  (V.  BloxNd  [Le]). 
.LE  BLOND  (Michel),  orfèvre  et  graveur  allemand,  né 
à  Francfort-sur-le-Main  en  1587,  mort  à  Amsterdam  en 
1656.  Il  exécuta  au  burin,  très  finement,  une  série  de 
petites  estampes  de  sainteté,  plusieurs  suites  de  modèles 
d'ornements  d'orfèvrerie  et  de  nombreux  écussons  d'ar- 
moiries. On  conserve  de  lui  des  travaux  d'orfèvrerie,  boîtes 
de  montre  et  ornements  féminins,  d'une  grande  déhcatesse 
de  facture.  G.  P-r. 

LEBLONDou  LEBLOND  (Jacques-Christophe)',  peintre 
et  graveur  français,  d'origine  allemande,  né  à  Francfort- 
sur-le-Main  en  1667,  mort  à  Paris  en  1741.  Peintre  en 
miniature,  il  fut  le  premier  à  concevoir  un  procédé  réel- 
lement pratique  de  gravure  en  couleurs.  N'avant  réussi  à  le 
faire  adopter  ni  en  Hollande  ni  en  Angleterjre.  il  l'apporta 
à  Paris  en  1732.  Ce  procédé  consistait  dans  l'emploi  de 
plusieurs  planches  en  creux,  gravées  comme  pour  la  ma- 
nière noire,  et  dont  chacune  était  destinée  à  imprimer  une 
couleur  différente.  A  cet  égard,  il  ne  se  servit  que  de  trois 
couleurs  dites  primitives,  selon  la  théorie  de  Nev^^ton,  le 
jaune,  le  bleu  et  le  rouge,  dont  il  tirait  des  combinaisons 
de  teintes  par  superposition.  Il  obtint  ainsi  des  résultats 
remarquables,  ce  dont  témoignent  les  portraits  rarissimes 
de  Louis  XV  et  de  Van  Dyck.  On  a  encore  de  lui  des  re- 
productions en  fac-similé  des  dessins  de  maîtres,  par  le 
procédé  de  la  gravure  en  manière  de  crayon.     G.  P-i. 

LEBLOND  (Alexandre- Jean-Baptiste),  architecte  fran- 
çais, né  à  Paris  en  1679,  mort  à  Saint-Pétersbourg  en 
1719.  De  1706  à  1714,  cet  architecte  a  fait  élever  à  Paris 
le  bel  hôtel  de  la  duchesse  de  Vendôme,  aujourd'hui  enclavé 
dans  l'Ecole  des  mines  et  dont  la  clôture  extérieure  en  ar- 
cades a  dû  être  détruite  pour  le  passage  du  boulevard  Saint- 
Michel,  et  l'hôtel  de  Clermont,  rue' de  Varenne,  pour  la 
marquise  de  Seissac,  hôtels  dont  il  reproduisit  les  plans, 
élévations  et  coupes  dans  les  additions  qu'il  apporta  au 
Dictionnaire  d'architecture  de  Daviier.  Leblond  avait  en- 
core  construit  le  château  de  Châtillon,  près  de  Paris,  lorsque 
en  1716  il  fut  emmené  à  Saint-Pétersbourg  par  François 
Lefort,  neveu  du  général  de  ce  nom,  et  que  Pierre  le  Grand 
avait  chargé  d'enrôler  des  artistes  et  des  ouvriers  de  toutes 
les  professions.  Nommé  premier  architecte  du  tsar,  Leblond 
fit  pour  lui  de  nombreux  projets  d'édifices  et  fit  élever, 
près  de  Saint-Pétersbourg,  le  château  de  Peterhov,  rési- 
dence d'été  de  la  famille  impériale  russe,  et  dans  laquelle, 
à  l'imitation  de  Versailles,  une  grande  abondance  d'eau  fait 
le  charme  d'un  parc  immense  planté  moitié  à  la  française 
et  moitié  à  l'anglaise,  et  où  Leblond  dessina  deux  pavillons 
de  plaisance  encore  existants,  Marly  et  Mon-Plaisir,  ornés 
chacun  d'une  cascade.  Cet  architecte  mourut  de  la  petite 
vérole  à  Saint-Pétersbourg,  et  le  tsar  lui  fit  faire  des  funé- 
railles magnifiques  auxquelles  il  assista.      Chartes  Lucas. 

.  ^l^^}'-  ■  ^'  DussiEux,  les  Artistes  /rançais  ;  Paris,  1876, 
in-8,  d-'ed. 

LEBLOND  (Guillaume),  mathématicien  et  écrivain  mi- 
litaire français,  né  à  Paris  en  févr.  1704,  mort  à  Ver- 
sailles le  24  mai  1781.  Il  fut  professeur  de  mathématiques 
des  pages  de  la  grande  écurie  du  roi  (1736-51),  puis  des 
jeunes  dauphins  (1751-78).  On  lui  doit  de  nombreux  ou- 
vrages, longtemps  classiques  dans  les  écoles  d'officiers  et 
tous  traduits  en  allemand  :  Eléments  de  fortification 
(Paris,  1739,  in-8;  8«  éd.,  1786);  Eléments  de  tactique 
(Paiis,  1758,  in-4)  ;  Artillerie  raisonnée  (Paris,  1761, 
in-8;  2^  éd.,  1776),  etc.  L.  S. 

LEBLOND  (Gaspard-Michel,  dit),  archéologue  français, 


4091 


LEBLOND  —  LEDON 


né  à  Caen  le  24  nov.  1738,  mort  à  Laigle  le  d7  juin 
1809.  Il  embrassa  l'état  ecclésiastique  et  depuis  1772  fut 
adjoint  à  Tabbé  de  Vermont,  bibliothécaire  du  collège  Ma- 
zarin  ;  à  la  même  date,  il  devint  membre  de  FAcadéinie  des 
inscriptions.  Il  tut  Tua  des  membres  de  la  commission 
chargée  par  la  Constituante  de  réviser  les  bibliothèques 
supprimées  et  d'en  répartir  les  livres;  il  fit  entrer  près  de 
50,000  de  ces  volumes  à  la  bibliothèque  Mazarine,  dont  il 
devint  conservateur  en  1791.  Parmi  ses  ouvrages,  citons  : 
Observations  sur  les  médailles  du  cabinet  de  M,  Pel-^ 
lerin  (1771,  in-4;  2®  éd.,  1823,  in-4)  ;  Observatio7is 
présentées  au  comité  des  monnaies  de  f  Assemblée  na- 
tionale (sous  le  nom  du  graveur  Dupré)  (1790,  in-8).  Il  a 
donné  quelques  mémoires  de  numismatique  et  d'archéologie 
dans  le  recueil  de  l'Académie  des  inscriptions.  Il  a  colla- 
boré avec  l'abbé  de  Lachau  à  la  Description  des  pierres 
gravées  du  cabinet  du  duc  d'Orléans,  M.  P. 

LEBLOND  (Auguste -Savinien),  savant  et  polygraphe 
français,  né  à  Paris  le  19  oct.  1760,  mort  à  Paris  le  22  févr. 
1811,  petit-neveu  de  Guillaume  Leblond  (V.  ci-dessus). 
Il  était  attaché  au  cabinet  des  estampes,  à  la  Bibliothèque 
nationale,  et  membre  du  Lycée  des  arts.  Il  a  écrit  de  bons 
ouvrages  et  publié  d'intéressants  recueils  de  mathéma- 
tiques et  d'histoire  naturelle  :  le  Portefeuille  des  enfants 
(Paris,  1784-98,  2  voL  in-î8  et  24  cah.  in-4);  Sur  la 
Fixation  d'une  mesure  et  d'un  poids  (Paris,  1791, 
in-8);  Barème  métrique^  avec  A.-N.  Duchesne  (Ver- 
sailles, 1801,  in-12),  etc.  On  lui  doit  aussi  un  Diction- 
naire des  hommes  célèbres  (Paris,  1802,  2  vol.  in-12). 
C'est  lui  qui  proposa  le  premier,  en  1790,  d'appeler  mètre 
la  nouvelle  mesure  linéaire.  L.  S. 

LEBLOND  (Désiré-Médéric),  avocat  et  homme  politique 
français,  né  à  Paris  le  9  mai  1812,  mort  à  Rambouillet  le 
21  juil.  1886.  Inscrit  au  barreau  de  Paris  en  1833,  il  s'y 
fit,  en  peu  d'années,  une  place  considérable  et  acquit  dans 
le  parti  républicain  un  crédit  qui  lui  valut  d'être  nommé 
substitut  du  procureur  général  à  Paris  au  lendemain  du 
24  févr.  Représentant  de  la  Marne  à  la  Constituante  (1 848) , 
il  soutint  le  général  Cavaignac  et  demanda  vainement  que 
le  président  de  la  République  fût  désigné  par  l'Assemblée 
nationale.  Non  réélu  en  1849,  il  reprit  sa  place  au  bar- 
reau, devint  membre  du  conseil  de  l'ordre  (et  plus  tard 
bâtonnier,  en  1873),  se  présenta  plusieurs  fois  sans  suc- 
cès à  la  députation  comme  candidat  de  l'opposition,  dirigea 
le  journal  le  Siècle  de  1868  à  1874,  fut  appelé  au  poste 
de  procureur  général  à  Paris  par  le  gouvernement  de  la 
Défense  nationale  (5  sept.  1870)  et  y  renonça  pour  entrer 
comme  député  de  la  Marne  (8  févr.  1871)  à  l'Assem- 
blée nationale,  où,  comme  président  de  la  gauche  républi- 
caine, il  joua  un  rôle  considérable.  La  première  circons- 
cription de  Reims  l'envoya  à  la  Chambre  le  20  févr.  1870. 
C'est  à  la  suite  de  son  interpellation  sur  les  menées  cléri- 
cales qu'eut  lieu  la  crise  du  16  mai,  pendant  laquelle  il 
s'associa  à  la  politique  des  363.  Il  obtint  le  renouvelle- 
ment de  son  mandat  aux  élections  du  14  oct.  1877  et,  à 
partir  du  5  janv.  1879,  fut  un  des  représentants  de  la 
Marne  au  Sénat,  où  il  vota  constamment  avec  le  parti  ré- 
publicain modéré.  A.  Debidour. 

LEBŒU  F  (Edmond),  maréchal  de  France,  né  à  Paris  le 
f)  déc.  1809,  mort  à  Moncel-en-Trun  (Orne) le  7  juin  \  888. 
Ancien  élève  de  l'Ecole  polytechnique,  il  se  distingua  ( 
comme  officier  d'artillerie  dans  les  campagnes  d'Afrique, 
devint  colonel  en  1852,  général  de  brigade  en  1854,  prit 
part  au  siège  de  Sébastopol,  fut  nommé  général  de  division 
(31  déc.  1857),  et  contribua,  comme  commandant  en  chef 
de  Partillerie,  à  la  victoire  de  Solferino  (24  juin  1859). 
L'empereur,  qui  le  prit  peu  après  comme  aide  de  camp,  le 
chargea,  après  Sadowa,  d'aller  faire  la  remise  de  la  Véné- 
tie  au  gouvernement  italien  (1866),  le  mit  à  la  tête  du 
camp  de  Châlons  (1868),  puis  du  6^^  corps  d'armée  (janv. 
1869),  enfin  l'appela  au  ministère  de  la  guerre  (21  août 
1869)  et  le  nomma  maréchal  de  France  (24  mars  1870). 
A  la  veille  de  la  guerre  qp  devait  nous  coûter  si  cher, 


Lebœuf  se  fit  remarquer  par  son  assurance  et  entretint 
ainsi  le  gouvernement  et  la  nation  dans  la  plus  funeste 
illusion.  Les  désastres  de  Reichshoffen  et  de  Forbach 
(6  août  18  iO),  le  désarroi  général  de  notre  armée  et  l'in- 
vasion montrèrent  ce  qu'il  y  avait  eu  d'incurie  et  d'impré- 
voyance dans  son  administration.  Kû^'^q  le  12  août  de 
l'emploi  de  major  général  de  l'armée  du  Rhin,  qui  lui 
avait  été  conféré  le  19  juil.  précédent,  il  fut  cependant 
chargé  du  commandement  du  3®  corps,  sous  Bazaine,  et 
montra  de  réelles  qualités  de  soldat  dans  les  combats  qui 
eurent  lieu  autour  de  Metz.  Captif  en  Allemagne  après  la 
reddition  de  cette  place  (28  oct.  1870),  il  rentra  en 
France  après  la  paix,  se  retira  dans  l'Orne,  et  vécut  dès 
lors  dans  une  profonde  obscurité.  A.  Debidour. 

LEBON  (Jean),  littérateur  français  du  xvi®  siècle,  né  à 
Autreville,  médecin  de  Charles  IX.  Outre  un  certain  nombre 
de  traités  médicaux,  dont  l'un,  Therapeia  Puerperarum 
(1577,  in-16),  a  eu  de  nombreuses  éditions,  il  a  laissé: 
Epître  touchant  la  liberté  parisienne  (Paris,  1557, 
in-d6);  Avertissement  a  Ronsard  touchant  sa  Fran- 
ciade  (1568,  in-8);  le  Rhin  au  Roi  (1569,  in-8);  Ety- 
mologicon  français  (1571,  in-8)  ;  Adages  ou  proverbes 
français  (1576,  in-8);  De  f Origine  et  invention  de  la 
rime  (Lyon,  1582);  Bâtiments  ^érections  et  fondations 
des  villes  et  cités  assises  es  trois  Gaules  (1 550,  in-1 6) ,  etc. 
En  1869,  on  réimprimait  encore  son  Abrégé  de  la  pro- 
priété des  eaux  de  Plombières  {^^^nû^  in-12). 

LE  BON  (Joseph),  homme  politique  français,  né  à  Arras 
le  25  sept.  1765,  mort  à  Amiens  le  16  oct.  1795.  Prêtre 
de  l'Oratoire,  professeur  de  rhétorique  au  collège  de  Beaune, 
curé  constitutionnel  du  Vernois,  près  de  Beaune,  puis  de 
Neuville-Vitasse  (Pas-de-Calais),  député  suppléant  du  Pas- 
de-Calais  à  la  Convention,  maire  d'Arras,  procureur  gé- 
néral syndic,  puis  administrateur  du  département,  il  fut 
admis  à  siéger  à  la  Convention  le  2  juil.  1793,  et  fut 
envoyé  en  mission  dans  la  Somme  (9  août),  puis  dans  le 
Pas-de-Calais  (8  brumaire-22  messidor  an  II).  Dans  cette 
mission,  il  se  montra  très  rigoureux  contre  les  adversaires 
de  la  Révolution.  Arrêté  après  le  9  thermidor,  il  fut  dé- 
crété d'accusation  le  22  messidor  an  III,  pour  avoir  cruel- 
lement abusé  de  son  pouvoir  pendant  sa  mission  et  influencé 
la  conscience  des  juges  et  des  jurés  des  tribunaux  révolu- 
tionnaires d'Arras  et  de  Cambrai.  Traduit  devant  le  tri- 
bunal criminel  de  la  Somme,  il  fut  condamné  à  mort  le 
13  vendémiaire  an  IV.  La  Convention  confirma  ce  jugement, 
et  Le  Bon  fut  guillotiné  le  24  vendémiaire.  Son  nom  a  été 
flétri  comme  celui  d'un  bourreau,  et  il  est  certain  qu'il  se 
montra,  dans  sa  mission,  plus  que  rigoureux.  Mais  son 
procès  fut-il  équitablement  conduit?  Etait-il  coupable  de 
tous  les  crimes  que  lui  reprocha  la  haine  de  Guffroy? 
(V.  ce  nom).  C'est  un  débat  qu'il  serait  trop  long  d'entre- 
prendre ici.  Ce  qu'il  y  a  de  sûr,  c'est  que,  tout  cruel 
qu'il  fût,  son  énergie  contribua  à  sauver  la  place  de  Cam- 
brai, menacée  paries  Autrichiens.  Renvoyons  le  lecteur  à 
deux  ouvrages  bien  documentés,  le  premier  pour  Le  Bon, 
le  second  contre^  à  savoir  :  Joseph  Le  Bon  dans  sa  vie 
privée  et  dans  sa  carrière  politique,  par  son  fils  Emile 
Le  Bon  (Paris,  1861,  in-8)  ;  Histoire  de  Joseph  Le  Bon 
et  des  tribunaux  révolutionnaires  d'Arras  et  de  Cam- 
brai^ par  A.-J.  Paris  (Arras,  1864,  in-8;  2^  éd.  revue 
et  augmentée,  même  date,  2  vol,  in-8).     F.-A.  Aulârd. 

LEBON  (Philippe),  ingénieur  et  chimiste  français,  né  à 
Brachay  (Haute-Marne)  le  29  mai  1767,  mort  à  Paris  le 
2  déc.  1804.  Entré  à  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées  en 
1787,  il  en  sortit  en  1792  avec  le  brevet  d'ingénieur  or- 
dinaire et  fut  d'abord  attaché  au  service  de  la  Charente, 
à  Angoulême,  puis  à  celui  du  pavé  de  Paris  (1800).  On 
lui  doit  la  découverte  du  gaz  d'éclairage  (V.  Eclâuiage, 
t.  XV,  pp.  339  et  340).  11  s'est  aussi  occupé  de  recherches 
sur  la  conduite  des  aérostats  et  d'études  sur  les  machines 
à  air  chaud,  sur  les  machines  à  gaz  avec  inflammation 
par  l'étincelle  électrique,  sur  les  machines  à  vapeur  pour 
lesquelles  il  a  proposé  d'importants  perfectionnements  : 


LEBON  —  LE  BOYS 


—  1092 


chaudières  à  foyer  intérieur,  surchauffage  de  la  vapeur, 
suppression  du  balancier,  condensation  par  injection,  etc. 
Une  mort  prématurée  l'enleva  malheureusement  à  la  science 
avant  qu'il  ait  pu  réaliser  pratiquement  tous  ces  projets  de- 
meurés en  partie  à  l'état  d'ébauches.  On  a  même  raconté 
qu'il  avait  été  assassiné  par  des  Anglais,  intéressés  à  se 
débarrasser  du  véritable  inventeur  de  l'éclairage  au  gaz. 
Mais  il  paraît  bien  établi  par  quelques  lettres  de  lui-même 
et  de  sa  veuve  qu'il  succomba  aux  suites  d'une  affection 
de  goutte.  L.  S. 

BiBL.  :  Joachim  Gaudry,  Notice  sur  Vinvention  de  L'éclai- 
rage par  le  gaz  ;  Paris,  1856.  —  Jules  Gaudry,  Notice  sur 
les  travaux  de  M.  Lebon  d' Humbersin  ;  Paris,  1862.  —  Mgr 
FÈvRE,  Philippe  Lebon  d'Humbersin  ;  Langres,  1882,  in-8. 
-- L.  Figuier,  Notice  historique  sur  Ph.  Lebon  ;Chau- 
mont,  1882,  in-8.  —  Tarbé  de  Saint-Hardouin,  Notices 
biographiques  sur  les  ingénieurs  des  ponts  et  chaussées  ; 
Paris,  1884. 

LEBON  (Gustave),  médecin,  ethnographe  et  archéolo- 
gue français,  né  à  Nogent-le-Rotrou  (Eure-et-Loir)  en 
4841.  Docteur  en  médecine  en  1876,  il  a  peu  pratiqué, 
mais  il  s'est  beaucoup  occupé  d'hygiène  et  de  physiologie. 
Il  a  aussi  abordé  avec  succès  l'ethnologie  et  l'archéologie 
et  il  a  été  chargé  par  le  gouvernement  en  1884  d'une  mis- 
sion dans  l'Inde  pour  l'étude  architectonique  des  monu- 
ments bouddhiques.  Il  a  publié  :  la  Mort  apparente 
(Paris,  1866,  in-8)  ;  Physiologie  de  la  génératioft  (Pa- 
ris, 1868,  in-12);  Traité  pratique  des  maladies  des 
organes  génito-urinaires  (Paris,  1869,in-12)  ;  Hygiène 
pratique  du  soldat  et  des  blessés  (Paris,  1870,  in-18)  ; 
la  Vie,  physiologie  humaine  (Paris,  1872,  in-8)  ; 
V Homme  et  les  sociétés,  leurs  origines  et  leur  histoire 
(Paris,  1877,  2  vol.  in-8  ;  2«  éd.,  1880);  la  Méthode 
graphique  et  les  appareils  enregistreurs  à  l'Exposition 
de  iSlS  (Paris,  1879,  in-8)  ;  la  Civilisation  des  Arabes 
(Paris,  1884,  in-4);  les  Civilisations  de  Vïnde  (Paris, 
1887,  in-4)  ;  les  Levers  photographiques  et  la  Photo- 
graphie en  voyage  (Paris,  1888-89,  2  vol.  in-12);  les 
Premières  Civilisations  (Paris,  1889,  in-8);  les  Monu- 
ments de  l'Inde  (Paris,  1894,  in-4),  etc.  La  plupart  de 
ces  dernières  publications  sont  des  ouvrages  de  luxe  riche- 
ment illustrés.  L.  S. 

LEBON  (Maurice),  homme  politique  français,  né  à  Pa- 
ris le  13  nov,  1849.  Avocat  au  barreau  de  Paris,  il  oc- 
cupa le  poste  de  secrétaire  général  en  différentes  préfec- 
tures (notamment  Seine-Inférieure),  devint  maire  de  Rouen 
(1886)  et  fut  élu  député  de  la  4^  circonscription  de  cette 
ville  le  23  févr.  1891.  Membre  de  la  gauche,  il  fut  réélu 
en  1893  et  devint  sous-secrétaire  d'Etat  aux  colonies,  dans 
le  cabinet  Casimir-Perier  du  3  déc.  1893.  Le  15  mars  1894, 
il  donnait  sa  démission  en  conseil  des  ministres,  en  décla- 
rant que  l'autorité  d'un  sous-secrétaire  d'Etat  était  insuf- 
fisante pour  assumer  les  lourdes  responsabilités  de  l'admi- 
nistration des  colonies.  Ce  fait  amena  la  création  du  mi- 
nistère des  colonies  (20  mars  1894). 

LEBON  (André),  homme  pohtique  français,  né  à  Dieppe 
le  26  août  1859,  petit-fils  de  Philippe  Lebon.  Professeur  à 
i'Ecolelibre  des  sciences  politiques  depuis  1884,  chef  du  ca- 
binet du  président  du  Sénat  (1882-93),  secrétaire  de  la  dé- 
légation française  à  la  conférence  internationale  de  Berlin 
de  1890,  il  fut  élu  en  1893  député  de  l'arr.  deParthenay 
par  10,465 voix  contrel0,093  à  M.Taudière,  conservateur, 
contre  lequel  il  s'était  présenté  sans  succès  aux  élections 
générales  précédentes.  Devenu  secrétaire  de  la  Chambre 
(1894),  il  entra  avec  le  portefeuille  du  commerce,  de  l'in- 
dustrie, des  postes  et  télégraphes,  dans  le  cabinet  Ribot 
du  26  janv.  1895.  Il  a  publié  annuellement,  de  1880  à 
1890,  sous  le  pseudonyme  à' André  Bsnikl^r Année  poli- 
tique ;  on  a  encore  de  lui  :  Etude  sur  la  législation  élec- 
torale de  V empire  d'Allemagne  (1879,  în-8);  l'Angle- 
terre et  l'émigration  française  de  il94  à  1801  (1 882, 
in-8);  Etude  sur  les  débats  du  Parlement  anglais 
(1885),  en  collaboration  avec  Arnauné;  Code  annoté  du 
divorce  (1884),  en  collabor^'*tion  avec  Max  Botton  ;  Etudes 
sur  V Allemagne  politiqup^  (1890,  in-12),  etc. 


LE  BORGNE  (V.  Borgne). 

LE  BORGNE  (Paul),  homme  politique  français,  né  à 
Pleyben  (Finistère)  le  4  sept.  1844.  Médecin,  maire  de 
Pleyben,  il  fut  élu  député  de  la  première  circonscription 
de  Châteauhn  aux  élections  générales  de  1889  avec  un 
programme  nettement  républicain.  Il  a  été  réélu  en  1893. 
LEBORNE  (Aimé-Ambroise-Simon),  compositeur  fran- 
çais, né  à  Bruxelles  le  29  déc.  1797,  mort  le  l^r  avr. 
1866.  Fils  d'un  acteur,  élève  du  Conservatoire,  il  y  devint 
professeur  de  solfège  (1820),  puis  de  composition  (1836). 
Il  a  composé  et  fait  jouer  plusieurs  opéras-comiques  :  les 
Deux  Figaros  (trois  actes,  1827)  ;  le  Camp  du  Drap  d'or 
(trois  actes,  1828);  Cinq  Ans  d'entr'acte  (deux  actes, 
1833);  Lequel  (un  acte,  1838),  réédité  et  complété  le 
Traité  d'harmonie  de  Catel  (1848,  gr.  in-4). 
LE  BOUCQ(V.Boucû[Le]). 
LEBOULANGER  de  Boisfremont  (V.  Boisfremont). 
LE  BOULANGER  de  Chalussay  (V.  Chalussw). 
LE  BOULENGÉ  (Chronographe)  (V.  Chronographe). 
LEBOULIN.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  et  cant.  (N.) 
d'Auch;  219  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  du  Midi,  hgnede 
Toulouse  à  Auch. 

LE  BOURG  (Charles-Auguste),  sculpteur  français,  né  à 
Nantes  le  29  sept.  1830.  Fils  d'un  libraire,  il  reçut  d'abord 
à  Nantes  des  leçons  d'Amédée  Ménard,  puis  vint  à  Paris  en 
1850  et  y  entra  dans  l'atelier  de  Rude,  de  qui  il  fut  le  der- 
nier élève.  M.  Le  Bourg  est  aujourd'hui  retiré  à  Nantes. 
Parmi  ses  envois  aux  Salons,  on  signalera  :  Enfant  nègre 
jouant  avec  un  lézard,  bronze  (1853);  Vierge  gauloise 
marchant  au  supplice,  statue  marbre  (1859,  coll.  Pe- 
reire);  l'Enfant  à  la  sauterelle,  marbre  (1868),  au  mu- 
sée de  Nantes;  VEnlèvement  de  Déidamie  (1869),  au 
musée  de  La  Flèche  ;  la  Prêtresse  d'Eleusis,  marbre,  et 
le  Joyeux  Devis,  groupe  bronze  (1874),  l'un  et  l'autre  au 
musée  de  Nantes;  des  bronzes  à  la  cire  perdue,  parmi  les- 
quels :  Buste  du  Dante  (1891),  Tueur  d'aigles  (1893). 
Il  est  l'auteur  du  modèle  des  fontaines  Wallace.  E.  Br. 
LEBOUTEILLIER  ou  LEBOUTILLIER  (Jean)  (V.  Bou- 
ïhtllier). 

LEBOUTEUX  (Denis),  architecte  français,  né  à  Saint- 
Denis  (Seine)  en  1819,  mort  à  Paris  en  1875.  Elève  de 
l'atelier  Lebas,  il  remporta  le  l'^'^  grand  prix  en  1849  sur 
un  projet  d'école  des  beaux-arts.  En  1853,  il  envoya  d'Athènes 
une  restitution  du  temple  d'Apollon  Epicurien  à  Bassœ, 
près  de  Phygalie  (Arcadie),  en  neuf  feuilles,  dessins  et  un 
mémoire,  qui  fut  des  plus  remarquées  et  lui  valut  une  mé- 
daille à  l'Exposition  universelle  de  1858.  Attaché  à  son  retour 
en  France  au  conseil  des  bâtiments  civils  et  au  service 
d'architecture  de  la  ville  de  Paris  et  du  dép.  de  la  Seine, 
cet  architecte  fit  élever  des  bâtiments  scolaires  dans  le 
XVI^  arrondissement. 

LE  BOUVIER  (Gilles)  (V.  Berry  [Le  héraut]). 
L  E  B  0  U  V I E  R-Desmortiers  (Urbain-René-Thomas) ,  lit- 
térateur français,  né  à  Nantes  le  1^"^  mars  1739,  mort  à 
Nantes  le  11  mars  1827.  Maître  des  requêtes  à  la  chambre 
des  comptes  de  Nantes.  Il  publia  en  1809  une  Réfutation 
des  calomnies  publiées  contre  le  général  Charette 
(Paris,  2  vol.),  qui  lui  valut  des  poursuites  du  gouverne- 
ment impérial  et  la  saisie  de  l'ouvrage  qu'il  compléta  par 
Supplément  à  la  vie  de  Charette  (1814,  in-8)  et  qui  a 
été  réimprimé  sous  le  titre  de  Vie  de  Charette  (Nantes, 
1823,  in-8).  Citons  de  lui  :  Babioles  d'un  vieillard 
(1818,  m-S);Epîtreàune  dame  qui  allaite  son  enfant 
(1766,  in-8);  Correspondance  du  comte  A,  de  Bouille 
(1819,  in-8),  etc.  Il  s'était  beaucoup  occupé  de  physique 
et  avait  formé  un  beau  cabinet  qu'il  légua  à  la  ville  de 
Nantes.  Il  a  donné  quelques  ouvrages  dans  cet  ordre  d'idées 
comme  :  Examendes  principaux  systèmes  sur  la  nature 
du  fluide  électrique  (Paris,  1813,  in-8). 

LE  BOYS  DES  GuAYS  (Jean-François-Etienne),  littéra- 
teur français,  né  à  Châtillon-sur-Loing  (Loiret)  en  1794, 
mort  à  Saint-Amand  (Cher)  en  1864.  Ancien  magistrat, 
disciple  fanatique  de  Swedenbgrgî  il  a  traduit  le  plus  grand 


1093  - 


LE  BOYS  —  LEBRET 


nombre  des  ouvrages  du  maître  et  publié  :  Lettres  à  un 
homme  du  monde  qui  voudrait  croire  (Paris,  1852, 
in-12)  ;  Index  général  des  passages  de  la  Divine  Parole 
cités  et  expliqués  dans  les  ouvrages  théologiques  de 
E.  Swedenborg  (1859,  in-8)  ;  Index  méthodique  de  ce 
qui  est  contenu  dans  les  arcanes  célestes  (1864-65, 
2  vol.  in-8);  Collection  de  mélanges  concernant  la 
Nouvelle  Jérusalem  (1864,  t.  III  et  tV,  in-12),  etc. 

LEBRAS  (Auguste),  littérateur  français,  né  à  Lorient 
en  1816,  mort  à  Paris  le  18  févr.  1832.  Ami  d'Escousse, 
il  collabora  à  ses  pièces  et  se  suicida  avec  lui  (V.  Escousse). 
On  peut  citer  de  lui  :  les  Trois  Règnes,  poème  (Paris,  1828, 
in-8);  Trois  Jours  du  peuple^  stances  (1830,  in-8);  les 
Armoricaines  (1830,  in-12);  Georges  ou  le  Criminel 
par  amour,  publié  par  Gaillardet  (1833,  in-8). 

BiBL.:  Une  Visite  au  tombeau  d'Aug.  Lebras;  Paris, 
1834,  in-8. 

LES  RE  (Adolphe),  écrivain  et  philosophe  suisse,  né  le 
26  juin  1814,  mort  à  Paris  le  26  mars  1844.  Son  père, 
officier  d'artillerie  français,  s'établit  à  Lausanne  à  la  chute 
de  Napoléon,  et  devint  bourgeois  de  celte  ville.  Lèbre  iit  ses 
premières  études  à  Lausanne,  puis  alla  à  Munich  étudier  la 
théologie.  En  1 841 ,  il  accepta  une  place  de  précepteur  à 
Paris  dans  la  famille  de  Pressensé.  Les  OEuvres  d'Adolphe 
Lèbre  (Lausanne  et  Paris,  1856),  recueillies  par  Marc 
Debrit,  étaient  disséminées  dans  la  Revue  suisse,  le  Semeur 
et  la  Revue  des  Deux  Mondes.  Elles  touchent  surtout  à  la 
philosophie,  l'ethnologie  et  la  philologie.  K. 

LEBRECHT  (Karl  de),  médailleur  allemand,  né  à  Mei- 
ningen  en  1749,  mort  à  Saint-Pétersbourg  en  1827. 
Nommé  en  1776  médailleur  à  la  cour  des  monnaies  de  cette 
dernière  ville,  puis,  en  1800,  directeur  de  cet  établisse- 
ment, Lebrecht  fut  le  professeur  de  glyptique  de  Fimpéra- 
trice  Maria  Feodorovna.  On  lui  doit  notamment  la  monnaie 
commémorative  du  retour  d'Alexandre  P""  en  1816  et  plu- 
sieurs pierres  allégoriques  de  l'histoire  de  Russie  qui  se 
trouvent  dans  la  collection  de  l'Ermitage.  Il  fut  membre 
des  académies  de  Saint-Pétersbourg,  Berlin  et  Stockholm. 

LEBREIL.  Com.  du  dép.  du  Lot,  arr.  de  Cahors,  cant. 
de  Montcuq  ;  308  hab. 

LEBRET  (Famille).  Célèbre  famille,  originaire  de  Gisors, 
en  Normandie,  qui  a  fourni  quelques  hommes  de  guerre 
remarquables,  mais  s'est  surtout  illustrée  dans  les  mten- 
dances  de  province  et  dans  les  grandes  magistratures  des 
parlements.  —  Robert  Lebret,  chef  de  la  maison  (mort 
entre  1588  et  1594),  anobli  par  Henri  III  en  1578,  prit 
part  aux  batailles  de  Saint-Quentin  (1557)  et  de  Moncon- 
tour(1569),  fut  gouverneur  de  Gisors  (1560)  et  député 
aux  Etats  de  Normandie  en  1583  et  1587.  ■—  Cardin  Le- 
bret (1558-1655),  seigneur  de  Flacourt,  avocat  général  à 
la  cour  des  aides  de  Paris  (1590-1604),  puis  avocat  gé- 
néral au  parlement  de  Paris  (de  1604  à  1621  ou  1625) 
refusa,  en  cette  qualité,  de  requérir  la  peine  de  mort 
contre  la  maréchale  d'Ancre  (1617).  Nommé  conseiller 
d'Etat  vers  1625,  il  fut  chargé  en  même  temps  de  l'inten- 
dance des  Trois-Evêchés  et  eut  à  régler  les  limites  de  la 
Lorraine  et  de  la  France  ;  ses  travaux  préparèrent  la  réu- 
nion définitive  de  cette  province  au  royaume;  il  contribua 
aussi  à  l'établissement  du  parlement  de  Metz  (1633),  mais 
n'en  fut  pas  nommé  premier  président,  comme  le  dit  à  tort 
Moreri.  11  tint,  comme  commissaire  du  roi,  les  Etats  de 
Bretagne  en  1625  et  fut  un  moment  premier  président  de 
la  cour  des  aides  de  Paris  pendant  l'interdiction  de  cette 
chambre  (1631);  il  mourut  doyen  des  conseillers  d'Etat.  Il 
avait  publié,  en  1597,  ses  harangues  et  principaux  plai- 
doyers à  la  cour  des  aides  et  au  parlement,  qui  eurent  six 
éditions  et  furent  réduites  sous  formes  de  Décisions  et 
imprimées  en  1630;  il  publia  également,  en  1632,  le  fa- 
meux traité  De  la  Souveraineté  du  roi,  de  son  domaine 
et  de  sa  couronne  augmenté  depuis  de  Dix-sept  Remon- 
trances au  roi  et  d'un  autre  traité  de  jurisprudence  inti- 
tulée Ordoperantiquusjudiciorum  civilium»  Ses  œuvres 
complètes,  qui  comprennent  encore  les  Actions  publiques 


faites  en  la  cour  des  aides  de  Paris,  ont  été  réimprimées 
quatre  fois  de  1635  à  1689.  Ses  travaux  manuscrits  sont 
plus  considérables  encore;  on  en  trouve  quelques-unes 
dans  les  Extraits  (des  registres  au  Parlement)  de  Servin 
et  Lebret,  —  Julien  Lebret,  fils  du  précédent  (1611- 
88),  fut  conseiller  au  parlement  de  Paris,  puis  conseiller 
d'Etat.  —  Henri-Julien  Lebret,  fils  du  précédent  (1638- 
79),  maréchal  de  camp  (1667),  lieutenant  général  (1673), 
s'illustra  au  siège  de  Lille  (1667),  et  prit  part  à  l'expé- 
dition dirigée  contre  les  Turcs  qui  assiégeaient  Candie 
(1669)  ;  il  fut  successivement  gouverneur  de  Douai  et  bailli 
de  Tournai.  —  Pierre-Cardin  Lebret  (né  en  1639  ou 
en  1640,  mort  à  Aix  en  1710),  frère  cadet  du  précédent, 
fut  successivement  conseiller  au  grand  conseil  (1668), 
maîtres  des  requêtes  (1676),  intendant  du  Limousin  (1681), 
du  Dauphiné  (1683),  du  Lyonnais  (1686)  et  enfin  de  Pro- 
vence et  du  commerce  du  Levant  (1687-1704)  et  premier 
président  du  parlement  d'Aix  (1690-1710).  Sa  correspon- 
dance et  celle  de  son  fils,  qui  fut  aussi  intendant  de  Pro- 
vence, avec  les  divers  ministres  de  Louis  XIV  et  de  Louis  XV, 
a  été  conservée  à  la  Bibliothèque  nationale  (Ms.  Fonds 
français,  n°^  8820  à  8964)  et  forme  une  source  des  plus 
précieuses  pour  la  connaissance  de  l'ancienne  administra- 
tion française.  Elle  témoigne  des  hautes  capacités  adminis- 
tratives de  ses  auteurs.  En  effet,  dans  les  divers  postes 
qu'il  occupa,  Lebret  s'efforça  de  réduire  les  charges  pu- 
bliques, de  diminuer  les  dettes  de  communautés  et  d'im- 
primer aux  travaux  publics  une  vive  impulsion.  Envoyé  en 
1687  comme  ambassadeur  au  roi  de  Siam,  il  donna  tous 
ses  efforts  au  développement  du  commerce  de  Marseille  que 
les  guerres  continuelles  et  les  mesures  prohibitives  des  suc- 
cesseurs de  Colbert  avaient  presque  ruiné.  Comme  prési- 
dent du  parlement,  il  rédigea  de  curieuses  Mercuriales, 
—  Pierre  Lebret,  frère  cadet  du  précédent  (1645-92),  dit 
le  chevalier  de  Flacourt,  chevalier  de  Malte,  devint  chef 
d'escadre  des  armées  navales  en  1688  et  prit  une  part  glo- 
rieuse à  la  bataille  de  l'île  de  Wight.  —  Cardin  Lebret, 
deuxième  du  nom  (1675-1734),  fils  du  premier  intendant 
de  Provence,  fut  successivement  conseiller  au  parlement 
d'Aix  (1694),  maître  des  requêtes  (1696)  et  intendant  de 
Béarn  et  de  Navarre.  Il  succéda  à  son  père  comme  inten- 
dant de  Provence  en  1704  et  comme  premier  président  du 
parlement  d'Aix  en  1710.  Il  fut  nommé  en  1724  conseiller 
d'Etat,  fonctions  qu'il  cumula  avec  celle  d'intendant.  Son 
administration  sage  et  habile  lui  valut  une  popularité  dont 
le  souvenir  n'est  pas  encore  éteint.  —  Paul-Cardin  Lebret, 
fils  aîné  du  précédent  (1718-86),  fut  brigadier  des  armées 
du  roi  (1762).  —  François-Xavier  Lebret,  frère  cadet 
du  précédent  (1719-65),  devint  successivement  avocat  du 
roi  au  Châtelet  de  Paris  (1740),  avocat  général  au  grand 
conseil  (1741),  puis  au  parlement  de  Paris  (1765),  inten- 
dant de  Bretagne  (1753-65)  et  président  en  survivance  du 
parlement  de  Rennes.  Sa  volumineuse  correspondance  est 
conservée  aux  archives  d'Ille-et-Vilaine  et  justifie  la  haute 
réputation  qu'il  sut  conquérir.  —  Avec  son  fils,  Paul- 
Charles  Lebret  (1748-1804),  avocat  général  au  parlement 
de  Rouen  (1769),  puis  greffier  en  chef  du  parlement  de 
Paris  (1775),  s'éteint  la  branche  aînée  de  la  maison  Le- 
bret. J.  Marchand. 

BiBL.  :  Comte  Robert-Cardin  Le  Bret,  Maison  LeBret, 
Généalogie  historique;  Le  Mans,  1889,  in-4.  —-  J.  Mar- 
chand, un  Intendant  sous  Louis  XIV,  Etude  sur  l'Ad- 
ministration de  Lebret  en  Provence  (1687-nOi);  Paris, 
1889, in-8. 

LEBRET  (Georges),  homme  politique  français,  né  à 
Etampes  le  7  nov.  1853.  Clerc  de  notaire  à  Paris,  docteur 
en  droit,  il  remplit  une  mission  officielle  en  Angleterre  et 
en  Ecosse  relative  à  la  législation  foncière  et  devint,  en 
1885,  professeur  de  droit  civil  à  la  faculté  de  droit  de 
Caen.  Maire  de  cette  ville  (1892),  il  fut  élu  en  1893  dé- 
puté du  Calvados,  avec  un  programme  républicain,  avec 
t),605  voix  contre  4,888  à  M.  Engerand,  boulangiste.  On 
a  de  lui  :  Etiide  sur  la  propriété  foncière  en  Angleterre 
(Paris,  1882,  in.8). 


LE  BRETON  —  LE  BRUN 


1094 


LE  BRETON.  Nom  porté  par  trois  architectes  de  la  pre- 
mière moitié  du  xvi®  siècle,  vraisemblablement  nés  à  Paris 
{Gilles,  Guillaume  et  Jacques),  que  nous  avons  tout  lieu 
de  croire  frères.  On  ne  connaît  pas  la  date  de  leur  nais- 
sance, maison  sait  qu'ils  moururent,  le  premier  en  4552, 
les  deux  autres  en  4550.  Gilles  Le  Breton,  dès  le  début, 
fut  chargé  de  la  transformation  de  Fonlainebleau,  et  c'est 
à  lui  que  sont  dues  les  parties  les  plus  belles  et  les  plus 
intéressantes  du  château.  Durant  une  première  campagne 
de  travaux  (4528-34),  il  construisit  le  pavillon  de  la  porte 
Dorée,  la  galerie  dite  de  François  P'',  les  bâtiments  au 
fond  de  la  cour  Ovale  et,  du  côté  de  la  cour  du  Cheval- 
Blanc,  le  rez-de-chaussée  de  l'aile  en  retour  vers  l'étang. 
La  chapelle  de  la  Trinité  et  le  pavillon  dit  des  Aumôniers, 
commencés  en  453T,  étaient  terminés  en  4540.  Pais  vint 
le  tour  du  Péristyle,  de  la  chapelle  Saint-Saturnin  et  de  la 
salle  de  bal  (galerie  Henri  lï),  qui  furent  successivement 
élevés  de  4540  à  4547.  Cette  dernière,  dont  les  murs  laté- 
raux existaient  seuls  à  la  mort  de  François  P%  devait  être 
voûtée.  Le  plafond  actuel  est  l'œuvre  de  Philibert  de  L'Orme, 
qui  succéda  à  Le  Breton  en  4552. 

Durant  un  demi-siècle,  Gilles  Le  Breton  a  donc  presque 
tout  fait  à  Fontainebleau,  et  s'il  ne  mérite  pas  d'être  com- 
paré aux  grands  architectes  qui  ont  bâti  le  Louvre,  Ecouen, 
Anet  ou  les  châteaux  des  bords  de  la  Loire,  il  faut  avouer 
que  nul  mieux  que  lui  ne  sut  à  l'occasion  obtenir  par  des 
combinaisons  de  lisjnes  les  plus  heureux  effets.  La  simpli- 
cité de  sa  composition  tient  surtout  à  l'emploi  de  matériaux 
rebelles  à  la  sculpture  ;  il  ne  pouvait,  avec  du  grès,  songer 
à  multiplier  les  ornements  délicats.  —  Les  deux  autres  Le 
Breton,  Guillaume  et  Jacques,  semblent  avoir  été  toujours 
associés  dans  leurs  travaux.  En  4532,  on  les  trouve  à  Vil- 
lers-Cotterets,  où  ils  sont  chargés  d'ajouter  au  château  le 
gros  pavillon  connu  sous  le  nom  de  Logis  du  roi.  Plus  tard, 
(4544-50),  ils  élevèrent  en  grande  partie  les  trois  corps 
de  bâtiments  qui  enserrent  une  vaste  cour  en  avant  de  la 
construction  principale.  Léon  Palustre. 

BiBL.  :  Comptes  des  bâtiments  du  roi,  1528-71,  recueillis 
et  mis  en  ordre  par  le  marquis  de  Laborde,  1880»  2  vol. 
in-8.  —  Léon  Palustre,  la  Renaissance  en  France^  1879, 
t.  I,passim. 

LE  BRETON  (Noël)  (V.  Iïauteroche  [Sieur  de]). 

LE  BRETON  (Pierre-Jean),  ecclésiastique  et  homme 
politique  français,  né  à  Rostrenen  (Côtes-du-Nord)  le  8  mars 
4752,  mort  à  Paris  le  21  avr.  4829.  Entré  dans  la  con- 
grégation de  Saint-Benoît  en  4769,  prieur  de  l'abbaye  de 
Saint-Sauveur  de  Redon  (sept.  4788),  député  suppléant 
du  clergé  de  la  sénéchaussée  de  Vannes  aux  Etats  géné- 
raux le  48  avr.  4789,  il  fut  admis  à  siéger  le  6  oct.  sui- 
vant et  embrassa  les  idées  nouvelles.  Il  prêta  serment  à  la 
constitution  civile  du  clergé  et  devint,  après  la  session,  curé 
constitutionnel  de  Loudéac  (oct.  4794).  En  fructidor  an  YIII 
(août  4800),  on  lui  donna  le  poste  de  bibliothécaire  de  la 
cour  de  cassation  à  Paris,  qu'il  remplit  jusqu'à  sa  mort. 

BiBL.  :  R.  Kerviler,  Recherches  et  notices  sur  les  dépu- 
tés de  la  Bretagne  aux  Etats  généraux. 

LEBRETON  (Joachim),  littérateur  français,  né  à  Saint- 
Méen  le  7  avr.  4760,  mort  à  Rio  de  Janeiro  le  9  juin  4849. 
Fils  d'un  maréchal  ferrant,  il  fut  élevé  par  les  théatins, 
entra  dans  leur  ordre,  professa  la  rhétorique  à  Tulle,  mais 
n'était  pas  encore  prêtre  quand  éclata  la  Révolution.  Il  s'y 
jeta  avec  enthousiasme,  épousa  la  fille  de  Darcet,  devint 
sous  le  Directoire  chef  du  bureau  des  beaux-arts,  entra  à 
l'Institut  (4796),  au  Tribunat.  Secrétaire  perpétuel  de  la 
section  des  beaux-arts  à  l'Institut,  il  travailla  à  l'organi- 
sation du  Musée  national.  Sa  protestation  contre  le  pillage 
des  musées  en  4815  le  fit  exclure  de  l'Institut;  il  se  retira 
au  Brésil.  Il  a  rédigé,  outre  diverses  notices  sur  ses  col- 
lègues et  le  IXapport  sur  l'état  des  beaux-arts  en  iSiO, 
raccord  des  vrais  principes  de  V Eglise^  de  la  morale 
et  de  la  raison  sur  la  constitution  civile  du  clergé 
(1791,  in-8). 

LEBRETON  (Eloi-Théodore),  poète  français,  né  à  Rouen 
le  1®''  déc,  4803,  mort  à  Rouen  le  40  déc.  1883.  Ouvrier 


dans  une  fabrique  d'indienne,  il  composait  d'agréables 
petites  poésies  qui  furent  remarquées  par  M^^  Desbordes- 
Valmore.  Lancé  par  elle,  il  connut  Victor  Hugo,  Béranger, 
Lamartine  et  devint  bibliothécaire  de  Rouen' en  4840.  Le 
23  avr.  1848,  il  était  élu  représentant  de  Seine-Inférieure 
à  l'Assemblée  constituante  où  il  vota  avec  les  socialistes. 
Il  ne  fut  pas  réélu  à  la  Législative.  Citons  de  lui  :  Heures 
de  repos  d'un  ouvrier  (4827,  in-42,  plus,  éd.);  Nou- 
velles Heures  de  repos  (4842,  in-8);  Espoir  (4845, 
in-42);  Biographie  normande  (4856-64,  3  vol.  in-8). 

LEBRETON  (Charles-Louis-Baptiste),  homme  politique 
français,  né  à  Ploërmel  le  45  déc.  4807.  Chirurgien  de  la 
marine,  puis  médecin  à  Pleybon  (Finistère),  il  prit  part 
aux  luttes  du  parti  républicain  contrôla  monarchie  de  Juil- 
let et  fut  envoyé  par  son  département  à  l'Assemblée  cons- 
tituante (1848),  où  il  soutint  le  général  Cavaignac  et  com- 
battit la  politique  de  l'Elysée.  Il  le  représenta  plus  tard 
aussi,  à  l'Assemblée  nationale,  où  il  vota  constamment  avec 
la  gauche.  A.  Debidour. 

LE  BRETON  (Paul- Anselme),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Laval  le  42  sept.  4833.  Grand  agriculteur  dans 
la  Mayenne,  il  fut  élu  sénateur  de  ce  département  le  5  janv. 
4888.  Membre  de  la  droite  et  protectionniste,  il  a  souvent 
pris  la  parole  sur  les  questions  financières,  douanières  et 
agricoles.  On  a  de  lui  :  le  Métayage  dans  la  Mayenne 

LEBRIJA.  Ville  d'Espagne,  prov.  de  Séville,  sur  lech. 
de  fer  de  Séville  à  Cadix;  44,000  hab.  Elle  occupe  le 
flanc  d'une  colline  couronnée  par  les  ruines  d'un  château, 
renferme  une  belle  église  de  styles  moresque,  gothique  et 
roman,  avec  une  tour  très  élégante  et  des  ^sculptures 
d'Alonso  Cano,  Commerce  de  blé,  vin,  huile,  bétail.  C'est 
la  Nabrissa  on  Nebrissa  Veneria  des  Romains.  Très  pros- 
père au  temps  des  Maures,  elle  fut  conquise  par  la  Cas- 
tille  en  4264. 

LEBRIJA  (Antonio  de)  (V.  Antonio  de  Lebrija). 

LE  BRISOYS-DESNomESTERRES  (V.  Desnoiresterres). 

LE  BRUiVlENT  (Jean-Baptiste),  architecte  français,  né 
à  Rouen  le  7  janv.  4736,  mort  à  Rouen  le  6  juil.  4804. 
De  4767  à  4784,  cet  architecte  fit  achever  la  chapelle  de 
l'Hôtel-Dieu  de  Rouen,  convertie  de  nos  jours  en  église  pa- 
roissiale de  la  Madeleine,  et  fit  terminer  le  grand  bâtiment 
de  l'abbaye  de  Saint-Ouen  (aujourd'hui  l'hôtel  de  ville), 
bâtiment  commencé  par  De  France  et  dont  Le  Brument 
dessina  le  bel  escalier  d'honneur  remarquable  par  la  har- 
diesse de  son  appareil.  Il  termina  aussi  l'abbaye  de  Biain- 
ville  (Seine-Intérieure). 

LEBRUN  (Mathieu),  religieux  de  Saint-Denis  et  chro- 
niqueur du  XV®  siècle.  Ce  personnage,  pour  la  biographie 
duquel  manquent  tous  les  éléments,  est  simplement  men- 
tionné dans  un  état  abrégé  des  dépenses  de  la  maison 
royale  en  l'année  4482  sous  le  nom  de  Frère  Mathieu 
Lebrun,  chroniqueur  de  Saint-Denys;  c'est  tout  ce 
que  l'on  sait  de  lui.  Mais  la  qualification  qui  lui  est  donnée 
permet  de  constater  un  fait  digne  de  remarque  :  c'est  que 
Louis  XI  rendit  aux  moines  de  Saint-Denis  en  4482  la 
rédaction  des  chroniques  officielles  du  royaume  qu'il  leur 
avait  retirée  à  son  avènement  pour  la  donner  à  Jean  Castel 
(V.  ce  nom),  abbé  de  Saint-Maur-des-Fossés.  Ce  dernier  • 
étant  mort  en  4476,  la  charge  d'historiographe  resta  sans 
doute  vacante  jusqu'en  4482,  époque  où  elle  fut  confiée  à 
Mathieu  Lebrun.  On  sait  qu'avant  Jean  Castel,  c'était 
Jean  Chartier,  chantre  de  Saint-Denis,  qui  en  était  investi  ; 
en  la  personne  de  Lebrun  reprit  la  tradition  séculaire, 
d'après  laquelle  les  religieux  de  cette  abbaye  avaient  la 
mission  d'écrire  les  annales  officielles  de  la  royauté  fran- 
çaise. Henri  Courteault. 

BiBL,  :  J.  QuicHERAT,  Rechevches  sur  le  chroniqueur 
Jean  Castel,  dans  la  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  chartes; 
Paris,  1841,  t.  Il,  p.  466,  in-8. 

LE  BRUN  (Charles),  peintre  français,  né  à  Paris  le 
24  févr.  4619,  mort  aux  Gobelins  le  42  févr.  4690.  Fils 
d'un  sculpteur  employé  aux  travaux  d'art  do  l'hôtel  du 


4095  - 


LE  BRUN 


chancelier  Séguier,  il  fut  de  très  bonne  heure  remarqué 
par  le  chancelier  qui,  à  onze  ans,  le  logea  dans  son  hôtel 
et  lui  donna  Simon  Vouet  pour  maître.  Dès  l'âge  de  quinze 
ans,  ce  peintre  d'une  puissance  de  travail  prodigieuse  com- 
mence à  beaucoup  produire.  A  Fontainebleau  il  copie  la 
Sainte  Famille  de  Raphaël;  puis  le  chancelier  Séguier  le 
confie  à  Poussin  et  l'envoie  à  Rome  où  il  arrive  le  o  nov. 
4642.  Il  y  passe  quatre  ans,  y  suit  les  conseils  de  Poussin 
et  en  revient  célèbre  et  ambitieux.  A  Rome,  il  a  beaucoup 
étudié  l'antiquité,  mais  il  s'est  arrêté  surtout  aux  recher- 
ches de  costumes,  au  côté  extérieur  et  décoratif  de  l'art.  Il 
est  à  peine  rentré  à  Paris  qu'il  obtient  de  Séguier  l'insti- 
tution d'une  académie  qui  apprenne  à  dessiner  «  d'après  le 
naturel  »,  et,  sous  les  auspices  de  Mazarin,  l'Académie 
royale  do  peinture  et  de  sculpture  se  fonde  (4648)  :  Le 
Brun  naturellement  est  un  des  douze  anciens  ;  il  en  sera 
directeur  en  4683.  En  4649,  il  décorel'hôtel  Lambert  avec 
son  rival  Le  Sueur  :  ce  dernier  peint  Y  Histoire  de  V  Amour 
et  Le  Brun  les  Travaux  cT Hercule,  Il  a  peint  en  1647  le 
Martxjre  de  saint  André  pour  le  tableau  votif  que  tous  les 
ans,  au  mai  nouveau,  la  Compagnie  des  orfèvres  offre  à 
l'église  Notre-Dame,  et  en  4654  le  Martyre  de  saint 
Etienne  qui  est.au  Louvre  et  qui  a  été  gravé  par  Gérard 
Audran.  A  Vaux,  il  a  peint  quatre  plafonds  :  le  Sommeil, 
le  Secret^  V Apothéose  d'Hercule^  les  Muses,  pour  Fou- 
quet  qui  lui  donne,  en  dehors  du  prix  de  ses  tableaux,  une 
pension  de  42,000  livres  et  qui  l'a  présenté  à  Mazarin,  et 
Mazarin  le  présente  à  Louis XIV.  Il  peint  alors  pour  l'oratoire 
de  la  reine  mère  le  Christ  aux  Anges  qui  est  au  Louvre. 
En  4660,  Colbert  le  nomme  directeur  des  Gobelins  :  c'est 
là  que,  sur  l'ordre  du  roi,  il  peint  ses  célèbres  Batailles 
d'Alexandre  dont  les  chevaux  sont  de  Van  der  Meulen, 
mari  de  sa  nièce.  Louis  XIV  satisfait  nomme  Le  Brun 
son  premier  peintre  et,  pour  remplacer  la  générosité  de  Fou- 
quet,  lui  donne  42,000  livres  de  pension  et  des  lettres  de 
noblesse.  Depuis 4655,  son  rival  Le  Sueur  est  mort;  direc- 
teur des  dessins  et  des  tableaux  du  cabinet  du  roi,  Le 
Brun  exerce,  à  partir  de  4662,  la  direction  effective  des 
beaux-arts  :  sa  puissance  est  énorme  et  son  activité  prodi- 
gieuse. En  4666,  il  fait  fonder  par  Louis  XÎV  F  Académie 
de  France  à  Rome,  En  4667,  il  accompagne  le  roi  dans  la 
campagne  de  Flandre.  Il  décore  pour  Colbert  au  château  de 
Sceaux  la  chapelle  et  le  pavillon  de  l'Aurore.  Mais  en  1683, 
quand  Louvois  succède  à  Colbert,  Mignard  remplace  Le 
Brun  qui,  pris  alors  d'une  maladie  de  langueur,  se  retire 
à  sa  campagne  de  Montmorency,  d'où  il  revient  aux  Gobe- 
lins  pour  y  mourir.  Il  fut  enterré  à  Saint-Nicolas-du-Char- 
donnet,  dans  la  chapelle  Saint-Charles  qu'il  avait  décorée, 
où  était  déjà  le  tombeau  de  sa  mère  et  où  on  lui  éleva  un 
monument  avec  un  buste  de  Coysevox. 

Peintre  puissant,  merveilleusement  habile,  coloriste  mé- 
diocre, surnommé  le  Comédien  pour  abuser  de  l'expres- 
sion dont  il  se  fera  le  théoricien,  Le  Brun  est  le  peintre  né 
de  Louis  XIV  parce  qu'il  a  comme  pas  un  autre  le  senti- 
ment décoratif.  Qu'il  soit  peintre  oii  qu'il  se  fasse  archi- 
tecte. Le  Brun  est  un  décorateur.  En  1664,  après  l'incen- 
die de  la  Galerie  des  peintres  au  Louvre,  il  est  chargé  de 
sa  restauration  et  il  conçoit  cette  belle  galerie  d'Apollon 
dont  il  fait  les  dessins,  où  il  peint  en  plafond  le  Soir  et  la 
Nuit  et  en  \QmsuYQ  Neptune  et  ximphitriie,  et  qui,  aban- 
donnée pour  Versailles,  ne  devait  être  terminée  qu'en  4851 
par  Duban.  A  Versailles,  il  décore  la  Grande  Galerie  qui 
le  retient  pendant  quatre  ans  et  où,  en  vingt  et  un  tableaux, 
il  peint  la  vie  du  roi;  il  décore  le  salon  de  la  Paix,  le  salon 
de  la  Guerre  et  le  G  rand  Escalier.  A  Marly,  il  décore  les 
façades.  Il  est  aussi  le  décorateur  de  toutes  les  fêtes  : 
lors  du  mariage  du  roi  (4660),  il  prépare  la  place  Dau- 
phine  pour  l'entrée  du  roi  et  de  la  reine;  en  4668,  il  pré- 
pare Saint-Germain  pour  le  baptême  du  Dauphin;  et  quand 
le  chancelier  Séguier  meurt,  il  fait  pour  son  service  fu- 
nèbre une  décoration  de  l'église  des  Pères  de  FOratoire 
dont  M^^<^  de  Sévigné  dans  une  lettre  et  Sébastien  Leclerc 
'dans  son  estampe  de  réception  à  FAcadémie  nous  ont  con- 


servé la  pompe. — Parmi  les  nombreuses  œuvres  de  Le  Brun 
on  citera  encore  :  au  Louvre,  le  Sommeil  de  V Enfant  Jé- 
sus (4655),  appelé  le  Silence,  Entrée  de  Jésus  dans  Jé- 
rusalem, Jésus  portant  sa  croix,  Jésus  élevé  en  croix ^ 
deux  Adora tioîi  des  bergers,  la  Chute  des  anges  re- 
belles (4698),  le  Passage  du  Gr unique,  la  Bataille 
d'Arbelles,  la  Famille  de  Darius^  Alexandre  et  Porus, 
Entrée  d'Alexandre  à  Babylone,  tous  ces  tableaux  pro- 
venant de  la  collection  de  Loais  XIV  ;  et  encore  :  la  Des- 
cente du  Saint-Esprit,  où  Le  Brun  s'est  représenté  sous 
les  traits  d'un  disciple  vêtu  de  blanc.  Sainte  Famille  dite 
le  Bénédicité,  Jésus  servi  par  des  anges  dans  le  désert, 
Sainte  Madeleine  repentante,  la  Mort  de  Caton,  la 
Chasse  de  Méléagre  et  d'Atalante,  la  Mort  de  Méléagre, 
Mars  et  Vénus,  le  portrait  de  Du  Fresnoy  et  son  portrait 
par  lui-même  ;  le  Louvre  possède  aussi  de  très  beaux  des- 
sins de  Le  Brun,  parmi  lesquels  :  le  portrait  de  la  Brin- 
villiers  et  le  Projet  pour  le  plafond  de  la  Galerie  de 
Versailles,  Aux  Offices  de  Florence  :  Jephté  au  moment 
de  sacrifier  sa  fille;  à  l'Académie  de  Venise,  le  Repas 
chez  les  Pharisiens,  donné  parla  France  à  la  place  des 
Noces  de  Cana  de  Véronèse.  A  la  Pinacothèque  de  Mu- 
nich :  Sainte  Madeleine  priant,  Saint  Jean  dans  Vîle 
de  Pathmos,  Buste  de  vieille  femme  ;  à  Berlin,  portrait 
du  Banquier  Jabach  de  Cologne  et  de  sa  famille;  à 
Dresde,  Sainte  Famille;  à  Vienne,  l'Ascension,  Le  Brun 
a  peint  aussi  un  portrait  de  P.  Corneille,  dont  la  Comédie- 
Française  possède  une  copie.  Les  plus  célèbres  graveurs  de 
Le  Brun  ont  été  Edelinck  et  les  frères  Audran.  Lui-même 
a  gravé  quelques  planches  à  l'eau-forte  :  l'Enfant  Jé- 
sus, le  Petit  saint  Jean,  Saint  Charles,  les  Quatre  Par- 
ties du  jour.  Le  Brun  a  publié  plusieurs  ouvrages  didac- 
tiques :  Conférence  sur  l'expression  des  différents 
caractères  des  passions  (Paris,  4667);  Traité  de  la 
physionomie,  avec  56  planches. 

Son  frère,  Nicolas,  né  en  4645,  mort  en  4680,  fut  un 
paysagiste.  Son  autre  frère,  Gabriel,  peintre-graveur, 
naquit  en  4625  ;  on  ne  connaît  pas  la  date  de  sa  mort. 

Etienne  Bricon. 

BiBL.  :  Mémoires  inédits  sur  la,  vie  et  les  ouvrages  des 
membre  de  l'Académie,  t.  I.  —  Lepicié,  Notice  sur  M.  Le- 
brun.  —  Ch.  Blanc,  Peintres  français. —  Henry  Jouin, 
Charles  Le  Brun  et  les  arts  sous  Louis  XIV  ;  Paris,  1889. 
—  Meuson,  Gazette  des  Beaux- Arts,  1894-95. 

LEBRUN  (Denis),  jurisconsulte  français,  né  à  Paris  vers 
4640,  mort  à  Paris  en  avr.  4706.  Il  fut  avocat  au  parlement 
de  Paris  depuis  i  659  et  a  laissé  deux  traités  restés  classiques  : 
Traité  des  successions  (4692;nouv.  éd.  parF.-B.  Espiardde 
Saux,  1743,  in-fol.  ;  autre  éd.  par  Sérieux,  4777,  in-foL); 
Traité  de  la  communauté  entre  mari  et  femme 
(4709,  4776,  in-fol.).  Ce  dernier  ouvrage,  posthume,  et 
indiqué  à  tort  par  Barbier  comme  anonyme,  a  été  publié 
par  Louis  Hideux.  Il  faut  ajouter  à  ces  deux  importants 
traités  un  ouvrage  non  signé  :  Timité  de  la  parole  (Paris, 
4705,  in- 12).  C'est  à  tort  que  l'on  attribue  quelquefois 
à  Denis  Lebrun  un  Essai  sur  la  prestation  des  fautes 
(Paris,  4764,  4813,  in-4:2);  cette  étude,  quia  motivé  une 
dissertation  de  Pothier,  est  due  à  P.-Ph.  Lebrun,  qui  a 
été  président  prévôt-juge  royal  de  la  ville  de  Bonneval. 

LE  BRUN  (Ponce-Denis  Écouchard-),  dit  Lebrun-Pin- 
dure,  poète  français,  né  à  Paris  le  44  août  4729,  mort  à 
Paris  le  34  août  4807.  Fils  du  premier  valet  de  chambre 
de  la  maison  du  prince  de  Conti,  il  fut  fort  bien  élevé  au 
collège  Mazarin,  où  il  connut  le  petit-fils  de  Racine.  Cette 
amitié  décida  de  son  avenir  littéraire.  Devenu  secrétaire 
des  commandements  du  prince  de  Conti,  il  n'eut  plus 
d'autres  événements  marquants  dans  son  existence  que  son 
divorce  éclatant  avec  sa  femme,  la  brune  Marie-Anne  de 
Surcoût  (4784),  et  des  polémiques  assez  vives  avec  Fré- 
ron,  avec  Domergue,  avec  Baour-Lormian.  Le  Brun  a  eu 
de  son  temps  une  réputation  exagérée.  Depuis,  il  a  été 
beaucoup  trop  déprécié.  Les  quahtés  de  son  style,  son 
enthousiasme,  sa  versification  savante  lui  valent  un  rang 
honorable  dans  la  poésie  française.  Il  a  laissé  des  Odes 


LE  BRUN 


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remarquables.  C'est  d'ailleurs  le  genre  où  il  réussit  le 
mieux  comme  il  l'avait  fort  bien  remarqué  lui-même  lors- 
qu'il dit  que  «  de  tous  les  genres  de  poésie,  c'était  l'ode 
qui  avait  le  plus  de  droit  de  lui  plaire,  parce  qu'elle  avait 
plus  de  rapport  avec  l'élévation  de  ses  idées  et  la  hauteur 
de  son  style  ».  En  effet,  il  avait  trop  peu  de  grâce  et  de 
naturel  pour  aborder  avec  succès  l'élégie  où  il  n'est  par- 
venu qu'à  se  montrer  fade  et  toujours  emphatique.  Il  fut 
nommé  membre  de  l'Institut  en  179o.  —  Citons  de  lui: 
Coup  de  patte  ou  V Anti-minette  (Paris,  1763,  in-12); 
Odes  républicaines  (1795,  in-8)  ;  Prodiges  de  Vimagiîia- 
tion  (1806,  in-12),  etc.  Ginguené  a  donné  une  édition  de 
ses  OEuvres  (Paris,  1811,  4  vol.  in-8)  avec  une  notice  sur 
sa  vie  et  ses  ouvrages.  On  a  publié  encore  ses  OEuvres 
choisies  (1821,  2  vol.  in-12,  et  1828,  in-8)  avec  notice 
biographique  par  Desprezet  Campenon.  R.  S. 

BiBL.  :   Sainte-Beuve,  Portraits  littéraires^  t.  I.  —  Du 
môme.  Causeries  du  lundi,  t.  V. 

LEBRUN  (Charles- François),  duc  de  Plaisance,  homme 
d'Etat  français,  né  à  Saint-Sauveur-Lendelin  (Manche)  le 
19  mars  1739,  mort  à  Saint-Mesmes  (Seine-et-Oise)  le 
16  juin  1824.  Avocat  au  barreau  de  Paris  en  1762,  il 
devint  peu  après  censeur  royal  (1766),  puis  inspecteur 
général  des  domaines  de  la  couronne  (1768),  par  la  pro- 
tection de  Maupeou,  qui,  devenu  chancelier,  lui  fit,  dit-on, 
rédiger  la  plupart  de  ses  discours.  Très  écouté  de  ce  mi- 
nistre, il  prit  part  à  sa  lutte  contre  les  parlements  et  à  la 
réforme  judiciaire  qu'il  tenta  en  1771.  Il  partagea  sa  dis- 
grâce en  1774  et  passa  quinze  années  dans  une  retraite 
où  il  partageait  son  temps  entre  la  culture  des  lettres  et 
l'examen  critique  des  affaires  publiques.  Comme  littéra- 
teur il  se  fit  alors  connaître  par  ses  traductions  de  la 
Jérusalem  délivrée,  du  Tasse  (1774,  2  vol.),  et  de 
V Iliade,  d'Homère  (1776, 3  vol.).  Après  avoir  prédit  avec 
une  rare  sagacité,  dans  une  brochure  intitulée /â5  Voix  du 
Citoyen  (avril  1789),  la  marche  et  la  conclusion  de  la 
Révolution  qui  se  préparait,  il  alla  siéger,  comme  député 
de  Dourdan,  à  l'Assemblée  constituante,  où  il  se  fit  remar- 
quer par  un  libéralisme  très  ferme,  mais  très  modéré,  et 
où  il  fut  rapporteur  des  lois  nouvelles  les  plus  importantes 
en  matière  de  finances. 

Il  fut  ensuite  (1791)  élu  président  du  directoire  de 
Seine-et-Oise  et  représenta  ce  département  au  Conseil  des 
Anciens  (oct.  1795),  où  sa  compétence  administrative  lui 
valut  une  influence  considérable.  Appelé  par  Bonaparte 
après  le  18  brumaire  à  l'emploi  de  troisième  consul,  il 
réorganisa  les  finances  et  l'administration  départementale 
de  la  France.  Devenu,  en  1804,  prince  et  archi-trésorier 
de  l'Empire,  il  fit  instituer  la  cour  des  comptes,  fut  chargé 
d'opérer,  à  titre  de  gouverneur  général,  l'annexion  de  la 
Ligurie  à  la  France  (1805-1806),  s'opposa  vainement  à  la 
suppression  du  Tribunat  (1807),  ainsi  qu'à  la  création 
d'une  nouvelle  noblesse,  et  accepta,  sans  enthousiasme,  le 
titre  de  duc  de  Plaisance  (1808).  Il  eut  ensuite  à  organi- 
ser (1810)  les  départements  formés  de  l'ancien  royaume 
de  Hollande,  qu'il  administra  fort  sagement,  comme  gou- 
verneur général,  de  1811  à  la  fin  de  1813.  Chassé  de  ce 
pays  par  les  troupes  russes,  il  rentra  en  France,  adhéra  à 
la  Restauration  sans  avoir  voulu  s'associer  à  la  déchéance 
de  Napoléon  (avr.  1814),  fut  nommé  pair  de  France  par 
Louis  XVIII  (4  juin),  mais  accepta  pendant  les  Cent-Jours 
la  dignité  de  grand  maître  de  l'Université.  Aussi  fut-il 
exclu  de  la  Chambre  des  pairs  après  la  seconde  Restaura- 
tion (1815).  Mais  il  y  tut  rappelé  par  l'ordonnance  du 
5  mars  1819.  Il  était  membre  de  l'Institut  (inscriptions  et 
belles-lettres)  depuis  1803.  Ses  Mémoires  ont  été  publiés 
par  son  fils  (1829).  La  ville  de  Coutances  lui  a  élevé  une 
statue  en  1847.  A.  Debidour. 

LEBRUN  (M^«  ViGÉE-)  (V,  Vigée-Lebrun). 
LEBRUN  (Louis-Sébastien),  compositeur  français,  né 
à  Paris  le  10  déc.  1764,   mort  à  Paris  le  27  juin  1829. 
Elevé  comme  enfant  de  chœur  à  Notre-Dame  de  Paris,  il 
fut  de  1783  à  1786  maître  de  chapelle  à  Saint-Germain 


l'Auxerrois,  débuta  en  1787  à  l'Opéra  qu'il  quitta  momen- 
tanément pour  le  théâtre  Feydeau,  sans  obtenir  nulle  part 
de  véritables  succès  de  chanteur.  Devenu  en  1803  chef  de 
chant  à  l'Opéra,  il  obtint  en  1810  le  même  emploi  dans 
la  chapelle  de  Napoléon,  où  il  figurait  comme  ténor  depuis 
1807.  Lebrun  fit  représenter  à  Paris,  de  1780  à  1818, 
quatorze  opéras  ou  opéras-comiques  dont  un  seul,  le  Ros- 
signol, un  acte,  joué  à  l'Opéra  le  23  avr.  1816,  obtint, 
grâce  au  talent  de  la  cantatrice  Himm  et  du  flûtiste  Tulou, 
un  succès  marqué  et  parvint  en  1820  à  sa  centième  repré- 
sentation. Il  a  composé  des  romances,  quelques  messes  et 
morceaux  religieux,  un  Te  Deum  pour  la  bataille  de  Wa- 
gram  (1809)  et  plusieurs  opéras  non  représentés. 

LEBRUN  (Anne-Charles),  duc  de  Plaisance,  général  fran- 
çais, né  à  Paris  le  28  déc.  1775,  mort  à  Paris  le  21  janv. 
1859,  fils  de  Charles-François.  Aide  de  camp  du  premier 
consul  à  Marengo  (1800),  colonel  de  hussards  en  1804,  il 
fut  nommé  général  de  brigade  (l^**  mars  1807)  pour  sa 
belle  conduite  à  léna  et  à  Eylau.  Il  se  distingua  plus  tard  à 
Wagram  (1809),  fut  élevé  au  grade  dégénérai  de  division 
le  23  févr.  1812,  commanda  quelque  temps  la  place  d'An- 
vers (1813)  et  fit  la  campagne  de  France  à  côté  de  l'em- 
pereur. Inspecteur  général  des  hussards  sous  la  première 
Restauration,  il  servit  de  nouveau  l'empereur  comme  aide 
de  camp  pendant  les  Cent-Jours  et  fut  élu  membre  de  la 
Chambre  des  représentants  par  le  collège  de  Seine-et- 
Marne.  Mis  en  disponibilité  sous  la  seconde  Restauration, 
il  entra  par  droit  héréditaire  à  la  Chambre  des  pairs  (1824), 
se  rallia  au  gouvernement  de  Juillet  en  1830  et  vécut  as- 
sez pour  devenir,  après  le  coup  d'Etat  du  2  déc.  1851, 
sénateur  (1852  )  et  grand  chanceher  de  la  Légion  d'hon- 
neur (J853).  Il  avait  épousé  une  fille  du  marquis  de  Rarbé- 
Marbois  (ministre  sous  l'Empire  et  sous  la  Restauration), 
qui,  née  le  2  avr.  1785,  mourut  le  14  mai  1854  en  Grèce 
où  elle  s'était  retirée  depuis  plusieurs  années  et  où  elle 
s'était  fait  connaître  par  sa  bienfaisance.  A.  Debidour. 
LE  BRUN  (Louis),  architecte  et  écrivain  français,  né  à 
Douai  en  1776,  mort  à  Paris  en  1840.  Après  être  passé 
par  l'Ecole  polytechnique,  Louis  Le  Drun  étudia  l'archi- 
tecture ;  mais  il  construisit  peu  et  se  fit  surtout  con- 
naître par  des  mémoires  théoriques  renfermant  pour  la 
plupart  de  violentes  critiques  sur  l'enseignement  de  l'ar- 
chitecture tel  qu'il  était  alors  professé  à  Paris.  Les  princi- 
paux de  ces  mémoires  sont  les  suivants  :  Formation  des 
quatre  ordres  d'architecture  grecque,  etc.  (1816,  in-8); 
Mémoire  contre  l'enseignement  professé  à  l'Ecole 
royale  d'architecture,  etc.  (1820,  in-4);  Mémoire  au 
Roi  en  son  Conseil,  sur  les  routines  qui  existent  dans 
l'enseignement  des  Ecoles  royales  d'architecture,  etc.  ; 
Notice  sur  les  projets  du  Louvre,  etc.        Ch.  Lucas. 

LEBRUN  (Pierre-Antoine),  poète  français,  né  à  Paris 
le  29  nov.  1785,  mort  à  Paris  le  27  mai  1873.  Elève  du 
Prytanée  français,  il  s'attira  par  ses  Odes  sur  les  cam- 
pagnes de  l'Empire  une  pension  et  la  recette  particulière 
du  Havre  que  la  Restauration  lui  enleva.  Ses  succès  au 
Théâtre-Français  le  firent  entrer  en  1828  à  l'Académie  fran- 
çaise, en  remplacement  de  François  de  Neufchâteau,  qui 
l'avait  toujours  protégé.  Le  gouvernement  de  Juillet  le 
combla  de  faveurs.  Nommé  directeur  de  l'Imprimerie  royale 
en  1830,  il  fut  créé  pair  de  France  le  7  nov.  1839.  Na- 
poléon III  Fadmit  au  Sénat  le  23  mars  1853.  C'est 
Alexandre  Dumas  fils  qui  lui  a  succédé  à  l'Académie.  Citons 
de  lui:  Ode  à  la  grande  armée  (Paris,  1805,  in-8); 
Ode  sur  la  campagne  de  1S01  (1808,  in-8)  ;  Poème  sur 
la  mort  de  Napoléon  (1822,  in-8)  ;  le  Voyage  en  Grèce, 
poème  (1828,  in-8);  le  Bonheur  que  procure  l'étude 
(1817,  in-4),  etc.;  des  tragédies:  Ulysse  (1815,  in-8)  ; 
Pallas,  fils  d'Evandre  (1822,  in-8);  Marie  Stuart 
(1820,  in-8),  qui  obtint  un  très  légitime  succès  et  est  de- 
meurée au  répertoire,  etc.  On  a  donné  le  recueil  de  ses 
OEuvres  (1844-63,  5  vol.  in-8). 

BiBL.  :  Sainte-Beuve,  Portraits  contemporains  ;  Paris, 
1841,  t.  II,  in-12.  ' 


1097  — 


LEBRUN  ~  LE  CAMUS 


LEBRUN  (Barthélemy-Louis-Joseph),  général  français, 
né  à  Landrecies  le  22  oct.  4809.  Elève  de  l'Ecole  militaire 
de  Saint-Cyren  1829,  de  l'Ecole  d'état-major  en  1832,  il 
fit  avec  distinction  les  campagnes  d'Afrique,  assista  comme 
aide  de  camp  le  général  de  Négrier  pendant  les  journées 
de  Juin  (1848),  et  conquit  le  grade  de  colonel  en  Crimée 
(1855)  sous  Mac-Mahon,  dont  il  fut  chef  d'état-major  en 
Kabylie  (1857)  et  en  Italie  (1859).  Général  de  brigade 
depuis  le  12  mars  1859,  chef  d'état-major  de  la  garde 
impériale  en  18fi0,  général  de  division  le  12  août  1866, 
aide  de  camp  de  l'empereur  en  1869,  il  commanda  le 
12®  corps  pendant  la  guerre  de  1870  et  montra  une  grande 
énergie  dans  les  combats  qui  eurent  lieu  autour  de  Sedan 
(il  les  a  racontés  dans  le  livre  intitulé  Bazeilles,  Sedan^ 
qu'il  a  publié  en  1884).  Prisonnier  de  guerre  de  sept. 
1870  à  mars  1871,  il  prit  part  au  second  siège  de  Paris 
(avr.-mai  1871)  et  commanda  le  3^  corps  d'armée  à  Rouen 
de  1873  à  1879,  époque  oli  il  prit  sa  retraite. 

LEBRUN  DE  La  Rochette  (Claude),  jurisconsulte  fran- 
çais, né  en  1560,  mort  vers  1630.  Il  fut  avocat  à  Ville- 
franche,  dans  le  Beaujolais.  Il  a  écrit  :  les  Procès  civil 
et  criminel^  contenant  la  méthodique  liaison  du  droit 
et  de  la  pratique  judiciaire^  civile  et  criminelle 
(Lyon,  1609,  1664;  Rouen,  1629,  1640,  1647). 

BiBL.:  Allard,  Histoire  de  la  justice  criminelle  ait 
xvp  siècle  ;  Gand,  1868,  pp.  454-457. 

LE  BRUN-ToNDu  (Pierre-Hélène-Marie),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Noyon  en  1763,  selon  certains  bio- 
graphes, en  1754  selon  d'autres,  mort  à  Paris  le  27  déc. 
1793.  Boursier  au  collège  Louis-îe-Grand,  il  entra  d'abord 
dans  les  ordres,  les  quitta,  et,  à  la  suite  de  circonstances 
que  nous  connaissons  mal,  passa  à  Liège,  où  il  devint  im- 
primeur et  journaliste.  Son  Journal  général  de  l'Europe 
(1785-92)  eut  une  grande  vogue  par  la  variété  de  ses 
renseignements.  Interdit  à  Liège,  transporté  à  Hervé,  puis 
à  Paris,  ce  journal  eut  pour  collaborateurs  W-^^  Koralio  et 
quelques  Girondins.  C'est  ainsi  que  Le  Brun  connut  Du- 
mouriez,  qui,  devenu  ministre  des  affaires  étrangères 
(1792),  se  l'attacha  comme  premier  commis.  Très  lié  avec 
les  Girondins,  il  fut  lui-même  élu  ministre  des  affaires 
étrangères  par  l'Assemblée  législative  le  10  août  1792, 
après  la  suspension  de  Louis  XVI.  Travailleur  actif,  bon 

Îatriote,  mais  esprit  un  peu  subalterne,  ilsubittour  à  tour 
'influence  de  Dumouriez  et  de  Danton.  Cependant,  il  fut 
constant  avec  lui-même  en  ce  qu'il  essaya  de  pallier  les 
conséquences  fâcheuses  du  propagandisme  exalté  des  Giron- 
dins. Particulièrement,  il  fit  tout  le  possible  pour  assurer 
la  neutralité  de  l'Angleterre,  et  c'est  malgré  lui,  on  le  sait 
aujourd'hui,  que  la  Convention  déclara  la  guerre  à  cette 
puissance.  Serviteur  fidèle  et  intelligent  3e  la  politique 
pacifique  du  premier  comité  de  Salut  public  et  de  Danton, 
il  négocia  secrètement  avec  l'Angleterre,  mais  sans  succès, 
et  contribua,  en  somme,  à  semer  en  Europe  les  germes 
diplomatiques  qui  produisirent  après  lui  les  glorieux  traités 
de  Bâle.  Décrété  d'arrestation  le  2  juin  1793,  sous  la 
pression  populaire,  au  moment  où  ses  négociations  secrètes 
étaient  engagées,  il  n*en  resta  pas  moins  pendant  quelques 
jours  encore  ministre  des  affaires  étrangères,  et  un  gen- 
darme le  menait  au  comité  de  Salut  public  pour  qu'il  y 
exposât  ses  plans  et  ses  rapports.  Il  fallut  lui  donner  un 
successeur  (21  juin  1793);  ce  fut  Deforgues.  Le  second 
comité  de  Salut  public,  dirigé  par  Robespierre,  désavoua 
avec  éclat  la  politique  de  négociation.  Le  Brun  s'évada 
et  se  cacha.  Découvert  le  3  nivôse  an  11,  il  comparut  le  6 
devant  le  tribunal  révolutionnaire.  Outre  ses  liaisons  avec 
Dumouriez  et  la  Gironde,  on  lui  reprochait  l'échec  de  sa 
diplomatie,  la  perte  de  la  Belgique  et  même  Tinsurrection 
vendéenne.  Danton  déposa  contre  cet  infortuné,  qui  avait 
cependant  été  son  fidèle  auxiliaire.  Condamné  à  mort,  Le 
Brun  fut  guillotiné  le  7  nivôse  an  IL         F.-A.  Aulard. 

LEBRlJN-TossA  (Jean-Antoine),  littérateur  français,  né 
à  Pierrelatte  le  24  sept.  1760,  mort  à  Paris  le  29  mars 
1837.  Employé  dans  les  bureaux  de  la  police,  puis  au 


ministère  de  l'intérieur  et  à  l'administration  des  droits 
réunis  (1804-15).  Il  eut  à  soutenir  toute  une  guerre  d'épi- 
grammes  en  1812  lorsqu'il  eut  dénoncé  le  plagiat  que  Charles 
Etienne  (V.  ce  nom)  avait  commis  en  tirant  les  Deux 
Gendres  de  Conaxa.  Il  a  laissé  un  assez  grand  nombre  de 
pièces  de  théâtre,  entre  autres  :  les  Noirs  et  les  Blancs 
(1798),  drame;  r Honnête  Aventurier  (1798,  in- 8); 
la  Folie  du  roi  Georges  (1794,  in-8),  comédies  ;  Ara- 
belle  et  Vascos  (1794,  in-8),  drame  lyrique;  leCabaleur 
(1794,  in-8),  comédie;  les  Faux  Mendiants  (1798,  in-8), 
opéra-comique, etc.,  représentées  sur  les  théâtres  Louvois, 
de  la  Cité,  Favart,  Montansier,  et  son  plus  grand  succès  : 
la  Jolie  Parfumeuse  (1802,  in-8),  vaudeville  qu'il  écrivit 
en  collaboration  avec  Bonel.  Citons  encore  de  lui  :  Mes 
Révélations  sur  M,  Etienne  (Paris,  1812,  in-8);  Sup- 
plément (1812,  in-8)  ;  r  Evangile  et  le  budget  (1817, 
in-8);  les  Consciences  littéraires  d'à  présent  {iSiS, 
in-8)  ;  Voltaire  juqé  par  les  faits  (1817,  in-8),  etc. 

LE  BU  ou  LEUVU,  Département  et  ville  du  Chili  méri- 
dional, province  d'Arauco.  Ce  département  est  compris 
entre  ceux  d'Aranco  au  N.,  de  Canete  au  S.  et  le  territoire 
d'Angol  à  l'E.  Arrosé  par  le  fleuve  du  même  nom,  il 
couvre  4,000  kil.  q.  Quant  à  la  ville  de  Lebu,  elle  est  à 
l'embouchure  et  sur  la  rive  gauche  du  rio,  qui  est  aisé- 
ment navigable  ;  son  port  est  assez  actif  et  exporte  des 
houilles  indigènes;  7,000  hab. 

LEBUCQUIÈRE.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr. 
d'Arras,  cant.  de  Bertincourt  ;  559  hab. 

LEBU  S.  Ville  de  Prusse,  district  de  Francfort-sur- 
l'Oder  (Brundebourg),  sur  l'Oder;  2,700  hab.  Ce  fut  le 
siège  d'un  évêché  de  la  Haute-Saxe,  s'étendant  sur  les  deux 
rives  de  l'Oder.  Fondé  en  1133,  suffragant  de  Magdebourg, 
puis  de  Gnesen,  le  siège  en  fut  transféré  à  Furstenwalde 
en  1385.  En  1555,  à  la  mort  de  l'évêque  Jean  VIÎI,  le 
margrave  de  Brandebourg,  Joachim-Frédéric,  occupa  l'évêché 
qui  fut  supprimé  en  1598. 

BiBL.  :  WoHLBRùcK,  Gcsck.  dcv  Bistums  Lebus  ;  Ber- 
lin, 1829-32,  3  vol. 

LEBYD  (V.  Lebid). 

LE  CAMUS  (V.  Camus). 

LE  CAMUS  (Etienne),  évêque  de  Grenoble  et  cardinal, 
né  à  Paris  le  23  oct.  1632,  mort  le  12  sept.  1707,  était 
fils  de  Nicolas  Le  Camus,  qui  fut  successivement  trésorier 
général  des  fermes  de  France,  procureur  général  en  la  cour 
des  aides  de  Paris,  conseiller  d'Etat  et  intendant  des  ar- 
mées en  Italie  et  en  Languedoc.  Lorsqu'il  couronna  ses 
études  par  le  diplôme  de  docteur  en  théologie,  reçu  le 
4  mars  1658,  il  était,  depuis  plusieurs  années  déjà,  atta- 
ché à  la  cour  en  qualité  d'aumônier.  Le  roi  l'estimait  fort, 
et  les  lettrés  tels  que  Bossuet,  La  Fontaine,  l'abbé  de 
Bancé,  M"^^  de  Sévigné  faisaient  grand  cas  de  son  esprit. 
Malheureusement,  il  fréquentait  plus  assidûment  une  so- 
ciété moins  sévère.  Avec  Benserade,  il  faisait  des  vers  ga- 
lants; avec  Vivonne  et  Bussy,  il  organisait  des  parties 
tapageuses  que  la  malignité  publique  exagérait.  C'est  ainsi 
qu'on  racontait  que  pendant  la  semaine  sainte  de  l'année 
1659  il  s'était  rendu  avec  quelques  joyeux  compagnons 
dans  le  château  de  Boissy  pour  y  passer  gaiement  ce  temps 
de  pénitence  et  qu'à  la  suite  d'une  orgie  ces  jeunes  hber- 
tins  avaient  donné  la  communion  à  un  porc.  Ce  dernier 
fait  était  faux;  mais  l'affaire  n'en  fit  pas  moins  grand 
scandale.  Elle  vint  aux  oreilles  de  la  reine  mère,  et  Maza- 
rin  exila  le  jeune  abbé  à  Meaux,  d'où  la  protection  de 
Colbert  le  tira  quelque  temps  après.  En  1665,  il  dispa- 
raît, s'enferme  à  la  Trappe  avec  son  ami  l'abbé  de  Bancé 
et  n'en  revient  que  pour  achever  sa  conversion  dans  la 
maison  de  l'Oratoire.  C'est  alors  qu'il  noua  avec  les  Soli- 
taires de  Port-Boval  des  relations  qu'il  entretint  toute  sa 
vie  et  qui  le  firent  plus  tard  taxer  de  jansénisme.  Autant 
la  cour  avait  été  scandalisée  par  ses  inconséquences,  au- 
tant elle  fut  surprise  par  la  rigueur  de  sa  pénitence.  Le 
roi,  qui  l'avait  pris  en  amitié,  lui  offrit  d'abord  l'évêché  de 
Bazas  qu'il  refusa  et,  quelque  temps  après,  celui  de  Gre- 


LE  CAMUS  —  LE  CARON 


»-  1098 


noble  qu'il  n'accepta  que  sur  les  sollicitations  de  ses  amis 
et  avec  la  ferme  résolution  d'y  continuer  la  vie  d'austé- 
rité à  laquelle  il  s'était  condamné  (5  janv.  i671). 

Le  Camus  eut  de  nombreux  démêlés  avec  les  ordres  re- 
ligieux de  son  diocèse  et  notamment  avec  les  jésuites,  qui 
lui  firent  une  guerre  acharnée.  Dans  TafFaire  de  la  Régale 
qui  passionna  si  vivement  le  clergé  de  France,  Févêque  de 
Grenoble  servit  de  négociateur  officieux  entre  le  saint-siège 
et  la  cour  de  Versailles.  Innocent  XI  avait  manifesté  l'in- 
tention de  le  charger  d'une  mission  officielle  auprès  de 
Louis  XIV;  mais  celui-ci  refusa  de  l'accepter  et  lui  témoi- 
gna même  quelque  rancune  de  l'attitude  très  réservée  dans 
la  forme  et  quelque  peu  hostile  dans  le  fond  qu'il  avait 
gardée  pendant  cette  querelle.  Ce  ressentiment  s'accrut 
lorsque  le  pape,  pour  lui  marquer  sa  gratitude,  le  nomma 
cardinal  dans  le  consistoire  du  2  sept.  4686.  Le  roi,  qui 
avait  un  autre  candidat,  en  fut  très  vivement  irrité  ;  il  lui 
défendit  de  paraître  à  la  cour  et  aussi  de  se  rendre  à  Rome 
pour  y  recevoir  son  chapeau.  En  1689,  après  la  mort  d'In- 
nocent XI,  Le  Camus  n'obtint  pas  d'aller  prendre  part  à 
l'élection  du  nouveau  pape.  Toutefois,  deux  ans  après,  le  Sa- 
cré Collège  étant  de  nouveau  convoqué  pour  l'élection  d'In- 
nocent XII,  Louis  XIV  lui  permit  de  se  rendre  à  Rome. 

Contrairement  à  ce  qu'on  a  souvent  répété,  il  est  établi 
par  la  publication  de  sa  correspondance  que  le  cardinal  Le 
Camus,  s'il  eut  et  conserva  des  sympathies  personnelles 
pour  quelques  jansénistes,  répudia  toujours  leurs  doctrines 
et  qu'il  fit  publier  dans  son  diocèse  la  bulle  Vineam  Do- 
mini.  De  imm%^  s'il  ne  réprouva  pas  la  révocation  de  l'édit 
do  Nantes  -—  la  tolérance  n'était  pas  de  son  temps  —  il 
s'efforça  du  moins  d'épargner  à  son  diocèse  les  mesures 
violentes  qui  accompagnèrent  ailleurs  cette  odieuse  mesure. 
Très  riche,  il  se  montra  généreux  pour  les  pauvres  et  les 
établissements  charitables.  Il  mourut  au  cours  d'une  visite 
pastorale  et  fut  inhumé  dans  l'église  cathédrale  de  Gre- 
noble. —  Les  armes  de  la  famille  Le  Camus  sont  :  de 
gueules  au  pélican  d'argent^  au  chef  cousu  d'azur, 
chargé  d'une  fleur  de  lis  d'or.  A.  Prudhomme. 

BiBL.  :  [LAhOUF.TTE],  Abrégé  de  la  vie  de  M.  le  cardinal 
Le  Camus  ;  Paris,  1720,  in-12.  —  Saint-Simon,  Mémoires, 
éd.  Hachette,  IV,  69.  —  Gras  du  Villard>  Disc,  sur  la 
vie  et  la  mort  de  M.  le  Gard.  Le  Camus;  Lausanne  ^Gre- 
noble),  1749,  in-12.  •—  R.  Key,  Une  Page  inédite  de  la  vie 
du  Card.  Le  Camus.,  dans  Bail,  de  VAc,  Delptiinale,  3«  sé- 
rie, t.  XVII.  -  Sainte-Beuve,  Port-Roiial,  >  éd.,  IV,  528- 
655.  —  Ch.  Bellet,  Hist.  du  Card.  Le  Camus^  év.  et 
prince  de  Grenoble;  Paris,  1886,  in-8.  —  Ingold,  Lettres 
du  Card.  Le  Camus,  dans  Bull,  de  VAc.  Delphinale^  Doc. 
inédits  relatifs  au  Dauphiné,  2«  série,  t.  I. 

LE  CAMUS  DE  Mézières  (V.  Camus). 

LECANIUIVÎ  (Entom.).  Genre  d'Insectes  Hémiptères 
Phythophthires,  famille  des  Coccidés,  fondé  par  Illiger  et 
ainsi  caractérisé  :  formes  nues  naviculaires  dans  le  jeune 
âge  et  changeant  d'aspect  après  la  fécondation  ;  lèvre  infé- 
rieure à  un  seul  article,  antennes  de  neuf  articles.  Les 
Lecanium  comptent  parmi  les  Cochenilles  nuisibles  ;  une 
espèce  dite  Pou  de  V oranger  [Lecanium  hesperid^iin), 
longue  de  2  à  4  millim.,  infeste  les  feuilles  d'oranger  à 
la  face  inférieure  desquelles  elle  pullule,  épuisant  l'arbre 
en  suçant  les  sucs.  En  outre,  ces  Lecanium  sécrètent  une 
matière  sucrée,  qui  attire  les  fourmis  en  faisant  sur  la 
feuille  un  enduit  laqué,  favorise  le  développement  do  cham- 
pignons parasites  (Morfea  cilri)  qui  causent  la  maladie 
nommée  fumagine  ;  d'autres  espèces  attaquent  les  oliviers 
(Lecanium  oleœ),  les  pêchers  (L.persicœ),  les  chênes  (L. 
quercus),  la  vigne  (L.  vitis).  On  a  fait  de  cette  dernière 
espèce,  qui  ne  se  développe  que  sur  les  vieilles  vignes 
épuisées,  le  type  du  genre  Pulvinaria.  M.  M. 

LÉCANOI^iANCIE  (V.  Divination). 

LEGANORA  (Bot.),  Genre  de  Lichens  Ascosporés  Gym- 
nocarpes,  à  thalle  crustacé,  de  couleur  variée,  tantôt  diffus, 
d'autres  fois  déterminé,  avec  des  apothécies  sessiles, 
noires,  brunes  ou  jaunâtres,  quatre  à  huit  spores  et 
môme  davantage  dans  chaque  asque,  ovoïdes  ou  ovales- 
allongées,  rarement  cloisonnées.  Spermogonies  saillantes, 


en  forme  de  tubercules  ou  demeurant  enfoncées  dans  le 
thalle;  spermaties  aciculaires,  rectilignes  ou  courbées.  Le 
genre  Lecanora  a  été  divisé  (Nylander)  en  six  espèces, 
répandues  dans  la  zone  torride  et  tempérée;  plus  rares 
dans  la  zone  boréale,  elles  croissent  sur  les  troncs  d'arbres, 
le  sol  ou  les  rochers.  Il  existe  des  espèces  tinctoriales  : 
L.  Parella  (Auvergne),  L.  Tartarea  (Auvergne,  Pyrénées, 
Vosges),  L.  tumidula,  L.  pallescens,  L.  tinctoria 
(Brésil)  qui  donne  une  superbe  laque  violette  et  est  très 
recherché.  D'autres  espèces  sont  comestibles.  La  plus  cé- 
lèbre est  le  L.  esculenla  (syn.  Parmelia  esculenta)  qui 
passe  pour  avoir  été  la  manne  des  Hébreux.  Elle  se  pré- 
sente sous  forme  de  petites  masses  globuleuses,  do  la  gros- 
seur d'une  noisette,  à  surface  mamelonnée,  grisâtre  ou 
brunâtre,  contenant  de  l'oxalate  de  chaux,  un  quart  envi- 
ron de  son  poids  de  lichcnine,  des  matières  sucrées  et  azo- 
tées. Ces  masses  sont  arrachées  aux  rochers  et,  emportées 
par  le  vent,  vont  retomber  en  une  sorte  de  pluie  qui  re- 
couvre le  sol.  Parrot  en  a  vu  en  1828,  dans  certaines  loca- 
lités de  la  Perse,  des  couches  de  près  d'un  pied  d'épais- 
seur. Henri  Fournier. 

LÉGANORIQUE  (Acide). 

P^^      C  Equiv...  Ci«HW(C^6H808), 
^^^^-  I  Atom...  G^WW. 

L'acide  lécanorique,  appelé  aussi  acide  diorsellique  ou 
lécanorique,  a  été  découvert  par  Schunck  dans  certains 
lichens  tinctoriaux  du  genre  Lecanora  et  Variolaria,  On 
peut  l'en  extraire  en  séchant  les  lichens,  les  pulvérisant, 
puis  les  épuisant  par  l'éther.  Il  cristallise  en  aiguilles  grou- 
pées, fusibles  à  io3^,  peu  solubles  dans  l'eau  froide. 
L'acide  lécanorique  est  l'éther  de  l'acide  orsellique  : 
2C*«li80«  =:  Ci6lTOS(Gini808)  +  H^O^^. 
Aussi  l'ébuîlition  de  sa  solution  le  dédouble  d'abord  en  acide 
orsellique  et  huit  par  fournir  F orcine  et  l'acide  carbonique, 
produits  de  décomposition  de  l'acide  orsellique.     G.  M. 

LE  GARLIER  (Marie-Jean-François-Phihbert),  homme 
politique  français,  né  à  Laon  le  20  nov.  1752,  mort  à 
Paris  le  22  août  1799,  Fils  d'un  riche  propriétaire  de  la 
Picardie  et  maire  de  Laon,  il  fut  nommé  député  aux  Etats 
généraux.  Il  ne  parut  guère  à  la  Constituante  et  devint, 
après  la  séparation  de  cette  assemblée,  président  du  dis- 
trict de  Chauny.  Elu  à  la  Convention,  puis  au  Corps  légis- 
latif, il  refusa  le  mandat,  présida  l'admraistration  du  dép. 
de  l'Aisne  et  fut  nommé  vers  la  fm  de  1797  commissaire 
à  l'armée  française  en  Suisse.  Sa  santé  le  força  de  rentrer 
à  Paris;  en  mai  1798,  il  fut  nommé  ministre  de  la  police 
et  accepta  ce  poste,  qu'il  garda  jusqu'au  3  nov.  suivant.  Il 
allait  partir  comme  commissaire  en  Belgique,  lorsque  le  dép. 
de  l'Aisne  l'élut  au  Conseil  des  Anciens  en  mai  1799.  Il 
accepta  et  mourut  peu  après.  A.  Kuscinski. 

LE  CARON  (Loys  Charondâs),  jurisconsulte  et  poète 
français,  né  à  Paris  en  lo36,  mort  en  1617.  Il  était  fils  de 
Le  Caron,  sieur  de  Canly,  héraut  d'armes  de  France,  et  il 
})rit  le  nom  du  législateur  de  l'antiquité,  Charondâs»  Il  dé- 
buta au  barreau  en  1552,  et  s'adonna  en  même  temps  à 
la  poésie.  H  fit  imprimer  en  1554  deux  recueils  de  poésies, 
le  second  intitulé  la  Clarté  amoureuse.  En  1555,  parut 
un  recueil  de  dialogues  sur  des  sujets  philosophiques.  Mais 
Le  Caron  doit  plutôt  sa  réputation  à  ses  ouvrages  de  droit. 
Il  publia  en  1555  un  recueil  de  droit  antérieur  à  Justi- 
nien  où  l'on  trouve  une  restitution  de  la  loi  des  Douze 
Tables  et  des  fragments  d'Ulpien.  En  1575,  il  donna,  chez 
l'éditeur  Plantin,  un  nouveau  Corps  de  droit  romain,  qui 
est  d'une  remarquable  clarté  si  on  le  compare  à  celui  des 
glossateurs.  Il  faut  citer  aussi  :  le  Grand  Coutumier  de 
France  (Paris,  1598,  in-4);  Coutumier  de  Paris,  avec 
des  commentaires  (1598,  in-4;  1605  et  1613,  in-foL); 
Commentaire  sur  l'Edit  des  secondes  noces  (1560)  ; 
Pandectes  du  droit  français  (Lyon,  1597  et  1602,  in-4). 
Ses  œuvres  ont  été  réunies  en  2  vol.  in-fol.  (Paris,  1637). 
On  trouvera  énumérés  les  nombreux  travaux  de  Le  Caron 
dans  les  Bibliothèques  françaises  de  La  Croix  du  Maine 
et  de  Du  Verdier,  édition  Rigoley  de  Juvigny  (1772-73, 


-  1099 


LE  CARON  —  LECCO 


t.  II,  p.  46,  et  t.  IV,  p.  592),  et  dans  la  Bibliothèque 
historique  de  la  France^  par  le  P.  Lelong  (t.  V,  p.  455, 
Table).  G.  R. 

BiBL.  :  Anicet  Digard,  Louis  le  Caron^  dit  Charondas^ 
dans  Revue  historique  de  droit  français  et  étranger,  1861, 
t.  VII,  p.  177. 

LECAR RENTIER  (Charles-Loiiis-François),  peintre  et 
écrivain  français,  né  à  Pont-Audemer  en  1750,  mort  à 
Rouen  en  4822.  Il  fut  professeur  à  l'Académie  de  Rouen, 
et  chargé,  pendant  la  Révolution,  de  créer  un  musée,  avec 
tous  les  tableaux  de  la  Seine-Inférieure  qui  lui  parurent 
dignes  d'être  conservés.  Lecarpentier  a  abordé  à  peu  près 
tous  les  genres  de  peinture.  Parmi  ses  écrits,  on  peut 
citer  des  notices  sur  Bouteiller,  Houel,  et  Jean  Letellier. 

LE  CARPENTIER  (V.  Carpentjeb). 

LE  CAT  (Claude-Nicolas),  chirurgien  et  homme  de  lettres 
français,  né  à  Blérancourt  (Oise)  le  (3  sept.  1700,  mort  à 
Rouen  le  46  août  4768.  Docteur  en  médecine  de  Reims 
(1732),  il  devint  successivement  chirurgien  en  chef  de 
riiôtel-Dieu  de  Rouen,  lithotomiste  pensionné  de  cette  ville, 
professeur  d'anatomie  et  de  chirurgie,  secrétaire  de  l'Aca- 
démie des  sciences  de  Rouen,  membre  de  l'Académie  de 
chirurgie  de  Paris,  etc.  Il  imagina  des  instruments  nou- 
veaux pour  l'opération  delà  taille  et  perfectionna  l'opéra- 
tion de  la  fistule  lacrymale.  Tous  les  prix  proposés  par 
l'Académie  de  chirurgie,  de  4732  à  4738,  furent  gagnés 
par  lui.  A  une  valeur  réelle  il  joignait  cependant  un  peu 
de  charlatanisme.  Le  Cat  a  beaucoup,  trop  écrit.  Citons 
seulement:  Traité  des  sens  (Rouen,  1740,  in-8);  Lettres 
concernant  Vopérat.  delà  taille  (Rouen,  4749,  in-42); 
Recueil  de  pièces  sur  r  opérât,  de  la  taille  (Rouen,  4749- 
53,  in~8)  ;  Traité  de  la  nature  du  fluide  des  nerfs 
(Berlin,  4765,  in-8);  Traité  des  sensations..,  (Paris, 
4766,  in-8)  ;  Cours.,,  d'ostéologie  (Rouen,  1768,  in~8). 

LEGAT  (V.  Bazancourt  [Baron  de]). 

LÉCAUDE.  Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr.  deLisieux, 
cant.  de  Mézidon  ;  250  hab. 

LECCA  (Démètre  G»),  homme  politique  roumain,  né  à 
Tecuci  en  déc.  4832,  mort  ta  Radomiresti  (district  de 
Bacau)  le  4  juil.  1888.  Il  fit  ses  études  à  Paris,  où  il 
suivit  les  cours  de  l'école  d'état-major  (1852-53). Revenu 
dans  son  pays,  il  embrassa  la  carrière  miUtaire  et  prit 
part,  comme  commandant  du  bataillon  de  chasseurs,  créé 
peu  de  temps  auparavant,  au  complot  du  14/23  févr.  1866 
qui  contraignit  le  prince  Coiiza  (V.  ce  nom)  à  abdiquer. 
Il  fut  ministre  de  la  guerre  en  1866,  quitta  le  service  en 
1872  et  entra  dans  la  vie  politique.  Le  gouvernement  libéral 
lui  ayant  confié,  pendant  la  guerre  de  1877-78,  un  com- 
mandement dans  la  4^  division,  il  prit  Nazir-Mahala 
(29  déc).  Ministre  de  la  guerre  en  1880,  il  devint  prési- 
dent de  la  Chambre  en  4883.  N.  Jorga. 

BiBL.  :  TociLKScu,  Manuel  d'histoire  roumaine  ;  Buca- 
rest, 1894. 

LEGCE.  L  Ville.  —  Ville  de  FRalie  du  Sud,  ch.-l.  de 
la  prov.  du  même  nom  ou  Terre  d'Otrante,  à  42  kil.  de 
l'Adriatique;  19,639  hab.  Carrières  de  pierre  à  bâtir; 
manufacture  de  tabac  :  on  récolte  dans  le  voisinage  l'huile 
et  le  vin.  — •  Lecce,  l'antique  Lupiœ  civitas,  aurait 
été  fondée,  selon  la  légende,  par  Daunus,  beau-père  de 
Diomèdo,  et  agrandie  par  les  colons  crétois  d'Idoménée; 
près_  de  là,  au  village  de  Rudies  (auj.  Rtcgge),  naquit 
Ennius,  le  père  de  la  poésie  latine  ;  Octave  y  reçut  la 
nouvelle  de  la  mort  de  César.  Adrien  et  Marc  Aurèle 
agrandirent_  son  port  ;  l'Adriatique  a  reculé  depuis  cette 
époque.  Mais  tous  les  souvenirs  de  la  Grande-Grèce  et  de 
l'époque  romaine  ont  disparu,  sauf  une  colonne,  qui  sert 
de  piédestal  à  la  statue  de  saint  Oronte,  philosophe  pytha- 
goricien, baptisé  par  saint  Paul,  et  devenu  le  patron  do  la 
ville.  La  domination  normande  a  laissé  plus  de  traces  : 
un  lourd  castel,  la  vieille  éu)mdeSan  Nicola  e  Cataldo,  etc. 
Mais  la  ville  actuelle  est  une  création  do  Charles-Quint  et 
des  derniers  élèves  de  la  Renaissance.  C'est  le  triomphe  du 
l)aroquei)i  du  rococo.  «  Cette  ville,  dit  M.  P.ourget,  n'est 
pour  ainsi  dire  tout  entière  qu'une  sculpture  et  qu'une 


mignardise.  Les  enjolivements  maniérés  se  tortillent  aux 
balcons  des  maisons  ;  un  peuple  de  statuettes  contournées 
gravite  au-dessus  des  portes  ;  des  colonnettes  se  profilent 
après  des  colonnettes  et  des  frontons  après  des  frontons. 
Les  églises  déploient  des  façades  fantastiquement  parées 
de  festons,  d'astragales,  de  figurines,  de  cariatides.  Des 
statues  les  couronnent,  des  statues  les  flanquent  ;  des  corps 
se  rephent,  des  bras  s'arrondissent,  des  draperies  se  cas- 
sent, des  anges  ouvrent  leurs  ailes.  »  {Sensations  d'Italie.) 
La  blanche  Lecce,  la  «  Florence  de  l'Apulie  »,  est  donc 
comme  Sienne,  une  ville  née  et  finie  en  un  siècle,  mais  elle 
est  plus  jeune  de  cent  ans.  Elle  est  btâtie  en  une  pierre 
blanche  et  friable,  qui  durcit  avec  le  temps  et  qui  ac- 
quiert une  patine  marmoréennne.  Lecce  est  dominée  par 
un  clocher  de  76  m.  de  haut,  qui  sert  de  signal  aux  ba- 
teaux entre  Otrante  et  Brindisi.  Il  y  a  moins  d'un  siècle, 
un  gaiMJien  s'y  tenait  nuit  et  jour,  pour  signaler  le  débar- 
quement des  pirates  barbaresques.  L'arc  de  triomphe  de 
Charles-Quint  est  une  des  portes  de  l'ancienne  enceinte  du 
xvi«  siècle,  démolie  au  xviii^.  II.  V. 

IL  Province  (V.  Terre  d'Otrante). 

BiBL.  :  De  Simone,  Lecce  e  i  suoi  dintornî;  Lecce,  1874. 

—  V.  aussi  Apulie. 

LECCE  (Matteo  da),  peintre  italien,  né  à  Lecce,  mort 
à  Lecce  au  début  du  xvii^  siècle.  Il  vint  à  Rome  sous  le 
pontificat  de  Grégoire  XIIL  Elève  de  Salviati,  il  fut,  comme 
tant  d'artistes,  séduit  par  l'exemple  redoutable  de  Michel- 
Ange.  Matteo  osa  même  se  mesurer  avec  le  maître,  en 
peignant  en  face  du  Jugement  dernier,  dans  la  chapelle 
Sixtine,  la  CÂutc  des  anges  rebelles  et  le  Combat  de 
saint  Michel  contre  Lucifer  devant  le  corps  de  Moïse. 
Rebuté  par  les  critiques  qui  accablèrent  cette  œuvre,  il 
quitta  l'Italie  et  alla  en  Espagne,  puis  dans  l'Inde,  où  il 
se  livra  au  commerce.  On  dit  qu'il  revint  dans  sa  patrie 
et  qu'il  y  mourut.  11  est  possible  qu'il  y  ait  une  part  de 
légende  dans  l'histoire  romanesque  de  cette  vie,  car  Lanzi 
parle  d'un  Matteo  Perez  qu'il  appelle  tantôt  à'Alesio., 
tantôt  da  Lecce;  une  confusion  aurait  pu  s'établir  entre 
ce  peintre  d'origine  espagnole,  né  peut-être  en  Terre 
d'Otrante,  et  qui  finit  sa  vie  en  Espagne,  et  Fartiste  de 
Lecce  qui  a  peint  les  deux  fresques  de  la  Sixtine.  E.  Bx. 
Btbl.  :  Lanzi,  Sioria  pittorica  delV  Italia;  Milan,  t.  II. 

—  Baglione,  Le  Vite  de  più  excellenti  pittori^  scultori 
ed  architetti  dal  1512  al  15ù2;  Rome,  1642,  in-4. 

LECCHI  (Giovanni-Antonio),  mathématicien  et  hydrau- 
licien  italien,  né  à  Milan  le  17  nov.  1702,  mort  à"  Milan 
le  24  août  1776.  Entré  dans  l'ordre  des  jésuites  en  1748, 
professeur  de  mathématiques  à  l'université  de  Pavie  de 
1737  à  1759,  il  s'acquit  comme  mathématicien  et  surtout 
comme  hydraulicien  une  grande  célébrité,  fut  appelé  en 
i  760  à  la  cour  d'Autriche,  oii  il  resta  trois  ans,  puis  revint 
en  Italie  et  effectua  dans  la  Romagne  d'importants  travaux 
d'endiguement  de  fleuves  (1763-69).  Il  a  écrit  de  nom- 
breux ouvrages  :  Arithmetica  universalis  Netvtoni  (Mi- 
lan, 1752,  3  vol.  in-8);  Theoria  lucis  (Milan,  1759);  La 
îdrostatica  nei  suoiprincimi  (Milan,  1765,  in4);  Memo- 
ria  idrosiatiche  (Modène,  1775,  2  vol.  in-4);  Trattato 
dei  canali  navigaldli  (Milan,  1.776,  in-4),  etc.     L.  S. 

LECCL  Com.  du  dép.  de  la  Corse,  arr.  de  Sartène, 
cant.  de  Porto-Vecchio;  283  hab. 

LECCO.  Ville  de  l'Italie  du  N.  de  la  prov.  de  Côme,  et 
à  25  kil.  E.  de  cette  ville,  située  à  l'extrémité  S.-E.  du 
lac  de  Céme,  à  la  pointe  dite  pointe  de  Lecco,  par  où 
l'Adda  s'échappe  du  lac  ;  6,075  hab.  Pont  de  pierre  de 
1335,  en  aval  duquel  l'Adda  s'élargit  et  forme  le  lac  de 
Pescarenico.  Tout  le  pays  d'alentour  est  planté  de  mû- 
riers. Lecco  est  important  par  ses  filatures  de  soie,  son 
marché  de  bétail,  ses  forges.  Au  moyen  âge  son  château, 
planté  sur  la  croupe  du  Resegone  (ait.  1,829  m.),  a  donné 
lieu  à  de  nombreux  sièges.  Manzoni,  dans  ses  Fiancés,  a 
décrit  les  belles  promenades  qui  y  mènent.  La  ville  J'ut 
détruite  par  les  Milanais  en  1296.* En  1799,  les  Austro- 
Russes  y  battirent  les  Erançais  commandés  par  Sérurier. 
BiBL.  :  Apostolo,  Lecco  e  suo  ierritorio  ;  Lecco,  1855, 


LECELLES  ~  LE  CHATELIER 


—  iiOO 


LECELLES.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Valen- 
ciennes,  cant.  de  Saint-Amand  (r.  g.)  ;  2,202  hab.  Stat.  du 
chem.  de  fer  du  Nord,  ligne  de  Saint-Amand  à  Tournai. 

LE  CELLYER  (Claude),  écrivain  héraldiste  du  xvii®  siè- 
cle. Il  est  l'auteur  de  la  Haute  Chevalerie  française  ou 
Généalogies,  7ioms  et  armes  des  illustres  seigneurs  du 
royaume  (Paris,  4660,  in-4)  ;  Méthode  très  facile  pour 
apprendre  le  blason  (Paris,  4669-78,  in-fol.)  ;  le  Nou- 
veau Armoriai  universel  (Paris,  4662,  in-4,  avec 
200  pi.  contenant  4,500  blas.). 

LE  CÈNE  (Charles),  théologien  protestant,  né  à  Caen 
vers  4647,  mort  à  Londres  en  4703.  Pendant  son  séjour 
en  France,  il  avait  été  ministre  protestant  à  Caen,  Honfleur, 
Charenton,  et  avait  commencé  une  traduction  française  de 
la  Bible.  En  4685,  après  la  révocation  de  Tédit  de  Nantes, 
il  vint  à  Londres,  et  en  4686  il  y  établit  une  congrégation 
conformiste;  mais  les  huguenots  d'Angleterre  furentibientôt 
divisés  sur  des  questions  de  doctrine,  et  les  vues  de  Le  Cène 
le  rendirent  impopulaire.  Il  passa  en  Hollande  avant  4691 , 
puis  revint  en  Angleterre.  Le  Cène  publia  :  De  l'Etat  de 
Vhomme  après  le  péché  et  de  sa  prédestination  au 
salut  (Amsterdam,  4684,  in-42);  Entretiens  sur  di- 
verses matières  de  théologie  (Amsterdam,  4685,  in-42)  ; 
Conversations  sur  diverses  matières  de  religion  (Ams- 
terdam, 4687);  Projet  d'une  nouvelle  version  française 
de  la  Bible  (Rotterdam,  4  696,  in-8)  ;  la  Sainte  Bible ^  nou- 
velle version  française,  publication  posthume  (4744,  2  vol. 
in-foL).  R.  S. 

LE  CERF  (Alfred-Louis-René),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Paris  le  24  nov.  4846.  Docteur  en  droit,  il 
commanda  un  bataillon  des  mobiles  des  Côtes-du-Nord 
pendant  la  guerre  franco-allemande,  devint  maire  de  Mur 
et  fut  élu  député  des  Côtes-du-Nord  le  25  nov.  4888. 
Royaliste,  il  appuya  de  ses  votes  le  boulangisme  et  fut 
réélu  en  4889  et  1893.  Il  a  écrit  :  Etude  sur  le  domaine 
congéable  ou  bail  à  convenant  (Paris,  1872,  in-8). 

LECESVE  (René),  prélat  et  homme  politique  français, 
né  à  Poitiers  (Vienne)  le  24  sept.  4733,  mort  à  Poitiers  le 
23  avr.  4794.  Curé  de  Sainte-Triaize  à  Poitiers,  élu,  le 
27  mars  1789,  député  du  clergé  de  la  sénéchaussée  du  Poi- 
tou aux  Etats  généraux,  il  se  réunit  aux  communes  le 
43  juin,  avec  les  curés  Ballard  et  Jallet.  Il  prêta  le  serment 
civique  le  27déc.  4790,  fut  élu  évêque  constitutionnel  de 
la  Vienne  le  27  févr.  4794  et  sacré  le  27  mars. 

LECEY.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr.  de 
Langres,  cant.  de  Neuilly-l'Evêque  ;  296  hab . 

LECH  (Licus).  Rivière  d'Autriche  et  de  Bavière,  affl. 
dr.  du  Danube  qui  sort  du  lac  Formarin  dans  leVorarlberg, 
à  4,865  m.  d'alt.,  et  descend  au  N.-E., décrivant  des  si- 
nuosités dans  un  val  désert  encaissé  entre  d'âpres  monts 
calcaires.  A  Reutte  la  vallée  s'élargit;  le  Lech  franchit 
successivement  cinq  alignements  transversaux  de  mon- 
tagnes, entre  en  Bavière  et  forme  la  belle  cascade  de  Saint- 
Mangtritt.  A  Fussen  (Fauces  Alpium),  il  entre  en  plaine 
et  prend  la  direction  N.,  mais  conserve  son  caractère  torren- 
tiel, rongeant  ses  rivages,  changeant  de  lit  ;  sa  largeur 
varie  de  36  à  390  m.  Il  sépare  les  anciennes  régions  de 
Souabe  et  de  Bavière,  arrose  Schongau  où  il  devient  no- 
minalement navigable,  Landsberg,  Augsbourg  et  finit  près 
de  Rain,à  Lechsend  (ait.  405  m.).  Ses  principaux  affluents 
sont  la  Vils,  le  Halblech,  la  Wertach.  H  a  285  kil.  de  long 
et  draine  un  bassin  de  4,400  kil.  q.  La  plaine  entre  le 
Lech  et  la  Westach  s'appelle  le  Lechfeld;  elle  a  37  kil. 
de  long.  Généralement  couverte  de  graviers,  elle  est  peu 
fertile,  sauf  aux  points  oti  se  sont  déposés  des  bancs  argi- 
leux; ailleurs  sont  des  tourbières.  C'est  dans  cette  plaine 
que  l'empereur  Otton  ï^"^  remporta  une  victoire  décisive 
sur  les  Hongrois  (40  août  955).  Le  couvent  de  franciscains 
de  Lechfeld,  près  d'Untermeilingen  (non  loin d'Augsbourg), 
en  garde  le  souvenir  et  est  un  lieu  de  pèlerinage  fréquenté. 
Enfin  cette  plaine  sert  de  champ  de  manœuvres  à  l'armée 
bavaroise.  A. -M.  B. 

LECH ,  personnage  légendaire  qui,  d'après  certaines  chro- 


niques polonaises,  aurait  établi  sa  résidence  à  Gniezno  et  aurait 
été  le  fondateur  de  l'Etat  polonais.  Les  anciennes  chroniques 
russes  désignent  sous  le  nom  de  Liakhs  un  peuple  qui  répond 
aux  Polonais.Ce nom  (primitivement /^/^A:,lithuanien/^7^te, 
magyar  lengel)  s'est  conservé  dans  la  Petite-Russie,  et 
les  Polonais  se  le  sont  parfois  appliqué.  On  a  voulu,  à  tort, 
en  dériver  le  mot  szlachta,  qui  veut  dire  noblesse  en  po- 
lonais et  qui  dérive  de  l'allemand  geschlecht  (ancien  haut 
allemand  slahta).  L'étymologie  et  l'histoire  du  mot  lech 
ont  été  étudiées  par  MM.  Nehring,  Perwolf  et  Jagic  dans 
VArchiv  fur  Slavische  Philologie  (t.  III  et  IV). 

LECHALAS  (Médéric-Clément),  inspecteur  général  des 
ponts  et  chaussées  en  retraite,  né  à  Angers  le  7  janv.  4820. 
Fondateur  de  Y  Encyclopédie  des  travaux  publics,  où  il 
a  personnellement  écrit:  Hydraulique  fluviale  (gr.  in-8, 
4884);  Conditions  générales  d'établissement  des  ou- 
vrages dans  les  vallées,  servant  d'introduction  au  Traité 
des  Ponts  en  maçonnerie  (iSSl-SS,  2  vol.  gr.  in-8),  on 
a  du  même  auteur  plusieurs  mémoires  dans  les  Annales 
de  son  corps,  notamment  :  Construction  de  deux  ponts 
sur  la  Loire,  à  Nantes  (4865);  Forme  de  carénage  de 
Paimbœuf,  épuisement  avec  l'eau  de  marée  emmagasinée 
au  plein  (4865);  Endiguement  de  la  Basse-Loire,  éta- 
blissement des  courbes,  des  débits  et  des  vitesses  dans  la 
partie  maritime  des  fleuves  (4865)  ;  Note  sur  les  rivières 
à  fond  de  sable  (4  874)  ;  Mémoires  sur  le  roiilage  (4879 
et  4881).  —  La  chambre  de  commerce  de  Nantes  a  publié 
de  M.  Lechalas  :  Rapport  sur  la  transformation  de  la 
Loire  maritime  (4869,  in-4)  ;  Nantes  et  la  Loire  (mars 
4870,  in-8).  —  La  Seine  maritime  et  son  estuaire,  par 
feu  Lavoinne,  a  été  publiée  par  Lechalas  en  4885  dans  son 
Encyclopédie  des  travaux  publics,  avec  le  concours  de 
la  chambre  de  commerce  et  du  conseil  municipal  de  Rouen 
(gr.  in-8).  Une  introduction  développée,  sur  le  phéno- 
mène des  marées  dans  les  fleuves,  a  été  écrite  par  lui 
pour  cet  ouvrage.  M.  Lechalas  est  un  des  principaux  col- 
laborateurs de  la  Grande  Encyclopédie. 

LECHALAS  (Georges-Médéric),  ingénieur  en  chef  des 
ponts  et  chaussées,  né  à  Nantes  le  4  ^'^  juin  4854,  fils  du  pré- 
cédent. On  a  de  lui  :  Manuel  de  droit  administratif,  ser- 
vices des  ponts  et  chaussées  et  des  chemins  vicinaux  (t.  I,  paru 
en  4889,  gr.  in-8  ;  t.  H,  \^^  partie,  en  4893).  H  a  exécuté 
comme  ingénieur  ordinaire  les  grandes  écluses  de  Saint-Au- 
bin, sur  la  Seine,  et  le  nouveau  quai  d'Elbœuf  ;  comme  ingé- 
nieur en  chef,  la  forme  de  radoub  de  Dieppe.  —  Les  An- 
nales des  ponts  et  chaussées  ont  inséré  du  même  auteur 
les  mémoires  suivants  :  Ports  d' Anvers  et  de  Gand  (4882); 
les  Ponts  et  chaussées  dans  la  généralité  de  Rouen 
avant  i789  (4883).  —  Georges  Lechalas  est  en  outre 
connu  par  ses  publications  dans  un  grand  nombre  de  pé- 
riodiques spéciaux  :  Revue  philosophique,  Critique  phi- 
losophique, etc. 

LE  CHAPELIER  (V.  Chapelier). 

LE  CHASTELIER  (V.  Chastelier). 

LE  CHÂTELAIN  (V.  Châtelain). 

LE  CHATELIER  (Louis),  ingénieur  français,  né  à  Pa- 
ris le  20  févr.  4845,  mort  à  Paris  le  40 nov.  4873  Entré 
à  l'Ecole  polytechnique  en  4834  et  à  l'Ecole  des  mines  en 
4836,  ingénieur  ordinaire  en  4844,  ingénieur  en  chef  en 
4850,  inspecteur  général  honoraire  en  4872,  il  a  eu  une 
grande  part  à  la  création  de  notre  réseau  de  chemins  de  fer, 
principalement  par  ses  savantes  études  sur  les  conditions 
d'établissement  et  de  fonctionnement  du  matériel  de  trac- 
tion. On  lui  doit  aussi  des  analyses  de  minerais,  de  nou- 
veaux procédés  de  fonçage  et  de  sondage,  des  recherches 
sur  l'utilisation  et  la  désinfection  des  eaux  d'égout.  Il  a  pu- 
blié, outre  des  mémoires  insérés  dans  les  Annales  des 
mines  :  Recherches  expérimentales  sur  les  machines 
locomotives,  avec  E.  Gouin  (Paris,  4844,  in-8)  ;  Chemins 
de  fer  de  l'Allemagne  (Paris,  4845,  in-8)  ;  Etudes  sur 
la  stabilité  des  machines  locomotives  en  mouvement 
(Paris,  4849,  in-8)  ;  Guide  du  mécanicien  constructeur 
et  conducteur  de  locomotives^  avec  Flachat  et  Polonceau 


(Paris,  1851,  in-8  ;  2«  éd.,  1859);  Mémoire  sur  la 
marche  à  contre-vapeur  des  locomotives  (Paris,  1869, 
2  vol.  in-8),  etc.  L.  S. 

BiBL.  :  Gallon,  Notice  nécrologique  sur  M.  Le  Chate- 
lier  ;  Paris,  1874,  in-8. 

LE  CH ATELIER  (Henry-Louis),  ingénieur  et  chimiste 
français,  né  à  Paris  le  8  oct.  1850,  fils  du  précédent.  Reçu 
le  premier  à  TEcole  polytechnique  en  1869,  entré  en  1871 
à  i'Ecole  des  mines,  nommé  ingénieur  ordinaire  en  1875, 
ingénieur  en  chef  en  1889,  il  s'est  à  peu  près  exclusive- 
ment consacré  dès  le  début  de  sa  carrière  à  l'étude  et  à 
l'enseignement  de  la  chimie  et  il  est  devenu  sifccessivement 
professeur  de  chimie  générale  à  l'Ecole  des  mines  (1877), 
répétiteur  de  chimie  à  l'Ecole  polytechnique  (1882),  pio- 
fesseur  de  chimie  industrielle  minérale  à  l'Ecole  des  mines 
(1887).  Il  est  l'auteur  de  travaux  de  grande  valeur,  les 
uns  de  chimie  pure,  les  autres  de  chimie  apphquée.  Ils  ont 
plus  spécialement  porté  sur  le  rôle  du  manganèse  dans  la 
déphosphoration  des  fontes  et  sur  la  proportion  des  scories 
interposées  dans  le  fer  puddlé,  sur  les  températures  d'in- 
flammation et  de  combustion  des  mélanges  gazeux,  sur  les 
chaleurs  spécifiques  des  gaz,  sur  leur  vitesse  de  refroidis- 
sement, sur  celle  de  la  propagation  de  la  flamme,  sur  la 
théorie  des  mortiers  hydrauliques,  sur  celle  de  la  prise  du 
plâtre,  sur  le  dimorphisme,  sur  le  rendement  calorifique  des 
foyers  industriels,  sur  les  propriétés  des  métaux  et  des 
alliages^  sur  le  dosage  du  grisou,  sur  les  lampes  de  sûreté, 
sur  les  explosifs,  sur  la  mesure  des  températures  élevées. 
Outre  de  nombreux  mémoires  et  articles  insérés  dans  les 
Comptes  rendus  de  r Académie  des  sciences  de  Paris, 
dans  les  Annales  des  mines,  dans  la  Revue  générale  des 
sciences,  etc.,  il  a  publié  :  Recherches  expérimentales  sur 
la  constitution  des  mortiers  hydrauliques  (Paris,  1887, 
in-8);  Lampes  de  sûreté  (Saint-Etienne,  1889,  in-8)  ;  les 
Equilibres  chimiques,  avec  G.  Mouret  (Paris,  1891 ,  in-8); 
le  Grisou  (Paris,  1 892,  in-12),  etc.  L.  S. 

BiBL.  :  Notices  sur  les  titres  de  M.  H.  Le  Chatelier  ;  Pa- 
ris, 1884  et  1894,  2  broch.  in-4. 

LÉCH  AU  DÉ  d'Anisy  (Amédée-Louis),  historien  français, 
né  à  Versailles  le  31  juil.  1772,  mort  à  Paris  en  1857. 
Principaux  ouvrages  :  Extrait  des  chartes  et  autres 
actes  normands  ou  anglo-normands  qui  se  trouvent 
dans  les  archives  du  Calvados  (Caen,  1834,  2  vol.  in-8 
et  atlas  in4);  Recherches  sur  le  Domesday  Book  (1842, 
t.  I,  in-4),  en  collaboration  avec  Sainte-Marie;  Grands 
Rôles  des  échiquiers  de  Normandie  (1846,  in-4). 

LÉCHÉ  (Peinture).  Ce  terme,  qui  est  le  plus  souvent 
appliqué  dans  une  acception  méprisante,  caractérise  un 
tableau  où  l'artiste  est  tombé  dans  l'excès  du  fini  et  a  poussé 
jusqu'à  une  exagération  ridicule  la  recherche  de  la  netteté 
et  de  la  propreté  matérielle  dans  l'exécution.  Certaines 
œuvres  peuvent  être  très  poussées  sans  tomber  pour  cela 
dans  ce  défaut  ;  ainsi  ce  serait  une  grande  erreur  de  quali- 
fier ainsi  le  fini  précieux  des  petits  maîtres  flamands.  Des 
tableaux  de  grandes  dimensions  auront  plutôt  l'aspect  léché 
lorsque  leurs  modelés  auront  été  atténués  par  le  blaireau  au 
point  de  leur  ôter  toute  vigueur  et  toute  consistance,  ou  que 
tous  les  tons  auront  été  systématiquement  rompus  de  gris. 

LECHE  (Johan),  naturaliste  et  médecin  suédois,  né  à 
Barkâkra  en  1704,  mort  à  Àbo  en  1764.  Il  avait  été  pendant 
quelques  années  médecin  de  la  Compagnie  des  Indes  orien- 
tales, et  était,  dès  1744,  entré  en  relation  avec  Linné,  ^aux 
travaux  duquel  il  collabora.  Professeur  de  médecine,  à  Abo, 
il  pratiqua  le  premier  en  Finlande  l'inoculation  de  la  va- 
riole. Outre  ses  nombreuses  observations  météorologiques 
consignées  dans  diverses  revues  spéciales,  il  a  laissé  des 
travaux  estimés  :  Instructions  relatives  à  la  plantation 
d'arbres  et  d'arbustes  sauvages  (1764;  2^  éd.,  1791)  ; 
Dissertatio  sistens  primitias  Florœ  Scanice,  etc. 

Un  de  ses  arrière-neveux,  Wilhelm  Lèche,  né  en  1850, 
professeur  à  la  faculté  des  sciences  de  Stockholm,  a  publié, 
en  suédois  ou  en  allemand,  sur  les  Chiroptères  et  sur 
les  Galéopithèques  (V.  ces  mots),  plusieurs  travaux  zoo- 


1101  -  LE  CHÂTËLIER  —  LE  CHEVALIER 

logiques  importants  qui  ont  paru  soit  dans  les  Acta  univ. 
Lund  (1879),  soit  dans  les  Comptes  rendus  de  VAcad. 
suéd,  des  sciences  (1883,  1885).  C'est  dans  ce  dernier 
recueil  qu'a  été  inséré  son  Rapport  sur  les  mollusques 
marins  recueillis  à  la  Nouvelle-Zemble  et  à  Vîénisséi 
de  iB15-lS16,  par  la  mission  suédoise  (en  suédois, 
Stockholm,  1878).  Il  a  publié  aussi  des  traités  de  vulga- 
risation :  Quelques  Traits  de  Vhistoire  de  révolution 
chez  r  homme  (Stockholm,  1893)  ;  Hérédité  et  Darwi- 
nisme (1894),  etc.  ;  il  a  rédigé  les  Comptes  rendus  de  la 
Soc,  de  BioL  de  Stockholm  et  a  collaboré  à  l'ouvrage 
de  Bronn  :  Klassen  und  Ordnungen  des  Thierreichs. 

LÉCHÉE  (Géogr.  anc).  Port  de  Corinthe  (V.  ce  mot). 

LÈCHEFRITE  (Archéol.).  Plat  en  fer  que  l'on  place 
sous  les  viandes  qui  rôtissent  à  la  broche,  pour  en  recueillir 
la  graisse  et  le  jus.  L'usage  de  cet  ustensile,  comme  celui 
des  rôtis  à  la  broche,  est  très  ancien,  et  jamais  la  forme 
de  la  lèchefrite  ne  paraît  avoir  différé  de  celle  qui  reste  en 
usage  de  nos  jours.  C.  E. 

LECHEGUANA  (Entom.).  Nom  espagnol  d'une  Guêpe 
sociale  du  genre  Nectarina,  qui  habite  1  Amérique  du  Sud 
et  dont  le  miel  est  très  vénéneux  (V.  Nectarina). 

LÉCH  ELLE.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr. 
d'Arras,  cant.  de  Bertincourt;  129  hab. 

LÉCH  ELLE.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr.  de 
Provins,  cant.  de  Villiers-Saint-Georges  ;  488  hab. 

L'ÉCHELLE  (Jean),  général  français,  né  à  Puyréaux 
(Charenie)  le  2  avr.  1760,  mort  à  Nantes  le  il  nov.  1793. 
Fils  d'un  marchand,  il  s'engagea,  dit-on,  au  régiment  de 
Rouergue  à  l'âge  de  seize  ans.  Maître  d'armes  à  Saintes 
en  1789,  élu  le  17  oct.  1791  chef  du  l^"^  bataillon  des 
volontaires  de  la  Charente,  général  de  brigade  à  l'armée 
des  côtes  de  La  Rochelle  le  17  août  1793,  il  remplaça  Can- 
claux  dans  le  commandement  en  chef  de  l'armée  de  l'Ouest 
(29  sept.  1793)  et  entra  à  Nantes  dans  la  soirée  du  7  oct. 
Il  se  montra  indigne  d'une  telle  faveur.  Kleber  a  laissé  de 
L'Echelle  ce  portrait  poussé  au  noir  :  «  Il  était  le  plus  lâche 
des  soldats,  le  plus  mauvais  des  officiers  et  le  plus  igno- 
rant des  chefs  qu'on  eût  jamais  vu.  »  En  effet,  son  igno- 
rance fut  cause  de  la  victoire  des  Vendéens  à  Entrammes 
(27  oct.  1793).  L'Echelle  éprouva  un  si  vif  chagrin  de  sa 
défaite  qu'il  tomba  malade  et  mourut  peu  après. 

BiBL.  :  Arch.  adm.  de  la  guerre.  —  Savary,  Guerres 
des  Vendéens  et  des  Chouans.  --  Boissonnade,  Histoire 
des  volontaires  de  la  Charente. 

LÉCHEROLLES.  Com.  du  dép.  de  Seine-et-Marne,  arr. 
de  Coulommiers,  cant.  de  La  Ferté-Gaucher  ;  333  hab. 

LÈCHES  (Les).  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  de 
Bergerac,  cant.  de  Laforce;  563  hab. 

LECHEVALIER  (Antoine- Rodolphe)  (V.  Chevalier). 

LE  CHEVALIER  (Jean-Baptiste),  archéologue,  diplo- 
mate et  voyageur  français,  né  à  Trelly,  près  de  Coutances 
(Manche),  le  i^^  juil.  1752,  mort  à  Paris  le  2  juil.  1836. 
Après  s'être  destiné  à  l'état  ecclésiastique.  Le  Chevalier, 
qui  porta  le  titre  d'abbé  pendant  la  fin  du  xvm«  siècle, 
partit  en  Orient  en  1784  comme  secrétaire  particulier  du 
comte  de  Choiseul-Gouflîer,  nommé  ambassadeur  du  roi  à 
Constantinople,  mais  après  s'être  arrêté  à  Londres  pour 
les  affaires  de  ce  seigneur.  De  1784  à  1786,  tous  deux 
explorèrent  la  Troade  ;  mais,  de  1786  à  1788,  Le  Cheva- 
lier fut  détaché  en  mission  à  Jassy,  auprès  de  Fhospodar 
de  Valachie  pour  surveiller  les  mouvements  de  l'armée 
russe.  Pendant  la  Révolution,  Le  Chevalier  voyagea  en 
Allemagne  où  il  séjourna  à  Gœttingue,  puis  en  Danemark, 
en  Suède,  en  Russie,  en  Hollande,  en  Angleterre,  en  Es- 
pagne et  en  Italie.  A  son  retour  à  Paris,  oti  l'avait  précédé 
sa  réputation  d'archéologue,  il  fut  nommé  conservateur  à  la 
bibhothèque  Sainte-Geneviève,  fonctions  qu'il  occupa  jus- 
qu'à sa  mort.  Le  Chevalier  a  publié  les  ouvrages  suivants  : 
Voyage  dans  la  Troade  contenant  la  description  de  la 
plaine  de  Troie  (1800,  in-8),  ouvrage  qui  n'est  que  le 
développement  d'un  mémoire  présenté  en  1797  à  la  Société 
royale  d'Edimbourg  et  traduit  en  anglais  par  Dalzel  sous 


LE  CHEVALIER  —  LECLAIR 


—  4402 


le  titre  de  Description  ofthe  plain  of  Troy.  Le  mémoire 
original  de  Le  Chevalier  suscita  une  vive  polémique  en  An- 
gleterre où  Bryant  contesta  les  assertions  de  l'auteur  sur 
le  lieu  de  la  guerre  et  du  siège  de  Troie,  malgré  que  ces 
assertions  fussent  admises,  avec  certaines  réserves,  il  est 
vrai,  par  le  comte  de  Ghoiseul-Gouffier.  Une  troisième  édi- 
tion de  cet  ouvrage,  revue  et  considérablement  augmentée, 
parut  à  Paris  en  4802,  sous  le  litre  de  Voyage  de  la 
Troade,  etc.  (3  vol.  in-8)  ;  Voyage  de  la  Propontide  et  du 
Pont-Euxin,  etc.,  avec  une  Carte  particulière  de  la 
plaine  de  Brousse  en  Bithynie  (Paris,  4801,  2  vol.  in-8); 
Ulysse-Homère  ou  du  véritable  auteur  de  V Iliade  et  de 
rÔdyssée^  dernier  ouvrage  paru  sous  le  pseudonyme  de 
Constantin  Koliadès  et  dans  lequel  Le  Chevalier  se 
demandait  si  Ulysse  n'était  pas  lui-même  Homère  et  forçait 
ceux  qui,  comme  Letronne,  riaient  de  cette  hypothèse 
(Journal  des  savants,  4829-30),  à  rendre  justice  à  ses 
consciencieuses  investigations.  Charles  Luc^s. 

LECHEVALIER  (Jules),  publiciste  français,  né  vers 
4800,  mort  au  Havre  en  48o0.  Saint-simonien,  puis  fou- 
riériste,  il  fit  en  4838  et  4839  un  voyage  auK  Antilles  et 
à  la  Guyane,  devint  secrétaire  de  la  commission  coloniale 
de  4843  et  écrivit  pour  elle  le  volumineux  Rapport  sur 
les  questions  coloniales  (Paris,  4844,  3  vol.  in-fol.)  qui 
fut  publié  par  le  ministère  de  la  marine.  Lechevalier,  qui 
collabora  à  un  grand  nombre  de  journaux,  fut  rédacteur  en 
chef  de  la  Paix,  de  la  Tribune  des  peuples,  du  Courrier 
du  Havre,  Il  fut  impliqué  dans  le  complot  du  43  juin  4849 
et  condamné  par  contumace  à  la  déportation.  Il  a  beaucoup 
écrit.  Citons  :  Leçons  sur  l'art  d'associer  les  individus 
et  les  masses  (Paris,  4832,  in~8);  la  Réforme  indus- 
trielle (1833,  in-8);  Etudes  sur  la  science  sociale 
(4832-34,  in-8);  Avenir  de  la  monarchie  représenta- 
tive en  France  (4845,  in-8)  ;  Organisation  républicaine 
de  la  presse  officielle  (4848,  in-8);  Organisation  du 
travail  [WS,  in-8). 

^  LECH EVALUER  (Ferdinand-Edmond),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Bolbec  le  26  janv.  4840.  Grand  ma- 
nufacturier à  Yvetot,  maire  de  cette  ville,  il  fut  élu  député 
de  Seine-Inférieure  le  24  août  4884  avec  un  programme 
républicain.  Il  appuya  la  politique  opportuniste  et  fut  réélu 
successivement  en  4885,  4889  et  4893. 

LE  CHEVALLIER-Chevignard  (Edmond),  peintre  et 
graveur  français,  né  à  Lyon  le  3  févr.  4825.  Elève  de 
Drolling,  il  a  rarement  exposé  au  Salon.  On  cite  son  Bé- 
nédicité (4859)  ;  ses  Noces  de  Henri  iF(4863)  ;son  An- 
tonello  de  Messine  (4872),  Il  a  été  nommé  professeur 
d'application  décorative  à  TÉcole  nationale  des  arts  déco- 
ratifs. On  lui  doit  entre  autres  une  belle  illustration  de 
VOraison  funèbre  du  grand  Condé,  par  Bossuet,  et  un 
volume  intitulé  les  Styles  français  [Bibliothèque  de 
V Enseignement  du  dessin). 

LECHFELD  (V.  Lech). 

LEGHHAUSEN.  Bourg  de  Bavière,  prov.  de  Haute-Ba- 
vière, sur  le  Lech,  près  d'Augsbourg;  8,500  hab.  Château, 
forges,  etc. 

LECHIANINE  (Raïko),  homme  d'Etat  serbe,  né  à  Léchié 
(Serbie)  le  29  janv.  4826,  mort  à  Vienne  le  31  oct.  4872. 
Après  avoir  étudié  le  droit  à  Heidoiberg  et  à  Paris,  il  devint 
professeur  au  lycée  de  Belgrade,  puis  secrétaire  du  conseil 
d'Etat.  De  4864  à  4868,  il  rempht  les  fonctions  de  mi- 
nistre de  la  justice  et,  après  l'assassinat  du  prince  Michel 
(40  juin  4868),  il  fut  un  des  trois  régents  chargés  du  gou- 
vernement provisoire  jusqu'à  l'avènement  du  prince  Milan 
(2  juil.  4868).  A  partir  de  cette  dernière  date,  il  vécut 
dans  la  retraite. 

LECHITES.  Certains  historiens  slaves  appellent  ainsi 
les  peuples  slaves,  naguère  établis  entre  le  Boug  et  l'Oder, 
les  Karpates  et  la  Baltique.  Cette  appellation  est  inexacte. 
Le  nom  de  Lechs  ne  convient  qu'aux  Polonais  (V.  Lech). 

LECHLER  (Gotthard-Victor),  théologien  allemand,  né 
à  Kloster-Reichenbach  (Wurttemberg)  le  48  avr.  4847. 
D'abord  pasteur  dans  diverses  églises  du  Wurttemberg,  il 


devint,  en  4858,  surintendant  et  professeur  de  théologie  à 
Leipzig,  et  membre  de  la  première  Chambre  du  royaume 
do  Saxe.  Principaux  ouvrages  :  Gehch.  des  englischen 
Deismus  (4841);  Bas  apostolische  und  nachaposto- 
lische  Zeitalter  (4857,  2^  éd.)  ;  Geschichte  der  presbij- 
terial  und  Synodalverfassung  seit  der  Reformation 
(1854);  Johann  Wiclif  und  die  Vor geschichte  der 
Reformations  (4873,  2  voL). 

LECHS,  Nom  donné  parfois  aux  Polonais  (V.  Fart. 
Lech). 

LECHS  (Berthold)  (V,  Berthold  de  Ratisbonne), 

LÉCITHINE  (V.  Cerveau,  t.  X,  p.  97). 

LECK.  Branche  du  Rhin  (V.  ce  mot  et  Pays-Bas), 

LEGKY  (William-Edsvard-Hartpole),  écrivain  irlandais, 
né  près  de  Dublin  le  26  mars  4838.  C'est  en  cette  ville 
qu'il  fit  ses  études  au  Trinity  Collège,  M.  Lecky  n'a  occupé 
aucune  fonction  publique  et  ne  s'est  pas  mêlé  à  la  vie 
politique.  S'il  a  combattu  M.  Gladstone  sur  la  question 
du  Home  Rule,  ce  fut  sous  forme  d'articles  et  de  confé- 
rences privées.  Il  a  consacré  toute  son  activité  à  des  tra- 
vaux historiques  qui  lui  ont  acquis  l'estime  du  monde 
savant.  Les  universités  de  Dublin,  d'Oxford  et  Saint-An- 
drews  lui  ont  décerné  le  titre  de  docteur  honoraire  et,  en 
4893,  rAcadéîuie  des  sciences  morales  et  politiques  lui 
conféra  celui  de  correspondant.  Ses  principaux  ouvrages, 
tous  publiés  à  Londres,  sont  :  The  Leaders  of  Public 
Opinion  in  Ireland,  publié  sans  nom  d'auteur  (1861), 
réédité  avec  le  nom  de  Fauteur  (1874),  traduit  en  alle- 
mand sous  le  titre  :  Vier  historische  Essays  :  Swift, 
Floud,  Cxrafton,  O'Connel  (4873);  History  ofthe  Rise 
and  Influence  of  the  Spirit  of  Rationalism  in  Europe 
(4865,  2  vol.  gr.  in-8;  5"  éd.,  4872;  trad.  aliem.  de 
Jalowicz;  2*^  éd.,  4873);  History  of  European  Morals 
from  Augustiis  to  Charlemagne  (4869,  2  vol.  gr.  in-8  ; 
3®  éd.,  4872;  trad.  aliem.  de  Jalowicz,  4874);  History 
of  Englaiid  in  the  Eighteenth  Century  (4878-90,  8  vol. 
gr.  in-8;  2^  éd.,  4892,  42  vol.  in-42;  trad.  ail,  Leip- 
zig, 4879  et  suiv.);  Poems  (4894).         Th.  Ruyssen. 

'  LECLAIR  (Jean-Marie),  dit  l'Aîné,  violoniste  français, 
né  à  Lyon  en  4697,  assassiné  à  Paris  le  22  oct.  4764. 
Fils  d'Antoine  Leclair,  musicien  du  roi,  élevé  par  les  soins 
de  la  marquise  de  La  Bérangère,  il  dansa  au  théâtre  de 
Rouen,  puis  à  Turin  ;  élève  de  Somis,  il  devint  violoniste  à 
l'Opéra  (4729)  ou  il  éclipsa  tous  ses  confrères.  Il  fut  des 
premiers  à  user  de  la  double  corde.  On  a  de  lui  quatre 
livres  de  sonates  pour  le  violon  (4723-38),  deux  autres 
pour  deux  violons,  un  opéra  (Glaucus  et  Sylla),  joué  en 
4747,  etc.  Sa  femme  chanta  à  l'Opéra  jusqu'en  4750. 

Son  frère,  Antoine-Remi ,  dit  Leclair  le  Cadet,  a  pu- 
blié, vers  4760,  douze  sonates  pour  le  violon. 

LECLAIR  (Anton),  philosophe  allemand,  né  à  Vérone 
le  20  janv.  4848.  H  fit  ses  études  secondaires  à  Prague 
et  à  Graz  et  entra  en  4866  à  l'université  de  cette  der- 
nière ville  pour  y  étudier  la  philologie,  l'histoire  et  la 
philosophie.  Ses  études  terminées,  il  entra  dans  l'ensei- 
gnement des  gymnases  et  fut  nommé  successivement  sup- 
pléant à  Marbourg  (Autriche),  professeur  à  Botzen  (4872), 
puis  à  Prague  (4874),  directeur  du  gymnase  de  Wies 
(Bohême)  (4883),  enfin  (4888)  professeur  de  gymnase  à 
Vienne  où  il  enseigne  encore  (4895).  M.  Leclair,  qui  a  subi 
dans  sa  jeunesse  Finfluence  d'A.  Riehl,  occupe  parmi  les 
philosophes  actuels  de  l'Allemagne  une  place  analogue  à 
celle  de  W.  Schuppe  et  d'E.  Laas.  Il  ne  reconnaît  pas  à 
Fesprit  humain  la  faculté  d'atteindre  un  être  transcendant. 
S'il  ne  faut  pas  rejeter  absolument  la  métaphysique  natu- 
relle du  sens  commun,  il  faut  du  moins  l'interpréter  au 
nom  d'une  théorie  de  la  connaissance  fondée  sur  l'expé- 
rience. La  tâche  actuelle  de  la  philosophie  est  de  concilier 
la  théorie  abstraite  do  la  connaissance  avec  le  point  de 
vue  vulgaire  de  la  science  positive.  On  trouvera  Fexposc 
des  idées  de  M.  Leclair  dans  les  ouvrages  suivants  :  Der 
Realismus  der  modernen  Naturwissenschaft  im  Lichte 
der  von  Berkeley  und  Kant  angebahnten  Erkenntniss- 


^  1103  - 


LECLAIR  ~  LE  CLERC 


l^ritik  (Prague,  1879,  in-8);  Beitrœge  zu  einer  monts t, 
Erkennnisstkeorie  (Breslau,  1882);  Kritischer  Idea- 
lis  mus  und  PosUivismus  (dans  la  Vlerteljahsschr.  filr 
wissensch.  Philos.^  t.  V);  Das  kategorlale  Geprœge 
des  Denkens  in  seinem  Einfluss  aiif  die  Problème  der 
Philos.,  insbes.  der  Ei^kenntinsstheoine  (même  revue, 
t.  VII);  Lekrbuch  der  allgem.  Logik  (en  collaboration 
avec  M.  G.-A.  Lindner;  Vienne,  1894).     Th.  Ruyssen. 

LECLER  (Pierre- A  une- Jean-Félix),  homme  politique 
français,  né  à  Aubusson  le  30  juil.  1814.  Avocat  à  Au- 
busson,il  devint,  en  1848,  commissaire  du  gouvernement 
provisoire  dans  la  Creuse,  démissionna  bientôt  et  fut  élu 
le  23  avr.  représentant  de  ce  département  à  la  Consti- 
tuante. Républicain  modéré,  il  s'occupa  surtout  de  ques- 
tions de  finances  et  ne  fut  pas  réélu  à  la  Législative.  En 
1850,  il  entra  dans  l'administration  des  finances,  devint, 
en  1879,  directeur  général  de  Fenregistrement  et  des  do- 
maines, puis  conseiller  maître  àla  cour  des  comptes  (1884). 
Le  27  mars  1889,  il  était  élu  sénateur  de  la  Creuse  à  la 
suite  de  Finvalidation  de  M.  Sauton.  Membre  de  la  gauche 
républicaine,  il  combattit  le  boulangisme  et  fut  réélu  au 
renouvellement  de  1894. 

LE  CLERC  (Jean),  premier  martyr  de  la  Réforme  en 
France,  mort  à  Metz  en  1524.  Il  était  cardeur  de  laine  à 
Meaux,  où  quelques  amis  des  idées  nouvelles  se  groupaient 
autour  de  Févêque  Briçonnet.  Le  Clerc,  gagné  à  la  cause 
de  la  Réforme,  arracha,  en  1523,  une  bulle  d'indulgence 
affichée  aux  portes  de  la  cathédrale  de  Meaux  et  y  substi- 
tua un  placard  qui  traitait  le  pape  d'antéchrist.  Il  fut 
condamné  par  le  parlement  de  Paris  à  être  fouetté  publi- 
quement trois  jours  de  suite,  puis  marqué  au  front  d'un 
fer  rouge  et  banni.  Le  Clerc  alla  à  Metz,  s'y  laissa  encore 
emporter  par  son  fanatisme  à  briser  des  images  préparées 
pour  une  procession,  ce  qui  le  fit  condamner  comme  sacri- 
lège à  être  brûlé  vif,  après  d'horribles  tortures. 

BiBL.  :  J.  CiiESPiN,  Histoire  des  martyrs  ;  Toulouse, 
1885,  t.  I,  pp.  244  et  suiv. 

LE  CLERC  (Jean),  graveur  sur  bois  et  éditeur  français, 
né  à  Paris  vers  1550,  mort  à  Paris  en  1627.  Fils  du 
libraire  Antoine  Le  Clerc,  il  fut  reçu  dans  la  même  corpo- 
ration en  1573,  et  s'adonna  plus  particulièrement  à  l'in- 
dustrie de  livres  illustrés  de  gravures  sur  bois,  qu'il  exé- 
cutait en  partie  lui-même.  Il  est,  en  effet,  qualifié,  dans 
des  documents  officiels,  de  «  marchand  tailleur  d'histoires  ». 
Il  doit  principalement  sa  notoriété  à  la  publication  des 
Figures  de  la  Bible,  qui  eut  de  nombreuses  éditions  depuis 
1596,  et  dont  les  dessins  sont  attribués  à  Jean  Cousin.  11 
avait  donné  auparavant  un  Abrégé  de  Vhistoire  françoyse 
(1585),  avec  64  portraits  des  rois  de  Franco,  d'une  belle 
exécution,  et  il  pubUa  ensuite  une  Vie  de  saint  François 
de  Paule  (1615),  en  27  planches.  On  lui  doit  encore 
nombre  d'estampes  isolées. 

Plusieurs  de  ses  fils  furent  libraires  ;  un  autre,  Jean  Le 
Clerc,  dit  le  Jeune ^  fut  graveur  au  burin,  et  exécuta  des  por- 
traits :  Jeanne  d  Arc,  Marie  de  MédicAs,  etc.      G.  P-i. 

BîBL.  :  A.  luRMiN-DiDOT,  Etude  sur  Jean  Cousin,  1872. 

LE  CLERC  (David),  écrivain  et  professeur  genevois,  né 
à  Genève  le  19  févr.  1591,  mort  à  Genève  le  21  avr.  1654. 
11  étudia  les  langues  mortes  et  la  philosophie  à  Genève, 
Strasbourg,  Heidelberg  et  en  Angleterre,  puis  revint  se 
fixer  dans  sa  ville  natale  où,  dès  1618,  il  enseigna  l'hé- 
breu à  l'Académie.  Il  y  joignit  aussi  un  cours  d'histoire.  Il 
fut  recteur  de  l'Académie  (1637-43).  On  assure  qu'il  par- 
lait dix  langues  étrangères  ou  anciennes.  Il  a  laissé  des 
discours,  des  pièces  de  vers  en  latin,  en  grec,  en  hébreu, 
des  traductions  de  Fanglais,  au  total  huit  ouvrages,  dont 
quelques-uns  publiés  par  son  neveu,  Jean  Le  Clerc; 

LE  CLERC  (Michel),  littérateur  français,  né  à  Albi  en 
1622,  mort  à  Paris  le  8  déc.  1691.  Avocat  au  parlement, 
il  fut  reçu  membre  de  l'Académie  française  le  26  juin  1662. 
Citons  de  lui  :  la  Virginie  romaine  (Paris,  1649,  in-12), 
tragédie  qui  fut  représentée  en  1645  à  Paris  avec  un  fort 
grand  succès  ;  Ode  pour  le  Roi  (1663,  in-4)  ;  id,  (1668, 


in-4)  ;  une  traduction  de  la  Jérusalem  délivrée  (1667, 
in-4);  le  Temple  de  V Immortalité ,  ode  (1673,  in-4); 
îphigénie  (1676,  in-12),  tragédie  bien  inférieure  à  celle 
de  Racine  jouée  quelques  mois  avant  elle. 

LECLERC  (Chrétien),  voyageur  belge,  né  en  Artois 
vers  1630,  mort  à  Lens  vers  1695.  Il  entra  dans  l'ordre 
des  récollets  et  fut  envoyé  comme  missionnaire  au  Ca- 
nada; il  travailla  avec  ardeur  à  la  conversion  des  habitants 
de  la  baie  do  Gaspè  et  fonda  un  couvent  à  Montréal. 
En  1690,  il  revint  dans  son  pays  et  publia  des  souvenirs 
très  intéressants  et  auxquels  collabora,  dit-on,  le  comte  de 
Frontenac,  gouverneur  du  Canada  :  Nouvelle  Relation  de 
la  Gaspésie  (Paris,  1691,  2  vol.  in-12);  Etablissement  de 
la  foi  dans  la  Nouvelle- France  (icL ,  1691 ,  2  vol.  in-12). 
LECLERC  (Catherine)  (V.  Brïe  [Mi^^J). 
LE  CLERC  (Sébastien),  célèbre  dessinateur,  graveur  et 
écrivain  d'art  français,  né  à  Metz  le  26  sept.  1637,  mort 
à  Paris,  aux  GobeUns,  le  25  oct,  1714.  Son  père  Laurent 
(né  en  1599,  mort  le  4  oct.  1691),  maître  orfèvre,  dessi- 
nateur et  ciseleur  habile,  quelque  peu  graveur  aussi, 
semble  avoir  été  son  unique  maître.  L'enfant,  d'une  pré- 
cocité extraordinaire  pour  les  arts,  dessinait  à  douze  ans 
d'une  façon  étonnante.  Il  avait  manié  le  burin  dès  l'âge 
de  sept  ans,  selon  la  tradition,  et  s'essaya  de  bonne  heure 
dans  l'eau-forte.  La  suite  de  onze  pièces  :  Tableaux  de 
r institution  des  Mathurins,  qu'il  exécuta  vers  1654,  et 
où  se  révèle  déjà  la  science  de  la  composition  unie  à  la 
ricliesse  de  l'architecture  et  une  singulière  habileté  de 
l'outil,  eut  un  succès  énorme.  Il  se  montra  encore  supé- 
rieur dans  trois  suites  d'estampes  formant  de  petits  livres 
de  messe  et  représentant  un  ensemble  de  106  pièces  toutes 
différentes,  dont  les  sujets  sont  tirés  exclusivement  de  la 
Passion  de  Jésus-Christ  ;  la  seconde  Messe  (1661)  est  sur- 
tout remarquable.  Parmi  les  nombreux  travaux  de  la 
période  messine  de  l'artiste,  nous  devons  signaler  les 
planches  du  très  rare  volume  :  le  Triomphe  de  Charles  IV 
(Nancy,  1664,  pet.  in-fol.),  gravées  par  Le  Clerc  d'après 
les  dessins  que  Ch.  Deruet  avait  préparés  pour  célébrer 
le  retour  du  duc  de  Lorraine  en  1641.  Dès  1660,  Le  Clerc, 
qui  était  très  versé  dans  l'art  de  la  fortification,  eut  la 
charge  d'ingénieur-géographe  auprès  du  maréchal  de  La 
Fe'rté,  gouverneur  du  pays  messin,  charge  dont  il  se  démit 
en  1665,  pour  venir  se  fixer  à  Paris  où  il  espérait  faire 
sa  carrière  dans  le  génie  militaire.  Il  en  fut  détourné  par 
le  peintre  Ch.  Le  Brun  qui  sut  apprécier  les  talents  du 
jeune  artiste  et  l'engagea  à  borner  son  ambition  à  la  gloire 
de  devenir  un  maître  dans  la  gravure  à  Feau-forte.  Tout 
en  faisant  des  vignettes  pour  des  libraires,  Le  Clerc  don- 
nait un  libre  cours  à  sa  passion  pour  les  sciences  mathé- 
matiques. Il  publia  d'abord  un  petit  livre  élémentaire  : 
la  Practique  de  la  géométrie  (Paris,  1669,  in-12),  qu'il 
orna  de  82  (ensuite  de  99)  charmantes  figures  de  paysages 
animés  et  d'architectures,  livre  qui  obtint  un  succès  prodi- 
gieux et  durable  (réédité  en  1682  et  1700)  ;  il  eut  même 
l'honneur  inouï  d'être  traduit  en  russe  et  imprimé  à 
Saint-Pétersbourg  en  1709.  Les  bibliographes  le  confon- 
dent avec  sa  Grande  Géométrie  (1690,  in-8,  avec  17  pL, 
souvent  réimprimée).  L'illustration  (159  pi.)  qu'il  exécuta 
pour  r  Histoire  sacrée  en  tableaux  d'Oronce  de  Brianville 
(Paris,  1669,  d671,  1675,  3  vol.  in-12)  marque  Fun  des 
points  culminants  de  sa  brillante  carrière.  Colbert  lui  fit 
donner  en  1869  un  logement  aux  Gobelins  et  une  pen- 
sion de  600  écus,  et  la  première  publication  officielle  à 
laquelle  Le  Clerc  ait  concouru  fut  celle  des  Tapisseries 
du  roi  (1670),  d'après  les  compositions  de  Le  Brun. 
Celui-ci,  enthousiasmé  de  la  façon  dont  notre  artiste  avait 
gravé  son  dessin  du  Mausolée  érigé  à  la  mémoire  du 
chancelier  Séguier,  le  lit  recevoir  à  l'unanimité  membre 
de  l'Académie  royale  (6  août  1672),  et  cette  môme 
estampe  lui  servit  de  morcean  de  réception.  Plus  tard,  il 
fut  nommé  professeur  de  géométrie,  et  il  exerça  ces  fonc- 
tions jnsqu'en  1699.  Il  s'était,  en  effet,  beaucoup  occupé 
de  perspective  ;  il  publia  là-dessus  un  Discours  touchant 


LE  CLERC 


—  4104  -^ 


le  point  de  vue  (1679),  où  il  combat  quelques-uns  des 
principes  de  Descartes,  et  il  résuma  ses  leçons  professées 
à  TAcadémie  dans  un  Traité  de  perspective  demeuré 
inédit,  dont  on  possède  son  manuscrit  autographe,  orné 
de  charmants  dessins.  Il  eut  tous  les|honneurs  possibles  : 
en  1690  il  reçut  le  brevet  de  dessinateur  et  de  graveur 
du  roi,  et  en  1706  il  fut  fait  chevalier  romain.  L'année 
même  de  sa  mort  parut  son  Traité  d' architecture (ili 4:, 
2  vol.  in4,  avec  184  pi.)  que  Pierre  le  Grand  lit  traduire 
en  russe.  Doué  d'une  facilité  exceptionnelle  et  âpre  au 
travail,  il  laissa  un  oeuvre  de  plus  de  3,000  pièces,  et,  ce 
qui  est  le  plus  étonnant,  la  presque  totalité  en  est  de  son 
invention.  Parmi  les  plus  remarquables  de  ses  travaux, 
citons  :  le  Livre  des  paysages  (1673),  les  39  pi.  des 
Métamorphoses  d'Ovide  de  Benserade  (1676),  les  Ta- 
pisseries historiques  représentant  les  conquêtes  de 
Louis  X/F,  d'après  les  dessins  de  Le  Brun,  cinq  grandes 
pièces  célèbres  (1680-1682);  les  Saints,  en  380  pi.  in-i6 
(1686-7);  les  Grandes  Conquêtes  du  roi  (1687)  ;  les 
Petites  Conquêtes  du  roi,  8  pi.  délicieuses  (1702). 

Ajoutons  que  peu  d'années  avant  sa  mort  il  publia  un 
ouvrage  très  orthodoxe,  mais  où  il  se  montra  à  la  hauteur 
des  connaissances  scientifiques  de  son  époque  :  Nouveau 
Système  dît  monde  conforme  à  V Ecriture  sainte  (1706, 
in-8,  avec  fig.),  ouvrage  qui  eut  plusieurs  éditions. 

Le  Clerc  aimait  son  art  avec  passion  et  apportait  dans 
tous  ses  travaux  une  conscience  sans  égale,  d'où  cette 
correction  parfaite  du  dessin,  cette  netteté  admirable  de 
la  pointe  qui  séduisent  la  vue.  Il  se  complaisait  dans  les 
estampes  de  très  petite  dimension,  car  il  avait  surtout  le 
tempérament  de  vignettiste,  et,  comme  tel,  non  seulement 
il  fut  au  premier  rang  durant  tout  le  règne  de  Louis  XIV, 
mais  encore  il  doit  être  regardé  comme  le  véritable  pré- 
curseur des  illustrateurs  du  xviii®  siècle.  Mariette  n'a 
rien  exagéré  en  formulant  ainsi  son  éloge  :  «  S'il  y  a 
jamais  eu  un  graveur  qui  se  soit  rendu  célèbre  dans  sa 
profession  et  qui  ait  étendu  ses  connaissances  au  delà  des 
bornes  ordinaires,  c'est  sans  contredit  Sébastien  Le  Clerc.  » 
Parmi  ses  fils,  deux  furent  artistes.  L'aîné,  Sébastien, 
né  aux  Gobelins  le  29  sept.  1676,  mort  le  29  juin  1763, 
élève  de  Bon  Boulogne,  fut  reçu  de  l'Académie  de  pein- 
ture le  23  août  1704  (son  morceau  de  réception  fut  la 
Purification  d'Enée,  tableau  transporté  à  Trianon).  Il 
eut  une  certaine  célébrité  en  son  temps  par  ses  peintures 
dans  le  genre  de  Watteau  et  surtout  par  ses  sujets  mytho- 
logiques, qui  furent  gravés  les  uns  et  les  autres  par  son 
beau-frère  Edme  Jeaurat.  Son  meilleur  morceau  est  PEn- 
lèvement  d'Europe.  Il  fut  professeur  d'histoire,  de  pers- 
pective et  de  géométrie  à  l'Académie  royale  et  eut  le  titre 
de  peintre  du  roi.  —  Le  fils  de  celui-ci,  Jacques- Sébastien, 
né  en  1734,  mort  à  Paris  le  17  mai  1785,  fut  d'abord 
nommé  son  adjoint  comme  professeur  en  1758  «  en  recon- 
naissance des  services  du  père  »,  et  devint  titulaire  de  la 
chaire  de  perspective  le  31  janv.  1778.  Le  musée  de  Caen 
a  de  lui  une  toile  représentant  Salomon  devant  l'arche, 
provenant  de  l'Académie  royale.  —  Un  autre  fils  du  grand 
graveur,  Louis-Auguste  Le  Clerc,  né  vers  i  689,  étudia  la 
sculpture  sous  Coysevox,  obtint  le  second  prix  au  concours 
de  1712,  passa  ensuite  en  Danemark  où  il  devint  premier 
sculpteur  en  titre  du  roi  et  professa  à  l'Académie  de  Co- 
penhague de  1751  à  1777.  G.  Pawlowski. 

BiBL.  :  Uabbô  de  Vallemont,  Eloge  historique  de  Séb. 
Le  Clerc;  Paris,  1715,in-12.— Mariette,  A ftecedario,  t.  III. 
—  JoMBERT, Caiaiooue  de  Vœuvre  de  S.  Le  Clerc;  Paris, 
1774,  2  vol.  in-8. —  Edouard  Meaume,  Séb.  Le  Clerc  et  son 
œuvre;  Paris,  1877,  in-8.—  Bellier  de  La  Chavignerie, 
Dictionnaire  des  artistes  de  Vécole  française.  —  L.  Dus- 
siEQX,  les  Artistes  français  à  l'étranger^  1876,  3«  édit. 

LECLERC  (Daniel),  médecin  suisse,  né  à  Genève  le 
4  févr.  1652,  mort  à  Genève  le  17  juin  1728.  Il  étudia  à 
Montpellier  et  à  Paris  et  fut  reçu  docteur  à  Valence.  Il 
abandonna  la  pratique  de  la  médecine  en  1704  pour  ac- 
cepter des  fonctions  publiques,  collabora  à  la  Bibliothèque 
anatomique  de  Manget  et  s'occupa  spécialement  et  avec 


une  exactitude  scrupuleuse  d'histoire  de  la  médecine.  On 
lui  doit  :  Histoire  de  la  Médecine...  (Genève,  1696,  in-12  ; 
2^  édit.,  Amsterdam,  1702,  in-4,  et  autres  édit.)  ;  Historia 
naturalis  et  medica  latorum  lumbricorum  intra  ho- 
mines...  7za5ce7zimm(Genève,  1715, in-4, pL).   D^L.  Hn. 
LE  CLERC  (Jean),  latinisé  en  Clericus,  théologien  pro- 
testant, né  à  Genève  le  19  mars  1657,  mort  à  Amsterdam 
le  8  janv.  1736.  Il  fit  de  fortes  études  à  Genève,  se 
laissa  ensuite,  à  Saumur,  attirer  vers  une  conception 
moins  dogmatiste  du  christianisme  et  finit  par  se  rattacher 
à  Varminianisme  (V.   ce  mot),  après  la  lecture  des 
écrits  de  Grotius.  En  1684,  il  fut  appelé  comme  profes- 
seur au  collège  arminien  d'Amsterdam,  où  il  enseignait  la 
philosophie  et  l'hébreu,  et,  à  partir  de  1712,  encore  l'his- 
toire ecclésiastique.  Dès  1728,  il  eut  un  coup  d'apoplexie; 
en  1732,  il  perdit  la  parole  et  se  survécut  ensuite  jusqu'en 
1736.  Ses  publications,  qui  comprennent  73  numéros 
(V.  la  France  protestante,  t.  VI,  pp.  465-470),  l'im- 
pliquèrent dans  d'innombrables  querelles  théologiques  et 
littéraires.  On  doit  citer  son  édition  corrigée  et  augmentée 
des  Pères  apostoliques  de  Cotelier  (Amsterdam,  1698, 
2  vol.  in-fol.  ;  réimprimé  en  1724)  ;  puis,  le  Traité  de 
Vincrêdulité  (Amsterdam,  1696,  in-8),  souvent  réim- 
primé et  traduit  en  anglais  (Londres,  1697,  in-12)  et 
en  hollandais  (Rotterdam,   1697,  in-8);  VArs  critica 
(Amsterdam,  1696,  2  vol.  in-8,  et  souvent  réimprimé), 
les  Opéra  philosophica  (Amsterdam,  1698,  4  vol.  in-8; 
6^  éd.  en  1726).  Leclerc  a  aussi  revu  et  augmenté  trois 
éditions  du  Dictionnaire  de  Moréri  (celles  de  1694,  de 
1698  et  de  1702).  F.-H.  K. 

.  ^i^^*\^V^A^  ^^^  Hœven,  De  lo.  Clerico,  etc.:  Ams- 
terdam, 1845,  in-8. 

LECLERC  (David),  peintre  suisse,  né  à  Berne  en  1680, 
mort  en  1738.  Il  résida  successivement  à  Paris,  à  Londres, 
et  à  Francfort-sur-le-Main.  Imitateur  de  Rigaud  et  de  Ru- 
bens,  il  a  laissé  surtout  des  portraits  ;  cependant  on  a 
aussi  de  lui  des  paysages  et  des  fleurs. 

LECLERC  (Jean-Baptiste),  homme  politique  français, 
né  à  Angers  le  29  févr.  1756,  mort  à  Chalonnes-sur- 
Loire  le  16  nov.  1826.  Il  s'occupa  d'abord  de  littérature 
et  fut  admis  à  l'Académie  d'Angers  en  1786.  Il  accueillit 
la  Révolution  avec  enthousiasme  et  fonda,  dans  un  but  de 
propagande  des  idées  nouvelles,  le  journal  l'Ami  des  indi- 
gents,  dont  le  produit  était  destiné  aux  pauvres.  Elu  dé- 
puté suppléant  aux  Etats  généraux,  il  fut  appelé  à  siéger 
à  la  Constituante  en  août  1790.  Réélu  à  la  Convention,  il 
siégea  sur  les  bancs  de  la  Plaine.  Il  donna  sa  démission  le 
12  août  1793,  fut  décrété  d'arrestation,  découvert  dans 
sa  retraite  en  janv.  d794  et  enfermé  dans  la  prison  de  la 
Bourbe,  d'où  il  sortit  après  le  9  thermidor.  Au  Conseil  des 
Cinq-Cents,  il  proposa  d'établir  le  culte  théophilanthro- 
pique. C'est  sur  son  rapport  que  fut  décrétée  la  création 
d'un  Conservatoire  de  musique  (23  nov.  d798).  Après 
le  18  brumaire,  il  siégea  au  Corps  législatif  jusqu'en  1802, 
mais  refusa  toute  fonction  sous  l'Empire.  En  1814,  il 
quitta  la  France  et  séjourna  à  Liège  jusqu'en  1819.  Il 
appartenait  à  l'Académie  des  inscriptions  depuis  le  25  mars 
1799,  mais  fut  rayé  de  son  vivant  en  181 7,  comme  la  plupart 
des  conventionnels  qui  avaient  fait  partie  de  l'Institut, 
quoiqu'on  ait  prétendu  que  son  remplacement  eut  lieu 
parce  que  l'Académie  l'avait  cru  décédé.  A  son  retour  en 
France,  il  habita  à  Chalonnes  et  fut,  d'après  sa  volonté, 
enterré  civilement.  A.  Kuscinski. 

LECLERC  (Charles-Victor-Emmanuel),  général  fran- 
çais, né  à  Pontoise  le  17  mars  1772,  mort  près  de  Saint- 
Domingue  le  2  nov.  1802.  Il  entra  dans  le  bataillon 
de  Seine-et-Oise  en  1791.  Sous-lieutenant  de  cavalerie  et 
aide  de  camp  du  général  Lapoype,  il  était  capitaine  au 
siège  de  Toulon  lorsqu'il  rencontra  Bonaparte  qui  le  prit  en 
grande  aff'ection .  Général  de  brigade  après  la  campagne  d'Ita- 
lie, il  épousa,  en  1797,  Pauline,  sœur  de  Napoléon.  Il  suivit 
Bonaparte  en  Egypte  et  il  y  fut  nommé  général  de  division. 
Envoyé  à  l'armée  du  Rhin,  sous  les  ordres  de  Moreau, 


Leclerc  rendit  de  grands  services  et  se  fit  remarquer  à  la 
bataille  de  Hohenlinden.  Désigné  pour  commander  les 
troupes  envoyées  à  Saint-Domingue  contre  Toussaint  Lou- 
verture,  il  fut,  peu  de  temps  après  son  arrivée,  atteint 
par  la  fièvre  jaune  qui  l'enleva.  E.  Bernard. 

LE  CLERC  (Joseph-Victor),  professeur  et  érudit  fran- 
çais, né  à  Paris  le  2  déc.  1789,  mort  le  42  nov.  1865. 
Fils  unique  d'une  famille  d'ouvriers,  de  bonne  heure  or- 
phelin, il  fut  en  quelque  sorte  adopté  par  Dabot,  direc- 
teur de  pension  dans  le  quartier  du  Panthéon  (la  pension 
Hallays-Dabot).  Après  de  très  brillantes  études,  il  fut  sur- 
veillant, puis  professeur  au  lycée  Napoléon  (4808-i5). 
Professeur  de  rhétorique  au  lycée  Charlemagne  en  1815, 
il  y  eut  comme   élèves   Michelet  et  de  Rémusat.  Il  sa- 
crifiait alors  aux  grâces  surannées  dont  ses  maîtres  lui 
avaient  appris  le  culte  :  il  écrivait  en  vers  grecs  du  dialecte 
éolien  un  poème  dédié  à  M"^^-  de  Rémusai  :  Lysis^  poème 
trouvé  par  un  jeune  Grec  sous  les  ruines  du  Parthé- 
non  et  traduit  en  vers  français  par  l'éditeur  (1814),  et 
en  vers  latins  un  De  Officiis  ad  pueros,  d'après  la  Mo- 
rale de  V  enfance  de  Morelde  Vindé  (1816).  Il  composa 
en  même  temps  des  ouvrages  scolaires,  une  Chrestomatliie 
grecque,  une  Rhétorique.  Chez  M™^  de  Rémusat,  il  con- 
nut le  vieil  abbé  Morellet  et  fut  chargé  de  publier  ses  Mé- 
moires sur  le  \sm^  siècle  et  sur  la  llévolution  (1821- 
23).  Il  collaborait  à  la  Quinzaine  Littéraire,  au  Lycée 
français.   Daunou,  l'abbé    l'Ecuy,  qui  l'honoraient  de 
leur  amitié,  ne  laissaient  pas  cependant  de  l'orienter  vers 
des  études  nouvelles.  —  Maître  de  conférences  à  l'Ecole 
normale  en  1821,  professeur  d'éloquence  latine  à  la  fa- 
culté des  lettres  de  Paris  en  1824,  son  enseignement  fui 
plus  solide  que  brillant  ;  il  ne  rivalisa  pas  d'éloquence  avec 
Guizot,    Cousin   et  Villemain,  mais  il  publia   une   édi- 
tion critique  des  œuvres  de  Montaigne  (1826),  et  collabora 
(de  1821  à  1825)  à  la  grande  édition  des  œuvres  de  Cicé- 
ron,  qui  parut  chez  l'éditeur  Lefèvre.  Il  visita  en  érudit 
l'Italie,  les  bibliothèques  et  les  universités  des  Pays-Bas, 
d'Angleterre  et  de  Suisse,  en  vue  d'écrire  une  histoire  gé- 
nérale de  la  littérature  latine.  Mais  de  nouveaux  devoirs 
l'absorbèrent  bientôt.  Doyen  de  la  faculté  en  1832,  membre 
de  l'Académie  des  inscriptions  en  1834,  il  abandonna  ren- 
seignement et  la  collaboration  aux  recueils  périodiques. 
Après  avoir  lu  à  l'Académie  deux  mémoires  surles  Annales 
des  pontifes  et  sur  les  Journaux  chez  les  Romains,  pu- 
bliés en  1838,  d'une  grande  érudition,  mais  d'une  critique 
trop  traditionnelle,  médiocrement  éclairée,  il  abandonna 
même  les  études  relatives  à  l'antiquité,  pour  se  consacrer 
tout  entier  à  l'histoire  Kttéraire  du  moyen  âge.  En  1838, 
il  fut  nommé  par  l'xlcadémie  membre  de  la  commission 
chargée  de  rédiger  VHistoire  littéraire  de  la  France. 
«  Au  premier  coup  d'œil,  dit  Renan,  rien  ne  semblait 
désigner  M.  Le  Clerc  pour  ce  travail,  mais  l'Académie  vit 
avec  justesse  que  toutes  les  études  historiques  se  tiennent 
et  que,  pour  bien  traiter  le  moyen  âge  en  particulier,  la 
première  condition  est  la  profonde  connaissance  de  l'anti- 
quité. »  VHistoire  littéraire  «  fut  dès  lors  le  travail  par 
excellence  de  Le  Clerc,  son   occupation  de  tous  les  ins- 
tants, son  œuvre,  sa  vie  »,  Il  a  dirigé  comme  «  éditeur  » 
la  publication  des  t.  X?\  à  XXIV  de  ce  grand  recueil,  con- 
sacrés en  grande  partie  à  l'histoire  du  xiu®  siècle,  qu'il  a 
enrichi  de  notices  excellentes  et  d'un  Discours  célèbre  sur 
VElat  des  lettres  en  France  au  xiv^  siècle  (18G3).  Il 
a  revisé  le  1. 1  du  Catalogue  général  des  manuscrits  des 
bibliothèques  des  départements  et  surveillé  l'impression 
de  ï Imitation  de  Jésus-Christ,  publiée  en  1855,  pour 
l'Exposition  universelle,  par  l'Imprimerie  nationale.  Comme 
doyen  de  la  faculté  des  lettres,  il  conttibua  beaucoup  à 
élever  le  niveau  des  épreuves  du  doctorat,  et  il  fit  de  son 
mieux,  au  commencement  du  second  Empire,  pour  sauve- 
garder la  dignité  de  l'enseignement  supérieur   contre  les 
entreprises  3e  la  réaction.    —  L'héritier  de  Le  Clerc, 
Hallays-Dabot,   a  fait  don  à  la  bibliothèque  de  la  Sor- 
bonne  des  livres  de  son  ami.  Jusqu'à  ces  derniers  temps, 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.   —  XXI. 


^^05  -  LECLERC  —  LECLERCQ 

l'appartement  que  l'illustre  doyen  occupait  à  la  Sorbonne 
fut  rattaché  à  ladite  bibliothèque,  sous  le  nom  de  Salles 
Victor  Le  Clerc,  mais  cette  vieille  maison,  «  qui  était  pour 
lui  l'univers  »,  va  tomber  sous  le  marteau.  —  «  V.  Le 
Clerc,  dit  Renan,  a  été  proclamé,  par  un  de  ceux  qui 
l'ont  le  mieux  connu,  le  vrai  bénédictin  de  notre  âge.  Sa 
paisible  retraite  de  la  Sorbonne  fut  pour  nous,  pendant  des 
années,  le  sanctuaire  de  la  recherche  savante  et  libre.  Sa 
vie  innocente  et  pure  a  été,  malgré  la  différence  des 
croyances  rehgieuses,  une  image  fidèle  de  ces  vies  saintes 
et  graves,  dont  le  xvn^  et  le  xviii^  siècle  nous  ont  légué  le 
souvenir  comme  une  leçon  éternelle  de  sérieux  et  de  sin- 
cérité. »  Ch.-V.  L. 

BiBL.  :  Elo.c^es  prononcés  par  M.  Bellaguet  à  la  séance 
annuelle  de  la  Société  de  Fhistoire  de  France  (8  mars 
1866)  et  par  M.  Guigniaut  à  la  séance  annuelle  de  FAca- 
démie  des  inscriptions  (3  août  1866).  —  E.  Renan  dans 
VHistoire  littéraire,  XXV,  pp.  ix-xlv.  ' 

LECLERC  (Charles-Alfred),  architecte  français,  né  à 
Paris  en  1843.  Elève  de  l'atelier  Questel  et  ayant  obtenu 
le  premier  grand  prix  d'architecture  en  1868  sur  un  pro- 
jet de  calvaire,  M.Alfred  Leclerc  envoya  de  Rome  une  fort 
consciencieuse  étude  de  restitution  des  Thermes  de  Titus,  et 
remporta,  à  son  retour  en  France,  plusieurs  succès  dans 
d'importants  concours  publics.  Entré  en  1873  dans  le  ser- 
vice des  bâtiments  civils  et  successivement  inspecteur  des 
travaux  de  la  Cour  de  cassation  et  des  Tuileries,  puis  ar- 
chitecte des  Archives  nationales,  des  palais  de  Versailles  et 
de  Trianon  et  des  domaines  de  Saint-Cloud,  Rambouillet 
et  Grignon,  M.  Alfred  Leclerc  a  été  chargé  de  la  restaura- 
tion ainsi  que  des  considérables  agrandissements  du  Capi- 
tole  de  Toulouse,  et  de  la  construction  du  bel  hôtel  de  ville 
de  Limoges.  Ch.  Lucas. 

LECLERC-BoRiEs  (V.  Bories). 
LECLERC  DE  BuFFON  (V.  Buffon). 
LECLERC  DE  JuiGNÉ  (V.  Jwgné). 
LECLERC  DE  La  Bruère  (V.  Bruère). 
LECLERC  des  Essarts  (Nicolas-Marin,  comte),  général 
français,  né  à  Pontoise  le  25  avr.  1770,  mort  à  Paris  le 
18  mai  1820.  Volontaire  en  1792,  il  fut  nommé  capitaine 
de  cavalerie  au  siège  de  Toulon.  Devenu  aide  de  camp  de 
son  compatriote,  le  général  Leclerc,  il  le  suivit  à  l'armée 
du  Rhin,  puis  à  Saint-Domingue.  11  fit  ensuite  toutes  les 
campagnes  de  l'Empire  et  fut  grièvement  blessé  à  Wagram. 
Général  de  brigade  en  1808,  il  prit  part  au  siège  de  Ham- 
bourg en  1814  et  il  y  rendit  des  services  signalés.  Il  fut 
nommé  divisionnaire  en  1815. 

LECLERC  des  Sept-Chènes  (V.  Sept-Chênes). 
LECLERC  DU  Tremblay  (V.  Joseph  [Le  père]). 
LECLERCQ  (Michel-Théodore),  auteur  dramatique  fran- 
çais, né  à  Paris  le  l^'*  avr.  1777,  mort  à  Paris  le  15  févr. 
1851.  Receveur  principal  des  droits  réunis  à  Paris  (1810- 
19)  il  a  laissé  un  très  grand  nombre  de  comédies  de  sa- 
lon qui  ont  eu  un  fort  grand  succès.  Citons  :  Proverbes 
dramatiques  (Paris,  1823-26,  4  vol.  in-8,  dont  les  édi- 
tions suivantes  ont  été  très  augmentées  jusqu'à  celle  de 
1834-38,  8  vol.  in-8);  Nouveaux  Proverbes  drama- 
tiques (1830,  in-8). 

LECLERCQ  (Mathieu-Nicolas- Joseph),  juriconsulte  et 
homme  d'Etat  belge,  né  à  Hervé  en  1796,  mort  à  Bruxelles 
en  1889.  Il  fut  nommé,  dès  1825,  conseiller  à  la  cour 
d'appel  de  Liège.  En  1830,  il  fut  envoyé  au  Congrès  na- 
tional par  les  électeurs  liégeois.  H  prit  une  grande  part 
aux  déiibérations  de  l'Assemblée,  et  se  prononça  pour  l'ex- 
clusion des  Nassau,  pour  la  monarchie  et  contre  l'institution 
du  Sénat.  Il  fut  appelé  ensuite  à  la  cour  de  cassation  dès 
la  création  de  ce  corps  judiciaire  et  y  occupa  les  fonctions 
de  procureur  général  de  1836  à  1871.  En  1840,Leclercq 
prit  dans  le  cabinet  Lebeau  (V.  ce  nom)  le  portefeuille  de 
la  justice  ;  il  ne  le  garda  qu'un  an  et  fit  voter  les  lois  sur 
le  duel  et  sur  la  compétence  civile.  Lorsque  le  ministère 
fut  tombé  sur  la  question  de  l'enseignement,  Leclercq 
rentra  au  parquet  de  la  cour  de  cassation.  En  1847,  le 
cabinet  libéral  lui  oiîrit  la  légation  de  Rome;  mais,  bien  que 

70 


LECLERCQ  --  LECOCQ 


--  1106 


Leclerq  fût  un  homme  foncièrement  religieux,  et  bien  que 
sa  haute  science  et  son  noble  caractère  lui  eussent  valu 
le  respect  de  tous,  le  gouvernement  pontifical  refusa  de 
l'agréer,  ce  qui  amena  un  vif  incident  parlementaire  et 
valut  à  l'éminent  magistrat  les  protestations  de  sympathie 
de  la  droite  aussi  bien  que  de  la  gauche.  Le  Vatican  fit,  du 
reste,  amende  honorable,  et  reconnut  qu'on  l'avait  trompé. 
La  justice  n'absorba  pas  l'activité  de  Leciercq;  il  publia 
des  travaux  importants  dont  voici  les  principaux  :  le  Pou- 
voir judiciaire  en  Belgique  (Bruxelles,  1832-57,  2  vol. 
in-4)  ;  Coutumes  du  pays^  duché  de  Luxembourg  et 
comté  de  Cliiny  (id.^  1867-78,  3  voL  iri-4).      E.  H, 

LECLÈRE  (Achille-François-René),  architecte  et  profes- 
seur d'architecture  français,  né  à  Paris  le  27  oct.  1785, 
mort  à  Paris  le  23  déc.  1853.  Elève  de  Percier  et  ayant 
remporté  le  grand  prix  d'architecture  en  1808  sur  un  pro- 
jet de  bains  pubhcs  pour  une  grande  capitale,  Leclère 
passa  six  années  à  parcourir  l'Itahe,  en  partie  avec  Mazois 
et  Provost,  et,  outre  ses  envois  de  Rome,  parmi  lesquels 
il  faut  citer  une  fort  importante  restitution  du  Panthéon 
d'Agrippa  en  20  feuilles  de  dessins,  il  se  forma  un  volu- 
mineux recueil  de  relevés  d'édhices  antiques  et  surtout  de 
monuments  de  la  Renaissance  italienne,  recueil  qui,  plus 
tard  lithographie  par  ses  élèves,  composa  plusieurs  vo- 
lumes in-foho  et  exerça  une  réelle  influence  sur  les  études 
des  jeunes  architectes  français  de  1815  à  1840.  A  son 
retour  en  France,  Leclère  eut  à  faire  élever  plusieurs 
beaux  châteaux  en  province,  un  certain  nombre  de  maisons 
à  Paris,  dont  les  façades  sont  inspirées  de  l'architecture 
italienne  dans  ses  données  les  plus  nobles;  le  monument 
du  Général  i^onc/iam/)s,  à  Saint-Florent,  et  d'intéressants 
tombeaux  parmi  lesquels  ceux  de  Casimir  Perier  et  do 
Cherubini  au  cimetière  de  l'Est,  à  Paris.  Leclère  entra  à 
l'Institut  en  1831,  fut  pendant  vingt  années  inspecteur 
général  du  conseil  des  bâtiments  civils  et  devint  en  1847 
secrétaire-archiviste  de  l'Ecole  des  beaux-arts,  oii  il  fonda 
un  prix  annuel  à  la  suite  d'un  concours  spécial  ;  mais  cet 
architecte  est  surtout  resté  célèbre  par  l'atelier  d'architec- 
ture qu'il  ouvrit  dès  1815  et  dans  lequel,  pendant  trente- 
huit  années,  se  formèrent  de  nombreux  élèves  parmi  lesquels 
Abadie,  Godebœuf,  Isabelle,  Morey  et  Viollet-le-Duc.  Un 
remarquable  dessin  d'Ingres,  daté  de  Rome  1812,  et  plus 
tard  gravé  par  M"^®  Girard,  reproduit  les  traits  de  Leclère 
et  de  son  camarade  Provost  (V.  ce  nom).      Ch.  Lucas. 

LÉCLUSE  ou  L'ESCLUSE  (Charles  de),  botaniste 
français,  né  à  Arras  le  19  févr.  1526,  mort  à  Leyde  le 
4  avr.  1609.  Il  étudia  à  Wittenberg,  à  Strasbourg  et  à 
Montpellier  et  renonça  vite  au  droit  pour  se  consacrer  à  la 
botanique.  De  1560  à  1573,  il  habita  par  intermittences 
sa  ville  natale,  faisant  divers  voyages  à  Paris,  en  Alle- 
magne, en  Espagne,  en  Angleterre,  etc.  De  1573  à  1587, 
il  fut  appelé  par  Maximilien  II  à  diriger  le  jardin  botanique 
de  Vienne.  Peu  après,  il  alla  occuper  une  chaire  de  bota- 
nique à  Leyde.  Ouvrages  principaux  :  Petit  Recueil,  auquel 
est  contenue  la  description  d'aucunes  gommes  et 
liqueurSy  provenant  tant  des  arbres  que  des  herbes,  etc. 
(Anvers,  1559,in-fol.);  Rariorum  aliquot  stirpium  per 
Hispanias  observ,  historia  {Amers ^  1576,  in-8)  ;  Exo- 
ticorum  libri  X,  quibus  animalium^  plantarum^  aro- 
matum,  aliorumque  peregrinorum  frucluum  historiée 
describuntur  (Anvers,  1605,  in-fol.)  ;  Curœ  posterio- 
res,  etc.  (Anvers,  1611,  in-fol.  et  in-4).  D^  L.  Ik. 

LÉCLUSE  (Louis),  acteur,  directeur  de  théâtre  et  den- 
tiste français,  né  en  1711,  mort  en  1792.  On  n'est  pas 
d'accord  sur  son  véritable  nom  ;  les  uns  l'appellent  Fleury^ 
dit  Lécliise,  tandis  que  d'autres  le  nomment  Lécluze  de 
Thilloy.  Quoi  qu'il  en  soit,  Lécluse  débuta  à  l'anciciî  Opéra- 
Comique  de  la  Foire  le  21  mars  1737,  dans  un  prologue  de 
Pannard  et  Carolet,  l'Assemblée  des  acteurs,  et  resta  à  ce 
théâtre  jusqu'à  sa  suppression  en  1745.  Il  y  avait  obtenu 
de  très  vifs  succès  dans  les  rôles  comiques  et  s'y  était  fait 
une  véritable  renommée,  ce  qui  ne  l'empêcha  pas,  à  la  suite 
de  cet  incident,  de  quitter  sa  profession  d'acteur  pour 


prendre  celle  de  dentiste,  qu'il  devait  quitter  à  son  tour 
pour  reprendre  la  première  au  bout  de  trente-trois  ans. 
Lécluse,  d'ailleurs  très  habile  comme  dentiste,  paraît- il, 
fat  nommé  chirurgien-dentiste  du  roi  de  Pologne,  ce  qui 
lui  valut  une  fort  belle  clientèle.  En  1760,  on  le  trouve  à 
Ferney,  chez  Voltaire,  où  il  resta  plusieurs  mois,  ce  qui 
donna  l'occasion  à  Fréron  de  publier  qu'on  confiait  à  un 
comédien  l'éducation  de  M^^^  Corneille;  il  semble  que  Lé- 
cluse avait  été  appelé  là  tout  simplement  pour  soigner  les 
dents  de  M™^  Denis;  mais  ce  fut  aussi  une  occasion  pour 
Voltaire  d'écrire  une  facétie  qui  a  été  publiée  dans  ses 
œuvres  sous  ce  titre  :  Lettre  de  M,  de  Lécluse,  seigneur 
du  Tilloy,  à  M.  son  curé.  En  1777,  Lécluse  se  reprit  au 
théâtre  et  fit  construire  une  salie  de  spectacle  qui  devait 
s'appeler  les  Variétés-Amusantes  et  qu'il  ouvrit  en  1778, 
y  jouant  lui-même  certaines  pièces  avec  beaucoup  de  verve 
et  de  gaieté.  Malheureusement,  il  n'avait  pas  assez  d'ar- 
gent pour  mener  à  bien  une  telle  entreprise,  et  au  bout  de 
peu  de  temps  il  se  vit  réduit  à  la  failhte  pour  une  somme 
de  44,822  livres.  R  se  réfugia  alors  au  Temple,  asile  invio- 
lable à  cotte  époque  pour  les  débiteurs  insolvables,  jusqu'à 
ce  que  ses  affaires  fussent  arrangées  et  que  deux  danseurs 
de  l'Opéra,  Maltcr  et  flamoire,  eussent  pris  la  suite  de  son 
entreprise  à  la  charge  de  payer  ses  dettes  et  de  lui  faire 
une  pension.  H  vécut  tranquille  à  partir  de  ce  moment. 
Lécluse  a  publié  divers  opuscules  badins  ou  relatifs  à  l'art 
dentaire,  A.  Poucm. 

L  ECO  AT  (Yves-Marie-Gabriel-Pierre,  baron  de  Saint- 
Haouen),  amiral  français,  né  en  Bretagne  en  1756,  mort 
à  Calais  en  1826.  Il  débuta  très  jeune  dans  la  marine,  fit 
plusieurs  campagnes  en  Amérique  et  dans  la  mer  des 
Indes,  fut  arrêté  sous  la  Terreur,  mis  en  liberté  le  9  ther- 
midor et  nommé  par  la  Restauration  contre-amiral  et  major 
général  du  port  de  Brest.  Son  rôle  est  assez  obscur.  11 
est  l'inventeur  d'un  système  de  signaux  télégraphiques 
njaritimes  dont  la  réalisation,  reconnue  trop  coûteuse,  a 
été  abandonnée.  Dans  une  brochure  intitulée  Télégraphie 
de  nuit  et  de  jour  sur  terre  et  sur  mer,  acte  consti- 
tutif (Paris,  1823,  in-4),  l'amiral  Lecoat  explique  et 
commente  son  invention. 

LECOAT  DE  Kervéguen  (V.  Kervéguen). 

LECOCQ  (Alexandre-Charles),  compositeur  français,  né 
à  Paris  le  3  juin  1832.  Le  5  nov.  1849,  il  fut  admis  au 
Conservatoire  étant  déjà  un  pianiste  habile  et,  en  1854, 
quitta  cet  étabhssement  pour  se  livrer  à  l'enseignement. 
Après  avoir  fait  jouer  aux  Bouffes- Parisiens,  en  1857, 
une  opérette,  reçue  au  concours,  intitulée  le  Docteur 
Miracle,  il  donna  aux  Folies-Nouvelles  et  aux  Folies- 
Marigny  un  certain  nombre  de  bouffonneries  dont  quel- 
ques-unes furent  remarquées.  Son  premier  succès  réel  fut 
Fleur  de  thé,  opérette  bouffe  en  trois  actes  (Athénée, 
11  avr.  1868)  qui  eut  plus  de  cent  représentations;  vin- 
rent ensuite  les  Cent  Vierges,  opéra  bouffe  en  trois  actes 
(Variétés,  13  mai  1872),  joué  à  Bruxelles  l'année  pré- 
cédente ;  enfin  son  œuvre  la  plus  populaire,  la  Fille  de 
M"^^  Angot  (Folies-Dramatiques,  21  févr.  d  873),  qui  ob- 
tint plus  de  400  représentations  successives  et  fut  l'objet 
d'innombrables  reprises  en  province  et  à  l'étranger.  De- 
puis, M.  Lecocq  a  fait  jouer  toute  une  série  de  pièces  du 
même  ordre  qui  eurent  des  fortunes  diverses  et  parmi 
lesquelles  nous  citerons  :  Giroflé-Girofla  (Renaissance, 
nov.  1874);  les  Prés  Saint-Gervais  (Ysiviéiés,  1874)  ; 
Pompon  (Variétés,  1875);  la  Petite  Mariée  (Renais- 
sance, 1875);  Kosiki  (Renaissance,  1876);  au  même 
théâtre:  la  Marjolaine  (1877);  le  Petit  Duc  (1878); 
la  Camargo  (1878);  la  Petite  Mademoiselle  {\H1^);  la 
Jolie  Persane  (1879);  Janot  (1881)  ;  le  Jour  et  la  Nuit 
(Nouveautés,  1881);  le  Cœur  et  la  Main  (Nouveautés, 

1882)  ;  la  Princesse  des  Canaries  (Folies-Dramatiques, 

1883)  ;  V Oiseau  bleu  (Nouveautés,  1884)  ;  Plutus 
(Opéra-Comique,  1885);  les  Grenadiers  de  Montcornette 
(Bouffes-Parisiens,  1887);  Ali-Baba  (1889);  VEgyp- 
tienne  (1890),  etc.  —  En  dehors  du  théâtre,  M.  Lecocq  a 


—  di07 


LECOCQ  —  LE  COMPASSEUR 


publié  un  certain  nombre  de  compositions,  entre  autres  : 
Miettes  musicales^  24  esquisses  de  style  pour  le  piano  ; 
des  mélodies  et  des  chansonnettes. 

LE  CŒUR  (Charles- Justin),  architecte  français,  né  à 
Paris  le  3  mai  4830.  Elève  de  Henri  Labrouste  et  de 
l'Ecole  des  beaux-arts,  puis  inspecteur  des  travaux  de  l'As- 
sistance publique,  M.  Le  Cœur  fut  pendant  quelques  années 
architecte  de  Farr.  de  Compiègne  où  il  fit  construire  l'hô- 
tel de  la  sous-préfecture  et  la  maison  d'arrêt  à  Compiègne 
et  l'hôtel  de  ville  à  Pierrefonds.  Nommé  eu  1868  architecte 
du  ministère  de  l'instruction  publique  pour  les  édifices  d'en- 
seignement secondaire,  M.  Le  Cœur  a  fait  élever  les  nouveaux 
bâtiments  du  lycée  Louis-le-Grand,  le  lycée  Michelet  et  le 
lycée  Fénelon,  à  Paris,  le  lycée  de  Bayonne,  etc.  On  doit 
encore  à  cet  architecte  plusieurs  hôtels  privés  à  Paris  dont 
l'hôtel  du  prince  Bibesco,  boulevard  de  LaTour-Maubourg. 

LE  COIGNEUX  le  Bâghaumont  (V.  Bâchaumont). 

LECOINTE  (Charles),  oratorien  et  érudit  français,  né  à 
Troyes  le  4  nov.  4644,  mort  à  Paris  le  48  janv.  4681.  Il 
avait  entrepris  une  vaste  histoire  de  l'Eglise  de  France  qu'il 
ne  put  conduire  au  delà  du  miUeu  du  ix^  siècle  :  Annales 
ecclesiastici  Francorum  (Paris,  4663-83,  8  vol,  in-foL). 

LECOINTE  (Jean-François-Joseph),  architecte  français, 
né  à  Abbeville  le  20  juil.  4783,  mort  à  Versailles  le  9  avr. 
4858.  Successivement  architecte  des  rois  Louis  XVIII  et 
Charles  X,  Lecointe  fut  associé  avec  Hittorff  (Y,  ce  nom), 
pour  les  cérémonies  funèbres  de  la  Restauration  et  aussi 
pour  la  réfection  de  la  salle  Favart  et  pour  la  construction 
du  théâtre  actuel  de  l'Ambigu-Comique.  Il  fit  de  plus  élever, 
avec  Emile  Gilbert,  la  prison  de  la  Nouvelle-Force  (prison 
Mazas),  édifice  qui  marqua,  à  cette  époque,  de  grands  pro- 
grès dans  les  dispositions  et  l'aménagement  des  services 
pénitentiaires.  On  doit  aussi  à  Lecointe  les  hôtels  d'Osmond 
et  de  Turpin  de  Crissé,  ainsi  que  plusieurs  tombeaux  au 
cimetière  de  l'Est,  à  Paris.  Ch.  Lucas. 

LECOINTE  (Alphonse-Théodore),  général  français,  né 
à  Evreux  le  12  juil.  4847,  mort  à  Paris  le  23  déc.  4890. 
Elève  de  l'Ecole  de  Saint-Cyr,  capitaine  en  4848,  chef  de 
bataillon  en  4854,  il  fit  l'expédition  de  la  Grande-Kabylie, 
puis  les  campagnes  de  Crimée  et  d'Italie.  Grièvement  blessé 
à  Magenta,  il  fut  en  récompense  de  sa  conduite  promu  lieu- 
tenant-colonel. Colonel  en  4  864,  il  commandait  pendant  la 
guerre  de  4870  un  régiment  de  la  garde  impériale  avec  lequel 
il  assista  à  toutes  les  batailles  livrées  sous  Metz.  Prisonnier 
de  guerre  à  la  suite  de  la  capitulation,  le  colonel  Lecointe 
parvint  à  s'échapper  des  mains  de  l'ennemi  malgré  une 
blessure  reçue  à  Rezonville  et  vint  oifrir  son  épée  au  gouver- 
nement de  la  Défense  nationale.  Nommé  général  de  brigade 
le  44  nov.  1870,  il  combattit  à  Villers-Bretonneux  et  par 
un  coup  de  main  hardi  s'empara  de  Ham.  A  la  formation 
de  l'armée  du  Nord,  il  fut  mis  à  la  tête  du  22^  corps  qui 
prit  une  part  active  à  la  bataille  de  Bapaume.  Général  de 
division  le  46  sept.  4874,  commandant  de  corps  d'armée 
en  4879,  puis  gouverneur  de  Lyon,  il  succéda  au  général 
Clinchant  comme  gouverneur  de  Paris.  Il  avait  été  élu  en 
4882  sénateur  de  l'Eure.  E.  Bernard. 

LECOINTE-PuYRÂVEAu  (Michel-Mathieu),  homme  poli-- 
tique  français,  né  à  Saint-Maixent  (Deux-Sèvres)  le 
45  déc.  4764,  mort  àixelles  (Belgique)  le  44  janv.  4827. 
Avocat  avant  la  Révolution,  administrateur  des  Deux- 
Sèvres  en  4790,  il  fut  élu  par  ce  département  député  à 
l'Assemblée  législative.  Orateur  verbeux  et  médiocre,  il 
prit  la  parole  fréquemment,  dénonça  le  ministre  Duportal, 
soutint  le  24  juin  4792  Collot  d'iïerbois,  qui  avait  de- 
mandé la  déclaration  delà  patrie  en  danger,  prit  le  44  août 
la  défense  des  fédérés  qu'on  voulait  éloigner  de  Paris. 
Réélu  à  la  Convention,  il  attaqua  Marat  dans  la  séance  du 
4  oct.  1792.  Des  troubles  agraires  ayant  éclaté  à  Chartres 
en  novembre,  il  y  fut  envoyé  avec  Maure  et  Birotteau,  et  y 
courut  de  grands  dangers.  Ses  collègues  et  lui  furent  forcés 
de  taxer  les  grains  ;  rentrés  à  Paris,  ils  déclarèrent  que  ces 
troubles  étaient  provoqués  par  le  fanatisme  religieux.  Dans 
le  procès  de  Louis  XVI,  Lecointe-Puyraveau  vota  pour  l'ap- 


pel au  peuple,  pour  la  mort  et  contre  le  sursis.  Le  20  mars 
4793,  encore  une  fois  il  attaqua  Marat.  Au  mois  de  mai, 
il  fut  envoyé  dans  les  Deux-Sèvres  et  la  Vendée  pour  rallier 
les  bons  citoyens  et  les  conduire  contre  les  rebelles.  Le 
24  mai,  il  fut  présent  à  la  défaite  des  républicains  à  Fon- 
tenay,  destitua  Rossignol  et,  à  son  retour  à  la  Convention, 
prit  la  défense  de  Westermann.  Dénoncé  par  Amar  le 
7  nov.  4793,  il  fut  défendu  par  Barère.  Depuis  il  garda  le 
silence  et  ne  recommença  à  paraître  qu'après  les  journées 
de  Thermidor,  attaquant  tantôt  les  Jacobins,  tantôt  les 
émigrés.  Au  Conseil  des  Cinq-Cents,  il  suivit  la  même  ligne 
politique,  se  montrant  adversaire  des  émigrés  et  des 
chouans.  Il  en  sortit  le  20  mai  4797,  mais  fut  réélu 
l'année  suivante  au  même  Conseil.  Quoiqu'il  soutînt  le 
Directoire,  il  n'en  adhéra  pas  moins  au  coup  d'Etat  du 
48  brumaire,  fut  alors  envoyé  comme  commissaire  général 
de  police  à  Marseille,  puis  dans  l'Ouest,  oti  des  troubles 
avaient  éclaté,  siégea  au  Tribunat,  mais  se  retira  dans  la 
vie  privée  avant  la  proclamation  de  l'Empire,  dès  4803. 
Aux  Cent-Jours,  il  accepta  la  place  de  lieutenant  général 
de  police  dans  les  départements  de  Sud-Est,  et,  après  le 
désastre  de  Waterloo,  s'embarqua  pour  la  Tunisie  ;  le 
Yaisseau  qui  le  portait  fut  pris  par  les  Anglais  ;  mais,  à 
la  suite  d'une  tempête,  il  put  s'échapper,  débarqua  à  Tou- 
lon, passa  à  Marseille,  où  il  faillit  être  assassiné  par  les 
royalistes,  et  ne  dut  son  salut  qu'à  l'énergique  intervention 
du  général  Partouneaux.  Il  erra  quelque  temps  dans  les 
Alpes,  fut  découvert  et  enfermé  au  château  d'If.  Traduit 
devant  la  cour  d'assises  de  la  Dordogne  pour  ne  pas  avoir 
obéi  à  la  loi  dite  d'amnistie,  il  fut  condamné  à  la  déporta- 
tion. Son  pourvoi  en  cassation  fut  rejeté  le  30  mai  4848, 
mais  il  obtint  la  faveur  de  quitter  la  France  et  se  fixa  à 
Ixelles,  où  il  vécut  isolé.  Un  monument  lui  a  été  élevé  au 
cimetière  d'Ixelles.  A.  Kusginski. 

LE  COINTRE  (Laurent),  homme  politique  français,  né 
à  Versailles  le  4^^^  févr.  4742,  mort  à  Guignes  le  4  août 
4805.  Riche  négociant  en  toiles  à  Lisieux  et  à  Versailles, 
propriétaire  d'une  blanchisserie  de  toiles  à  Sèvres,  où  il 
créa  une  sorte  de  cité  ouvrière,  il  prit  parti  pour  la  Révo- 
lution, devint  lieutenant-colonel  de  la  garde  nationale  de 
Versailles,  et  fut  mêlé  en  -cette  qualité  aux  événements 
qui  se  passèrent  dans  cette  ville  en  4789.  Elu  successive- 
ment membre  de  l'administration  du  dép.  de  Seine-et-Oise, 
puis  député  de  ce  département  à  l'Assemblée  législative  et 
à  la  Convention  nationale,  il  siégea  à  la  Montagne,  où,  bien 
qu'honnête  homme,  il  se  signala  surtout  comme  un  bavard 
et  comme  un  dénonciateur  un  peu  ridicule.  Il  émit,  dans  le 
procès  de  Louis  XVI,  les  votes  les  plus  rigoureux.  Ses 
missions  en  Normandie  sous  la  Législative  (29  août  4792) 
et  à  l'armée  des  côtes  de  Cherbourg  sous  la  Convention 
(30  avr.  4793)  furent  assez  insignifiantes.  Adversaire  de 
Robespierre,  il  fut  un  de  ceux  qui  l'insultèrent  à  la  fête 
de  l'Etre  suprême  (juin  4794)  et,  dans  la  journée  du 
9  thermidor,  il  exhiba  des  pistolets.  Pendant  la  réaction 
thermidorienne,  il  attaqua  à  plusieurs  reprises,  dans  des 
discours  et  des  pamphlets,  les  membres  des  anciens  comités 
de  gouvernement  (V.  surtout  :  tes  Crimes  de  sept  membres 
des  anciens  Comités  de  salut  public  et  de  sûreté  géné- 
rale...^ Billaud-Varenne^  Barère,  Collot  d'Herbois, 
Vadier,  Voulland^  Amar  et  David,  par  Laurent  Le 
Cointre,  s.  l.  n.  d.  [an  III],  in-8).  Il  fut  néanmoins  dé- 
crété d'arrestation,  en  l'an  ÏIl,  comme  complice  des  insurgés 
de  germinal,  et  incarcéré  au  Mont-Saint-Michel  jusqu'à 
l'amnistie  de  l'an  IV,  Il  ne  fit  pas  partie  des  Conseils  sous 
le  Directoire,  vota  courageusement  à  Versailles  contre  la 
constitution  de  l'an  VIll  et  contre  le  Consulat  à  vie  (à 
registre  ouvert),  fut  exilé  pour  ce  fait  à  Guignes,  où  il 
s'était  fait  cultivateur  et  où  il  passa  obscurément  les  der- 
nières années  de  sa  vie.  F. -A.  Aulârb. 

BiBL.  :  Th.  Lhuijllier,  Laurent  Le  Cointre,  dans  la 
Révolution  française,  revue  d'histoire  moderne  et  contem- 
poraine,  t.  XXVII. 

LE  COMPASSEUR  de  CommvRON  (V.  Courtivron). 


LECOMPTON  —  LECOMTE 


—  4408 


LECOMPTON.  Ville  des  Etats-Unis  (Kansas),  au  S.  de 
la  rivière  de' ce  nom.  Université  Lane  fondée  en  4865. 
Ce  fut  un  des  centres  des  conflits  entre  esclavagistes  et 
abolitionnistes  (V.  Etats-Unis  et  Kansas). 

LE  COMTE  (Jean),  réformateur  vaudois,  né  à  Etaples 
en  4500,  mort  à  Grandson  le  25  juil.  4572.  Jacques  Le 
Fèvre  l'initia  aux  doctrines  réformées  et  Temmena  à  Meaux. 
Inquiété,  il  alla  chercher  asile  auprès  de  la  reine  Margue- 
rite de  Navarre,  puis  en  1 532  en  Suisse  auprès  du  réfor- 
mateur FareL  Les  conseils  de  Berne  le  chargèrent  d'évan- 
géliser  Grandson.  Nous  le  trouvons,  en  oct.  4536,  à  la 
fameuse  dispute  de  Lausanne.  Ses  conversions  furent  nom- 
breuses, non  seulement  à  Grandson,  dont  il  fut  nommé 
bourgeois  en  4559,  mais  dans  beaucoup  de  localités,  à 
Montagny,  Yvorand,  Giez,  Yverdon,  Romainmotier,  Cour- 
telary.  Il  enseigna  provisoirement  l'hébreu  à  Lausanne.  Ses 
ouvrages  sont  restés  manuscrits. 

LECOMTE  (Louis),  sculpteur  français,  né  à  Boulogne- 
sur-Seine  en  4643,  mort  à  Paris  en  4695.  On  ne  sait  trop 
comment  se  passa  la  jeunesse  de  cet  artiste,  dont  le  nom 
apparaît  pour  la  première  fois  en  1678,  à  propos  de  vases 
en  bronze  exécutés  pour  le  château  de  Versailles.  Il  est  vrai 
que,  dans  la  suite,  comme  compensation,  nous  sommes, 
pour  ainsi  dire,  d'année  en  année,  renseignés  sur  ses  tra- 
vaux, grâce  à  la  publication  des  Comptes  des  bâtiments 
du  roi  sous  Louis  XIV.  Rien  n'est  oublié  de  ce  qu'il  a 
fait,  et  ce  n'est  pas  sans  surprise  qu'on  le  voit  le  plus 
souvent  occupé  soit  à  décorer  des  hicarncs,  soit  à  fournir 
les  modèles  de  trophées  ou  de  chapiteaux.  La  chaire  du  pré- 
dicateur, dans  la  chapelle  provisoire  située  sur  l'emplace- 
ment actuel  du  salon  d'Hercule,  était  môme  son  ouvrage. 
De  4682  à  4694,  Lecomte  reçut,  paraît-il,  8,140  livres 
43  sous  4  deniers  pour  diverses  statues  destinées  aux  jar- 
dins de  Versailles  et  de  Marly  ;  mais  une  seule  de  ces  œuvres 
est  désignée  clairement  sous  le  nom  de  la  Tromperie^  on 
dit  aujourd'hui  la  Fourberie  [ûl^^  du  Tapis- Vert,  à  droite; 
l'exécution  en  marbre  date  de  4686).  Partout  ailleurs, 
on  lit  simplement  les  mentions  suivantes  :  4680,  deux 
figures  pour  les  niches  de  la  façade  du  château  ;  4684,  un 
ferme  de  marbre  ;  deux  groupes  d'enfants  pour  le  bassin 
de  Vénus;  4688,  deux  groupes  de  figures  pour  les  piliers 
de  l'entrée  de  l'Orangerie.  Citons  également,  en  4687,  sept 
bas-reliefs  destinés  à  la  Colonnade.  En  dehors  du  château, 
Lecomte  fut  chargé,  à  Versailles,  de  sculpter  le  fronton  de 
la  petite  écurie  (4680).  Puis  nous  le  trouvons,  dans  le 
voisinage,  occupé  à  Clagny  et  au  grand  Trianon.  Paris  ne 
fut  pas  oublié,  et  Germain  Brice  vante  une  statue  de  la 
Vierge^  en  marbre,  qui  se  voyait  de  son  temps  au  grand 
autel  de  la  Sorbonne.  Quant  à  l'église  des  Invalides,  elle 
lui  doit  une  figure  en  pierre  dans  l'un  des  panneaux  de 
la  voûte  du  dôme  (4693)  et  deux  dessus  de  portes  dans 
les  chapelles  (4692).  L.  Palustre. 

BiBL.  :  Germain  Brice,  Nouvelle  Description  de  Paris, 
1725.  —  Comptes  des  bâtiments  du  roi,  publiés  par  Jules 
GuiFFREY,  1881-88,  3  vol.  in-4. 

LECOMTE  (Florent),  archéologue  français,  né  vers  le 
milieu  du  xvii®  siècle,  mort  à  Paris  en  4742.  Il  fut  d'abord 
blanchisseur  et  brocanteur  de  tableaux  et  prenait  le  titre  de 
scul|)teur  et  de  peintre.  Il  publia  le  Cabinet  des  singula- 
rités d'architecture^  'peinture^  sculpture  et  gravure^ 
ou  Introduction  à  la  connaissance  des  plus  beaux  arts 
figurés  sous  les  tableaux^  les  statues  et  les  estampes 
(Paris,  4699-4700,  4  t.  in-42  en  3  vol.).  Cette  compila- 
tion sans  critique,  où  les  noms  sont  défigurés  et  les  notices 
historiques  remplies  d'anecdotes  puériles  et  invraisem- 
blables, jouit  pourtant  d'une  certaine  réputation,  et  en 
4702  il  en  parut  une  contrefaçon  à  P>ruxeiîes.     M.  P. 

LECOMTE  (Louis),  jésuite,  né  à  Bordeaux  vers  4656, 
mort  en  4729.  En  1 685,  Louis  XIV  l'avait  envoyé  en  Chine 
avec  cinq  autres  jésuites  :  Bouvet,  Gerbillon,  Fontancy, 
Tachard,  Visdelou,  et  il  les  avait  chargés  d'une  mission 
scientifique,  dont  l'objet  principal  était  la  vérification  des 
cartes  géographiques,  ils  passèrent  près  de  deux  ans  à  la 


cour  de  Siam  et  ils  arrivèrent  en  Chine  le  7  févr.  4688. 
Pour  faciliter  la  conversion  des  Chinois,  les  jésuites  s'in- 
géniaient à  accommoder  ce  qu'ils  appelaient  l'évangélisation 
avec  les  usages  et  les  cérémonies  du  pays.  Les  mission- 
naires de  tous  les  autres  instituts  réprouvaient  cette  pra- 
tique, comme  contraire  à  la  religion  chrétienne.  Elle  avait 
été  condamnée  implicitement  par  Innocent  X,  puis  par  Clé- 
ment XI  (4740,  bulle  Exilla  die)  ;  elle  le  fut  péremptoi- 
rement par  Benoît  XIV  (1742,  bulle  Ex  quo  singulari; 
4744,  bulle  Omnium  sollicitudinum) .  Lecomte  en  avait 
pris  la  défense  dans  deux  de  ses  ouvrages  :  Nouveaux  Mé- 
moires^ sur  rétat  présent  de  la  Chine  (Varis,  1696, 
3  vol.  in- 12)  ;  Lettre  à  M.  le  duc  du  Maine  sur  les  céré- 
monies de  la  Chine  (Liège,  4700,  in-42).  Ces  ouvrages 
furent  censurés  par  la  Sorbonne  en  4700.      E.-H.  V. 

LECOMTE  (Marguerite),  graveur  français,  née  à  Paris 
en  4749,  morte  à  Paris  à  la  fin  du  xviii^  siècle.  Femme 
d'un  procureur,  elle  a  gravé  des  vignettes  pour  une  édition 
de  Gessner,  des  paysages,  des  Papillons  d'après  nature, 
un  portrait  du  Cardinal  Albani,  etc. 

LECOMTE  (Félix),  sculpteur  français,  né  à  Paris  le 

46  juin  4737,  mort  à  Paris  le  44  janv.  4847.  Elève  de 
Falconet,  il  obtint  le  prix  de  Rome,  fut  élu  membre  de 
l'ancienne  Académie  royale  (4771),  et  membre  de  l'Institut 
(1810).  Le  Louvre  a  de  lui  OEdipe  enfant  détaché  de 
l\irbrepar  un  berger;  le  musée  de  Versailles,  Fénelon, 
son  chef-d'œuvre.  Lecomte  a  contribué  à  décorer,  à  Uouen, 
la  cathédrale,  à  Louveciennes,  le  pavillon  de  M^^  Du  Barry, 
à  Paris,  l'Institut  et  l'hôtel  de  la  Monnaie. 

LECOMTE  (Hippolyte),  peintre  français,  né  à  Puiseaux 
(Loiret)  le  28  déc.  4781,  mort  à  Paris  le  25  juil.  4857.  Il 
épousa  Camille,  fille  de  Carie  Vernet,  et  son  beau-frère 
Horace  Vernet  lui  fit  avoir  de  l'Etat  de  nombreuses  com- 
mandes. C'est  ainsi  que  l'on  voit  au  musée  de  Versailles 
une  trentaine  de  Batailles  d'IIippolyte  Lecomte.  Pour  le 
palais  môme,  il  a  peint,  avec  Alaux,  le  Passage  du  Saint- 
Bernard.  On  lui  doit,  entre  autres  publications,  les  Cos- 
tumes civils  et  militaires  de  la  monarchie  française 
de  1200  à  iSW  (380  planches),  et  les  Costumes  de 
théâtre  de  i670  à  1820  (lOi  planches). 

LECOP^TE  (Narcisse),  graveur  français,  né  à  Paris  le 

47  avr.  4794,  mort  à  Paris  le  2  mai  4882.  Elève  de 
Regnault  et  de  Lignon,  ses  planches  les  plus  connues 
sont  :  la  Sainte  Famille,  dite  la  Vierge  à  la  perle, 
d'après  Raphaël;  Dante  et  Béatrice,  d'après  Ary  Scheffer  ; 
le  portrait  de  Lamennais,  d'après  le  même;  le  Tintoret. 

LECOMTE  (Eugène-Louis-Jean),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Guiilewal  (Seine-et-Oise)  le  4^^  mai  4803, 
mort  à  Paris  le  30  juin  4883.  Entrepreneur  de  transports, 
il  fut  élu  représentant  de  l'Yonne  à  l'Assemblée  législative 
le  43  mai  4849.  Il  fut  constamment  réélu  au  Corps  légis- 
latif par  ce  département  en  1852,  4857,  4863,  4869. 
Bonapartiste  ardent,  il  avait  fait  partie  de  la  commission 
consultative  de  4  854 . 

LECOMTE  (Jules-François),  littérateur  français,  né  à 
Boulogne-sur-Mer  le  20  juin  1 844,  mort  à  Paris  le  22  avr. 
4864'.  Officier  de  marine,  il  démissionna  en  4832  pour 
faire  du  journalisme.  Il  a  fondé  ou  dirigé  un  grand  nombre 
de  publications,  entre  autres  :  le  Navigateur,  la  Hevue 
maritime,  la  France  maritime.  Citons  de  lui  :  Pratique 
de  la  pêche  de  la  baleine  dans  les  mers  du  Sud  (Varis, 
1833,  in-8)  ;  Dictionnaire  pittoresque  de  la  marine 
(4833,  in-4);  llle  de  la  Tortue  (4837,  2  vol.  in-8); 
Lettres ^sur  les  écrivains  français  (4837,  in-42),  pu- 
bliées d'abord  sous  le  pseudonyme  de  Van  Engeloom  ;  les 
Smoglers  (4838,  2  vol.  in-8);  le  Capitaine  Sabord 
(4839,  2  vol.  in-8);  les  Folies  parisiennes  (4840, 
2  vol.  in-8);  Venise (iSU,  in-8)  ;  les  Pontons  anglais 
(4850-52,  5  vol.  in-8);  Histoire  de  la  révolution  de 
Février  (iS^O,  gr.  in-8);  Histoire  de  l'armée  d'Orient 
(4857,  gr.  in-8);  la  Charité  à  Paris  (4864,  in-42)  ; 
le  Perron  de  Tortoni  (4863,  in-42);  Secrets  de  Fa- 
mille (4864,  in-42),  etc.  Il  est  aussi  l'auteur  de  pièces 


—  1109  — 


LECOMTE  —  LEÇON 


de  théâtre  :  Othello  (1844);  le  Paratonnerre  (1846)  ; 

les  Eaux  de  Spa  (1850);    Une  Loge  cV opéra  (1863). 

BiRL.  :  GozLAN,  Rapport  sur  Lccomte  ;  Paris,  1854,  in-4. 

LECOMTE  (Claude-Martin),  général  français,  né  à 
Thioiiville  le  8  sept.  1817,  fusillé  à  Paris  le  18  mars  1871 . 
Elève  de  TEcolo  de  Saint-Cyr,  il  était  sous-lieutenant  en 
1837.  Il  prit  part  à  la  guerre  d'Orient  et  fut  blessé  au 
siège  de  Sébastopoi;  il  fit  ensuite  la  campagne  dltalie. 
Colonel  en  1865  et  général  de  brigade  le  25  août  1870, 
il  commandait  une  brigade  de  l'armée  de  Paris.  Il  reçut 
l'ordre,  dans  la  nuit  du  17  au  18  mars  1871,  de  faire 
enlever  les  canons  réunis  sur  la  butte  Montmartre;  la 
foule  s'opposa  à  l'exécution  de  cette  mesure.  Le  général 
Lecomte  voulut  alors  agir  de  vive  force,  mais  sa  troupe 
l'abandonna.  Condamné  à  mort,  il  fut  fusillé  avec  le  général 
Clément  Thomas  (V.  Commune,  t.  XII,  p.  140). 

LECOMTE  (Ferdinand),  écrivain  militaire  suisse,  né  à 
Lausanne  en  18"26.  Ses  études  furent  bientôt  orientées  du 
côté  des  armes.  D'abord  simple  soldat,  sergent  d'artillerie, 
il  occupa  successivement  tous  les  grades  jusqu'à  celui  de 
colonel  divisionnaire.  Il  est  le  chef  do  la  2®  division  de 
l'armée  suisse.  Tacticien  distingué,  élève  de  son  concitoyen 
le  général  Jomini,  il  est  en  môme  temps  un  écrivain  mili- 
taire très  considéré,  il  a  suivi  les  opérations  de  la  guerre 
d'Italie,  servi  comme  major,  et  d'une  manière  brillante, 
dans  la  guerre  de  la  Sécession,  et  écrit  l'histoire  de  tontes 
les  guerres  du  siècle,  depuis  la  campagne  d'Italie  de  1859 
jusqu'à  la  guerre  russo-turque.  Outre  ces  nombreux  vo- 
lumes, il  a  publié  en  1869  des  Etudes  dliistoire  mili- 
taire^^  résumé  des  leçons  que  le  duc  d'Aumalo  l'avait  chargé 
de  faire  à  son  fils,  le  jeune  prince  de  Condé  ;  une  étude 
sur  le  Général  Jomini^  sa  vie  et  ses  écrits  (3  éd.),  etc. 
M.  Lecomte  est  chancelier  de  l'Etat  de  Vaud.     E.  Kuiine. 

LECOMTE  (Maxime),  homme  pohtique  français,  né  à 
Bavay  (Nord)  le  1^^  mars  1846.  Docteur  en  droit,  il  fit 
dans  l'armée  du  Nord  la  guerre  franco-allemande,  s'inscri- 
vit au  barreau  d'Amiens  en  1876,  professa  le  droit  com- 
mercial à  la  Société  industrielle  à  partir  de  1878.  Le 
6  avr.  '1884,  il  fut  élu  député  de  la  deuxième  circonscrip- 
tion d'Avesnes,  membre  et  secrétaire  de  l'Union  répu- 
blicaine. Après  avoir  échoué  aux  élections  générales  de 
1885,  il  fut  réélu  à  une  élection  partielle  le  27  nov.  1887, 
et  de  nouveau  en  1889.  Il  avait  ardemment  combattu  le 
boulangisme.  Il  devint  sénateur  du  Nord  le  4  janv.  1891. 
Dans  les  deux  Chambres,  M.  Maxime  Lecomte  s'est  oc- 
cupé avec  une  grande  compétence  des  questions  d'affaires 
et  surtout  des  questions  ouvrières.  Il  a  pris  une  part  im- 
portante aux  débats  relatifs  au  travail  des  enfants  et  des 
filles  mineures  dans  les  manufactures,  proposition  de  loi 
dont  il  fut  rapporteur.  Il  a  écrit  :  l'Assemblée  nationale 
et  les  partis  (Avesnes,  1871,  in-8);  la  République  de 
tout  le  monde  (1872,  in~8)  ;  Souvenirs  de  la  campagne 
du  Nord  (1872,  in-*8);  Manuel  du  commerçant.  La  Vie 
commerciale  dans  ses  rapports  avec  la  loi  (Paris,  1878, 
in-12)  ;  Etude  comparée  des  principales  législations 
européennes  en  matière  de  faillite  (1879,  in-8);  la 
Vocation  d'Albert.  Leçons  dJun  père  à  son  fils  sur  la 
constitution  et  la  loi  (1880,  in-î2);  Traité  théorique 
et  pratique  de  la  liquidation  judiciaire  (1890,  in--8). 

LECOMTE  Dii  Nouy  (Jules-Jean-Antoine),  peintre  fran- 
çais, né  à  Paris  le  10  juin  1842,  originaire  d'une  ancienne 
famille  du  Piémont.  Elève  de  Gleyre,de  Signol  et  de  M.  Gé- 
rôme,  il  débuta  au  Salon  de  1863  par  Francesca  di  Ri- 
mini  et  Paolo  Malatesta  aux  enfers,  aujourd'hui  au 
musée  de  Cette.  Parmi  ses  autres  envois  au  Salon,  on  ci- 
tera :  Sentinelle  grecque  (1865),  au  duc  de  Mouchy; 
Invocation  à  Neptune  (1866),  au  musée  de  Lille;  Job  H 
ses  amis  et  la  Danseuse  fellah  (1865)  :  la  Folie  d'Ajax 
le  Télamonien  (1868);  t Amour  qui  passe  et  r Amour 
qui  reste,  au  musée  de  Boulogne-sur-Mer,  et  Portrait  de 
femme,  au  musée  de  Lille  (1869);  le  Charmeur  {i 810), 
au  musée  de  Reims;  les  Porteurs  de  mauvaises  nou- 
velles (1872),  au  musée  du  Luxembourg;  Eros-Cupido, 


au  musée  de  Tours,  et  les  Bouchers  de  Venise  (1874)  ; 
la  Lu7ie  de  miel  à  Venise  et  Rêve  d'Eunuque  (1875); 
les  Gardiens  du  sérail  (1877)  ;  les  Chrétiennes  au  tom- 
beau de  la  Vierge  et  portrait  de  Crémieux  (1878);  Ho- 
mère, triptyque  (1883),  au  musée  de  Grenoble;  Ramsès 
dans  son  harem  (1887)  ;  la  Vision  d'Abraham  (1888)  ; 
le  Samedi  au  Maroc  (1 889)  ;  le  Dimayiche  à  Venise 
(1890)  ;  le  Dieu  et  la  Mortelle  et  la  Famille  du  peintre 
(1891);  l'Amour  et  la  Nuit,  ciel  de  lit,  et  Mourir  pour 
la  Patrie  (1892);  le  Souper  de  Beaucaire  (1894),  au 
duc  de  Gramont.  M.  Lecomte  du  Nouy,  connu  pour  sa 
manière  archaïque  et  ses  recherches  de  reconstitutions  an- 
tiques, semble,  en  abordant  dans  ce  dernier  tableau  les  scènes 
napoléoniennes,  avoir  cherché  une  orientation  nouvelle.  On 
voit  encore  de  lui  au  musée  de  Gacn  un  polyptyque  sur 
V.  Hugo,  exposé  pour  partie  aux  Salons  de  1884  et  1885  : 
les  Travailleurs  de  la  mer,  les  Orientales^  Autrefois^ 
Aujourd'hui,  et  le  médaillon  en  grisaille  du  poète.  Il  a 
aussi  décoré  la  chapelle  Saint-Vincent-de-Paul  à  l'église  de 
la  Trinité.  Son  j)ortrait  par  lui-même  (1878)  est  à  la  ga- 
lerie des  portraits  aux  Offices  de  Florence.  M.  du  Nouy 
avait  épousé  en  premières  noces  la  petite-fille  de  Crémieux, 
morte  après  quelques  mois  de  mariage  :  il  a  sculpté  son 
monument  au  cimetière  Montparnasse,  et  il  en  a  exposé  le 
médaillon  au  Salon  de  1877.  Etienne  Bbicon. 

LECOIVITE-Vernet  (Charles-Hippolyte-Emile),  peintre 
français,  né  à  Paris  en  1821,  fils  d'ilippolyte  Lecomte 
(V.  ci-dessus).  Elève  d'Horace  Vernet  et  de  Léon  Cogniet, 
il  débuta  au  Salon  de  1843  par  des  tableaux  de  g'enre, 
puis  partit  se  perfectionner  en  Italie.  Il  voyagea  ensuite  en 
Egypte  et  en  Syrie.  Parmi  ses  œuvres,  on  peut  citer:  Aria 
caltiva{\^\ê),  Aîirore,  la  Nuit,  Ugolin.,  la  Visitation, 
Orphée  et  Eurydice,  Sainte  Catherine  d'Alexandrie, 
la  Reine  de  Navarre,  Laissez  venir  à  moi  les  petits 
enfants  (1861,  église  Saint-Louis-en-PIle,  Paris),  etc.,  et 
un  certain  nombre  de  tableaux  se  rapportant  à  son  voyage 
en  Orient  :  Femme  fellah  portant  son  enfant.  Danseuse 
égyptienne,  etc. 

LEÇON.  ï.  Pédagogie.  —  Ce  mot  a  des  sens  très 
divers.  Un  élève  apprend  ses  leçons  ;  un  maître  donne  des 
leçons  particulières  ou  fait  telle  leçon  dans  sa  classe;  un 
professeur  de  l'enseignement  supérieur  fait  des  leçons  pu- 
bliques, etc.  Ne  retenons  ici  que  ces  acceptions  principales 
et  disons  un  mot  de  chacune. 

I.  Apprendre  une  leçon,  c'est  s'appliquer  à  retenir 
quelque  chose  que  l'on  doit  savoir,  soit  qu'il  s'agisse  d'ap- 
prendre par  cœur  un  morceau  littéraire  (prose  ou  poésie) 
soit  qu'il  s'agisse  de  comprendre  de  façon  à  ne  plus  les 
oublier  une  vérité  grammaticale,  une  série  de  faits  histori- 
ques, une  démonstration  scientifique.  Même  pour  apprendre 
[)ar  cœur,  il  est  essentiel,  sinon  nécessaire,  de  commencer 
par  comprendre  :  toute  leçon  qu'on  donne  à  apprendre 
doit  donc  avant  tout  être  bien  expliquée.  D'ailleurs,  il  ne 
faut  faire  apprendre  ainsi  que  deux  sortes  de  choses  :  celles 
qui  sont  excellentes  littérairement  et  dignes  de  rester  dans 
l'esprit  comme  modèles  ;  celles  qui  sont  indispensables  comme 
clef  pour  la  suite  des  études,  tels  les  paradigmes,  telles 
certaines  règles  et  formules  véritablement  fondamentales. 

IL  Les  leçons  particulières  qu'on  fait  donner  aux  en- 
fants ne  remplacent  jamais  bien  l'enseignement  collectif. 
Elles  peuvent  être  utiles  pour  le  répéter  et  le  faire  digérer 
à  un  esprit  lent  et  attardé,  ou  pour  le  compléter  à  un 
esprit  brillant  qu'on  veut  pousser  au  delà.  Les  professeurs 
de  l'enseignement  public  sont  naturellement  les  plus  re- 
cherchés pour  ces  leçons.  En  principe,  ils  ne  peuvent  en 
donner  sans  l'autorisation  de  leurs  chefs,  car  ils  se  doivent 
tout  entiers  à  leur  fonction.  L'autorisation  est  rarement 
refusée  ;  mais  elle  peut  l'être  ;  et  le  règlement  qui  exige 
qu'elle  soit  demandée  a  été  récemment  remis  en  vigueur. 

III.  Faire  une  leçon,  soit  en  classe,  soit  en  public,  c'est 
exposer  méthodiquement  à  un  auditoire  donné  des  vérités 
nouvelles  pour  lui.  Les  règles  à  observer  pour  le  bien  faire 
varient  avec  l'auditoire  et  le  sujet.  Disons  seulement  ici 


LEÇON  —  LECONTE  ~  iiiO 

que  les  leçons  sont  presque  toujours  trop  longues  et  que 
les  plus  courtes  sont  les  meilleures  ;  que  les  autres  défauts 
à  éviter  sont  :  la  monotonie,  la  confusion,  la  facilité  pro- 
lixte  qui  tue  l'intérêt  en  l'éparpillant  et  ne  sait  rien  mettre 
en  relief.  Une  bonne  leçon  commence  par  se  relier  aux  pré- 
cédentes, ou,  si  elle  est  isolée,  par  rattacher  les  vérités 
nouvelles  qu'elle  apporte  à  des  vérités  connues  et  fami- 
lières. Une  bonne  leçon  est  sobre,  simple,  bien  ordonnée; 
elle  met  les  choses  dans  le  meilleur  jour,  les  enchaîne  lo- 
giquement, les  relève  par  la  vivacité  et,  çà  et  là,  par  l'im- 
prévu de  la  forme,  excite  enfin  et  rend  actif  l'esprit  des 
auditeurs,  de  façon  à  les  faire  collaborer  avec  le  maître. 

Leçon  de  choses  (V.  Chose,  t.  XI,  p.  246). 

IL  Liturgie.  —  En  termes  de  bréviaire,  on  appelle 
leçon  une  récitation  qui  se  fait,  à  chaque  nocturne  de  ma- 
tines, de  quelques  extraits  de  la  Bible,  des  Pères,  ou  de  la 
légende  du  saint  dont  on  célèbre  la  fête.  Ce  nom  lui  a  été 
donné,  parce  que  le  texte  ne  se  chante  point  comme  les 
psaumes  ou  les  hymnes  ;  on  ne  fait  que  le  lire,  d'un  ton 
plus  ou  moins  élevé. 

LECONTE  (Antoine),  Contins,  canoniste,  né  à  Noyon 
en  1517,  mort  à  Bourges  en  lo86.  Il  professa  à  Paris,  à 
Orléans  et  à  Bourges  et  fut  un  des  fondateurs  de  l'école 
critique.  Son  œuvre  principale  est  une  édition  du  Corpus 
juris  canonici  (V.  ce  nom,  t.  XII,  p.  1057,  col.  2). 

LECONTE  (Y.  Desgràviers  [Chevalier]). 

LECONTE  (Alfred),  homme  politique  français,  né  à 
Vatan  (Indre)  le  ^1  déc.  1824.  Elève  du  Conservatoire  de 
musique  et  de  déclamation,  il  renonça  à  sa  vocation  pour 
le  théâtre  et,  passant  par  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie, 
devint  pharmacien  à  Issoudun.  Conseiller  municipal  de 
cette  ville,  juge  au  tribunal  de  commerce,  il  fut  élu  député 
de  l'Indre  le  20  févr.  1876.  Membre  de  LUnion  républi- 
caine, il  fit  partie  des  363,  fut  réélu  avec  eux  le  14  oct. 
1877  et  échoua  aux  élections  générales  de  1885.  Réélu  en 
1889  avec  un  programme  où  il  se  déclarait  «  révisionniste 
dans  l'esprit  démocratique  »,  il  obtint  encore  le  renouvel- 
lement de  son  mandat  en  1893.  11  siège  à  la  gauche  ra- 
dicale. Poète  et  chansonnier,  membre  du  Caveau,  fonda- 
teur de  la  Chanson  française  (1876,  in-4),  il  a  publié  : 
Rouget  de  Lisle  et  Béranger  (Paris,  1885,  in-8);  PiOU- 
get  de  Lisle,  sa  vie  et  ses  œuvres  (1892,  in-12). 

LECONTE  de  Lisle  (Charles-Marie-René),  illustre  poète 
français,  né  à  Saint-Paul  (île  de  la  Réunion)  le  22  oct. 
1818,  mort  au  hameau  de  Voisins,  près  deLouveciennes,le 
18  juii.  1894.  Son  père,  chirurgien  militaire,  descendait 
d'une  famille  d'origine  l3retonne  dont  l'une  des  branches 
établie  à  Saint-Denis,  capitale  de  l'île  Bourbon,  avait  pris 
le  nom  de  de  Lisle  pour  se  distinguer  de  la  branche  restée 
en  Bretagne.  Sa  mère,  d'origine  gasconne,  descendait  de 
la  famille  du  marquis  de  Lanux,  allié  aux  comtes  de  Tou- 
louse ;  par  sa  mère,  Leconte  de  Lisle  était  parent  de  Parny  : 
le  poète  pessimiste  était  petit-neveu  du  gai  poète  du 
xviii^  siècle.  Elevé  avec  une  grande  sévérité  par  son  père 
qui  voulut  essayer  sur  lui  les  théories  d'éducation  de 
V Emile  de  Rousseau,  Leconte  de  Lisle  souffrit  cruellement 
de  la  rude  discipline  qui  comprima  sa  jeunesse  ;  on  peut 
trouver  là  un  premier  germe  de  cet  esprit  de  révolte  qui 
s'épanouit  si  puissamment  dans  cette  nature  éprise  de  hberté 
et  d'indépendance.  Sa  première  éducation  terminée,  son 
père,  qui  le  destinait  aux  affaires,  le  fit  voyager  pour  qu'il 
se  créât  une  situation  industrielle  ;  Leconte  de  Lisle  tra- 
versa l'Inde,  parcourut  les  îles  de  la  Sonde  et  put  emplir 
ses  yeux  des  merveilleux  paysages  qu'il  devait  décrire  plus 
tard  dans  une  langue  si  pleine  et  si  riche.  Mais  il  se  sentait 
peu  de  goût  pour  les  affaires  et  vint  en  France.  Il  s'établit 
d'abord  à  Rennes  où  il  compléta  son  instruction  et  con- 
centra son  ardeur  d'apprendre  sur  l'étude  du  grec,  de 
l'italien  et  de  l'histoire  qu'il  aimait  passionnément  depuis 
son  enfance.  En  même  temps,  il  publiait  quelques  vers  que 
l'on  peut  retrouver  dans  de  vieux  journaux  de  Bretagne  et 
qu'il  a  condamnés  à  l'oubli  ;  il  avait  formé  une  petite  so- 
ciété de  journalistes,  de  musiciens  et  de  poètes  qui  publiaient 


une  petite  feuille  intitulée  le  Sifflet.  Il  parcourut  à  pied 
la  vieille  terre  bretonne  avec  son  ami  le  peintre  Théodore 
Rousseau  et  faillit  périr  surpris  par  la  marée  au  pied  du 
Mont-Saint-Michel.  Il  retourna  à  deux  ou  trois  reprises 
dans  son  lie  natale,  puis  en  1846  vint  définitivement  se 
fixer  ta  Paris  avec  Paul  de  Flotte,  alors  officier  de  marine, 
dont  il  avait  fait  la  connaissance  à  Brest. 

Leconte  de  Lisle  fit  d'abord  partie  du  groupe  fouriériste 
où  il  avait  des  amis  (par  exemple  un  créole  de  l'île  Mau- 
rice, le  phalanstérien  Laverdant  qui  le  présenta  à  Victor 
Considérant)  ;  il  publia  séparément  dans  la  Phalange,  la 
revue  de  Victor  Considérant,  les  premiers  vers  qui  parurent 
plus  tard  en  volume  :  la  Vénus  de  Milo,  qui  fut  sa  pièce 
de  début,  excita  un  grand  enthousiasme  parmi  les  jeunes 
littérateurs  d'alors,  Louis  Ménard,  Lacaussade,  Thaïes 
Bernard,  etc.,  qui  devinrent  ses  amis.  La  Démocratie 
pacifique,  journal  quotidien,  succéda  à  la  Phalange,  et 
Leconte  de  Lisle  fut  chargé  de  lire  les  manuscrits  adressés 
au  journal  ;  mais  son  extrême  sévérité  pour  le  style  le  rendit 
impossible  ;  il  continua  cependant  à  y  publier  des  vers  et 
deux  ou  trois  nouvelles  qui  se  ressentent  de  l'influence  de 
Bernardin  de  Saint-Pierre.  A  cette  époque  le  poète  fréquen- 
tait assidûment  un  petit  cercle  d'amis  qui  s'adonnaient 
avec  passion  à  l'étude  du  grec  et  de  la  civilisation  antique  ; 
en  1842,  Banville  avait  fait  paraître  les  Cariatides,  et 
Louis  Ménard  le  Prométhée  délivré;  Thaïes  Bernard,  de 
son  côté,  avait  traduit  le  Dictionnaire  mythologique  de 
Jacobi  qui  présentait  les  dieux  grecs  sous  leur  forme  véri- 
table ;  toutes  ces  influences  agirent  sur  le  jeune  poète  qui 
allait  renouveler  avec  plus  de  largeur  et  plus  de  force  la 
tentative  d'André  Chénier. 

La  révolution  de  1848  vint  le  distraire  momentanément 
de  la  poésie  ;  républicain  ardent,  comme  ses  amis,  il  se 
jeta  avec  enthousiasme  dans  la  mêlée  :  le  Club  des  Clubs 
le  délégua  pour  préparer  les  élections  en  Bretagne  ;  ses 
efforts  ne  furent  pas  couronnés  de  succès,  et  le  Club  l'aban- 
donna à  Dinan  sans  argent.  Il  revint  à  Paris  très  désillu- 
sionné sur  le  compte  du  peuple,  mais  toujours  aussi  pas- 
sionné pour  son  idéal  artistique  ;  sa  correspondance  avec 
Louis  Ménard  publiée  par  extraits  dans  le  Figaro  du  4  août 
1894  est  extrêmement  intéressante  à  ce  point  de  vue.  Le- 
conte de  Lisle  n'abandonnait  cependant  aucune  de  ses  con- 
victions; rxissemblée  ayant  décrété  l'abolition  de  l'esclavage 
dans  les  colonies,  il  prit  l'initiative  d'une  lettre  envoyée 
par  les  créoles  aux  représentants  du  peuple  pour  les  féli- 
citer de  cette  mesure  qui  était  la  ruine  pour  lui.  Son  frère, 
qui  administrait  la  fortune  et  les  plantations  paternelles  à 
l'île  Bourbon,  fut  si  irrité  qu'il  se  brouilla  avec  lui.  A  partir 
de  ce  jour  le  poète  cessa  de  recevoir  la  petite  pension  que 
lui  faisait  sa  famille  et  dut  se  débattre  contre  la  misère. 
Cependant  la  République  trahissait  toutes  ses  espérances 
et,  sans  renoncer  à  ses  conyictions,  Leconte  de  Lisle  aban- 
donna la  société  des  hommes  pohtiques  pour  se  consacrer 
tout  à  la  poésie  et  à  la  littérature. 

C'est  en  1852  que  parut  son  premier  volume  de  vers, 
les  Poèmes  antiques,  chez  l'éditeur  Marc  Ducloux  ;  celui- 
ci  qui  avait  égaré  une  traduction  de  Vlliade,  faite  par  le 
poète,  ne  lui  fit  pas  payer  l'édition  de  ses  vers,  par  com- 
pensation. Avec  un  sens  profondément  juste  de  l'antique, 
dans  une  forme  impeccable,  le  poète  tentait  de  retremper 
au  contact  de  la  Grèce  la  poésie  française  qu'il  jugeait  abâ- 
tardie :  le  livre  était  précédé  d'une  préface,  véritable  mani- 
feste littéraire  très  curieux  à  relire.  Selon  lui,  llomère,Eschyle 
et  Sophocle  représentent  la  poésie  dans  sa  vitalité  ;  depuis 
eux  la  décadence  et  la  barbarie  ont  envahi  l'esprit  humain. 
«  La  poésie  moderne,  reflet  confus  de  la  personnalité  fou- 
gueuse de  Byron,  de  la  religiosité  factice  et  sensuelle  de 
Chateaubriand,  do  la  rêverie  mystique  d'ouîre-Rhin  et  du 
réalisme  des  lakistes,  se  trouble  et  se  dissipe  ;  le  thème 
personnel  et  ses  variations  trop  répétées  ont  épuisé  l'atten- 
tion. »  Le  poète  répudiait  l'esthétique  moderne  et  voulait 
revenir  sur  le  mouvement  classique  et  romantique  pour  res- 
tituer aux  poètes  la  direction  de  l'âme  humaine.  La  pré- 


1411 


LECONTE 


face  fut  vivement  critiquée,  mais  gagna  à  Leconte  de  Lisie 
des  fidèles,  dont  l'admiration  devait  devenir  contagieuse. 
Victor  Hugo  lui-même  en  fut  frappé  et  le  dit  au  poète, 
qu'il  s'attacha  ainsi  par  une  amitié  inaltérable.  En  180-4 
parurent  les  Poèmes  et  Poésies^  en  1 859  le  Chemin  de 
la  Croix  et  en  1862  les  Poèmes  barbares.  La  môme  an- 
née, Leconte  de  Lisle  commença  une  série  de  traductions 
qui  le  firent  vivement  discuter  et  contribuèrent  par  là  à  sa 
notoriété  plus  même  que  ses  vers  :  la  traduction  des  Idylles 
de  Théocrite  parut  dès  1861,  ainsi  que  celle  des  Odes 
anacréoniiques  ;  celie  de  V Iliade  en  1866  ;  elle  se  pour- 
suivit en  1867  par  V Odyssée,  en  1869  par  Hésiode  et  les 
Hymnes  orphiques,  en  1872  par  les  œuvres  complètes 
à' Eschyle,  en  1873  par  Horace,  en  1877  par  Sophocle, 
enfin  en  1885  par  Euripide.  L'auteur  traduisait  littéra- 
lement le  texte  grec  pour  en  rendre  le  plus  exactement 
possible  la  couleur  :  mais  son  système  de  reproduction  lit- 
térale des  noms  propres  tels  que  Agamemndn,  Akhilleus, 
Orestès,  Klytaimnestra,  fut  jugé  excessif  et  fit  très  injus- 
tement contester  la  valeur  et  la  forte  originalité  des  tra- 
ductions. 

Tout  ce  travail,  pas  plus  que  ses  vers,  n'avait  enrichi  le 
poète  dont  la  vie  restait  bien  difficile.  Cependant  toute  une 
école  s'était  groupée  autour  de  lui  ;  c'étaient  Catulle  Men- 
dès,  Léon  Dierx,  Sully  Prudhomme,  José  Maria  de  Heredia, 
François  Coppée,  Armand Silvestre,  Villiers  de  L'Isle-Adam, 
Stéphane  Mallarmé,  Louis  Ménard.  Ce  fut  le  groupe  que 
l'on  a  appelé  les  Parnassiens,  et  qui  se  retrouvait  chaque 
semaine  chez  Banville  et  Leconte  de  Lisle  vers  1866.  La 
situation  du  poète  était  très  précaire,  quand,  en  1870,  l'Em- 
pire lui  offrit  une  petite  pension  de  300  fr.  par  mois.  La 
République  lui  conserva  cette  pension  et  y  ajouta  en  1872 
le  poste  de  sous-bibliothécaire  au  Sénat,  où  le  poète  fut 
logé  ;  c'était  la  vie  assurée  désormais.  Libre  de  travailler 
à  ses  heures,  Leconte  de  Lisle  eut  l'idée  d'aborder  le 
théâtre.  Il  composa  une  trilogie  eschylienne,  les  Erinnyes 
(1872),  tragédie  en  deux  parties,  pour  laquelle  Massenet 
écrivit  une  délicate  musique  de  scène,  introduction  et  in- 
termèdes ;  elle  fut  jouée  à  TOdéon  (janv.  1873),  oti  elle  a 
été  reprise  avec  succès  :  après  les  érudits  le  public  La 
goûtée.  Cependant  l'Odéon  ne  voulut  pas  monter  plus  lard 
le  second  drame  du  poète,  VApollonide,  imitation  de  rion 
d'Euripide  :  ce  drame  lyrique  en  trois  parties  et  cinq  ta- 
bleaux comprenait  aussi  une  partie  musicale  composée  par 
François  Servais  (1888). 

En  1884,  les  Poèmes  tragiques  avaient  paru  et  obtenu 
le  prix  Jean  Reynaud  de  10,000  fr.  à  l'Académie  française  ; 
ils  contenaient  des  pièces  d'une  forme  plus  parfaite  encore 
que  les  recueils  précédents  et  manifestaient  plus  hautem.ent 
que  jamais  le  pessimisme  du  poète,  son  dégoût  de  la  vie  et 
sa  haine  du  catholicisme.  Leconte  de  Lisle  avait  le  projet 
d'en  écrire  l'histoire  dans  un  volume  de  vers  qui  serait 
intitulé  les  Etats  du  Diable;  mais  il  n'eut  le  temps  d'en 
composer  que  des  fragments  qui  paraîtront  peut-être.  Dans 
le  même  ordre  d'idées,  il  avait  renoncé  un  jour  aux  sujets 
antiques  et  à  la  poésie  impersonnelle  pour  composer  le  Ca- 
téchisme poj)ulaire  républicain,  paru  anonymement  en 
1871;  on  lui  attribue  aussi  parfois,  mais  sans  certitude, 
une  Histoire  populaire  du  christianisme  ;  en  outre,  il 
a  publié  quelques  études  littéraires  et  historiques  dans  la 
Revue  européenne  et  le  f^ain  jaune. 

En  1873,  Leconte  de  Lisle  s'était  présenté  à  l'Académie 
française  pour  le  fauteuil  du  P.  Gratry  ;  il  se  représenta 
en  1877  et  n'eut  que  la  voix  de  Victor  Hugo  et  celle 
d'Auguste  Barbier.  Victor  Hugo  voîa  pour  lui  avec  os- 
tentation, et  le  candidat  déclara  que  ce  suffrage  lui  suffisait 
pour  se  considérer  comme  élu.  A  la  mort  de  Hugo  et  con- 
formément au  désir  formel  de  celui-ci  (exemple  curieux  de 
la  vénération  qu'il  inspirait),  l'Académie  nomma  Leconte  de 
Lisle  pour  le  remplacer  (11  févr.  1886);  il  fut  reçu  le 
31  mars  1887  par  M.  Alexandre  Dumas  fils  qui  ne  l'ai- 
mait pas  et  le  dit,  dans  un  discours  qui  fit  sensation  ;  il 
lui  reprocha  son  pessimisme,  disant  que,  s'il  aspirait  si  fort 


après  le  néant,  il  dépendait  de  lui  d'y  rentrer.  11  lui  repro- 
chait d'ôter  à  la  poésie  le  sentiment,  de  s'être  débarrassé 
de  l'inquiétude  de  Dieu  et  de  la  vie  future,  enfin  de  ne  pas 
avoir  été  troublé  par  la  femme  :  en  résumé,  il  le  blâmait 
de  rester  impassible  devant  l'homme  et  la  nature;  ces  re- 
proches ont  été  répétés  depuis  par  la  plupart  des  critiques 
qui  ont  parlé  du  poète. 

Pendant  les  dernières  années  de  sa  vie,  Leconte  de  Lisle 
a  continué  à  préparer  un  nouveau  volume  de  vers  sur  des 
sujets  antiques  ;  la  Pxevue  des  deux  Mondes  en  a  publié  à 
diverses  reprises  des  pièces  développées.  Mais  le  travail  lui 
devenait  pénible,  malgré  sa  régularité  (il  travaillait  chaque 
matin  de  huit  heures  à  onze  heures).  Il  continuait  à  rece- 
voir les  poètes  de  la  jeune  génération  avec  la  bienveillance 
affectueuse  que  cachaient  mal  son  air  ironique  et  sa  sérénité. 
D'une  taille  assez  élevée,  il  avait  une  belle  figure  régulière, 
soigneusement  rasée,  pleine  et  ronde,  qu'encadraient  de 
longues  mèches  de  cheveux  blancs  ;  le  nez  grand  et  fenne, 
la  peau  mate,  le  menton  net  et  bien  dessiné  lui  donnaient 
un  air  noble  et  énergique  :  en  même  temps  le  sourire  mo- 
queur de  ses  lèvres  minces,  et  son  œil  très  vif  que  voilait 
à  peine  un  monocle  enchâssé  dans  l'orbite  lui  donnaient 
une  jeunesse  et  un  charme  particuliers,  qu'il  conserva  jus- 
qu'à la  fin.  Un  peu  fatigué  par  l'influenza,  il  se  décida  au 
début  de  l'été  de  1894  à  aller  se  reposer  dans  la  propriété 
d'un  ami,  à  Louveciennes,  où  il  s'éteignit  doucement. 

Le  caractère  littéraire  de  Leconte  de  Lisle  est  d'une 
unité  et  d'une  simplicité  admirables  :  il  a  vécu  en  dehors 
et  au-dessus  des  passions  humaines  pour  un  idéal  d'art 
qu'il  a  poursuivi  toute  sa  vie,  sans  aucune  défaillance  ni 
vulgarité.  Cette  vie  austère,  cette  attitude  si  haute,  la  pro- 
bité scrupuleuse  de  son  grand  talent,  ce  souci  de  la  per- 
fection sont  d'une  belle  qualité  intellectuelle.  Il  a  été  long- 
temps tenu  à  l'écart,  peu  connu  de  la  foule,  car  il  dédaignait 
les  petites  intrigues,  le  commerce  des  éloges  et  des  blâmes, 
la  réclame.  Au  milieu  des  visions  radieuses  qu'il  évoquait 
dans  le  silence  et  la  retraite,  il  dédaignait  la  vie  éphémère 
dont  les  apparences  se  déroulaient  autour  do  lui.  La  poésie 
fut  pour  lui  une  sorte  de  religion,  et  c'est  le  seul  Dieu  qu'il 
ait  jamais  adoré. 

Ce  qui  frappe  tout  d'abord  dans  son  œuvre,  ce  sont  des 
vers  d'une  splendeur  précise  et  une  imperturbable  sérénité. 
On  a  dit  qu'il  avait  créé  l'école  des  impassibles  et  on  lui  a 
constamment  reproché  de  manquer  de  sensibihté  ;  le  public 
va  d'instinct  à  la  poésie  personnelle  où  il  cherche  des  vers 
à  son  adresse  ;  il  n'entend  rien  aux  poèmes  indous,  hé- 
braïques, grecs  et  Scandinaves  du  poète  des  religions;  il  ne 
comprend  pas  qu'un  poète  s'isole  et  se  désintéresse  de  son 
siècle.  La  perfection  constante  des  vers  de  Leconte  de  Lisle, 
qui  procure  aux  gens  du  métier  un  plaisir  sans  mélange, 
ne  lui  semble  qu'un  magnifique  et  froid  exercice  de  rhéto- 
rique. 

Si  l'on  va  plus  au  fond  des  choses,  on  constate  qu'il  est 
peu  de  poète  plus  moderne  et  qui  incarne  mieux  les  né- 
gations de  l'âme  moderne.  Leconte  do  Lisle  est  un  grand 
pessimiste  et  un  impie  réfugié  dans  la  contemplation  esthé- 
tique ;  révolté  contre  l'inanité  du  monde,  mais  ébloui  de  la 
beauté  des  apparences,  indigné  des  monstruosités  des  reh- 
gions  et  des  injustices  de  l'histoire,  mais  séduit  par  la  va- 
riété de  leurs  décors  ;  méprisant  l'humanité  et  l'aimant:  il 
a  traduit  tous  ces  sentiments  avec  une  profondeur  et  une 
perfection  sans  égales.  La  voix  du  dernier  grand  poète 
français  du  xix^  siècle  s'est  élevée  pour  nier  Dieu  et  prier 
le  néant  :  Aux  Morts,  le  Dernier  Souvenir,  Dies  îrœ,  etc., 
«  tous  ces  poèmes  prodigieux  par  la  magnificence  et  la 
dureté  des  lamentations  »  ne  sont  que  des  effusions  vers 
le  néant.  Aucun  poète  n'a  exprimé  avec  une  force  compa- 
rable et  une  philosophie  aussi  sereine  l'idée  qu'il  n'y  a  pas 
d'au  delà  pour  la  personne  humaine  (et  son  athéisme 
n'étail  pas  seulement  philosophique  :  il  était,  comme  on 
l'a  vu,  agressif,  surtout  contre  le  catholicisme).  Le  poète 
a  chanté  d'abord  l'Inde,  éprise  du  néant  ;  puis  il  a  délaissé 
«  les  mornes  buveurs  de  l'eau  sacrée  du  Gange  »  pour  les 


LECONTE  —  LECOQ 


—  1412 


Grecs  épris  de  beauté  plastique  et  amoureux  de  la  vie  ; 
dans  son  pèlerinage  esthétique,  il  remonte  ensuite  vers  l'Oc- 
cident et  vers  le  Nord  et  dit  la  Mort  de  Sigurd,  VEpée 
d'Angantyr,  le  Cœur  d'IIialmar  ;  mais  ïv.i  qui  avait 
adoré  le  bouddhisme  et  l'hellénisme  hait  le  moyen  âge  avec 
sa  religion  cruelle  et  mystique  ;  dans  cette  revue  de  l'his- 
toire et  des  religions,  il  faudrait  noter  encore  des  pein- 
tures de  l'ancienne  Egypte  {Néférou-Ra),  de  la  Syrie  et 
de  la  Perse,  du  monde  juif  et  musulman  (la  Vigne  de  Na- 
both,  Nurmahal,  Djifian-Ara),  de  l'Espagne  médiévale 
{la  Légende  du  Cid,  l'Accident  de  don  Inigo)  :  on  voit 
combien  sont  variées  les  pièces  du  poète.  Les  sociétés  pri- 
mitives, l'Inde,  la  Grèce,  le  monde  celtique  et  le  moyen 
âge  y  revivent  avec  leurs  mœurs  et  leurs  pensées  religieuses. 

La  plupart  des  paysages  du  poète  appartiennent  à 
l'Orient  ou  aux  tropiques  :  on  y  retrouve  le  même  pessi- 
misme, et  c'est  comme  une  épopée  de  Imdifférence  magni- 
fique de  la  nature  [la  Fontaine  aux  Lianes,  la  Ravine 
Saint-Gilles^  la  Forêt  vierge,  Midi), 

On  a  dit  que  Leconte  de  Lisle  manquait  de  sensibilité, 
parce  qu'il  n'intervient  presque  jamais  dans  ses  poèmes,  et 
cependant  il  serait  facile  de  retrouver  dans  ses  vers  des 
sentiments  d'autant  plus  émouvants  qu'ils  sont  plus  simples 
et  presque  dissimulés.  Malgré  sa  théorie  de  l'art  pour  l'art, 
le  poète  a  laissé  percer  le  regret  des  amours  passés.  Comme 
Lamartine  a  fait  le  Lac,  Hugo  la  Tristesse  d'Olympio,  Mus- 
set Souvenir,  Leconte  de  Lisle  a  écrit  Vlllusioji  suprême. 
Quels  vers  aussi  d'une  émotion  plus  pénétrante  que  ceux 
du  Manchy,  que  la  fin  de  la  Fontaine  aux  Lianes,  que 
ceux  de  Si  V aurore  :  ils  ont  comme  un  accent  d'élégie. 

La  langue  même  est  excellente  :  presque  toutes  les  épi- 
thètes  sont  précises  et  rappellent  des  sensations,  évoquent 
des  couleurs.  La  versification  est  d'une  régularité  classique  : 
c'en  est  le  plus  parfait  modèle  ;  les  rimes  sont  riches  sans 
rien  sacrifier  du  sens  ;  la  régularité  un  peu  monotone  du 
rythme  s'associe  bien  à  la  hauteur  et  à  la  gravité  de  la 
contemplation.  On  a  dit  parfois  que  ces  vers  si  pleins,  si 
sonores,  fatiguaient  à  la  longue  et  manquaient  de  charme 
et  de  douceur  ;  mais  on  pourrait  citer  des  pièces  d'une 
suavité  exquise,  telles  ({\i' Epiphanie. 

En  résumé,  les  deux  sentiments  qui  dominent  la  belle 
poésie  de  Leconte  de  Lisle  sont  le  désenchantement  de  la 
vie  et  l'amour  du  beau  plastique. «Contrôle  mal  universel 
rien  ne  vaut  mieux  et  rien  n'est  plus  fort  que  la  protesta- 
tion du  contemplateur  qui  ne  veut  pas  pleurer.»  (Lemaitre.) 
Le  mépris  des  émotions  vulgaires  et  le  pessimisme  spécu- 
latif sont  au  fond  de  cette  noble  poésie.       Ph .  Berthelot. 

BiBL.  :  Paul  BouRGET,  Essais  de  psychologie  contempo- 
raine. —  Alexandre  Dumas,  Discours  de  réception  à  V Aca- 
démie française,  1887.  —  Jules  Lemaitre,  les  Contempo- 
rains, 1891.  ~  Ferdinand  Brunetière,  la  Poésie  lyrique 
au  xix°  siècle.  —  Jules  Tellier,  Nos  Poètes. 

LE  COQ  (Robert),  prélat  et  homme  politique  français, 
né  à  Montdidier,  mort  à  Calahorra  (Espagne)  en  1368.  11 
appartenait  à  une  famille  bourgeoise,  originaire  d'Orléans. 
Son  père  qui  n'était  pas  riche  était  attaché  au  service  de 
Philippe  de  Valois,  et  c'est  grâce  au  bien  que  lui  avait  fait 
ce  prince  qu'il  put  soutenir  son  fils  aux  écoles  d'Orléans. 
Au  sortir  de  ces  écoles  célèbres  le  jeune  Robert  vint  à 
Paris  et  commença  par  exercer  la  profession  d'avocat  au 
parlement.  Il  y  fut  longtemps  avocat  du  roi,  et,  à  la  mort 
de  Philippe  de  Valois,  le  roi  Jean  le  nomma  maître  des 
requêtes  ;  il  était  conseiller  clerc  en  1350.  Dans  ces  fonc- 
tions, il  dut  faire  preuve  d'un  rare  talent,  car  on  le  voit 
s'avancer  continuellement  dans  la  faveur  du  nouveau  roi. 
Dans  une  seule  année,  en  1351,  il  était  successivement 
nommé  trésorier  de  l'église  de  Rouen,  préchantre  de  l'église 
d'Amiens,  évêque  de  Thérouanne,  évêque  et  duc  de  Laon, 
enfin  pair  de  France  et  membre  du  conseil.  Il  n'y  a  presque 
plus  dès  lors  une  affaire  de  conséquence  où  il  ne  figure  en 
qualité  de  nésjociateur.  H  représente  le  roi  au  traité  conclu 
le  27  oct.  1351  à  Villeneuve-lez-Avignon  avec  Amédée  VI, 
comte  de  Savoie.  Le  6  janv.  1345,  il  est  envoyé  avec  le 
cardinal  de  Boulogne,  Pierre  P^',  duc  de  Bourbon,  et  Jean  VI, 


comte  de  Vendôme,  à  Mantes,  pour  traiter  avec  le  roi  de 
Navarre  Charles  le  Mauvais  qui  avait  fait  assassiner  le 
connétable  Charles  d'Espagne.  Cette  mission  fut  au  nombre 
des  plus  considérables  événements  de  sa  vie,  par  les  suites 
qu'elle  devait  avoir.  C'est  durant  son  séjour  à  Mantes  qu'il 
prit  pour  la  personne  du  roi  de  Navarre  un  goût  qu'expliquent 
i'intelhgence  déliée,  l'esprit  cultivé  et  les  séduisantes  qua- 
lités de  ce  prince  ;  c'est  d'alors  que  date  leur  liaison.  Le 
31  juil.  1354,  Robert  Le  Coq  assiste  à  une  assemblée  tenue 
à  Paris  au  parlement  pour  la  paix  entre  le  dauphui  et  la 
Savoie.  A  l'assemblée  des  Etats  de  1356,  tenue  dans  la 
chambre  du  parlement  au  mois  d'octobre,  il  fut  du  nombre 
de  ceux  que  le  dauphin  fit  venir  devant  lui  pour  leur  fiiire 
part  de  sa  résolution  d'ajourner  la  réponse  qu'il  avait  pro- 
mise aux  Etats  et  fut  chargé  par  Etienne  Marcel  et  ses 
amis  de  transmettre  aux  Etats  la  décision  du  prince.  Aux 
Etats  suivants,  le  3  mars  1357,  il  fit  sa  fameuse  harangue 
qui  amena  le  bannissement  de  vingt-deux  officiers  royaux. 
Il  était  alors  tout-puissant  ;  mais  bientôt  après,  lorsque  le 
crédit  des  Etats  vint  à  baisser  sensiblement  et  que  le  dau- 
phin eut  signifié  à  Etienne  Marcel  qu'il  prétendait  gouver- 
ner le  rayaume  sans  curateur.  Robert  Le  Coq  jugea  les 
choses  si  compromises  qu'il  se  retira  dans  son  évèché.  Ce 
ne  fut  pas  pour  longtemps,  car  les  Parisiens,  après  leur 
réconciliation  avec  le  dauphin  qui  eut  lieu  vers  la  Saint- 
Remi  (1^^'  oct.  1357),  lui  demandèrent  le  rappel  de  Robert 
Le  Coq.  Celui-ci,  après  quelques  difficultés,  consentit  à 
revenir  et  rentra  au  conseil.  Depuis  ce  moment  jusqu'à 
celui  où  le  dauphin  put  échapper  à  la  tyrannie  des  Pari- 
siens, on  voit  Robert  Le  Coq  faire  sentir  duremoit  à  ce 
malheureux  prince  toute  la  pesanteur  du  joug  sous  lequel 
il  le  retient  :  il  répond  pour  lui  aux  demandes  des  Parisiens, 
le  force  à  passer  par  tout  ce  que  veut  le  roi  de  Navarre  et 
le  trahit  au  profit  de  ce  dernier.  Mais  la  disgrâce  était 
proche  :  aux  Etats  de  Compiègne  (mai  1358),  où  la  noblesse 
fut  à  peu  près  seule  à  se  rendre,  le  dauphin  fut  instamment 
prié  de  tirer  prompte  vengeance  du  meurtre  des  ma- 
réchaux et,  comme  il  fallait  aux  nobles  un  ennemi  sur  qui 
ils  pussent  exercer  leur  colère,  elle  se  tourna  contre  Ro- 
bert Le  Coq,  dont  l'expulsion  du  conseil  royal  fut  deman- 
dée. Il  dut  céder  à  l'orage  et  se  retirer  à  Paris,  le  seul 
endroit  du  royaume  où  il  fut  dès  ce  moment  en  sûreté, 
et  tandis  que  le  roi  de  Navarre  et  le  prévôt  des  mar- 
chands venaient  le  chercher  à  Saint-Denis,  l'assemblée  de 
Compiègne  rédigeait  contre  lui  un  formidable  acte  d'accu- 
sation en  quatre-vingt-onze  articles.  Après  l'émeute  qui  eut 
lieu  contre  les  Anglais  le  21  juil.  1358,  Robert  Le  Coq 
fit,  conjointement  avec  Charies  le  Mauvais  et  Etienne  Marcel, 
de  vains  efforts  pour  calmer  les  Parisiens.  Il  se  rendit 
alors  à  Laon,  dans  le  but  de  livrer  cette  ville  au  roi  de 
Navarre,  mais  le  coup  manqua  :  six  bourgeois,  réputés 
ses  complices,  payèrent  ce  crime  de  leur  vie,  et  Févêque 
lui-même  n'évita  la  mort  que  par  la  fuite.  Désormais  le 
nom  de  Robert  Le  Coq  ne  se  trouve  plus  chez  les  historiens, 
mais  le  ressentiment  des  maux  qu'il  avait  causés  ne  s'étei- 
gnit pas  de  si  tôt,  car,  lorsque  après  la  paix  de  Pontoise, 
conclue  avec  le  roi  de  Navarre  (21  août  1359),  le  dauphin 
de  retour  à  Paris,  eut  demandé  aux  habitants  de  recevoir 
Charles  le  Mauvais,  Jean  Desmaretz,  avocat  au  parlement, 
insista  au  nom  de  la  ville  pour  que  Robert  Le  Coq,  entre 
autres,  ne  pût  y  entrer;  il  fut  de  plus  excepté  des  lettres 
de  rémission  accordées  plus  tard  aux  anciens  partisans  du 
roi  de  Navarre.  Robert  Le  Coq  se  réfugia  en  Espagne,  où, 
par  le  crédit  de  ce  dernier,  il  obtint  l'évêché  de  Calahorra, 
et  il  vécut  paisiblement  jusqu'à  sa  mort.     H.  Courteault. 

Bibjl.  :  D.-F.  Secousse,  Mémoires  pour  servira  l'his- 
toire de  Charles  I«%  roi  de  Navarre  et  comte  d'E creux, 
surnommé  le  Mauvais;  Paris,  1755-68,  2  vol.  in-1.  — 
F.-T.  Perrens,  Etienne  Marcel,  prévôt  des  marchands 
(135^-58);  Paris,  1874,  in-fol.  —  Douet  d'Arcq,  Acte 
d'accusation  contre  Robert  Le  Coq,  évoque  de  Laon,  dans 
Bibliothèque  de  l'Ecole  des  Chartes;  Paris,  1840-41,  t.  lï, 
pp.  350  et  suiv.,  in-8. 

LECOQ  (Henri),  naturaliste  français,  né  à  Avesnes(Nord) 
le  11  avr.  1802,  mort  à  Glermont-Ferrand  le  4  août  1871 . 


—  1113  — 


LECOQ  -  LE  COUPPEY 


Il  fit  à  Paris  ses  études  de  pharmacie,  puis  alla  se  fixer 
à  Clermont-Ferrand,  où  il  devint  professeur  d'histoire 
naturelle  et  directeur  du  jardin  botanique  de  la  ville 
(18'i6-a4),  professeur  à  Fécole  préparatoire  de  médecine 
et  de  pharmacie  (1840  et  suiv.),  professeur  à  la  faculté 
des  sciences  (1854  et  suiv.),  doyen  de  cette  faculté,  prési- 
dent du  tribunal  de  commerce.  En  18o4,  il  fut  reçu  doc- 
teur es  sciences  avec  une  thèse  très  originale  ayant  pour 
titre  :  De  la  Disbributùm  géographique  des  plantes  à 
fleurs  colorées.  En  1859,  il  fut  élu  correspondant  de 
l'Académie  des  sciences  de  Paris.  11  a  publié  plus  de  qua- 
rante ouvrages  ou  brochures  ayant  trait  à  la  botanique,  à 
l'agriculture,  à  l'horticulture,  à  la  météorologie,  à  la  phy- 
sique générale  du  globe,  aux  eaux  minérales,  etc.  Nous 
citerons  seulement  les  principaux  :  Eléments  de  miné- 
ralogie, avec  Girardin  (Paris,  1826,  4  vol.  in-8)  ;  Dic- 
tionnaire des  termes  de  botanique^  avec  Juillet  (Paris, 
1831,  in-8);  Traité  des  plantes  fourragères  (Paris, 
1844,  in-8  ;  2«  éd.,  1862)  ;  Des  Glaciers  et  des  climats 
(Strasbourg,  1847,  in-8)  ;  Catalogue  raisonné  des  plantes 
vasculaires  du  plateau  central,  avec  M.  Lamotte  (r.ler- 
rnont-Ferrand,  1847,  in-8)  ;  Observations  météorolo- 
giques^ y§50-5'/ (Clermont-Ferrand,  1855,  2  vol.  in-8)  ; 
Etudes  sur  la  géographie  botanique  de  l'Europe  (Paris, 
1854-58,  9  vol.  in-8)  ;  Scènes  du  monde  animé  (Paris, 
1854-64,  3  vol.  in-8)  ;  les  Eaux  minérales  du  massif 
central  (Paris,  1864,  in-8)  ;  les  Epoques  géologigues  de 
l'Auvergne  (Paris,  1868,  5  vol.  in-8)  ;  le  Monde  des 
fleurs  (Paris,  1869,  in-8).  Il  adressé  en  1856  une  excel- 
lente carte  géologique  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  en  48 
feuilles.  Il  a  fondé  en  1828  et  dirigé  jusqu'à  sa  mort  les 
Annales  scientifiques,  littéraires  et  industrielles  de 
r Auvergne.  L.  S. 

BiBL.  :  Titres  et  travaux  scientifiques  de  Lecoq  ;  Cler- 
mont-Ferrand, 1857,  in-4. 

LECOQ  (Félix),  vétérinaire  frani;ais,  né  à  Avesnes 
(Nord)  le  20  avr.  1805,  mort  à  Menton  (Alpes-Maritimes) 
le  14  févr.  1880,  frère  du  précédent.  Sorti  en  1825  de 
l'Ecole  vétérinaire  d'Alfort,  il  exerça  pendant  trois  ans  à 
Solre-le-Château  (Nord),  fut  nommé  en  1828  chef  de 
service  à  l'Ecole  vétérinaire  de  Lyon,  y  professa  à  partir 
de  1834  l'anatomie,  la  physiologie,  la  zoologie,  en  devint 
directeur  en  1848  et  rempht  de  1863  à  1865  les  fonctions 
d'inspecteur  général  des  écoles  vétérinaires.  11  se  retira 
ensuite  à  Versailles.  Il  était  associé  ou  correspondant  d'une 
vingtaine  de  sociétés  scientifiques  de  France  et  de  l'étranger. 
Il  a  publié  des  Notes  anatomiques  sur  l'opération  de 
rhyovertébrotomie  (Lyon,  1841,  in-8  ;  2°  éd.,  1863)  et 
un  très  bon  Traité  de  l'extérieur  du  cheval  et  des  prin- 
cipaux animaux  domestiques  (Lyon,  1843,  in-8  ;  5^  éd., 
Paris,  1875).  Il  a  donné  en  outre  de  nombreux  mémoires 
et  articles  au  Journal  pratique  de  médecine  vétérinaire., 
au  Recueil  de  médecine  vétérinaire,  au  Dictionnaire 
de  médecine  et  de  chirurgie  vétérinaires  de  Rey  et 
Tisserant.  L.  S. 

LECOQ  BE  BoisBAUDRÀN  (Horace),  dessinateur  français, 
né  à  Paris  le  24  juin  1802.  Elève  de  Lethière  et  de 
l'Ecole  des  beaux-arts,  cet  artiste  exposait  en  1827  un 
tableau  de  Sainte  Geneviève  et  des  portraits  remarqués. 
A  l'Ecole  des  beaux-arts,  oii  il  devint  professeur  en  1865, 
il  expérimenta  avec  succès  la  méthode  du  dessin  de  mé- 
moire et  écrivit  un  ouvrage,  la  Mémoire  pittoresque,  qui 
obtint  un  réel  succès. 

LECOQ  DE  BoiSBAUDRAN  (Paul-Emiic,  dit  François),  chi- 
miste français,  né  à  Cognac  (Charente)  en  1838.  Fils  d'un 
riche  négociant  en  eaux-de-vie,  il  a  fait  ses  études  dans 
sa  famille,  s'est  adonné  de  bonne  heure  à  des  recherches 
de  chimie,  principalement  à  des  expériences  de  spectro- 
scopie  (V.  Analyse  SPECTRALE,  t.  Il,  p.  938)  et  a  décou- 
vert en  1 875,  dans  la  blende  de  Pierrefitte,  un  nouveau 
corps  simple,  le  gallium  (V.  ce  mot),  dont  Mendéleef  et 
lui  pressentaient  depuis  quelque  temps  l'existence.  Il  s'est 
attaché  ensuite  à  l'obtenir  à  l'état  de  pureté  et  en  quantité 


appréciable  et  à  en  bien  déterminer  les  propriétés,  ainsi 
que  celles  de  ses  composés.  Il  a  signalé  plus  récemment 
deux  autres  corps  nouveaux,  le  samarium  et  le  dispro" 
siurn;  mais  il  n'est  pas  prouvé  qu'ils  soient  simples.  Il  est 
depuis  1878  correspondant  de  l'Académie  des  sciences  de 
Paris  qui  lui  a  décerné  en  1880  le  prixLacaze  (10,000  fr.). 
Il  n'occupe  aucune  situation  officielle,  et  il  continue  de  ré- 
sider dans  sa  ville  natale.  Il  a  exposé  les  résultats  de  ses 
travaux  dans  de  nombreux  mémoires  publiés  par  le  Bul- 
letin de  la  Société  chimique,  les  Annales  de  chimie 
et  de  physique,  les  Comptes  rendus  de  V Académie  des 
sciences,  etc.  11  a  donné  à  part  :  Spectres  lumineux 
(Paris,  1874,  in-8).  Il  a  écrit  pour  V Encyclopédie  chi- 
miqiie  de  Fremy  l'art.  Gallium  (t.  III,  cah.  5).  L.  S. 

LECORCHÉ  (Ernest),  médecin  français  contemporain, 
né  à  Saint-Mards-en-Othe  (Aube)  le  30  mars  1830.  Il 
étudia  à  Paris  et  y  fut  reçu  docteur  en  1858,  professeur 
agrégé  en  1869,  médecin  des  hôpitaux  en  1872.  Outre  un 
grand  nombre  d'articles  dans  les  revues,  il  a  publié  : 
Traité  des  maladies  des  reins  et  des  altérations  pa- 
thologiques de  l'urine  (Paris,  1875,  in-8)  ;  Traité  du 
diabète  (Paris,  1877,  in-8);  avec  Talamon  :  Etudes 
médicales  faites  à  la  maison  municipale  de  santé 
(Paris,  1881,  in-8);  Traité  théorique  et  pratique  de  la 
goutte  (Paris,  188i,  in-8)  ;  Du  Diabète  sucré  chez  la 
femme  {?2iv'm,  1886,  in-8);  Traitement  de  C albumi- 
nurie et  du  mal  de  Bright  (Paris,  1888,  in-8),  etc. 

LECORDIER  (Marie),  dite  Desclauzas,  actrice  française, 
née  à  Paris  vers  1840.  Elle  débuta  vers  l'âge  de  treize  ans, 
joua  au  théâtre  du  Cirque  et  au  Chàtelet  sous  la  direction 
d'Hostein,  remportant  un  vif  succès  dans  le  rôle  du  prince 
Charmant  deCendrillon.  Elle  se  consacra  à  l'opérette,  jouant 
les  rôles  de  Schneider  dans  une  tournée  aux  Etats-Unis.  Re- 
venue en  France,  elle  fut  engagée  en  province,  puis  àPAlca- 
zur  belge  où  elle  triompha  dans  la  Fille  de  M^^^  Angot,  ren- 
tra à  Paris  aux  Folies-Dramatiques  (1874) ,  puis  au  Gymnase 
(1883)  et,  changeant  d'emploi,  aborda  les  rôles  de  femmes 
mûres.  Parmi  ses  rôles  on  cite  :  Château-  Lanssac  du  Petit-Duc 
(1878);  Paméla  de  Madame  la  Diable  (1882);  Prudence  de 
la  Dame  aux  Camélias,  W^^  Gochard  du  Gentilhomme 
pauvre,  M"^^de  Lavardensde  V Abbé  Constantin  (1888). 

LE  COULTRE  (Jean-Jules),  érudit  suisse,  né  à  Genève 
le  29  mars  1849.  Il  fit  ses  éludes  à  Genève,  à  Paris  (Ecole 
des  hautes  études),  puis  à  BerHn  et  à  Leipzig,  oti  il  devint 
docteur  en  philosophie.  Après  quelques  années  d'enseigne- 
ment à  Dresde  et  à  Naples,  il  a  été  appelé  au  Gymnase, 
puis  à  l'Académie  de  Neuchâtel,  où  il  enseigne  la  littéra- 
ture latine  et  l'histoire  de  la  langue  française.  Une  disser- 
tation sur  l'Ordre  des  mots  dans  Chrestien  de  Troyes, 
une  étude  sur  un  vieux  manuscrit  relatif  à  Quintihen,  les 
Contes  dévots  tirés  de  la  vie  des  anciens  Pères,  sont  ses 
principaux  ouvrages  publiés.  E.  K. 

LE  COULTRE  (Henri- Auguste),  théologien  et  historien 
:  suisse,  né  à  Genève  le  4  févr.  1853,  mort  à  Leysin  (Vaud) 
le  3  janv.  1892,  frèce  du  précédent.  U  étudia  la  théo- 
logie à  Lausanne,  Tubingue  et  Paris,  fut  pasteur  à  Franc- 
fort-sur-le-Main et  à  Carouge  (Genève),  puis,  dès  1883, 
professeur  d'histoire  ecclésiastique  à  la  faculté  libre  de 
Lausanne.  Outre  une  active  collaboration  aux  revues  spé- 
ciales, on  lui  doit  :  la  Doctrine  de  Dieu  d'après  Aristote 
et  saint  Thomas  d'Aquin;  Essai  sur  la  psychologie  des 
actions  humaines  d'après  les  systèmes  d' Aristote  et  de 
saint  Thomas  d'Aquin  (1883);  la  Morale  d' Aristote  et 
la  justification  par  les  œuvres;  le  Séjour  de  Calvin  en 
Italie  d'après  des  documents  récents,  etc.        E.  K. 

LE  COUPANEC  (Eugène-Marie),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Plœmeur  le  l^'»"  nov.  1857.  Avoué  à  Lorient  il 
fut  élu  en  1893  député  de  la  deuxièuie  circonscription  de 
celte  ville  par  i  0,942  voix  contre  7,829  à  M.  de  Lamarzelle, 
avec  un  programme  de  républicain  indépendant. 

LE  COUPPEY  (Félix),  pianiste  et  professeur  français, 
né  à  Paris  le  14  avr.  1811,  mort  à  Paris  le  5  juil.  1887. 
Elève  du  Conservatoire  de  Paris,  il  y  devint  répétiteur, 


LE  COUPPEY  -  LECREULX 


—  1114 


puis  professeur  en  1837.  Une  nouvelle  classe  de  piano 
(femmes)  fut  créée  pour  lui  en  1855,  eî  il  fut  l'un  des 
maîtres  les  plus  recherchés  pour  l'enseignement  des  jeunes 
filles.  Il  donna  son  nom  à  une  méthode  d'enseignement  du 
piano  qui  fut  propagée  activement  par  des  répétiteurs  et 
des  professeurs  formés  par  lui,  et  dont  le  caractère  essen- 
tiel est  la  correction  mécanique.  Le  Couppey  a  publié  une 
série  d'études  progressives  pour  le  piano,  une  collection 
d'œuvres  classiques  doigtées,  et  un  petit  volume  :  De  V En- 
seignement du  piano  (1865,  1874,  3'-  éd.).     M.  Br. 

LE  COU  RAYER  (V.  Gourayer). 

LECOUBBE  (Claude- Joseph,  comte),  général  français, 
né  à  Lons-le-Saunier  en  1760,  mort  à  Belfort  le  23  oct. 
1815.  Après  avoir  servi  huit  ans  dans  un  régiment  d'in- 
fanterie sans  obtenir  d'avancement,  il  s'était  retiré  quand 
éclata  la  Révolution.  Commandant  d'un  bataillon  de  volon- 
taires du  Jura  en  1792,  il  prit  une  part  importante  aux 
victoires  d'Hondschoote,  de  Wattignies  (1793),  de  Fleurus 
(1794),  à  la  retraite  de  Mayence  (1795),  fut  nommé  gé- 
néral de  division  en  1796,  se  couvrit  de  gloire  auK  ba- 
tailles de  Rastadt  (6-9  juiL  1796)  et  seVévéla  surtout 
comme  un  grand  capitaine  dans  la  campagne  de  1799,  où 
il  tint  en  échec  l'archiduc  Charles  et  décima  l'armée  de 
Souvorov  en  Suisse.  L'année  suivante,  il  commanda  avec  le 
même  succès  l'aile  droite  de  l'armée  du  Rhin  et  remporta 
la  victoire  de  Hochstsedt  (4  juin  1800).  Mal  vu  de  Bona- 
parte pour  ses  sentiments  répubhcains  et  surtout  pour  son 
dévouement  au  général  Moreau,  il  se  perdit  en  prenant 
ouvertement  parti  pour  ce  dernier,  qu'il  assista  sans  peur 
pendant  tout  son  procès  (1804).  Napoléon  se  vengea  en 
le  rayant  des  cadres  de  l'armée  et  l'exilant  à  Lons-le- 
Saunier,  puis  à  Bourges,  où  il  resta  jusqu'à  la  fin  de  l'Em- 
pire. Louis  XVIil  le  fit  comte  et  inspecteur  général  d'in- 
fanterie (1814).  Quand  l'empereur  revint  de  l'île  d'Elbe, 
Lecourbe  refusa  de  suivre  le  maréchal  Ney  dans  sa  défec- 
tion, mais,  patriote  avant  tout,  il  accepta  le  commandement 
du  corps  d'observation  du  Jura  pour  défendre  la  frontière 
menacée  (mai  1815).  Il  protégea  énergiquement  Belfort  et 
mourut  dans  cette  place.  A.  Debidour. 

LECOURBE  (Henri),  magistrat  français,  mort  en  1827, 
frère  du  précédent.  Blembre  du  tribunal  criminel  de  Pa- 
ris, il  fut  en  1804  un  des  juges  du  général  Moreau  et 
se  prononça  pour  Tacquittemcnt  de  l'accusé,  ce  qui  lui 
valut  d'être  brutalement  révoqué  de  ses  fonctions  par  Na- 
poléon quelque  temps  après  (1805).  Nommé  après  la  chute 
de  l'Empire  conseiller  honoraire  à  la  cour  royale  de  Paris, 
il  publia  son  Opinion  sur  la  conspiration  de  Moreau^ 
Pichegru  et  autres  et  sur  la  non-culpabilité  de  Moreau 
(Paris,  1814,  in-8).  A.  Debidour. 

L  ECO  U  RT.  Corn,  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr,  do  Lan- 
gres,  cant.  de  Monti.sçny-le-Roi  ;  192  hab, 

LÉCOUSSE.  Corn,  du  dép.  d'llle-et~Vilaine,  arr.  et 
cant.  (S.)  de  Fougères;  1,154  hab, 

LEGOUSTELLIER  (Simon)  (V.  Cabogre). 

LECOUTEULX  de  Canteleu  (Jean-Barthélemy,  comte), 
homme  politique  français,  né  à  Canteleu  (Seine-inférieure) 
le  4  mars  1746,  mort  à  Farceaux  (Eure)  le  18  sept.  1818. 
Banquier  et  échevin  à  Rouen,  député  du  tiers  état  de  cette 
ville  aux  Etats  généraux  le  21  avr.  1789,  il  se  consacra 
aux  questions  financières  et  fut  un  des  défenseurs  les  plus 
éclairés  des  réformes  de  Necker.  Député  de  la  Seine  au  Con- 
seil des  Anciens  le  28  vendémiaire  an  IV  (20  oct.  1795), 
il  prit,  en  floréal  an  Vlî  (avr.  1799),  la  présidence  de  l'ad- 
ministration départementale  de  la  Seine.  Bonaparte  récom- 
pensa son  adhésion  au  18  brumaire  en  l'appelant  au  Sénat 
le  3  nivôse  an  VIII  (24  déc.  1799)  et  en  le  nommant  ré- 
gent de  la  Banque  do  France.  Comte  de  l'Empire  (26  avr. 
1808),  il  ne  s'en  rallia  pas  moins  à  Louis  XVIII,  qui  le  fit 
pair  de  France  (4  juin  1814).  Etienne  Charavay. 

LECOUVREUR  (Adrienne  Couvreur  ou),  célèbre  actrice 
française,  née  à  Damery,  près  d'Epernay,le  5  avr.  1692, 
morte  à  Paris  le  20  mars  1730.  Fille  d'un  chapelier,  qui 


s'établit  à  Paris  en  1702,  elle  se  forma  dans  les  représen- 
tations particulières  de  l'Enclos  du  Temple  et  sous  le  comé- 
dien Legrand,  joua  un  an  à  Strasbourg,  puis  débuta  à  la 
Comôdie-Française,  le  14  mai  1717,  dans  le  rôle  de  Mo- 
nime.  Son  succès  fut  éclatant  et  d'emblée  la  classa  au  pre- 
mier rang  des  actrices  françaises.  Elle  jouait  avec  un  égal 
succès  la  tragédie  et  la  comédie.  Elle  revint  au  ton  naturel, 
abandonnant  la  diction  déclamatoire  et  chantante  alors  à 
la  mode.  Quoique  sa  voix  fût  relativement  faible  et  un  peu 
voilée,  elle  exprima  avec  une  perfection  extrême  toutes  les 
nuances  de  sentiment  ;  sa  pantomime  était  extraordinaire, 
qu'elle  parlât  ou  qu'elle  écoutât.  De  ses  nombreux  amants, 
à  aucun  desquels  elle  ne  se  consacra  toute  entière,  quelle 
que  fût  son  affection,  le  plus  célèbre  fut  le  maréchal  de 
Saxe  ;  quand  il  revendiqua  le  duché  de  Courlande,  Adrienne 
Lecouvreur  vendit  son  argenterie  et  ses  bijoux  pour  lui 
procurer  40,000  livres.  Elle  fut,  dit-on,  empoisonnée  par 
une  autre  maîtresse  de  Maurice  de  Saxe,  la  duchesse  de 
Bouillon.  L'abbé  Languet,  curé  de  Saint-Sulpice,  lui  refusa 
la  sépulture  ecclésiastique.  Elle  fut  enterrée  de  nuit  par 
son  ami,  M.  de  Laubinière,  au  coin  de  la  rue  de  Bourgogne. 
Voltaire,  un  autre  de  ses  amis,  flétrit  cette  attitude  dans 
un  poème  {la  Mort  de  i)F^  Lecouvreur)  qui  lui  attira  des 
poursuites  l'obligeant  à  quitter  Paris.  Depuis,  Scribe  et  Le- 
gouvé  mirent  à  la  scène  la  vie  de  la  fameuse  actrice,  dont 
le  rôle  fut  confié  à  Rachel.  Adrienne  Lecouvreur  laissa 
deux  filles,  l'une  née  de  Klinglin,  maire  de  Strasbourg, 
l'autre  d'un  officier  lorrain;  celle-ci  épousa  plus  tard  Fr  an- 
cœur,  qui  devint  directeur  de  l'Opéra. 

LECOY  DE  La  Marche  (Richard-Albert),  historien  fran- 
çais, né  à  Nemours  (Seine-et-Marne)  le  21  nov.  1839.  Il 
sortit  de  l'Ecole  des  chartes  le  28  janv.  1861,  devint  ar- 
chiviste du  dép.  de  la  Haute-Savoie,  et  fut  rappelé  à  Paris 
en  \  864  comme  archiviste  aux  Archives  nationales  oti  il  est 
actuellement  (1895)  sous-chef  de  la  section  historique.  Il 
professe  l'histoire  de  France  à  l'Institut  catholique  de  Paris 
et  fut  l'un  des  fondateurs  des  cours  supérieurs  de  la  salle 
Albert-le-Grand.  H  est  membre  résidant  de  la  Société  des 
antiquaires  de  France  depuis  1885.  Parmi  ses  ouvrages  nous 
citerons  :  De  VAulorité  de  Grégoire  de  Tours  (Paris, 
1861,  in-8);  Titres  de  la  Maison  ducale  de  Bourbon 
(1866-74,  2  vol.  in-4)  ;  la  Chaire  française  au  moyen 
dge  (1868,  in-8  ;  2^  éd. ,  1 886,  in-8);  Extraits  des  comptes 
et  mémoriaux  du  roi  llené  (1873,  in-8)  ;  r Académie 
de  France  à  Rome  (1874,  in-8;  2^^  éd.,  1879,  in-18); 
le  Roi  René  (1875,  2  vol.  in-8;  prix  Gobert  à  l'Acadé- 
mie des  inscriptions);  les  Manuscrits  et  la  miniature 
(1884,  in-8)  ;  Saint  Martin  (1885,  gr.  in-8);  les  Rela- 
tions politiques  de  la  France  avec  le  royaume  de 
Majorque  (1892,  2  voL  in-8).  M.  P. 

Le  COZ  (V.  Coz  [Le]). 

LECQUES.  Corn,  du  dép,  du  Gard,  arr.  de  Nîmes, 
cant.  de  Sommières  ;  162  hab. 

LECREULX  (François-Michel),  ingénieur  français,  né  à 
Orléans  le  1^'^  janv.  1727,  mort  le  7  août  1812.  Elève  de 
l'ancienne  école  des  ponts  et  chaussées,  il  a  terminé  les 
travaux  du  pont  de  Saumur,  et  fait  exécuter  comme  ingé- 
nieur en  chef  un  grand  nombre  de  travaux  importants,  no- 
tamment un  grand  pont  sur  la  Moselle,  et  à  Lunéville  un 
manège  de  cavalerie  de  100  m,  de  longueur  et  de  27  m. 
de  largeur  sans  supports  inlermédiaires.  Devenu  en  1780 
directeur  des  domaines  des  anciens  rois  de  Lorraine,  Le- 
creulx  a  dirigé  l'exploitation  des  salines.  Le  tracé  du  ca- 
nal de  l'Est  suit  en  grande  partie  celui  qu'avait  proposé 
Lecreulx  en  1785.  Inspecteur  général  des  ponts  et  chaus- 
sées en  1802,  il  est  devenu  le  doyen  du  conseil  et  en  a  fait 
partie  jusqu'à  sa  mort.  Outre  quelques  mémoires  sur  les 
routes  et  la  navigation,  Lecreulx  a  publié  un  ouvrage  con- 
sidérable, intitulé  Recherches  sur  la  formation  et  l'exis- 
tence des  ruisseaux,  rivières  et  torrents,  qui  présente 
un  grand  intérêt  et  est  encore  cité  assez  souvent  (V.  VBy- 
dr antique  fluviale  de  Lechalas,  p.  221). 

Le  gendre  de  Lecreulx,  Mengui^  a  été  ingénieur  en  chef 


H15  ~ 


LECREULX  ~  LECTOURE 


directeur  à  Nancy  ;  le  petit-fiis  de  celui-ci,  Mengui-Lecreulx, 
est  aujourd'hui  inspecteur  général  des  ponts  et  chaussées. 

LÉCRIVAIN  (Charles- Albert),  historien  français,  né  à 
Auxerre  le  12  févr.  i<S60.  Elève  de  l'Ecole  normale  (pro- 
motion de  1880),  membre  de  l'Ecole  française  de  Rome, 
il  devint  maître  de  conférences,  puis  professeur  d'histoire 
à  la  Faculté  des  lettres  de  Toulouse.  Outre  ses  thèses  :  De 
Agris  publiais  imperatoriisque  ah  Augusli  tempore 
usque  ad  finem  Imperii  Romani  et  le  Sénat  romain 
depuis  Bioclétien  à  Borne  et' à  Constantinople  (Paris, 
1888,  gr.  in-8),  il  a  donné  un  grand  nombre  de  travaux 
d'archéologie  et  d'histoire  épars  dans  les  recueils  de  l'Ecole 
de  Rome,  de  TAcadéraie  des  sciences  de  Toulouse,  la 
Uevue  historique^  le  Dictionnaire  des  antiquités  grec- 
ques de  Daremberg  et  Saglio,  la  Grande  Encyclo- 
pédie^ etc. 

LECT.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Saint-Claude, 
cant.  de  Moirans;  450  hab. 

LEGT  (Jacques),  diplomate,  érudit  et  jurisconsulte  gene- 
vois, né  à  Genève  en  1560,  mort  à  Genève  le  25  août  1611 . 
Après  avoir  achevé  ses  études,  il  obtint,  à  vingt-trois  ans, 
une  chaire  de  droit  à  l'Académie,  un  siège  aux  l)eux-Cents, 
puis  bientôt  un  poste  de  conseiller  d'Etat  et  les  fonctions 
de  syndic,  les  plus  élevées  de  la  République.  11  fut  envoyé 
par  ses  concitoyens  en  Angleterre  et  en  Hollande  réclamer 
des  secours  pour  Genève,  épuisée  par  la  guerre  de  la  fin 
du  XVI®  siècle,  puis  auprès  de  Henri  IV.  Ses  écrits,  fort  nom- 
breux, concernent  le  droit,  la  théologie,  la  poésie,  l'éru- 
dition, etc.  On  en  trouvera  les  titres  dans  le  Dictionnaire 
des  Genevois  et  des  Vaudois,  de  A.  de  Montet.    E.  K. 

LECTEUR.  Office  ecclésiastique  classé  parmi  les  ordres 
mineurs.  Le  lecteur  était  chargé  de  lire  à  haute  voix  les 
saintes  Ecritures,  aux  assemblées  qui  se  tenaient  la  nuit, 
et  aussi,  lorsque  l'évêque  prêchait,  le  texte  qui  devait  être 
expliqué.  La  garde  des  livres  sacrés  lui  était  confiée.  Il  bé- 
nissait le  pain  et  les  fruits  nouveaux.  Tertullien  est  le  pre- 
mier écrivain  qui  mentionne  la  fonction  de  lecteur  comme 
appartenant  à  un  ordre  spécial.  11  est  vraisemblable  que 
primitivement  la  lecture  publique  était  faite  indifféremment 
par  des  prêtres  ou  des  diacres,  ou  même  par  des  laïques 
acceptés  par  l'évêque.  Mais  lorsque  cet  office  eut  été  insti- 
tué comme  ordre,  le  lecteur  fut  élu  par  les  frères  :  Eligunt 
te  fratres  tui  ut  sis  lector  in  domoDeitui,  Les  anciens 
formulaires  indiquent  que  cette  élection  fut  maintenue  pen- 
dant longtemps.  En  installant  le  lecteur  dans  ses  fonctions, 
l'évêque  rendait  un  témoignage  public  à  sa  foi,  sa  vie  et  sa 
capacité,  et  lui  remettait  les  livres  sacrés.  Une  novelle  de 
Justinien  exige  l'âge  de  seize  ans  pour  cette  ordination. 
Les  lecteurs  étaient  ordinairement  plus  jeunes  que  les  por- 
tiers. L'ordre  qu'on  leur  conférait  était  le  premier  que  l'on 
donnait  aux  jeunes  gens  qui  entraient  dans  le  clergé,  fis 
servaient  de  secrétaires  aux  évèqties  et  aux  prêtres,  et 
s'instruisaient  en  lisant  ou  en  écrivant  sous  leur  direc- 
tion. E.-H.  V. 

LECTION NAI RE.  Au  mot  Epitre  (t.XVI,  p.  108,  col.  1), 
nous  avons  indiqué  comment  ont  été  établies  les  lectures 
qui  se  font  dans  le  culte  chrétien.  Primitivement,  le  pré- 
sident de  l'assemblée  choisissait  les  passages  qui  devaient 
être  lus.  Plus  tard,  il  y  eut  pour  chaque  dimanche  et  chaque 
fête  un  ordre  déterminant  les  textes  du  jour.  Cet  ordre 
était  indiqué,  soit  en  marge  des  livres  auxquels  ces  textes 
étaient  empruntés,  soit  dans  une  table,  appelée  Synaxaire 
chez  les  Grecs,  Capitulaire  chez  les  Latins.  Après  s'être 
servi  pour  cette  lecture  des  livres  complets,  on  en  fit  des 
extraits  correspondant  à  l'usage  ecclésiastique,  lequel  va- 
riait suivant  les  pays.  Il  y  eut  ainsi,  au  lieu  d'évangiles, 
des  évangéliaires  (V.  ce  mot)  et  au  lieu  de  bibles  des 
lectionnaires.  On  finit  même  par  réunir  dans  un  même 
lectionnaire  toutes  les  leçons,  quelle  qu'en  fût  la  prove- 
nance, Ancien  ou  Nouveau  Testament,  actes  des  martyrs, 
écrits  des  Pères,  etc.  Le  plus  ancien  lectionnaire  de  ce 
genre,  qui  nous  soit  parvenu  des  Eglises  d'Occident,  est  celui 
de  Luxeuil,  antérieur  à  Charlemagne  et  disposé  suivant 


Tordre  de  l'année  ecclésiastique  gallicane  (Bibliothèque  na- 
tionale, n°  9427).  Les  lectionnaires  des  Eglises  d'Orient 
ne  sont  pas  plus  anciens.  E.-H.  V. 

BiBL.  :  F. -H.  ScRivENER,  art.  Lectionarxj^  dans  le  Die- 
tionary  of  Christian  antiquities  de  W.  Smith  et  S.  Chee- 
THAM  ;  Londres,  1875-80,  2  vol.  gr.  in-8.  —  Duchesne,  Ori- 
gines du  culte  chi'élien;  Paris,  1889,  in-8. 

LECTISTERNIUIVI  (Antiq.  rom.).  Cérémonie  expiatoire 
ou  lustrale  usitée  à  Rome,  et  qui  consistait  essentiellement 
en  un  repas  offert  aux  dieux  étendus  par  couples  sur  des 
lits  garnis  de  coussins  {pulvinar).  Nous  empruntons  à 
Tito  Live  la  description  du  plus  ancien  lectisterne  connu. 
Au  milieu  du  iv^^  siècle  de  Rome,  un  été  pestilentiel  précédé 
d'un  cruel  hiver  ayant  désolé  la  République,  «  les  livres 
sibyllins  furent  consultés  d'après  un  décret  du  Sénat.  Les 
duumvirs  des  cérémonies  sacrées  apaisèrent  par  un  lecti- 
sterne, le  premier  qui  se  soit  fait  à  Rome  et  qui  dura  huit 
jours,  Apollon,  Latone  et  Diane,  Hercule,  Mercure  et  Nep- 
tune, en  leur  dressant  trois  lits  avec  le  plus  de  magnifi- 
cence possible.  Cette  cérémonie  fut  célébrée  aussi  par  les 
particuliers  dans  toute  la  ville  ;  les  portes  des  maisons  res- 
tèrent ouvertes,  les  objets  domestiques  furent  exposés  dans 
les  cours  à  tout  venant,  l'hospitahté  fut  donnée  à  tous  les 
étrangers,  connus  ou  inconnus,  et  des  paroles  amicales  et 
gracieuses  furent  échangées  entre  ennemis.  On  enleva  leurs 
liens  aux  prisonniers  durant  ces  jours  et  l'on  se  fit  ensuite 
scrupule  d'enchaîner  de  nouveau  ceux  que  les  dieux  avaient 
délivrés.  »  (Tite  Live,  V,  13.  Cf.  Denys  d'Halicarnasse, 
Frag.^  4,  1.  XII).  Les  divinités  apaisées  ne  sont  pas  tou- 
jours celles  que  nous  voyons  figurer  ici.  Les  lectisternes, 
d'abord  peu  fréquents,  se  multipUent  au  temps  des  guerres 
d'Annibal.  Mais  on  les  trouva  sans  doute  peu  efficaces; 
car,  après  la  bataille  de  Cannes,  il  n'en  fut  pas  célébré,  et 
l'histoire  ne  mentionne  plus  que  rarement  cette  cérémo- 
nie, du  moins  sous  la  Répubhque.  Plus  tard,  eneffet,  ces  re- 
pas divins  deviennent  périodiques  et  sont  confiés  aux  Sep- 
temviri  epulares.  Les  fastes  de  Maffei  et  le  calendrier 
d'Antium  portent  aux  ides  de  novembre  :  Epul.  ïndict. 
(epiUum  indicitur),  c.-à-d.  l'annonce  du  jour  où  se 
fera  Vepiilarn,  Cette  cérémonie  est  peut-être  d'origine 
étrusque.  André  Baudrillart. 

BiBL.  :  RoBiou,  Rev.  arch.^  1867,  p.  402. 

LECTOURE  {Lactora).  Ch.-l.  d'arr.  du  dép.  du  Gers  ; 
4,994  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  du  Midi,  ligne  d'Agen  à 
Auch.  Collège  communal.  Bibliothèque  publique.  Grand 
commerce  de  blé,  de  bétail,  de  mulets,  de  vins  et  d'eau-de- 
vie.  Poteries,  briqueteries,  tuileries,  distilleries,  fabriques 
de  sabots,  corderie,  ébénisterie,  imprimerie.  Mouhns.  Pé- 
pinières. Lectoure,  ancienne  capitale  des  Lactorates,  l'un 
des  peuples  de  la  Novempopulanie,  fut,  pendant  quelque 
temps,  sous  la  domination  romaine,  le  chef-lieu  de  cette 
province.  Un  évôché  y  fut  fondé  au  iv^  siècle.  Dévastée  à 
diverses  reprises  par  les  barbares,  la  ville  fut  comprise  au 
xi^  siècle  dans  la  vicomte  de  Lomagne  dont  elle  devint  la 
capitale.  Au  xiv®  siècle,  les  comtes  d'Armagnac  ayant  hérité 
de  la  Lomagne,  Lectoure  devint  la  capitale  du  comté.  En 
1444,  Charles  Yïl  s'en  empara  sur  le  comte  Jean  IV  et  la 
garda  jusqu'en  1455.  En  1473,  elle  fut  reprise  de  nou- 
veau pour  Louis  Xï  par  le  cardinal  d'Albi,  qui  fit  passer 
les  défenseurs  au  fil  de  l'épée,  sans  excepter  le  comte 
Jean  V,  en  dépit  d'une  capitulation.  Lectoure  eut  beaucoup 
à  souffrir  des  guerres  du  xvi^  siècle  et  fut  occupée  notam- 
ment par  Montiuc  en  1562. 

EvÈcnÉ  DE  Lectoure.  —  Fondé  au  iv^  siècle,  il  eut  pour 
premiers  titulaires  Heuterus,  Vigile,  vers  506  ;  Aletius, 
V.  549.  Réuni  alors  au  diocèse  d'Auch,  il  fut  rétabli  à  la 
fin  du  x°  siècle  et  dura  depuis  lors  jusqu'à  la  Révolution. 
Voici  la  suite  chronologique  des  évêques  :  Bernard  I^i",  vers 
990;  Arnaud  P%  1052;  Jean  [^\  1060;  Raimond  P^; 
Ebbon,  1061-1097  ;  Pierre  I«%  1097-1103  ;  GarciasP% 
1103-1118;  Guillaume  P^  d'Andozile,  1118-1126  ;  Vi- 
vien, 1126-v.  1160  ;  Bertrand  I*^"^  de  Montant,  v.  1160- 
1162  ou  1163  ;  Garcias  II  Sanche,  v.  1175-v.  1195  ; 
Bernard  II,  1196-v.  1205  ;  Arnaud  II,  v.  1215-v.  1221  ; 


LECTOURE  —  LECZYCKI 


1116  — 


Hugues  ï^%  1229;  Gaillard  de  Lambesc,  1240;  Géraud  P% 
1256;  Guillaume  lï,  12o7;  Géraud  de  Monllezun,  1268-v. 
1295;  Pierre  II  de  Ferrières,  v.  1296-1302;  Raimondïl, 
1303-1307;  Guillaume  Ili  des  Bordes,  v.  1308-1330;  Ro- 
ger d'Armagnac,  Y.  1336;  Arnaud  m  Guillaume  de  La  Bartlie, 
V,  i  344-1 349  ;  Pierre  III  Ani-elerii,  1350-1 354  ;  Pierre  ï V, 
1365-1368  ;  Hugues  H,  1368-1369  ;  Bernard  Kl,  1370- 
1371  ;  Vignier,  1372-v.  1375;  Bérenger,v.  1377-1383; 
Renier  de  Malent,  1383  ;  Eudes,  1 383-1384  ;  Raimond  IH 
de  Cambandla,  1384-1405  ;  Arnaud  fV  dePeyrac,  v.  1407- 
1416;  Géraud  IH  Dupuv,  1418-1425;  Martin  Gutteria 
de  Pampelune,  v.  1428~24  mai  1449  ;  Bernard  IV  André, 
1449-1452  ;  Amaury,  1453-1479;  Hugues  IH  d'Espagne, 
V.  1480--1487  ;  Pierre  V  d'Abzac  de  La  Douze,  1488-1494; 
Louis  pr  Pot,  21  déc.  1500-1505  ;  Pierre  VI  du  Faur, 
1505-1508  ;  Bertrand  H  de  Lustrac,  1509-17  avr.  1511  ; 
Paul,  1511-1512;  Guillaume  IV  de  Barton,  1512-1513; 
Jean  II  de  Barton,  1513-1544;  Guillaume  V  de  Barton, 
1544-1569;  Charles  de  Bourbon,  1590-1594;  Léger  de 
Plas,  1599-24  mars  1635;  Jean  III  d'Estresse,  24  mars 
1635-12  avr.  1646;  Louis  II  de  La  Rochefoucauld,  mai 
1646-1654  ;  Pierre-Louis  Caset  de  Vautorle,  21  sept. 
1655-5  janv.  1671  ;  Hugues  IV  de  Bar,  janv.  1671-22  déc. 
1691  ;  François-Louis  de  Polastron,  6  avr.  1692-13  oct. 
1717  ;  Louis  IH  d'illers  d'Entragaes,  oct.  1717-aoùtl720; 
Paul-Robert  Hertault  de  Beaufort,  8  janv.  1721-1745  ; 
Claude-François  de  Narbonne-Pelet,  déc.  1745-14  mai 
1760  ;  Pierre  Chapelle  de  Jumilhac  de  Cubjac,  juil.  1760- 
26  juin  1772  ;  Louis-Emmanuel  de  Cugnac,  7  sept.  1772- 
1790. 

Monuments.  —  L'église  de  Saint-Gervais  et  de  Saint- 
Protais,  ancienne  cathédrale,  est  un  édifice  du  xiu®  siècle, 
successivement  remanié  aux  xv^,  xvi«  et  xvii^  siècles  ;  il 
s'y  trouve  de  jolis  détails  de  la  Renaissance.  Les  bâtiments 
de  l'évêché  (xvi®  et  xviii®  siècles)  ont  été  convertis  en 
hôtel  de  ville.  Ils  renferment  un  musée  intéressant  d'anti- 
quités locales  gallo-romaines  et  du  moyen  âge.  Ancienne 
maison  canoniale  du  xiu^  siècle.  Restes  des  anciennes  for- 
tifications. Promenade  du  bastion  sur  laquelle  s'élève  la 
statue  du  maréchal  Lannes.  Fontaine  de  la  Houndélie  sous 
une  voûte  soutenue  par  une  double  arcature  du  xin^  siècle. 
Ancienne  église  du  monastère  de  Saint-Geny,  construction 
du  xvi*^  siècle.  —  Lectoure  est  la  patrie  du  poète  gascon 
Pey  de  Garros,  du  maréchal  de  Roquelaure,  du  maréchal 
Lannes  et  du  général  baron  Subervie. 

BiBL.:  F.  Cassassoles.  Notices  sur  la  ville  de  Lectoure; 
f.ectouro,  1850,  in-8.  —  Gallia  Christiana^  t.  ï. 

LECTRIN  (V,  Lutrin). 

LECTURE.  I.  Pédagogie  (V.  Lire  [Art  de]). 

H.  Musique  (V.  Solfège). 

LECUMBERRY.  Corn,  du  dép.  desBasses-Pyrénées,  arr. 
de  Mauléon,  cant.  de  Saint-Jean-Pied-de-Port  ;  508  hab. 

LÉCURIEUX  (Jacques-Joseph),  peintre  français,  né  à 
Dijon  le  13  août  1801.  Il  fréquenta  à  Lyon  l'atelier  de  De- 
vosge  et  termina  ses  études  à  Paris  à  l'Ecole  des  beaux- 
arts,  de  1822  à  1826,  sous  la  direction  de  Lethière.  Il  a 
exposé  assidûment  aux  expositions  officiellesde  Paris,  et  plu- 
sieurs de  ses  tableaux  ont  été  acquis  par  l'Etat.  Ses  œuvres 
principales  sont  :  les  Préparatifs  du  martyre  de  sainte 
Bénigne;  Saint  Bernard  fondant  V abbaye  de  Clairvaux 
(S.  1844);  Saint  Firmin^  premier  évoque  et  patron 
du  diocèse  d' Amiens  (S.  de  1846);  Saint  Guillaume 
(S.  de  1847);  Glorification  de  sainte  Geneviève  (éghse 
dos  Blancs-Manteaux,  à  Paris;  S.  de  1849)  ;  Saint  Vincent 
de  Paul  prenant  les  fers  d'un  forçat  (S.  de  1850); 
Guillaume  d'Aquitaine  aux  pieds  de  saint  Bernard 
(S.  de  1852)  ;  le  portrait  d'/l//;^?^i^  de  Gondi,  duc  de  Retz, 
qui  figure  au  musée  de  Versailles.  Lécuricux,  qui  s'est 
distingué  dans  les  tableaux  d'histoire  et  dans  le  portrait,  a 
aussi  gravé  sur  cuivre. 

LE'gURT  (Giusto)  (V.  Curt). 

LÉCUSSAN.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr. 
de  Saint-Gaudens,  cant.  de  Montréjeau  ;  374  hab. 


LECUY  (Jean-Baptiste),  écrivain  ecclésiastique,  né  à 
Ivoy-Carignan  (Ardennes)  en  1740,  mort  en  1834.  Il  éiait 
supérieur  général  de  l'ordre  de  Prémontré  depuis  1780, 
lorsque  les  ordres  monastiques  fnrent  supprimés  en  France. 
En  1804,  il  devint  chapelain  de  Marie-Julie,  épouse  de 
Joseph  Bonaparte;  en  1824,  il  fut  nommé  vicaire  général 
honoraire  de  Paris.  La  partie  la  plus  importante  ^de  son 
œuvre  littéraire  se  compose  d'un  Recueil  de  pièces  sur  la 
prise  de  Constantinople,  pour  faire  suite  à  Vhistoire 
byzantine  (Paris,  1823,  in-fol.)  et  de  nombreux  articles 
dans^la  Biographie  universelle  àQ  Biichaud. 

L  ECU  VER  DE  La  Jonchère  (V,  Jonchère). 

LECYTHE  (V.  Vase). 

LECYTHIS  {Lecythis  Lœfl.)  (Bot.).  Genre  de  plantes 
Dicotylédones,  de  la  famille  des  Myrtacées  et  du  groupe  des 
Lécythidées,  dont  les  représentants,  des  arbres  de  l'Amé- 
rique et  de  l'Afrique  tropicales, 
ont  les  feuilles  alternes  et  les 
fleurs  en  grappes  simples  ou 
ramifiées.  Les  tlenrs  sont  3-6 
mères  ;  i'androcée,  très  irré- 
gulier, forme  une  couronne 
d'ctamines  fertiles  complète  en 
dedans  du  périanthe,  puis  leur 
supportcommun  se  dresse,  d'un 
côté  de  la  fleur,  sous  forme 
d'une  épaisse  languette  char- 
nue qui  se  recourbe  sur  le 
fond  de  la  fleur  et  dont  le  con- 
cavité est  chargée  d'étamines 
stériles.  Le  fruit,  pyxidé,  est 
souvent  volumineux  et  à  parois 
très  épaisses  et  ligneuses  ;  il 
s'ouvre  par  un  couvercle  et  par 
sa  forme  se  rapproche  des  Cou- 
roupita  (Y ,  ce  moi)  ;  les  Euro- 
péens ont  donné  à  ces  fruits  le 
nom  de  marmites  de  singe  Ah 
renferment  des  graines  nombreuses  dont  les  téguments  re- 
couvrent un  embryon  charnu  huileux.  L'amande  de  Lecythis 
a  les  mêmes  propriétés  que  celle  des  Bertholletia  (V.  ce  mot) . 
On  les  retrouve  chez  le  L.  zabucago  Aubl.  (Guyane),  le  L.ol- 
laria  L.  ou  Sapucaju  (Venezuela  et  Brésil),  le  L.  grandi- 
flora  Aubl.,  le  L.  Pisonis  Camb.  ou  zabucajo  (Guyane) 
et  le  L.  lanceolata  Poir.  ou  Sapucoja  branca  des  Bré- 
siliens (cultivé  aux  Mascareignes  et'  à  Madagascar).  On 
emploie  le  liber  de  plusieurs  espèces  pour  fabriquer  des 
tissus,  des  nattes,  des  cordages,  etc.  Les  graines  sont  sou- 
vent amères,  toniques  et  fébrifuges  {L.  amara  Aubl., 
L,  ïdatimon  Aubl.,  L.  parvifl>ora  k\M.,  tous  trois  delà 
Guyane),  Celles  du  L.  grandiflora  servent  à  faire  des 
cmulsions  iaileuses  qu'on  administre  au  Brésil,  dans  les 
catarrhes  bronchiques.  D''  L.  Hn. 

LECYTHlUftfi  (Lecythium  Hertwig)  (ZooL).  Genre  de 
Protozoaires,  de  l'ordre  des  Foraminifères,  dont  la  coquille 
est  homogène,  mince,  non  flexible,  le  noyau  simple,  les 
pseudopodes  filiformes.  L'espèce  type  est  le  L.  hyalinum. 

LECZYÇÂ  ou  LENGZYÇA.  Ville  de  Pologne,  gouverne- 
ment de  Kalisz,  à  130  kil.  à  i'O.  de  Varsovie  et  75  kil. 
à  l'E.  de  Kahsz;  environ  10,000  hab.  Une  des  plus  an- 
ciennes villes  de  Pologne,  son  existence  est  connue  depuis 
le  commencement  du\i®  siècle.  Au  xui®  et  au  xiv'^  siècle 
(jusqu'à  1370),  capitale  d'un  duché  appartenant  à  une 
branche  cadette  de  la  dynastie  régnante  des  Piasts,  cette 
ville  est  célèbre  dans  l'histoire  polonaise  par  les  nombreux 
conciles  provinciaux  et  synodes  diocésains  qui  y  furent 
tenus.  En  1180,  Kazimir  le  Juste,  duc  souverain,  y  tint 
un  congrès  de  princes  et  de  barons  qui  fut  réputé  long- 
temps à  tort  comme  le  premier  parlement  de  Pologne. 

LECZYCKI  ou  LENCZYCKI  (Nicolas)  (en  himJSicolaus 
Lancicius),  célèbre  théologien  polonais,  né  à  Nieswiez  en 
1574,  mort  à  Kowno  en  1652.  Fils  d'un  typographe  cal- 
viniste, que  le  prince  Nicolas  Radziwili  le  Noir^  le  chef  des 


Fruit  de  Lecythis. 


4117  ~ 


LECZYCKI  —  LEDEBUR 


calvinistes  en  Litliuanie,  comblait  de  ses  faveurs,  il  fut  élève 
du  célèbre  jésuite  Pierre  Skarga,  embrassa  le  catholicisme, 
entra  dans  l'ordre  des  jésuites  et  devint  un  des  plus  acharnés 
défenseurs  de  FEglise.  Ecrivain  très  fécond,  Lancicius  pu- 
blia un  recueil  de  ses  travaux  latins  sous  le  titre  :  Nicolai 
Lancicii  S.  J.  Opusciilorum  spirilualiiim  voluniina 
(Anvers,  4650,  2  vol.  in-foL).  Ils  ont  été  réimprimés  en 
4724  à  Ingolstadt  en  7  vol,  in-8.  Ses  nombreux  ouvrages 
polonais  ont  été  publiés  aux  xvn^-  et  xviii^  siècles.  On  dit  qu'il 
a  laissé  une  Histoire  de  la  Société  de  Jésus  en  manuscrit. 

LECZYNSK!  (V.  Leszcynski). 

LÉDA.  I.  Mythologie.  —  Fille  de  Thestius,  roi  d'Etolie, 
épouse  deT)'ndare,  roi  de  Sparte,  dont  elle  eut  trois  filles  : 
Timandra,  Clytemnestre  et  Philonoé.  Elle  fut  aimée  de 
Zeus  qui  s'unit  à  elle  sous  la  forme  d'un  cygne.  De  cette 
union  naquit  Hélène  {Iliade,  III,  426,  et  Od.,X\,  298  et 
suiv.).  La  légende  commune  (Eurip., //c/.,  etïlérod..  H, 
442)  racontait  que  Léda  avait  accouché  de  deux  œufs  :  de 
l'un  sortit  lléiène,  de  l'autre  sortirent  Castor  et  Polydeu- 
kès  (Poliux).  Une  autre  version  disait  que  Léda  a\ait  eu 
deux  couples  de  jumeaux,  Castor,  fils  de  Zeus,  et  Polideukès, 
fils  de  Tyndare,  puis  Hélène,  fille  de  Zeus*,  et  Clytemnestre, 
fille  de  Tyndare  (Hygin,Faô.,  47),  On  citait  encore  une 
Phœbé,  fille  de  Léda  et  do  Tyndare.  On  disait  qu'après  sa 
mort  Léda  fut  divinisée,  et  certains  l'identifiaient  avec  Né- 
mésis.  La  grande  célébrité  de  ce  mythe  tient  aux  repré- 
sentations artistiques  dont  il  fut  l'objet,  en  particulier 
dans  l'école  attique  de  sculpture  et  à  l'époque  de  la  Re- 
naissance. On  trouvera  des  détails  à  ce  sujet  dans  l'art. 
Zeus,  §  Archéologie. 

iï.  Paléontologie  (V.  Nucula). 

BiBL.  :  OvERBECK,  Kunstmytholoqie  des  Zeus;  Leipzig, 
1871. 

LÉDA.  Rivière  d'Allemagne,  affl.  dr.  de  FEms,  naît 
dans  le  duché  d'Oldenbourg  sous  le  mm  de  Marcke^  reçoit 
rOhe  et  la  Sœrte  et  finit  près  de  Leer  après  un  cours  de 
65  kil.  dont  24  navigables. 

LE  DAIN  ou  LE  DAIM  (Olivier),  barbier  et  chirurgien 
de  Louis  XI,  et  l'un  de  ses  principaux  favoris,  né  àThiclt, 
près  de  Bruges  (Flandre  occidentale),  pendu  au  gibet  de 
Montfaucon  le  24  mai  4484.  De  son  nom  de  famille,  il 
s'appelait  Oliyier  Necker.  Dès  son  arrivée  en  France, 
Olivier  fut  surnommé  le  Diable  ;  mais,  pour  ne  pas  prononcer 
un  mot  damnable,  on  le  nommait  autour  du  roi  le  Mauvais, 
Son  nom  apparaît  pour  la  première  fois  en  févr.  4474  dans 
un  compte  de  dépenses  de  Louis  XI;  on  ignore  si  avant 
cette  date  il  était  déjà  au  service  du  roi  de  France.  Quoi 
qu'il  en  soit,  dès  4474,  Olivier  apparaît  comme  un  des 
agents  les  plus  actifs  et  les  plus  influents  du  roi  de  France; 
les  services  d'Olivier,  à  la  fois  ^barbier  et  chirurgien, 
étaient  très  précieux  à  un  roi  que  l'idée  de  la  mort  faisait 
trembler;  mais  son  talent  pour  l'intrigue  ne  le  rendait  pas 
moins  nécessaire,  d'autant  qu'il  se  prêtait  volontiers  aux 
besognes  les  plus  basses.  Par  lettres  d'oct.  4474,  Louis  XI 
anoblit  Olivier  et  lui  donna  le  surnom  de  Le  Dain,  en  dé- 
fendant qu'on  l'appelât  dorénavant  le  Mauvais.  Sous  une 
apparente  humihté,  Olivier  cachait  une  extrême  ambition: 
il  voulut  ê?re  ambassadeur  oiïîciel  et  profita  de  la  mort  du 
duc  de  Bourgogne  Charles  le  Téméraire  pour  se  faire  en- 
voyer en  mission  à  Gand  en  4477,  malgré  l'opposition  de 
Commines.  H  était  porteur  de  lettres  de  créance  pour  Marie 
de  Bourgogne;  mais,  en  réalité,  il  devait  exciter  une  sédi- 
tion parmi  les  Gantois.  Mis  en  demeure  par  les  conseillers 
de  la  princesse  de  s'expHquer  sur  le  but  de  sa  mission,  il 
refusa  et  se  vit  tourner  en  ridicule  pour  le  luxe  de  par- 
venu qu'il  étala.  L'échec  de  sa  mission  ne  compromit  pas 
son  crédit  :  déjà  comte  de  Meulan,  il  reçut  de  Louis  Xï,  le 
49  nov.  4477,  les  étangs  de  Meulan  pour  les  joindre  à  la 
seigneurie  de  même  nom.  Au  titre  de  comte  de  Meulan,  le 
barbier  Olivier  pouvait  ajouter  ceux  de  capitaine  du  château 
de  Loches,  de  gouverneur  de  Saint-Quentin  et  de  gentil- 
homme de  la  chambre.  Forcé  de  quitter  Gand,  Olivier  ne 
se  tint  pas  pour  battu  :  Tournai  était  une  espèce  de  ville 


neutre  entre  Français  et  Bourguignons  ;  il  s'en  empara  et 
envoya  les  magistrats  prisonniers  à  Paris  ;  Commines, 
maîgré  sa  rancune  contre  Olivier,  ne  put  s'empêcher  en 
cette  circonstance  de  rendre  témoignage  à  l'astuce  adroite 
de  celui  qu'il  méprisait  souverainement.  Le  Journal  de 
Jean  de  Roye  prouve  que  le  crédit  d'Olivier  allait  croissant; 
jaloux  de  sa  faveur,  il  ne  voulait  la  partager  avec  personne. 
Jusqu'à  la  mort  du  roi,  Olivier  vécut  avec  lui  dans  la  plus 
grande  intimité;  Louis  XI  souffrait  tout  de  son  barbier  et, 
quand  tout  espoir  de  le  sauver  fut  perdu,  c'est  Olivier  qui, 
assisté  du  médecin,  accepta  la  tâche  délicate  de  lui  annon- 
cer cette  nouvelle;  Louis  Xî  la  reçut  mieux  qu'on  ne 
l'avait  espéré  et  n'en  conçut  aucune  haine  contre  son  favori 
qu'il  recommanda  en  mourant  à  Charles  VHÏ.  Mais  celte 
recommandation  lui  servit  peu  :  les  seigneurs  qui  s'étaient 
révoltés  contre  Louis  XI  s'empressèrent  de  satisfaire  leur 
vengeance  contre  ceux  qui  avaient  été  les  instruments  do 
la  justice  ou  des  cruautés  du  roi.  Aussitôt  le  roi  mort, 
Olivier  le  Dain  était  arrêté  avec  son  lieutenant  et  complice 
Daniel  Baert  et  enfermé  dans  la  grosse  tour  du  Louvre  en 
attendant  sa  comparution  devant  les  commissaires  choisis 
pour  le  juger.  Les  registres  du  parlement  n'apprennent 
rien  sur  les  motifs  de  cette  arrestation  ;  mais  les  exactions 
et  les  violences  commises  par  le  célèbre  barbier  et  ses  aco- 
lytes suffisent  à  justifier  les  mesures  sévères  prises  à  son 
endroit.  Le  45  déc.  4483,  Olivier  comparut  en  parlement 
et  l'accusation  fut  soutenue  avec  une  âpreté  singulière  par 
le  conseiller  Martin  de  Bellefaye  qui,  quatre  ans  aupara- 
vant, s'était  vu  exiler  par  un  ordre  royal  arraché  à  Louis  XI 
par  son  favori;  l'évoque  de  Paris  et  l'abbé  de  Saint-Denis 
demandaient  également  la  punition  d'Olivier  qui,  le  49  mai 
4484,  fut  condamné  à  être  pendu  et  étranglé  au  gibet  de 
Montfaucon;  la  sentence  fut  exécutée  deux  jours  après 
et  les  biens  de  l'ancien  barbier  du  roi  furent  donnés  au 
duc  d'Orléans.  Henri  Courteault. 

BiBL.  :  Commines  et  Jean  de  Roye.  —  Delanoue.  le 
Barbier  de  Louis  XI  ;  Paris,  1832,  in-8.  De  Reiffenbkiig, 
Olivier  le  Dain;  Bruxelles,  1829,  in-4. —  G.  Picot,  Procès 
d'Olivier  le  Dain,  dans  le  Compte  rendu  de  l'Académie  des 
sciences  morales  et  politiques,  année  1877,  pp.  485-537. 

LÉDÂ8-et-Penthiès.  Corn,  dudép.  du  Tarn,  arr.  d'Albi, 
cant.  de  Valence;  536  hab. 

LÉ  DAT.  Corn,  du  dép.  du  Lot-et-Garonne,  arr.  et  cant. 
de  Villeneuve-sur-Lot;  522  hab. 

LEDBUR6.  Ville  d'Angleterre,  comté  et  à  22  kil.  E. 
de  Hcreford  ;  4,500  hab.  Vieille  église  normande,  hospice 
fondé  en  4232.  Fabrication  de  gants. 

LE  DE.  Com.  de  Belgique,  prov.  de  Flandre  orientale, 
arr.  d'Alost;  4,700  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer  de  Bruxelles 
à  Ostende.  Exploitations  agricoles,  fabriques  de  tissus,  de 
dentelles,  de  chicorée. 

LEDEBERG.  Com.  de  Belgique,  prov.  de  Flandre  orien- 
tale, arr.  de  Gand,  sur  l'Escaut;  43,000  hab.  Stat.  du 
chem.  de  fer  de  Bruxelles  à  Ostende  et  de  Gand  à  Char- 
leroi.  Filatures,  fabriques  de  colle  forte,  de  céruse,  de 
chicorée,  exploitations  horticoles. 

LEDEBOUR  (Karl-Friedrich  de),  botaniste  allemand, 
né^à  Stralsund  le  8  juil.  4785,  mort  à  Munich  le  4  juil. 
4854.  Vers  4803,  il  devint  directeur  du  Jardin  botanique 
et  professeur  à  Greifswald,  puis,  en  4844,  passa  à  Dorpat 
d'où  il  ne  revint  qu'en  4830  pour  se  fixer  successivement 
à  lleidelberg  et  à  Munich.  On  lui  doit  :  Flora  Rossica 
(Stuttgart,  4842-34,  3  vol.);  F/ora «/ia/m (Berlin,  4829- 
3i',  4  vol.);  Reise  durch  dm  Âltai-Gebirge,  etc.  (Berlin, 
4829-30,  2  vol.);  îcones  plantanim  novarum Floram 
Rossicam...  illustrantes  (Riga,  4829-34,  5  vol.  in-foL, 
av.  300  pi.  coloriées).  ^  D^  L.  Hn. 

LEDEBUR  (Leopold-Karl-Wilhelm-August,  baron  de), 
historien  allemand,  ré  à  Berlin  le  2  juil.  4799,  mort  à 
Potsdam  le  47  nov.  4877,  ïl  servit  dans  l'armée  prussienne 
de  4846  à  déc.  4828,  dirigea  plusieurs  sections  du  nou- 
veau musée  de  Berlin  jusqu'en  4873.  Parmi  ses  écrits  on 
peut  citer  :  Das  Laîid  und  Volk  der  Brukterer  (Berlin, 
4827);  Die  f un f  munster schen  Gaue  und  die  sieben 


LEDEBUR  —  LEDIEU 


Hd8  — 


Seelande  Pries lands  (1836);  Der  Maiengau  (1842); 
Nordthuringen  und  die  Hermundurer  (1852);  Adels- 
lexikonder  preussischen  Monarchie  (1854-57,  3  vol.); 
il  fonda  et  rédigea  :  Allgemeines  Archiv  filr  die  Ge- 
schic lits Jmnde  des  preussischen  Staats  (Berlin,  1830  et 
siiiv.,  21  vol.)  et  Archiv  fur  dveutsche  Adelsgesckichte 
Généalogie,  Heraldik  und  Sphragistik  (1863-65, 
2  vol.). 

LEDEGâNGK  (Charles-Louis),  littérateur  flamand,  né 
à  Eecloo  le  9  nov.  1805,  mort  àGand  le  19  mars  1847.  Il 
brilla  surtout  comme  poète  élégiaque,  et  acquit  une  grande 
popularité  en  Belgique  et  en  Hollande.  ïl  subit  d'abord  l'in- 
fluence romantique  ;  plus  tard,  il  s'inspira  surtout  de  Schiller 
etdeByron.  Ses  œuvres  les  plus  renommées  sont  :  Fleurs 
de  mon  printemps  (en  flamand,  Gand,  1839,  in-8);  le 
Château  de  Zomergem  {id.^  1840,  Anvers,  1844,  in-12, 
trad.  en  franc,  par  0.  Delepierre);  la  Folle  {id,,  Gand, 
1846,  in-8);  les  Trois  Villes  sœurs  (id.,  1846,  très 
souv.  rééd.,  trad.  en  franc,  par  Louwage).  Cette  trilogie 
est  restée  le  poème  classique  flamand  par  excellence. 
C'est  l'éloge  des  trois  capitales  de  la  Flandre  :  Gand, 
Bruges  et  Anvers.  Les  œuvres  complètes  de  Ledeganck  ont 
été  publiées  à  Anvers  en  1856  et  en  1873,  et  rééditées  à 
Gand  en  1878.  E.  H. 

BiBL.  :  Hamelius,  Histoire  politique  et  littéraire  du 
mouvement  flamand  ;  Bruxelles,  1894,  in-12. 

LEDEIST  DE  BoTiDOUx  (V.  Botidoux). 

LE  DEIST  DE  Kéri VALANT  (Nicolas),  littérateur  français, 
né  à  Nantes  le  25  févr.  1750,  mort  près  de  Fontenay-le- 
Comte  le  15  oct.  1815.  Maître  des  comptes  à  la  chambre 
de  Bretagne  jusqu'à  la  Révolution,  il  donna  une  quantité 
de  poésies  aimables,  éparses  dans  les  recueils  du  temps. 
On  peut  citer  de  lui,  à  part,  la  Vendée  (Nantes,  181 4,  in-8), 
poème,  une  traduction  en  vers  des  Epigrammes  choisies 
d'Owen(Ljoii,iSid,  in-8). 

BiBL.  :  Fréteau,  Notice  biographique^  dans  Précis  de 
la  Société  de  la  Loire-Inférieure,  1814-15. 

LÉDENON,  Com.  du  dép.  du  Gard,  arr.  de  Nîmes, 
cant.  de  Marguerittes ;  630  hab.  Stat.  du  chem.  de  fer 
P.  L.  M.  ;  ligne  de  Lyon  à  Nîmes. 

LE  DENTU  (Jean-François-Auguste),  chirurgien  fran- 
çais contemporain,  né  à  La  Basse-Terre  (Guadeloupe)  le 
21  juin  1841.  Docteur  en  médecine  à  Paris,  en  1867, 
agrégé  de  la  Faculté  en  1869,  chirurgien  des  hôpitaux  en 
1872,  professeur  de  pathologie  chirurgicale  en  1888  et  de 
clinique  en  1891,  M.  Le  Dentua  été  élu  membre  de  l'Aca- 
démie de  médecine  en  1889.  Il  est  l'auteur  de  plusieurs 
travaux  originaux  ayant  l'anatomie  pour  objet,  tels  que  : 
Recherches  anatomiques  sur  la  circulation  veineuse 
du  pied  et  de  la  jambe  (thèse,  1867),  et  divers  mémoires 
sur  les  Veines  (1867, 1868).  Il  a  encore  publié  les  Ma- 
ladies de  la  prostate  et  de  la  vessie  (1881)  ;  un  Traité 
des  affections  chirurgicales  des  reins,  des  uretères  et 
des  capsules  surrénales  (1889);  1)^5  Anomalies  du  tes- 
ticule (1869)  ;  divers  mémoires  sur  la  néphrectomie  et  la 
néphrotomie  (1881  à  1886).  D''  A.  Bureau. 

LÉDERGUES.  Com.  du  dép.  de  FAveyron,  arr,  de 
Rodez,  cant.  de  Réquista  ;  2,377  hab. 

LEDERZEELE.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Dun- 
kerque,  cant.  de  Wormhoudt;  1,430  hab. 

LEDESWIA.  Ville  d'Espagne,  prov.  de  Salamanque,  sur 
le  Tormes  ;  3,000  hab.  Pont  et  murs  romains.  A  8  kil. 
sources  sulfureuses  (-1-38°)  très  fréquentées. 

LEDESMA.  Ville  de  la  République  Argentine,  ch.~L  d'un 
dép.  de  la  prov.  de  Jujuy,  et  à  160  kil.'E.-N.-É.  deJujuy  ; 
4,500  hab.  La  ville  est  sur  le  rio  de  môme  nom,  qui  se 
jette  dans  le  rio  San  Francisco,  branche  du  rio  Vermejo  ; 
elle  est  bâtie  sur  un  fort  construit  en  1628  par  un  gou- 
verneur nommé  Ledesma.  Terrains  environnants  très  fer- 
tiles, très  propices  à  la  canne  à  sucre,  qui  fait  la  richesse 
du  pays, 

LEDESMA  (Alonso  de),  poète  espagnol,  né  à  Ségovie 
en  1562  (et  non  1552),  mort  en  1632.  Il  se  rendit  célèbre 


par  ses  Conceptos  espirituales  (Madrid,  1600,  1606,  et 
Barcelone,  1607,  3  part,  in-8,  dont  la  dernière  est  inti- 
tulée Juegos  de  Nochebuena  moraliçados  a  la  vida  de 
Christo,  etc.)  qui  eurent  de  nombreuses  éditions,  et  con- 
siscent  en  petites  pièces  lyriques  sur  des  sujets  religieux, 
écrites  dans  un  style  rempli  de  subtilités  et  d'exagérations. 
Devenu  le  chef  d'une  secte  littéraire  surnommée  concep- 
tislas  qui  comprenait  avant  tout  des  écrivains  mystiques 
pour  lesquels  la  métaphore  était  le  moyen  suprême,  il  exerça 
une  influence  énorme  sur  ses  contemporains,  même  sur 
des  génies  tels  que  Lope  de  Vega  et  Quevedo.  Un  second 
recueil  de  ses  productions,  Romancero  y  el  Monstro 
imaginado  {Bâccehne,  1615,  in-8),  composé  de  romances 
et  d'un  petit  conte  en  prose,  nous  montre  le  même  abus 
d'allégories  et  de  jeux  de  mots,  et  parfois  même  des  allures 
de  libertinage.  On  lui  doit  encore  une  troisième  œuvre  du 
même  genre  :  Epigramas  y  gerogliftcos  à  la  vida  de 
Christo,  etc.  (Madrid,  1625,  in-12).  G.  P-i. 

LEDESMA  (Josef  de),  peintre  espagnol,  né  à  Burgès 
en  1630,  mort  à  Madrid  en  1670.  Il  fit  ses  premières 
études  d'art  dans  sa  ville  natale,  puis  il  vint  à  Madrid  où 
il  entra  comme  élève  dans  l'atelier  de  Carreno  de  Miranda. 
Il  était  dans  la  plénitude  de  son  talent  lorsque  la  mort  vint 
l'enlever.  Ses  ouvrages  sont  devenus  rares  et  Cean  Ber- 
mudez  ne  cite  de  cet  artiste  qu'une  Pietà,  qui  surmontait 
le  retable  dans  l'église  des  Récollets  et,  au  couvent  des 
Trinitaires,  la  Sainte  Trinité,  Saint  Jean-Baptiste, 
Saint  Frœnçois  et  Saint  Dominique.  P.  L. 

LEDEUIX.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  et 
cant.  (E.)  d'Oloron;  549  hab, 

LEDHUY  (Carie),  littérateur  français,  né  à  Coucy-le- 
Château  en  1808,  mort  à  Paris  en  1862.  Il  débuta  dans  la 
presse  monarchiste,  devint  sténographe  à  la  Chambre  des 
pairs,  puis  commissaire  de  police  à  Angoulême.  Ecrivain 
fécond,  il  a  laissé  un  grand  nombre  de  romans  dont  les 
plus  connus  sont  :  Comment  meurent  les  femmes  (Pa- 
ris, 1836,  2  vol.  in-8)  ;  la  Belle  Picarde  (1837-1840, 
2  vol.  in-8);  Mémoires  de  la  mort  (1838,  4  vol.  in-8); 
le  Fils  maudit  (1863,  in-12);  la  Nuit  terrible  (1866, 
in-12);  diverses  traductions  de  l'allemand,  entre  autres 
de  Spindler  et  Blumenhagen  ;  des  études  historiques  :  C/iro- 
niques  du  Château  de  Coucy  (1834,  in-8);  les  Sires 
de  Coucy  (1844,  in-12),  etc.  Il  avait  en  1840  un  recueil 
hebdomadaire  dans  le  genre  des  Guêpes  d' Alphonse  Karr; 
les  Pichenettes  (chiquenaudes  et  croquignolles)  dont  il  ne 
parut  que  quelques  numéros. 

LEDIEU  (François,  abbé),  écrivain  français,  né  à  Pé- 
ronne,  mort  à  Paris  le  7  oct.  1713.  Il  fut  secrétaire  par- 
ticuher  de  Bossuet  de,  1684  à  sa  mort.  Il  commença  en 
1699  un  journal  personnel  qu'il  continua  jusqu'en  1713, 
et  qui  embrasse  les  quatre  dernières  années  de  Bossuet. 
La  minutieuse  exactitude  des  détails  qu'il  rapporte  sur  le 
grand  évéque  a  attiré  à  Ledieu  les  violentes  critiques  de 
ses  admirateurs,  indignés  de  voir  dévoiler  toutes  ses  peti- 
tesses. Ledieu,  qui  fut  en  constante  opposition  avec  Fabbé 
Bossuet,  le  neveu  du  prélat,  composa  pour  lui  des  Mé- 
moires sur  la  vie  et  les  œuvres  de  l'évêque  de  Meaux,  qui 
sont  apologétiques  et  constituent  un  précieux  document  pour 
l'étude  de  la  jeunesse  de  Bossuet.  Il  revit  et  mit  au  net 
les  manuscrits  de  la  Politique,  des  Elévations,  des  Médi- 
tations sur  VEvangile,  Bien  traité  par  le  successeur  de 
Bossuet  à  l'évèché  de  Meaux,  l'abbé  Ledieu  y  acheva  pai- 
siblement sa  vie.  Ses  Mémoires  ont  été  utihsés  par  tous 
les  biographes.  L'abbé  Guettée  les  a  publiés  avec  son  jour- 
nal d'après  les  autographes  (Paris,  1856-57,  4  vol.  in-8). 

LEDIEU  (Constant-Alfred-Hector),  hydrographe  et  mé- 
canicien français,  né  à  Abbeville  (Somme)  le  2  mars  1830, 
mort  à  Toulon  le  17  avr.  1891.  Entré  en  1844  à  FEcole 
navale,  aspirant  en  1846  et  enseigne  en  1850,  il  fut  nommé 
en  1853  professeur  des  écoles  d'hydrographie,  en  1866 
examinateur  d'hydrographie.  Il  avait  été  élu  en  1872  cor- 
respondant de  l'Académie  des  sciences  de  Paris,  qui  lui 
décerna  en  1877  le  prix  extraordinaire  d'application  de  la 


4449 


LEDIEU  —  LEDRU 


vapeur  à  la  flotte.  Il  a  beaucoup  contribué  par  ses  études 
et  par  ses  ouvrages  aux  progrès  des  sciences  nautiques  et, 
plus  particulièrement,  de  la  navigation  à  vapeur.  Outre  de 
nombreux  mémoires  et  notices  parus  dans  les  Comptes 
reîîdus  de  r Académie  des  sciences  de  Paris,  il  a  publié  : 
lYaité  des  appareils  à  vapeur  et  de  navigation  (Paris, 
4862-65,  3  vol,  in-8,  avec  allas)  ;  Manuel  du  chauffeur 
de  la  flotte  (Paris,  4863,  in-8  ;  2«  éd.,  4880)  ;  la  Hota- 
tive  Behrens  (Paris,  4869,  in~4)  ;  les  Nouvelles  Ma- 
chines marines,  avec  H.  llubac  (Paris,  4875-82,  3  vol. 
in-8,  avec  atlas)  ;  les  Nouvelles  Méthodes  de  navigation 
(Paris,  4877,  in-8)  ;  Guide  du  capitaine  et  du  méca- 
îiicien  de  la  marine  à  vapeur  (Paris,  4880,  in-8)  ;  Nou- 
velle Théorie  des  machines  a  feu  (Paris,  4882,  in-8)  ; 
Elude  sur  les  bateaux  sous-marins  (Paris,  4889,  in-8); 
le  Nouveau  Matériel  naval  (Paris,  4889-90,  2  vol.  in-8, 
avec  atlas),  etc.  L.  S. 

LÉDIGNAN.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  du  Gard,  arr. 
d'Alais;  606  hab. 

LEDINGHEM.  Gom.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de 
Saint-Omer,  cant.  de  Lumbres;  338  hab. 

LEDOGHOWSK!  (Miccislas,  comte),  prélat  polonais,  né 
à  Gorki,  près  de  vSandomir  (Pologne  russe),  le  29  oct.  4823. 
Se  sentant  une  vocation  irrésistible  pour  Fétat  ecclésias- 
tique, il  entra  au  séminaire  Saint-Jean  de  Varsovie.  Ar- 
rivé à  Rome,  il  no  tarda  pas  à  se  concilier  les  bonnes 
grâces  de  Pie  IX,  qui  le  plaça  d'abord  à  la  Propagande 
et  le  nomma  ensuite  successivement  auditeur  à  la  non- 
ciature de  Lisbonne  et  délégué  apostolique  près  la  Répu- 
blique de  la  Nouvelle-Grenade  (4836)  qui  l'expulsa,  après 
avoir  rompu  toutes  relations  avec  le  saint-siège.  Revenu 
à  Rome,  il  fut  envoyé  comme  nonce  à  Bruxelles,  et  peu 
de  temps  après  à  Munich  (4864).  A  la  mort  de  Przyluski, 
Ledochowski  lui  succéda  à  rarchevèché  de  Posen-Gnesen. 
Dans  ce  poste  élevé,  auquel  était  attaché  autrefois  le  titre 
de  primat  de  Pologne,  il  aurait  pu  servir  les  intérêts  de 
sa  nationalité,  mais  il  se  contenta  d'être  l'humble  servi- 
teur du  Vatican,  le  défenseur  acharné  des  idées  uitra- 
montaines  et  des  jésuites.  Resté  longtemps  en  coquetterie 
avec  la  cour  de  BerHn,  il  se  jeta  dans  l'opposition  après 
la  guerre  de  4870-74,  lorsque  Bismarck  eut  déclaré  le 
Kulturkampf  et  fait  voter  les  fameuses  lois  de  Mai  qui 
mettaient  le  clergé  catholique  sous  la  coupe  du  gouverne- 
ment prussien.  Ledochowski  y  résista  énergiquement.  Cette 
résistance  lui  valut  force  amendes  et  deux  ans  de  prison 
(4874).  Il  reçut  le  chapeau  de  cardinal  le  45  mars  4875, 
sortit  de  prison  en  4876,  se  rendit  à  Rome  et  devint  pré- 
fet de  la  Propagande  le  26  janv.  4892.   F.  Travvinski. 

LEDOURN.  Corn,  du  dép.  du  Tarn,  arr.  d'Albi,  cant. 
de  Valence;  430  hab. 

LE  DOUX  (Charles-Nicolas),  architecte  et  écrivain  fran- 
çais, né  à  Dormans  (Marne)  en  4736,  mort  à  Paris  le 
20  nov.  4806.  Elève  de  J.-Fr.  Rlondel,  Ledoux  fit  exécu- 
ter, de  4766  à  4773,  d'importants  travaux  dans  les  cathé- 
drales de  Sens  et  d'Auxerre,  et  fit  élever  à  Paris  l'hôtel  de 
W^^  Guimard  (temple  de  Terpsichore),  rue  de  laChaussée- 
d'Antin;  l'hôtel  de  M^^  du  Barry,  rue  d'Artois,  et,  à  Lou- 
veciennes,  le  pavillon  offert  à  celte  favorite  par  le  roi 
Louis  XV.  Admis  à  l'Académie  d'architecture  et  nommé 
architecte  du  roi  en  4773,  Ledoux  fut,  comme  architecte 
des  fermes,  chargé  en  4782  de  la  construction  du  mur 
d'enceinte  avec  barrières  et  pavillons  d'octroi  enceignant 
Paris,  et  déploya  une  pi^odigieuse  variété  de  talent,  ainsi 
qu'une  réelle  originalité  parfois  entachée  de  bizarrerie, 
dans  ces  bâtiments  dont  quelques-uns  subsistent  encore 
(place  de  la  Nation,  place  du  Lion-de-Belfort,  boulevard  de 
La  Villette).  Mais  Ledoux  fit  surtout  élever  de  nombreux 
hôtels  particuliers,  parmi  lesquels  :  l'hôtel  de  Thélusson, 
détruit  par  le  prolongement  de  la  rue  Laffitte  et  le  perce- 
ment de  la  rue  Ghâteaudun  ;  Thôtel  du  président  Hocquart, 
plus  tard  hôtel  du  cardinal  Fesch,  à  l'angle  des  rues  Saint- 
Lazare  et  de  la  Ghaussée-d'Antin  ;  l'hôtel  d'Uzès,  plus  tard 
hôtel  Delessert,  rue  Montmartre  ;  la  maison  de  Condorcet, 


rue  Chantereine  (rue  de  la  Victoire),  plus  tard  habitée 
par  le  général  Bonaparte  qui  y  prépara  le  coup  d'Etat 
du  48  brumaire,  etc.  On  doit  encore  à, cet  architecte  le 
théâtre  de  Besançon  et  de  nombreux  projets  d'édifices  dont 
273  feuilles  de  dessins  pour  l'empereur  de  Russie.  Ledoux 
a  laissé  un  ouvrage  dans  lequel  il  a  plus  d'une  fois  donné 
carrière  à  toute  l'exubérance  de  son  imagination,  ouvrage 
intitulé  V Architecture  considérée  sous  le  rapport  de 
Vart^  des  mœurs  et  de  la  législation  (Paris,  \  804,  Xçi\X% 
et  425  pi.  gr.  in-fol.  ;  rééd.,  4847,  sans  texte,  mais  en  2  vol. 
de  pi.,  sous  ce  titre  :  V Architecture  de  C,-N.  Ledoux), 

LEDOUX  (Charles-Ernest),  ingénieur  français,  né  à 
Paris  le  27  aoùj  4837.  Entré  en  4856  à  l'Ecole  polytech- 
nique et  en  4858  à  l'Ecole  des  mines,  nommé  ingénieur 
ordinaire  en  4862,  il  a  dirigé  de  4870  à  4874  l'Ecole  des 
maîtres  ouvriers  mineurs  d'Alais,  a  été  promu  ingénieur 
en  chef  en  4884  et  a  pris,  l'année  suivante,  la  direction 
technique  de  la  Société  minière  et  métallurgique  de  Penar- 
roya  (Espagne).  Il  est,  en  outre,  depuis  4888,  professeur 
du  cours  d'exploitation  à  l'Ecole  des  mines  de  Paris.  Outre 
quelques  mémoires  dans  les  Annales  des  mines,  il  a  pu- 
blié :  Etude  sur  les  terrains  triasique  et  jurassique  du 
dép.  de  VArdèche  (Privas,  1868,  in-8)  ;  Chemins  de  fer 
à  voie  étroite  (Paris,  4875,  in-8)  ;  Mémoire  sur  Vexploi- 
talion  et  le  traitement  dès  mincirais  de  soufre  en  Sicile 
(Paris,  4875,  in-8)  ;  Théorie  des  machines  à  froid  (Pa- 
ris, 1878,  in-8)  ;  Mémoire  sur  remploi  de  la  détente 
dans  les  machines  d'extraction  (4879,  in-8);  V  Orga- 
nisation du  travail  dans  les  mines  (  4890,  in-8). 

LE  D  RAI  N  (Eugène),  orientaliste  français,  né  à  Sainte-Su- 
zanne (Mayenne)  en  4844.  Prêtre  de  l'Oratoire,  il  renonça  à 
la  carrière  ecclésiastique  pour  s'adonner  à  l'érudition,  fut 
nommé  conservateur  adjoint  des  antiquités  au  musée  du  Lou- 
vre et  professeur  à  l'Ecole  du  Louvre.  Il  a  publié  :  U^i  Grand 
Seigneur  féodal  dans  la  moyenne  Egypte {iS16);  les  Mo- 
mies gréco-égijptiemnes  ornées  de  portraits  neints  sur 
panneaux  (4877);  Histoire  d'Israël  (4879-82,  2  vol.  in- 
46);  les  Monuments  égyptiens  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale{iSS(}-Si ,  2  vol.  in-8,  avec  30  pL);  Dictionnaire  des 
noms  propres  palmyréniens  (4886,  gr.  in-8);  une  tra- 
duction de  la  Bible  en  six  vol.  in-8  (4 886-90)  ;  un  Catalogue 
des  monuments  araméens  et  himyarites  du  musée  du 
Louvre,  etc. 

LEDRAN  (Henri),  chirurgien  français,  né  à  Saint-Cloud 
le  24  déc.  46o6,  mort  à  Paris  le  4^^  févr.  4720.  Il  servit 
dans  les  gardes  françaises  et  sauva  Villars  à  la  bataille  de 
Malplaquet,  puis  fut  à  un  moment  donné  le  chirurgien  le 
plus  en  renom  de  Paris;  il  fut  appelé  auprès  de  Louis XIV 
mourant.  Il  remit  en  vigueur  l'extirpation  du  cancer  au 
sein  et  pratiqua,  paraît-il,  la  première  désarticulation  sca- 
pulo-humérale  attribuée  à  tort  à  son  fils. 

LEDRAN  (Henri-François),  chirurgien  français,  né  à 
Paris  en  4685,  mort  à  Paris  le  47  oct.  4770,  fils  du  pré- 
cédent. D'abord  chirurgien-major  et  démonstrateur  d'ana- 
tomie  à  la  Charité,  il  lut  plus  tard  chirurgien  en  chef  de 
cet  hôpital,  chirurgien  consultant  des  armées  et  membre 
de  l'Académie  de  chirurgie.  Chirurgien  très  habile,  il 
apporta  des  réformes  heureuses  à  plusieurs  procédés  opé- 
ratoires, taille,  bec-de-îièvre,  etc.,  et  publia  une  série 
d'excellents  ouvrages,  parmi  lesquels  :  Parallèle  des  diff. 
manières  de  tirer  la  pierre  hors  de  la  vessie  (Paris, 
4730,  4740,  in-8;  suite,  4756,  in-8);  Observ,  de  chi- 
rurgie, etc.  (Pans,  4734,  4754,  2  vol.  in-12);  Traité 
des  opérations  de  chirurgie  (Paris,  4734,  4742,  in-8, 
et  autres  éd.);  Béfl.  prat.  sur  les  plaies  d'armes  à  feu 
(Paris,  4737,  in-42,  et  nombr.  éd.);  Traité  économ.  de 
Vanatomie  du  corps  humain  (Paris,  4768,  in-42) 

LEDR1N6HEM.  Corn,  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Dun- 
kerque,  cant.  de  Wormhoudt  ;  603  hab. 

L  E  D  R  U  (  Les) .  Famille  d'architectes  f ran çais  d u  xix*^  siècle . 
—  Louis-Charles-François  Ledru,  né  à  Paris  en  4778, 
mort  à  Clermont-Ferrand  en  4864,  fut  élève  de  Durand 
et  de  l'Académie  et,  nommé  en  4824  architecte  du  dép. 


LEDRU  —  1420  — 

du  Puy-de-Dôme  et  de  la  ville  de  Clermont-Ferrand,  fit 
élever  en  Auvergne  de  nombreux  édifices  parmi  lesquels  : 
le  tribunal,  la  halle  aux  blés,  deux  marchés,  l'hôtel  du  gé- 
néral commandant  la  division  militaire  et  TÉcole  normale 
d'institutrices,  à  Clermont-Ferrand  ;  le  tribunal  et  la  mai- 
son d'arrêt,  à  Thiers  et  à  Ambert,  ainsi  que  l'hôtel  de  sous- 
préfecture  de  cette  ville  ;  Tancien  établissement  thermal  du 
Mont-Dore  et  le  palais  épiscopal  au  Puy.  —  Agis-Léon 
Ledru,  fils  du  précédent,  né  à  Clermont-Ferrand  en  1816, 
mort  à  Clermont-Ferrand  en  1885,  fut  élève  de  iïuyot  et 
Lebas,  et  obtint  le  deuxième  grand  prix  d'architecture  à 
l'Ecole  des  beaux-arts  en  1844.  Après  avoir  succédé  en 
\  861  à  son  père  comme  architecte  de  la  ville  de  Clermont- 
Ferrand  et  du  dép.  du  Puy-de-Dôme,  il  fit  construire,  entre 
autres  édifices,  la  succursale  de  la  Banque  de  France  à 
Clermont-Ferrand,  les  étabhssements  thermaux  delaBour- 
boule  et  de  Royat,  et  des  églises  paroissiales  à  Blot, 
Lempdes,  Montmorin,  Saint-Pardoux,  Salle-des-Youx,  Sau- 
ret,  etc.  —  Louis-Antoine-Marie  Ledru-Gaultier  de 
Biauzat,  fils  d' Agis-Léon,  né  à  Clermont-Ferrand  en  1845, 
mort  à  Clermont-Ferrand  en  1886.  Elève  de  l'Ecole  centrale, 
de  l'atelier  André  et  de  la  première  classe  de  l'Ecole  des 
beaux-arts,  puis  inspecteur  des  travaux  de  l'Ecole  cli- 
nique de  la  faculté  de  médecine  de  Paris,  cet  architecte  fit 
élever  plusieurs  édifices,  des  écoles  et  le  marché  Renoux, 
à  Clermont-Ferrand,  le  casino  du  Mont-Dore  ainsi  que 
des  églises  et  des  écoles  sur  plusieurs  points  du. départe- 
ment. Charles  Lucas. 

LEDRU-RoLLiN  (Alexandre-Auguste  Ledru,  dit),  homme 
politique  français,  né  à  Paris  le  2  févr.  1807,  mortà  Fon- 
tenay-aux-Roses  (Seine)  le  31  déc.  1874.  Reçu  docteur  en 
droit  en  1828,  il  se  fit  inscrire  au  barreau  de  Paris  en  1830, 
s'associa  de  bonne  heure  au  parti  démocratique  dans  sa 
lutte  contre  le  gouvernement  de  Juillet  et  acquit,  jeune 
encore,  une  retentissante  notoriété  par  ses  protestations 
contre  l'état  de  siège  (1832),  contre  les  massacres  de  la 
rue  Transnonain  (1834)  et  par  son  plaidoyer  en  faveur 
de  Caussidière  dans  le  procès  des  accusés  d  Avril  (1835). 
Dès  lors  il  fut  l'avocat  le  plus  recherché  des  journaux 
avancés  qui  avaient  à  comparaître  en  justice.  S'il  acheta 
une  charge  d'avocat  à  la  cour  de  cassation  en  1838,  s'il 
prit  à  la  même  époque  la  direction  du  Journal  du  Palais 
et,  trois  ans  plus  tard,  celle  du  Droit,  ses  travaux  de 
jurisprudence  ne  lui  firent  pas  négliger  la  politique  mili- 
tante. Ayant  échoué  dans  une  première  candidature  légis- 
lative à  Saint- Valery-en-Caux  (1839),  il  se  présenta  dans 
le  collège  du  Mans  pour  remplacer  Garnier-Pagès  l'aîné, 
récemment  décédé,  et  fut  élu  député  (24  juil.  1841)  après 
avoir  déclaré  hautement  qu'il  revendiquerait  la  souveraineté 
nationale  s'exerçant  par  le  suffrage  universel.  Cette  pro- 
fession de  foi,  publiée  dans  les  journaux,  lui  valut  des  pour- 
suites judiciaires  qui  mirent  encore  plus  en  lumière  sa 
puissante  personnalité  et  qui,  après  avoir  passionné  la 
France  pendant  plusieurs  mois,  aboutirent'à  son  acquitte- 
ment. Au  Palais-Bourbon,  Ledru-Rollin,  dont  l'opposition 
toute  républicaine  dépassait  de  beaucoup  les  audaces  bour- 
geoises de  ce  qu'on  appelait  alors  le  parti  radical,  fut  un 
isolé,  mais  se  fit  par  le  retentissement  de  ses  discours  une 
immense  popularité  dans  le  pays.  Réélu  en  1842  et  en 
1846,  il  ne  laissa  passer  aucune  discussion  d'affaires  ou  de 
politique  proprement  dite  sans  y  prendre  part.  Les  mi- 
nistres de  Louis-Philippe,  qui  se  croyaient  assurés  de 
l'avenir  parce  qu'ils  avaient  pour  eux  deux  cent  mille  élec- 
teurs censitaires,  ne  s'apercevaient  pas  que  l'éloquence  vi- 
rile et  entraînante  du  tribun,  qui  rappelait  celle  de  Dan- 
ton, allait  au  cœur  des  masses  et  ébranlait  chaque  jour  plus 
profondément  le  trône  de  Juillet.  Ledru-Rollin  s'appuyait 
de  plus  en  plus  sur  les  classes  ouvrières,  dont  il  demandait 
l'émancipation,  et  encourageait  les  chefs  socialistes  du 
temps,  sans  partager,  du  reste,  leurs  utopies.  Devenu  fort 
riche,  grâce  à  un  mariage  romanesque  (1843),  il  fonda  et 
soutint  de  son  argent  le  journal  la  Réforme,  qui  fut,  pen- 
dant les  dernières  années  du  règne  de  Louis-Philippe,  l'or- 


gane do  l'opposition  la  plus  avancée.  Promoteur  de  la  cam- 
pagne des  banquets  en  1847,  il  prononça  à  Lille,  à  Dijon, 
à  Chalon-sur-Saône,   des  harangues  dont  la   hardiesse 
croissante  était  nn  symptôme  significatif  de  la  révolution 
j   qui  se  préparait  alors  dans  les  esprits. 
I       Le  24  févr.  1848,  quand,  le  roi  étant  déjà  en  fuite,  la 
I   duchesse  d'Orléans  vint  à  la  Chambre  essayer  de  se  faire 
reconnaître  comme  régente,  Ledru-Rollin  monta  à  la  tri- 
bune et  demanda  la  création  d'un  gouvernement  provisoire 
qui,  le  peuple  aidant,  fut  aussitôt  proclamé  en  même  temps 
que  la  République.  Il  en  fut  naturellement  un  des  princi- 
paux membres  et  se  rendit  à  l'Hôtel  de  Ville,  où  il  se  fit 
attribuer  par  ses  collègues  le  ministère  de  l'intérieur.  Au 
milieu  d'une  effervescence  extraordinaire,  Ledru-Rollin  eut 
la  tâche  multiple  et  difficile  de  prévenir  les  excès  de  la 
misère  publique,  de  contenir  ou  de  diriger  la  bourgeoisie 
réactionnaire  et  la  plèbe  révolutionnaire  (manifestations  du 
16  mars  et  du  16  avr.),  d'organiser  le  suffrage  universel, 
qui  allait,  grâce  à  lui,  fonctionner  pour  la  première  fois, 
et  de  présider  aux  élections  d'où  allait  sortir  l'Assemblée 
nationale.  Il  y  pourvut  par  l'envoi  dans  les  départements 
de  commissaires  extraordinaires  qui,  quoi  qu'on  en  ait  dit, 
furent  presque  tous  bien  choisis,  par  ses  Circulaires  et 
par  ces  Bulletins  de  la  République  qu'incriminèrent  si 
passionnément  les  adversaires  de  la  démocratie.  Mais  placé 
dans  le  gouvernement  provisoire  entre  une  majorité  rela- 
tivement conservatrice  et  une  minorité  socialiste  qu'il  s'ef- 
forçait de  ménager  également,  il  se  rendit  en  peu  de  temps 
suspect  aux   républicains  modérés   et   aux  républicains 
avancés.  Les  premiers  triomphèrent,  on  le  sait,  aux  élec- 
tions d'avril.  L'Assemblée  constituante,  où  Ledru-Rollin 
fut  envoyé  par  trois  départements,  accueillit  assez  froide- 
ment le  compte  rendu  qu'il  lui  fit  de  ses  travaux  et  ne 
l'admit  que  le  dernier  dans  la  Commission  executive  par 
laquelle  elle  remplaça  le  Gouvernement  provisoire  (6  mai). 
L'ancien  ministre  de  l'intérieur  eut  en  présence  de  l'émeute, 
le  15  mai,  une  attitude  correcte  et  courageuse.  Mais  il  se 
fit  du  tort  aux  yeux  de  la  majorité  en  prenant  la  défense 
de  Louis  Blanc  et  de  Caussidière  menacés  de  poursuites. 
Obligé,  comme  ses  collègues  de  la  commission,  pendant  les 
journées  de  Juin,  de  résigner  ses  pouvoirs  entre  les  mains 
du  général  Cavaignac,  il  recouvra  du  moins  toute  sa  hberté 
d'action  et  s'en  servit  pour  protester,  avec  une  éloquence 
qui  semblait  grandir  chaque  jour,  tant  à  la  tribune  que 
dans  les  réunions  populaires,  contre  les  lois  de  réaction  et 
de  vengeance  qui  attristèrent  la  fin  de  l'année  1848  et  le 
commencement  de  l'année  suivante.  Candidat  à  la  prési- 
dence de  la  République,  il  n'obtint  que  370,000  suffrages 
(10  déc).  Louis-Napoléon  et  son  premier  ministère  (Odi- 
lon  Barrot)  trouvèrent  en  lui,  dès  leur  entrée  au  pouvoir, 
un  adversaire  énergique  et  infatigable.  Ledru-Rollin  alla 
répandre  l'agitation  républicaine  dans  les  départements,  rem- 
porta de  nouveaux  triomphes  oratoires  au  Mans,  à  Châ- 
teauroux,  etc.,  et  dut  aux  calomnies  odieuses  dont  il  était 
l'objet,  ainsi  qu'aux  violences  matérielles  auxquelles  se 
portèrent  contre  lui  les  réacteurs  de  Moulins,  une  recru- 
descence de  popularité  qui  lui  valut  une  quintuple  élection 
à  l'Assemblée  législative  (mai  1849).  Enivré  peut-être  par 
ces  succès,  il  ne  garda  plus  de  mesure  dans  son  opposition 
à  la  politique  de  l'Elysée.  L'expédition  de  Rome,  qu'il  avait 
déjà  maintes  fois  combattue  et  flétrie,  fut  dénoncée  solen- 
nellement par  lui  à  la  tribune,  le  11  juin,  comme  une  vio- 
lation de  la  constitution,  qu'il  se  déclara  prêt  à  défendre 
par  tous  les  moyens,  même  par  les  armes.  Le  même 
jour  il  demanda,  sans  succès,  la  mise  en  accusation  du  pré- 
sident de  la  République  et  de  ses  ministres.  Le  surlende- 
main, il  descendit  dans  la  rue,  avec  ses  amis  de  la  Mon- 
tagne et  se  rendit  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers, 
où  il  tenta  de  constituer  une  Convention  nationale,  mais 
d'où  il  fut  expulsé,  au  bout  de  quelques  heures,  par  la 
force  armée  (13  juin  1849). 

Réduit  après  cet  éclat  à  se  cacher,  il  parvint  à  quitter 
Paris  (6  juil.),  passa  en  Belgique  et,  tandis  que  la  cour  de 


—  1121  — 


LEDRU  —  LEE 


Versailles  le  condamnait  par  contumace  à  la  déportation, 
alla  s'établir  en  Angleterre,  où  il  devait  séjourner  plus  de 
vingt  ans.  Il  y  écrivit  plusieurs  brochures  contre  Louis-Napo- 
léon, ainsi  que  des  études  plus  étendues  sur  le  gouvernement 
britannique,  forma  avec  Mazzini,  Kossuth,  Ruge,  etc.,  un 
comité  révolutionnaire  international,  prit  pendant  quelques 
années  une  part  active  à  la  rédaction  de  la  Voix  du  pros- 
crit et,  poursuivi  en  France  (1857),  lors  du  procès  Tibaldi, 
pour  une  complicité  qu'il  nia,  du  reste,  hautement,  fut 
pour  la  seconde  fois  frappé  en  son  absence  de  la  peine  de 
la  déportation.  Son  extradition  fut  demandée  au  gouverne- 
ment anglais,  qui  s'honora  en  la  refusant.  Napoléon  111, 
qui  le  considérait  comme  un  de  ses  ennemis  les  plus  re- 
doutables, Fexcepta  de  l'amnistie  de  1 859  et  même  de  celle 
de  1869.  A  cette  dernière  époque  pourtant,  Ledru-Rollin 
n'était  plus,  depuis  longtemps,  guère  à  craindre.  L'exil, 
Fâge,  la  maladie,  peut-être  aussi  l'excès  du  bien-être,  avaient 
peu  à  peu  affaibli  sa  fougueuse  énergie,  au  point  qu'en  nov. 
1869  il  déclina  la  candidature  législative  qui  lui  fut  offerte 
dans  la  troisième  circonscription  de  la  Seine  par  le  parti 
révolutionnaire,  et  que  peu  après  (janv.  18T0)  le  ministère 
Ollivier  crut  pouvoir  sans  péril  lui  permettre  de  rentrer  en 
France.  Installé  dans  sa  maison  de  Fontenay-aux-Roses, 
l'ancien  membre  du  Gouvernement  provisoire  applaudit  à 
la  révolution  du  4  septembre,  mais  ne  fit  pas  partie  du 
gouvernement  de  la  Défense  nationale  et  ne  tarda  pas  à  se 
prononcer  contre  lui.  Compromis  par  ses  amis  du  parti 
avancé  dans  l'insurrection  du  31  oct.,  il  fut  jugé  si  peu 
dangereux  qu'il  ne  fut  même  pas  poursuivi.  Les  élections 
du  8  févr.  1871  lui  valurent  une  triple  élection  à  l'Assem- 
blée nationale.  Mais  il  refusa  de  siéger  (19  févr.),  ne  prit 
non  plus  nulle  part  active  au  mouvement  de  la  Commune, 
et  ne  consentit  à  rentrer  dans  la  vie  politique  que  fort  peu 
de  temps  avant  sa  fin  (mars  1874),  comme  député  de  Vau- 
cluse.  Il  eut  occasion  de  défendre  à  la  tribune  le  suffrage 
universel  alors  menacé.  Mais  il  n'était  plus,  comme  ora- 
teur, que  l'ombre  de  lui-même.  De  grands  honneurs  lui 
furent  rendus  après  sa  mort  et  un  monument  lui  fut  élevé 
à  Paris,  en  1878. 

Parmi  les  publications  de  Ledru-Rollin,  nous  citerons  : 
Consultation  contre  Vétat  de  siège  (1832,  in-8);  Mé- 
moire sur  les  événements  de  la  rue  Transnonain 
(1834,  in-8);  Lettre  à  M.  de  Lamartine  sur  l'Etat^ 
V Eglise  et  V Enseignement  (1844,  in-8)  ;  Aux  Travail- 
leurs (1844,  in-8);  Journal  du  Palais  (1837,  27  vol. 
in-8;  1837-1847,  17  vol.  gr.  in-8);  Jurisprudence 
administrative  (1844-45,  9  vol.  gr.  in-8);  Répertoire 
général  de  la  jurisprudence  française  (1843-48,  8  vol. 
in-8)  ;  Du  Paupérisme  dans  les  campagnes  (1 847,  in-8)  ; 
le  Peuple  souverain  au  journal  «  le  Constitutionnel  » 
(1848,  in-8);  Réponse  âmes  calomniateurs  (1848,  in- 
fol.);  le  i S  juin  i849  (1849,  in-18);  De  la  Décadence 
de  f  Angleterre  (iS^O,  2  vol.  in-8);  Du  Gouvernement 
direct  du  peuple  (1851,  in-8),  etc.  Il  a  été  publié  en 
1879,  par  les  soins  de  M""®  Ledru-Rollin,  un  recueil  com- 
plet de  ses  écrits  et  de  ses  discours  politiques.  A.  Debidour. 
LEDUC  (Herbert),  trouvère  du  xiii®  siècle,  auteur  du 
Dolopathos^  poème  en  13,000  vers,  composé  pour  Louis, 
fils  de  Philippe-Auguste.  Il  a  été  édité  par  Ch.  Brunetet 
A.  de  Montaiglon  (1856). 

LEDUC  (Gabriel),  architecte  français  du  xvii^ siècle,  mort 
à  Paris  en  1704.  D'abord  attaché  à  la  conduite  des  travaux 
du  Val-de-Grâce  sous  la  direction  de  François  Mansart  et 
de  J.  Lemercier,  puis  chargé  en  1665  avec  Le  Muet  de  la 
continuation  de  cet  édifice ,  Gabriel  Leduc  eut  l'honneur 
d'en  terminerled<^me  et  les  bâtiments  annexes  ainsi  que  d'en 
dessiner  le  maître-autel.  En  dehors  de  nombreux  travaux 
dans  plusieurs  églises  de  Paris,  aujourd'hui  démolies,  et 
de  quelques  beaux  hôtels  dont  deux  gravés  par  Marot,  Le- 
duc, qui  fut  architecte  du  roi,  fit  continuer  l'église  de  Saint- 
Louis-en-PIie,  commencée  parLevau,  et  l'église  des  Petits- 
Pères,  commencée  par  Bruand.  Charles  Lucas. 
LEDUC  (François)  de  Toscane,  dit  Toscan,  architecte 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —    XXI. 


de  la  fin  du  xvn®  siècle.  Il  fut  surtout  occupé  en  Vendée, 
OÙ,  dès  1682,  il  faisait  élever  deux  pavillons  à  l'abbaye 
de  Celles  (Deux-Sèvres),  refaisait  en  1703  la  flèche  de 
l'église  de  Fontenay-le-Comte,  et  construisait  dans  la  même 
ville  une  maison  ornée  de  sculptures  dans  le  clos  Saint- 
Louis.  On  doit  encore  à  cet  architecte  la  reconstruction  de 
l'abbaye  de  Saint-Michel-en-l'Herm  et  le  dessin  du  clocher 
de  l'église  de  Luçon.  Ch.  L. 

LEDUC  (Pierre -Etienne -Denis),  plus  connu  sous  le 
nom  de  Saint-Germain,  littérateur  français,  né  à  Paris 
le  l®^  janv.  1799.  D'abord  clerc  de  notaire,  il  abandonna 
de  l3onne  heure  cette  profession  pour  se  livrer  tout  entier 
au  journalisme.  Il  collabora  notamment  au  NationaL  Citons 
de  lui  :  les  Vacances  en  Suisse  (Paris,  s.  d.,  2  vol.  in-12); 
V Angleterre,  VEcosse,  Vlrlande  (1839,  4  vol.  in-12); 
Sir  Richard  Arkwright  (1842,  in-12)  ;  les  Campagnes 
de  Thérèse  Figueur  (1843,  in-8)  (c'est  la  vraie  «  Ma- 
dame Sans  Gêne  »  qu'on  a  remise  à  la  mode  de  nos  jours 
et  dont  on  vient  de  publier  les  mémoires)  ;  Maître  Pierre 
ou  le  Savant  de  village  (1844,  2  vol.  in-12);  Servi- 
teurs et  commensaux  de  l'homme  (1867,  in-8). 

LEDUC  (Philibert),  littérateur  français,  né  à  Bourg  (Ain) 
en  1815.  Inspecteur  des  forêts,  il  est  connu  par  ses  études 
intéressantes  sur  la  région  de  l'Ain.  Citons  :  les  Noëls 
bressans  (Bourg,  1846,  in-12);  VEglise  de  Brou  (1857, 
in-J2)  ;  Papiers  curieux  d'une  faynille  de  Bresse  (Nan- 
tua,  1862,  in-16);    Varenne  de  Fenille,  sa  vie,  ses 
œuvres  (1869,  in-8)  ;  Curiosités  historiques  de  l'Ain 
(1878,  2  vol.  in-12)  ;  Histoire  de  la  Révolution  dans 
VAin  (1879-84,  6  vol.  in-12);    Sonnets  curieux  et 
sonnets  célèbres  (1878,  in-8)  ;  des  traductions  de  l'espa- 
gnol et  de  l'italien,  des  Sonnets  de  Pétrarque,  des  Buco^ 
tiques,  des  études  professionnelles,  etc. 
LE  DUCHAT  (V.  Duchat  [Le]). 
LEOUM  (Ledum  L.)  (Bot.).  Genre  de  plantes  Dicotylé- 
dones, de  la  famille  des  Ericacées,  essentiellement  caractérisé 
par  sa  corolle  polypétale.  Les  fleurs  sont  pentamères,  les 
étamines,  hypogynes,  au  nombre  de  5  ou  10  ;  les  anthères 
sont  introrses,  biloculaires  et  porricides.  L'ovaire,  libre,  a 
5  loges  multiovulées  et  le  fruit  est  une  capsule  septicide, 
à  placentation  centrale.  Les  espèces,  peu  nombreuses,  sont 
des  arbustes  de  l'hémisphère  boréal  des  deux  mondes, 
à  feuilles  alternes,  simples  et  coriaces,  à  inflorescences 
blanches  terminales,  ombelliformes.  Le  L.  palustre  L., 
connu  sous  les  noms  vulgaires  de  Romarin  sauvage  ou  de 
Bohême,  est  employé  pour  ses  feuilles  (folia  Ledi  s.  Ros- 
marini  sylvestris  des  pharmacopées  allemandes)  odorantes, 
aromatiques  et  résineuses  ;  on  les  place  dans  les  armoires 
et  les  celliers  pour  éloigner  les  rats,  les  teignes,  les  blattes  ; 
distillées  avec  de  l'écorce  de  bouleau,  elles  donnent  l'huile 
qui  sert  à  parfumer  le  cuir  de  Russie.  On  en  fait  des  lotions 
pour  guérir  la  gale  et  la  teigne  ;  on  leur  attribue  des  pro- 
priétés  parasiticides,  et  elles  entrent,  non  sans  inconvé- 
nient, dans  la  fabrication  de  certaines  bières.  —  Le  L,  la- 
tifolium  Lamk  sert,  en  Amérique,  à  préparer  des  infusions 
digestives,  les  thés  de  James  ou  du  Labrador.  Il  paraît 
doué  de  propriétés  pectorales,  toniques,  fébrifuges,  antidy- 
sentériques. Dr  L,   fjjj^ 
LEE.  Fleuve  de  Vlrlande  (V.  ce  mot,  t.  XX,  p.  949). 
LEE.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  et  cant. 
(E.)  de  Pau  ;  214  hab. 

LEE  (Rowland),  évêque  de  Coventry,  mort  à  Shrews- 
bury  le  28  janv.  1543.  R  entra  dans  la  vie  publique  en 
1528  sous  le  patronage  du  cardinal  Wolsey  ;  il  était  alors 
archidiacre.  Lee  concourut  avec  Wolsey  et  le  ministre 
d'Etat  Thomas  Cromwell  à  la  spoliation  des  monastères, 
ordonnée  par  Henri  VIII  au  profit  de  la  couronne.  Un  des 
principaux  agents  du  roi  et  du  ministère  dans  leurs  relations 
avec  le  clergé  et  dans  la  fameuse  affaire  du  divorce 
(V.  Henri -VIII),  il  s'employa  de  1528  à  1533  à  la  sup- 
pression des  couvents,  puis  célébra  en  1533  le  mariage 
secret  du  roi  et  d'Anne  Boleyn.  Grâce  à  ses  intrigues,  il 
réussit  à  gagner  à  sa  cause  les  «  Convocations  »  d'York 

71 


LEE  —  1122 

et  de  Canterbury,  qui  déclarèrent  illégal  le  premier  ma- 
riage de  Henri,  Lee  devint  évêque  de  Coventry  et  Lichfield 
le  1 9  avr.  i  534.  Il  fut  un  des  premiers  à  reconnaître  le 
roi  comme  chef  suprême  de  l'Eglise  d'Angleterre.  Il  dé- 
ploya une  volonté  de  fer  pour  réprimer  les  désordres 
causés  par  la  Réforme  dans  le  pays  de  Galles  et  ne  craignit 
pas  de  s'attaquer  aux  plus  hauts  personnages.  Il  protesta 
vivement  contre  la  transformation  des  marches  de  Galles 
en  comtés  anglais  et  retarda  pendant  plusieurs  années 
l'exécution  de  cette  mesure.  Il  entretint  toujours  une  cor- 
respondance très  étendue  avec  Cromwell  dont  il  éleva  le 
fils.  Ces  lettres  sont  au  Record  Office,  R.  S. 

LEE.  Célèbre  famille  américaine  de  l'Etat  de  Virginie. 
Son  fondateur  fut  Richard  Lee,  qui  vint  s'établir,  sous  le 
règne  de  Charles  P^,  entre  le  Potomac  et  la  Rappanock.  Ce 
fut  un  fervent  royahste,  qui  empêcha  la  Virginie  de  recon- 
naître le  protectorat  de  Cromwell. 

Son  arrière-petit-fils,  Richard-Henry,  né  à  Stratford 
le  20  juin  1732,  mort  le  19  juin  1794,  acheva  son  éduca- 
tion en  Angleterre.  Il  fut  avec  Patrick  Henry  le  chef  de 
l'opposition  contre  l'acte  du  Timbre  (1765),  fut  délégué  de 
la  Virginie  au  premier  Congrès  de  Philadelphie  (sept. 
1774)  cù  il  eut  un  rôle  dirigeant;  de  même  qu'il  avait 
rédigé  les  «  résolutions  »  de  la  période  précédente,  ce  fut 
lui  qui  écrivit  les  adresses  au  roi,  au  peuple  anglais,  si 
admirées  du  premier  Pitt.  11  déploya  la  plus  grande  énergie 
dans  la  préparation  de  la  guerre,  et,  le  7  juin  1776,  dans 
un  discours  fameux,  proposa  au  Congrès  de  déclarer  l'in- 
dépendance des  colonies  unies,  répudiant  toute  allégeance 
vis-à-vis  de  la  couronne  britannique.  En  1784,  il  présida 
le  Congrès  ;  il  devint  sénateur  pour  la  Virginie  et  fut  un 
adhérent  résolu  du  parti  fédéraliste  (V.  Etats-Unis).  Il  se 
retira  en  1792.  Son  arrière-petit-fils  R.-H.  Lee  a  publié 
sa  biographie  et  sa  correspondance  (Philadelphie,  1825, 
2  vol.). 

Son  frère  cadet  Arthur,  né  le  20  déc.  1740,  mort  le 
12  déc,  1792,  fit  ses  études  médicales  à  Edimbourg, 
exerça  en  Amérique,  retourna  en  Angleterre  pour  défendre 
dans  la  presse  la  cause  des  colons,  s'établit  en  1776  à 
Paris  où  il  fut  agent  secret  du  Congrès,  ami  de  Raynal  et 
de  La  Rochefoucauld,  comme  auparavant  de  Burke,  Wynd- 
ham  et  W.  Jones,  Il  rendit  de  grands  services  à  la  cause 
de  l'indépendance.  R.-H.  Lee  a  publié  sa  biographie  et  sa 
correspondance  (Boston,  1829,  2  vol.). 

Henry  Lee,  né  le  29  janv.  1756,  mort  à  Cumberland 
Island  (Géorgie)  le  25  mars  1811,  était  fils  d'un  cousin  des 
précédents.  Ce  fut  le  plus  brillant  officier  de  cavalerie  amé- 
ricain de  la  guerre  de  l'Indépendance;  il  couvrit  la  retraite 
de  Green  devant  Cornwallis,  se  distingua  aux  affaires  de 
Guiidorf  Court  House,  d'Entaw,  aux  sièges  des  forts  Wat- 
son.  Motte,  de  Granby,  d'Augusta  et  à  l'assaut  du  fort 
Griesson.  Il  fut  ensuite  députe  de  Virginie  au  Congrès,  puis 
gouverneur  de  l'Etat  et  publia  :  Memoirs  of  the  war  in 
the  Southern  department  ofthe  United  States  (1809). 
Robert- Edward,  né  à  Stratford  le  19  janv.  1807, 
mort  le  12  oct.  1870,  fils  du  précédent,  le  plus  remarquable 
des  généraux  américains  de  la  guerre  de  la  Sécession. 
Elève  de  l'Académie  militaire  de  West  Point,  il  entra  dans 
le  génie,  y  était  capitaine  lors  de  la  guerre  du  Mexique, 
se  distingua  sous  les  ordres  de  Wool  et  reçut  le  grade  de 
colonel  et  la  direction  de  l'Académie  de  West  Point  (1852). 
Il  fit  avec  Mac  Clellan  un  voyage  en  Europe  lors  de  la 
guerre  de  Crimée.  Il  était  commandant  en  chef  à  Washing- 
ton quand  la  Virginie  fit  sécession  (avr.  186Î).  Il  fut  pré- 
posé aux  troupes  virginiennes,  nommé  major  général  de 
l'armée  confédérée  (mai  1861)  et  bientôt  après  général  en 
chef  par  Jefierson  Davis.  Cependant  il  dut  céder  ce  poste 
à  Beauregard  ;  mais,  après  sa  retraite  et  la  blessure  de 
J.  Johnston,  Lee  reprit  le  commandement  de  l'armée  du 
Sud  au  printemps  de  1862.  Il  y  déploya  les  plus  remar- 
quables qualités,  repoussa  en  juil.  1862  l'attaque  de  Mac 
Clellan   sur  Richmond,  défit  Pope  sur  le  Rappahanock 
(29  août  1862),  entra  dans  le  Maryland  et  tint  tête  à 


Antietam  aux  forces  doubles  de  Mac  Clellan  (17  sept.).  Il 
se  replia  derrière  le  Potomac,  vainquit  Burnside  à  Frede- 
ricksburg  (13  déc.  1862).  Il  infligea  à  Hooker  une  san- 
glante défaite  à  Chancellorsville  (2  et  3  mai  1863)  et 
reporta  la  guerre  dans  le  Nord.  Il  fut  battu  à  Gettysburg 
par  des  forces  supérieures  (1-3  juil.  1863),  mais  fit  une 
si  belle  retraite  que  nul  n'osa  le  poursuivre.  Dans  l'année 
1864,  il  fit  une  campagne  de  onze  mois  qui  fut  un  chef- 
d'œuvre  de  défensive  méthodique.  Ce  ne  fut  que  le  2  avr. 
1865  qu'on  l'obligea  à  évacuer  Richmond  ;  huit  jours 
après,  il  mit  bas  les  armes  à  Appomattox  Court  House.  On 
trouvera  des  détails  sur  ces  admirables  campagnes  dans 
l'art.  Etats-Unis,  t.  XVI,  pp.  618-626).  La  noblesse  de  ca- 
ractère de  Lee  le  fit  adorer  de  ses  soldats  et  honorer  de  ses 
adversaires.  H  acheva  sa  vie  dans  les  modestes  fonctions 
de  directeur  du  collège  Washington  à  Lexington.  Il  avait 
épousé  la  petite-fille  adoptive  et  héritière  de  Washington. 
Long  a  publié  ses  Mémoires  (Londres,  1882).  A. -M.  B. 
BiBL.:  CooKE,  Life  ofgen.  Lee;  New  York,  1887,  nouv. 
éd.  —  Lee-Childe,  le  Général  Lee,  sa  vie  et  ses  cam- 
pagnes; Paris,  1874.  —  Taylor,  Four  Years  with  qen. 
Lee  ;  New  York,  1882.  ^ 

LEE  (Nathaniel),  auteur  dramatique  anglais,  né  vers 
1653,  mort  en  mai  1692.  D'abord  acteur  en  1672,  sans 
beaucoup  de  succès,  il  s'adonna  à  la  composition  de  tra- 
gédies qui  réussirent  pour  la  plupart.  Il  s'inspire,  mais 
avec  une  grande  liberté,  de  la  littérature  classique.  Nero 
en  1675,  GloiHanaet  Sophonisbe  m  i()l 6  commencèrent 
sa  réputation.  En  1671,  il  donna  son  chef-d'œuvre,  The 
Rival  Queens,  or  the  death  of  Alexander  the  Great, 
Cette  tragédie,  remarquable  par  la  sincérité  et  la  chaleur 
des  passions,  fut  très  admirée.  En  1678,  il  donna  Mithri- 
date,  puis  collabora  avec  Dryden  à  une  adaptation  de 
VOEdipe,  de  Sophocle,  qui  fut  représentée  avec  succès. 
En  1680,  il  publia  César  Borgia  et  Theodosius  or  the 
Force  of  the  love.  En  1681,  Lucius  Junius  Brutus, 
the  father  of  his  country,  fut  interdite,  l'auteur  ayant 
représenté  Charles  II  dans  l'efféminé  et  immoral  Tarquin. 
Il  écrivit  alors  une  comédie,  Princesse  of  Cleve,  tirée  du 
roman  de  M"^^  de  Lafayette,  En  1682,  nouvelle  allusion 
politique  dans  The  Duke  of  Guise,  où  le  duc  d'York  est 
représenté  ;  cette  pièce  suscita  d'âpres  polémiques.  En  1684, 
Lee  donna  sa  dernière  tragédie,  Constantine  the  Great, 
avec  épilogue  de  Dryden.  Ses  habitudes  d'intempérance  le 
menèrent  à  la  folie  ;  il  fut  enfermé  à  l'hôpital  de  Bethlehem 
en  nov.  1684  ;  il  y  resta  cinq  ans.  Ses  ouvrages  renferment 
de  grandes  beautés  à  côté  d'extravagances  et  de  fautes  de 
style.  R.  S, 

BiBL,  :  Genest,  Account  of  the  stage.  —  Theophilus 
CiBBER,  Lives  of  the  Poets.—  Colley  Cibber,  Apology.— 
Beljamé,  le  Public  et  les  hommes  de  lettres;  Paris,  1881. 
LEE  (George),  homme  politique  anglais,  né  en  1700, 
mort  le  18  déc.  1758.  D'abord  avocat,  il  devint  membre 
du  Parlement  en  1732,  président  du  comité  des  élections 
et  des  privilèges  en  1741,  charge  dans  laquelle  il  contri- 
bua à  la  chute  du  ministère  Walpole,  fut  nommé  lord  de 
l'amirauté  en  1742,  conseiller  du  prince  de  Galles  Fré- 
déric, et,  à  la  mort  de  ce  prince,  trésorier  de  sa  veuve. 
Juge  de  la  «  Prérogative  Court  »  de  Canterbury,  en  1751, 
conseiller  privé  en  1752,  il  mourut  chancelier.  Orateur 
éloquent,  il  a  laissé  quelques  écrits.  Deux  volumes  de  ses 
Jugements  ont  été  édités  en  1833.  R.  S. 

LEE  (John),  acteur  anglais,  mort  en  1781.  Il  débuta  en 
1 745  au  théâtre  de  Léman  Street,  joua  successivement  à 
Drury  Lane,  à  Covent  Garden  et  dirigea  un  théâtre  à  Edim- 
bourg et  à  Bath.  Ses  principaux  succès  furent  les  rôles  de 
Claudio,  de  Shylock,  de  Rosse,  d'Iago,  d'Aman,  dans  les 
drames  de  Shakespeare,  Il  publia  de  ridicules  adaptations 
et  abréviations  des  chefs-d'œuvre  de  ce  maître,  tels  que  le 
Marchand  de  Venise,  Roméo  et  Juliette,  Macbeth.  Outre 
ces  écrits,  on  a  de  lui  :  Address  to  the  Public  (Edim- 
bourg, 1767)  ;  An  Address  to  thejudges  and  the  public 
(Londres,  1772,  in-8)  et  une  série  de  lettres  relatives 
au  théâtre  d'Edimbourg.  R.  S. 

BiBL.  :  Genest,  Account  of  the  English  Stage.  —  Bio- 


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LEE  —  LEEB 


graphia  dramatica.  —  Lowe,  Account  of  english  theatri- 
cal  literature. 

LEE  (Charles),  général  anglo-américain,-  né  à  Dernhall 
(comté  de  Chester)  en  1731,  mort  à  Philadelphie  le  2  oct. 
1782.  Dernier  fils  du  colonel  G.  Lee,  il  entra  dans  l'armée 
à  onze  ans,  fit  brillamment  campagne  en  Amérique  de 
1754  à  1760  et  en  Portugal  (1762).  Son  avancement 
étant  retardé  par  son  caractère  bouillant  et  sarcastique,  il 
passa  sur  le  continent,  devint  aide  de  camp  du  roi  de  Po- 
logne (1766),  fit  campagne  dans  l'armée  russe  (1769), 
tua  un  officier  en  duel  en  Italie,  revint  en  Angleterre  oîi 
il  se  donna  pour  l'auteur  des  lettres  de  Junius  (1773), 
passa  cette  même  année  en  Amérique,  où  sa  réputation 
d'opposant  lui  valut  un  excellent  accueil.  Son  adresse  To 
ail  reasonable  Americans  eut  un  vif  succès.  Il  acheta 
près  du  domaine  de  Gates,  en  Virginie,  une  propriété  de 
960  hect.  Quand  le  Congrès  organisa  son  armée,  Ch.  Lee 
y  reçut  en  juin  1775  le  rang  de  second  major  général  (le 
premier  étant  Ward).  Il  visita  les  défenses  de  Newport, 
New  York,  de  la  Virginie,  assista  à  l'heureuse  défense  de 
Charleston  par  Moultrie  dont  on  lui  attribua  le  mérite  bien 
qu'il  l'eût  paralysée  par  son  incapacité;  rappelé  au  N.,  il 
dirigea  l'évacuation  de  New  York  et  couvrit  la  retraite  de 
Washington,  voulut  opérer  seul  et  fut  surpris  et  fait  pri- 
sonnier par  un  parti  de  cavaliers  anglais  le  13  déc.  1776. 
Pour  sauver  sa  tête,  il  trahit  les  Américains  et  rédigea 
un  plan  de  campagne  contre  eux  (retrouvé  et  publié  par 
G. -H.  Moore,  The  Treason  ofCh.  Lee^  dans  Soc.  hist.  de 
New  York^  juin  1858).  Echangé  en  mai  1778  contre  Pres- 
cott,  son  inaction  et  son  insubordination  le  firent  suspendre, 
puis  révoquer.  A. -M.  B. 

LEE  (Anna),  fondatrice  de  la  secte  des  shakers,  née  en 
1736,  morte  en  1784.  Les  shakers  (les  trembleurs),  qu'il 
ne  faut  pas  confondre  avec  les  quakers  (V.  Fox),  tirent 
leur  nom  des  mouvements  plus  ou  moins  violents  dont  les 
fidèles  accompagnent  les  prières  dans  leurs  réunions 
religieuses.  Ces  mouvements  vont  jusqu'à  la  danse  et  la 
convulsion.  Ce  sont,  paraît-il,  des  symboles  exprimant  la 
crainte  de  la  Divinité  ou  la  joie  d'être  délivrés  du  péché, 
grâce  à  l'intervention  de  Jésus-Christ.  Le  fond  de  la  doc- 
trine des  shakers  se  rattache  intimement  à  la  personne 
d'Anna  Lee,  en  qui  les  premiers  disciples  révéraient  la 
fiancée  de  l'Agneau,  mère  du  Messie  à  venir.  Quoique  la 
bienheureuse  Anna  soit  morte,  sans  avoir  donné  au  monde 
le  libérateur  promis,  la  secte  n'en  continue  pas  moins  à 
prospérer  aux  Etats-Unis,  sur  les  bords  de  l'Hudson.  Les 
shakers  se  vouent  au  célibat  et  pratiquent  la  commu- 
nauté des  biens. 

LEE  (Sophia),  femme  de  lettres  anglaise,  née  à  Londres 
en  1750,  morte  à  Clifton  le  13  mars  1824,  fille  de  John 
(V.  ci-dessus).  Le  Père  de  Famille  de  Diderot  lui  donna 
l'idée  de  sa  première  pièce,  The  Chapter  of  Accidents ^^  qui 
eut  un  grand  succès  (1780)  et  a  été  traduite  en  français  et 
en  allemand.  Elle  s'établit  ensuite  maîtresse  de  pension  à 
Bath.  Ses  nouveaux  devoirs  ne  l'empêchèrent  pas  de  publier 
un  roman,  The  Recess  (1784);  une  tragédie,  Almeyda, 
Queen  of  Grenada;  une  comédie,  The  Assignation^  et 
plusieurs  autres  ouvrages  de  moindre  importance. 

LEE  (llarriet),  femme  de  lettres  anglaise,  née  à  Londres 
en  1756,  morte  à  Clifton  le  1^^  août  1851 .  Sœur  cadette 
de  la  précédente,  elle  lui  est  bien  supérieure  en  talent.  Tout 
en  aidant  sa  sœur  à  tenir  une  école  à  Bath,  elle  écrivit 
plusieurs  romans,  tels  que  The  Errors  of  Innocence  (1786, 
5  vol.);  Clara Lennox  (1797,  2  vol.),  qui  fut  traduit  en 
français,  et  surtout  The  Canterbury  Taies  (1797-1805, 
5  vol.),  dont  le  titre  seul  rappelle  l'œuvre  célèbre  deChau- 
cer.  Elle  composa  deux  drames  :  The  New  Peerage  et 
The  Three  Sirangers. 

LEE  (George- Augustus),  industriel  et  mécanicien  an- 
glais, frère  des  précédentes,  né  en  1761,  mort  en  1826. 
A  la  tête  d'une  des  principales  filatures  de  coton  de  Man- 
chester, il  fut  l'un  des  premiers,  parmi  les  grands  indus- 
triels, qui  se  servit  dans  sa  manufacture  de  machines  à 


vapeur.  Il  apporta  ensuite,  avec  l'aide  de  son  associé 
Phillips,  d'importants  perfectionnements  dans  leur  méca- 
nisme, et  il  en  construisit  quelques  modèles  nouveaux,  qui 
dépassaient,  comme  régularité  et  comme  économie,  tout 
ce  qu'on  avait  vu  jusque-là.  Ce  fut  lui  également  qui  ima- 
gina le  chauffage  des  ateliers  par  la  vapeur  et  qui,  dès 
l'invention  du  gaz  d'éclairage  par  l'ingénieur  français  Lebon, 
donna  en  Angleterre  l'exemple  de  son  emploi.        L.  S. 

LEE  (Sarah,  Mrs.  Bowdigh),  femme  de  lettres  et  artiste 
anglaise,  née  à  Colchester  en  1791,  morte  à  Ërith  le  23  sept. 
1856,  Fille  de  John-Eglinton  Wallis,  elle  épousa  en  1813 
Thomas-Edward  Bowdich,  le  naturaliste,  et  l'accompagna 
dans  ses  explorations  en  Afrique.  Pendant  un  séjour  qu'elle 
fit  à  Paris,  elle  se  lia  avec  Guvier,  dont  elle  écrivit  plus 
tard  une  biographie  très  sympathique  (1 833).  Veuve  depuis 
1824,  elle  avait  épousé  en  1829  Robert  Lee,  d'où  le  nom 
sous  lequel  elle  est  connue.  Elle  a  laissé  des  livres  de  vulga- 
risation scientifique  et  des  relations  de  voyage. 

LEE  (Robert))  accoucheur  anglais,  né  à  Melrose  (Rox- 
burg,h)  en  1793,  mort  à  Surbiton  Hill  le  6  févr.  1877.  Il 
étudia  à  Edimbourg  et,  après  un  voyage  en  Russie,  devint 
en  1827  médecin  de  la  Maternité  de  Londres,  en  1834, 
professeur  à  l'université  de  Glasgow  et  peu  après  à  l'hôpi- 
tal Samt-George  de  Londres  et  enseigna  là  jusqu'en  1866. 
Lee  était  anatomiste  et  physiologiste  autant  qu'accoucheur. 
Il  a  laissé  de  nombreux  et  excellents  ouvrages  ;  les  plus 
importants  sont  :  The  Morbid  Anatomy  ofthe  utérus,  etc. 
(Londres,  1838,  in-fol.);  Pathol,  observ.  on  thediseases 
ofthe  utérus  (Londres,  184049,  in-fol.);  The  Anatomy 
of  the  nerves  of  the  utérus  (Londres,  1841,  in-fol.)  ; 
Mem,  on  the  ganglia  and  nerves  of  the  utérus  (Londres, 
1849,  in-4)  ;  Mem.  on  the  gangl.  a  the  nerves  of  the 
heart  (Londres,  1851,  in-4);  A  Treatise  on  hysteria 
(Londres,  1871),  etc.  D^  L.  Hn. 

LEE  (Frédéric-Richard),  paysagiste  anglais,  né  à  Barn- 
staple  en  juin  1798,  mort  au  cap'  de  Bonne-Espérance  le 
4  juin  1879.  D'abord  officier,  il  avait  servi  à  Waterloo. 
Très  apprécié  surtout  comme  mariniste,  il  fut  élu  à  l'Aca- 
démie royale  en  1838.  Il  a  envoyé  à  Paris  le  Braconnier 
(Expos,  univers,  de  1855). 

LEEA  (Leea  L.)  (Bot.).  Genre  de  Dicotylédones,  de  la 
famille  des  Ampélidacées,  peu  différent  delà  vigne.  La  fleur 
est  pentamère  et  réguhère,  gamosépale  et  gamopétale;  l'an- 
drocée  monadelphe;  l'ovaire  supère,  3-6-loculaire ,  avec 
un  ovale  ascendant  dans  chaque  loge;  le  fruit  charnu,  les 
graines  albuminées.  Les  Leea  sont  des  arbustes  ou  des 
arbres  à  feuilles  alternes,  pennées  ou  décomposées,  à  pé- 
tiole dilaté  en  gaine,  sans  vrilles,  à  fleurs  disposées  en 
grappes  de  cymes,  oppositi foliées.  Ils  habitent  les  régions 
chaudes  de  l'ancien  monde  ;  quelques-uns  sont  cultivés  dans 
nos  serres.  Espèces  principales  :  L.  sambiicina  Wight 
(AqiUlicia  sambucina  L.)  ;  c'est  le  bois  de  source  de 
l'île  Bourbon.  Dans  les  Indes  orientales  on  emploie  le  suc 
des  jeunes  feuilles  pour  faciliter  la  digestion  et  l'on  fait  des 
fumigations  avec  la  décoction  des  feuilles  contre  les  dou- 
leurs de  la  goutte,  etc.  La  racine  s'emploie  en  décoction 
contre  les  douleurs  d'estomac  et  les  coliques.  Avec  le  bois 
on  prépare  une  infusion  rafraîchissante.  Les  baies  ren- 
ferment un  suc  violet,  caustique.  Les  fruits  du  L.  rubra 
Bl.  sont  employées  à  Java  comme  antidysentérique.  Les 
L.  flirta  Hornem.  et  L.  speciosa  Jacq.  jouissent  de  pro- 
priétés semblables.  Les  fruits  de  quelques  espèces  passent 
pour  comestibles.  D''  L.  Un. 

LEEB  (Johann),  sculpteur  allemand,  né  à  Memmingen 
le  i"'  sept.  1790,  mort  à  Munich  le  5  juil.  1863.  D'abord 
simple  tailleur  de  pierre,  il  vint  étudier  la  sculpture  à 
Paris,  et  travailla  à  l'escalier  du  Louvre  et  au  Panthéon. 
Il  exécuta  ensuite  à  Munich  des  modèles  pour  la  Glypto- 
thèque,  et,  sa  statue  de  Léda  lui  ayant  valu  d'être  envoyé 
à  Rome,  il  y  fit  son  bas-relief  des  Heures  et  Pégase.  A 
son  retour  de  Naples,  où  il  avait  fréquenté  Tatelier  de 
ïhorwaldsen,  il  se  fixa  à  Munich  (1826).  Parmi  ses  œuvres 
ultérieures,  nous  citerons  :  un  Hylas,  um  Psyché,  VEvan 


LEEB  —  LEES  —  4424 

géliste  saint  Matthieu,  un  grand  bas-relief  représen- 
tant des  scènes  de  V Odyssée^  des  bustes  pour  la  chapelle 
de  la  reine  Catherine  de  Wurttemberg  sur  le  Rothenberg, 
près  de  Stuttgart,  les  bustes  de  Boerhaave,  de  Stem, 
de  Botzaris,  de  Paganini^  le  Monument  de  r Union,  à 
Genève,  la  Fontaine  des  Danaïdes^  ta  Nuit  de  t'Esca- 
lade, etc. 

LEECH  (John),  dessinateur  anglais,  né  à  Londres  en 
4817,  mort  le  29  oct.  4864.  Il  débuta  en  illustrant  des 
livres,  et  fut  attaché  au  Punch,  journal  de  caricatures, 
dont  il  fit  la  célébrité.  Il  excella  dans  la  satire  de  la 
mode  et  la  représentation  humoristique  de  la  vie  populaire 
de  Londres.  Il  a  dessiné  pour  le  Punch  des  almanachs, 
romans,  livres  de  sport,  plus  de  50,000  planches.  Un 
choix  en  a  été  publié  :  Pictures  of  life  and  character 
(4884). 

•  BiBL.  :  Brown,  John  Leech  ;  Londres,  1882.  ~  Kitton, 
J.  Leech,  arlist  and  humorist  ;  Londres,  1884. 

LEEDS.  Ville  d'Angleterre,  comté  d'York  (West  Ri- 
ding),  sur  l'Aire,  affl.  dr.  de  l'Ouse;  375,540  hab.  C'est 
une  des  plus  grandes  villes  de  l'Angleterre,  au  centre 
d'un  district  minier  et  d'un  réseau  de  voies  navigables  et 
ferrées.  Elle  s'étend  sur  les  deux  rives  (principalement  à 
gauche)  de  l'Aire  que  traversent  de  nombreux  ponts.  La 
vieille  ville  est  bâtie  irrégulièrement  avec  des  ruelles  étroites, 
sinueuses,  sombres  ;  au  centre  et  àl'O.,  les  quartiers  neufs 
sont  bien  aérés  par  de  larges  rues  et  de  grandes  places  ;  le 
quartier  du  N.  occupe  les  pentes  d'une  colline  ;  au  S. 
s'étendent  les  populeux  faubourgs  de  Holbeck  et  Hunslet. 
Le  centre  des  affaires  est  la  rue  de  Briggate.  Leeds  a  deux 
beaux  parcs  (Rowndlay  Park  et  Woodhouse  Moor)  ;  de 
vastes  réservoirs  l'alimentent  d'eau,  prise  dans  le  vallon 
du  Waehburne.  Ses  principaux  monuments  sont  l'église 
Saint-John  qui  date  de  J  634  ;  l'hôtel  de  ville,  de  style 
grec,  achevé  en  4858  ;  les  halles  aux  draps,  la  Bourse,  le 
tribunal,  un  hôpital  bâti  par  Gilbert  Scott,  en  style  gothique 
français  (achevé  en  1867),  etc.  Parmi  les  écoles  on  cite 
celle  de  grammaire  fondée  en  1562  et  l'école  professionnelle 
(Yorkshire  Cottege),  la  bibliothèque  fondée  par  Priestley 
(4768),  etc.  Ses  concerts  musicaux  ont  une  réputation  con- 
sidérable en  Angleterre.  Nous  avons  signalé  dans  l'art. 
Grande-Bretagne  l'importance  industrielle  de  Leeds. 
C'est  le  centre  de  fabrication  des  toiles,  des  lainages  et  des 
cuirs.  Les  filatures  et  tissages  occupent  près  de  30,000  ou- 
vriers, le  travail  du  fer  et  la  construction  des  machines  en 
occupent  moitié  autant.  Les  draps  sont  fabriqués  dans  les 
faubourgs  dont  quelques-uns  assez  éloignés  (Pudsley, 
Farsley,  Rawden,  Yeadon,  Horsforth,  Guiseley)  ;  à  Leeds 
on  les  prépare.  La  vente  jadis  concentrée  dans  les  deux 
halles  aux  draps  s'est  décentrahsée.  Les  filatures  de  toile 
sont  surtout  dans  le  faubourg  d'Holbeck  où  on  les  installa 
à  la  fin  du  xviii*^  siècle.  La  confection,  la  bonneterie,  la 
cordonnerie  ont  aussi  une  grande  extension.  Le  quart  de  la 
population  travaille  dans  les  fabriques.  La  poterie  artis- 
tique, jadis  célèbre,  a  disparu  au  début  de  ce  siècle.  Leeds 
communique  avec  la  mer  occidentale  par  le  canal  de  Leeds 
à  Liverpool,  creusé  de  1 770  à  1 816,  reliant  l'Aire  à  la  Mer- 
sey  (longueur,  208  kil.;  largeur,  12  m.;  profondeur,  l'^50  ; 
ait.  maxima,  22  m.);  avec  la  mer  orientale  par  l'Aire, 
l'Ouse  et  l'Humber,  vers  Hull  ;  parleCalder  on  gagne  Ha- 
lifax. Leeds  occupe  aussi  une  position  centrale  dans  la 
Grande-Bretagne,  et  des  chemins  de  fer  rayonnent  dans 
toutes  les  directions  par  York,  Wakefield,  Bradford,  Ot- 
ley,  etc.  —  A  2  kiL  de  la  ville  sont  les  ruines  de  Pab- 
baye  de  Kirkstall, 

Leeds  remonte  à  l'époque  romaine  ;  son  nom  (Loidis) 
est  anglo-saxon.  Le  château,  qui  s'élevait  au  lieu  dit  Mill 
mil,  fut  assiégé  par  le  roi  Etienne  en  1139.  Richard  II 
y  fut  emprisonné  (1399).  Au  xvi®  siècle  s'établirent 
les  premières  manufactures.  Charles  P'^  conféra  à  la  ville 
des  privilèges  ;  Charles  II  lui  octroya  les  franchises 
qu'elle  possède  encore.  En  4851,  elle  n'avait  encore  que 
472,270  hab.  A. -M.  B. 


LEEDS  (Ducs  de)  (V.  Osrorne). 
LEEM  (Knud  ou  Canut),  missionnaire  et  philologue  nor- 
végien, né  à  Sœndmœre  en  4697,  mort  à  Trondhjem  en 
4774.  Fils  d'un  pasteur  norvégien,  il  étudia  d'abord  à 
Copenhague,  fut,  de  4715  à  1725,  précepteur  ou  vicaire 
en  Norvège,  se  rendit  ensuite  comme  missionnaire  à  Por- 
sanger  (Finmark),  d'où  il  passa  comme  pasteur,  en  1728, 
à  Alten,  et  en  1734  à  Agvaldsnœs.  En  1752,  il  fut 
nommé  professeur  au  seminarium  Lapponicum  Fride- 
ricianum  de  Trondhjem.  Il  a  laissé  sur  le  lapon  un  cer- 
tain nombre  d'ouvrages  estimés  :  Lappisk  grammatica 
(Copenhague,  1748;  remaniée,  en  1832,  par  Rasmus 
Rask);  Lappisk  no  mène  lator  (Trondhjem,  1756);  Livre 
de  prières  en  lapon  (1764)  ;  Catéchisme  de  Luther  en 
lapon;  Description  des  Lapons  du  Finmark  norvégien 
(en  danois,  1767;  en  allemand,  à  Leipzig,  1774)  ;  Lexi- 
con  lapponico-danico-latinum  (1768;  continué,  pour 
la  deuxième  partie  :  Lexicon  danico-latino-lapponicum, 
par  Sandberg,  1781).  Th.  C. 

LEEM  AN  S  (Conrad),  archéologue  hollandais,  né  à  Zalt- 
Bommel  le  28  avr.  1809.  Il  devint  directeur  du  musée  de 
Leyde  et  se  voua  spécialement  aux  études  égyptologiques  ; 
il  y  acquit  bientôt  une  réelle  autorité  et  publia  un  grand 
nombre  d'ouvrages  remarquables;  nous  citerons  notamment 
une  édition  des  Hieroglyphica  à'^ov2i.^o\h  (Leyde,  1835, 
in -8)  et  les  Monuments  égyptiens  du  Musée  des  an- 
tiques de  Leyde  {id.,  1835-82,  28  livr.  in-foL);  Monu- 
numents  égyptiens  portant  des  légendes  royales  (id., 
1 828,  in-8)  ;  Papyri  grœci  musœi Lugduni-Batavi  [id,, 
1843,  in-8)  ;  Mémoires  sur  la  peinture  des  anciens  (id,, 
1854,  in-8);  Bourou-Boudor  (iSl3),  elc, 
LEENA  (V.  Le^na). 

LEENBERG  (Axel-Daniel),  poète  suédois,  né  proba- 
blement à  Venersborg  vers  4705,  mort  fonctionnaire  de 
l'armée  à  Gôteborg  en  4744.  Ses  œuvres  poétiques,  dont 
on  loue  la  douceur,  furent  fort  estimées  de  son  temps  : 
Brama,  sorte  d'opéra  joué  le  8  nov.  1734;  Esther,  texte 
pour  l'oratorio  de  Hsendel  ;  Elégies  sur  la  mort  de  Sinclair, 
sur  la  mort  de  la  reine  Ulrique  Eléonore,  etc.     Th.  C. 

LEENHARDT  (Max),  peintre  français  contemporain,  né 
à  Montpellier  en  1853.  Elève  de  Michel  et  de  Cabanel,  il 
s'est  distingué  dans  le  genre  et  le  portrait.  On  cite,  parmi 
ses  œuvres  principales:  Aurore  (4880);  Meurtre  dans 
un  village  (1882);  Martyrs  de  la  Bé forme  (1884)  ; 
Entre  nous  (1885);  Prisonniers  huguenots  à  la  tour 
de  Constance;  Aigues-Mortes  (1892). 

LEENHOFF  (Ferdinand),  sculpteur  et  graveur  hollan- 
dais contemporain,  né  à  Zalt-Bommel  (Hollande),  gendre  du 
graveur  Alphonse  François  et  beau-frère  du  peintre  Manet. 
Cet  artiste  est  Fauteur  de  nombreux  bustes  en  terre  cuite 
et  d'une  statue  de  Guerrier  au  repos,  dans  le  goût  de 
l'antique. 
BiBL. :H.  Beraldi,  les  Graveurs  du  xix«  siècle. 
LEER.  Ville  de  Prusse,  ch.-l.  de  cercle  du  district 
d'Aurich  (Frise  orientale),  sur  la  Leda  (affl.  de  l'Ems)  ; 
11,000  hab.  Belle  église.  Papeteries,  fonderies,  distille- 
ries; grandes  foires  de  bestiaux.  Ce  port  fluvial  est  le 
principal  du  bassin  de  l'Ems;  son  mouvement  atteint 
150,000  tonnes.  Auprès  est  la  butte  artificielle  du  Ply- 
tenberg  (25  m.  de  haut).  Ancienne  capitale  des  princes  du 
Moormerland,  Leer  fut  conquise  en  1431  par  Enno  de 
Gretsyl  et  annexée  à  la  Frise  orientale. 

LEERS.Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  de  Lille,  cant.  de 
Lannoy;  3,680  hab. 

LEES-Ati{âs.  Corn,  du  dép.  des  Basses-Pvrénées,  arr. 
d'Oloron,  cant.  d'Accous  ;  602  hab. 

LEES  (Sir  Harcourt),  pamphlétaire  anglais,  né  le 
29  nov.  1776,  mort  à  Blackrock,  près  de  Dublin,  le  7  mars 
1852.  Ministre  protestant,  il  pubha  plusieurs  pamphlets 
sur  la  supériorité  du  protestantisme;  ses  écrits  se  distin- 
guent par  une  extrême  animation  de  style.  Les  principaux 
sont:  The  Antidote  (Dubhn,  1819,  in-8)  ;  Strictures 
on  the  Rev.  Lieutenant  StennetVs  Hint  to  Sir  Har- 


—  1425 


LEES  -  LEEUWIN 


coîirt  Lees  by  the  Anti-Jacobin  Briiish  review  for  Sep- 
tember  (Dublin,  1820,  in-8),  livre  qui  est  précédé  d'une 
introduction  contenant  une  lettre  importante  d'un  Gentle- 
man educater  and  intended  for  the  Popish  Pries- 
thood  ;  An  Address  to  the  King's  friends  throughout 
the  British  Empire  on  the  présent  Aivful  andCritical 
State of  Great Britain  (Dublin,  1820,  in-8);  A  Cursory 
View  of  the  Présent  State  ofireland  (Dublin,  1821, 
in-8);  Trial  of  Sir  Rarcourt  Lees  (Dublin,  in-8). 

LEES  (William-Nassau),  orientaliste  anglais,  né  le 
26  févr.  1825,  mort  à  Londres  le  9  mars  1889,  fils  du  pré- 
cédent. Il  fit  toute  sa  carrière  militaire  aux  Indes,  où  il  avait 
débuté  en  1846,  et  s'éleva  jusqu'au  grade  de  major  général 
en  1881  Orientaliste  distingué,  il  occupa  une  chaire  au 
collège  de  Calcutta.  Propriétaire  du  journal  Times  of 
India,  il  y  donna  de  nombreux  articles  politiques,  mili- 
taires, économiques.  Citons  parmi  ses  ouvrages  :  Commen- 
tary  of  Az  Zamakhshari  History  of  Caliphs  (1836)  ; 
Book  of  anecdotes,  pleasantries,  rarities  and  use  fui 
extracts  (1856);  Instruction  in  Oriental  Languages 
(1857)  ;  The  Drain  ofSilverto  theEast  (1863)  ;  Landand 
Labour  in  India  (1867);  Indian  Mussulmans  (1871). 

LEEUW-Saint-Pierre.  Gom.  de  Belgique,  prov.  de  Bra- 
bant,  arr.  de  Bruxelles;  6,000  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  de  Bruxelles  à  Paris.  Filatures,  fabriques  d'étoffes  de 
laine  et  de  coton,  distilleries,  fabriques  d'huile.  Leeuw- 
Saint-Pierre  est  le  lieu  de  naissance  du  fameux  hagiographe 
Thomas  de  Cantimpré  (1201-80). 

LEEUW  (Albert de) ou  ELBERTUS  Leoninus, juriscon- 
sulte et  diplomate  belge,  né  à  Bommel  en  1519,  mort  à 
Arnhem  en  1598.  Il  fut  successivement  Pélève  de  Macrope- 
dius  à  Utrecht,  de  Breidenbach  à  Emmerich  et  de  Pierre 
Nanning  au  collège  des  Trois-Langues  à  Louvain.  Docteur  en 
droit  depuis  1550,  il  devint  professeur  à  Louvain  et  y  occupa 
pendant  de  longues  années  la  chaire  de  droit  civil.  Il  jouis- 
sait d'une  grande  réputation  de  science  et  d'indépendance 
d'esprit;  aussi  le  consultait-on  de  toutes  parts  et  fut-il 
mêlé  à  la  plupart  des  grandes  affaires  de  son  temps.  Il 
prêcha  toute  sa  vie  la  tolérance,  désapprouvant  les  excès 
des  sectaires  et  condamnant  hautement  les  persécutions;  il 
fut  le  fidèle  serviteur  du  gouvernement  jusqu'en  1579; 
cette  année-là,  considérant  les  actes  de  Philippe  II  comme 
néfastes  pour  son  pays,  il  se  démit  de  ses  fonctions  et  se 
retira  en  Hollande.  Il  avait  joué  un  grand  rôle  dans  les 
négociations  qui  aboutirent  à  la  pacification  de  Gand  en 
1576,  et  il  ne  quitta  les  provinces  méridionales  qu'après 
avoir  épuisé  tous  les  moyens  de  conciliation.  En  Hollande, 
il  embrassa  les  doctrines  calvinistes.  Il  fut  ambassadeur 
des  Provinces-Unies  auprès  de  Henri  III,  puis  à  la  cour 
d'Elisabeth  d'Angleterre  et  rendit  dans  ces  deux  missions 
des  services  signalés  aux  Etats-Généraux.  DeLeeuw  a  laissé 
quelques  ouvrages  de  droit  estimés.  Les  plus  importants 
ont  été  publiés  après  sa  mort.  Ce  sont  :  Emendationum 
sive  observationum  libri  septem  (Arnhem,  1640,  in4) 
et  Dissertatio  de  Trapezitis  Belgii,  vulgo  Lombardis 
(Leyde,  1640,  iu-8).  E.  H. 

BiBL.  :  FoppENS,  Dibl.  belgica;  Matines,  1739,  2  vol. — 
Gœthals,  Histoire  des  lettres  en  Belgique;  Bruxelles, 
1840,  4  vol.  in-8.  —  Gachard,  Corresp.  du  Taciturne; 
Bruxelles,  1847,  6  vol.  in-8.  —  Juste,  Histoire  du  soulè' 
vement  des  Pays-Bas  contre  l'Espagne;  Bruxelles,  1885, 
5  vol.  in-8. 

LEEUWARDEN.  Ville  des  Pays-Bas,  ch.-l.  de  la  pr^v. 
de  Frise,  sur  le  grand  canal,  entre  Groningue  et  Harlin- 
gen  ;  30,949  hab.  La  ville  est  coupée  de  nombreux  ca- 
naux ;  elle  renferme  de  beaux  monuments  :  douze  églises 
parmi  lesquelles  Saint-Jakob  où  se  trouvaient  (avant  1795) 
les  tombeaux  des  administrateurs  de  la  Frise  ;  le  château 
de  ceux-ci,  l'Oldehoof  ;  un  magnifique  hôtel  de  ville,  l'an- 
cien tribunal  (de  style  gothique),  etc.  On  fabrique  à  Leeu- 
warden  des  toiles,  des  voitures,  etc.  On  y  tient  de  grands 
marchés  de  denrées  agricoles  (bétail,  légumes,  fruits,  etc.); 
on  exporte  delà  chicorée,  du  lin,  des  peaux,  des  os,  des 
lainages.  —  La  ville  est  connue  depuis  le  xii®  siècle;  c'était 


encore  au  xiii«  un  port  de  mer;  mais  son  golfe  (Boorediep 
ou  Mittelsee)  s'est  envasé.  En  1504  elle  devint  le  siège  du 
conseil  de  la  prov.  de  la  Frise;  en  1564,  de  l'évêché  que 
six  ans  après  les  protestants  expulsèrent  (V.  Pays-Bas). 

LEEUWEN  (Albert Van), savant  hollandaisduxvi^ siècle, 
né  à  Utrecht,  mort  à  Utrecht  le  30  mai  1614.  Il  a  publié  : 
De  Ratione  restifuendi  annum  ciuilem  (Cologne,  1578)  ; 
Commentarium  in  doctrinam  praxessionis  œquinoc- 
tiorum  et  obliquitatis  Zodiaci  (Anvers)  ;  Comœdia  mo- 
ralis  de  reducenda  pace  (Bâle,  1589).  Son  nom  latin  est 
Léonins  ou  Leoninus. 

LEEUWEN  (Simon  Van),  jurisconsulte  hollandais^,  né  à 
Leyde  le  17  oct.  1625,  mort  à  La  Haye  le  13  janv.  1682. 
Après  avoir  pris  le  grade  de  docteur  en  droit  à  l'univer- 
sité de  Leyde,  il  exerça  pendant  plusieurs  années  la  pro- 
fession d'avocat  dans  cette  ville.  Il  fut  ensuite  membre  de 
la  régence  de  Leyde,  puis,  en  1681,  greffier  substitut  au 
coDseil  souverain  de  Hollande,  Zélande  et  Westfrise.  Ses 
ouvrages  sont  nombreux;  nous  citerons  :  Censura  foren- 
sis  theorico-practica  (Leyde,  1662,  in-4;  plusieurs  fois 
réimprimé,  cet  ouvrage  a  été  longtemps  classique  dans  les 
universités  et  les  tribunaux  des  Pays-Bas  et  d'Allemagne)  ; 
Het  Rooms-Hollands  regt  (Leyde  et  Rotterdam,  1664, 
in--4;  Amsterdam,  1732,  in-4)  ;  Manier  van  procedeeren 
in  civile  en  crimineele  saken  (Amsterdam,  1677;  plus, 
éd.)  ;  Handuesten  en  Privilegien  van  de  Rhynland  (Leyde 
et  Rotterdam,  1667,  2  vol.  in-4);  Batavia illustrata{L3L 
Haye,  1685,  in-foL),  ouvrage  qui  traite  de  l'histoire  des 
anciens  Bataves.  Leeuwen  a  publié  aussi  divers  traités  de 
jurisprudence  hollandaise  et  il  a  commencé  un  recueil  de 
placards  et  ordonnances  des  Etats-Généraux  des  Provinces- 
Unies  (1682)  qui  a  été  continué  plus  tard  jusqu'en  1740 
par  Scheltus.  G.  R. 

LEEUWENHOECK  (Antonv  Van),  naturaliste  hollandais, 
né  à  Delft  le  24  oct.  1632,  mort  à  Delft  le  26  août  1723. 
Jusqu'à  l'âge  de  vingt-deux  ans,  il  fut  teneur  de  livres  et 
caissier  dans  une  maison  de  commerce  d'Amsterdam.  A 
partir  de  ce  moment,  il  s'occupa  exclusivement  d'histoire 
naturelle  ;  la  construction  des  microscopes  et  les  observa- 
lions  microscopiques  furent  surtout  le  but  de  ses  patientes 
recherches.  Elles  n'acquirent  de  notoriété  qu'en  1673, 
lorsque  son  ami  de  Graaf  les  communiqua  à  la  Société 
royale  de  Londres.  Nombreuses  sont  les  découvertes  qu'il 
fit,  parmi  lescjuelles  celle  des  globules  du  sang  que  Mal- 
pighi  avait  pris  pour  des  globules  de  graisse  (Leeuwenhoeck 
compléta  la  découverte  d'Harvey  par  ses  recherches  sur 
les  vaisseaux  capillaires)  ;  des  spermatozoïdes,  des  infu- 
soires,  des  trachées  et  autres  vaisseaux,  etc.;  chez  les  vé- 
gétaux, de  la  différence  de  structure  des  mono  et  des  dico- 
tylédones. Ne  sachant  que  le  néerlandais,  ignorant  le  latin, 
langue  scientifique  de  l'époque,  le  célèbre  micrographe 
n'avait  qu'une  instruction  très  bornée.  Il  fit  seul  son  édu- 
cation. Ses  travaux  furent  poursuivis  sans  méthode  et  sans 
plan,  au  hasard  de  ce  qu'il  apercevait.  Il  suppléa  à  tout 
par  son  infatigable  attention,  sa  prodigieuse  adresse,  son 
ingéniosité  aUiée  à  la  plus  scrupuleuse  véracité.  La  plupart 
des  ouvrages  de  ce  savant  ont  été  publiés  sous  forme  épis- 
tolaire  dans  Transact,  Roy.  Soc.  of  London  et  à  Leyde 
ou  Delft  (Sendbrieven,  outledingen,  ondervindingen 
en beschouwingen)  (iQS^AliS).  Elles  furent  publiées  en 
latin  :  Opéra  omnia  seu  Arcana  naturœ,  etc.  (Leyde, 
1715-22,  4  voL  in-4).  \>'  L.  Hn. 

LEEUWIN  (Terre  de).  Ancien  nom  d'une  région  d'Aus- 
tralie qui  se  retrouve  encore  dans  celui  du  cap  Leeuwin 
formant  la  pointe  0.  de  la  baie  Fhnders.  Cette  Terre  occupe 
l'angle  S.-O.  de  la  colonie  d'Australie  du  Sud  :  elle  com- 
mence à  la  Swan  River,  au  N.,  comprend  les  comtés  de 
Murray,  de  Wellington,  de  Sussex,  de  Nelson,  de  Lanark 
et  de  Stirling  et  finit  au  S.  au  cap  Nuyts.  Elle  touche  au 
N.  à  la  Terre  d'Edcl  et  au  S.  à  celle  de  Nuyts;  arrosée 
principalement  par  la  rivière  Black wood,  elle  se  développe 
sur  environ  500  kil.  q.  Son  nom  lui  vient  du  navire  du 
capitaine  hollandais  qui  la  découvrit  en  1622.   D.  Bellet. 


LE  FANU  "  LE  FEBVRE 


1126  — 


LE  FANU  (Joseph-Sheridan), écrivain  anglais,  né  à  Du- 
blin le  20  août  4814,  mort  à  Dublin  le  7  févr.  1873, 
descendant  d'une  vieille  famille  protestante.  Dès  son 
enfance,  il  écrivit  des  poésies.  11  débuta  dans  le  Dublin 
University  Magazine^  dont  il  devint  propriétaire  en 
1869.  Vers  1837,  il  donna  deux  ballades  irlandaises, 
dont  l'une,  Shamus  O'Brien^  devint  très  populaire.  En 
1839,  il  se  consacra  entièrement  au  journalisme  et  acheta 
VEvening  Mail,  Parmi  les  ouvrages  de  ce  célèbre  ro- 
mancier qui  égale  Wilkie  Collins  et  Lever,  citons  :  The 
Cock  and  Anchor  (Dublin,  1845);  Torlogh  O'Brien 
(Dublin,  1847)  ;  The  House  by  the  Churchyard  (Londres, 
1863);  Vnde  Silas  (Londres,  1864);  Wyldefs  Hand 
(Londres,  1864);  Guy  Deverell  (Londres,  1865);  A  Lost 
Name  (Londres,  1868);  The  Wyvern  Mystery  (Londres, 
1869);  The  Rose  and  the  Key  (Londres,  1871);  Chro- 
nicles  of  golden  Friars  (Londres,  1871);  In  a  Glass 
Darkly  (Londres,  1872).  R.  S. 

LE  FAUCHEUR  (V.  Faucheur  [Le]). 

LE  FAUCHEUX  (Casimir),  armurier  français,  né  à  Bon- 
nétable  (Sarthe)  en  1802,  mort  à  Paris  en  1852.  Il  est 
connu  par  l'invention  d'un  fusil  se  chargeant  parla  culasse, 
dit  fusil  Lefaucheux  (V.  Fusil,  t.  XVIIÏ,  p.  3i0). 

LE  FAURE  (Amédée),  homme  politique  français,  né  à 
Paris  le  20  oct.  1838,  mort  à  Paris  le  23  nov.  1881. 
Très  versé  dans  les  questions  militaires,  collaborateur  de 
la  France,  fondateur  de  V Année  militaire  (1877),  il 
devînt  secrétaire-rédacteur  à  la  Chambre  des  députés  et 
fut  élu  en  1879  député  de  la  deuxième  circonscription 
d'Aubusson.  Membre  de  l'Union  républicaine,  il  s'occupa 
surtout  de  l'organisation  de  l'armée,  fit  voter  l'enquête  sur 
les  actes  du  général  de  Cissey  (1880),  fut  le  promoteur  du 
service  de  trois  ans  (1881)  et  mourut  des  fièvres  contrac- 
tées en  Tunisie  où  il  était  allé  faire  une  enquête.  Il  avait 
été  réélu  sans  difficulté  le  21  août  1881.  Citons  de  lui  : 
Reconstitution  de  la  Hongrie  (Paris,  1859,  in-8)  ;  le 
Socialisme  pendant  la  Révolution  française  (1863, 
in-12)  ;  Aux  Avant-Postes  (1871,  in-12);  Histoire  de 
la  guerre  franco-allemande  (1874,  2  vol.  in-4);  Atlas 
de  la  guerre  (1874,  in-4);  les  Lois  militaires  de  la 
France  (1876,  in-8);  Procès  de  Suleiman Pacha{iS18, 
gr.  in-8);  Histoire  de  la  guerre  d'Orient  (1878,  2  vol. 
gr.  in-8);  Dictionnaire  militaire  (1881,  in-8);  le 
Voyage  en  Tunisie  (1882,  in~4). 

LEFAUX.  Com.  du  dép.  du  Pas-de-Calais,  arr.  de 
Montreuil-sur-Mer,  cant.  d'Etaples;  331  hab. 

LEFÉBURE  (Léon-Albert),  homme  poH tique  français, 
né  à  Wintzenheim  (Haut-Rhin)  le  31  mars  1838.  Fils 
d'Eugène  Lefébure  (1808-75),  député  bonapartiste  du  Haut- 
Rhin  au  Corps  législatif  de  1852  à  1869,  il  fut  nommé  en 
1865  auditeur  au  conseil  d'Etat,  et  remplaça  son  père 
comme  député  de  Colmar  le  24  mai  1869.  Il  prit  une  grande 
part  aux  discussions  économiques.  Après  avoir  fait  la 
guerre  franco-allemande  dans  les  mobiles  du  Haut-Rhin, 
il  opta  pour  la  France  (1871)  et  devint  représentant  de  la 
Seine  à  l'Assemblée  nationale  le  2  juil.  Membre  du  centre 
droit,  il  vota  les  lois  constitutionneiles.  Le  27  nov.  1873, 
il  était  entré  comme  sous-secrétaire  d'Etat  aux  finances, 
dans  le  second  cabinet  de  Broglie.  Il  ne  fit  pas  partie 
d'autres  assemblées,  et  se  consacra  tout  entier  à  des  insti- 
tutions philanthropiques.  Collaborateur  de  la  Presse,  du 
Temps,  de  la  Revue  contemporaine^  etc.,  il  a  donné  : 
Ermangarde,  conte  poétique  (Paris,  1860,  in-12)  ;  Etude 
sur  V Allemagne  nouvelle  (1872,  in-8)  ;  Etude  sur  Véco- 
nomierurale  de  V Alsace  (1869,  in-12),  en  collaboration 
avec  Tisserand;  les  Questions  vitales  (1876,  in-8);  la 
Science  pénitentiaire  au  congrès  de  Stockholm  (1880, 
in-8),  en  collaboration  avec  F.  Desporles;  la  Renaissance 
religieuse  en  France  (1886,  in*12)  ;  le  Devoir  social 
(1890,  in-12). 

LEFÉBURE  (Eugène),  égyptologue français,  néàPrunoy 
(Yonne)  en  1838.  Après  avoir  été*  tour  à  tour  maître  de 
conférences  à  la  faculté  de  Lyon  et  directeur  de  la  mission 


archéologique  du  Caire,  M.  Lefébure  est  aujourd'hui  maître 
de  conférences  à  l'Ecole  supérieure  d'Alger  ;  c'est  un  esprit 
très  fin  et  très  perspicace  qui  s'est  presque  constamment 
cantonné  dans  le  domaine  de  la  mythologie.  On  lui  doit 
l'exphcation  longtemps  controversée  du  titre  (per-em-hrou) 
du  Livre  des  Morts  (  1873)  ;  Différentes  Formes  des  mots 
dérivés  (1883)  ;  sur  Osiris;  les  Yeux  d'Horus  (1 874-5)  ; 
le  Chapitre  XY du  Todtenbuch  (1868)  ;  l'Egypte  ancienne 
(1879)  ;  Cham  et  Adam  égyptien  (1887)  ;  le  ChapitrecxY 
du  Todtenbuch  (1874);  les  Rites  égyptiens  (1890)  ;  la 
publication  des  Tombeaux  de  Séti  l^^et  de  Ramsès  I V;  les 
Hypogées  royaux  de  Thèbes  (1886-89).  Paul  Pierret. 
LEFÉBURE  de Fourcy  (Louis-Etienne),  mathématicien 
et  ingénieur  français,  né  à  Saint-Domingue  (Haïti)  le 
26  août  1785,  mort  à  Paris  le  12  mars  l'869.  Reçu  en 
1803  à  PEcole  polytechnique,  il  choisit,  à  sa  sortie,  l'arme 
de  l'artillerie,  passa  peu  après  dans  le  service  des  mines, 
puis  s'adonna  à  l'enseignement  des  mathématiques  (1810) 
et  professa  d'abord  dans  divers  collèges.  En  1831,  il  fut 
nommé  examinateur  d'admission?  à  l'Ecole  polytechnique  ; 
en  1838,  il  obtint  la  chaire  de  calcul  différentiel  et  intégral 
de  la  faculté  des  sciences  de  Paris.  Il  prit  sa  retraite  en 
1863.  Il  se  rendit  légendaire,  comme  examinateur,  par  sa 
sévérité  et  par  son  acrimonie,  qui  firent  le  fond  d'une 
foule  de  plaisantes  anecdotes,  encore  souvent  contées  dans 
les  classes.  Il  a  écrit  des  ouvrages  de  mathématiques  très 
clairs,  très  bien  ordonnés  et  longtemps  classiques,  mais 
dépourvus,  en  général,  d'originalité  :  Leçons  d'algèbre 
(Paris,  1826,  in-8;  nombr.  édit.)  ;  Leçons  de  géométrie 
analytique  (^âvis,  1827,  in-8  ;  10^  édit.,  1881);  Traité 
de  géométrie  descriptive  (Paris,  1829,  in-8;  8*^  édit., 
1881),  etc.  —  Il  a  eu  deux  fils  :  Michel-Eugène,  né  en 
1812,  mort  en  1889,  qui  a  été  inspecteur  général  des 
mines;  Charles,  né  en  1815,  qui  est  inspecteur  général 
des  ponts  et  chaussées  en  retraite.  L.  S. 

BiBL.  :  Serret  et  Tarnier,  Discours  aux  funérailles  de 
Lefébure  de  Fourcy;  Paris,  1869,  in-8. 

LE  FEBV RE  (Claude), peintre-graveurfrançais,  né  à  Fon- 
tainebleau en  1632,  mort  à  Paris  le  5  avr.  1675.  Son  père, 
peintre  lui-même,  était  employé  à  l'entretien  des  décora- 
tions du  château  ;  Claude  Le  Febvre  eut  pour  parrain 
Claude  de  Hoey,  garde  des  peintures  et  valet  de  chambre 
du  roi  (registres  de  baptêmes  conservés  à  la  mairie  de  Fon- 
tainebleau). Il  alla  à  Paris  à  l'âge  de  vingt-deux  ans  et 
fut,  pendant  quelque  temps,  élève  de  Le  Sueur.  A  la  mort 
de  celui-ci,  il  fut  admis  dans  l'atelier  de  Le  Brun,  qui 
remarqua  son  habileté  comme  peintre  de  portraits  et  lui 
conseilla  de  se  vouer  à  ce  genre.  Il  y  réussit  en  effet  ;  il 
fut  appelé  à  la  cour  et,  patronné  parColbert,  il  peignit  le 
Roi,\3i  Reine  et  h  Dauphin.  Parmi  les  principaux  portraits 
dont  Claude  Le  Febvre  fut  l'auteur,  nous  citerons  ceux  de 
Monsieur,  d'Henriette  d'Angleterre,  de  M^^^  de  La 
Vallière,  de  M"^^  de  Montespan,  de  Bussy-Rabutin,  de 
il/*"^  de  Sévigné  et  de  M'^^  de  Grig?îan.  On  trouve  au 
musée  de  Versailles  le  portrait  du  musicien  Couperin 
jouant  de  l'orgue  ;  au  musée  du  Louvre,  Claude  Le  Febvre 
est  représenté  par  le  Portrait  d'un  personnage  inconnu 
et  par  celui  d'un  Maître  et  de  son  élève.  Claude  Le  Febvre 
s'était  acquitté  envers  Colbert  en  le  portraiturant  dans 
une  belle  toile,  qui  fut  son  morceau  de  réception  à  l'Aca- 
démie de  peinture,  où  il  fut  reçu  en  1663.  Un  certain 
nombre  de  ses  œuvres  ont  été  gravées  par  Edelinck,  Van 
Schuppen,  Nanteuil,  Lenfant,  etc.  L'artiste  a  gravé  lui- 
même  à  l'eau-forte  ;  on  lui  doit  une  reproduction  de  son 
propre  portrait,  peint  par  lui-même. 

Comme  portraitiste  du  xvii«  siècle,  Claude  Le  Febvre  a 
un  style  sobre,  large  et  expressif,  (^uand  on  considère  les 
deux  tableaux  qui  appartiennent  au  musée  du  Louvre,  on 
sent  chez  lui  une  extrême  fermeté  de  touche.  Il  nous  offre 
un  profond  souci  de  la  réalité  à  côté  de  l'étude  magistrale 
de  la  physionomie  humaine.  Il  continue  la  tradition  de 
Philippe  de  Champagne  en  l'élargissant  ;  chez  Claude  Le 
Febvre,  rien  de  la  solennité  d'Hyacinthe  Rigaud  ;  rien  de 


im  — 


LEFEBVRE 


la  mollesse  de  Mignard.  Comme  graveur,  cet  artiste  a  aussi 
son  mérite:  M.  Duplessis  trouve  la  gravure  de  son  propre 
portrait  une  des  planches  les  plus  précieuses  de  l'école 
française.  Ant.  Vâlâbrègue. 

BiBL.  :  Mémoires  inédits  sur  la  vie  et  les  ouvrages  des 
membres  de  l'Académie  de  peinture,  dans  Réunion  des  So- 
ciétés des  beaux-arts^  1892.  —  Th.  Luillier,  le  Peintre 
Claude  Le  Febvre,  de  Fontainebleau. 

LE  FEBVRE  (Valentin),  peintre-graveur  flamand,  né  à 
Bruxelles  en  4643,  mort  à  Venise  vers  1700.  11  alla  en 
Italie  et  y  séjourna  longtemps.  Il  a  peint  des  tableaux  dans 
la  manière  de  Paul  Véronèse,  et  gravé,  avec  beaucoup 
d'habileté,  des  œuvres  de  Tintoret,  de  Titien,  de  Véronèse 
et  de  quelques  autres  maîtres  de  l'école  vénitienne.  Ces 
estampes,  traitées  k  l'état  de  croquis,  ne  serrent  point 
cependant  le  sujet  d'assez  près.  Elles  rendent  bien,  suivant 
M.  Georges  Duplessis,  les  compositions  des  grands  artistes 
italiens,  mais  non  «  l'effet  puissant,  irrésistible,  ni  la 
splendide  couleur  de  leurs  tableaux  ».     Ant.  Valabrègue. 
LEFEBVRE  (Pierre-François-Joseph),  duc  de  Dantzig, 
maréchal  de  France,  né  à  Rouffach  (Haut-Rhin)  le  20  oct. 
1755,  mort  à  Paris  le  14  sept.  1820.  Sergent  aux  gardes 
françaises  en  1789,  il  fut  tiré  de  l'obscurité,  comme  beau- 
coup d'autres,  par  la  Révolution.  Après  s'être  fait  remar- 
quer à  Paris,  dans  plusieurs  émeutes,  autant  par  son  hu- 
manité que  par  son  énergie,  il  servit  avec  éclat  à  l'armée 
de  la  Moselle,  passa  en  quelques  mois  (sept.  d793-janv. 
1793)  du  grade  de  capitaine  à  celui  de  général  de  division, 
commanda  avec  succès  l'avant-garde  de  l'armée  de  Rhin- 
et-Moselle,  passa  bientôt  à  celle  de  Sambre-et-Meuse,  fut 
un  des  plus  fermes  lieutenants  de  Jourdan,  qu'il  seconda 
puissamment   en  vingt  batailles,   notamment  à  Fleurus 
(1794)  et  à  Altenkirchen  (1796),  exerça  le  commandement 
en  chef  à  titre  provisoire  après  la  mort  de  Hoche  (sept. 
1797),  fut  ensuite  attaché  à  l'armée  du  Danube  et,  blessé 
à  Stokach  (mars  1799),  dut  rentrer  en  France,  où  il  fut 
mis  à  la  tête  de  la  17®  division  militaire  (à  Paris).  Attaché 
par-dessus  tout  au  principe  de  l'obéissance  passive,  il 
seconda  énergiquement  Bonaparte  dans  les  journées  des  18 
et  19  brumaire.  Aussi  fut-il  nommé  sénateur  (avr.  1800) 
et,  quatre  ans  après,  maréchal  de  l'Empire  (mai  1804),  11 
commanda  la  garde  impériale  à  pied  à  la  bataille  d'Iéna 
(14  oct.  1806)  et,  après  Eylau,  fut  chargé  d'assiéger  dans 
Dantzig  le  maréchal  Kalkreuth,  qu'il  réduisit  à  capituler 
(24  mai  1807).  Cet  important  succès  lui  valut  le  titre  de 
duc  de  Dantzig  (10  sept.  1808).  Lefebvre  commanda  en- 
suite le  ¥  corps  de  l'armée  d'Espagne  (1808),  contribua 
en  1809,  à  la  tête  des  contingents  bavarois,  aux  victoires 
d'Eckmiilh  et  de  Wagram  et  resta  pendant  toute  la  cam- 
pagne de  Russie  (1812)  à  la  tête  de  la  garde  impériale. 
Jusqu'à  la  chute  de  Napoléon,  il  se  couvrit  de  gloire,  par- 
ticulièrement à  Montmirail,  Arcis -sur-Aube,  Champaubert 
(1814).  Nommé  pair  de  France  par  Louis  XVIII  (juin  1814), 
il  accepta  le  même  titre  pendant  les  Cent- Jours.  Aussi  fut-il 
exclu  de  la  Chambre  haute  lors  de  la  seconde  Restauration, 
mais  il  y  fut  rappelé  par  l'ordonnance  royale  du  5  mars 
1819.  Lefebvre,  qui  ne  fut  jamais  un  grand  capitaine, 
devait  surtout  ses  succès  à  sa  sûreté  de  coup  d'œil  sur  le 
champ  de  bataille  et  à  sa  rare  intrépidité.  Esprit  étroit,  il 
était   d'une  loyauté  à  toute  épreuve.  Loin  de  renier  son 
humble  origine,  il  aimait  lui-même  à  la  rappeler.  Il  garda 
toute  sa  vie  une  simplicité  de  manières  et  une  verdeur  toute 
populaire  de  langage  qui  contrastaient  étrangement  avec 
sa  haute  position.  Il  en  fut  de  même  de  sa  femme,  ancienne 
blanchisseuse  des  gardes  françaises,  à  qui  on  a  prêté  tant 
de  mots  légendaires  et  dont,  malgré  bien  des  incitations, 
le  duc  de  Dantzig  refusa  toujours  de  se  séparer. 

LEFEBVRE  (Julien),  homme  politique  français.  Le  lieu 
et  la  date  de  sa  naissance  et  de  sa  mort  sont  inconnus.  11 
exerçait  la  médecine  à  Pontivy  avant  la  Révolution.  Elu  à 
la  Convention,  il  fut  envoyé  en  1793  avec  Lidon  et  Tellier 
en  mission  pour  rétablir  la  tranquillité  publique  et  assurer 
la  libre  circulation  des  grains  ;  il  rentra  le  26  nov.  à  la 
Convention.  Il  vota  pour  la  réclusion  de  Louis XVI  et  pour 


le  sursis.  Décrété  d'arrestation  le  3  oct.,  il  se  réfugia  aux 
environs  de  Tours.  Réadmis  à  siéger  le  3  brumaire  an  III, 
il  fit  partie  du  comité  des  colonies.  Envoyé  en  Belgique, 
il  y  resta  plusieurs  mois  et  procéda  à  la  réunion  de  ce 
pays  à  la  France.  Il  passa  ensuite  au  Conseil  des  Anciens, 
et  en  sortit  le  20  mai  1798.  On  ignore  ce  qu'il  est  devenu 
depuis.  A.  Kuscinski. 

LEFEBVRE  (François-Gilbert-Jacques),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Riom  le  1^^  mars  1773,  mort  à  Paris 
le  9  mai  1856.  Il  se  fit  à  Paris,  sous  l'Empire  et  la  Restau- 
ration, une  grande  situation  comme  banquier,  fut  envoyé  à 
la  Chambre  des  députés  par  le  dép.  de  la  Seine  en  nov. 
1827,  soutint  le  ministère  Martiijnac,  combattit  le  minis- 
tère Polignae  et,  réélu  en  juil.  1§30,  se  rallia  au  gouver- 
nement de  Louis-Philippe,  dont  il  devint  un  des  plus  fidèles 
auxiliaires.  Le  II®  arrondissement  de  Paris,  qui  l'envoya 
au  Palais-Bourbon  en  1831,  lui  demeura  fidèle  aux  élec- 
tions de  1834,  1837,  1839  et  1842.  Il  prit  à  la  Chambre 
une  part  importante  aux  discussions  relatives  aux  tribu- 
naux de  commerce,  à  la  Banque  de  France,  aux  caisses 
d'épargne,  aux  patentes,  aux  sucres,  aux  chemins  de  fer, 
au  droit  de  visite,  etc.  Non  réélu  en  1846,  il  resta  depuis 
cette  époque  jusqu'à  sa  mort  dans  la  vie  privée. 

LEFEBVRE  (Armand-Edouard),  diplomate  et  historien 
français,  né  à  Paris  le  18  avr.  1800,  mort  à  Asnières  le 
1^**  sept.  1864.  Fils  d'un  diplomate  distingué,  il  fut  atta- 
ché dès  1827  au  ministère  des  affaires  étrangères,  perdit 
son  emploi  en  1830,  consacra  ses  loisirs  aux  études  histo- 
riques pendant  le  règne  de  Louis-Philippe,  fut  rappelé  à  la 
vie  politique  après  la  révolution  de  Février,  représenta  le 
gouvernement  français  successivement  à  Karlsruhe  (1848), 
à  Munich  (1849),  à  Berlin  (1830),  entra  au  conseil  d'Etat 
en  janv.  1 852  et  fut  appelé  au  ministère  des  affaires  étran- 
gères comme  directeur  des  affaires  politiques  (mai  18oo), 
puis  comme  directeur  de  la  comptabilité  (nov.  1855).  On 
lui  doit  une  intéressante  Histoire  des  cabinets  de  V Eu- 
rope pendant  le  Consulat  et  V Empire  (Paris,  1845-47, 
3  vol.  in-8;  2^  éd.,  complétée  par  Ed.  Lefebvre  de  Bé- 
haine,  son  fils;  1866-69,  5  vol.  in-8).  Il  avait  été  nommé 
membre  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques 
par  décret  impérial  le  14  avr.  1855. 

LEFEBVRE  (Charles),  peintre  français,  né  à  Paris  en 
1805,  mort  à  Paris  en  1882.  Après  avoir  reçu  les  leçons 
de  Gros  et  d'Abel  de  Pujol,  il  fit  divers  voyages  en 
Espagne,  en  Italie,  en  Suisse  et  en  Allemagne.  De  retour  à 
Paris,  il  débuta  au  Salon  de  1827  par  le  Prisonnier  de 
Chillon^  tableau  déjà  remarquable.  Sa  personnalité  artis- 
tique ne  tarda  pas  à  s'affirmer  dans  les  œuvres  qu'il  pro- 
duisit ensuite  :  Madeleine  repentante  (1831);  Louis  Kl 
refusant  la  grâce  de  Nemours  (1 838)  ;  la  Vierge  mira- 
culeuse (1838)  ;  Jésus-Christ  aux  limbes  (1845)  ; 
Jeune  Bacchante  (1850;  acquis  par  l'Etat);  le  Triomphe 
d'Amphitrite  (1859)  ;  Mehul  enseignant  des  chants 
patriotiques  au  peuple  de  Paris  (1870)  ;  Séparation 
de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul  allant  au  supplice 
(1876).  Il  peignit  aussi  beaucoup  de  portraits,  parmi  les- 
quels celui  de  Jules  Favre  est  le  plus  remarquable.  Enfin 
on  lui  doit  des  peintures  murales  dans  les  églises  Saint- 
Leu  et  Saint-Louis-en-l'Ile. 

LEFEBVRE  (Charlemagne-Théophile),  voyageur  fran- 
çais, né  à  Nantes  le  26  avr.  1811,  mort  à  Marseille  le 
6  juil.  1860.  Entré  dans  la  marine  en  1827,  lieutenant 
de  frégate  en  1832,  il  fut  chargé  en  1836  de  la  mission 
d'explorer  l'Abyssinie  (1838-39).  Il  y  revint  en  18i0-43, 
en  1847  et  quelque  temps  avant  sa  mort.  On  a  de  lui  : 
Voyage  en  Abyssinie  (Paris,  s.  d.,  6  vol.  in-8  et  atlas 
in-fol.),  publié  par  le  ministère  de  la  marine;  c'est,  après 
les  travaux  de  Bruce,  un  des  documents  les  plus  impor- 
tants qui  aient  été  pubhés  sur  l'Abyssinie. 

LEFEBVRE  (Cbarles-Aimé),  Mttérateur  français,  né  à 
Cambrai  le  18  déc.  1811.  Longtemps  chef  d'institution  en 
Belgique,  il  a  publié  d'intéressantes  études  sur  ce  pays, 
entre  autres  :    Scènes  de    la  vie  privée  des  Belges 


LEFEBVRE 


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(Bruxelles,  4833,  in-8);  la  Littérature  et  les  Littéra- 
teurs de  la  Belgique  (4841,  in-42)  ;  Notes  d'un  voya- 
geur sur  la  Hollande  (4842,  in-8)  ;  le  Cardinal  Giraud 
(Paris,  4851,  in-8)  ;  Van  der  Burch  (4852,  in-8)  yRécits 
historiques  et  légendaires  delà  France  (Tournai, 4864 
et  suiv.,  9  vol.  in-42)  ;  Rosa  mystica  (4864,  in-46),etc. 
Il  a  écrit  la  plupart  de  ces  ouvrages  sous  le  pseudonyme  de 
Jean-Paul  Faber. 

LEFEBVRE  (Adolphe-Ernest-Félix),  général  français, 
né  à  Lons-le-Saunier  le  48  avr.  4820.  Elève  de  Saint-Cyr, 
il  débuta  dans  la  carrière  militaire  par  les  guerres  d'Afri- 
que ;  il  combattit  à  Isly  et  prit  part  à  plusieurs  expéditions. 
Nommé  capitaine  en  4849,  il  assista  au  siège  de  Rome, 
puis  il  fit  comme  chef  de  bataillon  la  campagne  d'Ita- 
lie en  4859.  La  guerre  du  Mexique  fut  pour  le  com- 
mandant Lefebvre  l'occasion  de  se  signaler.  Au  combat 
d'Aculcingo,  à  la  tète  d'un  seul  bataillon,  il  attaqua  un 
corps  de  4,000  ennemis  qu'il  mit  en  déroute  après  avoir 
fait  de  nombreux  prisonniers  et  pris  un  drapeau.  Ce  fait 
d'armes  lui  valut  une  citation  à  l'ordre  de  l'armée  et  le 
grade  de  lieutenant-colonel.  Colonel  en  4864  et  général  le 
2  juin  4870,  il  commanda  une  brigade  à  l'armée  du  Rhin 
et  se  distingua  à  la  bataille  de  Frœschwiller.  Prisonnier 
de  guerre  à  la  suite  de  la  capitulation  de  Sedan,  il  fut  in- 
terné en  Allemagne.  Général  de  division  le  30  sept.  4875, 
commandant  de  corps  d'armée  en  4879,  il  est  passé  dans 
le  cadre  de  réserve  en  4885. 

LEFEBVRE  (Constance -Caroline,  M^«  Faure)  (V. 
Faure). 

LEFEBVRE  (Jules-Joseph),  peintre  français,  né  àTour- 
nan  (Seine-et-Marne)  le  10  mars  4836.  Elève  de  Léon 
Coignet,  il  eut  le  prix  de  Rome  en  4864  ;  il  s'acquit  une 
réputation  brillante  par  plusieurs  tableaux,  parmi  lesquels 
il  faut  mentionner  surtout  la  Femme  couchée  (4868),  con- 
sidérée comme  un  prodige  d'exécution,  et  qui  a  fait  partie 
de  la  collection  d'Alexandre  Dumas.  Habile  portraitiste, 
Jules  Lefebvre  eut  de  bonne  heure  une  clientèle  distinguée; 
il  a  représenté  un  grand  nombre  de  personnes  du  monde. 
Un  de  ses  chefs-d'œuvre  est  le  portrait  de  M.  L.  Haynaud, 
directeur  général  des  phares  ;  il  fut  moins  heureux  avec 
le  portrait  du  Prince  impérial  (S.  de  4874).  Parmi  ses 
œuvres,  on  peut  citer  :  Pandore  (4877)  ;  Mignon  (4878)  ; 
Diane  surprise  (4  879)  ;  l'Aurore  (  1 884)  ;  Liseuse  (4  889)  ; 
Lady  Godiva  (4890);  une  Fille  d'Eve  (4892).  Jules 
Lefebvre  est  un  de  nos  meilleurs  peintres  de  nu  ;  on  peut 
lui  reprocher  de  s'être  quelquefois  perdu  dans  des  concep- 
tions littéraires,  mais  il  faut  lui  reconnaître  une  extrême 
élégance  et  de  très  vives  qualités.  Il  a  été  nommé  membre 
de  l'Académie  des  beaux-arts  en  4 894 .    Ant.  Valabrègue. 

LEFEBVRE  de  Bécour  (Charles),  diplomate  français, 
né  à  Abbeville  le  25  sept.  4844.  Entré  dans  le  service  di- 
plomatique en  4834,  il  termina  sa  carrière  en  4872  comme 
ministre  plénipotentiaire  près  la  République  Argentine. 
Collaborateur  de  la  Revue  des  Deux  Mondes,  àa  Journal 
des  Débats  et  autres,  il  a  écrit  :  la  Belgique  et  la  révo- 
lution de  Juillet(iS3^^  in-8);  la  traduction  de  V Histoire 
de  Naples  du  général  CoUetta  (4840,  4  vol.  in-8),  etc. 

LEFEBVRE  de  Béhaine  (V.  Béhaine). 

LEFEBVRE  de  Caumartin  (V.  Caumartin). 

LEFEBVkE  de  Cheyerus  (V.  Cheverus). 

LEFEBVRE-Desnoëttes  (Charles,  comte),  général  fran- 
çais, né  à  Paris  le  44  sept.  4773,  mort  en  mer  le  22  avr. 
4822.  Volontaire  en  4792,  il  fit  toutes  les  campagnes  de 
la  Révolution  aux  armées  du  Nord,  de  Sambre-et-Meuse 
et  du  Rhin.  Capitaine  en  4798,  il  fut  choisi  comme  aide 
de  camp  par  Bonaparte  qu'il  accompagna  en  Italie.  Chef 
d'escadrons  après  Marengo  où  il  avait  mérité  les  éloges 
du  premier  consul,  il  devint  colonel  à  Austerlitz  et  prit  une 
part  glorieuse  aux  campagnes  de  4806  et  de  4807,  en 
Prusse  et  en  Pologne.  Général  de  brigade  en  4808,  Napo- 
léon le  mit  à  la  tête  des  chasseurs  de  la  garde  et  le  créa 
comte  de  l'Empire.  Employé  ensuite  à  l'armée  d'Espagne, 
Lefebvre  y  fit  des  prouesses  de  valeur,  notamment  à  la 


bataille  de  Tudella.  Après  la  prise  de  Madrid,  il  voulut 
s'emparer  de  la  ville  de  Benavente  qu'il  croyait  évacuée 
par  les  Anglais  :  emporté  par  un  bouillant^  courage,  il 
passe,  avec  400  chasseurs,  la  rivière  à  la  nage,  mais  il  se 
trouva  subitement  en  présence  de  toute  la  cavalerie  an- 
glaise commandée  par  lord  Pajet  et  Steward.  La  petite 
troupe  lutta  héroïquement  ;  le  nombre  ayant  fini  par  l'em- 
porter, les  chasseurs  durent  repasser  la  rivière  laissant 
aux  mains  de  l'ennemi  leur  général  démonté  et  blessé. 
Prisonnier  des  Anglais,  Lefebvre  fut  conduit  en  Angleterre; 
mais,  en  4841 ,  il  parvint  à  s'évader  et  rejoignit  l'empereur 
à  la  grande  armée  où  il  arriva  pour  faire  l'expédition  de 
Russie  et  partager  la  gloire  et  les  dangers  de  cette  mal- 
heureuse campagne.  Mis  en  4843  à  la  tête  d'une  division 
de  lanciers  polonais,  le  général  Lefebvre  se  multiplia,  har- 
celant sans  cesse  l'ennemi  et  attaquant  ses  convois.  Pen- 
dant la  campagne  de  4844,  bien  que  très  grièvement 
blessé  au  combat  de  Brienne,  il  prit  une  part  active  aux 
journées  de  La  Rothière,  de  Montmirail  et  de  Vauxchamps 
où  il  mit  en  déroute  les  hussards  et  les  cuirassiers  prus- 
siens. A  la  première  nouvelle  du  débarquement  de  l'em- 
pereur en  4845,  le  général  Lefebvre  quitta  Paris  et  se 
rendit  à  Cambrai  où  il  tenta  d'entraîner  sur  Lyon  le  régi- 
ment de  chasseurs  qui  y  tenait  garnison  et  qu'il  espérait 
faire  ranger  sous  les  aigles  impériales  ;  mais  il  ne  réussit 
pas.  Réfugié  à  Châlons,  il  attendit  les  événements.  Napo- 
léon le  nomma  pair  de  France  et  lui  confia  le  commande- 
ment d'une  division  de  cavalerie  légère  de  la  garde  avec 
laquelle  il  combattit  à  Fleurus  et  à  Waterloo.  Après  la 
chute  de  TEmpire,  ayant  appris  que  Louis  XVÏII  avait  or- 
donné son  arrestation,  Lefebvre  parvint  à  s'embarquer 
pour  l'Amérique.  Il  fut  jugé  par  contumace,  déchu  de  son 
grade  et  condammé  à  mort.  Réfugié  aux  Etats-Unis ,  Le- 
febre  obtint  une  concession  de  terre  dans  l'Etat  d'Alabama 
et  se  consacra  à  l'agriculture,  labourant  lui-même  ses 
champs  et  essayant,  à  force  de  travail,  d'oublier  son  exil. 
Mais  au  bout  de  quelques  années,  le  chagrin  de  vivre  loin 
des  siens  lui  fit  adresser  une  supplique  à  Louis  XVIII  dans 
laquelle  il  demandait  l'autorisation  de  revenir  en  France, 
se  déclarant  prêt  à  subir  la  peine  que  prononceraient  ses 
juges.  Le  roi  céda  aux  sollicitations  de  l'ambassadeur  de 
France  à  Washington  ainsi  qu'aux  prières  de  la  femme  du 
général.  Le  glorieux  soldat  allait  revoir  la  patrie  lorsque  le 
navire  l'Albion  qui  le  portait  se  brisa  sur  les  côtes  de 
l'Irlande  en  engloutissant  ses  passagers.        E.  Bernard. 

LEFEBVRE  de  Villebrune  (Jean-Baptiste),  philologue 
français,  né  à  Senlis  en  4732,  mort  à  Angoulême  le  7  oct. 
4809.  Docteur  en  médecine,  il  savait  treize  langues,  devint 
professeur  d'hébreu  au  Collège  de  France  (4792),  fut 
bibliothécaire  en  chef  de  la  Bibliothèque  nationale  (4793- 
95).  Obligé  de  quitter  Paris  à  cause  de  ses  opinions,  il  se 
fixa  à  Angoulême  où  il  fut  professeur  à  l'Ecole  centrale.  Il 
a  laissé  une  médiocre  traduction  d'Athénée  (Paris,  4789- 
94 ,  5  vol.  in-4)  ;  une  mauvaise  édition  de  Silius  Italiens 
(1784)  ;  des  traductions  de  Cervantes,  d'UUoa,  etc. 

LEFEBVRE  d'Hellancourt  (Antoine-Marie),  ingénieur 
français,  né  à  Amiens  en  4759,  mort  à  Paris  le  9  janv. 
4843.  Entré  en  4783  à  l'Ecole  des  mines  de  Sage,  il  fut 
ingénieur,  puis  conseiller  des  mines,  et  parvint  au  grade 
d'inspecteur  général.  Il  a  beaucoup  contribué  à  la  création 
de  la  législation  des  mines  et  il  a  rédigé  les  instructions 
fondamentales  des  7  juil.  4801  et  3  août  4840.  On  lui 
doit,  d'autre  part,  d'intéressants  travaux  de  minéralogie. 
Outre  des  mémoires  insérés  dans  le  Journal  des  mines^ 
il  a  publié  :  Considérations  relatives  à  la  législation  et 
a  l'administration  des  mines  (Paris,  4802 ,  in-8)  ; 
Aperçu  général  des  mines  de  houille  exploitées  en 
France  (Paris,  4803,  in-8).  L.  S. 

BiBL.  :  GiLLET  DE  Laumont,  NoUcb  sur  Lefebvre  d'Hel- 
lancourt^ dans  le  Journal  des  mines^  t.  XXXVIII,  p.  460. 
—  BoNNARD,  Notice  sur  Lefebvre,  dans  les  Annales  des 
mines,  3»  sér.,  t.  VI. 

LEFEBVRE-DuROFLÉ  (Noël-Jacques  Lefebvre,  dit), 
homme  politique  français,  né  à  Pont-Audemer  (Eure)  le 


1129 


LEFEBVRE  —  LEFÈVRE 


19  févr.  1792,  mort  à  Pont-Authou  (Eure)  le  3  nov.  1877. 
Auditeur  au  conseil  d'Etat  vers  la  fin  de  TEmpire,  à  la 
chute  duquel  il  perdit  sa  place  (1814),  il  prit  part  comme 
publiciste  aux  luttes  du  parti  libéral  contre  la  Restaura- 
tion, épousa  en  1822  la  fille  du  raaî}uiacturier  Duruflé, 
d'Ëlbeuf,  fit  dans  l'industrie  une  fortune  considérable  et, 
après  avoir  brigué  plusieurs  fois  la  députation  sous  Louis- 
Philippe  comme  candidat  de  l'opposition  dynastique,  fut 
envoyé  par  le  dép.  de  l'Eure  à  l'Assemblée  législative 
(13  mai  1849),  où  il  se  rallia  sans  réserve  à  la  politique 
de  l'Elysée.  Ministre  de  l'agriculture  et  du  commerce 
(23  nov.  1851),  puis  des  travaux  publics  (23  janv.  1852), 
il  résigna  son  portefeuille  en  entrant  au  Sénat  (28  juil. 
1852),  où  il  soutint  constamment  le  gouvernement  de  Na- 
poléon m  jusqu'à  la  révolution  du  4  sept.,  qui  le  rendit  à 
la  vie  privée  (1870).  Poursuivi  plus  tard,  comme  adminis- 
trateur de  la  Société  industîielle,  en  police  correction- 
nelle, il  subit  une  condamnation  à  10,000  fr.  d'amende 
pour  infraction  à  la  loi  sur  les  sociétés  (2  déc.  1873)  et 
fut  exclu  en  déc.  1874  de  l'ordre  de  la  Légion  d'honneur. 

LEFEBVRE-Laroghe  (Pierre-Louis),  homme  politique 
français,  né  vers  1750.  Entré  dans  les  ordres,  il  adopta 
avec  ardeur  les  principes  de  la  Révolution  et  figura  parmi 
les  assaillants  de  la  Bastille.  Il  fut  membre  de  la  Commune 
de  Paris  et  fit  partie  du  Corps  législatif  de  nivôse  an  VIII 
à  1803.  Il  a  laissé  quelques  écrits  et  publié  les  Œuvres 
complètes  d'Helvétius  (1795)  et  celles  de  Montesquieu 
(1795). 

LE  FÉRON  (Jean)  (V.  Féron  [Le]). 

LEFEUVE  (Charles),  littérateur  français,  né  à  Paris  en 
1818,  mort  à  Nice  le  12  juil.  1882.  Il  collabora  à  de  nom- 
breux journaux  et  revues  de  Paris  et  de  province  et  laissa, 
entre  autres  ouvrages  :  Histoire  de  sainte  Geneviève 
(Paris,  1842,  in.32);  Poésies  nouvelles  (1842,  in-32)  ; 
Histoire  de  Saint- Germain-V Auxer rois  (1843,  in-32)  ; 
Poésies  (1844,  in-32)  ;  Nouvelles  Poésies  (1843,  in-32)  ; 
Histoire  du  collège  Rollin  (1853,  in-8);  Histoire  du 
lycée  Bonaparte  (1862,  in- 12);  les  Anciennes  Maisons 
de  Paris  (1858,  in-16;  5«  éd.,  1874,  5  vol.  in-8);  Léa 
(1851,  in-8),  comédie  en  trois  actes;  le  lourde  la  vallée 
de  Montmorency  (1867  ;  ¥  éd.,  1872,  in-8);  le  Roman 
d'Interlaken  (1877,  in-12);  la  Fille  de  M*"*  de  Ganges 
et  Térézade  Béarn  (1880,  in-12). 

LE  FÈVRE  (Jean),  seigneur  de  Saint-Remy,  plus  connu 
sous  le  nom  de  Toison  d'or  y  roi  d'armes  et  chroniqueur 
bourguignon,  né  à  Abbeville  en  1395  ou  1396,  mort  à 
Bruges  le  16  juin  1468.  Saint-Remy,  appartenant  à  une 
famille  noble,  suivit  la  carrière  où  l'appelait  sa  naissance  : 
il  embrassa  la  profession  de  l'oflîce  d'armes  pour  y  avoir 
la  condition,  alors  fort  honorée,  d'officier  ou  déjuge  d'armes. 
On  le  voit  en  oct.  1415  assister,  dans  les  rangs  des  An- 
glais, à  la  bataille  d'Azincourt;  il  était  dès  cette  époque  au 
service  du  duc  de  Bourgogne.  On  ne  sait  rien  de  lui  depuis 
lors  jusqu'en  nov.  1430,  où  il  fut  envoyé  par  Philippe  le 
Bon  en  mission  à  Rouen  auprès  du  jeune  roi  d'Angleterre 
Henri  VI.  La  même  année,  il  avait  échangé  le  titre  de  hé- 
raut Charolais  qu'il  portait  jusqu'alors  contre  celui  de  roi 
d'armes  de  la  Toison  d'or;  il  fut  le  premier  à  porter  ce 
titre,  cet  ordre  célèbre  ayant  été  fondé  par  Philippe  le 
Bon  en  1430  à  l'occasion  de  son  troisième  mariage  avec 
Isabelle  de  Portugal.  Conseiller  du  duc,  il  fut  dès  lors 
chargé  de  missions  importantes.  En  1454,  il  assista  à 
Lille  au  fameux  banquet  du  Faisan,  où  le  duc  de  Bourgogne 
fit  vœu  de  prendre  la  croix  ;  il  négocia  la  soumission  des 
Gantois  révoltés,  et  en  1457  fut  présent  aux  grandes  fêtes 
données  par  Charles  VII  aux  ambassadeurs  hongrois,  venus 
à  Tours  pour  demander  au  nom  de  leur  roi  la  main  de 
Madeleine  de  France.  Outre  les  missions  politiques  dont  il 
fut  chargé,  Jean  Le  Fèvre  assista  à  toutes  les  grandes 
joutes  chevaleresques  de  son  époque,  où  sa  grande  compé- 
tence en  matière  héraldique  lui  assignait  le  rôle  d'arbitre  : 
c'est  ainsi  qu'il  présida  le  fameux  pas  de  la  Fontaine  des 
Pleurs,  tenu  par  Jacques  de  Lalaing.  En  1468,  sentant  ses 


forces  affaiblies,  il  se  démit  de  sa  charge  de  roi  d'armes 
entre  les  mains  de  Charles  le  Téméraire  qui  le  fit  à  cette 
occasion  chevalier  :  Jean  Le  Fèvre  mourut  six  semaines 
après. 

Le  plus  important  des  ouvrages  de  Jean  Le  Fèvre  est 
sa  chronique  qu'il  commença  d'écrire  à  l'âge  de  soixante- 
sept  ans.  Elle  devait  embrasser  de  1408  à  1460,  mais  il 
mourut  sans  l'avoir  achevée,  et  elle  s'arrête  en  1436.  Son 
œuvre  est  fortement  inspirée  de  Monstrelet,  que  Le  Fèvre 
n'a  pas  hésité  à  plagier  ouvertement,  surtout  pour  l'his- 
toire des  années  1411  à  1422;  ce  n'est  que  de  1428  à 
1436  qu'il  cesse  de  copier;  mais,  pour  ces  huit  années, 
son  récit  est  un  court  abrégé  des  principaux  événements 
qui  se  sont  passés  en  France  à  cette  époque.  Quoique  sa 
chronique  ne  soit  donc  guère  qu'un  abrégé  de  celle  de 
Monstrelet,  elle  renferme  cependant  plusieurs  faits  parti- 
culiers et  généraux  que  ce  dernier  a  omis  :  de  plus  le  style 
de  Le  Fèvre  est  supérieur  à  celui  de  son  devancier,  dont 
il  n'imite  pas  la  diffusion.  De  même  qu'à  Monstrelet,  on 
peut  lui  reprocher  sa  partialité  envers  les  ducs  de  Bour- 
gogne ;  mais  les  fonctions  qu'il  exerça  la  rendent  bien  na- 
turelle; elle  se  retrouve  d'ailleurs  chez  toute  cette  pléiade 
d'annalistes  et  d'historiens  qui  vivait  au  xv^  siècle  à  la 
cour  de  Philippe  le  Bon  et  de  Charles  le  Téméraire.  —  Un 
fragment  de  la  chronique  de  Jean  Le  Fèvre  a  été  publié 
par  Le  Laboureur  dans  son  Histoire  de  Charles  VI  (Pa- 
ris, 1663,  in-fol).  Depuis,  Buchonena  donné  une  édition 
complète  dans  sa  Collection  des  Chroniques  nationales 
à  la  suite  du  Monstrelet,  dont  elle  forme  les  t.  VII  et  VIII. 
La  dernière  édition,  et  la  meilleure,  est  celle  que  M.  Mo- 
rand a  publiée  en  1 876  pour  la  Société  de  l'Histoire  de 
France  (Paris,  2  vol.  in-8).  On  attribue  encore  à  Jean 
Le  Fèvre  un  Traité  des  hérauts  d'armes  et  un  Traité 
des  brisures;  enfin  il  est  le  principal  auteur  du  Lî'yri? 
des  faits  de  Jacques  de  Lalaing,    Henri  Courte ault. 

BiBL.  :  Miia  Dupont,  Notice  surLefèvre  de  Saint-Remy, 
chroniqueur  du  xv«  siècle^  dans  le  t.  ÏI  du  Bull,  de  la 
Soc.  de  l'Hisl.  de  France  ;  Paris,  1836,  in-8.  —  Fr.  Morand, 
Introduction  à  l'édition  citée.  •—  Du  même,  Epître  de 
Jean  Le  Fèvre  à  Jacques  de  Lalaing ^  dans  Annuaire- 
bulletin  de  la  Société  de  VHistoire  de  France;  Paris, 

1884,  t.  xvr. 

LE  FÈVRE  (Raoul),  romancier  français  du  xv«  siècle. 
Chapelain  de  Philippe  le  Bon,  duc  de  Bourgogne.  Citons  de 
lui  :  Recueil  des  histoires  de  Troyes  (vers  1469,  pet. 
in-foL,  nombr.  éd.);  le  Livre  du  preux  et  vaillant 
Jason  et  de  la  belle  Médée  (avant  1474,  in-fol.).  Ces 
volumes,  publiés  sans  indication  de  date,  sont  des  raretés 
bibliographiques.  Le  Fèvre  a  fait  des  dieux  de  la  Fable 
des  chevaliers  de  la  Table  ronde,  et  il  leur  prête  les  mœurs, 
le  costume,  les  discours  et  les  actions  des  chevaliers  du 
moyen  âge. 

LE  FÈVRE  (Pierre)  (V.  Fabri). 

LE  FÈVRE  (Louis  Chantereau)  (V.  Chantereau). 

LE  FÈVRE  (Valentin)  (V.  Le  Febvre). 

LEFÈVRE.  Famille  de  tapissiers  qui  a  produit  de  nom- 
breux travaux  à  Paris  et  à  Florence  pendant  le  xvu®  siècle. 
Le  premier  d'entre  eux,  Pi^rr^  Lefèvre,  arriva  en  1624  à 
Florence  et,  pendant  près  d'un  demi-siècle,  il  y  dirigea 
l'atelier  fondé  par  les  grands-ducs  de  Toscane.  Il  était  aidé 
par  ses  quatre  fils,  Jean^  Andréa  François  et  Jacques- 
PhilippCy  tous  haut-lisseurs,  et  par  son  cinquième  fils 
CharleSy  peintre  et  dessinateur.  Pierre  Lefèvre  fut  appelé 
en  France,  par  le  cardinal  Mazarin;  mais,  malgré 
les  avantages  qui  lui  étaient  offerts,  il  retourna  en  Italie 
où  il  mourut  en  1669,  laissant  son  fils  Jean  à  Paris.  Après 
avoir  travaillé  dans  les  galeries  du  Louvre,  celui-ci  fut 
engagé  par  Nicolas  Fouquet  pour  diriger  la  manufacture 
de  tapisserie  qu'il  avait  créée  à  Maincy,  près  du  château  de 
Vaux.  Lors  de  la  disgrâce  du  surintendant,  Colbert  le 
nomma  premier  chef  entrepreneur  d'un  des  deux  ateliers 
de  haute  lisse  de  la  nouvelle  manufacture  des  Gobelins, 
placée  sous  les  ordres  du  peintre  Le  Brun.  Il  resta  en  fonc- 
tions jusque  vers  1700,  époque  à  laquelle  il  fut  remplacé 


LEFÈVRE 


—  4130 


comme  entrepreneur  de  la  manufacture  par  son  fils  qui 
conserva  ce  poste  jusqu'en  4736.  Les  tentures  fabriquées 
aux  Gobelins  pendant  l'exercice  de  Jean  Lefèvre  rivalisent 
avec  celles  des  Jans.  C'est  à  ces  habiles  tapissiers  que  l'on 
doit  les  suites  de  V Histoire  du  roi^  des  Châteaux  de  France^ 
des  Batailles  d'Alexandre  et  tous  ces  panneaux  d'un  goût 
si  noble  dont  les  couleurs,  vieilles  de  trois  siècles,  sont  su- 
périeures à  celles  des  panneaux  sortis  des  métiers  actuels. 
Le  garde-meuble  de  t  lorence  possède  plusieurs  tentures  tis- 
sées par  Pierre  Lefèvre,  qu'il  a  signées  du  nom  de  Fevre.  On 
en  a  conclu  à  tort,  de  l'autre  côté  des  Alpes,  que  c'était  son 
véritable  nom,  tandis  que  ce  n'était  que  son  nom  italianisé. 
BiBL.  :  J.  GuiFFREY,  Histoivede  l'i  tapisserie.  — E.  Muntz, 
la  Tapisserie.  —  Lacordaire,  la  Manufacture  des  Gobe- 
lins. 

LE  FÈVRE  (Nicolas),  chimiste  français,  natif  des  Ar- 
dennes,  mort  à  Londres  en  4674.  Il  fit  ses  études  à 
l'Académie  protestante  de  Sedan,  fut  choisi  par  Vallot, 
professeur  de  chimie  au  Jardin  du  roi,  comme  démonstra- 
teur de  son  cours,  puis  fut  appelé  en  Angleterre  (1664) 
par  le  roi  Charles  II,  qui  lui  confia  la  direction  du  labora- 
toire établi  dans  son  palais  et  qui  le  fit  entrer  à  la  Société 
royale  de  Londres,  tout  récemment  créée.  Manipulateur 
consciencieux  et  habile,  il  a  été  l'un  des  premiers  chimistes 
dignes  de  ce  nom.  «  Il  peut  servir  de  type,  dit  M.  Dumas 
qui  l'a  beaucoup  étudié,  pour  les  chimistes  de  son  époque, 
et  cela  avec  d'autant  plus  de  raison  qu'il  lui  a  été  donné 
de  fonder  l'enseignement  de  la  chimie  dans  les  deux 
royaumes  les  plus  importants  de  l'Europe  civilisée.  »  Sa 
Chimie  théorique  et  pratique  (Paris,  1660,  2  vol.  in-12), 
qui  a  été  traduite  en  trois  langues  et  dont  Lenglet  du 
Fresnoy  et  Dumoustier  ont  donné,  un  siècle  plus  tard,  une 
5®  édition,  sous  le  titre:  Cours  de  chimie  (Paris,  1751, 
5  vol.  in-12),  est  un  traité  véritable  sur  la  matière  et  non 
un  ramassis  de  recettes,  comme  la  plupart  des  ouvrages  de 
chimie  parus  à  cette  époque.  Le  Fèvre  a  produit,  il  en 
convenait  lui-même,  peu  de  travaux  originaux.  On  lui  doit 
toutefois  la  découverte  de  l'acétate  de  mercure  en  cristaux 
blancs  et  l'étude  des  propriétés  de  nombreuses  substances 
chimiques  ;  il  a  en  outre  signalé  et  formulé,  le  premier,  la 
loi  des  dissolutions  saturées.  Il  a  traduit  de  l'anglais  :  la 
Religion  du  médecin,  par  T.  Browne  (La  Haye,  1688, 
in-12).  »       L.  S. 

BiBL.  :  F.  IIœfer,  Hist.  de  la  chimie,  t.  II,  p.  286.  — 
J.-B.  Dumas,  Leçons  sur  la  philosophie  chimique;  Paris, 
1837. 

LEFÈVRE  (Jean),  astronome  français,  né  à  Lisieux 
(Calvados)  vers  1650,  mort  à  Paris  en  1706.  Jusqu'à  l'âge 
de  trente  ans,  il  fut,  comme  son  père,  ouvrier  tisserand. 
Mais  il  possédait  d'assez  grandes  connaissances  en  mathé- 
matiques et  en  astronomie,  acquises,  du  reste,  sans  maîtres 
et  à  ses  heures  de  loisir.  Il  calcula  avec  beaucoup  d'exac- 
titude plusieurs  éclipses,  fit  d'excellentes  observations  au 
moyen  d'instruments  qu'on  lui  avait  procurés,  fut  appelé  à 
Paris  par  Picard,  qui  lui  confia  la  continuation  de  la  Con- 
naissance des  temps,  et  entra  aussitôt  comme  pension- 
naire à  l'Académie  des  sciences  de  Paris  (1682).  Il  aida 
ensuite  La  Hire  dans  ses  travaux  de  nivellement  et  de  géo- 
désie. Mais  il  l'accusa  de  lui  avoir  dérobé  ses  Tables  as- 
tronomiques et,  quinze  ans  plus  tard  (1701),  il  s'en  prit 
à  son  fils,  auquel  il  reprocha  publiquement  de  graves  inexac- 
titudes de  calculs.  Les  La  Hire  étaient  très  puissants  :  en 
1702,  Lefèvre  fut  exclu  de  l'Académie  des  sciences,  sous 
le  prétexte  qu'il  avait  manqué  au  devoir  d'assiduité  en  n'as- 
sistant pas  à  une  série  de  séances.  Il  ouvrit  alors  sur  le 
quai  de  l'Horloge,  à  l'enseigne  des  «  Deux  Globes  »,  une 
maison  d'instruments  de  précision.  Il  excella  surtout  dans 
le  calcul  des  éclipses.  Il  fut  aussi  un  habile  constructeur  et 
il  inventa:  en  1702,  un  planisphère;  en  1705,  un  ingé- 
nieux micromètre.  (Juant  à  ses  écrits,  ils  se  bornent  à  la 
rédaction  de  la  Connaissance  des  temps,  dont  il  fut 
chargé  de  1682  à  1701,  et  à  des  Ephémérides  pour  les 
années  1684  et  1685.  L.  S. 

BiBL.  :  Delambre,   Hist.  de  l'Astron.  moderne,  t.  II, 


p.  683.  —  A.  TissoT,  Etude  biogr.  sur  Jean  Lefèvre,  ou- 
vrier  tisserand,  astronome,  etc.  ;  Paris,  1872,  in-16. 

LEFÈVRE  (Antoine-Martial),  archéologue  et  historien 
français,  bachelier  en  théologie  et  prêtre  du  diocèse  de 
Paris.  Il  publia  sur  l'histoire  ecclésiastique  et  httéraire  de 
Paris  diverses  compilations  :  Calendrier  historique  de 
l'Eglise  de  Paris  (1747,  in-12),  livre  qui  contient  l'origine 
des  paroisses,  abbayes,  monastères,  les  conciles  tenus  à 
Paris,  la  Hste  des  évoques,  archevêques,  doyens  et  abbés 
du  diocèse;  Calendrier  historique  de  l'université  de 
Paris  (1755,  in-24,  anonyme);  Calendrier  historique 
de  la  sainte  Vierge  (m-il)  ;  Description  des  curiosités 
des  églises  de  Paris  et  des  environs  (Paris,  1759,  in-12), 
oti  les  matières  sont  classées  par  ordre  alphabétique  ;  les 
Muses  en  France  ou  Histoire  chronologique  de  r ori- 
gine, du  progrès  et  de  rétablissement  des  belles- lettres, 
des  sciences  et  des  beaux-arts  dans  la  France,  conte-, 
nant  la  fondation  des  universités,  collèges,  acadé- 
mies, etc.,  et  les  personnes  qui  s'y  sont  le  plus  dis- 
tinguées (Pans,  1750,  in-16,  réimpr.  en  partie  sous  ce 
titre  :  la  Nouvelle  Athènes,  Paris,  le  séjour  des  Muses, 
avec  une  seconde  partie  contenant  la  Bibliographie  des 
auteurs  ecclésiastiques  et  des  livres  les  plus  rares, 
Paris,  1759,  in-12).  M.  P. 

LEFÈVRE  (Pierre-Françoib-Alexandre),  auteur  drama- 
tique français,  né  à  Paris  le  29  sept.  1741,  mort  à  La 
Flèche  le  9  mars  1813.  Secrétaire  ordinaire  du  duc  d'Or- 
léans jusqu'en  1785  et  en  1804  professeur  de  belles-lettres 
au  Prytanée  militaire,  il  débuta  au  théâtre  par  la  tragédie 
de  Cosroës  (1767,  in-8)  et  obtint  un  éclatant  succès  avec 
Zuma,  qui  fut  jouée  d'abord  devant  la  cour  à  Fontaine- 
bleau (1776),  puisa  Paris  le  22  janv.  1777.  Ses  autres 
pièces  sont  Don  Carlos  (1784);  Florinde  (1770);  Her- 
cule au  mont  OEta  (1787);  ces  deux  dernières  n'ont  pas 
été  imprimées.  Lefèvre  a  encore  laissé  de  jolies  poésies 
qui  n'ont  pas  été  recueilhes  et  une  Boutade  sur  l'Ode 
(Paris,  1806,  in-8). 

LEFÈVRE  (Robert)  (V.  Fèvre). 

LEFÈVRE  (Louise-Rose)  (V.  Dugazon). 

LEFEVRE  (Sir  Shaw)  (V.  Shav^-Lefevre). 

LEFEVRE  (Charles  Shaw)  (V.  Eversley  [Vicomte]). 

LEFÈVRE  (Amédée),  médecin  français,  né  à  Paris  le 
4  juin  1798,  mort  à  Rochefort  le  12  déc.  1869.  H  prit 
part  comme  médecin  de  la  marine  aux  expéditions  du  Sé- 
négal, de  la  Guyane,  du  Levant  et  de  la  Morée,  lutta  éner- 
giquement  en  1 835  contre  l'épidémie  de  choléra  de  Toulon 
et  devint  l'année  suivante  professeur  à  FEcole  de  médecine 
navale  de  Rochefort.  En  1856,  il  fut  nommé  directeur  du 
service  de  santé  du  port  de  Brest.  Parmi  ses  nombreuses 
publications,  signalons  :  Recherches  médicales  sur  la 
nature  et  le  traitement  de  l'asthme  (Paris,  1835, 1846, 
in-8  ;  couronné  par  la  Société  de  médecine  de  Toulouse)  ; 
Recherches  médicales  pour  servir  à  l'histoire  des  so- 
lutions de  continuité  de  l'estomac,  dites  perforations 
spontanées  (Paris,  1842,  in-8);  Recherches  sur  les 
causes  de  la  colique  sèche  à  bord  des  bâtiments  de 
guerre,  etc.  (Paris,  1859,  in-8)  ;  Histoire  du  service  de 
santé  de  la  marine  et  des  écoles  de  médecine  navale 
en  France  depuis  le  règne  de  Louis  XIV,  etc.  [Archives 
de  médecine  navale,  1864-67).  D*"  L.  Hn. 

LEFEVRE  (Théotiste),  typographe  français,  né  à  Paris 
le  17  sept.  1798,  mort  à  Paris  le  7  mars  1887.  Fils  d'un 
compositeur-typographe  et  destiné  à  la  même  profession,  il 
fit,  jusqu'en  1813,  son  apprentissage  à  l'imprimerie  d'Eber- 
hart,  spéciale  pour  le  grec  et  les  langues  orientales.  Il  tra- 
vailla ensuite  chez  l'imprimeur-fondeur  Rignoux,  où  il  eut 
pour  apprenti  Fr.  Buloz,  le  futur  fondateur  de  la  Revue 
des  Deux  Mondes.  Il  établit,  en  1829,  une  imprimerie  à 
Saint-Germain-en-Laye  pour  Abel  Goujon,  et  la  dirigea 
jusqu'en  1834.  Appelé  alors  à  créer,  pour  Rignoux,  à  Fon- 
tenay,  près  deMontbard  (Côte-d'Or),  un  atelier  typogra- 
phique où  la  composition  devait  être  exécutée  exclusivement 
par  de  jeunes  paysannes,  il  en  installa  un  semblable  en 


1131  — 


LE  FÈVRE 


1835  chez  MM.  Firmin-Didot,  au  Mesnil-sur-l'Estrée 
(Eure),  n  fut  employé  ensuite  dans  Fimprimerie  Didot,  à 
Paris,  et  devint,  en  1860,  directeur  des  travaux  typogra- 
phiques de  cette  même  maison.  En  1842,  il  fut  chargé  de 
monter  à  Florence  une  imprimerie  modèle,  et  il  introduisit 
en  Italie  la  première  presse  mécanique.  En  1878,  il  eut  la 
mission  d'apprendre  la  typographie  à  de  jeunes  sourdes- 
muettes  introduites  dans  l'imprimerie  du  Mesnil,  et  cet  ensei- 
gnement professionnel  fut  continué  par  son  gendre,  Pamphile 
Boudet,  tandis  que  l'imprimerie  était  dirigée  par  son  fils 
Charles  Lefevre,  auquel  succéda  son  petit-fils,  Théotiste. 
Praticien  de  génie,  il  fut  un  pédagogue  hors  ligne.  II  apporta 
de  nombreux  perfectionnements  dans  son  art,  en  modifiant 
rationnellement  la  distribution  de  la  casse  du  compositeur, 
et  en  améliorant  les  procédés  de  tirage.  Il  codifia  ses  hautes 
connaissances  sur  la  matière  en  un  Guide  pratique  du 
compositeur  et  de  l' imprimeur-typographe  (PâviSy  1855- 
70,  2  vol.  in-8;  1883,  in-8),  livre  remarquable,  dont  la 
réputation  franchit  rapidement  les  frontières  et  qui  est  resté 
sans  rival.  G.  Pawlowski. 

BiBL.  :  G.  Pawlowski,  Théotiste  Lefevre,  dans  le 
Journal  général  de  l'imprimerie  et  de  la  librairie,  2  avr. 
1887. 

LEFEVRE  (Pierre -Edouard -Alexandre),  archéologue 
français,  né  à  Chartres  le  7  sept.  1807,  mort  à  Chartres 
le  14  nov.  1879.  Il  fut  chef  de  division  de  la  préfecture 
d'Eure-et-Loir  de  1835  à  1865,  membre  correspondant  du 
ministère  de  l'intérieur  pour  les  travaux  historiques,  etc., 
et  publia,  entre  autres  :  Recherches  sur  les  antiquités 
celtiques  et  romaines  de  Dreux^  d'Anet^  de  Château- 
neuf,  etc.  (Chartres,  1844,  in-8)  ;  Mémoires  historiques 
sur  Vabbaye  de  N.-D,  de  Coulombs  et  la  terre  de 
JSogent-le-Roi  (Chartres,  1846,  in-8);  Dictionnaire  des 
des  communes  et  des  hameaux  du  dép.  d'Eure-et- 
Loir  (Chartres,  1852,  in-8)  ;  Documents  historiques  sur 
le  comté  et  la  ville  de  Dreux  (Chartres,  1861,  in-8,  av. 
pi.);  Eure-et-Loir  pittoresque  ;  recueil  des  vues  et  mo- 
numents les  plus  remarquables  du  département  (Char- 
tres, 1858,  in-8,  av.  pi.  lith.);  Recherches  historiques 
sur  la  principauté  d'Anet  (Chartres,  1862,  in-12,  av. 
pi.  et  grav.),  etc.  D'"  L.  Hn. 

LEFEVRE  (Jean-Baptiste-Emile),  publiciste  français,  né 
à  Hargnies  (Ardennes)  le  1^^  avr.  1833.  Commerçant  en 
laines,  il  prit  une  grande  part,  dans  son  département,  au 
mouvement  de  la  Ligue  de  l'enseignement.  Collaborateur 
de  nombreux  journaux  et  revues,  il  a  donné  en  1894  des 
articles  remarqués  sur  les  causes  de  la  crise  industrielle 
et  commerciale  des  laines.  Citons  de  lui  :  Sedan  en  i865 
(Paris,  1866,  2  vol.  in-8)  ;  le  Cercle  de  province  (1865, 
in-12);  Ce  que  sont  nos  écoles  (1872,  in-12);  la  Ligue 
de  renseignement  (1872,  in-S);  V Education  technique 
(1884, in-8);  la  Liberté  religieuse (\SSS,  in-8);  Etudes 
artistiques  et  /i^^^rair^s (1881-82,  in-8);  Organisation 
du  consulat  en  France  et  à  l'étranger  (1883,  gr.  in-8); 
Lucile  (1883,  in-8);  Roman  d'un  honnête  ouvrier 
(1884,  in-8);  Lettres  à  mon  fils  (1884,  in-8);  Pauvre 
Jacques  (1874,  in-12);  Joseph  Lies,  sa  vie,  ses  œuvres 
(Anvers,  1888,  in-4). 

LEFEVRE  (François-Ernest),  homme  poUtique  français, 
né  au  Havre  le  15  août  1833,  mort  à  Paris  le  9  nov. 
1889.  Avocat  au  barreau  de  Paris,  il  collabora  au  Rappel 
dès  sa  fondation  et  y  fit  une  campagne  très  vive  contre 
l'Empire.  Conseiller  municipal  de  Paris  (Epinettes)  en 
1875,  président  de  cette  assemblée,  il  y  fut  remplacé  en 
1879  par  Henry  Maret.  Le  4  déc.  1881,  il  était  élu  dé- 
puté de  la  première  circonscription  du  X®  arr.  de  Paris 
avec  un  programme  radical.  Il  prit  une  part  active  aux 
débats  et  combattit  la  politique  opportuniste.  Réélu  en 
1885,  il  fut  à  plusieurs  reprises  vice-président  de  la 
Chambre  et  se  prononça  contre  le  boulangisme.  Parent 
d'Aug.  Vacquerie,  Lefevre  fut  un  des  exécuteurs  testamen- 
taires de  Victor  Hugo.  On  a  de  lui  :  Des  Légistes  et  de  leur 
influence  au  \it  et  au  xm®  siècle  (Paris,  1859,  in-8). 


LEFEVRE  (André),  littérateur  français,  né  à  Provins 
le  9  nov.  1834.  Elève  de  FEcole  des  chartes,  attaché  aux 
archives  de  l'Empire,  il  collabora  à  VHistoire  de  France 
de  Bordier  et  Charton,  fut  un  des  fondateurs  de  la  Libre 
Pensée  et  de  la  Pensée  nouvelle,  collabora  à  la  Répu- 
blique française,  etc.  Citons  de  lui  :  les  Finances  de  la 
Champagne  aux  xiii^  et  xiv®  siècles  (Paris,  1857,  in-8)  ; 
la  Flûte  de  Pan  (1861,  in-12) ,  la  Lyre  intime  (1864, 
in-12),  poésies;  les  Merveilles  de  f architecture  (1864, 
in-12)  ;  Virgile  et  Kalidasa  (1866,  in-12),  traductions  en 
vers:  l'Epopée  terrestre  (1868,  in-12);  les  Finances 
particulières  de  Napoléon  IIl  (1873,  in-16)  (Lefevre 
avait  fait  partie  de  la  commission  des  papiers  trouvés  aux 
Tuileries);  Essais  de  critique  générale  (1877,  2  vol. 
in-12)  ;  la  Philosophie  (1878,  m-12);  la  Renaissance 
du  matérialisme  (1881,  in-12);  l'Homme  à  travers  les 
âges  (1880,  in-12);  la  Religion  (1891,  in-12);  les 
Races  et  les  Langues  (1892,  in-8),  qui  forme  le  t.  LXXVI 
de  la  Bibliothèque  scientifique  internationale, 

LEFEVRE  (Alexandre),  homme  politique  français,  né  à 
Ercheu  (Somme)  le  28  nov.  1834.  Chef  d'institution  à 
Montreuil-sous-Bois,  conseiller  municipal  de  cette  ville, 
conseiller  général  de  la  Seine  et  vice-président  de  cette 
assemblée,  il  prononça  en  cette  qualité  un  discours  aux 
funérailles  de  Victor  Hugo.  Il  fut  élu  sénateur  de  la  Seine 
le  4  janv.  1891  avec  un  programme  radical  progressiste. 

LÉ  FÈVRE  (Edouard-Aimable-Edmond),  naturaliste  fran- 
çais, né  à  Chartres  le  20  janv.  1839,  mort  à  Paris  le 
18  juin  1894,  fils  de  Pierre-Edouard-Alexandre  (V.  ci- 
dessus).  Il  s'occupa  de  botanique  dès  sa  jeunesse  et  publia 
une  Slore  d'Eure-et-Loir  (1866)  ;  il  entra  en  1856  dans 
les  bureaux  de  l'ingénieur  en  chef  à  Chartres  et  sept  ans 
après  partit  en  Cochinchine  comme  conducteur  des  ponts 
et  chaussées;  à  son  retour,  en  1865,  il  entra  à  l'adminis- 
tration centrale  (ministère  des  travaux  publics)  et  fut 
nommé  en  1886  sous-chef  de  bureau.  Pendant  son  séjour 
à  Saigon  et  aux  environs  de  cette  ville,  il  réunit  une  belle 
collection  de  plantes,  renfermant  des  espèces  nouvelles  et 
dont  il  fit  don  au  Muséum  à  son  retour.  Peu  après,  il 
commença  à  s'occuper  d'entomologie  et  se  spécialisa  avec 
distinction  dans  deux  groupes  de  la  grande  famille  des 
Chrysomélides,  les  Clytrides  et  les  Eumolpides,  dont  il  avait 
réuni  une  collection  des  plus  remarquables.  Il  ne  tarda 
pas  à  publier  un  important  mémoire  sur  le  premier  de  ces 
groupes  {Annales  de  la  Société entomologique  de  France, 
1872)  sous  le  titre  de  Monographie  des  Clytrides  d'Eu- 
rope et  du  bassin  de  la  Méditerranée;  deux  ans  après, 
il  inséra  dans  le  même  recueil  une  monographie  des  espèces 
européennes  du  genre  Colaspidema,  Mais  le  plus  impor- 
tant de  ses  travaux  est  le  Catalogue  raisonné  des  Eu- 
molpides du  monde  entier  pubhé  en  1885  par  la  Société 
royale  des  sciences  de  Liège.  Il  fit  paraître  ensuite  les 
Eumolpides  recueillis  au  Brésil  par  M,  Gonnelle  {So- 
ciété entomologique  de  France,  1888-91)  et  de  nom- 
breuses descriptions  de  genres  et  d'espèces,  non  seulement 
dans  les  Annalesde  la  Société  entomologique  de  France, 
mais  encore  dans  celles  de  Belgique,  dans  les  notes  du 
musée  de  Leyde,  dans  le  South  African  philos.  Society  et 
dans  les  publications  de  la  Mission  scientifique  de  Tuni- 
sie, etc.  Lefevre  a  en  outre  collaboré  d'une  manière  active 
au  Dictionnaire  encyclopédique  des  sciences  médicales 
pour  des  articles  concernant  les  Arthropodes,  les  Mollus- 
ques, les  Vers,  les  Echinodermes,  les  Cœlentérés,  etc.,  et 
pour  des  articles  de  botanique  spéciale,  et  au  Dictionnaire 
d'horticulture  (par  Bois)  pour  des  articles  d'entomologie 
et  de  botanique.  Il  a  rédigé,  en  collaboration  avec  le 
D^  Hahn,  tous  les  articles  d'histoire  naturelle  du  Diction- 
naire usuel  des  sciences  médicales.  Lefevre  était  un  des 
collaborateurs  les  plus  distingués  de  la  Grande  Encyclo- 
pédie.   ^  L.  Fairmaire. 

LE  FE^VRE  DE  La  Boderie  (V.  Fèvre). 

LE  FÈVRE  d'Etaples  (Jacques),  FaJjer  Stapule^isis, 
souvent  nommé  par  ses  contemporains  Fabri,  philosophe, 


LE  FÈVRE 


—  1132 


inatliématicien  et  théologien,  né  à  Etaples  vers  1455,  mort 
en  1536  ou  1537.  Après  avoir  reçu  à  Paris  le  grade  de 
maître  es  arts,  il  alla  continuer  ses  études  en  Italie,  où  il 
suivit  les  leçons  de  Jean  Argyrophile;  il  parcourut  ensuite 
divers  pays,  on  dit  même  l'Asie  et  l'Afrique,  pour  augmen- 
ter ses  connaissances.  Rentré  en  France,  il  fut  nommé  pro- 
fesseur de  mathématiques  et  de  philosophie  au  collège  du 
Cardinal-Lemoihe.  Ses  leçons,  ses  écrits,  les  éditions  qu'il 
publia  lui  firent  donner  le  titre  de  restaurateur  de  la  saine 
dialectique.  —  Les  travaux  les  plus  importants  de  la  pre- 
mière partie  de  sa  vie  se  rapportent  à  la  philosophie  d'Aris- 
tote,  qu'il  révéla  aux  scolastiques  étonnés  qui  s'imaginaient 
la  connaître  :  In  Aristotelis  octo  physicos  libros  para- 
phrasis  (Paris,  1492,  in-fol.  ;  1504,  in-4);  Artiflcialis 
introductio  moralis  in  X  libros  Ethicorum  Aristo- 
telis (Paris,  1496,  in-fol.;  plusieurs  fois  réimpr.);  Ars 
moralis  ex  Aristotele  (Paris,  1499,  in-4;  Vienne, 
1513);  Aristotelis  totius  philosophiœ  natûralis  pa- 
raphrases (Paris,  1501,  in-fol.,  plusieurs  fois  réimpr.); 
Aristotelis  libri  Logicorum  récognitif  Boetio  Seuerino 
interprète,  et  paraphrases  in  eosden,  cum  adjunctis 
annotationibus  (Paris,  1503,  in-fol.  ;  1510,  1520);  hi 
sex  primos  Metaphysicorum  libros  Aristotelis  intro- 
ductio (Paris,  1505,  in-fol.;  1515);  Politicorum  libri 
Vin,  Economicorum  libri  H;  Hecatonomiarum  li- 
bri VU;  Economiarum  publicarum  liber  unus,  Léo- 
nardo  interprète,  cum  commentariis  /.  Fabri  ;  Expia- 
nationis  L.  Aretini  in  OEconomica  libri  II  (Paris, 
1506,  in-fol.,  1511;  plusieurs  fois  réimpr.);  Intro- 
dïuncula  in  Politica  Aristotelis  et  Xenophontis  OEco- 
nomicum,  a  Raphaelo  Volaterono  translata  (Paris, 
1508,  1512,  1516,  in-fol.).  Cette  œuvre  sur  Aristote 
comprenait,  outre  les  traductions  faites  par  Boetius  Seve- 
rinus,  Bessarion  et  Leonardi  Bruni  dit  l'Arétin,  des  intro- 
ductions, des  notes,  des  paraphrases  et  des  commentaires, 
présentés  parfois  sous  forme  de  dialogues.  En  même  temps 
Le  Fèvre  donnait  des  éditions  annotées  des  OEuures  de 
Denys  V Aréropagite,  des  Lettres  d'Ignace  et  de  Poly- 
carpe  (Paris,  1498,  in-fol.,  1515  ;  Bâle,  1520,  in-4)  ;  de 
plusieurs  écrits  de  Raymond  Lulle  (Paris,  1499,  in-fol., 
1505,  in-fol.)  ;  de  la  Théologie  de  Jean  Damascène 
(Paris,  1507,  in-4  ;  1512  et  1519,  in-fol.;  Bâle,  1539, 
in-fol.)  ;  et  de  quelques  ouvrages  sur  ï arithmétique,  la 
géométrie  et  V astronomie.  Dans  ses  travaux  sur  Aristote, 
il  était  aidé  par  Josse  Clicton,  et  dans  ses  divers  ouvrages 
de  mathématiques  et  de  théologie  mystique,  par  Gérard 
Roussel. 

Guillaume  Briçonnet  (V.  ce  nom)  avait  été  l'élève  de  Le 
Fèvre  ;  en  1504,  il  devint  évêque  de  Lodève;  en  1507,  il 
obtint  l'abbaye  de  Saint-Germain-des-Prés,  avec  dispense 
de  résider  dans  son  diocèse.  Il  s'empressa  alors  d'appeler, 
d'établir  dans  cette  abbaye  son  ancien  maître.  Ce  fut  là 
que  Le  Fèvre  fit  ses  premiers  ouvrages  sur  la  Bible  : 
Quintuplex  psalterium,  gallicum,  romanum^  hebrai- 
cum,  vêtus  et  conciliatum  (?âvis,  i^09,in-ïo\.,  1513). 
Ce  livre  se  composait  de  la  publication  d'un  manuscrit 
trouvé  dans  un  monastère,  reproduisant  en  trois  colonnes 
les  trois  textes  latins  des  psaumes  dus  à  saint  Jérôme,  le 
Psalterium  romanum,  dont  on  se  servait  en  Italie,  le 
Psalterium  gallicum,  adopté  en  Gaule,  pour  lesquels 
saint  Jérôme  avait  suivi  la  version  des  Septante,  et  le 
Psalterium  hebraicum,  revu  par  lui  sur  l'hébreu.  Le  Fèvre 
y  ajouta,  en  deux  autres  colonnes,  la  version  dont  on  se 
servait  avant  saint  Jérôme,  Vêtus  Psalterium,  et  une  revi- 
sion du  Psalterium  gallicum  sur  l'original,  Psalterium 
conciliatum,  qu'il  avait  entreprise,  quoiqu'il  connût  fort 
imparfaitement  la  langue  hébraïque.  Chaque  psaume  était 
accompagné  d'un  commentaire,  qui  en  présentait  le  sens 
spirituel,  c.-à-d.  l'allégorie  qui  l'appliquait  à  Jésus-Christ. 
&anti  Pauli  Epistolœ  XIV  ex  Vulgata  éditione,  adjecta 
intelligentia  ex  Grœco,  cum  commentariis  (Paris,  1512, 
in-fol.  ;  1515,  1517,  1531  ;  Cologne,  1531,  in-4  ;  Bâle, 
1527,  in-fol.  ;  Anvers,  1540).  Dans  la  préface,  Le  Fèvre 


expliquait  les  raisons  pour  lesquelles  il  avait  préféré,  pour 
son  interprétation,  le  texte  grec  à  celui  de  la  Vuglate  :  har- 
diesse grande,  puisque  le  texte  grec  était  celui  des  schis- 
matiques.  Il  prétendait  même  que  saint  Jérôme  n'était  pas 
l'auteur  de  la  Vulgate.  Ses  commentaires  contenaient  des 
témérités  plus  graves  encore,  rejetant  l'idée  du  sacrifice 
pour  la  messe,  attribuant  une  médiocre  importance  à  la 
confession,  au  jeûne,  aux  pèlerinages  et  aux  autres  pra- 
tiques ordonnées  par  l'Eglise.  Le  Fèvre  préparait  ainsi  la 
voie  aux  réformateurs  ;  et  quoique  ses  commentaires  sur 
les  Epîtres  de  saint  Paul  eussent  précédé  de  quelques  an- 
nées l'œuvre  de  Luther,  on  les  accusa  plus  tard  de  luthé- 
ranisme. Cependant,  sur  des  points  essentiels,  il  restait 
attaché  à  des  doctrines  que  la  Réformation  repoussa  :  le 
libre  arbitre,  la  transsubstantiation.  Il  n'admettait  ni  la  pré- 
destination absolue,  ni  même  la  justification  par  la  foi 
seule  ;  il  reconnaissait  le  mérite  des  œuvres  ;  et  humaniste 
fervent,  grand  admirateur  de  l'antiquité,  il  croyait  au  sa- 
lut des  païens  vertueux.  Plusieurs  années  après  la  publica- 
tion de  ses  commentaires  sur  les  épîtres  de  saint  Paul,  on 
le  voit  encore  religieusement  soumis  aux  ordonnances  de 
l'Eglise,  observant  les  jeûnes  prescrits,  vénérant  les  re- 
liques, «  faisant,  comme  le  rapporte  Farel,  les  plus  grandes 
révérences  aux  images  »,  implorant  l'intercession  des  saints, 
vouant  à  la  Vierge  une  ardente  dévotion,  et  recueillant  les 
matériaux  d'un  martyrologe,  dont  la  première  partie,  com- 
prenant les  martyrs  dont  les  fêtes  sont  célébrées  au  mois 
de  janvier,  parut  en  1524:  Agones  Martyrum  mensis 
januarii  (Paris,  1524,  in-fol.;  Rome,  1559). 

En  1517,  il  publia  deux  dissertations  tendant  à  démon- 
trer que  la  femme  pécheresse  dont  parle  saint  Luc  (vu, 
38),  Marie,  sœur  de  Marthe,  et  Marie  que  Jésus  avait  dé- 
livrée de  plusieurs  démons,  étaient  trois  personnes  diffé- 
rentes; l'autre,  que  Jésus  ne  passa  que  deux  nuits  dans  le 
tombeau,  et  qu'il  ressuscita  dans  les  premières  heures  du 
troisième  jour  :  De  Maria  Magdalena  et  Triduo  Christi 
disceptatio  (Paris,  in-4).  Pour  répondre  aux  attaques  fort 
violentes  que  ces  coyiclusions  avaient  provoquées,  il  donna 
une  nouvelle  édition,  à  laquelle  il  ajouta  une  troisième  dis- 
sertation établissant  que  Anne,  mère  de  Marie,  n'avait  point 
été  mariée  trois  fois,  et  qu'elle  n'avait  pas  eu  trois  filles, 
nommées  toutes  trois  Marie;  mais  qu'elle  n'avait  eu  qu'un 
seul  époux  et  une  seule  fille,  Marie,  mère  de  Jésus  :  De 
Maria  Magdalena,  Triduo  Christi  et  ex  tribus  una  Ma- 
ria disceptatio  (Paris,  1518,  in-4  ;  La  Haye,  1518,  in-4  ; 
Paris,  1519,  in-4).  De  Tribus  et  unica Magdalena  dis- 
ceptatio secunda  (Paris,  1519,  in-8).  Ces  thèses  ne  tou- 
chaient point  au  dogme,  mais  elles  contredisaient  des  tra- 
ditions acceptées  par  l'Eglise  romaine,  et  consacrées  par  ses 
offices.  A  l'instigation  de  Noël  Béda,  la  Sorbonne  déclara 
hérétique  quiconque  enseignerait  qu'il  y  a  eu  plusieurs 
Marie-Madeleine  (9  nov.  1521),  et  le  parlement  commença 
des  poursuites  contre  Le  Fèvre,  pour  crime  d'hérésie; 
mais  François  P»",  sur  l'avis  de  Guillaume  Petit,  son  con- 
fesseur, fit  défense  de  les  continuer.  —  Quelques  mois  au- 
paravant, Le  Fèvre  s'était  retiré  auprès  de  Briçonnet,  alors 
évêque  de  Meaux,  qui  lui  confia  la  direction  de  la  léprose- 
rie (11  août  1521)  et  se  l'adjoignit  ensuite  comme  vicaire 
général  au  spirituel  (l®""  mai  1523).  Ce  fut  là  qu'il  acheva 
son  commentaire  sur  les  quatre  Evangiles  :  Commentarii 
initiatorii  in  IV  Evangelia  (Paris,  1521  ,  in-fol.; 
Meaux,  1522,  in-fol.  ;  Bâle',  1523,  in-fol.  ;  Cologne,  1541 , 
in-fol.).  Il  n'y  réprouvait  directement  aucune  des  doctrines 
catholiques  combattues  par  Luther,  mais  il  les  modifiait,  à 
l'aide  de  distinctions  et  de  combinaisons  mystiques,  desti- 
nées à  les  accommoder  avec  l'enseignement  des  Ecritures, 
qu'il  traitait  d'ailleurs  d'une  manière  parfois  fort  arbitraire, 
au  caprice  de  l'interprétation  allégorique. 

En  même  temps.  Le  Fèvre  entreprenait  de  traduire  la 
Bible  en  français  :  la  S.  Evangile  selon  <S.  Matthieu.  La 
S.  Evangile  selon  S.  Marc.  La  S.  Evangile  selon 
S.  Luc.  La  S.  Evangile  selon  S.  Jehan  (Paris,  1523, 
in-8,  1524)  ;  les  Èpistres  de  S,  Pol  (1521?);  les 


4133  - 


LEFÊVRE 


Episires  catholiques;  les  Actes  des  Apostres ;  V Apoca- 
lypse de  S,  Jehan  (Paris,  4523),  traductions  réunies 
ensuite  sous  le  titre  :  le  Nouveau  Testame?it  de  nostre 
Saulveur  Jésu-Christ  translaté  selon  le  vray  texte  en 
franchois  (Paris,  4524;  Anvers,  4f)32);  les  Epistres  et 
Evangiles  pour  les  LU  dimanches  de  fan,  à  l'usage 
du  diocèse  de  Meaux  (4523);  les  Pseaumes  de  David 
translatez  en  françoys  (Paris,  4523?  in-8  ;  4525,  in-8; 
1530,  in-42)  ;  le  Premier  Volume  de  VAnchien  Testa- 
ment, contenant  les  chine  premiers  livres  de  Moyse 
translatez  en  françoys,  selon  la  pure  et  entière  ver- 
sion de  S.  Hierosme  (Anvers,  1528,  in-8);  la  Saincte 
Bible  en  françoys,  translatée  selon  la  pure  et  entière 
traduction  de  saint  Hierosme,  conférée  et  entièrement 
revisitée,  selon  les  plus  anciens  et  plus  corrects  exem- 
plaires (Anvers,  4^30,  in- fol.  ;  4534,  4544).  Cette  tra- 
duction, revue  par  Robert  Olivetan,  en  4535,  vers  la  fin 
de  la  vie  de  Le  Fèvre,  a  servi  de  base  à  la  plupart  des 
versions  de  la  Bible  en  notre  langue.  —  Une  épître  exhor- 
tatoire,  mise  en  tête  de  la  seconde  partie  des  traductions 
du  Nouveau  Testament  (nov.  4523),  déclare  «  que  les  plus 
hautes  et  plus  puissantes  dames  du  royaume  (Louise  de 
Savoie  et  sa  fille  Marguerite)  l'ont  fait  imprimer  pour  leur 
édification  et  consolation  et  de  ceux  du  royaume  ».  Deux 
mois  après  la  publication  de  la  traduction  des  Evangiles, 
la  Sorbonne  avait  déclaré  que,  vu  les  circonstances  du 
temps,  il  serait  pernicieux  de  répandre  parmi  le  peuple  des 
versions  complètes  ou  partielles  de  la  Bible,  et  que  celles 
qui  avaient  déjà  paru  devaient  être  supprimées  plutôt  que 
tolérées  (26  août  1523).  A  la  prière  de  Marguerite  de 
Valois,  François  l^^  prit  formellement  Le  Fèvre  sous  sa 
protection  ;  mais  lorsqu'il  eut  été  fait  prisonnier,  les  adver- 
saires profitèrent  de  sa  captivité  pour  reprendre  leurs 
attaques.  Les  commissaires  récemment  chargés  de  procéder 
contre  l'hérésie  condamnèrent  au  feu  la  traduction  du 
Nouveau  Testament,  et  le  parlement  les  autorisa  à  sommer 
Le  Fèvre  de  comparaître  devant  eux,  comme  un  des  fau- 
teurs des  hérésies  qui  s'étaient  répandues  dans  le  diocèse 
de  Meaux  (43  oct.  4525).  Il  se  réfugia  à  Strasbourg.  Dès 
que  le  roi  eut  recouvré  sa  liberté,  il  rappela  Le  Fèvre,  lui 
confia  l'éducation  du  prince  Charles,  son  troisième  fils 
(mort  duc  d'Orléans  en  4545),  et  le  nomma  bibliothécaire 
du  château  de  Blois.  En  4534,  Le  Fèvre  se  retira  à  Nérac, 
auprès  de  Marguerite,  devenue  reine  de  Navarre.  Il  y 
passa  en  repos  les  dernières  années  de  sa  vie,  persévérant 
en  sa  soumission  aux  observances  du  catholicisme.  Pour  ce 
qui  concerne  le  caractère  de  la  réforme  qu'il  désirait  en 
1  Eglise,  et  son  attitude  à  Tégard  du  luthéranisme,  nous 
renvoyons  à  la  notice  sur  Briçonnet  (Guillaume),  évêque 
de  Meaux  (t.  YIII,  p.  3),  mais  nous  croyons  devoir  rap- 
peler ici  un  fait  qui  nous  paraît  fort  significatif  :  ce  fut 
précisément  dans  les  mois  qui  suivirent  la  nomination  de 
Le  Fèvre  comme  vicaire  général  de  Briçonnet,  que  cet  évèque 
rendit  ses  décrets  contre  les  luthériens  (15  oct.  et  45  déc, 
4523).  E.-H.  VoLLET. 

BiBL.  :  Graff,  Essai  sur  la  vie  et  les  écrits  de  Le  Fèvre 
(VEtaples;  Strasbourg,  1842,  in-8.  —  Môme  auteur,  même 
sujet,  dans  la  Zeitschrift  fur  die  historische  Théologie, 
1852.  —  Eug.  et  Em.  Haag,  la  France  protestante  ;  Paris, 
1846-58,  10  vol.  in-8.  —  Lutteroth,  dans  VEncyclopédie 
des  sciences  religieuses  ;  Paris,  1877-82,  13  vol.  in-8.  — 
E.-H,  VoLLET,  Etudes  sur  l'origine  des  Eglises  réformées 
de  France;  Strasbourg,  1864,  in-8.  —  Herminjard,  Cor- 
respondance des  réformateurs,  1865-82,  6  vol.  in-8. 

LEFIVRE-Deumier  (Jules),  littérateur  français,  né  à 
Paris  le  44  juin  4797,  mort  à  Paris  le  44  déc.  4857. 
Très  jeune,  il  se  jeta  dans  le  petit  cénacle  de  l'école  ro- 
mantique, et,  disciple  de  Soumet,  travailla  à  un  vaste 
poème,  r Univers,  qu'il  remania  maintes  fois  et  qu'il 
n'acheva  jamais,  et  à  des  tragédies,  l'Exilé  vengeur,  Ri- 
chard m,  les  Mexicains,  qui  n'obtinrent  du  succès  que 
dans  le  cercle  de  ses  amis.  Puis  il  publia  :  le  Parricide 
(Paris,  4823,  in~8),  poème  qui  passa  presque  inaperçu. 
Désolé,  Lefèvre  voyagea  en  Italie.  Il  en  rapporta  le  Clo- 
cher de  Saint-Marc  (4826,  in-8),  poème  suivi  des  Ta- 


blettes d'un  voyageur  en  Italie  et  de  diverses  pièces, 
entre  autres  une  très  remarquable  Ode  sur  la  mort  du 
général  Foy.  Ce  livre  ne  réussit  pas  non  plus  et  jusqu'en 
4833  Lefèvre  disparut  du  monde  des  lettres.  Il  était  parti 
en  4834  pour  participer  à  l'insurrection  polonaise.  Il  reçut 
plusieurs  blessures,  fut  décoré  sur  le  champ  de  bataille  et, 
après  la  chute  de  Varsovie,  il  eut  à  subir  un  emprisonne- 
ment d'un  an  en  Autriche.  Il  revint  à  Paris,  publia  les 
Confidences  (4833,  in-8)  et,  renonçant  à  la  poésie  en 
présence  de  l'indifférence  qui  accueillait  ses  meilleurs  vers, 
il  aborda  le  roman:  Sir  Lionel  d'Arquenay  (4834,  2  vol. 
in-8;  nouv.  éd.,  4884,  2  vol.  in-4),  œuvre  fort  remar- 
quable, ne  fut  admirée  que  de  Barbey  d'Aurevilly.  Cepen- 
dant Lefèvre  s'était  marié.  Sa  femme,  très  intelligente  et 
lettrée,  le  tira  du  découragement  où  l'avait  plongé  ce 
nouvel  échec.  Une  de  ses  tantes,  W^^  Deumier,  lui  légua 
plus  de  ^00,000  livres  de  rente.  Lefèvre  eut  un  safon, 
place  Saint-Georges,  fréquenté  par  les  célébrités  contem- 
poraines; il  acheta,  avec  Arsène  Houssaye,  la  propriété  de 
V Artiste  Q{,  à  partir  de  4848,  collabora  à  la  Patrie  et  au 
Bien  public.  Il  s'y  fit  une  réputation  de  critique  Httéraire. 
Ses  articles  avaient  attiré  l'attention  de  Louis-Napoléon  qui 
le  nomma  son  bibliothécaire  particulier  et  dont  il  rédigea 
quelque  temps  la  correspondance  particulière.  En  4 852, il 
fut  nommé  bibliothécaire  des  Tuileries.  Il  mourut  des  suites 
de  l'opération  de  la  pierre.  Depuis  longtemps,  il  avait  gas- 
pillé sa  fortune  en  spéculations  décevantes,  en  bâtisses  et 
en  réceptions  fastueuses.  Citons  encore  de  lui:  les  Martyrs 
d'Arezw  (Paris,  4839,  2  vol.  in-8),  roman  ;  la  Crédence, 
l'Herbier,  les  Confidences,  poésies  (1844,  gr.  in-8)  ; 
Vespres  de  l'abbaye  du  Val  (4842,  2  vol.  gr.  in-8); 
Lettre  à  Louis-Napoléon  Bonaparte  (4848,  in-8  )  ;  Pro- 
jet d'organisation  morale  et  pratique  du  droit  à  l'as- 
sistance (48i9,  in-8),  composé  en  partie  avec  les  idées  du 
prince-président;  Célébrités  d'autrefois  (1854,  in-42); 
Etudes  biographiques  et  littéraires  (4854,  in-42); 
OEhlenschlœger,  le  poète  national  du  Danemark 
(4854,  in-42)  ;  Victoria  Colonna  (4856,  in-'12)  ;  le  Livre 
du  promeneur  (1854,  in-42)  ;  la  Pâque  fleurie  (4856, 
in-8);  le  Couvre-feu,  dernières  poésies  (4857,  in-8); 
Célébrités  anglaises  (1895,  in-4). 

Sa  femme,  Marie-Louise  Roulleaux  du  Gage  (née  en 
4819),  dite  Àzalaïs  Lefèvre,  peignait  et  sculptait  avec  goût 
et  talent.  R.  S. 

BiBL.  :  P.  Lacroix,  Notice  biographique  sur  Jules 
Lefèvre-Deumier;  Paris,  1859,  gr.  m-8.  —  Des  Essarts, 
Nolice  sur  Lefèvre-Deumier;  Paris,  1860,  in-8.  -—  Sainte- 
Beuve,  Portraits  littéraires,  t.  II. 

LE  F  VRE  d'Ormesson  (V.  Ormesson). 

LEFÈVRE-GiNEÂU  (Louis),  chevalier  d'Ainelle,  physi- 
cien et  homme  politique  français,  né  à  Authe  (Ardennes)  le 
7  mars  4754,  mort  à  Paris  le  3  févr.  4829.  Placé  comme 
précepteur,  à  sa  sortie  du  collège,  chez  le  baron  de  Bre- 
teuil,  il  profita  des  loisirs  que  lui  laissait  cette  place  pour 
suivre  des  cours  de  mathématiques  transcendantes  et,  après 
avoir  été  quelque  temps  attaché  à  la  Bibliothèque  royale, 
fut  nommé  en  4788  professeur  de  physique  expérimen- 
tale au  Collège  de  France.  Pendant  la  Révolution,  il  fut 
administrateur  des  subsistances.  Il  aurait  même  profité  de 
cette  situation  pour  se  livrer  à  des  spéculations  assez  fruc- 
tueuses. En  4795,  lors  de  la  réorganisation  de  l'Institut,  il 
fut  compris  parmi  les  membres  de  la  section  de  physique 
expérimentale,  fit  partie  de  la  commission  du  système 
décimal  et  détermina,  avec  Fabroni,  le  poids  du  centi- 
mètre cube  d'eau  distillée.  L'Empire  en  fit  l'un  des  quatre 
inspecteurs  généraux  de  l'Université.  En  4807,  il  entra 
au  Corps  législatif,  adhéra  en  4814  à  la  déchéance  de  Na- 
poléon, fut  renommé  député  en  4815,  en  4820,  en  4827, 
et  siégea  constamment  sur  les  bancs  de  l'opposition.  En 
4824,  le  gouvernement  le  destitua  de  ses  fonctions  de  pro- 
fesseur au  Collège  de  France.  C'était  un  expérimentateur 
de  premier  ordre  ;  mais  il  avait,  dans  la  dernière  partie  de 
sa  vie,  quelque  peu  négligé  la  science,  partagé  qu'il  était 
entre  ses  fonctions  d'inspecteur  général,  de  professeur, 


LEFÈVRE  —  LE  FLÔ 


-  4134  — 


d'académicien  et  de  député.  Il  a  concouru,  avec  Cuvier,  à 
la  rédaction  des  notes  qui  font  suite  aux  Trois  Règnes  de 
la  nature  de  Delille.  Il  a  publié  dans  le  Journal  de  phy- 
sique^ t.  XXXIII,  un  intéressant  mémoire  Sur  la  Com- 
position et  la  décomposition  de  l'eau.  L.  S. 

BiBL.  :  Ch.  DupiN,  Discours  aux  funérailles  de  Lefèvre- 
Gineau  ;  Paris,  1829,  m-4. 

LEFÈVRE-PoNTALis  (Germain-Antonin),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Paris  le  49  août  4830.  Fils  d'un  ancien 
notaire,  il  fit  de  brillantes  études,  obtint  en  4853  le  doc- 
torat en  droit  avec  une  thèse  sur  la  Condition  de  la  femme 
mariée,  publia  des  articles  dans  le  Journal  des  Débats 
et  la  Revue  des  Deux  Mondes,  Auditeur  au  conseil  d'Etat 
(4832-63),  il  se  présenta  comme  candidat  de  l'opposition 
libérale  dans  la  3^  circonscription  de  Seine-et-Oise,  échoua 
en  1863,  mais  passa  en  1869  contre  Eug.  Rendu,  Léon 
Say,  le  duc  d'Aven,  etc.  Un  des  auteurs  de  l'interpella- 
tion des  446,  il  la  soutint  et  vota  contre  la  guerre.  Député 
de  Seine-et-Oise  à  l'Assemblée  nationale,  il  fit  partie  du 
groupe  Feray  (centre  gauche),  mais  après  la  chute  de 
Thiers  il  se  rapprocha  de  la  droite,  vota  cependant  l'amen- 
dement Wallon  et  les  lois  constitutionnelles  dont  il  rap- 
porta la  partie  relative  au  Sénat.  En  4876,  il  échoua  à 
Pontoise  et  Avesnes,  en  4877  à  Avesnes.  En  4885,  il  fut 
élu,  avec  la  liste  conservatrice,  député  du  Nord;  il  fut  un 
des  principaux  orateurs  de  la  droite  constitutionnelle  ;  en 
4889,  il  échoua  dans  la  l'"^  circonscription  d' Avesnes.  Il 
a  pubhé  :  la  Hollande  au  xyu^  siècle  (1864,  in-8);  les 
Lois  et  les  mœurs  électorales  en  France  et  en  Angle- 
terre (1864,  in-48;  rééd.,  4889);  Vingt  Années  de  répu- 
blique parlementaire,  Jean  de  Witt  (4884,  2  vol. 
in-8),  etc.  C'est  une  des  personnalités  les  plus  marquantes 
du  parti  conservateur-Hbéral  (centre  droit). 

Son  frère,  Amédée,  né  à  Paris  en  4833,  remporta  en 
4854  le  prix  d'éloquence  de  l'Académie  française,  avec  un 
éloge  de  Saint-Simon.  Avocat  (4855),  rédacteur  du  Corres- 
pondant et  de  la  Revue  des  Deux  Mondes,  il  fut  élu  député 
d'Eure-et-Loir  à  l'Assemblée  nationale,  s'inscrivit  à  la  réu- 
nion des  Réservoirs,  vota  avec  la  majorité  cléricale  de  l'As- 
semblée. Rapporteur  de  la  commission  d'examen  des  comptes 
financiers  de  la  délégation  de  Tours,  il  proposa  la  revision 
générale  des  décrets  législatifs  du  gouvernement  de  la  Dé- 
fense nationale,  vota  contre  les  lois  constitutionnelles.  Il 
échoua  aux  élections  à  Châteaudun  en  4876  et  4877  et 
en  Eure-et-Loir  en  4885. 

LEFF  (Le)  Rivière  (V.  Côtes-du-Nord,  t.  XIII,  p.  4). 
LEFFARD.Com.  du  dép.  du  Calvados,  arr.  etcant.  (N.) 
de  Falaise;  193  hab. 

LE  FF  ET  (Eugène-Lucien),  homme  politique  français, 
né  à  Saumur  le  24  mai  4838.  Officier  de  marine,  il  dé- 
missionna avec  le  grade  de  lieutenant  de  vaisseau  et  débuta 
dans  la  politique  comme  membre  du  conseil  d'arrondisse- 
ment de  Chinon.  Il  fut  élu  député  d'Indre-et-Loire  le 
20  août  4893  par  44,540  voix  contre  40,784  à  M.  Jules 
Delahaye,  boulangiste. 

LEFFINCOURT.  Com.  du  dép.  des  Ardennes,  arr.  de 
Vouziers,  cant.  de  Machault  ;  366  hab. 
LEFFLER  (Magnus-Gustaf)  (V.  Mittag-Leffler). 
LEFFLER  (Leopold-Fredrik-Alexander),  professeur  sué- 
dois, frère  de  Mittag-Leffler,  né  à  Stockholm  le  45  nov. 
4847.  Docteur  en  philosophie  en  4872,  il  fut  nommé  la 
même  année,  à  la  suite  de  sa  dissertation  Sur  les  Con- 
sonnes dans  les  patois  suédois,  professeur  agrégé  des 
langues  du  Nord  à  l'université  d'Upsal.  En  4884,  il  devint 
professeur  ordinaire  de  langue  suédoise,  mais  demanda  et 
obtint,  en  1883,  un  congé  indéfini.  Ses  travaux  ne  sont 
pas  très  nombreux,  mais  ont  une  grande  valeur  à  cause  de 
la  rigueur  de  la  méthode,  de  la  finesse  et  de  Ja  quantité 
des  observations  :  Quelques  Recherches  physiologiques 
sur  les  consonnes  (4874)  ;  Formules  sacramentelles 
païennes  dans  les  anciennes  lois  de  Vestrogothie  ; 
Contribution  à  V histoire  de  la  langue  suédoise  (dans 
Antiqv,  Tidskr,  V).  Il  a  publié  en  outre  plusieurs  études 


relatives  au  phénomène  de  VUmlaut,  dans  les  langues  ger- 
maniques (om  i-omljudet,  om  v-omljudet,  etc.),  a 
donné  de  nombreux  articles  à  VEncyclopédie  du  Nord 
(Nordisk  Familjebok),  et  a  collaboré  à  divers  travaux  lexi- 
cographiques  suédois.  Th.  C: 

LEFFLER  (Anna-Charlotta-Gustava)  (V.  Edgren).* 
LEFFOND.  Com.  dudép.  de  la  Haute-Saône,  arr.    de 
Gray,  cant.  de  Champlitte  ;  572  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  de  l'Est,  ligne  de  Paris  à  Gray. 

LEFFONDS.  Com.  du  dép.  de  la  Haute-Marne,  arr.  de 
Chaumont,  cant.  d'Arc-en-Barrois  ;  585  hab. 

LEFFRINKHOUCKE.  Com.  du  dép.  du  Nord,  arr.  et 
cant.  (E.)  de  Dunkerque;  354  hab.  Eglise  du  xvn«  siècle. 
Clocher  avec  balustrade  en  pierre  sculptée. 

LEFINL  Affluent  de  la  rive  droite  du  Congo,  dont  la 
source  est  dans  le  pays  des  Apfourous,  dans  le  Congo 
français,  et  l'embouchure  un  peu  en  amont  du  poste  fran- 
çais de  Ngarchou.  Cette  rivière  a  été  appelée  Lawson  par 
Stanley  qui  le  premier  a  découvert  son  embouchure. 

LEFIOT  (Jean-Alban) ,  conventionnel  français,  né  à 
Lormes  (Nivernais)  le  27  févr.  4755,  mort  à  Paris  le  45  févr. 
4839.  Avocat  au  présidial  de  Saint-Pierre-le-Moûtier,  puis 
procureur-syndic  du  district,  le  dép.  de  la  Nièvre  l'élut  à 
la  Convention.  Il  vota  la  mort  du  roi,  fut  envoyé  en  mission 
à  l'armée  des  Pyrénées-Occidentales,  où  il  se  lia  avec  La- 
tour  d'Auvergne.  Chargé  d'organiser  le  gouvernement  ré- 
volutionnaire dans  les  dép.  du  Cher,  de  la  Nièvre  et  du 
Loiret,  il  le  fit  avec  beaucoup  de  courage,  de  sang-froid  et 
de  douceur  (4794).  Arrêté  comme  montagnard  le  24  ther- 
midor an  IH  (aoat  4795),  il  fut  relâché  au  bout  de  trois 
mois.  Il  fut  quelque  temps  chef  de  division  au  ministère 
de  la  justice,  puis  revint  exercer  sa  profession  à  Nevers. 
Ayant  accepté  les  fonctions  de  conseiller  de  préfecture 
pendant  les  Cent-Jours,  il  fut  proscrit  en  4816,  vécut  à 
Liège  jusqu'en  4830,  oii  il  put  rentrer  en  France. 
LEFKOSIA  (V.  Levkosia). 

LE  FLAGUAIS  (Joseph-Alphonse),  poète  français,  né  à 
Caen  le  29  mars  4805,  mort  à  Caen  le  2  janv.  4864. 
Conservateur  de  la  bibliothèque  de  Caen.  OEuvres  princi- 
pales :  Poésies  élégiaques.  Mélodies  (4826,  2  vol.  in-42); 
les  Neustriennes  (4835,  in-42);  Poésies  d'un  jeune 
aveugle  (4839,  in-42);  Marcel  (4843,  in-42)  ;  Guillaume 
et  Malhilde  (1855,  iu-8).  Il  a  donné  lui-même  ses  Œuvres 
poétiquesicomplètes  (4854-64,  4  vol.  in-8). 

L  E  F  L  0  (Adolphe-Charles-Emmanuel) ,  général  et  homme 
politique  français,  né  à  Lesneven  le  2  nov.  4804,  mort  à 
Néchoat,  près  de  Morlaix,  le  46  nov.  J887.  Ancien  élève 
de  l'Ecole  militaire  de  Saint-Cyr  (4823-25),  il  conquit  de 
1830  à  4848,  dans  les  campagnes  d'Afrique,  tous  ses 
grades,  depuis  celui  de  lieutenant  jusqu'à  celui  dégénérai 
de  brigade.  Envoyé  comme  ministre  plénipotentiaire  à  Saint- 
Pétersbourg  après  la  révolution  de  Février  (23  août  4848), 
il  en  revint  en  mars  4849  pour  siéger  à  l'Assemblée  na- 
tionale, où  les  électeurs  du  Finistère  lui  avaient  fait  une 
place  depuis  quelques  mois  et  où  il  vota  d'ordinaire  avec 
la  droite.  Réélu  à  l'Assemblée  législative  (43  mai  1849), 
il  s'associa  ouvertement  au  parti  monarchiste,  combattit  la 
politique  de  l'Elysée,  fut  nommé  questeur  et,  arrêté  dans 
la  nuit  du  2  déc.  4854,  fut,  le  9  janv.  1852,  expulsé  de 
France,  où  il  ne  put  rentrer  qu'en  1857.  Après  la  révo- 
lution du  4  sept.  1870,  le  gouvernement  de  la  Défense  na- 
tionale l'appela  au  ministère  de  la  guerre,  où  il  fut  main- 
tenu par  Thiers  le  19  févr.  1871  et  où  il  parut  un  peu 
inférieur  à  la  tâche  qui  lui  incombait.  Démissionnaire  après 
le  second  siège  de  Paris,  il  alla,  pour  la  seconde  fois  et 
comme  ambassadeur,  représenter  la  France  en  Russie 
(1^^'juin  1874),  où  il  resta  jusqu'en  1879,  et  où,  aidé  par 
la  sympathie  de  l'empereur  Alexandre  II,  il  put  non  seu- 
lement négocier  plusieurs  conventions  utiles  à  notre  pays, 
mais  neutraliser  la  politique  de  M.  de  Rismarck,  qui  ten- 
dait, paraît-il,  en  1875,  à  une  nouvelle  rupture  entre  la 
France  et  l'Allemagne.  Il  a  publié  en  1887  des  documents 
relatifs  à  cette  crise.  A.  Debidour. 


—  1435  — 


LEFLOC*H  —  LEFOULLON 


LEFLOC'H  (Corentin),  homme  politique  français,  né  à 
Quanquisern-en-Lignol  (Morbihan)  le  31  janv.  1754,  as- 
sassiné à  Lignol  enl796.  Cultivateur,  élu  le  22  avr.  1789 
député  du  tiers  état  de  la  sénéchaussée  d'Hennebont  aux 
Etats  généraux,  il  vint  siéger  en  costume  breton  et  vota 
avec  la  majorité  libérale.  Après  la  session,  il  devint  maire 
de  Lignol  et  périt  fusillé  par  un  parti  de  chouans. 

BiBL.  :  R.  Kerviler,  Recherches  sur  les  députés  de  la 
Bretagne  aux  Etats  généraux. 

LEFOLII  (Hans-Henrik),  écrivain  et  pédagogue  danois, 
né  en  1819.  Depuis  1865  il  est  recteur  à  Viborg.  Il  rem- 
porta, encore  étudiant,  un  prix  universitaire  pour  une  dis- 
sertation latine  sur  les  sources  de  la  Vie  d'Alexandre  le 
Grande  de  Plutarque.  Il  édita  ensuite  une  Chrestomathie 
latiiie  (1847)  et  dès  Discours  choisis  de  Cicéron  (1856), 
ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  mener  plus  tard  une  vive  cam- 
pagne contre  les  humanités  classiques  et  de  conseiller  de 
remplacer  dans  les  lycées  l'étude  du  latin  par  celle  du  vieil 
islandais.  Très  attaché  à  son  pays  et  très  enthousiaste  de 
son  lointain  passé,  il  s'est  fait  connaître  surtout  par  ses 
Récits  et  Légendes  (1859-70,  3  vol.):  Récits  poétiques 
pour  enfants  (1859-70,  2  vol.),  etc.  ;  la  Saga  de  N]œl 
(1866)  ;  la  Saga  d'Egil  (1867),  etc.  Th.  C. 

LEFOREST.  Com.  du  dép,  du  Pas-de-Calais,  arr.  de 
Béthune,  cant.  de  Carvin  ;  1,790  hab.  Stat.  du  chem.  de 
fer  du  Nord,  ligne  de  Paris  à  Lille.  Mines  de  houille. 

LE  FORT  (François- Jacques),  général  et  amiral  russe, 
né  à  Genève  en  1653,  mort  à  Moscou  le  12/2  mars  1699. 
D'une  famille  écossaise  établie  en  Piémont,  puis  en  Suisse 
où  son  père  Jacques  était  membre  du  grand  conseil  de 
Genève,  il  s'enrôla  en  France  dans  les  gardes  suisses  ;  un 
duel  le  fit  passer  aux  Pays-Bas  (1674),  où  il  se  distingua 
aux  sièges  de  Grave  et  d'Audenarde.  En  1675,  le  colonel 
Verstin  l'embaucha  pour  la  Russie.  Il  se  rendit  par  Ar- 
khangelsk à  Moscou,  se  fit  une  place  parmi  les  émigrants 
européens  du  quartier  de  Niemezkaia  Slobada,  fut  nommé 
capitaine,  épousa  en  1678  la  fille  du  colonel  Souhay, 
d'origine  française.  Sous  la  régence  de  Sophie  (1682-89), 
il  fut  protégé  par  le  prince  Vasili  Gahtzyn,  alors  tout-puis- 
sant, et  se  distingua  en  Crimée  (1687-89).  Pierre  le  Grand 
le  remarqua  et  il  devint  bientôt  son  favori  et  une  sorte  de 
premier  ministre.  La  souplesse  d'esprit,  les  vastes  connais- 
sances, l'absolu  dévouement  de  Lefort  lui  acquirent  une 
grande  influence  sur  le  tsar  ;  c'est  lui  qui,  avec  Patrick 
Gordon,  convainquit  Pierre  le  Grand  de  la  nécessité  de 
civiliser  ses  peuples  à  l'occidentale.  Il  instruisit  ses  troupes, 
construisit  la  première  flotte  russe  et  fut  nommé  grand 
amiral  de  l'empire.  Il  fit  avec  son  maître  l'expédition  d'Azov 
(1695-96)  et  le  tsar  le  mit  à  la  place  d'honneur  dans  le 
triomphe  qu'il  eut  la  fantaisie  de  célébrer.  En  1697,  Lefort 
était  à  la  tète  de  l'ambassade,  en  compagnie  de  laquelle 
Pierre  le  Grand  projetait  de  visiter  incognito  les  Etats  eu- 
ropéens. Arrêtés  à  Vienne  par  la  nouvelle  de  la  révolte  des 
Srieltsy  (Strelitz),  ils  revinrent  ensemble.  Lefort  mourut 
peu  après  de  la  suite  d'anciennes  blessures.       A, -M.  B. 

BiBL.  :  V.  Pierre  le  Grand.—  B  as  se  ville,  Pî^écis  hist. 
sur  la  vie  de  Fr.  Lefort  ;  Genève,  17(St.  —  Posselt,  Der 
General  und  Admirai  F.  Lefort  ;  Francfort-sur-le-Main, 
1866,  2  vol. 

LE  FORT  (Pierre,  baron),  général  russe,  né  à  Genève 
le  10  mars  1676,  mort  à  Mollenhagen  (Mecklembourg)  le 
18  mai  1754.  Neveu  du  précédent,  il  entra  aussi  au  ser- 
vice de  la  Russie  dès  1694  et  fut  secrétaire  de  la  grande 
ambassade  qui,  en  1697,  parcourut  l'Europe  sous  la  con- 
duite de  son  oncle.  Au  retour,  il  devint  colonel  d'un  régi- 
ment allemand,  avec  lequel,  assure-t-on,  il  participa  à  plus 
de  quarante  combats  ou  batailles.  A  la  mort  de  François 
Le  Fort,  Pierre  le  Grand  reporta  sur  le  neveu  l'amitié 
qu'il  avait  eue  pour  l'oncle.  Promu  général-major,  il 
combattit  contre  la  Suède,  fut  fait  prisonnier  à  Varna  en 
1700  et  ne  revint  qu'après  six  ans  de  captivité.  Il  combat 
à  Lerno,  à  Pultava,  est  fait  lieutenant  général,  vice-prési- 
dent du  conseil  de  guerre,  suit  Pierre  le  Grand  en  Tur- 


quie et  en  Finlande,  commande  en  1722  une  colonne 
contre  la  Perse  et  devient  gouverneur  d'Astrakan.  Cathe- 
rine P'®,  en  1726,  le  nomma  général  en  chef,  grade  qu'il 
conserva  pendant  les  règnes  suivants.  Il  quitta  Farmée 
en  1743  pour  se  retirer  dans  ses  terres  du  Mecklem- 
bourg. E.  K. 

LE  FORT  (Charles-Guillaume),  historien  suisse,  né  à 
Genève  le  8  juil.  1821,  mort  à  Genève  le  29  août  1888.  Il 
fit  d'excellentes  études  juridiques  et  occupa  la  chaire  de 
droit  romain  à  l'Académie  de  Genève  de  1854  à  1872.  Il 
fut  longtemps  juge  à  la  cour  de  cassation  de  Genève,  mais 
sa  grande  préoccupation  fut  toujours  l'histoire  et  spéciale- 
ment celle  de  Genève  et  de  la  Suisse.  Ses  principales  pu- 
blications sont  :  le  Livre  du  recteur  ;  le  Régeste  gene- 
vois (répertoire  chronologiçiue  et  analytique  des  documents 
imprimés  relatifs  à  l'histoire  de  la  ville  et  du  diocèse  de 
Genève  avant  1312),  en  collaboration  avec  P.  Lullin  ; 
Chartes  inédites  relatives  à  l'histoire  de  Genève  (id,)  ; 
Recueil  de  franchises  et  lois  municipales  des  princi- 
pales villes  de  l'ancien  diocèse  de  Genève  (id.)  ;  Docu- 
menis  inédits  relatifs  à  l'histoire  de  Genève  de  i3i2 
à  iSlS  {id.)\  l'Emancipation  politique  de  Genève,  etc. 

LEFORT  (Paul),  critique  d'art,  né  à  Mamers  (Sarthe)  le 
31  janv.l  829.  Aprèsavoir  fait  d'excellentes  études  classiques 
au  collège  de  sa  ville  natale,  il  partit  de  bonne  heure  pour 
FEspagne  où  pendant  un  séjour  de  plusieurs  années  il  étu- 
dia à  fond  l'art  et  en  particulier  la  peinture  de  ce  pays. 
Ses  premiers  travaux  sur  les  maîtres  espagnols,  publiés 
dans  l'Histoire  des  Peintres  de  Charles  Blanc,  attirent 
aussitôt  sur  lui  l'attention  de  tous  les  érudits.  Puis  il 
donne  successivement  :  Essai  d'un  catalogue  de  Vœuvre 
gravé  et  lithographie  àç^  Goya  (1877)  ;  Velazquez,  dans 
la  collection  des  Artistes  célèbres  (1888);  Murillo  et  ses 
élèves  (iS9i)  ;  Chefs-d'œuvre  de  l'art  au  xix^  siècle;  la 
Peinture  espagnole  (1894),  dans  la  collection  de  la  Bi- 
bhothèque  de  l'enseignement  des  beaux-arts.  M.  Lefort 
collabore  brillamment  à  la  Gazette  des  Beaux-Arts  depuis 
1865.  Rédacteur  à  la  Nation  souveraine  (1871-74)  et 
à  V Evénement  (1876-78),  il  est  depuis  l'origine  collabo- 
rateur de  la  Grande  Encyclopédie.  Devenu  inspecteur  des 
beaux-arts,  il  s'est  occupé  pendant  dix  ans  (1879-89)  de 
l'organisation  de  l'enseignement  du  dessin  en  Algérie.  Ses 
livres  et  ses  nombreuses  études  de  critique  sur  les  divers 
artistes,  sur  les  arts  décoratifs,  sur  les  Salons  et  autres 
expositions,  se  distinguent  par  une  profonde  érudition,  une 
grande  sûreté  de  jugement  et  une  vigueur  de  style  peu 
commune.  F.  T> 

LE  FORT  (Léon-Clément), chirurgien  français,  né  à  Lille 
le  5  nov.  1829,  mort  à  Menestreau-LaVillette  le  19  oct. 
1893.  Elève  de  l'hôpital  militaire  d'instruction  de  Lille  de 
1848  à  1850,  il  quitta  cette  ville  lors  du  licenciement  des 
hôpitaux  militaires  d'instruction,  et  comme  il  témoignait  au 
D^  Maillot,  médecin  en  chef  à  Lille,  tout  son  regret  d'aban- 
donner la  médecine  militaire,  Maillot,  qui  avait  été  frappé 
de  la  belle  intelligence  et  des  rares  aptitudes  de  Le  Fort, 
lui  prédit  un  brillant  avenir  dans  la  médecine  civile.  En 
effet,  docteur  en  médecine  en  1860,  chirurgien  des  hôpi- 
taux et  agrégé  en  1863,  professeur  de  médecine  opératoire 
en  1873  et  professeur  de  clinique  en  1889,  Le  Fort  avait 
été  élu  membre  de  l'Académie  de  médecine  en  1879.  Il  a 
publié  un  bon  mémoire  sur  la  Résection  de  la  hanche 
dans  les  cas  de  coxalgie  et  de  plaies  par  armes  à  feu 
(1860);  un  autre  sur  la  Résection  du  genou  (1859);  une 
thèse  d'agrégation.  Des  Vices  de  conformation  de  l'utérus 
et  du  vagin  (1863);  son  travail  sur  les  Maternités  {1^%) 
est  une  étude  bien  complète.  Plusieurs  de  ses  mémoires 
insérés  dans  les  Bulletins  de  l'Académie  de  médecine 
et  de  la  Société  de  chirurgie,  méritent  d'être  réunis  en 
un  volume.  D^  A.  Bureau. 

LEFOULLON  (Louis- Victor- Anatole),  homme  politique 
français,  né  à  Paris  le  3  juil.  1844.  Avoué  à  Paris  et  con- 
seiller général  de  la  Seine  (cant.  de  Neuilly),  il  fut  élu  député 
de  l'arr.  de  Saint-Denis  (cant.  de  Neuilly  et  de  Boulogne) 


LEFOULLON  —  LEFRANC 


—  1136  — 


le  3  sept.  1893,  par  4,153  voix  contre  3,923  à  M.  Mau- 
rice Barrés.  Il  appartient  au  parti  radical. 

LE  FRANC  (Martin),  poète  français,  né  en  Normandie 
vers  1410  (et  non  à  Arras  en  1395,  comme  le  disent  la 
plupart  de  ses  biographes),  mort  probablement  à  Rome 
en  1461.  Il  fut  à  Paris  l'élève  de  Thomas  de  Courcelles.  11 
devint,  on  ne  sait  par  suite  de  quelles  circonstances,  secré- 
taire d'Amédée  VIIl,  duc  de  Savoie,  depuis  pape  sous  le  nom 
de  Félix  V.  Celui-ci  donna  à  Martin  Le  Franc  le  titre  de 
protonotaire  apostolique  et  plusieurs  riches  prébendes,  parmi 
lesquelles  la  prévôté  de  l'église  de  Lausanne,  et  l'envoya 
en  1447  comme  légat  apostolique  auprès  de  Philippe  le  Bon, 
duc  de  Bourgogne.  Les  œuvres  de  Le  Franc  sont  :  le  Cham- 
pion des  dames,  composé  de  1440  à  144^2,  et  l'Estrifde 
Fortune  et  de  Vertu,  écrit  à  Lausanne  en  1447-48  à 
son  retour  de  la  cour  du  duc  Philippe.  Il  traduisit  égale- 
ment le  prologue  du  livre  de  Jérémie  pour  la  Bible  fran- 
çaise, dite  Bible  Servion,  Le  Champion  des  dames 
compte  24,000  vers  ;  c'est  une  apologie  du  beau,  sexe,  et 
en  quelque  sorte  une  réponse  aux  satires  du  Roman  de  la 
Rose.  Il  est  rempli  d'allusions  aux  personnages  marquants 
de  l'époque,  de  détails  précieux  sur  l'histoire  des  mœurs 
et  des  arts  ;  il  nous  fait  connaître  les  idées  du  moyen  âge  sur 
la  femme  et  relève  tous  les  arguments  pour  ou  contre  elle. 
Cet  intéressant  poème  tomba  pourtant  assez  vite  dans  un 
oubli  profond  d'où  il  n'a  été  tiré  que  récemment.  UEstrif 
de  Fortune  et  de  Vertu  est  une  dissertation  en  prose 
vive  et  pittoresque  sur  la  fortune,  sur  sa  puissance,  sur 
la  vanité  des  biens  qu'elle  procure  ;  cette  œuvre  eut  d'abord 
plus  de  succès  que  le  Champion  des  dames,  mais  ne 
tarda  pas  à  être  oubliée,  elle  aussi.  Nous  signalerons 
comme  caractéristique  de  l'œuvre  de  Le  Franc  ses  attaques 
contre  la  noblesse  et  le  clergé,  sa  sympathie  pour  les 
humbles  et  son  incrédulité  en  matière  <ie  sorcellerie.  Au 
point  de  vue  littéraire,  notre  auteur  a  tous  les  défauts  de 
son  temps  :  trivialité,  prolixité,   abus  des  abstractions, 
mais  il  possède  une  imagination  vive  et  un  réel  talent  des- 
criptif. E.  H. 

BiBL.  :  A.  Van  Hasselt,  Essixisur  V histoire  de  la  poésie 
française  en  Belgique;  Bruxelles,  1838,  in-4.  —  A.  Piaget, 
Martin  Le  Franc,  prévôt  de  Lausanne;  Lausanne,  1888, 
in-8. 

LEFRANC  (Jacques),  général  français,  né  à  Mont-de- 
Marsan  le  4  nov.  1750,  mort  à  Malaga  le  5  nov.  1809.  Il 
entra  au  service  en  1769  dans  rinl'anterie,  et  était  devenu 
officier  de  gendarmerie  lorsque,  en  1793,  il  fut  élu  par 
ses  concitoyens  chef  d'un  bataillon  de  volontaires  des  Landes 
à  la  tête  duquel  il  s'illustra  dans  tous  les  combats  qui  furent 
livrés  à  l'armée  des  Pyrénées-Occidentales.  Il  servit  ensuite 
sous  Moreau  à  l'armée  du  Rhm  et  se  distingua  en  1800 
au  combat  d'Erbach  et  à  la  bataille  de  Hohenlinden.  Géné- 
ral de  brigade  le  25  mars  1803,  il  prit  part,  sous  l'Empire, 
à  la  campagne  de  1806  et  fut  blessé  au  combat  de  Goly- 
min.  Envoyé  à  l'armée  d'Espagne,  il  contribua  à  la  prise 
de  Madrid  en  s'emparant  de  l'arsenal  de  la  ville.  Passé 
ensuite  sous  les  ordres  de  Dupont,  il  fut  fait  prisonnier  à 
la  capitulation  de  Baylen  et  mourut  du  typhus  dans  une  pri- 
son de  Malaga. 

LEFRANC  (Jean-Baptiste-Antoine), révolutionnaire  fran- 
çais, mort  en  1816.  Architecte,  impliqué  dans  la  conspi- 
ration de  Babeuf,  il  fut  acquitté  par  la  haute  cour  de 
Vendôme,  mais  le  premier  consul  le  comprit  dans  les  pros- 
criptions décrétées  à  l'occasion  de  l'affaire  de  la  machine 
infernale.  Déporté  aux  îles  Seychelles,  il  s'échappa,  fut  re- 
pris, interné  à  Brest,  puis  emprisonné  au  fort  de  Ha  et  à 
Pierrechâtel.  Délivré  en  1814,  ilpubha  les  Infortunes  de 
plusieurs  victimes  de  la  tyrannie  de  Bonaparte,  Mais 
deux  mois  après  il  fut  impliqué  dans  le  procès  «  des  pa- 
triotes de  1816  »  (affaire  Pleignier),  condamné  à  la  dé- 
portation et  mourut  en  prison. 

LEFRANC  (Bernard-Edme-Victor-Etienne),  avocat  et 
homme  politique  français,  né  à  Garlin  (Basses-Pyrénées) 
le  2  mars  1809,  mort  à  Saint-Sever  (Landes)  le  12  sept. 
1883.  Avocat  à  Mont-de-Marsan,  il  prit  une  part  active  | 


aux  luttes  du  parti  démocratique  contre  la  monarchie  de 
Juillet,  fut,  après  la  révolution  de  Février,  nommé  commis- 
saire du  gouvernement  provisoire  dans  les  Landes  et  repré- 
senta ce  département  à  l'Assemblée  constituante  (1848), 
puis  à  l'Assemblée  législative  (1849),  où  il  s'associa  géné- 
ralement, par  ses  discours  comme  par  ses  votes,  à  la  poli- 
tique du  parti  républicain  modéré.  Après  le  coup  d'Etat  du 
2  déc.  1851,  il  se  fit  inscrire  au  barreau  de  Paris,  devint 
membre  du  conseil  de  l'ordre  et  se  présenta  deux  fois  sans 
succès,  comme  candidat  de  l'opposition,  au  Corps  législatif 
dans  la  première  circonscription  des  Landes  (1863, 1869). 
Envoyé  le  8  févr.  1871  par  ce  département  à  l'Assemblée 
nationale,  il  fut  rapporteur  de  la  proposition  en  vertu  de 
laquelle  Thiers  fut  chargé  du  pouvoir  exécutif  (19  févr.), 
soutint  les  préliminaires  de  paix  du  1«^  mars,  devint  mi- 
nistre de  l'agriculture  et  du  commerce  (9  juin  1871), 
échoua  dans  une  négociation  avec  le  gouvernement  anglais 
sur  le  traité  de  1860,  prit  le  portefeuille  de  l'intérieur 
(6  févr.  1872)  et,  malgré  de  graves  concessions  à  la  droite 
de  l'Assemblée,  fut  réduit  peu  de  mois  après  à  démission- 
ner (30  nov.).  Il  combattit  ensuite  Vordre  moral,  vota  les 
lois  constitutionnelles  (I875),fut  envoyé,  le 20 févr.  1876, 
par  les  électeurs  de  Mont-de- Marsan  au  Palais-Bourbon, 
fit  partie  des  363  pendant  la  crise  du  16  mai,  ne  fut  pas 
réélu  le  14  oct.  1877  et,  après  plusieurs  candidatures 
malheureuses,  entra  le  21  mars  1881,  comme  membre 
inamovible,  au  Sénat  où,  comme  précédemment  à  la  Chambre 
des  députés,  il  fit  constamment  cause  commune  avec  le 
centre  gauche.  A.  Debidour. 

LEFRANC  (Auguste),  auteur  dramatique  français,  né  à 
Bussières  (Saône-et-Loire)  le  2  févr.  1814,  mort  à  Su- 
resnes  le  15  déc.  1878.  Bédacteur  de  nombreux  petits 
journaux  littéraires  et  artistiques,  il  a  été  un  des  collabo- 
rateurs principaux  de  Labiche  (V.  ce  nom).  Il  signa  aussi 
de  nombreuses  pièces  de  théâtre  avec  Marville,  Decour- 
celle,  Nyon,  Molé-Gentilh(unme,  etc.  Seul,  il  écrivit  :  Un 
Mauvais  Coucheur  (iSU.  in-i'I)  ;  Une  Tutelle  en  car- 
naval (1850,  in-12),  vaudevilles. 

LEFRANC  (Pierre-Joseph),  homme  politique  français, 
né  à  Montmirey-la-Ville  (Jura)  le  26  nov.  1815,  mort  à 
Versailles  le  16  juin  1877.  Après  avoir  terminé  ses  études 
de  droit,  il  se  fit  connaître  dans  la  presse  démocratique  à 
Paris  et  à  Perpignan,  fut  envoyé  par  les  Pyrénées-Orien- 
tales à  l'Assemblée  constituante  (1848),  puis  à  l'Assemblée 
législative  (1849),  où  il  vota  d'ordinaire  avec  le  parti 
républicain  avancé  et  combattit  énergiquement  la  politique 
de  l'Elysée,  fut  expulsé  après  le  coup  d'Etat  du  2  décembre 
1851  et,  quand  il  lui  fut  permis  de  rentrer  en  France, 
mena  comme  journaliste,  à  Perpignan,  une  vigoureuse 
campagne  contre  le  gouvernement  impérial.  Préfet  de  la 
Défense  nationale  dans  les  Pyrénées-Orientales  (sept.  1 870), 
il  représenta  ce  département  à  l'Assemblée  nationale  (1871) 
où,  comme  membre  de  l'Union  républicaine,  il  soutint  le 
gouvernement  de  Thiers  et  contrecarra  de  toutes  ses  forces 
celui  de  Vordre  moral,  puis  au  Sénat  (30  janv.  1876), 
où  il  resta  jusqu'au  bout  fidèle  à  son  drapeau  politique. 

LEFRANC  (Abel-Jules-Maurice),  historien  français,  né 
à  Elincourt-Sainte-Marguerite  (Oise)  le  27  juill.  1863. 
Elève  de  l'Ecole  des  chartes  et  de  l'Ecole  des  hautes 
études,  il  compléta  ses  études  aux  universités  de  Leipzig 
et  de  Berlin.  Il  fut  successivement  ensuite  attaché  à  la  bi- 
bliothèque Mazarine,  archiviste  aux  Archives  nationales, 
secrétaire  du  Collège  de  France.  Ses  principales  publica- 
tions sont  :  Histoire  de  la  ville  de  Noyon  et  de  ses  ins- 
titutions jusqu'à  la  fin  du  xiii«  siècle  (Bibliothèque  de 
r Ecole  des  hautes  études,  1887,  75^  fascicule)  ;  Notes 
sur  renseigiiement  de  l'histoire  dans  les  universités 
de  Leipzig  et  de  Berlin  {Revue  internationale  de 
V Enseignement,  mars  1888)  ;  la  Jeunesse  de  Calvin 
(Paris,  1888,  in-8)  ;  Histoire  du  Collège  de  France  de- 
puis ses  origines  jusqu'à  la  fin  du  premier  Empire 
(Paris,  1893,  in-8j.  11  a  publié  en  outre  de  nombreux 
articles  dans  la  Revue  critique  et  la  Revue  internaiio- 


—  1437  - 


LEFRANC  ~  LEGALLOIS 


nale  de  renseignement  ;  il  est  l'un  des  collaborateurs  de 
la  Grande  Encyclopédie» 

LE  FRANC  DE  PoMPiGNAN  (V.  Pompignan). 

LEFRANÇAIS  (Gustave),  homme  politique  français,  né 
à  Angers  en  4826.  Instituteur  révoqué  à  cause  de  ses  opi- 
nions libérales  (4850),  proscrit  à  la  suite  du  coup  d'Etat 
du  Deux-Décembre,  il  revint  en  France  en  4859  et  fut 
comptable  à  la  Compagnie  Richer.  Orateur  renommé  de 
réunions  publiques,  il  réclama,  dès  1870,  l'organisation 
d'une  commune.  Arrêté  à  la  suite  de  Féchauffourée  du 
34  oct.,  il  fut  acquitté  en  4871  par  le  quatrième  conseil 
de  guerre.  Elu  membre  de  la  Commune  le  26  mars  par  le 
IV®  arrondissement,  il  fit  partie  de  la  commission  executive, 
de  celle  des  finances,  puis  de  celle  du  travail.  Après  la  vic- 
toire du  gouvernement,  il  passa  en  Suisse  où  il  contribua  à 
la  fondation  de  la  Revanche.  Condamné  à  mort  par  con- 
tumace le  34  août  1872,  il  continua  à  faire,  à  l'étranger, 
de  la  propagande  socialiste,  voire  anarchiste,  et  prit  part, 
notamment,  au  congrès  de  La  Haye.  Il  a  écrit  :  Etude  sur 
le  mouvement  communaliste  à  Paris  en  1B11  (Genève, 
1872,  in-8)  ;  Des  Sociétés  considérées  au  point  de  vue 
de  la  personnification  civile  (Bruges,  1872,  in-8). 

LE  FRANÇAIS  de  Lalânde  (V.  Lalande). 

LE  FRANCQ  de  Berkhey  (V.  Berkhey). 

LEFRÉN  (Jphan-Peter),  officier  et  écrivain  militaire 
suédois,  né  à  Âbo  en  1784,  mort  à  Stockholm  en  1862. 
A  seize  ans,  il  entra  comme  cadet  à  l'Ecole  de  guerre  de 
Karlsberg,  fut  nommé  lieutenant  en  1806,  prit  part,  en 
qualité  de  capitaine,  à  la  guerre  de  Finlande,  devint  pro- 
fesseur à  l'Ecole  de  guerre  en  1 812  et  fut  choisi,  en  1 821 , 
comme  gouverneur  de  cette  même^école,  poste  qu*il  occupa 
avec  une  grande  distinction  pendant  dix-huit  ans.  Chef  du 
corps  du  génie  en  1839,  il  passa  général  commandant  du 
4®  district  militaire  en  1847,  et  se  trouva,  l'année  sui- 
vante, à  la  tête  des  troupes  suédoises  et  norvégiennes  ras- 
semblées en  Scanie  pour  soutenir  les  Danois  au  cas  d'une 
invasion  du  Jutland  par  les  Allemands.  Il  ne  prit  sa  re- 
traite qu'en  1856,  mais  conserva  les  fonctions  de  président 
du  comité  de  la  guerre  (Krigskollegium)  jusqu'à  sa  mort. 
Membre  du  Parlement,  il  s'y  est  montré  libéral,  a  soutenu 
les  réformes  de  l'enseignement  secondaire,  du  système  des 
poids  et  mesures,  de  la  loi  électorale,  etc.  Il  a  publié  ses 
Cours  de  science  militaire  (1817-18,  3  parties),  et  un 
nombre  considérable  d'articles  techniques  dans  les  Comptes 
rendus  de  V Académie  des  sciences  militaires.  Une 
partie  de  ses  travaux  ont  été  traduits  en  allemand .    Th.  C. 

BiBL.  :  Lefn,  teckn.  ô.  k.  svenska  Vet.Akad.  afl.  Led., 
I,  pp.  480-504. 

LE  FUEL  (Martin- Hector),  architecte  français,  né  à 
Versailles  le  14  nov.  1810,  mort  à  Paris  lel^^janv.  1881. 
Elève  de  son  père,  de  Huyot  et  de  l'Ecole  des  beaux-arts, 
il  remporta  le  prix  de  Rome  en  1839.  Il  dessina  en  1848 
une  Cheminée  monumentale  pour  le  palais  de  Flo- 
rence (exécutée  ensuite  par  M.  Ottin)  qui  fut  très  admi- 
rée. Il  succéda  à  Visconti,  en  1854,  dans  la  direction  des 
travaux  du  Louvre  pour  rattacher  ce  palais  à  celui  des  Tui- 
leries. Il  modifia  son  plan,  particulièrement  du  côté  de  la 
rue  de  RivoU,  dont  il  combina  la  riche  décoration  et  fit 
grand  usage  du  fer.  Il  construisit  un  palais  provisoire  en 
bois  pour  FExposition  des  beaux-arts  en  1855,  bâtit  l'hô- 
tel Fould,  rue  Saint-Honoré,  etc.  Il  fut  élu  membre  de 
l'Institut  en  1855,  nommé  professeur  à  l'Ecole  des  beaux- 
arts,  etc.  Enfin  il  refit  les  pavillons  des  guichets  du  Car- 
rousel (1869)  et  le  pavillon  de  Marsan,  après  les  incendies 
de  1871.  A.-M.  B. 

LEGA  (V.  Legha). 

LEGAGNEUR  (Hubert-Michel-Fortuné),  magistrat  et 
homme  politique  français,  né  à  Hattonchâtel  (Meuse)  le 
17  févr.  1797,  mort  à  Paris  le  10  janv.  1876.  Avocat  à 
Metz  en  1816,  il  entra  dans  la  magistrature  en  1820. 
Lors  de  l'attentat  de  Boulogne  en  1840,  il  était  procureur 
général  à  Douai  et  il  dirigea  en  cette  qualité  les  poursuites 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.  —  IXI. 


contre  le  prince  Louis-Napoléon.  Créé  pair  de  France  en 
1845,  il  entra  le  9  août  1847  comme  conseiller  à  la  cour 
de  cassation  où  il  rapporta  un  grand  nombre  de  procès 
criminels  importants.  Il  devint  président  de  la  chambre 
criminelle  le  19  déc.  1868,  et  prit  sa  retraite  le  5  mars 
1872. 

LÉGALISATION.  Un  certain  nombre  d'actes  (actes  de 
l'état  civil,  certificats  de  vie,  actes  notariés,  etc.)  ont 
besoin  d'être  légalisés,  généralement  lorsqu'ils  doivent  être 
employés  en  dehors  du  ressort  du  signataire.  Nous  ne  par- 
lerons ici  que  des  actes  les  plus  usuels  :  1^  les  certificats 
de  vie,  qui  sont  exigés  pour  toucher  les  rentes  ou  les  pensions 
de  l'Etat,  sont  rédigés  parles  notaires  dont  la  signature  doit 
être  légalisée,  soit  par  le  président  du  tribunal  civil,  soit 
par  le  juge  de  paix  dans  les  cantons  où  il  n'y  a  pas  de  tri- 
bunal ;  2°  les  actes  de  toutes  sortes  délivrés  par  les  com- 
missaires de  police,  les  médecins,  les  chirurgiens,  les  mem- 
bres des  bureaux  de  bienfaisance,  etc.,  sont  légalisés  parle 
naaire;  3°  les  actes  de  l'état  civil  sont  légalisés  par  le  pré- 
sident du  tribunal  civil  de  première  instance  ou  dans  le 
canton  où  il  n'y  a  pas  de  tribunal  par  le  juge  de  paix  ; 
4^  les  divers  actes  notariés  sont  légalisés  également  par  le 
président  du  tribunal  ou  le  juge  de  paix  ;  5®  les  actes  por- 
tant signature  des  membres  d  un  tribunal  de  commerce  ou 
d'un  syndicat  d'agents  de  change  et  courtiers  sont  légalisés 
par  le  président  du  tribunal  de  commerce  ;  6^  les  brevets 
de  capacité  pour  les  instituteurs  primaires  sont  légalisés 
par  le  recteur  ;  7«  les  actes  des  agents  de  l'administration 
des  finances  sont  légalisés  par  les  trésoriers  généraux  ou 
les  agents  hiérarchiquement  supérieurs  aux  signataires  ; 
8°  les  actes  administratifs  émanant  des  sous-préfets  sont 
légalisés  par  le  préfet,  émanant  des  maires  ou  des  agents 
inférieurs,  par  le  préfet  ou  le  sous-préfet;  9*^ les  jugements 
et  arrêts  et  tous  les  actes  destinés  à  l'étranger  portent  la 
signature  de  tous  les  agents  en  remontant  hiérarchique- 
ment jusqu'au  ministre  des  affaires  étrangères,  dont  la 
signature  est  à  son  tour  légalisée  par  celle  de  l'ambassa- 
deur du  pays  où  l'acte  doit  servir. 

La  légalisation  donnée  par  les  juges  est  passible  d'un 
droit  de  0  fr.  25  perçu  par  les  greffiers.  La  légalisation 
donnée  par  les  agents  de  l'administration  n'est  passible 
d'aucun  droit.  Enfin  la  légalisation  donnée  au  ministère  des 
affaires  étrangères  est  soumise  à  des  taxes  autorisées  par 
les  lois  de  finances. 

LEGALLOIS  (Julien-Jean-César),  physiologiste  fran- 
çais, né  à  Cherneix,  près  de  Dol,  le  i^'  févr.  1770,  mort 
à  Paris  en  févr.  1814.  Il  étudia  à  Caen,  mais  dut  en  partir 
en  1793  après  avoir  pris  le  parti  des  fédéralistes.  Il  se 
réfugia  à  Paris,  puis  fut  envoyé  par  la  commission  des 
poudres  et  salpêtres  dans  son  département,  d'où  il  revint 
comme  élève  de  l'Ecole  de  santé.  Sa  thèse  sur  le  Sang 
(an  XIII)  indique  ses  tendances  en  physiologie  expéri- 
mentale, science  qu'il  fit  beaucoup  progresser.  En  1812, 
il  fut  nommé  médecin  à  Bicêtre.  Son  ouvrage  le  plus  re- 
marquable est  :  Expérience  sur  le  principe  de  la  vie, 
notamment  sur  celui  des  mouvements  du  cœur^  et  sur 
le  siège  de  ce  principe,  etc.  (Paris,  1812,  in-8).  Legallois 
a  fait  voir,  le  premier,  dans  cet  ouvrage,  que  le  principe 
de  la  vie  semble  résider  en  un  point  particulier  de  la  moelle 
allongée.  Toutes  les  publications  de  Legallois  ont  été  réu- 
nies dans:  OEuvres.,.,  avec  des  notes  de  M.  Pariset.,, 
(Paris,  1828,  2  vol.  in-S). 

Son  fils,  Eugène  (1804-31),  fut  également  un  physio- 
logiste distingué,  mort  prématurément.         D^  L.  Hn. 

LEGALLOIS  (Amélie-Marie-Antoinette),  danseuse  fran- 
çaise, née  à  Paris  en  1804.  Elève  de  l'école  de  danse  de 
l'Opéra,  elle  fit  partie  d'abord  du  corps  de  ballet,  et  fut 
admise  à  débuter,  le  6  sept.  1722,  dans  le  ballet  de  Clari, 
où  son  succès  fut  immédiat.  Elle  fit  de  nombreuses  créations 
dans  les  ballets  représentés  à  cette  époque,  entre  autres  : 
la  Somnambule,  la  Belle  au  bois  dormant,  Manon 
Lescaut,  VOrgie,  où  elle  se  montra  particulièrement  re- 
marquable, Vile  des  Pirates,  le  Diable  boiteux,  la  Fille 

72 


LEGALLOIS  —  LEGAT 


~-  4138  — 


du  Danube,  etc.  M^^^  Legallois  prit  sa  retraite  vers  1839. 

LEGALLOIS  de  Grimàrest  (V.  Grimarest). 

LEGARt:  (Hugh  Swintou),  homme  d'Etat  américain,  né 
à  Charleston  le  2  janv.  1797,  mort  à  Boston  le  20  juin 
1843.  Son  père  descendait  de  huguenots  français.  L'inocu- 
lation de  la  petite  vérole  paralysa  son  développement,  et  il 
se  voua  à  l'étude  des  lettres  et  du  droit;  il  la  compléta  en 
France  et  à  Edimbourg,  revint  diriger  sa  plantation  de  co- 
ton ;  élu  au  Congrès  de  la  Caroline  (1820),  il  se  fixa  à  Char- 
leston et  y  exerça  la  profession  d'avocat.  Il  fut  l'ardent  dé- 
fenseur de  l'Union  au  moment  du  conflit  de  la  nullification. 
En  1832,  il  fut  nommé  chargé  d'affaires  à  Bruxelles;  en 
1837,  député  au  Congrès  fédéral  où  il  prit  une  grande  place 
parmi  les  whigs.  Non  réélu,  il  fut  dédommagé  par  de  bril- 
lants succès  au  barreau  et  dans  les  revues  ;  Tyler  le  nomma 
attorney  gênerai  des  Etats-Unis  (1841)  et  de  plus  le  char- 
gea (après  Webster)  du  secrétariat  d'Etat  pour  les  alFaires 
étrangères.  On  a  publié  un  recueil  de  ses  principaux  arti- 
cles et  discours  (Charleston,  1846,  2  vol.  in-8).  Parmi 
ces  articles,  les  plus  célèbres  sont  ceux  de  la  Southern 
Reuiew,  delà  Classical  Literalure,  rédigés  vers  1830,  et 
ceux  de  la  New  York  Review  (Demostfienes,  The  Athe- 
nian  democracy,  The  Roman  Law).  A. -M.  B. 

LtGÂT.  I.  Histoire  romaine.  —  Cette  qualification 
vague  de  délégué  fut  appliquée  par  les  Romains  à  des  envoyés 
ou  fonctionnaires  de  diverses  catégories.  En  premier  Meu  à 
des  délégués  du  Sénat  (V.  ce  mot)  choisis  par  lui  dans  son 
sein;  c'était  le  cas  pour  les  ambassadeurs  ;  à  la  fin  de  la  Répu- 
blique, la  crainte  du  nom  romain  était  telle  que  ces  ambassa- 
deurs étaient  dans  une  condition  privilégiée  et  défrayés  de 
tout  ;  si  bien  que  les  sénateurs  qui  voulaient  voyager  se  fai- 
saient confier  une  legatio  libéra,  mission  fictive  ;  il  fallut  une 
loi(Tullia  de  legationibus  liberis,  en  63)  pour  réprimer  cet 
abus.  — Au  moment  où  une  province  (V.  ce  mot)  conquise 
était  incorporée  au  territoire  de  la  Répubhque,  c'était  une 
commission  de  dix  legati  qui  réglait  son  organisation  et  ré- 
digeait sa  charte  {lex  provincice)  d'accord  avec  le  général 
conquérant;  elle  remplissait  ici  l'office  des  décemvirs  élus 
par  le  peuple  pour  fonder  les  colonies  ou  ratifier  les  traités. 
Le  Sénat  accréditait  encore  auprès  des  gouverneurs  de  pro- 
vinces des  légats  qui  les  aidaient  dans  leurs  fonctions  mili- 
taires et  judiciaires.  En  second  lieu,  les  gouverneurs  de  pro- 
vince pouvaient  s'adjoindre  des  legati proprœtore  auxquels 
ils  déléguaient  tout  ou  partie  de  leur  pouvoir,  qu'ils  char- 
geaient, par  exemple,  d'aller  exposer  une  affaire  au  Sé- 
nat, etc.  Lorsque  l'Empire  se  fut  établi,  dans  les  provinces 
impériales  l'imperium  proconsulaire  appartint  à  l'empereur 
auquel  furent  réservés  en  théorie  les  pouvoirs  de  gou- 
verneur ;  le  gouverneur  effectif  ne  fut  que  son  délégué, 
legatus  Augusti  pro  prœtore.  On  distingua,  selon  le 
rang  que  devait  avoir  dans  la  hiérarchie  officielle  ce  gou- 
verneur (selon  que  la  province  était  classée  comme  consu- 
laire, prétorienne,  procuratorienne),  les  legati  consular es 
et  legatii  prœtorii,  le  titre  de  légat  n'étant  pas  donné 
aux  procurateurs.  D'autre  part,  les  commandants  de  légions 
devinrent  legati  legionum;  quand  ils  avaient  été  préteurs, 
on  les  intitulait  legatus  pro  prœtore  legionis.  Enfin,  il 
y  eut  des  legati  juridici,  juges  auxiliaires  que  l'empereur 
envoyait  dans  les  provinces  comme  aides  ou  suppléants  des 
gouverneurs.  Quand  on  constituait  un  important  détache- 
ment militaire  (yexillatio),  sans  déplacer  la  légion  entière 
et  ses  aigles,  l'officier  qui  le  commandait  (tribun  ou  centu- 
rion) était  qualifié  de  legatus  Augusti.  Pour  compléter 
cette  nomenclature,  il  reste  à  mentionner  les  délégués  spé- 
ciaux chargés  du  cens  [legatus  ad  census,  un  par  pro- 
vince) et  les  délégués  {legati,  aûvehpoi)  des  villes  aux 
assemblées  provinciales.  A. -M.  B. 

II,  Histoire  religieuse.  —  Légat  bu  pape.  —  Sui- 
vant la  définition  des  canonistes,  le  légat  est  un  prélat 
envoyé  par  le  pape,  pour  tenir  sa  place  et  exercer  sa  juri- 
diction, dans  les  lieux  où  il  ne  peut  se  trouver  en  personne. 
Dans  les  trois  premiers  siècles,  on  ne  trouve  point  d'indices 
de  cette  fonction,  à  moins  qu'on  les  cherche  avec  le  ferme 


désir  de  découvrir  dès  le  commencement  ce  qui  a  été  établi 
ensuite.  Le  premier  cas,  bien  certain,  d'une  représentation 
de  ce  genre  se  produisit  au  concile  œcuménique  de  Nicée 
(325),  où  le  pape  Sylvestre,  incapable  de  faire  le  voyage, 
députa  deux  prêtres,  Victor  (ou  Vitus)  et  Vincentius.  Les 
historiens  latins  prétendent  que  Hosius,  évêque  de  Cordoue, 
assista  à  ce  concile  comme  légat  du  pape,  et  qu'il  le  pré- 
sida en  cette  qualité  ;  mais  ces  points  sont  très  sérieuse- 
ment contestés.  Même  débat  relativement  à  la  présidence 
du  concile ^ de  Sardique  par  Hosius  (V.  ce  nom).  Aucun 
prélat  de  l'Eglise  latine  n'assista  au  deuxième  concile  œcu- 
ménique (Constantinople,  381).  Le  pape  Damase  n'y  fut 
représenté  par  aucun  légat.  Lors  de  la  controverse  nesto- 
rienne,  le  pape  Célestin  avait  institué  comme  son  légat 
Cyrille,  patriarche  d'Alexandrie  :  Vicem  nostram,  prop- 
ter  maritima  et  terrena  spatia,  ipsi  sayicto  fratri 
meo  Cyrillo  delegavimus.  Lorsque  se  réunit  le  concile 
d'Ephèse  (430),  il  y  envoya  deux  évoques,  Arcadius  et 
Pfojectus,  et  un  prêtre,  Philippe,  avec  ordre  de  suivre  les 
directions  de  Cyrille,  et  de  maintenir  sur  tous  les  points 
l'autorité  du  siège  de  Rome.  Les  instructions  qu'ils  avaient 
reçues  furent  insérées  dans  les  actes  du  concile.  Paschasi- 
nus  et  Lucentius  siégèrent  au  concile  œcuménique  de  Chai- 
cédoine  (451),  comme  légats  du  pape  Léon.  —  En  même 
temps  qu'ils  se  faisaient  ainsi  représenter  dans  les  conciles 
généraux,  les  papes  entreprenaient  de  déléguer  des  com- 
missaires pour  agir  sur  les  conciles  particuliers  ou  pour 
régler  certaines  affaires.  En  419,  l'évèque  Faustin  fut  en- 
voyé au  concile  de  Carthage,  afin  d'y  faire  prévaloir  les 
décrets  du  concile  de  Sardique  sur  les  appellations,  mais 
les  évêques  d'Afrique   protestèrent  et  demandèrent  son 
rappel,  parce   que,  écrivaient-ils,  ils  n'avaient  trouvé, 
dans  aucun  concile,  que  le  pape  eût  le  droit  de  députer  des 
légats  a  sanctitatis  tuœ  latere.  Néanmoins,  quelques 
années  plus  tard,  Léon  chargea  l'évèque  Prudentius  d'aller 
en  Afrique,  pour  faire  une  enquête  sur  des  irrégularités 
concernant  l'ordination  des  évêques.  Après  le  conciliabule 
d'Ephèse,  le  même  pape  commit  l'évèque  Lucentius  et  le 
prêtre  Basilius,  pour  procéder,  de  concert  avec  Anatolius, 
patriarche  de  Constantinople,  à  l'absolution  de  ceux  qui 
répudieraient  la  part  qu'ils  avaient  prise  aux  actes  de  cette 
assemblée.  —  On  sait  l'énorme  développement  que  finit 
par  prendre,  au  milieu  du  moyen  âge,  l'institution  des 
légats.  Suivant  les  théologiens  et  les  canonistes  ultramon- 
tains,  la  pleine  puissance  du  pape  s'étendant  sur  toute  la 
chrétienté,  il  a  le  droit  d'envoyer,  partout  où  il  l'estime 
convenable,  ses  représentants,  ses  légats  «  juges  et  man- 
dataires de  son  pouvoir  »,  comme  disait  Innocent  III.  De 
ce  droit  résulte  pour  tous  les  catholiques  l'obligation  de 
recevoir  les  légats  et  de  n'opposer  aucun  obstacle  à  l'exer- 
cice de  leurs  fonctions. 

La  préfecture  de  l'illyrie  orientale,  sur  laquelle  les  papes 
revendiquaient  l'autorité  patriarcale,  ayant  été  attribuée  à 
l'empereur  d'Orient  (379),  Damase  institua,  comme  son  vi- 
caire dans  cette  partie  de  l'empire,  Achohus,  métropoHtain 
de  Thessalonique.  Cette  légation,  conservée  sous  les  papes 
Sirice  et  Anastase,  fut  formellement  confirmée  par  Léon 
le  Grand.  En  418,  Zozime  établit,  comme  son  représentant 
en  Gaule,  Patroclus,  archevêque  d'Arles.  Les  successeurs 
de  ce  pape  ayant  maintenu  dans  cet  office  les  successeurs 
de  cet  évêque,  la  légation  finit  par  être  attachée  perpétuel- 
lement au  siège  d'Arles.  Des  vicariats  permanents  furent 
constitués,  de  pareille  manière,  en  d'autres  sièges,  notam- 
ment en  ceux  de  Vienne  pour  la  Septimanie,  Bourges  pour 
l'Aquitaine,  Reims  pour  toute  sa  province,  Canterbury  pour 
l'Angleterre,  Saint-André  pour  l'Ecosse,  Mayence,  Trêves, 
Cologne,  Salzbourg,  Magdebourg  pour  l'Allemagne,  Prague 
pour  la  Bohème,  Gnesen  pour  la  Pologne,  Gran  pour  la 
Hongrie.  Les  évêques  de  ces  sièges  reçurent  le  titre  de 
légats-nés  {legati  nati).  Leurs  prétentions  déterminèrent 
des  conflits  avec  les  clergés  nationaux,  puis  des  résistances 
qui  amoindrirent  peu  à  peu  la  valeur  de  leur  dignité,  et, 
finalement,  la  réduisirent  à  des  privilèges  honorifiques.  — 


1139  - 


LÉGAT  -  LÉGATION 


Parmi  ceux  qui  reçoivent  une  délégation  temporaire  de  Tau- 
torité  du  siège  apostolique,  les  légats  a  latere  tiennent  le 
premier  rang.  Leur  nom  indique  qu'ils  sont  pris  dans  l'en- 
tourage du  pape,  dans  les  rangs  les  plus  élevés  de  ses  as- 
sistants et  conseillers  habituels.  Ce  sont  ordinairement  des 
cardinaux,  choisis  après  avis  du  Consistoire,  quoique  le 
pape  puisse  prendre  pour  légat  qui  bon  lui  semble.  La  mort 
du  pape  qui  les  a  nommés  ne  met  point  tin  à  leur  mandat. 
Ils  font  porter  la  croix  devant  eux  et  s'entourent  d'un  cé- 
rémonial pompeux.  A  part  quelques  droits  spécialement 
réservés  au  souverain  pontife,  ils  étaient  investis  autrefois 
de  toute  sa  juridiction  spirituelle.  Beaucoup  abusèrent  de 
leur  office.  Saint  Bernard  lui-même  dénonce  leur  cupidité  : 
Nonne  alterius  sœculi  res  est  redisse  legatum  de  terra 
auri  sine  auro^  transisse  per  terrant  argentin  et  ar- 
gentum  nescisse?  Les  décrétales  restreignirent  leurs  attri- 
butions, et  le  concile  de  Trente  abolit  toute  juridiction  des 
légats  qui  ferait  concurrence  à  celle  des  évêques  {Sess. 
XkîV^  C,  50,  De  Reform,),  Bouchel  (Bibliothèque  cano- 
nique; Paris,  1609,  1621,  in  fol.)  énumère  82  cas  pour 
lesquels  l'autorité  des  légats  n'était  point  acceptée  en  France, 
quoique  le  pape  leur  attribuât  des  pouvoirs  contraires  au 
droit  reçu  dans  le  royaume.  —  Les  legati  missi  ou  dati 
ont  des  pouvoirs  moins  étendus  que  ceux  des  légats  a  la- 
tere ;  ils  sont  envoyés  pour  une  commission  particulière 
ou  pour  exercer  une  juridiction  ordinaire  dans  un  certain 
pays.  Les  nonces  et  les  internonces  sont  de  ce  nombre 
(V.  ces  mots  et  Vicaire  apostolique). 

Les  abus  des  légats  déterminèrent  plusieurs  nations  à 
prendre  des  mesures  pour  y  obvier.  Les  Anglais  avertirent 
Pascal  II  qu'ils  ne  souffriraient  point  d'autres  légats  que 
l'archevêque  de  Canterbury,  et  qu'aucun  ne  mettrait  le  pied 
dans  leur  pays,  sinon  avec  l'agrément  du  roi.  Les  Siciliens 
firent  de  même.  Boniface  YIII  ayant  prétendu  qu'il  pouvait 
envoyer  ses  légats  partout  sans  le  consentement  des  princes, 
nonobstant  tout  usage  contraire,  Philippe  le  Bel  lui  ré- 
pondit qu'il  n'en  recevrait  aucun,  s'il  lui  était  suspect  ou 
s'il  avait  quelque  autre  raison  de  le  repousser.  Ces  ré- 
serves et  les  précautions  prises  à  l'égard  des  légats  sont 
énoncées  dans  les  Libertés  de  V Eglise  gallicane  :  «  XL  Le 
pape  n'envoie  point  en  France  de  légat  a  latere^  sinon 
à  la  postulation  du  roi  ou  de  son  consentement.  Le 
légat  n'use  de  ses  facultés  qu'après  avoir  baillé  par  écrit 
la  promesse  et  juré  de  n'user  desdites  facultés,  sinon  tant 
et  si  longuement  qu'il  plaira  au  roi...  sans  entreprendre 
ni  faire  chose  préjudiciable  aux  saints  décrets,  conciles  gé- 
néraux, franchises,  libertés  et  privilèges  de  l'Eglise  galli- 
cane et  des  universités  et  études  publiques  du  royaume. 
Les  facultés  de  tels  légats  sont  présentées  à  la  cour  de  par- 
lement, où  elles  sont  examinées  et  registrées,  sous  telles 
modifications  que  la  cour  voit  être  à  faire  pour  le  bien  du 
royaume.  — XII.  Disposition  analogue  pour  la  légation  d'Avi- 
gnon. Nous  l'avons  reproduite  au  mot  France  ecclésias- 
tique (t.  XVII,  p.  4037).— -LVIIL  Le  légat  a /a^^r^  ne  peut 
députer  vicaire  ou  subdéléguer  pour  l'exercice  de  sa  léga- 
tion, sans  le  consentement  exprès  du  roi;  mais  il  est  tenu 
d'exercer  lui-même  son  pouvoir  tant  qu'il  dure.  LX.  A  son 
partement,  il  est  tenu  de  laisser  en  France  les  registres 
des  expéditions  faites  du  temps  de  sa  légation,  pour  ce  qui 
concerne  le  royaume,  ensemble  les  sceaux d'icelles,  es  mains 
de  quelque  fidèle  personnage  que  le  roi  députe,  pour  expé- 
dier ce  qu'il  appartiendra.  »  Jusqu'à  ce  qu'il  eût  reçu  l'ap- 
probation'du  roi,  le  légat  ne  pouvait  s'avancer  en  France 
au  delà  de  Lyon.  Pourtant,  une  bulle  de  Jean  XXII  me- 
naçait d'excommunication  et  d'interdit  les  princes  et  les 
pays  qui  refuseraient  d'accueillir  les  légats  du  pontife  ro- 
main: Super  g  entes  et  régna  pontifexRomanus  at  Do- 
mino constitutus.  Les  Articles  organiques  (18  germinal, 
an  X)  rappellent  et  confirment  les  franchises  de  l'Etat  et 
de  l'Église  gallicane  à  l'égard  des  agents  du  pape  :  Aucun 
individu  se  disant  nonce,  légat,  vicaire  ou  commissaire 
apostolique,  ou  se  prévalant  de  toute  autre  dénomination, 
ne  pourra,  sans  l'autorisation  du  gouvernement,  exercer 


sur  le  sol  français  ni  ailleurs  aucune  fonction  relative  aux 
affaires  de  l'Eglise  gallicane  (art.  II).  Dans  une  lettre  adres- 
sée à  Talleyrand,  ministre  des  affaires  extérieures  (18  août 
1803),  le  cardinal  Caprara  protesta  contre  cet  article,  au 
nom  du  pape.  E.-H.  Vollet. 

BiBL.  :  Histoire  romaine.  —  V.  Sénat  et  Province. 

LÉGATAIRE  (V.  Legs). 

LÉGATION.  I.  Droit  internationaL  —  Le  mot  de 
légation  se  prend  dans  plusieurs  acceptions  différentes  ; 
il  désigne  les  fonctions  d'un  légat  (V.  ce  mot)  et  le  temps 
qu'elles  durent;  avant  1870,  les  provinces  des  Etats  de 
l'Eglise  que  gouvernait  un  légat;  dans  le  langage  diploma- 
tique usuel,  une  mission  de  second  ordre  ayant  à  sa  tête 
un  simple  ministre  ou  un  chargé  d'affaires,  l'hôtel  où  elle 
a  son  siège  et,  enfin,  l'ensemble  du  personnel  qui  y  est 
attaché.  Lorsque  les  missions  ont  à  leur  tête  un  ambassa- 
deur, on  emploie  pour  ces  trois  dernières  acceptions  le  mot 
ambassade  au  lieu  de  celui  de  légation. 

Le  droit  de  légation  est  le  droit  qu'a  tout  Etat  indépen- 
dant et  souverain  d'envoyer  ou  de  recevoir  des  agents  diplo- 
matiques chargés  de  servir  d'intermédiaires  dans  ses  rela- 
tions avec  d'autres  Etats.  Il  est  dit  actif  o\x  passif,  suivant 
qu'il  s'agit  d'envoyer  ces  agents  ou  de  les  recevoir.  Le 
droitd'envoyer  des  agents  diplomatiques  n'appartient  qu'aux 
Etats  en  possession  de  la  pleine  souveraineté,  à  ceux  qui, 
par  rapport  aux  autres  puissances,  jouissent  du  droit  de 
déclarer  la  guerre,  de  faire  la  paix  ou  de  conclure  des 
traités.  Non  seulement  aucun  sujet,  aucun  particulier, 
quelque  considérables  que  soient  ses  prérogatives  ou  sa 
situation,  ne  possède  le  droit  de  légation,  mais  encore  ce 
droit  ne  saurait  être  revendiqué  par  un  Etat  simplement 
mi-souverain  ou  protégé,  en  tant  du  moins  que,  d'après 
les  conventions  qui  le  lient  à  la  puissance  suzeraine  ou 
protectrice,  c'est  elle  qui  est  chargée  de  le  représenter  et 
de  défendre  ses  intérêts  vis-à-vis  des  puissances  étran- 
gères. Ainsi,  d'après  la  convention  internationale  de  1858 
qui  régla  l'organisation  des  Principautés-Unies  de  Moldavie 
et  de  Valachie,  sous  la  suzeraineté  de  la  Porte  ottomane, 
l'hospodar  était  admis  à  se  faire  représenter  à  Constanti- 
nople  ;  mais  les  diplomates  ottomans  étaient  seuls  chargés 
de  représenter  les  Principautés-Unies  à  l'étranger,  et  ce 
n'est  que  depuis  la  rupture  du  lien  de  vasselage^  en  vertu 
d'un  article  du  traité  de  Berlin  en  1878,  que  la  Roumanie, 
devenue  Etat  indépendant  et  souverain,  jouit  directement 
du  droit  de  légation  actif  et  passif.  Ainsi  encore,  les  can- 
tons suisses,  tant  qu'ils  ne  formaient  qu'une  confédération 
d'Etats  autonomes,  exerçaient  ce  droit  individuellement  ; 
depuis  que,  surtout  par  la  constitution  de  1874,  la  Suisse 
s'est  convertie  en  un  Etat  fédéral  et  que  le  droit  de  déclarer 
la  guerre,  de  faire  la  paix  ou  de  conclure  des  alliances  ou 
des  traités  a  été  exclusivement  réservé  au  pouvoir  fédéral 
(art.  8),  les  cantons  sont  descendus,  au  point  de  vue  du 
droit  international,  au  rang  d'Etats  mi-souverains  et  n'ont 
plus  individuellement  le  droit  de  légation.  Il  en  est  de  même 
des  Etats  constituant  la  grande  république  de  l'Amérique 
du  Nord  et  plusieurs  des  républiques  fédératives  de  l'Amé- 
rique du  Sud  :  malgré  la  très  large  autonomie  intérieure 
qui  leur  est  garantie,  ils  ne  sont  pas  des  personnes  dis- 
tinctes et  indépendantes  au  regard  des  puissances  étran- 
gères et  ne  peuvent  entretenir  de  relations  avec  elles  que 
par  l'entremise  de  l'autorité  fédérale.  Dans  l'empire  alle- 
mand actuel,  dont  la  constitution  centrahse  toutes  les  pré- 
rogatives de  la  souveraineté  extérieure  entre  les  mains  de 
l'empereur  et  des  autorités  impériales  (art.  7),  on  a  cru 
devoir,  pour  des  considérations  particulières,  ne  pas  rayer 
d'un  trait  de  plume  le  droit  de  légation  dont  étaient  anté- 
rieurement investis  tous  les  Etats  de  la  Confédération  ger- 
manique ;  mais  il  ne  s'exerce  plus  que  dans  une  mesure 
fort  restreinte.  Certains  auteurs,  tels  que  Vattel,  G,-F.  de 
Marlens,  Kliiber,  ont  enseigné  que  les  vice-rois  ou  gou- 
verneurs d'une  colonie  éloignée  pouvaient  être  autorisés  à 
envoyer  ou  à  recevoir  des  agents  diplomatiques  ;  cela  n'est 
exact  qu'à  titre  tout  à  fait  exceptionnel  et  en  vertu  d'une 


LÉGATION  —  LEGENDE 


1440 


concession  expresse  de  la  métropole  ;  encore  peut-on  se 
demander  si  le  droit  de  légation,  au  sens  propre  de  l'ex- 
pression, est  de  nature  à  exister  autrement  qu'entre  Etats. 
Le  droit  d'envoyer  des  agents  diplomatiques  appartient  à 
l'organe  suprême  du  gouvernement,  souverain,  président, 
ou  conseil,  que  la  constitution  du  pays  en  investit  ;  en  cas 
de  régence,  au  régent,  mais  au  nom  du  souverain  régnant. 
Un  souverain  détrôné,  par  cela  même  qu'il  a  perdu  l'exer- 
cice de  la  souveraineté,  ne  jouit  plus  du  droit  de  légation. 
En  cas  de  révolution,  on  admet  aujourd'hui  de  plus  en  plus 
que  les  Etats  étrangers  doivent  accepter  lesfaiis  accomplis 
et  que  le  droit  de  légation  appartient  au  gouvernement  ac- 
tuellement en  possession  du  pouvoir  ;  le  seul  cas  où  des 
Etats  puissent  continuer  leurs  relations  avec  l'ancien  gou- 
vernement, sans  porter  atteinte  à  la  souveraineté  natio- 
nale, est  celui  d'une  guerre  civile  dans  laquelle  les  parties 
combattent  encore  à  chances  égales  ;  tant  que  dure  la  lutte, 
on  peut  continuer  à  considérer  l'ancien  gouvernement  comme 
investi  des  droits  de  la  souveraineté  ;  mais  il  n'en  est  plus 
de  même  quand  sa  défaite  est  consommée.  Si  tout  Etat 
souverain  a  le  droit  d'envoyer  des  agents  diplomatiques, 
il  convient  d'ajouter  qu'en  principe  il  est  libre  de  ne  pas 
user  de  ce  droit  et  de  ne  consulter  que  ses  convenances 
particulières  :  il  n'est  nullement  lié  par  la  réciprocité.  De 
même,  son  droit  de  légation  passif  est  doublé  de  la  faculté 
de  ne  pas  recevoir,  soit  les  agents  de  telle  puissance,  soit 
tels  agents  contre  lesquels  il  aurait  des  objections  person- 
nelles; seulement,  un  Etat  qui  refuserait,  sans  motifs,  de 
recevoir  un  ministre  étranger,  s'exposerait  à  la  rétorsion, 
et  celui  qui  prétendrait  n'entretenir  de  relations  diplo- 
matiques avec  aucune  autre  puissance  se  retirerait  par 
là  même  du  système  politique  qui  relie  l'ensemble  des 
nations  civilisées.  En  principe,  et  sauf  les  précautions  ou 
formalités  que  les  hostilités  engagées  peuvent  rendre  néces- 
saires, l'état  de  guerre  ne  suspend  pas  le  droit  de  léga- 
tion :  les  Etats  belligérants  peuvent  continuer  à  s'envoyer 
des  agents  chargés  de  propositions,  et  ces  agents  doivent 
être  reçus.  Ernest  Lehr. 

IL  Histoire  religieuse.  —  Légation  d'Avignon 
(V.  France  ecclésiastique). 

BiJBL.  :  Droit  INTERNATIONAL.  —  Cal.\o^  Dictionnaire  de 
droit  internationsil^  v°  Légatioii  et  le  Droit  international 
théorique  et  pratique, '^^iOO  etsuiv.  — Bluntsciili,  le  Droit 
international  codifié,  trad.  Lardy,  n^s  159  et  suiv.  —  Heff- 
ter,  le  Droit  international  de  VEurope,  éd.  Geffcken,  §  200. 

—  Esperson,  Diritto  diplomatico,  n»»  18  et  suiv.  —  Ernest 
Lehr,  Manuel  des  agents  diplomatiques  et  consulaires^ 
no8  48  à  80.  —  Ch.  de  Martens,  Guide  diplomatique,  §  5. 

—  F.  DE  Martens,  Traité  de  droit  internationaU  t .  II, 
pp.  31  et  suiv.  —  G.-F.  de  Marteins,  Précis  du  droit  des 
gens,  éd.  Vergé,  §§  187  et  188.  —  Klûber,  Droit  des  gens 
modernes,  éd.  Ott,  §§  175  et  176.  —  Neumann,  Gru7idriss 
des  heutigen  eurojp.  Vœlkerrechts,  §  58.  —  Prauier-Fo- 
déré,  Traité  de  droit  international  public^  n«*  1239  et  suiv. 

—  Vattel,  le  Droit  des  gens,  éd.  Pradier-Fodéré,  liv.  IV, 
cil.  V,  §§  57  et  suiv. 

LÉGATIONS.  Nom  donné  aux  anciennes  provinces  des 
Etats  de  l'Eglise  ;  la  légation  de  Rome  comprenait  les  délé- 
gations de  Viterbe,  Civita  Vecchia  et  Orvieto  ;  la  légation 
de  la  Campanie,  celles  de  Velletri  et  Frosinone.  Les 
Marches  (provinces  actuelles  d'Ancône,  d'Ascoli  Piceno,  de 
Macerata,  de  Pesaro  et  Urbino),  l'Ombrie  ou  prov.de  Pé- 
rou se,  et  la  Homagne  (prov.  de  Bologne,  Ferrare,  Forli, 
Ravenne),  faisaient  également  partie  des  légations,  — Au 
temps  de  la  domination  autrichienne,  le  royaume  lombardo- 
vénitien  fut  aussi  partagé  en  17  légations. 

LEGATUS  (V.  Légat). 

LEGAULT  (Maria),  actrice  française,  née  à  Paris  le 
1^^  janv.  1858.  Elève  de  Monrose  au  Conservatoire,  elle 
obtenait,  à  l'âge  de  quatorze  ans,  un  second  prix  de  co- 
médie, et  le  premier  l'année  suivante.  Engagée  alors  au 
Gymnase,  elle  prenait  dans  la  troupe  de  ce  théâtre  une 
place  importante  et  faisait  une  foule  de  créations,  dans 
Féréol^  le  Sanglier  des  Ârdennes,  Une  Date  fatale, 
Mademoiselle  Didier,  les  Cinq  Filles  de  CastillonJ' Hô- 
tel Godelot,  les  Petits  Cadeaux,  le  Charmeur,  la  Belle 
madame  Dionis,  les  Mariages  d'autrefois,  les  Petites 


Marmites,  Marthe,  Pierre  Gendron,  etc.  Du  Gymnase, 
M^i^  Legault  passait  en  1879  au  Palais-Royal,  mais  ce 
théâtre  n'était  pas  fait  pour  son  talent  fin  et  délicat,  et, 
en  1881,  l'aimable  artiste  entrait  au  Vaudeville,  où  elle  se 
fit  remarquer  dans  Odette,  Tête  de  linotte.  Un  Mari 
malgré  lui,  la  Vie  facile,  les  Rois  en  exil,  l'Amour, 
Clara  Soleil,  le  ^5*  Hussards,..  W^""  Legault,  après  six 
années  passées  au  Vaudeville,  était  appelée  à  la  Comédie- 
Française,  où  elle  débutait  le  2  déc.  1877  dans  le  Legs. 
Elle  avait  abandonné  l'emploi  des  ingénuités  pour  celui  des 
jeunes  premières  et  des  grandes  coquettes,  et  on  la  vit 
successivement  dans  les  Effrontés,  la  Souris,  Adrienne 
Lecouureur,  l'Autre  Motif,  les  Brebis  de  Panurge; 
elle  ne  craignit  même  pas  d'aborder  le  rôle  si  difficile  de 
Célimène  Am  Misanthrope,  dans  lequel  son  physique  et  son 
talent  manquaient  à  la  fois  d'ampleur  et  d'autorité.  Après 
s'être  montrée  dans  Philiberte,  avoir  créé  Agnès  Sorel 
dans  Alain  Chartier,  W^^  Legault  quitta  la  Comédie- 
Française  pour  le  théâtre  Michel,  de  Saint-Pétersbourg. 

LE  GAVRIAN  (Paul),  homme  politique  français,  né  à 
Meung-sur- Loire  le  28  févr.  \%M.  Elève  de  l'Ecole  cen- 
trale, il  dirigea  l'importante  maison  de  construction  méca- 
nique fondée  par  son  père  à  Lille  jusqu'en  1882.  Elu  dé- 
puté du  Nord  le  4  oct.  1885,  membre  de  l'Union  des 
droites,  successivement  réélu  en  1889  et  en  1893,  cette 
fois  comme  républicain  libéral,  il  a  pris  à  la  Chambre  une 
part  des  plus  considérables  à  tous  les  grands  débats  d'af- 
faires et  il  s'est  surtout  occupé  de  la  législation  du  travail, 
de  sociétés  de  secours  mutuels,  des  droits  de  douanes,  etc. 
Il  a  appuyé  de  ses  votes  le  boulangisme. 

LEGAZPi  (Lopezde)  (V.  Lopezde  Legazpi). 

LÈGE  (Mar.).  On  appelle  ainsi  le  bâtiment  qui  n'a  pas 
à  bord  les  poids  voulus  pour  être  dans  les  lignes  d'eau, 
qui  n'a  ni  son  artillerie,  ni  ses  rechanges,  ni  son  char- 
bon, etc.,  s'il  s'agit  d'un  navire  de  guerre,  et  pas  son  char- 
gement, s'il  s'agit  d'un  navire  de  commerce.  Naturellement 
un  bâtiment  lège  a  bien  moins  de  stabilité  qu'un  navire 
en  charge  et  même  moins  de  vitesse,  son  hélice  n'étant  pas 
immergée  à  la  profondeur  voulue  ;  le  gouvernail  a  aussi 
moins  d'action.  C'est  pour  toutes  ces  raisons  qu'un  navire 
devant  partir  sans  marchandises  embarque  un  lest  vo- 
lant (Y.  ce  mot)  qu'on  débarque  au  point  d'arrivée. 

LÈGE.  Gom.  du  dép.  de  la  Haute-Garonne,  arr.  de 
Saint-Gaudens,  cant.  de  Saint-Béat;  150  hab. 

LÈGE.  Com.  du  dép.  delà  Gironde,  arr.  de  Bordeaux, 
cant.  d'Audenge  ;  741  hab.  Produits  résineux. 

LEGÉ.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Loire-Inférieure, 
arr.  de  Nantes;  4,533  hab.  Corderies,  teintureries,  mou- 
lins. Commerce  de  bestiaux  et  de  beurre.  Eglise  com- 
mencée au  xiv«  siècle  et  terminée  seulement  au  xvii^. 

LÉGENDE.  I.  Liturgie  (V.  Saint). 

II.  HisTomE  UTTÉRAmE.  —  De  bonne  heure,  la  légende 
qui  s'était  bornée  à  traiter  delà  vie  des  saints  fit  incursion 
dans  la  littérature  populaire  des  peuples  chrétiens  sous  forme 
de  poèmes  qui  résument  assez  bien  les  croyances  religieuses 
des  temps  où  ils  furent  composés.  Au  moyen  âge  la  légende 
fleurit  en  France  et  en  Allemagne.  Puis  la  signification  du 
terme  se  modifiant  peu  à  peu,  on  en  vint  à  appeler  légendes 
tous  les  récits  fabuleux  qui  se  rencontrent  à  l'origine  de 
l'histoire  des  peuples  (V.  Mythe,  Conte,  Mythologie).  La 
légende  forme  donc  une  branche  très  importante  de  la  lit- 
térature de  toutes  les  nations.  On  y  a  toujours  pris  un  plaisir 
très  vif,  même  aux  époques  d'extrême  raffinement  intellec- 
tuel ;  celles  qu'ont  fait  revivre  de  nos  jours  des  écrivains 
comme  Anatole  France  ou  Jules  Lemaître  ont  été  les  plus 
goûtés  de  leurs  ouvrages. 

III.  Numismatique.  —  On  désigne  sous  le  nom  de  lé- 
gende toute  inscription  gravée  sur  une  monnaie.  Les  plus 
anciennes  monnaies,  celles  du  vii^  siècle  avant  J.-C,  sont 
anépigraphes,  c.-à-d.  qu'elles  n'ont  aucune  inscription. 
Mais,  dès  le  vi®  siècle,  on  a  gravé  dans  le  champ  des  pièces 
une  ou  plusieurs  lettres,  initiales  du  nom  de  la  cité  qui  les 


—  UM  — 


LEGENDE 


avait  émises.  Par  exemple,  O  (=:  K)  indique  Coririthe; 
SY,  Sybaris;  A0E,  Athènes;  KPO,  Crotone;  nOS, 
Posidonia  ;  KAVA,  Caulonia.  La  représentation  du  nom 
d'une  cité  par  de  simples  initiales  n'est  pas  nécessairement 
un  signe  de  haute  antiquité,  car  certains  ateliers  ont  con- 
servé longtemps  cet  usage.  Dans  d'autres,  au  contraire, 
dès  le  V®  siècle,  on  écrivait  le  nom  du  peuple  tout  au  long. 
Des  noms  complets  apparaissent  très  anciennement  sur  les 
monnaies  incuses  de  la  Grande-Grèce  et  sur  les  monnaies 
primitives  de  la  région  thraco-macédonienne.  La  règle  est 
que  le  nom  de  la  cité  s'exprime  par  le  génitif  pluriel  de  l'ad- 
jectif ethnique  S  YPAKOSIQN  (Syracuse),  0HBAIQN 
(Thèbes),  E<ï)E2]IQN  (Ephèse),  etc.;  le  mot  vd[jLia{Aa  si- 
gnifiant monnaie  est  sous-entendu.  On  trouve  aussi  un 
adjectif  eu  ixov,  comme  LIANOPMITIKON  (Palerme). 
D'après  H.  Waddington,  la  forme  adjective  en  txov  indique 
que  la  monnaie  a  été  frappée  sous  l'autorité  d'un  despote 
et  non  par  une  communauté  libre;  ainsi  SOAIKON  si- 
gnifierait monnaie  frappée  à  Soli,  et  SOAEON,  monnaie 
frappée  par  les  citoyens  de  Soli.  C'est  là  une  hypothèse 
qu'il  faut  abandonner,  comme  l'a  démontré  M.  Babelon  ; 
on  trouve,  en  effet,  l'ethnique  neutre  sur  des  monnaies  de 
villes  qui  n'ont  jamais  eu  de  dynastes  locaux;  de  plus, 
pour  les  monnaies  de  Soli,  l'effigie  du  satrape  Tiribaze 
figure  sur  les  pièces  portant  la  légende  SOAIKON  et  sur 
d'autres  qui  ont  SOAEQN  ;  à  Mallus,  on  a  MAAAO- 
TQN  avec  l'efTigie  de  Tiribaze.  Il  arrive  que  le  nom  de  la 
cité  figure  au  nominatif  singulier,  comme  AKPAFAS, 
désignant  Agrigente;  on  cite  aussi  TAPAS  pour  Tarente, 
mais  c'est  là  le  nom  du  héros  fondateur  de  la  ville  qui  est 
représenté  sur  la  monnaie.  On  a  des  exemples  du  nomi- 
natif singulier  de  l'ethnique,  par  exemple  PHPINOS 
{Rhegium),  MABYMNAIOS  (Methymna).  Sous  les 
empereurs  romains ,  les  cités  grecques  inscrivaient  sur 
leurs  monnaies,  à  la  suite  de  leur  nom,  les  titres  qu'elles 
tenaient  des  empereurs  et  dont  elles  se  glorifiaient  ;  de  là, 
les  épithètes  ispà,  sacrée  ;  vstoxdpoç,  gardienne  d'un  temple  ; 
;ipojTri,  première;  [X7)Tpd;:oXt;,  métropole;  sXsuO^pa,  libre; 
àxsXTQç,  exempte  d'impôt,  etc.  Sur  les  monnaies  de  Tarse, 
en  Cilicie,  on  relève  les  sigles  suivants  :  A*M*KT'B  ou 
A-M'KTT,  qui  signifient   Trpw-cr]  pLsy^aiT)  xaXXfaxr), 
Ypà[i,[jLati  BouXrj;  OU  Pepoua^aç.  A  l'époque  impériale  les 
villes  ajoutaient  à  leur  nom  des  indications  géographiques 
qui  permettaient  de  distinguer  entre  les  homonymes.  Ces 
désignations  étaient  empruntées  soit  à  la  province  oti  se 
trouvait  la  ville,  MHTPOriOAIS  THS  FAAATIAS, 
Ancyre  en  Galatie  ;  soit  à  une  montagne  voisine,  AAOAÏ- 
KEON  nPOS  AIBANû,  Laodicée;  soit  à  un  fleuve, 
TAPSBON  ÏQN  HPOS  TQl  KYANOI,  Tarse,  etc. 
Quelques  monnaies  du  v®  siècle  et  spécialement  celles  de 
Syracuse,  présentent  en  petits  caractères  le  nom  du  gra- 
veur, par  exemple  KIMON,  EYAINETO,  EYME- 
NOY.  Exceptionnellement  ce  nom  est  suivi  du  verbe 
inoiei,  signifiant  a  fait  :  BEOAOTOS  EHOEÏ,  sur 
une  monnaie  de  Clazomènes  en  lonie,  et  NEYANTOS 
EnOEI  sur  une  monnaie  de  Sydonia,  en  Crète. 

Dès  le  V®  siècle  av.  J.-C,  les  noms  des  magistrats  de  la 
cité  apparaissent,  indiqués  par  des  initiales.  Vers  le  temps 
d'Alexandre,  cet  usage  se  généralisa,  surtout  en  Asie  Mi- 
neure, et  on  inscrivit  le  nom  du  magistrat  tout  au  long. 
Sous  la  domination  romaine,  c'est  la  règle  que  les  mon- 
naies des  cités  grecques  portent  les  noms  des  magistrats 
.  avec  leurs  titres,  et  précédés  de  la  préposition  lizl,  sous. 
Les  magistrats  grecs  qui  sont  le  plus  souvent  mentionnés 
sur  les  monnaies  sont  l'archonte,  apy^v;  le  stratège, 
GTpaTrjYoç;  le  secrétaire,  ■ypapLp.aTcéç;  le  prytane,  Tzpùxct- 
viç;  le  président  du  conseil  de  la  ville,  pouXap/^oç,  etc. 
Les  titres  de  magistratures  romaines  ont  été  traduits  en 
langue  grecque  :  àvOuTïaxoç  désigne  le  proconsul  ;  àviiaxpa- 
"ctjYoç,  le  propréteur;  ^ùo  àvSpsç,  les  duumvirs;  ItzI- 
TpoTcoç,  le  procurateur;  xapi^aç,  le  questeur;  uTuaroç,  le 
consul,  etc. 
Dans  les  cités  où  la  souveraineté  était  entre  les  mains 


d'un  roi,  le  nom  de  celui-ci  remplaçait  sur  la  monnaie  le 
nom  du  peuple.  Le  nom  royal  est  ordinairement  au  génitif. 
Avant  Alexandre  le  Grand,  il  n'était  accompaiiné  d'au- 
cun qualificatif.  Ainsi,  sur  les  monnaies  macédoniennes, 
AAEXANàPO  désigne  Alexandre P^  (498-454 av.  J.-C); 
nEPAIK,  Perdiccas  (454-413);  APXEAAO.  Arché- 
laus  P^  (413-399),  etc.  Sur  des  monnaies  de  Tissapherne, 
satrape  de  Sardes,  frappées  en  411,  le  roi  Artaxerxès  II 
Mnémon  est  représenté  tirant  de  l'arc  et  accompagné  de  la 
légende  B AS lAEOS. 

Alexandre  le  Grand,  après  avoir  conquis  l'empire  des 
Achéménides,  se  para  du  titre  de  j^aatXsuç  et  l'inscrivit 
sur  ses  monnaies  à  la  suite  de  son  nom  AAESANAPOY 
BASÏAEOS.  Les  généraux  d'Alexandre  laissèrent  à  Phi- 
lippe Arrhidée  le  titre  royal.  Mais,  en  306  av.  J.-C, 
Démétrius  Poliorcète,  ayant,  à  la  suite  d'une  victoire  na- 
vale, ceint  le  diadème,  ses  rivaux  l'imitèrent  :  Démétrius, 
Antigone,  Lysimaque,  Séleucus,  Ptolémée  et  Cassandre 
émirent  des  monnaies  sur  lesquelles  ils  se  qualifièrent 
paaiXsu;  et  inaugurèrent  les  séries  royales  de  Thrace,  de 
Syrie  et  d'Egypte.  Les  rois  d'Epire  suivirent  leur  exemple. 
Agathocle  inscrivit  sur  les  espèces  frappées  à  Syracuse 
BASIAEQS  APAQOKAEOYS.  Les  rois  multi- 
plièrent les  épithètes  à  la  suite  de  leur  nom.  Séleucus 
(306-281  av.  J.-C.),  fondateur  du  royaume  grec  de  Svrie, 
se  contentait  du  titre  de  roi  BAS  I AEÛS  SB  AE  YKÔY. 
Séleucus  IV  Philopator  (187-175  av.  J.-C.)  n'agissait  pas 
différemment.  Mais  le  successeur  de  ce  dernier,  Antiochus  IV 
Epiphane  (175-164  av.  J.-C),  se  qualifia  Dieu  etNicéphore 
BASIAEÛS  ANTIOXOY  BEOY  Eni<ï>ANOYS 
NIKH(i>OPi  )Y.  Antiochus  XII  (89-84  av.  J.-C)  s'inti- 
tule BASIAEûS  ANTIOXOY  AIONYSOY  ERI- 
^ANOYS  <ï>IAOriATOPOS  KAAAINIKOY. 

Les  légendes  explicatives  des  types  qui  deviendront  si 
fréquentes  sur  les  monnaies  romaines  sont  très  rares  sur 
les  monnaies  grecques.  Cependant  on  peut  citer,  à  titre 
d'exemples,  le  mot  KPAÔIS  inscrit  à  côté  de  la  figure 
d'un  jeune  homme,  symbolisant  le  fleuve  de  ce  nom,  sur 
une  drachme  de  Pandosia  on  Bruttium(v6  siècle);  SOTEP, 
qualificatif  de  Zsuç,  représenté  assis  sur  une  monnaie  de 
Galaria  (Sicile)  (v<^  siècle);  KO  PAS,  à  côté  de  la  tête  de 
Proserpine,  sur  des  monnaies  de  Syracuse  (iv®  siècle)  ; 
ZEYS,  sous  la  tête  de  Jupiter,  sur  des  monnaies  de 
Locres  (iv®  siècle),  etc.  Ces  sortes  d'inscriptions  se  multi- 
plient sur  les  monnaies  grecques  de  l'époque  impériale. 

Exceptionnellement,  les  espèces  monétaires  grecques 
portent  des  inscriptions  indiquant  leur  nom  et  leur 
valeur.  Un  tétradrachme  de  Ptolémée  Soter,  frappé 
avant  l'an  306,  porte  en  légende  AAESANAPEION 
riTOAEMAIOY  ;  on  disait  un  alexandreion  de  Pto- 
lémée, comme  on  dirait  un  louis  de  Napoléon.  Mais  ce 
n'est  que  dans  la  série  des  monnaies  grecques  impériales 
qu'on  trouve  dans  les  légendes  des  indications  de  valeur  : 
opa)([jLr],  drachme;  8i8pa)(^pLov,  double  drachme;  aoraà- 
piov,  as  ;  66oXd;,  obole;  7j(xio6oXiov,  demi-obole;  )(^aXy.ou; , 
chalque,  etc. 

L'usage  de  dater  les  monnaies  s'introduisit  sous  la  do- 
mination des  monarchies  grecques  post-alexandrines.  Les 
dates  se  réfèrent  à  des  ères  diverses  :  ère  des  Séleucides, 
ère  pompéienne,  ère  césarienne,  ère  d'Actium,  etc.  (V.  Ere). 
Les  légendes  des  monnaies  grecques  sont  ordinairement 
en  langue  grecque.  11  est  à  peine  besoin  de  faire  remar- 
quer de  quelle  utilité  sont  les  légendes  monétaires  pour 
l'étude  des  dialectes.  Mais  c'est  surtout  au  point  de  vue  de 
Thistoire  de  l'alphabet  grec  que  ces  légendes  constituent  de 
précieux  documents,  puisqu'ils  sont  datés  toujours  ap- 
proximativement, quelquefois  avec  précision.  L'écriture 
dans  les  temps  les  plus  anciens  est  souvent  rétrograde  ou 
boustrophédon.  Les  légendes  latines  apparaissent  sur 
quelques  monnaies  de  cités  grecques,  frappées  au  nom  des 
empereurs  romains,  quelquefois  même  accompagnant  des 
légendes  grecques.  Les  langues  et  les  écritures  autres  que 
le  grec  et  le  latin  employés  dans  l'antiquité  pour  tracer  les 


LEGENDE 


—  1142  — 


légendes  monétaires  sont  :  l'écriture  cypriote,  sur  les  mon- 
naies des  rois  de  Salamis,  Idalium,  Curium,  Paphos,  Ma- 
ri um,  Soli  ;  on  trouvera  le  tableau  des  caractères  de  cet 
alphabet  dressé  par  Deecke,  dans  Collitz,  Sammlung  der 
gr.  Dialekte'Inschriften^  1883;  récriture  et  la  langue 
phénicienne,  sur  les  monnaies  des  dynastes  de  la  Phénicie, 
les  monnaies  puniques  frappées  à  Carthage  et  en  Sicile,  les 
monnaies  des  rois  de  Maurétanie,  celles  d'Abdère,  de  Ma- 
lacca,  de  Gadès  et  de  Sexti  en  Espagne,  etc.  ;  l'écriture 
hébraïque,  sur  les  monnaies  juives  des  Asmonéens  et 
sur  celles  qui  furent  frappées  lors  de  la  première  révolte 
des  Juifs  (66-70  ap.  J.-C.)  et  sous  Simon  Barcochab 
(132-435  ap.  J.-C);  l'écriture  et  la  langue  araméennes 
sur  les  monnaies  frappées  sous  la  domination  perse,  soit  à 
titre  autonome,  soit  avec  des  noms  de  satrapes,  dans  les 
villes  de  Syrie  et  à  Tarse  en  Cilicie  ;  l'écriture  palmyré- 
nienne,  sur  les  monnaies  frappées  à  Sidé  en  Pamphylie, 
sous  la  domination  perse  au  iv®  siècle  ;  l'écriture  syriaque 
estranghelo  sur  les  monnaies  des  rois  d'Edesse,  Man- 
nus  Vil,  Val  et  Mannus  VIII,  qui  régnèrent  de  99  à  139  ap. 
J.-C.  ;  l'écriture  nabathéenne  sur  les  monnaies  des  rois  de 
l'Arabie  Pétrée  ;  l'écriture  himyarite  sur  les  monnaies 
de  l'Arabie  méridionale  ;  l'écriture  pehlvi  sur  les  monnaies 
des  rois  sassanides  ;  l'alphabet  lycien,  sur  les  monnaies  des 
villes  de  Lycie,  antérieures  à  la  conquête  macédonienne  ; 
l'étrusque  sur  les  monnaies  de  l'Etrurie  ;  l'osque  sur  les 
monnaies  de  Teanum,  Compulteria,  Capoue,  Atella,  Cala- 
tia,  etc.  ;  l'écriture  et  la  langue  ibériennes  en  Espagne. 

Des  tables  de  légendes  des  monnaies  grecques  ont  été 
données  parMionnet  (Tables  générales  de  la  description 
de  médailles  antiques  grecques  et  romaines,  in-8)  ;  par 
Barclay  V.  Head  (Historia  numorum;  Oxford,  1887, 
p.  763,  in-8).  On  pourra  se  servir,  mais  avec  critique,  de 
IXasche,  Lexicon  universœ  reinumariœ  (Leipzig,  1785- 
1805,  in-8). 

Les  plus  anciennes  monnaies  romaines  sont  anépigra- 
phes.  Ce  n'est  que  vers  l'an  268  av.  J.-C.  qu'on  y  ins- 
crivit le  nom  de  la  cité  ROMA,  et  des  chiffres  indiquant 
la  valeur,  X  (10  as)  sur  le  denier,  V  (5  as)  sur  le  qui- 
naire, IIS  (2  as  et  1/2)  sur  le  sesterce.  Le  nom  de  Roma 
disparut  des  monnaies  vers  l'an  100  av.  J.-C.  Quelques 
monnaies  frappées  au  m®  siècle  à  Capoue  et  dans  d'autres 
villes  de  la  Campanie,  du  Samnium  et  de  FApulie,  par  les 
généraux  chargés  de  faire  la  guerre  aux  Samnites,  à  Pyr- 
rhus et  aux  Carthaginois,  ont  soit  une  légende  en  carac- 
tères romains  ROMANO,  soit  une  légende  grecque 
POMAIQN.  Les  magistrats  chargés  de  taire  frapper  les 
monnaies  les  marquèrent  d'abord  de  leurs  initiales  ou  du 
monogramme  de  leur  nom  ;  enfin,  vers  l'an  154  av.  J.-C, 
ils  écrivirent  leurs  noms  complètement,  c.~à-d.  le  prœno- 
men^  le  nomen  et  le  cognomen;  quelques-uns  mention- 
nèrentmêmeleurfiliation,  par  exemple  C'CVR'F-TRl  G-, 
Caius  Curiatius  filius  Trigemini;  TI'CLAVD'TI'F. 
AP'N*,  Tiberius  Claudius  Tiberii  filius  Appii  nepos. 
Le  nom  du  magistrat  monétaire  est  ordinairement  au  no- 
minatif, exceptionnellement  au  génitif.  Les  magistrats  char- 
gés de  surveiller  l'émission  des  monnaies  étaient  les  trium- 
virs. Ils  ajoutent  parfois  leur  titre  à  leur  nom,  IlIVIRI. 
A-A-A*F-F* ,  tresviri  œre,  argento,  auro  flando 
feriundo.  En  45  av.  J.-C,  Jules  César  remplaça  les  trium- 
virs par  des  quatuorvirs.  Ces  magistrats  signèrent  les  mon- 
naies jusque  vers  l'an  4  av.  J.-C,,  époque  à  laquelle  leur 
nom  fut  remplacé  par  celui  de  l'empereur.  La  frappe  des 
monnaies  a  été  quelquefois  dévolue  à  des  magistrats  extra- 
ordinaires, qui,  dans  ce  cas,  ajoutaient  à  leur  nom  la  men- 
tion spéciale  de  la  loi  de  laquelle  ils  tenaient  leurs  fonctions 
spéciales.  Des  questeurs  urbains,  des  édiles  curules  et 
plébéiens,  des  préteurs  urbains  ont  frappé  monnaie  en 
vertu  de  l'autorisation  sénatoriale,  S'C\se7iatusconsulto^ 
ou  par  délégation  populaire,  P,  publiée»  Au  milieu  du 
II®  siècle  ap.  J.-C,  on  introduisit  sur  les  monnaies  des 
légendes  expHcatives  des  types.  Sous  l'Empire,  il  y  a  deux 
légendes  :  l'une  au  droit,  donnant  le  nom  de  l'empereur 


suivi  d'épithètes  honorifiques  ;  l'autre,  au  revers  indiquant 
la  date  du  consulat  ou  de  la  puissance  tribunitienne,  ou 
bien  encore  donnant  l'explication  du  type  emprunté  à  la 
religion  ou  rappelant  quelque  événement  contemporain.  Ce 
système  se  prolongea  jusque  sous  les  empereurs  byzan- 
tins. 

Pour  le  déchiffrement  des  légendes  des  monnaies  ro- 
maines, on  aura  recours  aux  ouvrages  suivants:  Babelon, 
Description  historique  et  chronologique  des  monnaies 
de  la  république  romaine  (t.  I,  Introduction,  t.  II, 
p.  605)  ;  Cohen,  Description  historique  des  monnaies 
frappées  soiis  V empire  romain  (t.  Vlïl,  p.  355,  2«  éd.)  ; 
Sabatier,  Description  générale  des  monnaies  byzan- 
tines ;  W.  Stevenson  et  Madden,i  Dictionary  of  Roman 
coins  (Londres,  1889,  in-8). 

Les  éléments  des  légendes  monétaires  sont  restés  au 
moyen  âge  et  dans  les  temps  modernes  les  mêmes  que  dans 
l'antiquité.  Nous  ne  pouvons  que  présenter  ici  quelques 
considérations  empruntées  en  grande  partie  au  Traité  de 
numismatique  de  MM.  Engel  et  Serrure.  Les  légendes 
monétaires  indiquent  des  noms  d'hommes,  des  noms  de 
lieux,  les  noms  des  monnaies,  leur  poids  et  leur  titre,  la 
date;  elles  comprennent  aussi  des  formules  pieuses  et  des 
devises.  Les  noms  d'hommes  peuvent  appartenir  aux  quatre 
catégories  suivantes  :  «  Le  souverain  exerçant  le  droit  de 
battre  monnaie,  le  délégué  du  souverain...,  un  monnayeur..., 
un  saint  sous  l'invocation  duquel  est  placé  le  pays  dans  le- 
quel la  monnaie  circule,  ou  la  ville  dans  laquelle  elle  est 
frappée.  »  On  trouvera  la  liste  des  souverains  ayant  frappé 
monnaie  dans  le  Nouveau  Manuel  de  numismatique  du 
moyen  âge  et  moderne,  par  J.-A.  Blanchet  (manuel  Ro- 
ret).  Le  même  ouvrage  (t.  II,  p.  490)  renferme  une  liste 
des  saints  dont  les  noms  apparaissent  sur  les  monnaies.  Le 
nom  du  souverain  est  d'ordinaire  suivi  de  ses  titres.  A  par- 
tir du  xvi«  siècle,  ces  titres  se  multipUent,  surtout  en  Alle- 
magne, et  leur  énumération  nécessite,  pour  qu'elle  puisse 
se  développer  autour  de  la  pièce,  l'emploi  d'abréviations 
par  sigles.  Les  légendes  telles  que  D-G'C'P'R'D*V-B- 
J-C-ÉT-M-C  V-S-M-R  ET-M'D-I-R-  ne  sont  pas 
rares  ;  celle-ci  doit  s'interpréter  par  :  Dei  gratia  cornes 
Palatinus  Rhenidux  utriusqueBauariœ,  Juliaci,  Cliviœ 
et  Montium,  cornes  Veldentiœ,  SponhemiMarcœRavens- 
bergœ  et  Meursice  dominus  in  Ravenstein.  On  trouvera 
la  solution  de  ces  légendes  abrégées  dans  Alphabetisch- 
chronologische  Tabellen  der  Uilnzherren  und  Verxei- 
chniss  der  auf  Milnzen  vorkommendeii  heiligen,  par 
W.  Kentzmann  (Berlin,  1865,  in-8),  et  dans  Ërklœ- 
rung  der  Abkuerzungen  auf  Muenzen  der  Neueren 
Zeitdes  Mittelalters  und  desAlterthums,  parPallmannet 
H.  Droysen  (Berlin,  18S2,  in-8).  Ce  n'est  que  très  excep- 
tionnellement que  les  monnaies  du  moyen  âge  se  présentent 
avec  leur  nom  ou  leur  valeur;  cependant  sur  une  monnaie 
d'argent  mérovingienne  frappée  à  Lyon,  on  lit  di?iarios; 
sur  une  autre,  frappée  à  Orléans,  dinario.  Citons  encore 
la  légende  REMENSIS  NVMMUS,  sur  des  deniers 
rémois  de  la  fin  du  xi®  siècle.  A  partir  du  xiv®  siècle,  la 
légende  indique  souvent  le  nom  de  la  monnaie,  par  exemple 
on  lit  sur  les  monnaies  de  cette  époque  REGALIS,  BVR- 
GENSIS  FORTIS,  GROSSVS,  etc.  Au  xvi«  siècle, 
il  devient  de  règle  d'indiquer  sur  les  m.onnaies  soit  leur 
nom,  soit  leur  valeur,  soit  encore  leur  poids.  La  date  n'a 
été  gravée  sur  les  monnaies  (abstraction  faite  des  mon- 
naies musulmanes)  qu'à  partir  du  miHeu  du  xv®  siècle  ;• 
cette  date  consiste  dans  le  millésime  écrit  en  chiffres 
arabes  ou  romains  ;  cet  usage  a  eu  son  point  de  départ 
dans  les  pays  allemands.  Quant  aux  devises  pieuses,  ce  sont 
le  plus  souvent  des  invocations  à  la  Divinité,  parfois  em- 
pruntées aux  Ecritures  saintes  (V.  à  ce  sujet  un  mémoire 
de  M.  W.  Frœhner  intitulé  la  Liturgie  romaine  dans 
la  numismMique,  dans  Annuaire  de  la  Société  fran- 
çaise de  numismatique,  1889,  p.  39).  La  langue  dans 
laquelle  sont  rédigées  les  légendes  monétaires  du  moyen 
âge  est  ordinairement  le  latin,  sauf  dans  l'empire  byzan- 


~  1143  — 


LEGENDE  —  LEGENDRE 


tin  où  le  grec  a  remplace  le  latin  à  partir  du  moyen  âge, 
et  dans  les  pays  soumis  à  la  domination  musulmane  où 
Farabe  a  été  naturellement  la  langue  numismatique.  Les 
idiomes  vulgaires  n'ont  été  employés  d'une  façon  courante 
que  dans  les  temps  modernes,  et  ce  n'est  qu'au  xix®  siècle 
qu'ils  ont  supplanté  le  latin  ;  encore  le  souvenir  de  l'usage 
du  latin  s'est-il  conservé  dans  quelques  devises  et  formules. 
Au  moyen  âge,  les  légendes  rédigées  en  français,  en  alle- 
mand, en  danois  et  en  slave  sont  toujours  des  exceptions. 
Cette  rapide  étude  des  légendes  monétaires  suffit  à  mon- 
trer la  variété  et  l'importance  des  renseignements  qu'elle 
fournissent  à  l'histoire,  surtout  à  l'histoire  des  temps  an- 
tiques pour  lesquels  aucun  autre  document  contemporain 
ne  nous  est  parvenu,  ou  sur  lesquels  nous  n'avons  que  les 
témoignages  d'écrivains  postérieurs  et  souvent  peu  précis. 
Les  légendes  des  monnaies  sont  laconiques  ;  mais  leur  pré- 
cision rachète  leur  laconisme.  Ce  sont  des  auxiliaires  pré- 
cieux pour  quiconque  veut  rétablir  la  géographie  de  l'anti- 
quité, dresser  les  généalogies  des  familles  souveraines, 
retracer  l'histoire  économique,  étudier  la  paléographie  et 
la  linguistique.  M.  Prou. 

BiBL.  :  Numismatique.  — J.  Eckhel,  Docirmanumorum 
veterum,  t.  I,  p.  lxxxvii.  —  F.  Lenormant,  les  Légendes 
dans  la  numismatique  ancienne,  dans  Revue  archéologique, 
nouv.  sér.,  1866,  t.  XIV,  p.  91.  —  Barclay  V.  Head,  Histo- 
via  numorum^  p.  lxiii.  —  Percy-Gardner,  The  Types  of 
Greek  Coins^  p.  22.  —  Mommsen,  Histoire  de  la  monnaie 
romaine^  trad.  de  Blacas,  t.  II,  p.  172.  —  Engel  et  Ser- 
rure, Traité  de  numismatique  du  moyen  âge^  1. 1,  p.  lv. 

LE  GENDRE  (Jean)  (V.  Gendre). 

LEGENDRE  (Nicolas),  sculpteur  français,  né  à  Etampes 
le  7  août  1619,  mort  à  Paris  le  28  oct.  1671.  Cet  artiste 
a  contribué  à  décorer  l'Institut,  deux  églises  de  Paris, 
Saint-Paul  et  Saint-Nicolas-du-Chardonnet,  et  le  château  de 
Vaux,  près  de  Melun.  En  1664,  il  fut  reçu  à  l'Académie 
avec  une  Madeleine  pénitente^  en  terre  cuite,  qui  est  à 
l'Ecole  des  beaux-arts. 

LEGENDRE  (Louis"),  homme  politique  français,  né  à 
Versailles  le  22  mai  1752,  mort  à  Paris  le  18  déc.  1797. 
Au  moment  de  la  Révolution,  il  exerçait  la  profession  de 
boucher  dans  la  rue  des  Boucheries-Saint-Germain.  Acteur 
dans  presque  toutes  les  journées,  assidu  aux  séances  du 
district  des  Cordeliers,  puis  de  la  section  du  Théâtre- 
Français,  un  des  fondateurs  du  club  des  Cordeliers  et,  en 
même  temps,  membre  de  la  Société  des  Jacobins,  ami 
intime  et  enthousiaste  de  Danton,  il  se  montra  républicain 
dès  la  fuite  à  Varennes  et  fut  compromis  dans  l'affaire  du 
Champ  de  Mars  (juil.  1791).  On  le  vit  à  l'attaque  des 
Tuileries,  le  10  août  1792,  et  on  ne  le  vit  pas  dans  les 
massacres  de  septembre.  Député  de  Paris  à  la  Convention, 
il  vota  pour  la  mort  de  Louis  XVL  Envoyé  en  mission  à 
Lyon  avec  Basire  et  Rovère  (25  févr.  1793),  il  essaya  d'y 
tenir  la  balance  égale  entre  Chalier  et  les  modérés.  Revenu 
à  Paris  en  avril,  il  fut  d'abord,  à  l'exemple  de  Danton, 
conciliant  envers  les  Girondins,  puis  il  s'exaspéra  contre 
eux  et  les  poursuivit  de  ses  invectives.  D'août  à  oct.  1793, 
il  fut  en  mission  dans  la  Seine-Inférieure,  avec  Louchet  et 
Delacroix  (d'Eure-et-Loir),  au  sujet  des  subsistances.  Le 
11  germinal  an  II,  il  parut  à  la  tribune  pour  prendre  la 
défense  de  Danton  et  des  autres  députés  arrêtés  pendant 
la  nuit.  Il  demanda  qu'on  les  entendît  à  la  barre  avant  de 
les  envoyer  au  Tribunal  révolutionnaire.  Mais  l'âpre  ré- 
ponse de  Robespierre  le  glaça  d'effroi  ;  il  se  rétracta  et, 
par  peur,  abandonna  son  ami.  A  cette  époque,  sa  femme 
mourut  de  peur.  Après  le  9  thermidor,  il  déploya  un  zèle 
fiévreux  contre  les  robespierristes  survivants,  alla  lui-même 
fermer  la  salle  des  Jacobins.  Député  aux  Anciens,  où  il 
parla  souvent  contre  les  royalistes,  il  mourut  le  13  fri- 
maire an  VI,  probablement  d'un  cancer  à  l'estomac.  Cet 
illettré  fut  un  orateur.  Son  collègue  Paganel  a  dit  de  lui  : 
«  Il  était  peu  propre  à  éclairer  l'Assemblée,  mais  il  l'étonna 
souvent  par  ces  mouvements  inspirés  qui  se  communiquent 
avec  rapidité.  Les  élans  de  son  esprit  et  les  traits  heureux 
de  son  éloquence  furent  quelquefois  tels  qu'il  forçait  l'As- 


semblée entière  à  l'écouter  avec  la  plus  favorable  attention. 
Il  la  pénétrait,  sans  préparation  et  sans  art,  des  sentiments 
véhéments  dont  il  était  rempli  lui-même,  et  l'on  remar- 
quait à  peine  les  vices  de  son  élocution...  Cet  orateur 
n'avait  de  commun  que  le  ton,  le  geste  et  le  langage.  Il 
s'élevait  quelquefois  au-dessus  des  hommes  d'une  grande 
renommée  par  la  noblesse  de  ses  sentiments,  par  des  idées 
fortes  et  quelquefois  sublimes.  »  F.-A.  A. 

BiBL.  :  F.-A.  A.ULARD,  les  Orateurs  de  la  Législative  et 
de  la  Convention^  t.  II,  pp.  243  à  265. 

LEGENDRE,  dit  de  la  Nièvre,  conventionnel  français, 
né  près  de  Nevers,  mort  vers  1822.  Maître  de  forges,  il 
embrassa  les  idées  révolutionnaires,  fut  élu  député  de  la 
Nièvre  à  la  Convention.  Il  y  vota  la  mort  du  roi,  fut  réélu 
aux  Cinq-Cents  jusqu'en  mai  1799.  Il  a  publié  en  1795 
un  historique  delà  Convention.  Exilé  en  1816,  il  passa  en 
Suisse. 

LEGENDRE  (Adrien-Marie),  mathématicien  français,  né 
à  Toulouse  le  18  sept.  1752,  mort  à  Paris  le  10  janv. 
1833.  Remarqué  par  d'Alembert  à  la  suite  de  la  décou- 
verte de  quelques  propositions  de  dynamique,  il  obtint  une 
chaire  à  l'Ecole  militaire,  entra  à  l'Académie  en  1783, 
professa  à  l'Ecole  normale,  fut  nommé  au  Bureau  des  lon- 
gitudes, puis  (1816)  examinateur  d'admission  à  l'Ecole 
polytechnique.  La  Restauration  le  priva  d'une  pension  de 
3,000  fr.  parce  qu'il  n'avait  pas  voté,  dans  une  élection 
de  l'Académie,  pour  le  candidat  du  gouvernement.  L'ou- 
vrage de  Legendre  qui  a  eu  le  plus  de  succès  a  été  sans 
contredit  ses  Eléments  de  géométrie^  dont  la  première 
édition  est  de  1794  (la  douzième  parut  en  1823)  et  qui 
a  été  classique  pendant  un  siècle.  Mais  Legendre  a  fait 
des  travaux  de  premier  ordre  dans  son  Traité  des  foîic- 
iions  elliptiques  et  des  intégrales  eidériennes  (1827, 
2  vol.  ;  1832,  3  vol.),  et  dans  sa  Théorie  des  nombres 
(1830,  2  vol.,  rééd.  d'un  Essai  donné  dès  1798  et  de 
suppléments  parus  en  1816  et  1825).  Il  a  été  réellement 
un  initiateur  pour  les  fonctions  eUiptiques  :  dès  1794,  il 
publiait  un  Mémoire  sur  les  transcendantes,  et  en  1811 
et  18 19  des  Exercices  de  calcul  intégral,  etc.,  qui  contien- 
nent l'essentiel  de  sa  méthode,  tandis  que,  dans  son  dernier 
volume  de  1832,  il  pouvait  insérer  les  travaux  d'Abel  et 
de  Jacobi.  On  lui  doit  encore  :  Exposé  des  opérations 
faites  en  France  en  11  SI  pour  la  conjonction  des 
observatoires  de  Paris  et  de  Greenwich  (Î792),  travail 
fait  avec  Cassini  et  Méchain  ;  Nouvelle  Théorie  des  pa- 
rallèles (1803)  ;  Nouvelle  Méthode  pour  la  détermina- 
tion des  orbites  des  comètes,  contenant  la  première 
application  de  la  méthode  des  moindres  carrés  (1805  ; 
suppl.,  1805,  1820);  divers  Mémoires  dans  les  Re- 
cueils de  l'Académie  des  sciences,  notamment  sur  l'attrac- 
tion des  sphéroïdes  homogènes,  sur  la  théorie  des  nombres 
et  le  calcul  intégral.  -  T. 

LEGENDRE  (Alexandre-Joseph),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Pont-Audemer  le  10  nov.  1782,  mort  à  Paris  le 
19  mai  1861.  Avocat,  il  fut  élu,  comme  libéral,  député  de 
l'Eure  le  26  sept.  1829  et  fut  réélu  jusqu'en  1834,  date 
à  laquelle  le  ministère  réussit  à  le  faire  échouer  grâce  à 
une  pression  électorale  formidable.  Legendre  se  présenta 
sans  succès  à  toutes  les  élections  jusqu'en  1842.  Dupont  de 
l'Eure  le  fit  alors  nommer  à  Brionne.  Il  échoua  de  nouveau 
en  1846  et  fit  dans  l'arr.  du  Neubourg  une  cam- 
pagne libérale  qui  attira  l'attention.  Nommé  commissaire 
du  gouvernement  provisoire  dans  l'Eure  (1848),  il  fut  élu 
représentant  de  ce  département  le  23  avr.  Membre  de  la 
gauche,  il  vota  en  silence  et  ne  fut  pas  réélu  à  la  Législa- 
tive. Membre  du  conseil  général  de  l'Eure,  il  y  fit  une  très 
vive  opposition  à  Louis-Napoléon  jusqu'en  1851. 

LEGENDRE  (François- Laurent),  médecin  français,  né 
à  Paris  en  1812,  mort  à  Paris  le  9  janv.  1858.  Élève  de 
Biett,  il  fut  reçu  docteur  avec  une  thèse  remarquable, 
Sur  les  Syphilides  (1841),  et  nommé  médecin  des  hôpi- 
taux en  1847,  après  avoir  publié  un  important  ouvrage  : 
Recherches . . .  sur  quelques  maladies  de  V enfance  (Pa- 


LEGENDRE  —  LEGER 


—  1444 


ris,  1846,  in-8),  dans  lequel  il  décrit  avec  des  aperçus  en- 
tièrement nouveaux  la  pneumonie  chez  l'enfant,  l'anasarque 
scarlatineuse,  la  méningite  tuberculeuse,  etc.     D^  L.  Hn. 

LEGENDRE  (M«^^  Doublet-)  (V.  Doublet). 

LEGENTIL  (Charles),  homme  politique  et  économiste 
français,  né  à  Rouen  le  9  mars  1788,  mort  le  1^^  oct. 
1855.  Grand  marchand  de  nouveautés  à  Paris,  il  fut  élu 
le  4  nov.  1837  député  du  III®  arrondissement  et  siégea 
parmi  les  conservateurs.  Réélu  en  1839,  il  fut  créé  pair 
de  France  le  21  juil.  1846.  Régent  de  la  Banque  de 
France,  Legentil  occupait  une  haute  situation  dans  le  com- 
merce français.  On  lui  doit  entre  autres  la  création  d'un 
cours  de  teinture  et  impression  au  Conservatoire  des  arts 
et  métiers,  le  conditionnement  des  laines  et  soies  de 
Paris,  etc. 

LEGENTIL  de  La  Galaisière  (Guillaume- Joseph-Hya- 
cinthe-Jean-Baptiste),  astronome  français,  né  à  Coutances 
le  11  sept.  1725,  mort  à  Paris  le  22  déc.  1792.  Pris 
comme  assistant  par  Jacques  Cassini  à  l'Observatoire  en 
1750,  il  devint,  dès  1753,  membre  de  l'Académie,  et  fit, 
à  l'occasion  des  deux  passages  de  Vénus  sur  le  Soleil,  de 
1761  et  1769,  un  Voyage  dans  les  mers  de  Vlnde,  qui 
dura  onze  ans  et  qu'il  raconta  en  deux  vol.  (1779-8 1).  Les 
Mémoires  de  f  Académie  des  sciences  contiennent  de  lui 
une  trentaine  de  travaux  astronomiques  et  physiques; 
quelques-uns  concernent  l'histoire  de  la  science. 

LÉGER  (Saint),  prélat  et  homme  d'Etat  franc,  né  vers  616, 
mort  le  2  oct.  678.  Elevé  à  la  cour  du  roi  Clotaire  II,  il 
devint  archidiacre  de  Poitiers,  abbé  de  Saint-Maixent  en  653, 
maire  du  palais  en  656,  puis  évêqued'Autun  en  659.  Après 
la  mort  de  Clotaire  III,  il  entra  en  lutte  avec  Ebroïn  qui 
voulait  élever  au  trône  Thierry,  fit  enfermer  son  rival  à 
Luxeuil  et  contribua  à  faire  proclamer  Childéric  II  roi  de 
Bourgogne.  Disgracié  lui-même  après  quelque  temps  d'in- 
fluence toute-puissante,  il  rejoignit  Ebroïn  à  Luxeuil.  Tous 
deux  furent  déHvrés  par  la  mort  de  Childéric,  vers  673,  et 
Léger  reprit  sa  place  au  palais  et  dans  son  diocèse,  mais 
bientôt  il  fut  arrêté  à  Autun  par  ordre  d'Ebroïnqui  lui  fit 
crever  les  yeux  et  l'enferma  dans  un  monastère.  En  678, 
Thierry  III  l'accusa  de  la  mort  de  Childéric  et  le  fit  assas- 
siner. 

BiBL.  :  L.  Drapeyron,  Essai  sur  Vorigine,  le  dévelop- 
pement et  les  résultats  de  la  lutte  entre  la  Neustrie  et 
l'Avstrasie,  Ebroïn  et  saint  Léger  ;  Paris,  1867,  in-8. 

LÉGER  (Jean),  historien  vaudois,  né  à  Villaseca  (Pié- 
mont) le  2  févr.  1615,  mort  à  Leyde  vers  1670.  Il  était 
pasteur  à  Saint-Jean,  lorsque  le  18  avr.  1655  un  ra- 
massis d'aventuriers,  conduits  par  des  capucins,  vinrent 
surprendre  les  Vaudois  (V.  ce  nom)  des  vallées  piémon- 
taises  et  commirent  des  atrocités  sans  nom,  dont  la  cour 
de  Savoie  essaya  de  se  disculper  plus  tard,  quand  Léger, 
en  exil,  eut  publié  les  faits.  Son  manifeste  motiva  l'inter- 
vention de  Louis  XIV  et  de  Cromwell.  Léger  n'en  fut  pas 
moins  condamné  à  mort,  par  contumace,  le  17  sept.  1661, 
pour  crime  de  lèse-majesté.  Il  s'était  réfugié  à  Leyde,  où 
il  vécut  jusqu'à  sa  mort,  comme  pasteur  de  l'Eglise  wal- 
lonne, depuis  1663.  Il  a  publié  V Histoire  générale  des 
Eglises  évangél.  du  Piémont  (Leyde,  1669,  2  t.  in-foL); 
nouv.  éd.  à  Lyon,  1799,  en  un  vol.  in-foL).  La  seconde 
partie  seule  a  âe  la  valeur,  comme  peinture  de  mœurs  par 
un  témoin  oculaire  et  sincère,  quoique  parfois  passionné 
et  toujours  diffus.  D'importantes  pièces  justificatives  sont 
reproduites  dans  le  volume.  F.-H.  K. 

LÉGER  (Antoine),  théologien  genevois,  né  à  Genève 
en  1652,  mort  à  Genève  en  1719.  Il  fit  sa  théologie  dans 
sa  ville  natale,  fut  pasteur  dans  la  campagne,  puis  profes- 
seur de  philosophie  dès  1686  et  de  théologie  dès  1713.  Il 
fut  recteur  de  l'Académie  (1694-98).  Il  a  laissé  un  grand 
nombre  de  dissertations  philosophiques  en  latin,  cinq  volumes 
de  sermons  et  quatre  traités  de  philosophie  restés  manus- 
crits. E.  K. 

LÉGER  (François-Pierre-Auguste),  acteur  et  auteur 
dramatique  français,  né  à  Bernay  le  16  mars  1766,  mort 


à  Paris  le  28  mars  1823.  Fils  d'un  chirurgien,  il  avait  la 
passion  du  théâtre,  et,  après  avoir  fait  jouer  au  Théâtre- 
Français  comique  et  lyrique  (rue  de  Bondy)  deux  pièces 
intitulées  V Orphelin  et  le  Curé  et  la  Folle  Gageure,  il 
voulut  monter  lui-même  sur  les  planches  et  s'engagea  dans 
la  troupe  du  Vaudeville,  qui  faisait  son  inauguration  en  1 792. 
Doué  d'un  esprit  satirique,  mordant  et  malveillant,  il  donna 
sur  ce  théâtre,  dans  le  cours  de  la  même  année,  un  vaude- 
ville, V Auteur  d'un  moment,  où  Marie-Joseph  Chénier 
était  bafoué  à  cause  de  son  Charles  IX  et  où  lui-même 
remplissait  le  principal  rôle.  Cette  pièce  causa  un  scandale 
dont  il  faillit  être  victime  et  qui  pensa  faire  fermer  le  théâtre 
naissant.  Cela  refroidit  un  instant  ses  sentiments  ultra- 
réactionnaires. Il  continua  de  faire  partie  de  la  troupe  du 
Vaudeville,  tout  en  donnant  à  ce  théâtre  et  à  divers  autres 
nombre  de  pièces  qui  obtinrent  du  succès,  entre  autres  la 
Papesse  Jeanne,  V Homme  sans  façons,  et  surtout  II 
faut  un  état  ou  la  Revue  de  Van  VI,  premier  type  de  ces 
revues  de  fin  d'année  dont  depuis  lors  le  public  parisien 
s'est  toujours  montré  si  friand.  Cependant,  après  sept 
années  passées  au  Vaudeville,  Léger  quitta  ce  théâtre  pour 
fonder  le  théâtre  des  Troubadours  qui  n'eut  pas  de  succès. 
Léger  renonça  alors  à  Tétat  de  comédien  pour  accepter 
l'emploi  de  greffier  de  la  justice  de  paix  de  Saint-Denis, 
ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  continuer  à  faire  jouer  de  nom- 
breuses pièces,  soit  à  la  Gaîté,  soit  au  Vaudeville,  soit 
même  à  l'Odéon.  Il  perdit  son  emploi  à  la  Restauration,  en 
retrouva  un  autre  dans  l'administration  du  Timbre,  où  il 
ne  sut  pas  se  tenir.  Léger  a  fait  jouer,  soit  seul,  soit  en 
collaboration,  plus  de  quatre-vingts  pièces  (surtout  des  vau- 
devilles), parmi  lesquelles  il  faut  signaler,  comme  ayant 
obtenu  le  plus  de  succès  :  Mon  Cousin  de  Paris,  le 
Petit  Orphée,  Un  Tour  de  jeune  homme,  Ziste  et  Zeste, 
Monsieur  Partout,  etc.  Arthur  Pougin. 

LEGER  (Louis-Paul-Marie),  linguiste  et  historien  fran- 
çais, né  à  Toulouse  le  13  janv.  1843.  Après  avoir  ter- 
miné de  brillantes  études  au  lycée  Lonis-Ie-Grand,  il  se 
mit,  dès  1863,  à  étudier,  sous  la  direction  de  M.  Chodzko, 
la  langue  et  la  littérature  polonaises.  L'amitié  de  M.  Jo- 
seph Fricz  (V.  ce  nom),  alors  exilé  à  Paris,  appela  son 
attention  sur  une  autre  nation  slave,  celle  des  Tchèques 
de  Bohème,  et  lui  révéla,  dans  son  ensemble,  la  grande 
famille  des  peuples  slaves.  Son  premier  voyage  scientifique, 
en  1864,  eut  pour  but  la  Bohême,  qui  devint  aussi  l'objet 
de  ses  deux  premiers  ouvrages.  Le  célèbre  évêque  Slross- 
mayer  étant  venu  à  Paris  lors  de  l'exposition  de  1867, 
M.  Léger  se  lia  avec  lui,  fut  invité  à  l'inauguration  de 
l'Académie  d'Agram,  et  fit  la  même  année  un  voyage 
d'études  chez  les  Slaves  méridionaux.  Ses  thèses  de  doc- 
torat, soutenues  en  1868,  eurent  pour  sujet,  l'une  la  Con- 
version des  Slaves  au  christianisme,  l'autre  la  Chro- 
nique du  moine  Nestor.  En  1868,  M.  Duruy  chargea 
M.  Loger  d'un  cours  libre  à  la  salle  Gerson  (cours  annexes 
de  la  Sorbonne),  où  il  enseigna  avec  succès,  jusqu'à  l'été 
de  1870,  la  grammaire  russe  et  l'histoire  littéraire  des 
Tchèques,  des  Polonais,  des  Serbes.  Pendant  la  Commune, 
il  fut  appelé  à  Prague  pour  diriger  dans  cette  ville  un  jour- 
nal français.  En  1872  et  1874,  il  fut  chargé  de  deux  mis- 
sions scientifiques  en  Russie.  En  1880,  il  fut  envoyé  à 
Moscou  pour  représenter  la  France  à  l'inauguration  de  la 
statue  du  poète  Pouchkine.  En  1874,  il  avait  été  nommé 
chargé  du  cours  de  russe  à  l'Ecole  des  langues  orientales 
vivantes.  En  1882,  il  visita  à  nouveau  les  Slaves  méridio- 
naux et  la  Bulgarie.  En  1885,  il  fut  nommé  le  premier 
titulaire  de  la  chaire  de  langues  et  littératures  slaves  au 
Collège  de  France.  M.  Léger  enseigne  également  la 
langue  russe  à  l'Ecole  supérieure  de  guerre  et  à  l'Ecole 
libre  des  sciences  politiques. 

Les  principaux  ouvrages  de  M.  Léger  sont  :  De  Nes- 
tor e,  rerum  Russicarum  scriptore  (1868,  in-S)  ;  Cyrille 
et  Méthode,  étude  historique  sur  la  conversion  des 
Slaves  au  christianisme  (1868,  in-8)  ;  le  Monde  slave, 
voyages  et  littérature  (1873,  in-18);  Nouvelles  Etudes 


1445  — 


slaves  (4880  et  4886,  2  vol.  in-48)  ;  Esquisse  sommaire 
de  la  mythologie  slave  (18821,  in-8)  ;  Recueil  de  contes 
populaires  slaves,  traduits  sur  les  textes  originaux  (4882, 
in-48)  ;  le  Mo7ide  slave  au  xix^  siècle^  leçon  d'ouver- 
ture au  Collège  de  France  (1885,  in-8);  Chants  héroïques 
et  chansons  populaires  des  Slaves  de  Bohême  (1866, 
in-18)  ;  l'Etat  autrichien,  Bohême^  Hongrie,  Habs- 
bourg (1866,  in-8)  ;  la  Bohême  historique,  pitto- 
resque et  littéraire  (1867,  in-8),  en  collaboration  avec 
J.  Fricz;  Histoire  de  l' Autriche-Hongrie  (¥  éd.,  4895; 
une  édition  anglaise  a  été  publiée  à  Londres  en  i  889  avec 
une  préface  de  M.  Freemam)  ;  la  Save,  le  Danube  et 
le  Balkan,  voyage  chez  les  Slovènes,  les  Croates,  les 
Serbes  et  les  Bulgares  (1884,  in-18)  ;  la  Bulgarie  (1885, 
in-18);  Chronique  dite  de  Nestor,  traduction  avec  intro- 
duction et  commentaire  critique  (1884,  gr.  in-8)  ;  Russes 
et  Slaves,  études  politiques  et  littéraires  (1890,  in-18); 
la  Littérature  russe  (1892,  in-18)  ;  Grammaire  russe 
(Paris,  1886,  5^  éd.);  les  Racines  de  la  langue  russe, 
d'après  Reifi'  (Paris,  1894)  ;  la  traduction  du  Voyage  du 
Césarévitch  en  Orient  (Paris,  1895)  ;  Chrestomathie 
russe  (Paris,  1895).  M.  Léger,  Pun  des  principaux  col- 
laborateurs de  la  Grande  Encyclopédie,  a,  de  plus, 
collaboré  à  la  Revue  des  Deux  Mondes,  à  la  Revue  cri- 
tique, à  la  Bibliothèque  universelle,  au  humai  russe 
de  l'instruction  publique,  etc.  Il  est  membre  des  Aca- 
démies de  Saint-Pétersbourg,  Belgrade,  Agram,  Buca- 
rest, de  la  Société  royale  des  sciences  de  Prague,  etc. 

LÉGEROT  (Eléonore-Caroline)  (V.  Escallier  [M""^]). 

LÉGÉVILLE-ET-BoNFAYs.  Com.  du  dép.  des  Vosges, 
arr.  de  Mirecourt,  cant.  de  Dompaire  ;  1 28  hab. 

LE6GE  (William),  homme  politique  anglais,  né  vers 
1609,  mort  le  13  oct.  1672.  Fervent  royaliste,  il  prit 
d'abord  part  à  la  première  guerre  contre  l'Ecosse  en  qua- 
lité de  lieutenant  d'artillerie,  puis  secourut  Charles  F*" 
contre  le  Parlement  en  1641.  Fait  prisonnier  pendant  la 
guerre  civile,  il  s'évada  et  fut  pris  de  nouveau  au  siège  de 
Lichfield  (1643).  Gouverneur  de  Chester,  d'Oxford,  puis 
gentilhomme  de  la  chambre  du  roi  en  1645,  il  favorisa 
l'évasion  du  roi  de  Hampton-Court  et  le  suivit  à  l'île  de 
Wight.  Emprisonné,  il  fut  délivré  à  la  condition  de  ne  pas 
porter  les  armes  contre  le  Parlement  (1649).  Chargé  d'une 
mission  en  Irlande  par  Charles  II,  il  fut  arrêté  et  empri- 
sonné sous  l'inculpation  de  haute  trahison,  de  juin  1649  à 
mai  1651.  Il  fut  réintégré  dans  ses  biens  et  honneurs  à 
la  Restauration  et  promu  au  grade  de  trésorier  et  de  lieu- 
tenant général  de  l'artillerie.  R.  S. 

BiBL.  :  Warburton,  Life  of  prince  Rupert,  1849.  — 
Manuscrits  du  comte  de  Dartmouth. 

LEGGE  (George),  lord  Dartmouth,  amiral  anglais,  né 
en  1648,  mort  le  25  oct.  1691.  Il  servit  en  Hollande  en 
1665,  fut  promu  capitaine  en  1667,  gentilhomme  de  la 
chambre  en  1668,  gouverneur  de  Portsmouth  en  1670. 
Maître  général  de  l'artillerie  en  1682,  il  fut  créé  baron  de 
Dartmouth  le  2  déc.  1682  et  devint  amiral  de  la  flotte  et 
gouverneur  du  Tanger  en  1683.  Jacques  II  avait  la  plus 
grande  confiance  en  son  loyalisme  ;  aussi  le  désigna-t-il 
pour  le  poste  de  commandant  en  chef  de  la  flotte,  lors  de 
l'invasion  hollandaise  de  1688.  Mais  Dartmouth  se  détacha 
du  roi  et  prit  les  intérêts  du  prince  d'Orange.  Pourtant, 
à  l'avènement  de  Guillaume,  il  fut  impliqué  dans  une 
conspiration  en  faveur  de  Jacques  et  emprisonné  à  la  Tour 
où  il  mourut.  R  S. 

BiBL.  :  Campbell,  Lives  of  the  Admirais.  — Manuscripts 
of  Dartmouth.  —  Macaulay,  Hisiory  of  England. 

LEGGE  (William),  premier  comte  de  Dartmouth,  homme 
politique  anglais,  né  le  14  oct.  1672,  mort  le  15  déc.  1750. 
Tory  renforcé,  il  entra  à  la  Chambre  des  lords  le  22  nov. 
1695.  Le  14  juin  1702,  il  devint  membre  du  bureau  du 
commerce  et  du  conseil  privé,  secrétaire  d'Elat  en  1710. 
Créé  vicomte  de  Lewisham  et  comte  de  Dartmouth  le  5  sept. 
1711,  il  fut  nommé  garde  du  sceau  privé  en  1713.  Il  fut 
un  des  plus  fidèles  partisans  de  la  succession  de  Hanovre. 
On  a  plusieurs  de  ses  lettres  à  la  reine  Anne.       R.  S. 


LEGER  —  LEGION 


•  Lord 


BiBL.  :  BuRNET,  History  of  his  own  Time,  1833.  - 
Stanhope,  Reign  ofQueen  Anne,  1872. 

LEGGE  (Henry  Bilson),  homme  poHtique  anglais,  né  le 
29  mai  1708,  mort  le  23  août  1764.  Secrétaire  particulier 
de  Robert  Walpole,  il  obtint  le  secrétariat  d'Irlande  en 
1739.  Membre  de  la  Chambre  des  communes  à  partir 
de  1740,  il  prit  une  part  active  à  la  politique  financière 
dans  les  différents  postes  qu'il  occupa.  Lord  de  l'amirauté 
en  1745,  il  devint  trésorier  de  la  marine  en  1749  et  chan- 
celier de  l'Echiquier  en  1754.  Il  laissa  la  réputation  du 
premier  financier  de  son  temps.  R.  S. 

BiBL.  :  J.  Butler,  Some  Account  of  the  Character  of 
the  late  Right  Honourable  Henry  Bilson  Legge,  1865.  — • 
Horace  Walpole,  Memoirs  of  the  Reign  of  George  II, 
1847.  —  Horace  Walpole,  Memoirs  of  the  Reiqn  of 
George  H,  1845. 

LEGGE  (William),  second  comte  de  Dartmouth,  homme 
politique  anglais,  né  le  20  juin  1731,  mort  le  15  juil. 
1801.  Membre  de  la  Chambre  des  lords  le  31  mai  1754, 
il  devint  président  du  bureau  du  commerce  le  19  juil. 
1765,  et  entra  au  conseil  privé.  Nommé  secrétaire  d'Etat 
pour  les  colonies  en  1772,  il  fit  passer  en  1775  le  bill 
qui  entravait  le  commerce  des  colonies  américaines  et  fut 
un  des  promoteurs  de  la  guerre  de  l'indépendance  des 
Etats-Unis.  A  partir  de  déc.  1783,  il  n'occupe  plus  de 
poste  politique.  On  a  conservé  beaucoup  d'autographes  de 
Georges  IH  adressés  à  Legge,  ainsi  que  les  lettres  de  ce 
dernier.  R.  S. 

BiBL.  :  Historical  Manuscripts.  —  Horace  Walpole, 
History  of  the  Reign  of  George  IIl,  1845.  —  Bancroft, 
History  of  the  United  States  of  America,  1876. 

LEGGE  (James),  missionnaire  et  sinologue  écossais,  né 
à  Huntly,  dans  le  comté  d'Aberdeen,  en  1815.  Envoyé  en 
Orient  par  la  «  London  Missionary  Society  »,  il  dirigea 
d'abord  le  collège  anglo-chinois  de  Malacca  (1 840-43),  puis 
s'établit  à  llong-kong,  où  il  resta  jusqu'en  1878.  En  1876, 
il  fut  nommé  professeur  à  la  chaire  de  langue  et  de  litté- 
rature chinoises  qu'on  venait  de  fonder  à  Oxford.  On  lui 
doit  une  édition  du  texte  des  classiques  chinois,  avec  tra- 
duction anglaise,  notes,  et  savants  prolégomènes,  pour 
laquelle  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- lettres  lui  a 
décerné  le  prix  Julien  (1875).  B.-H.  G. 

LEGHA.  Peuple  de  race  galla,  établi  au  S.-O.  de 
l'Abyssinie,  sur  le  haut  Djabous  (affl.  g.  de  l'Abâi).  Hs 
sont  au  moins  100,000,  agriculteurs  laborieux  et  paci- 
fiques, en  monarchie,  pratiquant  le  paganisme,  mais  en  voie 
de  conversion  à  l'islamisme.  La  capitale  politique  est  Goum- 
bali,  à  1,980  m.  d'alt.;  la  capitale  religieuse  Gobo,  à 
2,260  m.  d'alt.  Ils  ont  été  visités  par  Schuver  en  1882. 

LÉGION.  I.  Histoire  romaine.  —  La  légion  est 
l'unité  militaire  de  l'armée  romaine.  Le  sens  primitif  du 
mot  est  levée  ;  primitivement  la  légion  devait  représenter 
l'armée  civique  tout  entière  ;  mais,  à  l'époque  historique, 
on  en  compte  plusieurs,  des  raisons  tactiques  ayant  dû 
amener  le  dédoublement.  On  trouvera  des  détails  complets 
sur  cette  organisation  dans  l'art.  Armée  romaine,  t.  III, 
pp.  994  et  suiv.  Le  caractère  en  fut  complètement  modifié 
au  dernier  siècle  de  la  République  lorsque  l'armée  perma- 
nente et  que  les  cadres  des  légions,  au  lieu  d'être  formés 
de  nouveau  à  chaque  levée,  persistèrent.  Les  légions  reçu- 
rent alors  des  numéros  d'ordre  et  des  surnoms.  Un  avan- 
cement à  peu  près  régulier  y  fut  établi.  Cependant,  cette 
armée  pernianente  n'eut  son  organisation  définitive  que 
sous  l'Empire  ;  elle  devint  une  des  caractéristiques  de  ce 
régime  qui  était  essentiellement  une  monarchie  militaire. 

Ce  fut  une  des  premières  préoccupations  d'Auguste  ;  à 
partir  de  l'an  27,  chaque  légion  fut  constituée  d'une  ma- 
nière permanente,  avec  cantonnement  fixe,  et  conserva  son 
individualité  durant  tout  le  Haut-Empire  jusqu'à  la  désas- 
treuse réforme  de  la  fin  du  iii^  siècle  (V.  Armée  et  Em- 
pire). Auguste  se  trouvait,  après  Actium,  à  la  tête  déplus 
de  cinquante  légions,  débris  des  armées  formées  depuis  une 
quinzaine  d'années  et  particulièrement  de  la  sienne  et  de 
celle  d'Antoine.  Chacune  de  ces  armées  avait  numéroté  ses 
légions  séparément.  L'empereur,  lorsqu'il    réduisit  ses 


LEGION 


1146  — 


effectifs  aux  besoins  de  la  défense  militaire  de  son  empire, 
conserva  vingt-trois  légions,  lesquelles  gardèrent  leurs  nu- 
méros et  leurs  noms  ;  il  y  eut  ainsi  trois  légions  portant  le 
n*^  3,  deux  les  no^4,  5,  6  et  40.  Les  noms  ne  se  rapportent 
pas  au  pays  d'origine  des  légions,  mais  au  pays  où  elles 
se  sont  distinguées  ou  à  un  épisode  de  leur  histoire,  ou 
encore  à  des  divinités  protectrices.  D'autres  surnoms  hono- 
rifiques (pia,  vindex,  /br^Z5,  etc.)  équivalent  à  des  décora- 
tions décernées  par  l'empereur.  A  partir  de  Caracalla,  toutes 
portent,  en  outre,  le  nom  du  prince  régnant  {Severiana^ 
Alexandrina,  Galliena^  Gordiana,  etc.).  Le  nombre 
des  légions  fut  porté  à  vingt-cinq  par  Auguste  vers  l'an  5 
av.  J.-C.  ;  trois  furent  exterminées  avec  Varus  et  rempla- 
cées (9  ap.  J.-C).  Claude  créa  une  nouvelle  légion  après  la 
conquête  de  la  Bretagne  ;  Néron  en  ajouta  trois,  Galba 
une,  ce  qui  porta  le  chiffre  à  trente.  Vespasien  en  licencia 
trois  qu'il  remplaça  par  trois  nouvelles  et  en  perdit  une, 
exterminée  par  les  Germains  (70).  Domitien  en  perdit 
une,  détruite  par  les  Sarmates  (84)  et  la  remplaça.  Tra- 
jan  en  perdit  une  en  Dacie  et  en  créa  deux.  Adrien  en 
perdit  deux,  l'une  en  Bretagne  (120),  l'autre  en  Judée 
(133);  elles  furent  remplacées  par  Marc  Aurèle;  Septime 
Sévère  en  créa  trois,  ce  qui  porta  le  chiffre  à  trente-trois 
(dont  seize  dataient  de  l'organisation  primitive  de  l'an  27 
av.  J.-C).  Il  demeura  le  même  jusque  vers  Dioclétien.  Le 
Bas-Empire  les  fractionna  tout  en  conservant  les  anciens 
noms  à  trente.  Ses  légions ,  d'effectif  très  réduit,  furent  portées 
au  nombre  de  plus  de  cent,  probablement  cent  soixante- 
quinze  au  temps  où  fut  rédigée  la  Notitia  dignitatum. 

L'histoire  des  légions,  faite  en  grande  partie  à  l'aide  des 
inscriptions  retrouvées  dans  leurs  camps  permanents,  est 
une  des  branches  les  plus  instructives  de  l'histoire  de  l'em- 
pire romain.  Nous  en  donnerons  ici  un  bref  résumé  chro- 
nologique. 

//  Augusta,  formée  en  27,  campée  en  Egypte,  puis  en 
Mésie  (5  ap.  J.-C),  puis  à  Mayence  (9  ap.  J.-C),  fit  cam- 
pagne en  Germanie,  en  Bretagne  (43)  où  elle  restar 

III  Augusta  (Pia  vindex),  formée  en  27,  campée  en 
Afrique,  proclama  Galba  qui  la  décora  du  nom  de  Libera- 
trix,  reçut  de  Septime  Sévère  ceux  de  Pia  vindex,  fut 
licenciée  par  Gordien  lïl  (237),  contre  qui  elle  avait  sou- 
tenu Capelianus,  et  reconstituée  en  253  par  Valérien. 

IV  Cyrenaica^  formée  par  Lépide  en  Afrique,  resta  en 
Egypte  où  elle  proclama  Vespasien.  Trajan  la  transféra  en 
Arabie. 

///  Gallica^  formée  en  Gaule  par  Munatius  Plancus, 
amenée  en  Orient  par  Antoine,  cantonnée  en  Syrie  sauf  un 
séjour  de  trois  années  en  Mésie  (8  ap.  J.-C),  fit  campagne 
en  Arménie  sous  Corbulon,  fut  amenée  en  Mésie  par  Né- 
ron, soutint  Othon,  puis  Vespasien,  retourna  en  Syrie  où 
elle  resta,  fit  campagne  sous  Trajan  et  campa  en  Judée  à 
partir  d'Adrien. 

.  IV  Macedonica^  formée  par  Brutus  en  Macédoine,  can- 
tonnée en  Espagne  par  Auguste,  fit  campagne  en  Mauri- 
tanie sous  Caligula,  fut  envoyée  à  Mayence  en  43.  Elle 
proclama  Vitellius,  se  rallia  à  Tutor,  fut  licenciée  par  Ves- 
pasien. 

IV  Scythica^  formée  par  M.  Crassus  en  29,  canton- 
née en  Syrie,  transférée  en  Mésie  (5  ap.  J.-C),  puis  en 
Basse-Germanie  (47)  ;  emmenée  par  Corbulon  en  Orient 
(58),  capitula  devant  Vologèse  (62)  et  revint  en  Syrie  où 
elle  resta,  fit  les  campagnes  de  Judée  et  celles  de  trajan. 

V  Alauda^  formée  par  César  en  Gaule  Transalpine, 
campée  en  Espagne  (27-24  av.  J.-C),  puis  en  Germanie, 
fit  campagne  en  Pannonie  de  6  à  9  ap.  J.-C,  en  Bretagne 
sous  Claude.  Très  insubordonnée,  elle  soutint  Vitellius, 
fut  envoyée  en  Mésie  par  Vespasien  et  exterminée  par  les 
Sarmates  (84). 

F  Macedonica^  formée  par  Brutus  en  Macédoine,  can- 
tonnée en  Syrie,  puis  en  Mésie  (5  ap.  J.-C),  envoyée  à 
Corbulon  en  Orient  (62),  prit  part  au  siège  de  Jérusalem, 
retourna  en  Mésie,  où  elle  resta.  Elle  prit  part  aux  guerres 
de  Dacie. 


VI  Victrix  (Pia  felix),  campée  en  Espagne  sous  Au- 
guste, dédoublée  en  5  ap.  J.-C  (pour  former  la  VI  Fer- 
rata),  proclama  Galba,  fut  envoyée  sur  le  Rhin  par  Adrien 
contre  Civilis  (70)  et  transférée  de  la  Germanie  inférieure 
en  Bretagne  où  elle  resta  (120).  Trajan  la  décora  du  sur- 
nom de  Pia  felix. 

VII  Claudia  [Pia  fidelis)^  cantonnée  en  Macédoine, 
puis  en  Dalmatie(10  ap.  J.-C),  resta  fidèle  à  Claude  contre 
Scribonien  en  42,  ce  qui  lui  valut  son  nom  et  son  sur- 
nom ;  Néron  l'envoya  en  Pannonie,  puis  en  Italie  (68)  ; 
Galba  la  renvoya  en  Mésie  ;  elle  se  prononça  contre  Vitel- 
lius, fut  envoyée  par  Mucien  en  Germanie,  ramenée  en 
Mésie  par  Vespasien  (71)  et  y  resta. 

VIII  Augusta,  formée  par  Auguste,  cantonnée  en  Pan- 
nonie, se  révolta  en  14  ap.  J.-C,  fut  transférée  en  Mésie, 
soutint  Néron,  Othon,  Vespasien,  fut  envoyée  par  Mucien 
en  Germanie,  où  elle  resta. 

Il  Hispana^  cantonnée  en  Pannonie,  se  révolta  en  14 
ap.  J.-C,  fut  transférée  en  Afrique  (20),  en  Espagne  (24)^ 
en  Bretagne  (43),  soutint  Vitellius  et  fut  exterminée  par 
les  Bretons  (120). 

X  Gemina  {Pia  fidelis),  formée  par  Auguste  en  27 
sous  le  nom  de  X  Augusta^  dont  il  la  priva  pour  indisci- 
pline en  19  av.  J.-C.  ;  cantonnée  en  Espagne,  dédoublée 
en  5  ap.  J.-C.  (pour  former  la  X  Fretensis),  d'où  son 
nom;  transférée  en  Germanie  en  58,  soutint  Vitellius; 
Trajan  l'emmena  en  Dacie  et  la  cantonna  en  Pannonie,  où 
elle  resta. 

XI  Claudia  (Pia  fidelis),  cantonnée  en  Pannonie,  puis 
en  Dalmatie,  nommée  et  décorée  par  Claude  en  42,  soutint 
Néron  et  Othon,  fut  envoyée  en  Germanie  supérieure  (70), 
transférée  par  Trajan  en  Mésie  où  elle  resta. 

XII  Fulminata,  formée  par  Auguste,  campée  en  Egypte, 
puis  en  Syrie  (18  ap.  J.-C),  amenée  par  Corbulon  sur 
l'Euphrate  où  Vologèse  la  fit  capituler  (62)  ;  renvoyée  en 
Syrie,  elle  y  fut  battue  par  les  Juifs  et  transférée  en  Cap- 
padoce,  où  elle  demeura. 

A7//  Gemina  {Pia  fldelis),  formée  par  Auguste  en  27 
par  fusion  de  deux  légions  portant  ce  numéro,  cantonnée 
en  Pannonie,  envoyée  en  Germanie  après  le  désastre  de 
Varus  (9  ap.  J.-C),  rappelée  en  Pannonie,  puis  en  Italie 
par  Néron,  soutint  Othon  et  fut  battue  à  Bédriac  par  la 
V  Alauda  ;  Vitellius  lui  fit  bâtir  l'amphithéâtre  de  Cré- 
mone ;  elle  se  rallia  à  Vespasien,  se  vengea  par  la  destruc- 
tion de  Crémone,  fut  renvoyée  en  Pannonie  et  campée  par 
Trajan  en  Dacie. 

XIV  Gemina  {Martia  victrix),  formée  par  Auguste 
en  27  par  fusion  de  deux  légions  portant  ce  numéro,  cam- 
pée en  Germanie,  puis  en  Bretagne  (43),  s'illustra  par  sa 
valeur  dans  les  campagnes  de  Tibère,  de  Germanicus  et 
contre  Boadicée,  fut  décorée  par  Néron  du  surnom  de 
Martia  victrix  (68),  et  appelée  par  lui  ;  elle  combattit 
Vitellius,  fut  renvoyée  en  Bretagne,  puis  employée  contre 
Civilis  (70),  se  révolta  sous  Domitien  et  fut  envoyée  en 
Pannonie  (92),  où  elle  resta. 

XV  Apollinaris,  formée  par  Auguste,  campée  en  Pan- 
nonie, se  révolta  en  14  ap.  J.-C,  fut  envoyée  sur  l'Eu- 
phrate à  Corbulon  (63),  dédoublée  en  66  pour  former  la 
XV  Primigenia,  fit  la  guerre  de  Judée,  fut  ramenée  par 
Vespasien  en  Pannonie,  fit  les  campagnes  de  Trajan  qui 
la  conduisit  en  Orient  et  l'établit  en  Cappadoce,  où  elle 
resta. 

XVI  Gallica,  envoyée  par  Auguste  sur  le  Danube,  puis 
en  Germanie  (9  ap.  J.-C)  ;  affaiblie  par  le  départ  de  Vi- 
tellius qui  emmena  l'élite  de  ses  troupes,  elle  se  soumit  à 
Classicus,  et,  ayant  perdu  sa  cohésion,  fut  licenciée  par 
Vespasien. 

XVII,  XVIII  et  XIX  légions  de  Germanie  exterminées 
avec  Varus  (9  ap.  J.-C) 

XX  Valeria  {Victrix),  formée  en  27  par  Auguste,  can- 
tonnée sur  le  Danube;  en  6  ap.  J.-C  son  légat  Valerius 
Messalinus  comprima  une  insurrection  en  Pannonie,  d'où 
son  nom  et  son  surnom;  envoyée  en  Germanie  en  9  ap. 


4147  -^ 


LÉGION 


J.-C,  elle  se  révolta  en  44,  fit  campagne  sous  Germani- 
cus,  fut  transférée  en  Bretagne  en  43;  elle  y  demeura. 
Son  nom  n'est  plus  dans  la  Notitia. 

VI  Ferrata  formée  par  Auguste  en  5  ap,  J.-C.  par  dé- 
doublement de  la  VI  Victrix  et  cantonnée  en  Syrie,  prit 
part  aux  campagnes  d'Arménie  (62),  de  Judée,  resta  en- 
suite dans  ce  pays. 

/  Germanica,  formée  à  la  hâte  de  mauvais  éléments  en 
9  ap.  J.-C.  à  la  suite  du  désastre  de  Varus,  fut  toujours 
indocile  et  de  peu  de  valeur  ;  révoltée  on  44,  elle  acclama 
Yitellius  en  69,  fut  licenciée  par  Vespasien  en  71. 

XXI  Rapax,  même  histoire  que  la  précédente,  sinon 
qu'envoyée  après  la  défaite  de  Crémone  en  Germanie,  puis 
en  Iliyrie,  elle  s'y  battit  bien  et  fut  conservée.  En  401  on 
l'appela  en  Mésie  contre  les  Daces  et  elle  fut  massacrée  à 
la  bataille  de  Tapis  et  disparut. 

XXI I  Dejotariana,  corps  galate  campé  en  Egypte  où  on 
le  transforma  en  légion  en  9  ap.  J.-C.  En  43,  Claude,  pour 
remplacer  l'armée  envoyée  en  Bretagne,  la  dédoubla.  Elle 
acclama  Vespasien  (69),  fut  exterminée  par  les  Juifs  en  133. 

XXII  Primigenia  (Pia  fidelis),  formée  en  43  par  dé- 
doublement de  la  précédente,  envoyée  à  Mayence,  soutint 
Vitellius,  fut  envoyée  en  JUyrie,  en  Pannonie,  revint  en 
Germanie  (91)  où  elle  resta;  son  surnom  date  d'Adrien. 
Elle  a  disparu  au  temps  de  la  Notitia. 

I  Italica^  formée  par  Néron,  en  Italie,  d'hommes  de  six 
pieds  de  haut,  sous  le  nom  de  Phalange  d'Alexandre  le 
Grand,  reçut  le  nom  à'Italica  (66),  fut  envoyée  en  Gaule, 
soutint  Galba  et  Vitellius,  fut  transférée  en  Iliyrie,  puis  en 
Mésie  où  elle  resta. 

XV  Primigenia,  formée  en  66  par  dédoublement  de  la 
XV  ApoHïnaris,  amenée  en  Pannomie,  soutint  Néron,  Vi- 
tellius, prit  le  parti  de  Civilis  et  fut  exterminée  par  les 
Germains  (70). 

1  Adjidrix,  formée  en  68  par  Néron  avec  des  marins, 
classée  par  Galba,  soutint  Othon,  fut  envoyée  en  Espagne, 
puis  en  Germanie,  opéra  en  Mésie  de  86-91,  puis  sous 
Trajan  et  resta  ensuite  en  Pannonie. 

VII  Gemina  (Félix),  formée  par  Galba  en  Espagne  sous 
le  nom  d'Hispana  ou  Galbiana,  envoyée  en  Pannonie,  sou- 
tint Othon  et  Vespasien,  qui  lui  donna  son  nom  et  son 
surnom  et  la  replaça  en  Espagne. 

//  Adjutrix  {Pia  fidelis),  formée  en  69  par  Antonius 
Primus  avec  les  marins  de  Ravenne,  envoyée  par  Mucien 
en  Germanie,  décorée  par  Vespasien,  opéra  en  Irlande  (8'2), 
sur  le  Danube  (85),  sous  Trajan,  et  resta  en  Pannonie  à 
partir  de  107. 

IV  Flavia  (Félix),  formée  par  Vespasien  en  71,  can- 
tonnée en  Dalmatie,  Pannonie,  Mésie  où  elle  resta,  fit  les 
campagnes  de  Dacie,  fut  décorée  par  Adrien. 

XVI  Flavia  (Pia  fldelis),  formée  par  Vespasien  en  71 , 
campée  en  Cappadoce,  fit  la  campagne  parthique  avec  Tra- 
jan, qui  la  décora,  et  fut  ensuite  élablie  en  Syrie. 

I  Miner  via  (Pia  fidelis),  formée  par  Domitien  en  85, 
pour  remplacer  la  F  Alauda,  campée  en  Germanie  infé- 
rieure d'où  Trajan  la  fit  sortir  quelques  années  pour  opérer 
contre  les  Daces;  il  la  décora. 

XXX  Ulpia  (Victrix),  formée  par  Trajan  en  101  pour 
remplacer  la  XXI  Rapax,  resta  en  Germanie,  fit  campagne 
en  Mésopotamie  sous  Constance  IL 

//  Trajana  (Fortis),  formée  par  Trajan  en  105,  pour 
remplacer  en  Egypte  la  ///  Cyrenaica,  fit  campagne  contre 
les  Parthes,  réprima  l'insurrection  juive  de  137  et  resta 
la  seule  légion  d'Egypte. 

//  Italica  et  lîl  Italica^  formées  par  Marc  Aurèle 
avant  170,  cantonnées  la  première  dans  le  Norique,  la  se- 
conde en  Rétie. 

/  Partfiica,  formée  par  Septime  Sévère,  campée  en  Mé- 
sopotamie, fut  employée  à  Bostra  (Arabie)  et  Palmyre. 

//  Parthica  (Pia  fidelis),  formée  par  Septime  Sévère, 
campée  à  Albe,  fut  la  première  légion  qui  tint  garnison  en 
Italie.  Héliogabale  la  décora.  Sous  Julien  elle  était  en  Mé- 
sopotamie. 


II  Parthica,  formée  par  Septime  Sévère,  cantonnée 
en  Mésopotamie.  A.-M.  B. 

II.  Art  militaire.  —  Légion  de  gendarmerie  (V.  Gen- 
darmerie). 

Légion  étrangère.  —  De  tout  temps  la  France  a  eu  à  sa 
solde  des  troupes  étrangères  ;  depuis  la  garde  écossaise  de 
Charles  VU,  Anglais,  Irlandais,  Allemands,  Polonais, 
Suisses  ont  servi  sous  le  drapeau  français.  Ces  derniers 
surtout  ont  toujours  fait  partie  de  la  garde  royale,  et  leur 
dévouement  n'a  jamais  fait  défaut.  Sous  Louis  XIV  un  ré- 
giment se  nommait  le  Royal-Anglais,  et  Churchill  qui  n'était 
pas  encore  duc  de  Marlborough  sollicita  vainement  la  faveur 
de  le  commander  en  1676  ;  Louvois  refusa  ses  services 
parce  qu'il  le  disait  «  trop  adonné  à  son  plaisir  ».  Com- 
mandées par  les  Trivulce,  Gondi,  Concini,  de  Broglie, 
Rantzau,  Lowendahl,  Stuart,  Berwick,  Luckner,  etc.,  les 
troupes  étrangères  avaient  rendu  à  la  France  des  services 
tellement  appréciés  que  l'Assemblée  législative,  après  avoir 
supprimé  tous  les  régiments  connus  sous  le  nom  de  Nassau, 
d'infanterie  allemande,  irlandaise,  liégeoise,  promulgua  le 
l''*'  août  1792  une  loi  relative  à  la  formation  d'une  légion 
franche  étrangère  composée  d'infanterie,  de  cavalerie  et 
d'artillerie.  Le  3  août  de  la  mèmeannée,  cette  même  assemblée 
faisait  appel  aux  soldats  étrangers  qui  déserteraient  la  cause 
des  rois,  et  le  4  sept,  la  légion  germanique  était  créée. 

La  Convention  nationale  suivit  les  errements  de  sa  de- 
vancière et  décréta  successivement  une  légion  belge  et  une 
légion  bataye,  puis  reforma  à  Péronne  des  bataillons  d'in- 
fanterie légère  avec  les  troupes  liégeoises  au  service  de  la 
France.  Sous  le  Directoire  paraissent  :  la  légion  italique,  la 
légion  des  Francs  du  Nord  et  la  légion  maltaise.  Napoléon 
organise  les  demi-brigades  helvétiques  changées  bientôt 
en  régiments  suisses,  deux  légions  hanovriennes,  quatre 
légions  du  Nord,  la  légion  de  la  Vistule  qui  va  combattre 
en  Espagne,  tandis  que  la  légion  portugaise  et  les  Espagnols 
allaient  tenir  garnison  à  Hambourg.  Le  16  déc.  1814,  la 
Restauration  forme  un  régiment  colonial  étranger,  puis 
détermine  une  nouvelle  organisation  des  1«^  ^^  et  3^  ré- 
giments étrangers  à  la  solde  de  la  France.  En  1815,  le 
licenciement  de  l'armée  de  la  Loire  eut  son  contre-coup 
dans  ces  régiments  qui  furent  dissous,  mais  le  même  décret 
du  6  sept,  réorganisait  une  légion  royale  étrangère  qui 
plus  tard  prit  le  nom  de  Ilohenlohe  et  la  dénomination  de 
régiment  en  1821.  Le  18  juil,  1816  une  ordonnance 
royale  formait  deux  régiments  suisses  de  la  garde  et  quatre 
régiments  suisses  de  la  ligne.  Les  Suisses  furent  licenciés 
en  1830  et  le  régiment  de  Ilohenlohe  le  5  janv.  1831. 

C'est  la  loi  du  9  mars  1831  et  l'ordonnance  royale  du 

10  du  même  mois  qui  ont  créé  et  organisé  la  légion  étran- 
gère actuelle;  elle  n'a  aucune  parenté  directe  avec  les  for- 
mations précédentes  des  troupes  étrangères  au  service  de 
la  France,  si  ce  n'est  que  son  premier  bataillon  fut  formé 
avec  les  débris  du  régiment  de  Hohenlohe  et  des  Suisses. 
Les  bases  de  l'organisation  étaient  les  suivantes  :  le  corps 
ne  pouvait  être  employé  qu'en  dehors  du  territoire  de  la 
métropole.  Les  bataillons  en  nombre  illimité  étaient  à 
8  compagnies  de  112  hommes.  Les  engagements  étaient 
de  trois  à  cinq  ans  et  les  rengagements  de  deux  à  cinq  ans, 

11  fallait  avoir  dix-huit  ans  au  moins  et  quarante  ans  au 
plus.  Les  compagnies  furent  d'abord  form.ées  de  gens  de 
même  langue,  mais  on  y  renonça  bientôt,  et,  en  1835,  le 
colonel  Beruelle  fit  l'amalgame.  Le  premier  dépôt  fut  fondé 
à  Langres  et  quelques  jours  plus  tard  à  Bar-le-Duc.  On 
forma  successivement  sept  bataillons  qui  furent  envoyés 
en  Algérie,  et  le  dépôt  vint  se  constituer  à  Toulon.  L'uni- 
forme était  le  suivant  :  képi  garance,  bandeau  et  passepoils 
bleu  de  roi  ;  habit  bleu  de  roi  ;  capote  gris  fer  ;  pantalon 
garance,  équipement  en  buffle  blanc. 

Jusqu'au  mois  de  juil.  1835,  les  différents  bataillons  de 
la  légion  prirent  part  à  toutes  les  actions  de  l'armée 
d'Afrique  ;  mais  à  cette  époque,  cédée  par  la  France  à 
l'Espagne,  elle  fut  débarc[uée  à  Tarragone,  et  jusqu'au 
7  janv.  1839  elle  combattit  contre  les  carlistes,  soutenant 


LÉGION 


-  4148  — 


la  cause  d'Isabelle  IL  On  s'aperçut  rapidement  en  Algérie 
du  vide  laissé  par  le  départ  de  la  légion,  et,  dès  le  16  déc. 
1835,  le  gouvernement  français  prescrivait  d'en  former 
une  nouvelle.  Ce  ne  fut  cependant  que  le  15 déc.  1836  que 
le  seul  bataillon  formé  sous  le  commandement  de  Bedeau 
débarqua  à  Alger.  En  1837,  la  légion  est  organisée  sur  le 
même  pied  que  les  régiments  français  et  assiste  à  la  prise 
de  Constantine;  en  1840  on  lui  donne  2  autres  bataillons 
et  un  drapeau  comme  récompense  de  sa  belle  conduite. 

Le  1®'  avr.  1841  elle  est  séparée  en  2  régiments  à  3  ba- 
taillons chacun.  L'effectif  de  chacun  des  corps  est  de 
3,000  hommes.  Les  compagnies  sont  de  95  hommes  pour 
les  grenadiers  et  les  voltigeurs,  de  99  pour  celles  du 
centre.  Le  premier  régiment  doit  rester  dans  la  province 
d'Alger,  le  deuxième  est  formé  à  Bône.  Après  avoir  pris 
part  à  toutes  les  expéditions  sous  les  ordres  des  Lamori- 
cière,  Bugeaud,  Ouvivier,  Négrier,  Baraguay  d'Illiers,  Pé- 
lissier  et  tant  d'autres,  la  légion  devait  aller  prendre  part 
à  la  guerre  d'Orient.  Au  mois  de  juin  i  854,  chaque  ré- 
giment fournissait  2  bataillons  de  guerre  à  l'effectif  de 
1,100  hommes  chacun  et  le  3^  bataillon  allait  tenir  garni- 
son et  servir  de  dépôt  pour  le  i^^  régiment  à  Gallipoli  et 
pour  le  2®  à  Bastia.  En  récompense  de  leur  brillante  con- 
duite en  Crimée,  Napoléon  III  accorda  des  lettres  de  natu- 
ralisation aux  légionnaires  et  licencia  les  deux  régiments, 
puis  l'on  procéda  sur-le-champ  à  la  création  de  deux  nou- 
veaux corps.  Celui  qui  prit  le  n°  2  fut  formé  à  Oran  ;  le 
n**  1  fut  constitué  à  l'aide  des  débris  de  la  légion  suisse, 
essai  assez  malheureux  fait  en  France  pendant  la  guerre 
d'Orient  d'une  2®  brigade  étrangère.  Ce  1^^  régiment  con- 
serva la  tunique  verte  et  fut  bientôt  envoyé  dans  la  pro- 
vince de  Constantine.  En  1859,  les  deux  régiments  pren- 
nent part  à  la  campagne  en  Italie.  Rentrés  en  Afrique  après 
la  guerre  ils  furent  fondus  en  un  seul  le  1®"*  janv.  1861, 
par  mesure  d'économie. 

Pendant  la  campagne  du  Mexique  6  bataillons  du  régi- 
ment étranger  sont  successivement  embarqués  et  parcourent 
en  tous  sens  ce  pays  où  ils  marquent  glorieusement  leurs 
étapes  à  Camerone,  Oajacca,  Monterey,  San  Luis  de  Potosi, 
Mathehuala.  Un  décret  de  1866  avait  créé  les  7^  et  8®  ba- 
taillons. En  1870,  deux  des  quatre  bataillons  du  régiment 
vinrent  en  France  à  la  première  armée  de  la  Loire  où  ils 
furent  rejoints  par  un  bataillon  formé  à  Tours  qui  prenait 
le  n'*  5.  Ces  bataillons  firent  partie  du  15^  corps  assistèrent 
à  Coulmiers,  à  Cercottes,  à  la  reprise  d'Orléans  et  furent 
incorporés  dans  l'armée  de  l'Est,  sauf  une  compagnie  qui 
se  battit  au  Mans.  Après  la  campagne,  le  5®  bataillon  fut 
licencié;  en  1875  le  régiment  étranger  reprit  le  nom  de 
légion  étrangère  et  comprit  4  bataillons  à  4  compagnies  ; 
elle  maintint  la  belle  réputation  du  régiment  dans  les 
marches  et  les  combats  du  Sud-Oranais,  sous  les  ordres 
du  colonel  de  Négrier.  En  1883,  on  l'augmente  de  deux 
bataillons  pour  les  envoyer  en  Annam,  au  Tonkin  et  à 
Formose;  puis  le  14  déc.  1884  on  revenait  au  dédoublement 
en  2  régiments  constitués  par  4  bataillons  à  4  compagnies. 
Citons  pour  terminer  les  noms  d'officiers  ayant  appartenu 
à  la  légion  dont  le  souvenir  est  resté  célèbre  :  Bedeau,  Mac- 
Mahon,  Mellinet,  Saint-Arnaud,  Canrobert,  Bazaine,  Mar- 
tenot  de  (iordoue,  Jeanningros,  Munier,  La  Hayrie,  Courcy, 
Négrier,  Grisot. 

in.  Histoire  religieuse.  —  Légion  fulminante.  — 
En  174,  Marc-Aurèle  faisait  la  guerre  aux  Quades  et  aux 
Marcomans.  Son  armée  eut  beaucoup  à  souffrir  de  la  cha- 
leur et  de  la  sécheresse  ;  elle  semblait  perdue  lorsque  éclata 
un  orage  qui  rafraîchit  les  soldats  romains  et  leur  fit  rem- 
porter la  victoire  sur  les  barbares  effrayés  et  maltraités 
par  la  grêle  et  la  foudre.  Dans  son  Histoire  romaine 
(1.  LXXI,  20),  Dion  Cassius  attribue  cette  délivrance  et 
cette  victoire  au  secours  des  dieux  et  aux  incantations  de 
deux  magiciens,  Arnuphis  d'Egypte  et  JuHen  de  Chaldée. 
D'autres  auteurs  païens,  notamment  Claudien  et  Capitolin, 
supposent  pareillement  une  intervention  céleste.  Le  bas- 
relief  de  la  colonne  Antonine  montre  que  la  croyance  géné- 


rale était  que  Jupiter  Pluvius  avait  pris  la  défense  des 
Romains.  —  Les  chrétiens  revendiquèrent  ce  miracle.  Sui- 
vant eux,  une  légion,  qui,  en  temps  de  paix,  campait  ordi- 
nairement à  Mélitène,  était  entièrement  composée  de  chré- 
tiens :  l'orage  sauveur  fut  accordé  à  leurs  prières.  Tertullien 
affirme  que  Marc-Aurèle  écrivit  au  Sénat  pour  lui  annon- 
cer la  victoire  de  son  armée,  et  que,  dans  cette  lettre,  il 
reconnaissait  la  puissance  du  Dieu  des  chrétiens.  Eusèbe, 
saint  Jérôme,  Orose  mentionnent  cette  lettre,  d'après  Ter- 
tullien. Au  XI®  siècle,  Xiphilin  prétendit  qu'en  souvenir  du 
miracle,  Marc-Aurèle  avait  donné  à  la  légion  chrétienne  le 
nom  de  legio  fulminatrix,  —  En  174,  il  n'y  avait  pas 
et  il  ne  pouvait  pas  y  avoir  une  légion  entièrement  compo- 
sée de  chrétiens.  Déjà  sous  Néron  et  même  sous  Auguste, 
la  Xll*^  légion  portait  le  nom  de  Fulminata  (V.  ci-des- 
sus). L'histoire  atteste  que,  à  aucun  moment  de  son  règne, 
Marc-Aurèle  ne  changea  de  sentiment  à  l'égard  des  chré- 
tiens. '     E.-H.V. 

Légion  thébaine  (V.  Maurice  [Saint]). 

BiBL.  :  Histoire  romaine.  —  V.  Armée  romaine.  — 
Lehne,  Gesch.  der  rœm.  Legionen  von  Csesar  bis  Théo- 
dosius^  dans  Ges.  Schr.,  t.  Il;  Mayence,  1837.  —  Grote- 
FRND,  dans  le  Dict.  de  Pauly,  1846.  —  Ch.  Robert,  les 
Armées  romaines  et  leur  emplacement  sous  l'Emjpire^ 
dans  Mél.  arch.  et  hist.^  1875.  —  G.  Stille,  Historia  le- 
gionum,  auxiliorum.que  inde  ab  excessu  Divi  Augusli  us- 
quead  Vespasiani  tempora;  Kiel,  1877.  —  W.  Pfitzner, 
Gesch.  der  rœmischen  Kaiserlegionen  von  Augustus  bis 
fZadriariMS  ;  Leipzig,  1881  (ouvrage  capital). 

LÉGION  D'HONNEUR.  Historique.  —  L'ordre  na- 
tional de  la  Légion  d'honneur  fut  créé  par  Bonaparte, 
premier  consul,  le  19  mai  1802.11  en  avait  longtemps  mûri 
l'idée  et  c'est  de  ses  entretiens  avec  Lucien  Bonaparte, 
avec  Rœderer,  Lebrun,  Cambacérès  et  Regnault  d'Angely 
que  sortit  le  projet  que  Rœderer  présenta  au  conseil  d'Etat 
le  i9  floréal  anX.  Napoléon  l'y  défendit  en  personne,  car 
l'institution  ne  laissa  pas  de  soulever  une  certaine  opposi- 
tion. Thibaudeau,  Real,  Cretet,  Berlier  en  furent  les  prin- 
cipaux adversaires.  Mathieu  Dumas  voulait  que  l'ordre  fût 
uniquement  réservé  aux  militaires.  Comme  on  a  souvent 
depuis  reproduit  cette  prétention  en  faisant  valoir  en  sa 
faveur  les  raisons  les  plus  fortes,  il  est  bon  de  citer  ici 
textuellement  celles  que  Napoléon  trouva  pour  la  com- 
battre :  «  Nous  sommes  trente  millions  d'hommes  réunis  par 
les  lumières,  la  propriété,  le  commerce,  trois  ou  quatre 
cent  mille  militaires  ne  sont  rien  auprès  de  cette  masse.  Les 
soldats  eux-mêmes  ne  sont  que  les  enfants  des  citoyens. 
L'armée,  c'est  la  nation.  Si  l'on  distinguait  les  hommes  en 
militaires  et  en  civils,  on  établirait  deux  ordres  tandis  qu'il 
n'y  a  qu'une  nation.  Si  l'on  ne  décernait  des  honneurs  qu'aux 
militaires,  cette  préférence  serait  encore  pire,  car  dès  lors 
la  nation  ne  serait  plus  rien.  »  Finalement,  le  projet  adopté 
par  le  conseil  d'Etat  le  fut  par  le  Tribunal  (50  voix  contre 
38)  et  par  le  Corps  législatif  (466  voix  contre  diO). 

La  loi  du  29  floréaf  an  X  (19  mai  1802)  instituait  une 
Légion  d'honneur  formée  d'un  grand  conseil  d'administra- 
tion et  de  quinze  cohortes.  Chose  bizarre,  le  grand  conseil 
devait  faire  les  nominations  et  il  ne  les  fit  jamais  :  le  chef 
d'Etat  se  les  réserva  dès  le  premier  jour.  Les  légionnaires 
devaient  être  choisis  parmi  les  militaires,  les  législateurs, 
les  diplomates,  les  fonctionnaires,  les  magistrats,  les  sa- 
vants, les  citoyens  éminents  par  leurs  talents  et  leurs 
vertus.  Il  fut  stipulé  qu'après  la  première  organisation, 
vingt-cinq  années  de  loyaux  services  seraient  exigées  pour 
l'admission  dans  l'ordre.  Les  légionnaires  durent  prêter  ser- 
ment. La  première  promotion  eut  lieu  les  14-15  juil.  1804. 
Elle  comprit  6,000  noms.  La  distribution  des  insignes  eut 
lieu  solennellement  au  Champ  de  Mars.  Un  décret  du  28  mai 
1805  augmenta  cet  actif  de  2,000  légionnaires  apparte- 
nant tous  à  l'armée.  Un  décret  du  30  janv.  de  la  même 
année  avait  créé  la  grande  décoration  ou  grand  aigle  qui 
est  devenu  le  grand  cordon.  La  même  année  encore  furent 
créées  les  maisons  d'éducation  pour  les  filles  des  membres 
de  la  Légion  d 'honneur  (V.  ci-après)  et  parut  aussi  la  loi 
de  dotation  définitive  de  la  Légion  d'honneur  constituée  au 


1149  — 


LEGION 


moyen  de  biens  nationaux.  La  forme  de  la  décoration  : 
«  une  étoile  à  cinq  rayons  doubles,  le  centre  de  l'étoile 
entouré  d'une  couronne  de  chêne  et  de  laurier,  présentant 
d'un  côté  la  tète  de  l'empereur,  de  l'autre  un  aigle  tenant 
la  foudre,  avec  légende  :  Honneur  et  Patrie  »  ne  fut 
arrêtée  que  le  11  juil.  1804. 

L'organisation  première  de  la  Légion  était  assez  singu- 
lière, et,  quoiqu'elle  n'ait  jamais  parfaitement  fonctionné  en 
fait,  elle  mérite  que  nous  y  consacrions  quelques  développe- 
ments. Le  grand  conseil  était  composé  de  7  grands  otfi- 
ciers  ;  les  cohortes,  au  nombre  de  16,  comprenaient  chacune 
7  grands  officiers,  20  commandants,  30  officiers,  330  lé- 
gionnaires. Le  territoire  de  la  République  était  ainsi  réparti 
entre  les  cohortes  :  I,  chef-lieu  Fontainebleau,  départe- 
ments de  l'Aube,  de  la  Marne,  de  l'Oise,  de  la  Seine,  de 
Seine-et-Oise,  de  Seine-et-Marne.  II,  ch.-l.  abbaye  de 
Saint- Waast  (Arras),  dép.  de  l'Aisne,  des  Ardennes,  de 
Jemmapes,  du  Nord,  du  Pas-de-Calais,  de  la  Somme.  Ilï, 
ch.-l.  le  chapitre  de  Saint-Martin  à  Ypres,  dép.  de  la  Lys, 
de  l'Escaut,  de  la  Dyle,  des  Deux-Nèthes,  de  l'Ourthe,  de 
Sambre-et-Meuse.  IV,  ch.-l.  le  château  de  Bruhl,  dép. 
de  Meuse-Intérieure,  des  Forêts,  de  la  Roër,  de  la  Sarre, 
de  Rhin-et-Moselle,  du  Mont-Tonnerre.  V,  ch.-l.  évêché 
de  Toul,  dép.  du  Bas-Rhin,  du  Haut-Rhin,  de  la  Meurthe, 
des  Vosges,  delà  Moselle,  de  la  Meuse,  delà  Haute-Marne. 
VI,  ch.-l.  palais  des  Etats  de  Bourgogne,  dép.  du  Doubs, 
du  jura,  de  la  Haute-Saône,  de  la  Nièvre,  de  la  Côte-d'Or, 
de  Saône-et-Loire,  du  Léman,  de  l'Yonne.  VII,  ch.-l.  ar- 
chevêché de  Vienne,  dép.  du  Rhône,  de  la  Haute-Loire,  de 
la  Loire,  de  l'Isère,  du  Mont-Blanc,  de  l'Ain,' du  Puy-de- 
Dôme,  de  l'Allier.  VIII,  ch.-l.  archevêché  d'Aix,  dép.  des 
Basses-Alpes,  des  Hautes-Alpes,  des  Bouches-du-Rhône,  du 
Var,  de  la  Drôme,  de  Vaucluse,  des  Alpes-Maritimes,  du 
Golo,  du  Liamone.  ÏX,  ch.-l.  évêché  de  Béziers,  dép.  de 
l'Ardèche,  du  Cantal,  du  Gard,  de  la  Lozère,  de  l'Hérault, 
du  Tarn,  de  l'Aveyron.  X,  ch.-l.  archevêché  de  Narbonne, 
dép.  de  l'Aude,  de  la  Haute-Garonne,  des  Hautes-Pyré- 
nées, des  Basses-Pyrénées,  des  Pyrénées-Orientales,  de 
l'Ariège,  du  Gers.  XI,  ch.-l.  l'abbaye  de  La  Réole,  dép. 
des  Landes,  de  la  Gironde,  de  Lot-et-Garonne,  du  Lot,  de 
la  Dordogne,  de  la  Corrèze.  XII,  ch.-l.  l'abbaye  de  Saint- 
Maixent,  dép,  des  Deux-Sèvres,  de  la  Vendée,  de  la  Vienne, 
de  la  Charente,  de  Charente-Inférieure,  de  Loire-Inférieure. 
XIII,  ch.-l.  l'abbaye  de  Redons,  dép.  du  Morbihan,  du 
Finistère,  des  Côtes-du-Nord,  d'Ille-et- Vilaine,  de  la 
Mayenne,  de  Maine-et-Loire.  XIV,  ch.-l.  l'abbaye  du  Bec- 
Hellouin,  dép.  de  la  Manche,  du  Calvados,  de  l'Orne,  de 
l'Eure,  de  Seine-Inférieure,  d'Eure-et-Loir.  XV,  ch.-l. 
château  de  Chambord,  dép.  d'Indre-et-Loire,  de  Loir-et- 
Cher,  du  Cher,  de  l'Indre,  du  Loiret,  de  la  Sarlhe,  de  la 
Creuse,  de  la  Haute-Vienne.  XVI,  ch.-l.  château  de  la  Vé- 
nerie, dép.  de  la  Doire,  d'Eridan,  de  Marengo,  de  Sésia, 
de  Stura,  duTanaro.  Chaque  cohorte  possédait  à  son  chef- 
lieu  même  un  hospice  où  ses  membres  pouvaient  être  logés, 
nourris,  habillés. 

La  première  Restauration  maintint  la  Légion  d'honneur  : 
seulement  l'effigie  de  Henri  IV  fut  placée  d'un  côté  sur  la 
croix;  de  l'autre  figurèrent  trois  fleurs  de  lis.  Le  grand  aigle 
devint  le  grand  cordon.  Les  traitements  attachés  aux  di- 
vers grades  furent  supprimés  pour  l'avenir.  Pendant  les 
Cent-Jours,  Napoléon  rétablit  les  choses  en  l'état.  Le 
26  mars  1816,  Louis-Philippe  refondait  à  nouveau  toute 
la  législation  relative  à  la  Légion  d'honneur.  Les  disposi- 
tions principales  de  cette  ordonnance  sont  encore  en  vigueur 
et  nous  les  retrouverons  au  §  Organisation.  Charles  X  n'ap- 
porta aucune  innovation  à  ce  régime.  Il  abaissa  seulement 
de  25  à  20  le  nombre  d'années  de  service  nécessaires  pour 
être  admis  au  grade  de  chevalier  (18  oct.  1829).  Louis- 
Philippe  ajouta  au  fond  d'argent  de  la  croix  deux  drapeaux 
tricolores.  En  1840,  les  deux  Chambres  votèrent  une  loi 
limitant  strictement  le  nombre  des  nominations  à  faire 
dans  la  Légion  et  exigeant  que  les  nominations  fussent  mo- 
tivées au  Bulletin  des  lois  et  au  Moniteur,  Le  roi  refusa 


sa  sanction  à  ce  projet.  La  révolution  de  1848  maintint  la 
Légion  par  un  article  de  la  constitution  du  4  nov.  (108). 
La  loi  du  4  déc.  1849  disposa  que  toutes  les  nominations 
et  promotions  seraient  publiées  au  Moniteur  et  au  BuL- 
letin  des  lois  avec  l'exposé  détaillé  des  services  qui  les 
auront  motivées. 

A  partir  de  1850  paraissent  des  dispositions  impor- 
tantes qui  pour  la  plupart  sont  encore  en  vigueur  aujour- 
d'hui (V.  ci-après  §  Organisation)  :  loi  du  15  mars  1850 
portant  qu'il  ne  sera  fait  qu'une  nomination  sur  deux 
extinctions  pour  les  croix  civiles  ;  décrets  du  24  mars  1851 
sur  le  même  objet  ;  arrêté  du  2  avr.  1850  sur  les  attribu- 
tions du  conseil  de  l'ordre;  décrets  des  22  et  25  janv. 
1852  sur  les  traitements  des  légionnaires;  décret  orga- 
nique du  16  mars  1852,  décret  du  24  nov.  1852  sur  la 
discipline;  statut  du  14  avr.  1857  sur  les  maisons  d'édu- 
cation. 

Le  gouvernement  de  la  Défense  nationale  par  décret  du 
28  oct.  1870,  décida  que  la  Lésion  d'honneur  ne  serait 
plus  accordée  qu'aux  services  militaires  ou  donnée  en  ré- 
compense des  actes  de  bravoure  et  de  dévouement  accom- 
plis en  présence  de  l'ennemi.  L'insigne  fut  modifié.  Une 
couronne  de  chêne  et  laurier  remplaça  la  couronne  impé- 
riale. La  tête  de  la  République  figura  au  centre  de  l'étoile 
et  au  revers  deux  drapeaux  tricolores.  Pendant  la  Com- 
mune, le  palais  de  la  Légion  d'honneur  avait  été  incendié  ; 
une  souscription  publique  fut  ouverte  pour  sa  reconstruc- 
tion le  7  juin  1871.  Close  le  2  oct.,  elle  produisit 
1,625,599  fr.  t9.  Le  palais  fut  complètement  restauré  en 
1878.  La  loi  du  25  juil.  1873  sur  les  récompenses  na- 
tionales, le  décret  du  14  avr.  1874  sur  la  discipline,  la 
réorganisation  des  maisons  de  la  Légion  d'honneur  en  1881 
par  le  général  Faidherbe,  la  réorganisation  de  l'adminis- 
tration centrale  (23  mars  1889  et  11  avr.  1891)  sont  les 
actes  les  plus  importants  à  signaler,  ils  forment  avec  le 
décret  organique  du  16  mars  1852  et  le  décret  du  24  nov. 
1852  la  charte  constitutive  de  la  Légion  d'honneur. 

Organisation  actuelle.  —  La  Légion  d'honneur  se 
compose  de  chevaliers,  d'officiers,  de  commandeurs,  de 
grands  officiers  et  de  grands-croix.  Les  membres  de  l'ordre 
sont  à  vie.  Le  chef  de  l'Etat  est  souverain  et  grand  maître 
de  l'ordre.  Le  nombre  des  chevaliers  n'est  pas  limité;  mais, 
comme  les  promotions  faites  jusqu'ici  ont  été  trop  considé- 
rables, il  n'est  fait  dans  le  civil  qu'une  promotion  sur  deux 
extinctions  jusqu'à  nouvel  ordre,  et  dans  le  militaire  les 
nominations  et  promotions  ne  doivent  s'élever  qu'aux  trois 
quarts  /ies  extinctions.  Les  propositions  sont  faites  au  chef 
de  l'Etat  par  les  divers  ministres  pour  les  fonctionnaires 
et  citoyens  qui  dépendent  d'eux  et  par  le  grand  chancelier 
pour  les  fonctionnaires  civils,  les  militaires  et  marins  en 
retraite.  Les  étrangers  (sauf  les  militaires)  sont  présentés 
par  le  ministre  des  affaires  étrangères.  Ils  portent  la  déco- 
ration, mais  ne  sont  pas  comptes  dans  les  effectifs  fixés 
pour  chaque  grade. 

Pour  être  admis  dans  la  Légion  d'honneur,  il  faut  avoir 
exercé  pendant  quinze  ans  au  'moins,  en  temps  de  paix,  des 
fonctions  civiles  ou  militaires  avec  distinction.  Les  députés 
ne  peuvent  être  nommés  ou  promus  excepté  pour  faits  de 
guerre  (loi  du  25  avr.  1872).  En  temps  de  guerre  les  ac- 
tions d'éclat  et  les  blessures  graves  dispensent  de  cette 
condition.  De  même  en  tout  temps  les  services  extraordi- 
naires. La  loi  des  finances  de  1895  (art.  34)  stipule  que 
toute  nomination  pour  services  exceptionnels  ne  pourra 
être  accordée  qu'après  avis  du  conseil  de  l'ordre.  Nul  n'est 
admis  qu'avec  le  premier  grade  de  chevalier  ;  il  faut  avoir 
passé  quatre  ans  dans  ce  grade  pour  pouvoir  être  promu 
officier,  deux  ans  dans  le  grade  d'officier  pour  être  promu 
commandeur,  trois  dans  le  grade  de  commandeur  pour  être 
promu  grand  officier,  cinq  ans  dans  le  grade  de  grand 
officier  pour  être  promu  grand -croix.  Les  droits  de  chan- 
cellerie suivants  sont  perçus  pour  frais  de  brevet  :  cheva- 
liers 25  fr.,  officiers  50  fr.,  commandeurs  80  fr.,  grands 
officiers  120  fr.,  les  grands-croix  200  fr.;  de  plus  (loi  de 


Insigne  de  l'ordre  national 
de  la  Légion  d'honneur. 


LÉGION  --  H50  — 

finances  de  1887),  la  décoration  est  payée  comme  suit  : 
croix  de  chevalier  15  fr.,  d'officier  74  fr.,  de  commandeur 
169  fr.,  de  grand  officier  260  fr.,  de  grand-croix  328  fr. 
La  croix  de  la  Légion  d'honneur  est  une  étoile  à  cinq 
rayons  doubles,  surmontée  d'une  couronne  de  chêne  et  lau- 
rier, le  centre  de  l'étoile,  entouré  de  branches  de  chêne  et 
laurier,  porte  d'un  côté  l'effi- 
gie de  la  République  avec  les 
mots  :  «  Répubhque  fran- 
çaise, 1870   »,   de  l'autre, 
deux    drapeaux    tricolores , 
avec  la  devise  :  «  Honneur  et 
Patrie  ».  La  croix  émaillée 
de  blanc  est  en  argent  pour 
les  chevaliers,   en  or  pour 
les  officiers  et  autres  grades. 
Les  chevaliers  la  portent  sur 
le  côté  gauche  de  la  poitrine 
attachée  par  un  ruban  moiré 
rouge  ;  les  officiers  de  même, 
mais  le  ruban  a  une  rosette  ; 
les  commandeurs  portent  la 
croix  en  sautoir,  elle  est  atta- 
chée par  un  ruban  plus  large  ; 
les  grands  officiers  portent  sur 
le  côté  droit  de  la  poitrine  une 
plaque  à  cinq  rayons  doubles, 
diaraantée  tout   argent,   ils 
portent  en   outre   Ja   croix 
d'officier  ;   les  grands-croix 
portent  un  large  ruban  (écharpe)  passant  sur  l'épaule  droite 
et  au  bas  duquel  est  attachée  la  plaque  de  commandeur 
(d'un  diamètre  plus  fort)  ;  de  plus,  ils  portent  sur  la  poi- 
trine (gauche)  la  plaque  de  grand  officier. 

Les  membres  de  la  Légion  d'honneur  jouissent  des  pré- 
rogatives suivantes  :  les  légionnaires  militaires  reçoivent 
une  pension  annuelle  de  250  fr.  (chevalier),  500  fr.  (offi- 
cier), 1,000  fr.  (commandeur),  2,000  fr.  (grand  offi- 
cier), 3,000  fr.  (grand-croix),  à  condition  qu'ils  soient 
nommés  en  activité  de  service.  Les  légionnaires  convoqués 
aux  cérémonies  publiques  y  occupent  des  places  réservées. 
On  porte  les  armes  aux  officiers  et  chevahers.  On  les  pré- 
sente aux  grands-croix,  grands  officiers  et  commandeurs. 
Des  honneurs  militaires  funèbres  sont  dus  aux  membres  de 
la  Légion  d'honneur  et  rendus  au  domicile  du  défunt.  La 
moitié  de  la  garnison  (sauf  à  Paris  et  dans  les  places  im- 
portantes) prend  les  armes  pour  les  grands-croix  ;  le  tiers 
pour  les  grands  officiers  ;  un  bataillon  ou  deux  escadrons 
(colonel  ou  capitaine  de  vaisseau)  pour  les  commandeurs  ; 
une  compagnie  ou  un  peloton  de  troupes  à  cheval  (capi- 
tame  ou  lieutenant  de  vaisseau)  pour  les  officiers  ;  une 
section  d'infanterie  ou  un  demi-peloton  de  cavaliers  (sous- 
lieutenant  ou  aspirant  de  1^®  classe)  pour  les  chevahers. 

Nul  n'a  le  droit  de  porter  la  décoration  de  la  Légion  d'hon- 
neur, même  après  nomination,  sans  avoir  été  admis  dans 
l'ordre.  Les  grands-croix  et  les  grands  officiers  reçoivent  leur 
décoration  du  chef  de  l'Etat,  ou,  en  cas  d'empêchement,  du 
grand  chancelier  ou  d'un  grand  fonctionnaire  du  même  grade. 
Les  réceptions  des  chevaliers,  officiers,  commandeurs,  se  font 
sur  l'ordre  du  grand  chancelier  par  un  membre  de  l'ordre 
d'un  grade  au  moins  égal  à  celui  du  récipiendaire.  Procès- 
verbal  est  dressé  de  la  réception.  Pour  les  militaires,  le 
cérémonial  est  plus  saisissant.  Les  réceptions  se  font  à  la 
parade  (V.  les  décrets  du  16  mars  1852  et  du  10  mai 
1886),  Les  légionnaires  sont  soumis  à  une  discipline  par- 
ticulière (Y.  ci-après  le  rôle  du  conseil  de  l'ordre).  Le  chef 
de  l'Etat  peut  suspendre  ou  enlever  l'exercice  de  leurs  droits 
et  prérogatives  aux  légionnaires  après  une  condamnation 
ou  même  après  la  constatation  d'actes  attentatoires  à  l'hon- 
neur qui  ne  tomberaient  pas  sous  le  coup  de  lois  pénales. 
Administration  de  la  Légion  d'honneur,  —  Elle 
est  confiée  à  un  grand  chancelier,  choisi  parmi  les  grands- 
croix  et  les  grands  officiers.  Il  travaille  directement  avec 


le  chef  de  l'Etat  ;  il  entre  au  conseil  des  ministres  lorsque 
sa  présence  est  jugée  nécessaire  pour  la  discussion  des  in- 
térêts de  l'ordre.  Il  est  dépositaire  du  sceau.  Il  a  Oans  ses 
attributions  tous  les  ordres  étrangers  ;  il  vise  les  décrets 
relatifs  à  la  Légion,  présente  au  chef  de  l'Etat  toutes  les 
affaires  concernant  la  Légion  et  les  décorations  étrang,>res, 
dirige  et  surveille  l'administration,  les  établissements  de 
l'ordre,  la  perception  de  ses  revenus,  le  payement  de  i.es 
dépenses,  présente  annuellement  les  projets  de  budget,  etc. 
Il  est  assisté  d'un  conseil  de  V ordre  qui  se  réunit  tous  les 
mois  et  est  ainsi  composé  :  le  grand  chanceUer,  président  ; 
le  secrétaire  général,  vice-président  ;  douze  membres  de 
l'ordre  nommes  par  le  président  de  la  République,  un  secré- 
taire nommé  par  le  grand  chancelier.  Ce  conseil  est  renouvelé 
par  moitié  tous  les  deux  ans  ;  les  membres  sortants  sont 
rééhgibles.  Le  conseil  de  Tordre  arrête  tous  les  six  mois 
le  nombre  des  extinctions  dans  la  Légion  d'honneur  et  la 
médaille  militaire,  vérifie  si  les  nominations  et  promotions 
sont  faites  en  conformité  des  lois  en  vigueur,  donne  son 
avis  sur  la  répartition  des  croix  entre  les  ministères  et  la 
grande  chancellerie,  sur  le  budget,  sur  les  mesures  de 
discipline,  etc.  En  ce  dernier  cas,  il  agit  comme  un  tribu- 
nal d'honneur,  décidant  qu'un  légionnaire  peut  être  privé 
temporairement  ou  définitivement  des  droits  et  préroga- 
tives que  lui  confère  la  croix.  Ces  décisions  doivent  être 
sanctionnées  par  le  chef  de  l'Etat.  On  peut  en  recourir  devant 
le  conseil  d'Etat.  Voici  les  principaux  cas  où  il  a  à  inter- 
venir. La  qualité  de  membre  de  la  Légion  d'honneur  se 
perd  par  les  mêmes  causes  qui  font  perdre  la  qualité  de 
Français  ;  la  suspension  est  prononcée  pour  les  mêmes 
causes.  Le  conseil  donne  son  avis  sur  l'application  de  ces 
mesures.  Aucune  peine  infamante  ne  peut  être  exécutée 
contre  un  légionnaire  avant  qu'il  ait  été  dégradé.  La  dégra- 
dation se  fait  par  l'intermédiaire  du  président  de  la  cour 
d'appel  (pour  les  civils),  du  président  du  conseil  de  guerre 
(pour  les  militaires)  lequel  prononce  aussitôt  après  la  lec- 
ture du  jugement  la  formule  :  «  Vous  avez  manqué  à  l'hon- 
neur ;  je  déclare,  au  nom  de  la  Légion,  que  vous  avez  cessé 
d'en  être  membre.  »  Des  peines  spéciales  existent  pour  les 
actes  qui  ne  peuvent  être  l'objet  de  poursuites  devant  les 
tribunaux.  Ce  sont  :  la  censure,  la  suspension,  l'exclusion 
de  la  Légion. 

L'administration  centrale  de  la  grande  chancellerie  est 
dirigée  par  un  secrétaire  général  qui  a  en  outre  la  signature, 
et  représente  le  grand  chancelier  en  cas  d'absence,  de  ma- 
ladie ou  de  délégation.  L'organisation  en  a  été  remaniée  à 
plusieurs  reprises  et  en  dernier  lieu  parles  décrets  du  i  ®^déc. 
1881,  du  23  mars  1889,  du  11  avr.  1891.  Elle  comprend: 
1°  le  bureau  du  secrétariat  général,  chargé  de  l'enregistre- 
ment des  dépêches,  des  propositions,  du  personnel,  du  conseil 
de  l'ordre,  des  archives,  du  budget  ;  2°  du  premier  bureau, 
s'occupant  du  personnel  des  membres  de  l'ordre,  des  décorés 
de  la  médaille  militaire,  des  ordres  étrangers  ;  3°  deuxième 
bureau,  s'occupant  des  maisons  d'éducation,  des  gratifi- 
cations et  secours  aux  légionnaires,  à  leurs  veuves,  à  leurs 
orphelins  ;  4°  troisième  bureau,  ayant  dans  ses  attributions: 
les  titres  et  ordonnancements,  traitements  aux  légion- 
naires et  aux  décorés  de  la  médaille  militaire,  liquidation  et 
concession  des  pensions  aux  anciens  mihtaires  de  la  Répu- 
blique et  de  l'Empire,  etc.  ;  5*^  quatrième  bureau,  centrali- 
sant toutes  les  opérations  de  recettes  et  de  dépenses,  tenant 
le  compte  courant  avec  le  Trésor,  dressant  le  compte  de  ges- 
tion, le  compte  définitif. 

Le  budget  de  la  Lés^ion  d'honneur  s'élevait  en  1822  à 
10,525,526fr.;depuisiïaatteint:enl867,17,175,059fr., 
en  1875,  25,703,520  fr.,  pour  revenir,  en  1885,  à 
17,022,205  fr.,  et  en  1895,  à  16,181,418  fr.  —  Les  prin- 
cipales ressources  sont  4,835,561  fr.  d'arrérages  de  rentes 
3  i/2  °/o,  un  supplément  de  dotation  de  10,983,1 14  fr.  fourni 
par  le  Trésor  ;  le  remboursement  des  médailles  et  décorations 
produit  85,000  fr.,  les  brevets  de  nominations  et  promo- 
tions, les  droits  de  chancellerie  pour  port  de  décorations 
étrangères  fournissent  137,000  fr.,  les  pensions  des  élèves 


1151  — 


LÉGION  -  LÉGIPONT 


de  Saint-Denis  77,000  fr.,  celles  des  élèves  d'Eeouen  et 
des  Loges  30,000  ir.  Les  principales  dépenses  sont  les  sui- 
vantes :  personnel  de  la  grande  chancellerie,  220,800  fr,  ; 
matériel,  55,200  fr.  ;  traitements  des  membres  de  Tordre, 
9,492,300  fr. ;  secours,  51,000  fr.;  médaillés  militaires, 
4,890,400  fr.  ;  maison  de  Saint-Denis,  645,675  fr.;  mai- 
son d'Eeouen,  296,650  fr.  ;  maison  des  Loges,  277,100  fr. 

Comme  on  l'a  vu,  la  médaille  militaire  est  dans  les  at- 
tributions de  la  Légion  d'honneur.  Mais  comme  elle  forme 
une  décoration  bien  spéciale,  il  en  sera  traité  à  part  (V.  Mé- 
daille militaire). 

Il  nous  reste  à  donner  quelques  renseignements  utiles 
concernant  les  ordres  étrangers  qui,  ainsi  que  nous  Tavons 
dit,  sont  dans  les  attributions  du  grand  chancelier.  Tout 
Français  ayant  obtenu  un  ordre  étranger  est  tenu  de  se 
pourvoir  devant  la  grande  chancellerie  pour  être  autorisé 
à  le  porter,  cette  demande  doit  être  accompagnée  de  l'acte 
de  naissance.  Les  autorisations  délivrées  sont  insérées  au 
Journal  officiel.  Il  est  perçu  des  droits  de  chancellerie 
sur  les  impétrants.  Les  titulaires  des  ordres  étrangers,  dont 
le  ruban  est  rouge  ou  contient  du  rouge,  ne  peuvent  porter 
les  insignes  à  la  boutonnière,  qu'en  suspendant  à  leurs  ru- 
bans ou  rosettes  une  croix  d'un  diamètre  au  moins  égal  à 
celui  de  la  rosette  ou  à  la  largeur  du  ruban  (ordre  du  Christ, 
de  Léopold,  du  Cambodge,  de  Sainte-Anne,  de  Saint-Stanis- 
las, d'Alexandre  Newski,  de  Saint-Grégoire-le-Grand,  de 
FEléphant-Blanc,  du  Nicham-Iftikhar,  du  Medjidié,  etc.). 
Les  ordres  dont,  après  autorisation,  les  insignes  peuvent 
être  portés  en  France  sont  trop  nombreux  pour  être  men- 
tionnés ici,  nous  renvoyons  donc  le  lecteur  à  l'ouvrage  si 
bien  fait  et  si  complet  de  M.  Delarbre,  cité  dans  la  biblio- 
graphie. On  y  trouvera  aussi  tous  les  renseignements  né- 
cessaires sur  les  règles  concernant  les  commerçants  et 
industriels  légionnaires,  les  étrangers  légionnaires,  les 
femmes,  enfants,  comédiens  décorés, les  drapeaux  décorés, 
la  statistique  des  légionnaires,  etc. 

Liste  des  grands  chanceliers.  —  Lacépède  (3  fruc- 
tidor an  XI)  ;  baron  de  Pradt  (7  avr.  1814);  vicomte  de 
Bruges  (13  févr.  1815);  Lacépède  (1^^'  avr.  4815);  ma- 
réchal Macdonald  (2  juil.  1815);  maréchal  Mortier  (1 1  sept. 
1831);  maréchal  Gérard  (4  févr.  4836);  maréchal  Oudinot 
(47  mars  4839);  maréchal  Gérard  (22  oct.  48 i2);  général 
Subervie  (19  mars  1848);  maréchal  Molitor  (23  déc.  1848); 
maréchal  Exelmans  (15  août  1849);  général  d'Ornano 
(43  août  1852);  général  Lebrun  (26  mars  1853);  maré- 
chal Pélissier  (25  juil.  1859);  amiral  Hamelin  (24  nov. 
4860);  général  de  Flahaut(23  janv.  1864);  général  Vinoy 
(6  avr.  4874);  général  Faidherbe  (28  févr.  4880);  général 
Février  (40  oct.  4889).  R.  S. 

Maisons  d'éducation  de  la  Légion  d'honneur.  —  Le  pro- 
jet d'organiser  pour  les  tilles  des  membres  de  la  Légion 
d'honneur  des  maisons  spéciales  d'éducation  fut  présenté 
pour  la  première  fois  par  W^^  Campan.  Adopté  dans  son 
principe  par  Napoléon  P"^,  modifié  dans  ses  détails  par  le 
conseil  d'Etat,  il  aboutit  au  décret  du  15  déc.  1805  qui 
ordonnait  l'établissement  de  trois  maisons  d'éducation,  et 
à  celui  du  10  juil.  4806  qui  affectait  le  château  d'Eeouen 
à  la  première  d'entre  elles.  En  4809,  une  seconde  maison 
fut  établie  à  Saint-Denis;  en  4810,  la  création  de  six 
autres  institutions  semblables  fut  décidée;  trois  furent 
organisées  :  la  maison  de  la  rue  Barbette,  à  Paris  ;  le  cou- 
vent des  Barbeaux,  à  Fontainebleau  ;  le  couvent  des  Loges, 
dans  la  forêt  de  Saint-Germain.  —  La  Restauration  réunit 
Ecouen  à  Saint-Denis,  et  conserva  comme  succursale  les 
maisons  des  Loges  et  de  la  rue  Barbette  ;  cette  dernière 
fut  transférée  au  château  d'Eeouen  par  la  loi  du  20  juil. 
4850.  —  A  l'origine,  Ecouen  et  Saint-Denis  devaient  éle- 
ver jusqu'à  dix-huit  ans  600  demoiselles,  filles,  sœurs, 
nièces  ou  cousines  germaines  des  légionnaires,  dont  200  aux 
frais  des  familles  et  les  autres  aux  frais  de  la  Légion  ;  les 
succursales  étaient  destinées  à  recueillir,  de  quatre  à  vingt 
et  un  ans,  600  orphelines;  on  y  admettait  ég^alement  des 
élèves  payantes  et  des  veuves." —  La  direction  et  l'en- 


seignement étaient  confiés,  à  Saint-Denis  et  à  Ecouen,  à 
une  surintendante,  assistée  de  dignitaires  et  de  dames 
de  première  et  de  deuxième  classe,  toutes  cloîtrées,  sauf  la 
surintendante.  Les  succursales  étaient  dirigées  par  la  congré- 
gation de  la  Mère  de  Dieu,  sous  la  haute' surveillance  de  la 
surintendante.  A  partir  de  1816,  le^s  maisons  d'Eeouen  et 
de  Saint-Denis  réunies  reçurent  500  élèves,  dont  400  gra- 
tuites ;  les  succursales  de  la  rue  Barbette  et  des  Loges, 
400  élèves  gratuites.  Le  décret  du  14  août  1857  réserva 
Saint-Denis  aux  filles  des  légionnaires  ayant  au  moins  le 
grade  de  capitaine  ou  un  emploi  civil  correspondant  ;  400  y 
furent  reçues  gratuitement.  Les  succursales  furent  con- 
sacrées aux  filles  des  légionnaires  au-dessous  du  grade  de 
capitaine  ;  il  y  eut  4(M)  places  gratuites.  —  Le  décret  du 
30  juin  1881  a  supprimé  la  clôture  et  confié  la  direction 
des  trois  maisons  à  un  personnel  laïque  qui  relève  de  la 
grande  chancellerie;  il  prévoit  des  professeurs  externes; 
Saint-Denis  reçoit  400  élèves  gratuites  et  75  payantes, 
Ecouen  et  les  Loges  chacune  200  élèves  gratuites  et 
20  payantes  ;  Falfectation  de  Saint-Denis  et  celle  d'Eeouen 
restent  fixées  comme  précédemment,  mais  les  filles  des 
sous-officiers  et  soldats  ne  sont  plus  reçues  qu'aux  Loges. 
Saint-Denis  est  administrée  par  une  surintendante  qui  a 
droit  de  surveillance  sur  les  autres  maisons.  —  M'^^  Cam- 
pan avait  déjà  marqué  comme  but  à  l'éducation  des  maisons 
de  la  Légion  d'honneur  les  vertus  domestiques  et  une  ins- 
truction telle  que  les  élèves  «  fussent  assurées  du  bonheur 
de  pouvoir  instruire  leurs  filles  ».  Les  auteurs  de  la  ré- 
forme de  4884  se  sont  proposé  d'inspirer  aux  jeunes  filles 
l'amour  de  la  patrie  et  des  vertus  de  famille,  et  de  leur 
donner  au  besoin  les  moyens  de  pourvoir  à  leur  propre 
existence.  Les  matières  d'enseignement  ont  été  graduées 
d'après  l'origine  et  les  destinées  probables  des  élèVes.  Les 
trois  maisons  préparent  au  brevet  primaire  de  premier  de- 
gré, mais  Saint-Denis  donne  en  outre  l'instruction  secon- 
daire et  les  Loges  l'enseignement  professionnel  ;  les  élèves 
d'Eeouen  et  des  Loges  peuvent  être  admises  à  terminer 
leurs  études  à  Saint-Denis,  et  rien  n'a  été  négligé  pour 
faire  profiter  les  trois  établissements  de  tous  les  progrès 
accomplis  dans  renseignement  des  jeunes  filles.     J.  G. 

Ordre  de  la  Légion  d'honneur.  —  Créé  à  Haïti  en  4849 
par  le  président  Soulouque,  à  l'occasion  de  sa  proclama- 
tion, en  qualité  d'empereur,  sous  le  nom  de  Faustin  P»^  ; 
il  avait  calqué  les  statuts  de  son  ordre  sur  ceux  de  l'ordre 
français,  mais  cette  pâle  copie  de  la  grande  institution  dis- 
parut avec  son  créateur  et  n'eut  jamais  d'existence  sérieuse 
au  dehors  d'Haïti.  Ruban  rouge.  G.  de  G. 

Btbl.:  Fastes  de  la  Légion  d'honneur;  Paris,  1842,  2  vol. 
in-4.  —  GuYOT  DE  Pêne,  Annales  de  la  Légion  d'honneur. 
—  Mazas,  la  Légion  d'honneur;  Paris,  1854,  in-8.—  G.  de 
Chamberet,  Manuel  du  légionnaire;  Paris,  1852,  in-12.  — 
Lois  et  décrets  de  la  grande  chancellerie  de  la  Légion 
d'honneur  ;  Paris,  1878,  in-12.  —  Saint-Mauris,  Histoire 
de  la  Légion  d'honneur:  Paris,  1833,  in-8.—  Livre  dor  de 
la  Légion  d'honneur;  Paris,  1874,  in-8.  —  A.  Regnault 
Notice  sur  les  grands  chanceliers  de  la  Légion  d'honneur' 
Paris,  1864,  in-8.  — T.  Lanatiiière,  Panthéon  de  la  Légion 
d'honneur;  Paris,  1878-84,  6  vol.  in-4.— Thirion,  ie  Palais 
de  la  Légion  d'honneur  ;  Paris,  1883,  gr.  in-8.—  Tripier 
Code  des  membres  de  la  Légion  d'honneur;  Paris,  1859^ 
in-12.  —  J.  Delarbre,  la  Légion  d'honneur,  histoire,  admi- 
nistration, organisation  ;  Paris,  1887,  in-8. 

LÉGIPONT  (Olivier),  philosophe  et  historien  belge,  né 
à  Soiron  en  4698,  mort  à  Trêves  en  4758.  Il  entra  en  4720 
dans  l'ordre  des  bénédictins  et  devint  professeur  de  philo- 
sophie et  bibliothécaire  de  l'abbaye  de  Saint-Martin  de  Co- 
logne. Il  s'y  livra  à  un  labeur  gigantesque  pour  réunir  les 
matériaux  nécessaires  à  une  histoire  religieuse  et  littéraire 
de  la  congrégation  bénédictine.  Il  visita  les  bibliothèques 
et  les  archives  dans  toute  l'Allemagne  et  travailla  à  faire 
adopter  par  ses  frères  les  idées  réformatrices  des  religieux 
de  Saint-Maur  ;  il  rencontra  dans  la  réalisation  de  ce  projet 
;    des  difficultés  sérieuses,  et  la  violence  de  son  caractère  vint 
I    encore  aigrir  les  choses.  Quoiqu'il  en  soit,  son  œuvre  fut 
!  immense  et  il  y  fit  preuve  des  connaissances  les  plus  so- 
1   lides  et  les  plus  variées  ;  il  a  laissé  quarante-huit  ouvrages 


LEGIPONT  —  LEGÏS 


—  1152  — 


dont  voici  les  plus  importants  :  Historia  monasterii  Vi- 
sibodibergensis  in  Palatinatu  (Cologne,  1735,  in-fol.); 
Sacrce  Metropoleos  Coloniensis  antiquitas  (Cologne, 
1748,  in-fol.)  ;  Methodus  studiorum  (Ratisbonne,  1752, 
in-8)  ;  Historia  rei  litterariœ  ordinis  sancli  BenedicH 
(avec  Ziegelbauer;  Vienne,  1754,  4  vol.  in-fol.).  E.  H. 
BiBL.  :  M.  KiNTER,  p.  Oliverius  Lerjipontus,  dans  les 
Studien  und  Mittheil.  aus  den  Benedictinenorden^  1882. 

LEGIS  ACTiONES  (Actions  de  la  Loi)  (Dr.  rorn.).  Procé- 
dure suivie,  à  l'époque  la  plus  ancienne,  à  Rome  et  pro- 
bablement dans  le  reste  du  Latium,  qui  présente  de 
nombreuses  ressemblances  avec  les  procédures  archaïques 
des  milieux  les  plus  divers.  C'est  une  procédure  brutale  et 
formaliste,  dans  laquelle  celui  qui«a  un  droit  le  réalise 
suivant  un  rituel  déterminé,  avec  des  gestes  et  des  paroles 
sacramentels,  en  général  devant  un  magistrat  et  avec  son 
concours,  mais  dans  des  formes  qui  gardent  encore  l'em- 
preinte très  nette  d'un  régime  où  l'on  se  fait  justice  à  soi- 
même  par  la  force  au  lieu  de  la  demander  à  une  autorité 
supérieure.  Après  avoir  été  d'abord  une  institution  coutu- 
mière,  elle  est  depuis  les  XII  Tables  une  procédure  sanc- 
tionnée par  la  loi  positive,  dont  elle  tire  son  nom,  soit 
parce  qu'elle  ne  peut  être  exercée  qu'en  vertu  d'une  loi 
expresse,  soit  parce  qu'on  doit  y  employer  les  termes 
mêmes  de  la  loi  qui  permet  d'en  user  ;  les  deux  explica- 
tions sont  données  par  Gains.  Le  même  Gaius,  dont  les 
Institutes  sont  notre  principale  source  sur  les  legis  actio- 
nes,  rapporte  qu'il  y  en  avait  cinq,  sur  lesquelles  quatre 
devaient  avoir  lieu  devant  le  magistrat,  en  présence  de 
l'adversaire,  et  un  jour  judiciaire,  tandis  que  la  cinquième, 
plus  irrégulière,  échappait  à  ces  exigences. 

La  legis  actio,  à  l'accomplissement  de  laquelle  on  peut 
procéder,  sans  le  concours  du  magistrat,  en  l'absence  de 
l'adversaire,  un  jour  quelconque,  est  la  pignoris  capio, 
la  saisie  privée,  qui,  dans  le  plus  ancien  droit  romain,  est 
déjà  en  décadence  et  restreinte  à  quelque  cas  d'application 
d'ordre  administratif,  militaire  ou  religieux,  mais  qui  se 
rencontre  dans  d'autres  législations  primitives  avec  une  tout 
autre  étendue:  le  créancier,  pour  peser  sur  la  volonté  de 
son  débiteur,  saisit  n'importe  où  une  chose  appartenant  à 
ce  dernier,  qu'il  ne  lui  rendra  qu'après  satisfaction. 

Les  quatre  autres  actions  de  la  loi,  dans  lesquelles  cer- 
tains interprètes,  plus  rigoureux  que  Gaius,  voyaient  les 
seules  actions  de  la  loi,  sont  la  manus  injectio,  le  sacra- 
mentum,  hjudicis  postulatio  et  la  condictio. — La  ma- 
nus injectio  est  une  procédure  où  le  créancier  s'empare 
solennellement,  devant  le  magistrat,  de  son  prétendu  dé- 
biteur qu'il  emmène  dans  sa  prison  privée.  L'individu  ainsi 
saisi  ne  peut  se  défendre  lui-même.  Le  saisissant  ne  peut 
être  empêché  de  l'emmener  que  par  le  payement  ou  l'inter- 
vention d'un  tiers  appelé  vindex,  qui,  s'il  intervient  à 
tort,  encourt  une  amende  égale  au  double  de  la  somme 
due.  Sinon  le  créancier  conduit  le  débiteur  dans  sa  prison 
domestique,  et,  après  l'expiration  de  certains  délais,  il 
peut,  s'il  n'y  a  eu  ni  payement  ni  arrangement,  le  tuer  ou 
le  vendre  comme  esclave  à  l'étranger  (trans  Tiberim).  Il 
f  a  probablement  eu  une  époque  où  cette  procédure  était 
la  procédure  de  droit  commun  pour  les  créances  reconnues 
alors  et  s'exerçait  de  piano  sans  être  préparée  par  aucune 
autre  procédure  préalable.  Mais  elle  apparaît  déjà  dans  les 
XÏI  Tables  comme  une  procédure  d'exécution,  qui  inter- 
vient, en  principe,  en  exécution  d'un  jugement  rendu  dans 
un  premier  procès  {manus  injectio  judicati),  et,  par 
exception,  en  vertu  de  titres  exécutoires  ayant  par  faveur 
spéciale  la  force  d'un  jugement  {manus  injectio  pro  ju- 
dicato  ;  manus  injectio  pura  établie  par  quelques  lois 
récentes  dont  l'originalité  est  que  le  défendeur  peut  y  être 
son  propre  vindex  en  encourant  le  risque  de  la  peine  du 
double).  —  L'action  de  la  loi,  à  notre  sens,  moins  ancienne 
que  la  manus  injectio^  par  laquelle  on  obtiendra  un  juge- 
ment permettant  de  faire  manus  injectio^  est  normale- 
ment la  legis  actio  sacramenti,  par  laquelle  s'exercent 
toutes  les  actions  pour  qui  la  loi  n'a  pas  établi  expressément 


l 


une  autre  voie  de  procédure.  Le  demandeur,  après  avoir 
affirmé  son  droit  et  l'avoir  vu  contester  régulièrement  par 
le  défendeur,  —  car  sans  cela  il  y  aurait  confessio,  et 
l'exécution  serait  possible  sans  jugement,  en  vertu  de  la 
règle  :  confessus  pro  judicato  habetur,  —  provoque  son 
adversaire  au  sacramentum  sur  le  point  de  savoir  si  son 
droit  existe  ou  non.  Le  sacramentum  a  probablement  été 
à  l'origine  un  serment  des  deux  parties  à  l'aide  duquel 
elles  transportaient  sur  le  terrain  du  droit  pénal  religieux 
une  contestation  dont  l'autorité  publique  ne  se  serait  pas 
occupée  sur  le  terrain  civil  :  elles  faisaient  deux  serments 
contradictoires,  dont  l'un  au  moins  était  un  parjure  et 
déposaient  toutes  deux  — -  en  bétail,  plus  tard  transformé 
en  argent:  50  as  ou  500,  selon  l'importance  du  litige  — 
ce  qu'il  fallait  pour  le  sacrifice  expiatoire  du  parjure  au- 
quel on  ne  procédait  naturellement  qu'après  avoir  vérifié 
de  la  part  de  qui  il  y  avait  parjure,  de  qui  le  sacramen- 
tum était  justum  ou  injustum.  A  l'époque  historique, 
c'est  un  pari  dont  le  montant,  au  lieu  d'être  déposé  d'avance, 
a  fini  par  être  promis   au  moyen  de  cautions  {prœdes 
sacramenti)  et  sur  lequel,  sous  la  République,  le  soin  de 
statuer  est  renvoyé  par  le  magistrat  à  un  juré,  ou,  depuis 
une  époque  plus  ou  moins  ancienne,  à  un  collège  perma- 
nent (V.  les  mots  Centumyirs,  Décemvirs).  Le  sacramen- 
tum du  demandeur,  une  fois  déclaré  justum  et  au  besoin 
après  une  procédure  accessoire  de  liquidation  {arbitrium 
liti  œstimandœ),  ce  demandeur  peut,  en  matière  person- 
nelle (sur  l'exécution  et  la  procédure  des  actions  réelles, 
V.  Revendication),  procéder  à  la  manus  injectio  judi- 
cati.  ~-  La  judicis  postulatio  sert  pareillement  à  rendre 
exécutoires  par  manus  injectio  d'autres  créances  qui  ne 
sont  pas  exécutoires  par  elles-mêmes.  Par  suite  d'une 
lacune  du  manuscrit  de  Gaius,  nous  avons  sur  elle  peu  de 
renseignements,  et  son  champ  d'application  est  controversé. 
D'après  une  opinion  encore  répandue,   elle  servirait  à 
exercer  les  futures  actions  de  bonne  foi.  A  notre  avis,  elle 
intervient  dans  les  cas  où  il  y  a  plutôt  un  règlement  à  faire 
qu'une  contestation  à  vider  (partage,  bornage)  et  où,  par 
conséquent,  on  peut  bien  demander  un  juge  pour  fixer  le 
montant  des  droits,  mais  on  ne  pourrait  pas  recourir  aux 
affirmations  et  aux  négations  absolues  du  sacramentum. 
La  judicio  postulatio  est,  sans  doute,  plus  récente  que  le 
sacramentum,  mais  existe  déjà  dans  les  XII  Tables.  — La 
dernière  action  de  la  loi,  la  condictio,  fut  créée  après  les 
Xïï  Tables,  à  des  dates  ignorées,  par  une  loi  Silia  pour 
les  créances  des  sommes  d'argent  et  par  une  loi  Calpurnia 
pour  les  autres  créances  certaines.  L'utilité  de  sa  création 
n'a  pas  été  de  sanctionner  des  prétentions  nouvelles,  car 
Gaius  dit  qu'on  pouvait  antérieurement  agir  pour  les  mêmes 
causes  par  sacramentum  ou  judicio  postulatio.  Elle  a  pro- 
bablement été  seulement  dans  des  avantages  tenant  à  des  par- 
ticularités de  procédure,   une  simplicité  de  formes  plus 
grandes,  peut-être  aussi  l'introduction  du  serment  décisoire 
pour  les  deux  lois  et  celle  du  système  dédommages-intérêts  de 
hspensio  et  restipulatio  tertiœ  partis  pour  la  première. 
La  dureté  primitive  de  la  procédure  des  actions  de  la 
loi  fut,  au  cours  de  sa  domination,  atténuée  en  particulier, 
quant  à  la  manus  injectio,  par  une  loi  Pœtelia  Papiria 
de  l'an  428,  qui,  sans  supprimer,  comme  on  dit  parfois, 
la  détention  chez  le  créancier,  abolit  tout  au  moins  le 
droit  de  tuer  le  débiteur  ou  de  le  vendre  à  l'étranger,  puis, 
dès  la  fin  du  vi«  siècle  ou  le  début  du  vii«,  par  une  loi 
Vallia  qui  transforma  toutes  les  manus  injectiones,  sauf 
deux,  en  manus  injectiones  purœ.  Mais  aucune  atténua- 
tion ne  fut  apportée  à  son  caractère  formaliste.  Il  dut  plu- 
tôt, comme  il  arrive  souvent,  être  encore  accentué  par  la 
rigueur  de  Tinterprétation  des  jurisconsultes.  Et  ce  fut  là, 
dit  Gaius,  le  motif  de  l'impopularité  croissante  des  actions 
de  la  loi,  et  de  la  loi  ^butia  et  des  deux  lois  Julise  qui  leur 
substituèrent  la  procédure  formulaire.  La  loi  JEbutia,  dont 
la  date  et  la  portée  sont  discutées  fut,  à  notre  sens,  rendue 
dans  le  premier  tiers  du  vii«  siècle  pour  permettre  aux 
parties  de  choisir,  sous  le  contrôle  du  magistrat,  entre  la 


1153 


LEGIS  —  LEGITIMATION 


procédure  ancienne  des  actions  de  la  loi  et  la  procédure 
nouvelle  des  formules  (V.  Droit  prétorien  et  Edits  des 
magistrats).  Puis,  Texpérience  ayant  duré  un  peu  plus  d'un 
siècle,  un  nouveau  pas  fut  fait  par  les  lois  Juliai  qui  sont 
vraisemblablement  toutes  deux  d'Auguste  et  de  l'an  737  et 
qui  achevèrent  la  réforme  en  abolissant  les  legis  aclîones, 
sauf  en  matière  de  damnum  infectwm  (V.  ce  mot),  pour 
les  procès  déférés  aux  centumvirs,  et  aussi  en  matière  de  ju- 
ridiction gracieuse  où  Ton  continue  toujours  à  procéder  aux 
affranchissements,  à  Témancipation,  à  Vin  jure  cessio,  Qic, 
en  faisant  le  simulacre  d'une  legis  actio.  P.-F,  Girard. 
BiBL.  :  La  procédure  ùqb  legis  actiones  est  exposée  dans 
tous  les  traités  d'histoire  du  droit  romain  et  de  procédure 
civile  romaine,  dans  tous  les  manuels  français  de  droit 
romain  et  tous  les  traités  allemands  d'Institutes.  Elle  a 
en  outre  fait  Fobjet  d'un  ouvrage  spécial  de  M.  Kar- 
LOWA,  Der  rœmische  CloUprozess  zuv  Zeit  dev  Legis  ac- 
iionen;  Berlin,  1892,  et  d'une  infinité  de  monographies. 
On  trouvera  un  relevé  bibliographique  complet,  mais 
s'arrètant  en  1883,  dans  la  6«  éd.  donnée  à  cette  date  par 
M.  AdoU  Wach  de  l'ouvrage  classique  de  Keller,  Der 
rœmische  Civitprocess  und  die  Aktionen;  Leipzig,  1883. 
Parmi  les  ouvrages  postérieurs,  nous  citerons  seulement 
le  livre  de  M.  Wlassak,  Rœmische  Processgesetze  ;  Leip- 
zig, 1888-91,  2  vol. 

LÉGISLATION.  On  entend  par  législation  tantôt  le  corps 
des  lois  qui  régissent  un  même  pays,  tantôt  l'ensemble 
des  lois  relatives  à  une  branche  du  droit.  C'est  ainsi  que 
l'on  dit  :  la  législation  anglaise,  la  législation  commerciale. 
Nous  prendrons  ici  ce  terme  dans  son  premier  sens,  le 
plus  large.  Il  est  presque  superflu  de  dire  que  toute  société 
organisée  suppose ,  comme  condition  essentielle  de  son 
existence,  des  lois  positives  réglant  les  rapports  des  hommes 
entre  eux  et  avec  l'Etat,  ainsi  que  des  tribunaux  chargés 
de  les  appliquer.  Se  conformer  aux  principes  du  droit  na- 
turel, inscrits  dans  la  conscience  humaine,  tel  est  le  premier 
devoir  du  législateur.  L'expérience  a  démontré  qu'il  n'y 
saurait  manquer  sans  aboutir  à  des  résultats  soit  factices, 
soit  funestes.  Cette  réserve  faite,  il  est  certain  que,  dans 
son  application,  la  législation  varie  selon  les  temps,  comme 
selon  les  mœurs,  le  tempérament,  la  race  et  l'histoire  de 
chaque  peuple.  On  peut  même  dire  qu'elle  n'est  autre 
chose  que  la  résultante  de  tous  ces  divers  éléments  combi- 
nés. La  législation  se  fait  plutôt  qu'on  ne  la  fait.  A  ces 
considérations  générales  nous  ne  saurions  rien  ajouter  qui 
n'ait  été  traité  ou  ne  soit  appelé  à  l'être  dans  d'autres 
parties  de  cet  ouvrage  (V.  notamment  Droit,  Code  civil, 
Loi).  Il  nous  sera  permis  toutefois  d'insister  sur  l'utilité, 
en  France,  de  l'enseignement  de  la  législation  qu'il  faut 
se  garder  de  confondre  avec  celui  de  la  jurisprudence 
(V.  ce  mot).  Qu'il  soit  indispensable,  à  l'époque  où  nous 
vivons,  d'initier  aux  principes  généraux  de  nos  lois,  à  leurs 
droits  et  obligations  de  citoyen  et  d'homme  privé,  ceux-là 
mêmes,  parmi  les  jeunes  gens,  que  leur  future  profession 
n'appelle  pas  à  l'étude  spéciale  du  code,  c'est  ce  que  per- 
sonne ne  songe  à  contester.  Malheureusement,  l'université 
présentait  à  ce  point  de  vue  une  lacune  complète.  Aussi 
devons-nous  signaler  l'intéressant  progrès  réalisé  par  le 
décret  du  il  juin  4891  qui  a  organisé  l'enseignement  se- 
condaire moderne  :  au  nombre  des  matières  relevant  de 
cet  enseignement  figurent  en  effet  les  principes  du  droit 
(V.  Enseignement).  On  ne  saurait  trop  applaudir  à  cette 
innovation  qui  nous  fait  entrer,  un  peu  tardivement,  dans 
une  voie  depuis  longtemps  suivie  aux  Etats-Unis. 

Législation  comparée.  —  Comme  l'indique  son  nom, 
elle  a  pour  objet  d'étudier  les  législations  des  différents 
peuples,  dans  le  but  de  les  comparer  entre  elles.  Il  est  aisé 
de  comprendre  de  quel  secours  cette  science  relativement 
nouvelle  peut  être  au  jurisconsulte  et  au  praticien,  aussi 
bien  qu'à  l'homme  d'Etat.  Connaître  les  autres  législations, 
en  suivre  les  progrès  et  les  résultats,  c'est  apprendre  à 
mieux  apprécier  la  sienne,  à  se  rendre  mieux  compte  des 
reformes  utiles  à  y  apporter.  N'entendons- nous  pas, 
chaque  jour,  dans  la  discussion  des  projets  de  loi  soumis 
à  nos  assemblées,  invoquer  l'exemple  de  l'étranger?  Le 
développement  des  relations  internationales,  la  tendance 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.    —    XXL 


actuelle  de  tous  les  peuples  à  perfectionner  sans  cesse  leurs 
lois,  ont  singulièrement  élargi,  en  France,  dans  ces  vingt- 
cinq  dernières  années,  le  rôle  de  la  législation  comparée. 
Non  seulement  elle  a  conquis  sa  place  dans  les  programmes 
de  nos  facultés  de  droit  et  de  certaines  écoles  libres  pré- 
parant aux  carrières  administratives  et  judiciaires,  mais, 
en  1876,  sur  la  proposition  de  Dufaure,  alors  président 
du  conseil,  un  comité  de  législation  étrangère  a  été  créé 
au  ministère  de  la  justice,  avec  mission  de  réunir  et  pu- 
blier les  textes  des  codes  étrangers.  D'autre  part,  afin  de 
faciliter  les  recherches  nécessaires  à  ce  genre  de  travaux, 
une  société  de  législation  comparée,  due  à  l'initiative  privée, 
s'est  formée  en  1868,  à  Paris,  qui,  depuis  i8T2,  publie 
chaque  année,  en  même  temps  qu'un  annuaire  français,  un 
annuaire  étranger  donnant  soit  la  traduction  intégrale,  soit 
l'analyse  des  principales  lois  votées  au  cours  de  l'année  pré- 
cédente, dans  le  monde  civilisé.  Tous  ceux  qui,  à  un  titre 
quelconque,  s'occupent  de  législation  comparée,  connaissent 
les  précieux  services  rendus  par  cette  société  dont  les  prési- 
dents sont  recrutés  parmi  les  sommités  de  la  faculté  de  droit, 
de  la  magistrature  et  du  barreau.  C.  Cheuvreux. 

BiBL.  :  Glasson,  Eléments  du  droit  français  dans  ses 
rapports  ^luec  le  droit  naturel;  Paris,  1875,  2  vol.,  intro- 
duction. —  Tous  les  traités  de  législation  et  notamment 
les  ouvrages  cités  au  mot  Droit. 

LÉGISLATURE  (Polit.)  C'est  le  temps  qui  s'écoule  de- 
puis le  jour  oti  une  assemblée  législative  est  installée 
jusqu'au  jour  où  expirent  ses  pouvoirs.  Ainsi  la  première 
législature  de  la  Chambre  des  députés  actuelle  va  du  8  mars 
4876  au  2o  juin  1877  ;  la  deuxième  législature,  du  7  nov. 
1877  au  29  juil.  1881  ;  la  troisième  %islature,  du  28  oct. 
1881  au  6  août  1885;  la  quatrième  législature,  du  40  nov. 
1885  au  lojuil.  4889;  la  cinquième  législature,  du  42  nov. 
1889  au  22  juil.  1893  (V.  Assemblée,  Chambre,  etc.). 

LÉGITIMATION.!,  Droit  romain.  —  Pris  au  sens  large, 
le  mot  légitimation  peut  s'entendre  de  tout  acte  qui  avait 
pour  effet  de  donner  la  qualité  d'enfant  légitime  à  un  enfant 
qui  ne  l'avait  pas,  par  conséquent  de  le  faire  tomber  sous  la 
puissance  de  son  pater  et  d'en  faire  un  héritier  sien  et  légi- 
time. En  ce  sens,  l'expression  convient  aux  cas  assez  nom- 
breux à  l'époque  classique,  où  par  bienfait  du  prince  ou 
causœ  probatio,  le  père  acquiert  la  puissance  sur  ses  en- 
fants. Mais  on  a  coutume  de  désigner  par  le  mot  légitima- 
tion l'acquisition  de  la  qualité  d'enfant  légitime  au  profit  des 
enfants  naturels  nés  du  concubinat.  C'est  au  Bas-Empire, 
sous  les  empereurs  chrétiens,  grâce  à  l'influence  désormais 
prépondérante  de  la  religion  chrétienne,  que  fut  introduit 
ce  nouveau  mode  d'acquisition  de  la  puissance  paternelle, 
qui  figure  à  côté  des  jusîœ  nuptiœ  et  de  l'adoption. 

La  légitimation  peut  se  faire  de  trois  manières.  —  i^Par 
mariage  subséquent,  c.-à-d.  par  le  mariage  des  deux 
concubins.  Constantin  eut  le  premier  la  pensée  de  cette 
légitimation,  Zenon  confirma  ses  décisions.  Mais  le  béné- 
fice de  cette  innovation  ne  s'appliquait  qu'aux  enfants  na- 
turels déjà  nés  et  ne  visait  pas  l'avenir.  Anastase  l'étendit 
aux  enfants  à  naître.  Justinien,  reprenant  cette  idée,  la 
compléta  et  fit  désormais  de  la  légitimation  par  mariage 
subséquent  une  institution  assise  et  réglementée  avec  soin. 
—  2''  Par  ablation  à  la  curie.  Ce  mode  inauguré  par 
Théodose  II  et  Valentinien  lïï  diffère  du  premier.  Il  n'est 
nullement  inspiré  comme  le  premier  par  une  pensée  de  ré- 
habilitation, ni  par  le  désir  de  soustraire  les  enfants  aux 
conséquences  d'une  faute  morale  qui  ne  leur  est  pas  im- 
putable. Réglementé  définitivement  par  Justinien,  il  con- 
siste pour  les  fils  dans  leur  inscription  sur  la  liste  des 
décurions,  pour  les  filles  dans  leur  mariage  avec  un  décu- 
rion.  —  3«  Par  rescril  du  prince.  Justinien  est  l'auteur 
de  ce  mode  de  légitimation.  Au  cas  où  le  père  ne  pourrait 
épouser  sa  concubine,  à  raison  du  décès  ou  de  l'indignité 
de  celle-ci,  un  rescrit  impérial  produira  le  même  effet  que 
le  mariage.  —  La  légitimation  a  pour  effet  de  conférer  au 
père  la  puissance  paternelle  et  de  donner  à  l'enfant  légi- 
timé tous  les  droits  d'un  enfant  légitime.  G.  M. 
IL  Ancien  droit.  —  La  légitimation  ne  pouvait  se  réa- 

73 


LEGITIMATION 


~  iVo/i  --» 


liser  que  par  mariage  subséquent  et  par  lettres  du  prince. 
Un  arrêt  du  parlement  de  Paris  du  28  juil.  1598  avait  re- 
connu la  validité  d'une  légitimation  faite  par  un  père  dans 
un  acte  authentique.  Cette  décision  qui  s'inspirait  de  la 
novelle  147,  chap.  ii,  de  Justinien,  resta  isolée.  Les  inter- 
prètes et  la  jurisprudence  se  refusèrent  à  partager  cette 
manière  de  voir.  Notre  ancien  droit  avait  puisé  dans  les 
décrétales  l'idée  de  la  légitimation  par  mariage  subséquent. 
Seul,  le  mariage  susceptible  de  produire  des  effets  civils 
pouvait  légitimer  les  enfants  naturels;  par  suite,  les  fian- 
çailles, les  mariages  contractés  in  extremis  n'entraînaient 
pas  la  légitimation,  tout  au  moins  à  partir  de  l'ordonnance 
de  1639.  Dans  le  cas  de  mariage  putatif,  la  question  était 
discutée.  Il  n'était  pas  nécessaire  que  le  mariage  fût  pré- 
cédé d'un  contrat.  Il  fallait  qu'il  n'y  ait  pas  eu  d'empêche- 
ment dirimant  entre  le  père  et  la  mère  au  moment  de  la 
conception  de  l'enfant.  On  discutait  vivement  sur  la  ques- 
tion de  savoir  si  le  mariage  subséquent  contracté  avec  dis- 
pense légitimait  les  bâtards  incestueux.  D'après  l'opinion 
la  plus  généralement  reçue,  la  légitimation  ne  pouvait  se 
réaliser  en  faveur  d'un  enfant  naturel  qui  ne  le  voulait 
pas.  L'effet  de  la  légitimation  par  mariage  subséquent 
est  d'assimiler  complètement  l'enfant  naturel  à  l'enfant 
né  légitime.   Suivant  la  juste  remarque  de  Guyot  :  «  La 
légitimation  ne  diffère  en  rien  de  la  légitimité  propre- 
ment dite  ;  elle  efface  tellement  la  tache  de  la  naissance 
d'un  bâtard,  qu'il  n'en  reste  plus  le  moindre  vestige  ;  elle 
l'égale  en  tout  à  l'enfant  né  légitime,  »  Dans  toute  l'Eu- 
rope, le  pouvoir  de  légitimer  par  lettres  n'appartenait 
qu'aux  princes  souverains.  Ce  mode  de  légitimation  était 
applicable,  même  aux  enfants  incestueux  et  adultérins.  Le 
prince  étant  au-dessus  des  lois  civiles,  d'après  les  juris- 
consultes, pouvait  en  dispenser  ses  sujets.  Le  père  devait 
solliciter  lui-même  les  lettres  de  légitimation,  et  l'enfant 
devait  donner  son  consentement  exprès  à  ladite  légitima- 
tion. Enfin,  l'enregistrement  des  lettres  par  les  tribunaux 
compétents  était  une  condition  essentielle  et  de  la  plus  haute 
importance.  Les  effets  civils  plus  ou  moins  étendus  de  cette 
légitimation  étaient  déterminés  par  le  texte  de  la  lettre. 
En  principe,  ce  second  mode  de  légitimation  produisait,  la 
plupart  du  temps,  des  effets  moins  étendus  que  la  légiti- 
mation par  mariage  subséquent.  Le  pape  accordait  égale- 
ment des  lettres  de  légitimation  pour  permettre  à  certains 
enfants  naturels  de  recevoir  les  ordres  sacrés  et  de  pos- 
séder des  bénéfices.  Ici  encore   il  fallait  examiner  avec 
soin  le  texte  de  la  lettre  pour  en  déterminer  la  portée  exacte 
et  précise.  Victor  Saverot. 

III.  Droit  actuel.  —  On  désigne  sous  ce  nom  la  fa- 
veur spéciale  que  la  loi  accorde  sous  certaines  conditions 
aux  enfants  naturels  (V.  ce  mot)  de  pouvoir  être  consi- 
dérés comme  des  enfants  légitimes  et  d'en  avoir  les  préro- 
gatives. En  droit  romain  et  dans  notre  ancien  droit  français, 
la  légitimation  pouvait  s'opérer  de  différentes  manières, 
notamment  par  le  mariage  subséquent  des  père  et  mère,  et 
par  rescrit  du  prince  ou  lettres  patentes  du  roi.  Le  code 
civil  n'en  reconnaît  plus  qu'un  seul  mode,  la  légitimation 
par  le  mariage  des  parents  de  l'enfant  naturel,  et  il  ne 
consacre  à  cette  importante  matière  que  trois  articles.  Les 
enfants  naturels  simples,  c.-à-d.  ceux  qui  ne  sont  ni  adul- 
térins ni  incestueux,  peuvent  seuls  être  légitimés,  et,  pour 
savoir  si  une  personne  a  cette  qualité  il  faut  se  placer  au 
moment  de  la  conception  et  non  au  moment  de  la  nais- 
sance :  ainsi  l'enfant  est  naturel  simple  et  peut  être  légi- 
timé, quand  bien  même,  au  moment  de  sa  naissance,  son 
père  ou  sa  mère  serait  engagé  dans  les  liens  du  mariage 
avec  une  tierce  personne,  pourvu  qu'il  ait  été  conçu  à  une 
époque  où  ses  parents  étaient  tous  deux  libres  de  tout  lien 
conjugal. Inversement,  l'enfant  qui  naît  du  connnerce  inces- 
tueux d'un  oncle  avec  sa  nièce,  ou  d'un  beau-frère  avec 
sa  belle-sœur,  est  incestueux,  et  ne  peut  pas  être  légitimé 
par  le  mariage  que  ses  auteurs  contracteraient  ensemble 
avec  les  dispenses  de  l'art.  164  du  C.  civ.  C'est  du  moins 
en  ce  sens  que  la  doctrine  se  prononce  presque  tout  en- 


tière ;  la  jurisprudence  admet  au  contraire  que  ces  enfants 
seraient  légitimés  par  le  mariage  régulièrement  contracté 
de  leurs  parents.  D'après  l'art.  332  du  C.  civ.,  la  légitima- 
tion peut  avoir  lieu  même  en  faveur  des  enfants  décédés 
qui  ont  laissé  des  descendants,  et  dans  ce  cas  elle  profite 
à  ces  descendants.  Cette  faveur  n'est  accordée  d'ailleurs 
qu'aux  descendants  légitimes  de  l'enfant  naturel  :  ils  de- 
viennent alors  petits-fils  légitimes  des  auteurs  de  leur  père 
décédé.  Mais  si  un  enfant  naturel  a  lui-même  des  enfants 
naturels,  le  mariage  que  ses  auteurs  contractent  après  son 
décès  ne  confère  pas  la  qualité  d'enfants  légitimes  à  ses 
enfants  naturels  qui  continuent  de  rester  étrangers  aux 
nouveaux  conjoints.  Nous  venons  de  déterminer  quelles 
personnes  peuvent  être  légitimées,  mais  cette  légitimation 
est  soumise  à  une  double  condition.  11  faut  d'abord  que 
Fenfant  naturel  ait  été  reconnu  par  son  père  et  par  sa 
mère  avant  le  mariage  de  ceux-ci,  ou  au  plus  tard  dans 
l'acte  de  célébration  du  mariage.  En  d'autres  termes,  la 
reconnaissance  qui  interviendrait  postérieurement  au  ma- 
riage produirait  bien  tous  les  effets  d'une  reconnaissance 
ordinaire,  mais  l'enfant  qui  en  aurait  été  l'objet  ne  serait 
qu'un  enfant  naturel  reconnu  et  non  un  enfant  naturel  lé- 
gitimé :  or,  cette  distinction  n'est  pas  purement  théorique, 
et  entre  l'enfant  naturel  reconnu  et  l'enfant  légitimé  les 
différences  sont  aussi  nombreuses  et  aussi  profondes  qu'entre 
l'enfant  naturel  reconnu  et  l'enfant  légitime.  D'ailleurs, 
pourvu  que  la  reconnaissance  ait  précédé  le  mariage,  il 
importe  peu  qu'elle  soit  volontaire  ou  qu'elle  résulte  d'un 
jugement  statuant  sur  une  demande  en  recherche  de  pa- 
ternité ou  de  maternité  :  dans  un  cas  comme  dans  l'autre, 
la  légitimation  s'ensuivra.  En  second  lieu,  la  loi  exige 
que  les  parents  de  l'enfant  naturel  reconnu  contractent  l'un 
avec  l'autre  un  mariage  valable.  Un  mariage  in  extremis 
aurait  donc  pour  effet  d'opérer  la  légitimation  :  le  projet 
du  code  ciyil   avait  adopté  une  solution  contraii'e,  mais 
l'article  qui  la  consacrait  ayant  été  supprimé,  aucun  doute 
ne^peut  plus  s'élever  sur  ce  point.  Il  est  également  certain 
qu'un  mariage  secret,  mais  régulièrement  contracté,  légi- 
time les  enfants  naturels  reconnus    antérieurement.  La 
question  de  savoir  si  le  mariage  putatif,  c.-à-d.  annulé, 
mais  ayant  été  contracté  de  bonne  foi,  procure  la  légiti- 
mation, est  au  contraire  des  plus  controversées  :  l'affir- 
mative paraît  aujourd'hui  plus  généralement  admise. 

Cette  seconde  condition  (le  mariage  subséquent  des  père 
et  mère  de  l'enfant  naturel  reconnu)  étant  remplie,  la  lé- 
gitimation se  produit  de  plein  droit,  et  sans  qu'il  soit  né- 
cessaire que  l'intention  de  légitimer  ait  été  exprimée  dans 
l'acte  de  célébration.  Bien  plus,  elle  se  produit  contre  le 
gré  des  parents  et  même  contre  le  gré  de  l'enfant  qui  ne 
pourrait  pas  la  répudier.  Il  aurait  seulement  le  droit  de 
contester  la  reconnaissance  dont  il  aurait  été  l'objet,  et, 
s'il  la  faisait  annuler,  une  des  conditions  de  la  légitimation 
manquant,  celle-ci  ne  se  produirait  pas. 

Quant  aux  effets  de  la  légitimation,  ils  sont  indiqués 
par  l'art.  333  C.  civ.  dans  les  termes  suivants  :  «  Les  en- 
fants légitimés  par  le  mariage  subséquent  auront  les  mêmes 
droits  que  s'ils  étaient  nés  de  ce  mariage.  »  Par  consé- 
quent, la  légitimation  ne  produit  d'effets  que  pour  l'ave- 
nir; elle  n'a  pas  d'effets  rétroactifs;  notamment  l'enfant 
légitimé  recueillera  bien  toutes  les  successions  qui  s'ou- 
vriront à  son  profit  depuis  la  célébration  du  mariage,  mais 
il  ne  pourra  élever  aucune  prétention  sur  les  successions 
ou  sur  les  autres  droits  qui  se  sont  ouverts  avant  le 
mariage.  Il  résulte  de  cette  règle  que  si,  entre  le  moment 
où  l'enfant  naturel  a  été  conçu  et  le  moment  où  le  ma- 
riage qui  l'a  légitimé  a  été  célébré,  il  a  existé  un  mariage 
intermédiaire  d'où  un  enfant  est  né,  celui-ci,  quoique 
moins  âgé  que  l'entant  naturel,  doit  être  considéré  comme 
l'ajQé.  p.  GiRODON. 

BiBh.  :  Droit  romain. —  Cod.  Just.,  De  Nat.  lib.,Y.21; 
ConsL,  5,  6,  7,  10,  11.  —  Const.,  3,  9  ;  nov.,  74,  ch.  i,  ii.  — 
AccARTAs,  Précis  de  droit  romain  ;  Paris,  1886-1891,  t.  I, 
II"  113-117.  —  Mainz,  Cours  de  droit  romain  ;  Bruxelles, 
1877,  t.  III,  §329.  —  Baron,  Institutionen;  Berlin,  1884,  §  42. 


—  llo5  - 


LEGITIME  —  LEGITIMISTE 


LÉGITIME.  I.  Droit  romain.  —  On  appelle  ainsi  la 
part  de  patrimoine  qu'un  testateur  doit  laisser  à  certains 
proches  parents.  Ceux-ci,  s'ils  ne  reçoivent  pas  cette  part, 
peuvent  faire  tomber  le  testament.  Il  faut  remonter  assez 
haut  dans  Fhistoire  du  droit  successoral  romain  pour 
rencontrer  les  premières  applications  de  cette  sorte  d'obli- 
gation imposée  au  testateur  et  dont  l'effet,  on  le  voit 
assez,  est  de  restreindre  au  profit  de  certains  parents 
privilégiés,  descendants,  ascendants,  frères  et  sœurs,  la 
liberté  absolue  de  tester.  Lorsque  eut  été  introduite  la  voie 
de  rescision  contre  le  testament,  appelée  querela  inoffi- 
ciosi  testarnenti^  la  pratique  admit  que  cette  action  se- 
rait refusée  au  successible  qui  aurait  reçu  par  disposition 
de  dernière  volonté  le  quart  de  sa  part  ah  intestat^ 
quarta  debitœ  portionis,  quarta.  Ce  chiffre  avait  été 
emprunté,  par  analogie  de  situation,  à  celui  que  fixait  la 
loi  Falcidie,  en  s'inspirant,  comme  l'indiquent  certaines 
constitutions  impériales  de  l'esprit  de  cette  loi,  legis  Fal- 
cidiœ  ratio.  C'est  seulement  au  Bas-Empire,  à  partir  de 
Constantin,  que  la  part  due  aux  proches  parents  prend 
le  nom  de  légitima  'povtio  ou  ^ans,  d'où  est  venue  notre 
expression  de  légitime.  La  théorie  de  la  légitime  resta  sans 
subir  de  changements  jusqu'à  Justinien.  Ce  prince,  soit 
dans  ses  constitutions  insérées  au  Code,  soit  dans  ses  No- 
velles,  y  apporta  des  modifications  importantes.  Il  décida 
tout  d'abord  que  si  l'héritier  légitimaire  avait  reçu  quelque 
chose  mortis  causa,  il  cesserait  d'avoir  droit  à  la  querela 
et  n'aurait  plus  que  le  droit  d'exiger  le  complément  de  sa 
légitime  :  quod  deest  légitimée  portioni.  Mais  plus  tard  il 
exigea  que  la  légitime  fût  laissée  aux  héritiers  par  voie  d'ins- 
titution. Toute  autre  libéralité,  même  faite  mortis  causa^ 
ne  s'impute  pas  sur  la  légitime  et  ne  donne  pas  lieu  à  l'ac- 
tion en  supplément.  D'ailleurs^  il  avait  modifié  le  chiffre 
de  la  légitime,  du  moins  en  ce  qui  concerne  les  enfants  ; 
elle  n'était  plus  fixée  invariablement  au  quart.  Ce  fut  une 
raison  de  plus  pour  amener  la  désuétude  de  l'ancienne  dé- 
nomination, quarta.  Mais  à  l'époque  barbare  et  au  moyen 
âge,  l'expression  est  de  nouveau  employée.  La  confusion 
avec  la  quarte  Falcidie  favorise  cette  façon  de  s'exprimer 
évidemment  erronée.  G.  M. 

IL  Ancien  droit.  —  On  appelait  légitime  la  portion 
assurée  par  la  loi  à  certains  héritiers  présomptifs  contre 
les  libéralités  du  défunt.  Elle  a  toujours  été  admise  dans 
les  pays  de  droit  écrit,  où  elle  n'était  autre  que  la  légi- 
time romaine.  Elle  y  avait  conservé  les  principaux  carac- 
tères qu'elle  avait  en  droit  romain.  Fondé  sur  le  jus  san- 
guinis,  la  légitime  était  plutôt  attachée  à  la  qualité  de 
parent  qu'à  celle  d'héritier,  et  elle  était  considérée  comme 
une  partie  des  biens  et  non  comme  une  partie  de  l'héré- 
dité. Aussi  n'était-il  pas  nécessaire  de  se  porter  héritier 
pour  pouvoir  la  réclamer  ;  de  plus,  les  légitimaires  n'en 
étaient  pas  saisis  de  plein  droit.  Dans  les  pays  coutu- 
miers,  il  y  avait  une  réserve,  dite  réserve  coutumière,  qui 
ne  portait  que  sur  les  propres,  et  qui  était  le  plus  souvent 
des  quatre  quints,  c.-à-d.  des  quatre  cinquièmes  des  pro- 
pres. Cette  réserve  était  attribuée  en  masse  à  tous  les  pa- 
rents de  Vestoc  et  ligne^  comme  on  disait,  d'où  venaient 
les  propres  ;  ils  les  recueillaient  à  titre  de  succession 
ab  intestat.  Malgré  l'existence  de  ce  droit  de  réserve, 
une  légitime,  imitée  de  la  légitime  romaine,  s'introduisit 
des  pays  de  droit  écrit  dans  les  pays  coutumiers  et  vint 
s'ajouter  à  la  réserve.  Elle  figure  en  io80,  dans  la  cou- 
tume de  Paris  (art.  298).  Très  différente,  malgré  son  ori- 
gine, de  la  légitime  romaine,  elle  était  considérée  comme 
une  partie  de  la  succession  ab  intestat.  Il  en  résultait  que 
les  légitimaires  étaient  saisis  de  plein  droit,  que  leur  part 
leur  était  due  en  biens  héréditaires  et  qu'ils  n'y  [)ouvaient 
prétendre  qu'en  qualité  d'héritiers.  Cependant,  si  le  légi- 
timaire se  trouvait  nanti  des  biens  reçus  par  lui  du  de 
cujus  en  avancement  d'hoirie,  il  pouvait  les  conserver 
jusqu'à  concurrence  do  sa  légitime,  même  en  renonçant  à 
la  succession;  s'il  ne  pouvait  réclamer  la  légitime  par  voie 
d'action  qu'en  se  portant  héritier,  il  pouvait  donc  néan- 


moins, sans  prendre  ce  titre,  la  réclamer  par  voie  d'excep- 
tion. Une  autre  différence  que  présentait  la  légitime  des 
pays  coutumiers  avec  la  légitime  romaine  est  qu'elle  n'était 
attribuée  qu'aux  seuls  enfants  et  descendants,  et  consti- 
tuait pour  chacun  d'eux  un  droit  individuel.  Quelques  cou- 
tumes ne  l'attribuaient  même  qu'aux  enfants  mâles.  Dans 
la  coutume  de  Paris,  le  taux  était  pour  chaque  enfant  de 
la  moitié  de  sa  part  ab  intestat;  au  contraire,  la  légitime 
romaine  était  graduée  sur  le  nombre  des  légitimaires. Dans 
les  pays  coutumiers,  les  descendants  pouvaient  donc  invo- 
quer, soit  la  réserve  coutumière,  soit  la  légitime  ;  ils  pou- 
vaient avoir  intérêt  à  user  de  préférence  tantôt  de  l'une, 
tantôt  de  l'autre.  Tandis  que  la  réserve  ne  s'appliquait 
qu'aux  propres,  la  légitime  portait  sur  tous  les  biens, 
même  sur  les  meubles  et  acquêts.  Elle  garantissait  les  héri- 
tiers contre  toutes  les  libéralités  du  défunt,  tandis  que  la 
réserve  ne  les  protégeait  que  contre  les  dispositions  testa- 
mentaires. La  légitime  n'était  que  subsidi  lire  à  la  réserve  ;  en 
d'autres  termes,  les  légitimaires  ne  pouvaient  réclamer,  en 
cette  qualité,  la  réduction  des  dispositions  à  titre  gratuit 
faites  par  leur  auteur  qu'autant  qu'ils  ne  pouvaient  pas 
obtenir,  par  la  réserve,  la  part  qui  devait  leur  revenir.  Au 
surplus,  quelques  coutumes  s'écartaient  de  ces  règles.  Dans 
l'Auvergne  et  le  Bourbonnais,  on  ne  juxtaposait'^pas  la  lé- 
gitime et  la  réserve  ;  on  avait  étabU  une  réserve  des  trois 
quarts  pour  tout  héritier.  A  Reims  et  à  Melun,  la  quotité 
de  la  légitime  était  réglée  conformément  au  droit  écrit.  En 
4672,  le  parlement  de  Paris  décida  que,  dans  le  silence  des 
coutumes  sur  la  quotité  delà  légitime,  on  devait  se  référer 
aux  dispositions  delà  coutume  de  Paris.  G.  R. 

IIL  Droit  criminel,  — Légitime  défense  [Y .DÈFEmE). 

BiBL.  :  Droit  romain.  —  8,  §  8,  9,  Dig.,  De  Inoff.  test.. 
V,  2.  —  21,  Ceci.,  Fam.  Ercic,  III,  36  ;  5,  §  3,  Cod.,  Ad  leg. 
Jul  de  adult.,  IX,  9  ;  §  281,  Vat.  frag.  -  28;  30,  pr.i  31, 
32,  35  §  2,  36,  pr.  Cod.  Just.,  De  Inoff.  test.,  III,  28.  —  No- 
velle,  115,  ch.  ni  ;  18,  cii.  i.  ■—  Accarias,  Précis  de  droit 
romain  ;  Paris,  1886-91,  t.  I,  n^"  355,  359.  —  Mainz,  Cours 
de  droit  romain;  Bruxelles,  1877,  t.  III,  §  390,  391.  —  Viol- 
li<:t,  Précis  de  l'hist.  dil  droit  français  ;  Paris,  1886, 
Sources,  droit  privé,  p.  747,  in-8. 

Ancien  Droit.  —  Guyot,  Répertoire  universel  et  rai- 
sonné de  jurisprudence.,  1785,  t.  X,  v  Légitime,  pp.  142, 
329,  et  les  auteurs  qui  y  sont  cités. 

LÉGITIME  (François-Denis),  homme  politique  haïtien, 
né  à  Jérémie  en  1833.  Fils  d'un  constructeur  naval  dont 
il  continua  les  opérations,  il  fut  élu  en  1869  député  à  l'As- 
semblée constituante.  Il  s'attacha  au  général  Salomon  dont 
il  fut  ministre  de  l'agriculture,  mais  il  lui  fit  ensuite  de 
l'opposition  et  fut  exilé  en  1886.  Deux  ans  après,  il  revint 
de  la  Jamaïque,  fut  )ioramé  président  provisoire  de  la  Ré- 
publique, puis  à  titre  définitif  le  16  déc.  1888  et  reconnu 
par  les  puissances.  Quelques  mois  après,  il  fut  renversé 
par  le  général  llippolyte. 

LÉGITIIVIISTE  (Parti).  Ce  nom  désigne  en  France  le 
parti  qui  demeura  fidèle  à  la  branche  aînée  des  Bourbons 
après  la  révolution  de  1830.  Il  eut  pour  candidat  au  trône 
le  petit-fils  de  Charles  X,  le  duc  de  Bordeaux  ou  comte 
de  Chambord  (V.  Bourbon,  t.  YII,  p.  72!2),  dont  la  mort 
a  marqué  la  fin  de  ce  parti.  Les  légitimistes  firent  une  op- 
position acharnée  à  Louis-Philippe  ;  ils  n'étaient  en  majo- 
rité que  dans  l'Ouest  (Bretagne,  Vendée,  Anjou),  mais 
presque  partout  la  grande  majorité  de  la  noblesse  terrienne 
et  du  clergé  leur  était  dévouée.  Leur  plus  célèbre  orateur 
fut  Berryer.  Ils  saluèrent  avec  enthousiasme  la  chute  de 
l'usurpateur  en  févr.  1848,  mais  ne  purent  obtenir 
de  majorité  dans  l'assemblée  de  1849.  La  fondation  du 
second  Empire  les  aflaiblit  beaucoup  parce  que  le  clergé 
et  la  plus  grande  partie  des  propriétaires  fonciers  se  ral- 
lièrent à  Napoléon  III.  Leur  opposition  reprit  de  la  force 
au  moment  oli  la  politique  italienne  de  l'empereur  le 
brouilla  avec  le  pape.  Les  légitimistes  déployèrent  un  grand 
patriotisme  dans  la  guerre 'de  1870-71  où  s'illustrèrent 
plusieurs  de  leurs  chefs,  Charrette,  Cathelineau,  de  So- 
nis,  etc.  Aux  élections  du  8  févr.  1871,  ils  se  pronon- 
cèrent pour  la  paix  et  furent  élus  en  très  grand  nombre  à 
l'Assemblée  nationale.  Ils  formaient  le  noyau  de  la  majo- 


LEGITIMISTE  —  LEGONIDEC 


—  4156 


rite  réactionnaire  complétée  par  leurs  ennemis  orléanistes. 
L'histoire  de  cette  assemblée  fut  dominée  par  les  efforts 
pour  rapprocher  les  partisans  de  la  monarchie  absolue  et 
du  drapeau  blanc  de  ceux  de  lamonarcliie  constitutionnelle. 
La  fusion  parut  faite  après  la  visite  des  princes  d'Orléans 
à  Frohsdorf,  mais  le  comte  de  Chambord  dont  on  attendait 
l'avènement  au  trône  refusa  les  concessions  qui  eussent 
fait  de  lui  «  le  roi  légitime  de  la  Révolution  ».  Le  com- 
promis se  fit  alors  entre  républicains  et  orléanistes  par  le 
vote  de  la  constitution  de  1875,  et  les  légitimistes  furent 
réduits  dans  la  Chambre  de  1876  à  une  faible  minorité. 
La  mort  du  comte  de  Chambord  en  1883  a  mis  fin  au  parti 
légitimiste.  La  plupart  de  ses  adhérents  se  sont  ralliés  aux 
d'Orléans,  d'autres  ont  accepté  la  République  ;  quelques- 
uns  ont  tenté  de  maintenir  leur  drapeau  au  nom  des  Bour- 
bons d'Anjou  en  contestant  la  validité  de  la  renonciation 
faite  par  Philippe  V  quand  il  accepta  la  couronne  d'Es- 
pagne. Mais  ce  parti  des  Blancs  d'Espagne  n'a  pris  au- 
cune importance.  —  On  trouvera  dans  les  art.  Chambre  et 
Assemblée  des  détails  sur  l'action  politique  des  légitimistes. 

LÉGLANTIERS.  Corn,  du  dép.  de  l'Oise,  arr.  de  Cicr- 
mont,  cant.  de  Maignelay  ;  401  hab. 

LEGLAY  (André-Joseph-Ghislain),  historien  et  archéo- 
logue français,  né  à  Arieux  (Nord)  le  29  oct.  1785,  mort 
en  mars  1863.  11  commença  à  Douai  des  études  médicales, 
qu'il  termina  à  Paris  en  1812.  Reçu  docteur,  il  alla  s'éta- 
blir à  Cambrai  ;  mais  bientôt  son  goût  pour  l'archéologie 
le  fit  renoncer  à  l'exercice  de  sa  profession.  Secrétaire,  puis 
président  de  la  Société  d'émulation,  il  publia  divers  articles 
dans  le  Bulletin  de  cette  société,  notamment  un  article  sur 
les  Duels  judiciaires  et  un  autre  sur  les  Fêtes  et  céré- 
monies publiques  de  r église  mélropolitaine  de  Cam- 
brai, En  1825,  il  devint  bibliothécaire  de  cette  ville  et  en 
1835,  archiviste  du  dép.  du  Nord.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  Catalogue  des  manuscrits  de  la  bibliothèque  \le 
Cambrai  (Cambrai,  1831,  in-8);  Mélanges  historiques 
et  littéraires  (Cambrai,  1834,  în-4)  ;  Notice  sur  les  Ar- 
chives de  la  Chambre  des  comptes  à  Lille  (Lille,  1836, 
in-8)  ;  Analectes  historiques  ou  Documents  inédits 
pour  Vhistoire  des  faits,  des  mœurs  et  de  la  littéra- 
ture (Lille,  1839-52,  2  vol.  in-8);  Maximilien  I'''  et 
Marguerite  d'AutricJie  (1840,  in-8),  esquisses  biogra- 
phiques précédées  de  la  Correspondance  de  l'empereur 
Maximilien  I^^  et  de  Marguerite  d'Autriche  (Paris, 
1 839,  in-8)  ;  Négociations  diplomatiques  entre  la  France 
et  V Autriche  durant  les  tre7ite  premières  amiées  du 
xvi^  siècle  (Paris,  1845,  2  vol.  de  la  Coll.  des  Docum. 
inédits);  Catalogue  des  manuscrits  de  la  bibliothèque 
de  Lille  (Lille,  1848)  ;  Cam,eracum  christianum  (Lille, 
1849,  in-4)  ;  Glossaire  topographique  de  V ancien  Cam- 
/>r^5à  (1849,  in-8);  Vies  des  Saints  (1855-57,  6  vol. 
in-8).  En  outre,  il  collabora  activement  à  diverses  revues, 
entre  autres  aux  Archives  historiques  du  Nord  de  la 
France^  aux  Mémoires  de  la  Société  d'émulation  de 
Cambrai,  aux  Mémoires  de  la  Société  de  Lille^  à  la  l\e- 
viie  numismatique,  et  aux  Mémoires  de  la  Société  des 
antiquaires  de  France,  etc.  M.  P. 

LE  GLAY  (Edouard -André-Joseph),  historien  français, 
né  à  Cambrai  le  6  mars  18J4,  mort  à  Paris  le  24  juin 
1894,  fils  du  précédent.  Elève  de  l'Ecole  des  chartes  (1835), 
il  fut  archiviste  à  Lille  (1837)  et  passa  en  1846  dans 
l'adminislration  préfectorale.  Il  devint  en  1868  régisseur 
de  l'octroi  de  Paris.  Parmi  d'assez  nombreuses  publications, 
citons  :  Fragments  d'épopées  romanes  du  xii®  siècle 
(Paris,  1838,  in-8)  ;  le  Romaîi  de  Raoul  de  Cambrai 
(1840,  in-12);  Histoire  de  Jeanne  de  Constaniinople, 
comtesse  de  Flandre  (1841 , 2  vol.  in-8)  ;  Charles  de  Da- 
nemark (1878,  in-12);  les  Flamands  aux  croisades 
(1879,  in-8)  ;  la  Gaule-Belgique  (1884,  in-8)  ;  Histoire 
des  comtes  de  Flandre  et  des  Flamands  au  moyen  âge 
(nouy.  éd.,1886,2Yol.  in-8). 

LÉGLISE  (Félix),  homme  politique  français,  né  à 
Bayonne  le  13  déc.  1846.  Conseiller  d'arrondissement,  il 


fut  élu  député  des  Landes  le  21  août  1881.  Membre  de 
l'Union  républicaine,  il  échoua  aux  élections  de  1885  ; 
mais  tous  les  députés  conservateurs  ayant  été  invalidés  par 
la  Chambre,  il  fut  réélu  le  14  févr.  1886,  et  de  nouveau 
en  1889  et  1893.  Il  combattit  le  boulangisme. 

LEGLUDIC  (Léon-Prosper),  homme  politique  français, 
né  à  Angers  le  16  avr.  1843.  Médecin  à  Sablé,  maire  de 
cette  ville,  il  fut  médecin-major  des  mobiles  de  la  Sarthe 
pendant  la  guerre  franco-allemande.  Il  fut  élu  député  de 
La  Flèche  le  15  mars  1885  en  remplacement  de  Clément 
Galpin,  décédé.  Réélu  aux  élections  générales  de  1885  et 
de  nouveau  en  1889  et  1893,  il  siégea  à  la  gauche  radi- 
cale et  combattit  le  boulangisme. 

LEGNA.  Com.  du  dép.  du  Jura,  arr.  de  Lons-le-Sau- 
nier,  cant.  d'Arinthod;  363  hab. 

LEGNAGO.  Ville  d'Italie,  province  de  Vérone  (Vénétie), 
sur  l'Adige  ;  14,358  hab.  Cette  ville,  depuis  sa  fondation 
par  les  Lombards,  a  toujours  eu  une  grande  importance 
stratégique.  Prise  par  Bonaparte  en  1796  et  déman- 
telée en  1801,  elle  fut  de  nouveau  fortifiée  en  1815. 
Elle  a  formé  depuis  cette  époque  avec  Vérone,  Peschiera 
et  Mantoue  une  des  quatre  places  du  fameux  quadrilatère 
italien.  De  Legnago  à  Boara,  couvert  à  l'E.  par  les  marais 
de  l'Aipone,  l'Adige  forme  une  excellente  ligne  de  défense. 
BiBL.  :  Le  général  Niox,  Géographie  miltt.^  t.  II,  p.  166. 

LEGNANI  (Stefano-Maria),  peintre  et  graveur  italien, 
né  à  Milan  en  1660,  mort  en  1715.  Il  travailla  d'abord 
sous  la  direction  de  son  père,  le  peintre  Cristoforo  (ou 
selon  d'autres  Ambrogio)  Legnani,  puis  il  alla  recevoir  à 
Bologne  les  leçons  de  Gignani,  et,  à  Rome,  celles  de  Ma- 
ratta.  La  plupart  de  ses  ouvrages  sont  à  Milan  ;  les  plus 
importants  sont  :  la  Vierge  avec  saint  Laurent,  saint 
Benoît  et  saint  Ambroise,  dans  l'église  Sant'  Ambrogio, 
et  le  Couronnement  de  la  Vierge,  dans  celle  de  Sant' 
Angeîo.  Legnani  a  peint  à  fresque  une  grande  Gloire  dans 
la  coupole  de  l'église  San  Gaudenzio,  à  Novare.  Son  por- 
trait par  lui-même  se  trouve  au  musée  des  Offices,  dans  la 
galerie  des  portraits  de  peintres.  On  connaît  de  lui  deux 
gravures,  une  Vierge  et  une  Sainte  Famille,  qui  rappel- 
lent la  manière  de  Biscaino.  E.  Bx. 
BiBL.  :  Lanzi,  Storiapittorica  delV  Italia  ;  Milan,  t.  IV. 

LEGNANO.  Bourg  d'Italie,  prov.  de  Milan,  à  11  kil.  S.-E. 
de  Gallarate,  sur  l'Olona,  sous-affi.  du  Pô;  7,883  hab. 
Une  église  dont  la  construction  est  attribuée  à  Bramante, 
dont  l'autel  possède  un  chef-d'œuvre  de  Bernardine  Luini, 
y  attire  les  voyageurs.  Frédéric  Barberousse  y  fut  battu 
par  les  Milanais  en  1176  à  la  suite  de  l'abandon  de  Henri 
le  Lion.  Legnano  a  des  filatures  de  soie  et  de  coton. 

LÉGNY.  Com.  du  dép.  du  Rhône,  arr.  de  Villefranche- 
sur-Saône,  cant.  du  Bois-d'Oingt  ;  461  hab. 

LE  GOAZRE  de  Kervelegan  (V.  Kervelegan), 

LEGOBIEN  (Charles),  jésuite,  né  à  Saint-Malo  en 
1653,  mort  en  1708. 11  fut  procureur  des  missions  de  son 
ordre  en  Chine.  OEuvres  :  Lettres  sur  les  progrès  de  la 
religion  à  la  Chine  (Paris,  1697,  in-8);  Histoire  de 
l'édit  de  V empereur  de  la  Chine  en  faveur  de  la  reli- 
gion chrétienne  (Paris,  1698,  in-12);  Eclaircissements 
sur  les  honneurs  que  les  Chinois  rendent  à  Confucius 
et  aux  morts  (Paris,  1698,  in-12)  ;  Histoire  des  îles 
Mariannes  (Paris,  1700-1,  in-12);  Lettres  de  quelques 
rnissionnaires  de  la  Chine  et  des  Indes  orientales  (Pa- 
ris, 1702,  in-8);  Lettres  édifiantes,  les  huit  premiers 
volumes. 

LEGONIDEC  (Joseph- Julien),  magistrat  français,  né  à 
Lannion  le  ^6  oct.  1763,  mort  à  Paris  le  11  févr.  1844. 
D'une  ancienne  famille  noble  de  Tréguier,  avocat  au  par- 
lement de  Paris  (1788),  député  de  la  noblesse  des  Etats 
de  Bretagne  en  1789,  il  passa  à  Saint-Domingue  et  fut  de 
1791  à  1793  procureur  général  à  Port-au-Prince.  Proscrit 
à  la  suite  des  événements  qu'amena  l'affranchissement  des 
noirs,  il  se  réfugia  aux  Etats-Unis  où  il  enseigna  dans  un 
collège  et  où  il  remplit  les  fonctions  de  chancelier  du  con- 
sulat de  France  à  Boston.  De  retour  en  France,  il  fut  nommé 


—  1io7 


LEGONÏDEC  —  LEGOUVÉ 


le  24  juil.  n98  substitut  du  commissaire  du  pouvoir  exé- 
cutif près  le  tribunal  des  Landes.  Il  occupa  depuis  de  hautes 
situations  (à  Trêves,  à  l'île  Bourbon)  où  il  déploya  de 
grandes  qualités  administratives,  notamment  à  Rome  où, 
avec  le  titre  de  procureur  de  la  cour  d'appel  (1810),  il 
organisa  Fadministration  de  la  justice  dans  les  Etats  ro- 
mains incorporés  à  la  France.  Le  lo  févr.  1815,  il  fut 
nommé  conseiller  à  la  cour  de  cassation  où  il  demeura  jus- 
qu'à sa  mort. 

LEGONÏDEC  (Jean-François-Marie-Maurice-Agathe),  phi- 
lologue français,  né  au  Conquet  le  4  sept.  4775,  mort  à 
Paris  le  12  oct.  1838,  cousin  du  précédent.  Il  se  destinait 
à  la  prêtrise  lorsque  la  Révolution  éclata.  Emprisonné  à 
Carhaix  de  1793  à  1795,  il  vint  à  Paris  en  1804  et  obtint 
un  emploi  dans  l'administration  des  forêts.  Il  a  laissé  des 
travaux  importants  sur  la  langue  celtique.  Citons  :  Gram- 
maire celto-bretonne  (Pans,  1807,  in-8)  ;  Dictionnaire 
français-breton  [iMl ^  in-4)  ;  Dictionnaire  breton-fran- 
çais (1850,  in-4),  pubhé  par  H.  de  La  Villemarqué. 

BiBL.  :  Depping,  Notice  sur  Legonidec,  dans  Mémoires 
de  laSociété  des  Antiquaires  deFrancOy  nouv.  série,  t.  VI. 
—  ViLLENAVE,  Notice  sur  Legonidec^  dans  Joimmt  de  l'Ins- 
titut historique,  t.  IX.  —  Brizeux,  Notice  sur  la  vie  et  les 
travaux  de  Legonidec^  dans  Téd.  de  la  Grammaire  celto- 
bretonne,  de  1834, 

LE  GONIDEC  de  Tbaissan  (Oîivier-Marie-Meriadec, 
comte),  homme  poHtique  français,  né  à  Vitré  le  24  févr. 
1839.  Capitaine  des  zouaves  pontificaux,  il  fit  la  guerre 
franco-allemande  dans  l'armée  de  la  Loire.  Le  5  mars  1876, 
il  fut  élu  député  de  l'arr.  de  Vitré,  avec  un  programme 
monarchiste.  Il  appuya  le  gouvernement  du  16  mai,  fut 
réélu  le  14  oct.  i  877  et  de  nouveau  en  1 881 .  Il  échoua  aux 
élections  générales  de  4889,  mais  fut  réélu  sans  difficulté 
au  scrutin  d'arrondissement  en  1889  et  1893.  Membre  de  la 
droite,  il  appuya  le  mouvement  boulangiste. 

LE  GORREC.  Plusieurs  membres  de  cette  famille  bre- 
tonne ont  fait  partie  des  assemblées  législatives,  i^  Guil- 
laume Le  Gorrec,  né  à  Montallot  le  27  oct.  1764,  mort 
à  Saint-Brieuc  le  30  août  1812,  qui  fut  député  des  Côtes- 
du-Nord  au  Conseil  des  Cinq-Cents  (an  Vl-an  VII).  — 
2^  Claude,  frère  du  précédent,  né  à  Montallot  le  21  août 
1768,  mort  à  une  date  inconnue,  député  des  Côtes-du-Nord 
en  1815.  —  3°  Claude -Jean-Marie,  né  à  Saint-Brieuc 
le  5  mai  4800,  mort  à  Pontrieux  le  40  nov.  4868,  repré- 
senta les  Côtes-du-Nord  à  l'Assemblée  constituante  de  4848, 
à  l'Assemblée  législative  de  4849,  au  Corps  législatif  de 
4852  à  4868. 

LEGOTE  (Pablo),  peintre  que  l'on  croit  être  d'origine 
flamande  et  qui  vint  s'établir  à  Séville  vers  la  fin  du 
xvi*^  siècle.  II  résulte  des  termes  d'un  contrat  passé  à  Le- 
brija  en  4629  que  cet  artiste  s'obligea  à  dorer  et  à  peindre 
en  tons  naturels  les  sculptures  du  retable  de  l'église  de 
Sainte-Marie,  en  cette  ville,  que  venait  d'exécuter  Alonso 
Cano.  Des  peintures  de  Legote  représentant  la  Naissance 
de  Jésus,  l'Epiphanie,  rA7inonciatio7iet\esàeux  Saint 
Jean  faisaient  partie  de  ce  retable.  En  4647,  le  cardinal 
Spinola  chargeait  l'artiste  de  peindre  de  grandeur  natu- 
relle les  Douze  Apôtres  pour  la  salle  d'honneur  de  son 
palais  archiépiscopal,  à  Séville.  Cean  Bermudez  croit  pou- 
voir lui  attribuer  une  composition  semblable  qui  se  trouve 
dans  l'église  de  la  Madeleine.  Legote  alla  plus  tard  tra- 
vailler à  Cadix  oii  il  peignit  des  étendards  et  bannières  pour 
la  flotte  des  Indes,  ainsi  que  le  constatent  des  reçus  de  sa 
main,  conservés  aux  archives  générales  des  Indes.      P.  L. 

LEGOUAZ  (Yves-Marie),  graveur  français,  né  à  Brest 
le  45  févr.  4742,  mort  à  Paris  le  42  janv.  4846.  Elève 
d'Aliamet  et  d'Ozanne,  il  devint,  en  4770,  graveur  de 
l'Académie  des  sciences.  On  doit  entre  autres,  à  cet  ar- 
tiste habile,  des  reproductions  de  tableaux  d'Horace 
Ver  net  et  soixante  planches  ayant  pour  sujets  les  diffé- 
rents ports  de  France. 

LEGOUEST  (Venant- Antoine-Léon),  célèbre  chirurgien 
français,  né  à  Metz  le  4^"^  mai  4820,  mort  à  Paris  le 
5  mars  4889.  Il  entra  en  4839  à  FEcole  de  médecine  mi- 


litaire de  Strasbourg,  devint  agrégé  à  la  faculté  de  Paris 
en  4857,  puis  professeur  au  Val-de-Grâce,  médecin  prin- 
cipal de  4'"^  classe  en  4865,  médecin  inspecteur  en  1870, 
président  du  conseil  de  santé  des  armées  en  4873,  enfin 
médecin  inspecteur  général  en  1882.  lise  distingua  par  sa 
lutte  contre  l'intendance  et  enleva  non  sans  peine,  en  4882, 
la  loi  qui  consacre  le  principe  de  l'autonomie  du  corps  de 
santé.  Legouest  prit  une  part  très  active  aux  travaux  de  la 
Société  de  chirurgie  dont  il  fut  le  secrétaire  général,  et  à 
ceux  de  l'Académie  de  médecine  qu'il  présida  en  4884.  — 
Ouvrages  principaux  :  Traité  de  chirurgie  d'armée  (Pa- 
ris, 4863,  in-8;  2^  éd.,  4875)  ;  le  Service  de  santé  des 
armées  américaines  pendant  la  guerre.,.  (Paris,  4866); 
il  publia,  avec  Sédillot,  la  ¥  éd.  du  Traité  de  médecine 
opératoire  (Paris,  4870,  2  vol.  in-8).  D^  L.  Un. 

LEGOUVl  (Jean-Baptiste),  avocat  et  httérateur  fran- 
çais, né  à  Montbrison  vers  4730,  mort  en  4782.  Il  se  dis- 
tingua comme  jurisconsulte  ;  très  érudit,  émule  de  Gerbier 
et  de  Target,  il  fut  mis  en  lumière  par  l'affaire  célèbre  des 
frères  Lioney  contre  la  Compagnie  de  Jésus.  Le  grand  suc- 
cès qu'il  obtint  semblait  lui  promettre  une  carrière  bril- 
lante, mais  la  délicatesse  de  sa  santé  l'obligea  à  renoncer 
à  plaider  :  il  se  borna  à  être  consultant.  Il  composa  une 
tragédie  qui  ne  fut  pas  jouée,  mais  parut  en  4775  :  Atti- 
lie.  Ses  mémoires  et  ses  consultations  écrites  sont  remar- 
quables par  la  logique,  la  fermeté  et  la  simplicité  alors 
fort  rare.  Il  vécut  en  homme  de  bien. 

LEGOUVÉ  (Gabriel -Marie-Jean-Baptiste),  poète  fran- 
çais, né  à  Paris  en  4764,  mort  à  Montmartre  en  4842,  fils 
du  précédent.  Héritier  d'une  belle  fortune,  il  se  consa- 
cra dès  sa  jeunesse  à  la  littérature  pour  laquelle  il  avait 
une  passion  profonde.  Il  débuta  par  une  traduction  de 
Lucain  et  un  recueil  de  vers  composé  avec  Laya  et  publié 
sous  le  titre  :  Essais  de  deux  amis  (4786).  En  4792,  le 
Théâtre-Français  représenta  sa  première  pièce  :  la  Mort 
d'Abel,  tragédie  pastorale  que  le  critique  du  temps,  La- 
harpe,  maltraita.  En  4793,  Legouvé  composa  sa  tragédie 
à'Epicharis  ;  en  4795  parut  Quintus  Fabius;  en  4799 
JUéocle,  qui  réussit  mal;  en  4806,  la  Mort  de  Henri  /F, 
qui  eut  du  succès  :  cette  pièce  rompt  un  peu  avec  la  tra- 
dition classique,  et  Ton  pourrait  y  voir  comme  un  timide 
essai  du  drame  moderne.  Lesçouvé  a  pubhé  encore  un  vo- 
lume de  vers  dont  quelques  pièces  furent  goûtées,  tels  que 
Souvenirs,  Mélancolie,  etc.  Enfin,  en  1804,  il  avait  fait 
paraître  le  Mérite  des  femmes,  petit  poème  qui  est  resté 
son  meilleur  titre  littéraire  et  qui  obtint  le  plus  franc  suc- 
cès :  quarante  éditions  se  succédèrent  rapidement.  Ses  vers 
un  peu  incolores  se  relèvent  de  temps  à  autre  par  quelques 
inspirations  assez  heureuses,  mais  l'originalité  et  la  force 
y  font  presque  complètement  défaut.  Membre  de  l'Institut 
depuis  4798,  le  poète  fut  nommé  suppléant  de  la  chaire  de 
poésie  latine  de  Delille.  La  mort  de  sa  femme  en  4840  l'af- 
fecta profondément  ;  il  tomba  dans  un  tristesse  noire  qui 
altéra  sa  raison  et  sa  santé  ;  il  mourut  peu  après  dans  une 
maison  de  santé  de  Montmartre.  Ph.  B. 

'  LEGOUVÉ  (Gabriel-Jean-Baptiste-Ernest-W^ilfrid),  lit- 
térateur français,  né  à  Paris  le  15  févr.  1807,  fils  du  pré- 
cédent. Après  la  mort  de  son  père,  son  tuteur,  Bouilly,  lui 
fit  faire  ses  études  au  collège  Bourbon  ;  dès  sa  jeunesse,  il 
se  sentit  attiré  par  la  poésie  et  la  littérature.  Sa  première 
pièce  fut  la  Découverte  de  l'imprimerie,  qui  obtint  un 
prix  de  l'Académie  française  (1827).  Ensuite,  il  pubUa  un 
roman  intitulé  Max  (1833),  puis,  l'année  suivante,  un 
poème  :  les  Vieillards,  Un  de  ses  meilleurs  romans, 
Edith  de  Falsen,  publié  en  4840,  a  été  réédité  à  plusieurs 
reprises,  notamment  en  4869.  Une  vocation  nouvelle  se 
déclara  chez  lui  en  4  847  :  celle  de  conférencier  à  laquelle 
il  doit  de  nombreux  et  légitimes  succès.  Autorisé  à  cette 
époque  à  faire  un  cours  libre  au  Collège  de  France  sur 
V Histoire  morale  des  femmes,  il  conquit  aussitôt  son 
public  ;  en  4848,  il  publia  ses  leçons. 

La  principale  réputation  de  M.  Legouvé  vient  de  ses 
pièces  de  théâtre.  Son  premier  drame,  Louise  de  Ligne- 


LEGOUVE  —  LEGRAND 


1158 


rolles^  composé  en  collaboration  avec  M.  Prosper  Dinaux, 
est  resté  au  répertoire  du  Théâtre-Français.  Il  a  collaboré 
ensuite  avec  Scribe  à  Advienne  Lecouvreur  (1849),  à 
Bataille  de  Dames  (1851)  et  aux  Contes  de  la  reine  de 
Navarre  ;  les  trois  pièces  furent  représentées  avec  succès 
aux  Français.  Mis  en  relations  avec  Rachel  qui  avait  joué 
Adrienne  Lecouvreur,  M.  Legouvé  composa  pour  la  tragé- 
dienne Médée,  pièce  en  cinq  actes,  qu'elle  voulut  jouer, 
puis  qu'elle  refusa;  l'auleiir  lui  fit  un  procès  qu'il  gagna, 
mais  il  abandonna  les  dommages-intérêts  à  la  Société  des 
gens  de  lettres.  Cette  tragédie  a  été  traduite  en  italien  par 
Montanelli  en  1856  et  jouée  par  M^^  Ristori  dans  toutes 
les  grandes  villes  d'Europe  avec  un  succès  très  brillanl. 
Ces  différents  titres  littéraires  ouvrirent  en  1855  à  M.  Le- 
gouvé les  portes  de  J»?Académie  française,  où  il  remplaça 
Ancelot.  En  1855,  il  fit  jouer  avec  bonheur  Par  Droit  de 
conquête,  puis  le  Pamphlet  (1857),  qui  échoua  ;  en  1858, 
les  Doigts  de  Fée  (en  collaboration  avec  Scribe)  ;  en  1 86'î , 
Béatrix^  comédie  en  prose  en  cinq  actes  (M"^^  Ristori 
joua  la  pièce  à  l'Odéon);  en  '18()1,  Un  Jeune  Homme 
qui  ?îe  fait  rie?i,  un  acte  en  vers  ;  en  1868,  A  Deux  de 
jeu^  un  acte  en  prose  (ces  deux  dernières  pièces  jouées  au 
Théâtre-Français)  ;  puis  Miss  Suzanne,  comédie  en  quatre 
actes  ;  les  Deux  Reines  de  France^  drame  en  vers  in- 
terdit par  la  censure  et  joué  seulement  en  1872  au  Théâtre- 
Italien  avec  musique  de  Gounod  ;  en  1875,  V Amour 
africain^  opéra-comique  dont  M.  Paladilhe  fit  la  musique; 
en  1876,  la  Cigale  chez  les  Fourmis  (en  collaboration 
avec  Labiche  ;  en  1877,  Une  Séparation,  drame  en  quatre 
actes,  etc.  Son  Théâtre  complet  a  paru  en  3  vol.  (1887- 
90).  Dans  Comédies  en  un  acte  (1887),  il  a  rassemblé 
toutes  ses  petites  pièces. 

En  outre  de  ces  nombreuses  pièces,  M.  Legouvé  a  com- 
posé de  nombreux  romans,  des  essais  de  toutes  sortes  sur 
les  questions  du  jour,  des  conférences  toujours  très  goûtées 
par  leur  esprit  fin  et  bienveillant.  Il  s'est  surtout  attaché 
à  parler  des  femmes,  de  leur  rôle  dans  la  société  et  dans 
la  famille  ;  il  parle  aussi  très  volontiers  de  l'art  de  la  lec- 
ture où  il  est  passé  maître,  de  l'escrime  qu'il  a  continué  à 
pratiquer  malgré  son  grand  âge.  Un  de  ses  livres  les  plus 
agréables  et  d'un  véritable  charme  de  bonhomie  et  de  goût 
a  paru  récemment  sous  le  titre  de  Soixante  Ans  de  sou- 
venirs (1886-87,  2  vol.,  et  1888,  4  vol.)  ;  ces  mémoires 
sans  prétention  sont  très  \ivants  et  pleins  d'anecdotes  sur 
les  hommes  et  les  choses.  Parmi  ses  autres  publications, 
nous  citerons  :  les  Morts  bizarres  (1 832)  ;  Cuerrero 
(1845);  Béatrix  (1860);  la  Croix  d'honneur  et  les 
Comédiens  (1863);  la  Femme  en  France  au  xix®  siècle 
(1864)  ;  Jean  Reynaud  (1864)  ;  les  Pères  et  les  Enfants 
au  xix^  siècle  (1867-69,  2  vol.);  Petit  Traité  de  lecture 
à  haute  voix  (1878);  l'Art  de  la  lecture  (1878);  Nos 
Filles  et  nos  Fils  (1878);  la  Question  des  femmes 
(1881);  U7îe  Dot  (1888);  Histoire  de  ma  maison 
(1890),  etc.  M.  Legouvé  n'a  jamais  voulu  occuper  de  fonc- 
tions publiques;  il  a  refusé  en  1876  de  se  porter  au 
Sénat.  Cependant  le  31  oct.  1881  il  a  accepté  la  direction 
des  études  à  TEcole  normale  de  Sèvres  pour  l'enseignement 
des  jeunes  filles;  à  cette  occasion,  il  avait  été  nommé  ins- 
pecteur général  de  l'instruction  pubUque.  .  Ph.'  B. 

LEGOUX  (Jules),  littérateur  français,  ^é  à  Saint-Amand 
en  1836.  Procureur  impérial  à  Corbeil^il  fut  révoqué  par 
le  gouvernement  de  la  Défense  natior^ale  et  se  jeta  dans  le 
journalisme.  Il  collabora  notamment  à  la  Patrie.  Citons 
de  lui  de  nombreuses  saynètes^  comme  :  Autour  dhrn 
chapeau  (1884,  in-12);  Cinq  Ans  après  (1883,  in-12); 
Lettres  d'amour  (1883,  iï»-l-â);  Par  Téléphonie  (1883, 
in-12);  le  Prétexte  (188^,  in-12),  comédie,  et  les 
Propos  d'un  bourgeois  de  Paris  (1885-88,  3  vol.  in-12); 
Histoire  de  la  commune  des  Chapelle-Bourbon  (1885, 
in-12);  Pro  Patria  (1887,  in-12). 

LE  GOUXde  Flaix  (Alexandre-François-Xavier,  mar- 
quis), né  à  Pondichéry  en  1751,  mort  à  Avranches  le 
5  mars  1820.  Ancien  oificier  du  génie  dans  l'Inde,  après 


de  nombreuses  missions  auprès  d'Hyder  Ali  et  de  Tippo 
Sahib,  il  rentra  en  France;  il  fut  envoyé  comme  attaché 
militaire  à  Constantinople  et  dirigea  la  défense  des  Dar- 
danelles. On  lui  doit  un  bon  livre  sur  l'Inde  à  la  fin  du 
xvin«  siècle  :  Essai  historique  géographique  et  politique 
sur  flndoustan  (V'arh,  1807,  2  vol.  avec  plans).  Il  avait 
épousé  M^i^  Julie  Le  \  aillant,  fille  unique  du  voyageur  Le 
Vaillant.  E.  F.  be  F. 

LE  GOUZ  DE  La.  Boullaye  (François),  voyageur  fran- 
çais, né  à  Baugé  (Anjou)  vers  1610,  mort  à  (spahan  vers 
1669.  D'une  famille  d'origine  anglaise,  il  entra  au  service 
de  Charles  P^,  visita  l'Irlande,  puis  les  rives  de  la  Baltique 
et  de  la  Méditerranée,  passa  à  Constantinople  par  Ispahan  et 
Bender  Abbassi  dans  ITnde,  revint  par  Bassora,  la  Syrie  et 
l'Egypte  (1650).  Engagé  dans  un  procès  pour  se  faire  resti- 
tuer son  héritage  par  ses  beaux-frères  qui  Pavaient  cru  mort, 
il  publia  la  relation  de  ses  voyages  (Paris,  1653,  in-4  ;  2^  éd . , 
Troyes,  1 657).  Il  entra  au  service  de  la  Compagnie  des  Indes 
(1662),  repartit  pour  la  Perse  (oct.  1664)  où  il  mourut. 

LEGOYT  (Alfred),  statisticien  français,  né  à  Clermont- 
Ferrand  le  18  nov.  1815,  mort  à  Paris  en  1885.  Ancien 
chef  do  la  statistique  au  ministère  du  commerce  à  Paris  et 
secrétaire  général  de  la  Société  de  statistique,  il  a  publié 
nombre  d'ouvrages  de  statistique,  entre  autres  U Emigra- 
tion européenne  (1862)  ;  la  France  à  V étranger  (1864)  ; 
les  Forces  comparées  de  la  France  et  de  l'Autriche 
(1859)  ;  la  Vitalité  de  la  race  juive  (1867)  ;  les  Forces 
matérielles  de  V Allemagne  (1877)  ;  le  Suicide  ancien 
et  moderne  (1882). 

LE  GRAND  ou  LE  G RANT (Jacques),  Jacobus  Magnus, 
religieux  augustin,  né  à  Toulouse  vers  1350,  mort  vers 
1423.  Après  avoir  professé  la  philosophie  et  la  théologie  à 
Padoue,  il  vint  à  Paris,  où  il  acquit  bientôt  une  grande  ré- 
putation comme  prédicateur.  En  1404,  prêchant  le  jour  de 
l'Ascension,  il  attaqua  avec  véhémence  les  désordres  de  la 
cour  et  les  dérèglements  d'ïsabeau  de  Bavière,  qui  assis- 
tait à  son  sermon.  Peu  de  temps  après,  les  princes  ligués 
contre  le  duc  de  Bourgogne,  Jean  sans  Peur,  le  dépu- 
tèrent auprès  du  roi  d'Angleterre,  pour  solliciter  des  ser- 
vices, qu'il  obtint.  Il  reste  de  lui  :  le  Livre  des  bonnes 
mmurs  (1478,  in-fol.)  :  Sopholoquium  ex  antiquoram 
poelarum  (Paris,  1475,  in-fol.)  ;  Archeloge  Sophie, 
manuscrit  conservé  à  la  Bibliothèque  nationale.  C'est  la  tra- 
duction d'une  partie  de  l'ouvrage  précédent. 

LEGRAND  (Antoine),  philosophe  français,  né  à  Douai 
au  commencement  du  xvii^  siècle,  mort  dans  le  comté 
d'Oxford  vers  l'année  1700.  Il  entra  dans  l'ordre  des  fran- 
ciscains et  fut  envoyé  pour  prêcher  le  catholicisme  en 
Angleterre;  il  se  fixa  dans  Je  comté  d'Oxford.  C'est  lui  qui 
introduisit  le  cartésianisme  dans  ce  pays,  et  il  l'y  défendit 
vigoureusement  contre  les  attaques  des  mystiques  et  des 
théologiens,  entre  autres  de  l'évêque  d'Oxford,  Samuel 
Parker.  Ses  écrits,  cités  par  Arnauld  et  Bayle,  semblent 
avoir  joui  d'un  certain  succès.  On  a  de  lui  :  le  Sage  des 
stoïques,  ou  r Homme  sans  passions  {Ldi  Haye,  1662, 
in-12,  réimpr.  sans  nom  d'auteur  sous  le  titre  :  les  Carac- 
tères de  V  homme  sans  passions  ;  Paris,  1663  et  1682; 
Lyon,  1665);  F  Epicure  spirituel  ou  V  Empire  de  la 
volonté  sur  les  vertus  (Douai,  1669,  in-8);  Physica 
(Amsterdam,  1664,  in-8);  Philosophia  veterum  e  mente 
Pienati  Descartes  more  scholastico  br éviter  digesta 
(Londres,  1671,  in-12,  réimpr.  et  très  augm.  sous  ce 
titre  :  Institutio  philosophica  secundum  principia 
Renati  Descartes;  Londres,  1672,  in-8, 1678  et  83,  in-4  ; 
Nuremberg,  1695,  in-4,  trad.  en  angl.,  1694,  in-fol.); 
Historia  naturce  variis  experimentis  et  ratiociniis 
elucidata  (Londres,  1673,  in-8,  1680,  in-4;  Nuremberg, 
1678,  in-8,  1 702,  in-4);  Dissertatio  de  carentia  sensus 
et  cognitionis  in  brutis  (Londres,  1775,  in-8;  Nurem- 
berg, 1679);  Apologia  pro  Renato  Descartes  contra 
Samuelem  Parkerum  (Londres,  1 679,  in-8;  1 682,  in-12  ; 
Nuremberg,  1681,  in-12);  Historia  sacra  (Londres, 
1685,  in-8).  Th.  Ruyssen. 


1159  — 


LEGRAND 


LEGRAND  (Joachim),  oratorienet  érudit  français,  né  cà 
Saint-Lô  (Manche)  le  6  févr.  4653,  mort  à  Paris  le 
d^^  mai  4733.  On  a  de  lui  une  Histoire  du  divorce 
d'Henri  YUl  et  de  Catherine  d'Aragon  (Paris,  1G88, 
3  vol.  in-42).  Il  avait  en  outre  rassemblé  sur  le  règne  de 
Louis  Xï  une  très  précieuse  collection  de  documents  qui  se 
trouve  aujourd'hui  au  département  des  manuscrits  de  la 
Bibliothèque  nationale. 

LEGRAND  (Marc-Antoine),  auteur  dramatique  français, 
né  à  Paris  le  30  janv.  d673,  mort  à  Paris  le  7  janv.  4728. 
Il  débuta  sur  la  scène  et  y  obtint  fort  peu  de  succès  à 
cause  de  son  physique  désagréable.  Il  se  mit  alors  à  com- 
poser des  pièces  dont  la  plupart  ont  réussi.  Son  triomphe 
fut  Cartouche^  représenté  le  21  oct.  1721,  au  moment 
où  le  célèbre  bandit  venait  d'être  arrêté,  et  qui  jouit  d'une 
vogue  extraordinaire.  Citons  de  lui  :  la  Femme  fille  et 
veuve  (1707,  in~12)  ;  la  Famille  extravagante  (1709, 
in-12)  ;  la  Foire  Saint-Laurent  (1709,  in-12)  ;  le  Roi 
de  Cocagne  (1719,  in-12)  ;  Plutus  (1720,  in-12);  le 
Galant  Coureur  (1722,  in~12)  ;  le  Luxurieux  (1732, 
in- 12).  On  a  réuni  ces  pièces  :  Théâtre  de  Legrand  (Pa- 
ris, 1731-42,  in-12,  réédité  en  1770,  4  vol.  in-12); 
Chefs-d'œuvre  dramatiques  de  Legrand  (1824,  in-12). 

LEGRAND  (Jacques-Guillaume),  architecte  français,  né 
à  Paris  en  1743,  mort  à  Saint-Denis  en  1807.  Son  œuvre 
est  inséparable  de  celle  de  Molinos  :  ils  travaillèrent  presque 
toujours  en  collaboration.  Elève  de  Clérisseau,  il  entreprit 
en  1782  de  couvrir  en  bois  la  grande  cour  circulaire  de  la 
halle  au  blé  de  Paris,  construite  en  1765  par  Le  Camus  de 
Mézières  ;  la  coupole  qu'il  exécuta  avec  Molinos  et  termina 
en  six  mois  causa  une  grande  admiration  :  elle  fut  mal- 
heureusement brûlée  en  1802  (et  refaite  en  fer  par  Bel- 
langer  en  1811).  En  1780,  Legrand  et  Molinos  construi- 
sirent la  halle  aux  draps,  dont  l'escalier  est  remarquable. 
En  1788,  ils  furent  chargés  de  restaurer  la  célèbre  fontaine 
des  Innocents  qui  était  alors  située  au  coin  de  la  rue  Saint- 
Denis  et  de  la  rue  aux  Fers  et  engagée  dans  les  maisons 
sur  trois  faces  ;  les  architectes  isolèrent  le  monument,  le 
complétèrent  en  ajoutant  une  quatrième  face  et  des  bas- 
sins, et  lé  transportèrent  au  milieu  du  marché  des  Inno- 
cents. En  1789,  ils  construisirent  le  théâtre  Feydeâu  dé- 
truit depuis.  Legrand  a  publié,  en  1799,  un  Parallèle  de 
l'architecture  ancienne  et  moderne;  après  sa  mort  on 
fit  paraître  un  Essai  sur  l'histoire  générale  de  l'archi- 
tecture (1809).  ^  Ph.  B. 

LEGRAND  (Juste-Alexandre,  comte),  général  français, 
né  au  Plessis-sur-Saint-Just  (Oise)  en  1762,  mort  en  1815. 
Il  reprit  du  service  en  1790,  devint  chef  d'un  bataillon  de 
volontaires  de  la  Moselle  et  général  de  brigade  en  1793  ; 
sa  bravoure  le  fit  nommer  en  1799  général  de  division.  \\ 
se  signala  à  Hohenlinden,  à  Austerlitz  et  dans  la  retraite  de 
Russie  011  il  fut  blessé  grièvement  à  la  Berezina.  Nommé 
en  1813  sénateur,  il  se  soumit  en  1814  à  Louis  XVIII  qui 
le  créa  pair  de  France.  Ph.  B. 

LEGRAND  (Henri)  (V.  Turlupin). 

LE6RAN  D  (Alexis-Baptiste-Victor),  ingénieur  et  homme 
politique  français,  né  à  Paris  le  20  janv.  1791,  mort  à 
Uriage  (Isère)  le  25  août  1848.  Ancien  élève  de  l'Ecole 
polytechnique,  attaché  depuis  1815  à  lu  direction  générale 
des  ponts  et  chaussées,  il  devint  en  1 831  titulaire  de  ce 
haut  emploi  et,  un  peu  plus  tard,  sous-secrétaire  d'Etat  au 
ministère  des  travaux  publics  (1837)  et  président  de  section 
au  conseil  d'Etat  (1847).  La  France  lui  doit  un  grand 
nombre  de  routes,  de  canaux  et  le  tracé  de  ses  premières 
grandes  hgnes  de  chemins  de  fer.  Il  représenta  sans  inter- 
ruption, de  1832  à  1848,  les  électeurs  de  Murtain  à  la 
Chambre  des  députés,  où  il  prit  une  part  importante  à  l'éla- 
boration des  lois  sur  l'expropriation  (1833-41)  et  sur  la 
police  des  chemins  de  fer  (1845).  A,  Debidour. 

LEGRAND  (Alexandre,  ait  Legrand  d'Amiens),  méde- 
cin français,  né  vers  1800.  Il  se  fit  connaître  par  ses 
essais  pour  substituer  l'or  au  mercure  dans  le  traitement 


des  maladies  syphilitiques.  On  a  de  lui  :  De  l'Or,  de  son 
emploi  dans  le  traitement  de  la  syphilis  (1825-31). 

LEGRAND  (Pierre),  homme  pohtique  français,  né  à 
Lille  le  2  juin  1804,  mort  à  Lille  le  13  avr.  1859.  An- 
cien conseiller  de  préfecture,  il  fut  élu  député  du  Nord  au 
Corps  législatif  le  29  févr.  1832  avec  un  programme  hbé- 
ral.  Réélu  en  1857,  il  prit  une  part  assez  considérable  aux 
débats  sur  les  questions  juridiques.  Il  a  laissé  quelques  ou- 
vrages, entre  autres  :  Etudes  sur  la  législation  mili- 
taire (Paris,  1835,  in-8)  ;  les  Bourgeois  de  Lille  (2*^  éd., 
1851,  2  vol.  in-12);  Dictionnaire  du  patois  de  Lille 
(1856,  in-16,  2®  éd.);  Esquisse  d\m  code  criminel  de 
l'armée  {iS'61,  in-8). 

LEGRAND  (Charles-Dominique,  dit  Paul),  artiste  dra- 
matique et  mime  français,  né  à  Saintes  le  4  jaov.  1820. 
Venu  jeune  à  Paris,  il  exerça  divers  métiers  :  il  fut  bijou- 
tier, commis  voyageur,  etc.  ;  en  même  temps  il  jouait  au 
théâtre  Bonne-Nouvelle  et  sur  la  scène  de  la  Madeleine 
créée  en  1840.  En  1841,  il  entra  aux  Funambules  pour 
doubler  Deburau  (V.  ce  nom)  et  y  resta  jusqu'en  1847. 
En  1848,  il  fit  un  voyage  à  Londres.  lùi  1852,  il  passa  aux 
Folies-Mayer  qui  devinrent  les  Folies-Nouvelles  et  joua 
dans  de  nombreuses  pantomimes  le  personnage  de  Pierrot 
qu'il  varia  avec  talent  :  des  chefs  de  l'école  réaliste  écri- 
vaient le  scénario  de  ces  petites  pièces,  dont  il  composa 
lui-même  quelques-unes.  En  1856,  il  donna  une  grande 
représentation  au  Pré  Catelan  (Bois  de  Boulogne),  avec 
danses  et  pantomimes.  Il  se  retira  vers  1875  et  une  sous- 
cription fut  organisée  pour  lui  donner  quelques  ressources. 
En  1886,  les  frères  Larcher  ont  publié  :  Pantomimes  de 
Paul  Legrand.  Ph.  B. 

LEGRAND  (Arthur),  homme  pohtique  français,  né  à 
Paris  le  28  oct.  1833,  fils  d'Alexis  (V  ci-dessus).  Audi- 
teur au  conseil  d'Etat,  il  remplit  en  1862  une  mission 
officielle  en  Angleterre  relative  à  l'organisation  de  l'Expo- 
sition universelle,  travailla  à  la  grande  enquête  sur  la 
circulation  fiduciaire  et  monétaire  de  1865  et  devint  maître 
des  requêtes  en  1866.  Le  3  févr.  1871,  il  fut  élu  repré- 
sentant de  la  Manche  à  l'Assemblée  nationale  où  il  fit 
partie  du  groupe  bonapartiste  et  où  il  prit  une  part  très 
active  aux  débats.  Elu  député  de  Mortain  en  1876,  réélu 
comme  candidat  officiel  le  14  oct.  1877,  il  appuya  le 
gouvernernent  du  16  mai,  fut  réélu  encore  en  1881  et  ne 
posa  pas  sa  candidature  en  1885.  Il  se  représenta  avec 
succès  en  1889  et  fat  encore  réélu  en  1893.  On  a  de 
lui  un  certain  nombre  d'opuscules  dont  une  partie  a  été 
réunie  {Etudes  économiques;  Paris,  1881,  in-12). 

LEGRAND  (Pierre),  homme  pohtique  français,  né  à 
Lille  !e  13  mai  1834,  fils  de  Pierre  (V.  ci-dessus).  Avocat 
renommé  à  Lille,  bâtonnier  de  l'ordre,  il  fut  secrétaire 
général  de  la  préfecture  du  Nord  sous  le  gouvernement  de 
la  Défense  nationale  et  devint  député  de  Lille  le  20  févr. 
1876.  Il  fit  partie  des  363,  fut  réélu  avec  eux  en  1877 
et  en  1881,  rapporta  le  grand  projet  de  réforme  de  la 
magistrature  de  1882  et  entra  dans  le  cabinet  Duclerc  du 
7  août  1882  avec  le  porîefeuille  du  commerce  qu'il  con- 
serva dans  le  cabmot  Fallières  du  29  janv.  1883  et  qu'il 
reprit  encore  dans  le  cabinet  Brisson  du  6  avr.  1885.  11 
ne  fut  pas  réélu  aux  élections  générales  de  1885.  Il  prit 
sa  revanche  lors  de  l'élection  partielle  du  27  nov.  1887  et 
redevint  encore  membre  du  commerce  et  do  l'industrie  dans 
le  cabinet  Fioquet  du  3  avr.  1888.  Il  combattit  le  boulan- 
gisme  et  fut  réélu  parla  3**-  circonscription  de  Lille  en  1889 
et  1893.  il  a  été  un  des  organisateurs  de  l'Exposition  uni- 
verselle de  1889. 

LEGRAND  (Géry),  homme  politique  français,  né  à  Lille 
le  23  mai  1837,  frère  du  précédent.  Collaborateur  de 
l'Echo  du  Nord,  fondateur  du  Progrès  du  Nord,  de  la 
Feuille  des  campagnes,  etc.,  il  fut  élu  sénateur  du  Nord 
le  21  juin  1888  en  remplacement  de  M.  Carnot,  inamo- 
vible, décédé,  [l  siège  à  gauche.  On  a  de  lui  :  les  Grâces 
d'état  (1862,  in-12),  comédie  en  collaboration  avec  Gas- 
ton Bergeret  ;  les  Chansons  de  Desrousseaux  (1872,  in-4)  ; 


LEGRAND  —  LEGRIS 


—  4460 


sous  le  pseudonyme  de  Jonathan  Millier  :  les  Augures 
(4869,  in-8),  pièce  en  trois  actes,  etc. 

LEGRAND  (Emile),  philologue  français,  né  à  Fontenay- 
le-Marmion  (Calvados)  en  4844.  Professeur  de  grec  mo- 
derne (depuis  4887)  à  l'Ecole  spéciale  des  langues  orientales 
vivantes,  il  a  publié  un  grand  nombre  d'ouvrages,  parmi 
lesquels  nous  citerons  :  Grammaire  grecque  moderne 
(4878,  in-8);  Bibliographie  hellénique  (4883,  2  vol. 
gr.  in-8)  ;  Dictionnaire  français-grec  moderne  et  grec 
moderne- français  (4885,  1  vol.  in-32);  Chansons  et 
coîites  populaires  de  la  Calabre  (4870,  in-8)  ;  Collec- 
tions de  monuments  pour  servir  à  F  étude  de  la  langue 
néo-hellénique  (4869-75,  24  vol.  in-8)  ;  Chansons 
populaires  grecques  (4876,  in-8)  ;  Recueil  de  contes 
populaires  grecs  (4884,  in-46)  ;  Bibliothèque  grecque 
vulgaire  (4880-90, 5  vol.  gr.  ïn--8)  ;  la  Terre  des  Pha- 
raons (4888,  in-8),  etc. 

LEGRAND  (Louis),  homme  politique  français,  né  à  Va- 
lenciennes  le  30  mars  1842.  Docteur  en  droij,  docteur 
es  lettres,  il  plaida  au  barreau  de  Paris  de  4  863  à  4867, 
à  celui  de  Valenciennes  de  4867  à  4878  et  fut  sous-préfet 
de  Valenciennes  en  4870.  Pendant  la  guerre  franco-alle- 
mande, il  commanda  un  bataillon  de  mobiles  à  l'armée  du 
Nord.  Elu  député  de  Valenciennes  le  20  févr.  4876,  il  fit 
partie  des  363,  fut  réélu  avec  eux  en  4877  et  de  nouveau 
en  4881.  Membre  de  la  gauche  républicaine,  il  s'occupa 
beaucoup  des  questions  extérieures  et  des  questions  ou- 
vrières. Il  démissionna  pour  occuper  le  poste  de  ministre 
plénipotentiaire  à  La  Haye  (30  oct.  4  882).  Il  fut  nommé 
membre  correspondant  de  l'Académie  des  sciences  morales 
et  politiques  le  4^"^  févr.  4890.  Il  a  donné  :  Du  Divorce  et 
de  la  séparation  de  corps  (Versailles,  4865,  in-8); 
Sénac  de  Meilhan  (Paris,  4868,  in-8)  ;  le  Mariage  et 
les  mœurs  en  France  (4879,  in-8)  ;  Compte  rendu  de 
la  législature  au  nom  de  la  gauche  républicaine  (4  881 , 
in-42);  Rapport  sur  les  conditions  du  travail  dans  les 
Pays-Bas  et  le  Luxembourg  (4890,  in-8)  ;  V Organisa- 
tion des  Indes  néerlandaises  (iSSl ,  in-8),  etc. 

LEGRAND  d'Aussy  (Pierre- Jean-Baptiste),  littérateur 
français,  né  à  Amiens  le  3  juin  4737,  mort  à  Paris  le  6  déc. 
4800.  Entré  dans  l'ordre  des  jésuites,  il  enseigna  d'abord 
la  rhétorique  à  Caen,  puis  se  fixa  à  Paris  lorsque  l'ordre 
eut  été  supprimé  par  Clément  XIV,  et  se  lia  avec  le  mar- 
quis de  Paumy  et  La  Curne  de  Sainte-Palaye,  sous  l'in- 
fluence desquels  il  s'occupa  surtout  de  la  littérature  du 
moyen  âge.  Il  devint  conservateur  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale et  membre  de  l'Institut.  Legrand  d'Aussy  est  un  vul- 
garisateur dont  les  publications,  accueillies  avec  faveur  au 
moment  où  elles  parurent,  n'offrent  plus  grand  intérêt  au- 
jourd'hui où  l'étude  du  moyen  âge  repose  de  plus  en  plus 
sur  les  textes  et  non  sur  des  à  peu  près  et  des  adaptations 
plus  ou  moins  bien  réussies.  On  a  de  lui  :  Fabliaux  ou 
contes  des  xn^  et  xiii^  siècles,  traduits  ou  extraits 
d'après  divers  manuscrits  du  temps  (Paris,  4779,  3  vol. 
in-8  ;  2^  éd.,  id,,  4784,  5  vol.  m-8,  augmentée  d'une 
dissertation  sur  les  troubadours  ;  3^  éd.,  id.,  4829,  avec 
un  avertissement  signé  A. -A.  Renouard)  ;  Histoire  de  la 
vie  privée  des  Français  depuis  l'origine  de  la  nation 
(Paris,  4783,  3  vol.  in-8;  nouv.  éd.  par  Roquefort,  id,, 
4845,  3  vol.  in-8);  Voyage  dans  la  Haute  et  Basse- 
Auvergiie  (Paris,  4788,  in-8)  ;  Vie  d'Apollonius  de 
Thyane  (Paris,  4807,  2  vol.  in-8).  Plusieurs  mémoires 
particuliers  ont  été  insérés  par  lui  dans  le  recueil  de  l'Ins- 
titut. Ant.  T. 

LEGRAND  de  l'Oise (Louis-Victorin),  homme  pohtique 
français,  né  à  Saint-Just  le  20  janv.  4794,  mort  à  Saint- 
Just  le  2  avr.  4878.  Employé  dans  l'administration  des 
finances  de  4809  à  4824,  il  démissionna  pour  se  livrer  à 
l'agriculture.  Le  5  juil.  4834,  il  fut  élu  député  de  l'Oise, 
siégea  au  centre  gauche  et  devint  en  4836  secrétaire  géné- 
ral du  ministère  du  commerce  et  directeur  de  l'agriculture 
et  des  haras.  Réélu  le  25  mars  4836,  puis  le  44  août  de 
la  même  année  parce  qu'il  avait  été  pourvu  de  l'emploi  de 


directeur  des  eaux  et  forêts,  il  fut  membre  du  tiers  parti 
et  fut  constamment  réélu  par  l'Oise  jusqu'en  4848.  Il  fut 
mis  de  nouveau  à  la  tête  de  l'administration  des  forêts  en 
4839  et  en  4843.  Il  apporta  dans  ce  service  une  grande 
compétence  et  le  dirigea  habilement  (reboisements,  etc.)  ; 
il  est  un  des  auteurs  de  la  loi  sur  la  police  de  la  chasse. 
11  fut  encore  directeur  des  contributions  indirectes  et  secré- 
taire général  du  ministère  des  finances. 

LEGRAND-Descloizeaux  (V.  Descloizeaux) . 

LEGRAN  D  DU  Saulle  (Henri),  médecin  aliéniste  français, 
né  à  Dijon  le  46  avr.  4830,  mort  à  Paris  le  6  mai  4886. 
Il  étudia  à  Dijon  et  fut  interne  successivement  à  l'asile  de 
cette  ville,  à  celui  de  Quatre-Mares,  près  de  Rouen,  et  à  celui 
de  Charenton,  puis  docteur  à  Paris  en  4856  (De  la  Mono- 
7nanie  incendiaire).  Collaborateur  à  la  Gazette  des  hôpi- 
taux de  4854  à  4862,  il  y  pubha  presque  toutes  les  leçons 
cliniques  de  Trousseau.  A  partir  de  4862,  il  se  livra  exclu- 
sivement à  la  psychiatrie,  fut  nommé  en  4863  médecin 
expert  près  le  tribunal  civil  de  la  Seine,  en  4867,  méde- 
cin de  l'hospice  de  Bicêtre,  en  4868  médecin  en  chef  du 
dépôt  de  la  Préfecture,  en  4879  médecin  de  la  Salpêtrière. 
Pendant  neuf  ans,  Legrand  du  Saulle  fut  rédacteur-gérant 
des  Annales  médico-psychologiques;  en  4868,  il  fonda, 
avec  Gallard  et  Devergie,  la  Société  de  médecine  légale, 
puis  avec  Baillarger  l'Association  mutuelle  des  médecins 
aliénistes  de  France.  Le  cours  qu'il  fit  à  l'Ecole  pratique 
de  4864  à  4873  et  ses  leçons  cliniques  de  la  Salpêtrière  en 
4880  eurent  beaucoup  de  succès.  —  Ouvrages  principaux  : 
la  Folie  devant  les  tribunaux  (Paris,  4864,  in-8)  ;  le 
Délire  des  persécutions  (Paris,  4871,  in-8)  ;  la  Folie 
héréditaire  (Paris,  1873,  in-8);  la  Folie  du  doute...  (Pa- 
ris, 4875,  in-8);  Traité  de  médecine  légale,  etc.  (Paris, 
4874,  in-8);  Etude  méd.-lég.  sur  les  épileptiques  (Psi- 
ris,  4877,  in-8);  Etude  méd.-lég.  sur  les  testaments 
contestés  (Vms,  iS19,  in-8);  Etude  méd-lég.  sur  Vin- 
terdiction  des  aliénés  (Paris,  4880,  in-4).     D^  L.  Hn. 

L  EG  RAS  (Louise  de  Mâusillac,  (?  ime)  (V.  Charité  [Filles 
de  la]). 

LEGRAS  (Louis-Jules),  hom.ne  politique  français,  né  à 
Longue  ville  (Seine-Inférieure'  le  22  août  4840.  Proprié- 
taire, maire  de  Longuevillo ,  il  fut  élu  député  de  la  2^  cir- 
conscription de  Dieppe  en  1889,  avec  un  programme  répu- 
blicain. Il  a  été  réélu  en  4893, 

LEGRENZI  (Giovanpi),  compositeur  italien,  né  à  Clu- 
sone,  près  de  Bergame,  vers  4625,  mort  à  Venise  en  4690. 
Elève  de  Pallavicino,  il  fut  d'abord  organiste  à  Bergame. 
On  le  trouve  en  4664  maître  de  chapelle  de  l'église  du 
Saint-Esprit,  à  Ferrare,  en  4672  directeur  du  conserva- 
toire dei  Mendicanti  à  Venise  et  depuis  4685  maître  de 
chapelle  de  Saint-Marc,  à  Venise.  Son  premier  opéra,  Achille 
in  Sciro,  fut  joué  à  Venise  en  4664  ;  le  dix-septième  et 
dernier,  Pertinace,  en  4684.  Legrenzi  a  publié  un  grand 
nombre  d'œuvres  vocales  et  instrumentales  qui  se  dis- 
tinguaient par  l'élégance  de  la  mélodie  et  l'entente  de 
l'effet. 

LEGRIS-DuvAL  (René-Michel),  prédicateur  français,  né 
à  Landerneau  en  4765,  mort  en  4819.  Pendant  la  Révo- 
lution, malgré  les  peines  édictées  contre  les  prêtres  réfrac- 
taires,  il  resta  en  France  et  s'établit  à  Versailles,  pour 
donner  les  secours  de  la  religion  à  ceux  qui  refusaient  le 
ministère  des  prêtres  assermentés.  Après  la  condamnation 
de  Louis  XVI,  il  se  rendit  auprès  de  la  Commune  de  Paris 
pour  la  prier  d'offrir  au  roi  son  assistance  ecclésiastique. 
Il  fallut  l'intervention  du  conventionnel  Matthieu  pour  em- 
pêcher son  arrestation.  En  1810,  il  s'occupa  activement 
de  recueillir  des  fonds  pour  les  cardinaux  exilés.  A  la 
Restauration,  il  devint  prédicateur  ordinaire  du  roi.  En 
4847  on  lui  offrit  un  évêché,  puis  l'office  d'aumônier  de 
Monsieur  ;  il  les  refusa.  Nous  avons  mentionné  ailleurs  la 
part  que  l'abbé  Legris-Duval  prit  aux  travaux  de  la  Con- 
grégation (V.  ce  mot,  t.  XII,  p.  423).  —  OEuvres  :  le 
Mentor  chrétien  ou  le  Catéchisme  de  Fénelon  (Paris, 
4797,  in-42);  Discours  en  faveur  des  départements 


1161  — 


LEGRIS  -  LEGS 


ravagés  par  la  guerre  (Paris,  18i«^),  in-8);  Sermons  de 
M.  Vabbé  Duval^  prédicateur  ordinaire  du  roi  (Paris, 
1820,  2vol.  in-12;  18^3,  portr.).  E.-H.  V. 

LEGROS  (Pierre),  sculpteur  français,  né  à  Chartres  le 
27  mai  1629,  mort  à  Paris  le  10  mai  1714.  Elève  de 
Jacques  Sarrazin,  Legros  fut  reçu  membre  de  TAcadémie 
le  30  juil.  1666,  sur  un  Saint  Pierre  en  marbre.  En 
1702,  il  fut  nommé  professeur.  On  lui  doit  un  grand 
nombre  de  statues  pour  le  palais  et  les  jardins  de  Versailles, 
des  groupes  dont  les  sujets  sont  empruntés  à  la  mytho- 
logie antique,  des  figures  allégoriques,  des  bas-reliefs,  des 
figures  en  plomb  destinées  à  orner  des  fontaines,  des  balus- 
trades de  galeries  et  de  parterres.  En  1681,  il  a  travaillé 
à  la  clôture  du  chœur  de  la  cathédrale  de^hartres. 

Son  fils  aîné,  Pierre,  fut  son  élève  (V.  Gros  [Pierre 
Le]).  —  Son  autre  fils,  Jean  (1671-1745),  fut  peintre 
de  portraits. 

LEGROS  (M"^^),  femme  célèbre  par  son  dévouement  au 
prisonnier  Latude  (V.  ce  nom).  Elle  obtint  en  1784  un 
prix  de  vertu  de  l'Académie  française  et  mourut  quatre  ans 
plus  tard. 

LE  GROS  (Sauveur),  littérateur  et  graveur  français,  né 
à  Versailles  le  27  avr.  1754,  mort  à  Enghien  (Relgique) 
le  15  mars  1834.  D'abord  artiste  dramatique  à  Bruxelles, 
puis  secrétaire  et  compagnon  du  maréchal  prince  de  Ligne, 
il  consacrait  ses  loisirs  à  la  poésie  et  à  la  pratique  de  la 
gravure,  et  fut  chargé,  dit-on,  de  la  rédaction  du  Journal 
de  Cléry  (V.  ce  nom),  valet  de  chambre  de  Louis  XVL 
Loumyer  a  publié  ses  Poésies  choisies  (Bruxelles,  1857, 
in~18),  avec  le  catalogue  de  ses  gravures,  rédigé  par 
F.  Hillemacher,  et  comprenant  plus  de  130  pièces,  princi- 
palement des  eaux-fortes.  G.  P-ï. 

LEGROS  (Alphonse),  peintre  et  graveur  français,  né  à 
Dijon  le  8  mai  1837.  Il  fut,  jusqu'en  1848,  peintre  en  bâti- 
ments. Il  devint  ensuite,  à  Dijon,  élève  de  l'Ecole  des  beaux- 
arts,  sous  la  direction  de  Lecoq  de  Boisbaudran  et  exécuta, 
à  fresque,  des  peintures  dans  une  église  de  Lyon.  Il  vint  à 
Paris  en  1851,  entra  dans  l'atelier  du  peintre  décorateur 
Cambon  et  en  1855  à  l'Ecole  des  beaux-arts,  avec  Belloc. 
Il  débuta  au  Salon  de  1857,  et,  en  même  temps,  se  mit  à 
Feau-forte,  à  la  peinture,  et  aussi  au  modelage.  Il  voyagea 
en  Espagne,  d'où  il  rapporta  de  nombreuses  études, 
entre  autres  les  Chanteurs  espagnols.  En  1863,  il  quitta 
la  France  pour  l'Angleterre  et  devint  professeur  à  l'Uni- 
versity  Collège  de  South  Kensington,  à  Londres,  où  il  réside 
encore.  Son  talent  est  sévère  avec  une  tendance  à  l'ar- 
chaïsme qui  a  fait  surnommer  Legros  «  Alceste  »,  en 
Angleterre.  Comme  peintre,  son  coloris  est  chaud,  son 
exécution  large,  et,  si  les  premières  impressions  sont  pré- 
cises, sa  facture,  dans  le  détail,  accuse  quelques  négli- 
gences. Œuvres  principales  :  Ex-voto  (musée  de  Dijon  ; 
S.  de  1861);  Amende  honorable  (musée  du  Luxem- 
bourg; S.  de  1868).  Le  Catalogue  raisonné  de  V œuvre 
gravé  et  lithographie  d'Alphonse  Legros  a  été  publié 
par  A.  Poulet- Malassis  et  A.-W.  Thibaudeau  (Paris, 
1877,  in-8). 
BiBL.  :  BÉRALDi,  les  Graveurs  au  xix»  siècle. 

LEGS.  I.  Droit  romain.  —  Le  legs  (legatum)  est  une  dis- 
position de  dernière  volonté  faite  à  titre  gratuit,  par  laquelle 
un  testateur  donne  à  une  personne  un  droit  réel  sur  une 
chose  de  la  succession,  ou  un  droit  de  créance  contre  l'héri- 
tier. Ainsi  le  legs  enlève  à  l'héritier  une  partie  du  bénéfice 
de  son  institution,  ou,  ce  qui  revient  au  même,  lui  impose 
une  charge.  C'est,  selon  le  langage  des  jurisconsultes,  une 
delibatio  hereditatis.  Le  bénéficiaire  du  legs,  légataire 
(/^^a^anw5),n'est  jamais  un  successeur  universel  aux  biens, 
sauf  le  cas  exceptionnel  du  legs  partiaire.  Il  n'est  qu'un 
successeur  particulier  du  défunt  ou  un  créancier  de  l'hé- 
ritier ;  il  n'est  donc  jamais  tenu  des  dettes  héréditaires. 
A  l'époque  classique,  le  legs  se  fait  par  testament  ou  par 
codicille  confirmé.  Il  est  une  dépendance  de  l'acte  par  le- 
quel le  citoyen  se  choisit  un  héritier,  un  continuateur  de 
sa  personne.  Il  ne  peut  exister  et  produire  son  effet  sans 


une  institution  d'héritier  préalable  dans  l'acte  écrit  ou  oral 
constituant  le  testament,  et  cette  institution  doit  venir 
avant  la  disposition  concernant  le  légataire.  Peut-être  n'en 
était--il  pas  ainsi  à  l'époque  des  XII  Tables.  La  loi  dé- 
cemvirale  admettait  sans  doute  le  legs  (legare),  mais  se 
faisait  de  lui  une  notion  plus  large  que  par  la  suite.  On 
entendait  par  là  toute  disposition  de  dernière  volonté  re- 
lative à  la  fortune  disponible  du  défunt  (pecunia)  ou  ré- 
glant la  protection  de  son  patrimoine  (tutela  suœ  rei)., 
Ainsi  compris,  le  legs,  loin  d'être  une  dépendance  de  l'ins- 
titution, en  était  distinct  au  point  qu'il  ne  supposait  même 
pas  une  institution  préalable.  Ce  point  de  vue,  abandonné 
durant  plusieurs  siècles  pour  les  legs  véritables,  se  main- 
tint pourtant  durant  ce  même  laps  de  temps  pour  cer- 
taines dispositions,  comme  la  dation  d'un  tuteur  (tutoris 
datio)^  semblables  au  legs  et  qui  pouvaient  précéder,  dans 
l'écrit  testamentaire,  l'institution  d'un  héritier.  De  nouveau 
ce  principe  triomphe  sous  Justinien,  en  ce  sens  du  moins 
que  toute  espèce  de  legs  peut  venir  avant  l'institution.  Cette 
décision,  suite  naturelle  de  la  décadence  du  formalisme, 
n'empêche  pas  le  legs  de  demeurer  une  dépendance  de  l'ins- 
titution: un  testament  qui  ne  contiendrait  que  des  legs 
n'aurait  même,  sous  Justinien,  aucune  efficacité. 

Les  formules  dont  on  devait  se  servir  pour  faire  un  legs 
étaienttoutes  conçues  en  termes  impératifs  :  do,  lego,  dam- 
nas esto.  Elles  variaient  selon  l'étendue  du  droit  que  le 
testateur  voulait  conférer  au  légataire.  On  distinguait  à  cet 
égard  deux  types  principaux  :  la  forme  per  vindicatio- 
nem,  donnant  au  légataire  un  droit  de  propriété  ou  un 
droit  réel  et  la  forme  per  damnationem,  ne  lui  accordant 
qu'un  droit  de  créance  contre  l'héritier.  Mais  les  progrès 
du  droit  amenèrent  là  encore  la  disparition  du  formalisme. 
Commencée  de  bonne  heure  par  le  sénatus-consulte  Néro- 
nien,  cette  réforme  fut  menée  à  bonne  fin  par  Justinien. 
Il  supprima  l'antique  classification  des  legs,  fondée  sur  les 
formules  employées  et  n'admit  plus  qu'une  seule  espèce  de 
legs  donnant,  selon  la  nature  du  droit  légué,  un  droit  de 
propriété  directe  au  légataire  ou  simplement  un  droit  de 
créance.  —  Toute  chose  corporelle  ou  incorporelle  peut  faire 
l'objet  d'un  legs.  Comme  legs  de  choses  incorporelles,  il 
faut  citer  le  legs  d'un  ensemble  de  biens  et  notamment  le 
legs  d'une  quote-part  de  la  succession,  legatum  partitio- 
nis,  qui  se  rapproche  de  l'institution,  mais  sans  se  con- 
fondre avec  elle.  —  Le  legs  n'est  acquis  au  légataire  que 
du  jour  où  l'hérédité  est  acquise  à  l'héritier.  Toutefois,  les 
Romains  admettent  que  dès  avant  ce  moment  le  légataire 
peut  avoir  une  sorte  de  droit  éventuel  au  legs,  dont  l'effet 
est  de  le  mettre  à  l'abri  des  négligences  calculées  de  l'hé- 
ritier se  refusant  à  faire  addition. 

Diverses  causes  peuvent  faire  obstacle  à  l'acquisition  du 
legs.  Les  unes,  comme  le  refus  du  légataire,  sont  indépen- 
dantes de  la  volonté  du  testateur;  d'autres,  comme  la  ré- 
vocation du  legs,  dépendent  de  sa  volonté.  De  ces  dernières, 
il  faut  rapprocher  le  cas  où  le  testateur  a  exagéré  le  nombre 
ou  la  quotité  de  ses  legs,  de  façon  à  ne  laisser  à  l'héritier 
qu'un  bénéfice  insignifiant.  Diverses  lois  (loi  Furia,  loi 
Voconia)  essayèrent  de  restreindre  dans  de  sages  limites 
la  liberté  de  disposer  par  legs.  La  loi  Falcidie'(V.  Falcï- 
die)  parvint  à  donner  une  solution  équitable  conciliant 
dans  une  mesure  heureuse  les  droits  de  l'héritier  institué 
et  ceux  des  légataires.  —  Le  legs  étant  une  delibatio  he- 
reditatis, il  est  logique  qu'il  reste  dans  l'hérédité  lorsque 
pour  une  cause  quelconque  il  échappe  au  légataire.  Le 
défaut  d'acquisition  du  legs  profite  donc  en  principe  à  l'hé- 
ritier. Toutefois,  il  profite  à  d'autres  légataires  dans  le  cas 
d'accroissement. 

A  partir  du  moment  où  fut  reconnue  l'efficacité  du 
fidéicommis,  ce  genre  de  libéralité  fit  concurrence  au  legs, 
à  raison  des  facilités  considérables  qu'y  trouvaient  le  dis- 
posant et  le  bénéficiaire.  Mais  peu  à  peu  ces  avantages  ten- 
dirent à  se  restreindre  et  sous  Justinien,  Punifi cation  de 
ces  deux  genres  de  libéralité  à  cause  de  mort  est  faite 
dans  la  pratique  sur  presque  tous  les  points.  L'empereur 


LEGS 


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n'eut  plus  qu'à  sanctionner  ces  résultats.  Désormais  il 
n'existe  qu'une  façon  de  disposer  par  acte  de  dernière  vo- 
lonté en  dehors  de  l'institution  d'un  héritier.  C'est  le  legs- 
fidéicommis  soumis  à  des  règles  empruntées  à  la  fois  à 
l'ancien  legs  et  à  l'ancien  fidéicommis.  Toutefois,  le  fidéi- 
commis d'hérédité  à  raison  de  sa  grande  analogie  avec  l'hé- 
rédité ne  s'est  jamais  fusionné  avec  le  legs.   "      G.  M. 

II.  Ancien  droit.  —  Dans  les  pays  de  droit  écrit,  on  a 
continué  à  subordonner,  comme  en  droit  romain,  l'effica- 
cité des  legs  à  la  validité  de  Vinstitution  d'héritier  (V. 
ce  mot).  Il  n'en  était  pas  de  même  dans  les  pays  de  cou- 
tumes ;  ceux  qui  avaient  reçu  des  libéralités  testamentaires 
devaient  s'adresser  à  l'héritier  du  sang  pour  obtenir  la 
délivrance.  L'institution  d'héritier,  d'après  les  coutumes, 
ne  valait  que  comme  legs,  jusqu'à  concurrence  de  ce  dont 
le  testateur  pouvait  disposer.  Les  legs,  comme  les  donations, 
devaient  être  acceptés.  Mais  cette  nécessité  d'une  accepta- 
tion n'empêchait  pas  que  la  propriété  de  la  chose  léguée 
ne  passât  au  légataire  dès  l'instant  de  la  mort  du  testateur  ; 
l'acceptation  avait  un  effet  rétroactif  remontant  à  ce  mo- 
ment. L'acquisition  de  la  propriété  ne  donnait  pas  au  léga- 
taire le  droit  de  se  mettre  en  possession  de  la  chose  léguée; 
il  devait  en  demander  la  délivrance  à  l'héritier  saisi.  Ce 
principe,  conforme  aux  lois  romaines  et  non  aux  coutumes, 
a  été  consacré  par  l'ordonnance  de  1735,  et  il  s'appliquait 
rigoureusement  aux  legs  d'immeubles,  tant  ordinaires  que 
pieux.  Quant  aux  meubles,  la  délivrance  faite  aux  légataires 
par  l'exécuteur  testamentaire  suffisait  pour  le  mettre  à 
l'abri  des  poursuites  de  l'héritier  ;  les  coutumes  de  la  Nor- 
mandie, d'Orléans,  de  Chauny  contenaient  des  dispositions 
en  ce  sens. 

Un  legs  pouvait  être  universel  ou  particulier,  pur  et 
simple  ou  conditionnel,  ou  fait  pour  être  exécuté  dans  un 
certain  temps  seulement.  L'indication  d'une  cause  fausse 
accompagnant  le  legs  ne  le  viciait  pas.  Etaient  incapables 
de  recevoir  un  legs  :  1^  ceux  qui  avaient  perdu  les  droits 
civils,  soit  par  une  condamnation  entraînant  mort  civile, 
soit  par  suite  de  vœux  religieux  ;  2°  les  corps  et  commu- 
nautés non  approuvés  par  le  prince  ;  3*^  les  bâtards, 
adultérins  et  incestueux,  sauf  pour  aHments  ;  4"  enfin, 
d'après  la  plupart  des  coutumes,  les  témoins  qui  signent 
le  testament,  tandis  qu'au  contraire  ils  étaient  capables  en 
droit  romain.  L'Eglise  et  les  communautés  approuvées  de- 
vaient, pour  recevoir  un  legs,  se  conformer  aux  prescrip- 
tions de  l'édit  d'aoîit  1749;  les  fabriques,  hôpitaux  et 
autres  établissements  de  charité  devaient  se  soumettre  aux 
conditions  portées  dans  les  déclarations  des  20  juil.  1762 
et  26  mai  1774.  Dans  les  pays  de  droit  écrit,  on  appli- 
quait encore  la  quarte  Falcidie,  permettant  à  l'héritier  de 
retenir  le  quart  des  biens.  A  Paris,  on  pouvait  donner  par 
legs  tous  les  meubles  et  acquêts,  et  un  cinquième  de  ses 
propres,  ou  quint.  Dans  la  plupart  des  coutumes,  les  qua- 
lités d'héritier  et  de  légataire  étaient  incompatibles  ;  mais 
on  pouvait  être  héritier  dans  une  coutume  et  légataire 
dans  une  autre  où  l'on  n'était  pas  habile  à  succéder.  Les 
légataires  avaient,  comme  dans  le  droit  de  Justinien,  les 
trois  actions,  réelle,  personnelle  et  hypothécaire.  Cependant 
l'hypothèque  n'était  pas  admise  dans  les  pays  de  nantisse- 
ment, qui  rejetaient  absolument  toute  hypothèque  si  elle 
n'avait  pas  été  acquise  par  cette  voie.  Mais,  dans  ces  cou- 
tumes, le  légataire  jouissait  du  privilège  que  l'ancien  droit 
romain  lui  accordait  contre  les  créanciers  de  l'héritier  par 
l'effet  de  la  séparation  des  biens.  Dans  le  Hainaut,  les 
légataires  n'avaient  aucun  privilège  contre  les  créanciers 
de  ^héritier,  parce  que  la  séparation  des  biens  n'y  était  pas 
admise.  Gustave  Regelsperger. 

IIÏ.  Droit  actuel.  —  Les  legs  se  distinguent  en  :  uni- 
versels, lorsque  le  légataire  a  un  droit  éventuel  à  la  totalité  de 
la  succession  ;  à  titre  universel,  lorsqu'ils  sont,  soit  de  tous 
les  immeubles  ou  de  tous  les  meubles  de  la  succession, 
soit  d'une  fraction,  la  moitié,  le  tiers  des  biens  dispo- 
nibles, soit  encore  d'une  fraction  de  tous  les  immeubles 
ou  de  tous  les  meubles,  soit  enfin  d'une  fraction  d'un  en- 


semble de  biens  déterminé  ;  particuliers,  lorsqu'ils  n'entrent 
dans  aucune  de  ces  deux  catégories.  Le  droit  éventuel  à  la 
totalité  de  la  succession,  c'est  que  le  légataire  universel 
voit  sa  part  grossie  de  tous  les  autres  legs  universels,  à 
titre  universel,  ou  particuliers  qui  ne  peuvent  être  exécutés, 
soit  par  renonciation  ou  décès  du  légataire,  soit  parce  que 
la  disposition  aura  été  annulée  pour  une  cause  quelconque. 
Le  légataire  universel  est  celui  à  qui  il  a  été  légué  tous  les 
biens  ou  la  nue  propriété  de  tous  les  biens.  Le  legs  d'une 
somme,  d'un  immeuble,  de  tous  les  meubles  ou  immeubles 
situés  dans  tel  département,  de  l'usufruit  de  tout  ou  partie 
des  biens  est  un  legs  particulier. 

Quelle  que  soit  la  dénomination  employée  par  le  testa- 
teur, la  constitution  du  legs  est  valable,  et  aucune  distinc- 
tion n'existe  plus  aujourd'hui  entre  l'institution  d'héritier 
et  le  legs.  Les  deux  expressions  ne  désignent  qu'une  seule 
et  même  disposition  testamentaire. 

Le  légataire  universel  ou  à  titre  universel  acquiert  par 
le  seul  fait  de  la  mort  du  testateur  la  propriété  de  son  legs. 
Le  légataire  particulier  n'est  investi  que  d'un  droit  à  la 
chose  léguée,  droit  de  propriété  si  le  legs  est  d'un  corps 
certain,  droit  de  créance  s'il  a  pour  objet  une  chose  déter- 
minée quant  à  l'espèce  seulement.  Il  aura  donc,  dans  le 
premier  cas,  une  action  en  revendication,  dans  le  second 
une  simple  action  personnelle,  mais  son  droit  sera  toujours 
garanti  par  une  action  hypothécaire  sur  tous  les  immeubles 
de  la  succession,  lui  assurant  un  droit  de  préférence  sur 
les  créanciers  personnels  du  débiteur  du  legs,  un  droit  de 
suite,  ainsi  que  celui  d'exiger  tout  son  legs  de  celui  des 
débiteurs  du  legs  dans  le  lot  duquel  se  trouvera  un  im- 
meuble héréditaire. 

Dès  l'instant  du  décès  du  testateur,  et  sauf  le  cas  d'un 
legs  conditionnel  ou  à  terme,  la  propriété  de  la  chose  léguée 
passe  au  légataire  qui  peut  par  suite  en  disposer  et  dès  ce 
moment  la  transmettre  à  ses  héritiers.  Il  pourra  aussi  exi- 
ger que  son  legs  lui  soit  délivré.  Le  legs  conditionnel  ne 
sera  acquis,  transmissible  et  exigible,  que  si  la  condition 
s'est  réalisée  du  vivant  du  légataire  ;  le  legs  à  terme,  acquis 
et  transmissible  dès  le  décès  du  testateur,  n'est  exigible 
qu'à  l'échéance  du  terme. 

Pour  être  mis  en  possession  de  son  legs,  le  légataire, 
autre  que  le  légataire  universel  qui  ne  se  trouve  pas  en 
concours  avec  un  héritier  réservataire  (V.  ce  mot)  doit, 
après  que  le  testament  (V.  ce  mot)  aura  été  ouvert  avec 
les  formalités  prescrites  par  le  code,  accomplir  deux  for- 
malités essentielles  :  d'abord  faire  enregistrer  (à  ses  frais, 
si  le  testateur  n'en  a  pas  ordonné  autrement)  le  testament, 
ou  au  moins  la  partie  du  testament  qui  contient  la  dispo- 
sition dont  il  bénéficie,  puis  demander  la  délivrance  de  son 
legs.  Lorsqu'il  y  a  un  héritier  à  réserve,  c'est  à  lui  que  le 
légataire  universel  doit  s'adresser.  C'est  également  de  l'hé- 
ritier quel  qu'il  soit,  réservataire  ou  non,  s'il  en  existe, 
que  le  légataire  à  titre  universel  devra  obtenir  la  déli- 
vrance de  son  legs.  Si  à  côté  de  cet  héritier  se  trouve  un 
légataire  universel  qui  a  déjà  été  mis  en  possession,  c'est 
à  ce  dernier  qu'il  devra  s'adresser.  Enfin  le  légataire  par- 
ticulier doit  être  mis  en  possession  de  son  legs  par  celui, 
quel  qu'il  soit,  héritier  ou  légataire,  qui  en  est  détenteur. 
En  même  temps  que  leur  legs,  les  légataires  demanderont 
et  obtiendront  les  fruits  et  intérêts  auxquels  ils  ont  droit 
du  jour  de  leur  demande  en  délivrance.  Seuls,  les  légataires 
universels  qui  ont  formé  leur  demande  dans  l'année  du 
décès  du  testateur  ont  droit  aux  fruits  et  intérêts  du  jour 
de  ce  décès. 

Mais  les  légataires  n'obtiendront  pas  toujours  l'inté- 
gralité de  leur  legs.  La  déUvrance  des  legs  particuliers 
pourra  quelquefois  réduire  le  legs  universel  ou  à  titre 
universel,  et  même,  dans  quelques  cas,  certains  legs 
particuliers.  Le  payement  des  dettes  de  la  succession  sera 
aussi  souvent  une  cause  de  réduction  de  l'importance  du 
legs.  En  effet,  une  fois  la  part  attribuée  à  l'héritier  réser- 
vataire (s'il  en  existe)  prélevée,  la  portion  disponible  va 
avoir  à  acquitter  tous  les  legs  particuliers  institués  par  le 


1163 


LEGS  -  LEGUÏLLAC 


testament.  Il  pourra  en  résulter  l'absorption  complète  de 
cette  portion  disponible,  de  telle  sorte  que  les  légataires 
universels  ou  à  titre  universel  à  qui  elle  était  attribuée  ne 
recevront  plus  rien.  Il  pourra  même  se  produire  l'obligation 
de  réduire  proportionnellement  chaque  legs  particulier  afin 
de  pouvoir  les  exécuter  tous  partiellement.  Dans  tous  les 
cas,  c'est  la  portion  disponible  seule  qui  aura  à  acquitter 
les  legs  particuliers,  et  suivant  qu'elle  écherra  à  un  ou  à 
plusieurs  légataires  universels  ou  à  titre  universel,  chacun 
d'eux  payera  une  quotité  de  legs  particuliers,  proportionnel- 
lement à  la  part  qu'il  aura  prise  dans  la  portion  disponible. 
Quant  aux  dettes  de  la  succession,  les  légataires  uni- 
versels ou  à  titre  universel  en  sont  également  tenus  et 
chacun  d'eux  proportionnellement  à  son  legs,  mais  ils  ne 
seront  pas  seuls  à  les  acquitter.  L'héritier  réservataire 
devra  concourir  à  leur  payement  pour  une  part  correspon- 
dant à  sa  réserve.  Les  légataires  particuliers  seuls  ne  sont 
pas  tenus  des  dettes,  lis  peuvent,  il  est  vrai,  voir  leur  legs 
réduit  lorsque  la  poi^tion  disponible  aura  été  insuffisante 
pour  acquitter  toutes  les  dettes.  Mais  si,  une  fois  la  réserve 
prélevée  et  les  dettes  payées,  il  reste  suffisamment  pour 
exécuter  tous  les  legs  particuliers,  ils  le  seront,  dût-il  ne 
rien  rester  pour  le  légataire  universel  ou  à  titre  universel. 
Bien  que  non  tenus  de  contribuer  au  payement  des  dettes, 
les  légataires  particuliers,  qui  ont  reçu  un  immeuble  affecté 
hypothécairement  à  l'acquit  d'une  dette  de  la  succession, 
peuvent  être  actionnés  par  le  bénéficiaire  de  l'hypothèque. 
Ils  auront,  il  est  vrai,  dans  ce  cas,  droit  de  recours  contre 
les  légataires  universels. 

En  outre  des  intérêts  et  fruits,  le  légataire  particulier 
a  droit  à  tous  les  accessoires  de  la  chose  léguée,  qui  devra 
lui  être  délivrée  dans  l'état  oii  elle  sera  au  décès  du  testa- 
teur. Mais  si  depuis  le  décès  la  chose  léguée  a  dépéri  ou 
s'est  augmentée  par  cas  fortuit,  la  perte  ou  le  profit  sera 
pour  le  légataire.  Il  en  sera  autrement  si  la  détérioration 
ou  l'amélioration  sont  le  fait  de  l'héritier  ou  du  légataire 
universel.  Ceux-ci  seront  alors  tenus  de  réparer  le  dom- 
mage qu'ils  auront  fait  ou  bénéficieront  de  l'amélioration 
survenue.  Si  l'augmentation  du  legs  s'est  produite  entre  la 
confection  du  testament  et  le  décès  du  testateur,  le  léga- 
taire particulier  en  profite  lorsqu'il  résulte  des  faits  que  le 
testateur  a  voulu  incorporer  à  la  chose  léguée  les  embel- 
lissements on  agrandissements  qu'il  lui  a  fait  subir,  s'il  a, 
par  exemple,  ajouté  à  un  enclos  de  nouveaux  terrains,  s'il 
a  construit  sur  un  fonds,  ou  s'il  a  agrandi  et  embelli  un 
immeuble  légué.  Par  contre,  si,  depuis  le  testament,  il  a 
diminué  îe  legs  en  aliénant  une  partie  de  l'enclos,  en  ven- 
dant tout  ou  partie  de  l'immeuble  ou  du  fonds,  en  le 
grevant  d'une  hypothèque  ou  d'un  usufruit,  le  légataire 
particulier  supportera  cet  amoindrissement,  sauf  le  cas 
où  le  testateur  aura  imposé  à  l'héritier  ou  au  légataire 
universel  l'obligation  de  délivrer  le  legs  particulier  libre 
de  toute  charge. 

Le  code  a  reproduit  la  disposition  du  droit  romain  qui 
déclarait  nul  le  legs  de  la  chose  d'autrui,  mais  il  Fa 
étendue  en  en  prononçant  la  nullité,  soit  que  le  testa- 
teur ait  su  que  la  chose  léguée  ne  lui  appartenait  pas,  ou 
qu'ill'ait  crue  sienne.  Il  est  vrai  que  le  testateur  peut  tou- 
jours imposer  à  ses  héritiers  l'obligation  d'acheter  la  chose 
d'autrui  pour  la  délivrer  à  un  léi^ataire  particulier. 

Dans  tous  les  cas,  le  legs  particulier  peut  être  d'un  objet 
déterminé  seulement  quant  à  son  genre  ou  à  sa  situation, 
un  cheval,  un  hectare  de  terrain  dans  tel  département.  Le 
légataire  recevra  alors  un  objet  de  qualité  moyenne,  ne 
pouvant  ni  être  tenu  d'accepter  la  quaHté  la  plus  mauvaise, 
ni  exiger  la  qualité  la  meilleure. 

Enfin  le  code  dispose  qu'à  moins  que  le  testament  ne 
contienne  une  clause  contraire,  le  legs  fait  à  un  créancier 
ou  à  un  domestique  n'est  pas  censé  fait  en  payement  de  la 
dette  ou  des  gages  non  payés.  Le  créancier  ou  le  domes- 
tique, bien  que  mis  en  possession  de  son  legs,  sera  en 
droit  de  poursuivre  le  payement  de  sa  créance  ou  de  ses 
gages.  Charles  Strauss. 


IV.  Administration  (V.  Dons  et  legs,  t.  XIV,  p.  880). 

BiBL.  !  Droit  romain.  —  Gaius,  II,  191-245.  —  Ulp., 
RegiUœ,  XXIV.  -~  Paul,  Sent.,  III,  6,  -  Dig.,  De  Legatis, 
XXX,  XXXI,  XXXII  et  suiv.  —  Cod.  Just.,  Comin.  de  leiiat.., 
Vî,  43.  Inst.,  De  Legcitis,  II,  20.— Agoarias,  Précis  de  droit 
romciin;  Paris,  1886-91,  t.  I,  n°*  378,  404,  411,  412.  —  Mainz, 
Cours  de  droit  romain;  Bruxelles,  1877,  t.  III,  §  414  et 
suiv.  —  G.  May,  Eléments  de  droit  romain  ;  Paris,  1894, 
n««  253-259,  in-8,  3°  éd.  —  CuQ.  les  Institut,  jurid.  des 
Romains;  Paris,  1891,  pp.  300-307,  pp.  514-555,  in-8. 

Droit  actuel.  —  Duranton,  Cours  de  droit  civil 
finançais,  t.  ÎX.  —  Colmet  de  Santerre,  Cours  analy- 
tique du  code  civil,  t.  IV.  —  Aubry  et  Rau,  Cours  de 
droit  civil  français^  t.  VII. —  Demolombe,  Coitrs  de  code 
Napoléon^  t.  IV.  —  Marcadé,  Eléments  de  droit  civil 
français,  art.  916,  918,  920,  926,  927,  967  et  1002  cà  1023.  — 
Laurent,  Principes  de  droit  civil  français,  t.  XIII  et  XIV. 
—  Delvincourt,  Cours  de  code  civil,  t.  II.  —  Toullier, 
le  Droit  civil  français,  t.  II.  —  Mourlon,  Eléments  de 
droit  civil,  t.  II.  —  Dalloz,  Rép.,  v  Legs. 

LE  6UAT  (François),  voyageur  français,  né  en  1637, 
mort  en  Angleterre  en  1735.  Réformé,  il  passa  en  Hol- 
lande après  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes.  En  1690,  il 
s'établit  avec  quelques  camarades  dans  l'île  de  Diego  Ro- 
drigo pour  en  tenter  la  colonisation.  Privés  de  toutes 
ressources,  les  colons  construisirent  une  barque  et  réussi- 
rent à  gagner  Maurice  (1693),  puis  la  Hollande,  après 
avoir  couru  mille  dangers  (1697).  Il  a  écrit  un  récit  très 
Ciirieux  de  ses  aventures  :  les  Voyages  et  aventures  de 
F.  Léguât  et  de  ses  compagnons  en  deux  îles  désertes 
des  Indes  orientales,  etc.  (Londres,  1708,  2  vol.  in-12), 
très  souvent  réédité  et  traduit  en  hollandais,  en  allemand, 
en  anglais. 

LE  GUAY  (Albert-Léon,  baron),  homme  politique  fran- 
çais, né  à  Paris  le  3  juil.  1827,  mort  à  La  Goujonnaye, 
près  de  La  Membrolle  (Maine-et-Loire)  le  25  janv.  1891. 
Propriétaire  influent  en  Maine-et-Loire,  il  fut  nommé  pré- 
fet de  ce  département  le  28  mars  1871,  devint,  sous  le 
gouvernement  de  Vordre  morale  secrétaire  général  du  mi- 
nistère de  l'intérieur  (17  juin  '1873),  puis  préfet  du  Nord 
(20déc.  1873),  fut  élu  sénateur  à  iVngers  (30  janv.  1876), 
soutint  le  ministère  de  Broglie  pendant  la  crise  du  16  mai, 
obtint,  à  deux  reprises  (1879,  1888),  le  renouvellement 
de  son  mandat  et  s'associa  constamment,  sur  les  bancs  du 
Luxembourg,  à  la  politique  de  la  droite.     A.  Debidour. 

LE  GUAY  (Louis-Gilbert),  homme  politique  français,  né 
à  Clermont-Ferrand  le  -12  mai  1839.  Notaire  à  Randan,  il 
fut  nommé  secrétaire  général  de  la  Haute-Savoie  en  1876, 
sous-préfet  de  Verdun  en  1877;  il  occupa  diverses  pré- 
fectures, entre  autres  celle  de  la  Corse,  et  devint  en  \  881 
directeur  des  affaires  départementales  et  communales  au 
ministère  de  l'intérieur.  Elu  député  du  Puy-de-Dôme  le 
18  oct.  1885,  avec  un  programme  opportuniste,  il  fit  par- 
tie delà  commission  du  budget,  présida  celle  du  Panama  et 
combattit  le  boulangisme.  Le  16  juin  1889,  il  devint  sé- 
nateur du  Puy-de-Dome,  à  la  suite  du  décès  de  Goutay, 
et  ne  se  représenta  pas  au  renouvellement  de  1891.  Admi- 
nistrateur délégué  de  la  Société  française  do  dynamite,  il 
fut  compromis  en  juin  1892  dans  l'affaire  Arton  (détour- 
nements considérables  opérés  au  préjudice  de  cette  Société 
et  de  celle  du  Transvaal)  et  condammé  le  16  févr.  1893, 
par  la  cour  d'assises  de  la  Seine,  à  cino  ans  de  prison  et 
3,000  fr.  d'amende. 

LEGUAY  DE  Prémontvâl  (V.  Prémontvâl). 
LE  GUEN  (Edouard-Marie),  homme  politique  français,  né 
à  Brest  le  31  août  1826.  Avocat  à  Brest,  il  fut  élu  sénateur 
du  Finistère  le  5  nov.  1882,  avec  un  programme  monar- 
chiste. Réélu  le  25  janv,  1885,  invahdé  le  26  juin,  il  fut 
réélu  le  26  juil.  Au  renouvellement  de  1894,  il  échoua  avec 
toute  la  liste  monarchique. 

LEGUER.  Rivière  (V.  Côtes-du-Nord,  t.  XHI,  p.  4). 
LÉ6UEV1N.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la  Haute-Ga- 
ronne, arr.  de  Toulouse  ;  948  hab. 

LÉGUILLAC-de-Cercles.  Com.  du  dép.  de  la  Dor- 
dogne,  arr.  de  Nontron,  cant,  deMareuil  ;  855  hab. 

LÉGUILLAC-de~Lauche.  Com.  du  dép.  de  la  Dordo- 
gne,  arr.  de  Périgueux,  cant.  de  Saint-Astier  ;  629  hab. 


LÉGUME  —  LE  HARDY 


1464  — 


LÉGUME.  L  Botanique  (V.  Fruit  et  Légumineuses). 

IL  Agriculture  et  Horticulture.  —  On  donne  le  nom  de 
légumes  aux  plantes  potagères  qui  servent  à  Talimentation 
de  riiorame.  ïl  y  a  lieu  de  distinguer  :  4°  les  légumes  frais, 
qui  comprennent  :  les  légumes  farineux,  tels  que  pommes 
de  terre,  artichauts,  petits  pois,  haricots  verts,  etc.; 
les  légumes  herbacés  comprenant  :  les  salades,  les  as- 
perges ^  les épinards,  les  choux,  céleri,  oseille,  etc.;  2°  les 
légumes  secs,  tels  que  fèves,  haricots,  pois,  lentilles 
(V.  ces  mots).  La  culture  des  légumes  a  surtout  une  très 
grande  importance  aux  environs  des  grandes  villes  ;  c'est 
une  des  branches  les  plus  productives  de  l'économie  rurale; 
aux  environs  de  Paris  surtout,  certaines  cultures  légu- 
mières,  comme  les  artichauts  et  les  choux-fleurs,  pratiquées 
sur  une  grande  échelle,  laissent  un  bénéfice  net  variant  entre 
2,000  et  2,500  fr.  par  hectare.  Le  grand  point,  ici,  c'est  de 
produire  de  bonne  heure  et  parfois  aussi  de  produire  hors  la 
saison  naturelle  au  moyen  de  la  culture  forcée.  La  France 
exporte  une  grande  quantité  de  légumes  verts  ;  par  contre, 
pour  les  légumes  secs,  elle  ne  produit  pas  assez  pour  sa 
consommation,  et  l'étranger  comble  le  déficit.  Voici  d'ail- 
leurs pour  les  années  4889  et  4894  le  total  des  importa- 
tions et  exportations  avec  les  valeurs  correspondantes. 

IMPORTATIONS 


DESIGNATION 


Légnmes  verts... 
—      secs — 


1889 

Quantités     Valeur 
en  kilo^.  en  francs 


22.571.810 
80.375.999 


4.714.362 

17.682.720 


1891 


Quantités 
en  kilog. 


Valeur 
en  francs 


24.978.710 
143.354.533 


7.493.613 
32.971.543 


EXPORTATIONS 


DESIGNATION 


verts . . . 


1889 

Quantités     Valeur 
en  kilog.   en  francs 


29.266.216 
24.681.031 


7.316.554 
6.170.258 


1891 

Quantités      Valeur 
en  kilog.    en  francs 


37.659.135 
21.188.931 


13.180.697 
5.509.122 


C'est  surtout  en  Angleterre  et  en  Belgique  que  nous 
exportons  des  légumes,  notamment  des  primeurs.  Quant  aux 
légumes  secs  que  nous  importons,  ils  viennent  d'Allemagne, 
d'Egypte,  de  Tunisie  et  d'Algérie.       A.  Larbalétrier. 

LÉGUMIER  (ArchéoL).  Jusqu'au  siècle  où  nous  sommes, 
il  n'a  pas  existé  de  plats  ou  vases  spéciaux  pour  servir  les 
légumes.  Il  existait  des  plats  ordinaires  et  des  plats  cou- 
verts en  métal  ou  en  céramique,  et  les  plats  couverts  se 
rapprochent  souvent  de  la  forme  de  nos  légumiers,  mais  ils 
servaient  indifféremment  à  toutes  sortes  de  mets. 

LÉGUMINEUSES.  Famille  de  plantes  Dicotylédones  dia- 
lypétales  périgynes,  composée  d'herbes,  d'arbustes  et  d'ar- 
bres à  feuilles  alternes,  très  souvent  composées,  munies 
à  leur  base  de  deux  stipules  souvent  persistantes.  Les 
fleurs,  en  général  hermaphrodites,  sont  régulières  ou  plus 
souvent  irrégulières,  fréquemment  de  forme  papilionacée. 
Elles  sont  ordinairement  pentamères,  plus  rarement  cons- 
truites sur  le  type  4,  3  ou  6.  Les  sépales  sont  soudés  ou 
libres,  égaux  ou  inégaux,  valvaires  ou  imbriqués  dans  le 
bouton.  Quand  la  corolle  est  régulière,  la  préfloraison  est 
valvaire  ou  imbriquée:  lorsqu'elle  est  irrégulière,  la  pré- 
floraison est  imbriquée  et  parfois  résupinée  ;  souvent  l'im- 
brication est  vexillaire  (Papilionacées) .  Les  étamines,  pé- 
rigynes ou  plus  rarement  hypogynes,  sont  au  nombre  de 
cinq  ou  de  dix  ou  en  nombre  indéfini  ;  les  anthères  sont 
biloculaires  et  généralement  à  déhiscence  longitudinale. 
L'ovaire  libre  se  compose  d'un  seul  carpelle,  à  placenta 
pariétal,  ordinairement  multiovulé;  le  fruit  est  en  général 
une  gousse  (legumen)  ;  il  est  rarement  indéhiscent  ;  par- 


fois c'est  un  achaine,  une  drupe  ou  une  baie.  Les  graines» 
anatropes  ou  campylotropes,  assez  souvent  arillées,  ren- 
ferment un  embryon  charnu,  entouré  d'un  albumen,  à  de 
rares  exceptions  près.  —  L'immense  famille  des  Légumi- 
neuses est  répandue  sur  tout  le  globe,  sauf  sur  les  îles 
glacées  du  pôle  antarctique.  Le  nombre  des  espèces  dépasse 
6,500  réparties  dans  environ  400  genres,  dont  l'ensemble 
a  été  subdivisé  en  trois  grands  groupes  considérés  par 
quelques  auteurs  comme  autant  de  familles  distinctes  : 

l"^  MiMosÉES  (Mimoseœ  R.  Br.).  Tige  ligneuse,  rare- 
ment herbacée  ;  feuilles  bi-tri-pinnées  ou  simples  (p/iî//- 
lodes)  ;  fleurs  presque  toujours  petites,  régulières,  herma- 
phrodites ou  polygames,  à  périanthe  double;  calice  à  fo- 
lioles Hbres  ou  unies  dans  une  étendue  variable  ;  pétales 
valvaires,  libres  ou  cohérents  en  un  tube  plus  ou  moins 
long;  étamines  libres  on  monadelphes,  hypogynes,  en 
nombre  défini  ou  indéfini  et  dépassant  la  corolle  ;  gousse 
parfois  indéhiscente  ;  graines  sans  albumen.  Les  genres 
principaux  sont  :  Adenanthera  L.,  Entada  Adans.,  Mi- 
mosa L.,  Acacia  Tourn.,  Inga  Plum.,  etc. . 

2<*  Césalpiniées  (Cœsalpinieœ  R.  Br.),  Arbres  ou  ar- 
bustes, à  feuilles  généralement  composées,  à  fleurs  plus 
ou  moins  irrégulières,  parfois  presque  papilionacées  ;  sé- 
pales libres  ou  connés  dans  une  certaine  étendue;  pétales 
imbriqués,  le  supérieur  ou  vexillaire  tout  à  fait  enveloppé; 
étamines  ordinairement  libres,  périgynes  en  général  au 
nombre  de  dix  ;  ovules  anatropes  ;  gousse  souvent  divisée 
par  de  fausses  cloisons  transversales  ;  graines  avec  ou  sans 
albumen  ;  embryon  droit.  Genres  principaux  :  Cœsalpi- 
nia  Plum.,  GleditschiaL.,  Tamarindus Tonrn,,  Hyme- 
nœa  L.,  Cercis  L.,  Cassia  Tourn.,  Copaifera  L.,  Ery- 
throphlœum  Alz.,  etc. 

3<*  Papilionacées  (Papilionaceœ  R.  Br.).  Tige  ligneuse 
ou  herbacée  ;  feuilles  composées  à  rachis  souvent  terminé 
en  vrille  ;  fleurs  à  réceptacle  plus  ou  moins  concave,  por- 
tant sur  ses  bords  le  périanthe  et  l'androcée  ;  corolle  irré- 
gulière, de  forme  papilionacée,  à  cinq  pétales  dont  le  supé- 
rieur (étendard)  enveloppe,  pendant  la  préfloraison,  les 
deux  latéraux  plus  petits  et  étroits  (ailes),  ces  deux 
derniers  recouvrant  les  bords  postérieurs  des  deux  pétales 
inférieurs  qui  sont  très  rapprochés  sur  la  ligne  médiane  de 
façon  à  former  une  pièce  en  apparence  unique  (carène)  ; 
étamines  au  nombre  de  dix,  monadelphes  ou  diadelphes; 
ovaire  pluriovulé  ;  gousse  ordinairement  déhiscente  et  po- 
lysperme  ;  graines  avec  ou  sans  albumen  ;  embryon  en  gé- 
néral courbé,  à  cotylédons  charnus  et  herbacés.  Genres 
principaux  :  Vicia  Tourn . ,  Orobus  L. ,  Lens  Tourn. ,  Pisum 
Tourn.,  PhaseolusL.,  PhysostigmaBdlL,  Galega Tourn., 
RobiniaL.,  IndigoferaL.,  Glycyrrhiza  Tourn.,  Trifo- 
lium  Tourn.,  Hedysarumliourn, ,  Arachis  L.,  Dalbergia 
L.  f.,  Genista  tourn.,  Cytisus  L.,  Anagyris  Tourn., 
Sophora  L.,  Tounatea  Aubl.,  etc.  D^  L.  Hn, 

Farine  de  Légumineuses  (V.  Farine,  t.  XVIl,  p.  47). 

LEH  (Le).  Ville  du  Cachemire,  capitale  du  gouvernement 
de  Ladak,  située  sur  une  haute  colline  de  370  m. ,  à  3,440  m . 
au-dessus  de  la  mer;  4,000  hab.  La  ville  est  pittoresque: 
ses  murs  dominés  par  de  vieilles  tours,  ses  rues  étroites 
sont  d'un  aspect  curieux  ;  les  étrangers  habitent  dans  un 
faubourg.  Leh  est  un  marché  important  du  Tibet,  le  prin- 
cipal du  Tibet  oriental;  les  marchands  indiens  et  ceux 
du  Turkestan  chinois  s'y  retrouvent  ;  le  principal  commerce 
est  celui  de  la  laine.  Depuis  1870  les  Anglais  y  ont  établi 
un  employé  chargé  du  contrôle  du  commerce  de  transit. 
On  a  élevé  un  monument  au  géologue  autrichien  Stolitzka 
qui  y  est  mort  en  1874.  Ph.  B. 

LE  HARDY  de  Beaulieu  (Jean-Charles-Marie-Joseph), 
économiste  et  professeur  belge,  né  à  Uccle  en  1816,  mort 
à  Morlanwelz  en  1871.  Ingénieur  de  l'Ecole  centrale  de 
Paris,  il  visita  l'Espagne  et  consigna  plus  tard  le  résultat 
de  ses  études  dans  un  livre  de  haute  valeur  :  VEspagne 
et  son  avenir  commercial,  R  devint  ensuite  professeur  de 
minéralogie  à  l'Ecole  des  mines  de  Mons.  Les  questions 
économiques  attirèrent  son  intention,  et  il  défendit  les  idées 


—  4165  — 


LE  HARDY  —  LEHMANN 


libre-échangistes  ;  il  écrivit  successivement  :  Du  Salaire 
(4862);  la  Propriété  et  sa  rente  dans  leurs  rapports 
avec  V  économie  politique  et  le  droit  public  (1 868). 

LEHARIVEL-DuROGHER  (Edmond),  sculpteur  français, 
né  à  Chanu  en  4816,  mort  en  4878.  Elève  de  Belloc, 
de  Ramey  et  de  A.  Dumont,  cet  artiste  consacra  surtout 
son  talent  à  l'exécution  de  statues  pour  les  édifices  reli- 
gieux. Il  faut  citer,  en  dehors  des  nombreux  médaillons  et 
portraits  qu'il  a  modelés,  comme  œuvres  principales  :  la 
Cène  (1850),  bas-relief  en  marbre;  un  Miracle  de  Jésus; 
Sainte  Geneviève  et  Sainte  Théodechilde  (église  Sainte- 
Clotilde,  à  Paris)  ;  Monument  des  trois  frères  Eudes  à 
Argentan;  Viscontij  statue  en  marbre,  au  Père-Lachaise ; 
Etre  et  paraître  (mmèe  du  Luxembourg,  1857);  Jésus 
bénissant  les  petits  enfants,  très  importante  composi- 
tion de  Uartiste,  pour  la  chapelledu  petit  séminaire  de  Sées 
{iS63)  ;  Sainte  Marie-Madeleine,  Saint  Pierre,  Jeune 
Fille  et  V Amour  (musée  de  Rouen)  ;  série  de  statues  en 
pierre  placées  dans  des  niches  de  chapelles  et  d'édifices  pari- 
siens, au  Louvre,  à  la  Comédie-Française.  Ces  composi- 
tions sont  empreintes  de  grâce  et  de  naïveté  et  toujours  sin- 
cères d'exécution.  On  doit  en  outre  à  cet  artiste  un  projet  de 
reconstitution  de  la  Vénus  de  Milo  qui  donna,  quoique  sans 
aboutir,  naissance  à  d'acharnées  polémiques. 

LEHE.  Ville  d'Allemagne  (V.  Bremerlehe). 

LE  HÉRISSÉ  (René-Félix)  (V.  Hérissé  [Le]). 

L  EH  I G  H .  Rivière  des  Etats-Unis  d'Amérique,  affluent  du 
Delaware,  dans  la  Pennsylvanie  ;  elle  se  jette  à  Caston.  On 
a  creusé  en  1 820  un  canal  qui  suit  le  Lehigh  pendant  1 1 4  kil. 

LE  HIR  (Jean-Louis),  publiciste  français,  né  à  Saint-Pol- 
de-Léon  le  9  déc.  1806,  mort  à  Paris  vers  1880.  Docteur  en 
droit,  avocat  au  barreau  de  Rennes  et  à  celui  de  Paris,  il 
a  créé  et  dirigé  diverses  publications  spéciales,  comme  le 
Mémorial  du  commerce  et  de  l'Industrie,  le  Journal 
des  Prud'hommes,  eic,  et  donné  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages parmi  lesquels  nous  citerons  :  Des  Armateurs  et 
des  propriétaires  de  navires  (Paris,  1843,  in-12)  ;  //ar- 
monies  sociales  (1844,  in-8)  parues  sous  le  pseudonyme 
de  Le  Léonais  ;  Traité  de  la  prisée  et  de  la  vente  aux 
enchères  {iSo^,  2  vol,  in-8)  ;  Réseau  des  voies  ferrées 
souterraines  dans  Paris  (1856-72,  6  vol.  in-8),  projet 
d'un  chemin  de  fer  souterrain  desservant  les  principaux 
quartiers  et  les  mettant  en  communication  avec  les  gares 
des  chemins  de  fer,  le  chemin  de  fer  de  ceinture  et  le  bois 
de  Boulogne  ;  Forces  et  institutions  productives  de  la 
France  (1860,  in-2)  ;  Langue  auxiliaire  universelle 
(1867,  in.8);  La  Foncière  (1877,  in-8). 

LE  HIR  (L'abbé  Arthur),  professeur  d'Ecriture  sainte  au 
séminaire  de  Saint-Sulpice,  né  à  Morlaix  en  1811,  mort 
à  Paris  en  1868.  Il  eut  Renan  pour  élève.  Il  a  laissé  d'im- 
portants travaux  bibliques  qui  ont  été  publiés  après  sa 
mort.  ^\iom: Etudes  bibliques (^'ms,  1869,  2  vol.  in-8); 
le  Livre  de  Job  (1873,  in-8)  ;  traduction  et  commentaire, 
avec  un  Essai  sur  le  rythme  chex,  les  Juifs  ;  les  Psaumes 
(1876,  in-12),  trad.  et  annotés  ;  les  Trois  Grands  Pro- 
phètes (1877,  in-12),  analyses  et  commentaires. 

BiBL,  :  Renan,  Souveîiirs  d'enfance  et  de  jeunesse; 
Paris,  1883,  in-S. 

LEHMANN  (Johann-Georg),  topographe  allemand,  né 
à  Johannismiihle,  près  de  Baruth  (Brandebourg),  le  11  mai 
1765,  mort  à  Dresde  le  6  sept.  1811.  D'abord  simple  sol- 
dat dans  un  régiment  d'infanterie,  puis  officier  topographe, 
il  fut  nommé  en  1 798  professeur  à  l'Ecole  militaire  de 
Dresde  et,  quelques  années  plus  tard,  directeur  du  dépôt 
des  cartes  et  plans  de  cette  ville.  Il  a  effectué  de  nombreux 
levés  dans  l'Erzgebirge,  en  Saxe,  en  Pologne,  etc.,  et  il  a 
dressé  des  cartes  très  exactes  de  ces  différentes  régions, 
ainsi  que  des  plans  de  Varsovie  et  de  Dresde.  Il  a  inventé 
de  nouveaux  procédés  de  topographie,  qui  n'ont  pas  tardé 
à  être  universellement  appliqués,  et  il  a  publié  :  Darstel- 
lung  elner  neuen  Théorie  zur  Bezeichnung  der  schie- 
fen  Flœchen  im  Grundriss  (Leipzig,  1799);  Die  Lehre 


vom  Situationszeichnen{])vesàe,  1812-16,  2  vol.;  5®  éd. 
^^^3).  L.  S. 

LEHMANN  (Karl-Peter),  peintre  norvégien,  né  à  Ber- 
gen en  1793,  mort  à  Sigtuna  en  1876.  iffit  tout  d'abord 
partie  d'une  troupe  de  bateleurs  et  peignait  des  décors 
pour  leur  théâtre,  tout  en  s'exerçant  à  une  peinture  plus 
sérieuse.  En  1822,  il  remporta  un  prix  pour  un  tableau 
intitulé  /Egir  et  Ran,  quitta  le  métier  de  prestidigitateur 
pour  se  consacrer  entièrement  à  la  peinture  et  essaya  de 
fonder  une  école  de  peinture  à  Bergen,  mais  sans  grand 
succès,  n  se  rendit  ensuite  à  Helsingborg  et,  de  là,  en 
1825,  à  Stockholm,  peignant  en  route  tant  de  portraits, 
six  cents,  dit-on,  qu'en  1827  il  n'était  arrivé  qu'à  Norr- 
kœping.  Il  s'établit  alors  à  Stockholm,  faisant  de  tVéquentes 
excursions,  comme  portraitiste,  en  Suède,  en  Norvège,  en 
Finlande  et  en  Russie.  En  1850,  il  se  retira  à  Sigtuna,  et, 
pour  son  plaisir,  se  remit  à  peindre  des  sujets  mytholo- 
giques ou  des  paysages  qui  n'obtinrent  qu'un  faible  succès. 
Malgré  la  mollesse  de  sa  facture,  il  avait  comme  portraitiste 
une  réelle  valeur,  et  on  loue  la  ressemblance  des  quatre  ou 
cinq  mille  portraits  dus  à  son  pinceau.  Th.  C. 

LEHMANN  (Jakob-Wilhelm-Heinrich),  mathématicien 
et  astronome  allemand,  né  à  Potsdam  le  3  janv.  1800, 
mort  à  Spandau  en  1863.  De  1823  à  1843,  il  occupa  dans 
l'enseignement  diverses  situations.  Il  vécut  ensuite  très 
retiré.  Mathématicien  de  grand  savoir  et  calculateur  des 
plus  habiles,  il  a  été  pour  Jacobi  et  pour  Encke,  qui  l'as- 
socièrent à  leurs  travaux,  un  auxiliaire  des  plus  précieux. 
Il  est  lui-même  l'auteur  d'intéressantes  recherches  de  ma- 
thématiques et  d'astronomie,  qui  ont  porté  principalement 
sur  les  maxima  et  minima,  sur  la  cycloïde,  sur  le  calcul 
de  t:,  sur  les  comètes  et  sur  les  éclipses  de  soleil.  Il  en  a 
consigné  les  résultats  dans  de  nombreux  mémoires  publiés 
par  le  Journal  de  Crelle,  le  Jahrbuch  de  Schumacher,  les 
Archiv  de  Grunert,  les  Astronomische  Nachrichten, etc. 
Il  a  donné  à  part:  Anfangsgrilnde  der  hœheren  Mecha- 
nik  (Berlin,  1831,  in-8).  L.  S. 

LEHMANN  (Peter-Martin-Orla),  homme  d'Etat  danois, 
né  à  Copenhague  en  1810,  mort  en  1878.  Quoique  fils 
d'un  homme  dont  les  tendances  étaient  allemandes  et  élevé 
dans  des  idées  germaniques,  il  se  montra  très  Danois  dès  son 
entrée  à  l'université  et,  à  peine  candidat  en  droit,  devint 
collaborateur  du  journal  libéral,  Kjœbenhavnsposten 
(1835).  En  1839,  il  entrait  m  Fœdrelandet  et,  en  1840, 
était  élu  représentant  de  la  bourgeoisie  et  député  aux  Etats. 
Une  condamnation  à  trois  mois  de  prison,  au  commence- 
ment de  1841,  pour  un  discours  libéral,  prononcé  dans 
une  réunion  populaire  à  Nykjœbing(]1e  de  Falster),  acheva 
de  le  rendre  populaire  en  Danemark.  En  1843,  il  prit  part 
à  la  fondation  de  la  Société  Scandinave  et,  après  l'avène- 
ment de  Frédéric  VII  (1848),  joua  un  rôle  important 
comme  diplomate  à  Londres  et  à  Berlin,  pour  tenter  de 
résoudre  les  questions  -très  compliquées  qui  agitaient  le 
Slesvig-Holstein  et  y  portaient  la  guerre.  En  1849,  à  la 
chute  du  ministère  Steman,  OErsted,etc.,  il  entra,  comme 
ministre  sans  portefeuille,  dans  le  ministère  présidé  par 
A.-W.  Moltke  (24  mars).  (Quelque  temps  plus  tard,  il 
était  fait  prisonnier  à  Kolding,  par  les  Slesvig-Holsteinois 
et  conduit  à  Gottorp,  où  il  fut  gardé  plusieurs  semaines. 
Député  au  Parlement,  en  1855,  il  fit  preuve  d'une  grande 
activité  et  fut  nommé  rapporteur  de  plus  de  trente  projets. 
Il  réussit,  en  1861,  à  recueillir  71,000  signatures  popu- 
laires pour  demander  la  réunion  du  Slesvig  au  Danemark 
et,  la  même  année,  devint  ministre  de  l'intérieur;  il  resta 
en  fonctions  jusqu'au  31  déc.  1863.  Un  ouvrage  qu'il 
publia  en  1864  Sur  les  Causes  des  malheurs  di^Dane- 
mark  (en  danois)  eut  un  nombre  considérable  d'éditions. 
Ses  OEuvres  posthumes  ont  paru  en  4  vol.  (Copenhao^ue, 
1872-74).  jij   q 

LEHMANN  (Carl-Gotthelf),  médecin  et  chimiste' alle- 
mand, no  à  Leipzig  le  7  mars  1812,  mort  à  léna  le  6  janv. 
1863.  Il  étudia  à  Leipzig,  y  fut  reçu  docteur  en  1835  (De 
Urina  diabetica),  puis  s'adonna  de  préférence  à  la  chimie 


LEHMANN  —  LEHONGRE 


—  4466 


biologique 'qu'il  fit  progresser  dans  son  pays.  Nommé 
priva t-docent  en  4837,  professeur  extraordinaire  de  chimie 
piiysiologique  à  Leipzig  en  4 843, il  fut  appelé  comme  titu- 
laire de  la  même  chaire  à  iéna.  Principaux  ouvrages  : 
YoUstœndiges  Taschenbueh  (1er  theoret.  Chemie  (Leip- 
zig, 4840,in-46  ;  6^ éd.,  iSM)  ;  Lehrbuchder  physiolog. 
Chemie  (Leipzig,  4842-45,  3  vol.  in-8  ;  3^  éd.,  4833); 
Lehrbuch  der  allgem.  Chemie  (Leipzig,  1854,  in-8, 
6^'  éd.);  Eandbuch  der  physiolog.  Chemie  (Leipzig, 
4854,  in-8;  2«  éd.,  4859).  D^  L.  Hn. 

LEHMANN  (Charles-Ernest-Rodolphe-Henri) ,  peintre 
français,  d'origine  étrangère,  né  à  Kiel(Holstein)  le  44  avr, 
4814,  mort  à  Paris  le  30  mars  4882.  Il  reçut  les  premiers 
principes  artistiques  de  son  père,  peintre  distingué,  et  fut  en- 
voyé ensuite  à  Paris,  dans  l'atelier  d'Ingres.  Ses  débuts  au 
Salon  de  4835  le  firent  tout  d'abord  remarquer.  Son  talent 
se  développa  dès  lors  avec  rapidité  :  la  Fille  de  Jephtë,  le 
Cid  (musée  de  Lyon),  le  Pêcheur  (4837,  musée  de  Car- 
cassonne);  Sainte  Catherine  portée  au  tombeau  par  les 
anges  (1 840),  admirable  composition  dans  sa  transparence 
aérienne  et  qui  restera  le  chef-d'œuvre  de  l'artiste  ;  Pro~ 
méthée  sur  son  rocher^  entouré  par  les  Océanides  (  i  851 , 
musée  du  Luxembourg);  r Arrivée  de  Sarah  chez  les  pa- 
rents de  Tobie  (4866);  ces  belles  œuvres  noblement  pen- 
sées et  exécutées  avec  le  talent  le  plus  consommé  sont  dans 
toutes  les  mémoires.  Henri  Lehmann  a  laissé  aussi  un  grand 
nombre  de  portraits  qui  ne  le  cèdent  pas  en  mérite  aux 
tableaux.  Citons  ceux  de  Liszt,  de  la  Princesse  Belgio- 
joso,  du  Comte  de  Nieuiverkerkcy  d'Alphonse  Karr^  de 
'j^jme  Arsène  Eoussaye,  de  Mgr  Darboy,  Il  a  encore  exé- 
cuté, sur  Lordre  de  Napoléon  III,  de  véritables  tours  de 
force  décoratifs;  telles  sont  les  cinquante-six  compositions, 
exécutées  en  dix  mois,  pour  la  galerie  des  Fêtes  à  l'Ilôlel 
de  Ville  (4852),  les  deux  hémicycles  de  la  salle  du  Trône 
au  Sénat,  les  chapelles  de  l'éghse  Saint-Merry  et  le  trans- 
sept  de  l'église  Sainte-Clotilde.  A  l'Exposition  universelle 
de  4855  on  admira  sa  Vénus  Anadyomène  et  son  plafond 
du  Rêve  d'Erigone.  Cet  artiste  fut  membre  de  l'Institut 
(4864)  et  professeur  à  l'Ecole  des  beaux-arts  (1875). 

LEHWIANN  (Auguste-Guillaume-Rodolphe),  peintre  alle- 
mand, naturalisé  français,  né  à  Ottensen,  près  de  Hambourg, 
le  49  août  1849.  Frère  du  précédent,  il  fut  son  élève  et 
celui  de  son  père,  et,  comme  eux,  il  est  un  artiste  distingué. 
Fixé  à  Rome,  il  a  ouvert  un  atelier  très  fréquenté  par  les 
étrangers.  Ses  tableaux,  dont  les  sujets  sont  empruntés 
presque  tous  aux  mœurs,  aux  scènes  caractéristiques  et 
aux  sites  de  l'Italie,  ont  figuré  régulièrement  aux  Salons  de 
Paris,  de  1840  à  4860.  Parmi  les  meilleures  de  ces  œuvres, 
citons  :  Pèlerine  des  Abruzzes  dans  la  Campagne  ro- 
maine ;  Sixte-Quint  bénissant  les  marais  Pontins  (mu- 
sée de  Lille),  et  beaucoup  de  portraits.  Après  avoir  fait 
divers  voyages  en  Allemagne  et  en  Angleterre,  il  s'est  fixé 
à  Londres  (4866)  et  il  expose  avec  les  Anglais.  A  l'Expo- 
sition universelle  de  4878,  il  a  fait  figurer, dans  la  section 
britannique  :  La  Lavandaja  ;  Mendiants  italiens  à  la 
porte  d'un  couvent;  portrait  de  Pxobert  Broivning.  Les 
compositions  de  M.  Rodolphe  Lehmann  sont  d'un  style 
noble,  mais  froid  ;  trop  souvent  ses  personnages  n'ont  pas 
les  allures  et  les  attitudes  qui  conviennent  à  leur  situa- 
tion. Sa  peinture  manque  aussi  de  vigueur.  Enfin,  on  lui 
reproche  d'avoir  fait  plusieurs  répétitions  d'un  certain 
nombre  de  ses  tableaux  pour  des  amateurs,  ce  qui  déprécie 
considérablement  Tœuvre.  Ad.  Thiers. 

LEHMANN  (Julius),  agronome  et  chimiste  allemand,  né 
à  Dresde  le  4  juil.  4825.  Elève  de  Liebig,  directeur  dos  sta- 
tions agronomiques  de  Weidlitz,  de  Pommritz,  de  Munich, 
professeur  de  chimie  agricole  à  Proskau  et  à  Munich,  il  a 
pris  sa  retraite  en  4879.  Il  est  l'auteur  d'importants  tra- 
vaux sur  l'alimentation  des  végétaux  et  des  auimaux,  sur 
la  détermination  quantitative  de  la  graisse  et  de  la  ca- 
séine dans  le  lait,  sur  la  préparation  du  pain  de  seigle,  etc. 
Il  en  a  exposé  les  résultats  dans  des  mémoires  et  articles 
de  revues.  L.  S. 


LEHNBERG  (Magnus),  évêqueet  orateur  suédois,  né  à 
Sœdra  Vi  en  4758,  mort  évêque  à  Linkœping  en  4808, 
Après  avoir  fait  à  Upsal  de  brillantes  études  de  théologie, 
il  avait  rempli  diverses  fonctions  pastorales  et  avait  occupé 
de  4802-4805  la  charge  de  prédicateur  de  la  cour.  C'était 
un  orateur  brillant,  convaincu  et  persuasif,  revêtant  de 
formes  très  riches  une  pensée  claire  plutôt  que  profonde. 
En  4787,  il  avait  remporté  le  grand  prix  de  l'Académie 
suédoise  par  un  Eloge  de  Birger  Jarl,  et  le  remporta 
encore  l'année  suivante  par  son  Eloge  du  conseiller  et 
amiral  Carl-Carlsson  Gyllenhjelm.  En  4787,  il  fut  élu 
membre  de  l'Académie  suédoise.  Ses  Prédications^  qui 
eurent  une  grande  influence  sur  l'éloquence  de  la  chaire 
en  Suède  et  qu'on  ht  encore,  ont  été  réunies  en  un  recueil 
(4827,  2  vol.,  4«  éd.).  Th.  C. 

BiBL  :  J.  Ax.  LiiXDBLOM,  Eloge  de  Magnus  Lehnberg, 
dans  Sv.  Akad.  Handi,  1809,  t.  Y,  pp.  155-201. 

LE  HODEY  DE  Saultcuevreuil,  publiciste  français,  mort 
à  Paris  le  4  avr.  4830.  Le  4 «^  juin  4789,  il  fit  paraître  le 
premier  numéro  du  Journal  des  Etats  généraux,  une  des 
feuilles  les  plus  importantes  pour  les  débuts  de  la  Révo- 
lution. Le  4^''  oct.  4791,  Le  Hodey  changeait  son  titre  en 
Journal  de  r  Assemblée  générale  ou  Journal  logogra- 
p/izg?/^,  auquel  il  annexa  bientôt  le  Nouvelliste  de  France, 
A  la  fin  d'avr.  4794,  il  réunissait  les  deux  feuilles  en  une 
et,  sous  le  plus  grand  format  alors  connu,  il  fît  paraître 
le  Logographe.  Adrien  Duport,  de  Lameth  et  autres 
avaient  fourni  des  fonds  et  obtenu  une  subvention  du  roi. 
Aussi  la  Convention  ordonna-t-elle  sa  suppression  le  47  aotît 
4792.  Le  Hodey  échappa  à  la  Terreur;  en  1799,  il  devint 
chef  du  bureau  des  journaux  et  de  l'esprit  public  au  mi- 
nistère de  la  police,  poste  qu'il  occupa  jusqu'au  18  bru- 
maire. Citons  de  lui  :  De  la  Conduite  au  Sénat  sous  Bo- 
naparte (Paris,  4844,  in-8)  ;  Histoire  de  la  régence  de 
Marie-Louise  (4844,  in-8). 

LEHON.  Corn,  du  dép.  des  Côtes-du-Nord,  arr.  et  cant. 
(E.)  deDinan;  4,326  hab. 

LEHON  (Charles-Joseph, comte), homme pohtique belge, 
né  à  Tournai  en  4792,  mort  à  Paris  en  4868.  Elu  vers 
4820  membre  des  Etats  généraux  des  Pays-Bas,  il  lutta 
au  premier  rang  de  l'opposition.  Le  gouvernement  de  \  830 
le  fit  bourgmestre  de  Tournai.  Lehon  se  distingua  par  sa 
compétence  spéciale  en  matière  diplomatique  et  prit  une 
grande  part  aux  débats  sur  la  constitution.  Nommé  en  4834 
ministre  de  Belgique  à  Paris,  il  parvint  à  faire  admettre 
par  Louis-Phihppe  la  candidature  de  Léopold  de  Saxe- 
Cobourg  au  trône,  et,  plus  tard,  il  négocia  le  mariage  du 
nouveau  roi  avec  la  princesse  Louise  d'Orléans.  Il  garda  ses 
fonctions  à  Paris  pendant  douze  ans,  puis  il  rentra  en  Bel- 
gique et  siégea  à  la  Chambre  des  représentants  jusqu'en 
4856.  H  fut  alors  élevé  au  rang  de  ministre  d'Etat  et  alla 
se  fixer  à  Paris  où  il  mourut.  ^  E.  H. 

BiBL.  :T .  h]  ^TE,  Biographie  du  com,te  Lehon;  Bruxelles, 
1867,  in-8.  .     ^     .  " 

LEHON  (Louis-Xavier-Léopold,  comte),  homme  politique 
français,  né  à  Paris  le  46  févr.  4  832,  mort  à  Paris  le  34  oct. 
4879,  fils  du  précédent.  Auditeur  au  conseil  d'Etat,  maître 
des  requêtes,  il  était  chef  de  cabinet  du  duc  de  Morny  au 
moment  du  2  décembre.  Elu  député  de  l'Ain  au  Corps 
législatif  le  7  mars  4857,  réélu  constamment  jusqu'à  la 
chute  de  l'Empire,  il  prit  une  part  importante  en  4868 
aux  débats  relatifs  à  l'Algérie,  et  fut  partisan  en  1869  de 
l'Empire  libéral.  H  se  représenta  sans  succès  à  Bours,  en 
4876  et  1877. 

LEHONGRE  (Etienne),  sculpteur  français,  né  à  Paris 
en  4628,  mort  à  Paris  en  4690.  Elève  de  Sarrazin, 
Lehongre  voyagea  à  Rome,  de  4653  à  4659,  sous  la  pro- 
tection du  cavaher  Bernin.  En  4667,  il  fut  reçu  membre 
de  l'Académie  avec  un  médaillon  représentant  Sainte  Ma- 
deleine, Il  devint  professeur  en  4676  et  adjoint  recteur 
en  4685.  Cet  artiste  a  travaillé  à  la  décoration  du  Temple, 
des  Prémontrés-Saint-Germain,  du  palais  du  Luxembourg, 
du  château  do  Choisy-le~Roi  ;  mais  il  ne  subsiste  de  ses  ou- 
vrages que  ceux  qu'il  a  faits  pour  les  jardins  et  le  palais  de 


iiei 


LEHONGRE  —  LEIBNIZ 


Versailles,  notamment  des  figures  allégoriques,  des  statues 
de  déesses,  des  fleuves,  des  nymphes,  des  groupes  d'amours 
destinés  à  orner  des  bosquets,  des  parterres,  des  fontaines. 
On  doit  à  son  ciseau  le  tombeau  de  Louis  Potier^  marquis 
de  Gesvres,  celui  de  Louis  de  Cossé,  duc  de  Brissac,  dont 
le  musée  du  Louvre  a  recueilli  trois  fragments,  et  une  statue 
équestre  de  Louis  XIV ^  exposée  au  Salon  de  1673  et 
érigée  à  Dijon  en  4725.  G.  G. 

LEHOULT-CouRVÂL  (V.  Courval), 

LEHOUX  (Pierre-François),  peintre  français,  né  à  Paris 
le  l^"^  juin  1803,  mort  en  1892.  Elèye  d'Horace  Vernet, 
il  exposa  à  partir  de  1831,  principalement  des  scènes 
orientales  :  Vue  d'Alexandrie,  Ruines  de  Thèbes  (1831), 
Camp  d'Arabes  (1833),  Bédouins,  Haltes  d^ Arabes, 
Ruth^  la  Vallée  du  Jourdain^  le  Réveil,  la  Visite  du 
médecin  (1857),  Vente  d'une  jeune  esclave  nubienne 
(1861),  Fontaine  syrienne  (1863),  Intérieur  d'un 
khan  (1865),  le  Lac  de  Tibérias  (1884),  etc. 

LEHR  (Paul-Ernest),  jurisconsulte  français,  né  à  Saint- 
Dié  (Vosges)  le  13  mai  1835.  Après  avoir  fait  son  droit 
à  la  faculté  de  Strasbourg,  oti  il  fut  reçut  docteur,  en 
1857,  il  entra  comme  secrétaire  général  dans  l'adminis- 
tration de  l'Eglise  de  la  confession  d'Augsbourg  de  France, 
dont  le  siège  était  à  Strasbourg  et  devint  en  1 868  membre 
du  Consistoire  supérieur  de  cette  Eglise.  En  même  temps 
et  depuis  1856,  il  exerçait  la  profession  d'avocat.  En 
1870,  il  prit  part  à  la  défense  de  Strasbourg  en  qualité 
de  commandant  d'une  compagnie  de  la  garde  nationale,  et 
après  la  capitulation  de  la  ville  il  se  retira  en  Suisse  à 
Lausanne.  Dès  son  arrivée  il  fut  attaché  à  l'académie  de 
cette  ville  comme  professeur  de  droit  civil  français.  Il  a 
ensuite  occupé  pendant  dix  ans,  dans  le  même  établisse- 
ment d'instruction  supérieure,  une  chaire  de  législation 
comparée,  et  a  pris  une  part  active  à  la  rédaction  du  code 
fédéral  des  obligations  promulgué  en  1881.  En  1884, 
M.  Lehr  a  renoncé  à  l'enseignement  pour  se  consacrer 
exclusivement  aux  publications  scientifiques.  En  outre,  de- 
puis 1877,  il  est  attaché  en  qualité  de  conseil  à  l'ambassade 
de  France  en  Suisse.  En  1892,  dans  sa  session  de  Genève, 
l'Institut  de  droit  international,  dont  il  faisait  partie  depuis 
1 879  comme  associé  et  depuis  1887  comme  membre  effectif, 
l'a  choisi  pour  son  secrétaire  général,  en  remplacement  de 
M.  Rolin-Jacquemyns,  devenu  ministre  du  roi  de  Siam. 
Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Etudes  sur  l'histoire  et 
la  généalogie  des  principales  maisons  souveraines  de 
l'Europe  (d'origine  germanique)  (Paris,  1865,  in-4)  ; 
l'Alsace  noble  (Pms,  1869,  3  vol.  in-4)  ;  Dictionnaire 
d'administration  ecclésiastique  à  l'usage  des  deux 
Eglises  protestantes  de  France  (Paris,  1869,  in-8);  Mé- 
langes de  littérature  et  d'histoire  alsatiques  (Stras- 
bourg, 1870,  in-8)  ;  les  Ecus  de  cinq  francs  au  point 
de  vue  de  la  numismatique  et  de  l'histoire  (Paris, 
1870,  in-8);  Eléments  de  droit  civil  germanique  (Paris, 
1875,  in-8)  ;  Essais  sur  la  numismatique  suisse  (Lau- 
sanne, 1875,  in-8)  ;  Eléments  de  droit  civil  russe  (Paris, 
1877  et  1888,  2  vol.  in-8)  ;  la  Handfeste  de  Fribourg 
(Lausanne,  1880,  in-8)  ;  Eléments  de  droit  civil  espa- 
gnol (Paris,  1880  et  1890,2  vol.  in-8);  Eléments  de  droit 
civil  anglais  (Paris,  1885,  in-8),  récompensé  en  1888 
par  l'Académie  des  sciences  morales  ;  Principes  de  la  po- 
litique de  Holtzendorff]  traduction  française  (Hambourg, 
1887,  in-8)  ;  Manuel  des  actes  de  l'état  civil  eri  France 
et  à  l'étranger  (en  collaboration  avec  M.  Crépon)  (Paris, 
1887,  in-12);  Numismatique  de  l'Alsace  (en  collaboratioa 
avec  M.  Engel),  ouvrage  couronné  en  1888  par  l'Académie 
des  inscriptions  (Paris,  1887,  in-4);  le  Nouveau  Code 
pénal  portugais  (Paris,  1888,  in-8)  ;  Traité  élémen- 
taire de  droit  civil  germanique  (Paris,  1892,  2  vol. 
in-8).  M.  Lehr  a  publié,  dans  l'Annuaire  de  législation 
étrangère  (t.  IV),  une  traduction  du  code  civildu  cant. 
de  Glaris,  et  dans  la  Collection  des  principaux  codes 
étrangers,  édités  par  le  ministère  de  l'instruction  pu- 
blique, la  traduction  du  Code  de  commerce  portugais  de 


1888  (Paris,  1889,  in-8)  et  celle  du  Code  civil  de  Zu- 
rich de  1887  (Paris,  1890,  in-8).  Comme  secrétaire 
général  de  l'Institut  de  droit  international  il  rédige,  depuis 
1892,  l'annuaire  de  cette  société,  et  il  a  publié  en  1893  le 
Tableau  général  de  l'organisation  des  travaux  et  du 
personnel  de  l'Institut.  M.  Lehr  est  un  des  principaux  col- 
laborateurs de  la  Grande  Encyclopédie.       E.  Glasson. 

LEHRBACH  (Comte  de),  diplomate  autrichien,  né  en 
1750,  mort  en  Suisse  en  1805.  Il  fut  un  des  agents  les 
plus  actifs  de  la  politique  contre-révolutionnaire  aux 
Pays-Bas  où  il  fut  envoyé  avec  Metternich  en  1789,  à 
Munich  oii  il  était  ministre,  à  Berlin,  à  Ratisbonne,  à 
Bâle,  dans  le  Tirol  où  il  surexcita  les  populations  contre 
les  Français,  au  congrès  de  Rastadt  où  il  eut  grande 
part  à  l'assassinat  des  plénipotentiaires  français.  Après  la 
chute  de  Thugut  et  la  paix  de  Lunéville,  il  fut,  sur  la 
demande  de  Napoléon,  confiné  en  Suisse. 

LE  HUÉROU  (Julien-Marie),  historien  français,  né  à 
Prat  (Côtes-du-Nord)  le  22  févr.  1807,  mort  près  de 
Nantes  le  29  oct.  1843.  Elève  de  l'Ecole  normale  supé- 
rieure, il  entra  à  sa  sortie  dans  l'Université  et  fut  nommé 
ensuite  professeur  d'histoire  au  collège  royal  de  Rennes. 
On  lui  doit  deux  ouvrages  très  estimés  :  Histoire  desins- 
titulions  mérovingiennes  et  du  gouvernement  des  Mé- 
rovingiens jusqu'à  l'édit  de  615  (Paris,  1841,  in-8); 
Histoire  des  institutions  carlovingiennes  et  du  gou- 
vernement des  Carlovingiens  (Paris,  1843,  2  vol.  in-8). 
Atteint  d'une  mélancolie  profonde,  Le  Huérou  se  pendit  à 
un  arbre  sur  les  bords  de  la  Loire. 

LEIBL  (Wilhelm),  peintre  et  graveur  allemand,  né  à 
Cologne  le  23  oct.  1844.  H  étudia  à  Munich  sous  Piloty 
et  s'adonna  aux  tableaux  de  genre  et  au  portrait,  en  s'ins- 
pirant  surtout  de  Van  Dyck.  Nous  citerons  de  lui  le  por- 
trait de  son  père  (musée  Walraf-Richarlz),  celui  d'une 
Femme  dans  le  vieux  costume  allemand,  et  sa  Fumeuse. 
Une  de  ses  meilleures  gravures  est  son  Buveur. 

LEIBNIZ  (Gottfried- Wilhelm),  l'un  des  plus  grands 
mathématiciens  et  philosophes  des  temps  modernes,  né  à 
Leipzig  le  1  «^  juil.  1646,  mort  à  Hanovre  le  14  nov.  1716. 
Nous  étudierons  successivement  sa  vie,  ses  œuvres  et  sa 
doctrine. 

I.  Biographie.  —  Sur  la  biographie  de  Leibniz,  on  peut 
consulter,  outre  ses  autres  ouvrages  et  sa  correspondance, 
deux  opuscules  d'un  caractère  proprement  autobiographique: 
In  specimina  Pacidii  introductio  historica,  publié  par 
Erdmann  (1840),  et  Vita  Leibnitii  a  se  ipso  breviter 
delineata,  par  Foucher  de  Careil  (1857);  l'Eloge  de 
M.  de  Leibniz,  par  Fontenelle  (1717),  et  enfin  Gottfried- 
Wilhelm  Freiherr  von  Leibniz,  eine  Biographie;  par 
Guhrauer  (1846,2  vol.  in-12).  On  peut  avec  M.  Boutroux 
diviser  la  vie  de  Leibniz  en  trois  périodes  :  1°  la  période 
des  études  et  des  premiers  travaux,  s'étendant  jusqu'en 
1672;  2^  la  période  des  voyages,  de  1672  à  1676,  époque 
où  il  devint  bibhothécaire  de  Hanovre  ;  3*  la  période  des 
résultats,  «  pendant  laquelle  il  accomplit,  dans  les  divers  do- 
maines où  se  déploie  son  activité,  les  œuvres  qui  ont  mani- 
festé en  lui  un  des  hommes  les  plus  profonds  comme  les 
plus  universels  de  tous  les  temps  ». 
^  Période  des  études.  La  famille  de  Leibniz  était  d'ori- 
gine slave.  Son  père,  jurisconsulte  et  professeur  de  mo- 
rale à  l'université  de  Leipzig,  le  laissa  orphelin  à  six  ans, 
et  sa  mère,  Catherine  Schmucke,  fille  d'un  savant  profes- 
seur de  droit,  qui  eut  soin  de  sa  première  éducation,  ne 
tarda  pas  à  lui  être  enlevée  pendant  qu'il  était  à  l'univer- 
sité. Aussi  Leibniz  fut-il,  comme  il  le  dit  lui-même,  «  auto- 
didacte ».  Ayant  appris  le  latin  et  le  grec  dès  l'âge  le  plus 
tendre  et  comme  en  se  jouant,  il  lut  d'abord  les  anciens  et 
reçut  sans  y  prendre  garde  l'empreinte  de  leur  pensée  et 
de  leur  style  «  comme  le  visage  se  colore  sans  qu'on  y 
pense  quand  on  marche  longtemps  au  soleil  ».  En  posses- 
sion de  la  bibliothèque  de  son  père,  il  s'assimila  de  bonne 
heure  la  philosophie  et  la  théologie  scolasliquos,  trouvant, 
comme  il  le  dit  plus  tard,  l'or  caché  dans  ce  fumier.  Ce 


LEIBNIZ 


—  1468  — 


fut  seulement  à  Tâge  de  quinze  ans  qu'il  lut  les  modernes, 
Bacon,  Cardan,  Carapanella,  Kepler,  Galilée  et  Descartes; 
et,  dès  cette  époque,  il  entrevit  le  problème  dont  sa  philo- 
sophie devait  essayer  de  donner  la  solution.  «  Je  me  sou- 
viens, écrit-il  en  1745  à  Remond  de  Montfort,  que  je  me 
promenai  seul  dans  un  bocage  auprès  de  Leipzig,  appelé  le 
Rosenthal,  à  l'âge  de  quinze  ans,  pour  délibérer  si  je  gar- 
derais les  formes  substantielles  des  anciens  et  des  scolas- 
tiques.  » 

Il  étudia  la  philosophie  à  l'université  sous  la  direction 
de  Thomasius,  célèbre  pour  sa  profonde  connaissance  delà 
philosophie  ancienne,  et  en  4663  écrivit  une  thèse  de  bacca- 
lauréat, De  Principio  individui^  où  il  se  déclara  pour  le 
nominalisme.  Puis  il  alla  à  léna  suivre  les  cours  du  ma- 
thématicien Ehrard  Weigel,  et  il  y  conçut  l'idée  d'une  mé- 
thode philosophique  de  combinaisons  analogue  à  la  méthode 
mathématique,  idée  qu'il  exposera  deux  ans  plus  tard  dans 
son  traité  Dé?  Arte  combinatoria. 

Cependant,  s'étant  décidé  pour  la  carrière  du  droit,  il 
prit  à  Altdorf,  près  de  iNuremberg,  le  titre  de  docteur  en 
droit,  avec  une  thèse  De  Casibus  perplexis  injure  où  se 
remarque  son  goût  pour  les  questions  douteuses  et  les  re- 
cherches originales.  En  même  temps,  il  se  faisait  affilier 
à  la  confrérie  de  la  Rose-Croix  de  Nuremberg  et  s'adonnait 
aux  expériences  de  chimie  dont  il  devait  s'occuper  toute  sa  vie 
avec  passion.  Ce  fut  à  Nuremberg  qu'il  fit  la  connaissance 
du  baron  de  Boinebourg,  ministre  de  l'électeur  de  Mayence, 
Jean-PhiHppe,  et  qu'il  se  laissa  emmener  par  lui  à  Franc- 
fort. Devenu  conseiller  à  la  cour  suprême  de  l'électorat  de 
Mayence,  Leibniz  écrivit  des  ouvrages  de  jurisprudence  et 
de  politique  :  Methodus  nova  discendœ  docendœque  jii- 
risprudentiœ,  Corporis  juris  reconcinnandi  ratio, 
Spécimen  demonstrationum  polilicarum  pro  rege  Po- 
lonorum^  sans  se  désintéresser  toutefois  de  la  philosophie, 
comme  le  prouve  sa  Confessio  naturœ  contra  Atheistas 
et  sa  Dissertatio  de  stylo  philosophico  Nizolii  où  il  dé- 
fend Aristote  et  saint  Thomas  contre  les  reproches  de  Nizo- 
lius.  Enfin  il  dédie  à  l'Académie  française  des  sciences 
une  Theoria  motus  abstracli  et  à  la  Société  royale  de 
Londres  une  Theoria  motus  concreti  dans  laquelle  il 
développe,  complète  et  rectifie  les  principes  du  mécanisme 
cartésien. 

Période  des  voyages.  En  4672,  Leibniz  vint  à  Paris 
dans  le  dessein  de  détourner  vers  la  conquête  de  l'Egypte 
et  l'anéantissement  de  la  Turquie  l'ambition  de  Louis  XIV 
menaçante  pour  l'Allemagne  et  pour  l'Europe.  Il  échoue 
dans  ce  dessein,  mais  il  profite  de  son  séjour  à  Paris  pour 
voir^plusieurs  hommes  illustres  du  temps.  Huyghens  l'ini- 
tie à  la  «  profonde  géométrie  »  ;  les  ouvrages  de  Pascal 
lui  ouvrent  tout  d'un  coup  l'esprit  et  lui  donnent  des  vues 
qui  l'étonnent  lui-même  ;  il  s'entretient  de  théologie  avec 
Arnauld,  de  politique  avec  Colbert.  Son  séjour  à  Paris 
dura  quatre  ans,  sauf  deux  mois  qu'il  passa  à  Londres  au 
commencement  de  4673  où  il  se  lia  avec  le  physicien  Boy  le 
et  le  mathématicien  Oldenbourg.  De  cette  époque  date  sa 
grande  découverte  mathématique  du  calcul  différentiel.  On 
sait  qu'elle  lui  fut  disputée  par  Newton.  Il  est  certain  que 
Newton  avait  inventé  dès  4  665  une  nouvelle  méthode  de 
calcul,  la  Méthode  des  fluxions,  identique,  quant  au  fond, 
au  calcul  différentiel,  et  qu'il  l'avait  fait  connaître  en  4672 
à  un  petit  nombre  d'amis  ;  il  est  probable  que  Leibniz  en 
eut  connaissance  par  une  lettre  de  Newton  à  Oldenbourg  à 
cette  même  date  de  4672  ;  mais,  d'autre  part,  cette  décou- 
verte était  déjà  en  germe  dans  les  travaux  de  Fermât, 
Wallis,  Cavallieri,  et  le  point  de  vue  auquel  se  plaçait  Leib- 
niz était  tout  différent  de  celui  de  Newton,  le  géomètre 
anglais  comparant  les  variations  des  fonctions  au  mouve- 
ment des  corps  matériels  et  faisant  de  l'idée  de  vitesse  le 
fondement  de  son  nouveau  calcul,  tandis  que  le  pliilosophe 
allemand,  introduisant  dans  l'analyse  nouvelle  la  notion  des 
quantités  infiniment  petites,  prenait  pour  point  de  départ, 
selon  la  remarque  de  M.  Boutroux,  une  idée  métaphysique 
et  non  une  image  empruntée  au  monde  sensible  ;  et  enfin 


l'algorithme  imaginé  par  Leibniz  était  autrement  clair  et 
fécond  que  celui  de  Newton,  de  sorte  que  Ton  peut  dire 
avec  Biot  que  «  Newton  a  fait  davantage  pour  sa  gloire  et 
Leibniz  pour  le  progrès  général  de  l'esprit  humain  »,  et 
avec  Fontenelle  que,  s'il  y  eut  larcin,  ce  larcin  fut  tel 
«  qu'il  ne  faudrait  pas  d'autre  preuve  d'un  grand  génie 
que  de  l'avoir  fait  ».  Cependant  Boinebourg  et  l'électeur 
de  Mayence  étant  morts,  Leibniz  accepta  du  duc  de  Bruns- 
wick, Jean-Frédéric,  la  place  de  bibliothécaire  à  Hanovre. 
Il  quitta  Paris  en  4676  et  se  rendit  à  Hanovre  en  passant 
par  Londres,  où  il  fit  la  connaissance  du  géomètre  Collins, 
ami  de  Newton,  et  par  Amsterdam  où  il  vit  Spinoza. 

Période  des  résultats.  Désormais  la  vie  de  Leibniz 
va  s'écouler  à  la  cour  des  ducs  de  Brunswick,  dont  il  sera 
le  conseiller  et  l'ami,  d'abord  de  Jean-Frédéric,  puis  en 
4675  de  son  frère  Ernest-Auguste  qui  lui  succède  et  de  la 
duchesse  Sophie,  femme  d'Ernest-Auguste,  enfin  deGeorges- 
Louis  et  de  Sophie-Charlotte,  fils  et  fille  des  précédents, 
dont  l'une  deviendra  reine  de  Prusse  et  l'autre  roi  d'An- 
gleterre. Pendant  ces  quarante  années,  le  philosophe  de  Ha- 
novre développe  et  réalise  les  grandes  idées  qu'il  a  conçues 
pendant  son  séjour  à  Mayence  et  à  Paris.  Son  génie  uni- 
versel touche  en  même  temps  à  toutes  les  branches  de  la 
connaissance  humaine,  mathématiques,  théologie,  histoire, 
science  des  langues,  politique,  philosophie. 

En  mathématiques,  Leibniz  publie  dès  4684  dans  les 
Acta  eruditoymm  de  Leipzig  sa  Nova  Methodus  pro  mi- 
nimis  et  maximis,  c.-à-d.  son  calcul  différentiel.  —  En 
théologie,  il  essaye  de  mener  à  bonne  fin  dans  son  Systema 
theologicum  (4686)  le  projet  dont  il  s'était  ouvert  dès 
4673àPellisson,  de  la  concihation  des  Eglises  chrétiennes, 
protestante  et  catholique,  mais  il  ne  réussit  pas  à  gagner 
Bossuet  qui  cependant  s'était  écrié  :  Utinam  ex  nostris 
esset  !  —  Chargé  d'écrire  l'histoire  de  la  maison  de 
Brunswick-Lunebourg,  il  s'impose  la  loi  de  remonter  jus- 
qu'aux sources.  Durant  trois  ans  (4687-90),  il  parcourt 
l'Allemagne  et  l'Italie,  interroge  les  archives  et  les  biblio- 
thèques, recueille  et  discute  les  documents  ;  en  un  mot, 
donne  le  premier  exemple  de  critique  historique.  En  4693, 
il  publie  un  Codex  juris  gentium  diplomaticus  et  en 
1698  des  Accessiones  historicœ.  Puis,  en  4704,  il  com- 
mence la  publication  des  matériaux  qu'il  a  recueillis  sur  la 
maison  de  Brunswick,  Scriptores  rerum  Brunsvicensium 
illustrationi  inservientes  (4704-41).  Son  travail  per- 
sonnel. Annales  Brunsvicenses,  demeura  inachevé.  «  Il  le 
faisait  précéder,  dit  Fontenelle,  par  une  dissertation  sur 
l'état  de  l'Allemagne  tel  qu'il  était  avant  toutes  les  his- 
toires, et  qu'on  le  pouvait  conjecturer  par  les  monuntents 
naturels  qui  en  étaient  restés,  des  coquillages  pétrifiés  dans 
les  terres,  des  pierres  où  se  trouvent  des  empreintes  de 
poissons  ou  de  plantes,  et  même  de  poissons  et  de  plantes 
qui  ne  sont  point  du  pays,  médailles  incontestables  du  dé- 
luge. De  là  il  passait  aux  plus  anciens  habitants  dont  on 
ait  mémoire,  aux  diff'érents  peuples  qui  se  sont  succédé  les 
uns  aux  autres  dans  ces  pays,  et  traitait  de  leurs  langues 
et  du  mélange  de  leurs  langues,  autant  qu'on  en  peut  juger 
par  les  étymologies,  seuls  monuments  en  ces  matières.  » 
Ainsi  Leibniz  jetait  en  quelque  sorte  les  fondements  de  la 
géologie  (dont  il  s'était  déjà  occupé  dans  sa  Protogœa, 
4693),  de  l'anthropologie  préhistorique  et  de  la  linguistique 
dont  il  pressentait  les  grandes  découvertes. 

En  politique,  il  s'efforça  surtout  de  contribuer  au  déve- 
loppement de  la  civilisation  en  Allemagne,  en  Europe  et 
même  dans  l'univers  entier.  Sur  ses  conseils,  l'électeur  de 
Brandebourg,  qui  allait  devenir  Frédéric  I^^,  roi  de  Prusse, 
constitue  à  Berlin  une  «  Société  des  sciences  »  (4700),  à 
laquelle  Frédéric  donnera  plus  tard  le  nom  d'Académie  des 
sciences  (4744).  Mis  en  relation  avec  le  tsar  Pierre  le 
Grand  par  son  ami  le  baron  Urhich,  ambassadeur  de  Rus- 
sie à  Vienne,  Leibniz  lui  propose  tout  un  plan  de  réforme 
civile,  intellectuelle  et  morale,  et  principalement  la  créa- 
tion à  Saint-Pétersbourg  d'une  académie,  chargée  de  faire 
ouvrir  des  écoles  dans  tout  le  pays,  «  d'introduire,  d'aug- 


1169  — 


LEIBNIZ 


menter  et  de  faire  fleurir  toutes  les  bonnes  connaissances 
dans  Tempire  ».  Non  seulement  il  prévoit  le  rôle  futur  de 
la  Russie  dans  les  affaires  de  l'Europe,  mais  encore  il 
comprend  la  grandeur  des  civilisations  orientales,  en  par- 
ticulier de  la  civilisation  chinoise  qu'il  croit  digne  de 
toute  Tattentidn  des  philosophes  et  des  hommes  d'Etat. 

En  philosophie,  il  développe,  fixe  et  systématise  ses 
idées  dans  une  série  d'ouvrages  où  se  marquent  les  princi- 
paux degrés  de  l'évolution  de  sa  pensée  qu'un  historien 
contemporain,  M.  Boutroux,  ramène  à  trois  :  la  matière, 
l'âme  et  Dieu.  Au  premier  degré  se  rapportent  l'opuscule 
intitulé  Meditationes  de  cognitione^  veritate  et  ideis 
(1684)  ;  un  autre  intitulé  DePrimœ  Philosophîœ  emen- 
datione  et  de  notione  substantiœ  (1694)  ;  le  Système 
nouveau  de  la  nature  et  de  la  communication  des 
substances  aussi  bien  que  de  l'union  qu'il  y  a  entre 
rame  et  le  corps^  où  se  trouve  exposé  pour  la  première 
fois  le  système  de  l'harmonie  préétablie  (1695)  ;  enfin  un 
traité  sur  la  nature.  De  Ipsa  Natura  sive  de  vi  insita 
actionibusque  creaturarum  (1698),  où  il  oppose  sa 
conception  de  la  nature  à  celle  de  Spinoza.  —  Au  second 
degré  se  rapportent  une  suite  de  lettres  à  Basnage  (1698), 
à  Hoffmann  (1699),  etc.,  divers  opuscules  de  1705, 1707, 
1710,  et  surtout  les  Nouveaux  Essais  sur  rentendement 
humain,  en  réponse  à  V Essai  de  Locke,  écrits  en  1703, 
mais  publiés  seulement  en  1765.  —  Au  troisième  degré 
appartiennent  les  Essais  de  théodicée  sur  la  bonté  de  Dieu, 
la  hberté  de  l'homme  et  l'origine  du  mal,  composés  à  la 
demande  de  la  reine  de  Prusse.  Les  derniers  ouvrages  de 
Leibniz,  la  Monadologie  (1714),  écrite  pour  le  prince 
Eugène  de  Savoie,  et  les  Principes  de  la  nature  et  de  la 
grâce  (1714)  sont  des  résumés  de  sa  philosophie.  Toute- 
fois, pendant  ses  dernières  années,  Leibniz,  dans  des  lettres 
à  plusieurs  savants,  reprend  quelques  points  importants 
de  son  système  ;  avec  le  P.  des  Bosses,  il  traite  de  la 
monade,  de  la  matière,  du  corps  et  de  la  substance  corpo- 
relle; avec  M.  Bourguet,  de  la  perception  et  de  la  perfec- 
tion croissante  des  créatures  ;  avec  Clarke,  de  Dieu,  de 
l'espace  et  du  temps. 

La  fin  de  Leibniz  fut  isolée  et  triste.  Ses  protecteurs 
étaient  morts,  et  la  maladie  le  clouait  sur  un  fauteuil.  Il 
mourut  le  14  nov.  1716  et  fut  enterré  non  seulement 
sans  pompe,  mais  sans  aucune  suite,  sans  ministre  de  la 
religion,  accompagné  du  seul  Eckhart,  son  fidèle  secrétaire. 
Il  passait  aux  yeux  du  peuple  et.  de  la  cour  pour  un  mé- 
créant ;  et,  de  fait,  si  religieux  que  fût  Leibniz,  au  sens 
élevé  du  mot,  il  était  peu  porté  vers  la  pratique  ;  ce  fut 
surtout  un  «  scrupuleux  observateur  de  la  religion  natu- 
relle ».  La  Société  des  sciences  de  Berlin  et  la  Société 
royale  de  Londres  restèrent  muettes.  Seule,  l'Académie  des 
sciences  de  Paris  prononça  l'éloge  de  Leibniz  par  Forgane 
de  son  secrétaire  Fontenelle  (13  nov.  1717). 

IL  Œuvres.  —  La  publication  des  œuvres  de  Leibniz 
n'est  pas  encore  achevée. Lui-même  n'a  publié  que  quelques 
opuscules,  des  articles  dans  les  Acta  eruditorum  de 
Leipzig,  à  partir  de  1684,  et  dans  le  Journal  des  Savants 
à  partir  de  1691  ;  enfin  la  Théodicée  (1710). 

Aussitôt  après  sa  mort,  tous  ses  papiers  et  tous  ses 
livres  furent  saisis  et  placés  en  partie  dans  les  archives 
secrètes,  en  partie  dans  la  bibliothèque  électorale,  devenue 
aujourd'hui  bibliothèque  royale,  où  ils  sont  encore,  trésor 
immense,  dont  une  grande  partie  (principalement  dans  la 
correspondance)  n'a  pas  encore  été  révélée  au  public. 

Jusqu'en  1765,  on  ne  connaît  guère  que  les  Lettres 
entre  Leibniz  et  Clarke,  les  Principes  de  la  nature  et 
de  la  grâce  et  une  traduction  latine  de  la  Monadologie, 
A  partir  de  1765,  les  principales  éditions  sont  celles  de 
Baspe  (1765),  Œuvres  philosophiques^  qui  contient  les 
Nouveaux  Essais  ;  de  Dutens  (1768),  OEuvres  complètes 
dans  laquelle  cependant  les  Nouveaux  Essais  manquent  ; 
de  Gurhauer  (1838  à  1840),  œuvres  écrites  en  allemand; 
de  Erdmann  (1840)  OEuvres  philosophiques,  qui  con- 
tient la  Monadologie  ;  de  Janet,  Œuvres  philosophiques 

GRANDE  ENCYCLOPÉDIE.    —    XXI. 


(1866)  ;  enfin  de  Gerhardt,  OEuvres  philosophiques^  com- 
mencée en  1875,  qui  promet  d'être  complète. 

IIÏ.  Doctrine.  —  La  philosophie  de  Leibniz  se  rattache 
à  celle  de  Descartes  ;  elle  la  continue  en  la  transformant 
profondément.  L'une  et  l'autre  sont  rationalistes,  car  elles 
placent  également  dans  la  raison  le  principe  ou  du  moins  la 
règle  de  toute  la  connaissance  humaine;  spiritualistes,  car 
elles  voient  également  dans  l'esprit  la  première  et  la  plus 
positive  des  réalités;  théistes  enfin,  car  elles  cherchent 
également  dans  l'idée  de  la  perfection  absolue  le  secret  de 
l'explication  universelle.  Seulement,  Descartes,  s'enfermant 
dès  l'abord  dans  sa  propre  pensée,  ne  veut  même  pas  savoir 
«  s'il  y  avait  des  hommes  avant  lui  »  ;  aussi  ne  se  préoc- 
cupe-t-il  nullement  de  se  mettre  d'accord  avec  ceux  qui 
Font  précédé.  Leibniz  s'efforce,  au  contraire,  de  compren- 
dre et  de  pénétrer  les  doctrines  de  tous  ses  devanciers. 
<<  J'approuve,  dit-il,  la  plus  grande  partie  de  ce  que  je 
lis.  »  —  «  La  plupart  des  sectes,  dit-il,  ont  raison  dans  une 
bonne  partie  de  ce  qu'elles  avancent,  mais  non  pas  tant 
en  ce  qu'elles  nient.  »  Le  premier,  il  a  vu  dans  l'histoire 
de  la  philosophie  non  une  suite  incohérente  d'opinions  indi- 
viduelles, mais  le  progrès,  l'évolution  d'une  sorte  de  phi- 
losophie éternelle  (perennis  quœdam  philosophia)  ^  qui 
va  s'approfondissant  et  s' élargissant  de  plus  en  plus.  Aussi 
sa  méthode  est-elle  Véclectisme  ou  plutôt  cette  méthode 
de  conciliation  qu'un  de  nos  philosophes  contemporains, 
M.  Fouillée,  a  essayé  de  renouveler.  «  J'ai  été  frappé,  dit 
Leibniz,  d'un  nouveau  système  ;  depuis,  je  crois  voir  une 
nouvelle  face  de  l'intérieur  des  choses.  Ce  système  paraît 
allier  Platon  avec  Démocrite,  Aristote  avec  Descartes,  les 
scolastiques  avec  les  modernes.  Il  semble  qu'il  prend  le 
meilleur  de  tous  côtés  et  qu'après  il  va  plus  loin  qu'on 
n'est  allé  encore.  »  Toutefois,  il  ne  se  propose  nullement 
de  combiner  ou  même  de  concilier  les  systèmes  dans  leur 
forme  historique  :  ce  qu'il  prend  pour  objet  de  sa  conci- 
liation, ce  sont  les  principes,  les  idées  maîtresses  de  ces 
systèmes,  envisagées  directement  en  elles-mêmes  et  scru- 
tées par  une  réflexion  personnelle  et  indépendante. 

Ainsi  Leibniz  part  de  la  philosophie  de  Descartes  qui 
est  «  comme  l'antichambre  de  la  vérité  »,  mais  il  en  mo- 
difie profondément  la  méthode  et  les  principes.  En  effet,  la 
méthode  philosophique,  telle  que  Descartes  Fa  comprise, 
n'est  en  somme  qu'une  extension  de  la  méthode  mathéma- 
tique, et  c'est  pourquoi  Spinoza  n'a  fait  que  pousser  à  ses 
dernières  conséquences  la  doctrine  du  maître  en  prétendant 
démontrer  la  philosophie  77wre  geometrico.  Mais  la  mé- 
thode mathématique  elle-même,  quoi  que  Descartes  ait  pu 
penser  sur  ce  point,  n'est  qu'une  application  particulière 
de  la  logique,  de  cette  même  logique  formelle  dont  Aristote 
a  posé  les  règles  dans  sa  théorie  du  syllogisme.  Or,  la 
logique  repose  tout  entière  sur  le  seul  principe  de  contra- 
diction, principe  marqué  d'un  caractère  de  nécessité 
absolue  ou  géométrique,  qui  efface  toute  distinction  entre 
le  possible  et  le  réel.  Dès  lors,  la  méthode  philosophique 
de  Descartes  devait  nécessairement  le  conduire  à  mettre  en 
toutes  choses  une  insupportable  fatalité.  Il  a  sans  doute 
échappé  à  ce  fatalisme  rigide  où  s'est  enfermé  Spinoza, 
mais  par  une  véritable  inconséquence,  en  juxtaposant  vio- 
lemment à  la  nécessité  universelle  exigée  par  sa  méthode 
la  liberté  arbitraire  qu'il  lui  plaît  d'attribuer  à  Dieu.  Aussi 
Leibniz,  tout  en  faisant  une  part  dans  la  méthode  philoso- 
phique à  la  démonstration  logique  et  mathématique  fondée 
sur  le  principe  de  contradiction,  donne  cependant  comme 
fondement  à  cette  méthode  dans  ce  qu'elle  a  de  propre  et 
d'original  un  principe  tout  différent,  le  principe  de  raison 
suffisante  par  lequel  se  trouve  posé  le  vrai  critérium  du 
possible  et  du  réel,  et  ce  nouveau  principe,  qui  ouvre  à  la 
spéculation  métaphysique  un  champ  de  découvertes  sans 
bornes,  met  partout  une  nécessité  morale,  également 
éloignée  de  la  nécessité  géométrique  de  Spinoza  et  de  la 
liberté  indéterminée  de  Descartes. 

Leibniz  se  trouve  amené  par  là  même  à  faire  une  place 
à  l'expérience  dans  la  méthode  générale  de  la  philosophie, 

74 


LEIBNIZ 


1170  — 


laquelle  se  trouve  définitivement  constituée  par  la  réunion 
de  ces  trois  éléments  :  1^  démonstration  logique  et  mathé- 
matique fondée  sur  le  principe  de  contradiction;  2*^  expé- 
rience ;  3°  démonstration  métaphysique  fondée  sur  le 
principe  de  raison  suffisante.  Si  la  démonstration  logique 
et  mathématique  nous  permet  de  déterminer  à  priori  le  pos- 
sible et  l'impossible,  elle  est  impuissante  à  nous  découvrir 
le  réel.  D'autre  part,  l'expérience  nous  fait  bien  connaître 
le  réel,  mais  à  posteriori,  c.-à-d.  à  titre  de  fait  brut,  sans 
nous  expliquer  ni  comment  il  est  possible,  ni  pourquoi 
il  se  réalise  en  effet.  D'où  il  suit  qu'il  nous  faut  nécessai- 
rement les  compléter  l'une  par  l'autre,  et  toutes  les  deux 
ensemble  par  un  procédé  supérieur  qui  soit  proprement  ce- 
lui de  la  recherche  philosophique. 

Cette  méthode  nouvelle,  Leibniz  l'applique  au  problème 
fondamental  de  la  métaphysique  qui  est  à  ses  yeux  le  pro- 
blème de  la  substance.  Descartes  avait  donné  de  la  subs- 
tance une  définition  équivoque  et  incomplète  qui  en  faisait 
une  chose  {res)  sans  essence,  sans  activité  propre,  seule 
capable  cependant  d'exister  en  soi  et  par  laquelle  tout  le 
reste  existerait.  Spinoza  en  avait  conclu  que  si  les  attributs 
de  la  pensée  et  de  l'étendue  sont  distincts  et  même  oppo- 
sés, la  substance,  antérieure  à  ces  attributs,  est  nécessaire- 
ment une,  et  qu'il  n'y  a  pas  d'autre  substance  que  Dieu. 
—  Or  cette  fausse  notion  de  la  substance  obscurcit  toute 
la  philosophie.  Toti  philosophiœ  perversa  substantiœ  no- 
tio  tenebras  offudit,  Leibniz  s'attache  à  la  réformer,  et 
c'est  ainsi  qu'il  se  trouve  amené  à  rejeter  le  dualisme  car- 
tésien de  l'étendue  et  de  la  pensée,  en  même  temps  que  la 
doctrine  spinoziste  de  l'unité  de  substance.  La  véritable 
substance  c'est  la  force^  telle  que  la  conscience  nous  la  ré- 
vèle en  nous-même,  et  telle  que  l'analogie  nous  autorise  à 
la  supposer  en  toute  chose.  «  Pour  éclaircir  l'idée  de  subs- 
tance, dit  Leibniz  (De  Primœ  Philosophiœ  emendatione  et 
notione  substantiœ)^  il  faut  remonter  à  celle  de  force  ou 
d'énergie,  dont  l'explication  est  l'objet  d'une  science  par- 
ticulière appelée  dynamique.  La  force  active  ou  agissante 
n'est  pas  la  puissance  nue  de  l'école  ;  il  ne  faut  pas  l'en- 
tendre en  effet,  ainsi  que  les  scolastiques,  comme  une  simple 
faculté  ou  possibilité  d'agir  qui,  pour  être  effectuée  ou  ré- 
duite à  l'acte,  aurait  besoin  d'une  excitation  venue  du  de- 
hors et  comme  d'un  stimulus  étranger.  La  véritable  force 
active  renferme  Faction  en  elle-même  :  elle  est  entélé- 
chie,  pouvoir  moyen  entre  la  simple  faculté  d'agir  et  l'acte 
déterminé  ou  effectué  :  cette  énergie  contient  ou  enveloppe 
l'effort  (conatum  involvit)  et  se  porte  d'elle-même  à  agir 
sans  aucune  provocation  extérieure.  L'énergie,  la  force 
vive  se  manifeste  par  l'exemple  du  poids  suspendu  qui  tire 
ou  tend  la  corde  ;  mais,  quoiqu'on  puisse  expliquer  méca- 
niquement la  gravité  ou  la  force  du  ressort,  cependant  la 
dernière  raison  du  mouvement  de  la  matière  n'est  autre 
que  cette  force  imprimée  dès  la  création  à  tous  les  êtres,  et 
limitée  dans  chacun  par  l'opposition  ou  la  direction  con- 
traire de  toutes  les  autres.  » 

Dans  cette  notion  de  la  force  est  en  quelque  sorte  com- 
prise toute  la  philosophie  de  Leibniz  ;  il  suffirait  de  la  dé- 
velopper pour  en  faire  sortir  ses  théories  de  la  nature,  de 
l'âme  et  de  Dieu.  C'est  que  la  force  est  pour  lui  le  type 
universel  et  nécessaire  de  l'être  :  elle  est  l'être  même.  En 
elle  se  concilient  l'un  et  le  multiple,  le  possible  et  le  réel. 
Tout  être  en  effet  est  absolument  un,  mais  il  contient  dans 
son  unité  même  une  multiplicité  infinie  de  virtualités  qui 
tendent  toutes  à  se  réahser  et  y  réussissent  plus  ou  moins  ; 
et  c'est  dans  l'effort  par  lequel  l'être  actualise  successive- 
ment ses  puissances  que  consiste  son  activité  et  son  exis- 
tence même.  La  force  d'ailleurs  ainsi  comprise  est  néces- 
sairement immatérielle  :  notre  âme  seule  peut  nous  en  donner 
une  idée  en  nous  montrant  dans  l'intelligence  comment 
l'unité  peut  envelopper  la  multiplicité  et  dans  la  volonté 
comment  le  réel  peut  envelopper  le  possible. 

Nouvelle  méthode  fondée  sur  le  principe  de  raison  suffi- 
sante, nouvelle  conception  de  la  substance  ramenée  à  la 
force  et  servant  de  principe  à  un  système  de  métaphysique 


original  :  tels  sont  les  deux  points  par  où  la  philosophie  de 
Leibniz  se  distingue  tout  d'abord  de  la  philosophie  de  Des- 
cartes. On  en  verra  mieux  l'originalité  en  étudiant  les  di- 
verses parties  qui  la  composent  ou  du  moins  dans  lesquelles 
on  peut  la  diviser:  métaphysique,  psychologie,  théodicée 
et  morale. 

IV.  Métaphysique.  —  Deux  problèmes  résument  toute 
la  métaphysique  :  1<»  quelle  est  la  nature  des  êtres,  en  parti- 
culier des  êtres  matériels?  2»  comment  ces  êtres  agissent- 
ils  les  uns  sur  les  autres?  comment  communiquent-ils  entre 
eux  ?  Leibniz  résout  le  premier  problème  par  la  théorie  des 
monades,  le  second  par  celle  de  l'harmonie  préétablie. 

Descartes  avait  fait  consister  la  substance  matérielle 
dans  la  seule  étendue.  Mais  l'étendue  est  par  elle-même  in- 
différente au  mouvement  et  au  repos,  or  la  matière  a  une 
force  propre  de  résistance.  D'où  il  suit  que  la  loi  fonda- 
mentale de  la  nature,  c'est  la  conservation  de  la  quantité 
de  force  vive  {mv^)  et  non,  comme  il  l'a  cru,  la  conserva- 
tion de  la  quantité  de  mouvement  (mv)  ;  en  outre,  l'étendue 
n'est  qu'une  répétition,  une  diffusion  de  la  substance  et  ne 
peut  en  expliquer  la  nature  puisqu'elle  la  présuppose.  La 
matière  est  donc  pure  multitude.  Mais  une  multitude  ne 
peut  tirer  sa  réalité  que  d'unités  véritables.  Il  y  a  donc 
des  substances  simples,  car  tout  composé  «  n'est  qu'un 
amas  ou  aggrégatum  de  simples  »  ;  et  la  matière  n'est 
qu'un  phénomène  sans  fondement  ou  est  constituée  par  des 
unités  immatérielles  et  actives.  Ces  unités,  les  monades, 
sont  «  les  véritables  atomes  de  la  nature  et  en  un  mot  les 
éléments  des  choses  ». 

L'expérience  interne  confirme  ce  raisonnement  :  l'âme  se 
connaît  elle-même  à  la  fois  comme  unité  indivisible  et  comme 
force  tendant  à  produire  une  série  indéfinie  d'effets.  «  Nous 
expérimentons  en  nous-même,  dit  Leibniz,  une  multitude 
dans  la  substance  simple,  lorsque  nous  trouvons  que  la 
moindre  pensée  dont  nous  nous  apercevons  enveloppe  une 
variété  dans  l'objet.  »  Dès  lors  on  ne  peut  concevoir  les 
autres  substances  ou  monades  qu'à  l'imitation  de  l'âme. 
Leur  unité  consiste  en  dernière  analyse  dans  h  perception 
et  la  pensée  ;  leur  force  dans  la  tendance  et  Vappétition. 
La  matière,  le  mécanisme  ne  sont  que  l'apparence  extérieure 
des  choses  ;  au  fond  tout  est  vivant  et  animé.  «  Il  y  a  un 
monde  de  créatures,  de  vivants,  d'animaux,  d'entéléchies, 
d'âmes  dans  la  moindre  partie  de  la  matière...  Il  n'y  a  rien 
d'inculte,  de  stérile,  de  mort  dans  l'univers,  point  de  chaos, 
point  de  confusion  qu'en  apparence  ;  à  peu  près  comme  il 
en  paraîtrait  dans  un  étang  à  une  distance  dans  laquelle 
on  verrait  un  mouvement  confus  et  grouillement,  pour 
ainsi  dire,  de  poissons  de  l'étang,  sans  discerner  les  pois- 
sons mêmes.  » 

L'univers  est  l'ensemble  des  monades  :  il  ne  forme  pas 
un  nombre  ;  car  un  nombre  fini,  quelque  grand  qu'on  le 
suppose,  serait  sans  raison  suffisante,  et  un  nombre  infini 
impliquerait  contradiction,  mais  il  est  supérieur  à  tout 
nombre  assignable.  Les  monades  qui  le  composent  sont 
toutes  différentes  les  unes  des  autres,  car  il  ne  saurait  y 
avoir  deux  substances  identiques  ou  qui  ne  diffèrent  que 
par  des  dénominations  extrinsèques  {principe  des  indis- 
cernables) et  elles  sont  d'autre  part  toutes  plus  ou  moins 
analogues  entre  elles,  car  la  nature  ne  fait  point  de  sauts 
(principe  de  continuité).  Elles  forment  une  hiérarchie 
dont  les  différents  étages  répondent  aux  différents  degrés 
de  perfection  dont  elles  sont  susceptibles  :  les  entéléchies 
ou  monades  nues,  qui  n'ont  que  des  perceptions  confuses, 
les  âmes,  qui  ont  quelques  perceptions  distinctes,  grâce  à 
la  coopération  d'un  système  de  monades  subordonnées  dont 
elles  occupent  le  centre,  enfin  les  esprits  qui,  à  la  cons- 
cience et  à  la  mémoire,  attributs  des  âmes,  ajoutent  encore 
la  raison,  hiérarchie  qui  se  continue  sans  doute  au  delà, 
jusqu'à  Dieu.  A  tous  ces  degrés,  l'activité  des  monades 
consiste  d'une  part  en  perceptions,  par  lesquelles  chacune 
d'elles  réfléchit  et  concentre  en  son  unité  la  multitude  ex- 
térieure ;  d'autre  part  en  appétitions,  par  lesquelles  elle 
fait  sans  cesse  effort  pour  passer  d'une  perception  à  une 


-  MTi  - 


LEIBNIZ 


autre,  d'une  perception  confuse  à  une  perception  distincte. 
Grâce  à  ses  perceptions,  chaque  monade  est  «  un  miroir 
représentatif  de  l'univers  »  ;  l'univers  entier  avec  tous  ses 
phénomènes  passés,  présents  et  futurs  est  comme  enveloppé 
dans  ses  plis  ;  mais  c'est  seulement  dans  les  monades  su- 
périeures, dans  les  âmes  et  surtout  dans  les  esprits,  que 
cette  représentation  de  l'univers,  par  le  moyen  de  la  cons- 
cience, de  la  mémoire  et  de  la  raison,  est  plus  ou  moins 
distinctement  aperçue. 

On  voit  ce  que  peuvent  être  les  corps  dans  un  tel  sys- 
tème. Malgré  certains  passages  des  Lettres  an  Père  des 
Bosses^  où  Leibniz  semble  admettre  la  réalité  d'une  subs- 
tance corporelle,  passages  évidemment  inspirés  par  le  désir 
de  concilier  sa  doctrine  avec  le  dogme  catholique  de  la 
transsubstantiation,  les  corps  ne  sont,  au  point  de  vue  de 
la  monadologie,  que  des  phénomènes  bien  réglés  et  bien 
fondés:  toute  leur  réalité  se  résout  d'une  part  dans  celle 
des  perceptions  rationnellement  coordonnées  de  l'âme  hu- 
maine à  laquelle  ils  apparaissent,  d'autre  part  dans  les 
monades  nues  ou  entéléchies  dont  ils  sont  les  phénomènes 
et  où  ils  ont  par  conséquent  leur  dernier  fondement.  L'es- 
pace est  l'ordre  des  phénomènes  coexistants  ;  le  temps, 
l'ordre  des  phénomènes  successifs  :  Spatium  ordo  coexis- 
tentium  phœnomenorum^  tempus  autem  successivo- 
rum.  L'un  et  l'autre  s'assujettissent  les  états  des  monades 
et  non,  comme  l'ont  cru  de  trop  nombreux  historiens  ou 
critiques  et  Kant  lui-même,  les  monades  qui,  étant  sans 
parties,  ne  peuvent  être  juxtaposées  dans  l'espace  ne  si- 
tum  quidem  habent ,  et  dont  l'existence  ne  saurait  com- 
mencer ou  finir  naturellement  (sur  cette  question  parti- 
culière de  l'Espace  dans  Leibniz,  voir  notre  thèse  latine.  De 
Spatio  apud  Leibnitium  [Paris,  4894]). 

Maintenant,  comment  les  monades  communiquent-elles 
entre  elles?  Ce  problème  semble  avoir  été  étudié  tout  d'abord 
par  Leibniz  au  point  de  vue  particulier  des  rapports  de  l'âme 
et  du  corps.  On  sait  combien  la  difficulté  avait  paru  grande 
aux  cartésiens,  et  Leibniz  nous  dit  lui-même  (Système  nou- 
veau de  la  nature)  qu'après  avoir  établi  la  nature  de  la 
substance,  il  croyait  entrer  dans  le  port,  mais  que,  lors- 
qu'il se  mit  à  méditer  sur  l'union  de  l'âme  et  du  corps,  il 
fut  comme  rejeté  en  pleine  mer.  Il  semble  cependant  que 
son  hypothèse  des  monades  diminue  singulièrement  la  diffi- 
culté ,  car  il  ne  s'agit  plus  de  comprendre  comment  deux 
choses  hétérogènes  telles  que  l'étendue  et  la  pensée  peu- 
vent être  unies  et  communiquer  l'une  avec  l'autre  ;  il  s'agit 
seulement  de  découvrir  le  mode  d'union  et  de  communica- 
tion de  deux  choses  homogènes  qui  ne  diffèrent  l'une  de 
l'autre  que  par  le  nombre  et  le  degré  de  perfection,  car 
qu'est-ce  que  l'âme  pour  Leibniz,  sinon  une  monade  cons- 
ciente et  raisonnable,  et  qu'est-ce  que  le  corps  sinon  une 
pluralité  de  monades  sans  conscience  et  sans  raison  ? 

Mais  la  difficulté  que  Leibniz  découvre  dans  ce  nouveau 
problème  est  infiniment  plus  profonde  :  elle  est  indépen- 
dante de  la  nature  particulière  du  corps  et  de  l'âme  ;  elle 
s'impose  à  tous  les  systèmes,  quels  qu'ils  soient,  qui  ad- 
mettent une  action  réciproque  des  êtres  ;  elle  n'est  autre 
que  la  contradiction  qui  semble  enveloppée  dans  le  concept 
même  de  l'action  réciproque  ou  simplement  transitive.  Par 
action  transitive^  on  entend  l'action  d'un  être  sur  un 
autre,  une  action  qui,  commencée  dans  l'un,  passe  pour 
ainsi  dire  et  se  termine  dans  l'autre.  V action  immanente 
est,  au  contraire,  l'action  d'un  être  sur  lui-même,  une  action 
qui  reste  dans  l'être  où  elle  s'exerce.  Mais,  dans  la  pensée 
de  Leibniz,  l'action  ne  peut  se  séparer  sinon  par  abstrac- 
tion du  sujet  agissant  ;  elle  est  un  état  de  ce  sujet  même. 
«  Les  accidents  ne  sauraient  se  détacher  ni  se  promener 
hors  des  substances,  comme  faisaient  autrefois  les  espèces 
sensibles  des  scholastiques.  »  11  est  donc  impossible  que 
l'action  appartienne  en  même  temps  à  deux  sujets  diffé- 
rents, à  celui  qui  l'exerce  et  à  celui  qui  la  subit  :  on  ne 
peut  concevoir  une  manière  d'être  à  cheval,  pour  ainsi 
dire,  sur  deux  êtres.  Il  s'ensuit  que  l'action  transitive  se 
décompose  en  deux  états  dont  chacun  appartient  à  un  sujet 


distinct,  états  corrélatifs  sans  doute,  mais  non  identiques  : 
elle  n'est  en  définitive  que  la  correspondance  ou  Vhar- 
monie  de  ces  deux  états;  on  appelle  ac^e/1'être  dont  l'état 
précède  et  explique  celui  de  l'autre  ;  passifs  l'être  dont 
Fétat  suit  celui  du  premier  et  est  expliqué  par  lui.  Qu'on  le 
remarque,  cette  difficulté  se  retrouve  aussi  bien  dans  l'ac- 
tion réciproque  des  corps,  telle  qu'on  l'imagine  d'ordinaire, 
que  dans  celle  des  monades.  On  suppose,  en  effet,  qu'un 
corps  transmet  son  mouvement  à  un  autre  par  l'effet  du 
choc  ;  mais,  outre  que  les  corps  qui  se  choquent  ne  sont 
nullement  en  contact  immédiat,  le  mouvement  d'un  corps 
ne  peut  se  séparer  de  ce  corps  que  par  abstraction  :  il  est 
ce  corps  même  en  train  de  se  mouvoir,  il  ne  peut  donc 
devenir  le  mouvement  d'un  autre  corps.  La  prétendue  com- 
munication du  mouvement  ne  peut  donc  consister  qu'en 
ceci  :  un  corps  se  met  de  lui-même  en  mouvement  lorsqu'il 
se  trouve  à  proximité  d'un  autre  corps  qui  est  lui-même  en 
mouvement. 

Mais,  si  Ton  remplace  l'action  transitive  des  êtres  par  la 
correspondance  de  leurs  états  respectifs,  encore  faut-il 
expliquer  cette  correspondance.  Leibniz  l'explique  par  son 
hypothèse  de  Vharmonie  préétablie.  Les  monades  sont 
«  closes,  sans  portes  ni  fenêtres  »  :  chacune  d'elles  agit 
comme  si  elle  était  seule,  et  les  perceptions  suivantes  nais- 
sent spontanément  en  elle  de  ses  seules  perceptions  précé- 
dentes. D'où  vient  cependant  qu'elle  s'accorde  avec  toutes 
les  autres?  C'est  que  la  série  de  ses  états  a  été  réglée 
dès  lorigine  par  l'acte  créateur  de  manière  à  correspondre 
à  celle  des  autres.  En  particulier,  Dieu  a  créé  l'âme  et  le 
corps  de  telle  sorte  que  chacun  d'eux,  sans  faire  autre 
chose  que  suivre  ses  propres  lois  qu'il  a  reçues  dès  l'ori- 
gine avec  son  être,  s'accorde  de  lui-même  avec  l'autre  : 
ainsi,  au  moment  où  la  volonté  de  lever  le  bras  se  produit 
en  moi  comme  conséquence  de  mes  pensées  antérieures,  le 
mouvement  se  produit  dans  mon  bras  comme  conséquence 
des  mouvements  antérieurs.  On  peut  comparer,  selon  Leib- 
niz, l'âme  et  le  corps  à  deux  horloges  qui  marchent  en- 
semble. L'hypothèse  vulgaire  de  Vinfluence  naturelle 
qu'Euler  a  soutenue  équivaut  à  supposer  entre  elles  un 
lien  matériel  ;  dans  l'hypothèse  de  ï assistance  divine  ou 
des  causes  occasionnelles  qui  est  celle  de  Malebranche,  il 
faut  une  intervention  constante  de  l'horloger  pour  les  mettre 
d'accord  ;  dans  l'hypothèse  de  l'harmonie  préétablie,  elles 
ont  été  si  bien  accommodées  d'avance  l'une  à  l'autre  que 
leurs  mouvements  s'accordent  toujours.  Une  autre  compa- 
raison, moins  grossière  peut-être,  est  celle  d'un  chœur  ou 
orchestre  de  musiciens  où  chacun  joue  sa  partie  sans  s'oc- 
cuper de  ses  compagnons  et  cependant  s'accorde  avec  eux 
parce  que  le  compositeur  a  pris  soin,  en  écrivant  chaque 
partie,  d'avoir  égard  à  toutes  les  autres. 

V.  Psychologie.  —  La  psychologie  de  Leibniz  se  rattache 
étroitement  à  sa  métaphysique.  On  peut  y  distinguer  les 
deux  grandes  théories  deTentendement  et  de  la  volonté.  * 

La  base  de  l'entendement  ou  de  la  connaissance  intellec- 
tuelle réside  dans  les  perceptions  qui  sont  communes  à 
toutes  les  monades  ;  mais,  tandis  que  Descartes  fait  de  la 
pensée,  c.-à-d.  de  la  conscience,  l'essence  de  l'âme,  Leib- 
niz distingue  entre  la  perception  qui  est  la  représentation 
du  monde  extérieur  dans  l'âme,  l'expression  de  la  multi- 
tude dans  l'unité  (expressio  multorum  in  uno)  et  Vaper- 
ception  qui  est  la  conscience  plus  ou  moins  distincte  de 
cette  représentation  ou  expression.  «  Il  y  a  mille  marques, 
dit-il,  qui  font  juger  qu'il  y  a  à  tout  moment  une  infinité 
de  perceptions  en  nous,  mais  sans  aperception  et  sans  ré- 
flexion, c.-à-d.  de  changements  dans  l'âme  même,  dont 
nous  ne  nous  apercevons  pas,  parce  que  ces  impressions 
sont  ou  trop  petites  et  en  trop  grand  nombre  ou  trop  unies, 
en  sorte  qu'elles  n'ont  rien  d'assez  distinguant  à  part  ;  mais, 
jointes  à  d'autres,  elles  ne  laissent  pas  de  faire  leur  effet 
et  de  se  faire  sentir  dans  l'assemblage  au  moins  confusé- 
ment. »  Par  ces  petites  perceptions  qu'il  appelle  encore 
perceptions  insensibles,  Leibniz  explique  les  sensations, 
les  instincts,  les  habitudes,  la  conservation  des  idées  dans 


LEIBNIZ 


in2  — 


la  mémoire,  la  continuité  de  la  vie  morale,  l'identité  per- 
sonnelle, etc.  «  Elles  sont,  dit-il,  d'un  aussi  grand  usage 
dans  la  pneumatique  (psychologie  et  morale)  que  les  cor- 
puscules dans  la  physique.  »  Cette  hypothèse  a  renouvelé 
toute  la  psychologie  moderne  en  lui  ouvrant,  pour  ainsi 
dire,  dans  l'âme  humaine,  une  suite  de  perspectives  sans 
fin. 

Cependant  l'aperception  n'est  pas  encore  l'entendement. 
«  Nous  nous  apercevons  de  bien  des  choses  en  nous  et  hors 
de  nous  que  nous  n'entendons  pas  ;  et  nous  les  entendons 
quand  nous  en  avons  des  idées  distinctes  avec  le  pouvoir 
de  réfléchir  et  d'en  tirer  des  vérités  nécessaires.  »  {Nouv. 
Essais^  liv.  II,  ch.  xxi,  par.  5).  La  connaissance  des  vé- 
rités nécessaires  est,  en  etfet,  selon  Leibniz,  «  ce  qui  nous 
distingue  des  simples  animaux  et  nous  fait  avoir  la  raison 
et  les  sciences  ».  Or,  toutes  ces  vérités  se  ramènent  à  deux 
grands  principes,  sur  lesquels  sont  fondés  nos  raisonne- 
ments, celui  de  la  contradiction  et  celui  de  la  raison 
suffisante;  et  ni  ces  principes  ni  aucune  vérité  nécessaire 
ne  peuvent  dériver  de  l'expérience.  «  La  preuve  originaire 
des  vérités  nécessaires  vient  du  seul  entendement,  et  les 
autres  vérités  viennent  des  expériences  ou  des  observations 
des  sens.  Notre  esprit  est  capable  de  connaître  les  unes  et 
les  autres,  mais  il  est  la  source  des  premières  ;  et  quelque 
nombre  d'expériences  particulières  qu'on  puisse  avoir  d'une 
vérité  universelle,  on  ne  saurait  s'en  assurer  pour  toujours 
par  l'induction,  sans  en  connaître  la  nécessité  par  la  rai- 
son. »  Toutefois,  Leibniz  ne  contredit  pas  la  maxime  des 
empiriques  rappelée  par  Locke  :  ISihil  est  in  iniellectu 
qiiod  non  prius  fuerit  in  sensu;  mais  il  y  ajoute  cette 
restriction  que  V.  Cousin  a  qualifiée  de  subhme  :  nisi  ipse 
intellectus.  Les  idées  de  la  raison  ne  sont  pas  innées  ;  elles 
ne  sont  pas  tout  imprimées  en  nous  «  comme  l'édit  du  pré- 
teur sur  son  album  »  ;  mais  la  raison  est  innée  à  elle-même, 
et  elle  a  sans  doute  ses  «  virtualités  naturelles  »  qui,  ma- 
nifestées à  la  réflexion,  ne  sont  autres  que  les  idées  des 
vérités  nécessaires. 

Dans  sa  théorie  de  la  volonté,  Leibniz  exclut  à  la  fois, 
au  nom  du  principe  de  raison  suffisante,  le  fatalisme  et  la 
doctrine  de  la  liberté  d'indifférence.  Nos  actions  sont  spon- 
tanées et  contingentes  ;  mais  elles  ne  sont  pas  pour  cela 
indéterminées.  Tout  au  contraire,  elles  ne  sont  libres  que 
si  elles  sont  délibérées,  c.-à-d.  si  nous  connaissons  les 
raisons  qui  nous  inclinent.  «  La  liberté,  c'est  la  spontanéité 
de  l'être  intelligent.  »  «  L'intelligence,  dit  encore  Leibniz, 
est  l'âme  de  la  liberté.  »  Leibniz  distingue  donc  nettement 
le  déterminisme  du  fatalisme  avec  lequel  on  l'avait  jusque- 
là  plus  ou  moins  confondu,  et  il  fait  consister  la  liberté 
dans  un  déterminisme  rationnel  et  conscient. 

Vl.  Théodicée.  —  La  doctrine  de  Leibniz  sur  Dieu  s'en- 
veloppe des  formes  de  la  théologie  traditionnelle  :  elle  n'en 
recèle  pas  moins  un  sens  original  et  profond.  " 
'  Dieu,  selon  Leibniz,  peut  se  prouver  soit  à  priori, 
comme  l'a  fait  voir  Descartes  après  saint  Anselme,  soit  à 
posteriori,  comme  raison  dernière  de  l'existence  et  de 
l'harmonie  des  choses. 

d°  L'être  parfait  existe  nécessairement,  par  cela  seul 
qu'il  est  possible.  Mais  Descartes  a  omis  de  démontrer  sa 
possibilité.  Leibniz  fait  voir  que  Dieu  étant  l'être  sans 
bornes,  il  ne  peut  rien  exister  en  lui  ni  hors  de  lui  qui 
limite  son  essence.  En  d'autres  termes,  tous  les  possibles 
tendent  à  exister  {omne  possibile  exigit  exister e)  en  pro- 
portion de  la  perfection  qu'ils  enveloppent,  mais  leurs  ten- 
dances se  contredisent  et  s'empêchent  les  unes  les  autres. 
Un  seul  possible  existe  nécessairement  parce  que,  étant  la 
perfection  même,  il  ne  contient  et  ne  rencontre  aucune 
borne,  à  savoir  Dieu. 

2«  Le  monde  est  contingent  :  il  n'enferme  pas  en  lui- 
même  sa  raison  d'existence.  Dire  que  son  état  présent  vient 
d'un  précédent,  celui-ci  d'un  autre,  et  ainsi  à  l'infini, 
n'avance  à  rien  ;  la  question  :  pourquoi  existe-t-il  ?  sub- 
siste toujours.  Il  faut  donc  que  la  raison  suffisante  qui 
n'ait  plus  besoin  d'une  autre  raison  soit  hors  de  la  suite 


des  choses  contingentes,  dans  un  être  qui  porte  avec  soi  la 
cause  de  son  existence. 

3^  Enfin,  chaque  être  exprimant  à  sa  manière  tout  ce 
qui  se  passe  au  dehors  sans  recevoir  pourtant  aucune 
influence  étrangère,  il  faut  bien  que  tous  les  êtres  aient 
reçu  leur  nature,  en  vertu  de  laquelle  ils  s'accordent  ainsi, 
d'une  cause  universelle,  capable  de  calculer  les  rapports 
que  chacun  d'eux  doit  avoir  à  chaque  instant  avec  la  mul- 
titude infinie  des  autres  êtres. 

Quelle  est  la  nature  de  Dieu?  «  Les  perfections  de  Dieu, 
dit  Leibniz,  sont  celles  de  nos  âmes;  mais  il  les  possède 
sans  bornes  :  il  est  un  océan  dont  nous  n'avons  reçu  que 
des  gouttes  ;  il  y  a  en  nous  quelque  puissance,  quelque  con- 
naissance, quelque  bonté  ;  mais  elles  sont  toutes  entières 
en  Dieu.  »  Les  attributs  de  Dieu  sont  donc  la  puissance,  la 
sagesse  et  la  bonté.  II  semble  cependant  que  Leibniz  ramène 
ou  tout  au  moins  subordonne  la  puissance  et  la  bonté  à  la 
sagesse,  car  c'est  la  sagesse  qui  détermine  à  la  fois  le  pos- 
sible, objet  de  la  puissance,  et  le  meilleur,  objet  de  la  bonté. 
La  sagesse  ou  intelligence  divine  est  la  région  des  idées 
ou  essences.  Elle  détermine,  conformément  au  principe  de 
contradiction,  l'infinité  des  possibles;  ces  possibles,  selon 
qu'ils  s'accordent  ou  s'excluent  réciproquement,  selon  qu'ils 
sont  ou  ne  sont  pas  compossibles,  composent  des  mondes 
en  nombre  infini,  tendant  tous  à  l'existence,  et  y  tendant 
avec  d'autant  plus  de  force  que  chacun  d'eux  enferme  une 
plus  grande  quantité  d'essence  ou  de  perfection.  Ils  forment 
une  sorte  de  pyramide  dont  la  base  va  s'élargissant  à  l'in- 
fini et  dont  la  pointe  est  occupée  par  le  meilleur  des  mondes 
possible.  Le  sage  ne  fait  rien  sans  raison  ;  la  seule  raison 
pour  laquelle  il  choisit  entre  plusieurs  partis  possibles,  c'est 
que  le  parti  qu'il  préfère  est  le  meilleur.  Dieu  crée  donc 
le  meilleur  des  mondes  possible.  L'optimisme  est  ainsi 
démontré  à  priori.  Comment  le  concilier  avec  l'expérience 
qui  nous  montre  partout  le  mal?  Comment  justifier  la  Pro- 
vidence? 

Leibniz  distingue  trois  formes  du  mal  :  le  mal  métaphy- 
sique ou  l'imperfection  générale  des  créatures,  le  mal 
physique  ou  la  soufi'rance,  le  mal  moral  ou  le  péché.  Le 
mal  métaphysique  est  la  condition  et  la  racine  des  deux 
autres.  En  efi'et,  un  être  absolument  parfait  et  bon  serait 
tout  à  la  fois  impassible  et  impeccable.  Qu'est-ce  que  la 
soufi'rance,  sinon  la  conscience  dune  imperfection?  et 
qu'est-ce  que  la  faute,  sinon  un  mauvais  usage  de  la  liberté 
qui,  dans  un  être  imparfait,  ignorant  et  passionné  tel 
que  l'homme,  ne  peut  être  elle-même  que  la  possibilité  de 
faillir  ?  Or  le  mal  métaphysique  est  purement  négatif  :  c'est 
une  simple  limitation  de  l'être,  c'est  l'absence  ou  la  pri- 
vation d'un  bien,  un  moindre  bien,  un  moindre  être.  Le 
mal  absolu  serait  donc  identique  au  non-être,  ce  qui  revient 
à  dire  que  le  mal  absolu  n'existe  pas  ou  que  le  mal  est 
essentiellement  relatif.  Selon  les  dictons  scolastiques  rap- 
portés par  Leibniz,  bonum  ex  causa  intégra,  malum 
ex  quolibet  defectu,  et  encore  malum  câusam  habet 
non  efflcientem  sed  deficientem. 

Dès  lors  demander  pourquoi  Dieu  a  voulu  ou  permis  le 
mal  métaphysique,  c'est  demander  pourquoi  il  a  créé  un 
monde  imparfait.  Mais  un  monde  créé  est  nécessairement 
imparfait  par  cela  seul  qu'il  est  créé  et  qu'il  est  un  monde. 
Il  serait  contradictoire  que  la  créature  fût  parfaite,  puisque 
son  existence  est  contingente  et  dépendante,  puisqu'elle  n'a 
d'être  que  ce  que  lui  en  communique  la  cause  même  qui 
la  crée.  Un  monde  absolument  parfait  ne  serait  plus  un 
monde,  mais  un  Dieu.  Or,  Dieu  est  nécessairement  unique  : 
poser  deux  dieux,  c'est  poser  deux  indiscernables,  c'est 
poser  un  seul  Dieu  sous  deux  noms  difi'érents.  Par  consé- 
quent, ou  Dieu  ne  devait  pas  créer  du  tout,  ou,  s'il  créait, 
il  créait  nécessairement  un  monde  et  un  monde  imparfait. 
Le  monde  qu'il  a  créé  n'en  est  pas  moins  le  meilleur 
possible;  car  autant  que  nous  en  pouvons  juger,  c'est 
celui  qui  présente  le  plus  de  variété  possible  avec  le  plus 
grand  ordre.  Le  mal  d'ailleurs  tend  à  diminuer  de  plus  en 
plus  par  le  seul  eff'et  des  lois  universelles  de  l'être,  chaque 


1473 


LEIBNIZ 


monade  faisant  effort  pour  s'élever  sans  cesse  à  une  per- 
fection supérieure.  Ce  désir  du  meilleur  est  le  ressort  de 
toutes  les  activités,  il  est  le  fond  et  la  source  de  tous  les 
mouvements,  et  ainsi  s'harmonisent  dans  le  monde  les 
causes  efficientes  et  les  causes  finales  ou,  comme  dit  Leibniz, 
le  règne  de  la  Nature  et  le  règne  de  la  Grâce. 

VIL  Morale.  —  La  doctrine  morale  de  Leibniz  est  moins 
systématiquement  déterminée  que  sa  doctrine  métaphy- 
sique. Elle  semble  aussi  moins  originale  :  on  y  reconnaît 
assez  facilement  Feudémonisme  d'Aristote.  Nous  la  résu- 
mons ici  d'après  M.  Boutroux  (la  Monadologie,  Intro- 
duction). La  fin  de  la  vie,  selon  Leibniz,  n'est  autre  que  la 
félicité^  pourvu  qu'on  l'entende  comme  il  convient.  La  féli- 
cité se  distingue  de  la  connaissance  en  ce  qu'elle  est  un 
sentiment,  mais  elle  se  distingue  aussi  du  plaisir  en  ce 
qu'elle  est  non  seulement  un  état  qui  présente  quelque 
bonté,  mais  encore  l'état  le  meilleur  où  nous  puissions 
prétendre,  savoir  un  état  stable  et  intéressant  notre  âme 
tout  entière  ;  et  cependant  elle  ne  se  confond  pas  avec  la 
parfaite  béatitude  où  il  n'y  aurait  rien  à  désirer  et  qui 
n'étant  pas  faite  pour  nous  rendrait  nos  esprits  stupides  : 
c'est  une  joie  raisonnable,  un  plaisir  accompagné  de  lu- 
mière, et  c'est  en  même  temps  un  progrès  perpétuel  à  de 
nouveaux  plaisirs  et  à  de  nouvelles  perfections. 

Le  moyen  d'atteindre  sûrement  à  la  félicité  ne  peut  con- 
sister que  dans  le  développement  de  notre  perfection,  soit 
dans  notre  perfectionnement  immédiat,  soit  dans  l'accrois- 
sement de  perfection  que  nous  pouvons  puiser  dans  la  per- 
fection même  des  autres  êtres.  Notre  essence  n'étant  autre 
que  notre  raison,  notre  perfectionnement  immédiat  consis- 
tera évidemment  dans  une  conduite  aussi  conforme  que 
possible  à  la  raison.  Mais  plus  notre  esprit  se  perfectionne, 
plus  s'élargit  le  champ  de  ses  perceptions  distinctes,  plus 
il  prend  conscience  de  son  rapport  avec  les  autres  êtres, 
plus  il  se  réjouit  de  leur  perfection  et  de  leur  joie,  en 
un  mot  plus  il  aime;  car  aimer  c'est  se  réjouir  de  la  féli- 
cité d'autrui,  c'est  faire  sienne  la  félicité  d'autrui.  Cet 
amour  a  d'abord  pour  objet  les  autres  hommes,  mais  c'est 
en  Dieu  qu'il  trouve  son  objet  suprême.  Dieu  est  notre  per- 
fection et  notre  bien.  L'amour  est  la  source  de  la  vraie 
piété;  il  est  aussi  la  source  de  la  justice;  la  justice,  dit 
Leibniz,  n'est  que  la  charité  du  sage. 

VIII.  Conclusion.  —  Leibniz  n'a  pris  nulle  part  le  soin 
(le  donner  une  exposition  méthodique  de  sa  philosophie 
(sauf  dans  la  Monadologie  qui  est  un  court  résumé  de  sa 
métaphysique):  il  a,  en  quelque  sorte,  éparpillé  ses  idées 
dans  des  lettres,  des  articles,  des  ouvrages  de  circonstance, 
et  souvent  même  il  les  a  plus  ou  moins  défigurées  pour 
mieux  les  accommoder  aux  habitudes  de  pensée  et  de  lan- 
gage de  ses  correspondants  ou  de  ses  lecteurs.  Aussi  n'est- 
il  pas  surprenant  que  de  son  temps  on  l'ait  en  général  peu 
compris  et  mal  apprécié.  Wolf,  qui  fut  son  disciple  le  plus 
célèbre,  prétendit  systématiser  ses  doctrines,  et  il  ne  réus- 
sit qu'à  en  tirer  une  nouvelle  scolastique  dont  les  univer- 
sités allemandes  nourrirent  d'ailleurs  leur  enseignement 
jusqu'à  l'avènement  de  la  Critique  de  la  raison  pure. 
Cette  philosophie  de  Leibniz  et  de  Wolf  fut  celle  que  Kant 
étudia  d'abord  à  Kœnigsberg  :  plus  tard,  lorsque  la  lec- 
ture de  Hume  l'eut  réveillé  de  son  sommeil  dogmatique,  la 
tâche  qu'il  s'imposa  consistait  en  somme  à  chercher  un 
moyen  de  conciliation  entre  le  rationalisme  de  Leibniz  et 
l'empirisme  de  Hume,  et  bien  souvent  lorsqu'il  croyait  con- 
tredire Leibniz,  il  ne  faisait  que  retrouver  et  rétabhr  sa 
vraie  doctrine.  Ainsi  l'idéalité  de  l'espace  et  du  temps,  le 
rôle  nécessaire  des  notions  et  vérités  à  priori  dans  la  con- 
naissance, la  distinction  des  phénomènes  et  des  choses  en 
soi,  etc.,  toutes  ces  thèses,  croyons-nous,  ont  appartenu  à 
Leibniz  avant  d'être  à  nouveau  découvertes  par  Kant. 

Mais,  quoique  diffuse  et  secrète,  l'influence  exercée  sur 
la  science  et  la  philosophie  contemporaines  par  les  idées 
leibhiziennes  (idées  de  continuité,  d'évolution,  d'analogie 
universelles)  n'en  est  pas  moins  profonde,  et  c'est  elle  qui 
les  pousse  de  plus  en  plus  à  chercher  dans  la  vie  intérieure 


et  psychique  des  choses  l'explication  fondamentale  du  mé- 
canisme universel.  E.  Boirac. 

IX.  HisTomEDEs  MATHÉMATIQUES. — Lcibuiz  montre  ce  rare 
exemple  d'un  génie  dont  la  vocation  pour  les  mathéma- 
tiques ne  s'est  révélée  qu'assez  tard  et  qui  a  fait  néanmoins 
dans  ce  domaine  des  découvertes  capitales,  tout  en  étant 
loin  de  s'y  adonner  complètement.  Si  dès  l'âge  de  vingt 
ans,  il  avait  écrit  une  dissertation.  De  Arte  combinatoria 
(intéressante,  mais  contenant  diverses  erreurs),  si  cinq 
ans  après  il  commençait  à  exposer  ses  idées  sur  le  mouve- 
ment et  entrait,  à  cette  occasion,  en  relations  avec  Olden- 
burg  à  Londres,  avec  Honoré  Fabry  à  Rome,  il  savait  en 
réalité  encore  assez  peu  de  mathématiques  quand  il  vint 
à  Paris,  en  1672,  et  y  refit  son  éducation  (il  dit  lui-même 
qu'alors  Descartes  lui  paraissait  obscur).  Sa  principale 
préoccupation  paraît  avoir  été  de  bonne  heure  (en  dehors 
de  la  construction  d'une  machine  à  calculer)  la  combinai- 
son de  nouveaux  algorithmes  pour  faciliter  la  langue  des 
calculs,  peut-être  pour  constituer  la  science  universelle 
qu'il  rêvait  dès  4663.  Si  c'est  précisément  dans  cet  ordre 
d'idées  qu'il  créa  l'algorithme  du  calcul  différentiel  et  du 
calcul  intégral,  il  fit  plusieurs  essais  semblables  qui  n'abou- 
tirent pas.  Ainsi  le  t.  V  de  l'édition  de  ses  oeuvres  mathé- 
matiques par  Gerhardt  contient  (pp.  141-471)  une  Cha- 
racteristica  geometrica,  qui  a  pour  but  l'exposition  d'un 
système  de  notations  destiné  à  faciliter  les  raisonnements 
en  géométrie.  Leibniz  le  communiqua  en  4679  à  Huygens; 
mais,  découragé  par  l'avis  peu  favorable  de  ce  dernier,  ne 
le  publia  pas.  Le  premier  résultat  important  qu'il  obtint 
fut  le  développement  de  t:,  suivant  la  série  déjà  trouvée 
par  Gregory,  mais  non  publiée.  Il  y  arriva  dès  1674,  ré- 
digea un  traité  qui  fut  prêt  pour  l'impression  en  4676, 
mais  que  ses  autres  découvertes  lui  firent  négliger,  et  il 
ne  reprit  l'exposition  de  ses  travaux  sur  les  séries  qu'en 
4682,  dans  les  Acta  eruditorum  de  Leipzig.  Dans  son 
traité  primitif,  il  avait  déjà  fait  la  première  application 
connue  des  indices;  en  4693,  il  enseigne  au  marquis  de 
L'Hôpital  l'emploi  de  deux  indices  et  en  montre  l'utilité 
pour  les  éhminations  au  moyen  d'un  algorithme  qui  se 
rapproche  singulièrement  de  celui  des  déterminants.  — 
L'invention  des  signes  du  calcul  différentiel  et  intégral  est 
des  mois  d'oct.  et  nov.  4675  (les  papiers  de  Leibniz,  pu- 
bliés par  Gerhardt,  sont  heureusement  datés)  ;  la  première 
est  celle  du  signe  /,  qu'il  employa  quelque  temps  sans 
indiquer  la  différentielle  ;  il  désigna  d'abord  celle-ci  par 

-,  au  lieu  de  la  notation  dx,  qu'il  finit  par  adopter.  Il 

appliquait  les  signes  pour  retrouver  les  résultats  déjà 
obtenus  ou  exposés  par  Cavalieri,  Grégoire  de  Saint- Vin- 
cent, Pascal,  qu'il  raconte  lui-même  avoir  été  ses  maîtres 
par  leurs  livres,  tandis  qu'il  ne  fait  aucune  mention  des 
Lectiones  de  Barrow,  où  l'on  a  voulu  retrouver  les 
sources  de  ses  idées.  En  4676,  le  24  juil.,  Oldenburg, 
interrogé  par  lui  sur  les  développements  de  sin  x  et  arc 
sin  X,  qu'il  avait  su  avoir  été  obtenus  en  Angleterre,  lui 
apprend  que  ces  résultats  sont  dus  à  Gregory  ;  que,  d'autre 
part.  Newton  lui  a  communiqué,  en  4672,  une  méthode 
générale  des  tangentes  et  que  cette  méthode  rentre  dans 
une  autre  s'étendant  aux  quadratures,  etc.  Newton  en- 
voyait en  même  temps  à  Leibniz  sa  série  du  binôme,  divers 
autres  développements,  mais  sans  preuves  et  rien  de  plus. 
En  répondant,  Leibniz  laissa  entendre  qu'il  était  lui-même 
en  possession  du  moyen  de  résoudre  le  problème  inverse 
des  tangentes.  Il  fit  vers  la  même  époque  un  court  voyage 
à  Londres  (le  second),  où  Collins  lui  communiqua  le  traité 
manuscrit  de  Newton,  De  Résolutions  œquationum  affec- 
iarum.  Enfin  le  24  oct.  4676,  Newton  écrivit  à  Leibniz 
une  seconde  lettre,  où  il  développa  son  invention  du  binôme, 
et,  pour  s'assurer  la  priorité  de  son  calcul  des  fluxions, 
inséra  un  anagramme,  qui  n'aurait  certainement  renseigné 
en  rien  Leibniz,  s'il  avait  pu  le  déchiffrer.  Le  savant  alle- 
mand répondit  aussitôt  après  la  réception  de  la  lettre  par 


LEIBNIZ  —  LEIDENBURG 


™.  au  -- 


une  claire  exposition  de  sa  méthode  des  tangentes  avec 
l'algorithme  différentiel,  montra  comment  il  pouvait  ainsi 
traiter  le  problème  inverse  (intégral)  et  exprima  la  conjec- 
ture que  la  méthode  de  Newton  ne  devait  différer  de  la 
sienne.  Newton,  qui  ne  voulait  pas  publier  sa  méthode, 
encore  trop  imparfaite  à  ses  yeux,  ne  répondit  rien. 
Leibniz,  de  son  côté,  attendit  jusqu'en  4682  pour  faire 
connaître  dans  les  i.  E  qu'il  possédait  une  méthode  par- 
ticulière pour  les  problèmes  de  maximis  et  minimis,  et 
en  1684  pour  exposer  dans  le  même  recueil  cette  Nova 
Methodus,  Dès  4685,  Craig  vulgarisa  en  Angleterre  la 
découverte  de  Leibniz,  qui  s'était  ainsi  assuré  la  priorité 
de  la  publication,  tandis  que  celle  de  l'invention  d'une 
nouvelle  méthode  est  due  sans  conteste  à  Newton,  qui  ne 
fit  connaître  qu'en  4686,  dans  son  immortel  livre  des 
Principes,  les  fondements  du  calcul  des  fluxions  et  encore 
ne  les  exposa  que  synthétiquement  (la  première  exposition 
réelle  du  calcul  des  fluxions  fut  donnée  par  Wallis  en 
4693,  dans  son  Algèbre,  d'après  des  lettres  de  Newton). 
La  même  année  (4686),  Leibniz  développait  ses  décou- 
vertes dans  deux  nouveaux  Mémoires  des  i.  E  ;  le  second, 
De  Geometria  recondita,  est  de  beaucoup  le  plus  impor- 
tant, surtout  au  point  de  vue  du  calcul  intégral.  Newton, 
dans  un  scholie  de  la  première  édition  des  Principes, 
avait  reconnu  l'indépendance  de  l'invention  de  Leibniz  tout 
en  réservant  ses  propres  droits.  Dans  la  seconde  édition 
(4743),  ce  scholie  subit  une  légère  modification,  destinée 
à  bien  marquer  la  différence  des  deux  méthodes.  Dans  la 
troisième  (4726),  il  est  remplacé  par  un  autre,  où  il  n'est 
plus  parlé  de  Leibniz  et  où  Newton  attribue  à  ses  commu- 
nications à  Col  lins  (dont  Leibniz  avait  pu  avoir  connaissance) 
une  importance  qu'elles  étaient  loin  d'avoir.  Cependant 
Leibniz  se  créait  une  école  ;  les  Bernoulli,  L'Hôpital  en 
France  apprenaient  à  se  servir  de  sa  méthode,  et  surtout 
les  premiers  rivalisaient  bientôt  avec  le  maître  ;  mais  ce 
dernier  continuait  à  produire  de  brillantes  applications  de 
ses  procédés,  à  la  solution  du  problème  des  courbes  iso- 
chrones (4689),  à  la  conception  des  coordonnées  curvi- 
lignes et  des  enveloppes,  à  la  voûte  quarrable  de  Viviani 
(4692),  à  l'emploi  des  séries  pour  l'intégration  des  équa- 
tions différentielles,  à  la  tractrice  (4693),  à  la  brachisto- 
chrone  (1697),  etc.  Cependant,  ses  relations  avec  les 
savants  anglais  se  refroidissaient  ;  le  rôle  politique  impor- 
tant de  Leibniz  et  son  action  jusqu'en  Angleterre,  dans  le 
sens  whig,  en  faveur  de  la  ligne  hanovrienne,  déplaisaient 
aux  torys  et  à  Newton  comme  tel.  Dès  4699,  un  esprit 
inquiet,  Fatio  de  Duillier,  se  mettait  à  contester  les  droits 
de  Leibniz  à  son  invention.  Cette  attaque  n'aurait  proba- 
blement pas  eu  de  suite,  si  le  savant  allemand  avait  pu 
venir  s'entendre  franchement  à  Londres  avec  son  rival  de 
gloire.  En  tout  cas,  la  querelle  n'éclata  qu'en  4704,  à  la 
suite  d'un  compte  rendu  dans  les  A.  E,  de  la  dissertation 
de  Newton  sur  les  quadratures.  Outré  d'une  violente 
attaque  de  Keill  dans  les  Phil.  Irans.,  Leibniz  soumit  la 
question  à  la  Société  royale  de  Londres.  Une  commission, 
nommée  pour  l'examiner,  conclut,  sur  le  rapport  dellalley, 
à  la  pubhcation  d'une  série  de  lettres  de  Newton,  Barrow, 
Gregory,  Leibniz,  etc.  C'est  le  Gommer cium  epistolicum 
de  4742  (réédité  en  4722,  puis  en  4856  par  Biot  et  Lefort) 
qui  est  une  œuvre  de  parti  et  dont  Leibniz  se  plaignit 
hautement;  mais  sa  mort  l'empêcha  de  présenter  sa  défense, 
et  nombre  d'assertions  erronées  ont,  à  la  suite,  eu  cours 
sur  l'histoire  de  la  découverte  des  nouveaux  calculs  jusqu'à 
.ce  que  la  connaissance  des  originaux  tronqués  dans  la  pre- 
mière édition  du  Commercium,  modifiés  dans  la  seconde, 
et  la  publication  des  papiers  de  Leibniz  aient  permis,  dans 
notre  siècle,  de  rétablir  la  vérité.  On  doit  regretter,  pour 
l'honneur  de  la  science,  que  Newton,  sans  se  montrer,  ait 
permis  et  même  guidé  contre  son  rival  des  attaques  dont  il 
connaissait  pertinemment  la  fausseté  ;  on  doit  peut-être 
regretter  encore  plus  que  Leibniz  qui,  de  fait,  avait  le  beau 
rôle,  ait  essayé,  dans  diverses  de  ses  lettres,  de  pallier 
certains  détails  qu'il  pouvait  hautement  avouer.  Tannery. 


BiBL.  :  FoNTENELLE,  Eloge  de  Leibniz.  —  Maine  de  Bi- 
RAN,  Exposition  de  la  doctrine  philosophique  de  Leibniz. 

—  Ch.  Secrétan,  la  Philosophie  de  Leibniz  ;  Genève, 
1840.  —  GuHRAuER,  G.-W.  Frhr  v.  Leibniz;  Breslau, 
1842.  —  Feuerbach,  Darstellung,  Entwickelung  u.  Kritik 
der  Leibniz' schen  Philosophie;  Ansbach,  1844.  — Windel- 
BAND,  art.  Leibniz^  dans  l'Encyclopédie  d'ERSCii  et  Gru- 
BER.  ~  Kuno  Fischer,  Gesch.  d,  neuern  Philosophie, 
t.  II.  —  L.  Grote,  Leibniz  und  seine  Zeit;  Hanovre, 
1869.  —  Hartenstein,  Locke  's  Lehre  von  der  menschli- 
chen  Erkenntniss  in  Vergleich  mit  Leibniz  Kritik  der- 
selben^  dans  Historisch-philosophische  Abhandlangen  ; 
Leipzig,  1870.  —  E.  Pfleiderbr,  Leibniz  als  Patriot^Staats- 
mann  und  Bildungstrœger  ;  Leipzig,  1870.  —  Nolen,  la 
Critique  de  Kant  et  la  Métaphysique  de  Leibniz  ;  Paris, 
1875.  —  Penjon,  De  Infinito  apud  Leibnltium;  Paris,  1878. 

—  Meissner,  Leibniz's  Streit  mit  Clarke  iXb.  den  Raum, 
1882.  —  Hermann  Otto,  Leibniz  s' Erkenstnisslehre  ;  Leip- 
zig, 1884.  —  BouTROUx,ia  Monadologie  ;  Paris,  1881.  —  Du 
même,  les  Nouveaux  Essais  ;  Paris,  1886.  —  J.-Th.  Merz, 
Leibniz;  Londres,  1884.—  Ludw.  Stein,  Leibniz  und  Spi- 
noza, ein  Beitrag  zur  Entwickelung sgeschichte  der  Leib- 
niz'schen  Philosophie,  mit  19  Ineditis  ;  Berlin,  1891.  — 
Wilhelm  Bender,  Sur  la  Philosophie  morale  de  L.,  dans 
VArchiv.  fur  Gesch.  d.  Philos.,  1893,  t.  VI,  p.  301.—  Blon- 
DEL,  De  Vinculo Substantiali  apud  Leibnitium  ;  Paris,  1893. 

—  BoiRAc,  De  Spatio  apud  Leibnitium  ;  Paris,  1894. 

LEICESTER.  Ville. — Villed'Angleterre,ch.-l.  du  comté 
de  ce  nom,  sur  le  Soar,  affluent  du  Trent;  174,624  hab. 
C'est  une  belle  ville  aux  rues  régulières  avec  des  éghses 
historiques  :  Sainte-Marie  (xii^  siècle),  Sainte-Marguerite 
(xv*^),  Saint-Nicolas  (style  normand  primitif),  Saint-Martin  ; 
des  débris  du  château,  de  vieux  hôpitaux,  etc.  C'est  un 
des  centres  de  la  fabrication  de  la  bonneterie  ;  on  y  trouve 
aussi  des  fonderies,  des  cordonneries,  des  manufactures 
de  tissus,  de  passementerie,  etc.  Leicester  est  la  Ratœ 
ou  Ratiscorium  des  Romains.  Elle  eut  un  ateher  moné- 
taire depuis  Athelstan  jusqu'à  Henri  II.  Richard  III  et 
Wolsey  y  furent  ensevelis. 

Comté.  —  Comté  de  l'Angleterre  centrale,  2,067  kil.  q.  ; 
373,693  hab.,  situé  entre  ceux  de  Nottingham  au  N.,  Lin- 
coln et  Rutland  à  l'E.,  Northampton  et  Warwick  au  S., 
StafFord  et  Derby  à  l'O.  C'est  un  pays  de  plateaux  peu 
élevés,  arrosés  par  le  Soar  et  d'autres  affluents  du  Trent, 
sauf  le  S.-E.  qui  porte  ses  eaux  à  l'Avon  et  le  S.-O.  qui 
les  porte  au  Welland .  Les  pâturages  occupent  les  deux 
tiers  du  sol;  ce  sont  en  grande  partie  des  pâturages  à 
moutons  (laine  fine)  lesquels  forment  avec  des  bruyères 
le  terrain  classique  des  chasses  à  courre  anglaises  (V. 
Grande-Bretagne).  A. -M.  B. 

LEICESTER  (Comtes  de)  (V.  Dudley  [Robert],  Sidney 
[Robert],  Montfort  [Simon  de]), 

LEICHHARDT  (Fleuve),  Fleuve  d'Australie,  colonie  de 
Queensland,  qui  naît  dans  les  Leichhardt  Diggings,  au 
S.-E.  de  la  chaîne  de  Hugh;  sa  direction  générale  est 
N.-S.  ;  il  arrose  le  district  de  Burke,  traverse  les  plaines 
de  Promise,  et,  après  un  cours  de  400  kil.,  débouche  au 
fond  du  golfe  de  Carpentarie  entre  l'Albert  à  l'O.  et  le 
Flinders  à  l'E.  Il  parcourt  des  pays  encore  peu  peuplés. 

LEICHHARDT  (Ludwig),  voyageur  allemand,  né  à  Tre- 
baîsch  (Prusse)  le  23  oct.  1843,  mort  en  Australie  en 
4848.  11  voyagea  en  Europe  avec  son  ami  le  D^  Nicholson 
de  Bristol  qui  l'emmena  en  Australie  (1841).  Il  fit  plu- 
sieurs explorations  dans  le  pays  qui  forma  depuis  la  colo- 
nie de  Queensland  et  jusqu'au  golfe  de  Carpentarie  (1844- 
45)  ;  il  fit  une  nouvelle  tentative  pour  trouver  une  route 
vers  la  côte  N.  de  l'Australie  et  disparut  en  1848,  du  côté 
des  sources  de  la  rivière  Victoria  et  du  Fitzroy  ;  il  paraît 
avoir  été  trahi  par  les  natifs  ou  être  mort  de  faim. 

LEICHNER  (Johann-Georg-Heinrich-Theodor),  peintre 
allemand,  né  à  Erfurt  en  1684,  mort  à  Leipzig  en  1769. 
Elève  d'Hildebrandt,  puisdu  portraitiste  Leschnerà  Leipzig, 
il  dut  à  son  premier  tableau  un  portrait  de  Charles  X//, 
et  à  son  habileté  à  s'approprier  le  coloris  des  maîtres  fla- 
mands, de  se  voir  chargé  par  les  amateurs  de  son  temps 
de  la  restauration  de  nombreuses  galeries.  Cet  artiste  fut 
moins  heureux  dans  la  reproduction  des  scènes  originales 
de  la  nature. 

LEIDENBURG  (Lijdenburg,  Lydenburg).  Ville  du 


—  1475  — 


LEIDENBURG  —  LEIJONHUFVUD 


Transvaal,  ch.-L  de  Tune  de  ses  46  provinces,  à  240  kil. 
en  ligne  droite  à  TE.-N.-E.  de  Pretoria,  à  1,775  m.  d'alt. 
sur  le  versant  occidental  et  au  N.  de  la  chaîne  des  Draken- 
berge  ;  entre  les  chemins  de  fer  de  Komati  à  Pretoria  d'une 
part,  à  Selati  de  l'autre.  Située  dans  une  contrée  auri- 
fère, cette  ville  est  une  de  celles  où  se  presse  la  population 
blanche  de  ces  hauts  plateaux  ;  elle  est  devenue,  depuis 
la  découverte  dans  son  voisinage  de  riches  gisements  d'or, 
en  1873,  l'une  des  places  les  plus  actives  de  la  république 
sud-africaine.  11  y  a  une  station  de  missionnaires.  Les 
travaux  miniers  dans  le  district  aurifère  de  Lydenburg, 
le  plus  ancien  champ  d'exploitation  du  Transvaal,  ne  re- 
montent pas  plus  loin  qu'à  l'année  1869.  Les  gisements 
trouvés  en  1873  autour  de  Lydenburg  sont  dans  des  allu- 
vions  de  la  vallée  de  la  Blyde.  Les  champs  d'or  du  Kaap, 
dans  le  haut  bassin  de  la  Manissa,  sont  célèbres  (Rarberton, 
Eurêka).  Le  district  formait  une  petite  république  boer 
indépendante  avant  son  incorporation  au  Transvaal.  En 
1876,  la  guerre  entre  les  Boers  et  le  chef  indigène  Séku- 
kuni  exerça  une  influence  fâcheuse  sur  l'exploitation,  qui 
ne  reprit  son  essor  qu'en  1882.  La  population  du  district 
était  en  1879  de  124,000  hab.,  dont  1,285  Boers  et 
290  Européens.  Ch.  Del. 

BiBL,  :  Kelsey-Loveday,  Map  of  the  Lydenburg  Gold 
Fields,  au  l/23?000°  ;  Pretoria,  1883.  ~  Pappa,  Manuel 
des  principales  sociétés  minières  du  Sud-Afrique;  Pa- 
ris, 1893. 

LEIDRADE,  archevêque  de  Lyon,  né  à  Nuremberg  vers 
736,  mort  vers  816.  On  a  dit  qu'il  avait  été  bibliothé- 
caire de  Charlemagne,  mais  ce  fait  n'est  pas  démontré.  11 
fut  élu  archevêque  de  Lyon  en  798.  Aussitôt  après,  Char- 
lemagne l'envoya  comme  missus  dominicus^  avec  Théo- 
dulf,  évêque  d'Orléans,  dans  la  province  de  Narbonne,  11 
le  chargea  ensuite,  avec  Nebridius,  évoque  de  Narbonne, 
et  Benoît,  abbé  d'Aniane,  de  procéder  sur  les  accusations 
d'hérésie  dirigées  contre  Féhx,  évêque  d'Urgel  (V.  Adop- 
tianisme).  Après  la  déposition  de  Félix,  ils  allèrent  dans 
son  diocèse,  pour  ramener  à  la  foi  ceux  que  l'enseignement 
de  leur  évêque  avait  égarés,  lis  en  convertirent  vingt  mille. 
En  814,  Leidrade  résigna  son  évêché  et  se  retira  au  mo- 
nastère de  Saint-Médard,  à  Soissons,  oîiil  mourut.  Il  avait 
fondé  deux  écoles  dans  son  diocèse.  Il  reste  de  lui  quatre 
Le  lires  et  un  traité  :  ÎÂber  de  sacramento  baptismi^  ad 
Carolum  Magnum  imper atorem.  Ces  écrits  sont  repro- 
duits dans  la  Patrologie  latine  de  ligne  (XCIX,  853- 
886).  '        E.-ÏL  V. 

BiBL.  :  Gallia  Christiana^  t.  IV,  p.  52.  —  Histoire  litté^ 
raire  de  la  France,  t.  IV,  p.  436. 

LEIDY  (Joseph),  naturaliste  américain, né  à  Philadelphie 
le  9  sept.  1823.  Reçu  docteur  en  médecine  en  1844,  il  fut 
nommé  en  1853  professeur  d'anatomie  à  l'université  de 
Pennsylvanie  et  en  1871  devint  en  outre  professeur  d'ana- 
tomie comparée  et  d'histoire  naturelle  au  Swarthmore  Col- 
lège. Il  servit  comme  chirurgien  du  Satterlee  Hospital  de 
Philadelphie  pendant  la  guerre  de  la  Sécession.  —  Leidy  a 
publié  dans  les  recueils  périodiques  près  de  1 ,000  mémoires 
sur  la  zoologie  et  particulièrement  sur  les  animaux  fossiles 
et  quelques  grands  ouvrages  tels  que:  The  Extinct  Mam- 
malia  fauna  of  Dakota  and  Nebraska,  etc.  (Philadelphie, 
1870,  in-4,  av.  30  pL);  Contributives  to  the  extinct 
Vertébrale  fauna  of  the  Westerji  Ter ritories  {Wsish.mg- 
ton,  1873,  in-4,  av.  37  pL),  etc.  D^  L,  Hn. 

LE!  F,  surnommé  l'Heureux^  fils  d'Erik  Fiœde,  mort 
vers  1021.  Il  introduisit  le  christianisme  en  Grœniand  vers 
l'an  1000,  à  Finstigation,  semble-t-il,  d'Olaf  Tryggveson, 
roi  de  Norvège.  Il  toucha,  dans  ses  excursions  maritimes, 
l'Amérique  continentale,  qu'il  nomma  Vinland,  et  succéda 
à  son  père,  comme  chef  du  Grœuland. 

LEIGHTON  (Robert),  prélat  écossais,  né  en  1611,  mort 
en  1684.  Il  fit  une  partie  de  ses  études  à  Douai;  de  retour 
en  Ecosse,  il  fut  placé  à  la  tête  de  la  paroisse  de  Newbattle, 
où  il  se  distingua  par  son  talent  de  prédicateur,  son  éloi- 
gnement  des  querelles  politiques  et  ses  vertus.  En  1653, 
l'université  d'Edimbourg  le  choisit  pour  son  principal,  en 


même  temps  qu'elle  lui  donnait  une  chaire  de  théologie. 
Membre  de  l'assemblée  générale  de  1653,  il  accepta  la 
restauration  de  Fépiscopat  en  1661  et  se  laissa  nommer, 
d'abord  à  l'évêché  de  Dunblane,  puis  à  celui  de  Glasgow. 
Impuissant  à  ramener  les  presbytériens  et  à  faire  arrêter 
les  mesures  violentes  que  le  gouvernement  prenait  contre 
les  dissidents,  il  se  démit  de  son  siège,  et  alla  mourir  à 
Londres,  où  l'avait  appelé  lord  Pesth.  Ses  œuvres,  parmi 
lesquelles  il  faut  citer  Rulesand  histructions  for  a  Holy 
Life,  ont  été  publiées  après  sa  mort  par  le  D^  Fall,  et  ont 
eu  depuis  nombre  d'éditions.  B.-H.  G. 

LEIGHTON  (Sir  Frédéric),  peintre  anglais,  né  à  Scar- 
borough  le  3  déc.  1830.  Tout  enfant,  il  commença  le  dessin 
à  Rome  et  poursuivit  ses  études  d'art  à  l'Académie  royale 
de  Berlin,  puis  à  Florence,  Bruxelles,  Paris,  où  il  fit  de 
nombreuses  copies  au  Louvre,  enfin  à  Francfort,  dans  l'ate- 
lier de  Steinle.  Son  premier  tableau  exposé  à  Londres  en 
1855,  la  Madone  de  Cimabue  promenée  triomphale- 
ment par  les  rues  de  Florence,  fit  sensation  et  fut  ac- 
quise par  la  reine.  Ofe  nouveau  il  vint  travailler  à  Paris 
où  il  reçut  des  conseils  de  Robert  Fleury  et  d'Ary  Schef- 
fer.  Elu  membre  de  l'Académie  royale  en  1869,  il  en  devint 
le  président  en  1878,  et  en  1884  fut  créé  baronnet.  De  sa 
fertilité  d'imagination  et  de  sa  facilité  d'exécution,  unies 
à  une  grande  puissance  de  travail,  il  résulte  un  œuvre 
considérable.  Depuis  près  de  quarante  ans,  il  expose  régu- 
lièrement à  l'x^cadémie  de  grandes  compositions  mytholo- 
giques, classiques  ou  allégoriques,  sans  compter  de  nom- 
breux portraits  et,  occasionnellement,  des  paysages  italiens. 
On  voit  de  lui,  au  musée  de  Kensington,  une  grande  fresque, 
les  Travaux  de  l'industrie  pour  la  guerre.  Son  atelier 
renferme  une  quantité  prodigieuse  de  remarquables  études 
de  figure,  de  draperie  ou  de  plein  air.  Il  lait  aussi  de  la 
sculpture,  et  son  Athlète  étranglant  un  python,  en 
bronze  (1877),  a  été  acheté  2,000  guinées  par  l'Académie. 
Avec  une  science  impeccable  du  dessin,  Leighton  possède  ce 
sentiment  de  la  variété  dans  l'unité  qui  fait  la  belle  ordon- 
nance d'un  sujet;  son  style  est  sage,  pondéré,  noble,  sa 
facture  large,  mais  un  peu  mince.  La  chaleur  et  l'origina- 
lité lui  font  défaut,  ainsi  que  l'iiarmonie  des  tonalités,  et 
son  exécution  est  souvent  hâtive.  Il  a  envoyé  de  ses  œuvres 
à  Paris,  aux  expositions  universelles  de  1878  et  1889, 
où  il  a  obtenu  les  grandes  médailles  d'or  en  peinture  et 
sculpture.  Il  est  membre  étranger  de  l'Institut  de 
France.  A.  de  B. 

LEIGNE-LES-Bois.  Com.  du  dép.  de  la  Vienne,  arr.  de 
Châtellerault,  cant.  de  Pleumartin  ;  701  hab. 

LEIGNÉ-suR-L'ssEAu.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  la 
Vienne,  arr.  de  Châtellerault  ;  385  hab. 

L  El  G  NES.  Com.  du  dép,  de  la  Vienne,  arr.  de  Mont- 
morillon,  cant.  de  ChauvigEiy  ;  860  hab. 

LEIGNEUX.  Com.  du  dép.  de  la  Loire,  arr.  de  Mont- 
brison,  cant.  de  Boën  ;  511  hab. 

LEIJONCRONA  ou  LEYONCRONA  (Kristofer),  poète 
suédois,  né  vers  1660,  mort  à  Londres,  où  il  était  ministre 
de  Suède,  en  1710.  Il  fit  vers  1680  un  séjour  à  Paris 
d'environ  deux  ans  et  se  rendit  à  Londres  en  1688.  On 
affirme  que  c'est  à  la  douleur  que  lui  causa  la  défaite  de 
Pultava  qu'il  faut  attribuer  sa  fin  prématurée.  Il  est  un 
des  poètes  les  plus  distingués  de  la  période  qu'illustra  sur- 
tout Stjernhjelm.  C'est  en  Italie  qu'il  cherchait  des  modèles, 
et  son  œuvre  se  compose  principalement  de  chansons  sou- 
vent très  gracieuses,  de  sonnets  et  de  sestines.  Le  petit 
recueil  de  ses  poésies,  publié  à  nouveau  par  Hanselli  en 
1863,  s'ouvre  par  un  poème,  Habor  et  Signill,  qui  eut 
\m  grand  succès.  Au  point  de  vue  de  la  forme,  le  poème 
funèbre  intitulé  Conversation  de  deux  bergers,  composé 
en  l'honneur  de  Tigerhjelm,  secrétaire  du  roi,  est  parti- 
culièrement curieux.  Th.  C. 

LEIJONHUFVUD.  Vieille  famille  suédoise,  qui  remonte 
au  XIV®  siècle  et  compte  parmi  ses  membres  une  reine,  des 
guerriers,  des  hommes  d'Etat  et  des  littérateurs.  Les  plus 
célèbres  des  Leijonhufvud  sont  : 


LEIJONHUFVUD  —  LEIPOA 


—  4176 


Margareta^  fille  d'Erik,  seconde  femme  de  Gustave  P^ 
Vasa  (V.  Margareta). 

Sten-Eriksson  (1518-68),  qui  fit  partie,  en  1542,  de 
la  députation  envoyée  en  France  pour  conclure  à  Sceaux 
un  traité  d'alliance  entre  la  France  et  la  Suède.  Il  remplit 
à  la  cour  des  fonctions  importantes  et  fut  chargé  de  nom- 
breuses missions  diplomatiques  :  traité  de  Moscou  (1557), 
négociations  pour  le  mariage  projeté  d'Erik  XIV  avec  Elisa- 
beth d'Angleterre  d'abord  (1558-59),  puis  avec  Christine 
de  Hesse  (1563).  Fait  prisonnier  par  les  Danois  au  retour 
de  cette  dernière  négociation,  il  ne  rentra  en  Suède  qu'en 
1565,  mais  tomba  bientôt  en  disgrâce  et  prit  une  part  ac- 
tive aux  diverses  intrigues  qui  aboutirent  à  la  déposition 
du  roi.  Il  mourut  d'une  blessure  qu'il  avait  reçue  lors  du 
dernier  soulèvement  contre  Eric. 

Axel'Stensson  (1 554-1 6!20?),  comte  deRaseborg,  gou- 
verneur de  Finlande  (1587).  Le  roi  Jean,  ayant  conçu 
quelques  doutes  sur  sa  fidélité,  le  disgracia  en  1589.  Il 
prit  parti,  à  la  mort  de  Jean,  pour  Sigismond  contre  le 
duc  Charles  (Charles  IX),  mais  se  rapprocha  plus  tard  de 
ce  dernier  et  lui  resta  fidèle  en  1596,  lorsque  ses  autres 
conseillers  l'abandonnèrent.  Leur  amitié  fut  d'ailleurs  de 
courte  durée  :  après  le  massacre  de  Linkœping  (1600) 
que  blâma,  semble-t-il,  Axel-Stensson,  celui-ci  dut  s'enfuir 
en  Allemagne.  En  1613,  Gustave  II  Adolphe,  craignant 
son  esprit  brouillon, ne  l'autorisa  pas  à  rentrer  en  Suède; 
il  y  rentra  tout  de  même,  mais  dut  bientôt  se  réfugier  en 
Norvège,  à  la  suite  d'un  meurtre  commis  sur  un  servi- 
teur; de  Norvège  il  passa  en  Allemagne,  ou  il  mourut.  — 
Son  frère,  Maurice-Stensson  (1559-1601),  resta,  au 
contraire,  jusqu'à  sa  mort,  un  serviteur  très  dévoué  de 
Charles  IX. 

Axel-Gabriel  (1717-89),  écrivain  suédois.  Officier  et 
attaché  à  la  personne  du  prince  royal,  il  prit  sa  retraite 
comme  lieutenant-colonel  en  1766,  fut  ensuite  maréchal 
de  la  cour,  joua  un  rôle  politique  effacé  et  mourut  prési- 
dent de  la  cour  d'appel  d'Abo.  Membre  de  l'Académie  de 
Suède  depuis  1773,  il  a  laissé  des  vers  suédois^  fran- 
çais et  latins,  des  traductions  et  un  Ouvrage  d'édifl- 
cation.  Th.  C. 

LEIJONSTEDT  (Anders),  poète  et  homme  politique  sué- 
dois, né  à  Upsal  en  1694,  mort  à  Stockholm  en  1725,  frère 
cadet  de  J.  Gyllenborg.  Il  fit  ses  études  à  Upsal,  voyagea, 
occupa  d'abord  quelques  charges  peu  importantes,  puis,  en 
1686,  fut  nommé  secrétaire  du  protocole  à  la  chancellerie. 
En  1698,  il  fut  envoyé  en  Poméranie  pour  régler  le  diffé- 
rend relatif  à  la  frontière  de  cette  province  avec  le  Brande- 
bourg. De  1703  à  1710,  il  fut  ministre  à  Berlin  ;  fut  anobli 
en  1716  et  élevé  au  rang  de  landtmarskalk  après  la  mort  de 
Fer  Ribbing(1719).Il  est  l'auteur  de  quelques  poésies,  dans 
la  manière  de  Stjernhjelm,  qui  ont  été  publiées  par  P.  Han- 
selli  en  1863  (Vitterhets  arb.  af,  svenska  forfait.  V). 

LEIlVIACOPSIS(Zool.).  Genre  de  Turbellariés,  de  l'ordre 
des  Triclades,  tribu  des  Terricoles,  créé  par  Diesing  en 
1862  pour  une  Planaire  terrestre,  trouvée  par  Schmarda 
dans  l'Amérique  tropicale.  Il  n'y  a  qu'une  seule  espèce 
connue  appartenant  à  ce  genre  ;  elle  est  fort  intéressante 
parce  que,  d'après  le  peu  que  l'on  sait  de  son  organisation, 
elle  constitue  par  sa  morphologie  une  exception  parmi 
iles  Triclades  terrestres. 

LEINBERG^  (Karl-Gabriel),  écrivain  et  pédagogue  fin- 
landais, né  à  Âbo  le  8  fév.  1830.  Il  fit  à  Helsingt'ors  ses 
études  de  théologie,  fut  de  1856  à  1868  recteur  du  lycée 
privé  d'Helsingfors,  puis,  de  1868  à  1894,  directeur  du  sé- 
minaire pour  instituteurs  de  Jyvaeskylîe.  Il  a  présidé  de 
nombreuses  commissions  scolaires  et  est  l'auteur  d'un  grand 
nombre  d'ouvrages  historiques  sur  les  institutions  scolaires 
de  Ja  Finlande  et  sur  l'église  du  pays  :  l'Ancien  Gymnase 
d'Abo  (1855)  ;  le  Lycée  d'Helsingfors  pendant  les  trente- 
cinq  premières  années  de  son  existence  (1866).  Ses 
publications  les  plus  remarquables  sont  une  Histoire  des 
couvents  de  Finlande,  qui  forme  le  quatorzième  volume 
de  la  collection  éditée  par  la  Société  de  littérature  suédoise 


en  Finlande  (1890),  et  un  recueil  de  Documents  relatifs  à 
l'Eglise  et  au  clergé  finlandais  (Helsingfors,  1892  et 
1893,  letll).  Th.  C. 

LEINE.  Rivière  d'Allemagne,  affluent  de  l'Aller,  qui 
descend  de  l'Eichsfeld,  coule  vers  l'O.,  puis  le  N.,  passe  à 
ïleiligenstadt,  auprès  de  Gœttingue,  à  Elze,  finit  près  de 
Hudemiihlen,  après  uncoursdel92  kil.,  dont  56  navigables. 
Elle  reçoit  à  droite  la  Ruhme,  à  gauche  l'Innerste.  Le 
royaume  de  Westphalie  comprit  un  dép.  de  la  Leine,  ch.-l. 
Gœttingue. 

LEINE  ou  LEINA.  Rivière  d'Allemagne,  qui  sort  du 
Thuringerwald,  passe  à  Leina,  prend  le  nom  de  Hœrsel.  Le 
canal  de  la  Leine  construit  en  1369  traverse  Gotha. 

LEINEZ,  général  de  la  Compagnie  de  Jésus  (V.  Laynès). 

LEINSTER  (Mont)  (V.Irlande,  t.  XX,  p.  948). 

LEINSTER.  Une  des  quatre  provinces  de  l'Irlande,  cor- 
respondant aux  anciens  royaumes  de  Legania  ou  Leinster 
pour  le  S.,  Meath  pour  le  N.  (V.  Irlande). 

LEINSTER  (Comte  de)  (V.  Cholmondeley). 

LEINSTER  (James  Fitzgerald,  duc  de),  homme  poli- 
tique anglais,  né  le  29  mai  1722,  mort  à  Dublin  le 
19  nov.  1773.  Membre  de  la  Chambre  des  communes 
d'Irlande  en  1741,  sous  le  nom  de  lord  Offaly,  il  devint, 
à  la  mort  de  son  père,  comte  de  Kildare  (1744).  Il  leva  à 
ses  frais  un  régiment  pour  combattre  le  prétendant,  épousa 
en  1747  lady  Emily  Lennox  et  reçut  à  cette  occasion  la 
pairie.  Il  prit,  à  partir  de  ce  moment,  une  part  considé- 
rable à  la  politique  irlandaise.  Fondateur  d'un  parti, 
bientôt  très  puissant,  qui  tenait  le  milieu  entre  les  minis- 
tériels et  les  radicaux,  il  combattit  Stone  (V.  ce  nom^ 
avec  une  énergie  qui  lui  valut  l'affection  de  la  populace  de 
Dublin  et  il  finit  par  l'expulser  du  conseil  privé.  Il  fut  créé 
duc  de  Leinster  le  16  mars  1766. 

Son  fils  William-Robert  (1749-1804),  qui  lui  succéda 
dans  le  titre  de  duc  de  Leinster,  ne  joua  qu'un  rôle  effacé. 

Le  représentant  actuel  de  la  pairie  est  Maurice  Fitzge- 
rald, sixième  duc  de  Leinster,néà  Kilkea  Castle  le  1'^  mars 
1887,  fils  du  cinquième  duc  Gerald  (1851-93)  et  de  lady 
Duncombe. 

LEINTREY.  Corn,  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle,  arr. 
de  Lunéville,  cant.  de  Blâmont;  482  hab. 

LEIOLEPIS  (Erpét.).  Genre  de  Serpents  Thanathophi- 
des ,  classé  par  Duméril  et  Bibron  dans  la  famille  des  Crotalidae, 
ayant,  d'après  ces  auteurs,  les  caractères  des  Crotales,  moins 
les  gi'elots  de  la  queue  et  de  plus  ceux  des  Trigonocéphales, 
mais  avec  des  écailles  lisses  et  non  carénées,  et  ayant  le 
vertex  garni  de  grandes  plaques  fisses  avec  un  écusson 
central.  Le  Leiolepis  rhodostoma,  type  du  genre,  est  un 
Serpent  propre  à  la  partie  occidentale  de  l'île  de  Java.  Sa 
taille  varie  de  30  à  95  centim.  de  long.  Sa  morsure  est 
promptement  mortelle.  D'après  Schlegel,  les  Civettes  lui 
font  une  chasse  des  plus  actives.  Rocher. 

BiBL.  :  Duméril  et  Bibron,  Herpét.  gén. 

LEIOPHYLLUM  (Bot.).  Section  du  genre  de  Mousses 
Neckera  (V.  ce  mot). 

LÉIOSOMA  (ZooL)  (V.  Oribate). 

LEIOTASPIS  (Zool.)  (V.  Ptéropte). 

LEIPOA  (Ornith.).  Genre  de  la  famille  des  Mégapodii- 
dés  (V.  Mégapode),  comprenant  des  GaUinacés  de  la  gros- 
seur d'une  Pintade,  ayant  le  bec  un  peu  plus  long  que  la 
têtd  et  médiocrement  épais,  avec  la  mandibule  supérieure 
convexeà  l'extrémité,  les  narines  déforme oblongue,  situées 
dans  une  fossette  et  recouvertes  par  une  membrane,  les 
ailes  amples  et  convexes,  la  queue  arrondie,  les  pattes  ro- 
bustes, garnies  de  scutelles  sur  le  devant  du  tarse  et  ter- 
minces  par  des  doigts  assez  courts  dont  les  deux  latéraux 
sont  réunis  au  doigt  médian  par  de  petites  membranes.  On 
ne  connaît  qu'une  seule  espèce  de  Leipoa,  qui  a  été  décrite 
et  figurée  par  J.  Gould  (Proceed.  Zool.  Soc.  Lond.,  1840, 
p.  126,  et  Birds  of  Australia,\S^S),  sous  le  nom  de 
Leipoa  ocellata.  Cette  espèce,  qui  ressemble  un  peu 
à  certains  Tétraogalles  asiatiques  et  qui  porte  un  cos- 
tume gris,  varié  de  brun,  de  fauve  et  de  blanc,  est  can- 


1477 


LEIPOA  —  LEIPZIG 


tonnée  dans  le  S.  de  l'Australie  et  ne  diffère  point  par  ses 
mœurs  des  Mégapodes  ordinaires.  Comme  les  Mégapodes, 
le  Leipoa  dépose  ses  œufs  dans  un  tumulus  fait  de  terre  et 


Leipoa  ocellata. 

de  matières  végétales,  dont  la  décomposition  produit  la 
chaleur  nécessaire  à  Téclosion.  C'est  à  cette  habitude  que 
fait  allusion  le  nom  de  Leipoa.  E.  Oustâlet. 

BiBL.  :  E.  OusTALET,  MoHographie  des  Mégapodiidés, 
dans  BLhl.  des  Hautes  Etudes^  t.  XI,  et  Ann.  des  se.  nat. 
zooU  1880-81,  t.  XXII. 

LEIPZIG.  I.  Géographie.  —  Grande  ville  d'Alle- 
magne, à  l'angle  N.-O.  du  royaume  de  Saxe,  ch.-l.  du  dis- 
trict de  ce  nom,  sur  l'Elster  et  ses  affluents,  la  Pleisse  et 
la  Parthe  qui  s'y  réunissent  ;  357,147  hab.  La  ville  est  située 
au  milieu  de  la  grande  plaine  entre  la  Saale  et  l'Elbe,  dont 
les  belles  prairies,  les  vergers  et  champs  fertiles  sont  cou- 
pés de  beaux  bois  de  chênes,  à  l'ait,  de  114  m.  au-dessus 
du  niveau  de  la  mer.  Elle  comprend  en  premier  lieu  la 
vieille  ville  ou  cité  intérieure  ;  autour  de  celle-ci  les  fau- 
bourgs intérieurs  forment  la  Villeneuve;  ils  se  prolongent 
au  loin  par  de  gros  bourgs  constituant  à  Leipzig  une  cein- 
ture de  villes  industrielles  qui  sont  ses  faubourgs  exté- 
rieurs et  lui  ont  été  annexés  en  1894. 

La  cité  ou  vieille  ville  forme  à  l'E.  de  la  Pleisse  un  qua- 
drilatère irrégulier  entouré  de  magnifiques  plantations, 
promenade  qui  a  remplacé  les  fortifications  démantelées  en 
1784.  Il  n'en  reste  que  l'ancienne  citadelle  à  l'angle  S.-O. 
Celle-ci,  la  Pleissenburg ,  bâtie  en  1213,  démolie  en  1547, 
rebâtie  en  1549-5i,  fut  le  théâtre  de  la  controverse  entre 
Luther  et  Eck  (1519)  ;  Pappenheim  y  mourut  après  Lutzen 
(1632)  ;  elle  sert  aujourd'hui  de  caserne.  Au  centre  des 
rues  étroites  et  des  passages  circulant  à  travers  les  maisons 
de  la  vieille  ville  est  la  place  du  Marché,  le  Markt,  d'où 
partent  les  rues  les  plus  fréquentées,  en  particulier  la 
Grimmaische  etlaPetersstrasse.  La  première,  orientée  vers 
l'E.,  mène  à  une  vaste  place  de  4  hect.  qui  s'étend  sur  la 
ligne  des  anciens  remparts,  VAugustusplatz;  elle  est  bor- 
dée du  Théâtre  neuf  au  N.  ;  de  la  Poste  à  l'E.  ;  du  Musée 
devant  lequel  s'élève  un  puits  monumental  au  S.;  du  pa- 
lais de  l'Université  à  l'O.  Sur  le  côté  S.-E.  de  la  vieille 
ville,  le  long  de  la  promenade,  est  le  Rossplatz.  La  ville 
intérieure  était  divisée  en  quatre  quartiers  de  Peter,  Ranstadt, 
Grimma  et  Halle,  auxquels  correspondaient  quatre  faubourgs. 
Aujourd'hui  ceux-ci  sont  dénommés  d'après  leur  orientation. 
Le  faubourg  ou  quartier  du  S.  s'étend  à  l'E.  de  la  Pleisse 
jusqu'aux  jardins  du  Johannesthal  qui  séparent  l'ancien  et 
le  nouveau  cimetière.  Comme  dans  le  reste  de  la  ville  neuve 
les  rues  y  sont  larges,  droites,  les  édifices  modernes.  Le 
quartier  de  PO.  s*etend  entre  la  Pleisse  et  l'Elster,  com- 
prenant les  petits  parcs  du  Scheibenholz  et  de  Johannapark  ; 
le  quartier  du  N.,  où  aboutissent  la  plupart  des  chemins 
de  fer,  s'étend  sur  les  deux  rives  de  la  Parthe  ;  il  est  séparé 
de  celui  de  l'O.  par  les  pelouses  et  les  bois  du  Rosenthal 
lesquels  occupent  le  fond  entre  le  bras  principal  et  les  bras 
dérivés  de  l'Elster  en  aval  du  confluent  de  la  Pleisse  (celui 
de  la  Parthe  est  400  m.  plus  bas).  Le  quartier  de  l'E., 
dont  l'artère  centrale  est  la  chaussée  de  Dresde,  a  absorbé 
le  faubourg  de  Reudnitz  et  ceux  de  Schœnefeld  au  N., 
Thonberg  au  S.  Les  véritables  faubourgs,  qui  ne  sont  pas 
encore  confondus  avec  le  noyau  central,  sont  :   au  S. 


Connewitz,  sur  la  rive  droite  de  la  Pleisse  ;  à  l'O.  Plag- 
witz^  LindenaUf  sur  la  rive  gauche  de  l'Elster,  séparés 
du  précédent  par  un  bois;  au  N.  Gohlis,  sur  la  rive  droite 
de  l'Elster,  et  Eutritzch,  entre  l'Elster  et  la  Parthe.  — 
Les  progrès  de  Leipzig  ont  été  très  rapides  en  notre  siècle. 
La  ville  comptait  20,000  hab.  en  1676;  24,000  en  1776; 
32,000  en  1800.  En  1864,  elle  en  avait  85,000  et 
170,000  en  1885,  non  compris  les  faubourgs  qui  en 
avaient  -140,000.  Les  luthériens  forment  plus  des  11/12 
du  total. 

Monuments.  —  Leipzig  renferme  un  grand  nombre  d'édi- 
fices intéressants  par  les  souvenirs  historiques  qui  s'y  rat- 
tachent, bien  qu'aucun  n'ait  de  valeur  artistique  excep- 
tionnelle. Il  subsiste  dans  la  ville  intérieure  beaucoup  de 
maisons  du  xvi®  et  du  xvii^  siècle  avec  leurs  frontons  en 
saillie.  Les  principales  églises  sont  celles  :  de  Thomas, 
bâtie  en  1221,  agrandie  en  1482,  reconstruite  récemment; 
le  margrave  Diezmann  y  fut  assassiné  en  1307  ;  on  y  voit  la 
série  des  portraits  des  surintendants  de  Leipzig  depuis  1573  ; 

—  de  Nikolai,  bâtie  en  1170,  refaite  en  1513,  pillée  à  la 
fin  du  xvm^  siècle;  —  de  Matthaei,  rebâtie  en  1880  sur 
l'emplacement  d'une  église  de  1494  qui  remplaçait  un  châ- 
teau de  1217  ;  —  de  l'Université  ou  Pauline,  bâtie  vers  1240, 
reconstruite  en  1545  et  consacrée  par  Luther,  avec  le  tom- 
beau de  Diezmann,  des  peintures  murales  à  l'encaustique 
du  xïu«  et  du  xiv^  siècle  (22°*, 5  de  long  sur  4"»,5  de  haut). 

—  Parmi  les  monuments  séculiers,  il  faut  citer  d'abord 
l'hôtel  de  ville  rebâti  sur  les  fondations  du  xui®  siècle  par  le 
bourgmestre  Hier.  Lotter  (1556)  ;  il  occupe  le  côté  oriental 
de  la  place  du  Marché  ;  on  y  voit  les  portraits  des  souverains 
de  la  Saxe.  Derrière  cet  édifice,  séparée  de  lui  par  la  petite 
place  du  Naschmarkt,  est  la  Vieille  Bourse  bâtie  en  1678 
et  décorée  des  statues  de  Mercure,  Apollon,  Vénus  et  Pallas  ; 
la  Nouvelle  Bourse  est  en  face  du  côté  N.  de  la  ville  inté- 
rieure ;  sur  le  Marché  se  trouve  encore  la  maison  royale 
où  résidèrent,  de  1695  à  1829,  les  électeurs  de  Saxe  de 
passage  à  Leipzig  ;  le  fameux  Auguste  le  Fort  y  donna  ses 
fêtes  ;  Pierre  le  Grand  en  1698,  Charles  XII  de  Suède 
en  1707,  Frédéric  le  Grand  en  1760,  Jérôme  de  West- 
phalie  en  1809,  Napoléon  en  1813  y  séjournèrent;  Schwar- 
zenberg  y  mourut  en  1820.  A  l'angle  N.-O  du  Marché  est 
la  belle  maison  du  Barthelshof,  dont  la  façade  gothique  est 
maintenant  du  côté  intérieur;  à  l'angle  S.-E. ,  l'Auerbachshof, 
bâti  de  1530  à  1538,  jadis  le  plus  important  bazar  de  la 
ville  avec  ses  cent  caves  et  ses  nombreuses  boutiques  ;  il 
doit  sa  célébrité  actuelle  à  la  légende  de  Faust.  A  quelques 
pas  dans  la  rue  de  Grimma  est  la  maison  du  prince  (Fùrs- 
tenhaus),  habitée  par  Pierre  le  Grand  en  1712;  dans  la 
rue  Nikolai  l'auberge  du  Rosenkranz  où  descendait  Luther; 
à  côté,  dans  la  Ritterstrasse,  le  Rote  Kolleg  où  naquit 
Leibniz.  L'Université  occupe  de  vastes  bâtiments  sur  plu- 
sieurs points  de  la  ville  ;  son  centre  fut  d'abord  le  Pauli- 
num,  ancien  couvent  de  dominicains  (remplaçant  un  château 
démoli  en  1224)  qui  fut  sécularisé  et  attribué  à  l'univer- 
sité en  1545;  VAugusteum,  bâti  sur  les  plans  deSchin- 
kel  (1834-36),  y  touche  ;  en  face  est  le  musée. 

Commerce  et  industrie.  —  Leipzig  est  une  des  plus 
grandes  places  commerciales  de  l'Europe.  Elle  l'était  dès 
le  moyen  âge  et  ce  fut  la  source  de  sa  prospérité.  L'an- 
cienne corporation  des  négociants  qui  existait  depuis  le 
XV®  siècle  et  ne  fut  dissoute  qu'en  1887,  et  le  conseil  officiel 
des  marchands  qui  subsista  jusqu'en  1867  ont  beaucoup 
contribué  à  la  fortune  de  la  ville.  Elle  conserve  encore  ses 
trois  grandes  foires  (messes)  annuelles  du  nouvel  an  (du 
1®^  au  15  janv.  [la  moins  importante]),  de  Pâques  (trois 
semaines)  et  de  la  Saint-Michel  (trois  semaines)  (V.  Ma.r- 
CHÉ).  Leur  importance  date  de  l'édit  de  Maximilien  P'^ 
(1507)  conférant  à  Leipzig  le  privilège  d'entrepôt.  Elles  arri- 
vèrent à  éclipser  celles  des  deux  Francfort  comme  centre  des 
transactions  de  l'Europe  continentale.  La  fin  du  xvii®  siècle, 
la  fin  du  xYiii®  et  le  milieu  du  xix®  furent  leurs  périodes 
les  plus  brillantes  (V.  Commerce).  Le  développement  des 
relations  directes  entre  les  diverses  nations  a  beaucoup 


LEIPZIG 


—  1478  — 


restreint  le  rôle  du  commerce  de  transit  et  d'échange  dans 
ces  foires,  notamment  pour  les  tissus,  soieries,  métaux, 
blés.  Pour  les  pelleteries,  Leipzig  est  demeuré  un  grand 
marché,  à  côté  de  Londres  et  de  Nijni-Novgorod.  Le  com- 
merce du  papier  s'est  beaucoup  accru.  La  spécialité  de 
Leipzig  est  la  librairie  ;  elle  tient  le  premier  rang  en  Alle- 
magne ;  là  siègent  les  grandes  associations  allemandes  du 
commerce,  du  livre,  de  l'imprimerie,  etc.  On  y  compte  plus 
de  500  maisons  d'édition  et  près  de  100  imprimeries,  pu- 
bliant près  de  3,000  ouvrages  par  an. 

L'industrie  s'est  beaucoup  développée  dans  les  faubourgs, 
depuis  1867.  L'agglomération  de  Leipzig  possède  une  ving- 
taine de  fonderies,  des  fabriques  de  machines,  des  distil- 
leries, des  fabriques  de  pianos,  des  ateliers  de  reliure. 

Vie  intellectuelle.  —  L'activité  intellectuelle  est  con- 
sidérable. L'université  est  par  son  importance  la  seconde 
d'Allemagne  (après  Berlin).  Elle  a  été  fondée  le  4  déc.  1409 
quand  se  fit  à  celle  de  Prague  la  scission  entre  Tchèques  et 
Allemands  ;  2,000  étudiants  allemands  y  émigrèrent  avec 
leurs  professeurs  Hofmann  de  Schweidnitz  et  Otto  de  Mùns- 
terberg  ;  celui-ci  fut  le  premier  recteur.  Aux  facultés  de  théo- 
logie et  de  philosophie,  qui  sont  encordes  plus  florissantes, 
s'ajoutèrent  ultérieurement  celles  de  médecine  (1415)  et  de 
droit  (1507).  L'électeur  Maurice  donna  à  l'université  le 
couvent  des  pauliniens  et  des  vastes  domaines.  Elle  fut  jus- 
qu'en 1830  divisée  en  quatre  nations  (Saxe,  Franconie,  Mis- 
nie,  Pologne).  Son  revenu  annuel  est  d'environ  800,000  fr.; 
elle  reçoit  de  l'Etat  une  subvention  d'un  chilFre  double. 
Une  cinquantaine  de  séminaires  (V.  ce  mot)  ou  d'instituts 
scientifiques  en  dépendent.  Sa  bibliothèque  possède  plus  de 
300,000  volumes  et  de  2,200  manuscrits  (dont  i  ,600  orien- 
taux) ;  son  cabinet  des  médailles  possède  1 00,000  pièces.  Elle 
a  environ  3,500  étudiants  (contre  1,000  à  1,200  avant 
1870)  et  près  de  200  professeurs.  Il  faut  citer  encore  cinq 
gymnases  ou  écoles  réelles,  l'école  supérieure  de  filles,  l'école 
commerciale  qui  jouit  d'une  grande  réputation,  l'école  du 
livre  fondée  en  1853,  l'Académie  des  beaux-arts,  les  mu- 
sées d'art  et  d'industrie,  etc.  La  musique  est  spécialement 
favorisée  ;  Leipzig  possède  un  Conservatoire  (fondé  en  4843) 
et  une  société  de  concerts  (depuis  1781)  dont  la  célébrité 
est  universelle  ;  son  école  Thomas,  créée  auprès  d'un  cou- 
vent d'augustins,  eut  sa  place  dans  l'histoire  de  la  musique 
religieuse  ;  elle  fut  dirigée  par  J.-Séb.  Bach,  Hiller, 
Schicht,  Weinlig,  Hauptmann,  etc.  ;  il  faut  encore  nom- 
mer l'Académie  de  chant,  les  sociétés  Rïedel,  Bach,  etc. 

Leipzig  a  trois  théâtres.  Parmi  ses  nombreuses  sociétés 
savantes,  les  principales  sont  l'Académie  des  sciences  (créée 
en  1846),  l'Association  scientifique  de  Jablonovsrski  (créée 
en  1768),  la  Société  des  auteurs  et  compositeurs  allemands, 
la  Société  de  géographie  commerciale,  etc. 

Administration.  —  La  ville  est  administrée  par  un  con- 
seil de  27  membres,  dont  12  rétribués,  et  un  collège  de 
60  députés.  Elle  est  le  siège  de  la  cour  suprême  de  l'em- 
pire allemand  et  de  son  tribunal  de  commerce  supérieur. 
—  Le  district  de  Leipzig  a  3,567  kil.  q.  et  871,132  hab. 
aux  15/16  luthériens.  Il  comprend  les  capitaineries  de 
Borna,  Dœbeln,  Grimma,  Leipzig  (campagne),  Leipzig 
(ville),  Oschatz  et  Rochlitz. 

IL  Histoire.  —  Le  village  de  Lipsk,  fondé  par  des  pê- 
cheurs sorbes  de  la  race  des  Slaves  Wendes,  au  confluent  de 
laPleisse  et  de  la  Parthe,  futcolonisépar  les  Allemands.  En 
1015,  il  était  devenu  une  ville  du  comté  ou  gau  de  Chutici. 
En  1017,  l'empereur  Henri  II  la  donne  à  l'évêque  de  Merse- 
bourg;  en  1082,  le  duc  de  Bohême  Vratislav  la  saccage  ; 
en  1134,  Conrad  de  Wettin  l'acquiert  par  voie  d'échange. 
Elle  comptait  5  à  6,000  hab.  quand  Otton  le  Riche  (1156- 
89)  l'entoure  d'une  enceinte  et  la  dote  de  ses  deux  foires 
de  Pâques  et  de  la  Saint-Michel.  La  fondation  du  couvent 
de  Saint-Thomas  (1213)  auquel  il  octroie  le  patronage  sur 
leur  église,  brouille  les  bourgeois  avec  le  margrave  Die- 
trich  qui  rase  leurs  murailles  et  les  remplace  par  trois 
châteaux  (1218).  Celui  de  la  porte  de  Grimma  fut  rasé 
bientôt  (1224)  et  remplacé  par  un  couvent  de  dominicains 


(Saint-Paul)  durant  la  minorité  de  Henri  (1221-63)  ;  celui- 
ci  agrandit  la  ville.  Sa  gilde  de  marchands  prenait  de  l'im- 
portance, et  les  Lombards,  ramenés  d'Italie  par  Conrad  de 
Wettin,  s'y  associaient.  Lors  du  partage  de  1263  (V.  Saxe), 
Leipzig  passa,  avec  l'Osterland,  à  Dietrich  le  Sage,  qui  lui 
accorda  des  privilèges  pour  son  commerce  et  le  droit  de 
battre  monnnaie  (1273).  Lors  du  partage  de  1349,  elle  fut 
donnée  à  Frédéric  le  Sévère  ;  c'est  lui  qui  fonda  l'univer- 
sité et  obtint  du  pape  Alexandre  V,  le  9  sept.  1409,  la 
bulle  d'érection.  En  1423,  Leipzig  obtint  la  haute  et  basse 
justice.  En  1454,  elle  s'entoura  d'un  fossé;  en  1458,  elle 
institua  sa  troisième  foire  (du  nouvel  an).  Lors  du  partage 
de  1485,  elle  fut  attribuée  à  la  ligne  Albertine.  Georges 
le  Barbu  (1500-39)  confirma  et  élargit  ses  privilèges.  En 
4519  eut  lieu  le  colloque  de  Leipzig  entre  Luther,  Karl- 
stadt  et  Eck.  Georges  comprima  les  réformés  ;  mais  son 
frère  Henri  le  Pieux  (1539-41)  leur  apporta  son  adhésion. 
En  1545  s'établirent  à  Leipzig  les  premiers  libraires  (Stei- 
ger  et  Boskopf).  En  1547,  la  ville  fut  assiégée  par  Jean- 
Frédéric  le  Magnanime  et  ses  faubourgs  incendiés.  L'électeur 
Maurice  développa  les  fortifications,  rebâtit  les  faubourgs, 
transféra  ici  le  consistoire  de  Mersebourg  (1550)  ;  les  Etats 
de  Saxe  y  conclurent,  en  mars  1549,  Vhitérim  de  Leip- 
zig. La  ville  fut  ruinée  par  la  guerre  de  Trente  ans.  Tilly 
la  prit  en  1631  ;  le  17  sept.  1632,  Gustave-Adolphe  rem- 
porta, au  N.  de  Gohlis,  dans  la  plaine  de  Breetenfeld,  sa 
célèbre  victoire  qui  rendit  l'avantage  au  parti  protestant  ; 
Leipzig  fut  encore  pris  parles  impériaux  dellolk  en  1632 
et  1633,  par  les  Suédois  de  Torstensson  en  1642;  ce  der- 
nier gagna  la  seconde  bataille  de  Breitenfeld  (2  nov.  1642). 
Après  la  paix,  on  accrut  les  fortifications  ;  le  grand  événe- 
ment de  la  fin  du  siècle  fut  l'immigration  des  hbraires 
de  Francfort-sur-le-Main  qui,  pour  échapper  à  une  cen- 
sure trop  sévère,  se  transportèrent  à  Leipzig  (1667)  ;  celle- 
ci  devint  la  capitale  de  la  librairie  allemande.  En  1691  s'y 
tint  la  conférence  monétaire  qui  fixa  la  valeur  du  marc  de 
Leipzig  à  12  thalers.  L'immigration  des  protestants  fran- 
çais chassés  par  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  fut  aussi 
très  favorable  à  la  prospérité  commerciale  de  la  ville.  Du- 
rant la  guerre  de  Sept  ans,  elle  fut  rançonnée  par  Frédéric 
le  Grand  qui  lui  extorqua  plus  de  15  milUons  de  thalers. 
Elle  se  releva  brillamment  et,  se  consacrant  exclusivement 
à  l'instruction  et  au  commerce,  fut  démantelée  en  1784  ; 
mais  son  commerce  fut  troublé  par  les  guerres  napoléo- 
niennes. En  1809,  elle  fut  occupée  par  les  Autrichiens  ;  le 
31  mars  1813  par  les  Russes,  le  2  mai  par  les  Français. 
Du  16  au  19  oct.  fut  livrée  la  terrible  bataille  des  Na- 
tions^ qui  décida  du  sort  de  l'Europe  ;  Leipzig  fut  prise 
d'assaut  et  mise  à  feu  et  à  sang  par  les  alliés.  Le  traité  de 
1815,  mettant  la  frontière  prussienne  à  deux  lieues  de  la 
ville,  lui  fut  nuisible.  Elle  obtint  en  1831  l'élection  de  ses 
Uiagistrats.  L'adhésion  de  la  Saxe  au  Zollverein  inaugura 
une  nouvelle  ère  de  fortune. 

Batailles  de  Leipzig.  —  On  donne  le  nom  de  batailles 
de  Leipzig  à  trois  grandes  batailles  livrées  dans  les  plaines 
qui  entourent  cette  ville;  les  deux  premières  qui  sont  le 
plus  souveut  dénommées  batailles  de  Breitenfeld  furent  les 
deux  plus  grands  succès  des  Suédois  dans  la  guerre  de 
Trente  ans.  La  troisième  les  surpasse  infiniment  en  impor- 
tance, puisqu'elle  efi'ondra  l'empire  de  Napoléon  P'.  Cette 
bataille  des  16-19  oct.  1813  est, parle  nombre  et  la  qua- 
lité des  combattants,  la  gravité  de  ses  conséquences,  la  plus 
considérable  de  l'histoire  militaire  de  l'Europe  moderne. 
Elle  mit  aux  prises  l'empereur  avec  150,000  combattants, 
Français  ou  vassaux,  contre  plus  de  300,000  Autrichiens, 
Prussiens  et  Russes  (avec  1,400  canons),  commandés  par 
le  prince  de  Schwarzenberg  assisté  du  tsar  Alexandre  P^ 
et  du  roi  de  Prusse  Frédéric-Guillaume  III.  Après  les  dé- 
faites éprouvées  par  ses  soldats  au  mois  de  septefiibre.  Na- 
poléon vit  ses  adversaires  recommencer  le  mouvement 
qu'avait  arrêté  la  première  fois  la  bataille  de  Dresde;  l'ar- 
mée de  Bohême  débouchait  sur  ses  derrières  pour  tendre 
la  main  à  l'armée  prussienne  victorieuse  au  N.  Le  péril 


1479 


LEIPZIG  —  LEIRIA 


était  d'autant  plus  grand  que  la  défection  de  la  Bavière 
menaçait  encore  la  ligne  de  retraite  de  l'armée  française. 
Laissant  une  partie  de  ses  forces  sur  l'Elbe,  Napoléon  se 
porta  en  toute  hâte  vers  Leipzig,  mais  trop  tard  pour  em- 
pêcher la  jonction  de  ses  ennemis.  Tandis  qu'il  manœuvrait 
contre  Bernadette,  l'armée  de  Bohême  avait  refoulé  ses 
corps  d'observation.  Le  14  oct.,  un  combat  de  cavalerie 
eut  lieu  au  S.  de  Leipzig,  à  Liebertwolkwitz,  où  Murât  se 
maintint  à  grand'peine.  Napoléon  résolut  de  livrer  bataille. 
Il  n'avait  guère  plus  de  130,000  hommes  valides  avec 
700  canons.  Son  armée  comprenait  huit  corps,  la  garde  et 
la  cavalerie.  Il  rangea  le  gros  de  ses  forces  au  S.  de  Leip- 
zig sur  un  pli  de  terrain  entre  Connewitz  et  Markleeberg 
(le  long  de  la  Pleisse)  à  rO.,et  Holzhausen  à  l'E.,  le  centre 
à  Wachau  et  Liebertwolkv^itz  ;  le  8*^  corps  (polonais)  for- 
mait sa  droite  ;  le  2®,  le  5®  et  celui  d'Augereau  le  centre 
avec  les  ¥  et  5®  corps  de  cavalerie  ;  la  gauche  comprenait 
le  11®  corps  et  les  1®^  et  2®  de  cavalerie  ;  la  garde  se  tenait 
en  arrière  à  Probstheida.  A  l'O.  de  Leipzig,  au  delà  de 
l'Elster,  Bertrand  occupait  Lindenau,  couvrant  la  route  ; 
au  N.,  Ney  et  Marmont,  avec  le  6®  et  le  3^  corps  et  le  3® 
de  cavalerie,  devaient  contenir  l'armée  de  Bernadette  encore 
trop  éloignée  mais  dont  on  attendait  l'arrivée  ;  ils  prirent 
position  au  N.  de  la  Parthe  vers  Mœckern  ;  enfin,  entre  les 
deux  masses  principales,  le  7®  corps  (Saxons),  posté  àTau- 
cha,  assurait  les  communications.  Les  alliés  qui  avaient 
plus  de  200,000  hommes  sous  la  main,  plus  les  corps  de 
Colloredo,  Bennigsen  et  l'armée  de  Bernadotte,  attendus 
pour  le  lendemain,  décidèrent  l'attaque  des  positions  fran- 
çaises. Schwarzenberg  coupa  son  armée  en  trois  tronçons  ; 
il  envoya  Gyulayavec 20,000  hommes  attaquer  Lindenau; 
lui-même  voulait  engager  la  masse  de  son  armée  dans  la 
dépression  marécageuse  et  boisée^ntre  FElsteret  la  Pleisse 
pour  aller  droit  à  Leipzig  ;  le  tsar  objecta  l'état  du  terrain 
et  on  ne  porta  de  ce  côté  que  35,000  Autrichiens  sous  Mer- 
veldt  et  le  prince  de  Hesse-Hombourg  ;  ils  essayèrent  de 
passer  la  Pleisse  pour  s'emparer  de  Connewitz.  Le  gros  de 
l'armée  de  Bohême  (corps  de  Wittgenstein  et  de  Kleist, 
soutenus  par  les  grenadiers  et  les  gardes  russe  et  prus- 
sienne) attaqua  Napoléon  de  front  ;  à  sa  droite,  le  corps 
de  Klenau  et  les  Cosaques  de  Platov  tentaient  de  tour- 
ner la  gauche  française.  L'artillerie  ouvrit  le  feu  à  neuf 
heures  du  matin.  Kleist  enleva  Markleeberg  à  Ponia- 
towski  ;  quatre  fois  le  village  fut  pris  et  repris  ;  l'attaque 
sur  Connewitz  fut  repoussée.  Au  centre,  Wachau  d'abord 
enlevé  par  les  Russes  du  prince  Eugène  de  Wurttemberg 
fut  repris,  grâce  à  l'artillerie  ;  de  même  à  Liebertwolkwitz, 
Klenau  et  Gortchakov  furent  repoussés.  A  midi  Schwar- 
zenberg abandonnait  son  attaque  entre  El ster  et  Pleisse 
pour  secourir  Barclay.  Napoléon  prenait  l'offensive,  refou- 
lait l'ennemi  dans  ses  positions  et,  vers  trois  heures,  jetait 
8,000  cavaliers  sur  le  centre  ;  mais  l'infanterie  russe  tint 
bon  ;  les  réserves  austro-russes  entrèrent  en  ligne  ;  une 
seconde  attaque  de  l'infanterie  de  Lauriston  sur  Gulden- 
-gossa  n'eut  pas  de  résultat  ;  faute  de  réserves  disponibles, 
Napoléon  dut  s'arrêter  aux  approches  de  la  nuit.  —  A  Lin- 
denau, Bertrand  avait  battu  Gyulay  ;  mais  au  N.,  Blucher, 
précédant  l'armée  de  Bernadotte,  avait  gagné  une  bataille, 
enlevant  Mœckern  à  Ney  ;  celui-ci  avait  eu  le  tort  de  s'affai- 
bhr  en  envoyant  à  l'empereur  vers  Wachau  deux  divisions 
qu'ensuite  il  rappela,  de  sorte  qu'elles  ne  prirent  part  à 
l'action  d'aucun  côté. 

La  journée  du  17  oct.,  qui  était  un  dimanche,  les  deux 
armées  se  reposèrent,  sauf  au  N.  où  Blucher  enleva  Eutritzch 
et  Gohlis.  Les  chefs  des  alliés  tinrent  à  Sestewitz  un  con- 
seil où  ils  décidèrent  de  reprendre  l'attaque  le  lendemain  à 
sept  heures  du  matin.  Ils  avaient  reçu  plus  de  100,000  hom- 
mes de  renforts  et  comptaient  1,^100  canons.  Napoléon, 
qui  n'attendait  que  le  corps  de  Reynier,  venant  de  Duben, 
ne  bougea  pas.  Au  lieu  de  quitter  une  position  qui  semblait 
intenable,  il  ne  la  modifia  même  pas,  n'écoula  pas  son  ma- 
tériel. Il  envoya  seulement  le  général  Mer veldt,  qu'il  avait 
fait  prisonnier,  demander  un  armistice  et  la  paix  aux  con- 


ditions qu'il  avait  refusées  en  août.  On  ne  lui  répondit  pas. 
Il  alla  reconnaître  les  dispositions  de  retraite,  mais  ne  l'or- 
donna pas.  Le  18  oct.,  à  huit  heures  du  matin,  il  prit  de 
nouvelles  positions,  en  arrière  des  premières  et  plus  près 
de  la  ville.  Ney,  qui  s'était  replié  derrière  la  Parthe,  entre 
Thecla  et  Schœnefeld,  défendit  le  N.  de  Leipzig;  le  corps 
de  Reynier,  les  deux  divisions  saxonnes  et  la  cavalerie 
wurttembergeoise  le  reliaient  au  reste  de  l'armée;  celle-ci 
avait  son  centre  à  Probstheida  sous  les  ordres  de  l'empe- 
reur (corps  de  Victor  et  d'Augereau);  sa  gauche  était  for- 
mée par  le  corps  de  Macdonald,  la  cavalerie  de  Milhaudet 
de  Latour-Maubourg;  sa  droite,  le  long  de  la  Pleisse,  par 
Poniatowski  et  la  cavalerie  de  Kellermann;  en  première 
réserve  l'infanterie  de  Lauriston  et  la  cavalerie  de  Sebas- 
tiani  à  Stœtteritz,  pouvant  soutenir  Reynier;  en  seconde 
réserve,  la  garde  à  Thonberg.  A  l'O.  de  l'Elster,  Bertrand 
occupait  Weissenfels  et  les  ponts  dans  la  plaine  historique 
de  Lutzen,  par  où  devait  se  faire  la  retraite.  A  huit  heures 
du  matin,  l'armée  de  Bohême  commença  son  attaque;  les 
corps  de  Blanchi  et  de  Klenau  ne  purent  enlever  Connewitz  ; 
Bennigsen  entama  Macdonald,  qui  se  replia  sur  Stœtteritz, 
tandis  que  Lauriston  avançait  à  Probstheida  où  se  concentra 
la  mêlée;  elle  fut  terrible,  et,  malgré  d'énormes  pertes, 
Schwarzenberg  ne  put  emporter  le  village  ;  vers  cinq  heures, 
les  réserves  d'artillerie  françaises  l'obligèrent  à  se  replier. 
L'empereur  se  tenait  dans  le  moulin  à  tabac  de  Quandt,  les 
souverains  alliés  sur  un  renflement  du  sol  en  face  »^e  Prob- 
stheida. Mais,  tandis  qu'au  N.  l'armée  prussienne  luttait 
contre  Ney,  entre  les  deux  principaux  champs  de  bataille, 
Bernadotte  franchissait  la  Parthe  à  Paunsdorf  ;  les  Saxons 
et  les  cavaliers  wurttembergeois  firent  défection;  Ney  dut 
se  retirer  derrière  le  ruisseau  de  Rendnitz  et  Napoléon  dut 
venir  à  son  secours  avec  la  cavalerie  de  la  garde.  Le  soir 
du  18  oct.  l'honneur  des  armes  était  sauf,  et  Napoléon 
avait  à  peu  près  maintenu  ses  positions,  mais  il  ne  pouvait 
y  rester.  Sa  ligne  était  ouverte;  les  munitions  commençaient 
à  manquer.  La  retraite  était  indispensable.  Elle  se  prépara 
dans  la  nuit  ;  l'armée  se  concentrant  à  Leipzig  ;  le  19,  à  huit 
heures  du  matin,  les  faubourgs  de  la  ville  furent  assaillis; 
la  retraite  se  faisait  en  bon  ordre,  par  la  longue  ligne  des 
ponts  de  l'Elster  ;  elle  eût  été  achevée  vers  deux  heures.  Mal- 
heureusement, le  colonel  Montfort,  chargé  de  faire  sauter 
à  la  fin  celui  qui  touchait  la  ville,  s'en  remit  à  un  simple 
caporal;  celui-ci,  effrayé  par  quelques  tirailleurs  russes 
qui  s'étaient  glissés  le  long  de  la  rivière,  fit  sauter  le  pont 
à  midi,  avant  que  Poniatowski  eût  passé;  il  resta  30,000 
hommes  valides,  blessés  ou  malades  sur  la  rive  droite;  le 
général  polonais  se  jeta  à  l'eau  et  s'y  noya,  moins  heureux 
que  Macdonald  qui  réussit  à  la  traverser  à  la  nage  ;  presque 
tout  fut  tué  ou  pris.  L'ensemble  de  la  bataille  de  Leipzig 
coûtait  aux  Prussiens  16,000  hommes,  aux  Russes  21,000, 
aux  Autrichiens  14,000,  aux  Français  30,000;  mais,  de 
plus,  ceux-ci  perdaient  15,000  prisonniers  et  23,000  ma- 
lades ou  blessés  qu'on  n'avait  pu  évacuer;  les  Français 
avaient  4  généraux  tués,  6  blessés,  17  prisonniers,  les 
alliés  8  tués  et  11  blessés.  A. -M.  B. 

Intérim  de  Leipzig  (V.  Adiâphore). 
BiBL.  :  Hasse,  Die  Stadt  Leipzig  und  ihre  Umgebung^ 
1878.  —  Grosse,  Gesch.  der  Stadl  Leipzig,  1837-42,  2  vol. 
—  Knesceike,  Leipzig  seit  100  Jahren,  1870,  2»  éd.  —  Du 
même,  Gesch.  des  ffieaters  und  der  Musik  in  Leipzig, 
1864.  •—  MosER,  Lelpziger  Wanderungen,  1874.  —  Du 
môme,  Gesch.  des  Leipziger  Handels,  1870.  —  Du  môme, 
Chronik  der  Stadt  Leipzig.,  1877.  —  Urkundenhuch  der 
Stâdt  Leipzig,  1870  et  suiv.  —  Hasse,  Gesch.  der  Leipzi- 
ger Messeny  1885.  — Lorek,  Die  Druhkunst  und  der  Buch' 
handel  in  Leipzig,  1879.  —  O.  de  Hase,  Die  Entwlcke- 
tung  des  Buchgewerhes  in  Leipzig.  1879.  —  Apel,  Fûhrer 
auf  die  Schlachtfelder  ;  Leipziz,  1863.  —  Aster,  Die  Ge- 
fechte  und  Schiachlen  bei  Leipzig  inoctober  1813;  Dresde, 
1852-53,  2  vol. 

LElRlA.  Ville  du  Portugal  central,  ancienne  province 
d'Estrémadure,  à  165  kil.  par  chemin  de  fer  au  N.  de 
Lisbonne^  sur  la  ligne  côtière  qui  unit  cette  ville  à  Figueira; 
3,700  hab.  Dans  un  pays  agréable,  à  150  m.  d'alt.,  elle 
possède  comme  principal  édifice  un  château  quelque  peu 


LEmiA  —  LEITMOTIV 


—  um  — 


ruiné,  occupé  successivement  par  les  Goths,  les  Maures  et 
les  chrétiens;  c'est  à  Leiria  que  fut  établie  au  xv^  siècle 
la  première  imprimerie  espagnole.  C'est  un  chef-lieu  de 
district  qui  compte  des  mines  de  fer,  des  sources  miné- 
rales, des  cultures  et  surtout  la  forêt  la  plus  considérable  du 
Portugal,  appelée  Pinhal  de  Leiria  ou  do  Rei  ;  elle  est  en 
effet  composée  surtout  de  pins  maritimes  et  elle  fut  plantée 
au  xiii^  siècle  par  le  roi  Diniz.  Il  faisait  de  la  ville  sa  rési- 
dence favorite,  et  il  voulut  arrêter  les  dunes  mobiles  qui 
s'étendaient  à  l'O. ,  parallèlement  à  la  côte.     D.  Bellet. 

LEISMANN,  LISMANN  ou  EISENMANN  (Johann- 
Anton),  peintre  allemand,  né  à  Salzbourg  en  4604,  mort 
à  Venise  en  4698.  Cet  artiste  vécut  surtout  dans  cette 
dernière  ville  et  à  Vérone,  et  traita  le  paysage  à  la  façon 
mouvementée  de  Salvator  Rosa.  Ses  tableaux,  qu'on  re- 
trouve dans  les  galeries  des  deux  villes  précitées  et  aussi 
dans  celles  de  Schleissheim,  d'Augsbourg  et  de  Vienne, 
représentent  surtout  des  scènes  de  montagnes  et  de  forêts, 
ou  des  ports  de  mer  avec  décors  architecturaux,  parfois 
aussi  de  petits  épisodes  historiques.  Le  portrait  de  Leis- 
mann,  peint  par  lui-même,  est  au  musée  de  Florence. 

LEISNIER  (Nicolas-Auguste),  graveur  français,  né  à 
Paris  le  15  janv.  4787,  mort  à  Clamart  le  29  juil.  4858. 
Elève  d'Halbon,  il  a  gravé,  avec  un  réel  talent,  les  por- 
traits de  Marc  Antoine  et  de  la  Fornarina^  d'après 
Raphaël  ;  celui  de  Cervantes^  d'après  Velazquez  ;  un  Inté- 
rieur d  église^  d'après  Peter  Neefs;  des  vases,  de  l'archi- 
tecture. 

LEISSÈGUES  (Corentin-Urbain-Jacques-Bertrand  de), 
amiral  français,  né  à  Honvec,  près  de  Quimper,  le  29  août 
4758,  mort  à  Paris  le  26  mars  4832.  Entré  au  service  à 
dix-huit  ans,  il  conquit  ses  premiers  grades  dans  la  guerre 
de  l'indépendance  d'Amérique,  applaudit  à  la  Révolution  et, 
nommé  capitaine  de  vaisseau  au  commencement  de  4793, 
fut  envoyé  aux  Antilles,  où  il  reprit  la  Guadeloupe.  Ce 
succès  lui  valut  le  grade  de  contre-amiral  (46  nov.  1793) 
et  le  commandement  des  îles  du  Vent,qu'il  exerça  jusqu'en 
4798.  Chargé  en  4799  d'inspecter  et,  un  peu  plus  tard,  de 
mettre  en  état  de  défense  le  littoral  français  de  la  mer  du 
Nord,  il  alla  ensuite,  à  la  tête  d'une  escadre,  rétablir  nos 
relations  politiques  et  commerciales  avec  les  Etats  barba- 
resques  et  la  Turquie  (4802-03).  Quand  la  guerre  avec 
l'Angleterre  eut  recommencé  (4803),  il  servit  quelque  temps 
à  Brest  sous  Ganteaume  (4804-05),  puis  fut  envoyé  à 
Saint-Domingue,  où  il  soutint,  le  6  févr.  1806,  un  combat 
mémorable  contre  les  forces  supérieures  de  l'amiral  Duck- 
worth.  Il  eut  enfin  à  pourvoir  en  4809  à  la  défense  de  Ve- 
nise, de  1844  à  4844  à  celle  des  îles  Ioniennes  et  s'acquitta 
de  cette  double  tâche  avec  un  entier  succès.  Rentré  en  France 
sous  la  Restauration,  il  fut  nommé  vice-amiral  en  4816, 
mais  mis  à  la  retraite  peu  après.  A.  Debidour. 

LEISSIGEN.  Village  de  Suisse,  cant.  de  Berne,  sur  la 
rive  du  lac  de  Thoune,aupied  du  Leissigergrat  ;  422  hab. 
Très  beau  point  de  vue,  station  de  touristes,  bains. 

LEISTENIUS  (Jacob-Gabriel),  poète  finlandais,  né  à 
Karkku  en  4821,  mort  à  Viborg  en  4858.  Professeur 
de  latin  au  gymnase  de  Viborg.  Dès  son  temps  d'uni- 
versité, il  s'était  fait  connaître  au  delà  du  cercle  de  ses 
camarades  par  ses  poésies  humoristiques  pleines  d'entrain 
et  d'esprit  :  le  Gamin  (Pojken.  1847)  ;  le  Jeune  Homme 
(Ynglingen,  1848):  Poésies  (4855).  Ses  OEuvres  poé- 
tiques ont  été  publiées  avec  une  notice  biographique  par 
J.-O.-J.  Rancken  en  4886  {Samlade  Dikter,  Nicolai- 
stad). 

LEISTUS  (Entom.).  Genre  d'Insectes  Coléoptères  Pen- 
tamères,  famille  des  Carabidés,  fondé  par  Frœhlich  en 
1799.  Les  Leistus  appartiennent  à  la  tribu  des  Nébriinés; 
ils  sont  de  taille  petite,  de  couleurs  uniformément  bleu 
d'acier  ou  roussâtre,  de  formes  élégantes .  Ils  se  caracté- 
risent expressément  par  leurs  mandibules  dilatées  sur  les 
côtés  en  une  lame  horizontale  ;  par  le  dessous^de  la  tête 
garni  d'une  couronne  de  tubes  spinigères  insérés  sur  le 
cou  et  le  bord  externe  des  mâchoires  ;  par  le  dernier  ar- 


ticle des  palpes  maxillaires  non  tronqué,  celui  des  labiaux 
concave  en  dessus  (Bedel).  Ce  sont  des  Insectes  agiles, 
vivant  dans  les  endroits  frais  et  ombragés  sous  les  pierres 
au  pied  des  arbres,  etc.  ;  les  quarante  espèces  connues 
habitent  l'hémisphère  boréal  et  les  Atlantides.  Leistus 
spinibarbis  Fab.,  et  fulvibarbis  Dej.,  espèces  bleues  à 
pattes  rousses  ;  L.  ferrugineus  Linn.,  assez  communs  aux 
environs  de  Paris.  M.  M. 

LEITANI  (Nahr  el-).  Fleuve  de  Syrie,  tributaire  de  la 
Méditerranée.  Ses  sources  sont  dans  la  plaine  de  la  Bekaa, 
à  rO.  de  Baalbek  ;  mais  il  n'a  qu'un  cours  temporaire  jus- 
qu'à son  confluent  avec  le  Nahr  Djafoufeh,  qui  vient  de 
FAnti-Liban  ;  à  26  kil.  plus  en  aval,  il  reçoit  le  Nahr  Fa- 
loudj.  Il  traverse  le  Liban  par  une  série  de  cluses,  prend 
le  nom  de  Nahr  el-Kasimiyeh,  et  se  jette  dans  la  mer  à  7  ou 
8  kil.  au  N.  de  Tyr.  C'est  l'ancien  Léontès. 

LEI-TCHEOU.  Nom  de  la  presqu'île  la  plus  méridionale 
de  la  Chine,  en  face  de  l'île  de  Hai-nan.  Lei-tcheou  cons- 
titue une  des  préfectures  de  la  prov.  de  Kuang-tong  ;  elle  est 
administrée  par  un  préfet  (tche  fou),  qui  est  lui-même  sous 
les  ordres  du  tao-tai  de  Hai-nan.  Elle  est  divisée  en  trois 
sous-préfectures  (hien)  :  Hai-kang,  Sin-wen  et  Soei-ki. 
Lei-tcheou  est  très  exposé  aux  orages  et  aux  typhons,  et 
c'est  de  là  sans  doute  que  lui  vient  son  nom  qui  signifie 
«  la  contrée  du  tonnerre  ».  Cette  presqu'île  serait  assez 
fertile,  mais  elle  est  mal  cultivée  ;  elle  produit  des  céréales, 
des  haricots,  la  racine  du  galanga  (Alpinia  ofjicinarum) 
qui  sert  en  Chine  et  en  Europe  à  divers  usages  pharmaceu- 
tiques. On  y  tisse  de  la  toile  avec  les  fibres  d'une  plante 
grimpante,  le  Dolichos  trilobus  ;  on  y  fabrique  des  usten- 
siles communs  en  fer.  Ed.  Ch. 

BiBL .  :  Fr.  Hirth,  The  Peninsula  ofLei-Chow,  dans  China 
Review,  vol. II,  pp.  149,  276, 341,  trad.  ail.  dans  Chinesische 
Studien,  t.  I,  pp.  118-169. 

LEITH.  Ville  maritime  d'Ecosse,  port  d'Edimbourg,  à 
3  kil.  N.  de  cette  capitale,  sur  la  rive  S.  du  Forth,  à  l'em- 
bouchure du  ruisseau  de  Leith,  qui  la  sépare  en  North  et 
Soutk-Leith.  Son  port  est  artificiel  et  n'a  été  aménagé 
que  depuis  le  xviu'^  siècle  et  surtout  auxix^-.  Il  a  des  chan- 
tiers de  constructions  rurales,  une  flotte  de  80,000  ton- 
neaux, un  mouvement  de  plus  de  2  millions  de  tonneaux, 
important  des  vins,  des  grains  (delà  Baltique),  etc.  L'his- 
toire de  Leith  se  confond  avec  celle  d'Edimbourg,  dans  la 
dépendance  municipale  de  laquelle  elle  demeura  jusqu'en 
4833.  A.-M.  B. 

LEITHA.  Affluent  du  Danube  (r.  dr.)  qui  prend  sa 
source  dans  la  Basse-Autriche  et  se  jette  dans  le  Danube 
à  la  hauteur  d'Ungarisch  Altenbourg  (Magyar  0  Var). 
Son  csurs  est  de  450  kil.  Elle  sert  sur  certains  points  de 
frontière  à  la  Hongrie  et  à  l'Autriche  proprement  dite.  Dans 
la  langue  politique,  on  désigne  souvent  les  pays  de  la  cou- 
ronne de  Hongrie  sous  le  nom  de  Transleithanie  et  le 
reste  de  l'Etat  austro-hongrois  sous  celui  de  Cisleithanie. 

LEITiVlERITZ(V.  Litomerice). 

LEITMOTIV  (Mus.).  Ce  mot,  introduit  dans  le  vocabu- 
laire musical  allemand  à  l'occasion  des  drames  de  Richard 
Wagner,  signifie  «  motif-conducteur  »,  expression  qui,  du 
reste,  ne  définit  pas  très  clairement  le  rôle  du  genre  de 
motifs  qu'elle  désigne.  Dans  les  œuvres  musicales  drama- 
tiques de  W^agner,  les  leitmotive  (pluriel  de  leitmotiv) 
sont  des  thèmes  revenant  fréquemment  au  cours  d'une  par- 
tition déterminée  et  relatifs  à  un  même  ordre  d'émotions, 
d'idées,  de  situations,  quelquefois  à  un  même  personnage. 

Il  résulte  de  cette  explication  que  le  leitmotiv^  du  moins 
au  premier  aspect,  dérive,  par  accroissement  d'importance 
et  régularisation  d'emploi,  du  «  motif  de  réminiscence  » 
que  plusieurs  musiciens  avaient  employé  avant  Wagner. 
Ce  procédé  dramatique  de  la  réminiscence  voulue  apparaît 
pour  la  première  fois,  d'une  façon  nette,  dans  les  opéras 
des  maîtres,  en  la  deuxième  moitié  du  xviu^  siècle.  Au  tond, 
il  n'est  qu'une  des  manifestations  d'un  principe  auquel  on 
doit  le  retour  des  motifs,  surtout  en  manière  de  conclusion, 
dans  les  morceaux  de  musique  pure  (par  exemple,  dans  un 


4181 


LEITMOTIV 


«  mouvement  »  déterminé  d'une  sonate  ou  d'une  sympho- 
nie), et  la  tendance  de  beaucoup  de  compositeurs  à  se  servir 
pour  un  opéra  de  motifs  empruntés  à  l'ouverture  ou  vice 
versa  ;  il  y  a  là  un  désir  évident  d'établir  un  rapport  de 
forme,  par  conséquent  une  sorte  d'unité  entre  des  parties 
dissemblables  d'une  œuvre,  en  même  temps  qu'un  appel 
au  souvenir  de  l'auditeur  et  aux  émotions  mélancoliques, 
agréables,  violentes  que  l'évocation  d'un  souvenir  musical, 
poétique  ou  dramatique,  peut  faire  naître  en  lui.  C'est  ainsi 
que  Gluck  établit  un  lien  thématique  entre  l'ouverture 
à'Iphigénie  en  Aulide  et  l'opéra  lui-même,  que  Mozart 
commence  l'ouverture  de  Don  Giovanni  par  des  formes 
musicales  empruntées  à  l'entrée  du  Commandeur  dans  le 
dernier  acte  de  cet  opéra.  Lorsqu'un  thème  exposé  dans 
une  scène  de  l'œuvre  reparaît  en  une  autre  scène,  l'im- 
pression musicale  est  intimement  unie  à  un  effet  drama- 
tique, à  une  intention  expressive  du  poète  ou  du  musicien. 
Il  est  certain  que  beaucoup  de  formules  mélodiques  sont 
répétées  par  Mozart  dans  son  Don  Giovanni^  sans  que 
l'on  doive  assimiler  ces  effets,  ces  formes  généralement 
courtes,  à  de  vrais  «  motifs  de  réminiscence  »  ;  mais  cepen- 
dant quelques-uns  de  ces  retours  musicaux  paraissent  in- 
diquer une  intention  du  compositeur,  et  il  en  est  au  moins 
deux  dans  ce  cas  :  la  sérénade  célèbre,  chantée  par  le  héros 
de  l'œuvre  en  ré  majeur,  est  ébauchée  mélodiquement  dans 
le  trio  en  la  qui  précède  ;  les  traits  alternatifs  qui  accom- 
pagnent le  duel  de  don  Juan  et  du  Commandeur  sont 
évoqués  de  nouveau,  tragiquement,  lorsque  l'audacieuse 
impiété  du  libertin  lutte  contre  la  toute-puissance  du  con- 
vive de  pierre,  en  l'instant  suprême  de  la  mort.  Gluck, 
dans  le  premier  acte  à'Alceste,  fait  revenir  une  fois  le 
motif  d'un  chœur  du  peuple.  Dans  Pdchard  Cœur  de  Lion^ 
de  Grétry,  le  retour  du  célèbre  motif,  Une  Fièvre  brû- 
lante^ produit  un  effet  considérable  ;  c'est  là  un  des  plus 
heureux  emplois  que  l'on  connaisse  de  l'ancien  «  motif  de 
réminiscence  ».  Mais  avant  Grétry  et  Mozart,  bien  qu'après 
Gluck,  dans  \mduodrama^  Ariane  a  Naxos  (1774),  écrit 
par  un  musicien  de  quatrième  ordre,  Benda,  une  des  mé- 
lodies revient  d'une  manière  qui  permet  de  croire  à  une  inten- 
tion très  précise  de  l'auteur.  Le  seul  opéra  que  Beethoven 
ait  composé,  Fidelio,  montre  que  le  maître,  abordant  une 
œuvre  scénique,  cherchait  dans  cette  voie  encore  peu  explo- 
rée de  la  réminiscence  musicale  voulue  :  non  seulement  la 
grande  Ouverture  de  Léonore  (en  ut,  n^  3)  contient  le 
motif  de  V adagio  en  la  bémol  de  Florestan  {In  des  Le- 
bens  Frilhlingstagen),  quelques  effets  harmoniques  ana- 
logues au  début  de  la  scène  de  la  prison,  la  sonnerie  de 
trompette  annonçant  l'arrivée  du  ministre  et  le  bref  chant 
de  reconnaissance  qui  y  fait  suite,  mais,  en  l'opéra  lui- 
même,  un  passage  du  duo  entre  Rocco  et  Léonore  revient 
dans  le  «  mélodrame  »,  mêlé  de  dialogue  et  de  musique, 
où  le  geôlier  et  la  jeune  femme  regardent  Florestan  en- 
dormi ;  toujours  en  ce  mélodrame,  un  fragment  du  dessin 
de  hautbois  qui  accompagnait  le  délire  extatique  du  pri- 
sonnier reparaît  comme  pour  dire  que  la  vision  d'amour  du 
malheureux  se  poursuit  pendant  son  sommeil.  Weber  vient 
ensuite,  et  donne  au  «  motif  de  réminiscence  »  une  impor- 
tante fonction  :  dans  le  Freischiltz,^  on  compte  jusqu'à 
vingt  éléments  mélodiques  ou  effets  qui  reviennent  au  cours 
du  drame,  le  trille  de  la  chanson  de  Caspar,  les  intervalles 
de  seconde  que  des  voix  de  femmes  exécutent  simultané- 
ment en  manière  de  raillerie  après  l'échec  de  Max  et  que 
les  violons  reprennent  dans  la  scène  de  la  Gorge-aux-Loups, 
le  motif  de  la  valse,  le  chant  d'allégresse  d'Agathe,  un 
thème  de  chasse,  etc.,  et  surtout  les  trois  pizzicati  de 
contre-basse  qui  correspondent  au  personnage  diabohque 
de  Samiel,  le  Chasseur  noir.  Ce  dernier  élément  musical 
est  reproduit  à  lui  seul  plus  de  dix  fois  dans  l'œuvre  ;  sa 
constance  et  sa  \raleur  significative  lui  donnent  dramatique- 
ment, sinon  musicalement,  un  rôle  assez  voisin  de  celui 
des  premières  leitmotive  wagnériens.  Le  seul  précédent 
où  un  motif  ait  un  rôle  analogue  est  celui,  cité  plus  haut, 
de  Richard,  où  l'on  compte  huit  retours  du  motif  chanté 


par  Blondel.  Dans  Preciosa,  la  marche  des  Bohémiens  et 
une  phrase  typique  de  la  clarinette  se  reproduisent  plusieurs 
fois  ;  dans  Oberon,  le  court  motif  du  cor  magique,  entre 
autres  motifs  de  réminiscence,  a  presque  la  fonction  d'un 
leitmotiv  véritable,  car  Weber  non  seulement  le  fait  repa- 
raître, mais  encore  le  modifie,  en  fait  l'élément  d'un  «  tra- 
vail »  musical.  Euryanthe,  œuvre  antérieure  à  Oberon, 
est  plus  riche  encore  à  ce  point  de  vue;  on  y  a  compté  jus- 
qu'à trente  motifs  ou  effets  qui  se  répètent,  tels  quels  ou 
transformés  ;  quelques-uns,  surtout  le  thème  relatif  à  Eglan- 
tine,  se  modifie  beaucoup,  à  la  façon  des  motifs  conducteurs 
de  Wagner:  il  reçoit  des  harmonies  diverses,  des  rythmes 
nouveaux,  des  accents  imprévus,  et  se  resserre  ou  se  déve- 
loppe, s'apaise  ou  s'exaspère,  suivant  les  paroles  et  les 
situations.  Parmi  les  musiciens  qui  utilisent  plus  ou  moins 
le  procédé  que  Weber  pratiquait  si  génialement,  Marsch- 
ner  dans  Hans  Heiling,  Auber  dans  Haydée  et  la  Muette, 
Donizetti  dans  Lucie,  ont  droit  à  une  mention.  Il  n'est  pas 
jusqu'à  Flotow  qui  n'emploie  cette  ressource  dans  Martha  ; 
Meyerbeer  en  tire  profit  dans  Robert,  dans  le  Prophète, 
dans  les  Huguenots  (tout  le  monde  y  a  remarqué  le  rôle 
du  choral  de  Luther,  la  réapparition  de  la  phrase  :  Tu  Vas 
dit,  etc.),  V Africaine,  l'Etoile  du  Nord,  Straensée,  le 
Pardon  de  Ploërmel;  Berlioz  se  sert  du  motif  de  rémi- 
niscence dans  Benvenuto  Cellini  ;  en  sa  grande  œuvre, 
les  Troyens,  le  motif  de  la  Marche  troyenne  a  un  rôle 
capital  :  plus  que  tout  autre,  il  rend  visible  l'unité  de  pen- 
sée qui  relie  les  deux  drames  consécutifs  ;  et  le  retour  aux 
altos,  dans  les  adieux  à  la  vie  que  prononce  Didon,  de 
l'amoureux  nocturne  que  la  voix  d'Enée  et  la  sienne  chan- 
taient naguère  sous  les  étoiles.  Nuit  d'ivresse  et  d'extase 
infinie,  est  l'un  des  plus  émouvants  qui  soient  au  théâtre. 
Puis  vinrent  Gounod  ayec  Faust  et  toute  une  série  de  com- 
positeurs, Bizet,  Lalo,  Franck,  Saint-Saëns,  Massenet,  etc. 

Le  motif  de  rappel  ou  de  réminiscence,  que  nous  avons 
cherché  d'abord  dans  les  œuvres  dramatiques,  se  manifes- 
tait aussi  dans  l'oratorio,  la  romance,  les  lieder,  etc.,  entre 
autres,  à  la  fin  des  admirables  chants  que  Beethoven  a 
intitulés  A  la  Bien-Aimée  absente,  dans  les  lieder  de 
Schumann  (V.  Frauenliebe  und  Leben  et  aussi  l'identité 
d'un  passage  mélodique  entre  la  magnifique  page  In  der 
Fremde  et  celle  qui  commence  par  ces  paroles  :  Es  zogen 
zwei  rûstigen  Gesellen),  Le  Requiem  de  Berlioz  en  offre 
deux  exemples;  Roméo  et  Juliette  contient  aussi  des 
retours  de  phrases  ;  dans  la  Damnation  de  Faust,  le  chœur 
des  soldats,  celui  des  étudiants,  la  sérénade  de  Méphisto- 
pliélès,  la  phrase  :  Sa  marche  que  f  admire,  le  dessin 
initial  de  la  ballade  le  Roi  de  Thulé,  deux  rythmes  em- 
ployés en  la  marche  hongroise  et  au  chœur  des  paysans,  et  la 
première  mélodie  de  l'œuvre  entière,  autant  d'éléments 
poétiques  et  musicaux  que  Berlioz  reproduit  à  l'occasion. 
Le  Manfred  et  le  Faust  de  Schumann,  sa  cantate-ballade, 
Des  Sœnger's  Fluch,  le  Paradis  et  la  Péri,  appellent 
des  remarques  de  ce  genre.  Mendelssohn  également  présente 
des  réminiscences  volontaires  en  ses  œuvres  vocales,  dans 
Elie,  le  Lobgesang  et  la  Walpurgisnacht. 

Mais  la  pure  musique  instrumentale  a  son  rôle  aussi,  et 
son  rôle  important,  dans  cette  genèse  du  leitmotiv.  Le 
leitmotiv  de  Wagner  est,  en  effet,  une  féconde  ressource 
musicale  en  même  temps  gu'un  logique  et  impressionnant 
procédé  dramatique.  Tandis  qu'il  établit  un  lien  entre  des 
scènes  fort  distantes,  qu'il  exprime  l'identité  de  situations 
de  même  nature,  dissemblables  en  apparence,  et  qu'il  suit  une 
passion,  un  état  d'âme,  une  idée  directrice,  un  principe  du 
drame,  un  personnage,  il  assure  simultanément  l'unité  des 
formes  musicales,  rattache  ces  formes  multiples  à  des  types 
en  quelque  sorte  primordiaux,  permet  enfin  d'enrichir  le 
drame  de  tous  les  trésors  conquis  et  accumulés  par  la  mu- 
sique symphonique.  Du  jour,  en  effet,  où  le  leitmotiv  rei^oit 
de  Wagner  sa  juste  valeur  et  son  organisation  artistique, 
on  s'aperçoit  que  la  symphonie  a  fait  irruption  dans  le 
drame,  non  pour  le  ralentir  ou  l'embarrasser,  mais  au  con- 
traire   pour  l'enrichir,  le  fortifier,  l'élever,  changer  la 


LEITMOTIV 


—  1182  — 


langue  relativement  pauvre  et  limitée  de  Topera  ancien  en 
la  langue  merveilleusement  abondante,  variée,  puissante, 
de  la  musique  beethovénienne.  Si  nous  considérons  Fœuvre 
des  symphonistes,  nous  verrons  que  le  leitmotiv  devait  sor- 
tir un  jour  de  la  forme  même  de  la  symphonie.  En  parti- 
culier, et  pour  ne  citer  qu'un  nom,  le  plus  grand  de  tous 
peut-être,  nous  verrons  que  Beethoven  emploie  le  motif  de 
réminiscence  jusqu'en  ses  quatuors  et  ses  sonates  ;  mais 
c'est  dans  la  symphonie  que,  le  premier,  il  ne  veut  plus 
rien  d'inutile,  rien  qui  ne  se  rattache  aux  thèmes  essen- 
tiels ;  quelquefois  un  même  motif  persiste  dans  l'œuvre 
entière,  à  travers  les  «  mouvements  »  successifs.  La  sym- 
phonie en  ut  mineur  en  fournit  un  exemple  grandiose, 
car  l'élément  thématique  exposé  dès  le  début  et  dont  le 
rythme  est  caractérisé  par  un  groupe  de  quatre  notes  •—  dont 
trois  égales,  formant  notes  d'élan  avant  l'accent  principal  — 
peut  aisément  être  retrouvé,  avec  la  plus  significative  insis- 
tance, dans  les  quatre  mouvements  de  cette  symphonie.  Par- 
fois, non  content  de  développer  et  varier  ainsi  un  élément 
thématique  à  travers  son  œuvre,  il  fait  reparaître  tout  à 
coup,  avec  une  netteté  saisissante,  un  passage  caractéris- 
tique où  cet  élément  était  présenté  en  pleine  lumière  :  par 
exemple,  en  celte  même  symphonie  en  ut  mineur^  les  mo- 
tifs et  développements  du  finale  sont  brusquement  inter- 
rompus par  une  citation  véritable  du  scherzo;  et,  dans  la 
Symphonie  avec  chœurs,  l'orchestre,  interrogé  au  com- 
mencement de  la  dernière  partie  par  le  groupe  des  contre- 
basses, rappelle  successivement  les  motifs  typiques  de  tous 
les  mouvements  précédents.  Après  Beethoven,  il  faudra 
cependant  nommer  Berlioz,  qui  construit  toute  la  Sympho- 
nie fantastique  autour  d'un  thème  conducteur,  «  la  mé- 
lodie aimée»,  personnifiant  une  femme  —  et  qui,  dansMzo, 
dans  ^aro/c^,  ose  des  effets  analogues—  ainsi  que  Schubert 
et  Franz  Liszt,  lequel  développe  ce  procédé  et  l'applique  très 
heureusement  en  ces  grands  poèmes  symphoniques,  tels 
que  le  Dante  et  Faust. 

Au  moment  oîi  Wagner  écrivit  ses  premières  œuvres,  il 
était  sous  l'influence  du  motif  de  rappel  webérien  ;  aussi, 
les  leitmotive  différents  ne  sont  pas  sensiblement  plus  nom- 
breux dans  le  Vaisseau-Fantôme  ou  Tannhœuser  que 
dans  Euryanthe.  Mais  déjà  ils  donnent  à  l'œuvre  une  unité 
plus  serrée;  ils  sont  plus  nécessaires,  concentrent  plus  for- 
tement les  idées  poétiques,  et  Wagner  avoue  qu'ayant  com- 
posé la  ballade  de  Senta,  il  fut  tenté  dès  alors  de  faire  la 
musique  entière  de  son  opéra  avec  les  motifs  dont  cette 
ballade  était  formée.  Du  Vaisseau- Fantôme  à  Tannhœu- 
ser, la  distance  est  considérable,  même  en  ce  qui  concerne 
seulement  l'emploi  du  leitmotiv  ;  dans  Lohengrin,  l'évo- 
lution de  ces  leitmotive  se  fait  plus  souple,  plus  large, 
plus  riche  ;  enfin,  dans  les  œuvres  écrites  après  l'année 
de  crise  décisive  (4848),  on  peut  dire  que  la  trame  des 
leitmotive  essentiels  s'étend  à  travers  l'œuvre  entière, 
que  le  principe  symphonique  si  splendidement  affirmé  par 
Beethoven  a  fait  corps  avec  l'idée  du  ressouvenir  pittoresque 
que  Weber  avait  portée  à  sa  perfection,  et  qu'il  s'unit  main- 
tenant sans  hésitation  au  drame  lui-même,  pour  en  rece- 
voir une  vie  nouvelle,  et  pour  s'épanouir  en  créations  mer- 
veilleuses. On  peut  dire  qu'il  n'y  a  plus,  dans  chaque  œuvre, 
qu'un  petit  nombre  de  formes  musicales  primordiales 
{mélodies  mères,  motifs  initiaux,  thèmes  originels, 
éléments  thématiques),  qui  bientôt  se  diversifient,  par 
évolution,  en  leitmotive  {motifs  conducteurs,  motifs 
caractéristiques,  motifs  plastiques,  motifs  typiques, 
motifs  significatifs),  qni  se  transforment,  se  croisent,  s'op- 
posent, se  marient,  disparaissent,  reviennent  tels  quels  ou 
modifiés,  transposés,  altérés  (dans  leurs  intervalles,  leurs 
mouvements  mélodiques,  leurs  rythmes,  leurs  harmonies, 
les  voix  instrumentales  qui  les  disent),  entiers  ou  frag- 
mentés, développés  souvent  :  apparitions,  combinaisons, 
superpositions,  transformations  pour  lesquelles  toutes  les 
ressources  du  contrepoint  et  de  la  science  harmoniques 
interviennent  logiquement  et  naturellement.  On  peut  dire 
qu'il  n'y  a  plus  d'autres  motifs  essentiels  et  nécessaires 


dans  Fœuvre  ;  que  tous  les  autres  thèmes  se  rattachent  à 
ces  types  dominants  et  en  procèdent  ;  qu'en  un  certain  sens 
ils  sont  l'œuvre  elle-même,  intégralement.  On  peut  dire, 
si  extrême  que  paraisse  la  hardiesse  d'une  telle  affirmation, 
que  l'unité  absolue  de  l'œuvre  dramatique  et  musicale  se 
trouve  réalisée,  que  l'on  peut  établir  une  chaîne  mélodique 
continue,  par  transformations  successives,  entre  deux  mo- 
tifs quelconques  pris  dans  cette  œuvre,  ou  choisir  en  cette 
œuvre  un  thème  unique,  simple,  primordial,  élémentaire 
en  quelque  sorte,  en  faire  dériver  tous  les  autres,  et  consi- 
dérer l'œuvre  entière  comme  la  vivante  floraison  de  cet  élé- 
ment musical. 

Un  volume  suflirait  à  peine  pour  énumérer  les  ressources 
du  leitmotiv  wagnérien  et  ses  significations,  et  pour  expli- 
quer la  vraie  nature  de  son  rôle,  explications  parfaitement 
inutiles  pour  qui  sait  écouter,  sentir  et  comprendre,  mais 
qui  peuvent  rectifier,  dans  le  public  encore  mal  habitué 
aux  œuvres  du  grand  poète-musicien,  des  erreurs  en  cours, 
des  préjugés  persistants,  aggravés  par  des  commentaires 
inexacts  et  des  interprétations  sans  base  sérieuse.  Il  y  au- 
rait lieu,  étudiant  ce  leitmotiv  tel  qu'il  règne  dans  Tris- 
tan, l'Anneau  du  Mbelung,  les  Maîtres  et  Parsifal,  de 
distinguer  entre  le  «  simple  rappel  d'idée  »,  le  retour  nor- 
mal du  motif  et  ses  transformations;  de  reconnaître  les 
cas  de  pressentiment  ou  «  préminiscence  »,  où  la  valeur 
expressive  du  motif  n'est  pas  encore  précisée  lorsqu'il  ap- 
paraît tout  d'abord  ;  d'observer  que  le  principe  du  leitmo- 
tiv, essentiellement  applicable  à  une  forme  mélodique  dé- 
terminée, simple,  caractéristique,  est  étendue  par  Wagner 
à  des  accords  et  à  des  successions  harmoniques  (par  exemple 
«  l'harmonie  du  songe  »  dans  les  Maîtres,  «  l'harmonie 
du  voyageur  »  dans  Siegfried,  l'harmonie  initiale  du  pré- 
lude de  Tristan,  l'accord  de  quinte  augmentée  sans  pré- 
paration dans  les  Maîtres),  et  même  à  des  timbres  (par 
exemple  le  rôle  des  tuben  dans  V Anneau  du  Mbelung). 
On  pourrait  rappeler  que  Wagner,  comme  Mozart  citant 
un  passage  des  Nozze  à  la  fin  de  Don  Giovanni,  a  mis 
dans  les  Maîtres  une  «  citation  »  de  deux  thèmes  de  Tris- 
tan, âms  Parsifal  une  citation  musicale  de  Lohengrin 
et  même,  instinctivement,  a  établi  beaucoup  de  liens  thé- 
matiques entre  ses  différentes  œuvres.  On  expliquerait  ce 
qu'il  faut  entendre  par  «  signification  »  d'un  leitmotiv, 
comme  quoi  certaines  de  ces  formes  sont  associées  à  un 
geste  déterminé,  d'autres  à  des  paroles  typiques,  d'autres 
encore  à  un  milieu,  un  phénomène  extérieur  ;  on  montre- 
rait surtout  que  les  leitmotive  relatifs  à  un  personnage 
sont  peu  fréquents,  et  que  le  motif,  même  lorsqu'il  accom- 
pagne l'un  des  héros  de  l'œuvre  (ce  qui  est  rare,  répé- 
tons-le), même  lorsqu'il  souligne  un  geste,  un  décor  ou 
une  parole,  n'est  pas  une  sorte  de  signe  conventionnel, 
exprimant  ou  représentant  des  choses  que  la  musique  ne 
saurait  rendre.  Toujours  il  correspond  à  une  idée  simple, 
ou  mieux  à  un  principe  d'action,  à  un  mouvement  d'âme, 
à  une  émotion  d'ordre  général,  car  exprimer  cela,  intuitive- 
ment, sans  le  secours  du  raisonnement,  sans  la  matérialité 
des  représentations  concrètes,  sans  la  précision  intellec- 
tuelle de  la  parole,  c'est  justement  le  rôle  de  la  musique, 
sa  fonction  par  excellence.  Il  ne  faut  voir  dans  les  noms 
attribués  aux  leitmotive  de  Wagner  qu'une  manière  de  les 
désigner,  de  les  faire  reconnaître  et  d'en  expliquer  l'em- 
ploi, non  l'indication  d'une  représentation  précise  et  limi- 
tée, un  moyen  —  non  une  fin  ou  une  origine.  Mais  nous  en 
avons  assez  dit  pour  que  le  lecteur  puisse  se  reporter,  sans 
crainte  de  malentendus,  aux  ouvrages  et  articles  spéciaux, 
et  pour  qu'il  entrevoie  en  cette  union  de  puissants  effets 
poétiques  et  dramatiques  et  du  principe  même  de  la  sym- 
phonie moderne,  la  forme  par  excellence  où  s'élucident  à 
la  fois  la  symbolique  du  drame  musical  Qt  l'intime  réalité 
humaine  qu'il  doit  exprimer.  Alfred  Ernst. 

BiBL.  :  E.  ScHURÊ,  le  Drame  musical  ;  Paris,  1885, 
2  vol.  in-18,  nouv.  éd.  —  Hans  von  Wolzogen,  série  des 
Leitf'aden  («  fil  conducteur  »),  guides  pour  la  connaissance 
des  motifs  dans  V Anneau  du  Nibelung,  Tristan  et  Par- 
sifal.  (Le  Leitfaden  de  Tristan  a  été  traduit  et  publié  en 


1488  — 


LEITMOTIV  —  LE  JEUNE 


français  en  1894  ;  la  traduction  française  de  celui  de  l'An- 
neau est  sous  presse  à  l'heure  où  nous  écrivons.)  —  H.  La- 
voix,  Histoire  de  la  musique;  Paris,  1884,  in-8. —  M.  Kuf- 
FERATH,  la,  Walkyrie;  Bruxelles  et  Paris,  1887;  Paris,  1893, 
nouv.  éd.  ;  Siegfried,  1888  ;  Lohengrin,  1891  ;  Parsi/a?,189Û  -, 
Tristan  et  Iseult^  1893.  —  J.  van  Santen-Kolff,  Notes 
historiques  et  esthétiques  sur  le  motif  de  réminiscence^ 
dans  Revue -wagnériennCy  sept.-oct.-nov.  1886,  2«  année, 
n"»  Vlll  et  IX-X.  —  Charles  et  Pierre  Bonnier.  Etudes 
sur  le  Motif-organe  dans  les  3  années  de  la  Revue  wagné- 
rienne.  —  Richard  Pohl,  In  wetchem  Stile  sollen  wir 
componiren  ?  dans  le  Musihalischer  Wochenblatt  de  Leip- 
zig, 1878.—  Bayreuther  Bteiïer,  juin-aoûtl88(5,étude  de  M.-J. 
Van  Sa]s!Ten-Kolff.  —  F.  Jamns,  Weber  inseinem  Werhe; 
Berlin;  Weber ^  eine  Lebensskizze  nach  authentischen 
Quellen;  Leipzig,  1873.  —  Charles  Tardieu,  Lettres  de 
Bayreuth  ;  Bruxelles,  1883.  — -  Catulle  Mendès,  Richard 
Wagner;  Paris,  1887,  in-18.  — Camille  Benoît,  les  Motifs 
typiques  des  Maîtres  chanteurs,  1886,  in-18.  ~  R.  Wa- 
gner, Gesammelte  Schriften  und  Dichtungen;  Leipzig, 
1885,  10  vol.  in-8.  —A.  Erî^st,  l'Œuvre  dramatique  d'Hec- 
tor Berlioz;  Paris,  1884.  in-18;  Richard  Wnqner  et  le 
drame  contemporain,  1887,  in-18;  l'Art  de  Richard  Wa- 
gner^ t.  I  :  VŒuvre  poétique^  18b3,  in-18  (le  1. 11  dévelop- 
pera spécialement  cette  question  du  Leitmotiv).  — Cii. 
CoTTARD,  Tristan  et  Iseult^  essai  d'analyse  du  drame  et 
des  Leitmotive^  Paris,  1895.  —A  Ernst  et  E.  Loirèe  ; 
Etude  sur  «  Tannhœuser  »,  analyse  et  guide  thématique; 
Paris,  1895,  in-8«. 

LEITNER  (Gottlieb-Wilhelm),  orientaliste  anglais,  né 
à  Pest  le  47  oct.  4840.  Fils  d'un  médecin  hongrois  qui 
abandonna  le  pays  après  la  Révolution  de  1849,  il  apprit 
de  bonne  heure  les  langues  orientales  modernes,  servit 
d'interprète  à  Fétat-major  de  l'armée  pendant  la  guerre  de 
Russie  (1855)  et  devint,  en  i859,  professeur  d'arabe,  de 
turc  et  de  grec  moderne  au  King's  Collège  de  Londres. 
Recteur  du  collège  de  Lahore  (1864),  il  fit  une  expédition 
scientifique  dans  le  Tibet  en  1866-67,  et,  durant  une 
•vingtaine  d'années,  dépensa  une  incroyable  activité  à  des 
voyages,  des  fouilles,  des  créations  d'institutions  de  lin- 
guistique, entre  autres  Tlnstitut  oriental  d'Angleterre. 
Citons  parmi  ses  nombreux  ouvrages  :  Theory  mid  Prac- 
tice  of  Education;  Philosophical  Grammar  of  Arabie; 
The  Races  of  Tîirkey;  liesults  of  a  Tour  in  Dardis- 
tan,  etc.  (Londres,  1868  et  suiv.);  The  Races  and  Lan- 
guages  o f  Dardista7i(\. zhore,  1867-71,  2  vol.)  ;  History 
of  Dardistan^  sangs,  legends,  etc.  ;  Report  on  the 
History  of  Indigenous  éducation  in  the  Punjab  (4882, 
in-4).  Il  prépare  (4893)  la  traduction  d'un  fort  curieux 
manuscrit  persan  relatif  à  la  société  secrète  d^s  Assassins, 

Sa  femme,  Caroline-Olympia  Schwaab,  d'origine  autri- 
chienne, a  pris  une  part  importante  à  tous  ses  travaux. 

LEITNER  (Jules-Louis- Auguste),  acteur  français,  né  à 
Paris  le  43  mai  4862.  Elève  du  Conservatoire,  il  fut  en- 
gagé à  la  Comédie-Française,  où  il  débuta,  le  34  août  4887, 
dans  don  Carlos  à'Hernani,  puis  se  montra  avec  succès 
dans  divers  ouvrages  du  répertoire  ancien  et  moderne  :  le 
Menteur,  le  Misanthrope,  le  Cid,  V Aventurière,  etc. 
Doué  d'un  bel  organe,  avec  une  fougue  parfois  un  peu 
excessive,  M.  Leitner  a  établi  d'une  façon  heureuse  plu- 
sieurs rôles  nouveaux  dans  :  Par  le  glaive,  la  Reine  Juana, 
Antigone,  les  Cabotins,  les  Petites  Marques. 

LÈITOMYEL  (ail.  Leitomischl),  Ville  de  Bohême,  ch.-l, 
de  district,  sur  la  r.  dr.  de  la  Laucha,  affl.  g.  de  l'Elbe  ; 
8,000  hab.  Commerce  de  toiles.  Hôtel  de  ville  du  xvi^  siècle 
(style  Renaissance). 

LEITRIM.  Comté  d'Irlande,  prov.  de  Connaught,  sur  la 
baie  de  Donegal  ;  4,588  kil.  q.  ;  78,648  hab.  C'est  un  pays 
très  accidenté,  aux  sources  du  Shannon,  avec  une  foule  de 
lacs  (V.  Irlande)  ;  les  prés  occupent  60  7oî  l^s  champs 
20  %  à  peine  de  la  superficie.  La  seule  ville  est  Carrick- 
on-Shannon.  Le  comté  représente  une  partie  de  l'ancien 
pays  de  Breffny,  gouverné  par  les  O'Rourk. 

LEIVA.  Ville  de  Colombie,  Etat  de  Boyaca,  à  23  kil. 
N.-O.  de  Tunja  et  4,982  m.  d'alt.;  3,000  hab.  Forges, 
cotonnades;  ruines  d'édifices  chibchas.  Elle  a  été  fondée 
en  4572  au  temps  oii  Leiva  était  président  de  la  Nouvelle- 
Grenade  (V.  Colombie), 

LEJAY  (Gui-Michel),  philologue  français,  né  à  Paris  en 
4588,  mort  le  40  juil.  4674.  Il  est  connu  par  sa  Rible 


polyglotte  (Paris,  4628-45,  40  vol.gr  in-fol.)  à  laquelle 
travaillèrent  J.  Morin,  Ph.  d'Aquin,  Gabriel  Sionite, 
Abraham  Echellensis,  J.  Hesronite,  etc.  Ce  chef-d'œuvre 
typographique  le  ruina  complètement.  Il  fut  pourvu  d'une 
place  au  conseil  d'Etat  et  devint  doyen  de  Vézelay  en  4647. 

LE  JAY  (Gabriel-François),  érudit  français,  né  à  Paris 
en  4657,  mort  à  Paris  en  4734.  Jésuite,  il  enseigna  dans 
divers  collèges  de  la  Société,  fut  notamment  professeur  de 
rhétorique  au  collège  Louis-le-Grand  où  il  eut  Voltaire 
pour  élève,  et  mourut  préfet  de  ce  collège.  C'est  là  toute  sa 
célébrité.  Il  a  laissé  de  nombreux  ouvrages  de  théologie, 
des  traductions  et  opuscules  classiques,  etc. 

LEJEAN  (Guillaume),  célèbre  explorateur  français,  né 
à  Plouégat-Guérand  (Finistère)  en  4828,  mort  à  Plouégat- 
Guérand  le  4^^'  févr.  4874.  Chargé  de  missions  officielles 
dans  la  péninsule  des  Balkans,  il  en  étudia  la  géographie, 
l'ethnographie  dans  une  série  de  voyages  (4857-58,  4867- 
70),  en  publia  une  carte  (en  49  feuilles,  dont  20  achevées 
par  lui),  en  décrivit  l'ethnographie  dans  les  Mitteilungen  de 
Petermann  (4864).  Dans  l'intervalle,  il  avait  visité  leKordo- 
fan,  les  pays  du  Nil  jusqu'à  Gondokoro  et  du  Bahr  el-Ghazal 
(4860),  dont  il  donna  une  carte  excellente.  En  4862,  il  fut 
nommé  consul  de  France  en  Abyssinie,  mais  expulsé  en  sept. 
4863avecles  autres  Européens.  En  4  864,  il  explora  Kassala 
et  le  pays  des  Bogos.  Rentré  à  Paris,  il  publia  :  Voyage 
aux  deux  Nils  (4865)  et  Théodore  II,  le  nouvel  empire 
d' Abyssinie  et  les  intérêts  français  (4865).  Il  repartit 
en  4  865  pour  un  voyage  vers  l'Asie  Mineure,  la  Mésopota- 
mie, le  golfe  Persique  et  le  bassin  de  i'indus.     A. -M.  B. 

BiBL.  :  CoRTAMBEBT,  G.  Lcfean  et  ses  voyages  ;  Paris, 
1872. 

LEJ  EU  NE  (Adrien)  (V.  Junius). 

LEJEUNE  (Claude  ou  Claudin),  compositeur  français, 
né  à  Valenciennes  vers  4530,  mort  à  Paris  en  4600. 
L'usage  qui  régnait  au  xvi*^  siècle  de  désigner  souvent 
les  artistes  par  leur  prénom  a  causé  de  fréquentes  con- 
fusions entre  Claude  Lejeune  et  Claudin  de  Sermisy,  atta- 
ché aussi  à  la  musique  du  roi  de  France,  mais  à  une 
époque  antérieure  (V.  Sermisy).  Lejeune  paraît  avoit  em- 
brassé de  bonne  heure  le  protestantisme  ;  on  ignore  où  il 
vivait  à  l'époque  de  la  Saint-Barthélémy.  En  4582,  il  était  à 
Paris  maître  de  la  musique  particulière  du  duc  d'Anjou,  et 
en  4583,  compositeur  de  la  musique  de  la  chambre  du 
roi.  Ses  plus  anciens  ouvrages  imprimés  furent  deux  mor- 
ceaux insérés  dans  le  Premier  et  dans  le  Second  Livre  de 
Psalmes  et  cantiques  spirituelz  en  vulgaire  françoys 
(Paris,  4553).  En  4585,  il  publia  chez  Plantin  à  Anvers 
son  (premier)  Livre  de  mélanges,  qui  fut  réimprimé  à 
Paris  en  4587  et  4607,  et  qui  contenait  à  la  fois  des 
chansons  françaises,  des  madri^^aux  italiens  et  des  motets 
latins,  depuis  quatre  jusqu'à  huit  voix.  En  4598,  il  fit  im- 
primer à  La  Rochelle  son  Dodecacorde  contenant  douze 
Pseaumes  de  David,  Lejeune  avait  écrit  aussi  une  harmo- 
nisation des  mélodies  du  psautier  huguenot,  qui  fut  publié 
après  sa  mort  :  Les  CL  Pseaumes  de  David,  mis  en  mu- 
sique à  quatre  parties  (Paris,  4601).  Après  la  mort  de 
Lejeune,  les  ouvrages  qu'il  avait  laissés  furent  recueillis 
et  publiés  de  4602  à  4642.  Le  grand  nombre  de  ces  édi- 
tions posthumes  indique  assez  en  quel  honneur  Lejeune 
était  tenu  par  ses  contemporains,  M.  Br. 

BiBL.  :  E.  Bouton,  Esquisse  biographique  sur  Claude 
Lejeune;  Valenciennes,  1845,  in-8  —  Douen,  Clément 
Marot  et  le  psautier  huguenot,  t.  IL 

LE  JEUNE  (Le  Père  Paul),  missionnaire  français,  né 
en  4592,  mort  le  7  août  4664.  Membre  de  la  Société  de 
Jésus,  il  fut  envoyé,  avec  deux  autres  prêtres,  au  Canada 
en  4632,  sur  la  demande  expresse  du  cardinal  de  Riche- 
lieu. A  peine  installé  à  Québec,  il  livra  à  l'impression  la 
Rriève  Relation  du  voyage  de  la  Nouvelle- France 
(Paris,  4632,  in-8);  c'est  la  première  d'une  longue  série 
qui  compose  la  collection  si  connue  des  Relations  des  Jé- 
suites en  la  Nouvelle- France,  Il  devint  supérieur  de  la 
résidence  de  (iuébec,  et  rédigea  tous  les  ans,  de  4633  à 
4639,  une  Relation  de  ce  qui  s'est  passé  au  Canada 


LE  JEUNE  --  LELAND 


—  4184  — 


(Paris,  1634-40,  7  vol.  ia-8).  Ces  rapports  annuels  sont 
fort  intéressants.  G.  P-i. 

LEJEUNE  (Jean),  oratorien,  né  à  Poligny  en  1592, 
mort  en  1672.  Il  eut  de  grands  succès  comme  prédica- 
teur, s'attachant  à  la  morale  plutôt  qu'au  dogme.  Sermons 
(Toulouse,  1662  et  suiv.,  dO  vol.  in-8),  réimprimés  sous 
le  titre  de  Missionnaire  de  l'Oratoire  (Lyon,  1825-27, 
15  vol.  in-8). 

LEJEUNE  (Syivain-Phalier),  homme  politique  français, 
né  à  Issoudun  (Indre)  le  19  août  1758,  mort  à  Bruxelles 
le  7  févr.  1827.  Administrateur  du  district  dlssoudun, 
député  de  l'Indre  à  la  Convention  (7  sept.  1792),  il  siégea 
parmi  les  montagnards  et  vota  la  mort  de  Louis  XVI.  11 
remplit  des  missions  dans  l'Indre  et  la  Vienne  (9  mars 
1793),  l'Oise  et  l'Aisne  (1^^  août  1793)  et  fit  exécuter  les 
lois  sur  les  subsistances  avec  la  plus  grande  rigueur.  Après 
le  9  thermidor,  Durand-Maillane  l'accusa  d'avoir  fait  con- 
struire une  petite  guillotine  dont  il  usait  pour  couper  la  tête 
aux  volailles,  et,  malgré  ses  dénégations,  Lejeune  fut  dé- 
crété d'arrestation  (l^'^  juin  1795).  Compris  dans  l'amnis- 
tie du  4  brumaire  an  IV  (26  oct.  1795),  il  devint,  après 
la  session,  contrôleur  principal  des  droits  réunis  à  Murât 
(Cantal),  puis  à  Saint-Affrique  (Aveyron) .  Proscrit  en  1 816 
comme  régicide,  il  se  réfugia  à  Bruxelles.        F.-A.  A. 

BiBL.  :  AuLARD,  Actes  du  comité  de  Salut  public^  t.  II 
et  V. 

LEJEU  N  E  (François),  né  à  Villeneuve-de-Berg  (Ardèche) 
le  22  avr.  1770,  tué  à  Jaffa  le  7  mars  1799.  Il  partit 
comme  volontaire  en  1792.  Elu  capitaine  du  premier  batail- 
lon de  l'Ardèche,  il  assistait,  en  1793,  au  siège  de  Toulon. 
A  Arcole,  il  fut  nommé  chef  de  bataillon.  Dix-sept  mois 
après,  il  passa  général  de  brigade  et  fit  en  cette  qualité 
l'expédition  d'Egypte,  oii  il  périt. 

LEJEUNE  (Louis-François,  baron),  général  français, 
né  à  Strasbourg  en  1775,  mort  en  1850.  Volontaire  de 
1792,  il  fit  dans  le  génie  la  campagne  de  Hollande  (1794), 
devint,  en  1798,  aide  de  camp  de  Berthier,  participa  à 
toutes  les  campagnes  de  l'Empire,  fut  blessé  en  différentes 
affaires.  Peintre  de  talent,  il  a  laissé  un  grand  nombre  de 
tableaux  de  bataille,  entre  autres:  Bataille  du  mont 
Thabor  (1802),  de  Lodi  (1804),  des  Pyramides  (1806), 
Passage  du  Rhin  par  Jourdan  (1824),  Bataille  de  la 
Moskova  (1824),  etc. 

LEJEUNE-DiRiCHLET  (V.  Dirichlet). 

LEJUGE  (G.),  peintre  et  graveur  français  du  xvii^  siècle. 
Cet  artiste,  qui  appartient  à  l'école  de  Simon  Vouet,  a 
gravé  plusieurs  compositions  originales,  ainsi  que  la  Der- 
nière Communion  de  saint  Jérôme^  d'après  Augustin 
Carrache. 

LE  JUMEAU  DE  Kergaradec  (V.  Kergaradec). 

LEKAIN  (Henri-Louis  Cain,  dit),  célèbre  acteur  français, 
né  à  Paris  le  14  avr.  1728,  mort  à  Paris  le  8  févr.  1778. 
Fils  d'un  orfèvre,  il  fit  ses  études  au  collège  Mazarin  et  se 
forma  dans  une  société  d'amateurs  qui  jouait  à  l'hôtel  Ja- 
bach  et  dont  la  Comédie-Française  fit  interdire  les  repré- 
sentations. Voltaire,  l'ayant  connu,  le  protégea,  le  défraya 
de  tout  pendant  six  mois,  le  fit  jouer  dans  son  petit  théâtre 
domestique  et  chez  la  duchesse  du  Maine.  Lekain  n'en  eut 
pas  moins  des  débuts  pénibles  à  cause  de  l'hostilité  de  ses 
camarades  de  la  Comédie-Française  ;  après  une  lutte  de 
dix-sept  mois  (du  14  sept.  1750  au  24  févr.  1752),  le  roi 
Louis  XV  qu'il  avait  ému  le  fit  recevoir.  Son  succès  fut 
très  grand,  et  peu  d'acteurs  tragiques  ont  laissé  un  plus 
grand  nom.  Parmi  ses  meilleurs  rôles,  on  cite  ceux  d'Hé- 
rode  dans  Mariamne,  de  Mahomet,  de  Tancrède,  de 
GengiSy  de  Zamore^  de  Rhadamiste^  de  Nicomède, 
d'Oreste,  de  Néron  dans  Britannicus.  «  La  nature,  dit 
Grimm,  lui  avait  refusé  presque  tous  les  avantages  que 
semble  exiger  l'art  du  comédien.  Ses  traits  n'avaient  rien 
de  régulier,  de  noble  ;  sa  physionomie  paraissait  grossière 
et  commune,  sa  taille  courte  et  pesante  ;  sa  voix  était  lourde, 
peu  flexible.  Un  seul  don  de  la  nature  .suppléait  à  tous  ces 
défauts  :  une  sensibihté  forte  et  profonde,  qui  faisait  dis- 


paraître la  laideur  de  ses  traits  sous  le  charme  de  l'expres- 
sion dont  elle  les  rendait  susceptibles,  qui  ne  laissait  aper- 
cevoir que  le  caractère  et  la  passion  dont  son  âme  était 
remplie.  C'est  au  charme  de  sa  voix  qu'il  fut  redevable  de 
ses  plus  grands  succès  ;  elle  était  naturellement  pesante  et 
même  un  peu  voilée  ;  à  force  d'étude  et  de  travail,  il  cor- 
rigea tellement  ce  défaut  qu'il  ne  lui  en  resta  que  l'habi- 
tude d'un  ton  ferme,  grave  et  soutenu.  En  déchirant  le 
cœur,  il  enchantait  toujours  l'oreille.  »  —  Son  nom  de- 
meure attaché  à  d'importantes  réformes  scéniques.  C'est 
lui  qui,  en  1759,  fit  supprimer  de  la  scène  les  banquettes 
sur  lesquelles  des  spectateurs  privilégiés  se  plaçaient,  en- 
combrant la  place  et  supprimant  l'illusion  théâtrale.  Le 
comte  de  Lauragais  paya  l'indemnité  de  60,000  livres  qui 
permit  de  réaliser  cette  réforme.  Lekain  réagit  aussi  contre 
le  système  de  déclamation  solennelle  dont  la  mélopée 
étouffait  les  accents  de  passion  ;  enfin  il  essaya,  avec 
M^^®  Clairon,  de  ramener  le  costume  au  naturel,  sans  pou- 
voir obtenir  encore  la  vérité  historique  à  laquelle  visa 
Talma.  Il  avait  une  haute  idée  de  sa  profession  et  s'efforça 
de  la  rehausser  dans  l'esprit  du  public.  Il  épousa  une  de  ses 
camarades  qui  mourut  jen  1775,  lui  laissant  deux  fils. 
L'aîné  a  publié  les  Mémoires  de  Lekain  (d'un  intérêt  mé- 
diocre) avec  une  correspondance  inédite  de  Voltaire,  Garrick, 
Colardeau,  etc.  (Paris,  1801,  in-8);  ils  furent  réédités 
avec  une  préface  de  Talma  dans  les  Mémoires  sur  l'art 
dramatique  en  1825.  La  Bibliothèque  nationale  possède 
le  «  Journal  manuscrit  des  représentations   de  Lekain  ». 

LE  KO.  Ile  de  Norvège,  prov.  de  Trondhjem,  au  S.  du 
fjord  de  Bindal;  54  kil.  q.  ;  elle  renferme  le  bourg  de 
Lekenas. 

LE  KROUBS(V.  El-Kroubs). 

LEKYTHOS  (V.  Vase). 

LE  LABOUREUR  (V.  Laboureur  [Le]). 

LELAND  ou  LEYLAND  (John),  archéologue  anglais, 
né  à  Londres  vers  1506,  mort  le  18  avr.  1552.  Il  com- 
mença ses  études  à  l'école  de  Saint-Paul,  sous  William 
Lily,  et  les  acheva  à  Cambridge,  à  Oxford  et  à  Paris.  A  son 
retour  en  Angleterre,  il  entra  dans  les  ordres  et  devint 
chapelain  et  bibliothécaire  de  Henri  VIll  qui  lui  assigna 
divers  bénéfices.  En  1533,  il  reçut  le  titre  d'antiquaire  du 
roi,  charge  dont  il  fut  le  premier  et  le  dernier  titulaire. 
Il  devait  comme  tel  rechercher  dans  toutes  les  archives 
les  documents  propres  à  éclairer  l'histoire  de  l'Angleterre 
et  étudier  les  monuments  de  tous  les  âges  :  c'est  ce  qu'il 
fit  avec  le  plus  grand  zèle  pendant  un  voyage  de  six 
années  à  travers  l'Angleterre  et  le  pays  de  Galles.  Le 
roi  récompensa  ses  services  en  lui  accordant  plusieurs 
prébendes.  En  1545,  Leland  présenta  au  roi  un  mémoire 
intitulé  A  New  Year's  Gift,  dans  lequel  il  exposait  briè- 
vement la  méthode  qui  avait  présidé  à  ses  recherches.  Il 
prit  part  aux  luttes  religieuses  et  chercha  dans  l'histoire 
une  justification  de  la  conduite  de  Henri  VIII  ;  il  lui  dédia 
un  traité  manuscrit  intitulé  Antiphilarchia^  oii  il  préten- 
dait établir  la  souveraineté  du  roi  en  matière  ecclésiastique, 
et  s'appliquait  à  réfuter  h  Hieraixhiœ  ecclesiasticœ  asser- 
tio  d'Albertus  Pighius.  Ses  excès  de  travail  troublèrent 
sa  raison.  Le  21  mars  1550,  le  conseil  privé  le  donna  en 
garde  à  son  frère  aîné,  qui  portait  le  même  nom  que  lui. 
John  Leland  ne  publia  de  son  vivant  qu'un  petit  nombre 
d'ouvrages.  Quelques-uns  de  ses  manuscrits  sont  aujour- 
d'hui conservés  au  British  Muséum.  Ceux  de  ses  livres  dont 
il  a  lui-même  dirigé  l'impression  sont  pour  la  plupart  des 
poèmes  latins  relatifs  à  des  événements  contemporains. 
Les  plus  importants  de  ses  ouvrages  sont  :  Itinerary, 
publié  après  sa  mort,  par  Thomas  Hearne  (Oxford,  1710 
et  1712,  9  vol.  in-8);  De  Rébus  Britannicis  collectanea, 
publié  par  le  même  (1715,  6  vol.  in-8).  M.  P. 

LELAND  (John),  controversiste  anglais,  né  à  Wigan 
(Lancastre)  le  18  oct.  1691,  mort  à  Dublin  le  16  janv. 
1766.  Pasteur  d'une  congrégation  presbytérienne  de  Du- 
blin, il  acquit  une  grande  réputation  de  polémiste  :  ses 
principaux  ouvrages  sont  :  The  Divisie  Authority  in  the 


1185 


LELAND  -  LELEWEL 


Oldand  New  Testament  (Londres,  4739-40,  2  vol.  in-8). 
View  of  the  principal  deistical  writers  thaï  hâve 
appeared  in  England  in  thepast  and  présent  century 
(4754,  2  vol.)  ;  The  Advantage  and  necessity  of  Chris- 
tian révolution  (4764,  2  vol.  in-4). 

LELAND  (Thomas),  historien  irlandais,  né  à  Dublin  en 
4  722,  mort  en  4  785.  Il  est  l'auteur  d'une  History  ofireland 
from  the  invasion  of  Henry  II  (1773,  3  vol.  in-4)  dont 
une  traduction  françaiseparut  à  Maastricht  en  4779  (7  vol.). 
Il  a  aussi  donné  une  traduction  des  Discours  de  Démo- 
sthène,  et  une  histoire  de  Philippe  de  Macédoine  C'est  à 
lui  qu'on  doit  la  conservation  du  manuscrit  précieux  connu 
sous  le  titre  de  A7î7ials  of  Loch  Ce,  qu'il  acheta  et  dont 
il  fit  don  à  la  bibliothèque  de  Trinitv  Collège. 

LÉLÈGES  (V.  Grèce,  t.  XIX,  p.  303). 

LELEUX  (Adolphe),  peintre  français,  néàParis le 45  nov. 
4842,  mort  à  Paris  le  27  juil.  4894.  Il  commença  sa  car- 
rière en  faisant,  pourvivre,  des  gravures,  des  lithographies, 
des  vignettes  de  toutes  sortes,  et  exposa  au  Salon  de  4835 
une  aquarelle,  le  Voyageur,  qui  eut  du  succès.  Il  peignit 
alors,  d'après  nature,  des  études,  parmi  lesquelles  on  re- 
marqua :  Chasseur  des  côtes  de  Picardie  (1 836)  ;  Garde- 
Porcs  et  Joueur  de  musette  (4837).  De  4838  à  4842,  il 
exposa  de  charmantes  scènes  bretonnes  qui  lui  valurent 
une  réputation  méritée  comme  peintre  de  genre,  rendant 
avec  talent  des  costumes  et  des  types  divers  :  le  duc  d'Or- 
léans acheta  sa  Danse  bretomie  en  4844.  Puis  il  exposa, 
à  la  suite  d'excursions  dans  les  Pyrénées  et  dans  l'Algérie,^ 
le  Chanteur  espagnol  à  la  porte  d'une  posada  (4843,* 
acquis  par  le  duc  de  Montpensier)  ;  les  Cantonniers  espa- 
gnols (1846,  au  duc  de  Saxe-Cobourg)  ;  les  Jeunes 
Pâtres  espagnols  (4847,  au  musée  de  Toulouse);  les  Im- 
provisateurs arabes  (4848),  pour  le  ministère  de  l'inté- 
rieur. Après  la  révolution  de  févr.  4848,  il  reproduisit  des 
scènes  populaires  :  le  Mot  d'ordre,  la  Sortie,  Une  Pa- 
trouille de  nuit  à  cheval,  au  musée  de  Lyon  ;  U7ie  Pro- 
menade publique  à  Paris,  achetée  par  Napoléon  lïl,  et 
Un  Convoi  de  prisonniers  de  juin  (de  4849  à  4852). 
Dans  un  autre  ordre  d'idées,  citons  encore  :  la  Forge  et 
VEtahle,  le  Chemin  creux  de  Bretagne,  les  Bédouins 
attaqués  par  des  chiens,  la  Demande  en  mariage  de 
Jean  Bonnin,  scène  de  François  le  Champi,  Un  Suicide 
breton,  Place  du  marché  de  Dieppe,  le  Dépiquage  des 
blés  en  Algérie,  les  Terrassiers  après  le  repas,  au  mu- 
sée de  Marseille,  etc.  A  l'Exposition  universelle  de  4855, 
il  eut  un  succès  avec  ses  Poules  et  Coqs,  ses  Enfants  con- 
duisant dés  oies.  Deux  Jeunes  Pâtres  conduisant  des 
oies.  Au  Salon  de  1857,  on  remarqua  surtout  la  Petite 
Provence  à  Paris,  Une  Cour  de  cabaret  et  de  Jeunes 
Tricoteuses,  Sa  fécondité  égala  son  exactitude  à  reproduire 
la  nature.  Les  musées  d'Amiens,  de  Rouen  et  du  Havre 
possèdent  des  tableaux  de  cet  artiste  consciencieux. 

LELEUX  (Armand-Hubert),  peintre  français,  né  à  Paris 
le  48  juin  4848,  mort  à  Paris  le  4®''  juin  4885,  frère  du 
précédent.  Elève  d'Ingres,  il  se  complut  aussi  dans  les 
scènes  de  genre,  dans  la  reproduction  de  types  fami- 
liers. Au  Salon  de  4839,  il  exposa  une  Scène  bre- 
tonne. Puis  parurent  le  Retour  de  chasse  (4840);  un 
Intérieur  d'étable  (4844)  ;  un  Intérieur  d'atelier 
(4842);  deux  Scènes  de  la  Forêt-Noire,  Repos  de  mon- 
tagnards (4844);  les  Zingari  (4845);  Danse  suisse 
(4846),  etc.  Après  des  voyages  en  Italie  et  en  Allemagne, 
après  une  mission  artistique  à  Madrid,  il  exposa,  entre 
autres  toiles,  une  Mendiante  espagnole,  le  Guitarrero, 
Arriéra  andalous  (4847);  le  Contrebandier,  la  Fe- 
naison (4848),  qui  est  au  musée  de  Grenoble;  les  Lavan- 
dières (4849);  un  Guide  du  Saint-Gothard  (4850); 
une  Tricoteuse  suisse  (4853),  acquise  par  Napoléon  IIL 
A  l'Exposition  universelle  de  4855,  il  envoya  :  Fontaine 
suisse,  Amoureux  dans  les  bois.  Récitation  mater- 
nelle, Scèîie  dHntérieur  et  Entretien.      Challamel. 

L E  L E U  X  (M°»«  Armand),  née  Emilie  GiRAUD ,  peintre  fran- 
çais, née  à  Genève  en  4825,  morte  à  Paris  le  8  mai  i885. 

GRANDE   ENCYCLOPÉDIE.  XXI. 


Mariée  au  précédent,  elle  fut  élève  de  son  mari  et  de  Lu- 
gardon  père.  Elle  débuta,  au  Salon  de  4859,  avec  Une 
Matinée  au  xviu®  siècle,  gracieux  tableau  qui  faisait  bien 
augurer  de  l'artiste.  Dans  les  œuvres  qu'elle  exposa  en- 
suite, son  talent  ne  fit  que  s'affirmer.  On  peut  citer  comme 
les  plus  remarquables  :  le  Baisement  des  pieds  de  la 
statue  de  saint  Pierre,  dans  la  basilique  de  Rome 
(4864);  la  Lecture  de  la  gazette;  le  Petit  Lever  (4863); 
le  Baiser  furtif,  petit  bijou  acquis  par  M^^  Ingres 
(4865);  Un  Souper  de  comédiens  (4866);  le  Maître  de 
chant  (4869);  VAprès-Midi  au  château  (4875).  Parmi 
les  dernières  productions  de  son  pinceau  :  Excusez-moi, 
Monsieur,  je  ne  sais  pas  le  grec!  des  Femmes  savantes 
(S.  4884),  montrent  que  les  années  n'avaient  nullement 
affaibli  la  vigueur  de  pinceau  qu'elle  tenait  de  son  mari 
et  la  finesse  de  conception  toute  féminine,  la  délicatesse 
spirituelle  qui  fait  encore  aujourd'hui  rechercher  ses  char- 
mants petits  tableaux  par  les  amateurs.      Ad.  Thiers. 

LELEWEL  (Joachim),  célèbre  historien,  géographe  et  nu- 
mismatiste  polonais,  né  à  Varsovie  le  20  mars  4786,  mort 
à  Paris  le  29  mai  4861.  Sa  famille,  d'origine  allemande 
(von  Lœlhœffel),  s'établit  vers  la  moitié  du  xviii«  siècle  en 
Pologne  et  y  reçut  l'indigénat  de  la  noblesse  polonaise.  Joa- 
chim Lelewèl  fit  ses  premières  études  au  collège  des  Piaristes 
à  Varsovie  et  alla  ensuite  à  l'université  de  Wilna,  où  il  fut 
jusqu'à  4809  l'élève  préféré  du  savant  philologue  Ernst- 
Gottfried  Groddeck.  Il  commença  sa  carrière  de  professeur 
au  lycée  de  Krzémiénetz,  mais  bientôt  il  quitta  cette  place 
pour  la  chaire  d'histoire  à  l'université  de  Wilna.  En  4847, 
nommé  directeur  de  la  Bibliothèque  publique  à  Varsovie  et 
professeur  de  bibliographie  à  l'université  de  cette  ville,  il 
publia  de  nombreux  ouvrages  d'érudition,  entre  autres  ses 
Deux  Livres  de  bibliographie  (en  polon.),  livre  classique 
et  très  important  pour  l'histoire  des  bibliothèques.  En  4822, 
Lelewel  revient  à  Wilna  et  occupe  de  nouveau  la  chaire 
d'histoire.  C'est  de  ce  moment  que  commence  la  vie  pu- 
blique de  Lelewel.  A  Wilna,  il  acquiert  une  grande  popula- 
rité non  seulement  parmi  ses  élèves  et  la  jeunesse  univer- 
sitaire, mais  aussi  dans  toute  la  Lithuanie.  Ses  théories 
républicaines  et  même  révolutionnaires  tombaient  sur  un 
sol  bien  préparé;  elles  enflammaient  la  jeunesse  et  la  pous- 
saient à  former  des  sociétés  patriotiques  et  secrètes.  Lele- 
wel fut  révoqué  et  dut  quitter  Wilna  en  4824.  Il  revint  à 
Varsovie  et  s'occupa  de  ses  travaux  historiques  ;  c'est  à  ce 
moment  qu'il  publia  :  Historyka  (Science  de  l'histoire)  ; 
l'Espagne  et  la  Pologne,  un  parallèle  (en  polon.); 
Considérations  sur  Matthée  Cholewa,  c  -à-d.  sur  la  chro- 
nique du  magister  Vincentius. 

La  révolution  polonaise  de  4830  marque  une  autre  pé- 
riode dans  la  vie  de  Lelewel.  Il  était  l'idole  de  tous  les  clubs 
et  comités  révolutionnaires  les  plus  avancés,  en  même  temps 
il  jouissait  d'une  grande  popularité  dans  les  cercles  modé- 
rés. Il  fit  partie  du  gouvernement  national,  où  il  occupa  le 
ministère  de  l'instruction  publique.  Après  l'occupation  de 
Varsovie  par  les  armées  russes,  Lelewel  émigra  en  France 
avec  beaucoup  de  membres  du  Parlement  polonais  ;  il  y 
prit  une  part  active  aux  travaux  des  comités  politiques  dont 
il  fut  l'âme.  Le  gouvernement  français  l'obfigea  à  quitter 
Paris,  et  il  reçut  l'hospitalité  chez  le  général  La  Fayette, 
grand  ami  de  la  cause  polonaise.  Exilé  de  France  en  août 
4833,  il  se  fixa  à  Bruxelles,  s' occupant  de  travaux  d'his- 
toire générale,  de  numismatique  et  de  géographie  du  moyen 
âge,  mais  surtout  de  l'histoire  polonaise.  Il  y  vécut  d'une 
vie  d'anachorète  jusqu'au  mois  de  mai  4  864 .  Quelques  jours 
avant  sa  mort,  il  fut  transporté  à  Paris  par  des  amis  ;  il  mourut 
à  la  maison  Dubois  et  fut  enterré  au  cimetière  Montmartre. 
Comme  homme  politique,  Lelewel  s'était  surtout  attaché  à 
trois  choses  :  l'affranchissement  des  paysans,  l'entière  liberté 
religieuse  et  le  développement  de  l'idée  démocratique.  Comme 
homme  de  science,  ce  fut  un  travailleur  infatigable,  ne  re- 
culant devant  aucune  difficulté,  se  basant  sur  des  études 
originales  et  très  minutieuses,  quoique  souvent  faussées  par 
un  jugement  trop  personnel  qu'il  apportait  dans  la  science. 

75 


LELEWEL  —  LELOIR 


-  4186 


L'œuvre  de  Lelewel  est  très  importante,  surtout  ses  tra- 
vaux en  numismatique  et  géographie  médiévale.  Nous  ne 
citerons  que  les  ouvrages  principaux,  tels  que  :  Etudes 
numismatiques  et  archéologiques  sur  le  type  gaulois 
ou  celtique  (Bruxelles,  1840,  in-8)  ;  Géographie  du  moyen 
âge  (1852,  5  vol.  et  un  atlas)  ;  Numismatique  du  moyen 
âge  (Paris,  1835,  2  vol.  et  atlas)  ;  Pythéas  de  Marseille 
et  la  géographie  de  so7i  temps.  Pour  l'histoire  de  Pologne, 
son  œuvre  marque  toute  une  période  et  toute  une  école, 
dont  les  principes  sont  abandonnés  déjà  depuis  presque 
trente  ans,  mais  qu'on  ne  saurait  passer  sous  silence  ni  dé- 
daigner, puisque  c'est  Lelewel  qui  a  jeté  les  bases  dans 
l'historiographie  polonaise  de  cette  méthode  de  recherches 
minutieuses,  de  critique  des  documents  et  des  sources  his- 
toriques de  tout  genre  qui  est  le  mérite  de  la  nouvelle  école 
historique  polonaise.  On  a  réuni  la  plupart  de  ces  travaux  : 
la  Pologne  et  son  histoire  (en  polon.,  Posen,  1855  et 
suiv.,  Ti  vol.).  L'ouvrage  le  plus  important  de  ce  recueil 
est  la  Pologne  du  moyen  âge  (1846-51 , 3  vol.).  Il  n'existe 
pas  de  biographie  complète  de  cet  historien.  I.  Korzenio  wski. 
LÉLEX.  Com.  du  dép.  de  l'Ain,  arr.  et  cant.  de  Gex  ; 
492  hab. 

LELEX,  roi  fabuleux  de  Laconie,  héros  éponyme  des 
Lélèges,  époux  de  la  naïade  Cléocharée,  père  de  Mylès, 
Polycaon  et  Eurotas.  Il  avait  un  temple  à  Sparte.  —  Un 
autre  Lelex,  fils  de  Poséidon  et  de  Libya,  était,  disait-on, 
venu  d'Egypte  à  Mégare  où  il  régna  et  où  son  tombeau  sub- 
sistait dans  l'Acropole. 

LE  LIEPVRE (Maurice-Charles-Marie),  paysagiste  fran- 
çais, né  à  Lille  en  1848.  Elève  de  Mazerolle  et  de  MM.  Har- 
pignies  et  Jean-Paul  Laurens,  le  paysage  décoratif  est  sa 
recherche  principale.  On  citera  parmi  ses  envois  aux  Sa- 
lons :  Souvenir  d'Oriefit,  aquarelle  (1877);  Une  Halte 
au  désert  (1878);  Aveugle  à  la  porte  d'une  mosquée 
(1880);ic^^'o?î,  panneau  décoratif,  et  Daiise  de  nymphes, 
aquarelle  (1881);  Environs  de  Toulon  (1884);  les  Bords 
de  la  Loire,  près  de  Beaugency  (1886)  ;  la  Loire 
(1890)  ;  Un  Coin  du  Luxembourg,  pour  l'Hôtel  de 
Ville;  quatre  paysages  en  panneaux,  très  remarqués,  pour 
une  décoration  d'escaher  (1892)  ;  Dernières  Lueurs, 
Plaines  de  r Artois  (1893);  Frondaisons  printanières, 
panneau  décoratif  (1894).  Etienne  Bricon. 

LE  LIÈVRE  (Jean),  sieur  de  Bougival,  jurisconsulte 
français,  né  vers  1460,  mort  en  1525.  Avocat  général  au 
parlement  de  Paris,  il  est  connu  par  sa  résistance  au 
Concordat  de  1517  et  la  part  qu'il  prit  à  la  réforme  des 
Coutumes  du  royaume.  Il  est  Pancètre  de  Le  Lièvre  de 
Lagrange  (V.  ce  nom). 

LELIÈVRE  (Claude-Hugues),  ingénieur  et  minéralogiste 
français,  né  à  Paris  le  28  juin  1752,  mort  à  NeuiHy 
(Seine)  le  18  oct.  1835.  Entré  en  1783  à  l'Ecole  des  mines 
de  Sage,  puis  ingénieur  des  mines,  il  fut,  après  la  sup- 
pression du  corps  (1792),  essayeur  à  la  Monnaie,  puis  il 
fit  partie  de  l'Agence  des  mines  (1794)  et  parvint  au  grade 
d'inspecteur  général.  En  1786,  l'Académie  des  sciences  de 
Paris,  dont  il  était  correspondant  depuis  1775,  l'avait  élu 
associé  minéralogiste  et,  lors  de  la  réorganisation  de  l'Ins- 
titut, en  1795,  il  avait  été  compris  parmi  les  membres  de 
la  section  d'histoire  naturelle.  La  minéralogie  lui  doit  de 
nombreuses  découvertes,  entre  autres  celle  de  la  liévrite, 
ainsi  appelée  par  les  savants  allemands.  Outre  de  nom- 
breux mémoires  et  notices  parus  dans  le  Journal  des 
mines  et  dans  quelques  autres  recueils,  il  a  publié  :  Des- 
cription de  divers  procédés  pour  extraire  la  soude  du 
sel  marin  (Paris,  an  III,  in-4).  L.  S. 

BiBL.  :  Brongniart,  Discours  aux  funérailles  de  Lelià- 
vre;  Paris,  1835,  in-4.  —  Annales  des  mines,  1889,  I,   474. 

LELIÈVRE  (Hilaire-Etiennc) ,  officier  français,  né  à 
Malesherbes  le  17  juil.  1800,  mort  à  Malesherbes  le 
25  mai  1851.  Soldât  d'infanterie,  il  était  capitaine  au 
1^"^  bataillon  d'Afrique  et  commandait  en  1840  le  petit 
fort  de  Mazagran  n'ayant  pour  toute  garnison  que  les 
123  hommes  de  sa  compagnie.  Attaqué  le  3  févr.  par 


14,000  Arabes,  Lelièvre  leur  opposa  une  résistance  hé- 
roïque ;  il  subit  sans  faiblir  les  assauts  furieux  de  l'ennemi, 
exhortant  ses  honimes  à  se  défendre  jusqu'à  la  mort  et 
conservant  son  unique  tonneau  de  poudre  pour  faire  sauter 
le  fort  lorsque  les  cartouches  viendraient  à  manquer.  Enfin, 
le  7  févr.,  des  renforts  envoyés  de  Mostaganem  accoururent 
au  secours  des  vaillants  défenseurs  de  Mazagran.  Lelièvre 
fut  nommé  chef  de  bataillon  en  récompense  de  ce  beau 
fait  d'armes.  E.  Bernard. 

LELIEVRE  (Adolphe- Achille),  homme  politique  français, 
né  à  Besançon  le  25  juil.  1836.  Entré  en  1859  dans  l'ad- 
ministration de  l'enregistrement,  il  démissionna  en  1869 
pour  s'inscrire  au  barreau  de  Lons-le-Saunier  où  il  acquit 
une  grande  réputation.  Il  fit  une  campagne  républicaine  ac- 
tive dans  le  Jura  à  la  fin  de  l'Empire,  mais  il  n  y  obtint 
qu'un  nombre  de  voix  insignifiant  lors  des  élections  pour 
l'Assemblée  nationale  le  8  févr.  1871.  Le  20  févr.  1876, 
il  était  élu  député  de  Farr.  de  Lons-le-Saunier.  Membre 
des  363,  il  fut  réélu  avec  eux  le  14  oct.  1877  et  de  nou- 
veau en  1881.  Il  appartenait  au  parti  opportuniste  et  il 
échoua  aux  élections  générales  de  1885.  Le  25  janv.  1888, 
il  devenait  sénateur  du  Jura.  Il  combattit  le  boulangisme. 
M.  Lelièvre  a  été  sous-secrétaire  d'Etat  aux  finances,  dans 
le  «  grand  ministère  »  de  Gambetta  (14  nov.  1881- 
30  janv.  1882). 

LÉLIN-Lapujolle.  Com.  du  dép.  du  Gers,  arr.  de 
Mirande,  cant.  de  Riscle  ;  401  hab. 

LELLA-Djilalïâ.  Localité  du  Maroc,  à  20  kil.  N.-E.  de 
Larache  sur  l'oued  el  Sebt  ;  ruines  romaines. 

LELLA-Khredidja.  Mont  d'Algérie,  point  culminant  du 
Djurdjura,  couronné  par  une  kouba  qui  est  le  plus  vénéré 
pèlerinage  de  Kabylie, 

LELLA-Marnia  (V.  Lalla-Marnia). 

LELL1  (Gio van- Antonio),  peintre  italien,  né  à  Rome  en 
1591,  mort  à  Rome  en  1640.  Il  fut  élève  de  Luigi  Cardi. 
Son  œuvre  la  plus  importante  est  la  Visitation,  dans 
l'éghse  Santa  Maria  sopra  Miner  va,  à  Rome. 

LELLI  (Ercole),  peintre,  modeleur  et  graveur  italien, 
né  à  Bologne  en  1702,  mort  à  Bologne  en  1762.  Il  apprit 
là  peinture  avec  Giovanni-Pietro  Zanotti,  puis,  cornme  il 
ne  réussissait  pas  dans  cet  art,  il  se  mit  à  étudier  l'ana- 
tomie  et  le  niodelage  et  se  fit  une  spécialité  des  figures 
d'études  en  cire  et  en  plâtre  pour  les  universités  et  les 
ateliers.  VEcorché,  que  lui  commanda  le  pape  Benoît  XIV 
pour  l'Archiginasio  de  Bologne  et  qui  est  encore  conservé 
dans  cet  établissement  (auj.  l'Université)  rendit  le  nom  de 
LelU  presque  célèbre.  Il  devint  directeur  de  l'Académie  de 
Bologne,  et  grava  pour  l'enseignement  des  élèves  une  série 
de  remarquables  études  d'anatomie  ;  on  connaît  aussi  de 
lui  d'autres  estampes,  portraits,  titres  de  thèses  ou  sujets 
de  sainteté.  Lelli  forma  un  élève  habile,  qui  fut  pour  lui 
un  aide  précieux,  ManzoUni.  E.  Bx. 

BiBL.  :  FioRiLLo,  Geschichte  der  zeichnenden  Kûnsle  ; 
Gœttingue,  1798-1808,  t.  V,  5  vol.  in-8. 

LELOIR  (Jean-Baptiste-Auguste),  peintre  français,  né 
à  Paris  le  27  juil.  1809,  mort  à  Paris  le  18  mars  1892. 
Elève  de  Picot,  il  se  destina  de  bonne  heure  à  la  peinture 
d'histoire,  n  exposa  au  Salon,  à  partir  de  1835;  on  peut 
citer  parmi  ses  principales  œuvres,  dans  la  première  période 
de  sa  vie  :  Sainte  Cécile,  Marguerite  en  pinson,  Jeunes 
Paysans  au  bas  de  la  voie  sacrée,  Homère,  acquis  pour 
le  musée  du  Luxembourg;  la  Cène,  commandée  par  le 
ministère  de  l'intérieur.  11  fut  chargé  de  plusieurs  peintures 
décoratives  pour  les  églises  de  Paris  (Saint-Germain  l 'Aiixer- 
rois,  Saint-Merri,  Saint-Leu).  Il  à  continué,  pendant  de 
longues  années,  à  exposer  des  sujets  historiques  et  religieux  : 
Daphnis  et  Chloé,  Jeanne  d'Arc  dans  sa  prison,  la 
Madeleine  au  tombeau,  Saint  Vincent,  Jeanne  d'Arc 
enfant,  la  Sainte  Famille  en  Egypte,  etc.  Il  a  été  un  des 
nombreux  peintres  d'histoire  d'une  période  où  Pamour  de 
l'art  n'était  pas  toujours  servi  par  la  préoccupation  des  com- 
mandes ofiicielles.  Ses  œuvres,  très  nombreuses,  offrent  un 


~-  1187 


LELOm  —  LELY 


mérite  assez  inégal.  Il  a  peint  aussi  plusieurs  portraits,  entre 
2iUiresce\màeM,  Henry  de  Chennevières,  A.  Valâbrègue. 

LELOIR  (Louis-Auguste),  peintre  français,  né  à  Paris  le 
15  mars  1843,  mort  à  Paris  le  28  janv.  1884,  fils  du  pré- 
cédent. Après  s'être  formé  dans  l'atelier  de  son  père,  il 
débuta  au  Salon  de  1863;  il  exposa  des  sujets  religieux, 
puis  il  obéit  à  son  goût  pour  la  peinture  de  genre.  Il  se  fit 
bientôt  un  nom  dans  l'aquarelle  :  il  s'y  montrait  un  artiste 
d'un  sentiment  délicat  et  d'un  faire  très  châtié  et  très  fini. 
Lorsque  la  Société  des  Aquarellistes  se  fonda,  il  fut  au 
nombre  des  premiers  membres  qui  s'étaient  associés  pour 
échapper  aux  hasards  de  classement  et  à  la  cohue  des 
Salons,  et  qui  avaient  trouvé  un  local  à  eux  dans  la  galerie 
Georges  Petit.  Leloir  y  fut  remarqué  des  le  début.  Les 
catalogues  de  ces  expositions  indiquent  un  grand  nombre 
d'œuvres  exposées:  sujets  de  fantaisie,  modèles  d'éven- 
tails, esquisses  d'ornement,  illustrations.  Cet  artiste  a  été 
un  de  nos  plus  charmants  illustrateurs;  il  a  un  style  très 
personnel  en  ce  genre  de  travail,  une  manière  ingénieuse  et 
piquante,  une  exécution  soignée  et  poussée  jusqu'à  la  der- 
nière limite.  Parmi  ses  ouvrages,  il  faut  citer,  au  premier 
rang,  une  édition  de  Molière. 

Son  frère  Maurice^  né  à  Paris  en  1851,  a  suivi  de  très 
près  l'exemple  de  son  aîné.  Il  a  aussi  pris  part  aux  expo- 
sitions de  la  Société  des  Aquarellistes.  On  lui  doit,  comme 
illustrateur,  d'excellents  dessins  pour  le  Voyage  senti- 
mental^ Manon  Lescaut^  Paul  et  Virginie^  les  Trois 
Mousquetaires^  etc.  hnt.  Valâbrègue. 

LELOIR  (Henri-Camille-Chrysostome),  dermatologiste 
français,  né  à  Tourcoing  le  30  nov.  1855.  Beçu  docteur  en 
1881,  chef  de  clinique  à  l'hôpital  Saint-Louis  en  j  882-84, 
il  fut  nommé  en  1884  agrégé  pour  Lille,  et,  l'année  sui- 
vante, professeur  à  cette  faculté  et  directeur  de  la  clinique 
de  dermatologie  et  de  syphiliographie.  —  Ses  ouvrages 
sont  déjà  nombreux  ;  citons  seulement  :  Recherches  cli- 
niques et  anatomo- pathologiques  sur  les  affections 
cutanées  d'origine  nerveuse  (Paris,  1881,  et  atlas); 
Leçons  sur  la  syphilis  (Paris,  1886,  in-8);  Traité  pra- 
tique et  théorique  de  la  lèpre  (Paris,  1886,  in-4,  et 
atlas);  Traité  descriptif  des  maladies  de  la  peau  (Paris, 
1889  et  ann.  suiv.,  gr.  in-8,  pi.  ;  avec  Vidal).  Leloir  col- 
labore en  outre  à  V Atlas  international  des  maladies  de 
la  peau  y  en  voie  de  publication.  D**  L.  Hn. 

LELOIR  (Louis-Pierre  Sallot,  dit),  acteur  français,  né 
à  Paris  le  5  nov.  1860.  Elève  de  Dressant  au  Conserva- 
toire, il  n'était  âgé  que  de  quinze  ans  lorsqu'il  prit  part  au 
concours  de  1876.  Il  s'engage  alors  presque  aussitôt  au 
troisième  Théâtre-Français  (théâtre  Déjazet),  que  dirigeait 
Ballande,  où  il  fait  de  nombreuses  créations.  De  là  il  passe 
un  instant  au  Gymnase,  puis  vient  débuter  à  la  Comédie- 
Française,  le  9  sept.  1880,  dans  Harpagon  de  V Avare,  ne 
redoutant  pas,  quoiqu'il  n'eût  pas  encore  accompli  sa  ving- 
tième année,  de  prendre  l'emploi  des  pères  et  des  «  rôles  à 
manteau  ».  Il  y  déploya  d'ailleurs  de  réelles  qualités,  qui  ne 
firent  que  s'affirmer  davantage  à  mesure  qu'il  entrait  dans 
le  répertoire  ancien  ou  moderne.  M.  Leloir,  quia  été  nommé 
sociétaire  en  1889,  est  professeur  au  Conservatoire  depuis 
1894.  Il  a  épousé  M^^^  Thuillier. 

LE  LONG  (Jacques),  oratorien  et  érudit  français,  né  à 
Paris  le  19  avr.  1665,  mort  à  Paris  le  13  août  1709.  On 
lui  doit  une  Bibliotheca  sacra  (1709,  2  vol.  in-4)  ;  mais 
son  œuvre  la  plus  importante,  celle  qui  a  sauvé  son  nom 
de  l'oubli,  est  la  Bibliothèque  historique  de  la  France^ 
publiée  après  sa  mort,  en  1719, en  un  volume  in-fol.  Cette 
bibliographie,  qui  comprend  les  ouvrages  imprimés  et  ma- 
nuscrits relatifs  à  l'histoire  de  France,  complétée  et  enri- 
chie de  bonnes  tables  par  Fevret  de  Fontette  et  Barbaud  de 
La  Bruyère,  eut  une  nouvelle  édition  en  1778  (5  vol.  in- 
fol.).  Elle  est  demeurée  sous  cette  forme  un  ouvrage  indis- 
pensable pour  l'étude  de  notre  histoire. 

LE  LONG  (Paul),  architecte  français,  né  à  Paris  en  1801, 
mort  à  Saint-Martin-Dalbois  en  sept.  1846.  Fils  de  Paul 
Lelong,  architecte  en  chef  d'une  division  des  édifices  de  la 


Ville  de  Paris  et  auquel  il  succéda  en  1829  comme  archi- 
tecte de  la  direction  des  Domaines,  de  l'Enregistrement  et 
du  Timbre,  Paul  Lelong  fils  fit  commencer  la  construc- 
tion du  nouvel  hôtel  de  cette  administration  rue  de  la 
Banque,  hôtel  que  termina  Victor  Baltard  (V.  ce  nom). 
Paul  Lelong  fit  de  plus  percer  la  rue  qui  porte  son  nom, 
entre  la  rue  Montmartre  et  la  rue  de  la  Banque  et  il  avait 
été  chargé  de  dresser  les  projets  de  la  nouvelle  mairie  du 
11^  arrondissement  et  de  la  caserne  des  Petits-Pères,  rue 
de  la  Banque,  lorsqu'il  mourut  d'une  chute  de  cheval 
dans  une  partie  de  chasse  chez  le  comte  Roi.    Ch.  Lucas. 

LE  LORRAIN  (Robert),  sculpteur  français,  né  à  Paris 
le  15  nov.  1666,  mort  à  Paris  le  l*^"^  juin  1743.  Prix  de 
Rome,  il  fut,  en  1601,  reçu  à  l'Académie  avec  une  Gala- 
thée;  il  y  devint  professeur  en  1717  et  recteur  en  1737. 
C'est  lui  qui  exécuta  le  tombeau  de  Girardon,  son  maître. 
Dans  la  chapelle  du  palais  de  Versailles,  on  voit  une  Cha- 
rité et  des  bas-reliefs  de  Le  Lorrain. 

LE  LORRAIN  (Louis-Joseph),  peintre  et  graveur  fran- 
çais, né  à  Paris  le  19  mars  1715,  mort  à  Saint-Pétersbourg 
le  24  mai  1760.  l\  s'est  fait  surtout  connaître  en  Russie', 
comme  graveur  à  l'eau-forte;  il  devint  même,  en  1756, 
directeur  de  l'Académie  de  Saint-Pétersbourg.  Ses  gravures 
les  plus  estimées  sont  :  le  Jugement  deSalomon,  Esther 
devant  Assuérus,  et  la  Mort  de  Cléopâtre. 

LÉLUT  (Louis-François),  médecin  français,  né  à  Gy 
(Ïïaute-Saône)  le  15  a\r.  1804,  mort  à  Paris  le  25  janv. 
1877.  Docteur  en  médecine  en  1827,  il  fut  médecin  des 
aliénés  à  Bicêtre,  puis  à  la  Salpêtrière.  Il  a,  l'un  des  pre- 
miers, appliqué  à  l'histoire  l'étude  de  la  physiologie  et  de 
la  psychologie,  et  cherché  à  élucider,  avec  une  rigueur 
scientifique,  les  rapports  de  l'intelligence  avec  le  cerveau. 
Son  hvre  Du  Démon  de  Socrate  (1836)  fit  sensation,  de 
même  que  F  Amulette  de  Pascal  (I846).Lélut  avait  déjà 
publié  sa  Recherche  des  analogies  de  la  folie  et  de  la 
raison  (1834).  Il  est  encore  l'auteur  de  plusieurs  mémoires 
sur  la  Physiologie  de  la  pensée  (-1842,  1855,  1857); 
sur  le  Poids  du  cerveau  dans  ses  rapports  avec  Vin-- 
telligence  (1837).  Membre  de  l'Académie  des  sciences 
morales  et  politiques  en  1844,  Lélut  fut  élu  aux  Assemblées 
constituante  et  législative  de  1848  à  1857  et,  lors  de  Télec- 
tion  du  président  de  la  République,  vota  pour  Cavaignac, 
mais  il  fit  partie  désormais  de  la  majorité  gouvernemen- 
tale. Comme  député,  il  est  l'auteur  de  rapports  importants 
sur  la  déportation  et  le  régime  cellulaire,  le  code  forestier, 
la  conservation  des  eaux  minérales,  etc.  Il  a  résumé  ses 
idées  politiques  dans  un  Traité  de  r égalité  (iS^S).  Lélut 
avait  été  nommé  membre  de  l'Académie  de  médecine  en 
1863.  D^A.  DuREAu. 

LELY  (Pierre  Van  der  Faes,  dit  le  Chevalier),  peintre 
naturalisé  anglais,  né  à  Soest  (Westphalie)  en  1618,  mort  le 
30  nov.  1680  à  Londres  où  il  s'était  établi  à  l'âge  de  vingt- 
quatre  ans.  Elève  deGrebber  à  Haarlem,  il  avait  d'abord  peint 
le  paysage  et  l'histoire,  mais  la  mort  de  Van  Dyck  laissant 
une  place  de  portraitiste  à  prendre  en  Angleterre,  il  s'en  em- 
para. Quoique  très  inférieur  à  son  illustre  prédécesseur,  il 
jouit  pendant  trente  ans  d'une  situation  considérable,  suc- 
cessivement en  faveur  auprès  de  Charles  P^,  de  Cromwell 
et  de  Charles  II,  qui  le  créa  chevalier.  Ses  nombreux  por- 
traits, disséminés  dans  les  châteaux,  ont  de  la  grâce,  une 
tonalité  agréable;  le  dessin  en  est  juste,  particulièrement 
celui  des  mains,  la  facture  libre  et  légère.  Mais  son  art 
superficiel  et  voulu  manque  d'individualité,  de  vigueur  et 
de  style.  Il  a  versé  dans  un  maniérisme  insupportable  et 
pratiqué  l'allégorie  aussi  obscure  que  de  mauvais  goût.  On 
a  aussi  de  lui  des  aquarelles,  des  pastels  et  des  dessins  à 
l'encre  de  Chine  avec  rehauts  de  blanc.  Ses  Beautés 
d'IIampton  Court  sont  un  bon  spécimen  de  son  genre  lan- 
guissant et  morbide.  Parmi  ses  sujets  mythologiques,  on 
peut  citer  le  Sommeil  de  Vénus  (à  Windsor)  et  le  Juge- 
ment de  Paris  (gravé).  Bien  qu'il  eût  fait  une  grosse  for- 
tune (sa  seule  collection  de  dessins  et  estampes 'fut  vendue 
aux  enchères  2,600  guinées),  son  petit-fils,  John,  égale-» 


LELY  —  LEMAIRE 


—  1488  — 


ment  portraitiste,  laissa  dans  l'indigence  une  veuve  qui 
mourut  à  Thospice.  A.  de  Bovet. 

LE  M  A  (Entom.).  Genre  d'Jnsectes  Coléoptères  Phyto- 
phages, sous-l'amille  des  Criocéridés,  fondé  par  Fabricius 
pour  des  Criocères  de  taille  petite  ou  moyenne,  ordinaire- 
ment bleus  et  ayant  souvent  le  corselet  et  l'abdomen  rouges. 
Tel  est  le  Lema  cyanella,  espèce  bleu  d'acier,  commune 
en  France,  ainsi  que  le  Lema  melanopa,  M.  M. 

LE  MAÇON  (V.  Maçon  [Le]). 

LE  MAÇON  ou  LE  MASSON  (Robert),  en  latin  Latho- 
mus^  chancelier  de  France,  né  à  Château-du-Loir,  en 
Anjou,  vers  4365,  mort  le  28  janv.  4448.  Son  père,  Hervé 
Le  Maçon,  était  secrétaire  et  conseiller  de  Louis  1^^,  duc 
d'Anjou  etroide  Sicile,  en  4388.  Anobli  en  4404,  Robert 
Le  Maçon  devint  à  son  tour,  en  4407,  conseiller  de  Louis  II, 
duc  d'Anjou  et  roi  de  Sicile,  qui  le  nomma  ensuite  son 
chancelier.  En  4443,  Le  Maçon  prit  part  à  l'acte  qui  réta- 
blit Jean,  duc  de  Berry,  comme  gouverneur  de  Languedoc, 
et  devenu  le  29  janv.  4444  chanceher  d'Isabeau  de  Ba- 
vière, il  souscrivit  au  traité  d'alliance  de  cette  reine  avec 
Charles,  duc  d'Orléans.  Le  20  juil.  de  la  même  année,  il 
reçut  le  titre  de  commissaire  des  monnaies.  En  4445,  au 
mois  d'avril,  il  vint  à  Angers  comme  délégué  aux  Etats  de 
la  province  et  fut  chargé  de  préparer  un  traité  de  paix 
avec  les  Anglais.  Un  an  après,  en  juin,  il  fut  élevé  à  la 
dignité  de  chancelier  du  comte  de  Ponthieu,  plus  tard 
Charles  VIL  Le  48  août  de  la  même  année,  il  se  rendit 
acquéreur  de  la  terre  et  baronnie  de  Trêves  en  Anjou. 
Dans  la  nuit  du  29  au  30  mai  4418,  où,  grâce  à  la  trahi- 
son de  Perrinet  Le  Clerc,  les  Bourguignons  s'emparèrent 
de  Paris  par  surprise,  Robert  Le  Maçon  se  trouvait  auprès 
du  dauphin  qui  eût  été  enlevé  dans  son  lit,  si  Tanguy  Du- 
châtel,  accouru  à  l'hôtel  Saint-Paul,  n'eût  fait  monter  le 
jeune  prince  sur  le  cheval  de  Robert  Le  Maçon  qui  se  dé- 
voua pour  le  salut  de  son  maître.  Depuis  cette  époque, 
Le  Maçon  devint  avec  Tanguy  Duchâtel  le  principal  conseil- 
ler du  futur  roi.  Le  30  oct.  1448,  il  publia,  au  nom  du 
dauphin,  des  lettres  portant  défense  expresse  d'obtempérer 
aux  ordres  du  roi.  La  colère  de  Jean  sans  Peur,  duc  de 
Bourgogne,  fut  de  ce  fait  portée  à  son  comble,  et,  lors- 
qu'il signa  la  paix  de  Saint-Maur-des-Fossés,  il  raya  de  la 
liste  d'amnistie  Louvet,  Raguier  et  Le  Maçon;  il  exigea 
même  que  les  sceaux  fussent  retirés  à  ce  dernier,  ce  qui 
ne  l'empêcha  pas  de  prendre  part  aux  conventions  de 
Pouilly;  il  continua  de  siéger  au  conseil  du  roi,  et  la  sen- 
tence d'exil  que  le  duc  de  Bourgogne  avait  obtenue  contre 
lui  ne  fut  pas  mise  à  exécution.  Le  40  sept.  4449,  Le  Ma- 
çon assista  à  l'entrevue  de  Montereau  et  au  meurtre  du 
duc  de  Bourgogne.  Le  3  févr.  4422,  il  résigna  la  garde  des 
sceaux  de  France;  mais,  quoique  son  influence  fût  alors 
éclipsée  par  celle  du  président  Louvet,  il  continua  de  rece- 
voir les  gages  de  son  ancienne  charge  et  de  participer  aux 
délibérations  du  grand  conseil.  Un  de  ses  actes  politiques 
fut  la  réconciliation  qu'il  opéra  entre  le  duc  de  Bretagne 
et  le  roi  en  4426.  Par  la  part  qu'il  prit  aux  discordes  in- 
testines et  aux  actes  les  plus  importants  du  gouvernement. 
Le  Maçon  excita  contre  lui  les  plus  ardentes  inimitiés.  En- 
levé par  surprise  en  4426  et  enfermé  pendant  trois  mois 
au  château  d'Usson  en  Auvergne  par  son  ennemi  Jean 
Langeac,  sénéchal  d'Auvergne,  Le  Maçon  tenta  vainement 
d'obtenir  réparation  de  cet  atfront  pendant  de  longues  an- 
nées. Veuf  en  premières  noces  de  Jeanne  Cochon,  il  se  re- 
maria avec  Jeanne  de  Mortemer,  fille  du  seigneur  de  Couhé. 
La  jeune  baronne  de  Trêves  suivit  le  ministre  à  la  cour  ; 
elle  y  était,  lorsque  Jeanne  d'Arc  vint  trouver  le  roi  à 
Chinon  en  mars  1429  et  fut  chargée  avec  M"^^  de  Gaucourt  de 
procéder  à  Texamen  auquel  on  soumit  la  Pucelle.  Le  Maçon 
élait  présent  lorsque  Jeanne  révéla  à  (<harles  VII  le  secret 
de  l'oratoire  de  Loches  et  lui  rappela  la  prière  qu'il  avait 
adressée  à  Dieu  à  la  Toussaint  précédente.  Dès  lors  le  chan- 
celier éprouva  une  confiance  aveugle  dans  la  mission  de 
Jeanne  d'Arc;  il  l'accompagna  à  Orléans,  à  Patay,  et  nul 
n'eut  pour  elle  un  zèle  plus  constant,  une  foi  plus  vive. 


En  déc.  1429,  il  fit  obtenir  et  signa  des  lettres  d'anoblis- 
sement de  la  famille  d'Arc.  Le  6  déc.  1430,  il  fut  chargé 
d'une  ambassade  en  Bretagne  et  assista  comme  témoin,  le 
16  août  1436,  au  traité  de  mariage  passé  à  Tours  entre 
Yolande  de  France  et  Amédée  de  Savoie  ;  c'est  à  cette 
même  date  qu'il  apparaît  pour  la  dernière  fois  au  conseil. 
Ce  fut  sans  doute  l'époque  où  le  vieux  serviteur  de 
Charles  VII  prit  volontairement  sa  retraite.  Il  mourut  sans 
enfants  et  fut  inhumé  dans  l'église  paroissiale  de  Trêves,  à 
côté  de  l'autel,  dans  une  chapelle  qu'il  avait  fondée;  ce  tom- 
beau subsiste  encore  avec  son  épitaphe.  H.  Courteault. 
BiBL.  :  C.  BouRciER,  Robert  Le  Masson,  dans  la  Revue 
historique  de  l'Anjou,  année  1873.  —  G.  de  Beaucourt, 
Histoire  de  Charles  VU;  Paris,  1881-91,  6  voL  in-8. 

LE  MAIN VI ILE.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Nancy,  cant.  d'Haroué  ;  325  hab. 

LEMAIRE  (Détroit)  (V.  Feu  [Terre  de]  et  Amérique  du 
Sud). 

LEMAIRE  (Jacques),  navigateur  hollandais,  né  à  Eg- 
mond,  près  d'Alkmaar,  mort  en  1616.  C'est  à  son  père, 
Isaac,  négociant  (né  à  Tournai  vers  1550,  mort  à  Egmond 
en  1625),  qu'est  due  l'initiative  de  l'expédition  qui  devait 
se  rendre  dans  la  mer  du  S.  et  aux  Indes,  par  un  pas- 
sage autre  que  le  détroit  de  Magellan.  Un  marin  expéri- 
menté, Schouten,  fut  choisi  pour  commander  l'expédition, 
constituée  par  un  navire  de  360  tonneaux,  la  Concorde, 
avec  65  hommes  d'équipage,  et  par  un  autre  plus  petit; 
Jacques  Lemaire  s'embarqua  en  qualité  de  directeur  géné- 
ral de  l'association  et  président  des  conseils.  Elle  fut  armée 
dans  le  port  de  Hoorn.  On  mit  à  la  voile  le  14  juin  1615. 
C'est  le  24  janv.  1616  que,  longeant  l'extrémité  orientale 
de  la  Terre  de  Feu,  on  aperçut  une  terre  qui  reçut  le  nom 
de  Terre  des  Etats,  puis  une  côte  qui  fut  nommée  Terre 
de  Maurice  de  Nassau.  Les  navigateurs  doublèrent  ensuite 
l'extrémité  de  l'Amérique  méridionale  (26  janv.),  qu'ils 
nommèrent  cap  Hoorn  ou  Horn  (V.  ce  mot).  Le  détroit  prit 
le  nom  de  Jacques  Lemaire.  Ils  relâchèrent  (23  oct.  1616) 
à  Jacatra,  depuis  Batavia  ;  mais  ici  le  conseil  des  Indes 
mit  leur  bâtiment  en  séquestre  et  les  renvoya  en  Hollande 
pour  y  plaider  leur  cause.  Lemaire  mourut  à  bord,  peu  de 
temps  après,  le  31  déc.  La  seule  relation  originale  que 
nous  ayons  du  voyage  qui  porte  son  nom  et  celui  de  Schou- 
ten a  été  écrite  par  Classen,  commis  dans  l'expédition. 
Une  version  française  se  trouve  dans  le  t.  VIII  du  Recueil 
des  voyages  de  la  Compagnie  des  Indes  orientales 
néerlandaises  (V.  aussi  Vivien  de  Saint-Martin,  HisU  de 
lagéogr.),  Ch.  Delavaud. 

LE  MAIRE  (Pierre)  (V.  Maire  [Le]). 

LEMAIRE  (Henri  Jeanmaire,  dit),  publiciste  français, 
né  à  Nancy  en  1756,  mort  à  Francfort  le  3  mai  1808.  Il 
s'établit  en  Allemagne  et  y  dirigea  pendant  de  longues  années 
la  Gazette  de  Francfort  à  laquelle  il  imprima  une  allure 
francophile  nettement  caractérisée.  Il  a  laissé  quelques  ro- 
mans :  le  Gil  Blas  français  (Paris,  1752,  3  vol.  in-12) 
qui  eut  un  succès  considérable  et  fut  traduit  en  plusieurs 
langues;  Virginie  Belmort  (an  VII,  in-12);  Rosine  ou 
le  Pas  dangereiix  (an  VII,  in-12);  le  Pauvre  Rentier 
(an  VII,  in-12);  le  Conscrit  ou  le  Billet  de  logement 
an  VIII,  in-12). 

LEMAIRE  (Nicolas-Eloi),  philologue  français,  né  à  Triau- 
court  (Meuse)  le  1^^  déc.  1767,  mort  à  Paris  le  3  oct. 
1832.  Professeur  de  rhétorique  au  collège  Cardinal-Le- 
moine  (1790),  il  exerça  pendant  la  Révolution  divers  emplois 
judiciaires  et  administratifs  et,  rentré  dans  l'université  sous 
l'Empire,  devint  professeur  de  poésie  latine  à  la  faculté  des 
lettres  (1811),  et  doyen  de  cette  faculté  (1825).  H  est 
connu  par  sa  grande  Collection  des  classiques  latins 
(Paris,  4819-38,  144  vol.  in-8),  qui  est  aujourd'hui  con- 
sidérée comme  fort  médiocre  à  tous  les  points  de  vue,  bien 
qu'on  y  trouve  d'excellentes  parties  comme  le  Salluste  de 
Burnouf. 

Son  neveu,  Pierre- Auguste,  né  à  Triaucourt  le  11  janv. 
1802,  mort  à  Triaucourt  le  9  déc.  1887,  a  laissé  des  édi- 


—  1189 


LEMAIRE 


tions  d'auteurs  latins  et  un  poème,  L' Affranchissement  des 
Grecs ^  qui  obtint  en  1837  le  prix  de  poésie  à  l'Académie 
française.  Après  la  mort  de  son  oncle,  il  avait  dirigé  la 
Collection  des  classiques  latins, 

LEMAIRE  (Philippe- Joseph-Henri),  sculpteur  français, 
né  à  Valenciennes  le  9  janv.  1798,  mort  à  Paris  le  2  août 
1880.  Elève  de  Milhommeet  de  Cartellier,  il  entra  à  l'Ecole 
des  beaux-arts  en  1816,  eut  le  prix  de  Rome  en  1821  avec 
Alexandre  chez  les  Oxy dragues  et  succéda  en  1845,  à 
l'Académie  des  beaux-arts,  à  Bosio.  Pendant  quelques 
années,  Lemaire  se  mêla  à  la  vie  politique  :  candidat  offi- 
ciel, il  fut  élu  député  en  1852  et  1857,  mais  non  réélu  en 
1863.  Ce  sculpteur  classique  et  froid  a  produit  des  œuvres 
nombreuses  et  importantes.  Au  Salon  de  1827,  il  exposait 
un  groupe  pour  l'église  Sainte-Elisabeth  :  la  Vierge,  l'En- 
fant Jésus  et  saint  Jean- Baptiste,  et  une  statue  du  Duc 
de  Bordeaux;  en  1 831 ,  Jeune  Fille  effrayée  par  une  vi- 
père; la  Tragédie,  bas-relief  pour  le  tombeau  de  W^*^  Du- 
chesnois  au  Père-Lachaise  (1837)  ;  Tête  de  Vierge  (1846)  ; 
Tête  de  Christ  (1857)  ;  en  1859,  il  exposa  les  dessins  des 
frontons  exécutés  par  lui  à  l'église  Saint-Isaac  à  Saint-Pé- 
tersbourg. En  1836,  après  un  concours,  il  avait  été  chargé 
d'exécuter  le  fronton  de  l'église  de  la  Madeleine,  qui  est 
son  œuvre  capitale.  Il  faut  citer  encore  de  lui  :  un  bas- 
relief  de  l'Arc-de-Triomphe  :  la  Mort  de  Marceau  ;  l'Es- 
pérance, sur  la  façade  de  Notre-Dame-de-Loretto  ;  Saint 
Marc,  à  la  Madeleine  ;  statue  de  Racine,  à  Plnstitut  ;  à 
Versailles,  statue  de  Hoche  sur  la  place  Hoche  ;  à  Lille, 
Napoléon  1^^  (1854),  sur  le  cours  de  la  Bourse,  et  le 
fronton  du  Palais  de  Justice.  Etienne  Bricon. 

BiBL.  :  Chapu,  Notice  sur  Lemaire,  dans  Acad.  des 
beaiix-arts,  1881.  —  Adolphe  Martin,  Notice  sur  IL  Le- 
maire; Valenciennes,  1846. 

LEMAIRE  (Joseph),  dit  Darder,  chanteur  et  composi- 
teur français,  né  vers  iS'iO,  mort  à  Paris  en  déc.  1883. 
Il  commença  par  jouer  la  comédie  dans  les  petits  théâtres 
de  la  banlieue  de  Paris,  puis  donna  des  leçons  et  publia 
quelques  romances.  Vers  la  fin  de  1847,  comme  la  situation 
politique  s'assombrissait,  il  établit  les  bases  de  sa  très  grande 
réputation  en  faisant  entendre,  dans  les  concerts  populaires 
et  dans  les  cafés-chantants,  soit  des  chansons  politiques, 
qu'il  disait  avec  une  énergie  mâle  et  un  accent  remarquable, 
soit  des  chants  rustiques  qu'il  savait  scander  et  rythmer  avec 
un  incontestable  talent.  11  est  le  premier  qui  popularisa 
ainsi  les  superbes  chants  de  Pierre  Dupont,  entre  autres  les 
Bœufs  et  les  IjOUÎs  d'or.  Un  jour  même,  au  concert  du  pas- 
sage Jouffroy,  il  mit  tant  de  grandeur  et  d'émotion  en  disant 
la  fameuse  chanson  du  Pain,  il  produisit  avec  elle,  sur 
l'auditoire,  un  effet  si  foudroyant,  que  dès  le  lendemain  la 
police  se  mit  en  devoir  de  lui  en  interdire  Texécution.  Mais 
Darcier  ne  chantait  pas  seulement  les  chansons  des  autres  ; 
il  en  composait  lui-même  de  remarquables,  soit  par  leur 
sentiment  mélodique,  soit  par  leur  énergie  vigoureuse,  et 
il  obtint  surtout  de  grands  succès  à  cette  époque  avec  deux 
chants  intitulés  le  Bataillon  de  la  Moselle  et  la  32^  De- 
mi-Brigade, qui  soulevaient  l'enthousiasme  populaire. 
Parmi  ses  autres  compositions,  il  convient  de  citer  :  les 
Gabiers,  Larmes  d'amour,  le  Preneur  du  Roi,  Après 
la  bataille,  les  Doublons  de  ma  ceinture,  Madeleine, 
le  Chemin  du  Moulin,  Toutes  les  femmes  c'est  des  trom,- 
peuses,  l'Ami  Soleil,  le  Chevalier  Printemps,  la  Mère 
Providence...  Darcier,  par  la  suite,  revint  au  théâtre.  En 
1855,  il  entra  pour  un  instant  aux  Bouffes-Parisiens,  où 
il  créa  le  Violoneux  et  Une  Nuit  blanche.  En  1857,  il 
joue  au  théâtre  Beaumarchais  les  Compagnons  du  lourde 
France,  puis,  aux  Délassements-Comiques,  les  Poètes  de 
la  treille.  En  1858,  on  le  trouve  aux  Folies-Nouvelles, 
où  il  écrivit  coup  sur  coup  la  musique  de  trois  opérettes 
dont  il  établit  les  principaux  rôles  :  les  Doublons  de  ma 
ceifiture,  le  Roi  de  la  Gaudriole  et  Pornic  le  Hibou. 
Puis  il  fait  retour  aux  cafés-concerts,  et  en  1874  fait  re- 
présenter à  l'Eldorado  une  nouvelle  opérette  intitulée  Ah  ! 
le  Divorce!  A.  P. 


LEMAIRE  (Victor-Gabriel),  diplomate  français,  né  le 
3  janv,  1839.  Entré  dans  le  service  diplomatique  en  1855, 
il  a  fait  presque  toute  sa  carrière  en  extrême  Orient.  En 
1860,  il  était  interprète  auprès  du  commandant  en  chef  de 
l'expédition  française  de  Chine.  Il  occupa  les  consulats  de 
Fou-tchéou,  Shanghaï,  Hong-kong,  Calcutta,  etc.,  et  devint 
le  1®"^  sept.  1884  résident  général  à  Hué.  Il  a  été  nommé  le 
10  juil.  1887  envoyé  extraordinaire  et  ministre  plénipoten- 
tiaire à  Pékin,  poste  qu'il  occupa  jusqu'au  3  oct.  1893. 

LEM'AIRE  (Madeleine  Colle,  dame),  peintre  français, 
née  à  Sainte-Rossoline  (Var)  vers  1845.  Nièce  de  la 
célèbre  miniaturiste  M"^«  Herbelin,  élève  de  Chaplin,  son 
premier  envoi,  Portrait  (1863),  passa  inaperçu  ;  mais,  dès 
1865,  sa  Femme  d'Alger  eut  un  succès  de  Salon.  Ce  fat 
à  cette  époque  qu'elle  se  maria,  et  signa  M.  Colle-hemaire 
ses  deux  envois  de  1866  et  1867:  As-tu  déjeuné? ^{En- 
fant jouant  avec  un  chien.  A  partir  de  1869,  elle  signa 
seulement  de  son  nom  de  dame  les  scènes  de  genre,  les 
portrahs  et  les  groupes  de  fleurs  ou  de  fruits  qui  lui  ont 
valu  une  réputation  universelle.  Les  plus  gracieuses  de  ces 
œuvres  sont:  Diane  et  son  chien  (1869);  le  Prince  Po- 
niatowski  (1870)  ;  Une  Crèche  à  Dieppe  (1874),  un  de 
ses  plus  francs  succès  ;  Corinne  (1876);  Manon  (i  877)  ; 
Ophélie;  portrait  de  M.  E.  Saintin(iSlS).  Elle  s'abstint 
ensuite  d'exposer  aux  Champs-Elysées,  mais  fit  ses  envois 
au  Salon  du  Champ  de  Mars  à  partir  de  1890  :  le  Som- 
meil  (1890);  le  Char  des  fées  y  la  Chute  des  feuilles 
(1892),  etc.  Son  illustration  en  couleurs  de  l'Abbé  Cons- 
tantin de  L.  Halévy  (1887,  in-4)  eut  un  grand  succès. 

LEMAI  RE  (Hector),  sculpteur  français,  né  à  Moulin-Lille 
(Nord)  le  1 5  août  1846.  Elève  de  Dumont  et  de  M.  Falguière, 
il  a  envoyé  aux  Salons  :  Mercure  s' apprêtant  à  tuer 
Argus  (1870);  le  Philosophe  et  l'Erudit(\8S0);  Char 
romain  ou  l'Amour  filial  (1881);  le  Matin  (1882,  au 
musée  du  Luxembourg)  ;  A  rimmortalité,  et,  pour  l'es- 
calier du  Grand-Théâtre  de  Bordeaux,  la  Musique  ({8%^); 
Bambini  (1884,  au  musée  de  Quimper)  ;  r Histoire {iSS6)  ; 
H  Primo  Amore  (1 889)  ;  le  Chevrier  et  Graziella  (1 891  )  ; 
Vénus  (1893).  H  a  aussi  peint  quelques  tableaux  :  l'An- 
tiquaire (1884).  On  voit  encore  de  lui  :  Mariage  romain^ 
bas-relief  à  la  mairie  du  XVP  arrond.  et  la  statue  de  la 
princesse  Marie  d'Orléans  sur  son  tombeau  à  Dreux. 

LEMAIRE  DE  Belges  (Jean),  historiographe  et  poète 
belge,  né  à  Bavay  en  1473,  mort  vers  1525.  H  était  le 
neveu  du  célèbre  chroniqueur  Molinet.  C'était  un  homme 
remarquablement  instruit  pour  son  temps;  il  était  à  la  fois 
littérateur  et  styliste  ;  sa  prose,  mi-latine,  mi-française, 
indique  la  transition,  et,  comme  poète,  il  est  le  précurseur 
de  Bonsard  et  de  la  Pléiade.  La  bibliographie  complète  de 
ses  œuvres  a  été  dressée  par  Stecher.  Nous  citerons  :  le 
Temple  d'honîieur  et  de  vertu  (Paris,  1504),  mélange 
de  prose  allégorique  et  de  vers  idylliques  où  il  célèbre 
les  vertus  de  Pierre  de  Bourbon  ;  la  Légende  des  Véni- 
tiens (Lyon,  1509,  in-4),  pamphlet  politique  d'un  style 
âpre  et  violent  écrit  en  l'honneur  de  Marguerite  d'Au- 
triche à  l'époque  de  la  ligue  de  Cambrai  ;  la  Concorde 
des  deux  langaiges  finançais  et  toscan,  composé  vers  1 51 0, 
après  un  voyage  en  Italie  (dans  cette  étude  de  linguistique, 
Lemaire  prêche  l'émulation  aux  poètes  de  France  et  d'Italie); 
le  Traictié  de  la  différence  des  scismes  et  des  concilies 
de  l'Eglise  et  de  la  prééminence  et  utilité  des  concilies 
de  la  saincte  Eglise  gallicane,  défense  de  l'Eglise  gal- 
licane et  de  Louis  XII  contre  Jules  II;  les  ^Regrets, 
poème  sur  la  mort  de  Philibert  de  Savoie  et  de  Philippe 
le  Beau  (Paris,  1512,  in-foL).  Son  œuvre  la  plus  impor- 
tante est  intitulée  les  Illustrations  des  Gaules  et  sin- 
gularitez  de  Troyes  (Lyon,  1510,  in-4,  très  souvent 
rééd.)  ;  Lemaire  y  accueille  les  assertions  de  Jacques  de 
Guise  et  des  Grandes  Chroniques  de  Saint-Denis  ^X  fait 
remonter  à  Priam  l'origine  des  familles  souveraines  éta- 
blies sur  les  deux  rives  du  Bhin.  Il  conclut  de  cette  origine 
commune  que  les  Européens  doivent  tous  s'allier  contre  les 
Turcs.  Les  œuvres  de  Lemaire  ont  été  réunies  dès  1549 


LEMAIRE  -  LëMAITRE 


—  1190 


(Lyon,  Jean  de  Tournes,  in-fol.);  une  édition  complète  et 
enrichie  d'un  savant  commentaire  a  été  publiée  en  4891  par 
I.  Stecher  (Collection  des  grands  écrivains  du  pays, 
publiée  par  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  4  yoI.  in-8).    E.  H. 

BiBL.  :  Ch.  FÉTis,  Jean  Lemaire  de  Belges,  t.  XXI  des 
Mém.  de  VAcad.  r.  de  Belgique,  in-8. 

LE  1VIAISTRE(V.  MAisTRE[Le]). 

LE  MAISTRE  (Antoine),  célèbre  avocat  français,  né  à 
Paris  le  2  mai  1608,  mort  à  Port-Royal  le  4  nov.  1658. 
Fils  d'Isaac  Le  Maistre,  maître  des  comptes,  et  de  Catherine 
Arnauld,  fille  d'Antoine  Arnault  (V.  ce  nom)  et  sœur 
d'Arnauld  d'Andilly,  il  fut  élevé  par  son  grand-père  An- 
toine Arnauld,  ses  parents  s'étant  brouillés  à  cause  de 
la  conversion  de  son  père  à  la  religion  réformée.  Il  plaida 
dix  ans  au  barreau  de  Paris,  de  1628  à  1638,  et  y  obtint 
le  plus  grand  succès,  rivalisant  avec  Patru.  Ses  plaidoyers, 
même  à  en  juger  d'après  l'édition  authentique  de  1657,  pu- 
bliée par  Issali,  ne  justifient  pas  tout  à  fait  aux  yeux  de 
la  postérité  cette  réputation  ;  ils  sont  bourrés  de  citations 
des  auteurs  profanes  et  surtout  des  Pères  de  l'Eglise,  mais 
la  langue  en  est  bonne.  Le  chancelier  Séguier  fit  nommer 
Le  Maistre  conseiller  d'Etat  ;  mais  bientôt  l'influence  de 
ses  tantes  Arnault  et  de  Saint-Gyran  le  décida  à  renoncer 
au  monde  ;  il  se  retirât  à  Port-Royal  et  fut  un  des  membres 
les  plus  illustres  de  cette  fameuse  congrégation  (V.  Arnault 
et  Port-Royal),  collaboraat  avec  son  frère,  Pascal,  etc. 
Ses  restes  ont  été  transportés  à  Saint- Etienne-du -Mont, 
après  la  destruction  du  couvent.  Durant  la  seconde  moitié 
de  sa  vie,  il  publia  des  ouvrages  et  des  traductions  ecclé- 
siastiques :  Vie  de  saint  Bernard  (sous  le  nom  de  Lamy  ; 
Paris,  1648,  in-4),  traductions  de  ce  père,  de  saint  Cy- 
prien  et  de  sBint  ham  Chrysostome  ;  T  Aumône  chrétienne 
(1658,  2  vol.  in-12),  etc.  A.-M.  B. 

BiBL.  :  De  Vallée,  l'Eloquence  judiciaire  au  xviip  siè- 
cle, 1856.—  Sape  Y,  Eludes  pour  servir  à  l'histoire  de  l'an- 
cienne magistrature  française^  1858.  —  Sainte-Beuve, 
Port-Royal.—  V.  aussi  l'art.  Jansénisme. 

LE  MAISTRE  (Isaac-Louis),  dit  de  Saci  (anagramme 
d'Isac),  théologien  français,  né  à  Paris  le  29  mars  1613, 
mort  le  4  janv.  1684,  frère  du  précédent.  Il  fit  de  brillantes 
études  littéraires  au  collège  de  Beauvais  avec  son  oncle, 
Antoine  Arnauld,  plus  âgé  d'un  an  seulement,  devint  le 
disciple  de  Saint-Cyran  et  assista  à  la  première  dispersion 
de  la  congrégation  de  Port-Royal.  Il  leur  resta  complète- 
ment fidèle,  mais  ce  ne  fut  que  le  25  janv.  1650  qu'il  se 
décida  à  prendre  la  prêtrise,  sur  les  instances  de  Singlin. 
Il  fut,  dès  lors,  le  principal  directeur  de  conscience  des 
pensionnaires  de  Port-Royal.  Il  prit  une  part  active  aux 
polémiques  contre  les  jésuites,  répondant  à  leur  pamphlet, 
la  Déroute  et  la  Confession  des  jansénistes  (déc.  1653), 
par  une  diatribe  en  vers  d'un  goût  médiocre,  les  Enlumi- 
nures du  fameux  almanach  des  jésuites  intitulé  la 
Déroute.,,  (i6M,  in-4).  La  persécution  de  1661  l'obligea  de 
fuir  et  de  se  cacher  à  Paris;  arrêté  le  13  mai  1661 ,  il  fut 
enfermé  à  la  Bastille  jusqu'au  31  oct.  1668  et  y  traduisit 
l'Ancien  Testament.  Après  une  dizaine  d'années  de  vie  pai- 
sible à  la  tête  des  solitaires,  il  dut  quitter  de  nouveau 
Port-Royal-des-Champs  sur  l'ordre  de  l'archevêque  de  Paris 
(1679)  et  acheva  sa  vie  dans  la  maison  de  campagne  de 
M.  de  Pomponne.  Il  fut  enterré  à  Port-Royal-des-Champs. 
Le  Maistre  de  Saci  a  publié  de  mauvaises  traductions  rimées 
du  poème  de  saint  Prosper  contre  les  ingrats  (1646),  des 
fables  de  Phèdre  (1647),  de  quelques  comédies  de  Té- 
rence  expurgées  (1647).  Ses  traductions  religieuses  eurent 
un  énorme  retentissement  :  celle  de  V Imitation  de  Jésus- 
Christ  (sous  le  nom  de  Beuil,  prieur  de  Saint-Val,  1662, 
in-8)  aurait  eu  150  éditions  ;  celle  du  Nouveau  Testament, 
dit  de  Mons  parce  que  les  premières  éditions  portèrent  cette 
indication  d'ailleurs  inexacte  puisqu'elles  furent  imprimées 
par  les  Elzevier  à  Amsterdam  (1667,  2  vol.  in-8),  fut  rédi- 
gée par  lui  avec  la  collaboration  d'Arnauld,  Ant.  Le  Maistre, 
Nicole  et  le  duc  de  Luynes  ;  elle  fut  vivement  attaquée, 
mais  non  condamnée;  celle  de  la  Saiîite  Bible  (1672  et 
suiv.,  32  vol.  in-8),  avec  commentaires  (rédigés  par  Saci 


jusqu'à  la  fin  des  Prophètes,  par  Huré  jusqu'aux  Actes 
des  Apôtres,  achevés  par  Huré  et  Beaubrun),  paraît  au- 
jourd'hui bien  faible  et  dénuée  de  critique.  Saci  ne  savait 
guère  que  le  latin  et  a  traduit  la  Vulgate  en  consuhant 
les  notes  de  Valable  ;  il  a  souvent  paraphrasé  plus  que  tra- 
duit, édulcorant  le  style  et  la  pensée  trop  rude  des  auteurs 
hébreux  et  grecs.  Cette  œuvre  n'en  a  pas  moins  été  réim- 
primée un  très  grand  nombre  de  fois  ;  on  cite  l'édition  de 
1789-1804  en  12  vol.  gr.  in-8.  Saci  a  encore  laissé  une 
traduction  des  Psaumes  avec  explication  (1696,  3  vol. 
in-12)  et  des  Lettres  chrétiennes  et  spirituelles  (1690, 
2  vol.  in-8).  A.-M.  B. 

BiBL.  :  V.  Jansénisme  et  Port-Royal. 

LE  MAÎTRE  (Augustin-François),  graveur  français,  né 
à  Paris  en  1797,  mort  à  Paris  le  24  févr.  1870.  Elève  de 
Michallon  et  de  Fortier,  il  commença  d'exposer  au  Salon  de 
1822.  Il  envoya  des  vues  de  monuments  français  et  des 
paysages  de  Claude  Lorrain.  Suivirent  nombre  de  planches, 
notamment  les  Ruines  du  théâtre  de  Taormine.  d'après 
Forbin  ;  les  Vues  de  Naples  et  de  la  Sicile,  d'après  Turpin 
de  Crissé;  la  Chapelle  des  Feuillants,  d'après  Daguerre; 
une  Revue  de  Napoléon  et  un  Bivouac^  d'après  H.  Bel- 
langé.  Il  a  gravé  ou  fait  graver  sous  sa  direction  beaucoup 
d'œuvresqui  ont  illustré  des  publications  considérables,  des 
voyages  scientifiques  en  Italie,  en  Morée,  en  Algérie,  en 
Perse,  ainsi  que  nombre  de  sujets  d'histoire  naturelle.  Il  s'est 
en  outre  ^adonné  au  commerce  des  estampes    Challamel. 

LEMAÎTRE  (Frederick-)  (V.  Frédérick-Lemaître). 

LE  M  AIT  RE  (François-Elie-Jules),  poète,  écrivain  et 
critique  français,  né  à  Vennecy  (Loiret)  le  27  avr.  1853. 
Sa  première  éducation  se  fit  à  Tavers,  près  de  Beaugency; 
il  entra  ensuite  au  petit  séminaire  de  La  Chapelle-Saint- 
Mesmin  (près  d'Orléans),  puis  termina  ses  études  au  petit 
séminaire  de  Notre-Dame-»les-Champs,  à  Paris.  Reçu  à 
l'Ecole  normale  supérieure  en  1872,  il  en  sortit  agrégé 
des  lettres  en  1875  et  fut  envoyé  au  Havre  comme  profes- 
seur de  rhétorique;  il  y  resta  cinq  ans,  puis,  en  avr.  1880, 
fut  nommé  maître  de  conférences  à  l'Ecole  supérieure  des 
lettres  d'Alger.  En  1882,  il  fut  chargé  du  cours  de  htté- 
rature  française  à  la  faculté  des  lettres  de  Besançon.  En 
1883,  il  passa  sa  thèse  de  doctorat  où  il  traitait  de  la 
Comédie  après  Molière  et  le  Théâtre  de  Dancourt; 
l'année  suivante,  il  fut  nommé  professeur  à  la  faculté  des 
lettres  de  Grenoble.  Depuis  plusieurs  années,  M.  Lemaître 
s'était  fait  connaître  par  des  essais  littéraires  parus  dans 
la  Revue  bleue  en  1878  et  1879;  un  article  sur  Gustave 
Flaubert,  qu'il  avait  étudié  pendant  son  séjour  au  Havre, 
fut  dès  lors  très  remarqué.  Les  années  suivantes,  il  publia 
deux  petits  volumes  de  vers  d'un  tour  fin  et  agréable, 
mais  sans  grand  souffle  poétique.  On  y  trouvait  cette  in- 
telligence compréhensive  et  délicate,  ce  talent  d'adaptation 
qui  devaient  se  développer  si  brillamment  dans  la  critique 
littéraire  et  la  littérature  théâtrale.  Le  premier  volume, 
les  Médaillons  :  Puellœ,  Puella,  Risus  rerum,  Lares, 
parut  en  1880  ;  le  second.  Petites  Orientales^  Une  Mé- 
prise, Au  jour  le  jour,  en  1883.  Les  articles  de  critique 
de  M.  Jules  Lemaître,  publiés  dans  la  Revue  bleue,  avaient 
de  plus  en  plus  attiré  sur  lui  l'attention  du  public  lettré 
quand  un  article  sur  Renan,  extrêmement  mordant  et  qui 
fit  un  peu  scandale,  lui  donna  la  notoriété.  En  1884, 
M.  Lemaître  quitta  l'Université  pour  se  consacrer  à  la  litté- 
rature. Il  entra  comme  critique  dramatique  au  journal  des 
Débats,  où  il  succédait  à  J.-J.  Weiss.  Ses  feuilletons,  qui 
ne  sont  pas  aussi  abondants  et  renseignés  que  ceux  de 
M.  Sarcey  (V.  ce  nom),  plaisent  au  public  par  la  finesse 
et  l'imprévu  des  réflexions  et  des  sujets  traités  :  ils  sont 
toujours  très  littéraires.  M.  Lemaître  a  publié  encore  de 
temps  à  autre  de  petits  articles  quotidiens  dans  le  Temps 
{Billets  du  matin),  puis  des  portraits  en  cinquante  lignes 
{Figurines)  :  parmi  ceux-ci,  on  a  remarqué  particulière- 
ment ceux  consacrés  à  MM.  Halévy  et  Brunetîère. 

Les  études  littéraires  de  M.  Jules  Lemaître  ont  été  réu- 
nies sous  le  titre:  les  Contemporains  (1886-89,  4  vol.); 


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LEMAITRE  --  LEMASSON 


on  peut  y  relever  particulièrement  Farticle  consacré  à 
Victor  Hugo,  qui  fit  sensation  par  sa  liberté  de  jugement; 
celui  de  George  Ohnet,  une  exécution  cruelle  qui  a  été 
pour  beaucoup  dans  la  défaveur  oii  sont  tombés  les  romans 
de  cet  auteur  ;  celui  sur  Emile  Zola,  etc.  Les  articles  de 
critique  théâtrale  ont  paru  et  continuent  à  être  rassemblés 
sous  le  titre  àlmpressions  de  théâtre  (1888-90,  5  vol.); 
ceux-ci  sont  forcément  moins  intéressants  que  les  portraits 
et  analyses  des  auteurs  modernes  ;  ils  sont  écrits  plus  site 
et  sur  des  sujets  en  général  moins  durables.  Après  ces 
essais  de  critique,  M.  Jules  Lemaître  s'est  attaqué  lui- 
même  au  théâtre.  Il  a  donné  à  TOdéon  le  8  avr.  1889  une 
comédie  en  quatre  actes  et  en  prose,  Révoltée^  étude 
psychologique  fort  originale,  reprise  en  1890  au  Vau- 
deville. Ce  théâtre  a  joué  ensuite  le  Député  Leveau^ 
satire  des  mœurs  politiques  du  jour  ;  puis  le  Théâtre- 
Français  a  joué,  en  avr.  iSdi,  Mariage  blanc.  Depuis  cette 
époque,  ont  paru  :  Flipote^  les  RoiSj  puis,  en  1895,  le 
Pardon  (joué  aux  Français),  et  l'Age  difficile.  Ces  diverses 
pièces  ont  soulevé  des  critiques  assez  vives  et  n'ont  pu 
entraîner  tout  à  fait  le  goût  du  gros  public  ;  véritable  régal 
de  délicats  par  la  finesse  des  analyses  psychologiques  et 
l'ingéniosité  des  situations,  leur  succès  n'a  pas  dépassé  le 
boulevard.  M.  Lemaître  a  publié  encore  des  contes  et  nou- 
velles qu'il  a  réunis  sous  le  titre  de  Sérénus^  histoire 
d'un  martyr  (1886),  et  Dix  Contes  (1889).  Il  a  donné  au 
Temps  un  roman,  les  Rois  (dont  il  a  tiré  une  pièce)  ;  ce 
livre  est  une  tentative  d'explication  de  la  mort  mystérieuse 
d'un  archiduc  d'Autriche. 

On  voit  combien  l'œuvre  de  M.  Jules  Lemaître  est  variée. 
On  ne  saurait  assez  admirer  la  souplesse  de  son  talent  qui 
se  prête  à  toutes  les  fantaisies  de  l'auteur  et  à  toutes  les 
formes  littéraires.  Ce  qui  séduit  chez  ce  délicat  écrivain, 
c'est  un  mélange  de  naïveté  apparente  et  de  scepticisme 
désenchanté  qui  va  jusqu'au  cynisme.  L'influence  de  Renan 
est  très  sensible  dans  ce  caractère.  La  délicatesse  des  pen- 
sées et  la  corruption  du  sentiment  se  mêlent  dans  une  pro- 
portion très  originale  ;  en  même  temps  une  certaine  allure 
de  gaminerie  intellectuelle  donne  un  ragoût  particulier  au 
bon  sens  réel  et  fondamental  de  ses  jugements.  Le  critique 
est  supérieur  chez  lui  à  l'auteur  :  l'intelligence  et  le  goût 
ont  beaucoup  réduit  la  part  de  l'imagination.      Ph.  B. 

LEMAÎTRE-DuMESNiL  (V.  Dumesnil). 

LÉMAN  (Lac).  Le  lac  Léman  ou  de  Genève  s'étend  en 
forme  de  croissant  à  l'E.  delà  France,  au  S.-O.  delà  Suisse, 
dans  la  direction  de  l'E.  à  l'O.,  et  est  entouré  à  l'E.,  au 
N.  et  à  l'O.  des  cantons  du  Valais,  de  Vaud  et  de  Genève  ; 
au  S.,  de  ce  dernier  canton  et  de  la  Savoie;  il  baigne  le 
pied  des  Alpes  et  du  Jorat,  et  sa  pointe  occidentale  approche 
très  près  du  Jura.  Sa  longueur  est  de  90  kil.,  sa  plus 
grande  largeur  de  15  kil.  et  sa  superficie  de  578  kil.  q. 
C'est  le  plus  grand  des  lacs  alpestres.  Sa  profondeur,  qui 
a  fait  l'objet  d'études  exactes  et  d'un  grand  nombre  de 
mesures,  varie  beaucoup;  la  partie  la  plus  profonde, 
300  m.,  se  trouve  entre  Vevey  et  Meillerie,  tandis  que  le 
bout  du  lac,  du  côté  de  Genève,  n'a  que  75  m.  Les  rives  du 
Léman  présentent  les  contrastes  les  plus  surprenants  et  sont 
d'une  grande  beauté  :  sur  la  rive  septentrionale,  au  bord 
de  l'eau,  de  nombreuses  villes  et  plusieurs  villages  ;  un  peu 
plus  haut,  le  vignoble  du  cant.  de  Vaud  s'élevant  vers  les 
collines  et  d'innombrables  domaines  ou  campagnes  entourés 
d'arbres;  puis,  comme  bordure  de  l'horizon,  le  Jorat  et  les 
montagnes  fribourgeoises  ;  à  l'E.  les  basses  Alpes  du  cant.  de 
Vaud  et  les  Alpes  du  Valais;  à  l'O.,  Genève,  le  Salève  et 
le  mont  Blanc;  au  S.,  la  côte  savoisienne  sévère  et  soli- 
taire, derrière  laquelle  s'élèvent  des  pics  neigeux  aux 
pentes  abruptes  et  rocailleuses  qui  se  reflètent  dans  le  lac. 
Quoique  le  Léman  soit  entouré  d'une  ceinture  de  voies 
ferrées,  la  navigation  y  a  pris  une  grande  extension  ;  de 
nombreux  bateaux  à  vapeur  le  sillonnent  dans  toutes  les 
directions,  desservant  les  localités  savoisiennes  et  celles  de 
la  rive  suisse,  et  des  barques  font  le  cabotage  entre  les 
deux  rives  pour  approvisionner  les  marchés  ou  pour  le 


transport  des  pierres  que  les  carrières  de  la  rive  méridio- 
nale fournissent  en  grande  quantité.  La  navigation  n'^st 
pas  tout  à  fait  sans  danger  sur  ce  grand  lac  ;  outre  les 
vents  qui,  comme  le  vaudaire  et  le  bornand,  soufflent 
avec  une  grande  violence  et  forment  des  vagues  respec- 
tables, il  3;  a  le  lardeyre,  phénomène  non  encore  suflisam- 
ment  expliqué,  espèce  de  courant  qui,  surtout  au  prin- 
temps et  en  automne,  résiste  souvent  à  la  rame.  Le  Lé- 
man présente  aussi  un  phénomène  semblable  aux  marées, 
des  crues  subites  qui  disparaissent  aussi  rapidement  qu'elles 
sont  survenues  ;  ce  sont  les  seiches  ;  le  flux  atteint  quel- 
quefois 1  m.  et  demi.  On  attribue  ce  phénomène  à  la  pres- 
sion inégale  des  colonnes  atmosphériques.  En  outre,  les 
mirages  et  la  fata  morgana  sont  fréquents  sur  le  Léman. 
On  trouve  dans  le  lac  une  vingtaine  d'espèces  de  poissons. 
Le  Léman  a  fait  l'objet  d'études  géologiques  spéciales  et 
de  topographie  sous-marine  très  détaillées  de  la  part  de 
M.Forel,  professeurà  Lausanne.  Le  nom  de  lac  de  Genève 
est  souvent  donné  à  la  partie  la  plus  resserrée  du  Léman, 
entre  Genève  et  Nyon,  qu'on  nomme  aussi  le  Petit  Lac. 

LÉMAN  (Département  du).  Ce  département,  avec  Genève 
pour  chef-lieu,  fut  formé  en  -1801,  après  le  traité  de  Lu- 
néville,  du  territoire  de  la  république  de  Genève  et  d'un 
certain  nombre  de  communes  détachées  de  la  Savoie  et 
des  dép.  de  l'Ain  et  du  Jura.  Il  fut  supprimé  par  les  trai- 
tés de  1815. 

LEMAN  (Jacques-Edmond),  peintre  français,  né  à  L'Aigle 
(Orne)  le  15  sept.  1829,  mort  en  1884.  Elève  de  Picot, 
cet  artiste  débuta  au  Salon  de  1852  par  les  Loisirs  de 
Virgile  (musée  d'Alençon),  composition  fine  et  ingénieuse 
qui  annonçait  du  talent.  Il  peignit  ensuite  avec  le  même 
succès:  Mort  de  Vittoria  Colonna  (1853,  musée  de 
Rouen);  Duel  de  Guise  et  de Coligny  (1855) ;  le  Repos 
de  la  Vierge  (musée  de  Chaumont)  ;  Une  Matinée  à 
Vhôlel  de  Rambouillet  (1857);  le  Jeu  de  Louis  XIV 
chez  M^^  de  Montespan  (1861);  Louis  XIV  recevant 
les  ambassadeurs  siamois;  le  Petit  Lever  du  roi  (musée 
d'Arras);  Agnès  et  Arnolphe  (1875,  musée  de  Nantes)  ; 
la  Joie  de  la  France  en  Î6S8  (naissance  de  Louis  XIV), 
tableau  dont  une  aquarelle  a  figuré  à  l'Exposition  univer- 
selle de  1878.  A  partir  de  cette  époque,  Léman  a  exécuté 
ses  compositions  presque  uniquement  à  l'aquarelle  ;  on  cite 
comme  les  meilleures  de  cette  seconde  manière  :  le  Doge 
de  Gênes  chez  la  duchesse  de  Bourbon  et  le  Peuple  au 
Palais  Royal  en  i65I  (1879);  la  Prise  de  possession 
de  Cahors  par  les  Anglais  (1880).  Léman  a  peint  aussi 
un  assez  grand  nombre  de  portraits  ;  les  principaux  sont 
ceux  du  statuaire  Cordier  (1853)  et  de  Daniel  Ramée. 
Enfin  on  lui  doit  encore  une  vaste  composition.  Charte- 
magne  dictant  ses  capitiilaires  (au  tribunal  de  Bayeux). 

LE  MARCHANT  (V.  Marchant  [Le]). 

LE  MARDIS  (Comtes)  (V.  Marois  [LeJ). 

LE  MAS-d'Agenais.  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  de  Lot-et- 
Garonne,  arr.  de  Marmande;  1,958  hab.  Préparation  de 
paille  pour  chaises  et  chalumeaux. 

LE  MASCRIER  (V.  Mâscrier  [Le]). 

LE  MASSON  (V.  Masson  [Le]). 

LEMASSON  (François),  sculpteur  français,  né  à  La 
Vieille-Lyre  (Eure)  en  1745,  mort  en  1807.  Cet  artiste, 
que  quelques  chroniqueurs  appellent  à  tort  Masson^  eut 
pour  premier  maître  Cousin,  de  Pont-Audemer.  Il  partit 
ensuite  pour  Paris  et  entra  dans  l'atelier  de  Coustou  ;  ses 
rapides  progrès  le  désignèrent  à  l'attention  de  l'évêque  de 
Noyon  qui  le  chargea  de  divers  travaux,  et  l'envoya  en 
Italie.  A  son  retour,  il  fut  appelé  à  Metz  par  le  général  de 
Broglie  pour  orner  son  palais  d'un  bas-relief  de  dimensions 
colossales  et  de  trophées.  La  Révolution  ne  nuisit  pas  à 
l'artiste  qui  fit  les  bustes  des  principaux  constituants  avec 
le  plus  grand  succès.  Mais  Lemasson  avait  le  génie  de  plus 
hautes  conceptions,  comme  il  le  prouva  en  H 92  par  ses 
deux  groupes  :  Hector  attaché  au  char  d'Achille  et  le 
Dévouement  à  la  Patrie^  allégorie  ;  ces  morceaux  sont 
de  premier  ordre.  Le  Conseil  des  Anciens  (1797)  l'appela 


LEMASSON  —  REMERCIER 


—  4192 


à  la  direction  de  tous  les  travaux  décoratifs  des  palais  na- 
tionaux ;  le  monument  de  J.-/.  Rousseau,  les  statues  de 
Périclès  pour  le  Sénat  et  de  Cicéron  pour  le  Corps  légis- 
latif, sortirent  tour  à  tour  de  son  puissant  ciseau.  L'Em- 
pire lui  continua  les' commandes  officielles,  comme  on  peut 
le  voir  dans  les  anciennes  collections  de  Versailles,  où  ses 
busles  et  ses  statues,  d'une  exécution  toujours  très  soignée, 
donnent  l'idée  d'un  talent  tour  à  tour  mâle  et  gracieux  et 
toujours  naturel.  Le  musée  de  Rouen  contient  aussi  des 
œuvres  de  Lemasson.  Ad.  Tiiiers. 

LEMATTE  (Fernand-Jacques-François),  peintre  français, 
né  à  Saint-Quentin  (Aisne)  le  26  juil.  i850.  Elève  de 
Cabanel,  son  talent  se  développa  rapidement;  en  1870, 
il  enlevait  brillamment  le  grand  prix  de  Rome,  et  la  même 
année,  ses  débuts  au  Salon,  les  Joueuses  d'osselets^  révé- 
laient un  talent  fin  et  gracieux,  aux  colorations  sobres  et 
harmonieuses.  Parmi  les  œuvres  qu'il  a  peintes  ensuite,  on 
peut  citer  comme  les  plus  remarquables:  Dryade  (1872, 
musée  de  Nantes)  ;  l  Enfant  et  V Epine  (4873)  ;  V En- 
lèvement de  Déjanire  (1874),  et  surtout  Oreste  tour- 
menté par  les  Furies  (1876),  composition  dramatique  où 
la  terreur  de  l'exécuteur  des  arrêts  inéluctables  du  Destin 
est  rendue  avec  une  grande  puissance  d'expression.  Après 
une  belle  Nymphe  surprise  par  un  faune  (4878),  il 
peignit  (1879)  pour  la  mairie  du  Xill®  arrondissement  la 
Famille^  vaste  ensemble  décoratif,  où  divers  groupes  tran- 
quilles et  doux  montrent  les  phases  d'une  vie  heureuse  aux 
champs;  il  exécuta  (1884)  de  grands  tableaux  pour  l'hôtel 
de  ville  de  Reims  :  Destruction  du  château  de  l'arche- 
vêque de  Reims  en  i595,  et  Pierre  de  Reims  de  retour 
de  la  bataille  de  Bouvines  ;  en  1893,  la  Cérémonie  de 
rinstitution  de  V université  de  Montpellier^  en  i289, 
par  Nicolas  IV,  Il  est  aussi  l'auteur  d'un  certain  nombre 
de  portraits  dont  le  plus  vivant  est  celui  de  i\P^  Rachel 
Boyer  de  la  Comédie-Française  (1892).       Ad,  Thiers. 

LEMAZURIER  (Pierre-David),  littérateur  français,  né 
à  Gisors  le  30  mars  1775,  mort  à  Versailles  le  7  août 
1836.  Secrétaire  du  comité  d'administration  de  la  Comédie- 
Française  (1808).  Citons  de  lui  :  Galerie  historique  des 
acteurs  du  Théâtre- Français  depuis  i600  (Paris,  1810, 
2  vol.  in-8);  V Opinion  du  Parterre  (1803-13,  10  vol. 
in-8). 

LEMBACH  (Lonunbuacharo  marca,  786).  Com.de  la 
Basse-Alsace,  arr.  et  cant.  de  Wissembourg,  surla  Sauer; 
1,438  hab.  Fabrication  de  sabots,  tannerie,  tuileries,  car- 
rières, antiquités  romaines,  ruines  d'un  temple  de  Mercure. 
Fief  des  comtes  de  Fleckenstein,  Lembach  appartenait  avant 
la  Révolution  aux  seigneurs  de  Witzthum  qui  y  avaient  un 
château. 

LEMBCKE  (Kristian-Ludvig-Edvard),  écrivain  et  péda- 
gogue danois,  né  à  Copenhague  en  1815.  Après  ses  études 
de  théologie,  il  fut  nommé  d'abord  adjoint  à  Vordingborg, 
puis  correcteur  à  l'école  secondaire  d'Haderslev.  En  1 864, 
après  l'invasion  prussienne,  il  vint  s'établir  à  Copenhague 
où  il  fonda  avec  ses  anciens  collègues  une  école  analogue 
à  celle  qu'il  dirigeait  à  Haderslev.  Il  a  publié  un  volume  de 
poésies  et  chants  (Digte  og  sange,  1870),  où  se  trouve  le 
petit  poème  très  populaire  en  Danemark,  intitulé  Notre 
Langue  maternelle  (Vort  Modersmaal).  C'est  cependant 
surtout  par  ses  remarquables  traductions  qu'il  s'est  fait 
connaître:  Œuvres  dramatiques  de  Shakespeare {iSQi- 
70  ;  2«  éd.,  1877-79);  OEuvres  choisies  de  lord  Byron 
(1873-76,  2  vol.)  ;  OEuvres  choisies  d'Horace,  de  Moore, 
de  Swinburne,  de  Tegnér,  etc.  Th.  C. 

LEMBERG  {Villa  Leymherg,  1312).  Com.  de  la  Lor- 
raine allemande,  arr.  de  Sarreguemines,  cant.  de  Bitche, 
sur  le  chem.  de  fer  de  Haguenau  à  Sarreguemines; 
1,641  hab.  Antiquités  celtiques  et  romaines.  A  l'^i^5  au 
N.-O.  du  village,  ruines  à'Alt-Bitsch,  château  féodal  dé- 
truit au  xiv^  siècle.  A  proximité,  cristallerie  de  Saint-Louis 
et  verreries  de  GœtzenbrUck  et  de  Meisenthal. 

LEWIBERG.  Capitale  de  la  Galicie  (V.  Lwow). 

LEMBEYE  {Invidia).  Ch.-l.  de  cant.  du  dép.  des  Basses- 


Pyrénées,  arr.  de  Pau,  sur  un  plateau  fort  élevé,  longé  par 
le  ruisseau  Léez  et  traversé  par  le  petit  Lécz;  1,126  hab. 
Lembeye,  ancienne  capitale  du  Vic-Bilh,  était  un  archi- 
prêtré  du  diocèse  de  Lescar.  il  y  avait  à  Lembeye  un  cou- 
vent de  récollets  et  un  hôpital  dépendant  de  l'abbaye  espa- 
gnole de  Sainte-Christine.  Au  commencement  du  xvii®  siècle 
la  ville  dut  être  en  partie  détruite  par  un  incendie,  car, 
le  3  sept.  1611,  le  roi  confirma  par  lettres  patentes  aux 
habitants  les  privilèges  dont  les  titres  avaient  été  brûlés. 
Monuments  .  —  Eglise  gothique  du  xv^  siècle  (mon. 
hist.).  Tour  carrée  d'une  assez  grande  élévation,  construite 
en  brique,  sous  laquelle  se  trouve  un  passage  voûté  en 
pierre  de  taille.  Elle  paraît  avoir  fait  partie,  comme  ou- 
vrage avancé,  d'un  système  de  fortifications  dont  on  voit 
encore  quelques  traces.  Henri  Courteault. 

BiBL.:  P.  Raymond,  Dictionnaire  topographique  des 
Basses-Pyrénées  ;  Paris,  1863,  in-4.  —  Picamilh,  Statis- 
tique des  Basses-Pyrénées;  l^au,  1858,  2  vol.  in-8.  —  Le 
Cœur,  Promenades  archéologiques  en  Béarn  ;  Pau,  1873, 
iii-8.  —  Badé,  Notice  archéologique  sur  l'église  de  Lem- 
beye^ dans  Bulletin  de  la  Soc.  des  sciences,  lettres  et  arts 
de  Pau;  Pau,  année  1841,  pp.  40-47,  in-8. 

LEMBRAS.  Com.  du  dép.  de  la  Dordogne,  arr.  et  cant. 
de  Bergerac;  523  hab. 

LEWIÉ.  Com.  du  dép.  de  l'Aisne,  arr.  de  Vervins,  cant. 
de  Sains  ;  1,160  hab.  Tissage  de  laine-mérinos. 

LÈME.  Com.  du  dép.  des  Basses-Pyrénées,  arr.  de 
Pau,  cant.  de  Thèze  ;  304  hab. 

LE  MEINGREde  Boucicaut  (V.  Boucicaut). 

LEIViEIX.  Com.  du  dép.  de  la  Côte-d'Or,  arr.  de  Dijon, 
cant.  de  Grancey-le-Chàteau  ;  111  hab. 

LENlÉNIL-MiTRY.  Com.  du  dép.  de  Meurthe-et-Moselle, 
arr.  de  Nancy,  cant.  d'iïaroué  ;  45  hab. 

LEMÉNIL  (Louis-Marie-Emile),  architecte  français,  né 
à  Paris  en  1832.  Elève  de  l'atelier  Lebas  et  de  l'Ecole  des 
beaux-arts,  puis  de  l'Académie  impériale  des  beaux-arts  de 
Saint-Pétersbourg,  M.  Leménil  dirigea  la  construction  de 
fort  importants  travaux  à  Paris  comme  maisons  à  loyer 
dans  le  quartier  neuf  du  faubourg  Saint-Denis,  où  il  fit 
élever  le  théâtre  des  Bouffes-du-Nord.  On  lui  doit  aussi 
plusieurs  hôtels  parmi  lesquels  celui  du  Crédit  industriel 
et  des  châteaux  et  villas  dans  les  départements. 

LEWIER  (Julien),  littérateur  français,  né  à  Rochefortle 
17  juin  1815,  mort  à  Paris  le  8  août  1893.  Employé  au 
ministère  de  la  marine  de  1841  à  1844,  après  avoir  débuté 
comme  clerc  de  notaire,  il  se  consacra  tout  à  fait  au  jour- 
nalisme et  collabora  à  un  grand  nombre  de  journaux  de 
modes,  puis  au  Courrier  français,  à  la  Liberté,  etc. 
Finalement,  il  se  fit  libraire.  On  a  de  lui  un  très  grand 
nombre  d'ouvrages.  Citons  :  la  Vallée  de  Montmorency 
(1847,  in-8);  les  Poètes  de  l'amour  (1850,  in-32)  ; 
Lettres  d'amour  (1852,  in-32);  les  Tuileries  (1855, 
in-32)  ;  le  Charnier  des  innocents  (1860,  in-12)  ;  Paris 
au  gaz  (1861,  in-12);  Balzac,  sa  vie,  son  œuvre  (1891, 
in-12).  Il  a  usé  de  plusieurs  pseudonymes:  J.  Raymond, 
Bachaumont,  Raymond  de  Lerme  et  Jean  Lux  et  a  donné 
sous  ce  dernier:  Dossier  des  jésuites  (1876,  in-12);  le 
Crime  du  i8  i9^rs  (1871,  in-12);  V  Homme  qui  tue  sa 
femme  (1883,  in-12);  Sarah,  la  mangeuse  de  cœurs 
(1886,  3  vol.  in-4).  Il  était  parent  d'Adolphe  Blanqui. 

LEMERCIER  (Les).  Famille  d'architectes  français  des 
xvi^  et  XVII®  siècles.  —  Pierre  Lemercier,  qui  habitait  Pon- 
toise  où  probablement  il  naquit  vers  la  fin  du  xv®  siècle, 
aurait  été  le  premier'*architecte  de  l'église  Saint-Kustache 
à  Paris  dont  les  travaux  furent  commencés  en  1532,  et  il 
aurait  poursuivi  jusqu'en  1550  la  construction  de  cette 
église  dont  on  lui  devrait  le  transept  et  les  quatre  pre- 
mières travées  de  la  nef.  Pierre  Lemercier  aurait,  concur- 
remment à  ces  travaux,  fait  construire  la  grande  nef  et  les 
collatéraux  de  l'église  Saint-Maclou,  à  Pontoise.  —  Nico- 
las Lemercier,  fils  du  précédent,  succéda  à  son  père,  tant 
dans  ses  travaux  de  l'église  Saint-Maclou,  à  Pontoise, 
dont  les  portails  pourraient  lui  être  attribués,  que  pour 
rédise  Saint-Eustache  dont  il  aurait  continué  la  nef  et  les 


—  1493 


LEMEHWER 


chapelles  et  où  il  eut  pour  successeur  Charles  David,  son 
gendre.  —  Jacques  Lemercier,  fils  et  petit-fils  des  précé- 
dents, naquit  vers  4585  à  Pontoise  et  compléta  ses  études 
d'architecture  à  Rome  où  il  se  rendit  en  1607  et  où  il 
aurait  donné  les  plans  et  commencé  les  travaux  de  l'église 
Saint-Louis-des-Français,  en  même  temps  qu'il  mesurait 
les  édifices  anciens  de  cette  ville.  En  1618,  Jacques  Le- 
mercier était  architecte  du  roi  et  fut  envoyé  à  Rouen  en 
1624  avec  Salomon  de  Caus  (V.  ce  nom)  pour  étudier  la 
reconstruction  du  pont  de  cette  ville.  C'est  en  1624  que 
Lemercier  devint  architecte  des  travaux  du  Louvre  où  il  fit 
élever,  en  pendant  de  la  demi-partie  occidentale  de  la  cour 
du  Louvre  due  à  Pierre  Lescot  et  en  en  respectant  les 
lignes  d'architecture  et  l'ornementation  sculpturale,  le  pa- 
villon de  l'Horloge,  la  demi-partie  occidentale  à  la  suite  et 
la  moitié  de  la  partie  septentrionale  en  retour. 

On  doit  en  outre  à  Lemercier  le  château  de  Silly  (Seine- 
et-Oise)  pour  René  d'Effiat,  et,  lorsqu'il  fut  devenu  l'archi- 
tecte du  cardinal  de  Richelieu,  le  château  de  Richelieu  en 
Poitou,  et  à  Paris  les  anciens  bâtiments  aujourd'hui  dé- 
molis du  Palais-Cardinal  devenu  le  Palais- Royal,  après  la 
donation  qui  en  fut  faite  au  roi  et  dont  il  ne  reste  que  la 
galerie  des  Proues  ;  le  collège  récemment  démoli  et  l'église 
de  la  Sorbonne,  son  œuvre  la  plus  personnelle  ;  la  conti- 
nuation, dans  presque  toute  la  hauteur  du  grand  ordre,  de 
l'église  du  Val-de-Grâce,  commencée  par  François  Man- 
sart  (V.  ce  nom);  les  plans  de  l'église  Saint-Roch  et  les 
plans  de  l'éghse  de  l'Oratoire  dont  il  ne  put  achever  que 
les  chœurs;  les  hôtels  de  La  Rochefoucauld,  de  Liancourt 
et  de  Longueville  (ces  deux  derniers,  ainsi  que  le  château 
de  Richelieu,  gravés  par  Marot),  etc.  Jacques  Lemercier  a 
publié  :  le  Magnifique  Chasteau  de  Richelieu^  en  géné- 
ral et  en  particulier^  etc.,  commencé  et  achevé  par 
A.  du  Plessis,  cardinal  de  Richelieu,  sous  la  conduite  de 
J.  Lemercier,  architecte  du  roy.  Charles  Lucas. 

LEMERCIER  (Louis-Nicolas,  comte),  homme  poUtique 
français,  né  à  Saintes  le  23  déc.  1755,  mort  à  Paris  le 
11  janv.  1849.  Lieutenant  général  criminel  au  présidial  de 
sa  ville  natale,  il  fut  envoyé  comme  député  du  tiers  aux 
Etats  généraux  (1789),  siégea  sans  éclat  à  l'Assemblée 
constituante,  devint  en  1792  président  du  tribunal  crimi- 
nel de  la  Charente-Inférieure  et  alla,  six  ans  plus  tard, 
représenter  ce  département  au  Conseil  des  Anciens,  qu'il 
présidait  dans  les  journées  des  18  et  19  brumaire.  Complice 
du  coup  d'Etat  de  Ronaparte,  il  fut,  peu  après  (24  déc. 
1799),  admis  au  Sénat,  en  devint  président  en  1802,  fut, 
sous  l'Empire,  doté  de  la  sénatorerie  d'Angers  (1804)  et 
nommé  comte  (1808),  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  se  rallier 
avec  empressement  aux  Rourbons  en  1814.  Louis  XVIIl 
le  fit  entrer  à  la  Chambre  des  pairs.  Napoléon  Pen  écarta 
pendant  les  Cent-Jours.  Mais  il  y  reprit  sa  place  après 
la  seconde  Restauration  et  y  prononça  d'importants  dis- 
cours sur  la  liberté  de  la  presse,  la  contrainte  par  corps, 
le  serment  des  fonctionnaires.  11  y  resta  après  la  révolu- 
tion de  1830,  qui  lui  fournit  l'occasion  d'une  nouvelle 
palinodie.  A.  Debidour. 

LEMERCIER  (Jules-César-Suzanne,  baron  d'EcQUE- 
villy),  général  français,  né  à  Faverney,  près  de  Vesoul, 
en  1765,  mort  à  Montpellier  le  1^^  nov.  1828.  Lieutenant 
avant  la  Révolution,  il  émigra  en  1791,  servit  longtemps 
dans  l'armée  de  Condé,  rentra  en  France  en  1805,  fut 
nommé  capitaine  par  Napoléon,  fit  avec  distinction  la  cam- 
pagne de  Portugal  (1810-11),  se  déclara  pour  la  Restau- 
ration en  1814  et  parvint  en  1822  au  grade  de  maréchal 
de  camp.  A.  Debidour. 

LEMERCIER  (Louis- Jean -Népomucène),  écrivain  fran- 
çais, né  à  Paris  le  21  avr.  1771 ,  mort  le  7  juin  1840.  Fils 
du  secrétaire  des  commandements  de  M^®  de  Lam balle,  il 
eut  une  jeunesse  souffreteuse  et  de  très  bonne  heure  mani- 
festa un  goût  fort  vif  pour  le  théâtre.  Il  débutait  à  quinze 
ans  sur  la  scène  avec  une  tragédie,  Méléagre^  qui  n'eut 
que  deux  représentations.  Il  se  perfectionna  rapidement  : 
le  Tartufe  révolutionnaire  (1795)^^C0médie  mordante, 


eut  un  grand  succès;  Agamemnon  (1 797)  fut  un  triomphe. 
Malgré  des  débuts  si  brillants,  le  reste  de  sa  carrière  dra- 
matique fut  malheureux,  et  souvent  ses  pièces  furent 
accueillies  par  des  sifflets  immérités.  Citons  les  meilleures  : 
la  comédie  historique  de  Pinto  ou  la  Journée  d'un  cons- 
pirateur (1800,  in-8)  ;  celle  de  Plaute  ou  la  Comédie 
latine  (1808,  in-8);  les  tragédies  du  Lévite  d'Ephraïm 
(1796);  de  Charlemagne  (1816,  in-8);  d'Isuleet  Oro- 
vèse  (1803,  in-8);  de  Clovis  (1820,  in-8);  de  la  Dé- 
mence de  Charles  VI  (1820,  in-8),  qui,  imprimée  en 
1814,  fut  arrêtée  par  décision  du  gouvernement  au  mo- 
ment où  elle  allait  être  représentée  au  second  Théâtre- 
Français  le  25  sept.  1820;  Frédégonde  et  Brunehaut 
(1821,  in-8)  ;  Rickard  III  et  Jeanne  Shore  (1824,  in-8). 
Lemercier  a  abordé  avec  talent  les  genres  les  plus  divers. 
Son  poème  des  Quatre  Métamorphoses  (1799,  in-4)  est 
fort  agréablement  rimé,  quoique  un  peu  libre.  11  essaya  de 
trouver  des  sujets  et  des  cadres  nouveaux,  mais  il  n'y  - 
réussit  guère.  Homère^  Alexandre  (1801,  in-8);  les 
Ages  français  (1803,  in-8);  VAtlantiade  (1812,  in-8)  ; 
la  Panhypocrisiade  (1819-32,  2  vol.  in-8)  valent  à 
peine  d'être  mentionnés,  bien  qu'on  y  trouve  perdues  dans 
un  étrange  fatras  de  très  belles  pages.  Dans  la  critique,  il 
réussit  mieux.  Il  réunit  en  volumes  le  Cours  analytique 
de  littérature  générale  (1817,  4  vol.  in-8)  qu'il  pro- 
fessa de  1811  à  1814  à  l'Athénée  avec  des  allures  dog- 
matiques. Lemercier  était  entré  à  l'Académie  française  en 
1810.  Dès  le  Consulat,  il  avait  été  en  rapports  très  intimes 
avec  Napoléon.  Mais  son  caractère  indépendant  et  entier  ne 
pouvait  longtemps  s'accorder  avec  celui  de  l'empereur 
auquel  il  finit  par  refuser  le  brevet  de  la  Légion  d'honneur. 
Il  mourut  presque  ignoré  de  ses  contemporains.  Ses  œuvres 
n'ont  pas  été  réunies.  R.  S. 

BiBL. :  Ch.  P.,  la  Vérité  sur  Lemercier;  Paris,  1827, 
in-8.  —  DuFEY,  Lemercier  et  Lemierre;  Paris,  1840,  in-8. 
—  Vieillard,  Notice  sur  Lemercier;  Paris,  1842,  in-8.  — 
PoNGERviLLE,  Biographie  de  Lemercier;  Marseille,  1859, 
in-8.—  Legouvé,  Souvenirs. 

LEMERCIER  (Augustin-Louis,  comte),  homme  poli- 
tique français,  né  à  Saintes  le  22févr.l787,  mort  à  Paris 
le  4  mai  1864,  fils  de  Louis-Nicolas  (V.  ci-dessus).  Elève 
de  l'Ecole  militaire  de  Fontainebleau,  il  fit,  dans  les  chas- 
seurs de  la  garde,  les  campagnes  de  1809  à  1814.  Le 
17  nov.  1827,  il  fut  élu  député  de  l'Orne,  fit  partie  de 
l'opposition  et,  réélu  en  1830,  signa  l'adresse  de  221 .  Fort 
dévoué  au  gouvernement  de  Juillet,  il  fut  constamment 
réélu  de  1834  à  1842  et  entra  à  la  Chambre  des  pairs  le 
9  juil.  1845.  Il  s'attacha  ensuite  à  Louis-Napoléon  qui  le 
nomma  membre  de  la  commission  consultative  de  1851  et 
l'appela  au  Sénat  le  26  janv.  1852. 

LEMERCIER  (Jean-Baptiste- Nicolas,  baron),  homme 
politique  français,  né  à  Saintes  le  10  janv.  1789,  mort  à 
Saintes  le  14  oct.  1854,  frère  du  précédent.  Il  servit  dans 
la  marine,  puis  passa  dans  l'armée  de  terre.  Lieutenant  de 
dragons,  il  fit  les  campagnes  de  1809  à  1814  et  fut  mis 
à  la  retraite  avec  le  grade  de  colonel.  Maire  de  Saintes,  il 
fut  élu  député  de  la  Charente  le  9  juil.  1842,  échoua  en 
1846  et  reparut  à  la  Législative  (1849).  Bonapartiste,  il 
fut  élu  député  au  Corps  législatif  en  1852  avec  l'appui  du 
gouvernement.  Il  avait  épousé  Catherine-Victoire-Sophie 
Jourdan,  fille  du  maréchal. 

LEMERCIER  (Rose-Joseph),  imprimeur-lithographe 
français,  né  à  Paris  le  6  juil.  1803,  mort  à  Paris  le 
22  janv.  1887, 11  fonda,  avec  Bénard,  en  1837,  une  impri- 
merie lithographique,  dont  l'importance  ne  fit  que  gran- 
dir, et  qui,  à  une  époque,  était  chargée  d'exécuter  les 
plus  beaux  travaux  pour  des  pays  étrangers.  Il  eut  pour 
associé,  depuis  1862,  son  neveu,  Alfred  Lemercier  (né 
le  29  juil.  1831),  artiste  peintre  et  lithographe,  élève  de 
Jean  Gigoux.  G.  P-i. 

LEMERCIER  (Jean-Louis-Anatole,  comte),  homme  po- 
litique français,  né  au  Coudrey  (Seine-et-Oise)  le  25  juin 
1820.  Après  quelc[ues  années  passées  dans  la  diplomatie, 
il  fut,  à  deux  reprises  (1852,  1857),  avec  l'appui  du  gou- 


LEMERGIÉR  -  LEMIRE 


—  il94  — 


vernement,  envoyé  par  la  quatrième  circonscription  de  la 
Charente-Inférieure  au  Corps  législatif,  où  il  soutint  doci- 
lement l'Empire  jusqu'à  l'époque  de  la  guerre  d'Italie 
(1859).  A  dater  de  ce  moment,  il  fit  une  opposition  moti- 
vée par  la  politique  nouvelle  de  Napoléon  III  à  l'égard  du 
saint-siège.  Aussi  l'administration  fit-elle  échouer  sa  can- 
didature aux  élections  de  4863.  Depuis,  tout  en  s'occupant 
d 'affaires  industrielles,  il  fut  plusieurs  fois  candidat  à  l'As- 
semblée nationale  (4874),  au  Sénat,  à  la  Chambre  des 
députés  où  il  rentra  en  4889  et  fut  réélu  en  1893  comme 
député  de  Saintes.  A.  Debidour. 

LEMERCIER  DE  Longpré  (V.  Haussez  [Baron  de]). 

LEMERCIER  de  Neuville  (Louis),  littérateur  français, 
né  à  Laval  le  2  juil.  4830.  Il  fonda  un  grand  nombre  de 
petites  feuilles  satiriques  qui  n'eurent  qu'une  durée  éphé- 
mère, entre  autres  :  la  Muselière^  la  Causerie^  les  Nou- 
velles de  Paris,  collabora  au  Figaro,  au  Nain  jaune,  à 
la  Vie  Parisienne,  etc.,  et  écrivit  de  nombreux  ouvrages 
humoristiques.  Il  est  surtout  connu  par  sa  création  du 
théâtre  des  Pupazzi  où  il  représenta  des  satires  assez  vives 
des  mœurs  contemporaines.  Citons  de  lui:  les  Courtisanes 
célèbres  (Paris,  4864,  in-42);  Mémoires  de  Crocketi, 
suivis  de  sa  recette  pour  dompter  les  lions  (4863, 
in-16)  ;  la  Mort  de  César  (4862,  in-8),  comédie  ;  Pas- 
tiches critiques  des  poètes  contemporains  (4856,  in-42); 
Physiologie  du  coiffeur  (4862,  in-42);  les  Tourniquets 
(4862,  in-42),  revue;  Théâtre  des  Pupazzi  (4866-74, 
4  vol.);  Nouveau  Théâtre  des  Pupazzi  (4882,  in-12); 
Comédies  de  château  (4880,  in-42);  Contes  abracada- 
brants (4882,  in-42);  les  Coulisses  de  V amour  (4885, 
in-42);  les  Trente-six  Métiers  de  Becdanlo  (4885, 
in-4)  ;  Arrivé  par  les  femmes  (1886,  in-12);  le  Pâté, 
comédie  (1887,  in-42);  Tout  Paris,  revue  (4887,  in-t2); 
Medard  Robinot,  casquetier  (4894,  in-42),  etc.  Il  a 
illustré  lui-même  plusieurs  de  ses  volumes. 

LEMÉRÉ.  Corn,  du  dép.  d'Indre-et-Loire,  arr.  de  Chi- 
non,  cant.  de  Richelieu  ;  584  hab. 

LEM ERRE  (Alphonse),  hbraire-éditeur  français,  né  à 
Canisy  (Manche)  en  4838.  Imitateur  des  Elzevier,  il  a 
pris  pour  spécialité  d'éditer,  en  un  petit  format  et  avec  un 
cachet  d'art  typographique,  les  chefs-d'œuvre  de  la  litté- 
rature française  et  étrangère  et  aussi  les  œuvres  de  nos 
poètes  contemporains.  ^  G.  P-i. 

LEMERY  (Nicolas),  pharmacien  chimiste  français,  né  à 
Rouen  le  49  nov.  4645,  mort  à  Paris  le  49  juin  4745, 
D'abord  élève  en  pharmacie  à  Rouen,  il  vint  à  Paris  en  1645, 
dans  le  laboratoire  de  Glazer,  démonstrateur  de  chimie  au 
Jardin  du  roi,  l'un  des  derniers  admirateurs  de  Paracelse 
et  de  l'ancienne  alchimie.  Il  alla  ensuite  à  Montpellier  où 
il  commença  à  faire  dos  cours  sur  la  chimie.  Il  revint  en- 
suite à  Paris  où  il  fonda  une  pharmacie  rue  Galande,  tout 
en  continuant  à  faire  des  cours  qui  attirèrent  des  élèves 
de  tous  les  points  de  la  France  et  de  l'étranger.  Il  fut  obligé 
de  s'exiler  comme  protestant,  mais  il  se  fit  catholique  avec 
sa  famille  pour  échapper  aux  persécutions,  ce  qui  lui  per- 
mit d'entrer  à  l'Académie  des  sciences,  de  reprendre  ses 
cours  et  de  rouvrir  son  officine  de  la  rue  Galande.  Le  grand 
mérite  de  Lemery,  c'est  d'avoir  repoussé  le  langage  énig- 
matique  des  alchimistes,  rejeté  leurs  théories  obscures  et 
inintelligibles.  Doué  d'un  esprit  droit,  d'une  élocution  claire, 
il  déchira  le  premier  le  voile  dont  la  science  était  envelop- 
pée, ne  tenant  compte  que  des  expériences,  des  faits  et  du 
raisonnement  :  «  Le  public,  dit  Voltaire,  fut  étonné  de  voir 
une  chimie  dans  laquelle  on  ne  cherchait  ni  le  grand  œuvre, 
ni  l'art  de  prolonger  la  vie  au  delà  des  bornes  de  la  na- 
ture. »  Non  seulement  les  étudiants,  mais  encore  les  savants, 
les  gens  du  monde,  les  étrangers  se  pressaient  dans  son 
amphithéâtre,  et  il  mit  le  comble  à  sa  réputation  en  pu- 
bliant son  Cours  de  chimie  (1675),  qui  fut  bientôt  traduit 
dans  plusieurs  langues  et  qui,  pendant  un  siècle,  a  servi  de 
manuel  aux  chimistes  du  xviii^  siècle.  Vingt  ans  après,  il 
publia  la  Pharmacopée  universelle  (1697),  et  le  Traité 
des  drogues  simples  (i69S),  le  tout  hrmmt  avec  le  Cours 


de  chimie  un  Cours  général  de  pharmacie,  résumant  le 
tableau  exact  des  connaissances  chimiques  et  pharmaceu- 
tiques de  la  fin  du  xvii®  siècle.  On  doit  aussi  à  Lemery  un 
Traité  de  l'antimoine  (4707),  plusieurs  analyses  d'eaux 
minérales,  notamment  celles  de  Passy,  de  Vézelay,  de 
Cransac  ;  une  foule  de  notices  sur  les  sels,  le  Volcan  de 
Lemery,  le  miel,  l'urine,  la  cire,  la  manne,  les  cloportes, 
la  préparation  du  sublimé  corrosif,  etc.      Edme  Bourgoin. 

LE  MESSIER  (Pierre)  (V.  Bellerose). 

LEMETEL  de  Bois-Robert  (V.  Bois-Robert). 

LEIVIETTAY  (Pierre-Charles),  peintre  français,  né  à  Fé- 
camp  en  4726,  mort  à  Paris  en  4760.  Lemettay  fréquenta 
l'ateher  de  Boucher,  obtint  le  prix  de  Rome,  et  ne  tarda 
pas  à  être  nommé  membre  de  l'Académie  de  peinture  et  de 
sculpture.  Louis  XV  l'attacha  à  sa  personne,  en  qualité  de 
peintre  de  marines,  mais  c'est  en  Italie,  à  Turin,  à  Rome, 
où  il  séjourna  pendant  deux  ans,  et  sur  les  rives  de  l'Adria- 
tique, que  Lemettay  exécuta  ses  plus  importants  tableaux, 
conçus  dans  le  sentiment  de  ceux  de  J.  Vernet.     C.  G. 

LEM  GO.  Ville  d'Allemagne,  principauté  de  Lippe-Det- 
mold,  sur  la  Bega;  6,000  hab.  Ecole  supérieure  de  filles 
fondée  en  4306.  Toiles,  lainages,  cuirs,  articles  pour  fu- 
meurs, en  écume  de  mer.  Fondée  au  xii^  siècle,  Lemgo  fit 
partie  de  la  Hanse. 

LEIVIICEAUD  d'Arçon  (V.  Arçon  [Lemiceaud  d']). 

LEM I ERRE  (Antoine-Marin),  poète  français,  né  à 
Paris  le  12  janv.  4723,  mort  à  Saint-Germain-en-Laye  le 
4  juil.  4793.  Secrétaire  du  fermier  général  Dupin,  il  dé- 
buta dans  les  lettres  par  de  brillants  succès.  Lauréat  du 
prix  de  poésie  de  l'Académie  française  quatre  années  de 
suite  (4753-57),  il  donna  en  4758  la  tragédie  d'Hyper- 
mnestre,  qui  fut  fort  bien  accueillie.  Il  poursuivit  au  théâtre 
une  carrière  honorable,  avec  Idoménée  (4764),  avec  Ar- 
taxerce  (4766),  avec  Guillaume  Tell  (4766)  et  la  Veuve 
de^  Malabar  (1770).  Il  entra  en  4784  à  l'Académie  fran- 
çaise en  remplacement  de  Le  Batteux.  Citons  encore  de 
lui  :  Barnevelt,  tragédie  (4784,  in-8)  ;  la  Peinture, 
poème  en  trois  chants  (4769,  in-4)  ;  Pièces  fugitives 
(4782,  in-8).  On  a  donné  plusieurs  recueils  de  ses  œuvres, 
entre  autres:  son  Théâtre  (Paris,  4795,  2  vol.  in-8)  ; 
ses  OEuvres  (4810,  3  vol.  in-8);  ses  OEuvres  choisies 
(1814,  2  volJn-42). 

BiBL.  :  R.  Perrin,  Notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de 
Lemierre^  en  tête  de  l'éd.  de  1810.  —  F.  Fayolle,  Notice 
sur  Lemiorre,  en  tête  de  Féd.  de  1811.  —  Vieillard,  No- 
tices sur  Lemierre  et  Lemercier;  Paris,  1842,  in-8. 

LEM I ERRE  (MarieJeanne)  (V.  Lârrivée). 

LEMIERRE  d'Argy  (Auguste-Jacques) ^  littérateur  fran- 
çais, né  à  Paris  le  4^^  mars  4762,  mort  à  Paris  le  42  déc. 
4845,  neveu  d'Antoine  Lârrivée.  Libraire  à  Paris,  puis 
interprète  au  conseil  des  prises  maritimes  et  directeur  ad- 
joint du  bureau  de  législation,  ce  fut  un  ivrogne  fieffé,  qui 
mourut  misérable  à  l'hospice  de  la  Charité.  Citons  de  lui  : 
Calas  ou  le  Fanatisme,  drame  en  quatre  actes  joué  avec 
succès  en  4794  ;  les  Cent  Pensées  d'une  jeune  Anglaise 
(Paris,  4798,  in-42),  des  traductions  de  l'allemand,  de 
l'anglais,  de  l'italien,  etc. 

LEMIRE  ou  MIRŒUS  (Aubert),  historien  belge,  né  à 
Bruxelles  le  30  nov.  4573,  mort  à  Anvers  le  19  oct.  1640. 
Professeur  de  belles-lettres  à  l'université  de  Louvain,  cha- 
pelain des  archiducs  Albert  et  Isabelle,  enfin  vicaire  général 
de  l'évêché  d'Anvers,  il  consacra  ses  loisirs  à  de  vastes 
recherches  sur  l'histoire  politique  et  littéraire  des  Pays- 
Bas,  F.  de  Beiffenberg  a  dressé  le  catalogue  des  ou- 
vrages de  Lemire  et  en  relève  cinquante-sept  (Bibliophile 
belge,  t.  Il  et  III).  Ils  se  distinguent  par  l'abondance 
des  renseignements,  mais  l'esprit  critique  y  fait  souvent 
défaut.  Foppens  (V,  ce  nom)  a  réuni  les  divers  ouvrages 
de  Lemire  relatifs  à  l'histoire  civile  et  ecclésiastique  des 
Pays-Bas  sous  le  titre  :  A,  Mirœi  Opéra  diplomatica  et 
historica  (Bruxelles,  1723-48,  4  vol.  in-foL).     E,  H. 

BiBL.  :  Le  Glay,  Revue  critique  des  Opéra  diploma- 
tica de  Mirœus  sur  les  titres  reposant  aux  archives  dépar- 
tementales à  Lille  ;  Bruxelles,  1856,  in-8.   —  De  Ridder, 


—  1495 


LEMIRE  —  LEMMINKiEINEN 


Aubert  Le  Mire,  dans  les  Mém.  coiironn.  de  l'Acad.  roy.  de 
Belgique,  t.  XXXI,  in-4. 

LE  MIRE  (Noël),  graveur  français,  né  à  Rouen  le 
20nov.  4724,  mort  à  Paris  le  24  mars  4804.  Elève  de 
Lebas,  il  s'est  surtout  fait  remarquer  par  une  planche 
intitulée  le  Gâteau  des  rois  ou  le  Partage  de  Pologne^ 
pièce  rare,  brisée  par  ordre  de  l'autorité.  Citons  encore  : 
la  Mort  de  Lucrèce ^  d'après  André  del  Sarte  ;  Jupiter  et 
Banaé^  d'après  le  Carrache  ;  les  Nouvellistes  flamands ^ 
d'après  Teniers  ;  la  Vue  du  mont  Vésuve,  Il  a  gravé 
d'excellentes  vignettes  pour  les  Contes  de  La  Fontaine, 
pour  les  Métamorphoses  d'Ovide  et  pour  le  Temple  de 
Guide;  enfin,  on  estime  ses  portraits  de  Frédéric  le 
Grand,  de  Henri  IV ^  de  Louis  XF,  de  Louis  XVÏ,  de 
Marie-Antoinette  et  de  Joseph  IL  Challamel. 

BiBL.  :  J.  Hédou,  N.  Le  Mire  et  son  œuvre;  Paris,  1875, 
in-4. 

LEMIRE  (L'abbé  Jules),  homme  politique  français,  né 
à  Vieux-Berquin  (Nord)  le  23  avr.  4833.  Professeur  à 
l'institut  Saint-François-d' Assise  d'Hazebrouck,  il  se  fit 
connaître  dans  la  région  du  Nord  par  ses  conférences  en 
flamand  sur  le  socialisme  chrétien.  Elu  député  de  la  pre- 
mière circonscription  d'Hazebrouck  en  4893,  avec  le  pro- 
gramme des  ralliés,  il  fut  blessé  lors  de  l'attentat  de 
l'anarchiste  Vaillant  sur  la  Chambre  des  députés  le  9  déc. 
4893,  Citons  de  lui  :  VAbbé  Dehaene  et  la  Flandre  {Lille, 
in-8)  ;  D'Irlande  en  Australie^  souvenirs  et  impressions 
de  voyage  de  son  frère,  le  R.  P.  Achille  Lemire  (Lille, 
4890,  in-8)  ;  le  Cardinal  Manning  et  son  action  sociale 
(Paris,  4893,  in-4  2). 

LEMKE  (Johan-Filip) ,  peintre  suédois,  né  à  Nurem- 
berg en  4631,  mort  à  Stockholm  en  4744.  Il  étudia  la 
peinture  à  Hambourg,  sous  la  direction  de  Evert  Decker,  et, 
après  la  mort  de  celui-ci,  sous  la  direction  du  peintre  de 
batailles  Weyer.  Il  voyagea  ensuite  en  Italie,  séjourna  lon- 
guement à  Rome,  était  en  4669  à  Venise,  et,  en  4673, 
vint  en  Suède,  ayant  subi  surtout,  sembfe-t-il,  l'influence 
de  Bourguignon  et  de  Bamboccio.  En  4683,  il  fut  appelé  à 
Stockholm  comme  peintre  de  batailles  officiel,  et  peignit 
alors  un  grand  nombre  de  tableaux  sur  les  campagnes  de 
Charles  XI  :  Bataille  de  Halmstad,  Bataille  de  Lund 
(4684),  etc.,  conservés  actuellement  au  château  de  Drott- 
ningholm.  Il  a  peint,  en  outre,  un  grand  nombre  de  pay- 
sages et  de  scènes  de  la  campagne  romaine  ou  suédoise  qui 
se  distinguent  par  la  puissance,  parfois  un  peu  lourde,  du 
coloris.  Il  est  sans  contredit  un  des  meilleurs  peintres  sué- 
dois du  xvii®  siècle.  Il  finit  ses  jours  presque  dans  la  mi- 
sère, son  traitement  de  peintre  de  batailles  lui  ayant  été 
supprimé  à  partir  de  4700.  Th.  C. 

LEMLAND.  Ile  de  Farchipel  à'Aland  (V.  ce  mot); 
6S  kil.  q. 

LEIVIME.  Rivière  de  France  (V.  Jura,  t.  XX,  p.  343). 

LEMMEGOURT.  Corn,  du  dép.  des  Vosges,  arr.  et  cant. 
de  Neufchâteau  ;  75  hab. 

LEMMES.  Com.  du  dép.  de  la  Meuse,  arr.  de  Verdun, 
cant.  de  Souilly  ;  220  hab. 

LEM  Ml  N  G  (Zool.) .  Genre  de  Mammifères  Rongeurs  de  la 
sous-lamille  des  Arvieolinœ  (V.  Campagnol),  créé  par 
Pallas  (4844)  sous  le  nom  de  Myodes  qui  correspond  au 
Lemmus  de  Tiederaann.  Ce  sont  des  Campagnols  à  queue 
très  courte,  rappelant  celle  des  Lapins,  à  tête  obtuse, 
arrondie,  à  oreilles  courtes,  à  pieds  courts  avec  la  plante 
poilue;  le  pelage  et  les  ongles  sont  très  longs.  Le  port 
rappelle  celui  du  Cochon  d'Inde  domestique.  Les  dents 
sont  très  semblables  à  celles  des  Campagnols,  mais 
les  incisives  sont  en  biseau  et  non  sillonnées.  Les  Lem- 
mings  sont  les  Campagnols  des  régions  arctiques  :  les 
teintes  de  leur  pelage  sont  assez  variables,  ordinairement 
d'un  fauve  très  pâle  tacheté  de  brun.  L'espèce  la  plus  an- 
ciennement connue  est  le  Lemming  de  Norvège  {Lemmus 
norvégiens),  dont  le  pelage  est  tacheté,  et  qui  habite  le 
N.  de  TEurope.  C'est  un  habitant  des  toundras  ou  steppes 
glacés  de  l'Europe  et  de  la  Sibérie.  Il  se  creuse  un  terrier 
semblable  à  celui  du  Campagnol  souterrain,  et  se  nourrit 


de  racines  et  d'autres  substances  végétales,  qu'il  va  cher- 
cher pendant  l'hiver  en  creusant  de  longues  galeries  sous 
la  neige.  Cette  espèce  est  célèbre  par  ses  migrations. 
Dans  les  régions  cultivées  de  la  Norvège  et  de  la  Suède,  les 
Lemmings  apparaissent  tout  d'un  coup  en  bandes  innom- 
brables se  dirigeant  droit  devant  eux,  sans  se  laisser  arrê- 
ter par  aucun  obstacle  :  ils  franchissent  les  murailles  et 
traversent  les  lacs  et  les  cours  d'eau  à  la  nage,  dévastant 
tout  sur  leur  passage.  Ces  invasions  se  reproduisent  à  inter- 
valles irréguliers  (de  cinq  à  vingt  ans  et  plus)  :  elles  ont 
généralement  lieu  en  suivant  les  vallées  du  point  le  plus 
élevé  vers  la  mer.  On  n'est  pas  encore  fixé  sur  la  véri- 
table cause  de  ces  migrations,  mais  il  est  probable  que 
l'accroissement  exagéré  de  nouvelles  générations,  sous  l'in- 
fluence de  circonstances  exceptionnellement  favorables,  et 
la  disette  qui  en  est  la  conséquence  dans  le  pays  d'origine 
en  sont  le  principal  motif.  Les  étapes  ont  toujours  lieu  de 
nuit,  et  le  voyage  peut  durer  jusqu'à  trois  ans.  La  plupart 
périssent  en  se  jetant  dans  l'Atlantique  ou  le  golfe  de  Bot- 
nie, comme  s'ils  obéissaient  à  un  instinct  aveugle  qui  les 
pousse  toujours  dans  la  même  direction.  —  Les  Lemmings 
se  subdivisent  en  trois  sous-genres  :  Lemmus  proprement 
dit,  avec  trois  espèces  {L.  norvégiens,  L.  schisticolor 
du  N.  de  l'ancien  continent  et  L.  obensis  qui  se  trouve 
également  dans  l'Amérique  du  Nord).  Cuniculus  (Wagler) 
n'a  qu'une  seule  espèce  à  formes  encore  plus  ramassées 
{C,  torquatus).  Eremiomys  (Poljakow)  a  trois  espèces 
de  Sibérie  et  des  steppes  de  l'Asie  centrale  {E,  lagurus, 
E.  Inteus  et  F.  Przewalskii),  —  Dans  les  couches  qua- 
ternaires de  l'Europe  centrale,  on  trouve  des  débris  du 
JL.  norvégiens  et  du  Cuniculus  torquatus  montrant  que 
ces  deux  espèces  se  sont  étendues  à  cette  époque  beaucoup 
plus  vers  le  Sud  que  de  nos  jours.         E.  Trouessart. 

LEMIVIINK/EINEN  (Myth.  finn.).  Le  troisième  des  héros 
du  Kalevala^  souvent  nommé  aussi  Kaukomieli  ou  Ahti 
ou  Saarlainen,  et  surnommé  le  Beau,  le  Hardi,  le  Joyeux, 
le  Séducteur.  Les  runes  relatives  à  Lemminkaeinen  ne  se 
rattachent  étroitement  ni  au  cycle  du  Sampo,  ni  à  celui  de 
la  recherche  de  la  fille  de  Pohjola,  et  ce  n'est  pas  sans 
artifice  que  Lœnnrot  en  a  fait  une  partie  intégrante  du 
Kalevala  (V.  ce  mot).  Le  premier  exploit  de  Lemmin- 
kaeinen  est  la  conquête  de  la  charmante  Kyllikki,  dont  il 
ne  réussit  à  vaincre  la  résistance  qu'en  l'enlevant,  et  après 
avoir  séduit  toutes  les  vierges  de  la  contrée  de  Saari.  Il  en 
fait  son  épouse,  mais  l'abandonne  parce  qu'elle  s'est  mêlée, 
après  son  mariage,  aux  jeux  des  jeunes  filles.  Il  prend  alors 
les  armes,  malgré  les  supplications  de  sa  mère  et  de  sa 
femme,  pour  se  rendre  à  Pohjola  et  s'emparer  de  la  fille  de 
la  mère  du  pays  et  en  faire  son  épouse.  Il  laisse  à  sa  mère 
un  peigne  dont  il  tombera  des  gouttes  de  sang,  s'il  lui 
arrivait  malheur.  Grâce  à  ses  armes  excellentes  et  à  ses 
puissantes  incantations,  il  arrive  au  pays  de  Pohjola,  et 
triomphe  dans  les  deux  premières  épreuves  que  lui  imposera 
maîtresse  de  la  contrée  avant  de  lui  donner  sa  fille  :  la  prise 
de  l'élan  et  la  soumission  du  coursier  de  Hiisi  ;  mais  il  ne 
réussit  point  dans  une  troisième  épreuve,  qui  consiste  à  tuer 
d'une  flèche  le  cygne  qui  nage  sur  les  ondes  noires  du 
fleuve  de  l'empire  des  morts,  et  est  déchiré  par  un 
monstre  marin  qu'un  berger  a  suscité  contre  lui.  Sa  mère 
apprend  sa  mort  par  le  sang  qui  dégoutte  du  peigne  et  part 
aussitôt  à  la  recherche  de  son  enfant.  Elle  retrouve,  dans 
le  fleuve,  les  membres  mis  en  pièces  de  Lemminkseinen  et, 
grâce  à  ses  sortilèges,  rend  la  vie  et  la  parole  à  son  fils 
qu'elle  ramène  chez  elle.  Il  entreprend  une  nouvelle  expé- 
dition contre  le  pays  de  Pohjola,  mais,  vaincu,  il  est  obligé 
de  chercher  un  refuge  dans  l'île  de  Saari.  Il  y  excite  ïa 
la  colère  de  tous  les  hommes,  parce  qu'il  n'y  a  bientôt, 
dans  l'île,  plus  déjeune  fille,  femme  ou  veuve  qu'il  n'ait 
séduite,  et  il  est  de  nouveau  forcé  de  prendre  la  fuite  au 
milieu  de  grands  dangers.  Il  trouve  son  pays  dévasté  par 
les  guerriers  de  Pohjola  et,  cédant  aux  prières  de  son  ba- 
teau qui  se  plaint  d'être  inactif,  reprend  la  lutte  contre  le 
Nord,  d'abord  de  concert  avec  Tiera,  puis  à  la  recherche  du 


LEMMINK^iNEN  —  LEMOINE 


—  i'196  — 


Sampo  avec  Wseinsemœinen  et  Ilmarinen.  Son  rôle  est,  dans 
cette  dernière  expédition,  assez  elFacé.  Th.  Cârt. 

BiBL.  :  Kalevala,   runes  XI-XV,  XXVI-XXX,  XXXIX  et 

suiv. 

LEMNA  {Lemna  L.)  (Bot.).  Genre  de  Monocotylédones, 
type  de  la  famille  des  Lemnacées.  Il  comprend  sept  espèces 
(L.  trisulca  L.,  L.  minor  L.,  L.  gibba  L.,  etc.)  des  ré- 
gions tropicales  et  tempérées  du  globe  et  qui  sont  des  herbes 
nageant  à  la  surface  des  eaux  tranquilles  ;  on  les  désigne 
sous  les  noms  vulgaires  de  lenticules  ou  lentilles  d'eau. 
Elles  ont  la  forme  de  petits  disques  lenticulaires  ou  ovoïdes, 
même  lancéolés,  réunis  deux  ou  plusieurs  ensemble  et 
émettant  à  leur  face  inférieure  une  ou  plusieurs  longues 
radicelles.  Les  fleurs,  unisexuées,  sont  réunies  ordinaire- 
ment par  trois  dans  une  petite  spathe  commune.  Les  fleurs 
mâles  se  réduisent  à  4  étamine,  la  fleur  femelle  est  com- 
posée d'un  ovaire  1-7  ovulé  ;  les  ovules  sont  dentés,  ortho- 
tropes  ou  plus  ou  moins  anatropes  ;  le  fruit  est  sec,  indé- 
hiscent. Les  lentilles  d'eau  sont  un  aliment  très  recherché 
par  certains  oiseaux.  D*"  L.  Hn. 

LEMNACÉES  {Lemnaceœ  Dub.)  (Bot.).  Famille  de 
plantes  Monocotylédones,  composée  d'herbes  annuelles,  pe- 
tites et  flottantes,  formées  de  feuilles  ou  frondes^  souvent 
articulées,  comme  si  plusieurs  frondes  naissaient  l'une  de 
l'autre,  et  munies  en  dessous  de  fibrilles  radiculaires  (Lemna) 
qui  sont  nulles  chez  les  Wolffia,  Les  fleurs  sont  réunies  par 
groupes  de  trois  (2  mâles  et  1  femelle)  dans  une  spathe 
monophylle  qui  disparaît  à  la  maturité  (Lemna)  ou  dans 
un  simple  sillon  (Wolffia).  L'ovaire  est  libre,  uniloculaire, 
surmonté  d'un  style  court,  à  stigmate  obtus.  Le  fruit  est 
utriculaire,  transparent;  les  graines  sont  très  petites,  à 
testa  coriace,  à  embryon  droit,  ovoïde  ou  conique,  pourvu 
d'un  albumen  très  mince  ou  presque  nul.  Les  genres  prin- 
cipaux sont  :  Lemna  L.  et  M'olffta  Hork.     D*"  L.  Hn. 

LEMNISGATE  DE  Cassini  (V.  Câssinoïde). 

LEMNISQUE.  Bandelettes  de  batiste  ou  de  laine  fine 
dont  on  parait  les  couronnes  ou  les  palmes  triomphales  ;  on 
en  tressa  également  en  or. 

LEM  N ISQU  E  (ZooL).  On  donne  ce  nom,  dans  l'anatomie 
des  Acanthocéphales,  à  deux  corps  piriformes  dont  la  fonc- 
tion n'est  pas  encore  bien  définie,  situés  en  arrière  de  la 
trompe  et  qui  font  saillie  dans  la  cavité  viscérale  :  ces  corps 
sont  parcourus  par  des  vaisseaux  qui  communiquent  avec 
ceux  de  la  région  céphalique  et  débouchent  dans  un  canal 
annulaire.  Le  contenu  des  canaux  de  ces  lemnisques  est 
de  couleur  brune  et  se  compose  d'une  masse  cellulaire  très 
granuleuse.  On  a  supposé  que  les  lemnisques  étaient  des 
organes  excréteurs,  d'autres  ont  admis  que  leur  fonction 
était  celle  d'un  réservoir  de  liquide  aidant  à  la  dévagina- 
tion  de  la  trompe.  Quoi  qu'il  en  soit  du  rôle  que  jouent  ces 
organes  singuliers,  il  est  probable  que  leur  signification 
morphologique  est  analogue  à  celle  des  vaisseaux  des  Ces- 
todes  et  qu'ils  représentent  une  partie  de  la  cavité  du 
corps.  R.  MoNiEZ. 

LEM  NI  US  (Simon)  (V.  Margadant). 

LEMNOS  (auj.  Limni  ou  Sta  lime  ne). Ile  de  l'Archipel 
(mer  Egée),  dépendant  de  la  Turquie,  en  face  des  Darda- 
nelles; 477  kil.  q.  ;  22,000  hab.  Elle  mesure  34  kil.  de 
l'E.  à  l'O.,  30  du  N.  au  S.,  mais  est  coupée  en  deux  par- 
ties par  deux  baies  que  sépare  un  isthme  étroit  ;  celle  du 
N.  est  la  baie  Paradisi,  celle  du  S.  la  baie  Mudros.  C'est 
une  terre  volcanique  dont  le  plus  haut  sommet,  le  Skopia, 
au  N.-O.,  atteint  430  m.  ;  peu  avant  l'ère  chrétienne  la 
partie  orientale  de  l'île  s'engloutit  sous  les  eaux.  Elle  a 
beaucoup  de  sources,  mais  presque  aucun  arbre,  produit 
du  vin,  des  figues,  de  l'orge,  des  légumes  ;  sur  ses  pâtu- 
rages on  compte  40,000  moutons.  La  population  est  de 
race  grecque.  La  capitale  est  Kastro  ou  Lemnos  (l'antique 
Myrina)  sur  la  côte  0.;  citons  encore  Kokkinos  à  l'E., 
Agrionis  et  Mudros  sur  la  baie  de  ce  nom.  Elle  dépend  du 
vilayet  des  lies. 

Dans  l'antiquité  la  légende  y  plaça  le  séjour  d'Hephais- 
tos  (Vulcain)  et  le  lieu  d'exil  de  Philoctète.  Son  nom  pri- 


mitif aurait  été  J^thalie.  On  raconta  que  les  Argonautes 
s'unissant  aux  femmes  y  avaient  fait  souche  des  Minyens 
qui  l'occupèrent  ensuite  jusqu'à  ce  qu'ils  fussent  chassés 
par  les  Pélasges  Tyrrhéniens,  peut-être  venus  de  l'Attique  ; 
mais  Homère  appelle  les  habitants  de  Lemnos  les  Sintiens 
et  les  dit  de  famille  thrace.  A  l'époque  historique,  elle  ap- 
partint aux  Perses,  que  chassa  Miltiade,  aux  Athéniens, 
aux  Macédoniens,  aux  Romains,  fut  enlevée  à  l'empire 
byzantin  au  temps  de  la  ¥  croisade  par  les  Vénitiens,  aux- 
quels les  Génois  la  disputèrent  ;  les  Turcs  ne  purent  la 
conquérir  en  1475,  mais  se  la  firent  céder  au  traité  de 
1478;  les  Vénitiens  la  reconquirent  en  1656,  la  reper- 
dirent en  1657  ;  les  Russes  l'attaquèrent  vainement  à  la 
fin  du  xvm®  siècle.  A.-M.  B. 

Terre  de  Lemnos.  —  Rubrique  ou  terre  sigillée,  qui  a  joué 
un  grand  rôle  dans  la  pharmacopée  antique.  C'était,  semble- 
t-il,  un  peroxyde  de  fer,  tiré  d'une  colline  stérile  de  Lemnos, 
Elle  était  travaillée  par  une  prêtresse,  et  marquée  d'un 
sceau  pour  la  vente.  On  prétendait  qu'on  la  mélangeait 
avec  du  sang  de  chèvre.  Aujourd'hui  encore  on  va  la  re- 
cueillir solennellement  le  matin  de  la  fête  du  Christ,  le 
6  août,  avant  le  lever  du  soleil.  Galien  a  décrit  cette  pro- 
cession qui  de  son  temps  se  faisait  au  nom  de  Diane  (Ar- 
térnis).  ^  M.  Berthelot. 

LEMOINE  (Jean),  cardinal  français,  né  à  Crécy  vers 
1250,  mort  à  Avignon  le  22  août  1313.  Avant  d'atteindre 
à  la  haute  dignité  du  cardinalat,  Jean  Lemoine  fut  d'abord 
chanoine  de  la  cathédrale  de  Paris,  puis  doyen  de  celle  de 
Bayeux  (1288-92).  C'est  en  1294  qu'il  fut  nommé  cardi- 
nal-prêtre au  titre  de  Saint-Marcellin  et  de  Saint-Pierre 
sous  le  pontificat  de  Célestin  V.  Le  successeur  de  ce  der- 
nier, le  célèbre  Boniface  VIII,  eut  pour  le  cardinal  Lemoine 
une  grande  estime  et  lui  témoigna  assez  de  confiance  pour 
le  charger,  en  1302,  d'une  mission  auprès  de  Philippe  le 
Bel,  mission  qui  n'eut  d'ailleurs  aucun  succès.  Ce  n'est 
cependant  pas  par  l'importance  de  son  rôle  ecclésiastique 
que  ce  personnage  est  connu  dans  l'histoire  ;  si  son  nom 
s'y  est  perpétué,  c'est  qu'il  Fa  attaché  à  la  fondation  d'un 
collège  à  Paris,  dans  le  quartier  Saint-Victor.  Cet  établis- 
sement, dont  une  rue  indique  l'emplacement,  eut  une  époque 
de  brillante  prospérité  au  xvi®  siècle  ;  il  comptait  alors 
parmi  ses  professeurs  Lambin  pour  la  langue  grecque,  et 
Passerat,  l'un  des  auteurs  de  la  Satyre  Ménippée.  Au 
moment  de  sa  suppression  par  la  Révolution,  il  s'y  trou- 
vait encore  250  élèves,  et  ses  revenus  atteignaient  36,000 
livres.  La  vie  du  cardinal  Lemoine  et  l'histoire  du  collège 
fondé  par  lui  ont  été  étudiés  dans  un  travail  très  complet 
de  Ch.  Jourdain,  publié  au  t.  lïl  (pp.  42-81)  des  Mémoires 
de  la  Société  de  r  histoire  de  Paris  et  de  r  Ile-de- 
France  (iSll).  F.  B. 

LEMOINE  (Henry),  hbraire  et  écrivain  anglais,  né  en 
1756,  mort  en  1812.  Fils  d'un  réfugié  protestant  fran- 
çais, il  fut  d'abord  commis  chez  des  papetiers  et  des  li- 
braires, et  commença  à  écrire  des  satires  dont  le  London 
Magazine  publia  des  fragments.  11  fut  quelque  temps  pro- 
fesseur de  français  dans  une  école  de  Vauxhall,  puis  s'éta- 
blit libraire  étalagiste,  et,  dès  lors,  se  répandit  en  articles 
et  en  brochures  sur  toutes  sortes  de  sujets,  tantôt  ano- 
nymes, tantôt  signés  du  pseudonyme  à'Allan  Macleod, 
Son  imprévoyance  et  sa  prodigalité  le  firent  emprisonner 
pour  dettes  et  le  réduisirent  au  métier  de  colporteur.  Dans 
son  livre  intitulé  Typographical  Antiquities  (1797),  il 
donne  des  détails  curieux  sur  l'imprimerie  particulière  de 
Walpole  à  Strawberry  Hill.  B.-H.  G. 

LEMOINE  (Louis),  général  français,  né  à  Saumur  le 
23  nov.  1764,  mort  en  1842.  Il  entra  au  service  en 
1783  et  fut  longtemps  sous-officier  d'infanterie.  Nommé 
lieutenant-colonel  du  1^^  bataillon  de  Maine-et-Loire  en 
1791 ,  il  fut  avec  Beaurepaire  un  des  défenseurs  de  Verdun. 
Après  la  capitulation  de  la  place,  il  fit  partie  de  la  division 
Miranda  et  assista  aux  batailles  de  Valmy  et  de  Jemmapes. 
Créé  général  de  brigade  le  3  nivôse  an  II,  il  servit  d'abord 
sous  Augereau  à  l'armée  des  Pyrénées-Orientales,  puis  à 


4197 


LEMOINE 


l'armée  de  l'Ouest  avec  Hoche.  11  seconda  vaillamment 
ce  général  à  Auray  et  repoussa  avec  succès  une  sortie  du 
fort  de  Quiberon.  Général  de  division  le  2  nivôse  an  IV,  il 
quitta  l'armée  de  Sambre-et-Meuse  où  il  était  employé,  pour 
défendre  Rome  contre  les  Napolitains;  il  s'empara  d'Aquila  et 
dePopoli.  Il  fut  ensuite  enfermé  dans  Gènes  avecMasséna. 
Républicain  convaincu,  il  n'accepta  pas  le  coup  d'Etat  du 
18  brumaire,  et  il  vécut  dans  la  retraite  pendant  toute  la 
période  impériale.  Mais,  en  1813,  au  moment  des  dangers 
de  la  patrie,  Lemoine  offrit  son  épée.  Nommé  gouverneur 
de  Mézières  en  1814,  et  assiégé  par  les  alliés,  il  fit  une 
défense  héroïque  et  ne  rendit  la  place  qu'après  avoir  obtenu 
tous  les  honneurs  de  la  guerre.  E.  Bernard. 

LEMOINE  (Gustave),  auteur  dramatique  français,  né  à 
Paris  le  20  oct.  1802,  mort  à  Pau  le  27  août  1885.  Au- 
teur avec  Scribe  du  livret  du  Mauvais  OEil  (opéra-comique, 
1836),  dont  la  musique  était  de  Loïsa  Puget  (V,  ce  nom) 
qu'il  épousa  par  la  suite,  il  composa  les  paroles  d'une  in- 
finité de  romances  dont  Loïsa  Puget  composait  les  airs  et 
donna  quantité  de  drames  et  de  vaudevilles  qui  ont  presque 
tous  réussi.  L'un  d'eux,  la  Grâce  de  Dieu  (1841),  a  été 
extrêmement  populaire.  Citons  :  V Habit  noisette  (1840); 
la  Mère  de  famille  (1846),  avec  Dennery;  la  Fille  du 
roi  René  (1851);  le  Mariage  au  miroir  (1852);  Un 
Mari  comme  on  en  voit  peu  (1868);  la  Veilleuse  ou 
les  Nuits  de  milady  (1869),  opérette  avec  musique  de  sa 
femme,  etc. 

LEMOINE,  dit  Lemoine-Montigny  (V.  Montigny). 

LEMOINE  ^ Jacques-Albert-Félix),  philosophe  français, 
né  à  Paris  le  8  avr.  1824,  mort  à  Paris  le  8  sept.  1874. 
Il  fit  ses  études  au  lycée  Charlemagne,  entra  à  l'Ecole  nor- 
male en  1844  et  fut  nommé  agrégé  de  philosophie  en 
1847.  Il  enseigna  successivement  la  philosophie  au  collège 
royal  de  Nantes,  à  la  faculté  des  lettres  de  Nancy,  à  celle 
de  Bordeaux,  au  lycée  Bonaparte  à  Paris  et  à  l'Ecole 
normale  de  1862  à  1872.  D'une  santé  délicate,  il  ne  put 
supporter  plus  longtemps  les  fatigues  de  l'enseignement,  et 
il  entra  dans  l'administration  de  l'instruction  publique 
comme  inspecteur  de  l'académie  de  Paris.  Mais  une  fin 
prématurée  l'enleva  à  l'âge  de  cinquante  ans.  Lemoine 
peut  compter  parmi  les  plus  distingués  des  psychologues 
français  ;  il  avait  acquis  une  compétence  toute  particulière 
dans  les  problèmes  dont  l'explication  relève  à  la  fois  de  la 
psychologie  et  de  la  physiologie.  Outre  ses  deux  thèses  de 
doctorat  :  Charles  Bonnet,  philosophe  et  naturaliste,  et 
Quid  sit  materiaapud  Leibnitium  (Paris,  1850,  in-8), 
Il  avait  écrit .:  Du  Sommeil,  ouvrage  couronné  par  l'Aca- 
démie des  sciences  morales  et  politiques  (Paris,  1855,  gr. 
in-8);  VAme  et  le  Corps  (Paris,  1862,  in-8),  l'Aliéné 
devant  la  philosophie,  la  morale  et  la  société  (Paris, 
1862,  in-8);  le  Vitalisme  et  f  Animisme  de  Stahl  (Pa- 
ris, 1864,  in-8);  De  la  Physionomie  et  de  la  parole 
(Paris,  1865,  in-18);  plusieurs  mémoires  publiés  dans  le 
Compte  rendu  des  séances  et  travaux  de  l'Académie  des 
sciences  morales  et  politiques  et  plusieurs  articles  dans  le 
Dictionnaire  des  sciences  philosophiques  (2^  éd.).  Son 
opuscule.  De  rHabitude  et  de  l'Instinct,  a  été  publié 
après  sa  mort  (Paris,  1875,  in-18).         Th.  Ruyssen. 

LEMOINE  (Emile-Michel-Hyacinthe),  mathématicien  et 
dilettante  français,  né  à  Quimper  (Finistère)  le  22  nov. 
1840.  Elève  de  l'Ecole  polytechnique  en  1860.  Il  se  con- 
sacra d'abord,  en  sortant  de  l'Ecole,  à  la  carrière  de  l'en- 
seignement, qu'il  dut  abandonner  après  cinq  ou  six  ans 
pour  raisons  de  santé.  Il  remplit  depuis  lors  diverses 
fonctions  comme  ingénieur  civil,  puis  fut  nommé  chef  du 
service  de  la  vérification  du  gaz  à  la  ville  de  Paris.  En 
dehors  de  ses  occupations  professionnelles,  il  s*est  consa- 
cré aux  mathématiques  et  à  la  musique,  et  a  obtenu  des 
résultats  originaux  dans  ces  deux  branches.  Ses  notes  dans 
les  Nouvelles  Annales  de  mathématiques  (1873)  et 
mx  congrès  àeV  Association  française  (Lyon,  1873  ;  Lille, 
1874)  ont  donné  naissance,  en  France  et  surtout  à  l'étran- 
ger, à  des  études  nouvelles  sur  le  triangle.  On  peut  dire 


avec  John  Casey  qu'il  est  le  fondateur  de  la  géométrie  du 
triangle.  En  1888  (Association  fr ançaise, congrès d'Orm) 
il  a  commencé  des  tentatives  en  vue  de  mesurer  la  simpli- 
cité des  raisonnements  et  des  constructions  en  mathéma- 
tiques, sujet  développé  depuis  dans  de  nombreuses  notes 
et  dont  il  a  fait  une  doctrine  nouvelle,  nommée  par  lui 
Géométrographie  ;  c'est  l'art  des  constructions  géomé- 
triques. Ses  travaux  sur  ces  questions  et  sur  beaucoup 
d'autres  sont  répandus  dans  un  grand  nombre  de  recueils 
mathématiques,  en  France  ou  à  l'étranger.  Il  vient  de 
créer  (1894)  avec  M.  Laisant  un  nouveau  recueil  pério- 
dique, r Intermédiaire  des  mathématiciens,  qui  semble 
devoir  prendre  une  grande  importance.  —  En  musique, 
M.  Lemoine  a  fondé  des  soirées  de  musique  de  chambre, 
dont  l'influence  a  été  considérable  sur  le  développement  de 
l'art  musical  en  France.  Ces  réunions  d'hiver,  hebdoma- 
daires, fort  nombreuses  bien  que  privées,  sont  connues  de 
tous  les  virtuoses  de  l'Europe,  et  les  plus  célèbres  d'entre 
eux-  ont  tenu  à  s'y  faire  entendre.  Elles  n'avaient  jamais 
eu  de  modèle,  mais  ont  trouvé  depuis  de  nombreux  imita- 
teurs. Cette  institution  a  reçu  des  invités  et  amis  de 
M.  Lemoine  le  nom  familier  de  la  Trompette»  L'origine 
en  remonte  à  1860  ;  c'étaient  alors  de  simples  réunions 
entre  camarades  pendant  les  récréations  de  l'Ecole  polytech- 
nique. La  tradition  n'a  jamais  été  interrompue  depuis  lors, 
mais  l'importance  et  l'éclat  artistique  de  ces  soirées  ont 
sans  cesse  grandi.  Des  œuvres  nombreuses  et  très  curieuses 
pour  l'histoire  de  l'art  ont  été  remises  au  jour  par  les  exé- 
cutions qui  en  ont  été  faites  aux  soirées  de  M.  Lemoine. 
Divers  compositeurs  ont  même  écrit  spécialement  pour  ces 
soirées  des  morceaux  de  musique  de  chambre  où,  sur  sa 
demande,  ils  avaient  fait  entrer  une  trompette  concertante  ; 
l'un  de  ces  morceaux,  le  septuor  de  Camille  Saint-Saëns,  a 
été  exécuté  dans  tous  les  grands  concerts  en  Europe. 
Signalons  enfin  des  compositions  écrites  dans  le  sUjle 
classique,  où  la  voix,  mêlée  aux  instruments,  est  employée 
en  vocalises  comme  un  simple  instrument.  Cet  essai,  tout 
à  fait  original  (1893),  fait  à  la  prière  de  M.  Lemoine  dans 
des  compositions  de  M.  G.  Alary,  offre  des  ressources 
nouvelles  à  la  fantaisie  des  compositeurs. 

Point,  Droite,  Cercles  de  Lemoine.  —  C'est,  sur 
le  plan  d'un  triangle,  le  point  dont  les  distances  aux  trois 
côtés  sont  proportionnelles  à  ces  côtés  ;  il  se  confond  avec 
le  point  inverse  du  centre  de  gravité.  En  Allemagne,  on 
l'appelle  souvent  point  de  Grèbe,  et  en  Angleterre  parfois 
centre  des  symédianes.  La  droite  de  Lemoine  est  la  polaire 
du  point  de  Lemoine  par  rapport  au  cercle  circonscrit  ;  son 

équation  en  coordonnées  normales  en  -  -\-  ^-r  -\-  -  =z  0. 

abc 

Le  premier  cercle  de  Lemoine  passe  par  les  intersections 
des  côtés  avec  les  parallèles  aux  côtés,  menées  par  le  point 
de  Lemoine  ;  le  second  cercle  de  Lemoine  passe  par  les 
intersections  des  côtés  avec  les  antiparallèles  aux  côtés, 
menées  par  le  même  point.  On  appelle  souvent  eUipse  de 
Lemoine  l'ellipse  inscrite  qui  a  pour  foyers  le  point  de 
Lemoine  et  le  centre  de  gravité.  A.  Laisant. 

LEMOINE  (Georges),. chimiste  et  ingénieur  français,  né 
à  Tonnerre  (Yonne)  le  16  janv.  1841.  Entré  en  1858  à 
l'Ecole  polytechnique  et  en  1860  à  l'Ecole  des  ponts  et 
chaussées,  ingénieur  ordinaire  en  1863,  docteur  es  sciences 
physiques  en  1865,  M.  Georges  Lemoine  a  été  attaché  dès 
1866  au  service  hydrométrique  du  bassin  de  la  Seine, 
sous  les  ordres  de  l'illustre  Belgrand,  dont  il  a  été  le  col- 
laborateur d'abord,  puis  le  digne  continuateur  (V.  Bel- 
grand,  t.  VI,  p.  23),  et  dont  il  a  généralisé  le  système 
d'annonce  des  crues.  En  1866  également,  il  a  été  nommé 
répétiteur  auxiliaire  de  chimie  à  l'Ecole  polytechnique.  Il  est 
devenu  en  1877  répétiteur  titulaire  et  en  1884  examinateur 
de  sortie  à  la  même  école.  Il  a  été  promu  ingénieur  en  chef  en 
1881.  Ses  travaux,  d'une  grande  valeur  scientifique,  ont 
beaucoup  contribué  aux  récents  progrès  de  la  chimie  physique. 
Ils  ont  plus  particulièrement  porté  sur  les  sulfures  de  phos- 


LEMOINE  —  LE  MONNIER 


1198 


phore  et  sur  la  transformation  allotropique  de  ce  corps,  dont 
il  a  expérimentalement  déterminé  les  lois,  sur  la  dissocia- 
tion de  l'acide  iodhydrique  (V.  Dissociation,  t.  XIV,  p.  685), 
sur  les  équilibres  chimiques,  qu'il  a  étudiés  d'une  façon 
très  complète  et.  dont  il  a  proposé  une  théorie  nouvelle  assez 
analogue  à  celle  de  Gudberg  et  Waage,  sur  l'action  chi- 
mique de  la  lumière  qu'il  a  comparée  à  celle  de  la  chaleur. 
Il  a  exposé  les  résultats  de  toutes  ces  recherches  dans  des 
mémoires  originaux  publiés  principalement  par  le  Bulletin 
de  la  Société  chimique^  par  les  Comptes  rendus  de 
l'Académie  des  sciences  et  par  les  Annales  de  chimie 
et  de  physique.  Il  a  donné  en  outre  à  V Encyclopédie 
chimique  de  Fremy  deux  importantes  monographies,  l'une 
sur  le  Phosphore  et  ses  différents  com^posés  (t.  II,  2^  sect. , 
1^^  fasc),  l'autre  sur  les  Equilibres  chimiques^  qui  a 
paru  à  part  (Paris,  1881,  in-8).  Quant  à  ses  publications 
hydrologiques,  elles  comprennent  des  Mémoires  sur  les 
observations  météorologiques  du  bassin  de  la  Seine 
(1867-83),  des  Etudes  sur  les  grandes  crues  des  cours 
d'eau  (1866-83),  une  Notice  sur  V annonce  des  crues 
(1878),  un  Manuel  hydrologique  du  bassin  de  la  Seine, 
en  collab.  avec  M.  de  Préaudeau  (1884),  etc.  L.  S. 

BiBL.  :  Notice  sur  les  travaux  de  chimie  de  M.  G.  Le- 
moine;  Paris,  1894,  in-4. 

LEMOINE  (Georges-Henri),  médecin  français  contem- 
porain, né  à  Tulle  (Corrèze)  le  15  janv.  1859.11  fut  pré- 
parateur d'anatomie  générale  dans  le  laboratoire  du  pro- 
fesseur Renaut  à  Lyon  (1878-83),  interne  des  hôpitaux 
de  Lyon  (1879-83),  chef  de  clinique  des  maladies  nerveuses 
et  mentales  à  la  faculté  de  Lyon  (1884).  Nommé  en  1887 
agrégé  à  la  faculté  de  médecine  de  Lille,  il  fit  le  cours  de 
thérapeutique  pendant  trois  ans,  d'abord  comme  chargé 
de  cours,  puis  comme  titulaire  de  la  chaire  de  clinique  mé- 
dicale. Lemoine  a  publié  une  série  de  travaux  sur  les  affec- 
tions nerveuses,  sur  la  thérapeutique  expérimentale  et  la 
thérapeutique  clinique,  sur  les  affections  des  voix  respira- 
toires, etc.  Il  a  donné  au  Dictionnaire  encyclopédique 
des  sciences  médicales  l'art.  Typhoïde  (fièvre)  et  à  la 
Grande  Encyclopédie  une  série  d'articles  sur  la  patholo- 
gie du  système  nerveux.  D^  L.  Hn. 

LEMOINNE  (John-Marguerite-Emile),  publiciste  et 
homme  politique  français,  né  à  Londres  le  17  oct.  1815, 
mort  à  Paris  le  14  déc.  1892.  Après  de  brillantes  études, 
il  entra  dès  1840  au  Journal  des  Débats  où,  grâce  à  sa 
parfaite  connaissance  de  la  langue  et  de  la  littérature  an- 
glaises, il  publia  sur  la  politique,  les  institutions,  les  mœurs 
britanniques  des  articles  qui  ne  tardèrent  pas  à  attirer  sur 
lui  l'attention  du  grand  public.  Son  active  collaboration  à 
la  Revue  des  Deux  Mondes  augmenta  bientôt  sa  notoriété. 
Sous  l'Empire,  il  devint  rédacteur  en  chef  du  Journal  des 
Débats,  où  il  soutint  longtemps  la  politique  orléaniste.  Mais 
après  la  révolution  de  1870  il  se  rallia  ouvertement  et  sans 
retour  à  la  République  (1873),  combattit  V Ordre  moral, 
puis  le  gouvernement  du  16  mai,  fut  élu  sénateur  inamo- 
vible le  f3  fév.  1880,  renonça  au  bout  de  quelques  semaines 
aux  fonctions  de  ministre  plénipotentiaire  à  Bruxelles,  qui 
lui  avaient  été  conférées  le  17  avr.  de  la  même  année, 
et  continua  de  faire  campagne  au  Luxembourg  avec  le 
centre  gauche,  dont  il  fut  jusqu'à  sa  mort  dans  la  presse 
(particulièrement  dans  le  journal  le  Matin)  un  des  repré- 
sentants les  plus  autorisés  et  les  plus  respectés.  —  Il  ap- 
partenait depuis  le  13  mai  1875  à  l'Académie  française, 
où  il  avait  remplacé  Jules  Janin.  A.  Debidour. 

LE  MOlTURIERou  LE  MO UTU RI ER  (Antoine),  sculp- 
teur français,  né  à  Avignon  vers  1425.  Il  est  permis  de 
supposer  qu'il  fut  l'élève  de  son  oncle  Jacques  Morel, 
auteur  du  tombeau  de  Charles  de  Bourbon  et  d'Agnès  de 
Bourgogne,  pendant  le  séjour  que  ce  sculpteur  lyonnais  fit 
à  Avignon  de  1441  à  1445.  Il  ne  reste  presque  rien  de  ses 
premières  œuvres,  exécutées  à  l'abbaye  de  Saint-Antoine-de- 
Viennois  et  à  l'église  Saint-Pierre  d'Avignon.  Antoine  Le 
Moiturier  s'établit  à  Dijon  avant  le  mois  de  sept.  1465;  il 
était  chargé  de  terminer  le  tombeau  du  duc  Jean  sans  Peur. 


Ce  tombeau  avait  été  commencé  en  1443  sur  Tordre  de 
Philippe  le  Bon,  par  l'Espagnol  Jean  de  La  Huerta,  qui, 
après  avoir  fait  traîner  les  choses  en  longueur  et  s'être  fait 
payer  de  nombreux  acomptes,  s'était  enfui  en  1457,  n'ayant 
guère  terminé  que  les  pleurants  et  les  angelots.  Le  Moitu- 
rier reprit  l'œuvre  commencée  par  le  sculpteur  aragonais  ; 
il  la  termina  à  la  fin  de  l'année  1469.  Ce  tombeau,  une 
des  œuvres  les  plus  importantes  de  la  sculpture  bourgui- 
gnonne du  xv^  siècle,  fut  placé  dans  le  chœur  de  l'église 
de  la  Chartreuse  de  Champmol,  près  de  Dijon  ;  il  est  con- 
servé aujourd'hui  au  musée  de  Dijon.  Sa  disposition  rap- 
pelle celle  du  tombeau  de  Philippe  le  Hardi,  exécuté  entre 
1 383  et  141 2  par  Jean  de  Marville,  Claus  Sluter  et  Claus  de 
Werve,  et  placé  également  jadis  dans  le  chœur  del'éghse  de 
la  Chartreuse  de  Champmol.  Jean  sans  Peur  et  Marguerite 
de  Bavière  sont  étendus,  côte  à  côte,  sur  une  grande  dalle 
de  marbre  noir;  à  la  tête  de  chacun  d'eux  sont  agenouillés 
deux  anges,  qui  tiennent,  les  uns,  le  casque  du  duc,  les 
autres,  un  écu;  aux  pieds  des  gisants  sont  couchés  deux 
lions.  Au-dessous  de  cette  dalle,  sur  les  quatre  côtés  du 
dé,  les  pleurants  sont  placés  sous  de  petites  arcades  fine- 
ment sculptées.  Après  avoir  achevé  cette  œuvre  importante, 
Le  Moiturier  voyagea,  —  on  le  trouve  à  Avignon  en  1478, 
—  mais  sa  principale  résidence  fut  toujours  à  Dijon.  Des 
documents  d'archives  tendent  à  prouver  qu'il  était  pauvre  et 
avait  peu  de  commandes.  Il  disparaît  des  livres  des  rôles 
en  1497  ;  il  est  à  présumer  qu'il  mourut  peu  après,  dans 
ce  pays  bourguignon  où  il  s'était  fixé.  Aucun  des  ouvrages 
qu'il  exécuta  entre  1470  et  1497  ne  nous  est  connu.  Le 
Moiturier  est  le  dernier  en  date  des  grands  sculpteurs  de 
l'école  bourguignonne.  Jean-J.  Marquet  de  Vasselot. 
BiBL.  :  L'abbé  Requin,  Antoine  Le  Moiturier  (Réunion 
des  Sociétés  des  beaux-arts  des  départements,  1890).  On 
trouvera  une  bibliographie  complète  dans  le  Catalogue 
raisonné  du  musée  de  sculpture  comparée  (palais  du  Tro- 
cadéro),  par  L.  Gourajod  et  P.-Franz  Marcov:  Paris, 
1892. 

LE  M  ON  (Mark),  journaliste  anglais,  né  en  1809,  mort 
en  1870.  Elevé  pour  l'industrie,  ses  goûts  le  portèrent  de 
bonne  heure  vers  la  littérature  et  le  journalisme.  Il  débuta 
par  le  théâtre,  et  donna  aux  différentes  scènes  de  Londres 
une  soixantaine  d'ouvrages,  parmi  lesquels  on  doit  citer 
llearts  are  Trumps  et  The  Silver  Thimble,  En  même 
temps,  il  collaborait  à  de  nombreux  magazines,  notamment 
à  Vlllustrated  London  News,  dont  il  fut  le  secrétaire. 
Mais  il  est  surtout  connu  comme  le  premier  rédacteur  en 
chef  du  Punch,  le  Charivari  anglais,  qu'il  fonda  avec  May- 
hew,  le  graveur  Landells  et  l'imprimeur  Last  (1841),  et 
dont  il  garda  la  direction  jusqu'à  sa  mort.        B.-H.  G. 

LEMON-Grâss  (Bot.).  Nom  anglais  de  V Andropogon 
schœnauthus  L.  et  surtout  de  VA.  nardus  L.  (V.  An- 
dropogon). 

LE  MONNIER  (V.  Monnier). 

LE  MONNIER  (Pierre),  astronome  français,  né  à  Saint- 
Sever  (Calvados)  le  28  juin  1676,  mort  à  Paris  le  27  nov. 
1757.  Professeur  de  philosophie  au  collège  d'Harcourt,  à 
Paris,  il  s'occupa  beaucoup  d'astronomie,  fit  quelques  ob- 
servations d'un  certain  intérêt  et  fut  nommé  en  1725 
membre  de  l'Académie  des  sciences.  Il  a  publié  :  Cursus 
philosophicus  (Paris,  1750,  6  vol.  in-12);  Observations 
faites  par  ordre  du  roi  pour  reconnaître  la  distance 
entre  Paris  et  Amiens  (Paris,  1757,  in-8);  Traités  élé- 
mentaires de  mathématiques  (Paris,  1758,  in-8).  Ces 
deux  derniers  ouvrages  ont  été  attribués  par  quelques  bi- 
bliographes à  son  fils.  L.  S. 

LE  MONNIER  (Pierre-Charles),  astronome  français, 
né  à  Paris  le  20  nov.  1715,  mort  à  Hérils,  corn,  de 
Maisons  (Calvados),  le  3  avr.  1799,  fils  du  précédent.  A 
seize  ans,  il  avait  déjà  fait  ses  preuves  comme  astronome.  A 
vingt  et  un  ans,  il  fut  admis,  comme  adjoint  géomètre,  à 
l'Académie  des  sciences  de  Paris,  dont  il  devint  par  la  suite 
associé  et  pensionnaire.  La  même  année  (1736),  il  fut  envoyé 
en  Laponie,  avec  Maupertuis  et  Clairaut,  pour  y  mesurer  un 
degré  du  méridien.  Professeur  au  Collège  de  France,  il  y 


—  4499 


LEMONNIER 


eut  pour  élève  Lalande,  dont  il  détermina  la  vocation.  11 
fut  compris,  lors  de  l'organisation  du  nouvel  Institut  de 
France  (1795),  parmi  les  membres  de  la  section  d'astro- 
nomie. On  lui  doit  de  nombreux  et  importants  travaux.  Il 
donna,  le  premier,  des  éléments  du  soleil.  Le  premier  éga- 
lement, il  détermina  les  changements  des  rétractions  en 
hiver  et  en  été,  la  hauteur  exacte  du  pôle  de  Paris,  les 
inégalités  de  Saturne  causées  par  l'attraction  de  Jupiter. 
En  4740,  il  vérifia,  à  l'aide  d'observations  faites  dans  la 
tour  de  Pascal,  au  N.  du  collège  d'Harcourt,  l'obliquité  de 
l'écliptique.  En  4741,  il  présenta  à  l'Académie  une  nou- 
velle carte  du  zodiaque.  En  4748,  il  observa  en  Ecosse 
une  éclipse  annulaire  de  soleil  et  mesura  sur  son  disque 
même  le  diamètre  de  la  lune.  Il  s'occupa  du  reste  d'une 
façon  toute  spéciale  de  l'étude  de  notre  satellite,  en  donna 
dès  4735  une  nouvelle  description  et  fit,  au  cours  de  re- 
cherches météorologiques,  une  série  de  constatations  rela- 
tives à  son  influence  atmosphérique.  On  a  de  lui,  outre  de 
nombreux  mémoires  insérés  dans  les  recueils  de  l'Académie 
des  sciences  :  Histoire  céleste  (Paris,  4744,  in- 4)  ;  Théo- 
rie des  comètes  (Paris,  4743,  in-8);  Institutions  astro- 
nomiques (Paris,  4746,  in-4)  ;  Observations  de  la  lune^ 
du  soleil  et  des  étoiles  fixes  (Paris,  4754-75,  4  vol.  in- 
fol.)  ;  Nouveau  Zodiaque  réduit  à  l'année  il 55  (Paris, 
4755,  in-8;  2®  éd.,  4773);  Astronomie  nautique  lu- 
naire (Paris,  4771,  in-8)  ;  Essai  sur  les  marées  (Paris, 
4774,  in-8)  ;  Description  et  usage  des  principaux  ins- 
truments d'astronomie  (Paris,  4774,  in-fol.)  ;  les  Lois 
du  magnétisme  (Paris,  4776-78,  2  vol.  in-8)  ;  Mémoires 
concernant  diverses  questions  d'astronomie  et  de  phy- 
siqiie  (Paris,  4781-88,  4  vol.  in-4),  etc.  L.  S. 

BiBL.  :  Lalande,  Bibliographie  astronomique^  pp.  819- 
826. 

LE  MONNIER  (Louis-Guillaume),  médecin  et  natura- 
liste français,  né  à  Paris  le  27  juin  4717,  mortà  Montreuil, 
com.  de  Versailles,  le  3  sept.  4799,  frère  du  précédent. 
Reçu  docteur  en  médecine  en  4738,  il  fut  attaché  tout 
d'abord  à  l'infirmerie  de  Saint-Germain-en-Laye,  accompa- 
gna en  4739,  dans  le  midi  de  la  France,  Cassini  et  La- 
caille,  chargés  d'opérations  géodésiques,  et  recueillit  en 
route  toutes  sortes  d'observations  ayant  trait  à  la  physique, 
à  la  botanique  et  à  la  géologie.  En  4758,  il  succéda  à  Jus- 
sieu  comme  professeur  de  botanique  du  Jardin  du  roi  et, 
quelques  années  plus  tard,  à  (iuesnay,  comme  premier  mé- 
decin ordinaire  de  Louis  XV.  Il  conserva  cette  charge  sous 
Louis  XVI.  Il  fut  aussi  médecin  en  chef  des  armées.  Après 
la  Révolution,  il  se  retira  dans  un  faubourg  de  Versailles, 
à  Montreuil,  et  y  établit  une  boutique  d'herboriste.  Il  était 
depuis 4743  adjoint  botaniste,  depuis  4744  associé  et  depuis 
4  758  membre  pensionnaire  de  l'Académie  des  sciences  de 
Paris.  Lors  de  la  nouvelle  organisation  de  l'Institut,  en 
4795,  il  fut  compris  parmi  les  membres  de  la  classe  des 
sciences  physiques  et  mathématiques.  Malgré  sa  grande 
passion  pour  la  botanique,  il  n'a  rien  écrit  sur  cette  branche 
de  l'histoire  naturelle.  Il  a  publié  au  contraire,  dans  le 
recueil  de  l'Académie  des  sciences,  d'assez  nombreux  mé- 
moires de  physique,  entre  autres  de  remarquables  Obser- 
vations sur  l'électricité  de  l'air.  Il  a  donné  en  outre  à 
l'Encyclopédie  les  articles  Aimant,  Aiguille  aimantée, 
Electricité,  etc.  Il  a  traduit  de  l'anglais  les  Leçons  de 
physique  expérimentale  de  R.  Cotes  (Paris,  4742,  in-8) 
et  réédité  la  Pharmacopée  de  Charas.  L,  S. 

BiBL,  :  DucHESNE,  Eloge  de  L.-G.  Lemonnier,  dans  le 
Magasin  encyclopédique^  5«  année,  t.  III,  p.  489.  —  Chal- 
LAN,  Essai  historique  sur  la  vie  de  L.-G.  Lemonnier  ;  Ver- 
sailles, 1799,  in-8.  —  Cuvier,  Notice  historique  sur  L.-G. 
Lemonnier,  dans  les  Mémoires  de  l'Institut,  t.  III,  p.  101. 

LEMONNIER  (Guillaume-Antoine),  littérateur  français, 
né  à  Saint-Sauveur-sur-Douve  en  4723,  mort  à  Paris  le 
4avr.  1797.  Chapelain  de  la  Sainte-Chapelle  (4743),  curé 
en  Normandie,  il  fut  emprisonné  sous  la  Terreur.  Il  devint 
bibliothécaire  de  la  bibliothèque  du  Panthéon  (Sainte-Gene- 
viève) et  membre  associé  de  l'Institut  (1796).  On  a  de  lui  : 
le  Bon  Fils  (4773),  pièce  représentée  au  Théâtre-Italien 


sous  le  pseudonyme  de  Devaux  ;  de  bonnes  traductions  de 
Comédies  de  férence  (4770,  3  vol.  in-8);  et  des  Sa- 
tires de  Perse  (1774,  in-8)  et  un  recueil  de  Fables,  contes 
et  épîtres  (1773,  in-8),  qui  a  été  longtemps  très  estimé. 

LEMONNIER  (Pierre-René),  auteur  dramatique  fran- 
çais, né  à  Paris  en  4734,  mort  à  Metz  le  8  janv.  4796. 
Principales  pièces  :  les  Pèlerins  de  la  Courtille  (4760)  ; 
le  Cadi  dupé  (4761,  in-8)  ;  la  Matrone  chinoise  (4764, 
in-8)  ;  le  Mariage  clandestin  (4768,  in-8)  ;  Azolan  ou 
le  Serment  indiscret  {1114-,  in-4). 

LEMONNIER  (Anicet-Charles-Gabriel),  peintre  d'his- 
toire, né  à  Rouen  le  6  juin  4743,  mort  à  Paris  le  47  août 
4824.  Il  fut  élève  de  Descamps,  puis  de  Vien,  obtint 
en  4772  le  prix  de  Rome  avec  la  Famille  de  Niobé  et 
resta  en  Italie  de  4774  à  4784.  Il  fit  partie  de  l'ancienne 
Académie  de  peinture  (4789,  tableau  de  présentation  :  la 
Mort  d'Antoine),  constitua  en  4793,  avec  Le  Carpentier, 
les  premiers  éléments  du  musée  de  Rouen,  fut  adminis- 
trateur des  Gobelins  de  1840  à  1816.  Ses  principales 
œuvres  sont  :  la  Mission  des  Apôtres  (4782;  musée  de 
Rouen)  ;  S,  Charles  Borr ornée  portant  les  secours  de 
la  religion  aux  pestiférés  de  Milan  (1785;  musée  de 
Rouen  ;  une  répétition  en  petit,  de  la  main  de  Fauteur,  à 
l'église  Saint-Germain  l'Auxerrois);  Louis  XVI  reçu  par 
les  notables  rouennais  (4789  ;  tribunal  de  commerce  de 
Rouen)  ;  le  Génie  du  commerce  (4794  ;  tribunal  de  com- 
merce de  Rouen)  ;  les  Ainbassadeurs  de  Rome  deman- 
daiit  à  l'Aréopage  les  lois  de  Solon  {iSOS;  autrefois  à 
la  Cour  de  cassation),  Il  a  fait  aussi  quelques  tableaux  de 
chevalet  :  François  P^  recevant  la  Sainte  Famille  de 
Raphaël  ;  Louis  XI V  recevant  le  Milon  de  Crotone  de 
Puget;  Le  Kain  faisant  lecture  de  l'Orphelin  de  la 
Chine  dans  le  salon  de  M^^  Geoffrin.  Ces  toiles  furent 
acquises  par  le  prince  Eugène  pour  Munich  ;  il  en  existe 
à  Rouen  (musée  et  Académie  des  sciences  et  lettres)  des 
répétitions  de  la  main  de  l'auteur. 

Son  fils,  André-Hippolyte,  né  en  1794,  mort  en  4870, 
fut  secrétaire  de  l'Académie  de  France  à  Rome  de  4827 
à  4831 .  Il  a  écrit  :  Pèlerinage  poétique  en  Suisse  (1824), 
Souvenirs  d'Italie  {i^'è^).  H.  Lem. 

BiBL.  :  A. -H.  Lemonnier,  Notice  historique  sur  la  vie 
et  les  ouvrages  de  A.-Ch.-G.  Lemonnier,  peintre  d'his- 
toire, 1824  et  1838.  —  Bellier  de  La  Chavignerie,  Biogra- 
phie et  catalogue  de  Vœuvre  du  graveur  Miger,  1856.  —  De 
Lépinois,  Notice  sur  Lemonnier,  peintre  d'histoire,  dans 
Mémoires  de  V Académie  de  Rouen,  1870.  —  Lebel,  Le- 
monnier {Anicet-CharleS'Gabriel),  dans  Mém.  de  l'Acad. 
de  Rouen,  1884. 

LEMONNIER  (Louise-Thérèse- Antoinette  Regnault- 
BoNScouRS,  épouse),  cantatrice  scénique,  née  à  Brest  le 
24  août  4789,  morte  à  Saint-Sever  (Calvados)  le  5  avr. 
4866.  Elle  fut  une  des  actrices  et  des  cantatrices  les  plus 
justement  renommées  de  l'Opéra-Comique,  où,  sous  le  nom 
de  M^^®  Regnault,  elle  débuta  de  la  façon  la  plus  brillante, 
le  46  déc.  4808,  dans  le  Jugement  de  Midas  et  Isabelle 
et  Gertrude,  Sa  rivalité  toute  amicale  à  ce  théâtre  avec 
M"*^^  Duret-Saint-Aubin  est  restée  fameuse,  et  elle  était 
activée  par  ce  fait  que,  tandis  que  Boieldieu  écrivait  surtout 
pour  elle,  Nicolo  écrivait  surtout  pour  M^^  Duret.  Vers 
1817  ou  1818,  elle  épousa  Lemonnier,  son  camarade  de 
l'Opéra-Comique.  Parmi  les  nombreuses  créations  qui  lui 
valurent  à  ce  théâtre  une  renommée  brillante  et  justifiée, 
nous  citerons  surtout  Cendrillon,  l'Enfant  prodigue, 
Jean  de  Paris,  le  Nouveau  Seigneur  de  village^  Jeanne 
d'Arc,  Leicester,  Danilowa,  Joséphine,  etc.  M™®  Le- 
monnier, qui  joignait  à  une  figure  charmante  une  voix  dé- 
licieuse et  un  incontestable  talent,  prit  sa  retraite,  dans 
toute  la  force  de  l'âge,  en  4828.  A.  P. 

LEMONNIER  (Louis-Augustin) ,  chanteur  scénique  fran- 
çais, né  en  4792  ou  4793,  mort  à  Saint-Sever  le  4  mars 
4875.  n  était  encore  enfant  lorsqu'il  commença  sa  car- 
rière au  petit  théâtre  des  Jeu  nés- Artistes,  puis  à  celui  des 
Troubadours.  Il  alla  ensuite  en  province,  tint  à  Rouen, 
puis  à  Bruxelles,  l'emploi  des  Colins,  et  revint  à  Paris 
pour  débuter,  le  5  mai  4847,  à  l'Opéra-Comique,  dans 


LEMONNIER  --  LEMOS 


1200 


Jeannot  et  Colin  et  Paul  et  Virginie.  La  voix  de  Lemon- 
nier  était  courte  et  sans  éclat,  mais  il  s'en  servait  avec 
goût,  et  comme  il  était  excellent  comédien,  doué  d'un  phy- 
sique avantageux  et  plein  de  distinction,  il  sut  se  faire  un 
emploi  approprié  à  ses  moyens  et  à  ses  facultés.  Pendant 
les  vingt  années  qu'il  passa  à  TOpéra-Comique,  il  obtint 
de  grands  succès  et  fit  nombre  d'excellentes  créations,  no- 
tamment dans  l'Artisan^  la  Vieille,  la  Fiancée,  Dani- 
lowa,  Masaniello,  le  Roi  et  le  Batelier,  le  Colporteur, 
les  Deux  Mousquetaires^  Ludovic,  les  Deux  Nuits,  et 
le  Pré  aux  Clercs,  oii  le  rôle  si  difficile  de  Comminges 
lui  fit  le  plus  grand  honneur.  Lemonnier  prit  sa  retraite 
en  1837.  Il  avait  un  fils  qui  fut  joaillier  de  la  couronne 
sous  le  second  Empire,  et  dont  la  fille  épousa  M.  Georges 
Charpentier,  l'éditeur-libraire  bien  connu.  A.  P. 

LEMONNIER  (Elisa),  fondatrice  de  la  Société  pour  l'en- 
seignement professionnel  des  femmes,  née  à  Sorèze  (Tarn) 
le  25  mars  1805,  morte  à  Paris  le  5  juin  1865.  Son  nom 
de  jeune  fille  était  Grimailh.  Elle  épousa  à  vingt-six  ans 
Ch.  Lemonnier  rencontré  chez  le  directeur  du  collège  de 
Sorèze,  oùilétaitprofesseurde  philosophie, mais  qui,  inquiété 
pour  ses  opinions,  venait,  avec  l'assentiment  de  sa  fiancée, 
de  sacrifier  sa  position  à  son  besoin  d'indépendance.  Avec 
lui  elle  s'attacha  au  saint-simonisme,  auquel  ils  donnèrent 
sans  compter.  A  la  dispersion  de  l'école,  ils  se  retirèrent  à 
Bordeaux,  lui  inscrit  au  barreau,  mais  attendant  venir  la 
clientèle,  elle  faisant,  avec  autant  d'intelligence  et  de 
bonne  grâce  que  de  dignité,  des  prodiges  d'économie  do- 
mestique. Dix  ans  après,  Lemonnier  est  appelé  à  Paris,  au 
contentieux  du  chemin  de  fer  du  Nord,  et  sa  femme  se 
préoccupe  dès  lors  des  misères  qu'elle  a  sous  les  yeux,  sur- 
tout de  celles  dont  la  femme  est  la  cause  ou  la  première 
victime.  En  1848,  aidée  de  quelques  amies,  elle  ouvre  rue 
du  Faubourg-Saint-Martin  un  atelier  de  couture  qui  donne 
pendant  deux  mois  du  travail  à  plus  de  deux  cents  mères 
de  famille.  Mais  elle  constate  là  l'ignorance  et  la  gaucherie 
des  ouvrières,  et  n'aura  plus  de  cesse  qu'elle  n'ait  créé  un 
enseignement  pratique  répondant  aux  besoins  essentiels  des 
femmes  de  modeste  condition.  Elle  fonde  en  1856  une 
«  Société  de  protection  maternelle  »,  qui  devient,  le  9  mai 
1862,  la  Société  pour  l'enseignement  professionnel  des 
femmes,  et  le  i^^  oct.  de  cette  même  année,  elle  ouvre, 
rue  de  la  Perle,  9,  la  première  de  ces  écoles  profession- 
nelles de  filles  qui  portent  justement  le  nom  d'écoles  Elisa 
Lemonnier  et  qui  ont  servi  de  modèle  à  celles  de  la  ville  de 
Paris  et  de  plusieurs  pays  étrangers.  La  seconde  s'ouvrit 
bientôt  rue  Rochechouart,  mais  la  fondatrice  mourut  à  la 
peine  peu  après.  H.  M. 

LEMONNIER  (Antoine-Louis-Camille),  littérateur  belge, 
né  à  Ixelles,  près  de  Bruxelles,  le  24  mars  1835.  Il  est 
au  premier  rang  de  l'école  naturaliste  à  la  fois  par  la  har- 
diesse de  ses  romans  aux  sujets  souvent  plus  qu'osés  et 
remplis  de  peintures  d'une  crudité  extrême,  et  par  les 
qualités  de  son  style,  parfois  affecté,  mais  toujours  expres- 
sif. Il  s'est  aussi  fait  connaître  comme  critique  d'art.  Les 
principaux  romans  de  Lemonnier  sont  :  Nos  Flamands 
(Bruxelles,  1869,  in-18);  Un  Mâle  (Bruxelles,  1881, 
in-12);  le  Mort  {id.);  Thérèse  Monique  (Paris,  1882, 
in-12);  fJî/s^^r/^w^  (Bruxelles,  1885,  in-4 2);  Happe- 
chair  (id.,  1886,  in-12);  Madame  Lupar  (Paris,  1888, 


in-18).  Le  même  écrivain  qui  a,  dans  quelques-uns  de  ses 
livres,  dépassé  les  audaces  et  les  brutalités  de  Zola,  a  com- 
posé pour  les  enfants  des  ouvrages  pleins  de  charme  et  de 
délicatesse  :  Bébés  et  Joujoux  (Paris,  d880,  in-12)  et  la 
Comédie  des  jouets  (id.',  1888,  in-12).  Ses  meilleurs 
travaux  sur  l'art  sont  :  Gustave  Courbet  et  son  œuvre 
(Paris,  1878,  iE-8)  ;  les  Peintres  de  la  vie,  études  sur 
Courbet,  Stevens,  Rops,  etc.  Lemonnier  est  aussi  l'au- 
teur de  la  Belgique  (Paris,  1887,  in-4),  magnifique  des- 
cription de  son  pays  au  point  de  vue  de  l'archéologie,  de 
l'art,  des  coutumes,  qui  témoigne  d'un  long  et  consciencieux 
labeur  et  où  il  donne  libre  carrière  à  sa  verve  pittoresque. 
BiBL.  :  F.  Nautet,  Histoire  des  lettres  belges  d'expres- 
sion française  ;  Bruxelles,  1893,  2  vol.  in-12. 

LEMONNIER  (Joseph- Henry) ,  historien  et  professeur 
français,  né  à  Saint- Prix  (Seine-et-Oise)  le  8  août  1842. 
Après  de  brillantes  études  à  la  faculté  des  lettres,  à  l'Ecole 
de  droit  et  à  l'Ecole  des  chartes,  il  entra  dans  l'enseigne- 
ment secondaire  et  fut  professeur  d'histoire  dans  dfvers 
lycées,  puis  devint  professeur  d'histoire  à  l'Ecole  des  beaux- 
arts,  fut  chargé  des  conférences  d'histoire  à  l'Ecole  nor- 
male d'enseignement  secondaire  des  jeunes  filles,  et  après 
avoir  plusieurs  années  suppléé  M.  Lavisse  dans  la  chaire 
d'histoire  moderne  à  la  Sorbonne,  il  y  fut  chargé  de  l'en- 
seignement de  l'histoire  de  l'art.  On  lui  doit  notamment  : 
De  Magistris  cubiculi  in  hospitio  régis  Caroli  Quinti 
(Paris,  1887,  in-8);  Etude  historique  sur  la  condition 
privée  des  affranchis  aux  trois  premiers  siècles  de 
r empire  romain  (Paris,  1887,  in-8),  thèses  de  doctorat 
es  lettres  ;  VArt  français  au  temps  de  Richelieu  et  de 
Mazarin  (Paris,  1893,  in-12).  M.  Lemonnier  a  pris  une 
part  importante  à  la  réforme  des  programmes  d'histoire  de 
l'enseignement  secondaire. 

LEMONTEY  (Pierre-Edouard),  historien  et  littérateur 
français,  né  à  Lyon  le  14  janv.  1762,  mort  à  Paris  le 
26  juin  1826.  Avocat  en  1782,  puis  procureur  delà  com- 
mune de  Lyon  en  1789,  il  fut  membre  de  la  Législative. 
Après  trois  années  passées  en  Suisse  (1792-94),  il  fut 
conseiller  aux  droits  réunis,  puis  chef  de  la  censure  des 
théâtres  en  1804.  Il  fut  nommé  membre  de  l'Académie 
française  en  1849.  Parmi  ses  ouvrages,  on  cite  surtout: 
Etablissement  m,onarchique  de  Louis  XIV  (1818,  in-8)  ; 
Etude  sur  Paul  et  Virginie  (1823,  in-8);  Histoire  de 
la  Régence  (1832,  2  vol.  in-8).  Ses  œuvres  ont  été 
publiées  en  1829-31  (7  vol.  in-8). 

BiBL.:  ViLi.EMAix,  Discours  sur  Lemontey,  1826.  —No- 
tice en  tête  de  ses  Œwuî'es.  —  Notice  par  Passeron:  Lvon, 
in-8.  .  ^     -      •> 

LEMOS  (Don  Pedro  Fernandez  de  Castro,  marquis  de 
Sarria,  puis  comte  de),  homme  d'Etat  espagnol,  né  à  Ma- 
drid vers  1576,  mort  à  Madrid  en  1622.  D'abord  officier 
distingué,  il  épousa  une  fille  du  duc  de  Lerme  (V.  ce  nom), 
le  tout-puissant  ministre  de  Philippe  III,  s'éleva  grâce  à 
son  beau-père  et  tomba  avec  lui.  Président  du  conseil  des 
Indes  en  1603,  capitaine  général  en  1604,  vice-roi  de 
Naples  en  1610,  il  s'entoura,  dans  cette  dernière  rési- 
dence, d'une  cour  littéraire,  à  la  tête  de  laquelle  se  trou- 
vaient les  deux  Argensola.  Gentilhomme  accompli,  il  pro- 
digua toujours  sa  générosité  aux  lettrés,  avait  eu  pour 
secrétaire  Lope  de  Vega  et  protégea  Cervantes.     G.  P-r. 


FIN     DU     TOME     VINGT     ET     UNIEME 


TOURS. 


IMPRIMERIE    E.    ARRAULT    ET    C'